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Full text of "Nouvelle géographie universelle : la terre et les hommes"

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NOUVELLE 


GÉOGRAPHIE 

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Tome  IX   :   L'ASIE  ANTÉRIEURE 


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ToMi;  XII   ;    L'AFRIQUE  OCCIDENTALE 


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Prix  du  volume  X  :  broché,  20  fr.;  relie,  27  fr 


liiipriuiej'ie  .\.  I.aliure,  'J, 


UNIVERSELLE 

LA    TERRE    ET    LES    HOMMES 

PAR 

ELISÉE    RECLUS 

XIV 

OCÉAN  ET  TERRES  OCÉANIQUES 

ILES    DE    l'océan    INDIEN,    INSULINDE,    PHILIPPINES, 

MICRONÉSIE,     NOUVELLE-GULNÉE,     SIÉLANÉSIE,     NOUVELLE-CALÉDONIE, 

AUSTllALIE,     POLYNÉSIE 


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1889 


NOUVELLE 

(tÉO  GRAPHIE     ' 


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NOIVELLE 

GÉOGRAPHIE  llIVERSELLE 

LIVRE  XIV 
OCÉAN  ET  TERRES  OCÉAMOUES 

MADAGASCAR .    MASCAREIGNES, 

LNSULINDE,    PHILIPPINES,    MÉLANÉSIE,    AI  STRALASIE. 

POLYNÉSIE. 


CHAPITRE  PREMIER 

HÉMISPHÈRE     OCÉANiaUE 

Dans  l'ensfiiible  des  mers,  l'océan  Allanlique  peut  èlie  considéré 
comme  une  «  médilerranéc  ».  De  même  que  la  nappe  «  sans  bornes  »  des 
eaux  où  se  hasardaient  avec  terreur  les  premiers  nauloniers  hellènes  finit 
par  se  révéler  «  mer  close  »,  simple  golfe  intérieur,  quand  les  marins  en 
eurent  reconnu,  de  l'Europe  à  l'Afrique,  l'enceinte  de  rivages,  de  même 
le  formidable  Atlantique,  encore  tenu  pour  illimité  il  y  a  quatre  siècles, 
se  révèle  à  son  tour  comme  une  vallée  sinueuse  entre  les  deux  moitiés 
de  l'hémisijhère  continental,  l'Ancien  Monde  et  le  iS'ouveau.  Au  nord,  le 
Groenland  et  l'Islande  sépaient  cette  vallée  profonde  des  cavités  de  la  mer 
polaire;  à  l'est,  à  l'ouest,  les  rives  de  l'Europe  et  de  l'Amérique  du  Xord, 
de  l'Afrique  et  de  l'Amérique  du  Sud,  se  correspondent  par  leurs  saillies 
et  leurs  golfes,  et  dans  bipartie  la  plus  étroite  de  la  mer,  de  Carabane  au 

HV.  1    f 


2  NOUVELLE  GEOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

cap  Sào-Roque,  ne  se  trouvent  qu'à  '2900  kilomètres  de  distance.  Mais 
au  sud  la  bouche  de  l'Atlantique  austral  s'ouvre  largement,  pour  se  con- 
fondre avec  l'étendue  du  grand  Océan,  enveloppant  la  planèle  sur  sa  ron- 
deur entière. 

Sans  y  comprendre  ni  l'Atlantique  et  ses  mers  latérales,  ni  les  eaux  du 
pôle  arclique  parsemées  d'Iles  et  de  glaçons  et  entourées  par  le  cercle  des 

N"    1.    llÉMlSPlIÈnE    DD    GRAND    OCKAX    (l'Aimi;    OCCIDENTALE). 


terres  d'Asie  et  d'Amérique,  l'Océan  recouvre  la  moilié  de  la  superficie 
terrestre'.  Au  sud  des  trois  exlrémilés  continentales,  le  cap  Iloorn,  le  cap 
de  Bonne-Espérance  et  la  Tasmanie,  la  zone  des  eaux  s'étend  sans  discon- 
tinuité en  un  cercle  de  2o  500  kilomèti'es.  En  outre,  la  nappe  océanique  se 
projette  au  loin  vers  le  nord,  par  delà  l'équaleur,  pour  former,  à  l'est  de 
l'Afrique,  le  vaste  bassin  de  la  mei'  des  Indes,  et  à  l'est  de  l'Australie,  de 

'   Sm-fiico  ni-r:iiiii|Mi'  Iciliili',  (l';i|iivs  Kiiinuiirl .^08  000  000  liiloniètres  cariés. 

Cnn.l  (Ici'Mii,  siii-.  I'.\ll;]iilii|ue  et  les  iiR'is  ;iic(ii|iics.    .    .      'J81000  000  »  )i 

Sii|ii'ili(ic  ilrs  Iriics  (■■imT^ves 14'i000  0()0  n  n 


BASSIN  DU  GRAND  OCÉAN.  5 

rfnsulindo,  de  l'Asie,  le  bassin,  bien  plus  grand  encore,  du  Pacifique. 
L'ensemble  des  masses  continentales  étant  assimilé  à  un  demi-cratère, 
dont  la  saillie,  commençant  au  cap  de  lionne-Kspérance  pour  finir  au  cap 
Iloorn,  comprend  les  monts  de  l'Ethiopie,  l'Himalaya  et  les  Andes,  l'océan 
des  Indes  et  le  Pacifique  ou  mer  du  Sud,  déjà  réunis  par  Fleurieu  sous  le 
nom  de  <c  firand  Océan  >\  emplissent  en  entiei'  l'immense  hémicycle.  Le 


N°    2.    IIKMIM'III-: 


r.ÉW    fl'.VllTIL    OlULMALt) 


développement  total  de  ce  demi-cercle  de  rivages  intérieurs  dépasse 
40  000  kilomètres,  soit  la  longueur  de  la  circonférence  terrestre  à  l'équa- 
teur.  Eduard  Suess  a  parfaitement  étalili  le  contraste  que  présentent  l'Allan- 
lique  et  le  Pacifique,  le  premier  n'offrant  sur  son  pourtour  aucune  liante 
chaîne  bordière,  tandis  que  le  deuxième  longe  de  ses  abîmes  la  base  même 
des  rebords  montagneux';  mais  ne  se  Irompe-t-il  pas  en  assimilant  à  la 
formation  de  l'Atlantique  celle  de  l'océan  Indien  avec  ses  hautes  saillies 


'  Vas  Anllilz  (1er  Erde,  2'"  Band. 


-1  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE   IMVERSELLE. 

littorales  de  Java,  rie  Sumatra,  des  monfafjnes  d'Arrakan,  les  chaînes 
immergées  des  Maldives  et  des  Laqiiedives,  les  (ihàtes,  les  monts  per- 
sans et  Madagascar? 

Le  vaste  bassin  océanique  n'est  point  une  étendue  sans  récifs  et  sans 
îles.  Il  a  comme  l'Atlantique  ses  terres  émergées,  non  seulement  dans  le 
voisinage  des  continents,  —  ce  sont  des  fragments  détachés  du  littoral  de 
l'Afrique,  de  l'Asie,  des  deux  Amériques,  —  mais  aussi  à  distance  des 
cotes,  au  milieu  des  abîmes.  Même  quelques-unes  des  îles  éparses  dans 
l'hémisphère  océanique  du  monde  sont  de  telles  dimensions,  qu'on  y  a  vu 
les  restes  ou  les  pierres  d'attente  d'un  continent.  Madagascar,  les  Comores 
et  les  Seychelles  passèrent  aux  yeux  de  plusieurs  naturalistes  comme  les 
débris  d'un  monde  immergé,  auquel  on  avait  donné  le  nom  de  Lémurie, 
(i'ajirès  un  d(^s  types  de  sa  faune,  désormais  dispersée;  à  l'est,  dans 
le  giand  océan  Pacifique,  des  milliers  d'îles,  en  cônes  ou  en  anneaux, 
semblent  appartenii'.  soit  à  un  continent  submergé,  soit  à  un  nouveau 
monde  en  voie  de  formation;  enfin,  l'ensemble  des  terres  qui  se  prolonge 
au  sud-est  de  l'Indo-Chine,  de  Sumatra  à  la  Tasmanie,  constitue,  mal- 
gré sa  rupture  en  îles  distinctes,  un  corps  terrestre  analogue  à  l'Afrique 
et  à  l'Amérique  méridionale.  Les  diverses  parties  du  monde  sont,  on  le 
sait,  rangées  deux  par  deux  suivant  trois  axes  parallèles.  Les  deux  Amé- 
riques, du  Nord  et  du  Sud,  sont  les  deux  continents  qui  présentent  le  plus 
de  régularité  dans  leur  disposition;  mais  on  reconnaît  aussi  le  groupement 
binaire  dans  les  parties  de  l'Ancien  Monde.  L'Europe,  jadis  séparée  de 
l'Asie  par  la  Méditerranée  caspienne,  l'Aral  et  d'autres  lacs,  forme  avec 
l'Afrique  le  groupe  occidental.  Le  groupe  oriental,  encore  plus  irrégulier, 
compi'end  la  masse  énorme  de  l'Asie  et  toutes  les  îles  du  sud-est  qui  se 
pressent  dans  l'Océan,  entre  la  mer  des  Indes  et  le  Pacifique.  Que  sont 
toutes  ces  terres,  sinon  un  coiUiiienl  brisé,  prolongeant  les  Indes  dans 
l'hémisphère  méridional?  C'est  à  bon  droit  que  l'on  a  donné  le  nom  d'In- 
suliiide  aux  terres  équatoriales  qui  continuent  l'Indo-Chine  au  milieu  de 
rOcéan.  La  grande  île  de  l'AusIralie,  aux  dimensions  continentales,  et  les 
terres  circonvoisines  ont  été  également  désignées  par  une  expression  heu- 
reuse, celle  d'Australasie,  —  Asie  australe,  — qui  constate  le  groupement 
binaire  des  terres  orientales  de  l'Ancien  Monde. 

11  est  prol)able  qu'un  autic  continent  existe  dans  l'immensité  de 
l'océan  du  Sud.  La  région  polaire  antarctique,  inexplorée  sur  un  espace 
d'environ  KJ  millions  de  kilomètres  carrés,  renferme  certainement  de 
vastes  terres  émergées,  et  maint  géographe  les  a  déjà  dessinées  comme 
formant  un  massif  continu  qui   recouvrirait    la  rondeur  polaire  :  à  la 


lUSSIN  nu  r.RAMl  OCÉAN.  5 

«  mer  libre  »  que  l'on  imagine  sur  h;  jxile  boréal  corresponflrail  un  conli- 
nent  ceinl  de  glaces  sur  le  pôle  austral.  Ouoi  qu'il  en  soil,  les  fragments 
de  glaciers  que  les  navigateurs  aventurés  dans  les  latitudes  antarcliques 
voient  llotter  en  immenses  convois  témoignent  de  l'existence  de  montagnes 
dans  la  direction  du  sud  ;  en  outre,  les  instruments  de  sonde  ont  ra|i])orté 
du  fond  des  fragments  de  granits,  de  schistes,  de  grès,  de  calcaires  récem- 
ment brisés',  et  sur  quelques  points  isolés  les  explorateurs  ont  réellement 
vu  ou  cru  distinguer  à  travers  la  brume  les  profils  de  ces  monts  glacés  du 
sud.  Sans  y  comprendre  les  terres  antarctiques  situées  au  delà  du  (50''  degré 
de  latitude,  la  superficie  totale  des  îles  et  des  massifs  semi-continentaux 
de  la  mer  des  Indes  et  du  Pacifique  comprend  une  étendue  de  beaucoup 
supérieure  à  la  surface  de  l'Europe.  Sur  les  centaines  de  terres  éparses  il 
en  est  d'inhabitées;  d'autres  ne  sont  que  très  faiblement  peuplées,  mais 
l'ensemble  des  insulaires  dépasse  en  nombre  les  habitants  de  l'Amérique 
du  Sud,  et  son  accroissement  moyen  est  rapide,  malgré  la  dépopulation 
de  plusieurs  archipels  océaniens'. 

Si  ce  n'est  dans  les  îles  les  plus  voisines  de  l'Asie,  toutes  les  régions  de 
l'hémisphère  océanique  restèrent  presque  entièrement  jusqu'à  ce  siècle  en 
dehors  du  mouvement  économique  et  commercial  du  monde  civilisé.  Mais 
la  colonisation  de  l'Australie  et  de  la  Nouvelle-Zélande,  la  prise  de  posses- 
sion des  archipels  polynésiens,  l'établissement  d'un  réseau  de  navigation 
régulière  entre  les  centres  vitaux  du  Pacifique  et  de  la  mer  des  Indes,  ont 
annexé,  pour  ainsi  dire,  cette  moitié  de  la  planète  à  l'autre  moitié  du 
globe  dont  l'Europe  occidentale  occupe  le  milieu.  Du  coup,  le  monde, 
encore  incomplet  jusqu'alors,  s'est  achevé,  et  l'histoire  vraiment  univer- 
selle, pour  toutes  les  races  et  tous  les  peuples,  a  commencé  :  il  ne  manque 
plus  rien  à  la  grande  scène  où  se  meut  l'humanilé,  désormais  unie,  du 
moins  par  les  relations  matérielles,  et  devenue  consciente  d'elle-même. 
Ce!  agrandissement  du  monde  de  la  civilisation  ne  peut  manquer  d'avoir 

'  .liilm  Mun-.xy,  AV((H)r.  Od.  IT),  188."). 

-  Siipoilicie  et  [jn|nil;Ltion  pi'obiilile  des  terres  de  l'iiéinisphère  océanique  en  1888  : 

Madagascar 591  904  kilomèlres  carrés.  5  000  000  Imliitanls. 

Autres  îles  de  la  mer  des  Indes  .    .  15  534         ii            ii  G80  000  « 

Insulindc 1698  7.57        »           n  29  000  000  » 

riiilippines 296  182         n            «  6.500  000  » 

Mii-ninésie 5  550         n            »  90  000  » 

Mélanésie  (Nouvelle-Guinée,  etc.)  .    .  955  811          »            »  1250  000  » 

Australie  et  Tasmanie 7  695  726         i)            »  2  890  000  » 

Nouvelle-Zélande  et  îles  voisines  .    .  272  989         »            »  655  000  » 

Polynésie 26  799         »            »  155  000  « 

Ensemble 11  555  092  kilomètres  carrés.        44  000  000  lialiitanis. 


6  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

(les  conséquences  de  la  plus  haute  portée.  Aux  premières  cultures  nationales 
qui  se  développèrent  dans  les  grandes  vallées  lluviales',  succéda  la  culture 
plus  générale  des  peuples  qui  entourent  le  bassin  de  la  Méditerranée; 
puis,  lorsque  le  Nouveau  Monde  eut  été  découvert,  vint  l'ère  de  la  civilisa- 
tion atlantique,  dépassant  la  civilisation  méditerranéenne  «  dans  la  même 
pi'oportion  que  le  carré  de  l'axe  du  bassin  maritime  dépasse  celui  du 
bassin  océanique  »  ;  et  maintenant,  c'est  le  monde  entier  qui  devient  le 
théâtre  de  l'activité  des  peuples  civilisés  :  la  Terre  est  désormais  sans 
limites,  puisque  le  centre  en  est  partout  sur  la  surface  planétaire  et  la 
circonférence  nulle  part.  Mais  dans  l'ensemble  des  régions  connues  et 
habitées  il  en  est  qui  par  la  beauté  de  leurs  paysages,  la  douceur  de  leur 
climat  ou  d'autres  privilèges  attireront  tout  spécialement  les  hommes. 
Et  parmi  ces  lieux  d'élection  en  est-il  qui  dépassent  certaines  îles  du 
Pacifique  par  la  mei'veilleuse  harmonie  des  contours,  le  charme  di-s  eaux, 
la  suavité  de  l'atmosphère,  la  fécondité  du  sol,  le  cours  paisible  des  sai- 
sons, le  rythme  gracieux  de  tous  les  phénomènes  de  la  nature?  «  Je  pense, 
dit  le  naturaliste  Bâtes,  que  si  l'humanité  a  pu  atteindre  un  haut  degré 
(le  culture  grâce  à  sa  lutte  contre  l'inclémence  des  régions  froides,  c'est 
dans  les  contrées  équatoriales  seulement  que  la  race  parfaite  de  l'avenir 
pourra  jouir  complètement  de  son  magnifique  héritage.  « 

Egyptiens,  Arabes  et  Phéniciens  connaissaient  depuis  des  siècles  la  mer 
Erythrée,  c'est-à-dire  l'océan  des  Indes,  et  leurs  navires  s'y  étaient  aven- 
turés vers  les  c(3tes  qui  produisent  l'encens,  l'ivoire  et  l'or,  lorsque  les 
Grecs,  pendant  l'expédition  d'Alexandre,  apprirent  à  leur  tour  le  chemin 
de  ces  eaux  du  Midi.  Suivant  d'abord  les  rivages  au  point  de  rester  presque 
toujours  en  vue  de  la  terre,  ils  s'avancèrent  pourtant  fort  loin;  mais  la  tra- 
dition rapporte  seulement  au  premier  siècle  de  l'ère  vulgaire  la  grande 
découverte  du  mouvement  alternatif  et  régulier  des  alizés  et  des  moussons, 
qui  affranciiit  les  navires  de  leur  timide  mouvement  de  reptation  le  long 
(In  littoral  et  leur  permit  de  se  hasarder  en  plein  Océan,  des  côtes  de 
rAfii(iue  et  de  l'Arabie  à  celles  de  la  i*éninsule  hindoue,  en  cinglant  tou- 
jours vent  ai'rièrc.  On  ne  saiirail  douter  que  ce  va-el-vicnl  des  vents 
ne  fût  d(''jà  connu  des  navigateurs  arabes  et  phéniciens  et  qu'ils  ne  l'eus- 
sent utilisé  pour  leurs  voyages;  mais  le  mérite  de  la  découverte  fut  attri- 
bué au  pilote  grec  d'Egypte  Ilippalos  et  l'on  donna  même  son  nom  aux  deux 
courants  aériens  d'aller  et  de  retour:  c'est  après  lui  seulement  que  tous  les 
marins,  conlianls  dans  le  souffle  régulier  des  airs,  eurent  l'audace  d'aban- 

■■  L^on  Melclmiliov,  Les  Grands  Fleuves  hislurtques. 


DECOUVERTE  DU  GRAND  OCEAN.  7 

donner  de  vue  les  côtes  et  de  voguer  en  pleine  mer  vers  les  îles  lointaines. 

Pendant  l'époque  romaine,  les  îles  et  les  péninsules  asiatiques  de  la 
mer  des  Indes  étaient  mieux  connues  qu'elles  ne  le  furent  douze  siècles  plus 
lard,  à  la  veille  de  l'expédition  de  Vasco  de  Gama.  Les  marchands  occiden- 
taux connaissaient  Taprobane  ou  Ceylon,  la  Chersonèse  d'Or  ou  presqu'île 
de  Malacca,  ainsi  que  l'île  de  l'Oige,  c'est-à-dire  Java.  Leur  commerce 
s'étendait  jusqu'aux  Moluques,  puisque  les  clous  de  girofle  avaient  fait 
leur  apparition  sur  les  tables  des  Romains  opulents.  Aux  veillées  du  bord, 
les  marins  se  racontaient  des  aventures  prodigieuses,  où  les  caprices  de  la 
fantaisie  se  mêlaient  aux  descriptions  plus  ou  moins  véridiques  dépeuples, 
li'animaux  et  de  plantes  que  les  conteurs  avaient  réellement  vus  dans 
leurs  voyages.  Des  navigateurs  de  nations  diverses  qui  trafiquaient  pour 
les  Romains,  ces  récits  passèrent,  plus  ou  moins  transformés,  aux  marins 
arabes  du  moyen  âge,  et  de  ce  fonds  primitivement  vrai  soilit  niaiul(î  his- 
toire merveilleuse  des  Mille  et  une  .A'i///s. 

L'âge  moderne  des  explorations  commence  pour  le  monde  océanien  en 
même  temps  que  pour  celui  de  i'Amériqui^  En  1498,  Vasco  de  Gama, 
après  avoir  contourné  le  continent  africain,  traverse  directement  la  mer 
des  Indes  pour  aborder  à  (Jalicut.  Deux  années  après,  Diogo  Dias,  le 
frère  de  cet  autre  Dias  qui  avait  le  j)remier  doublé  le  cap  de  Bonne- 
Espérance,  découvre  Sào-Lourenço  ou  Madagascar,  tandis  que,  poussant 
plus  avant,  d'autres  marins  vont  reconnaître  les  côtes  de  l'Indo-Chine. 
En  15(39,  Malacca  devient  un  centre  de  domination  portugaise,  et  désor- 
mais tout^  navire  asiatique  faisant  escale  à  ce  marché  doit  recevoir  à  son 
bord  un  capitaine  portugais.  Les  terres  de  l'Insulinde,  qu'avait  déjà  visi- 
tées l'Italien  Barlema,  appartiennent  bientôt  à  l'empire  commercial  de 
Lisbonne;  mais,  une  fois  possesseurs  des  précieuses  îles  des  Épiées,  les 
marins  portugais  ne  s'aventurent  que  rarement  au  delà,  dans  les  parages 
inconnus.  C'est  à  une  autre  nation,  représentée,  il  est  vrai,  par  le  Por- 
tugais Magalhàes,  que  devait  appartenir  la  gloire  d'achever  la  circum- 
navigation de  la  planète  à  travers  l'étendue  du  Pacifique.  Prenant  le 
chemin  de  l'ouest,  autour  de  l'Amérique  méridionale,  et  non  celui  de 
l'est,  autour  de  l'Afiique  comme  Vasco  de  Gama,  Magalhàes  franchit  en 
1520  le  détroit  qui  porte  son  nom,  et,  premier  Européen,  pénétra  dans 
le  Pacifique  austral,  cinglant  à  la  découverte  des  comptoirs  avancés  des 
Portugais.  Par  un  étrange  hasard,  ses  navires,  traversant  la  nuée  des  îles 
océaniennes,  naviguèrent  en  des  parages  déserts  sur  un  espace  de  17  000 
kilomètres  :  ils  ne  rencontrèrent  que  deux  îles  inhabitées,  situées  à  l'orient 
du  groupe  non  encore  découvert  des  «  îles  Basses  «.  Le  premier  archipel 


s  NOUVELLE  CÉOGUAPIIIE   LNIVERSELLE. 

aperçu,  on  1521,  fut  celui  des  Larrons  ou  Mariaunes;  puis,  repreuaut  sa 
course  vers  l'ouest,  Magalhàes  atteignit  les  Philippines,  et  prit  terre  sur 
l'ile  de  Mactan,  où  il  trouva  la  mort  dans  un  combat  contre  les  indigènes  : 
c'est  à  bon  droit  que  les  terres  découvertes  par  lui  furent  longtemps 
désignées  sous  le  nom  de  Magellanie. 

Les  compagnons  du  navigateur  portugais  continuèrent  leur  loule 
d'abord  vers  Bornéo,  puis  vers  les  Moluques,  et  dans  son  passage  de  re- 
tour, à  travers  l'océan  Indien,  le  Basque  Sébastian  el  Cano,  capitaine  du 
seul  vaisseau  qui  restât,  reconnut  une  île  à  hujuelle  il  donna  le  nom 
de  San-Pablo  et  que  l'on  appelle  actuellement  Amsterdam.  Des  2Ô7  hommes 
partis  de  Séville  il  n'en  revint  que  1(S,  parmi  lesquels  l'igafetta,  l'historio- 
graphe de  la  traversée'.  "  Je  ne  pense  pas, écrivait-il,  que  personne  à  l'ave- 
nir veuille  entreprendre  un  pareil  voyage  «  ;  cependant,  six  années  après 
l'expédition  de  Magalhàes,  une  autre  escadre  espagnole,  commandée  par 
Loyasa,  pénétra  également  dans  l'océan  du  sud  par  le  détroit  méridional  de 
l'Amérique,  et  se  dirigea  vers  l'archipel  des  Larrons,  sans  rencontrer 
dans  le  long  voyage  d'autre  terre  qu'une  île  de  faibles  dimensions.  Un  de 
ses  navires,  repoussé  par  la  tempête  vers  les  côtes  du  Mcxiipie,  lit  la  pre- 
mière circumnavigation  de  l'Amérique  du  Sud. 

De  longues  années  se  passèrent  avant  que  le  Pacifique  fût  traverse  en 
sens  inverso  et  que  le  voyage  de  circumnavigation  pût  se  faire  dans  la 
direction  de  l'ouest  à  l'est.  En  vain  les  explorateurs  tentaient  de  remonter 
à  l'orient  contre  le  courant  des  alizés  qui  soufflent  régulièrement  sur  les 
eaux  du  Pacifique.  Dans  ces  tentatives  se  lirent  de  nombreuses  découvertes 
d'îles  cl  d'arcliipels  :  la  ?souvelle-(iuinée,  les  Carolines,  les  îles  Marshall, 
les  Peliou  ou  Palaos,  les  îles  Boiiin  s'ajoutèrent  au  monde  connu; 
mais,  après  avoir  lutté  pendant  des  semaines  et  des  mois  contre  les  flots  et 
les  airs  pour  gagner  les  longitudes  orientales,  les  explorateurs  finissaient 
par  abandonner  l'entreprise  et  se  laissaient  porter  de  nouveau  vers  les  Phi- 
lippines ou  les  Moluques.  Enfin  un  moine  augustin,  Andres  de  Urdanela, 
trouva  ou  plutôt  devina  le  chemin  de  l'est  à  travers  le  Pacifique'.  Raison- 
nant par  analogie,  il  pensa  que  les  lois  de  l'atmosphère  devaient  être  les 
mêmes  sur  l'Atlantique  et  le  Pacilique,  el  qu'aux  vents  du  sud-ouest  de 
l'Europe  occidentale  devaient  corresj)ondre  des  courants  de  même  direc- 
tion dans  les  latitudes  tempérées  comprises  entre  le  Japon  et  la  Californie. 
Cette  prévision  météorologique  se  trouva  complètement  justifiée.  En  J5(35, 


'  t'ioiir  Miirlyi-  il'An^lifi';i,  De  ichiis  ucediikis  cl  urbc  iiuvu. 
-  Oscar  l'escliL'l,  Geuhkhlc  dcr  Erdkundc. 


KXl'LOUATION   riE   L'OCÉAN  PACIFIUUK.  9 

près  d'un  ilfini-sièck-  après  le  voyage  de  Magalhàes,  il  se  dirigea  des  Phi- 
lippines et  de  l'archipel  des  Larrons  vers  les  mers  du  Japon,  jnsqu'au 
45' degré  de  lalilude,  puis,  cinglant  vers  le  snd-esl,  il  liiiit  par  atteindre 
le  port  mexicain  d'Acapulco;  le  voyage  avait  duré  l'ih  jouis. 

Désormais  un  mouvement  régulier  d'aller  et  de  retour  s'étaldit  de  l'un  à 
l'autre  côté  du  Pacifique,  entre  le  Mexique  et  les  Philippines.  La  route  était 
tracée  par  les  pilotes,  et  pendant  deux  cents  années  les  galions  espagnols 


IMlJNCil'AUX    VOYAGES    DES    ESPLOnATEURS    DANS    I.  OniAN    PAIIIFIQUE. 


la  suivirent  fidèlement.  A])rès  être  partis  d'Acapulco,  les  marins  n'avaient 
plus  à  changer  l'orientation  des  voiles  jusqu'aux  Philippines;  mais  au 
retour  ils  voguaient  vers  le  55' degré  au  large  du  Japon  et  se  maintenaient 
à  cette  latitude  jusqu'en  vue  des  côtes  de  Californie,  puis  ils  longeaient  le 
littoral  pour  retrouver  le  point  de  départ.  Si  bien  réglée  par  la  coutume 
était  la  marche  des  galions,  qu'ils  firent  à  peine  quelques  découvei'tes  en 
dehors  de  la  voie  tracée;  cependant  des  caries  espagnoles  portent  l'indi- 
cation de  terres  dans  les  parages  occupés  par  les  îles  Sandwich.  Le  calme 
XIV.  2 


10  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE 

même  de  l'atmosphère,  la  rareté  des  tempêtes  furent  peut-être  une  des 
causes  de  l'ignorance  dans  laquelle  on  resta  si  longtemps  relativement  aux 
terres  océaniennes  do  l'hémisphère  boréal.  Le  grand  Océan  mérite  bien 
le  nom  de  «  Pacifique  »  donné  par  Magalhàes.  Quant  à  l'appellation  de 
«  mer  du  Sud  »  employée  d'une  manière  plus  générale  par  les  marins  jiour 
l'ensemble  des  mers  comprises  entre  l'Asie  et  l'Amérique,  elle  ne  s'ap- 
jiliquait  d'abord,  par  contraste  avec  la  «  mer  du  Nord  «,  d'où  vinicnl  les 
découvreurs  espagnols,  qu'aux  eaux  riveraines  situées  au  sud-ouest  du 
Mexique  et  de  l'isthme  américain'.  De  leur  côté,  les  moines  franciscains, 
croyant  que  l'immense  Océan  ne  baignait  que  des  terres  destinées  à  se 
peupler  un  jour  de  fidèles  néophytes,  lui  donnèrent  le  nom,  oublié  aujour- 
d'hui, de  «merde  Notre-Dame  de  Lorette  ». 

En  dehors  des  parages  traversés  par  les  galions  d'Acapulco,  presque 
Ions  les  archipels  équatoriaux  de  la  mer  du  Sud  furent  au  moins  aperçus 
par  des  marins  espagnols  au  seizième  et  au  dix-septième  siècle.  En  1507, 
Mendana  de  Neyra  vit  le  groupe  actuellement  connu  sous  le  nom  des  îles 
Ellice  et  l'archipel  des  Salomon;  en  1595,  Hurtado  de  Mendoza  découvrit 
les  Marquises;  Queiros,  en  lOOfi,  traversa  le  groupe  des  îles  Basses,  visita 
les  Nouvelles-Hébrides  et  longea  les  côtes  du  continent  d'Australie,  qu'il 
crut  avoii' vu  le  premier,  quoiqu'il  eût  été  précédé  sur  ces  rivages  par  le 
pilote  portugais  fiodinho  de  Eredia,  cl  même,  en  1551,  parle  Provençal 
(iuillaume  le  Testu^  ;  enfin,  un  navigateur  de  l'escadre  de  Oueiros,  Terres, 
se  hasardant  au  milieu  du  périlleux  labyrinthe  de  récifs  qui  sépare  l'Aus- 
tralie el  la  Nouvelle-Guinée,  réussit  à  se  glisser  sain  et  sauf  entre  les 
dangers  el,  après  deux  mois  de  tâtonnements,  rentra  dans  la  mer  libre  : 
c'est  à  bon  droit  que  son  nom  est  resté  au  chenal  reconnu  par  lui  avec  tant 
d'audace  et  de  prudence.  Mais  Espagnols  et  Portugais  n'avaient  déjà  plus 
le  monopole  de  ces  terres  océaniques,  partagées  entre  eux  par  la  bulle 
d'Alexandre  YI.  Le  pirate  anglais  Drake  suivit,  cinquante-sejit  ans  après 
Magalhàes,  la  route  tracée  par  ce  grand  navigateur;  puis  Cavendish  el  des 
marins  hollandais  apprirent  à  connaître  les  chemins  du  Pacifique.  Bien 
plus,  dès  la  fin  du  seizième  siècle,  des  marchands  néerlandais  avaient 
établi  des  comptoirs  à  Java  et  peu  à  peu  leur  pouvoir  s'étendait  dans  les 
îles  avoisinantes  et  se  substituait  à  celui  des  Portugais.  A  leur  tour  les 
navigateurs  hollandais  prirent  part  à  l'œuvre  de  découverte  dans  les  mers 
du  Sud,  et  Tasman  surtout  accrut  le  réseau  des  itinéraires  d'exploration  : 


Pigafetta,  Premier  Voijncje  autour  du  Monde. 

ihjor,  Journal  of  thc  R.  Geoyraphical  Socielij ,  1872  ;  — Pelermanns  Mitlheilunyen,  1,  1873. 


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EXF'LORATION   DE   1/OCÉAN  PACIFIOUE.  13 

loulc  la  cote  occideiilale  do  l'Australie  fut  reconnue  jusqu'au  détroit  de 
Torres;  la  Tasmanic  et  ses  péninsules  de  basalte,  la  Nouvelle-Zélande  et 
SCS  volcans  surnirent  du  milieu  des  mers.  Mais  tel  était  encore  l'esprit  de 
rivalité  entre  les  nations  commer(;anles,  que  les  découvertes  faites  précé- 
demment par  des  marins  portugais  ou  espagnols  restaient  ignorées  des  ma- 
telots du  nord,  (juoique  Torres  eût  démontré  par  expérience  qu'un  détroit 
sépare  l'Australie  (hda  Nouvelle-Guinée,  Tasman  affirmait  encore,  quarante 
années  après,  que  les  deux  terres  appartenaient  à  un  même  continent. 

La  deuxième  moitié  du  dix-huitième  siècle  fut  l'époque  décisive  pour 
l'exploration  scientifique  des  mers  du  Sud.  Désormais  ce  n'était  plus  au 
seul  profit  d'une  nation  ou  d'une  compagnie  commerciale  que  devaient  se 
faire  les  expéditions  de  découverte,  les  résultats  en  étaient  acquis  d'avance 
à  tout  le  monde  civilisé.  Kn  outre,  les  observations,  faites  avec  plus  de 
rigiKHir,  donnaient  aux  récils  des  voyageurs  une  authenticité  beaucoup 
plus  grande.  En  17(j(3,  Wallis,  le  premier  parmi  les  navigateurs  de  la  mer 
du  Sud,  fixa  ses  longitudes  par  la  méthode  des  dislances  lunaires  :  désor- 
mais les  monstrueuses  erreurs  des  navigateurs  précédents,  qui  compor- 
taient jusqu'à  2000  et  3000  kilomètres  d'écart,  devenaient  impossibles,  et 
les  marins  n'en  furent  plus  réduits  h  errer  pendant  des  semaines  ou 
des  mois  à  la  recherche  d'archipels  considérables  déjà  signalés  par  leurs 
devanciers.  C'est  ainsi  qu'avant  cette  époque  nombre  d'explorateurs  durent 
renoncer  à  trouver  les  îles  Salomon  découvertes  par  Mendana  de  Neyra  et 
l'on  s'imagina  même  qu'elles  n'existaient  point  :  elles  n'auraient  été,  pen- 
sait-on, que  des  apparitions  fantastiques,  des  nuées  de  l'horizon  simulant 
des  récifs,  des  forêts  et  des  villages.  D'autre  part,  maint  archipel  s'était 
dédoublé  aux  yeux  des  marins;  la  même  île  avait  été  vue  en  des  endroits 
que  l'on  croyait  différents  et  on  lui  donnait  plusieurs  noms,  comme  à  des 
terres  distinctes.  L'emploi  des  méthodes  astronomiques  mit  un  terme  à 
cette  fluctuation  désordonnée  des  îles  océaniennes. 

L'époque  de  l'exploration  méthodique  des  mers  du  Sud,  commen(;ant 
avec  Wallis,  peut  être  considérée  comme  se  terminant  en  1827,  année  de 
la  redécouverte,  ou  plutôt  de  l'annexion  au  monde  connu,  par  Dumont 
d'Lirville,  des  deux  grandes  îles  Fidji.  Pendant  ces  soixante  années,  qu'il- 
lustrèrent les  voyages  de  Carteret,  de  Bougainville,  de  Cook,  de  Vancouver, 
de  Lapérouse,  s'acheva  dans  ses  grands  traits  l'œuvre  géographi(jue  des 
explorations  océaniennes.  Ensuite  il  ne  resta  plus,  et  il  ne  reste  encore,  (ju'à 
préciser  les  positions  des  îles,  qu'à  en  fixer  plus  exactement  les  contours, 
à  signaler  tous  les  récifs,  à  reconnaître  les  vigies  douteuses,  à  effacer  des 
caries  celles  qu'on  avait  marquées  par  erreur.   Parmi  les  voyageurs  du 


14 


NOUVELLE  GÉOGRAPUIE  UNIVERSELLE 


siècle  dernier,  le  premier  ranjj;  appartient  incontestahlemeni  à  Çook  :  un 
peut  dire  que  l'année  1769,  peiidiuil  hupielle  l'illustre  navii;iiteur  eom- 
mença  le  reseau  de  ses  itinéraires  dans  le  Pacifique,  est,  après  l'année  1  Tt^  1 , 
où  se  fit  le  voyage  de  Magalhàes,  la  date  capitale  dans  l'histoire  de  la  prise 
de  possession  des  mers  du  Sud.  Cook,  débarqué  à  Taïti,  déliula  par  ses 
mémorables  observations  sur  le  transit  de  Vénus  et  fixa  ainsi  une  longi- 
tude précise  au  centre  du  Pacifique;  puis  il  fit  complètement  le  tour  des 
deux  îles  néo-zélandaises,  reconnut  la  côte  occidentale  de  l'Austi'alie  et 
découvi'it  à  nouveau  le    détruit  de  Torres.  Dans  son    second  vovage,  il 


N'^    i.    LES   DErX   PREMIERS    VOYAGES    DE    CIRCrMNAVIGATÏOX   DE    LA    TERRE 

DE  l'est  a  l'ouest  (magalhâes)  ;  DE  l'ouest  a  l'est  (cook). 


0°  Méridien  de  Greeruv.cK 


explora  surtout  les  mers  australes,  des  deux  côtés  du  cercle  polaire,  mais 
en  sens  inverse  de  la  route  suivie  par  tous  les  circumnavigateurs  précé- 
dents. Le  |)remier  parmi  tous  les  marins  il  fit  le  tour  de  la  Terre  en 
voguant  de  l'ouest  à  l'est,  dans  le  même  sens  que  la  rotation  planélaire  : 
plus  de  deux  sil'cles  et  demi  s'étaient  écoulés  depuis  que  Magalliàes  avait 
l'ail  son  v<iyage  circumterrestre  en  cheminant  de  l'est  à  l'ouesl,  enti'aîné 
pai'  le  smifile  régulier  des  alizés.  Dans  sa  troisième  expédition,  (look  se  diri- 
gea vers  les  eaux  boréales  :  il  reconnut  le  détroit  qui  sépare  les  deux  con- 
tinents d'Asie  et  d'Amérique,  puis  découvrit  à  nouveau  les  iles  Sandwich, 
où  il  fut  d'abord  reçu  comme  un  dieu,  mais  où,  bientôt  après,  un  acte  de 
violence  contre  un  chef  lui  valu!  la  morl. 


EXPLORATION  DE   L'OCEAN  PACIFIOUE.  15 

Les  ex|)Iorations  do  Cook  eurent  pour  effet  d'écarter  défiuilivemeut  le 
préjugé  des  (héorieiens,  d'après  lesquels  les  terres  émergées  devaient  occu- 
per exactement  sur  la  rondeur  planétaire  autant  d'espace  que  les  cavités 
océaniques.  Depuis  Hippaniue,  les  géographes  les  plus  fameux  professaient 
comme  un  dogme  ré(juilil)re  ])arfait  entre  les  terres  et  les  mers,  et  c'est 
pénétré  de  cette  idée  quePlolémée  avait  dessiné  au  sud  de  la  mer  des  Indes 
une  côte  continentale  rattachant  l'Afrique  aux  Indes.  Ce  rivage,  s'éleu- 
dant  au  sud  sur  la  rondeur  terrestre,  tous  les  navigateurs  du  Pacili(|ue 
avaient  cru  le  retrouver  :  d'ahord  la  Nouvelle-Guinée,  puis  la  Nouveile- 
llullande,  puis  la  Nouvelle-Zélande  leur  })arurent  être  ce  monde  ausirai  ; 
ensuite  chaque  île  qu'on  ajierçut  à  des  latitudes  plus  méridionales  fut  con- 
sidérée comme  un  promontoire  du  continent  cherché.  Cook,  qui  d'ailleurs 
croyait  lui-même  fermement  à  l'existence  de  ces  terres  du  sud,  en  recula 
les  rivages  bien  au  delà  des  parages  atteints  par  ses  prédécesseurs,  et  main- 
tenant on  sait  que  l'Antarctide,  continent  ou  groupe  d'îles,  est  cerlaine- 
ment  de  faibles  dimensions,  comparée  à  l'immense  étendue  des  mers. 
En  constatant  l'absence  de  terres  continentales  dans  les  espaces  jiar- 
courus  par  Cook,  Forster  émettait  l'hypothèse  que  la  nature  avait  compensé 
le  manque  d'équilibre  entre  les  deux  hémisphères  du  corps  planétaire,  en 
plaçant  au  fond  de  l'océan  antarctique  des  roches  d'un  poids  considérable'. 

Bien  que  le  grand  navigateur  Cook,  plein  de  l'orgueil  de  ses  travaux 
immenses,  eût  posé  des  limites  au  génie  de  l'homme,  en  déclarant  que 
nul  marin  ne  le  dépasserait,  on  est  pourtant  allé  plus  loin,  et  depuis 
son  voyage  la  surface  connue  de  l'Océan  s'est  agrandie  dans  la  dii-ec- 
tion  du  pôle  austral.  Les  terres  découvertes  sont  en  quelques  parages 
assez  rapprochées  les  unes  des  autres  pour  qu'on  puisse  leur  attribuer 
en  toute  probabilité  une  côte  continue  :  elles  formeraient  ensemble  une 
des  plus  grandes  îles  de  la  superficie  planétaire.  C'est  au  sud  de  l'Aus- 
tralie que  se  présente  dans  la  zone  antarctique  le  corps  de  terres  émer- 
gées le  plus  considérable.  Déjà  Balleny,  en  1850,  découvrit  un  archipel 
de  volcans  dans  le  voisinage  immédiat  du  cercle  polaire  :  un  des  cônes 
insulaires,  celui  de  Young-island,  entièrement  revêtu  de  neiges,  se  dres- 
serait, d'après  l'évaluation  de  Balleny  et  de  ses  compagnons,  à  la  hau- 
teur d'au  moins  5600  mètres;  d'une  autre  île,  beaucoup  plus  basse, 
s'élançaient  deux  jets  de  vapeur.  Partout  les  vallées  et  les  ravins  des  pics 
sont  comblés  par  les  glaces  :  on  ne  voit  la  roche  nue  qu'aux  endroits  où 
le  heurt  des  vagues  a  «oupé  des  promontoires  en   falaises,  révélant  les 

'  Observations  iiiade  during  a  Voyage  round  llie  World. 


16 


NOUVELLE   GÉOGRAPUIE  UM VERSELLE. 


laves  noires  surplombées  par  un  auvent  de  neige  blanehe;  il  n'y  a  point 
(le  eriques,  à  peine  quelques  ])lages  de  cendres  et  de  scories  menuisées'. 
Cinglant  à  l'ouest  de  cet  archipel,  sans  trop  s'éloigner  à  droite  ni  à 
gauche  du  65^  degré  de  latitude,  Balleny   crut  voir  la  terre  en  deux  en- 


■ — ■    tPOQrES    DES    l'KISClPALES    DECOUVERTES    FAITES    DANS    L  nCEANIE. 


MsndiendePan. 


e-diendeG-eenw.ch  ;£û' 


M. 

l.'iil 

Ma-:ilh3i-s.  r.uahaii.  Philippines. 

T. 

16iô 

Me. 

152»;. 

Menezês,  Papuuasie. 

1'. 

1611. 

S 

IriîS. 

A.  de  SaavRdra,  CnroHnes. 

0. 

1H9lI. 

S. 

KiS. 

«arshall. 

B. 

1765. 

fi 

I.TÔI. 

Guillaume  le  Tcslu,  Australie. 

\Va. 

1-67. 

Y 

15t->. 

Villalolms.  Carolines,  Palaos. 

Ca. 

1767. 

Mil 

lafiT. 

Mendana,  Ellice,  Salomon,  Sandw 

ih. 

Ilo. 

1768 

„ 

15!».i. 

0           /.  Marquises.  Snnta-Cru 

C. 

1769 

0. 

1606. 

Queiros,  /.  Basses, F(ikaofo,Slles-Héhrides. 

C. 

1770 

T. 

1606. 

Torrcs,  Détroit  de  Torrcs,  Louisindes. 

C. 

1773. 

I,.  M 

1616 

Lemaire,  yiounfou,  Kouvelle-ïrlande. 

t:. 

1771 

II. 

1616. 

Hailoi;,  Endrachtsland. 

I.a. 

17SI7 

F.. 

1619. 

Edel,  Edelsland. 

Dr. 

1791 

T,. 

16ii 

Leeuwins,  LceuwinsUind. 

lia. 

l-'.W 

^. 

16i- 

Nuvls,  Nuyisland. 

lia. 

1810 

\\. 

16*S 

Wills.  Wittsland. 

Wk 

IKll 

T. 

1611 

Tasman,  Tasmanie,  youielle-ZeU 

,ide. 

U.  l 

lSi7 

TaMiian,/.  Tfiii(,n,  Fidji.  Suiivelle-Brelnij 

»       Tasmnntnnd,  Carpentarie. 
Dampior,  Sourelle-Gitinéc. 
Ilvron,  /.  Gilherts. 
Wallis,  Taiti. 

Carlerel,  /.  Pitcairn,  Carteret,  Basses. 
Houf;ainville,  Samoa,  Salomoit. 
Cuiik,  I.  Australes 

»     yoiivelle-Zclande,  Australie. 

I.  Hei'veif. 
.     /.  Savage,  Noueelle-Calfdoiiie. 
.  I.apèrouse,  Savai. 
.  IlrouKlilûii,  /.  aialham. 
.  liass,  Détroit  de  Bn.ss. 
,  Ilazelbur^,  Mncqiiarie. 
.  Walker,  Camphell. 
.  Uumont  dlrville,  Fidji. 


droits  et   il  désigna  même  l'une  des  hautes  saillies  aperçues  dans  le  loin- 
tain du  nom  de  Sabrina-land. 

Dès  l'année  suivante,  le  Français  Dumont  d'Urville  et  l'Américain 
Wilkes,  attirés  dans  ces  parages  par  l'esjjoir  d'y  fixer  la  position  exacte  du 
pôle  magnétique  méridional,  visitaient  de  nouveaa  les  mers  explorées  par 


'  Juiiniiil  oj  llic  R.  Ccoyrtiphiitil  Socictij,  ISÔO. 


ANTARCTIDE.  17 

Balleny,  et  tous  les  deux  afOmièrent  sans  hésitation  qu'ils  avaient  bien  vu 
la  terre  ferme,  et  non  de  simples  cordons  de  glaces  flottantes.  Dumnnl 
d'iîrville  donna  le  nom  de  terre  d'Adélie  aux  cotes  monlueuses,  hautes  do 
lOtlII  11  i'200  mètres,  qu'il  aperçut  au  sud  et  qu'il  suivit  à  l'ouest,  sur  une 
dizaine  de  degrés;  toutefois  il  ne  déhnrqua  point.  Plus  à  l'ouest,  Wdkes 
vil  aussi  la  ferre  en  quatre  endroits,  el  c'est  d'après  son  lémoignage  que 


N»  c.  —  \iiïv(;i:- 


MiicrMiomiiES 


1  :  looonn  nno 


l'ensemble  des  massifs  entrevus,  îles  éparses  ou  terre  continue,  a  été 
désigné  sous  le  nom  de  Wilkesland.  Pourtant  James  Ross,  qui  ne  suivit 
pas  le  même  chemin,  crut  pouvoir  mettre  en  doute  les  rapports  des  trois 
navigateurs  qui  s'étaient  succédé  dans  celte  partie  de  l'Océan.  Rien  n'est 
plus  trompeur  que  les  horizons  brumeux  de  ces  régions  méridionales,  où 
les  rayons  d'un  soleil  bas  se  brisent  sur  les  glaces,  et  il  faut  un  œil  des 
plus  exercés  pour  distinguer  entre  un  véritable  mont  rocheux  el  une 
XIV.  3 


18  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

«  moiilagne  ciislalline  détachée  d'un  glacier  lointain  )>.  Sauf  sur  un 
point  où  Wilkes  reconnut  de  près  les  roches  noires  d'une  falaise,  il  se  tint 
partout  à  la  distance  d'au  moins  une  vingtaine  de  kilomètres  de  la  terre, 
toute  bordée  de  glaces,  et  partout  il  la  vit  revêtue  de  frimas.  A  l'est  des 
îles  Balleny,  Wilkes  indiquait  aussi  un  massif  montagneux,  et  James  Ross, 
qui  vogua  sur  une  mer  libre  précisément  à  l'endroit  signalé,  se  donna  le 
malin  plaisir  d'y  jeter  la  sonde  et  ne  trouva  pas  le  fond  à  1800  mètres*. 

Ouoi  qu'il  en  soit,  de  l'insularilé  ou  de  la  continuité  du  Wilkesland, 
il  est  certain  qu'à  l'est  de  l'archipel  Balleny  la  mer  se  prolonge  beaucoup 
plus  au  sud.  James  Ross  y  pénétra  deux  fois,  en  1841  et  en  1812,  et 
chaque  fois  s'approcha  plus  du  pôle  austral  que  nul  navigateur  n'avait  fait 
avant  lui,  que  nul  n'a  fait  depuis  :  il  est  vrai  que  lui  et  ses  compagnons 
moulaient  des  vaisseaux  spécialement  armés  et  protégés  pour  la  traversée 
des  glaces.  Kn  1812,  il  atteignit  le  point  78°  9'  50",  encore  situé  à  1515 
kilomètres  du  pôle  sud  en  droite  ligue,  soit  à  576  kilomètres  en  deçà  du 
poiiit  correspondant  atteint  dans  la  /(inc  boréale.  Dans  son  premier  voyage, 
il  suivit  vers  le  sud  la  côte  orientale  d'une  terre  qu'il  nomma  Yictoria- 
land  et  que  bordent  des  monts  superbes,  tels  que  le  Sabine,  cône  de  5000 
mètres  étincelant  de  glaces,  mais  offrant  à  sa  base  quelques  escarpe- 
ments noirs,  et  le  Melbourne,  plus  haut  encore,  atteignant  1000  mètres. 
Kniin,  à  l'endroit  où  durent  s'arrêter  les  explorateurs,  ils  voyaient  se  dres- 
ser devant  eux  les  deux  volcans  jumeaux,  l'Erebus  (5780  mètres)  et  le 
Terror  (5520  mètres),  dont  le  premier  lançait  des  fumées,  sombres  pen- 
dant le  jour,  rouges  pendant  la  nuit.  Un  mur  de  glace,  de  près  de  100  mè- 
tres en  hauteur,  front  d'une  immense  plaine  ayant  au  moins  500  kilo- 
mètres en  largeur,  empêcha  les  marins  de  débarquer  auprès  des  volcans, 
mais  ils  avaient  pris  terre  en  deux  autres  endroits  des  terres  australes. 

A  l'orient  tie  la  terre  de  Victoria,  les  voyages  de  Cook  et  de  Ridlings- 
hausen  n'ont  pas  révélé  l'existence  de  l'Antarctide  au  sud  des  pai-ages 
orientaux  de  l'océan  Pacifique,  à  moins  qu'un  point  douteux,  nuage  ou 
rocher,  vu  par  Cook,  n'ait  été  véritablement  une  terre  :  la  petite  île  de 
Pierre,  telle  est  la  seule  montagne  émergée  que  l'on  ail  tiouvée  dans  ces 
parages.  Mais  au  sud  de  l'Amérique,  faisant  face  au  cap  Iloorn  et  aux 
archipels  voisins,  les  îles,  ou  peut-être  les  côtes  d'une  grande  terre  antarc- 
tique, ont  été  reconnues  en  plusieurs  endroits  dans  le  voisinage  du  cercle 
polaire.  Bellingshausen  découvrit  la  terre  d'Alexandre,  qui  se  rattache 
probablement  à  la  côte  montagneuse  de  (iraham,  signalée  par  Biscoe  en 

'   Voijmjc  in  tlie  Soullicin  and  AiiUirctic  Hcyiuiis. 


ANTARCTIDE. 


1852  et  mieux  reconnue  par  Dallmann  en  lS7i;  puis  au  noril-esl  de  ce 
massif  élevé  se  prolonge  en  Irainée  |)arallèle  une  chaîne  d'îles  nom- 
breuses,   les    terres   de   Lonis-l'hili|i|ie   et  de   Joinville,  découveiles  par 


—    PmiMlINTOIRF-    SKI'TKMHIONAI,    UL    I.  ANTVItrTIlH 


c/e  500  à  20C0       t^e  POOQ  e 
1  ■  ôr.iinono 


Ihimont  d'Urville,  les  Shellaiid  el  les  Oikney  méridionales,  déjà  vues  par 
des  baleiniers  anglais  et  américains,  —  peut-être  même  en  loO.S  par  le 
navire  hollandais  de  Geerilz',  — toutes  massifs  montueux  et  cnloui'és 


'  Dumont  d'Urville,  VoijMje  nu  Pôle  suil  ci  dtiiis  l'Occnnir,  vol.  11;  —  Bariow,  Jijiiniiil  of  llic 
R.  Geoyrciphical  Society,  1851. 


'211  NOUVKLLK   (.KOCHAI'UIE   L'M  VERSELLE . 

d'eaux  prolbndos  où  la  soiule  trouve  des  centaines  de  mètres  à  quelques 
encablures  du  rivage'.  Mais,  iraniédialeraent  à  l'est  de  ces  archipels,  le 
Ijaleiuier  Weddell,  après  s'être  ouvert  un  passage  en  iS'iô  à  travers  de 
grands  convois  de  glace,  s'était  avancé  dans  une  mer  complètement  libre 
jusqu'au  delà  du  Vi*"  degré  de  latitude  :  c'est,  au  sud  de  l'Atlantique,  le  point 
le  plus  méridional  que  l'homme  ait  encore  atteint.  Au  delà,  sur  la  demi- 
circonférence  qui  s'étend  à  l'est  vers  Wilkesland,  on  n'a  reconnu  que  deux 
côtes  situées  ou  se  prolongeant  au  sud  du  ceicle  |iolaire  :  celles  d'Enderby 
et  de  Kemp.  Biscoe,  qui  découvrit  la  première  île  en  1S,"1,  un  an  avant 
Grahamsland,  essaya  vainement  d'y  aborder  :  les  glaces  le  retinrent 
toujours  à  plus  de  50  kilomètres  de  distance.  Plus  tard,  un  baleinier 
réussit  pourtant  à  y  atterrir*.  Les  terres  de  l'Antarctide  les  plus  avancées 
vers  le  nord,  les  monts  de  Victoria  et  ceux  de  Louis-Philip[)e,  se  trouvent 
situées  resj)ectivement  en  face  de  la  Nouvelle-Zélande  et  de  la  pointe  mé- 
ridionale de  l'Amérique;  ainsi  chaîne  de  montagnes  s'oppose  à  chaîne  de 
montagnes,  rangée  volcanique  s'affronte  à  rangée  volcanique". 

Depuis  les  voyages  de  Ross,  c'est-à-dire  depuis  un  demi-siècle  bientôt ,  nulle 
expédition  scientifique  nouvelle  n'a  dépassé  le  cercle  polaire  :  en  1874,  le 
Challenger  s'en  est  approché,  mais  il  ne  l'a  point  franchi.  11  est  étonnant 
(ju'en  ces  temps  d'entreprises  hardies  on  ait  reculé  pendant  tant  d'années 
devant  la  reprise  sérieuse  de  l'ceuvre  d'exploration;  |)ourlant  elle  est 
devenue  plus  facile  de  nos  jours,  grâce  aux  progrès  de  l'industrie  maritime 
et  aux  mille  ressources  qu'offrent  les  engins  modernes  pour  la  traversée 
des  glaces.  C'est  donc  avec  un  sentiment  de  honte  que  les  géographes 
signalent  l'énorme  lacune  laissée  par  les  routes  des  navigateurs  sur  la 
rondeur  anlarcliiiue  et  ({u'ils  demandent  des  volontaires  pour  continuer 
l'ieuvre  des  Cook,  des  Ross  et  des  Dumont  d'Urville.  Il  est  probable  que  la 
première  expédition  de  recherches  s'équipera  en  Australie,  la  partie  du 
inonde  la  plus  rapprochée  des  îles  polaires  du  sud,  et  celle  dont  les  habi- 
tants ont  le  plus  d'intérêt  à  connaître  les  phénomènes  météorologiques 
et  glaciaires  de  ces  froides  régions.  Entre  la  jiointe  méridionale  de  la 
Tasmanie  et  les  côtes  de  Wilkesland,  la  distance  est  seulement  de 
t>GOO  kilomètres. 

Dans  la  partie  de  l'Océan  dont  les  navigateurs  ont  tléjà  en  entier 
exploré  la  surface,  une  autre  élude,  celle  des  profondeurs,  est  depuis  long- 
temps commencée,  el  l'on  peut  dire  que,  d'une  manière  générale,  l'épais- 

'  Juiirnal  of  tlic  R.  (!i-oijriipliiciil  Sociclii,  tSô.j. 

2  boas,  Science,  1887,  X;  —  Pckrmaiin's  Milteiliinijeii,  1888,  II. 

'  Reiter,  Die  SiXdpolarfraije. 


FONDS   OCKANIQUES.  i'I 

seul'  des  mers  esl  connue.  L'océan  Indien  offre  dans  son  ensemble  des 
fonds  assez  réguliers  s'étendant  à  plus  de  4000  mèlres  au-dessous  de  la 
nappe  supérieure  des  eaux.  Ainsi  que  l'onl  révélé  les  sondages  fails  par 
l'expédilion  du  CliuUcngcr  et  depuis  par  des  marins  de  diverses  nations, 
les  berges  sous-marines  des  continents  et  des  grandes  iles  qui  entourent 


PliOFONDEl'IiS    DES    MERS    AUSTUALES. 


D'après  Bartholome 

i 


CPer 


^/^o/ortc/tTu/'S 


\  :  10)000  ono 


de  trois  côtés  la  mer  des  Indes  s'inclinent  rapidement  vers  les  abîmes 
océaniques,  et  presque  partout  on  trouve  la  profondeur  de  2000  mètres  à 
moins  de  200  kilomètres  des  rivages.  Une  coucbe  de  puissance  égale 
recouvre,  vers  le  40"  degré  de  latitude  méridionale,  le  seuil  qui  limite  au 
sud  l'océan  Indien  proprement  dit.  En  dedans  de  cette  courbe  bathymé- 
Irique  de  2000  mètres,  presque  parallèle  aux  rives  continentales,  la  ligne 


22  rsOUVELLE  f.KOr.RAPIJlE  UNIVERSELLE. 

(le  4000  mt'lres  décrit  un  granil  nombre  de  sinuosités,  du  moins  à  l'ouest 
et  au  nord,  autour  de  Madagascar,  des  Mascareignes,  des  Seychelles,  des 
Laquedives;  en  outre,  l'archijx'l  des  Tchagos  se  dresse  du  milieu  d'abîmes 
recouverts  par  4000  à  jOOO  mèli'cs  il'eau.  La  profondeur  moyenne  de  tout 
l'océan  Indien  est  évaluée  par  Jobn  Murray  à  4235  mètres',  soit  à  900 
mètres  de  plus  que  ne  l'avait  estimée  Otio  Kriimmel'.  Les  plus  fortes  cavi- 
tés que  la  sonde  ait  reconnues  dans  la  mer  des  Indes  se  trouvent  dans 
les  parages  situés  entre  la  côte  nord-occidentale  de  l'Australie  et  les  îles  de 
Java  et  Sumatra  :  en  ces  régions,  les  navires  chargés  de  la  pose  du  câble 
sons-marin  ont  signalé  des  profondeurs  de  5500  à  5045  mètres  ;  OtIo 
Kriimmel  propose  de  donner  à  cet  abîme  le  nom  de  «  fond  de  la  Lé- 
murie  ».  C'est  un  fait  remarquable  que  les  plus  grands  creux  des  mers 
indiennes  aient  été  reconnus  à  une  dislance  relativement  minime  du  litto- 
ral et  dans  le  voisinage  du  foyer  volcanique  le  plus  ardent  des  îles  de  la 
Sonde.  Sur  presque  tout  le  pourtour  des  terres  antarctiques,  au  sud  de 
l'océan  Iiulien  et  du  Pacilique,  les  mers,  qui  d'ailleurs  n'ont  été  sondées 
qn'en  un  pelit  nomlne  de  points,  paraissent  être  beaucoup  moins  profondes 
que  les  grands  bassins  de  la  mer  des  Indes  et  du  I'acili(jue  :  on  dirail 
qu'elles  ont  élé  comblées  par  les  débris  apj)orlés  des  terres  australes.  Ce- 
pendant un  prodigieux  abîme  se  trouverait  sous  le  cercle  polaire  antarc- 
liqiie,  au  sud-est  des  Soulh-Oi'kney  :  James  Ross  a  sondé  dans  ces 
parages  à  plus  de  SiOO  mèln^s  sans  Irouver  le  fond.  Il  serait  utile  de  con- 
trôler celle  oliservalion  uni(|iie  jiar  de  iionveanx  sondages. 

Comparé  à  l'océan  Indien,  qui  esl  dépourvu  d'îles  dans  sa  parlie  cen- 
trale, le  Pacilique,  parsemé  d'archipels,  ])résente  un  fond  1res  inégal  ;  en 
beaucoup  d'endioils  se  Irouvent  des  seuils  sons-mai'ins  qui  se  transfor- 
meraient en  îles  ou  en  péninsules  si  le  niveau  de  la  mer  s'abaissait  de 
quelques  centaines  de  mètres.  D'abord  les  quatre  grandes  terres  de  l'In- 
snliiide,  Sumatra,  Java,  Bornéo  et  Celêbès,  reposent,  avec  la  presqu'île 
de  Malacca,  sur  un  socle  immergé  que  \)o  ivcouvrent  pas  même  lOOmèlres 
d'eau  :  les  deux  abîmes  océaniques  di;  l'cmesl  et  de  l'est  sont  sépai'és  dans 
ces  parages  par  un  seuil  d'environ  1500  kilonièlies  en  largeur.  L'AusIralie 
et  la  Nouvelle-tininée  peuvent  être  également  considérées  comme  les  par- 
lies  émergées  d'un  même  socle  continental,  comprenant  aussi  la  Tasmanie 
au  sud,  et  au  nord  plusieurs  îles  voisines  de  la  Papouasie.  p]ntre  les  deux 
groupes  de  l'Insulinde  et  de  l'Australasie.  un  fossé  de  plus  de  1000  mètres 


'  Scoltisli  (kocjrnpliical  Muyininc,  NovcnilH'r  1887. 

*  Versiuh  einer  vcnjlcichcnden  Morphuloyic  (1er  îh'crcsriiiiiiw. 


FONDS  OCKANIOUES.  23 

en  profondeur  longe  la  côte  orienlale  de  Timor,  et  même  au  sud  de  Ceram 
s'ouvre  un  abîme  où  la  sonde  a  trouvé  plus  de  4000  mètres  d'eau.  Dans 
le  Pacifique  proprement  dit  la  plupart  des  archipels  et  des  chaînes  de  récifs 
qui  les  continuent  sont  également  portés  par  des  piédestaux  immergés,  qui 
presque  tous  sont  orientés  dans  le  sens  du  nord-ouest  au  sud-est,  le  même 
que  celui  de  l'Amérique  centrale.  Il  semble  que  dans  le  vaste  hémicycle 
des  terres  continentales  qui  s'étend  du  cap  de  Bonne-Espérance  au  cap 
lloorn,  les  archipels  du  Pacifique  soient  comme  les  rudiments  d'un  cercle 
s'appuyanl  à  l'est  sur  la  côte  de  l'Amérique:  c'est  ainsi  que  dans  maint 
grand  cratère  ébréché  s'est  inscrit  un  cratère  régulier  de  moindres 
dimensions. 

Les  cavités  profondes  limitées  de  part  et  d'autre  par  les  seuils  immer- 
gés ont  reçu  des  explorateurs  anglais  et  américains  des  noms  qui  rappel- 
lent soit  les  navires  employés  aux  travaux  hydrographiques  des  mers  du 
Sud,  soit  les  savants  qui  se  sont  occupés  de  la  bathymétrie  avec  le  plus  de 
zèle.  Le  ci'eux  circulaire  où  la  sonde  trouve  plus  de  4000  mètres  d'eau  à 
l'ouest  de  la  Tasmanie  est  le  «  fond  de  Jeffreys  »  :  en  un  endroit  on  y  a 
louché  le  lit  marin  à  4758  mètres  au-dessous  de  la  surface.  A  l'est  de  la 
Tasmanie,  vers  la  Nouvelle-Zélande,  s'étend  un  autre  creux,  de  surface 
plus  considérable,  où  la  sonde  a  révélé  des  profondeurs  égales  :  ce  sont 
les  fonds  de  Thomson,  continués  au  nord,  vers  le  Queensland,  par  les 
fonds  de  Patterson  (4820  mètres.)  Ceux  de  la  «  Gazelle  >',  parallèles  à  l'axe 
général  des  îles  océaniennes,  c'est-à-dire  orientés  dans  le  sens  du  nord- 
ouest  au  sud-est,  sont  moins  profonds,  puisqu'on  y  a  mesuré  seulement 
4154  mètres  d'épaisseur  liquide;  ils  s'embranchent  par  leur  extrémité  occi- 
dentale aux  «  fonds  de  Carpenter  )i,  qui  commencent  au  détroit  de  Terres 
el  à  la  Papouasie  et  vont  se  terminer  entre  la  Nouvelle-Calédonie  et  les 
Nouvelles-Hébrides  :  on  y  a  trouvé  au  point  le  plus  creux  4850  mètres  de 
profondeur.  Les  «  fonds  de  Nares  »,  au  nord  de  la  Nouvelle-Guinée  et  de  la 
Nouvelle-Bretagne,  sont  également  recouverts  par  une  couche  de  près  de 
5  kilomètres  d'eau.  Dans  la  direction  de  l'orient,  les  cavités  sont  encore 
plus  creuses  :  les  fonds  de  Ilildgard  ont  jusqu'à  G039  mètres  et  ceux  de 
Miller  6510  mètres. 

Au  nord  des  Carolines,  les  étendues  du  Pacifique  sont  beaucoup  plus 
libres  de  terres  ;  aussi,  comme  on  devait  s'y  attendre,  les  profondeurs  y 
sont-elles  plus  grandes  que  dans  les  cavités  de  la  Polynésie  proprement 
dite.  Les  fonds  dits  du  ■<  Challenger  »,  d'après  le  navire  d'exploration  sur 
lequel  ont  été  faites  de  si  importantes  recherches  de  physiographie  océa- 
nique, offrent  l'énorme  profondeur  de  8372  mètresentre  les  Carolines  et  les 


2i  NOUVELLE   GÉOGRAPHIE  UINIVERSELLE. 

Mariannes;  plus  à  l'est,  vers  les  îles  Marshall,  un  autre  creux  a  fourni  des 
sondages  de  0271  mètres.  Enfin,  toute  la  région  du  Pacifique  septentrio- 
nal, du  Japon  à  la  Californie,  présente  une  immense  fosse  elliptique, 
entourant  une  partie  centrale  moins  profonde,  dont  l'axe  est  formé  par 
les  îles  Sandwich  et  par  leur  prolongement  de  récifs  dans  la  direction  de 
l'ouesl-nord-ouest.  Les  «  fonds  de  Wyman  »  ((j^oO  mètres),  à  l'est  des 
Sandwich,  ceux  «  de  Belknap  »  et  ><  d'Ammen  »  (àlJ^T  et  5(515  mètres),  au 
sud  et  à  l'ouest  ilu  même  archipel,  appartiennent  à  cette  cavité  annulaire 
qui  phis  loin,  vers  le  Japon,  prend  le  nom  de  «  fond  de  Tuscarora  )',  d'après 
le  navire  américain  à  bord  duquel  a  été  donné  le  coup  de  sonde  le  jilus 
profond  enregistré  jusqu'à  maintenant  :  c'est  à  iOtl  kilomètres  environ  à 
l'est  de  la  chaîne  méridionale  des  Kouriles  qu'a  été  mesuré  cet  ahîmede 
851.J  mètres,  presque  aussi  bas  que  la  plus  haute  montagne  est  élevée 
par  rapport  à  la  surface  des  eaux.  De  même  que  dans  l'océan  Indien,  les 
parties  les  plus  creuses  du  fond  se  trouvent  dans  le  Pacifique  précisément 
le  long  des  chaînes  de  volcans  qui  se  succèdent  du  Japon  à  la  péninsule 
d'Alaska.  On  peut  dire  que  ces  rangées  de  montagnes  fumantes  sont  le 
véritable  rivage  du  bassin  océanique'  :  au  delà  les  eaux  sont  peu  pro- 
fondes, si  ce  n'est  dans  une  partie  de  la  mer  de  Bering,  où  l'on  trouve 
jusqu'à  1000  et  2000  mèti'es.Les  terres  avancées  de  l'Asie  et  de  l'Amérique 
reposent  sur  un  socle  commun  très  rapproché  de  la  surface.  Dans  le  détroit 
de  Bering  proprement  dit  la  moyenne  de  profondeur  n'est  que  d'une  qua- 
rantaine de  mètres  et  nulle  part  la  sonde  ne  descend  à  plus  de  58  mètres. 
Entre  ces  fonds  à  peine  immergés,  qui  forment  aux  deux  continents  une 
large  banquette  extérieure,  et  les  grands  abîmes  du  Pacifique,  la  chute  est 
soudaine  :  la  sonde  y  révèle  des  pentes  qui  seraient  même  tenues  pour 
rapides  dans  les  régions  montagneuses  des  continents. 

Lc!s  parages  orientaux  du  Pacifique,  si  ce  n'est  dans  le  voisinage  de  la 
(]alifornie,  ont  été  moins  soigneusement  observés  que  ceux  des  mers  aus- 
tialasiennes.  Même  avant  la  traversée  faite  par  le  vaisseau  italien  ]'ettor 
Pisani  en  1885,  tout  l'espace,  de  plus  de  50  millions  de  kilomètres 
carrés,  compris  entre  l(!s  archipels  et  les  côtes  américaines,  du  Mexi(|ue  au 
Chili,  était  resté  inexploré  dans  ses  profondems.  On  possède  maintenant 
une  série  de  treize  sondages  entre  les  côtes  de  la  Colombie  grenadine  et  le 
grou|)e  des  Sandwich,  et  l'endroit  le  plus  profond  marqué  sur  cet 
itinéraire  du  navire  italien  se  trouve  à  la  cote  de  5720  mètres;  pour  l'en- 
semble du  lit  marin,  en  tenant  compte  de  l'inégalité  des  intervalles  entre 

'  Ed.  Sut'ss,  uuvra'jc  cite. 


PROFONDEURS  DE  L'OCÉAN  PACIFIQUE.  25 

les  soiulagos,  la  moyenne  de  profondeur  dans  cette  partie  de  l'Oi'éan  est  de 
4570  mètres'.  Avant  l'exploration  faite  par  le  Vetlur  Piaani,  on  n'avait  eu 
d'autre  indication  pour  évaluer  l'épaisseur  d'eau  dans  le  Paciri(|ue  orien- 
tal que  la  vitesse  de  propagation  des  vagues  pendant  les  tremblements 
de  niei'. 

On  sait  en  effet  que  les  ondes  parcourent  l'Océan  avec  une  ra|iidilé 
croissant  avec  la  profondeur  de  l'eau,  et,  en  appli(jiiant  la  formule  de 
Lagrange  relative  à  ce  phénomène,  on  a  cherché  à  déduire  la  piofondeur 
océani(pie  de  la  rapidité  de  translation  des  ondes  de  tremblement.  En 
vertu  de  ce  calcul,  (leinitz  trouva,  lors  de  la  grande  secousse  de  18GS,  (pu- 
la  moyenne  de  profondeur  du  lit  de  l'Océan  enli'e  la  côte  du  Pérou  et 
Ilavaii,  —  ou  d'une  manière  plus  précise  entre  Iquique  et  Ililo,  —  devait 
être  évaluée  à  4259  mètres.  Le  faible  écart  que  présentent  celle  indication  et 
le  résultat  obtenu  par  les  sondages  du  Veltor  Pisani  est  remanjuable  ;  d'ail- 
leurs la  différence  du  point  de  déjiart  explique  suffisamment  la  moindre 
|)rofondeur  obtenue  par  la  sonde,  car  du  Pérou  à  la  Colombie,  le  long 
des  cèles  américaines,  se  creuse  un  abime  qui  n'a  pas  moins  de  5000  à 
6000  mètres.  Des  calculs  de  même  nature  ont  été  faits  pour  les  fonds 
d'autres  parties  du  Pacifique  lors  du  tremblement  de  1 868,  et  en  1885  après 
la  formidable  éruption  du  Krakalau.  Le  résultais  de  ces  opérations,  dues 
à  (ieinitz,  Hochsleller,  Neumeyer,  à  d'autres  encore,  coïncident  assez  bien 
avec  les  obsenalions  directes  :  suivant  les  parages,  c'est  de  2000  à  5000 
mètres  que  varient  les  profondeurs  moyennes  trouvées  par  ce  procédé. 
Quoi  qu'il  en  soit  du  degré  d'approximation  ainsi  obtenu,  le  calcul  ne  sau- 
rait remplacer  les  travaux  de  sondage,  car  la  formule  ne  tient  pas  compte 
du  frottement  de  la  masse  liquide  sur  h;  fond  du  lit,  sur  les  récifs  et  les 
rivages,  el  le  temps  précis  des  observations  sui  les  divers  points  des  con- 
tinents et  des  îles  n'est  pas -toujours  exactement  tonnu\ 

Les  dépôts  ramenés  des  profondeurs  pi'ésenlent  une  remarquable  uni- 
formité. Dans  le  voisinage  des  terres,  surtout  près  de  l'embouchure  des 
granils  fleuves,  les  débris  d'origine  terrestre  constituent  la  boue  et  l'ar- 
gile du  fond,  mêlés  aux  fragments  des  coquilles  et  des  coraux.  Plus  loin 
des  rivages,  par  les  fonds  de  1000  à  5000  mètres,  les  sédiments  du  lit 
marin  sont  composés  de  fragments  de  coquillages  et  des  tests  calcaires 
d'animalcules  :  la  boue  recueillie  offie  une  teneui  de  90  à  95  pour  100  en 
carbonate  de  chaux".  Mais  à  mesure  que  la  profondeur  s'accroît,  la  propor- 

'  BoUotlino  delUi  Societ/i  Geogrcifud  lltiliiiini.  t88"j;  —  Geoyidpliisclu'sJalirbticli,  1887. 
*  Ollo  Kniiiimel,  Geoyraphisches  Jnlirhiich,  Raiiil  \I,  1887. 
'  John  Munay,  mémoire  cité. 


2G  NOUVELLE   CE OCKAI'IIIE   li.MVERSELLE. 

lion  de  calcaire  (limiiiiio  et  dans  les  aliîiiies  de  4000  à  jOOO  mèlres  (iii 
trouve  partout  une  argile  formée  de  foi'aniiniieres,  de  radiolaires,  de  diat(K 
mées  et  autres  débris  d'iuliniment  petits  mêlés  à  des  particules  de  pierre 
jMjnce  et  à  divers  produits  décomposés  d'éjections  volcanitiues.  Nulle 
|)art,  sur  le  lit  profond  de  l'océan  Indien,  on  n'a  découvert  gravier  ou  roche 
nue.  La  pauvreté  des  argikis  de  grandes  profondeurs  en  carbonate  de 
chaux  provient  de  ce  que  l'eau  contient  de  l'acide  carbonique.  Les  iniiom- 
biables  corpuscules  calcaires  tombant  en  poussière  des  couches  supé- 
rieures de  la  mer  finissent  par  se  dissoudre  avant  d'atteindre  le  fond. 
Mais  les  dents  de  requins,  les  s(iuelelles  de  cétacés  se  trouvent  en  (|uan- 
tilé  dans  les  argiles  du  lit  :  on  en  retire  des  restes  d'animaux  préhis- 
tori(|ues  et  contemporains  placés  côte  à  côte;  des  nodules  de  fer  d'origine 
cosuiii|ue  s(uil  également  épars  dans  la  masse  argileuse. 


Ainsi  (|u'en  témoigne  le  nom  même  de  «  Pacifi(|ue  »  donné  au  giand 
Océan,  les  tem|ièles  y  sont  moins  frécpientes  ([ue  sur  l'Atlantique,  du 
moins  dans  les  latitudes  tropicales,  à  faible  marée.  La  cause  en  est  à 
l'immense  surface  uniforme  ipie  pr('senle  une  vaste  étendue  de  la  mer  du 
Sud,  loin  du  voisinage  de  c("iles  continentales  (pii,  par  les  difféi'ences 
c(msi(l('Maliles  du  relief.  (h'Ierniiiienl  de  biiisques  renversements  dans  la 
marche  des  venis  ci  le  climal.  C'est  dans  les  parages  orientaux  du  l'aci- 
liipie,  là  où  les  navires  voguenl  à  des  distances  de  plusieurs  millieis  de 
kilomi'lres  sans  rencontrei-  d'iles,  <pie  les  eaux  sont  d'ordinaiie  le  plus 
tranipiilles  et  que  la  navigation  est  le  moins  |)érilleuse  :  dans  la  région 
marilime  (pie  les  mai'ins  espagnols  appelaient  jadis»  golfe  des  Dames  )i, 
un  é(piipage  de  jeunes  lilles  aurait  pu  sans  danger  manœuvrer  les  galions 
chargés  d'or  (|ui  jiarfaient  d'Acapulco.  La  partie  orientale  du  Pacili(pie  est 
celle  on  soufllent  régulièrement  les  alizés  :  ceux  du  nord-est  se  font  sentir 
avec  conslaiice  dans  la  zone  tropicale  com|irise  entic  les  îles  Revilla-(ïige(lo 
et  les  Mariamies,  sur  un  espace  d'einiidii  l 'J  000  kilomèlres  en  largeur  ; 
les  alizés  du  sud-est  l'emportent  dans  une  aire  moins  étendue,  eiilre  les 
(ialapagos  et  les  Mar(|uises  :  c'est  un  espace  d'environ  5000  kilomèlres. 

Mais,  au  milieu  des  îles  océanii'iines  du  l'acili(iue  équatorial,  les  mille 
foyers  d'appel  distincts  que  foiinenl  les  terres  parsemées  dans  la  mer, 
les  unes  montueuses,  les  antres  à  peine  en  saillie  au-dessus  des  eaux, 
roin|)enl  la  direclion  des  venIs  el  les  forcent  maintes  fois  à  relliier  en 
arrière.  Les  couranis  normaux  des  alizés  sont  fré(juemmeiit  l'cmplacés 
parles  brises  alternantes  qui  lournc'iil    avec  le  soleil.  Pendant  l'hiver  de 


VENTS  RKCULIKRS   DE  L'OCÉAN  PACIFIQUE.  27 

l'héiuisplière  nirridioiiiil,  les  alizés  du  sud-est  soiifllent  avec  le  plus  do 
réiiularilé,  mais  eu  été  des  vents  de  nord  et  de  nord-est  leur  dispuleut 
la  pi(''|>(iu(léiaii(e;  souveiil  aussi  des  calmes  s'établissent  et  pas  une  brise 
ne  Irissoimc  à  la  surface  de  l'eau;  parfois  quelques  conflits  de  vents 
foui  hiurrioycr  les  airs.  La  l('Ui|)éi'alur('  moyenne  des  îles,  baifiuées  par 
une  eau  ddui  les  alleriialives  de  froid  et  de  cbaleur  sont  encore  moin- 
dres que  celles  (le  ralinos[)bèi-e,  est  d'une  sinfiulière  douceur  :  du  mois  le 
plus  chaud  au  mois  le  jtjus  fioid,  des  deux  ci")lés  de  r{''(|ualeui'  jus([u'aux 
Iroj)i(|ues,  ['('caii  oïdinaire.  |)oui'  une  inoveuue  de  "2.")  à  '25  dej^rés,  est  seu- 
lemeul  de  ."  à  7  degrés  ceiilijirades;  cependant  les  oscillalions  extrêmes 
de  liiiile  l'année  comporleni,  suivaul  les  îles,  un  l'cail  de  1(1  à  20  degrés, 
(juant  aux  pluies,  elles  difl'èreul  du  simple  au  (l(''cuple  ou  même  davan- 
tage, suivant  l'exposition  des  versanis  insulaires,  (ournés  dans  la  direclion 
des  venis  pluvieux  ou  du  côté  opposé.  Tandis  que  certaines  vallées  où  vien- 
nenl  s'amasser  les  nuages  reçoivent  annuellement  des  quantités  énormes 
de  pluies,  il  est  des  îles  plaies,  situées  dans  \c  voisinage  de  r(''([ualeur,  où 
netoudjenl  point  d'averses,  si  ce  n'est  à  des  intervalles  très  éloignés. 

A  l'ouest  et  au  sud-ouest  des  îles  et  des  îlots  de  la  Polynésie  pro|)remt'nt 
(lile,  le  voisinage  des  grands  corps  insulaires,  lels  que  la  Nouvelle-Guinée, 
l'AusIralie,  Celêbès,  Bornéo,  appelle  l'air  ambiant  avec  plus  d'énergie 
jtendant  la  saison  des  chaleurs  :  il  ne  détermine  pas  de  simples  brises 
comme  dans  l'Océanie  orientale,  mais  il  attire  des  moussons  régulières, 
d'une  durée  plus  ou  moins  grande  suivant  les  conditions  diverses  du 
milieu,  étendue  des  teri'es,  hauteur  des  monlagnes,  superlicie  des  espaces 
dé])ouivus  de  végétation.  Les  vents  alizés  du  sud-est  dominent  dans  ces 
régions  pendant  la  saison  d'hiver  de  l'hémisphère  méridional;  mais  pen- 
daul  Fêlé  le  vent  qui  l'emporte  est  une  mousson  *de  l'ouest  ou  du  nord- 
ouesl,qui  amène  généralement  les  vapeurs  et  les  averses.  Ainsi  le  régime 
normal  des  airs  est  la  succession  de  deux  vents  direclement  coniraires 
dans  leur  mai'che  et  différents  dans  leiu's  effets,  l'un  desséchant  et  l'autre 
humide.  Toutefois,  dans  le  dédale  infini  des  baies,  des  criques  el  des 
passages,  les  ii'régularilés  soiil  uouibreuses;  les  couraiils  généiaux  el  les 
brises  locales  se  mêlenl  diversemenl. 

Dès  la  limili'  même  de  l'aire  des  moussons,  ou  conslale  une  déxialion 
dans  la  marche  des  vents.  En  effel,  les  eaux  du  déiroil  de  Terres,  eiilre 
l'AusIialie  et  la  Xouvelle-Guinée,  élan!  obsiruées  par  d'innombrables 
écueils  el  n'ayant  en  moyenne  qu'une  vingtaine  de  mètres  d'c'paisseur, 
s'échauffent  au  soleil  beaucoup  plus  que  les  mers  profondes  de  l'ouesl  et 
de  l'est  :  il   en  résulte  une  élévation   notable  de   temjiéralure   pour  l'ai- 


S8  NOUVELLE  r.ÉOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

mosphèrc  siirincombanU'  et  là  se  forme  un  foyer  d'appel  pour  tous  les 
vents.  Les  alizés  du  nord-est  s'inlléchissent  pour  entrer  directement  dans 
le  détroit,  oîi  ils  soufflent  avec  une  grande  violence  pendant  l'hiver; 
d'autre  part,  les  moussons  d'été,  qui  dominent  surtout  en  décembre,  jan- 
vier et  février,  cessent  de  se  diriger  au  sud-est  vers  la  grande  terre  et  se 
replient  vers  le  détroit,  dans  la  direction  de  l'ort-Moreshy,  privant  ainsi 
la  péninsule  d'York  de  la  part  d'eau  pluviale  (jui  lui  serait  nécessaire'.  Au 
centre  du  labyrinthe  des  iles,  entre  la  iXouvelle-tiLiiiiée  et  Bornéo,  le  ré- 
gime des  vents  est  tellement  troublé  par  les  obstacles  divers  épars  dans 
tous  les  sens,  que  l'on  ne  sait  pas  même  toujours  distinguer  d'une  manière 
précise  quelle  est  l'origine  première  du  vent,  alizé  ou  mousson,  et  qu'on 
ignore  auquel  des  deux  il  faut  attribuer  le  principal  apport  des  pluies'.  En 
moyenne,  elles  sorU  fort  abondantes,  et  dans  quelques  îles,  nolammenl  à 
Sumatra,  elles  dépassent  4  mètres  par  an.  La  température  annuelle,  de 
26  à  27  degrés,  suivant  l'exposition  des  rivages,  est  aussi  plus  élevée  que 
dans  les  îles  océaniennes;  elle  est  également  plus  constante  el  du  mois  le 
plus  chaud  au  mois  le  plus  froid  l'écart  est  seulement  de  1  à  2  degrés; 
il  est  moindre  que  l'écart  journalier,  entre  l'après-midi  el  le  matin.  Dans 
le  grand  jardin  du  monde,  la  <<  serre  chaude  »  est  l'Insulinde. 

A  l'ouest  de  Bornéo  et  des  Philippines,  le  régime  des  vents  change 
encore  par  suite  de  la  diftérence  des  contours  insulaires  et  des  massifs 
montagneux.  Dans  ces  parages,  les  marins  ne  pailent  plus  de  vents  alizés: 
ils  ne  connaissent  (jue  les  moussons.  Celle  du  sud-ouest,  passant  le  détroit 
<le  la  Sonde  el  jiar-dessiis  l'île  de  Sunuiira,  souflle  assez  régulièrement  de 
la  mi-avril  à  la  mi-octobre  dans  l'espace  libre  ouvert  jusqu'à  Formose; 
mais  elle  est  parfois  interrompue  par  des  vents  du  sud-est,  el  sur  les 
rivages  des  îles  et  des  continents  elle  est  frangée  de  brises  et  de  remous 
latéraux  qui  permettent  aux  voiliers  de  louvoyer  à  contre-mousson.  A  ce 
veni  du  sud-ouest,  qui  est  le  vent  d'été,  succède  le  vent  d'hiver,  appelé 
mousson  du  nord-est  :  c'est  le  courant  polaire  régulier.  11  souflle  comme 
la  mousson  du  sud-ouest  j)eiHlant  une  moitié  de  l'année;  mais  sa  grande 
force  est  en  décembre  et  janvier.  Les  pluies  tombent  dans  les  deux  sai- 
sons, et  dans  les  deux  saisons  aussi  se  produisent  les  coups  de  vent  et  les 
tempêtes;  mais  c'est  principalement  pendant  la  mousson  du  sud-ouest,  en 
juin  ou  en  juillet,  ou  bien,  lors  du  renversement  des  vents,  vers  l'équi- 
noxe  de  septeinbi'e,  que  le  conflit  des  airs  amène  le  soudain  tournoiement 


*  î{Mia\,  Journal  of  the  R.  Gcoçjrnphirnl  Socielij,  1808. 

*  A.  R.  Waliiicc,  Report  of  British  Association,  1862. 


!" 


VE.MS   OCEA.MOUES.  31 

des  cyclones  appelés  typhons,  taï  fuuuy  ou  «  grands  venls  »,  dans  les  mers 
de  (lliinc.Ces  toui'billons  aériens,  qui  se  forment  généralement  dans  l'est, 
font  tournoyer  leurs  spires  en  se  portant  vers  l'ouest  ou  le  nord-ouest. 
Leur  force  est  d'ordinaire  plus  grande  dans  le  voisinage  de  la  terre  que  du 
côté  du  large  et  se  perd  rapidement  dans  la  direction  du  sud.  11  est  rare 
que  les  typhons  descendent  vers  les  régions  équatoriales  dans  les  paiagcs 
situés  au  midi  de  Luçon,  la  plus  grande  des  Philippines. 

En  dehors  des  iles  de  la  Sonde,  dans  le  libre  espace  qu'ulTiv  l'océan  des 
Indes  jusqu'aux  Mascareignes  et  à  .Madagascar,  les  venls,  moins  inllécliis 
dans  leur  marche  par  les  terres  riveraines,  reprennent  une  direction  beau- 
coup plus  régulière.  L'aire  des  venls  alizés  du  sud-est,  qui  occupe  la 
partie  de  la  mer  comprise  entre  l'.Vustralie,  Madagascar  et  l'équateur,  se 
déjilace  du  sud  au  noid  et  du  nord  au  sud,  suivant  l'alternance  des  sai- 
sitns  :  quand  le  soleil  éclaire  surtout  l'hémisphère  septentrional,  les  alizés 
fi'anchissent  l'équateur;  quand  il  revient  sur  l'hémisphère  du  sud,  l'aire 
des  venls  r(''glés  ne  dépasse  guère  que  le  5"  degré  de  latitude.  Mais  autour 
de  cette  partie  centrale  de  l'Océan,  où  le  vent  du  sud-est  souille  d'un  mou- 
vement égal,  s'arrondit  le  vaste  demi-cercle  des  terres,  de  l'Afrique  méri- 
dionale à  l'Australie,  bordé  d'une  zone  de  moussons  alternantes,  qui  se 
porlenl  vers  les  terres  pendant  la  saison  chaude  de  l'année,  puis  refluent 
vers  la  mer  pendant  la  saison  plus  froide.  Lu  aucune  partie  de  la  Terre 
les  moussons  n'ont  une  marche  aussi  bien  réglée  que  dans  les  parages 
septentrionaux  de  la  mer  des  Indes,  de  la  côte  des  Somal  à  Sumatra.  La 
mousson  du  sud-ouest,  qui  apporte  de  la  mer  les  orages  et  les  pluies, 
souffle  du  milieu  d'avi'il  au  milieu  de  septembre  dans  les  golfes  d'Oman  et 
du  liengale,  et  la  mousson  du  nord-est,  qui  est  en  réalité  le  vent  polaire, 
rc[ir('nil  l;i  prépondérance  du  milieu  d'octobre  au  milieu  de  mars;  le 
lialanci'uient  des  airs  est  d'une  n'gulai'ité  parfaite.  Dans  l'hémisphère 
méridional,  sur  les  côtes  de  l'AusIralie,  celies  de  Madagascar  cl  du  con- 
lincnl  alVicain,  le  rythme  des  vents  n'est  pas  aussi  précis  :  il  est  vrai  que 
le  ((inlraslc  cnlrc  lerre  et  mer  n'y  est  pas  aussi  nettement  tranché.  On  sait 
que,  lors  (In  rcnversenieul  des  uioussiins  cl  j)i'ndaul  1rs  chaleurs  estivales, 
le  coiillil  des  venls  di'lerniine  parfois  la  formation  de  cyclones  redoutables. 
(i'esl  principalement  dans  le  voisiragiMles  .Mascareignes  que  ces  ouragans 
s(Mil  le  plus  dangereux,  mais  ils  bouh'verseni  aussi  les  eaux  dans  le  golfe 
d'.\den  et  la  mer  du  Bengale. 

Extérieurement,  dans  la  direction  des  p('iles,  l'aire  "îles  alizés  est  bordée 
par  une  zone  de  vents  variables,  dont  la  résultante  prend  en  général  le 
sens  de  l'ouest  à  l'est.  L'océan  Indien,   fermé  du  côté  du  nord,  ne  peut 


52  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  IMVERSELLE. 

avoir  (ju'une  seule  ilo  ces  zones,  celle  du  sud,  comprise  eu  moyenne  entre 
le  '28*^  el  le  60^  degré  de  latitude,  tandis  que  le  Pacifique,  aussi  bien  que 
l'Atlanlique,  a  ses  deux  zones  de  vents  variables,  l'une  dans  l'hémisphère 
septentrional,  l'autre  dans  l'hémisphère  méridional,  qui  va  rejoiiulre  à 
l'ouest  celle  de  la  mer  des  Indes,  à  l'est  celle  de  l'Atlantique,  entourant 
ainsi  complètement  la  Terre.  La  découverte  de  ces  parages  océaniques  où 
dominent  les  vents  occidentaux,  c'est-à-dire  les  vents  de  retour  ou  contre- 
alizés,  a  été  d'une  importance  capitale  dans  l'histoire  de  l'exploration  du 
globe.  Urdanela,  guidé  par  sa  connaissance  des  vents  de  l'Atlantique,  apprit 
ainsi  à  diriger  les  navires  à  travers  le  Pacifique  vers  les  côtes  du  Nouveau 
Monde,  et  Cook,  dans  l'hémisphère  méridional,  put,  en  suivant  la  zone 
correspondante  des  vents  variables,  tenter  le  voyage  de  circumnavigation 
terrestre  en  sens  inverse  delà  voie  suivie  par  Magalhàes. 

Le  mouvement  des  eaux  répond  à  celui  des  airs  dans  le  grand  bassin  océa- 
nique, si  ce  n'est  que,  par  suite  de  sa  moindre  mobilité,  le  courant  maritime 
a  plus  de  constance  dans  sa  marche  que  le  courant  aérien  :  il  représente, 
pour  ainsi  dire,  le  volant  de  la  machine  immense.  Ces  déplacements  ryth- 
miques de  l'eau  à  travers  l'étendue  du  Pacifique  ont  eu  encore  plus  d'im- 
portance que  les  vents  dans  l'histoire  de  l'humanité,  car  si  les  alizés  et  les 
vents  de  retour  ont  facilité  aux  navigateurs  européens  la  traversée  de 
l'Océan  entre  l'Ancien  Monde  et  le  Nouveau  Monde  et  hàlé  ainsi  i'feuvre 
d'exploration  des  îles  océaniennes  et  des  terres  australes,  les  couiauts 
avaient  transporté  précédemment  des  esquifs  sans  voilure  ou  mal  gréés,  sur 
lesquels  étaient  aventurées  des  familles  d'éraigrants.  C'est  grâce  aux  cou-  ( 
rants  que  s'est  fait  le  peuplement  des  terres  :  de  proche  en  proche,  des  îles 
aux  îles  et  de  continent  à  continent,  la  race  iiumaine  s'est  ainsi  épandue 
sur  une  moitié  de  la  planète. 

Le  grand  courant  moteur  est  celui  qui  se  propage  dans  les  mers  équato- 
riales  dans  le  même  sens  que  la  marche  apparente  du  soleil,  des  côtes  du 
Nouveau  Monde  à  celles  de  la  Nouvelle-Guinée  et  des  Philippines.  La  masse 
liquide  qui  se  dirige  ainsi  de  l'est  à  l'ouest  n'a  pas  moins  de  5000  kilomè- 
tres en  largeur,  peut-être  davantage  en  moyenne,  puisqu'on  l'observe  par- 
fois du  !26''  degré  au  sud  de  l'équatenr  jusqu'au  24"  degré  au  nord,  mais 
avec  un  reflux  ou  une  zone  de  calmes  dans  sa  partie  médiane.  L'ensemble 
des  mers  équatoriales  se  meut  avec  une  vitesse  variable,  suivant  les  sai- 
sons et  les  parages,  de  50  à  60  kilomètres  par  jour,  sur  une  épaisseur  qui 
tlépasse  cerlainemen*  1500  mètres  dans  l'axe  du  courant.  El  cette  mer  en 
mouvement  parcourt  près  de  la  moitié  de  la  rondeur  planétaire!  Comparés 
à  ce  courant  océanique,  que  sont  les  fleuves  déversés  dans  la  mer  par  les 


CdlRANTS  DU   PACIFIUUE.  ôô 

régions  conliiieiiUilL's  :  son  ilél)il  par  seconde  est  d'an  moins  denx  kilo- 
mètres cubes,  soit  deux  mille  millions  de  mètres  cubes. 

Ce  courant  central,  tronc  de  la  ramure  de  courants  secondaires  qui  se 
développent  dans  le  reste  de  l'Océan,  donne  naissance  à  deux  grands  remous 
latéraux,  qui  occupent,  l'un  le  Pacifique  du  nord,  l'autre  l'Océan  du  sud. 
Pi'enant  la  même  direction  que  les  moussons  des  Carolines,  les  eaux  du 
courant  équalorial  obliquent  vers  le  nord-ouest,  dans  la  direction  du 
Japon,  puis,  arrivées  dans  le  voisinage  de  l'Empire  du  Levant,  elles  en 
longent  les  cùles  vers  le  nord-est,  et  sous  le  nom  de  Kouro-Sivo  ou 
«  Torrent  iS'oir  »,  se  déploient  en  une  immense  courbe  à  travers  la  nu'r; 
quoi(iu'elles  se  perdent  peu  à  peu  comme  coui'ant  proprement  dit,  elles 
s'écoulent  avec  lenteur  le  long  des  rivages  de  l'Amérique  Auglaise,  des 
États-Unis  et  de  la  basse  Californie,  pour  rentrer  enfin  dans  le  courant 
équatorial.  A  ce  grand  remous  des  eaux  dans  l'hémispbère  du  nord  en 
correspond  un  autre  dans  l'hémisphère  du  sud.  Des  nappes  liquides, 
s'épanchanl  au  sud  des  mers  équatoriales,  passent  à  l'est  et  à  l'ouest 
de  la  Nouvelle-Zélande,  puis  se  reploient  au  sud  dans  les  mers  australes, 
et  par  une  courbe  symétrique  à  celle  du  Kouro-Sivo  vont  rejoindre  à 
l'ouest  du  Chili  un  courant  littoral  qui  longe  la  côte  américaine  et,  par 
le  travers  des  Galapagos,  reprend  son  voyage  de  l'est  à  l'ouest  dans  le 
courant  équatorial.  Dans  l'océan  Indien  se  produit  un  remous  analogue.  Les 
eaux  de  la  zone  chaude  s'y  meuvent  aussi  d'une  marche  lente  dans  la  direc- 
tion de  l'ouest  et  se  divisent  autour  de  Madagascar  en  un  double  cou- 
rant qui  se  porte  vers  le  sud;  puis,  dans  les  parages  anlarctii|ues,  elles 
s'unissent  à  un  courant  de  retour  qui,  après  avoir  longé  la  côte  occidentale 
de  l'Australie,  rejoint  les  eaux  équatoriales. 

D'ailleurs  ces  trois  vastes  remous,  analogues  dans  leurs  traits  généraux. 
olTrent  de  singulières  diversités  dans  leurs  détails,  suivant  la  marche  des 
vents,  la  profondeur  des  mei's,  la  forme  et  l'orientation  dos  teri'es  avoisi- 
nantes.  En  maints  endroits  les  eaux  lentes  précipitent  leur  mouvement  et 
dans  le  sein  de  la  mer  se  forme  comme  un  lleuve,  dont  l'eau  se  distingue 
des  eaux  riveraines  par  la  nuance  aussi  bien  que  par  la  vitesse  :  la  friction 
contre  ses  rivages  liquides  le  fait  osciller  en  vagues  courtes  comme  celles 
d'un  rapide  fluvial  et  la  rencontre  de  flots  différant  par  la  température 
donne  naissance  à  des  brouillards  qui  l'ampent  au  loin  sur  la  mer  :  ce  sont 
là  des  phénomènes  qu'on  observe  principalement  sur  le  a  Torrent  Noir  » 
du  Japon  et  sur  son  prolongement  à  travers  le  Pacifique  du  nord.  En 
outre,  chaque  remous  a  ses  franges  latérales  de  courants  tertiaires  qui 
pénètrent  dans  les  golfes  et  les  détroits  ;  enfin   chacun  a  ses  affluents,  les 


54  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  U.MVERSELLE. 

courants  d'eau  froide  que  lui  envoient  les  mers  polaires.  Un  échange  inces- 
sant se  fait  entre  les  eaux  tièdesdes  régions  équaloriales  et  les  eaux  à  basse 
température  des  zones  de  glace.  Un  mouvement  général  emporte  les  eaux 
polaires  dans  la  direction  de  l'équateur  pour  compenser  les  pertes  causées 
par  l'évaporation  sous  les  latitudes  tropicales,  et  suivant  les  courants 
aériens,  la  forme  du  lit  et  des  rivages,  ce  déplacement  collectif  des  masses 
liquides  se  décompose  en  courants  partiels  d'un  cours  plus  rapide,  dont 
les  uns  passent  à  côté  et  en  sens  inverse  des  courants  venus  de  l'équa- 
teur, tandis  que  les  autres  se  glissent  en  dessous  pour  continuer  leur 
marche  dans  les  profondeurs. 

11  semblerait  au  premier  abord  que  tous  les  courants  polaires,  de  lem- 
péi'alure  plus  froide  que  les  courants  équaloriaux  et  par  conséquent  d'une 
plus  grande  densité  relative,  devraient  toujours,  en  se  rencontrant  avec  des 
eaux  tièdes,  plonger  au-dessous  pour  couler  sous-marinement;  toutefois 
telles  nappes  d'eau  froide,  beaucoup  moins  salines  que  celles  d'une  plus 
haute  température,  soit  à  cause  d'une  moindre  évaporalion,  soit  par  suite 
de  leur  mélange  avec  les  eaux  fondues  des  montagnes  de  glace,  sont  d'une 
légèreté  supérieure  à  celle  des  eaux  ambiantes  et  glissent  par  conséquent 
à  la  surface  de  la  mer.  Les  physiciens  qui  explorent  les  profondeurs  de 
l'Océan  cherchent  à  deviner  la  marche  des  courants  et  des  contre-courants 
superposés  en  constatant  la  température  des  eaux  à  des  distances  fixes  sur 
la  ligne  de  sonde.  C'est  là  un  travail  des  plus  délicats  et  l'interprétation  des 
phénomènes  observés  est  parfois  très  difficile  ;  mais  par  la  comparaison  des 
sondages  on  arrive  peu  à  peu  à  suivre  la  marche  des  eaux  dans  les  abîmes. 
On  sait  quelle  est  la  succession  normale  des  températures  de  la  suifacc  de 
la  mer  jus([u'au  fond  du  lit  :  tandis  que  la  couche  superficielle,  en  contact 
avec  l'atmosphère,  présente  une  température  qui  diffère  peu  de  celle  de 
l'isotherme!  du  lieu,  l'eau  du  fond  se  trouve  à  peine  au-dessus  du  point  de 
glace,  et  l'espace  intermédiaire  olfre  en  général  une  gradation  régulière 
dans  le  refioidissement  des  couches  liquides.  Toute  anomalie  dans  cette 
gradation,  tout  saut  bruscjue  dans  les  indications  du  baromètre  enregis- 
treur, indiquent  le  passage  d'un  courant  dans  les  profondeurs.  C'est  ainsi 
que  dans  les  mers  australes,  entre  le  66"  et  le  5i'  degré  de  latitude,  l'ordre  de 
succession  des  températures  est  modifié  dans  la  profondeur  des  eaux  par 
le  voisinage  des  glaces.  De  150  à  350  mè'Ires  au-dessous  de  la  surface,  une 
couche  d'eau  plus  froide  s'intercale  entre  les  eaux  superficielles  que 
récliaulTc  le  soleil  d'éli'  et  les  eaux  à  [eni[)érature  normalement  décrois- 
sante qui  occupent  l'abime  inférieur.  Celte  couche  d'eau  froide,  qui  se 
maintient  à  peine  au-dessus  du  point  de  congélation,  de  zéro  à  —  '2  de- 


COURANTS  DU  PACIFIQUE,  GLACES  ANTARCTIQUES.  35 

grés,  doit  éviilemmont  sa  basse  température  à  la  fusion  des  énormes 
îles  de  glace  flottante,  dont  presque  toute  la  masse  est  baignée  par  l'onde 
marine. 

Parmi  les  courants  spéciaux  ijue  forme  l'eau  froide  venue  soil  des 
pôles,  soit  des  profondeurs',  le  plus  remarquable  par  sou  influence  sur  le 
climat  des  côtes  riveraines  est  celui  qui  longe  le  rivage  occidental  de  l'A- 
mérique du  Sud  :  c'est  le  courant  dit  de  Ilumboldt  ou  du  Pérou,  plus  frt)id 
de  1 1  à  12  degrés  que  l'eau  des  mers  avoisinantes.  Dans  l'hémisphère  du 
nord,  des  eaux  de  basse  température  suivent  aussi  les  côtes  de  l'Amérique 
du  Nord  pour  aller  se  mélanger  avec  les  flots  des  mers  équatoriales.  Une 
faible  partie  de  ce.courant  froid  a  pu  croiser,  dans  le  détroit  de  Bering, 
une  branche  du  courant  tiède  qui  se  porte  vers  les  mers  arctiques,  mais 
la  grande  masse  de  l'eau  froide  qui  descend  vers  le  sud  provient  des  mers 
d'Alaska  et  des  autres  golfes  du  Pacifique  septentrional.  Partout  les  eaux 
marines  sont  animées  d'un  mouvement  de  translation,  et  c'est  ainsi  que 
les  effluves  du  sud  sont  apportés  vers  le  nord,  avec  la  faune  et  la  flore  cor- 
respondantes, et  que  les  régions  des  chaleurs  des  régions  tropicales  sont 
tempérées  par  la  proximité  des  eaux  froides.  Les  climats  des  deux  zones 
différentes  se  mêlent  en  un  climat  nouveau,  grâce  aux  courants  qui  s'en- 
tremêlent ou  se  côtoient  en  sens  inverse,  car  à  chaque  déplacement  de  l'eau 
répond  un  déplacement  contraire.  Même  le  grand  courant  équatorial  a  son 
contre-courant,  qui  correspond  à  la  zone  aérienne  des  calmes  et  se  porte, 
surtout  durant  les  mois  de  juin  à  octobre,  dans  la  direction  de  l'ouest 
à  l'est,  de  la  Nouvelle-Guinée  à  l'Ecuador.  C'est  précisément  dans  l'axe  du 
courant  équatorial,  mais  surtout  au  sud  de  la  «  ligne  »,  que  se  produit 
ce  mouvement  de  l'eflux  au  mouvement  général  des  eaux  océaniques  :  sa 
largeur  est  évaluée  à  5(30  kilomètres  en  moyenne,  mais  il  est  assez  irrégu- 
lier dans  sa  marche  et  s'épanche  en  maints  endroits  en  remous  latéraux. 
L'océan  Indien  offre  également  un  contre-courant  équatorial,  longeant  du 
côté  du  nord  le  courant  qui  emporte  les  eaux  dans  la  direction  de  l'occi- 
dent. Les  elhnologistes  donnent  la  plus  haute  valeur  dans  l'histoire  des 
migrations  à  ces  courants  et  contre-courants  parallèles  qui  portent  et  ra- 
mènent les  peuples  d'un  continent  h  l'autre. 

Au  sud  de  l'Océan,  sur  le  pourtour  de  la  calotte  antarctique,  les  abords 
des  terres  sont  défendus  par  des  banquises  continues,  qui  se  déplacent,  se 
creusent  en  golfes,  s'allongent  en  promontoires,  s'ouvrent  çà  et  là  en 
étroits  passages  où  les  navires   ne  peuvent   s'aventurer  qu'avec  précau- 

'  OHo  Kriiimncl,  Hiindburh  (1er  0:,eaiioyrai)liic,  Raïul  II. 


.')«  NUUVKLLE  GKOGKAI'IIIE   UNIVERSELLE. 

lion.  Haute  do  5  à  4  inèlres  en  moyenne,  mais  parsemée  de  «  bourgui- 
gnons »  inégaux  qui  ressemblent  à  des  blocs  erratiques,  la  banquise  n'est 
plus  un  obstacle  invincible  pour  les  marins  qui  disposent  des  puissantes 
ressources  de  la  mécanique  moderne  et  dont  les  bâtiments  sont  construits 
de  manière  à  résister  au  choc  des  glaçons.  Au  delà  de  celte  avant- 
garde  mobile  s'étendent  des  espaces  libres,  oij  ilottent  de  grandes  mon- 
tagnes de  glace,  entourées  d'un  cortège  de  blocs.  Les  navigateurs  qui  se 
sont  approchés  de  l'Antarctide,  dans  le  voisinage  du  cercle  polaire  ou 
môme  par  delà  le  70°  degré  de  latitude,  ont  remarqué  que  ces  montagnes, 


N'*  9.  —  i;vNorf>E  siivit;  I'ar  dimum  d  urville. 


Qapr-èi   Dumont   d'U 


entraînées  par  le  courant  dans  la  direction  du  nord,  dii'fèrenl  par  la  forme 
et  par  l'origine.  Les  unes,  celles  qui  proviennent  ties  glaciers  à  versant 
rapide,  serpentant  dans  les  vallées  des  montagnes,  sont  très  diverses  de 
])vnïi\  cl  d'aspect  :  suivant  les  lignes  de  la  fracture  et  le  mouvement  de 
bascule  qui  les  a  fait  chavirer  dans  l'eau,  une  fois  détachées  de  la  masse 
qui  reste  encore  adhérente  à  la  roche  solide,  elles  dressent  au-dessus  de 
la  mer  soit  des  sommets  en  coupoles,  soit  des  pointes  ou  des  aiguilles. 
Les  autres,  qui  d'ordinaire  sont  d'énormes  dimensions,  se  présentent  sous 
la  forme  de  blocs  rectangulaires  et  leur  face  supéricui-e  est  presque  unie. 
Ces  masses  flottantes  se  sont  détachées  de  la  <<  barrière  de  glace  »  qui  longe 
à  une  distance  inégale  les  parties  non  montueuses  des  côtes.  Même  en  été 


GLACES  AN'TARCTIHLES  37 

ces  banf|iiises  ne  fondent  point.  Pendant  Irois  saisons  estivales,  en  1S41, 
ISi^  et  1843,  Ross  ne  vit  qne  dix-huit 'fois  la  température  s'élever  au- 
dessus  du  point  de  glace,  et  alors  à  moins  de  2  degrés  seulement  ;  quelques 
glaçons  étaient  frangés  de  stalactites  transparentes,  et  Ross  se  demandait 
comment  elles  avaient  pu  se  former,  puisqu'il  n'avait  point  vu  se  fondre 
la  glace'. 

Autant  que  les  rares  observations  faites  jusqu'à  ce  jour  permettent  d'en 
juger,  les  barrières  de  glace,  d'une  hauteur  moyenne  de  50  à  55  mètres 
au-dessus  des  flots  qui  viennent  en  heurter  la  base,  ne  sont  autre  chose 
que  la  glace  de  terre  lentement  poussée  vers  la  mer  par  la  pression  des 
masses  plus  ou  moins  inclinées  qui  recouvrent  l'intérieur  du  continent. 
Grâce  à  leur  poids  spécifique,  elles  s'avancent  bien  en  dehors  de  la  côte, 
même  à  la  distance  de  "20  et  50  kilomètres,  en  continuant  d'adhérer 
au  fond  rocheux.  Ross,  sondant  les  eaux  dans  le  voisinage  de  la  barrière, 
trouva  pour  le  lit  marin  une  profondeur  de  475  mètres;  or  c'est  préci- 
sément à  cette  profondeur  que  des  glaces  émergeant  de  50  à  60  mètres 
doivent  «  perdre  pied  >•>,  pour  ainsi  dire,  et  commencer  à  flotter  libre- 
ment dans  l'eau.  En  effet,  le  poids  des  glaçons  comparé  à  celui  de  l'eau 
marine  étant  des  neuf  dixièmes  environ,  les  neuf  dixièmes  de  leur  volume 
plongent  dans  le  liquide;  mais  la  masse  étant  en  général  plus  large 
par  la  base  que  par  la  cime,  la  profondeur  des  parois  immergées  doit 
être  évaluée  au  septuple  ou  à  l'ocluple  de  la  hauteur  des  falaises  exposées 
à  l'air  libre*. 

Une  fois  séparée  du  tronc  des  glaces  continentales  par  quelque  grande 
cassure  rectiligne,  la  colossale  épave  commence  son  voyage  vers  les  mers 
équatoriales.  Tel  bloc  présente  une  muraille  régulière  de  8  à  10  kilo- 
mètres de  long  et  creusée  à  sa  base  de  portes  cintrées:  on  dirait  un  front 
de  cité  cheminant  sur  les  eaux,  parfois  étincelant  au  soleil,  mais  le  plus 
souvent  vaporeux,  comme  une  ombre  évoquée  par  l'imagination.  De  près, 
la  montagne  apparaît  formidable  :  de  puissants  bastions  se  dressent  en 
avant  de  la  masse;  des  redans  où  viennent  s'engouffrer  les  vagues  se 
creusent  entre  les  tours  ;  des  corniches  surplombantes  laissent  pendre  du 
sommet  leurs  draperies  de  neige.  La  falaise  de  glace  qui  se  montrait  de 
loin  comme  un  plan  uni,  d'une  couleur  égale  et  terne,  se  révèle  avec 
mille  variétés  de  contours  et  de  nuances  ;  les  lignes  de  séparation  des  assises 
neigeuses,  transformées  en  cristal  par  la  pression  et  le  temps,  se  succè- 


•  Raizel,  Yerhandluiujcn  des  fuiifUm  Dculschcii  Geoijraphi'ntags  zu  lldinhurcj,  1885. 
'  Murray,  Scottish  Geoyraphkal  Mayazine,  September  1800. 


38  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

(lent  parallèleinenl  dans  toute  l'épaisseur  de  la  paroi,  de  plus  en  plus  rap- 
l)rochées  en  proportion  du  poid^5  surincombanl,  et  çà  et  là  infléchies  en 
courbes  serpentines  ou  coupées  de  brusques  fissures.  Les  parties  sail- 
lantes sont  éclatantes  de  blanchenr,  les  ombres  sont  bleues,  et  chaque 
pente,  chaque  trou  de  la  glace  est  du  plus  bel  azur;  la  nuit  on  voit  luire 
la  montagne  flottante  d'une  vague  phosphorescence.  Entraînée  par  le  cou- 
rant, elle  se  meut  avec  lenteur,  constamment  battue  des  vagues  qui  vien- 
nent se  briser  sur  elle  comme  sur  un  écueil;  des  cavernes  s'y  ouvrent  : 
les  équipages  des  navires  rapprochés  des  glaciers  mouvants  entendent  le 
tonnerre  continu  des  flots  qui  se  poursuivent  dans  les  grottes  et  se  heurtent 
contre  les  parois.,  A  la  longue  les  colonnes  de  soutènement  s'écroulent,  les 
arches  s'effondrent  et  les  fragments  basculés  des  montagnes  cristallines 
perdent  ce  caractère  tabulaire  qu'offrent  la  plupart  dos  glaces  de  l'Océan 
du  sud,  comparées  à  celles  des*  mers  boréales.  Graduellement  rapetisses, 
les  débris  flottent  en  longs  convois  et  parmi  ces  glaçons  on  ne  reconnaît 
plus  ce  qui  fut  banquise  ou  glace  de  terre. 

Suivant  la  quantité  des  apports  et  la  vitesse  des  courants,  les  restes 
des  banquises  s'avancent  plus  ou  moins  loin  dans  l'Océan;  en  moyenne 
ils  ne  dépassent  guère  le  55"  degré  de  latitude,  mais  on  les  a  maintes 
fois  rencontrés  beaucoup  plus  au  nord,  notamment  à  l'ouest  de  la  Nouvelle- 
Zélande  et  dans  rAtlanli(|ue  austral  ;  on  les  a  vus  jusqu'à  Tristào  da 
(^unha  et  au  large  du  cap  de  Bonne-Kspérance,  à  5i  degrés  de  latitude; 
en  moyenne,  les  glaces  du  pôle  antarctique  sont  charriées  à  400  kilomètres 
plus  avant  vers  l'équaleur  que  celles  du  pôle  arctique.  Le  bloc  de  glace  le 
])lus  élevé  que  l'on  ait  aperçu  du  navire  le  ChaUcwjer  avait  de  75  à  76 
mètres  de  hauteur.  Cuok  en  vit  ipii  se  dressaient  à  |)lus  de  100  mètres 
et  Wilkes  en  aurait  mesuré  qui  étaient  encore  su[)érieurs  d'un  tiers  en 
altitude.  En  moyenne  les  blocs  ont  de  450  à  900  mètres  en  largeur. 
Aucun  d(;  ceux  qu'observèrent  les  naturalistes  du  Clidlloujcr  ne  contenait 
de  roches  détachées  de  parois  rocheuses  des  montagnes;  mais  Ross,  Du- 
mont  d'Urville  et  d'autres  ex|)loraleui's  en  ont  vu  de  nombreux  exemples. 
\n  dessin  de  John  Mac  Nab,  qui  accompagnait  Balleny  dans  son  expé- 
dition de  1859,  représente  une  de  ces  montagnes  flottantes  portant  un 
rocher  noir  entre  deux  pinces  de  cristal'.  Un  aulic  puissant  bloc  de  glace 
vu  par  Wedilell  était  tellement  couvert  de  terre  noirâtre,  (|u'à  dislance  on 
l'eût  certaiiu'ment  pris  pour  un  rocher'. 

'  Jonnitil  <if  llic  H.  (jco(irni)liic(il  Socielij.  vol.  1\,  IS.J'J;  —  Dumoiit  d'Urville,  Yuijiiye  au  Pôle 
Sud  et  dans  l'Océaiiie. 

2  Weddcll,  A  Voyaye  lowaids  llw  Suiiili  l'uli: 


I  ^ 


CLACES  ANTARCTIQUES,  CUAINES  DE   VOLCANS.  41 

Ainsi  les  glaces  contribuent  pour  une  certaine  part  aux  changements  de 
forme  des  continents,  puisqu'elles  enlèvent  des  terres  à  l'Antarctide  pour 
aller  les  porter  aux  îles  éparses  dans  l'Océan  à  des  centaines  ou  milliers 
de  kilomètres,  ou  pour  les  déposer  sur  des  fonds  marins  que  les  alluvions 
élèvent  peu  à  peu  et  qui  aflleureroiit  peut-être  un  jour  pour  foimer  de 
nouveaux  récifs.  Mais  il  est  aussi  d'autres  forces  à  l'œuvre  pour  modilier 
les  contours  des  terres  dans  l'Océan  et  tantôt  les  agrandir,  tantôt  en  dimi- 
nuer l'étendue.  Les  recherches  des  naturalistes  ont  démontré  que  pen- 
dant la  série  des  âges  ces  forces  ont  opéré  des  changements  considé- 
rables dans  la  géographie  océanienne.  Ces  grands  agents  de  transforma- 
tion sont  principalement  les  foyers  de  gaz  et  de  matières  fondues  qui 
ébranlent  le  fond  marin,  puis  le  brisent  pour  rejeter  au  dehors  des  mon- 
tagnes de  débris,  et  les  polypiers  «  bâtisseurs  d'iles  ^  qui  j)arsèment  la 
mer  de  leurs  constructions  merveilleuses. 

Les  volcans  sont  beaucoup  plus  nombreux  et  plus  actifs  dans  le  bassin 
du  Pacifique  et  sur  les  bords  intérieurs  des  continents  que  sur  les  rivages 
opposés  de  l'Ancien  Monde  et  du  Nouveau,  baignés  par  l'Atlantiiiue.  (jue 
sont  les  Açores,  les  Canaries  et  les  Caboverdiennes,  les  volcans  de  l'Islande 
et  ceux  des  Antilles,  en  comparaison  du  «  cercle  de  feu  »  inscrit  dans 
l'hémicycle  immense  formé  par  les  rivages  des  continents,  du  cap  de 
Bonne-Espérance  au  ca[)  Ilooru?  C'est  par  centaines  que  l'on  comj)le  les 
monts  à  cratères  dans  cet  anneau  volcanique  d'environ  55  000  kilomètres 
qui  se  développe  de  l'ile  septentrionale  de  la  Nouvelle-Zélande  aux  volcans 
méridionaux  du  Chili.  Dans  cet  anneau,  la  série  des  montagnes  brùlanles, 
çà  et  là  interrompue  par  de  larges  brèclies,  notamment  au  nord  de 
la  Nouvelle-Zélande,  comprend  les  bouches  de  volcans  ouvertes  dans  les 
Nouvelles-Hébrides,  les  archipels  de  Santa-Cruz  et  des  Salomon,  les  chaînes 
des  Philippines,  celles  du  Jaj)on,  où  Milne  compte  120  volcans,  dont  ao 
actifs,  l'archipel  des  Kouriles,  avec  ses  10  i)u\eilures,  et  les  oi  cônes,  dont 
10  encore  fumants,  des  îles  Aléoutiennes.  Par  la  péninsule  d'Alaska,  la 
chaîne  des  volcans  se  rattache  à  ceux  de  la  côte  occidentale  du  Nouveau 
Monde.  D'ailleurs  l'anneau  volcanique  ne  lînit  pas  avec  la  pointe  de  l'Amé- 
rique, puisque  les  terres  polaires  situées  au  sud  ont  aussi  leurs  bouches 
d'éruption,  entre  autres  le  Bridgeman,  dont  les  scories  rouges  laissent 
incessamment  échapper  la  fumée,  et  plus  à  l'ouest,  dans  le  groupe  des 
New-Shetland,  le  cratère  ébréché  de  l'île  Déception,  avec  son  havre  circu- 
laire de  50  kilomètres  de  tour  et  de  177  mètres  de  profondeur',  dont  les 

'  KenAiû,  Journal  uf  Ike  R.  Gcotjidpliical  Sociclij,  ISÔl. 

XIV.  6 


42  NOUVELLE  CÉOGIi AI'HIE   IM VEKSELI.E. 

parois,  composées  de  couches  alleriianles  de  cendres  el  de  glace,  déverseiil 
des  luisselets  d'eau  thermale.  Enfin  un  arc  de  cei'cle  passant  au  pôle  aus- 
tral rattache  ce  foyer  aux  trois  hauts  volcans  Erebus,  Terror,  Melliourne, 
dont  le  premier  éclaire  de  ses  feux  la  morne  étendue  des  neiges.  De  ces 
géants  aux  monts  de  la  iSouvelle-Zélande  se  succèdent  des  promontoires 
et  des  iles  au  moins  en  partie  formés  de  laves. 

En  dedans  du  cercle  de  feu  se  trouvent  d'autres  jioinls  faibles  du  lit 
maritime  qui  se  sont  tissures  pour  laisser  passer  des  monts  de  scories  ou 
de  cendres,  et  la  plupart  de  ces  éruptions  se  sont  produites  suivant  de 
longues  lignes  de  fracture,  pour  la  })luparl  parallèles  et  disposées  en  arcs. 
Les  Mariannes,  les  Tonga,  Samoa,  ont  leurs  volcans,  et  vers  le  cenire  de  la 
circonférence  formée  par  les  montagnes  brûlantes  du  l'acifique  septentrio- 
nal se  dressent  les  hauts  sommets  de  l'archipel  Ilavaiicn,  percés  de  cratères. 
En  dehors  du  cercle,  vers  l'océan  Indien,  une  puissante  chaîne  volcanique, 
commençant  à  l'ouest  de  la  Nouvelle-Guinée,  comprend  une  traînée  d'îles 
au  nord  de  Timor,  Flores,  Soembawa,  Lombok,  Bali,  jiuis  la  longue  terre 
de  Java  avec  ses  45  cônes  d'éruption,  dont  28  encore  en  activité.  A  l'ex- 
trémité occidentale  de  cette  île,  la  rangée  des  volcans  ne  se  continue  plus 
en  ligne  droite  :  une  antre  lissure  de  la  Terre  coupe  suivant  un  angle 
brus(pie  l'axe  de  fracture  javanais,  et  dans  la  direction  du  nord-ouest  s'a- 
ligiieiit  les  07  volcans  de  Suuiali'a,  dont  il  ne  reste  que  o  en  travail.  Au 
delà  s'étend  la  vaste  étendue  sans  îles  de  l'océan  Indien,  mais  dans  le  voi- 
sinage de  Madagascar  s'élèvent  les  volcans  insulaires  des  Mascareignes  et 
la  «  marmite  »  de  Comore  ;  la  grande  île  elle-même  est  parsemée  de  vol- 
cans éteints  pai' centaines.  Dans  les  mers  australes,  où  flottent  les  restes 
des  glaces  anlaicliques,  sont  éparses  d'autres  montagnes  de  laves  exondées: 
telles  Saint-Paul  el  Amsterdam. 

Entre  tous  les  points  frémissants  de  la  surface  terrestre  il  en  est  où 
les  changements  géologiques  provenant  (réiuplions.  de  pluies  de  cendres, 
de  tremblements,  sont  fort  considérables,  du  moins  aux  yeux  des  hommes 
qui  vivent  dans  les  régions  atteintes  par  les  secousses  ou  recouvertes  par  les 
débris.  La  Nouvelle-Zélande,  les  îles  de  la  Sonde,  le  Japon,  les  Kouriles, 
l'archipel  Ilavaiien  sont  au  nombre  de  ces  contrées  dont  l'aspect  s'est 
modifié  aux  alentours  des  volcans  pendant  la  période  liist(ui(jue,  et 
peut-être  le  foyer  le  plus  actif  de  toute  la  surface  planétaire  se  trouve- 
t-il  dans  le  détroit  de  la  Sonde,  précisément  à  l'endroit  où  se  cou- 
pent les  deux  axes  volcanii|ues  de  Sumatra  et  de  Java,  au  boitl  du  seuil 
sous-mariu  qui  sépare  le  j)lateau  de  la  Sonde  et  les  ])rofonds  abîmes  de 
l'océan  Indien.  C'est  là  que  gît  cette  île  fameuse  de  Krakatau,  qui  pei'dit 


VOLCANS   ET   CORAUX.  « 

les  deux  tiers  de  son  étendue  pendant  l'éruplion  dt^  188Ô,  aiors  que 
d'autres  îles  surgissaient  du  fond  de  la  nier  ot  que  l'atmosphère  s'em- 
plissait de  eendros,  li'ansporlées  par  les  vents  sur  loule  la  rondeur  du 
globe. 

Les  changements  opérés  j)ar  les  coraux  se  font  avec  plus  de  lenteur,  sans 


10.    VOI.CA 


111-    PACTFini  E. 


brusques  convulsions,  mais  ils  n'en  sont  que  plus  considérables  :  dans 
le  seul  Pacifique,  Dana  énumère  290  îles  coralligènes,  occupant  un  espace 
de  49 200  kilomètres  carrés  avec  les  lagons  qu'elles  enlermont',  et  si  l'on 
comptait  en  outre  les  espaces  assez  grands  pour  donner  place  à  un  village 
ou  à  un  bouquet  de  cocotiers,  c'est  à  des  milliers  et  des  milliers  que,  dans 
la  mer  des  Indes  et  le  Pacifique,   surtout  dans   la  partie  orientale  de  cet 


James  D.  Dana,  IniU-il  Slalcs  E.iplorimj  EspciIiHon.  vol.  X. 


41  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  l'NIVERSELLE. 

océan,  il  faudrail  évaluer  les  terres  élevées,  îles  ou  îlols  bàlis  par  les  jioly]K's 
conslriicleurs.  Les  travaux  de  ces  zoophytes  ne  peuvent  se  faii'e  dans  les 
eaux  dont  la  température  est  moindre  en  hiver  de  20  degrés  centigrades; 
mais  la  zone  où  les  animalcules  trouvent  les  conditions  de  chaleur  néces- 
saire offre  sur  les  deux  côtés  de  l'équaleur  une  largeur  varialile,  ayant  en 
certains  endroits  plus  de  GOOO  kilomètres.  Partout,  dans  cet  espace 
immense,  les  colonies  des  polypiers  peuvent  se  fonder  sur  les  rivages  et  les 
bas-fonds  recouverts  par  une  épaisseur  d'eau  moindre  de  40  à  45  mètres, 
et  en  certaines  conditions  de  90  à  100  mètres'.  Seulement  les  coraux 
ne  vivent  point  dans  un  flot  ti'op  chargé  d'alluvions  :  les  bouches  des 
rivières  interrompent  les  murailles  des  récifs  par  leurs  ajjports.  Le  trop 
rapide  escarpement  des  falaises  empêche  aussi  les  animalcules  bâtis- 
seurs de  prendre  pied,  et  quelques  rivages  que  l'on  s'attendrait  à  voir 
formés  de  corail  «  vivant  «  ne  se  composent  que  de  grèves  «  mortes  », 
peut-être  par  suite  des  remous  trop  violents  qui  poussent  sur  la  rive  des 
eaux  profondes  et  froides  :  c'est  ainsi  que  s'expliquerait  le  manque  de  coraux 
sur  une  grande  partie  de  l'aride  et  brûlante  côte  des  Somal. 

Mais,  sauf  ces  quelques  interruptions,  les  récifs  bordent  ou  entourent 
les  côtes  et  le*  îles  de  la  zone  équaloriale.  Nombreuses  sont  les  espèces 
do  polypes  qui  travaillent  à  la  construction  de  ces  rivages  extérieurs  :  ma- 
drépores, porites,  astréacés;  il  est  encore  d'autres  genres  d'animalcules, 
différents  des  zoophytes,  qui  sécrètent  du  calcaire  et  travaillent  ainsi  à 
l'extension  de  la  terre  ferme;  enfin  il  est  des  algues,  les  nuilipores  et  les 
corallines,  les  uns  qui  se  déposent  en  croûte  solide  sur  les  rochers  à  la 
façon  des  lichens,  les  autres  qui  s'agglutinent  en  dépôts  sur  les  plages". 
S'exhaussanl  peu  à  peu  par  la  pélrilicalion  des  générations  disparues,  les 
récifs  fleurissent  en  générations  nouvelles,  qui  s'agitent  à  la  surface,  puis 
s'empiei'rent  à  leur  tour.  La  croissance  de  ces  rochers  vivants  se  fait  en 
moyenne  avec  une  grande  lenteur,  d'un  mètre  au  plus  pendant  deux  ou 
trois  siècles,  mais  le  champ  d'œuvre  est  l'immensité  des  mers  et  le  résultat 
annuel  représente  des  centaines  de  millions  de  mètres  cubes  par  an 
ajoutés  par  les  zoophytes  à  la  solide  ossature  du  globe.  Même  des  îles 
situées  dans  une  aire  de  dépression  et  s'abaissant  lentement  par  rapport  à 
la  mer  environnante  peuvent  être  frangées  d'une  ceinture  de  récifs  crois- 
sant d'un  mouvement  plus  ra])i(le  et  s'élevant  ainsi  peu  à  peu  au-dessus 
de  la  surface  des  eaux.  C'est  d'ordinaire  sur  le  bord  extérieur  des  édi- 


'  (iiippy,  Scoltisli  Geoyrapliic/d  Mayazine,  Mardi  1888. 

*  Dana,  Coruls  and  Corid-Islaiids  ;  —  A.  de  Lapparent,  Traité  de  Géoloijh 


CORAUX  DES  MERS  ÉQL'ATORIALES.  Ah 

ficos  (lo  corail,  aux  endroits  balliis  avec  le  plus  de  fureur  par  la  va^ue, 
que  les  polypes  prospèrent  et  que  leurs  constructions  atteignent  le  plus 
rapidement  le  niveau  des  marées.  L'exhaussement  du  liane  de  corail  au- 
dessus  de  la  mer  et  sa  li'ansformation  en  île  ou  en  rivage  continental  est 
le  l'ail  (les  tempêtes  :  des  blocs  rompus  de  la  ceinture  de  corail  sont  em- 
pilés en  écueils;  d'autres  fragments  consolident  ces  roches  émergées,  puis 
la  vague  et  le  vent  y  apportent  des  semences;  l'oiseau  de  mer  y  fait  son  nid, 
et  sur  la  nouvelle  plage  que  dépose  le  Ilot  et  que  la  lirise  redresse  eu  dune 
verdoient  les  herbes  et  les  arbustes. 

La  forme  et  l'aspect  des  coraux  émergés  diffèrent  suivant  les  parages  où 


11.    ZONE    DES    ILES    CORALLICENES 


130° 

Mér.dlen  del80°de  Pa 

-.s 

130" 

30' 

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30° 

» 

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20° 

-:  /'^^saea 

30' 

t.      -<?% 

/V^-'C^t/ét^oms 

/fTÙi/ai 

*'     • 

Méridien  de   180°  Greenwich 


Barrières  de  récifs. 

I    ;    120  000  (100 


Terres  exliaussêes. 


I(;s  ont  construits  les  zoophyLes.  Les  moins  remanjuables  sont  les  récifs 
eôliers  qui  frangent  les  rivages  des  continents  ou  des  îles,  en  s'appuyanl 
sur  les  roches  ou  les  grèves;  mais  en  beaucoup  d'endroits  les  récifs  ne  tou- 
chent pas  la  côte  autour  de  laquelle  ils  se  sont  élevés;  ils  se  dressent  en 
hai'rière  à  une  certaine  distance  du  littoral,  laissant  un  chenal  navigable 
ou  du  moins  une  nappe  liquide  entre  leur  bord  intérieur  et  la  terre  ferme. 
11  esl  de  ces  barrières  qui  se  prolongent  au  large  de  la  côte  sur  des  cen- 
taines et  même,  comme  la  «  Grande  Barrière  »  de  l'Australie,  sur  plus 
de  2000  kilomètres  :  d'autres,  comme  le  récif  annulaire  de  la  Nouvelle- 
Calédonie,  entourent  complètement  l'île  qui  leur  sert  de  noyau;  (pi'un 
léger  soulèvement  se  produisît,  l'espace  médiaire  entre  l'île  et  l'anneau  se 


46  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

trouverait  à  sec  et  la  terre  émergée  serait  doublée  d'éleudue.  Kulin,  il  est 
des  milliers  d'îles  qui  n'ont  pas  do  noyau  central  cl  (|ui  se  composent 
d'un  anneau,  complet  ou  seulement  fragmentaire,  enfermant  une  lagune 
intérieure  encore  en  communication  avec  la  mer  ou  bien  séparée  de  l'Océan, 
et  colmatée  peu  à  peu  par  les  sables  et  les  débris  d'animalcules;  il  est 
même  de  ces  lagunes  qui  se  sont  transformées  en  bassins  d'eau  douce, 
grâce  à  leur  renouvellement  graduel  par  les  pluies.  Ces  récifs  annulaires 
sont  les  atolls,  ainsi  nommés  d'après  ceux  des  Maldives,  les  plus  réguliè- 
rement formés  et  les  plus  nombreux  qui  existent  dans  l'Océan.  On  observe 
toutes  les  transitions  possibles  entre  la  frange  de  récifs,  sur  une  cote  con- 
tinentale, et  l'atoll  annulaire  parfait,  assiégé  sur  tout  son  pourtour  [lar  les 
eaux  marines  el  contenant  à  l'intérieur  un  lagon  tranquille.  Même  la 
plupart  des  quarante  mille  terres  émergées  des  Maldives'  sont  groupées 
de  telle  sorte  qu'elles  forment  des  atolls  d'alolls,  r'esl-à-dirc  (|ue  cbaque 
fragment  d'un  anneau  est  un  anneau  lui-même. 

On  sait  à  quelles  hardies  généralisations  sur  les  oscillations  lentes  de  la 
surface  terrestre  l'étude  des  récifs  coralliens  a  mené  l'illustre  Darwin. 
Constatant  que  les  barrières  des  récifs  et  les  murs  extérieurs  des  atolls  s'élè- 
vent en  maints  endroits  au-dessus  de  mers  très  profondes,  il  en  conclut 
que  ces  roches  avaient  été  en  entier  construites  par  les  générations  de  bâ- 
tisseurs (pie  l'on  voit  aujourd'hui  consteller  le  récif  supérieur  de  leurs  co- 
rolles. Mais,  puisque  les  espèces  coralligènes  ne  peuvent  travailler  que  dans 
les  couches  supeilicielles  de  la  mer,  là  où  les  eaux  sans  cesse  en  mouve- 
ment leur  apportent  les  matériaux  de  leurs  édilices,  l'énorme  hauteur  de  la 
roche  corallienne  témoignait,  d'après  le  naturaliste,  d'un  affaissement 
graduel  du  lit  marin.  Lorsque  les  premières  colonies  de  polypes  commen- 
cèrent leur  œuvre,  elles  ne  se  trouvaient  (ju'à  une  quarantaine  de  mètres 
au  plus  de  la  surface  marine;  mais  à  mesure  ({u'elles  élevaient  leurs  con- 
structions, le  sol  qui  les  porte  s'abaissait,  et  c'est  ainsi  (pie  le  mur  de  corail, 
plongeant  de  plus  en  plus  dans  l'onde  profonde  et  grandissant  toujours  par 
le  sommet,  s'accrut  incessamment  en  épaisseur  bien  au  delà  de  40  mètres. 
Ainsi  s'expliquait  la  formalion  des  ri'cifs  en  barrière  à  une  grande  dislance 
des  rives  :  jadis  ils  frang(^aieiil  le  littoral,  mais  le  mouvement  graduel  d'a- 
baissement ayant  entraîné  celui-ci.  le  ivcif  seul  aurail  pu  continuer  d'af- 
fleurer à  la  surface,  grâce  au  labeur  persislant  des  madrépores  et  des 
espèces  congénères  :  la  terre  ferme,  servant  jadis  de  point  d'appui,  aurail 
plongé  peu  à  peu  dans  les  profondeurs,  éloignant  son  rivage  de  la  barrière 

'  Oweii,  Journal  uf  Ihc  H.  Ccoyiiiphical  Hociclij.  1832. 


CORAUX  DES   MKRS  E(jL ATURIALES.  47 

extérieure  des  récifs  iirandissants;  le  canal  se  serait  élargi  graduellemenl, 
et  même,  à  la  fin,  la  disparilion  dn  noyau  central  de  terres  émergées  aurait 
transformé  le  chenal  circulaire  en  lagune  :  la  mare  enfermée  dans  l'atoll 
aurait  indiqué  précisément  le  lieu  où  se  dressait  jadis  la  montagne  de  l'île 
disparue.  Tel  archipel,  comme  celui  des  îles  Basses,  ne  serait,  suivant  l'ex- 
pression de  Dana,  qu'un  «  vaste  cimetière,  où  chaque  atoll  marque  l'em- 
placement d'une  terre  engloulie  ».  D'après  cette  théorie,  il  serait  donc 
facile  de  reconnaître  dans  l'étendue  des  mers  à  quels  mouvements  d'oscil- 
lation obéissent  les  îles  :  les  récifs  soulevés  au-dessus  de  la  mer,  sur  les 
pentes  des  monts,  indiqueraient  l'aire  d'exhaussement;  les  massifs  de 
coraux  en  frange  témoigneraient  du  repos  relatif  de  la  côte,  tandis  que  les 
«  barrières  »  et  les  atolls  seraient  comme  des  flotteurs  placés  au-dessus  de 
régions  submergées.  La  plupart  des  îles  du  Pacifique,  c'est-à-dire  toutes 
celles  qui  se  succèdent  de  Pitcairn,  dans  l'archipel  des  îles  Basses,  jus- 
qu'aux Philippines,  en  passant  au  nord  des  îles  de  la  Société  et  des  Samoa, 
appartiendraient  à  une  zone  de  dépression  :  on  serait  tenté  de  voir  dans  ces 
îles  éparsesle  reste  (l'un  continent  limitant  au  sud  tout  le  Pacifique  boréal. 
Telle  est  la  théorie  de  Darwin  ;  mais  il  n'est  pas  probable  qu'elle  s'ap- 
plique à  toutes  les  terres  du  grand  Océan  qu'entourent  les  récifs.  Là  où 
les  piédestaux  de  roches  sur  lesquels  les  polypes  vivants  continuent  d'éle- 
ver leurs  constructions  se  composent  eux-mêmes  de  calcaire  corallien  jus- 
qu'à des  profondeurs  considérables,  il  n'est  pas  douteux  qu'il  y  ait  eu  en 
effet  un  mouvement  de  dépression  entraînant  d'anciennes  terres  dans  les 
abîmes  océaniques  ;  mais  de  pareilles  vérifications  n'ont  j)u  être  tentées 
encore  qu'en  un  petit  nombre  de  points,  et,  vu  le  manque  d'observations 
directes,  on  doit  se  borner  à  considérer  le  raouvemant  de  dépression 
comme  très  probable  là  où  les  parois  extérieures  des  îles  coralliennes 
plongent  dans  la  mer  profonde  suivant  une  déclivité  rapide,  d'ailleurs 
très  rare  dans  les  fonds  marins  :  c'est  ainsi  que  près  de  l'île  Knder- 
bury,  dans  l'archipel  du  Phœnix,  la  sonde  révèle  déjà  une  profondeur 
de  5640  à  4800  mètres  du  rivage;  bien  plus,  à  1600  mètres  de  l'île 
Danger,  non  loin  de  Vanikoro,  on  n'a  trouvé  le  fond  qu'à  1801  mèli'es,  et 
l'un  des  profils  extérieurs  des  récifs  de  Taïti  indique  une  déclivité  de 
72  degrés  et  demi'.  D'autre  part,  des  sondages  faits  dans  le  voisinage  de 
certaines  îles  coralliennes  ont  montré  qu'au  pied  d'un  escarpement  de 
quelques  dizaines  de  mètres  s'étendent  de  vastes  plates-formes  où  l'on  a 
recueilli,  parmi  des  blocs  éboulés  de  corail,  des  fragments  d'origine  volca- 

'  Daiiii,  American  Journal  uf  Science,  IS8.5;  —  0.  Kriiniiiifl.  Gcixjraiihkclira  Jalirluirh,   1887. 


48  NOUVELLE  GEOGIIAI'IIIE  LNIVERSELLE. 

iliqiio.  Dans  co  cas,  il  est  foii  possible  que  des  cônes  d'éru|ilion  arasés  par 
les  vagues  à  une  faible  profondeur  au-dessous  de  la  surface  marine  aient 
servi  de  piédestal  aux  constructions  des  espèces  coralligènes',  ou  bien  ipie 
les  édifices  des  polypiers  reposent  sur  des  assises  entièrement  formées 
d'aulres  animalcules  travaillant  dans  les  mers  profondes'.  De  patientes 
observations  poursuivies  par  les  naturalistes  permettront  un  jour  de  clas- 
ser les  diverses  îles  coralliennes  suivant  leur  origine  et  leur  histoire. 
Plusieurs  Iles  signalées  par  Darwin  comme  situées  sur  une  aire  de  dépres- 
sion, les  îles  Basses,  les  Fidji,  les  Palaos,  les  Salomon,  les  Tonga,  sont  au 
contraire  dans  une  aire  d'élévation'. 


Un  espace  océanique  com|)renant  jdus  de  la  moitié  de  la  rondeur 
[danéiaire,  du  détroit  de  Bering  à  rAnlarclide,  offre  nalurellemenl  la 
série  de  tous  les  climats,  et  par  suite  les  formes  végétales  et  animales  qui 
sedévelo[»pent  dans  ses  lies  et  ses  archipels  appartiennent  aux  types  les 
plus  divers.  Dans  le  voisinage  des  continents,  les  îles  de  l'Océan  partici- 
pent plus  ou  moins  à  la  flore  et  à  la  faune  de  la  terre  ferme;  toutefois 
rinsulinde  est  le  seul  groujie  insulaire  que  l'on  puisse  considérer  comme 
dépendant  de  l'Ancien  Monde  pour  les  organismes  qui  le  peuplent  :  la  flore 
indienne,  à  j)eine  retardée  dans  sa  propagation  parles  fossés  j)eu  profonds 
des  détroits,  s'est  continuée  dans  les  îles  qui  se  succèdent  au  sud-esl, 
et  même  elle  s'y  manifeste  par  une  merveilleuse  richesse  de  formes, égalée 
seulemiMiten  quelques  rares  districts  privilégiés  du  continent  voisin.  Grâce 
au  va-et-vient  des  moussons,  des  courants  et  des  contre-courants,  la  flore 
indienne  s'est  ég;demenl  répandue  dans  la  nuée  des  petites  îles  équalo- 
riales,  et  quelques-unes  d'entre  elles  n'ont  qu'un  très  petit  nombre  de 
[dantcs  endémiques*.  La  ressemblance  étonnante  que  j)résentent  les  flores 
d'îles  éloignées,  non  seulement  pour  les  végétaux  introduits  j)ar  l'homme, 
mais  aussi  pour  les  plantes  à  croissance  spontanée,  est  un  des  indices 
que  signalent  certains  naturalistes  comme  témoignant  de  la  vaste  exten- 
sion de  terres  océaniennes,  divisées  de  nos  jours  en  des  centaines  de  frag- 
ments épars'\ 

Si  (les  terres  distantes  les  unes  des  autres  offrent  une  grande  analogie 
par  leur  [)arui'e  de  [liantes,  il  en  est  au  contraire  de  rapprochées  qui  pré- 

<  Julin  MiiiT;iy,  l'rumdiiiijs  of  llip  H.  Suriclii  iif  Ediiihurijh,  1880;  —  A.  ilr  Lii|.|):iiriil,  Traite 
(le  Géoloijie. 

"■  lîuclKiMiiii,  Validai  loiiditiijiisDf  Aiiiinril  Life.  Iiilci-naliiiiiiil  Scii'nlilic-  Séries,  voL  XXXI. 
=  Sciiiper;  —  •■iippy,  Scollisli  GeiMittijiliiral  MtHjd-Jnc,  Miii'cli  1888. 
«  Giiscbach,  la  Véflélation  du  Globe,  Inul.  pur  1'.  do  Tchihakliel'. 
6  I'.  lie  Tehilialeliel',  Appendice  à  rdiivnige  de  (liisebacli. 


ILES   CORALLIGKNES,   FLORES  OCEANIQUES.  W 

sentent  un  remarf|nalile  contraste.  Ainsi  Madagascar  est  une  terre  intlé- 
pcndante  par  sa  ildic,  el  nullement  une  île  africaine,  ainsi  qn'on  pourrait 
le  croire  d'a]irès  l'examen  d(^  la  carte  :  plus  do.  la  moitié  des  espèces 
reconnues  appartient  en  |)ropre  à  la  (erre  malgadie.  De  même,  les  Masca- 
reignes,  îles  volcaniques  dont  la  mer  a  de  tout  temps  iiaigné  les  promon- 
toires de  lave,  sont  des  terres  oîi  l'on  trouve  un  très  grand  nombre 
de  formes  originales,  et  que  l'on  peut  considérer  comme  antant  de  sta- 
tions botanitiues  distinctes.  Dans  l'océan  Pacifique,  l'archipel  Ilavaiien 
constitue  aussi  une  aire  à  part  :  de  tous  les  groupes  insulaires  des  ré- 
gions tropicales,  c'est  celui  qui  possède  le  nombre  proportionnel  b^  j)lus 
élevé  de  plantes  endémiques.  Enfin,  dans  les  îles  (lalapagos,  quoique 
situées  dans  le  voisinage  de  rAméri(]ue  et  dir(;ctement  sous  l'iniluence  du 
courant  équalorial  venu  des  rôles  de  l'Ecuador,  plus  de  la  moitié  des 
espèces  sont  d'origine  locale;  même  chacune  des  six  îles  constitue  un 
centre  spécial.  Des  fourrés  de  plantes  appartenant  h  un  seul  genre  et 
croissant  sur  des  terrains  analogues  sont  pourtant  l'oi-més  d'espèces  dis- 
tinctes suivant  les  différentes  îles. 

La  flore  du  continent  australien  est  l'une  des  mieux  délimitées  qn'oiTre 
la  planète,  quoique  les  rivages  septentrionaux  et  nord-occidentaux  de  cette 
terre  soient  très  voisins  des  îles  qui  appartiennent  à  l'aire  de  végétation 
indienne;  de  la  péninsule  d'\oik.  en  Australie,  aux  côtes  de  la  Nouvelle- 
Guinée  le  contraste  est  frappant,  et  pourtant  le  détroit  qui  les  sépare  est 
parsemé  d'îlots  formant  autant  de  reposoirs  pour  les  plantes  émigrées. 
Ce  n'est  pas  que  l'Australie  soit  privée  de  plantes  d'origine  indienne  :  dans 
les  forêts  des  régions  nord-occidentales,  on  trouve  au  moins  cent  espèces 
d'arbres  provenant  du  continent  d'Asie  ;  mais  les  formes  typiques  sont 
les  mêmes  de  l'une  à  l'autre  extrémité  de  l'Australie  et  partout  la  végéta- 
tion offre  une  grande  parenté  d'aspect.  Ce  qui  domine  dans  les  forêts,  ce 
sont  les  eucalyptus,  les  acacias,  lescasnariiias  et  les  arbres  dont  les  feuilles 
sont  à  peine  développées  ou  pointent  verticalement,  fournées  vers  le  sol; 
quant  aux  régions  non  forestières,  elles  sont  couvertes  surtout  de  buissons 
entremêlés.  L'Australie  possède  une  flore  endémique  d'une  très  grande 
richesse  :  elle  ne  le  cède  qu'à  la  région  du  Cap  de  Bonne-Espérance  en 
variété  de  plantes.  La  Nouvelle-Calédonie,  quoique  située  à  1500  kilo- 
mètres de  la  côte  du  Oueensland,  offre  dans  sa  végétation  une  étonnante 
ressemblance  d'aspect  avec  le  continent  australien;  toutefois  la  distance  est 
trop  considérable  pour  qu'il  y  ait  cm  un  échange  nolal)le  d'espèces.  Immé- 
diatement à  l'est  de  la  Nouvelle-Calédonie,  les  Nouvelles-Hébrides  se  ratta- 
chent au  contraire  à  l'aire  indienne  par  leur  luxuriante  végétation  tropicale. 
XIV.  7 


50  .NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

L'île  Norfolk,  également  dans  les  mers  orientales  de  l'Auslralic,  se  dis- 
tingue par  sa  flore  endémique  comprenant  une  des  })lus  belles  espèces 
d'araucai'ia,  un  palmier,  des  urlicées  et  des  fougères  arborescentes;  elle 
forme  transition  entre  la  Nouvelle-Hollande  et  la  Nouvelle-Zélande,  tout  à 
fait  différentes  l'une  de  l'autre  par  le  caractère  de  leur  végétation  :  d'après 
Grisebach,  la  flore  néo-zélandaise  aurait  plus  de  ressemblance  avec  celle 
de  l'Araucanie  qu'avec  la  végétation  du  continent  voisin.  Les  forêts,  tou- 
joui's  vertes,  sont  les  plus  ricbes  du  monde  en  fougères  arborescentes, 
et  par  conséquent  elles  donnent  mieux  que  toutes  autres  une  idée  de 
ce  que  devaient  être  les  bois  des  temps  géologiques,  alors  que  prédomi- 
naient les  grands  cryptogames'.  Mais  dans  l'ensemble  la  végétation  est 
relativement  pauvre,  ce  qui  lient  sans  doute  à  l'isolement  d(^  l'archipel 
dans  l'immense  Océan.  l'ar  la  foiie  proportion  de  ses  fougères  en  arbres, 
l'île  de  Juan-Fernandez,  quoique  très  rapprochée  des  côtes  du  (Ihili,  se 
rattache  à  l'aire  de  la  Nouvelle-Zélande. 

(Juant  aux  îles  de  l'Océan  situées  au  sud  du  45''  degré  de  latitude,  vers 
la  zone  aniarclique,  à  peine  peut-on  parler  de  leurs  flores,  si  pauvres 
en  comparaison  des  flores  respectives  sous  les  latitudes  correspondantes 
de  l'hémisphère  septentrional.  Même  l'île  de  Kei'guelen,  située  au  sud 
de  la  mer  des  Indes,  à  une  aussi  grande  dislance  du  pôle  austral  que  le 
Havre  (M  (Hierbourg  le  sont  du  pôle  boréal,  n'a  jiourlani,  d'ajirès  Hooker, 
que  IS  plantes  phanérogames,  seulement  un  cin(iuième  de  la  richesse 
végétale  du  Spitzberg*  :  l'infécondité  du  sol,  la  situation  de  l'île  dans  la 
vaste  étendue  des  mers,  ])eut-èlre  aussi  le  mainpie  de  lumière  dans  le  ciel 
brumeux  el  l'extrême  unifoi'mité  du  climat  annuel,  sont-ils  les  causes  de 
celle  pauvreté  de  la  contrée  en  espèces  végétales.  Les  terres  plus  voisines 
des  glaces  antarctiques  ont  encore  quelques  j)lantes,  mais  le  navigateur 
qui  en  longe  les  âpres  rochers  pourrait  les  croire  absolument  nus.  C'est 
avec  un  véritable  effroi  (pu'  les  premiers  voyageurs  aventuiés  dans  les 
mei's  australes  parlent  di;  ces  îles  où  l'on  voit  seulement  des  roches,  des 
sables,  des  neiges,  el  dont  les  cimes  tour  à  lour  se  caclienl  el  se  (b'voilent 
sous  les  nuétîs  (jue  le  vent  chasse  el  déchire.  «  Terres  niaudiles!  disent- 
ils.  Séjour  de  ténèbres  éternelles''  !  )i 

Les  îles  océanicpies  onl  aussi  bien  leurs  faunes  (pie  leurs  flores  spéciales, 
mais  le  mode  de  répai'tition  des  espèces  endémi(jues  offre  de  grands  con- 
trastes, suivant  la  direction  des  vents  el  des  courants,  l'isolement  des  terres 

<  F.  von  liiifhslcllor,  iScu-Scclnitil. 

^  Grisebach,  ouvrage  cilé. 

^  G.  R.  Foi'ster.  Observations  tnuàc  (luriiu)  n  Yuijaijc  ruund  Uic  W'mld. 


FLORKS  f:T  FAUNES  OCÉANIQUES.  M 

et  leur  facilite  d'aecès.  Les  oiseaux  marins  de  puissant  voi  qui  parcourent 
des  milliers  de  kilomètres  sans  chercher  un  point  de  repos  ont  une  aire 
très  étendue,  limitée  seulement,  au  nord  et  au  sud,  par  les  obstacles  du  cli- 
mat; les  lojigues  migrations  leur  sont  aussi  faciles  qu'aux  poissons  et 
ils  peuvent  se  propager  d'Ile  en  île  comme  les  plantes  dont  les  graines 
résistent  pendant  des  mois  à  l'action  de  l'eau  marine.  Mais  à  part  ces 
oiseaux,  que  leur  aile  rend  les  maîtres  de  l'espace,  les  animaux  sont 
presque  tous  prisonniers  dans  leur  domaine  insulaire,  et  lorsqu'il  y  a  eu 
communication  d'une  terre  à  l'auti'e,  c'est  que  l'homme  est  intervenu  de 
plein  gré  ou  à  son  insu  pour  transporter  les  immigrants,  ou  bien  (jue  des 
changements  géologiques  ont  jeté  un  seuil  de  passage  entre  les  stations 
différentes.  On  ne  saurait  expliquer  autrement  l'existence  des  espèces  com- 
munes à  [ilusieurs  îles  ou  bien  à  ces  terres  et  aux  continents  voisins; 
quant  aux  espèces  propres  à  une  seule  île  ou  à  un  archipel,  c'est  bien 
dans  le  lieu  même  où  elles  se  trouvent  qu'il  faut  chercher  leur  origine; 
c'est  là  que  se  sont  constituées  ces  formes  animales  distinctes,  quel  qu'ait 
été  d'ailleurs  leur  mode  d'apparition.  Mais  les  animaux  supérieurs  sont 
rares  parmi  ces  espèces  propres  aux  terres  océaniques;  les  ordres  infé- 
rieurs sont  représentés  en  une  proportion  plus  considérable. 

Madagascar,  cette  grande  terre  que  sa  ilore  particulière  élève  presque  au 
rang  d'un  continent,  n'est  pas  moins  originale  pour  sa  faune,  dont  les 
formes  offrent  un  type  tout  à  fait  local,  à  l'exception  d'une  seule,  celle  du 
sanglier  à  masque,  qui  paraît  être  commune  à  l'île  et  au  continent  voisin'. 
Les  Mascareignes  constituent  aussi  un  monde  à  part,  qui  compi'cnait 
naguère  des  oiseaux  imparfaitement  armés  |)our  la  concurrence  vitale  et 
destinés  à  disparaître  bientôt  a[)rès  l'arrivée  de  l'homme  dans  leurs  îles. 

Les  terres  de  l'Insulinde,  quoique  si  raj)pi'ochées  des  deux  péninsules 
indiennes,  ne  doivent  point  en  être  considérées  comme  de  simples  dépen- 
dances au  point  de  vue  de  la  faune;  au  contraire,  elles  semblent  être  les 
centres  de  dispersion  pour  de  nombreux  animaux,  et  la  péninsule  de 
Malacca,  la  Cochinchine,  paraissent  avoir  reçu  d'elles  autant  d'émigranls 
qu'elles  leur  en  ont  donné  :  c'est  du  continent  que  les  éléphants,  les 
rhinocéros,  les  tigres  ont  passé  dans  Sumatra;  c'est  de  Bornéo,  ou  du  moins 
(le  la  contrée  dont  cette  île  est  un  fragment,  (|ue  l'orang-outang  et  nombre 
d'autres  espèces  particulières  à  la  faune  malaise  se  sont  répandus  dans  la 
presqu'île  occidentale.  Si  riches  en  grands  mammifères  sont  les  terres  do 
l'Insulinde.  (ju'on    doit    les  considérei'  comme   faisant  encore  partie    du 

'  (Inmiliilier  cl  Aljili.  Miliif-Fthvaids.,  Histoire  imluvcllc  des  iiniiiiiiuféirs  tic  Mculinjuscar 


b-2  NOUYELLi:  V.ÉOGRAPUIE   UNIVERSELLE. 

monde  asiatique  :  la  ligne  de  démarcation  <}ui  sépare  les  deux  aires  zoolo- 
giques, malaise  et  australienne,  passe  à  l'est  de  Cclêbès,  qui  forme  une 
petite  province  à  part,  très  distincte  à  maints  égards  de  ses  voisines. 

L'Australie  est  le  pays  des  marsupiaux  :  par  sa  faune  comme  par  sa 
flore  elle  offre  un  caractère  d'antiquité  qui  la  lit  considérer  par  quelques 
géologues  comme  l'une  des  terres  dont  la  surface  n'aurait  pas  été  rema- 
niée par  les  éléments;  néanmoins  on  sait  aujourd'hui  que  les  dépôts  ter- 
tiaires, relativement  récents  dans  l'histoire  du  globe,  occupent  une  grande 
étendue  dans  le  continent  australien.  Les  marsupiaux,  inconnus  dans 
l'Ancien  Monde,  si  ce  n'est  dans  les  régions  de  l'Indo-Chine,  qui  à 
cet  égard  peuvent  être  tenus  pour  une  dépendance  de  l'Australasie, 
sont  représentés  dans  le  continent  du  sud  par  treize  genres  et  plus  de  cent 
espèces,  tandis  (pi'on  n'y  trouve  ni  singes,  ni  pachydermes,  ni  ruminants, 
et  que  les  carnassiers,  les  rongeurs  et  les  édentés  y  sont  très  peu  nom- 
breux. Pour  les  animaux  d'ordre  inférieur,  l'Australie  offre  aussi  un  ca- 
ractère original  :  oiseaux,  lézards  se  distinguent  nettement  de  ceux  du  con- 
tinent asiati(pie.  La  Nouvelle-Zélande  forme  aussi  un  microcosme  :  privée 
jadis  de  tout  mammifère  qui  lui  appartînt  en  propre,  à  l'exception  d'un 
rat  et  peut-être  d'une  espèce  de  loutre,  elle  possédait  ses  deux  remanjua- 
bles  familles  d'oiseaux,  l'ajjtéryx  et  le  dinornis,  qui  ont  péri  comme  le 
dronte  de  Maurice,  inhabiles  à  fuir  le  javelot  du  Maori  et  le  fusil  de  l'Eu- 
ropéen. Les  deux  îles  néo-zélandaises  n'avaient  pas  moins  de  quinze  espèces 
de  ces  oiseaux  de  la  famille  des  autruches,  presque  aussi  nombreux  que 
ceux  de  tout  le  reste  du  monde'. 

Vers  l'orient,  dans  les  îles  égrenées  à  travers  le  l'acifitpie,  les  grands 
mammifères  manquent  com|dètement  et  l'on  n'y  voit  que  des  petites 
espèces  de  chauves-souris  et  de  rongeui's;  les  reptiles  sont  aussi  très  rares. 
Mais  les  oiseaux,  grâce  au  vol  et  à  la  natation,  se  sont  répandus  en  nombre 
d'archipel  en  archipel  ;  c'est  ainsi  que  les  hommes  eux-mêmes,  portés  par 
delà  les  détroits  et  les  grands  bras  de  mei'  par  les  ailes  de  leurs  bateaux, 
ont  graduellement  colonisé  presque  toutes  les  îles  de  l'immense  Océanie. 


Avant  que  les  Européens  eussent  découvert  la  moitié  de  la  planète 
recouverte  par  les  eaux,  les  insulaires  de  ces  régions  avaient  appris  à  se 
connaître  mutuellement,  et  de  grandes  migrations  avaient  eu  lieu,  d'un 
côté  vers  Madagascar,  dc^  l'autre  vers  l(!s  îles  lointaines  de  l'est,  dans   la 

•  Alfi-L'cl  H.  \V;ill;icc,  TIh'  hhiiid  Life-  —  Tlw  Ciyjiimjiliical  Dishihiilioii  <if  Animais. 


FAUNES,  POPULATIONS  OCÉANIQUES.  53 

direction  du  Nouveau  Monde.  Les  populations  d'origine  divei-se  qui  occu- 
pent la  Malaisic  insulaire,  et  qui  se  rattachent  soit  par  l'origine,  soit  par 
les  relations  de  commerce  aux  nations  de  l'Asie  sud-orientale,  sont  les 
intermédiaires  des  rapports  qui  se  sont  établis  d'une  extrémité  à  l'autre  de 
l'Océan;  les  insulaires  de  Madagascar  sont,  du  moins  en  partie,  les  parents 
des  Malais  do  l'Insulinde,  et  de  proche  en  proche  les  habitants  de  ces  îles, 
les  uns  à  peau  claire,  les  autres  à  peau  foncée,  ont  étendu  leur  domaine 
vers  l'est,  soit  par  le  mélange  avec  des  aborigènes,  soit  par  la  colonisation 
des  terres  inoccupées.  Toutes  les  langues  parlées,  de  Madagascar  à  l'île  de 
Ptiques,  des  mers  afi'icaines  aux  mers  américaines,  sur  une  largeur  qui 
dépasse  la  demi-circonférence  terrestre,  sont  considérées  comme  formant 
une  seule  famille  linguistique,  celle  des  idiomes  malais-polynésiens'. 
Néanmoins  l'écart  est  fort  grand  entre  les  extrêmes,  c'est-à-dire  entre  les 
idiomes  les  plus  différents,  et  l'on  est  encore  bien  éloigné  de  connaître 
toutes  les  transitions  d'une  langue  à  l'autre. 

Si  par  leur  communauté  d'origine  les  langages  des  peuples  océaniques 
témoignent  d'un  mouvement  de  migration  en  divers  sens  dans  toute  l'éten- 
due de  la  mer  des  Indes  et  du  Pacifique,  les  grands  contrastes  entre  les 
populations  elles-mêmes  indicjuent  une  diversité  de  provenance  très  consi- 
dérable, telle  que  nombre  d'écrivains  ont  même  classé  les  insulaires  en 
races,  brunes  ou  noires,  complètement  distinctes.  Quoi  qu'il  en  soit,  les 
différences  que  les  peuplades  présentent  en  maintes  régions  océaniques, 
soit  d'un  archipel  à  l'autre  ou  entre  deux  îles,  soit  même  entre  des  mon- 
tagnes et  des  plaines,  peuvent  s'expliquer  en  grande  partie  par  le  croise- 
ment des  deux  flots  de  migrations  ethniques.  Tandis  que  de  proche  en 
proche  les  populations  se  répandaient  dans  le  sens  de  l'équaleur,  entre 
l'Afrique  et  l'Amérique,  un  autre  mouvement  se  produisait  dans  une  di- 
rection précisément  transversale,  entre  l'angle  sud-oriental  de  l'Asie  et  le 
continent  australien.  De  même  que  dans  les  eaux  se  croisent  les  courants, 
de  même  se  croisèrent  les  migrations  des  hommes  en  marche  à  travers  les 
terres  océaniques.  L'un  des  mouvements,  qui  se  propageait  suivant  les 
latitudes  à  travers  les  vastes  mers,  est  celui  qui  donna  aux  diverses  races 
la  ressemblance  des  langages  ;  l'autre  mouvement,  qui  })assait  d'un  hémi- 
sphère à  l'autre  en  franchissant  d'étroits  bras  de  mer,  est  celui  qui  amena 
successivement  du  grand  corps  continental  les  populations  différentes  par 
l'aspect  et  les  mœurs  et  substitua  graduellement  les  civilisations  les  unes 


'  Miu-silfii;  —  Criiwfuiil  ;  —  van  ilcr  Tnuk  ;  —  Dahie  ;  —  A.  de  (Jualrefiigos,  Les  Polyncsiciis  et 
curs  migralions. 


54  NOUVELLE   GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

aux  autres.  C'est  par  la  péninsule  de  Malacca,  et  peut-être  aussi  par  les 
terres  aujourd'hui  disparues  et  recouvertes  des  eaux  peu  profondes  de  la 
mer  de  Java,  que  les  diverses  populations  noires,  éparses  maintenant  dans 
les  îles,  trouvèrent  leur  chemin.  Mais  c'est  par  la  même  voie  que  vinrent 
aussi  les  Malais  et  autres  immigrants  apparentés  par  l'origine  qui  disper- 
sèrent les  noirs,  ne  leur  laissant  pour  domaine  que  des  îles  écartées  ou 
des  régions  montagneuses  difliciles  à  occuper.  On  admet  généralement  que 
les  Samang  et  les  Sakaï  de  la  péninsule  Malaise,  les  Mincopi  des  Anda- 
man,  les  Negritm  des  Philipi)ines,  les  Papoua  de  la  Nouvelle-Guinée  et  les 
Australiens,  quoique  pour  la  plupart  très  différents  les  uns  des  autres, 
appartiennent  originairement  au  même  groupe  que  les  peuidades  noires 
de  l'Inde,  Santal,  Gond,  Kohi  et  Moundah;  mais  pendant  la  longue  durée 
des  âges,  alors  que  les  peuplades  émigrées  vers  le  sud  vivaient  sous  des 
climats  différents,  aux  prises  avec  des  diflicultés  de  nature  diverse,  obli- 
gées de  moditler  de  mille  manières  leur  genre  de  vie,  en  contact  avec  des 
peuples  distincts,  soit  comme  alliés,  soit  comme  ennemis,  et  se  mélan- 
geant en  proportions  variées  avec  ces  éléments  nouveaux,  que  de  change- 
ments ont  du  s'accomplir  et  combien  s'est  transformé  le  type  premier  sui- 
vant les  lieux  et  les  temps! 

Deux  mille  années  seulement  nous  séparent  de  l'aurore  des  temps  his- 
toriques dans  l'Insulinde,  et  ce  court  espace  suffit  pour  nous  monti'er  l'in- 
fluence capitale  exercée  sur  les  populations  maritimes  du  sud  par  les  civi- 
lisations de  l'Asie.  Au  commencement  de  celle  période,  les  Hindous  étaient 
les  éducateurs  des  populations  de  Java,  de  Bali,  de  Sumatra  ;  leur  influence 
constatée  s'étendit  même  jusqu'à  Bornéo,  et  des  monuments,  des  noms  de 
lieux,  des  systèmes  d'écriture,  des  légendes  religieuses,  les  mœurs  de  |io- 
pulations  entières  témoignent  de  l'action  puissante  qu'ils  ont  exercée.  Les 
Arabes,  qui  succédèrent  aux  Ilindons,  à  la  fois  comme  intermédiaires  des 
échanges  et  comme  initiateurs,  accomplirent  aussi  une  (euvre  considérable 
dans  ce  monde  de  l'Asie  insulaire,  |)uisque  des  millions  d'hommes  y  pro- 
fessent actuellement  leur  religion,  et  que  même  les  noms  de  famille  leur 
sont  empruntés,  des  Comores  à  Bornéo.  Quant  aux  Chinois,  leur  action  a 
été  moins  directe  :  ils  vivent  plus  à  l'écart  des  indigènes  et  n'ont  point  fait 
de  propagande  religieuse  comme  les  missionnaires  de  l'Inde  et  de  l'Arabie; 
mais  en  maints  districts  ce  sont  eux  qui  constituent  le  fond  même  de  la 
population.  Par  leurs  nombreux  immigrants  établis  depuis  de  nombreuses 
générations  dans  le  pays,  ils  renouvellent  incessamment  la  race. 

Actuellement  l'influence  prépondérante  est  celle  des  Européens  de  l'occi- 
dent. Toutes  ces  terres  de  Malais,  de  Negritos,  de  Papoua,  de  Kanakes  et 


IMJI'ULATIUNS  OCKAMOUES.  55 

Maori  appartiennent  politiquement  à  quelque  puissance  d'Europe,  ou  du 
moins  sont  considérées  déjà  comme  étant  dans  sa  zone  d'attraction  ou 
dans  celle  des  États-Unis.  Le  monde  de  l'Océan  est  presque  entièrement  par- 
tagé comme  l'Afrique.  Disposant  des  mille  chemins  de  la  mer  et  de  celui 
qu'ils  se  sont  ouvert  par  l'isthme  de  Suez  entre  deux  continents,  les  Eu- 
l'opécns  l'emportent  sur  tous  les  envahisseurs  d'autrefois,  Hindous,  Aralies 
et  (Illinois,  par  la  vitesse  des  mouvements,  la  force  matérielle,  l'ascendant 
de  la  civilisation,  et  d'année  en  année  ils  ont  une  prise  plus  forte  sur  ces 
régions,  situées  pourtant  aux  antipodes  de  leur  patrie.  On  peut  même  dire 
qu'avec  les  colonies  australiennes  et  la  Nouvelle-Zélande  s'est  constituée 
une  autre  Europe,  faisant  une  sorte  d'équilibre  géographique  à  l'ancienne, 
de  l'autre  côté  de  la  planète,  et  lui  servant  d'avant-garde  dans  les  mers 
australes.  Mais  est-on  en  droit  de  célébrer  comme  une  «victoire  de  la  civi- 
lisation )'  et  comme  le  progrès  par  excellence  cette  expansion  de  la  race 
et  des  idées  européennes,  alors  qu'elle  s'achète  par  la  violence,  l'asservis- 
sement, et  par  la  destruction  systématique  de  populations  enliJ'res? 

Les  grandes  divisions  ethniques  des  peuples  qui  habitent  les  terres, 
de  l'Océan  correspondent  d'une  manière  générale  à  la  distribution  géo- 
graphiipie  des  îles.  Madagascar  forme  un  petit  monde  distinct,  où  les  immi- 
grants malais  et  les  indigènes  apparentés  aux  noirs  de  l'Afrique  vivent  à 
côté  les  uns  des  antres.  L'Insulinde  et  les  Philippines  sont  habitées  princi- 
|)alement  par  les  Malais,  frères  de  ceux  qui  peuplent  la  péninsule  de 
Malacca;  mais  parmi  eux  se  maintiennent,  en  groupes  isolés,  des  hommes 
d'une!  autre  origine,  les  noirs,  (jne  l'on  croit  de  souche  dravidienne.  Les 
archipels  des  Palaos,  des  Mariannes,  des  Carolines,  des  Marshall,  qui 
sont  parsemés  au  nord  de  ré(|uateui'  et  des  terres  mélanésiennes,  et  aux- 
quels on  a  donné  si  justement  le  nom  de  Micronésie,  offrent  un  mélange 
de  races  qui  fiiit  de  leurs  tribus  la  transition  entre  Malais,  Papoua  et  insu- 
laires des  petites  îles  satellites  du  ,la|)on.  Plus  au  sud,  dans  la  Papouasie 
et  la  rangée  des  terres  presque  attenantes,  Nouvelle-Bretagne,  Nouvelle- 
Irlande,  Salomon ,  Nouvelle-Calédonie,  Nouvelles-Hébrides,  toutes  îles 
dites  de  la  Mélanésie,  précisément  à  cause  du  type  des  gens  à  peau 
'(  noire  »  qui  les  habitent,  cette  race  l'emiiorte  sur  tous  les  autres  élé- 
ments. Le  continent  australien  appartenait  aussi  naguère  à  des  tribus  de 
noirs,  offrant  à  peine,  sui-  quelques  côtes,  un  léger  mélange  de  sang  ma- 
lais. Enfin,  toutes  les  îles  de  l'est,  d'un  côté  jusqu'aux  îles  Havaii,  de 
l'autre  jusqu'à  la  Nouvelle-Zélande,  appaitiennent  aux  restes  des  nations 
polynésiennes,  gardant  encore  une  remarquable  analogie  de  type  enti'c 
elles,  malgré  les  eaux  qui  les  retiennent  captives. 


CHAPITRE  II 


ILES    DE    L'OCEAN    INDIEN 


L'ile  do  Sokotra  ou  Socolora  est,  tle  luules  les  terres  do  l'océan  ludion 
colle  que  l'on  peut  considérer  avec  le  plus  do  raison  comme  une  simple 
dépendance  géographique  du  continent  africain.  Quoiqu'un  détroit  do 
250  kilomètres  la  sépare  du  cap  (iiiardaliii  et  que  les  parages  intermé- 
diaires offrent  des  abîmes  profoinls  do  1)00  mètres,  l'orientation  de  l'île, 
dans  l'axe  même  de  la  pointe  extrême  du  pays  des  Somal,  et  toute  une 
traînée  d'îlots  et  de  récifs  qui  s'aligne  entre  les  deux  terres,  montrent 
bien  que  Sokotra  est  un  fragment  détaché  do  l'Afrique.  Mais  au  point  de 
vue  commercial  et  politique  elle  a  toujours  appartenu  à  l'Asie,  et  mainte- 
nant elle  dé|iend  de  la  ville  d'Aden,  l'une  dos  forteresses  asiatiques  de  la 
Grande-Bretagne.  Do  1835  à  1S.')I)  elle  fut  occupée  par  une  garnison  an- 
glaise, ])uis  ahandonnéo  poui'  Aden,  (pii  est  un  poste  stratégique  d'une  im- 
portance bien  autrement  grande.  En  1845,  elle  a  été  déclarée  «  colonie  do 
la  couronne  «  ;  toutefois  cette  prise  de  possession  est  plus  fictive  que  réelle; 
il  en  était  de  même  naguère  du  pouvoir  de  suzeraineté  qui  appartient  de- 
puis oinq  siècles  au  sultan  de  Kechin,  résidant  au  nord-ouest  do  l'Ile, 
sur  le  littoral  arabe  le  plus  rappi'ocbé. 

Le  nom  même  de  Sokotra  témoigne  tlo  l'ancienneté  des  souvenirs  et  des 
légendes  qui  s'y  rattachent  :  dans  la  géographie  de  l'Inde,  elle  était  consi- 
dérée comme  l'un  des  pétales  de  la  grande  Heur  do  lotus  tlottant  au-dessus 
des  eaux  :  c'était  la  f/r/y>«  mukhulura ,  la  Diou-Skadra  ou  "presqu'île  bien- 
heureuse )',  une  de  ces  îles  «  fortunées  «  que  de  tout  temps  les  peuples. 


58  NOUVELLE   GKOr.R AI'UIE   UNIVERSELLE. 

désireux  d'un  meilleur  sort,  ont  cru  devoir  exister  par  delà  les  nuafies  ilu 
couchant'.  Les  Grecs  firent  de  cette  île  la  «  Dioscoride  >',  la  "  terre  des 
Dioscures  »,  tandis  que  les  Arabes  maintinrent  plus  purement,  sous  la 
forme  actuelle,  l'ancienne  dénomination  hindoue.  Des  marchands  grecs 
visitèrent  l'île,  et  la  tradition  [)arle  même  d'une  colonie  qu'y  aurait 
envoyée  Alexandre  le  Macédonien.  Dans  les  premiers  siècles  de  l'ère 
actuelle,  les  habitants  de  l'île  se  convertirent  au  christianisme,  religion 
qui  était  celle  d'une  grande  partie  des  populations  du  Yemen  ;  vers  la  fin 
du  treizième  siècle  ils  étaient  «  tous  baptisés  »  et  reconnaissaient  le  pou- 
voir d'un  archevêque'.  Lors  de  l'arrivée  des  Portugais,  qui  firent  leur  appa- 
rition en  1505,  puis  s'établirent  dans  l'île  pour  surveiller  les  abords  de 
la  mer  Kouge  et  capturer  les  boutres  arabes  qui  passaient  dans  le  voisi- 
nage, les  gens  de  Sokotra  se  disaient  encore  chrétiens;  leur  culle  ics- 
semblail  à  celui  des  Jacobites  d'Abyssinie  et  comme  eux  ils  se  Taisaient 
circoncire.  D'après  leur  tradition,  ils  auraient  été  convertis  par  Thomas, 
l'apôtre  des  Indes,  mais  ils  ne  comprenaient  plus  la  langue  dans  laquelle 
ils  récitaient  leurs  prières;  ils  vénéraient  la  croix,  la  plaçant  sur  leurs  au- 
tels et  la  portant  ;i  leurs  ciilliri's.  François  Xaviei'  visita  les  Sokotrins  en 
loi'i  et  en  baptisa  plusieurs.  Au  milieu  du  dix-septième  siècle,  un  moine 
carmélite,  Vincenzo,  reconnut  encore  chez  les  habitants  quelques  traces  du 
christianisme  :  ils  s'agenouillaient  devant  la  croix,  la  portaient  dans 
leurs  processions  et  donnaient  à  leurs  filles  le  nom  de  Maria  ;  mais  ils 
ne  pratiquaient  d'autre  ■<  sacrement  «  que  la  circoncision,  qui  d'ailleurs 
n'est  pas  encore  d'usage  universel,  et  sacrifiaient  à  la  lune.  Actuellement, 
le  nom  d'un  village  de  la  côte  nord-occidentale,  Kolessea  ou  Ciolloiisir, 
rap|icllcrail  (icul-êlre  l'exislencH'  d'une  ancienne  église  {crclrsni)  en  cet 
endroit  de  la  côte;  ce  serait,  avec  la  croix  des  lombes',  tout  ce  qui  reste 
du  christianisme.  Presque  toute  la  population,  quoique  diverse  par  ses 
origines,  se  dit  arabe  et  professe  la  foi  mahométane*,  mais  sans  fana- 
tisme, bien  que  les  Wahabites  aient  envahi  l'île  en  1800  et  y  aient  établi 
leur  régime  pendant  quelques  années.  Schweinl'urth  pense  que  certains 
amas  de  pierres  sont  des  autels  déti'uits;  mais  il  ne  signale  d'autre  monu- 
ment ancien  qu'une  |iierre  sur  laquelle  on  a  reconnu  quelques  caractères 
grecs,  restées  inilécliiUValiles. 

Les   «    Bédouins  >-  de  l'intérieur,  qui    se  distinguent   par  leur  haute 

'  Lasscn,  Indische  AllerUiiiiner. 

-  Marco  Polo;  éditions  de  l'autliiiT  l'I  Vulc 

"'  F.   M.  Iliiiilrr.  .lournnl  nfthe  Aiithropalogicnl  Societii.  t877. 

*  llciii  i  Vulc,  Tlii'  Book  ofsrr  Marco  Polo:  —  Roinanet  du  (Jaillaiiil.  .Vissions  Cnllioliqurs,  1887. 


SOKOTRA.  59 

taille,  leur  musculnture  ol  leur  snnté,  sont  évidemment  d'une  race  diffé- 
rente de  celle  des  riverains,  Arabes  purs  ou  croisés  de  nègres.  On  les  croit 
autochtones;  leur  langage,  qui  d'ailleurs  tend  à  disparaître,  était  assez 
distinct  de  l'arabe  pour  être  complètement  inconipi'éliensijile  aux  gens 
(le  la  péninsule,  à  l'exception  de  ceux  du  rivage  le  plus  rapproché'.  Non 
loin  de  la  capitale,  Tamarida,  quelques-uns  de  ces  Bédouins,  les  monta- 
gnards Saïeni  ou  Kichim-,  prétendent  avoir  du  sang  portugais;  près  delà 
pointe  orientale,  les  Momi  seraient   en   jjarlie  de  descendance  abyssine; 

N°    12.    SOKOTRA. 


Est  de  Pans 


pf>^  pr 


54'l0  •   Est  de  Greenwich 


0  aprèsWeHsled  Ravensiem.Paul  Cha 


CPer 


P^o/h/^c/eu^s 


D.  Djeliel  (moiit:i;jno).  R.   [(as  (cap). 

I  :  coooro 


d'autres  ressemblent  à  des  Juifs,  et  on  les   désigne  en  effet  comme  de 
provenance  hébraïque. 

Sokotra,  dont  la  superficie  est  évalée  à  'icSdO  kilomètres  carrés,  a  la 
forme  d'un  triangle  allongé,  à  pointe  aiguë  tournée  dans  la  direction  de 
l'est.  Toutefois  les  côtés  du  triangle  ne  sont  j)as  rectilignes  :  vers  leur 
milieu  ils  se  reploient  au  sud,  le  rivage  méridional  tournant  sa  convexité 
du  côté  de  la  haute  mer.  Au  centre  de  l'île  se  dresse  un  massif  grani- 
tique, le  Ilaggier,  —  ou  mieux  le  Iladjar,  c'est-à-dire  la  «  Pierre  y  %  — 
dont  les  cimes  déchiquetées  s'elevent  à  14:20  mètres.  Les  autres  montagnes 
de  l'île,  beaucoup  plus  basses,  sont  formées  d'assises  calcaires  percées  de 

'  Wellsteit.  Journal  oftlie  H.  Gcoyraphkal  Society,  1835;  —  Sctiweialiirlli,  etc. 
-  F.  M.  Uunter,  mémoire  cité. 
^  P.  Cliaix,  JSotes  manuscriles. 


(50  NOUVELLE   GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

très  nombreuses  cavernes,  dans  lesquelles  nichent  les  oiseaux  et  çà  et  là 
gîtent  les  indigènes.  L'ile  paraît  être  géologiquement  très  ancienne,  et  les 
naturalistes  en  parlent  comme  d'un  lieu  de  refuge  où  se  sont  maintenues 
des  formes  primitives  de  plantes  :  sur  les  828  espèces  connues,  dont  375 
phanérogames,  il  en  est  un  quart  qu'on  ne  trouve  point  ailleurs'.  Cer- 
taines parties  de  Sokotra,  notamment  sur  la  côte  méridionale,  sont  re- 
couvertes de  dunes,  disposées  en  rangées  parallèles.  L'ile  est  très  jtierreuse 
et  par  conséquent  assez  infertile;  cependant  elle  est  en  maints  endroits 
revêtue  d'arbustes  qui  verdissent  pendant  la  mousson  du  nord-esl  :  dans 
la  région  occidentale,  quelques  vallées  tournées  vers  la  rive  du  nord  sont 
même  omliragées  de  grands  ai'bres  et  Wellsted  en  compare  les  sites  les  plus 
verdoyants  aux  campagnes  de  l'Angleterre.  Par  sa  «  végétation  splendide  », 
dit  Schweinfiirth,  Sokolra  contraste  avec  les  côtes  voisines  de  l'Afrique  et 
de  l'Asie. 

Le  climat  de  Sokolra  est  moins  chaud  que  celui  de  l'Arabie  voisine, 
grâce  aux  moussons  et  aux  brises  qui  se  succèdent  sur  les  rives  de  l'île. 
Ce  mouvement  alternatif  des  moussons  n'est  pas  aussi  favorable  à  la 
navigation  avec  la  mer  Rouge  qu'on  l'avait  espéré  naguère,  et  (juoique 
Marco  Polo  ait  jadis  parlé  du  vaste  commerce  de  cette  île,  Sokotra  n'a  pu 
de  nos  jours  conquérii"  grande  importance  comme  avant-poste  d'Aden  sur 
la  route  des  Indes.  L'allernance  des  courants  aériens  s'établit  dans  ces 
parages,  d'un  côté  entre  la  côte  des  Somal  et  celle  de  l'Arabie,  de  l'autre 
entre  la  manche  d'Aden  et  la  haute  mer.  Pendant  la  première  moitié 
de  l'année,  le  vent  souffle  principalement  au  sud-ouest,  dans  la  direction 
de  l'Afriqiu';  pendant  les  six  autres  mois,  il  se  porte  vers  la  péninsule 
arabe  el  nu  nord-est  vers  le  golfe  d'Oman.  Le  mouvement  de  va-et-vient 
s'établit  ainsi  régulièrement  de  l'un  à  l'autre  des  rivages  opposés  :  c'est 
comme  lieu  d'étape  entre  les  points  les  plus  rapprochés  des  deux  conti- 
nents que  Sokotra  serait  bien  placée,  du  moins  si  elle  avait  un  port  suffi- 
samment abrité;  mais  entre  ces  deux  points  presque  déserts  combien  mi- 
nime est  le  trafic!  Chaque  année,  de  six  à  dix  barques  arabes,  qui  voya- 
gent avec  les  moussons  entre  Mascale  el  Zanzibar,  s'arrèlent  deux  fois  à 
Sokotra . 

Les  douze  mille  babilanls  de  l'île'  ne  demandent  à  l'étranger  ({u'un 
peu  de  dokliii  [pcnicilaria  ti/plujulcs),  quand  les  récolles  de  dalles  n'ont 
pas  été  bonnes  et  que  vaches,  brebis  et  chamelles  ne  leur  fournissent  pas 

'  Schwoinfiiilli,  Eiii  Bcsiirh  au  f  Sokotra  :  —  Baylcy  Balfour.  Bolanij  of  Sokotra  ;  —  A.  île  Cnn- 
(IciUe.  Société  de  (iéoyrapliic  de  Genève,  1888. 

-  G.  Sclnveinfiirlli,  Ein  Bcsucli  inifSocolra  mil  der  Ricbcckschcn  E.rpedilion  ;  Insi'i'i'  /cil,  188."). 


assez  de  Init.  Eux-mêmes  n'exporlont  guère  qu'un  peu  de  (jhi  ou  beurre 
fondu,  du  sang-dragon,  produit  par  une  plante  d'une  espèce  particulière, 
et  un  ou  deux  milliers  de  kilogrammes  d'aloès  {alocs  spicata),  aloès  soco- 
trin  ou  «  chicoliii  »',  le  meilleur  produit  de  ce  genre  que  possède  la  phar- 
macopée :  la  plante  croît  sur  la  montagne  entre  les  altitudes  de  150  à 
1000  mètres.  Les  habitants  sont  presque  exclusivement  un  peuple  pas- 
leur  :  ils  ont  de  nombreuses  brebis,  des  chèvres,  des  bœufs,  des  ânes  sau- 
vages et  des  chameaux,  au  pied  montagnard,  ne  craignant  pas  de  chemi- 
ner sur  les  sentiers  pieri'eux.  Les  chevaux,  dont  parlent  d'anciens  auteurs, 
n'ont  pas  laissé  de  descendance,  et,  quoi  qu'en  dise  Wellsted,  on  ne  trouve 
|)oinl  de  casoars.  La  faune  de  File,  1res  pauvre,  ne  comprend  aucune  espèce 
de  quadrupède  dangereux;  mais  les  rejtliles,  entre  autres  des  serpents 
venimeux,  sont  communs  à  Sokotra.  Les  oiseaux  sont  lous  d'espèces  afri- 
caines, tandis  que  les  mollusques  appartiennent  plutôt  à  la  faune  de 
l'Arabie. 

Tamarida,  vers  le  milieu  de  la  côle  septentrionale,  est  le  principal  vil- 
lage; Kolessea,  à  la  pointe  nord-orientale,  faisait  jadis  aussi  quelque 
commerce,  mais  ce  n'est  plus  aujourd'hui  qu'un  lieu  de  bannisse- 
ment. Sur  la  côte  méridionale.  Hunier  a  visité  les  ruines  d'un  gi'and 
fort  portugais.  Naguère  les  habitants  de  Sokolra  vivaient  libres,  indépen- 
dants du  sultan  de  Kechin  aussi  bien  que  de  l'Angleterre,  n'ayant  d'autre 
loi  que  la  coutume;  toutefois,  l'empire  de  Kechin  s'étant  récemment 
dédoublé,  l'un  des  frères  souverains  règne  sur  la  côte  d'Arabie,  tandis  que 
l'autre  réside  à  Tamarida  ou  dans  une  plaine  voisine,  appelant  à  sa  barre 
les  indigènes*.  Ceux-ci  sont  très  doux,  très  équitables  les  uns  à  l'égard  des 
autres;  chez  eux  les  vols  et  les  actes  de  violence  sont  presque  inconnus'; 
il  y  a  très  peu  d'esclaves,  mais  sur  la  côte  beaucoup  de  nègres  ayant  fui  la 
servitude. 

Les  petites  îles  qui  se  succèdent  à  l'ouest  de  Sokolra,  vers  la  pointe  d'A- 
frique, appartiennent  aussi  au  sultanat  de  Kechin;  mais  deux  seulemeni 
sont  habitées  :  Bander-Saleh  (Samneh)  et  Abd  el-Kouri,  dont  les  chè\res 
sauvages  parcourent  les  rochers.  Les  indigènes,  fort  misérables,  vivent  du 
produit  de  leur  pêche.  A  quelques  kilomètres  au  nord  se  dressent  en  mer 
des  îlots  escarpés,  couverts  de  guano  que  viennent  charger  des  chaloupes 
arabes. 

'  Litiré,  Dictionnaire  de  la  langue  française  i 

-  Hayley  Balfour,  mémoire  cili'. 
^  Wcllsled,  mémoire  cité. 


62  .NOUVELLE   GÉ OCP, APIIIE   IMVERSELLE. 


II 


MADAGASCAR. 


Cette  grande  île  de  l'océan  Indien  est  l'un  des  corps  insulaires  les  plus 
considérables  de  la  planète  :  elle  ne  le  cède  en  étendue  qu'au  Groenland, 
à  la  Nouvelle-Guinée,  à  Bornéo,  et   probablement  aussi  au    massif  de 
l'Antarctide.  Située  à  une  faible  distance  relative  de  la  côte  orientale  de 
l'Afrique,  puisque  le  canal  de  séparation   n'offre  dans  sa  partie   la  plus 
étroite  qu'une  largeur  de  580  kilomètres,  cette  île  n'a  pas  moins  de  1625 
kilomètres  de  longueur  en  ligne  droite,  du  promontoire  septentrional  ou 
cap  d'Ambre  à  la  pointe  du  sud  ou  cap  Sainte-Marie;  la  distance  moyenne, 
du   rivage  de  l'est    à   celui   de  l'ouest,  d'Andovoranto  à  la  côte  des  Ya- 
Zimba,  par  Tananarive,  est  d'environ  500  kilomètres,  et  le  développement 
eomplel   <les  rivages,   non   conquis  les  pclilcs   indentations  et  les  golfes 
intérieurs,  tels  (pie  la  baie  de  Diego-Suarez,  dépasse  4825  kilomètres.  La 
superficie  totale  est  évaluée  à  5!)!2  000  kilomètres  carrés,  un  seizième  de 
plus  qae  la  surface  du  leniioiie  fiançais.  La  forme  de  Madagascar  est 
assez  régulière  et   ressemble  beaucoup  à  celle  de  Sumatra,  la  première 
grande  île  que  le  navigateur  rencontre  de  l'autre  côté  de  la  mer  des  Indes. 
Elle  est  disposée  en  ovale  allongé,  parallèle  à  l'axe  du  lilloral  africain;  mais 
un  côté,  celui  (pii  est    tourné  vers  la  liante  mer,  est   presque  rectiligne 
sur  la  moitié  de  sa  longueur  :  les  flots  l'ont  égalisé  en   élevant  un  faux 
rivage  de  sable  et  de  limon  au  devant  des  baies  (pii  découpent  le  littoral 
primitif.   La  côte  occidentale,  ipii  regarde  l'Afrifpie,  est  plus  irrégulière 
(Mie  la  côle  de  l'est;  elle  s'avance  en  |iri)nionloires  et  se  creuse  en  petits 
«^olfes  et  en  ports.  Le  nom  actuel  de  Madagascar  semble  lui  avoir  ét(''  apjdi- 
qué  par  erreur, — Marco  Polo  l'ayant  attribué  d'abord  à  la  ville  de  Magdo- 
cliou,  sur  la  côle  africaine'  ;  —  toutefois  cette  appellation  se  rapproche  de 
C(^lle  de  Malagasi,  sous  laquelle  se  désignent  l(\s  habitants,  et  l'influence  des 
étrangers  sur  les  Ilova,  maîtres  de  l'île,  leur  a  fait  adopter  oflîciellement  la 
dénomination  de  Madagascar.  Cette  terre  n'est  plus  pour  eux  le  «  Tout  ", 
comme  aux  temps  où  des  bateaux  à  vapeur  ne  touchaient  pas  à   leurs 
rivages.  On  ne  se  sert  plus  d'anciens  termes  indigènes,  tels  que  Nossi- 
Dambo,  t'  île  des  Sangliers  y>  ;  mais  les  habitants  des  îles  environnantes 
disent  encore  Tani-Bé  ou  «  Grande  Terre  »-. 


*  Yule,  The  Booh  ofser  Marco  Polo;  —  Grandidicr,  Hisloiie  de  Madnyascar 
-  Debk'niie,  Géographie  médicale  de  iSosi-Bé. 


HISTOIRE   DE   MADAGASCAR.  Gd 

Presque  en  entier  dans  la  zone  intertropicale,  puisqu'elle  dépasse  au 
nord  le  12''  degré  de  latitude  et  le  25^  au  sud,  l'île  de  Madagascar  appar- 
tient cej)endant  à  la  zone  tempérée,  grâce  à  la  hauteur  des  plateaux  qui 
occupent  la  plus  grande  partie  de  l'île;  elle  possède  des  territoires  fertiles 
et  salubres,  défendus  en  maints  endroits  contre  les  entreprises  de  l'étran- 
ger par  un  cordon  de  rivages  malsains.  La  population  est  assez  dense  en 
quelques  districts  du  plateau,  mais  dans  l'ensemble  elle  est  relativement 
peu  considérable,  de  5  à  6  habitants  par  kilomètre  carré,  si  l'évaluation  de 
trois  millions  d'habitants,  faite  par  M.  (irandidier,  est,  comme  il  est  pro- 
balile,  celle  qui  se  rapproche  le  plus  de  la  vérité.  En  outre,  cette  population 
est  fort  divisée  à  la  fois  par  les  origines  et  par  les  haines  héréditaires,  et 
les  Européens,  quoitjue  toujours  représentés  par  un  petit  nombre  d'enva- 
hisseurs, ont  pu  aisément  s'établir  dans  le  pays  en  excitant  les  peuples 
les  uns  contre  les  autres  :  les  désastres  qui  vinrent  frapper  les  immi- 
grants à  diverses  reprises  furent  causés  moins  souvent  \)i\v  l'hostilité  des 
indigènes  aue  par  la  maladie,  le  manque  de  ressources  et  surtout  les 
dissensions  entre  les  colons  eux-mêmes.  Mais,  après  de  longs  intervalles 
d'inaction,  l'influence  européenne,  représentée  par  l'action  des  mission- 
naires et  des  marchands  de  diverses  nations,  et  au  point  de  vue  militaire 
par  l'intervention  des  Français,  a  fini  décidément  par  l'emporter.  En 
outre,  l'unité  politique  s'est  constituée,  du  moins  officiellement,  au  profit 
de  la  nation  la  plus  puissante  de  l'île,  celle  des  Hova  :  on  a  même  livré  à 
celle-ci  par  traité  des  populations  indépendantes  qu'elle  n'avait  jamais  pu 
soumettre';  mais  le  peuple  dominateur  a  dii  accepter,  dans  ses  relations 
avec  les  puissances  étrangères,  d'être  représenté  par  la  République  fran- 
çaise, et  en  fait  se  trouve  ainsi  réduit  au  rôle  d'Etat  protégé.  Un  point  du 
littoral  et  quebjues  îles  du  voisinage  appartiennent  à  la  France. 

Le  vague  des  renseignements  laissés  par  les  auteurs  anciens  sur  les  îles 
de  la  mer  Erythrée  ne  permet  pas  de  décider  si  la  terre  aujourd'hui  dési- 
gnée sous  le  nom  de  Madagascar  fut  jamais  connue  des  Romains.  Elle 
n'entre  d'une  manière  certaine  dans  l'histoire  des  navigations  qu'à 
ré|)n(jue  des  grandes  découvertes  des  Arabes,  et  Macoudi  la  mentionne  au 
dixième  siècle  dans  ses  «  Prairies  d'or  )>,  en  l'appelant  «  pays  de  Djaibuna  »  ; 
elle  fut  ensuite  désignée  sous  plusieurs  autres  noms.  Les  marins 
d'Euroj)e  n'apprirent  à  la  connaître  (jue  cinq  siècles  plus  tard,  deux 
années  après  le  voyage  de  Vasco  de  Gama,  qui  passa  dans  le  voisinage 
de  la  grande  île.  Après  cette  première  reconnaissance,  faite  en    1500  jiar 

'  Di'  Miihv  ;  —  R:ii)iil  l'u  ;lel  ;  —  ilii  Verçe  ;  —  de  Lanessan  elc. 


60  N'OUVELLE  GEOGRAPUIE  INIVERSELLE. 

Diogo  Dias,  l'île  de  Sào-Lourenço,  —  telle  fut  la  désignation  portu- 
gaise, —  reçut  plusieurs  autres  visites  des  marins  de  Lisbonne,  Fernào 
Suares,  Ruy  Pereira  et  Tristào  da  Cunha,  «  dont  le  nom,  dit  CamÔes,  vi- 
vra éternellement  dans  toute  cette  partie  de  l'Océan  qui  baigne  les  îles  du 
midi  »;  mais  les  découvreurs,  n'ayant  recueilli  ni  or  ni  argent  dans  la 
terre  nouvelle,  l'abandonnèrent  bientôt,  attirés  vers  l'Inde,  le  pays  des 
perles,  des  diamants  et  des  précieux  tissus.  Trop  peu  nombi-eux  jjour 
s'emparer  d'une  moitié  du  monde,  les  Portugais  ne  pouvaient  que  délais- 
ser la  plupart  de  leurs  conquêtes,  pour  concentrer  leurs  forces  dans  celles 
d'où  ils  reliraient  le  plus  de  richesses.  Si  leur  établissement  de  Moçam- 
bique  était  devenu  le  centre  d'une  colonie  considérable,  nul  doute  que 
l'île  de  Sào-Lourenço  ne  se  fût  trouvée,  grâce  à  sa  proximité  de  l'Afrique, 
dans  la  zone  d'annexion  de  l'empire  portugais.  La  première  carte  de 
Madagascar  où  l'on  reconnaisse  la  forme  de  l'île  est  celle  de  Pileslrina', 
qui  date  de  1511. 

Après  la  découverte,  près  d'un  siècle  et  demi  s'écoula  sans  que  des  Euro- 
péens fissent  de  sérieuses  tentatives  pour  s'établir  dans  l'île.  Flacouri 
dit  que  des  Hollandais  y  passèrent  en  1655,  sur  les  bords  de  la  baie 
d'Anton-Gil  ;  puis,  en  1642,  une  société  française,  dite  «  de  l'Orient  », 
reçut  de  Richelieu  la  concession  de  Madagascar  et  des  îles  voisines,  «  pour 
y  éi'iger  colonies  et  commerce  »  ;  l'année  suivante,  quelques  compagnies 
débarquèrent  dans  l'île,  donnant  ainsi  une  première  sanction  aux  «  droits 
historiques))  sur  Madagascar  réclamés  par  le  gouvernement  fiançais  dans 
ses  débats  ultérieurs  avec  l'Angleterre.  La  baie  d'Anton-Gil  (Antongil),  si 
largement  ouverte  sur  la  côte  orientale,  fut  un  des  premiers  postes  occu- 
pés; mais  les  princijjales  tentatives  de  colonisation  proprement  dite  se 
firent  d'abord  sur  la  côte  méridionale,  à  l'endroit  le  plus  rapproché  de 
l'Europe  par  la  voie  du  Cap,  la  seule  connue  à  cette  époque.  Les  Français 
choisirent  d'abord  la  baie  de  Manaliafa  ou  Sainte-Luce,  ouverte  à  l'angle 
sud-oriental  de  Madagascar,  puis  ils  se  transportèrent  plus  au  sud,  dans 
la  péninsule  de  Taolanara,  où  ils  élevèrent  le  Fort-Dauphin;  la  grande 
île  reçut  elle-même  le  nom  d'île  Dauphine  ou  France  orientale. 

Grâce  aux  renforts  et  à  de  nombreuses  ex|)éditions  de  ravitaillement,  les 
Français  se  maintinrent  sur  cette  pointe  de  Madagascar  :  leurs  forces  eus- 
sent certainement  suffi  à  étendre  la  domination  de  la  France  dans  toute  la 
partie  méridionale  de  l'île,  si  les  colons  n'avaient  pas  abusé  de  leur  ascen- 
dant sur  les  naturels  pour  les  convertir,  puis  pour  les  exciter  à  la  guerre 

'  A.  Gianilidier,  ouvi'niïo  cilé. 


UISTOlRi; 


M  A  11  AT,  A  se  Ali. 


67 


AXGLE    SrD-ORIENTAL    DE    MADAGASCAll. 


Est  de  Par 


les  uns  contre  les  autres,  et  même  pour  faire  la  ehasse  aux  naturels  et 
vendre  leurs  captifs  aux  planteurs  hollandais  de  Maurice.  A  la  lin  le  ter- 
ritoire avoisinant  le  Fort- 
Dauphin  se  trouva  dévasté; 
des  villages  par  centaines 
avaient  été  livrés  aux 
flammes  et  les  habitants 
échappés  aux  massacres 
avaient  dû  émigrer  en 
d'autres  régions  de  l'ile  : 
la  garnison  française,  en- 
tourée de  solitudes,  n'eut 
plus  même  la  ressource  du 
pillage,  et  c'est  à  grands 
frais  qu'elle  devait  impor- 
ter les  bœufs  et  le  riz  de 
pays  éloignés.  Les  survi- 
vants s'embarquèrent  à  la 
fin  de  1672  sur  un  navire 
de  passage  :  à  peine  quel- 
ques métis  restés  dans  le 
pays  rappelaient-ils  le  sé- 
jour des  Français  à  Forl- 
Danphin'.  On  évalue  aux 
deux  tiers  de  l'effectif  les 
soldats  et  colons  emportés 
par  la  maladie,  la  famine 
et  la  guerre  :  le  restant  o  après  les canes  de la  m 
servit  de  noyau  à  la  colo-  [==] 

nie  de  Bourbon,  (pii,  deux  Oe5â/o-r 

siècles   plus    tard,    devait  ,   ■  ■ 

être  un  point  d'appui  poui' 

de  nouvelles  tentatives  de  conquête  sur  Madagascar.  De  Flacourt,  l'auleui' 
de  l'ouvrage*  le  plus  fréquemment  consulté  sur  l'ile  malgache  et  ses  tri- 
bus au  dix-septième  siècle,  fut  un  de  ses  premiers  gouverneurs. 

De  fréquents  édits  royaux   rappelèrent   après  l'abandon  de  Madagascai' 


-Cf!j~o^^^r^  , 


47°io-EstdeCreen,„cK 


l  :  sot  (100 


cye-50'"etâu  O'e'à 


'  Lin-iize,  Souoeiiirs  de  iladafiascur. 

•  Histoire  de  la  (fraude  hle  de  Madaçiascar. 


08  NOUVELLE   (iÉOGRAPlIlE  L.M VEHSELLE. 

que  la  «couronne  »  maintenait  ses  droits  de  possession;  mais  pendant 
près  d'un  siècle  aucune  tentative  de  colonisation  ne  justifia  ces  affirma- 
tions de  pure  forme  :  les  seuls  visiteurs  étrangers  furent  des  pirates  ou  des 
traitants  des  Mascareignes  qui  venaient  échanger  des  étoffes  et  autres  mar- 
chandises d'Europe  contre  des  esclaves.  En  1750,  la  Compagnie  des  Indes 
tenta  de  centraliser  ce  commerce  à  son  profit  en  s'emparani  de  File  Sainte- 
Marie,  située  au  sud  de  la  baie  d'Anton-Gil,  et  quelques  années  plus  tard 
le  gouvernement  français  fit  réoccuper  le  Fort-Dauphin,  mais  sans  ipie  la 
reprise  de  ])ossession  aboutît  à  un  résultat  durable.  De  même  l'élaldis- 
sement  vice-royal  fondé  en  1774  sur  la  baie  d'Anton-Gil  [)ar  le  fastueux 
magnat  polonais  et  magyar  Maurice  Beniovski  dut  être  abandonné  deux 
années  plus  lard,  e(  l'on  ne  voit  plus  trace  de  Louisbourg,  la  ca[)ilale; 
a  peine  a-t-on  reconnu  la  rouie  que  l'aventuriei',  ûcscnu  ampakassombé  ou 
if  empereur  )'  des  Malgaches,  avait  construite  au  nord-est  de  la  baie 
d'Anton-Gil  vers  A'goulsi.  Après  trois  siècles  de  commerce  et  d'occupa- 
tions partielles  on  ne  connaissait  encore  de  Madagascar  que  ses  rivages. 
Ce  sont  les  rivalités  de  la  France  et  de  rx\ngleterrc  qui  donnèrent  l'im- 
pulsion aux  voyages  d'exploration  j)olilique  et  commerciale  sur  les  pla- 
teaux de  l'ile.  Pendant  les  guerres  de  rEmj)ire,  les  Anglais  s'éiaieni  empa- 
l'és  de  l'île  de  France  ou  Maurice,  dont  ils  voulurent  faire  d'abord  un 
arsenal  pour  la  coii<|uèle  de  Madagascai-;  mais,  ayant  dû,  après  discussion 
des  traités,  ri'iioncer  à  leur  prétention  de  voir  dans  la  grande  île  une 
dépendance  de  Maurice,  ils  laissèrent  les  Franr;ais  occuper  de  nouveau  les 
postes  du  lilloral  et  se  boi'nèrent  à  cherclici'  un  allié  parmi  les  rois  indi- 
gènes, pour  arriver  indirectement  à  faire  expulser  les  re})résenlanls  de  la 
puissance  rivale.  Cet  allié,  ils  crurent  l'avoir  trouvé  dans  le  souverain  des 
Hova,  qui,  par  le  nombre  de  ses  sujets  et  par  sa  résidence  au  centre 
de  l'île,  dans  une  ])Osi(ion  dominante,  paraissait  en  effet  avoir  le  plus  de 
chances  pour  devenir  un  jour  le  maître  de  l'île  enlière.  Uadama,  salué 
par  les  Anglais  «  roi  de  Madagascar  et  de  ses  dépendances  »,  s'em|iara  bien- 
lot  du  port  de  Tamalavc,  grâce  à  leur  ap|iui,  et  le  chemin  de  l'inlérieur 
leur  fut  ainsi  complètement  ouvert.  Ils  en  |irofilèrenl,  dès  l'année  1820, 
pour  envoyer  à  la  capitale  marchands,  missionnaires,  officiers  et  diplo- 
mates, pour  s'établir  à  demeure  dans  les  jiorts  les  plus  fréquentés  et  pour 
surveiller  les  côtes  presque  en  suzerains.  On  put  croire  que  Madagascar, 
cette  «  Grande-Dretagne  de  l'Afrique»,  ainsi  que  s'écriait  le  missionnaire 
Ellis,  était  devenue  colonie  de  l'Angleterre  et  (pie  l'armée  des  Ilova, 
aux  gages  de  l'étranger,  servirait  désormais  à  l'affermir  dans  sa  con- 
quête. Mais  il  n'en  était  rien  :  en  1828,  un  changement  de  règne  amena 


blSTUlKE   DE   M.VDAGASCAll.  H'J 

l'expulsion  des  Aiii;lais,  la  doslruclion  de  leurs  comptoirs,  la  pei'si'cutiou 
de  leurs  convertis,  et  les  Malgaches,  comprenant  tous  les  razalia  ou 
blancs  dans  un  même  sentiment  de  haine,  s'efforcèrent  de  leur  fermer  le 
pays  et  de  soumettre  leurs  traitants,  dans  les  ports  du  littoral,  à  une  rigou- 
reuse surveillance.  Cependant  les  huit  années  pendant  lesquelles  les  iEu- 
ropéens  avaient  librement  visité  le  royaume  hova  ne  devaient  pas  être  per- 
dues pour  les  insulaires,  désormais  initiés  partiellement  aux  arts  et  aux 
idées  de  la  civilisation  moderne. 

C'est  de  1845  à  185'2  que  le  système  d'isolement  politique  adopté  par 
les  Hova  fut  observé  avec  le  plus  de  rigueur.  A  la  suite  d'une  spoliation 
des  marchands  d(!  Tamatave  et  d'une  tentative  malheureuse  des  marins 
anglais  et  français  pour  en  tirer  vengeance,  les  relations  furent  complète- 
ment rompues  entre  les  Malgaches  et  les  Européens  de  toute  nation.  Mais 
sur  la  côte  occidentale  de  l'île  les  Français  étaient  en  rapport  avec  les 
populations  indé|»endantes,  sakalaves  et  autres,  et  s'étaient  emparés  de 
quelques  îles  ou  nossi  du  littoral  :  Nossi-Bé,  Nossi-Komba,  Nossi-Mitsiou  ; 
même  ils  avaient  acquis  les  droits  de  suzeraineté  sur  les  côtes  de  la  grande 
terre.  Quand  les  blancs  furent  admis  de  nouveau  dans  le  royaume  des 
Hova,  ils  eurent  bientôt  recon(|uis  une  grande  influence;  mais  les  l'iva- 
lités  recommencèrent  entre  Anglais  et  Français,  et  le  ])rivilège  que  récla- 
maient les  étrangers  de  pouvoir  «  s'établir  [)arlout  où  ils  le  jugeraient 
convenable  et  acquérir  des  biens  en  toute  propriété»  donna  lieu  à  de  con- 
tinuelles discussions.  Celles-ci  finirent,  en  1<S85,  par  amener  la  guerre, 
([ui  se  termina  d'une  manière  avantageuse  pour  la  France,  sans  toutefois 
donner  à  ses  nationaux  le  droit  d'acquérir  le  sol  :  ils  ne  peuvent  que 
le  prendre  en  location  pour  une  dui'ée  indéterminée,  mais  ils  sont  auto- 
risés désormais  à  résider  et  à  faire  le  commerce  librement  dans  (ouïe 
l'étendue  du  royaume  des  Hova. 

Le  voisinage  de  deux  îles  riches  et  po])uleuses,  comme  le  sont  la 
Réunion  et  Maurice,  ne  pouvait  man(jucr  d'enti-aîncr  })eu  à  peu  les  popu- 
lations de  Madagascar  dans  l'orbite  du  giand  commerce  européen.  En 
relations  nécessaires  avec  l'EurojJe  par  leurs  riches  produits  coloniaux, 
les  Mascareignes  doivent  également  trafiquer  avec  l'île  malgache,  d'où  elles 
tirent  le  bétail  et  les  vivres  indispensables  à  leurs  travailleurs.  La  grande 
terre  et  les  deux  petits  massifs  montagneux  des  mers  orientales  foimenl 
au  point  de  vue  économique  un  tout  indivisible  :  aussi  l'annexion,  sinon 
politique,  du  moins  commerciale  de  Madagascar,  était-elle  devenue  inévi- 
table; ce  sont  les  deux  satellites  de  l'ile-continent  qui  en  ont  fait  la  con- 
quête par  l'entremise  des  escadres  françaises.  Certainement  ce  fait  histo- 


7U  NOUVELLE  GÉÛGUAPUIE   UNIVERSELLE. 

rique  se  serait  accompli  beaucoup  plus  tôt,  si  Maurice  et  la  Réunion 
n'appartenaient  pas  à  deux  puissances  rivales,  occupées  depuis  quatre- 
vingts  années  à  ruiner  mutuelleraent  leurs  entreprises  dans  ces  parages 
de  la  mer  des  Indes.  Pourtant,  quoique  Maurice  soit  colonie  anglaise,  la 
population  française  qui  l'habite  a  contribué  pour  une  certaine  part,  même 
par  des  volontaires  armés,  aux  expéditions  qui  ont  assuré  la  prépondérance 
française  sur  Madagascar.  Tôt  ou  lard,  à  n'en  pas  douter,  le  centre  de  gra- 
vité politique  se  déplacera  pour  se  ])orter  des  petites  colonies  des  Masca- 
reignes  vers  la  grande  terre,  si  riche  en  trésors  non  exploités. 

Madagascar  n'est  pas  encore  complètement  connue  au  point  de  vue  géo- 
graphique. Plus  de  la  moitié  du  territoire  des  Sakalaves  est  toujours  terre 
ignorée,  et  les  régions  du  midi,  précisément  celles  où  les  Français  firent 
leurs  premières  expéditions,  entre  le  Fort-Dauphin  et  le  pays  des  Bara, 
n'ont  pas  été  explorées  scientifiquement.  Les  parties  les  mieux  connues 
de  l'île  sont  naturellement  celles  que  parcourent  les  traitants  entre  la  côte 
orientale  et  la  capitale,  Tananarive  ;  de  même,  autour  de  celle  ville  les  iti- 
néraires se  croisent;  il  ne  reste  en  maints  endroits  que  des  points  de  dé- 
tail à  relever.  De  tous  les  voyageurs,  celui  qui  a  le  jilus  fait  |iour  la 
découvei'te  de  l'intérieur  et  qui  le  premier  en  a  dessiné  exactement  le  re- 
lief est  M.  Grandidier;  il  a  traversé  l'ile  de  côte  à  côte,  parcouru  un  espace 
de  plusieurs  milliers  de  kilomètres  et  fixé  des  centaines  de  points  astrono- 
miques, offrant,  avec  les  côtes  relevées  par  les  marins,  un  réseau  de  lignes 
fondamentales  pour  toutes  les  cartes  ultérieures.  Grâce  à  ses  observations 
et  à  celles  de  MM.  Roblet.  Mullens  et  (iameron,  on  a  pu  faire  une  véri- 
table triangulation  de  la  province  centrale  de  Madagascar,  Imerina,  et  en 
dresser  des  cartes,  telles  que  n'en  possèdent  pas  certaines  régions  d'Eu- 
rope, en  Espagne  et  dans  la  Balkanie.  La  bibliographie  malgache  com- 
prend plus  de  1500  documents  divers,  livres,  brochures  et  cartes. 


L'Ile  n'a  pas  la  struclure  l'égulière  (juc^  lui  prêtaient  les  premiers  voya- 
geurs :  cette  prétendue  chaîne  de  montagnes  que  l'on  traçait  du  nord  au  sud, 
du  cap  d'Ambre  au  cap  Sainte-Marie,  n'existe  pas.  Au  lieu  d'une  chaîne 
maîtresse,  l'île  présente  dans  les  parties  du  nord  et  du  centre  des  massifs 
irréguliers  irposant  sur  un  socle  commun  de  hautes  terres  et  descen- 
dant vers  la  mer  par  des  pentes  très  inégales.  Si  la  mer  s'élevait  également 
autour  de  l'île  de  manière  à  en  limiter  la  région  montagneuse,  cette 
terre  amoindrie  n'aurait  pas,  sous  une  forme  réduite,  les  contours  actuels 
de  Madagascai'.  La  déclivité  occidentale,  tournée  vers  le  détroit  de  Moçam- 


EXPLUHATIO.N   DE   MADAGASCAR.  ^1 

hique,  est  beaucoup  plus  doucement  inclinée  que  celle  de  l'est,  et  à  sa  base 
s'étendent  en  plusieurs  districts  de  vastes  plaines,  f;ublrmeiit  élevées  au- 
dessus  de  la  mer;  de 
même,    vers     l'extré-  ^°  ''■  —  "-"NtituREs  PRtNcipvrx  des  voyageurs  a  madagascak. 

mité  méridionale  de 
l'île,  le  sol  s'abaisse, 
et  les  montagnes , 
les  collines  disparais- 
sent; des  dunes  se 
succèdent  en  rangées 
le  long  du  rivage.  La 
pente  rapide  de  l'île 
est  celle  qui  descend 
vers  la  côle  orientale 
et  que  prolongent  en 
mer  les  berges  sous- 
marines  jusqu'à  plus 
de  5000  mètres  en 
profondeur. 

D'après     Mullens', 
la    première    grande 

montagne    que     l'on 

rencontre   en   venant 
des  terres  basses  du 

sud  est  la   forteresse 

naturelle  de  l'Ivohibé, 

dans  le  pays  desBara. 

Au  delà  de  cette  roche 

isolée,   le    sol   s'élève 

en  un   plateau   mon- 

tueux ,     flanqué     de 

chaînes  bordières.  Le 

massif  culminant  de 

Madagascar  est  l'An- 

karatra,  à  peu  près  dans  la  région  centrale  de  l'île,  mais  une  fois  plus 

rapproché  des  rivages  orientaux  que  de  la  côte  occidentale.  Ce  groupe  de 

montagnes,  dont  l'axe  est  le  même  que  celui  de  l'île  entière,  dépasse 


.humai  oftlie  R.  Ceoyraphical  Suciclij,  IS' 


72  NOUVELLE  fiÊOORAPlIlE  IMVERSELLE. 

2500  mètres  par  quelques-unes  de  ses  pointes  :  la  plus  haute,  la  Tsiafa- 
Javona  ou  «  montagne  Nuageuse  «,  atteint  2590  mètres'.  Au  sud,  les 
autres  groupes  de  sommets  n'ont  en  moyenne  qu'une  élévation  deux  fois 
moindre,  mais  vers  le  nord  on  a  signalé  plusieurs  massifs  offrant  dos 
altitudes  de  1500  mètres.  L'Amhinivini,  à  l'ouest  de  la  baie  d'Anlon-(!il, 
est  peut-être,  de  toutes  les  montagnes  de  Madagascar,  la  plus  forniidahle 
d'aspect;  sa  paroi  suprême  se  dresse  d'un  jet  à  (300  mètres  au-dessus  du 
chemin  de  la  vallée'. 

En  dehors  des  grands  massifs,  l'ensemble  de  la  contrée  a  l'aspect 
d'une  lande  inégale,  se  déroulant  en  longues  ondulations  d'argile  rouge 
ou  grisâtre,  interrompue  çà  et  là  par  de  brusques  saillies  de  granits,  de 
gneiss,  schistes  ou  basaltes,  se  dressant  en  murailles  ou  en  tours  ou  s'en- 
tassant  en  amas  chaotiques.  Le  socle  des  montagnes,  d'environ  1000  mè"- 
tres  d'allilude,  est  limité  à  l'est  [lar  des  escarpements  et  des  gradins,  qui, 
vus  de  la  mer,  présentent  l'aïqjarence  de  chaînes  avec  leurs  saillies,  leurs 
promontoires  et  leurs  cluses  transversales.  Des  forêts  recouvrent  les  pentes 
de  ces  marches  extérieures  du  plateau.  Du  côté  de  l'ouest  les  hautes  terres 
sont  également  bordées  de  degrés  dont  les  saillies  forment  montagnes  et 
qui  se  dirigent  du  sud  au  nord  suivant  l'axe  général  de  Madagascar.  Trois 
de  ces  murs  parallèles  se  succèdent  entre  le  plateau  et  la  mer,  et  se  con- 
fondent eux-mêmes  en  plateaux  secondaires  là  où  ils  ne  sont  pas  séparés 
les  uns  des  autres  par  des  vallées  de  rivières,  des  plaines  d'érosion  ou  des 
contrées  lacustres  graduellement  comblées.  Les  chaînons  extérieurs  ne 
sont  pas  formés  de  roches  granitiques  comme  les  massifs  du  centre;  ils 
apjtartiennent  aux  terrains  secondaires  :  MM.  Grandidier,  Richardson,  Ilil- 
debrandt  y  ont  trouvé  des  fossiles  des  âges  compris  entre  l'oolithe  et  la 
craie,  ainsi  que  les  restes  fossiles  de  grands  animaux  disparus.  Des  blocs 
épars  en  diverses  parties  de  la  contrée,  au  pied  des  montagnes,  sont  tenus 
par  Sibree  pour  des  erratiques  :  Madagascar  aurait  donc  eu  sa  ])éiiode 
glaciaire. 

()uoi  (lu'il  en  sdil,  elle  a  eu  ses  âges  d'activité  volcani(|ue  avant  les 
temps  racontés  jiar  l'histoire.  Près  du  rebord  oriental  des  monts  on  a 
reconnu  des  centaines  de  volcans  d'où  s'épanchèrent  des  coulées  de  laves. 
Des  bouches  se  sont  ouvertes  à  travers  le  massif  central  d'Aiikaratra.àcôté 
des  granits,  et  les  hauts  pitons  eux-mêmes,  points  culminants  de  l'île,  sont 
des  cônes  d'éruption;  des  laves  en  ont  jailli  de  tous  les  côtés,  mais  surtout 


<  D'après  Sibree  {Cn-nt  Afriran  hlaiid),  '2728  mètres. 
*  Hiiron,  Anlnnaniirti'i)  Aniniah  1887. 


MONTAGNES,   RIVIÈRES  DE  MADAGASCAR.  75 

vers  le  sud.  Une  des  cheircs  du  versant  raéridiouiil  n'a  pas  nmins  de 
40  kilomètres  en  longueur  :  les  langues  de  lave  s'avancent  au  loin  dans  les 
plaines,  contrastant  par  leur  couleur  sombre  avec  le  rouge  éclatant  des 
argiles.  Au  noi'd-ouest,  sur  les  bords  du  lacltassi,  Mullens  a  compté  (|ua- 
rante  cratères,  grands  et  petits,  entiers  ou  ébréchés,  solitaires  ou  par 
groupes,  et  ce  sont  leurs  coulées  qui  ont  barré  la  route  aux  eaux  de  la 
contrée  e(  les  ont  forcées  à  s'amasser  en  lac;  plus  loin,  vers  le  sud,  toute 
une  plaine,  qui  ressemble  à  celle  des  «  Champs  l'hlégrcens  »  en  Italie, 
est  ])arsemée  de  monticules  et  de  buttes,  cbeminées  éteintes  d'une  im- 
mense fournaise  :  d'après  une  vague  tradition,  les  ancèti-es  des  indigènes 
aui'aient  assisté  à  ces  conflagrations  du  sol'.  Dans  la  ])arlie  septentrionale 
de  l'île,  les  volcans  sont  fort  nombreux.  Au  nord-est  de  la  baie  d'Anlon- 
Viï],  s'élève  une  de  ces  montagnes  «  brtîlées  «,  piton  sacré  dont  le  cratère 
renferme  un  lac  poissonneux  et  dont  les  talus  extérieurs  sont  formés  de 
débris  rouges  autour  du  cône  su[)rème  et  blancs  à  la  base.  La  pointe  tei- 
minale  de  Madagascar,  le  cap  d'Ambre,  est  aussi  un  volcan,  dominant 
les  Ilots  qui  se  partagent  autour  de  ses  coulées.  Les  satellites  de  la  grande 
t(M're,  Nossi-Bé,  Mayotte,  Anjouan  sont  également  formés  de  laves.  En 
maintes  parties  de  Madagascar  jaillissent  des  eaux  thermales  et  des  bouf- 
fées d'acide  carbonique,  moi'ielles  aux  insectes  et  aux  bestioles.  Les  tiem- 
blements  de  terre  sont  assez  fréquents. 

Madagascar,  bien  exposée  aux  vents  alizés  de  la  mer  des  Indes,  est  riche 
en  eaux  courantes,  si  ce  n'est  vers  l'extrémité  méridionale,  soumise  par- 
fois à  des  vents  desséchants  venus  du  continent  d'Afrique.  La  jjIus  grande 
quantité  d'eau  tombe  sur  le  versant  oriental  de  l'île,  mais  ce  n'est  ]ias  de 
ce  côté  que  se  forment  les  rivières  à  la  plus  ample  ramure  :  la  rapidité  des 
pentes  et  l'étroitesse  de  la  zone  d'écoulement  ne  [)ermettent  pas  aux  cours 
d'eau  de  se  développer  en  méandres  et  de  s'unir  en  fleuves  avant  d'attein- 
dre la  mer  :  la  plupart  ne  sont  que  des  torrents,  n'ayant  pas  même  une 
centaine  de  kilomètres  en  longueur.  Un  des  plus  abondants  est  le  Teng- 
teng  ou  Manompa,  qui  naît  dans  une  vallée  longitudinale  entre  deux 
chaînes  parallèles,  et  perce  l'une  d'elles  par  une  profonde  cluse  pour 
s'échapper  vers  la  mer,  où  il  débouche  en  face  de  l'île  Sainte-Marie.  Le 
Maningori  recueille  aussi  ses  premières  eaux  dans  une  haute  ]ilaine,  entre 
la  chaîne  maîtresse  et  le  barrage  formé  par  le  rebord  du  plateau  de  soutè- 
nement :  la  masse  liquide  retenue  s'étale  en  marais,  puis  en  un  bassin  la- 
custre, également  sans  profondeur,   l'Alaolra,   qui   se  prolonge  sur  une 

'  Millions,  ,/o»)V(rt/ ()/''/"' /?•  Geoyr/ipliical  Sucicii/,  1875. 


7i  NOUVELLE  GÉOGRAPUIE  L'MVERSELLE. 

treiilaine  de  kilomètres  dans  la  vallée  longitudinale  avant  de  trouver  une 
brèche  qui  permette  au  trop-plein  de  se  déverser  par  une  cluse  profonde 
sur  le  versant  extérieur  et  d'atteindre  la  mer,  non  loin  de  Fenoarivo. 
Jadis  l'Alaolra  fut  une  mer  intérieure  d'au  moins  550  kilomètres  de  lon- 
gueur, disposée  parallèlement  aux  montagnes  et  à  la  côte  :  d'anciennes 
plages  étagées  sur  le  pourtour  des  hautes  vallées  de  Sihanaka  et  d'Ankaï 
prouvent  que  la  nappe  lacustre  s'élevait  à  547  mètres  au-dessus  de  son 
niveau  actuel'.  Au  sud  de  Tamatave  et  d'Andovoranto,  la  rivière  Onihé, 
qui  reçoit  aussi  des  afiluents  venus  de  vallées  longitudinales,  mais  qu'ali- 
mentent surtout  les  ruisseaux  descendus  du  grand  massif  central  d'Anka- 
ratra,  est  le  fleuve  le  plus  abondant  du  versant  oriental.  La  Matita- 
nana  ou  «  Main  morte  »,  rivière  sainte'  qui  naît  plus  au  sud,  dans  le  pays 
des  Belsileo,  est  moins  considérable,  mais  son  cours  est  plus  accidenté  : 
une  de  ses  cascades,  au  sortir  des  montagnes,  a  ISO  mètres  de  hauteur, 
et  près  de  là  jaillit  une  source  thermale  abondante. 

Si  les  rivières  de  Madagascar  qui  descendent  vers  l'océan  Indien  sont 
fermées  à  la  navigation  au-dessus  de  leur  embouchure,  leurs  estuaires 
ramifiés  et  rattachés  les  uns  aux  autres  par  des  marigots  latéraux  présen- 
tent à  l'intérieur  des  voies  navigables  d'un  grand  développement  :  quel- 
ques coupures  faites  à  travers  les  sables  et  les  bancs  de  coraux  peimet- 
traient  à  de  petits  bateaux  à  vapeur  de  voguer  à  l'abii  de  la  houle  marine 
entre  l'Ivondrou,  près  de  Tamatave,  et  la  bouche  de  la  Malilatana,  c'est-à- 
dire  sur  une  longueur  de  plus  de  485  kilomètres,  en  tenant  compte  de 
toutes  les  sinuosités  du  chenal.  Déjà  en  1S64  le  capitaine  Rooke  a  mené 
à  bonne  fin  cette  navigation,  rendue  çà  et  là  dangereuse  par  les  bancs  de 
vase  et  par  les  rangées  de  pieux  des  pêcheurs;  les  portages  ou  ampana- 
lana,  sui"  le  parcours  du  canal  futur,  que  Radama  I"  avait  déjà  fait  com- 
mencer %  ont  pendant  les  hautes  eaux  environ  46  kilomètres  en  longueur 
collective;  quelques  planteurs  y  ont  récemment  creusé  des  passes.  Le  lit- 
toral présente  donc  un  double  rivage*,  la  plage  extérieure,  que  vient 
ébi'anler  le  flot,  et  la  berge  intérieure,  baignée  par  l'eau  tranquille  des 
baies  vaseuses  où  s'entremêlent  les  racines  des  palétuviers.  Ces  estuaires, 
où  viennent  se  jeter  ciiiiiuanle  petits  cours  d'eau  et  qui  communiquent 
avec    l'Océan  par  un  |iclil  nombre  de  graus  d'accès  difficile,  ressenililcnl  à 


'   Uaron,  AiiUiiiniiar'n'o  Aiiiniid.  I8S7. 
-  W.  Ellis,  Histonj  of  Mailaytiscar. 
•'  lionry  W.  Lillk',  ihidayascar. 

*  Rooke,  Journal  of  llic  H.  Gcoyiiiiiliinil  Socictij,  18()i;   —  A.  (irandiilicr,  ouvrage  cilé;  — 
IJeiiry  W.  Little,  Madagascar. 


RIVIÈRES,   MARIGOTS  COTIERS  DE  MADAGASCAR. 


75 


JJAtllCOTS    IJE    LA    tUTI:    UlilENTALE    I:E    SIAIIA  CA^rAll, 


des  lacs  et  en  maints  endroits  se  partagent  en  canaux  tortueux  qui  en  font 
un  labyrinthe  inextricable,  s'asséchant  parfois  en  été  et  connu  seulement 
de  quelques  pilotes.  Le  cordon  littoral  (jui  borde  ces  lagunes  est  constitué 
en  divers  endroits  par  des 
murs  de  polypiers,  sur  les- 
quels la  mer  a  jeté  du  sable 
et  des  coquillages,  trans- 
formant peu  à  peu  les  ru- 
chers et  les  plages  en  une 
digue  continue  ;  des  arbres 
forestiers  y  ont  pris  lacine  et 
les  villages  sesuccèdent  dans 
la  verdure.  Sous  l'action  du 
courant  qui  longe  la  côte, 
le  cordon  littoral  est  d'une 
régularité  parfaite.  De  l'anse 
du  Fort-Dauphin,  à  l'angle 
sud-oriental  de  Madagas- 
car, jusqu'à  Marofototra  ou 
Foulepoinle,  sur  une  lon- 
gueur de  900  kilomètres,  le 
rivage  est  presque  reclili- 
gne,  les  navires  qui  fré(jueii- 
tent  ces  mers  se  tiennent 
à  distance  des  récifs  côtiers 
et  souvent  font  leur  trafic 
sous  voile.  Au  nord  de  Fou- 
lepointe  la  côte  n'a  plus  la 
même  régularité  et  se  creuse 
profondément  jiour  lormer 
la  baie  d  Anton-Gil,  à  l'abri 
d'un  iiromonloirc  volcani- 
que; mais  l'ile  Sai nie-Marie 

(Nossi-Boraha  )  ,   (jiii   s"al-  ^]  ;^^;,,  ^n 

longe  en  fer  de   lance  aii- 

(levanl  de  la  baie  de  Tengleng  (Tinlingne),  parait  èlre  le  reste  d'un  cordon 
lilldial  qui  coiitiiiuail  la  muraille  rectiligne  des  côtes  du  sud  et  reliait  Fon- 
lepoinle  au  cap  Maseala.  Quant  à  la  baie  ramifiée  de  Diego-Suarez,  qui  se 
trouve  à  l'extrémité  septentrionale  de  Madagascar,  elle  doit  son  existence 


_Mjê 


■IaKgfet 


49°       EstdeC-reenvvich 


D'après  Grandidier  et  autr 


c'e/00'"etàucfe/Â. 

5  TOP  noo 


NOrVKLLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


erosion    de  la  cote  orientale  et  ba 
d'amos-gii,. 


au  massif  volcanique  du  cap  d'Ambre  qui  s'est  dressé  au  noi'd  de  l'île, 
enfermant  ainsi  une  vaste  étendue  d'eaux  marines. 

Sur  le  versant  occidendal,  tourné  vers  le  détroit  de  Moçambique,  quel- 
ques fleuves  ont  un  bassin  considé- 
rable, dont  les  origines  se  trouvent 
dans  les  montagnes  de  l'est,  à  proxi- 
mité de  la  mer  des  Indes.  Au  sud  de 
la  province  des  Betsileo,  le  Mangoka 
ou  Saint-Yincent  reçoit  les  eaux  d'un 
territoire  d'au  moins  50  000  kilo- 
mètres carrés.  Plus  au  nord,  le  Tsi- 
jobonina  est  alimenté  j)ar  les  ruis- 
seaux (jui  descendent  des  volcans 
d'Ankaratra  et  de  toute  la  région 
phlégréenne  des  alentours  :  un  émis- 
saire de  ce  lac  Itassi  que  barrent  des 
coulées  de  laves  vient  aussi  s'épan- 
cher dans  son  couranl.  Plus  puissant 
que  tous  les  autres  cours  d'eau  de 
Madagascar,  l'ikopa,  réuni  au  Betsi- 
boka,  apporte  à  la  baie  de  Bombelok 
les  eaux  de  la  province  d'imerina, 
dans  laquelle  se  trouve  la  ca])ilale  du 
royaume.  Son  cours  dévelo|i|)é  n'a 
pas  moins  de  800  kilomètres;  d'a- 
près Sibree,  un  bateau  à  vapeur  d'un 
faible  tirant  d'eau  poiu'rait  remonter 
le  Betsiboka  jus(prà  Wh  kilomètres 
(le  la  mer.  Au  nonl-ouest  de  l'ile 
toutes  les  rivières  de  (piebpie  inipor- 
(■  luo  uiL  tance  se  jellenl  en  des  grdfes  sinueux 

el  raniiii(''s  ipii  prc'seiitent  une  l'cs- 
semlilanee  loinlaine  avec  les  fjords  de  la  Scandinavie  et  que  l'on  peut 
comparer  plus  exacienient  aux  di'conpnres  du  lilloral  brelon'  :  ils  son! 
dus  probablement  à  une  cause  analogue,  c'est-à-diie  à  la  di'sintégi'ation 
graduelle  des  roches  graniti(|ues  et  autres,  suivant  les  lignes  de  frac- 
tui'e.  Des  îles   nombreuses,  débris  de   la   graiide    (erre,    sont  parsemées 


47' 

48° 

Est  de 

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Huliiiieyei-,  Û;e  llrcltiyiiP. 


jiija! 


LITTORAL,   CLIMAT   1)E   MADAGASCAR.  70 

aii-devanl  des  golfes  et  continuenl  les  promontoires.  Une  de  ces  îles,  dé- 
|)eiidance  évidente  de  Madagascar  au  point  de  vue  géographique,  est 
Nossi-Bé,  fameuse  par  ses  groupes  de  volcans,  dont  l'un  contient  de  jielils 
lacs  dans  ses  cratères  éteints.  D'après  M.  Grandidier,  la  côte  orientale,  con- 
linuellement  érodée  par  le  courant,  reculerait  peu  à  peu,  si  ce  n'est  aux 
endroits  où,  comme  à  Tamalave  et  à  Foulepointe,  des  pâtés  de  récifs 
protègent  la  plage,  tandis  que  sur  la  cote  occidentale  la  terre  tendrait  à 
empiéter  sans  cesse  sur  les  eaux  marines  par  le  travail  des  poly|iiers.  C'est 
ainsi  que  plusieurs  baies  se  sont  trouvées  enfermées  par  le  littoral  gran- 
dissant et  transformées  en  lacs  '. 

Par  sa  latitude,  Madagascar  est  une  région  tropicale;  par  son  altitude, 
c'est  un  pays  tempéré.  Un  bord  de  la  mer  aux  montagnes  de  l'inlérieur  on 
constate  une  décroissance  normale  de  la  température  moyenne  et  sur  les 
sommets  de  l'Ankaratra  et  des  autres  massifs  on  entre  dans  la  zone  des 
froidures;  des  lamelles  de  glace  s'y  forment  sur  les  flaques  d'eau.  Mais, 
grâce  aux  mers  qui  l'entourent  et  dont  un  courant  tiède  maintient  la  tem- 
pérature normale,  Madagascar  jouit  d'un  climat  très  égal  en  moyenne, 
n'offrant  point  de  brusques  sauts  de  la  chaleur  au  froid.  A  Tananarive, 
sur  les  hantes  terres  de  l'intérieur,  la  température  de  l'hiver  ne  descend 
jamais  au-dessous  de  6  degrés;  à  Taraatave,  au  bord  de  la  mer,  les 
ardeurs  de  l'été  ne  dépassent  pas  34  degrés;  plus  au  nord,  dans  l'île 
Sainte-Marie,  elles  sont  5  à  4  degrés  plus  élevées'. 

Madagascar  est  en  entier  comprise  dans  la  zone  des  alizés  du  sud-est; 
mais,  par  suite  de  réchauffement  des  terres,  ces  vents  sont  en  général 
déviés  de  leur  marche  et  d'ordinaire  ils  soufflent  franchement  dans  la 
direction  de  l'est  à  l'ouest.  Les  cartes  de  Brault,  qui  résument  tant  de  mil- 
liers d'observations  météorologiques,  constatent  que  le  régime  aérien  a  sa 
plus  grande  régularité  pendant  la  saison  sèche,  c'est-à-dire  lorsque  le  soleil 
éclaire  directement  la  zone  tropicale  du  nord,  d'avril  eu  septembre;  mais 
quand  l'astre  revient  vers  le  sud,  amenant  avec  lui  la  zone  des  nuages  et 
des  pluies,  les  vents  changent  fréquemment  de  direction  et  d'allures;  ils  se 
reportent  en  moussons  sur  les  côtes  de  Madagascar,  principalement  au 

'  Bhmchaiil,  Revue  des  Deux  Mondes,  !.">  décembic  1872. 

-  Température  d'hiver  et  d'été  sur  le.s  deux  côtes  et  sur  les  plateaux,  tl'aprés  (jraiulidier  : 

Côle  occiileiilnic.  PI;ilo;iux.  C.Mu  oricnlale. 

Tolia  ou  Tullear  Tananarive  Tauiatave 

(25»24'lat.  S.)    (18c55' lai.  S.:  allil.  1401)  mût.)  (l8'"10'lat.S.) 
Moindre  température.    .  10"  (juillet)  ti"  (juin,  aoùl)  15"  (juillet) 

Température  extrême .  .         24"  (janvier)  28", 5  (novembre)  34"  (déc.  jauv.) 

Écart.    ...         14"  22".5  l'J" 


80  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

noid-oucst  :  on  est  alors  dans  la  saison  de  l'hivernage,  qui  est  en  même 
temps  l'élé,  d'octobre  en  mars.  C'est  aussi  la  saison  des  tempêtes,  mais  il 
est  rare  que  la  courbe  des  cyclones,  si  dangereuse  dans  les  ])arages  des 
Mascareignes,  atteigne  la  grande  île.  Elle  y  passe  pourtant  :  au  connnen- 
cemcnt  de  1888  un  ouragan  a  jeté  onze  navires  à  la  côte  de  Tamatave. 
A  Tananarive,  les  (rois  quarts  des  pluies  tombent  pendant  l'hivernage'. 

L'humidité  et  la  chaleur  réunies  de  l'été  rendent  fort  dangereux  pour 
les  Européens  le  séjour  dans  les  terres  basses  du  littoral  de  l'est,  le  plus 
abondamment,  arrosé,  grâce  aux  vents  de  l'océan  Indien,  chargés  de 
vapeurs  :  c'est  en  janvier  et  en  février  surtout  que  les  côtes  orientales  de 
Madagascar,  voilées  de  brumes  grises,  méritent  le  nom  de  «  cimetière  des 
Européens  «  qu'on  leur  a  souvent  donné.  Le  mélange  des  eaux  douces  et 
des  eaux  salées  dans  les  estuaires  où  s'épanchent  les  rivières  débordées  a 
pour  conséquence  une  grande  mortalité  des  organismes  appartenant  aux 
deux  milieux  différents;  l'atmosphère  se  charge  de  miasmes  dangereux, 
cl,  pour  éviter  la  fièvre,  les  Européens  et  les  indigènes  des  côtes  doivent 
se  hâter  de  l'emonter  vers  les  hautes  terres  sahibres  de  l'intérieur.  Nom- 
breux sont   les  voyageurs  qui  ont  payé  de  la  vie  leur  amour  de  la  science. 

La  végétation,  comme  les  phénomènes  du  climat,  se  modifie  avec  l'alti- 
tude; les  espèces  changent  en  même  temps  que  la  physionomie  générale 
(le  la  flore.  La  magnificence  des  fourrés  de  plantes  tropicales  que  contem- 
plent les  voyageurs  sur  les  plages  humides  de  la  côte  orientale  les  a  portés 
à  croire  que  dans  son  ensemble  l'île  a  partout  un  sol  fécond  revêtu  d'une 
jtarure  admirable  de  végétaux;  mais  il  n'en  esf  pas  ainsi.  Les  roches  gra- 
niti(jues  de  l'intérieur,  les  plaines  des  terrains  secondaires  sont  inferliles 
dans  la  plus  grande  partie  de  leur  étendue  et  de  vastes  espaces  sont  entière- 
ment dépourvus  d'arbres,  même  d'arbrisseaux.  Madagascar  a  des  savanes 
à  perte  de  vue,  dont  la  végétation  ne  comprend  que  des  herbes  grossières. 
Mais  les  régions  centrales  de  l'île  possèdent  aussi  de  belles  et  riches  val- 
lées où  la  terre  végétale,  apjiortée  par  les  eaux  courantes,  s'est  amassée 
sur  une  grande  épaisseur  et  qui  rendent  au  décuple  la  semence  qu'y  jette 
le  cultivateur.  La  constitution  géologique  de  Madagascar  se  révèle,  pour 
ainsi  dire,  par  la  distribution  des  forêts,  qui  se  sont  disposées  en  une  longue 
ceinture  sur  le  pourtour  de  l'ile,  soit  dans  la  région  côtière,  soit  dans 
la  zone  des  avant-monts.  Sur  le  versant  oriental,  la  lisière  des  forêts, 
divisée  par  une  dépression  intermédiaire,  est  double  ;  sur  le  versant  occi- 


'  OiKiiitité  moyenne  île  pluie  tombée  à  T.nnanarive  (1881  à  1884)  :  1",54. 

(Antaiianarivo  Aiimial,  1884. 


Est  de  Pa, 


CLIMAT,   FLORE   DE   MADAGASCAR.  81 

dental,  elle  présenle  une  lacune  clans  les  plaines  inhabilées  qui  s'étendent 
à  l'ouest  de  l'Ikopa.  Quelques  forêts  de  diverses  grandeurs  sont  éparses 
dans  le  cercle   forestier 

du  pourtour'.  '*°  '"    —  ^"^''  '^'■"^"■'""^  "'-^  foiiùis  de  mauaoascab. 

La  flore  de  Madagas- 
car, mieux  connue  que 
celle  des  régions  afri- 
caines qui  lui  font  face, 
offre  un  caractère  oi-i- 
ginal  :  [larmi  ses  "250(1 
plantes  connues  et  clas- 
sées, sur  une  flore  pro- 
bable de  i500  espèces, 
les  unes  rap|)cllent  les 
végétaux  (le  l'Afrique, 
d'autres  ceux  de  l'Amé- 
rique méridionale  ou  de 
l'Australie;  mais  leur 
physionomie  se  rappro- 
che surtout  de  celle 
des  plantes  asiatiques'. 
D'ailleurs  c'est  du  côté 
tourné  vers  l'Asie,  c'est- 
à-dire  sur  le  littoral  de 
l'est,  que  la  végétation  a 
le  plus  d'éclat  et  de  va- 
riété; le  versant  du  sud 
et  les  pentes  occiden- 
tales, au  sol  plus  aiide, 
n'ont  pas  la  même  ri- 
chesse de  flore  ;  les 
plantes,  soumises  à  de 
plus  longues  sécheres- 
ses, plus  exposées  aux  vents  du  confinent  voisin,  ont  les  feuilles  plus 
dures,  les  racines  plus  épaisses;  cependant  les  arbres  é()ineux,  que 
l'on    rencontre    dans   les  régions  mal  arrosées  de  l'Afrique,   manquent 


44' 


Est  d.  Grée,, 


Paprès  GrandldiE 


C.Pe 


P/-ofont^eu/-s 


i  10  0)1 


I  Kil. 


'  A.  Graiidiilier,  ouvrage  cilt-. 

-  Alfreil  R.  Wallaee,  Ihe  Islanil  Life. 


82  IVOIVELLE  (iÉOGRAPUlE  UNIVERSELLE. 

complèlement  dans  les  coiilrées  de  Madagascar  à  cllinal  conespon- 
dant;  on  ii'j  voit  pas  non  plus  d'acacias.  Un  des  arlircs  les  })lus  remar- 
quables de  la  flore  insulaire  est  une  espèce  de  baobab,  signalée  pour  la  pre- 
mière fois  par  M.  Grandidier  :  sans  être  de  dimensions  aussi  colossales 
que  le  baobab  africain,  il  le  dépasse  par  l'élégance  el  la  majesté  du  port. 
Le  tamarinier  est  l'un  des  plus  beaux  arbres  de  la  côte  occidentale,  qui 
regarde  l'Afrique,  mais  il  manque  au  versant  opposé  :  c'est  à  l'ombi'e  de 
ces  arbres  que  les  chefs  sakalaves  construisent  leur  demeure'.  Le  cocotier 
prospère  dans  la  région  du  littoral,  mais  on  le  croit  d'origine  exotique; 
d'après  quelques  voyageurs,  la  semence  en  aurait  été  importée  dans  l'île 
par  les  Malais,  de  même  que  celle  de  l'arbre  à  pain.  Madagascar  possède 
aussi  des  espèces  indigènes  de  palmiers,  entre  autres  des  palmiers  à  sagou, 
un  hypha^ne,  parent  du  doum  des  régions  nilotiques,  et  le  ra|»hia,  au 
tronc  gros  el  trapu,  aux  palmes  découpées  en  mille  folioles,  aux  énormes 
grappes  de  fruit  pesant  jusqu'à  cent  et  cent  cinquante  kilogrammes.  Les 
pandanus  vakoa,  avec  leurs  spirales  de  feuilles  en  glaive,  croissent  au 
bord  de  la  mer,  sur  les  terres  sèches,  tandis  que  dans  la  vase  s'enche- 
vêtrent les  racines  des  palétuviers.  Dans  les  fonds,  el  plus  larement  sur 
les  pentes,  un  superbe  balisier,  étalant  ses  feuilles  en  un  large  éventail 
d'une  régularité  parfaite,  domine  les  herbes  et  les  arbrisseaux  :  c'est  la 
ravenala  [urania  xpcciosa),  que  l'on  appelle  communément  «  arbre  du  voya- 
geur», parce  que  les  pluies  y  laissent,  à  l'aisselle  des  jiétioles,  des  goutte- 
lettes suffisant  au  besoin  à  désaltérer  les  passants;  mais  on  la  rencontre 
surtout  dans  les  régions  arrosées,  où  l'eau  est  en  abondance.  L'utilité  de 
la  ravenala  provient  des  matériaux  de  construction  qu'elle  fournit  aux 
campagnards  :  le  tronc  seil  à  la  charpente,  les  pétioles  et  les  grosses  ner- 
vures fournissent  les  poutrelles,  el  les  feuilles  sont  employées  pour  recou- 
vrir le  toit. 

Parmi  les  plantes  de  sa  flore  endémique,  Madagascar  peut  montrer  beau- 
coup d'autres  formes  remarquables  :  telles  l'ouvirandrona  {uucirandra 
fenestralls)  ou  <(  bulbe  tressée»,  espèce  aquatique  dont  les  feuilles  ovales 
sont  découpées  comme  des  pièces  de  tulle;  le  filao  ou  «  arbre  à  massue  » 
[camarina  la  le  ri  fol  ia),  aux  énormes  racines,  qui  fixent  les  sables  mou- 
vants du  littoral  ;  la  brehmia  spinom,  plante  de  la  famille  du  slrychnos,  et 
donnant  néanmoins  des  fruits  comestibles;  la  grande  ovchiAca  angrxmm 
KrMjui pcda le,  cnlouvAul  de  sa  verdure  le  tronc  puissant  des  vieux  arbres; 
les  népenlhès,  dont  les  fleurs  se  recourbent  en  amphores  et  se  remplissent 

'  IHi  Ver;.'(',  Mmhnjdscar  et  Peuplades  indépcnilanies. 


FLORE,  FAUNE  DE  MADAGASCAR.  83 

d'eau.  Les  essences  qui  peuvent  loiirnir  soit  des  matériaux  de  construc- 
tion, soit  du  bois  d'œuvre  pour  meubles  sont  très  nombreuses,  teck,  ébé- 
nier,  bois  de  natte,  palissandre  et  bois  de  rose.  Malbeureusemenl  la  défo- 
restation  de  Madagascar  se  poursuit  sans  relâche;  un  voyageur  raconte  que 
[tour  faire  passer  une  pierre  tomltaleon  aballil  vingl-cinq  mille  arlircs  dans 
une  forêt  des  Betsileo'. 

La  faune  malgache,  non  moins  originale  (|ue  la  llore,  l'ail  l'élonne- 
ment  des  naturalistes  et  les  entraîne  à  des  spéculations  diverses  sur  l'his- 
toire ancienne  de  l'île  et  ses  origines.  Les  espèces  spéciales  à  celte  grande 
terre  ont  fait  naître  l'hypothèse,  indiquée  d'abord  par  Geoffroy  Saint- 
Ililaire,  puis  développée  parle  naturaliste  anglais  Sclatei',  que  Madagascar 
est  le  resti!  d'un  continent  qui  comprenait  au  moins  en  partie  l'esjtace 
occii|ié  de  nos  jours  par  l'océan  liidieii.  (a- (■(inliiient  su[)[)Osé  avait  même 
reçu  un  nom,  celui  de  Lémurie,  d'api'ès  les  demi-singes  de  la  famille  des 
lémuriens,  (|ui  sont  représentés  à  Madagascar  par  un  plus  grand  nombre 
d'espèces  qu'en  Afrique  et  dans  les  Indes  orientales.  Plusieurs  hommes  de 
science  ont  accepté  cette  hypothèse  plus  ou  moins  modiriée%  et  même 
Hâckel  en  était  venu  à  se  demander  s'il  ne  fallait  pas  voir  dans  cette  Lému- 
rie, qui  n'existe  plus,  le  lieu  d'origine  et  le  centre  de  dispersion  des 
diverses  races  humaiiu^s".  Mais  Wallace,  après  avoir  été  lui-même  très 
ardent  à  soutenir  que  la  faune  de  Madagascar  témoignait  en  faveur  de 
l'ancienne  existence  d'un  vaste  conlinenl  lémurien,  ne  croit  plus  mainte- 
nant à  des  changements  aussi  considérables  dans  l'équilibre  planétaire; 
néanmoins  il  lui  faut  encore  reconnaître  que  de  bien  gi-andes  modiiica- 
lions  ont  eu  lieu  dans  les  contours  des  terres  et  des  mers.  Poui-  ex|)liquer 
la  présence  des  espèces  africaine»  (pii  se  trouvent  aussi  dans  l'île  de  Ma- 
dagascar, il  admet  que  les  diuix  terres  étaient  unies  autrefois,  mais  qu'à 
cette  é[)oque  l'Afrlipie,  elle-même  séparée  des  contrées  méditerranéennes 
par  une  large  mer,  ne  possédait  pas  les  espèces  animales,  lions,  rhi- 
nocéros, éléphants,  girafes  et  gazelles,  qui  lui  vinrent  plus  tard  des 
contrées  du  nord,  (l'est  également  par  des  isthmes  de  continent  à  conti- 
nent et  des  mers  de  partage  qu'il  cherche  la  cause  de  l'aiiparilion  ou  de 
l'absence  à  Madagascar  de  telles  ou  telles  espèces  asiatiques,  malaises, 
australiennes  ou  américaines'.  On  le  voit,    même  ceux  des  naturalistes 

'  Baron,  Anlananaih'o  Aii/uial,  i&Sl. 

2  Emile  Blancliard,  Rci'iic  des  Dcii.r  Moiuh's,  lô  ilcccmbrc  1872;  —  (Iscnr  Pcschol,  Ncucn  Pro- 
blème (1er  rerfileiclienileii  Enlkniide. 

^  Histoire  de  In  créiilioii  des  êtres  urijanisés. 

"  Comijoralive  Aiitiquitij  of  Continents;  —  Geoyrapliieal  Distribiitiuii  of  Animais;  —  Tlie 
Islund  Life. 


Si  NOl'VELLE  GÉOGRAPUIE  LMVERSELI.i;. 

qui  défeiidt'iil  k'  plus  éuergiqiiement  la  longue  slahililé  des  formes  con- 
tinentales sont  obligés  d'admettre  qu'elles  se  sont  siugulièiemeiit  modi- 
fiées pendant  le  cours  des  âges. 

Tandis  que  les  îles  océaniques  sont  d'une  extrême  pauvreté  en  mammi- 
fères, Madagascar  n'en  possède  j)as  moins  de  60  espèces,  preuve  suffisante 
que  celle  île  fit  jadis  partie  d'un  continent;  mais  ces  mammifères  sont 
groupés  de  manière  à  constituer  une  faune  essentiellement  originale.  La 
moitié  des  espèces  insulaires  se  compose  de  lémuriens,  makis  et  autres, 
qui  se  distinguent  par  leurs  mœurs  d'écureuils,  leurs  longues  queues, 
leurs  mains  énormes,  leurs  cris  déchirants  qui  ressemblent  <à  des  voix 
humaines',  leurs  sauts  à  la  manière  du  kangourou  :  entre  autres,  un 
propithèque,  de  la  famille  desindris,  peut  faire  des  bonds  de  10  mètres 
quand  il  est  poursuivi  par  les  chasseurs;  grâce  à  sa  membrane  brachiale 
formant  parachute,  «  il  semble  voler  d'arbre  en  arbre ^  >•'.  Toutes  ces 
espèces,  qui  se  cantonnent  chacune  dans  une  région  bien  délimitée,  sont 
faciles  à  apprivoiser,  et  l'une  d'elles,  le  l)abakoto  [Udianotus  indris),  est 
même  dressée  à  la  chasse  aux  oiseaux''.  Le  plus  connu  de  ces  lémuriens, 
Vaije-ciije  {cheironujs),  qui  sommeille  pendant  la  saison  sèche,  se  construit 
un  vrai  nid  ;  le  catta  vit  au  milieu  des  rochers.  Une  autre  famille  de  mam- 
mifères, les  tendrek  ou  centetides,  qui  ressemblent  aux  hérissons  et  qui 
s'engourdissent  pendant  l'été,  est  représentée  par  plusieurs  es])èces  dont 
on  ne  retrouve  les  congénères  que  dans  les  grandes  Antilles,  Haïti  et  Cuba. 
In  l'(''lin  inconnu  ailleurs,  le  piiitunla  ou  cri/ptttprnctd  fero.r,  el  des  civettes 
sont  les  seuls  carnivores  de  l'île;  enfin  des  rats,  des  souris  et  un  sanglier 
à  masque  (jjutdinoclia'rm  larratus)  appartiennent  aussi  à  la  faune  de  Mada- 
dagascar.  Quant  aux  bœufs,  aux  chiens  sauvages  que  l'on  rencontre  dans  lès 
forêts  ou  les  savanes  de  l'île,  ce  sont  les  descendants  d'animaux  domestiques 
retournés  à  l'état  libre.  Quelques  naturalistes  en  disent  autant  d'une  espèce 
de  chat.  Les  rats  envahissants  d'Europe  ont  également  conquis  Madagascar. 

Parmi  les  oiseaux,  plus  de  la  moitié  des  espèces  ne  se  trouvent  [loint  ail- 
leui's  (pie  dans  la  grande  ilc  et  leur  jdiysionomie  générale  ressendile  [iliis 
à  des  formes  malaises  qu'à  celles  de  l'Afrique.  Kaguère,  c'est-à-dire  il  y  a 
deux  ou  trois  siècles  peut-être,  l'île  possédait  aussi  un  oiseau  gigantesque 
de  la  famille  des  aulruches,  Vxjiijoriils  iiuiiimiis,  que  connaissaiciil  les 
marchands  arabes  du  mo\eii  âge  el  que,  dans  les  contes  des  nuils,  ils  dé- 
crivaient à   leurs  compalrioles  émerveillés  :  c'est  le  légendair<'  oiseau  roc, 

'    \.  Viiisnii,  VDiidiji'  (I  Mdildijnsi'ur. 

■  A.   (.i-.irKlIiliif,  uii\i:i^,.  cilr. 

'   lhiilin;iii.-i,   Viiilii(i<i,snir  niiil  ilic  liisclii  Si'iji  Ik'IIoi 


FAUNE,  POPULATIONS  DE  MADAGASCAR.  8b 

le  «  gi'iffon  )i  de  Marco  Polo,  qui  saisissait  les  éléjihants  dans  ses  serres 
et  les  li-ansportait  au  sommet  des  montagnes.  On  a  trouvé  des  œufs 
d'épyornis  d'une  capacité  de  8  litres  et  par  conséquent  6  fois  plus  gros 
que  l'u'uf  d'autruche.  M.  Grandidier  a  découvert  également  les  ossements 
de  l'oiseau,  ainsi  que  les  squelettes  d'une  grande  tortue  et  d'une  variété 
d'hippopotame.  Le  crocodile  de  Madagascar,  qui  foisonne  dans  les  rivières 
des  deux  côtes,  paraît  constituer  une  espèce  particulière;  il  en  est  de 
même  d'un  hoa  géant,  qui,  d'après  la  légende,  attaquerait  parfois  des  Lœufs 
et  des  hommes;  plusieurs  autres  ophidiens  ap[)artiennent  à  la  faune  de 
Madagascar,  mais  aucun,  diseni  la  plupait  des  naluralisles,  ne  serait  armé 
de  crochets  à  venin;  toutefois  des  voyageurs  doutent  de  cette  assertion'. 
Deux  espèces  d'araignées  sont  fort  redoutées  des  indigènes  et  l'on  va  jus- 
([u'à  jirétendre  que  leur  morsure  est  mortelle.  Le  monde  des  insectes  et 
des  animaux  inférieurs  est  d'une  grande  variété  et,  comme  celui  des 
mammifères,  offre  des  espèces  qui  le  rattachent  à  la  faune  de  tous  les 
autres  continents,  de  l'Afrique  à  l'Australie  et  à  l'Amérique  du  Sud. 
Dans  la  faune  malgache  la  part  de  découvertes  qui  revient  h  M.  Grandi- 
dier est  de  10  mammifères,  de  10  oiseaux,  de  25  reptiles  et  18  sauriens, 
sans  compter  les  animaux  inférieurs. 


Un  n'a  point  trouvé  d'armes  ni  d'instruments  de  pierre  à  Madagascar-, 
ce  qui  justifie  l'hypothèse  d'après  laquelle  l'île  serait  restée  inhahitée  jus- 
qu'à l'immigration  de  colons  déjà  demi-civilisés.  La  population  humaine 
de  la  grande  île  a  de  multiples  origines  comme  sa  faune  proprement 
dite  et  se  relie  par  des  éléments  divers  aux  terres  qui  forment  l'im- 
mense hémicycle  de  la  mer  des  Indes,  l'Afrique,  l'Asie  et  les  archipels 
malayo-])olynésiens  :  de  l'ouest,  du  nord,  de  l'est  sont  venus  les  immi- 
grants. Mais  il  est  certain  (|ue  l'influence  prépondérante,  soit  par  le 
nomhre  des  colons,  soit  plutôt  par  leur  civilisation  relative,  appartient  à 
des  peuples  d'origine  malayo-polynésienne.  La  preuve  en  est  dans  la  langue 
qui  se  parle  chez  les  trihus  de  toute  race,  d'une  extrémité  à  l'autre  de 
Madagascar.  Qu'ils  soient  d'origine  nègre,  arahe,  indienne  ou  malaise, 
tous  les  Malgaches  parlent  un  idiome  souple,  poétique,  harmonieux,  que 
des  recherches  précises  ont  reconnu  comme  étant  apparenté  aux  dialectes 
de  l'Insulinde  et  de  la  Polynésie,  et  le  nom  même  du  peuple,  Malagasi, 

'  U(iiili.lei-,  yoitli-East  Miuhtijdscdr:  —  Jouan,  Bulletin  de  lu  Sucicié  de  Gcuyraphic  de  Ruche- 
fort,  18S'2-1885. 
-  Sibree.  The  Gréai  Afrkuii  hland. 


86  NOUVELLE  GÉOfiliAPlIlE  IMVERSELLE. 

a  été  rattaché  à  celui  de  Malacca,  ilaiis  la  péninsule  Indo-Cliiiioise'.  Des 
vocabulaires,  dont  les  ])remieis  furent  un  recueil  hollandais  de  1604 
et  celui  d'Arthusius",  qui  date  de  1(515,  avaient  déjà  rendu  celte  parente 
plus  que  probable;  des  grammaires  approfondies  et  des  dictionnaires  com- 
plets ont  mis  désormais  hors  de  doute  l'hypothèse  des  premiers  explo- 
rateurs scientifiques.  Le  malgache  ])ossède  près  de  cent  mots  malais  sur 
les  cent-vingt  termes  les  plus  usuels";  le  reste  se  compose  de  mots  arabes, 
souahéli,  bantou  :  c'est  entre  l'idiome  malgache  des  Betsimisaraka  et  le 
malais  de  la  péninsule  Indo-Chinoise  que  les  ressemblances  seraient  le 
plus  frappantes*.  Tous  ces  noms  agglutinés  que  présente  la  carte  de  Mada- 
gascar et  qui  nous  étonnent  par  leur  longueur  sont  pour  la  plupart  très 
heureusement  formés  et  peignent  d'un  trait  l'aspect  des  lieux  désignés. 

Il  est  à  présumer  que  l'invasion  des  immigrants  malayo-polynésiens 
date  d'une  période  ancienne,  car  il  y  a  deux  siècles  et  demi,  lors  de  l'ar- 
rivée des  colons  français,  la  population  de  Madagascar  se  composait  de 
tribus  indépendantes  sans  cohésion  les  unes  avec  les  autres  et  sans  com- 
munauté de  civilisation,  si  ce  n'est  pour  la  langue  :  l'ancienne  unité  de 
race  ou  de  nation,  qui  avait  donné  une  même  parole  aux  habitants,  n'exis- 
tait plus.  Aucun  élément  (■lhni(|ue  de  l'Ile  ne  se  distinguait  par  une  culture 
supérieure,  si  ce  n'est  la  population  aialie,  (pii  aj)partient  à  une  autre  race 
(pu^  les  Malais.  Or  cette  influence  arabe,  qui  avait  déjà  commencé  dans  le 
siècle  même  de  l'hégire,  n'a  pas  suffi  pour  sémitiser  les  indigènes,  qui 
avaient  déjà  subi  une  influence  anlérii'ure  |)lus  puissante  :  au  treizième 
siècle,  un  écrit  arabe  mentionne  les  insulaires  comme  les  «  frères  des  Chi- 
nois >i  et  donne  le  nom  de  Malay  à  l'une  des  cités  de  l'île  ;  un  siècle  plus 
tôt,  Kdrisi  connaissait  également  celle  ville  de  Mal<^y^ 

Aucun  renseignement  historique  ne  permet  d'appuyer  les  hypothèses  au 
sujet  des  temps  plus  anciens  auxquels  débarquèrent  les  étrangers,  ni  sur 
la  contrée  précise  de  laquelle  ils  étaient  originaires.  Ouel  fut  le  chemin 
qu'ils  suivii'ent?  On  ne  sait.  Seulement  il  serait  difficile  d'imaginer  pour 
eux  une  autre  roule  que  celle  des  couianis  de  la  merdes  Indes  poussés 
par  les  vents  alizés  dans  la  direction  du  noi'd-esl  au  sud-ouest.  Ces  flots 
qui,  en  IS85,  portèrent  les  pierres  ponces  de  Krakatau  sur  les  plages  de 
Madagascai',  entraînèrent  aussi  les  |)i'a()  des  îles  de  la  Sonde  à  la  grande  terre 


'  A.  Vlnsdii,  ouvrage  cité;  —  Ao  Frolicrvillc,  Fiidh'lin  de  lu  SoriM  de  Gcoyrnpliic,  1839. 
-  Max  Li^cliTC,  Les  Peuplades  de  Mndnyasrar;  —  Joigensen,  Aidunannrivo  Anniinl,  etc. 
5  Olivier  Beauivgaid,  Biillelin  de  la  Société  d'Anthropologie,  séance  du  15  juillet  1800. 
*  Mullens,  ouviage  cité. 
'  Waitz,  Antliropoloijie. 


ORIGINES  MALAISES  DES  MALGACUES.  87 

méritlioiialc  de  l'Océan  :  ce  n'est  pas  en  vain  que  les  rois  des  Malais  prenaient 
le  titre  de  «  maîli-es  des  vents  et  des  mers  de  l'orient  et  de  l'occident  «  '. 
Peut-être  que  les  bancs  de  Tchagos,  qui,  d'après  Darwin,  auraient  été  im- 
mergés à  une  époque  récente,  offraient  alors  un  lieu  d'étape  favoiaWe 
entre  les  deux  régions.  Mais  pour  s'accommoder  au  milieu  nouveau  les 
immigrants  venus  de  l'orient  duriMit  changer  leur  genre  de  vie  :  de 
marins  qu'ils  étaient,  ils  devinrent  agriculteurs.  Echappant  à  la  zone  mor- 
telle des  plages,  ils  traversèrent  les  forêts  du  littoral  et  gravirent  les  pentes 
du  plateau  où  se  maintiennent  leurs  descendants.  Le  «  canot  d'argent  :", 
c'est-à-dire  la  tomhe  dans  laquelle  on  ensevelit  le  souveiain  des  Ilova,  raii- 
pelle  encore  le  temps  oli  les  morts  de  la  liihu  étaient  en  effet  déposés  dans 
une  barque,  comme  chez  les  Betsimisaraka  de  la  eôle  et  chez  de  nombreuses 
peuplades  malaises  \  Actuellement,  les  Ilova  ne  supportent  pas  mieux  que 
les  Européens  le  climat  des  basses  terres.  La  lèpre  et  d'autres  maladies  de 
peau  sont  assez  communes  chez  eux. 

Dans  l'ensemble,  Madagascar  offre  un  mélange  de  populations  diverses, 
dans  lesquelles  les  types  ne  se  sont  nulle  part  conservés  à  l'état  pur.  Chez 
certains  insulaires,  notamment  ceux  de  la  côte  occidentale,  l'élément  nègre 
a  la  prépondérance,  et  l'on  y  rencontre  surtout  des  individus  forts,  à  peau 
noire  ou  d'un  brun  foncé,  à  ligure  aplatie,  à  cheveux  crépus.  Dans  les  pro- 
vinces du  centre,  la  plupart  des  tribus  se  ra[q)rochent  du  type  malais; 
leur  peau  est  d'une  nuance  cuivrée,  leurs  cheveux  sont  lisses,  leurs  dents 
d'une  ailmirable  blancheur.  Aux  deux  extrémités  opposées  de  l'ile,  sur  les 
rivages  du  nord-ouest  et  du  sud-est,  se  montre  le  type  «  blanc  ).,  c'est-à-tlire 
celui  des  Arabes.  D'après  M.  Grandidier,  les  Indiens  du  Malabar  auraient 
aussi  laissé  des  traces  nombreuses  de  leur  séjour  sur  la  côte  occidentale, 
et  des  familles  de  chefs  revendiquent  cette  origine  hindoue.  On  constate 
en  mainte  tribu  l'existence  de  castes,  et  chez  les  individus  qui  en  font  par- 
tie l'aspect  j)hysique  diffère  en  même  temps  que  les  conditions  sociales  : 
les  maîtres  appartiennent  à  une  autre  race  que  les  sujets. 

La  nation  devenue  la  jtlus  puissante  aujourd'hui,  celle  des  Ilova,  |)araîl 
avoir  conservé,  du  moins  dans  ses  castes  supéi'ieures,  le  type  original 
malais.  Des  écrivains  les  rattachent  aux  Batta  de  Sumatra  et  de  Nias',  aux 
Javanais  et  gens  de  Bali\aux  Tagal  des  Philippines^;  on   signale  aussi 

'  J.  Cook,  A  Voyage  lo  tite  Pacijk.  Océan. 
-  James  Sibree,  j4/itoîmnnr(!'o  Aiiiiiial,  1887. 

5  Marsden,  Historij  of  Sumatra  ;  — van  dev  Timk,  On  the  Madagascar  Languaçie. 
*  W.  von  Uuinbiililt,  Kaxci-Sprachc  :  —  Crawfurcl,  Grammar  and  Dictionary  of  the  Malaii  Lan- 
(juage;  —  A.  Grandiilior,  mémoires  divers. 

^  ^aiU,  Anthrapuloyie  ;  —  Slaniland  Wake,  Antanunarivo  Annual,  1885. 


88 


NOUVELLE  (iÉOGIiAPUII';   INIVERSKLLi:. 


leur  ressomblanco  avec  les  Siamois,  avec  les  Sainoans  et  les  indigènes  de 
Tonga,  même  avec  les  Japonais.  Ces  divergences  de  vues  entre  les  obser- 
vateurs témoigneraient  d'une  origine  multiple  des  Ilova,  due  sans  doute 
à  des  invasions  successives;  mais  gens  de  la  Sonde,  Samoans,  Japonais 


nAVOSISAIIITRASlOniVO,    HIMSTRE    UOVA. 

D'après  uni?  photofïrapliic  coiiiniuiiiquéc  par  la  Société  de  Géo;jraphie. 

peuvent  (Mre  Ions,  si  tin  les  compare  aux  Africains,  considérés  comme 
appartenant  à  la  même  famille.  Lorsque  Flacourt  décrivit  l'île  de  Madagas- 
car, il  y  a  deux  siècles  et  demi,  la  peuplade  des  Ilova  était  ignorée  ou  con- 
fondue sous  d'autres  noms  avec  des  tribus  voisines;  les  et  Oves  »  n'appa- 
raissent dans  l'histoire  que  vers  le  milieu  du  dix-huitième  siècle,  aloi's 
([u'ils  reconquirent  leur  indépendance  sur  les  Sakalaves',  et  (jue  leur  chef. 


Li'  (ii'iilil,  1  (';/"(/('  (liiiis  les  mers  de  l'Inde  (1701-171)9). 


lin  VA. 


89 


Andi'iaiiiimjioiiuincrina,  le  «  Seigiiour  qui  est  clans  k-  cœur  d'imo- 
rina  »,  fonda  lo  royaume  actuel.  Les  indigènes  des  plateaux  se  disaient 
Anibanilanitra,  c'est-à-tlire  «  ceux  qui  vivent  sous  les  cieux  »,  ou  Amba- 
niandro,  a  ceux  qui  vivent  sous  la  lumière  du  jour  »  :  ils  s'étaient  donné 


FKMME    BKTSII.KU. 

D'après  uiir>  |iliolo?rapliie  communiqiii}i'  par  la  SociiUi-  de  Géograpliic. 


ces  noms,  soit  parce  (pic  leur  iialric,  l'imerina,  était  pour  eux  le  monde 
entier,  soit  parce  qu'ils  liaiiileiit  les  hautes  régions  des  montagnes,  au- 
dessus  des  plaines  basses  de  la  terre'.  En  réalité  le  titre  de  Hova  s'ap- 
plique seulement  à  la  classe  moyenne  du  peuple,  les  nobles  étant  dési- 
gnés par  l'apjiellalion  d'Andriana  et  les  esclaves  par  celle  de  Mainti  et  d'An- 
devo;  mais  actucllcincnl  les  gens  des  peuplades  vaincues  aiment  à  prendre 


Stiiniliiig.  Aiitaiianarivo  Aiiiiual,  ]8b7. 


12 


00  NOUVELLE   (iÉOGKAlMIlE   l.M VERSELLE. 

Il'  nom  de  Hova  pour  se  réclamer  de  la  race  dominante,  landisque  les  tribus 
encore  indépendantes  lancent  aux  haliitants  de  l'Imerina  l'insulte  de  Am- 
boalambo  ou  «  Chiens-cochons  j>  ',  (|ui  jadis,  dit-on,  avait  été  prise  en 
bonne  part'.  La  population  dite  hova  s'accroît  ainsi  à  la  fois  par  l'agréga- 
tion de  tribus  diverses  en  même  temps  que  par  l'excédent  des  naissances, 
qui  est  considéiable,  car  dans  les  régions  montagneuses  les  femmes  sont 
très  fécondes^  Des  colonii-s  de  Hova  vont  s'établir  en  diverses  parties  de 
l'Ile,  loin  du  plateau  natal,  notamment  au  nord  du  lac  d'Alaolia. 

Les  jugements  que  les  voyageurs.  Anglais  ou  Français  pour  la  plupart, 
portent  sur  le  caractère  des  Hova,  diffèrent  singulièrement  :  ce  qui  s'ex- 
plique non  seulement  par  les  passions  de  rivalité  politique,  mais  aussi 
par  la  fréquentation  de  classes  diverses.  Autant  les  personnages  hova  qui 
ont  à  vivre  au  milieu  des  intrigues  de  cour  et  à  louvoyer  entre  les  |)artis 
pour  sauvegarder  leur  influence  et  leur  vie  sont  devenus  fins  diplomates, 
habiles  à  gagner  du  temps  par  des  lenteurs  calculées  et  à  ti'omper  un  en- 
nemi par  des  flatteries  et  des  caresses,  autant  les  Hova  de  la  campagne, 
cultivateurs  à  la  vie  paisible,  sont  doux,  prévenants,  hospitaliers,  durs  au 
au  travail,  tendres  pour  leurs  f(Mnmes  et  leurs  enfants,  respectueux  |M)ur  la 
"  terre  des  ancêtres  )■.  Les  marchands  étrangers  les  accusent  d'être  fort 
âpres  au  gain,  accusation  (jue  leur  renvoient  très  justement  les  indigènes. 
Ensemble  les  Hova  et  toutes  les  ti'ibus  des  régions  centrales  qui  ont  pi'is  le 
nom  de  la  nation  victorieuse  seraient,  d'après  M.  Grandidier,  au  nombie 
d'un  niiliidu  d'individus,  soit  le  tiers  de  toute  la  population  de  l'Ile.  On 
comprend  la  supériorité  (|ue  la  densité  relative  des  habitants  et  la  position 
qu'ils  occupent  au  centre  de  l'île  leur  donnent  sur  les  tribus  du  poui'lour 
insulaire.  Les  troupes  disciplini'-es  à  l'eui-opéenne  qu'ont  dressées  des  aven- 
turiers anglais  el  autres  on!  l'ail  le  reste.  Une  vaste  partie  du  territoire 
(pii  enidure  l'Imerina  esl  encore  pres(|ue  dé|)euplé,  notammenl  du  ccMé  de 
l'ouest.  Là  s'étendent  de  véritables  déserts,  qu'on  met  des  jours  à  traverser 
sans  y  trouver  un  seul  village.  I^es  explorateurs  anglais  ont  appelé  cette 
maiclie  Ao  maii's  laiitl  tn\  '<-  Pays  de  Personne»'.  «  Le  pays  n'est  pas  et 
ne  peut  être  peuplé,  »  dit  (irandidiei'. 

Au  siècle  derni(,'r  la  pri''p()nd(''rance  mililaiie  ap[)artenail  aux  "  (iins  des 
Longues  plaines  »'.  les  Sakalaves  de  la  côte  occidentale.  Ceux-ci,  qui  d'ail- 

'  Joi'geiisen,  Deuischc  Kuloniul-ZeUinuj ,  ].">  mal  ISS7  :  —  Silure,  Anlundiiuriro  Aniuiiil.  1S87. 
-  I).  LaviTilant,  Colonisation  de  ilndinirisciiv. 
'•  A.  Grandidier,  Bulletin  de  la  SociiHc  de  Céuyrapliie.  1S8."). 
*  MhIIciis,  Proceedinys  of  Ihe  R.  Geoipaphicnl  Socielij,  1875. 

5  Gi'lle  rlymologie  de  Jdrgensen,  que  dnniienl  eux-mêmes  les  Sakalaves,  esl  eoutestée.  l'eiil-clro 
ce  mot  est-il  une  insulte,  et  dans  ce  cas  il  signifierait  les  «  Longs  Cliats  ». 


N"    IS.    roPUI.ATIOXS    DE    MADAGASCAII. 


IIOVA,   SAKALAVES.  91 

leurs  étaient  divisés  en  deux  royaumes  et  eu  ciielTeries  indépendantes', 
sont  maintenant,  sinon  soumis  aux  llova,  du  moins  aliandonnés  officiel- 
lement j)ar  leurs 
auci(Mis  alliés,  les 
Français,  à  la  géné- 
rosité des  domina- 
teurs de  l'île,  et  les 
postes  occu]iés  |iar 
les  Ilova  sur  les 
points  stratégiques 
de  leur  territoire  ne 
font  de  l'asservisse- 
ment fului'  qu'une 
question  de  temps. 
Les  iAIahafali  de  la 
région  du  sud-ouest, 
les  Anti-Fiherenana, 
Anti-Mena,  Anti- 
Mahilaka ,  Anti-Ma- 
raha ,  Anli-Boueni 
et  autres  tribus  % 
appartiennent  tous 
à  la  famille  saka- 
lave,  qui  comprend 
environ  un  demi- 
million  d'individus. 
Chez  ces  Malgaches, 
le  type  nègre  pa- 
raît l'emporter  sur 
le  type  malais.  Leur 
chevelure  est  on- 
dulée ,  mais  non 
laineuse  ;  leur  nez 
est   large    et     plat , 

leur  bouche  lippue;  forts  et  agiles  pour  la  plupart,  ils  ont  le  mollet  bien 
dévelop[ié  et  le  pied  d'une  remarquable  élégance  de  forme  ;  la  lèpre,  si 


D après  Di 


1      12  000000 


'  Guillaiii,  \'oijn(jC  fi  Mmlmjascnr. 

^  Anti,  Anta,  Anté,  devant  les  noms  de  peuples,  a  le  sell^  d'Ici,  Gens  d'Ici,  l];ibilanls. 


92  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

commune  chez  les  Hova,  est  très  rare  chez  eux.  Les  phis  purs  de  race  soiil 
ceux  de  l'intérieur,  qu'on  appelle  Machicores,  mais  en  heaucoup  d'en- 
droils  du  littoral  ils  sont  croisés  d'Arabes,  et  sur  la  côle  du  sud-ouest, 
dans  les  royaumes  sakalaves  encore  indépendants  de  Fiherenanâ  et  de 
Kilombo,  les  Vezo,  c'est-à-dire  les  «  Nageurs  »  ou  habitants  des  côtes,  sont 
presque  blancs  et  se  disent  tels,  grâce  à  leurs  croisements  nombreux  avec 
les  immigrants  hindous,  les  pirates  anglais  et  français  des  deux  derniers 
siècles  et  les  gens  de  la  Réunion  qui  viennent  commercer  dans  les  escales 
du  liltoi'al'.  Aucun  indice  ne  permet  de  rattacher  directement  les  Saka- 
laves à  quelque  populalion  noire  du  continent  opposé  ni  de  préciser 
l'époque  à  laquelle  se  (it,  soit  en  masse,  soit  jilutôt  par  expéditions  suc- 
cessives, l'émigration  de  ces  tribus;  du  moins  possèdent-elles  encore  des 
flottilles  de  barques  à  balancier,  sur  lesquelles  pêcheurs  et  commerçants 
entreprennent  de  longues  traversées  et  que  les  pirates  employaient  na- 
guère pour  rôder  annuellement  autour  des  Comores;  en  1805,  ces  cor- 
saires sakalaves  capturèrent  même  une  corvette  portugaise  près  de  la  côte 
africaine  d'Ibo.  En  tout  cas,  ces  Africains  devenus  Malgaches  se  distin- 
guent nettement  des  nègres  esclavi^s  importés  pai'  les  Arabes  dans  les 
poris  du  littoral  :  ceux-ci  sont  jiour  la  plupart  des  gens  de  la  nation  des 
Ma-Koua,  les  nègres  du  Moçambique  dont  les  tribus  sont  éparses  entre 
le  Zambèze  et  le  Ro-Vouma.  Kux-mémes,  d'après  I5aron  ,  se  donneraient  le 
nom  de  Zaza-Manga. 

Les  Belsileo,  c'esl-à-dire  les  "  invincibles  >',  qui  viNcnl,  au  nombre 
d'environ  trois  cent  mille,  dans  la  région  montagneuse  conlinant  au  sud 
(lerimerina,  ne  méritent  plus  leur  nom  :  ce  sont  |)our  la  plupart  des  agri- 
culteurs paisibles  et  chez  ies(juels  l'élément  noir  parait  l'emiiorlerde  beau- 
coup sur  le  type  malais  -  ;  ils  dépassent  tous  les  autres  Malgaches  |)ar 
la  hauteur  moyenne  de  la  taille,  1"',83  d'a|)rès  Sibree.  Les  Bara,  c'est-à- 
dire  les  «  Barbares  »  %  qui  peuplent  les  plateaux  au  sud  des  Belsileo, 
ressemblent  plus  aux  Sakalaves  qu'à  leurs  voisins  du  nord,  et,  comme  les 
premiers,  ont  partiellement  conservé  leur  indépendance;  ceux  d'entre 
eux  qui  se  réfugièrent  sur  le  mont  Ivohibé,  au  bord  d'un  lac  enfermé 
dans  la  cavité  suprême,  peuvent  de  là-haut  braver  les  assiégeants '.  IMus  au 
sud,  les  Ant'Androï,  (|ui  possèdent  la  pointe  méridionale  de  Madagascar, 
sont  également  insoumis;  comme  leurs  voisins  occidentaux  les  Mahafali, 


'  sibree,  Tlie  Greut  Africiiii  hluntl. 

-  \V.  Deans  Cowati,  Procecdinys  of  tlic  R.  GeoiiraphiLdl  S(jciclij,  tStJ2. 

^  Datilo,  Joi!,'enseii,  Anlaiianarivo  Aniiimt,  tSS.j. 

*  Miillt'iis,  Juiii-iial  ofllie  R.  Geoyrnphkal  Society,  1877. 


rOPULATKOS  DE  .MADAGASCAR.  95 

ils  se  tiennent  soigneusement  à  l'écart  dos  étrangeis  el  sont  réputés  avec 
eux  comme  les  plus  barbares  des  Malgaches.  Les  Ant'Anossi,  les  «  Gens 
des  Iles  »  ou  des  «  Rivages  »,  ceux  avec  lesquels  les  premiers  colons  fran- 
çais de  Sainle-Luce  et  du  Foit-Dauphin  se  trouvèrent  en  contact  et  qu'ils 
opprimèrent  d'une  si  dure  fatjon,  sont  maintenant  assujettis  aux  Ilova. 
Les  Ant'Aïsaka,  ou  «  ceux  qui  j)èchent  à  la  main  »,  (jui  leur  succèdent  au 
nord,  sur  la  côte  orientale,  ressemblent  beaucoup  aux  Sakalaves  et  sont 
probablement  croisés  des  mêmes  éléments.  Puis  viennent,  dans  la  même 
direction,  les  .VnL'Aïmoro,  ou  les  «  Maures  »'  ,  autres  riverains  de  la  mer 
orientale,  qui  prétendent  èlre  descendus  d'Arabes  de  la  Mecque,  bien 
que  le  métissage  soit  de  toute  évidence  chez  eux,  et  qui  montrent  en  té- 
moignage de  leur  origine  d'anciens  manuscrits  écrits  en  caractères  arabes. 
Au-dessus  des  Ant'Aïmoro  et  des  Anl'Ambaboaka,  dans  les  vallées  fores- 
tières de  la  montagne,  vivent  les  Ant'.Vnala  ou  «  gens  de  la  Forêt  »,  qui 
pour  la  plupart  ont  pu  conserver  leur  indéjiendance,  grâce  à  la  difficulté 
d'accès  des  forteresses  naturelles  où  ils  sont  campés.  L'une  d'elles,  Ikiongo 
ou  Ikongo,  qui  se  dresse  à  500  mètres  au-dessus  des  terres  avoisinantes, 
est  encore  plus  escarpée  que  l'Ivohibé;  elle  se  termine  de  tous  côtés  par  des 
précipices  et  des  parois  ingravissables,  si  ce  n'est  en  un  endroit  où  passe 
un  sentier  qu'un  jielit  nombre  de  guerriers  suffirait  à  défendre  :  des  mai- 
sons de  guet  sont  construites  de  distance  en  distance  sur  le  pourtour  de 
la  crête;  cinq  villages,  entourés  de  champs  et  de  fontaines,  sont  épars  sur 
le  plateau  supérieur,  long  de  15  kilomètres  sur  7  kilomètres  de  large.  La 
tribu  libre  des  Ant'.Vnala,  qui  se  l'éfugie  en  temps  de  guerre  sur  l'Ikongo, 
est  généralement  désignée  })ar  le  même  nom  que  la  montagne^  Dans  toute 
la  partie  sud-orientale  de  Madagascar,  l'influence  arabe  parait  avoir  été 
considérable.  Les  «  blancs  »,  ces  Zafe-Raminia  dont  parlent  Flacourt  et 
autres  écrivains  du  temps,  étaient  des  .Vrabes  ou  des  Hindous  convertis  à 
l'Islam.  Nombre  de  chefs  dans  toutes  les  tribus  prétendent  à  la  descen- 
dance arabe,  et  les  ombian  ou  prêtres,  —  les  oinassi  des  Sakalaves,  — ])ro- 
pagent  des  coutumes  ou  des  cérémonies  certainement  dérivées  de  rislam\ 
La  population  la  plus  nombreuse  du  versant  oriental  aj)parlient  à  la 
nation  asservi(>  des  Betsimisaraka  ou  «  Gens  Unis  »,  bien  connue  des 
voyageurs,  car  il  faut  traverser  leur  territoire  pour  se  rendre  deTamatave 
à  Tananarivc,  la  capitale  de  Madagascar.  Les  Betsimisaraka  et  leurs  voisins 
les  Betanimena,  «  Gens  de  la  Terre  Rouge  »,  qui  se  prétendent  issus  des 

'   «  Gens  (le  la  liive  n,  il'Liprés  Jdiyeiiseii. 

-  Du'Verge,  Muditijnscar  et  Peuplades  indcpendanlcs. 

5  Max  Leclerc,  Les  Peuplades  de  Mudayascar;  —  A.  Waleii,  Aiiliiiiaiiarivo  Aniiuat,  18SÔ. 


96  NOUVELLE  (ÎÉOGKAPUIE  UNIVERSELLE. 

indris  Labakolu,  sont  des  gens  grands  et  forts,  mais  d'un  naturel  doux 
et  résigné,  d'ailleurs  ne  différant  guère  de  leurs  maîtres  les  llova  :  ils 
sont  au  nombre  d'environ  Irois  eent  mille.  Parmi  les  autres  peu[ilades  du 
versant  oriental,  les  Ant'Ankaï,  <  Gens  des  Défrichements  »,  et  les  Bezano- 
zano  ou  •(  Anarchiques  i>'.  (jui  habitent  l'étroite  et  longue  vallée  d'Ankaï, 
entre  deux  chaînes  parallèles  revêtues  de  forêts,  sont  devenus  les  inter- 
médiaires du  commerce  entre  les  Hova  du  plateau  et  les  Betsimisaraka  du 
littoral.  Ce  sont  eux  qui  transportent  presque  toutes  les  marchandises  sur 
les  sentiers  difficiles  des  monls;  l'habitude  qu'ils  ont  de  porter  des  far- 
deaux pesants  sur  les  épaules  y  fait  développer  j)eu  à  peu  des  bourrelets 
charnus  qui  protègent  la  clavicule  contre  les  chocs  :  les  enfimts  naissent 
tous  pourvus  de  ces  appendices  protecteurs'.  Plus  au  nord,  dans  la  dépres- 
sion dont  le  lac  Alaotra  occu[)e  le  fond,  vivent  les  Anl'Sikanaka  un  les 
«  Lacustres  »,  —  les  «  Indépendants  >',  d'après  William  Ellis,  —  [lècheurs 
et  bergers  qui  paissent  les  troupeaux  des  Ilova.  Presque  tous  les  objets  dont 
ils  se  servent  sont  faltriqués  en  roseaux.  Pendant  la  saison  des  pluies,  les 
habitants  de  quelques  villages  riverains  ne  se  donnent  pas  la  peine  de 
s'enfuir  dans  les  lei'res  situées  au-dessus  du  niveau  de  l'inondation  ; 
ils  placent  leur  foyer  cl  leurs  nattes  sur  d'épais  radeaux  de  jonc  et  se 
laissent  ilolier  au  gr(''  de  l'onde".  Les  Sihanaka  appartiennent  au  même 
groupe  de  tribus  ([ue  les  Betsimisaraka;  mais  au  delà,  les  indigènes 
qui  peuplent  l'exlrémilé  septentrionale  de  Madagascar,  les  Aiil'.Vnkara, 
«Gens  du  •Son]  ,<  ou  «  Gens  des  Rocs  » ',  se  distinguent  de  Ions  les 
autres  Malgaches  par  leur  aspect  de  Cafres,  leurs  cheveux  laineux,  leurs 
lèvres  épaisses  :  ce  sont  ceux  des  Malgaches  (|ui  ont  le  plus  subi  l'influence 
de  l'Islam.  Les  Aiil'Ankara  élaient  les  alliés  des  Français  contre  les  Ilova 
et,  de  même  que  les  Sakalaves,  ils  ont  été  conliés  par  le  traité  de  18S5  à 
la  grandeur  d'âme  de  leurs  anciens  ennemis,  les  maîtres  de  l'île. 

Outre  les  appellations  des  peuplades  principales  qui  se  parlagent  le 
territoire  de  Madagascar,  on  voit  sur  les  caries  beaucou[t  d'autres  noms 
de  tribus,  qu'il  faut  considérer  soit  comnn;  les  désignations  de  clans,  de 
castes  ou  de  familles,  soit  comme  des  termes  synonymes  des  noms  plus 
usuels.  Mais  on  parle  aussi  de  po|)ulations  naines,  les  Kimo,  qui  viviaienl 
dans  la  partie  méiidionali'  de  l'île,  au  milieu  des  Bara  :  les  |)remiers 
voyagenis  français  qui  les  menlionneni,    le  naturaliste  Commeison,  et  de 

'  ((  P(îU|)le  (le  la  Broiisso  »,  d'après  Jorfjensen. 

-  Memoirs  of  tlie  Antliropotoyical  Society,  1877. 

'  Du  Verge,  ouvrage  cilé.  • 

*  Revue  de  Géographie,  mai  1888;  —  JorgcnsL'ii,  Anliitiaiiiiiit'o  Ainnuil.  1885. 


POPULATIONS  DE  MADAGASCAR.  97 

Modavo,  gouverneur  de  Fort-Dauphin,  décrivent  ces  pygmées  comme  des 
noirs  à  grosse  tête,  à  cheveux  crépus,  à  hras  longs,  très  courageux  et  fort 
hahilcs  à  lancer  la  flèche;  mais  pendant  le  cours  de  ce  siècle  aucun  explo- 
rateur ne  les  a  rencontrés.  Flacourt  croyait  aussi  à  l'existence  d'une 
tribu  (le  cannihalos,  les  Onlaysatroiha,  qui  mangeaient  leurs  malades  et 
leurs  vieillards  :  chez  ces  indigènes  malgaches,  apparentés  peut-être  aux 
Batla  de  Sumatra,  «  les  pères  et  les  mères  n'ont  d'autres  sépulcres  que 
leurs  enfants»'.  Les  Behosi,  qui  vivraient  dans  les  forêts  du  versant 
occidental,  près  des  marches  inhabitées,  seraient  des  hommes  noirs,  sau- 
tant comme  les  singes  de  branche  en  branche,  et  se  nourrissant  de 
fruits,  de  racines,  de  lémuriens  pris  au  piège,  puis  engraissés ^  Peut-être 
ne  reste-t-il  plus  qu'un  souvenir  d'eux,  comme  des  anciens  nègres  les 
Va-Zimba,  que  l'on  dit  avoir  été  les  aborigènes  de  Madagascar  et  qui 
auraient  ignoré  l'usage  du  fer.  (Juels  furent  ces  Va-Zimba,  dont  le  nom 
rappelle  l'origine  bantou?  Une  petite  tribu  du  pays  des  Sakalaves,  au  sud 
de  Majnnga,  est  connue  par  cette  même  appellation,  mais  est-elle  un  reste 
des  autochtones?  Ce  qui  le  ferait  croire,  c'est  qu'on  les  considère  comme 
ayant  une  sorte  de  droit  naturel  sur  le  sol,  et  que  dans  leurs  voyages  ils 
peuvent  s'approvisionner  de  vivres  dans  les  champs  sans  payer,  comme 
s'ils  étaient  des  envoyés  du  souverain  ''.  Peut-être  faut-il  voir  en  eux  des 
frères  des  Ba-Simba  ou  Cimbéba  de  la  côte  occidentale  d'Afrique.  Les 
tombeaux  des  aborigènes  Va-Zimba,  entassements  ou  cercles  de  ])ierres, 
sont  épars  en  diverses  régions  des  plateaux  et  les  Malgaches  ne  s'en  appro- 
chent qu'en  tremblant;  parfois  même  ils  y  font  des  sacrifices  pour  con- 
jurer les  esprits  qui  tourbillonnent  autour  de  ces  lieux  néfastes. 


Dans  un  pays  comme  Madagascar,  qui  se  trouve  dans  une  période  de 
transformation  rapide,  presque  de  révolution,  l'état  social  présente  les 
plus  grandes  divergences  suivant  les  castes  et  les  tribus  qui  sont  entraînées 
dans  le  mouvement  ou  qui  en  restent  à  l'écart.  L'influence  des  blancs  est 
prépondérante,  et  dans  nombre  de  tribus  les  chefs  se  vantent  de  des- 
cendre d'Européens,  comme  leurs  prédécesseurs  se  vantaient  d'une  ori- 
gine arabe'.  Les  Hova,  de  même  que  les  Japonais,  —  autre  trait  de  ressem- 
blance, —  se  sont  lancés  avec  une  sorte  de  furie  dans  l'imitation  de  la 

'  De  Flacourt,  Histoire  de  la  grande  Islc  de  Madagascar. 

2  Sibrec,  The  Great  African  Islaiid;  —  Cousins,  Antananarivo  Annual,  1875. 

'  L.  Diihle,  Antananarivo  Annual,  188.>. 

*  Du  Verge,  Madagascar  et  peuplades  indépendantes. 

XIV.  13 


98  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

culture  européenne.  Coslumés,  parures,  meubles,  demeures,  cérémonies, 
parades  militaires,  formules  de  langage,  jusqu'aux  religions,  ils  ont  tout 
adopté  des  étrangers,  Français  ou  Anglais,  qui  les  visitent,  et  de  proche  en 
proche  l'œuvre  d'européanisation  se  propage  autour  de  la  capitale  vers  les 
extrémités  de  l'empire.  Le  mouvement  s'était  même  continué  pendant 
la  période  du  bannissement  de  tous  les  étrangers,  et  ceux  d'entre  eux  qui 
avaient  été  expulsés  de  Tananarive  et  qui  s'y  établirent  de  nouveau  après 
la  guerre  furent  surpris  d'y  trouver  un  grand  accroissement  dans  le 
nombre  des  maisons  d'architecture  européenne.  Maintenant  les  blancs, 
marchands  ou  missionnaires,  parcourent  l'ile  librement,  et  des  centaines 
d'entre  eux,  surtout  des  traitants  de  la  Réunion  et  de  Maurice,  reçoivent 
l'hospitalité  chez  des  peuplades  encore  indépendantes,  des  côtes  ou  de 
l'intérieur.  Sous  l'influence  européenne  les  écoles  se  sont  multipliées  dans 
les  villes  et  les  villages  :  la  langue  hova,  désormais  fixée  par  l'écriture  en 
caractères  latins,  est  devenue  un  idiome  littéraire  et  possède  des  livres  et 
des  journaux,  chaque  année  plus  nomlneux;  les  mots  portugais,  anglais, 
surtout  français,  d'ailleurs  fortement  niodiliés,  envahissent  le  langage.  Le 
christianisme,  représenté  par  cinq  dénominations  ou  «églises»,  le  catholi- 
cisme et  quatre  cultes  protestants,  est  religion  d'Etat  depuis  l'année  1869, 
et  la  reine  est  le  «  chef  de  l'assemblée  des  croyants  ».  Madagascar  a  ses 
sociétés  savantes.  Radaraa  II,  qui  en  montant  sur  le  trône,  en  1861,  com- 
mença par  déclarer  dans  un  grand  conseil  ou  Imbari  que  désormais  tous 
les  blancs  «  faisaient  partie  de  sa  famille  »,  eut  même  l'idée  de  fonder 
une  Académie  des  sciences. 

Mais  en  dehors  de  Tananarive,  dans  les  districts  reculés  de  l'empire,  se 
sont  maintenues  partiellement  les  mnnirs  primitives,  les  coutumes  héritées 
de  la  civilisation  malaise  ou  bantou,  les  religions  et  les  prati(|ues  des 
temps  anciens.  Les  Malgaches  qui  n'ont  pas  adopté  tout  ou  partie  du  cos- 
tume européen  ou  les  longues  robes  en  cotonnade  apportées  par  les  mis- 
sionnaires, n'ont  d'autre  vêtement  que  le  lamba,  sorte  de  jupon  qui,  chez 
les  populations  de  l'intérieur,  consiste  en  bandes  d'écorce  battues  au  mar- 
teau. Les  indigènes  de  nombreuses  tribus  se  tatouent  la  ligure  ou  s'y 
taillent  des  cicatrices  comme  leurs  ancêtres  de  l'Afrique  ou  de  la  Polynésie, 
et  peignent  leur  chevelure,  l'enduisent  d'argile,  comme  la  plupail  des  tri- 
bus du  haut  Congo;  ainsi  les  Bara  en  font  une  grosse  boule  jaunâtre  au 
moyen  de  cire  et  de  graisse.  De  même  que  les  Indonésiens,  les  Malgaches 
se  saluent  en  se  flairant  mutuellement.  Les  demeures  des  indigènes  non 
civilisés  ne  sont  autre  chose  que  des  huttes  en  pisé,  en  roseaux,  ou  en 
pétioles  et  en  feuilles  de  ravenala;  enfin,  il  est  des  peuplades  dont  les  guer- 


MADAGASCAR  ET   LKS  MALGACHES.  99 

riers  ne  possèdent  pas  encore  d'armes  à  l'eu  el  qui  se  servent  de  lances,  de 
flèches,  et  même  de  sarbacanes. 

La  pratique  de  la  circoncision  est  générale  chez  toutes  les  peuplades 
non  devenues  chrétiennes.  C'est  à  l'âge  de  six  ou  sept  ans  que  les  enfants 
sakalaves  subissent  cette  opération,  qui  les  fait  désormais  considérer 
comme  des  hommes  :  à  cette  occasion  les  assistants  les  frappent  et  les 
secouent,  [lour  leur  donner  un  pressentiment  de  la  vie  de  luttes  à  laquelle 
ils  doivent  se  préparer.  En  général  les  enfants  malgaches  jouissent  d'une 
grande  liberté  et,  dans  la  plupart  des  tribus,  jeunes  gens  et  jeunes  filles 
peuvent  former  des  unions  temporaires  sans  encourir  de  blâme;  ils  se 
prennent  à  l'essai  avant  de  décider  de  la  conclusion  du  mariage.  S'il  n'a 
pas  encore  pris  femme,  le  Malgache  ne  peut  hériter  et  reste  mineur'.  Le 
mariage  se  fait  d'ordinaire  par  voie  d'achat  el,  comme  en  tant  d'auli'es 
contrées,  est  accompagné  d'un  simulacre  d'enlèvement;  parfois  l'achelcur 
n'emmène  l'épouse  qu'après  avoir  vaillamment  combattu  pour  elle,  en  fai- 
sant assaut  de  force  et  d'adresse  avec  les  jeunes  hommes  du  voisinage. 
Chez  les  Sakalaves,  les  parents  ne  peuvent  décider  le  mariage  sans  le  con- 
sentement de  leurs  enfants,  mais  ils  président  au  banquet  nuptial.  L'époux 
et  l'épouse  mangent  au  même  plat,  puis  ils  trempent  le  doigt  dans  un  vase 
qui  contient  le  sang  d'un  bœuf  rouge  égorgé  en  leur  honneur  et  en  mar- 
quent les  invités  à  la  poitrine.  Les  unions  sakalaves  sont  en  général  très 
respectées  et  les  divorces,  désignés  avec  courtoisie  sous  le  nom  de  «  remer- 
ciements »,  sont  rares  :  il  est  arrivé  fréquemment,  dit-on,  que,  lors  de  la 
mort  d'un  conjoint,  le  survivant  se  suicida  de  désespoir'.  Chez  les  Maha- 
fali,  au  contraire,  la  femme  est  toujours  considérée  comme  un  être  infé- 
rieur, tenue  à  tous  les  devoirs  envers  l'homme  et  ne  jouissant  d'aucun 
droit.  Elle  n'a  pas  même  la  permission  de  manger  avec  lui,  ni  d'assister 
à  son  repas  ;  malade,  elle  doit  rester  éloignée  du  mari  ;  quand  elle  meurt, 
on  ne  porte  pas  son  cadavre  dans  le  lieu  sacré  réservé  à  l'époux.  La 
femme  adultère  est  souvent  mise  à  mort,  même  par  ses  parents;  enfin, 
chez  les  Sihanaka,  les  veuves  ont  à  subir  de  véritables  tortures.  Yètue  de 
son  plus  riche  lamba  et  portant  ses  plus  beaux  atours,  la  malheureuse 
attend  dans  la  case  mortuaire  le  retour  du  convoi  funèbre.  En  reve- 
nant de  la  cérémonie,  les  parents  et  les  amis  se  précipitent  sur  elle, 
arrachent  ses  bijoux,  déchirent  sa  robe,  dénouent  sa  chevelure,  lui  jeltenl 
un  pot  cassé,  une  cuiller  ébréchée,  un  lambeau  d'étoffe  salie  et  la  char- 


Coif;ni'l.  Bulletin  de  la  Société  de  Géographie,  octobre  1887. 
Von  der  Declion;  —  du  Verge,  ouvrage  cilé. 


100  NOUVELLE  GÉOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

gent  de  malédictions  comme  la  cause  du  malheur.  Toute  parole  lui  est 
interdite;  tout  le  monde  peut  la  frapper  et  ce  deuil  dure  des  mois,  par- 
fois même  une  année;  il  se  termine  par  un  divorce  en  règle,  que 
prononcent  les  parents  du  mort  pour  la  séparer  des  restes  de  son  an- 
cien époux'. 

La  fraternité  du  sang,  connue  sous  divers  noms  suivant  les  tribus,  est 
une  coutume  fréquemment  observée  chez  les  Malgaches,  et  la  plupart  des 
voyageurs  européens  ont  pu  s'acquérir  ainsi  plusieurs  «  frères  »  qui  leur 
ont  facilité  l'exploration  du  pays.  Les  deux  amis  se  font  une  blessure  l'un 
à  l'autre  et  mêlent  le  sang  qui  s'en  écoule,  ou  bien,  comme  chez  les 
Ant'Anossi,  se  font  préparer  un  breuvage  avec  le  sang  d'un  bœuf,  mêlé  à 
une  eau  sacrée  dans  laquelle  on  jette  divers  objets,  une  balle  de  plomb 
et  une  manille  d'or'.  Les  ordalies  se  sont  aussi  maintenues  dans  les 
provinces  insoumises  de  Madagascar  et  nulle  part  ces  jugements  de  Dieu 
ne  furent  naguère  plus  terribles  que  chez  les  Hova  :  c'est  par  milliers 
que  l'on  en  comptait  chaque  année  les  victimes.  L'épreuve  la  j)lus  com- 
mune est  celle  de  forcer  les  accusés  à  plonger  la  main  dans  l'eau  bouil- 
lante; d'autres  fois,  on  place  un  morceau  de  fer  rouge  sur  la  langue  du 
prévenu,  ou  bien  on  lui  fait  boire  le  poison  préparé  avec  les  fruits  du  tan- 
ghin  {taïujliiuia  renenifcra),  ou  bien  encore  on  l'oblige  à  traverser  à  la 
nage  une  rivière  infestée  de  sauriens.  Le  sorcier  frappe  l'eau  trois  fois, 
puis  s'adresse  aux  monstres  de  la  rivière  :  «  C'est  à  vous,  crocodiles,  de 
juger.  Cet  homme  est-il  innocent?  est-il  coupable?  » 

La  loi,  c'est-à-dire  la  coutume,  appelée  lilin  draza  chez  les  Sakalavcs, 
est  observée  avec  scrupule  dans  les  provinces  non  encore  soumises  au 
gouvernement  hova,  et  cette  loi  est  sévère,  surtout  quand  elle  ne  repose 
sur  aucun  autre  fond  moral  que  la  j)eur  de  l'inconnu.  Le  code  sakalave 
renferme  autant  de  choses  pidi  ou  défendues  qu'il  y  a  de  tabou  dans  les 
coutumes  polynésiennes.  11  est  interdit  à  tout  Sakalave  de  doi'mir  la  tête 
tournée  vers  le  sud,  de  balayer  la  maison  du  côté  du  nord,  de  se  coucher 
sur  l'envers  d'une  natte,  de  peler  une  banane  avec  les  dents,  de  manger  du 
coq  ou  des  anguilles,  de  laisser  un  miroir  dans  la  main  d'un  enfant,  de 
cracher  dans  le  feu  et  de  faire  mille  autres  choses  qui  paraissent  sans 
portée  à  ceux  que  ne  gouverne  pas  la  crainte  des  sorciers  et  des  mauvais 
génies.  Chaque  tribu,  chaque  clan,  chaque  famille  a  ses  fadi  spéciaux, 
qu'il  lui  faut  observer  sous  peine  d'infortune.  Tel  lieu  est  néfaste,  et  tous 


*  Sibree,  Madayascar  and  ils  people;  —  du  Verge,  ouvrage  cité. 
2  A.  Graiuliclicr,  Bullelin  de  la  Société  de  Céoyrapkie,  fcvi-ier  1S72. 


MADAGASCAR  ET  LES  MALGACUES.  101 

l'évitent  avec  soin  ;  telle  date  est  signalée  comme  dangereuse  et  l'on  inter- 
rompt alors  le  travail,  on  se  garde  de  toute  entreprise  ;  nul  n'aurait  l'au- 
dace de  se  lancer  dans  une  aventure  sans  avoir  consulté,  par  l'entro 
raise  des  sorciers,  le  jeu  de  hasard  dit  sikili,  que  M.  Grandidier  croit 
avoir  été  apporté  d'Arabie  par  des  juifs  persécutés.  «  Le  sort  est  le  jour 
du  mois  »,  dit  un  proverbe  malgache'.  Il  est  de  ces  jours  terribles  oîi  les 
nouveau-nés  anl'anossi  et  ant'anala  sont  livrés  aux  crocodiles  ou  enter- 
rés vivants\  Pour  augmenter  sa  colonie,  Beniowski  se  faisait  livrer  tous 
ceux  que  leur  destin  présumé  condamnait  au  malheur.  Chez  les  Sakalaves 
Vezo,  les  familles  s'entendent  pour  sauver  les  enfants,  tout  en  observant 
la  coutume  :  on  les  porte  dans  la  forêt;  mais  à  peine  les  a-l-on  déposés, 
qu'un  parent  vient  sauver  la  victime". 

On  a  fréquemment  recours  aux  sacrifices  pour  se  rendre  les  esprits  lavo- 
rables.  Tous  les  phénomènes  de  la  nature,  le  tonnerre,  le  vent,  la  pluie, 
sont  personnifiés  par  des  génies,  fils  d'un  génie  supérieur,  Zanahar-bé,  que 
l'on  n'invoque  pas  directement,  tant  il  est  au-dessus  des  mortels*.  Les 
montagnes,  les  rochers,  les  grands  arbres  sont  aussi  des  personnages 
vénérés,  et  tel  géant,  baobab  ou  tamarinier,  dominant  au  loin  res})ace,  est 
frangé  de  chiffons,  orné  de  tètes  d'animaux,  enduit  d'argiles  colorées,  qui 
témoignent  de  l'adoration  dos  fidèles.  Mais  les  mauvais  génies,  encore  plus 
nombreux  que  les  esprits  bienveillants,  tourbillonnent  dans  l'air,  cher- 
chant leurs  victimes  :  ce  sont  eux  qui  allument  l'incendie,  qui  détruisent 
la  récolte,  qui  font  périr  le  bétail  et  les  hommes.  Quand  il  bâtit  sa  cabane, 
quand  il  ensemence  son  champ,  le  chef  de  famille,  entouré  de  tous  les 
siens,  invoque  un  à  un  les  esprits  des  parents  pour  qu'ils  écartent  les  enne- 
mis invisibles.  Contre  ceux-ci,  le  chant  est  l'arme  la  plus  puissante.  Pour 
guérir  les  malades,  les  femmes  et  les  jeunes  filles  se  rassemblent  autour 
d'eux  et,  matin  et  soir,  chantent  en  dansant  et  en  battant  des  mains.  Mais 
si  l'incantation  ne  réussit  pas  et  que  le  malade  succombe,  c'est  que  les 
démons  ont  triomphé.  On  procède  alors  à  des  purifications  générales  : 
d'ordinaire  la  maison  du  mort  est  abandonnée  aux  mauvais  esprits.  Les 
Ant'Anossi  quittent  même  le  pays;  chez  la  plupart  des  tribus  sakalaves 
on  cherche  du  moins  à  dérouter  les  génies  en  changeant  de  nom  :  on 
espère  ainsi  leur  faire  perdre  trace.  Chez  les  Sihanaka,  on  cache  les  ma- 
lades dans  les  forêts,  et  deux  ou  trois  individus  seulement  sont  dans  le 

•  A.  Graiulitlior,  du  Verge,  SlanJiiig,  etc. 

''  liiirtef,  Bulletin  de  la  Société  de  Géoi/raphic  de  Roclicfuii.  l'J  ilcceiuLie  lisSo< 
'  A.  Waleii,  Aniunanarivo  Animal,  ISS.". 

*  F  Coigiicl,  Bulletin  de  la  Société  de  Géujjrupliie,  uctoLre  lUbl. 


102  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE   UiNIVERSELLE. 

mystère  de  leur  retraite  :  s'ils  réussissent  a  les  cacher  aux  démons,  les 
malades  guérissent  '.  Dans  la  plupart  des  tribus  malgaches,  de  même  que 
chez  les  Indonésiens,  les  enterrements  se  font  longtemps  après  la  mort, 
lorsque  les  cadavres  sont  comj)lèlemenl  décomposés. 

Les  progrès  ne  sauraient  être  fort  rapides  dans  un  pays  où  le  sol  est 
encore  labouré  par  des  mains  esclaves.  11  est  vrai  qu'en  portant  tous  les 
bras  disponibles  sur  les  cultures  industrielles,  au  détriment  de  la  produc- 
tion des  vivres,  de  grands  propriétaires  peuvent  faire  naître  l'illusion  de 
la  prospérité  agricole;  mais  c'est  précisément  alors  que  la  masse  du 
peuple  est  le  plus  malheureuse.  Les  planteurs,  sur  la  côte  orientale,  sont 
tous  défenseurs  ardents  du  maintien  de  l'esclavage  et  prétendent  ainsi 
plaider  pour  les  progrès  agricoles  de  la  contrée.  Déjà  les  pi'emiei's  colons  du 
Fort-Dauphin  vendaient  les  hommes  enlevés  à  leurs  propres  alliés,  i)uis, 
pendant  les  deux  siècles  qui  suivirent,  Madagascar  devint  un  entrepôt  où 
les  négriers  venaient  s'approvisionner  d'esclaves  pour  les  plantations  des 
Mascareignes,  la  côte  africaine,  l'Arabie  et  l'Egypte  ;  d'autre  part,  les 
Bla-Koua  ou  Mojambika,  —  noms  sous  lesquels  on  comprend  les  nègres 
.amenés  d'Afrique,  —  ont  été  débarqués  par  milliers  sur  la  côte  des  Saka- 
lavcs  :  les  colons  maui'iciens  les  désignent  par  l'appellation  de  «  mar- 
mites »,  du  mot  indigène  inaromita,  qui  signilie  «  passeur  de  gué  )i.  De- 
puis 1877,  l'importation  des  noirs  est  sévèrement  interdite;  mais  dans  l'île 
même  l'esclavage  existe,  et  l'on  évalue  aux  deux  tiers  de  la  poitulalion 
totale  le  nombre  des  hommes  asservis;  on  peut  dire  aussi  que  les  tribus 
vaincues  par  les  Ilova  sont  en  masse  considérées  comme  des  hordes  d'es- 
claves par  les  vainqueurs  et  tenues  à  de  continuelles  corvées.  D'ailleurs, 
l'esclavage  n'est-il  pas,  dans  chaque  peuplade,  le  témoignage  d'une  an- 
cienne lutte  entre  classes  ou  races  ennemies?  Le  crime  de  pauvreté  se 
paye  par  la  servitude  :  les  dettes  entraînent  pour  le  débiteur  hova  la 
perte  de  la  liberté  au  profit  du  créancier.  D'après  Mullens,  le  prix  moyen 
d'un  esclave  à  Madagascar  est  d'une  cinquantaine  de  francs.  Quelques 
grands  personnages  en  possèdent  des  milliers;  les  dignitaires  de  l'Eglise 
en  achètent  comme  les  autres,  et  dans  leurs  prêches  les  pasteurs  se 
gardent  bien  de  toucher  à  celte  délicate  question,  le  droit  de  l'homme 
à  la  liberté*. 

Comme  pays  d'agriculture,  Madagascar  est  néanmoins  d'une  réelle  im- 
portance |(our  rap])rovisionnement  des  terres  voisines,  les  Mascai'eignes.  Le 

'  lli'nry  W.  Lilllc,  Maihiiiiiscai: 

*  Millions,  Twcivc  Moiitlis  in  Madaijascdr;  —  Sliaw,  Mti(l(i<jnsriir  and  Frtnice:  —  Cust.  Lan- 
yiMcjps  of  Aj'rkii:  —  Afrique  e.iploiée  cl  civilisée,  1883. 


AGRICULTURE,   INDUSTRIE  DE  MADAGASCAR.  iO?, 

riz  est  la  grande  culUire  des  indigènes,  et  hien  que  la  partie  labourée  du 
sol  ne  puisse  pas  même  être  évaluée  à  un  centième  de  la  superficie  totale, 
la  piddiu-liou  annuelle,  amplement  suffisante  pour  l'alimentation  des  insTi- 
laii'es,  contribue  pour  une  forte  part  au  commerce  d'exportation.  Dans 
quelques  provinces  éloignées  du  cenli-e,  notamment  chez  les  Ant'Anala,  la 
culluie  se  déplace  chaque  année,  on  brûle  les  herbes  et  les  arbustes  d'un 
terrain  choisi,  puis,  à  la  saison  des  pluies,  on  jette  la  semence  dans  le 
sol  retourné  et  l'on  attend  la  récolte.  L'année  suivante  on  abandonne  le 
cam|)eraent  temporaire  [lour  aller  s'établir  sur  quelque  autre  terre  de 
délVichement.  Dans  le  voisinage  de  Tananarive,  les  terres  irrigables  que 
l'on  cultive  en  rizières  sont  préparées  avec  beaucoup  de  soin  et  ne  reçoi- 
vent la  semence  qu'après  avoir  été  engraissées  par  le  séjour  des  moutons 
et  des  bœufs'.  Outre  le  riz,  les  Malgaches  cultivent  la  plupart  des  plantes 
comestibles  des  régions  tropicale  et  subtropicale,  le  manioc,  les  patates,  les 
ignames,  les  arachides,  les  embrevatles  [njlimis  cajanus)  et  le  saonio,  ce 
même  végétal  {arum  esculentum)  qui,  sous  le  nom  de  taro,  est  si  répandu 
dans  le  monde  océanien.  Les  Européens  ont  introduit  dans  la  région  des 
plateaux  les  céréales,  les  légumes  et  les  arbres  fruitiers  de  rhémis])hère 
septentrional;  sur  les  plateaux  de  l'imerina  on  cultive  l'arbuste  à  thé''  et, 
sur  la  côte,  des  planteurs  s'occupent  depuis  quelques  années  de  la  grande 
culture  du  cotonnier,  du  cafier,  de  la  canne  à  sucre. 

Les  régions  centrales  de  Madagascar,  déjiourvues  de  forêts  et  recouvertes 
d'herbages,  sont  un  pays  des  plus  favorables  pour  l'élève  du  bétail.  Les 
bœufs  appartiennent  aux  deux  races,  celle  de  l'Afrique  du  sud,  et  la  belle 
variété  des  zébu  ou  buffles  indiens,  introduile  de  l'Oiient  à  une  époque  in- 
connue et  représentée  par  des  centaines  de  mille,  peut-être  par  plus  d'un 
million  d'individus.  Le  bœuf  est  le  compagnon  le  plus  cher  du  Sakalave  : 
nulle  cérémonie  n'a  lieu  qu'il  n'y  figure,  nulle  légende  ne  se  raconte  sans 
({u'il  y  ait  son  rôle.  La  brebis  malgache  est  la  bêle  à  long  poil  et  à  grosse 
(|ueu(!.  Presque  tous  les  animaux  des  fermes  d'Europe  jirospèrent  égale- 
ment dans  les  campagnes  de  Madagascar,  à  rexceplion  du  cheval,  qui  dé- 
périt fréquemment;  la  race  <jui  réussit  le  mieux  est  celle  que  l'on  a 
importée  de  la  Barraanie.  Le  porc,  jadis  abhorré  comme  animal  impur, 
reconquiert  peu  à  peu  le  pays  des  Ilova,  mais  ne  pénètre  pas  chez  les  Saka- 
laves,  ([ui  sont  encore  sous  l'influence  lointaine  de  l'Islam  '\  Toutes  les 
volailles  d'Europe  se  trouvent  désormais  dans  les  basses-cours  des  Ilova. 

'  Laoaze,  Souvenirs  de  Madagascar. 

-  Journal  Mudngasear.  mars-avril  1888. 

'  A.  Vinson.  Voyage  à  Madagascar;  —  Keller,  Reiscbilder. 


104  NOUVELLE  GEOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

et  quelques  magnaneries  naissantes  ont  reçu  des  vers  à  soie  de  l'espèce 
chinoise,  que  l'on  nourrit,  comme  en  Europe,  de  la  feuille  du  mûrier. 
Lés  espèces  malgaches,  dont  l'une  vit  sur  l'embrevade,  fournissent  aussi 
des  soies  résistantes'. 

Sous  l'influence  de  leurs  instituteurs  européens  l'industrie  des  Mal- 
gaches s'est  déjà  bien  modifiée  :  les  maisons  nouvelles  et  les  vêtements  le 
prouvent;  cependant  la  plupart  des  industries  indigènes  se  sont  mainte- 
nues sous  leur  forme  ])rimitive.  Les  tisserands  malgaches  tissent  des  pièces 
de  soie  éclatantes  et  solides,  des  cotonnades  et  des  toiles,  qui  servent  à  la 
fabrication  des  lambas;  les  fibres  du  palmier  raphia  sont  employées  aussi 
à  faire  des  vêtements,  des  chapeaux,  des  voiles  de  navires.  Les  nattes 
exportées  de  Madagascar,  tissées  en  raphia,  en  papyrus  ou  autres  espèces  de 
roseaux,  sont  renommées  pour  leur  solidité,  la  durée  et  le  brillant  de  leurs 
couleurs.  Comme  les  Arabes  et  les  nègres,  les  Malgaches  sont  d'habiles 
ouvriers  en  filigrane  et  découpent  habilement  le  fer-blanc  et  la  tôle  :  les  gen- 
tilshommes peuvent  se  livrer  au  métier  du  fer  sans  déroger  et  les  objets 
sont  fabriqués  avec  d'autant  plus  dégoût  que  le  travailleur  est  plus  res- 
j)ecté.  Quant  aux  grandes  manufactures  fondées  ))ar  le  Français  Laborde, 
favori  de  Radama  II,  ces  divers  établissements  ont  été  détruits  pendant  les 
dissensions  civiles  et  les  ressources  du  pays  ne  sont  pas  suffisantes  pour 
qu'ils  puissent  se  relever.  Les  gisements  miniers,  que  les  récits  des  indi- 
gènes disent  être  fort  riches,  mais  dont  les  voyageurs  n'ont  encore  reconnu 
que  des  affleurements,  n'ont  pu  jusqu'à  maintenant  acquérir  d'importance 
économique,  le  gouvernement  hova  en  ayant  longtemps  interdit  l'exploita- 
tion sous  des  peines  sévères.  Les  recherches  de  M.  Guillemin  ont  prouvé 
que  Madagascar  possède  un  bassin  houiller,  en  face  de  Nossi-Bé,  notam- 
ment près  d'Ambodimadiro,  sur  les  bords  de  la  baie  de  Passandava,  mais 
on  n'a  point  tous  les  renseignements  nécessaires  sur  les  limites  de  ce  bas- 
sin, sur  sa  puissance  et  les  facilités  de  l'exploitation.  Les  sables  de  l'Ikopa 
sont  aurifères,  et  quelques  mines  d'or  et  de  cuivre  sont  exploitées  pour 
le  compte  du  gouvernement';  on  s'occupe  aussi  d'aménager  des  salines, 
qui  dispenseront  les  Malgaches  de  faire  venir  leur  sel  de  Marseille.  Les  car- 
riers malgaches  connaissent  l'art  de  se  procurer  des  dalles  de  basalte  de 
dimensions  voulues  en  entretenant  un  feu  constant  à  la  surface  de  la  pierre. 

Le  gouvernement  hova  surveille  le  commerce  de  la  contrée  par  des 
postes  de  douane  établis  sur  tous  les  points  importants  du  littoral,  même 


*  Cambouc,  Biillelin  de  lu  Société  d'AccUmutalion,  1883. 
2  Temps,  51  mars  1888. 


INDUSTRIE,  COMMERCE  DE   MADAGASCAR.  105 

dans  les  districts  habités  par  des  po[mlatioiis  indépendantes.  11  prélève  un 
droit  de  8  ou  10  pour  100  sur  tous  les  objets  de  commerce,  à  l'importation 
et  à  l'exportation;  les  livres  et  les  articles  de  papeterie,  nécessaires  pour  les 
écoles,  sont  exempts  des  taxes.  Une  grande  partie  du  trafic,  principalement 
sur  la  côte  orientale,  se  fait  avec  la  Réunion  et  Maurice,  qui  demandent 
des  bœufs,  du  riz,  du  maïs  et  des  vivres  de  toute  espèce  pour  nourrir 
leurs  travailleurs  employés  dans  les  plantations;  en  échange,  les  Masca- 
reignes  envoient  des  objets  de  fabrication  européenne,  et  surtout  du  rhum, 
le  poison  des  indigènes,  qui  les  civilise  «  à  mort  »'.  Le  commerce  direct 
avec  l'Europe  appartient  à  quelques  négociants  qui  vendent  aux  indigènes 
des  tissus,  des  objets  de  quincaillerie  et  de  mercerie,  des  fusils  et  d'au- 
tres armes,  contre  des  peaux,  du  suif,  de  la  cire,  du  caoutchouc,  du  copal, 
que  leur  procurent  des  traitants  postés  dans  les  ports  d'escale  de  la  côte  et 
dans  les  gros  villages  de  l'intérieur.  Les  Étals-Unis  prennent  aussi  une 
forte  paît  au  tralic  extérieur  de  Madagascar,  évalué  à  une  trentaine  de  mil- 
lions^  La  pièce  française  de  cinq  francs  a  seule  cours  dans  le  pays  sous  le 
nom  de  dollar  :  on  la  découpe  en  petits  morceaux  que  l'on  pèse  avec  soin. 
Chaque  marchand  porte  sa  balance. 

La  difficulté  des  communications  enti'C  les  hauts  plateaux  et  les  ports 
du  littoral  retarde  le  développement  du  commerce.  Des  spéculateurs  ont 
déjà  proposé  la  construction  de  chemins  de  fer  le  long  de  la  côte  et  vers  les 
martliés  du  centre,  mais  il  n'existe  encore  que  de  mauvais  sentiers  entre 
la  capitale  et  les  deux  ports  jjrincipaux,  à  l'ouest  et  à  l'est  de  l'île,  Majanga 
et  Tamalave.  Ce  fut  même  longtemps  un  des  principes  de  la  politique 
hova  de  maintenir  entre  la  capitale  et  l'étranger  la  barrière  infranchis- 
sable des  forêts  et  marécages  :  c'est  aux  généraux  Ilazo  et  Tazo,  «  Forêt  et 
Fièvre  »,  que  les  souverains  confiaient  le  salut  de  leur  royaume.  La  pression 
du  commerce  et  les  convenances  mêmes  des  gouvernements  finiront  par 
triompher  de  la  politique  traditionnelle  de  l'État;  un  télégraphe  unit  déjà 
Tananarive  à  son  port  oriental  et  l'on  s'occupe  d'élargir  quelques  sentiers. 
Actuellement  toutes  les  marchandises  sont  expédiées  de  Tananarive  à  Ta- 
malave et  à  Majanga  par  des  porteurs  belsimisaraka  ou  autres,  que  l'on 
charge  en  moyenne  d'un  fardeau  de  45  à  50  kilogrammes.  Les  frais  de 
transport  s'accroissent  en  des  proportions  énormes  quand  les  objets  à  expé- 
dier ont  un  Doids  plus  considérable.  En  moyenne,  un  «  marmite  »  em|iloie 


1  Exportiilion  du  liiiim  de  Mimrice  à  M;idiigascar  on  1880  :  17  500  bards,  soil  3S500  licclfilitros. 
"  Mouvement  de  la  navigation  dans  les  poris  do  Madagasear  en  1880,  d'après  Raoul  Poslel  : 
Entrées  et  sorties  :  1200. navires,  jaugeant  200  000  tonneaux. 
XIV.  H 


106  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

une  douzaine  de  jours  de  la  capitale  à  Tamatave,  à  540  kilomètres  de  dis- 
lance l'une  de  l'autre,  et  reçoit  de  15  à  125  francs  pour  ce  voyage.  Les 
voyageurs  sont  portés  en  fitacons  ou  filanjanes,  litières  ouvertes,  générale- 
ment fort  incommodes  :  ils  peuvent  d'ailleurs  parcourir  la  route  à  bœuf 
ou  à  cheval.  Tamatave  et  les  stations  françaises  du  pourtour  de  l'île  ne 
sont  pas  encore  (1(S88)  réunies  au  réseau  télégraphique  du  monde;  mais 
deux  lignes  régulières  de  hateaux  à  vapeur,  correspondant  avec  Maurice  et  la 
Réunion,  touchent  aux  ])rinci})aux  ports  de  Madagascar,  et  depuis  la  paix 
ils  amènent  une  quantité  d'immigrants,  créoles  des  Mascareignes,  Arabes 
et  Hindous,  qui  d'ailleurs  ne  sauraient  entrer  en  concurrence  avec  les  indi- 
gènes pour  le  Iravail  de  la  terre,  trop  mal  l'émunéré. 


La  capitale  du  royaume  des  Ilova,  et  bientôt,  à  n'en  pas  douter,  celle  de 
l'ile  entière,  est  devenue  grande  cité,  non  par  l'atliaction  du  commerce, 
mais  surtout  par  la  centralisation  des  pouvoirs,  la  réunion  forcée  des  em- 
ployés, courtisans,  soldats  et  esclaves.  Tananarive  ou  Ant'Ananarivo,  c'est- 
à-dire  «  Ici  les  Mille  Villages  «,  est  en  effet  composée  d'un  grand  nombre 
de  villages  et  hameaux  léunis  :  comme  les  capitales  d'Europe,  celle  de 
Madagascar  englobe  de  décade  en  décade  les  localités  voisines  dans  ses  fau- 
bourgs grandissants.  En  1S!2(),  elle  était  peuplée  de  dix  à  douze  mille 
habitants;  vingt  ans  apiès,  la  population  avait  doublé  '  ;  quelques  voya- 
geurs contemporains,  même  des  résidents  ayant  dressé  des  slalisti(jues 
partielles,  parlent  de  cent  mille  jiersonnes  rassemblées  aujoui'd'hui  ilans 
la  cité  malgache  '.  Elle  comprend  plus  de  vingt  mille  constructions,  les 
maisons  étant  généralement  ti'ès  ])etites  et  chaque  famille  riche  en  possé- 
dant plusieurs.  Le  noyau  primitif  de  Tananarive  occupe,  à  Li 00  mètres 
d'altitude,  le  sommet  d'une  colline  qui  se  ])rolonge  du  nord  au  sud,  do- 
minant d'environ  150  mètres  la  vallée  de  l'ikopa,  qui  serpente  à  l'occi- 
dent; des  fontaines  abondantes,  dites  les  «  eaux  vives  »,  alimentent  la 
ville.  Du  sommet  de  la  bulle  on  contemple  de  tous  les  côtés  une  immense 
étendue  de  jardins,  de  rizières  e(  de  villages,  épars  sur  les  jilateaux 
ondulés. 

La  crèle  même  de  la  colline  poite  le  palais  loyal  et  s'avance  dn  côté  de 
l'ouest  en  un  jiromontoire,  qui  est  la  i<  roche  tarpéienne  »  de  Tananaiive  : 
c'est  de  là  qu'étaient  précipités  ceux  qu'avait  frappés  la  colère  du  souverain. 


•  William  Ellis,  Hislorij  of  Madciyascar. 

2  A.  Gramlidler,  {iiivra^e  cité;  —  Sibicc,  Aiilaiiaiiarii'o  Aniiual,  XI,  1887. 


Il 


lllllll 


TANAÎNARIVE. 


loa 


Sur  le  versant  occidental  les  pentes  sont  trop  rapides  pour  qu'on  ail  pu  y 
construire  beaucoup  de. maisons;  les  demeures  se  sont  groupées  principa- 
lement sur  les  déclivités  orienlales  de  la  colline,  toutes  bâties  sur  de  pe- 


X"    19.    TANANAUIVF.    et    ?;£•;    ENVIRONS 


Est  d 


:<Lri"i\'^^ 


AMBOHIMANGA 


i?s'^:'^^sm:i-;^ 


4# 


'SmM. 


de  Gre-r^^^  ch 


lites  terrasses  nivelées,  disposées  en  forme  de  degrés.  Les  maisons,  pour 
lesquelles  la  pierre  et  la  brique  remplacent  à  jieu  près  le  bois,  et  que  ter- 
minent des  paratonnerres,  sont  tournées  dans  la  direction  de  l'ouest,  soil 
à  cause  de  la  direction  des  venls  froids,  qui  souflleiil  du  sud-est,  soit  plu- 
tôt en  vertu  de  traditions  mythiques;  mais  elles  ne  s'alignent  point  en 


110  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

rues  régulières'.  Quelques  avenues  découpent  la  ville  en  quartiers  iné- 
gaux :  la  principale,  pavée  en  dalles  de  granit,  est  la  «  voie  sacrée  » 
de  la  famille  royale.  Elle  longe  d'abord  la  crête  de  la  colline  vers  le 
nord,  puis  s'élargit  pour  former  la  place  d'Andohalo,  où  les  rois,  se 
dressant  sur  une  pierre  sainte,  viennent  prendre  la  couronne  et  la  poser 
sur  leur  tète.  Au  delà,  ce  boulevard  descend  dans  la  ville  nouvelle  qui 
s'est  construite  au  nord  de  l'ancienne  Tananarive  et,  se  continuant  dans 
la  campagne  entre  les  rizières,  se  prolonge  à  une  vingtaine  de  kilo- 
mètres jusqu'à  la  ville  d'Ambohimanga,  l'une  des  «  douze  cités  sacrées  » 
et  la  plus  sainte  de  toutes,  bâtie  sur  une  roche  isolée  de  gneiss  qu'ombra- 
gent de  grands  bois  et  au  pied  de  laquelle  sourdent  des  eaux  thermales  fré- 
quentées. Les  Européens  reçoivent  rarement  l'aulorisalion  de  pénétrer 
dans  cette  ville,  patrie  des  ancêtres  de  la  dynastie  et  lieu  de  villégiature  des 
princ(>s  :  chaque  aimée,  la  cour  y  établit  sa  résidence  jiour  une  courte 
période,  pendant  laquelle  toutes  les  affaires  de  l'Etat  doivent  être  inter- 
rompues; le  temps  est  consacré  aux  fêles,  aux  sacrifices,  aux  invoca- 
tions. En  dehors  de  ce  Versailles  de  la  royauté,  Tananarive  possède  plu- 
sieurs autres  lieux  de  promenade,  villages  pittoresques,  lacs,  maisons 
de  campagne  entourées  de  jardins.  Aux  portes  mêmes  de  la  ville,  dans  la 
vallée  de  l'ikopa,  les  eaux  sont  retenues  en  un  petit  lac  baignant  un  îlot 
de  plaisance;  la  rivière  est  bordée  de  levées  qui  empêchent  les  inondations 
et  dont  on  attribue  la  construction  à  l'un  des  premiers  rois  de  la  dynastie. 
Une  route  carrossable  de  o'-l  kilomètres  conduit  de  Tananarive  à  Man- 
tassa,  le  groupe  d'établissements  industriels  que  Laborde  avait  fondés 
au  sud-est  de  la  capitale.  On  y  fabriquait  de  tout  :  étoffes,  métaux,  bri- 
ques, porcelaine,  sucre,  savon,  armes,  balles,  poudre,  canons  et  jusqu'à 
des  conducteurs  élec(i'i(pu^s.  Un  vasie  jardin  d'acclimalalion  enlouiail 
les  usines. 

Une  autre  ville  des  plateaux  malgaches  porte  le  nom  de  «  capitale  ». 
C'est  Fianarantsoa,  chef-lieu  des  Betsileo,  située  à  près  de  500  kilomètres  en 
ligne  droite  au  sud  de  Tananarive,  à  1300  mètres  d'altitude,  sur  une 
haute  colline  du  versant  occidental  de  l'île,  et  dans  la  région  où  naissent 
les  premiers  affluents  du  fleuve  Mangoka  :  par  le  rang,  sinon  par  le 
nombre  des  habitants,  elle  est  la  «  deuxième  ville  du  royaume  »'.  Les 
missionnaires  anglais  l'ont  choisie  pour  centre  de  propagande  dans  les  pro- 
vinces méridionales  de  Madagascar.  Le  peu  de  trafic  qui  se  fait  de  cette 


'  A.  Grandidier;  W.  Ellis,  ouvrages  cités. 

*  William  Dcaiis  Cowan,  Procesdiiigs  oflltc  R.  Gcoyiapliical  Sociiiij,  Sv\<\vniWi-  188'2 


TANANARIVE,  ANDOVORANTO,  TAMATAVE.  Ui 

ville  vers  la  mer  se  porte  en  entier  vers  la  côte  orientale,  trois  fois  plus 
rapprochée  que  la  côte  de  l'occident,  mais  d'un  accès  difficile  à  cause  de 
l'àpreté  des  montagnes  et  de  la  violence  des  rivières.  La  station  principale 
occupée  par  les  Hova  dans  le  pays  ant'anala  porte  le  nom  d'Ambohimnnga 
comme  la  ville  sainte  des  conquérants.  Le  pays  environnant,  terre  de  pro- 
mission pour  la  culture,  n'est  que  partiellement  conquis;  le  roi  des  Bara, 
qui  réside  sur  la  montagne  il'lvohibé,  s'est  même  refusé  juscju'à  mainte- 
nant à  recevoir  les  envoyés  hova'. 

Les  havres  méridionaux  de  la  côte  de  l'est,  tournée  vers  les  solitudes  de 
l'océan  des  Indes,  sont  peu  fréquentés  :  les  denrées  à  charger  ne  sont 
pas  en  assez  grande  quantité  pour  que  les  marins  risquent  leurs  embarca- 
tions sur  les  dangereux  récifs  de  ces  parages.  Fort-Dauphin,  qui  est  rede- 
venu le  bourg  malgache  de  Faradifaï,  n'e-st  plus  qu'un  poste  stratégique 
des  Ilova,  à  l'angle  sud-oriental  de  l'île.  En  remontant  la  côte  vers  le  nord, 
on  voit  se  succéder,  à  de  longs  intervalles,  d'autres  fortins  occupés  par  les 
Ilova  :  Ambahi  ou  Farafanga,  dans  le  pays  des  Ant'Aïmoro  ;  Ambohipeno, 
sur  le  territoire  des  mêmes  tribus,  à  l'embouchure  de  la  rivière  Matitanana; 
Masindrano  ou  Tsiatosiki,  sur  une  autre  rivière  descendue  du  pays  des 
Betsileo;  Mahanoro,  ville  des  Betsimisaraka,  sur  un  promontoire  qui  do- 
mine un  estuaire  voisin  de  la  bouche  de  l'Onibé,  la  plus  forte  rivière  de 
la  côte  orientale;  Vatoumandri,  qui,  lors  du  blocus  de  Tamatave,  était  de- 
venu le  port  de  débai'quement  pour  les  marchandises  destinées  à  Tanana- 
rive.  Andovoranto,  ou  la  «  Baie  Commerçante  »,  ancienne  capitale  du 
royaume  betsimisaraka,  bâtie  sur  une  llèche  de  sable,  au  milieu  d'un  laby- 
rinthe de  lagunes,  est  plus  importante  que  les  autres  bourgades  riveraines, 
parce  qu'elle  est,  sur  le  littoral,  le  point  le  plus  rapproché  de  Tananarive  : 
les  voyageurs  qui  se  rendent  à  la  capitale  suivent  la  côte  de  Tamatave  à 
Andovoranto  et  partent  d'un  estuaire  voisin  pour  monter  à  l'escalade  des 
plateaux.  Un  bassin  d'ancrage  serait  donc  admirablement  })lacé  en  cet 
endroit,  mais  la  plage  est  dangereuse  et  ses  abords  sont  inaccessibles 
aux  grands  navires  :  cependant  quelques  commerçants  créoles  se  sont 
établis  à  Andovoranto,  bravant  l'aii'  empesté  des  marécages.  Sur  la 
côte  voisine  se  succèdent  des  plantations  de  cannes  à  sucre  et  de  cacaoyers; 
mais  on  a  cessé  d'y  cultiver  le  calîer,  tué  par  Vhemilcia  vostatrix.  Une 
source  thermale  fréquentée,  où  les  Hova  venaient  autrefois  offrir  des 
sacrifices  sanglants,  jaillit  auprès  de  la  route  qui  mène  d'Andovoranto  à 
Tananarive. 

•  Mullens,  Twetve  Monllis  in  Mndayascar. 


112 


NOUVELLE  GÉOGRAI'IIIE  UNIVERSELLE. 


Tamatave  ou  Toamasina,  de  100  kilomètres  plus  éloignée  de  la  capi- 
tale que  le  bourg  d'Andovoranlo,  est  le  port  le  plus  animé  de  la  grande 


s"    SO.    TAMATAVE. 


Lst  de  b'"eenwicK 


D'apre3  I  Amirauté  anôUise 


Pro^On£/eur-s 


1     4:>  noo 
n  1  l.il. 


île  malgache.  Vingt  mille  habitants  s'y  pressaient  avant  la  guerre. 
En  cet  endroit  la  côte  s'avance  en  pointe  dans  la  direction  de  l'est 
et  se  termine  par  un  récif  de  corail  qui  limite  deux  baies  au  nord  et  au 
sud.  En  outre,  celle  du  nord  est  protégée  de  la  houle  du  large  par  un  lem- 


TAMATAVE,   SAINTE-MARIE.  H." 

pari  de  poly|)iers  qui  se  prolonge  à  plusieurs  kilomètres  jusqu'à  un  ilôt 
boisé  a])pelé  «  île  aux  Prunes  ».  Les  plus  grands  navires  peuvent  mouiller 
dans  la  rade  de  Tamatave  et  les  embarcations  n'ont  pas  de  brisants  n 
rrancbir  pour  atteindre  les  embarcadères.  La  petite  ville  se  compose  d'en- 
trepôts, de  maisonnettes  et  de  cabanes  habitées  par  lesBetsimisaraka,  des 
noirs  d'autres  races  et  des  créoles  :  des  orangers,  des  citronniers,  des 
manguiers,  des  cocotiers  ombragent  les  demeures;  vers  l'ouest  un  rideau 
d'arbres  cache  la  «  batterie  »  et  le  village  des  Hova.  Jadis  Tamatave  élail 
un  de  ces  nombreux  «  cimetières  des  Européens  »  qui  se  trouvent  dans 
les  régions  tropicales  ;  mais  l'accroissement  de  la  ville  a  fait  dessécher  quel- 
ques marais,  plantés  maintenant  d'eucalyptus,  et  le  climat  local  est  devenu 
moins  insalubre.  C'est  de  Tamatave  surtout  que  l'on  expédie  les  bœufs,  les 
volailles  et  le  riz  destinés  aux  Mascareignes,  les  cuirs  et  le  caoutchouc 
à  destination  de  l'Europe'. 

Au  nord  de  Tamatave,  le  premier  havre,  d'ailleurs  très  peu  fréquenté, 
est  celui  de  Foulepointe,  appelé  Mahavelo,  c'est-à-dire  «  Beaucoup  de 
Santé  »,  et  très  salubre  en  effet  pour  les  Betsimisaraka,  tandis  qu'il  est 
presque  toujours  mortel  pour  les  Européens.  Plus  loin,  Fénérife  ou  Fenoa- 
rivo  est  visité*  surtout  par  les  navires  qui  viennent  charger  du  riz  :  c'est 
le  débouché  naturel  du  riche  pays  des  Sihanaka  et  de  la  vallée  du  Manin- 
gori.  Vers  le  nord-est  se  profile  une  île  française,  la  longue  et  étroite  tei-re 
de  Sainte-Marie,  la  Nossi-Boraha  des  indigènes,  peuplée  de  7500  habi- 
tants en  1885.  Les  anciens  auteurs  français  lui  avaient  aussi  donné  le  nom 
de  Nossi-Ibrahim,  «  île  d'Abraham  »,  et  parlaient  d'une  colonie  juive  éta- 
blie sur  cette  terre;  pourtant  les  superbes  Betsimisaraka  de  Sainte-Marie 
n'ont  rien  de  sémite,  ni  dans  la  démarche,  ni  dans  les  traits.  Avec  son 
annexe  méridionale,  l'île  des  Nattes,  cette  terre  où  déjà  les  Français  s'é- 
taient établis  du  temps  de  Flacourt,  a  plus  de  50  kilomètres  du  sud-est  au 
noi'd-ouesl;  mais  sa  largeur  moyenne  est  si  faible,  que  la  superiicie  totale 
de  l'île  est  seulement  de  155  kilomètres  carrés,  dont  un  cinquième 
peut  être  soumis  à  la  culture  :  le  clou  de  girofle  et  la  vanille  sont  les 
principales  productions  de  Sainte-Marie;  plus  de  cinquante  mille  pal- 
miers bordent  les  plages.  Le  port,  bien  abrité  et  protégé  par  l'île  Madame, 
s'ouvre  sur  la  côte  occidentale  de  File,  en  face  de  la  grande  terre,  et  sei't 
d'entrepôt  pour  un  petit  'trafic  d'échange  avec  les  po])ulations  du  littoral 
opposé;  presque  tous  les  habitants  de  l'île  sont  marins.  Quant  aux  postes 
occupés  naguère  parles  Français  sur  cette  côte  de  Madagascar,  la  Poiiilr 

*  Mouvcnifiit  de  Tamatave  eu  ISSO  :-43ûl  l'JO  Iraiies,  iloul  .1 14.') 500  francs  à  l'ini|initiliiin. 


m  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

à  Larrée  cl  Tintingue  ou  Teng-teng,  ils  ont  clé  abandonnés.  Un  fort  mal- 
gache, près  de  Maroantsetra,  sur  la  plage  insalubre  de  la  baie  d'Anton- 
Gil,  remplace  la  «  ville  »  française  de  Louisbourg,  fondée  par  Beniovski. 
C'est  là  que  se  fait  le  principal  trafic  de  caoutchouc  que  l'on  retire  d'une 
vahea,  différente  de  la  liane  à  caoutchouc  de  la  côte  orientale  d'Afrique. 
Avant  la  destruction  des  cétacés  de  ces  parages,  la  baie  d'Anton-Gil  était 
un  lieu  de  rendez-vous  pour  les  baleiniers  de  toutes  les  nations. 

Les  ports  sont  nombreux  sur  la  côte  nord-orientale  de  Madagascar.  An- 
goutsi  ou  Ngoutsi,  ainsi  nommé  d'un  îlot  voisin,  est  un  havre  très  sûr: 
c'est  de  la  campagne  environnante  que  vient  le  meilleur  riz  de  la  grande 
terre.  Vohemar,  également  protégé  par  un  îlot,  est  aussi  un  poi'l  excellent, 
et  le  village  riverain  fiiit  un  commerce  assez  actif,  surtout  pour  l'appro- 
visionnement des  Mascareignes  :  avant  que  ce  poste  fût  occu})é  [lar  les 
Ilova,  on  en  expédiait  chaque  année  jusqu'à  dix  mille  bœufs,  plus  forts 
que  ceux  de  Tamalave.  Plus  loin,  vers  le  nord,  le  port  Louquez  ou  Lokia, 
oij  les  Anglais  s'installèrent  provisoirement  après  les  guerres  de  l'Empire, 
offre  une  vaste  étendue  d'ancrage.  Enfin,  vers  l'extrémité  septentrionale  de 
Madagascar,  s'ouvre  le  golfe  intérieur  de  Diego-Suarez  ou  Antomboka, 
une  de  ces  vastes  baies  que  l'on  compare  à  celles  de  San-Prancisco  et  de 
Rio  de  Janeiro,  «  les  plus  belles  du  monde  entier  ». 

Par  le  traité  de  1885  la  baie  de  Diego-Suarez  a  été  cédée  à  la  France,  qui 
en  a  fait  un  port  de  refuge  et  de  ravitaillement  pour  sa  flotte.  L'entrée 
(lu  bassin,  large  de  plus  de  3  kilomètres,  est  partagée  en  deux  par  l'ilol 
«  de  la  Lune  »  ou  Nossi-Yolané  :  la  passe  suivie  par  les  navires  n'a  pas 
moins  de  50  à  5t)  mètres  de  ])rofondeur  et  donne  entrée  dans  un  vaste  bas- 
sin qui  se  ramifie  en  plusieurs  braïu-hes  :  celle  du  sud-ouest  a  25  kilo- 
mètres en  longueur.  Dans  la  plupart  des  baies  secondaires,  les  eaux,  tou- 
jours tranquilles,  sont  très  profondes  et  les  plus  grands  vaisseaux  peuvent 
mouillera  quelques  mètres  du  rivage  :  c'est  sur  la  côte  méridionale,  au 
village  d'Antsirana,  et  en  face,  sur  le  cap  Diego,  que  se  sont  fondés  les 
établissements  français,  complétés  par  des  groupes  de  paillotes  qu'habitent 
en  majorité  des  fugitifs  sakalaves  et  ant'ankara.  Antsirana,  déjà  pourvue 
d'un  petit  chemin  de  fer,  s'étend  graduellement  sur  une  (errasse  élevée, 
au-dessus  des  ('Mlrep(~ils  cl  des  chantiers,  (l'est  le  chef-lieu  de  la  province 
française  de  Madagascar,  qui  C(im])ren(l  aussi  les  deux  îles  de  Sainle-Marie 
et  de  Aossi-Bé.  La  baie  de  Diego-Suarez,  entourée  de  monts  stériles,  située 
à  la  pointe  de  Madagascar,  loin  des  pays  de  production  considérable,  et 
dépourvue  de  routes  convergentes,  ne  pouvait  avoir  autrefois  d'impor- 
tance pour  le  trafic;  mais  elle  offre  une  admirable  position  stratégique,  à 


VOUÉMAR,    DIEGO-SUAREZ.  115 

roxlrcinitc  inèmo  ilc  la  grande  terre,  surveillant  à  la  luis  les  deux  eûtes 
de  Madagascar,  les  Comores  et  les  Mascareignes.  Protégée  par  les  fortilica- 
lions  de  la  passe,  une  flotte  pourrait  mouiller  dans  quelque  crique  de 
l'intérieur,  invisible  du  large  et  hors  de  la  portée  des  canons  ;  en  outre. 


DIEGO-SrAREZ. 


Est  de  Par 


une  route  de  6  kilomètres  réunit  Diego-Suarez  à  une  découpure  de  la  côte 
occidentale,  la  baie  du  Courrier,  et  l'on  parle  même  de  franchir  l'isllirae 
j)ar  une  voie  ferrée.  La  nouvelle  colonie  commande  donc  les  deux  rivages, 
et  son  double  port,  qui  dispense  les  bateaux  voiliers  de  doubler  le  cap 
d'Ambre  et  ses  dangereux  courants,  donne  à  Diego-Siuirez  une  valeur  com- 
merciale qui  lui  manquait'.   En   1888,  on  s'occupait  de  fonder  un  sana- 


'  Mouvement  des  échanges  ;i  Die(;o-Suarez  en  ISS7  :  1  1260000  francs. 


lin  NOUVELLE  GÉOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

loire  sur  un  des  sommets  de  la  montagne  d'Ambre,  à  115(3  mètres  au- 
dessus  du  niveau  de  la  mer.  Le  périmètre  du  territoire  appartenant  à 
la  France  autour  de  la  baie  de  Diego-Suarez  n'a  pas  encore  été  otlicielle- 
menl  déterminé. 

Sur  la  côte  nord-occidentale,  découpée  de  goUès  et  de  baies,  le  port  le 
j)lus  fi'équenlé  se  trouve  dans  une  île  appartenant  à  la  France,  comme 
Sainte-Marie.  C'est  la  terre  volcanique  de  Nossi-Bé  ou  «  Ile-Grande  », 
occupée  par  une  garnison  française  depuis  1841.  Plus  vaste  que  Sainte- 
Marie  (29  300  hectares),  plus  fertile  aussi,  mais  presque  complètement 
déboisée,  Nossi-Bé  a  été  annexée  à  l'empire  colonial  français  à  cause  de 
sa  magnifique  rade,  parfiiitement  abritée,  (jui  s'étend  au  sud  de  l'ile,  pro- 
tégée à  l'est  j)ar  le  cône  régulier  de  Aossi-Komba,  au  sud-est  par  la  pénin- 
sule malgache  d'Ankili,  à  l'ouest  j)ar  un  groupe  de  récifs  :  des  centaines  de 
navires  pourraient  y  évoluer  à  l'aise.  Le  chef-lieu,  appelé  llellville,  d'après 
l'amiral  de  Ilell,  qui  lit  l'acquisition  de  la  colonie,  est  une  gracieuse  bour- 
gade, située  malheureusement  dans  le  voisinage  de  marais;  un  autre  bourg 
plus  ancien,  Antonorou,  à  l'est,  mais  au  bord  de  la  même  rade,  est  ha- 
bitée surtout  par  desAnt'Alotch  ou  Anl'Alaolra,  c'est-à-dire  par  des  «  Gens 
d'Outre-Mer  )^ ,  Malgaches  croisés  de  Comoriens  et  d'Arabes.  Les  blancs 
sont  pour  la  plupai't  venus  des  Mascareignes  et  s'adonnent  au  commerce 
ou  à  la  surveillance  des  plantations.  Les  ouvriers  qu'ils  emploienl  pour 
leurs  cultures,  canne  à  sucre,  giroflier,  vanille,  sont  encore  en  grand 
nombre  des  «  engagés  )>,  recrutés  naguère  degré  ou  de  force  sur  le  con- 
liiienl  voisin  :  on  leur  donne  le  nom  général  de  Ma-Koua.  Les  autres  ha- 
bitants sont  des  Malgaches,  surtout  des  Sakalaves  et  des  Betsimisaraka. 
La  population  de  Nossi-Bé  et  des  îlots  voisins  a  varié  de  GOOO  à  1(3  000 
individus,  suivant  les  alternatives  des  guerres  et  des  révolutions  sur  la 
grande  terre  voisine  et  l'élat  du  commerce  local';  en  18SÔ,  le  nombre  des 
habitanis  ayant  «  payé  leur  tète  )i,  c'est-à-dire  acquitté  la  taxe  de  capila- 
tion,  était  de  0500  environ,  sur  lesquels  140  individus  de  race  blanche. 
L'industrie  })ropremenl  dite  de  Nossi-Bé  ne  com[)rend  guère  que  la  fabri- 
cation du  sucre  et  du  rhum.  Le  commerce,  libre  de  douanes,  est  rela- 
tivement considérable  pour  une  île  de  si  faible  étendue'.  Nossi-Bé,  qui 
dépend  administralivement  de  Diego-Suarez,  constitue  une  commune  avec 
les  quelques  îlots  voisins,  Sakatia,  Nossi-Komba,  Nossi-Fali  et  la  bizarre 
Nossi-Mitsiou,  ouverte  en  forme  de  conlpas.  Un  sanatoire  pour  les  conva- 

1  I'.  liiclKinl  lli'lilcniir,  GnxjniiMi:  mrilicfilr  ilr  .'Sosi-llc. 

2  Mouvomeiit  loiuiiieicial  de  llellvilli'  en  188.')  :  7  8U0  000  francs. 
Mouvement  (le  la  naviuatiun  :  52000  tonnes. 


DIEGO-SUAREZ,   NOSSI-BÉ.  H7 

IcsceiUs  lie  la  colonie  s'élevail  autrefois  au  soainiel  de  la  nioulagne  de 
Nossi-Komba  :  les  gouverneurs  en  ont  l'ail  leur  maison  de  campagne. 
Au  nord-ouesl  de  llellvillc,  les  anciennes  bouches  volcanicjues  des 
ce  Terres  ElTondrées  »  sont  emplis  de  lacs,  que  peuplent  des  crocodiles 
l'edoutés. 

Au  sud  de  la  rade  de  Nossi-Bé,  une  baie  profonde,  celle  de  Passandava, 


N"   22.    NOSSl-I!]':. 


Esr  de   P... 


/^/'O^o/ie/et^r^ 


1  :  SSono;j 


naguère  occupée  [lar  des  croiseurs  français,  s'avance  au  loin  entre  les  mon- 
tagnes de  Madagascar  :  le  marché  fort  actif  d'Ambodimadiro  en  occupe 
rexlrémilé  méridionale  et  non  loin  de  là  des  mineurs  commencent  à  ex- 
ploiter les  gisemenls  houillers  de  Bavoulabé.  D'autres  baies  lui  succèdent 
au  sud.  joules  profundcs  et  bien  abritées;  mais  la  plus  IVé(|M('iilée  de 
toutes  est  la  grande  baie  de  Pximbelok  (Anijiombilokana),  gardée  à  l'en- 
trée, sur  la  pointe  de  l'est,  |mr  la  ville  de  Mojanga  ou  Mad5.anga.  C'est  la 


118  NOUVELLE  GÉOGRAl'UlE  UNIVERSELLE. 

Tamatavc  de  la  cote  occidontale  et  son  commerce  n'est  <;nèrc  inlérienr. 
Elle  se  décompose  également  endenx  villes,  celle  dn  trafic,  doni  les 
maisons  à  loils  ])lats  bordent  la  mer,  et  la  ville  hova,  qui  entoure  les 
fortifications  modernes,  bâties  sur  une  colline  au-tlessus  de  la  rade  :  né- 
gociants hindous,  soldats  hova,  paysans  sakalaves,  immigrants  cafrcs, 
arabes  ou  comoriens,  se  croisent  dans  les  rues  propres  et  régulières  de 
Mojanga.  Cette  ville  est  plus  éloignée  fjue  Tamatave  de  la  capitale  de  Mada- 
gascar, mais  elle  a  l'avantage  de  se  trouver  sur  le  même  versant,  dans  le 
même  bassin,  et  si  les  bateaux  à  vapeur  ne  remontent  guère  la  rivière 
Ikopa  au  delà  de  son  confluent  avec  le  Belsiboka,  des  canots  peuvent 
voguer  à  plusieurs  journées  en  amont.  .Vvant  l'année  18'25,  quand  Mo- 
janga était  encore  chef-lieu  d'un  royaume  sakalave  indéjjendant,  elle  était 
beaucoup  plus  populeuse.  Au  moins  dix  mille  habitants  s'y  pressaient,  et 
dans  le  nombre  beaucoup  de  marchands  arabes.  Au  delà  des  faubourgs 
actuels  se  voient  des  amas  de  décombres,  reste  de  l'ancienne  ville.  En 
amont,  sur  les  bords  du  fleuve,  Marovoaï  ou  ^  Ville  des  Crocodiles  »,  que 
les  barques  d'un  tirant  de  1"',50  atteignent  avec  la  marée,  est  une  grosse 
bourgade,  qui  fnt  aussi  la  capitale  d'un  royaume  des  Sakalaves.  Le  vil- 
lage de  Mavatanana  sur  l'ikopa,  au-dessus  de  son  confluent  avec  le 
Betsiboka,  possède  des  alluvions  aurifères,  que  le  gouvernement  a  enfin 
permis  d'exploiter. 

Au  delà  de  Mojanga  se  succèdeni  pliisit'urs  autres  baies,  (jue  les  marins 
visiieiil  rarement.  Le  cap  Saint-Aiidi'é,  aux  supci'bes  falaises,  marque  la 
division  naturelle  entre  les  deux  moitiés  du  littoral  de  l'est.  Le  pays  de 
Menabé,  aux  berges  bordées  de  récifs  et  d'îlots  stériles,  reste  peu  connu  ; 
mais  il  possède  un  port  rré(|U('nlé.  celui  de  Matseroka,  (jui  promet  de  deve- 
nir un  jour  le  marché  de  la  grantie  vallée  du  Mangoka  et  du  riche  pays 
des  Betsileo.  Un  autre  village  riverain,  où  les  Hova  avaient  bàli  une  forte- 
resse, Morandava,  a  été  emporté  par  les  vagues.  Plus  au  sud,  Kilondio  est 
à  la  bouche  même  du  Mangoka;  enfin,  la  côte  sud-occidentale,  (juoique 
moins  riche  de  havres  que  celle  du  iiord-ouesl,  a  pourtant  des  escales 
fréquentées.  C'est  dans  cette  région,  non  encore  entièrement  soumise  aux 
Hova,  que  se  sont  cantonnées  longtemps  la  plupart  des  compagnies  de 
négriers  qui  se  livraient  au  commerce  des  esclaves  ou  des  «  engagés  ». 
La  faim  obligeait  souvent  les  Mahafnli  à  vendre  leurs  enfants',  et  les 
pratiques  de  la  liaile  oui  eu  pour  conséquence  de  fréquents  conflits 
entre  indigènes  et  marchands.  La  place    la    plus  commert^anle  est   Tu!- 

'    Aiitiiiiiuiani'O  Atiiiiuil,  ISS-4. 


MOJANCA,  TILLEAR. 


H9 


lear,  Tolia  ou  Ankatsaoka,  située  à  une  vingtaine  de  kilomètres  au  nord 
de  la  bouche  du  fleuve  Sainl-Auguslin,  au  bord  d'une  rade  fort  Ijclle, 
très  étendue  et  bien  abritée.  Le  pays  environnant,  d'une  salulirilé  remar- 
quable, est  aussi  d'une  grande  fertilité  et  fait  tralic  de  cire,  de  bois  colo- 
rants, de  céréales  et  de  bétail  ;  c'est  de   là  que  provient    presque  toute 


COTE    SORD-OCCIDEXTALE    DE    MADAGASCAR. 


Est   de    R 


p/^O^Or?i/ciJr)s. 


1    :    1500  000 


l'orseille  employée  en  France.  Tous  les  jours  des  Bara,  des  Anl'Anossi, 
des  Mahafali  et  gens  d'autres  tribus  descendent  au  marché  de  Tullear'. 
Le   bourir  de  Nossi-Yé.  dans   un    îlot    oui    borde   au    sud    l'estuaire  du 


'  Population  prob;il)le  des  principales  villes  île  Matlagasear  : 

Tananarivo  (Sibree.  Grandidier) .     lOOOOOhab.   |   Amboliinianga  (MuUens)  .    .    .    .  5  000  bal 

Miijanna 8  000   n        I    Maiovoaï  o        ....  5  000  )» 

Tamatave 7  000  :.       1   Tullear  (du  Verge) 5  000  » 

Fiananratsoa  (Mnllens) 5  ûOO   »        I   Antsirana (Nicolas),  janvier  188î<.  4  007  « 

Andovorauto 3  000  hab. 


120  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Saiiil-Auguslin,  est  visité  par  los  traitants  clos  Mascareignes,  et  un   rési- 
dent français  s'y  est  récemment  établi. 


Le  gouvernement  des  Hova  est  en  fait  un  despotisme  absolu,  tempéré 
par  les  révolutions  de  palais  et  masqué  par  quelques  fictions  constitution- 
nelles. Le  souverain  est  le  maître  :  à  lui  la  vie,  la  fortune,  la  propi'iélé  de 
tout  son  peuple.  Avant  que  le  christianisme  fût  professé  d'une  manière 
générale  chez  les  Hova,  on  donnait  au  roi  le  nom  de  «  dieu  visible  »  ; 
maintenant  le  pouvoir  lui  appartient  «  par  la  grâce  de  Dieu  et  la  volontiî  du 
peuple  )i.  Il  était  le  grand  prêtre  de  la  nation,  offrait  des  sacrifices  an- 
nuels pour  assurer  le  bonheur  de  ses  sujets  et  recevait  d'eux  en  hommage 
les  prémices  du  sol.  A  son  avènement,  les  personnages  de  la  cour  fai- 
saient le  «  serment  du  veau  »,  c'est-à-dire  qu'après  avoir  sacrifié  un  de 
ces  animaux  et  brisé  ses  membres,  ils  juraient  par  les  épées  enfoncées 
dans  le  corps  de  la  bête  que  le  même  sort  devait  les  frapper  s'il  leur  ar- 
rivait jamais  d'être  jiarjures  envers  leur  souverain'.  Son  nom,  son  image, 
les  objets  qu'il  touche  sont  également  vénérés;  une  langue  sjM'ciale,  em- 
plie de  termes  consacrés,  est  employée  pour  le  maître,  comme  dans  les 
autres  idiomes  malais  ;  lui  seul  a  droit  au  parasol  rouge.  Les  troupes  en 
campagne  se  tournent  dans  la  direcliou  de  son  palais,  comme  le  niaho- 
mélan  vers  la  kibla,  pour  lui  présenter  les  armes.  La  terreur  le  précède  et 
le  suit;  quand  il  a  parlé,  quand  un  serviteur  monirc  la  «  sagaie  d'ar- 
gent )',  tous  obéissent  en  silence.  On  raconte  que  l'individu  désigné  pour 
la  mort  était  naguère  invité  à  un  bancpiet  :  il  mangeait  et  buvait  avec  ses 
convives,  puis,  (piand  on  lui  préseiitaii  la  coupe  falale,  il  la  vidait  en  accla- 
mant 11!  maître.  Des  nobles  condamnés  recevaient  une  lige  de  fer  avec 
l'ordre  de  s'empaler  volontairement' ;  d'autres  avaient  à  s'enlizer  dans  un 
marais;  d'autres  enfin  étaient  brûlés  vifs;  mais,  sauf  pour  des  }uolétaires 
ou  des  esclaves,  on  se  gardait  de  répandre  du  sang  :  c'est  à  ce  ména- 
gement que  se  témoignait  la  mansuétude  royale. 

Tout-puissant  en  principe,  le  roi  ou  la  reine,  ])leiii  de  «  la  sagesse  des 
douze  rois  »,  c'est-à-dire  de  tous  ses  aïeux,  choisit  lui-même  son  succes- 
seur; mais  il  n'échappe  pas  aux  intrigues  de  la  cour,  et  le  pouvoir  appar- 
tient aujourd'hui  à  un  premier  ministre,  sorte  de  maire  du  palais,  mari 
de  la  reine.  D'autres  ministres  sont  nommés  par  lui,  mais  il  leur  faut  se 


'  Sihrpo,  The  Gveiil  African  Islaiid. 
2  Lacazc,  Souvenirs  de  Madayttscar. 


GOUVERNEMENT   DE   MADAGASCAR.  l'21 

conformer  à  ses  ordres.  Do  même  les  dignilaires  que  le  souverain  réunit 
en  kabori  ou  grand  conseil,  ayant  non  les  prérogatives,  mais  l'apiiarence 
d'un  parlement,  se  bornent  à  écouter  le  discours  du  trône  et  à  mani- 
fester leur  approbation.  Dans  les  grandes  occasions,  quand  toutes  les  tri- 
bus s'assemblent,  précédées  de  leurs  chefs,  conformément  à  l'ancien  droit 
féodal,  le  ministre  parle  à  la  foule,  en  lui  demandant,  à  la  fin  de  son  dis- 
cours, si  elle  est  bien  d'accord  avec  lui,  et  elle  ne  manque  jamais  de  ré- 
pondre :  «  Oui,  c'est  bien  cela!  »  Les  clans  des  nobles  ou  andriana,  plus 
rapprochés  du  palais,  et  par  cela  même  plus  faciles  à  surveiller,  sont  en 
réalité  les  moins  libres  de  tous  :  il  leur  est  interdit  de  s'éloigner  de  la  capi- 
tale sans  mission  spéciale.  Mais  les  anciennes  divisions  en  nobles,  bour- 
geois et  esclaves,  disparaissent  devant  le  groupement  social  des  «  hon- 
neurs «,  à  la  fois  militaire  et  civil,  qui  rappelle  la  hiérarchie  russe  du 
tchin.  Le  «  pi'emier  honneur  »  est  celui  du  simple  soldat  ou  de  l'agent; 
de  cet  honneur  on  peut  monter  de  grade  en  grade  jusqu'au  «seizième  », 
la  plus  haute  voliinahilra  ou  «  fleur  des  champs  ». 

D'après  des  lois  récentes,  le  commerce  du  rhum  est  défendu  dans  l'Ime- 
rina  et  4o00  «  amis  des  villes  »  ont  été  désignés  pour  faire  observer  les 
prescriptions  royales,  pour  tenir  les  registres  de  l'état  civil  et  veiller  au 
transfert  régulier  des  propriétés.  Un  code  pénal  beaucoup  moins  rigoureux 
que  l'ancienne  coutume  a  été  proclamé,  et  désormais  la  peine  de  mort  est 
rarement  appliquée.  L'armée,  dite  des  «  cent  mille  hommes  »,  quoiqu'elle 
n'en  comprenne  que  trente  mille,  se  recrute  par  une  sorte  de  conscription, 
et  après  cinq  années  de  service  les  soldats  sont  congédiés;  quelques  jeunes 
Ilova  font  leurs  études  militaires  en  France.  A  l'exception  des  instituteurs, 
tous  les  employés  du  gouvernement,  même  les  juges  de  district,  sont 
privés  de  traitements  directs  :  ils  ont  à  vivre,  soit  des  revenus  que  leur 
procure  un  fief  dû  à  la  munificence  du  gouvernement,  soit  des  présents  que 
leur  apportent  administrés  ou  justiciables  :  on  peut  dire  qu'en  fait  les 
verdicts  sont  toujours  à  l'encan.  En  se  présentant  devant  le  souverain  on 
doit  toujours  offrir  le  lianina,  c'est-à-dire  le  tribut  de  vassalité,  générale- 
ment une  pièce  d'argent  ou  d'or.  Tout  Malgache  lui  doit  aussi  son  travail 
personnel  et  peut  être  requis  pour  la  corvée  ou  fanompoana.  Les  mis- 
sionnaires anglais  ont  même  fait  ajouter  récemment  à  la  corvée  de  la 
reine  la  «  corvée  de  Dieu  »,  pour  la  construction  des  temples.  Les  produits 
de  la  dîme  et  de  la  capitation,  ainsi  que  les  droits  de  douane,  appartiennent 
au  souverain  et  alimentent  son  trésor  particulier,  sans  qu'il  ait  à  en  rendre 
compte.  Actuellement  c'est  par  l'intermédiaire  de  la  Société  française  du 
Comptoii'  d'escompte  que  sont  perçues  les  taxes  dans  les  six  principaux 
XIV.  10 


12'2  NOUVELLE  GÉOCR AI'IIIE  UNIVERSELLE. 

|)i(ils  (le  commerce,  ciir  Madagascar  est  entré  dans  la  voie  des  emprunts  : 
l'Etat  a  contracté  une  première  dette  de  15  millions  pour  payer  les  in- 
demnités réclamées  par  la  France.  Quant  aux  frais  du  protectorat,  repré- 
senté par  le  résident  de  Tananarive,  les  vice-résidents  de  Tamatave,  de 
Mojanga,  de  Fianaranisoa,  de  Nossi-Vé  et  les  contrôleurs  des  douanes,  ils 
incombent  au  gouvernement  français. 

La  religion  officielle  est  le  christianisme,  sans  privilège  pour  l'une 
des  églises  ou  des  sectes;  mais  celle  qui  compte  le  plus  d'adhérents  esl 
l'église  épiscopale  anglaise,  dite  bcsopy  dans  le  pays,  et  représentée  par  les 
«  missionnaires  de  Londres  »  ;  en  1887,  ils  n'avaient  pas  moins  de  1200 
églises  et  de  4150  prédicateurs,  presque  tous  Hova,  parlant  à  500000  au- 
diteurs. Les  catholiques  sont  au  nombre  d'environ  100000.  En  même 
temps  que  le  costume  européen  était  imposé  aux  courtisans  et  aux  habi- 
tants des  villes,  il  leur  était  onloiiné  de  se  faire  chrétiens,  d'observer  le 
»  re|)()s  du  sabbat  »  et  d'assister  aux  prêches,  sous  peine  de  châtiments  ou 
d'aflVonls,  comme  d'avoir  à  '<  |)orter  des  pierres  ou  à  ramper  à  quatre 
pattes  »'.  Les  indigènes  soumis  sont  tenus  de  participer  aux  prières  en 
l'honneur  du  souverain  ou  traités  en  rebelles;  mais  chez  les  peuplades 
indépendantes  les  conversions  sont  fort  rares.  Plusieurs  chefs  sakalaves  se 
disent  mahométans,  mais  il  n'en  est  guère  de  chrétiens.  Quant  à  la  fête 
|)aïeiine  du  lùtvdivana  ou  du  Bain,  que  la  cour  va  célébrer  dans  la  ville 
sainte  d'Ambohimanga,  elle  se  transforme  graduellement  et  n'est  plus 
guère  que  la  semaine  des  festins.  L'éducation  des  enfants  est  devenue  obli- 
gatoire, comme  la  fréquentation  du  prêche  pour  les  parents,  et  dès  que 
le  choix  d'une  école,  catholique  ou  protestante,  a  été  fait,  les  élèves  ne 
peuvent  plus  la  quitter".  Le  français  et  l'anglais  sont  enseignés  dans  les 
écoles  et  des  ouvrages  de  science  sont  traduits  en  malgache.  On  publie  des 
des  journaux  et  des  revues  par  milliers  d'exemplaires;  mais  il  n'existe  pas 
encore  de  service  postal  régulier,  si  ce  n'est,  pour  le  service  de  la  résidence 
française,  entre  Tananarive  et  Tamatave.  Des  courriers  sj)éciaux  portent  à 
marches  forcées  les  ordres  du  souverain  dans  toutes  les  parties  de  l'Ile. 

Quelques  provinces  de  Madagascar  sont  nettement  délimitées  et  par- 
tagées en  districts  :  ce  sont  les  provinces  du  centre,  complètement  soumises 
au  régime  des  Ilova,  l'imerina,  le  Betsileo,  rAiit'Ankaï,  l'Ant'Sihanaka. 


•  James  Siliree,  Anlanannrivo  Anmial,  1889;  —  \\o\x\àev,NoHh-Eaislfrn  Mudayusair. 

2  Écoles oiivortos  à  Madagascar  en  1886.     1167  fréquentées  par  I'jO  906  élèves. 
I)      des  missionnaires  do  Londres.   .        818  ii  10.')  .^70       » 

))  I)  norvégiejis.   .        117  i>  27  909       » 

»  )i  calholifiues.  .       191  n  11  900  (20  000  en  1887). 


MADAGASCAR,   COMORES.  125 

Mais  ilaiLs  les  régions  imparfailcmenl  conquises,  ou  loul  à  l'ail  iiulépori- 
danles,  les  districts  s'accroissent  ou  diminuent  suivant  la  force  des  garni- 
sons établies  dans  les  postes  militaires.  Acluellomenl  le  nombre  des  pro- 
vinces est  fixé  à  vinyl-deux. 


III 


A  mi-dislance  entre  Madagascar  et  le  conliiu'nl  d'AI'riqne,  l'arcbipel  des 
Comores  est  également  séparé  de  l'un  et  de  l'autre  \n\r  des  abîmes  océa- 
niques d'une  jjrol'ondeiir  d'un  millier  de  mètres.  11  se  compose  de  qualre 
îles  et  de  quelques  îlots  groupés  en  satellites  aux  alentours;  du  sud-est  au 
noi'd-ouesl,  l'ensemble  des  Coraores  forme  une  chaîne  d'envii'on  245  kilo- 
mèlres  de  longueur,  que  la  nature  volcanique  de  ses  roches  montre  avoir 
surgi  du  fond  de  la  mer.  Les  Comores  n'appartiennent  ni  à  Madagascar  ni 
à  l'Alrique,  bien  que  leurs  relations  naturelles  soient  plus  grandes  avec 
l'île  qu'avec  le  continent';  elles  constituent  un  groupe  distinct,  ayant 
une  certaine  originalité  par  sa  flore  et  ])ar  sa  faune.  La  population  présente 
aussi  des  traits  distincts  :  tandis  que  le  fond  en  est  africain  et  malgache 
par  l'origine,  ce  sont  des  Asiatiques,  des  colons  arabes,  qui  ont  modifié  les 
habitants  primitifs,  en  leur  donnant  leur  civilisation,  leur  langue  et  leurs 
mœurs.  Quant  à  la  puissance  politique,  elle  a  été  prise  par  la  France,  en 
I8il,  pour  Mayotte,  la  Comore  orientale,  et  tout  récemment,  en  1886, 
pour  les  autres  îles.  Quoique  d'une  faible  étendue,  l'archipel  comorien  est 
cependant  d'une  grande  importance  stratégique  par  sa  position  au  milieu 
du  canal  de  Moçambique  et  sur  le  flanc  occidental  de  Madagascar.  On 
ne  saurait  imliquer  avec  précision  le  nombre  de  ses  habitants  :  plusieurs 
documents  parlementaires  publiés  lors  de  la  proclamation  du  protectorat 
hasardent  le  chiffre  de  80  000  individus  pour  la  Grande-Comore,  dont 
M.  Jouan  évalue  la  population  à  5000  personnes  seulement". 

La  poussée  qui  a  fail  surgir  les  îles  paraît  avoir  été  beaucoup  jilus  forte 


'  Alfiv.l  R.  W'Macc,  Tlic  Ishiul  Life. 

^  Superlicio  cl  iiii|iulali()ii  piésunii'e  ou  recensée  des  Comores  en  1887  : 

Grande-Coniorc.    .    .        1 102  kiloni.  cari'és.     20  000  habilanls;     lis  Ijalj.  jiai  kil.  cane. 

Moheli -i:,\  n  (!  000         n  20     »  » 

Anjoiian "tH  »  12  000         »  52     n  » 

Mavolte  cl  ilols.    .    .  5."iti  »  0  000         »  25  »  i) 


Ensemble.    .    .    .        2007  kiloni.  carres.     47  000  habitants;     25  liab.  par  kil.  carré. 


126  NOUVELLE  GÉOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

dans  la  partie  septentrionale  de  l'archipel  que  dans  la  partie  méridionale. 
Tandis  que  Mayolte,  l'île  du  sud-est,  n'a  pas  de  mornes  qui  dépassent 
600  mètres  en  hauteur,  les  sommets  d'Anjouan,  qui  occupe  le  milieu 
de  l'archipel  avec  Moheli,  atteignent  1200  mèlres,  et  dans  l'île  du  nord- 
ouest,  la  Grande-Comore,  le  volcan  aclil'  Karlal  ou  Karadalla,  appelé  aussi 
Djoungou  dja  Dsaha,  la  «  Marmite  au  Feu  »  ',  se  dresse  à  2598  mètres  d'al- 
tilude.  Cette  montagne  imposante,  avec  ses  escarpements  noirâtres  domi- 
nant les  flots  bleus  et  sa  guirlande  étroite  de  cocotiers,  présente  un  des 
tableaux  grandioses  de  l'océan  Indien.  Parfois  une  colonne  de  i'umée 
s'élève  du  cratère,  abîme  de  150  mètres  de  profondeur  et  de  2  kilomètres 
de  tour;  en  1858,  des  laves  s'épanchèrent  en  abondance  des  flancs  occi- 
dentaux du  Karlal,  entourant  comme  un  îlot  un  village  perché  sur  une  an- 
cienne coulée  de  lave.  Plusieurs  autres  monts,  cônes  parfaits  ou  irréguliers, 
sont  aussi  d'un  très  grand  aspect  et  se  terminent  en  promontoires  de 
prismes  basalticjues.  Mais  les  Comores  ont  aussi  des  formations  non  volca- 
niques, granits  et  roches  sédimentaires.  En  maints  endroits,  les  plages, 
dont  le  sable  est  formé  de  laves  délitées,  sojit  d'un  noir  brillant,  mêlé  de 
fer,  et  contrastent  jiar  leur  couleur  avec  les  récifs  de  coraux,  d'une  blan- 
cheur éclatante.  Ces  massifs  coralligènes  diffèrent  de  forme  sur  le  poui- 
tour  des  îles  :à  la  Grande-Comore,  à  Moheli,  sur  les  côtes  d'Anjouan,  ils 
tiennent  aux  rivages,  et  ne  s'étendent  pas  au  loin,  tandis  cpi'autour  de 
Mayotte  ils  se  sont  disposés  en  une  ceinture  ovale;  quelques  brèches  seu- 
lement laissent  pénétrer  la  houle  à  l'intérieur  du  cercle  des  récifs  et 
donnent  en  même  temps  accès  aux  navires.  Des  couches  de  sables  et  de 
coquillages  modernes,  complètement  semblables  à  celles  que  maçonne 
actuellement  le  flot,  se  voient  à  une  certaine  hauteur  au-dessus  du 
niveau  marin  :  il  y  a  donc  eu  soulèvement  du  sol  dans  ces  parages'. 

Les  saisons  sont  mieux  réglées  aux  Comores  qu'à  Madagascar,  les  îles 
n'étant  pas  assez  grandes  jiour  modifier  notablement  le  régime  des  courants 
atmosphériques.  La  saison  des  sécheresses  se  maintient  sans  changement, 
de  mai  en  octobre,  et  grâce  à  l'abaissement  relatif  de  la  température, 
oscillant  de  20  à  29  degrés  centigrades,  n'est  pas  très  insalubre  pour  les 
Européens.  Les  vents  soufflent  alors  du  sud-est:  ce  sont  les  ali7,és  de  l'hémi- 
sphère méiidional;  mais,  suivant  le  mouvement  du  soleil,  ils  tournent 
journellement  et  soufflent  vers  les  îles  en  brises  du  sud  et  du  sud-ouest. 
En  octobre  commence  l'hivernage,  qui  est  en  même  temps  la  saison  des 


•  Kei'slcn;  von  dci-  Declifti,  Reiseii  in  Od-Afrika. 
-  A.  Gcvrey,  Essai  sur  les  Comores. 


COMORES. 


127 


chaleurs,  de  25  à  oo  degrés  centigrades.  Alors  les  vents  du  nord-ouest, 
qui  sont  les  alizés  de  l'hémisphère  septentrional,  entraînés  à  la  suite 
du  soleil  dans  l'hémisphère  du  sud,  dominent  dans  l'archipel,  apportant 
les  pluies  en  ahondance  :  il  tomhe  dans  cette  saison  jusqu'à  5  mètres 
d'eau,  et  même  davantage  sur  les  pentes  des  montagnes.  Parfois  les  vents 
opposés  se  heurtent,  et  tantôt  se  neutralisent  en  calmes,  tantôt  tournoient 
en  cyclones;  cependant  ces  ouragans  des  Comores  ne  sont  jamais  aussi 


Esl^de  Par.s 


Lst   de   D^eenwlc^^ 


anglaise 


Pro/'ortc/et^^s 


cycSOC^^/ÛOO" 


-,  0(10  000 


terribles  que  ceux  des  Mascareignes.  Malgré  l'énorme  quanlilé  d'eau 
que  déversent  les  moussons  de  l'hivernage  sur  la  Grande-Comorc,  cette 
île  n'a  pas  un  seul  ruisseau  permanent;  toute  l'eau  de  pluie  disparaît 
dans  les  cendres  et  les  scories  volcaniques.  Les  autres  îles,  Anjouan, 
Moheli,  Mayotte  ont  de  petits  cours  d'eau  serpentant  dans  les  vallées. 
Le  sol  des  Comores,  composé  en  partie  de  laves  réduites  en  poussière, 
est  d'une  extrême  fertilité  :  les  grands  arbres  y  prospèrent.  Avant  que  les 
îles  fussent  peuplées,  leur  surface  n'était  qu'une  immense  forêt,  tandis  que 
maintenant   un  sixième  seulement  de  la  superficie  de  l'archipel  est  re- 


128  NOUVELLE  GEOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

xC'iu  de  bois.  Quelques  espèces  paraissent  être  d'origine  spontanée;  mais 
la  plu])art  des  plantes  ont  été  introduites,  soit  directement  j)ar  l'iiomme. 
comme  les  légumes  d'Europe,  soit  par  les  courants  maritimes.  De  nom- 
breux végétaux  sont  venus  de  Madagascar  par  cette  voie.  Pendant  la  mous- 
son méridionale,  un  contre-courant  local  et  superficiel  fait  parfois  refluer 
les  eaux,  qui  se  portent  ordinairement  vers  le  sud,  et  c'est  ainsi  que  des 
semences  appartenant  à  la  flore  malgache  ont  été  apportées  aux  Comores'. 
Oiiiinl  à  la  faune  de  cet  archipel,  sa  physionomie  générale  indique  bien 
Madagascar  comme  lieu  d'origine  :  la  plupart  des  espèces  sont  identiques 
dans  les  Comores  et  dans  la  grande  terre,  ou  du  moins  appartiennent  aux 
mêmes  genres.  Les  îles  n'ont  qu'un  lémurien;  elles  possèdent  en  outre 
une  chauve-souris  [pteropus  cuniorcHKis),  (|ue  l'on  rencontre  vers  l'orient 
jusqu'en  Australie,  mais  qui  manque  en  Afrique.  On  y  trouve  aussi  une 
espèce  de  perroquet  noir,  qui  se  rattache  à  une  forme  de  la  Malaisie'. 

Les  Comores  ou  Komr,  —  dont  le  nom,  également  appli(]ué  à  Mada- 
gascar, est  rattaché  par  SlanilandWake  h  celui  des  Khmer  de  l'Indo-l^liinc, 

—  étaient  connues  des  navigateurs  arabes  au  moins  dès  le  dixième  siècle, 
et  les  Persans  de  Chiraz  qui  trafiquaient  avec  la  côte  d'Afrique,  à 
Magdochou  et  Kiloa,  débarquèrent  aussi  à  firande-Comore  et  dans  les  îles 
voisines.  Dans  les  premiers  temps  de  l'expansion  portugaise,  la  firande- 
Comore  fut  visitée  par  des  marins  de  Lisijonne;  mais  les  colons  j)ro- 
premeut  dils,  des  fugitifs  pour  la  plupart,  vinrent  de  Madagascar  et  de  la 
côte  africaine,  même  de  l'Arabie,  |)ar  escales,  et  formèrent  dans  l'archipel 
une  race  croisée  offrant  toutes  les  transitions  du  Sémite  presque  pur  au 
Malgache  et  au  Bantou  ;  le  trafic  a  également  attiré  quelques  Banyan  de 
Bombay.  Le  fond  de  la  population  insulaire  se  compose  d'Ant'Alotch,  qui 
représentent  le  mélange  des  éléments  divers.  Africains,  Arabes  et  Malga- 
ches ;  d'après  von  der  Decken,  les  gens  de  Mayotte  seraient  venus  au  trci- 
zii'Uic   siècle   du   pays  de   Mouchambara,  —    sans   doute  rOu-Sanibara. 

—  Presque  tous  de  grande  taille,  ils  ont  le  teint  jaunâtre,  les  lèvres 
épaisses,  mais  non  bouffies,  le  front  haut,  mais  étroit  :  les  cheveux  seraient 
crépus,  mais  ils  sont  d'ordinaire  rasés  à  la  musulmane;  les  femmes  ont 
les  dénis  noircies  par  l'usage  du  bélel  ;  plusieurs  se  tatouent  et  portent 
une  ilcui'cllc  ou  un  bouton  de  métal  à  la  narine,  suivant  la  mode  hindoue. 
A  Mayolte,  où  l'élément  malgache  a  eu  plus  de  force,  les  Comoriens  sont 
plus  noirs;  dans  les  autres  îles,  leur  type  est  plus  sémitique   d'aspect. 


•  Uildt'hiandl,  Zcilschiift  fur  Erilkiinde,  iiMil,  187(>. 

-  Ilumbkil,  Milue-Edwards,  Académie  des  Sciences,  scanci'  do  juilltl  1885. 


il 


POPULATION  DES  COMORES.  131 

Dans  la  Grandc-Comore,  ils  sont  d'une  (aille  et  d'une  musculature  excep- 
tionnelles :  les  voyageurs  parlent  avec  admiration  de  ces  hommes  qui, 
majestueux  et  pacifiques,  cheminent  gravement  sur  les  rochers  en  s'ap- 
puyant  sur  de  longues  cannes  ;  les  animaux  aussi  sont  plus  forts  que  ceux 
des  autres  îles'.  Les  gens  de  la  Grande-Comore  ou  Ya-Ngasiya  sont  rare- 
ment malades.  L'éléphantiasis  est  inconnue  chez  eus;  les  plaies,  si  fré- 
quentes chez  les  Africains  du  continent  et  des  îles,  ne  se  voient  guère  dans 
leur  pays.  On  explique  celte  constitution  robuste  des  habitants  de  Grande- 
Comore  par  leur  excellente  hygiène  aussi  bien  que  par  la  salubrité  du 
sol,  fréquemment  arrosé  et  toujours  sec.  Fort  actifs,  très  sobres,  d'une 
grande  propreté,  et  se  récréant  fréquemment  par  la  musique,  ils  ne  se 
marient  point  dans  l'extrême  jeunesse  comme  les  Arabes  :  la  moyenne 
des  épousailles  est  de  vingt-sept  ans  pour  les  hommes,  de  vingt  ans  pour 
les  femmes'.  Le  costume  ordinaire  est  celui  des  Malgaches;  mais  dans 
quelques  familles  s'est  conservé  l'usage  d'un  masque  carré,  qui  s'ouvre  à 
la  hauteur  des  yeux. 

Les  Ant'Alotch  et  la  classe  dominante  des  Mahorri,  c'est-à-dire  les 
et  Maures  »,  appartenant  également  à  la  race  croisée,  sont  tous  mahomé- 
tans  et  tâchent  de  se  rapprocher  des  Arabes,  leurs  initiateurs  et  leurs 
maîtres.  Des  cadis  arabes  rendent  la  justice  d'après  le  Coran  :  la  chair  du 
sanglier  est  réputée  impure  et,  sauf  à  Mayotte,  les  porcs  sauvages  que  les 
navigateurs  d'autrefois  avaient  introduits  ont  été  exterminés.  Les  sultans 
font  rédiger  leurs  actes  solennels  en  arabe,  mais  la  langue  usuelle,  qui 
s'écrit  aussi  en  caractères  arabes,  est  une  variété  du  souahéli  de  Zanzibar  ; 
quelques  mots  malgaches  apportés  pai-  les  colons  sakalaves  et  betsimisa- 
raka  de  la  grande  île  se  mêlent  à  cet  idiome.  Quant  aux  esclaves  «  cafres», 
appartenant  à  toutes  les  peuplades  de  la  côte  orientale  d'Afrique,  ils  ont 
dû  adopter  la  langue  de  leurs  maîtres,  mais  non  sans  y  ajouter  un  grand 
nombre  do  mots,  environ  le  dixième  du  vocabulaire,  d'après  Casalis.  Près 
de  la  moitié  des  Comoriens  sont  des  noirs  asservis,  quoique  les  sultans 
se  soient  engagés  à  libérer  leurs  esclaves.  Naguère  la  principale  indus- 
trie des  marins  de  l'archipel  était  la  traite  des  nègres;  leurs  boutres  sont 
employés  maintenant  au  transport  des  vivres  et  des  marchandises  entre 
Madagascar  et  les  terres  voisines.  Les  Comoriens,  surtout  ceux  d'Anjouan, 
émigrenl  beaucoup;  on  en  rencontre  sur  tous  les  points  du  littoral  africain. 

L'île  française  de  Mayotte  (Maouté),  quoi([ue  trois  fois  moins  étendue  que 


•  Gevrey,  ouvrafre  cilé. 

-  Otto  Kersten,  Von  dcr  Dcckcii's  Ràseii  in  Ost-Afiikii. 


152 


NOUVELLE  GÉOGRAPUIE   UNIVERSELLE. 


la  (rrande-Comore,  est  de  beaucoup  l'île  la  plus  imporlanle  par  son  com- 
merce. La  grande  rade,  protégée  à  l'iîst  par  l'îlot  Pamanzi  et  la  chaîne  des 
récifs,  au  sud  par  un  autre  îlot,  à  l'ouest  par  Mayolle,  est  très  profonde  et 


23.    MAÏOTTE. 


Est  de  Pans 


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0  après  la  carte  de  la  Mari  ne  française 


Pro  ^onc/eu/^s 


c/e  Su  '"et  au-c/e/â 

:    400  000 


assez  vaste  pour  des  escadres.  Une  deuxième  rade  s'ouvre  plus  au  nord,  en 
dedans  du  récif  nord-orienlal,  et  d'autres  ports  échancrent  le  littoral.  Le 
trafic  est  libre  à  Mayolte  :  néanmoins  il  ne  s'élève  guère  qu'à  deux  millions 
et  demi  de  francs  par  année;  File  n'est  pas  devenue  un  entrepôt  pour  Ma- 
dagascar et  le  continent,  et  la  population  des  insulaires  est  trop  minime 


MAYOTTE,   ANJOUAN.  155 

pour  alimenter  un  grand  mouvement  d'échanges.  Les  cocotiers  sont  une 
des  principales  richesses  de  Mayotle;  on  cultive  aussi  le  cafier,  le  coton- 
nier, surtout  la  vanille;  naguère  les  planteurs  européens,  venus  pour  la 
plupart  de  Maurice  et  de  la  Réunion,  s'occupaient  surtout  de  la  culture  de 
la  canne  à  sucre,  qui  leur  donnait  environ  5000  tonneaux  de  sucre  par 
an,  et  de  la  fabrication  du  rhum,  que  l'on  exportait  à  Madagascar.  L'île 
n'a  ni  tarif  de  douane,  ni  octroi  de  mer;  le  budget  local  est  alimenté  par 
l'impôt. 

Le  chef-lieu  de  la  colonie  ne  fut  pas  d'abord  établi  dans  la  grande  île, 
mais  sur  la  pointe  de  récif  ou  «  plateau  »  de  Zaoudzi,  attenant  à  la  pointe 
occidentale  de  Pamanzi,  îlot  échancré  de  baies  qui  furent  des  cratères;  un 
petit  lac,  que  l'on  voit  près  de  l'extrémité  septentrionale  de  Pamanzi,  fut 
aussi  une  bouche  de  volcan  ;  il  est  maintenant  empli  d'eau  salée,  qui,  com- 
muniquant probablement  avec  la  mer,  s'abaisse  et  s'élève  comme  elle, 
li'étroit  rocher  de  Zaoudzi,  où  une  chaloupe  doit  apporter  de  l'eau  deux 
fois  par  jour,  n'a  guère  pour  habitants  que  des  fonctionnaires  et  des  sol- 
dats :  aussi  a-t-on  dû  construire  une  autre  capitale  sur  la  pointe  de  Choa 
ou  Mamoutzou,  que  la  grande  île  projette  en  face  de  Zaoudzi  ;  l'insa- 
lubrité des  plages  marécageuses  des  alentours  a  fait  longtemps  arrêter 
les  travaux,  et  les  édifices  tombaient  en  ruines  avant  d'être  terminés. 
Le  bourg  le  plus  populeux  de  l'île,  celui  où  se  tiennent  les  marchés,  est 
situé  à  1  kilomètres  à  l'ouest  de  la  pointe  de  Mamoutzou,  sur  un  ruisseau 
qui  descend  de  la  montagne  de  M'Sapéré  (580  mètres)  :  M'Sapéré  est 
aussi  le  nom  du  village.  La  population  de  Mayotte  a  presque  quadruplé 
depuis  l'annexion  à  la  France  :  en  1845,  elle  était  de  5500  habitants.  Elle 
s'accrut  rapidement,  pour  diminuer  en  1848,  lors  de  l'abolition  de  l'escla- 
vage; mais  la  culture  de  la  canne  à  sucre  introduisit  des  milliers  d'enga- 
gés, autres  esclaves,  pour  prendre  la  place  des  anciens  tra*'ailleurs  des 
Comores.  Plus  de  deux  cents  blancs  se  sont  établis  à  Mayotte. 

Anjouan  (Johanna,  Nsouani)  ou  «  île  de  la  Main  »  a  longtemps  été  un 
point  de  relâche  entre  le  cap  de  Bonne-Espérance  et  les  Indes  :  aussi  le 
trafic  y  a  toujours  été  relativement  considérable.  Les  croisières  anglaises 
pour  la  répression  de  la  traite  y  possédaient  un  dépôt  de  vivres  et  de  char- 
bon. C'est  la  plus  fertile  des  Comores.  Les  planteurs  y  ont  introduit  la  cul- 
ture de  la  canne  à  sucre,  qui  a  parfaitement  réussi  et  qui  donne  au  sul- 
tan de  l'île  une  part  considérable  de  ses  revenus.  Ce  personnage,  Arabe 
qui  se  dit  d'origine  persane,  réside  au  nord-ouest  de  l'île,  dans  une  cité 
d'apparence  médiévale,  avec  murailles  irrégulières,  tours  carrées,  étroites 
poternes,  citadelle  croulante  ;  on  lui  donne  le  nom  de  Msamoudou,  et  plus 


■134  NOUVELLE   GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

souvent  celui  de  l'île,  Anjouan  ou  Johanna  :  près  de  quatre  mille  habi- 
tants se  pressent  dans  les  maisons  de  pierre  qu'enferme  l'enceinte;  de- 
puis l'établissement  du  protectorat,  une  école  française  y  a  été  fondée.  L'île 
d'Anjouan  eut  son  rôle  funèbre  dans  l'bistoire  politique  de  la  France  : 
c'est  là  que  furent  jetés,  en  1801,  trente-deux  déportés  républicains,  pré- 
tendus complices  d'une  tentative  d'assassinat  contre  le  premier  consul.  Ils 
devaient  «  aider  à  la  colonisation  des  Seychelles  j),  et  en  même  temps 
«  changer  de  principes  et  revenir  de  leurs  erreurs  »  ;  mais  tous  mou- 
rurent en  peu  de  temps,  enlevés  par  le  climat,  les  épidémies,  la  misère, 
les  accidents  ou  le  poison. 

Moheli  ou  Moali,  la  plus  j)etite  et  la  moins  peuplée  des  Comores,  est 
pourtant  celle  qui  fournil  le  plus  de  travailleurs  aux  plantations  de  Mayotte; 
elle-même,  fertile  et  parfaitement  arrosée,  mais  par  des  eaux  trop  riches 
en  magnésie,  possède  des  palmeraies,  des  caféteries,  des  champs  de  cannes, 
des  plantations  de  vanille  et  de  girofliers,  entourant  d'une  zone  verdoyante 
la  ville  de  Fomboni,  beaucoup  plus  propre  et  mieux  entretenue  que  les 
autres  villes  arabes  des  Comores.  Les  principaux  domaines  de  l'île  appar- 
tiennent à  des  propriétaires  anglais  et  même  la  résidence  du  sultan  est 
enclavée  dans  une  de  leurs  j)lanfalions'. 

Ngaziya  ou  la  (irande-Gomore,  quoique  la  plus  grande  et  la  plus  popu- 
leu.se  de  l'archipel,  est  celle  dont  les  cultures  ont  le  moins  d'imjior- 
lance  et  qui  prend  le  moins  de  part  au  mouvement  commercial;  d'ailleurs 
elle  est  rarement  visitée,  à  cause  du  manque  d'aiguades  et  de  ports.  Toute- 
fois elle  expédie  du  bétail  à  Mayotte  et  à  Madagascar  ;  quoique  les  ruis- 
seaux disparaissent  dans  le  sol  poreux  de  cendres  et  de  scories,  l'eau  sou- 
terraine entretient  une  belle  végétation^  La  résidence  du  sultan  est  la  ville 
de  Mouroni  ou  de  «  Brûlé  »,  au  bord  d'une  cricjuc  de  la  côte  sud-occidentale. 


On  pourrait  considérer  aussi  comme  appartenant  géographi(juement  au 
groupe  des  Comores  les  récif»  qui  se  succèdent  au  nord-est  de  Mayotte, 
parallèlement  à  la  côte  de  Madagascar,  et  qui  se  terminent  par  la  traînée 
des  petites  îles  inhabitées  dites  les  «  Glorieuses  ».  A  200  kilomètres 
plus  au  nord  se  trouve  une  autre  poussinière  d'îlots  et  de  récifs,  les 
îles  Gosmoledo,  reposant  sur  un  ]iaiac('l  de  récifs  et  ceintes  d'un  anneau 
coralligène.  Quoique   revendi(|uées   par  la  Giande-Bretagne  comme  une 


'  Vincent,  Société  de  Géographie  de  Paris,  t. j  juin  1888. 
-  M.  II.  Jouan,  les  Satellites  de  Madayascar. 


COMORES,  ALDABRA,  AMIRANTES.  155 

dôpeiiclanœ  de  Maurice,  elles  n'oiil  point  de  colons;  mais  des  pécheurs  y 
habitent  temporairement  pendant  la  saison  favorable.  Une  île  plus  grande, 
située  à  peu  près  sous  la  même  latitude  (jue  les  Cosmoledo,  mais  à  120  ki- 
lomètres à  l'ouest,  est  l'île  annulaire  d'Aldabra,  véritable  atoll  allongé 
qui  se  divise  en  plusieurs  fragments,  îles  et  récifs  ;  des  tortues  géantes 
rampent  sur  le  sable  et  des  myriades  d'oiseaux  de  mer  tournoient  au- 
dessus  des  brisants.  Une  colonie  de  pêcheurs  norvégiens,  venus  de  Ber- 
gen et  comprenant  une  douzaine  de  familles,  s'est  établie  dans  Aldabra 
en  1879,  sans  maîtres  et  sans  lois. 

Ensemble  toutes  les  terres  qui  émergent  au-dessus  des  Ilots  à  l'est  des 
Comores  et  au  nord-ouest  de  Madagascar  ont  une  superlicie  évaluée  à 
100  kilomètres  carrés. 


IV 


AMIRANTES    ET    SEYCHELLES. 

Au  nord  de  Madagascar,  l'axe  montueux  de  la  grande  île  se  continue  en 
mer,  jusqu'à  plus  de  '200  kilomètres  de  dislance,  par  un  plateau  de  moins 
de  1800  mètres  de  profondeur,  portant  quelques  îlots,  puis,  au  delà  d'un 
profond  détroit,  par  les  deux  archipels  des  Amirautés  et  des  Seychelles. 
L'ensemble  du  socle  sur  lequel  reposent  Madagascar  au  sud,  les  Seychelles 
au  nord,  se  prolonge  sur  un  espace  d'environ  2800  kilomètres.  Considérées 
comme  une  dépendance  de  Maurice,  toutes  les  îles  qui  continuent  vers  le 
nord  l'axe  de  Madagascar  appartiennent  à  l'Angleterre. 

Le  groupe  le  plus  rapproché  de  la  grande  île,  celui  de  Farquhar,  n'est 
pas  complètement  inhabité  :  (juelques  pécheurs,  venus  pour  la  plupart  des 
Mascareignes,  se  sont  établis  dans  l'île  occidentale,  dite  Joào  de  Nova.  Plus 
au  nord  vient  l'îlot  de  Providence,  auquel  succèdent  des  récifs,  puis  les 
nombreuses  îles  des  Amirautés,  entourées  de  leurs  anneaux  de  polypiers. 
Ces  îles,  aussi  nommées  «  Ilhas  do  Amirauté  »,  en  l'honneur  de  celui  qui 
aux  yeux  des  Portugais  fut  l'amiral  par  excellence,  Vasco  de  Gama,  ont 
été  découvertes  par  lui  en  1502,  mais  les  résidents  des  six  îles  habitées, 
au  nombre  de  cent  cinquante  environ,  sont  venus  de  Maurice  et  des  Sey- 
chelles et  parlent  le  patois  créole  de  ces  îles.  Des  forêts  de  cocotiers,  qui 
sont  la  principale  richesse  de  l'archipel,  et  quelques  savanes  couvrent  ces 
tei'res  coralligènes,  élevées  de  quelques  mètres  à  peine  au-dessus  des  flots; 
les  zébus  et  les  moutons  errent  dans  les  pâturages  des  îles,  et  servent,  avec 


lûC  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

les  lorlues,  à  l'approvisionnement  des  navires  de  passage.  Des  phtisiques 
de  Maurice  sont  allés  demander  la  guérison  à  l'air  pur  des  Amirautés. 

Les  Seychelles,  —  ou  mieux  Séchelles,  —  qui  doivent  leur  nom  à  Moreau 
de  Séchelles  et  presque  toutes  les  appellations  spéciales  des  îles  à  des  per- 
sonnages français  du  dix-huitième  siècle', constituent  un  groupe  de  vingt- 
neuf  îles,  sans  compter  les  petits  récifs  insulaires.  Les  principales  sont 
disposées  en  forme  de  cercle,  comme  si  elles  reposaient  sur  un  atoll  im- 
mergé d'environ  150  kilomètres  de  tour^  Les  roches  émergées  des  Sey- 
chelles ne  sont  pas  unicjuement,  comme  celles  de  l'archipel  Farquhar,  do 
File  Providence  et  des  Amirautés,  composées  de  masses  coralligènes.  Les 
monts  cristallins  se  sont  fait  jour  au-dessus  des  (lots.  A  Mahé  un  som- 
met s'élève  à  988  mètres,  celui  de  Praslin  atteint  014  mètres,  à  Silhouette 
on  voit  une  cime  de  754  mètres,  et  ces  hauteurs  a[)partiennenl  à  une  for- 
mation granitique  absolument  semblable  à  celle  de  Madagascar  :  c'est  au- 
tour de  ces  roches  primitives  que  les  madrépores  et  autres  animalcules 
bâtisseurs  ont  édilîé  leurs  murailles  blanches.  L'île  la  plus  considérable, 
Mahé,  présente  une  surface  de  117  kilomètres  carrés,  près  de  la  moitié 
de  la  superficie  de  l'archipel".  Praslin,  la  seconde  île,  occupe  un  espace  de 
40  kilomètres  carrés;  des  autres  îles,  de  très  faibles  dimensions,  deux  seu- 
lement sont  habitées;  Curieuse,  faible  îlot  dépendant  de  Praslin,  est  une 
léproserie  :  on  croyait  jadis  que  l'inguérissable  maladie  pouvait  être  guérie 
par  des  bains  de  sang  de  tortue,  et  nulle  part  on  n'eût  trouvé  ce  remède 
mieux  qu'aux  Seychelles.  D'ailleurs,  quoique  situées  dans  le  voisinage 
immédiat  de  l'équateur,  de  400  à  000  kilomètres  au  sud,  ces  îles  sont 
relativement  salubres,  même  pour  les  Européens;  la  régularité  des  vents 
alternants  du  large  empêche  la  stagnation  des  eaux  et  des  airs,  cl  la  tem- 
pérature toujours  égale,  de  20°, 5  à  29  degrés,  fait  de  ce  climat  un  des 
plus  agréables  du  monde.  On  répétait  jadis  que  les  spirales  des  cyclones 
ne  passaient  jamais  sur  les  Seychelles  :  c'est  une  erreur,  mais  il  est  vrai 
de  dire  que  les  troubles  de  l'atmosphèi'e  sont  rares  en  ces  parages. 

La  flore  spontanée  des  Seychelles,  d'environ  540  espèces,  comprend  une 
soixantaine  de  végétaux  endémiques,  entre  autres  trois  pandanus;  mais  la 
plante  (pii  ])our  les  botanistes  fait  la  renommée  de  l'archipel,  est  le  fameux 

'  Elle  l'ajot,  Il(t  liourhon. 

-  Lewis  Pelly,  Journal  of  (lie  R.  Gcoyraphical  Socictij,  1805. 

'  Superficie  cl  populiiliun  des  Ainirantes  et  des  Seychelles  en  1880  : 

Amii'antes.    .    .  8."  liiloiii.  can'és.  d.")0  haliilanls.  i  liai),  par  Klloiii.  carié. 

Seyclielles .    .    .       'ili  4  «  ]  5  i.")»)         »  hH       »  n 

Ensemble  ,        Ô47  kiluin.  cariés.  1 JOUU  liabilanls.        4J  liab.  par  kiluiii.  carré. 


SEYCUKLLES. 


157 


]ialinior  à  éventail  dit  ludoicca  seijclicllarum,  dont  les  fruits  ne  mûrissent 
d'ailleurs  qu'en  deux  îles.  Praslin  et   la  Curieuse.  On  sait  que  le  fruit  de 


SEÏCIIELLES. 


Est  de  R 


d'après  la  carte  de  la  Ma 


^ro^C^t^C'^r^ 


I  :  lOOOOiO 


c/t;/ûûâ/c^\'/'-''^tatj  Je/â. 


ce  {lalmier  se  compose  de  deux  noix  juxtaposées  dans  une  même  enve- 
loppe, qui  peuvent  rester  pendant  des  mois  entiers  dans  la  mer  sans 
pourrir  ;  les  courants  des  moussons  les  poussent  sur  les  côtes  de  l'Inde, 


18 


i38  iNOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

parfois  même  sur  celles  de  Java  et  d'autres  îles  de  l'Insiilinde,  où  on  les 
recueillait  comme  un  trésor,  croyant  que  ces  noix  venaient  du  fond  de 
l'Océan  :  de  là  le  nom  de  «  cocos  de  mer  »  sous  lequel  ils  étaient  connus 
par  les  marins.  La  valeur  de  ce  fruit  comme  panacée  et  comme  porte- 
bonheur  était  réputée  inestimable  :  tel  roi  qui  possédait  ce  talisman  le 
donnait  en  rançon  d'une  ville.  C'est  en  1769  seulement  que  Barré  dé- 
couvrit le  palmier  lodoicea  et  en  recueillit  les  noix  '.  De  nos  jours, 
le  coco  de  mer  ou  des  Maldives  n'a  qu'une  valeur  de  curiosité.  Les 
jeunes  feuilles  du  palmier,  n'ayant  pas  encore  perdu  leur  couleur  d'un 
jaune  clair,  sont  utilisées  pour  faire  des  boîtes,  des  éventails,  des  bibelots 
divers,  très  fins  et  d'un  éclat  persistant.  Le  bois  du  lodoicea  est  d'une 
dureté  extraordinaire  et  les  objets  qu'on  en  fabrique  sont,  pour  ainsi 
dire,  indestructibles.  Les  botanistes  craignent  que  cet  arbre  ne  disparaisse 
bientôt. 

Les  Seychelles,  dont  la  faune  est  très  pauvre,  n'ont  pas  une  seule  espèce 
lie  mammifères  qui  n'ait  été  importée  par  l'homme.  Les  reptiles  et  les 
amphibies  de  l'archipel,  qui  sont  relativement  nombreux,  etpariui  lesquels 
on  trouvait  naguère  le  crocodile",  appartiennent  à  des  genres  qui  sont 
également  représentés,  soit  à  Madagascar,  soit  aux  Mascareignes;  il  en  est 
de  même  des  oiseaux  iniligènes,  appartenant  à  quinze  espèces,  dont  treize 
ne  se  trouvent  point  en  dehors  de  l'archipeP.  La  pauvreté  de  la  faune  locale 
en  insectes  est  extraordinaire  :  une  des  espèces  aborigènes,  dite  la  mouche- 
feuille  ou  «  feuille  ambulante  »,  phyllinm  sicclfulium,  ressemble  si  bien  à 
une  feuille  verte,  qu'il  faut  au  naturaliste  des  semaines  de  recherches 
])0ur  la  reconnaître  au  milieu  de  la  verdure.  Cette  feuille  animée  devient 
très  rare,  depuis  que  les  Anglais  de  l'Inde  la  ])ayent  fort  cher  pour  la 
placer  dans  leurs  jardins.  Plantes  et  animaux  d'origine  étrangère  ont 
été  presqu(!  tous  introduits  de  Maurice  et  de  la  Réunion,  les  deux  îles 
d'où  viennent  aussi  les  colons  purs  ou  métissés  de  race  européenne. 
(Quoique  les  Seychelles  appartiennent  à  la  Grande-Bretagne,  l'idiome  des 
insulaires  est  le  patois  créole  de  Maurice,  mélangé  de  quelques  mots  an- 
glais. Les  noirs  africains  sont  fort  nombreux  aux  Seychelles.  Les  croisières 
anglaises  chargées  de  réprimer  la  traite  des  nègix-s  ayant  trouvé  dans  ces 
îles  un  excellent  point  de  ravilaillcnicnl,  les  navires  venaient  souvent  y 
débar(piei'  les  esclaves  captui'és  :  une  fiii'le  ])roportion  de  ces  expatriés  est 

'  Alexis  Hoclion,  Voijagcs  à  Mudaijascar,  à  Maroc  cl  aux  Indes  Orientales. 
-  D'L'iiienvilIe.  Stalistitiiie  tic  Vile  Maurice;  —  Kcrstcn,  Von  der  Dechcn's  Rcise ;  —  liarliiiui.n, 
Madayashar  und  die  insein  Seiirhcllen. 
=  Alficd  R.  ■\Vallace,  The  Islniid  Life. 


SEYCUELLES.  139 

restée  aux  Seychelles,  s'unissanl  à  la  race  où  se  mêlent  des  éléments  euro- 
péens, hindous,  chinois  et  malais.  Les  naissances  sont  en  grand  excédent 
sur  les  morts'. 

La  production  du  tabac,  du  cacao,  du  café,  du  sucre,  du  riz  et  autres 
denrées  nécessaires  à  la  consommation  des  insulaires  est  amplement  suffi- 
sante; mais  les  îles  n'exportent  guère  que  des  noix  de  coco,  sous  forme  de 
koprah  ou  fragments  concassés,  et  depuis  quelques  années  de  la  vanille; 
on  expédie  aussi  des  Seychelles  de  l'écaillé  de  tortue,  des  clous  de  girofle. 
Les  chèvres  prospèrent,  mais  on  n'a  guère  d'autres  animaux  domesti(jues. 
Ouelques  industriels  possèdent  des  viviers  où  ils  élèvent  des  tortues  pour 
les  vendre  aux  marins  de  passage.  Le  commerce  de  l'archipel,  qui  s'élevait 
naguère  à  une  vingtaine  de  millions,  a  notablement  décru  dans  les  der- 
nières années,  par  suite  d'une  maladie  des  cocotiers'.  Il  se  concenti-e  dans 
l'espace  profond  entouré  de  récifs  qui  est  devenu  le  port  de  l'île  principale 
et  que  l'on  désignait  jadis  du  nom  de  Mahé,  comme  la  terre  dont  il  borde  le 
rivage,  et  d'après  le  gouverneur  de  l'Ile  de  France  qui  prit  possession  des 
Seychelles  en  1743  :  les  Anglais  ont  remplacé  cette  appellation  historique 
parle  nom  obligatoire  de  Port-Victoria,  que  portent  un  ou  plusieurs  en- 
droits de  chaque  colonie  britannique.  Mahé  est  un  lieu  d'escale  pour  les 
paquebots  qui  font  le  service  de  Suez  à  Maurice  et  de  ravitaillement  pour 
les  baleiniers. 

Au  point  de  vue  administratif  et  juri(li(|ue,  les  Seychelles  ressortissent 
à  Maurice,  éloignée  pourtant  de  1700  kilomètres  dans  la  direction  du  sud. 
S'il  y  eut  jadis  jonction  ou  du  moins  rapprochement  des  terres  entre  les 
plateaux  sous-marins  qui  portent  les  Seychelles  et  les  Mascareignes,  il  est 
probable  que  les  îles  émergées  décrivaient  une  grande  courbe  au  sud-est 
des  Seychelles,  car  on  constate  dans  ces  parages  l'existence  de  hauts-fonds 
très  étendus,  les  bancs  Saya  de  Malha,  Nazareth  et  autres  encore.  Vers 
l'extrémité  méridionale  des  roches  immergées  de  Nazareth,  surgissent 
même  quelques  îlots,  les  Cargados  ou  Garayos,  appelés  aussi  Saint-Brandan, 
comme  cette  île  mystérieuse  que  les  marins  du  moyen  âge  croyaient  exister 
dans  l'Atlantique.  Les  Cargados  ont  ensemble  une  superficie  de  53  kilo- 
mètres carrés  et  sont  couvertes  de  cocotiers  appartenant  à  des  habitants  de 
Maurice  :  une  dizaine  d'hommes  en  recueillent  les  noix  et  s'occupent  de  la 
fabrication  du  koprah,  de  la  pêche,  de  la  salaison  du  poisson. 

'  I^lat  civil  lies  Seyclielles  en  188'i  et  t88")  : 

Natalité  :  51  et  32  sur  1000  liabitants.  Mortalité  :  21,6  et  20,5  sur  1000  liabilanis. 
-  Mouvement  de  Port-Victoria  en  1884  :  130  000  tonneaux. 


140 


NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


Dans  le  vaste  hémicycle  des  eaux  profondes  limité  extérieurement 
par  Madagascar,  les  Amirautés,  les  Seychelles,  le  banc  de  ÎN'azareth  et  les 
Mascareignes,  se  dressent  aussi  quelques  pointes  d'ilôts,  sommets  de  pyra- 
mides dont  la  base  est  à  4000  mètres  au-dessous  des  flots.  Au  sud  des 
Seychelles  la  première  terre  émergée,  l'île  Plate,  n'est  qu'un  bouquet  d'ar- 

N°    37.    SOCLES    SOrS-MARlXS    DE    MADAGASCAR    ET    DES    MASCAREICNES. 


Est    de   Par'.s 


^Af/.f^.vrss 


■S/rxc.vnirs 


P,-ofor,deLjr-s 


tfe/OOO^SOOO". 
I  ;  ivionoono 


et  JOOOTetâu-dc/j 


bres.  Coelivy,  Galega  ou  las  Galegas,  à  700  kilomètres  des  Seychelles,  sont 
dévastes  forêts  de  cocotiers,  des  «  îles  d'huile  »  (oil-inlatKk),  comme  les 
Cargados,  et  comme  elles  entourées  par  le  cercle  des  blancs  récifs  et  des 
flots  bleus  :  une  petite  république  de  plus  de  deux  cents  créoles  mauri- 
ciens exploite  la  palmeraie  de  la  grande  Galega  (28  kilomètres  carrés)  pour 
la  préparation  de  l'huile  de  coco.  On  a  essayé  vainement  d'y  introduire  les 
bœufs  et  les  cerfs;  les  chevaux  y  vivent  difficilement  et  la  mortalité  y  est 


CARGADOS.   GALEGA.  TROMELIN,   MASCAREIGNES.  141 

très  grande  sur  les  enfants  '.  Une  autre  île,  Tromelin,  située  à  peu  près 
à  mi-distance  entre  Sainte-Marie  de  Madagascar  et  les  Cargados,  n'est 
qu'un  banc  de  sable  blanc  dépassant  de  4  à  5  mètres  le  niveau  de  la  mer  : 
de  là  le  nom  d'Ile  au  Sable  (jue  lui  donnent  les  créoles.  En  1761,  un  na- 
vire cbargé  de  noirs  se  heurta  sur  cette  plage  et  les  malheureux  naufragés 
restèrent  abandonnés  sur  cette  dune  d'environ  60  hectares,  sans  abri 
contre  le  soleil  et  le  vent,  n'ayant  d'autre  nourriture  que  les  coquillages 
des  bords,  obligés  parfois  de  se  cramponner  contre  la  tempête  à  l'étroit 
piédestal  qui  les  portait.  Pourtant  ils  ne  moururent  pas  tous  :  quinze 
ans  après  l'événement,  une  tardive  expédition  de  sauvetage,  dirigée  par 
M.  de  Tromelin,  trouva  encore  sept  négresses  qui  avaient  pu  résister  à  la 
terrible  épreuve". 


MASCAREIGNES. 


TUE    D    EX  SEMBLE. 

Bien  que  ce  nom,  donné  en  1513  par  le  Portugais  Pedro  de  Masca- 
renhas",  —  n'ait  été  appliqué  d'abord  qu'à  la  seule  île  de  la  Réunion,  il  o 
fini  par  être  employé  d'une  manière  collective  pour  désigner  les  trois  terres. 
Réunion,  Maurice  et  Rodrigues,  qui,  tout  en  ayant  une  origine  distincte, 
offrent  les  plus  grandes  ressemblances  pour  le  mode  de  formation,  le  cli- 
mat, les  productions  et  l'histoire.  Longtemps  elles  furent  unies  politi- 
quement comme  colonies  de  la  France  :  ce  sont  encore  des  îles  sœurs  par 
la  population  qui  les  habite,  mais  elles  dépendent  de  deux  gouvernements 
distincts.  Tandis  que,  après  la  conquête,  la  Grande-Bretagne  restituait 
la  Réunion  à  la  France,  elle  garda  Maurice,  la  plus  importante  des  trois 
îles,  et  Rodrigues,  sa  dépendance  coloniale.  Ensemble,  les  Mascareignes 
ont  une   superficie  totale  de   4005  kilomètres  carrés'"  et  une  population 

*  Laplace,  Campuyne  de  «  l'Arléinise  ». 

-  Alesis  Rochon,  ouvrage  cité;  —  Grant,  Histonj  o{ Mauriims. 
^  Ferdinand  Denis;  —  Élie  Pajot,  lie  Bourbon. 

*  Superficie  et  population  des  Mascareignes  : 

Maurice  et  îlots  (1887) .     1914  kil.  carrés.  560  .560  habitants.     188  hab.  par  kil.  carré. 

Réunion  (1887).    .    .    .     1979     »         .i  163  880         »  83     «  » 

Rodrigues  (1886).    .    .       110     n         d  1780         d  10     .i  >> 


Ensemble.    .     4003   kil.  carrés.        556  O'iO  habitants.     1.39  hab.  par  kil.  carré 


142  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

(1888)  d'environ  550  000  individus  :  bien  que  les  districts  montagneux  des 
îles  soient  en  grande  partie  inhabitables,  la  densité  kilométrique  des  habi- 
tants est  d'environ  140  personnes,  proportion  que  l'on  retrouve  seulement 
dans  les  régions  les  plus  fertiles  et  les  plus  industrielles  de  l'Europe. 

Les  deux  îles  principales  sont  presque  d'égale  grandeur  et  de  contours 
égaux  :  ce  sont  deux  ovales  irréguliers  d'origine  volcanique,  des  sommets 
de  cônes  d'éruption  se  dressant  hors  des  mers  pi'ofondes.  La  terre  sud- 
occidentale,  la  Réunion,  est  la  plus  grande,  la  plus  élevée,  elle  est  aussi  la 
seule  qui  ait  encore  un  cratère  en  activité;  mais  elle  est  de  beaucoup 
dépassée  en  importance  économique  par  Maurice,  l'île  nord-orientale,  car 
celle-ci  possède  un  port  naturel  où  les  navires  peuvent  se  réfugier  pendant 
les  tempêtes  redoutables  de  ces  parages  et  ce  port  est  devenu  le  centre 
d'un  commerce  très  étendu,  le  point  de  départ  principal  des  entreprises 
industrielles  tentées  à  Madagascar  et  dans  les  autres  îles  de  l'Océan  des 
Indes.  En  dépit  du  partage  politique,  Maurice  et  la  Réunion  se  complètent 
mutuellement  :  la  première  avec  ses  bons  ports  et  ses  terres  basses,  la 
seconde  avec  son  étagement  de  climats  et  de  végétation,  forment  un  insé- 
parable tout. 

Semblables  par  l'origine,  les  deux  îles  sœurs  le  sont  aussi  par  les  condi- 
tions du  climat  :  également  soumises  au  cours  régulier  des  alizés  du  sud- 
est,  également  frangées  de  brises  terrestres,  et  fort  abondamment  arrosées 
au  côté  du  vent,  tandis  que  les  pluies  sont  rares  de  l'autre  côté'.  Souvent 
un  même  cyclone,  tournoyant  de  l'une  à  l'autre  terre,  les  a  soumises  au 
même  désastre  :  de  1751  à  1885,  la  Réunion  a  été  frappée  soixante-deux 
fois  par  ces  tempêtes  tournantes.  Les  ouragans,  qui  se  forment  d'ordinaire 
dans  le  voisinage  de  l'équateur,  entre  le  5°  et  le  10"  degré  de  latitude  méri- 
dionale, traversent  obliquement  la  mer  des  Indes  en  se  dirigeant  vers  le 
sud-ouest.  C'est  dans  les  parages  des  Mascareignes,  ou  plus  à  l'ouest  vers 
Madagascar,  (|ue  les  météores  tournoyants  dévient  vers  le  sud,  pour  se 
porter  ensuite  dans  la  direction  du  sud-est,  en  sens  inverse  des  vents 
alizés.  Dans  ce  long  trajet  parabolique,  le  tournoiement  de  l'air  se  fait 
autour  d'un  centre  relativement  calme  qui  se  déplace  incessamment,  et  la 
spirale  se  meut  toujours  en  tournant  de  l'ouest  l\  l'est  par  le  nord  et  de 
l'est  à  l'ouest  par  le  sud  :  telle  est  la  marche  régulière  des  ouragans, 
ti'lle  (pie  Joseph  Hubert    l'avait  découverte  en   1788,  bien  avant  que  les 

•  (Juantilés  de  pluiu  tombées  dans  les  Mascareignes  : 

Mauricp.  Réunion.  Iloiiripucs. 

Cluny  (centie  de  l'île) .   3'°,710      Saint-Benoit  (au  vent).   4-, 124     Port-Malhuiin .    .    .    .   0»,120 
l'ort-Louis  (s.  lèvent).   0°,124      Sainl-I'aul  (s.  le  vent) .   0°,700 
Saint-Denis  (entre  deux)  1",246 


TEMPETES  DES  MASCAREIGKES.  \iâ 

inétéorologislos  modernes,  Dove,  Redfield,  Piddington,  Bi'idel,  eussent 
exposé  leurs  théories'.  Des  cyclones  se  sont  produits  en  toutes  les  sai- 
sons de  l'année;  cependant  ces  phénomènes  sont  très  rares  pendant  l'hi- 
ver des  Mascareignes  :  c'est  entre  les  mois  de  décembre  et  d'avril  que  les 
ruptures  de  l'équilibre  aérien  sont  le  plus  à  craindre,  et  le  mois  de  février 
est  redoutable  entre  tous.  La  force  des  ouragans  varie  beaucoup  :  tantôt 
ce  sont  de  simples  coups  de  vent  qui  agitent  la  mer  pendant  quelques 
heures;  tantôt  ce  sont  de  furieuses  rafales  qui  bouleversent  les  flots  durant 
plusieurs  jours  et  sur  une  largeur  de  plus  d'un  millier  de  kilomètres  ; 
parfois  même  le  grand  cyclone  est  accompagné  d'un  cyclone  secondaire,  et 
le  navire  qui  fuit  le  premier  ouragan  est  saisi  par  un  autre.  Le  tour- 
noiement du  vent  a  pour  conséquence  d'entrecroiser  les  vagues  et  de 
donnera  l'Océan  l'aspect  d'une  chaudière  bouillante. 

Dans  les  eaux  des  Mascareignes,  les  météorologistes  ont  eu  de  terribles 
événements  maritimes  pour  objets  d'étude.  En  un  seul  ouragan,  celui 
du  26  février  1860,  trois  navires  disparurent,  trois  se  brisèrent  sur 
les  côtes  de  Madagascar,  six,  échappés  à  grand'peine,  durent  être  démo- 
lis, vingt-quatre  furent  gravement  avariés;  des  marchandises  pour  une 
valeur  de  plus  de  5  millions  se  perdirent  dans  les  flots\  Le  cyclone  de 
1868,  peut-être  plus  terrible  encore,  démolit  2895  cases  et  20  188  ca- 
banes\  A  l'approche  de  la  tempête,  que  signale  la  baisse  du  baromètre, 
les  navires  non  mouillés  dans  un  port  de  refuge  se  bâtent  de  gagner  un 
abri  ou  de  fuir  vers  la  haute  mer;  les  insulaires  de  Maurice  et  de  la 
Réunion  font  tous  leurs  préparatifs  en  vue  du  danger  prochain.  11  est 
arrivé  fréquemment  que  Maurice  fut  dévastée  sans  que  le  cyclone  attei- 
gnit l'ile  sœur;  d'autres  fois  le  côté  des  terres  tourné  au  vent  reçut  tout  le 
heurt  de  l'ouragan,  tandis  que  le  côté  situé  sous  le  vent  était  complète- 
ment épargné;  tel  village  était  renversé  de  fond  en  comble,  et  le  village  voi- 
sin seulement  eflleuré.  La  force  du  cyclone  diffère  aussi  suivant  la  hau- 
teur :  parfois  l'atmosphère  reste  parfaitement  calme  au  sommet  des  mon- 
tagnes de  la  Réunion,  alors  que  les  bois  du  littoral  sont  brisés  par  la 
rafale  et  que  les  toits  des  maisons  s'envolent  dans  le  vent.  En  même  temps 
que  la  tempête  des  airs  les  riverains  ont  à  redouter  la  colère  de  l'Océan. 
Des  raz  de  marée  précèdent  et  accompagnent  toujours  les  cyclones,  non 
seulement  ceux  qui  ont  labouré  les  mers  voisines  des  Mascareignes,  mais 
encore  à  ceux  qui  se  sont  produits  au  loin  ;  on  redoute  surtout  les  lames 

•  Emile  Trouelk',  Papiers  de  Joseph  Hubert. 

-  11.  Uiiiief,  Élude  sur  les  Ourutjans  de  l'hémisphère  austral. 

'  Nichulas  Pike,  Subtropical  Raiiibles  in  the  Laitd  uf  the  Aphaiiaplerix. 


IM  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UiNlVERSELLE. 

de  fond  propagées  du  banc  des  Aiguilles.  Des  blocs  énormes  de  corail,  qui 
se  trouvent  maintenant  à  quelque  distance  du  littoral,  ont  été  arrachés 
des  récifs  et  poussés  sur  la  terre  par  les  vagues  profondes  :  à  la  vue  de  ces 
rochers,  projetés  loin  de  la  rive,  on  pourrait  croire  qu'ils  ont  été  lancés 
par  une  explosion  sous-marine. 

Menacées  comme  elles  le  sont  par  les  violences  de  l'air  et  de  l'eau,  les 
deux  îles  ont  le  plus  grand  intérêt  à  s'avertir  mutuellement  de  tous  les 
changements  de  temps  qui  s'annoncent.  Quoique  de  l'une  des  îles  on  ne 
puisse  que  très  rarement  apercevoir  l'autre,  située  à  245  kilomètres  de 
distance,  cependant  la  courbure  de  la  Terre  n'empêche  pas  que  les  mon- 
tagnes de  la  Réunion  puissent  être  frappées  par  un  rayon  de  lumière  lancé 
du  haut  d'un  pic  de  Maurice.  Des  communications  optiques  ont  été  éta- 
blies entre  les  deux  îles  ;  on  sait  désormais  que  l'île  du  nord-est,  allaquée 
par  les  ouragans  une  douzaine  d'heures  avant  la  Réunion,  jmurrait  lui 
signaler  l'imminence  du  danger;  néanmoins  on  n'a  pas  donné  suite  à  ce 
système  international  de  signaux. 

L'origine  océanique  des  Mascareignes  a  dû  leur  donner  une  flore  et  une 
faune  particulières,  différant  non  seulement  de  celles  des  continents  d'Asie 
et  d'Afrique,  mais  aussi  des  espèces  de  Madagascar  et  des  îles  voisines.  Il 
est  impossible  de  savoir  ce  que  fut  la  flore  des  Mascareignes  avant  l'arrivée 
des  premiers  colons  :  car,  depuis  cette  époque,  la  jtlupart  des  forêts  ont 
été  coupées  et  brûlées,  de  nouvelles  cultures  ont  été  introduites  et  des 
plantes  sauvages,  au  nombre  de  trois  cents  environ,  apportées  du  dehors 
fortuitement,  ont  pris  la  [tlace  des  espèces  indigènes;  sauf  le  citronnier,  la 
Réunion  ne  paraît  avoir  aucun  arbre  fruitier  qui  lui  soit  propre'.  Cepen- 
dant on  compte  encore  dans  les  Seychelles  et  les  Mascareignes  plus  de  cinq 
cents  végétaux  qui  ne  se  trouvent  point  ailleurs,  et,  parmi  les  formes 
communes  à  ces  îles  et  à  d'autres  terres,  on  constate  que  les  espèces 
asiatiques  l'emportent  en  nombre  sur  celles  d'origine  africaine.  Sur  22 
pandanus,  ces  îles  en  possèdent  une  vingtaine,  dont  0  particuliers  à  l'île 
Maurice,  4  à  la  Réunion,  5  aux  Seychelles,  2  à  Rodrigues.  La  proportion 
considérable  des  fougères,  puis  celle  des  orchidées,  donnent  à  la  flore  des 
Mascareignes  une  place  tout  à  fait  distincte  parmi  les  flores  insulaires. 

Quant  à  la  faune,  il  est  admis  par  la  plupart  des  naturalistes  que  tous  les 
mammifères  vivant  actuellement  dans  lesîlcs,unlémurien  et  un  cenlelesde 
Madagascar,  un  chat  sauvage,  un  lièvre,  des  rats  et  des  souris,  ont  été 
introduits  par  les  colons;  de  même  des  lézards,  des  serpents,  des  camé- 

'  Elle  l'ajol,  ouvrage  cité. 


FLORE,   FAUNE  DES  MASCAREIGNES.  145 

lôons,  des  grenouilles;  (juaiit  aux  tortues  de  terre,  jadis  tellement  nom- 
breuses que  certaines  plages  en  étaient  «  pavées  »',  elles  ont  été  extermi- 
nées par  les  chasseurs\  C'est  aux  Portugais  (|ue  l'on  doit  l'introduction 
des  cerfs  qui  parcouraient  autrefois  les  forêts  de  la  Réunion  et  (pie  l'on  ren- 
contre encore  à  Maurice.  On  a  récemment  essayé  d'acclimaler  l'autruche 
dans  cette  dernière  île.  Parmi  les  habitants  ailés  des  Mascarcignes  est  le 
«  martin  »  ou  «  merle  »  de  Chine  [acridothercs  trislh),  (jue  Poivre  se 
fit  envoyer  en  1764  pour  défendre  les  plantations  contre  le  fléau  des  sau- 
terelles et  d'autres  insectes.  Ce  bienfaiteur  des  colonies  fut  longtemps 
protégé  contre  les  chasseurs  par  de  fortes  amendes.  11  est  menacé  mainte- 
nant par  des  couleuvres,  d'origine  malgache,  qui  ])énètrent  dans  le  nid  de 
l'oiseau  et  dévorent  les  petits\.  Par  une  étrange  anomalie,  l'île  Ronde, 
située  à  plus  de  2d  kilomètres  au  nord-est  de  Maurice,  constitue  un 
petit  monde  à  part  :  elle  possède  une  espèce  de  chou  palmiste  qui  lui  est 
propre;  en  proportion,  elle  a  plus  de  plantes  monocotylédonées  que  tout 
autre  endroit  de  la  Terre,  et  sa  faune,  particulière  comme  sa  ilore,  est  re- 
marquable par  des  lézards  et  deux  serpents*. 

Si  les  Mascareignes  se  sont  enrichies  d'espèces  étrangères,  en  revanche 
elles  ont  perdu  leur  faune  ])rimilive.  Ces  îles  se  distinguaient  naguère  de 
tous  autres  massifs  insulaires  par  leurs  oiseaux,  si  l'on  peut  apjjeler  ainsi 
des  animaux  à  structure  de  volatiles,  mais  incapables  de  voler.  Le  dronte 
ou  dodo  et  l'aphanaptéryx,  le  «  solitaire  »  ou  pezophaps  solitaria,  la  poule 
d'eau  géante,  plus  grande  que  l'homme,  une  espèce  de  lori,  vivaient  avant 
l'arrivée  des  Européens,  soit  dans  toutes  les  Mascareignes,  soit  dans  l'une 
ou  l'autre  des  îles,  et  récemment  M.  Clarke  a  découvert  dans  une  mare  de 
Maurice  les  restes  non  encore  fossilisés  d'oiseaux  de  plusieurs  autres  espèces 
différentes,  mêlés  à  ceux  de  cerfs,  de  cochons  et  de  singes.  Le  Guat,  qui 
séjourna  deux  ans  à  Rodrigues,  de  1601  à  1603,  puis  vécut  à  Maurice  pen- 
dant quehpies  années,  arriva  à  une  épo(pie  où  b^  di'oule  avait  (b'jà  disparu 
et  où  la  poule  géante  existait  encore.  La  venue  des  blancs  fut  pour  ces  ani- 
maux le  cataclysme  destructeur  :  peu  de  décades  suffirent  pour  amener  la 
disparition  complète  de  ces  oiseaux,  qui,  d'après  leur  grande  ressemblance 
avec  divers  genres  des  temps  miocènes,  paraissent  avoir  eu  leur  origine 
dans  ces  lem])s  reculés.  C'est  que  les  drontes  et  leurs  congénères  ne  pos- 
sédaient pas  l'immense  avantage  de  la  vitesse  pour  échapper  à  leurs  enne- 

'  Grant,  Hislory  of  Miiurllius. 

'-  Alfred  R.  Wallace.  The  hland  Ujc. 

'  Bernardin  dn  Saint-Pierrr  ;  —  Bory  de  Saint-Vincent  ;  —  vnn  dor  Decken  ;  —  Elie  Pajot,  etc. 

*  Barlilj  ;  —  Niciiolas  Pilie,  ouvrage  cilé. 


lifi  NOl'VELLE  r.ÉOORAI'IIIE  UNIVERSELLE. 

mis.  Les  chiens,  les  chats,  les  cochons  introduits  dans  les  îles  les  eurent 
bientôt  dévorés  ;  les  rats  mangèrent  leurs  œufs,  le  fusil  du  chasseur  abattit 
les  derniers  survivants.  Tout  récemment  même  une  espèce  de  pigeon, 
alectorœnas  nitidissima,  dont  les  musées  ne  possèdent  que  trois  exem- 
plaires, vient  de  périr  à  Maurice,  et  l'on  croit  qu'une  autre  espèce  du  même 
genre,  alectorœnas  rode  ricana,  a  disparu  de  Rodrigues'.  L'existence  de  ces 
oiseaux  lors  de  l'arrivée  des  blancs  et  de  leurs  compagnons  les  animaux 
domestiques  est  un  des  faits  qui  portent  les  naturalistes  à  croire  à  l'iso- 
lement j)rimitif  des  Mascareignes  :  puisque  leur  faune,  non  armée  pour  la 
lutte,  avait  toujours  été  protégée  contre  les  visites  des  carnivores,  c'est  que 
les  îles  n'avaient  jamais  été  unies  à  de  grandes  terres  \  Les  lamantins  qui 
peuplaient  les  cotes  de  Maurice  ont  égalenient  péri. 

Les  mêmes  éléments  ethniques  ont  constitué  la  population  des  Masca- 
reignes et  des  archipels  circonvoisins  jusqu'aux  Seychelles.  Ces  îles  étaient 
comj)lètement  inhabitées  lorsque,  en  164(3,  Pronis,  commandanfdu  Fort- 
Dauphin  de  Madagascar,  fit  transporter  douze  mutins  dans  l'île  de  Mas- 
carenhas.  Ils  n'y  restèrent  que  trois  ans.  En  1655,  sept  colons  français, 
accompagnés  de  six  Malgaches,  s'établirent  à  Saint-Paul,  en  amenant 
avec  eux  quehpies  animaux,  qu'ils  lâchèrent  dans  la  montagne  pour  faire 
souche  de  bétail  et  de  gibier;  mais,  à  la  suite  d'un  ouragan,  ils  s'en  allè- 
rent à  leur  tour,  et  la  colonisation  définitive  de  l'île  ne  commença  qu'en 
1663,  avec  l'arrivée  de  deux  Français,  accompagnés  de  quehiues  ser- 
viteurs nègres".  Dans  les  premiers  temps  les  colons  vécurent  de  poissons, 
de  tortues,  de  patates,  d'ignames  et  d'autres  racines  que  leur  donnait 
la  terre  fertile;  ils  étaient  presque  nus,  vivaient  en  plein  air,  ignorant  les 
maladies*.  Libres,  sans  ennemis  à  combattre,  sans  gouverneur  pour  leur 
iin|)oser  des  corvées  et  des  règlements,  le  ])elit  groupe  de  blancs  prospéra: 
des  villages  se  fondèrent  et  s'entourèrent  de  j)lantations,  le  trafic  commença 
avec  la  mère  patrie,  puis  la  Compagnie  des  Indes  Orientales,  qui  reçut  le 
monopole  du  commerce  avecMascarenhas,  devenue  l'île  Bourbon,  y  posséda 
l'une  de  ses  escales  les  plus  lucratives.  L'île  du  nord  ou  Cerné,  que  les 
Portugais  n'avaient  j)as  colonisée,  était  tombée  au  pouvoir  des  Hollandais, 
(pii  lui  avaient  donné  en  15ns  le  nom  de  Maurice  (Maurilius)  et  y  avai(Mit 
mis  garnison  au  milieu  du  siècle  suivant;  mais  ils  ne  réussirent  point, 
chassés,  dil-on,  par  une  invasion  prodigieuse  de  rats,  cl  durent  abandon- 

'  Edward  Newton,  Geoçirapliisclifs  .liilnhiirh.  1880. 
-  Alfred  R.  W.illace,  Tlic  hlniid  Uj\: 
'•  E.  Troiielle,  Noies  iiiamiscrites. 
*  Dapper,  Description  de  rAfri(]iie. 


II.UilTANÏS   lli:S   MASCAIIKIUM'S.  117 

nor  leur  conqucle,  que  les  Français  de  Bourbon  occupèrent  quel(|U(i 
temps  après,  en  1713'.  Les  deux  îles  sœurs  étaient  délinilivement  colo- 
nisées par  des  blancs  d'ori<iine  iVançaist',  presque  tous  Normands,  Bre- 
tons ou  Saintoni;eois,  que  venaient  rejoindre  des  marins  et  des  avenlu- 
rieis.  (]('s  quel(}ues  centaines  de  premiers  habitants  sont  les  ar.cètres 
(le  la  plupart  des  blancs  qui  peuplent  aujourd'hui  les  deux  îles  et  les 
terres  avoisinantes.  Les  statistiques,  d'ailleurs  bien  défectueuses,  ont  per- 
mis de  constater  que  les  blancs,  habilant  de  nos  jours  les  Masca- 
l'ei^iies  et  les  Seychelles,  au  nombre  d'environ  qualre-vingt  mille,  ont 
du  leur  accroissement  bien  moins  à  l'iminif^ration  (ju'au  surplus  des 
naissances  sur  les  morts.  Ces  îles  de  l'océan  Indien  offrent  un  exemple 
remarqual)le  de  terres  tropicales  où  les  blancs  n'ont  cessé  de  vivi'o  cl 
d'augmenter  en  nombre";  mais  les  croisements  de  race  ne  permettent 
plus  depuis  longtemps  aux  recenseurs  d'établir  la  proportion  vraie  des 
blancs  |)armi  les  indigènes.  La  fécondité  des  familles  créoles  françaises 
est  fort  grande  :  on  y  compte  environ  230  enfants  pour  1000  femmes 
mariées,  tandis  qu'eu  France  la  proportion  est  d'un  tiers  moins  élevée'. 
De  1843  à  liSi7,  les  naissances  ont  dé[)assé  régulièrement  les  décès 
dans  la  proportion  d'un  tiers'.  On  sait  ([uelle  grande  part  les  (ils  des 
Mascareignes,  Bertin,  Parny,  Joseph  Hubert,  Lislet  Geofroi,  Leconte  de 
risie,  d'autres  encore,  ont  prise  au  mouvement  littéraire  et  scientilique  de 
la  Fraïu'Ç. 

Mais  les  blancs  d'origine  française,  aux(piels  se  sont  associés  des 
Anglais  depuis  la  prise  de  possession  de  Maurice,  de  Rodrigues  et  des 
Seychelles  [)ar  la  (Irande-Bretagne,  ne  constituent  (pi'uue  minorité  ])armi 
les  insulaires.  Les  premieis  colons  de  Mascareuhas  amenaient  avec  eux  des 
esclaves  de  Madagascar,  et  lorsque,  en  1713,  Guillaume  Dufresne  s'empara 
de  Maurice,   abandonnée  parles  Ilollaiulais,   il  avait  également  des  noirs 


'   llrriiiinliii  de  Saiiit-Pii'iTC,  Voynye  à  l'hle  de.  France. 
-  Accidissciiii'iit  dos  blancs  à  la  liéunion  ot  à  Ihiurice  : 

ll.Hniion.  îlMiiriiL'. 

171.") yuo  17'ji r.d 

■17lJ3 4  027  17(),". r.  yij.ï 

1804 l'ilOIJ       1804 7  108 

\n.^ 17i!;)5       187)0 8  59a 

'"  Élal  civil  ili's  liabilaïUs  de  Bourljoii,  avaiil  ralmlilioii  de  i>!.clavaf;c,  en  1823: 

IJlaiu-,'..    .    .    .      694  naissances.      ."99  iikuIs.       Accniisseiiicnl  :  29."> 
Noirs  libres.   .     208         "  108     «  "  100 

Esclaves  ...      217         n  llilO     »  hiiMiiiiilion  :      1425 

(Tiiniuas,  Essai  de  Slalisliijue  sur  iile  de  Buurbun.) 
*  Biirdicr,  La  Colonisation  scientifique. 


118  NOUVELLE  CÉOGRAPIIIE  UNIVERSELLE. 

av('c  lui.  Des  nègres  malgaches  eurent  à  se  livrer,  sous  les  ordres  des 
lilancs,  aux  pénibles  travaux  de  défrichement  qui  ont  transformé  les 
deux  îles  :  quelques  dénominations  de  plantes,  d'animaux  et  d'instru- 
ments primitifs  que  possède  le  parler  créole,  rappellent  ces  premières 
années  de  la  mise  en  culture  du  sol'.  Plus  tard,  les  négriers,  constitués 
en  compagnies  privilégiées  et  touchant  des  primes  pour  l'importation 
des  esclaves,  allèrent  surtout  s'approvisionner  de  chair  humaine  sur  le 
continent  d'Afrique,  et  des  noirs  de  toutes  les  tribus  de  l'Afrique  orien- 
tale, connus  sous  le  nom  général  de  '<  Cafres  »,  vinrent  peupler  les 
j)lantations.  Le  sort  des  malheureux  esclaves  des  Mascareignes  était  ce 
qu'il  fut  partout  ailleurs  dans  les  pays  où  les  asservis  n'ont  d'autre  ga- 
rantie d'être  traités  avec  douceur  que  l'intérêt  ou  le  bon  vouloir  de  leurs 
maîtres  %  et  quoique,  en  vertu  d'un  édit  de  1725,  tous  les  esclaves  eussent 
été  baptisés  et  fussent  ainsi  devenus  les  ■<  frères  spirituels  »  de  leurs 
jwssesseurs'.  Il  est  vrai  qu'un  «  code  noii'  »  avait  été  promulgué  en 
1685  pour  la  protection  des  esclaves;  mais  ce  code  même,  dont  les 
articles  n'étaient  pas  toujours  observés,  autorisait  toutes  les  punitions 
(pii  ne  dépassaient  pas  trente  coups  de  fouet.  Appartenant  à  des 
races  différentes,  parlant  des  langues  distinctes,  manquant  d'armes, 
et  d'ailleurs  abrutis  par  le  travail  forcé,  les  esclaves  des  Mascareignes 
ne  se  soulevèrent  jamais  contre  leurs  maîtres;  mais  souvent  des  cen- 
taines d'entre  eux  étaient  en  fuite  à  la  fois,  gîtant  dans  les  cavernes  ou 
dans  les  forêts,  rôdant  la  nuit  aux  abords  des  plantations  pour  dév 
terrer  quelques  racines.  Les  chasseurs  faisaient  des  battues  en  règle 
à  la  poursuite  de  ces  nègres  marrons,  et  des  ])rimes  étaient  accordées 
à  ceux  qui  rapportaient  la  main  droite  de  quelque  fugitif  abattu.  Une 
première  désertion  était  punie  de  la  perle  d'une  oreille;  à  la  seconde, 
on  coupait  le  jarret  du  délin([uaul;  la  mort  était  la  punition  d'une  troi- 
sième fuite'. 

La  République  française  proclama  l'abolition  de  l'esclavage,  mais  les 
planteurs,  d'accord  avec  le  gouverneur  général  de  Malartic,  résistèrent  aux 
ordres  de  la  mère  patrie  :  à  peine  les  commissaires  de  la  liépul)li(|ue 
avaient-ils  touché  terre  à  l'Ile  de  France,  qu'on  les  embaiMpia  de  nouveau, 
et  bientôt  après  on  se  débarrassa  de  tous  les  soldats  qui  les  avaient  accom- 


'  L.  lier!  lu  lion.  Revue  rie  Géoijrnphie,  décembre  1880. 
-  {',.  liaissiie,  Éliidi'  sur  le  paloLs  tréule  tiwuricieii. 
'■  ll'l  iiicmille.  Sliilisli(iur  de  Vile  Maurice. 

»  Bernaiilin    île  S;iiiil-I'iciiv.   Vnijage  ii  l'Iule  de    France;   —  Miiill;[|(l,   iSoles  sur  iile  de  la 
Réunion. 


HABITANTS  DES  MASCAREIGNES.  1  l'J 

pagnés,  soit  en  les  renvoyant  en  France,  soit  en  les  expédiant  à  Batavia, 
sous  prétexte  d'aider  les  Hollandais,  alliés  des  Français  '.  L'émancipation  des 
noirs  fut  ainsi  retardée  ius(|u'au  milieu  du  siècle  suivant  :  à  Maurice  elle 
se  lit  par  degrés,  de  l!SÔ4  à  1858;  à  la  Réunion,  elle  ne  fut  proclamée 
que  dix  ans  plus  tard,  par  la  deuxième  I{é|)uljlique,  et  dans  les  deux  îles 
la  propriété  vivante  fut  rachetée  aux  anciens  possesseurs  jirivés.  aux 
communes  et  aux  cures'.  Les  noirs  de  Maurice  se  rappellent  encore 
le  temps  margoze,  c'est-à-dire  le  «  temps  d'amertume  «  ou  de  servi- 
tude, ainsi  désigné  d'après  un  légume  de  goût  très  amer,  et  comparent 
avec  joie  cette  époque  aux  jours  actuels  où  tous  ont  mêmes  droits. 
«  Tmit  marmites  débonte  là  hant  difél  »  tlisenl-ils.  «  Toutes  les  mar- 
mites sont  près  du  feu  M  »  (Quoique  les  nègres  des  Mascareignes, 
d'origine  malgache,  cafre  ou  moçambique,  soient  maintenant  en  grande 
infériorité  numérique  dans  les  îles,  c'est  jwurlaut  le  créole  français, 
parlé  par  eux,  qui  sert  de  commun  moyen  d'échange  intellectuel  entre 
les  différentes  races  pressées  dans  l'étroit  territoire  :  Français,  An- 
glais, Chinois,  Arabes,  Malais,  Hindous  de  toutes  les  provinces  de  la 
Péninsule. 

Les  relations  fréquentes  des  Mascareignes  avec  la  presqu'île  hindoue,  le 
va-et-vient  des  escadres  et  des  corsaires  dans  l'océan  Indien  avaient  déjà  eu 
pour  résultat  d'introduire  de  nombreux  Péninsulaires  dans  les  deux  îles 
pendant  la  deuxième  moitié  du  dix-huitième  siècle,  et  c'est  à  des  gens  de 
leur  race  que  l'on  confiait  la  construction  de  presque  tous  les  édifices. 
Mais,  lorsque  les  planteurs  virent  approcher  le  jour  de  l'émancipation  des 
noirs,  ils  s'occupèrent  de  se  procurer  des  travailleurs  d'autre  origine  : 
Chinois,  Malais,  Hindous  du  nord  et  du  sud,  et  surtout  Malabares;  ce 
nom  est  même  celui  que  l'on  donne  dans  le  langage  ordinaire  à  tous  les 
«  engagés  »  hindous  venus  de  l'Orient.  Maurice  importa  les  ouvriers  en 
foule  pour  la  culture  des  plantations,  grâce  aux  facilités  exceptionnelles 
que  lui  offrait  le  gouvernement  anglais  de  l'Inde.  Moins  peuplée  que  Bour- 
bon encore  au  milieu  du  siècle,  Maurice  a  maintenant  deux  fois  plus  d'ha- 
bitants, proportion  correspondante  à  celle  des  terrains  cultivables  dans  les 
deux  îles.  D'après  les  règlements,  l'introduction  des  travailleurs  étrangers 
devait  se  faire  dans  des  conditions  de  parfait  respect  pour  leur  libre 
volonté;  mais,  sur  la  plupart  des  plaulalioiis,  les  aucieiiiies  |)ratiquesde 

'  GranI,  The  Hislorij  of  Mniiriliiis  or  Ihc  hle  of  France. 

-  Esclaves  rachetés  il  Maiirici'.    .    .        0.")  ô'iO       Indeiimllé  :  .V2  81. j  800  francs. 

»             >)       à  la  Itéuiiioii .  .       {J0  8i!'J               »  41  104  005      » 
'  C.  Baissac,  ouvrage  cité. 


150  NOUVELLE  CEOGRAl'lUE   UNI VEKSELLE. 

resclavagc  eonlinuèrent  d'être  appliquées  aux  engagés.  Ainsi  que  le  dé- 
clare un  document  olliciel',  les  pi'oinesses  faites  aux  émigrants,  à  leur  dé- 
|)aii  de  l'Inde,  n'étaient  tenues  ni  par  leur  agent  protecteur,  ni  par  les 
magistrats,  ni  par  les  médecins,  ni  par  les  planteurs.  Plus  d'un  com- 
mandeur les  menait  à  coups  de  rotin,  comme  on  avait  mené  les  esclaves; 
on  les  faisait  travailler  même  plus  que  les  nègres,  et  ])lus  lougtemps,  car 
leur  vie  n'était  pas  aussi  précieuse  que  celle  d'un  Caire  acheté  à  beaux 
deniers  ;  leur  maigre  salaire  était  souvent  dévoré  par  les  amendes,  et  quand 
enfin,  api'ès  cinq  ans  révolus,  ils  étaient  redevenus  libres,  des  passeports 
cl  des  tracasseries  de  police  les  assimilaient  à  des  criminels  surveillés.  Le 
fait  le  plus  grave  peut-être  est  que  l'immigration  de  ces  Orientaux,  plus 
nombreux  à  Maurice  que  blancs  et  noirs,  l'éunis  maintenant  sous  la  même 
rubrique,  comme  citoyens  égaux',  s'est  constamment  pratiquée  en  violation 
des  lois  naturelles  d'une  proportion  normale  entre  les  sexes.  Les  femmes 
ayant  toujours  été  importées  en  nombre  beaucoup  moindre  que  les 
b()mmes\  il  en  résultait  que  les  familles  ne  pouvaient  se  constituer  (|u'à 
l'état  d'exception;  la  polyandrie  était  devenue  la  règle  dans  les  campe- 
ments d'Hindous;  les  enfants,  très  rares  d'ailleurs,  étaient  fort  négli- 
gés par  leurs  parents  d'aventure.  La  mortalité,  frappant  des  gens  sans 
famille,  était  chaque  année  beaucoup  plus  considérable  que  la  natalité*  : 
c'est  ])ar  de  continuelles  importations  que  se  comblaient  les  vides  et 
que  s'accroissaient  les  chiourmes  des  plantations.  Mais,  par  l'effet  de  la 
solidarité  qui  lie  les  races  les  une^;  aux  auties,  les  maladies  qu'aj)|)or- 
tai(Mit  les  immigraiils  chinois  et  hindous  frappaient  aussi  les  auti'es  liabi- 
larils  de  l'île  :  ce  sont  les  jiremiers  (|ui  ont  apporté  la  lèpi'c;  ce  sont  les 
Hindous  qui  ont  introduit  dans  les  Mascareignes  la  lièvre  récurrente,  dite 


Report  uf  (lie  Commissionners  nppoinled  lo  enquiir  iiilo  llic  iiviiliiieiil  of  iimiiHjriiiils,  tS7,">. 
l'opulation  des  doux  ^'randes  Mascairi^'iics  en   1887  : 


Citoyens  établis,  blancs,  noirs  et  de  couleur.  .    .  )  ,.,.,,,  (  l'il).")r>y 

,  '  i  l()  -vli  ■ 

Il  Erifja^'és  »  nialgaelies,  cafres  et  aral)es  .    .    .    .  )  (  !.")'2()(l 

Oririilaiix  (Hindous  et  Cliiiiois) 'iM  721  257H 


Ensemble T.liS  1 45  Itil  505 

l'rn|iiiiliuu  des  sexes  chez  les  «  engagés  »  de  loiUe  rare,  ;i  la  liéiinion,  en  1887  : 

llornnies 'i8  8;)8 

Kennnes \t\\:> 

Ensenilili' 40  'J71 

Liai  cimI  des  inniugi'ants  liindous  {|r  l,i  Uéunion,  de  1848  à  I88-'  : 

Naissances 8  657 

Morts 'J8  2t)5 


IIAIilTANTS   DES   MASC.UÏI'KINES.  151 

(le  Romliiij  ';  pciidaiit  la  <;r:iii(lc  éiiidémie  qui  dura  trois  années,  do  1860 
à  180S,  soixante-douze  mille  individus,  soil  le  quart  des  habitants  de 
Mauriee,  périrent  :  jusqu'à  deux  cent  quarante  personnes  mouraient  dans 
la  ea])itale  en  un  seul  jour".  Les  Maseareignes  avaient  eu  jadis  une  renom- 
mée de  parfaite  salubrité  et  l'on  craignait  alors  qu'elles  ne  devinssent  les 
«  terres  d'élection  de  toutes  les  pestes  asiatiques  ».  Les  maladies  ont  di- 
minué, mais  la  misère  est  venue.  «  Tempx  français  zourmotts  II  pli  (jroa 
que  temps  mujkih.  »  «  Du  temps  des  Français  les  giraumons  étaieiil  plus 
gros  que  du  lemjjs  des  Anglais,  »  disent  les  nègres  de  Maurice\ 

Actuellement  les  deux  îles  s'indianisent  de  plus  en  plus;  la  fête  du 
Yamseh  rivalise  de  luxe  et  d'éclat  avec  la  Fête-Dieu.  La  disproportion  qui 
existait  entre  les  hommes  et  les  femmes  s'amoindrit  chaque  année\  parce 
([ue  la  mortalité  frappe  surtout  les  hommes  et  que  le  nombre  des  femmes 
qui  se  font  rapatrier  après  leur  temps  de  service  est  fort  minime^  D'au- 
tre part,  la  population  des  îles  diminue  chaque  année,  par  le  décroissement 
de  l'immigration,  qui  compensait  la  mortalité,  et  cette  diminution  conti- 
nuera probablement  jusqu'à  ce  que  l'équilibre  soit  rétabli  entre  les  sexes. 
Une  forte  proportion  des  Malabares  qui  vivent  dans  l'île  sont  maintenant 
libres  de  tout  «  engagement  »  envers  les  planteurs  et  cherchent  à  gagner 
leur  vie  dans  le  petit  commerce  et  les  bas  emplois  de  l'administration. 
Nombre  d'entre  eux  se  marient  avec  des  femmes  de  couleur;  grâce  à  leur 
sobriété,  à  leur  économie,  peut-être  aussi  à  leur  esprit  d'intrigue,  les 
Indiens  de  Maurice  évincent  peu  à  peu  les  gens  d'autre  race,  ils  (d)ligent  les 
créoles  eux-mêmes  à  leur  céder  le  marché  du  travail;  (juelques-uns  d'entre 
eux  se  sont  partagé  les  terres  de  nobles  endettés.  A  l'immigration  des  cul- 
tivateurs hindous  correspond  une  émigration  de  bourgeois  créoles.  Nombre 
de  ceux-ci  quittent  les  îles  pour  rentrer  en  Europe,  la  patrie  des  aïeux,  ou 
pour  courir  les  aventures  à  Madagascar  ou  dans  les  Indes. 

'   M;ilu'',  (iéiHirtijihic  mcdicnlc. 

-  Nichohis  Pike,  ouvrage  cilé. 

"■  Baissai',  ouvrage  c'ilo. 

*  I'()|mlntiiin  (li's  Mascaivignos.  suivant  les  soxps,  on  1887  : 

Maiirn-i".  L:i  Rénilioii. 

Iloiumos '208.101  88  355 

Femmes t.VJ  744  73108 

Ensemble 3(58  14:>  ICI  503 

■'■  Mouvement  de  la  population  inilienne  à  Mauriee  en  1884  : 

Arrivi^i's.  Dr-parls.  .Naissanc"s  Moris. 

Ilonnnes 4471  1197  .300'2  'ifiSfi 

Femmes 1949  3.j8  308li  1047 


152  NOUVELLE  GÉOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 


II 


Maurice,  qui  continue,  au  sud  des  Cargados,  le  grand  hémicycle  des 
terres  émergées,  des  récifs  et  des  bancs  de  sable,  ne  fut  pourtant  rattachée 
à  aucune  autre  île  ;  elle  surgit  isolément  de  l'océan  des  Indes.  Entièrement 
coiniiosée  de  roches  basaltiques,  elle  est  peut-être  d'origine  plus  ancienne 
que  la  Réunion,  car  ses  côtes  sont  beaucoup  plus  découpées,  ses  monta- 
gnes ont  été  plus  abaissées  par  l'érosion  et  les  cratères  de  ses  volcans  ont 
été  oblitérés  :  on  en  reconnaît  (juelques-uns  seulement  en  des  coupes  la- 
custres, où  les  eaux  dorment  entre  des  parois  de  laves.  Les  massifs  monta- 
gneux de  l'île  sont  entourés  par  des  plaines  de  terre  rougeâtre,  qui  jadis 
étaient  couvertes  de  forêts,  remplacées  aujourd'hui  par  des  cultures,  des 
jardins,  des  villages;  le  centre  de  l'île  est  occupé  par  un  plateau  de  quatre 
à  cin(|  cents  mètres  de  hauteur  ayant  conservé  (juelques  restes  de  ses  bois. 
La  montagne,  dite  Pilon  du  Milieu  (597)  mètres),  qui  domine  ce  plateau, 
n'est  point  la  plus  élevée;  mais  il  est  probable  qu'elle  le  fut  jadis  :  la 
cime  se  compose  en  entier  de  i)rismes  basaltiques  couchés  horizonlalc- 
menl,  dont  la  masse  fut  injectée  entre  des  parois  de  montagne  qui  n'exis- 
tent plus  actuellement'.  Le  Piton  est  dépassé  de  plus  de  200  mètres  par 
la  montagne  de  la  Rivière  Noire  (825  mètres)  se  dressant  dans  la  partie 
sud-occidentale  de  l'île.  Les  monts  les  plus  piltores(|ues  et  de  la  forme  la 
plus  bizai're  sont  ceux  du  massif  voisin  de  la  capitale.  Au  milieu  de  la 
crête,  s'élève,  comme  un  doigt,  le  locher  supei'be  du  Pouce,  et  près  de  là 
se  montre  l'obélisfjue  de  Pieter  Bolh  ((S15  mètres),  surmonté  d'un  énorme 
bloc  globulaire,  que  de  rares  gravisseurs  escaladent  au  moyen  de  cordes  et 
d'échelles.  Le  pourtour  de  l'île  est  frangé  de  récifs  et  d'îlots,  entre  les- 
quels s'ouvrent  les  chenaux  des  ports.  Des  roches  de  formation  marine, 
situées  actuellement  au-dessus  du  flot,  |irouveiit  que  sur  la  côte  de  Mau- 
rice un  changement  de  niveau  s'est  fait  entre  la  terre  et  l'océan  \  Les 
îlots  qui  avoisinent  la  grande  île  vers  son  extrémité  du  nord,  la  Ronde, 
la  Plate,  nie  d'Ambre,  le  Coin  de  Mire,  sont  couverts  de  débris  qui  témoi- 
gnent (le  l'existence  d'un  volcan  disparu,  (|ui  llandiait  jadis  dans  ces 
parages". 

'  IlicliartI  von  Drasclii',  Jiihrhiuli  ih-r  Cruhiiiisihen  Rfirlisansliill.   ISTIi. 

-  Darwin,  Conil-Rcefs  ;  —  Cli    Vélain,  la  Faune  des  'des  Saiiil-l'nid  et  AiiisU'i-(l<im. 

'  Borv  de  Sainl-Vincenl;  —  N.  Pike,  ouvrages  cités. 


MAURICE. 


153 


Maurice,  plus  populpuso  que  la  Réunion,  est  plus  déboisée  :  la  défo- 
restaliuii  y  est  presque  eomplèlo.  On  n'y  voit  plus  de  ces  grands  bois 


28.    MAI  IllCE. 


E5t  de  Par. 


/'rofor/a^Giyr-~3 


1  t  730  000 


qiKï  décrit  Bernardin  de  Saint-Fierre,  tellement  unis  par  un  réseau  de 
lianes  que,  après  avoir  scié  les  arbres,  il  fallait  encore  couper  les  cordages 
naturels  qui  les  retenaient'.  «Jadis  mon  doigt  était  à  l'ombre,  il  commence 
à  brûler  au  grand  soleil,  »  dit  une  énigme  ou  sirandane  relative  à  la  mon- 


'   VuiiiHji'  il  rislc  lie  Fiance 

XIV. 


•20 


154  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

lagne  du  Pouce,  près  de  Port-Louis.  La  destruction  des  forêts  a  eu  les  con- 
séquences habituelles  :  les  cours  d'eau  n'ont  plus  qu'un  régime  irrégulier, 
alternativement  débordés  et  presque  taris.  Un  dicton  cité  par  Baissac' con- 
state les  changements  accomplis  dans  l'hydrologie  mauricienne  :  «  Les 
rivières  de  Maurice  n'ont  pas  de  chance  :  du  temps  des  Français  elles  cher- 
chaient des  ponts,  du  temps  des  Anglais  elles  cherchent  de  l'eau.  »  Le 
sol  des  montagnes,  durci  par  le  soleil,  est  devenu  impénétrable  aux 
]iluies  :  celles-ci  s'écoulent  rapidement  par  les  pentes,  au  lieu  de  séjourner 
comme  autrefois  au  milieu  des  mousses  et  des  herbes,  d'entrer  dans  les 
radicelles  des  plantes  ou  dans  les  fentes  du  sol  et  de  rejaillir  en  sources; 
au  bas  des  montagnes  se  forment  des  mares  temporaires,  dont  les  exha- 
laisons fatales  se  répandent  au  loin.  Les  sécheresses  sont  plus  longues,  les 
pluies  plus  soudaines,  plus  abondantes  et  plus  irrégulières;  de  vastes 
espaces  de  terrain,  jadis  en  culture,  sont  devenus  infertiles '. 


L'ile  n'a  qu'une  seule  grande  ville,  Port-Louis,  située  sur  le  côté  orien- 
tal (le  l'île  ou  «  sous  le  vent  )i,  au  bord  d'une  baie  qu'abritent  des  récifs 
de  coi'ail  et  que  défendent  des  batteries  et  des  forts;  les  bâtiments  y 
courent  peu  de  danger  lors  des  cyclones;  cependant  au  dernier  siècle  on 
a  vu  dans  la  rade  jusqu'à  54  carcasses  de  navires,  autant  d'écueils  à  ajou- 
ter à  ceux  des  polypiers'.  Fondée  en  1735  par  Mahé  de  la  Bourdonnais, 
elle  remplaça  le  port  du  sud-est,  où  jusqu'alors  avaient  abordé  presque 
tons  les  vaisseaux,  et  depuis  cette  époque  elle  monopolise  le  commerce  de 
l'ile.  Vue  du  large,  la  ville,  moins  anglaise  d'aspect  que  ne  le  sont  (lalais 
et  Boulogne',  se  présente  superbement  au  milieu  des  jardins  et  des  |)al- 
meraies,  à  l'issue  de  la  Grande-Rivière,  qui  serpente  au  sud-est;  l'am- 
philhéàli'e  des  montagnes  se  déploie  en  hémicycle  à  l'est  de  Port-Louis, 
dominé  par  la  roche  boisée  du  Pouce.  Près  du  quai  et  de  la  crique  du 
Trou-Fanfaron,  la  statue  de  Mahé,  fondateur  de  Port-Louis,  se  dresse 
sous  les  ombrages,  et  quelques  beaux  édifices  bordent  les  rues  principales; 
mais  dans  l'ensemble  la  ville  n'a  pas  l'élégance  qu'on  s'attendrait  à  trouver 
dans  le  centre  commercial  de  l'océan  des  Indes,  où  se  pi'essent  près  de 
soixanle-dix  mille  habitants.  L'émigration  des  nobles  et  des  riches  qui  vont 
passer  les  iiuils  dans  les  villas  de  la  campagne,  la  prise  de  possession  des 

'  fjtiKlc  sur  le  patois  créole  tnuuricien. 

*  I).  Rodjjpis,  The  Fariner,  1876. 
'•  (iiant,  History  of  Mniiritiiis. 

*  Darwin,  A  Naturalises  roi/ai/e  roiniil  llic  World. 


MAI  liici:. 


riiiil)uMrj;s  et  d'uiio  piirlie  de  lii  cilô  par  les  llimlous  et.  les  Malgaches  doii- 
iiciil  à  plusieurs  quartiers  un  aspect  de  pauvreté  el  d'abandon.  D'ailleurs 
la  |)(>pulalion  a  réellement  diminué  depuis  la  grande  épidémie. 

l'ort-Louis  a  perdu  aussi  une  pailie  de  son  commerce  :  la  suhslilulioii 


X"    39.    l'OHT-LUI  I> 


Est  de   Pa 


57°53- 


r^ 


1  ■  12:;  OltO 


de  la  vapeur  à  la  voile  dispeuse  heaucoiip  de  navires  de  l'aii'e  escale  en  roule 
pour  leurs  apjirovisionnements,  et  le  percement  de  l'isthme  de  Suez  a  dé- 
tourné le  commerce  des  Indes  de  son  ancien  lieu  d'étape  dans  l'Océan. 
Cependant  le  mouvement  des  échanges  est  encoie  i'ort  considérable  à 
Maurice',  bien  supérieur  en   proportion    à  celui  de  la   ])lupart  des  i)ays 

'  CiiiiiiiiL'rcc  de  l'url-Louis  l'Ii  ISSU  : 

linporlalions .VJ  8(i7  i'iO  fniiKS. 

Expoi-lalions 80  'J58  VA\      » 

EiiSL'iuljlo.    .    .  i-iU  8i!5  870  francs,  suil  Ô8U  francs  par  l];iljilaiil. 


158  NOUVELLE  GÉOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

d'Europe,  et  le  port  est  presque  toujours  rempli  de  bâtiments';  des  lignes 
régulières  de  navigation  le  rattachent  à  l'Europe  par  le  canal  de  Suez, 
à  la  Réunion  et  à  Madagascar  ;  mais  les  Mascareignes  n'ont  pas  encore  de 
câble  télégraphique  les  reliant  au  réseau  du  monde.  Le  sucre  et  le  rhum 
sont  les  premiers  articles  d'exportation,  car  l'île  possède  plus  de  250  su- 
creries et  de  40  distilleries,  produisant  en  moyenne  de  50  à  80  000 
tonnes  de  sucre  et  25000  hectolitres  de  rhum,  d'une  valeur  moyenne 
de  quatre  à  cinq  millions  de  francs  ;  mais  ses  récoltes  sont  notablement 
amoindries*  par  suite  des  attaques  du  «  pou  blanc  »  et  du  borer  [procercm 
sacchariphagm).  Le  maïs  et,  d'une  manière  générale,  les  «  vivres  »  que 
la  culture  fournit  aux  habitants  sont  insuffisants  et  c'est  en  grande  par- 
tie à  la  «  Grande  Terre  »,  ou  Madagascar,  que  les  Mauriciens  vont  s'ap- 
provisionner :  des  navires  dits  bullockers,  parce  qu'ils  servent  surtout  au 
transport  des  bœufs,  vont  et  viennent  incessamment  entre  Port-Louis  et 
Tamataveou  Vohémar.  Tout  le  riz  consommé  par  les  Indiens  des  Masca- 
reignes est  imjKJrtédu  Bengale.  La  vanille,  les  fibres  d'aloès,  l'huile  de  coco 
sont  parmi  les  denrées  d'exportation  qui  rapporlenl  le  plus  aux  jdanteurs. 

Des  chemins  de  fer  traversent  l'île',  unissant  la  ville  avec  les  princi- 
paux groupes  de  plantations  et  de  maisons  de  plaisance.  La  voie  du  nord- 
est  atteint,  à  une  dizaine  de  kilomètres,  les  habitations  sucrières  de  Pam- 
plemousse, près  desquelles  se  trouve  le  jardin  célèbre  que  le  naturaliste 
Poivre  fonda  en  1768  et  dont  il  fit  une  pépinière  pour  l'élève  de  plantes 
tropicales  :  ce  jardin  d'essai  existe  encore  et  quelques-unes  de  ses  allées 
sont  parmi  les  plus  belles  du  monde.  Pamplemousse,  ainsi  nommée  du 
citronnier  citrus  decumann,  est  le  site  où  Bernardin  de  Saint-Pierre  a 
fait  vivre  «  Paul  et  Virginie  »,  et  telle  est  la  puissance  de  l'illusion  évo- 
quée par  le  roman,  que  l'on  montre  aux  voyageurs  les  tombeaux  des  deux 
amants.  L'ile  d'Ambre,  environnée  d'écueils,  où  vint  se  briser  le  navire 
Saint-Gérnn,  comme  le  raconte  l'écrivain,  est  au  nord-est  de  Maurice. 

Un  autre  chemin  de  fer  qui,  au  sortir  de  Port-Louis,  se  dirige  vers  le 
sud-i'st  <à  travers  les  plaines  Wilhems,  est  celui  que  bordent  en  plus  grand 
nombre  les  villas  de  plaisance.  Le  village  de  Curepipe,  situé  presque  au 
centre  géométrique  de  l'île,  à  555  mètres  d'altitude,  précisément  sur  le 
seuil  de  partage  entre  les  deux  versants,  est  devenu  le  principal  sanatoire 
de  Maurice,  et  des  créoles,  fuyant  l'air  impur  du  littoral,  y  ont  en  foule 

'  Mouvement  des  navires  à  l'ort-Louis  en  ISiiO,  à  l'eulive  cl  n  h  sortie  : 

922  naviies,  jaugeant  692  270  loiiiies. 

-  Production  du  sucre  à  Maurice  en  t8().">  :  122452  tonnes. 

'■  Chemins  de  fer  de  Maurice  en  1886  :  1-48  kilomètres.  Bénéfice  net  :  870  000  lianes. 


MAURICE.  150 


établi  leur  résidence  :  c'est  tout  près  de  là,  au  sud,  que  s'ouvre  le  gracieux 
cratère  boisé,  d'une  profondeur  d'environ  100  mètres,  dit  le  «  Trou  du 
Cerf  »  ;  la  ferme  expérimentale  de  Curepipe  contenait  en  1887  douze  mille 
arbustes  à  thé  d'une  venue  parfaite'.  Sur  le  versant  oriental,  la  voie  maî- 
tresse du  chemin  de  fer  aboutit  à  Mahébourg,  l'un  des  villages  riverains 
du  grand  port  qu'avaient  choisi  les  premiers  colons  hollandais  pour  le 
mouillage  de  leurs  vaisseaux.  C'est  près  de  Mahébourg,  au  sud,  que  se 
trouve  la  falaise  percée  par  laquelle  les  vagues  s'élancent  en  un  superbe 
«  souffleur»  de  15  mètres  de  haut. 


Le  gouvernement  de  Maurice,  modifié  en  1884  et  1885,  n'a  rien  de 
démocratique.  Le  gouverneur  est  nommé  par  la  couronne,  de  même  que 
les  cinq  membres  du  conseil  exécutif.  Sur  les  vingt-sept  membres  du  con- 
seil législatif,  huit  le  sont  en  vertu  de  leur  charge,  neuf  sont  à  la  nomi- 
nation du  gouverneur  et  dix  sont  choisis  par  les  citoyens  qui  jouissent  d'un 
certain  revenu.  Dans  les  affaires  d'ordre  local  ou  financier,  le  vote  des 
membres  officiels  n'est  pas  compté  quand  celui  des  dix  membres  élus  est 
unanime.  Les  divisions  électorales  ou  districts  sont  au  nombre  de  neuf  : 
Port-Louis  (2  députés),  Pamplemousse,  Rivière-du-Rempart  (nord-est  de 
l'île),  Flacq  et  Grand-Port  (côte  orientale).  Savane  et  Rivière-Noire  (sud- 
ouest  de   l'île).   Plaines  Wilhems  et  Moka  (partie   centrale  de  Maurice). 

L'armée,  qui  se  composait  en  1887  de  445  hommes,  est  pour  une  moitié 
entretenue  par  la  Grande-Rretagne.  La  législation,  en  partie  française,  en 
partie  anglaise,  est  des  plus  compliquées  et  permet  d'éterniser  les  procès, 
au  grand  profit  des  avocats.  Il  n'y  a  point  de  religion  d'Etat*;  cependant  le 
gouvernement  subventionne  les  Eglises  catholiques  et  épiscopales,  celles-ci 
dans  une  proportion  plus  forte,  relativement  à  leur  nombre;  il  donne  aussi 
des  subsides  à  un  certain  nombre  d'écoles  %  d'ailleurs  bien  insuffisantes 

'  Afrique  explorée  et  civilisée,  avril  1887. 

-  Répiiitilion  (les  Mauriciens,  d'après  leurs  culles,  en  1881  : 

Mahométans,    Sivailes,  etc.    .    . 244  000 

Catholiques 108  000 

Protestants 8  000 

=  Écoles  de  Maurice  :  114.  Nombre  des  élèves  : 

Eu  1881.  En  1887. 

Élèves  catholiques  .      9  107  élèves,  soit  75  pour  100  ;  1 1  TO.'j  élèves,  soit  75  pour  100. 

I)      protestiints  .         998       )>         n     8         n  7Ô'2       »  U         « 

))      hindous   .    .      1746       I)         ..10         ..        )  '       .  .,. 

1       ■.  fio«  -  •'  '"       "         "  20         » 

»      mahométans         024       n         n      :»         »        ) 

1 2  475  élèves.  1  ."1  072  élèves 


IfiO  NOUVELLK  (lÉOCRAl'IllK   IMVEHSKLLK. 

pour  tous  les  enfants  de  l'île  ;  à  peine  un  ijuart  d'entre  eux  ret^'oivent 
l'instruction  primaire,  ilauiice  possède  plusieurs  sociétés  scientifiques 
et  littéraires,  entre  autres  une  société  pour  la  propagation  de  la  langue 
française.  Un  grand  nombre  de  journaux,  dont  six  quotidiens,  sont  pu- 
bliés à  Port-Louis. 

Le  budget  de  la  petite  île  est  très  considérable'  et  sert  à  payer  de  nom- 
breux fonctionnaires,  presque  tous  anglais  dans  les  hauts  grades;  les  em- 
ployés à  moindre  traitement  sont  en  majorité  créoles,  tandis  que  les 
humbles  places  sont  occupées  par  des  Hindous.  La  monnaie  officielle  de 
Maurice  est  la  roupie  hindoue,  égale  au  dixième  de  la  livre  sterling  ;  le  sys- 
tème métrique  est  obligatoire  depuis  1878. 

Les  îles  anglaises  de  l'océan  Indien,  à  l'exception  de  Sokotra,  mais  en  y 
comprenant  l'archipel  de  Tchagos  et  les  autres  îles  de  ces  parages  (|ui 
appartiennent  géographiquement  à  l'Inde,  dépendent  administrativement 
de  Maurice. 


I.  A   ni;t'MON. 

La  plus  grande  des  Mascareignes,  désignée  officiellement  «  île  de  la 
Réunion  »,  mais  connue  aussi  sous  son  ancienne  appellation  d(>  Bourbon, 
n'offre  pas  de  leri'aiiis  habitables  dans  (ouïe  son  étendue,  comme  l'île  rela- 
tivement plate  de  Maurice.  Par  sa  configuration  géographique,  celle  d'un 
ensemble  (hi  monts  et  de  plateaux  à  pentes  rapides,  bordé  d'une  lisière 
étroite  de  plaines  et  de  versants  doucement  inclinés,  la  Héunion  a  dû  res- 
ter presque  entièrement  déserte  dans  sa  partie  médiane;  elle  n'est  guère 
habitée  que  sur  une  zone  étroite  du  pourtour,  où  les  villes  et  les  villages 
se  succèdent  en  collier;  dans  la  haute  région  des  froidures  s'étendent 
toujours  de  vastes  solitudes.  L'île  a  gardé  son  as])ect  grandiose  et  la  ma- 
gnificence de  ses  horizons,  mais  elle  n'a  plus  les  lorcMs  (pii  descendaient 
jusqu'à  la  mer  et  qui  lui  avaient  valu  des  voyageurs  ra|)pellalion  d'Kden'. 

Tandis  ipie  Maurice  est  oiienlée  du  nord-est  au  sud-ouest,  la  Réunion  a 
son  axe  priiici|)al  dans  la  direction  du  nord-ouest  au  sud-esl,  et  c'est  dans 


'  r.iiil^'et  (le  Maurice  en  1881)  : 

Recettes 18  T.MKKIII  francs. 

Dépenses 211 OT.")  000       x 

Dcllc  |mbli(|nc 18  ti.")."  7."iO       « 

^  |tii|i|iri',  Di'sai/itidn  de  /'.4/'n'(/Hc;  —  bniv  de  Saiiil-ViiicenI,  iiiivraf^e  eilé. 


LA  RÉUNION.  \m 

ce  sens  que  se  succèdent  les  sommets.  D'étroites  plaines  d'alluvions  ou  île 
galets  se  montrent  à  l'issue  des  gorges,  mais  partout  ailleurs  les  escarpe- 
ments commencent  au  bord  de  la  mer  et  l'on  monte  par  des  pentes  régu- 
lières, sans  ressauts,  jusqu'aux  plateaux  qui  occupent  l'intérieur  de  l'iIe. 
Dans  la  partie  centrale  de  la  Réunion,  où  les  érosions  ont  le  moins  raviné 
les  terrains,  les  hautes  plaines  dépassent  1600  mètres  en  altitude;  en  cer- 
tains endroits  le  seuil  de  partage  entre  les  deux  versants  s'élève  à  plus  de 
2000  mètres.  Des  mornes,  des  pitons  se  dressent  au-dessus  des  crêtes.  Le 
massif  le  plus  élevé,  celui  des  Salazes,  ainsi  nommé  d'une  vague  ressem- 
blance de  forme  avec  les  salazes  ou  broches  en  bois  dont  les  Malgaches 
se  servent  pour  rôtir  la  viande,  est  dominé  par  le  Piton  des  Neiges. 
Chaque  année,  sauf  de  rares  exceptions,  des  lignes  blanches  de  flocons 
strient  le  cône  terminal  apparaissant  au-dessus  des  ravins  d'érosion  dans 
lesquels  s'écroulent  ses  talus  ;  sa  hauteur  actuelle  est  de  5069  mètres.  Un  des 
épaulemenls  septentrionaux  du  pilon  est  la  pyramide  régulière  de  Ciman- 
def  ou  «Bonnet  Pointu  )>,  qui  semble  le  point  culminant  de  l'île  (2226  mè- 
tres), quand  on  la  contourne  au  nord-ouest,  entre  Saint-Denis  et  Saint-Paul  '. 
Vers  l'extrémité  orientale  de  l'ile,  les  laves  se  relèvent  pour  former  un 
deuxième  massif,  dont  les  cimes  dépassent  2300  et  2400  mètres.  Soudain 
le  sol  s'affaisse,  et  l'on  se  trouve  au  bord  d'un  précipice  de  forme  semi- 
circulaire,  dit  le  «  Grand  Enclos  »,  qui  prolonge  ses  deux  remparts  exté- 
rieurs jus(ju'à  la  uier,  enfermant  complètement  dans  son  enceinte  le  vol- 
can du  «  Grand  Brûlé  >■>.  Cette  paroi  de  cirque,  ayant  en  moyenne  de 
250  à  500  mètres  de  hauteur,  et  ne  présentant  surtout  son  pourtour  qu'un 
petit  nombre  de  ravins  de  descente,  est  peut-être  unique  au  monde  par  son 
étonnante  régularité.  L'ensemble  du  cirque  n'a  pas  moins  de  96  kilomè- 
tres carrés  en  superficie  et  le  développement  du  mur  de  l'Enclos  est  de 
45  kilomètres  environ.  Il  est  probable  que  l'Enclos,  autrefois  circulaire, 
enfermait,  comme  le  Kilauea  d'IIavaïi,  un  lac  de  matières  fondues  et  bouil- 
lonnantes; puis  la  paroi  orientale  de  l'immense  cratère  fut  détruite  par 
les  coulées  de  lave,  qui  trouvèrent  de  ce  côté  des  points  de  moindre  résis- 
tance*. Il  se  peut  qu'il  y  ait  eu  aussi  des  effondrements  au-dessus  de  vides 
intérieurs  laissés  par  les  éruptions  :  à  l'ouest  du  «  Grantl  Enclos  >i,  on 
observe  également  de  longs  remparts,  qui  semblent  avoir  été  produits  |iar 
des  tassements;  enfin,  un  nouvel  <f  enclos  »  se  forme  depuis  quelques  an- 
nées, dans  l'enceinte  du  premier,  autour  du  cratère  central  '. 

•  Maillard,  Notes  sur  l'île  de  la  Réunion. 

-  Bory  de  Saint-Vincent,  ouvrage  cité  ;  —  Richard  von  Drasche,  mémoire  cité. 

'  E.  Trouetle,  Notes  manuscrites. 

xrv.  '21 


102 


NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


Le  bouillonnement  des  laves,  les  crevasses  du  sol  et  les  éruptions  modi- 
licnt  fi'équemment  l'aspecl  du  volcan,  et  les  cratères  actifs,  ainsi  que 
l'avaient  déjà  constaté  Hubert  etBory  de  Saint-Vincent,  ont  souvent  changé 
de  place.  Actuellement,  le  cratère  le  plus  élevé  (2623  mètres)  ou  «  piton 
Bory  »  n'est  pas  celui  qui  est  resté  en  communication  avec  le  foyer  des 
matières  en  fusion  :  c'est  une  coupe  à  fond  durci,  ayant  un  pourtour 
extérieur  d'environ  600  mètres.  La  cheminée  d'éruption,  dite  «  cratère 


S°   50.    LE    GniND    l!HfLÉ. 


Lbt    de   br-een  v  cH 


dapr-ea   Nic.lUrd 


Dolomien  »  ou  «  piton  de  la  Fournaise  )',qui  se  forma  on  1791',  est  d'une 
centaine  de  mètres  moins  haute  que  le  grand  cratère;  elle  se  termine  ])ar  un 
orifice  de  quatre  à  cinq  cents  mètres  de  tour,  d'où  s'échappent  coiislam- 
inont  (les  vapeurs  :  en  se  penchant  au  bord  du  puits,  on  aperçoit  la  nappe 
de  pierre  en  fusion  (jui,  au  contact  de  l'air,  se  recouvre  d'une  couche  brune, 
comme  d'un  couvercle  de  fer,  brisée  en  plaques  polygonales  par  la  lave 
rouge  et  bouillonnante.  Les  éruptions  sont  fréquentes  :  à  la  tin  du  siècle 
dernier,  elles  avaient  lieu  •<  au  moins  deux  fois  l'an  »';  de  1800  à  1800, 
M.  Maillard  en  énumère  une  vingtaine,  soit  une  en  moyenne  par  période 


'  PnpiiTs  (le  Josrpli  lliibcrl:  —  E.  Trourlle.  Noies  manuscvilcs. 
-  Rorv  (11'  Sainl-VinciMil.  (iiivrn^'c  cilc''. 


GKAND  BKULÉ,   CIROUES  D'ÉROSIOM.  163 

(le  trois  années,  et  (juelques-unos  de  ees  coulées  ont  été  fort  abondantes  : 
celle  de  ISB^,  qui  commença  aux  deux  tiers  de  la  hauteur  du  Grand- 
Brûlé,  descendit  jusqu'à  la  mei',  où  elle  forma  un  petit  promontoire.  Par- 
fois elles  sont  accompagnées  de  pluies  de  cendres  et  de  matières  diverses, 
entre  autres  de  ces  fds  ténus  d'obsidienne  que  les  insulaires  de  Havaii  a(>- 
l)ellenl  les  «  cheveux  de  la  déesse  Pélc'  »  ;  Bory  de  Saint-Vincent  en  vit  tout 
un  nuage  enveloppant  le  sommet  du  volcan.  En  maints  endroits  du  Grand 
Brûlé  des  voûtes  de  scories  dures  recouvrent  des  galeries  vides  par  les- 
quelles s'épanchèrent  jadis  des  laves  encore  fluides;  ce  n'est  donc  pas 
sans  danger  que  l'on  parcourt  les  pentes  du  volcan  :  la  chute  d'une  cou- 
pole brisée  peut  entraîner  le  voyageur  en  de  profondes  cavernes.  Vu  de  la 
mer,  le  Grand  Brûlé  n'est  pas  aussi  morne  d'aspect  que  son  nom  pourrait 
le  l'aire  supposer.  Des  îlots  de  forêts,  respectés  par  les  coulées  de  pierre, 
sont  épars  au  milieu  des  scories  ;  des  broussailles,  des  fougères,  et  çà  et 
là  quehjues  arbres  isolés  se  montrent  sur  les  laves  anciennes;  même  des 
cheires  récentes  ont  leur  vêtement  de  mousse;  la  végétation  essaye  par- 
tout de  reconquérir  l'espace  d'où  le  feu  l'avait  extirpée.  On  a  constaté  des 
traces  de  soulèvement,  jusqu'à  la  hauteur  de  80  mètres,  sur  les  côtes  sud- 
occidentales  de  la  Réunion,  où  d'anciennes  plages  coralligènes  se  montrent 
au-dessus  des  polypiers  du  littoral  actuel.  Les  récifs,  qui  entourent  com- 
plètement Maurice,  sont  assez  rares  sur  les  côtes  de  l'île  sœur,  à  cause  de 
la  l)rusque  |)rofondeur  des  mers  environnantes  ■. 

L'île  de  la  Réunion,  déjà  si  remar({uable  |iar  son  volcan,  est  en  outre 
une  des  terres  les  plus  intéressantes  de  l'Océan  par  les  prodigieux  cirques 
d'érosion  que  les  eaux  de  pluie  y  ont  creusés.  Dans  la  partie  occidentale  de 
l'île  se  sont  ouverts  trois  de  ces  énormes  entonnoirs,  séparés  les  uns  des 
autres  par  d'étroites  arêtes,  d'où  les  graviers  s'écoulent  en  nappes  sur  les 
deux  versants.  Une  butte  pyramidale,  épaulement  du  piton  des  Neiges, 
le  (îros  Morne,  se  dresse  au  centre  de  divergence  des  trois  gouffres  dis- 
posés en  forme  de  trèfle.  Au  sud-est  l'abîme  de  Cilaos,  où  viennent  s'unii' 
les  mille  ravins  qui  aboutissent  à  la  rivière  de  Saint-Etienne;  au  nord- 
ouest,  un  autre  cirque  profond,  celui  de  Mafate,  qui  donne  naissance  à  la 
rivière  des  Galets  ;  au  nord-est,  le  fond  de  Salazie,  où  serpentent  les  tor- 
lents  qui  forment  ensemble  la  rivière  du  Mal.  L'œuvi-e  d'érosion  n'a  pas 
nivelé  d'une  manière  égale  ces  profondes  cavités  :  entre  les  divers  torrents 
se  pi'olongent  des  arêtes  élevées,   et  même  des  montagnes  isolées,  telles 


'  Rochon,  Voijayc  h  Miulayascar:  —  liory  Jo  !?;iiiU-Vincenl,  ouviaye  cilé. 
-  Ricliard  von  Diasclie,  uiéraoiie  cité. 


IGl 


NOUVELLE   (lÉOGRAPIlIE   IMVERSELLi:. 


<liie  le  Piton  d'Enchcin  (15(31  inèlres),  ainsi  nommé  d'un  nègre  marron 
qui  y  vécut  quatorze  ans,  redressent  leurs  escarpements  au  centre  des 
plaines  ravinées;  quelques  petits  lacs,  ou  plutôt  des  mares,  emplissent  les 
creux  en  amont  des  éboulis.  En  outre,  chacun  des  trois  cinpies  a  sa  source 
thermale;  celle  de  Cilaos  apparaît  en  plusieurs  filets  d'eau  chaude  qui 
s'élancent  et  donnent  aux  ruisseaux  une  température  plus  élevée  que  celle 


LES    TROIS    Cmul'ES    D  KnOSION. 


I  tel  ^ 


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\.    ^ 


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Uap  Via 


de  l'air  ambiant.  La  source  du  cirque  de  Salazie  est  la  plus  fréquentée; 
celle  du  cirque  de  Mafate,  très  riche  en  soufre,  est  la  plus  el'licace,  quoi- 
que la  moins  visitée  à  cause  de  la  difficulté  des  chemins;  celle  de  Cilaos 
est  de  beaucoup  la  plus  abondante.  Avec  tous  ses  petits  afflueiils,  elle 
forme  un  véritable  ruisseau  de  trois  litres  par  seconde  :  il  siillil,  (piaiid 
on  veut  se  baigner,  de  creuser  un  trou  dans  le  sable  el  d'allendre  que 
l'eau  de  percolalion  l'ait  rempli. 


RIVIÈRES  DE   L.\  RÉUNION.  Irt? 

Far  la  disposition  de  leurs  bassins,  les  rivières  de  la  Réunion,  alimen- 
tées, au  vent  par  des  averses  très  abondantes  et,  sous  le  vent,  par  des  pluies 
beaucoup  moins  fortes,  peuvent  être  considérées  comme  offrant  le  type  de 
torrents  alpins,  démolissant  à  l'amont,  reconstruisant  à  l'aval.  Dans  la 
partie  supérieure  du  bassin, cha(jue  ruisselet  érode  et  creuse;  puis,  à  leur 
sortie  du  cirque,  unies  en  un  seul  canal,  les  eaux  s'engagent  dans  une 
étroite  cluse,  pour  s'étaler,  dans  le  voisinage  de  la  mer,  en  un  large  champ 
de  galets,  oii  s'accumulent  les  débris  apportés  de  la  montagne.  Un  peut 
juger  de  la  puissance  d'érosion  de  ces  torrents  par  le  vide  que  représente 
chaque  cirque  dans  l'épaisseur  du  plateau  :  celui  de  Salazie  a  perdu  ainsi, 
par  l'action  des  eaux,  une  masse  de  terre  au  moins  égale  à  80000  mil- 
lions de  mètres,  soit  à  80  kilomètres  cubes.  Et  cette  puissance  d'érosion 
ne  peut  que  s'accroître  par  le  déboisement  des  montagnes  :  l'homme  tra- 
vaille à  transformer  son  île  si  fertile  en  une  roche  nue.  La  terre  végétale 
des  pentes  est  emportée  vers  la  mer,  et  parfois  des  pans  entiers  de  débris 
s'écroulent  d'un  coup  :  les  talus  de  cendres  rejetés  par  d'anciennes  explo- 
sions s'affaissent  en  bloc,  délayés  par  les  pluies.  En  1875,  une  seule  cou- 
lée de  débris,  qui  tomba  sur  le  hameau  de  Grand-Sable,  recouvrit  un  espace 
de  150  hectares  sur  une  épaisseur  de  40  à  00  mètres. 

Les  petits  bambous  {bamlmm  ulpina)  connus  sous  le  nom  de  «  ca- 
lumets »  forment  sur  le  flanc  des  montagnes  une  zone  de  végétation 
limitée  d'une  manière  assez  précise,  de  1400  à  1500  mètres,  pour  qu'elle 
puisse  servir  aux  créoles  de  mesure  d'altitude.  Afin  de  donner  une  idée  de 
la  hauteur  à  laquelle  il  est  parvenu,  le  chasseur  dit  à  combien  d'heures 
ou  de  minutes  il  se  trouvait  «  au-dessus»  ou  «  au-dessous  des  calumets  ». 
Plus  haut,  les  plateaux  et  les  sommets  sont  en  partie  couverts  d'amba- 
villes  [luibertia),  grands  arbustes  au  Ironc  noueux  et  tordu  qui  se  divise  en 
une  foule  de  rameaux  glabres  portant  des  corymbes  de  fleurs  jaunes. 


De  même  que  Maurice,  la  Réunion  a  pour  industrie  principale  la  cul- 
ture de  la  canne  et  la  fabrication  du  sucre  et  du  rhum.  Peut-être  indi- 
gène, la  canne  à  sucre  n'est  guère  cultivée  en  grand  que  depuis  le 
rétablissement  de  la  paix,  après  les  guerres  de  l'Empire;  mais  elle  a  peu  à 
|)eu  rem|)lacé  toutes  les  autres  cultures  sur  la  zone  du  littoral,  jusqu'.'i 
l'altitude  de  800  à  1000  mètres';  la  production  annuelle  varie  de  30  000 
à  40000  tonnes,  après  avoir  été  jadis  de   60  000;  mais  le  prix  de   la 

'  Miiillanl,  (Mivrn''('  cilc. 


168  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

main-d'œuvre,  les  maladies  de  la  canne  et  la  concurrence  du  sucre  de  bet- 
terave empêchent  l'industrie  sucrière  de  prospérer  à  la  Réunion  et  de  nom- 
breuses usines  ont  été  saisies  par  les  prêteurs.  Au  siècle  dernier,  le  café 
était  la  principale  denrée  de  Bourbon,  oîi  déjà  l'on  avait  découvert  une 
espèce  indigène  de  cafier  (roffea  mauriciana);  mais  de  nos  jours  la  culture 
du  cafier  est  presque  entièrement  abandonnée  pour  la  canne  :  on  ne  pos- 
sède de  caféteries  importantes  que  dans  les  hauts  de  Saint-Leu  et  de 
Saint-Pierre';  celles  de  Salazie  donnent  des  produits  peu  estimés.  Le  gi- 
roflier, qui  contribua  jadis  à  enrichir  Bourbon,  a  cessé  d'être  cultivé  de- 
puis que  l'essence  de  girofle  n'est  plus  employée  dans  l'industrie  de  la  tein- 
ture; mais  la  vanille,  qu'un  noir  de  la  Réunion  réussit  le  premier  à 
féconder  artificiellement,  est  devenue  un  des  principaux  articles  d'expor- 
tation :  en  1887,  la  production  de  l'Ile  seule,  environ  75  000  kilogrammes, 
bien  supérieure  à  celle  de  tout  autre  pays,  aurait  suffi  pour  la  consom- 
mation de  l'Europe  entière'.  Le  cotonnier  n'est  pas  cultivé  et  la  cherté  de 
la  main-d'œuvre  est  trop  grande  pour  que  l'on  s'occupe  des  arbustes 
à  thé  de  Salazie  et  de  Saint-Leu,  dont  la  feuille,  un  peu  acre  d'abord, 
finit  par  acquérir,  dit-on,  un  arôme  d'une  grande  finesse.  Des  botanistes 
ont  aussi  parlé  d'introduire  dans  les  jardins  l'orchidée  faham  (cpidendron 
nvaUim),  plante  sauvage  des  montagnes  de  la  Réunion,  fort  a|ipréciée 
comme  succédané  du  thé.  On  a  également  essayé  la  vigne,  mais  sans  suc- 
cès. Enfin,  M.  Vinson  a  introduit  et  acclimaté  le  chinchona  dans  l'île  de 
la  Réunion,  notamment  dans  le  cirque  de  Salazie;  les  graines  et  les 
plantes  qu'il  a  distribuées  ont  permis  d'établir  des  pépinières  en  diverses 
parties  de  l'île,  et  en  1888  le  service  forestier  comptait  26  700  arbres  bien 
venus;  l'utilisation  de  l'écorce  a  déjà  commencé.  Cet  arbre  précieux  est 
d'autant  plus  utile  à  propager  qu'il  contribue  à  reconstituer  les  forèls  et  à 
retarder  le  ravinement  des  piMiles  par  les  pluies  d'orage.  On  a  fait  égale- 
ment (les  plantations  d'eucalyptus  pour  assainir  l'aii' et  prévenir  les  fièvres 
intermittentes. 

Comme  dans  l'île  sœur,  Maurice,  l'attribution  presque  exclusive  du  sol 
aux  cultures  industrielles,  a  eu  pour  conséquence  une  grande  disette  de 
«  vivres  j^  :  les  grains,  les  légumes,  les  fruits  ne  suffisent  jjIus,  malgré  la 
féciindilé  du  sol.  Les  hautes  vallées  de  l'intérieur,  où  l'on  cultive  surtout 
des  plantes  d'origine  européenne,  ont  encore  une  population  d'agricul- 
teurs trop  faible  pour  que  la  production  soit  considérable  et  les  pàtu- 


'  E.  Troupttc,  IS'otes  manuscrites. 

-  Journal  Madayuscar,  novembre  1887. 


CULTURES  DE  LA  REUNION.  lU'J 

rnges  do  la  «  plaine  )>  des  Cafres  ne  nourrissent  pas  assez  de  bestiaux 
pour  l'alimentalion  des  160  000  lialulants  de  l'ile  :  c'est  de  la  «  Grande 
Terre  »  ou  Madagascar  que  l'on  doit  [lour  une  très  forte  part  importer  les 
bœufs,  les  porcs,  la  volaille;  prescjue  tout  le  riz  provient  du  Bengale'. 
On  a  proposé  le  creusement  d'un  canal  de  ceinture  qui  contournerait  les 
flancs  des  montagnes  de  l'île,  à  l'altitude  d'environ  1000  mètres,  et  qui 
permettrait  d'arroser  à  volonté  les  terrains  des  pentes  inférieures  et 
d'accroître  ainsi  la  production  des  céréales.  Un  canal  de  ce  genre  existe 
déjà  au-dessus  de  Saint-Pierre,  dans  la  partie  méridionale  de  l'ile,  mais 
les  rigoles  qu'on  en  dérive  servent  surtout  aux  cultures  industrielles  des 
grands  propriétaires. 

En  effet,  la  Réunion  n'est  pas  un  pays  de  petite  propriété,  malgré  les 
facilités  qu'auraient  les  cultivateurs  à  vivre  dans  l'aisance  sur  un  étroit 
lopin  de  terre.  De  très  vastes  domaines  se  sont  constitués,  surtout  depuis 
l'extension  de  l'industrie  sucrière,  et  l'on  cite  une  commune,  Saint- 
Philippe,  d'ailleurs  couverte  en  partie  de  laves  incultivables,  où  les  trois 
quarts  du  sol  sont  accaparés  par  deux  individus.  La  proportion  des  «  pe- 
tits blancs  »  exclus  de  leur  part  de  propriété  est  très  considérable,  la  vie 
indépendante  devient  pour  eux  de  plus  en  plus  difficile  et  ils  sont  obligés 
de  se  presser  dans  les  villes  pour  accroître  le  nombre  des  parasites.  Du 
reste,  la  configuration  géographique  de  l'île  avait  été  mise  à  profit  par  les 
concessionnaires  de  domaines  :  les  propriétés  n'étant  limitées  que  de  trois 
côtés,  en  face  par  la  mer,  et  latéralement  par  deux  ravins  parallèles,  le 
reste  de  la  concession  était  censé  s'étendre  d'escarpement  en  escarpe- 
ment jusqu'au  seuil  de  partage  entre  les  deux  versants.  Lors  d'un  héritage, 
la  propriété  se  divisait  longitudinalement,  de  la  mer  à  la  montagne,  et 
tel  domaine  morcelé  se  composait  à  la  fin  d'une  série  de  rubans  ayant 
une  vingtaine  de  mètres  en  largeur  et  plusieurs  lieues  en  longueur'.  Pour 
exploiter  son  champ  d'un  bout  à  l'autre,  chaque  proprétaire  aurait  dû 
construire  une  route  en  lacets  occupant  presque  tout  l'espace  qui  lui  était 
attribué.  Ce  mode  de  division  territoriale  devait  entraîner  de  continuelles 
disputes   et  des  procès  qui  se  terminaient  par  le  monopole  du  fort  et 

Surface  des  cultures  à  la  Réunion  en  188G  :  ( 

Ctiamps  tle  canne 34  500  liectares. 

Cafélei'ies 4  3 jO       » 

VaniUeries 3  300       )) 

Champs  de  «  vivres  » 9  400       » 

Autres  cultures 8  450       » 

(Blciiulel,  //(■  de  la  Rcwiioii,  Société  de  Géographie,  6  avril  1888.) 
-  Thomas  ;  —  Maillard,  ouvrage  cité. 

XIV.  22 


170  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

la  ruine  du  foible  :  seulement  quelques  «  îlettes  »  des  hautes  vallées, 
espaces  bie»  délimités  naturellement  par  des  ravins,  ont  pu  échapper  aux 
grands  propriétaires. 

L'industrie  manufacturière  est  presque  nulle  à  la  Réunion,  les  habitants 
n'ayant  aucun  intérêt  à  payer  chèrement  des  objets  de  fabrication  locale 
que  l'on  peut  acheter  meilleurs  et  à  moindre  prix  venant  de  France;  on 
importe  même  d'Europe  de  la  chaux  et  des  briipies  pour  les  constructions; 
les  couches  inépuisables  de  fer  titane  que  vient  déposer  le  flot  sur  les 
plages  de  Saint-Leu  ne  sont  pas  utilisées,  quoique  ces  sables  renferment 
en  moyenne  plus  de  50  pour  100  de  mêlai  j)ur.  Les  ouvriers  ne  s'occupent 
guère  que  des  métiers  relatifs  à  la  consommation  locale  et  à  l'industrie  de 
la  canne  :  c'est  ainsi  que  l'on  tresse  par  centaines  de  mille  des  sacs  en 
lanières  de  pandanus  vacoa  pour  le  transport  du  sucre.  Quelques  char- 
pentiers de  navires,  dans  les  villes  de  commerce,  travaillent  aussi  à  la 
réparation  cl  même  à  la  construction  des  chaloupes  et  d'autres  bâtiments. 
La  Réunion  possède  une  petite  flotte  de  commerce  sortant  de  ses  chantiers 
et  montée  par  ses  marins.  Cependant  presque  tout  le  commerce  extérieur 
de  File  se  fait  par  des  navires  framjais,  surtout  par  les  paquebots  employés 
au  service  régulier  de  Madagascar'. 


La  ca[)itale  actuelle  de  l'ile,  Saint-Denis,  n'est  pas  le  plus  ancien  éta- 
blissement des  colons  français  :  les  pionniers  venus  du  Fort-Dauphin 
avaient  fait  leurs  premiers  défrichements  à  Saint-Paul,  à  l'ouest  de  la 
grande  falaise  qui  forme  la  |)arlie  nord-occidentale  de  l'ile.  Saint-Denis, 
percée  de  rues  régulières,  est  une  belle  cité  d'une  quarantaine  de  mille 
habitants,  bâtie  sur  la  pointe  la  plus  septentrionale  de  la  Réunion,  entre 
deux  rivières.  En  sa  qualité  de  capitale,  elle  a  les  principaux  édifices  de  la 
colonie,  palais  du  gouverneur  et  hôtel  de  ville,  caserne  monumentale  et 
hôpital,  lycée,  grandes  écoles  et  musée.  De  même  que  Port-Louis,  elle  a 
érigé  une  statue  à  Mahê  de  la  Bourdonnais  :  un  beau  jardin  botanique 
occupe  un  vaste  espace  au  centre  même  de  la  cité. 

Saint-Denis,  bâtie  au  vent  de  l'île,  sur  la  côte  exposée  aux  courants 
atmosphériques  de  l'est  et  du  sud-est,  occupe  un  des  endroits  de  la  Réu- 

'  Mouvement  coinnicici;il  île  la  Réunion  en  1886: 

Impoilation 28  123  000  francs. 

Exportation 17,  ÔI9  000       n    (sucre  :  8  500  000  francs.) 

Ensemble 41  442  000  francs. 


I 


lilililtiiilliziiillliiiiiitllijiili^ 


SAl.NT-DEMS,   SAl.ST-I'ALL. 


175 


iiion  les  plus  menacés  par  les  cyclones.  Quand  l'ouragan  s'annonce,  il  l'aul 
que  les  navires  s'enfuieni  aussiUjl  de  la  rade  vers  la  haute  mer;  fjuel- 
(piefdis  l'équipage  ne  se  donne  pas  le  temps  de  lever  l'ancre  :  on  brise  les 
chaînes,  et  on  laisse  le  capitaine  à  terre  quand,  par  aventure,  il  ne  se  trouve 
pas  à  son  bord  et  ne  peut  franchir  le  raz  de  marée  qui  précède  le  cyclone. 
A  peine  un  petit  port  ou  «  bnrachois  »  a-t-il  été  ménagé  au  nord  de 
Saint-Denis,    protégé   par   une  solide  jetée,   fort  élégante.   Cependant  la 


0    «iniNK    »    DE    SA 

d'après  une  iiholoprapliie 


■M.  P.  Miial.iiiicL 


ville  fait  quelque  commerce;  en  18.S6,  vingt-quatre  navires  sont  venus 
y  charger  ^ioOO  tonneaux  de  denrées,  dont  près  de  20  000  tonneaux 
de  sucre. 

Le  chef-lieu  ne  possédant  pour  son  trafic  qu'une  rade  périlleuse,  l'île 
a  dû  chercher  à  se  donner  un  bon  port.  Naguère  le  lieu  d'escale  le  moins 
redouté  de  la  côte  occidentale  était  le  bourg  de  Saint-Paul,  situé  à  46  ki- 
lomètres de  Saint-Denis,  <<  sous  lèvent  »,  au  bord  d'une  baie  en  demi- 
cercle,  que  protège  au  nord  la  ])éninsule  ti'iangulaire  de  la  Pointe  des 
Galets,  apportée  par  la    riviJ'rc  du  même  nom.  Mais  la  marine  de  Saiiil- 


Nouvelle  Gco^l■aullie  Liiivoiselle.  T.  XIV.  PI.  1" 


ILE  DE  LA  REUNION  :  SAINT-DENIS  ET  LE  PORT  DES  GALETS 


Hachette  et  C*.  Paris. 


^^ 


K-,1,.   (n...,n;^v„.|, 


\  :  112  000 


S.VIM-1'AIL,   l'OUT   I)i:s    CALKTS.   SAINT-l'lERRE. 


175 


travaux  d'arl,  ponts,  romblais  ol  tiiinicls  :  à  l'ouest  de  Saint-Denis,  le 
contour  (le  la  falaise  de  laves,  haute  d'une  centaine  de  mètres,  se  fait  jiai' 
une  série  de  souterrains  et  d'encoibidlenieiits. 

Les  villages  de  Saint-Joseph  et  de  Saint-Philijtpe,  sur  la  c(Me  méridio- 
nale, ne  sont  pas  assez  considérables  pour  qu'on  ait  continué  la  voie  feirée 
du  littoral  sur  leur  territoire.  Au  delà,  les  coulées  du  «  Grand-Brûlé  «  et  de 


N°   S.'.    SAlNT-PIERnE. 


Est    J.      Gn.en.    , 


I   •    12  0ijO 


plusieurs  .-  biùlés  »  latéraux  interrompent  la  zone  des  habitations  et  des 
cultures.  Sainte-Rose,  que  traverse  ensuite  la  grande  route  sur  la  côte, 
n'est,  comme  les  villages  du  sud,  qu'un  lieu  faiblement  peuplé.  Mais  plus 
loin  se  montre  Saint-Benoît,  qui  peut  prétendre  au  titre  de  ville  et  oîi  un 
beau  pont  franchit  la  rivière  des  Marsouins;  les  plantations  de  cette 
partie  du  littoral  ont  servi  de  jardins  d'essai  pour  le  reste  de  l'île.  La  voie 
ferrée  de  Saint-Benoît  passe  à  Bras-Panon,  —  un  des  rares  villages  de  l'île 
qui  par  leur  nom  ne  soient  pas  sous  le  patronage  d'un  saint,  — puis 


I7G  NÛliVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

au-dessous  de  la  longue  rue  de  Saint-André,  et  gagne  Saint-Denis  en 
traversant  les  deux  communes  de  Sainte-Suzanne  et  de  Sainte-Marie.  La 
grande  roule  qui  ceint  l'Ile  entière  de  son  ruban  sinueux  a  ''2ô2  kilo- 
mètres de  longueur.  Un  autre  chemin  de  ceinture,  non  terminé,  passe 
au-dessus  de  la  route  basse,  à  des  altitudes  variables  de  500  à  800  mètres. 
Enfin  diverses  rampes  s'élèvent  de  la  côte  vers  les  bassins  de  l'intérieur,  et 
de  Saint-Pierre  à  Saint-Benoit  une  voie  transversale,  dite  chemin  de  la 
Plaine,  parce  qu'elle  traverse  la  «  plaine  »  ou  plateau  des  Cafres,  franchit 
le  seuil  de  partage  entre  les  deux  versants  à  plus  de  1600  mètres  de  hau- 
teur'. L'accroissement  de  la  population  et  fréquemment  aussi  l'amour  de 
la  liberté  ont  fait  essaimer  vers  les  hauteurs  les  populations  du  littoral. 

Dans  l'étroite  vallée  de  Mafate  ou  de  l'Eau  «  Qui  tue  »,  ainsi  nommée 
par  les  nègres  malgaches  pour  la  mauvaise  odeur  de  sa  fontaine  sulfureuse, 
se  trouve,  à  plus  de  1500  mètres,  et  précisément  au-dessous  de  la  masse 
puissante  du  Gros-Morne,  un  plateau  d'une  extrême  fertilité,  auquel  on  ne 
pouvait  accéder  naguère  qu'au  moyen  d'une  échelle.  Cette  terrasse  si  dif- 
ficilement abordable,  dite  «  la  Nouvelle  »,  est  occupée  depuis  1848  par 
une  colonie  de  «  petits  blancs  »  qui  se  réfugièrent  avec  leurs  animaux 
dans  la  montagne,  pour  échapper  à  l'humiliation  de  porter  un  livret  de 
police,  bien  décidés  à  ne  pas  acquitter  d'impôts  «  tant  que  le  gouverneui' 
de  l'ile  ne  viendrait  pas  en  voiture  jusqu'à  leurs  maisons  ».  Les  deux 
cirques  de  Salazie  et  de  Cilaos  se  sont  également  peuplés,  d'abord  de 
nègres  marrons,  mais  qui  finirent  tous  par  redescendre,  puis  par  des  agri- 
culteurs sédentaires;  maintenant  quelques  malades  viennent  demander 
la  santé  aux  sources  thermales.  Salazie  {S12  mètres),  où  l'on  monte  par 
une  belle  l'oule  qui  s'élève  de  Saint-André  dans  les  gorges  de  la  rivièr(> 
du  Màt,  est  le  principal  sanaloire  civil  et  militaire  delà  Réujiion.  Au  sud 
de  Cilaos,  la  commune  importante  d'Entre-Deux  apparaît  sur  une  haute 
(errasse  entre  deux  |)rofonds  ravins. 


L'île  de  la  Réunion  est  représentée  en  France  par  un  sénateur  et  deux 
députés.  L'administration  locale  est  confiée  à  un  gouverneur  qui  dépend 
du  ministère  de  la  marine  et  qu'assiste  un  conseil  privé,  composé  des 
chefs  d'administration  et  de  deux  habitants  notables;  un  conseil  général 
élu  par  les  cantons  se  com|)ose  de  56  membres.  La  direction  des  affaires 
judiciaires  a|i|»artient  au  procureur  général.  La  mère  patrie  vote  un  sub- 

'  liiiiilcs  nalidiiiilcs  ilr  U  lirr.nidii  on  ISSi  :  51  4  kilonu'li'es. 


SAINT-ANDRÉ,   SALAZIE,   COli  VKKNKMK.NT   HE    LA   RÉUNION. 


177 


side  annuel  pour  l'entretien  des  fonctionnaires  et  des  troupes  de  gar- 
nison, —  de  trois  à  quatre  cents  hommes  en  moyenne,  —  mais  les 
impôts  directs  et  indirects  suffisent  pour  constituer  un  budget  local  assez 
élevé,  qui  doit  subvenir  aux  travaux  publics  et  à  l'instruction,  relati- 
vement très  développée  chez  les  blancs  et  les  gens  de  couleur'.  Les  mi- 
lices, peu  considérables,  s'exercent  rarement;  mais  dans  toutes  les  pé- 
riodes de  guerre  ou  de  danger  public  elles  se  sont  ra|)idement  constituées. 
Au  dernier  siècle,  des  compagnies  de  volontaires  bourboniens  ont  servi 
dans  l'Inde,  et  récemment  des  insulaires  de  la  Réunion  ont  pris  part  par 
centaines  à  l'occupation  des  ports  de  Madagascar'. 


L'île  se  divise  en  cantons,  subdivisés  en  communes,  dont  la  population 
est  comptée  en  bloc  dans  le  recensement  de  1887.  Cinq  d'entre  elles  ont 
plus  de  dix  mille  habitants,  ainsi  que  l'indique  le  tableau  suivant  : 


Partie  du  vest 

Partie  sous  le  ve\t  .    .    . 

CANTONS. 

COMMUNES. 

Saint-Denis 

Sainte-Suzanne    .    .    . 

Saint-Denis  (30  055  habitants). 
Sainte-Marie,  Sainte-Suzanne. 

Saint-Benoît 

Saint-Joseph 

Saint-Pierre 

Saint-Louis 

Saint-Paul 

Saint-Benoît  (11  337  hab.),  Sainle-Rose, 

Plaine  des  Palmistes. 
Saint-Joseph,  Saint-Philippe. 
Saint-Pierre  (24  618  hab.),  Entre-Deux. 
Saint-Louis  (17  866  hab.),  Saint-Leu. 
Saint-Paul  ('2.^073  hab.). 

Lycée  de  Saint-Denis 400  élèves. 

7  autres  établissements  d'enseignement  secondaire  et  157  éta-  » 

blissements  d'enseignement  primaire  (110   laïques,  47  con- 
gréganistes) HOll 


Ensemble' H  511  élèves. 

*  Budget  colonial  :  4  000  000  francs. 


25 


178  .NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


IV 


RODRICUES. 


A  une  époque  récente,  Rodrigues,  —  la  Diogo  Raïs  des  Portugais,  — 
était  considérée  comme  une  terre  distincte  des  Mascareignes  par  l'origine. 
Quoique  Bory  de  Saint-Yincent  et  d'autres  savants  eussent  déjà  classé 
Rodrigues  parmi  les  terres  volcaniques,  un  voyageur  l'avait  décrite  comme 
une  masse  de  granit  rouge  et  gris  recouverte  de  grès  et  de  calcaires  ',  et  cette 
description  erronée  avait  suffi  pour  qu'on  vît  dans  celle  terre  le  reste  du 
continent  «  lémurien  )i.  Toutefois  Rodrigues  n'est  point  formée  de  roches 
granitiques.  De  même  que  la  Réunion  et  Maurice,  c'est  un  amas  de  laves 
rejelées  du  sein  de  la  mer  et  l'on  y  voit  des  colonnades  basaltiques  gran- 
dioses, entre  autres  celles  du  Mont-Tonnerre,  colline  du  versant  septen- 
trional qui  s'élève  au-dessus  de  la  rivière  aux  Huîtres  :  les  fûts  de  colonnes 
y  dépassent  60  mètres".  L'île  de  laves  se  continue  dans  les  flots  par  des 
plateaux  de  récifs  percés  de  cavernes  qui  doublent,  el  au  delà,  la  superficie 
de  Rodrigues  et  ne  laissent  aux  embarcations  que  d'étroits  el  périlleux 
chenaux.  Mais  dans  ces  parages  on  n'a  pas  à  craindre  les  tempêtes  :  les 
vents  du  sud-est  soufflent  avec  une  grande  régidarité  et  l'île  est  trop  petite 
pour  être  frangée  de  brises  changeantes. 

Simple  dépendance  administrative  de  Maurice,  (|ui  la  l'ail  gouverner  par 
un  commissaire,  à  la  fois  chef  militaire  cl  magistrat,  Rodrigues  n'avait 
en  1(^80  qu'une  population  de  1780  habitants;  peuplée  dans  la  même 
proportion  que  Maurice,  elle  aurait  [)lus  de  vingt  mille  résidents.  Formée  do 
l'oches  volcaniques  délitées,  naturellement  fertile,  abondante  en  eau  et  en 
fruits,  elle  était  jadis  couverte  de  forèls,  que  les  incendies  ont  détruites  :  on 
n'y  voit  \)\uh  que  des  broussailles  et  rà  et  là  des  massifs  de  pandanus 
vakoa.  L'île  ne  mérite  plus  le  nom  de  «  paradis  terrestre  »  que  lui  don- 
nait Le  Guat  à  la  fin  du  dix-septième  siècle;  toutefois  elle  pourrait  nour- 
rir facilement  des  foules  pressées  de  colons.  D'ailleurs  ses  productions, 
haricots,  maïs,  fruits,  poisson,  bétail,  sont  exportées  en  quantité  pour 
Maurice  du  petit  havre  septentrional  de  l'île,  Port-Maihurin  ;  Rodrigues 
contribue  pour  une  jiart  notable  à  l'alimenta  lion  des  travailleurs  mauri- 
ciens. Mais  les  tortues,  qui  au  commencement  du  dix-huitième  siècle  pul- 


lligj;in,  PrncccdiiKjs  uf  llic  R.  (ri'tKjrnpIiicnl  Sorielij,  IS'iO. 

VVhartoii,  flijdioyidplnc  Oflicr,  JSTli;  — Rehiii,  Pelermaini's  Milllicilunyeii,  ISSU. 


RODRIGUES. 


179 


hilaient  sur  les  bancs  de  Rocirigucs,  ont  complèlomoni  disparu  :  l'ilo  (''tnit 
alors  comme.  un«  garde-manger  »  où  l'on  puisait  sans  discrétion,  comme 
si  les  ressources  étaient  inépuisables.  Vers  1700,  quatre  petits  bàliments 


Est  de  Pan3 


63° 20- 


Est  de  Greenw.ch 


d'après   Wharton  C    Perron 

/taches  çu,  coui'rent       Ûe0à25^  a'e2Sà50'^-       .c'cSÛÀ/ÛOT'    cj/c /OO ""et 6}u-a'^'/à 

et  c^ècoi/i^f^erc 


I       13Ï  000 


affectés  au    service   des  vivres  transportèrent    de    Rodrigues  à    l'île  de 
France  trente  mille  tortues  en  dix-huit  mois. 

Visitée  à  plusieurs  reprises  par  Portugais  et  Hollandais,  Rodrigues  fut 
habitée  pour  la  première  fois  d'une  manière  permanente  par  le  réfugié 
protestant  Le  Guat,  qui  y  résida  plus  de  deux  ans,  de  1691  à  1693,  avec 
sept  compagnons.  Aux  temps  de  l'esclavage,  une  population  de  noirs  assez 


180  NOUVELLE   GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

coiisidéi'abk'  travaillait  sur  les  plantations  de  l'île;  mais  depuis  l'éinauci- 
pation  de  nombreux  affranchis  ont  quitté  celte  terre,  isolée  au  milieu  des 
mers,  à  658  kilomètres  de  Maurice,  pour  rentrer  à  Port-Louis,  le  centre 
de  la  civilisation  dans  l'océan  des  Indes.  En  1843,  Rodrigues  n'avait  plus 
que  250  habitants  ;  elle  se  repeuple  maintenant  de  travailleurs,  presque 
tous  noirs,  qui  défrichent  les  coteaux.  Il  ne  s'y  trouve  que  deux  villages, 
le  havre,  Port-Mathurin,  et  dans  l'intérieur,  Gabriel,  près  de  la  cime  cul- 
minante de  l'ile,  le  Limon,  haut  de  400  mètres.  Sur  le  versant  méridio- 
nal de  Rodrigues  se  voient,  à  diverses  hauteurs,  d'anciennes  plages  coral- 
ligènes  percées  de  cavernes  :  dans  une  de  ces  grottes  on  a  découvert  des 
ossements  du  pezopliopa  ou  solitaire  et  d'autres  oiseaux  appartenant  à  des 
espèces  disparues. 

Pendant  les  guerres  de  l'Empire,  Rodrigues  eut  une  grande  importance 
stratégique.  C'est  à  l'abri  de  cette  île,  dont  ils  s'étaient  emparés  sans  peine, 
que  les  Anglais,  après  avoir  organisé  leurs  expéditions  dans  l'Inde,  trou- 
vèrent leur  point  de  ralliement  contir  Maurice  et  qu'ils  établirent  leurs 
hôpitaux  pour  les  blessés. 


ILES    KEELIiVG. 

Pour  trouver  d'autres  îles  au  delà  de  Rodrigues,  c'est  à  des  milliers  de 
kilomètres  (pi'il  faut  cingler  à  travers  l'océan  des  Indes;  les  navires  ont 
à  pointer  dans  la  direction  de  Java  contre  le  vent  et  la  houle  pour  atteindre, 
à  5800  kilomètres  de  distance,  l'archipel  circulaire  des  îles  Keeling,  ainsi 
nommées  d'après  l'Anglais  qui  les  découvrit  en  1609.  Les  cocotiers  qui 
décrivent  sur  les  plages  émergées  leur  cercle  de  verdure  leur  ont  aussi 
valu  l'appellation  d'île  des  Cocos  {Cocos  Islands). 

Ouoi(ine  situé  à  un  millier  de  kilomètres  du  détroit  de  la  Sonde,  l'ar- 
chipel de  Keeling  doit  probablement  son  origine  aux  mouvements  terres- 
tres qui  se  sont  produits  dans  la  formation  des  îles  asiatiques,  car  il  se 
trouve  précisément  en  face  de  la  déchirure  qui  sépare  Java  et  Sumatra  et 
des  volcans  qui  se  di'essent  au  milieu  du  détroit.  Il  est  à  présumer  que  les 
îles  Keeling  sont  portées  par  un  socle  volcanique  s'élevant  du  fond  des 
abîmes  :  à  2  kilomètres  de  l'entrée,  Fitzroy  ne  put  atteindre  le  lit  marin 
avec  une  sonde  de  2195  mètres;  les  pentes  immergées  du  plateau  offrent 
donc  une  inclinaison  qui  ne  peut  guère  être  inférieure  à  45  degrés.  On 
sait  que  l'aloll  des  îles  Keeling,  visité  par  Diirwin  en  1856,  est  devenu 
dans  la  littéi-aUii'e  géograpbi(|ue  un   des  exemples  l(>s  |)lus  fré(|uemment 


RODRIGIES,   ILES  KEELI.NG. 


181 


cités  en  faveur  de  la  théorie  iiifiénieuse  des  abaissements  et  des  soulève- 
ments du  l'oiH^  marin,  imaginée  jtar  le  grand    naturaliste,  ]yes  ilols  de 


:lk>  Kt;i;i.i_\G. 


Est   de   Greenwich 


d'àpre^.fiiz-Hcy 


Sabfesetrvcfies /fuicouv"'    OeOàPO' 
et  c/écou  y^ent. 


P^O  /Ç7y-7i3<f ^  r^ 


I   :  153  000 


Keeling  auraient  été  les  créneaux  de  la  haute  tour  de  corail  lentement  éri- 
gée par  les  polypes  ;»  mesure  que  la  base  descendait  plus  profondément 
sous  les  flots'.  Depuis  que  la  première  carte  de  l'Ile  a  été  dressée,  on  a  ob- 


'  .4  Ndliirtilist's  Voiiiiçic  round  llw  Worlil. 


182  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

serve  des  phénomènes  d'exhaussement  :  les  plages  se  sont  élevées  et  agran- 
dies, des  chenaux  se  sont  fermés  et  des  lagons  où  voguaient  les  navires 
leur  sont  devenus  inaccessibles'. 

Interrompu  par  de  nombreuses  brèches  et  s'ouvrant  largement  vers  le 
nord,  l'atoll  se  compose  d'une  vingtaine  d'ilôts  allongés  occupant  ensemble, 
à  marée  haute,  un  espace  de  10  kilomètres  carrés.  Il  n'a  d'autre  flore 
spontanée  que  les  cocotiers  et  une  trentaine  d'autres  espèces,  arbres  et 
plantes,  dont  les  semences  ont  été  apportées  par  le  flot,  après  avoir  fait 
un  énorme  détour  avec  le  courant,  de  Java  en  Australie.  Mais  les  hommes 
ont  introduit  dans  l'archipel  de  nombreuses  plantes  alimentaires,  ainsi 
que  des  animaux  domestiques,  et,  malgré  eux,  des  rats,  qui  sont  devenus 
un  redoutable  fléau.  Le  premier  colon,  Hare,  s'établit  dans  les  îles  Keeling 
avec  une  centaine  d'esclaves.  Actuellement  l'archipel  est  une  grande  plan- 
tation, dont  le  propriétaire,  (|ui  est  en  même  temps  le  gouverneur,  emploie 
cinq  cents  Malais  à  l'exploitation  de  son  immense  palmeraie,  La  belle  pres- 
tance et  la  force  des  colons  témoignent  de  la  remarquable  salubrité  de 
l'atoll.  Tous  les  habitants  se  nourrissent  de  cocos,  les  hommes  aussi  bien 
que  les  porcs,  la  volaille  et  même  les  crabes.  L'eau  est  fournie  par  des 
puits  que  l'on  creuse  dans  le  sable  et  où  la  nappe,  d'origine  pluviale,  s'é- 
lève et  s'abaisse  avec  la  marée. 

Autrefois  l'atoll  était  considéré  comme  possession  néerlandaise  ;  mais 
l'Angleterre  s'en  empara  en  1856,  pour  le  rattacher  au  gouvernement  de 
Ceylan;  depuis  1886,  il  dépend  de  Singapour. 


L'île  triangulaire  de  Christmas  ou  de  Noèl,  située  à  400  kilomètres  au 
sud  de  la  côte  escarpée  de  Java,  surgit  du  fond  des  mers  comme  l'archipel 
de  Keeling  :  entre  ce  roc  et  la  grande  terre  la  sonde  a  trouvé  plus  de 
6000  mètres  «le  profondeur.  Cette  terre  isolée,  également  couverte  de  co- 
cotiers, n'est  point  un  atoll;  mais,  bordée  de  récifs  sur  prescpie  tout  son 
pourtour,  elle  se  compose  en  entier  de  calcaire  d'origine  corallienne. 
Trois  lignes  de  plages,  à  13  mètres,  à  45  mètres  et  à  Îj^  mètres,  semblent 
indiquer  trois  niveaux  successifs  d'émergence'. 


•  Ucnry  0.  Forbes,  Proceedings  of  tlic  R.  Gcoyriipliical  Socielij,  Deconiber  1879. 
2  Lister,  Nature,  December  29,  18S7 


ILliS  IvUELIM;,   CUKISTJIAS,   AMSTKIIDAM,   SAliNT-l'AUL. 


AMSTERDAM     ET    SAI.NT-PAIJL. 


Ces  doux  îles,  situées  dans  la  partie  méridionale  de  l'océan  Indien,  à  peu 
près  à  moitié  chemin  entre  le  cap  de  Bonne-Espérance  et  Adélaïde,  dans 
l'Australie  du  Sud,  sont  l'une  et  l'autre  des  amoncellements  de  roches 
éruptives  issues  des  profondeurs  de  la  mer  et  n'ayant  eu  aucun  rajiport 
d'origine  avec  d'autres  îles  :  ni  plantes,  ni  animaux,  ni  fossiles  ne  témoi- 
gnent d'une  ancienne  jonction  entre,  ces  amas  de  laves  et  les  Mascarei- 
gnes  ou  Madagascar;  à  moins  de  8  kilomètres  de  Saint-Paul,  on  trouve 
déjà  2450  mètres  de  profondeur  dans  la  mer,  tant  les  pentes  sous-marines 
sont  raides.  Même  les  deux  îles,  dressant  leurs  falaises  à  78  kilomètres  de 
distance,  diffèrent  heaucoup  l'une  de  l'autre  par  la  composition  de  leurs 
roches  et  très  probahlement  n'ont  jamais  été  réunies'.  Elles  sont  censées 
appartenir  politiquement  à  la  Grande-Bretagne;  cependant  des  i)ècheurs  de 
la  Réunion  en  ont  fait  souvent  une  île  française \  et  en  1845  une  compa- 
gnie commerciale  y  faisait  débar(iuer  une  garnison  pour  en  prendre  \ws- 
session  au  nom  de  la  France. 

Dans  son  voyage  de  retour  a|)rès  la  mort  de  Magalhàes,  El  Cano  j)assa 
(hius  le  voisinage  d'une  «  île  très  haute,  située  par  57  degrés  de  latitude 
méridionale,  paraissant  inhabitée,  sans  aucun  arbre  et  d'une  circon- 
férence d'environ  six  lieues  de  tour  »,  description  qui  convient  à  l'île 
appelée  plus  tard  la  Nouvelle-Amsterdam  ou  simplement  Amsterdam. 
Qui  découvrit  l'île  de  Saint-Paul?  On  l'ignore;  mais  un  portulan  du 
seizième  siècle  en  fait  déjà  mention.  Au  commencement  du  siècle  suivanl, 
les  navigateurs  hollandais  connaissent  bien  les  deux  îles,  et  van  Vlaming 
le  premier  y  aborda  en  1606.  Depuis  cette  époque,  elles  ont  été  fré(iuem- 
ment  visitées,  surtout  de  force,  par  des  naufragés,  et  dès  l'année  1841 
des  pêcheurs  et  chasseurs  d'otaries  s'établissaient  à  demeure  dans  l'île 
Saint-Paul.  Enfin  des  expéditions  scientifiques  ont  eu  lieu  dans  les  deux 
îles,  notamment  en  1874,  lorsque  des  savants  français,  venus  à  Sainl- 
Paul  pour  y  observer  le  passage  de  Vénus,  profitèrent  de  leur  séjour  pour 
étudier  la  structure  géologique  des  deux  masses  volcaniques  et  en  dresser 


'  Véhiin,  Mission  de.  Vile  fiainl-Piiiil. 

-  Ferdinand  von  Hochsteltcr,  Erdurnscjclunij  (1er  FroijnUr  u  Novara  ». 


184 


NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


la  carte  et  les  profils.  On  a  souvent  proposé  d'établir  un  point  de  relàehe 
à  Saint-Paul  sur  la  route  de  l'Australie;  mais  sous  celte  latitude,  qui  cor- 
respond pourlaiil  à  celle  de  Palerme  et  du  Pirée,  le  climat  est  tellement  iné- 


N^  r,;i.   —  ii,E  11  AMSTErui\>r. 


Est.de    Par, 


7/^3^'  Lst  de  Lireenwich 


D'apfès  Moucher  et  \ 


/^rjfor7i:/-ftvr^ 


i     90  000 


gai,  les  vents  d'ouest  souillent  si  IVéïiuemmenl  en  tempête,  et  les  îles 
offrent  si  peu  de  ressources,  outre  le  poisson,  ipie  tout  séjour  y  est  con- 
sidéré comme  un  douloureux  exil. 

La  plus  grande  île',  Amsterdam,  dont  le  moine  le  plus  élevé,  presque 


'  Su|ic'iiicio  irAiiisli'idiiiii  cl  tU'  S;iiiil-i'iiiil 

Aiiisteidiim 

Saint-l'aul 


iô  kiloiiii'lros  carrés. 

7        »  » 


ILE   SAINT-PAUL.  185 

toujours  environné  de  brumes,  atteint  911  mètres,  a  la  forme  presque 
régulière  d'un  earré  long,  ayant  son  grand  axe  dirigé  dans  le  sens  du 
sud-est  au  nord-ouest  :  du  côté  de  l'ouest,  d'énormes  éboulements  ont  eu 
lieu  el  lies  falaises  de  800  mètres,  rayées  par  des  brouillards,  dominent 
les  brisants  écumeux,  où  ne  peuvent  que  rarement  se  hasarder  les  barques  ; 
des  oiseaux  tourbillonnent  par  myriades  autour  des  cavernes  qui  s'ou- 
vrent entre  les  assises  de  laves.  Le  sommet  de  l'ile,  atteint  par  de  rares 
visiteurs,  offre  un  plateau  tourbeux  parsemé  de  cônes  d'où  ont  coulé  des 
laves  :  une  végétation  pressée  de  roseaux  rend  en  maints  endroits  la  marche 
presque  impossible.  En  1792,  lors  du  passage  d'Entrecasteaux,  l'ile  était 
en  flammes  :  l'incendie  provenait-il,  comme  il  semble  probable,  de  la 
combustion  de  cette  forêt  de  «  calumets  >',  ou  bien  les  cratères  étaient- 
ils  alors  en  pleine  éruption  ?  Aciuellement  l'Ile  d'Amsterdam  est  en  re- 
pos :  on  n'y  voit  ni  soupiraux  de  laves,  ni  fumerolles. 

Saint-Paul,  cinq  ou  six  fois  moindre  en  étendue  que  l'île  d'Amsterdam, 
est  un  type  de  volcan  maritime  ébréché  :  peu  de  cratères  où  pénètrent  les 
vagues  présentent  une  forme  plus  régulière.  La  coupe,  d'une  rondeur 
presque  parfaite,  qui  échancre  la  côte  nord-orientale  de  l'ile,  est  entourée 
d'escarpements  et  de  talus  que  termine  une  arèle  à  la  hauteur  de  250  à 
272  mètres.  Le  lac  d'eau  tranquille  enfei'mé  dans  le  cratère  forme  un 
vaste  port  ayant  au  centre  une  profondeur  de  (39  mètres,  mais  l'entrée  est 
barrée  par  deux  péninsules  de  débris  dont  la  houle  change  souvent  la 
forme  et  qu'elle  a  parfois  unie  en  jetée  continue,  fermant  tout  passage  aux 
navires.  La  pente  extérieure  s'incline  régulièrement  sur  tout  le  pourtour 
de  l'île,  interrompue  çà  et  là  par  quelques  cônes  de  scories  et  coupée  brus- 
quement en  falaise  au-dessus  des  flots.  Sur  le  rivage  du  lac  intérieur,  des 
sources  thermales  jaillissent  en  abondance  :  il  sufiit  même  de  déblayer  un 
peu  le  sable  pour  y  voir  s'amasser  l'eau  chaude  et  les  pêcheurs  peuvent 
d'un  même  coup  de  ligne  prendre  le  poisson  et  le  jeter  dans  la  marmite. 
Les  parois  mêmes  qui  entourent  le  cratère  sont  percées  de  fumerolles  et  la 
température  y  est  assez  élevée  pour  que  des  sphaignes  et  des  lycopodes 
d'espèces  tropicales,  analogues  à  celles  que  l'on  rencontre  à  la  Réunion,  s'y 
pressent  en  draperies  verdoyantes,  el  que  de  petites  espèces  animales,  im- 
portées probablement  de  Maurice,  des  myriapodes,  une  blatte,  le  cancre- 
lat, y  vivent  en  dépit  des  froidures  de  l'ile.  Sur  les  pentes  opposées,  on  ne 
voit  que  des  roseaux  et  d'autres  plantes  indi(|uant  un  climat  beaucoup 
plus  froid. 

D'a|irès  les  descriptions  des  premiers  voyageurs,  comparées  à  celles 
des  explorateurs  modernes,  il  paraît  (pie  les  phénomènes  d'activité  volca- 
XIV.  24 


186 


NOUVELLK  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


nique  ont  notanlemcnt  diminué  :  les  sources  thermales  seraient  moins 
chaudes,  les  fumerolles  moins  ahondantes,  les  espaces  brûlants  moins 
étendus.  En  outre,  l'île  diminue  en  surface  par  la  destruction  rapide  de 


De  0  à  D  iiielres.    De  5  à  50  jnélres     De  50  met.  e.\  au  cU-lù 


ses  rivages  .  parliiul  les  cijles  sont  lailh'es  en  falaises;  des  deux  côtés  de 
l'entrée  du  |)(>rl  des  IVaiimenIs  énormes  se  sont  détachés  du  volcan,  et 
quelques  îlots  superbes,  entre  autres  la  Ouille,  pyramide  aux  assises 
horizontales,  et  l'îlot  du  Nord,  colonnade  basaltique  en  forme  de  temple 
circulaire,  s'élèvent  au  milieu  des  vagues  roulant  vers  le  rivage. 


â 


i 


m 


ILES  SAINT-PAUL,   AMSTERDAM,   MA11I0>'.  189 

l>a  llorc  ne  se  compose  que  de  55  à  40  espèces  de  mousses  cl  lichens 
et  d'une  (juinzaine  de  végétaux  herl)acés.  Les  arbres  plantes  [)ar  les  pè- 
cheiu's  et  les  jjotaiiistes  des  diverses  expéditions  n'ont  pu  réussir.  Quant 
aux  plantes  maraichères,  telles  que  la  pomme  de  terre,  la  carotte,  l'oseille, 
elles  se  sont  maintenues,  mais  à  l'état  chétif  :  seul  le  chou  a  prospéré  d'une 
manière  étonnante  et  tend  à  prendre  des  dimensions  arborescentes.  On  a 
trouvé  quelques  papillons,  et  même  une  abeille.  Les  coquilles  terrestres 
man([uenl  complètement.  Les  cochons  lâchés  autrefois  dans  l'île  y  ont  vécu 
lin  petit  nombre  d'années,  mais  les  chats,  les  souris  et  les  rats  ont  résisté 
au  climat  :  x  réunis  par  le  malheur  »,  ils  gîtent  en  bonne  intelligence 
dans  les  mêmes  retraites '.Amsterdam,  moins  étudiée  que  Saint-Paul  parce 
qu'elle  est  moins  accessible,  paraît  avoir  une  flore  et  une  faune  plus  consi- 
dérables :  on  y  trouverait  même  un  ou  plusieurs  petits  quadrupèdes,  entre 
autres  une  belette.  L'expédition  francjaise  de  1874  y  découvrit,  sur  une  cin- 
quantaine de  plantes,  25  espèces  autochtones.  La  phylka  arborea,  arbuste 
qu'on  n'avait  observé  jusqu'alors  (|ue  dans  l'Atlantique,  sur  le  volcan 
Tristào  da  Gunha,  existe  dans  l'île  d'Amsterdam \ 


VI 

ILES     AUSTRALES. 

Plusieurs  groupes  d'îles  se  succèdent  de  l'ouest  à  l'est  dans  les  parages 
de  l'océan  Indien  que  les  courants  parsèment  de  glaces  flottantes;  mais  ces 
terres  froides,  entourées  de  brisants,  heurtées  par  des  vents  qui  soufflent 
en  tempête,  sont  trop  inhospitalières  pour  que  l'homme  ait  pu  s'y  faire 
une  patrie;  des  naufragés  y  ont  souvent  passé  de  mortelles  périodes  d'at- 
tente, scrutant  sans  cesse  l'horizon  à  la  recherche  d'une  voile  de  salut.  Des 
baleiniers  ont  aussi  fondé  des  campements  plus  ou  moins  durables  dans 
le  voisinage  des  pêcheries.  Situées  sur  la  route  maritime  de  la  Grande- 
Bretagne  à  l'Australie  méridionale,  dans  la  zone  des  grands  vents  d'ouest, 
ces  îles  sont  heureusement  bien  connues,  et  récemment,  en  1874,  elles 
ont  même  été  étudiées  avec  soin  par  les  naturalistes  du  ChoUemjer. 
Toutes  ces  terres  volcaniques  jaillissent  d'eaux  profondes  de  plus  de 
5000  mètres. 

L'île  de  Marion,  ainsi  nommée  d'après  celui  qui  la  découvrit  en   1771, 


'  (;ii.  Voliiin,  La  Faune  des  îles  Saint-Paul  el  Amslerdnm . 

-  Filliul  el  besclierel,  Journal  officiel  de  la  Républi(jue  française,  "i'J  ocIoImc  1875. 


190  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

est  la  |jJus  haute  du  groupe  occidental,  situé  à  plus  de  1200  kilomètres  au 
sud-est  du  cap  de  Bonne-Espérance'.  Entièrement  volcanique,  Marion 
dresse  sa  coupole  centrale  à  1280  mètres,  et  même  en  été,  au  mois  de 
décembre,  la  neige  recouvre  la  montagne  jusqu'à  500  mètres  au-dessus  du 
niveau  marin;  des  volcans  adventices  hérissent  comme  des  verrues  tout  le 
pourtour  du  grand  dôme,  et  des  talus  de  cendres  rouges,  çà  et  là  revêtus 
de  mousse,  descendent  jusqu'à  la  plage.  L'ile  du  Prince-Edouard,  ainsi 
désignée  par  Cook,  est  de  moitié  moins  élevée.  Les  Crozet,  également  décou- 
vertes par  Marion,  forment  un  archipel  de  plusieurs  îles,  dont  un  som- 
met, Possession-island,  dépasse  1500  mètres.  L'île  des  Porcs  (Hog-island), 
sur  laquelle  un  capitaine  anglais,  avait  lâché  des  cochons  pour  approvi- 
sionner les  baleinières  et  les  naufragés,  n'a  plus  de  ces  animaux;  mais  les 
lapins  y  vivent  par  myriades,  creusant  leurs  terriers  dans  les  scories  de 
laves'. 


Kerguelen,  la  grande  île  de  ces  parages,  approche  par  sa  côte  méridio- 
nale du  SO*"  degré  de  latitude.  Découverte  en  1772  par  le  capitaine  fran- 
çais dont  elle  porte  le  nom  et  visitée  de  nouveau  par  lui  l'année  suivante, 
cette  terre  fut  reconnue  comme  étant  «  certainement  une  île  >i'',  et  non 
pas  une  péninsule  du  grand  continent  austral  cherché  par  tous  les  naviga- 
teurs des  mers  du  sud.  Cook  fut  aussi,  en  1770,  l'un  des  explorateurs  de 
Kerguelen,  dont  il  voulut  changer  l'appellation  en  celle  de  «  Terre  de  la 
Désolation  ».  Elle  mérite  en  effet  ce  nom,  ainsi  qu'ont  pu  le  constater 
les  baleiniers,  puis  les  voyageurs  du  CiutUcwjer,  et  l'année  suivante  les 
membres  des  expéditions  anglaise,  américaine  et  allemande  (pii  vinrent 
y  observer  le  j)assage  de  Ténus.  Entourée  de  ses  trois  cents  îles,  îlots  ou 
rochers,  Kerguelen  était  jadis  de  l'abord  le  plus  difficile  pour  les  navires 
à  voiles;  cependant  elle  offre,  principalement  sur  sa  côte  orientale,  un 
grand  nombre  de  baies  et  de  criques  profondes  où  peuvent  s'abriter  les 
bâtiments,  après  avoir  franchi  les  passes.  Par  les  indentations  de  ses  ri- 
vages, Kerguelen  offre  déjà  cette  formation  des  fjoi'ds  t[\w  l'on  remarque 


'  Supcrficio  (les  yioiipos  insuliilres  : 

Marion  ot  l'rinoc-ÉiloiKud 4 l.j  kilomolics  canes,  d'apivs  Relim  et  Wagner. 

Crozet ,")23           »             »                       » 

Kerguelen  et  îles  voisines 4  450           ii              »       d'après  G.  l'eirim. 

Heard  et  Mac-Donald 440           d              »      d'après  Behiii  et  Wagner. 

-  Nares,  Expédition  of  lltc  ClHilleiujcr. 

'  De  Kerguelen,  Relalioii  de  Deux  Voyages  dans  les  nieis  Auslidles  et  des  Indes. 


ILES   MARION.   CROZET,   KERGUELEN. 


19d 


sur  les  côtes  des  terres  voisines  du   cercle  [tolaire,  jadis  complètement 
envahies  par  les  glaces. 

Les  montagnes  de  Kerguelen,  toutes  i'ormées  de  roches  volcaniipies,  en 
terrasses  ou  en  colonnades,  ne  sont  pas  disposées  suivant  des  alignements 
réguliers,  quoique  dans  l'ensemble  l'axe  d'élévation  soit  dans  la  direction 


N'   57.    KERGUtlLKN 


Est     Je   Ta.,. 


Est  de  G, 


P/-o/'om:3feur'j 


4^eOà50^: 


t  :  isonooo 


c/c  WO  ""et du  'c/e/â 


du  nord-ouest  au  sud-est.  D'après  les  baleiniers,  le  foyer  souterrain 
de  Kerguelen  serait  encore  brûlant  :  au  sud-ouest,  une  montagne  lance- 
rait des  vapeurs'.  Le  sonimcl  le  ])Ius  haut  mesuré  jusqu'ici  est  le  mont 
Ross  (1(S63  mètres),  situé  près  de  l'extrémité  méridionale  de  l'île;  sur  la 
péninsule  de  l'est,  le  mont  Crozier  atteint  990  mètres,  et  le  Wyville  Thom- 
son de  la  péninsule  sud-orientale  s'élève  à  965  mètres.  Des  glaciers  s'é- 
panchent des  cirques  supérieurs  de  la  montagne  et  au  moins  en  un  en- 


'  StiuliT,  Geotirnpliisclie  Gescllschaft  iii  Boni.  27  nkldljer  1S8I. 


192  NOUVKLLE  GÉOliRA  l'UIE   LNIVERSELLE. 

droit  de  la  côto  ocfideulalc  dt^sccndcnl  jusqu'au  Innd  de  la  mor.  A  l'ouesl 
les  neiges  et  les  glaces,  qui  recouvrent  rintérieur  de  l'île  et  qui  se  con- 
fondent pour  les  marins  avec  les  blanches  assises  des  nuages,  ne  permet- 
tent guère  de  reconnaître  les  cratères,  les  crevasses  et  les  coulées;  mais 
dans  le  voisinage  du  littoral  se  montrent  de  nombreux  volcans  à  la  coupe 
terminale  emplie  de  neige  ou  d'eau.  La  côte  orientale,  celle  qui  est  tournée 
vers  le  beau  temps,  reçoit  moins  d'humidité,  et  la  ligne  des  neiges  s'y 
arrête  en  moyenne  à  500  mètres  au-dessus  de  la  mer.  A  une  époque  an- 
térieure, le  climat  de  l'île  fut  très  différent,  car  les  schistes  argileux  des 
vallées  recouvrent  çà  et  là  du  bois  fossile  dans  tous  les  états  de  trans- 
formation, ici  presque  frais,  ailleurs  à  demi  pétrifié  ou  même  silice 
pure;  en  outre,  on  rencontre  dans  les  creux  du  basalte  des  couches  de 
charbon,  d'une  épaisseur  qui  varie  d'un  mètre  à  quelques  décimètres  et 
que  recouvrent  des  coulées  plus  récentes  :  ces  gisements  sont  en  si  grand 
nombre,  que  l'on  s'est  demandé  si  on  pourrait  les  exploiter  et  faire  de 
Kerguelen  im  dépôt  de  charbon,  sur  la  voie  maritime  de  l'Angleterre  à 
l'Australie'.  Cette  possession  française,  inutile  aujourd'hui,  prendrait  alors 
une  certaine  importance  commerciale.  Il  est  certain  qu'on  pourrait  aussi 
y  élever  du  bétail;  des  moutons  qu'y  débarqua  l'expédition  de  Ross  pen- 
dant les  mois  d'hiver  y  réussirent  parfaitement;  d'ailleurs  les  îles  Falkland, 
dont  le  climat  est  le  même  que  celui  de  Kerguelen  et  qui  ont  une  faune  et 
une  flore  analogues,  sont  un  excellent  pays  d'élevage  pour  les  bichis. 

Le  climat  actuel  de  Kerguelen  est  très  égal,  différant  à  peine  de  l'hiver 
à  l'été,  mais  humide  et  froid  :  d'après  Studer,  l'écart  de  température  est 
de  10  degrés  seulement,  de  0  en  hiver  à  10  degrés  en  été,  et  la  moyenne 
est  de  4  degrés.  On  peut  dire  que  dans  cette  île  le  vent  souffle  «■  tou- 
jours »  en  tempête  du  nord  ou  de  l'ouest,  souvent  avec  accompagne- 
ment de  grêle,  de  neige  et  de  jduie,  mais  aussi  par  un  l)eau  ciel  clair. 
Oiielquefois  ce  vent  est  déplacé  par  des  orages  venus  du  nord-est  et  por- 
tant des  pluies  abondantes,  des  brouillards  et  une  température  élevée; 
mais  tous  les  autres  vents  sont  passagers  et  le  grand  courant  des  airs 
reprend  sa  marche  normale  dans  la  direction  du  sud-est'.  C'est  aux 
tempêtes  incessantes  de  Kerguelen  (pie  le  naturaliste  Studer  fait  remonter 
la  cause  du  manque  d'ailes  qui  caractérise  les  insectes,  notamment  les 
mouches  et  le  papillon  de  l'Ile  :  à  quoi  serviraient  des  ailes  à  l'insecte, 
puisque  le  vent   l'emporterait  avant  (pi'il  eût    le   temps  de  les  ouvrir^? 

'  Von  Sclilcinilz,  Zcilsclnjfl  (1er  Gcsellschaft  fur  Erdkunde,  187ti. 

-  Hoolier;  Nares,  E.rpéditioii  du  Cli.T]lenger :  —  Aniudcs  Hijdrotjriiidiiqucs,  7>'  Iriiiiestre  1874. 

3  Slniler,  Ausfluij  auf  dcr  liiscl  Kcrfiueten,  Berner  Tasclientiiicli,  1881. 


KERGl'ELES.  195 

On  a  coiislalc  aussi  que  les  albatros  ne  nichent  point  sur  la  eôle  nurd- 
oceidenlale  de  l'Ile,  tournée  vers  les  tempêtes,  entourée  d'un  brouillard 
pei'pétuel  :  on  ne  les  voit  (pie  sur  les  rivages  de  Kerguelen  regardant  vers 
le  ciel  clair'. 

].a  flore  de  Kerguelen  est  d'une  extrême  pauvreté,  celle  d'une  terre 
antarctique  plutôt  que  d'une  île  située  dans  la  zone  tempérée,  correspon- 
tlant  pour  la  latitude  à  la  vallée  de  la  Somme.  Hooker, qui  passa  un  hiver 
dans  l'ile,  n'y  recueillit  que  18  espèces  de  phanérogames,  sur  un  total 
de  150  espèces;  des  recherches  postérieures  n'ont  fait  découvrii' que  trois 
auli'es  plantes  à  fleur.  Près  des  deux  tiers  de  la  végétation  se  composent 
d'algues  et  de  mousses,  et  parmi  les  phanérogames  la  proportion  des 
monocotylédones  est  d'un  tiers,  proportion  qu'on  ne  retrouve  dans  aucun 
autre  pays  du  monde.  En  débarquant  sur  le  rivage  des  criques,  après  avoir 
franchi  la  zone  des  grandes  algues  [macrocystls  pyrifera),  dont  les  liges 
en  cordage  ont  jusqu'à  60  mètres  de  longueur,  on  aperçoit  d'abord  une 
étroite  zone  de  gazon,  puis  viennent  des  plantes  à  l'aspect  de  saxifrage, 
des  mousses  et  quelques  graminées  poussant  dans  le  creux  des  roches  ; 
l'azorellaselago  forme  sur  les  pentes  d'énormes  coussins  emplis  d'eau,  où 
l'on  enfonce  jusqu'aux  genoux.  Un  seul  végétal  fait  un  certain  effet  dans 
le  paysage  par  la  grandeur  de  ses  proportions  :  c'est  un  chou,  une  cruci- 
fère gigantesque,  dont  le  nom  latin  (jjrinfjlea  anthcorbutica)  dit  les  ser- 
vices rendus  aux  équipages  de  navires  fiuigués  par  la  nourriture  du  bord  : 
ce  chou  est  une  production  spéciale  de  Kerguelen,  car  on  ne  le  trouve 
sur  aucune  autre  terre  de  l'océan  Indien.  Une  autre  phanérogame,  le 
lyellia,  rappelle  une  plante  andine  :  trois  espèces  que  l'on  croit  également 
originaires  de  Kerguelen,  ressemblent  tellement  à  des  congénères  de  la 
Terre  de  Feu,  qu'on  est  tenté  de  les  considérer  comme  de  simples  va- 
riétés; enfin,  une  plante  est  d'origine  australienne.  Dans  l'ensemble,  la 
flore  de  Kerguelen  se  rattache  à  celle  de  la  Terre  de  Feu,  ce  qui  doit  s'ex- 
pliquer sans  doute  ])ar  la  direction  des  eaux  portant  incessamment  vers 
l'est.  Le  seul  oiseau  propre  à  Kerguelen  et  aux  archipels  Marion  et  Crozet, 
le  chionis  miiior,  est  de  la  grosseur  d'un  pigeon  o.l  ressemble  à  une 
espèce  des  îles  Falkland  et  de  la  Terre  de  Feu.  (Juoique  située  dans  le  voi- 
sinage relatif  de  l'Afrique  et  de  l'Australie,  Keiguelen  est  plus  rapprochée 
zoologiquement  du  Nouveau  Monde  que  de  l'Ancien. 

L'île  n'a  ni  mammifères  terrestres,  ni  reptiles,  ni  batraciens,  et  les 
phoques    à    fourrure  et   autres  cétacés,  encore   fort  nombreux  dans   les 

'  Expoilitioii  du  Cliallciiycr,  1874. 

XIV.  25 


m  >'OUVliLLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

mers  de  Kergueleii  au  commeiicemenl  du  siècle,  soiil  devenus  rares. 
En  1845,  plus  de  cinq  cents  navires  poursuivaient  la  baleine  dans  ces 
parages;  en  1874,  le  nombre  des  bâtiments  employés  à  la  pèche  était  des- 
cendu à  cinq  ou  six.  Les  otaries  sont  menacées  d'une  extermination  com- 
plète; elles  sont  même  si  réduites  en  nombre,  qu'on  ne  leur  fait  plus 
régulièrement  la  chasse;  mais  on  poursuit  encore  les  éléphants  de  mer 
{cystopliora  Iconina),  ces  phoques  énormes  dont  le  mâle,  deux  fois  plus 
grand  que  la  femelle,  est  armé  de  puissantes  défenses  et  gonlle  son  nez 
en  forme  de  trompe  :  un  de  ces  mâles  fournit  une  tonne  d'huile,  autant  que 
mille  pingouins'.  Obligés  d'aller  à  terre  pour  nourrir  leurs  petits,  ces  ani- 
maux passent  sous  le  feu  des  chasseurs,  qui  exterminent  tout,  mâles  et 
femelles,  jeunes  et  vieux.  Seules  les  baies  de  la  côte  occidentale  offrent  en- 
core un  asile  aux  phoques,  grâce  à  la  violence  des  vagues  qui  en  inter- 
disent l'approche  aux  embarcations.  Des  pêcheurs  qui  avaient  recueilli  une 
énorme  quantité  d'huile  sur  la  pointe  sud-occidentale  de  Kerguelen  atten- 
dirent inutilement  j)endant  des  années  qu'un  navire  tentât  le  passage  des 
brisants  pour  prendre  cargaison,  et,  de  lassitude,  ils  finirent  par  mettre 
le  feu  à  tous  leurs  barils  :  de  là  le  nom  de  Buiifirc-bracli,  «  plage  du  Feu 
de  Joie  »,  donné  à  cette  partie  de  la  côte.  Le  havre  où  les  marins  abordent 
le  plus  fréquemment  est  le  Christmas-harbour  ou  «  port  de  Noël  >',  situé 
près  de  l'extrémité  nord-occidentale  de  Kerguelen,  et  signalé  de  loin  par 
une  arche  de  basalte,  grandiose  porte  triomphale. 


Mac-Donald,  au  sud-est  de  Kerguelen,  est  un  simple  incher  envi- 
ronné d'écume,  où  nul  pêcheur  n'aborde;  mais  l'Ile  lleard  est  fréquentée 
par  les  pêcheurs  de  baleines  et  de  phoques.  L'île  est  presque  entièrement 
blanche  :  seulement  aux  promontoires  on  aperçoit  les  noires  parois  de 
laves.  Deux  énormes  névés  aux  langues  de  glace  recouvrent  les  monts 
autour  du  sommet  principal,  le  Big  Ben,  que  l'on  dit  supérieur  en  altitude 
au  moût  Boss  de  Kerguelen.  Il  aurait  environ  1000  mèti'es  de  hauteur; 
mais  les  naturalistes  du  Challenfier  ne  purent  l'apercevoir  :  au-dessus 
de  500  mètres  tout  disparaissait  sous  l'épais  brouillard.  Le  climat  de 
Heard  est  encore  plus  froid  et  plus  tempétueux  que  celui  de  Kerguelen. 
Les  vents  polaires  du  sud-est,  qui  ne  soufflent  pas  dans  cette  dernière 
île,  sont  très  communs  dans  les  parages  de  la  terre  méridionale  et  leur 
violence  est  à  redouter. 

'  SluiliT,  iiR'iiluire  cité. 


CHAPITRE   III 


INSULINDE 


VUE      D    ENSEMBLE. 


L'«  Inde  insulaire  »,  Insulinde  ou  Indonésie,  ainsi  que  l'ont  justement 
appelée  les  Hollandais,  constitue,  indépendamment  de  toute  juridiction 
politique,  un  ensemble  bien  délimité.  Le  socle  qui  porte  les  deux  grandes 
îles  de  Sumatra  et  de  Java  est  brusquement  coupé  du  côté  de  l'océan 
Indien  par  des  falaises  sous-marines  qui  descendent  jusqu'aux  abîmes  les 
plus  profonds  de  tout  le  bassin.  Java  se  continue  à  l'est  par  une  traînée 
d'iles  de  moindre  étendue  qui  se  prolonge  jusqu'au  nord-est  de  Timor 
et  qui  fait  évidemment  partie  de  la  même  région  :  les  volcans  qui  s'ali- 
gnent sur  cette  longue  chaîne  d'îles  témoignent  de  l'action  des  mêmes 
forces  géologiques.  Au  sud  de  la  Papouasie,  l'étroite  zone  volcanique  se 
recourbe  comme  pour  limiter  à  l'orient  la  région  de  l'Insulinde.  Une  des 
cr.evasses  d'éruption  ti'averse  l'île  de  Ilalmahera'  ;  une  autre  passe  à 
l'extrémité  de  la  grande  terre  de  Celèbès  et  l'enferme,  pour  ainsi  dire,  dans 
l'hémicycle  des  volcans.  Quant  à  Bornéo,  la  plus  considérable  des  îles  de 
la  Sonde  en  étendue,  celle  masse  presque  continentale  appartient  bien 
plus  intimement  encore  au  même  groupe  que  Sumatra  et  Java,  car  elle  se 
trouve  sur  un  même  piédestal  de  fonds  à  peine  immergés  :  un  lil  marin 
moindre  de  100  mètres  en  profondeur,  où  les  navires  peuvent  jeter  l'ancre 
]iartout,  sépare  les   trois  grandes  îles  :  une  dénivellation  de   KO  mètres 


'  L'orlliiigi;i|ïli('  i'iii|ili)yi''t'  pour  les  noms  do  lieux  <liuis  renipire  culonia!  néerlandais  est   l'urliio- 
Kraplie  hollandaise,  telle  que  la  donnent  les  doeunients  officiels. 


196  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE 

ajoulorait  au  continoni  d'Asie  un  espace  d'environ  5  500000  kilomètres 
carrés.  A  maints  égards  les  Pliilippines  pourraient  être  aussi  considérées 
comme  faisant  partie  de  la  même  région  naturelle  que  l'insulinde,  car  le 
demi-cei'cle  des  volcans  se  continue  à  travers  l'archipel  espagnol,  et  les 
deux  principales  îles  de  ce  groupe,  Mindanao  et  Luzon,  se  rattachent  l'une 
et  l'autre  à  Bornéo  par  des  rangées  d'îles,  d'îlots  et  d'écueils;  mais  déjà 
les  Philippines  se  trouvent  sous  un  climat  différent,  et  presque  sur  tout 
leur  pourtour,  elles  haignent  dans  les  eaux  profondes.  Entre  les  deux 
groupes  insulaires  de  Bornéo  et  des  Philippines  on  trouve  dans  les  mers 
de  Sulu  des  ahimes  de  plus  de  4500  mètres. 

Mais  l'insulinde  elle-même,  ainsi  que  Wallace  l'a  depuis  longtemps 
prouvé',  se  divise  naturellement  en  deux  régions  bien  distinctes  :  l'une 
rindo-Malaisie  |)roprement  dite,  qui  comprend  les  trois  grandes  îles  de 
Sumatra,  Java  et  Bornéo,  unies  par  un  lit  marin  sans  profondeur;  l'autre, 
l'Austro-Malaisie,  où  ne  se  trouve  qu'une  seule  terre  de  dimensions  con- 
sidérables, Celèbès,  et  dont  les  deux  îles  surgissent  d'abîmes  océaniques. 
Des  contrastes  de  climat,  de  flore,  de  faune,  de  populations  humaines 
existent  entre  ces  deux  moitiés  de  l'insulinde;  mais  l'une  et  l'autre  offrent 
des  caractères  communs  qui  permett(>nt  de  les  considérer  comme  formant 
dans  leur  ensemble  une  partie  du  monde  distincte  de  l'Asie,  dont  elles 
sont  le  prolongement  sud-oriental,  sur  une  très  grande  étendue  de  la 
surface  marine.  La  superficie  réunie  de  toutes  les  terres  insulindiennes 
est  évaluée  à  près  de  I  700000  kilomètres  carrés,  soit  plus  de  trois  fois  la 
surface  de  la  France,,  mais  l'espace  sur  lequel  ces  terres  sont  parsemées 
est  beaucoup  plus  vaste  :  de  la  pointe  extrême  du  nord  de  Sumali'a  à  la 
dernière  île  de  Tenimber,  le  long  de  l'océan  Indien,  la  distance  est  de 
4700  kilomètres,  et  de  Lomhok  à  la  pointe  sejttentrionale  de  Bornéo  la 
plus  grande  largeur  de  l'insulinde  atteint  II 75  kilomètres.  Dans  cette 
immense  étendue  on  com])te  une  île  plus  vaste  que  la  France,  une  autre 
supérieure  à  la  Grande-Bretagne,  deux  qui  dépassent  l'Irlande  en  étendue, 
sept  qui  l'emportent  sur  la  Corse,  et  par  dizaines  des  îles  occupant  plus 
de  surface  (|ue  Malte  :  les  îlots  sont  innombrables;  partout  des  tfnifili,  — 
mot  que  l'on  emploie  pour  désigner  des  «  terres  fermes  »  cultivées,  — 
de^poulo,  des  novm,  c'est-à-dire  des  îles,  des  îlots  sans  culture  ou  fai- 
blement p('uplés".  Il  semble  au  voyageur  perdu  dans  le  labyi'inlhe  des  îles 
que  l'insulinde  es!   un  monde  sans  bornes.  Sur  une  barque  malaise,  il 


Thr  Miilini  ,\rtliijicl<i(i():  —  Tlw  liiiiil  of  tlic  Ommj-Utnii  riiiil  llic  Iliril  of  l'ara'lise. 
Gi-iwiiinl,  Ilixiiirii  oj  thr  liiiliiiii  Arihijirldfiii. 


INSULISDE. 


197 


cingle  peiulanl  des  jours  et  des  semaines  le  long  des  grandes  îles,  au 
milieu  de  sites  toujours  nouveaux,  parmi  des  tribus  qui  diffèrent  de  mœurs 
et  de  langage  et  ne  se  connaissent  même  pas  de  nom.  Des  promontoires, 
des  volcans  éleints  ou  fumants,  des  bancs  de  coraux,  des  forêts  insulaires 
qui  semblent  surgir  des  flots  comme  un  bouquet  de  verdure  marquent  les 
étapes  sur  la  mer  sans  lin. 

Comme  région  de  passage  entre  deux  continents,  Asie  et  Australie, 
rjnsnlinde  présente  un  singulier  contraste  avec  cette  autre  zone  de  transi- 
lion  que,  de  l'autre  côté  de  la  merdes  Indes,  les  terres  arides  de  l'Arabie 


N"   38.    SOCLE    SODS-.MAniM    UES    TERBES    DE    L  INSCLISDE. 


Est  de    P; 


Est    de  Gr. 


I  :  îGoooooa 


et  de  Suez  forment  entre  l'Asie  et  l'Afrique.  Par  la  richesse  de  son  dévelop- 
pement insulaire,  par  l'infinie  variété  de  ses  paysages,  par  l'éclat  de  sa 
flore,  le  nombre  de  ses  espèces  animales,  la  diversité  de  ses  populations 
et  l'abondiince  de  ses  ressources,  l'Insulinde  l'emporte  même  sur  la  partie 
de  la  surface  terrestre  qui  lui  correspond  à  l'orient,  de  l'autre  cùt(''  du 
globe.  Ces  contrées,  pourtant  si  belles,  qui  constituent  la  région  médiane 
de  l'Amérique  centrale  et  des  Antilles,  entre  les  deux  continents  du  Nou- 
veau Monde,  ne  peuvent  se  comparer  en  splendeur  aux  îles  de  la  Sonde  et 
aux  Moluques.  Elles  leur  sont  aussi  bien  inférieures  pour  l'importance 
dans  riiistoire  et  pour  la  valeur  économique  dans  les  relations  de  jieuple 


198  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

à  peuple.  A  elle  seule,  l'île  relativemeul  petite  de  Java  est  plus  riche  en 
hommes  et  en  productions  que  toute  l'Amérique  centrale  et  les  Antilles,  et 
(le  nombreux  détroits  entre  les  îles  offrent  au  commerce  des  grands  che- 
mins interocéaniques  plus  vastes  et  plus  commodes  que  ne  le  seront 
jamais  les  canaux  de  Panama  et  de  Nicaragua,  percés  à  grands  frais  à  tra- 
vers les  marécages  et  les  rochers. 

Traversée  dans  toute  sa  longueur  par  la  ligne  équinoxiale,  l'insulinde 
pourrait  être  appelée  le  «  Sud  du  Monde  »,  non  pas  seulement  comme 
l'Afrique  intérieure,  à  cause  de  sa  haute  température  annuelle,  mais  sur- 
tout à  cause  de  la  fertilité  de  ses  terres,  à  la  fois  chaudes  et  largement 
arrosées,  de  l'exubérance  de  sa  végétation,  de  la  nature  précieuse  de  ses 
produits.  L'énergie  môme  qui  se  manifeste  dans  les  forces  volcaniques  à 
l'œuvre  sous  les  îles  de  la  Sonde  et  les  terres  voisines  contribue  à  faire  de 
cette  région  un  des  centres  de  l'activité  terrestre.  Le  sol  y  vibre  et  s'y  en- 
tr 'ouvre  encoi'eplus  fréquemment  que  sur  le  foyer  des  laves  de  l'Amérique 
centrale  et  des  Antilles.  Java,  File  la  plus  populeuse  du  monde,  la  mieux 
cultivée,  la  plus  productive,  est  aussi  la  pins  violemment  secouée  par  les 
convulsions  du  sol,  celle  où  les  laves  .se  sont  ouvert  le  j)lus  de  crati'res  per- 
manents. 

Ces  terres  si  remarquables  ne  sont  point  habitées  par  des  peuples  indé- 
pendants. Quelques  tribus  insoumises  se  cachent  encore  sur  les  plateaux 
de  Sumatra,  dans  les  forets  de  Bornéo  et  d'autres  îles,  mais  elles  ne 
représentent  en  nombie  qu'une  bien  faible  partie  des  habitants  de  l'insu- 
linde. Quant  aux  populations  malaises  plus  ou  moins  civilisées,  qui  par 
le  commerce  ont  exercé  tant  d'influence  dans  le  monde  océani(jue  et  dont 
les  colonies  se  sont  répandues  sur  un  espace  immense,  de  Madagascar  en 
Polynésie,  elles  ne  se  sont  jamais  constituées  en  un  corps  de  nation  com- 
pact et  leurs  conquêtes  ne  se  sont  faites  que  par  tel  ou  tel  groupe  isolé 
de  l'ensemble.  De  nombreux  petits  États  malais  se  sont  fondés,  mais  la 
race  n'a  point  eu  de  grands  empires  :  la  diversité  que  présente  leur  pays, 
divisé  en  mille  petites  patries  insulaires,  s'est  retrouvée  dans  leur  histoire, 
l/unilé  ])olitique,  n'ayant  |)u  se  produire  spontanément,  se  fait  sous  le 
pouvoir  de  l'étranger.  Les  Européens  qui  se  sont  emparés  de  l'Amérique 
entière,  des  deux  tiers  de  l'Asie,  d'une  moitié  de  l'Afrique,  se  sont  faits 
aussi  les  maîtres  de  l'insulinde  :  une  seule  puissance  d'Europe,  et  l'une 
des  moindres  actuellement  par  sa  force  militaire,  domine  dansée  monde 
immense  compris  entre  l'Indo-Chine  et  l'Australie. 

Guidés  pai-  les  jiilotes  arabes,  les  navigateurs  portugais,  les  voyageurs 
italiens  apparurent  dès  les  |)remières  années  du  seizième  siècle  dans  les 


UISTOIRE  DE  L'INSULINDE.  201 

mers  do  la  Sonde,  et  dès  IMI  Albuquerque,  devenu  maître  de  la  grande 
ville  de  Malacca,  donnait  à  sa  nation  la  prépondérance  politique  dans  tout 
le  monde  malais;  l'année  suivante,  le  premier  chargement  de  noix  de  mus- 
cade pai'tait  directement  de  Banda  pour  Lisbonne.  Afin  de  pouvoir  explo- 
rer au  plus  tôt  toutes  les  parties  de  leur  nouveau  domaine  les  Portugais 
décidèrent  que  chaque  bateau  de  commerce,  malais,  javanais,  chinois, 
trafiquant  avec  Malacca  serait  désormais  commandé  par  un  capitaine  eu- 
ro])éen.  En  peu  d'années  les  marins  occidentaux  apprirent  à  connaître 
le  labyrinthe  des  routes  maritimes  dans  l'Insulinde  et  à  s'assurer  les 
bénéfices  du  commerce  des  épices  entre  les  Moluques  et  Lisbonne.  H  est 
vrai  que  les  Espagnols,  conduits  par  Magalhàes,  vinrent  à  leur  tour  reven- 
diquer les  Moluques  comme  leur  propriété  légitime.  En  vertu  de  la  bulle 
d'Alexandn;  \L  qui  partageait  le  monde  récemment  découvei't  et  à  décou- 
vrir entre  les  deux  puissances  ibériennes,  le  Portugal  avait  droit  aux  terres 
situées  à  l'extrême  Orient;  mais  l'Espagne,  de  son  côté,  réclamait  ces 
terres  comme  placées  à  l'extrême  Occident,  par  delà  le  Nouveau  Monde, 
et  pour  terminer  les  conflits  il  fallut  que  les  Portugais  payassent  la  rançon 
des  îles  disputées.  Ils  en  restèrent  les  tranquilles  possesseurs  pendant  près 
d'un  siècle;  mais  dès  1596  les  navires  hollandais,  auxquels  le  commerce 
direct  avec  Lisbonne  avait  été  interdit  par  Philippe  II,  apprenaient  le 
chemin  de  l'Orient:  ils  apparaissaient  devant  Malacca  et  s'approvision- 
naient eux-mêmes  d'épices  dans  les  comptoirs  malais.  Telle  fut  l'ardeur 
commerciale  inspirée  par  les  deux  frères  Iloutman,  qui  avaient  à  venger  un 
emprisonnement  à  Lisbonne,  qu'en  sept  années  les  négociants  d'Amster- 
dam et  d'Anvers  expédièrent  vers  l'Insulinde  quinze  flottes,  comprenant 
ensemble  soixante-cinq  bâtiments  :  ce  fut  un  vrai  mouvement  national'. 
En  1600,  les  nouveaux  venus  obtenaient  un  lambeau  de  territoire  à  Suma- 
tra; en  1610,  ils  s'établissaient  à  Java  et  y  bâtissaient  un  fort,  remplacé 
plus  tard,  malgré  les  Anglais,  par  celui  de  Batavia,  point  central  de  leurs 
futures  conquêtes.  A  cette  époque,  les  Portugais  étaient  politiquement  trop 
déchus  ])our  soutenir  la  lutte  contre  les  Hollandais  :  déjà  en  1609  les 
Moluques  leur  avaient  été  ravies,  et  de  leur  immense  empire  d'autrefois  il  ne 
reste  dans  ces  parages  que  la  moitié  orientale  de  Timor,  avec  un  îlot  voisin. 
Devenue  puissance  politique  et  militaire,  commandant  à  des  royaumes 
et  disposant  de  troupes  considérables,  ayant  des  amiraux  et  des  généraux  à 
ses  gages,  la  compagnie  de  marchands  à  laquelle  le  gouvernement  hollan- 
dais avait  concédé  en  1602  le  commerce  de  l'Insulinde  se  trouva  néan- 

'  Rdlanil  Donapartp,  Rmie  de  Gcnçimpliic,  1884. 

XIV.  26 


202  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

moins  trop  faible  pour  défendre  ses  immenses  possessions  quand  ses 
rivaux,  les  commerçants  anglais,  furent  devenus  les  maîtres  de  la  mer.  A 
la  fin  du  dix-huitième  siècle,  les  Moluques,  ces  îles  à  épices  considérées 
comme  la  plus  précieuse  des  richesses  coloniales,  tombèrent  au  pouvoir 
de  l'Angleterre  et,  pour  éviter  que  tout  le  reste  de  l'Insulinde  ne  lui  fût 
également  enlevé,  les  privilèges  de  la  compagnie  furent  rachetés  en  1800 
par  l'Etat  hollandais,  devenu  la  république  Batave.  Mais  Java  et  ses  dé- 
pendances n'en  passèrent  pas  moins  entre  les  mains  des  Anglais,  qui  les 
rendirent  seulement  en  1816.  Depuis  cette  époque,  la  Néerlande,  contrée 
de  si  faible  étendue  en  comparaison  de  ses  possessions  indiennes,  est  res- 
tée dominatrice  de  tous  les  archipels  qu'elle  possédait  à  la  fin  du  der- 
nier siècle;  même  elle  a  étendu  sa  domination  sur  plusieurs  îles  qu'elle 
ne  s'était  pas  encore  attril)uées  et  son  pouvoir  effectif  s'est  consolidé  dans 
l'intérieur  de  Sumatra,  de  Celèbès,  de  Bornéo.  Seulement  la  partie  septen- 
trionale de  celte  dernière  grande  île  était  restée  jusqu'à  ces  derniers  temps 
en  dehors  de  l'influence  hollandaise,  ce  qui  a  permis  à  une  compagnie 
britannique  de  s'y  tailler  un  domaine  pour  l'annexer  à  l'empire  colonial 
de  l'Angleterre.  Cette  terre  anglaise,  et  dans  la  même  île  de  Bornéo  la 
principauté  de  Sarawak,  acquise  par  un  officier  de  fortune  britannique, 
enfin  le  sultanat  de  Brunei  la  moitié  portugaise  de  Timor  sont  les 
seules  contrées  de  l'Insulinde  qui  ne  soient  pas  considérées  officiellement 
comme  dépendant  du  petit  État  hollandais  ;  pourtant  il  reste  encore  dans 
l'immense  archipel  des  nations  à  conquérir,  comme  celle  d'Atjeh,  dans  le 
nord  de  Sumatra.  Depuis  que  l'Allemagne,  devenue  à  son  tour  puissance 
coloniale,  a  pris  part  au  partage  des  terres  lointaines,  elle  a  découpé  dans 
le  continent  d'Afrique  des  territoires  d'une  plus  grande  étendue  que  l'In- 
sulinde; mais  leur  valeur  est  nulle,  pour  ainsi  dire,  on  comparaison  de 
ces  possessions  néerlandaises,  que  nombre  d'hommes  politiques  s'accor- 
dent à  considérer  d'avance  comme  un  prochain  héritage  de  la  Germanie. 
Est-ce  en  prévision  de  cette  richesse  future  que  le  gouvernement  d'Alle- 
magne s'est  emparé  d'une  grande  partie  de  la  Papouasie  et  des  archipels 
voisins,  afin  de  prolonger  vers  l'orient  cette  Inde  insulaire,  déjà  si  vaste, 
que  la  destinée  semble  lui  promettre  du  côté  de  l'occident? 

La  littérature  historique  et  géographique  relative  à  l'Insulinde  est 
énorme  et  s'agrandit  annuellement  par  de  nouveaux  ouvrages  :  des  cher- 
cheurs, isolés  ou  se  groupant  en  sociétés  savantes,  travaillent  sans  cesse 
à  l'exploration  matérielle  et  morale  du  monde  malais,  et  parmi  les  docu- 
ments publiés  il  en  est  de  premier  ordre,  car  l'Insulinde  est  une  des 
régions  les  |)liis  riches  en  faits  intéressants  sur  la  physique  du  globe,  la 


HISTOIRE,   EXPLORATION  DE  L'INSULINHE. 


203 


distribiilion  tlos  llores  et  dos  faunes,  la  migraLioii  des  races  et  l'évolulion 
des  hoinmes,  les  ])roblènîes  de  la  politique  et  de  l'économie  sociale'.  Mais 
ce  qui  manque  encore  à  ce  travail  encyclopédique  est  que  les  indigènes 
eux-mêmes  y  prennent  part  :  chasseurs  sauvages  ou  travailleurs  soumis, 
ils  n'ont  qu'un  bien  petit  nombre  de  représentants  dans  le  monde  de  la 
science  et  des  arts,  et  ceux  d'entre  eux  qui  participent  au  mouvement 
des  études  contemporaines  ne  peuvent  le  faire  avec  assez  d'indépen- 
dance pour  juger  des  choses  on  toute  sincérité. 

Grâce  à  la  facilité  des  voyages,  le  temps  n'est  plus  où  les  compagnies 


N^   59.    t^lI'LRFICIES   COMPARLtS    DE    LA    HOLLANDE    ET    DE    L  INSLLINDE    HOLLANDAISE. 


Est    d.  Par. 


^^-^f 


Est    de    Greenwich 


1       (KOOOCOO 


et  les  gouvernements,  jaloux  de  leur  monopole  commercial,  ne  permet- 
taient pas  que  l'on  publiât  les  cartes  de  leurs  îles.  Au  seizième  siècle,  les 
Espagnols  et  les  Hollandais  punissaient  do  mort  quiconque  faisait  con- 
naître les  itinéraires  de  leurs  navigateurs.  A  leur  tour,  les  Hollandais, 
après  s'être  procuré  ces  cartes  à  grand  prix  et  en  avoir  fait  de  nouvelles, 
se  gardaient  bien  de  les  publier';  on  en  donnait  des  copies  à  chaque  capi- 
taine de  vaisseau,  avec  injonction  de  les  remettre  au  retour  dans  les  ar- 
chives de  l'amirauté,  et  la  peine  du  fouet,  la  marque,  le  bannissement 
étaient  réservés  aux  traîtres  qui  les  montraient  à  des  étrangers.  Même 
dans  les  parages  dangereux,  et  dont  les  périls  étaient  grossis  à  plaisir 
par  la  légende,  on  refusait  des  pilotes  aux  navires  en  délresse^  Maintenant 


'  Voir  surtout  Bijdrayen  van  de  Tant-  Land-  en  Volkenkundc. 

-  Roland  Bonaparte,  inénioire  cilo. 

^  Bernardin  de  Saint-Pierre,  Yoi/ayc  à  l'hic  de  France;  —  L.  A.  de  BougainvlUe,  Voijagc  de  la 

Boudeuse  i)  et  de  la  flûte  l' n  Etoile  ». 


204  NOUVELLE  GÉOGRAPUIE   INl VERSELLE. 

cerlaines  parties  de  l'Insulinde  sont,  au  point  de  vue  purement  extérieur, 
mieux  connues  que  maintes  régions  de  l'Europe  orientale;  mais  il  est 
aussi  plusieurs  îles  dont  l'intérieur  n'est  figuré  sur  les  cartes  que  d'après 
des  itinéraires  incomplets  ou  les  renseignements  des  indigènes.  Toutefois 
le  réseau  géodésique  s'étend  peu  à  peu  d'île  en  île  à  travers  l'Insulinde  et 
tôt  ou  tard  l'ensemble  de  l'archipel  sera  représenté  avec  la  même  fidélité 
et  le  même  détail  que  Java,  quelques  parties  de  Sumatra  et  même  de  Celè- 
bès,  déjà  figurées  par  d'aiimirables  cartes  topographiques  et  géologiques. 
Quant  à  la  population,  on  n'en  connaît  point  encore  le  chiffre,  même  ap- 
proximatif. Les  statistiques  officielles'  distinguent  pour  les  difféi'enles  îles 
les  nombres  d'habitants  donnés  par  un  recensement  régulier,  par  une  éva- 
luation raisonnée  ou  par  une  estime  plus  ou  moins  plausible  ;  enfin  il 
est  des  contrées  pour  lesquelles  les  auteurs  ne  hasardent  même  pas  de  con- 
jectures'. 

Les  îles  de  la  Sonde  appartiennent,  on  le  sait,  à  la  zone  des  vents  alizés 
et  des  moussons  alternantes,  mais  le  va-et-vient  des  saisons  et  les  phéno- 
mènes locaux  déplacent  incessamment  les  foyers  d'appel  et  modifient  en 
conséquence  la  marche  des  vents.  A  Batavia,  prise  comme  poste  central  au 
milieu  des  151  stations  météorologiques  de  l'Insulinde",  la  «  bonne  mous- 
son »  c'est-à-dire  le  vent  alizé  du  sud-esl,  l'emporte  pendant  les  mois  de 
l'été  septentrional,  principalement  durant  les  mois  de  juin,  juillet,  août  et 
septembre,  et  l'atmosphère  est  en  général  moins  humide  que  pendant  la 
«  mauvaise  mousson  «,  qui  comprend  surtout  les  mois  de  décembre  à 
mars,  ceux  où  les  nuages  laissent  tomber  une  plus  grande  abondance  de 
pluies.  Toutefois  ce  contraste  des  saisons  ne  se  présente  pas  toujours 
d'une  manière  bien  tranchée,  surtout  dans  l'intérieur  des  terres.  Il  n'est 
pas  de  mois  qui  n'ait  sa  part  de  pluies,  et  même  pendant  la  saison  dite 
sèche  l'atmosphère  des  rivages  marins  contient  près  de  80  pour  100 
d'humidité  relative;  elle  est  presque  saturée  lors  de  la  saison  des  pluies. 
La  chute  d'eau  en  moyenne  sur  toute  l'Insulinde  dépasse  5  mètres,  d'après 
Voyeïkov.  Kn  maintes  régions  de  l'Insulinde,  il  est  très  difficile  de  distin- 

'   lieficcriiKiSdliiuiiiiik  lujor  iScdoiiinilsih  Indiv,  1888. 

-  SuiK'il'iLii;  ol  pnpulaliiin  iiiobiililo  de  riiisiillii(lc  en  1881,  sans  la  Nouvolle-iùiitiéc  : 

Sii|icrlicic.  Pcipul.Tlioii.                 lVi|iiil,  kilom 

Insiilinde  hollandaise 1  4(i'2  000  kil.  carrés.  30  6,^0  000  haliilaiils.  'illiali. 

i>         anglaise,  dans  Bornéo.   .    .       171800          »  550  000         d  ."i     » 

»         portugaise I(i850          pi  550  000         n  H'i     » 

ÏMdianal  de  Brunei .",8  000          »  80  000         »  2     » 

Ensemble.    .     1  089  250  kil.  carrés.   51  810  000  habilants.    Il)  liab. 
'"  En  1885.  (Voveikov,  Oesterreichischc  Zeîlschrift  fiir  Meleoroloyie,  1885.) 


CLIMAT  DE  L'INSULINDE.  205 

guor  la  vi''rilal)l('  allcrnnnce  îles  saisons  et  de  se  rendre  l)ien  compte  de 
la  succession  noimale  des  jours  pluvieux  et  des  Leaux  jours.  Même,  à 
l'est  de  Celèbès,  c'est  le  vent  alizé  du  sud-est  qui  apporte  en  i^énéral  les 
pluies,  tandis  que  la  mousson  de  l'ouest  balaye  les  nuages  de  ratniosjihère  : 
dans  une  zone  indécise  et  changeante,  entre  Sumatra  et  Timor,  les  deux 
vents  opposés  sont  accompagnés  en  moyenne  de  la  même  quantité  de 
pluies.  Dans  le  dédale  infini  des  îles,  chaque  détroit,  chaque  ruelle  d'eau 
change  la  direction  des  vents  inférieurs,  des  brises  et  des  courants  de  houle. 

De  bas  en  haut,  c'est-à-dire  du  littoral  au  sommet  des  montagnes,  on 
observe  des  changements  considérables  dans  le  régime  des  vents.  La  mous- 
son occidentale  n'entraîne  que  la  masse  inférieure  de  l'air  et  son  épaisseur 
n'atteint  jamais  2000  mètres.  La  force  de  la  mousson  se  fait  sentir  prin- 
cipalement vers  la  base  et  sur  les  premières  pentes  des  montagnes,  par 
exemple  à  Buitenzorg  (280  mètres),  dans  la  partie  occidentale  de  Java  : 
en  cet  endroit,  un  des  plus  abondamment  arrosés  de  toute  l'Disulinde,  il 
tonne  souvent  tous  les  jours  pendant  des  mois  entiers  :  on  s'habitue  si 
bien  à  entendre  le  grondement  de  la  foudre  rouler  de  montagne  en  mon- 
tagne, qu'on  s'étonne,  le  soir,  lorsque  l'atmosphère  est  sans  nuages  et  sans 
rumeurs.  Mais  au-dessus  de  la  zone  où  souffle  la  mousson,  l'espace  appar- 
tient constamment  à  l'alizé  du  sud-est'  :  tantôt  il  s'élève,  tantôt  il  s'abaisse, 
et  parfois,  en  frôlant  ou  même  en  heurtant  la  mousson,  produit  des  cy- 
clones locaux  d'une  violence  extrême  ;  mais  dans  les  hauteurs  de  l'air  il 
garde  toujours  la  prépondérance,  et  les  fumées  des  volcans  sont  régulière- 
ment entraînées  par  lui  dans  la  direction  de  l'ouest  :  aucun  spectacle  n'est 
plus  saisissant  que  celui  d'une  tem])ète  de  l'ouest  qui  ploie  les  arbres,  en- 
traîne les  nuées  avec  fureur,  tandis  que  plus  haut,  par  une  jK'rcée  d'air 
l)leu,  on  aperçoit  la  longue  fumée  du  volcan  se  déroulant  en  sens  inverse 
dans  le  ciel  })ur.  Dans  ces  régions  supérieures  l'atmosphère  est  beaucoup 
moins  souvent  troublée  que  dans  la  zone  basse  et  les  pluies  y  sont  peu 
abondantes. 

Des  changements  analogues  dans  le  régime  du  climat  s'accomplissent 
suivant  la  direction  de  l'ouest  à  l'est.  La  partie  occidentale  de  Java  est 
plus  humide  que  la  partie  orientale  et  celle-ci  reçoit  plus  d'eau  que  Timor. 
De  même  les  températures  saisonnières  deviennent  de  plus  en  plus  iné- 
gales dans  la  même  direction.  Dans  les  îles  de  la  Sonde,  l'écart  entre  les 
tem|)ératui'cs  mensuelles  ne  com|)orte  même  jias  un  degré  centigrade  : 
c'est  du  jour  à  la  nuit  que  l'on  observe  les  extrêmes,  mais  non  de  l'été  à 

'  Fr.  Juiigliulin,  Java,  iijne  gcdaante,  :y/i  plaïUcnluoi  cii  zijn  inwcncliye  buuiv. 


206  ^0UVELL1:;  GÉOGIIAPUIE  UNIVERSELLE. 

l'hiver  :  si  dans  les  mois  secs  les  nuits  sont  plus  froides  et  les  journées 
plus  chaudes,  il  y  a  compensation  pendant  les  mois  pluvieux,  à  tempéra- 
ture sensiblement  égale,  le  jour  et  la  nuit  :  à  Batavia,  l'oscillation  du  ther- 
momètre entre  les  extrêmes  de  froid  et  de  chaud  dépasse  rarement  10  de- 
grés pendant  tout  le  courant  de  l'année;  mais  à  Timor  l'écart  est  beau- 
coup plus  considérable  :  déjà  les  terres  orientales  de  l'Insulinde  parti- 
cipent du  climat  australien'. 

La  flore  de  l'archipel,  comprenant  plus  de  0000  phanérogames,  décrits 
par  Miquel  %  appartient  à  la  même  zone  que  la  flore  indienne;  mais  dans 
la  direction  de  l'est  elle  se  modifie  graduellement  et  se  rapproche  de 
plus  en  plus  du  type  australien,  à  mesure  que  l'atmosphère  se  fait  moins 
humide  et  que  la  température  présente  de  plus  grands  écarts  entre  ses 
extrêmes  :  à  Timor,  le  caractère  de  la  végétation  est  déjà  beaucoup  plus 
australien  qu'hindou;  les  eucalyptus,  les  casuarinées,  les  acacias  do- 
minent, et,  loin  de  se  presser  en  forêts,  ils  se  présentent  en  taillis 
clairsemés  comme  sur  le  continent  voisin.  Mais  dans  les  îles  occidentales 
de  l'Insulinde  la  puissance  de  production  végétale  est  extrême,  et  malgré 
les  défrichements,  malgré  la  lutte  incessante  des  cultivateurs  contre  la 
végétation  spontanée,  certaines  forêts  de  Java  ne  sont  pas  moins  belles 
que  celles  du  Brésil  et  de  la  Colombie.  En  de  vastes  districts,  occupant 
peut-être  le  quart  de  la  superficie  de  Java,  s'étendent,  il  est  vi-ai,  des 
savanes  où  ne  croît  que  l'herbe  d'alang  {impcrata  arundinacea),  dans 
laquelle  le  cheval  disparaît  avec  son  cavalier.  Au  milieu  de  ces  mers  de 
graminées,  d'un  vert  pâle,  se  voient  quelques  bouquets  d'arbres  épars  ; 
mais  ces  savanes  sont  dues  à  l'action  de  l'homme  qui  détruisit  les  forêts, 
soit  pour  défricher  le  sol,  soit  pour  éloigner  les  tigres  ou  les  serpents,  et 
d'ailleurs  les  grands  arbres,  laissés  à  eux-mêmes,  y  reconquièrent  peu  à 
peu  le  domaine  qui  leur  fut  enlevé.  Il  est  aussi  des  forêts  à  l'ombre  rare, 

'  Tcinpi'i'atuivs  et  pluies  de  diverses  loc;ilités  de  l'Insulinde,  d'après  des  observations  variant  de 

cinq  à  treize  années  : 

T.'niiiùr.  Mois  Moi» 

Lieux  AitiUlilc.      aiiiiii.'llc.     k-  plus  tliauil. 

l'adang  (Sum.),  0»  56'  lat.  S.  20»,6     27o,2  (mai) 

Palenibang(S.),  2"50'     ))  27»        27»,4     » 

Danjermassin,     5»  34'     »  270,1     27<',7     » 

Datavia   (Java),  6»  H'     )>  2jO,U     26o,4  (mai,  oct. 

Iiuitenznrg(J.),  G".57'     o        280"         25»        2.'j",5  (sept.) 
lianjoewangie,     8»  17'     »  26»,7     27»,3  (avril) 

Amboine.  5"  41'     u  26'',.">     27».2  (février) 

(Uann.  Handhuch  (1er  Kliiiuiloloyie;  —  Vciyeikiiv,  licijen-Vcrliâllnisse  tics 
Mnlniisclicii  Anliipcts.) 
-  Ili'schyijviiiij  l'dii  Siuiiatiii's  PUiiilcinvci'i'ltl. 


lepl 

lus  froid. 

Écirl. 

fluie. 

26" 

,2    (MOV.) 

1" 

4'",754 

26'J 

'.6  (janv.) 

(l".8 

3"' 

26'' 

'.7  (déc.) 

JO 

2"',?;;.0 

2.-)" 

,ô  (janv.,  1 

ïv.)  IM 

1",868 

24" 

'.5  (fév.) 

10 

4™,4'J'J 

26» 

(juin.) 

iojj 

2;>'' 

■2      1) 

2» 

5"',7ô0 

FLORE  DE  I/INSULINDE.  207 

celles  des  .icacias  et  des  mimosées  qui  croissent  sur  les  montagnes  cal- 
caires; mais  dans  les  terres  humides  et  fécondes  du  littoral  et  des  pentes 
bien  arrosées  le  sol  n'offre  plus  assez  d'espace  pour  toutes  les  plantes  qui 
s'y  pressent;  chaque  tronc  d'arbre  se  recouvre  d'épiphytes,  les  lianes  lient 
les  branches  les  unes  aux  autres,  et,  s'échappant  par  les  dômes  de  feuillage, 
s'élèvent  les  hampes  des  palmiers,  «  deuxième  foret  se  dressant  au-dessus 
de  la  première  ». 

Les  îles  de  la  Sonde  ont  leurs  espèces  particulières  de  palmiers,  entre 
autres  deux  sortes  de  palmiers-sagou  {metroxylon  Rnmpliii  ou  sagus)  et 
le  coryphn  ou  palmier  gebang,  qui  croît  dans  une  étroite  zone,  d'environ 
150  mètres  en  altitude,  immédiatement  au-dessus  des  forêts  du  littoral.  Des 
palmiers-lianes  ou  rotang,  le  «  rotin  »  des  ouvriers  d'Europe,  s'attachent 
aux  autres  arbres,  se  suspendent  même  en  guirlandes  d'une  cime  à  l'autre 
et  se  prolongent  parfois  à  plus  d'une  centaine  de  mètres,  unissant  toute 
la  forêt  en  une  masse  solide,  impénétrable  à  l'homme  qui  ne  manie 
pas  la  hache  ou  ne  se  fait  pas  précéder  par  le  feu.  Des  espèces  de  bam- 
bous croissent  aussi  à  la  façon  des  lianes  et  peuvent  atteindre  plus  de 
40  mètres  en  longueur;  d'autres  sont  armées  d'épines  et  se  pressent  en 
fourrés  qu'évitent  même  les  fauves.  Ce  que  peuvent  devenir  les  plantes 
parasites  dans  ces  îles  de  la  Sonde  où  la  sève  alimente  les  végétaux  avec 
tant  d'abondance,  on  le  voit  par  les  fleurs  du  raf/lesia,  qui  croît  sur  les 
racines  et  les  branches  de  l'ampélidée  cissus  :  sur  une  des  espèces  indi- 
gènes de  Sumatra  s'épanouissent  des  fleurs  ayant  jusqu'à  2  mètres  8  dé- 
cimètres de  tour. 

Sur  le  penchant  des  montagnes,  les  plantes  de  diverses  espèces  s'étagent 
suivant  les  climats,  de  la  zone  tropicale  des  côtes  à  la  zone  tempérée  des 
sommets  ;  cependant  on  observe  de  curieux  phénomènes  de  voisinage  entre 
végétaux  qui  appartiennent  naturellement  à  des  régions  différentes.  C'est 
ainsi  que,  dans  l'île  de  Sumatra,  des  chênes  se  trouvent  associés  à  des 
camphriers  dnjobalanops,  sur  le  littoral  même;  des  éricées  s'y  montrent 
aussi,  tandis  qu'à  Java  elles  n'habitent  que  les  montagnes,  à  des  altitudes 
considérables.  Sumatra  possède  dans  ses  districts  élevés  du  nord  des 
espèces  de  pins  mêlées  à  des  casuarinées  :  c'est  là  que  s'arrête  vers  le  sud 
le  domaine  de  ces  conifères  dont  l'Himalaya  est  la  patrie  par  excellence; 
nulle  part  ils  ne  franchissent  l'équateur  dans  la  direction  du  sud.  Chaque 
île  de  l'Insulinde  a  sa  part  considérable  de  plantes  endémiques  dans  l'im- 
mense variété  des  espèces.  C'est  ainsi  que  dans  la  flore  de  Sumatra,  com- 
prenant d'après  lui  2642  phanérogames  connues,  Miquel  signale  1049 
formes  qui  ne   se  retrouvent  pas  dans   l'ile  de  Java,  séparée  pourtant  de 


208  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

la  première  île  par  un  étroit  canal.  Même  les  deux  moitiés  de  Java,  celle 
de  l'ouest  et  celle  de  l'est,  différant  légèrement  par  le  climat,  contrastent 
par  les  caractères  de  la  flore  locale.  Non  seulement  les  Moluques,  depuis 
longtemps  fameuses  par  les  espèces  rares  qui  croissent  sur  leur  sol,  mais 
toutes  les  autres  îles  de  l'archipel  ont  des  plantes  qu'on  ne  voit  en  nulle 
autre  partie  de  la  surface  terrestre  :  en  trois  années,  le  botaniste  Beccari 
a  découvert  plus  de  deux  cents  espèces  complètement  nouvelles  dans  le 
seul  district  de  Sarawak,  au  nord-ouest  de  Bornéo.  Dans  les  îles  mêmes, 
les  sommets  des  montagnes  forment  comme  autant  d'îles  secondaires, 
dont  la  flore  se  distingue  de  celle  qui  les  entoure  et  rappelle  les  types  de 
terres  éloignées,  à  température  plus  froide  :  à  2600  mètres  d'altitude,  sur 
les  hautes  pentes  de  la  montagne  de  Kina-Balou,  à  Bornéo,  se  rencontrent 
des  plantes  appartenant  à  des  genres  qu'on  retrouve  seulement  dans  la 
Nouvelle-Zélande  '. 

Dans  la  direction  de  l'ouest  à  l'est,  la  flore  se  modifie  graduellement  en 
raison  des  changements  du  climat,  mais  pour  les  animaux  le  passage  est 
brusque  de  l'une  à  l'autre  f;iune  :  tandis  que  les  espèces  des  îles  occiden- 
tales jusqu'à  Bali  ont  le  type  indien,  celles  des  îles  orientales,  à  partir  de 
Lombok,  offrent  les  caractères  des  formes  australiennes;  deux  mondes, 
«  aussi  différents  que  l'Europe  l'est  de  l'Amérique  »,  se  trouvent  en  pré- 
sence, séparés  l'un  de  l'autre  par  un  détroit  moindre  de  35  kilomètres  en 
largeur.  ]1  est  vrai  que  les  deux  îles  Bali  et  Lombok,  en  grande  partie 
composées  de  roches  volcaniques,  sont  peut-être  dans  presque  toute  leur 
étendue  d'origine  moderne.  Ce  qui  de  nos  jours  est  un  étroit  caïud  fut 
jadis  un  large  bras  de  mer;  mais  le  contraste  frappant  de  deux  ftuines, 
précisément  dans  une  chaîne  d'îles  offrant  une  si  grande  unité  au  point 
de  vue  de  la  géographie  physique,  n'en  est  pas  moins  un  phénomène  des 
plus  remarquables.  Un  des  traits  saillants  de  la  surface  terrestre  est 
cette  rangée  d'îles  volcaniques,  nées  évidemment  d'une  même  crevasse 
du  fond  marin,  qui  se  continuent  de  l'îlot  de  Krakatau  à  celui  de  Nila,sur 
une  longueur  de  2775  kilomètres,  et  cette  traînée  de  laves  se  trouve  cou- 
pée au  milieu  précis  par  une  brusque  ligne  de  séparation  entre  les 
faunes!  On  doit  en  conclure  que  la  formation  des  volcans  de  la  Sonde 
est  un  i)hénoniène  relativement  moderne  :  l'affrontement  des  deux  faunes, 
indienne  et  australienne,  prouve  que  la  distribution  des  terres  et  des  mers 
et  la  vie  ]ilanétaire  elle-même  dil'iéraient  jadis  en  ces  parages.'  Entre 
Bornéo  et  Celêbès,  que  sépare  d'ailleurs   un  détroit  dé])assant  de  beau- 

A.  GrisBbac'i,  In  Yéyétation  du  Globe,  tiad.  par  Tcliilialcliof. 


FLORE.   FAI  NE  DE    1/ INSILIMIE. 


909 


cou[j  celui  de  Lombok  on  largeur,  le  conlraste  entre  les  espèces  d'animaux 
n'est  pas  moins  remarquable  :  de  part  et  d'autre  presque  toutes  les  formes 
appartiennent  à  des  familles  distinctes.  On  doit  en  conclure  que  là  aussi 
les  terres  différant  par  leurs  faunes  respectives  doivent  être  restées  sans 
islhme  de  jonction  depuis  des  temps  géologiques  très  anciens;  mais 
Celèbès  ne  faisait  point,  comme  Lombok,  partie  du  monde  australien  :  de 

N"    40.    LIGNE    DE    SÉPAIUIION    DES    FAUNES    DANS    L'iNSrLINDE. 


Est    de    Par 


I    :  52S00000 


tous  les  côtés  elle  apparaît  isolée;  c'est  une  terre  dont  l'isolement  complet 
est  un  fait  géologique  datant  des  âges  les  plus  l'eculés'. 

Ouant  aux  trois  grandes  îles  occidentales,  Sumatra,  Java  et  Bornéo,  que 
des  lits  marins  si  peu  profonds  séparent  actuellement  du  corps  continen- 
tal de  l'Asie,  leur  faune  aussi  bien  que  leur  flore  démontre  l'ancienne  con- 
tinuité des  terres.  Wallace  compte  48  espèces  de  mammifères  qui  sont 
communes  à  la  Malaisie  continentale  et  à  l'archipel  voisin.  Sumatra, 
longue  chaîne  de  montagnes  parallèle  à  la  péninsule  de  Malacca,  peut  être 
considérée  comme  ayant  une  faune  presque  identique  à  celle  de  la  terre 


'  Earl,  Niitii'c  races  of  Ihe  Iiuliau  Ariliijtcliiiio:  —  Wallace,  niivrage  cité. 

XIV. 


210  NOUVELLE  GÉOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

ferme;  Bornéo,  plus  éloijinée  du  conlinenl,  présente  déjà  une  certaine 
originalité  dans  ses  formes  animales;  Java,  quoique  fort  rapprochée  de 
Sumatra,  à  laquelle  des  îlots  intermédiaires,  où  peuvent  se  reposer  les 
oiseaux  migrateurs,  la  rattachent  encore  davantage,  offre  plus  de  ca- 
ractères spéciaux  dans  sa  faune  que  l'ile  de  Bornéo,  pourtant  plus  iso- 
lée en  apparence;  elle  possède  en  propre  plus  d'oiseaux,  plus  d'insectes 
que  les  deux  autres  îles,  et  l'on  en  conclut  qu'elle  se  détacha  la  première 
du  continent  :  Bornéo  tenait  encore  à  l'Indo-Chine  lorsque  Java  était  déjà 
de  tous  côtés  entourée  par  la  mer.  L'élude  de  la  zoologie  contredit  donc 
formellement  la  tradition  des  Javanais,  d'après  laquelle  la  catastrophe 
de  rupture  entre  Sumatra  et  Java  serait  un  événement  récent,  ayant  eu 
lieu  vers  l'an  mille  :  ainsi  s'expliquerait  le  nom  de  Poelo  Pertjeh,  «  île 
Brisée  »,  donné  à  Sumatra. 

L'exploration  zoologique  de  l'insulinde  est  loin  d'être  termiiu'e.  La 
région  la  mieux  connue  des  naluralisles  est  la  partie  occidentale  de  Java; 
on  a  aussi  étudié  avec  beaucoup  de  soin  le  district  de  Padang,  dans  Suma- 
tra; à  Bornéo,  les  environs  de  Sarawak  et  de  Banjermassin,  l'île  de 
Bangka,  enfin  certaines  péninsules  de  Celèbès,  ont  été  également  visités 
dans  tous  les  sens'.  Mais  ce  n'est  là  qu'une  faible  part  de  l'immense 
domaine  et  l'avenir  réserve  encore  de  grandes  découvertes  aux  natura- 
listes. Néanmoins  les  explorations  déjà  faites  suffisent  pour  qu'on  puisse 
juger  de  la  richesse  immense  de  la  faune  de  l'insulinde  occidentale  :  en  six 
années  de  recherches,  Wallace  seul  a  rapporté  plus  de  '125  000  échantil- 
lons zoologiques.  Les  mammifères  de  l'Indonésie  sont  au  nombre  de  jdus 
de  170  espèces,  parmi  lesquelles  la  famille  des  singes  compte  24  repré- 
sentants. A  Sumatra  et  à  Bornéo  se  trouvent  deux  espèces  d'orang-outan, 
cet  «  homme  sauvage»,  si  souvent  décrit,  qui,  par  son  intelligence  et  ses 
qualités  affectives,  semble  être  le  plus  rapproché  de  l'homme  civilisé;  le 
si-amang,  presque  aussi  haut  de  taille  que  l'orang-outan,  vil  à  Sumatra;  à 
l'exception  des  terres  orientales,  chaque  île  a  ses  gibbons  aux  longs  bras  et 
ses  lémurides  au  long  museau.  Sumatra  et  Bornéo  sont  encore  le  refuge 
d'une  espèce  d'éléphant,  qui  ne  paraît  pas  différer  de  celle  de  l'Inde,  et 
d'un  tapir  qui  se  retrouve  aussi  sur  le  continent  ;  Sumatra  et  Java  ont 
leurs  rhinocéros,  Bornéo  et  Java  leurs  taureaux  sauvages,  qui  ressemblent 
à  ceux  de  Siam  et  de  la  Barmanie.  Les  îles  de  la  Sonde  n'ont  pas  moins  de 
33  espèces  de  carnivores,  parmi  lesquels  le  tigre  royal  et  le  léopard, 
presque  aussi  redoutable.  Quant  à  la  tribu  des  chauves-souris,  elle  com- 

'  II.  J.  Velli,  (li'erzicht  van  ilc  Hennis  (1er  Fdvna  l'tin  Fie(lerl{inils<n  hulie. 


FAUNE   DE   L'I>'SULIN1)E.  til! 

|)i'eml  50  espèces.  Les  rongeurs  sonl  aussi  1res  nombreux  :  à  elle  seule  l;i 
Cainille  des  écureuils  est  représentée  par  25  espèces,  presque  toutes  diffé- 
rentes de  celles  du  continent;  en  outre,  une  dizaine  d'animaux  insecti- 
vores, les  toupaïa,  qui  ont  une  grande  ressemblance  avec  les  écureuils, 
apj)artieiinenl  presque  exclusivement  à  la  faune  insulaire. 

Environ  550  espèces  d'oiseaux,  sans  compter  celles  que  les  éleveurs  ont 
récemment  introduites,  vivent  dans  l'archipel,  et  quelques-unes,  uolam- 
menl  les  ])erroquets,  sont  parées  des  couleurs  les  plus  éclatantes.  Les  ophi- 
diens et  autres  reptiles,  rai'es  dans  la  plupart  des  terres  maritimes,  ne 
le  sont  point  dans  l'insulinde  :  le  crocodile  infeste  ses  estuaires,  un  python 
de  ses  forêts  atteint  une  longueur  de  10  mètres,  et  le  serpent  à  lunettes  est 
un  de  ses  hôtes  les  plus  redoutés.  Des  poissons,  par  centaines  d'espèces, 
peuplent  ses  rivières,  et  c'est  par  milliers  et  milliers  (|ue  les  insectes  de  la 
région  sont  déjà  classés  dans  les  musées.  Les  papillons  sont  répandus  en 
si  grande  multitude,  «  qu'ils  en  sont  devenus,  dit  Alfred  M'allace,  un  des 
(rails  caractéristiques  du  paysage  ».  Les  «  ornilhoptères  »,  qui  fiappent 
la  vue  plus  que  la  plupart  des  oiseaux,  grâce  à  leurs  dimensions,  à  la 
majesté  de  leur  vol,  à  l'éclat  de  leurs  couleurs,  se  renconti'ent  par  bandes, 
sur  la  lisière  commune  des  forêts  et  des  terres  cultivées,  et  nulle  part  ils 
ne  sont  aussi  beaux.  On  ne  peut  guère  se  promener  une  matinée  dans  les 
parties  les  plus  fertiles  des  lei'res  malaises  sans  trouver  trois  ou  (juatre 
espèces  de  papilio,  et  souvent  le  double  :  les  naturalistes  en  comptent 
aujourd'hui  150  (|ui  habitent  l'archipel,  et  la  seule  Bornéo  en  possède 
50,  le  plus  grand  nombre  (|ui  ail  été  découvert  dans  une  île.  La  propor- 
tion de  ces  espèces  diminue  graduellement  en  avançant  de  l'ouest  vers 
l'est  ;  mais  leur  taille  augmente  en  raison  inverse'. 

L'a|ipauvrissement  de  la  faune  dans  la  direction  de  l'est,  vers  l'Aus- 
tralie, est  telle,  que  Timor  n'offre  pas  plus  de  7  espèces  de  .mammifères 
terrestres,  avec  15  chauves-souris,  animaux  (|ue  la  puissance  de  leui'  aile 
rend  maîtres  de  l'espace.  Kn  ])assant  de  Bornéo  dans  Celèbès,  le  naturaliste 
est  moins  frappé  de  la  diminution  des  espèces  que  de  leurs  formes  nou- 
velles. Celèbès,  plus  anciennement  isolée  que  les  terres  voisines,  est  plus 
originale  dans  l'aspect  de  sa  fiiune.  Placée  dans  la  région  de  partage  entre 
deux  aires,  de  la  Sonde  et  de  l'Australie,  la  grande  île  participe  à  ces  deux 
zones  par  quelques  formes  animales;  mais  la  plupart  de  ses  espèces  lui 
appartiennent  en  propre  :  elle  constitue  un  monde  à  part.  Des  550  oiseaux 
de  la  Sonde,  10  seulement  ont  passé  à  Celèbès,  mais  cette  île  en  possède 

>  AH'reil  H.  Wallacc,  Les  Sélections  iialiinllcs.  Iiiul.  ijar  Lucien  Je  Carulollc. 


21-2  NOUVELLE   GÉUGUAI'IIIE    LMVEHSELLE. 

SU  qu'on  110  relrouvc  point  jiillciirs;  de  sos  ^21  iiiiuiiiiiirt'rcs,  donl  7 
chauves-souris,  11  lui  sont  spéciaux.  (Juan!  aux  papilhuis  de  Celèbès,  ils 
se  distinguent  tous  de  leurs  coiif^ciicres  d'autres  contrées  jiar  le  dessin 
extérieur  de  leurs  ailes. 

Les  Moluques,  situées  à  l'extrémité  orientale  del'lnsulinde,  sont,  comme 
Timor  et  Celèbès,  très  pauvres  en  mammifères;  elles  en  ont  10  seule- 
ment, sans  compter  les  chauves-souris,  et  l'on  a  des  raisons  de  croire  que 
la  moitié  de  ces  espèces,  entre  autres  le  cynopithèque,  cantonné  dans  la 
seule  île  de  Batjan,  ont  été  jadis  introduits  par  l'homme.  Les  formes 
ty|iiques  de  ce  groupe  d'îles  se  rapprochent  des  espèces  australiennes  :  ce 
sont  des  marsupiaux,  entre  autres  une  sarigue,  belidem  ariel,  qui  res- 
semble à  un  écureuil  volant.  D'autre  part,  les  Moluques  sont  d'une  mer- 
veilleuse richesse  en  oiseaux  :  elles  en  possèdent  j»lus  que  l'Europe  entière. 
Bien  que  l'exploration  des  îles  soit  encore  loin  d'être  achevée,  on  connaît 
déjà  dans  les  Moluques  "ilK»  espèces  d'oiseaux,  donl  195  terrestres,  et  la 
]ihiparl,  perroquets,  pigeons,  martins-pècheurs,  sont  parmi  les  plus 
belles  de  la  zone  tropicale  en  élégance  de  forme  et  en  splendeur  de  plu- 
mage. De  même,  les  nombreux  insectes,  et  notamment  les  papillons  des 
iloluques,  font  l'admiration  des  naturalistes  parleurs  dimensions  et  l'éclat 
de  leurs  ailes.  A  elle  seule,  la  petite  île  d'Amboine  contient  plus  d'espèces 
remarquables  de  lépidoptères  que  de  vastes  espaces  continentaux  :  là,  on 
peut  le  dire,  est  le  foyer  central  de  la  Terre  pour  le  dévelop|)ement  le 
|)lus  com|)let  (le  ces  formes  animales.  Sinon  les  es]ièces,  dont  la  |iluparl 
sont  propres  aux  Molucpies,  du  inoins  les  genres  et  le  groupement  rap- 
prochent celte  faune  insulaire  de  celle  de  la  Nouvelle-Guinée.  Ouoique  de 
terre  en  terre  le  continent  d'Asie  semble  se  continuer  jusqu'en  plein  océan 
Pacifique,  Celèbès  et  les  Moluques  se  trouvent  déjà  zoologi(juement  dans 
une  autre  partie  du  monde. 


De  même  que  les  faunes,  les  races  humaines  se  |)artagent  l'insulinde. 
mais  la  ligne  de  séparation  des  deux  domaines  ne  coïncide  jias  pour  les  ani- 
maux et  les  hommes.  Tandis  que  les  aires  zoologiques  ont  jjour  fosse  inter- 
médiaire le  passage  de  Lombok  et  le  large  détroit  de  Macassar,  la  limite 
tracée  entre  le  monde  malais  proprement  dit  et  celui  des  l'ajunia  et  des 
|)opiilations  congénères  se  trouve  beaucouj)  plus  à  l'est  :  elle  traverse  les 
îles  de  llalinahera  cl  de  Boeroe,  puis  se  dirige  au  sud-ouest,  vers  Soemba 
et  Timor.  D'ailleurs  les  habitants  des  îles  situées  de  chaque  côté  de  cette 
limite  diflei'enl  les  uns  îles  autres,  soit  (|u'il^  oITrenl  à  divers  degrés  des 


FAUKE,  POPULATIONS  DE  L'INSULINDE.  215 

caraclorc's  de  Iransilioii  enlro  les  Malais  et  des  immij;rants  d'autre  race, 
soit  qu'ils  aient  un  type  vraiment  original  qui  semble  en  faire  le  débris 
de  quelque  race  primitive  :  on  ne  parle  pas  moins  de  cinquante  langues 
dans  l'archipel  Indien  ;  chacune  des  pojiulatioiis  insulaires  doit  être  étudiée 
à  part,  avec  la  terie  qui  la  jjorte. 

Dans  les  îles  de  la  Sonde  et  à  Celèbès,  de  même  que  dans  une  partie  des 
Moluques,  la  race,  sinon  unique,  du  moins  prépondérante,  est  celle  des  Ma- 
lais :  ce  sont  eux  qui  constituent  l'ensemble  de  la  population,  ou  qui  du 
moins  se  sont  assimilé,  en  se  fondant  avec  eux,  la  plupart  des  autres  élé- 


il.    POPILATIOXS    DE    L  IXSCLINDE. 


EstdePar.î.  100" 


m<[i        mm        wm 


ments  ethni(pies.  Mais,  quelles  que  soient  les  ressemblances  de  ces  Malais 
d'une  extrémité  à  l'autre  de  l'Insulinde,  ils  se  divisent  en  groupes  naturels 
suivant  le  milieu  géographique,  les  croisements  divers,  la  nourriture,  l'état 
de  civilisation  ou  de  barbarie.  Les  Malais  proprement  dits,  semblables  à 
ceux  qui  vivent  dans  la  péninsule  de  Malaisie  et  qui  ont  donné  leur  nom 
à  la  race  entière,  habitent  les  rivages  de  Sumatra,  de  Bornéo  et  les  îles  in- 
termédiaires; les  Javanais,  ainsi  que  leur  nom  rindiijue,  peuplent  la  plus 
grande  partie  de  Java,  mais  se  sont  aussi  répandus  plus  à  l'est  dans  les 
deux  Iles  de  Bali  et  de  Lombok.  Les  Soundanais  habitent  la  partie  occi- 
dentale de  Java,  au  bord  du  détroit  de  Soenda,  dit  «  de  la  Sonde  »  par 
les  Européens.  Les  Boughi  occupent  la   j)éninsule  sud-occidentale  de  Ce- 


m  NOUVELLE  GEOGRAl'UIE  UNIVERSELLE. 

lèbès,  ainsi  que  les  cùles  situées  au  nord,  et  ont  essaimé  dans  toutes  les  lies 
avoisinantes;  enfin  chaque  terre  distincte  a  ses  populations  plus  ou  moins 
pures  ou  mélangées  et  connues  sous  des  noms  divers.  L'appellation  d'Al- 
fourou,  employée  de  Celèbès  à  la  Papouasie  pour  toutes  les  tribus  obligées 
de  fuir  dans  l'intérieur,  loin  des  côtes,  n'implique  point  une  ressemblance 
de  race  et  ne  s'emploie  que  pour  caractériser  l'état  social  de  populations 
restées  à  l'écart  des  Malais  et  relativement  peu  nombreuses,  les  unes  plus 
blanches  que  les  Javanais,  les  autres  ayant  au  contraire  le  teint  plus  l'oncé 
et  l'aspect  des  Papoua  de  la  Nouvelle-Guinée. 

Parmi  les  Insulindiens  il  en  est  encore  de  sauvages,  comme  les  Batta 
de  Sumati'a,  les  Dayak  de  Bornéo,  les  Alfourou,  c'est-à-dire  les  «  Libres  » 
de  Celèbès,  et  la  plupart  des  anihropologistes  s'accordent  à  voir  en  eux  les 
restes  d'une  population  primitive  à  teint  clair  qui  aurait  envahi  les  îles 
avant  les  Malais  '  :  on  leur  donne  spécialement  le  nom  d'  «  Indonésiens  », 
comme  s'ils  étaient  les  représentants  des  anciens  maîtres  de  l'archipeP. 
Mais  dans  les  îles  nord-orientales,  voisines  de  la  Nouvelle-Guinée  et  des 
Philippines,  on  rencontre  un  autre  élément  ethnique,  tout  à  fait  distinct 
des  Papoua  et  des  Malais,  composé  de  |)0])ulalions  à  peau  noire  ou  noirâtre, 
à  chevelure  parfois  crépue,  ressemblant  aux  Mincopi  des  Andaman,  aux 
negritos  de  Mindanao  et  de  Luzon,  et  ces  indigènes,  véritables  autochtones, 
seraient  encore  antérieurs  aux  Indonésiens  blancs  de  Sumatra,  de  Bornéo 
et  de  Celèbès.  Dans  les  îles  occidentales  les  <(  petits  noirs  »  ont  été  extermi- 
nés ;  ils  oui  élé  simplement  icfoulés  vers  les  montagnes  dans  les  îles  de 
l'est,  comme  l'ont  été  les  Indonésiens  blancs  dans  les  grandes  terres  de  la 
Sonde.  C'est  un  phénomène  étrange  que  ce  contraste  des  espèces  animales 
et  des  hommes  eux-mêmes  entre  des  îles  rapprodiées  el  des  districts  limi- 
trophes, ayant  un  même  climat  et  des  conditions  gét)gra[)liiques  analogues. 
L'histoire  de  la  |ilanèle  expliijue  cette  opposition  si  tranchée  :  ce  sont  des 
âges  difiérenis  (|iii  se  trouvent  juxtaposés.  Mais  pendant  la  série  des  siècles 
ces  populations  différentes  les  unes  des  autres  ont  dû  être  longtemps  sou- 
mises aux  mêmes  influences,  car  toutes  leurs  langues,  malaises,  papoua- 
siennes,  indonésiennes  et  negritos,  constituent  une  même  famille''.  Bien 
pins,  llodgsoii  et  Caldwell  ont  rattaché  ces  langages  à  la  souche  dravi- 
dienne  de  l'Inde  méridionale'. 

Dans  le  langage  ordinaire,  le  nom  de  Malais  a  le  même  sens  que  maho- 

'  De  nLialivIii^cs,  ll;iiriy,  Vivien  île  S;iiiil-M;irliii,  Vesteeg,  Monlaiio. 

-  Logiin;  —  liaiiiy.  Hiillclin  de  lu  Sock'lé  lie  Gi'oyrapliie,  mai  1877. 

''  Ed.  Diilaiii  ier,  Maisiten.  .Moerenli(iiit,  Buseliniaim,  Favie,  Kern,  etc. 

*  Oiliviei-  Iti'aiiienaid,  Suciélc  tV ÀiiUtfopolo(jic  de  Paris,  séance  du  '2  juillet  1885. 


POPULATIONS  DE   L'INSlLl.NDi:.  215 

mélan  :  l'Insulindien,  noir,  bronzé  ou  blanc,  qui  a|)|iren(l  Fécrituro  arabe 
et  se  fait  circoncire,  devient  «  Malais  »  par  cela  même'.  Cependant  il  est 
probable  que  la  grande  majorité  de  la  population  appartient  à  la  même  na- 
tion. Sans  préjuger  l'origine  première  de  la  race  malaise,  (jui  domine  dans 
rinsulinde,  on  peut  se  demander  quelle  était  sa  patrie  aux  temps  (pii 
précédèrent  la  période  liistorique?  Sont-ils  entrés  dans  l'archipel  en  des- 
cendant de  la  [léninsule  Malaise,  ou  bien  avaient-ils  un  autie  centre  de 
dispersion,  les  plateaux  du  centre  de  Sumatra  par  exemple?  Leur  nom 
même,  d'après  van  der  Tuuk,  rappellerait  leur  origine  étrangère  :  il  aurait 
le  sens  de  «  vagabond  »,  «  émigrant  ».  Dans  tous  les  pays  occupés  par  eux, 
les  rives  des  fleuves  sont  dites  ■<  droites  »  et  «  gauches  »,  non  d'après  la 
marche  du  voyageur  dans  le  sens  du  coui'ant,  mais  au  contraire  comme 
s'il  remontait  de  l'aval  à  l'amont,  ce  qui  semble  prouver  que  les  colons  sont 
venus  de  la  mer  ;  on  a  constaté  aussi  de  grandes  ressemblances  entre  les 
cases  malaises  et  les  barques  :  en  maints  endroits  les  villages  ont  l'aspect 
d'une  flottille  échouée.  Les  Malais  insulaires,  de  même  que  ceux  du  conti- 
nent, sont  petits  ou  de  taille  moyenne,  mais  robustes;  leur  peau  est  d'un 
rouge  brun,  parfois  olivâtre,  et,  chez  les  femmes  qui  sortent  peu,  tirant 
sur  le  jaune.  Ils  ont  les  cheveux  noirs,  durs  et  grossiers  au  toucher,  et 
sont  presque  sans  barbe;  leur  figure  un  peu  aplatie,  au  petit  nez,  mais 
aux  lai'ges  narines,  aux  grosses  lèvres,  aux  pommettes  saillantes,  aux  yeux 
noirs,  est  plutôt  ronde  qu'ovale  :  n'était  leur  teint  et  la  différence  du  cos- 
tume, on  les  prendrait  souvent  pour  des  Chinois;  ils  ressemblent  encore 
plus  aux  Khmer  ou  Cambodgiens  et  les  langues  des  deux  nations  pré- 
sentent une  grande  analogie  dans  la  structure  grammaticale  ^  Ce  qui 
distingue  surtout  les  Malais,  c'est  le  bel  é(juilibre  des  membres,  la  finesse 
des  attaches,  la  petitesse  des  mains  et  des  pieds. 

De  même  que  les  gens  de  toute  race,  les  Malais  des  diverses  îles  diffèrent 
singulièrement  suivant  leurs  métiers  ou  professions  :  le  pirate  ou  le  mar- 
chand ne  peuvent  être  jugés  comme  l'artisan  ou  le  cultivateur;  mais  la 
grande  masse  des  indigènes,  composée  d'individus  qui  travaillent  la  terre, 
sont  des  gens  sociables,  quoique  assez  taciturnes,  bienveillants,  toujours 
disposés  à  s'entr'aider,  des  plus  respectueux  pour  la  liberté  les  uns  des 
autres,  d'une  extrême  politesse.  L'ouvrier  ne  se  permet  pas  de  réveiller  son 
camarade  en,  portant  la  main  sur  lui  ;  le  créancier  n'ose  guère  rappeler  sa 
dette  au  débiteur  ;  il  est  rare  que  par  ses  manières  et  la  teneur  de  son  lan- 


'  Mavidc-n,  Historii  of  Siiinalra. 

-  Fdiil.iini';  —  Ayinrmnier;  —  A.  Koaiie,  Aiislialasiii. 


210  NOUVELLE    f.ÉOGRAPUlE   UNIVERSELLE. 

gage  le  Malais  ne  soit  pas  réellement  supérieui-  au  Liane  venu  dans  son 
pays  avec  la  prétention  de  le  «  civiliser  »  '.  Mais,  quoique  très  policés  et  dis- 
posant depuis  des  siècles  d'une  littérature  écrite,  les  Malais  ne  paraissent 
pas  avoir  la  même  force  intellectuelle  que  d'autres  nations,  notamment 
les  Papoua,  qui  de  nos  jours  sont  loin  de  les  égaler  en  civilisation.  Ce 
qui  manque  au  Malais,  disent  les  voyageurs  qui  ont  le  plus  vécu  dans 
son  intimité,  c'est  une  large  compréhension  des  choses,  c'est  l'audace  dans 
la  pensée  :  il  est  timide,  sans  initiative,  acceptant  sans  résistance  les 
influences  étrangères.  Jadis  il  se  laissa  convertir  au  bouddhisme  et  au 
brahmanisme  par  quelques  missionnaires  hindous,  puis  l'arrivée  des  mar- 
chands arabes  eut  bientôt  rattaché  presque  toutes  les  populations  au  cuite 
de  l'Islam,  et  maintenant  une  poignée  d'administrateurs  hollandais,  ne  dis- 
posant que  d'une  petite  armée  de  mercenaires,  suffit  pour  tenir  trente 
millions  d'hommes  dans  une  sujétion  qui  ressemble  à  la  servitude. 


II 

Sl'MATRA     ET    1 1.  E  S    DE     LA    MET.     0  CC  I  DE  X  T  A  I.  E. 

Sumatra,  même  sans  les  archipels  vuisins  qui  en  font  géologiquement 
partie,  est  l'une  des  plus  grandes  îles  de  la  planète;  elle  n'est  dépassée  en 
étendue  que  par  les  deux  terres  des  pôles,  le  (iroenland  et  l'Antarctide,  et 
les  trois  îles,  Papouasie,  Bornéo,  Madagascar.  Sa  surface,  non  encore  me- 
surée par  une  triangulation  régulière,  est  évaluée  à  plus  de  440  000  kilo- 
mètres carrés,  soit  treize  fois  la  superficie  de  la  ÎNéerlande,  la  con- 
trée d'où  partent  les  ordres  pour  le  gouvernement  de  l'île  et  sa  conquête 
définitive.  Car  Sumatra,  quoique  officiellement  annexée  tlans  son  entier  à 
l'empire  colonial  de  la  Hollande,  est  encore  habitée,  dans  les  montagnes 
et  les  forêts  de  sa  partie  septentrionale,  par  des  populations  indépen- 
dantes, et  depuis  1875  la  nation  néerlandaise  a  puap|)rendrc  parla  guerre 
d'Atjeh,  par  d'incessants  conflits  autour  des  camps,  des  incursions  et  des 
assauts,  ce  qu'il  en  coûte  de  subjuguer  un  peuple  résolu  à  défendie  son 
autonomie.  L'île  n'étant  pas  complètement  conquise,  on  n'a  pu  jusqu'à 
maintenant  dresser  un  recensement  général  de  la  population;  mais  les  sta- 
tistiques partielles  qui  ont  été  faites  pour  les  provinces  soumises,  et  les  éva- 
luations raisonnées  que  l'on  propose  pour  les  districts  indé|)endants, 
perniettenl  il'affiiiner  que  la  population  de  Sumatra,  d'ailleurs  fort  minime 

'  Alfred  li.  Wallacc,  Tlir  Miihni  Archiprliiiio. 


SUMATRA.  217 

en  prnpnrlion  de  l'énorme  superficie  du  territoire,  s'est  notablement 
accrue  depuis  le  milieu  du  siècle.  En  1869,  Velh  constatait  que  le  nombre 
des  habitants  de  Sumatra  et  des  îles  occidentales  n'atteignait  pas  tout  à 
fait  deux  millions  et  demi.  Actuellement  il  dépasse  certainement  trois  mil- 
lions et  demi;  peut-être  est-il  même  de  quatre  millions  d'hommes.  Peuplée 
comme  Java,  sa  voisine,  que  la  fécondité  du  sol  et  l'abondance  des  res- 
sources lui  permettraient  de  dépasser,  Sumatra  aurait  soixante-dix  mil- 
lions d'habitants'. 

Les  deux  îles  de  Sumatra  et  de  Madagascar  se  ressemblent,  l'resqiu' 
égales  en  étendue  et  présentant  chacune  dans  son  ensemble  la  forme  d'un 
ovale  allongé,  l'une  et  l'autre  ont  une  côte  presque  rectiligne,  celle  qui  est 
tournée  vers  la  haute  mer,  et  une  côte  inégale,  découpée  de  criques  et  de 
baies,  celle  que  baignent  des  eaux  moins  profondes.  Ces  deux  mers  oppo- 
sées qui  entourent  Sumatra,  l'une  océan  sans  bornes,  l'autre  détroit  semé 
d'îles,  auraient  valu  à  la  grande  terre,  disent  quelques  étymologistes,  son 
nom  sanscrit  de  Samantara,  l'île  «  placée  entre  deux  »  ;  mais  on  ne  saurait 
guère  douter  que  l'appellation  usuelle  de  l'île  ne  soit  réellement  dérivée 
de  Samoudra,  désignation  d'un  ancien  royaume  de  la  côte  septentrionale  : 
ce  mot  a  le  sens  de  «  mer  »  en  sanscrit  *.  Lorsque  l'influence  hindoue  pré- 
dominait dans  ces  parages,  Sumatra  partageait  avec  l'île  voisine  la  déno- 
mination de  Djava  ou  Java,  et,  pour  la  distinguer  de  l'autre  Java,  on  la 
qualifiait  de  «  Petite  »,  non  qu'on  rimaginàt  inférieure  en  dimensions  à 
la  «  (îrande  Java  »,  mais  parce  qu'elle  était  de  moindre  importance  com- 
merciale'. Les  noms  indigènes  de  Sumatra  sont  Pertjeh  ou  Andalas*.  Les 
Européens  n'apprirent  à  connaître  cette  île  que  dans  les  premières  années 
du  seizième  siècle.  Ludovico  di  Barlhema  en  visitait  les  côtes  du  nord  en 
1505,  et  quatre  ans  plus  tard  une  flotte  portugaise  ancrait  dans  ces  pa- 
rages. Les  Hollandais,  maîtres  actuels,  ne  se  présentèrent  qu'à  la  fin  du 
même  siècle,  en  1508. 

De  même  qu'à  Madagascar,  les  massifs  de  hauteurs  et  de  montagnes, 
composés  en  grande  partie  de  roches  stratifiées  reposant  sur  le  granit,  ne 
se  profilent  pas  vers  le  milieu  de  l'île;  au  contraire  ils  s'alignent  princi- 
palement dans  le  voisinage  de  la  côte  océanique;  mais,  beaucoup  plus  régu- 
liers qu'à    Madagascar,    ils  sont    disposés    d'une   extrémité  à  l'autre  de 

'  Superficie  et  population  probable  île  Sumalra  et  des  îles  occidentales  : 

A67)  146  kilomètres  carrés;  ô&OOOOO  liabitants;  8  habitants  par  kilomètre  carré. 
-  Yule,  The  Book  ofser  Marco  Polo. 
■'  Marsden,  Uislortj  of  Siimnlrn. 

*  1'.  J.  \c\\\,  Adiilrij.il.iiiulifi  en  slatistiscli  Woordeiilwch  van  Necclerlandsch  Indic. 
XIV.  28 


218  NOUVELLE  GÉOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

Sumatra  suivant  un  axe  à  peine  infléchi,  n'offrant  en  certains  endroits 
qu'une  seule  arête  maîtresse,  tandis  qu'ailleurs  se  poursuivent  deux  ou 
trois  chaînes  parallèles  ;  des  chaînons  secondaires  unissent  transversale- 
ment ces  crêtes  et  limitent  des  plateaux  verdoyants,  des  cirques  et  des 
combes  où  dorment  des  lacs,  où  serpentent  les  rivières.  C'est  là,  dans 
ces  vasques  supérieures,  à  l'altitude  moyenne  d'un  millier  de  mètres,  que 
se  sont  groupés  les  villages  les  plus  nombreux  et  que  le  sol  fertile  est  le 
moins  négligé.  Dans  cette  région  salubre,  dont  le  climat,  beaucoup  plus 
frais  que  celui  du  littoral,  convient  même  aux  Européens,  se  trouvent 
réunis  tous  les  avantages  qui  semblent  devoir  faire  une  contrée  populeuse, 
riche  et  prospère. 

L'ossature  de  Sumatra  continue  certainement,  mais  avec  [)lus  de  régu- 
larité, la  chaîne  des  monts  indo-chinois  de  l'Arrakan  (|ui  forme  le  cap 
ÎSegrais,  à  l'est  de  l'Irraouaddi,  et  décrit  ensuite  la  coui'be  allongée  des  îles 
Andaman  et  Nicobar'.  Les  monts  de  Barisan,  —  c'est  le  nom  que  l'on  donne 
à  l'ensemble  du  relief  montagneux  de  Sumatra,  —  commencent  déjà 
en  pleine  mer,  au  nord  d'Atjeh,  ])ar  l'île  ou  poelo  Brass  (700  mètres),  por- 
tant un  phare  à  son  exti'émité  septentrionale  :  c'est  le  ><  phare  de  Suma- 
tra 5'.  A  l'est  se  dressent  le  massif  insulaire  du  poelo  Wai  (415  mètres), 
puis,  à  quelques  kilomètres  à  peine  dans  l'intérieur  de  la  grande  terre,  la 
cime  volcanique  de  Selawa  Djanten,  haute  de  1726  mètres;  les  Hollandais 
lui  donnent  aussi  le  nom  de  (loudberg  ou  »  montagne  de  l'Or  ».  A  ce  fier 
volcan,  presque  isolé  de  toutes  parts,  succèdent  vers  l'est,  le  long  de  la 
côte  septentrionale,  d'autres  cimes,  pour  la  plupart  moins  élevées,  qui 
jalonnent  le  rebord  du  plateau  encore  inexploré  des  Atchinois  :  la  chaîne 
se  termine  près  du  cap  Diamant  ou  Djamboe-Ajer  par  un  Tafelberg  ou 
«  mont  de  la  Table  )i,  qui  porte  sa  terrasse  suprême  à  lOOt)  mètres 
au-dessus  de  la  mer.  Un  volcan,  non  encore  visité,  le  Samalanga,  montre 
son  cône  de  1200  mètres  par  delà  les  collines  du  littoral;  mais  la  chaîne 
principale,  qui  preinl  son  origine  à  l'ouest  du  Goudberg  et  de  la  vallée 
d'Atjeh,  pour  longer  de  près  la  rive  océanique,  élève  ses  pitons  à  une 
hauteur  beaucoup  plus  considérable.  L'Abong-Abong  et  le  Loeseh,  que 
l'on  dit  èti'e  des  volcans,  mais  qui  n'ont  pas  encore  été  explorés, 
atteindraient  respectivement  3400  et  5700  mètres  d'altitude. 
.  Au  sud  de  ces  grands  sommets,  dont  les  cônes  puissants  reposent  sur  un 
socle  de  roches  cristallines  (rois  lois  moins  élevé,  la  hauteur  moyenne  des 


'  Ed.  SîJss,   Antlit^  acr  Ente;  —  K:in,  Tijflsclirijï  van   liet  Aardvijksl.unduj  Genootscluip  te 
Aitislcrildin,  \m\. 


MUNTACNES  DE  SL.MATlîA.  221 

iiKinlngnes  s'nbaisse  et  celles-ci  se  divisent  en  chaînes  pai'allMcs  ponr 
embrasser  le  plateau  de  Toba  et  la  «  mer  »  ou  Uto  de  même  nom,  appelée 
aussi  Silalahi  ;  c'est  un  lac  d'eau  claire,  d'une  superficie  de  1500  kilomè- 
tres carrés,  qu'entourent  par  centaines  les  villages  des  Batla  :  des  volcans 
éteints  ou  encore  actifs  se  reflètent  dans  les  eaux  du  lac  ;  l'un  d'eux,  le 
Dolok  Simanaboem,  lançait  d'épaisses  vapeurs  en  1881,  et  sur  ses  hautes 
pentes,  de  même  que  sur  celles  d'un  volcan  voisin,  on  distingue  d'en  bas 
une  large  zone  d'un  jaune  d'or,  consistant  probablement  en  cristaux  de 
soufre.  Un  autre  volcan,  le  Poesoek  Boekit,  au  bord  même  de  la  l'ive  occi- 
dentale, possède  aussi  de  vastes  solfatares  où  vont  s'approvisionner  les 
Balta.  L'Ile  qui  s'élève  au  milieu  du  lac  fut  un  volcan  que  des  éruptions 
de  cendres  ont  rattaché  à  la  terre  ferme  et  au  Poesoek  Boekit  par  un 
mince  pédoncule.  Le  lac  de  Toba  s'allonge  dans  le  sens  du  noi'd-ouest  au 
sud-est,  parallèlement  à  Sumatra  et  à  son  axe  montagneux;  son  écoule- 
ment se  foit  au  sud-est,  vers  la  manche  de  Malacca. 

L'amphithéâtre  des  monts,  qui  projette  ses  promontoires  dans  la  direc- 
tion de  la  côte  orientale,  se  referme,  au  sud  du  plateau  de  Toba, 
et  la  chaîne  principale,  réduite  à  une  seule  arête  maîtresse,  reprend  sa 
direction  normale,  parallèlement  à  la  côte  océanique  de  Sumatra.  Dans 
cette  partie  du  Barisan,  quelques  cimes  volcaniques  ou'  autres  dépassent 
1500  mètres  d'altitude  :  de  l'une  des  montagnes  s'échappent  en  tourbil- 
lons des  vapeurs  sulfureuses  ;  une  autre  est  percée  d'un  cratère  aux  parois 
jaunes  de  soufre'.  De  superbes  [)romontoires  latéraux  flanquent  la  chaîne 
à  l'ouest  el,  vus  du  large,  paraissent  être  les  sommets  dominateurs.  Tel 
est  le  Malintang  (1500  mètres);  tel  est  aussi  le  Pasaman,  que  les  géo- 
graphes d'Europe  ont  appelé  Ophir,  non  à  cause  de  ses  mines  d'or,  car  il 
n'vn  renferme  point,  mais  par  allusion  à  la  richesse  de  la  grande  île  tropi- 
cale. Complètement  isolé  en  apparence  et  se  dressant  au  nord  à  9  kilo- 
mètres seulement  del'équateur  et  vers  le  milieu  précis  de  la  côte  océanique 
de  Sumatra,  le  mont  Ophir  est,  de  toutes  les  montagnes  de  l'île,  celle  que 
devaient  le  plus  remarquer  les  marins.  Aussi  la  croyait-on  naguère  la  plus 
élevée  et  lui  donnait-on  une  hauteur  bien  supérieure;!  celle  de  2929  mètres 
que  lui  ont  laissée  les  explorateurs  modernes.  Le  mont  Ophir  a  deux  cimes 
jirincipales  et  plusieurs  cratères  en  [lartie  oblitérés. 

Au  delà,  la  chaîne  proprementdite  est  interrompue  par  une  large  vallée, 
celle  de  la  rivière  Masang,  au  sud  de  bupielle  une  rangée  transversale  de 
volcans  s'élève  de  l'ouest  à  l'est  sur  le  bord  des   «  Hautes  Terres  de  Pa- 

'  Franz  Jinigliiiliii,  Die  Bullalandcr. 


2n  .NOUVELLE  GÉOGRAl'UIE   IMVERSELLE. 

dan";  >'.  Le  plus  occidental  de  ces  volcans  a  perdu  son  aspect  de  montagne: 
il  ne  reste  plus  que  l'énorme  pourtour  de  la  hase,  formant  maintenant  une 
enceinte  boisée.  La  cime  a  disparu,  emportée  sans  doute  par  quelque  (explo- 
sion formidable,  et  à  la  place  du  volcan  se  trouve  (iôO  mètres)  un  lac 
ovale,  le  Manindjoe,  appelé  aussi  Danau,  c'est-à-dire  la  «  mer  >-,  emplis- 
sant une  moitié  de  l'ancien  cratère.  Cette  nappe  d'eau,  qui  se  déverse  à 
l'ouest  dans  l'océan  Indien,  est  alimentée  de  quelques  fontaines  légère- 
ment thermales  et  alcalines,  très  fréquentées  par  les  malades  indigènes; 
des  éruptions  gazeuses  ont  lieu  de  temps  en  temps  dans  les  [)rofondeurs 
du  lac,  car  une  odeur  du  soufre  se  répand  dans  l'air  et  les  poissons 
meurent  par  milliers.  A  l'est  de  ce  cratère  lacustre,  qui  ressemble  beau- 
cou|i  au  lac  italien  de  Bolsena,  se  dresse  un  volcan  encore  entier,  le  Sin- 
galaiig  ('2(i(S'2  mètres),  à  peine  moins  superbe  que  son  voisin  oriental  le 
Mcrapi,  dont  la  plus  haute  pointe  atteint  '2<Si8  mètres.  Ce  volcan,  que  son 
nom  même,  Moro  Api  ou  «'  Feu  Destructeur  »,  jiroclame  mont  redou- 
table, est  en  effet  celui  des  sept  ou  huit  ])itons  ignivomes  de  Sumatra 
qui  s'est  le  plus  fréquemment  ouvert  et  (|ui  a  versé  le  plus  de  laves 
sur  les  campagnes  environnantes.  Pendant  ce  siècle,  de  nombreuses 
éruptions  ont  eu  lieu.  Le  sommet  de  la  montagne,  nu,  rouge,  rebelle  à 
toute  végétation,  se  termine  par  trois  cônes  à  cratères  entourés  de  cou- 
lées. La  légende  des  Malais  indigènes  fait  du  Merapi  une  sorte  de  mont 
Ararat,  d'où  leurs  premiers  parents  descendirent  à  mesure  que  se  reti- 
raient les  eaux. 

Le  volcan  Sago  ('2'2iU  mètres)  se  dresse  comme  une  borne  angulaire  au 
nord-est  des  «  Hautes  T(M'res  »  de  Padang.  Celte  terrasse  est  montueuse 
daii^  toute  son  élcndur,  mais  elle  est  assez  bien  limitée  par  deux  arêtes 
longitudinales,  à  l'ouest  la  chaîne  maîtresse  de  Barisan,  à  l'est  celle 
de  Ngalau  Sarilioe.  Knilu,  au  sud,  une  autre  chaîne  transvei'sale  borde 
cette  partie  du  plateau,  et,  comme  la  chaîne  du  nord,  elle  a  aussi  sa  borne 
angulaire,  le  volcan  de  Talang  ou  Soelasi  (2M5  mètres),  qui  domine 
directement  à  l'est  la  cilé  de  l'adang  :  des  eaux  thermales,  des  gaz  sulfu- 
reux s'échappent  en  abondance  des  crevasses  de  cette  montagne,  qui 
d'ailleurs  n'a  point,  à  sa  cime  de  cratère  proprement  dit';  ses  parois 
sont  revêtues  de  soufre,  que  vont  recueillir  les  indigènes.  Dans  la  partie 
la  plus  basse  du  quadrilatère  que  les  quatre  chaînes  extérieures  forment 
autour  des  c  Hautes  Terres  »  de  Padang  s'étend  un  lac  de  forme  allongée, 
dont   le  gland  axe  est  celui  de  l'île  même  et  de  ses  montagnes  et  <|ni  n'a 

'   \l'11i;  \;im  U.isscll,  liutlctiii  tir  ht  Société  de  Géoijinphie,  décembre  1878. 


MOMACMES  ET  LACS  DE  SUMATRA. 


225 


pas  été  moins  bien  exploré  que  les  lacs  de  la  Suisse'.  C'est  la  ^  mer  » 
de  Singkarah,  bassin  très  poissonneux,  suffisant  à  l'alimentation  d'un 
grand  nombre  de  ses  riverains;  son  niveau  a  été  baissé  de  près  d'un 
mèlre  par  la  destruction  d'une  jjarre  de  rochers  qui  se  trouvait  sur  le 
courant  de  sortie,  là  où  se  forme  la  rivière  Oembilien,  l'une  des  bi'auches 


AINE    VOI^CAMQUv    Iir    merapi. 


Pr-o  ^0<t  ^y^iv^j 


I   ■  130  00(1 


maîtresses  de  l'indragiri.  Trois  autres  lacs,  sans  compter  les  mares, 
s'élagenl  sur  les  pentes  sud-orientales  du  volcan  tle  Talang  :  l'un  d'eux 
est  le  tributaire  de  la  mer  de  Singkarah. 

Au  sud  du  Talang,  la  chaîne  de  Barisan  ne  |)résenie  qu'une  arête  uni- 


Laos  (lu  plalraii  (le  Padaiig 

Maniiuijoe.    . 
Sinnikarali .    . 


Allilu<ii'.  S(ipcrlicic.  Plus  grande  profondeur. 

159mèlres;         100  kilomètres  carrés;  157  mètres. 

im       ))  Il '2         11  »  268       » 

{()(irh'  ficolodiqne  de  Versicc;/.) 


224  NOUVELLE  (iEOr.RAPUlE  UNIVERSELLE. 

que  longeanl  la  cùte  i\c  l'Otraii  la  dislancp  moyenne  de  ^2h  kilomèlres. 
C'est  dans  celle  partie  de  la  chaîne,  mais  presque  isolé,  à  l'est  de  l'alifjne- 
ment  régulier  des  monts,  que  se  dresse  le  Koriniji  (5600  mèti'es),  appelé 
aussi  Indrapoera,  ou  la  «  Cité  d'Indra  »  :  comme  les  grandes  montagnes  de 
l'Inde,  ce  pic,  qui  disjiule  au  Loeseh  le  premier  rang  parmi  les  sommets 
de  Sumatra,  fut  la  demeure  des  dieux.  Presque  toujours  des  vapeurs  s'é- 
chappent de  son  cratère,  abîme  que  purent  contempler  MM.  Yeth  et  van 
Ilassell  et  qu'ils  disent  être  «  d'une  circonférence  énorme  et  d'une  profon- 
deur de  quelques  centaines  de  mètres  ».  Ce  mont  superbe,  comme  ceux 
des  c(  Hautes  Terres  »  de  Padang,  possède  aussi  son  petit  système  lacustre 
dans  les  vallées  creusées  à  sa  racine  :  un  torrent  qui  naît  à  sa  base,  puis 
longe  la  chaîne  volcanique  sur  le  versant  oriental,  va  se  jeter  dans  le  da- 
nau  de  Korintji,  d'où  un  émissaire  s'échappe  vers  le  Ujambi.  Au  sud, 
d'autres  volcans  se  succèdent  dans  l'axe  général  de  l'île.  La  plupart  son! 
éteints;  cependant  le  Kalia  et  le  Dempo  ont  fréquemment  de  violentes 
explosions.  Le  Kaba  (1050  mètres),  que  l'on  aperçoit  à  50  kilomètres  au 
nord-esl  de  Bcnkoelen,  dominant  le  Suikerbrood  ou  «  Pain  de  Sucre  »,  se 
termine  par  deux  cratères,  dont  l'un  est  inaccessible,  et  qui  sont  tous  les 
deux  fissurés  de  crevasses  lançant  des  jets  de  vapeur.  En  IS75,  le  volcan 
s'exaspéra  et  la  série  des  éruptions  dura  trois  années  :  jusqu'à  plus  de 
35  kilomètres,  les  montagnes  et  les  vallées  environnantes  furent  recou- 
vertes do  sables,  mêlés  à  des  substances  chimiques  mortelles  pour  les 
plantes  et  les  animaux;  quand  les  berges  sableuses  des  ruissoaiix  voi- 
sins s'écroulent  dans  le  courant,  les  poissons  meurent  empoisonnés.  Le 
Dempo  (5170  mèlres),  qui  se  dresse  à  une  centaine  de  kilomètres  au  sud- 
est  de  lienkoelen,  est  en  activité  constante.  Un  vaste  cratère,  le  Sawah,  ne 
jette  plus  de  flammes,  et  les  indigènes  peuvent  sans  danger  y  offrir  leurs 
sacrifices  au  milieu  des  bruyèi'es  et  des  rhododendrons.  Le  cône  dans  le- 
quel s'ouvre  le  nouveau  cratère,  et  que  l'on  appelle  Merapi,  comme  le  vol- 
can des  ■<  hautes  terres  ■>'  de  Padang,  s'élève  à  250  mètres  au-dessus  du 
Sawah  :  c'est  la  demeui'e  du  (leva  ou  «  dieu  »  que  viennent  invoquer  les 
gens  des  alentours.  Au  fond  du  gouffi'e,  à  une  centaine  de  mètres  au- 
dessous  de  la  margelle  circulaiie,  on  voit  biiller  un  petit  lac  comme  une 
nap|H'  de  vif-aigenl,  puis  un  point  noir  apparaît  au  milieu  de  la  surface 
luisante,  il  s'agrandit  el  se  creuse  :  c'est  un  entonnoir,  dans  lequel  l'eau 
s'engouffre  soudain.  Quelques  minutes  après,  un  sourd  loiiiierre  ébranle 
les  rochers;  le  bi'uil  se  rapproche,  éclate  comme  la  foudre,  el  le  lac,  trans- 
formé en  va])eurs,  s'élance  hors  de  la  montagne  en  un  jel  puissant,  pour 
retomber  dans  le  cratère.  Ain^i,  l(uiles   les  (juinze  ou   vingt  minutes,  le 


MONTAGMES  DE  SUMATRA,   KRAKATAl'.  225 

lac  disparaît  et  reparaît  en  un  superbe  geysir  de  quelques  «  centaines  de 
pieds  w'. 

Plus  au  sud,  une  ranaii'  nu  «  mer  »  est  située  dans  un  cirque  élevé 
(518  mètres),  que  des  volcans  éteints  entourent  de  trois  côtés  et  qui  paraît 
avoir  été  un  cratère;  au  centre  il  est  d'une  «  extrême  profondeur».  Des 
sources  chaudes,  (jui  jaillissent  près  de  la  rive  méridionale  des  pentes  du 
Siminoeng,  élèvent  assez  la  température  de  cette  pailie  du  lac  («lur  tuer 
les  poissons  qui  s'y  aventui'ent.  Au  sud,  la  chaîne  du  Barisan  se  ijHiirque: 
un  rameau,  qui  suit  la  direction  noimale  de  l'île,  se  dirige  en  droite 
ligne  vers  le  sud-est  et  se  termine  au  cap  Tjina,  par  des  collines  basses 
dont  le  prolongement  irait  rencontrer  en  mer  la  petite  île  des  Princes  et 
la  pointe  sud-occidentale  de  Java.  L'arête  volcanique  de  Sumatra  court 
plus  à  l'est,  signalée  de  loin  par  ses  hauts  sommets  coniques,  le  Besagi,  le 
Sekindjau,  le  Tehah,  le  Tangkamoes  ['■l'UVl  mètres),  celui-ci  plus  connu 
sous  le  nom  de  Keizers  Piek  ou  «  Pic  Impérial  ».  Il  se  dresse  déjà  près  de 
l'exti'émité  méridionale  de  Sumatra,  au  bord  de  la  baie  de  Samangka,  et 
se  rattache  probablement  par  une  crevasse  sous-marine  à  la  bouche  volca- 
nique de  l'île  Taboean.  Sur  la  grande  terre  la  rangée  des  monts  volcaniques 
se  continue  par  le  Tangka  (1042  mètres),  jusqu'à  la  pointe  médiane  de 
Sumatra.  Un  rebord  de  collines,  qui  contourne  la  baie  de  Lampong,  relie 
cette  chaîne  terminale  à  l'ossature  rocheuse  de  la  troisième  pointe  de  Su- 
matra, celle  qui  s'avance  au-devant  de  Java,  précédée  par  un  cortège  d'îles 
et  d'écueils  :  le  détroit  de  la  Sonde,  entre  les  deux  îles,  n'a  que  26  kilo- 
mètres de  largeur. 

Le  volcan  éteint,  dit  lîadja  Bassa  (lôil  mètres),  qui  termine  au  sud 
la  rangée  des  66  volcans  sumatrais,  forme  du  côté  du  nord  la  moitié  du 
portail  maritime  :  il  ne  se  trouve  pas  sur  le  prolongement  de  l'axe  où 
se  sont  érigés  les  grands  cônes  de  l'île,  de  l'Abong-Abong  au  Tangka,  et 
seniide  s'être  dressé  jadis  sur  une  île  isolée  qu'une  oscillation  du  sol,  ou 
probablement  une  pluie  de  cendres  aura  rattachée  à  Sumatra.  Le  Badja 
Bassa  fiiit  partie  d'une  arête  transversale  de  volcans  dont  l'axe  cou])e  celui 
de  Sumatra,  puisqu'il  se  dirige  du  nord-est  au  sud-ouest  :  c'est  la  ran- 
gée, bien  minime  en  apparence,  saillie  presque  imperceptible  à  la  surface 
de  la  Terre,  qui  comprend  dans  le  détroit  de  la  Sonde  les  deux  îles  de  Se- 
besi  et  de  Krakatau;  peut-être  se  prolonge-t-elle  dans  l'océan  Indien,  car 
c'est  précisément  sur  la  continuation  de  la  ligne  du  Radja  Bassa  au  Kraka- 

'  Henry  0.  Forl)es,  .4  ?iiiluvalisl'.i  WaiirleriiHis  in  llie  Kastcni  Aicliipct/nio. 
-  Diitimi,  Ranau,  T;io,  suivant  les  dialectes,  sont  îles  termes  identiques. 

(Fr.  Jungluihn,  Ballalunder.) 
XIV.  il* 


226 


NOUVKLLK   liÉOGRAPlJIE   l'M VERSELLK. 


tau,  mais  à  une  clislaiice  d'un  millier  de  kilomètres,  que  les  îles  Keoling 
se  dressent  du  fond  de  gouffres  ayant  5500  mètres  en  profondeur.  Mais 
une  autre  faille  volcanique  vient  rroiser  celle  de  Sumatra  et  de  Kra- 
katau  dans  le  détroit  de  la  Sonde  :  c'est  la  crevasse  de  Java,  sur  laquelle 
sont  alignées  de  l'ouest  à  l'est  tant  de  formidables  montagnes  d'éruption. 
Ainsi  la  surface  terrestre  se  trouve  en  ce  lieu  de  croisement  comme 
éloilée  par  les  tissures,  et  sur  ce  |i(iinl  faillie  les  pliéiniml'ues  de  destruc- 


K"   i5.    LE    KlUKATAi:    ET    LES    ILES    VOISINES,    ETAT    ANTEIUETIt    A    L  EUITTIO.N. 


daprè&  les  cartes  holland. 


f^f^0^ijric/eC*^^ 


1  !  i5i)o:>o 


lion  ont  eu  parfois,  et  tout  l'écemment  encore,  un  caractère  grandiose. 
Naguère  le  cône  de  Krakatau,  se  dressant  à  832  mètres  d'altitude  et 
déroulant  parfois  ses  vapeurs  dans  le  sens  de  la  mousson,  était  salué  avec 
joie  par  les  marins  qui  franchissaient  le  détroit,  et  les  navires  ancraient  à 
son  abri  par  50  ou  60  mètres  de  profondeur.  La  dernière  érujjtioii  men- 
tionnée |)ar  les  archives,  mais  depuis  longtemps  oubliée  par  les  indigènes, 
était  ci'lle  de  1680.  Au  mois  de  mai  1885,  le  volcan  se  réveilla;  sur  ur. 
des  épaulemenls  septentrionaux,  la  terre  se  fendit,  les  llammes  jaillirent, 


KliAKATAU. 


227 


Ifs  (li'-lonations  et  les  explnsiniis  fie  fumées  et  de  cendres  se  succédèrent; 
toulelois  l'éruption  ne  dilTérait  point  d'autres  phénomènes  du  même 
genre  observés  en  tant  d'endroits  de  l'insulinde,  et  des  visiteurs  de  Batavia 
débarquaient  en  partie  de  plaisir  sur  l'ile  inhabitée  de  Krakatau  et  s'appro- 
chaient du  cratère.  Mais  après  trois  mois  de  grondements  et  de  détonations 
le  volcan  s'exaspéra,  et  dans  l'espace  de  quelques  heures  toute  la  géogra- 
pliic  (lu  détroit  de  la  Sonde  était  changée.  A  Batavia,  distante  de  \bO  kilo- 


}i'    U.    Lt    KRAKATAU    ET   LES    ÎLES    V01SL\E?,    ÉTAT    POSTÉRIEUR    A    l'ÉRIPTIOS. 


Est  de  Pan 


Est  de  Gréent. ch 


I05=a^ 


d'après  'es  cartes  hollandaises 


:  kil. 


mètres  du  lieu  de  l'explosion,  le  fracas  était  si  terrible,  qu'on  croyait  à  une 
éruption  dans  le  voisinage,  et  l'on  s'attendait  même  à  voir  le  sol  s'en- 
tr'ouvrir  ;  dans  toutes  les  mers  de  la  Sonde  et  de  la  Chine  méridionale,  dans 
le  golfe  du  Bengale  et  une  moitié  de  l'océan  Indien,  jusqu'à  Rodrigues, 
on  entendait  les  décharges,  et  partout  on  se  demandait  quelles  flottes  se 
livraient  ce  terrible  combat  dans  les  parages  voisins  :1a  commotion  ébraida 
l'atmosphère  sur  un  espace  immense,  évalué  à  la  quatorzième  partie  de 
la    surface  terrestre;   peut-être    même  les    bruits    souterrains    eiileiidus 


228  NOUVELLE  GÉOIIRAPHIE  UNIVERSELLE 

dans  File  américaine  de  Caïman  Brac,  presque  aux  antipodes  de  Krakalau, 
provenaient-ils  du  même  foyer  d'explosion'.  Les  cendres  projetées  en 
nuages  jusqu'à  '27  kilomètres  de  hauteur,  jusqu'à  55  kilomètres  et  demi, 

N"    15.    AIRE    DE    DISPERSION    DES    CENDRE'!   PI'    KRAKAT.U  . 


ll'.l|.ivs    Vi-rl.cik. 


dit  un  autre  rapport,  s'abattirent  en  couches  épaisses  tout  autour  de  l'île 
qui  volait  en  débris  :  à  15  kilomètres  de  distance,  le  lit  de  cendre  attei- 
gnit I  mètre;  à  plus  de  150  kilomètres,  dans  l'intérieur  de  Sumatra,  il  en 
tomba  5  et  (i  centimètres  en  certains  endroits;  à  1200  kilomètres,  dans 


F.  A.  ForrI,  Sciincc  de  l' Avnilànk  îles  Sciences,  U  mars  1885. 


KRAKATAU.  ^'-^'J 

l'ocL'iin  liuiion,  par  delà  les  îlos  do  Kooliiifj;,  les  cendres  poiidroyaienl  en- 
core les  eaux'  :  c'est  à  18  milliards  de  mètres  cubes  que  l'on  a  évalué 
l'énorme  déplacement  de  roches  sous  forme  de  cendres  et  de  pierres 
ponces;  la  mer  en  apporta  jusque  sur  les  cùles  de  Madagascar.  Même  toute 
l'almosphère  sur  le  |)Ourloui'  de  la  [)lanèle  se  serait  emplie  de  la  fine 
poussière  volcanique    jusqu'aux   limites   supérieures  de   l'espace  aérien, 


vmt    LASCK    PAH    LA    VAGIE    DE    KRAKATAU    DAXS    LES    TEmiES    UE    TELUKII-BETUNG. 

Dessin  lic  Th.  Weber,  d'après  un  croquis  tie  M.  Korthals. 


s'il  est  vrai  que  les  merveilleuses  lueurs  crépusculaires  des  mois  d'au- 
tomne 1885  provenaient  du  volcan  de  Krakatau  ^  et  d'autres  montagnes 
brisées  des  îles  Aléouliennes  et  d'Alaska,  le  Bogoslov  et  l'Augustin  '.  La 
mer  frémit  aussi  sur  toute  la  circonférence  terrestre,  ainsi  que  le  consta- 
tèrent les  maréographes  des  côtes  océaniques,  et,  dans  la  mei'  des  Indes, 
la  grande  vague  d'ébranlement  qui  se  propagea  en  treize  heures  jusqu'au 
can  de  Bonne-Espérance. 

'  Vei'beclt,  KraIiatao,'«  Nature  »,  Maj  i,  1884. 
'  INmnian  Lockyer,  Times,  December  8.  1883. 
-■  Eiiiil  Melzger,  Peleriiuiiui's  Mitteiliiiificii.  1880. 


250  NOUVELLE  GÉOGRAPUIE  UNMERSELLE. 

Les  fuyards  des  villages  menacés,  les  marins  des  navires  qui  se  trou- 
vaient près  du  lieu  d'expldsion  firent  croire  d'abord  que  le  champ  de  des- 
truction avait  été  beaucoup  plus  vaste;  mais  quand  les  cendres  se  fureni 
dispersées  et  que  les  navigateurs  purent  s'aventurer  de  nouveau  dans  le 
détroit  de  la  Sonde,  le  spectacle  qu'ils  contemplèrent  leur  parut  néanmoins 
à  la  fois  effroyable  et  prodigieux.  Les  villes  du  littoral,  Andjer  et  Tjaringi 
sur  la  côte  de  Java,  Beneavvang,  Telokh-Betong  sur  celle  de  Sumatra. 
avaient  disparu;  nulle  trace  n'existait  plus  des  villages  parsemés  naguère 
sur  les  rives;  les  forêts  de  cocotiers, qui  longeaient  la  mer  jusqu'au  pied  des 
montagnes,  avaient  été  rasées  ;  une  vague  de  50  à  56  mètres  de  hauteur, 
produite  par  l'engouffrement  du  mont,  s'était  heurtée  contre  les  terres, 
emportant  les  promontoires  et  creusant  des  baies  nouvelles  :  tous  les  tra- 
vaux humains  étaient  détruits  et  plus  de  quarante  mille  personnes,  sur- 
prises pendant  la  terrible  matinée,  ><  plus  noire  que  la  nuit  »,  avaient  été 
noyées  dans  le  déluge  qui  montait  de  la  mer  ou  par  la  pluie  de  boue  qui 
tombait  du  ciel.  Seul  dans  les  parages  du  détroit,  le  gardien  d'un  phare, 
dressé  à  40  mètres  sur  un  roc  insulaire,  resta  sain  et  sauf  au  milieu  de 
l'immense  commotion  ;  dans  les  ténèbres  il  ne  s'était  même  pas  aperçu 
de  la  vague  qui  venait  de  submerger  le  phare  jusqu'à  sa  lanterne.  De  l'ile 
de  Krakalau  il  ne  restait  (jue  le  volcan  du  sud;  mais  toutes  les  hauteurs 
du  nord,  soit  les  deux  tiers  de  l'île,  d'uiu'  surface  de  20  kilomètres  envi- 
ron, avaient  été  emportées,  et  à  la  place  s'ouvrait  un  gouffre  oîi  une  sonde 
de  500  mètres  ne  toucliail  pas  le  fond  ;  de  la  paroi  brisée  du  volcan  mé- 
ridional, présentant  la  coupe  de  toutes  ses  assises  de  laves  superposées, 
descendaient  incessamment  des  avalanches  de  pierres,  et  la  poussière  qui 
se  dégageait  des  éboulis  montait  en  nuages  vers  le  ciel'.  Mais  si  les  terres 
avaient  disparu,  d'autres,  foi'uiées  d'amas  de  cendres  et  de  pierres  ponces, 
avaient  surgi  du  ioinl  de  la  mer  :  l'ile  Vei'laten  avait  plus  que  doublé 
d'étendue,  et  des  buttes  se  montraient  là  où  la  sonde  trouvait  autrefois  70 
mètres  de  profondeur;  d'autres  îles,  telles  que  Sebesi,  qu'on  avait  vues 
naguère  couvertes  de  bois  et  de  villages,  n'étaient  plus  que  des  cônes  blan- 
châtres de  pierres.  Aux  îles  nouvelles  s'ajoutaient  les  masses  flottantes  de 
ponces  qui  formaient  des  barres  à  l'entrée  des  baies  et  qui,  pendant  des 
semaines  ou  des  mois,  empêchèrent  le  passage  des  navires,  l'eu  à  peu  le 
heurt  des  vagues  et  le  mouvement  de  la  houle  et  du  flot  déblayèrent  le 
détroit  de  ces  îles  flollanles  et  des  lalus  de  cendres  émergées  ;  mais  le  cra- 
tère sous-marin  qui  s'est  ouvert  au  nord  de  Krakatau  s'est  maintenu.  Les 

'  Cultt'iiu,  Eti  Ovcaiiic;  —  IJrcuii  el  Ivurtluils,  Mission  scii'iili/i(jiic  dans  le  détruil  de  lu  Sonde. 


KRAKATAU,  FLEUVES  DE  SUMATRA.  231 

études  péolojiiques  f;u(es  en  cet  endroit  ont  établi  que  ce  cratère  avait  pré- 
cédemment existé  et  que  la  partie  septentrionale  de  Krakatau  était  de  l'or- 
malion  récente  :  ce  qui  reste  du  volcan,  et  les  deux  îles  Verlaten  et  Lang, 
sont  les  trois  fragments  extérieurs,  le  trépied,  pour  ainsi  dire,  d'un  mont 
de  2000  mètres  qui   se   dressa   jadis  au-dessus  du   cratère  d'explosion. 

Les  fleuves  de  Sumatra,  plus  lents  que  les  volcans  dans  leurs  travaux 
géologiques,  ont  pourtant  plus  fait  pour  les  changements  de  la  contrée. 
On  peut  évaluer  à  près  de  la  moitié  de  l'Ile  le  territoire  qui  se  reconnaît 
à  riiorizontalité  des  couches  alluviales  comme  un  présent  des  fleuves; 
on  les  voit  s'appuyer  comme  des  grèves  à  la  base  des  falaises  de  calcaire 
coralligènc  qui  furent  l'ancienne  côte  sur  le  versant  oriental  du  Barisan; 
|)lus  des  deux  tiers  de  la  côte  orientale  est  de  formation  contemporaine  et 
s'accroît  incessamment  par  de  nouveaux  apports.  Sur  le  versant  occi- 
dental des  monts  l'action  des  cours  d'eau  est  beaucoup  moindre  :  leur  bas- 
sin de  réception  n'est  pas  assez  grand  pour  qu'ils  puissent  apporter  à  la 
mer  une  quantité  considérable  de  débris;  cependant  les  terres  d'alluvion 
occupent  aussi  de  vastes  étendues  sur  ce  littoral.  L'énorme  masse  d'eau 
pluviale  qui  tombe  sur  les  deux  versants  de  Sumatra  explique  l'impor- 
tance de  celte  action  géologique  des  rivières.  En  moyenne,  Padang  reçoit 
par  an  4  mètres  800  millimètres  d'eau;  Palembang,  sur  l'autre  rive,  est 
arrosée  d'une  manière  plus  abondante  encore,  et  les  plus  grandes  pluies 
s'abattent  sur  les  premières  pentes  des  montagnes'. 

L'Asaban,  qui  reçoit  le  trop-plein  du  lac  Toba,  est  l'un  des  fleuves  du 
versant  oriental;  plus  au  sud  vient  le  Rokan,  qui  débouche  dans  le  dé- 
troit (le  Malacca  par  deux  estuaires  boueux  :  sa  longueur  dépasse  200  ki- 
lomètres, et  près  de  la  moitié  de  son  cours  s'étend  en  des  terres  basses 
qu'il  a  déposées  et  nivelées  lui-même.  Le  Siak  et  le  Kampar  se  déversent 
tous  les  deux  dans  le  labyrinthe  des  canaux  maritimes  de  l'archipel 
fangeux  situé  à  l'ouest  de  Singapour;  quoique  navigables  l'un  et  l'autre 
jusqu'à  plus  de  100  kilomètres  de  leur  entrée,  les  deux  cours  d'eau  ser- 
pentent au  milieu  de  plaines  presque  inhabitées  et  mortelles  jiour  l'é- 
tranger. L'Indragiri,  qui  succède  au  Kampar  dans  la  direction  du  sud, 
nait  également  dans  le  voisinage  de  la  côte  occidentale,  sur  les  «  Hautes 
Terres  »  de  Padang.  Après  avoir  traversé  la  x  mer  )i  de  Singkarah,  il 
|)arcourt,  sous  le  nom  d'Oembilien,  des  teriains  riches  en  charbon  qui 
appartiennent  aux  premiers  âges  tertiaires,  puis  échappe  à  la  région  des 
plateaux  par  des  rapides  et  des  cascades,  et,  coulant  parallèlement  au  Kam- 

•  Henry  0.  Forbes,  ouvrage  cilé. 


252  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  l'NlVERSELLE. 

par,  va  inrler  ses  eaux  à  celles  de  la  baie  d'Amphitrite;  près  de  son  em- 
bouchure, au  sud,  le  petit  bassin  de  Reteh  renferme  aussi  des  roches 
carbonifères.  Les  navires  remontent  le  fleuve  à  une  grande  distance  dans 
l'intérieur,  mais  non  jusque  dans  le  voisinage  des  mines  de  houille. 

Le  Djambi,  dont  les  hautes  sources  jaillissent  au  nord  et  au  sud  de 
rindrapoera,  le  pic  supi'ènie  de  l'île,  est  le  cours  d'eau  qui  a  le  plus  vaste 
bassin  et  qui  p(ir((>  à  la  mer  la  j)lus  forte  masse  liquide.  Devant  la  cité'de 
Djambi,  située  à  une  centaine  de  kilomètres  en  amont  des  embouchures, 
il  a  plus  de  400  mètres  de  large  en  eaux  basses  et  plus  de  5  mètres  en 
profondeur  :  b^s  crues  font  plus  que  doubler  sa  portée  ;  les  bateaux  à 
vapeur  d'un  mètre  de  calaison  remontent  le  Djambi  et  sa  branche  maî- 
tresse, la  «  rivière  »  ou  balang  Ilari,  à  (iOO  kilomètres  de  la  mer;  les  pe- 
tits canots  pénètrent  à  175  kilomètres  plus  loin.  La  rivière  de  Palembang 
ouMoesi,qui  naît  aussi  sur  les  hauteurs  voisines  de  la  côte  occidentale, 
recueille  les  eaux  du  versant  oriental  sur  un  espace  d'environ  550  kilo- 
mètres, puis,  arrivée  dans  la  plaine  basse,  en  aval  de  la  cité  de  Palem- 
bang, se  divise  en  plusieurs  coulées  qui  se  ramifient  h.  l'infini  au  milieu 
des  marais.  Le  courant  principal,  le  Soesang,  qui  se  jette  dans  le  détroit 
de  Bangka,  vers  l'entrée  septentrionale  de  la  manche,  conserve  assez  d'eau 
piiur  donner  accès  aux  grands  navires  pendant  la  période  des  crues  et  aux 
embarcations  moyennes  durant  le  reste  de  l'année;  quant  aux  autres 
branches,  elles  s'anastomosent  à  droite  et  à  gauche  avec  diverses  rivières, 
s'unissent  en  lacs  et  s'étalent  en  mai'écages,  se  c(uilon(lenl  avec  les  eaux 
marines  sous  les  forêts  di^  palétuviers.  L'ensemble  de  ces  terres  à  demi 
noyées,  inhabitées  et  presque  inhabitables  dans  tonte  la  région  riveraine, 
s'étend  sur  un  espace  d'environ  l'2O00  kilomètres  carrés.  D'après  les 
traditions  locales,  (jui  peui-èlre  n'ont  d'anire  origine  que  la  vue  des  em- 
piétements rapides  de  la  terre  sur  la  mer,  loute  la  région  du  dclla  du 
Moesi  se  serait  formée  pendant  la  |)éri()(le  hisloiique,  et  la  ville  de  l'alem- 
bang,  située  maintenant  fort  loin  de  l'embouchure,  aurait  été  bâtie  sur 
le  lill(ii-al  même,  à  l'enlri'c  do  lleuve.  Les  palétuviers  (|ui  croissent  sur 
ces  rivages  contribuent  aux  empièlemenls  rapides  des  terres,  en  l'i'ieiiaiit 
les  débris  entre  leurs  souches  et  en  laissant  tomber  leurs  fruits,  en  ileliors 
du  rivage,  dans  les  vases  des  eaux  libres,  où  ils  prennent  racine  '. 

A  l'ouest  de  Sumatra  s'aligne  une  rangée  de  terres,  disposées  paialli'le- 
ment  à  la  côte  occidentale  de  la  grande  île.  Des  abîmes  de  plus  de  liOOO 
mètres  en  jtrofondeur  séparent  celte  rangée  de  rai'(lii|M'l  des  Mcobar.  mais 

'  Lelini'rt,  Doilschc  Hundsi-hati  fiir  Ccogriiphic.  niivi'iiilnT  1882. 


FLEUVES  DE  SUMATRA,   ILES  OCCIDENTALES.  255 

elle  se  ratlaclie  à  Sumalra  par  l'incliiiaison  des  pentes  immergées.  Ces  îles 
forment,  pour  ainsi  dire,  un  rebord  extérieur  à  la  haute  terre  voisine  et 
sont  composées  d'assises  tertiaires,  qui  continuent  celles  du  littoral 
de  Sumatra  '.  Situées  sur  des  fonds  recouverts  en  moyenne  par  100  mètres 
d'eau,  elles  se  trouvent  précisément  sur  la  corniche  du  socle  de  l'Insu- 
linde;  immédiatement  à  l'ouest,  le  lit  marin  se  creuse  et,  à  moins  d'une 
centaine  de  kilomètres  au  large,  la  sonde  mesure  des  gouffres  de  plus 
de  5000  mètres.  Commençant  au  nord-ouest  par  l'île  Babi,  celle  chaîne  des 
îles  occidentales  parallèle  à  Sumatra  se  termine  au  sud-est  par  l'île  d'En- 
gano',  à  plus  de  1200  kilomètres  de  distance.  Peut-être  pourrait-on 
même  considérer  la  roche  isolée  de  Christmas,  située  à  500  kilomètres 
plus  loin,  comme  appartenant  aussi  à  cette  rangée,  car  elle  est  située 
sur  le  prolongement  de  son  axe;  toutefois  la  distance  et  les  grandes  pro- 
fondeurs intermédiaires  jjermeltent  de  rester  dans  le  doute  à  cet  égard. 
Sans  cette  terre  éloignée,  les  îles  occidentales  qui  (ié|)endent  certainement 
de  Sumatra  par  leur  position  géographique  et  leur  formation  offrent  une 
superficie  collective  de  14  082  kilomètres  carrés  et  leur  population  totale 
est  évaluée  à  500  000  habitants.  ' 

Quant  aux  îles  de  la  côte  orientale,  situées  sur  le  socle  commun  aux 
trois  grandes  terres  de  l'Insulinde,  les  plus  considérables  sont  distinctes 
de  Sumatra  par  l'origine  et  doivent  être  étudiées  à  part.  Les  îles  basses, 
formées  d'alluvions  et  séparées  seulement  par  des  canaux  sans  profondeur 
d'autres  campagnes  à  peine  exondées  qu'ont  formées  et  nivelées  les  fleuves 
de  Sumatra,  sont  parmi  les  dépendances  naturelles  du  vaste  corps  insu- 
laire :  telles  sont  les  îles  de  Roepat,  de  Bengkalis,  de  Padang,  Rangsang, 
Rantau  et  autres,  qui  se  trouvent  aux  embouchures  des  cours  d'eau  ;  mais 
celles  qui  gisent  plus  au  large,  et  dont  le  sol  se  redresse  en  collines  ou 
même  en  montagnes,  ont  une  origine  différente  :  elles  appartiennent  à  la 
même  formation  que  la  péninsule  de  Malacca.  Comme  cette  presqu'île, 
elles  offrent  une  ossature  granitique,  autour  de  laquelle  s'étendent  des  cou- 
ches de  latérite  ;  en  outre,  elles  se  trouvent  situées  exactement  sur  le 
même  axe  que  la  Malaisie  continentale  :  elles  en  constituent  le  prolonge- 
ment, divisé  en  massifs  distincts  par  les  érosions  marines.  Mais,  tandis 
que  la  mer  détruit  d'un  côté,  les  fleuves  construisent  de  l'autre;  ils 
apportent  les  débris  menuisés  des  hautes  montagnes  de  Sumatra  et  les  ré- 
pandent à  droite  et  h  gauche  en  couches  qui  s'avancent  de  plus  en  plus 

'  Mai'liii,  liijdruijcn  lui  de  Tiial-  Land-  en   Volhenkunde.  ISSô. 

-  Telamijang  des  Malais,  Taigoeka  des  insulaires  eux-niènies.  Le  nom  usuel  est  probablement 
espagnol  :  Engano  ou  «  île  de  la  Déception  ». 

XIV.  50 


251 


NOUVELLE  (;é()i;rai'1iie  universelle. 


diiiis  la  mer  :  peu  à  peu  l'île  s'agrandit  dans  la  direction  de  l'est.  Si  les 
courants  côtiers  ne  reci-eusent  pas  les  détroits,  ceux-ci  finiront  par  se 
combler  et  les  îles  malaises  de  l'est,  les  archipels  de  Riouw  et  de  Lingga, 
Bangka  et  ses  satellites  se  réuniront  à  la  jurande  terre  orientale,  perdus 
alors  comme  des  blocs  ei'ratiques  dans  les  sables  et  les  argiles  modernes'. 


N"    W.   ■ —    PLAlNtS    ALU-VIALES    IIANS    LE    BASSIN    DU    MOESI. 


j^/7cycy^^ecât(^ 


I  :  4  0(10  0)0 


On  sait  (}ue  Sumatra  se  trouve,  avec  reiisemblc  des  terres  de  l'Insu- 
linde,  dans  la  zone  des  moussons  alternanics,  celle  du  sud-esl,  qui  est  le 
vent  alizé  régulier,  de  mai  en  septembre,  el  cflli'  du  nord-ouest,  de  no- 
vembre en  mars,  qui  apporte  la  plus  iorle  pail  de  pluies  :  les  Malais 
désignent  l'ouest  par  l'expression  «  liaut  du  vent  »  et  l'est  s'appelle 
'<  bas  du  vent  »'.  Pour  la  flore,  pour  la  faune,  Sumatra  se  distingue  des  îles 
voisines   par  un    grand    nombre   d'espèces    curieuses.    Elle   possède   la 


'  Alliv.l  11.  \V;ill;»v,  77/t'  Ualaii  Airlii/jclafi». 

-  S.  E.  \V.  Hoorila  van  Evsinga,  A'o/i'.s-  iiuiiiiisoitcs:  —  .\.  ilr  l'iiia,   l'ai/s  di's  Épiies. 


FLORK   DK   SIMATKA.  '^37 

grande  raf/h'sia,  l'ai'iim  giiianlcsqiie  [itmorplmpludlax  Ulanum),  qui  se 
dresse  à  plus  de  5  iiièlics  ilc  haiiLeur,  el  ces  éloniianls  figuiers  dont  les 
branches  s'enlbncenl  en  terre  et  font  pointer  leurs  fruits  hors  du  sol 
comme  autant  de  petits  champignons'.  Une  transition  graduelle  se  fait 
du  nord  au  sud  :  tandis  que  le  pin  de  Merkus  domine  dans  certaines 
régions  montagneuses  de  Sumatra  au  nortl  de  l'équaleur,  les  conifères  ne 
se  voient  plus  au  sud.  Ainsi  se  succèdent  ou  s'entremêlent  de  l'une  à  l'autre 
extrémité  de  l'Ile  les  limites  de  nombreuses  espèces;  mais  aux  bords  du 
détroit  de  la  Sonile  l'aspect  de  la  végétation  offre  encore,  de  Sumatra  à  Java, 
un  certain  contraste,  (jui  frappe  même  les  observateurs  non  botanistes". 
Un  des  phénomènes  caractéristiques  de  la  flore  de  Sumatra,  comparée  à 
celle  de  Java,  sa  voisine,  est  la  grande  étendue  relative  ([n'y  [irésentent  les 
steppes  d'rt/rt/M/etde  (jlaijn,  herbes  d'un  mètre  de  hauteur,  qui  étouffent  les 
semences  des  arbres  et  stérilisent  le  sol  quand  elles  ont  pris  la  prépondé- 
rance. Tandis  qu'à  Java  elles  ne  descendent  pas  au-dessous  de  900  mèti'es, 
elles  se  rencontrent  à  Sumatra  jusqu'à  240  mètres  du  niveau  marin,  cl 
les  défrichements  hâtifs,  sans  méthode,  les  ont  beaucoup  accrues  |ienilant 
la  j)ériode  historique.  De  toutes  les  terres  insulindiennes,  Sumatra  est  la 
plus  riche  en  essences  (jui  fournissent  des  sécrétions,  gommes  ou  résines, 
ayant  une  grande  valeur  commerciale.  C'est  là  (jue  s'élève  le  majestueux 
camphrier  dryabalanopx,  dont  les  Chinois  payaient  jadis  le  produit  au 
poids  de  l'or;  c'est  de  là  que  l'Europe  a  reçu  les  premiers  envois  de  gutla- 
percha  {geta  pertjn)  ;  si  le  grand  arln-e,  isonandra  pertja,  qui  produit  la 
précieuse  substance  venait  à  disparaître  sous  les  coups  des  bûcherons  im- 
prévoyants, il  existe  dans  l'île  beaucoup  d'autres  végétaux  qui  laissent  cou- 
ler également  la  gutta.  Sumatra  possède  dix  espèces  de  canneliers  :  nulle 
autre  contrée  n'est  aussi  riche  en  arbres  de  ce  genre;  il  est  donc  probable 
que  cette  île  en  est  le  centre  de  dispersion  ''. 

Entre  les  faunes  des  deux  îles  la  différence  est  plus  grande  qu'entre 
les  flores.  Sumatra  possède  l'orang-outan,  mais  seulement  dans  un  district 
de  la  côte  nord-orientale,  et  d'autres  singes  remar(|uables,  entre  aulies  le 
galéopithèque  ou  lémurien  volant;  l'éléphant,  exterminé  dans  les  régions 
populeuses,  où  l'on  ne  trouve  plus  que  ses  ossements  dans  les  fondrières 
et  les  marais,  est  encore  très  commun  dans  les  forêts  et  les  jongles  de  la 
côte  nord-orientale;  d'après  les  indigènes,  il  en  existe  deux  espèces  bien 
distinctes,   qui    ne  se  croisent   pas  l'une  avec  l'autre.   Le  tapir,  comme 

•  Henry  0.  Fmijrs,  (iiivi-;igo  cité. 

°  Miquel,  Bcsthrijvimi  van  Suiiinlra's  Ptaiilcnwcicld. 

'  Cari  Scliuinann,  Untersuchumjcn  iibcr  die  Zimmiliauh'f,  Erjiiinzungsheft,  ir  7Ô. 


258  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

rorang-oiUan  et  réli''|)hant,  ne  se  voil  pas  au  delà  du  délroil  de  la 
Sonde,  et  le  rhinocéros  de  petite  espèce  que  l'on  rencontre  dans  les 
forêts  de  Sumatra  diffère  du  grand  rhinocéros  de  Java,  maintenant 
devenu  rare.  Quoi  qu'en  dise  Marsden,  il  ne  parait  pas  que  l'hippo- 
potame ait  appartenu  à  la  faune  sumatraise.  D'après  Ilagen,  elle  com- 
prend, avec  les  animaux  domestiques,  60  mammifères  et  120  oiseaux. 


La  population  malaise  de  Sumatra  est  diversement  mélangée  et,  par 
suite  de  la  différence  des  milieux,  offre  d'une  province  à  l'autre  de  grands 
contrastes  de  mœurs  et  de  civilisation.  Ainsi  les  habitants  de  la  région 
septentrionale  de  l'île,  les  gens  d'Atjeh  ou  Atchinois,  se  considèrent  comme 
formant  une  nation  à  part  des  autres  insulaires.  Les  nobles  se  prétendent 
issus  d'immigrants  arabes  et  semblent  réellement  d'origine  mébingée.  Pen- 
dant les  cinq  siècles  qui  précédèrent  l'arrivée  des  Portugais  dans  l'Insu- 
linde,  le  commerce  de  la  contrée  se  trouvait  entre  les  mains  des  Arabes, 
qui  se  mariaient  avec  des  femmes  du  pays.  Dès  la  fin  du  douzième  siècle, 
les  habitants  étaient  convertis  à  l'Islam  et  plus  tard  le  royaume  d'Atjeh 
devint  un  centre  de  propagande  pour  le  mahomélisme  :  il  eut  ses  théolo- 
giens, qui  rédigi'rent  des  livrt>s  en  arabe;  il  eut  aussi  des  sectaii'cs,  qui 
prêchèrent  une  nouvelle  h)i  panthéiste  et  que,  à  l'exemple  des  souverains 
d'Occidcut,  les  sultans  d'Atjeh  lii'enl  mettre  à  mort,  condamnant  eii  outre 
les  ouvrages  à  p(''i'ir  sur  le  bûcher  par  la  main  du  lidurreau".  (Juoique  l'in- 
llueuce  ai'abe  ait  beaucoup  diminué  dans  ces  derniers  leuips,  les  Atchinois 
ont  conseivé  de  nombreuses  coutumes  apportées  d'Arabie  par  leurs  initia- 
teurs, et  leur  langue  malaise,  très  corrompue  ])ar  l'inlioduclion  de  termes 
étrangers,  s'éci'il  en  caractères  arabes;  leurs  dignitaires  |iorteiil  la  robe  et 
le  turban  cdinnie  les  marchands  de  Djeddali;  cependaMl  leurs  femmes  ne 
sont  pas  voilées. 

On  dit  les  Atchinois  |ierlides  et  cruels,  accusation  que  l'on  |)(irle  d'ail- 
leurs ((inlic  hnis  les  |icuples  (|ui  (b'I'endenl  leur  iinléjiendance;  mais  du 
moins  ne  leur  ('(niteste-l-on  |)as  le  courage  et  l'amour  du  travail.  Habiles 
cultivalenrs,  ils  obtiennent  de  leurs  chamj)s  de  grandes  récoltes  de  riz  et 
d(!  patates  qui  leur  ont  permis  de  soutenir  contre  les  Hollandais  une  guerre 
de  quinze  années.  Comme  les  Hindous,  les  Bai'nians,  les  Siamois,  les 
Atchinois  aui'aienl  su.  dit-on.  dresser  l'éléphanl  el  rruipldver  {idur  le 
transport  de  leurs  marchandises.  Ouvriers  adroits,   ils  travaillent  1  or  el 

'  Velli  :  —  Viiii  ili'i' Tiink.  Miilnii  M(uiiiSLrij)lD  uftlir  11.  Axialic  Soiiely. 


UABITANTS  DE  SIMATRA,  ATCHINOIS,   BATTA.  259 

l':ii'i;enl,  faliriquont  des  bijoux,  tissent  des  étoffes  de  coton  et  de  soie, 
constiuiscnl  des  emijarcations  solides  poui'  aller  trafiquer  avec  les  îles 
et  le  continent  voisin,  parfois  aussi  pour  écunier  les  mers.  Les  principaux 
entrepôts  de  leurs  marchands  en  dehors  de  Sumatra  sont  Ponlo  Pinang  et 
Singapour  :  c'est  de  là  qu'ils  imjiorteni  l'opium,  dont  ils  sont  passionnés 
consommateurs. 

Au  sud  de  la  province  d'Aljeh,  la  région  montagneuse  est  occupée  par 
des  peuplades  encore  indépendantes  et  partiellement  converties  à  l'Is- 
lam, les  Gayou,  dont  cm  ne  connaît  guère  (pie  le  nom  et  qui  habiteraient 
les  bords  d'une  "  mei'  d'eau  douce  »,  le  Laoet  Tawar'  ;  [mis  viennent  les 
mystérieux  Alas,  et  les  Battak  ou  Balta,  qui  se  pressent  surtout  autour  du 
lac;  Tuba  :  dans  le  bassin  de  cette  mer  intérieure  la  population  serait 
d'au  moins  300000  habilanls,  d'a[)rès  le  missionnaire  Nommensen;  mais 
elle  se  divise  en  deux  groupes  pres(juc  sans  relations  l'un  avec  l'autre,  les 
Batta  du  nord,  cpii  commercent  avec  les  Atchinois,  les  Balta  du  sud,  qui 
lrali([uent  avec  Dell  et  Sibogha.  En  dehors  de  la  région  lacustre,  que  les 
indigf'ues  disent  être  le  lieu  d'origine  de  leur  race,  les  populations  batta 
ont  essaimé  à  grande  distance  :  ce  sont  leurs  tribus  que  l'on  rencontre 
au  sud  jusqu'au  pied  du  montOphir;  à  l'est,  elles  ont  occupé  aussi  tout 
le  versant  oriental  jusqu'à  l'embouchure  du  Bila;  en  outre,  les  habitants 
de  la  province  de  Tapanoeli,  sur  le  versant  occidental  des  monts,  sont 
des  Batta  qu'avaient  assujettis  les  Padri  ou  les  «  Pères  >',  fanatiques 
musulmans  qui  donnaient  le  choix  aux  vaincus  entre  la  conversion  ou 
la  mort.  Nombre  d'ethnologisles  comptent  aussi  les  insulaires  niassi 
parmi  les  Balta.  Mais,  en  ne  prenant  comme  tels  que  les  Batta  purs  ou 
mélangés  de  Sumatra,  (ui  ne  peut  guère  les  évaluer  à  moins  d'un  million 
d'hommes. 

Grâce  à  leur  isoK'uient  dans  les  montagnes,  les  Balta  |iurs  ressemblent 
aux  Dayak  de  Bornéo  et  aux  Alfourou  de  Gelèbès.  On  a  même  voulu  en 
faire  une  race  spéciale",  comme  si  les  changements  du  milieu  el  du  genre  de 
vie  ne  suffisaient  pas  à  expliquer  les  différences  d'aspect.  La  plupart  des  an- 
Ihropologistes  les  rai  lâchent  aux  races  primitives,  apparentées  aux  Polyné- 
siens, qui  peuplaient  l'Insulinde  et  qui,  après  avoir  exterminé  ou  refoulé 
les  Negrilos,  ont  été  exterminées  ou  refoulées  à  leur  lour.  Du  reste  on  re- 
marque une  transition  insensible  de  type  entre  les  Malais  du  littoral  et  les 
Batta  de  la  montagne.  En  moyenne,  ceux-ci,  du  moins  sur  le  plateau,  ont 


»  Bran  (le  Saint-Paul  Lias,  Bulletin  de  la  Sociélé  de  Géographie.  4°  trimestre  1885. 
■*  ,Iunt;huhn,  Die  Bailaliiiider  nuf  Sumatra. 


240  NOUVELLE  (iHiKiRAPIllE   UNIVERSELLE. 

un  teint  beaucoup  |ilus  hianc  que  les  Malais  du  littoral;  ils  sont  plus 
grands,  leur  chevelure  el  leur  harhe  soûl  phis  alioudaiiles.  Ils  ont  une 
démarche  et  des  ti'aits  (jiii  les  rapprochent  des  Hindous,  leurs  anciens 
initiateurs  dans  l'industiie  el  les  arts.  Ouoique  leur  nom  même  de  Batta, 
provenant  sans  doute  du  mot  sanscrit  Bhàta  ou  k  sauvage»',  témoigne 
de  leur  état  d'intériorité  relativement  à  leurs  civilisateurs,  on  doit 
néanmoins  les  compter  au  nombre  des  nations  policées.  Maintenant  ils 
ont  perdu  tout  souvenir  des  Hindous,  sous  l'influence  desquels  ils  se 
sont  trouvés  au  moyen  âge,  et  peu  à  peu  l'action  des  Malais  islamisés,  sur- 
tout celle  des  Atehinois  et  des  Padri  de  la  côte  occidentale,  les  islamise  à 
son  tour;  des  missionnaires  chrétiens,  Allemands  pour  la  plupart,  sont 
aussi  à  l'œuvre  parmi  eux,  mais  sans  autre  résultat  que  de  les  amener  au 
doute  sceptique,  par  le  spectacle  des  religions  en  conflit.  C'est  en  1867 
que  des  Européens  pénétrèrent  [)our  la  première  fois  jusqu'au  lac  Toba. 
dans  le  cœur  du  |)ays  des  Hatia  ;  six  années  après,  ceux-ci  recevaient 
une  nouvelle  visite  et  tinrent  conseil  pour  savoir  s'ils  ne  puniraient  pas  de 
mort  les  éti-angers  qui  venaient  prol'aner  leur  terre  sacrée;  maintenant, 
accoutumés  à  la  vue  des  blancs,  ils  ne  mettent  plus  d'obstacles  à  leurs 
voyages;  même,  en  1885,  les  riverains  méridionaux  du  lac  Toba  ont  dû  se 
soumettre  aux  armes  hollandaises. 

En  déjtit  des  influences  étrangères,  hindoue,  maliomé!an(\  chrétienne, 
la  civilisation  des  Batta  conserve  un  fond  d'oi'iginalilé  très  remarquable. 
Cultivateurs  comme  leurs  voisins,  planteurs  de  riz  et  de  maïs,  ils  se  dis- 
tinguent parmi  les  insulaires  comme  éleveurs  de  bétail,  et  possèdent  de 
grands  troupeaux  de  chevaux  et  de  buffles,  de  chèvres,  de  porcs  et  de 
chiens,  qu'ils  engraissent  pour  les  festins  communaux;  mais  d'ordinaire 
ils  ne  mangent  que  des  grains,  des  racines  et  des  fruits.  Les  Batta  monta- 
gnards ne  font  pas  usage  de  la  noix  de  bétel,  si  chère  aux  autres  Malais; 
mais  ils  fument  le  tabac  avec  passion  et  mâchent  un  mélange  de  chaux  et 
de  feuilles  de  gambir  {uncnria  (jambir).  Ils  ne  se  tatouent  le  visage  ni  le 
corps  et  ne  pratiquent  jioint  la  circoncision;  c'est  |)ar  le  limage  des  dents 
que  l'on  célèbre  l'entrée  des  jeunes  gens  dans  la  société  des  hommes.  L'indu- 
strie est  assez  développée  dans  les  villages  batta  :  comme  forgerons,  arnui- 
licrs  el  bijoutiers,  ils  sont  fort  habiles,  mais  ils  laissent  aux  femmes  les  tra- 
vaux du  tissage  et  de  la  poterie.  Les  Batia  savent  construire  des  demeures 
fort  élégantes,  dont  quelques-unes  ressemblent  à  des  chalets  suisses 
et  comprennent  deux   étages  placés  au-dessus   d'un  icz-de-chaussée  ser- 

'  Lassen;  —  Vivien  de  Saiiit-.Maitiii,  Dictionnaire  île  Géoijrupliie  universelle. 


vani  (retaille.  Dans  (luclqucs  dislricls  il  csl  d'iisaj^v  qiio  tous  les  "ons  de 
la  commune  aidciil  leurs  concitoyens  à  s'élever  une  maison;  on  liàlit 
aussi  des  gynécées  pour  les  filles  à  marier;  en  maints  endroits,  plu- 
sieurs familles  vivent  dans  une  s-julc  lialiitation,  petite  forteresse  entourée 
de  palissades  pour  éviter  les  surprises.  Chaque  village  possède  une  halle 
commune,  oîi  l'on  garde  les  objets  précieux  et  où  les  étrangers  reçoivent 


Dapr 


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l'hospitalité.  Les  livres  et  autres  documents  gravés  sur  hois,  écorce  ou 
feuilles  sont  parmi  les  Irésors  conserv(''s  avec  le  plus  de  soin,  car  la 
plupart  des  Batta  savent  lire  et  écrire;  mais,  tandis  que  les  Malais  du 
littoral  ont  remplacé  leurs  anciens  caractères  d'origine  hindoue  par  des 
lettres  arabes,  les  Batta  se  servent  encore  de  l'ancien  alphabet,  dérivé  des 
lettres  sanscrites;  ils  écrivent  de  droite  à  gauche  sur  les  écorces  planes  et 


244  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

de  bas  en  haut  sur  les  roseaux  ou  bagueltes  qui  constiluenl  leurs  archives. 
Leur  lanffue,  qui  contient  beaucoup  de  mots  hindous,  diffère  notablement 
du  malais  de  la  côte  et  son  vocabulaire  est  plus  riche;  en  outre,  elle  com- 
prend des  jargons  spéciaux,  tels  ceux  des  ftMiinies,  des  sorciers  et  des  vo- 
leurs; les  jeunes  filles  et  les  jeunes  hommes  correspondent  au  moyen 
de  feuilles.  Les  Batta  ont  un  système  postal  :  les  arbres  creux  (jui  se  trou- 
vent au  croisement  des  routes  servent  de  boîtes  aux  lettres. 

La  commune  batta,  appelée  marr/a  en  quelques  districts,  est  un  groupe 
autonome,  représenté  plutôt  qu'administré  par  un  m iljn h  ou  pamousovk: 
tous  délibèrent  en  comiuun.  Il  existe  aussi  des  groupes  de  villages  consti- 
tuant aulant  de  petites  républiques  et  rattachés  par  un  lien  fédéral;  enfin, 
on  constatait  les  vestiges  d'une  ancienne  royauté  dans  les  témoignages  de 
vénération  presque  religieuse  que  l'on  prodiguait  naguère  à  un  prince  rési- 
dant à  Bakara,  gros  village  situé  à  l'extrémité  sud-occidentale  du  lac  de 
Toba  et  récemment  conquis  par  les  Hollandais.  Tous  les  niemlu-es  d'une 
communauté  sont  censés  unis  par  les  liens  du  sang,  quoiqu'ils  ne  soient  j)as 
égaux  et  que  les  gens  de  la  classe  inférieure  puissent  même  être  mis  en 
gage  ou  vendus  par  ordre  du  conseil,  soit  pour  dettes,  soit  pour  crimes  ou 
délits.  La  jurisprudence  des  Balta  est  sévère,  et  sanctionnée  d'ordinaire  par 
de  fortes  amendes  payées  au  j)ro(lt  du  radjah.  Pour  les  crimes  graves,  parmi 
lesquels  on  ne  compte  pas  le  meurtre  simple,  et  qui  comprennent  l'adultère 
avec  la  femme  d'un  radjah,  l'espionnage,  la  trahison,  la  rébellion  armée, 
les  juges  prononçaient  naguère  et  peut-être  prononcent  encore  la  décapi- 
tation; mais  par  un  exemple  unique  dans  les  codes  écrits,  quoique  ayant  été 
de  règledans  les  coutumes  de  maint  peuple  primitif,  la  communauté  lésée 
devait  se  faii'e  justice  en  mangeant  le  coupable;  |)arfois  même  la  condam- 
nation portail  que  le  malheureux  serait  dévoré  vivant.  Les  proches  parents 
de  la  victime,  solidaires  avec  la  conniiune,  (levaient  |ii'endre  j)art  au  fes- 
tin et  même  en  fournir  l'assaisonnement,  le  sel  et  le  jus  de  citron.  En  de- 
hors des  actes  de  justice,  l'anthropophagie  ne  se  pratiquait  jms  et  jamais 
la  condamnalion  ne  frappa  les  femmes". De  nos  jours,  les  Batta  prétendent 
que  les  repas  de  cbaii'  humaine  ont  complètement  cessé  chez  eux,  mais  on 
doute  de  leur  véiacih';  on  croit  aussi  qu'ils  tuent  des  esclaves  pour  accom- 
pagner leurs  chefs  dans  la  tombe  et  qu'ils  les  obligent  à  se  masquer  et  à 
danser  devant  la  fosse.  D'après  Junghuhn  et  d'autres  écrivains,  l'anthro- 
pophagie serait  d'origine  relativement  récente  chez  lesBalla;  toutefois  cette 


'  Léon  Mclcliiiiliov,  Revue  iiilcriiiilioiifilc  dex  Seieiiees  Ijioloijiiiiies,  VIII,  1883. 
-  Willer,  Tijdsclirift  l'oor  Nedeiiniiikeli  liitlië,  18i(l. 


CATTA.  245 

affiimnlioii  est  en  (lésaccord  avec  les  dires  des  anciens  anieurs.  Les  tradi- 
tions arabes  et  les  premiers  navigateurs  européens  décrivent  les  monta- 
gnards de  Sumatra  comme  des  cannibales  mangeant  leurs  infirmes  et  leuis 
vieillards.  Dès  qu'ils  se  sentaient  incapables  de  travailler,  les  grands- 
pères  se  suspendaient  par  les  mains  à  une  branche  d'arbre,  tandis  (jue 
famille  et  voisins  dansaient  autour  d'eux  :  «  Quand  le  fruit  est  mûr,  il 
tombe.  »  Les  victimes  tombaient  en  effet,  et  on  se  précipitait  sur  telles 
pour  les  couper  en  morceaux.  Ces  festins  se  tenaient  d'ordinaire  à  ré|>oque 
de  la  maturité  des  citrons'. 

Les  prisonniers  de  guerre,  considérés  comme  coupables  de  «  rébellion 
contni  le  vainqueur  »,  sont  ceux  que  la  coutume  épargnait  le  moins.  Kn 
ouln^  la  plu[)art  des  guerres  sont  très  sanglantes  :  la  jurisprudenc<'  batia 
ne  permettant  pas  d'asservir  une  commune  ou  de  lui  enlever  sa  terre,  on 
ne  peut  se  venger  d'elle  que  par  des  meurtres  nombreux,  et  les  guirlandes 
de  tètes  coupées  que  l'on  voit  dans  les  maisons  des  radjah  témoignent  du 
zèle  que  mettent  les  guerriers  à  cette  œuvre  d'extermination.  En  plusieuis 
districts,  ces  batailles  de  village  à  village  retardent  l'accroissement  de  la 
population  batta,  réduite  d'un  autre  côté  par  la  pratique  des  avortements, 
qui  paraît  être  générale.  Les  mariages  sont  assez  tardifs,  à  cause  du  jii'ix 
élevé  des  femmes,  car  d'ordinaire  c'est  le  mari  qui  achète  son  épouse;  mais 
il  existe  une  autre  forme  d'union,  d'origine  matriarcale,  l'achat  du  mari 
par  la  femme.  Simple  propriété  mobilière,  le  conjoint  acheté  peut  être 
saisi  pour  dette  et  se  lègue  en  héritage. 

On  retrouve  chez  les  Batta  les  traces  des  religions  hindoues,  puisqu'ils 
reconnaissent  la  trinité  des  dieux,  le  Créateur,  le  Conservateur  et  le  Des- 
tructeur, et  qu'ils  admettent  l'existence  de  divinités  et  de  génies  auxquels 
ils  donnent  le  nom  presque  indien  de  dicbata  {dccaté);  mais  les  pratiques 
religieuses  ne  prennent  dans  leur  vie  qu'une  part  très  minime  :  ils  n'ont 
guère  de  culte  régulier  et  ne  possèdent  qu'un  ou  deux  temples';  ils  se 
boi'uent  à  invoquer  les  petites  idoles  qu'ils  portent  toujours  sur  eux  dans 
un  sachetet  se  préoccupent  surtout  d'écarter  rinlluencedes  mauvais  esprits  : 
on  a  vu  des  familles  et  des  communes  se  donner  un  génie  protecteur  en 
enterrant  un  enfant  vif,  qui  désormais  \cilleia  sur  leurs  champs.  Les 
grands  personnages  sont  censés  se  survivre.  Le  jour  de  leur  mort,  on  en- 
semence un  champ  de  riz,  puis  on  attend  la  moisson,  à  laquelle  préside  le 
cadavre  et  qui  se  termine  par  un  festin  donné  en  l'honneur  du  défunt, 


'  Stnmfofil  Rafflos,  Mcmoir  of  liis  lifc,  hij  lus  widow. 

2  BiMiiilcs  Pli  Gerlli  van  Wijk,  TijiUrlirifl  iwii  Tiicil-  Ltind-  l'n  Vulhenkumlc.  f)ocl  XXII. 


2iC  NOIJVKLLK   GÉOCUAl'illK   INI VEIiSKLLE. 

passé  au  raiif^  des  gériios  bionveillaiils  :  on  no  l'onlorro  qu'apivs  la  fèlo, 
près  de  la  maison  qu'il  protégera  désormais. 

On  considère  en  générai  comme  appartenant,  à  la  l'amille  elliniqno  des 
Batta  les  deux  petites  tribus  sauvages  des  Orang-Oulou  et  des  Oraiig- 
Loubou,  qui  vivent  dans  les  hautes  vallées  situées  au  nord  du  mont  Ophir 
et  paraissent  être  restées  en  dehors  de  toute  inflnence  hiiuloue  ;  mais  il  se 
peut  aussi  qu'ils  soient  i-elombés  dans  la  iiaiiiaric  jiai'  suih^  de  pei'sécu- 
tions  et  de  guerres  malheureuses.  On  les  compare  aux  plus  sauvages  des 
habitants  de  Bornéo;  comme  eux,  ils  sont  à  {)eine  vètns,  habitent  des  hut- 
tes de  branchages  ou  des  troncs  d'arbres  creux,  et  pour  arme  se  servent 
de  la  sarbacane  avec  Iraifs  empoisonnés.  Ils  ne  cultivent  même  pas 
le  sol  et  se  nourrissent  de  liiiils,  déracines,  de  serpents  et  d'insectes; 
cependant  des  marchands  lenr  apportent  un  peu  de  riz  et  de  sel  à  des 
endi'oils  désignés  d'avance,  on  ils  Irouvent  quelques  denrées  recueillies 
dans  le  pays  par  les  hommes  des  bois.  (!enx-ci  ne  reloiirnenl  an  lieu  d'é- 
change (|n'a[)rès  le  départ  des  traitants  :  de  gros  chiens  les  averlissent  de 
la  prt'sence  des  hommes  et  de  l'approche  des  tigres. 

L'ancien  royaume  de  Menangkabao,  qui  su(<(''da  à  l'empire  hindou  d'Adi- 
(yavarma,  comprend,  au  sud  du  j>ays  des  Batia,  la  partie  la  plus  |iopulense 
de  Snmali'a,  dans  la  régittn  moniagneuse  des  «  Hautes  Terres  »  de  i'adang  et 
sur  le  versani  occidental  de  l'île.  Le  nom  de  celle  contrée,  Menangkabao 
(Menang-Karbaon),  ■<  la  Victoire  du  Biiflle  »,  s'expli(|ue  pai'  la  légende  d'un 
conilial  eiitredeiix  buriles,  l'un  de  Sninaira,  l'autre  de  .Tava,  qui  se  lei'mina 
par  le  ti'iom|)he  du  [tremier  champion  :  ce  récit  symbolise  probablement 
un  conflit  ou  même  de  longues  guerres  entre  les  imligènes  et  des  colons 
étrangers'.  L(>s  indigènes  l'emportèrent  et  lenrs  coutumes  ont  ])révahi  sur 
celles  des  Javanais  et  des  Hindous  :  on  les  considère  comme  les  Malais 
par  excellence  et  c'est  dans  lenr  dialecte  (pi'on  voit  la  langue  pure. 
Même  de  nos  jours,  malgré  la  conversion  des  Malais  à  l'Islam,  et  la 
complète  du  royaume  de  Menangkabao  par  les  Hollandais,  les  anciennes 
institutions  des  villages  lédérés  et  du  matriarcat  se  sont  maintenues.  La 
population  se  divise  en  noiilidv,  c'esl-à-dire  en  clans  ayant  cliacnn  son 
chel',  choisi  dans  une  famille  privilégiée,  et  son  conseil  composé  de  tous 
les  hommes  laits.  De  leur  ci'ilé,  t(Uis  les  clicls  de  village  se  j^roupcMl  en 
un  conseil  de  district  et  l'eiisendde  du  caiit(Ui  i'c(;oit  d'oi^dinaire  sa  (h'uo- 
miuati(Ui  d'après  le  munbre  des  villages  on  L'ohi   (|ui  le  c(uistilneiil   :  les 


'   lliit;iLiili'i',  C.lnoiiiijiu'  (le  l'asci;  —  Nclsctici-,  Vryzniiirliiiij  van  OverlrvcriiKjcti  van  lict  yijh 
vait  MciKiiKikidxiii,  llccl  Wtt. 


OK.VMi-I.OI  l;()l  .    MKNAMiKAB.VO. 


247 


«  S('|)l  >\  les  «  Noiii'  )•,  los  X  Dix  >>,  les  «  Vinot  >i,  les  u  Cinquante  )>  Kdln. 
Aucun  lionnne  n'ii  le  ilroil  de  |in'ii(lrc  leannc  (hins  son  propie  kolji  ou 
(Imus  s<ui  soukou  :  les  unions  s(uil  essenlicllenienl  cxogames.  Le  marié  se 
l'cuil  en  \isil('  aupiès  do  sa  teniuie  ou  de  ses  ieunnes,  il  les  aide  à  itérer  le 


X»    48.    POPrLATIONS    DK    SIMATRA 


Est    de    Par 


Lst  de  Grpenvicn 


Oe'OÀ/OOO"'         o'e/OÛOÀSOOO-"      c/eSOOOA-^OO'^  ^e^OOO^'eiâcy  c/^/^ 
0,  (levant  les  noms  de  peuples  nu  de  [rihus  sisiiufie  orimij,  lioniuies.   ICxeniple  -  omn*/  Riiuifi.  les  hommes  du  Sol. 

I  ■  l.HOOO  000 


niénaiic  à  eullivcr  les  Icri-es,  mais  ses  cnlanls  appartiennent  à  la  nù'H'  el 
doiveni  l'cslcr  dans  le  village  malernel,  hériter  des  terres  matrimoniales, 
(juaul  à  riiérilaiic  du  [lère,  il  a|iparli('nl  au\  cnlanls  de  sa  sœur  dans  son 
village  d'origine  :  telle  est  la  loi  de  l'uumlaïKj-mniiIdnç/.  Le  maintien  de  ces 
coutumes,  si  contraires  à  l'Islam,  montie  le  peu  d'iniluence  exercé  sur  les 
indigènes  par  la  religion  ol'liciclle  du  pa\s  ;  (cpcudanf,  au  commencement 


248  NOUVELLE  GÉOGRAPUIE  L'.MVERSELLE. 

(le  ce  siècle,  une  secte  rigide,  celle  des  Orang-  Poeti  ou  des  ><  Hommes 
Blancs  »,  à  laquelle  son  ardeur  de  propagande  lit  donner  le  nom  de 
padri,  comme  aux  missionnaires  portugais,  devint  assez  puissante  pour 
bouleverser  le  royaume.  Vers  1820,  ces  Wahabites  de  l'Orient,  dont  la  ré- 
forme consistait  surtout  à  s'abstenir  de  tabac,  de  bétel,  de  liqueurs  fortes, 
réduisirent  à  de  telles  exirémités  le  grand-prètre  et  roi  de  Menangkabao, 
que  celui-ci  dut  faire  appel  aux  Hollandais,  alliés  ipii  bienhU  après 
devinrent  les  maîtres. 

Les  Malais  qui  peuplent  les  bautes  vallées  et  les  plateaux  au  sud  des 
«  Hautes  Terres  »  de  Padang  ressemblent  Ijcaucoup  aux  Halla,  ^i  ce  n'est 
qu'on  ne  remarque  chez  eux  aucune  trace  de  cannibalisme.  Les  Korint- 
jiers,  qui  vivent  aux  alentours  du  mont  Indrapoera,  les  Uedjangers,  «  gar- 
diens de  la  frontière  »  montagneuse  entre  les  provinces  de  Palembang  et  de 
Benkoelen,  les  Pasonmah,  ou  tribus  du  pays  que  domine  le  volcan  Dempo, 
enfin,  vers  l'exlrémilé  méridioiude  de  Sumatra,  les  Aboengers,  «  Gens  du 
haut  pays  >'  ',  et  les  Lam|iongers  ou  «  Gens  du  bas  pays  »,  paraissent  avoir 
joui  autrefois  d'une  civilisation  supérieure,  car  leurs  ancêtres  leur  ont 
légué  un  mode  d'écriture,  dérivé  des  caractères  sanscrits,  comme  celui  des 
Balta;  presque  tous  les  indigènes  savent  lire  et  écrire'.  Un  rencontre  çà  el  là 
dans  les  forêts  de  la  contrée  des  statues  colossales,  qui  d'ailleurs  n'offrent 
ni  le  type  hindou,  ni  celui  des  Malais.  Dans  les  régions  montagneuses,  les 
goitres,  les  écrouelles  sont  des  affections  fort  communes.  Chez  quelques 
tribus  de  Uedjangers,  les  mères  aplatissent  le  nez  et  comj)riment  le  crâne 
de  leurs  enfants';  l'habitude  de  se  limer  les  dents  est  générale.  Van 
Hasselt  croit  les  Lampongers  et  les  Aboengers  originaires  du  pays  de  Me- 
nangkabao. Chez  tous  ces  indigènes,  le  mariage  est  exogamique  :  le  mari 
achète  sa  femme  à  un  prix  relativement  élevé,  qui  l'oblige  ordinairement 
à  peiner  j)endant  de  longues  années  el  à  s'endetter;  mais  son  épouse  lui 
ajiparlieni  comme  une  esclave,  et  les  bijoux,  les  pièces  de  monnaie  dont 
elle  se  couvre  au  jour  de  la  noce  lui  ap[iarliennenl  ;  pins  lard  il  cherche  à 
se  payer  de  ses  IVais  par  la  \enle  d(>  ses  filles.  Le  frère  aîn(''  l'pouse  loules 
les  veuves  de  la  famille'.  OuanI  anx  femmes  des  hantes  classes,  elles  se 
marient  d'ordinaire,  comme  dans  le  Menangkabao,  sous  le  régime  du  ma- 
Iriarcal,  el  resleul  pnipriélaii'es  du  chanq)  el  de  la  famille.  Dans  les  villes 
du  liiliiral,  où  l'inlhience  de  l'Islam  l'empoile  sur  le  paganisme  originaire, 

'  I'.  J.  Velh,  Tijdsdirift  van  lict  Ànrdiijlisl.iimli;!  Cciiuulsclidj)  le  Amsterdciiii. 

-  Itenry  0.  Forbes,  ouviage,  cilé. 

'  William  Marsden,  Hislurij  i)f  Siiiiiutia. 

*  Adolf  basliaii,  Iiidunesicii. 


l'ASGUMAll.   UAItlTANTS   FIES   LAMI'ONd,   ÎNIASSI.  249 

les  unions  se  foni  à  la  mode  arabe.  Seuls  les  gens  mariés  sont  enterrés 
avec  honneur,  parce  qu'ils  sont  les  «  pareiils  du  peuple»;  les  autres  corps 
sont  jetés  dans  la  l'orèl.  Toute  liile  enceinte  doit  aller  accoucher  dans  la 
brousse  et  ne  revenir  qu'après  quarante  jours  d'absence,  mais  sans  son 
enfant;  à  son  retour,  il  faut  |»urilier  le  village  par  le  sacrilice  d'un  liuflle. 
égorgé  devant  le  balai  ou  jialais  communal. 

Les  riverains  de  la  côte  orientale,  dans  les  pays  de  Siak,  Djambi,  Palem- 
bang,  sont  pour  la  plupart  originaires  des  îles  voisines  :  ce  sont  les  descen- 
dants de  marchands  qui  fondèrent-  des  comptoirs  aux  embouchures  des 
fleuves.  L'influence  hindoue  se  prolongea  très  longtemps  dans  cette  région 
du  littoral,  par  l'entremise  de  Java,  et  jusqu'au  milieu  du  seizième  siècle 
des  colonies  javanaises  s'établirent  à  Palembang.  Les  mœurs  et  les  cos- 
tumes des  Sumalrais  de  cette  côte  diffèrent  à  peine  de  ceux  des  Java- 
nais, et  la  langue  elle-même  renferme  un  grand  noml)re  de  mots  apportés 
de  l'île  voisine.  Dans  l'intérieur  vivent  quelques  milliers  d'Orang  Koubou, 
que  l'on  croit  descendre  des  populations  aborigènes  graduellement  refou- 
lées :  on  ne  les  voit  guère  qu'au  milieu  des  forêts,  où  ils  mènent  une 
existence  errante.  Physiquement,  ils  se  distinguent  à  peine  de  leurs  voi- 
sins d'origine  malaise,  si  ce  n'est  qu'ils  sont  plus  forts  et  d'un  teint  plus 
clair,  et  parlent  un  idiome  rapproché  de  la  langue  des  civilisés.  Mais  ils 
contrastent  avec  eux  par  leur  qualité  maîtresse,  la  droiture  :  ils  sont  véri- 
diques,  probes  et  très  courageux;  armé  d'un  simple  épieu,  le  Koubou 
ne  craint  pas  de  s'attaquer  au  tigre.  11  commerce  avec  le  traitant  chinois 
ou  malais,  mais  en  prenant  la  même  précaution  que  les  ^eddah  de 
Ceylan,  les  Oulou  et  Loubou  de  l'Ophir  :  il  évite  de  se  rencontrer  avec 
l'acheteur. 

Les  insulaires  de  la  chaîne  des  terres  situées  à  l'ouest  de  Sumatra  sont 
de  races  diverses.  Ceux  de  l'île  septentrionale,  Simaloe  ou  Babi,  descen- 
dent d'émigranis  de  Menangkabao  et  sont  mêlés  d'Alchinois.  De  même  les 
gens  des  îles  Banjak  ou  ><  Nombreuses  51  sont  des  Malais  et  des  Atchinois 
de  Sumatra,  venus  il  y  a  deux  siècles  environ  ;  mais  l'île  la  [ilus  occiden- 
tale, Bangkara,  est  encore  inhabitée,  et  on  l'évite  même,  de  peur  des  mau- 
vais «  esprits  »  dont  on  la  croit  peuplée'.  Les  habilanls  de  l'île  de  Nias, 
les  Ono  Niha  ou  les  «  Enfants  des  Hommes»,  au  nombre  d'environ  240  000 
d'après  l'explorateur  von  Rosenberg,  qui  a  dressé  la  carte  de  la  contrée, 
ne  sont  pas  encore  tous  soumis  administrativement  à  la  domination  hol- 
landaise ;  quelques  clans  sauvages  ont  gardé  leur  in(lé|»endance,  mais  du 

'  Von  Hiisenberg,  Der  Malnylsclie  Archipel. 

XIV.  52 


■250  NOi:\ELLE   GEUGKAI'UIE   l  M  VEUSELI.E. 

moins  respectent-ils  les  voyageurs  euroj)éens.  sachant  (jue  tout  mauvais 
accueil  leur  coûterait  la  liberté.  Junghuhn  et,  après  lui,  la  plupart  des 
auteurs  voient  dans  les  Niassi  les  descendants  d'une  colonie  de  Balla  :  les 
ressemblances  physiques  et  morales  sont  en  elTel  fort  nombreuses  entre 
les  deux  groupes  ethniques,  "mais  on  peut  en  dire  autant  des  contrastes, 
et  d'ailleurs  les  Massi  du  sud  et  ceux  du  nord  ne  se  reconnaissent  point 
comme  frères  et  diffèrent  beaucoup  par  les  mu'urs.  Si  iSiassi  et  Balla  sont 
réellement  de  même  origine,  la  séparalimi  ddil  avoir  eu  lieu  à  une  époque 
déjà  très  reculée. 

Les  Niassi  du  nord  el  du  sud  sont  en  général  gais,  complaisants,  polis, 
très  faciles  à  mener  par  l'amour-propre,  très  désireux  de  plaire,  mais  fort 
lâches,  si  ce  n'est  dans  quelques  districts  du  sud,  où  la  guerre  ne  consiste 
pas  comme  ailleurs  en  embûches  et  en  surprises.  Les  haines  héréditaires 
se  maiiilienneni  entre  les  familles,  parfois  jusqu'à  l'extermination  complète 
de  l'une  d'eiilic  elles:  lanl  (pfil  reste  encore  un  enfani,  l'ennemi  craini 
un  vengeur.  Les  villages,  surtout  dans  le  nord  de  l'ile,  témoignent  de 
l'état  de  peur  dans  lequel  vivent  les  populations.  Nulle  part  on  ne  voit  de 
cabane  isolée.  Les  groupes  de  maisons  s'élèvent  sur  des  buttes  naturelles 
ou  artilicielles,  entourées  de  fossés  et  d'estacades.  Les  demeures  elles-mêmes 
sont  construites  sur  des  rangées  de  pieux,  colonnades  rustiques  entre 
lesquelles  se  tiennent  les  cochons,  nourris  d'excrémenls  et  de  débris  (!<• 
cuisine.  Une  échelle  et  une  trappe  permettent  de  |)énétrer  dans  la  maison, 
d(Mil  la  fiirme  csl  celle  d'une  gi'ande  coi'beille  ovale  avec  un  haut  couvercle 
de  jonc  ;  des  mâchoires  de  poi'cs,  témoignage  de  la  richesse  du  maître,  dé- 
corent extérieurement  les  angles  des  toits  et  les  pieux  de  soutènement  ; 
les  chefs  de  villages,  ihms  la  partie  méridionale  de  l'île,  ajoutent  des  tètes 
d'homuK^s  à  la  dt'coralidn  de  leurs  édilices  ;  des  efligies  du  génie  domestique 
prolc'^i'iil  riiahilalion  contre  les  entreprises  des  ennemis  et  la  malveil- 
lance des  esprits  de  l'air.  Des  fauteuils  de  j)ierre,  i)lacés  devant  la  ca- 
bane, offrent  aussi  de  grossières  sculptures  d'hommes  et  d'animaux.  A 
l'une  des  extrémités  du  village  s'élève  la  maison  du  forgeron,  à  laquelle 
ou  attribue  également  une  vertu  magique,  et  la  porte  de  la  place  est 
gardée  j)ar  une  haute  statue  du  dieu  de  la  tribu  et  de  sa  femme. 

Les  Niassi  sont  d'habiles  artisans.  Maisons  et  forteresses  sont  fort  bien 
construites,  leurs  armes  élégantes  el  afiilées.  Ils  travaillent  le  cuivre  avec 
art,  tissenl  v[  ti'ignent  les  étoffes,  tressent  des  nattes  foi'l  appréciées, 
extraient  de  la  noix  de  coco  de  l'huile  pour  l'exportation.  L'or,  en  frag- 
ments ou  en  bijoux,  est  leur  seule  monnaie,  et  leurs  chefs  aiment  à  plan- 
ter des  plumes  d'or  sui'  leui'  chevelure  el  à  s'allacher  un  croissant  d'or  au- 


NIASSI.  251 

dessus  de  la  icvro  supérieure  en  ;^uise  de  mousiaches.  Les  Niassi  du  sud 
ont  quelques  roules  dallées  avec  soin  et  tracées  habilement  sur  les  crêtes 
des  collines.  Ils  n'ont  point  appris,  comme  les  Balta,  à  se  servir  d'un 
alphabet  d'orij^ine  hindoue,  et  c'est  par  l'inlhienee  malaise  et  musulmane 
qu'ils  entrent  peu  à  peu  dans  le  monde  de  la  civilisation  contemporaine, 
modifiant  leurs  anciennes  mœurs. 

Actuellement  le  culte  des  Niassi  se  réduit  à  foi't  peu  de  chose.  Les  prêtres 
ou  éré,  hommes  et  femmes,  choisis  d'oi'ilinaire  par  le  chef  dans  sa  propre 
famille,  ont  pour  fonction  capitale  d'invoquer  les  hela,  c'est-à-dire  des 
esprits  intermédiaires  qui  connaissent  les  bons  et  les  mauvais  génies  et 
dont  on  peut  se  faire  des  aides  ou  des  complices  pour  toutes  les  entreprises. 
Les  prêtres  sont  également  chargés  de  l)(''nir  les  mariages,  en  pressant  l'une 
contre  l'autre  les  têtes  des  deux  liancés  et  en  offrant  au  dieu  protecteur  la 
chair  des  animaux.  Les  mariages  doivent  se  faire  entre  jeunes  gens  de 
tribus  différentes,  et  toujours  par  voie  d'achat.  Mais  le  prix  est  en  gé- 
néral très  élevé  et  le  pauvre  qui  emprunte  pour  se  procurer  une  femme 
court  grand  risque  de  vendre  sa  liberté  et  cflle  de  ses  enfants,  car  la 
valeur  de  la  dette  se  double  chaque  année  et  dès  qu'elle  correspond  au 
prix  d'un  esclave,  le  créancier  peut  mettre  son  débiteur  à  l'encan  :  on  a 
vu  des  familles  entières  tomber  en  esclavage  pour  une  dette  qu'avait 
fait  contracter  primitivement  l'achat  de  quelques  épingles  ou  d'une  bras- 
sée de  fd  métallique.  Les  albinos,  qui  naissent  en  assez  grand  nombre 
chez  les  Niassi  du  sud,  sont  considérés  comme  ayant  eu  pour  père  quelque 
démon,  et  d'ordinaire  on  les  maltraite.  L'adultère  entraîne  de  fortes 
amendes  et  souvent  la  peine  ca]Mtale;  la  illle  enceinte  est  étranglée  et  jetée 
dans  la  brousse. 

Les  prêtres  sont  avaul  tout  médecins,  c'est-à-dire  exorcistes.  <  Aiilanl 
de  maladies,  autant  de  mauvais  esprits  »,  que  le  prêtre  infaillible  par- 
vient toujours  à  chasser  par  ses  conjurations,  mais  qui  sont  renij)lacés 
par  d'autres  génies  dévorants  quand  la  maladie  persiste  et  que  la  mort 
survient'.  Quand  un  malade  parait  devoir  succomber,  les  parents  et  les 
amis  se  réunissent  autour  de  sa  couche  et  poussent  des  hurlements  et 
des  cris  jusqu'au  moment  où  le  malheureux  rend  le  dernier  soupir.  Dans 
la  partie  méridionale  de  l'Ile,  on  ne  se  contente  pas  de  pleurer  le  mort,  il 
faut  aussi  lui  rendre  honneur  :  (Ui  promène  le  cadavre  dans  le  village  et 
l'on  expose  ses  armes  sur  la  route.  (Jn  place  à  rcxtrémilé  du  cercueil  l'ef- 
figie d'un  oiseau  en  bois  scul|»té,  juiis  on  suspend  la  liière  sous  un  ajoupa 

'   Kilo  Reclus,  Revue  iiilfriinliuiKilc  des  Sfie.iiees  lïiultHjiques,  15  ilc'cciiiljrc  ISS]. 


252  NOUVELLE  GÉOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

de  feuilles,  et  les  amis  se  mettent  en  embûche  le  long  des  sentiers  pour 
surprendre  des  passants,  hommes  ou  femmes,  et  leur  couper  la  tête,  à  la 
gloire  du  défunt.  Quand  il  s'agit  d'un  grand  chef,  la  coutume  demande  au 
moins  une  vingtaine  de  crânes,  et  des  guerres  se  font  de  village  à  vil- 
lage pour  trouver  les  victimes  nécessaires  ;  parfois  on  se  contente  de  tuer 
des  esclaves,  mais  on  les  fait  mourir  dans  les  tortures,  afin  que  le  sacrifice 
soit  plus  agréable  aux  génies  cruels.  L'héritage  passe  d'ordinaire  du  père 
au  fils  aîné,  mais  la  coutume  n'est  pas  absolue,  et  celui  des  enfants  qui 
réussit,  au  moyen  d'un  roseau,  à  capter  le  dernier  souffle  du  mourant  ou 
du  moins  à  le  faire  croire  aux  assistants,  devient  par  cela  même  compéti- 
teur de  la  fortune  et  du  jjouvoir  familial  ou  politique.  Souvent  des  chefs, 
tout  puissants  en  principe,  sont  oljligés  de  partager  la  souveraineté  avec 
leurs  rivaux,  et  dans  la  pratique  il  est  rare  qu'ils  prennent  une  décision 
sans  consulter  les  notables  ou  même  tous  les  propriétaires.  Dans  les  con- 
seils chacun  pai'le  librement,  el  j)arf(iis  on  en  vient  aux  coups  :  aussi 
est-il  d'usage  de  délibérer  à  jeun,  afin  d'éviter  les  violences  que  pourrait 
amener  l'abus  du  vin  de  palmier'.  Jadis  il  se  faisait  un  grand  trafic  d'es- 
claves niassi,  que  des  centaines  de  prao  venaient  caj)turer  sur  la  côte  de 
l'île,  et  Stamford  Rafflcs  fut  «  censuré  »  par  la  Compagnie  des  Indes  orien- 
tales pour  s'être  opposé  à  ce  commerce.  Maintenant  un  grand  nombre  de 
Niassi  émigrent  pour  aller  servir  dans  les  familles  malaises  et  européennes, 
et  c'est  parmi  eux  que  l'on  choisit  presipie  toujours  les  charpentiers,  les 
maçons,  les  couvreurs.  La  beauté  des  femmes  niassi  est  fort  appi'éciée  et 
les  Malais  de  la  côte  les  recherchent  pour  épouses. 

Les  insulaires  de  l'archipel  deMentawej  sont  également  des  «  sauvages  » 
très  diffi'iciils  des  anlres  indigènes  des  îles  côtières.  D'après  M.  de  Rosen- 
berg,  qui,  l'un  des  pi'emiers,  les  visita,  de  lSi7  à  1852,  ils  ne  seraient 
pas  d'origine  malaise  :  il  faudrait  voir  en  eux  un  essaim  de  la  race  poly- 
nésienne. Leur  idiome,  remarquable  par  sa  douceur  et  par  l'abondance 
des  voyelles,  différerait  com|tlètement  des  dialectes  de  Sumatra  et  des 
arcliipcls  voisins.  Comme  les  Polynésiens,  les  insulaires  de  Mentawej,  qui 
se  donneni  eux-mêmes  le  nom  de  Tchagalalegat,  aiment  beaucoup  les 
plumes  flottantes,  les  feuillages,  les  fleurs  ;  ils  ornent  leur  chevelure  de 
corolles  éclatantes  et  se  couvrent  la  poitrine  de  tatouages  en  forme  de  bou- 
cliers, qui  ressemblent  à  ceux  des  Tonga  et  auti'es  Océaniens.  Certains 
mets  sont  rigoureusement  taboues  pour  les  femmes  el  (pichpies  endroits 


'  Nii'invi'iiluiisi'n.    Vi'rhnii(letiii<ji'ii   l'nii  lii'l  linliifiiKiscli    (iciioolxrlKijj  raii  Kiiiisli'ii  en  Wclcii- 
■■ii  lui iijioi,  l.S."i7;  — Klii'  Ki^c'liis,  niiMimiro  i-ili''. 


MASSI,   TCIIAGALALEGAT.  253 

mystérieux  do  la  forêt  sont,  interdits  aux  priifanes.  Los  Tchagalalogat 
no  noircissonl  pas  Jours  donts  oommo  la  |ilii|i;iil  dos  gons  de  race  ma- 
laise, mais  ils  limout  en  pointe  colles  do  d(nant  ;  à  l'oxceplion  des  che- 
veux el  des  sourcils,  qui  d'ailleurs  sont  faiblement  marqués,  ils  s'épilont 
soigneusement  tout  le  corps  el  s'arrachent  même  les  cils.  Garçons  et  filles' 
se  livrent  ensemble  aux  exercices  de  gymnasticpie,  à  la  course,  au  saut, 
à  l'escalade,  à  la  natation,  aux  joutes;  mais  après  le  mariage  les  femmes 
se  tiennent  discrètement  à  l'écart.  Le  divorce  est  inconnu  chez  ces  popula- 
tions et  l'adultère  est  puni  de  mort.  Les  Tchagalalegal  et  leurs  voisins, 
les  insulaires  de  Pageh,  sont  très  pacifiques.  Ils  ne  guerroient  jamais 
entre  eux  et  ne  mettent  point  leui's  villages  en  étal  de  défense;  toutefois  ils 
se  gardent  bien  de  les  bâtir  sur  la  rive  de  la  mer  et  les  cachent  dans  l'in- 
térieur, au  bord  de  quoique  étroit  ruisseau.  Naguère  leurs  armes  étaient 
encore  l'arc  et  les  flèches  empoisonnées.  Ils  craignent  fort  les  esprits;  ce- 
pendant ils  vont  parfois  les  consulter  dans  l'épaisseur  des  forets  et  ils  en 
recueillent  les  réponses,  [U'ononcées,  disent-ils,  d'une  voix  criarde  et  che- 
vrotante. Les  âmes  des  morts,  très  redoutées,  se  changent  en  démons  : 
une  île  du  largo,  inhabitée,  serait  pleine  de  ces  revenants'. 

Même  la  petite  île  d'Engano,  à  l'extrémité  méridionale  de  la  chaîne  exté- 
rieure des  îles,  a  sa  race  d'hommes  spéciale,  que  divers  écrivains  ont  cru 
pouvoir  assimiler  aux  Papoua,  mais  sans  autres  indices,  pour  justifier  leur 
hypothèse,  que  l'étal  rudimen taire  de  la  civilisation  locale.  A  peine  si  vers 
la  moitié  du  siècle  les  insulaires  d'Engano  avaient  appris  h  forger  le  fer; 
auparavant  ils  nv  connaissaient  que  les  armes  el  les  instruments  do  pierre. 
Ils  marchaient  nus  :  d'où  le  nom  de  Poulo  Tolandjang,  ou  «  île  Nue  »,  que 
les  marchands  malais  donnaient  à  cet  étroit  domaine.  Los  Korikdjéé, — 
c'est  l'appellation  locale  dos  indigènes  —  ignoraient  aussi  le  tabac  el  les 
boissons  spiritueuses  et,  chose  déshonorante  aux  yeux  de  leurs  voisins  de 
tûulo  religion,  anionaienl  leurs  femmes  et  leurs  iillos  aux  matelots  de  pas- 
sage. Mais  on  vantait  unanimement  leur  sci'upuleuse  honnêteté  :  le  vol 
n'existait  point  chez  eux.  Ils  étaient  aussi  de  laborieux  cultivateurs,  et 
c'était  une  honte  d'avoir  un  gros  ventre,  tandis  que  dans  les  pays  voisins 
l'obésité  est  en  honneur,  c(nnme  témoignage  d'une  opulente  paresse.  Les 
cadavres  sont  enveloppés  d'un  iil(>l  de  pèche,  sans  doute  afin  que  le  mort 
puisse  dans  l'autre  monde  continuer  de  pourvoir  à  sa  nourriture;  mais  on 
abat  ses  arbres  fruitiers,  on  dévaste  son  champ  et  son  jardin,  que  désor- 
mais il  no  cultivera  plus. 

'  Viin  Itoscnberi,',  (Uivnige  cité. 


254  NOUVELLE   GÉOGRAPUIE   UNIVERSELLE. 

Encore  dépourvue  de'  voies  de  communicalion  faciles  el  peuplée  de 
diverses  nations  et  de  tribus  n'ayant  entre  elles  aucune  cohésion  [lolitique, 
Sumatra  n'a  sur  son  pourtour  maritime  qu'un  petit  nombre  de  villes  con- 
sidérables, el  dans  l'intérieur  les  plus  fortes  agglomérations  ne  sont  guère 
que  des  villages.  Cependant  de  grands  royaumes  se  sont  à  plusieurs  époques 
constitués  dans  l'ile  et  leurs  capitales  ont  été  les  foyeis  d'un  commerce 
considérable. 

L'ancien  empire  d'Aljeh,  que  les  chroniques  disent  avoii'  été  fondé  au 
commencement  du  treizième  siècle,  était  fort  étendu.  Aux  temps  de  sa 
plus  grande  puissance,  dans  la  première  j)artie  du  dix-septième  siècle,  il 
embrassait  environ  la  moitié  de  l'ile,  et  plusieurs  Etals  secondaires  lui 
rendaient  hommage;  de  l'Egypte  au  Japon  les  princes  demandaient  son 
alliance.  Son  armée  comprenait  des  centaines  d'éléphants  de  guerre  et  dis- 
posait de  deux  mille  canons.  Le  sultan,  qui  portait  un  nom  arabe  et  qui 
prétendait,  comme  tous  les  autres  souverains  des  États  sumalrais,  descen- 
dre d'Alexandre  le  Macédonien,  Sikander  «  aux  Deux  Cornes  »',  exerçait  un 
pouvoir  presque  absolu,  du  moins  dans  les  districts  voisins  de  sa  rési- 
dence. Actuellement  les  frontières  de  rAljch.  telles  que  les  Hollandais  les 
ont  tracées  par  une  ligne  arbitraire,  à  travers  un  territoire  qui  ne  leur 
appartient  même  pas,  n'embrassent  plus  que  l'extrémité  septentrionale  de 
l'Ile,  du  sud  de  la  baie  de  Langsar,  sur  la  côte  de  l'est,  à  la  baie  de  Silekat, 
sur  la  rive  occidentale;  en  outre,  l'ile  de  Babi  et  quelques  îlots  voisins, 
habités  au  moins  |)artiellement  par  des  Atchinois,  font  ])arli(>  de  la  |)r(i- 
vince.  Quoique  la  population  de  la  contrée  ait  été  plus  que  décimée  par 
la  guerre  contre  les  Hollandais,  on  croit  qu'elle  dépasse  encore  un  demi- 
million  d'hommes.  Les  Atchinois  proprement  dits  se  divisent  en  trois 
dans,  les  «  vingt-deux  >',  les  «vingt-cinq  »  et  les  «  vingt-six  «communes, 
appelées  sa<ji  ou  mockim  :  chaque  commune  est  régie  par  deux /w/ /)////'/(/(/, 
chefs  héréditaires,  qui  contrôlent  le  pouvoir  l'un  de  l'aulre  el  qui,  n'Hinis 
en  assemblée  générale  avec  tous  les  autres  panglinia,consliluent  le  conseil 
de  la  nation.  Enfin,  chaque  village  s'administre  d'une  manière  autonome 
par  les  délibérations  de  ses  anciens,  sans  lesquelles  le  chef  ne  peut  lien 
décider.  Cette  vie  indépendante  des  communes  explique  la  merveilleuse 
énergie  avec  laquelle  les  indigènes  ont  su  défendre  leur  indé'jiendance 
contre  l'étrangei-. 

Dès  l'année  IMHI.  le  sullan  d'Aljeh  signait  un  lrail(''  de  ciimmerce  avec 
les  Portugais,  et  depuis  cette  é|)()(|tie  les  Auliinois  ont  loujouis  ('lé  en  rela- 

'  llulauiici',  Jijiinidl  Asi(ili(jiir :  —  Li-yili'ii,  Maldij  Aiinitls. 


ATJEII.  -Ib5 

lions  avec,  les  Jùiropéens,  soit  pacifiques,  soit,  guerrières.  Mais  au  milieu 
de  ce  siècle  l'empire  était  complètement  déchu,  et  les  Hollandais  s'étaient 
emparés  de  plusieurs  places  du  littoral.  En  187!2,  le  moment  leur  parut 
propice  pour  venger  sur  le  sultan  les  actes  de  piraterie  de  ses  vassaux, 
dont  il  était  peul-èlre  le  complice,  et  terminer  enfin  la  conquête  de  l'Ile. 
Grâce  à  un  traité  avec  la  Grande-Bretagne,  j)ar  lequel  ils  lui  cédaient  leurs 
établissements  delà  côte  de  Guinée,  achetant  ainsi  son  désistement  de  tout 
projet  ultérieur  sur  le  nord  de  Sumatra,  les  Hollandais  espéraient  en  avoir 
bientôt  fini  avec  les  Atchinois,  mais  leur  premier  assaut  se  termina  par  un 
désastre.  Il  lallul  reconstituer  une  armée,  voler  de  nouveaux  fonds  et  faire 
une  campagne  en  règle,  pour  s'emparer,  après  quarante-sept  jours  de 
siège,  de  la  cité  fortifiée  dans  laquelle  s'étaient  enfermés  les  Atchinois; 
toutefois  la  prise  du  kralon  n'amena  pas  la  soumission  des  indigènes,  et 
maintenant  encore,  aprî's  ((uinze  années  de  lutte  (jui  ont  coûté  plus  d'un 
demi-milliard  de  francs  à  la  Hollande,  aux  deux  années  plus  de  cent  mille 
hommes,  et  le  double  aux  populations  indigènes,  les  districts  de  l'intérieur 
sont  restés  indépendants  :  l'annexion  déiinilive  ne  se  fera  que  lorsque  des 
routes  se  ramifieront  dans  le  pays. 

Le  chef-lieu  du  royaume  d'Atjeh,  connu  jadis  sous  le  nom  de  Kola  lladja 
ou  «  Ville  du  Koi  »,  et  maintenant  appelé  Groot  Aljeh,  est  bâti  en  forme 
de  quadrilatère  régulier  à  4800  mètres  du  rivage  et  à  l'entrée  d'une  vallée 
des  plus  fertiles,  que  parcourt  la  rivière  d'Atjeh,  ombragée  de  cocotiers  ;  au 
sud  se  dressent  deux  monts  isolés,  «  le  pèreellamère  du  fleuve»,  disent  les 
indigènes.  De  nombreux  villages  sont  épars  autour  de  l'enceinte  et  un 
cercle  de  forteresses  pourvues  de  voies  ferrées  défend  le  camp  retranché. 
Un  chemin  de  fer,  le  premier  qui  ait  él(''  bàli  dans  Sumalra,  réuiiil  la  ville 
à  son  quartier  maritime  Oleh-leh,  construil  sur  \\\w  plage  étroite  cuire 
la  mer  et  une  coulée  marécageuse,  et  doit  se  prolonger  au  sud  jusqu'au 
village  d'Indrapoeri,  d'origine  hindoue.  On  dit  que  la  population  de  Kola 
Radja  s'élevait  à  55000  habitants  avant  la  guerre;  en  ISS^,  la  ville  et  le 
port  avaient  reconquis  une  grande  partie  de  leur  importance;  en  18S(i,  on 
y  comptait  9400  indigènes  et  2500  Chinois.  La  culture  du  poivrier,  lo 
luda  ou  piper  )i,iijnim,  importée  de  l'Inde,  est  générale  dans  le  pays  et  la 
production  annuelle  du  poivre  s'y  est  élevée  en  temps  de  paix  à  IS  mil- 
lions de  kilogrammes,  soit  les  deux  tiers  de  la  consommation  du  monde 
entier.  Une  grande  exportation  de  celte  denrée  se  fait  par  lés  marchés 
de  la  côte  occidentale  jiendant  les  années  de  paix  :  d'après  van  der  Tuuk, 
les  indigènes  s'imaginent  que  les  Européens,  habitant  sous  un  climat 
froid  et  humide,  bourrent  leurs  paillasses  de  cette  épice  pour  se  réchauffe)' 


256  NOUVELLE  (.ÉOlUtAlMllE  UNIVERSELLE. 

i)ciulaiil  leur  sommeil.  Ia's  Auhinois  reciieillenl  aussi  le  sel  dans  les  ma- 
rais du  littoral. 

Sur  la  eôte  orientale  d'Atjeh,  dite  "  eôle  des  Aiéijuiers  -  parée  ({u'elle  esl 
bordée  des  palmiers  qui  l'ournissent  la  noix  de  hétel.  les  garnisons  hol- 
landaises  oceupent   deux  autres  jilaees  du  littoral.    Segli,   près  des  pentes 

N'    i9.    —    K(IT\-ItVIIJ\    KT    i.i;    rOHT    h  oi.i;n-i J.H. 


méridionales  du  Goudhei'g,  et  Edi,  au  sud  du  |ironuHiliure  a()pel(''  l'ointe 
du  Diamant  :  c'est  près  de  là.  dans  hi  pays  de  Pasei.  (pie  se  tromail  la 
cité  de  Souiiiadra,  ipii  a  donné  son  nom  à  l'île.  Sur  la  eôle  oceidentale  ou 
«  côte  du  l'oivie  >  ,  (pii  s'exhausse  graduellement  au-dessus  des  eaux', 
une  escale  l'réquentée  est  celle  de  KIoeang,  fameuse  par  ses  vastes  grolles. 
où  les  salanganes  font  leurs  nids,  si  appréciés  par  les  Chinois.  A  une  cen- 


L  Wiilluii,  Xnmih'n  de  rK.ilmnc-Oneiil.  miL  IL 


ATJEil,   SlliOCIIA,   l'AIIANG.  'iô7 

(iiiiic  lie  kilomètres  au  sud,  une  autre  escale,  celle  de  la  bouche  du  Te- 
nom,  est  devenue  tristement  fameuse  :  c'est  là  que  vint  s'échouer  en  ISiSj 
le  navire  anglais  Nisero,  dont  les  hommes,  au  nombre  de  dix-huit,  furent 
réduits  en  captivité;  trois  années  auparavant,  deux  voyageurs  français. 
Wallon  et  Guillaume,  (jui  j)arcouraienl  la  contrée  à  la  recherche  des  mines 
d'or,  avaient  été  assassinés  dans  leur  propre  bateau,  à  deux  journées  de 
navigation  sur  le  Tenom'.  Cependant,  à  moins  de  cinquante  kilomètres  au 
sud,  une  garnison  hollandaise  occu{)e  le  petit  havre  de  Malaboeh  (Âna- 
laboe),  point  d'attache  des  bateaux  à  vapeur  de  la  côte.  Les  indigènes  qui 
ne  veulent  point  se  trouver  sous  la  domination  étrangère  se  sont  pour 
la  plujKUt  réfugiés  au  bourg  deWailah,  situé  sur  le  littoral,  entre  Malaboeh 
et  Tenom'.  Des  laveries  d'or,  des  gisements  de  charbon  promettent  à 
Malaboeh  un  certain  avenir  commercial".  Au  sud,  le  |)ort  de  Tanipal 
Toewan  fait  un  petit  Iralic  avec  l'ile  de  Babi. 

Singkel,  ancienne  capitale  de  royaume,  devenue  maintenant  le  chef-lieu 
d'une  division  de  la  province  de  Tapanoeli,  n'est  qu'une  bourgade  mal- 
saine, entourée  de  marais  et  située  dans  une  île,  sur  la  k  côte  de  la  Peste  ». 
entre  les  deux  bras  que  forme  l'embouchure  d'une  rivière  abondante  :  des 
marchands  chinois  en  utilisent  le  mauvais  porl  et  font  quelque  commerce 
de  canq)hre,  (le  benjoin  et  d'holothuries,  ex[)édiés  en  échange  d'opium  et 
de  riz.  i'ius  au  sud,  Baros,  autre  résidence  royale  avant  l'arrivée  des 
Hollandais,  possède  une  rade  moins  dangereuse  que  celle  de  Singkel  et  fait 
un  trafic  assez  important  avec  Goenoeng  Sitoli,  la  capitale  de  Nias.  Puis 
vient  le  havre  de  Sibogha,  formé  par  l'une  des  indentations  de  la  grande  et 
profonde  baie  de  Tapanoeli  :  c'est  l'un  des  <(  meilleurs  ports  du  monde»; 
les  navires  peuvent  y  mouiller  à  quelques  mètres  du  rivage.  Sibogha,  mal- 
heureusement insalubre,  est  un  des  points  du  littoral  par  lesquels  les 
voyageui's  pénètrent  dans  le  pays  des  Batta.  A  l'est  et  au  sud-est,  sur  les 
hauteui's  du  j)laleau,  se  trouvent  des  bourgs,  très  importants  par  leur 
position  commerciale  et  stratégique  :  Si|iirok,  Padang  Sidempoean,  l'erlibi, 
fameux  |iai'  ses  ruines  d'origine  biiu(lillii(|ue.  Au  sud,  vers  Padang,  se 
succèdent  quelques  petits  havres,  d'ailleurs  peu  fréquentés  et  |iérilleux 
dans  la  mousson  d'ouest  :  Natal,  Ajer  Bangis,  Priaman. 

Padang,  la  cité  la  plus  pros|)èi'e  de  toute  la  côte  occidentale  et  l'un  des 
mairhés  les  plus  actifs  de  Sumatra,  a  plutôt  l'aspect  d'un  grand  parc  que 
d'une  villi\  A  l'exception  du  (piarlier  cenlral,  où  se  groupent  les  édilices 

'   l'^iiil  l'';iui|M(',  Aicliii'cs  (les  Missions  Sciriilifniiii's.  18SI. 

■•'  lliHkMisliniM,  tiiillrlin  ,lc  h,  .Sy,-,V/,:  ,li-  G,-oii);iiihir  ilr  Paris.  n°  A,  1887-1888. 

5  CM.  I\;iii,  Vcrliciiulliiiifien  lies  iwcilcii  (Irulschcn  Gcogyiiphcnlaijes,  :«  lldllc,  \iiii'2. 


'2r.8  ^o^vl■:Ll,I•:  i;i:(ii,uai'iiik  imvkksklli;. 

jiulilics,  les  diverses  parlies  de  l'adiiiiii,  li;iliil(''es  par  Niassi,  .Malais,  Java- 
nais on  (iliinuis.  se  (■(iin|)oseiil  de  inaisoniielles  liasses,  (iniliia^(''es  de  eocd- 
liei's  ou  de  inanj^iiiers,  eiiloiirc'es  de  jai'dins,  de  rizières,  de  vergers  où 
croissoni  (ouïes  les  |ilaiiles  Iropicales  utiles  \m\-  leurs  (''corces,  leurs 
jiommes,  leurs  fleurs  ou  leurs  l'ruils.  Le  cône  funianl  du  Talaujidoiiiiue 
au  loin  ('(^s  canipa^iues  |)arseniées  d'Iialiilalions,  landis  ([u'au  sud  coule  en 
scrpenlanl  la  |ielil<'  rivièi'c  de  l'adann  et  (iii'au  delà  s'(''lève  le  nionl  des 
Siufics  ou  .\[tenl)erjj,  ainsi  noumu!  des  (luadrunianes  l'aniiliers  (|ui  le  peu- 
|ilent  sous  la  protection  des  citoyens.  Au  sommet  de  la  colline,  un  sôma- 
j)hore  signale  i'ap[>roche  des  navires  ipii  vieniieiil  ancrer  dans  la  rade,  à 
l'altri  précaire  d(>  ([uei(jues  Ilots  de  coiail.  Le  comuierce  d'exportiilion, 
(|ni  est  d'enviidu  [o  millions  de  lianes  jiar  ainu'e,  consiste  |)i('S(|ue  uni- 
(juement  eu  calé,  à  destination  des  Klats-Lnis  ;  la  pioduelion  de  celle  denrée 
diminue  jh'u  à  peu. 

Liinpiir'lance  de  i'adanu  esl  due  moins  à  la  ilcliesse  des  plaines  einiron- 
nanli's  (pi'à  sa  l'axdrahle  silualimi  comme  lieu  de  convergence  des  routes 
ipii  descendent  du  plateau  populeux  et  saluhi'e  de  Menanukaliao  où  l'on 
envoie  les  oriiciers  cl  les  emj)ioyés  du  jiouveriu'menl  en  convalescence.  Sur 
ces  >i  hautes  terres  de  Padanji  )\  où  les  ILdIandais  se  sont  solidement  ('laldis 
depuis  plus  d'un  demi-siècle,  le  l'orl  de  Kock,  situé  à  un  millier  de  mèlres, 
dans  le  pays  d'Afiani,  au  jiied  du  volcan  iMerapi,  est  le  piimipal  lieu  de 
fiai'iiison  ;  en  cas  d'altaciue  extérieure,  il  devieiulrail  la  capitale  straléjiifpie 
el  adminislialive  de  l'Ile.  Près  de  là  s'ouvre  une  cluse  aux  parois  de  lui', 
creusée  à  l.")0  mètres  dans  l'épaisseni' du  plateau  :  c'est  le  Karliaouen-i^at 
ou  «  trou  des  Buflles.  »  Padanii-l'andjanji,  aulic  liouriiade  populeuse  où 
résident  des  i'onclionnaires  hollandais,  occupe  le  ichord  du  plateau,  à  la 
hase  occidentale  du  Mei'api  :  c'(>st  le  chei'-lieu  des  "  (Quatre  Kola  >'.  Sur 
un  antre  versant  se  voient  les  restes  de  Lriaufian,  (jui  l'ut  la  capilale  de 
l'empire  de  .Menarifikahao.  l'aja-Komho,  capitale  des  ullinquanle  Kola  »,  esl 
située  heancoup  plus  à  l'est,  de  l'autre  coté  du  volcan  de  Safio.  I,es  Cin- 
ipianle  Kola  sont  le  k  jiai'adis  du  paradis  "  sumalrais  el  les  cultures  de 
la  zone  tempérée  y  pros|)èrent  à  côté  des  plantes  tropicales.  Ces  régions 
du  plateau  fournissaient  autrefois  les  pépites  d'or  (pii  avaient  rendu  le 
nom  d(!  Sumatra  fameux  dans  tout  l'Orienl;  ces  mines  sont  maintenant 
ahandonnées,  mais  on  utilise  les  <;isemonls  de  1er  nia<;néti(pie  qui  se 
trouvent  aux  alenloiiis  du  Fort  van  dor  Capellen.  Sur'  les  l)oi<ls  de  la  ii\ièr(> 
Oend)ilien,  à  l'est  du  Sini;kai'ah,  s'étendont  des  f;isenienls  houilleis  d'une 
excellente  (|ualil(',  dont  la  puissance  est  évaluée  à  ÔTO  millions  de  mî-lics 
culies  pai'   l'iup'iiieur  de  (ireve.  (Test   principaleini'ul  en  vue  de  l'exploi- 


PADANG,    FORT   DE   KOCK. 


2o9 


tiilion  lie  ces  cuuclies  de  ehiuhoii  (jue  l'un  a  jjrojelé  la  construction  d'un 
chemin  de  fei'  qui  réunirait  les  "   hautes  terres  «  à  Padanji,  ou,  plus  au 


N"    5).    —    PADANG    ET    SES    ENVIHONS. 


Est  de -Pans 


Est    de    Greer.wicK 


d'après  la  carte  de  i.'Etat-Major 


Pro/b/^i^eur-s 


1    ■  85000 


sud,  à  la  baie  de  Brandewijn,  par  un  col  ouvert  au  nord  du  Tahmg  ;  mais 
les  difficultés  de  l'escalade  ont  jusqu'à  maintenant  fait  reculer  les  délen- 
teurs du  budget  ;  on  espère  que  l'exportation  des  houilles  d'Oembilien  se 
fera  plus  facilement  par  le  versant  oriental,  grâce  à  la  rivière  navigable 


'2(iO  NOUVELLK  GÉOGRAPHIE   IMVERSELLE. 

Mari,  la  liianclic  maîtresse  du  I)jaml)i,  (jui  passe  à  une  soixaiilaine  de 
kilomètres  des  mines.  De  iorl  belles  routes  carrossables  gravissent  les 
pentes  :  l'une  d'elles,  qui  monte  à  Padang-Pandjang,  passe  par  une  cluse 
|)rofond(^  offrant  aux  détours  du  chemin  d'admii'ables  échappées  sur 
l'Océan.  Nulle  part  les  maisons  sumatraises  ne  sont  plus  remarquables 
l)ar  la  finesse,  l'originalité  et  la  perfection  des  sculptures  qui  décorent  les 
frises  et  les  pignons. 

Au  sud  de  Padang  et  des  petits  ports  côtiers  Païnan  et  Mokko-Mokko 
qui  possède  des  mines  de  charbon,  la  vieille  cité  de  Bengkoelen,  chef-lieu 
de  résidence,  est  une  ville  (hrliue  :  c'est  la  Bangkahiiulou  des  indigènes. 


s'*   51.    MOMAG.MCS    A    L  KST    DE  PADANG. 


tst    i^    \ 


1       730  MO 


Ainsi  que  le  dit  le  proverbe  :  •  liengkoeien  esl  un  petit  endroit  avec  de 
grandes  maisons,  où  de  petites  gens  portent  de  grands  litres.  >>  De  la  fin 
du  dix-sepliî'ine  jus(|u'eM  IS'2i,  elle  appartint  à  la  (Compagnie  des  Indes 
orientales,  ({ui  en  avait  fait  la  capilale  de  ses  possessions  en  Insuiiiide. 
Les  Kuropéens  y  sont  peu  nombreux  et  le  commerce  s'est  retiré  du  port 
ensablé  :  c'est  à  quelques  kilomètres  au  sud,  dans  la  baie  de  Silebar,  que 
les  navires  vont  cbai'ger  leurs  marchandises.  La  ville  est  peu  salubre  ;  en 
I71i  déjà  les  Anglais  avaient  déplacé  leur  résidence  |)(nir  la  poi'Ier  au  fort 
Mai'Iborough,  (|ui  se  trouvait  à  quelques  kilomèlics  plus  au  n<ird  ;  mais, 
d'après  l'avis  des  médecins  hygiénistes,  c'est  à  une  distance  encore  plus 
considérable  vers  le  sud  qu'il  faudrait  rebâtir  la  ville  pour  la  soustraire  aux 
venls  liévreux  cl   aux  émanations  dangereuses.   Des  trenible-lerre  on!  lé- 


liE.NKOELEN,  TELOKU-BETONG,   PALEMBANG.  2CI 

/Mr(l(''  les  (''(liliccs,  qui  depuis  n'ont  pas  été  tous  réparés  :  la  ville  offre  un 
air  d'ahandon,  et  les  Chinois,  les  Malais  des  quartiers  commentants  sont 
a|)pauvris  pour  la  plupart.  Les  tei'rains  environnants  sont  peu  fertiles  et 
la  eullure  du  cafier  est  délaissée. 

Malffré  l'admirable  position  commerciale  des  villages  de  Sumatra  situés  à 
l'extrémité  méridionale  de  l'Ile,  sur  les  rives  de  profondes  baies,  le  trafic, 
qui  consiste  surtout  en  poivre  et  en  résine  dammar,  n'a  qu'une  faible  im- 
portance dans  ces  bourgades  malaises;  même  avant  l'explosion  volcanique 
de  Krakatau,  qui  ravagea  le  littoral,  il  n'existait  pas  une  seule  ville  popu- 
leuse sur  cette  côte  déchiquetée  des  Lampong  ou  ><  Pays  Bas  »,  à  laquelle 
manque  d'ailleurs  une  zone  de  plaines  fertiles  d'une  laigeur  suffisante  ; 
presque  partout,  les  hauts  volcans  se  dressent  immédiatement  au-dessus  de 
la  mer.  Le  groupe  d'habitations  le  plus  considérable  est  Telokh-Betong, 
composé  de  huit  villages  qui  se  succèdent  au  bord  de  la  baie  de  Lampong 
cl  sur  les  rives  d'un  petit  cours  d'eau.  Des  sources  thermales  nombreuses, 
de  températures  différentes,  jaillissent  aux  alentours,  de  la  base  des  vol- 
cans. 

La  piincipale  cité  commerciale  du  sud  de  l'ile  et  la  plus  peuplée  de  tout 
Sumatra  est  la  ville  de  Palembang,  qui  se  trouve  sur  les  deux  rives  du 
Moesi,  à  l'endroit  du  fleuve  qu'on  pourrait  appeler  le  «  point  vital  »  :  c'est 
le  licni  de  convergence  des  principaux  affluents  de  l'intérieur,  immédiate- 
UKmt  en  amont  du  delta,  dont  les  bras  se  ramifient  sur  une  grande  éten- 
due. Palembang  occupe  une  surface  très  considérable  :  sur  la  rive  sep- 
tentrionale, les  o(}  kampoHfi  ou  quartiers  d'Ilir  comprennent  un  espace  de 
plus  de  8  kilomètres  en  longueur;  sur  la  rive  méridionale  seulement 
16  kampong,  appelés  du  nom  colleclif  d'Oeloe,  recouvrent  le  terrain'.  Les 
constructions  européennes,  peu  nombreuses,  se  groupent  sur  la  rive  du 
nord,  autour  d'une  forteresse,  le  kraton,  que  les  Hollandais  ont  graduelle- 
ment transformée  en  palais  résidentiel  ;  près  de  là  un  léger  renflement 
du  sol  est  recouvert  d'un  petit  bois,  lieu  sacré  habité  par  quelques  écu- 
reuils familiers.  A  peu  de  distance  du  fleuve  il  n'y  a  plus  d'habitations. 
On  a  fui  les  terres  vaseuses'de  la  plaine  pour  s'établir  sur  les  bords 
salubres  du  Moesi,  dont  le  courant,  large  de  500  mètres  et  de  10  à  15  mè- 
tres en  profondeur,  coule  avec  rapidité  eiilre  ses  berges.  De  même  que 
dans  la  cité  chinoise  de  Canton,  un  grand  uom!)re  de  résidents  ont  leurs 
demeures  en  plein  fleuve,  sur  des  radeaux  ou  rakit  de  bambous,  attachés  à 

'  I^cs  deux  lennes  malais  A'Ilir  et  d'Oeloe,  i)ui'  l'un  icliiiuvc  imi  mille  endroits  sur  les  cartes  de 
l'insnlinde,  ont  respectivement  le  sens  d'  «  inlï'ricur  »,  «  aval  »  ou  «  gauche  »,  et  de  «  supérieur  », 
n  amont  »  ou  «  droite  ». 


2()2 


NOUVELLE  GÉOGRAI'UIE  UNIVERSELLE. 


la  rive  ou  à  des  pilolis  au  moyen  de  câbles  en  rotin,  (juclqucs-uns  de  ces 
radeaux  sont  assez  vastes  pour  jiorler  des  maisons  servant  à  plusieurs  fa- 
milles ;  d'autres  ne  contiennent  que  des  huttes  ou  des  hangars.  On 
raconte  que  les  premiers  radeaux  furent  construits  à  Palembang,  par  des 
négociants  chinois  auxquels  le  sultan  avait  refusé  de  prendre  terre  :  ils 
restèrent  au  milieu  du  fleuve,  hal)itant  un  quartier  flottant  qu'à  la  moindre 


52.    l'.VLEMB.l 


U  après  la  iarti>  cli'  SlOL-uiluorl  fl  Sn'lliolT. 


alarme  le  souverain  eut  pu  livrer  à  l'incentlie.  Mais  ils  ne  sont  plus  seuls: 
des  Arabes,  des  Hindous,  des  Malais,  même  quelques  Eurojjéens  ont  fait 
choix  d'habilalions  fluviales  pour  jouir  de  la  bise  salubre  qui  passe  sur  le 
courant,  tantôt  descendant  avec  le  jusant,  tantôt  remontant  avec  le  flot. 
Presque  toutes  les  boutiques  sont  ancrées  dans  le  Moesi  ;  pour  faire  ses 
achats,  on  prend  un  bateau  et  l'on  parcourt  les  canaux  étroits  entre  les 
maisonnettes  à  toits  recourbés,  peintes  de  couleurs  vives.  Il  est  arrivé 
souvent,  lors  des  crues,  que  des  maisons,  entraînées  par  le  courant,  ont 


I   = 


l'ALEMDANG,    MOEWAUA   KOMl'EU.  265 

été  portées  à  do  grandes  distances  en  aval  de  l'alemlianij;  ;  IVéciueaimenl 
aussi  des  enfants  tombent  dans  le  lleuve,  infesté  de  crocodiles. 

La  population  de  Palembang,  qui  fait  remonter  sou  origine  à  une  colonie 
de  Javanais,  arrivée  au  quatorzième  siècle,  parle  encore  une  sorte  de 
patois  différant  beaucoup  des  dialectes  malais  de  Sumatra  et  ressemblant 
en  effet  au  dialecte  du  Java  central.  D'ailleurs  la  plus  grande  partie  de  son 
commerce  se  fait  avec  Batavia.  Les  gros  navires  qui  remontent  le  fleuve  jus- 
qu'à Palembang,  c'est-à-dire  à  plus  de  cent  kilomètres  de  rembouchure, 
viennent  charger  le  tabac,  le  riz,  la  gomme  élastique,  la  gutta-percha,  le 
benjoin  et  autres  denrées  qu'apportent  les  barques.  Plus  de  cent  bateaux 
descendent  parfois  en  un  seul  jour  des  escales  de  l'intérieur,  situées  pour 
la  plupart  aux  confluents  de  rivières  ou  moewcira,  tels  que  Moewara  Doea, 
Moevvara  Inim,  Moewara  Bliti,  Moewara  Rupit  ;  Tebing  Tenggi  est  aussi 
un  grand  marché.  Le  vaste  bassin  du  Moesi,  dont  Palembang  est  l'entrepôt 
naturel,  commence  à  proximité  de  la  côte  occidentale  et  s'empare  ainsi 
du  trafic,  qui  semblerait  devoir  appartenir  à  Bengkoelen.  Quant  aux  lave- 
ries d'or,  qui  ont  valu  son  nom  à  Palembang',  elles  n'ont  plus  grande 
importance  :  quelques  orpailleurs  seulement  se  livrent  à  cette  industrie.  De 
nombreux  ouvriers  chinois  y  fabriquent  des  laques  et  des  meubles.  Près 
de  la  ville  s'élèvent  les  tombeaux  des  sultans,  parmi  lesquels  l'Européen 
remarque  avec  étonnement  celui  de  Sikandar  Alam,  «  Alexandre  le  Grand  », 
cet  ancêtre  commun  des  divers  souverains  de  Sumatra". 

Au  nord  de  l'ancien  royaume  de  Palembang,  un  autre  sultanat,  assujetti 
depuis  1858  aux  Hollandais,  celui  de  Djambi,  possède  aussi  une  ville  com- 
merçante, placée  comme  Palembang  au  «  collet  »  d'un  fleuve,  en  aval  de  ses 
confluents  et  en  amont  de  son  delta  :  c'est  Moewara  Kompeh  ou  «  Bouche 
du  Kompeh  »,  à  la  réunion  de  cette  rivière  et  du  fleuve  principal,  le 
Djamlii.  Mais  dans  ce  bassin  fluvial  le  marché  et  le  siège  du  gouvernement 
ne  sont  pas  réunis  en  une  même  ville  comme  dans. le  bassin  du  Moesi. 
L'entrepôt  de  commerce,  Moewara  Kompeh,  est  situé  à  75  kilomètres  en 
aval  de  Djambi,  où  s'élève  le  palais  du  sultan  :  une  partie  de  la  popula- 
tion y  vit  aussi  sur  des  radeaux  à  l'ancre  ;  quelques  restes  de  constructions 
hindoues  se  voient  dans  les  environs,  de  même  (jue  dans  la  province  de 
Palembang.  C'est  avec  Singapour  que  se  fait  presque  tout  le  commerce  du 
Djambi.  Plusieurs  sultanats  du  haut  bassin  fluvial  sont  restés  indépen- 
dants du  TOUvcrnement  hollandais. 


'  De  r,lere(j,  Tijclsclirifl  van  lict  Aardnjkskundhj  Gciioutscliarip  le  Amslerdam.  iS'l, 
-  Ucniy  0.  Forbes,  ouvrage  cili. 

XIV.  3i 


266  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Ringat,  la  capitale  de  l'ancien  royaume  d'Indragiri,  (jui  limite  au  nord  le 
Djambi,  a  perdu  sa  richesse  et  sa  gloire  :  ce  n'est  plus  qu'un  petit  groupe 
de  villages,  situé  sur  la  rive  droite  de  l'Indragiri  et  ne  trafiquant  plus  avec 
la  mer  ;  les  alluvions  déposées  à  l'entrée  du  fleuve,  dans  la  baie  d'Amphi- 
trite,  interdisent  désormais  le  passage  aux  navires.  Poeloe  Lawang  ou  Pala- 
lavang,  qui  occupe  sur  la  rivière  Kampar  une  |)osition  analogue  à  celle  de 
Ringat,  et  qui  fut  aussi  capitale  de  royaume,  fait  quelque  commerce  avec 
Singapour,  le  grand  entrepôt  des  eaux  malaises.  Enfin  Siak,  autre  chef-lieu 
d'empire  déchu  et  maintenant  annexé  aux  possessions  hollandaises,  a 
gardé  ses  libres  communications  avec  la  mer,  distante  d'environ  100  kilo- 
mètres par  les  détours  du  fleuve  ;  mais  le  trafic  se  fait  surtout  au  marché 
de  Pekan-Baroe,  situé  en  amont  de  Siak,  là  oi'i  se  relèvent  les  premières 
pentes  des  avant-monts  vers  la  chaîne  du  Barisan  :  c'est  le  lieu  qu'on  a 
désigné  comme  le  point  initial  du  chemin  de  fer  à  construire  entre  les 
houillères  d'Ombilien  et  le  versant  oriental  di^  Sumatra.  Les  petits  ports 
du  littoral,  notamment  Boekil-Batoe,  prennent  une  part  de  plus  en  plus 
considérable  au  commerce  de  cabotage,  et  l'on  espère  que  la  ville  de 
Bengkalis,  située  dans  l'île  de  même  nom,  au  bord  d'une  rade  parfaite- 
ment abritée,  deviendra  prochainement  une  escale  fréquentée.  Les  che- 
naux qui  se  ramifient  à  l'infini  autoui'  des  îles  de  ces  parages  étaient  na- 
guère le  refuge  des  pirates. 

Le  centre  agricole  et  connnercial  le  plus  actif  du  nord-est,  au  bord  de 
la  manche  de  Malacca,  est  le  groupe  de  villages  et  de  plantations  auquel 
on  a  donné  le  nom  de  Deli,  d'après  un  royaume  qui  occupe  cette  partie  du 
territoire.  C'est  en  1802  que  le  sultan  de  Deli  plaça  ses  Etats  sous  la  suze- 
raineté du  gouvernement  hollandais  et  bientôt  après  des  j)lanteurs  s'éta- 
blissaient dans  ce  district,  dont  les  terres  sont  d'une  fertilité  exception- 
nelle :  en  l'espace  de  deux  années,  des  jardins  abandonnés  sont  tellement 
envahis  par  les  herbes  folles  et  les  arbrisseaux,  qu'il  serait  impossible  d'en 
reconnaître  le  plan  primitif.  Les  premiers  Européens  qui  tentèrent  for- 
lune  à  Deli  cherchaient  à  s'enrichir  surtout  par  le  commerce  des  noix  de 
muscade,  du  poivre  et  autres  épices;  mais  peu  à  peu  ils  ont  délaissé  ces 
diverses  cultures  pour  s'occuper  exclusivement  de  la  production  du  tabac', 

'  l'iiMliiilion  (lu  lalmc  diins  les  pliiulaliuiis  de  Deli  cl  des  régions  voisines,  sur  la  «  Côte  orienlalc  «  : 
ISIiH.    .    .         loi  000  kilogrammes. 

-IS75.    .    .        04(j(i()0  »  Valeur:    .f)  001)  000  francs. 

t8S0.    .    .     4.V47:jî)0  »  »        'i'iMMIOOO     x 

I88'i.    .    .     7  142  210  »  »         r>0  000  000     » 

1SS0.    .    ,     y  l'JO  JOO  ),  Il         UO  000  000     u 


SIAK,   DELL 


267 


quo  l'on  oxjiwlic  sur  le  marché  d'Amstcrdaiii,  où  il  est  fort  ajiprûcié  :  le 
lal)MO  (le  Dell  contribue  déjà  poiii'  une  pari  considérable  à  l'approvision- 
nenieiil  de  rKiiiope.  iMais  celle  éiionne  prodiiclion  ne  profile  guère  au 


Pro^O/^C^Ci^f^^- 


1     cïo  ono 
0  ïa  Ml. 


Iravail  libre  :  même  la  |iiu}iarl  des  planlalions  ont  été  rachetées  par 
une  puissante  compagnie  financière,  que  le  gouvernement  a  munie  de 
notables  privilèges  et  contre  laquelle  toute  concurrence  est  im])ossible;  la 
concession  de   terrains   aux   Chinois   et  aux    Hindous  est   interdite.   Des 


208  NOUVELLE  fiÉOf.RAPUIE  UNIVERSELLE. 

esclaves  cullivaiciil  les  premières  i)lantalions;  maiiifenaiil  ce  sont  des 
«  engagés  »  que  recrute  la  compagnie;  mais  les  Malais  et  les  Batta,  —  ceux- 
ci  (le  beaucoup  les  plus  nombreux,  —  ne  suffisent  pas  au  travail,  et 
plus  de  vingt-cinq  mille  travailleurs  chinois  ont  été  importés.  On  a 
fait  aussi,  mais  sans  grand  succès,  la  tentative  d'introduire  des  Java- 
nais de  Semarang,  et  de  détourner  ainsi,  au  profit  de  Sumatra,  une 
partie  de  l'excédent  annuel  de  population  que  fournit  l'île  de  Java;  enfin 
des  Kling  ou  Kalinga,  c'est-à-dire  des  Hindous  de  la  présidence  de  Ma- 
dras, mélangés  pour  la  pluparl  avec  d'nuires  races,  contribuent  à  l'ac- 
croissement des  chiourmes  à  demi  asservies  qui  cultivent  les  campagnes 
de  Deli.  Des  deux  côtés  de  ce  district,  au  nord  vers  les  pays  de  Langkat 
et  d'Aljeh,  au  sud  vers  le  sultanat  de  Sirdang,  les  plantations  s'étendent  de 
proche  en  proche  :  c'est  par  cette  région,  espèrent  les  économistes  hollan- 
dais, que  commencerait  pour  Sumatra  l'œuvre  d'exploitation  à  outrance 
qui  a  déjà  fait  de  Java  une  contrée  unique  dans  le  monde  comme  grande 
usine  de  |)roduc(ion  agricole.  Les  petits  chevaux  de  Deli,  provenant  du 
pays  des  Batia,  sont  fort  appréciés  sur  les  marchés  de  Singapour  el  de 
i*oulo  l'inang. 

Le  marché  d'e\p(''(li(ion  du  dislricl,  Laboean  ou  «  Lieu  d'Ancrage  >% 
estsilué  près  de  l'enihouchure  de  la  rivière  Deli  sur  un  terrain  maréca- 
geux e(  au  bord  d'une  anse  boueuse  :  les  navires  doivent  mouiller  à  T)  kilo- 
mètres du  rivage.  Un  chemin  de  fer  j)art  de  Laboean  pour  remonter  la 
vallée  dans  la  direction  du  sud  à  travers  les  nombreux  kampong  el  les  jdan- 
tations  de  la  compagnie  :  un  embranchement,  qui  part  de  Medau.  le  vil- 
lage central  et  le  chef-lieu  administratif  de  la  |)rovince  dite  >^  (Jôlc  oiien- 
lale  >'  {(k)slkiist),  jténètre  à  l'ouest  dans  la  haute  vallée  de  Langkat. 


Les  diverses  parties  de  Sumatra  ont  un  régime  administratif  difft'i'ent. 
Tandis  ([ue  les  districts  d'Aljeh  situés  à  riiilérieur  el  les  régions  les  |ihis 
reculées  du  pays  des  BatIa  jouissent  encore  de  leur  indépendance,  et  (|ue 
d'autres  provinces,  telles  que  Badang,  Benkoelen,  Balembang,  sont  eiitièi'e- 
iiient  soumises,  plusieurs  territoires  sont  gouvernés  médiatement  par  des 
princes,  devenus  les  vassaux  de  la  Hollande  et  lui  payant  le  lianxil  ou  jiar- 
tie  de  la  lécolte,  mais  ayant  encore  de  grands  privilèges  et  |)rélevaiit 
une  paît  considérable  du  revenu  local  :  on  observe  toutes  les  transitions 
entre  l'ancien  mode  de  gouvernement  malais  et  l'assujettissement  pur  et 
sim|)le  aux  lois  hollandaises  promulguées  ])ar  le  gouverneur  de  Batavia. 
Les  petits  Etals  situés  à  l'est  du  plateau  de  l'adang  sur  le  versant  des  monts 


SUMATRA,   ARCUIPKLS  DE  RIOUW  ET  DE  LINGGA. 


209 


suivenl  encore  l'adat  du  royaume  de  Menangkabao.  Presque  Ions  les 
royaumes  du  versanl  oriental  ont  leurs  sultans,  plus  ou  moins  déchus, 
et  leur  conseil  des  notables.  Les  clans  ou  soukwt  ont  tous  leur  chef  élu, 
qui  l'cçoit  aussi  l'investiture  du  gouvernement  et  qui  sert  d'intermé- 
diaire entre  le  peuple  et  l'autorité;  plusieurs  soukou  réunis  constituent 
une  marr/n,  groupe  secondaire,  tribu  ou  principauté,  correspondant  au 
canton  français  et  administré  par  des  chefs  de  district  qui,  d'un  côté, 
transmettent  les  vœux  du  peuple,  et  de  l'autre  les  ordres  du  pouvoir.  Ja- 
dis chaque  marga  avait  ses  lois  spéciales  et  ses  coutumes,  inscrites  sur 
des  bambous  ou  sur  des  feuilles  de  borassus,  et  précieusement  conservées 
de  génération  en  génération. 


Les  grandes  divisions  de  Sumatra,  avec  leur  superficie  et  leur  popula- 
tion recensée  ou  présumée,  sont  énumérées  dans  le  tableau  suivant  : 


lilM-lll\<. 

POPULATION    ES    1880 

VILLES    PRINXIPALES. 

Atji'h,  iiKiï'penilunt  ou  soumis 

Pays  des  Bal  (a           »                

Tapannoli '  .    .    .    . 

Padaii",  bas  pays  (liencilL'n-laïuli'Ml.    .    . 
))        haut  pajs  (Doven-landcii)  .    .    . 

Beuglioolen 

Lampong 

l'alembanf; 

Cole  orientale  (Ouslkusl) 

545  ObO  liab. 
300  000      » 
104  000      ,< 
.ylGoOO      » 
070  500      11 
152  000      1. 
122  SOO      i. 
557  400      . 
182  000      .. 

Kota-Radja  (50  000  hab.) 

Sibogba. 

Padang(25  000hab.). 

Fort  de  Kock. 

lîeiigkoelen  (II  000  bab.). 

TeloUb-Iîelong. 

Palembang  (00  000  hab  ) 

Medan  (10000  bab.). 

ÏII 

ILES     ET     AnCIIIPELS     DE     LA     SONDE,     ENTRE     SUMATRA     ET     DORNEO. 

Les  archipels  de  Riouw  et  de  Lingga,  qui  continuent  au  sud  la  péninsule 
de  Malacca,  occupent  une  étendue  considérable,  mais  ils  sont  bien  loin 
d'égaler  en  population,  en  produits  et  en  activité  commerciale  la  petite 
île  de  Singapour,  ravie  p?r  les  Anglais  à  remj)ire  insulindien  de  la  Nécr- 
laiide  et  devenue  le  grand  entrepôt  du  trafic  à  l'angle  sud-orienlal  du 
continent  d'Asie'.  De  même  que  Singapour,  les  groupes   d'iles  Riouw  et 


Siiperlirii'  el  iiiipiiialion  des  deux  arebi|iids  Uioiiw  el  l.ingga  : 

4100  kilomètres  carrés.  OS  000  habitants  en  tSS8;  25  bab.  par  kil.  cariv. 


'J70  ,    NOUVELLE  GEOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

Lingga  paraissent  n'être  que  des  fragments  détachés  de  la  presqu'île  Ma- 
laise; mais  leur  formation  actuelle  est  nettement  insulaire,  tandis  que 
Singapour,  séparée  du  continent  par  un  simple  chenal,  semhle  n'être 
qu'un  appendice  du  territoire  de  Djohor.  Les  Malais  donnent  aux  deux 
archipels  le  nom  de  Tanah  Salât  ou  «  Pays  des  Détroits  »,  à  cause  des 
nomhreux  chenaux  qui  se  présentent  à  leurs  prao  entre  les  îles,  îlots  et 
récifs.  De  tous  ces  chemins  maritimes,  le  plus  fréquenté  est  celui  de 
Riouw,  qui  fait  communiquer  la  rade  de  Singapour  avec  la  mer  libre, 
s'étendflnt  à  l'est  vers  Bornéo. 

Les  terres  des  archipels  Riouw-Lingga  contrastent  nettement  avec  les 
îles  alluviales  de  la  côte  de  Sumatra  :  formées  principalement  de  granit  et 
de  grès  comme  la  péninsule  de  Malacca,  dont  elles  font  géologiquemenl 
partie,  elles  se  relèvent  en  coteaux  ondulés,  au-dessus  desquels  apparais- 
sent quelques  hautes  croupes,  dites  montagnes  par  les  indigènes.  Une  des 
cimes  de  Bintang  atteint  515  mètres;  le  sommet  dominateur  de  tout  l'ar- 
chipel est  le  pic  de  Lingga,  dans  l'île  de  même  nom  qui  appartient  au 
groupe  méridional  :  sa  hauteur  est  de  Hol  mètres.  Grâce  aux  terrains  en 
pente  et  au  lihre  écoulement  des  eaux,  il  ne  s'est  point  formé  de  marais  et 
le  climat  est  partout  saluhre;  cependant  un  grand  nomhi'e  d'îles  sont 
inhaliitées;  de  noires  forêts  les  recouvrent  en  entier,  et  les  prao  malais  en 
évitent  les  abords,  non  encore  parfaitement  explorés. 

La  population  primitive  des  îles  se  compose  de  Malais  et,  d'après  une 
tradition,  c'est  dans  l'archipel  de  Lingga,  où  les  habitants  offrent  un  type 
d'une  remarquable  pureté,  que  la  race  aurait  pris  son  origine;  le  malais  de 
Riouw  est  un  des  plus  riches  en  productions  littéraires,  chroniques,  drames 
et  poèmes.  Mais  dans  l'aichipel  septenirional,  autour  de  Riouw,  le  fond 
malais  se  trouve  déjà  mélangé  de  beaucoup  d'éléments  divers  :  les  Java- 
nais, (pii  possédèrent  ce  |tays  lors  de  l'existence  du  royaume  de  Modjo- 
Pahit,  y  ont  laissé  leurs  descendants  ;  les  marchands  bougi  de  Celêbès  y 
ont  j)lusieurs  villages;  les  Chinois  surtout  y  sont  fort  nombreux,  et  en 
maints  endroits  ils  ont,  comme  à  Singapour,  la  supériorité  numérique. 
Dans  les  villes  ainsi  que  dans  les  campements  ils  se  divisent  en  deux  na- 
tions distinctes,  ayant  chacune  son  «  capitaine  »  :  ce  sont  des  Cantonais 
et  des  Chinois  d'Amoy,  ceux-ci  contrastant  favorablement  avec  les  pre- 
miers par  leurs  mœurs  pacifiques,  leur  amour  du  tiavail,  leur  sobriété. 
Le  commerce,  beaucoup  plus  actif  dans  l'archipel  de  Riouw  que  dans 
celui  de  Lingga,  est  la  cause  de  cette  invasion  continue  des  Chinois;  mais 
ce  sont  eux  aussi  qui  s'occupent  de  la  production  du  (jnmhir,  dont  les 
îles  de  Riouw  ont  pratiquement  le  mono|)ole.  On   sait  (|ue  cette  denrée. 


AliCllII'ELS  DE   RIOLW  ET   DE   LI>'GGA. 


271 


appelée  aussi  terra  japonh'u  cl  aitcrJm,  esl  obloniie  par  la  décoction  des 
i'cuillcs  de  Vuncaria  ou  nuudca  rjambir  des  botanistes.  La  seule  île  de 
Liiiitan  produit  annuellement  7  millions  de  kilogrammes  de  gambir,  (jue 
l'on  expédie  surtout  à  Batavia,  à  Macassar  et  à  Bandjermassin,  où  il  sert  à 
la  préparation  du  bétel  que  mâchent  les  indigènes.  L'archipel  est  aussi 
une  des  contrées  importantes  de  l'Insulinde  pour  la  pi'oduction  du  poivre. 


5V-    AHCIlir'EL   DE    IllOrV 


L  S  t  d  ■?   r  5  ^  , 


D'jipf'Cîi    divC-G    d 


/^ro  ^O^o'ecr/^s 


reû^SS''- 


c/s  âû"'etàu  i/^.a 


Quelques  îles  ont  des  gisements  d'étain,  entre  autres  les  deux  Karimon, 
îlots  qui  se  trouvent  dans  le  détroit  de  Malacca,  cl  la  grande  île  de 
Singkep,  située  dans  l'archipel  méridional,  au  sud  de  Lingga.  Les  détroits 
l'ournissent  aux  pêcheurs  de  graiules  quantités  d'holothuries  et  d'agar-agar 
{fuom  saccharinus),  que  les  gourmets  chinois  im[)ortent  à  grands  frais. 

Riouw,  le  chef-lieu  des  archi[)els  et  naguère  de  la  «  résidence  »  orien- 
tale de  Sumatra,  est  située  dans  la  petite  île  de  Tandjang  Pinang,  qu'une 
étroite  coulée  sépare  de  Bintang,  la  jilus  vaste  terre  de  ces  parages  :  sou- 


-2T2  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

vent  on  donne  le  nom  de  Rioinv  aux  deux  îles  juxtaposées.  La  ville,  bàlie 
sur  la  rive  orientale  du  détroit  de  l'iiouw,  —  le  Rhio  des  cartes  anglaises, 
—  se  compose  de  plusieurs  quartiers  distincts,  qui  se  succèdent  autour 
d'une  rade  peu  profonde,  mais  très  sûre  :  les  îlots  de  Mars  et  de  Sengarang 
la  protègent  contre  les  vents.  Déclarée  port  franc  en  1828,  Riouw  n'a  pu 
rivaliser  de  comlnerce  avec  sa  voisine  anglaise,  Singapour;  elle  n'en  est 
que  la  vassale,  et  c'est  à  cet  immense  entrepôt  qu'elle  expédie  toutes  ses 
denrées  par  services  réguliers  de  bateaux  à  vapeur. 


La  grande  ileBangka,  d'une  superlicie  de  12(jSl  kilomètres  carrés,  et 
constituant  à  elle  seule  une  «  résidence;  »,  semblerait  à  première  vue  n'être 
qu'une  simple  dépendance  de  sa  voisine,  la  terre  semi-continentale  de 
Sumatra;  elle  est  pourtant  complètement  distincte  de  celle  île  par  sa  for- 
mation géologique  et,  comme  les  arcbipels  de  Riouw  et  de  Lingga,  elle 
fait  partie  du  prolongement  rompu  delà  péninsulede  ilalacca.  Elle  s'oriente 
aussi  dans  la  même  direction,  du  luird-ouesl  au  sud-est,  parallèle  à  l'axe 
de  Sumatra.  Si  le  détroit  tortueux  et  sans  profondeur  qui  la  sépare  des 
terres  alluviales  de  Palembang  offre  sur  ses  deux  l'ives  une  série  corres- 
pondante de  courbes  saillantes  et  rentrantes,  la  cause  n'en  est  point  à 
une  ruptiuf  cpii  se  serait  produite  enlrc  des  roches  de  même  formation, 
mais  bien  à  l'acliou  des  courants  de  flux  et  de  reflux  qui  vont  el  viennent, 
répartissanl  d'une  manière  égale  les  apports  terreux  des  fleuves  de  Palem- 
bang. Rangka  n'a  point  de  volcans  ni  de  roches  ignées  comme  Sumatra  ;  à 
peine  si  Von  y  ti'ouve  <|uel(pu's  sources  thermales.  Les  roches  piiiicijiales 
di;  l'île  sont  les  granits,  les  (juartz,  les  masses  feldspathiques,  d'ailleurs 
sans  régularité  apparente.  Les  collines  onduleuses  ne  se  suivent  pas  en 
chaînes  :  elles  sont  éparses  en  massifs,  dont  aucun  n'atteint  1000  mètres 
d'élévation.  Le  plus  haut  sommet,  celui  du  mont  Maras,  qui  se  dresse  im- 
médialenu'ut  au  sud  de  l'étroite  baie  d(!  Klabat,  dans  la  partie  septentrio- 
nale de  l'île,  n'a  pas  plus  de  811  mètres.  Les  rivages  les  plus  escarpés  sont 
ceux  de  l'est,  tournés  vers  la  haute  mer. 

Bangka  ne  diffère  point  des  côtes  sumatraises  voisines  pour  les  phéno- 
mènes du  climat,  mais  déjà  flore  et  faune  présentent  de  notables  con- 
trastes '  :  les  gi'ands  animaux,  éléphants  et  rhinocéros,  même  tigres  et 
buffles,  manquent  dans  les  forêts.  Ouant  à  la  population,  très  mêlée,  elle 
se   compose  principalement  de  Malais,  comme  dans  les  autres    légions 

'  liiissell  A.  WalkicL-,  Pwcccdiiiijs  of  Ihc  li.  Gcoiirapliical  Sociclii.  tk'C.  1879. 


HIOI  W,    B.V.N(iKA. 


273 


cùlières  do  l'insuliiuk',  mais  l'rlc'ini'iil  javanais  y  est  moins  forlomcnl  re- 
présenté quo  clans  le  district  de  l'alombani^,  et  sur  le  littoral  se  trouvent 
çà  et  là  des  colonies  de  Malais  orifiinaircs  du  nord,  que  l'on  appelle  com- 
munément les  OrangSekat  ou  Orang  Laout,  c'est-à-dire  les  «  Gens  de  Mer  »  : 
ce  sont  les  frères  des  Badjo  de  (lelèbès'  et  des  Orang  Kouata  ou  «  Gens  des 
estuaires»  qui  font  un  petit  commerce  de  cabotage  sur  la  côte  sumatraiso 
de  l'est.  Ouand  ils  sont  au  mouillage,  la  plupart  d'entre  eux  ne  sortent  pas 


N"    53.    liANGKA. 


E=*   d.    Pa,r 


Ûe0^6'"  c/e.5^25'"       c/e25'"et  âiy  c^e/d. 


même  de  leurs  prao  :  huit  ou  dix  de  ces  euiltarcalioiis  couvertes  de  nattes 
constituent  un  kampong  flottant,  une  n'pulilique  ayant  ses  coutumes  et 
son  conseil  des  notables.  Les  Orang  Sekal  n'ont  d'autre  nourriture  que  le 
poisson,  les  «  fruits  de  mer  »,  l'espèce  de  fucus  dite  agar-agar,  et  c'est 
peut-être  à  ce  genre  d'alimenlation  (pi'il  faut  attribuer  une  maladie  spé- 
ciale, le  (/f/r/o«.s,  qui  les  atteint  parfois.  Restés  païens,  les  «  Gens  de  Mer  » 
ont  été  souvent  accusés  par  leurs  voisins  mabométans  de  se  livrer  à  la 
jtiralerie.  mais  ils  sont  au  contraire  d'une. stricte  probité  et  ne  vivent  (pie 


Tlieoildp  Wailz.  Aiilliropolofiic  lier  ISaliirvùlkcr 


•271  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

(lu  [iioduil  do  la  pèche  et  du  Iralic.  Lo;;  populations  do  l'iiitoriour,  dilos 
Orany  Goonong  ou  <(  Gens  de  la  montagne  »,  ressemlilonl  aux  Balla  snnia- 
trais  jiar  l'apparence  physique  et  les  mœurs  '. 

Les  Chinois,  qui  forment  près  du  tiers  de  la  po|iulation  insulaire, 
appartiennent  déjà  pour  une  bonne  moitié  au  nombre  des  natifs.  Ces  Chi- 
nois nés  dans  le  pays  sont  appelés  Pernakan  et  constituent  la  classe  dis- 
tincte des  Sinkee  ou  Chinois  immigrés,  venus  de  Canton  ou  du  Fokien. 
Mariés  pour  la  plupart  à  des  femmes  métisses,  ils  parlent  le  chinois  et  le 
malais;  mais,  en  dépit  des  mélanges,  c'est  le  type  primitif  de  l'immigrant 
ipii  l'emporte.  Malgré  leur  accroissement  assez  rapide,  la  |)opulation  (h  l'île, 
qui  a  plus  que  doublé  depuis  1S50,  est  encore  minime",  d'environ  six 
habitants  par  kilomètre  carré.  L'agriculture  est  presque  entièrement 
délaissée  :  la  principale  industrie,  à  laquelle  tout  est  sacrifié  par  la  com- 
pagnie concessionnaire,  est  rox[)loi(ation  dos  mines  d'élain,  les  plus  pro- 
ductives du  monde  entier. 

On  dit  que  ces  précieux  gisements  furent  découvoils  au  commencement 
du  dix-huitième  siècle.  Leurs  produits  appartinroni  <l"abord  au  sultan 
iU'  Palembang,  souverain  de  l'ilo  :  on  1740,  les  Chinois,  employés  déjà 
presque  exclusivomoni  à  recueillir  le  métal,  vn  obtenaient  une  quantité 
évaluée  à  lô,')0  tonnes.  La  production  aoluolle,  monopolisée  par  l'Elal, 
donne  des  revenus  annuels  qui  égalent  souvent  la  valoui'  du  capital 
engagé.  Mais  les  Chinois  qui  travaillent  dans  les  mines,  vivant  des 
avances  (|iii  leur  sont  faites  par  l'administration,  sont  restés  misérables, 
et  c'est  pour  les  surveiller  et  les  contenir  que  des  garnisons  ont  été  répar- 
ties dans  les  disiricis  miniers.  Les  gisements  d'élain,  au  nombre  de  plu- 
sieurs centaines,  se  rencontrent  dans  toutes  les  parties  de  Bangka,  mais 
c'est  principalement  jirès  de  la  côte  n(tr(l-orieutale,  aux  alentours  de  Me- 
l'awang,  (pie  se  tiouvenl  les  plus  riches  exploitations.  De  même  (pie  dans 
la  péninsule  de  Malacc^a,  h^s  (Hnich(^s  stannifères  de  Bangka  sont  contenues 
dans  les  boues  alluviales,  qui  recouvrent,  sur  une  éj»aisseur  d'au  moins 
quatre  mètres,  de  dix  ou  douze  au  plus,  les  argiles  de  couleurs  foncées 
éteinhu^s  à  la  base  d(^s  collines  granitiques  :  çà  et  là,  K^s  courants  qui  por- 
lèreiil  ces  boiu^s  ont  rencontré  des  obstacles  au-devant  (h^ipiels  ils  ont 
creusé  le  sol  et  formé  des  «  poches  »  où  le  métal  s'est  déposé  en  masses 
considérables.  Les  mineurs  ont  IVé([nemmeiit  trouvé  dans  ces  allu- 
>iiins    (les    arbres  renversés   qu'eniraina    le  courant,    et   les    tixincs    sont 

'   Lange,  Hel  Eilaiid  Bankn. 

■  Populaliidi  (te  Bau^lia  au  .'1   iI.hoiuIuv  ISSU  ;  71  71. "i  lialiilaiils. 

Wi-'iO  Malai>;  'JIOJO  GliiiMis;   Iti,"!  Eiiio|H'im>.:  2:)0  Aial.i>«  c\  ilivots. 


BA.NGKA,   lilLl.lTON.  275 

orientés  fhiiis  le  même  sens,  la  racine  au  nord-oiiesl  et  le  branchage  au 
sud-est,  suivant  la  même  direction  que  l'île,  ainsi  que  Sumatra  et  la  pénin- 
sule Malaise;  en  1850,  on  trouva  aussi  dans  une  mine  du  district  nord- 
occidental  une  grosse  embarcation  d'un  modèle  inconnu  de  nos  jours'. 
Bangka  possède  plusieurs  gisements  de  métaux  autres  que  l'étain  :  or, 
argent,  cuivre,  plomb,  arsenic,  mais  ces  richesses  ne  sont  guère  exploitées. 
Le  fer  de  Bangka  est  très  apprécié  pour  la  i'ahrication  des  armes. 

Munlok,  la  capitale,  est  située  près  de  l'extrémilé  nord-occidentale  de 
lile,  au  bord  du  détroit  de  Bangka  et  en  face  des  diverses  embouchures  du 
ileuve  de  l\Tlembang.  A  l'époque  de  leur  domination,  les  Anglais,  par  un 
calebbour  obséquieux,  avaient  changé  le  nom  de  Muntok  en  celui  de 
Minto,  pour  faire  honneur  à  un  de  leurs  gouverneurs  généraux;  mais  l'an- 
cienne dénomination  malaise  a  de  nouveau  prévalu.  Dominée  au  nord  par 
le  Manoenibing  (i!l.")  mi'li'es),  la  ville,  que  peuplent  environ  5500  habi- 
tants, borde  les  deux  rives  d'un  petit  cours  d'eau  descendu  de  celte  mon- 
tagne; le  quartier  européen,  bien  fortilié,  occupe  une  terrasse  du  versant 
méridional,  tandis  que  le  bazar  chinois  longe  la  rive  septentrionale,  près 
de  l'embouchure  :  le  reste  de  la  ville  est  un  immense  jardin  de  cocotiers 
et  d'autres  grands  arbres,  ombrageant  de  gracieuses  cases  élevées  sur 
pilotis  ou  socles  de  pierre.  La  rade  de  Muntok  a  l'avantage  d'être  abri- 
tée, mais  elle  n'a  pas  grande  profondeur  et  l'entrée  en  est  péi'illeuse;  ce- 
pendant on  y  fait  un  commerce  assez  important  avec  la  côte  de  Sumatra, 
Biouw  et  Singapour. 


L'île  deBilliton  ou  Blitong,  dont  la  surface  est  évaluée  à  un  lieis  environ 
de  la  superficie  de  Bangka,  était  naguère  une  dépendance  administrative 
du  «  pays  de  l'Etain  »  ;  elle  se  rattache  à  la  côte  sud-orientale  de  Bangka 
par  une  centaine  d'îlots  et  des  récifs,  entre  lesquels  serpentent  les  péril- 
leux détroits  de  Gas|)ar.  Elle  présente  la  même  formation  géologique  el 
dans  ses  boues  alluviales  on  trouve  aussi  des  couches  d'étnin.  Sa  plus 
haute  cime,  le  Tadjem  à  la  double  pointe,  atteint  050  mètres. 

Bedoutée  des  marchands,  qui  derrière  chaque  îlot  de  la  côte  crai- 
gnaient de  voir  apparaître  une  flottille  de  corsaires,  Billiton  était  naguère 
sans  commerce  et  presque  tout  son  territoire  était  désert;  en  1(S56,  on  n'y 
comptait  même  pas  en  tout  l"2  000  habitants.  L'exploitation  des  gisements 
d'étain  a  donné  une  imjtortance  con^idi-rable  à  celle  île  :  la  |K)pulation  a 

'   l,;mj;t',  ouvrage  tilé. 


'J76  NOI  VELLl-    (;ÉOr,liAI'lllK  IINIVI'RSKLLK. 

Iiijilé,  cl  le  porl  de  Tiiiidjonji  I';iii(l;ini;,  vers  IimjucI  conver^cnl  les  prin- 
cipales routes,  a  pris  quelque  aninialion.  Les  Chinois,  qui  n'avaient  à 
Bangka  que  de  rares  représentants,  s'y  trouvent  aciuellenient  au  nombre 
de  plus  de  neuf  mille  el  entretiennent  les  échanges  avec  Java  et  Singa- 
pour'. La  production  minière,  qui  ne  dépassait  pas  40  tonnes  en  1(855,  a 
centuplé  depuis  et  rap])orte  d'énormes  hénélices  aux  concessionnaires'.  De 
même  qu'à  Bangka,  les  mineurs  font  pour  leur  propre  compte  l'excavation 
du  sol  mélallifère,  mais  ils  sont  tenus  de  vendre  l'étain  à  un  prix  fixé 
d'avance  et  de  s'ap|)rovisionner  dans  les  magasins  de  la  compagnie.  Aussi 
la  jdupart  d'entre  eux  sont-ils  endettés  et  meurent  sans  avoii'  pu  rem- 
hourser  leur  créancier.  Depuis  la  constitution  de  la  compagnie,  Billifon  a 
été  érigée  en  une  province  distincte  de  Bangka  :  un  i<  l'ésident  assistant  »  a 
son  séjour  dans  le  bourg  de  Tandjong  l'andang. 


La  mer  de  Bornéo,  ouverte  au  nord  vers  la  mer  de  Chine,  est  parse- 
mée d'archipels,  qui  se  composent  chacun  d'un  grand  nombre  d'iles,  ])our 
la  ])lupart  inhabitées  :  Tambeiaii,  situé  à  mi-dislance  entre  l'archipel  de 
Lingga  el  Bornéo;  Anamims,  placé  au  large  de  la  péninsule  Malaise;  Na- 
loena,  au  delà  du(juel  les  eaux  sont  lilii'cs  vers  la  Cochinchine  et  les  Phi- 
lippines; Serasan,  à  l'ouest  de  la  pi'incipauté  de  Sarawak,  dans  Boriu'o. 
Ce  dernier  grimpe  est  également  connu  sous  le  nom  d'archipel  des  Pi- 
raies,  quoique  les  habitants  de  la  seule  île  peuplée  n'aient  maintenant 
d'autre  occupation  cpie  de  recueillir  les  imix  de  coco  pour  eu  fabiiquer 
de  l'huile.  Parmi  les  deux  cents  îles  et  îlots  de  ces  archipels  la  plus  grande 
(Ni  Bitengoeren,  apjx-lée  aussi  Groot  Natoena  ou  Natoena  la  Grande  :  elle 
dépasse  en  étendue  les  autres  terres  de  ces  parages'',  et  l'une  de  ses  mon- 
tagnes, le  Banay,  alleini  d'aprc-s  Laplace  une  hauleur  de  Ill'ilî  nu-Ires. 
Les  habitants  des  îles  cultivées,  que  de  Ilollander  évaluait  en  'KSTîS  à 
l'2  ()()()  individus,  sont  exclusivement  Malais  et  font  un  petit  commerce  de 
cabotage  avec  les  marchés  de  Singapour  cl  de  Biouw  pnur  (■changer  leur 
poisson,  I(^ur  sagou  et  leur  huile  de  coco  contre  du  ri/,  de  la  (|iiin(aillerie 

'  Superlicie  el  population  de  Billiton  au  .ïl  ilccoinbre  1880  : 

■41)88  kilomètres  canes;  55174  habitants:  7  tiabitants  par  kilonièlre  carié. 
-  l'roiluclion  moyenne  des  mines  d'étain  de  Bangka  el  de  Billilon  :  87)51)  tonnes. 

Bénélice  annuel  :  5000000  francs.  Bénéfice  total  de  18.");!  à  1887  :  2180000(10  lianes. 
^  Superficie  des  archipels  Tambelan,  Anambas,   Natoena  et  Serasan,  d'après  Belun  et  Wayner  : 
iïôl8  kilomètres  carrés. 

Superficie  de  (irool  Natoena  :  1  ."Vifô  kilomètres  carrés. 


lilLLlTU.N.   -NATUKNA.    HOKNEO.  277 

et  des  étoffes  européennes.  Les  marins  de  A'aloena  la  Grande  eonslriiisenl 
des  [irao,  (jne  Laplace  dit  être  «  d'un  travail  admirable  >^.  Les  iles  de  l'ar- 
cliipel  dépendent  politiquement  de  Riouw,  et  des  membres  de  la  famille 
du  sultan,  vassal  des  Hollandais,  viennent  les  ifouverner  tour  à  toni'. 


IV 


Le  royaume  de  Bruneï,  jadis  puissant,  a  donné  son  nom,  modilié  par 
les  marins  d'Europe,  à  la  terre  dont  il  occupe  la  côte  nord-occidentale. 
Kalainantin  ou  Klematan  est  une  appellation  indigène  usitée  dans  (juel- 
<|ues  districts,  et  que  l'on  a  cru  devoir  aussi  appliquer  à  l'ile  entière; 
mais,  en  comparaison  des  terres  environnantes,  Bornéo  est  d'une  étendue 
si  considérable,  qu'elle  semblait  sans  limites;  ses  babitants  ne  la  dési- 
finaienl  point  d'une  manière  spéciale  et  n'en  distinguaient  que  les  diverses 
provinces,  par  dénominations  particulières  que  les  étrangers  employaient 
ensuite  dans  un  sens  plus  général.  Bornéo  est  en  effet  un  monde  de 
dimensions  énormes.  En  dehors  des  masses  continentales,  —  parmi  les- 
quelles on  comprend  l'Australie,  —  et  des  terres  glaciales,  le  Groenland 
et  l'Antarctide,  Bornéo  n'est  dépassé  en  superficie  que  par  la  Nouvelle- 
Guinée;  mais,  par  sa  forme  massive,  qui  est  celle  d'un  grand  triangle  posé 
sur  les  eaux,  Bornéo  ressemble  beaucoup  plus  à  un  continent  que  la  Nou- 
velle-Guinée, aux  larges  baies  et  aux  longues  péninsules.  C'est  évidemment 
le  noyau  central  de  ce  qui  fut  jadis  l'Australinde,  avec  Java,  Sumatra,  la 
péninsule  Malaise.  La  cuvette  sans  profondeur  des  mers  qui  s'étendent  au 
sud  et  à  l'ouest,  entre  les  terres  maintenant  disjointes,  a  été  à  peine  excavée, 
pour  ainsi  dire,  par  les  agents  géologiques  et  révèle  l'ancienne  forme  du 
continent,  dont  le  fragment  le  plus  considérable,  Bornéo,  représente  plus 
du  tiers.  Avec  les  petites  îles  de  son  littoral,  telles  que  Maijang  et  les  Ka- 
rimata  jirès  de  la  c(jte  sud-occidentale.  Poelo  Lacet  et  Sebokoe  à  l'angle 
sud-oriental,  elle  comprend  un  espace  de  740  840  kilomètres  carrés,  égal 
à  près  d'une  fois  et  demie  la  surface  de  la  France.  Le  pourtour  de  l'ile, 
non  compris  les  petites  indentations  du  lilloiai,  nffre  un  développemeni 
total  de  6420  kilomètivs. 

Cette  île  centrale  de  l'Insulinde,  qutiique  des  plus  fertiles  et  riche  en 
produits  de  toute  espèce,  est  pourtant  [iresque  déserte  en  proportion  de 
son  étendue.  Sept  ou  huit  fois  plus  grande  que  Java,  elle  est  dix  ou  douze 
fois  moins  habitée;  si  les  évaluations  sommaires  faites  d'après  les  récits 


278  NOLVELLK   (;ÉOr.R.\IMllE  UNIVERSELLE. 

des  voya^'eurs  sont  assez  rapprochées  de  la  vérité,  Bornéo  n'anrait  pas 
même  la  moitié  des  habitants  de  Sumatra,  déjà  si  iaihlement  peuplée, 
malgré  l'immensité  de  ses  ressources  naturelles.  La  rareté  relative  de  la 
population  à  Bornéo  doit  être  attribuée  à  la  zone  de  forêts  marécageuses  et 
malsaines  qui  borde  le  littoral  sur  presque  tout  son  pourtour.  Les  villages 
n'ont  pu  se  développer  que  très  diflicilement  dans  ces  régions  insalubres: 
presque  toutes  les  agglomérations  humaines  sont  restées  à  l'étal  rudimen- 
taire,  privées  des  éléments  de  progrès  que  donnent  les  relations  mutuelles 
et  les  échanges.  Les  peuplades  riveraines  se  sont  à  peine  élevées  au-dessus 
de  leur  genre  de  vie  primitif  :  elles  en  sont  encore  à  la  cueillette,  à  la 
pèche  et  à  la  chasse;  l'âge  de  l'agriculture  proprement  dite  n'a  commencé 
qu'en  lin  |ielil  nombre  de  clairières,  et  en  maints  endroits  la  sauvagerie 
est  telle  (|ue  les  divers  groupes  se  traitent  les  uns  les  autres  comme  un 
simple  gibier.  «  Couper  des  tètes  »,  telle  est  la  seule  industrie  qui  pousse 
certaines  tribus  à  la  recherche  de  leurs  voisins. 

L'étal  social  des  populations  de  Bornéo  a  mis  de  très  grands  empê- 
chements à  l'exploration  de  la  contrée;  encore  au  commencement  du 
siècle  on  ne  connaissait  de  Bornéo  (jue  ses  rivages.  Vue  probablement  par 
les  Portugais  dans  les  premières  années  du  seizième  siècle,  elle  n'entre 
dans  l'histoire  qu'en  1521,  lorsque  les  compagnons  survivants  de  Maga- 
Ihâes  se  présentèrent  devant  Bruneï.  Bientôt  après,, lorge  de  Menezes  fonda 
un  comptoir  sur  la  côte  occidentale  de  Bornéo.  Les  Hollandais  apparurent 
à  la  lin  du  siècle,  en  \U9X;  les  Anglais  suivirent,  mais  toutes  les  ten- 
tatives d'exploitation  finirent  par  être  abandonnées,  soit  pour  des  mé- 
com|iles  financiers,  soit  pour  cause  de  révolte  de  la  |iart  des  indigènes 
ou  des  immigranls  chinois.  L'occupation  permanente  par  des  Européens 
de  quelques  points  du  lilloral  de  Bornéo  ne  commen(;a  qu'en  1812,  lorsque 
des  Anglais,  remplacés  deux  années  après  par  les  Hollandais,  s'établirent 
à  Ponfianak  et  à  Bandjermassin.  Ces  deux  comptoirs  et  ceux  que  l'on 
fonda  plus  tard  en  d'autres  endroits  de  la  côte  ont  été  les  jwints  de  dé- 
part des  expéditions  que  les  envoyés  militaires  ou  géogi'aphes  et  les  natu- 
lalisles  ont  faites  dans  l'intérieur.  Aucun  travail  d'ensemble  n'a  encore 
él(''  eiilre|iris  en  vue  de  la  Iriangulation  de  l'ile,  mais  les  divers  itinéraires 
se  croisent  en  plusieurs  points  et,  sauf  dans  les  régions  centrales,  pi'es- 
que  toutes  les  parties  du  lei'ritoire  qui  n'ont  pas  été  exploi'ées  ont  été  du 
moins  reconnues  à  distance  |)ar  des  visées  et  décrites  d'après  les  récits  des 
indigènes. 

Les  coui's  des  rivil-res,  la  [iliiparl  assez  profondes et  assez  égales  en 
(!écli\il(''    |H)ur   (ju'on    puisse   les    reinoiilcr    en    baleau    loin    de    la    mer, 


EXPLORATION,    PRISE   DE   POSSESSION   DE   liORNEO.  279 

ont  ék'"  les  chemins  qu'ont  suivis  les  explorateurs.  C'est  par  eau  que  von 
Marlens  et  tant  d'autres  ont  pénétré  dans  le  cœur  de  Bornéo,  en  amont  de 
Pontianak;  par  eau  que  Schvvaner  a  parcouru  presque  dans  leur  entier 
les  bassins  du  Barito  et  de  ses  affluents,  ceux  du  Kahajan  et  du  Kapoeas  ; 
par  eau  que  Bock  a  visité,  sur  le  versant  oriental,  le  «  pays  des  Canniliales  » 
arrosé  par  le  Koeteï.  Les  voyages  j)ar  terre  ont  été  relativement  plus  fré- 
quents dans  les  régions  septentrionales  de  l'ile,  où  les  cours  d'eau,  d'un 
moindre  développement,  n'offrent  pas  autant  de  facilités  pour  gagner  les 
régions  monlueuses  de  l'intérieur.  Les  voyages  mémorables  de  Wallace  ont 
été  faits  autour  de  Sarawak,  et  depuis  que  les  Anglais  se  sont  établis  au 
nord  de  Bornéo,  le  réseau  des  itinéraires  s'étend  en  mailles  serrées  sur  leur 
territoire. 

Les  Hollandais,  maîtres  de  tout  le  reste  de  l'insulinde,  à  l'exception 
d'une  moitié  de  Timor,  n'ont  pas  eu  le  temps  d'établir  leur  puissance  dans 
l'ile  entière  :  le  lent  travail  d'annexion  commencé  par  eux  leur  a  valu  la 
possession  de  toute  la  partie  qui  s'étend  au  sud  de  l'équateur  et  de  la 
moitié  des  districts  septentrionaux;  mais  le  littoral  du  nord-ouest  et  du 
nord  leur  a  échappé  :  ce  sont  des  Anglais  qui  ont  obtenu  du  suzerain, 
le  sultan  de  Bruneï,  le  droit  de  s'établir  dans  ces  régions  et  qui  sont  deve- 
nus les  véritables  possesseurs  du  territoire.  En  1846,  le  gouvernement 
britannique  se  fit  céder  en  toute  propriété,  malgré  les  protestations  de  la 
Néerlande,  l'ile  de  Labuan,  située  à  l'entrée  même  delà  baie  de  Bruneï; 
mais  déjà  le  sultan  avait  cédé  à  un  j)articulier,  l'Anglais  James  Brooke,  la 
principauté  de  Saraw'ak,  comprenant  la  partie  méridionale  de  son  royaume: 
moyennant  redevance  annuelle,  l'officier  de  fortune  devint  proj)riétaire  d'un 
très  vaste  territoire  qui  s'est  graduellement  accru  aux  dépens  du  domaine 
royal.  De  l'autre  côté  de  Bruneï  la  partie  septentrionale  de  l'île  est  deve- 
nue aussi,  par  cession  du  sultan,  le  fief  d'une  grande  compagnie  bri- 
tannique pourvue  d'une  charte  royale.  Une  partie  de  cette  contrée  ayant 
été  également  revendiquée  par  le  souverain  des  îles  de  Sulu,  ce  ])erson- 
nage  a  été  désintéressé  par  une  |)ension,  comme  son  collègue  de  Bruneï, 
et  grâce  à  cet  achat  du  sol  aux  deux  prétendus  propriétaires,  l'Espagne, 
devenue  suzeraine  du  sultan  de  Sulu,  s'est  trouvée  désormais  écartée  du 
nombre  des  puissances  qui  convoitaient  la  possession  d'une  partie  de 
Bornéo.  Enfin,  le  sultanat  de  Bruneï  ne  subsiste  que  par  la  tolérance  de 
l'Angleterre,  et  la  question  s'agite  maintenant  de  l'unir  aux  deux  terri- 
toires des  compagnies,  sous  le  protectorat  direct  de  la  Grande-Bretagne. 
Mais  il  reste  encore  à  régler  une  (jueslion  de  frontières  entre  le  gouver- 
uenient  bullandais  el  la  comnagnii!  de  Nurih-Borneo,  le  fleuve  de  Sebuku. 


'280  NOUVELLE   GEOCRAPUIE   INIVERSELLE. 

rcven(lif|ué  des  doux  parts  comme  limite,  étant  pour  chaeiin  dos  deux  Ktat> 
un  cours  d'eau  différent'. 


A  l'exception  de  deux  ilos,  Celèbôs  et  llalmahora,  les  terres  do  l'insulindo 
ont  une  forme  extérieure  des  plus  simples  ;  quelques-unes  même  ont  les 
contours  do  figures  géométriques  :  ce  sont  des  parallélogrammes,  des  ovales, 
dos  ti'apèzes;  Bornéo  est  un  triangle.  A  première  vue  on  est  frappé  du 
contraste  que  présentent  ces  contours  massifs,  comparés  à  ceux  de  l'île 
bizarre  de  Colèbès,  aux  péninsules  divergentes;  cependant,  quand  on  étu- 
die l'orientation  des  saillies  montagneuses  de  Bornéo,  on  s'aperçoit  qu'il 
suffirait  d'un  abaissement  du  sol  pour  que  la  grande  Ile,  diminuée  de  ses 
terres  basses,  offrît  une  découpure  de  côtes  analogue  à  colle  de  Celèbès  et 
de  Halmahera.  Réduite  à  son  squelette  de  montagnes,  Bornéo  présente 
d'aboi'd  un  tronc  majeur  orienté  du  sud-ouesl  au  nord-est  dans  la  direc- 
tion des  Pliilip|)ines  ;  mais  do  la  partie  médiane  de  ce  tronc  se  détachent 
trois  |)ros([u'ilos  divergentes  (|ui  se  terminent  aux  principaux  [)romonloires 
de  l'ile,  séparées  les  unes  des  autres  par  les  bassins  alluviaux  dos  fleuves; 
les  érosions  et  les  apports  ont  graduellement  modifié  l'aspect  ])rimilif  do 
l'île  :  [)endant  le  cours  des  siècles  sa  forme  éloilée  est  devenue  do  |)lus  on 
plus  indistincte'. 

La  chaîne  maîtresse  commence,  à  une  cinquantaine  do  kilomètros  do  la 
moi'  dos  Philippines,  par  un  mont  su|)orbo,  ([ui  est  le  plus  élevé  de  l'île 
<>nlièr'oot  |)robablemoiit  aussi  de  l'insulindo.  (l'est  le  Kina-balou,  la  "  Veuve 
(îliinoiso  .',  ainsi  nonnn(''  on  vertu  d'uiu'  légende  bizarre  (|iio  raoontonl 
les  indigènes"',  i^ow,  h  [iromior,  l'a  gi'avi  en  IS51.  Les  mesures  Irigono- 
métriijues  de  Belcher  donnent  à  cotte  montagne  une  hauteur  de  plus  do 
4100  mètres;  loulefois  dos  voyageurs  qui  ont  escaladé  le  Kina-balou, 
jusque  dans  le  voisinage  du  sommet,  pensoni  tjuo  l'altilude  réelle  n'at- 
teint pas  .lillO  mètres  :  on  no  sanrail  donc  classer  encore  les  monts  île 
l'insnlinde  par  ordre  d'élévation.  \u  iU'  l'un  des  golfes  (|ui  di'oouponl   le 

'  Sii|iedicii'  et  ijo|julation  pi^oljables  des  divcises  iKiilius  (!<•  lioriKMi  : 

Boini'o  hollandiiis,  soumis  ou  officiello- 

ment  annexé 559  740  kil.  lan.  1  (171  (KM)  lial)iliinls. 

Sarawali 98350  <>  r)(l(l  (1(1(1  « 

Brilisli  Norlh-13onieo 04750  «  '25000(1  » 

Bmneï 58000  .)  80000  » 

Eiisniildf 741)84(1  kll.  l'an-.  1  701(100  haliKanls. 

^  Osrar  l'c^clirl,  AVhc  PiMcinc  (h-r  verijlckhciutcn  Eid/.iuiil,: 
'  El'.  .lun;;liidiii,  nuvraye  citi'. 


l'.lIll.NEO,    KI.NA-1)AL(H 


281 


lilldial  à  rdiii'sl  (lu  inass>ir,  le  Kiiia-balou,  iréqueiiunciil  raye  de  nuages, 
se  redrosse  en  parois  presque  verlicales  au-dessus  des  cimes  environnantes, 
et  se  termine  par  une  crête  inégale,  surmontée  de  masses  distinctes  sem- 
blables à  des  (ours.  Jadis  des  bois  sombres  recouvraient  les  pentes  jusqu'à 


36.    KINA-UALOU. 


•"/^■"••"•"'i'<- 


■fete""  ^tîî 


Est    H.    Gre.r 


7\ 


Daprès  divers  docLiments 


P'-o/'onc^eu/-^ 


I   .  1  S8»  000 


c/eSO  "'scdicA  c/c/à 


50(10  mètres,  mais  les  monlagnai'ds  ont  aballu  presque  partout  les  arbres 
pour  cultiver  le  sol:  la  brousse  vierge  ne  s'est  maintenue  que  dans  les  pré- 
cipices. La  masse  gigantesque  est  formée  de  granit  et  d'auti-es  roches  cris- 
tallines; mais  d'après  Little,  qui  gravit  le  Kina-balou  en  l(S(]7,  un  cratère 
de  dimensions  énormes  s'ouvre  dans  l'éjjaissenr  du  mont  :  des  fragments 
XIV.  ôO 


282  NOUVELLE  GEOGRAl'UIE  UNIVERSELLE. 

(le  laves  sont  rpai's  sur  le  j^rnnil '.  Naj;u('i(^  les  liéojiraplios  pailaicnl  d'un 
firaiid  lac  de  Kiiia-balou  situé  à  la  hase  orientale  delà  monla|;ne,  et  on  le 
dessinait  sur  les  cartes  comme  un  bassin  «  d'une  circonférence  de  cent 
milles'  »  ;  mais  ce  lac  n'existe  point,  à  moins  qu'on  ne  veuille  désigner  de 
ce  nom  une  mare  périodique  formée  en  temps  de  crue  par  une  rivière  du 
versant  oriental.  L'origine  de  la  tradition  relative  à  ce  prétendu  lac  doit 
être  probablement  attribuée  à  un  calembour  involontaire  :  un  district  de 
la  contrée  est  désigné  par  le  nom  de  Uanau,  terme  malais  qui  signifie  en 
effet  «  lac  »  ou  «  mer'  ». 

Au  sud  du  Kina-balou,  l'arèle  de  séparation  entre  les  deux  versants 
s'abaisse  brusquement  :  le  col  que  franchit  l'explorateur  autrichien  Wilti 
esta  670  mètres  d'altitude;  mais  plus  au  sud  il  ne  put  trouver  un  autre 
passage  qu'à  H73  mètres  et  des  sommets  s'élevaient  dans  cette  partie 
de  la  chaîne  à  plus  de  2000  mètres.  Au  delà,  vers  le  sud-ouest,  la  crête 
lie  partage  est  inexplorée  sur  une  grande  étendue  et  l'on  connaît  seu- 
lement quelques  noms  des  montagnes  visibles  de  la  mer.  La  carte  orogra- 
|)liique  n'est  dessinée  avec  quelque  sûreté  que  dans  le  bassin  de  la  rivière 
Brunci,  au  sud  et  au  sud-est  de  la  capitale,  où  se  dressent  les  monts  Malu 
et  Marud,  dépassant  l'un  et  l'autre  2400  mètres  en  hauteur.  Le  mas- 
sif ceniral  de  l'ile,  d'où  s'écoulent  au  sud-ouest,  au  sud  et  à  l'est  les 
aflhienls  supérieurs  des  trois  grands  fleuves  de  Bornéo,  n'a  pas  encore  été 
visité  (I.S(SS)  par  des  Européens  :  on  n'en  connaît  que  le  nom.  D'après  les 
indigènes,  le  pic  dominateur  de  ce  groupe  de  montagnes,  le  Batoe  Tehang, 
serait  tellement  haut,  que  «  de  la  cime  on  pourrait  atteindre  facilement 
le  ciel  ».  De  loin  la  pointe  apparaîtrait  toujours  «  blanche  «,  soit  j)arce 
qu'elle  s'élèverait  jusqu'à  la  zone  des  neiges,  soit  ])lulôt  parce  ({ue  des  va- 
|)eurs  s'enrouleraient  à  ses  rochers*.  Quoi  (pi'il  en  soil,  les  monts  les  plus 
ra|ipi'ocliés  du  iKinid  ccMili'al  (|u'ai('nl  explorc's  jusipi'à  nos  jours  d(»s  voya- 
geurs d'Kurope  se  distinguent  seulement  par  leur  forme  pittoresque,  les 
bizari'eries  de  leurs  pointes;  mais  aucun  des  pitons  n'aurait,  d'après 
Schwaner,  plus  de  1400  mèties  en  hauteur,  et  les  arêtes  qui  rayonnent 
de  là  vers  les  promontoires  de  Bornéo  seraient  dans  presque  tout  leur 
parcours  encore  moindres  en  élévation.  Même  la  chaîne  qui  se  dirige  vers 
le  sud-ouest  et  l'ouest,  le  Lupar,  s'ohlilèi'c  complètement  en  certains  en- 
droits. Entre  la  rivière  du  même  nom,  qui  parcourt  le  territoire  de  Sara- 

'   Sculiisli  (•t'u<ii<iijliii(il  MayiniiK'.  \)rtoi]\\iry  lcS,S7. 

-  Velli,  Aurdrijshskiuuliy  en  Statistisch  WuonlnilnirL  l'iiii  iSriU-rliiiitlsrli  liidië. 

'•  II.  C.  Maytie,  Proceediiiiis  ofllie  R.  (icufimitliiral  Smirlfi.  JliÈicli  18S8. 

*  Scliwuiii'i',  Hurncu:  — Bock.  Viilcr  ilcii  Kiiiiiiihalrii  inif  llonicu. 


MONTAGNES  lil-;   i;ul!Ni;(i.  '283 

wak,  cl  If  lac  de  Sriaug,  apjiaclciiaiil  au  hassiii  du  Kapoeas,  les  peiilcs 
soiil  à  peine  sensibles;  on  traverse  un  pays  plat  en  apparence,  tandis 
(ju'au  nord-est  on  voit  les  cimes  bleues  des  «  Mille  et  Cent  Montagnes'  ". 
Au  delà  de  cette  brècbe,  la  chaîne  occidentale  est  encore  inlerionipue  sur 
plusieurs  points,  mais  elle  se  redresse  à  son  extrémité  pour  décrire  un  su- 
perbe amj)hitliéàlre  autour  du  pays  de  Sarawak  et  se  ttn-ininer  en  mer  par 
la  pointe  aiguë  de  Tandjang  Datoe.  Les  deux  monts  les  plus  élevés  de  cette 
chaîne  de  pai'lage  sont  le  Penrisan  et  le  l'o(>,  d'une  hauteur  respective  de 
1450  et  de  18,>0  mètres.  Au  sud,  dans  le  leiiiloire  h(dlandais,  les  collines 
deMontrado  forment  un  massif  distinct. 

Au  sud  du  Batoe  Radjah  ou  mont  Roi,  qui  s'élèvt'  à  'i.'iOO  mètres,  le 
seuil  montueux  qui  limite  à  l'orient  le  bassin  du  Kapoeas  ne  parait  point 
avoir  de  cimes  rivalisant  en  hauteui' avec  celles  du  Sarawak  et  du  massif 
central  ;  il  se  prolonge  au  sud  par  des  sommets  de  000  et  !S00  mètres 
d'altitude,  puis  se  continue  entre  les  bassins  du  Kapoeas  et  du  Barito, 
non  par  une  chaîne,  mais  jiar  une  succession  de  groupes  séparés  les  uîîs 
des  autres  par  de  larges  dépressions  et  formant  autant  de  masses  insu- 
laires. Ouant  à  la  chaîne  sud-orientale,  qui  sert  de  limite  commune  entre 
le  versant  du  Barito  et  du  Mahakkam,  elle  est  d'une  saillie  plus  forte  :  le 
Batoe  Boendang,  d'où  s'é[ianchent  au  sud  des  affluents  du  Barito,  au 
nord  des  cours  d'eau  tributaires  du  Mahakkam,  atteint  1570  mètres  d'après 
Schwaner,  mais  vers  le  sud  la  chaîne  s'abaisse  rapidement,  et  dans  sa 
partie  médiane  n'offre  plus  que  des  collines  arrondies  ne  dépassant  guère 
l'altitude  de  200  mètres.  Une  des  brèches  de  la  chaîne  est  occupée  par  le 
Djallan-Batoe  ou  le  «  Chemin  des  Pierres  »,  chaos  de  blocs  calcaires  de 
toutes  les  formes  et  de  toutes  les  dimensions  qui  couvre  un  espace  de 
plusieurs  centaines  de  kilomètres  carrés.  Des  arbres  croissent  entre  les 
rochers  et  (;;i  et  là  dans  leurs  anfiactuosités  ou  sur  leurs  cimes.  Les  mon- 
tagnes qui  portaient  jadis  ces  masses  calcaires  en  couches  parallèles  ont 
été  graduellement  dissoutes  et  entraînées  par  les  eaux  :  il  n'en  reste  que 
les  fragments  épars\  En  se  rapprochant  de  la  mer  et  en  se  recourbant  au 
sud-ouest  autour  des  plaines  alluviales  de  Bandjermassin,  la  chaîne  se 
reforme,  composée  de  roches  cristallines  ;  sa  borne  terminale,  le  Satoï,sert 
d'amer  aux  navires  de  passage.  De  même  les  montagnes  qui  limitent  au 
nord  le  bassin  du  Mahakkam  unissent  à  l'est  par  la  chaîne  de  granit 
du  Lakoeroe,  s'avancaiil  au   loin  dans  la  mer  en  un   ]>r(imonloire  aigu. 


'  William  (iruckiT,  t'rucceduHjs  uf  llic  R.  Gcuçiinpliicnl  Socichi.  April  ISSl. 
-  (]:iil  Bock,  ouvrage  cilé. 


284  NOUVELLE  r.ÉOORAPIlIE  UNIVERSELLE. 

Outro  les  rangées  de  monts  qui  s'alifjnenl  en  saillies  conliniK^s,  Bornéo 
est  parsemée  d'un  grand  nombre  de  massifs  isolés,  îles  qui  s'élèvent  au 
milieu  des  plaines,  comme  les  archipels  environnants  au  milieu  des  mers. 
La  plupart  de  ces  groupes  insulaires  sont  de  faible  hauteur,  mais  il  en  est 
aussi  qui  rivalisent  avec  les  sommets  des  grandes  chaînes  :  tels  le  Balik 
Pippan  et  le  Bratus,  dans  le  bassin  de  Mahakkam  ;  d'après  Bock,  celte 
dernière  montagne  aurait  environ  1500  mètres.  On  sait  que  le  granit  et 
autres  roches  cristallines  constituent  plusieurs  des  hauts  sommets  du 
Bornéo  central  :  les  débris  transportés  par  les  eaux  et  parsemés  dans  les 
campagnes  le  témoignent  suffisamment.  Mais  dans  les  régions  voisines  de 
la  côte  presque  toutes  les  montagnes  appartiennent  aux  formations  sédi- 
mentaires.  Les  roches  calcaires  sont  fort  nombreuses  et  des  milliers  de 
cavernes  y  donnent  retraite  aux  hirondelles  salanganes.  Des  assises  d'âges 
différents  renferment  des  couches  de  combustible,  houille  ou  lignite  : 
Bornéo,  si  riche  en  forêts,  ne  l'est  pas  moins  en  charbon  de  terre.  Maintes 
régions  de  l'île  ruissellent  aussi  de  sources  salines.  Enfin,  quoique  Bornéo, 
entourée  d'un  hémicycle  d'îles  volcaniques,  paraisse  maintenant  ne  cacher 
aucun  foyer  de  laves,  elle  eut  aussi  ses  cratères  d'éruption  et  l'on  voit  (;à 
et  là  les  scories  des  feux  d'autrefois,  près  de  Kina-balou  et  dans  le  massif  de 
Montrado. 

Les  rivages  de  Bornéo  ont  fréquemment  changé  de  contours,  et  s'il  fut 
un  temps  où  la  grande  île  était  rattachée  à  Sumatra  et  à  la  péninsule  Ma- 
laise, il  lui  arriva  aussi  d'èlre  l'éduite  à  son  ossature  de  montagnes,  sans 
les  plaines  d'argile,  de  cailloux  roulés  et  d'alluvions  qui  s'étendent  de  nos 
jours  entre  les  massifs.  C'est  probablement  lors  de  cette  période  que  les 
volcans  de  Bornéo  flambaient  au-dessus  des  rivages  marins.  A  cette  même 
époque  se  déposaient  les  couches  horizontales  sur  lesquelles  sont  épars  les 
galets  ferrugineux  détachés  des  monts  et  où  l'on  recueille  les  métaux  pré- 
cieux, or,  platine,  mercure,  et  celui  des  diamants  qui  a  le  plus  de  trans- 
parence et  d'éclat.  Presque  tous  les  districts  de  Bornéo  ont  leurs  laveries 
d'or,  les  provinces  anglaises  du  nord,  Sarawak,  Montrado,  les  environs 
de  Pontianak  et  de  Bandjermassin  ;  en  outre.  Malais  et  Dayak  connaissent 
un  grand  nombre  de  gisements  dont  ils  se  gardent  bien  de  révéler  le  lieu, 
désirant  en  conserver  le  monopole  ou  tenir  les  étrangers  éloignés  de  leur 
territoire,  (juant  aux  mines  de  diamants,  elles  emplissent  en  général  des 
poches  de  terrains  argileux,  à  distance  des  strates  aurifères. 

Arrosée  par  des  pluies  abondantes,  Bornéo  rend  à  la  mei-  par  de  larges 
fleuves  l'excédent  des  eaux.  Néanmoins  le  versant  nord-occidental,  enire  la 
chaîne  maîtresse  et  la  mer,  n'a  pas  assez  de  largeur  |)our  que  les  cours 


FLEUVES  DE   BORNEO.  287 

d'eau  puissent  y  prendre  un  grand  développement  :  la  plus  abondante  de 
ces  rivières  est  eelle  qui  porte  le  nom  de  l'île  :  Bruneï  ou  Bornéo, 
el  ipii  se  jette  dans  l'estuaire  de  la  capitale.  Le  Rejang,  le  Lu])ar  sont 
aussi  de  puissantes  rivières  que  remontent  les  embarcations  marines.  La 
rivière  de  Sarawak,  sur  le  même  versant,  n'a  qu'un  faible  covu's,  mais 
son  estuaire  navigable  est  devenu  fameux,  grâce  cà  la  ville  qui  s'élève  sur 
les  bords. 

Un  des  trois  fleuves  principaux  de  l'ile  est  celni  dont  le  bassin  est  com- 
pris entre  les  deux  chaînes  sud-occidentales  :  c'est  le  Kapoeas.  Son  cours 
se  maintient  assez  régulièrement  dans  la  direction  du  sud-ouest.  De  grands 
lacs  se  succédaient  dans  sa  vallée,  mais  lesalluvions  les  ont  graduellement 
comblés  ou  n'ont  laissé  dans  les  campagnes  riveraines  que  des  danau  d'une 
faible  étendue  relative  et  sans  profondeur,  tels  que  le  Sriang  et  le  Luar. 
Avant  d'atteindre  les  plaines  de  la  zone  maritime,  le  Kapoeas  passe  entre 
deux  collines  rapprocbées  qui  lui  font  comme  une  porte  triomphale,  puis 
se  ramifie  en  deux  branches,  se  divisant  à  leur  tour  pour  former  les 
bouches  nombreuses  d'un  delta,  dont  le  développement  sur  la  mer  n'a  pas 
moins  de  120  kilomètres.  La  surface  d'alluvions,  coupée  de  marigols,  fait 
saillie  en  dehors  de  la  ligne  primitive  du  littoral  et,  d'après  les  traditions 
indigènes,  rapportées  par  Temminck,  aurait  empiété  de  plusieurs  lieues 
sur  la  mer  pendant  les  temps  historiques.  L'île  deMajang,  placée  au-devant 
delà  bouche  méridionale  du  delta,  est  déjà  presque  entièrement  rattachée 
à  Bornéo  et  les  apports  fluviaux  sont  entraînés  plus  loin  dans  la  mer  vers 
l'archipel  Karimata.  La  province  de  Poeloe  P(!lak  était  une  île,  comme  l'in- 
dique son  nom  :  c'était  1'  «  Ile  de  la  Terre  »,  c'est-à-dire  l'ile  dépourvue  de 
toute  végétation  '. 

La  région  méridionale  de  Bornéo,  au  sud  de  l'équaleur,  est  la  plus  abon- 
damment arrosée  de  l'île.  Les  fleuves  Kotaringin,  Pemboean,  Sampit,  Ka- 
(ingan,  Kahajan,  Barito,  se  succèdent  à  de  courtes  distances,  également 
bordés  de  marécages  dans  une  partie  de  leur  cours,  tous  empiétant  sur  la 
mer  par  leurs  alluvions  et  présentant  aux  embarcations  un  chemin  qui  s'a- 
vance au  loin  dans  l'intérieur.  De  ces  cours  d'eau  du  sud,  le  plus  con- 
sidérable est  le  fleuve  Barito  ou  Banjer,  connu  aussi  sous  plusieurs  autres 
noms  dans  les  diverses  régions  qu'il  traverse.  Né  dans  le  massif  cen- 
tral de  l'île,  le  Barito  coule  d'abord  vers  l'est  en  de  profondes  cluses, 
presque  inabordables,  coupées  de  rapides  et  de  cascades,  puis  il  cesse  de 
longer  la  base  des  montagnes  et  coule  au  sud  en  serpentant  dans  la  plaine. 

'  Si-li«ani'r,  Bornéo. 


288  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Grossi  de  nombreux  affluents,  il  porte  bateaux  dans  toute  cette  partie  de 
son  cours  et  donne  accès  aux  navires  de  mer,  l)ien  au  delà  du  port  de 
Bandjermassin,  voisin  de  l'entrée.  A  une  centaine  de  kilomètres  de  la  mer, 
le  fleuve  se  divise  en  deux  bras  également  navigables,  dont  l'un,  celui  de 
l'est,  reçoit  les  rivières  de  Negara  et  de  Marlapoera,  tandis  que  celui  de 
l'ouest  s'unit  au  Kapoeas,  jadis  fleuve  indépendant,  coulant  directement 
jusqu'à  la  mer.  L'empiétement  graduel  des  boues  apportées  par  le  Barito 
a  fini  par  combler  le  golfe  qui  s'ouvrait  en  cet  endroit  et  le  Kapoeas  est 
devenu  le  tributaire  du  Barito,  ainsi  que  le  Kahajan  ou  Groote  Uajak  le 
deviendra  plus  tard,  à  la  suite  de  nouveaux  progrès  des  alluvions.  La  super- 
ficie actuelle  du  delta  dépasse  2000  kilomètres  carrés,  et  les  bras  fluviaux 
qui  le  limitent  ont  en  certains  endroits  une  largeur  d'un  kilomètre  et 
davantage;  mais  pendant  la  saison  des  crues  les  eaux  débordées  du  Barito 
et  du  Kapoeas  s'unissent  dans  la  plaine,  et  la  nappe  liquide  s'étend  sur 
un  espace  immense,  évalué  par  Schwancr  à  52  000  kilomètres  carrés;  les 
villages,  bâtis  sur  les  renflements  du  terrain,  sont  épars  en  îlots  au  milieu 
de  la  mer  d'eau  douce.  De  même  que  le  Mississippi  et  tous  les  autres 
fleuves  abondants  qui  serpentent  dans  les  plaines  basses,  le  Barilo  cbange 
fréquemment  de  cours,  et  surtout  par  les  coupures  qui  se  font  aux  pédon- 
cules de  méandres  développant  au  loin  leur  courbe  circulaire.  Après  la 
formation  de  ces  coupures  ou  antassan,  les  anciennes  boucles,  oii  le  cou- 
rant a  moins  de  force,  s'envasent  peu  à  peu  aux  deux  extrémités  et  se 
transforment  en  dannu  ou  c(  mers  »,  analogues  aux  <c  fausses  rivières  » 
de  la  vallée  mississippienne;  çà  et  là  ces  «  mers  )>,  recreusées  à  nouveau 
pendant  les  inondations  et  réunies  à  d'autres  lacs  et  marais,  s'étendent  à 
perte  de  vue  entre  des  l'ives  boisées. 

Au  sud-est  de  l'île,  quelques  petites  rivières  s'écoulent  des  montagnes 
riveraines,  mais  on  ne  retrouve  de  grands  cours  d'eau  que  dans  la  vaste 
plaine  de  Koctei.  Le  fleuve  qui  la  parcourt  naît  dans  les  ravins  du  nœud 
central  des  monts  et  prend  bientôt  sa  direction  normale  vers  le  sud-est  : 
c'est  le  Mahakkam,  appelé  aussi  Koeteï,  du  môme  nom  que  la  contrée  (pi'il 
anose.  A  la  sortie  de  la  région  des  montagnes,  il  roule  déjà  une  grande 
(juantité  d'eau;  mais,  en  arrivant  dans  les  plaines,  il  s'étale  à  droite 
(>t  à  gauche  en  vastes  lacs  où  l'on  ne  voit  plus  l'horizon  des  forêts.  Bestes 
d'une  ancienne  mer,  ces  réservoirs  lacustres  diminuent  graduellement  en 
étendue;  les  vases,  qui  se  déposent  entre  les  racines  des  arbres  riverains 
gagnent  d'année  en  année  sur  les  eaux,  mais  les  parties  centrales 
sont  encore  profondes;  Bock  y  jeta  en  plusieurs  endroits  la  sonde  à  plus  de 
25  mètres.  Kn  aval  de  la  région  des  lacs,  (iiie  d'étroits  bavons  unissenl  en 


FLKUVES  DE   BORNKU. 


un  labyrinthe  sans  fin,  le  Mahakkani  rejoint  son  principal  ailkient,  le 
Telen,  et,  suivant  la  tlirection  que  lui  imprime  ce  tributaire,  descend  en 
serpentant  vers  le  sud;  de  basses  collines,  on  l'on  distingue  au  passage  les 


^''    37.    Itl-I.TA    nr    liAlUTO. 


Est  de  Par, 


M 


115"  EstdeGreenwich 


P/^of on  Coeurs 


ûeOà.'O'^  a'e/ûaS6"'  c/t^  é?6 '^'ec  au  a^sA 

I       1  40J0)O 
0  100  kil. 


noires  couches  tlu  chaibon,  se  voient  des  deux  côtés  de  la  vallée;  mais,  en 
aval  d'un  brusque  détour  vers  l'est,  les  deux  rives,  distantes  d'un  ou  de 
plusieurs  kilomètres,  deviennent  complètement  alluviales;  le  palmier  nipa 
est  le  seul  arbre  qui  croisse  sur  le  fond  vaseux.  Déjà  le  fleuve,  dont  le 
courant  alteine  avec  le  flux  et  le  reflux,  coule,  pour  ainsi  dire,  en  dehors 
XIV.  37 


290  NOUVELLE  GÉOr.RAI'IKE  UNIVERSELLE. 

de  la  terre  ferme;  comme  le  Mississippi,  il  se  ramilie  en  de  nom])i"eiises 
branches  formant  <  patte  d'oie  »  au  milieu  de  l'Océan  :  que  la  marée  s'é- 
levât exceptionnellement  d'un  ou  deux  mètres,  et  tout  le  delta  de  formation 
nouvelle  disparaîtrait  sous  les  eaux. 

Au  nord  des  montagnes  de  Lakoeroe,  les  rivières  du  versant  oriental, 
le  Kelaï,  le  Kajan,  le  Seboewang,  le  Kina-Batangan,  d'autres  encore,  ne 
peuvent  se  comparer  au  Miihakkam  ni  aux  autres  fleuves  du  sud,  vu  la 
moindre  étendue  de  leuis  bassins  et  le  développement  inférieur  de  leur 
cours  :  cejH'ndanI  ils  roulent  encore  une  quantité  d'eau  considérable  et 
tous  servent  lie  chemins  aux  navigateurs;  mais  leurs  bouches  sont  ren- 
dues très  périlleuses  par  les  formations  coralligènes,  très  abondantes  sur 
la  côte  nord-orientale'.  H  esl  peu  de  contrées  an  monde  qui  puissent 
se  comparer  à  Bornéo  pour  le  nombre  de  voies  flottables  et  navigables': 
aussi  n'est-il  jias  étonnani  que  des  centaines  de  marchands  malais  et 
chinois  en  aient  profité,  comme  sur  les  fleuves  orientaux  de  Suma- 
tra, ])our  se  construire  des  demeures  flottantes.  Les  forêts  que  l'on 
rencontre  dans  toutes  les  |»ar(ies  du  bassin  leur  fournissent  le  bois  :  ils 
lient  les  poutres  en  radeau,  y  bàlisseni  leur  maisonnette,  parfois  même 
tout  un  village  de  cabanes,  puis  desoendent  avec  le  flot,  ancrant  de  dis- 
tance en  distance,  partout  où  ils  ont  à  recueillir  un  peu  de  miel, 
acheter  des  gommes  ou  des  peaux,  faire  cjuelque  tralic  Après  des  semaines 
ou  des  mois  de  voyage,  ils  arrivent  enfin  dans  une  bourgade  commer- 
çante du  cours  inférieur,  où  ils  vendent  leurs  denrées  et  la  maison  qui 
les  contient.  Si  l'entreprise  a  réussi,  ils  gagnent  de  nouveau  le  haut  diî 
fleuve  en  barque,  bàlissiMit  une  nouvelle  demeure  mobile  et  recommen- 
cent leur  commerce  de  troc'.  JjCs  fleuves  de  Bornéo,  au  cours  inférieur 
à  peine  incliné,  laissent  [x^nétrer  le  Ilot  de  marée  jusqu'à  une  grande 
dislance  en  amont  ;  mais  dans  la    plupart   des  embouchures,  notamment 


'   Jdsi-pli  Lrliiicrl,  Uni  (lie  Erdc. 
-  l'Ioiivos  |iriiK-i|i;uix  de  lîdiiioo  : 

i.pproxii 

Briinoi  mi  Liiiibang.    .    .    .  200 

Ri'jmif; 500 

LupiM- 500 

Kapo«>as 800 

Katingan 450 

Kahajan 550 

Barito 920 

Mahaliliam 960 

Kina-Balanpnn 550 

"'  Cari  Bock,  ouvrage  cité. 


Suporlii-ii- 
approxiinalivi'  du  1 

Coui 

■s  n,aviR.iWi- 

?  et  des  affliionU. 

lOOOOliil.  caiT.         100  kil. 

(Saint-John.) 

25  000       ,. 

r,20       1) 

(Crock.M-K 

tOOOO       1. 

48     1. 

1. 

75  000       i> 

000     11 

1) 

20  000       0 

200     1. 

(Schwaner). 

21  860       .) 

250     11 

i> 

100  000       i> 

tOOO     1) 

1. 

80  000       11 

(100     11 

(Bock). 

20  000 

i.50     ,1 

(Pryer). 

FLEUVES,   CLIMAT    DE  liORNEO. 


'J'Jl 


flans  celle  du  Lupar,  l'invasion  du  Ihix  se  fait  brusquement,  par  un  Ibr- 
niidable  niascarel,  dont  les  rouleaux  écuineux  se  poursuivent  avec  le  Tracas 
du  tonnerre. 

Coupée  parla  ligne  équinoxiale,  Bornéo  n'a  pourtant  pas  un  climat  lor- 

N»    :18.    FLEUVES   NAVIGADLES    ET    ITINÉBAIBES    PniNXIPACX   DES    VOVACEURS   DANS   BOKNEO. 


Est  de-Pan; 


Lst     de   Greenwich 


CPe 


/?n//èr'e'.s  nt3i^/^3£?/es 


ride  que  l'on  puisse  comparer  à  celui  d'Ailen  el  des  côtes  de  la  mer  Ilouge  ; 
de  même  (pie  les  autres  terres  de  l'Insulinde,  elle  est  rafraîchie  par  les 
brises  marines,  qui  de  toutes  pai'ts  sont  appelées  vers  les  régions  échauf- 
l'ées.  11  est  rai'e  que  sur  les  côtes  de  Bornéo  la  température  atteigne  55  de- 
grés à  l'ombre;  d'ordinaire  elle  ne  dépasse  pas  3'2  degrés  :  les  oscillations 


'2'J-2  .NOrVKLLK   CÉO  GRAPHIE   L  M  VERSE  LIE. 

normales  du  ihorinoinèlre  sont  de  22  degrés  le  matin  à  51  degrés  vers 
deux  heures  de  l'après-midi.  Ce  qui  fait  le  climat  de  Bornéo  reiloutable 
pour  les  Européens,  ce  n'est  pas  la  chaleur,  mais  l'humidité  nocturne. 
Les  marais,  les  inondations  périodiques,  les  boues  qui  se  dessèchent  au 
soleil,  les  matières  organiques  putréfiées,  rendent  aussi  le  climat  i'ort 
dangereux,  surtout  dans  les  régions  de  l'intérieur,  hors  de  l'action  de  la 
brise  et  des  marées.  Loin  des  côtes  les  saisons  sont  à  peine  marquées: 
la  direction  des  vents  n'est  pas  réglée;  les  nues,  les  pluies  sont  appor- 
tées de  tous  les  côtés  de  l'horizon.  Mais  sur  le  littoral  l'ordre  des  mous- 
sons est  assez  régulier  :  la  mousson  du  sud-est,  qui  est  le  vent  alizé, 
souffle  d'avril  en  octobre;  puis  viennent  les  moussons  du  nord-ouest, 
du  nord  ou  du  nord-est,  suivant  les  rivages,  avec  les  tempêtes  el  les 
violentes  pluies.  Mais  il  pleut  aussi  dans  la  saison  du  beau  temps,  et 
même  jiarfois  avec  abondance  :  c'est  à  quatre  ou  cinq  mètres  que  l'on 
évalue  la  quantité  d'eau  tombée  annuellement  à  Saravvak.  11  est  arrivé 
aussi  que  des  sécheresses  prolongées  ont  régné  sur  le  pays  :  en  1877,  le 
grand  lac  Sriang,  dans  le  bassin  du  Kapoeas,  s'assécha  complètement'. 
En  parcourant  le  Koetei,  l'explorateur  Bock  traversa  des  forêts  mortes  de 
chaleur,  entièrement  dépouillées  de  verdure;  il  n'y  restait  plus  d'animaux: 
la  nature  entière  avait  été  frappée. 

Mais  ce  sont  là  de  rares  accidents  ;  les  saisons  ont  bientôt  repris  leur 
cours  et  les  arbres  morts  sont  remplacés.  On  |)eut  dire  que  l'immense 
Biiriieo  n'est  (pi'une  seul(>  forêt  :  des  singes,  dit  un  auleui',  pour'raicnt  se 
rendre  de  l'une  à  l'autre  extrémité  de  l'île  en  courant  de  branche  en 
branche.  En  quelques  districts  seulement  des  étendues  couvertes  de 
l'herbe  (ildix/  inlerrompeni  la  forêt.  Dans  son  ensemble,  la  flore  de 
Bornéo  ne  diffère  pas  de  celle  des  autres  grandes  îles;  néanmoins  elle  com- 
prend (pielques  espèces  particulières,  surtout  parmi  les  arbres  de  l'inté- 
rieur, qui  fournissent  des  bois  de  consiruclion,  des  résines  et  des  gommes. 
Sur  les  pentes  du  Kina-Balou,  fameux  par  ses  nombreuses  variétés  de  ne- 
penthes,  les  botanistes  ont  reconnu  l'existence  d'un  curieux  mélange  de 
plantes  indiennes,  malaises  et  australiennes.  Cn  des  végétaux  de  la  zone 
boueuse  du  littoral  est  le  sagoutier  {metroxylon  sagus  liumphii),  et  bien 
que  dans  certains  districts,  notamment  dans  la  vallée  du  Mahakkani,  on 
ignore  l'arl  d'en  exti'aire  la  précieuse  moelle  nutritive',  les  habitants 
d'autres  régions  de  la  côte  l'oblienuent  en  si  grande  abondance,  que  le  seul 


'   William  Oiixkc]-.  iiiéniuiii;  elle. 
■*  Ciiil  Buck,  uuviaKC  cité. 


FLORE,   FAUNE,   l'01'l]l,.\  TIONS  DE  BORNEO.  ii95 

iL'rritoirc  de  Sai'awak  exporte  plus  de  la  inoilié  du  sagou  livré  dans  le 
monde  au  eommerce  général'.  Un  seul  sagoulier  de  moyenne  grandeur 
fournil  environ  1000  gâteaux,  d'un  poids  total  de  500  kilogrammes.  C'est 
tout  ee  qu'il  l'aut  pour  la  nourriture  d'un  homme  pendant  une  année,  et 
pourtant  il  sul'lil  de  dix  journées  d'un  travail  relativement  facile  pour  pré- 
parer celle  abondante  provision. 

La  faune  de  Bornéo,  de  même  (|U(>  la  flore,  possède  plusieurs  espèces  en 
propre  qui  lui  donnent  une  physionomie  particulière.  Cha(jue  ile  a  des 
animaux  qui  manquent  aux  autres.  On  sait  que  le  contraste  des  faunes 
insulaires  a  même  amené  les  naturalistes  à  déterminer  l'âge  relatif  de  la 
séparation  des  îles  les  unes  d'avec  les  autres  :  Sumatra  et  Bornéo  étaient 
encore  unies  en  une  seule  terre,  (jue  Java  était  déjà  une  île  distincte; 
ri'lroii  passage  de  la  Sonde  est  donc  plus  ancien  que  la  large  mer  de 
lioiiieo'.  Ce  qui  le  prouve,  c'est  la  conformité  des  faunes  entre  Bornéo  et 
Sumatra  et  leur  dissemblance  relative  entre  cette  dernière  île  et  Java. 
Parmi  les  animaux  qui  paraissent  avoir  leur  lieu  d'origine  à  Bornéo,  le 
plus  remarquable  est  le  mias,  orang-oulan  (ni  "  homme  des  bois  »  (simia 
xaiijfm),  que  l'on  trouve  également  à  Sumatra.  On  le  rencontre  encore 
dans  toutes  les  parties  de  Bornéo,  mais  on  n'a  point  réussi  à  le  domes- 
liquer  :  presque  tous  les  animaux  capturés  meurent  de  phtisie,  même 
(piand  on  les  élève  dans  le  voisinage  de  la  forêt  natale.  Les  indigènes 
racontent  que  le  mias  ne  redoute  ni  rhinocéros,  ni  tigre,  ni  sanglier;  il 
accepterait  même  la  lutte  avec  le  crocodile  et  le  python.  On  a  longtem|is 
douté  que  l'éléphant  et  le  rhinocéros  appartinssent  à  la  faune  de  Bornéo  : 
il  est  vrai  que  ces  grands  animaux  ont  disparu  des  provinces  hollandaises; 
mais  dans  le  territoire  anglais,  près  de  Sandakan,  on  les  rencontre  en- 
core en  bandes  ^  Le  tigre  de  Bornéo  est  une  espèce  particulière  [jHh  ma- 
crosrt'lls).  On  voit  aussi  dans  l'île  deux  variétés  de  crocodiles  qui  n'existent 
point  ailleurs. 


On  a  parlé  d'une  race  spéciale  de  Bornéens  vivant  au  milieu  des  forets 
de  Bornéo,  et  les  insulaires  aiment  à  décrire  les  Orang-Bouiitoiit  ou 
"  hommes  à  queue  »  qui  se  trouveraient  dans  les  régions  centrales.  De  nom- 
breux voyageurs,  arabes,  malais  et  indigènes,  affirment  les  avoir  vus,  s'as- 

'  \Villi;mi  (Irockor,  imimoirc  cilo. 
2  Alfred  Russell  Wallacc,  Tlic  hlaml  Lifr. 

''  Pi'vt'i-,  Zoolof/isl,  Oclohor  1881;  —  V.  A.  J.,  Tijihcliiîfl  van  licl  IS'cdeiiaiidscli  AaitlnjitH- 
Kuniliif  (iciKJolsrlKip.  1SS4.  ii.  1). 


i'U  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  yMVEKSELLE. 

seyant  sur  dos  escabeaux  percés  d'un  trou  dans  le(}uel  ils  inséraient  leur 
appendice'.  Récemment  encore,  le  voyageur  Bock  chercha,  mais  sans  suc- 
cès, ces  hommes  à  queue  parmi  les  habitants  des  montagnes  qui  séparent 
le  bassin  du  Bai'ito  de  celui  du  Pasir.  Ouoi  qu'il  en  soit  de  ces  Bounlout, 
Bornéo  a  bien  parmi  ses  habitants  des  hommes  complètement  sauvages. 
Tels  sont  les  Pounan  ou  «  Gens  des  Bois  »  des  régions  centrales  et  les 
î\javong  du  Kahajan,  qui  gîtent  dans  les  forêts,  sans  même  se  garantir 
du  soleil  ou  des  pluies  par  un  toit  de  feuilles.  Ils  n'ont  d'autre  vêtement 
qu'un  pagne;  leur  arme  est  la  sarbacane,  munie  de  dards  empoisonnes 
au  moyen  d'une  mixture  dans  laquelle  entre  la  nicotine;  mais  récemment 
ils  ont  su  aussi  se  procurer  des  glaives.  Ils  fuient  Européens,  Malais 
et  Chinois,  et  ne  commercent  avec  eux  que  par  intermédiaires.  Ils  ont 
le  teint  moins  noir  que  les  autres  habitants  del'ile;  leurs  femmes  sur- 
tout, presque  toujours  abritées  du  soleil  par  l'ombre  épaisse  des  forêts, 
oui  la  peau  claire,  d'un  jaune  gris.  La  chair  des  singes,  celle  des  ser- 
pents et  des  grenouilles  sont  leur  principale  nourriture.  Les  ethnolo- 
gisles  se  demandent  si  parmi  les  peuplades  de  l'intérieur  il  en  est  que 
l'on  doive  classer  avec  les  populations  insulindiennes  blanches  ou  avec  les 
negritos  de  petite  taille'. 

La  grande  majorité  des  habitants  de  l'intérieur  se  compose  de  Dayak, 
nom  général  dont  la  pi-emière  signification  paraît  être  celle  de  «  Gens  »  ou 
«  Hommes  »,  mais  qui  pour  les  Malais  n'a  d'autre  sens  que  celui  de 
«  Sauvages  ou  k  Païens  )>  ;  on  l'explique  aussi  par  un  mot  des  langues 
indigènes,  dculayak  ou  k  claudicant  »,  appellation  qui  d'ailleurs  n'est  guère 
justifiée".  D'ailleurs  on  confond  sous  celle  dénomination  des  tribus  qui 
sont  probablement  d'origine  différente  et  qui  contrastent  par  l'aspect  et 
le  genre  de  vie.  En  général,  les  noms  spéciaux  par  lesquels  on  les  signale 
sont  lires  des  lieux  qu'ils  habitent  :  c'est  ainsi  qu'ont  été  nommés  les 
Orang-Kapoeas,  les  Orang-Barito,  les  Orang-Mahakkam,  les  Orang-Boekil 
ou  «  Gens  de  la  Montagne  v,  les  Ot-Danom  ou  «  Gens  des  Hauts  «;  on  dis- 
tingue aussi  entre  les  «  Dayak  de  mer  »,  les  Riverains,  et  les  «  Dayak  de 
terre  «,  les  Gens  de  l'intérieur.  Prises  en  masse,  les  populations  dayak  se 
distinguent  des  Malais  policés  par  une  taille  plus  élancée,  un  teint  plus 
claii-,  le  nez  plus  saillant,  le  front  plus  élevé.  Chez  un  grand  nombre  de 
peuplades,  les  hommes  s'épilent  soigneusement  le  visage;  hommes  et 
femmes  se  liment,  se  teignent,  et  parfois  se  forent  les  dents  poui'  y  placer 

'  Spencer  Sainl-Jotin  ;  Yiile  ;  Cail  Bock,  etc. 

-  Uaiiiy,  Bulletin  de  la  Sociélé  (t'Aiiihfopolofiic,  1870;  —  de  Oiiiilief'afjes,  len  Piiynu'es. 

^  Kaii  en  l^o..iuiiimi>.  Tijilsclirifl  iciii  hcl  Scdcrlaiulscli  Adidrijhskuniliij  (iciwotschap,  iHHl. 


DAYAK. 


295 


(les  boulons  on  or;  ils  porconi  aussi  \c  lobe  de  l'oreille  pour  y  iniroiluire 
(les  morceaux  de  l)ois,  des  anneaux,  d(^s  croissants  de  mêlai,  el  autres  ob- 


'^S'^lX^ 


BORNEO.    TYPES   D.IÏAK. 

Gravuiede  Thiiieil,  d'après  une  pholographie  communiqucc  par  M.  Collpau. 


jets  de  parure  dont  le  poids  linil  par  faire  allonger  l'extrémité  de  l'oreille 
jusque  sur  l'épaule.  Les  m("'res,  en  plusieurs  tribus,  déforment  artificielle- 
ment l(^s  crânes  de  leurs  enfants  au  moyen  de  planchettes  de  bambou  el  de 


•290  NOUVELLE   GÉOfiRAPlIlE   IMYERSELLE. 

bandelettes'.  Le  costume  tlayak,  simple  pièce  de  cotonnade  lileue.  avec 
bande  tricolore  aux  extrémités,  est  toujours  drapé  avec  pràce  ;  sur  la 
chevelure  noire  s'enroule  une  étoffe  rouge  à  passementerie  d'or.  La 
plupart  des  Dayak  se  tatouent  les  bras,  les  mains,  les  pieds  et  les  cuisses, 
parfois  aussi  la  poitrine  et  les  tempes,  et  presque  toujours  les  des- 
sins, qui  d'ailleurs  témoignent  de  beaucoup  de  goût  et  se  détachent  en 
une  belle  couleur  bleue  sur  le  fond  cuivré,  sont  distribués  en  nombres 
impairs,  afin  de  concilier  le  destin  :  des  amulettes,  pierres,  billes  ou  fili- 
granes, s'ajoutent  aux  ornements  pour  détourner  le  mauvais  sort  ;  dans 
quelques  tribus  ils  s'enroulent  des  fils  de  laiton  autour  de  la  poitrine  et 
du  ventre,  comme  les  Africains  des  bords  du  A'yanza.  Les  mtiladies  de 
peau  sont  très  communes  chez  les  Dayak,  peut-être  à  cause  du  manque 
de  sel  dans  la  nourriture.  Un  voit  des  goitres  dans  le  pays  de  Koeteï 
aussi  fréquemment  que  dans  certaines  vallées  des  Pyrénées  et  des  Alpes  : 
sur  trois  femmes  dayak  de  ces  contrées,  une  au  moins  est  goitreuse. 
Contre  la  variole,  fort  dangereuse  dans  le  pays,  les  indigènes  avaient 
appris,  avant  l'arrivée  des  Hollandais,  à  pratiquer  une  sorte  d'inoculation. 

Les  Dayak  croient  à  l'existence  d'un  être  suprême,  le  Sang-Sang,  dont 
les  prêtres  connaissent  la  volonté  et  avec  lequel  ils  s'entretiennent  dans  un 
«  langage  céleste  ».  Mais  la  confiance  du  peuple  se  porte  suilout  vers  les 
hilian  ou  prêtresses,  qui  savent  conjurer  les  mauvais  espi'its  et  les  mala- 
dies, jeter  les  sorts,  deviner  l'avenii',  résoudre  les  énigmes,  improviser  des 
chants.  Elles  sont  élevées  par  les  prêtres  dès  l'enfance  et  toujours  choisies 
parmi  les  esclaves,  car  leur  métier  comporte  la  prostitution  :  elles  a|qiar- 
tiennent,  suivant  un  tarif  fixé,  à  Ions  les  hommes  mariés  de  la  tribu. 
Parmi  les  pratiques  relatives  au  mariage,  il  en  est  une,  probablement  d'ori- 
gine chinoise,  qui  n'a  guère  d'égale  en  cruauté.  Les  riches  Ol-Danom 
enferment  leurs  filles,  à  l'âge  de  huit  à  dix  ans,  dans  une  étroite  cellule 
mal  éclairée,  d'où  elles  ne  sortiront  qu'api'ès  sept  ou  huit  ans  de  captivité. 
Pendant  ce  temps,  elles  ne  doivent  \oir  ni  parents  ni  amis,  pas  iiième 
leur  mère,  et  n'ont  d'autre  occupation  (pie  de  tresser  des  nattes;  une 
esclave  leur  porte  leur  nourriture,  (juand  une  fille  sort  de  sa  prison,  pâle, 
chétive,  chaïu'elanle  sur  ses  petits  pieds  sans  force,  elle  est  digne  des  plus 
riches  acheteurs  :  on  immole  un  »  morceau  d'homme  ->,  c'esl-à-dire  un 
esclave,  et  on  arrose  son  corps  du  sang  qui  jaillit". 

Encore  de  nombreuses  Iribusdaxak  prati(|ueiil  celle  «  chasse  aux  têtes  » 


<   Wlllnim  CnickiT,  i\tiliirc',  Decembci  S,  ISÎSI. 

-  Si'liwiiiii'r, //oiv/co ,  —  Tiiur  ilii  Monde,  \iH>2.   1"' soiiirsIiT 


•4.    A 


DAYAK.  299 

qui  a  rendu  leur  nom  l'iimoiix.  cl  ijui,  léccmnionl,  menaçait  de  faire  dis- 
pai'ailre  la  race  enlièro.  Chez  les  indifiènes  cette  praticjue  est  essentielle- 
ment relipieuse,  et  nul  acte  important  de  la  vie  ne  leur  paraît  avoir  de 
sanction  s'il  n'est  accompagné  do  la  présentation  d'une  ou  plusieurs  tètes 
coujiées.  L'enfant  naît  sous  une  mauvaise  influence  si  le  père  n'a  pas 
apporté  une  tète  à  sa  femme  pendant  la  grossesse;  le  jeune  garçon  ne 
devient  homme  et  ne  peut  ceindre  le  gJaive  ou  mandau,  c'est-à-dire  le 
«  chasse-crâne  >■>,  qu'après  avoir  abattu  une  tète;  l'adolescent  n'est  pas 
accueilli  par  la  jeune  fille  qu'il  courtise  s'il  ne  lui  fait  présent  d'une  tète 
pour  orner  la  hutte  conjugale;  le  chef  n'est  pas  reconnu  comme  tel  s'il  n'a 
montré  à  ses  sujets  une  tète  coupée  de  sa  main;  nul  mourant  ne  se 
rend  avec  honneur  dans  le  royaume  d'outre-tombe  s'il  n'a  ]>our  compa- 
gnons des  hommes  à  tète  coup(''e.  Chaque  radjah  doit  à  son  i-ang  de  se 
faire  suivre  dans  la  mort  par  un  nombreux  cortège.  Chez  quehjues  tribus, 
notamment  chez  les  Bahou  Tring,  dans  la  partie  septentrionale  du  bassin 
du  Mahakkam,  et  chez  les  Ot-Danom  du  haut  Kahajan,  la  coutume  reli- 
gieuse exige  davantage  :  il  ne  suffit  pas  de  tuer,  il  faut  encore  torturer  la 
victime  avant  de  lui  donner  le  coup  final,  d'asperger  les  cultures  de  son 
sang  et  de  manger  sa  chair  sous  les  yeux  des  ])rètres  et  des  prêtresses,  qui 
font  les  cérémonies  prescrites  :  on  comprend  la  terreur  qu'inspirent  les 
Dayak  à  leurs  voisins  et  la  tradition  d'après  laquelle  on  se  les  imagine 
nés  de  poignards  et  de  glaives  ayant  pris  forme  humaine'.  Une  expédition 
de  K  chasse  aux  tètes  »  est  si  bien  considérée  comme  l'acte  religieux  par 
excellence,  que  chez  les  tribus  primitives  elle  doit  être  précédée  d'une  con- 
fession générale  :  tous  les  pécheurs  s'accusent  de  leurs  fautes,  s'imposent 
des  yjoifift//,  c'est-à-dire  des  taboti,  comme  les  Polynésiens,  et  font  jiéni- 
tence  dans  la  forêt  j)our  revenir  à  l'état  de  grâce.  C'est  lavés  de  toute 
souillure  moiale  qu'ils  se  livrent  à  leurs  danses  funèbres,  se  revêtent 
de  leur  costume  de  guerre  en  peaux  de  bêles  féroces  et  prennent  leur 
masque,  figurant  une  gueule  de  tigre  ou  de  crocodile,  |)our  aller  surjH'en- 
dre  les  gens  d'une  peuplade  éloignée,  ennemie  ou  amie,  et  faire  leur  pro- 
vision de  tètes  coupées  ou  de  victimes  à  dévorer'.  D'ailleurs  les  crânes  de 
l'ennemi  sont  d'ordinaire  l'objet  du  plus  grand  respect  :  on  les  comble 
d'attentions,  on  leur  met  à  chaque  repas  les  meilleurs  morceaux  dans  la 
bouche',  on  leur  fournit  le  bétel  elle  tabac,  on  les  traite  comme  des  chefs, 
espérant  leur  faire  oublier  l'ancienne  tribu  et  les  rattachera  la  nouvelle: 

'  De  BaïkiT,  Archipel  Indien. 

-  Peri'laer.  Ethnoyraphischc  Ucschrijviny  lier  Dajaks  ;  —   Schwaner,  Cail  Bock,  ouvrages  cités. 

^  Keppel,  E.Tpedilion  of  (lie  ship  «  Diilo  n. 


500  NOUVELLE   GÉOGRAPUIE   UNIVERSELLE. 

«  Votre  li'le  est  à  nous  maintenant  ;  aidez-nous  à  tuer  vos  frères  d'autrefois.  :> 
Quoiqu'ils  ne  manquent  pas  de  re|)rocher  à  leurs  éducateurs  d'abattre 
aussi  des  tètes,  les  Dayak  f;raduellement  islamisés  des  possessions  néerlan- 
daises et  britanniques  abandonnent  peu  à  peu  leurs  coutumes  meurtrières. 
D'ailleurs  les  «  coupeurs  de  têtes  »  eux-mêmes  sont  parmi  les  popula- 
tions de  l'Insulinde  une  de  celles  qui  ont  le  plus  de  qualités  morales. 
Ils  sont  presque  tous  d'une  candeur  et  d'une  honnêteté  parfaites  :  ils  ne 
se  hasardent  jamais  à  parler  d'une  chose  qu'ils  ignorent  et  respectent 
avec  scrupule  le  produit  du  travail  d'autrui.  Dans  la  tribu  même  les 
meurtres  sont  inconnus  :  en  douze  années  il  n'y  eut  sous  la  domination 
de  Brooke,  dans  la  principauté  de  Sarawak,  qu'un  seul  cas  de  mort  vio- 
lente, et  le  coupable  était  un  étranger  adopté  par  les  Dayak.  Les  indigènes  se 
distinguent  aussi  favorablement  des  immigrants  malais,  chinois  ou  euro- 
péens par  leur  tempérance  et  leur  discrétion.  Quoiqu'on  les  trompe  et  les 
pille  (le  toutes  manières,  ils  restent  bienveillants  et  gais,  s'amusent  avec 
abandon  et  sont  fort  habiles  à  inventer  toute  espèce  de  jeux.  Artistes-nés, 
ils  ne  se  contentent  pas  d'élever  leurs  maisons  sur  de  hauts  pilotis  pour 
les  placer  au-dessus  du  niveau  des  inondations  ou  les  soustraire  aux  atta- 
ques des  rôdeurs  de  nuit,  ils  savent  aussi  en  disposer  les  poutrelles  et  les 
bambous  de  manière  à  former  des  dessins  qui  plaisent  aux  regards.  Ils 
sont  zélés  collectionneurs  de  faïences  et  de  porcelaines,  et  certaines  pièces 
rares  sont  considérées  par  eux  comme  ayant  une  vertu  divine'.  Les  tom- 
beaux de  leurs  chefs,  et  en  certains  endroits  ceux  de  leurs  chiens,  solide- 
ment construits  en  bois  de  fer,  sont  ornés  de  sculptures  représentant  des 
lètes,  des  oiseaux,  des  bouches  de  dragons,  qui  le  cèdent  à  peine  aux  con- 
structions barmanes  et  siamoises  pour  le  fini  des  détailset  la  grâce  originale. 
Le  centre  de  la  plupart  des  villages  est  occupé  par  le  balai  ou  «  maison 
principale  )>,  édifice  circulaire  ou  allongé,  élevé  sur  pilotis  comme  les 
autres  demeures,  mais  enfermant  une  très  vaste  salle  où  couchent  les 
jeunes  hommes  non  mariés  et  les  étrangers,  et  qui  sert  en  même  tem|)s 
de  ])ourse,  de  forum,  de  salle  du  conseil.  Quelques-uns  de  ces  palais  dayak, 
pai'fois  aménagés  en  forteresses,  ont  jus(|u'à  500  mètres  de  tour  ;  Keppel 
en  a  vu,  sur  les  bords  du  Lundu,  dont  la  longueur  dépassait  181  mètres 
et  où  vivait  toute  une  tribu  de  quatre  cents  personnes.  Comme  construc- 
teurs, les  indigènes  donnent  aussi  la  preuve  de  leur  génie  naturel  en  je- 
tant des  ponts  de  bambou  sur  les  ruisseaux  et  même  sur  des  rivières  de 
plus  d'une  centaine  de  mètres  en  largeur.  Il  est  vrai  que  des  Européens 

'  Pi-rcliiiT.  liock,  nuvnigos  ciliés:  —  Sornirier.  Mii.irc  (iiitliriiiinliHiique  de  Lci(l"ii. 


DAYAK.  301 

oseraient  à  peine  s'aventurer  sur  ces  structures  branlantes  dont  le  palier 
n'est  formé  que  par  un  seul  gros  bambou;  pour  y  cheminer  en  gardant  son 
équilibre,  on  tient  la  main  sur  un  garde-i'ou  si  mince,  qu'il  serait  dange- 
reux de  s'y  appuyer.  Mais  les  Dayak  ne  tracent  point  de  chemins,  à  peine  des 
sentiers  :  ils  n'ont  guère  d'autres  voies  que  les  cours  d'eau.  Leurs  meilleures 
roules  sont  formées  de  troncs  d'arbres  qu'ils  mettent  bouta  bout  et  sur  les- 
quels ils  courent  plutôt  qu'ils  ne  marchent.  Au  moindre  indice  de  danger, 
ils  déplacent  les  arbres  qui  mènent  à  leur  village  et  le  chemin  est  détruit. 
Bons  agriculteurs,  les  Dayak  du  pays  de  Sarawak  retirent  successivemenl 
deux  récoltes  de  chaque  terre  défrichée,  du  riz,  puis  des  cannes  à  sucre, 
du  maïs  ou  des  légumes;  ensuite  ils  laissent  le  sol  en  friche  pendant  huit 
ou  dix  ans  :  bientôt  la  brousse,  ou  même  la  forêt,  ont  remplacé  les  cultures. 
Les  greniers  sont  des  espèces  de  corbeilles  tressées  au  sommet  des  arbres 
et  rattachées  au  sol  voisin  par  des  échelles  ou  des  plans  inclinés  en  bam- 
bou. Quant  aux  Dayak  de  l'intérieur,  ils  s'occupent  surtout  d'exploiter  les 
richesses  naturelles  de  la  forêt  en  coupant  le  rotin,  en  recueillant  la  gutta- 
percha  pour  les  Européens,  et  pour  les  Chinois  les  nids  d'hirondelles  et 
les  pierres  de  bezoar.  Quand  les  indigènes  (juitient  leurs  villages  pour  s'a- 
venturer au  loin  dans  les  forêts  à  la  recherche  de  ces  objets,  leurs  femmes 
allument  en  des  noix  de  coco  de. petites  lampes  qu'elles  abandonnent  au 
courant  du  fleuve,  comme  le  font  en  des  occasions  semblables  les  riveraines 
du  Gange.  Ces  lumières  flottantes,  qui  brillent  en  l'honneur  des  génies  de 
l'air  et  des  eaux,  intercèdent  auprès  d'eux  pour  les  maris  absents. 

Il  paraît  étrange  qu'avec  tous  les  avantages  réunis  dans  leur  pays,  ter- 
rains fertiles,  facilité  d'accès,  richesses  naturelles  presque  inépuisables, 
les  Dayak  à  demi  policés  qui  ont  abandonné  la  coutume  religieuse  de  la 
chasse  aux  têles  n'augmentent  pas  en  nombre.  Leurs  récolles  fournissent, 
el  au  delà,  les  approvisionnements  nécessaires  et  leur  permettent  en  outre 
d'alimenter  les  marchands  du  littoral.  Le  célibat  est  inconnu  dans  ces  con- 
trées ;  tous  se  marient  à  l'âge  de  la  pleine  force  virile,  et  cependant  les 
villages  dayak  sont  épars  sur  de  vastes  espaces  au  milieu  de  la  mer  de 
verdure  qui  recouvre  l'intéi'ieur  de  l'ile.  La  cause  en  est  aux  épidémies  el 
à  la  faible  fécondité  des  femmes  :  de  deux  à  quatre  enfants,  telle  est  la 
moyenne  de  la  natalité  dans  les  familles.  D'après  Wallace,  cette  faible 
proportion  des  enfan  s  doit  être  attribuée  au  travail  excessif  des  mères. 
Quoique  les  maris  Dayak  respectent  fort  leurs  femmes  et  ne  manquent  pas 
de  les  consulter  en  toute  occasion,  c'est  pour  elles  que  sont  toutes  les  be- 
sognes pénibles  :  ce  sont  elles  qui  pilent  le  riz,  qui  bêchent  le  sol  et  por- 
tent les  fiirdeaux  en  gravissant  les  montagnes,  en  descendant  au  fond  des 


.-0-2  NOUVKLLK   GKOORAPHIE   rM\  EliSF.LLK. 

précipices.  Epuisées  (lo  Iraviiil,  elles  soul  vieilles  iivniil  ïù'^c.  (i'esl  à  un 
million  d'honiines  environ  que  l'on  évalui^  le  nombre  des  Dayak  de  raee 
pure  qui   peuplent  Bornéo. 

Les  Malais  mahomélans,  (|iii  cnsci^urnl  à  leurs  voisins  de  l'intérieur 
le  nom  d'Allah  et  persuadent  aux  ehel's  indi^l'ues  de  prendre  plusieurs 
femmes,  de  les  voiler  el  de  les  enfermer  en  si<;ne  de  eonversion  à  l'Islam, 
sont  presque  tous  établis  sur  le  littoral  el  sur  les  bords  des  lleuves;  d'après 
M.  (Àttteau,  ceux  de  Sarawak  s'aeeordeni  à  dire  que  leurs  ancêtres  sont 
venus  dans  le  pays  depuis  une  Irenlaine  de  jiénéralions.  Appelés  par  le 
commerce,  ils  s'avancent  peu  à  peu  vers  les  régions  montueuses  en  allant 
de  marché  en  marché.  Par  les  croisements  et  rinlluence  de  leur  civili- 
sation, supérieure  à  maints  égards,  les  Malais  transforment  peu  à  |)eu  les 
Dayak  et  se  les  assimilent.  Ouoique  en  minorité  numérique,  c'est  à  eux 
qu'appartient  la  prépondéranc(\  et  eha(iue  jour  ajoute  à  leur  ascendant. 
Des  liougi,  des  Badjo  de  Celèbès,  des  Javanais,  des  lllanos  des  Fhili|)pines, 
quebpies  Arabes,  accroissent  la  |)opulation  mahomélane  de  l'ile;  mais  ils 
sont  d(''passés  en  nombre  |iar  les  (Illinois.  (]ui  résident  dans  les  ports  de 
commerce;  ceux-ci  ont  même  le  monopole  de  mainte  industrie  et  celui  de 
l'exploitation  des  mines  aurifères.  Les  Européens  n'avaient  pas  encore 
délinilivement  établi  leurs  comptoirs  à  Bornéo.  (]ue  les  (Chinois  y  étaient 
dé'jà  représentés  par  des  colonies  respectables,  el  ce  sont  eux  qui  ont  offert 
la  |ilus  sc'i'ieuse  ri'sislance  aux  Hollandais  pour  la  prise  de  |)ossession  des 
régions  méridionales  de  l'ile.  A  l'état  pur  ils  s(hiI  |)1us  de  trente  mille; 
avec  les  métis  on  |)eul  ('valuer  leui'  nombre  à  piès  de  deux  cent  mille, 
mais  on  ne  |ieul  les  eompler  d'une  nianiJ're  exacte,  la  gi'ande  majorité 
d'enlif  eux  apparlenant  à  des  familles  établies  dans  le  pays  et  mélangées  de 
sang  malais  depuis  plusieurs  généi'ations.  OuanI  aux  Hollandais  el  aux 
Anglais,  ils  sont  (|uel(iues  centaines  seulemeni;  mais  ils  ont  le  p(»uvoir 
en  main,  et  cela  suflit  [)oui'  (|ue  des  milliers  de  leurs  sujets  a|)prennent  à 
parler  leur  langue  et   s'évertuent  à  les  imiter. 


UOIINKII     HOLLANUAIS. 

Sur  la  côte  orientale  de  Bornéo,  Fonlianak,  la  eiU'  du  >■  Fanti'ime  », 
est  la  première  ville  que  visiti-rent  ses  maîtres  actuels,  et  elle  est  restée 
la  capitale  et  le  marché  commei'cial  de  la  contrée;  depuis  l(Sô(i,  le  sultan 
du  pays  l'a  cédée  aux  Hollandais,  (pii  eu  ont  fait  un  poi't  franc.  La  cité, 
composée  de   maisons  en  bois,  ([ni  bordent   les  deux  rives  du   lleuve  Ka- 


MALAIS,    CIII.MIIS.    l'OMAMAK,    HA  Mi.l  Kll  M  ASSIN.  .ÎOâ 

pofiis,  est  l)àli('  à  une  (|iiiiizaiMc  de  kiliiiiirlics  de  l;i  rrici',  iiii  coiiiliiciil  ili; 
l;i  liviJ'iT  Lnixlak  :  Chinois,  Boiijy  fl  Malnis  y  oui  leurs  qiiarlicis  disliiicls. 
Des  iiiiiics  liiiidoiics,  Icinplcs  et  slalucs,  se,  vdiciil  çh  cl  là  dans  li-s  loivls 
eiiviromiaiilcs.  Les  vilhi^ivs  (|iii  se  siiccl'dciil  sur  les  bords  du  Kapocas  en 
aiudul  de  Pontiaiiak  jus(ju';i  Siulan^jl,  au  confluctil  du  Mclawi,  ap|)ai'li(Mi- 
nciil  ('■^ali'iMCMl  à  plusieurs  iialious  dislincles,  foiinaiil  chacune  son 
lii'oupi'  pailiculiei',  avec  adiiiiuisl  rai  ion  sp(''ciale.  Dans  les  pelils  royaumes 
soumis,  silués  au  nord  de  l'itnlianak,  vers  la  IVonlière  de  Sarawak,  c'est 
ridément  chinois  ipii  l'eiiiiioile.  Alliiés  à  Samhas  el  à  Montrado  |iar  les 
liches  mines  d'or  el  de  platine,  à  Laiidak  par  les  poches  dcdiamanl.  el 
iiiainlenaiil  sur'  les  hords  du  Kapocas  |)ar  les  ".fiscmenls  de  chaihon,  iN  ont 
lieu  ;'i  peu  relVudé  les  Kavak,  el  \eis  le  milieu  du  siJ'ch;  ils  avaient  con- 
slitué  (les  républiques  indcpeiidanles  :  dans  ces  kowjsi  ou  conlVéïies  chi- 
noises, les  •'  fièrcs  aînés  ->  cl  les  "  IVèrcs  jilus  jeunes  ;>  s'cntr'aidaiciil 
el  le  |)aupérisme  é'tail  inconnu  '.  Tivs  solidaires  les  uns  dos  autres,  ils  se 
déi'endirent  avec  le  jjIus  }>iaii(l  coui-a<;f,  el  il  lallul  envoyer  contre  eux  des 
forces  (le  plusieurs  milliers  d'hommes  pour  les  soumettre  au  régime  hol- 
landais: |ilus  de  la  moitié  (l((  ces  (;bim)is  (piitlérent  le  pays  pour  rester 
lijjies.  De  même  que  tlans  la  |)lupart  des  autres  colonies  chinoises,  le 
principal  commerce  de  Sambas  et  de  Monirado  est  celui  de  l'opium.  S(je- 
kadana,  ([ui  se  trouve  au  sud  des  terres  alluviales  du  kapocas,  sur  un 
esluaire  latéral,  l'ut  jadis  la  capitale  de  l'un  des  grands  empii'cs  de  Bor- 
néo :  ce  n'e^l  plus  (ju'un  jiauvre  village.  Kn  l'ace  sont  des  îles  pittoresques, 
les  i<  terres  l'orlunées  »  de  Karimala,  jadis  fort  populeuses,  el  mainlenant 
désertes.  Le  pic  de  l'île  principale  s'élî-ve  à  iD.'îi  mJ'ln's. 

Entre  le  delta  du  Kapocas  el  cilui  du  Uarilo,  chaque  embouchure  de 
rivif-re  a  son  marché,  chaque  ancien  royaume  a  sa  ca|)ilale,  où  un  fo/iclion- 
naii'e  hollandais  siège  à  côté  du  descendant  des  souverains;  mais  la  popu- 
lalioii  du  littoral  est  trop  faible  pour  (|ue  ces  chefs-lieux  soient  auti'e 
chose  (|ue  de  pauvres  villages;  ce|iendanl  la  haute  \all(''e  du  Kabajan  est 
trJ's  liche  en  sable  d'oi'  (jue  iccueilleiil  les  Dayak,  mais  sans  permettre  aux 
Chinois  de  pénétrer  chez  eux  pour  le  leui-  acheter.  Les  naturels  qui  tra- 
licpient  le  |)lus  activement  dans  ,■(■[[(■  partie  de  Bornéo  sont  les  .Ngadjocs 
de  l'oeloe  Pelak.  Au  delà,  la  jiremii're  grande  ville  est  celle  qui  com- 
mande l'entrée  du  Barito,  Bandjermassin,  —  ou  simplement  Bandjer, 
—  la  capitale  des  provinces  sud-occidentales  de  Bornéo  et  la  cité  la  plus 
peu|ilée  de   l'Ile    entiJ-re.   File  ne  se   trouve  |)as    sui-  l'estuaire  rn(~'me   du 

'   Hiihiili':  v;in  (ter  Aa,  De  lillnriilinii  i-uiii  liH  i\'c(lrrl(iii(li>cli  ijebiid. 


504 


NOUVELLE  GEOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 


Barito,  mais  à  l'est  de  ce  fleuve,  dans  une  réfiioii  parsemée  de  bayous  qui 
se  ramifient  en  un  réseau  changeant  :  1^  rivière  Martapoera  vient  rejoin- 


dre le  Barito  dans  ce  dédale  de  canaux  dont  la  maré(^  renouvelle  deux 
l'ois  par  jour  les  eaux  saumàtres,  —  d'oii  le  nom  de  la  ville,  <<  Déluge  re- 
fluanl  ».  — Bandjermassin,  la  i<  Venise  de  Bornéo  »,  aligne  ses  maisons 
en  bois  sculpté,  sur  plusieurs  kilomètres  le  long  des  rivages,  mais  ces 


BANDJEKMASSI.N,   MARTAI'OERA.   NEOARA.  Ô05 

(lemourcs  bâties  en  terre  ferme  sont  presque  partout  cachées  pai'  les  rakil 
ou  constructions  flottantes  ancrées  dans  le  courant;  en  outre,  des  barques 
(le  toutes  formes,  simples  canots,  gondoles,  chaloupes  pontées  surmontées 
de  cabines,  voguent  dans  toutes  les  avenues,  portant  les  marchands  et  les 
acheteurs.  Les  Hollandais,  héritiers  des  comptoirs,  qui  se  sont  succédé, 
avec  quelques  interruptions,  depuis  le  commencement  du  dix-septième 
siècle,  habitent  l'ile  de  Talas,  au  centre  des  autres  villes,  malaise  et  chi- 
noise ;  chaque  groujie  de  population  habite  son  quartier  spécial;  les  singes 
ont  aussi  leur  kaiuponij  |iarticulier.  File  des  Fleurs,  où  les  indigènes  vien- 
nent leur  apporter  des  friandises.  Visitée  par  les  navires  de  4  à  5  mètres 
de  calaison,  Bandjermassin  foit  un  commerce  considérable  :  c'est  l'un 
des  porls  secondaires  les  plus  actifs  de  l'insulinde.  Naguère  cette  ville 
vendait  beaucoup  de  diamants,  recueillis  sur  les  bords  de  la  rivière  Marta- 
poera;  mais  depuis  que  les  mines  du  Cap  ont  été  découvertes,  on  n'exploite 
plus  celles  de  Banjermassin  qu'avec  perte,  d'autant  plus  que  le  sultan  ré- 
clame comme  sa  propriété  toutes  les  pierres  ayant  plus  de  cinq  karats.  Ce- 
pendant la  réputation  dn  marché  de  Bandjer  pour  les  diamants  était  si  bien 
établie,  que  les  négociants  chinois  de  cette  ville  importent  des  pierres  du 
Cap  pour  les  revendre  aux  princes  de  l'archipel  comme  diamants  de  Marta- 
poera  :  ceux-ci  passent  en  effet  pour  être  les  plus  purs  et  briller  de  l'éclat  le 
|)lus  durable;  on  recueille  aussi  dans  ce  district  une  notable  quantité  de 
|)iiudre  d'or,  et  des  mines  de  charbon,  [iroduisant  naguère  plus  de  10000 
tonnes  de  houille  par  an,  sont  exploitées  à  Pangaron,  en  amont  de  Marta- 
poera.  Cette  ville,  au  nom  hindou,  qui  signifie  «  Cité  des  Mortels  »,  fut 
jadis  la  capitale  de  la  contrée,  et  le  sultan  y  possède  un  palais;  elle  est 
située  à  une  cinquantaine  de  kilomètres  à  l'est  et  en  amont  de  Bandjer- 
massin. Les  fourrés  des  alentours,  par  suite  d'une  exploitation  barbare,  ne 
fournissent  plus  que  des  rotins  d'une  qualité  inférieure. 

La  région  la  plus  populeuse  et  la  plus  civilisée  de  Bornéo,  celle  où  des 
colons  hindous  paraissent  s'être  établis  tout  d'abord  ',  est  le  bassin  de  la 
rivièi'e  Bahan  ou  Negara,  affluent  oriental  qui  s'unit  au  Barilo  à  une  cen- 
taine de  kilomètres  de  la  mer.  Vers  le  milieu  du  siècle,  les  habitants  de  ce 
petit  bassin  fluvial  étaient  seulement  au  nombre  de  60  000,  d'après  Schwa- 
ner;  en  1878  on  en  comptait  jilus  de  500  000,  grâce  à  la  paix  et  aux  pro- 
grès de  l'agriculture  et  de  l'industrie;  indépendants  en  fait,  ces  indigènes 
ne  permettaient  pas  aux  sultans  de  Marta[)oera  de  pénétrer  sur  leur  terri- 
toire. Cette  partie  de  Bornéo  est  proportionnellement  aussi  peuplée  que  Java. 

'  Scliwiinei',  (iiiviMjîc  cilé. 

XIV.  59 


Ô06  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

La  ville  d'Amoentaï,  au  centre  du  district,  sur  la  rive  gauche  du  Rahan,est 
entourée  de  cultures,  et  des  barques  y  arrivent  en  quantité,  chargées  de 
fruits.  Negara  et  Margasari,  situées  en  aval  et  bordant  les  deux  rives  sur 
une  longueur  de  plusieurs  kilomètres,  sont  des  villes  de  production  indus- 
trielle :  c'est  de  là  que  viennent  les  tuiles  et  les  poteries  employées  dans 
toute  la  contrée;  Negara  possède  aussi  des  chantiers  de  construction  pour 
les  prao  et  les  sampang;  enfin,  les  armuriers  de  Negara  étaient  fameux 
dans  rinsulinde  avant  que  les  Hollandais  leur  défendissent  la  fabrication 
des  fusils  et  des  coutelas.  A  l'est,  des  immigrants  javanais  cultivent  de 
fertiles  plantations,  dans  le  district  de  Kendangan,  sur  les  bords  de  la  gra- 
cieuse rivière  Amandit,  ombragée  de  cocotiers.  La  ville  neuve,  située  au 
coniluent  du  Bahan  et  du  Barito,  Mocwara-Bahan  ou  Marabahan  (Bckom- 
paï),  est  l'entrepôt  de  Bandjermassin  pour  le  bassin  du  Bahan  :  ses  mai- 
sons fixes  et  flottantes  bordent  la  rive  droite  du  Barito  sur  une  longueur 
de  r»  kilomètres;  sa  population  s'accroît  rapidement  de  colons  dayak  qui 
se  convertissent  à  l'Islam.  En  amont,  la  vallée  du  Barito,  parsemée  de  lacs 
et  de  fausses  rivières,  est  presque  dépeuplée  en  comparaison  de  celle  du 
Bahan.  Le  plus  gros  village  est  celui  de  Loetoentoer  (Lokhton  Toeoor), 
placé  au  confluent  du  Teweh,  à  540  kilomètres  de  la  mer. 

A  l'angle  sud-oriental  de  Bornéo,  les  divers  |)elifs  royaumes  du  lilloral 
sont  encore  à  demi  indépendants.  La  capitale  d'un  de  ces  Etats,  Pasir  ou 
«  Sable  «,  ainsi  nommée  des  dunes  environnantes,  est  une  des  villes  con- 
sidérables de  Bornéo.  Située  à  la  bifurcation  d'un  delta  fluvial  que 
remontent  les  petites  embarcations,  elle  fait  un  assez  grand  commerce 
avec  les  côtes  opposées  de  Celèbès,  d'où  lui  viennent  de  nombreux  immi- 
grants. En  1 77'2,  les  Anglais  avaient  essayé  d'y  établir  un  entrepôt  d'opium. 

Plusieurs  villes  importantes  se  succèdent  sur  le  cours  inférieur  du 
Maliakkam.  dans  le  royaume  de  Koeteï,  à  demi  assujetti  aux  Hollandais 
de|)uis  qu'ils  en  ont  chassé,  en  1844,  un  marchand  anglais  qui  voulait,  à 
l'exemple  <lu  radjah  Brooke,  se  tailler  une  principauté  dans  Bornéo.  Tan- 
garoeng,  la  caj)itale  du  sultanat,  est  aune  centaine  de  kilomètres  en 
amont  de  l'embouchure,  bordant  de  ses  maisons  sur  pilotis  et  de  ses 
bateaux  la  rive  droite  du  fleuve,  fort  large  en  cet  endroit.  La  marée  monte 
jus(|u'à  Tangaroeng,  promenant  d'une  extrémité  à  l'autre  de  la  ville  les 
ordures  qui  flottent  sur  l'eau.  Quelque  mouvement  d'échanges  se  fait 
dans  cette  capitale,  mais  presque  tout  le  commerce  du  royaume  s'est  con- 
centré dans  la  ville  de  Samarinda,  qui  s'est  élevée  sur  les  bords  du  fleuve, 
près  de  la  foui'che  des  passes.  De  grands  navires,  ajqiartenant  à  des 
négocianis  chinois,  viennent  y  (hai'gcr  les  denrées  apporliVs  sur  radeaux 


iililllliliilillllliiliilliiililiiliiiiiiliiiiunjliii 


NKCMiA,    MAKAbAllA.N,   SA  MA  Kl. M)  A.  7,{i'd 

(les  ré<;ioiis  supérieures  du  bassin,  rotins,  gutta-percha,  bois  de  coustrue- 
liou,  miel,  nids  de  salanganes;  les  Européens  no  prennent  presque  aucune 
part  à  ce  tralic.  C'est  à  Samarinda  que  résident  le  chargé  d'affaires  hollan- 
dais et  l'imam  ou  grand-prctre,  chez  lequel  les  étudiants  zélés  viennent 
apprendre  à  écrire  l'arabe  et  à  réciter  les  versets  du  Koran.  Les  Bougi, 
venus  de  Celèbès,  se  sont  établis  sur  la  rive  droite,  où  ils  constituent  une 
république    redoutée,    s'administrant    elle-même    et    promulguant    ses 

N°  00.    COURS    INFKRlEl-n    IIU    MAUAKKAM. 


l  de  Par.s 


/î"0  fofft^e'Ur^ 


ISOOO  0 


lois.  Le«  Chinois  et  les  Malais  habitent  sur  la  rive  gauche,  soit  en  des 
maisons  llotlanles,  soit  en  des  demeures  (i.ves  dressées  sur  pilotis  :  nulle 
part  on  ne  voit  de  rues,  ni  même  de  sentiei's;  c'est  uniquement  par  eau 
que  se  font  les  communications  entre  les  quartiers  différents.  La  ville  est 
en  même  temps  un  grand  cimetière  :  des  pierres  et  des  planchettes  de 
bois  sculpté  indiquent  le  lieu  de  repos  des  morts  autour  des  cabanes  oîi 
séjournent  les  vivants.  Les  rares  baleaux  à  vapeur  qui  touchent  à  Sama- 
rinda tiouvent  dans  le  voisinage  même  de  la  ville,  notamment  à  Pelarang, 
à  t)   kilomètres  en  aval,  des  provisions  de   houille  que  fournissent  des 


510  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

gisements  d'une  grande  richesse  appartenant  au  sultan'.  Sanga-Sanga, 
village  situé  à  la  tète  du  delta,  fut  la  résidence  royale  avant  Samarinda. 

Le  petit  port  de  Sankolirang,  sur  une  des  baies  qui  se  succèdent  au 
nord  du  delta  du  Mahakkani,  n'est  plus  habité  que  par  des  pêcheurs.  A  en 
juger  d'après  les  ruines  hindoues  qui  se  trouvent  dans  le  voisinage,  ce 
fut  jadis  un  centre  de  civilisation  sur  la  côte  orientale  de  Bornéo.  Les 
petits  royaumes  qui  se  succèdent  au  nord  du  Koeteï  jusqu'au  territoire 
anglais  de  North-Borneo  et  que  l'on  ajjpelle  quelquefois  États  de  Berouw, 
d'après  une  rivière  de  ce  versant,  Sambilioeng,  (loenong-Teboer,  Boelan- 
gan,  Tidoeng,  sont  parmi  les  moins  connus  de  Bornéo.  Seulement  quelques 
fonctionnaires  hollandais  se  sont  établis  sur  deux  ou  trois  points  du  lit- 
toral, alin  de  constater  par  leur  présence  le  droit  de  ]>ossession  acquis  à 
leur  gouvernement,  et  de  prévenir  ainsi  les  réclamations  du  sultan  des 
îles  de  Sulu,  les  revendications  de  l'Espagne  et  les  annexions  de  l'Angle- 
terre. Une  grande  partie  de  ces  territoires,  que  les  pirates  ont  dévastés,  est 
presque  sans  habitants'. 


La  moitié  néerlandaise  de  Bornéo  se  divise  en  deux  provinces,  celle  de 
l'ouest,  avec  Pontianak  pour  chef-lieu,  celle  du  sud  et  de  l'est,  ayant 
Bandjermassin  pour  capitale.  De  même  qu'à  Sumatra,  les  fonctionnaires 
hollandais  n'établissent  leur  autorité  directe  que  par  degrés  et  ne  substi- 
tuent un  nouveau  régime  à  l'ancien  qu'après  avoir  usé  celui-ci  en  l'em- 
ployant comme  intermédiaire.  Des  sultans  et  des  radjahs  sont  encore  à 
la  tète  des  différents  États,  mais  ])lusieurs  d'entre  eux,  «protégés  »  par 
une  gai'uison  hollandaise,  n'ont  qu'un  vain  titre  et  ne  sont  en  réalité  que 
des  pensionnaires  du  gouvernement.  D'autres,  au  contraire,  tels  ([uc 
les  sultans  de  Pasir  et  de  Koeteï,  plus  éloignés  du  centre  de  la  puis- 
sance étrangère,  sont  encore  de  véritables  souverains,  mais  ils  n'igno- 
rent pas  que  les  conseils  des  envoyés  placés  auprès  d'eux  pourraient  deve- 
nir des  ordres,  et  peu  l\  peu  ils  se  changent  en  humbles  vassaux.  Même 
dans  les  villes  où  les  Hollandais  sont  depuis  longtemps  maîtres  incontestés 
et  scrupuleusement  obéis,  c'est  par  l'entremise  d'indigènes  qu'ils  aiment 
à  commander.  Le  Jmp-tJun  et  le  Impitdn  chinois,  le  panoeni-bahait,  le 
pangcran,  le  tomnnfjoiKj  malais  sont  responsables  des  actes  de  leurs  subor- 
donnés :  le  résident  hollandais  ne  se  mêle  pas  directement  des  affaires 
d(iin('sli(|U('s  (le  cluKine  nation,   j)i)urvu    (|u'('lle  se  mainlieiiiic  en    paix  et 

'  Cai-l  Bock,  Untcr  (Icn  Kaniiihalcn  aiif  ISunicu;  —  Iiulisclie  Mcrcuiir,  7  ajuil  ISS8. 


BORNEO  UOLLANDAIS. 


ÔH 


acquitte  régulièrement  les  impôts.  Quant  aux  Dayak  de  l'intéi-ieiir,  ou  ne 
leur  dcmanile  que  de  payer  la  taxe  de  capitation,  et  souvent  le  chef  qui  est 
tenu  de  la  recueillir  réussit  à  se  la  taire  payer  quatre  ou  cinq  fois.  Les 
sultans  afferment  la  vente  de  l'opium  et  la  gabelle;  d'après  Bock,  leur 
revenu  le  plus  assuré  provient  de  l'usure  :  ils  prêtent  à  leurs  sujets  moyen- 
nant de  gros  intérêts  et  sur  solides  hypothèques. 

Le  tableau  suivant  donne   la  liste  des  divisions  du  territoire  hollandais 
de  Bornéo,  avec  leur  superilcie  approximative  et  leur  population  probable: 


DIVISION  S. 

PllOVINCES  OU  nnvM  UES 

SrBDIVISIOS?. 

VILLES    PRINCIPALES. 

îi   ! 

Sambas 

Saiidias.    10  0(10  liabitanl  . 

•  2    j 

Montradu. 

Moiitiado,   1  :iOO        n 

"•  =  i 

Mampawa. 

•^  ■*  -^ 

Pontianak. 

Pontianak,  l.'jOOO       » 

=--^  J 

'  Pontianali.    .    .    . 

Landak. 

Gî    =     = 

Tajan-Milioinv. 

Sintang. 

■Afd 

00  1 

Cil 

Soekadana. 

i    ..-5 

?  s 

s  "" 

Sud. 
Knta-W'aringin    ou 

Kotaiingin. 

^ 

Sampit  ou  Zuider- 

'~ 

Afdeeling. 

"= 

Groote    l't    KIcine 

1  = 

Dajak. 

•^  1£ 

Doesoi^n  et  Bokom- 

Marabahan.  10  000  habitants  en  1879  (Bock). 

-  -  4 

pai. 

Negara,  10  000 

z    o     c: 

Amoeiilaï. 

Amoentai.  8  000 

5    O     = 

Bamljerniassin. 

Bandjerniassin,  .jSOOOen  1879  (Mi-yor,  Bock). 

Marlapopia. 

Martapopia,  12  000  habitants. 

•    •?    ^ 

TanahLaiH'l. 

:§    S  J 

E>i. 

^  rr  =^ 

Tanah  Kocsan. 

T  o  ~ 

Tanah  BoeiiilMio. 

i   o 

^  ■«# 

Pasii-, 

Pasir,  20  000  habitants. 

i.  '"^ 

Koi'tPï. 

Samarinda,  10  000  habitants  on  1878  (Bock). 

V 

Sambilioeng. 

Tangaroong,  .JOOO  babilants  1878  (Bockl. 

^ 

Goenong-Tebner. 

N 

Boelangan. 

Tidoeng. 

312 


iNOUVKLLE  GÉOGRAI'HIK   UNIVEUSELLU. 


SDLTAXAT  DE  BRUNEl  ET  BOBSEO 


Pendant  la  première  moitié  de  ce  siècle,  presque  toute  la  partie  septen- 
trionale de  Bornéo  était  encore  assujettie  au  sultan  de  Bruneï,  alors  le  sou- 


ci. —  DniMii. 


EstdePa 


Lst  de  b^'eenwich 


Dapres  la  cartt  de  IXtat-Majo 


[Zj 


SèiJb^es^if/  cot^i^/~ent        ûeûa/û"^  €/e/0  rnètr-es 

et  aecout</'erfi  etciu  i^/e/À 


veraiii  le  plus  puissant  de  l'Ile  (jui  porte  son  nom.  De  nos  j(nirs  son 
domaine  est  sin^^ulièremenl  léduil.  Avec  pleine  conscience  de  ne  jujuvoir 
résister  à  la  demande  de  plus  forts  que  lui,  le  sultan  a  cédé  la  plus  jurande 
paitie  de  son  empire.  Il  a  donné  au  gouvernement  anglais  l'île  qui  com- 
mande l'entrée  de  son  port,  livré  le  territoire  du  sud  à  un  olTicier  de  foi- 
tune,  abandonné  celui  du  nord  à  une  compagnie  financière.  Ce  qui  lui 
reste  ne    pivsenle    jilus   guère  que  le  quarl    de   son    ancien    domaine  cl 


DRINEI,   LABUAN,   SARAWAK.  51Ô 

se  trouve  déjà  sous  la  suzeraineté  effective  de  l'Âiioleterre  avant  trétre 
rangé  officiellement  au  nombre  des  provinces  britanniques. 

Bruneï,  la  résidence  du  sultan,  est,  comme  la  plupart  des  autres  villes 
du  littoral,  une  cité  amphibie,  mais  d'aspect  plus  étrange  encore  que 
Pontianak  ou  Bandjermassin,  car  les  plates  maisons  européennes  ne  s'y 
mêlent  pas  aux  pittoresques  constructions  des  Malais.  Les  avenues  de 
balraux  se  prolongent  au  loin  sur  le  lleuve,  large  en  cet  endroit  d'envi- 
ron deux  kilomètres,  et  sur  les  eaux  de  la  baie  se  balancent  les  navires  des 
Chinois  et  des  gens  de  Mindanao.  On  ne  voit  partout  que  l'eau  ou  la  vase  : 
les  demeures  fixes  sont  des  îles  à  marée  haute.  Après  deux  années  de  navi- 
gation à  travers  les  solitudes  marines,  les  compagnons  de  Magalhàes, 
abordant  à  Bruneï,  furent  éblouis  à  la  vue  de  cette  grande  ville  :  Pigafetta 
dit  qu'elle  contenait  «  vingt-cinq  mille  feux  ».  Les  habitants  qui  restent, 
soit  une  dizaine  de  milliers,  sont  des  gens  doux  et  timides,  malheureux, 
accablés  par  les  impôts,  tous  esclaves  du  prince.  Leur  principale  industrie 
est  la  fabrication  des  ai'uies  et  des  instruments  en  cuivre.  Les  tribus 
environnantes,  déjà  partiellement  converties  à  l'Islam,  sont  celles  des 
Kadyan  et  des  Murut. 

Labuan,  l'île  de  la  c<  Bade  »,  que  s'est  fait  céder  le  gouvernement  anglais 
en  1846,  quoique  les  Hollandais  prétendissent  y  avoir  droit,  était  alors 
complètement  inhabitée  :  ce  n'était  qu'une  forêt.  En  l'annexant  à  leur 
empire  colonial,  les  Anglais  espéraient  lui  donner  une  grande  importance 
comme  station  de  guet  entre  Singapour  et  Hongkong,  mais  elle  se  trouve 
un  peu  en  dehors  de  la  route  directe  suivie  par  les  navires,  et  ses  mines 
de  charbon  de  terre,  exploitées  avec  activité  pendant  quelques  années, 
n'ont  pu  être  défendues  contre  les  eaux  de  pluie,  si  abondantes  dans  ces 
régions;  elles  sont  de  formation  plus  ancienne  que  celles  du  reste  de  l'île, 
qui  appartiennent  au  jura  ou  même  à  des  époques  plus  récentes.  Quoique 
pourvue  d'un  gouverneur  et  d'un  conseil  législatif,  l'île,  peuplée  de  Ma- 
lais et  de  Chinois',  n'avait  plus  que  Ifl  Européens  en  1S84.  Depuis  l'inler- 
ruplion  (lu  liavail  minier,  le  commerce  de  Labuan  a  nolahlenient  diminué'. 


Le  territoire  de  Sarawak,  compris  entre  l'Étal  de  Bi'uneï  et  les  posses 
sioiis  hollandaises,  à  l'ouest  de  la  chaîne  maîtresse,  ne  fait  partie  de  l'em- 
pire colonial  de  la  Crande-Brelagne  que  depuis  1S(S8.  Il  a|)parlient  à  la 

*  Superficie  :  78  liitomètivs  canvs.  Population  :  6300  hab.,  soit  81   liai).  |iar  kilomùlre  cairé. 
-  Mouvement  total  ite  la  rade,  à  l'entrée  et  îi  la  sortie,  en  1881)  :  52  278  tonnes. 
Valeur  des  échanges  :  409507.')  fr.incs. 
XIV.  40 


514  NOUVELLE  GEOGRAPHIE   IMYERSELLE. 

dynastie  anglaise  des  Brooke,  qui  ont  pris  le  litre  indien  de  radjah  et 
possèdent  la  contrée  en  qualité  de  fief  :  vassaux  plus  puissants  que  leur 
suzerain  malais,  ils  ont  successivement  agrandi  leur  domaine  depuis  1841 , 
et  maintenant  l'État  de  Saravvak  est  plus  étendu,  plus  populeux  et  bien  au- 
trement riche  que  celui  de  Bruneï.  Cependant  les  trois  cent  mille  hahilanls 
que  l'on  attribue  à  Sarawak'  constituent  une  population  bien  faible  en- 
core poui-  un  espace  de  90  000  kilomètres  carrés  :  ce  n'est  pas  même  ti'ois 
habitants  par  kilomètre.  Un  traité  récent  fait  avec  l'Angleterre  assure  à 
celle-ci  la  direction  des  affaires  intérieures  de  Saravvak. 

De  même  que  la  plupart  des  autres  villes  du  pourtour  de  Bornéo, 
Kuching,  souvent  appelée  Saravvak  comme  l'Élat  dont  elle  est  la  capitale, 
est  située  à  distance  de  la  mer  sur  un  fleuve  navigable.  Les  grands  navires 
peuvent  y  remontiM",  quoique  assez  difficilement,  par  les  deux  bouches 
j)rincipales  d'un  delta.  Dominée  par  des  coteaux  boisés,  entourée  de  jar- 
dins et  de  vergers,  la  ville  présente  une  apparence  gracieuse;  les 
Anglais  qui  l'habitent  regrettent  cependant  que  la  capitale  n'ait  pas  été 
placée  à  une  trentaine  de  kilomètres  au  nord-est,  sur  les  terrains  en  pente 
et  parfaitement  salubres  d'un  promontoire  marin,  au  bord  de  l'entrée  du 
(leuve  dite  deMoratabas.  Mais  il  est  trop  tard  pour  déplacer  une  ville  qui 
possède  de  beaux  édifices,  des  entrepôts,  des  marchés  couverts,  des  chan- 
tiers, tout  un  réseau  de  routes  bien  entretenues  et  de  riches  plantations. 
Sa  population,  dayak,  malaise  et  chinoise,  s'accroît  rapidement,  par  l'ex- 
cédent des  naissances  et  par  l'immigration  :  simple  village  en  1850, 
Kuching  avait  en  1884  une  vingtaine  de  mille  habitants.  Des  mines  d'an- 
limuine  et  de  mercure,  que  l'on  ex[)loilait  avec  grand  profit  dans  la  partie 
supérieure  du  bassin,  ont  perdu  de  leur  valeur,  mais  des  mineurs  chinois 
y  sont  toujours  occupés,  de  même  qu'aux  lavages  d'or  et  de  diamants  et 
aux  houillères  du  Sadong.  Les  dislricls  qui  promettent  le  plus  de  jiroduits 
aux  planteurs  sont  ceux  deLundu,  à  l'ouest  de  Sarawak,  dans  les  fertiles 
vallées  des  monts  :  on  y  cultive  surtout  le  riz,  le  gambir  et  le  ])oivrier. 
Une  des  baies  de  Lundu  est  fameuse  par  ses  tortues,  qu'uiu'  loi  protège 
conti'e  les  chasseurs  :  la  récolte  des  œufs  est  affermée. 

A  l'est  de  Sarawak,  la  grande  vallée  du  Lupar.  égaleuienl  1res  fer- 
tile cl  riche  en  gisements  de  charbon,  est  probablement  celle  qui  pi'endra 
le  phis  d'importance  dans  l'avenir,  grâce  aux  communications  faciles 
([u'elle  offre  avec  le  bassin  du  Kapoeas  et  l'intérieur  de  Bornéo  :  sa  capitale 
est   le  gros  village  malais  de  Simangang,  situé  à  1.10  kilomètres  de  l'em- 

'  Kd.  Ciilteaii,  En  Occiiiin- 


SARAWAh. 


315 


bouchurc  du  fleuve,  à  la  Ictc  de  la  navigation.  Le  bassin  du  Rejaii<;,  qui 
comprend  la  partie  septentrionale  de  l'État  de  Sarawak,  fait  déjà  un  assez 
fort  commerce  d'exportation,  surtout  en  sagou  et  en  bilian  ou  bois  de 
fer,  que  chargent  des  navires  chinois.  Le  principal  entrepôt  du  trafic  est 
le  port  de  Rejang,  situé  sur  la  branche  méridionale  du  delta.  Sibu,  autre 
ville  malaise  bâtie  dans  une  île,  à  la  fourche  même  du  delta,  est  le  grand 
marché  de  l'intérieur  et  le  gouvernement  y  a  l'ail  construire  un  fort  pour 
surveiller  les  Dayak  des  alentours.  Une  des  li-ibus  les  plus  nombi-euses  du 


N°    G2.    SAHV 


1  .  soo  on» 


c/<f  /O'^efac^  ,:^c/ài. 


Sarawak,  dans  le  voisinage  du  sultanat  de  Bi'uneï,  est  celle  des  Milano, 
partiellement  islamisés.  Ils  sont  laids,  grossiers  de  formes  et  de  démarche, 
presque  blancs,  mais  d'un  «  blanc  laiteux  et  malsain  »,  et  l'habitude  de 
presser  la  moelle  du  palmier, pour  la  |)réparalion  du  sagou  leur  adonné  des 
pieds  plais  et  larges.  Les  tètes  des  enfants  sont  aplaties  au  moyen  de  plan- 
chettes comme  celles  des  «  Tètes  Plates  »  de  l'Amérique  du  Nord.  Oiiand  un 
homme  riche  meurt  chez  les  Milano,  on  coupe  ses  sagoutiers,  aliii  que  sa 
fortune  le  suive  dans  l'auli'e  monde'. 

Le  commerce  grandissant  de  Sarawak  est  desservi  par  une  centaine  de 
navires  européens,  chinois,  malais,  et  des  baleaux  à  vapeur  à  service  régu- 


William  CrockiT,  l'mcfciliiKis  uf  llic  R.  (jnKiraiiliical  Sucieli/,  A|iiil  1S81. 


516  NOUVKLLE  (iÉOGRAl'UlE   UNIVERSELLE. 

lier  vont  et  viennent  entre  Kuching'  et  Singapour'.  Alimenté  par  le  trafic, 
le  revenu  de  l'Étal  s'accroît  dans  les  mêmes  proportions',  et  une  partie  en 
est  consacrée  chaque  année  aux  travaux  ])ublics  et  à  l'entretien  des  écoles. 
D'ailleurs  le  radjah  exerce  un  pouvoir  absolu,  nomme  à  son  conseil  qui 
lui  convient,  Européen  ou  Malais,  et  n'est  responsable  de  ses  actes  qu'eu- 
vers  lui-même.  L'esclavage,  graduellement  aboli,  doit  prendre  fin  pendant 
le  courant  d(>  l'année  1888.  L'armée  régulière,  composée  d'enviion  500 
soldats  indigènes,  recrute  ses  officiers  dans  une  école  civile  et  militain*  de 
150  élèves.   D'autres  écoles  ont  été   fondées  dans  la  principauté. 

Les  divisions  territoriales  de  Sarawak,  désignées  d'après  les  rivières 
principales  qui  les  arrosent,  sont  les  suivantes  :Luudu,  Sarawak,  Sadong, 
Batang  Lupar.  Saribas,  Kalukah,  Rejang,  Mukah,  Binlulu. 


Le  territoire  anglais  de  Aorth-Borneo,  ilésigné  également  sous  le  nom 
de  Sabah,  s'est  constitué  par  achats  successifs.  En  18(3Ô  déjà  un  consul 
des  Etats-Unis  avait  obtenu  du  sultan  de  Bruneï  la  concession  d'une  partie 
de  celle  contrée  septentrionale  de  l'ile  et  fondé  une  compagnie,  exclusive- 
ment américaine,  pour  l'exploitation  de  cette  immense  propriété;  mais  les 
tentatives  de  colonisation  échouèrent,  les  spéculations  commerciales  abou- 
tirent à  la  ruine,  et  une  société  anglaise  put  sans  difficulté  substituer 
ses  droits  à  ceux  de  la  compagnie  qui  sombi'ait.  De  nouvelles  concessions, 
faites  en  1S77  et  en  1878,  étendirent  la  surface  des  districts  détachés 
du  pays  de  Bruneï  et  attribués  à  un  petit  groupe  de  capitalistes  anglais: 
en  outre,  ceux-ci  se  firent  céder  par  le  sultan  des  îles  Sulu  les  do- 
maines qu'il  possédait  ou  revendiquait  sur  la  grande  terre.  Moyennant 
quelques  pensions,  ils  ac(piirent  ainsi  tout  un  royaume  et  s'en  firent  re- 
connaître et  garantir  la  possession  jtar  le  gouvernement  anglais.  Les 
limites  du  nouvel  Etat  sont  fixées,  sur  la  côte  occidentale,  |mr  le  mont 
Maiapok,  près  de  la  baie  de  Bruneï,  et  sur  la  côte  orientale  par  le  Sibuko. 
De  nombreux  voyageurs  ont  été  chargés  jtar  la  compagnie  d'explorer  le 
territoire,  d'en  remonter  les  fleuves  jusqu'aux  sources,  d'en  escalader  les 
cols  cl  les  montagnes,  d'en  étudier  toutes  les  ressources  minières  et  agri- 
coles, et  d'indi(juer  d'avance  les  lieux  favorables  à  l'établissement  des 
diverses  plantations. 

Grâce  à  ces  explorations,  le  Norlli-Borneo  se  révèle  comme  la  région  la 

I   MouMMiu'Ml  ciiiiiiiiiMrKil  lir  Siiiiiwiik  Cil  l^iSII  ;  'JIHIIMI  11(10  IV.iiics. 
'  lie\fnii  (le  l'Êlat  t\v  Sar.iWiik  vu  I8.">.i  :      l.'.OdlMI  IVaiici-. 
Il  »  Il         CM  1883  :  1  4UU(I0I»       » 


SAKAWAK.    MlRTlI-BORNEO.  511 

plus  belle,  la  jilus  pilloresque  et  la  plus  riche  en  promesses  de  l'île  entière; 
mais  quand  les  Anglais  en  ont  pris  possession,  elle  était  l'une  des  moins 
peuplées  :  à  peine  cent  cinquante  mille  habitants  occupaient  ses  plages  et 
les  bords  de  ses  rivières.  Dans  le  bassin  du  Kina-Batangan,  M.  Pryer  ne  \il, 
sur  un  espace  parcouru  de  480  kilomètres,  que  trois  villages  et  une  maison 
isolée.  La  suppression  des  guerres  intestines,  la  sécurité  des  popula- 
tions riveraines,  désormais  à  l'abri  des  pirates,  l'introduction  de  la  vaccine 
dans  les  communautés  indigènes,  enfin  l'immigration  chinoise  ont  eu  pour 
conséquence  un  accroissement  rapide  des  nouveaux  sujets  anglais,  qui 
d'ailleurs  sont  encore  en  grande  partie  des  esclaves.  En  vertu  de  sa  charte, 
la  compagnie  s'est  engagée  à  ne  permettre  la  possession  de  captifs  à  aucun 
étranger.  Européen  ou  Chinois,  mais  elle  n'est  point  tenue  à  supprimer 
la  servitude  dans  les  tribus  :  ses  «encouragements  moraux  »  et  l'action  du 
temps  doivent  amener  peu  à  peu  un  nouvel  ordre  de  choses.  Quoi  qu'il  en 
soif,  l'état  social  de  la  contrée  ne  peut  que  se  modifier  promptement  sous 
l'inHuence  des  Chinois  qui  accourent  dans  les  villes  récemment  fondées  et 
dirigent  toutes  les  entreprises  nouvelles.  C'est  à  des  Chinois  qu'on  attri- 
bue l'ancienne  civilisation  bornéenne,  dont  on  voit  (;à  et  là  les  traces 
et  que  signalent  encore  les  noms  du  Kina-Balou  et  du  Kina-Batangan; 
c'est  encore  à  des  Chinois  que  sera  due  principalement  l'ère  de  civilisation 
qui  recommence.  Les  Dayak  de  la  contrée  sont  généralement  désignés  sous 
les  noms  de  Dusun  et  d'idaan.  Une  des  tribus,  celle  des  Bulé-Ilupis,  qui 
habile  près  du  golfe  de  Sandakan,  parait  se  distinguer  de  toutes  les  autres 
par  le  teint  presque  blanc  et  le  "  profil  européen  )>  ;  on  considère  ces 
indigènes,  condamnés  probablement  à  dispai'aîlrc,  comme  des  représen- 
tants presque  purs  du  type  insulindieii  '. 

Il  eût  semblé  naturel  de  fonder  la  capitale  de  l'Étal  soit  sur  un  porl  do 
la  côte  occidentale,  fiiisant  face  à  la  péninsule  Malaise  et  à  la  Cochinchine, 
soit  vers  l'extrémité  septentrionale  de  Bornéo,  qui  s'avance  vers  les  Phi- 
lippines entre  deux  mers  fréquentées;  mais  les  Anglais  ont  préféré  s'éta- 
blir, vu  l'excellence  du  port,  sur  une  des  baies  de  la  rive  nord-orieutale. 
Sandakan  (Elopura),  la  nouvelle  ville,  est  située,  du  côté  du  noi'd,  à 
l'entrée  d'une  rade  parfaitement  abritée  de  tous  les  vents  et  se  ramifiant  à 
plus  de  50  kibmètres  dans  l'intérieur,  entre  des  falaises  de  grès  portant 
des  collines  boisées.  A  marée  basse,  le  seuil  de  l'entrée  n'a  pas  moins  de 
8  mètres,  el  le  long  du  débarcadère  les  navires  peuvent  accoster  par 
7  mètres  de  profondeur.  En  l'espace  de  hnil  années,  Sandakan  est  deve- 

•  .Monlauii.  Biillclin  de  la  Suciélé  de  Uéuyiapliie,  iléc.  lîJSl. 


518 


NOUVELLE  GÉOGRAI'UIE    LNl YERSELLE. 


nue  une  ville  très  animée  ayant  plus  de  cinq  mille  hahilaiils,  dont  les 
deux  tiers  Chinois'.  Elle  possède  de  grands  éléments  de  commerce  dans 
son  voisinage  immédiat.  On  trouve  du  charbon  dans  les  terrains  en  falaise 
qui  bordent  la  rade  et  du  bois  de  fer  dans  les  forêts  des  alentours.  De 
grandes  plantations  de  tabac  ont  été  faites  de  l'autre  côté  du  port  par  des 
concessionnaires  de  Sumatra,  et  les  sagoutiers,  naguère  inconnus  dans 
cette  partie  de  Bornéo,  y  prospèrent  maintenant. 

Par  des  marigots  côliers  le  port  de  Sandakan  communique  directement 


cr>.    —  f(MiA 


E.tdeP..-,. 


0  après  d.vers  document 


-M  kil 


avec  la  bouche  de  Kina-Batangan,  la  rivière  principale  de  }sorlh-Biirneo.que 
des  bateaux  à  vapeur  remontent  à  une  grande  dislance.  Le  \iw\  lluvial  est 
le  village  de  .Mala|>i,  où  ili's  CliiiKiis  d(''|K)sent  les  nids  d'hirondelles 
recueillis  à  l'ouest  dans  les  cavernes  de  Goinanlon.  Un  de  ces  antres,  ouverts 
dans  la  roche  calcaire,  arrondit  sa  voûte  à  275  mètres  de  hauteur  et  les 
vols  d'hirondelles  qui  s'y  engouffrent,  le  soir,  en  une  épaisse  nuée  ])assent 
lUnanl  trois  (piarts  d'heure  sous  l'immense  porche.  La  vente  annuelle  de 
ces  nids  comestibles  rapporte  125  000  francs  aux  fermiers  chinois.  D'autres 
cavernes,  peu|)lres  les  niu>s  d'hirondelles,  les  autres  de  chauves-souris,  se 


'  Daly,  Piucccdinys  uf  tlic  R.  Gcoyrapliical  Sociclij,  him;ir\   1888. 


SANDAKAN,   BAIE  DE   MARlUi;.  319 

rencontrent  dans  tous  les  avant-monts  du  nord  de  Bornéo,  surtout  aux 
défilés  des  fleuves,  mais  elles  sont  pour  la  plupart  mal  exploitées  :  les  nids 
y  sont  recueillis  à  des  intervalles  inégaux,  trop  rapprochés  ou  trop  dis- 
tants, et  l'on  ne  touche  pas  encore  aux  épaisses  couches  de  guano  accu- 
mulées dans  les  salles.  La  vallée  du  Segama,  qui  se  développe  plus  au 
sud,  parallèlement  à  celle  du  Kina-Bntangan,  possède  aussi  dos  laveries 
d'or,  que  l'on  dit  1res  riches,  et  vois  lesquelles  se  portent  en  nombre  les 
mineurs  chinois.  Une  route  carrossable  se  construit  de  la  lade  de  Sanda- 
kan  aux  mines  du  Segama. 

Un  des  points  vitaux  de  la  nouvelle  colonie  se  trouve  à  l'extrémité  méri- 
dionale de  la  baie  de  Marudu,  où  se  jette  la  rivière  du  même  nom,  des- 
cendue du  massif  de  Kina-Balou.  Le  village  de  Bougon,  où  se  concentre  le 
mouvement  commercial  de  la  contrée  et  près  duquel  s'étendent  do  vastes 
plantations  de  tabac  et  do  cannes  à  sucre,  devient  l'entrepôt  naturel  pour 
tout  le  nord  de  Bornéo  et  pour  les  îles  Mallawalli,  Banguey,  Balambangan, 
qui  prolongent  au  nord  la  grande  terre  vers  les  Philippines  :  en  1775,  les 
Anglais  avaient  déjà  étal)li  dans  l'île  de  Balambangan  une  colonie  qui  dura 
deux  années.  Un  port  s'ouvre  à  l'ouest  dans  la  baie  de  Marudu  :  c'est  le 
Kudat,  ignoré  des  marins  jusqu'en  1881,  mais  destiné  sans  doute  à  deve- 
nir un  jour  un  lieu  de  rendez-vous  pour  les  navires  de  l'Insulinde.  Les 
deux  rivières  doTampusuk  et  de  Taravvan  étaient  fameuses  autrefois  comme 
les  repaires  de  pirates  venus  de  Mindanao,  les  redoutables  Illanos  (Lanon, 
Lanun),  contre  lesquels  on  dut  diriger  [dusieurs  expéditions  anglaises'. 
Sur  la  côte  occidentale,  la  baie  de  Gaya,  encore  plus  vaste  que  Kudat, 
offre  aux  navires  un  des  meilleurs  mouillages  des  mers  chinoises  :1a  flotte 
entière  de  la  (îrande-Bretagne  pourrait  y  ancrera  l'aise;  des  gisements  de 
charbon,  sur  le  littoral  même,  permettraient  en  outre  aux  bâtiments  de 
s'approvisionner  de  combustible.  Cependant  ce  n'est  pas  au  bord  de  cette 
baie  que  s'est  fondé  l'établissement  des  Anglais  :  il  se  trouve  à  Mempa- 
kol,  en  face  do  l'ib»  Labuan. 

Si  le  commerce  de  North-Borneo  s'accroît  rapidement  %  la  cause  en  est 
surtout  aux  plantations  de  tabac  de  la  côte  orientale  :  les  vallées  du  Sagul 
et  du  Labuk  fournissent  une  feuille  élastique  et  fine,  des  plus  appré- 
ciées et  employée  surtout  poui'  l'enveloppe  des  cigares^  Dès  l'année  1887, 


'   ivfppL'l,  Expfililion  lu  Buriicu  of  llic  sliip  «  Diilu  ». 
-  Mouvenu'iit  cmnint'rcial  de  North-Borneo  : 

En  1881  :  Importations  :     805290  fr.  Exportations  :     727'2'20  fi-.  Ensemble  :  1530.510  fr. 
»    1887  »  5, '500 000  »  «  2855550  »  »  8135.550  » 

'  Dalv,  mémoire  cité. 


320  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

l'étendu;^  des  ((MTaiiis  cultivés  en  tabac  dans  North-Borneo  comprenait 
80  000  hectares,  et  dans  l'année  des  spéculateurs  avaient  acheté  pour 
la  même  culture  une  autre  surface  de  5'2  000  hectares'.  (îràce  à  cette  aug- 
mentation rapide  des  campagnes  productives,  le  revenu  de  la  compagnie 
s'est  notablement  accru',  mais  sans  égaler  encore  les  dépenses  occasionnées 
par  la  prise  de  posssession.  Les  gérants  de  l'entreprise  n'ont  pas  d'armée 
proprement  dite,  seulement  quelques  centaines  d'hommes  de  police  recrutés 
surtout  parmi  les  Dayak  d'autres  parties  de  Bornéo.  Tous  les  chefs  de 
tribus  sont  tenus  de  jurer  <'  obéissance  à  la  compagnie  et  le  payement 
régulier  de  la  taxe  de  capitalion  jj. 

L'État  est  divisé  en  quatre  provinces,  qui  sont  :  Dent  el  Keppcl,  sur  /a 
côte  occidentale  ;  Alcock,  au  nord-esl  ;  East-Coast,  à  l'est  et  au  sud-est. 
C'est  dans  cette  dernière  province  que  se  trouve  la  capitale. 


JAVA    ET    MAUOEIIA. 

Dans  le  monde  tropical  de  l'iiisulinde,  Java  n'est  par  la  superficie  que 
la  qualriî'me  des  îles,  mais  elle  contient  à  elle  seule  plus  des  deux  tiers  de 
la  population,  et  la  valeur  relative  de  ses  productions  est  encore  bien 
plus  considérable.  Depuis  une  période  d'au  moins  vingt  siècles,  Java 
dépasse  toutes  les  autres  terres  de  l'archipel  par  le  nombre  des  habitants, 
l'abondance  des  ressources,  les  progrès  de  la  civilisation.  Visitée  et  colo- 
nisée par  les  Hindous,  elle  est  devenue  le  foyer  de  leur  influence  dans  l'Di- 
sulinde,  désormais  rattachée  par  la  culture  aux  péninsules  gangétiques,  et 
de  celte  époque  d'initiation  date  pour  les  Javanais  une  prééminence 
ihirable.  Leuis  tribus,  auxquelles  les  missionnaires  bouddhistes  avaient 
apporté  des  paroles  de  paix,  de  fraternité  entre  les  hommes,  se  sont  unies 
en  nation,  entrant  ainsi  dans  une  ère  historique  nouvelle,  où  ne  pouvaient 
les  suivre  les  peuplades  des  îles  circonvoisines,  restées  barbares  dans  un 
pays  inculte.  Sous  le  régime  arabe,  puis  sous  la  domination  hollandaise, 
c'est  encore  la  poussée  des  premiers  éducateurs,  venus  de  l'Inde,  qui  se 
fait  sentir  dans  les  populations  javanaises. 

D'après  (|uclques  auteurs,  le  nom  même  sous  le((ucl  Java  est  désignée  de 
nos  jours  serai!  d'origine  hindoue.  L'appellation  de  Jabadiou,  coiiiiue  par 

*  Maynp,  même  rccupil,  March  1888. 

*  Revenu  de  l'Eliil  de  Norih-Rornen  : 

En  1881  :  1(11  Dl'l  fnines.        En  1888  :  7.■.:.7I.^  fi'.nnes. 


liOKNEM,   JAVA.  521 

Ploléméo,  n'est  aulrc  qii(^  l;i  foniio  viilf^iiin'  de  ])jav;i-(lii|)ii,  '<  ilc  de  Java  » 
ou  «  île  (le  KOrfic  »  :  les  immiffrants  indiens  auraient  ainsi  désif^iié  l'Ile 
d'après  une  céréale  qui  leur  paraissail  ressembler  à  l'orge  de  leur  patrie'  ; 
c'était  probablement  le  mil  {panicum  Italicnm).  Toutefois  d'autres  étymo- 
logistes  cherchent  l'explication  du  nom  de  Java  (Djava  ou  Djavi)  dans  les 
langues  du  pfiys.  Les  habitants  occidentaux  de  l'île,  ceux  qui  constituent 
la  sous-race  des  Soundanais,  |)renaient  le  titre  de  Djelma  Boemi,  c'est-à- 
dire  '(  (!ens  du  Sol  >',  et  désignaient  leurs  voisins,  dans  le  centre  et  à  l'est 
de  l'île,  par  le  mot  de  Tyang  Djavi,  ou  i<  (Jens  Etrangers  ).  :  le  pays 
lui-même  était  dit  Tanah-Djavi,  i<  Contrée  du  Dehors  »  ou  ^  Extérieure  ». 
Ce  qui  rend  cette  hypothèse  plausible,  c'est  (jue  d'autres  terres  du  dehors, 
notamment  Sumatra  etRali,  portèrent  aussi  le  nom  de  Djava  ou  Java,  et 
même  aux  origines  de  l'histoire  moderne  le  continent  australien  est  va- 
guement indiqué  sous  l'appellation  de  i<  Jave  la  Grande  ».  Mais  à  la  iin 
du  seizième  siècle,  lorsque  les  premiers  marchands  hollandais  établirent 
leurs  comptoirs  dans  l'île  que  le  détroit  de  la  Sonde  sépare  de  Sumatra, 
elle  était  connue,  d'une  extrémité  à  l'autre,  sous  le  nom  de  Java,  que  nulle 
autre  terre  de  l'Insulinde  ne  lui  disputait  [)lus.  C'est  le  Zabedj  des  Arabes. 
D'ailleurs  les  termes  poétiques  sous  lesquels  on  la  désigne  aussi  sont 
nombreux  :  celui  de  Noesa  Kendang  ou  ■<  Ile  des  (irands  Monts  »  paraît 
avoir  été  jadis  assez  communément  employé. 

Celte  «  île  des  Grands  Monts  »  est  maintenant  presque  aussi  bien 
connue  que  les  contrées  de  l'Europe  occidentale.  C'est  ])ar  milliers  que 
les  bibliothèques  renferment  les  ouvrages  relatifs  à  cette  terre  merveilleuse. 
Elle  a  été  étudiée  à  tous  les  points  de  vue;  des  savants  de  premier 
ordre  l'ont  explorée,  géologues  et  géographes,  naturalistes  et  ingénieurs, 
anthropologistes  et  historiens.  La  triangulation  en  est  terminée  depuis 
18(S'2  et  des  cartes  topographiques,  dressées  avec  le  ])lus  grand  soin, 
représentent  le  relief  de  l'île  dans  tous  ses  détails.  Même  la  descrip- 
tion spéciale  de  chaque  volcan,  par  coupe,  plan  et  élévation,  a  été  faite, 
si  bien  que  tous  les  changements  de  forme  pourront  être  notés  avec  pré- 
cision et  que  la  montagne  aui'a  désormais  ses  annales  comme  le  Vésuve 
et  l'Etna. 

On  croyait  jadis  que  l'île  de  Java  était  entièrinnent  composée  de  roches 
volcaniques  sorties  des  profondeurs  de  la  mer  des  Indes.  Il  n'en  est  pas 
ainsi  :  environ  les  trois  cinquièmes  de  Java  se  composent  de  terrains  sédi- 
mentaires,  plaines  et  montagnes,  et  l'île  entière  se  continue  au  nord  vers 

*  tlir.  Lassen,  Iiulische  Atlcilliuinskiindc  :  —  Dulaurier;  —  Kerii;  —  Velii,  Java. 

HV.  41 


322  NOUVELLE  GEOliRAI'lIlE   UNIVERSELLE. 

Billilon  et  Bornoo,  au  nord-ouosl  vers  Suinnlra,  par  une  plaine  unie  que 
recouvre  une  faillie  couche  d'eau  marine,  moindre  de  100  mètres  en  pro- 
fondeur, (juelques  lies  basses  émerg^enl  de  cette  plaine  inoiulée  :  telles  sont 
les  «  Mille  Iles  »  {Duizend  Eilatulen)  qui,  au  nord-ouest  de  Batavia,  par- 
sèment les  eaux  de  leurs  bouquets  de  verdure;  telles  sont  aussi  les  vingt- 
six  lies  de  Karimon-Java,  qui  décrivent  leur  ronde  au  nord  de  la  baie  de 
Semarang.  L'ile  de  Bavvean,  entourée  d'écueils  et  dressant  un  cône  à 
600  mètres  d'altitude,  se  distingue  des  autres  terres  de  ces  parages  par  son 
origine  éruptive.  Plus  à  l'est,  à  peu  près  à  la  moitié  de  la  distance  qui 
sépare  l'extrémité  orientale  de  Java  et  la  côte  de  Bornéo,  les  Solombo  sont 
des  îles  basses,  n'offrant,  sur  la  plus  grande  terre,  qu'une  saillie  d'une 
centaine  de  mètres  en  hauteur.  OuanI  à  l'ile  Madoera,  on  peut  la  consi- 
dérer comme  une  simple  dépendance  de  Java,  dont  elle  forme  le  prolonge- 
ment nord-oriental.  Le  long  des  mers  septentrionales,  Java  et  Madoera  ne 
présentent  guère  que  des  terres  basses  se  continuant  sous  les  eaux  par  des 
récifs  et  des  bancs  de  sable;  différente  d'aspect,  la  côte  méridionale  est 
rocheuse,  abrupte  et  descend  en  mer  par  une  chute  rapide  :  la  berge  sous- 
marine  de  toute  l'insulinde  plonge  brusquement  jusqu'aux  abîmes  de 
l'océan  Indien.  L'une  et  l'autre  côte  sont  découpées  en  baies  qui  s'avan- 
cent assez  profondément  dans  les  terres  ;  cependant  File  présente  dans 
son  ensemble  l'aspect  presque  géométrique  d'un  long  quadrilatère  luju 
parallèle  à  l'équateur,  mais  inclinant  légèrement  son  axe  vers  le  sud 
dans  la  partie  orientale.  De  l'ouest  à  l'est,  du  promontoire  extrême  dit 
Java-hoofd,  c'est-à-dire  i<  Tète  de  Java  ",  au  Java's  Oosthoek  ou  «  l'ointe 
orientale  de  Java  )>,  la  longueur  en  ligne  droite  est  de  lOtio  kilomètres; 
mais  de  côte  à  contre-côte  la  distance  varie  lieaucoup,  et  précisément 
vers  le  milieu  de  l'île  elle  se  trouve  réirécic  à  la  moitié  de  sa  largeui'  nor- 
male. L'ensenilile  du  poui'tour  iiisulaiic,  non  compris  Madoera  et  sans 
compter  les  petites  indenlations  du  littoral,  est  de  5550  kilomètres. 

La  partie  occidentale  de  Java  est  en  moyenne  beaucoup  plus  élevée  que  la 
partie  orientale.  Le  socle  des  terres  qui  porte  les  cônes  volcaniques  ne  con- 
stitue un  plateau  que  vers  l'extrémité  de  l'ouest,  dans  les  k  régences  »  de 
l'reang.En  cette  région,  que  Junghuhn  compare  aux  hautes  terres  du  pays 
sumatrais  des  Batta,  le  sol  se  relève  en  un  j)iédestal  de  (iOO  à  1500  mi-Ires, 
et  les  montagnes,  rapprochées  les  unes  des  autres,  sont  unies  par  des 
seuils  élevés,  l'entie-deux  des  cônes  ayant  été  en  grande  [)artie  comblé  par 
les  coulées  de  laves  et  les  chutes  de  cendres.  Dans  la  direction  de  l'est  la 
hauteur  moyenne  de  l'île  se  rapproch(^  du  niveau  de  la  mer,  et  vers 
l'extrémité  orientale  les  montaj-nes  se  dressent  immédiatement  au-dessus 


COTES   ET   MONTAGNES   DE   JAVA. 


525 


de  la  j)lain(',  inclinées  d'une  penle  régulière  de  la  base  au  sommet.  Les 
volcans  qui  se  succèdent  d'un  bout  de  l'ile  à  l'autre  ne  s'alignent  point  en 
une  chaîne  continue;  en  maints  endroits  ils  sont  séparés  les  uns  des 
autres  par  des  espaces  de  50  kilomètres  :  au  milieu  des  campagnes 
basses  qui  les  entourent,  ils  apparaissent  comme  des  îles  dans  l'étendue 
des  mers.  Un  fait  remarquable,  signalé  par  Junghuhn,  est  que  nombre  de 
volcans,  associés  par  deux,  trois  ou  quatre,  forment  des  chaînons  distincts 
dont  l'axe  ne  se  confond  pas  avec  celui  de  l'île,  mais  au  contraire  le  tra- 
verse obliquement.  Leur  direction  moyenne  est  parallèle  à  l'axe  de  Suma- 
tra, tandis  que,  par  un  contraste  étrange,  les  volcans  alignés  de  cette  der- 
nière île    s'orientent  dans  le  même  sens  que  Java.  Ainsi  les  ci-evasses 


N"    Gi.    l'RINCIPAUX    VOLCANS    IID    JA 


Ede-G         106° 


S 


l        lOOOOOOO 


d'où  s'épanchèrent  les  laves  se  sont  produites  dans  chaque  île  comme 
par  une  sorte  d'échange  de  forces  créatrices.  Quant  à  l'énergie  des  foyers 
à  l'œuvre  sous  les  deux  îles,  elle  doit  être  à  peu  près  la  même,  car  le 
Semeroe  de  Java  n'est  inférieur  que  de  quelques  mètres  à  l'Indrapoera 
ou  Korintji.  Dans  l'ensemble,  les  montagnes  javanaises  ne  le  cèdent  point 
en  élévation  moyenne  à  celles  de  Sumatra;  seulement  le  manque  de  ter- 
rasses sous-jacentes  leur  donne  une  hauteur  lelative  plus  grande  au- 
dessus  de  leurs  bases.  Java  se  distingue  aussi  de  Sumatra  par  la  rareté 
de  vallées  longitudinales  entre  des  arêtes  parallèles,  et  par  l'absence  de 
bassins  lacustres  encore  emplis  ou  desséchés.  Le  relief  du  sol,  offrant  de 
toutes  parts  aux  eaux  un  libre  écoulement  vers  la  mer,  ne  se  prêtait  pas  à 
la  formation  des  combes  et  des  lacs.  En  ramenant  toutes  les  saillies  de 


->n  NOUVELLK  (lÊOr.RAPIIIF;   INIVEIiSELLE. 

l'ilc  à  une  hauteur  moyenne,  Junghulni  trouve  que  l'altitude  totale  de  Java 
est  un  j)eu  moindre  de  500  mètres. 

Parmi  les  volcans  javanais,  il  en  est  deux  qui  par  leur  position,  près  de 
la  rive  septentrionale  de  l'île,  semblent  appartenir  à  un  système  orographi- 
que  distinct  de  celui  des  autres  montagnes  éiuplives  :  ce  sont  le  Karang,  à 
l'angle  nord-occidental  de  Java,  et  le  Moerio  ou  Moerja,  dans  la  péninsule 
qui  s'avance  en  pleine  mer  de  Java,  à  l'est  du  golfe  de  Semarang.  Ces  deux 
massifs  volcaniques  sont  presque  insulaires  :  si  la  mer  s'élevait  h  près  de 
500  mètres  au-dessus  du  niveau  actuel,  le  volcan  de  Karang  serait  com- 
plètement isolé  et  séparé  du  reste  de  Java  par  un  large  bras  de  mer.  Quant 
au  groupe  de  Moerio,  il  suffirait  d'un  abaissement  de  4  ou  5  mètres  dans  la 
hauteur  du  sol  environnant  pour  que  le  volcan  reprît  sa  forme  insulaire, 
comme  il  l'avait  encore,  d'après  la  tradition,  dans  les  temps  historiques. 
Karang  et  Moerio  sont  entourés  l'un  et  l'autre  de  nappes  d'alluvions,  qui 
s'ap|)uient  sur  les  pentes  septentrionales  de  collines  appartenant  aux  âges 
tertiaires  el  prolongeant  leurs  falaises  et  leurs  crêtes  parallèlement  à  l'axe 
del'ili'.  De  même,  le  grand  alignement  des  volcans  du  sud  longe  le  rebord 
septentrional  d'autres  saillies  de  formation  tertiaire,  riveraines  de  l'océan 
Indien.  En  réalité,  suivant  Junghuhn,  .ftiva  se  composerait  de  deux  îles 
accouplées  dans  le  sens  de  la  longueur,  mais  l'île  du  sud  est  la  seule  qui 
ne  soit  pas  rompue  par  les  flots.  Celle  du  nord  n'offre  plus  que  des  frag- 
ments. Elle  a  disparu  entre  la  province  de  Cheribon  el  celle  de  Japara, 
où  le  littoral  se  creuse  en  une  large  échancrure:  au  delà  un  déltdil 
sépai'c  Madoera  des  campagnes  javanaises.  On  icconnaîl  néanmoins  la  forme 
jnimilive  de  la  terre  du  nord,  qui  se  continue  à  l'est  par  une  traînée  de 
petites  îles,  l'archipel  de  Sapoedi,  puis  celui  de  Kangean,  et  l'essaim 
des  îlots  boisés  de  Paternoster;  au  sud  se  développe  parallèlement,  comme 
un  brise-lames,  la  chaîne  des  îles,  de  Bali  à  Nila,  ipii  coiilinuenl 
l'alignement  ])rincipal  des  volcans  de  Java.  D'après  Junghuhn,  les  deux 
bornes  terminales  de  celte  île  brisée  du  Java  septenti'ional  seraient  :  à 
l'ouesl,  le  volcan  de  Krakatau,  dans  le  déiroil  de  la  Sonde,  à  l'est  le 
goenong  Api  ou  ><  mont  du  Feu  )',  appelé  aussi  Braudend  eiland  ou  «  île 
Ihùlanle  .>,  qui  dresse  son  cône,  entouré  d'une  étroite  plage,  au  nord  de 
l'île  Welter.  Les  deux  masses  volcani([ues  du  nord  de  Java  paraissent 
être  maintenant  dans  une  période  de  repos.  Le  Karang  et  la  montagne 
jumelle  de  l'oelasari  laissent  seulement  échapper  (|uelques  vapeurs  sul- 
fureuses, tandis  que  le  Moerio  n'a  plus  ni  fumerolles  ni  solfatares.  Au 
nord-iuiest  du  Karang,  une  vallée,  (distruée  par  un  banc  de  débris  volca- 
iii(|ues,  enfermait  une  mer  ou  (IdtutK,  mai'ais  que  l'on  a   récemment  vidé. 


VOLCANS  DE   JAVA,   KARANG,    MOERIO,   SALAK,   GEDK.  525 

La  poinio  la  plus  occitlonlalo  de  Java,  dilo  Java-lioofd,  esl  en  même 
temps  la  première  saillie  des  hauleurs  qui  se  continuent  de  l'ouest  à  l'est 
à  travers  l'île  entière.  Le  promontoire  appelé  d'ordinaire  goenong  Pajoeng 
ou  «  mont  du  Parasol  »,  à  cause  de  ses  ravins  divergents,  esl  un  cône  tra- 
chytique  d'environ  450  mètres,  séparé  par  un  détroit  d'un  piton  plus  élevé, 
poeloe  Panah  ou  «  île  des  Princes  »,  qui  se  dresse  à  l'entrée  méi'idionale 
du  passage  de  la  Sonde.  Java-hoofd  est  lui-même  presque  en  dehors  de  la 
grande  terre  et  ne  s'y  rattache  que  par  un  isthme  bas  en  grès  marin  d'ori- 
gine récente;  mais  au  delà  une  chaîne  de  partage  entre  les  eaux  des  deux 
versants  s'élève  par  degrés  et,  dans  le  massif  sédimenlaire  des  «  Mille 
Montagnes»,  dépasse  900  mètres  d'altitude.  Sous  le  méridien  de  Batavia  se 
montre  le  premier  groupe  de  hauts  volcans,  atteignant  2215  mèlres  par 
l'un  des  cônes,  le  Salak.  L'histoire  n'en  mentionne  qu'une  éruption, 
en  1690  :  des  coulées  de  houes  et  de  sables  s'épanchèrent  alors  des 
flancs  (le  la  montagne  en  quantités  si  énormes,  que  des  vallées  en  lurent 
obstruées  complètemiMit  et  que  les  lacs  temporaires  formés  par  ces  bar- 
rages s'abattirent  ensuite  en  déluge  sur  les  plaines  inférieui-es.  Le  cratère 
d'où  sortit  le  fleuve  de  boue  s'ouvre  en  chaudière  énorme  au  sommet  de 
la  montagne,  mais  on  n'y  voit  plus  de  puits  central  :  toutes  les  pentes 
sont  couvertes  de  forêts  et  des  fumerolles  ne  s'échappent  que  du  revers 
occidental  du  Salak.  Quoique  l'un  des  volcans  les  moins  élevés  et  les  moins 
actifs  de  Java,  le  Salak  est  fréquemment  visité,  grâce  au  voisinage  de  Ruiten- 
zorg.  La  grande  voie  ferrée  de  l'île  passe  à  la  base  orientale  du  moni,  au 
col  de  Tjitjoeroeg,  seuil  de  partage  ayant  seulement  525  mètres  d'allilude. 

A  l'est  de  ce  col,  un  autre  massif  volcanique  atteint  une  élévation  bien 
supérieure  à  celle  du  Salak.  Le  Gedé,  c'est-à-dire  le  «  Grand  »,  qui  donne 
son  nom  au  groupe  entier,  pointe  jusqu'à  29(32  mètres  et  son  voisin  le 
Mandala-Wangi  le  dépasse  de  60  mètres.  Le  Gedé  proprement  dit  a  lancé 
fréquemment  des  cendres;  de  son  cratère  ébréché,  d'environ  1200  mètres 
en  circonférence,  s'échappent  encore  des  jets  de  vapeur,  et  du  soufie  se 
dépose  sur  les  parois  de  son  enceinte;  d'abondantes  sources  d'eau  chaude 
coulent  des  lianes  de  la  montagne.  Une  étroite  crête  rattache  le  Gedé  aux 
parois  d'un  autre  cratère,  bien  plus  vaste,  puisqu'il  dépasse  4  kilomètres 
en  circonférence,  du  mur  méridional,  le  Sala,  à  la  muraille  du  nord,  le 
Panggerango.  L'abîme,  profond  de  plus  de  500  mètres  en  moyenne, 
a  12  kilomètres  de  tour,  et  de  son  gouffre  se  dresse  le  cône  d'éruption, 
qui  s'appuie  par  un  talus  sui'  le  bord  oriental  du  cratère  et  le  surmonte 
d'un  millier  de  mètres.  Il  est  revêtu  de  bois  jusqu'à  la  cime  et  se  ter- 
mine par  une  terrasse  inclinée  où  des  filets  d'eau  nombreux  jaillissent  de 


ô2fi 


NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


la  mousse,  unis  bientôt  en  un  large  ruisseau  que  les  rhinocéros  visitaient 
naguère.  De  cette  terrasse,  le  plus  haut  observatoire  de  toute  la  partie 
occidentale  de  Java,  on  voit  à  la  fois  les  deux  mers  par-dessus  les  mon- 
tagnes et  les  collines  des  versants;  tout  le  plan  de  la  contrée  basse,  avec 
ses  villages,  ses  forêts,  ses  rizières,  le  réseau  de  ses  routes,  se  déploie 
dans  le  cercle  de  l'horizon.  Nettement  limité  à  l'ouest  par  le  col  de  Tji- 


N"    63.    VOLCA.N    DE    GEU 


ijoeroeg,  le  massif  du  (jedé  se  prolonge  vers  l'est  par  des  avant-monts; 
mais^iJi^^''i''''''t*^iil  soudain  à  la  profoiule  cluse  où  viennent  s'engouffrer 
les  eaux  des  hautes  terres  pour  descendre  au  nord  |)ar  la  rivière  ou 
tji  Taroem  vers  la  mer  de  Java. 

Au  sud  du  Gedé  et  des  monts  qui  lui  font  cortège,  les  assises  de  foi'ma- 
tion  tertiaire,  calcaires,  argiles  et  grès,  atteignent  leur  plus  grande  éléva- 
tion. Presque  partout  coupées  bi'usquement  en  falaises  de  deux  à  trois 
cents  mètres,  ces  assises,  blanches  et  jaunâtres,  dépassent  même  l'altitude 


% 


M\iHt\\\m^' 


VOLCANS  DE   JAVA,   l'ATUEllA,    l'Al'AMlAJ AN.  Ô29 

(le  '2000  nii'lres  par  le  sominel  du  Bi'eii;j;-l)reiiy  ;  mais  à  ïe^l  elles  ilisjia- 
raisseiil  sous  le  (alus  de  eendres  el  sous  les  coulées  de  laves  du  l'aloeha 
(2366  mètres).  Une  cheire  énorme  dont  les  laves  se  sont  décomposées  en 
une  terre  des  plus  fertiles  et  portent  maintenant  de  riches  caféteries,  s'est 
épanchée  jadis  dans  les  plaines  situées  au  nord,  mais  aucune  tradition  ne 
raconte  que  le  volcan  se  soit  réveillé  depuis  ces  temps  inconnus;  le  cratère 
d'une  régularité  parfaite  qui  s'ouvre  en  entonnoir  à  la  cime  du  moni  est 
revêtu  d'arbres  jusqu'au  fond,  et  le  cratère  extérieur,  qu'emplit  un  «  lac 
d'alun  »,  c'est-à-dire  une  eau  saturée  de  soufi'e  et  d'alun,  n'a  pas  une  tem- 
pérature supérieure  à  celle  de  l'air  ambiant.  Mais  à  quelques  kilomètres  au 
nord-est  de  Patoeha,  à  l'origine  du  tji  Widei,  s'ouvre  un  ciique  de  boue 
chaude  d'où  s'échappent,  par  des  milliers  d'ouveitures,  des  vapeurs  acides, 
à  odeur  de  soufre,  désagrégeant  graduellement  les  roches  des  alentours. 
Au-dessous  de  l'immense  fournaise,  pareille  aux  «  furnas  »  des  Açores,  les 
innombrables  jets  unissent  en  un  bruit  strident  toutes  les  voix  de  la  fon- 
drière, soupirs,  hoquets,  sifflements,  détonations,  et  les  forêts  environ- 
nantes en  renvoient  incessamment  l'écho. 

A  l'orient  du  l'atoeha,  les  monts  volcaniques  se  succèdent  en  un  grand 
désordre  apparent,  unis  les  uns  aux  autres  par  des  seuils  élevés,  enfermant 
de  hautes  vallées  d'où  les  torrents  s'échappent  par  d'étroites  portes  pour 
rejoindre  les  cours  d'eau  du  versant  septentrional.  Un  de  ces  volcans,  le 
Malabar  ou  «  mont  des  Roses  »  {'iùi'-I  mètres),  n'a  même  plus  sa  forme 
conique,  et  son  vaste  cratère  est  à  peine  reconnaissable  ;  seulement  deux 
sources  thermales  semblent  indiquer  un  reste  d'activité.  Plus  au  sud,  le 
WajangCilHI  mètres)  a  gardé  sur  sa  j)ente  occidentale  une  magnilique 
solfatare,  entourée  de  rochers  usés  et  blanchis  par  les  acides,  un  petit 
geysir  de  5  mètres,  avec  intermittences  de  deux  à  trois  minutes,  et  un 
ruisseau  d'eaux  sulfureuses  et  alumineuses.  Bien  autrement  aclif,  le 
Papandajan  ou  la  <(  Forge  »  ("iO-ji  mètres)  contient  dans  le  cirque  ébréché 
de  son  ancien  cratère  presque  tous  les  appareils  des  laboratoii-es  volca- 
niques :  «  des  marais  sulfureux  qui  bouillonnent,  des  cônes  boueux  qui 
soupirent,  renâclent,  lancent  des  boues  et  des  pierres,  des  sources  chaudes 
qui  jaillissent  en  sifdant  ».  Toutes  les  voix  du  volcan  se  mêlent  en  un  tu- 
multe assourdissant  et  pourtant  i-ylhmé,  qui  fait  penser  à  une  immense 
usine  avec  ses  milliers  de  marteaux  retentissants  et  ses  jets  stridents  de 
vapeur.  Un  ruisseau  qui  descetul  pur  et  clair  dans  le  cirque  de  la  «  Forge  ». 
en  sort  brûlant  et   saturé  de  soufre'.  En   1772,    le  Papandajan  eut  une 

'  Vv.  Juiigliuliii,  uuvrjge  cité. 

XIV.  42 


550  NOUVELLE   CEOGRAPIIIE   UNIVERSELLE. 

terrible  éruption,  une  des  plus  violentes  qui  aient  eu  lieu  dans  les  temps 
modernes.  Mais  à  cette  époque  nul  savant  d'Europe  n'avait  encore  pénétré 
dans  la  contrée  et  les  indin;ènes  se  contredisent  dans  leurs  récits. 

Le  goenong  Goentoer  ou  «  mont  Tonnerre  »  ("2244  mètres),  situé  au 
nord  du  Papandajan  et  faisant  partie  du  même  groupe,  est  un  cône  latéral 
(jui  domine  au  nord-ouest  le  goenong  Agoeng  ou  «  Grand  Mont  ».  Les 
autres  montagnes  de  Java  sont  boisées  ou  du  moins  revêtues  d'herbes, 
mais  le  Goentoer  est  absolument  nu  de  la  base  au  sommet.  C'est  une  masse 
d'un  noir  grisâtre,  n'offrant  d'autre  saillie  sur  ses  pentes  que  les  blocs  de 
lave,  à  demi  enfoncés  dans  les  cendres.  Pendant  les  éruptions  on  a  vu  par- 
fois tout  le  cône  de  la  montagne  s'illuminer  des  scories  brûlantes  rejetées 
par  la  bouche  du  cratère,  et  sur  cette  couche  d'un  rouge  sombre  les  cou- 
lées de  matière  fondue  descendaient  en  fleuves  d'un  rouge  blanc.  Avec  le 
Lamongan,  le  Goentoer  est  le  plus  actif  des  volcans  de  Java.  Ses  éruptions, 
fort  dangereuses  pour  les  plantations  des  alentours,  les  ont  souvent  recou- 
v(mIos  de  cendres  :  c'est  par  centaines  de  mille  que  les  cafiers  ont  été 
détruits  dans  ses  jours  de  fureur.  Junghuhn  évaluait  en  1843  à  plus  de 
10  millions  de  tonnes  la  quantité  de  sable  qu'il  lança  en  ombelle  à  l'alti- 
tude de  5000  mètres  et  qui  resta  plus  d'une  demi-journée,  flottant  dans 
l'air  et  obscurcissant  le  soleil,  avant  de  retomber  en  pluie  sur  les  cam- 
pagnes des  alentours.  Poiirlaiil  ce  ir(''lail  là  qu'une  des  petites  explosions 
du  volcan! 

Le  Galoengoeng  (2229  mètres)  ou  le  ><  mont  des  Cymbales  »,  d'après 
Junghuhn,  est  moins  actif  que  le  Goentoer,  mais  ses  réveils  de  1822 
ont  été  parmi  les  j)lus  terribles  de  Java.  Le  fracas  fut  entendu  dans 
l'ile  entière  et  un  pan  de  la  montagne  entr'ouvert  témoigne  encore  de  la 
violence  desiruclive  des  forces  déchaînées.  Deux  éruptions  eurent  lieu, 
l'une  pendant  le  jour,  l'autre  pendant  la  nuit,  et  chaque  fois  les  pluies  de 
cendres  et  de  pierres  furent  accompagnées  d'un  déluge  de  boues.  Des 
lacs  enfermés  dans  le  volcan  se  déversèrent  dans  les  campagnes  environ- 
nantes, entraînant  les  terres,  roulant  les  blocs;  même  des  amas  de  fange, 
lancés  en  fusées  de  la  brèche,  retombaient  à  des  kilomètres  de  distance, 
mêlés  à  des  nappes  d'eau  brùlanle.  Un  mois  après  l'événement,  quand  on 
put  a[)procher  des  racines  du  moni,  siu'  la  houe  consolidée,  (Ui  l'econnul 
que,  sauf  quelques  îlols  épargnés  dans  le  voisinage  même  du  volcan,  en 
dedans  de  la  coui'be  tracée  par  les  jets  de  l'éruption,  tout  le  pourtour  du 
Galoengoeng,  villages,  rizières,  caféteries  et  forêts,  avait  été  recouver! 
d'une  couche  fangeuse  d'un  gris  bleuâtre,  ayant  en  certains  endroits 
15  mètres  d'épaisseur.  Toute  végétation  avait  disparu  jusqu'à  la  distance 


VOLCANS  DE  JAVA,  GOENTOER,  GALOENGOENG.  TANGKOEBAN  PRAHOE.    531 

(le  plus  de  20  kilomètres  ;  cent  quatorze  villages,  qu'habitaient  plus  de 
quatre  mille  personnes,  avaient  été  recouverts  par  le  flot  de  boue.  Dans 
la  plaine  s'élevaient  par  myi'iades  de  petites  buttes,  formées  par  les 
blocs  que  le  courant  avait  entraînés  avec  lui.  De  superbes  forêts  ont  re- 
pris possession  des  pentes  du  volcan  et  de  ses  alentours.  C'est  non  Idin  de 
cette  montagne,  du  côté  de  l'ouest,  que  se  trouve  le  Telaga  Bodas  ou  «  Lac 
Blanc  »,  mare  à  laquelle  les  retlets  d'une  argile  sulfureuse  donnent  en  effet 
une  couleur  blanchâtre,  et  que  des  jets  de  vapeur  font  bouillonner  inces- 
samment. Un  des  vallons  lapprochés  du  lac  est  le  fameux  Padjagalan  ou 
<c  Champ  du  Meurtre  <>,  d'où  s'échappent  des  vapeurs  mortelles.  On  y 
trouve  toujours  des  cadavi-es  d'animaux,  écureuils  et  autres  rongeurs, 
chats  sauvages,  des  oiseaux,  même  des  serpents  (ju'étouffa  l'acide  carbo- 
nique et  dont  les  cadavres  échappent  à  la  putréfaction;  à  l'épofjue  où 
Junghuhn  explorait  la  contrée,  on  y  voyait  aussi  des  tigres  et  des  rhino- 
céros. Mais  il  parait  que  ces  émanations  du  sol  varient  notablement  en 
quantité,  et  même  ])ar  la  nature  des  gaz  :  parfois  on  peut  travers(>r  sans 
danger  le  Champ  du  Meurtre.  Les  autres  montagnes  de  la  contrée,  telles 
le  Tjikoeraï  (^Sl?  mètres)  elle  Sawal  (1761  mètres),  sont  toujours  restées 
en  repos  durant  les  temps  historiques,  et  dans  le  chaînon  de  collines  qui 
s'abaisse  par  degrés  vers  l'est  jusqu'au  delta  du  tji  Tandoewi,  on  ne  signale 
aucun  phénomène  d'éru[)tion. 

La  haute  plaine  de  Bandong,  qui  limite  au  nord  le  groupe  des  monta- 
gnes volcaniques  de  l'reang,  et  dans  laquelle  s'unissent  les  eaux  du  tji 
Taroem,  est  dominée  au  nord  par  d'autres  volcans  qui  se  dirigent  de  l'ouest 
à  l'est,  suivant  l'axe  de  l'île.  Le  premier  goenong,  le  Boerangrang  (2058 
mètres),  est  une  masse  Irachytique  dont  les  éruptions  furent  antérieures  à 
l'histoire.  Plus  loin,  le  Tangkoeban  Prahoe  (2075  mètres),  montre  à  peine 
au-dessus  des  autres  monts  la  longue  voussure  qui  lui  a  fait  donner  son 
nom  de  «Bateau  Renversé  »  ;  mais  il  est  encore  en  pleine  activité  :  l'un  de 
ses  cratères  jumeaux,  qui  s'ouvre  dans  une  dépression  terminale  de 
6  kilomètres  en  circonférence,  est  empli  de  petites  mares  bouillonnantes. 
Le  Tampomas  (1685  mètres),  qui  termine  la  chaîne  du  côté  de  l'est,  semble 
éteint,  si  ce  n'est  qu'une  fissure  de  ses  roches  laisse  encore  échapper  des 
gaz  sulfureux  :  sur  une  arête  de  son  cratère,  dominé  par  le  cône  terminal 
de  débris,  se  voient  les  restes  d'un  autel  qui  date  probablement  des  temps 
antérieurs  à  l'Islam  et  devant  lequel  viennent  encore  s'agenouiller  les 
pèlerins. 

Le  goenong  Tjerimaï,  voisin  du  golfe  de  Cheribon,  se  dresse  presque 
isolé,  à  5070  mètres  d'altitude  :  on  l'appelle  aussi  mont  de  Cheribon,  d'à- 


332  NOUVELLK  GK OGRAPIllE   lINlVEItSELLE. 

près  la  villi^  qui  s'est,  bâtie  près  de  sa  base.  On  a  vu  parfois  le  icllet  des 
laves  éclairer  le  ciel  au-dessus  de  cette  montagne  et  les  coulées  de  feu  des- 
cendre sur  ses  flancs.  Le  cratère  actuel,  profond  d'une  centaine  de  mètres, 
est  un  entonnoir  d'une  régularité  parfaite,  autour  duquel  passait  naguère 
un  sentier  de  rhinocéros,  creusé  à  près  de  2  mètres  dans  l'épaisseur 
du  tuf.  Les  hirondelles  nichent  par  milliers  dans  les  cavernes  du  cra- 
tère, et,  d'après  les  naturels,  ces  oiseaux  ne  seraient  autres  que  des  salan- 
ganes à  nids  comestibles  comme  celles  qui  tourbillonnent  à  l'entrée  des 
grottes  au  bord  de  la  mer.  Chaque  jour  les  hirondelles  du  Tjerimai  vont  et 
viennent  entre  leur  gîte  du  cratère  et  la  plage  où  elles  se  nourrissent 
d'insectes'. 

A  l'est  du  Tjerimaï  et  du  Sawal,  mon!  tei'miiial  des  massifs  du  sud, 
l'ile  de  Java  est  rétrécie  entre  deux  golfes  qui  s'avançaient  jadis  beaucoujt 
plus  loin  dans  l'intérieur  des  terres.  La  saillie  maîtresse  entre  les  deux 
versants  se  réduit  à  une  chaîne  de  rochers,  qui  n'atteignent  pas  même 
100(1  mètres  (le  hauteur;  mais  à  peu  de  distance  un  nouveau  volcan,  le 
Slamat  (."li^ti  mèlies),  se  dresse  dans  un  isolement  superbe  :  au  nord,  au 
sud,  il  s'élève  de  toute  sa  hauteur  au-dessus  de  plaines  basses  doucement 
inclinées  vers  la  mer.  Sa  forme  est  des  plus  régulières  et  des  forêts 
sombres  en  recouvrent  les  pentes,  jusqu'à  750  mètres  de  la  cime,  où  com- 
mencent les  aiides  talus  de  déjection.  Du  cratère  s'échappe,  avec  un  bruit 
de  cataracte,  une  épaisse  colonne  de  vapeurs  que  le  vent  supérieur  de 
l'alniosphèi'c  l'ecourlie  loujouis  dans  la  dii'crlion  de  l'ouesl  ;  (|uand  une 
bouffée  d'air  reploie  les  fumées,  on  aperçoit  les  parois  du  gouffre,  bril- 
lantes d'un  jaune  d'or.  Le  matin,  le  soir,  une  couche  de  nuages  blancs, 
ressemblant  au  champ  d'un  glacier,  recouvre  les  plaines  et  les  collines 
basses  qui  se  succèdent  dans  la  direction  de  l'est;  mais  la  vue  reste  libre 
vers  les  deux  mers,  du  nord  et  du  sud,  el  dans  le  lointain  se  monti'ent 
comme  des  îles  les  sommets  coniques  des  volcans  orientaux,  le  Uogo 
iljembangan,  le  Prahoe,  le  Sindoro,  le  Soemhing,  le  Merapi. 

Le  volcan  dont  le  l'rahoe  ('25,57  mJ'tres)  n'est  (|u'une  luine  latéi'ale 
fut  probablement,  à  une  épocpie  antérieure  à  l'histoire,  le  plus  haut  som- 
met de  Java;  mais  des  explosions  enlevèrent  le  cône  suprême  et  il  ne  reste 
que  les  débris  du  pourtour,  au  nord  le  l'rahoe,  à  l'est  le  Pakoe('idjo, 
au  sud  le  Wisma  :  tout  l'espace  intermédiaire  est  occu]té  ])ar  un  plateau 
inégal,  le  Dieng,  dont  le  nom  est  donné  souvent  à  l'ensemble  du  massif. 
Cette  terrasse,  où  se  trouve,  entouré  de  champs  de  tabac,  le  village  le  plus 


VOLCANS  1)K  JAVA,   T.IERIMAI,   SLA.MAT,    llJKNC,.  ô.'iS 

él('V(''  (le  l'ilc  ciilirrc,  csl  une  îles  plus  remarquables  de  Java  en  phéiioniènes 
volcaui(|ues  :  houehes  (réru[)(ioii,  coulées  de  laves,  lacs  chauds  et  salures 
de  subslauees  chimiques,  solfatares,  sources  chaudes,  ruisseaux  d'eau  bouil- 
lante, fumerolles  et  mofettes.  C'est  sur  le  plateau  de  Dieng,  creusé  dans 
une  arèle  de  partage  enti-e  deux  ruisseaux,  que  s'ouvre  le  trou  d'effoudic- 
ment  appelé  Pakaraman,  Goewa  Oepas  ou  «  Vallée  de  la  Morl>i,  et  décrit 
par  certains  voyageurs'  comme  une  plaine   déserte  où    nul    ne   saurait 


N"    86.    DIENG. 


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s'aventurer  sans  périr.  En  celte  île  de  Java,  si  riche  en  phénomènes  gran- 
dioses, le  Pakaraman  a  été  signalé  comme  la  merveille  par  excellence,  bien 
qu'il  ne  soit  en  réalité  qu'un  simple  trou,  large  de  quelques  mètres  au 
fond  et  laissant  échapper  parfois  un  peu  d'acide  carbonique.  La  renommée 
de  ce  point  de  Java  provient  sans  doute  des  ti-aditions  religieuses  qui  se 
rattachent  au  plateau  de  Dieng,  jadis  rendez-vous  des  adorateurs  de  Siva, 
le  dieu  de  la  destruction.  Même  sur  l'arête  terminale  du  Prahoe,  non  loin 
du    siimmcl,   se    voient    des    temples   abandunnés;    d'autres    sanctuaires 


'  Ffiorsi'li,  citr  ilans  Pennanl,  (hitlincs  of  llic  Globe:  —  liudilin^li,  IV;;;  Rotlcnhim  iiiiar  Juvd. 


334  NOUVELLE  GÉOGRAPUIE   IIMVERSELLE. 

sont  épars  en  divers  endroits  ;  on  y  reconnaît  aussi  des  édiliees  qui 
servirent  d'auberges  aux  pèlerins,  un  escalier  monumental  par  lequel  les 
fidèles  atteignaient  le  rebord  du  plateau,  enfin  un  canal  souterrain  qui 
dégageait  de  ses  eaux  une  vallée  marécageuse.  Dans  une  grotte,  Junghuhn 
découvrit  même  une  inscription  hindoue,  restée  indéchiffrable.  L'impor- 
tance des  travaux  d'architecture  constatés  dans  l'enceinte  de  volcans 
lémoigne  de  la  p(i|mla(ion  considérable  ([ui  se  pressait  sur  ces  hauteurs  à 
répiM[ue  de  la  civilisation  sivaïte.  Mais  des  éruptions  du  Pakoeôdjo, 
peul-èlre  aussi  des  invasions  de  convertisseurs  musulmans,  firent  le 
silence  sur  le  plateau  de  Dieng;  les  forêts,  les  marécages  en  reprirent  pos- 
session, et  les  hommes  ne  s'y  sont  aventurés  de  nouveau,  avec  leur  bétail 
et  leurs  cultures,  que  depuis  le  commencement  de  ce  siècle'. 

Aux  longues  crêtes,  aux  cimes  émoussées  des  volcans  qui  entourent  le 
plateau  de  Dieng,  succèdent  vers  le  sud  les  deux  cônes  superbes  du  Sin- 
doro  (3124  mètres)  et  du  Soembing  (3556  mètres),  que  les  marins 
voguant  dans  les  parages  de  Semarang  connaissent  sous  le  nom  des  «  Deux 
Frères  ».  Le  Sindoro  surtout,  c'est-à-dire  le  «  Majestueux  ><,  se  profile 
avec  une  parfaite  régularité  de  contours  :  c'est  le  plus  beau  des  volcans 
javanais;  à  la  cime  son  cône  est  trompiépar  une  ligne  horizontale,  comme 
si  un  glaive  eût  tranché  la  pointe  du  moni;  de  tous  les  côtés  les  laves, 
sortant  de  l'élroit  cratère  terminal,  se  sont  épanchées  en  nappes  d'une 
épaisseur  constante,  qui  vers  le  nord  sont  entrées  dans  l'amphithéâtre 
ébréclié  du  volcan  Telerep  et  l'ont  à  demi  remjjli,  el  au  sud  se  sont  heur- 
tées et  repliées  contre  les  pentes  plus  abruptes  du  Soembing.  Celui-ci,  qui 
doit  probablement  son  nom  de  «  Mont  Fendu  "  à  une  brèche  de  son  cra- 
tère el  au  chaos  de  ses  laves  écroulées,  est  plus  élevé  que  le  Sindoro,  mais 
ses  formes  sont  moins  régulières.  A  l'ouest,  au  sud,  à  l'est,  il  est  entouré 
de  vallées  profondes  ou  de  plaines  basses  el  ne  se  rattache  à  l'ossature  de 
l'île  que  par  le  seuil  de  partage  entre  les  Deux  Frères.  Entre  tous  les 
volcans  de  Java,  le  Soembing  se  distingue  par  la  régularité  des  sillons 
extérieurs  (jui  layonnent  en  diverg(>ant  du  cône  suprême  vers  la  base, 
séparés  les  uns  des  autres  par  des  côtes  en  saillie  de  80  à  100  mètres  :  les 
érosions  des  eaux  qui  s'écoulent  en  torrents  entre  les  coulées  de  laves  ont 
ainsi  frangé  la  montagne  d'une  collerette  de  i-avins.  On  voit  d'autant  mieux 
cette  formation  des  barranques  que  le  Soembing,  comme  le  volcan  jumeau, 
a  été  complètement  déboisé  par  les  agriculteurs  :  il  se  montre  dans  sa 
iiudilé.  Les  Deux  Frères  semblent  presque  éteints  :  à  peine  quelques  jets  de 

'  JurifiliLilin,  (luvi'ajîe  cilé. 


VOLCANS   \)E  JAVA,   SlMlOUO,    SOEMIilNi;,   MERAl'I.  ô">5 

vapeurs  indiquent-ils  un  reste  d'activité  dans  le  foyer  souterrain.  C'est  le 
tône  du  Soembinji  qui  marque  à  peu  près  exactement  le  centre  de  Java  : 
les  indigènes  signalent  la  colline  Tidar  (504  mètres),  située  dans  la  plaine 
orientale,  à  la  hase  du  volcan,  comme  le  «  clou  »  qui  a  fixé  l'île  sur  le 
disque  du  monde. 

Un  seuil  de  partage  peu  élevé  rattache  le  volcan  Telerep  à  un  autre  moni 
de  laves,  l'Oengaran  (2048  mètres),  dont  les  trois  croupes  allongées  se 
profilent  au  sud  de  Semarang.  Ce  volcan  à  peu  près  éteint,  n'ayant  plus 
que  des  fumerolles  et  des  sources  thermales,  est  l'un  des  moins  élevés  de 
Java,  mais  un  de  ceux  que  remarquent  le  plus  les  marins,  grâce  aux  nuages 
amoncelés  qui  en  recouvrent  presque  toujours  les  cimes  juscju'à  1000 
mètres  de  la  plaine.  Un  mince  pédoncule  de  collines  l'unit  aux  deux  vol- 
cans jumeaux  de  Merhahoe  (5116  mètres)  et  Merapi  (28(3(3  mètres),  qui, 
de  l'autre  côté  de  la  grande  vallée  de  Kadoe,  font  face  aux  autres  monts 
géminés  Sindoro  et  Soembing.  Le  Merbaboe,  la  plus  haute  des  deux  mon- 
tagnes, semble  inaclif  :  la  dernière  éruption  que  mentionne  l'histoire 
locale  paraît  avoir  eu  lieu  en  1500.  Le  travail  du  foyer  souterrain  s'est 
localisé  au-dessous  du  Merapi,  le  u  Feu  Destructeur  »  :  il  lance  incessam- 
ment hors  de  son  cratère  terminal  un  jet  de  vapeur  blanche  d'au  moins 
200  mètres  de  tour  à  la  base,  qui,  saisi  par  le  vent  alizé,  se  replie  aussitôt 
dans  la  direction  de  l'occident  et  se  déploie  en  arcade  éclatante  dans  le 
ciel  bleu.  Ainsi  que  le  fait  remarquer  Junghuhn,  ce  reploiement  oontinu 
des  vapeurs  du  Mera|)i,  en  partie  sulfureuses,  doit  avoii-  à  la  longue  une 
action  sur  les  [larois  du  cratère  :  c'est  du  côté  occidental  que  celles-ci  sont  le 
[)lus  rapidement  désagrégées  par  les  acides  et  par  l'humidité;  elles  s'écrou- 
lent plus  tôt  el  le  cratère  se  déplace  dans  le  même  sens.  Pendant  le  cours  des 
siècles,  l'orifice  gagne  constamment  vers  l'ouest,  ainsi  que  le  montrent 
les  rebords  d'un  ancien  cratère  délaissé  du  côté  de  l'est.  (Quoique  tou- 
jours fumant,  le  Merapi  n'a  pas  eu,  pendant  la  période  historique,  d'érup- 
tions aussi  terribles  que  celles  d'autres  volcans  de  Java  :  il  n'a  guère  lancé 
que  des  cendres,  parfois  changées  en  boue  par  les  pluies  abondantes  qui 
tombaient  en  même  temps;  mais  les  longues  pentes  du  volcan,  qui  des- 
cendent au  sud  jus([u'ii  la  mer,  entourant  de  leurs  couches  uniformes  des 
collines  insulaires,  témoignent  du  nombre  prodigieux  des  explosions  (|ui 
se  sont  succédé.  (juel(|ues-unes  des  parois  trachytiques  du  Merapi  oui  une 
forme  columnaire  ({ui  les  fait  ressembler  aux  basaltes  de  Staffa. 

A  l'orient  du  Merapi,  la  rangée  volcanique  est  complètement  iulci- 
rompue  par  la  vallée  alluviale  que  parcourt  le  Solo.  Dans  cette  partie 
de  l'île,  la  saillie  maîtresse  est  formée  par  les  roches  calcaires  d'un  blanc 


3ô(i  NouviaLP:  (;i';u(;r.\1'IJIK  l:.mverseli,k. 

laiteux  auxijiicllcs  ou  a  duiiiu'  le  nom  île  goenoiif;  Sewoe  ou  «  Mille  Moula- 
fijues  '1,  el  (|ui  longent  en  falaises  la  côte  méridionale  île  Java.  Les  points 
les  plus  élevés  de  ce  massif  atteignent  600  mètres,  mais  la  surface  mame- 
lonnée de  la  contrée  est  en  général  beaucoup  moins  haute.  Ainsi  que  le 
nom  du  pays  l'indiijue,  «  mille  »  et  «  mille»  buttes,  de  50  à  60  mètres  en 
saillie,  parsèment  le  plateau,  séparées  les  unes  des  autres  par  des  allées 
sinueuses,  ombragées  des  plus  beaux  arbres;  entre  les  socles  (jui  portent  les 
monticules,  s'ouvrent  des  vallons  étroits  et  allongés,  presijue  partout  emplis 
de  hautes  herbes  et  fermés  aux  deux  extrémités  :  les  eaux  qui  s'y  amas- 
sent pendant  la  mousson  pluvieuse  s'échappent  par  des  loewanij,  enton- 
noirs et  canaux  souterrains  qui  communiquent  avec  la  mer.  Les  paysages 
du  goenong  Sewoe,  dit  Junghuhn  en  se  rappelant  sans  doute  les  collines 
en  pente  douce  et  les  forets  de  sa  patrie  thuringieune,  «  dépassent  en 
beauté  »  tous  les  autres  sites  de  Java  :  ces  avenues  ombreuses,  ces  coteaux 
aux  pentes  douces,  ces  vallons  en  |irairies  et  les  raies  villages  entourés 
de  jardins  forment  un  ensemble  gracieux  (jui  rappelle  un  peu  l'aspect  des 
pays  tempérés.  Du  haut  des  parois  abruptes  qui  lei'Uiinent  les  .<  Mille 
Montagnes  »  du  côté  de  l'Océan,  hautes  de  60  mètres  ou  davantage,  on  voit 
après  les  gi'aiides  pluies  la  mer  bouillonner  au  loin,  et  des  eaux  jaunes, 
provenant  des  rivières  sous-marines,  s'épanchent  sur  les  Ilots  bleus.  Ce 
sont  les  torrents  qui  se  sont  engouffrés  dans  les  loewang  du  goenong  Sewoe 
pour  glisser  à  la  surface  des  grès  sous-jacents  au  calcaire  :  trouvant  une 
issue  au  fond  de  la  mer,  ils  reuionleiil  ;nissil('il,  cl,  plus  légers  ([ue  l'eau 
salée,  la  recouvrent  sur  de  vastes  étendues. 

Au  nord-<'st  de  cette  région  des  Mille  Montagnes,  et  d'un  hémicycle 
plus  élevé  d'autres  collines  li'oiigine  sédimentaire ,  le  goenong  Lavvoe 
(.5'"254  mJ'tres)  se  dresse  en  massif  presijue  complètement  isolé;  des 
plaines  basses  l'entourent  de  tous  les  côtés  et  les  ravins  qui  en  échancrent 
le  cône,  en  divergeant  connue  les  rayons  d'un  cercle,  déversent  leurs 
eaux  dans  les  affluents  d'une  même  rivière,  le  Solo.  Les  trois  dômes  du 
volcan,  visités  jadis  par  les  adorateurs  de  Siva,  ne  sont  [)oint  percés  de 
cratères  et  nulle  part  la  montagne  ne  s'est  creusée  en  coupe  ;  mais  du  côté 
méridional  une  sorte  de  jilateau  déchiré,  parsemé  de  blocs,  creusé  de 
gouffres,  laisse  échap|ier  des  vapeurs  de  ses  crevasses  pi'ofoinles.  Le 
goenong  Willis  (^'t')!  mèlres),  (|ui  succède  au  Lavvoe  dans  la  rangi'c  vol- 
canique, mais  à  SO  kilonièlres  de  dislance,  n'a  plus  même  la  foiine  d'un 
volcan.  Une  explosion  préhistorique  a  dû  emporter  le  cône  suprême,  et 
maintenant  il  ne  reste  qu'une  longue  crou|)e  inégale  et  sans  cratère; 
des  sources  thermales  et  des  solfatares  témoignent  encore  de  l'existence 


VOLCANS  DE  JAVA,   GOENu.NG  SEWOE 


d'un  l'oycr  souterrain.  Il  en  csl  de  niùme  pour  le  petit  volcan  de  l'an- 
dan  (000  mètres),  situé  au  nord   du  Willis,  dans  la  région  des   plaines. 
An  sud  de  Soerahaja  cl  de  son  drila  lluvial,  Java  est  occupée  dans  une 


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J'après  la  Carte  de  Sch^erbrandt. 


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grande  partie  de  sa  largeur  par  un  massif  transversal  d'autres  monts  vol- 
cani(|ues.  Le  goenong  Keloet  (17.j1  mètres)  ou  le  «  Balai  »,  le  plus  l'ap- 
prochédu  Willis,  est  celui  (|ne  les  indigènes  redoutent  le  plus.  Dans  la 
cavité  de  son  cratère,  profonde  d'au  moins  200  mètres,  il  enferme  un  lac 
d'eau  douce,  dont  la  contenance  était  évaluée  en  1.S44,  par  Junghuhn,  à 


"i8 


NOrvi-I.LI'    (.l'ÛGRAPIlIE  UNIVERSELLE. 


plus  (le  GO  millions  ilc  m('lres  cuIjos.  Lors  des  CTuptions,  quiiml  la  flic- 
minée  du  volcan  s'ontc'ouvre  au-dessous  du  lac,  lan(;anl  ses  jets  de  vapeur 
brûlante  à  travers  la  niasse  liquide,  celle-ci  se  change  elle-même  en  vapeur, 
s'élève  en  tourbillons  de  nuées  d'où  jaillissent  des  éclairs,  puis  l'etombe 


PENTES   51D-0CCIUE.\TAI.ES 


E    t  de  Gr.=r,„    h 


sur  les  pen[es  en  foi'uiidaliles  averses,  mêlées  aux  phiics  de  salilc  (|iii'  jum- 
jette  la  montagne.  Des  lils  de  cendres  trachyli(jues,  creusés  des  bords  du 
cratère  à  la  base  du  volcan,  rappellent  le  passage  de  ces  coulées  soudaines 
(jui  s'abattent  en  déluges  sur  les  campagnes  d'en  bas,  «  balayant  »  les 
cultures,  déracinant  les  arbres  et  rasant  les  villages.  Kn  IcSiS,  les  d(''l(ina- 
lions  régulières  des  gaz  (|ui  Iranslormaicnt  le  lac  du  cralèie  en  nuage  et 


VOLCANS   l)K   JAVA,   KEL0I:T.   TENfiGEU.   SEMEliUE.  ",':) 

Je  laii(,'aioiil  contre  le  ciel,  produisirent  un  tel  fracas,  (ju'on  les  enlendil 
dans  presque  toute  l'Insulinde.  Dans  l'île  de  Celèbès,  les  haliitanls  de 
Macassar,  à  850  kilomètres  et  au  vent  de  l'explosion,  furent  épouvantés  de  ce 
qu'ils  croyaient  être  le  bruit  d'une  canonnade  et  l'on  envoya  des  navires 
en  reconnaissance  dans  les  parages  voisins.  Les  autres  volcans  du  massif 
sont  éteints  ou  du  moins  n'ont  ])lus  ([uc  de  faibles  restes  de  leur  activité 
première.  Le  Kawi  à  la  triple  iioiiilc,  iliuil  la  plus  haute,  le  Boelak,  atteint 
"iSÔO  mètres,  n'a  plus  même  de  solfataiv,  mais  seulement  une  fontaine 
thermale;  le  puissant  Ardjoeno  (.3555  mètres),  aux  cimes  nombreuses 
où  les  Sivaïtes  venaient  jadis  offrir  des  sacrifices,  n'en  a  plus  qu'une  seule 
d'où  s'échappent  des  vapeurs,  et  le  I'enanggoen<ian  (1050  mètres),  (|ui 
termine  la  chaîne  au  sud  de  Soerabaja,  paraît  complètement  endormi,  (le- 
]ienil,inl  dans  l'axe  même  de  la  raufiée,  à  une  vingtaine  de  kilomètres 
au  sud  de  Soerabaja,  se  sont  élevés  deux  volcans  de  boue,  d'une  dizaine  de 
mètres  en  hauteur,  dont  les  éruptions  ont  lieu  surtout  aux  heures  de 
la  marée.  Une  de  ces  buttes  rejette  des  briques  en  fragments  (jui  ne  peuvent 
pi'ovenir  que  des  construclions  hindoues  de  l'ancienne  ville  de  Moiljo- 
l'aliil,  bâtie  autrefois  beaucoup  |)lns  à  l'ouest.  Ces  briques  ont  été  en- 
traînées par  les  courants  d'eau  au  fond  du  golfe,  maintenant  cinublé 
d'alluvions,  où  les  deux  volcans  de  boue  ont  pris  naissance. 

Un  isthme  n'ayant  pas  500  mètres  en  hauteur  i-ejoint  le  massif  de  l'Ar- 
djoeno  à  un  autre  groupe  volcani((ue,  celui  du  Tengger  et  du  Semeroe  :  la 
première  de  ces  montagnes,  au  nord,  est  celle  qui  a  le  plus  large  cratère 
dans  l'île  de  Java;  la  seconde,  au  sud,  est  le  pic  dominateur  de  l'ile  et 
récemment,  en  1885,  il  s'en  est  épanché  un  courant  de  lave  évalué  à  plus 
de  500  000  mètres  cubes,  le  premier  lleuve  de  matière  fondue  que  l'on  ail 
observé  à  Java  :  on  croyait  naguère,  avec  Junghuhn,  que  les  volcans  de 
l'île  ne  rejetaient  que  des  matières  solides,  cendres  ou  pierres.  Le  cône  ter- 
minal du  Semeroe  atteint  5071  mètres,  tandis  que  le  Tengger  élève  sa  plus 
haute  pointe  à  2724  mètres  seulement  ;  de  là  sans  doute  son  nom.  (jui 
signitiei'ait  «  Colline  ->  ;  il  apparaît  aux  indigènes  comme  le  degré  par  lequel 
lin  moule  au  Semeroe,  c'est-à-dire  au  mont  Merou,  à  la  »  Sainte  Mon- 
tagne 1',  car  le  volcan  de  Java  est  assimilé  au  pic  de  la  région  centrale  de 
l'Himalaya,  ce  dieu  qu'ont  vénéré  de  tout  temps  Hindous  et  Tibé- 
tains. Le  Tengger  est  d'une  grande  régularité,  et  de  sa  cime  jaillissent,  à 
courts  intervalles  des  colonnes  de  vaj)eurs  et  de  cendres,  noires  le  jour, 
rouges  la  nuit,  (|ui  en  accroissent  la  hauteur  de  plusieurs  centaines  ou 
même  de  milliers  de  mètres.  11  est  probable  que  le  Tengger  ne  le  cédait  pas 
autrefois  au  volcan  du  sud  pour  l'élévation  et  la  majesté  du  cône  central. 


540  NOUVELLK  GK OGRAPIIIK   UNIVERSELLE. 

Mais  loiilo  la  partie  supcrioui'o  de  la  montagne  a  ilisparii;  il  n'en  reste 
pins  (|ue  les  parois  extérieures  formant  une  énorme  enceinte  d'environ 
2o  kilomètres  en  cireonCérence,  çà  et  là  coupée  de  failles  et  di^  liri'ches  et 
s'élevanten  certains  endroits  à  oOO  mètres  au-dessus  de  la  plaine  intérieure, 


69     TENGGEIÎ    FT   SKMEItOE. 


^'^ 


^^M.LJ 


qui  lut  jadis  un  cratère,  (ielle  plaine  unie,  d'une  altitude  nieyenne  d<'  |ilus 
de  '200U  inl'Ires,  est  dite  le  Dasar  (in  "  Merde  Sahie  .,  et  tandis  (|n'niie 
partie  de  la  dépression,  où  les  eaux  séjournent  [)lus  longtemps  ([u'ailleurs, 
est  une  savane  herbeuse,  l'autre  est  en  ('ITel  une  étendue  de  la  plus  line 
poussière,   (]ue  les  pluies  diu'cisseni  cunnue  l'argile,  mais  (|ue  la  niuitidre 


m 


ï\à 


WllllllllilÊIIÊ 


VOLCANS   DK   .l.W.V,    ISROMn,    LAMdNCAN.  ô4". 

scVIiorosso  rond  monl)lc  do  nouveau.  Dans  le  Dasar  on  se  Irouve  comme 
en  un  pelil  Sahara  :  le  mirage  se  joue  dans  les  couches  lointaines  de 
l'ail'  cl  le  moindre  vent  soulève  des  trombes  qui  tournoient  et  se  pour- 
suivent dans  la  vaste  enceinte;  presque  tout  le  Dasar  reste  pendant  l'année 
une  plaine  morne  d'un  gris  noirâtre.  Du  milieu  de  l'espace  enfermé  s'éli'- 
vent  quehjues  monticules  de  salde,  dont  l'un,  le  Bromo,  (ouj(Hirs  fumant,  a 
souvent  eu  de  terrihies  ('ruptions.  (/(«st  la  cheminée  centrale  du  Tengger, 
simple  hutte  posée  au  milieu  du  cratère  immense  et  renfermant  dans 
sa  coupe  tantôt  un  petit  lac,  tantôt  un  foyer  de  lave  bouillonnante.  Le  nom 
de  Bromo  n'est  autre  que  celui  de  Brahma.  Les  derniers  Javanais  qui 
professaient  la  religion  brahmanique  s'étaient  réfugiés  sur  les  pentes  du 
mont  Tengger  et  leurs  descendants  célèbrent  encore  des  fêtes  en  l'honneur 
du  dieu  :  le  grand-prètre  monte  au  bord  du  cratère  et  jette  des  offrandes 
de  riz  au  Devo-Biomo  ou  ■<   Dieu  Brahma.  » 

(juel(|ui's  observateurs  oui  cru  remar(|uer  (pi'il  existe  une  ctM'laine 
alternance  dans  les  éruptions  du  Bromo  et  dans  celles  du  Lamongan  (II),"»? 
mètres),  volcan  situé  à  un  quarantaine  de  kilomètres  i)ius  à  l'est,  dans  un 
autre  massif.  C'est  le  moins  élevé  de  Java,  mais  l'un  des  plus  violents  dans 
ses  éruptions  extraordinaires  et  le  plus  rythmé  dans  son  travail  journa- 
lier, qui  est  de  lancer  en  fusi'cs  des  cendres  et  des  vapeurs;  des  laves 
se  sont  épanchées  de  ce  mont  comme  des  flancs  du  Semeroe.  Un  ancien 
volcan,  leTarob  (KiliO  mètres),  au  nord  du  Lamongan,  est  à  demi  caché 
sous  les  talus  grandissants  de  la  bouche  actuelle.  Tout  autour  de  la  mon- 
tagne, dans  la  solitude  des  grands  bois,  se  succèdent  en  collier  de  petits 
rana»,  anciens  ci'atères  ou  bassins  d'effondrement  maintenant  emplis 
d'eau;  l'un  d'eux  a  plus  d((  100  mèti'es  eji  profondeur. 

Un  isthme  de  collines,  que  franchit  un  col  à  250  mèlics  d'altitude,  ral- 
lache  le  Lamongan,  ducôtéde  l'est,  à  un  massif  d'autres  montagnes,  d'ori- 
gine volcanique,  connu  sous  le  nom  d'Ajang  et  présentant  des  pitons 
nombreux,  ainsi  qu'un  large  plateau  revêtu  de  forêts.  Un  1844,  cette  con- 
trée montagneuse  était  comi)lèlement  inconnue,  on  ne  savait  pas  même  si 
un  cratère  s'ouvrait  au  milieu  de  ces  solitudes.  C'est  à  Junghuhn,  l'infati- 
gable explorateur  de  Java,  que  revient  l'honneur  de  la  découverte  :  au  som- 
met de  l'Argopoera  (3090  mètres),  le  pic  le  plus  élevé,  il  se  trouva  au  bord 
d'un  gouffre  d'éruption,  et  tout  à  côté,  sur  la  plus  haute  saillie,  il  aperçut 
les  luines  d'un  temple  de  Siva.  D'autres  constructions,  éparses  près  de  la 
cime,  expli(juent  le  nom  kavi  du  volcan,  la  «  Yille  de  la  Montagne  »,  et 
l'un  des  sanctuaires,  rongé  par  des  vapeurs  acides,  prouve  que  depuis  cinq 
cents  ans,  le  volcan   assoupi  s'est  éveillé  au  moins   une  fois.   Ouant  au 


544  NOUVELLE  GÊOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

gocnong  Ringgit  (1250  niMres),  qui  s'avaiico  dans  la  inor  à  rêxlrcmilé 
iioi'd-oricnlale  de  la  chaîne  d'Ajang,  il  se  repose  acluellemenl  comme 
l'Argopoera;  mais  à  la  fin  du  seizième  siècle  il  se  fendit,  lancanl  dans 
l'ail'  d'énormes  quanlilés  de  cendres  :  pendant  trois  jours  le  soleil  lui  caché 
par  les  nuages  noirs,  et  quand  l'obscurité  se  dissipa,  tous  les  villages  des 
alentours  avaient  disparu  avec  leurs  hahilanls.  Actuellement  la  montagne 
n'a  plus  ni  cratère,  ni  soll'atarcs,  ni  rumeidlles  ou  sources  thermales, 
mais  les  traces  de  l'éruption  sont  enc(U'e  visibles.  Tandis  (jue   la  partie 


se|)leiilri()nale  du  volcan,  |ilongeant  ses  lacines  dans  la  mer,  a  gardé  sa 
l'orme  noiinale  de  cùne  avec  racines  divergentes,  la  })artie  méridionale  est 
c(»mpl('lement  effondrée  :  ses  ruines  sont  éparses  comme  celles  d'un  édi- 
fice; mais  de  nouveaux  villages  ont  pris  la  place  des  anciens  vl  la  |i(ipii- 
Jatioii  même  ignore  le  désastre  qui  fra|)pa  ses  ancêtres. 

La  rive  orientale  de  Java,  au  bord  du  détroit  de  Bali,  est  domini'e  par 
des  volcans  comme  le  littoral  de  la  pointe  occidentale.  Un  énorme  massif 
terminal  projette  ses  coulées  de  lave  ius(|u'à  .">  kilomJ'fres  des  récifs  avan- 
cés de  Bali.  Tout  un  diadème  de  hauts  pilous  enhuire  un  plateau  circulaire 
ipii  fui  pcul-rli'e  un  grand  cralèi'e  :  au  sud-ouest  se  dresse  le  Raoen  (.'âr)!) 


VOLCANS  DE  JAVA,   RINT.GIT,   RAOEN.  ôi5 

métros);  au  nord-ouesl  se  proloni;e  l'aivle  du  Kendeng,  puis  au  nord-esl 
s'élève  le  Koekoesau  ou  la  ■<  Corbeille  •<,  landis  ([u'au  sud-est  se  pressent 
le  Merapi,  l'Ongop-Ongop,  le  Ranti,  le  Paudil  et  autres  sommets  souvent 
compris  sous  le  nom  commun  de  goeiiong  Idjen  ou  i<  Mont  Isolé  ».  Les 
eaux  qui  s'amassent  sur  le  plateau,  jadis  lacustre,  s'écoulent  au  nord  par 
une  cluse  ouverte  entre  le  Kendeng  et  le  Koekoesan.  Le  Raoen,  géant  su- 
perbe dans  celte  assemblée  de  monts,  est  de  tous  les  volcans  de  Java  celui 
qui  s'est  évidé  le  plus  profondément  pour  laisser  une  issue  aux  va- 
peurs du  foyer  caché.  Le  gouffre  a  l'aspect  d'une  énorme  chaudière; 
ses  parois  sont  verticales  sur  les  deux  tiers  de  la  hauteur  et  les  fumées 
qu'on  voit  s'élever  dans  le  fond  sont  tellement  lointaines,  qu'elles  a|)pa- 
raissent  comme  un  brouillard  et  qu'on  n'entend  pas  même  leur  sifflement  ; 
de  l'autre  côté  de  l'immense  abîme,  on  distingue  vaguement  sur  la  mu- 
raille de  cendres  les  saillies  de  quelques  piliers  de  laves.  Lors  de  la  visite 
de  Junghuhn,  ce  formidable  cratère  avait  environ  5000  mètres  de  tour  et 
7"20  inèlies  de  profondeur;  mais  il  s'agrandissait  fréquemment  par  la 
chute  de  ses  bords,  qui  se  détachaient  en  masse,  comme  des  rivages  saldon- 
neux  attaqués  à  la  base  par  le  courant  d'un  fleuve.  Parmi  tous  les  autres 
volcans  de  l'enceinte,  un  seul  est  encore  actif,  celui  qui  porte  le  nom  de 
Merapi,  comme  le  volcan  fameux  du  centre  de  Java  et  comme  un  mont 
suraatrais.Un  lac  d'eau  douce  repose  dans  le  cratère;  mais,  lors  des  érup- 
tions, les  vapeurs  sulfureuses  le  soulèvent,  le  changent  en  vapeur  comme 
celui  du  Keloet,  puis  les  nuées,  chargées  à  la  fois  de  sable  et  d'eau, 
retombent  sur  les  campagnes  des  alentours  et  les  couvrent  de  boues  l)rn- 
lantes.  Une  de  ces  explosions  eut  lieu  en  1817,  entraînant  les  maisons  et 
les  hommes,  el  diminuani  |)ar  d(^  nouvelles  plages  le  détroit  qui  sé[)are 
les  deux  îles  de  Java  et  Rali.  Le  promontoii'e  en  forme  de  massue  (jui  ter- 
mine Java  au  sud-est,  dans  l'alignement  des  montagnes  calcaires  de  la 
côte  méridionale,  était  jadis  une  île  que  des  pluies  de  cendres  ontiatta- 
chée  par  une  terre  basse  et  marécageuse  à  la  grande  terre.  Quant  au  pro- 
montoire nord-oriental,  le  Baloeran  (1290  mètres),  c'est  un  volcan  dont 
la  force  s'est  éteinte  :  un  seuil  de  IT)  mètres  à  peine  sépare  ce  cône  insu- 
laire des  coulées  de  l'Lljen. 

Au  nord,  l'île  de  Madoera,  quoi(jue  assez  accidentée,  n'a  point  de  mon- 
tagnes, mais  seulement  des  rochers  calcaires  :  son  plus  haut  r/oeiwng,  le 
Tamboekoe,  vers  l'extrémité  orientale  de  l'île,  atteint  seulement  170  mètres 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  Verbeek  a  constaté  que  les  formations 
Iriasiques,  jurassiques,  crétacées  manquent  complètement  à  Madoera,  de 
même  que  dans  la  grande  terre. 


Ô4f)  >OUVELLK  GKOGIÎAPIIIE  UNIVERSELLE. 

Oiioi(|ue  riHenduedes  lorrains  volcaniquos  de  Java  soit  Lieu  iiilérieiire  à 
celle  des  formations  scdimentaires,  les  quarante-cinij  volcans  de  File,  avec 
leur  cortège  de  pitons  latéraux,  leurs  cheires  de  lave  et  leurs  nappes  de 
cendres,  sont  les  traits  qui  donnent  à  Java  son  aspect  original  :  en  appro- 
chant de  ses  rivages,  le  regard  est  toujours  attiré  vei's  ces  grands  monts 
aux  courbes  gracieuses  qui  se  montrent  au-dessus  des  forêts  de  la  plaine, 
soit  empourprés  aux  rayons  du  soleil,  soit  d'un  bleu  pâle  dans  l'azur  plus 
profond  du  ciel,  et  parfois  surmontés  d'une  plume  de  vapeurs  blanches  se 
recourbant  à  l'ouest  sous  la  pression  du  vent  et  s'éclairani  en  rose,  le 
soir,  comme  les  neiges  des  Alpes.  A  des  intervalles  différents,  mais  sur- 
tout, d'après  Yerbeek,  pendant  la  dernière  partie  des  âges  tei'tiaires,  tous 
ces  monts  ont  pris  part  à  la  transformation  de  l'île;  durant  la  période 
histoi'i(|ue,  plus  de  vingt  d'entre  eux  ont  accompli  des  changements  très 
considérables,  modifiant  le  profil  et  les  contours  de  la  contrée.  Il  est  ceitain 
(|ne  ])ar  l'action  des  volcans  la  géographie  de  l'île  est  devenue  tout  autre. 
Si  la  migration  des  espèces  végétales  et  animales  ne  permiH  guère  de  douter 
de  l'ancienne  jonction  des  terres  entre  Java,  la  péninsule  Malaise  et  Bornéo, 
d'autre  part  les  faits  géologiques  démontrent  (|ue  durant  les  âges  immé- 
diatement antérieurs  à  la  période  conlem|)oraine,  Java  était  divisée  en 
plusieurs  îles  offrant  le  même  aspect  que  la  traînée  orientale  des  terres 
comprises  entre  Bali  et  Nila.  (le  sont  les  volcans  qui  pai'  leurs  coulées  et 
surtout  leurs  éruptions  de  cendres  ont  le  plus  contribué  à  réunir  les  iVag- 
ments  (''pars  en  une  seule  gi'ande  t(^rre.  Du  côté  du  sud,  leur  action  a  été 
mininie,  à  cause  de  l'énorme  profondeur  de  l'Océan,  et  ils  n'ont  jtu  combler 
i|ue  d'étroites  baies,  l'attacher  à  la  rive  maîtresse  que  des  îlots  rapprochés; 
mais  dans  les  parages  du  nord  ils  ont  notablement  étendu  la  superficie 
des  terres,  et  nombre  d'îles  ont  été  transformées  en  péninsules  ou  même 
complètement  entourées  de  campagnes  nouvelles,  entraînées  pour  ainsi 
dire  loin  de  la  mer.  Il  paraît  d'ailleurs  que  Java  s'élève  graduellement  au- 
dessus  de  l'Océan  ;  en  maints  endroits  les  grèves  et  les  bancs  de  corail  ont 
été  soulevés  à  (),  S  et  mémo  15  mètres  '. 

Par  leurs  torrents  de  vapeurs,  les  sables  (|u'ils  mêlent  à  leurs  nuées,  les 
boues  qu'ils  font  l'etomber  sur  les  campagnes  environnantes,  les  volcans 
sont  ri''i'llement  des  Meuves,  mais  ce  sont  les  cours  d'eau  pioprement  dits 
i|ui  reprennent  tous  les  débris  rejelés  par  les  cratères  ou  les  crevasses 
et  les  (listiihueiil  en  couches  régulières,  les  remanient  en  alluvions,  et 
leui-  (Idiineul  la  consistance  nécessaire  pour  résister  à  l'érosion  d(^s  eaux 

'  Jiin,nliiiliri.  Vclli,  mivrugi's  eitrs  :  —  Ed.  Siicss,  Ihis  Aiillilz  (1er  Erdc. 


VOLCANS,  i'ij;i  vi;s  ni:;  java.  517 

111:111110.  Les  rivières  contiiiiiiMil  ainsi  l'œiiviv  i-ommencée  dans  le  l'oyor 
des  volcans,  r(  c'est  aussi  dans  les  jiolfes  |)en  piidonds  du  nord  que  leurs 
empiétements  sont  le  plus  rapides.  D'ailleurs,  c'est  également  de  ce  côté 
que  les  bassins  fluviaux  ont  la  plus  grande  étendue,  que  les  cours  d'eati 
ont  le  ])lus  de  longueui'  cl  la  plus  vaste  ramure  :  grâce  à  la  direction  de  la 
moussim  de  l'ouest  et  du  nord-ouest,  (|ui  l'emporte  par  l'abondance  des 
pluies,  les  rivières  du  versant  seplenlrional  sont  également  privih'giées 
poui'  la  quantité  proportionnelle  de  leur  débit.  Les  tjl  et  les  kali  —  ce 
sont  l(>s  noms  soendanais  et  javanais  des  rivières  —  ne  sont  guèiv  navi- 
gables (|iie  dans  les  provinces  du  nurd. 

\ers  l'angle  nord-occidental  de  .lava,  à  l'ouest  et  à  l'est  de  lîatavia,  les 
plaines  sont  arrosées  par  des  rivil'res  nombreuses,  trop  faibles  pour  iMic 
navigables,  si  ce  n'est  dans  les  terres  basses  où  leur  cours  a  été  canalisé. 
La  plus  considérable,  le  tji  Taroem,  (}ui  nait  dans  la  province  de  l'reang, 
sur  les  pentes  des  volcans  méridionaux,  et  s'échappe  du  plateau  de  Ban- 
doiig  jiar  une  cluse  ouverte  dans  la  chaîne  du  nord,  a  un  cours  dévelo]ipé 
d'environ  2iO  kilomètres,  dont  le  tiers  inférieur  est  navigable  aux  barques 
d'un  faible  liiant  d'eau.  Le  délia  du  Iji  Taroem,  bordé  de  terrains  d'inoii- 
dalion,  s'avance  au  loin  dans  la  mer  à  l'est  du  golfe  de  Batavia.  Les 
mesures  précises  faites  dans  ces  parages  constatent  que,  depuis  la  lin  du 
dix-septième  siècle,  l'empiétement  moyen  de  ce  littoral  sur  la  mer  est  d'un 
peu  plus  de  7  mètres  par  an  '.  Le  tji  Maiioek,  inoins  abondant  que  h  Ta- 
roem, a  piiuriant  formé  comme  lui  une  pointe  vaseuse  :  c'est  la  saillie 
qui  porte  le  nom  indien  d'Indramajoe.  Les  bateaux  remontent  aussi  le 
canal  inférieur  du  tji  Manoek. 

Le  grand  fleuve  du  versant  septentrional,  long  de  500  kilomètres,  est 
\o  kali  Solo,  appelé  aussi  Bengawan  et  Sambaja.  Ses  premières  eaux  jail- 
lissent dans  un  vallon  des  «  Mille  Montagnes  ><,  à  l'i  ou  13  kilnmi'tres 
seulement  de  l'océan  Indien,  et  le  ruisseau  jirimitif  se  grossit  bieiitôL  d'au- 
tres ruisseaux  descendus  des  volcans  Merapi  et  Merbaboe,  ijui  limitent  le 
bassin  du  côté  de  l'ouest.  A  l'est,  le  Koekoesan  et  le  Lavvoe  sont  rayés  de 
ravins  qui  de  tous  les  côtés  descendent  vers  le  kali  Solo  ou  ses  affluents,  et 
c'est  au  nord-est  du  Lavvoe  (|iie  le  confluent  des  deux  rivières  maîtresses 
transforme  li^  cours  d'eau  en  un  véritable  Meuve.  Il  lui  reste  pourtant  à 
franchir  une  cluse  de  rochers,  mais  au  delà  le  kali  Solo  présente  dans 
tout  son  cours  une  profondeur  suffisante  pour  les  barques  d'un  fori 
liraiil  d'eau  :  il  serait  même  accessible  aux  gros  navires  de  mer  s'il  n'était 

'   Ti'oiiip;  —  JuM^lmliM.  Vulli.  uiivragcs  cilùs. 


5i8  NOrVELLIi  GEOGRAPIIIK  l M VERSELLK. 

obstrué  à  rentrée  par  des  bancs  dont  le  seuil  est  recouvert  seulement  de 
"2  mètres  d'eau.  Dans  son  cours  navigable,  le  Solo  coule  au  nord-csl,  puis 
à  l'est,  au  milieu  de  la  dépression  naturelle  ouverte  entre  les  deux  moitiés 
parallèles  de  Java,  et  trouve  une  issue  par  la  brèche  du  Nauw,  où  s'est 
l'orme  le  détroit  de  Madoera.  Le  delta  d'alluvions  a  j)lus  qu'à  moitié  com- 
blé cette  brèche  et  en  a  diminué  la  profondeur:  tôt  ou  tard  le  passage  eût 
été  complètement  obstrué  i)ar  les  bancs  de  sable,  malgré  le  llux  de  la 
marée,  si  les  eaux  (jui  coulaient  à  l'est  n'avaient  pas  été  détournées  vers 
le  nord  au  moyen  d'un  canal  rectiligne,  creusé  dans  les  leri'cs  basses.  Les 
troubles,  rejetés  vers  la  mer,  se  déposent  en  un  petit  g(dle  latéral.  C'est 
le  même  travail  que  l'on  devrait  faire  en  France  pour  jeter  le  grand  Uhône 
à  l'ouest  et  protéger  ainsi  le  golfe  de  Fos  contre  les  apports  fluviaux. 

A  l'autre  extrémité  du  détroit  de  Madoera,  dans  le  Trechter  ou  «Enton- 
noir »  proprement  dit,  se  déverse  un  autre  fleuve,  toujours  chargé  de 
troubles  et  remarquable  par  les  grandes  dimensions  de  son  delta  envahis- 
sant. Ce  kali  est  le  Brantas,  qui  |irend  également  son  origine  très  près  de 
l'océan  Indien,  au  sud  du  volcan  de  Kawi  :  un  de  ses  affluents  naît  à 
2  kilomJ'lres  seulement  de  la  côte  méridioiudc.  Le  Brantas,  appelé  aussi 
Kediri-riviei',  ne  le  cède  dans  Java  qu'au  seul  kali  Solo  en  abondance 
d'eau;  mais,  si  ce  n'est  pendant  les  crues,  les  bateaux  ne  le  remontent 
(|u'au  risque  d'échouei'  sur  les  fonds  de  vase  ou  de  sable.  Quant  aux  rivières 
du  ver.sant  méridional,  il  en  est  peu,  même  parmi  les  plus  fortes,  sur 
lesquelles  puissent  se  hasarder  les  banjues.  Le  kali  l'rogo,  dont  les  hauts 
aflluenls  viennent  des  deux  groupes  de  volcans  jumeaux,  à  l'ouest  le 
Siudoro  et  le  Soembing,  à  l'est  le  Merbaboe  et  le  Merapi,  est  trop  rapide 
pour  (|u'il  |)uisse  servir  au  trans|)oil  des  denrées  et  l'on  n'a  pas  encore 
donné  suite  au  ])rojet  de  l'ingénieur  Stielljes,  (jui  consiste  à  le  rejeter  au 
nord  dans  le  bassin  du  Solo,  afin  d'en  utiliser  les  eaux  pour  les  arrose- 
ments'et  la  navigation'.  Le  kali  Serajoe,  alimenté  par  les  ruisseaux  (jui 
descendent  d'un  autre  hémicycle  de  volcans,  du  Soembing  au  Slamat,  est 
navigable  dans  son  cours  inférieur;  mais,  |)our  éviter  la  barre  })érilleuse 
de  l'entrée,  les  bateaux  doivent  contourner  l'estuaire  à  l'ouest  par  un 
canal  creusé  deniain  d'homme.  Le  iji  Tandoevvi,  dont  les  vallées  supé- 
rieures embrassent  le  massif  du  Sawal,  reçoit  même  des  baleaux  à  vapeui' 
dans  son  estuaire  qu'élargit  le  flot  marin;  le  fleuve,  dans  son  coui's  infé- 
rieui',  s(!r|)enle  en  un  vaste  golfe  transformé  en  marais  ou  rawa  j)ar  les 
alluvioHs  (|ue  lui  ont  apportées  les  torrents  :  il  ne  l'cste  plus  de  ce  golfe 

'  S.  E.  W.  iiiKinla  \M\  Evsiii^a,  Notes  tnaiiiiscrilcs. 


FLKl'VKS   m:   JAVA,   SlllJl.    niiANTAS.    TA.MMIKWI. 


349 


fjiriiiic  hiiic  sans  profoiidour,  dite  Sogara  Aiiaknii  ou  "  Mer  des  Knlanls  ». 
Une  longue  ile  rocheuse,  Noesa  Kembaniian,  située  au  devant  de  la  ré|iion 
liasse  de  l'ancien  goU'e,  facilite  !(>  travail  de  comblement  en  retenant  les 
alluvions  des  rivières,  qui   sur  le  reste  du  littoral  sont  emportées  dans 


N»    71.    NOESA    KF.MBANGA 


20   l-Tl. 


les  aijimes  (icéani(|ues.  Ih'jà  le  Noesa  Keinhaniian  n'est  j)lus  sépai'é  de  la 
grande  Icrre  (|ue  j)ar  un  marigot  vaseux.  On  |>eut  dire  (|u'il  fait  partie  do 
Java;  taiulis  (ju'on  le  voyait  jadis  à  une  certaine  distance  au  large,  il  se 
trouve  maintenant  attaché  à  la  rive  :  de  là  sans  doute  son  nom,  qui, 
d'après  la   plupart   di^s  auteurs',  signifierait,  non  pas  «   île  des  Fleurs  » 


J.  Cruwl'uril,  liidinn  Aichipelaiju : —  Velli,  Jatui. 


550  NOUVELLE  (iE  (li;  l{  Al'UlE  L'.MVEKt^ELLi;. 

cDiiiiiiL'  le  (liseiil  les  iiidiiiènes,  mais  u  ile  FloUaiile  ".  Il  esl  viai  (|iie  la 
légeiule  explique  ce  phénomèiie  par  l'interveiilion  d'iiii  saiiil  (|iii  iiieiiail 
eu  laisse  l'île  miraculeuse. 

Le  cliuial  de  Java  ressemide  à  celui  des  autres  terres  de  l'Iusuliiide  occi- 
deutale;  il  ulïre également  l'alteruaucedes  deux  vents  alizés,  trausl'tirmés  en 
moussons  et  apportant  tous  les  deux  une  certaine  quantité  de  [)luie,  (juoi- 
(|ue  la  mousson  de  l'ouest  soit  plus  humide  en  moyenne  et  [dus  l'réfjuem- 
ment  accompagnée  de  mauvais  temps.  Garantie  en  partie  des  vents  d'ouest 
par  la  masse  de  Sumatra,  Java  ne  re(;oil  pas  une  part  d'humidité  aussi 
considérahie  que  les  plateaux  de  l'ile  sœur;  en  outre,  rorienlalion  des 
montagnes  dans  le  sens  de  l'ouest  à  l'est  modilie  le  régime  des  courants 
atmosphériques  :  l'alizé  change  rrcMjuemment  sa  direcliim  normale  du 
sud-esl  j)our  souffler  du  sud,  perpendiculairement  au  rivage;  de  même,  la 
mousson  «  de  l'ouest  ..  vient  frapper  la  côte  en  vent  du  nord,el  de  part  et 
d'autre,  à  travers  File,  les  courants  atmosphériques  se  propagent  dans 
les  avenues  que  leur  présentent  les  larges  brèches  entre  les  rangées  de 
volcans.  Les  deux  rives,  du  nord  et  du  sud,  offrent  ainsi  un  grand  con- 
traste provenant  de  la  marche  des  vents;  les  deux  extrémités  de  l'ouest  et 
de  l'est  difièrent  aussi,  par  suite  de  l'assèchement  graduel  du  climat,  à 
mesure  qu'on  se  rapproche  de  l'AusIialie.  Ou  tih^erve  égalemenl  des  con- 
trastes locaux  suivant  l'étendue  des  régions  forestières  et  les  défiiche- 
menls  ;  mais  c'est  toujours  le  versant  occidental  des  monts,  tourné  vers 
la  mousson  "  mauvaise  ',  (|ui  reste  le  plus  humide  et  au(piel  s'attachent 
le  plus  souvent  les  hrunies  ;  au-dessus  de  (SOI)  mètres  ou  u'oliserve  plus  le 
jeu  allernalif  des  lirises  de  lerre  el  îles  hrises  de  mer;  au-dessus  de 
150(1  mèlres  la  mousson  d'ouest  perd  de  sa  force;  plus  haut  s'étend  une 
zone  ueulie.  el  les  cimes  encore  plus  élevées  baignent  dans  le  courant 
ri'gulirr  de  l'ali/i'  du  sud-esl.  Il  esl  l'are  (|ue  plusieui's  jours  se  passent 
sans  (|u'il  |ileii\e  sur  les  sommets  de  Java;  presque  clia(|ue  soir  a  son 
orage,  (hi  peut  dire  que  chaipu'  massif  a  son  climat,  provenant  à  la  fois 
des  couililions  géogTaphi(|ues  et  de  l'action  des  hommes.  Les  moyennes 
de  [)luies  constatées  dans  cent  stations  méléorologi((ues  de  Ja\a  pendant 
huit  années  établissent  que  la  part  d'humidité  varie  d'un  peu  plus  de 
1  mètre  à  |)iès  de  ')  mètres  par  au  '. 

L'ensemble  de  la  flore  javanaise,  décrite  par  Mi(|uel,  coniprenil  plus  de 
'.MMIIj  phani'rogames,  dont  ."0(10  oui  des   noms   indigènes,  ce  i|iii    lénioigne 

'   Sliilmn  ilc.l;iv;i(|iii  ;i  ivai  le  iiinnis  <\r  pliilc.  .Ir   IST'J  :.  1 88ti  :  Siloohoniln  (E.  .Il' .liivii).  l'-.lid 
i:  Il    i|ui  fil  a  roai  le  jilii^  »  »         Iliiilciizoi>[  (0.  ili' Java),  ■i"',74i 

{licfUvriiHis  A  linanak,  I  fJSfS.  ) 


CLIMAT.   FLORT:   DE  JAVA.  r.M 

(l'un  sens  ipmaïquabli'  d'oltscrvalion  clicz  les  Javanais',  (iràce  à  sos  nom- 
l)ivu\  volcans,  qui  so  succèdeni  comme  des  îles  dans  la  mer,  Java  varie  à 
l'infini  l'étagement  de  ses  espèces  végétales,  dont  les  zones  s'entrecroisent, 
de  l'été  constant  des  pentes  inférieures  à  l'hiver  ou  du  moins  à  l'automne 
des  sommets.  En  moyenne,  la  zone  tropicale  de  Java,  celle  où  croissent  les 
espèces,  indigènes  ou  importées,  qui  demandent  une  haute  température 
constante,  ne  dépasse  guère  600  mètres;  la  plupart  des  palmiers  ne  s'élèvent 
pas  au-dessus  de  cette  hauteur;  cependant  l'areng  {borasmH  gomutjia),  le 
zi(tlif'rbo())n  des  Hollandais,  cet  arbre  si  utile  qui  fournit  aux  Javanais  une 
boisson  fermentée,  du  sucre,  des  cordages,  Valap,  c'est-à-dire  les  feuilles 
pour  la  toiture,  comme  le  palmier  nipa  des  marais,  enfin  mille  objets 
d'usage  journalier,  se  voit  partout  dans  l'intérieur  de  l'ile  jusqu'à  l'alti- 
tude de  1400  mètres.  Les  plus  beaux  arbres  croissent  dans  la  zom- 
moyenne  entre  000  et  "2000  mètres,  offrant  en  proportion  de  la  hauteur 
du  sol  une  physionomie  (jui  se  rapproche  graduellement  de  celle  des 
forêts  d'Europe;  d'ailleurs  on  y  rencontre  aussi  des  espèces  des  genres 
européens,  chênes,  érables,  châtaigniers,  à  côté  du  Iakka  (myri^tico 
ini'm)  et  du  rasamala  (litjuklainhar  allitHjiana),  le  géant  des  bois  java- 
nais de  l'ouest.  Dans  les  régions  supérieures,  la  puissance  de  la  végéta- 
tion diminue  par  degrés  :  les  fourrés  se  composent  en  majeui'e  partie 
d'arbustes  et  de  plantes  basses,  myrtes,  acacias,  ronces,  sureaux,  chè- 
vrefeuilles, et  surtout  de  gnaphalium  ligneux  et  d'une  espèce  d'éricée. 
l'agapetes.  Plusieurs  cimes  de  volcans,  oîi  l'on  ne  remarque  pourtant  au- 
cune trace  d'exhalaisons  gazeuses,  sont  complètement  nues.  Par  amour 
du  merveilleux,  quelques  voyageurs  anciens  ont  attribué  les  émanations 
dangereuses  de  certains  volcans  à  la  présence  d'arbres,  tels  que  l'aiitylar. 
dont  le  voisinage  même  donnerait  la  mort;  toutefois  cet  ai'bre  redouté 
{(rutiiiris  in.iicaria)  n'est  mortel  que  par  Voepas  ou  poison  (|ui  en  découle 
et  il  se  rencontre  dans  toutes  les  parties  de  l'île,  aussi  bien  (|u'en  d'autres 
terres  de  l'Insulinde,  où  son  suc  est  employé,  comme  celui  de  diverses 
plantes  vénéneuses,  pour  enduire  les  pointes  des  flèches  et  des  javelots  : 
il  tue  en  paralysant  l'action  du  cœur.  Après  le  cocotier,  l'areng  et  les  bam- 
bous, un  des  végétaux  les  plus  précieux  de  la  flore  endémique  java- 
naise est  le  djati,  le  tek  des  Hindous  {kctonia  (irandh),  qui  manque  dans 
plusieurs  autres  îles  de  l'archipel  asiati(jue  et  dont  l'aire,  même  à  Java, 
est  considérablement  diminuée  depuis  les  temps  historiques \  Il  est  rela- 


Ollo  Kunizo,  Vm  Die  Erdc,  Rcisebeiichle  fines  Nnlurforiirltrys. 
i.  \\ .  U.  Cordes,  De  Djali-liosschen. 


352  NOUVELLK  GKOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

livemcnl  rare  diuis  les  j)roviiicos  occidentales  :  sa  véiilahle  pairie  esl  entre 
le  promonloii'e  de  Japara  et  Madoei'a,  dans  la  résidence  de  Remhang,  où  il 
occnpe  snrloiit  les  parties  asséchées  des  plaines  et  les  premières  pentes  des 
monts  jusqu'à  '250  mètres  d'alliliide  ;  mais  il  en  existe  aussi  de  grandes 
forêts  dans  toutes  les  parties  du  centre  et  de  l'est,  et  des  plantations  en 
ont  été  faites  le  long  des  routes  et  dans  les  terrains  vagues. 

De  même  que  Sumatra  cl  Born(>o,  .Tava  possède  ses  animaux  distincts 
dans  la  faune  générale  de  l'insulinde.  Sur  une  centaine  de  mammifères, 
cinq  ou  six  lui  appartiennent  en  [)ropre  ;  de  27(1  espèces  d'oiseaux,  elle 
en  possède  40,  qui  sont  exclusivement  javanaises.  }.!ais  ce  qui  étonne  sur- 
tout,c'estle  manque  de  formes  animales  caractéris(i(|uesdes  autres  grandes 
îles  do  la  Malaisie  :  Java  n'a  point  l'éléphanl,  ni  le  lapir,  ni  l'orang-ouian, 
mais  elle  a  le  ravissant  cerf-nain,  ou  '<  cerf-souris  »,  minialui'e  parfaite 
du  ceif  des  forêts  d'Europe.  Parmi  ses  grands  mammifères,  les  plus 
remarquables  sont  les  rhinocéros  et  les  bœufs  sauvages;  mais  les  pre- 
miers ne  se  rencontrent,  déjà  fort  rarement,  (|ue  dans  la  partie  occiden- 
tale de  l'ile,  où  d'ailleurs  ils  semblent  compli'iemeni  indifférents  au  cli- 
mat :  on  les  voyait  aussi  bien  sur  les  plus  hauts  sommets  des  volcans, 
au  b;)rd  des  cralères,  que  dans  les  forêts  basses  du  littoral.  Quant  aux 
tigres,  ils  hai)ileu[  les  jongles  en  diverses  parties  de  l'Ile,  mais  c'est  prin- 
cijialemenl  dans  les  terres  basses  que  se  trouve  leur  zone  de  parcours; 
en  maints  dislricls  montagneux,  les  trouj)eaux  de  cerfs  paissent  sans  dan- 
ger dans  les  clairières  des  l'orêls.  Sur  d'autres  plateaux,  il  esl  vrai,  les 
tigres  ont  suivi  le  gibier,  el  l'on  a  remarqué  (|u'ils  sont  toujours  accom- 
pagnés dans  Icuis  migralions  par  le  paon.  Les  slalisli(jues  établissent 
que  des  centaines  d'individus  périssent  chaque  année  à  Java  pai'  la  denl 
des  tigres  :  comme  dans  l'Inde,  il  arrive  souvent  que  des  fauves  dont  les 
dénis  sont  usées  chassent  l'homme  exclusivemeni  ;  dans  la  résidence  de 
Banlam,  des  villages  entiers  ont  dû  être  déplacés  à  cause  du  voisinage  des 
tigres.  Les  crocodiles  soni  aussi  fort  dangereux  dans  certaines  rivières, 
mais  ils  font  annuellement  moins  de  victimes  (|ue  les  tigres.  Un  lézard  de 
grandes  dimensions,  le  tukc'i  (iihiti/daclijlus  (julUtlm).  est  ainsi  nommé 
d'après  son  ci'i,  que  le  nouveau  venu  pourrait  croire  |iroiion('(''  par  une 
bouche  humaine  '. 

Les  îles  dépendantes  de  Java  en  diffèrent  pai'tiellemenl  [)ar  la  l'aune  : 
Bawean  notamment  constitue,  par  ses  espèces  d'animaux,  un  petit  monde 
à  part;  même  Noesa  Kembangan,  qui  n'est  pour  ainsi  dire  (|u'uuc  pénin- 

'  (;.  Wiii.lsnr  Eiirt,  The  Eask'ni  Sens. 


FAINE,   POPILATIONS  DK  JAVA.  555 

suie  javanaise,   possède  une  roussette  [pteropm  aterrimus)  que  l'on  ne 
li'ouve  pas  à  Java  '. 


Les  indifiènes  de  Java  n'appartiennent  pas  tous  au  même  proupe  natio- 
nal. Les  Malais  proprement  dits,  (jui  donnent  leur  nom  à  l'ensemble  de  la 
race,  ne  sont  représentés  dans  l'Ile  que  par  des  immigrants  et  ne  possèdent 
la  majorité  que  dans  une  moitié  de  la  province  de  Batavia,  où  les  ont 
appelés  le  commerce  et  la  centralisation  politique.  Le  reste  de  l'île  est 
occupé  par  des  Soendanais,  des  Javanais,  —  ceux-ci  de  beaucouj»  les  plus 
nombreux,  —  et  des  Madoerais.  Entre  ces  divers  groupes,  qui  se  distin- 
guent surloul  par  la  langue,  s'interposent  des  zones  de  transition  où  se 
parlent  des  patois  intermédiaires. 

A  l'exception  de  l'enclave  malaise  de  Batavia  et  des  côtes  du  nord,  où 
l'idiome  javanais  a  prévalu,  la  partie  occidentale  de  Java  est  habitée  par  les 
Soendanais  jusqu'à  une  ligne  transversale,  tirée  du  golfe  de  Cheribon  à 
l'embouchure  du  tji  Tandoewi  :  le  nom  de  Soenda,  que  l'on  donne  à  cette 
contrée,  est  d'origine  fort  ancienne,  et  c'est  par  erreur  que  les  maiins  par- 
lent des  îles  et  du  détroit  «  de  la  Sonde  »  comme  si  cette  appellation  était 
de  provenance  européenne  et  devait  sa  signification  aux  faibles  profondeurs 
(le  l'eau  dans  les  mers  de  Java.  Les  gens  du  Soenda  ou  Soendanais,  les 
«Hommes  du  Sol  »  ou  les  «  Aborigènes  »,  ont  en  effet,  grâce  à  la  nature 
montagneuse  de  leur  pays,  mieux  conservé  leurs  moeurs  primitives  que  les 
autres  insulaires  et  se  sont  moins  croisés  d'éléments  étrangers.  Ils  sont  en 
général  plus  forts  physicjuement,  plus  grands  et  plus  sains;  mais  ils  sont 
considérés  comme  relativement  barbares,  et  quand  ils  se  rencontrent  avec 
des  Malais  ou  des  Javanais,  ils  ont  honte  de  leur  dialecte,  que  l'on  tient 
dans  les  villes  pour  une  sorte  de  patois.  Moins  développée  que  le  javanais, 
leur  langue  n'en  diffère  que  peu  pour  le  vocabulaire  primitif  et  la  syn- 
taxe; mais  elle  renferme  beaucoup  moins  de  mots  sanscrits,  l'influence 
des  Hindous  ayant  été  relativement  faible  dans  leurs  montagnes.  Cepen- 
dant les  Soendanais  furent  également  convertis  au  bouddhisme,  et  plus 
tard  à  la  religion  de  Mahomet;  ils  eurent  aussi  beaucoup  à  souffrir  de 
guerres  d'invasion,  et  l'on  dit  que  le  nom  même  de  Pieang,  qui  reste 
aux  Preanger  Regentschappen  ou  «  régences  de  Preang  »,  a  le  sens  de 
«  Terre  d'Extermination  »-.  Dans  la  haute  vallée  du  tji  Oedjoeng,  que 


TL'inmiiick,  Les  Possessions  néerlandaises  dans  l'Inde. 
Olivier,  Reisen  im  Niederlândischen  Indien. 

ïiv.  45 


554  NOUVELLK  (lÉOGRAPUIE   UNIVERSELLE. 

(lominent  les  monlnuiies  (le  Kêndaiig,  près  de  l'extrémilt''  occiaenlale  de 
l'ile,  un  millier  de  Soendnnais,  désignés  sous  le  nom  de  Badoeï,  —  dérivé 
sans  doute  de  l'arabe  badaoui  ou  bédouins,  —  praticjuent  encore  des  céré- 
monies païennes,  auxquelles  se  mêlent  quelques  traces  du  culte  de  Bouddha. 
Ces  montagnards  se  distinguent  de  leurs  voisins  mahométans  par  une 
plus  grande  probité  et  des  mœurs  plus  sévères.  Meurtres,  vols,  adultères 
sont  inconnus  chez  eux  ;  ceux  d'entre  les  villageois  qui  se  rendent  cou- 
pables de  quelque  méfïiit  sont  bannis  de  la  commune;  la  culture  des 
rizières  en  terrains  humides  leur  est  interdite  ])ar  la  tradilion.  Les  cheCs 
des  knmpong  prennent  le  nom  de  «  pères  »;  on  les  appelle  aussi  les 
«  Sources  de  la  Joie  ». 

Les  Javanais  proprement  dits,  ([ui  représentent  plus  des  deux  tiers  de 
la  population,  occupent  toute  la  partie  centrale  de  Java  à  l'est  du  golfe  de 
(llieribon  ;  ils  peuplent  en  outre  la  côte  septentrionale  entre  Cheribon  et 
le  détroit  de  la  Sonde,  et  le  littoral  du  sud  dans  la  région  orientale  de 
l'île.  A  l'est  du  pays  de  Soenda,  la  contrée  devient  beaucoup  plus  facile- 
ment accessible,  grâce  aux  larges  dépressions  qui  s'ouvrent  entre  les  mas- 
sifs de  volcans.  Aussi  les  immigrants  étrangers,  venus  des  autres  îles  de 
rinsulinde,  surtout  du  ïsiampa,  dans  la  péninsule  ludo-chinoise,  et  même 
de  l'Inde  lointaine,  ont-ils  été  nombreux  dans  celte  partie  de  Java,  et  la 
civilisation  supérieure  des  Hindous  leur  donna  sur  la  population  indigène, 
d'ailleurs  civilisée  déjà,  un  ascendant  considérable  :  la  langue  sacrée  des 
Javanais,  le  kari,  c'est-à-dire  le  langage  «  cultivé  »,  renfei'me  une  très 
forte  proportion  de  termes  sanscrits.  D'anciens  documents,  des  inscriptions 
on!  sauvé  ce  langage  de  l'oubli,  et  il  en  reste  des  traces  nombreuses  dans 
le  javanais,  surtout  en  poésie;  les  contes  de  la  veillée,  les  fragments  de 
poèmes,  les  représentations  théâtrales  et  ces  tvajang  ou  jeux  de  niarioii- 
netles  auxquels  les  insulaires  de  Java  assistent  avec  tant  de  passion,  raji- 
pellent  les  grandes  scènes  de  la  mythologie  hindoue.  D'ailleurs,  en  pays 
javanais  comme  en  domaine  soendanais,  s'est  maintenue  une  popula- 
tion d'environ  trois  mille  fugitifs  sivaïles  (|ui  ont  gardé  leurs  pratiques 
indieunes  en  même  temps  que  leur  dialecte,  fortement  mélangé  de  termes 
dérivés  de  la  langue  sacrée.  Ce  sont  les  «  gens  de  Tengger  »,  (|ui  ont  pris 
pour  l'efuge  le  plateau  du  même  nom,  avec  sa  «  mer  de  sable  »  et  son 
cône  fumant.  Dans  leurs  longues  maisons,  où  plusieurs  familles  ont  leur 
résidence  commune,  brûle  une  flamme  sacrée,  qui  ne  s'est  point  éteinte 
depuis  le  jour  où  elle  fut  apportée  des  rivages  de  la  péninsule  hindoue. 

Le  javanais  se  subdivise  en  plusieurs  dialectes  provinciaux  ;  en  outre, 
chacun  de  ces  parlers  locaux,  de  même  (|ue  le  soendanais,  comprend  deux 


JAVANAIS. 


-.05 


langues,  la  «  haule  »  et  la  «  basse  »,  le  krotno  el  le  mjoko,  fjue  tous  doi- 
vent employer,  la  première  quand  ils  s'adressent  à  des  supérieurs  ou  à  des 
égaux  cérémonieusement  traités,  la  seconde  quand  ils  s'entretiennent  avec 
des  inférieurs  ou  des  amis.  Le  langage  noble  n'est  point,  comme  on  pour- 
rait le  croire,  celui  que  l'on  parle  spécialement  dans  l'entourage  des  prin- 
ces :  au  contraire,  les  pauvres,  obligés  de  témoigner  leur  soumission  en- 
vers tous,  parlent  d'ordinaire  le  kromo  d'une  façon  beaucoup  plus  élégante 
que  les  nobles,  habitués  à  se  servir  avec  leurs  gens  du  langage  «  bas  »,  le 
«  parler  du  tutoiement  ».  D'ailleurs,  les  différences  entre  les  deux  dia- 
lectes ne  sont  pas  de  simples   formes;    elles  s(int   piofondes  :   il  faul    ciii- 


N"   72.    rOPrLVTIOX?    DE    JAVA. 


=  1^5^' 


Est  d-  Pa, 


SuL'udauais.  Mal.nis.  Javanais.  Maducrais.  Tcnfrfrorais 

Le  croisement  des  grisés  iiidique  le  mélange  des  langues. 


[doyer  d'autres  termes,  d'autres  tournures  de  phrases,  modifier  les  dési- 
nences de  mots  quand  on  ne  peut  en  trouver  de  différents;  même  les  noms 
des  villes  changent  suivant  la  personne  à  lacjuelle  on  parle'.  Il  existerait 
même  une  troisième  langue,  à  peu  ])rès  intermédiaire  aux  deux  autres, 
le  madyo,  dont  on  se  sert  dans  l'intimité. 

Le  dialecte  de  l'ile  de  Madoera  est  assez  différent  du  javanais  pour  qu'on 
le  considère  comme  un  langage  à  part,  et  généi'alement  on  le  parle  d'une 
voix  traînante  qui  lui  donne  un  caractère  spécial.  Tandis  que  l'idiome 
javanais  empiète  graduellement  à  l'ouest  sur  le  soendanais,  en  vertu  de  la 
civilisation  supérieure  de  ceux  (|ui  l'emploient,  c'est  le  madoerais  qui 
l'ompoile  dans  la  |)arlie  oricnlalc  de   File,  gri'ice   au  mouvement   rapide 


'  Crawfurd,  llislonj  uf  ihr  liidi/iii  Airliipclayu  i  —  Kcrii  ;  v:m  iloi'  Tiiiik;  Velli,  ilc. 


556  NOUVELLE  GÉOGHAI'lllE   L M  VEIiSELLE. 

d'immij^ralion  qui  entraîne  les  entreprenants  Madoerais  sur  la  grande 
terre  voisine '.Ils  ont  la  majorité  numérique  dans  les  deux  provinces  de 
Besoeki  et  de  Probolingo;  ils  luttent  en  égaux  dans  celle  de  Pasoeroean, 
et  s'accroissent  rapidement  autour  de  Soerabaja.  Les  trois  langues,  soen- 
danaise,  javanaise,  madoeraise,  s'écrivent  en  caractères  dérivés  du  deva- 
nagari  de  l'Inde. 

Physiquement,  les  Javanais  ont  des  formes  gracieuses  et  des  traits 
délicats.  On  ne  voit  parmi  eux  qu'un  petit  nombre  d'individus  de  haute 
taille;  mais,  qu'ils  soient  de  moyenne  ou  de  faible  stature,  ils  sont  presque 
toujours  sveltes  et  élancés.  Plus  encore  que  chez  les  autres  Malais,  les  di- 
verses parties  du  squelette  présentent  un  bel  é(juilibre;  mais  chez  les 
femmes  les  os  sont  d'une  extrême  gracilité \  La  couleur  de  la  peau  varie 
du  jaune  pâle  à  l'olivâtre  foncé,  suivant  le  genre  de  vie  des  indigènes,  la 
nourriture  et  le  lieu  de  séjour  :  la  nuance  la  plus  appréciée,  chez  la  femme 
surtout,  est  celle  où  l'on  voit  briller  comme  un  retlet  d'or.  Le  nez  est  jteu 
saillant,  sans  être  épaté;  la  bouche  est  forte,  sans  être  lippue;  les  yeux  sont 
larges  et  bien  ouverts;  la  figure,  ronde,  [)résente  un  ensemble  de  physio- 
nomie bienveillant  et  poli,  souvent  triste,  suppliant  ou  résigné.  Les  princes 
portent  la  moustache  à  la  manière  hindoue. 

Les  Javanais  sont  les  plus  doux  des  hommes,  quoi(|u'il  ne  uiaiMiue  pas 
d'auteurs  qui  les  accusent  d'être  fanatiques,  perfides,  rancuniers,  vindica- 
tifs :  mais  il  est  facile  de  se  laisser  entraîner  à  médire  des  faibles.  Habitant 
une  conirée  dont  le  climat  permet  la  culture  de  toutes  les  plantes  nourri- 
cières et  dont  le  sol  n'est  dépassé  en  fécondité  par  aucun  autre,  le  Javanais 
n'a  pas  eu  de  peine  à  devenir  agriculteur  et  longtemps  la  cueillette  des  fruits 
avait  suffi  pour  le  nourrir.  Si  rapide  (|ue  fût  l'accroissement  de  la  pojiula- 
tion,  les  produits  étaient  toujours  en  surabondance  dans  ce  pays  où  l'indi- 
gène Innive  facilement  ses  trois  repas  de  riz  par  jour,  avec  du  |)oisson  et 
un  peu  de  viande  de  buffle,  moyennant  un  travail  de  quebjues  heures,  et 
où  l'on  n'a  besoin  ni  de  maison,  ni  de  vêlements,  ni  de  chauffage"'.  Le 
Javanais  a  donc  |)ris  naturellement  les  maîurs  pacifioues  de  l'agi^iculleur 

'  l'o|iiil;iliijii  jii'dliable  de  Java  en  1888,  suivant  les  langues  : 

De  langue  javanaise 10  (100  000  haliilants. 

))          soendanaise 2  500  000         » 

I)          madoeraise 2  000  000         n 

»          malaise 1  000  000         » 

D'autres  langues ÔOO  000         » 

Ensemble  ...        25  000  000  habitants. 
-  Von  Scherzcr,  Novarn-E.rpedilion . 

'  Van  Uoëvell,  Reis  ovcrJnvn,  Maditin  en  Buti ;  —  S  E.  \V.  Iluoida  van  Ejsinga,  l'hiiuaopliie 
Positive,  septenibie.  oetobre  1882. 


JAVA.    l'eMPEKECB    ET    L   IMPLKAIIUCE    DE   SUEKAKARIA. 

Gravure   Je   Thirial,   d  après  une    photographie    communiquée    par    M.   Cotlea». 


JAVANAIS.  359 

et  la  cohésion  communale  entre  paysans  du  même  district  est  devenue 
très  forte  là  où  la  culture  dominante  est  celle  des  rizières,  qui  demande 
un  labeur  collectif.  Mais  si  la  terre  généreuse  et  les  conditions  du  travail 
semblaient  préparer  les  Javanais  à  une  existence  douce  et  facile,  les  impo- 
sanls  phénomènes  de  la  nature  devaient  d'autre  part  les  disposer  à  la 
crainte.  Les  orages  de  Java  sont  terribles  et  les  statistiques  annuelles 
pailcnl  (le  centaines  d'individus  frappés  chaque  année  par  la  foudre,  de 
villages  incendiés,  de  maisons  détruites.  Les  fumées,  noires  de  cendres, 
qu'on  voit  s'élever  au  sommet  des  volcans,  paraissent  plus  redoutables 
encore  (}ue  les  nuages  cuivrés  d'oîi  s'élance  l'éclair  et  souvent  en  quelques 
heures  des  populations  entières  ontdisparu  avec  villages  et  moissons.  A  ces 
terribles  dangers  éventuels  des  orages,  des  inondations,  des  explosions  vol- 
caniques se  joint  pour  le  paysan  la  peur  d'être  saisi  par  les  fauves,  qui 
rôdent  autour  des  maisons  et  des  vergers. 

Mais  c'est  de  l'homme  surtout  que  vient  le  péi'il  pour  l'homme.  On 
ignore  l'histoire  ancienne  de  Java,  depuis  les  âges  de  pierre,  révélés  comme 
en  Europe  par  des  armes  et  des  instruments  en  silex;  mais  on  sait  que 
pendant  les  vingt  derniers  siècles  les  habitants  de  l'ile  ont  toujours  eu  des 
maîtres.  Les  seules  tribus  qui  aient  pu  maintenir  pour  un  temps  leur  indé- 
pendance sont  celles  que  de  grandes  forêts,  des  pentes  abruptes  ou  même, 
des  enceintes  de  cratère  protégeaient  contre  l'attaque.  Les  agriculteurs 
des  plaines,  épars  dans  un  territoire  qui  ne  présentait  guère  de  défenses 
naturelles,  si  ce  n'est  des  bois  et  des  marécages  faciles  à  tourner,  restaient 
exposés  à  toutes  les  invasions,  et  partout  des  maîtres  étrangers  vinrent 
leur  imposer  la  servitude.  La  forme  même  de  Java,  long  parallélogramme 
divisé  en  avenues  transversales  par  les  chaînes  de  volcans,  empêchait  la 
naissance  d'un  peuple  offrant  une  certaine  cohésion  politique  et  capable 
d'une  résistance  durable.  Aux  origines  de  l'histoire  insulindienne,  des 
convertisseurs  hindous,  venus  probablement  par  la  voie  de  la  Barmanie, 
de  Siam  et  du  Tsiampa,  étaient  à  l'œuvre  dans  l'ile  de  Java,  convertis- 
sant les  indigènes  au  brahmanisme  :  au  commencement  du  cinquième 
siècle,  lors  du  voyage  du  pèlerin  bouddhiste  Fa-hian,  la  religion  des 
brahmanes  dominait  dans  l'île.  Plus  tard  elle  fut  remplacée  presque  par- 
tout par  les  pratiques  du  bouddhisme;  cependant  le  culte  qui  s'est  main- 
tenu encore  çà  et  là  autour  des  volcans  rappelle  les  traditions  du  sivaïsme. 
De  nombreux  royaumes  hindous,  dont  l'histoire  et  les  légendes  donnent 
les  noms  et  qui  ont  laissé  sur  le  sol  les  ruines  de  leurs  capitales  ou  de 
leurs  temples,  se  constituèrent  successivement,  surtout  dans  la  partie  cen- 
trale et  vers  l'extrémité  orientale  de  l'île. 


ÔGO  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Pendant  la  période  de  l'influence  hindoue,  l'Insulindo  presque  entière 
se  trouva  même  par  deux  fois,  au  treizième  et  au  quinzième  siècle,  réunie 
sous  le  pouvoir  d'un  seul  maître.  Mais  déjà  les  Arabes  musulmans  dispu- 
taient aux  dynasties  hindoues  la  domination  de  l'ile  :  en  1478,  ils  rasaient 
la  capitale  de  l'empire  de  Modjo-Pahit,  située  non  loin  de  la  ville  actuelle  de 
Soerabaja,  et  pendant  les  deux  ou  trois  générations  suivantes  ils  firent  dispa- 
raître successivement  les  petites  principautés  hindoues  qui  s'étaient  encore 
maintenues'.  Mais  à  leur  tour  ces  conquérants  furent  bientôt  remplacés 
par  d'autres.  Si  les  Portugais,  trop  faibles  pour  conquérir  la  contrée,  se 
bornèrent  à  fonder  quelques  comptoirs  sur  la  côte  et  à  prendre  part  comme 
aventuriers  aux  guerres  intestines  de  Java,  les  Hollandais,  qui  parurent 
en  1596,  se  sentirent  en  peu  d'années  assez  puissants  pour  s'établir  en 
maîtres  sur  le  sol.  En  1619,  ils  fondaient  le  fort  de  Batavia,  centre  de  la 
domination  qui  depuis  s'est  étendue  de  proche  en  proche  sur  le  reste  de 
l'île  et  sur  l'archipel  de  l'Indonésie.  Quoique  des  insurrections  locales  aient 
eu  lieu,  et  (|ue  même  une  guerre  de  succession  ait  ébranlé  le  ])Ouvoir 
hollandais  de  1825  à  1850,  cependant  on  peut  dire  que,  dans  l'ensemble, 
les  Javanais  n'ont  pas  d'égaux  parmi  les  nations  pour  l'obéissance  et  la 
résignation.  On  cite  même  des  exemples  de  malheureux  qui,  sur  l'ordre 
-des  chefs,  se  laissaient  condamner  à  leur  place  aux  travaux  forcés.  Il  est 
étonnant  qu'un  peuple  si  docile,  se  pliant  à  l'asservissement  comme  l'a  fait 
le  peuple  javanais,  ait  pourtant  consei'vé  tant  de  vertus,  la  douceur,  l'es- 
prit de  justice,  la  probité.  Sur  les  côtes,  il  se  trouve  le  plus  en  contact  avec 
les  étrangers  et  c'est  là  aussi  qu'il  est  le  plus  mêlé  d'éléments  de  corrup- 
tion et  de  pei-fidie.  On  dit  (jue  les  femmes  javanaises,  non  abruties  par  la 
corvée,  ont  en  général  plus  d'énergie,  d'intelligence  et  de  fierté  que  les 
hommes. 

On  a  l'habitude  de  signaler  le  rapide  accroissement  de  la  population 
javanaise  comme  un  témoignage  en  faveur  de  sa  prospérité  matérielle  et 
morale.  Le  doublement  des  familles  dans  l'espace  d'une  génération,  tel  est 
le  lait  (]ue  l'on  invoque  poui'  vanter  la  domination  étrangère  comme  un 
régime  bienfaisant  entre  tous.  Il  est  certain  que,  si  l'augmentation  numé- 
ri(|ue  d'un  peuple  était  une  preuve  de  bonheur,  les  Javanais  seraient  jjarmi 
les  plus  heureux  des  hommes  ;  car  dans  l'espace  d'un  siècle,  alors  que  la 
population  de  la  France  s'accroissait  d'un  tiers,  les  indigènes  de  Java,  sans 
tenir  compte  des  Chinois  et  des  blancs  immigrés,  décuplaient  en  nombre 
par  le  seul  fait  de  l'excédent  des  naissances  sur  les  décès.  En  1781),  à  la 

'   llr^\vfiir(L  lUstoiii  of  tlii-  liidian  Anliipi'liHjn;  —  Yctli.  Java. 


JAVANAIS,   ACCROISSEMENT    DE   LA     POPULATION. 


3G1 


suite  de  «  guerres  sans  cesse  renaissantes  qui  avaient  enlevé  la  nioitii'  de 
la  population  et  fait  de  cette  île  si  riche  et  si  belle  un  théâtre  de  cruauté  et 
d'oppression  '  »,  les  Javanais  étaient  un  peu  plus  de  2  millions;  en  1888, 
ils  sont  au  moins  25  millions,  et  chaque  année  trois  à  quatre  cent  mille 
individus,  parfois  même  plus  d'un  demi-million  d'hommes,  s'ajoutent  aux 
liahilants  pressés  dans  les  campagnes  de  Java.  Déjà  la  densité  de  la  po- 
pulation javanaise  est  de  beaucoup  supérieure  à  celle  de  la  Hollande,  et 
même  est  bien  près  d'égaler  celle  de  la  Belgique;  peut-être  même  la 
dépasse-t-elle,  car  les  communautés  agricoles,  sachant  parfoitement  que 
le  cens  est  fait  dans  l'intérêt  du  fisc,  ne  se  prêtent  point  à  faciliter  le  tra- 
vail des  recenseurs.  Et  puisque  les  deux  tiers  du  sol  javanais  sont  encore 


N°    7.-,.    ACCROISSEMENT    DE   L.V    POPULATION    UE    JAVA,    COMPAIiÉE    A   CELLE   DE    LV    ll»l.r,AMlE. 


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1810 

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18-10 

1850       1860 

1870 

:S80 

inciilles,  rien  n'empêche  que   le  nombre   des  habitants  ne  triple  encore 
(piand  l'île  entière  sera  défrichée. 

Cependant  des  reflux  partiels  ont  eu  lieu  dans  cette  marée  montante  de 
vies  humaines.  En  1880,  une  famine,  suivie  de  tout  un  cortège  de  mala- 
dies, réduisit  de  108  000  habitants,  soit  plus  du  cinquième,  la  population 
de  la  province  de  Bantam,  à  l'extrémité  occidentale  de  Java.  En  1818,  plu- 
sieurs districts  de  la  province  de  Semarang  furent  aussi  partiellement 
dépeuplés  par  la  famine  :  on  vit  alors  des  mères  vendre  leurs  enfants  pour 
([uel(|nes  florins,  et  même  les  donner,  afin  de  les  arracher  à  la  mori  ;  dans 
sept  provinces  du  centre,  de  Cheribon  à  Madioen,  la  population  diminua 
de  554  000  personnes  en  quatre  années*.  Mais  après  les  périodes  de  disette 
les  familles  croissent  de  nouveau,  bientôt  les  vides  sont  comblés  et  au 
delà.  Les  paysans  javarîais  ne  redoutent  point,  comme  les  petits  proprié- 

'  Slavniiniis,  l'oi/rtf/c  h  Bat(n<in. 

'  W.  R.  Iliic'vi'll  en  W.  Bosc-li,  De  vrije  Arbcid  ofJnvn;  —  S.  E.  W.  Roorda  van  Eysinga,  mé- 
iMoiic  cilé. 

XIV.  46 


362  NOUVELLE  GÉOGRAPllIE  UNIVERSELLE. 

Iniros  français,  d'avoir  une  trop  nombreuse  famille  à  lancer  dans  le  monde. 
iJéjiourvus  de  loule  amliilion,  aussi  lùcn  pour  leurs  enfants  que  pour 
eux-mêmes,  ils  ne  rêvent  point  pour  les  leui's  une  existence  qui  les  élève 
au-dessus  de  la  pauvreté  héréditaire.  Résignés  d'avance  au  sort  de  leurs 
fils,  ils  leur  enseignent  par  l'exemple  à  vivre  de  peu  et  sans  espérance. 

Un  certain  nombre  de  Javanais  émigrent  vers  Bornéo,  Sumatra  et 
autres  îles  de  l'archipel,  mais  l'immigration  des  étrangers  l'emporte  de 
beaucoup  sur  l'émigration.  Parmi  ces  gens  du  dehors,  les  Chinois  sont 
les  plus  nombreux  :  ils  dépassent  deux  cent  vingt  mille.  Il  est  vrai  que 
la  plupai't  sont  des  Pernakan,  c'est-à-dire  des  Chinois  natifs  de  Java, 
ayant  pour  mères  des  femmes  indigènes.  C'est  par  l'excédent  des  naissances 
sur  les  décès,  et  moins  par  l'immigration,  que  s'accroît  la  population  chi- 
noise; mais  le  mélange  des  sangs  ne  modifie  le  type  du  père  ou  de  l'aïeul 
qu'avec  lenteur,  et  même  après  ])lusieurs  croisements  successifs,  de  gé- 
néralioii  en  généralion,  on  iccoiiiiail  le  descendant  des  Chinois  sous  le 
S(//'o/w/  javanais.  Leurs  enfants  reçoivent  une  éducation  chinoise  d'institu- 
teurs venus  de  Chine  ou  même  y  ayant  passé  leurs  examens.  Ils  ne  se  fou! 
jamais  domesli(jues  comme  dans  les  autres  colonies;  ils  veulent  sans  doute 
évitei-  d'être  associés  à  ces  Javanais  qu'ils  méprisent;  ils  évitent  aussi  les 
Juifs,  leurs  rivaux  dans  le  maniement  de  l'or'.  En  général,  les  «  Enfants 
de  Han  »  sont  fort  redoutés  des  autres  habitants  de  Java  :  intermédiaires 
de  commerce,  entrepreneurs,  fermiers  de  monopoles,  prêteurs  sur  gages, 
coiilrebandiers  et  marchands  d'opium,  ils  prélèvent  la  meilleure  pari 
des  bénéfices  sur  toutes  les  transactions;  par  les  crédits  et  les  avances 
de  fonds,  ils  accaparent  les  récoltes  et  les  héritages  :  en  arrivant,  ils  se 
font  humbles,  et  bientôt  ils  sont  les  maîtres;  «  ils  s'épanouissent  comme 
le  lotus  ».  En  ISlSj,  leurs  propriétés  à  Java  représentaient  une  valeur  de 
"2X0  millions  de  francs  '.  Les  Européens  voient  en  eux  des  concurrents 
pour  le  grand  trafic,  et  cependant  ils  doivent  les  utiliser  pour  mettre  à 
profit  leur  connaissance  des  hommes  et  des  choses.  De  son  côté,  le  gouver- 
Mcinrnt  hollandais,  tout  en  les  tenant  en  suspicion  à  cause  de  leui' iudé- 
|)cndatice  di'  caractère,  de  leur  esprit  de  solidarité  nationale,  de  leurs  con- 
cilialiulcs  occultes,  ne  peut  que  s'adresser  .à  eux  pour  une  foule  d'emijlois 
(|iii  dcinandcnt  de  la  légularité  et  de  la  minutie.  Aussi  l'interdiction  com- 
pli'lc  (le  l'iiumigraliou  chinoise,  ordonnée  en  1857,  fut-elle  levée  (juel(|ues 
années  a|ir('s;    mais   l'entrée  de  l'île  resta   difficile  aux  <'  Fils  de  l'Em- 

'  ().  Kiiii/i',  Uni  (lie  El  (h'. 

-  Efiiifii-  opiiicrlJiKii-ii  l'ii  hrscliiiiiwiinicii  iii'cr  dcii  Ti)est(iii(l  in  IScdcrliiiiiIsrli  Oiixl-liidir,  ilniti 
l'en  mut  H(iofil-iimhtciiiiiii\ 


HAIUTAMS  DE  JAVA,    LUI.NUIS.   ARABES.   ELRUI'ÉE.NS.  565 

piri"  Flt'iiri  ;>  :  droits  de  débarquement  et  de  séjour,  taxes  de  capitation, 
passeports,  choix  de  garants  responsables,  impôts  spéciaux  sur  cha(|a(' 
industrie,  retardaient  l'invasion;  encore  maintenant  ils  sont  frappés  par 
un  impôt  spécial  sur  le  revenu.  Aussi,  et  quoi  qu'on  en  dise,  leur  accrois- 
sement est-il  moindre  que  celui  des  indigènes  '. 

Moins  nombreux  que  les  Chinois,  les  Arabes  uni  tni  jirujiortidii  une 
influence  supérieure,  grâce  à  leur  religion  :  appartenant  à  la  race  élue, 
ayant  pour  eux  les  souvenirs  de  l'ancienne  domination,  ils  sont  considérés 
par  les  Javanais  comme  ayant  une  sorte  de  sainteté,  surtout  ceux  d'entre 
eux  qui  ont  fait  le  voyage  de  la  Mecque.  Cependant  ils  ont  les  mêmes 
industries  que  les  Chinois  et  vivent  aussi  aux  dépens  des  agriculteurs 
javanais  comme  intermédiaires  du  traiic.  ^'aguère  les  Arabes  (!<•  .lava 
é'Iaient  presque  tous  les  descendants  plus  ou  moins  mélangés  des 
anciens  maîtres  du  pays;  mais  pendant  le  cours  de  ce  siècle  d'autres 
Arabes  se  sont  dirigés  vers  les  cités  commerçantes  de  Java  :  ce  sont  les  im- 
migrants de  Hadramaut  :  en  1885  ils  étaient  déjà  près  de  onze  mille,  cl 
leur  nombre  s'accroît,  grâce  aux  facilités  de  communication  qu'ullieut 
les  bateaux  à  vapeur.  S'occupant  surtout  de  la  vente  de  marchandises  euro- 
péennes, les  Arabes  de  Java  se  tiennent  encore  à  part  des  autres  habitants 
et  dans  la  famille  gardent  précieusement  le  trésor  de  leur  langue;  cepen- 
ihnil  tous  les  hommes  parlent  malais.  Malgré  l'insuffisance  des  écoles, 
t(tu^>  savent  lire  et  écrire,  et  quelques-uns  même  sont  de  véritables  érudils 
dans  les  questions  de  théologie  musulmane,  de  jurisprudence  ou  de  gram- 
maire. Très  sobres,  très  dévoués  à  leur  famille  et  à  leur  clan,  très  respec- 
tueux des  parents  et  des  coutumes,  les  Arabes  de  .lava  sont  pour  la  plupart 
arrivés  à  la  fortune  et  recherchent  la  fiiveur  du  gouvernement  hollandais, 
liiut  en  évitant  de  s'attirer  la  haine  des  indigènes*. 

tjuaiit  à  la  population  européenne,  même  en  y  comprenant  ceux  qui  sonl 
«  assimilés  aux  Européens  >•  [uir  leur  ioni-tiun  nu  Irur  ciillr.  rllc  c^t  ilc 
quatre  à  cintj  fois  moindre  que  la  colonie  chinoise,  cl  quatre  ccul  Ircnlc 
fois  inférieure  à  la  foule  des  indigènes.  Les  maîtres  étrangers  dispai-ais- 
sent,  pour  ainsi  dire,  dans  la  mer  d'hommes  qui  les  entoure.  Et  même  si 
l'on  devait  tenir  compte  strictement  de  la  couleur,  comme  les  préjugés  de 
race  obligent  encore  les  statisticiens  à  le  faire  aux  Elats-lnis,  le  nombre 


Accroissement  de  la  population  à  Java  et  Madoera  en  50  ans,  de  1857  à  1880  : 

Population  totale  en  1857  :  11  l'iiBIi  luibilants^;  Chinois  :  158550 

..  .,  188G  :  yi'J07259        i.  »         225573 

Accroissement  en  50  ans  :    08  p.  100  "         65  p.  100 

Van  den  berg.  Le  Hadhramout  el  les  eoloiiies  anihes  ildits  l'unliipet  Indien. 


364  NUUVELLE  GEOGUAl'UlE  UNIVEKSELLE. 

des  «  Européens  />  de  Java  serait  moins  élevé;  une  lorle  jiropoilioii  des 
femmes  appartenant  aux  familles  des  hhines  sont  en  réalité  de  sang  mêlé. 
Les  employés  qui  se  sont  étalilis  dans  le  pays  et  qui  se  sont  unis  à  des 
femmes  indigènes  sont  tenus  d'élever  leurs  filles  avec  soin  ;  parfois  même, 
lorsqu'ils  viennent  à  manquer  à  leur  famille,  le  gouvernement  local  se 
charge  à  leur  place  de  l'éducation  des  métisses,  destinées  à  devenir  un 
jour  les  épouses  d'Européens.  Dès  la  deuxième  génération,  ces  nanna, 
—  ainsi  qu'on  les  nomme  à  Java,  —  sont  consiilérées  comme  ajiparle- 
uant  à  la  race  blanche,  quels  que  soient  d'ailleurs  chez  elles  les  indices 
persistants  de  la  race  javanaise'.  Les  hommes  de  sang  mêlé,  que  l'on 
a[)pelle  avec  une  nuance  de  mépris  signa  ou  liplap,  mais  pour  lesquels  on 
ne  sent  nullement  cette  aversion  qu'ont  les  Américains  à  l'égard  des  mu- 
lâtres', sont  également  sous  la  lulelle  du  gouvernemeni,  qui  leur  donne 
pour  emplois  spéciaux  les  fonctions  d'écrivains,  de  clercs,  d'arpenteurs, 
de  bas  commis  dans  les  administrations  publiques.  On  dit  que  ces  métis, 
inlelligents,  mais  paresseux,  mous  et  très  vaniteux,  sont  peu  féconds,  et 
que  leius  familles  s'éteignent  après  un  petit  nombre  de  générations;  mais 
la  vérilé  est  qu'ils  se  mêlent  peu  à  peu  au  reste  des  habilanls.  (j'est  avec 
ces  métis  que  se  sont  fondus  les  rares  descendants  des  l'orlugais  venus 
au  seizième  siècle. 

L'inunigration  des  Européens  était  autrefois  très  découragée  par  les  hauts 
fonctionnaires  de  l'Insulinde,  qui  ne  voyaient  dans  les  immenses  posses- 
sions néerlandaises  qu'un  fief  à  exploiter  au  profit  de  l'État  et  nullement 
unecolonie  ouverte  aux  hommes  d'initiative.  D'après  le  décret  de  1818,  (|ui 
resta  longtemps  en  vigueur,  nul  Européen,  Néerlandais  ou  étranger,  pas 
même  un  ancien  fonctioniuiire  ou  un  officier  retraité,  n'avait  le  droit  de 
pi'cndre  résidence  à  Batavia  ou  dans  une  autre  ville  de  Java  sans  autorisa- 
lion  [)ersonnelledu  gouverneur  général  ;  après  avoir  obtenu  ce  permis,  nul 
ne  pouvait  s'éloigner  de  sa  résidence  à  plus  de  7  ou  1(3  kilomètres,  sui- 
vant les  villes;  une  fois  désigné,  le  lieu  de  séjour  ne  devait  pas  être 
changé  sans  l'assentiment  du  gouverneur,  et  le  porteur  de  tout  passeport 
avait  à  suivre  strictement  son  itinéraire  :  un  écart  de  3  kilomètres  le  ren- 
dait passible  des  rigueurs  de  la  loi.  Désoi-mais  l'accès  de  l'Ile  ii'esl  plus  inlcr- 
dil,et  les  employés,  les  soldats,  (juelques  négocianis  favurisés  ne  sont  plus 
les  seuls  à  visiter  la  merveilleuse  terre;  des  ingénieurs,  des  agronomes, 
même  des  artisans  s'y  présentent  aussi,  mais  rarement  pour  s'y  établir  à 


'  Wernicli,  Gcoçiritphisch-Medicinische  Sliidieti. 
-  Douwes  Dekker  (Mullatuli),  Max  Haveluar. 


KUKOl'EENS  A  JAVA.  305 

demeure.  Les  Eui'opéeiis  qui  vont  dans  l'insulinde  le  l'onl  [)resque  tous 
dans  l'espoir  de  revoir  la  patrie,  Java  ne  méritant  plus  comme  autrefois  le 
nom  de  «  cimetière  des  blancs  »  :  la  mortalité  annuelle  des  Mancs  est 
peut-être  dix  ibis  moins  forte  qu'au  siècle  dernier'.  Les  maladies  (|ui  les 
décimaient  jadis  sont  beaucoup  mieux  connues  et  combattues  d'une  ma- 
nière plus  énergicjue;  les  immigranis  hollandais  ont  appris  h.  vivre  comme 
les  gens  de  Java  et  les  règles  de  l'hygiène  sont  observées  avec  plus  de  soin  ; 
les  emplacements  des  demeures  sont  choisis  dans  les  endroits  salubres,  et 
des  stations  de  villégiature  et  de  guérison,  situées  à  diverses  altitudes,  per- 
mettent de  graduer  les  climats  pour  les  valétudinaires  et  les  convalescents. 
A  quelques  kilomètres  des  plaines  à  l'atmosphère  étouffante,  on  retrouve 
l'air  vif  de  la  patrie.  Néanmoins  la  mortalité  des  Européens  à  Java  est 
encore  très  élevée,  et  les  maladies,  surtout  le  l)eri-beri,  que  l'on  croit  être 
une  fièvre  d'anémie,  sévissent  parfois  d'une  manière  terrible  sur  les  sol- 
dats de  toute  nationalité  qui  composent  l'armée  coloniale  de  la  Hollande. 
Les  immigranis  ont  également  à  craindre  l'amoindrissement  de  leur  éner- 
gie morale;  ils  perdent  de  leur  vivacité  et  de  leur  force  d'initiative. 

Ne  pouvant  imposer  par  le  nombre,  les  Européens  ont  dû,  comme  leurs 
prédécesseurs  hindous  ou  musulmans,  mettre  leurs  soins  à  maintenir  les 
populations  dans  l'obéissance  par  une  sorte  de  terreur  religieuse.  Tenus 
envers  leurs  maîtres  à  des  témoignages  de  respect  qui  ressemblent  à  l'ado- 
ration, les  Javanais  finissent  en  effet  par  les  adorer,  par  les  craindre  et  les 
implorer  comme  les  dispensateurs  de  la  vie  et  de  la  mort.  Sur  les  routes, 
tous  se  prosternaient  naguère  au  passage  de  la  voiture  d'un  blanc,  même 
à  150  mètres  de  distance  ;  ceux  qui  portaient  un  parasol  s'empressaient 
de  le  fermer,  restant  exposés  à  l'ardeur  du  soleil,  et  se  tenaient  le  dos 
tourné,  se  gardant  bien  d'élever  leur  humble  regard  jusqu'à  la  figure  du 
maître  :  devant  le  blanc  la  foule  observe  un  silence  religieux.  Le  Javanais 
qui  recevait  une  lettre  en  présence  d'un  Européen  ne  manquait  jamais  de 
la  remettre  à  son  voisin,  qui  la  lisait  avant  lui'.  La  règle  première  pour 
tous  les  blancs  de  Java  est  d'assurer  le  prestige  de  la  race,  en  marquant 
les  distances  (pii  doivent  séparer  les  naturels  et  leurs  dominateurs,  les 
nobles  Orang-Pouli.  Dans  les  colonies,  il  était  naguère  interdit  aux  Eui'o- 
péens  d'occuper  une  condition  servile,  même  de  s'engager  comme  cochei's 

'  Décès  des  Eurojjéons  à  Batavia,  d'après  van  Lecnl  : 

En  1730 1  décès  sur  2,02  résidents. 

182.5 1         »        8,31         » 

l8.-)0 1         »      20              1) 

^  \V.  li.  (lAlmeida,  Lifi-  in  Javu. 


3«6  NOUVELLK  CKOlilUPUlE  UNlVERSELLi;. 

cm  jaidiiiicrs.  Ou'un  olficier,  qu'un  soldat  blanc  soient  condamnes  à  une 
peine  inl'aniante  j)our  une  cause  quelconque,  ils  sont  aussitôt  renvoyés  en 
Hollande  pour  y  subir  leur  châtiment,  qui  doit  rester  ignoré  des  naliCs,  et 
ne  pas  nuire  au  respect  que  ceux-ci  gardent  pour  leurs  maîtres.  C'est  en 
vertu  du  même  principe  qu'avant  l'année  1864  il  était  interdit  aux  Java- 
nais d'apprendre  la  langue  hollandaise  et  d'envoyer  leurs  enfants  dans 
les  écoles  des  blancs  :  l'èlre  inférieur  ne  devait  pas  s'élever  jus(|u'à  la 
compréhension  de  l'idiome  du  maître.  Il  est  vrai  (|ue  les  Malais,  considérés 
comme  élant  de  race  moins  basse,  avaient  l'aulorisalion  d'a|)prendre  le 
hollandais,  car  il  importail  aux  conquérants  de  faire  des  catégories  dis- 
tinctes et  hostiles  parmi  leurs  sujets;  —  mais  les  fonctionnaires  n'eussent 
pas  toléré  que  le  serviteur  leur  adressât  la  parole  dans  la  langue  noble  : 
chez  eux  on  parle  le  malais  et  ils  le  parlent  eux-mêmes,  le  pur  idiome 
néerlandais  ne  devant  point  se  souiller  au  contact  d'oreilles  piofanes,  qui 
d'ailleurs  arrivent  facilement  à  le  comprendre.  Le  malais,  langue  franque 
de  rinsulinde,  est  le  dialecte  officiel  pour  toutes  les  affaires  de  l'adminis- 
tration et  de  la  justice.  Naguère  il  était  toujours  ligure  en  caractères  arabes; 
l'usage  se  répand  de  plus  en  plus  de  l'écrire  et  même  de  l'imprimer  en 
lettres  latines. 

(Juoique  entourés  de  nombreux  serviteurs,  que  du  reste  ils  traitent 
d'ordinaire  avec  une  grande  bonté,  les  maîtres  hollandais  restent  ainsi 
co'mme  dans  un  monde  su])érieur,  séparés  de  la  foule.  Ils  se  gardaient 
jadis  d'élever  le  Javanais  par  l'instruction;  ils  se  gardent  encore  de  le  rap- 
procher d'eux  en  encourageant  des  missionnaires  à  leur  prêcher  la  reli- 
gion chrétienne.  Au  fond,  les  Javanais  sont  encore  païens,  adorateurs  des 
ancêtres  et  des  forces  de  la  nature,  attribuant  à  des  esprits  tous  les  événe- 
ments de  leur  existence.  Leur  religion  a  même  été  désignée  sous  le  nom 
de  "  javanisme  »  ;  mais  ils  ont  conservé  de  nombreuses  pratiques  des 
cultes  hindous,  et  depuis  que  l'Islam  est  devenu  la  religion  oflicielle,  ils 
célèbrent  les  fêtes  musulmanes,  et  de  décade  en  décade  avec  plus  de  fer- 
veur ;  des  sectes  de  zélés,  notamment  celle  des  Naksjibendi,  oui  piis  nais- 
sance au  milieu  d'eux,  et  depuis  (|ue  le  pèlerinage  de  la  Mec(pie  n'est 
plus  interdit,  quelques  milliers  de  Javanais  profitent  de  l'autorisation  ])our 
revenir  costumés  en  Arabes  et  se  dire  tels'.  Les  écoles  mahométanes  sont 
de  plus  en  plus  fréquentées  à  Java  et  la  plupart  des  paysans  font  au  moins 
la  prière  du  soir'.  Des  légendes  chrétiennes  se  sont  aussi  introduites  dans 

'  Sujets  lidlliindais  se  rcnitant  il  la  Mecque  en  1850,  sous  l'^uicicii  ir;;inu'  :  O'J. 

De  1880  à  1880  :  Ô7>  970,  soil  5001  lui-  ;ui  en  iiKiyeniiu. 
*  Ecoles  lualioiuélanes  à  Ja\a  :  10  700,  avec  S.j.")  148  élèves. 


EIROPÉENS  A  JAVA,   SYSTEME   DE  CULTURE.  "itiT 

la  niytluilojiic  javanaise'.  Comme  leurs  frères  île  race,  les  Ilova  de  Mada- 
gascar, et  comme  les  insulaires  des  Moluques,  les  habitants  de  Java  seraieni 
devenus  chrétiens  si  on  le  leur  eût  ordonné;  mais  on  ne  les  a  point  con- 
viés à  le  faire,  et  même  souvent  le  permis  d'établissement  fui  refusé 
à  tout  missionnaire  non  hollandais  ^  A  peine  onze  mille  Javanais  se 
trouvent-ils  classés  comme  ayant  la  religion  des  blancs. 

Désireux  d'éviter  tout  point  de  contact  avec  la  population  javanaise,  afin 
de  ne  pas  être  ramenés  à  leur  mesure  humaine,  les  fonctionnaires  hollan- 
dais ont  préféré  ne  pas  exercer  directement  le  pouvoir.  C'est  par  l'inter- 
médiaire des  chefs  indigènes  que  l'expression  de  leur  volonté  parvient  au 
peuple.  Des  «  régents  »  javanais,  descendants  des  familles  princières,  onl 
gardé  l'apparence  de  la  dominalion  et,  grâce  à  de  riches  émoluments  et  à 
des  parts  au  bénéfice  de  l'impôt,  ils  peuvent  maintenir  leur  rang  et  leur 
faste;  mais  en  échange  ils  ont  à  écouter  les  conseils  que  leur  donnent  les 
'(  résidents  »  hollandais  placés  à  côté  d'eux  :  quoique  tenus  d'obéir, 
ils  portent  la  responsabilité  des  ordres.  L'action  des  fonctionnaires  est  ainsi 
masquée  du  haut  en  bas  de  l'échelle  et  les  gouvernés  n'ont  aucune  part 
dans  le  choix  des  administrateurs.  Cependant  on  leur  permet  d'élire  les 
chefs  de  village,  chargés  de  répartir'  les  terres,  les  travaux,  les  corvées,  les 
salaires,  et  cette  élection  rend  ainsi  les  paysans  partiellement  responsables 
du  sort  qui  leur  est  fait.  Mais  que  le  maire  déplaise  en  haut  lieu,  on  le 
destitue  aussitôt. 

La  traite  des  esclaves  a  cessé  dans  les  îles  hollandaises  à  la  fin  du  dix- 
septième  siècle  et  l'esclavage  proprement  dit  n'existe  plus  à  Java  depuis 
1860;  à  cette  époque,  près  de  cinq  mille  individus  cessèrent  d'appartenir 
officiellement  à  leurs  maîtres  hollandais,  chinois  ou  arabes.  Mais  peut-on 
dire  que  le  reste  de  la  population  se  compose  d'hommes  libres,  alors 
qu'elle  est  astreinte  au  travail  forcé  en  faveur  du  gouvernement?  Aussi 
longtemps  que  les  autorités  n'intervinrent  pas  directement  dans  la  direc- 
tion du  travail  et  (ju'elles  se  bornèrent  à  réclamer  l'impôt  des  cultures, 
fixé  par  Stamford  Raffles,  lors  de  la  domination  anglaise,  à  la  moitié,  aux 
deux  cin(|uièmes  ou  au  tiers  des  produits,  suivant  les  terres,  les  résultats 
fiu'cnt  hrs  mauvais  pour  le  lise,  et  chaque  année  le  déficit  des  recettes 
allait  s'aggravant.  Mais  en  \^ôi  le  gouverneur  général  van  den  Bosch 
reçut  pleins  jiouvoirs  pour  modifier  le  régime  existant  et,  dès  l'année  sui- 
vaiile,   la  ]i<i|iulali(in  dul   se  conformer  à  un  nouveau  mode  de  cullurcs  cl 


'   Eiriil  Mclz^'i'f,  Mitllicihinficii  iilu'r  (ilniilicii  iiiid  Ak'iyliiiilicii  hci  Siinilaiirscii  uiul  Jiii'diicii. 
-  C.  C.  I)iirckh:ii-,ll.  lilriiK'  Mi.ssioiis-Hihli„lli,-k. 


368  NOUVELLE   GEOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

irimpùts,  devenu  Cameux  sous  le  nom  de  «  système  >'  el  copié  en  grande 
partie  sur  les  pratiques  du  monopole  des  tabacs  dans  les  Philippines;  tou- 
tefois le  changement  put  se  faire  sans  provoquer  de  crise,  les  édits  du  gou- 
verneur se  trouvant  en  grande  partie  conformes  aux  anciennes  coutumes 
ou  adat  observées  par  les  princes  indigènes. 

En  vertu  du  «  système  de  culture  »,  qui  devait  remplacer  l'impôt  fon- 
cier par  des  récolles  productives  pour  les  Pays-Bas,  chaque  circuit  agricole 
de  l'immense  «  ferme  »  javanaise  était  placé  sous  la  direction  d'un  contrô- 
leur ([ui  délimitait  un  cinquième  du  sol,  réservé  au  gouvernement  ou  à  ses 
concessionnaires  pour  y  introduire  à  son  choix  des  cultures  industrielles, 
s'attribuait  dans  toute  la  commune  le  cinquième  jour  du  labeur,  —  plus 
tard  le  septième,  — et  de  fait  ordonnait  les  travaux,  encourageait  et  pu- 
nissait les  travailleurs.  A  la  fin  de  l'année,  le  gouvernement  se  faisait 
livrer  par  les  producteurs  les  diverses  denrées  d'exportation,  café,  sucre, 
indigo,  thé,  tabac,  cannelle  ou  poivre,  mais  au  «  prix  du  marché  »,  après 
déduction  des  deux  cinquièmes  pour  l'impôt,  el  d'une  somme  fixe  pour 
le  transport.  Or  ce  «  prix  du  marché»  dont  parlait  l'ordonnance  première 
et  ()ue  les  ordonnances  successives  continuJ'rent  de  mentionner,  a  toujours 
été  lixé  par  le  gouvernement  bien  au-dessous  du  cours  réel  et,  d'après  les 
statisti(iues  officielles,  les  paysans  javanais  ont  été  frustrés  de  sommes  qui 
s'élèvent  à  deux  milliards  depuis  l'établissement  du  «  système  ».  Sur  une 
seule  denrée,  le  café,  i<  pivot  du  régime  colonial  néerlandais  >>,  la  spo- 
liation des  indigènes  au  profit  du  budget  de  la  mère  patrie  a  représenté 
de  1(Sj1  à  1877  l'énoime  total  de  1700  millions  de  francs.  Le  \m\  réel  du 
marché,  après  défalcation  de  l'impôt,  a  parfois  dépassé  du  triple  le  prix 
officiellement  avoué  aux  indigènes.  Il  n'est  donc  pas  étonnant  que  le  mi- 
nistre van  de  Putte  et  tant  d'autres  hommes  politiques  de  la  Hollande  aient 
qualifié  de  «  misérable  système  »  cette  exploitation  des  Javanais.  D'autre 
j)arl,  des  |)rati(|ues  gouvernementales  procurant  un  «  boni  colonial  »  con- 
siiiérabb',  souvent  plus  de  50  millions,  ne  pouvaient  manquer  d'avoir  de 
nombreux  admirateurs,  bien  que  la  masse  de  la  ])opulation  indigène  restât 
miséi'able  et  affamée  ',  et  des  économistes  ont  célébré  les  agissements  du 
gouvernement  hollandais  à  Java  comme  un  modèle  de  sagesse  politique'. 

Il  est  vrai  ({ue  l'ère  des  bénéfices  réguliers  paraît  définitivement  close  : 
la  guerre  d'Atjeh,  puis  les  ravages  des  insectes  dans  les  plantations  de 
caliers,  enfin  l'accroissement  forcé  des  dépenses  budgétaires  ont   amené 


I  W.  R.  vaii  ll(i.-vcll,  oiivnigi-  cité. 

-  J.  W.  MuMcv,  U(}U<  tii  iniiiKKjo  il  Coloinj :  —  Alfroil  l!.  Wnlhico,  Tlir  Mtihiii  ArchipctiKjci 


47 


SYSTEME  DE   CULTURES  A  JAVA.  571 

le  (lôfu'it,  el  l'on  constato  iino  fois  do  plus  que  le  moiiopnlo  fmil  pur 
entraîner  la  ruine,  non  seulement  ponr  les  spoliés,  mais  aussi  pour 
l'État.  Dans  les  dernières  années,  le  «  système  »  a  été  grandement  mo- 
difié. Les  corvées  sont  abolies,  du  moins  sur  le  papier,  si  ce  n'est  pour 
les  travaux  d'utilité  publique,  routes,  ports,  canaux,  édifices  administra- 
tifs. Les  particuliers,  qui  peuvent  affermer  les  domaines  de  l'État  et  des 
communes  pour  une  durée  de  75  années  ou  davantage,  ont  à  se  procurer 
leurs  travailleurs  sans  que  le  gouvernement  intervienne  dans  la  rédaction 
des  contrats,  et  les  terres  possédées  par  les  communes  en  vertu  de  droits 
héréditaires  leur  ont  été  cédées  en  toute  propriété.  Les  cultures  du  thé,  du 
tabac,  de  l'indigo,  du  nopal  à  cochenille,  de  la  cannelle,  ont  été  abandon- 
nées à  l'initiative  personnelle  :  le  gouvernement  n'a  gardé  le  monopole  de 
la  vente  que  pour  le  sucre,  jusqu'en  l'année  1890,  et  pour  le  café,  le  pro- 
duit le  plus  fructueux,  tant  que  des  lois  nouvelles  n'en  décideront  pas 
autrement. 

On  comprend  que  le  système  du  travail  forcé,  c'est-à-dire  de  l'esclavage 
déguisé,  ait  eu  pour  conséquence  le  recul  intellectuel  et  moral  de  la  nation. 
Si  les  documents  historiques  manquent  pour  juger  définitivement  de  l'état 
réel  des  Javanais  aux  époques  antérieures,  les  édifices  de  l'époque  hin- 
doue laissés  en  différentes  parties  de  l'ile  prouvent  que  les  connaissances 
du  peuple  de  Java  en  procédés  industriels,  en  science  et  en  art  l'empor- 
taient alors  de  beaucoup  sur  celles  de  nos  jours  :  «  les  pierres  elles-mêmes 
crient  »  que  depuis  ce  temps  les  hommes  ont  déchu.  Sans  doute  l'initiation 
venait  alors  des  Hindous,  mais  les  œuvres  réalisées  témoignent  des  pio- 
grès  accomplis  par  leurs  disciples.  Comment  n'y  aurait-il  pas  amoindris- 
sement et  régression  de  la  race,  alors  que  pendant  près  de  trois  siècles  la 
population  indigène  a  toujours  été  tenue  en  dehors  de  l'école,  de  peur 
qu'elle  n'appi'ît  à  penser  et  qu'elle  ne  tentât  un  jour  de  combler  l'abîme 
qui  la  séparait  des  maîtres.  Maintenant  encore  c'est  à  peine  si,  depuis 
1871,  Java  possède  pour  ses  vingt-trois  millions  d'habitants  quelques 
écoles  où  les  enfants  des  indigènes  puissent  s'asseoir  à  côté  de  ceux  des 
Européens  '  :  ainsi  que  le  disent  les  régents,  «  il  serait  imprudent  d'ai- 
guiser les  klevan  du  menu  peuple  contre  leurs  propres  poitrines  ».  La  ser- 
vitude ne  peut  qu'avilir  les  asservis;  el  n'avilil-elle  pas  aussi  les  maîtres'/ 
La  nation  hollandaise  est-elle  encore  aujourd'hui  l'égale  du  peuple  libre 
qui  chassa  les  Espagnols  et  qui  tint  tète  aux  armées  de  Louis  XIV? 

La  terre  est  restée  indivise  dans  les  communes  javanaises.  Le  souverain 

'  Ecolos  pi-imaiiTs  incligèiios  ouvortos  à  Jnva  en  1887  :  '201,  avec  Ô9  707  élèves. 


372  NOUVELLE  GÉOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

est  toujours  considéré  comme  le  propriétaire  éminenl,  mais  l'usufruit  col- 
lectif des  champs  cultivés  par  les  villageois  appartient  à  ceux-ci  :  ensemble 
ils  forment  avec  la  terre  communale  un  tout  organique,  la  dessci,  et  ne 
comprennent  guère  un  autre  mode  de  tenure  du  sol.  C'est  en  vain  qu'en 
divers  endroits  ont  été  faites  des  tentatives  poui-  faire  dominer  le  régime 
de  la  propriété  privée  parmi  les  pauvres  cultivateurs  des  campagnes;  sans 
doute  il  existe  un  certain  nombre  de  lois  qui  se  transmettent  p;u'  héritage 
dans  les  familles,  mais  l'organisation  communale  s'est  maintenue  :  même 
lorsque  des  jongles  ont  été  défrichées  par  un  homme  d'initiative,  elles 
doivent,  après  un  certain  temps  de  jouissance,  faire  retour  à  l'association. 
D'après  Vadat,  la  commune  est  la  véritable  personne  :  c'est  elle  qui  est 
solidairement  tenue  de  payer  les  impôts  et  de  fournir  les  corvées.  Comme 
dans  les  mir  slaves,  l'habitant  de  la  dessa  garde  toujours  sa  maisonnette 
et  son  jardin  et  jouit  avec  tous  les  communiers  de  l'usage  des  bois  et 
des  terrains  vagues  ;  mais  les  terres  cultivées  sont  partagées  entre  les 
familles,  soit  chaque  année,  soit  tous  les  deux  ou  trois  ans,  suivant  les 
districts.  Malheureusement,  l'énorme  augmentation  des  habitants  pendant 
le  cours  de  ce  siècle  a  eu  pour  conséquence  de  réduire  à  de  très  faibles  parts 
la  portion  de  chaque  cultivateur  :  en  certaines  régions  cette  part  est  d'une 
vingtaine  d'ares  seulement,  ou  même  de  moins  encore,  et  le  gouverne- 
ment ne  vient  pas  au  secours  des  communes  pour  leur  concéder  les  terres 
en  friche  qui  lui  appartiennent.  En  moyenne,  la  maisonnette  du  Javanais 
vaut  une  vingtaine  de  francs  et  les  revenus  de  son  petit  héritage  peuvent 
s'élever  au  plus  à  120  francs  par  an.  Il  lui  est  bien  difficile  d'en  gagner 
autant  par  son  travail  dans  les  plantations  des  maîtres'  ;  la  population  tout 
entière  voit  donc  son  avoir  diminuer  constamment  et  se  trouve  menacée 
d'une  lamentable  misère  ;  néanmoins  elle  réussit  à  vivre,  malgré  l'impôt 
et  la  corvée.  En  serait-il  de  même  si  la  |»ropriété  particulière  se  consti- 
tuait dans  les  40  000  communes^  et  si  la  rapide  inégalisation  des  parts 
réduisait  bientôt  presque  toutes  les  propriétés  à  des  parcelles  inutilisables 
ou  même  privait  de  tout  avoir  la  plupart  des  prolétaires?  La  condition  de 
Java  ne  deviendrait-elle  pas,  toutes  proportions  gardées,  la  même  que  celle 
de  l'Irlande,  el  la  dépopulation  ne  serait-elle  pas  inévitable?  C'est  dans 
la  province  de  Bantam  que  des  propriétaires  ont  pu,  sous  la  domination 
anglaise,  se  constituer  les  plus  grands  domaines  privés,  et  l.à  aussi  le  sol, 
appartenant  à  des  maîtres  presque  ((nijours  absents,  est  le  plus  mal  cnl- 


'   P.  lirooshool'l ,  Memorïe  over  aen  luestnnd  in  liitlic. 
■  (Ininmimes  ou  dessa  privées  do  Ipiip  :  (>Ui. 


CULTURES  DE  JAVA,   RIZ,   CAFÉ.  573 

tivé,  les  malheureux  y  sont  plus  nombreux  qu'ailleurs,  et  les  famines  y 
ont  eu  lieu  plus  fréquemment,  amenant,  à  diverses  reprises,  les  révoltes 
de  la  faim.  Le  fiimeux  roman  de  Max  Havelaar,  qui  remua  profondément  les 
esprits  en  Hollande,  décrivait  en  termes  éloquents  la  situation  lamentable 
des  paysans  de  Bantara,  et  cet  état  de  choses  n'a  pas  encore  changé  '. 

La  culture  par  excellence,  qui  fait  vivre  le  paysan  javanais,  est  celle  du 
riz.  En  maint  district  ce  grain  est  la  nourriture  exclusive  :  aussi  Java, 
malgré  l'énorme  production  annuelle',  n'a-t-elle  d'ordinaire  ([u'une  très 
faible  exportation  de  cette  denrée,  comparativement  à  la  Barmanie  et  à  la 
Cochinchine.  Ensemble,  l'étendue  des  rizières  dépasse  2 450  000  hectares, 
et  l'on  cultive  non  seulement  les  bas-fonds  marécageux  et  les  vallons  en 
pente,  transformés  en  sawah  régulièrement  irrigués  et  s'élevant  en  amphi- 
théâtre de  degrés  parallèles  qui  brillent  sous  la  lumière,  on  utilise  aussi 
les  tegal  ou  terrains  secs,  sur  lesquels  croissent  les  espèces  les  plus 
nutritives  de  riz,  et  les  penchants  de  collines  et  de  montagnes,  jusqu'à 
l'altitude  de  1500  mètres,  au-dessous  de  la  zone  des  cafiers.  Après  la 
récolte  du  riz,  les  fossés  et  les  réservoirs  sont  vidés  et  l'on  recueille  les 
poissons  qui  durant  l'année  ont  pullulé  dans  les  rizières.  Les  fièvres 
endémiques  régnent  aux  alentours  des  sawah,  mais  elles  ne  font  pas 
autant  de  ravages  qu'en  d'autres  contrées,  pourtant  plus  éloignées  de 
l'équateur  :  le  peu  de  danger  relatif  que  présentent  les  rizières  de  Java 
provient  de  ce  que  les  paysans  ne  laissent  point  stagner  les  eaux,  mais 
en  entretiennent  toujours  le  courant,  et  de  ce  qu'ils  entourent  leurs  vil- 
lages d'un. rideau  de  grands  arbres.  Dans  l'île  de  Madoera,  dont  le  sol  est 
presque  partout  doucement  ondulé,  on  ne  cultive  guère  le  riz  :  le  princi- 
pal grain  nourricier  est  le  maïs  '\ 

Bien  que  les  cultivateurs  javanais  ne  boivent  jamais  de  café,  chacun  de 
ceux  qui  habitent  une  région  où  la  culture  du  cafier  est  ordonnée  par  le 
gouvernement  doit  en  cultiver  six  cents  pieds  et  fournir  de  nouveaux  plants 
en  cas  d'insuccès.  Le  cafier  est  la  plante  qui  donne  à  la  Hollande,  ou  du 
moins  qui  lui  donnait,  les  «  bonis  coloniaux  )i,  et  c'est  elle  qui  en  consé- 
quence a  valu  aux  indigènes  le  dur  régime  du  travail  forcé'.  Ce  végétal,  qui 

'  Salaire  moyen  par  jour  à  Java  en  1882  : 

En  province  :  artisans,  de  1  à  2  francs;  manœuvres  ou  coulis  de  25  centimes  à  1  franc. 
A  Batavia  :  ii  de  75  c.  à  5  fr;  »  n        de  25  à  80  centimes. 

-  Récolte  du  riz  à  Java  en  1885  :  4370000  tonnes,  soit  environ  190  kilogrammes  par  tète. 

Exportation  en  1887 71  252  tonnes. 

'  K.  W.  von  Goikom,  De  Oost-Indische  Cultures. 

*  Javanais  employés  à  la  culture  forcée  du  café  en  1886  : 

■475  000  familles,  appartenant  .i  0650  villages. 


374 


NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


(lovait  un  jour  reprôsenler  au  point  de  vue  économiciue  une  valeur  Lien 
autrement  grande  que  les  épices,  «  les  plus  précieux  trésors  de  l'Inde  », 
ne  fut  introduit  dans  l'île  de  Java  que  dans  les  dernières  années  du  dix- 
seplième  siècle,  et  en  1711  l'exportation  des  baies  débutait  par  un  envoi 
d'environ    400  kiloprammes'.    Actuellement   la  part  de  Java  dans  l'en- 


N"»  -îi.    ZUNKS   SUPERPOSEES    DES    RIZIERES   HUMIDES,    DES   RIZIERES   SECHES    ET    DES   CAFETERIES, 

SUR    LES    PENTES   DU   SOEMBIXG. 


semble  de  la  production  totale  du  monde  est  d'un  sixième  à  un  huitième, 
soit  en  moyenne  de  60  millions  de  kilogrammes,  d'une  valeur  de  50  mil- 
lions de  francs.  L'île  hollandaise  n'est  dépassée  que  par  le  seul  Brésil  pour 
l'importance  de  la  récolte  du  café;  à  égalité  de  territoire,  l'expoi'tation  ja- 
vanaise est  de  beaucoup  la  plus  grande.  Depuis  que  Java  a  l'ait  retour 
aux  Pays-Bas,  après  les  guerres  de  l'Empire,  l'accroissement  de  la  produc- 
tion a  élé  l'oil  considérable  de  décade  en  décade.  Mais,  nuoique  de  nom- 


'  N.  P.  V;iii  (Ion  \]cr'^,  Hisluriciil-Sldiislictil  A"'''»'  «"  llic  proilKcliiin  iiiiil  ciiiisinii/jUiiii  iifijiffce. 


CULTURES  LIE  JAVA,  CAFE,  SUCRE.  575 

biciix  jnopriétaires  privés  soient  entrés  maintenant  en  concurrence  avec 
le  gouvernement  pour  la  culture  ducaliei',  l'industrie  ne  progresse  guère 
ou  même  semble  reculer.  En  1876,  le  redoutable  champignon  hcmilcia 
mstoi/v'j",  qui  a  déjà  ruiné  les  caféteries  de  Ceylan,  faisait  son  apparition 
dans  celles  de  Sumatra,  et  trois  années  plus  tard  pénétrait  dans  les  plan- 
tations javanaises;  il  faut  protéger  aussi  le  calier  contre  d'autres  parasites, 
notamment  contre  l'insecte  borer  {xijlotricus  quadrupes)  ;  le  nombre  des 
pieds  de  calé,  qui  dépassa  250  millions  dans  les  plantations  du  gouverne- 
menl,  est  tombé  à  150  millions  e(,  au  lieu  de  775  000  familles  employées 
à  la  culture,  on  n'en  compte  plus  que  475000'.  Les  j)lanteurs  de  Java 
foudcMl  maintenant  grand  espoir  sur  le  cafier  de  Libéria,  qui  résiste  au 
cliam[)ignon  et  au  borer;  mais  c'est  toute  une  révolution  économique 
il'avoir  à  remplacer  plus  de  200  millions  d'arbres,  en  comptant  ceux  des 
propriétaires  privés \  Les  Javanais  entourent  les  plantations  d'arbustes  à 
feuillage  rouge  pour  effrayer  les  sangliers^,  et  dans  la  plupart  des  caféte- 
ries les  plants  de  cafiers  sont  ombragés  par  des  erythrhia  ou  dadap.  Un 
petit  rongeur,  le  paradoxurus  mmanga,  se  nourrit  de  baies,  dont  il  ne 
digère  que  l'enveloppe.  Les  petits  tas  de  café  musang  que  l'on  rencontre  (jà 
et  là  dans  les  plantations  fournissent  la  boisson  la  plus  appréciée. 

De  même  que  pour  le  café,  l'île  de  Java  tient  le  deuxième  rang  dans  le 
monde  pour  la  production  du  sucre  :  elle  vient  après  Cuba,  avant  l'Inde, 
les  l'hilippines  et  le  Brésil;  sa  récolte,  qui  d'ailleurs  varie  beaucoup  d'an- 
née en  année,  suivant  l'abondance  des  pluies  et  les  autres  phénomènes  du 
climat,  est  eji  moyenne  la  dixième  partie  du  sucre  de  canne  produit  sur 
la  Terre.  La  culture  de  la  canne,  qui  compiend  plusieurs  espèces  de  plants, 
est  une  des  anciennes  industries  de  Java  :  dès  l'année  1050,  on  comp- 
tait une  vingtaine  de  manèges  pour  l'extraction  du  sucre  dans  les  envi- 
rons de  Batavia;  au  commencement  du  siècle  suivant,  ils  avaient  dépassé 
la    centaine.   Eu    ISOS,    la    jiroductioii   s'élevait    à  5800   tonnes';   mais 


'  1'.  C.  lluyscr,  hulisclic  Gids,  188i>. 

-  Récolte  du  café  dans  les  }il;mtaliuiis  du  |,'OUvcriicnicnl  : 

1S16 5  (100  loiines, 

1850 00  000       .> 

1879  (la  plus  forte  du  siècle)  .    .    .  7'J  400       n 

1887  (ta  moindre  du  demi-siècle)  .  17  750       » 

Récolle  totale  du  gouvernement  et  des  particuliers  en  1879  :  9-4  588  tonnes. 

{Imlischc  Gids,  1888.) 
^  Otto  Kuntze,  Vm  die  Erdc. 
*  Recuite  moyenne  du  sucrr  de  1857  à   180-'.    .    .    .  105  700  tonnes 

)'  »  1875 199  000       » 

Il  »  1887 418  000      » 


376  .NOUVELLE  CÉOGRAl'illE   IMVERSELLE. 

c'est  dans  la  douxiôme  inoilié  du  siècle  surtoul  que  les  progrès  ont  été 
rapides,  compensant  en  grande  partie  les  pertes  qu'ont  faites  les  plan- 
teurs dans  la  culture  des  cafiers.  La  part  de  récolte  qui  appartient  au 
gouvernement  diminue  chaque  année,  en  vertu  de  la  loi  qui  l'oblige  à 
l'abrogation  graduelle  du  travail  forcé  et  à  la  concession  de  ses  cultures 
sucrières  à  des  entrepreneurs  privés  :  bientôt  il  aura  cessé  toute  con- 
currence avec  ce  qu'on  appelle  le  «  travail  libre  »,  c'est-à-dire  avec  les 
exploitations  agricoles  des  princes  indigènes,  des  banquiers  et  des  compa- 
gnies financières  qui  possèdent  de  grands  domaines  par  héritage,  par 
location  ou  par  achat.  Quelques-unes  des  plantations,  surtout  dans  les 
«  pays  des  Princes  »,  à  Djokjokarta  et  Soerakarta,  sont  pourvues  d'un 
outillage  industriel  qui  ne  le  cède  en  rien  à  celui  des  plus  belles  usines  de 
l'Europe. 

La  culture  de  l'arbuste  à  thé,  apportée  du  Japon  en  182(3,  n'a  jamais  pris 
dans  l'ile  de  Java  une  importance  qui  lui  permette  de  lutter  sur  les  mar- 
chés avec  la  Chine  et  l'Assam.  Le  gouvernement  hollandais,  devenu  pro- 
ducteur de  thé,  avait  fondé  des  plantations  dans  toutes  les  parties  de  l'île, 
mais  sans  grand  profit,  et  depuis  1865  cette  industrie  est  complètement 
abandonnée  h  l'initiative  privée.  La  production  moyenne  du  thé  est  d'envi- 
ron 2400000  kilogrammes;  mais  dans  les  bonnes  années  la  (juantité  de 
feuilles  recueillies,  d'ailleurs  d'une  qualité  médiocre,  s'est  élevée  à  [ilus  de 
5  millions  de  kilogrammes.  Les  autres  végétaux  de  Java  i\\u  fournissent 
soit  des  substances  alimentaires,  soit  des  condiments,  sont  encore  d'une 
moindre  valeur  dans  le  commerce  du  monde.  Les  cacaoyers,  les  girolliers 
et  cannelliers  sont  relativement  peu  nombreux,  et  même  le  poivrier,  qui 
jadis  fit  la  fortune  de  la  province  de  Bantam  et  fut  la  principale  cause  de 
la  prise  de  possession  du  pays  par  la  compagnie  hollandaise,  a  cessé  d'être 
une  culture  profitable.  On  compte  dans  l'île  plus  de  23  millions  de  coco- 
tiers, dont  10  millions  portant  des  fruits. 

Le  tabac  est  l'une  des  denrées  qui,  malgré  de  grandes  oscillations  com- 
m'erciales,  ont  le  plus  d'importance  dans  le  mouvement  des  exportations 
javanaises';  en  outre,  la  consommation  locale  de  tabac  est  fort  considé- 
rable. Comme  la  plupart  des  autres  grandes  cultures,  celle  du  tabac  a  cessé 
d'être  un  monopole  du  gouvernement,  pour  passer  entre  les  mains  de  con- 
cessionnaires ;  des  spéculateurs  chinois  exploitent  aussi  cette  industrie  pour 
le  commerce  local  ;  mais  il  leur  est  interdit  de  cultiver  le  pavot  à  opium  : 

'  Exportaliuii  du  tabac  de  Java  en  1831 1 14  G80  kiloyiamiues. 

)i  .,  1,  1864 7  875  075  >> 

,)  „  „  1882 16  633  000  * 


CULTURES  DE  JAVA.  577 

c'est  au  gouvornemcnl  qu'ils  sont  obligés  d'acheter  cette  drogue,  importée 
de  l'Inde,  de  la  Perse  et  de  l'Asie  Mineure.  L'indigo,  qui  fut  un  des  objets 
du  monopole  les  plus  jalousement  surveillés,  est  maintenant  livré  à  l'in- 
dustrie privée  et  n'a  cessé  d'être  un  produit  de  valeur  dans  l'agriculture 
javanaise,  malgré  l'invasion  des  couleurs  extraites  de  la  houille.  Après 
l'Inde  anglaise,  mais  très  loin  en  arrière,  Java  est  le  pays  du  monde  qui 
fournit  le  plus  d'indigo'.  Quant  aux  plantes  textiles,  le  coton,  le  jute,  la 
ramie,  elles  ne  sont  guère  l'objet  que  de  petites  cultures  locales;  les 
indigènes  emploient  aussi  le  duvet  qui  s'échappe  des  fruits  du  kapok  ou 
randoe  {eriodendron  anfractmsum). 

Le  même  arbre  est  utilisé  comme  bois  d'œuvre  et  l'on  sait  quelle 
importance  a  pris  dans  l'industrie,  pour  la  construction  des  navires,  des 
édifices  et  des  meubles,  le  précieux  bois  de  tek,  —  le  djati  des  Javanais, 
—  dont  les  forêts  occupent  encore  une  superficie  de  6000  kilomètres 
carrés.  Dans  ces  derniers  temps  on  a  également  employé  pour  le  reboise- 
ment de  Java  un  arbre  non  moins  précieux,  le  chinchona.  Des  plants  furent 
introduits  de  la  Réunion  en  18à'2,  puis  en  1854  le  botaniste  Ilasskarl 
apporta  plus  de  quatre  cents  boutures  de  l'Amérique  du  Sud  et  put  établir 
de  vastes  jardins  d'essai  sur  les  pentes  du  Gedé  et  du  Malabar.  Neuf  an- 
nées après,  on  comptait  déjà  dans  les  plantations  de  l'Ile  540  000  arbres 
en  forêt  et  600000  en  pépinière;  mais  la  variété  dont  on  avait  fait  choix 
est  une  de  celles  qui  ont  la  moindre  valeur,  et  l'on  dut  même  l'abandonner 
pour  les  autres  variétés,  à  écorce  plus  riche,  notamment  le  calisaya,  que 
l'on  venait  d'introduire  dans  les  régions  montagneuses  de  l'Inde  an- 
glaise. En  1888,  les  parcs  et  les  pépinières  du  gouvernement  de  Java  con- 
tiennent plus  de  0  700  000  arbres  des  meilleures  espèces  %  croissant  à 
diverses  altitudes,  de  1250  à  1950  mètres;  en  outre,  l'industrie  privée  fait 
concurrence  à  l'État  pour  l'élève  des  chinchona.  Par  le  bon  choix  des  plants 
et  le  greffage,  on  a  fini  par  obtenir  des  arbres  dont  l'écorce  contient  jus- 
qu'à 11  et  même  15  pour  100  de  quinine'. 

Java  ne  possède  pas  d'animaux  domestiques  en  suffisance  pour  l'eii- 
Iretien  du  travail  agricole.  La  partie  occidentale  de  l'ile  surtout  est  rela- 
livement  pauvre  :  l'extrême  province  de  l'ouest,  Bantam,  a  seulement 
94  animaux,  chevaux,  buffles  et  bœufs  par  1000  habitants,  tandis  que  la 
province  extrême  de  l'est,  Banjoevvangi,  en  a  850,  et  de  l'une  à  l'autre  con- 
trée l'accroissement    proportionnel    se  fait   d'une   manière   assez    régu- 

'  Priiductidii  (le  l'indigo  à  Java  t'ii  1887  :  817  000  kilogrammes. 

-  Récolte  de  l'écorce  en  1887  :  .jàl  056  kilogiammes. 

■>  Henry  l).  Forbes,  A  Natiiralist's  Wanderiny  in  the  Eastern  Avrhipclago. 

uv.  48 


578 


NOUVELLE  GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 


lière'.  Mais  dans  toutes  les  parties  de  l'île  il  y  a  eu  diminution  absolue 
du  cheptel  pendant  la  deuxième  moitié  de  ce  siècle,  alors  que  la  popula- 
tion humaine  augmentait  d'une  manière  si  considérable;  des  épizooties 
ont  parfois  sévi  sur  les  animaux  de  joug  :  en   1880  et   1881,  les   paysans 


"3.    FOnÈTS   DE   TEK    ENTHE    SEMARANG   ET    SOERABAJA 


des  provinces  occidentales  perdirent  près  de  150  000  bœul's  et  buffles. 
Depuis,  la  quantité  du  bétail  s'est  accrue  de  nouveau  ;  cependant  nombre 
de  communes  ne  peuvent  pas  s'en  pi'ocurer  pour  les  travaux  de  la  cam- 


'  Gliepk'l  lie  Java  et  Madoeia  en  1880,  d'après  Jaeger,  et  en  1886,  d'après  les  rapports  officiels  : 


Java  occidental 

Java  oriental. 

Ensemble  (1880| 

Ensemble  (188 

BuClles  .    .    . 

.       974974 

1380312 

2361  28G 

2  541936 

Bœufs.  .    .    . 

.       187931 

1747291 

1935222 

2089404 

Chevaux.  .    . 

.       1(34238 

373039 

r.57877 

517854 

Total.    .    . 

.     1327 143 

5S07242 

4834383 

5149194 

AGRICULTURE.   INDUSTRIE  DE  JAVA.  379 

pagne.  Les  chevaux  de  Java,  tlescendanl  d'animaux  importés  d'Aral)ie, 
ont  beaucoup  perdu  en  taille,  mais  ils  ont  gardé  le  feu  et  la  Ibrce  d'endu- 
rance :  on  vante  surtout  les  trotteurs  de  la  province  de  Cheribon  et  les  tra- 
vailleurs de  Kedoe;  pourtant  ces  animaux  n'égalent  pas  en  vaillance  et  en 
perfection  de  formes  les  poneys  de  Sumatra. 

Les  Javanais  ont  reçu  de  l'Europe  la  plupart  des  oiseaux  de  basse-cour, 
et  leurs  viviers,  ainsi  que  les  eaux  de  leurs  baies,  renferment  des  espèces 
nombreuses  de  poissons.  Sans  compter  les  cultivateurs  qui  possèdent  des 
réservoirs,  une  cinquantaine  de  mille  individus  n'ont  d'autre  travail  que  la 
pêche  maritime;  mais  tous  ces  produits  servent  à  la  consommation  locale, 
à  l'exception  des  holothuries  et  des  ailerons  de  requins,  qui  sont  expé- 
diés en  Chine.  On  sait  que  les  nids  de  salanganes  {coUocalia  esculenta), 
d'une  qualité  plus  exquise  à  Java  que  dans  toutes  les  autres  îles,  sont 
aussi  destinés  aux  marchés  de  Canton  et  des  autres  ports  chinois;  pour 
obtenir  cette  précieuse  denrée,  que  l'on  vend  jusqu'à  400  francs  le  kilo- 
gramme, les  riverains  des  falaises,  surtout  dans  les  régences  de  Preang, 
descendent  par  des  échelles  de  rotin  qui  mènent  à  l'entrée  des  grottes  et 
réussissent  à  y  pénétrer  en  construisant  des  galeries  volantes  au-dessus  du 
flot  grondant.  Dans  les  régions  basses  du  littoral,  d'anciennes  baies  ont  été 
aménagées  en  marais  salants,  que  le  gouvernement  fait  exploiter  pour 
vendre  le  sel  à  ses  sujets  de  l'Insulinde.  Quoique  la  production  saline 
augmente  quelque  peu  de  décade  en  décade,  la  consommation  moyenne 
diminue  chez  les  Javanais  appauvris'.  Une  partie  de  la  récolte  est  expédiée 
dans  les  îles  avoisinantes. 

L'industrie  moderne  avec  son  puissant  mécanisme  n'a  été  introduite  à 
Java  que  pour  le  service  des  grandes  usines  sucrières,  celui  des  ports  et 
des  chemins  de  fer.  Autrement  les  Javanais  en  sont  restés  à  leurs  métiers 
traditionnels  pour  la  fabrication  des  objets  d'usage  ordinaire  et  de  con- 
sommation locale.  Les  femmes  tissent  les  étoffes  et  les  ornent  de  couleurs 
très  solides  en  les  trempant  dans  un  bain  de  teinture  après  avoir  recouvert 
de  cire  les  parties  qui  doivent  rester  en  blanc;  les  hommes  travaillent  les 
métaux  et  savent  en  faire  des  armes  élégantes,  notamment  des  krlss  ou 
poignards  de  formes  ondulées.  Dans  les  terres  «  princières  »  de  Djokjo- 
karta  s'est  maintenue  en  toute  propriété  l'industrie  des  fabricants  de 
gongs  et  instruments  de  musique  pour  les  orchestres  ou  (jamdcuKj,  ran- 
gées de  cloches,  cymbales,   tambours,  clochettes  et  languettes  en  cuivre 


l'niiiuclidii  (lu  sel  à  Java  t'I  Madoera  en  1885: 

57  000  tdiini's,  soit  i  kilogrammes  et  demi  par  tèle.  Valeur  :  t.")  175000  francs. 


580 


NOUVELLE   GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 


et  en  kimboii,  que  l'artiste  frappe  avec  un  marteau  pour  accompagner  les 
représentations  théâtrales  ou  les  danses  des  roengeng  ou  bayadères.  Les 
plus  habiles  artisans  de  Java  sont  les  Chinois  :  c'est  à  eux  que  s'adressent 
surtout  les  Euroj)éens  pour  les  travaux  qui  demandent  de  l'adresse  et  du 
goût.  D'ailleurs  l'art  ne  saurait  se  développer  chez  un  peuple  famélique  où 
tout  est  subordonné  aux  nécessités  urgentes  de  la  vie  matérielle  et  que 
l'on  lait  manœuvrer  par  grandes  masses  en  des  travaux  où  nulle  initia- 
tive n'est  laissée  aux  ouvriers. 

Les  routes  carrossables  sont  bien  tracées  et  parfaitement  entretenues, 
avec  trottoirs  latéraux  et  allées  supplémentaires  pour  les  lourds  chariots,  du 


\*  7t;.   —  cnKMiN^  in;  ïkh  m 


a'e  200  3  2Oa0  "•  200a^  4000  '" 

-Lhem.ns  de  fer  Routes  a 

1  •  1 1  000  000 


moins  entre  les  villes  principales.  L'artère  maîtresse  est  la  grande  voie 
militaire,  longue  de  1503  kilomètres,  qui  fut  construite  d'Anjer  à  Ban- 
joewangi,  par  les  ordres  du  redoutable  Daendels,  désigné  encore  par  les 
Javanais  sous  le  nom  de  «  Maître  du  Grand  Tonnerre  ».  Les  ponts  en  bam- 
bou, de  construction  fort  ingénieuse  et  d'une  extrême  solidité  malgré 
leur  apparence  fragile,  traversent  les  torrents  et  même  les  fleuves.  Dans 
sa  jalouse  politique  d'isolement,  l'État  hollandais  se  refusa  longtemps  à 
faire  construire  des  voies  ferrées  pour  faciliter  les  communications  entre 
les  diverses  parties  de  l'île  et  laisser  les  visiteurs  pénétrer  librement  dans 
les  régions  peu  connues  de  l'intérieur.  C'est  en  1872  seulement  que  fut 
ouvert  le  premier  chemin  de  fer  de  Java,  ipii  rattache  Batavia,  la  capi- 
tale, à  Builenzorg,  le  Versailles  du  gouverneur.   Depuis  cette  épo(|ue,  le 


ROITES   ET   OUEMINS   DE   FER  DE   JAVA. 


381 


réseau  s'est  accru  lentement,  et  il  est  encore  loin  d'être  terminé  dans 
ses  grandes  lignes,  indiquées  nettement  par  la  structure  de  l'île.  Ce  réseau 
primordial  doit  comprendre,  de  toute  évidence,  deux  lignes  côtières  allant 
de  l'une  à  l'autre  extrémité  de  Java,  et  des  voies  transversales  rattachant  de 
distance  en  distance  les  deux  rivages,  par  les  vallées  ouvertes  entre  les 
massifs  de  volcans.  Mi  les  montants,  ni  les  barreaux  de  cette  échelle  de 
chemins  de  fer  ne  sont  achevés  en  entier;  néanmoins  le  rattachement  des 
trois  grands  ports  de  File,   Batavia,  Somarang,  Soerabaja,  aux   riches  et 


L[i.\t^    ItK    KATtAlX    A    VAI'tL'U    L'A>S    L  IN^lLlMit:. 


enkoelenX    „    ra  embanj  '-—^  •  *   '    ^    V  Ambom»    "     "»^v_i 

<3 


-°   w  Koepan§ 


Est   de  Greenwich 


populeux  districts  de  l'intérieur  '  a  déjà  contribué  pour  une  forte  part  à 
l'accroissement  du  commerce,  que  desservent  des  bateaux  à  vapeur  régu- 
liers, voguant  d'escale  en  escale  sur  le  pourtour  de  l'île  et  vers  les  autres 
ports  du  reste  de  l'Insulinde.  Plus  de  la  moitié  des  voies  ferrées  appar- 
tiennent à  l'État,  de  même  que  tout  le  réseau  des  lignes  télégraphiques'. 
Celles-ci  se  rattachent  au  réseau  de  l'Inde  et  de  l'Europe  par  Singapour 
et  Èi  celui  de  l'Australasie  par  Timor.  Des  sociétés  de  navigation,  pos- 
sédant ensemble   plus  de  60  bateaux  à  vapeur,  d'un  port    de  près   de 


Chemins  de  fer  et  routes  à  vapeur  ouverts  au  trafic  à  Java  à  la  fin  de  1887  :  1500  kilomètres. 
Dépenses  d'établissement  jusqu'à  la  fin  de  1883,  pour 932 kilomètres  :  127994800  francs. 
-  Réseau  télégraphique  des  Indes  Néerlandaises  en  1880  :  923o  kilomètres. 

Télégrammes  envoyés 378  277 

Lettres  reçues  et  expédiées  dans  les  198  agences  postales 5161401 

Journaux 5  029  107 


582  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

100000  lonncaux,  l'ont  communiquer  les  îles  de  l'archipel   entre  elles  et 
avec  l'Eurojie  '. 

La  |j1us  grosse  part  du  commerce  oe  Java  se  fait  encore  directement  avec 
les  Pays-Bas,  quoique  depuis  1874  une  loi  supprime  le  régime  différentiel 
pour  les  navires  de  diverses  nations  qui  touchent  à  Java  et  réduise  en 
même  temps,  dans  une  forte  proportion,  les  droits  d'entrée  et  de  sortie 
d'un  grand  nombre  de  marchandises.  Toutes  les  denrées  d'exportation 
acquises  au  gouvernement  par  le  monopole  sont  expédiées  en  Hollande 
par  les  soins  d'une  société  fondée  en  1S24  avec  des  privilèges  royaux, 
dont  une  part  lui  reste  encore  :  dans  l'imagination  des  sujets,  le  nom  de 
la  Handel-Maatschappij  se  confond  avec  celui  de  l'Etat,  et  en  effet  la  com- 
pagnie qui  exploitait  autrefois  les  richesses  de  l'Insulinde  et  qui,  après 
avoir  gagné  des  milliards,  fit  banqueroute  à  la  fin  du  siècle  dernier,  avec 
une  dette  de  252  millions  de  francs,  exerçait  tous  les  droits  de  souverai- 
neté. Depuis  que  la  liberté  du  commerce  a  été  proclamée,  en  1874,  le 
mouvement  des  échanges  avec  la  Grande-Bretagne  a  pris  une  importance 
notable  :  l'Angleterre  achète  des  sucres  bruts,  qu'elle  paye  en  cotonnades  et 
en  quincaillerie'.  La  Chine,  les  Etats-Unis,  la  France  ont  aussi  avec  Java 
un  trafic  de  quelque  valeur".  Les  matelots  javanais  sont  d'une  vaillance  et 
d'une  adresse  étonnantes  :  c<  pour  grimper  sur  les  haubans  ils  ne  le  cèdent 
qu'aux  singes  »  *. 


'  Voyageurs  transportés  par  oateaux  à  vapeur  dans  l'arcliipel  en  ISSl  :  10.")74G. 
'  Cnnimcrcc  île  Java  avec  la  Grande-Bretagne  en   1880  : 

Exportitinn  île  Java 78909  450  francs. 

Importation 01066875       » 

Ensemble.    .    .    .      1 10 0ù0.î25  francs. 
^  (!i)unnorce  extérieur  de  Java  en  1884,  sans  les  transactions  directes  du  f^ouvernenienl  : 

Importation 257  800  000  francs. 

Exportation .>16  160  000       ii 

Ensemble .    .    .    .     57.'i  960  000  francs. 

Ensemble  du  commerce  libre  de  l'Insulinde  néerlandaise.    .    .      742  255  000  francs. 
))  I)         avec  les  transactions  du  gouvernement.     910  255  000       >> 

Mouvement  de  la  navigation  à  l'entrée  et  à  la  sortie,  en  1885  : 

Commerce  extérieur.    .       9  195  navires,  jaugeant  2  227  280  tonneaux. 
Cabotage 10  502      »  »         1122  725        » 


Ensemble.    .    .      19  697  navires,  jaugeant  3  350  005  tonneaux. 

Flotte  commerciale  de  Java  en  1882  :  1060  navires,  dont  34  à  vapeur,  jaugeant  93529  tonnes. 
(Van  den  Berg,  Finances  nnd  economical  progress  o(  Sethcrland  India.) 

*  VVindsir  Earl,  Enslcrn  Sens. 


COMMERCE  DE  JAVA,  BANTAM,  BATAVIA.  385 

Au  commencement  du  dix-septième  siècle  le  commerce  extérieur  de  Java 
avait  pour  point  d'attache  et  pour  entrepôt  principal  la  ville  de  Bantam, 
située  près  de  l'extrémité  nord-occidentale  de  l'île,  au  bord  d'une  baie 
semi-circulaire,  bien  défendue  des  venls  du  nord  par  un  cordon  d'îles  et 
d'îlots,  mais  obstruée  par  des  bancs  do  vase  qui  gênaient  la  navigation 
et  rendaient  le  district  insalubre.  C'est  à  Bantam  que  les  Hollandais  éta- 
blirent leur  premier  comptoir,  en  1596,  et  les  gravures  anciennes  la  repré- 
sentent comme  une  vaste  cité,  avec  de  splendides  édifices  et  un  magnifique 
brise-lames  en  pilotis  '  ;  mais  la  capitale  déchue  n'est  plus  qu'un  pauvre 
village,  dont  les  maisonnettes  se  cachent  sous  les  palmiers;  cependant 
elle  a  conservé  sa  mosquée,  qui  date  de  l'époque  antérieure  à  l'arrivée 
des  Européens,  et  les  tombeaux  de  ses  princes  et  de  ses  imam.  Comme 
toutes  les  villes  antiques,  Bantam  a  gardé  aux  yeux  des  indigènes  un  ca- 
ractère sacré,  et  les  Chinois  s'y  rendent,  à  certains  jours  de  fête,  pour  y 
vendre  des  lanternes  de  papier  et  des  drapeaux.  Le  nom  de  Bantam  est 
resté  à  la  province,  mais  le  siège  de  l'administration  s'est  déplacé  :  le 
chei'-lieu  de  la  «  résidence  »  est  maintenant  la  petite  ville  de  Serang,  si- 
tuée à  une  douzaine  de  kilomètres  au  sud,  au  bord  d'un  ruisseau  des- 
cendu des  gorges  du  Karang.  Une  autre  ville  a  pris  le  rôle  de  Bantam 
comme  lieu  de  reconnaissance  ou  première  escale  pour  les  marins  qui 
viennent  du  large  :  c'est  Anjer,  que  détruisit  en  grande  partie  la  formi- 
dable vague  d'ébranlement,  lors  de  l'explosion  du  Krakatau,  en  1885. 
Enfin,  comme  centre  du  commerce,  Bantam  a  été  remplacée  par  Jaka- 
Ira,  la  ville  que  les  Hollandais  appelèrent  Batavia  en  y  fondant  leurs 
entrepôts  et  leurs  forts. 

La  capitale  de  Java  et  de  toute  l'Inde  néerlandaise  occupe  une  immense 
étendue,  en  proportion  du  nombi'e  des  habitants  :  des  pointes  de  ses 
jetées  à  ses  quartiers  les  plus  avancés  dans  l'intérieur  des  terres,  la  dis- 
tance en  ligne  droite  dépasse  '20  kilomètres.  H  est  vrai  que  cet  espace  est 
occupé  par  plusieurs  villes  ne  se  rattachant  les  unes  aux  autres  que  par 
des  canaux,  des  routes  et  des  avenues.  La  ville  ancienne,  fondée  en  1619. 
avait  été  construite  au  bord  de  la  mer,  sur  la  rive  droite  de  la  rivière  ou 
tji  Liwong  :  la  citadelle,  à  quatre  bastions  aigus,  s'élevait  sur  un  îlot  arti- 
ficiel à  l'entrée  du  chenal.  Peu  à  peu  Batavia  prit  en  effet  l'aspect  d'une 
cité  «  batave  »  avec  ses  canaux  et  ses  fossés,  ses  maisons  en  brique  à  plu- 
sieurs étages  et  à  pignons.  Mais  une  pluie  de  cendres,  projetée  parle  Salak. 
obstrua  les  canaux,  dont  l'eau  avait  été  jusqu'alors  vive  et  courante;  des 

'  Valenlijn,  Beschrijvhig  van  Groot-Djava ,  etc.,  1720 


384. 


NOUVELLE  GÉOGRAl'UIE  UNIVERSELLE. 


ATAVH    EN    1628 


mares  se  lormèrejit  dans  les  bas  quaiiiers,  tandis  que  les  piaffes  onuiic- 
taienl  sur  la  mer'.  Déjà  fort  insalubre,  Batavia  le  devint  plus  encore  et 
perdit  en  outre  l'avantage  d'être  assise  au  bord  de  la  rade.  Elle  est  mainte- 
nant à  2  kilomètres  de  la 
mer,  et  sa  rivière,  changée 
en  canal,  a  dû  être  prolon- 
gée de  2  kilomètres  plus 
loin,  jusqu'aux  eaux  pro- 
fondes. La  laissant  aux 
gardiens  malais  des  entre- 
pôts et  à  la  population 
grouillante  des  Chinois , 
les  résidents  européens  ont 
(|uitlé  l'ancienne  ville  pour 
fonder  leur  capitale  nou- 
velle à  quelques  kilomètres 
plus  au  sud,  sur  des  ter- 
rains plus  élevés,  et  par- 
tout ils  ont  pris  soin  de 
ménager  de  larges  ave- 
nues, de  laisser  des  bou- 
(juelsde  verdure,  de  plan- 
ter des  jardins.  Le  quartier 
central  de  Weltevreden  ou 
i<  des  Satisfaits  )>,  qui  pos- 
sède les  principaux  édi- 
lices  publics  et  les  grands 
hôtels,  est  un  admirable 
parc  aussi  bien  qu'une 
ville,  et  l'on  peut,  en  se 
])romenant  sous  les  om- 
brages, voir  la  plupart  des 
plantes  tropicales  remar- 
quables par  l'éclat  du  feuillage,  la  beauté  des  fleurs,  la  majesté  du  port  ou 
les  bizarreries  de  la  végétation,  ravenala,  multipliants,  flamboyants,  pal- 
miers de  toute  espèce.  Autour  de  Weltevreden,  situé  dans  les  bosquets  orien- 
taux de  la   vallée,  et  de  la  vaste  pelouse  dite  Konings  plein  ou  «  Plaine 


'  M.  L.  vaii  Deventer,  Geschiedcnis  th'i  IScderlaiidcrs  op  Java. 


nouvelle  Géographie  Universelle.  T.  XIV.  PI.  H. 


DÉTROIT  DE  LA   SONDE 


ll;icliolle  et  C".  Paris. 


Etl  de  Pans 


TeloUli  IJftopnî 


f    AI 


J»  E   R  DE 


Kojzens     Suai 
nu  Bai'o  de   Seimm^a 

■I.Taboi 


oBliml.ii, 
Waiiœ  Jloek 


Jiaje      de     Ltunpomf 
J.Rond 
J.Lagocndi 

I.  Seboekxie 

J.  Sehesi 


aru,.n...s.. 


Cap  s!  JViealas 


DuajsindenWcf 


~  C.Rmtanf 
Baie  de     ^^>_  * 

Mantoja. 


1  er^atert  Eiland 


Lta^EOund  .^"■'■*^«^'<^Trie«-Andj. 


l\pt,-  ISu 


i^i^ 


Jh'insen.  Eihuid 


Tfi-ecdc  Puitt 
WtdlmmstBa 


EepstePuat 

JayuBuufd  ïiyo^nf 


lloiirijef 


nl,na„ik 


:Mal,.u,„n,' 


CPePPOn,  d'ap/w  U  e^aste-  de.  ItL' ^JlToTJveSe  GcograjJùe  liiivm'stJle'''  e^  ti  au/fc^  i 


WSERANC  X)„j^^^ji^,  BATAVIAU^ 

li:u.o.._       A  k  /^  j  )       .îLsWConjdisVai 


'^  Lcbak 


Pi-aibadiuis 


delOOiSOOV •^■■^OoàlooO'i 


de  lOOO'T'H  mi-dclL. 


XiUoral    reoourKFt  par  J"       c       ,  "'^  J  eraption  du  «ralaUlm  en  JSS3 . 

Zc^  phares  jont^  r^re^^'^  /"^   U^    ^„^,^     ^^™.    . 


.M)kil. 


49 


lîATAVI.V 


Ô87 


(lu  Roi  »,  sur  le  jx'iicliiiiil  occidi'iilal,  se  sont  élevés  (rnuires  quartiers, 
éjjialeinont  parsemés  tie  jardins  et  de  bosquets,  où  les  Européens  se  pro- 
mènent le  soir,  toujours  tète  nue.  Une  ville  de  maisons  champêtres  va 


T)     —   CATAVIA    ET    PORT    DE    TAXDJOSG    l'niIlK. 


L  t    l_    b  cenwich 


:  COU 


2  kil. 


rejoindre  au  nord,  le  ion^  du  canal,  l'ancienne  Batavia,  taudis  (ju'au 
sud  elle  se  continue  jusqu'à  Meester  Cornelis,  autre  groupe  de  quartiers 
épars,  séparé  de  Batavia  an  point  de  vue  adminislralif,  mais  apparte- 
nant au   nuMue  organisme.  Des  kroupoiK/  de  villageois  eufoureni  les  (rois 


•"88  NOUVELLE  GÉOGRAPUIK   IMVERSELLE 

cilés  (le  leur  ceintuiT  de  palmes.  Batavia  est  le  siège  des  sociétés  savantes 
les  plus  anciennes  et  les  plus  florissantes  de  l'Insulinde  :  l'une  d'elles  a 
plus  d'un  siècle  d'existence.  La  cité  possède  une  école  de  médecine,  des 
bibliothèques,  un  musée,  et  l'on  y  publie  des  journaux  scientifiques  d'une 
haute  valeur. 

Une  quatrième  ville,  faisant  également  partie  de  Batavia,  vient  de  se 
fonder  :  c'est  le  quartier  maritime  de  Tandjong  Priok.  Récemment,  Batavia 
n'avait  point  de  port  et  les  grands  navires  étaient  obligés  de  mouiller 
au  loin  dans  la  rade,  qui  d'ailleurs  est  parfaitement  abritée  par  toute  une 
poussinière  d'iles  ;  seuls  les  petits  bateaux  à  vapeur  et  les  barques  pou- 
vaient entrer  dans  le  canal.  Chaque  année,  les  alluvions  apportées  par  le 
iji  Liwong  et  |iar  la  rivière  Angkee  envasaient  les  abords;  la  ligne  des 
plages  reculait  de  plus  en  plus  vite:  de  1(S17  à  1874.  elle  s'éloignait  du 
port  au  taux  de  52  mètres  par  an'.  Il  était  donc  nécessaire  de  conquérir 
un  abri  par  la  construction  de  jetées  en  eau  profonde,  el  l'on  discuta  long- 
temps sur  le  choix  de  l'emplacement.  Un  grand  nombre  de  marins  pro- 
posaient d'établir  le  port  au  nord-ouest  de  la  rade,  près  de  l'île  Onrust, 
qui  possède  déjà  un  arsenal  de  la  flotte;  mais  on  a  fini  par  se  décider  pour 
la  pointe  de  Tandjong  Priok,  qui  se  trouve  à  10  kilomètres  seulement  au 
nord-est  de  rancicnnc  ville.  En  cet  endroit,  la  côte,  un  peu  plus  élevée  que 
sur  le  littoral  voisin,  s'avance  dans  la  mer  en  jetée  sablonneuse  et  se  rat- 
tache à  un  cordon  de  plages  exhaussées  qui  se  prolongent  vers  l'est. 
Deux  énormes  digues  de  pierre,  ayant  l'uiic  1765,  l'autre  1065  mètres 
de  longueur,  s'enracinent  maintenant  sur  la  pointe  et  se  recourbent  à  leur 
extrémité  septentrionale  pour  ne  laisser  aux  navires  qu'un  passage  d'envi- 
ron 150  mètres  :  l'espace  enfermé  par  les  murs  de  quai  comprend  près  de 
200  hectares  et  les  plus  grands  vaisseaux  peuvent  y  mouiller  à  l'aise.  Des 
bassins  de  carénage,  des  cales  sèches,  des  ateliers  de  construction  complè- 
tent l'outillage  du  port,  que  chemin  de  fer,  route  et  canal  réunissent  à  tra- 
vers les  terrains  marécageux  au  reste  de  la  cité.  Des  villages  et  des  cultures 
commencent  à  recouvrir  le  sol  affermi  dos  deux  côtés  des  voies  de 
jonction. 

Les  deux  gros  Ijourgs  ae  Tangerang  à  l'ouest  et  de  Bokasi  l\  l'est  peu- 
vent être  considéiés  comme  les  dépendances  directes  de  Batavia,  les  Chinois 
qui  les  habitent  étant  constamment  attirés  vers  les  marchés  de  la  grande 
ville  :  grâce  à  un  chemin  de  fer,  Bekasi  fait  même  partie  de  Batavia  comme 
lieu  de  villégiature;  maison  ne  voit  nlus  dans  la  contrée  un  seul  descendant 

'   Tijdsrlirifl  ritii  lirl  A',  l/istitiuit  ran  Iniienieiirs.  jim.  ISTT. 


TANGElîANn.   lUlTEN/JIRG.  589 

dos  pnvsans  hollandais  venus  an  milieu  du  dix-huitième  siècle'.  A  Tanjje- 
rang  el  dans  les  environs,  quarante  à  cinquante  mille  paysans  et  paysannes 
s'occupent,  pendant  la  morte-saison,  à  tisser  en  fibres  de  bambou  des 
chapeaux,  des  boîtes,  des  nattes,  que  les  marchands  chinois  achètent  pour 
le  compte  de  commerçants  parisiens.  Le  seul  district  de  Tjilongok  a  expé- 
dié en  1887  environ  1  200  000  chapeaux,  pour  une  somme  de  près  de 
2  millions \  Plus  au  sud  s'avancent  les  promontoires  du  volcan  de  (ledé, 
vers  lesquels  se  dirigent  la  plupart  des  Européens  pour  aller  respii(M' 
l'air  pur  et  tâcher  de  rendre  du  ressort  h  leurs  muscles.  Buitenzorg'  ou 
«  Sans-Souci  «  avait  été  choisi  dès  l'année  1744  pour  la  construction  d'un 
castel  de  plaisance,  qui,  par  des  agrandissements  successifs,  est  devenu  une 
résidence  des  plus  vastes  :  c'est  là  que  séjournent  d'ordinaire  les  gouver- 
neurs généraux  des  Indes  néerlandaises.  Situé  à  265  mètres  d'altitude,  sur 
un  coteau  boisé  qui  sépare  les  deux  vallées  du  tji  Liwong  et  du  Iji  Dani, 
Builenzoïg  commande  les  paysages  merveilleux  des  plaines  l)oisées,  des 
gorges  sombres  et  des  pentes  qui  se  redressent,  gracieusement  infléchies, 
d'un  côté  vers  le  Salak,  de  l'autre  vers  le  Gedé.  Nulle  part  à  Java  la 
végétation  spontanée  n'est  plus  belle  ni  plus  variée  qu'à  Buitenzorg,  et 
nul  jardin  botanique  n'est  plus  riche  ni  mieux  disposé  que  celui  dont 
les  allées  serpentent  autour  du  palais  de  la  résidence  :  il  contient  plus  de 
0500  plantes  d'espèces  diverses.  Buitenzorg  n'est  pas  assez  élevé  pour 
i[u'on  puisse  le  considérer  comme  un  sanatoire.  La  station  de  Sindang- 
Laja,  vers  laquelle  se  dirigent  les  malades  et  les  convalescents,  est  située  à 
1070  mètres,  sur  les  pentes  septentrionales  du  Gedé,  près  du  vaste  jardin 
d'essai  de  Tjibodas.  Ce  lieu  est,  dit-on,  le  plus  salubre  de  toute  la  partie 
occidentale  de  Java  ;  des  centaines  de  soldats  d'Atjeh  y  ont  retrouvé  la 
santé,  et  il  aurait  été  plusieurs  fois  question  d'y  envoyer  les  officiers  ma- 
lades des  garnisons  françaises  de  la  Cochinchine'". 

Au  sud  de  Buitenzorg,  le  chemin  de  fer  franchit  le  seuil  de  partage 
entre  les  deux  versants  de  l'île,  puis,  laissant  au  sud  les  régions  très  fai- 
blement peuplées  qui  descendent  vers  la  baie  de  Wijnkoops  et  le  port  de 
Plaboean-Batoe,  il  se  dirige  vers  l'est,  passe  aux  stations  importantes  de 
Soekahoemi  et  de  Tjandjoer,  et  pénètre  dans  le  vaste  bassin  du  Iji  Ta- 
roera,  entouré  d'un  amphithéâtre  de  volcans.  C'est  là  que  se  trouve  le  port 
d'embarquement  de  Tjikao,  d'une  extrême  importance  avant  l'ouverture  du 
chemin  de  fer,  les  prao  du  littoral  venant  y  chercher  les  denrées  de  l'in- 

'  M.  L.  van  Deventer,  Geschiedciiis  dcr  Nederlanders  op  Jara. 

-  Imlisclic  Mcrcuur,  1888. 

3  Wernichf  Ceogrnphisch-^iiedirinische  Sliidirii. 


ôyO  NOUVELLE   OEOGR APIIIE  UNIVERSELLE. 

téricur.  l'Iiis  à  l'csl,  h  741  moires  d'iillitiicle,  s'élî'vc  Baiidoiif;,  In  gra- 
cieuse caj)italo  des  a  régences  de  Preang  >i,  presque  coniplèlenient  cachée 
par  la  verdure  des  grands  arbres,  et  dominée  au  nord  par  la  longue  croupe 
du  Tangkoeban  Prahoe.  Xu  delà  de  Bandong  et  de  la  slalion  de  T.jilJM- 
lenka,  la  dernière  en  188<S,la  voie  ferrée  traversera  le  seuil  du  plateau  jxtur 
descendre  dans  la  vallée  du  tji  Manoek,  oi!i  elle  s'unira  à  un  embranche- 
ment de  la  ville  de  Garoet,  au  sud-ouesl  ;  puis,  gravissant  d'autres  cols  à 
l'est,  elle  gagnera  par  de  longues  rampes  la  plage  méridionale,  au  port 
de  Tjilatjap.  Ce  havre,  le  seul  du  littoral  de  l'Océan  qui  soit  rattaché  par 
chemin  de  fer  au  versant  septentrional  de  Java,  mais  seulement  par  le 
tronçon  oriental  du  réseau,  est  aussi,  grâce  à  l'abri  que  lui  offre  l'île  ou 
plutôt  la  péninsule  de  Kembangan,  le  lieu  d'ancrage  le  meilleur  et  le  plus 
sur  de  la  redoutable  côte  du  sud  ;  même  à  marée  basse  les  navires  trouvent 
au  moins  5  mètres  et  demi  de  profondeur  sur  la  barre  et  peuvent  ancrer 
par  10  et  11  mèlres  devant  la  ville.  Des  foi'tifications  défendent  Tjilatjap, 
le  point  stratégi(|ue  le  plus  important  du  littoral. 

A  l'est  (le  Batavia,  la  côte  marécageuse,  bordée  de  palétuviers  et  de  bancs 
vaseux,  n'a  point  de  ports  jusqu'au  golfe  de  Cheribon,  et  les  bourgs  de 
l'inléiieur,  tels  que  Poerwakarta,  capitale  de  la  province  de  Krawang, 
n'ont  qu'une  faible  populatidii.  liidramajoe,  dans  le  delta  du  tji  Manoek, 
qui  pidduil  le  meilleur  liz  de  Java,  est  un  petit  port  de  rivière,  accessible 
seulement  aux  navires  de  tonnage  moyen.  La  province  de  Cheribon,  beau- 
coup |ilus  peuplée  et  |dus  productive  que  celle  de  Krawang,  est  une  des 
parties  de  Java  qui  possèdent  le  plus  de  petites  villes  et  de  grosses  boui- 
gades  ;  mais  elle  n'a  point  de  cité  considérable.  Cheribon,  la  capitale,  ainsi 
noninu'c  du  torrent  tji  Ribon,  au  bord  duquel  la  ville  a  été  construite, 
occupe  un  rang  secondaire  |)armi  les  centres  commerciaux  de  Java  ;  d'ailleurs 
sa  rade,  ouverte  aux  vents  du  nord  et  de  l'est,  n'a  ])as  d'avantages  uau- 
ti(|ues  et  les  grands  navires  en  évitent  les  approches.  La  belle  race  des  che- 
vaux de  (Cheribon  est  élevée  dans  les  vallées  du  volcan  Tjerimaï,  dont  les 
pentes  viennent  mourir  près  de  la  ville.  Tegal,  capitale  de  la  province  du 
même  nom,  ne  possède,  comme  Cheribon,  qu'un  lieu  d'ancrage  très 
exposé  aux  vents,  et  ce  n'est  pas  sans  danger  que  les  navires  viennent  cher- 
cher les  denrées  apportées  à  Tegal  par  les  chemins  de  fer  de  Balap^elaiig  et 
de  Pangka.  La  plus  grande  ville  de  la  côte  septentrionale  entri'  Batavia  et 
Seniaiang  est  Pekalongan,  située  sur  les  deux  bords  de  la  livière  du  même 
nom.  Elle  possédait  jadis  le  mono|iole  du  commerce  de  l'indigo  et  les 
femmes  y  tissaient  des  étoffes  de  couleur  très  appréciées. 

Semarang  ou   Samarang,  située  vers  le  centre  de  la  courbe  (|ue  forme 


SEMAKANG. 


593 


avec  le  reste  de  la  cote  fa  péninsule  de  Japara,  est,  dans  l'ile  de  Java,  l'un 
des  trois  lieux  de  grand  commerce;  c'est  elle  qui  expétiie  surtout  le  sucre, 
le  café,  le  tabac,  l'indigo,  produits  par  le  «  travail  libre  »  ;  pour  ses  ex- 
portations elle  rivalise  avec  Batavia  et  Soerabaja  ;  à  la  lin  du  siècle  dernier, 
elle  était  la  pi'cmière.  Cependant  elle  n'a  point  de  port,  et  c'est  à  '2  kilo- 


Est  de  F, 


I    :  6000(1 


mèlres  au  moins  du  rivage  que  doivent  mouiller  les  luivires  d'un  Tort 
tirant  d'eau;  lors  de  la  mousson  d'ouest  la  mer  est  presque  intenable: 
seules  les  barques  et  les  chaloupes  à  vapeur  peuvent  entrer  dans  la  ville 
par  le  caïud  de  Bandjir,  creusé  à  l'ouest  de  Semarang,  et  ])ar  la  rivière 
canalisée,  aux  bords  de  laquelle  s'élèvent  les  édifices  de  la  cité.  Si  l'on  con- 
struit un  port,  il  faudra  l'établir  loin  de  Semarang,  probablement  à  l'ouesl, 
dans  le  voisinage  de  la  pointe  de  Kiwvelang,  car  devant  la  ville  on  ne  trouve 
XIV.  ÙO 


r.yi  XJLVELLE  (.ÉOtiUArillE   l MVEliSELLE. 

les  proluiuk'iirs  de  !)  moires,  nécessaires  pour  les  graiuls  navires,  (lu'à  la 
dislance  de  8  kilomèlres  de  la  plajie'.  Un  fort,  dessiné  en  forme  d"éloile, 
élève  des  baslions  entourés  de  fossés  dans  la  plaine  marécageuse  (jui  sé- 
pare les  deux  passes;  deux  puils  arlésiens,  donl  l'un  est  foré  à  côté  de  la 
cilndelle,  fournissent  de  l'eau  pure  aux  habilanls  et  aux  navires.  De  même 
(|u';i  lialavia,  les  résidents  se  sont  groupés  à  Semarang  suivant  leurs  nalio- 
nalih's  et  leurs  professions  :  les  Chinois  ont  établi  leur  kampong  en  amonl 
de  la  ville,  sur  la  rive  gauche  du  Kali  Ngaran  ou  Semarang;  les  Javanais 
cultivateurs  ont  érigé  leurs  cabanes  le  long  des  routes,  sous  l'ombrage 
des  cocotiers;  les  pécheurs  campent  dans  le  voisinage  des  canaux  et  de  la 
plage,  et  les  Européens,  (jui  sont  au  nombre  de  plusieurs  milliers  dans 
celle  ville  commerçante,  ont  l'ail  choix,  pour  leurs  hôtels  et  leurs  villas,  du 
ipiarlier  de  Bodjong,  qui  se  relève  au-dessus  des  lerres  basses  dans  la 
dircclidu  des  montagnes.  Des  lieux  de  villégiature  sont  épars  au  sud-ouesl, 
à  la  base  et  sur  les  pcnles  du  volcan  d'Oengaran.  Des  ruines  de  lemples 
hindous  couronnent  les  bords  de  terrasses  étagées  sur  les  flancs  du  mon!, 
et  (|uel([ues  lidèles  Indiens,  résidant  à  Semarang,  viennent  apporter  leurs 
oITrandes  aux  images  de  Siva  et  de  Ganesa,  qui  trônent  encore  au  fond  des 
sanctuaires  croulants.  C'est  à  Semarang  i[ue  se  trouve  la  plus  grande  com- 
munauté de  Javanais  convertis  au  christianisme. 

Centre  de  convergence  du  commerce  des  provinces  les  plus  populeuses 
de  Java,  Semarang  est  aussi  l'une  des  villes  de  Java  les  mieux  pourvues  de 
moyens  de  communication  :  elle  possède  routes,  chemins  de  fer,  omnibus 
à  vapeui',  canaux  et  paquebots  côtiers.  Une  des  lignes  de  navigation  réunit 
SiMuarang  à  Japara,  ville  ancienne  qui  a  donné  son  nom  à  la  province  donl 
le  centre  est  occupé  par  la  montagne  de  Moerio.  Aux  temps  de  la  domina- 
tion hindoue,  Japara  fut  une  cité  de  grand  commerce,  et  même  au  com- 
mencement de  ce  siècle  elle  était  assez  fréquentée  par  les  navires;  mais 
son  port,  graduellement  envahi  par  les  coraux,  a  Uni  par  se  fermer  en 
entier  :  à  marée  basse,  on  peut  même  se  rendre  à  pied  jusqu'aux  îles  qui 
défendaient  auliefois  les  bâtiments  ciuitre  la  houle  du  large.  Maintenant 
déchue,  Japara  n'est  plus  qu'un  centre  administratif  :  la  vie  s'est  reportée 
dans  les  villes,  entourées  de  riches  cultures,  qui  se  succèdent  au  sud,  le 
long  de  la  voie  commerciale  tracée  dans  les  terres  basses  entre  le  golfe 
de  Semarang  et  celui  de  llembang.  Une  des  pi'incipales  villes  de  cette 
riche  vallée  est  Demak,  devenue  fameuse  chez  les  mahomélans  grâce  à  sa 
inus(|uée,  la  première  »jui  ait  été   fondée  dans  l'Ile  de  Java.  Plus  à  l'est 

'   Mac  U'od,  Tijdschrifl  van  hct  K.  lnslituitl  van  Inijcn leurs,  1878-7'J. 


SEMARANfi,   .lAPARA,   AMBARAWA,   MAf.ELANG.  595 

viennent  les  deux  grands  marchés  de  Koedoes  et  de  Patti  ;  puis,  dans  le  voi^ 
sinage  du  golfe  oriental,  l'ancienne  ville  de  Djawana  ou  Joana  s'élève  sur 
les  l)ords  d'une  l'ivii'i'e  élargie  en  estuaire,  où  pénètrent  des  navires  d'un 
tonnage  moyen.  Des  sources  thermales  jaillissent  au  sud,  dans  la  vallée  du 
Loesi.  Les  plus  remarquahles  sont  celles  de  Koewoe,  associées  à  des  gaz 
fjui  s'échappent  d'une  masse  limoneuse  et  saline  sous  forme  de  grosses 
ampoules  éclatant  à  plus  d'un  mètre  de  hauteur.  Dans  la  saison  des 
pluies  le  bouillonnement  des  sources  s'exaspère'. 

Au  sud  de  Semarang  le  chemin  de  fer  s'élève  par  un  long  détour  vers 
Ambarawa  ou  le  «  Large  Marais  »,  que  les  Hollandais  ont  choisie  pour  en 
faire  leur  poste  stratégique  par  excellence  dans  l'intérieui'  de  Java  ;  d'après 
Veth,  il  faudrait  voir  dans  cette  dépression  le  centre  d'un  vaste  cratère 
comme  celui  du  lac  Manindjoe  dans  Sumatra.  La  construction  dufort.jtour 
laquelle  on  employa  en  corvées  les  paysans  des  alentours  j)ar  dizaines  de 
milliers,  eut  pour  conséquence  une  longue  famine,  qui  décima  les  p(i|)ula- 
tions\  Le  vaste  fort  de  Willem  \,  situé  près  d'Ambarawa,  à  470  mètres 
d'altitude,  commande  plusieurs  voies  naturelles  qui  s'ouvrent  entre  les 
massifs  de  volcans  :  au  nord-ouest,  le  seuil  de  séparation  entre  l'Oengaran 
et  le  Soembing;au  sud-ouest,  la  province  si  po|)uleuse  de  Kadoe,  dominée 
d'un  côté  par  le  Soembing,  de  l'autre  par  le  Merbaboe  et  le  Merapi  ;  au 
sud-esl,  les  plaines  de  Soerakarta  et  la  haute  vallée  du  Solo,  conloui'uant 
le  volcan  d(^  Lawoe.  La  forteresse  surveille  de  près  la  frontière  des  «  Pays 
Princiers  »,  les  derniers  qui  se  soient  complètement  soumis,  et  la  rade  de 
Semarang,  d'où  lui  sont  envoyés  approvisionnements  et  renforts,  est  peu 
éloignée.  Au  sud-est  d'Ambarawa,  sur  les  premières  pentes  du  Merbaboe, 
à  574  mètres,  se  trouve  la  ville  de  Salatiga,  les  «  Trois  Pierres  »,  où  fut 
signée  en  1811  la  capitulation  qui  livrait  les  Indes  hollandaises  à  l'Angle- 
terre. C'est  un  des  principaux  sanatoires  de  Java,  un  de  ceux  qui  comman- 
dent le  plus  bel  horizon  de  monts  fumants  et  de  campagnes. 

La  capitale  de  la  province  de  Kadoe,  Magelang,  occupe  près  du  «  Clou  de 
Java  »,  le  centre  de  la  magnifKjue  plaine  qu'arrose  le  Progo  et  (jue  fer- 
tilisent les  cendres  des  volcans.  Les  eaux  courantes,  les  arbres  touffus  aux 
branches  entremêlées,  les  monts  superbes  dressant  leurs  cônes  bleuâtres  à 
l'horizon,  font  de  Magelang  une  ville  enchanteresse.  C'est  à  une  quinzaine 
de  kilomètres  au  sud,  sur  une  petite  éminence  voisine  du  Progo,  (|ne  se 
montre  la  plus  belle  ruine;   hindoue  de  Java,    la  pyramide  ouvragée  de 


'  Vetli,  ouvrngecité;  — S.  E.  \V.  Roorda  van  Eysinga,  Notes  miuuisrrites. 
*  Van  Uoëvell;  —  Perelaer,  etc. 


ù9t; 


KOUVKLLE  CÉ.OGRAPIIIE  UNIVERSELLE. 


81.  —  M.IGEL.ISG  ET  BUEBOE-BOEDHOER 


Boeroe-Boodluicr '.  Reposanlsur  une  plaie-forme  caiTco  de  16'2  mètres  sur 
chaque  coté,  l'édifice  élève  ses  sept  étages  en  recul  jusqu'à  la  coupole  ou 

diKjoba  centi'ale,  domi- 
nant de  sa  masse  unie 
des  milliers  d(>  sculp- 
tures. Chaque  pierre  est 
taillée  et  louillée  :  le 
long  des  galeries  les 
bas-reliefs  en  Irachyte 
représentent  des  as- 
sauts ,  des  batailles , 
des  chasses,  des  nau- 
frages, des  scènes  d'in- 
térieur, des  processions 
triomphales  où  figure 
l'éléphant,  inconnu  à 
Java  ;  aux  angles  des 
terrasses  grimacent  des 
idoles  monstrueuses,  et 
de  distance  en  distance 
des  effigies  de  Bouddha 
trônent  sous  des  édi- 
cules  à  jour ,  mornes 
et  dormantes  suivant 
le  type  traditionnel  et 
sans  la  liberté  sincère 
du  ciseau  que  présen- 
Iciil  les  bas-reliefs  ;  les 
cultes  de  Bouddha  et 
de  Siva  se  mêlent  dans 
les  sculptures.  Le  gran- 

, ,  diose    monument,    que 

des  voyageurs  ont  com- 
paré au  temple  khmer  d'Angkor  pour  l'ampleur  des  proportions  et  le  fini 
des  détails,  a  perdu  un  grand  nombre  de  sculptures  précieuses,  que  les 
princes  et  les  fonctionnaires  des  environs  ont  enlevées  pour  l'ornement  de 


Mot  dérivt"  iiwil-ètre  du  sanscrit  Parn-Buiuldliii  ou  «  Suprême  Bnudillia  ». 

(Ia'ou  Feer,  Aniiriles  de  l'Extrême  Orietit,  1881-82.) 


BOEROE-BOEDHOER,   SOERAKARTA.  397 

leurs  palais  et  de  leurs  jardins;  mais  il  en  reste  encore  assez  pour  don- 
ner une  idée  du  prodij^ieux  travail  (rarchitecture  que  les  artistes  javanais 
du  huitième  ou  du  neuvième  siècle,  guidés  par  des  architectes  hindous, 
ont  laissé,  en  témoignage  de  leui'  civilisalion,  à  leurs  descendants  dégéné- 
rés. On  a  récemment  découvert  que  la  base  du  temple  est  entourée  d'un 
revêtement  appliqué  sur  des  murs  sculptés  et  couverts  d'inscriptions.  Les 
archéologues  espèrent  trouver  dans  les  fouilles  de  précieuses  indications 
sur  l'histoire  de  l'édifice  et  de  la  contrée'. 

Situées  sur  le  versant  méridional  de  l'île,  les  capitales  des  deux  pro- 
vinces de  Kadoe  et  de  Bagelen,  Magelang  et  la  non  moins  gracieuse 
l'oerworedjo,  appartiennent  à  la  zone  d'attraction  commerciale  du  port  de 
Tjilaljap.  Un  chemin  de  fer,  presque  parallèle  au  rivage  de  l'océan  Indien, 
mais  se  maintenant  à  distance  des  étangs  côtiers  et  des  dunes,  parcourt 
les  plaines  fertiles  et  populeuses.  Au  nord  de  la  voie  ferrée,  Banjoemas, 
c'est-à-dire  «  Eau  d'or  >s  capitale  de  la  province  du  même  nom,  est  sé- 
parée des  campagnes  du  littoral  par  une  chaîne  de  coteaux  calcaires. 

La  station  centrale  du  réseau  des  chemins  de  fer  de  Java  est  la  ville 
de  Solo  ou  de  Soerakarta,  l'ancienne  Kartasoera,  «  Œuvre  des  Héros  », 
capitale  de  l'un  des  «  pays  princiers  »  encore  laissés  sous  une  apparence 
de  gouvernement  local.  Par  le  nombre  de  ses  habitants  Soerakarta  est  la 
deuxième  ville  de  l'île;  elle  en  serait  la  première,  si  Batavia  et  Meester  Cor- 
nelis  étaient  considérées  comme  formant  deux  cités  réellement  distinctes. 
Divisée  en  de  nombreux  quartiers  (jui  bordent  la  rivière  Pepé,  affluent 
occidental  du  Solo,  la  ville  occupe  un  immense  espace.  Au  centre,  le  kraton 
ou  palais  du  soesoelioenan  forme  une  ville  à  lui  seul  avec  ses  cours  inté- 
rieures, ses  casernes,  son  harem,  ses  kiosques  et  ses  jardins  :  dix  mille 
habitants,  princes,  courtisans,  domestiques  et  soldats,  vivent  dans  l'en- 
ceinte. Devant  le  palais  s'étend  une  vaste  place  où  s'assemble  la  foule  dans 
les  fêtes,  dominée  par  le  branchage  touffu  de  deux  waringin,  qui,  par 
leurs  innombrables  racines,  symbolisent  l'éternité  de  la  dynastie.  Mais 
près  de  là  s'ouvrent  les  embrasures  d'une  citadelle  hollandaise  tenant 
l'empereur  et  sa  cour  sous  la  bouche  des  canons. 

Djokjokarta  ou  Djokjo,  la  capitale  du  sultanat  de  même  nom,  autre 
«  pays  princier  «  réputé  indépendant,  est  moins  grande  que  sa  rivale  :  elle 
n'a  que  le  cinquième  rang  parmi  les  cités  javanaises  :  c'est  la  ville  qui  por- 
tait au  dernier  siècle  le  nom  fameux  de  Malaram;  elle  a  gardé  son  carac- 
tère javanais  beaucoun  plus  que  Soerakarta  ou  toute  autre  cité  soumise 

'  E.  Metzger.  Scotlisli  (îeufinipliiral  Maqntinc,  1888,  n»  8. 


308 


NOUVELLE  GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 


aux  iiilluences  européenne  et  chinoise.  Située  sur  le  versant  de  l'océan 
Indien,  à  2j  kilomètres  de  la  mer  en  ligine  droite,  la  «  Ville  Sûre  »,  — 
tel  serait  le  sens  du  nom  de  Djokjokarta,  —  est  entourée  d'admirables 
campagnes,  qui  se  redressent  au  nord  vers  les  pentes  du  Merapi.  Comme 
Soei'akarta,  elle  groupe  ses  divers  quartiers  autour  d'un  kraton  de  près  d'un 
kilomètre  carré  en  étendue  qu'habite  le  sultan,  entouré  d'une  domesticité 
de  [)lusieurs  milliers  d'individus  et  flanqué  de   fortifications   anciennes, 


N"   82.    LE    MERAPI    ET    njOK.IOKAHTA 


désormais  impuissantes.  Quelques  ruines  de  temples  hindous  sont  éparses 
aux  alentours,  et  au  sud-est,  sur  une  colline  d'où  l'on  voit  la  mer  .se  briser 
coiilrc  les  rocs,  se  trouve  la  nécropole  des  princes  de  Mataram,  vénérée  par 
les  Javanais.  Quoique  si  rapprochée  de  la  mer,  Djokjokarta  n'a  point  de 
pori,  et  l'on  n'a  pas  donné  suite  au  projet  d'en  établir  un  au  bord  de  la 
cri(iu('  la  plus  voisine,  dite  de  Mandjiengan.  Le  havre  le  moins  éloigné  est 
celui  de  l'aljilan,  formé  par  ime  indentalion  de  la  côte  rocheuse,  à  l'est 
des  «  Mille  Montagnes  »;  mais  ce  port  ne  communique  encore  avec  les 
villes  de  l'inlérieur  ((ue  par  d'à|)res  sentiers  traversant  un   territoire  l'ai- 


DJOKJUkAKÏA     l'ATJlTAN,   MADIOKN.  j.jy 

l>icineiil  hiii)ilc,  quoiiiuc  tori  lichc  on  beaux  niarhros.  Le  f^racieux  lemiile 
si\aïle  (le  Cramhaiian.  au  nord-est  de  I),jokjo.  est  le  premier  qne  les  in-ré- 


S°   8j.    PATJITA 


"^S"  \   ''-^'W^t^c  -"^ 


n""  PATJITAW/"^     "■  / 
V         ^  '^         e# 


nieurs  hollandais  aient  signalé  :  on  le  découvrit  en   1797,  sons  un  fourré 
de  végétation. 

Madioen  ou  la  «  Ville  du  Durile  »,   eliel'-lieu  de  la  province  du   même 


400  NOUVELLE  GÉOGRAI'UIE  IMVERSELLE. 

jium,  comprise  entre  les  deux  massifs  volcaniques  du  Lawoe  el  du  Willis, 
est  située,  comme  Soerakarta,  dans  le  bassin  du  Solo,  au  bord  de  la 
rivière  de  son  nom,  affluent  navigable  de  cette  grande  rivière.  Ngavvi,  bâ- 
tie près  de  la  jonction  des  deux  cours  d'eau,  a  de  l'importance  comme  mai- 
ché,  après  avoir  été  jadis  un  point  stratégique  de  premier  ordre  sur  la 
frontière  des  «  pays  princiers  )>.  Bodjonegoro,  l'une  des  villes  riveraines 
du  Solo,  à  l'entrée  de  sa  grande  plaine  terminale  d'alluvions,  est  aussi 
un  centre  commercial  assez  animé,  et  c'est  de  là  que  sont  expédiées  la 
[)lupart  des  denrées  pour  la  cité  maritime  de  Toeban,  l'une  des  escales 
les  plus  fréquentées  du  littoral.  Déjà  fameuse  au  temps  de  la  domination 
hindoue,  Toeban  est  devenue  par  ses  nombreux  tombeaux  de  saints  un 
des  lieux  de  pèlerinage  des  mahométans  et  l'on  y  vénère  un  «  figuier  »  de 
dimensions  colossales.  Quoique  simple  chef-lieu  de  district,  Toeban  est 
plus  peuplée  que  la  capitale  de  la  ])rovince,  Rembang,  située  plus  à  l'ouest, 
au  bord  d'une  baie  que  liniilenl  les  deux  promontoires  volcanioues  du 
Moerio  et  du  Lasem. 

Soerabaja,  la  métropole  de  l'Est  javanais  et  qui  fut  aussi  pour  un  temps 
capitale  de  toute  i'Insulinde,  est  un  des  grands  entrepôts  et  le  principal 
arsenal  maritime  ;  elle  a  succédé  en  activité  commerciale  à  sa  voisine  du 
nord,  (îresik  ou  Grissee,  ancienne  colonie  d'Arabes,  d'où  le  mahométisme 
se  répandit  dans  l'intérieur  et  qui  devint  la  résidence  d'une  puissante 
dynastie  de  prcMres-rois.  Les  premiers  navigateurs  portugais  vinrent  trafi- 
(|uer  à  Grissee.  La  ville  proprement  dite  de  Soerabaja  est  bâtie  sur  la  rive 
gauche  de  la  rivière  Branlas;  mais  on  peut  dire  que,  grâce  à  la  plaine 
alluviale  du  bas  Solo,  elle  se  trouve  également  à  l'issue  de  ce  bassin  fluvial, 
le  plus  considérable  de  Java.  L'emplacement  occupé  par  Soerabaja  a  été  peu 
à  peu  déposé  par  les  eaux  du  Brantas,  qui  força  la  iner  à  reculer  de  plu- 
sieurs kilomètres  vers  le  nord,  laissant  la  ville  dans  l'intérieur  des  cam- 
pagnes, comme  elle  a  laissé  Grissee,  où  l'on  a  dû  forer  le  sol  à  700  mèl-res 
de  proibndeur  avant  de  trouver  une  nappe  aquifère  au-dessous  des  terrains 
meubles.  Le  détroit  dn  Trechtei'  ou  "  Entonnoir  )•,  qui  .sépare  la  grande 
terre  et  l'île  deMadoera,  a  gardé  une  largeur  el  une  ])rofondeur  suffisantes 
pour  recevoir  les  navires  d'un  fort  tirant  d'eau;  dans  cette  rade  abritée 
de  tous  les  vents,  ils  trouvent  un  mouillage  parfait  :  des  allèges  et  des 
barques  vont  et  viennent  entre  les  bâtiments  du  large  et  les  entrepôts  du 
bord.  Certains  quartiers  de  Soerabaja,  coupés  de  canaux  dans  tous  les  sens, 
ressemblent  aux  villes  de  la  Hollande;  mais  les  kamj)ong  javanais  entou- 
rent la  cité  commerciale  d'une  ceinture  de  palmeraies,  et  les  villas  euro- 
péennes de  Simpang  sont  nichées  en  des  jardins  touffus.  Les  anciens  toni- 


MOlUd-I'AlIlT, 


hciiiix  qui  sp  Iroiivoiil  (Unis  un  l'iuil)our<i-  voisin  rappellenl  l'arrivée  des 
a  Hommes  Légendaires  >s  c'esl-à-dire  des  Hindous.  Ce  sont  eux,  dit  la 
li-adilion,  qui  fondèrent  le  grand  empire  de  Modjo-Pahit,  l'État  brahma- 


i:t  i.r:  ïiktroit  m 


E.tde   Far,  s 


I  2°5L  Est  de  Grée    v  ch 


de   0  à  i  '7'  d^  5 '"et  au  delà 

1     :    ISO  000 


iii(|ue  (ioni    les   mahométans    ne    parvinrent    à    triompher   que    dans   la 
deuxième  moitié  du  quinzième  siècle. 

Les  ruines  de  la  capitale  hindoue  se  voient  encore  dans  les  campagnes 
du  Brantas,  à  une  cinquantaine  de  kilomètres  au  sud-ouest  de  Soera- 
haja,  près  de  la  ville  de  Modjo-Kerlo;  des  fragments  d'édifices  en  brique, 
d'un  ti'avail  |)arfait,  y  démontrent  le  recul  de  la  civilisation  javanaise 
depuis  l'arrivée   des    Européens.   En  amont,   dans    la    partie    moyenne 


404  NOUVELLE  fiÉOr.R AIMIIE  UNIVERSELLE. 

de  sa  vaste  circonférence,  l'admirable  vallée  du  Branlas  conslilue  la  pro- 
vince de  Kediri,  un  des  paradis  de  Java,  mais  aussi  l'une  des  contrées 
dont  la  population  misérable,  avilie  par  la  servitude,  est  en  même  lemps 
le  plus  détériorée  physiquement  par  l'abus  de  l'opium.  La  courbe  supé- 
rieure de  la  vallée,  enveloppant  les  massifs  du  Keloet  et  du  Kawi,  embrasse 
le  pays  de  Malang,  où  se  trouvent  les  plus  riches  caféteries  et  tabaqueries 
de  Java.  Près  de  Malang,  dans  la  dépression  ouverte  entre  les  volcans  du 
ivavvi  et  ceux  du  Tengger,  se  voient  à  Singosari  de  nombreux  débris  de 
constructions  hindoues;  les  promontoires  et  les  terrasses  des  montagnes 
portent  aussi  les  restes  d'anciens  temples,  enfermés  maintenant  pour  la 
plupart  dans  les  villas  de  grands  propriétaires. 

Le  village  qui  fait  face  à  Soerabaja,  de  l'autre  côté  du  détroit,  n'a  d'im- 
portance que  par  le  va-et-vient  des  bacs  à  vapeur  entre  l'Ile  et  la  grande 
terre  :  la  ville  commerçante  de  Madoera,  Bangkalan,  occupe,  plus  au  nord, 
une  baie  tournée  vers  la  haute  mer.  Elle  est  beaucoup  plus  riche  et  plus 
peu|)lée  que  le  chef-lieu  ofliciel  de  l'Ile,  le  bourg  de  Pamekasan,  situé  dans 
la  plaine,  à  quelques  kilomètres  du  golfe  de  Madoera;  la  principale  indus- 
trie des  côtes  est  la  fabrication  du  sel,  pour  le  compte  du  gouvernement  de 
l'Insulinde.  Le  bétail  de  Madoera  est  très  apprécié  dans  tout  l'archijiel.  Au 
nord,  l'île  de  Bawean,  qui  dépend  administrativement  de  Soerabaja,  est 
habitée  par  des  gens  de  race  madoeraise,  à  en  juger  par  le  dialecte  local. 
Klle  envoie  à  son  tour  des  milliers  d'émigrants  à  Java,  comme  manœuvres 
et  travailleurs  de  terre,  et  fait  un  commerce  de  cabotage  actif. 

Au  sud  de  c(^  même  golfe,  Pasoeroean  ou  le  «  Jardin  de  Bétel  »,  qu'il 
serait  plus  juste  d'appeler  maintenant  le  i<  Champ  de  Tabac  »,  est  la  première 
grande  ville  de  Java  que  traverse  le  chemin  de  fer  après  avoir  dépassé 
l'ancien  golfe  de  Modjo-Pahit,  comblé  par  les  alluvions.  Déjà  connue  aux 
temps  de  la  domination  hindoue,  Pasoeroean  est,  de  toutes  les  cités  java- 
naises, celle  où  se  sont  conservées  le  j)lus  les  coutumes  d'origine  indienne; 
les  Javanais  des  environs  apportent  encore  aux  sources  des  offrandes  de 
feuilles  vertes  et  de  fleurs  et  vénèrent  les  débris  de  sculptures  ramassés 
dans  les  anciens  temples  de  Siva.  Le  j)rincipal  sanatoire  du  Java  oriental, 
Tosari,  est  situé  à  1780  mètres,  à  l'angle  d'un  épaulement  du  Tengger, 
d'où  l'on  jouit  d'une  vue  merveilleuse  sur  la  mer.  les  campagnes  et  les 
monts. 

A  l'est  de  Pasoeroean,  deux  autres  capitales  d(>  province,  Probolingo 
ou  Bangei-,  puis  Besoeki,  se  succèdent  au  bord  du  golfe  de  Madoera  ;  bnu's 
rades  sont  fort  dangereuses  en  janvier  et  en  IV'vrier,  quand  souille  le  glicv- 
dctig  on  vent  tcnij)êlueux  du  sud.  Au  delà,  sur  les  ])lages  d'une  cri(]ue,  se 


MALANG,  PASOEROEAN.  BESOEKI,   BANJOEWANGI.  405 

montrent  les  maisonnettes  du  bourg  de  Panaroekan,  qui  fut  jadis  une 
grande  cité  et  l'un  des  marchés  les  plus  actifs  de  l'Jiisulinde.  C'est  là  que 
les  Portugais,  conduits  par  Affonso  d'Alhuqueinpie,  établirent  leur  premier 
comptoir  à  Java.  A  l'est  de  Panaroekan  il  n'y  a  plus  que  d'humbles  villages 
au  bord  de  l'eau,  et  la  route,  cessant  de  longer  la  mer,  contourne  la  masse 
énorme  du  Raoen  pour  atteindre  la  ville  de  Banjoewangi  ou  des  «  Eaux 
Parfumées  »,  qui  se  trouve  sur  la  rive  orientale  de  l'île,  au  bord  du  déti'oil 
qui  sépare  Java  et  Bali.  Elle  a  remplacé  comme  escale  de  commerce  le  port 
de  Blambangan,  situé  plus  au  sud,  au  bord  d'un  estuaire  maintenant 
envasé.  Banjoewangi  est  le  point  d'attache  du  télégraphe  sous-marin  (|ui 
relie  l'insulinde  à  Port-Darwin  en  Australie.  Le  i)ays  enviionnant,  séparé 
du  reste  de  l'ile  par  des  montagnes  sans  chemins,  est  la  contrée  la  moins 
peuplée  de  Java.  Prescjue  en  dehors  du  cercle  d'attraction  de  Batavia  et 
de  Soerabaja,  elle  appartient  déjà  par  nombre  de  ses  habitants  à  l'in- 
sulinde orientale'. 


Le  pouvoir  est  absolu  à  Java  et  dans  les  autres  îles  ou  possessions 
«  extérieures  )>  de  l'insulinde.  Représentant  le  roi  de  Hollande,  le  gouver- 
neur général  est  souverain;  le  nom  qu'on  lui  donne  est  celui  de  «  grand 
seigneur  «.  Il  commande  les  forces  de  terre  et  de  mer,  applique  les  lois 
votées  par  le  parlement  des  Pays-Bas  et  possède  lui-même  le  privilège  de 
lancer  des  décrets  et  d'imposer  des  règlements  administratifs,  en  confor- 
mité générale  avec  les  décisions  gouvernementales  prises  en  1854.  Sa  liste 
civile,  récemment  diminuée,  dépasse  encore  33(1  000  francs  avec  les  frais 
de  déplacement.  Un  conseil  de  cinq  membres,  proposés  par  lui  et  nommés 
par  le  roi,  l'assiste  pour  l'aider  dans  l'œuvre  législative,  mais  sans  avoir 
de  part  au  pouvoir  exécutif.  C'est  en  vain  jusqu'à  maintenant  que  des 
publicistes  de  Java  et  de  la  Hollande  ont  réclamé  pour  l'insulinde  la  jouis- 
sance de  son  propre  budget  et  une  part  d'autonomie  dans  son  gouverne- 
ment. Les  Javanais  n'ont  quelques  droits  de  tolérance  que  dans  l'adminis- 
tration de  la  (Icssa  ou  commune;  encore  une  forte  ])i'oporlion  des  résidents 

'   l'i-iiieipales  villes  de  Java  avec  ieui-  population  en  188(1  : 

batavia 100  485  liai).  1  ,.,  n-,^  ,    ,-.     , 

,,     ,     „        ,.  -,  ,,„  I /l  9'25  habitants. 

Meester  (jornelis  .      / 1  440     ii      | 

Socraliarla  ou  Solo 1 .50  000  n 

Soerabaja 1 28  990  d 

Djokjokaita 90  000  i> 

Seniai'anj; 71  440  » 

Pasoeroean hO  000  » 


iOr,  NOUVELLE  f.ÉOORAPUIE   UNIVERSELLE. 

se  compose-t-c'llo  de  inanuonjKntg,  gens  «  sans  famille  et  sans  pairie  », 
auxquels  on  pouvait  comparer  naguère  les  lielmathlosen  de  la  Suisse. 

On  s'étonne  que  les  ordres  d'un  maître  puissent  être  obéis  par  tant  de 
millions  d'hommes,  alors  qu'il  dispose  de  forces  matérielles  si  peu  consi- 
dérables. L'armée  que  commande  le  gouverneur  est  d'environ  trente  mille 
individus,  dont  une  moitié  seulement  composée  d'Européens,  et  ceux-ci 
ne  sont  pas  même  tous  Néerlandais  :  mercenaires  ou  aventuriers,  alle- 
mands, belges  et  d'autres  nations',  ils  sont  enrôlés  spécialement  pour 
le  service  des  Indes  et  dressés  à  leur  métier  dans  le  «  dépôt  »  de  Ilaider- 
wijk,  sur  les  bords  du  Zuiderzee.  Blancs  et  indigènes  de  races  diverses, 
Malais  d'Amboine,  métis,  nègres,  Arabes  et  Hindous,  servent  dans  les 
mêmes  bataillons,  mais  groupés,  suivant  les  couleurs,  en  compagnies 
distinctes,  et  ce  sont  des  officiers  européens,  très  peu  nombreux  en  pro- 
|)orlion  de  leurs  troupes,  qui  encadrent  tous  ces  éléments  d'origine,  de 
langue  et  de  mœurs  différentes.  De  même  tous  les  canonniers  sont  euro- 
péens, mais  leurs  servants  sont  des  natifs.  Confoi'mément  aux  traditions 
des  armées  orientales,  les  soldats  peuvent  vivre  dans  les  casernes  avec 
leurs  familles,  légitimes  ou  temporaires,  et  parfois  même  se  font  suivre 
parleurs  femmes  en  de  courtes  expéditions;  la  bande  des  vivandières  est 
organisée  en  campagne  suivant  une  hiérarchie  militaire,  qui  répond  à  celle 
des  maris,  et  reçoit  régulièrement  ses  rations.  L'armée  est  uniquement  co- 
loniale; même  pour  la  guerre  d'Aljeh  aucun  détachement  de  troupes  néer- 
landaises n'a  été  envoyé  aux  Indes,  quoique  l'empressement  des  volontaires 
auprès  des  officiers  recruteurs  ail  notablement  diminué.  Ouant  à  la  flotte, 
stationnée  dans  les  ports  de  l'Indonésie,  les  meilleurs  navires  appai'tien- 
nent  à  la  marine  nationale*. 

Les  Européens  de  Java  et  des  autres  Iles  son!  adniinislr(''s  directemcnl 
|iar  le  gouviM'neui'  général,  mais  les  indigi'nes  peuveni  encore  avoir  l'illu- 
sion d'obéir  aux  descendants  de  leurs  anciens  princes  et  non  aux  conqué- 
rants éli'angers.  Les  diverses  provinces  sont  divisées  en  régences,  dont  les 
chefs  titulaires  ou  «  régents  »  appartiennent  à  la  lignée  des  familles  autre- 

'   Ainioe  (le  l'insulinde  ;i  la  fin  de  1887  : 

Européens 1  i  230 

Amboinais. 2  182 

Autres  indigènes 10  152 

Ensenilile ."2  ;i4i 

-  Forces  navales  de  rinsullndr  Inillaiidiiise  '.i  la  lin  de  l'aniiér  188li  : 

Vaisseaux  de  l'Elat.    .    .    .     2.^,  montés  par  0002  lioninies,  dmil  2ll."i(i  Enropéens. 
))        insulindiens    .    .     88  »         1271  ))  »        111         « 


GOUVERNEMENT   ItE  JAVA. 


407 


lois  souveraines  :  ces  toemewjgoemj .  ou  régenis  de  deuxième  classe,  et  les 
adliipanl,  ou  régenls  de  première  classe,  sont  presque  tous  radliea  ou 
uriiices  •  le  titre  de  pawicron  est  le  plus  élevé  que  puisse  conférer  le  gou- 
verneur. Ouoique  nommés  par  la  «  Couronne  »,  les  régents  ont  toujours  le 
prestige  que  leur  assure  la  richesse,  car  ils  jouissent  d'un  salaire 
^levé,  —  de  20  000  à  oOOOO  francs,  suivant  les  régences,  —  et  lou- 
chent en  outre  une  [.art  de  [.roduit  sur  les  cultures.  Mais  à  côté  de  ces 
régents  javanais  siègent  des  résidents  néerlandais  et  des  assistants,  — 
prélVts  et  sous-préiels,  —  qui  sont  moins  en  vue,  mais  qui  représen- 
lonl   raulorité  réelle;  de  même  pour  les  eirconscriptions  inlén.'ures.   la 


DIVISIONS    ADMINISTRATIVES    DE    JA 


1.    I',illll;uil. 

11.  Lialavia. 
m.  l'reangei-  Regciil- 

schappen. 
IV.  Krawang. 
V.  Clierihoii. 


Vl.  Ti-i;:il. 
Vil.   I!anJUl■lna^ 
VIII.  Pekalonga 

IX.  Bageleu. 

X.  Semarang 

XI.  Kadoo. 


XII.  Djokjokail,. 

XIII.  Soerakail;L 

XIV.  Japara. 
XV.  liiMiiliaii-. 

XVI.  MadioLMi. 
XVII.  KiMJiii. 


XVIII.  .Soerabaja. 
XIX.  Pasocrocau. 
XX.  Proboliiiggo. 

XXI.  Besoeki  cl  BuihIjol'- 

XXII,  JlailoiTn. 


surveillance  dOs  vedono  ou  dignitaires  indigènes  est  coniiée  à  des  contrô- 
leurs européens,  élevés  pour  la  plupart  à  l'Académie  hollandaise  de  Delft 
et  tenus  de  séjourner  vingt-cinq  années  dans  l'Ile  avant  de  iirendre  leur 
retraite  ;  ensemble,  ces  fonctionnaires  européens  sont  au  nombre  d'envi- 
ron trois  cents.  Le  représentant  des  maîtres  réels  est  toujours  à  côté  du 
personnage  javanais,  et  peu  à  peu  les  sujets  arrivent  à  ne  jilus  se  faire 
d'illusions  sur  la  part  d'autorité  laissée  aux  princes  natifs.  Graduellement 
les  fonctionnaires  indigènes  sont  écartés  ou  réduits  à  des  rôles  inférieurs  : 
il  n'est  pas  douteux  que,  tôt  ou  tard,  ils  disparaîtront  comme  intermé- 
diaires, laissant  les  con(|uérants  et  le  peuple  vaincu  face  à  face.  Dans  les 
deux  «  pays  princiers  »  {VonteHlandcn),  Soerakarla  et  Djokjokarta,  l'an- 
cien régime  s'est  encore  maintenu  avec  les  formes  primitives.  Soerakarta 
obéit  officiellement  à  un  empereur  ou  soewchociKtn,  Djokjokarta  reçoit  les 


'm  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

ordres  d'un  sultan;  mais  l'un  et  l'autre  sont  tenus  en  respect  parmi  rési- 
dent hollandais,  et  de  plus  on  a  pris  soin  de  leur  susciter  des  rivaux  indi- 
gènes, candidats  au  pouvoir  que  le  gouvernement  de  Batavia  a  toujours 
sous  la  main;  empereur  et  sultan  ne  peuvent  même  quitter  leur  kraton 
pour  une  promenade  sans  en  aviser  le  résident.  Les  monopoles  que  pos- 
sédaient ces  princes,  devenus  simplement  de  grands  propriétaires,  ont  été 
en  partie  rachetés  par  le  gouvernement  hollandais. 

Un  trihunal  suprême  siège  à  Batavia  pour  toutes  les  possessions  néerlan- 
daises. L'Ile  se  divise  en  trois  circonscriptions  judiciaires,  correspondant 
aux  divisions  naturelles  du  territoire  :  au-dessous  des  cours  de  justice  de 
Batavia,  Semarang  et  Soerabaja,  des  tribunaux  secondaires  sont  établis 
dans  les  provinces,  les  régences  et  les  districts.  Chaque  résident,  assistant 
et  contrôleur  est  un  magistrat  qui  prononce  les  jugements,  en  conformité 
avec  les  précédents  et  après  avoir  consulté,  le  plus  souvent  pour  la  forme, 
des  assesseurs  musulmans  qui  connaissent  les  coutumes  locales  et  les 
prescriptions  de  l'Islam.  Les  maires  des  communes  ont  aussi  un  certain 
pouvoir  discrétionnaire  pour  réprimer  les  délits  et  distribuer  les  puni- 
tions. Les  chefs  des  communautés  chinoises,  majors,  capitaines  et  lieute- 
nants, chargés  de  maintenir  l'ordre  parmi  leurs  compatriotes,  sont  éga- 
lement armés  du  droit  de  punir,  quoique  dans  une  faible  mesure.  La 
peine  de  mort  existe  dans  le  code  hollandais  des  Indes,  mais  elle  est 
rarement  appliquée.  Les  condamnés  indigènes  sont  employés  pour  la  plu- 
|)arl  dans  les  arsenaux,  les  chantiers,  sur  les  routes  et  les  canaux.  Si  ce 
n'est  dans  les  grandes  villes,  il  n'y  a  point  de  police  à  Java.  Les  communes 
sont  chargées  de  faire  respecter  lois  et  règlements  sous  leur  responsabilité 
directe. 

Le  budget  «  colonial  »,  qui  s'applique  à  Java  pour  plus  des  deux  tiers, 
est,  on  le  sait,  alimenté  en  partie  par  la  vente  du  café  que  produit  le  tra- 
vail forcé  des  indigènes.  Les  autres  recettes  principales  sont  la  rente  du 
sol  et  les  monopoles  de  l'opium  et  du  sel'.  Environ  un  tiers  du  budget 
est  appliqué  à   la  défense,  un  autre  à  l'aduiinislralion  proprement  dite. 

'  RucIgL't  ((  colonial  »  en  1888  : 

Principales  rcLx'ttos  :  Vente  (lu  café  on  llollaniii'.  ol  ;i  Java  .  .    .    .  53  M'2  520  francs. 

»  »     de  l'ctain  »  »     .  .    .    .  Il  151  770       » 

»  Rente  du  sol 45  507  920       n 

»  Monopole  de  rdiiiiiin ôi  562  000       » 

n  »       du  sel 12  894  000       » 

I)  Taxes  douanières 1 9  Ô8II 000       i. 

Ensemble  des  receltes  prévues  en  1888 207  5G8  120  francs. 

»  dépenses       «  »        277  753  054      » 


(;()l  VEHNK.MKNT   HE   JAVA. 


409 


Tuiik'l'ois  l'ensemble  de  rim[i()l  esl  heiuicoiij)  plus  considérable  que  ne  le 
(lisent  les  registres  officiels,  car  il  laudrail  y  comprendre  aussi  la  valeur  des 
journées  prises  au  paysan  javanais  pour  le  travail  des  plantations  e(  des 
roules.  En  évaluant  au  plus  bas  taux  ce  labeur  forcé,  c'est  au  moins  à 
2o0  millions  de  francs  que  s'élève,  d'après  Brooshooft,  l'imjml  réellement 
payé  par  la  population  javanaise. 


Java  etMadoera  constituent  vingt-deux  provinces,  dont  les  noms  suivent 
dans  le  tableau,  avec  le  nombre  de  leurs  subdivisions  ou  régences,  leur 
superficie  et  leur  population  recensée  en  lSf>!6 


IIIVISIOSS 
N.VTl'RELLES. 

rnoviNciis. 

CAPITALES. 

SUBDIVI- 
SIONS. 

SIPERFICIE 

en  kilom. 

roPlLATION 

POPILATION 
lilLOMÉIIl. 

Bantaiii. 

Sei-ang. 

Ô 

8  505 

545847 

661iab. 

Batavia. 

lîatavia. 

A 

0  455 

1015884 

157  » 

Java  occidental. 

Krawang. 

Pocrwaliai'la. 

3 

4  025 

331638 

72  » 

Clieribon. 

Clieribon. 

b 

6  750 

1569163 

203  » 

l'reang. 

Bandong. 

U 

21  245 

1654836 
4915558 

78  1) 

'2G 

47  580 

104liab. 

1   Tegal. 

Tcgal. 

5 

5  7'Jy 

1006556 

265  bab. 

Pelvalongaii. 

Pekalongaii. 

'j 

1  790 

558978 

501   )) 

Semarang. 

Scmarang. 

(5 

5  187 

1  412555 

272  » 

Japara. 

Palti. 

i 

5  122 

858166 

275  » 

Java  cemual.    . 

/  Banjoeinas. 

Banjot'inas. 

.") 

5  561 

1112120 

200  ), 

Bagelcn. 

Poerworedjo. 

5 

5  450 

1272552 

571   » 

Kadoe. 

MagL'laiig. 

•2 

2  048 

740278 

361   1) 

Soeraliarla. 

Socrakarla. 

5 

6  228 

1071 090 

172  )) 

Djotijoliarta. 

njokjokarta. 

8 

5  089 

642  728 

208  1) 
253  liai). 

40 

54  254 

8654785 

Rembang. 

lU'iidiaiig. 

4 

7  558 

1196402 

I59liab. 

Soei'abaja. 

Soerabaja. 

8 

6  022 

1889366 

514  .) 

Madioen. 

Madioen. 

5 

6  492 

1021995 

158  » 

1  Kcdiri. 

Kcdiri. 

5 

6  400 

979301 

155  » 

Java  o^,lE^TAL.   . 

'  l'asofiwan. 

Pnscienieaii. 

') 

5  555 

838947 

157   1. 

l'robolingo. 

pÈ-olidling". 

3 

3  465 

506015 

146  ,. 

Besoelii. 

Besocki. 

5 

9  680 

591700 

61   » 

l'iisniililc 

Madoera. 

dl'  l'ilo   .    .    .    ^ 

Paniekasan. 

4 

5  286 

1405  494 

265  1) 

57 

50  218 

8427118 

168  bab. 

105 

151  852 

21  997  259 

167  bal . 

52 


410  NOUVELLE  GEOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 


VI 


L'ilo  de  Bali,  la  «  Pt^tite  Java  »,  ainsi  qu'on  l'a  fréquemment  tlc'si<;nce, 
est  en  effet,  par  sa  structure  et  ses  roches,  un  fragment  de  la  grande  île, 
dont  la  sépare  seulement  un  canal  étroit  :  entre  les  deux  rives  opposées  la 
distance  n'est  pas  même  de  4  kilomètres,  et  sur  le  seuil  le  plus  haut  la 
profondeur  est  seulement  de  16  mètres;  le  courant  venu  de  l'océan  liulien 
qui  passe  dans  le  détroit  esl  quelquefois  tellement  fort,  que  les  voiliers  ne 
peuvent  en  Iriompher.  Ouoique  presque  javanaise  par  sa  formation  géo- 
logique, Bali  est  assez  éloignée  du  centre  de  la  puissance  néerlandaise 
pour  avoir  conservé  un  caractère  original.  Le  faible  détroit  a  sufli  pour 
différencier  quelque  peu  la  flore  et  la  faune;  il  a  contribué  aussi  à  main- 
tenii'  distinctes  les  populations  et  à  retarder  le  mouvement  d'évolution 
qui  s'accomplit  dans  rinsulinde  en  se  propageant  de  l'ouest  à  l'est.  Bali 
est,  j)our  ainsi  dire,  au  point  de  vue  historique,  une  Java  fossile;  tandis 
que  la  grande  terre  devenait  mahométane,  Bali  restait  hindoue  jiar  le 
culte,  les  mœurs,  les  institutions  et  même,  jusqu'à  un  certain  point,  par 
l'idiome.  Aussi  de  nombreux  savants,  historiens  et  linguistes,  ont-ils  étu- 
dié celte  île  remanjuable;  mais  on  connaît  moins  ses  ressources  matérielles 
et  .ses  forces  productives.  Aucun  recensement  précis  n'a  encore  été  fait  ; 
d'après  les  documents  officiels,  Bali  serait,  comme  Java,  une  des  contrées 
du  monde  où  les  habitants  se  pressent  en  plus  grand  nombre'. 

La  forme  générale  de  Bali  esl  celle  d'un  triangle  allongé  dont  le  sommet 
pointe  vers  Java  el  dont  la  base  esl  tournée  vers  Lomliok.  Dans  la  direc- 
tion de  l'ouest  à  l'est  se  succèdent  des  montagnes  d'oi'igim'  «ruptive,  dis- 
posées en  chaînes  ou  en  massifs,  sans  régularité  apparente.  Le  premier  de 
ces  cônes  volcaniques,  le  Bakoengan  (1 400  mètres),  se  dresse  en  face  même 
de  la  ville  javanaise  de  Banjoewangi.  Beaucoup  plus  élevé,  le  Batoe  Kaoe 
ou  |iic  de  Tabanan  occupe  presque  exactement  le  centre  géométri(|ue  de 
l'Ile  :  le  cône  |)iinci|)al  du  massif,  entouré  de  petits  lacs,  atteint  2025  mè- 
tres. Au  nord-est  de  ce  ])iton  central  el  d'un  lai'ge  seuil,  le  volcan  toujours 

'  Siiperfu'ie  et  |iii|)iilalinn  priilmlili'  de  Itali  li  Lomliok  en  1886,  d'aiiiès  lo  Hi'fiecriiujs  Aliiinnak  : 

Territoire  liolliindais  lie  fiali 'J  l.'id  kil.  carr.      I U'J'Jô'i  Lab.,  soit  48  hab.  par  kil.  carr. 

1)  princier  (le  Bail  et  LoMibok.      8708       »  TiiOdOO     »  142     .. 

Ensemble.    .    10  858  kil.  earr.  1  rj4'."J."2bab.,  soit  l'ii  bab.  par  kil.  earr. 


BALL 


411 


atlif  (le  Baloer  (1950  moires),  lance  de  deux  cratères  mugissants  des 
colonnes  de  vapeur',  tandis  qu'à  sa  base  nord-orientale  les  coulées  de 
laves  sont  descendues  jusqu'au  bord  d'un  beau  lac  bleu,  qu'elles  ont  même 
partiellement  vaporisé;  une  forte  saillie  de  rebroussement,que  présente  la 
coulée  à  son  extrémité,  s'expliquerait  par  le  coullit  des  laves  fluides  et  des 
masses  gazenzes  dégagées  soudain  par  la  vaporisation  de  l'eau  :  d'après  le 
mythe  balinais,le  volcan  est  la  demeure  d'un  dieu,  et  sa  femme,  la  déesse, 


-N°    86.    UALI. 


^f  Oa  200  ?■     de  200  ^  /COO  "■  o'e  /OOO  ': 

i  .  1  500  000 


habite  les  eaux  du  lac.  Au  sud-est  de  Batoer  se  succèdent  d'autres  volcans, 
éteints  en  apparence  :  le  goenong  Abang  ("2000  mètres)  et  le  goenong 
Agoeng  ou  le  «  Grand  Mont  »,  appelé  aussi  le  pic  de  Bali,  dont  le  cône 
nu,  jaunâtre,  parsemé  de  blocs,  ouvre  son  cratère  à  plus  de  5200  mètres 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  A  l'extrémité  orientale  de  l'île,  un  autre 
volcan,  le  Seraja  (1250  mètres),  n'est  plus  qu'une  immense  ruine.  Lors 
d'une  éruption  ({ue  l'histoire  n'a  pas  racontée,  toute  la  partie  supéiieure 
de  la  montagne  fut  emportée  et  se  dispersa  en  poussière  dans  les  plaines 
et  dans  l'Océan  :  il  ne  reste  plus  (jue  la  base  effondrée  du  volcan.  Au  sud 


•  laWmgiiV.  Pfiernuinn's  Mitllii'iliiiiticii,  1S04;   — Jiicubs,  Eciiiiicii   Tijd  onder  de  Haliëfs. 


412  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

(le  ces  massifs  d'éruption  s'étendeiil  des  campagnes  dont  les  cendres  vol- 
caniques ont  été  remaniées  par  les  eaux,  et  vers  le  sud  se  montrent  quel- 
ques assises  de  roches  tertiaires.  Tel  est  l'îlot  de  Badoeng,  qu'un  isllinie 
bas  a  rattaché  à  Bali  ;  mais  Noesa  Penida  ou  Pandita,  —  l'ile  des  Prêtres, 
—  de  formation  analogue,  est  restée  isolée  dans  le  détroit  oriental. 

Quoi(jue  les  pluies  tombent  en  abondance  à  Bali,  les  rivières,  man(juant 
d'un  espace  suffisant  pour  se  formel',  n'ont  qu'un  foible  courant,  cl 
s'assèchent  même  pour  la  plupart  pendant  la  mousson  du  sud-est  :  l'eau 
est  employée  presque  en  entier  pour  les  irrigations  des  rizières,  dirigées 
avec  le  plus  grand  soin  par  les  cultivateurs  indigènes.  Très  peuplée  et  cou- 
verte de  champs,  Bali  manque  de  bois,  et  l'on  doit  en  importer  de  Java. 
A  l'exception  de  quelques  tigres  qui  rôdent  dans  les  brousses  des  mon- 
tagnes, au  nord  et  à  l'ouest,  l'île  n'a  point  de  fauves. 

Les  Balinais,  frère  des  Javanais  par  la  race,  sont  en  moyenne  un  peu 
plus  grands  et  plus  forts  ;  moins  accoutumés  à  la  servitude,  et  ne  voyant 
que  rarement  leurs  maîtres  hollandais,  ils  ont  l'attitude  plus  ferme  et  le 
regard  plus  fier.  Dans  les  régions  montagneuses  de  Bali,  les  goitres  sont 
extrêmement  communs  :  en  certains  districts,  plus  de  la  moitié  des  habi- 
tants en  sont  affligés,  et  l'on  ne  renconti-e  presque  pas  de  femmes  qui  ne 
soient  déformées  par  ces  excroissances;  mais,  d'après  Jacobs,  le  crélinisme 
n'accom|)agne  jamais  le  goitre  chez  les  Balinais  comme  chez  les  monta- 
gnards des  Pyrénées  et  des  Alpes.  On  parle  dans  l'île  deux  dialectes  bien 
distincts  :  la  langue  originale  paraît  être  le  «  bas  »  balinais,  qui  diffère 
notablement  du  dialecte  de  Java  et  qui  ressemble  aux  idiomes  des  îles 
orientales;  au  contraire,  le  «  haut  »  balinais  se  rapproche  beaucoup  du 
haut  javanais  et  ne  s'en  distingue  guère  que  par  de  nombreux  emprunts 
faits  à  l'ancienne  langue  sacrée,  le  kari,  que  parlent  encore  les  prêtres 
et  les  lettrés.  De  même  qu'à  Java,  les  serviteurs  et  les  pauvres  sont  tenus 
de  s'adresser  en  haut  langage  à  leurs  sn])érieurs,  et  ceux-ci  répondent  en 
langue  basse. 

La  civilisation  hindoue  paraît  avoii'  eu  beaucoup  plus  de  pi-ise  sur  les 
insulaires  de  Bali  que  sur  les  Javanais.  Ce  n'est  pas  seulement  par  l'immi- 
gration des  fuyards  du  royaume  de  Modjo-Pahit,  dont  les  descendants 
vivent  encore  à  part  des  autres  Balinais',  que  l'on  peut  s'expliquer  la  per- 
sistance des  religions  hindoues  dans  l'île  de  Bali  ;  des  colonisateurs  ont  dû 
venir  aussi  directement  de  la  côte  de  Coromandel,  car  on  ne  voit  pas  trace 
à  Java  d'une  aussi  forte  constitution  des  castes  (|ue  dans  la  société  bali- 

'  il.  v;m  Eck,  Prom'diiHis  o(  Ihe  H.  Geop-aphiad  Sonclii.  Miiicli  1880. 


lîALI   ET  BALINAIS.  413 

naiso'.  Ofncipllemcnt  toute  la  population  se  divise,  comme  dans  l'Inde,  en 
quatre  castes  :  celles  des  Brahmanes,  des  Kchatrya,  des  Yaïsya  et  des 
Soudra;  mais  ces  groupes  primordiaux  se  subdivisent  en  de  nombreuses 
sous-castes,  et  l'ancienne  noblesse  balinaise,  dans  laquelle  on  choisit  géné- 
ralement les  chefs  de  villages,  constitue  une  caste  spéciale,  classée  entre 
la  troisième  et  la  quatrième.  Naguère  les  princes  se  mariaient  avec  leurs 
sœurs  pour  préserver  la  pureté  du  sang  royal.  Les  limites  entre  les  castes 
sont  maintenues  par  la  coutume  avec  une  impitoyable  férocité  :  une  iille 
de  l)rahmane  qui  se  donne  à  un  homme  de  caste  inférieure  est  livrée  aux 
llammes  et  son  amant  est  cousu  dans  un  sac  et  jeté  à  l'eau;  même  dans 
les  deux  provinces  qui  dépendent  directement  de  la  Hollande,  les  magis- 
trats doivent,  sous  la  pression  de  l'opinion  ])ubli(jue,  prononcer  la  peine 
du  bannissement  contre  les  jeunes  gens  qui  violent  la  loi  des  castes.  On  a 
vu  souvent  le  brahmane  tuer  de  sa  main  sa  fille  coupable  d'infraction  à  la 
coutume.  Néanmoins  les  croisements  de  caste  à  caste  sont  nombreux,  les 
brahmanes  et  les  princes  ayant  le  droit  de  prendre  dans  les  rangs  infé- 
rieurs autant  de  femmes  qu'ils  veulent  et  transmettant  leur  propre  no- 
blesse à  leurs  héritiers.  A  l'exception  de  trois  princes,  qui  appartiennent 
à  la  deuxième  caste,  tous  les  autres  sont  originaires  de  la  troisième,  qui 
constitue  ce  que  l'on  peut  appeler  la  «  bourgeoisie  »  de  Bali.  Les  soudra 
sont  les  prolétaires,  les  gens  de  corvée,  presque  des  esclaves.  Mais  quand  la 
guerre  éclate  entre  gens  des  castes  supérieures,  les  Soudra  n'y  prennent 
aucune  part  ;  ils  continuent  de  vaquer  à  leurs  travaux  ordinaires,  sans 
souci  de  la  querelle  des  grands\ 

Le  culte  des  Balinais  est  la  religion  trinitaire  hindoue,  et  devant  des 
milliers  de  temples,  devant  les  maisons  des  prêtres  et  des  chefs,  flotte  le 
(ha]teau  tricolore,  —  rouge,  blanc,  bleu,  —  dans  lequel  maint  voyageur 
hollandais  a  cru  reconnaître  les  couleurs  de  sa  patrie,  tandis  qu'il  symbo- 
lise les  trois  personnes  de  la  Divinité,  le  Créateur,  le  Conservateur  et  le 
Destructeur.  Mais  les  images  de  Brahma  et  de  Vichnou  ont  été  remplacées 
presque  partout  par  celles  Dourga  et  Ganesa^  ;  en  outre,  l'influence  boud- 
dhique persiste  à  travers  le  brahmanisme,  et  Siva,  représenté  parle  lingam, 
cl  de  beaucoup  le  personnage  le  plus  adoré,  est  invoqué  comme  un  dieu 
bienveillant.  D'ailleurs  les  Balinais  ont  peu  de  /i-le  religieux  et  ne  mani- 
leslenl  aucune  intolérance  à  l'égard  des  gens  de  culte  différent;  même 
(|uel(jues  milliers  d'entre  eux,  appartenant  à  la  basse  caste,  se  sont  con- 

'  Tciiiniinck.  Coup  d'œil  gcnéral  sur  les  Possessiuiis  néerlandaises  dans  l'Inde. 

-  liiniie,  De  invloed  van  de  Hindoe-Bescliaviny. 

'  Kan  et  Timmerman,  Tijdschrift  van  het  Nederlandseli  Genoolscliap  te  Amsterdam. 


414  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

vertis  à  l'Islam,  afin  de  se  relever  ainsi  au  point  de  vue  social;  en  1881, 
à  la  suite  du  meurtre  d'un  missionnaire,  les  tentatives  de  propagande 
chrétienne,  d'ailleurs  complètement  inutiles,  ont  été  abandonnées  dans 
l'Ile.  Evidemment  les  temples  hindous  épars  dans  les  diverses  parties  de 
Bali  sont  trop  nombreux  pour  les  fidèles,  car  il  en  est  beaucoup  qui 
tombent  en  ruine  et  qu'on  ne  songe  point  à  réparer,  et  des  lieux  de  pèle- 
rinage où  l'on  venait  jadis  de  toutes  les  parties  de  l'île,  sont  délaissés 
maintenant.  Les  cérémonies  religieuses  que  les  Balinais  observent  avec  le 
plus  (le  zèle  se  rapportent  à  la  culture  du  sol  :  peuple  de  paysans,  ils 
aiment  à  faire  des  processions  autour  des  champs,  à  s'arrêter  devant  les 
cabanes  de  bambou  qui  servent  de  temple  à  la  déesse  de  la  moisson,  à 
se  couronner  de  fleurs  après  les  heureuses  récoltes. 

La  jurisprudence  religieuse  est  fort  dure  et  des  pénitences  sont  fré- 
quemment imposées  au  peuple  quand  les  prêtres  ont  observé  quelque  mau- 
vais présage.  Une  femme  meurt-elk^  en  couches,  ou  donne-t-elle  naissance 
à  un  enfant  mal  conformé,  ou  bien,  —  événement  plus  grave  encore,  — 
devient-elle  mère  de  deux  jumeaux,  garçon  et  tille,  les  plus  terribles  mal- 
heurs menacent  la  population,  et  il  faut  les  écarter  par  le  jeûne  et  les 
prières  :  naguère  il  fallait  répandre  le  sang  humain,  parfois  même  tortu- 
rer les  victimes.  On  raconte  que,  parmi  tant  d'autres  inventions  horribles, 
les  prêtres  avaient  trouvé  celle  d'étendre  et  d'attacher  les  condamnés  sur 
des  pointes  de  bambous  naissants,  dont  les  cônes  durs  et  siliceux  péné- 
traient dans  la  chair  vive  de  l'homme  et  le  faisaient  périr  après  quelques 
jours  de  tortures  abominables'.  Les  épouses  des  brahmanes  et  des  princes 
étaient  tenues  moralemenl  de  se  jeter  sur  le  bûcher  de  leur  époux  et  de  le 
suivre  dans  la  mort  :  celle  qui  se  refusait  au  supplice  était  désormais  con- 
damnée à  l'opprobre.  On  vit  jusqu'à  74  femmes  se  sacrifier  sur  le  bûcher 
du  mari\  Vingt  ans  après  que  la  dernière  sali  eut  été  brûlée  dans  l'Hin- 
(loustan,  Bali  avait  encore  ses  holocaustes  de  veuves'.  Depuis  la  défense  du 
gouvernement  hollandais,  on  a  chercht''  à  la  tourner  en  poignardant  d'a- 
bord les  victimes  avant  de  les  lancer  dans  les  flammes.  D'autres  cérémo- 
nies, qui  paraissent  horribles  aux  voisins  des  Balinais,  se  sont  mainte- 
nues, et  les  changer  serait  commettre  un  attentat  contre  la  piété  filiale. 
Chaque  famille  lient  à  brûler  ses  morts  avec  grand  luxe  de  parfums,  de 
fleurs,  de  repas;  nulle  cérémonie  n'est  plus  coûteuse,  et  pour  se  préparer 
à  ces  dépenses  il  faut  des  semaines  et  des  mois,  parfois  même  des  années. 

*  .Ligiii-,  Shiiiiiporc,  Mnlacrii.  Jnva. 

*  John  Crawfiii'J. //i.v/ori/  of  ihc  Iiidiait  ArihipehHjo. 
^  Jacobs,  ouvrage  cité. 


15AL1  ET   liALINAIS.  415 

l*eiulanl  ce  temps,  on  conserve  le  corps  dans  la  cabane,  lavé  el  pariumé, 
mais  en  pourriture;  des  pierres  placées  sur  le  cadavre  en  facilitent  la  mo- 
mification lente  par  l'expulsion  des  gaz  et  des  liquides.  Seuls  les  corps 
des  varioleux  el  des  lépreux  sont  immédiatement  enterrés. 

Les  Balinais  vivent  presque  exclusivement  de  riz,  d'autres  grains  et  de 
l'ruils.  Si  la  chair  du  bœuf  leur  est  défendue  par  la  religion,  l'urine 
et  la  lienle  de  cet  animal  sont  leur  principale  |iharmacopée.  La  seule  viande 
qui  leur  soit  permise  est  celle  du  cochon;  mais  les  prêtres  s'en  abstien- 
nent. Les  palmeraies  de  cocotiers  sont  très  étendues  et  donnent  une 
énorme  quantité  d'huile.  L'industrie  domestique  est,  de  même  que  l'agri- 
culture, plus  développée  à  Bali  qu'à  Java  ;  mais  les  indigènes  sont  de  très 
mauvais  marins.  Parmi  les  artisans  on  trouve  des  joailliers,  des  ciseleurs, 
des  armuriers  fort  habiles,  et  les  femmes  tissent  et  teignent  de  belles 
étoffes  en  coton  et  en  soie.  Dans  un  temple  de  Boeleleng  on  conserve  en- 
core une  copie  antique  des  coutumes  javanaises  sur  le  règlement  des  com- 
munautés de  villageois  et  les  syndicats  d'irrigation. 

Le  niveau  moyen  de  l'instruction  est  très  élevé  chez  les  Balinais.  Bien 
qu'ils  n'aient  pas  d'écoles,  la  plupart  des  hommes  et  des  femmes  des 
castes  supérieures  savent  lire  et  écrire  le  balinais,  et  même  le  kavi  :  c'est 
par  milliers  qu'ils  possèdent  des  "  livres  »  ou  paquets  de  feuilles  de 
lontar  ou  burassns  gravées  avec  un  poin(;on  et  pressées  entre  deux  plan- 
chettes :  histoire,  théologie,  jurisprudence,  éthique,  poésie,  théâtre,  rien 
ne  man(jue  à  la  littérature  de  Bali,  et  d'a[)rès  van  der  Tuuk,  qui  a  vécu 
lui-même  dans  l'ile  jiendant  de  longues  années  et  y  a  formé  une  très 
riche  bibliothèque,  c'est  dans  le  poème  balinais  de  Tantryn  qu'il  faudrait 
chercher,  au  moins  en  partie,  l'origine  des  Mille  et  une  Nuits.  Souvent  les 
gens  de  Bali  se  réunissent  le  soir  pour  assister  à  des  représentations  théâ- 
trales, qui  se  rapportent  poui'  la  plupart  à  des  mythes  ou  à  des  événements 
(le  l'Inde  et  que  des  acteurs  de  la  caste  brahmanique  déclament  dans  la 
langue  sacrée,  comme  on  le  faisait  jadis  à  Java  ;  dans  ces  «  mystères»,  les 
ancêtres  des  Balinais  sont  ligures  comme  des  géants  ou  rakchasa.  Entre 
autres  indices  d'une  civilisation  antique,  d'origine  hindoue,  on  cite  aussi 
la  division  du  temps  qui  prévaut  chez  les  Balinais.  Leur  année  officielle,  qui 
n'a  rien  d'astronomique,  mais  dont  le  caractère  est  purement  rituel,  se 
compose  de  deux  cent  dix  jours  et  se  divise  en  six  mois,  partagés  chacun  en 
sept  groupes  penthémérides'  ;  mais  en  pratique  on  compte  le  temps  par 
moussons  :  chacune  de  nos  années  correspond  à  deux  années  des  Bali- 

'  Ciawl'unl,  ouvrage  cité:  —  Selberg,  Reine  iiacli  Jiiva. 


Uij  NOUVELLE  (i  ÉOGH  Al'IllE  IMVEItSELLE. 

nais.  Leur  jour  est  de  seize  heures,  correspoiulanl  chaeune  à  une  lieurc 
el  demie  des  calendriers  européens  et  comniençanl  à  partir  du  lever  du 
soleil.  Les  princes  se  servent,  dans  leurs  dépèches,  île  la  chronologie  ma- 
hométane. 

Quoique  fort  remarquable  encore,  la  civilisation  de  Bali  témoigne  d'une 
grande  décadence  pendant  les  deux  derniers  siècles.  Les  récils  des  anciens 
voyageurs  parlent  d'un  commerce  considérable  qui  se  faisait  dans  les  ports 
de  l'île  et  de  voies  de  communication  qui  réunissaient  alors  les  diffé- 
rentes villes;  maintenant  le  trafic  est  déchu;  on  ne  voit  plus  guère  que 
d'âpres  sentiers  el  il  n'existe  plus  de  chars  que  dans  un  district  de  plaine 
au  sud  de  Bali.  L'usage  de  l'opium,  qui  est  répandu  dans  toutes  les  castes, 
les  guerres  civiles  de  province  à  province,  les  expéditions  des  marchands 
d'esclaves  qui  pendant  longtemps  ont  ravagé  les  campagnes  du  littoral, 
enhn  l'avilissement  de  la  femme,  réduite  à  n'être  plus  qu'un  objet  de  Iralic, 
ont  été  les  causes  de  ce  recul  de  la  civilisation  balinaise,  et  c'est  mainte- 
nant de  l'étranger  que  la  population  de  l'Ile  doit  attendi'e  des  éléments 
nouveaux  pour  reprendre  sa  voie  de  progrès  et  d'initiative.  Les  colonies 
chinoises  ont  attiré  toute  l'activité  de  la  contrée. 


Les  deux  |)ruvinces  balinaises  les  plus  rapprochées  de  Java,  Djembrana, 
sur  la  côte  méridionale,  et  Boeleleng,  sur  la  côte  du  nord,  sont  soumises 
directement  à  l'administration  hollandaise  el  dépendaient  naguère  de 
Danjoewangi,  située  sur  la  rive  opposée  du  détroit.  Le  bourg  de  Boeleleng, 
composé  de  hameaux  épars  à  une  faible  distance  de  la  mer,  est  la  rési- 
dence principale  des  fonctionnaires  et  prend  rang  comme  capitale,  mais 
il  lui  mantjue  un  port  :  sa  marine,  Pabean,  n'est  (|u'um>  plage  où  vien- 
iicnl  se  hi'iser  les  vagues.  Presque  tous  les  villages  ont  gardé  l'aspect  de 
l'éduils  fortifiés. 

Sept  provinces  de  Bali  oui  été  laissées  au  pouvoir  de  princes  protégés, 
qui  jouissent  encore  de  droits  souverains,  mais  dont  la  puissance  mili- 
taire a  été  brisée  pendant  les  guerres  sanglantes  de  1840  et  1N49  et  qui  se 
savent  surveillés  de  près.  A  en  juger  par  le  cérémonial  de  leurs  cours, 
ce  seraient  de  grands  potentats  :  on  n'approche  d'eux  qu'en  se  proster- 
nant, et  quand  ils  meurent,  tous  leurs  sujets  doivent,  en  signe  de  deuil, 
se  faire  raser  la  tète.  Ils  héiilenl  de  la  fortune,  des  femmes  et  des 
esclaves  de  tout  indigène  qui  n'a  pas  de  légataires  directs  et  de  tout  crimi- 
nel condamné  au  bannissement  :  or  ce  sont  eux  (jui  jugent,  et  quand  il 
leur  convient,  ils  n'ont  qu'à  siéger  sous  leur  somptueux  dais  de  justice  pour 


Y     s       ;    15 


il,        I 


HALI.    LOMIIOK.  410 

s'iidju^^or  un  (Idiiiiiiiic  coiivdilr.  Une  des  jiiiiicipalcs  ressources  de  leur 
l)U(lji;et  consiste  dans  la  location  des  t'emines  (|ue  leur  procurent  ces  nom- 
breux héritages'. 

La  principauté  deBangli,  (|ui  cimline  du  coté  de  l'est  au  lîoeleleng,  est 
la  région  sacrée  de  Bali,  puis(|ue  le  volcan  de  Batoer  s'élève  sur  son  terri- 
loire;  cependant  c'est  une  autre  province,  celle  de  Kaloeng-Koeng,  située 
sur  la  côte  sud-orientale  de  l'île,  qui  est  considérée  comme  la  première  en 
noblesse  :  son  chef,  l'un  des  princes  les  moins  puissants  de  Bali,  n'en 
est  pas  moins  le  k  Grand  Homme»,  et  les  autres  souverains  lui  rendent 
hommage.  Le  pays  de  Gjanjar,  situé  à  l'ouest  du  Kaloeng-Koeng,  est  l'État 
le  plus  populeux  de  Bali,  et  de  toutes  parts  les  immigrants  accourent,  grâce 
à  la  prospérité  relative  dont  on  jouit  dans  cette  contrée  fertile,  moins  du- 
rement gouvernée  que  les  terres  voisines.  Quant  à  la  principauté  méridio- 
nale, Badoeng,  où  se  faisait  jadis  le  plus  grand  commerce  de  Bali,  elle  est 
maintenant  presque  sans  habitants  :  le  trafic  des  esclaves  l'avait  trans- 
formée en  désert.  Quant  aux  deux  provinces  occidentales,  Tabanan  et 
Mengwi,  elles  seraient  toutes  les  deux  extrêmement  peuplées.  La  province 
(irientale,  Kai-ang-Assem,  qui  fait  face  à  Lombok,  a  |)our  souverain  le 
radjah  de  cette  île. 


Le  tableau  suivant  donne  la  liste  des  provinces  de  Bali,  avec  l'estimatior 
recensée  ou  approximative  de  leur  superlicie  et  de  leur  |)0|)ulalion  : 


rnuvi\i;h;s. 

M.:rtwn:ii:. 

,,      .          ,    „      ,  ■           Djeinbi-ana 

l'rdMiues  liollanihusos      „     ,  , 

(  Hoeleleng 

EnseiiililL' 

Ti>rritnircs  princiers  :  liangli,  Taijanan,    Mi'iigwl. 
liailcjeng,  Gjanjar,  Kaloeng-Koeng,  Karang-Assem. 

700  kilom.  carrés. 
1  4.50       ))         1) 

20  040  haliilanls. 
7fi  890         » 

!2  150  kiluni.  canvs. 
5  2G0  Idlom.  carrés. 

102  y.îO  habilanls. 
700  000  hal)ilanls. 

S02  '.l.')0  lialiilants. 

Bali  et  Londiiik  apparlieiineni   dcjxiis   l!S8"2  à  la  même  circonscription 
idminisirative  de  l'empire  néerlandais. 


'  Jacobs.  ouvrant'  cité. 


420  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 


Ml 


L'ile  de  Lombok,  ainsi  nommée  par  les  Enropéens  d'après  l'un  de  ses 
villages,  situé  sur  la  côte  nord-orientale,  au  bord  du  détroit  d'Âllas,  est 
connue  des  indigènes  sous  l'appellation  de  Selaparang  ou  Selaparan,  et 
les  Malais  la  désignent  d'ordinaire  par  le  nom  de  Tanah  Sasak  ou  "  Pays 
des  Sasak  »  — et  non  pays  du  «  Radeau  «,  ainsi  que  l'interprétait  Craw- 
furd.  — Lombok  offre,  à  peu  de  chose  près,  la  même  superficie  que  Dali 
et  les  lies  adjacentes,  mais  elle  est  moins  explorée,  à  cause  de  la  nature 
plus  montueuse  du  sol  et  de  la  moindre  civilisation  des  habitants.  Depuis 
le  milieu  du  dix-huitième  siècle,  Lombok  est  sous  la  dépendance  des  Ba- 
linais,  et  quoique  ceux-ci  m^  constituent  qu'une  faible  colonie  iclalive- 
ment  aux  indigènes  Sasak,  ils  ont  fait  de  l'ile  une  annexe  politi(|ue  de 
leur  mère  patrie'. 

Dans  la  géographie  générale  del'lnsulinde  ce  détroit  de  Lombok,  qui  n'a 
|)as  empêché  les  Balinais  de  s'emparer  du  territoire  opposé  au  leur,  est  un 
Irait  qui  ne  semble  pas  avoir  une  imporlance  bien  considérable;  dans  sa 
pallie  la  plus  étroite,  il  a  seulement  .10  kilomètres  de  l'ive  à  rive,  mais 
sa  plus  grande  profondeur,  sur  le  seuil,  dépasse  1000  mètres  :  c'est  là,  on 
[iciil  le  dire,  que  se  termine  la  mer  de  Java,  dont  la  mince  couche  d'eau 
est,  dans  toute  son  étendue,  nnundre  de  200  mèti'es;  le  courant  s'y  pro- 
page du  sud  au  noid  avec  une  vitesse  moyenne  de  7  kiiomèti'cs  à  l'Iieuie. 
On  sait,  depuis  les  explorations  de  Wallace,  que  ce  faible  détroit  de 
l>ombok,  siin|ile  fossé  en  comparaison  de  tant  d'autres  manches  de  l'In- 
sulinde,  l'orme  pourtant  ,"i  beaucoup  d'{''gards,  pour  la  dislrilmlioii  des 
espi'ces,  la  princi|)ale  limit(>  entre  le  monde  indien  et  le  monde  aiislra- 
lien.  Le  palmier  areng  (nrciH/n  sacrharifcrn)  manipie  à  Lombok.  (iette 
île  n'a  pas  non  plus  le  bois  de  lek,  ni  les  fougères,  les  orchidées,  les 
mousses  de  la  flore  javanaise,  i'our  la  faune  les  différences  sont  |)lns 
grandes  encore.  Lombok  n'a  point  de  tigres,  ni  autres  félins  :  la  phqiart 
des  oiseaux  qui  vivent  dans  les  bois  de  .lava  et  de  Bali  sont  inconnus  à 
Lombok,  qui,  d'autre  part,  possède  de  nombreuses  espèces  australiennes, 
enire  autres   les  fameux  mn/fi  poil  lus  ijinihlii,  ces  étranges  gallinacés  (pii 

'  Superlicie  cl  |i(i|mla(ion  probalili' lie  LuiiiLuk,  (l':i|iivs  le  Rctiecriiu/x-AhiKiniik  tU-  ISSS  : 
54."5  kildinétres  carrés;  .Mil  (11)11  lialiilaiiK.  Miil  Klll  lialiilaiit-  par  kilniiiétrf  t-aiiv. 


421 


eni'ouissent  ioiirs  œiil's  cl  les  l'ccoiivi'eut  d'amas  ik'  terre  el  de  branches, 
ayant  parfois  jusqu'à  12  mètres  de  hauteur  et  12  mètres  de  tour.  Les  ka- 
katoès d'Australie  sont  éfjalement  des  oiseaux  de  Lonihok,  mais  on   les 


IiKllmn    m;    l.uMl: 


Est  de  Par 


D'après  les  cQr-t 


trouve  aussi  plus  à  l'ouest,  dans  la  petite  île  de.Pandita  qui  n'est  séparée 
de  Bali  que  par  des  eaux  basses  :  peut-être  ces  animaux  ont-ils  été  im- 
portés par  delà  le  détroit.  Toutefois  la  transition  se  poursuit  d'une  île  à 
l'autre  et,  d'après  Martin',  c'est  plutôt  dans  les  mers  de  Timor.au  nord- 


liciisilmiJiiflijlif  Vocnlriichtcii  te  Aiiisterddiii,  ISSÔ 


in  NOUVKLLK   (,KO(;itAI'IIIE   IM VKKSKLI.E. 

uuest  de  coite  île,  qu'il  l'aul  elierchcr  la  vérilalile  liiiiile  entre  l'Asie  et  le 
monde  australien. 

De  même  que  Java  et  Bali,  Loniliuk  ulïie  deux  saillies  parallèles  de 
roches,  l'une  au  midi,  composée  de  formations  sédimentaires,  l'autre  au 
nord,  dressant  à  de  grandes  hauteurs  ses  cônes  volcaniques.  La  chaîne 
méridionale,  peu  élevée  en  moyenne,  puisqu'elle  ne  dépasse  pas  500  mètres, 
repose  sur  un  socle  régulier,  qui  déborde  à  l'ouest  et  à  l'est  on  dehors  de 
la  ligne  des  rivages.  Ouelquec  buttes  de  scories  éruptives,  entre  autres 
celles  qui  dominent,  au  sud-ouest  de  l'île,  la  profonde  baie  dite  Laboean 
Tring,  ont  traversé  les  assises  qui  s'élèvent  en  falaises  au  bord  de  l'Océan 
Indien.  Des  amas  de  tuf,  provenant  d'explosions  antérieures,  rattachent 
cette  chaîne  du  sud  aux  volcans  du  nord  et  forment  au  milieu  de  l'île 
une  voussure  do  partage,  le  Sasan,  d'où  les  eaux  s'écoulent  d'un  côté  vers 
le  détroit  do  Lombok,  de  l'autre  vers  celui  d'Alias.  Au  nord,  la  rangée  dos 
volcans  commence  en  face  do  Bali  par  le  cône  de  Wangsit  (1200  mètres), 
auquel  succèdent  plusieurs  autres  monts  aux  cralèi'os  éteints,  puis,  vers 
le  milieu  de  la  chaîne,  s'élèvent  en  cercle  les  sommets  nus  d'un  grand 
massif  volcani(iuo,  le  lleiuljani,  ayant  encore  au  centre  do  son  ])lateau 
terminal  une  hutte  fumante,  i'A])i  on  le  .<  Fou  »,  d'où  s'échapj)ont  en 
volutes  des  vapeurs  sulfureuses.  Un  giand  lac  ou  daitoc,  h^  Segara  Anak, 
emplit  une  dépression  latérale.  Le  pilon  le  plus  élevé  du  massif,  désigné 
d'orilinaire  sons  le  imm  do  pic  de  Lombok,  est  sinon  le  mont  culminaul 
lie  rinsiilinde,  du  moins  l'nn  de  ses  plus  hors  sommets  :  les  diverses 
évaluations  d'altitude  varient  entre  55i'2  et  4200  mètres.  Aucun  Kuropéon 
n'en  a  fait  l'ascension  '. 

Les  Sasak,  qui  constituent  presque  toute  la  population  de  Londxik,  no 
diffèrent  que  peu  des  Dalinais  par  l'apparence  et  parlent  une  langue 
d'origine  analogue,  mais  plus  rapprochée  du  dialecle  de  Soombavva  :  l'al- 
phabot  qu'ils  emploient  est  le  balinais.  Tous  convertis  à  l'Islam,  ils  con- 
Iraslent  avec  leurs  voisins  de  l'ouest  par  les  prati<[ues  religieuses,  les 
inu'urs  et  les  institutions.  Ils  ne  l'oconnaissent  point  do  castes  et  les 
mariages  se  font  librement  entre  gens  de  toute  provenance.  On  no  voit 
guère  de  mosquées  dans  le  pays,  ce  qui  ne  témoigne  pas  en  l'aNour  do 
leur  zèle  :  ne  se  distinguant  guère  des  mahométans  que  par  leur  Jiourri- 
ture.  ils  mangent  du  bo'uf  el  abhori'ont  la  viande  de  porc,  tandis  que  les 
Balinais  croiraient  commettre  un  crime  s'il  goûtaient  la  chair  du  bœuf, 
leuraniinal  sacré.  La  population  sasak,  assujottio  aux  Balinais,  est  celle  qui 

'  Ed.  Colleaii,  En  Occdnu: 


LO.MBUK.  .423 

paye  les  taxes  et  (|ui  se  soiunet  aux  coi'vées.  J,a  nation  des  envahisseurs, 
représentée  ]iar  une  cdlonic  d'ciniron  vinjil  mille  individus,  dont  les  kain- 
pniifi  se^Toupenl  dans  la  partie  occidcnlale  de  l'Ile,  est  exemple  de  tous 
impôts. 

Malaram,  la  capitale  du  royaume,  est  située  dans  une  plaine,  à  7  kilo- 
mètres de  la  cote  orientale  :  sa  marine,  la  ville  d'Ampanan,  est  un  lieu  de 
marché  prospère,  composé  de  (|ualre  kampong,  habités  chacun  par  une 
nation  distincte.  Malais,  Dalinais,  Bougi  de  Celèbès  et  Sasak.  PendanI 
la  mousson  du  sud-est,  la  mer  y  es!  |)arfaitenient  calme  et  les  navires  y 
uiouillent  sans  danger;  mais  quand  sourilciil  les  vents  d'ouest,  les  vagues  se 
hiisenl  avec  fureur  sur  la  plage,  et  lors  des  grandes  marées,  dont  l'oscil- 
lalioii  est  d'environ  5  mètres,  toute  communication  est  interrompue  entre 
les  embarcations  et  le  rivage.  Malaram,  où  les  Balinais  seuls  ont  le  droil 
de  passer  à  cheval,  est  une  ville  admirablement  tenue;  les  rues  sont 
larges  el  liieii  ombragées  de  multipliants;  les  routes  qui  rayonnent  en 
diverses  directions  ont  en  moyenne  plus  de  '20  mètres  entre  les  fossés  et 
traversent  les  ruisseaux  et  les  ravins  sur  des  ponts  de  bambou  bien  entre- 
tenus. A  une  petite  distance  au  sud  de  Malaram  se  trouve  le  village  sasak 
(jui  fut  la  cajdtale  de  l'île  avant  la  conipiète  du  pays  par  les  Balinais  : 
il  porte  le  nom  de  Karang  Assem,  comme  la  province  orientale  de  Bali,  et 
se  trouve  assujetti  au  radjah  de  Lombok  depuis  1849. 

Les  campagnes  qui  s'étendent  à  l'est  de  Mataram  vers  les  collines  de 
Sasan,  sont  peut-être,  dit  Wallace,  les  |ilus  admirablement  cultivées  de 
toute  l'Insulinde,  où  pourtant  on  voit  tant  d'autres  merveilles  du  travail  des 
paysans.  L'Europe  n'offre  point  d'exemple  de  pareils  jardins  :  sur  des 
espaces  de  plusieurs  centaines  de  kilomètres  carrés,  les  eaux  des  rivières 
el  des  ruisseaux  y  sont  divisées  el  réparties  avec  un  art  infaillible  dans  le 
réseau  des  canaux  d'arrosement  qui  contournent  les  flancs  des  collines 
elles  hémicycles  des  ravins,  se  succédant  en  étages  comme  les  gradins  d'un 
amphithéâtre.  Les  principales  récoltes  des  Sasak  sont  le  riz  et  le  café, 
(pi'ils  exportent  par  la  marine  d'Ain[»anan.  Ils  vendent  aussi  à  l'étrangei' 
des  chevaux  de  petite  taille,  mais  pleins  de  feu,  et  des  canards  d'une 
espèce  jtarticulière,  qui  marchent  presque  droits  comme  des  pingouins  el 
(|ue  les  marins  appellent  les  ■<  soldats  balinais  ».  La  seule  monnaie  qui  ail 
cours  à  Lombok  est  la  ligature  chinoise. 

Les  lois  sont  fort  sévères  dans  la  principaulé  de  Lombok  et  de  Karang 
Assein.  Tout  vol,  tout  adultère  sont  punis  de  mort.  Les  jeux  de  hasard, 
l'usage  de  l'opium  sont  interdits  sous  peine  de  bastonnade;  la  loi  prévoit 
même  les  cas  où  la  mort  des  condamnés  sera  [irécédée   par  la  torture. 


i'ii  MtlVliLLK  (.EOdliAPUll':   l.M VKKSELLi:. 

Les  héritajjes  ne  soiil  attribués  aux  lils  qu'à  la  condiiinu  de  incndrc  à  leur 
charge  l'entretien  de  toute  la  famille.  L'armée  du  radjah,  ((luiiKisée  d'une 
vingtaine  de  mille  hommes,  munie  des  meilleures  aimes  à  l'eu,  manœu- 
vre avec  une  précision  que  l'on  voit  rarement  chez  les  troupes  orientales. 
Le  radjah  de  Lombok  est  représenté  dans  le  Karang  Assem  par  un  vice-roi. 
et  des  échanges  de  colons  se  sont  faits  plusieurs  fois  par  ordre  eniro  les 
deux  moitiés  de  la  [)rincipaulé. 


VIII 

s  n  E  M  n  A  W  A 

Plus  grande  que  Bali  et  Lombok  réunies,  Soembawa,  —  dont  le  vrai 
nom  indigène  est  Sambava,  —  se  compose  en  réalité  de  plusieurs  terres 
distinctes  qu'une  faible  dénivellation  séparerait  complètement,  tandis 
qu'un  mouvement  peu  considérable  en  sens  inverse  l'unirai!  à  des  îlots  du 
voisinage,  tels  que  Mojo  au  nord,  Sido  et  Tengani  au  sud-est.  Vers  le 
milieu  de  sa  longueur,  Soembavva  est  réduite  à  un  mince  pédoncule  d'une 
vingtaine  de  kilomètres  :  une  large  baie,  médilerranée  en  miniature, 
pénètre  de  la  mer  de  la  Sonde  dans  l'intérieur  des  terres,  se  ramiliaiil  çà 
et  là  en  criques  latérales,  où  les  embarcations  trouvent  un  abri  parfait 
contre  tous  les  vents.  Plus  à  l'est,  d'autres  baies  découpent  le  littoral  en 
forme  de  fjords  :  telles  sont  la  baie  de  Tjempi,  sur  la  côte  méridionale,  et 
celle  de  Bima,  sur  la  côte  du  nord.  La  j)lus  grande  partie  de  File  est  mon- 
tueuse  et  formée  de  massifs  distincts,  d'origine  éruptive,  (pii  ont  emjùété 
sur  la  mer  par  les  débris  rejetés  de  leurs  crevasses;  éteints  ou  actifs,  les 
cratères  seraient  au  nombre  de  vingt-deux  dans  Soembava.  Cependant  au 
sud  de  l'ile  se  voient  quelques  formations  sédimenlaires,  ([ui  conlinuenl 
vers  l'est  les  alignements  des  monts  calcaires  de  Java,  Bali  etLondjok.  La 
pointe  sud-occidentale"  de  Soembavva  est  précisément  formée  par  une  mon- 
tagne d'assises  non  volcani(jues  se  terminant  par  un  plateau  régulier  : 
on  lui  donne  le  nom  de  Tafelberg  ou  «  mont  de  la  Table  »  comme  à 
tant  d'autres  monts  d'aspect  analogue. 

Le  volcan  de  Ngenges  (1653  mètres)  est  le  premier  grand  massif  dans 
la  partie  occidentale  de  l'île,  puis  vient  le  Lanieh  (1,'iilS  mi-Ires)  ;  mais  ces 
monts  superbes  sont  dépassés  par  le  Tiinboro  ou  Tamiidra.  dont  le  cône 
lron(pié  s'avance  en  dehors  de  Soembawa,  emplissant  de  ses  longues  pentes 
toute  une  vaste  péninsule.  Le  plus  haut  |)ilon  du  Timboro  s'élève  à  "iToli 
mètres,  maison  dit  (pi'avanl  [Xih  la  monlagne  dépassiiil  iUOO  mèlics  en 


VULC.V.NS   llK  SUi;.\ll!.\\\.\. 


i'ib 


haulciir  :  elle  (lomiiiiiit  alors  parmi  les  mollis  de  l'insuliiiilc.  Le  i>iliiii 
que  l'on  voit  aujourd'hui  eu  voguant  au  nord  de  Soembawa  n'est  plus 
qu'une  gigantesque  ruine,  dont  l'énorme  cratère,  profond  de  550  mètres, 
a  25  kilomètres  de  lonr.  Dans  la  soirée  du  5  avril  1S15,  le  sommet  de 
la  montagne  lit  explosion  et  les  nuages  de  cendres,  éclairés  pai'  des  rellels 
d'incendie,   recouvrirent   le  ciel.    Pendant  dix   l'ois   vingtniuad'e  heures, 


PMITIK    CENTRALi:    DE    SOEMCA 


L.t  de  l-an 


_^T       ^       ^ 


^^ 


'  J' 


Est    de    Greenv 


Pnofont^ei^rS' 


CsOà/O^ 


Soeml)awa  et  les  mers  avoisinanles  restèrent  perdues  dans  la  nuit  ra^ée 
d'éclaiis  :  le  fracas  des  éruptions  retentissait  au  loin  jusqu'à  Ceh'bès,  à 
Bornéo,  à  Java  et  à  Sumatra,  et  la  pluie  de  cendi'es,  portée  de  tous  les 
côtés  par  les  alizés  et  les  contre-alizés,  mais  surtout  dans  la  direction  de 
l'ouest  par  les  vents  supérieurs,  tomba  sur  un  espaci»  de  plusieurs  millions 
de  kilomètres  carrés  ;  le  ciel  en  était  obscurci  jus(|u'à  l'ouest  de  Semarang; 
dans  les  eaux  rapprochées  du  volcan,  la  couche  ilotiante  de  pierres  ponces 
dépassait  un  mètre  en  épaisseur  et  les  navires  se  trouvèrent  arrêtés  en 


i'JB  NOUVELLE   CKiMiUAl'IllE   UNIVERSELLE. 

pleine  mei'.  Les  récits  des  indigènes  el  des  iiiiurhaiids  iindies  (|iii  (Vlia|i- 
pèrent  au  désastre  ne  lurent  pas  recueillis  et  contrôlés  à  temps  poui'  (ju'ii 
ait  été  possible  d'évaluer  la  quanlité  de  débris  projetés  alors  par  le  cratère 
du  Timboro;  mais  les  quelques  laits  mis  hors  de  doute  ])rouvent  que  la 
masse  répartie  ainsi  autour  du  volcan  représente  certainement  des  centaines 
de  kilomètres  cubes,  plus  de  trois  cents,  dit  Junjihuhn,  plus  de  mille  d'a- 
près Zollinger.  Les  douze  mille  habitants  des  petits  États  circonvoisins 
furent  ensevelis  sous  la  pluie  de  cendres  ;  mais  la  famine,  les  épidémies 
(jui  se  succédèrent  ensuite  à  Soembawa  et  dans  les  iles  rapprochées,  par 
suite  de  la  destruction  des  forêts,  de  la  perle  des  bestiaux,  de  la  ruine  des 
canaux  d'ii'rigation,  causèrent  la  mort  d'un  bien  plus  grand  nombre, 
peut-être  de  iOOUOO  personnes.  La  disette  lit  périr  plus  de  40  000  Sasak 
dans  l'île  de  Lombok  ;  la  population  totale  de  Soembawa,  ipii  aurait  été 
de  170  000  individus  en  1815,  n'était  plus  que  de  75  500  personnes  en 
18i7,  soit  trente-deux  ans  après,  l'île  n'ayant  pu  encore  recouvrer  sa  végé- 
tation nourricière'.  Même  de  nos  jours,  trois  quarts  de  siècle  après  l'ex- 
plosion, la  péninsule  du  Timboi'o  est  restée  pres([ue  complètement  déserte. 
Dans  une  grande  partie  de  l'insulinde,  la  «  nuit  des  cendres  »  fut  long- 
temps considéiée  comme  l'événement  capital  de  l'histoire  et  comme  la 
dale  de  comparaison  pour  tous  les  faits  ordinaires  delà  vie. 

Dans  la  partie  orientale  de  l'île,  coupée  de  hautes  falaises  et  souvent  se- 
couée par  de  violents  ti'cmblements  de  terre,  les  pitons  volcaniques  sont 
nombreux.  Uindi,  Sont  Mandi  ou  le  »  Père  Smid  >',  Aroe  Hassa,  ]irès  des 
côtes  se[itentrionales,  ont  respectivement  1570,  I3S(S,  1677  mètres  de  hau- 
teur, et  vers  l'angle  sud-oriental  s'élèvent  les  deux  cônes  de  Sambori 
(1250  mètres)  et  de  Lamboe  (1413  mi'Ires).  Knlin,  en  dehors  de  Soem- 
bawa, le  mon!  insulaire  de  Sangeang,  a|>pelé  aussi  goenong  Api  ou 
«  mont  (lu  Feu  ",  allciul  2  KM)  mètres.  C'est  un  volcan  dont  le  l'oyei', 
comme  celui  du  Siromboli,  est  en  agitation  constante  :  d'cii  bas  on  voit 
le  jel  de  va|)eur  et  de  cendres,  puis  la  nue  se  dissipe  peu  à  [)eu,  le  vol- 
can l'ait  silence,  et  tout  à  coup,  après  un  intervalle  de  quehjues  minutes, 
d'un  (|uart  d'heui'c  [tarfois,  un  nouveau  souille  lancé  par  le  volcan  ternit 
le  lileu  du  ciel. 

Les  gens  de  Soembawa,  de  race  malaise  comme  leurs  voisins,  ont  subi 
riniluence  des  habitants  de  Celèbès,  avec  les(|uels  ils  lônt  une  part  notable 
de  leur  tralic  el  dont  leur  île  est  une  dépendance  administrative  :  l'idiome 


Suiierlicii'  cl  |i{i{iiihiliiji]  de  Suciiiiuittii  : 

lô'.ISO  kilimiélies  carrés;  I.jUUI)U  habitaiils.  suil    11    liali.  |i;ii-  kiloiiiclir  carré. 


SOKMli.WVA,   11  ni  A.  427 

(les  Boiifii  (le  G^lt'bi's  s(î  irn^lange a\TC  d'aulres  dialcclcs  malais  dans  fjiiel- 
fjuos  dislricls  d(^  la  c(Uc  septentrionaK^  cl  la  iangiu^  de  Macassar  psi  la  seule 
fjui  s'(îci'ive  dans  le  pays'.  Presque  Ions  les  habitants  de  Soembawa  se  récla- 
ment de  l'Islam,  mais  ([uelques  groupes  d'Orang  Dongo  ou  «  montagnards  » 
habitant  les  forc-ts,  au  sud  du  volcan  d'Aroe  Hassa,  sont  encore  païens, 
tout  en  gardant  quehpies  cérémonies  (jui  témoignent  du  passage  des  mis- 
sionnaires hindous  dans  leurs  montagnes.  Ils  donnent  aux  esprits  le  nom 
de  (leva,  qui  appartient  au  sanscrit  et  leur  font  des  offrandes  de  fruits  et  de 
fleurs.  La  nuit,  ils  s'éclairent  à  la  flamme  des  torches,  comme  leurs 
ancêtres  :  la  lumiî're  de  la  lam[ie  leur  porterait  malheur.  Quand  un  des 
leurs  vient  à  mourir,  sa  fortune  est  partagée  également  entre  tous  les  héri- 
tiers, mais  il  garde  une  des  parts  :  on  sacrifie  sur  la  tombe  les  b(Mes  qui 
lui  sont  échues,  et  l'on  brûle  ou  enterre  les  autres  objets,  afin  qu'il  les 
emporte  avec  lui  dans  l'autre  monde.  Ces  montagnards  interdisent  aux 
Européens  l'entrée  de  leurs  for(Ms,  et  le  petit  commerce  de  troc  (pi'ils  entre- 
tiennent avec  les  marchands  (Hrangers  se  fait  en  des  clairières  convenues 
sur  les  limites  de  leur  territoire'. 

Le  royaume  occidental  de  Soembawa  est  celui  qui  porte  spécialement  le 
nom  de  l'île  :  sa  capitale,  appelée  également  Soembawa,  est  située  au  bord 
d'une  baie  de  la  cale  septentrionale,  ouverte  aux  vents  du  nord-ouest.  Di- 
vis(>e  en  plusieurs  kampong  (ju'habitent  des  gens  de  diverses  races,  natifs 
de  l'ile,  Bougi.  et  autres  émigrants  de  Celèbès,  Soembawa  est  p(Miplée  d'au 
moins  six  mille  individus  :  lors  de  l'explosion  du  Timboro,  vingt-six  per- 
sonnes seulement  avaient  pu  échapper  au  désastre.  C'est  de  Soembawa  que 
l'on  exporte  surtout  les  vaillants  petits  chevaux  qui  font  la  gloire  de  l'ile; 
les  marchands  de  la  ville  expédient  aussi  du  coton,  du  bois  de  sandal,  et, 
pour  le  compte  du  gouvernement  hollandais,  le  précieux  bois  de  sapan,  espèce 
de  cœsifilpiniaoa  «  bois  rouge  »,  (jue  l'on  emploie  pour  la  teinture,  notam- 
ment au  Japon.  D'autre  part,  les  mai'chands  de  Soembawa  doivent  impor- 
ter l'huile  de  C(K'0,  h^s  plantations  de  cocotiers  étant  fort  rares  dans  l'île. 

La  ville  de  Bima,  bâtie  sur  la  rive  orientale  de  la  baie  du  m(''me  nom, 
est  jiresque  runi(|ue  marché  de  la  moitié  de  l'île  silu('e  à  l'est  du  Timijoro, 
et  en  même  temps  la  capitale  d'un  Ktat  indigène  qui  comprend  aussi,  à 
l'es!  du  déiroil  de  Sapi,  le  vieux  cratère  ébréché  de  Gili  Banla  ou  >'  Barre 
la  Houle  »,  le  groupe  de  Komodo  ou  «  île  d(^s  Rats  »,  quelques  îlots,  et 
le    ])ays  de  Mangkaraï,   partie  occidentale  de  l'île  Flores;   jadis   l'île  de 


'  II.  Zollinger,  Biimi  en  Socnibmvd . 

-  C.  Rclnwardl,  ftc/.v  iitiar  den  liidisilini  Airliipol,  —  II.  Ziillint;i'i'.  Rcis  over  Hiili  en  Loiiibol,. 


i28  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  ENIVERSELLE. 

Soemba  en  t'aisait  également  partie.  Le  |)oil  (l(^  Binia  est  nn  des  meilleurs 
(le  rinsulinde.  La  baie  qui  pénètre  en  forme  de  cluse  entre  les  roebers  à 
plus  de  25  kilomètres  dans  l'intérieur  des  terres  et  qu'entoure  un  am])hi- 
théàtre  de  volcans,  n'a  pas  moins  de  150  mètres  de  j)rofondeur  à  l'entrée, 
et  devant  Bima,  où  elle  s'élargit  en  lac,  les  navires  sont  parfaitement  à  l'abri 
des  vents  du  large  et  mouillent  par  des  fonds  de  25  à  55  mètres.  Un 
(|uartier  spécial,  kampong  Wolanda  nu  "  village  Hollandais  »,  est  la  rési- 
dence des  marchands  européens  et, des  fonctionnaires  qui  surveillent  le 
sultan  et  prélèvent  sur  le  commeire  la  part  réservée  au  gouvernement  de 
Batavia.  Bima,  de  même  ([ue  Soembawa,  exporte  des  cbevaux  d'une  re- 
marquable beauté,  qu'achètent  surtout  îles  marchands  arabes.  Le  blason 
du  royaume  est.  l'image  d'un  cheval  et,  dans  les  écuries  royales,  un  de  ces 
animaux,  à  la  santé  duquel  est  attachée  la  prospérité  de  l'Etat,  est  traité 
avec  des  honneurs  pres(|ue  divins  :  quand  il  meurt,  «  d'une  manière  mys- 
térieuse >',  disent  les  indigènes,  il  est  aussitôt  remplacé  par  un  auli'c 
d(Mni-dieu.  Lors  du  voyage  de  Zollinger,  en  1849,  le  sultan  de  Bima  ne 
|)ossédait  ])as  moins  de  dix  mille  chevaux.  Bima,  entourée  de  volcans,  a  fié- 
(|uemment  à  souffrir  de  tremblements  de  terre  :  lors  de  l'explosion  du 
Tiniboro,  une  vague  monstrueuse,  soulevant  les  navires,  les  laïu'a  dans 
la  ville,  au-dessus  des  maisons  brisées.  Dans  le  voisinage  de  Bima  se 
voient  (]uelques  tombeaux  hindous,  datant  probablement  de  l'époque  où 
celte  région  de  Soembawa  était  tributaire  de  l'empire  javanais  de  Modjo- 
l'aliil.Oii  a  h(Uivédans  le  pays  des  inscriptions  indi'chilTraliles,  dues  à  un 
peuple  inconnu'. 


IX 

FLORES,  ARCHIPELS  DE  SDLOli  ET  d'm  1,(111 

l^es  terres,  classées  encoïc  |iarnii  les  ><  j)etites  Iles  de  la  S(Mi(le  ",  font 
partie  (le  la  longue  chaîne  (|iii  s'est  formée  à  r(*st  du  (b'Iroit,  sur  les  lis- 
sures  (lu  loy(>r  des  laves,  et  qui  se  continue  par  une  courbe  doucement 
inlléchie  jusqu'à  l'îlot  de  Nila.  Flores  et  ses  voisines  de  l'est  sont  d'origine 
volcanique,  comme  b^s  terres  occidentales;  nK'-me  dans  ces  étroites  îb\s, 
s'allongeant  en  forme  de  mur  entre  d(Mix  mers,  la  rangée  de  monts  s(Hli- 
menlaires,  ({ue  l'on  voit  à  Java,  à  Bali  et  à  Lombok,  nian(|ue  coiii|il('lernenl  : 
le^  promonloire^  m(''i'idionaux  de  Floi'(^s  sont  des  monts  à  ci'al("'res,  ('leinls 

'   I!.  Ziilliii^'i'C,  Hiiiia  cil  Soemliairii . 


BIMA,   FLORES.  429 

OU  llaiiiLlant  encore.  Quoique  lorl  riches  en  productions  de  toute  espèce, 
ces  terres  sont  assez  négligées  par  leurs  possesseurs  européens  :  l'immense 
empire  colonial  de  l'Insulinde  est  trop  vaste  pour  qu'on  ait  pu  encore  l'ex- 
ploiter dans  toute  son  étendue  d'une  manière  méthodique.  Jusqu'en  l'an- 
née 1850,  les  Hollandais  et  les  Portugais  se  disputaient  la  partie  orientale 
(le  Flores  et  les  archipels  voisins  :  un  traité  adjugea  à  la  A'éerlande  tout  le 
territoire  en  litige,  mais  sans  qu'il  ait  été,  depuis  cette  époque,  beaucoup 
mieux  exploré.  On  n'a  pas  même  de  données  approximatives  sur  le  nombre 
des  insulaii'es  :  c'est  par  des  évaluations  indirectes,  d'après  le  rendement 
des  impôts  et  le  commerce  des  ports,  que  l'on  arrive  à  donner  comme  pro- 
bable le  chiffre  d'environ  quatre  cent  mille  individus  pour  toute  la  popu- 
lalion  de  Flores  et  des  deux  archipels  de  Solor  et  d'Allor'. 

Des  volcans  s'alignent  le  long  de  la  côte  méridionale  de  Flores.  Le 
Rokka,  — Omboeoe  Soro,  —  projetant  ses  laves  en  ])romontoires  dans  la 
mer  des  Indes,  atteint  "20(80  mètres.  Au  delà,  vers  l'est,  dans  le  pays  d'Kn- 
deb,  dont  le  nom  est  parfois  appliqué  à  l'Ile  entière,  se  dresse  le  goenong 
Ki^o  ou  Homba,  que  l'on  croit  être  le  sommet  le  plus  élevé  de  Flores  :  il 
atteint  2800  mètres.  Le  volcan  appelé  spécialement  goenong  Api  ou  «  Mon- 
tagne de  Feu  »  domine  l'extrémité  d'un  promontoire,  au  sud  du  village 
d'Fndeh  ou  Ambogaga,  et  les  indigènes  disent  qu'au  nord  du  même  vil- 
lage un  autre  mont  volcanique,  le  goenong  Kingo,  a  fait  éruption  à  di- 
verses reprises  pendant  les  temps  historiques.  A  l'angle  sud-oriental  de 
Flores,  le  volcan  de  Lobetobi  profile  son  double  cône,  l'un  toujours  fumant, 
le  Laki-Laki  ou  «  Homme  »  ('2170  mètres),  l'autre,  le  Perampoean  ou 
<'  Femme  »  (2265  mètres),  percé  d'un  cratère  que  des  incrustations  de 
soufre  revêtent  à  l'intérieur.  Un  volcan  éteint,  le  Kabalelo  (2281  mètres), 
commande  un  des  passages  du  détroit  de  Larantoeka,  en  face  de  l'île  Solor. 
Enfin  la  péninsule  terminale,  ([ui  se  recourbe  en  hameçon  à  l'extrémité 
nord-orientale  de  Flores,  porte  aussi  son  cône  volcanique,  le  Larantoeka 
ou  llimandiri,  haut  de  157(3  mètres  ;  il  est  à  l'état  de  re])os,  mais  à  sa  base 
jaillissent  de  nombreuses  sources  thermales,  par  les(juelles  s'échappe  la 
chaleur  du  foyer  souterrain.  Peut-être  existe-t-il  encore  un  autre  volcan 
sur  la  côte  du  nord,  près  du  village  de  Geliting,  à  l'endroit  où  l'île  de 
Flores  se  rétrécit  en  isthme  ;  mais  il  serait  possible  que  les  navigateius  de 

'  Siiiiorlicic  et  p{i|iiil;itii]ii  de  Flores  et  des  archipels  voisins: 

Flores 1  ()  .577  liilomètres  carrés.      'J.'iO  000  liaLilanls. 

AiTlii|iel  de  Solor.  .  'J  05")  »  »  40  000         » 

d'All.ir  .    .         3  525  )i  »  85  000         « 


'iisend)le  .    .        'il  055  kiloiiièlres  carrés.       375  000  hrdulaiils. 


/t.-o  NuiiVELLr;  GÉncnu'iuE  universelle. 

la  mer  inléiieuiv  aient  vu  une  colonne  de  vapeurs  qui  s'élevail  de  la  cùle 
du  sud  et  qu'ils  l'aient  attribuée  à  une  cime  du  littoral  opposé'. 

Au  sud  du  Tandjong  Boenga  ou  «  promontoire  des  Fleurs  »,  —  d'où  le 

X"   8J.    DÉTROIT    Di:    LARANÏOEKA. 


PfO  foni^eu^^ 


1  •  1  nooooo 


nom  poitugais  di'  Flores,  —  un  ><  poi-lail  »  qui  n'a  pas  plus  de  1  il  10 mètres 
de  large  dans  la  partie  la  plus  léirécie  du  passage,  sépare  Flores  de  l'île 
d'Andonaré  :  les  voiliers  ne  s'y  engagent  pas  toujours  sans  péril,  caries 


I'.  ,1.  \clli,  .\,nilnil,xLiiii(liii  CciioulsilKi})  Ir  Aiiislndinii.   1X70.' 


l-'L(IHi;s.  «1 

vc'iils  .s'cii^ouirieiitiiaiis  IVtroile  ouvcrlmv,  les  courants  y  sont  l'orl  ramtlos 
cl  parlois  s'y  renversent  brusquement.  Mais,  dans  ces  parages,  d'autres 
voies  s'ouvrent  entre  les  deux  mers  de  Flores  et  de  Timor,  la  rangée  vol- 
canique de  la  Sonde  s'élant  divisée  en  de  nombreux  fragments.  L'ile  de 
Solor,  qui  a  donné  son  nom  à  rarchi{»el  le  plus  rapproché  de  Flores,  est 
la  plus  |)etile  de  son  groupe;  au  nord,  File  d'Andonaré,  beaucoup  plus 
po|iiil('iisc,  esl  aussi  plus  étendue  :  puis,  à  l'csl,  l'ile  de  Lomblem  est  encore 
plus  considérable.  Les  deux  iles  du  groupe  d'Allor,  Pantar  et  Ombaaï,  que 
visita  l'igafetla,  le  compagnon  de  Magalbries,  et  qu'il  décrit  sous  le  nom 
de  Malouva,  sont  aussi  des  îles  plus  vastes  que  Solor;  en  outre,  un  grand 
nombre  d'Ilots  et  de  récifs  sont  parsemés  dans  le  voisinage  des  teri'es 
principales.  Toutes  sont  monineuses  et  des  volcans  y  ont  épanché  des 
courants  de  lave.  Le  Lamahalé  (1555  mètres)  s'élève  dans  l'ile  d'Ando- 
naré, et  le  Lobetollé  (1490  mètres)  forme  le  promontoire  septentrional  de 
Ldudilein. 

La  population  de  Flores  et  des  îles  voisines  est  mélangée  d'éléments 
divers.  Les  habitants  des  côtes,  qui  parlent  pour  la  plupart  l'idiome  malais 
de  Dima,  appartiennent  au  même  groupe  que  les  insulaires  de  Soembawa, 
à  l'exception  des  Bougi  et  autres  immigrants  de  Celèbès  qui  se  sont  établis 
dans  les  ports;  ils  construisent  aussi  leurs  demeures  à  la  mode  malaise, 
en  les  appuyant  directement  sur  le  sol,  et  non  en  les  plaçant  sur  des 
pilotis  à  la  façon  des  Papoua.  Cependant  les  naturels  de  l'intérieur  des 
terres,  à  Flores  et  à  Solor,  auraient  le  teint  plus  noir  que  les  riverains,  et 
par  leurs  traits,  aussi  bien  que  par  le  genre  de  vie,  témoigneraient  de  leur 
[larenlé  ethnique  avec  les  indigènes  papoua  de  la  Nouvelle-Guinée'.  Le 
mahométisme  est,  comme  dans  les  iles  de  l'ouest,  à  l'exception  de  Pâli,  la 
religion  à  laquelle  les  insulaires  du  groupi'  de  Flores  prétendent  api)arte- 
iiir;  mais  les  Portugais,  qui  possédèrent  jusfpi'au  milieu  de  ce  siècle  une 
|)artie  de  Flores  et  les  petits  archipels  voisins,  étaient  beaucoup  plus  zélés 
que  les  Hollandais  pour  la  conversion  des  natifs  :  aussi  ne  manque-t-il  pas 
de  Malais  des  îles  qui  se  disent  à  la  fois  «  Portugais  »  et  >-'  chrétiens  » 
et  ont  probablement  en  effet  un  peu  de  sang  portugais  dans  les  veines.  Des 
prêtres  de  Timor  viennent  parfois  visiter  leurs  communautés,  baptiser  les 
enfants,  bénir  les  mariages,  asperger  les  tombeaux. 

C'est  une  ancienne  place  fortiliée  des  Poi'lugais,  Laranloeka,  située  au 
pied  du  volcan  de  même  nom  et  au  bord  du  délioil  de  Flores,  qui  est 
devenue  le  chef-lieu  des  ])ossessions  hollandaises  dans  ces  parages.  Tous  les 

'  George  Windsor  Earl,  Tlic  ^idwc  Races  of  Ihc  liirlitin  Airliiiwlago. 


iô'j  INOLIVELLK   (.KUl.li.U'IllK   IMVEKSELLE. 

ans,  uiio  iloUille  de  bateaux  vieiil  de  Celèl)ès  avec  la  mousson  du  noi'd- 
ouest  poui'  api)oi-ter  des  arlicles  de  mercerie,  des  poteries  et  des  métaux, 
puis  elle  s'en  retourne  avec  la  mousson  du  sud-est,  emportant  des  écailles 
de  tortue,  des  holothuries,  des  nids  d'hirondelles  et  autres  produits  du 
pays.  Jadis  on  exportait  aussi  des  esclaves  de  Flores,  notamment  du  district 
occidental,  leMangeraai.  Avant  l'année  1750,  Flores  était  une  des  îles  où 
la  compagnie  des  Indes  Orientales  interdisait  tout  commerce  sous  les 
peines  les  plus  sévères,  de  peur  que  les  navires  ne  prissent  un  chargement 
de  cannelle  sauvage,  qui  eût  foit concurrence  au  produit  dont  la  compagnie 
s'était  réservé  le  monopole. 

Moins  importantes  que  Larantoelva,  Andonaré,  dans  l'Ile  du  même  nom, 
Lawajang,  capitale  de  Solor,  et  Allor  Kaijil.  à  la  jiointe  nord-occidentale 
d'(.)mliaai,  sont  aussi  visitées  parles  marchands  de  Celèhès.  Ces  villes,  avec 
leurs  archipels,  dépendent  toutes  de  la  province  de  Flores,  tandis  (|u'une 
parlic  mi'me  de  la  gi'ande  île,  le  Mangei'aai,  se  rattache  adminislralive- 
menl  à  Soendjawa. 


Cette  île,  dite  aussi  ^>  de  la  Sonde  )',  (juoi(jue  elle  se  trouve  en  plein 
océan  Indien,  en  dehors  de  la  rangée  des  îles  qui  continuent  Java,  forme  un 
pclil  monde  à  part.  Séparée  de  Komodo  et  de  Flores  par  un  bras  de  mer 
d'une  ci'iitaine  de  kilomètres  en  largeur  moyenne,  ayant  plus  de  '200  mètres 
en  [trorondeur,  Soemba  n'est  pas  même  parallèle  à  la  chaîne  régulière  des 
monis  volcaniques  :  sa  masse  ([uadrilalérale  se  recourbe  dans  la  direction 
(In  nord-ouest  au  sud-esl.  1/iie  n'a  |ias  non  plus  de  cratère  fumant,  et  les 
roches  d'éruption  n'y  occuperaient,  d'après  le  dire  des  voyageurs,  (ju'une 
faible  étendue.  On  croit  que  l'île  pres(|ue  en  entier  est  de  formation  sé- 
dimentaire  :  sur  toute  la  côte  du  sud,  ses  rochers  sont  de  structure  calcaiir 
et  se  terminent  en  falaises  percées  de  grottes;  en  aucune  partie  de  l'insu- 
linde,  dit-on,  les  salanganes  ne  se  pressent  en  vols  plus  épais.  Vers  le 
centi'e,  les  terrains,  j)eu  accidentés,  ont  l'aspect  d'un  plateau,  s'élevant 
jusqu'à  600  mètres  d'altitude,  et  le  sol  ne  se  redresse  en  collines  et  en 
montagnes  que  le  long  du  littoral  (bi  nord.  Parmi  les  divers  noms  que 
l'on  donne  à  l'Ile  de  Soemba  (Tjindana),  il  en  est  un  qu'elle  ne  mérite 
plus  guère,  celui  de  Sandclhoul-eiland  ou  <c  île  de  Sandal  «,  car  les  arbres 
de  cett3  essence  qui  peuplaient  la  côte  ont  presque  entièrement  disparu, 


snFMIfA,    ll.KS   SAWOi:.  .135 

|i;ir  siiiU'  (l'iiiic  L'\|iloiliilioii  à  oulraiice.  Il  n'en  reste  plus  que  dans  l'in- 
l(''iienr  de  I  île.  Des  deux  vaiiélés  de  hois  de  sandal,  la  rouge  et  la  grise, 
celle-ci  est  la  plus  estimée  :  le  bois,  réduit  en  poudre,  est  employé  surtout 
en  cosmétiques  et  en  remèdes.  Soeniba  possède  aussi  quelques  gisements 
aurifères  :  ce  fut  l'une  des  k  îles  d'Or  >■  de  la  légende.  M.  Hamy  pense 
(ju'il  faut  y  voir  l'Ile  que  le  dnci)bridor  (iodinlio  de  Eredia  se  vante  d'avoii' 
explorée  le  premier  '. 

(juoique  les  insulaires,  divisés  en  un  grand  nombre  de  petites  commu- 
nautés, n'aient  jamais  oITert  de  résistance  sérieuse  aux  marchands  ni  aux 
fonctionnaires  hollandais,  l'ile  de  Soemba  est  encore  fort  peu  connue,  et 
récemment  c'est  de  deux  cent  mille  à  un  million  d'habitants  que  vaiiaient 
les  chiffres  relatifs  à  la  po[)ulalion  de  Soemba;  on  l'évalue  actuellement, 
mais  sans  renseignements  statistiques  précis,  à  400000  individus, 
nombre  relativement  considérable  pour  une  surface  de  10  900  kilo- 
mètres carrés.  De  race  malaise,  les  habitants  de  Soemba  parlent  un 
dialecte  spécial,  que  ne  comprennent  pas  les  autres  insulaires;  dans  les 
combats  et  les  cérémonies  guerrières,  ils  ont  encore  l'apparence  de  gens 
du  moyen  âge,  avec  leurs  longues  lances,  leurs  cottes  de  mailles,  leurs 
boucliers.  De  même  que  leurs  voisins  des  îles  Sawoe,  situées  à  l'est,  à 
mi-chemin  de  Timor,  ils  ont  conservé  le  culte  des  ancêtres,  mélangé 
de  cérémonies  et  de  croyances  qui  témoignent  de  l'influence  hindoue  : 
c'est  ainsi  (ju'ils  parlent  d'une  trinité  de  dieux  mystérieux,  le  Bon,  le 
Protecteur  et  le  Méchant';  mais  ce  n'est  pas  à  ces  esprits  supérieurs 
que  leurs  anciens  apportent  des  offrandes  :  c'est  aux  vagues  de  la 
mer,  aux  grands  arbres,  aux  promontoires,  aux  tombeaux  des  aïeux. 
Les  gens  de  Soemba  n'ont  ni  temples  ni  prêtres,  si  ce  n'est  les  chefs 
de  famille  et  les  vieillards;  mais  dans  les  îles  Sawoe  on  donne  le  nom  de 
prêtre  au  bourreau,  qui  se  tient  à  côté  du  tribunal  des  radjah  el  qui 
tranche  la  tète  aux  condamnés.  Les  chefs  sont  enterrés  assis,  le  menton 
appuyé  sur  les  genoux. 

Le  havre  de  Nangamessi,  où  un  marchand  arabe  s'est  établi  av(  c  une 
petite  colonie  de  compatriotes,  est  le  j)rincipal  marché  de  Soemba.  De  ce 
port,  bien  situé  sur  la  rive  septentrionale,  à  l'issue  d'une  belle  vallée,  on 
exporte  d'excellents  chevaux,  non  seulement  dans  les  autres  terres  de 
l'Indonésie,  mais  aussi  à  Maurice  et  en  Australie.  Jadis  l'expédition  des 
esclaves  se  faisait  en  secret  sur  les  côtes  de  cette  île  écartée  :  encore  en 


'  Bulletin  (le  1(1  Société  de  Géographie,  juin  1878. 

-  1'.  I'.  lioui-da  vaii  EvsinKa,  Luiid-  en  Volkenlmnde  van  Picdeiiandscli  hitlië 


4"4  NOUVELLE  GEUGli Al'UlE  UMVE[{SELLE. 

IcSOO    le   rôsidenl  de   Timor    lit   détruire  dix   embarcations  qui   allaient 
prendre  un  chargement  de  captifs  à  Soemba  '. 

Les  îles  de  Sawoe,  visitées  par  Cook  au  siècle  dernier,  la  «  Grande  Sa- 
woe  »,  Randjoena  et  Dana,  constituent  un  ensemble  administratif  avec 
Soemba  et  dépendent  de  la  résidence  de  Timor.  La  population  des  îles 
Sawoe  dépassait  oOOOO  individus  en  1860,  lorsqu'une  épidémie  de  variole 
se  répandit  dans  l'archipel,  enlevant  jtius  de  la  moitié  des  habitants.  Actuel- 
lement, on  évalue  à  16000  le  nombre  des  insulaires,  assez  pressés  sur 
leur  étroit  territoire  de  480  kilomètres  carrés.  Naguère  les  femmes  de 
Sawoe  se  tatouaient  comme  les  Polynésiennes.  D'après  Wallace,  les  habi- 
tants de  Sawoe  ressemblent  physiquement  b(;aucoup  plus  à  des  Hindous  ou 
à  des  Arabes  qu'à  des  Malais. 


XI 

TIMOn     ET     AnCHU'EI.     IlE     lUlTTI. 

L'île  de  Timor,  la  plus  étendue  de  celles  qu'on  embrasse  sous  le  nom  de 
«  Petites  Iles  de  la  Sonde  »,  est,  comme  Soemba,  en  dehors  de  la  rangée 
des  îles  volcaniques.  Orientée  dans  le  sens  du  sud-ouest  au  nord-est,  elle 
l'orme  avec  celte  chaîne  un  angle  aigu,  mais  il  semble  (ju'en  la  croisant 
elle  l'ait  infléchie  pour  lui  faire  suivre  sa  propre  direction  :  les  îles  orien- 
talesqui  eonlinuenl  la  ligne  javanaise  des  volcans  se  recourbent  de  manière 
à  ])i'olonger  jusqu'à  Nila  l'axe  de  Timor;  il  paraît  donc  probable  (jue,  dans 
la  |)lastique  terrestre,  Timor  et  ces  îles  auront  été  soumises  à  un  mémo 
plissement  du  sol.  De  même  que  Sumatra  et  Madagascar,  Timor  |iréseiile 
du  côté  de  l'océan  Indien  une  côte  beaucoup  plus  r(''gulière  que  le  rivage 
tourni'  MU  nord  Ncrs  les  détroits  el  les  mers  basses.  Les  iialurcls  distin- 
gui'ut  l)ien  entre  les  deux  mers  opposées  :  celle  du  sud,  qui  |)ousse  ses 
vagues  formidables  contre  les  falaises,  est  la  «  mer  virile  »  ;  la  mer  du  nord, 
plus  calme,  moins  p('Milleuse  pour  les  embarcations,  est  la  <■  nier  ('(''minine' ». 
Malgré  son  impoitance  géographique,  à  l'angle  sud-orienlal  de  l'Insulinde 
et  en  face  de  la  côte  australienne,  Timor  est  une  des  îles  qui  oui  l'Ié 
assez  peu  étudiées  jusqu'à  nos  jours  pour  qu'on  ne  puisse  en  évaluer  la 
population  d'une  manière  précise.  La  Néei'lande  et  le  Poilugal,  qui  se  |)ar- 
lagcnl  cette  grande  terre  à  peu  près  par  moitié,  se  sont  disdibué  très  iné- 


'  AdidiijLnhiiiiiluj  cil  sldlisliscli  WuDrdcnducii  v<iii  ycdriliiiidscK  liulië. 
-  Vai|i\iiilias,  linldiin  du  Socind/iiU'  do  Geoijrcipliui  de  Lixlina.  18SÔ. 


ILES  SAWOE,   TIMOR.  435 

paiement  les  sujels  limoriens  :  la  j)aiiie  poiiupaise,  qui  rlépend  adminis- 
Iralivemeut  de  Macao,  comprend  ciiiquanle-qiialre  "  royaumes  »,  dont 
(pielques-uns,  jouissant  encoi'e  (i'une  complète  indépendance,  auraient 
phis  d'un  demi-million  d'Iiabitants,  d'après  les  recensements  détaillés  ou 
sommaires  faits  en  1879  pour  chaque  Etat  par  M.  Vaquinhas.  Quant  au 
territoire  hollandais, (pii  n'est  pas  non  plus  complètement  soumis,  il  auiait 
à  |ieitie  2j0  000  habitants'. 

Le  nom  de  Timor,  d'origine  malaise,  n'a  point  de  signiiication  ethnique: 
«  Orient  »,  tel  en  est  le  sens.  Les  marins  de  l'Insulinde  y  voyaient  la  terre 
la  plus  orientale  de  leurs  périgrinations  nautiques  et  distinguaient  cette 
grande  île  et  les  îlots  situés  plus  à  l'est  par  les  dénominations  de  Timor- 
besar  ou  «  Grand  Orient  »  cl  de  Timor-ketjil  ou  «  l'dil  Oiicnt  ».  D'après  la 
tradition,  les  indigènes  de  Timor  étaient  des  sauvages  ignorant  l'agricul- 
ture et  ne  vivant  que  du  produit  de  la  cueillette  et  de  la  pèche,  lorsque 
les  premiers  immigrants  se  présentèrent  dans  l'Ile,  vers  le  milieu  de 
la  côte  méridionale,  là  où  se  trouve  aujourd'hui  la  petite  |)rincipauté  de 
Waiwiko-Waihali.  Ces  colons,  qui  apportaient  le  riz  et  le  mais  et  qui  se 
servaient  d'instruments  et  d'armes  de  1er,  seraient  arrivés,  dit-on,  à  la  fin 
du  quatorzième  ou  au  commencement  du  quinzième  siècle.  Originaires 
de  Ternale,  les  envahisseurs  étrangers,  devenus  bientôt  les  maîtres, 
firent  souche  de  familles  princières,  dont  les  divers  royaumes  étaient  cen- 
sés dépendre  du  sultan  de  Ternate,  sinon  par  des  tributs  et  des  hommages 
directs,  du  moins  par  une  sorte  de  lien  mythique.  Lorsque  la  Compagnie 
des  Indes  Orientales  disputait  aux  Portugais  la  possession  de  l'île,  elle  se 
réclamait  d'une  abdication  formelle,  obtenue  du  sultan  de  Ternale*. 

Il  est  certain  que  les  premiers  navigateurs  blancs  (|ui  débarquèient  à 
Timor  furent  des  Portugais  :  c'est  vers  l'année  1520  et  vers  le  milieu  de  la 
côte  du  nord,  au  village  de  Lifau,  encore  occupé  par  eux  de  nos  jours, 
qu'ils  auraient  pris  d'abord  possession  du  sol;  peu  après,  ils  élevèrent 
aussi  un  fort  à  Koepang,  la  ville  qui  est  actuellement  le  chef-lieu  des  pos- 
sessions néerlandaises.  Les  Hollandais  n'abordèrent  à  Timoi'  que  près  d'un 


'  Siipcrricic  cl  |i(ipulali(iii  pi-iibable  de  Timor  et  des  îles  voisines  : 

Supei'ticic.  Population.  l'opiil.  kilom. 

Timor  poiliipiis  el  Kainliirip.   .            10  8i7  kil.  carrés.  53B  000  liali.  .V2  hab. 

I)      liollaiidais t.")  448         »  250  000     »  t'J  » 

Ensemble.   .    .           50  295  kil.  carrés.  7SU  000  liab.  26  hab. 

IleSamaoe 421  kil.  carrés.  3  000  bab.  7  hab. 

Archipel  Rolli 1  004         »  54  000     »  .")4  » 

2  P.  J.  Vetb.  Hct  Eildiid  Timor. 


406  NOUVELLE   CÉOCRAPUIE    LMVEUSELLE. 

!?iècle  jilus  l;ii(l,  on  1(51"),  dniis  iiiie  cxiH'ililioii  de  guerre  coiilre  leurs 
rivaux.  Une  lois  établis  solidement,  ils  eurent  à  lutter  sans  relâche  contre 
les  «  Portugais  blancs  »  et  plus  encore  contre  les  «  Portugais  noirs», 
c'est-à-dire  contre  des  potentats  indigènes  qui.  par  les  croisements  de 
race,  avaient  quelque  sang  portugais;  jusqu'au  milieu  du  dix-huitième 
siècle,  la  place  de  Koepang  eut  à  repousser  des  attaques.  La  guerre 
qui  désolait  le  pays  avait  pris  de  telles  proportions,  que  la  Compagnie 
hollandaise  entretenait  en  1757  une  armée  de  15  700  hommes.  Euro- 
péens, Timoriens,  gens  de  Rotti,  affranchis  et  esclaves.  Suivant  les  vicis- 
situdes des  combats,  les  chefs  se  faisaient  baptiser  protestants  ou  catho- 
liques et  prenaient  des  noms  hollandais  ou  portugais.  Pendant  ce  siècle, 
les  discussions  diplomatiques  ont  remplacé  la  guerre,  jusqu'au  traité 
de  1859,  qui  a  fini  de  régler  la  question  des  frontières  entre  les  deux 
Étais. 

Il  parait  probable,  d'après  les  explorations  partielles  qui  ont  été  faites 
sur  le  pourtour  et  dans  l'intérieur  de  File,  que  dans  sa  partie  médiane 
Timoi'  présente,  d'une  extrémité  à  l'auli'e,  une  ossature  de  plateaux  el  de 
monts  appartenant  à  des  formations  anciennes,  schistes,  grès  et  calcai- 
res; mais  de  part  et  d'autre,  sur  les  deux  versants,  se  sont  déposées  des 
assises  plus  récentes,  notamment  la  craie;  les  couches  argileuses  sont  très 
épaisses  :  de  là  une  extrême  difficulté  à  construire  des  chemins  à  lia  vers 
les  terres  coulantes '.Des  roches coralligènes,  qui  frangeaient  la  jiarlic  sud- 
occidentale  de  l'île,  ont  été  graduellemeni  soulevées  à  plusieuis  cenlaines 
de  mi'Ires  au-dessus  du  niveau  marin  \  Kn  certains  endroits,  les  roches  de 
la  chaîne  se  redressent  brusquement  en  obélisques  et  en  citadelles  :  ces 
masses  de  pierre  dominant  les  croupes  environnantes  sont  désignées  sous 
le  nom  de  faloe,  «  roches  »  [baloe  en  malais),  tandis  que  les  monts  aux 
longues  pentes  régulières  sont  appelés  netem.  Un  des  fatoe  que  l'on  voit 
de  Koepang,  au  sud-ouest  de  l'île,  le  Leeoe,  s'élève  à  1200  mètres  envi- 
ron ;  jilus  loin  se  succèdent  des  montagnes  plus  hautes, mais  dans  la  moi- 
tié hollandaise  de  Timor  aucune  cime  n'atteint  2000  mètres.  Dans  la  par- 
lie  portugaise  de  l'île,  les  sommets  sont  |)lus  fiers,  le  pays  est  plus  âpre: 
le  |)ic  (le  Kabalaki,  que  visita  Forbes,  dépasse  5000  mètres;  le  mont 
d'Alas,  qui  se  dresse  à  peu  de  distance  à  l'est  de  la  frontière,  immédiate- 
ment au  nord  de  la  côte  de  l'océan  Indien,  n'aurait  pas  moins  de  575S 
mètres   :  c'est  le  rival  du  Semeroe  de  Java  el  du  jiicde  Lombok.  S'il  existe 


II.  (>.  Kiiik's,  omra^'i'  citi'. 

Bi'rli- Jiik.'s,  Yoiiiifie  nf  thc  n  Fly  ». 


M(intai;m:s  uv.  timui!. 


457 


(les  volcans  indjui'iiiciit  dits  dans  l'ilc  de  Timor,  ro  donl  on  donlc  encore, 
ils  ne  sont  certainement  pas  nombreux  :  d'après  Ileinwardi  ',  une  mon- 
tagne appelée  Iloen-bano,  dans  la  partie  occidentale  de  l'île,  aurait  fait 
éruption  en  1850  et  causé  quelque  dommage  dans  le  pays;  l'année  sui- 
vante, un  mont  du  territoire  portugais,  le  Bibiluto,  aurait  rejeté  des 
cendres.  Wallace  dit  aussi  qu'un  pilon,  situé  au  centre  de  Timor,  aurai! 
été  en   grande  j)artie  réduit   en   débris  par  explosion   au  milieu  du  dix- 


TIMOK    tr    ILKS    VOISIN 


Est  de  P, 


eye/ÛÛÛJt  2000  '" 
1  ,  n.ïonono 


o'e2000'"eiâu<ye/A 


septième  siècle.  En  maints  districts,  des  porphyres  et  des  serpentines  se 
sont  fait  jour  à  travers  des  roches  sédimentaires.  Vers  l'exlrémilé  du  sud- 
ouest  de  Timor,  dans  une  baie  de  l'ile  Samaoc,  s'élève  un  locher  de 
grès,  un  de  ces  nombreux  îlots  qui  portent  le  nom  de  Kambing,  synonyme 
de  l'italien  Caprera.  A  la  cime  de  cet  îlot  s'ouvre  une  sorte  de  cratère, 
dépourvu  de  toute  végétation,  et  renfermant  des  monticules  épars,  de  3  à 
8  mètres  de  hauteur  :  ce  sont  des  volcans  de  boue,  comme  les  macca- 
Itibe  siciliennes.  Chaque  éruption  de  gaz  est  suivie  d'une  coulée  d'argile 
grise  qui  descend  sur  les  pentes  du  monticule  et  l'agrandit  peu  à  peu 


'   Reis  in  tien  IikHscIwii  Anliipel. 


438  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

jusqu'à  ce  que  la  pression  intérieure  s'ouvre  une  nouvelle  issue.  Au  pied 
des  buttes,  des  fissures  du  sol  sont  emplies  d'une  eau  saumâlre,  qu'ai- 
ment beaucoup  les  cerfs,  puisqu'ils  viennent  à  la  nage  de  l'île  de  Samaoe 
pour  s'y  abreuver  ;  souvent  les  chasseurs  les  attendent  à  l'affût  dans  Kam- 
binj;'.  Près  des  sources  s'arrondit  en  dôme  un  noemoek,  espèce  de  mul- 
tipliant, dont  le  branchage,  supporté  par  «  trois  mille  troncs  «,  dit  Teni- 
minck,  abriterait  toute  une  armée.  Dans  l'îlot  de  Landoe,  au  sud  de 
Semaoe,  se  sont  aussi  formés  des  volcans  de  boue. 

Timor,  la  terre  de  l'Insulinde  la  plus  rapprochée  de  l'Australie,  a  des 
saisons  beaucoup  plus  nettement  tranchées  que  les  grandes  îles  occiden- 
tales, Java.  Sumatra,  Bornéo.  Pendant  la  mousson  du  sud-est,  de  mai  en 
octobre,  le  vent  qui  vient  de  passer  sur  le  continent  australien  n'apporte 
aucune  humidité  :  la  végétation  se  flétrit  et  les  monts  prennent  des  tons 
rouges,  jaunes,  grisâtres,  partout  où  leurs  pentes  sont  couvertes  seule- 
ment d'herbes  ou  d'arbustes.  Les  ruisseaux,  les  rivières  même  tarissent 
complètement,  pour  ne  couler  de  nouveau  qu'à  la  mousson  d'ouest,  quand 
la  (erre  verdoie  et  refleurit.  Le  mois  de  noveml)r(\  qui  doit  amener  la  mous- 
son du  nord-ouest  avec  les  pluies  bienraisantes-,  est  attendu  avec  impa- 
tience; la  première  pluie  est  saluée  dans  chaque  village  par  la  musique  et 
la  danse.  Des  deux  versants  de  l'île,  c'est  celui  du  nord,  la  bandade  dentro, 
le  «  coté  du  dedans  »,  comme  disent  les  Portugais,  (jui  est  le  mieux  ar- 
rosé et  le  plus  verdoyant;  c'est  là  que  sont  les  plus  longues  rivières,  les 
[dus  vastes  forets,  et  que  la  population  s'est  établie  en  groupes  relative- 
ment nombreux  et  prospères.  Le  versant  du  sud  ou  bouda  de  fora,  le  «  côté 
(In  dciiors  >i,  est  plus  sec,  moins  verdoyant  et  moins  riche;  cependant  il 
est  loin  d'être  infertile,  comme  on  l'a  dit  souvent,  ])Our  l'avoii-  vu  seule- 
ment pendant  la  saison  des  sécheresses. 

Le  contraste  que  présentent  les  deux  versants  |)our  l'abondaïu'C  des  eaux 
et  l'aspect  de  la  végétation  se  retrouve  dans  la  flore  et  la  faune.  La  côte 
qui  i-egarde  l'Australie  est  la  plus  riche  en  espèces  australiennes  ;  celle 
(jui  est  tournée  vers  les  îles  de  la  Sonde  et  les  Moluques  a  surtout  les 
espèces  appartenant  à  ces  régions.  D'ailleurs,  on  le  sait,  Timor  est  relati- 
veincnl  j)auvre  en  formes  végétales  et  animales  :  elli;  dépend  plus  de  la 
Nouvelle-Hollande  que  de  l'Asie  et  l'on  y  voit  l'eucalyptus,  l'arbre  caracté- 
ristique de  l'Australie.  Dans  l'intérieur  de  l'île,  nombre  de  plantes 
rappellent    la    flore    africaine.    Timor    n'a    d'auties    félins   qu'un    chat 


'   1'.  .1.  Vi'lli,  miMiioire  citi''. 

*  Rlink.  Winil-  iiiid  Mccn'sstiviiiiijificii  im  Cchicl  ilcr  KIciiicii  Siiiiild-liisfin.  1887. 


s5E/l|AiUl^= 


Dessin  ilc  (..  NuiH"-''  "'' 


TIMOR  ET   SES   HABITANTS.  441 

sauvage  à  longuos  oreilles;  sou  plus  grand  (juadrupède  est  une  espèce 
de  cerf  qui  se  rapproche  d'un  cervidé  de  Java  et  des  Moluques.  Elle  ne  pos- 
sède qu'un  singe,  le  cercopithecus  cynomolgns ;  les  deux  tiers  de  ses  mam- 
mifères se  composent  de  chauves-souris.  Les  animaux  les  plus  redoutés 
de  la  faune  tiraorienne  sont  le  trigonocéphale  vert  et  le  crocodile,  duquel 
les  princes  de  Koepang  prétendaient  autrefois  être  descendus.  Quand  un 
nouveau  souverain  prenait  le  sceptre,  les  sujets  se  préci]>i(aient  au  bord  de 
l'eau  pour  rendre  également  hommage  à  ses  parents  les  sauriens  :  celui  de 
ces  animaux  qui  apparaissait  le  premier  était  le  cousin  du  roi,  et  on  lui 
amenait  comme  épouse  une  belle  jeune  (ille,  parée  et  parfumée,  qu'il  dé- 
vorait aux  applaudissements  de  la  foule. 

Les  habitants  de  Timor  ne  sont  pas  classés  parmi  les  Malais  projtremeni 
dits  et  paraissent  se  rapprocher  des  Dayak  de  Bornéo.  Quoi  qu'en  aieiil  dil 
plusieurs  écrivains,  il  n'y  a  point  de  peuplades  noires  dans  l'Ile  de  Timor'  ; 
tous  les  indigènes  ont  la  peau  claire,  jaunâtre,  du  Malais  et  ne  dilTèrenl 
guère  les  uns  des  autres  :  c'est  par  le  costume  et  les  armes  qu'ils  se  dis- 
tinguent, plus  que  par  la  stature  et  les  traits.  Les  peuplades  distinctes 
sont  fort  nombreuses,  et,  d'après  Cravvfurd,  on  ne  parlerait  pas  moins  de 
quarante  «  langues  »  —  ou  plutôt  dialectes  —  dans  l'île  de  Timor.  Le 
groupe  ethnique  le  plus  considérable  est  celui  des  Ema-Velou,  appelés  Be- 
lonais  [Beloeneezen)  par  les  Hollandais.  Ils  occupent  toute  la  moitié  orien- 
tale et  une  grande  partie  de  la  région  du  centre  et  comprennent  un  nom- 
bre considérable  de  tribus  :  de  là  ce  nom  de  Yelou,  qui  signifie  «  Amis  » 
ou  «  Alliés  >'.  Ils  prétendent  être  venus  des  Moluques,  ce  (pii  est  probable- 
ment vrai  pour  les  familles  de  leurs  chefs,  et  ils  attribuent  une  origine  ana- 
logue à  leurs  voisins  occidentaux,  les  Timoriens  proprement  dits,  quoi- 
qu'ils leur  donnent  aussi  l'appellation  d'Ema-Davan  ou  «  Javanais  )>.  Ces 
Timoriens  ou  Toh-Timor  habitent  les  régions  occidentales  de  l'Ile,  à  l'ex- 
ception de  la  pointe  extrême,  où  vivent  les  Aloeli  Koepang,  dont  le  ]irince 
réside  à  l'ouest,  dans  l'île  de  Samaoe'.  Des  marchands  étrangers,  bougi, 
chinois,  européens,  se  sont  établis  dans  les  ports,  et  l'on  sait  qu'une  race 
mélangée,  celle  des  «  Portugais  noirs  »,  a  fait  souche  dans  la  partie  sep- 
t<>ntrionale  de  l'île,  notamment  dans  les  principautés  d'Ambenou,  d'O- 
kussé  et  de  Noimuti,  qui  forment  une  enclave  portugaise  au  milieu  du 
territoire  hollandais.  Les  princes,  même  dans  le  territoire  hollandais,  ont 
reçu  le  nom  defettor,  du  portugais /)'//o/'.  intendant. 


'  Riedel,  liiillcli/i  ae  in  Soctcté  de  Géoyrnphie,  187'.t. 

*  Tcirimincli,  Coup  d'œil  sur  les  Possessions  Néerliiinhiises  dans  l'Inde  ArrliijxUnqiiine 

XIV.  M 


U-2  NOUVELLE  GÉOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

Les  Bcloiiais  cl  les  Timoriens  non  oncorc  soumis  à  riulhience  des  mis- 
sionnaires catholiques  ou  jtrolestants  ont  un  culte  animiste  assez  déve- 
loppé. Ils  adorent  un  «  Maitie  de  la  Lumière  »,  Ousi-Neno,  qui  demeure 
dans  le  soleil  et  qui  a  pris  la  lune  j)our  épouse.  Ils  voient  dans  les  astres 
les  résidences  d'autant  de  divinités  d'ordre  inférieur;  mais,  tout  en  révé- 
rant ces  dieux  lointains,  ils  adressent  surtout  leurs  prières  aux  objets  de 
la  nature  (pi'ils  voient  à  côté  d'eux  :  montagnes  et  rochers,  arbres  et  fon- 
taines; ils  apportent  aussi  des  offrandes  aux  âmes  des  morts,  intermé»- 
diaires  obligés  de  toutes  les  communications  des  hommes  avec  les  dieux 
supérieurs.  Les  lieux  vénérés  deviennent  pomali  pour  eux,  et  nul  ne  peut 
V  jiénétrer  sans  la  permission  des  prêtres  :  abattre  une  branche  dans  un 
bois  sacré,  se  baigner  dans  une  source  sainte,  seraient  autant  de  crimes 
dignes  de  la  mort.  Les  lois  du  tabou  ne  sont  pas  moins  respectées  à  Timor 
que  dans  les  îles  polynésiennes  et  chez  les  Sakalaves,  et  les  ressemblances 
des  cultes  sont  telles,  qu'on  doit  y  voir  moins  l'effet  d'une  évolution  natu- 
relle à  l'esprit  humain  que  les  indices  d'une  civilisation  jadis  commune  aux 
insulaires  de  Madagascar,  de  Timor  et  de  l'Océanie.  Chaque  village  a  son 
temple,  caché  dans  un  bois  sacré  et  entoui'é  d'une  forte  barrière.  Chaque 
État  a  son  sanctuaire  particulier,  lieu  terrible,  duquel  les  profanes  n'osent 
ap|Moclier  dès  qu'ils  ont  vu,  à  travers  le  feuillage,  les  crânes  de  buffles  (pii 
en  ornent  les  portes.  Ces  temples  sont  l'habitation  du  loul'tk  ou  génie  pro- 
tecteur, qui  siège,  au  centre  de  l'édifice,  sur  une  pierre  jetée  du  haut  du 
ciel  par  le  dieu  de  la  lumière.  Les  Timoriens  croient  aussi  à  de  mauvais 
génies,  auxquels  ils  offrent  eu  sacrifice  des  bêtes  noires,  tandis  que  les  ani- 
maux h  poil  roux  sont  réservés  pour  les  dieux  protecteurs'. 

Les  Timoriens  se  tatouent  diverses  parties  du  corps  avec  des  épines,  se 
liment  les  dents  en  pointe  et  souvent  se  les  peignent  en  rouge,  de  la  cou- 
leur des  giaiiis  de  grenade,  afin  de  »  ne  pas  resscinblcr  à  des  singes  >>  ; 
dans  quelques  tribus  les  indigènes  liches  ornent  leurs  dents  de  lamelles 
d'argent  ou  d'or.  Les  mœurs,  relativement  au  mariage  et  à  l'héritage, 
varient  singulièrement  suivant  les  peuplades.  Tandis  que  dans  certaines 
contrées  les  femmes  sont  toujours  prises  en  dehors  de  la  tribu,  il  en  est 
d'autres  où  les  unions  sontendogames  :  ici  prévaut  le  droit  paternel  avec 
l'héritage  de  père  en  fils,  ailleurs  le  droit  maternel  avec  l'héritage  de  l'onde 
au  fils  de  la  sœur.  Il  est  des  tribus  où  le  jeune  homme  n'entre  dans  l'as- 
semblée des  égaux  et  ne  peut  contracter  mariage  qu'après  avoir  abattu  une 
ou  plusieurs  tètes,  comme  le  Dayak  de  Bornéo,  mais  seulement  en  guerre 

'   Vi'tli,  iiR'iiiciirp  cité;  —  Ailiilf  Bastian,  liidûiicsint  (jdrr  <lif  liiscl/i  des  Mutiiiihchcii  Anliiin-t 


TIMOUIENS,   KUEl'A.NG.  «3 

(ItTlaréc.  ou  dans  les  eérémonios  funèbres.  Aussi  les  guerres  élaienl-elles 
incessantes  entre  les  tribns;  mais,  d'après  la  coutume,  elles  devaient  se 
faire  en  observant  un  certain  «  droit  des  gens  ».  Les  crieurs  ou  «  chiens 
du  pays  »  appelaient  aux  armes  tous  les  hommes  valides,  puis  une  bande 
choisie  se  rendait  sur  la  frontière  pour  jeter,  en  signe  de  provocation,  une 
tête  de  chien  noir  sur  le  territoire  ennemi.  Dès  qu'un  homme  est  tué,  le 
combat  s'arrête,  le  vainqueur  s'élance  sur  le  cadavre,  crie  son  {)ro|)re  nom 
et  demande  celui  du  vaincu.  Après  le  rétablissement  de  la  paix,  il  rem!  le 
crâne  de  la  victime,  avec  une  amende  versée  par  la  communauté;  sinon,  il 
aurait  à  payer  «  sang  pour  sang  »'.  Les  lois  timoriennes  sont  très  sévères 
et  la  peine  de  mort  est  prononcée  |)our  la  plupart  des  crimes  ou  délits; 
mais  le  rachat  de  la  condamnation  est  permis  :  les  pauvres  sont  donc  les 
seuls  que  frappe  la  loi  ■. 

Les  princes  ou  «  lils  du  Soleil  »  sont,  comme  en  beaucou|)  d'auli'es 
pays,  censés  ne  pas  mourir.  Us  «  s'endorment  »  seulement  et  ne  sont  enter- 
rés (|ue  très  longtemps  après  le  commencement  du  long  «  sommeil  ».  En 
quebjues  districts  on  les  expose  en  des  cercueils  ouverts  au  sommet  des 
arbres  ;  ailleurs  les  épouses  gardent  le  corps  sur  leurs  genoux  pendant  des 
mois  entiers,  et  on  ne  l'ensevelit  qu'à  l'état  de  momie  desséchée,  couché 
sur  le  dos,  «  afin  qu'il  puisse  regarder  son  père  ».  Ses  trésors  sont  en- 
fouis avec  lui  et  jadis  on  lui  donnait  une  escorte  d'esclaves;  encore  de 
nos  jours  on  le  fait  accompagner  d'un  chien,  qui  doit  le  guider  sur  la 
roule  d'outre-tombe;  chacun  de  ses  sujets  doit  lui  apporter  un  présent. 
Des  buttes  de  pierres,  d'autant  plus  hautes  que  le  personnage  était  plus 
puissant,  sont  érigées  sur  les  fosses.  Cependant  ou  craint  que  les  morts 
ne  reviennent  et  le  chemin  qu'a  sui\i  le  cadavre;  est  fermé  |iar  uiu-  |ialis- 
sade  de  bambous. 


Koe[)ang,  la  capitale  de  la  partie  hollandaise  de  Timoi'  et  des  iles  du 
sud-ouest,  est  une  des  villes  les  moins  salubres  de  l'Insulinde.  Située  sur 
la  rive  méridionale  d'une  baie  qui  échancre  profondément  l'extrémité  sud- 
occidentale  de  Timor,  elle  occuj)e  un  sol  trop  bas  et  l'air  n'y  est  pas  assez 
icnouvelé  :  les  chaleurs  y  sont  (''louffanles.  Néanmoins  cette  ville,  jieuplée 
d'environ  7000  habitants,  Timoriens,  Malais,  Chinois  et  Européens,  est 
devenue,  grâce  à  sa  rade  et  au  choix  qu'en  ont  fait  les  autorités  néerlan- 


'  U.  0.  Forbes,  ouvrage  cilc''. 

*  A.  de  Castro,  Ans  allai  Wcllllicilcii,  déc.  l!S7'i. 


m 


NOUVELLE   (iÉOGRAPHlE   UNIVERSELLE. 


daisL's,  la  |(laco  tic  commerce  la  plus  importante  de  Timor  :  elle  est  très  fré- 
quentée pendant  la  mousson  du  sud-est,  mais  les  boutres  des  marchands 
de  Solor  et  de  Celèbès  l'évitent  pendant  la  mousson  d'ouest.  On  exporte 
surtout  de  Koepang  du  bois  de  sandal,  des  chevaux,  des  oranges  exquises 
et  la  cire  de  l'abeille  sauvage  (apis  dorsctta),  qui  suspend  son  nid  aux 
branches  des  grands  arbres  ;  en  outre,  les  marins  de  l'archipel  de  Solor 
viennent  pêcher  dans  ses  eaux  des  poissons  de  toute  espèce,  poursuivre  les 


KOEPANG. 


i2l'i5-  Est   de  Par-îs 


I83°35-  Est  de  Greenwich 


^r'o/'ont/euns 


1    :  300  000 


cétacés,  recueillir  les  huîtres  perlières.  C'est  à  eux  que  les  Chinois  achètent 
les  ailerons  de  requin,  l'écaillé  de  tortue,  les  holothuries.  Quant  aux  gens 
de  Timoi'  et  de  Rotti,  ils  se  hasardent  rarement  en  mer;  ils  sont  presque 
exclusivement  agriculteurs.  Ceux  de  Rotti  préparent  en  abondance  du  vin 
de  palme  très  apprécié  et  vendent  d'excellents  petits  chevaux,  »  grands 
comme  des  chiens  de  Terre-^euve  ■>. 

Alapoepoe,  vers  le  milieu  de  la  côte  septentrionale  de  Timor,  est  aussi 
une  bourgade  ouverte  au  conimeice  étianaer.  Elle  est  située  non  loin   de 


KOEPANG,    ItILLI.  .445 

la  IVontièro  portugaise,  dans  la  province  de  Filarang,  l'une  de  celles  ([ue 
l'on  dit  être  le  plus  riches  en  veines  de  cuivre;  pourtant  ce  métal  n'a  pas 
encore  été  sérieusement  exploité.  C'est  à  l'est  d'Atapoepoe  que  se  trouvent 
les  districts  habités  par  les  «  Portugais  noirs  »,  dont  le  chef-lieu  est  Okussé, 
autre  village  riverain.  Les  régions  montagneuses  qu'on  aperçoit  au  sud 
appartiennent  au  petit  Etat  de  Sonebaït,  où  réside  un  lioraï,  c'est-à-dire 
un  '<  empereur  »,  de  qui  dépendaient  jadis  presque  toutes  les  principautés 
occidentales  de  Timor.  Un  autre  «  empereur  »  a  pour  capitale  le  village  de 
Waiwiko,  sur  le  rivage  de  la  mer  des  Indes.  Les  Timoriens  n'ont  guère  de 
villages;  leurs  cabanes,  dont  on  ne  voit  par  côté  que  le  toit,  posé  sur  le  sol, 
sont  éparses  en  petits  groupes,  habités  chacun  par  une  famille'. 

Centre  administratif  d'un  territoire  plus  populeux  que  la  moitié  néerlan- 
daise de  Timor,  la  ville  de  Dilli,  où  demeure  le  gouverneur  portugais,  est 
de  moindre  importance  que  Koepang;  elle  a  même  déchu  de|)uis  le  milieu 
du  siècle  :  plus  de  5000  personnes  l'habitaient  alors,  tandis  qu'en  1S7U 
sa  population  n'atteignait  pas  3100  habitants  avec  les  faubourgs.  Encore 
plus  que  Koepang,  c'est  une  ville  insalubre,  exposée  à  l'air  pestiféré  des 
marécages  ;  mais  elle  possède  une  assez  bonne  rade  et,  du  large,  présente 
une  belle  apparence.  La  plupart  des  maisons  sont  à  demi  ruinées;  seuls 
l'église,  le  couvent,  le  séminaire,  qui  dominent  Dilli  du  haut  d'une  ter- 
rasse voisine,  sont  restés  en  bon  état  d'entretien.  Quelques  bannis  repré- 
sentent la  part  la  plus  considérable  de  la  colonie  portugaise.  DesBougi,  des 
Chinois,  des  Arabes,  et  deux  ou  trois  Indiens  de  Goa,  occupant  un  faubourg 
distinct,  sont  les  principaux  intermédiaires  du  commerce,  (jui  comprend 
surtout  le  café,  la  cire,  le  bois  de  sandal  à  l'exportation,  et  le  riz  à  l'im- 
portation'. Le  café  de  Timor  est  de  (jualifé  supérieure;  aussi  de  nom- 
breuses caféteries  se  sont-elles  récemment  fondées  dans  les  provinces  les 
plus  rapprochées  de  Dilli.  Les  plantations  de  canne  à  sucre  et  de  tabac 
sont  beaucoup  moins  importantes,  et  les  plants  de  chinchona,  dont  le  gou- 
verneur de  Java  avait  fait  présent  à  celui  de  Dilli  en  1874,  ont  été  négli- 
gés :  à  peine  en  trouve-t-on  encore  trois  ou  quatre  exemplaires  dans  les 
plantations  de  la  montagne'.  Le  froment,  <|ue  l'on  cultive  sur  les  plateaux 
et  sur  les  pentes,  à  1000  mètres  d'altitude  seulement,  est  de  très  bonne 

'  II.  0.  Korbes,  ouvrage  cité. 
-  Commerce  de  Uilli  en  1884  : 

Importation I  114  410  francs. 

Exportation i  4.")9  850 


Tohd :>  544 '240  francs. 

'  José  ilos  Sanlos  \ai|MiMliiis,  UdIcHiii  du  Sutk'iliiilc  ilc  licuyrapliid  ilc  Lisluiii,  1881. 


«(!  .NOUVELLE   GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

(|ualili5'.  Une  des  principales  industries  dn  Timor  por(iij;ais  est  le  lissa<>e 
des  sacs  en  fibres  de  plantes  diverses  :  ce  sont  les  femmes  qui  se  livrent 
à  ce  travail  au  profit  des  négociants  chinois. 

Balugudé,  près  de  la  frontière  hcillandaise,  Mauliara,  situé  en  face  de  la 
pointe  orientale  de  l'île  d'Omliaai.  Manatuto,  à  l'est  de  Dilli,  sont  des  vil- 
lages de  la  côte  septentrionale  qui  font  aussi  (juekjue  commerce.  Près  de 
Maubara,  les  roches  sont  traversées  de  riches  mines  de  cuivre  encore  inex- 
jiloilées.  D'après  Yaquinhas,  les  «  Portugais  noirs  »  de  Lifau  parlent  le 
portugais,  et  même  quelques  naturels  le  lisent  et  l'écrivent.  La  force  pu- 
blique portugaise,  dite  «  infanterie  de  Timor  »,  se  compose  exclusivcmenl 
de  condamnés  aux  travaux  puldics. 

Au  nord  de  Dilli  s'élève  en  pleine  mer  la  montagne  escarpée  de  Kam- 
bing,  la  seule  île,  en  dehors  de  Timor,  que  les  traités  aient  laissée  aux 
Poilugais  ;  sa  population  est  de  '2000  habitants. 


XII 

ip 

ILES    Dr     ((    SlD-nlEST    »     (UT    Zrin-WESTKR    EII.A.VDEN. 

Ces  terres,  groupées  sous  le  nom  commun  d'îles  ><  Sud-Occidenlales  », 
})ai'ce  qu'elles  se  trouvent  pour  la  plupart  au  sud-ouest  d'Amboine,  le 
centre  administratif  et  commercial  dont  elles  dépendent,  sont  plus  fré- 
quemment désignées  par  les  marins  anglais  sous  l'appellation  de  Servvatty. 
dérivée  par  corruption  de  la  dénomination  hollandaise  Zuid-Wester". 
Ouoi(|ue  réunies  par  le  gouvernement  en  une  même  province  maritime, 
elles  ne  constituent  nullement  une  division  naturelle,  car  elles  appar- 
lieniH'iit  à  des  rangées  et  à  des  grou|ies  distincts.  Les  îles  méridionales,  les 
plus  nombreuses,  continuent  à  l'esl  la  grande  île  de  Timor,  dont  elles  ne 
sont,  pour  ainsi  dire,  que  les  fragments;  les  îles  du  centre,  plus  clairse- 
mées, mais  comprenant  la  terre  considérable  de  Wetter,  font  partie  <le 
l'alignement  volcanique  de  Java  et  Bali  ;  enliii  le  cône  du  goenong  Api  ou 
de  la  montagne  Brûlante  et  quelques  îlots  émergés  de  faibles  dimensions 
soni  considérés  par  Junghuhn  comme  formant  l'extrémité  orientale  d'une 
autre  rangée  volcanique,  indiquée  de  dislance  en  distance  au-dessus  des 
Ilots.  Mais,  si  différentes  qu'elles  soient  les  unes  des  autres  par  leur  ori-- 
giiie  sédimeiilaire,  coralligi'iie  ou  volcanicpie,  les  îles  Sud-Occidenlales  se 


'  AVallaci',  DUvnige  cilt'. 

-  I).  IL  Kdiff.  Voiidçies  of  Ihc  Dulili  biig  l)i>iiiija,W.inf.li\cA  liy  Georye  Wiailsui- Eiiil. 


TIMOR,    ILKS   «  SI D-OCCIDENTALES  ».  Ai^ 

rt'ssemijk'iil  par  leur  liisloirc  j)oliti(HiL'  i'I  commerciale.  Faililemeiit  peu- 
plées, elles  ont  été  longtemps  délaissées  comme  sans  importance  aucune, 
et  en  1825  et  1826,  quand  un  hrick  néerlandais  fit  la  tournée  de  ces  iles, 
trente,  quarante  années,  même  un  demi-siècle  s'étaient  écoulés  depuis  que 
les  indigènes  n'avaient  aperçu  un  navire  de  la  nation  à  laquelle  ils  élaienl 
censés  appartenir.  Ils  accouraient  au-devant  des  Hollandais,  précédés 
de  leurs  chefs,  qui  s'étaient  parés  de  l'hahit  et  du  tricorne  à  la  mode 
de  1780  et  brandissaient  leur  hàlon  d'Iionneui'  mar(|né  aux  armes  de  la 
Compagnie. 

Les  iles  les  plus  remarquables  par  leur  forme  et  leur  relief  sont  naturel- 
lement les  îles  volcaniques.  La  montagne  du  «Feu»,  le  goenong  Api, 
isolée  au  milieu  de  la  mer  et  complètement  inhabitée,  dresse  un  cône 
supeibe,  d'où  ne  sortent  plus  de  vapeurs.  La  grande  île  Wetter  ou  Wella, 
(jui  fait  face  à  la  côte  septentrionale  de  Timor,  prolonge  parallèlement  à 
celle  île  une  chaîne  de  pitons  volcaniques,  d'apparence  stérile,  au  milieu 
desquels  se  sont  réfugiés  de  timides  naturels.  Kisser  ou  Kissa,  située  plus 
à  l'est,  près  de  la  côte  de  Timor,  est  également  une  terre  montagneuse. 
Choisie  au  dernier  siècle  comme  centre  administratif  des  îles  du  Sud- 
Ouest,  elle  est  aussi  celle  dont  la  population  est  le  plus  policée;  mais 
la  famine  y  a  souvent  fait  des  ravages  :  les  pluies  ne  tombent  pas  sur  ses 
pentes  en  assez  grande  abondance  pour  les  cultures,  et  souvent  les  indi- 
gènes ont  dû  émigrer  vers  les  terres  voisines.  Roma,  qui  succède  à  Wetter 
et  à  Kisser  vers  le  nord-est,  environnée  d'îlots  et  de  récifs,  est  au  con- 
traire une  île  féconde,  exportant  une  partie  de  ses  récoltes.  Puis  vient 
Damma,  culminant  au  nord-est  par  une  montagne  toujours  fumante,  dont 
la  base  laisse  échapper  des  sources  thermales;  ses  forêts  étaient  autrefois 
riches  en  muscadiers,  que  fit  arracher  la  Compagnie  des  Indes  et  qu'une 
autre  compagnie  cherche  à  iulroduire  de  nouveau  dans  l'île.  Nila,  échan- 
crée  à  l'ouest  d'un  cratère  et  dominée  par  un  volcan,  quelquefois  actif 
(485  mètres),  puis  Saroea,  terminent  à  l'orient  la  chaîne  javanaise  des 
volcans. 

La  rangée  méridionale  des  îles  qui  semble  continuer  Timor  commence 
avec  Letti,  la  plus  populeuse  des  îles  Sud-Occidenfales,  une  de  celles 
dont  les  habitants  se  distinguent  par  la  probité  et  la  sévérité  des  mœurs. 
Jadis  les  parents  tuaient  eux-mêmes  leui's  enfants  coupables  d'avoir  violé 
la  coutume;  la  Compagnie,  cherchant  des  esclaves  pour  ses  plantations 
d'épices  à  Banda,  intervint  pour  commuer  la  peine  de  mort  en  servitude 
à  son  profit  :  elle  put  augmenter  ainsi  ses  chiourmes  de  travailleurs.  Moa, 
])eu  éloignée  de  Letti,  et  dominée  au  nord-est  par  un  morne,  le  «  pilon  du 


448  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

Buffle  »,  qui,  toutes  proportions  gardées,  ressemble  au  pic  de  Tenerife,  est 
aussi  une  terre  très  peuplée  et  ses  habitants  font  un  assez  grand  com- 
merce ;  mais  la  coutume  ne  permet  pas  aux  navires  d'ancrer  dans  les  eaux 
de  cotte  île,  et  les  indigènes  ne  doivent  pas  exporter  de  denrées  :  les  trai- 
tants de  Letti  viennent  les  chercher  en  de  petites  embarcations  et  les 
portent  dans  leur  île;  tout  autre  mode  de  traiîc  attirerait  le  malheur  sur 
les  gens  deMoa.  Lakor,  très  voisine  de  Moa,  n'est  qu'un  banc  de  corail 
émergé  s'élevant  d'environ  6  mètres  au-dessus  de  la  mer;  elle  n'a  point 
de  fontaines,  et  les  habitants  doivent  recueillir  l'eau  de  pluie  dans  leurs 
citernes.  Loeang  est  aussi  environnée  de  récifs,  où  l'on  pèche  les  holothu- 
ries ou  biches  de  mer  les  plus  appréciées  de  tout  l'archipel.  La  haute 
Sermatfa,  longue  chaîne  lie  collines  escarpées,  sans  criques  accessibles  à 
sa  base,  est  rarement  visitée,  tandis  que  Babber  ou  Baba,  entourée  d'îlots 
nombreux,  est  fréquentée  par  les  caboteurs.  Comme  les  Pajwua  des  îles 
situées  plus  à  l'est,  les  gens  de  Babber  s'enduisent  les  cheveux  de  chaux  et 
d'autres  substances  pour  leur  donner  une  belle  couleur  jaune  d'or,  et  les 
attachent  gracieusement  avec  un  mouchoir  éclatant  ou  une  feuille  de  pal- 
mier. La  pelile  île  de  Wetang  est  un  magniti(|ue  jardin  dépendant  de 
Babber'. 

Au  siècle  deiiiier,  lorsque  la  Compagnie  entretenait  un  comptoir  et  un 
forlin  dans  presque  toutes  les  îles  du  Sud-Ouest,  les  indigènes  avec  les- 
([uels  les  Hollandais  se  trouvaient  en  fréquentes  relations  s'étaient  con- 
vertis au  christianisme  et,  en  témoignage  de  leur  changement  de  foi, 
avaient  pris  un  costume  noir  et  des  noms  européens.  En  1825  et  1820,  le 
chapelain  qui  accompagnait  l'expédition  de  Kolff  était  à  peine  débarqué 
dans  un  village,  (jue  les  «  chrétiens  »  l'entouraient  pour  faire  bénir  leurs 
mariages  et  baptiser  leurs  enfants.  Ces  chrétiens,  dont  quelques-uns 
savaient  encore  lire  et  écrire,  sont  presque  partout  considérés  comme 
étant  de  race  supérieure,  et  en  maints  endroits  les  indigènes  restés  païens 
sont  tenus  |)ar  eux  dans  une  demi-servitude.  Leur  autorité  est  d'autant 

'  Supeilkk'  fl  jxipiihlion  présiimi'e  des  îles  SmI-Occidenlales  : 

Weller 2  721  kildin,  c.més.  7  540  liab.  d'après  Riedel,  en  1SS(!. 

,  Kisser 97              »             9  800  n 

Roma 589             »             t  145  » 

Dainma  et  ilols  vnisiiis    ....  .")20             »             i  697  ii 

Nila  et  Saroea t.V2             o            2  590  n 

Letti,  Moa  et  Lakor 720             «           t0  897  » 

Loeang.  Sermalta  et  îlots  voisins  200             »             6  881  » 

Baldier,  Wetang,  Daai    ....  618             »           21  871  » 

Ensemble.    .    .    .      5  197kiloin   earrés.  62 -427  habitants. 


ILES   (I  SUD-ORIENTALES  ».  449 

plus  grande  (|irils  se  larguent  du  lilif  d'Anak  Compania  ou  "  Fils  de  la 
Compagnie  »,  dû  à  l'union  d'aïeux  européens  avec  des  femmes  indigènes. 
Le  missionnaire  Rinnooy  constate  que,  malgré  la  faible  part  de  sang  hol- 
landais restant  après  quatre  ou  ein(|  générations  chez  les  naturels  «  lilancs  » 
de  Kisser,  descendants  de  soldats  de  diverses  nationalités  européennes, 
nombre  d'entre  eux  ont  encore  un  teint  notablement  j)lus  clair  que  celui 
de  leurs  voisins,  des  yeux  bleus  et  la  chevelure  blonde;  d'après  Mayer, 
leurs  champs  seraient  cultivés  par  des  esclaves  achetés  sur  les  côtes  por- 
tugaises de  Timor.  Kn  ces  derniers  temps,  l'Islam  a  l'ait  des  conquêtes 
dans  l'archipel.  Les  naturels  de  plusieurs  îles,  notamment  de  Wetter  et 
de  Kisser,  (|ui  fuient  la  présence  des  blancs,  sont  désignés  sous  le  nom 
d'Alfouroii,  ap|iellalion  (|ui  d'ailleurs  n'a  pas  de  sens  elhni(jue.  Chaque  vil- 
lage est  administré  par  un  uranij-kaija,  choisi  parmi  les  notables  et,  dans 
quel(jues-unes  des  îles,  un  chef  supérieur  commande  à  ceux  de  tous  les 
autres  villages;  mais  leur  titre  est  surtout  honorifique,  et  la  puissance  de 
la  coutume  ne  leur  permet  guère  de  donner  cours  à  leurs  caprices.  En 
maints  endroits  prévalent  encore  des  mœurs  communautaires  :  c'est  ainsi 
que  les  indigènes  de  Lakor  et  de  Moa  vont  d'une  île  à  l'autre  sans  em- 
porter de  provisions;  ils  prennent  ce  dont  ils  ont  besoin  dans  les  planta- 
lions  de  leurs  voisins,  et  ceux-ci  leur  rendront  la  pareille  à  l'occasion, 
sans  que,  même  en  temps  de  querelle,  il  soit  jamais  ((ueslion  entre  eux 
de  vente  ou  de  payement'. 

XIII 

ILES     «     SL'D-OniF.  NT.VLES    »,    ARCIllI'KLS     DE     T  E  M  M  B  E  R     ET     DE     KEl. 

Il  eût  semlih'  naturel  d'indiquer  la  position  gi''ogiaplii(|ue  de  ces  îles 
par  rapport  avec  la  grande  terre  de  la  Papouasie,  dont  les  îles  Kei  sont  à 
120  kilomètres  seulement  ;  mais  les  marchands  hollandais  (jui  ont  en  cer- 
tains endroits  modifié  la  nomenclature  malaise  de  l'insulinde  ne  connais- 
saient que  leurs  entrepôts  de  commerce,  et  c'est  relativement  au  port 
d'Amboine,  le  chef-lieu  des  Moluques  et  leiu-  marché  ])rinci])al  dans  ces 
possessions  lointaines,  qu'ils  fixèrent  la  position  des  aichipels  de  Tenim- 
ber  et  de  Kei  :  ils  en  tirent  les  îles  «  Sud-Orientales  )>,  comme  ils  avaient 
fait  de  Wetter  et  de  ses  voisines  les  îles  <<  Sud-Occidentales  ».  D'autre  part, 
les  navigateurs  de  Macassar  avaient  donin'  le  nom  d<'  Timor-Laoet,  «  Orient 
des  Mers  »,  à  la  plus  grande  des  îles  de  Teiiimber,   |iour  en   indii|uer  la 

'  Kollï,  ouvra^'c  cité. 

xiT.  57 


4J0  NOUVELLE   GÉOGRAIMIIK   UNIVERSELLE. 

position  sii(l-oi'iL'iil;ilo  par  l'apporl  à  (^cIôIjôs.  Au  [loiiil  de  vue  de  la  géo- 
graphie générale,  ces  îles,  (jui  appartienueut  eneore  à  la  région  malaise, 
pcuvenl  être  considérées  comme  l'ormanl  la  limite  orientale  du  monde 
indonésien  :  à  l'ouest  s'étend  la  mer  île  Banda,  parsemée  d'iles  où  vivent 
des  populations  malaises;  à  l'est  commence  la  mer  dite  d'Ai-al'oura,  dont 
les  rivages  sont  habités  parles  populations  papouasiennes  et  australiennes. 

D'une  superficie  assez  considérable,  mais  iai])leiiienl  peuplées',  les  lies 
Sud-Orientales  ne  sont  pas  encore  bien  connues  des  marins,  et  le  con- 
tour des  côtes  est  rà  et  là  (racé  en  lignes  incertaines.  Même  à  une  époque 
toute  récente  on  croyait  que  la  grande  île  de  Tenindier  ou  Taiiah  Imber  se 
prolongeait  sans  interruption  juscju'à  la  pointe  méridionale  de  l'archiitel, 
et  la  plu|)art  des  caries  usuelles  piésenleni  encore  cette  erreur,  l'ourtant 
les  naturels,  avec  lesijuels  les  marchands  hollandais  traitent  de[tuis  [ilus  de 
deux  siècles,  savent  parrailemeni  que  leur  territoire  se  divise  en  deux 
îles  ilistinctes,  et  ils  donnent  à  chacune  d'elles  un  nom  dilT(''rent.  Owen 
Stanley,  <pii  \isila  Tenindier  en  ISGD,  dit  aussi  (|u'elle  comprend  "  plu- 
sieurs lies  sépari'-es'  ».  Enlin,  en  1(S7N,  un  naviic  de  lianda,  \'lùjcf<)ii, 
rraïuhit  le  détroit  profond  qui  s'ouvre  entre  Vamdena  et  Selai'oe,  et  dont 
les  baies  latérales  olTrent  d'admiraljles  poris  de  l'clnge,  par  des  fonds  va- 
rialilcs  de  I,")  à  SI)  mètres.  .Mais  il  reste  bien  des  n'cherchcs  à  faire  avant 
que  l'exploration  hydrographiipu'  de  l'archipel  Tenimber  puisse  être  con- 
sidérée comme  achevée.  Kncoi'c  en  l(S(SS,  le  navire  Sawaramj  a  signalé 
vers  l'extrémiic'  sud-occidciitale  de  rai'(hi|(el  une  Ile  inconnue  de  |)lus  de 
3  kilomètres  de  longueur. 

Les  deux  îles,  com|)osées  de  roches  calcaires,  n'ont  dans  pres(|ue  t(uile 
leur  ('leiidue  (|u'iin  faible  relief  :  la  j)lus  haute  cime  de  l'archipel,  piès 
de  la  i-nW.  occidentale  de  Vamdena,  est  le  volcan  insulaiic  de  l,aibobar,côn<> 
paifailemenl  i'(''gulier  (pii  s'i'lèveiail,  d'après  Forbes,  à  (iOO  mètres  envi- 
ron :  des  [lierres  ponces  glissent  des  pentes  de  celte  monlagne  et  flottent 
dans  les  parages  des  alentours.  Les  falaises  de  Vamdena,  de  formation 
coralligène,  sont    biusquemenl   coupées  sur  une  grande  partie  du   pour- 


•  SiiiiiTliiii'  cl  |iii|Miliiliiin  |.njliiililcs  (les  ilcs  SiKl-Oricnliiirs  : 

Viiiiulcnn .'(18 1  Ivildiii  carri's.   ) 

Scl:ivn(. IKiU  „  i 


li'Oli  liaii.  cf:i|iro-^  ttlcdol. 


Tenimbkii  .   .  ,   , 

[   Autres   it.'s 1(100         ..  ( 

j..  \  ('.È-iimic  KM 082         »  588(1     » 

'■'■■■    ■/  Autres  it.'S  (lo  l'aiTlii]ieL         .Vill         ;.  117(10     " 

Eusi'u\lil(' (les  ik's  Su(l-fli'ieliliili.'S  .  .  7i4.j  kiluiu.  t-arrcs.  5(l.jt'J  tialiitautB. 

-  Itonry  (j.  F(U-l)cs.  .Imiriuil  ofllw  R.  Veujiriipliirnl  Sociclfi.  Mardi  1884. 


TEMMBER, 


451 


(out\  et  il  on  ost  (|iii   ii'alleignont  p;is   moins  do  50  mètres  au-dossns  du 
flot',  ce  (ini  lémoifinc  d'oscillations  considéraldes  dans  le  niveau  relatil'des 


N°    92.    TEMMBEn. 


130'  Est  de 


d'après  Forbes  et  les  -caf-t 


Pro  /on  c/ei>  ^~s 
ûeOÀ/OO""  c/e'ÛO'"et^^  c/e/À 


lOOO 


50  kil. 


terres  et  des  mers.  L'ilc  de  Larat,  que  l'éti'oit  canal  de  Wallace,  pareil  à 
un  sinueux  marifiot,  mais  navigable  même  ])our  de  grands  navires,  sépare 
de  Yamdena,  est  également  une  terre  basse,  tandis  (jue  l'extrémité  sep- 


Anna  F(iil)us,  IimiiliiKlc.  E.rpciiciice  uf  a  ^'dliirdlisl's  wifc  in  Ihc  Euslern  Anliipcltigo. 


452  NOUVELLE   GEOGRAPHIE  IMVERSELLE. 

k'iilrioiialt'  du  groupe  de  Tenimbcr,  l'ile  de  Verdate,sc  dresse  en  promon- 
toires escarpés.  Parallèlement  aux  iles  maîtresses  de  TenimLer  se  succè- 
dent à  l'ouest  de  petites  îles,  des  ilols  et  des  récifs  (juc  les  faibles  pro- 
fondeurs de  l'eau  rendent  en  maints  endroits  d'un  très  difficile  accès  et 
dont  le  tracé  sur  les  cartes  marines  est  encore  tout  [)rovisoire. 

La  nature  calcaire  du  sol,  percé  de  grottes  dans  lesquelles  disparaissent 
les  eaux  de  pluie,  a  privé  les  îles  Tenimber  de  ruisseaux  fécondants,  et  de 
vastes  étendues  du  territoire  sont  restées  infertiles  et  inhabitées.  Cepen- 
dant des  brousses  impénétrables  recouvrent  çà  et  là  les  pentes;  aucun 
félin  ne  s'y  cache,  mais  le  bétail  lâché  j)ar  les  j^iemiers  navigateurs  y  est 
devenu  sauvage  :  les  indigènes  ])oursuivent  ces  bœufs  noirs,  aux  cornes 
droites,  et  les  capturent  au  moyen  d'un  lacet  de  rotin  ou  les  luent  à  coups 
de  flèches.  Les  cochons  .sauvages  rôdent  aussi  en  grands  troupeaux  aux 
alentours  des  villages.  Tenimber,  de  même  que  la  plu|)art  des  Moluques, 
n'a  point  de  singes  dans  ses  forêts'.  L'ensemble  de  la  faune,  oiseaux  et  in- 
sectes, présente  un  aspect  néo-guinéen. 

Les  habitants  de  Tenimber  vivent  sans  maîtres.  quoi(jue  certains  indi- 
vidus se  donnent  h  vain  lilie  de  chef.  Peu  nombreux,  puisque  les  régions 
de  l'intérieur  et  la  partie  scplentrionale  de  Yamdeiia  sont  inhabitées  ou 
parsemées  de  rares  hameaux,  ils  ressemblent  beaucou[)  plus  aux  Malais 
qu'aux  Pa|)oua,  bien  que  la  race  soit  évidemment  mélangée.  La  nuance  de 
leur  peau  est  foncée,  leurs  cheveux,  jaunis  par  les  onguents,  sont  légè- 
rement crépus,  mais  leurs  liails  ont  une  grande  régularité  et  nombre 
d'entre  eux  ne  diffèrent  des  Kuropéens  que  par  la  couleur.  Les  femmes  sont 
plus  grandes  et  mieux  faites  que  la  plupart  des  autres  insulaires  leurs 
VDisines.  Les  jeunes  hommes  sont  des  modèles  achevés  d'équilibre,  de 
force  et  de  grâce  :nul  voyageur  (jui  ne  décrive  avec  admiration  les  groupes 
de  ces  beaux  adolescents,  à  la  chevelure  dorée,  aux  rouges  draperies  flot- 
tantes, se  penchant  en  arrière  pour  bander  leur  arc  ou  se  lançant  en 
avant  pour  darder  le  javelot.  Les  gens  de  Tenimber,  hommes  et  femmes,  se 
tatouent  légèrement  le  front,  le<  joues,  la  |ioilrine  et  les  poignets.  Les 
femmes  sont  ornées  de  bracelets  et  de  colliers  en  verroteries  rouges  et, 
lors  du  mariage,  portent  des  chevillères  en  cuivre  (pii  s'entre-choquent 
à  chaque  pas.  Les  riches  indigènes  qui  obtiennent  des  monnaies  d'or  en 
échange  de  leurs  holothuries  et  de  leur  écaille  de  tortue  en  fabriquent  de 
lourds  anneaux  et  des  pendants  d'oreilles.  Le  goût  artistique  les  distingue 
des  Malais,  (pii  leur  sont  très  inférieurs  pour  le  sens  du  beau  :  ils  déco- 

'   Kulft,  oima^'c  cili'. 


TEMMBER.  «3 

ront  leurs  pran  à  liahuicicr  de  lèles  (raiiiinaux,  réels  ou  fanlasli(jues, 
sculptées  éléfiammeut,  cisèlent  les  pilotis  de  leurs  cabanes  en  l'orme  de 
crocodiles  et  de  poissons  qui  se  comballent,  s'entremêlent  et  se  dévorent. 

Les  hommes  chantent  souvent,  mais  les  femmes  n'ont  point  le  droit  de 
les  accompagner  de  la  \iiix.  Tenues  ponr  iid'érieures,  elles  sont  toujours 
vendues  par  leurs  parents,  et,  tant  (jue  le  prix  d'achat,  consistant  en  objets 
d'or  et  en  dents  d'éléphant,  n'a  pas  été  payé  en  entier,  elles  restent  en 
gage,  elles  et  leurs  enfants,  dans  la  demeure  paternelle;  mais  les  îles  de 
Tenimber  n'ont  ni  mines  d'or  ni  troupeaux  d'éléphants,  et  le  jeune  homme 
doit  a((en(li'(^  s(uivenl  |)en(lant  d(>s  années  avant  d'avoir  pu  échanger  sa 
nacre  de  perle  et  son  Irepang  contre  le  |)récieux  douaire  apporté  de  Singa- 
pour par  les  traitants  badjo.  L'homme  qui  ravit  une  jeune  fille  à  un  fiancé 
ayant  déjà  payé  la  dot  est  puni  de  mort.  .V  Tenimber  les  préceptes  de  l'hy- 
giène convenue  obligent  les  mères  à  bercer  leurs  nourrissons  au-dessus 
d'un  feu  à  grande  fumée,  qui  chasse  les  mousli([ues  et  entretient  une  tem- 
pérature élevée  dans  la  boite  à  fond  plat  oii  l'enfant  est  couché  de  ma- 
nière à  s'aplatir  le  sommet  de  la  tète;  mais  on  ne  déforme  point  les  crânes 
au  moyen  de  planchettes,  comme  en  certains  dishicis  de  Celèbès.  Les  morts 
honorés  sont  toujours  déposés  dans  le  voisinage  de  la  mer,  sur  une  ]»lale- 
forme  de  branches  ou  sur  un  bloc  de  corail;  souvent  les  gens  de  Tenimber, 
de  même  que  le  faisaient  les  ancêtres  des  Malgaches,  placent  le  corps  dans 
un  canot,  qu'ils  décorent  de  marionnettes  et  de  banderoles  pour  écarter 
les  mauvais  génies,  (jnand  un  homme  a  été  décapité  dans  un  combat,  on 
remplace  sa  tête  par  une  noix  de  coco  pour  tromper  l'esprit  du  défunt  et 
lui  faire  croire  qu'il  est  encore  entiei''. 

Des  Arabes  et  d'autres  Mahométans  ont  cherché  à  répandre  leur  culte 
dans  les  lies  Tenimber,  mais  sans  succès  :  les  indigènes  ne  veulent  à  aucun 
prix  consentir  à  se  priver  de  leurs  boissons  spirilueuses  et  de  la  viande  de 
porc.  Ils  adorent  un  dieu  suprême,  Douadilah,  symbolisé  par  un  poteau 
.sacré  autour  duquel  ils  dansent  le  tjikehr,  et  par  des  images  grossières 
qu'ils  placent  dans  lenis  demeures  en  face  de  la  porte  :  ils  s'inclinent 
devant  ces  objets  saints  et  leur  présentent  toujours  une  partie  de  leur 
repas.  Même  en  voyage,  ils  portent  une  effigie  du  dieu  qui  les  patronne 
et  ils  s'arrêtent  pour  l'invoquer.  Ils  croient  aussi  à  une  existence 
future  pour  eux-mêmes  et  pour  tout  ce  qui  vit  :  le  pêcheur  ne  manqucia 
jamais  de  rejeter  dans  la  mer  une  partie  de  sa  capture,  afin  que  l'âme  du 
poisson  puisse  voyager  dans  le  monde  des  cs[)rits.  Les  gens  de  Tenimber 

'  Anna  Foi'bes,  oiivr;igc  cité. 


454  NOUVELLE  GÉOGRAIMIIE  UNIVERSELLE. 

montrent  au  loin  sur  la  mor  la  terre  où  ils  se  rendront  après  la  mort, 
mais  ils  se  gardent  bien  d'aller  la  visiter  pendant  la  vie;  les  marins 
l'évitent  avec  une  sainte  frayeur. 


Les  îles  Kei  ont  pi'ohahienii'nt  l'een  leur  nom  des  Portugais  :  ce  sont  des 
cai/ux  ou  des  écueils  comme  les  Arysde  la  Floride;  les  marins  de  ces  parages 
leur  donnent  le  nom  d'Kvar  ou  «  îles  des  Cochons  ».  Plus  rapprochées  que 
les  Tenimber  de  Banda  et  d'Amboine,  elles  se  trouvent  par  cela  même 
dans  le  centre  d'allraclion  de  l'islam,  et  une  partie  de  leur  population, 
peut-être  le  quart,  se  compose  de  mahométans,  paiini  lescjuels  les  fugitifs 
d'autres  îles  et  les  immigrants  volontaires  sont  assez  nombreux.  (Quelques 
habitants  des  Iles  fabri(|uent  des  poteries  (jue  l'on  expoi'te  dans  tous  les 
ai'chipels  environnants.  Les  insulaires  sont  aussi  de  très  habiles  construc- 
teurs de  bateaux,  et  les  marins  de  (ieram,  de  Banda,  de  Celêbès  viennent 
leur  en  acheter.  L'île  la  plus  considérable,  dite  la  Grande  Kei,  (jui  se 
prolonge  en  forme  de  navette  à  l'est  de  l'archipel,  contient  à  elle  seule 
les  deux  tiers  de  la  jjopulation;  mais  la  slalidii  la  plus  fréquentée,  Doela, 
se  trouve  dans  un  îlot  voisin  de  la  Petite  Kei,  à  l'ouest  de  la  Grande  :  là 
tout  un  cercle  de  collines  insulaires,  abritant  une  rade  profonde,  constitue 
un  |)ort  admirable,  visité  depuis  des  siècles  par  les  acheteurs  d'holothuries 
et  d'écaillé  :  en  aucune  partie  de  l'insulinde  ces  denrées  ne  sont  de  meilleure 
(jualité.  Les  eaux  de  l'archipel  siinl  aussi  d'une  l'ichesse  extiêiu<'  en  pois- 
sons. Depuis  quehjues  années,  des  j)lanteurs  se  sont  établis  dans  les  îles. 

En  IS,"),"),  deux  petites  îles  entourées  de  récifs  émergèrent  des  flots 
dans  le  voisinage  de  la  (irande  Kei,  à  la  suite  di'  Iremblemenls  de  terre  et 
de  mer. 

XIV 

CEI,  K 11  f;  s     ET     ILES     VOISINES. 

Cette  grande  terre,  la  troisième  de  l'insulinde  par  la  superficie,  et  la 
quatrième  j»ar  la  population  et  l'importance  commerciale,  rivalise  avec 
Java  poiu'  la  beauté  des  aspects  et  la  variété  des  phénomènes;  pour  la 
bizarrerie  des  contours,  elle  n'est  (''galée  que  ]iar  les  arcbi|)els  des  l'égions 
(Voides  du  noid  et  du  sud,  tailladés  de  l'j(M(ls  dans  tous  les  sens.  Celêbès 
ne  se  compose,  jiour  ainsi  dire,  que  d'une  ossature  de  montagnes;  les 
plaines  d'alluvions  qui,  dans  Bornéo,  ont  comblé  les  anciens  golfes 
ménagés  entre  les  chaînes,  maïKjueiit  dans  sa  rivale  de    l'est  :   elle   est 


ILES  Klil.   CELKISKS. 


i^^ 


loiile  en  péninsules  qui  se  ramifient  autour  d'un  nonul  central.  Jadis  on 
croyait  que  c'était  un  arcliipel  ;  Joào  tle  Barros,  dans  ses  Décades,  parle  des 
llhas  dos  Celebes  (îles  des  Celèbès),  et  même  des  ilhas  dos  Macacares, 
comme  si  Macassar  se  trouvait  en  dehors  des  Celèbès.  Au  nord,  se  re|doie 
en  une  double  courbe  la  presqu'île  d(^  Gorontalo  et  de  Minahassa;  au  mi- 
lieu, Celèbès  se  divise  en  deux  autres  langues  de  terre,  qui  pointent,  l'une 
au  nord-est,  dans  la  mer  des  Moluques,  l'aulre  au  sud-est,  dans  la  mer 
de  Banda;  enfin,  au  sud,  l'île  s'amincit  et  se  [)rojette  au  loin  vers  la  mer 
de  Flores  pour  former  la  péninsule  de  Macassar.  En  outre,  des  ramilica- 
tions  terminales  donnent  un  aspect  île  pinces  aux  membres  du  graiiil  corps 
insulaiie,  et  des  îles,  qui  appailiennent  évidemment  à  la  même  formalion 
que  Celèbès,  prolongent  dans  la  mer  chacune  de  ses  articulations.  Mais 
en  laissant  de  côté  les  îles  et  les  Ilots  celèbiens,  la  seule  grande  terre  oITre 
en  comparaison  de  sa  surface  un  developt)eraent  de  côtes  tout  à  fait  extraor- 
dinaire. Avec  une  superficie  légèrement  supérieuie  au  tiers  de  la  France, 
elle  n'a  pas  moins  de  5000  kilomètres  pour  l'ensemble  de  ses  rivages,  non 
comprises  les  indenlalions  secondaires  :  son  pourtour  côtier  égale  celui 
de  la  France  et  de  la  péninsule  lbéri(pie  réunies.  Partout  dans  Celèbès 
les  habitants  sont  rapprochés  du  liltoi'al;  le  |ioinl  le  plus  éloigné  de  la 
mer,  dans  les  montagnes  de  Lalimodjong,  vers  le  point  de  diramation  des 
chaînes  j)éninsulaires,  est  à  une  centaine  de  kilomètres  de  l'Océan. 

Cette  île  étonnante,  que  ses  golfes  et  ses  baies  rendeni  si  facile  d'accès 
dans  toutes  ses  parties  et  qui  possède  en  oulie  le  sol  le  plus  fertile,  les 
productions  naturelles  les  plus  riches,  est  pourtant  presque  déserte  en 
proportion  de  ses  ressources'  :  peuplée  comme  Java,  elle  aurait  trente  rail- 
lions d'habitants;  les  statistiques  a|)proxinialives  n'évaluent  pas  même 
à  un  million  d'individus  l'ensemble  de  la  population  du  groupe  insulaire 
de  Celèbès.  On  s'étonne  que  sous  le  régime  de  la  domination  ou  de  la 
suzeraineté  hollandaise  les  familles  se   soient  si  lentement  acci'ues  ;   c'est 

'  Superficie  et  population  de  Celèbès  et  des  îles  vuisiues  : 
Celèbès  et  terres  attenantes,  Kabaena, 

*Wo\voni,  etc 177  32Ukil.  carrés.       G50  000hab. 

Saleijer  et  îlots  voisins 085  »  hl  000  ii 

Boeton  et  Moena 8  O.ïà  »  '20  000  .. 

Tanah  Djainpca  et  îlots  voisins.    .    .    .  -453  »  50(1  )i 

Pcllinf!  et  Bangaaï .î  HO  »  10  000  .. 

Arcliipel  de  Soela 6  '2'i'2  »  0  500  n 

p        de  Togean 7-i5  ).  500  « 

i>       de  Sangi 950  »  40  000  i. 

i>        deTalaoef 007  »  5  000  i. 

Ensemble 1 1)8  4'J5  kilom.  carres.  788  500  liabitanls. 


456  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

que  les  Alfourou,  qui  consliluent  les  tribus  de  Celèbès  dans  l'intérieur 
de  l'île,  vivent  encore  pour  la  plupart  en  état  d'isolement  et  de  haines  hé- 
réditaires. En  maints  endi'oits  des  «  coupeurs  de  têtes  »  rôdent  aux  abords 
des  villages,  et,  jusqu'à  une  é[)oque  récente,  des  pirates,  cachés  deri'ière 
les  îlots  et  les  promonloires,  étaient  aux  aguets  pour  se  saisir  des  indi- 
gènes et  les  vendre  comme  esclaves.  Si  ce  n'est  en  quelques  districts  favo- 
risés, on  n'dsail  ])lus  culliver  le  sol  (ju'en  |)assaiit;  l'agriculture  était  aban- 
donnée pour  la  chasse  et  la  pèche,  et  des  marches  inhabitées  séparaient 
tous  les  «  royaumes  ».  Enfin,  la  conquête  des  Etats  populeux  de  l'île  par 
les  Européens  ne  s'est  pas  faite  pacifi(juement  comme  en  d'autres  terres 
de  l'insulinde.  Il  a  fallu  livrer  de  sanglants  combats,  qui  ne  se  sont  pas 
loujoui's  tei'minés  à  l'avantage  des  envahisseurs  blancs  :  c'est  pied  à  pied 
que  le  territoire  sur  lequel  les  Hollandais  se  sont  établis  solidement  a 
été  conquis  par  eux,  et  souvent,  même  pendant  ce  siècle,  des  retours  offen- 
sifs ont  été  tentés  par  les  insulaires,  Bougi  ou  Alfourou.  D'abord  les  Eu- 
ropéens vinrent  eu  hôtes,  et  les  premiers  coullils  n'eurent  lieu  qu'à  propos 
de  privilèges  commerciaux,  puis,  en  10(30,  c'est  comme  ennemis  du  Por- 
tugal que  se  pi'ésenlèreut  les  Hollandais  et  (ju'ils  s'emparèrent  du  fort  de 
Macassai',  défendu  par  une  garnison  portugaise.  Longtemps  ils  n'occupè- 
rent que  ce  point  du  littoial.  (juel([ues  années  plus  tard,  ils  concluaient 
un  trail(''  d'alliance  et  de  protectorat  avec  divers  Etats  de  la  péninsule  sud- 
occidenlale.  Depuis  celte  éjioque,  ils  n'ont  négligé  aucune  occasion  d'ac- 
croilre  leurs  privilèges  et  de  les  transformer  en  domination  effective; 
mais  dans  la  pluj)art  des  royaumes  de  l'intérieur  ils  n'ont  encore  ni  fonc- 
tionnaires, ni  représentants  :  c'est  même  à  de  longs  intervalles  que  se 
fiiil  la  visite  officielle  des  côtes. 

Celêbès  n'a  |)as  encore  été  explorée  dans  son  entier  et  quel(|ues  parties  de 
son  relief  ne  sont  connues  que  d'une  manière  générale.  Les  montagnes  de 
Latimodjong,  qui  constituent  le  nonid  central  et  desquelles  descendent  les 
rivières  les  plus  longues  et  les  plus  abondantes,  sont  précisément  une  des 
régions  les  plus  ignorées  dans  ses  détails  géogi'aphiques,  et  les  voyageurs 
n'ont  pu  évaluer  encore  la  hauteur  des  cimes.  D'a()rès  Schneider', Ja  rangée 
de  monts  que  l'on  doit  considérer  comme  la  chaîne  maîtresse  est  celle  qui, 
partant  du  cap  Palos  ou  Donggala,  sur  la  côte  occidentale,  se  dirige  au 
sud-est  vers  le  LatinKidjong  et  se  prolonge  par  la  péninsule  sud-orientale. 
L'ossature  de  ces  monts  est  composée  de  gneiss;  même,  en  certains  en- 
droits, des   massifs    de  granit    arrondissent   leurs  dômes   au-dessus  des 

'  Jtilirbiicli  lier  K.  K.  Geoloyisclicii  RciclisniisUill.  1S7G. 


CELEBES. 


457 


roches  secondaires  cl  lerliaires  de  leurs  deux  versaïUs.  Un  chaînon  laté- 
ral de  gneiss  se  détache  du  nieud  ccnlral  ])our  lormer  l'ossalure  de  la 
presqu'île  de  Balanle.  (hiaiil  à  la  péiiiiisulc  méridionale,  celle  de  Macas- 
sar,  elle  est  égaleracnl  doniinéc  par  des  nionls  ciislallins  ou  paléozoïques  : 


RKCION?    EXPLORKES    DE   CELEBES. 


E  .t  é 


ûeûà-POÛ'"    e/<^SûÛÀ/ÛOO"'      ^<^/ÛOÛ^Sûûû"'    a£2ûûû&'fûûû'" i^/sfSS'û'Waua'^/Â 

I  •  8  000000 


Los  pnriios  lo 


(II'  i;i  raitd  i-epréseuteut  les  régions  de  Celèbès  eomplêteinent  explorées  par  les  Hollatulais 


mais,  an  lieu  de  s'aligner  en  une  rangée  médiane  parallèle  aux  côtes,  ces 
monts  sont  disposés  en  chaînons  transversaux  dirigés  vers  le  sud-ouest  ; 
une  de  ces  arêtes  de  granit  se  termine  au  cap  Mandhar.  Vers  le  sud  de  la 
presqu'île,  un  massif  distinct,  appartenant  aux  formations  secondaires,  du 
permien  au  jura,  dresse  ses  voussures  à  une  hauteur  considérable  :  c'est 
XIV.  58 


458 


NOUVELLE  GÉOGRAPHIE   IMVERSELLE. 


j       aALEIJER 
/)•     (p'ent      jyt 


là  que  s'élève  le  sommet  culminant  de  l'île  (.317)0  mètres),  appelé  de  di- 
vers noms,  entre  autres  Dikhuik  ou  «  Gros  Vende»,  mais  plus  souvent 

désigné,    d'après  la  ville  de  sa  base, 
r  91.  —  sALEiiKn.  comme  le  <f  j)ic  de  Bonthaïn  >>  (Ban- 

laëng);  de  loin  il  parut  au  natura- 
liste Beccari  d'être  d'origine  volca- 
ni(jue. 

L'angle  sud-oriental  de  la  pénin- 
sule se  continue  en  mer  par  quelques 
îlots  et  par  la  longue  île  monlueuse 
de  Saleijer,  dont  les  cimes  abruptes 
dépassent  1(1(10  mètres;  la  jilus  haute 
atteint  ITîSO  mètres.  L'île,  ipie  l'on 
apj)elle  aussi  Limbangang,  a  la  forme 
et  le  nom  d'un  poisson  effilé  (jui  se 
joue  dans  les  eaux  environnantes. 
Le  détroit  qui  sc'-parc  Saleijer  tle  la 
grande  terre  est  fort  dangereux  el  les 
marins  qui  s'y  engagent  observent 
un  silence  religieux  pendant  la  tra- 
versée; quand  ils  sont  obligés  de 
parlei',  ils  se  servent  d'un  argot 
spécial  |i()ui'  (b'router  les  génies  mal- 
veillants, et  le  nom  de  Saleijer  n'est 
jamais  pi'ononcé.  Les  îlots  Tambo- 
longang  et  Poelasi,  (|ui  se  trouvent 
au  sud  de  Saleijer,  en  sont  la  minia- 
ture j)resque  exacte,  et  des  polypiers 
grandissants  unissent  peu  à  peu  les 
deux  îles  en  une  seule  terie'.  Un 
phénomène  des  plus  curieux,  non 
encore  expli(pié,  est  la  lueur  (jue 
l'on  observe  par  les  soii's  de  grand 
vent  aux  deux  extrémités  d(!  l'île  : 
tl'après  les  indigènes,  ce  reflet  serait 


A^^c 


/^rofo/^c^etyrs 


I   ■  900  000 


dù  à  l'existence  de  veines  d'or  dans  les  roclx's  des  promontoires. 

Les  îles,  telles  que  Roesa,  Tanah  Djampea,  Bonerate,  (jui  continuent  Sa 


U.  E.  t).  Eiigelliaid.  PcU'nnunn's  Milleilumicn ,  188(3. 


SALEIJER,   MOiNTAGiSES  DE  CELÊBÈS.  -ijO 

leijer  au  sud  et  au  sud-est  dans  les  mers  de  Flores  appartiennent  adininis- 
tivement  à  Celèbès  et  l'on  peut  éf;alenient  les  considérer  comme  en  élanl 
des  dépendances  <;éo(;raphi(iues;  presque  toutes  sont  habitées  par  des  pê- 
cheurs paisibles,  depuis  (pie  les  pirates  ont  cessé  de  parcourir  ces  parages. 
D'autres  îles,  séparées  de  la  péninsule  sud-orientale  de  Celèbès,  en  font 
certainement  partie  au  point  de  vue  géologique,  bien  que  de  tortueux  dé- 
troits les  en  séparent  :  l'une  d'elles,  Boeton,  porte  un  ancien  volcan  sur 
l'un  de  ses  promontoires  orientaux. 

Les  voyageurs  n'ont  pas  signalé  l'existence  de  volcans  dans  la  partie 
centrale  de  Celèbès  et  dans  les  péninsules  méridionales,  mais  il  est  certain 
(pi'à  une  é|)oque  antérieure  des  éruptions  considérables  ont  eu  lieu,  car 
en  plusieurs  districts,  notamment  aux  environs  de  Maros,  dans  la  pro- 
vince de  Macassar,  on  constate  que  les  dépôts  calcaires,  quelle  qu'en  soit 
l'épaisseur,  sont  entièrement  superficiels  et  reposent  sur  des  assises  de 
basalte,  que  révèlent  les  érosions  des  torrents  :  çà  et  là  même  cette  roche 
éruplive  s'élève  en  dômes  entre  les  roches  sédimentaires'.  Un  des  promon- 
toires qui  s'avancent  au  sud  dans  le  golfe  de  Gorontalo,  comme  pour 
rcjdindi'e  l'archipel  de  Togean,  poilci  le  nom  d'Api  ou  «  Feu  »  ;  mais, 
d'après  le  récit  des  indigènes,  cette  aj)pellation  n'est  point  due  à  des  érup- 
tions volcaniques  :  le  «  feu  »  provient  de  gaz  qui  s'enllamment  quand  on 
remue  le  sol  vaseux  des  alentours  \ 

La  presqu'île  septentrionale  de  Celèbès,  rattachée  au  reste  de  l'île  par  un 
mince  pédoncule  dont  la  saillie  est  peu  élevée  au-dessus  des  eaux,  constitue 
géogi'apbiquement  une  terre  distincte,  puisque,  h  l'exception  de  quelques 
sauvages,  nul  ne  s'y  rend  que  ])ar  mer  des  autres  contrées  de  Celèbès. 
(jéologiquement,  cette  presqu'île  forme  aussi  une  province  à  part.  A  l'est 
de  Tomini,  où  la  largeur  de  l'isthme  est  réduite  à  une  trentaine  de  kilo- 
mètres, et  que  domine  au  nord-ouest  l'une  des  plus  hautes  montagnes  de 
Celèbès,  le  Donda  (2900  mètres),  des  rangées  de  collines  et  de  monts,  com- 
posés de  gneiss  et  de  quartz  aurifères,  se  prolongent  à  mi-distance  entre 
les  deux  rives;  puis,  à  l'endroit  où  la  péninsule  se  recourbe  vers  le  nord- 
est,  des  buttes  et  des  montagnes  de  laves  et  de  cendres  se  sont  fait  jour  à 
travers  les  autres  roches.  Tel  est  le  Sapoetan  (1882  mètres),  qui  s'est  ou- 
vert plusieurs  fois  pendant  ce  siècle,  et  près  duquel,  vers  le  nord,  jail- 
lissent les  eaux  thermales  et  boueuses  de  Panghoe.  Une  des  sources  bouil- 
lonne dans  un  bassin  calcaire,   d'une  rondeur  parfaite,  comme  s'il  eût 


'  Alfred  R  Wallace,  ouvrage  cité. 

-  C.  van  doi'  Uart,  Reise  rondoiu  hcl  cihiiid  Ccichcs. 


460  NOUVELLE  CÉOGR APUIE   LMVERSELLE. 

été  creusé  de  iiiiiin  d'iiorame;  paiiuis  des  jets  de  gaz  s'élancent  avec  Iiruil, 
soulevant  l'onde  en  colonnes.  Les  volcans  de  houe  sont  aussi  très  actifs 
et  rejettent  incessamment  des  nappes  d'ai'gile  fluide,  bleues,  rouges, 
grises, qui  s'épanchent  à  quelques  mètres  de  distance.  Au  milieu  du  groupe 
des  huttes  s'étend  un  petit  lac  de  vase  bouillonnante,  que  l'on  croit  se 
prolonger  souterrainement  au-dessous  des  cônes  d'éru|ition. 

Vers  l'extrémité  septentrionale  de  Minahassa,  s'élèvenl  d'autres  volcans, 
le  Klabat  (2072  mètres),  aux  deux  cimes,  dont  l'une  renferme  un  lac  dans 
son  cratère;  les  Doevva  Soedara  (1085  mètres)  ou  les  <<  Deux  Sœui's  >^;  le 
Lakon  (1054  mètres),  habité,  disent  les  indigènes,  parunespiil  rcdou- 
tahle  :  sur  des  pentes  boisées  se  voient  les  traces  d'une  éiuj)lion  ipii  dut 
faire  d'énormes  ravages,  puisque  les  naturels  en  parlent  encore  après  cinq 
siècles  d'intervalle.  D'après  la  légende,  un  géant  aurait  enlevé  le  sommet 
du  Lakon  d'un  coup  de  glaive  et  l'aurait  placé  sur  le  Klabal.  Ces  hautes 
montagnes  son!  visildes  jns(ju'à  Teiiiale.  La  cliaine  V(il(ani(|ue  se  continu(^ 
en  mer,  mais  en  se  dirigeant  IVaiichement  vers  le  nord  pour  rattacher 
rinsulinde  aux  Philippines  par  le  promontoire  méridional  de  Mindanao. 
Plusieurs  îles  de  cet  archipel  de  jonction  portent  des  volcans  actifs.  L'ilol 
de  Doeang,  à  côté  de  la  terre  |)lus  grande  de  Tagoelanda,  est  un  côiu'  de 
500  mètres  qui  flambait  en  LSMi;  Sjauw,  (jui  s'élève  plus  au  nord,  est 
souvent  environné  de  fumées  et  recouvert  de  ceiulres  que  lance  son  cra- 
tère; enliii,  dans  la  grande  île  de  Sangi  ou  Sanghir,  qu'environnent  une 
cinquanlaine  d'îliits,  le  v(dcan  d'Aboe  ou  de  "  Cendre  j>  dresse  son  cône 
ébréché  au-dessus  dupromontoii'e  septentrional.  Cette  pyramide  superbe  est 
une  de  celles  dont  les  explosions  ont  causé  le  plus  de  désastres.  En  1711, 
des  milliers  de  personnes  furent  englouties  sous  la  pluie  de  cendres;  en 
1812,  des  coulées  de  laves  s'épanchèrent  sui-les  campagnes  des  alentours, 
rasant  les  bois  de  cocotiers  qui  faisaient  la  richesse  de  l'île.  En  1856,  une 
explosion  nouvelle  lit  périr  2800  individus  dans  les  cendres,  les  laves  ou 
les  courants  d'eau  bouillanle.  ("est  pai-  ce  mont  destructeur,  home  bien 
connue  des  marins,  ipie  se  termine    l'Iiisiilinde  piopicmcnl  dite. 

l>a  forme  de  Celèhès,  avec  ses  étroites  jiéninsules,  ne  lui  permet  pas 
d'avoir  de  longs  cours  d'eau.  A  peine  les  ruisseaux  ont-ils  écha[)pé  aux 
cirques  des  montagnes,  qu'ils  atteignent  la  mer.  Cependant  cerlaines 
rangées  de  monts  sont  orientées  de  manière  à  former  des  plaines  longitu- 
dinales, dont  les  rivières  ne  rejoignent  la  mer  qu'après  avoir  longtemj)s 
coulé  parallèlement  aux  côtes.  C'est  ainsi  que,  dans  la  péninsule  du  sud- 
est,  la  rivière  Bahoe  Solo,  qui  prend  naissance  dans  le  lac  de  Tafoeli,  offre 
un    cours  développé    d'environ    250   kilomètres.    Dans    la    iirc-tprile   de 


MI.NAUASSA. 


461 


I\l;ic'nss:ii',  lu  rivirrc  Sadaiifi,  qui  foiirl  entre  deux  chaînes  de  moiilagnes 
oMmiiics,  n'a  pas  moins  d(^  400  kilomètres.  Sur  le  versant  oriental  de  la 
même  |)res(|u'ile,  l'aboiidanle  rivière  de  Tjenrana,  que  les  bateaux  re- 
raontenl  jus(ju'à  une  centaine  de  kilomètres  dans  l'intérieur,  a  |)our 
ainuents  du  nord  et  du  sud  d'autres  livières  ([ui  coulent  ]iarallèlement  à  la 
cote.  L'n  lac,  situé  au  milieu  de  la  péninsule,  alimente  la  Tjenrana  :  c'est 


N»    9S.    MISAIIAS 


Est  de  Rai 


^c/cAf^^dic/j 


^        ^       /i-e/^éeh 


E^t    de    Gre 


d'après  l'Ciat-Mdjo 


/^rofona^et^^S 


1    .  1  ÎIllO  000 


le  Tamparang  ou  Tem|ie,  (|ui  n'a  pas  plus  de  9  mètres  dans  la  partie  la 
plus  creuse  de  son  bassin,  (juelques  autres  dépressions  des  régions  mon- 
tagneuses sont  également  remplies  par  des  eaux  lacustres  sans  grande  pro- 
fondeur. Une  des  plus  belles  est  le  lac  de  Tondano,  situé  à  600  mètres 
d'altitude  à  l'est  du  volcan  de  Lakon,  près  de  l'extrémité  septentrionale 
du  Minahassa.  Le  toi'rent  ([ui  s'échappe  du  Tondano  entre  dans  une  cluse 
tortueuse,  puis,  tout  à  cou]),  [donge  ;i  plus  de  I  jO  mètres  dans  un  cirque 


462  NOUVELLK  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

rocheux,  où  commence  la  large  vallée  qui  descend  au  noi'd  vers  Menado  : 
celte  cascade  est  l'une  des  plus  fameuses  de  l'Insuliude. 

De  même  que  Bornéo,  Celèbès  est  traversée  par  l'équateur  :  les  trois 
péninsules  du  sud  sont  dans  l'hémisphère  austi'al;  la  jiéiiinsulc  du  nord 
est  dans  l'hémisphère  boréal.  La  lenipérature  moyenne  est  donc  élevée, 
oscillant  entre  les  extrêmes  de  52  degrés  pendant  le  jour  à  21  degrés  pen- 
dant la  nuit;  mais  l'écart  ordinaire  est  beaucoup  moindre,  l'alternance  dey 
brises  de  terre  et  de  mer  qui  frangent  tout  le  [)ourlour  de  l'île  aidant 
sans  cesse  à  l'égalisation  du  climat.  Située  vers  le  milieu  géographique  de 
rinsulinde,  (Jelèbès  est  aussi,  pour  ainsi  dire,  le  milieu  climatique  entre 
Sumatra  et  Timor  :  la  «  mauvaise  mousson  >>,  c'est-à-dire  le  vent  d'ouest 
et  de  nord-ouest,  y  est  moins  forte  et  moins  humide  que  sur  les  côles 
d'Atjeh  et  de  Padang;  le  vent  alizé  du  sud-est  y  est  moins  régulier  et  moins 
sec  que  dans  les  îles  voisines  de  l'Australie;  on  remar(|ue  souvent,  sur- 
tout dans  le  détroit  de  Saleijer,  au  sud  de  la  presqu'île  de  Macassar,  que 
les  deux  vents  opposés,  de  l'ouest  et  de  l'est,  se  tiennent  en  équilibre,  sou- 
levant la  mer  et  causant  des  orages  locaux  d'une  grande  violence  :  appor- 
tés par  l'une  et  l'autre  mousson  et  trouvant  en  ti-avers  de  leur  l'oute  l'ob- 
stacle des  montagnes,  les  nuées  dévei-sent  des  pluies  abondantes  sur  les 
deux  côtés  de  l'île,  principalement  sur  la  côle  de  Macassar,  exposée  à  la 
«  mauvaise  mousson  ..  Des  brouillards  pèsent  IVéquemmtMit  sur  les  hau- 
teurs el  en  cachent  la  vue  aux  marins  qui  voguent  à  leur  base.  Il  est 
rare  que  Celèbès  ait  à  soulTrii'  de  la  sécheresse,  puisque  les  pluies  y 
vai'ient  de  1  à  4  mètres  par  an';  d'autre  part,  le  sol  offre  presque  par- 
tout des  pentes  d'écoulement  et  les  eaux  ne  s'amassent  pas  en  marécages 
coinpai'ables  à  ceux  des  trois  autres  grandes  Iles.  Celèltès  est  une  des 
terres  les  plus  salubres  de  l'insulinde. 

l'ar  la  magnificence  et  la  variété  de  sa  llore,  Celèbès  égale  presque  les 
îles  occidentales;  ses  forêts  semblent  même  plus  belles,  parce  que,  dans 
jilus  de  la  moitié  du  territoire  insulaire,  elles  ont  gardé  leur  aspect  pri- 
mitif. WaUace  a  constaté  que  dans  la  merveilleuse  presqu'île  deMinahassa, 
un  (les  paradis  de  la  Terre,  la  végélalion  foreslière  se  mainlient  dans  toute 
sa  beauh',  du  lilloral  de  la  mer  à  des  altitudes  de  plus  d'un  millier  de 
mètres.  La  cause  en  est  surtoul,  d'après  lui,  à  l'épaisseur  du  sol  vé- 
gétal qui  recouvre  les  pentes  el  les  plateaux  :  les  racines  Irouveiil  partout 
des  couches  de  cendres  volcani(|ues  ou  <le  sable  argileux  et  peuvent  y  péné- 

1  Pluies  tombées  en  diverses  parties  de  Oli-hés.  il,'  1,S79  ;,  1880: 

Macassar 5"',2'J8  pai' an  ;      Kniilliaiii I'».r>.42  par  an  ; 

Menailo 2=,0'J4       »  Goninlalo I^.IOJ       » 


FLORE,  FAl'NE  DE  CELEBES.  465 

Irer  aussi  loin  que  dans  la   lorre  des    plaines.  En  mainls  endroits,  des 
clairières  naturelles  alternent  gracieusement  avec  les  forêts. 

On  retrouve  à  Celèbès  la  plupart  des  espèces  végétales  des  îles  situées 
plus  à  l'ouest;  mais  pour  la  faune  les  différences  sont  beaucoup  plus 
grandes.  On  sait,  par  les  recherches  de  Wallace  et  d'autres  naturalistes, 
que  Celèhès,  séparée  des  terres  voisines  par  de  profonds  détroits,  paraît 
avoir  son  indépendance  insulaire  depuis  des  temps  très  anciens,  tant  sa 
faune  présente  un  caractère  original.  Située  à  mi-chemin  entre  l'Asie  et 
le  continent  australien,  elle  possède  quelques  espèces  appartenant  à  ces 
deux  aires  zoologiques,  mais  elle  offre  aussi  de  nombreuses  formes  ani- 
males complètement  distinctes  :  elle  est  un  centre  de  dispersion,  et  ses 
espèces  particulières  ont  plus  de  ressemblance  avec  les  formes  africaines 
qu'avec  celles  de  l'Inde  et  de  l'Australie.  Parmi  les  animaux  propres  à 
Celèbès  se  trouve  une  espèce  de  singe,  le  cyuopitliecus  nigrescem,  qui  est 
fort  commune  dans  toutes  les  parties  de  l'île,  mais  qu'on  ne  rencontre  en 
aucuiu^  autre  terre  insulindienne,  si  ce  n'est  dans  la  petite  île  de  Caijan, 
où  elle  a  été  probablement  introduite  accidentellement,  h'aitoa  di'pi'cssi- 
eorim,  que  divers  naturalistes  classent  parmi  les  bœufs  ou  les  buflles, 
bien  que  d'après  ses  cornes  il  faille  y  voir  une  antilope,  a  l'apparence 
d'une  vache  et  ressemble  beaucoup  à  certaines  espèces  africaines.  Son  nom 
malais  signifie  «  bœuf  des  bois  ».  On  ne  le  voit  que  dans  les  régions  mon- 
tagneuses, et  jamais  dans  celles  que  parcourt  le  cerf.  Celèbès  possède  aussi 
une  espèce  particulière  de  sanglier,  et  le  cochon-cerf,  ce  fameux  babiroussa, 
dont  le  mâle  a  quatre  défenses,  deux  à  la  mâchoire  inférieure  et  deux  au- 
tres sortant  verticalement  de  la  mâchoire  supérieure  pour  se  recourijer  en 
arrière,  au-dessus  du  crâne.  Celèbès  n'a  point  de  félins,  mais  sa  faune 
compreiul  cinq  écureuils,  les  représentants  de  ce  genre  qui  se  sont  avancés 
le  j)lus  loin  vers  l'orient,  et  deux  marsupiaux,  avant-garde  occidentale  des 
animaux  de  cette  famille.  Au  point  de  vue  de  la  faune,  les  îles  voisines, 
telles  que  Saleijer,  Boeton,  l'archipel  de  Sangi,  dépendent  de  Celèbès  :  on 
a  aussi  reconnu  que  les  îles  de  Soela  appartiennent  à  la  même  aire  zoolo- 
gique, bien  qu'elles  soient   plus  rapprochées  des  Moluques. 


D'ordinaire  on  divise  les  habitants  de  Celèbès  en  Malais  et  en  Alfourou, 
mais  ce  partage  se  rapporte  beaucoup  moins  à  l'origine  qu'à  l'état  de 
civilisation.  Les  populations  policées  du  littoral  qui  parlent  ou  comprennent 
le  malais  ou  des  idiomes  rapprochés  sont  classées  comme  appartenant  à  la 
race  maîtresse  de  l'Insulinde,  tandis  que  les  tribus  sauvages  de  l'intérieur, 
XIV.  .^9 


46G  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

quelles  (jue  soient  d'ailleurs  leur  apparence  ])hysiquc  et  leur  langue,  sont 
dites  Alfourou  ;  les  progrès  de  la  culture,  en  les  modifiant  peu  à  peu,  leur 
font  aussi  changer  de  nom  :  telle  peuplade  que  l'on  qualifiait  d'alfourou 
quand  elle  vivait  encore  indépendante  dans  les  forêts,  a  cessé  de  l'être 
depuis  qu'elle  cultive  le  cafier  et  paye  régulièrement  les  impôts  aux  con- 
trôleurs hollandais.  Toutefois  il  est  certain  qu'il  y  a  eu  diversité  de 
provenance  parmi  les  Celèbiens.  De  même  que  la  l'aune  asiatique  et  celles 
de  la  Papouasie  et  de  l'Australie  ont  dans  la  grande  ile  leurs  représentants 
respectifs,  de  même  on  y  retrouve  des  éléments  ethniques  différents, 
venant  de  l'ouest  et  de  l'est.  En  maints  endroits,  on  rencontre  des  indi- 
vidus ayant  des  traits  et  une  chevelure  qui  ressemblent  à  ceux  des  Papoua. 
Les  idiomes  indiquent  aussi  le  croisement  d'influences  diverses;  enfin,  on 
reconnaît  au  nord,  notamment  dans  l'archipel  de  Sangi,  la  proximité  des 
îles  Philij)pines'. 

Une  des  populations  dominantes  de  Celêbès  est  celle  des  Bougi,  dont  le 
domaine  originaire  est  le  royaume  de  Boni,  dans  la  péninsule  du  sud-ouest, 
mais  qui  se  sont  répandus  dans  les  provinces  voisines,  et  même  ont 
essaimé  par  delà  les  mers  vers  toutes  les  îles  de  l'archipel  Indien.  Les 
Bougi,  et  leurs  voisins  les  Mangkassar  et  les  Wadjo,  sont  des  hommes  de 
taille  moyenne,  mais  trapus,  forts  et  adroits,  dont  le  teint  est  d'ordinaire 
un  peu  i)lus  clair  que  celui  des  autres  Malais.  Ils  ont  l'allure  décidée  et  le 
regard  fier  comme  des  gens  qui  ont  conscience  de  leur  valeur;  ils  ne  se 
courbent  point  devant  l'outrage  comme  les  Javanais,  depuis  longtemps 
asservis,  mais  ils  y  répondent  par  la  vengeance  :  chez  eux  la  vcndette  divise 
longtemps  les  familles.  Guerriers  très  braves,  les  Bougi  et  les  Mangkassar 
combattirent  vaillaninient  les  Hollandais;  et  ceux-ci,  de  leur  côté,  recru- 
tèrent jadis  de  nombreux  soldats  parmi  ces  indigènes  :  mais  ils  durent  y 
renoncer,  les  Malais  de  Celêbès  étant,  de  tous  les  Insulindiens,  ceux  qui, 
dans  un  moment  de  colère,  ou  bien  dans  le  paroxysme  frénéti(iue  de 
l'ivresse  ou  du  jeu,  sont  le  plus  fréquemment  entraînés  aux  fureurs  de 
Vamok;  quand  ils  «  courent  l'amok  »,  armés  de  leur  kriss  ondulé,  ils 
frappent  au  hasard  hommes,  femmes,  enfants,  jusqu'à  ce  qu'on  les  abatte 
ou  les  garrotte.  C'est  pour  faciliter  leur  capture  (ju'on  arme  les  agents 
de  polic(>  d'une  espèce  de  fourche  avec  laquelle  ils  tiennent  les  furieux  à 
dislance;  autrefois  les  coureurs  d'amok  étaient  condamnés  au  supplice 
de  la  roue.  Les  Espagnols  des  Philippines,  qui  curent  aussi  fréquemmeul 
l'occasion   de  rencontrer  des  coureurs   d'amok  parmi  les  pirates  maho- 

'  Alfivd  U.  \V;ilhii'(\  nuvrase  cité. 


llAlilTANÏS   l»E   CELÊBÈS.  -407 

mclaiis  de  Mimlanao  et  de  Jolô,  leur  doiiiiont  le  nom  de  juruDicnlados. 
«  asscrmenlés  »  ;  ces  malheureux  se  lient  par  le  sermenl  religieux  de 
mourir  en  tuant. 

De  tout  temps  les  Bougi  ont  eu  la  réputation  de  marins  inirépitles,  de 
marchands  pleins  d'initiative  et  d'entreprise.  En  plusieurs  îles  de  l'Indo- 
nésie, ils  ont  monopolisé  le  trafic  et  chaque  ville  commerçante  a  son  kam- 
pong  hahilé  uni(piement  par  des  Bougi,  qui  s'administrent  eux-mêmes  el 
ne  laissent  point  l'étranger  empiéter  sur  leurs  privilèges  héréditaires.  Très 
solidaires  les  uns  des  autres,  ils  s'entr'aidenl  partout  où  ils  se  l'encontrent, 
et  quand  des  flottilles  de  pirates'  écumaient  les  mers  de  l'Insulinde,  ils 
naviguaient  de  conserve  et  faisaient  bravement  la  chasse  à  leurs  enne- 
mis; ils  n'achetaient  point  d'esclaves,  mais,  comme  créanciers,  ils  rédui- 
saient leurs  débiteurs  à  la  servitude  :  l'homme  était  le  gage  de  la  dette, 
et  fréquemment  ce  gage  n'était  libéré  que  par  la  mort.  Encore  de  nos 
jours,  de  nombreux  débiteurs  sont,  avec  la  connivence  des  juges,  réduits 
à  l'affreuse  condition  de  pandellngen,  c'est  le  terme  hollandais.  Les  mar- 
chands voient  dans  cet  asservissement  du  débiteur  la  garantie  essentielle 
de  leur  commerce.  Chez  les  Bougi,  les  femmes  jouissent  en  général  d'une 
certaine  liberté  :  on  leur  enseigne  des  métiers,  notamment  le  tissage  et 
la  broderie,  et  quelques-unes  d'entre  elles  apprennent  aussi  à  lire  et  à 
écrire,  soit  le  malais,  soit  le  bougi,  qui  possède  des  caractères  spéciaux, 
de  même  que  la  langue  des  Mangkassar.  La  littérature  indigène  est  assez 
riche,  surtout  en  lalôca,  collections  de  proverbes  relatifs  aux  mœurs,  îi  la 
conduite  de  la  vie,  aux  traditions  politiques,  des  plus  instructives  pour 
l'histoire  de  la  civilisation  dans  l'Insulinde.  Les  Bougi  sont,  parmi  les 
nations  de  l'Indonésie,  une  de  celles  qui  se  sont  le  plus  tardivement  con- 
verties à  l'Islam.  C'est  vers  le  milieu  du  dix-septième  siècle  que  l'ancienne 
religion  animiste,  mêlée  de  pratiques  hindoues,  finit  par  céder  à  l'influence 
des  missionnaires  musulmans;  cependant  on  observe  encore  maints 
usages  religieux  qui  se  rattachent  au  culte  sivaïte  du  lingam,  et  la  croyance 
à  la  métempsycose  s'est  maintenue  :  de  là  les  hommages  que  l'on  rend 
aux  anguilles  et  aux  crocodiles  qui  se  trouvent  dans  les  fossés  des  cita- 
delles'. Les  Bougi  des  villes  ont  cessé  de  porter  le  costume  national;  mais 
dans  les  campagnes  nombre  d'entre  eux  revêtent  encore  leur  simple 
sarong  de  cotonnade  bleue  ou  rouge  admirablement  tissée  et,  comme  les 
nègres  du  haut  Nil,  s'entourent  les  bras  et  les  jambes  d'anneaux  de  cuivre 
ou  de  fil  d'archal. 

'  S.  E.  W.  Roorda  van  Eysinga,  Notes  manuscrites. 


468  .NOUVELLE   GÉUGHAPUIE   LMVERJ^ELLE. 

Au  nord  de  la  péninsule  de  Macassar,  dans  le  corps  central  de  l'ile, 
la  population  des  montagnes,  toujours  restée  en  dehors  de  la  domina- 
lion  hindoue  et  de  la  zone  d'attraction  du  commerce  avec  Arabes  et  Chi- 
nois, se  compose  d'Alfourou  sauvages,  divisés  en  de  nombreuses  tribus  : 
telle  est  celle  des  Toradja,  qui  peuple  les  vallées  du  massif  de  Latibodjong 
et  dont  le  nom  est  parfois  appliqué  d'une  manière  générale  à  tous  les 
païens  indépendants  de  l'intérieur.  Il  en  est  qui  vivent  à  l'état  de  lutte 
constante  et  n'ont  guère  d'autre  industrie  que  la  chasse  à  l'homme,  soit 
pour  couper  des  tètes  et  en  orner  leur  cabane  ou  celle  de  leur  liancée,  soit 
pour  capturer  des  esclaves.  Les  Topantunuasu  ou  «  Mangeurs  de  chiens  )>, 
qui  habitent  dans  le  voisinage  du  lac  Posso,  dévorent  la  cervelle  et  boivent 
le  sang  de  leurs  ennemis.  Même  dans  les  îles  du  littoral  vivent  des  peu- 
plades de  ces  Alfourou  ayant  encore  les  mœurs  de  bètes  fauves.  Ceux  de 
l'île  Peling,  près  de  la  péninsule  de  Balante,  errent  nus  dans  les  forêts 
et  gîtent  la  nuit  sur  des  branches  d'arbres'.  D'après  Mayer,  l'usage  de  dé- 
formei'  le  crâne  des  enfants  est  très  commun  chez  les  Alfourou  de  Celèbès. 

Par  la  civilisation  de  ses  habitants  de  diverses  races,  mais  depuis  long- 
temps confédérés,  le  pays  de  Minahassa,  c'est-à-dire  de  la  «  Fraternité  », 
rivalise  avec  Macassar,  qui  occupe  l'autre  extrémité  de  l'île  :  c'est  aux  deux 
bouts  du  grand  diamètre  de  Celèbès  que  les  indigènes  policés  se  pressent 
en  groupes  plus  nombreux  et  retirent  du  sol  la  plus  grande  quantité  de 
produits  :  aussi  est-ce  là  que  les  Hollandais  ont  le  plus  solidement  éta- 
bli leur  pouvoir.  Les  Minahassans  et  leurs  voisins  de  l'ouest,  croisés  d'élé- 
ments divers  sur  le  littoral,  mais  à  l'état  ])ur  sur  les  plateaux  de  l'inté- 
rieur, se  distinguent  de  presque  tous  les  aulies  habitants  de  l'insulinde  pai- 
la  clarlé  de  leur  teint.  Kombre  d'enli'e  eux,  nolaniment  ceux  d'Amoerang 
cl  (h'  Toli-Toli,  sont  aussi  blancs  que  des  Européens,  et,  n'était  la  forte 
saillie  de  leurs  pommettes,  ils  pourraient  eu  effet  être  considérés  comme 
tels  ;  MM.  de  Qualrefages,  Hamy,  Montano  voient  en  eux  un  type  de  ces 
Indonésiens  blancs  qu'ils  croient  avoir  précédé  les  Malais  dans  l'insulinde; 
ceux  de  Toli-Toli  sont  les  plus  petits  parmi  les  insulaires  de  Celèbès. 
Dumont  d'Urville  a  été  frappé  de  la  ressemblance  étonnante  des  Indoné- 
siens de  Minahassa  avec  les  Polynésiens  orientaux,  Tonguiens  et  Maori.  Au 
commencement  du  siècle,  la  plupart  des  tribus  de  Minahassans  guer- 
royaient les  unes  contre  les  autres,  «chassant  des  tètes»  comme  les  Dayak 
de  Bornéo,  et|)arfois  même,  en  de  grandes  fêles,  mangeant  de  la  chair  hu- 
maine. A  la  mort  d'un  chef  il  fallait  orner  sa  tombe  de  deux  tètes  fraîche- 

'  V;iii  (1er  Harl,  tieisc  roiidoiii  licl  Eilanil  Cclcbcs. 


MINAIIASSA   ET   MINAUASSANS.  -469 

ment  coupées,  et  si  l'on  n'avait  pas  de  captifs  sous  la  main,  on  tuait  des 
esclaves.  Les  indigènes  n'avaient  pour  vêtements  que  des  écorces  d'arbres. 
A  l'exception  de  (piehjues  peuplades  encore  revèches,  les  Minahassans  sont 
devenus  des  hommes  traufjuilles  et  pacifiques,  très  laborieux,  habiles  à 
toutes  sortes  de  métiers.  Leurs  villages,  aux  rues  propres  et  bien  tenues, 
se  composent  de  maisonnettes  en  bois,  blanchies  à  la  chaux  et  reposant 
sur  des  pilotis  de  2  mètres  de  hauteur  peints  en  bleu;  l'ameublement,  de 
style  hollandais,  est  travaillé  avec  soin,  et  des  jardins  lleuris,  des  haies  de 
roses,  séparent  les  cabanes  des  plantations.  Les  chefs  portent  avec  aisance 
le  costume  européen,  et  le  langage  de  l'école,  le  pur  malais,  remplace  peu 
à  peu  les  mille  dialectes  des  indigènes. 

C'est  la  culture  du  sol  qui  a  le  plus  contribué  à  la  civilisaticm  des  Mina- 
hassans. En  [S'i'-l,  le  cafier  fut  introduit  dans  la  presqu'île,  aux  environs 
de  Mcnado,  et  les  premières  plantations  réussirent  admirablement  :  le 
café  obtenu  était  le  meilleur  de  l'archipel.  Peu  à  peu  les  pentes  des  mon- 
tagnes se  recouvrirent  de  caféteries,  entre  500  et  I.jOO  mètres  d'altitude; 
les  chefs  de  villages,  désormais  connus  sous  le  nom  de  «  majors  »,  devin- 
rent entrepreneurs  de  cultures,  et  le  gouvernement  convint  avec  eux  d'un 
prix  fixe  pour  l'achat  des  produits,  dont  un  vingtième  leur  revient,  tandis 
que  le  reste  est  distribué  en  salaire  aux  travailleurs,  après  déduction  des 
avances  :  ceux-ci  se  groupent  en  associations  de  labeur  ou  mapalou,  qui 
finissent  par  constituer  de  grandes  familles.  D'après  Wallace,  qui  visita  le 
Minahassa  en  1859,  le  système  javanais  du  «  despotisme  paternel  »  serait 
accepté  sans  murmure  par  les  populations  asservies;  mais  on  s'étonne  d'a- 
voir à  constater  que  le  nombre  des  habitants  ne  s'accroît  pas  dans  cette 
conlrée,  qui  pourtant  est  des  plus  salubres  et  produit  en  suraliondance 
toutes  les  denrées  nécessaires  à  la  vie.  La  mortalité  est  très  forte  sur  les 
enfants,  abandonnés  dans  les  cabanes  par  leurs  mères  qui  s'en  vont  tra- 
vailler pour  les  majors  dans  les  caféteries.  Presque  tous  les  Minahassans 
sont  convertis  au  christianisme,  tandis  que  les  autres  Celébiens  policés 
appartiennent  à  l'Islam. 

Le  cafier  n'est  pas  la  seule  culture  industrielle  de  Celèbès  :  le  Minahassa 
et  le  pays  de  Macassar  ont  aussi  des  plantations  de  muscadiers,  des  champs 
de  cannes,  de  tabac  et  de  kosso,  la  même  plant(>  que  l'abacâ  ou  «  chanvre 
de  Manille  »  ;  mais  le  travail  des  indigènes  s'emploie  presque  en  entier  à 
la  production  des  «  vivres  »,  sagou,  riz  ou  maïs.  Le  commerce  d'exporta- 
tion consiste  surtout  en  denrées  recueillies  dans  les  forets  ou  pèchées 
dans  la  mer  :  gutta-percha  et  gommes  diverses,  cire  et  miel,  nacre,  écaille, 
holothuries,  algues  comestibles,  nids  de  salanganes.  La  partie  septentrio- 


^70  NOUVELLE  GÉOGRAl'UlE   UNIVERSELLE. 

naie  de  Celèbès  fournit  aussi  un  peu  de  poudre  d'or  au  commerce  extérieur. 
En  vertu  d'anciens  traités,  les  petits  États  de  la  péninsule  de  Menado 
étaient  tenus  de  livrer  au  gouvernement  hollandais  un  tribut  annuel  de 
poudre  d'or,  calculé  d'après  le  nombre  des  habitants  ;  mais  les  laveries  sont 
devenues  trop  pauvres  pour  qu'il  ait  été  possible  de  maintenir  cet  impôt. 
De  même  que  Soembavva,  Celcbès  possède  une  excellente  race  de  petits 
chevaux,  dont  Java  et  les  autres  îles  importent  quelques  centaines  par  an. 


La  cité  la  jilus  fameuse  de  Celèbès  est  Mangkassar,  — dont  le  nom  s'est 
transformé  en  Macassar  pour  les  Européens  :  pour  les  indigènes,  c'est 
rOedjoeng  l'andang  ou  la  «  Pointe  des  Pandanus  »  ;  —  les  Hollandais  la 
désignent  aussi  par  l'appellation  de  Ylaardingen,  qui  appartient  spéciale- 
ment à  l'un  de  ses  forts,  érigé  au  centre  de  la  ville.  Les  arbres  cachent  les 
quartiers  extérieurs,  et  l'on  ne  voit  d'abord  que  la  partie  commerçante  de 
la  cité,  avec  ses  quais,  ses  jetées,  les  bateaux  de  toute  forme  amarrés  au 
rivage  et  son  port  toujours  calme.  Ce  noyau  central  de  Macassar  s'étend  à 
la  distance  d'un  kilomètre  envii'on  le  lourde  la  nlase;  mais,  au  nord,  les 
maisons  parsemées  sous  les  arbres,  puis  les  chantiers  et  les  entrepôts, 
continuent  la  ville  jusqu'à  l'extrémité  d'un  cordon  littoral  que  des  marais 
et  des  rizières  séparent  de  la  terre  ferme.  Le  quartier  européen  ne  touche 
pas  à  la  ville  commerçante  :  il  commence  au  sud  du  fort  Ylaardingen  ou 
Rotterdam  et  se  prolonge  à  [ilus  il'un  kilomètre  entre  les  jardins  et  les 
avenues  de  grands  arbres,  loin  du  tumulte  des  quais  et  des  rues,  où  se 
pressent  les  marchands  chinois,  arabes  et  bougi.  Macassar  est,  avec  Bandjer- 
massin  et  Soerabaja,  l'une  des  trois  grandes  villes  de  trafic  qui  occu[)cnt  la 
position  la  plus  heureuse  dans  la  région  centrale  de  l'insulinde.  Elle  était 
déjà  fréquentée  depuis  longtemps  par  les  Malais  quand  le  Portugais  Antonio 
Galvào  s'en  empara  en  1538.  Les  Hollandais  sont  établis  définitivement  à 
Macassar  depuis  1665,  époque  où  ils  édifièrent  Ylaardingen  à  la  place 
d'une  foi'teresse  malaise;  le  mouvement  d'échanges  s'y  accrut  rapidement 
lorsque  le  port  fut  déclaré  franc  de  tous  droits,  en  I(S46;  mais  il  a  diminué 
depuis  cette  époque.  L'exportation  de  Macassar  compi'cnd,  outre  les  denrées 
de  la  contrée  environnante,  divers  produits  de  l'industrie  locale,  entre 
autres  l'huile  lakalava,  extraite  de  la  pulpe  du  badoe  et  bien  connue 
en  Europe  sous  le  nom  d'huile  de  Macassar'.  On  a  tenté,  mais  sans  suc- 

'   Valciii'  iiiuyenno  des  éclianges  dans  lo  port  de  Macassar  :  25  000  000  francs. 

En  I88(j  :  Iniportalion lH)lil400      » 

i>  Exporlation  du  calé  .    .    .    .       0  l'iO  000  liilogrriniines. 


MACASSAR,   MAROS. 


471 


ces,  d'obtenir  de  l'eau  douce  à  Macassar  par  un  puits  artésien  creusé  à  une 
grande  profondeur.  Des  récifs,  des  îlots,  des  traînées  d'îles,  désignés  en 
masse  par  l'appellation  d'archipel  de  Sperraonde,  protègent  la  rade  contre 


MACA>SAR    ET    LA    POINTK    >rD-OCCIDENTALt:    I)F.    CELKDES 


tst  de  Paris 


Est  de  Graerwlch 


/^ro  for>c/Gur-s 


c/e/OÂ/CO"'       o'c/S'ÛAôOO'"afeSffO'"et3ut^e/À 

1   :  SIS  000 

0  30  kil. 


tous  les  vents.  Au  sud,  l'île  dite  Tana  keke,  la  «  Terre  des  Sorciers  »,  est 
évitée  avec  soin  par  les  marins  superstitieux. 

La  province  de  Macassar,  (pioique  appartenant  aux  Hollandais  depuis 
plus  de  deux  siècles,  n'a  pourtant  qu'un  bien  petit  nombre  de  voies  de 
communication  faciles.  La  plus  importante  est  celle  qui  longe  le  littoral  au 
nord  et  au  sud  de  la  capitale,  en  certains  endroits  au  bord  même  de 
l'eau,  mais  presque  partout  à  une  certaine  distance  dans  l'intérieur  des 
terres.  La  ville  de  Maros,  résidence  d'un  roi  vassal,  est  l'un  des  premiers 


472  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

lieux  d'étape  sur  la  roule  du  uoid.  qui  se  continue,  à  travers  plusieurs 
«  royaumes»,  jusqu'à  eelui  de  Tanette;  la  rivière  qui  passe  à  Marcs, 
l'une  des  plus  pittoresques  de  Celèbès,  plonge  en  superbes  cascades  et  dis- 
paraît sous  des  voûtes  de  rochers.  Une  autre  route,  celle  de  l'est,  traverse 
la  région  montagneuse,  au  nord  du  jiic  deBonlhaïn,  pour  aboutir  sur  la 
côte  orientale,  à  Sindjaï  et  à  Balang  Mpa.  La  route  du  sud  passe  à  Goa  ou 
(lowa,  oîi  demeure  l'héritier  déchu  d'un  Etat  jadis  puissant,  puis  elle 
touche  à  j)lusieurs  bourgades  côtières,  Glisong,  Takalar  el  autres,  habi- 
tées par  des  marins  très  hardis,  que  le  gouvernement  hollandais  recrute 
|iour  sa  flotte  insulindiennc.  Sur  la  côte  méridionale  de  la  péninsule  de 
Macassar,  baignée  par  la  nier  de  Flores,  la  ville  jirincipale  est  celle  de 
Bonthaïn  ou  Bantaeng.  située  à  l'issue  d'une  vallée  rajiide  qui  remonte  au 
nord  vers  le  grand  pic  de  Celèbès.  Elle  a  succédé  comme  capitale  de  district 
à  un  autre  port  du  littoral,  à  demi  ensablé,  celui  de  Boeloekomba,  qui  se 
trouve  à  une  trentaine  de  kilomètres  j)lus  à  l'est.  Le  district  environnant 
est  celui  de  Celèbès  qui  produit  la  plus  gi'ande  quantité  de  café,  de  5  à 
4  millions  de  kilogrammes  par  an. 

D'autres  «  royaumes  «  occu|)ent  le  versant  oriental  de  la  péninsule  de 
Macassar  et  les  deux  presqu'îles  de  l'est  ;  mais  leurs  chefs-lieux  ne  sont 
que  d'Inunbles  villages,  et  quoique  de  nombreuses  stations  de  pèche  se 
soient  établies  au  bord  des  cri(jues  et  dans  les  détroits  abrités,  aucune  n'a 
pris  d'im|iortance  dans  le  commerce  international  :  dcN  Chinois  et  des 
Malais  viennent  y  troquei'  des  marchandises  étrangères  contre  les  denrées 
du  ]>ays.  Badjoa,  le  jtort  du  royaume  de  Boni,  jadis  le  |)lus  puissant  de 
Celèbès,  est  une  des  escales  les  |)lus  actives,  une  de  celles  dont  les  marins 
s'aventurent  à  de  grandes  distances  le  long  des  côtes  :  grâce  à  enx, 
presque  tous  les  royaumes  de  la  péninsule  sud-oiientale  et  des  îles  voisines 
étaient  devenus  les  vassaux  du  roi  de  Boni.  Le  meilleur  port  de  ces  parages, 
au  nord  de  l'archipel  des  îles  sud-orientales,  mais  sur  la  terre  ferme,  est 
la  baie  de  Kendari,  qui  communique  avec  la  mer  par  un  étroit  goulet; 
elle  s'élargit  à  l'intérieur,  olïiant  un  vaste  bassin  de  mouillage  aux  |ilus 
grands  navires.  Par  deux  fois  les  Ilollaiulais  s'y  sont  établis,  mais  pour 
l'abandonner  bientôt  après,  l^a  côte  orientale  de  Celèbès  n'offre  presque 
partout,  dans  la  succession  infinie  des  anses  et  des  promontoires,  que  l'é- 
tendue monotone  des  forêts  inhabitées.  Les  j)ècheurs  qui  explorent  les  côtes, 
à  la  recherche  du  trepang  et  des  tortues  à  écaille,  sont  des  Orang-Badjo,  les 
«  Tsiganes  de  la  mei'  »,  frères  des  Orang-Sekat  de  Bangka  et  des  Orang- 

*    Viiii  lier  ll:iil,  iiiivi;i"e  cité. 


BONTIIAI.N.    BAI1.IOA,    l'AHIlii,    l'AI.OS.  475 

Liiocl  de  Rornon,  goiis  timides  qui  couchent  l'aremeiit  sur  la  terre  ferme  : 
ils  naquirciil  sur  leur  prao  que  berce  la  vague,  et  c'est  là  qu'ils  mourront. 

Les  bords  du  golfe  de  Tolo  ou  Tomaïki,  ouvert  entre  les  deux  péninsules 
orientales  et  bordé  par  les  deux  royaumes  de  Taboenkoe  et  de  Bangaaï,  pos- 
sèdent, au  point  de  vue  géographique,  toutes  les  conditions  favorables  pour 
la  fondation  d'un  grand  port  de  commerce,  excellents  mouillages,  salu- 
brité du  climat,  richesse  de  la  végétation,  et,  en  l'absence  de  routes,  pas- 
sages relativement  faciles  à  travers  les  isthmes  des  presqu'îles  vers  les 
golfes  voisins.  Pourlant  il  n'existe  sur  ces  côtes  que  de  ])auvres  villages, 
et  ceux-ci  ont  été  fréquemment  ravagés  par  les  corsaires.  Des  îles  voi- 
sines, fort  étendues,  sont  complètement  désertes  :  c'est  ainsi  (pie  dans 
l'archipel  de  Soela,  qui  s'avance  à  l'est  de  Celèbès  vers  les  Moluques,  deux 
îles  seulement  sont  habitées,  Soela  Besi  et  Soela  Taliaho;  la  po|)ulalion 
totale  de  l'archipel,  qui  s'était  élevée  à  quarante  mille  individus,  avait  été 
réduile  par  les  pii'ales  et  les  marchands  d'esclaves  au  se|)lième  du  nombre 
primilif.  I/archipel  de  Togean  ou  les  îles  «  Écailles  de  Tortue  »  {Scliildjxid- 
eihniiloi),  situé  dans  le  golfe  de  Toraini,  au  nord  de  la  péninsule  de 
Balante,  n'a  pas  plus  de  quatre  cents  habitants,  d'origines  diverses. 

Le  bourg  de  Parigi,  à  la  racine  de  la  péninsule  du  nord-est,  ne 
|touvait  manquer  d'être  un  lieu  de  débarquement  et  de  commerce,  grâce 
à  sa  position  sur  le  pédoncule  le  plus  étroit  de  l'isthme.  Un  trajet  d'envi- 
ron 55  kilomètres  ])ermet  aux  marchands  d'éviter  un  énorme  détour  de 
8t)0  kilomètres,  qu'il  faudrait  accomplir  pendant  deux  moussons  succes- 
sives. Sur  la  rive  occidentale  de  Celèbès,  le  sentier  de  Parigi  aboutit  au 
golfe  de  Palos  :  en  un  jour  les  porteurs  et  les  cavaliers  font  le  voyage  de 
l'une  à  l'autre  rive.  La  position  de  Palos,  dans  une  région  fertile  et  bien 
cultivée,  sur  une  baie  profonde  et  à  l'abri  des  vents,  offre  des  avantages 
commerciaux  exceptionnels  :  on  ne  saurait  douter  que  dans  un  avenir 
prochain,  lorsque  les  régions  centrales  de  Celèbès  et  celles  de  Bornéo  qui 
lui  font  face  seront  ])euplées  et  cultivées,  Palos  et  son  avanl-posle,  Don- 
gala,  à  l'entrée  de  la  baie,  ne  deviennent  des  villes  de  pi-emière  importance 
dans  la  gé'ographie  économique  de  l'Insulinde.  On  s'étonne  que  les  Hol- 
landais n'aient  pas  encore  fondé  un  établissement  sur  ce  point  vital  de 
Celèbès  et  qu'un  chemin  de  fer  ne  relie  pas  les  deux  côtes  voisines. 

Au  nord  de  l'isthme  de  Parigi,  la  péninsule  se  rétrécit  encore  entre  les 
deux  baies  opposées  de  Dondo  et  de  Tomini,  qu'unit  un  sentier  de  monta- 
gnes ;  là  aussi  un  petit  commerce  se  fait  de  l'un  à  l'autre  port  à  travers  la 
presqu'île  :  mais  le  pays  est  presque  dé[ieiq)lé,  et  Tomini,  le  bourg  d'a[)rès 
lequel  on  désigne  [larfois  le  vaste  golfe  de  Gorontalo,  est  composé  d'une 
XIV.  CO 


m  NOUVELLE  GÉOnRAPUlE  UNIVERSELLE. 

dizaine  de  cabanes  seulenienl.  Ouanl  aux  habilanls  de  la  côte  septen- 
trionale, ils  restèrent  longtemps  sous  la  domination  des  hardis  pirates  de 
Tonloli  ou  Toli-Toli,  qui  rôdaient  dans  les  mers  de  Jolô  :  la  forteresse 
de  ces  corsaires,  hàlie  à  l'est  de  Dondo,  sur  la  rive  du  même  golfe,  fut 
détruite  en  1822  par  les  Hollandais  et  j)lus  de  trente  bateaux  de  course 
lurent  livrés  aux  flammes.  Les  orpailleurs  recueillaient  autrefois  une 
assez  grande  quantité  de  poudre  d'or  dans  cette  région  de  la  presqu'île, 
industrie  précaire  qui  est  presque  entièrement  abandonnée. 

La  ville  de  Gorontalo  ou  Holontalo,  improprement  désignée  parfois  sous 
le  nom  de  (loenong  Tello  (mont  Tello),  a  donné  son  nom  à  la  presqu'île 
nord-orientale  deCelèbèset  à  l'un  de  ses  grands  golfes;  elle  est  située  dans 
une  plaine  jadis  lacustre,  à  l'issue  d'une  étroite  vallée  parcourue  par  un 
torrent  qui  descend  du  lac  de  Limbolto;  les  ruines  d'anciens  forts  domi- 
nent les  promontoires  au-dessus  de  la  ville.  Gorontalo  fut,  comme  Tonloli, 
un  nid  de  ])irates;  mais  elle  est  actuellement  un  lieu  de  marché  pacifique, 
et  des  sentiers  la  font  communiquer  avec  Kwandang  et  Soemalata,  au 
noid  de  l'ile.  Au  delà  de  Gorontalo,  vers  l'est,  la  côte  est  presque  déserte 
jus(|u'aux  rivages  du  Minahassa,  où  se  succèdent  les  deux  ports  de  Be- 
lang  et  de  Kema  :  ils  sont  unis  par  de  bonnes  roules,  à  travers  la  pénin- 
sule, à  Menado,  chef-lieu  de  la  province  cl  rivale  de  Macassar  pour  l'im- 
portance politique  et  la  valeur  des  échanges. 

Menado  ou  Manado,  ïo.  Wenang  des  indigènes,  est  située  au  bord  d'une 
large  baie  ouverte  dans  la  direction  de  l'ouest  et  protégée  au  nord  par  plu- 
sieurs îles,  dont  Tune  est  Menado  Toevva  ou  «  Menado  la  Vieille  «  :  c'est  là 
que  se  trouvait  en  effet  rancienne  ville.  Les  habitants  l'abandonnèrent  en 
|(iS2  à  cause  du  manque  d'eau  et  de  la  trop  grande  facilité  d'accès  que 
leur  île  offi'ait  aux  ennemis  :  ils  se  réfugièrent  sur  la  teire  ferme,  |)rès  de 
rem[)Iacenieiit  de  la  Menado  aciuelle,  «pii  s'est  peu  à  peu  formée  aulour  du 
fort  de  Nieuw-Âmsterdani.  La  petite  cité  hollandaise  est  l'une  des  plus 
charmantes  de  cette  Insulinde,  qui  ])0ssède  tant  d'autres  villes  gracieuses  : 
Menado  n'est  qu'un  vaste  jardin,  parsemé  de  maisons  rustiques  et  tra- 
versé pai'  des  allées  ombreuses,  dont  chacune  se  termine  par  une  admi- 
ralili'  pi'ispective  sur  la  mer,  les  îles  ou  les  montagnes  éteintes  ou  brû- 
lantes. Un  (les  quartiers  de  Menado  est  habité  ])ar  une  tribu  d'Allourou, 
les  Bantek,  (|iii  ont  résisté  aux  tentatives  de  conversion  des  missionnaires 
chrélicns,  et  (pii  ont  gardé  en  partie  leurs  anciennes  UKeurs;  ce  sont  des 
hommes  1res  laborieux  et  on  leur  confie  ])res(|ue  tous  les  travaux  du  |i()rl, 
don!  le  conimerce  est  affranchi  de  taxes  douanières. 

Menado  (^sl  entourée   de    cultures   r('mplarant  les   ioivts  primiliv("-,  et 


-■':?  '?^ 


MENADO,   TUNDANU,   llIVlSIONS   DE   CELÈBÈS.  477 

CCS  cham|is  sont  traverses  de  belles  routes  qui  iacilitent  l'accès  du  ma- 
f,niili(|iie  plaleau  de  Tondann,  avec  ses  cafeteries,  ses  forêts  et  son  beau  lac 
sinueux  d'où  s'épanche  la  su|i<irbe  cascade  de  la  rivière  de  Menado.  I^a 
ville  de  Tondano  ou  des  »  A(|uali(jues  »  est  située  maintenant  sur  une 
liaulc  berye,  |»rès  de  l'elTluenl  du  lac;  mais  c'était,  au  commencement  du 
siècle  dernier,  une  cité  lacustre,  bàlie  sur  pilotis  et  peuplée  de  gens  liers, 
([ue  les  Hollandais  eureni  ^rarid'peine  à  léduire;  aussi  ne  manquèrent-ils 
pas  de  déplacer  la  ville.  A  une  petite  dislance  à  l'ouest  s'élève  sur  une  ter- 
rasse, à  lOOl)  mètres  d'allitude  (Miviron,  le  village  de  Roeroekan.  C'est  le 
groupe  d'Iiabilalioiis  le  jilus  liaul  de  loiil  le  Minahassa,  et  proljalilemenl 
de  File  entic'i'e  de  Celèbès'. 

Au  nord  de  Celèbès,  les  habitants  des  iles  Sangi  et  Talaoet,  Alfourou  en 
grande  partie  policés,  avaient  été  baptisés  de  force  dès  le  seizième  siècle 
par  des  missionnaires  catholiques,  et  l'on  voit  encore  chez  eux  les  ruines 
d'églises  de  ce  temps.  Comme  les  Néo-Guinéens,  les  gens  du  littoral  habi- 
tent des  maisons  construites  sur  pilotis;  généralement  plusieurs  familles 
sont  l'éunies  sous  le  même  toit. 


Les  divisions  politiques  et  administratives  de  Celèbès  ne  corres|ioiulent 
pas  aux  divisions  naturelles.  C'est  ainsi  que  Soembawa,  l'une  des  iles  de 
la  rangée  volcanique  du  sud,  fait  [»artie  du  «  gouvernement  »  deMacassar, 
tandis  que  dans  l'Ile  même  de  Celèbès  les  petits  Etats  qui  bordent  le  golfe 
de  Tolo  ou  Tomaïki,  enlie  les  deux  péninsules  orientales,  appartiennent  au 
sultan  dcTernate  et  dé[iendent  par  consé(|uent  d'un  îlot  lointain.  Ce  vaste 
lerriloire  n'est  pas  le  seul  que  la  Hollande  possède  uniquement  comme  suze- 
raine, par  l'intermédiaire  d'un  vassal  :1a  plus  grande  partie  de  Celèbès  con- 
siste en  petits  États  indigènes,  dont  les  uns  sont  classés  parmi  les  lèuda- 
taires  médiats  ou  immédiats,  et  les  autres  parmi  les  alliés;  il  en  est  aussi 
qui  ont  gardé  une  complète  indépendance.  Les  districts  soumis  directement 
à  l'administration  hollandaise  n'occupent  qu'une  faible  étendue  relative  : 
là  même  les  anciennes  procédures  administratives  se  sont  partiellement 
maintenues,  et  le  pouvoir  est  exercé  par  des  régents  indigènes,  que  sur- 
veillent des  résidents  ou  assistants  hollandais.  Enfin,  les  diverses  colonies 
commerciales  établies  dans  les  villes  du  littoral  ont  chacune  leur  eonstitu- 

'  Villes  inincijiales  de  Celèbès,  avec  leur  |io|iulati()ii  recensée  ou  présumée  : 


Macassar tiO  000  hab. 

Menado i  000     » 

lionlliain 5  àOO     » 


Tondauu .")  000  bab. 

Kenia. 'i  000     ,) 

Palos 2  000     » 


NOUVELLE  OEOGRAPUIE   UNIVERSELLE. 


(io)i  spéciale  cl  leur  chef  responsable.  Le  mode  de  j;ouverncmeiil  dilTère 
dans  les  nombreux  «  royaumes  »,  petits  et  grands,  qui  se  partagent 
Celèbès;  la  plupart  sont  des  monarchies  électives,  limitées  par  la  coulurae, 
jtar  l'autorité  des  notables  et  le  pouvoir  religieux  des  prêtres.  L'Etat  de 


s"   97.    DIVISIONS    ADMINISTRATIVES    DE    CELEBES. 


EstdePor,. 


•iiR-iil  .le  Celèbès.        Hésideuce  ,1e  Meuado.  Résideliee  de  Tenmle.  Uùsideucc  a  .Vii.l.uli 


Wadjo,  sur  la  côte  orientale  de  la  province  de  Macassar,  est  une  répu- 
bli([ue  de  grandes  familles  ayant  un  prince  élu  pour  chef  nominal  :  le  con- 
seil souverain  se  compose  de  quaranle  délégués,  parmi  lesquels  siègent 
quelques  femmes,  en  vertu  de  leur  fortune  ou  de  leurs  droits  héréditaires. 
Les  divers  royaumes  des  Bougi  sont  également  des  Etats  oligarchiques 
dont  le  souverain  n'est  (|ue  l'exécuteur  di^s  volontés  de  ses  vassaux. 


CELEBKS,  MOLUQUES. 


479 


Le  tal)lenu  suivant  iii(li(jue,  d'aprôs  le  Regeerivgs  Âlmonnk,\Q^  divisions 
poiiliqut's  el  administratives  de  Celèbès  —  moins  Soembawa  : 


i':i(iviNi:i;s 

DIVISIONS    HOLLANDAISES. 

IlOVACMES    VASSACX. 

nOÏACMES    ALLlliS. 

AITRF.S. 

Macassar. 

Boni. 

Goa.   Boeton    el 

Wodjo. 

Districts  (lu  nord   (Ma- 

îles  voisines. 

n.s,  etc.). 

Tanelle. 

Mandhar,  Kajeli 

Toradja. 

CiXÙBKS  .    .     . 

Districts  (lu  sud  (Boii- 
1      thaïn,  etc.). 
'  Districts    de   l'est  (Ba- 
lang  Nipa,  etc. 

Saleijer  et  Iles  voisines. 

Iles  Manoewi  et  W'owoni 

(Palos  et  Don- 
gala),  Loewoa, 
LaiwoeiouKan- 
dari) ,    Tontoli 
ouToli-Toli,etc. 

Iti''|ii>mlances 
(le  Tci'iiato. 

Côte  orientale    de   Ce- 
li>bès. 
1  Archipel  de  Bangaai. 
Archipel  de  Soela. 

Menado  (Minahassa). 
Gorontalo. 

Mi;nado  .    .    . 

Côte    septentrionale   t\r 

Cek'bés. 
Iles  de  Sangi  et  de  Ta- 

laoet. 

1 

XV 


MOLUQUES    DU    SUD. 

BOEBOE,  CEBAM,  AMBOINE,  BANDA 


Un  seuil  sous-maiMU,  oîi  l'on  ne  ti'ouve  pas  même  200  mètres  en  pio- 
fondeur,  relie  Celèbès  et  l'archipel  de  Soela  à  Boeroe.  la  plus  occidentale 
des  Moluques.  D'autre  part,  cette  île  ovale  fait  partie  d'une  rangée  de  terres 
recourbée  en  arc  de  cercle,  qui  com[ii"end  Ceram,  Goram,  divers  îlots,  el 
va  croiser  au  groupe  de  Kei  une  autre  rangée  de  terres  émergées,  les  îles 
ilii  «  Sud-Est  ».  Cette  chaîne  des  Moluques  méridionales,  dont  la  courbe 
se  prolonge  sur  un  espace  d'environ  750  kilomètres,  d'abord  de  l'ouest  à 
l'est,  puis  vers  le  sud-est,  parallèlement  à  la  côte  de  la  Nouvelle-Guinée, 
est  bien  délimitée  au  nord  et  au  sud  par  des  mers  profondes  :  d'un  côté, 
l'abîme  de  séparation  entre  Ceram  et  les  Moluques  du  nord  a  plus  de 
.IIHKI  inèlics;  de  l'autre,  la  mer  de  Banda  se  creuse  à  plus  de  (jOOO  mètres, 


4S()  NOUVELLE  C.ÉOGIiAI'HIE  LM VEliSELLE. 

in/'nic  en  un  ciidroil  li'rs  r;i|)|ii()cli('  du  volcim  de  |}aiid;i,  ii  7<S|,")  iiiMi'os 
aii-di'ssoiis  de  la  siiil'acc.  (l'csl  |)i'écis(''iiK'iil  au  (•ciilrc  de  ci'llf  mer 
(|iic  se  rcdicssc,  couiiiic  uiiu  bulle  au  milieu  d'un  cfalèrc,  le  plateau  sous- 
niaiin  de  l,uei|iai'a,  avec  ses  quelques  récifs  exoiulés.  A  re\ee|ilioM  li'Aiii- 
hoiue  el  de  Hauda,  donl  le  <>i'(iu|ie  ii'esl  ])as  silué  dans  le  même  ali<;iiemenl 
(|ue  les  autres  Molutjues  méridionales,  toutes  ces  îles  se  trouvenlen  deliors 
de  la  ziine  v()leaiii(|ue  de  l'Insulinde. 

La  |ielite  ile  d'Amltoine  el  la  poussinière  de  Banda,  plus  pclile  encore, 
eurent  jadis  une  importance  commerciale  l)ien  sn|)érieure  à  celle  des 
^l'aiides  iles  de  ces  parafes,  et  (|ii()i(|ue  leur  nilc  ait  dimiiUK".  elles  ont 
|u)urtanl  j^ardc'  la  pi'ééminence  admiiiisiralive,  en  \crlu  de  leur  ancienne 
^loii-e  et  de  l'aiilorilé  (|ue  donne  la  durir.  Mais  il  est  pr()l)al)le  ([ne  le 
centre  de  jiravit('',  an  moins  |)our  les  pioductions  aj^i'icoles,  finira  par  se 
déplacer  vei's  Hoeroe  el  (lei'am,  qui  l'empoilent  déjà  jiour  le  nombre  des 
lialiilanis  et  possèdeni    aussi  d'excellenls  ports'. 

lîiieroe,  rime  des  iles  les  moins  connues  de  raichipel  insniindien  et 
pourlani  l'une  des  plus  l'erliles.  des  plus  riches  en  icssouires  nalurelles, 
pr(''S('nte  du  c(")l(''  de  l'ouest  sa  l'ace  la  plus  escarp(''e  :  c'est  non  loin  de 
crtie  rive  occideiilale  (|ue  se  di'esse  la  monta<;ne  culminante  de  l'Ile,  le 
i.amandam;  (Ui  mont  de  l'onialioe,  liaiil  de  'J,"»!l!l  mètres.  A  ce  lici'  sonnnel 
se  relient  d'auti'es  nmntagnes,  en  cbaînes  el  en  massil's,  qui  s'abaissent 
fii'adnellement  dans  la  dii'cction  de  l'est,  mais  plus  hautes  el  plus  escar- 
pé'es  le  lonii  de  la  côle  uK'i'idiomde  (lue  sur  le  lilloral  oppos(''.  Hans  l'en- 
semlili',  le  l'cliel'  monlauneux  de  lîoeroe  es!  dispos{''  en  un  demi-cercle 
don!  la  convexiii'  est  loiirnée  vers  l'est  :  un  ^land  lac,  le  Wakoliolo, 
occupe,  à  TiiSO  mi'Ires  d'altitude,  une  dépression,  en  l'orme  de  crati're,  dans 
la  r(''jiion  cenlrale  de  l'île  ;  sa  prolondeur  n'esl  pas  considérable  si  l'on  en 
croil  l'ancienne  carte  dessiiK'c  dans  l'ouvrage  de  \  aient  ipi,  d'apii's  hop  ici  le 
les  plus  j^ramls  fonds  seiaieni  iruiie  vinglaine  de  brasses.  Korbcs  n'a 
tidiivi'  dans  le  Wakoholo  (pi'iine  seule  esjK'ce  de  jxtisson,  ran^uille. 
La  c("ile  orientale  esl  ('■chanciée   par   la   mai;iiirK[ue   baie  de  Kajeli,  (pi'eu- 

'   Suprriicii'  l'I  |iii|iiilali(iii  recensai',  rvaliiiT  (iii  |iivsiiiurc',  des  Miilii(|U('s  niri  idinrintcs  : 

liofiiic  cl  Aiiililiniw  .   .    .  8  771luliiiiirlivs(;invs.  fi'i  OOO  liiiljilaiils. 

Cci-ain 18  1118  «  »  '20(1000  )i 

(in)ii|pi'  (le  Oniin-Luii'l  .  138  i>  »  2  000  )■ 

Connu 7).'.!  )i  ))  i.MIO  n 

AnilHiiiic 08"»  Il  11  .",2  000  ,. 

Iles  (teliiissoi' 26.'j  11  II  20  000  « 

Gr()ii|i(>  (le  Bandii  ....  U  ii  »  G  000  ii 

Eiisciiilili'.    .    .     28  r.O  Kilduiclics  canvs.  TmO  ,"i00  li  ililhinl.;. 


lioKiKii:.  amikhm;,  (ir;i,i  \sski;. 


1S1 


(ouïr  uni'  l;ii'i;('  |il;nii('  (IduiiiKv  |i;u-  un  ;ini|ilnlli(''i'ili-('  de  iikhiIm^ucs.  Lu 
[iclilc  ilr  (rAniMiinw,  sihK'cnu  suil-csl  de  lîocidr.  ix'ulcn  rire  coiisidriu'c 
('nniiiic  une  sini|il('  (l(''(ii'ii(hiMct';  rllc  csl  jiussi  lii's  Muinhijiucusc,  cl  des 
l'écils  en  hoi'dcnl   les  rivii^vs. 

Les  [iclilcs  îles  (|ni  ialla(  lii'ul  lîiicroc  ;i  Oiain.  Manipu,  kcliin^,  |{((ii(im, 
soni,  au  {Kiinl  de  vue  i;c'u;^ra|ilii(|U(',  de  simples  IVanmcnls  dr  (Icrain,  de 
iiièinc (|uc  SCS  [K'iiinsulcs  terminales,  l/ilc  d' Aniltoiiic,  cl  les  irnis  ilcs  (|ui  la 


N"  08.    —    DOEIlOIi. 


Est  de' Paris 


•i,rt,fi,'  ^ 


/S" 


l?/°         Est  de  Gr 


d^preiMulk 


Profortc/^c^/^S 


OaOàôO'"  a'cSûàSÛO'"       c/eôûai/OÛO'"     ai'e/C%%?â.SOÛO"''i:reaOOC-euwa'e/.i 

1   :  3  000000 


siliveiil  à  l'os!  elquel'on  réunil  sous  le  nom  commun  d'Oeliasser,  Oma  on 
llaroekoe,  Saparoea  el  JNoesa  Laoel  ou  "  île  de  la  Mei'  »,  re|)oseiil  sur  l(^ 
niiMiie  socle  de  Icitcs  iniiiicrji(''cs  (pic  la  jurande  ierre  di-  (Icrani.  Anilioinc 
csl  Icllcniciil  découpée,  qn'cui  la  considère  coninic  l'orméo  de  deux  pénin- 
sules; lliloe,  celle  du  nord,  de  heanconp  la  plus  liaule,  csl  couverte  di; 
collines  pénibles  à  ;j;ia\ir;  nu  isilinic  sald(Hincn\,  (pii  n'a  pas  iM(~'ine 
'i  kilomclrcs  de  largeur,  réunil  la  prcsiprilc  de  lliloe  à  celle  du  sud,  Ley- 
linior.  A  l'csl,  llaroekoe  cl  Saparoca  onl  des  pilons  de  400  el  500  mèlres 
de  liauleur  ;  A'oesa  Laoel  csl  plus  liasse  :  on  l'appelle  aussi  «  île  de  l'Or  », 
soil  parce  (|u'on  y  recueillail  de  la  poudre  d'or,  soil  jmrce  que  ses  lerres 
sonl  d'une  :;iandc  l'erlililé.  D'après  Wallacc,  Anilioinc  serait  une  terre  vol- 


18'2  NOUVELLE   r.ÉOr.RAPHIE  UNIVERSELLE. 

canique,  et  parfois  un  cratère,  ouvert  dans  la  partie  oceiclenlale  de  l'ile, 
aurait  lancé  des  vapeurs  et  des  cendres  ;  une  nouvelle  bouche  d'éruption 
se  serait  même  formée  en  1824.  Cependant  des  résidents  européens  d'Am- 
l)oine  nient  l'existence  de  tout  volcan  dans  cette  ile  des  Moluques. 

Cerani  ou  Serang,  la  plus  grande  des  îles  du  groupe  méridional,  est 
également  celle  dont  les  monts  sont  le  plus  élevés.  La  partie  occidentale, 
dite  Hovvamoel  ou  la  «  Petite  Ceram  »  et  recouverte  d'une  forêt  continue, 
est  la  moins  haute;  mais  au  centre  s'élèvent  des  monts  de  plus  de 
2000  mètres,  et  vers  l'est,  sur  le  méiidien  de  Banda,  la  montagne  de 
Noesaheli  dresse  son  piton  culminant  à  29(30  mètres  d'altitude  :  les 
indigènes,  qui  l'appellent  le  ■<  Xomhiil  ■•  de  l'ile,  la  tiennent  en  véné- 
ration. La  roche  dominante  de  Ceram  est  le  granit,  d'après  quelques 
voyageurs,  et  des  couches  d'argile  rougeàtre  s'étendent  à  la  base  des 
escarpements.  Des  récifs  frangent  les  rivages,  et  les  îles  qui  continuent 
Ceram  vers  le  sud-est  sont  en  grande  partie  formées  de  calcaire  coral- 
ligène.  L'île  de  Goram,  l'une  des  plus  considérables  de  ce  groupe,  con- 
siste en  un  noyau  central  de  rochers  autour  desquels  les  polypiers  ont 
construit  lenrs  lécifs  ;  mais  d'autres  îles  d'égale  étendue,  telles  que  Mana- 
woko  et  iMalabello,  sont  uniquement  formées  de  corail  soulevé.  Au-dessus 
des  basses  roches  du  pourtour,  (lt'|iassaiil  à  peine  le  niveau  delà  mer,  le  sol 
s'élève  en  pente  douce  vers  la  base  de  falaises  blanches,  çà  et  là  perpendi- 
culaires et  s'élevant  à  50  ou  même  à  (30  mètres  :  ce  sont  des  masses  pures 
(le  calcaire  corallien,  dans  lequel  disparaissent  les  eaux  de  pluie.  Les  lis- 
sures  de  la  roche  offrent  des  passages  aux  indigènes  pour  escalader  le 
plateau  supérieur  où  se  trouvent  les  villages  et  les  cultures'. 

Le  petit  groupe  de  Banda  contraste  avec  les  grandes  îles  et  les  archipels 
voisins  j)ar  son  isolement  et  l'incessante  activité  de  sa  «  montagne  de  Feu  « 
ou  goenong  Api.  Les  six  îlots  sont  très  rapprochés  les  uns  des  autres  et 
trois  d'entre  eux,  Lonthoir  ou  (irande  Banda,  Banda  Neira  et  le  Volcan, 
sont  disposés  en  cercle  de  manière  à  former  un  véritable  lac  intérieur 
dont  on  ne  voit  pas  les  entrées;  ce  fut  probablement  une  immense  bouche 
d'éruption.  Deux  des  îles  qui  entourent  ce  bassin  naturel.  Grande  Banda 
et  Banda  Neira,  sont  verdoyantes  jusqu'à  la  crête  de  leurs  collines,  tandis 
(|ue  le  cône  superbe  de  la  montagne  fumante  n'a  sur  les  pentes  inférieures 
([u'une  légère  teinte  verte  et,  plus  haut,  n'offre  que  des  talus  de  pierres, 
toutes  blanches  d'efflorescences  salines  au  sommet  :  des  vapeurs  s'élèvent 
en  tourbillons  de  cratères  et  d'entonnoirs  ouverts  au-dessous  de  la  cime  et 

>  AH'ivd  H.  WallacL',  ouvrage  cilé. 


CKFtAM,    1!AM)A.  483 

se  réuniss(Mil  on  niiaoos  que  déroule  le  veut.  Les  îles  de  Banda  Iremblenl 
fré(juemnient,  et  les  vagues  produites  par  la  secousse  viennent  se  heurter 
au  littoral,  rasant  les  habitations  et  ravageant  les  jardins.  Des  laves  et  des 
cendres  constitueraient  la  masse  des  îles,  si  des  coraux  ne  s'étaient 
formés  autour  de  leurs  rivages,  leur  donnant  ainsi  une  ceinture  de  roches 
calcaires,  que  les  oscillations  du  sol  ont  soulevée  jusqu'à  plus  de  100  mè- 
tres au-dessus  du  iii\eau  niaiiu.  Les  eaux  de  pluie  disparaissent  enlirrc- 
ment  dans  les  talus  de  cendres  des  îles,  si  ce  n'est  dans  la  (irande 
Banda  et  à  Banda  iNeira,  oi'i  s'épanchenl  quebpies  rares  i'onlaines;  le 
bétail  des  Moluques  méridionales  se  serait  accoutumé,  dit-on,  à  boire 
l'etiu  de  mer'.  C'est  dans  les  parages  de  Banda  que  l'on  observe  le  plus 
fréquemment,  pendant  les  mois  de  juin  et  de  septembre,  le  curieux 
phénomène  de  la  «  mer  de  lait  »  :  les  eaux  paraissent  blanches  durant 
la  nuit  et  s'éclairent  d'une  vague  phosphorescence.  Mais  les  raz  de 
marée  qui  se  produisent  alors  mettent  en  danger  les  navii'es  d'un  faible 
tonnage. 

Placées  entre  l'Insulinde  [)i'opremenl  dite  et  la  JNouvelle-Ijuinée,  les 
Moluques  du  sud  participent  au  climat  des  deux  régions';  de  même  leurs 
espèces  végétales  et  animales  témoignent  de  la  transition  entre  deux 
mondes;  cependant  chacune  des  îles  possède  niu'  faune  caractérisée 
par  des  formes  originales,  si  ce  n'est  pour  les  mammifères  terrestres, 
qui  leur  manquent  pres(|ue  complètement.  Les  Moluques  méridionales 
n'ont  pas  même  de  singes;  après  les  chauves-souris,  les  espèces  les  mieux 
représentées  sont  celles  des  marsupiaux  :  par  ces  animaux,  notamment 
par  le  cuficus,  qu'avait  déjà  signalé  Bougainville,  les  Moluques  appar- 
tiennent à  l'aire  de  la  Nouvelle-Guinée;  d'autre  part,  le  curieux  babiroussa 
de  Celèbès,  que  l'on  voit  aussi  dans  l'archipel  de  Soela,  a  pénétré  dans  l'île 
de  Boeroe,  qui,  par  ce  sanglier,  fait  partie  du  domaine  insulindien;  elle 
s'y  rattache  également  par  ses  pythons  énormes,  c<  troncs  d'arbres  mou- 
vants )i,  qui  s'attaquent  à  l'homme  et  le  dévorent.  Pauvres  en  mammi- 
fères, les  Moluques  sont  prodigieusement  riches  eu  oiseaux,  qui  pour  la 
plupart  ressemblent  aux  formes  papouasiennes  :  dans  la  seule  île  de  Ceram, 
Wallace  a  découvert  55  espèces  d'oiseaux  qui  ne  se  trouvent  point  ailleurs  : 
en(r(>  autres,  un  casoar  casqué,  haut  de  plus  d'un  mètre  et  demi  et  portant 
au  lieu  d'ailes  des  faisceaux  de  noires  aiguilles  cornées.  Boeroe  lui  fournit 


'  ,1.  II.  ili'  Honilyi'k-Basliaanse,  Voyctijc  de  l  n  liis  n. 

"  Miiyi'iiiir  lies  pluies  pendant  une  série  de  huit  années  dans  les  M(dui|ups  : 

Aniboine  :  5'°,7li'J;     Saparoea  :  ô'",,"(5ti  ;     Banda  Neira  :  'J'°,S77;     Teriiale  :  2'",  192. 


iS4  NOLVELLK   (iÉnr.RAI'IIIK   UNIVERSELLE. 

iiiissi  17  l'sprics  iiouvellos.  Les  Moluqiu's  soiil  pni'liculii'icmcnl  rirlirs  l'ii 
perroquets,  en  pigeons,  en  martins-pècheurs,  tous  brillants  des  couleurs 
les  plus  vives.  De  même  pour  les  poissons,  les  Moluques.cl  principalement 
celles  du  sud,  sont  une  des  régions  privilégiées  du  monde.  M.  Bleeker  a 
trouvé  dans  les  ports  et  les  criques  de  la  seule  îled'Amboine  7S0  espèces  de 
poissons,  presque  autant  qu'en  possèdent  tontes  les  mers  et  les  rivières  de 
l'Europe,  et  des  centaines  d'entre  eux,  Laiiolés  ou  mouchetés  de  bleu, 
de  vert,  de  rouge  ou  de  jaune,  offrent  une  variété  infinie  d'aspects  :  il  n'est 
probablement  pas  sur  la  Terre,  dit  Wallace,  de  baie  où  la  vie  animale  ait 
une  plus  grande  diversité  de  formes  que  dans  les  «  jarilins  marins  »  du 
petit  golfe  d'Amboine.  Les  mollusques  et  les  infînimenl  petits  de  l'Océan 
y  sont  aussi  représentés  par  des  multitudes  d'espèces.  Pour  les  insectes, 
notamment  pour  les  papillons,  Amboine  est  également  l'endioit  de  la 
Terre  qui  possède  les  plus  grands  et  les  plus  beaux  :  c'est  le  paradis  des 
naturalistes.  Et  par  un  étrange  contraste,  qu'on  ne  peut  s'expliquer,  la 
partie  orientale  de  Ceram,  pourtant  fort  bien  ])artagée  jiour  la  végétation, 
est,  comparée  à  la  région  occidentale  de  l'île,  d'une  extrême  pauvreté  en 
formes  animales. 


Les  haliilanls  non  encore  pdlicés  des  Moln(|ues  méridionales  sont  ilési- 
gnéssousle  nom  d'Allouroii,  conimeà  Celèbèset  en  d'autres  îles  de  l'Insu- 
linde;  mais,  au  lieu  de  se  rattacher,  comme  les  Cclèbiens,  aux  Dayak  de 
Bornéo  et  aux  Batta  de  Sumatra,  ils  ressemblent  beaucoup  plus  aux  l'apoua 
de  la  JNouvelle-Guinée  et  paraissent  être  de  même  origine;  on  se  demande 
avec  étonnement  |)ourquoi  la  simple  coïncidence  d'un  nom  géograplii(|ue 
des  légendes  polynésiennes  avec  celui  de  Boeroe  a  pu  faire  croire  à  cer- 
tains ethnologistes'  que  cette  île  est  le  lieu  d'origine  des  rtices  de  la  Poly- 
nésie. Les  Alfourou  de  cette  île  craignent  même  de  voir  la  mer;  elle 
est  tabouée  pour  eux  et  malheur  leur  arriverait  s'ils  entendaient  seu- 
lement le  bruit  des  vagues'.  Ils  sont  de  taille  moyenne  ou  élevée,  leur 
peau  est  d'un  brun  foncé,  et  chez  qnel(|ues-uns  d'entre  eux  la  chevelure 
frisée  ou  houlTaiile  occupe  un  rs|iace  (Miorme,  (piaiid  ils  ne  la  i'amè- 
neni  pas  en  chignon  ou  en  nceud  sur  l'une  îles  tenq)es.  Us  aiment  beau- 
coup les  ornements,  et  ceux  d'entre  eux  (jui  n'ont  ni  verroterie,  ni  corail, 
ni  métaux,  portent  des  bracelets  et   des  chevillères  en  herbes  tressées  et 


Haie.  Elliiioiiidj/hii  iiikI  l'ItilohHjii ;  United  Slalcs  E.i/jluiiiiii  E.rpicliliuii. 
U.  (J.  Eorlii's,  uuvraw  cili''. 


ALFOl'ROr   I)i:S   MOLUOIES.  48^ 

percent  des  noyaux  de  IVuils  un  des  baies  jionr  s'en  faire  des  colliers.  Mais 
il  est  rare  de  rencontrer  ces  Paitona  de  Boeroe  et  de  Ceram  à  l'état  pur, 
car  il  n'y  a  qu'un  très  petit  nombre  de  villages  à  l'intérieur  :  presque 
toute  la  population  vit  sur  le  littoral,  et  là  des  Malais  et  d'autres  immi- 
grants se  sont  croisés  avec  la  race  primitive  et  en  modifient  diversement 
le  type.  Dans  l'île  Manawoko,  à  l'est  de  Ceram,  l'élément  malais  semble 
avoir  pris  le  dessus  et  les  métis  issus  des  deux  races  sont  de  Ibrt  beaux 
hommes,  aux  traits  agréables  et  à  l'opulente  chevelure.  On  dit  aussi  que 
})armi  les  Amboinais  la  physionomie  hindoue  se  retrouve  chez  de  nom- 
breux insulaires,  et  la  langue  témoignerait  d'une  ancienne  influence  asia- 
tique par  une  foule  de  mots  et  de  tournures;  dans  la  plupart  des  îles 
orientales  de  la  Malaisie  le  nom  de  lieu  Modjo-Pahit  rappelle  l'ancien 
empire  hindou  de  Java  '. 

Les  indigènes  «  alfourou  »  de  Boeroe  n'ont  plus  les  mœurs  féroces  des 
gens  de  Ceram;  les  premiers  ont  cessé,  depuis  une  époque  immémo- 
i-iale,  de  couper  les  tètes  de  leurs  ennemis  pour  en  parer  leurs  demeures, 
tandis  que  les  Alfourou  de  Ceram  sont  passionnés  pour  la  guerre  et  pour 
les  trophées  sanglants  qu'elle  leur  procure.  Mais,  à  part  celle  différence 
capitale,  les  naturels  des  deux  îles  se  ressemblent  beaucoup  par  les 
croyances,  les  mœurs  et  les  institutions.  Les  uns  et  les  autres  croient  à  un 
être  suprême,  le  créateur  et  le  conservateur  de  la  terre,  du  ciel  cl  de  la 
mer,  le  grand  juge  qui  récompensera  les  bons  et  punira  les  méchants, 
dans  cette  vie  et  dans  celle  qui  est  à  venir.  Toutefois  ils  n'adorent  [)oint 
ce  grand  esprit,  et  réservent  leurs  prières  et  leurs  conjurations  pour  les 
génies  innombrables,  bons  et  mauvais,  qui  vivent  autour  d'eux,  dans  les 
rochers,  les  arbres,  les  ruisseaux  et  le  vent.  Des  sorciers  et  astrologues, 
auxquels  on  vient  apporter  des  offrandes,  sont  les  intermédiaires  des 
hommes  et  des  génies,  et  grâce  à  eux  les  maladies  se  guérissent,  les 
plantes  fructifient,  les  barques  voguent  heureusement  sur  la  mer. 

Les  femmes  sont  toujours  achetées  dans  une  tribu  différente  :  tous  les 
mariages  sont  exogames;  la  femme,  emmenée  dans  la  tribu  du  mari,  cesse 
de  connaître  les  siens;  en  cas  de  veuvage,  elle  ne  peut  se  remarier  qu'à  un 
parent  ou  compagnon  de  son  ancien  époux,  mais  on  ne  lui  paye  pas  de 
dot.  Les  enfants  appartiennent  à  la  tribu  du  père.  D'ailleurs  la  femme 
est  toujours  traitée  avec  bienveillance  et  justice  :  les  mœurs  exigent  que 
les  travaux  pénibles  incombent  aux  hommes  et  que  les  besognes  faciles 
soient  réservées  aux  femmes    quand  celles-ci  sont  malades,  enceintes  ou 

'  \;il(Mili|ir.  —  Willcr,  Hcl  eiliiiid  Uueroe:  —  Wiiilz.  Aiilhiopohyie  der  Kaliirvolker. 


-i8G  NOl'VKME   CKOGUAPIIIE   UNIVERSELLE. 

iiouirito>,  elles  soiil  (lis|)ensées  de  lout  liiheur.  La  douceur  naturelle  des 
Alfourou  s(^  mauil'este  aussi  à  l'épaid  des  faibles  :  l'esclavage  y  est  en 
abomination  et  le  débiteur  ne  i'orl'ait  jamais  sa  liberté  comme  à  Celè- 
bès  et  dans  mainte  autre  lie  malaise.  Tout  prêt  se  fail  sans  intérêt,  et 
quand  l'emprunteur  est  incapable  de  [)ayer,  il  est  tenu  pour  libéré  :  c'est 
un  fail  rare  que  le  différend  soil  poilé  devant  le  chef  du  village  on  de  la 
tribu. 

Les  fonctions  diverses  de  chefs,  d'astndogues.  de  hérauts  d'arn)es  sont 
héréditaires;  mais  il  jieut  ariivei'  que  ces  personnages  déplaisent  à  leurs 
concitoyens,  et  ceux-ci  procèdent  alors  à  de  nouvelles  élections.  La  part 
de  chacun  des  fonctionnaires  est  réglée  avec  une  précision  remarcjuahie 
dans  l'économie  de  la  tribu.  Le  nombrede  gâteaux  de  sagou  qui  leur  revient 
est  si  bien  connu  d'avance  par  les  participants,  que  nulle  difficulté  ne  peut 
naîirt'  entre  le--  sujets  cl  les  chefs  :  en  moyenne,  l'ensemble  de  l'impôt 
s'élève  à  près  d'un  (juart  de  la  lécolte.  Dans  la  partie  orientale  de  Ceram, 
la  nourriture  jirescjue  exclusive  des  habitants  est  le  sagou,  et  les  indigènes 
en  ])réparent  uiu'  (puintilé  suflisanle  ])our  en  expédier  dans  toutes  les  îles 
avoisinantes.  L'arbre  croit  dans  tous  les  endroits  bas  et  marécageux,  et 
même  sur  les  pentes  des  coteaux,  partout  où  l'eau  séjourne  i)endant  quel- 
(|ne  temps,  iierrièi-e  un  rocher  ou  dans  un  repli  du  terrain.  Un  bel  arbre 
fournit  en  moyenne  dix-huil  cents  gâteaux,  d'un  poids  total  d'environ  oOO 
kilogrammes,  soit  la  nourriture  d'un  homme  pendant  l'année,  et  c'est 
dans  l'espace  de  quelques  jours  que  se  fait  le  travail  nécessaire,  abattage, 
préparation  de  la  moelle,  cuisson  des  gâteaux.  Cependant  cet  te  générosité  de 
la  naluic  ne  rend  point  l'Alfoui'ou  paresseux  :  il  se  fait  chasseur,  pécheur, 
marchand  et  passe  son  temps  à  décorer  sa  personne  et  sa  cabane'. 

Il  est  presque  sans  exemple  que  des  Alfourou  de  l'intérieur  se  convertis- 
sent à  l'islam;  mais  sur  le  littoral  l'influence  malaise  est  prépondérante 
et  les  croisements  ajoutent  sans  cesse  de  nouveaux  Orang-Slam  ou 
«  hommes  de  l'Islam  »  à  la  confession  mahométane.  D'autre  part,  des  in- 
stituteurs et  des  missionnaires  chrétiens  d'Amboine,  établis  à  Ceram  et 
dans  les  autres  îles,  ont  baptisé  des  milliers  de  naturels.  Kn  aucun  lieu 
de  rinsulinile  les  chr(''tiens  ne  sont  aussi  nombreux  :  en  plusieurs  vil- 
lages ils  constituent  la  majorité;  la  péninsule  méridionale  d'Amboine,  que 
visita  Fran(,'ois  Xavier,  rap('»tie  du  Japon,  est  peuplée  do  chrétiens,  tandis 
que  celle  du  nord  est  nuihomélane.  Sur  la  pallie  du  littoral  de  Ceram  qui 
fait  face  à  Amboine,  tous  les  indigènes  sont,  au  moins  nominalement,  des 

>  Wallacf,  (MiM-.-i"!'  ciU';  —  Willei-,  lld  cihiiiil  lUimie. 


MOLIUIES  ET   LEIRS   HABITANTS.  487 

Oi'anfï-Sirani  ou  «  Nazaréens  »  :  ils  portent  îles  noms  du  ealendrier,  pos- 
sèdent des  bibles  et  des  livres  de  cantiques;  quelques-uns  d'entre  eux  ont 
appris  à  lire  et  à  écrire.  A  l'imitation  des  Européens,  les  chrétiens  des 
Moluqucs  se  distinguent  par  la  couleur  noire  de  leurs  \ètenienls  les 
nobles  et  les  chefs  portent  encore  îles  costumes  à  la  mode  hollandaise  du 
siècle  dernier. 

La  forte  proportion  des  chrétiens  parmi  les  habitants  des  Moluques 
méridionales  témoigne  du  passage  des  Portugais  dans  la  contrée  :  ce  sont 
ces  derniers  qui,  dans  leur  zèle  de  propagande,  ont  converti  de  gré  ou  de 
force  les  indigènes  groupés  autour  de  leurs  comptoirs.  Après  l'arrivée  des 
Hollandais,  les  convertis  durent  abandonner  le  rituel  catholique  et  devenir 
protestants  réformés;  toutefois  mainte  cérémonie  se  fait  encore  avec  la 
même  pompe  religieuse  qu'au  temps  des  moines  portugais.  Bien  que  l'ile 
d'Amboine  et  l'archipel  de  Banda  n'aient  appartenu  au  Portugal  que  pen- 
dant un  siècle,  et  que  la  domination  hollandaise  y  dure  depuis  plus  de 
deux  siècles  et  demi,  l'influence  des  premiers  conquérants  se  fait  encore 
sentir  :  non  seulement  des  noms  géographiques,  tels  que  Banda,  Neira, 
Itaiideira,  Paso,  se  sont  maintenus,  mais  les  dialectes  des  indigènes  sont 
rem|ilis  de  mots  portugais,  que  l'on  emploie  du  reste  sans  en  connaître 
l'origine.  On  constate  aussi  la  peisislancc  du  type  lusitanien  dans  la  popu- 
lation d'Amboine  et  ce  sont  les  descendants  des  Portugais  (]ui  ont  la  peau 
la  |)lus  noire'.  D'ailleurs  la  race  a  certainement  déchu;  le  nombre  des 
habitants  a  beaucoup  diminué,  et  nulle  part  les  infirmités  et  les  maladies 
de  peau  ne  sont  plus  fréquentes  que  dans  les  îles  de  ces  parages. 

C'est  dans  les  premières  années  du  dix-septième  siècle  que  les  marins 
hollandais  se  présentèrent  devant  Amboine  et  Banda  et  qu'ils  en  firent  la 
conquête.  Devenus  les  possesseurs  de  ces  îles  qui  produisent  les  fameuses 
épiées,  «  valant  leur  pesant  d'or  »,  les  conquérants  voulurent  s'assurer 
le  monopole  de  denrées  qui  leur  procuraient  jusqu'à  200  et  500  ])0ur  IflO 
de  bénéfice  par  voyage".  Ils  ordonnèrent  la  destruction  de  toutes  les  forêts 
de  muscadiers  {myristira  moachata)  et  de  gii'ofliers  {caryophylhis  aromati- 
cus)  que  l'on  trouverait  dans  leur  immense  domaine  en  dehors  de  Banda 
et  d'Amboine;  et,  dans  ces  îles  mêmes,  le  nombre  des  arbres  fui  stric- 
tement limité  par  de  nombreuses  oidonnances  :  c'est  ainsi  que  dans  les  pays 
où  le  monopole  du  tabac  est  constitué,  en  France  par  exemple,  la  culture 
de  la  plante  est  interdite  ailleurs  (]u'en  certains  districts  soigneusement 


'  V;ilrrilljn;  —  Roorda:  —  Wailz,  Aiitlinipulayie  dcr  iStiluivOlkcr. 
-  Ciawriird,  ouvrage  cité. 


488  NOrVELLE   r.EOr.R  A  f'HIE   r.MVERSELLE. 

délimités.  Mais  la  inori  ('(ait  prononcée  contre  toul  violalcur  du  mono- 
pole; la  senle  présence  d'un  Iraitant  étranger  sur  une  île  à  muscadiers 
était  châtiée  par  la  peine  capitale,  quelquefois  par  le  supplice  de  la  roue  '. 
Bien  que  la  Compagnie  entretint  dans  cha(|ue  île  des  «  sergents  extirpa- 
teurs  »  %  l'œuvre  de  destruction  commandée  par  les  avides  commerçants 
néerlandais  ne  fui  pas  complète,  les  régions  de  l'intérieur  des  terres  ne 
leur  élant  qu'imparfailemeni  connues;  toutefois  ces  forêts  étaient  égale- 
ment ignorées  par  les  marchands  d'autres  nations,  et  pendant  deux  siècles 
et  demi  le  marché  d'Amsterdam  fut  le  seul  du  monde  on  l'on  put  acheter 
le  clou  de  girofle,  la  noix  de  muscade  et  le  raacis.  Un  des  résultats  du 
monopole  attrihué  à  Amhoine  et  à  Banda  fut  de  dépeupler  des  îles  qui 
avaient  été  commerçantes  jusqu'alors  et  de  permettre  aux  pirates  de  s'in- 
staller dans  les  ports  qu'ahandonnaient  les  trafiquants.  Mais  la  conséquence 
la  plus  grave  du  système  fut  l'avilissement  des  indigènes,  condamnés  au 
travail  forcé  sur  les  plantations  pendant  la  moitié  de  l'année;  il  ne  leur 
restait  plus  assez  de  temps  pour  cultiver  leurs  propres  jardins  :  toutes  les 
autres  industries  étaient  sacrifiées  à  la  culture  des  arbres  à  épices.  A  la 
fin,  le  monopole  lui-même  devint  onéreux  :  les  Mascareignes  et  d'autres 
îles  non  hollandaises  disputaient  les  marchés  d'Europe  aux  épices  des 
Moluques,  quoique  par  des  variétés  inférieures,  et  les  dernières  années 
de  vente,  au  milieu  du  siècle,  furent  désastreuses  pour  le  gouvernement. 
Le  commerce  des  épices  ne  rapportait  plus  même  autant  que  la  production 
avait  coûté;  en  outre,  les  dépenses  «ndirectes  occasionnées  par  le  main- 
tien du  monopole  étaient  fort  considérahles  :  le  budget  des  Moluques  se 
soldait  cluKine  année  par  un  énorme  délicil. 

I)('|)uis  (|ue  la  culture  des  aihres  à  épices  est  redevenue  libre,  l'inipor- 
tance  irAmboine  comme  lieu  de  production  du  clou  de  girofle  a  considéra- 
blement diminué.  Le  travail  des  plantations  était  si  impopulaire,  (|u'en 
maints  endroits  l'entretien  en  fut  abandonné  ;  on  coupa  même  des  arbres 
pour  ne  plus  les  avoir  sous  les  yeux.  Mais  dans  le  groupe  de  Banda  les 
planteurs,  plus  énergiques  et  |)lus  enlrepicnants,  et  surtout  plus  favorisés 
par  les  conditions  du  sol  et  du  climat,  continuent  de  soutenir  la  concur- 
rence avec  les  auti'es  lieux  de  |)roducti()n  muscadière''.  (les  propriétaires  de 
Banda  présentent,  avec  les  gens  de  Kisser,  l'exemple  d'un  groupe  d'origine 
hollandaise  s'étani  maintenu  pendant  plus  de  deux  cent  cinquante  ans 
sous  le  climat  tropical  des  mers  de  la  Sonde.  A  la  suite  d'un  massacre 

'  Bokemeyer,  Die  Molukken. 

-  Stavorinus,  Voijacjc  à  Samarancj,  etc. 

''  V.in  Hocvi'll,  Aiiihon  en  ilc  Ocliasers. 


MOLIOI'ES   KT   LEURS   HABITANTS.  i89 

des  iiiiliiirin's,  onlonné  par  le  Ici'rilile  directeur  Coen  au  eommeiicemenl 
du  dix-seplième  siècle,  de  grandes  élendues  de  terrains  furent  distribuées 
par  le  "ouvernemenl  hollandais  à  d'anciens  soldats  et  à  des  employés  en 
retraite,  (jue  l'on  désigna  sous  le  nom  de  jjcrkciuers,  à  cause  des  parcs 
{perk)  que  leur  assigna  le  sort.  Les  descendants  des  perkeniers,  d'ailleurs 
très  croisés  d'éléments  indigènes,  vivent  encore  dans  l'île  ;  mais  ils  ne 
travaillaient  point  eux-mêmes  le  sol  qui  leur  avait  été  concédé  :  jusqu'en 
1860,  année  de  l'abolition  du  monopole,  ils  le  lirent  cultiver  par  des 
mains  esclaves.  Ces  malheureux  avaient  éh'  importés  des  îles  les  plus 
diverses,  et  quelquefois  par  le  dépeuplement  complet  du  lieu  d'origine  : 
e'est  ainsi  (ju'en  1616  les  insulaires  de  Sjauw,  attirés  par  des  présents  sur 
les  navires  hollandais,  furent  transportés  en  masse;  d'autres  avaient  été 
volés  sur  les  côtes  de  la  Cochinchine.  des  îles  Kei,  de  l'archipel  d'Aroe,  de 
la  Nouvelle-Guinée  ;  enOn  le  gouvernement  y  envoya  des  condamnés  de 
toute  race'. 

Le  régime  des  castes  prévaut  à  Amboine  l't  dans  les  îles  Oeliasser,  bien 
plus  en  conséquence  de  la  domination  hollandaise  qu'en  vertu  des  ancien- 
nes mœurs.  Au-dessous  des  rares  fonctionnaires  européens,  les  gens  de 
sang  mêlé  constituent  une  première  caste,  très  fière  de  son  origine  vraie  ou 
prétendue,  car,  sur  le  millier  de  métis  qui  vivent  dans  la  résidence  d'Am- 
boine,  il  en  est  des  centaines  qui  seraient  fort  embarrassés  de  donner  leur 
généalogie.  Après  ces  demi-sang,  dont  quelques-uns  jargonneni  un  peu 
le  hollandais  et  qui  se  qualifient  mutuellement  de7mjnheerei  de  mevrouw, 
viennent  les  indigènes  chrétiens  qui  sont  classés  parmi  les  Ininjers  ou 
ce  bourgeois  ».  Ils  descendent  d'aïeux  que  la  Compagnie  avait  affranchis 
du  travail,  de  la  corvée  et  du  droit  de  capilalion,  et  ces  premiers  privi- 
lèges leur  en  ont  valu  plusieurs  autres  dans  la  suite.  Autrefois,  un  des 
principaux  éléments  de  la  |)opulaliou  élail  la  classe  des  iiiardijkcrs  ou 
«  affranchis  »,  esclaves  libérés  dont  on  avait  fait  des  soldats  et  qui  com- 
battaient avec  une  étonnante  inlrépidili^  Quelques  mahométans,  mais 
peu  nombreux,  et  presque  tous  appartenant  à  des  castes  inférieures,  ont 
reçu  également  le  titre  de  "  bourgeois  ».  Les  derniers,  depuis  que  l'es- 
clavage est  aboli,  sont  ceux  que  l'on  appelle  les  urang  masintj  ou  les  «  pe- 
tites gens  ».  D'après  la  plupart  des  voyageurs  et  des  résidents,  la  valeur 
morale  des  indigènes  serait  piécisément  en  raison  inverse  de  leur  rang: 
plus  ils  ont  de  droits  à  l'ciisiveté.  plus  ils  sont  en  effet  paresseux, 
joueurs  et  débauchés  ;  il  est  de  règle  chez  les  Hollandais  d'Amboine  de 

'  liukpinevcr.  oiivraiio  cilé. 


490  NOUVELLI-:  fJKOr.RAI'UIE  UNIVERSELLE 

s'adresser  |jliilùl  à  îles  cuivriers  maliuiiiélaus  (lu'à  des  clnéliens.  Mais 
dans  les  villages  éloignés,  à  Boeroe  et  à  Gerani,  les  indigènes  des  deux 
cultes  sont  également  honnêtes  et  travailleurs'. 

D'après  Argensola%  les  naturels  d'Amboine  et  de  Ceram  se  divisaient 
autrefois  en  Oli-sima  et  Oli-linia,  en  ■<  Neuf  Pays  )>  et  en  «  Sept  Pays  », 
groupement  de  tribus  confédérées  que  d'autres  classements  ont  fait  oublier 
en  partie;  cependant  ces  lignes  se  sont  maintenues  dans  Ceram,  sous  le 
nom  de  Pala-sima  et  de  Pata-lima  :  les  premiers  habitent  surtout  la  partie 
occidentale  de  l'Ile,  les  seconds  la  partie  orientale.  D'après  van  HoëvelP,  ces 
divisions  datent  des  anciennes  rivalités  de  Ternate  et  de  Tidore,  jadis  puis- 
sances suzeraines  de  ces  contrées.  Les  Pala-sima  sont  de  beaucoup  les  plus 
redoutés  parmi  ces  Alfourou  sauvages.  lh\  grand  nombre  d'entre  eux 
appartiennent  à  l'association  des  kakian,  que  l'on  croit  être,  sans  preuves 
suffisantes,  une  ligue  d'extermination  contre  les  blancs'. 


Amboine.  —  Amboina,  ou  mieux  Arabon  suivant  l'appellation  indigène, 
- —  le  chef-lieu  de  la  résidence  ou  préfecture  des  Moluques  du  Sud,  est  une 
ville  de  I.IOOO  habitants,  beaucoup  moins  peuplée  qu'elle  ne  le  fut  autre- 
fois, mais  encoi'c  fort  imporlanle  parmi  celles  de  l'Insulindc  orientale. 
Située  sur  la  live  niéiidionale  de  la  baie  de  son  nom,  au  pied  de  la  mon- 
tagne de  Soya,  elle  se  compose  d'un  (piartier  central  commerçant  et  de 
faubourgs  aux  larges  rues  ombreuses,  qui  se  prolongent  au  loin.  Le 
fort  de  Victoria,  ainsi  nommé  en  souvenir  de  la  ■<  victoire  »  des  Hollan- 
dais sur  la  garnison  portugaise  en  HiOK,  domine  la  ville  de  sa  masse 
imposante.  Amboine,  port  libre  où  les  plus  grands  vaisseaux  viennent 
mouiller  par  20  et  30  mètres  de  profondeur,  se  complète  à  l'es!  jiar  le 
village  de  j'aso  ou  du  «  Passage  >■,  situé  à  l'extrémité  de  la  baie  orien- 
tale de  l'ile,  sur  l'isthme  sablonneux  à  travers  lequel  les  marins  traî- 
nent leuis  pi-ao  et  autres  embarcations  de  l'une  à  l'autre  baie.  Amboine 
est  le  centre  des  écoles  et  des  missions  religieuses  dans  l'Insulinde 
orientale  et  la  Papouasie.  C'est  à  Amboine  que  résida  Valentijn  et  (pie 
mourut  le  naturaliste  lium|)hius.  les  premiers  explorateurs  scienlifi(|ues 
de  l'Insulinde. 

Le  |>orl  principal  de   l'ib;  Boeroe  offre  t(uis  les  avantages  matériels  (jui 

'  WilltT,  iiiivi'iige  cité. 

'  CoïKjuisliis  de  las  islas  Mohicas. 

^  Aiiibon  en  de  Oeliasers. 

*  V;iii  Ho(^s,  De  Phiiicrs  der  licseli(n>iii(j  in  Sedcihindsch-bnlic. 


WMf'i 


A.MliOlM;,    KAJELI. 


493 


(levraienl  en  fane  un  <j;ian(l  maiehé  :  les  eaux  d'ancrage  sont  profondes, 
un  promontoire  qui  s'avance  à  l'est  protège  bien  la  baie  contre  le  vent  et 
la  houle;  un  bois  de  tek,  fournissant  des  matériaux  de  construction,  occupe 
une  partie  de  la  plaine,  de  vastes  et  fertiles  camjtagnes  s'étendent  vers  les 


POHT    D  AMBOINL. 


f c    i  V    -or  a  / 

r    ^1 


.,jfe^      ,-,      t/ 


Prc^COC^^U^^ 


I  •  S'iocin 


monts;  mais  au  bord  de  l'eau  on  ne  voit  que  l'Iiumble  ville  de  Kajeli, 
dont  la  population,  musulmane,  chrétienne  et  chinoise,  est  d'environ 
2000  individus.  Depuis  que  les  Hollandais  s'y  sont  (■(ablis,la  terre  a  gagné 
en  cet  endroit  une  largeur  de  près  de  SOO  mètres  sur  la  mer.  Kajeli  ex- 
porte environ  600000  bouteilles  jiar  an  d'huile  de  cajeput  {melalriira  ca- 
jejiiili),  (|ue   les  iiuligiMies  distillent  des  feuilles  de  l'ai'bic  Inii/oii  poidl  nu 


i'Ji  NOUVELLE   CEOGRAI'IIIE   INI VEFiSELLE. 

«  écorce  blanche  »,  espèce  rapprochée  du  j;irullier.  hes  Amhoiiiais  achèleiil 
aussi  à  Kajeli  des  arachides  et  des  porcs  engraissés  au  sagou,  qu'ils  payent 
surtout  en  gongs  de  cuivre'.  L'île  Boeroe  est  une  de  celles  dont  il  a  été 
le  plus  question  comme  pays  de  colonisation  agricole,  même  pour  des 
Européens;  mais  heureusement  les  divers  projets  (jui  ont  été  faits  à  cet 
égard  n'ont  point  abouti,  car  le  cliinal  ;iiirait  sans  aucun  doute  fait 
échouer  les  tentatives.  Ouant  aux  iles  situées  entre  Boroe  et  Ceram,  elles 
avaient  été  méthodiquement  dévastées  et  dépeuplées  par  la  Compagnie', 
et  depuis  celte  époque  fatale  du  monopole  destructeur,  elles  sont  restées 
désertes. 

Ccram,  comme  Boeroe,  n'a  sur  les  l)aies  de  ses  rivages  que  des  groupes 
de  cabanes  peuplés  de  Malais,  de  quelques  marchands  étrangers  et  d'AI- 
fourou  mahométans  ou  chrétiens  :  on  donne  à  ces  hameaux  le  nom  de 
neyerijen  ou  neyorijen,  que  l'on  a  souvent  traduit  en  finançais  |»ar  le  mol 
erroné  de  k  nègreries  »;  cette  appellation,  (pii  n'indique  nullement  la  cou- 
leur des  habitants,  est  dérivée  du  mol  hindou  iKKjitr  ou  «  ville  )i.  Telles 
soni,  au  sud  de  Ceram,  les  iiegiirijcn  d'Amahaï,  chet-lieu  de  l'adminis- 
tration hollandaise,  d'Elpapoeli,  Makariki,  lloya,  Teloeti,  et  sur  les  baies 
du  nord,  de  Sawaï  et  Wahaï  ;  ce  dernier  village  est  fortifié  et  possède  un 
vaste  port.  Des  Européens  ont  établi  des  caféleries,  des  champs  de  tabac, 
des  plantations  de  cacaoyers  dans  le  voisinage  de  la  côte  et  font  exploiter 
des  gisements  de  charbon. 

A  une  petite  distance  de  la  pointe  ifrienlale  de  Ceram  et  de  la  plage  de 
Çiisser,  en  forme  d'anneau,  l'ilot  de  Kihvaroe,  dans  le  groupe  de  Ceram 
Laiiel,  (iffre  le  plus  étrange  aspect  :  c'est  une  petite  «  Venise  malaise  ». 
Les  cabanes  bâties  sur  pilotis  se  pressent  tellement,  que  nulle  part  on  n'a- 
perçoit le  sol  ;  l'îlot  disparaît  en  entier  sous  les  constructions  :  en  appa- 
rencf,  le  village  flotte  sur  la  mer.  Des  eaux  douces,  venues  des  îles  voi- 
sines sous-niarinement,  dit  Wallace,  y  soui'deiit  en  fontaines  abondantes. 
Kilwaroe,  situé  au  bord  du  seul  canal  pi'ofoiid  (pii  traverse  les  bancs  de 
Ceram  Laoel,  au  détour  de  la  grande  île,  est  un  lieu  de  marché  très 
actif  :  des  Bougi  et  d'autres  marchands  s'y  sont  établis  pour  en  faire 
le  (iiiu(i|ial  ('nln'|)("il  de  commerce  entre  Aniboiiie  et  la  Nouvelle-Guinée. 
Quelques  insulaires  de  ces  parages,  notamment  ceux  de  Goram,  ont  été 
très  enrichis  par  le  trafic  dans  toutes  les  îles  de  l'est.  Wallace  parle  avec 
éloniienient  des  bijoux  d'or  massif  ipie  portent  les  femmes  de  Matabello  et 


'   II.  n.  F,.iIm->,  (mvnifjo  cil.'. 

'  1'.  lili'okcr.  Hcis  iiaar  on  door  de  Minniuissa. 


BOEROE.   CERAM,    MATABELLO.   DELIASSER. 


495 


des  canons  de  bronze  qu'aihèlent  les  villageois  pour  en  parer  les  abords  de 
leurs  habitations.  Les  chefs  sont  vêtus  splendidement  de  robes  en  soie  el 
en  salin  broché. 

A  l'est  d'Amboine,  le  liourg  principal  des  Oeliasser  est  Saparoea,  situé 
dans  l'île  de  même  nom.  près  de  la  rive  d'un  bon  port  et  au  point  de  con- 
vergence de  deux  grandes  routes  qui  traversent  l'Ile  aux  endroits  les  moins 


N°    100.     —  KILWAROE. 


d  après  les  cartes  marines  h 


larges.  Malgré  ses  avantages,  Saparoea  n'a  [)as  même  '2000  habitants,  pres- 
i[ue  tous  chrétiens.  Les  plantations  des  environs  fournissent  encore  au 
commerce  une  assez  grande  quantité  de  clous  de  girofle,  beaucoup  plus 
qu'Amboine  :  malheureusement  les  récoltes  de  ces  boutons  de  fleurs,  non 
encore  épanouis,  sont  très  inégales  et  d'ordinaire  ne  sont  bonnes  qu'une 
fois  sur  deux.  Les  fortes  récoltes  de  tout  le  groupe  amboinais  dépassent 
150  000  kilogrammes,  tandis  (pic  les  «  petites  »  n'atteignent  pas  môme 
25  000  kilogrammes'. 


'   V;in  llofvcll,  oiivi^ifîf  cilO 


Wti 


MK  \i;i.l.K  I.KOdHArilll':  imvkkseli.k. 


La  ville  l'oililiéc  de  Daiula  ou  >it'ira,  située  dans  File  du  luème  ixini,  au 
nord  du  bassin,  lacustre  en  apparence,  que  forme  la  haie  de  Banda, 
occupe  un  des  sites  les  plus  pittoresques  de  l'Insulinde,  sur  les  pentes  de 
la  montagne  Papenberg,  au  milieu  des  plus  belles  plantations  de  musca- 
diers qu'il  y  ait  dans  le  monde.  En  face,  l'île  de  Lonthoir  pres(|ue  entière 
est  couverte  de  ces  arbres  et  d'autres  plus  grands,  les  kdiuu'i  [kanarium 
coDuiitiiu').  plantés  comme  aiiris.  Le  sol  volcanique  légei-,  l'ombre,  l'Iiunii- 


GROrPE   DE    BANDA 


Est  de  I 


Lst  de  GreenvMch  129'. 


D  après  les  cartes  marines 


I  kil 


dite  naluiclle  du  climat  coii\iennenl  admii'ablement  au  muscadiei-,  qui 
croil  ici  presque  sans  soin,  lanilis  tpie  les  planteurs  de  Singapour,  de  Poulo 
Pinang  et  d'autres  endi'oits  ne  peuvent  réussir  que  par  de  coûteux 
efforts.  Le  muscadier,  qui  s'élève  à  la  hauteur  de  0  à  10  mètres,  est  un 
arbre  bien  formée  aux  feuilles  luisantes,  aux  belles  Heurs  jaunes  :  le 
«  fruit  d'or  «,  qui  ressemble  à  la  pèche,  se  fend  et  montre  à  l'intérieur 
la  noix  brune  et  le  macis  rouge,  que  mangent  avec  avidité  de  gracieux 
pigeons   {rurpopharju   roitcinna),    inconnus   à  Ceram  et   dans    les    auti-es 


^^IrVfc;  S 


li 


i 


H 


i»^^^ 


Moliu|iios'  :  r.incioiiin' Ci)iii|(ii^iii('  liolliiiulaiso  avail  oidonné  d  eu  cnIit- 
miiicr  l'espôcf,  pour  cinpôclicr  la  propagation  des  semences  du  musca- 
dier'. Une  ceinture  de  cocotiers  entoure  la  base  du  goenono-  Api,  habitée 
par  les  fds  d'immigrants  de  Hoelon.  Les  îlots  de  Roen  et  de  Uozengaïn  sont 
également  de  petites  colonies  de  cultivateurs,  (|ui  pour  la  plupart  descen- 
dent (le  bannis. 

La  résidence  d'Amboine  est  divisée  administrativement  en  sept  districts: 
Ainboine,  Boeroe,  les  Déliasser,  Banda  et  les  trois  circonscriptions  de  (leraui. 


XVI 

MOI.  IQIES     DU     .NORD. 


OBt,      lî  VT  J  AN  .     T  i 


Le  groupe  des  Moluqnes  dont  Ilalmahera  est  le  centre  se  tiouvc  bien 
délimité  surtout  son  pcnirlour  par  les  profondeurs  mannes.  A  l'ouest,  des 
abîmes  de  plus  de  2000  mètres  le  séparent  de  Celèbès  et  de  l'archipel  <le 
Sangi;  au  nord  et  an  nord-ouesl,  la  mer  se  creuse  jusqu'à  plus  de 
4000  mètres;  au  sud.  un  goulTiv  de  HOtlO  mètres  s'ouvre  entre  l'île  d'Obi 
et  les  Moluques  méridionales;  enfin,  à  l'est,  des  golfes  d'un  millier  de 
mètres  et  un  seuil  de  plus  de  oOO  mètres  en  profondeur  marquent  la  zone 
de  partage  entre  le  monde  insulaire  et  les  îles  qui  dépendent  delà  Papouasie. 
Dans  l'ensemble,  les  Moluques  du  nord  sont  disposées  longitudinalement 
du  nord  au  sud,  tandis  que  les  Moluques  méridionales  sont  orientées  de 
l'ouest  à  l'est.  La  superficie  totale  du  groupe  d'Halmahera  dépasse  10  000 
kilomètres  carrés;  mais  les  îles,  à  l'exception  de  Ternate  et  des  îlots  voi- 
sins, Tidore,  Makjan,  Molir,  Kajoa,  dits  les  «  Petites  Moluques  »,  sont 
très  faiblement  peuplées'';  il  en  esl  même  où  nulle  famille  ne  vil  ;i  de- 
meure. Les  deux  îles  de  Tifoeri  cl  de  Miijoe,  qui  dépendent   poliliquenienl 


'  Production  des  muscades  à  Bandn  jmi  t87.S  ;  1  258  000  kilogramme?  de  noix;  408000   kilo- 
[grammes  de  macis. 

-  J.-ll.  de  Bondyik-Bastiaane,  Voijnfji's  ilc  /'  «  Iris  «. 

^  Superficie  el  population  des  Moluques  du  nord  : 

Batjan  et  îles  voisines .   .    .        2  643  kil.  carr.  2  000  habilanl-. 

Petites  Moluques 286         «  .50  000         )■ 

Ualmahera  et  îles  voisines.     10  965         «  25  000         « 

Morotaï 2  098         »  Pas  de  résidents. 

Obi  et  îles  voisines ....       \  900         n  »               « 

Tafoeri  et  Majoe  ....          160         »  i'               » 

Kiisemlile  .    .    .    .      24  652  kil.  carr.  57  000  habitants. 


300  .NOLVKI.l.K  CKOGHAl'illE   UNIVERSELLE. 

(leTernato,  peuvent  èlre  aussi  eomplées  eouiuu;  apparleiianl  au  groupe  des 
Molucpies,  bien  qu'elles  s'élèvenl  des  mers  |)rofondes,  à  l'est  de  la  pénin- 
sule celèbienne  de  Minaliassa.  Les  Portugais  ne  donnaient  le  nom  de 
Molucos  qu'aux  «  petites  Moluques  »  des  géographes  modernes.  Le  nom  a 
fini  par  s'appliquer  à  toutes  les  îles  orientales  qui  produisent  des  épices  '. 
Les  forces  volcaniques  sont  beaucoup  |)lus  actives  dans  les  Moluques  du 
nord  qui!  dans  celles  du  sud,  et  toute  une  rangée  de  cratères  à  éruption  se 
profile  sur  le  bord  occidental  de  l'archipel.  L'une  des  moitiés  de  l'île  Bal- 
jan,  rattachée  à  l'autre  par  un  isthme  étroit,  n'offre  point  de  formations 
volcaniijues,  mais  seulement  des  calcaires  coralligènes,  des  conglomérais 
de  galets,  des  grès  superposés  en  feuillets  minces;  c'est  au  nord  de  l'isthme 
que  le  travail  du  foyer  souterrain  se  manifeste  par  le  jaillissement  d'un 
geysir  et  par  réchauffement  des  argiles,  qui  se  transforment  en  une  sorte 
de  bouillie.  Cette  source,  qui  coule  près  de  la  haie  de  Sajoan,  sur  la  côte 
orientale,  ne  s'élance  en  jet  que  pendant  la  saison  des  pluies  :  comme 
les  geysir  de  l'Islande,  elle  renferme  beaucoup  de  silice,  que  l'eau, 
presque  bouillante,  puisqu'elle  est  à  la  température  de  99  degrés,  dépose 
en  couches  sur  la  margelle  de  son  bassin.  Au  delà  de  Batjan,  Kajoa  dresse 
ses  rochers  basaltiques.  Makjan,  l'une  des  Petites  Mohnpies,  n'est  qu'un 
seul  volcan  se  dressant  hors  des  eaux  marines.  Au  commencement  du  dix- 
septième  siècle,  celte  montagne  était  beaucoup  plus  haute;  mais  en  1(346 
la  partie  supéiieure  du  cône  vola  en  débris  et  l'un  des  côtés  se  fendit  jus- 
<|u'au  bas  :  il  ne  reste  plus  que  le  tronçon  du  volcan,  percé  d'un  cratère 
énorme  ;  en  1802,  une  nouvelle  éru|)tion  couvrit  de  cendres  l'île  entière  : 
jusqu'à  Ternale  le  jour  fut  obscurci  et  les  moissons  furent  brûlées.  Au 
nord,  l'île  de  Motir  (614  mètres)  fut  aussi  une  montagne  brûlante,  qui 
lança  des  scories  vers  la  fin  du  siècle  dernier.  Tidore  est  formée  dans  sa 
partie  méridionale  par  un  cône  d'une  régularité  parfaite,  revêtu  de  cultures 
jusqu'à  la  moitié  de  sa  hautiuir  :  c'est  le  volcan  le  plus  élevé  des  Moluques; 
de  son  cratère  (17;20  mètres)  s'élèvent  de  temps  en  temps  quelques  vapeurs 
et  des  sources  thermales  jaillissent  à  sa  base.  Le  volcan  de  Ternate,  décrit 
par  Camoès,  est  un  peu  moins  haut  et  moins  élégant  de  forme;  mais  ses 
éruptions  sont  très  fréquentes  :  depuis  que  les  Hollandais  se  sont  établis 
dans  l'île,  au  commencement  du  dix-septième  siècle,  jusqu'en  1862,  on 
n'a  pas  compté  moins  de  vingt-quatre  éruptions  suivies  de  coulées  de 
laves;  sept  cratères  s'ouvrent  dans  la  partie  supérieure  de  la  montagne, 
fissurée  dans  tous  les  sens  et  toujours  fumante.  Les  tremblements  de  terre 

•  Argousolii .  ouM-.i^'e  cité;   —  Ile  lii>iii;ainvillc.  l«//«(/f  de  la  .  Boudeuse  /)  et  de  /'  v  Étoile  ». 


l'KTITKS   MOLlOri'S,    Il  ALM  AIIRH  A.  501 

soiiL  fréquents  et  la  ville  assise  au  ])ie(l  du  volcau  u'a  pu  encore  réparer 
les  (lésaslres  causés  par  une  secousse,  qu'une  aulre  se  fait  senlir.  Sur 
la  côle  nord-occidenlale  de  l'île  un  village  forlilié.  le  Soela-lakomi,  a  dis- 
paiii,  et  à  sa  place  se  trouve  un  goulTre  d'c^lTondremenl  en  forme  de  cra- 
tère et  rempli  d'eau  :  on  lui  donne  le  nom  de  "Pays  Xoyé  )i. 

Au  nord,  le  prolongement  de  l'ave  volcanique  des  Petites  Moluijues 
vient  frapper  la  côte  avancée  d'IIalmahera,  et  là  aussi  s'élèvent  trois 
cônes  d'éi'ujjlion,  visibles  dj  Ternate.  Au  delà,  un  autre  promontoire 
d'IIalmahera  est  également  volcanique  :  près  de  (îamakora.  une  montagne 
de  cendres  surgit  en  1()7.".  Plus  au  nord  se  montre  le  goenong  Tarakan. 
appelé  autrefois  Tafellierg  ou  ><  mont  Table  >>,  à  cause  de  sa  forme,  et 
dont  les  éruptions  paraissent  avoir  élé  nomln'cuses.  Celles  du  volcan  Tolo, 
qui  se  dresse  en  face  de  l'île  Morotaï,  ont  été  très  violentes  et  ont  changé 
la  forme  du  littoral,  en  comlilant  les  baies  et  en  formant  des  lacs  par  des 
barages  de  cendres  noires.  In  de  ces  lacs,  de  lornialion  récente  et  profond 
de  50  mèlres,  se  trouve  près  du  village  de  (lalela,  au  pied  du  volcan  tron- 
(|ué  (le  Kerkan'  :  d'après  Bernstein,  il  l'audrait  y  voir  un  vrai  cratère  de 
volcan'.  De  grandes  oscillations  du  sol  ont  eu  lieu  au-dessus  de  la  crevasse 
des  Petites  Moluques.  Wallace  constata  sur  une  partie  du  littoral  de  Kajoa 
qu<i  l'île  s'était  élevée  d'environ  (30  mètres,  ainsi  (|u'eM  témoignent  les  co- 
raux d'anciennes  plages,  et  (pi'elle  s'abaissait  de  nouveau  assez  rapidement  : 
les  arbres  du  bord  périssaient,  baignant  leur  pied  dans  l'eau  salée. 

La  grande  île  d'IIalmahera  ou  "  la  (rrande  Terre  )%  ainsi  nommée  de  sa 
position  au  milieu  d'une  poussinière  d'îlots  et  de  rochers'',  offre  dans 
sa  formation  une  singulière  ressemblance  avec  (jelèbès  :  elle  se  compose 
aussi  (le  quatre  pi'uinsules  montagneuses  rayonnant  autour  d'un  massif 
central  :  on  l'appelle  (juelijuefois  la  «  petite  (lelèbès  ».  llalmahera  dirige 
aussi  son  corps  insulaire  dans  le  sens  du  nord  au  sud  et  tourne  ses  gtilfes 
à  l'orient.  Le  rétrécissement  des  péninsules  du  nord  à  leur  racine  est 
une  aulre  analogie  entre  les  deux  terres;  enlin.  l'ilc  Irachytique  de  Morotaï 
et  les  îlots  voisins,  qui  paraissent  avoir  été  rattachés  jadis  à  la  presqu'île 
septentrionale,  forment  la  confn^-partie  du  Minahassa,  dans  l'île  de  Celè- 
bès,  et  les  deux  péninsules  du  sud  et  du  sud-est  sont  aussi  prolongées  par 
des  îles,  Daniar  et  (lebé.  Au  point  de  vue  politique,  les  Moluques  du  nord 
présentent  le  même  phénomène  que  les  Moluques  du  sud.  Dans  ce  dernier 
groupe,  la  ])réémineiice  ap(iailienl  à  la  petite  île  d'Andioiiie  et  aux  îlots  de 

'  J.-E.  Teysmaiin,  Annales  de  l'Exlrciiic-Oricnl,  IS7S-lb7U. 
-  Peleniioiiii's  Mitthriliinyeii,  1873. 
=  Willcr,  //(•/  eildiid  ISo.Toe. 


•"'0'-'  NOUVKLM-;   CKOf.IiAl'IlIK   UNIVERSELLE. 

li.inda,  moiiiiliv>.  eiicoïc,  liiiidis  (jiio  la  j^i'ando  île  de  Ccrara  on  est  uno 
sim])lc  dépendance;  de  même  dans  le  groupe  du  nord,  la  .'  Grande 
Tei'ic  »  est  un  vasie  domaine  presque  désert,  partagé  eutie  les  deux  sou- 
verains des  deux  volcans  insulaires,  Ternale  et  Tidore. 

Les  Moluques  du  nord,  plus  encoiv  (jue  celles  du  sud,  se  distinguent 
par  une  remarcjuahle  «  localisation  j>  des  espèces.  Chacun  des  îlots  a  ses 
formes  (jui  lui  appartiennent  en  propre  et  que  l'on  ne  retrouve  pas  dans 
les  terres  voisines'.  C'est  ainsi  que  dans  l'île  de  Morotaï  on  trouve  des 
oiseaux  de  vol  puissant  que  l'on  a  vainement  cherchés  dans  la  grande 
terre  d'Halmahera,  dont  elle  n'est  séparée  (|ue  par  un  détroit  de  iO  kilo- 
mètres, parsemé  d'îles  nombreuses.  Morotaï,  au  nord  d'Halmahera,  de 
même  que  Daniar,  au  sud  de  la  même  île,  ressemhleut  plus  par  leui' 
faune  à  l'archipel  extrême  de  la  Papouasie  qu'à  celui  des  Moluques,  dont 
<'lles  ne  sont  sans  doute  (|u'un  IVagment".  De  toutes  les  îles  de  ces  parages, 
la  plus  lemarquahle  pour  les  naturalistes  est  Baijan.  Dans  ses  t'orèls  de 
muscadiers  et  d'autres  essences,  on  rencontre  des  cynopilhèques,  les  singes 
qui  habitent,  du  côté  de  l'orienl,  le  plus  loin  de  leur  centre  de  dispersion. 
On  y  trouve  aussi  descivelles,  (|ui.  d'a|)i'ès  Wallace,  ont  |)u  ètie  introduites 
accidentellement  par  des  immigianls  malais  (lu  chinois.  Il  n'es!  pas  rare 
de  voii' ces  étrangers  amener  avec  eux  des  animaux  d'espèces  diverses: 
des  accidents  jieuvent  vider  les  cages  et  peupler  la  forêt. 

Les  immigrants  malais  sont  nombreux  dans  les  petites  Moluques  et  en 
certaines  îles  constituent  la  majorilé  :  ce  sont  eux  qui,  après  avoir  pris  |)ied 
à  Teiiiale  et  à  Tidoi'e,  ont  fait  la  (•()n{|uèle  de  tout  l'archipel  et  s'assimilent 
gradiiellemeni  le  reste  de  la  jtopulation.  Leur  type  primitif  paraît  être 
rapproché  de  celui  des  gens  de  Macassar;  mais,  ayant  piis  pour  épouses  des 
tilles  alfourou,  ils  présenleni  de  grandes  dilTérences  d'aspect  et  de  carac- 
tère :  leur  langue  même  n'est  malaise  ipie  par  la  formation,  et  le  vocabu- 
laire est  surtout  all'ouiou.  j^es  habilanls  d<'  Baijan,  de  Kajoa  et  ceux  des 
côtes  méridionales  d'Halmahera  son!  presque  Ions  de  ces  Malais  croisés,  el 
s'ils  se  distinguent  nellemeni  des  Alfourou  de  l'inlérieur,  c'est  principale- 
nienl  par  les  mœurs  el  la  religion  :  ils  sont  mahométans,  et  comme  tels 
se  sentent  solidaires  des  populations  policées  de  l'Insulinde.  Lu  autre  élé^ 
ment  elbni(|ue,  croisé  comme  celui  des  Malais  et  se  distinguant  aussi 
des  Alfourou   |iai'  sa  civilisalion    relalive,  esl   celui   des  Orang  Sei'ani  ou 

'  linlTiiiv.  Anliivr.'i  îles  missions  sciciililiiiucs  et  liltn-iiiirs,  loiue  tV,  tSTT:  —  W;illai'c.  Mnlnij 
.\icliij)rl(i(io. 

-  Wallace,  iiuMagr  l'ilé  ;  —  IfiM-nsIciii,  Zciischrifl  (iir  alhji'mciiu'  Erdl.iiiiilc.  jiili  I8G5;  — 
tili'ckci',  Roisr  iKifir  en  ditiir  rie  Mitiiilidssa. 


IIAMI  A.NTS   l)i;s  MOLIULES.  503 

.(  Nazaréens  »,  —  c'esl-à-diic  clirélieiis,  —  (|ui  nescencleiU  on  parlie 
d'aïeux  portugais;  mais  (le|)uis  liois  siècles  ils  ont  oublié  sinon  leur  ori- 
gine, du  moins  leur  langue  et  même  leur  religion  première  :  ils  parlent 
un  malais  mélangé  de  quelques  mots  lusitaniens,  et  se  disent  protestants, 
mais  leurs  ilimanches  se  terminent  par  la  musique  et  les  rondes.  Par  les 
alliances  avec  les  femmes  indigènes  ils  sont  devenus  plus  noirs  que  les 
Malais  et  (jue  les  Alfourou  :  leur  peau  est  aussi  foncée  que  celle  des  l'apoua  '  : 
ils  ressemlilent  beaucoup  aux  Brésiliens  de  race  mêlée  qui  vivent  sur  les 
bords  de  l'Amazone.  Les  Nazaréens  sont  presque  les  seules  gens  de  l'in- 
sulinde  qui  mangent  la  chair  du  «  renard  volant  >',  ces  énormes  chauves- 
souris  (ju'on  voit  parfois  suspendues  par  centaines  aux  branches  des 
arbres  morts. 

Les  Alfourou  restés  à  l'état  plus  ou  moins  pur  habitent  piinci|)aienient 
les  régions  centrales  de  la  péninsule  du  nord  d'IIalmahera.  Wallace, 
Raffray*  voient  en  eux  des  Papoua  à  peine  modifiés,  si  ce  n'est  que  nomljre 
d'entre  eux  ont  le  teint  aussi  clair  que  celui  des  Malais;  mais  ils  ont  la 
hante  taille  du  Néo-fiuinéen,  ses  traits  grossiers,  son  grand  nez  presque 
aquilin,  son  corps  velu,  se  chevelure  laineuse  ou  ondulée,  sa  voix  éclatante, 
sa  liberté  d'allures.  Par  les  mœurs  et  les  institutions  ils  ressemblent 
aux  Alfourou  de  (leram  et  de  Boeroe;  ainsi  la  jeune  fdle  ne  peut  être 
achetée  que  |)ar  un  homme  appartenant  à  un  autre  clan  ou  tofct,  mais 
la  lilialion  u'e>t  comptée  que  pendant  quatre  généi-ations  :  au  delà  de  cette 
limite  il  n'y  a  plus  de  paienlé.  La  femme  et  les  enfants  suivent  le  clan  du 
mari  et  du  père.  La  polygamie  n'est  pas  autorisée  et  les  devoirs  mutuels 
des  deux  époux  sont  réglés  avec  soin.  11  se  peut  même  que  le  mari  soit 
condamné  à  l'esclavage  temporaire  comme  pandeling  \)o\\v  acquitter  hss 
dettes  de  sa  femme  ou  de  ses  filles,  mais  celles-ci  ne  sont  jamais  asservies 
en  payement  des  dettes  du  mari  ou  du  ])ère.  Le  débiteur  ne  peut  devenir 
pandeling,  —  et  cela  pour  une  période  qui  ne  saurait  dépasser  dix  années, 
—  que  dans  sa  propre  commune,  car  tous  les  communiers  sont  solidaires 
de  la  dette  les  uns  des  autres  envers  tout  groupe  étranger.  La  propriété 
privée  du  sol  n'existe  pas  :  la  terre  est  au  clan.  Nulle  part  on  n'a  plus  de 
respect  pour  les  morts  :  jamais  l'Alfourou  d'IIalmahera  ne  ment;  il  se  sent 
surveillé  par  les  ancêtres.  C'est  probablement  en  l'honneur  des  aïeux  cjue 
l'Alfourou  brise  toujours  les  poteries  qu'il  achète  :  une  partie  de  tout  ce 
qu'il  possède  est  réservé  pour  le  mort  '".  Dans  les  districts  niahométans  s'est 

'  Wiillaco,  ouvrage  cité. 

-  Bulletin  (te  la  Société  de  Géoijmphie.  1"  semestre  1877. 

^  J.-E.  Teysinaun,  Annales  de  V Extrême-Orient,  i87S-lS79. 


501  NOUVEL!,!:;   G!' 0(;!;.\!'ll  !!•:   lMVE!lS!iLLi;. 

iiitroiliiilc  une  couliuiie  qui  rappelle  l'rpirii\c  du  (angliiu  à  Madagascar: 
les  accusés  qui  protestent  encore  de  leur  innocence  après  avoir  été  con- 
damnés par  les  juges,  doivent  coiiliriner  leui'  parole  en  buvant  «  l'eau  du 
glaive  »  :  sur  l'écuelle  qui  conlienl  la  redoiitalile  lioisson  se  croiseni  deux 
épées  et  on  y  laisse  lomlier  une  Italie  de  fusil.  Le  parjure  y  hoil  la  mort'. 


L'Ile  la  plus  méridionale  du  ^loupc  d\)l)i,  Obi  Ombirali  ou  Obi  Major, 
est  inbabitée,  de  même  que  loul  sou  cortège  d'îlots.  Elle  n'est  d'ailleurs 
que  très  imparfaitement  connue,  et  le  Iracé  de  ses  côtes,  reclilié  en  18G0 
par  les  Italiens  Cerruli  el  di  Lenna',  n'a  pas  encore  été  levé  oflîcielle- 
ment  par  les  hydi'ograpbes  bollandais.  Obi  est  pourtant  une  des  terres 
de  rinsulinde  qui  mérileraieul  le  plus  d'èlre  explorées  et  appropriées  au 
séjour  ,1e  riiouime,  et  l'on  ci'oil  i|ue  jadis  elb-  fut  très  peuplée.  Elle  possède 
de  grandes  forêts  de  sagouliers  et  de  muscadiers,  des  pêcheries  d'huîtres 
perlières  et  de  tortues  à  écaille  ;  les  vallées  s'ouvrent  largement  vers  les 
monts  de  l'intérieur,  qui,  d'après  (luillemard'',  atleindiaienl  1500  mètres. 
Pourtant  le  fort  de  Biil,  que  les  Hollandais  avaient  élevé  piès  de  la  pointe 
occidenlale  de  l'île,  a  été  abandonne'-;  mais  on  dit  que  les  insulaires  de 
passage  y  portent  encore  quel(|ues  offrandes,  tribut  liclif  payé  aux  esprits 
des  anciens  maîtres.  Tous  les  résidents  ont  quitté  le  pays;  seuls  des  pê- 
cheurs de  Baijan  \  élablissenl  des  campenienls  temporaires.  Des  corsaires 
d'IIalmahera  s'y  nie!laienl  aulicfois  en  embuscade,  et  même  en  ISSO  il 
fallut  diriger  une  expédition  contre  eux.  Des  spéculateurs  on!  demandé  au 
gouvernement  hollandais  la  concession  des  forêls  de  muscadiers;  on  pour- 
rail  fournir  le  sol  imurricier  à  une  ceulaine  de  milliers  d'hommes  en 
concédant  les  terres  d'Obi  à  des  émigranls  de  Java. 

L'île  de  Daijan,  plus  vaste  (|u'Obi,  a  du  moins  une  faible  population. 
mais  seulement  sur  le  littoral;  l'archipel  d'îlots  fertiles  qui  borde  Ijatjan 
au  nord-ouest  est  complètement  inhabité  :  les  cultivateurs  paciliques  re- 
doutaient trop  les  pirates  de  Mindanao  pour  s'établir  sur  ces  rivages  el  les 
Européens  sont  trop  peu  nombreux  dans  les  Moluques  du  nord  pour  que 
les  iudigèiuïs  se  sentent  à  l'abii  sous  leur  protection.  Des  immigrants 
malais,  des  Nazaréens,  des  Alfouroii  de  Celêbès  constituent  la  population 
de  Baijan  ;  lécemmenl  des  fuyards  des  cùles  de  Tomori,  dans  Celêbès,  sont 
venus  se  joindre  à  eux  pour  éviter  les  incuisions  de  puissants  voisins  :  ce 

'  Witicr,  cuivrage  cité. 

-  (liiidii  Cora,  Cosmos,  \ii|.  I\.  1877.  fasoii-dlii   i. 

=  Criiisc  of  llw  t!  Marciiesii   n  lu  Kaiiitsliall.d  tniil  .Viio  Ciiiiwa. 


OBI.    It.VTJAN.    MAKJAN,    TEIiNATK.   TIDORK.  505 

ï^onl  (les  hommes  lie  petite  taille,  <|iii  ressemblent  plnsiquernent  aux  Bougi 
et  aux  gens  de  Macassar  et  qui  sont  très  habiles  pour  fabriquer  des  vêle- 
ments d'écorce.  Le  chel-lieu,  appelé  également  Batjan,  est  situé  sur  la 
côte  occidentale,  an  bord  d'une  l)aie  sure  et  à  l'endroit  où  l'Ile  se  léirécil 
en  isthme.  Une!  route  carrossable  rejoint  Batjan  à  des  mines  de  ehaibon 
exploitées  à  divei'ses  reprises  j)ar  des  condamnés,  pour  le  compte  du  gou- 
vernement. hoUandais.  Les  indigènes  parcourent  les  forêts  à  la  icclierelic 
d'un  aulre  combustibh',  le  dammar,  résine  qui  découle  de  grands  arbres 
et  forme  au  bas  du  Ironc  de  grosses  masses  pesant  jusqu'à  dix  kilogrammes. 
Ils  pilent  celte  résine  et  eu  remplissent  des  tubes  en  feuilles  de  palmiers 
de  près  d'un  mètre  de  longueur  :  ce  sont  les  seuls  luminaires  qu'ils  em- 
ploient'. 

La  petite  île  de  Kajoa,  qui  continue  la  chaîne  volcanique  au  noid  de 
Baljan,  a  quelques  centaines  d'habitants,  qui  vivent  de  riz  et  de  poisson  et 
qui  payent  au  sultan  de  Ternate  les  prémices  de  leur  récolte  et  un  tribut 
de  nids  d'hirondelles,  de  perles  et  d'écaillé.  L'Ile  de  Makjan,  formée  de 
cendres  qui  lui  doniuMit  une  plus  graiule  fertilité,  est  aussi  bcaucou])  plus 
populeuse,  et  .son  importance  en  lit,  au  moyen  âge,  un  des  enjeux  de 
guerre  les  plus  disputés  entre  les  souverains  de  Ternate  et  de  Tidore;  plus 
tard,  les  Espagnols  s'en  emparèrent,  et  les  Hollandais  la  conquirent  à 
leur  tour.  Puis,  voulant  écarter  les  concurrents,  ils  la  ininèieut,  en  obli- 
geant le  sultan  de  Ternate  à  déraciner  tous  les  girolliers  de  ses  îles,  (|ui  lui 
donnaient  dans  le  commerce  de  la  Chine  et  des  Indes  une  puissance  éco- 
nomique de  premier  ordre  :  c'est  dans  cette  île  des  Moluques,  Makjan, 
que  serait,  d'après  Musschenbroek,  le  lieu  d'origine  de  l'arbie  précieux". 
Après  la  destruction  des  forêts,  la  plu|iart  des  habitants  éniigrèrenl  ou 
périrent;  ceux  qui  restenl  cultivent  un  tabac  excellent,  l'iès  de  Makjan 
se  trouve  l'îlot  de  Mareh,  appelé  aussi  l'île  des  «  Potiers  »  (l*ollcidi(il,l,-cis- 
ciland),  à  cause  de  son  excellente  argile  à  poterie. 

On  sait  que  les  deux  sultanats  de  Tidore  et  de  Ternate,  confondus 
maintenant  en  grande  partie  dans  la  circonscription  administrative  appelée 
«  résidence  «  de  Ternate,  se  partagent  presque  toutes  les  Moluques  du 
nord.  C'est  un  des  phénomènes  les  plus  remar(|uables  dans  l'histoire  de 
l'insulinde  que  rim[)ortance  extraordinaire  prise  par  ces  deux  îlots  relati- 
vement aux  vastes  terres  environnantes  :  à  l'époque  même  où  les  répu- 
bliques de  marchands  italiens,  Venise,  Pise,  (iênes,  jouissaient   d'une  si 


Wallacc,  ouvrage  cili'. 

Von  Gorliom,  De  oosi-indische  ruUurcs. 

XIV  64 


506 


NOUVELLE   r.EOGRAPUlE   UNIVERSELLE. 


merveilleuse  prospérité,  et  par  les  mêmes  raisons,  en  des  eonditions  ana- 
logues, les  eomniunaulés  malaises  île  l'Orient  acquéraient,  par  la  naviga- 
tion et  le  commerce,  de  grands  empires  coloniaux  s'étendant  au  loin  sur 
les  rivages  des  îles  et  des  continents;  des  colonies  de  traitants  venus  de 
Tidore  et  de  Ternate   se  rencontraient  dans  tous  les  marchés  de   la   Ma- 


10.'.    EMPIRES   DE    TERXATE    ET    IIE    TIDOnE. 


Est  de  Par 


^■' 


LS+de  breenwicl-i 


^ 


^ 


Ri'sideiiL'c  Aiu-ii'nne  dèpeudaiice  Ancieiiiu;  di-peudaïux      Rovnini 

lie  Tcniatc  de  Ternale.  de  Tidore.  de  lîal|; 


1  .  ÎO  000  000 


laisie.  L'ascendant  des  communautés  marchandes  s'accrut  aussi  long- 
temps qu'elles  se  hornèrent  au  Iralic;  mais  cjuand  leurs  doges  furent  de- 
venus di!  riches  potentats  entourés  de  milliers  d'esclaves  et  que  leur  amhi- 
lion  fut  de  commander  à  des  armées  nombreuses  de  mercenaires,  à  des 
flottes  de  pillards  allant  chaque  année  prélever  de  lourds  tributs  ou  voler 
des  hommes  sur  les  côtes  des  îles  environnantes,  la  décadence  commença,  et 
les  États  des  Moluques  se  trouvèrent  sans  foi'ce  contre  les  con(|uérantséti'an- 


TERNATK   ET   TlftORE.  S07 

fTors.  Acluellemciit  les  sultans  [n'ciiit  plus  (|u'un  vain  tilrc  Ce  quo  l'on 
appelle  le  «  royaume)'  de  Tiilore  comprend  dans  son  domaine  la  partie  cen- 
trale de  l'ile  Ilalmahera  et  ses  deux  péninsules  orientales,  les  îles  néo- 
guinéennes  et  même  les  côtes  occidentales  de  la  grande  terre,  tandis  que 
Ternate  est  censé  posséder  la  presqu'île  du  nord  d'Halmahera  et  plus  de 
la  moitié  des  péninsules  du  sud;  en  dehors  des  Moluques,  le  domaine 
politique  de  Ternale  s'étend  aussi  sur  les  îles  Soela  et  sur  un  tiers  de 
l'île  Celèbès. 

Les  chroiii(|iies  indiiièncs,  re[)r()(hiites  par  Valenlijn,  disent  qu'en  l'année 
1522  un  traité  de  paix  fut  conclu  entre  les  Klals  des  Moluques,  et  qu'en 
vertu  de  celte  convention  le  premier  rang  parmi  les  souverains  devait 
appartenir  au  kolano  de  Djaïlollo  (Gilolo),  sui'  la  grande  terre  d'Hal- 
mahera; mais  dès  l'année  1580  le  sultan  de  Tei'iiale  conquit  la  préséance' 
sous  le  nom  de  kolano  Maloko  ou  «  doge  des  Moluques  )>  ;  après  lui  venait 
le  prince  de  Djaïlollo,  avec  le  titre  de  «  doge  de  la  Baie  »,  et  celui  de  Tidore 
ou  'c  doge  des  Montagnes  »  occuj)ait  le  troisième  rang;  le  roi  de  Batjan  ou 
le  "  doge  du  Bout  )■.  était  le  quati'ième  souverain  par  droit  de  préséance'. 
Depuis  cette  épo(juc,  des  guerres  entre  Portugais  et  Espagnols,  puis  l'ai- 
rivée  des  Hollandais,  ont  modilié  l'équilibre  des  pouvoirs  :  le  sultan  de 
Djaïlollo  n'est  plus  que  l'humble  vassal  de  Ternate,  et  celui-ci  doit  recon- 
naître à  son  tour  la  suzeraineté  de  la  Hollande.  Mais,  en  dépit  de  cet  étage- 
ment  de  dominateurs,  les  petits  États  d'Halmahera  ont  gardé  leur  con- 
stitution oligarchi([ue.  Il  est  vrai  (|ue  la  dignité  de  liolmio  est  héréditaire 
dans  la  famille  royale,  mais  le  personnage  est  choisi  par  un  coiiseil  de 
nobles,  qui  gartle  le  pouvoir  législatif  et  même  le  droit  de  déirôner  le 
kolano.  En  l<S70,  un  décret  du  gouveinement  hollandais  (h'clarail  libres 
les  esclaves  de  Ternate  et  de  Tidore'. 

La  capitale  du  sultanat  de  Tidore  n'est  qu'un  village,  situé  sui'  la  \\\i- 
occidentale  de  l'île,  au  milieu  de  campagnes  bien  cultivées,  en  face  de  la 
côte  d'Halmahera  ;  mais  Ternate  est  une  véritable  ville,  quoi<|ue  déchue  : 
l'ouverture  en  franchise  des  ports  de  Celèbès,  Macassar,  Meuado,  Kema  a 
beaucoup  nui  à  Ternale;  bien  (jue  son  port  ait  été  également  déclaré  libre, 
un  grand  iKnnbre  de  marchands,  Bougi,  Chinois,  Arabes,  ont  émigré. 
Ternate  a  cessé  d'être  le  principal  marché  des  j)luraes  d'oiseau  de  para- 
dis, mais  elle  ex|)édie  encore  de  l'écaillé,  des  holothuries  et  l'écorce  de 
manmh  employée  pour  la  fabrication  d'huiles  médicinales.  Les  ruines  d'é- 


'  Bolteincyei'.  Die  Molakkfii. 

-  lîsclaves  ilo  Teniat,'  et  ik-  Titloro  racliett's  on  1879  :  4449.  Prix  du  rachat  :  421  flOO  francs 


508 


NOUVELLE  GEOGRAPUIE   LMVEHSKLLE 


difices,  renversés  par  les  Ircmblements  do  lerie,  sont  é])arses  au  milieu 
des  habilalions  modernes,  cl  lesforls,  portugais  et  hollandais,  ont  dû  être 
fréquemment  reconstruits  ;  en  ari-ière  de  chacjue  maison  en  pierre  se 
trouve  partout  ime  seconde  habitation  en  bois  léger  où  sont  les  chambres  à 
coucher  et  où  l'on  n'a  guère  de  risques  à  courir  en  cas  de  secousse  sou- 
daine'. Au-dessus  de  la  ville,  les  pentes  ilu  volcan  sont  couvertes  de  ver- 


105.    TEnSATE,    TIDORE    ET    l>THME    DE   DADINCA. 


A^ù/iv=<5^J?^^.T 


1  :  Gonooo 


gers  où  l'on    recueille  des  fruits  ex([uis  :   nulle  pari   les  dourians  et  les 
mangues  ne  sont  de  (jualilé  supérieure. 

A  l'est  de  Ternate  s'ouvre  la  baii>  profonde  (pii  tiécoupe  la  racine  de  la 
péninsule  septentrionale  d'IIalmahera.  L'isthme  est  occupé  dans  sa  partie 
lapins  étroite  |)ar  le  fortin  de  Dadinga  :  c'est  le  point  stratégique  le  plus 
important  de  la  grande  ile,  et  c'est  aussi  le  seul  où  les  Hollandais  entre- 
tiennent une  petite  garnison.  En  cet  endroit  l'île  a  seulement  5  kilomètres 
en  largeur,  de  l'une  à  l'autre  baie,  et  quoique  la  route  soit  coupée  de  quel- 


'  A.  Raffray,  Vofiaye  en  youi'clle-Giiinéc,  Tuur  du  Mmule,  l'  semestre  187',t. 


TERNATE,   IIALMAUERA.  Ml 

ques  |)as  diCficilL's,  on  [leul  cependant  transporter  les  piao  par-dessus  l'oli- 
staclo  et  leur  faire  ainsi  éviter  un  détour  de  400  kilomètres  :  on  emploie 
trois  jours  pour  pousser  une  barque  de  soixante  rameurs  à  travers  le 
portage.  La  baie  qui  succède  à  celle  de  Dadinga,  du  côté  du  nord,  est  la 
baie  de  Djaïlollo,  cette  ancienne  capitale  qui  attirait  les  flottes  au  qua- 
torzième siècle;  ce  n'est  plus  actuellement  qu'un  pauvre  village,  entouré 
de  cultures  abandonnées  qu'a  recouvertes  la  brousse'  :  le  «  doge  de  la 
Baie  ■>  est  l'un  des  plus  humbles  vassaux  de  son  vassal  d'autrefois,  le 
sultan  de   Ternale.   Ces  régions,  si   populeuses   au  moyeu   âge,  ont  été 

N"    10*.    DEN51TÉ    DE    L  \    POPULATION    DANS    l'INSULINDE    HOLLANDAISE. 


Est  de  Paris 


.f-- 


ç>,  -l-ÏS^, 


:iliit:iiUs  par  kilomètre 


D 


ileOàSh.  Je  5  à  10  h.  île  RI  ;i  3U  li.  .loiOàlSOIi. 

Chaque  carré  représeule  une  populalioii  de  lUOOOO  liubilaiil^. 

Il:;  oon  ofio 


I  Kil. 


presque  entièrement  dépeuplées  par  l'esclavage  et  par  le  monopole.  En 
perdant  de  sou  importance,  Djaïlollo  a  cessé  de  donner  son  nom  à  la 
grande  île  d'ilalmahera  :  l'appellation  de  Gilolo,  qui  se  perpétue  sur 
nos  cartes,  n'est  employée  dans  les  Molu(|ues  ni  par  les  indigènes  ni  par 
les  Européens. 

Parmi  les  autres  villages  d'ilalmahera,  le  plus  connu  est  celui  de  Galcla, 
situé  sur  une  baie,  au  nord-est  de  la  péninsule  septentrionale  et  en  face  de 
l'île  de  Morotaï  :  les  Alfourou  de  la  contrée  environnante,  les  cultivateurs 
les  plus  habiles  et  les  plus  laborieux  d'Halmahera,  sont  généralement  dési- 
gnés sous  le  nom  de  ce  village.  Tabello,  <jui  se  trouve  plus  au  sud  et  que 


'  W'allace,  ouvrage  cité. 


512  MU'VKLLE   r.ÊOCRAr'IlIE   INIVEIiSl- LI,K. 

(léroiiik'ul  d.'  iioinl.ivuv  îlols  et  dos  ivciCs  d'api.iothc  diingereuso,  fut 
longtemps  redouté  romiiir  un  nid  de  corsaires  :  réfugiés  et  bannis  de  Celè- 
bès,  de  Coram  et  d'autres  îles  se  cachaient  derrière  ce  labyrinthe  de 
détroits,  d'uù  ils  sortaient  pour  aller  guetter  les  prao  de  commerce 
et  dévaster  les  villages  des  côtes  lointaines;  en  1837,  les  Hollandais 
transportèrent  dans  l'Ile  de  Saleijer  ([uatre  cents  de  ces  pirates  et  leur 
donnèrent  des  terres  à  coloniser'.  Au  bord  du  golfe  compris  entre  les 
deux   péninsules  du  sud  et  du  sud-est.  la  negerij  de  Veda  fait  quelque 


Itil.  =  Itillilun. 
1  .  30  000  ofiri 


L,  =  I.nn,i.c 


commerce  et  constiuit  des  lialeaux   pdur  les  échanges  avec  la  Nouvelle- 
(luinée. 

La  grande  île  de  Morotaï,  qui  termine  au  nord-est  le  groupe  des  Mii- 
luques  et  toute  l'Insulinde,  s'est  dépen|)lée  jusqu'au  dernier  homme  à  la 
suite  des  incursions  de  pirates.  Cet  immense  em])ire  colonial  néerlan- 
dais, déplus  decin([  cents  îles,  trop  vaste  ])our  ([u'ou  puisse  en  exjjloiter 
toutes  les  l'ichesses,  iinil  vers  le  grand  Océan  par  des  terres,  jteuplées 
autrefois,  inhabitées  de  nos  jours.  Ainsi  qu'en  témoignent  les  caries  sla- 
tisti(iues,  Ja\a.  Madoera,  Bali  et  Lombok  sont  les  seules  îles  où  la  jmpula- 
lion  se  soit  groupée  en  masses  considérables.  Les  îles  orientales  de  la  traî- 
née javanaise  sont  beaucoup  moins  peuplées,  et  les  autres  terres,  Bornéo, 
(A'ièbès  et  les  Moluques  sont  presque  désertes  en  proportion  de  leur 
étendue. 


Temminck,  ouvrose  cité. 


MOLiniKS.   l'KOVLNCES   DE   L'INSULINLlK.  513 

Le  tableau  suivant  donne,  d'après  les  documents  officiels,  la  liste  des 
possessions  hollandaises,  non  suivant  leurs  divisions  naturelles,  mais  en 
circonscriptions  administratives,  avec  leur  superficie  et  leur  population 
recensée  ou  évaluée,  approximativement  ou  par  conjecture. 


CR.VNDES    DIVISIONS. 

PROVINttS. 

SUPERFICIE. 
ES    KIL.    CARRÉS. 

ES    1883. 

POI'll..     KILCIM. 

1.  Java  t't  Madoeka. 

131  852 

21  997  259 

167  bal 

Suiiialia's  Wcslkiisl. 

121  030 

1190  254 

10     .- 

BenkoeU'ii. 

25  055 

152  386 

6     1' 

Lampongsciie  Dislricleii 

26125 

122  803 

5      i. 

Palembang. 

140  712 

557  396 

4     .. 

Sumatra's  Oosikust. 

42  270 

182  414 

4     )i 

Aljfli.  l'k-. 

51040 

543  450 

10      ' 

Rioiiw . 

4190 

9i989 

23     i' 

lianka. 

12  081 

74715 

6      i> 

II.   Possessions  exiÉ- 

Billilnii. 

4  688 

.35  174 

Rir.ur.Es. 

Boiiieo's  Westorardoeling 

154  324 

401687 

(Biiiteiibcziltingcn.) 

\    lioiru-o's  Zuidcr  en  Oos- 

torafdeeliiif;. 

361229 

67 1  948 

2     1' 

Celèbès    (Macassai)   vl 

Sopiiibawa. 

118  245 

392  829 

3     i< 

M.iiado. 

69  6'J6 

222  497 

3     ), 

Tenialf     (ri     d'ièbès 

0.5  .> 

orit'iitak'). 

2.38  685 

102  048 

14     .. 

Timor,  clc. 

62  845 

912  000 

Aiiiboinc. 

48  961 

2.51  691 

5     II 

Bali  cl  Loiiiljok. 

ElISCIllllIr 

10  838 

1  342  932 

124     I, 

1  624  418 

29  248  872 

18  liab. 

CHAPITRE    IV 


PHILIPPINES. 


VUE     1)    ENSEMBLE. 


Le  nom  de  Magellanie  qui  fui  doniK'  à  cet  archipel,  en  mémoire  du  glo- 
rieux navigateur  auquel  on  en  duil  la  découverte,  n'a  pas  été  maintenu 
par  les  géographes.  La  dénomination  d'Iles  Occidentales,  qui  rappelle  le 
long  voyage  de  Magalhàes  dans  la  direction  de  l'est  à  l'ouest,  et  celle 
d'archipel  de  Saint-Lazare,  sont  également  tombées  en  désuétude;  l'ap- 
[lellation  qui  jusqu'à  maintenant  a  remplacé  les  autres  est  celle  que 
lui  donna  Lopez  deYillalohos  afin  de  plaire  à  son  futur  maître,  Phili()pe  II. 
On  désigne  aussi  d'une  manière  générale  toutes  ces  îles  sous  le  nom  d'Indes 
Espagnoles;  de  même  que  Java,  Bornéo,  Sumatra,  ce  sont  des  Indes  par 
l'étendue,  la  beauté,  la  richesse,  l'infinie  variété  des  produits;  mais  l'in- 
fluence hindoue  ne  s'y  est  pas  fait  directement  sentir  dans  la  civilisation 
locale.  Les  Philippines,  comme  l'Insulinde  hollandaise,  sont  un  monde 
trop  vaste  pour  ipi'un  voyageur  puisse  le  parcourir  en  entier.  Une  seule 
des  îles,  Luzon,  a  plus  de  100 000  kilomètres  carrés;  une  deuxième, 
Mindanao,  n'est  guère  moindre  en  superficie;  cinq  autres  ont  chacune  plus 
de  iOOOO  kilomètres  en  surface,  et  tout  autour  de  ces  grandes  terres  les 
îles  et  les  îlots  sont  épars  :  dans  ce  labyrinthe  immense  on  ne  compte  pas 
moins  de  deux  mille  «  Philippines  «. 

Luzon  et  les  terres  voisines  ne  le  cèdent  guère  à  Java,  à  Sumatra,  à 
Gelèbès  par  leurs  merveilleux  paysages;  peut-èlre  même  offrent-elles  plus 
de  variété  d'une  saison  à  l'autre,  par  l'effet  des  moussons  qui  alternent 
avec  un  rythme  plus  ample,  grâce  à  un  plus  giand  éloignement  de  l'équa- 


r.l6  NOUVELLE  GEOGRAI'UIE  UNIVERSELLE. 

leur.  La  végétation  du  littoral,  qui  comprend  les  mêmes  espèces  ou  des 
espèces  correspondantes,  est  aussi  touffue  que  celle  de  l'insulinde;  des 
golfes,  des  baies  échancrent  également  les  côtes  ;  des  lacs  parsemés  d'iles 
reflètent  les  forêts,  et  des  montagnes,  des  volcans  aux  aigrettes  de  va- 
peurs limitent  l'horizon.  Les  habitants  dos  Philippines,  aborigènes,  Malais, 
Chinois,  métis  diversement  croisés,  sont  aussi  très  curieux  à  étudier,  et 
dans  l'ensemble  paraissent  offrir  plus  d'originalité  que  leurs  parents  de 
l'insulinde  hollandaise.  L'intervention  des  maîtres  espagnols,  quoique  très 
violente  à  l'occasion,  n'a  pas  pesé  d'une  manière  aussi  dure  sur  les  indi- 
gènes et  n'a  pas  modifié  aussi  profondément  le  caractère  primitif  :  les 
habitants  sont  restés  plus  libres.  Quelques  iles  de  l'immense  archipel  et 
les  districts  écartés  des  grandes  terres  du  sud  n'ont  pu  être  explorés,  puis- 
qu'ils sont  encore  partiellement  en  dehors  de  la  domination  espagnole  ; 
mais  les  pays  directement  administrés  sont  aussi  très  mal  connus.  L'é- 
tude méthodique  et  détaillée  de  l'ensemble  des  Philippines  n'est  pas  faite; 
les  cartes  sont  très  défectueuses,  si  ce  n'est  pour  le  levé  des  côtes,  auquel 
ont  travaillé  les  marins  des  diverses  nations.  Enfin,  les  recensements 
n'ont  été  pris  que  d'une  manière  superficielle  el  contradictoire  par  les 
employés  civils  et  les  curés  des  paroisses;  pour  les  indigènes  non  poli- 
cés on  ne  possède  même  que  des  évaluations  approximatives.  Cependant  on 
peut  fixer  à  sept  millions  au  moins  le  nombre  actuel  des  habitants  :  en 
proportion,  ces  terres  si  fertiles  n'auraient  environ  que  les  deux  tiers  de  la 
population  de  l'Espagne,  déjà  fort  clairsemée'.  D'après  Jordana,  neuf  mil- 
lions d'habitants,  tel  serait  le  chiffre  probable  de  l'archipel. 

Quoicpie  formant  un  groupe  bien  distinct  de  l'insulinde  et  séparées  d'elle 
par  deux  abîmes  océaniques,  ayant  l'un  près  de  5000,  l'autre  plus  de 
5000  mètres  de  profondeur,  les  Philippines  se  rattachent  aux  terres  du 
sud  par  Irois  longs  bras  en  partie  émergés,  en  pai'lie  recouverts  par  les 
vagues.  De  ces  trois  isthmes,  celui  de  l'ouest,  constitué  sur  plus  de  la 
moitié  de  sa  longueur  par  la  Paragua,  île  en  forme  de  glaive,  est  le  plus 
régulier  et  celui  dont  les  brèches  ont  le  moins  de  profondeur  :  entre  Min- 
doro  el  la  pointe  nord-occidentale  de  Bornéo  les  fonds  les  plus  bas  du 
seuil,  que  limitent  Balabac  et  Banguey,  sont  en  moyenne  à  une  cinquan- 
taine de  mètres  seulement  au-dessous  de  la  surface  marine;  des  bancs 
de  récifs,  (|ui  par  la  forme  ressemblent  aux  îles  alluviales  d'un  delta,  sont 
disposés  dans  le  détroit  de  Balabac,  entre  la  Paragua  et  Bornéo,   sous   la 

'  Superficie  cl  |iii|iiihitiuii  prohablc  des  Plulippines  : 

'i'Jti'Ib'i  kiluiiictres  carrés;  7  000000  liabilaiils;  21  liabilants  par  Idloiii.  carré. 


MERS  ET   MONTAGNES  DES  l'UlLIPl'lNES. 


Ôl7 


LE^    TROIS    ISTHMES   DE    L  INSULLNDE    ET    l'E?    PHILIPPINE-- 


pression  du  fleuve  marin  qui,  penilant  la  mousson  du  sud-ouesl,  se  porte 
avec  violence  dans  la  mer  de  Jolù.  Le  deuxième  isthme  est  celui  qui  unit  la 
pointe  nord-orientale  de  Bornéo  à  l'extrémité  occidentale  de  Mindanno 
par  l'archipel  deJol6;mais 
le  chenal  de  séparation, 
par  lequel  les  eaux  de  la 
mer  profonde  de  Jolô  com- 
muniquent avec  le  bassin 
plus  profond  encore  de  la 
mer  de  Celèbès,  est  par- 
couru par  un  fleuve  de 
marées  alternantes,  dont 
l'épaisseur  liquide  dépasse 
500  mètres.  Enfin,  à  l'est 
de  la  cavité  presque  circu- 
laire de  la  mer  de  Celèbès, 
la  péninsule  de  ilinahassa, 
l'archipel  de  Sangi  et  d'au- 
tres îles  se  recourbent  en 
un     troisième    isthme    à 


coupures  nombreuses  :  la 
plus  large  et  la  plus  creuse 
est  celle  qui  contourne  au 
sud-est  la  péninsule  ex- 
trême de  Mindanao.  Ainsi 
que  l'ont  démontré  les 
explorations  sous-marines 
du  ChaUemjer ,  le*  deux 
bassins  maritimes  enfer- 
més entre  les  Philippines 
et  Bornéo  ressemblent  à 
la  Méditerranée  par  leurs 

températures  profondes  :  ^ :;|^^i.i 

les  eaux  froides  des  fonds 

océaniques  ne  peuvent  y  pénétrer  par-dessus  les  seuils,  et  le  point  le  plus 

bas  du  thermomètre  marque  encore  10  degrés. 

Ces  trois  alignements  de  monts  émergés  et  sous-marins  qui  s'avancent 
de  rinsulinde  hollandaise  vers  les  Philippines,  prolongent  leur  axe  dans 
l'intérieur  de  ces  îles  et  en  constituent  en  grande  paitie  le  relief.  Min- 


518  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UKIVERSELLE. 

danao,  la  moins  bien  coiimie  des  îles  espagnoles,  quoique  l'une  des  })lus 
curieuses  par  ses  phénomènes  volcaniques,  est  formée,  du  moins  à 
l'ouest  et  au  centre,  ]iar  la  continuation  des  deux  rangées  orientales, 
celles  que  signalent  en  mer  les  archipels  de  Jolo  et  de  Sangi.  L'axe  de 
Jolô,  dont  la  direction  normale  est  du  sud-ouest  au  nord-est,  comprend 
toute  la  péninsule  occidentale  de  Mindanao,  tandis  que  l'axe  de  Sangi, 
s'alignaiit  du  sud  au  nord,  atteint  cette  même  île  par  sa  pointe  méridio- 
nale, au  volcan  de  Sarangani,  et  se  prolonge  vers  le  nord  en  se  recourlianl 
graduellement  vers  l'ouest.  A  l'orient  de  cette  saillie  montagneuse,  une 
autre  saillie  parallèle  constitue  lonle  la  parlie  de  Mindanao  qui  horde  le 
grand  Océan.  Et  quand  on  étudie  dans  l'ensemble  de  ses  alignements  le 
groupe  entier  des  Philippines,  on  constate  que,  de  la  pointe  méridionale 
de  Mindanao  h  l'extrémité  septentrionale  de  Luzon,  toutes  les  (erres  sont 
IVirmécs  par  des  saillies  situées  dans  le  prolongement  des  isthmes  du 
sud  ou  suivant  des  sillons  parallèles.  Ainsi  la  chaîne  bordièi'c  qui  longe 
la  côte  orientale  de  Mindanao  se  poursuit  au  nord-ouest,  en  une  courbe 
gracieusement  infléchie,  par  les  îles  de  Lejte,  de  Masbate,  Ticao,  Burias; 
à  l'est  se  développe  une  courbe  parallèle,  formée  par  l'île  de  Samar,  la  pénin- 
sule luzonienne  de  Camarines  et  l'isla  del  Polillo.  D'autre  paît,  les  îh". 
de  Bohol,  Cehù,  NCgros,  Panay  sont  alignées  suivant  l'axe  de  rar(lii|icl 
de  Jolo  ou  en  plissements  |iarallèles;  enfiii,  Mindoro  et  le  corps  prin- 
cipal de  la  grande  île  de  Luzon  se  trouvent  sur  le  prolongement  de  la 
Paragua  et  de  Boi'neo.  En  maints  endroits,  des  massifs  volcani(jues  ou 
autres  se  dressent  sur  les  points  de  croisement.  Il  est  à  remarquer  que 
l'île  la  plus  massive  des  Philippines,  Luzon,  réunit  toutes  les  cordillères 
dans  la  puissante  arête  du  (laraballo,  de  même  que  Ions  les  arceaux  unis- 
sent leurs  nervures  au  sommet  d'une  coupole.  Au  nord  des  Philippijies,  les 
alignements  de  montagnes,  interrompus  par  de  larges-  détroits,  se  conti- 
nuent vers  le  Japon  par  Formosa  et  les  îles  Liou-Kieou. 

Dans  toutes  les  terres  de  l'archipel  espagnol,  le  sol  est  monlueux  ; 
chaînes  succèdent  à  chaînes  ;  les  seules  plaines  que  l'on  rencontre  sont  des 
régions  alluviales  situées  aux  bouches  des  rivières,  et  les  espaces  laissés 
entre  les  montagnes  au  croisement  des  rangées.  La  plus  grande  partie  des 
Philipj)ines  paraît  être  constituée  ])ar  des  roches  anciennes,  notamment 
par  des  schistes;  on  trouve  aussi  des  granits  dans  le  nord  de  Luzon. 
Les  terrains  houillers  ont  une  grande  puissance  dans  les  îles  du  milieu, 
surtout  dans  Cehii  et  Negros,  oi^i  l'on  a  trouvé  toutes  les  variétés  de 
combustible.  On  présume  qu'en  maints  endroits  les  couches  de  houille 
ont   été  recouvertes  par  des    coulées  de  laves.   Dans    les    régions  allu- 


MOMTAGNES,  VOLCANS  DES  PU1L1I'1'I>ES.  519 

viales  on  constate  le  phénomène  inverse  :  là  ce  sont  les  cheires  issues  (l(>s 
volcans  i|ni  disparaissent  sous  les  sables  et  les  argiles  que  déposent  les 
neuves.  Des  calcaires  modernes  se  forment  aussi  sur  presque  tout  le  poui- 
lour  des  îles  par  le  travail  des  polypiers,  et  l'on  a  pu  reconnaître,  sur  de 
longues  étendues  de  côtes,  que  ces  assises  récentes  ont  été  soulevées  à  une 
hauteur  notable  au-dessus  du  niveau  de  la  mer  :  on  les  voit  former  de 
grandes  tables  horizontales  au  contoui-  des  promontoires,  et  les  espèces  de 
coquillages  et  autres  débris  marins  qui  s'y  trouvent  engagés  appartiennent 
aux  espèces  encore  vivantes  dans  les  mers  des  alentours.  Vers  la  coui'be 
septentrionale  du  golfe  de  Davao,  au  sud-est  de  Mindanao,  un  mouvement 
du  sol  se  produit  en  sens  contraire  :  là  les  terres  s'abaissent,  ainsi  qu'en 
témoignent  les  forêts  mortes  ou  mourantes  que  la  mer  envahit'. 

Les  Philippines  sont  très  riches  en  métaux.  Les  naturels  recueillent  de 
l'or  dans  les  liions  de  quartz  et  dans  les  alluvions  de  toutes  les  îles, 
notamment  dans  la  province  de  Benguet,  au  centre  de  Luzon,  et  à  Min- 
danao, vers  la  pointe  nord-orientale  de  Surigao  :  des  rivières  doivent  leur 
nom  au  sable  brillant  et  aux  pépites  (|ue  roulent  leurs  eaux.  Le  cuivre  est 
fort  commun  dans  les  montagnes  luzonaises  de  Lepanto,  limitrophe  de 
Benguet,  et  de  temps  immémorial  on  en  relire  du  minerai,  que  les  indi- 
gènes savent  travailler  et  transformer  en  outils  et  ornements.  De  même, 
des  forgerons  emploient  d'excellent  minerai  de  fer  pour  en  fabriquer  des 
instruments  et  des  armes.  D'api'ès  Centeno,  on  trouve  dans  l'île  de  Cebii 
de  la  galène  renfermant  près  de  la  moitié  de  son  poids  en  métal  pur,  et 
les  solfatares  des  volcans  assoupis  contienniMil  des  amas  inépuisables  de 
soufre. 

Les  monts  à  cratères,  éteints  ou  encoie  actifs,  sont,  en  proportion  de  la 
surface,  presque  aussi  nombreux  aux  Philippines  que  dajis  l'insulinde 
néerlandaise  et  semblent  alignés  suivant  des  axes  réguliers,  qui  se  confon- 
dent avec  ceux  des  îles  elles-mêmes.  La  chaîne  occidentale  des  îles,  celle 
de  la  Paragua,  renferme  deux  volcans  en  li'avail,  dont  on  ne  connaît  guèi'e 
que  le  nom,  Alivancia  et  Talai  aipiiii,  et  (|ui  s'(''lèvenl  dans  l'ilot  de  Duma- 
ran,  à  l'angle  nord-oriental  de  la  Parat^ua.  L'île  de  Jolô  aurait  aussi  un 
volcan,  qui  lit  éruption  en  1.641  ;  mais  depuis  cette  époque  il  paraît  que 
la  montagne  s'est  apaisée  :  aucune  annale  n'en  fait  mention.  Le  promon- 
toire le  plus  méridional  de  Mindanao  porte  un  volcan  sinon  actif,  du  moins 
en  repos  depuis  le  dix-septième  siècle  seulement  ;  c'est  le  Sangil  ou  Saran- 
gani,  appelé  aussi  d'autres  noms.  La  chaîne  qui  se  continue  vers  le  noid, 

'  Miinl;in(),  Rappui!  sur  une  mission  aux  lies  Pliilipjjiucs. 


5-20  NOOVKLI.E  GliOGRAPUIE   UM VEliSELLF.. 

marquée  {)ai"  des  cônes  (l'éiii|ition  et  des  vestiges  de  cratères,  qu'einplis- 
sent  actuellement  d'épaisses  forêts,  se  redresse  peu  à  peu,  et  l'un  de  ses 
sommets,  le  volcan  d'Apô,  est  le  plus  élevé  de  toutes  les  Philippines. 
On  lui  donnait  "2086  mètres  seulement'  ;  mais  M.  Montano,qui  l'a  gravi,  en 
18S0,  avec  quelques  compagnons  espagnols,  a  constaté  que  la  cime  atteint 
.114.")  mètres.  Le  cratère  suprême,  d'environ  15(10  mètres  de  tour,  est 
revêtu  sur  ses  pentes  exléiieures  et  intérieures  d'une  maigre  végétation 
de  genévriers  et  d'autres  arbustes  ;  mais  le  versant  méridional  de  la 
montagne  est  fendu  sur  une  grande  longueur  par  une  infranchissable 
crevasse  d'où  s'échappent  des  vapeurs  sulfureuses,  se  rattachant  en  nuages 
épais  au  sommet  de  l'Apcr.  Sur  la  même  chaîne,  qui  se  prolonge  dans 
les  régions  inexplorées  du  nord  de  l'Ile,  on  ne  signale  point  d'autres  vol- 
cans, si  ce  n'esl,  en  pleine  mer,  l'îlot  de  Camiguin,  dont  le  cratère  fil 
éruption  en  1871,  recouvrant  un  bourg  de  ses  cendres,  et  que  l'on  vil 
grandir  peu  à  peu  jus(|u'à  la  liauleur  de  420  mètres. 

A  l'ouest  de  l'Apô  se  succèdent  du  sud  au  nord  plusieurs  montagnes 
ignivomes  probablement  éteintes,  telles  que  le  Sugut  ou  Cottabalé)  et  le 
Macaturin,  situé  sur  une  cordillère  qui  va  rejoindre  dans  la  péninsule 
occidentale  les  hautes  montagnes  que  domine  le  Malindang  (2617  mètres). 
Le  géologue  Cenleuo  y  (iarcia  "'  rattache  ces  volcans  du  centre  de  Minda- 
nao  à  une  traînée  de  laves  qui  se  dirigerait  vers  le  volcan  de  Taal,  dans 
l'île  de  Luzou,  par  les  îles  occidentales  des  Yisayas.  Ainsi  l'une  des  îles  de 
cet  axe,  Siquijor,  appelée  aussi  Fucgii  ou  "  Feu  ..,  lémoigne  par  son  nom 
même  de  sa  nature  volcani(iue.  Puis,  au  delà,  dans  la  partie  septentrionale 
de  Negros,  llambe  encore  le  vdicaii  de  Malaspina  ou  Canfoon,  qui  se  dresse 
à  2 '(07  mètres;  eniin,  sur  la  même  ligne,  des  sources  de  gaz  inllammables 
jailiissenl  dans  l'île  de  Panay,  ])rès  de  la  ville;  d'Ilo-Ilo. 

(JiKinl  à  la  chaîne  bordière  de  l'est,  dans  .Mindanao,  elle  se  compose  tie 
basaltes,  mais  on  n'y  signale  point  de  volcans,  à  moins  que  le  grand  lac 
de  Mainil,  près  du  promontoire  extiême  de  Surigao,  ne  soit  un  ancien 
cratère:  situé  à  40  mètres  d'altitude  seulement,  il  est  très  profond  et  ses 
berges  sont  presque  verticales  ;  des  sources  thermales  jaillissent  en  abon- 
dance aux  alentours'.  Au  nord, celle  chaîne  se  conlinue  dans  l'Ile  deLeyIe; 
près  du  cratère  boisé  d'un  volcan  éleint,  un  ravin  est  empli  d'argiles  bi- 
garrées qui  conlienncMil  environ  un  quart  de  soufre  pur,  et  que  les  indi- 

'  F.  Blumcnliill,  Vi'rsiirli  riiicr  Etlino(ir(ipliie  dcr  Philippinen. 
-  Monlano,  Bullelin  de  lu  Sociélc  de  Géographie,  juin  1881. 
^  Meiiiori/i  (jcolo(jico-)niner(i  de  las  hlas  Filipiiias. 
*  Moiitano.  niémuiro  cili'. 


VOLCANS  DES  l'UILri'PlNES. 


gènes  Irailent  avec  de  l'huile  pour  séparer  le  mélalloïde;  en  outre,  des 
eaux  thermales  qui  déposent  de  la  silice  sur  les  margelles  des  sources, 
entraînent  une  certaine  quantité  de  soufi'e,  que  l'on  recueille  dans  les  cre- 
vasses des  rochers'.   On  dit  que  la  côte  orientale  de  Lejte  s'élève  peu  à 


PARTIE    MERIDIONALE    IIE    LUZON. 


^^g<^^^ 


Est  de  Gr, 


D'après  les  cartes  de  l'AtTurauté  anglaise  et  divers  docwmer 


I   :    I  ÔOO  1100 


peu,  tandis  que  le  rivage  opposé  s'abaisse  ou  du  moins  recule  devant  la 
mer  par  reflet  de  l'érosion. 

La  grande  activité  volcani(|ue  des  Philippines  s'est  concentrée  dans 
Luzon  et  ses  péninsules.  Déjà  sa  pointe  méridionale  la  plus  avancée,  qu'un 
isthme  étroit  rallache  à  la  piesqu'île  de  Camariues,  renferme  un  volcan. 


'  Jagor,  flciscii  In  ilcii  Pliilippiiieii. 


66 


b-B  NOUVELLE   GEOGRAPUIE  CN'IVERSELLE. 

le  superlie  Bimisaii,  tjui  ressemble  il'une  manière  éloiiiianle  au  Vésuve, 
mais  qui  n'a  jias  de  ^a|)les  à  ses  pieds.  Au-dessus  des  palmeraies  de  la 
rive  on  voit  se  dresser  un  cône  régulier,  à  demi  entouré  d'un  cratère 
beaucoup  plus  vaste,  dont  une  moitié  s'est  effondiée.  Encore  au  milieu 
du  siècle,  on  croyait  que  le  Bulusan  était  complètement  éteint;  mais  il 
s'est  réveillé  deux  fois  depuis  cette  époque,  et  de  violentes  secousses  ont 
remué  toute  la  contrée  environnante  :  on  aurait  constaté  que  près  de  là, 
sur  le  petit  golfe  de  Sorsogon,  le  sol  se  serait  affaissé  de  plus  d'un  mètre 
et  demi.  Plus  au  nord,  se  profile  une  autre  montagne  volcanique,  mais 
sans  boucbe  terminale,  le  l'oedal  ou  jiic  de  Bacon,  au  pied  duquel,  sur  le 
bord  de  la  mer,  la  puissante  source  de  Manito  emplit  un  ancien  cratère, 
d'où  elle  s'écoule  sur  la  plage  par  une  échancrure  des  parois  et  une  petite 
cascade. 

Dominant  le  beau  golfe  d'Albay,  se  dresse  le  volcan  du  même  nom, 
appelé  aussi  Mayon  :  c'est  la  plus  redoutée  des  montagnes  philippines; 
c'est  aussi  l'une  des  plus  hautes,  mais  on  a  donné  de  son  altitude  des  éva- 
luations très  différentes',  peut-être  à  cause  des  fumées  qui  entourent 
fréquemment  le  sommet  et  s<'mblenl  l'exhausser.  D'une  forme  régulière 
presque  parfaite,  le  Mayon  couvre  du  cercle  do  sa  base  un  espace  de  plus 
de  200  kilomètres  carrés  :  des  forets  s'élèvent  à  peu  près  au  quart  de  sa 
hauteur,  mais  au-dessus  on  ne  voit  plus  guère  que  des  coulées  de  cendres. 
Ces  talus  sont  très  difliciles  à  gravii'  ;  cependant  Jagor  et  von  Drasche  en 
ont  atteint  la  cime.  Lors  de  son  ascension,  en  1(S7(3,  ce  dernier  constata 
que  le  Mayon  n'avait  plus  de  cratère  proprement  dit  :  il  se  terminait  par 
un  amas  de  pierres,  entre  lesquelles  s'élançaient  avec  bruit  des  jets  de  gaz 
sulfureux  ;  une  tissure  de  40  à  45  mètres  de  large  s'était  produite  en  1872 
du  haut  en  bas  de  la  montagne*.  Les  éruptions  du  Mayon,  assez  fré- 
quentes, n'entraînent  que  peu  de  laves  :  presque  toutes  les  matières  re- 
jetées sont  des  cendres,  mais  elles  sont  poussées  hors  de  la  montagne  en 
quantités  si  prodigieuses,  (|ue  les  campagnes  des  alentours  en  sont  recou- 
vertes jusqu'à  une  gi'aiide  distance  ;  les  annales  du  volcan  signalent  sur- 
tout r  «  l'i'Ufcion  hovvoi'om  »  de  1766.  En  1814,  la  ville  de  Dai'aga  fut 
ensevelie;  des  nuées  de  cendres  furent  emportées  jusqu'à  Manille,  à 
555  kilomètres  de  distance,  et  remplirent  les  rues  d'une  couche  d'un 
demi-mèlre  d'épaisseur.  Même  sans  éruption,  le  volcan  de  Mayon  est 
quelquefois  la  cause  de  grands  désastres  :  quand  les  pluies  s'abattent  sur 


n'a|)iï's  ,I:ii;of,  ^7)74  mètres;  d'après  Blumenli'iU,  ihi'i;  d'apirs  Monlano,  '27Û4. 
Hicliard  Min  llrasclir,  Jahrhuch  (1er  yeologischen  Reichsansliill,  llSTti. 


VOLCANS  DES  PUILIPPINES.  525 

les  amas  de  cendres,  les  avalanches  de  boue  descendent  au  bas  des  talus, 
engloutissant  les  cultures  et  les  \illages  ;  puis  des  forêts  de  casuariiiées 
naissent  spontanément  sur  les  couches  d'alluvions,  au-dessus  des  autres 
forêts  disparues. 

Le  Mazaraga  (1554  mètres),  qui  succède  au  Mayon  dans  la  chaîne  des 
volcans,  est  un  cône  de  dolérile  non  percé  de  cratère;  mais  immédiatement 
au  nord  s'élève  le  Malinao,  inclirtant  sur  son  versant  oriental  une  large 
coupe  d'érui)lion,  qui  paraît  n'avoir  pas  éjianché  de  laves  depuis  des  siè- 
cles. Au  nord-ouest  se  dresse  un  autre  volcan,  l'Iriga  ou  Iraga  (121 2  mè- 
tres), qui  en  l'année  1641  était  encore  un  cône  parfait,  lors([ue  <'■  sou- 
dain »,  dit  la  tradition,  la  partie  orientale  de  la  montagne  s'effondi-a,  lais- 
sant à  sa  place  des  amas  de  débris  et  un  gouffre  profond  ;  les  eaux  d'un 
ruisseau  qui  coulait  à  la  base  de  l'Iriga  furent  arrêtées  par  l'éboulis  et 
s'amassèrent  en  un  lac  qui  existe  encore  sous  le  nom  de  Buhi.  A  l'est 
de  ce  lac,  de  l'autre  côté  de  montagnes  éruptives,  la  vallée  de  Tibi  pré- 
sente le  groupe  le  plus  curieux  de  sources  thermales,  sulfureuses  et  sili- 
ceuses que  possèdent  les  Philippines.  Elles  sont  assez  abondantes  pour 
former  un  petit  ruisseau  d'eau  chaude  qu'utilisent  les  ménagères  du  voi- 
sinage pour  la  cuisson  des  aliments.  Les  sources,  qui  déposent  de  la  silice 
en  s'évaporant  à  l'air  libre,  recouvrent  le  sol  d'incrustations  d'une  blan- 
cheur éclatante  et  du  plus  gracieux  dessin.  L'oriiice,  entouré  de  cercles 
concentritjues,  diminue  chaque  année  de  diamètre  et  s'accroît  en  hauteur 
à  mesure  que  se  forment  de  nouveaux  dépôts  :  à  la  fin  le  cône  s'obstrue, 
et  la  croûte  de  silice  se  brise  sur  un  point  faible  pour  laisser  jaillir  la 
source.  En  un  endroit,  la  voûte  s'est  complètement  effondrée  et  laisse  voir 
un  petit  lac  souterrain  dont  l'eau  bleue  est  d'une  transparence  et  d'une 
finesse  de  nuances  merveilleuses;  sa  température  est  de  85  degrés  cen- 
tigrades'; un  jet  d'eau  et  de  vapeur,  bien  plus  chaud,  n'a  pas  moins  de 
108  degrés.  Une  des  sources  mêle  son  eau  à  celle  de  la  mer  et  tantôt 
monte,  tantôt  s'abaisse  avec  le  flux  et  le  reflux. 

A  la  racine  de  la  péninsule  de  Cararauan,  s'élève  un  volcan  à  très 
large  base,  l'Ysarog  ou  le  «  Solitaire  »,  dont  les  pentes  occupent  toute  la 
largeur  de  la  contrée,  entre  les  baies  de  San-Miguel  et  de  Lagonoy  :  c'est  à 
lui  que  les  îles  orientales  de  Camarines  doivent  d'avoir  été  rattachées  à  Lu- 
zon.  A  l'ouest,  au  sud,  au  nord,  on  voit  la  longue  montagne  se  redresser 
graduellement  par  une  courbe  gracieusement  infléchie  et  se  terminer  par 
un  dôme  régulier  (1066  mètres);  mais,  du  côté  de  l'est,  un  effondrement 

•  Jagor;  —  Iticliaril  von  Drasclie  :  ■—  Monlano,  mémoire  cité. 


526 


IVOrVKLLE   (IKOGHAPiJIE   UNIVERSELLE. 


a  fail  disparaître  tout  un  pan  iK'  r\sarog  et  l'on  n'aperçoit  qu'un  vaste 
amphithéâtre  boisé  :  c'est  le  eirque  de  Runj;us,  ainsi  nommé  d'un  village 
qui  se  trouve  à  l'entrée.  Aucune  tradition  ne  se  rapporte  à  l'écroulemenl 
de  la  montagne  et  pendant  la  période  moderne  il  n'y  a  point  eu  d'éruption  : 
une  source  d'acide  carbonique  est  le  seul  reste  d'activité  que  |iut  obser- 
ver Jagor  dans  la  région  des  sommets. 

La  partie  septentrionale  de  la  grande  péninsule  de  Camarines  est  domi- 
née par  deux   massifs  de  formation  volcanique,  la  sierra  de  Colasi  et  le 


\r.TIE    CENTRAI.t 


1  :  asnnooo 


Labo  ou  Tetas  de  Polantuna;  mais  ces  montagnes  paraissent  être  en  repos 
depuis  un  temps  immémorial,  et  l'on  n'y  trouverait  même  pas  de  cratère; 
cependant  Jagor  parle  d'une  tradition  générale  dans  le  pays,  d'après 
laquelle  le  «  petit  Colasi  »,  promontoire  qui  s'avance  dans  la  mer  orien- 
tale, ne  cesserait  de  grandir  :  pareil  phénomène  ne  pourrait  s'expliquer 
que  par  des  naj)])es  de  cendres  nouvelles  s'épanchant  sur  les  talus  exté- 
rieurs. Un  foyer  volcanique  semblable  à  celui  d'Albay,  dans  le  Camarines 
du  sud,  ne  se  retrouve  que  dans  le  corps  de  la  grande  île  de  Luzon,  au 
sud  de  Manille.  Deux  des  premières  montagnes  qui  se  dressent  vers  l'angle 


VOLCANS   DES   PUILIPPINES.  r,27 

sud-oriental  de  Liizon,  le  Majavjiiy  (lONO  mètres)  et  le  Saii-Cristobal  (^ôôô 
mètres),  sont  de  volcans  éteints  :  la  dernière  éruption  du  Majayjay  eut 
lieu  en  1780,  et  depuis  cette  époque  les  forêts  ont  repris  possession  du 
cône;  le  lac  qui  emplissait  le  profond  cratère  s'est  vidé,  et  l'on  aperçoit 
encore,  sur  le  versant  méridional,  la  hrèche  par  laquelle  s'épanchèrent  les 
eaux.  Puis  viennent,  à  l'ouest  et  au  nord-ouest,  d'autres  monts  volca- 
niques, tels  le  Malarayat  et  le  Maquiliiig  (l'200  mètres),  superbes  observa- 
toires d'où  l'on  voit  à  ses  pieds  le  monde  de  lacs,  de  lagunes,  de  golfes, 
d'iles  et  de  presqu'îles  (jui  donne  une  si  étonnante  variété  aux  paysages 
de  cette  région  des  Philippines.  Le  cratère  du  Maquiling  est  «  immense  »  ; 
mais  du  côté  du  sud  les  parois  se  sont  écroulées,  pres([ue  jus(|n'à  la  base  de 
la  montagne.  Les  sources  thermales  sulfureuses  jaillissent  en  abondance 
des  vallées  environnantes;  plusieurs  petits  cratères  épars  dans  la  plaine 
sont  enij)lis  de  lacs  fumants,  de  «  lagunes  enchantées  »,  et  l'une  des  dé- 
pressions, dite  Ticrra  Blanrn  ou  Lupang  Puli,  est  comme  une  vaste 
chaudière  pleine  d'une  ai'gile  bouillante,  où  toutes  les  roches  se  dissolvent 
sous  l'action  des  jets  de  gaz  :  de  temps  en  temps  des  masses  de  limon  brû- 
lant sont  projetées  à  de  grandes  hauteurs. 

Le  volcan  de  Taal,  l'un  des  moins  imposants  par  la  masse,  puisqu'il  n'a 
<pie  '254  mètres  d'altitude,  est  pourtant  un  des  plus  remanjuables  parmi 
les  monts  éruptifs  des  Philippines.  Avec  deux  autres  cônes  de  moindre 
élévation,  il  occupe  un  îlot  dans  le  milieu  d'un  lac,  le  Borabon,  séparé  de 
la  mer  occidentale  par  un  isthme  bas  et  étroit.  Piaviné  par  de  profondes 
barranques,  sillons  des  eaux  de  pluie,  le  volcan  de  Taal  se  creuse  au  som- 
met en  un  énorme  cratère,  hors  de  proportion  avec  la  colline  qui  le  con- 
tient :  l'abime.fjue  les  indigènes  appellent  le  «  Purgatoire  »  et  (jue  nombre 
d'entre  eux  croient  en  effet  être  l'entrée  du  lieu  d'épreuves  des  morts,  a 
plus  de  4000  mètres  en  circonférence  et  renferme  dans  ses  profondeuis 
des  cratères  secondaires,  des  buttes  d'éruption,  des  crevasses  nombreuses, 
d'où  jaillissent  des  fumerolles,  et  deux  petits  lacs  bleus  renfermant  des 
acides  sulfurique  et  chlorliydri(|ue  dans  la  proportion  de  plus  de  0  cen- 
tièmes :  on  dit  qu'ils  sont  à  peu  près  au  niveau  de  la  mer'.  Les  centres 
d'éi'uplion  ont  souvent  changé  de  place.  Autrefois  les  deux  autres  volcans 
de  l'île,  le  «  Grand  >'  et  le  «  Petit  «  Binintiang,  alternaient  leurs  jets  d(! 
cendres';  des  éruptions  se  sont  aussi  fait  jour  du  fond  des  eaux;  mais 
depuis  1749  le  foyer  d'explosion  s'est  maintenu  au-dessous  du  Taal  :  c'est 


'  (^enteno  y  Gareia,  inomoi](i  cilo. 

*  Seiiiper,  Die  Philippiiien  uiid  iliri'  lirtcoliiici: 


r.âs 


NOUVELLE  (;ÉOGrUl'UlE  UMVERSELLE. 


(le  là  que  s'élancent  en  nuages  les  roches  menuisées;  on  ne  voit  pas  trace 
tle  laves  qui  se  seraient  é|»aiK-liées  du  Taal  ou  d'autres  volcans  de  la  région 


N'^    m.).    TAAL    ET    LAi;    UOMBO' 


Esl  de  Greenw\-.ct-.  I2rs' 


D'après  Centeno 


lacustre.  La  dernière  éruption,  celle  de  1S8o,  a  fait  disparaître  toute  trace 
de  végétation  dans  l'île'. 

Le  Bombon  a  près  de 200  mètres  en  prolondeur  i  l'eiidroil  le  plus  creux. 
Ce  fut  j)roljal)lement  un  grand  cratère  (r(''iu|ili()ii,  dont  l'îlot  du  Taal  et  des 
volcans  voisins  n'est  que  la  butte  centrale;  et  les  parois  de   lui',  hautes  de 


Ti'iiison  Woods,  Hcisc  aiif  dcn  l'hi/ipjiiiicii. 


VOLCANS  DES  l'HII.IPPINES.  529 

"200  mètres,  qui  entourent  le  lac  au  nord  et  à  l'est,  sont  les  restes  de 
l'enceinte  primitive.  Mais  ce  cratère  était  jadis  ouvert  du  côté  de  la  mer 
comme  celui  de  l'Ile  Saint-l*aul;  l'isthme  bas  qui  au  sud-ouest  sépare  le 
lac  du  golfe  voisin,  est  en  entier  composé  de  cendres  volcaniques.  L'eau  de 
l'ancienne  baie  devenue  lac  est  encore  quelque  peu  saline,  bien  que  les 
pluies  la  renouvellent  sans  cesse  et  qu'une  rivière  effluente  emporte  le 
trop-plein  du  liquide;  des  poissons  de  mer,  qui  vivent  dans  le  lac,  se  sont 
nraduellement  accommodés  à  leur  nouveau  milieu.  Jusqu'au  nord  de 
Manille,  le  sol  se  compose  de  tuf  rejeté  par  le  Taal  et  les  autres  volcans,  et 
l'on  se  demande  si  le  grand  lac  deBay,  ou  la  Laguna,  situé  au  sud-est  de 
Manille,  n'est  pas  aussi  un  ancien  golfe,  séparé  de  la  mer  par  un  seuil  de 
formation  moderne,  celui  sur  lequel  a  été  construite  la  capitale  des  Philiii- 
pines.  n'a{)rès  Semper,  le  requin  et  un  autre  poisson  de  mer  peuplent 
la  Laguna  aussi  bien  que  les  golfes  voisins'.  Des  péninsules,  des  îlots  volca- 
niques s'élèvent  dans  la  partie  septentrionale  de  cette  mer  intérieure,  mais 
leurs  cratères  sont  en  repos  depuis  un  temps  immémorial.  L'île  du  Corre- 
gidor,  située  à  l'entrée  de  la  baie  de  Manille,  se  compose  de  roches  ignées, 
mais  on  n'y  voit  pas  de  bouches  d'éruption  proprement  dites.  La  chaîne 
bordière  de  Mariveles  et  de  Zambales,  dont  les  cônes  réguliers  limitent  à 
l'ouest  l'admirable  baie  de  Manille,  n'a  pas  eu  d'éruptions  pendant  la 
période  historique.  Au  milieu  d'une  grande  ])laine  qui  s'étend  vers  le 
nord,  s'élève  le  double  mont  insulaire  d'Arayat  ou  Sinocoan,  haut  de 
S78  mètres  :  par  la  courbe  harmonieuse  de  ses  pentes  c'est  une  des  mon- 
tagnes les  plus  belles  des  Philippines. 

Le  mont  Aringay  ou  Santo-Tomas  (2295  mètres),  (jui  domine  à  l'est 
la  baie  de  Lingayen,  est  aussi  un  volcan  ;  mais  les  annales  contradic- 
toires écrites  par  les  moines  espagnols  laissent  douter  des  éruptions  qu'il 
aurait  eues,  pendant  la  période  historique,  au  milieu  du  dix-septième 
siècle.  Le  Data,  situé  au  nord-est  de  l'Aringay,  est  certainement  au  repos, 
mais  il  est  entouré,  ainsi  que  plusieurs  autres  monts  de  ce  groupe,  de 
sources  thermales  et  de  solfatares.  On  ne  retrouve  de  volcans  qu'à 
l'extrémité  septentrionale  de  Luzon.  Le  (]agud  (1105  mètres),  qui  s'élève 
dans  le  promontoire  terminal  du  nord-est,  lame  constamment,  mais 
il  semble  probable  à  Blumentritt  que  son  activité  est  d'origine  récente, 
car  les  religieux  qui  vivaient  dans  une  ville  rapprochée  n'en  font  aucune 
mention  dans  leurs  chroniques.  Au  delà,  la  ligne  de  feu  se  continue  sous 
la  mer.  Le  volcan  de   Camiguin,  que    l'on  confond  souvent  avec  l'autre 

'  Hicliaid  vDii  Oia'iche,  mémoire  cilé  ;  —  Wnod,  Mt-vp]-.  Gill,  jSdtiire. 


530  NOUVELLE   GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

Camiguin  des  parages  de  Mindanao,  est  un  mont  de  736  mètres  enfermant 
une  solfatare  exploitée.  Mais  près  de  là,  également  dans  le  groupe  des 
Babuyanes,  un  autre  volean  est  né  pendant  ce  siècle.  Vers  la  lin  de  l'année 
1856,  les  pêcheurs  aperçurent  une  légère  nuée  blanche  qui  s'élevait  des 
écueils  de  Dédira  :  ils  crurent  d'abord  reconnaître  un  navire  échoué;  mais 
la  nuée  grandit  peu  à  peu  et  monta  vers  le  ciel  en  épaisse  colonne  de 
fumée.  Le  soir  même  on  vit  apparaître,  à  travers  la  ])luie  de  cendres,  une 
noire  colline  de  laves  se  di'essant  au-dessus  des  écueils.  Quatre  années 
après,  elle  atteignait  210  mètres  de  hauteur  et  ne  cessait  de  grandir;  elle 
aui'ait  actuellement  246  mètres.  Il  est  peu  de  cônes  volcaniques  sur  la 
Terre  qui  aient  ci  i-i  aussi  ra[)idement  pendant  la  période  contemporaine. 
Du  reste,  il  est  pr(dial)le  que  les  écueils  de  Dedica,  qui  servent  de  base  au 
nouveau  volcan,  sont  eux-mêmes  les  débris  d'une  ancienne  montagne  brû- 
lante'. Le  phare  terminal  des  Philipjiines,  complétant,  à  ITOtl  kiloml'tres  de 
distance,  la  chaîne  de  volcans  qui  commence  au  Sangil,  est  le  Babuyan 
Claro,  dont  le  cône,  haut  d'environ  1000  mètres,  toujours  ceint  de  vapeurs 
et  de  reflets  ardents,  éclaire  pendant  les  nuits  les  parages  dangereux  de  la 
mer  de  Formose.  Au  nord,  les  diverses  îles  des  Batanes,  appelées  Bashee 
par  les  marins  anglais,  rattachent  par  leurs  traînées  de  récifs  l'archipel 
espagnol  à  la  grande  île  chinoise. 

On  sait  que  les  Philippines  sont  une  des  régions  les  plus  fréquemment 
ébranlées  j)ar  les  secousses  terrestres  :  en  dépit  des  «  soupapes  de  sûreté  » 
(pir.  d'apiès  d'anciennes  hypothèses,  les  volcans  ouvriraient  aux  foyers 
souterrains,  les  îles  espagnoles  sont  dans  un  état  de  frémissement  presque 
continuel  :  les  sismographes  de  l'observatoire  de  Manille  sont  toujours  en 
mouvement;  des  ondulations  dirigées  ordinairement  dans  le  sens  de 
l'ouest  à  l'est,  font  vibrer  le  sol,  et  bien  rares  sont  les  années  pendant  les- 
quelles ces  vibrations  n'entraînent  pas  quelque  désastre.  La  cité  de  Manille 
a  été  souvent  ruinée  par  les  tremblements  de  terre  :  celui  de  1865,1e  plus 
terrible  de  tous,  renversa  la  j)lupart  des  éditices  publics  et  des  maisons 
européennes  bâties  en  maçonnerie.  La  secousse  de  1880,  non  moins  vio- 
lente, n'a  pourtant  pas  été  aussi  fatale,  les  constructions  ayant  été  pres- 
que toutes  élevées  de  manière  à  pouvoir  résistei'  à  de  violentes  oscillations. 
Les  maisons  n'ont  qu'un  étage,  qui  consiste  en  boiseries  entre-croisées  de 
manière  à  former  une  sorte  de  grande  cage,  ])osée  sur  les  murs  larges  et 
bas  du  rez-de-chaussée;  les  lourdes  tuiles  du  toit  sont  graduellement  rem- 
placées par  des  feuilles  de  tôle  galvanisée,  et  les  tables  des  appartements 

'   Muntero,  moiiKiiir  citi'. 


VOLCAMS  ET   SECOUSSES   VOLCANIQUES  DES  PUILIPI'INES. 


.Jôl 


sont  faites  du  bois  le  plus  solide,  pour  qu'en  se  réfugiant  au-dessous  on 
évite  le  choc  des  plâtras  et  autres  débris. 

Lors  du  tremblement  de    1880,  le  volcan  de  Taal  et  plusieurs  autres 
montagnes  des  Philippines  étaient  en  pleine  éruption;  môme  un  volcan 


N°   110.   TPEMDLEMliNT    llli    1880. 


Ert  de    P, 


119° 


Est  de   Green 


D'après  Centeuo  y  GarcKi. 


sous-marin,  situé  entre  l'île  de  Polillo  et  la  côte  orientale  de  Luzon,  dressa 
son  talus  de  (cudrcs  au-dessus  des  eaux;  dès  l'année  suivante,  les  vagues 
l'avaient  (li'innii  et  il  n'en  reste  plus  de  vestiges*.  Les  lentes  oscillations  du 
sol  qui  eliangcnl  le  niveau  relatif  de  la  terre  et  de  la  mer  se  révèlent  en 


F.  BlimiciilriU.  ouvrafru  tilé 


532  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  IMVERSELLE. 

maints  endroits  le  long  des  côtes  philippines.  Brusques  secousses  et  lents 
phénomènes  de  plissement  modiflent  sans  cesse  les  sillons  convergents  des 
îles.  Des  phénomènes  d'exhaussement  ont  été  observés  en  de  nombreuses 
parties  de  l'archipel.  Les  grès  et  les  argiles  qui  recouvrent  les  autres  for- 
mations sont  remplis  de  fragments  de  coquillages,  dont  la  plupart  vivent 
encore  dans  les  mers  voisines;  dans  les  plaines  et  sur  les  p(Mites  des  mon- 
tagnes on  rencontre  çà  et  là  les  restes  d'anciens  récifs  absolument  sem- 
blables à  ceux  qui  bordent  les  rivages. 

L'alignement  des  montagnes  philippines  en  chaînes  parallèles  a  pei'mis 
à  quelques  fleuves  de  Luzon  et  de  Mindanao  de  prendre  un  développement 
considérable.  Le  plus  abondant  de  tous  est  celui  qui  porte  en  effet  le  nom 
de  «  Grand  Fleuve  «,  Cagayan,  Tajo  ou  rio  (iraudi'  :  il  cuule  entre  deux 
cordillères  de  Luzon,  sur  une  longueur  de  i)lus  de  550  kilomètres,  et  s'unit 
à  la  mer  par  un  large  estuaire,  en  face  de  l'île  Camiguin.  L'Agno,  qui 
débouche  dans  la  partie  méridionale  de  la  baie  de  Lingayen.  reçoit  les  eaux 
du  cirque  de  Benguel,  am])hithéàtre  calcaire  dans  lequel  on  ci'oit  recon- 
naître un  ancien  atoll  soulevé,  et  mêle  de  la  poudre  d'or  au  sable  de  ses 
grèves.  Le  rio  Pampangan,  qui  parcourt  la  vaste  plaine  du  même  nom  et 
recueille  les  eaux  de  plusieurs  lacs,  se  déverse  dans  la  partie  sepleiilrionale 
de  la  baie  de  Manille,  où  il  a  formé  un  large  delta  en  dehois  de  la  ligne 
primitive  du  rivage.  Un  autre  lleuve,  qui  se  déverse  dans  la  baie  de  Ma- 
nille, le  Pasig,  a  seulement  une  vingtaine  de  kilomètres  en  longueur;  mais, 
comme  la  Neva  <pii  sort  du  Ladoga  et  traverse  une  cajiilale  avanl  de  s'unir 
au  golfe  de  Finlande,  elle  est  reflluenl  d'un  grand  lac  d'eau  douce,  pro- 
fond de  56  mètres,  la  Laguna  de  Bay,  et  la  cité  de  Manille  s'est  bâtie  sur 
ses  bords;  de  petites  embarcations  ou  baiirris  v[  des  batcdx,  bateaux  à  vapeur 
à  fond  plat,  voguent  sur  le  Pasig  entre  le  lac  et  la  mer.  Au  sud,  la  rivière 
Pansipit  ou  Taal  n'est,  comme  le  Pasig,  que  le  court  émissaire  de  l'an- 
cienne baie  de  Bombon,  maintenant  Iransfoimée  en  lac.  Dans  Minda- 
nao, le  cours  d'eau  le  plus  abondant  est  celui  d'Agusan  ou  de  Butuan. 
que  les  embarcations  ])euvenl  remonter  à  plus  d'une  centaine  de  kilo- 
mètres. Un  autre  lleuve,  auquel  on  donne  quelquefois  le  nom  de  «  rio 
Grande  de  Mindanao  >•,  prend,  dit-on,  sa  source  au  centre  de  l'île,  dans 
le  lac  de  Magindanao,  et  coule  au  sud-ouest,  puis,  après  avoir  reçu  les 
eflluents  d'autres  lacs,  se  dii'ige  au  nord-est  pour  se  jeter  dans  la  bahia 
Illana,  extrémité  septentrionale  de  la  mer  de  Celèbès.  Grâce  aux  mous- 
sons alternantes,  qui  parcourent  de  vastes  étendues  marines,  toutes  les 
îles  de  l'archipel  sont  abondamment  arrosées. 

Le  climat  des  Philippines  est  essentiellement  maritime  et  tropical,  c'est- 


FLEUVES.   CLIMAT  DES  l'UlLlI'I'INES.  555 

à-(lire  que  la  (empérature,  furl  élevée  en  moyenne,  n'oscille  qu'entre  des 
limites  assez  rapprochées.  La  chaleur  mensuelle,  variant  de  quelques 
degrés  à  peine,  ne  sert  point  à  distinguer  les  saisons  :  le  partage  de  l'an- 
née se  fait  comme  dans  l'Insulinde,  par  le  renversement  des  moussons  et 
l'alleriiance  de  la  pluie  et  des  sécheresses '.Pendant  une  moitié  de  l'année, 
d'octobre  en  avril,  c'est  le  vent  normal  du  nord-est  ou  courant  polaire  qui 
souffle  sur  les  Philippines;  d'avril  eu  octobre,  c'est  la  mousson  qui  se 
précipite  du  sud-ouest  et  devient  maîtresse  de  l'air.  Dans  la  succession 
normale  des  courants  aériens,  les  vents  tournent  régulièrement  du  nord- 
est  au  sud-ouest  en  passant  [)ar  l'est  et  le  sud,  et  du  sud-ouest  an  nord-est 
en  passant  par  l'ouest  et  le  nord;  mais,  lors  des  changements  de  moussons, 
la  lutte  d'équilibre  ([ui  se  [iroduit  entre  les  nappes  d'air  en  mouvement 
est  toujours  attendue  avec  anxiété,  car  on  peut  craindre  alors  la  forma- 
tion soudaine  de  hafjuios  ouvoguios,  c'est-à-dii'e  de  typhons'.  Ils  naissent 
dans  l'Océan,  à  l'est  des  Philippines,  traversent  l'archipel  au  nord  de  Min- 
danao  et  parcourent  la  mer  de  Chine  en  déplaçant  leur  centre  vers  le  nord 
et  le  nord-est,  tandis  que  la  spirale  du  vent  se  meut  du  nord  au  sud  par 
l'ouest,  et  du  sud  au  nord  par  l'est,  en  sens  inverse  des  cyclones  de  l'océan 
des  Indes.  C'est  en  automne,  lorsque  le  vent  normal  du  nord-est  reprend 
la  supi'ématie,  que  les  tournoiements  de  l'air  sont  le  plus  à  redouter.  Les 
effets  de  ces  météores  sont  parfois  désastreux  :  en  mainte  tempête,  les 
navires  ont  été  coulés  par  dizaines,  des  villages  démolis  ont  été  emportés 
dans  le  vent,  des  milliers  de  personnes  ont  péri.  Le  typhon  qui  passa 
sur  Manille  en  1882  est  le  plus  terrible  dont  on  ait  souvenance  :  la  colonne 
barométrique  était  tombée  à  moins  de  7'2S  millimètres,  et  la  vitesse  du 
M'ul  alleiguit  '■17y2  kilomètres  à  l'heure".  Un  câble  électrique  immergé  entre 
Manille  et  Hongkong  signale  maintenant  à  la  côte  chinoise  l'approche  de  la 
tempête  et  les  marins  prennent  leurs  précautions  contre  l'imminent  danger*. 
Sur  les  côtes  orientales  de  l'archipel  on  observe  fréquemment,  surtout  à  la 
renverse  des  moussons,  des  raz  de  marée  ou  dolus,  qui  sont  aussi  très 
icdoiilables  [»our  les  embarcations,  et  (|ui  sont  dus  probablement  à  l'ac- 

'  Toniijératurt's  observées  à  Manitle  : 

Moyenne  de  1870  à  1880,  d'apiès  Faura   ....  WM 

j      Ecart  total  des  températures 20",  9 

Extrême  maxima,  d'après  Semper  (septeuibn;) .    .  56" 

«       niinima         »  «        (février)  .    .    .  15", 1 

PluRS  annuelles  :  de  2'°, 27  à  2", 76  (d'après  Jagor). 

-  Villavicenciu,  Mcmoria  de  ta  cumision  hidrograjica,  1874. 

■'  Frank  Plant,  younm/  of  tkc  Miiiicliesler  Gcograpliictil  Sociclu,  18S6. 

*  Monlauo,  ouvrage  cite. 


534  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

tion  de  cyclones  lointains;  ils  remontent  comme  le  mascaret  dans  les 
fleuves  et  les  estuaires. 

Chacun  des  deux  courants  aériens  qui  se  succèdent  au-dessus  de  l'ar- 
chipel apporte  ses  pluies  et  ses  oraj^es;  aussi  les  deux  versants  sont- 
ils  arrosés  tour  à  tour.  Quand  souffle  le  vent  du  nord-est,  les  parties  du  lit- 
toral et  les  pentes  des  montagnes  tournées  dans  cette  direction  reçoivent 
une  grande  quantité  de  pluie  ;  mais  les  côtes  occidentales,  celles  de  Manille 
par  exemple,  abritées  contre  les  orages  par  les  monts  de  l'intérieur,  jouis- 
sent d'un  beau  temps  presque  inaltérable.  Après  le  renversement  des 
moussons,  c'est  le  contraire  :  les  rivages  occidentaux  sont  arrosés  chaque 
jour  par  une  pluie  d'orage,  tandis  que  de  l'autre  côté  des  montagnes  pré- 
vaut la  sécheresse.  D'ailleurs,  l'alternance  des  saisons  et  l'abondance  des 
pluies  varient  singulièrement  suivant  la  latitude  des  îles,  la  hauteur 
moyenne  du  sol,  la  direction  des  chaînes  de  montagnes,  les  avenues  que 
les  détroits  ouvrent  au  vent  et  que  leur  ierment  les  promontoires.  Ainsi, 
la  quantité  d'eau  qui  tombe  annuellement  dans  la  vallée  de  l'Âgusan,  à 
Mindanao,  est  de  4  mètres  environ,  près  du  double  de  ce  que  reçoivent  les 
campagnes  de  Manille.  Le  volcan  de  Majayjay,  situé  près  de  l'isthme  (pii 
rejoint  Luçon  à  la  presqu'île  de  Camarines,  et  par  consé(|uent  soumis  à 
l'influence  des  deux  moussons,  avec  leurs  pluies  alternantes,  reçoit  parfois 
des  averses  ou  collas  pendant  huit  ou  neuf  mois,  avec  de  i-ucs  intervalles 
de  jours  secs';  aussi  des  torrents  considérables  découlent  de  tout  son  pour- 
tour. Dans  les  régions  où  l'on  peut  toujours  compter  sur  une  abondance 
suffisante  d'humidité,  comme  dans  la  vallée  de  l'Agusan,  on  sème  et  l'on 
récolte  en  toute  saison;  ailleurs,  il  faut  se  régler  sur  la  période  des  pluies, 
soit  pour  en  faire  [)roliter  la  plante,  soit  au  contraire  [tour  la  lui  éviter. 
De  là,  entre  les  deux  versants,  ce  contiasie  des  cultures  qui  étonna  les  pre- 
miers navigateurs.  Les  récoltes  ont  lieu  d'un  côté  des  îles  quand  les  semis 
se  font  de  l'autre  côté. 

Cette  même  alternance  des  vents  et  des  pluies  est  pour  les  pêcheries,  la 
navigation,  le  commerce  des  deux  littoraux  de  l'archipel  la  cause  de  con- 
trastes semblables  à  ceux  de  l'agriculture.  Pendant  la  durée  des  vents  du 
nord-est,  les  barques  des  rivages  orientaux  ne  peuvent  |)lus  tenir  la  mer  et 
se  réfugient  dans  les  ports;  les  péciicurs.  les  marins  icvienni'iil  à  terre 
pour  devenii'  agriculteurs  ou  chercher  à  maiée  basse  les  c(tquillages  et  les 
poissons  restés  sur  les  récifs.  C'est  précisément  alors  (jue  les  embarcations 
des  ports  occidentaux  s'élancent  dans  la  haute  mer.  A  la  renveise  des  sai- 

'  Jagnr.  ouvra'.'c  cilé. 


CLIMAT,    FLORE   DES  l'HILIPPINES.  555 

sons,  le  tableau  se  modilie  presque  soudainement  :  les  mers  se  peuplent  d'un 
côté  tandis  que;  de  l'autre  elles  deviennent  déseites.  La  vie  se  balance, 
pour  ainsi  dire,  de  l'une  à  l'autre  rive,  suivant  l'oscillation  des  vents.  Les 
groupes  de  population  qui  vivent  sur  un  isthme  entre  les  deux  mers  se 
déplacent  suivant  la  saison  vers  le  port  de  l'est  ou  celui  de  l'ouest.  Mais  il 
est  entre  les  îles  des  passages  bien  abrités  contre  les  deux  moussons  et  où 
les  navires  peuvent  s'aventurer  en  tout  temps  :  tel  est  le  détroit  de  San- 
Bernardino,  la  grande  voie  commerciale  de  l'archipel  :  au  nord-est,  Luzon 
et  ses  presqu'îles,  puis  Samar,  la  protègent  contre  l'alizé;  de  l'autre  côté, 
Mindoi'o  et  les  diverses  îles  Yisayas  les  défendent  de  la  violence  des  mous- 
sons occidentales.  Dans  ces  détroits  abrités  le  vent  est  moins  dangereux  que 
les  marées  et  les  courants.  Le  labyrinthe  des  îles  gène  le  libre  développe- 
ment des  ondes  du  flux  et  du  rellux,  qui  tantôt  se  succèdent  régulièrement, 
tantôt  se  contrarient  de  diverses  manières,  se  neutralisent  entièrement  ou 
en  partie  et  semblent  échajtper  à  toute  loi  :  ce  sont  des  marées  «  folles  » 
(locas),  dans  lesquelles  prévaut  le  type  diurne  ou  semi-diurne,  suivant  les 
lieux  et  les  saisons,  mais  dont  le  pilote  le  plus  exercé  peut  seul  prévoir  les 
allures.  Les  hauteurs  du  flux  sont  en  général  peu  considérables  :  elles 
varient  d'un  demi-mètre  à  plus  d'un  mètre;  mais  si  peu  que  s'élève  le 
niveau  moyen  de  l'eau,  les  masses  liquides  qui  ont  à  s'échapper  par 
d'étroits  passages  y  déterminent  des  courants  d'une  extrême  puissance, 
contre  lesquels  les  bateaux  à  vapeur  peuvent  seuls  lutter.  La  manche  de 
San-Bernardino  est  souvent  très  dangereuse.  Dans  le  détroit  de  Surigao, 
entre  Mindanao  et  Leyte,  la  vitesse  du  courant  atteint  parfois  15  kilo- 
mètres à  l'heure'  :  c'est  presque  la  rapidité  du  raz  Blanchard,  dans  la 
mer  française  du  Cotentin. 

Situées  entre  l'Insulinde  hollandaise  et  l'île  chinoise  de  Formose,  les 
Philippines  offrent  dans  leur  flore  et  dans  leu  r  faune  une  transition  natu- 
relle entre  les  deux  régions  ;  néanmoins  elles  possèdent  aussi  nombre 
d'espèces  qui  leur  appartiennent  en  propre  ou  qui  même  ne  se  trouvent 
que  dans  une  seule  île.  Mindanao,  qui  d'ailleurs  est  la  moins  connue  des 
terres  de  l'archipel,  parait  être  aussi  la  plus  riche  en  plantes  spécialement 
philippines  :  dans  la  soixantaine  d'arbres  de  haute  futaie  qui  constituent 
ses  forêts  et  que  l'on  pourrait  employer  pour  la  construction  des  navires, 
la  charpente,  l'ébénisterie  ou  la  sculpture,  se  trouve  une  myrtacée,  le 
mag  kono(-raiitlio>ilcinvin  rcr(lufi(iiii(niiiiii)-jH)h  jiresqne  incorruptible, qui 


'  Camilo  do  Arana,  Dcrroleio  Jd  fircliipiplnyo  Filipiiio;  —  Moiilano,  mémoire  cité. 
-  Sébastian  Vidal  v  Siiler;  —  Muii(aiio.  ouvraee  cité. 


5Ô6  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  INI VERSELLE. 

iipparliciil  t'iicorc  à  Faire  australienne  el  ne  dépasse  pas  an  nord  les  côtes 
orientales  de  Mindanao'.  Le  baletc,  qui  est  le  liguier  Lanyan  des  Hindous, 
est  très  commun  dans  toutes  les  Philippines,  et  atteint  d'énormes  dimen- 
sions :  l'un  d'eux,  dans  la  province  de  Camarines,  avait  été  transformé  en 
citadelle  à  deux  étages  et  l'on  y  avait  placé  des  canons  \  Les  espèces  de  pal- 
miers sont  nombreuses.  Ces  arbres  précieux  des  Moluques,  le  cannellier, 
le  giroflier,  le  poivrier,  se  trouvent  dans  les  fonMs  de  quelques  îles  méri- 
dionales, et  d'autre  part  on  a  découvert  à  Luzon  l'espèce  la  plus  appré- 
ciée de  la  flore  chinoise,  l'arbuste  à  thé,  que  l'on  commence  à  cultivei' 
dans  les  jardins  botaniques,  avec  un  bon  résultat.  A  la  fin  de  l'année  ISÎS^ 
les  botanistes  avaient  reconnu  l'existence  de  I  KiTi  genres  de  végétaux  dans 
les  Philip|)ines  et  classé  4583  espèces. 

Les  Philippines  n'ont  point  de  bêtes  féroces  :  le  seul  carnassier  que  l'on 
rencontre  dans  les  forêts  est  un  chat  sauvage,  le  ngiao;  peut-être  aussi, 
d'après  le  témoignage  des  naturels,  une  espèce  de  tigre  ou  de  léopard 
vivrait-elle  dans  la  Paragua,  île  médiaire  entre  l'Insulinde  et  Luzon;  les 
sangliers  de  l'archipel  sont  parfois  dangereux,  lialaliac,  île  si  rapprochée 
de  Bornéo, est  une  de  ses  dépendances  au  point  de  vue  de  la  faune,  puis- 
qu'on y  voit  la  petite  antilope  pilandoc,  ce  gracieux  animal  de  l'aire  insu- 
lindienne  ;  Mindoro  ]iossède  aussi  une  espèce  d'antil(q)e,  le  tamarao 
depressicornis,  et  plusieurs  cerls  appartiennent  à  la  faune  philippine. 
Dans  tout  l'archipel,  des  tribus  de  singes  [iiutracus  cynu))iuhjus)  i-ùdent 
dans  les  forêts,  au  voisinage  des  cultures.  Les  espèces  d'oiseaux  sont 
fort  nombreuses  aux  Philippines;  les  gallinacés  surtout  y  sont  représen- 
tés par  des  formes  superbes,  notamment  par  le  labuyo  et  le  bulicuiijaij  : 
les  coqs  de  ces  tribus  sauvages  dépassent  encore  en  beauté,  en  orgueil, 
en  intrépidité  et  en  fureur  de  lutte  les  coqs  de  combat  élevés  avec  tant 
de  sollicitude  parles  amateurs  philippins.  Les  mers  qui  entourent  l'archi- 
pel sont  très  riches  en  organismes  animaux  de  toute  espèce  et  certains 
cours  d'eau  fourmillent  de  poissons  :  il  en  est  un,  le  dalag  ou  <<  tête  de 
serpent  »  {ophiocephahix),  qui  porte  aux  deux  côtés  de  la  tète  des  poches 
pleiiu's  d'eau  :  ses  branchies  constamment  mouillées  lui  permettent  de 
respirer  hors  de  la  rivière,  et  on  le  rencontre  broutant  des  herbes  dans  les 
campagnes  et  même  grimpant  au  tronc  des  palmiers".  Les  variétés  de 
serpents  sont  nombreuses  :  toutes  les  csj)èces  redoutables,  Irigonocéphales, 
vipères,  najas,  sont  i-eprésentées  dans  la  faune  locale;  quant   aux  ci"Oco- 

'  Sinilialdi)  de  Mas,  Informe  sobre  el  esludo  de  las  islas  FiUjjiikis. 
-  D.  J.  Monlero  y  Vidal,  El  Archipie'.ayo  Filipiiio. 
'  Sem|icT,  ouvrago  cité. 


FLORE.    FAINK.    IlAlflTANTS   llKS   PIHI.FPl'INES.  537 

flilt's,  ils  ileviciiiicnt  ônornies  :  on  en  a  vu  atteignant  près  de  10  mètres  de 
longueur'. 

Dans  les  vases  des  estuaires  fluviaux  vit  une  espèce  d'huilre  perlière 
(jiltintna  placenta),  recherchée,  non  à  cause  de  ses  concrétions  calcaires, 
mais  pour  sa  nacre  translucide,  que  l'on  découpe  en  petits  carrés  pour 
l'employer  à  la  place  du  verre  dans  les  fenêtres  :  ces  vitres,  en  usage  non 
seulement  aux  Philip|)ines,  mais  aussi  (hms  les  îles  de  la  Sonde  et  en 
Ciiine,  laissent  passer  une  lumière  très  douce  qui  repose  le  regard.  Les 
meis  de  Jolô  sont  hahitées  par  la  vérifahle  huître  perlière  {melea<jrin(i 
margaritifera),  que  des  plongeurs  vont  chercher  au  fond  de  l'eau,  parfois 
à  50  mètres  de  profondeui'.  (Juelques  perles  de  Jolô  sont  achetées  par 
des  négociants  chinois;  mais  la  [duparl,  plus  appréciées  dans  ces  con- 
trées de  l'extrême  Orient  qu'en  Euiope,  sont  gardées  par  les  princes  indi- 
gènes, qui  les  montrent  avec  orgueil  dans  leurs  coffrets  à  côté  d'au- 
tres «  perles  »  de  même  apparence  que  l'on  trouve  en  des  noix  du  cocotier. 
C'est  principalement  sur  les  côtes  de  l'île  Cebù  que  les  Visayas  pèchent 
ces  admirables  éponges,  le  «  palmier  à  fleurs  de  Vénus  «.dont  le  squelette 
de  silice,  d'une  merveilleuse  délicatesse,  ressemble  à  une  corne  d'abon- 
dance en  dentelle  de  verre  fdé  :  la  drague  recueille  cette  charmante  euplec- 
tella  (ou  (ilcyonceUum),  la  reijadera  des  Espagnols,  à  des  profondeurs  de 
20  à  ISO  mètres. 


Les  aborigènes  des  Philippines,  graduellement  refoulés  par  les  Malais, 
sont  maintenant  bien  peu  nombreux  :  on  ne  les  rencontre  guère  ({u'à 
l'état  de  petits  clans  ou  même  de  groupes  familiaux,  et  dans  quelques-unes 
des  îles  on  en  cherche  vainement  la  trace;  ils  en  ont  été  exterminés  ou  s'y 
sont  fondus  avec  le  reste  de  la  population.  Actuellement,  ces  Negritos  ou 
X  Petits  Nègres  »,  que  l'on  nomme  aussi  Aetas,  Ahetas,  Atas,  Itas,  —  ap- 
pellation qui  semble  avoir  eu  primitivement  le  même  sens%  —  ne  sont  à 
l'état  pur  qu'au  nombre  d'une  vingtaine  de  mille'';  ils  seraient  peut-être 
(les  millions,  si  l'on  comptait  tous  les  indigènes  de  race  croisée  chez  les- 
quels se  retrouve  le  sang  negrilo.  Les  nombreuses  peuplades  diversement 
civilisées  qui  habitent  les  Philippines  offrent  toutes  les  transitions  d'ap- 
parence, de  culture  et  de  mœurs  entre  les  Negritos  et   les  Malais.   C'est 

'  De  la  Gironnicre,  Avenlures  d'un  ijeniUhomme.  breton  aux  Philippines. 
-  De  Quatrefages,  Les  Pijymées. 

=  Ferd.  Blumenti-itl,  Versucli  einer  Ellinoiiruphif  (1er  Pliilippinen,  L'rgiinzungslieft  zu  Pelcr- 
mann's  Miltlieilungen,  ii°  07. 

XIV.  b8 


5Ô8  NOUVELLE  (lÉOCRAI'llIE   IN'I VKRSELLE. 

dans  l'île,  jnslemonl  appelée  Negros,  qu'il  y  aie  ])lns  de  noirs;  mais  on 
en  trouve  dans  toutes  les  autres  îles,  excepté  dans  les  archipels  situés  au 
nord  de  Luzon  et  peut-être  aussi  dans  les  îles  de  Saniar,  Leyte,  Bohol 
et  Jolô.  Mindanao  en  a  plusieurs  trihus,  entre  aulies  celle  des  Mama- 
nuas,  qui  vivent  près  du  lac  Maïnit.  Il  en  existe  aussi  près  de  Manille, 
dans  la  sierra  de  Zambales,  mais  ils  ont  été  presque  partout  refoulés 
dans  l'intérieur;  ils  n'osent  descendre  jusqu'à  la  mer  ipic  dans  la  pailie 
nord-orientale  de  Luzon,  sur  le  versant  de  la  cordillère.  11  est  facile  de 
comprendre  leur  amour  farouche  de  la  liliert(''  :  que  de  fois  le  simple  voi- 
sinage des  gens  de  races  conquérantes  leur  a-l-il  valu  l'esclavagi;  ou  la 
mort  ! 

A  l'é^tal  pur,  ils  mi'-ritf^nt  pleiin^ment  leur  nom  :  ce  sont  en  effet  des 
«  noirs»  de  petite  taille,  de  moins  d'un  mètre  et  demi'.  Ils  ont  la  tète 
relativement  grosse,  les  yeux  brillants,  le  front  haut,  le  crâne  élevé,  la 
chevelure  ahondante,  crépue,  parfois  presque  laineuse;  les  membres  sont 
grêles,  le  pied  massif,  avec  le  gros  orteil  fortement  dévié;  le  mollet  man- 
que presque  complètement*.  Les  rides  du  visage  et  la  mâchoire  avancée 
leur  donnent  parfois  un  aspect  simiesque".  Les  Aetas  parlent  le  dialecte 
malais  des  gens  policés  avec  lesquels  ils  sont  obligés  d'entrer  en  relations, 
mais  entre  eux  ils  emploient  des  mots  d'origine  inconnue,  que  l'on  croit 
empruntés  au  langage  primitif  encore  usité  au  dix-septième  siècle;  pour- 
tant le  dialecte  spécial  qu'ils  parlent  en  quelques  districts  appartient  incon- 
testablement à  la  souche  malayo-polynésienn(\  (pioique  les  Aetas  aient 
une  origine  cllinique  différente  de  c(>lle  des  Tagal  '  :  on  en  conclut  qu'ils 
sont  soumis  à  l'inlluence  malaise  depuis  des  tem])s  très  éloignés.  La 
plupart  des  tribus  se  tatouent  et  la  pratique  de  la  circoncision  est  géné- 
rale; en  quelques  districts,  les  mères  délorment  artificiellement  les  crânes 
de  leurs  enfants.  Quant  au  vêlement,  il  se  réduit  à  un  langouti  pour 
les  hommes,  à  une  jupe  pour  les  femmes,  si  ce  n'est  dans  les  régions 
du  littoral  où  les  Aetas  vivent  à  proximité  des  villages  populeux.  Dans 
certains  districts  ils  habitent  des  huttes  de  branchages,  ou  même  des 
cases  perchées  sur  pilotis  à  la  mode  malaise;  ailleurs  ils  n'ont  pour  se 
protéger  que  des  cadres  mobiles  en  feuilles  de  palmier  (jii'ils  tournent  du 
côté  du  vent,  de  la  pluie  ou  du  soleiP.  Dans  les  provincets  où  ils  se  civili- 


'  Taillo  moyenne  des  >'efrrilnR  de  Zambales,  d'après  Meyer  :  \",M;  d'après  Morilann  :  \"',i(> 

-  De  Quatrefafies  et  Uamy  ;  Meyer;  Montano,  ele. 

'  De  la  C.iroimière;  —  Virchow;  —  Keane,  Natinr.  Dec.  7)i).  l.S.SO. 

'  Schadenberg,  Zeilschrift  fiir  EUntohiçiie,  ISiiO. 

5  Semper,  Bhnnenlrill,  ele. 


'  ^^i^î 


■-^^*>'-»MAi 


II.KS      MlILIIT'INliS.     laiDllM-:      IIK      \  I:  I.  1;  IT  il  ^. 

Uessiu  ,1c  E.  llu.ij.iL  ,ra|,iés  nue  |.liulu^'i-a|,liic  de  lei  collecliuu  Marchi;,  coiumuniqn,-,.  |mi-  I,;  JImm-c  ilKliiuKrapliii;. 


NKI.KMIIS   llKS   l'IllLIl'IMNKS. 


541 


seul  peu    à  pLUi,  ils  (léfViehciil    le  sol,  eulliveiil  les  |)l;niles  :iliinenlaires, 
élèvcnl  delà  volaille  el  des  poies;  ils  se  hasardenl  à  commercer  avec  les 


N"    111.    rillNi;iI'Al.E5    POPULATIONS   DKS    PIllLlPl'lN 


Lst  de  P< 


Ëfflia        DIID        E53        fï21       CD 

lîîoiTulos  Maun->  l)iiv;il,.  .\c};rilos.  Cliiiiui  . 

et  congénères,  et  cou^^éiii'rcs. 


Malais,  mais  ne  soiil  que  Iroji  iaeiles  à  tromj)er,  puiscjiie,  d'après  Mon- 
lano,  les  plus  inlelligenis  d'enire  cu.\  ne  savent  <;uère  compter  au  delà 
de  i  ou  de  5.  D'ailleurs  ils  reconnais.sent  leur  inféi'iorité  et  réservent  le 
nom  de  tau,  '^  homme  )■.  au.x  ^ens  de  la  race  maîtresse,  l'ourlanl  ils  leur 


542  .NOUVELLE  GÉUG  UAI'IJIE   UNIVERSELLE. 

sont  en  général  supérieurs  par  la  Ijonté  et  la  douceur  du  cniaclère  cl  leur 
intelligence  n'est  nullement  aussi  obscure  que  leurs  voisins,  Tagal  ou 
Yisayas,  ont  l'habitude  de  le  dire. 

L'autorité  n'est  pas  héréditaire  chez  les  Aetas  :  à  la  mort  liu  chef,  les 
pères  de  famille  élisent  son  successeur,  qu'ils  respectent  comme  un 
pati'iareheet  qu'ils  choisissent  parmi  les  plus  àgV's  de  la  tribu.  L'époux  n'a 
qu'une  femme  et  d'ordinaire  la  traite  avec  affection  et  respect.  Chez 
quelques  peuplades,  la  cérémonie  du  mariage  est  gracieuse  et  touchante: 
les  fiancés  montent  sur  deux  arbres  voisins  et  llexibles,  que  le  pa- 
triarche balance  et  rapproche;  quand  les  feuillages  s'entremèlenl  et  que 
les  visages  se  touchent,  le  mariage  est  conclu.  La  femme  doit  accoucher 
seule,  puis  elle  va  se  plonger  dans  un  ruisseau  avec  son  enfant,  pratique 
constante  qui,  d'après  Montano,  contribueiait  pour  une  large  part  à  la 
disparition  de  la  race.  Le  nouveau-né  appartient  à  la  tribu  tout  entière, 
qui  lui  donne  un  nom  après  en  avoir  délibéré  en  assemblée.  Les  enfants, 
les  malades,  les  vieillards  sont  entourés  des  plus  grands  soins;  le  dévoue- 
ment de  tous  pour  chacun  est  la  loi  des  Aelas.  Bien  qu'ils  adorent  la  lune, 
les  étoiles,  le  tonnerre,  l'arc-en-ciel  et  tous  les  grands  phénomènes  de  la 
nature,  leur  principal  culte  est  celui  des  morts.  Ils  enterrent  le  cadavre 
tlans  un  tronc  d'arbre  creux  ou  sous  la  cabane  qu'il  habitait,  et  vont  en 
construire  une  autre,  mais  à  une  faible  distance,  ahn  de  pouvoir  veiller 
sur  le  lieu  désormais  sacré  et  empêcher  que  le  pas  d'un  étranger  ou  d'une 
bète  sauvage  ne  le  profane.  Jadis,  dit-on,  les  Aegrilos  luaienl  un  Malais  à 
la  mort  de  chacun  ties  leurs. 

A  l'exception  des  Aetas,  des  colons  chinois,  de  leuis  uK'lis  et  des  Euro- 
péens, toute  la  [)opulalion  philippine,  du  moins  au  nord  de  Mindanao,  est 
malais(î  d'origine  et  de  langue.  A  une  époqui'  inconnue,  mais  certainement 
1res  lointaine,  les  Malais,  ancêtres  des  l'liilip[)ins,  débaniuaienl  sur  les 
rivages  des  îles  et  s'y  établissaient  à  demeure  :  le  nom  de  bubDKjaij  ou 
'(  barque  »  donné  encore  de  nos  jours  aux  villages  lappelle  le  temps  où 
l'équipage,  la  »  barquée  »,  désormais  campée  sur  la  grève,  avait  à  peine 
changé  son  genre  de  vie  et  travaillait  d'accoid  comme  si  elle  s'était  encore 
trouvée  sur  le  banc  do  rame.  Plus  tard,  les  colons  chinois  vinrent  à  leur 
tour  sur  des  sampan  ou  nefs  à  «  trois  planches  >-  et  l'appellation  de  c(>l 
esquif,  hissé  sur  l'estran,  est  également  devenue  celle  des  groupes  d'habi- 
tations qu'il  élevèrent.  Chaque  balangay,  chaque  sampan  était  le  berceau 
d'une  colonie  1. 

'  Olivier  Beiiurcgai'il,  Bulletin  de  la  Socictc  d'AnttiiVjjulojjic  de  Paris.  1  juillet  1SS7. 


NEGRIÏOS,    MALAIS   DES  PHILIPPINES.  545 

Los  Malais  des  Philippines,  pris  en  général,  ressemblent  à  ceux  de  l'iii- 
siiliiide  hollandaise,  si  ce  n'est  que,  vivant  à  proximité  de  la  Chine,  ils 
présenteni,  surtout  à  Luzon,  uneléiière  transition  vers  le  type  chinois  de  la 
région  des  grands  fleuves  :  l'ohliquilé  de  la  paupière,  assez  rare  chez  les 
Malais  du  sud,  est  au  contraire  un  Irait  distinclif  des  Malais  de  Luzon. 
Quels  que  soient  leurs  caractères  spéciaux  et  leurs  dialectes,  ils  sont  divisés 
en  trois  grandes  classes,  d'api'ès  la  religion  et  le  genre  de  vie  :  ceux  qui 
ont  accepté  l'autorité  des  blancs  et  les  enseignements  des  prêtres  catho- 
liques sont  dits //((//os  ou  «  Indiens  i<  et  se  fondent  graduellement  en  une 
seule  nation;  les  Malais  du  sud,  qui  se  sont  convertis  à  l'Islam,  sont 
connus  sous  le  nom  général  de  Moros  ou  «  Maures  «  ;  enfin  les  tribus  indé- 
|)endanfes,  ou  ne  subissant  le  joug  qu'avec  impatience  et  célébrant  encore 
les  anciens  rites,  sont  les  Infelea  ou  ^'  Infidèles  >■. 

Les  Tagal  ou  Ta-Gala  sont  les  plus  civilisés  des  «  Indiens  »  :  on  les  éva- 
lue à  un  million  et  demi,  et  leur  nombre  s'accroît  incessamment,  moins 
par  l'excédent  des  naissances  sur  les  morts  que  par  l'assimilation  gra- 
duelle d'indigènes  classés  autrefois  en  Iribus  distinctes.  Le  domaine  des 
Tagal,  dont  le  berceau  est  la  eouile  vallée  du  Pasig'  et  qui  comprend  ac- 
tuellement toute  la  partie  centrale  de  Luzon,  empiète  peu  à  peu  sur  les 
autres  populations  dans  le  reste  de  l'île  :  au  nord,  il  a  conquis  le  lei'ri- 
toire  des  Pam[)angos  et  des  Pangasinanes  ;  au  nord-est,  il  s'agrandit  aux 
dépens  des  Aetas;  au  sud-est,  il  refoule  les  \icol  ;  l'île  de  Mindoro,  celle  de 
Marinduque  se  sont  «  lagalisées  ■>•■.  Sur  toutes  les  côtes  des  Philippines, 
même  à  Mindanao,  on  trouve  des  Tagal;  ce  sont  les  principaux  porteurs 
de  la  civilisation  européenne  dans  l'archipel.  Mais  à  côté  d'eux,  dans  la 
même  île  de  Luzon,  sont  d'autres  races  d'Indiens  christianisés,  celles  des 
Ilocos  ou  Ilocanos,  (pii  peuplent  la  zone  entière  au  nord  du  golfe  de  Lin- 
gayen,  et  les  Ibanagou  Cagayanes,  (|ui  vivent  an  nord  de  l'île,  dans  la  val- 
lée du  Cagayan  sur  le  liltoral,  et  dans  les  archipels  voisins.  Très  colonisa- 
teurs, ces  Indiens  essaiment  de  tous  côtés  et  contribuent  ainsi  à  l'assi- 
milalion  graduelle  des  populations  païennes  qui  les  environnent.  C'est 
ainsi  que  les  Zambales  et  les  Pagasinanes  du  littoral  compris  entre  le  golfe 
de  Lingayen  et  la  baie  de  Manille  sont  absorbés  peu  à  peu  par  les  Ilocos, 
tandis  qu'ailleurs  ils  finissent  jiar  devenir  Tagal.  Le  régime  de  la  grande 
propriété  qui  prévaut  chez  les  Ilocos  force  les  pauvres  à  s'expatrier  :  un 
phénomène  socioIogi(jue  analogue  à  celui  qui  chasse  d'Europe  en  Amé- 
rique les  paysans  irlandais,  écossais,   allemands,  Scandinaves,  italiens, 

'  Patcrnii,  Aiitiyua  Ch'iliMcion  de  Filipiiias. 


Mi  NnrVEI.I.E  CKOCUAPIIIK  rMVERSELLK. 

entraîne  les  cailitoin  ou  prolétaires  ilocos  à  émigrer  dniis  les  pays  voisins 
pour  y  trouver  du  travail  et  l'indépendanee'. 

Les  Vicol  ou  Bicol,  qui  peuplent,  au  sud-est  des  Tagal,  la  presqu'île  des 
Camarijies,  les  îles  de  Catanduanes,  de  Burias,  de  Ticao.  et  la  moitié  de 
Masbate,  ressemblent  fort  aux  Tagal;  eomme  eux  ils  avaient  déjà  une  civi- 
lisation assez  avancée  lors  de  l'arrivée  des  Espagnols,  auxquels  ils  furent  les 
premiers  à  se  soumettre,  étant  moins  belliqueux,  plus  humbles  que  les 
Tagal  ;  mais  il  en  est  pourtant  un  grand  nombre  qui  se  sont  réfugiés  dans 
les  montagnes,  autour  des  volcans  :  ces  renioiitadux,  appelés  aussi  cimar- 
ronrs  ou  «  marrons  «,  moidescoa  et  montdraces,  sont  ceux  qui  parlent  le 
dialecte  vicol  avec  le  plus  de  pureté  :  ils  sont  au  moins  400  000.  Le  troi- 
sic'me  groupe  etbnique  des  Philippins  policés,  comprenant  deux  millions 
et  demi  d'individus,  est  celui  des  Visayas  ou  «  Bisayas  »,  d'après  lesquels 
on  désigne  l'ensemble  des  îles  comprises  entre  Luzon  et  Mindanao; 
plusieurs  de  leurs  colonies  occupent  aussi  les  côtes  de  cette  grande  île; 
les  habitants  des  îles  Calamiancs  et  de  la  Paragua  sont  également  des 
Visayas,  mais  la  nuance  foncée  de  leur  peau  et  l'ondulation  de  leur  cheve- 
lure permettent  de  croire  qu'ils  sont  eu  partie  des  descendants  deNegrilos. 
C'est  dans  Cebù,  dit-on,  que  la  race  visaya  est  la  plus  pure,  et  que  l'on 
parle  la  meilleure  langue.  Les  Visayas  avaient  autrefois  l'habitude  de  se 
barioler  le  corps  et  même  de  se  tatouer,  de  se  «  peindre  avec  le  feu  »  "  :  de 
là  le  nom  de  Piittados  ou  «  Peints  »,  sous  lequel  ils  étaient  connus  des 
Espagnols;  mais,  devenus  chrétiens  et  soumis  aux  blancs,  ils  ont  cessé  de  se 
colorier  et  ne  recherchent  plus  la  gloire  d'abattre  des  tètes  :  jadis  une  de 
leurs  tribus,  les  Caragas  de  Mindanao,  iw  dounait  à  ses  guerriers  le  droit 
de  porter  un  turban  rouge  que  lorsqu'ils  avaient  tué  sept  hommes.  En  se 
poliçant,  les  diverses  peuplades  sauvages  du  groupe  visaya  perdent  bnu-s 
noms  spéciaux  pour  entrer  dans  la  nation  des  «  Indiens  ». 

De  même  les  «  Maures  »,  qui  occupent  l'aichipel  de  Jolô  et  les  côtes 
méridionales  de  Mindanao,  com])i'ennent  un  ti'ès  grand  nombre  de  tribus 
différentes,  unies  par  la  religion  et  le  genre  de  vie.  Le  fond  malais  paraît  se 
rattacher  au  groupe  des  Visayas,  mais  on  reconnaît  aussi  parmi  ces  Maures 
des  types  qui  ressemblent  aux  Dayak  de  Bornéo  et  aux  Badjo  de  Celèbès  et 
de  toute  la  Malaisie.  Les  familles  aristocratiques  sont  arabes  ou  originaires 
de  Bornéo  ou  de  Ternate  ;  par  les  croisements  l'élément  chinois  est  aussi 
représenté;  enfin,  des  renégats  espagnols  devenus  corsaires  ont  également 


'  F.  Blumeiilrilt,  iiipiiioirc  cilt'-. 
'  Pi<;af(!tla  ;  l'urchas  ;  Morga,  vie. 


VISAYAS  ET  MAURES  DES  PUILII'PINES.  545 

leur  ilc^cemlance  parmi  les  maliumélaiis  des  Philippines  méridionales;  les 
femmes,  volées  par  les  pirates  sur  tous  les  rivages  de  l'Insulinde  et  des 
iles  du  nord,  ont  t'ait  de  la  population  maure  l'une  des  plus  métissées  de 
l'i^vtrème  Orient.  La  [liralerie,  telle  était  en  effet  l'industrie  capitale  de 
ces  mahométans  insulaires,  même  avant  l'arrivée  des  navigateurs  euro- 
péens :  au  siècle  dernier  on  compta,  dit-on,  jus({u'à  cent  mille  individus 
(jui  se  livj-aient  à  la  course  dans  les  mers  indonésiennes,  et  parmi  ces 
pirates,  les  plus  nomltreuv  et  les  plus  hardis  étaient  ceux  de  Jolô  et  les 
lllanos  de  Mindanao.  On  voyait  leuis  liai-([ues  jusque  dans  les  eaux  de 
Java,  mais  c'est  principalement  sur  les  côtes  de  Celcbès,  dans  les  Molu- 
ques  et  les  Philippines  qu'ils  allaient  se  fournir  d'esclaves,  soit  [tour  les 
vendre,  soit  pour  recruter  leurs  chiourmes.  Le  régime  politique  essentiel- 
lement féodal  des  Maures  faisait  reposer  toute  l'organisation  sociale  sur 
la  piraterie.  A  côté  des  sultans  se  tenaient  les  datou,  vassaux  presque 
aussi  puissants  que  leur  suzerain, et  chacun  de  ces  princes  devenait,  sous  la 
réserve  de  l'hommage  dû  à  son  maître,  propriétaire  des  pays  conquis  et 
des  richesses  capturées;  les  tao  niarahay  ou  «  hommes  bons  »,  c'est-à- 
dire  les  guerriers  libres,  les  accompagnaient  dans  les  expéditions  de  guerre, 
et  les  saeope,  ou  la  foule  des  gens  sans  terre,  leur  étaient  asservis.  A  la  sai- 
son favoralih»,  chacun  d'eux  organisait  (pielque  expédition  de  conquête  ou 
de  rapine  :  comme  les  chevaliers  normands,  ils  allaient  à  l'aventure  pour 
combattre  les  inlidèles  au  nom  de  la  vraie  foi  et  s'acquérir  un  nom  glo- 
rieux en  enlevant  des  femmes,  des  esclaves  et  des  trésors.  Au  commen- 
cement du  seizième  siècle,  ils  étaient  en  train  de  faire  la  conquête  de  l'ar- 
chipel philippin,  et  si  les  Espagnols  n'étaient  intervenus,  il  est  certain 
que  les  Tagal  seraient  aujourd'hui  mahométans'.  Même  au  siècle  dernier, 
les  corsaires  maures  venaient  rôder  aux  aboi'ds  de  la  baie  de  Manille,  et, 
dans  leurs  guerres  contre  les  Espagnols,  les  Hollandais  étaient  parfois 
ligués  avec  ces  pirates.  Quand  Tasman  afta(|ua  Manille,  en  11518,  il  avait 
pour  alliés  les  maures  de  Jolô  et  de  Mindanao". 

Très  habiles  constructeurs  de  bateaux,  les  «  Maures  »  possédaient,  par 
dizaines  de  types  différents,  des  embarcations  de  toutes  formes  et  de  toutes 
grandeurs,  taillées  pour  fendre  l'eau  avec  une  extrême  rapidité,  et  résis- 
tant admirablement  à  la  vague,  quoique  le  mode  d'assemblage  des  bois 
fût  des  plus  simples  et  ne  comportât  point  l'emploi  du  fer.  Aussi  long- 
tcin|is  (|iic  les  Espagnols  et  les  Hollandais  se  bornèrent  à  donner  la  chasse 


'   V.  liliiniiMiliill,  iiiL'inuiiL'  cité. 

-  l{oljiilc  van  ilci'  Aa,  liuUsclie  GUIs,  avril  1882. 


ù-i6  NOUVELLE  (iÉOGKAl'lIlE   LMVEKSELLE. 

on  pleine  mor  aux  pirates  de  Jol6  et  de  Miiiilaiiao,  ceux-ci  u'eurenl  yuèic 
à  redoulei'  les  navires  de  guerre  européens  ;  même  lorsque  des  bateaux  à 
vapeur  légers  eurent  commencé  leurs  croisières,  les  forbans,  avertis 
par  la  fumée  qui  se  montrait  à  l'horizon,  avaient  le  temps  de  se  cacher 
dans  les  criques  et  les  détroits,  on  de  s'engager  au  milieu  de  récifs  oii  nul 
ne  pouvait  les  suivre.  La  piraterie  n'a  été  presque  entièrement  détruite 
(jue  pendant  la  deuxième  partie  de  ce  siècle,  par  la  jirise  de  possession 
effective  du  littoral  de  Mindanao  et  par  roccupati(Hi  de  Jolô.  C'est  en  187(5 
que  les  Espagnols  se  sont  fermement  élahlis  dans  celte  dernière  île;  s'ils 
n'avaient  suivi  l'exemple  donné  par  les  Hollandais  et  les  Anglais  sur  les 
côtes  de  Bornéo,  l'archipel  des  Pirates  eût  été  certainement  conquis  par 
quelque  puissance  navale  de  l'Europe.  Si  ce  n'est  pour  les  prescriptions 
relatives  à  la  «  guerre  sainte  »,  les  Maures  de  Jolô  et  de  Mindanao  n'ob- 
servaient guère  le  Coran;  malgré  leur  grand  prêtre,  le  .sy//'//' (chéri f),  et 
leurs  pandita,  ce  sont  de  mauvais  mahomélans,  mangeant  la  chair  du 
porc  et  buvant  des  boissons  fermentées  comme  les  «  infidèles  >'. 

Les  populations  païennes,  indonésiennes  ou  malaises,  souvent  confon- 
dues par  les  Espagnols  sous  le  nom  général  d'Igorrotes,  constituent  encore 
une  part  considérable  des  habitants  de  Lu/.on  et  de  Mindanao  :  plus 
de  cinquante  «  nations  )•  diflV'rriites  vivent  dans  l'archipel.  Les  Igori'otes 
proprement  dits  peuj)leut,  à  l'est  des  Ilocos,  la  vallée  de  Benguot  et  les 
régions  montagneuses  des  alentours.  Les  Tinguianes,  en  partie  christia- 
nisés, ou  du  moins  possédant  des  crucifix,  dont  ils  se  servent  comme  de 
talismans,  sont  au  nord  les  voisins  des  Igorrotes,  tandis  que  les  llon- 
gotes,  les  Ifugaos,  les  Catalanganes,  les  Irayas  et  antres  vivent  à  l'est, 
dans  le  haut  bassin  du  Cagayan.  On  observe  un  remai(|uable  contraste 
entre  les  Igorrotes  et  leurs  voisins  les  Tinguianes  :  autant  les  premiers 
sont  braves,  autant  les  aulies  sont  timides;  les  Igorrotes  ont  le  teint 
bi'onzé,  les  Tinguianes  ont  la  jn'an  presque  blanche;  la  plupart  des  voya- 
geurs voient  en  eux  des  métis  d'origine  chinoise.  Les  Igorrotes  paraissent 
être  des  Tagal  ayant  gardé  la  religion  et  les  mœui's  piimitives.  Ils  croient 
en  un  dieu  suprême  et  en  d'autres  dieux,  qui  personnifient  les  phénomènes 
de  la  nature,  et  ils  leur  offrent  (lessacriiic.es;  mais  leur  principal  culte 
est  celui  des  anilos  ou  ancêtres,  dont  les  âmes  fi'issonnent  avec  les  feuilles 
(le  l'arbre  sacré  planté  à  l'entrée  du  village;  parfois  aussi  les  aïeux  se 
montrent  sous  forme  d'animaux,  et  en  maints  endroits  de  Lnzon,  comme 
à  Celêbès,  les  viviers  sont  emplis  d'anguilles  que  les  indigènes  nourrissent 
avec  une  piété  filiale.  Les  vieillards  sont  très  respectés,  et  quand  ils  meurent 
on  doit  célébrer  un    grand  repas  en  leur  mémoire;  auti'efois  le  cadavn; 


MAIRES  ET  IGORROTES  DES  PUILIPPINES.  5i7 

élait  partage-  entre  tous  les  assistants,  et  cette  coutume  funéraire  s'est 
maintenue  jusqu'au  commencement  de  ce  siècle'.  De  nos  jours  on  enterre 
le  corps  dans  une  grotte  ou  sous  le  sol  même  de  sa  cabane.  Les  céré- 
monies ^oii!  dirigées  par  des  prélresses,  vieilles  femmes  qui  sont  ("gahmieiil 


f|'''l%;fi^!'l 


PHILIPPINES.     —    INDIEN    IFCCAO. 

Gravure  clc  Tliirial.  d'après  ime  iiliolo^'ra|iliic  rommuiiiqui}e  par  K;  musée  d'Ethnosrrapliip. 

chargées  de  se  concilier  les  dieux  el  les  ancêtres  et  de  conjurer  les  mal;;- 
dies.  Bien  différents  à  cet  égard  de  la  plupart  de  leurs  voisins,  les  Igor- 
rotes  veillent  jalousement  à  la  lionne  conduite  de  leurs  fils  et  de  leurs 
lilles,  qui  vivent  à  part  en  de  grandes  maisons,  sous  la  surveillance  de 
vieillards.  Le  lien  du  mariage,  héni  par  les  ancêtres,  sous  l'invocation 
de  la  |)rêlresse,  est  très  respecté,  et  jadis  l'adidlère  était  puni  de  mori  : 


'  Siniljaldci  tic  Mii=  ;  —  F.  Blumenliitt. 


548  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

la  veuve  ne  peut  se  remarier  qu'avec  l'assentiment,  très  rarement  obtenu, 
de  la  famille  du  mari,  et  le  veuf  ne  peut  prendre  une  nouvelle  épouse 
qu'après  sept  ans  révolus.  La  famille  esl  étroilement  solidaire,  el  toute 
insulte  doit  être  vengée  par  la  mort  :  de  là  des  haines  héréditaires  el  des 
«  chasses  aux  tètes  »  entre  les  tribus.  Les  Ifugaos  se  servent  dn  lazo  poui' 
saisir  les  ennemis  au  passage  et  les  attirer  brusquement  sous  leur  cou- 
leau.  Parmi  ces  indigènes  païens  il  en  esl  (pii  ont  conservé  la  pratique 
(hi  laloiiMge'.  La  lioiisc  de  vache  esl  fori  en  honneur  chez  eux,  ce  (pii 
lémoignerail  peut-être  d'anciennes  inihiences  du  brahmanisme;  des  Igor- 
roles  vont  même  jus(|u'à  mêler  cet  ingn'dient  à  leur  nourriture.  Le  nom 
de  (lirald  donnt'  au\  divinités  est  égalenienl  (rmigine  hindoue. 

Les  jiaïens  de  Mindanao  se  divisent  en  il(^  Iri's  nombreuses  peuplades, 
l'éunies  soiiveiil  par  les  blancs  sous  le  nom  c(dleclif  de  Manobos  ;  mais 
cette  apj>ellalion  doit  être  ivservée  aUx  indigènes  du  nord-est  qui  vivent 
dans  le  bassin  de  l'Agusan  el  dans  la  péninsule  de  Surigao  :  celles  de  leurs 
ti'ihus  qui  soni  le  plus  rap|ir'Ocbées  de  la  mer  ont  élé  con(|uises  el  chris- 
tianisées par  les  Kspagiiols.  (]eux-ci  ont  recueilli  en  maints  endi'oils  des 
ai'mes  eu  pierre  taillée,  que  les  tribus  appelaient  les  »  dents  des  éclairs  «', 
par  une  association  d'idées  analogue  à  celle  des  paysans  d'Europe,  qui 
voient  dans  ces  armes  les  «  pierres  de  la  foudre  ...  Parmi  les  «  inlidèles» 
(le  l'inh'iieur  on  reti'ouve,  plus  ou  nniins  niodilii'  par  les  croisenienls,  le 
type  malais  des  Visayas  el  celui  des  aborigènes  negrilos;  mais  la  souche 
principale  serait  celle  des  «  Indonésiens  «,  ces  frères  des  insulaires  de  la 
Polyiii'sie,  (•aracl(''ris<''s  par  une  taille  (''lev('e.  de  l"',»!.')  à  l"',7'2.  pai'  un  leint 
elair,  pres(pie  blanc,  par  un  bel  (''([uildire  des  nieudires.  Dans  la  |ibiparl 
des  tribus,  bouunes  et  l'enniies  se  pei'ceiit  le  loliide  dt'  l'oreille  poui'  y 
iiili'oduire  des  l'ondi'lles  d'os  ou  d'autres  objets;  dans  loules  les  familles 
on  lime  les  dents  des  adolescents,  suivantdes  modes  diff(''ren les  pour  chaque 
peuplai  le  ;  eu  diverses  tribus,  on  chaniic  aussi  la  l'orme  natuielle  du  crâne 
des  nouveau-nés.  La  pratique  du  lalouage  est  générale  :  les  mères  font 
elles-mêmes  l'opération  sur  leurs  enfanis  au  moyen  d'un  couteau  et  de  la 
fumée  d'une  certaine  l'ésiiie,  et  les  iiian|uent  ainsi  de  signes  indélébiles, 
qui  permelli'ont  de  les  reconnaître  un  jour  eu  cas  d'enlèvement,  car.  dans 
ce  pays -de  guerres  et  de  vendelles,  la  liberh''.  de  même  que  la  vie  de  cha- 
cun, est  toujours  en  danger.  M.  Monlano  a  doniu!  le  nom  de  «  Pays  de 
la  Terreur  >'  aux  régions  orientales  de  Mindanao'  ;  mais  il  est  peu  de  dis- 

'   Siiiil);il(io  lie  M;is;  —  Si.in|icr;  —  Itliiiiiciilrill. 

-  Sébastian  Vidal  y  Solor;  —  M(iiil;iiiii,  clc-, 

'  Une  Mission  aii.r  îles  Pliilippincu  cl  en  Malaisic. 


PAÏENS   DE   MINDAN.UI,    CHINOIS   DES   l'IIlI.ll'IMNES  549 

Iricls  dans  If  rcsh-  de  l'île  qui  ne  inérilerait'iil  d'èlrc  désiiinés  de  la  mémo 
manière.  Quand  les  Manobos,  précédés  de  leur  grand  prêtre,  qui  porte  le 
"  talisman  du  dieu  »,  ont  réussi  à  surprendre  leurs  ennemis  dans  le  som- 
meil, ils  égorgent  tous  les  hommes,  n'épargnant  que  les  femmes  et  les  en- 
fants, réservés  à  l'esclavage;  puis,  après  la  vicloii'e,  le  grand  prêtre  ouvre 
du  glaive  sacré  la  poitrine  d'un  cadavre,  y  trem|)e  le  talisman  et  mange  le 
cœur  ou  le  foie  du  vaincu'.  Les  Mandayas  luent  pour  l'honneui'  :  ils  ont 
un  mot  spécial,  bfKjnnt,  «-  meurtrier  »,  pour  désigner  le  vaillant  qui  a 
coupé  au  moins  cinquante  têtes,  et  qui  seul  a  le  droit  de  se  coiffer  d'un 
lurhan  écariate'.  De  vastes  territoires  ont  été  changés  en  solitudes  par  l'ex- 
termination des  indigènes.  Les  Indonésiens  de  Mindanao  sont  menacés  de 
disparaître,  comme  ont  disparu  en  Polynésie  tant  d'autres  peuplades  de 
leur  race  :  ce  tpie  n'a  pas  fait  la  guerre,  l'assiniilalidn  graduelle  des  indi- 
gènes par  les  [lopulalions  malaises  et  mélisses  [dus  |)(plict^es  le  fera  certai- 
nement. 

Parmi  les  étrangers  qui  s'élahlissenL  dans  les  Philip[iines  cl  (|ui  en 
modifient  la  race,  les  plus  nombreux  sont  les  Chinois  :  depuis  un  temps 
immémorial  leurs  colonies  bordent  le  littural  des  îles,  et  dans  presque 
toutes  les  tribus  on  remarque  des  indices  de  sang  chinois  ;  dans  Luzon 
et  quelques-unes  des  autres  îles  on  signale,  à  tort  on  à  raison,  des  peu- 
plades entières  comme  descendant  d'ancêtres  de  la  Fleur  du  .Milieu. 
On  sait  par  les  annales  du  Céleste  Empiic  que  des  princes  de  l'ai'chipel 
envoyaient  des  ambassades  et  des  tributs  au  Fils  du  Ciel,  et  des  objets  de 
fabrication  chinoise  que  l'on  trouve  dans  les  tombeaux  des  Philippines 
prouvent  qu'un  mouvement  d'échange  se  faisait  entre  les  deux  pays. 
Sous  le  régime  espagnol,  les  Chinois  ne  s'établirent  à  Manille  (|ue  vers 
ISSO.En  peu  d'années,  ces  samileyes  ou  «  marchands  ambulants  ''»  fu- 
rent assez  nombreux  pour  essayer  de  devenir  les  maîtres.  Trois  fois  pen- 
dant le  Cduiant  du  siècle  suivant  ils  se  révoltèrent  contre  les  Espagnols, 
et  chaque  fois  c'est  par  dizaines  de  milliers  (ju'on  les  massacra.  Après 
avoir  mis  des  empêchements  de  toute  espèce  à  leur  venue  et  à  leur  sé- 
jour, par  des  impôts,  des  mesures  de  police,  des  vexations  continuelles, 
on  finit  par  les  exiler  en  masse  :  en  1765,  après  une  occupation  momen- 
tanée de  Manille  par  les  Anglais,  tous  les  Chinois  furent  expulsés  ou  mas- 
sacrés; leur  race  ne  fut  plus  représentée  que  j»ar  des  métis  chrétiens.  Mais 
sans  rintermé;liaire  chinois  il  n'y  a  plus  de  petit  commerce  :  à  peine  le 

• 

'  SiMiiiiei-,  Dir  l'Iiilippini'ii  iiiiil  Une  Hi'wuhiicr. 

^  Montano,  Tour  du  Monde,  \"  scm.  1 884  :  —  Butlctiit  de  lu  Sociélé  de  Géographie,  '>'  Iriin.  1 88.Î. 

^  Olivier  Beaurcgard,  mémoire  cilé;  —  Jagor,  ouvrage  cité. 


5.M)  NOUVELLE  GEOGRAPHIE   l'MVERSELLi:. 

saiiyley  élail-il  chassé  qu'on  l'invilait  à  lovcuir.  Mal^iiù  le  mépris  de  l'Eu- 
ropéen et  la  haine  du  Taj>al,  le  Chinois  a  son  l'auliourg  dans  chaque 
cité,  et  c'est  à  lui  que  revient  le  plus  clair  du  proht  sur  les  échanges. 
On  a  cherché  aussi  à  l'employer  dans  les  travaux  des  plantations,  au  dé- 
triment des  ouvriers  indigènes,  mais,  comme  aux  Etats-Unis  et  en  Aus- 
tralie, les  travailleurs  du  pays,  menacés  dans  leurs  moyens  d'existence, 
ont  fini  [lar  évincer  leurs  rivaux.  En  1887,  le  nomhre  de  Chinois  de  race 
pui'e  était  évalué  par  Escobar  yLozanoà  ÙÔOOO,  proportion  minime  en 
comparaison  de  celle  des  Malais  ;  mais  il  est  très  rare  que  les  immigrants 
amènent  des  l'emmes  avec  eux  :  un  recensement  de  1870  comptait  dans 
les  Philippines  120  Chinois  pour  une  seule  Chinoise.  La  plupart  retour- 
nent dans  la  mère  patrie  après  avoir  fait  fortune,  non  sans  laisser  der- 
rière eux  un«  famille  de  métis.  Il  est  vrai  que  la  loi  esj)agnole  les  oblige  à 
se  convertir  avant  de  prendre  femme  ;  toutefois  ils  n'ont  point  de  répugnance 
à  se  laisser  baptiser  et  ils  trouvent  facilement  des  épouses,  moyennant  un 
douaire  suffisant  pour  parer  aux  chances  d'abandon.  Les  métis  chinois  font 
souche  à  leur  tour,  et  la  race,  qui  rap|)elle  beaucoup  plus  le  type  chinois 
du  père  que  celui  de  la  mère  tagal,  vicol  ou  visaya,  prospère  d'une  ma- 
nière étonnante.  Ce  sont  les  Chinois  de  sang  mêlé  (pii  constituent  la  liour- 
geoisie  des  îles,  tandis  que  les  blancs  occupent  les  fondions  publiques  et 
que  leurs  métis  sont  pour  la  pluj)art  de  petits  propriétaires. 

Les  Espagnols  se  présentèrent  dans  l'archipel  (luarante-quatre  ans  après 
la  mort  de  Magalhàes.  Miguel  de  Legnsjii  apparut  d'abord,  comme  son  de- 
vancier, devant  l'île  de  Cebii,  puis  il  conquit  Panay,et  en  1571  cingla  vers 
Manille  pour  y  fonder  le  centre  de  la  puissance  castillane.  Grâce  à  la  dis- 
ci|)line  et  aux  ai'raes  européennes,  il  cul  l'acilemenl  raison  des  petits  princes 
du  nord;  mais  la  con(|U(He  de  l'archipel  n'a  jamais  été  complète;  encore 
maintenant  elle  est  loin  d'être  achevée.  En  proportion,  les  14000  Espa- 
gnols des  Philippines  ne  sont  pas  plus  nombreux  (juc  les  Hollandais  dans 
l'insulinde.  Quoique  désignées  abusivement  sous  le  nom  de  «  colonies  )>. 
ces  îles  ne  sont  que  des  possessions  :  les  Espagnols  y  sont  toujours  des  maî- 
tres étrangers,  faisant  travailler  les  indigènes,  mais  ne  travaillant  point 
eux-mêmes.  D'ailleurs  ce  sont,  parmi  les  Européens,  ceux  qui  supportent 
le  mieux  en  moyenne  le  climat  des  Philippines  :  ils  ont  à  craindic, 
comme  les  indigènes,  mais  à  un  moindre  degré,  parce  qu'ils  sont  mieux 
nourris,  toutes  les  maladies  endémi([ues,  fièvres  paludéennes  et  dysente- 
ries ;  ils  mil  à  redouter  surtout  l'anémie,  qui  s'attaque  à  eux.  ]irincipale- 
menl  aux  femmes,  après  quelques  années  de  séjour.  Les  Espagnols  ciroles 
sont  pai'l'ailenieul  acclifliatés  et  font  Sduche  de  familles  nombreuses;  mais 


l'iIlM  LATIO.NS   IIKS   l'Ill  l.ll'l'INES.  551 

il  est  impossible  de  savoir  quelle  est  l.i  proportion  des  blancs  aulhenli(pies 
dans  l'ensemble  des  babilanls,  car  ces  créoles,  tout  en  se  réclamant  de 
leur  origine  <'  péninsulaire  »,  ne  maintiennent  point  la  [tureté  de  leur 
sang,  comme  le  l'ont  les  Euiupéeas  eu  d'autres  pays  oh  l'indigène  est  un 
objet  d'aversion  :  ils  s'allient  sans  l'épugnance  avec  des  métisses  ou  même 
avec  des  indigènes.  Des  Péruviens  et  des  Mexicains,  représentés  aux  Philip- 
pines par  une  forte  colonie  à  l'époipie  oii  les  galions  espagnols  faisaient 
annuellement  le  voyage  entre  Acapulco  et  Manille,  ont  aussi  laissé  dans  le 
pays  une  descendance  qui  se  mêle  aux  autres  créoles,  et  de  ces  éléments 
divers  s'est  formée  une  race  nouvelle,  remarquable  par  ses  qualités  phy- 
siques. Les  métis  sont  plus  forts,  |)lus  sains,  plus  beaux  que  les  Espagnols 
et  les  Indiens  purs  :  ils  gagneni  ra]tidement  en  nombre,  et  dans  la  plu- 
j)art  des  villes  on  est  étonné  de  voir  combien  le  teint  des  indigènes  s'est 
éclairci,  combien  leurs  traits  se  sont  européanisés  sous  l'influence  de  ces 
croisements'.  Une  certaine  hostilité  règne  entre  les  métis  et  les  «  pénin- 
sulaires »  de  sang  pur  :  plusieurs  révoltes  militaires,  causées  par  ces 
haines  de  race  et  d'influence,  ont  éclaté  pendant  ce  siècle  et  mis  en  péril 
la  domination  de  l'Espagne. 

Les  po|iulations  philippines  sont  jtarmi  les  plus  civilisées  de  l'extrême 
Orieul.  Ilans  la  plupart  des  |)rovinces,  les  villages  des  Indiens,  pvrblos 
et  risitfix,  sont  bien  tenus,  de  beaucoup  supérieurs  aux  amas  de  huttes 
que  l'on  trouve  encore  en  tant  de  pays  d'Europe.  Chaque  demeure  est 
isolée,  entourée  d'un  jardin  fleuri  et  parfumé,  séparée  des  autres  enclos 
par  un  rideau  de  palmiers  et  de  bananiers.  Les  maisons  sont  toutes  éle- 
vées sur  jiilotis  à  plus  de  2  mètres  au-dessus  du  sol,  conformément  aux 
traditions  des  ancêtres,  qui  habitaient  les  terres  alluviales,  au  bord  des 
lacs  ou  de  la  mer.  L'air  circule  librement  autour  de  l'édifice;  il  y  pénètre 
aussi  par  la  vai'ande,  le  large  corridoi',  les  ouvertures  nombreuses;  de 
toutes  i)arts  entre  la  lumière,  adoucie  pai-  les  couchas  ou  «  coquilles  «, 
minces  plaques  de  nacre  disposées  en  treillis,  par  carrés  et  par  losanges; 
les  boiseries  sont  sculptées  avec  le  plus  grand  soin  et  souvent  avec  goût; 
des  meubles  ciselés,  des  bibelots  chinois  ornent  les  appartements,  toujours 
balayés,  frottés  et  polis  :  la  propreté  de  la  demeure  est  méticuleuse'. 

De  même  (pie  chaque  famille  indienne  a  sa  case,  de  même  elle  est  pro- 
j)iiétaire  d'un  champ,  si  ce  n'est  dans  le  pays  des  Ilocos  et  chez  quelques 
autres  nations  indiennes.  Le  régime  de  la  petite   propriété  prévaul  dans 


'   Moiilniiu,  oiivrafiO  cité. 

-  W.  Ciifford  Palgvave,  Vhisscs,  or  Scc)u>s  and  Sliidics  in  nuinif  L/inds. 


552  NdliVKLLE  (;K(M,liA  PIIIK   l  M  VKHSKLLK. 

presque  lous  les  distiicls  des  l'iiilijipiiies.  A  l'exception  de  quelques  métis 
chinois,  personne  n'a  de  gi'ands  domaines,  mais  tous  ont  de  quoi  se  sus- 
tenter, ])on  an,  mal  an,  eux  et  leuis  familles,  de  quoi  subvenir  même  à  de 
petites  dépenses  [lour  les  fêtes  et  les  plaisirs.  Dans  les  provinces  popu- 
leuses, les  terrains  sont  divisés  et  subdivisés  en  d'innombrables  par- 
celles pour  la  culture  du  riz,  de  la  patate  douce  et  des  autres  denrées  ali- 
mentaires. Même  les  plantes  dont  les  produits  sont  destinés  au  commerce 
sont  cultivées  surtout  par  le  paysan  libre  :  partout  de  petits  enclos,  parse- 
més de  petits  hangars,  de  maisonnettes,  d'usines  rudimentaires.  On  ne 
voit  guère  de  ces  grandes  fabriques,  de  ces  vastes  enli'epùts  que  l'on  ren- 
contre au  milieu  des  campagnes  dans  les  pays  où  de  puissants  eaj)itaux 
sont  employés  à  l'exploilalioii  du  sol  au  profil  d'un  seul  piopriiHaire  ou 
d'une  compagnie  de  monopole.  Ici  les  terrains  de  culture  appartiennent 
au  cultivateur  lui-même  :  il  ne  vend  que  le  surplus  de  sa  récolte;  et  de 
ces  petits  aj)porls,  achetés  dans  les  villages  par  les  intermédiaires  chinois 
et  métis,  se  fait  la  masse  des  produits  que  les  négociants  de  Manille  expor- 
tent à  l'étrangei':  mais  elle  est  bien  minime  encore  en  proportion  de  ce 
qu'elle  pourrait  expédier,  car  on  évalue  seulement  à  1  800000  hectares,  soit 
au  quinzième  delà  superOcie  du  sol  philippin,  l'étendue  des  terrains  cul- 
tivés dans  l'archipel.  L'élève  du  bétail  a  relativement  peu  d'importance  :  ce 
sont  les  Espagnols  qui  ont  introduit  les  chevaux  et  les  ânes  dans  l'archi- 
pel ;  les  brebis  ne  se  sont  acclimatées  (|u'avec  dilhculté. 

In  "  système  de  culture  ",  qui  parait  avoir  servi  de  modèle  à  celui  de 
Java',  avait  été  institué  aux  l'hilij)pines  dès  l'année  1780.  En  vertu  de 
ces  règlements,  le  gouvernement  de  Madiid  constituait  à  son  ]irolit  le  mo- 
nopole des  principales  productions  industrielles,  mais  il  les  a  successive- 
ment laissées  libres,  précédant  encore  à  cet  égard  la  })uissance  rivale.  Le 
moDupdlc  qui  dura  le  plus  longtemps,  jus(iu'eii  1S8"2.  est  celui  du  tabac, 
que  l'on  cullive  surtout  dans  les  provinces  septentrionales,  nolamnieut 
thuis  le  bassin  du  Ciigayan.  La  situation  des  indigènes  asservis  au  lra\ail 
dans  les  champs  de  tabac  ne  différait  de  l'esclavage  que  par  le  nom.  Chaque 
village  du  district  était  tenu  de  livrer  une  certaine  ([uantité  de  feuilles  à 
un  prix  très  inférieur  à  l;i  valeur  léclle,  el  l'alcalde  (jui  tenait  à  être  bien 
vu  de  ses  supéiieurs  devait  n'-ussir  à  diminuer  de  beaucoup  les  dépenses 
prévues.  Il  en  résultait  que  les  cultivateui's,  surmenés  |)ar  la  rapacité  du 
fisc,  n'avaient  pas  même  le  temps  nécessaire  pour  cullivei'  leurs  cham{)s 
de  riz  :  sur  la  terre  la  plus  féconde,  ils  étaient  conslamment  menacés  de 

'  S.  E.  W.  Roordii  \an  Evsinga,  .Yoïcs  inaiiuncrilcs. 


l'OPL'LATlDNS,   CILÏIRES   DES  PUILIPPINES.  553 

lalaniiiH'.  La  mortalité  était  très  forte  parmi  ces  mallieureiix,  et  la  plupart 
lie  leurs  entants  périssaient  en  bas  âge.  Le  monopole  avait  eu  également 
])Our  conséquence  de  détériorer  la  valeur  du  produit,  quoique  les  Espagnols 
soient  dans  les  deux  mondes  an  |)i'eniiei'  rang  comme  préparateurs  t\u 
tabac'  :  les  cigares  de  Manille,  mal  préparés  par  des  mains  esclaves,  étaicnl 
devenus  très  inférieurs  en  qualité  à  ceux  des  Cubanais.  Les  Philip|)ines 
sont  au  cinquième  rang  dans  W  inonde  pour  la  production  dn  tabac  :  elles 
viennent  après  les  États-Unis,  la  Turquie,  le  Brésil  et  l'insulinde  hollan- 
daise; elles  dépassent  Cuba'.  Les  [dantations  de  tabac  avaient  beaucoujt  à 
soufli'ir  du  ravage  des  insectes  avant  qu'on  y  eût  introduit  de  Cochinchine 
des  espèces  d'oiseaux,  les  «  marlins  ..  {stinDopaxtor,  anijdothercii),  qui 
nettoient  les  plantes  de  leurs  |iai'asites. 

Le  sucre  est  la  principale  culture  des  l'hilippines  faite  en  vue  de  l'ex- 
])orlation  :  la  récolte,  acheté»^  presque  en  entier  par  les  Etats-Unis  et  la 
Grande-Bretagne,  comporte  en  moyenne  les  deux  tiers  de  celle  de  Java,  soit 
plus  de  deux  millions  de  quintaux  métriques,  d'une  valeur  de  50  niilli(Uis 
de  francs".  Le  café,  (pii  au  milicui  du  siècle  était  l'objet  d'un  grand  com- 
merce, et  qui  ensuite  fut  |)resque  coniplètenuuit  délaissé  après  la  guerre 
franco-allemande,  a  repris  une  certaine  importance  dans  le  mouvement  des 
échanges*.  Le  cacao  et  les  autres  denrées  coloniales  n'ont  qu'une  valeur 
secondaire,  mais  les  IMiili|)pines  jouissent  d'un  monopole  naturel  |iour 
la  production  et  la  mise  en  œuvre  des  libres  du  bananier  textile,  )\nim 
abnrti ,  généralement  connu  sous  le  nom  de  ^  chanvre  de  Manille  »  ''  : 
les  étoffes  qu'on  en  lisse  dépassent  celles  du  meilleur  chanvre  russe,  en 
force  de  résistance,  en  éclat  et  en  légèreté.  Mais  ces  tissus  sont  rarement 
vendus  à  l'étranger  :  ils  restent  dans  le  i»ays,  achetés  par  les  métis  chinois. 
L'exportation,  qui  se  dirigea  d'aboril  presque  uniquement  vers  les  Etats- 
Unis,  ne  comprend  guère  que  les  marchandises  grossières,  surtout  les 
cordages;  elle  prendrait  beaucoup  plus  d'importance  encore  pour  le  grée- 
ment  des  navires  si  on  pouvait  gouilronner  les  câbles  d'abacâ  comme  ceux 
de  chanvre,  irest  dans  la  prescpi'île  de  Camarines  (pie  le  bananier  textile 
est  le  mieux  cullivé'  cl  (|u'il  dduni'  les  meilleurs  |)roduils   :  la  récolte  an- 

'   KxiKiilalidii  (lu  liili:ii-   lies  Pliilipiiiiips  on  IS81  : 

i:>(IO00000  cigaivs  et  (5(339  824  kilofriaiiiiues  de  tabac  tirut. 
Production  annuoilc  moyenne  de  1875  à  1885  :  9  8(j'2  iOO  kilogrammes. 
-  Noumann-Spallart,  Uebersichten  (1er  WcUtoirthschnfl. 
5  Exportation  du  sucre  des  Philippines  en  187(i  :    I  320  000  quintaux  métriques. 

n  »  .)         en  1885:  2059  740         »  » 

'  Exportation  du  café  des  Philippines  en  1884  :  73  IOO  qnijitaux  mélriques. 
■'  Exportation  du  clianvre  di' Manille  en  1887  :  530  000  halles,  d'inie  valeur  de  50  000  (IOO  fr. 

XIV.  70 


bhi  ÏSOUVELLE   (.ÉOCKAl'lllK   UNIVERSELLE. 

iiUL'lIc  est  (rêuviroii  Irois  loiincs  et  demie  ;i  l'iiectare,  quaiililc  fort  consi- 
dérable, qui  suffirait  amplcmenl  à  rémunérer  les  producteurs  s'ils  n'étaient 
pour  la  plupart  asservis  aux  négociants  par  un  système  d'avances  usu- 
raires  qui  ne  leur  permet  pas  d'échapper  à  la  dette.  Dans  la  partie  septen- 
trionale de  l'île  de  Luzon,  où  l'on  n'a  pu  acclimater  le  bananier  textile,  les 
Ilocos  utilisent  de  la  même  manière  les  fibres  d'aulres  plantes,  notamment 
l'ananas  et  le  coton  :  les  «  manteaux  des  Ilocos  »  sont  fort  appréciés  à  Ma- 
nille et  dans  le  reste  des  Philippines. 

A  l'exception  des  cigares  et  des  tissus  d'abacâ,  les  îles  esj)agnoles  n'ont 
d'industrie  manufacturière  que  pour  la  consommation  locale  :  le  com- 
merce d'exportation  consiste  presque  uniquement  en  produits  non  ouvrés 
de  l'agriculture  et  de  la  cueillette,  et  c'est  l'industrie  étrangère  qui  envoie 
en  échange  les  objets  de  fabrication  savante,  métaux,  étoffes,  ai'mes, 
instruments  et  machines,  même  les  mortiers  à  piler  le  riz  qui  remplacent 
les  losunfi  primitifs  d'apiès  lesquels,  dit-on.  la  grande  île  de  Luzon  est 
désignée.  Le  mouvement  des  échanges  s'est  notablement  accru  aux  Phi- 
lippines pendant  les  dernières  décades,  grâce  à  la  suppression  de  certains 
monopoles,  à  la  diminution  des  droits  de  douane,  à  la  libre  admission 
des  navires  étrangers,  à  l'ouverture  de  nouveaux  ports  au  commerce,  à. 
l'augmentalion  naUirelle  delà  population'.  Des  services  réguliers  de  paque- 
bots entre  Manille  et  les  deux  grands  marchés  anglais  de  Singapour  et 
(le  Hong-Kong,  et  des  lignes  de  bateaux  à  vapeur  enire  la  capitale  et  les 
|irincipaux  ports,  au  nord  et  au  sud  de  l'anhipel,  rattachent  désormais 
tous  les  points  vitaux  des  Philippines  au  l'esle  du  monde.  Les  habitants 
des  Philippines  sont  un  peuple  de  marins  cl  de  pêcheurs  :  c'est  de  la  mer 
(ju'ils  dépendent  en  ])artie  pour  leur  nourriture  journalière.  Ils  sont  deve- 
nus très  habiles  à  manier  leurs  embarcations  j)ar  tous  les  fem|is,  et  mal- 
gré les  dangers  des  récifs  et  des  lemjiètes  ils  se  hasaideul  au  milieu  des 
coui'anls  de  l'archipel  et  font  un  grand  commerce  de  cabotage.  Presque 
aucun  transport  ne  se  fait  j)ar  (erre;  même  là  où  il  ne  s'agit  que  de  traver- 
ser un  islhnie  éli(»il,  comme  de  Manille  à  la  côte  orientale  de  Luzon,  les 
envois  se  font  [lar  un  long  voyage  de  circumnavigation. 

Mais  (juoique  les  chemins  naturels  offerts  par  les  détroits   dans  toutes 

MouvoiiK-iil  ciniiinorciiil  l'XtL'rienr  des  l'liili|ii)iiies  en  ISSi: 

Importation 89  MO  000  francs. 

Exportation 02  600  000     « 

Ensemble 182  000  000  francs,  soit  26  francs  par  tête. 

Navif;ation  extérieure,  à  l'entrée  et  à  la  sortie  :  802  navires,  jaugeant  649  51.")  tonnes, 
l'art  (le  la  navigation  biilaniiic|ue  »  308       »  i)         240  880       » 


INDUSTRIE,   CIVILISATION  DES  PHILIPPINES.  555 

les  direclions  jjormetlenl  de  communiquer  de  district  à  district,  le  man- 
(jue  de  routes  dans  l'intérieur  des  îles  prive  encore  mainte  région  de  tous 
rapports  avec  les  havres  du  littoral.  Même  de  prétendues  «  chaussées  »  ne 
sont  que  de  mauvais  sentiers  ou  des  successions  de  fondrières.  Souvent 
des  administrateurs  en  voyage  ont  pu  s'y  tromper  :  avertis  quelques  se- 
maines auparavant  de  leur  prochaine  arrivée,  les  alcaldes  réunissaient  tous 
les  Indiens  du  district;  on  arrachait  à  la  hâte  les  arhrisseaux  et  les  herhes 
folles  qui  avaient  envahi  la  route,  on  jelail  de  In  terre  dans  les  trous,  on 
écartait  les  plus  grosses  pierres,  et  l'on  faisait  passer  les  voitures  à  force 
de  bras  aux  endroits  difficiles,  en  chantant  et  en  poussant  des  cris  de  joie. 
La  route  semblait  faite,  mais  dès  la  première  pluie  qui  suit  le  passage 
du  haut  fonclionnaiie.  elle  cessait  d'exister'.  Le  réseau  des  chemins  de 
fer  est  encore  à  ïr\;\[  de  pnijet  :  à  peine  a-t-on  posé,  dans  la  direction 
du  nord,  quehjues  kilomètres  de  voie  au  sortir  de  Manille. 

Mais  si  les  I'hilij)pines  sont,  au  point  de  vue  de  l'industrie,  du  com- 
merce, de  la  vialiililt',  des  progrès  matériels,  au-dessous  de  Java,  si  leur 
accroissement,  pourtant  considérable,  est  moindre  que  celui  des  Java- 
nais', elles  occuj)ent  à  d'autres  égards  un  rang  supérieur  :  les  popu- 
lations qui  les  habitent  ne  sont  pas  des  ilotes  tenus  par  leui's  maîtres  dans 
un  état  d'infériorité,  sans  espoir  de  relèvement.  Tandis  que  les  Hollandais 
vivent,  comme  dans  un  autre  monde,  au-dessus  de  sujets  chez  lesquels 
tout  diffère,  costume,  mœurs,  langue  et  religion,  et  qui  regardent 
leurs  conquérants  comme  des  hommes  d'une  autre  nature,  les  Espa- 
gnols ont  invité  Tagal,  Vicol  et  Visayas  à  se  rapprocher  d'eux.  Grâce  au 
mélange  des  races,  la  transition  se  fait  par  degrés  insensibles,  du  fier 
«  péninsulaire  »  au  lils  converti  de  l'Igorrote  :  la  religion  est  la  même,  les 
mœurs  s'unifient  graduellement;  la  plupart  des  Indiens  apprennent  à  lire 
et  à  écrire  la  langue  espagnole;  Tagal  et  Visayas  ont  cessé  d'employer 
p(nn'  leur  pi'opre  idiome  les  caractères  d'origine  hindoue  qui  leur  servaient 
autrefois,  et  qui  d'ailleurs  étaient  d'une  lecture  difficile,  et  l'on  prévoit 
même  comme  prochain  le  jour  où  le  parler  castillan  l'emportera  sur  tous 
les  idiomes  locaux".  Le  costume  de  l'indigène  policé  est  déjà  celui  de  l'Eu- 
ropéen, si  ce  n'est  que  la  chemise  est  portée  en  guise  de  blouse  et  que 
d'ordinaire  le  chapeau  est  de  forme  chinoise. 

'  Jagor;  Palgrave.  ouvrages  cités. 

-  Etal  civil  ilans  les  provinces  de  Luzon  d"après  Mnva  v  .liinencz  : 

Naissances i  p.  lÛO  îles  haijilants. 

Miiil> '2,53     1) 

"  F.  .1.  de  Moya  y  Jimencz,  Ltis  Islas  Filipiiiiis. 


55G  .NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

11  est  vrai  (jiie  la  iialionalité  de  ces  populations,  li'oj)  souples,  (lop  obéis- 
santes, se  perd  peu  à  peu  et  (pie  les  indigènes  n'ont  ni  dans  l'industrie  ni 
dans  les  mœurs  l'originalité  que  leur  eût  maintenue  une  civilisation  indé- 
pendante ;  mais  il  n'en  est  pas  moins  heureux  que  la  culture  européenne 
entraîne  graduellement  les  Philippins  dans  son  orhile  sans  les  avoir  ré- 
duits comme  tant  d'autres  à  la  condition  de  serfs,  sans  les  faire  passer 
|)ar  la  dure  étape  du  paupérisme.  Pris  en  moyenne,  les  Indiens  des  Phi- 
lip|)ines  sont  parmi  les  hommes  les  plus  heureux  de  la  Terre  :  leur  vie  est 
douce  dans  les  jardins  parfumés,  à  l'ombre  des  palmiers  chargés  de  fruits, 
au  bord  des  ruisseaux  murmurants;  en  maints  endroits  ils  sèment  leur 
riz  en  cadence,  au  son  d'un  violon  ou  d'une  clarinette'.  Mais  ils  se  laissent 
aller  facilement  à  la  paresse;  ils  aiment  avec  passion  le  jeu,  surtout  les 
combats  de  coqs,  et  saisissent  les  occasions  de  loisir  que  leur  fournissent 
les  jours  de  fête.  La  religion  n'est  guère  pour  eux  qu'une  succession 
d'amusements. 

Les  populations  des  Phili])pines  sont  catholiques  avec  passion  :  non 
(ju'elles  se  préoccupent  des  dogmes  promulgués  par  l'église  ou  qu'elles 
produisent  beaucoup  de  théologiens  discutant  les  points  subtils  de  la  foi  ; 
mais  elles  aiment  les  pompes,  les  cérémonies,  les  images  que  leur  ont 
apportées  les  prêtres  :  une  grande  part  de  leur  existence  se  passe  en  pra- 
tiques, au  fond  peu  difl'érenles  du  culte  primitif.  Un  autel  domesti(pie, 
portant  les  effigies  de  la  Vierge  et  des  saints,  successeurs  des  anciens 
««itos,  occupe  la  place  d'honneur  en  cha(|ne  cabane,  et  dans  tous  les  actes 
de  la  vie  on  se  tourne  vers  eux  })our  les  j)rendre  à  témoins;  une  lumière 
brille  toujours  au  centre  de  la  façade  des  églises,  devant  l'image  bariolée 
du  piitriin.  Le  moindre  hameau  a  sa  fête,  pendant  laquelle  on  jiromène 
triomphalement  les  statues  sacrées,  couvertes  de  soie,  de  liroderies  et 
de  fleurs.  Les  églises,  bâties  dans  le  style  «  jésuite  »  de  rKs|)agne, 
avec  des  murs  larges  et  bas,  flanqués  de  puissants  contreforts  et  dominés 
par  un  clocher  octogonal,  sont  décorées  avec  le  plus  grand  soin  de 
draperies,  de  banderoles,  de  guirlandes  et  de  fleurs.  Chaque  village  a 
sa  bande  de  musiciens  (|ui  accompagnent  les  cérémonies  religieuses  de 
la  fanfai'e  des  trombones  et  des  cymbales;  souvent  des  acteurs  célèbrent 
des  mystères  et  représentent  des  comédies  où  le  sacré  se  mêle  bizar- 
rement au  profane,  et  des  feux  d'artifice  terminent  les  journées  consa- 
crées à  la  gloire  des  saints.  Le  curé,  surtout  ipiand  il  est  Espagnol  de 
naissance,  est  le  personnage  le  plus  considéiable  du  lieu,  et  c'est  à  lui([ue 

'  MiinlaïKi,  lliillciiii  (le  In  Snriclé  de  Géu(irapliie,\iiSO. 


l'UplLATKiNS    |ii;s   IMIII.II'I'IM'S,    MAMLLE.  .i57 

s'aili'osse  le  ■<  capilaii  "  dans  loiilcs  les  circoiislances  graves.  La  sonnerie 
de  l'église  annonce  la  siesie  ([uanil  il  songe  à  se  reposer  :  ■<  l'Iieui-e 
esl  celle  (jue  sa  majesté  désire  '<\  C'fsl  le  curé,  |»lus  (jue  les  soldats  et  les 
canons,  qui  assure  à  l'Espagne  la  soumission  parfaite  des  naturels  ma- 
lais. Mais  les  routes,  l'instruction,  les  journaux  et  les  livres,  qui  pénètrent 
(le  plus  en  plus  malgré  la  censure,  les  relations  fréijuenles  avec  l'étranger, 
|)réparenl  un  nouvel  ordre  de  choses,  où  les  Indiens,  tout  en  se  rappro- 
chant encore  davantage  de  l'Européen  et  en  participant  à  ses  destinées, 
gagneront  en  indépendance  et  en  liherté  morale.  Aussi  les  prêtres  des 
Philippines  sont-ils  en  général  peu  favorables  aux  changements  qui  pour- 
raient amoindrir  leur  tutelle  sur  les  Indiens;  il  leur  déplaît  même  de 
voir  l'usage  de  l'espagnol  se  répandre  peu  à  peu.  Désormais  aucun  Indien 
policé  ne  peut  exercer  de  fonctions  rétribuées  ou  publiques,  même  dans 
les  villages,  sans  savoir  lire  et  écrire  l'espagnol. 


Manille,  la  capitale  des  Philippines,  est  située  au  bord  d'une  grande 
baie  de  forme  ovale,  à  l'embouchure  de  la  rivière  Pasig,  affluent  du 
grand  lac  de  Bay  ou  «  Laguna  »,  par  excellence.  La  cité  proprement  dite, 
la  «  Manille  murée  »,  profile  son  enceinte  bastionnée  au  bord  du  Pasig, 
sur  l'emplacement  de  la  rive  gauche  ou  méridionale  qu'avait  choisi  Lopez 
de  Legaspi,  en  1571,  pour  en  faire  le  centre  de  la  puissance  espagnole. 
Ville  de  casernes,  de  couvents,  de  constructions  administratives,  Manille 
n'est  qu'officiellement  le  chef-lieu  des  Philippines;  la  vie  s'est  portée  vers 
les  quartiers  de  la  rive  droite,  que  deux  ponts  réunissent  à  Manille  : 
c'est  là,  surtout  à  Binondo,  à  Tondo,  à  Sampaloc,  que  se  fait  le  commerce 
et  que  se  pressent  les  Chinois  et  les  indigènes;  en  outre,  des  fau- 
bourgs s'étendent  au  milieu  des  palmeraies  sur  les  deux  rives  du  Pasig. 
Ensemble  l'agglomération  manillaise  couvre  un  espace  de  12  kilomètres 
carrés.  Les  conditions  hygiéni(jues  de  Manille  sont  mauvaises  et  l'on 
s'étonne  (|ue  la  mortalité  annuelle  n'y  soit  pas  plus  élevée.  La  rivière,  dont 
les  eaux,  prises  en  amont  de  la  ville,  servent  à  l'alimentation  des  habi- 
tants, est  remplie  de  débris  que  le  flux  et  le  reflux  promènent  entre  les 
maisons;  de  longs  convois  de  «  quiapo  »  (pistia  xtratiotes)  et  d'autres 
herbes  glissent  sur  le  courant  et  se  mêlent  aux  détritus  rejetés  par  la  ville; 
les  nombreux  canaux  dérivés  du  Pasig  et  se  ramifiant  en  veines  et  en  vei- 
nules dans  la  «  Venise  tagale  »  se  dessèchent  pendant  une  moitié  de  l'an- 

'  Jngor,  ouvrage  cité. 


558  NOUYELLK   (JKOii  II  A  l'IllE   TNIVERSELLE. 

née  et  leurs  vases  réjuimleiil  une  odeur  fétide;  enliu,  les  loililicatious  de 


112.    MANILLE. 


Est  de  Paris 


Manille,  d'ailleurs  devenues  complètement  inutiles  au  point  de  vue  de  la 
drlense,  empêchent  le  libre  jeu  des  brises  purifianles. 

Souvent  secouée  par  des  treml)lements  de  terre,  Manille  n'a  ])oinl  d'édi- 


I  -- 


MANILLE  ET   SES  ENVIRONS.  561 

fices  d'un  caractère  graiidioso,  mais  elle  possède  les  principaux  élablisse- 
ments  d'instruction  publique,  ainsi  que  l'observatoire  et  l'école  de  pein- 
ture; un  petit  musée  et  une  bibliothèque  publique  ont  été  fondés  par  la 
société  des  «  Amis  du  Pays  »,  et  une  promenade  assez  mal  tenue  porte  le 
nom  de  «  jardin  botaniijue  ».  Manille  n'a  d'importance  que  par  ses  fabri- 
ques do  tabac  et  par  son  fommerce  général.  Comme  centre  d'échanges,  elle 
est  admirablement  située,  à  l'issue  d'une  rivière  navigable  et  d'une  mer 
intérieure  qui  lui  assure  les  produits  de  toute  une  province,  et  sur  une 
vaste  baie  de  200  kilomètres  de  pourtour,  où  les  flottes  réunies  du  monde 
trouveraient  [)lace;  un  canal  facile  à  creuser  mettrait  Manille  en  commu- 
nication par  bateaux  à  vapeur  avec  les  villes  du  littoral  océanique,  sur  la 
«  contre-côte  »  de  Luzon.  L'entrée  de  l'immense  rade  est  en  parlie  cou- 
verte par  la  masse  volcanique  de  l'île  du  Corregidor,  et  |)eii(lanl  la  mous- 
son du  sud-ouest,  lorsque  la  houle  pénètre  dans  la  rade,  les  navires  de 
500  tonneaux  peuvent  mouiller  dans  l'estuaire  même  du  Pasig,  à  l'abri 
d'une  longue  jetée,  tandis  que  les  petits  bâtiments  de  guerre  vont  ancrer, 
à  13  kilomètres  au  sud  de  Manille,  dans  l'anse  de  Cavité,  que  défend 
contre  la  vague  un  long  promontoire  sablonneux,  dit  le  carit  ou  «  hame- 
çon »,  d'oi!i  le  nom  de  la  ville'.  Bientcjt  un  nouveau  port,  appuyé  sur  la 
jetée  méridionale  du  Pasig,  devant  la  Manille  murée,  recevra  les  plus  grands 
navires  dans  ses  bassins.  Au  point  de  vue  du  commerce  général,  Manille 
est  aussi  très  heureusement  placée  :  elle  commande  toutes  les  routes  de 
navigation  entre  le  détroit  de  la  Sonde  et  l'estuaire  du  Yangtze  kiang. 
Avec  quelque  exagération,  Lapérouse  disait  de  Manille  qu'elle  occupe  la 
meilleure  position  commerciale  du  monde  entier.  On  sait  qu'elle  fut  jus- 
qu'en 1811  le  point  d'attache  du  trafic  de  l'Espagne  avec  ses  colonies  amé- 
ricaines. 

Des  omnibus  à  vapeur  relient  Manille  au  bourg  de  Malabon,  situé 
comme  la  capitale  sur  le  rivage  de  la  baie  et  à  l'embouchure  d'une  rivière  : 
c'est  là  que  se  trouve  la  plus  grande  fabrique  de  cigares  des  Philippines, 
occupant  parfois  jusqu'à  10  000  ouvrières.  Au  point  de  vue  industriel, 
Malabon  est  une  dépendance  immédiate  de  Manille,  de  même  que  la  riche 
ville  de  Bulacan,  située  un  peu  plus  au  nord,  sur  un  arroyo  du  fleuve 
Pampanga  qui  se  déverse  dans  la  baie  :  un  bateau  à  vapeur  la  met  en 
relations  journalières  avec  la  capitale.  La  place  forte  de  Cavité,  au  sud, 
est  aussi  dans  le  cercle  d'attraction  de  Manille,  comme  avant-port,  arsenal, 
chantier  cl  ville  de  fabriques  :  c'est  de  toutes  les  cités  |ihilippines  celle  qui 

*  Marlinez  de  Zuùiga,  Philippine  Islaiitls. 

XIV.  71 


562  NOUVELLE  GÉOGR'AîUlE' UNIVERSELLE. 

rappelle  le  mieux  l'Espagne  par  la  consti'uction  de  ses  édifices;  dans  le 
voisinage,  le  bourg  d'Indan  recueille  le  meilleur  café  des  îles.  Les  deux 
pueblos  de  Pasig  el  de  Pateros,  situés  sur  la  lagune  de  Bay,  à  la  sortie  des 
canaux  qui  forment  le  Pasig,  doivent  être  également  considérés  comme 
des  marchés  extérieurs  de  Manille  :  sur  plus  de  .")  kilomètres  on  ne 
voit  au  bord  du  fleuve  que  des  parcs  aquatiques  pour  les  canards  (pii 
servent  à  l'approvisionnement  de  la  ville  :  on  les  nourrit  de  coquillages 
(jue  les  bateliers  vont  chercher  par  milliards  dans  la  rade;  le  couvage  se 
fait  artificiellement  dans  ce  bourg  si  bien  nommé  Pateros  ou  <t  Éleveurs 
de  Canards  »\  La  lagune  de  Bay  a  pris  son  nom  d'nn  village  situé  sur  la 
rive  méridionale  de  celte  mer  intéi'ieiire,  près  de  la  région  volcanique  des 
thermes;  le  chef-lieu  de  la  province,  Santa-Cruz,  est  bâti  au  nord-ouest 
sur  la  même  rive  du  lac.  Un  autre  cher-lieu  de  province,  Moron.  est,  sur 
une  des  baies  du  nord,  l'un  des  ports  riverains  de  la  «  Lagune  ».  Sur  la 
rive  méridionale  jaillissent  l(!s  sources  thermales  des  Banos,  fréquentées 
par  les  haliilants  de  Manille.  La  ville  industrieuse  de  Lucban,  oîi  l'on 
fabrique  surtout  des  chapeaux,  est  située  snr  le  versant  méridional  du 
bassin  de  la  Lagune,  près  du  volcan  de  San-Cristobal.  C'est  un  des  sites 
les  ])lus  |)illoresques  de  Luzon,  avec  fontaines,  grottes  et  cascades. 

La  puissante  rivière  de  Pampanga,  afiluent  septentrional  de  la  baie  de 
Manille,  a  j)lusieurs  villes  populeuses  dans  son  bassin.  Gapan,  près  de 
laquelle  sont  des  gisements  d'or  et  de  houille,  est  une  ville  considérable  de 
la  province  de  ÎN'ueva-Ecija,  plus  importante  que  son  chef-lieu,  le  bourg  de 
San-Isidro  :  c'est  une  des  régions  philippines  qui  ont  le  plus  souffert  des 
secousses  terrestres  en  1880,  et  de  vastes  étendues,  au  bord  du  fleuve  et 
des  rivières,  ont  été  fissurées  de  crevasses  découpant  toute  la  campagne  en 
blocs  réguliers.  Plus  au  sud  est  un  auti'e  chef-lieu,  Bacolor,  (pie  les  Espa- 
gnols des  Philippines  choisirent  momentanément  pour  la  capitale  de  leurs 
possessions,  lorsque  les  Anglais  se  furent  emparés  de  Manille  en  1762.  Les 
bateaux  à  vapeur  qui  vont  et  viennent  entre  Manille  et  le  bas  Pam])anga 
s'arrêtent  à  l'escale  de  la  Guagua,  en  aval  de  Bacolor.  Une  autre  ville,  à 
l'est,  Calumpit,  est  un  centre  de  commerce  agricole,  situé  dans  la  cam- 
pagne la  plus  fertile  de  l'archipel,  au  confluent  des  rivières  Pampanga 
et  Quingoa. 

En  face  de  Manille,  sur  la  rive  occidentale  de  la  baie,  se  montre  une 
petite  cité  maritime,  Balanga,  qui  fait  un  certain  commerce;  puis,  au 
tournant  de  la  presqu'île  ipii  forme  la  baie  de  Manille,  le  pelil  port  bien 

'  José  Mouloro  v  Vidiil,  El  Ariliipidinjo  Ftlipimi. 


MANILLE,    LINGAYEN.  5CÔ 

alirik'  ili'  Marivoles  e:^t  domino  par  le  volcan  de  son  nom.  Au  delà,  (hM'endu 
par  les  proniomoires  méridionaux  de  la  sierra  de  Zambales.  s'ouvre  le 
port  de  Subij;-,  que  l'on  dit  èlre  le  plus  sûr  des  Philippines,  mais  ([ue  des 
iiionls  d'accès  difficile  enlourenl  de  trois  côtés.  Plus  loin,  Iba,  cliel-lieu 
de  la  province,  n'est  ipi'uii  liour^f  situé  sur  une  crique  périlleuse.  Mais  sur 

N»  m.  —  i,NviiiiiN~  m:  sjami.li:. 


f:stde 


\  ■  :oo  000 


le  revers  des  montagnes  de  Zambales,  dans  la  giande  baie  de  Lingayen,  se 
succèdent  d'excellents  ports,  notamment  celui  de  Suai,  défendu  au  nord- 
est  par  une  corne  de  rochers;  récemment  ouvert  au  commerce  internatio- 
nal, il  n'est  pourtant  guère  visité  (jue  par  les  caboteurs  :  les  montagnes  des 
alentours  et  le  manque  de  l'outes  empêchent  le  trafic  de  se  porter  vers 
celte  partie  du   littoral,  l.a  ville  populeuse  de  Lingayen  est  située  entre 


564  NOUVELLE  CÉOGRArillE   IMVERSELLE. 

Suai  cl  le  havre  de  Dagupan,  sur  uu  des  bras  du  delta  de  l'Agno  (iraiide, 
fleuve  qui  comprend  dans  son  bassin  les  trois  provinces  de  Beni;uel,  de 
Tarlac  et  de  Pangasinan.  Dans  l'intérieur  de  ce  bassin  la  ville  principale 
est  San-Miguel  de  Camiling,  située  sur  les  conlins  de  |i()[iulalions  parlant 
des  langues  diverses,  Pampangos,  Uocanos  et  Pangasinanes. 

Au  nord,  des  bourgs  considérables,  Sanlo-Tomas,  Aringay,  San-Fernando, 
se  succèdent  sur  la  côte,  puis  la  cité  de  Vigan,  liàtie  comme  Lingayen 
sur  une  bouche  fluviale,  dans  le  delta  de  l'Abra.  Laoag,  située  j)lus  au 
nord,  près  de  l'angle  nord-occidental  de  Luzon,  est  la  deuxième  ville  des 
Philippines  par  le  nombre  des  habitants,  (puiifju'elle  ne  possède  point  de 
port  et  n'ait  d'autres  richesses  que  les  produits  agricoles  de  sa  plaine  peu- 
plée d'ilocanos.  Mais  au  delà  le  littoral  de  Luzon  est  presque  désert  :  c'est 
du  côté  de  l'ouest,  regardant  vers  l'Asie,  que  se  presse  la  [)opulation  et 
que  se  trouvent  les  centres  de  culture.  Tuguagarao  est  la  seule  gi'ande 
ville  riveraine  du  Cagayan,  le  fleuve  le  plus  abondant  des  Philippines; 
plus  bas,  sur  le  même  cours  d'eau,  est  la  ville  de  Lallo,  l'ancienne  iSueva- 
Segovia,  qui  a  [)ris  de  l'importance  dans  ces  dernières  décades,  comme 
entrepôt  du  meilleur  tabac  de  l'archipel  :  elle  a  pour  port  le  mouillage 
d'Aparri,  sur  la  rive  orientale  de  l'estuaire  du  Gagayan.  Au  delà,  il  faut 
suivre  les  rivages  au  nord  et  à  l'esl  de  Luzon  sur  un  espace  de  plus 
de  700  kilomètres  avant  do  trouver  un  port  côlier,  celui  de  Binan- 
gonan,  situé  à  peu  près  sur  la  contre-côte  de  Manille,  en  face  de  l'île  du 
Polillo.  Les  îles  Babuyanes  et  Batanes,  [)arsemées  au  nord  de  Luzon,  dans 
la  direction  de  Formose,  sont  presque  toutes  inhabitées.  Elles  sont  pour- 
tant bien  placées  au  bord  d'un  passage  océanique  fréquenté  par  les  marins 
qui  naviguent  entre  Hongkong  et  Sydney  :  cette  voie  maritime,  qui  passe 
en  dehors  des  archipels,  est  plus  longue,  mais  plus  sûre  que  celle  du  dé- 
troit lie  Toi'res  et  des  manches  de  l'Insulinde. 

Au  sud  de  Manille,  le  bourg  de  Marigondon,  le  premier  (pie  déj)assent 
les  navires  après  avoir  pénétré  dans  la  halo,  est  habité  par  des  Tagal  et  les 
descendants  d'immigrants  de  Ternate  venus  au  milieu  du  dix-septième 
siècle  :  elle  est  entourée  des  campagnes  les  plus  riches,  de  même  que  les 
villes  de  Barayan  et  de  Taal,  situées  au  bord  d'un  golfe  bordé  de  terres 
nouvellement  formées  et  composées  de  cendres  volcaniques.  La  baie  qui 
s'ouvre  plus  à  l'est  baigne  des  rives  encore  mieux  cultivées,  et  c'est  au 
milieu  de  magnifiques  jardins  que  se  groupent  les  maisons  de  lîatangas, 
l'une  des  cités  les  plus  populeuses  de  l'archipel,  qui  doit  en  outre  une 
importance  de  premier  ordre  à  sa  position  près  de  l'enlrée  du  détroit  de 
San-Bernardino,  la  grande  voie  commerciale  des  Philippines  entre  Luzon, 


rà     .  : 


BATANGAS,   TAYARAS,   ALBAY.  507 

l'orohipol  (les  Visayas  cl  Mindanan.  Presque  en  faec  de  Balanças,  sur  la 
rive  seplenlrionale  de  File  Mindoro,  s'élèvent  en  amphithéâtre  les  mai- 
sons de  Calapan  :  c'est  autour  de  cette  ville  que  se  groupe  presque  toute 
la  population  insulaire. 

L'isthme  étroit  qui  rattache  à  la  masse  de  Luzon  le  groupe  des  pénin- 
sules de  Camarines  ne  pouvait  manquer  d'avoir  des  marchés  fréquentés 
dans  le  voisinage  des  deux  mers.  Au  sud  est  la  gracieuse  ville  de  Tayabas; 
au  nord,  sur  une  rade  bien  abritée  par  l'îlot  d'Alabaf,  est  la  bourgade  de 
Mauban.  D'autres  lieux  commerçants  se  suivent  au  bord  des  golfes  de 
Camarines;  mais  la  population  S(i  presse  surtout  dans  la  vallée  de  ce  lleuve 
Vicol  (pii  parcourt  la  région  médiane  de  la  péninsule  et  donne  son  nom 
anx  Malais  de  ses  bords.  En  amont  dn  lac  Batn,  la  rivière  ([ui  porle  le 
nom  (le  Quinali  arrose  les  campagnes  de  Camalig,  (Juinobatan,  Ligao,  Oas, 
Polangni,  Libong,  tous  villages  peuplés  chacun  de  plus  de  douze  mille 
habitants  et  séparés  à  peine  par  un  espacede  2  à  o  kilomètres'.  Kii  aval  du 
lac.  Balu,  le  Yicol.  d(nenu  navigable,  baigne  plusieurs  autres  villag(>s. 
passe  non  loin  de  Nabua,  puis  à  Xaga  ou  Nueva-Caceres,  chef-lieu  de  la 
province  de  Camarines-Sur,  et  se  déverse  dans  la  baie  de  San-Miguel, 
devant  la  place  forte  de  Cabusao  ;  à  son  embouchure  le  fleuve  est  parfois 
désigné  sous  le  même  nom  (jue  la  vilbî  gardienne.  A  une  petite  distance, 
près  d'une  crique  du  littoral,  se  trouve  Daet,  capitale  de  la  province  du 
nord  de  Camarines. 

Albay,  autre  résidence  d'alcalde  mayor,  occupe  une  position  charmante 
au  pied  du  volcan  superbe  de  Mayon  :  de  même  que  sa  voisine  Daraga,  elle 
est  entourée  de  palmeraies  et  de  vergers  qui  ceignent  d'une  zone  ver- 
doyante la  masse  aride  de  la  montagne  toujours  fumeuse.  Daraga,  officiel- 
lement désign('e  du  nom  de  Cagsaua,  remplace  une  ancienne  ville  de  cette 
appellation  (|ui  s'éb^vait  plus  haut,  sur  les  |)remières  pentes  du  volcan,  et 
que  détruisit  l'éruption  de  1814.  Le  port  d'Albay  et  de  Daraga  est  la  petite 
ville  de  Legaspi,  malheureusement  exposée  à  toute  la  fureur  de  la  mous- 
son du  nord-est;  en  hiver,  elle  C(^sse  (rexpédi(n'  le  u  chanvre  de  Manille  x, 
qui  (Constitue  la  part  la  plus  importante  de  son  commerce,  et  le  mouvement 
des  échanges  se  fait  alors  par  le  port  de  Sorsogon,  situé  de  l'autre  côté  d'un 
isthme, sur  une  baie  de  la  c(Ue  occidentale  :  d'une  saison  à  l'autre  les  deux 
ports  se  complètent.  En  outre,  la  province  d'Albay  a  (juelques  havres  de 
moindre  trafic  :Tibi  et  Tabaco,  au  nord  d'Albay,  et  au  sud  Bulusan,  dont 
les  maisons  se  montrent  sous  les  cocotiers,  à  la  base  orientale  de  son  volcan. 

'  Jasor.  ouvr.Tsro  cif(''. 


5A>I\H     ET     LT.VT(  . 


568  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  l'MVERSELLE. 

L'ile  de  Samar,  qui  conlinue  au  sud-ost  la  péniusuli'  de  Cauiariues,  m  a 
poiut  de   tiraiides  villes  :   la  plus  considérable,  Guinan,  près  de  i'exlré- 

niilé  méridionale  de 
l'île,  est  entourée  de 
vastes  forêts  de  coco- 
tiers, dont  les  noix  ser- 
vent à  la  fahricalion 
de  l'huile  ;  la  bour- 
gade de  Borongan,  sur 
la  cote  tournée  vers 
le  drand  Océan,  pos- 
sède à  elle  seule  plus 
de  120  000  palmiers 
en  pleine  production', 
(latbalogan,  capitale  de 
Samar,  bâtie  sur  le  lit- 
toral de  l'ouest,  est 
presque  sans  Iraiie,  les 
navires  ne  s'engageant 
qu'avec  péril  dans  les 
chenaux  de  la  rade, 
entre  les  récifs  et  les 
îlots.  Le  port  principal 
de  l'ile  Leyt(>,  qui  en 
est  aussi  le  chef-lieu, 
Tacloban,  est  la  ville 
lie  ces  parages  qui  a  le 
]dus  grand  mouvement 
d'échanges  :  elle  com- 
merce directement  avec 
Manille.  En  face  de  Ta- 
cloban, un  autre  port, 
Basey  ,  appartenant  à 
l'île  Samar,  se  trouve 
sur  les  bords  du  charuiani  d('[r(iil  de  San-.lnanitd,  mm  loin  de  l'entrée 
méridionale  de  ce  fleuve  marin.  La  voie  tortueuse,  longue  d'une  quarantaine 
de  kilomètres,  tantôt  se  resserre  en  défilé,  tantôt  s'élargit  en  lac;  en  certains 


D'Après,  divers  doci 


\   :    2KOnf>00 


Jagnr.  uuvrage  cité. 


ILKS   DES   VISAYAS.  569 

oiuiroils  elle  a  seulemonl  (jiiohjues  centaines  de  mètres  entre  les  rives. 
De  part  et  d'autre  la  forêt  vierge  s'étend  jns(iu'au  bord,  interrompue  seu- 
lement par  des  villages,  des  groupes  de  cocotiers,  des  clairières  cultivées; 
des  îlots  de  corail,  soulevés  de  quel(jues  mètres  au-dessus  des  eaux, 
reflètent  leur  masse  blanche  dans  le  courant  que  pousse  le  flux  ou  le  reflux  : 
i'h  et  là  se  montrent  des  falaises  pittoresques,  percées  de  cavernes  où  jadis 
les  insulaires  déposaient  leurs  morts.  Les  bateliers  s'en  approchent  en 
tremblant  et  ne  continuent  leur  route  qu'après  avoir  fait  des  offrandes  aux 
mànt's  des  aïeux.  C'est  dans  les  environs  de  Basey  que  croît  en  plus  grande 
abondance  la  plante  vénéneuse  dite  «  fève  de  Saint-Ignace  »  {^tryclnioa 
i(jnall(i  ainara).  Un  arbre  de  l'espèce  dklerocarpm  fournil  aussi  une  huile 
résineuse,  le  halao  ou  mnhipajo,  très  appréciée  par  les  constructeurs  pour 
préserver  le  fer  de  la  rouille. 

Une  petite  île,  presque  un  îlot,  lîomblon,  pourrait  prétendre  à  être  le 
Delos  des  Cyclades  Philippines,  car  elle  se  trouve  à  peu  près  au  centre  géo- 
graphique des  îles,  dans  une  mer  assez  étendue  qu'un  cercle  de  terres 
environne  en  entier.  Mais  pour  le  nombre  des  habitants  et  l'importance  du 
trafic  le  véritable  milieu  des  Philippines  est  l'île  de  Panay,  la  plus  popu- 
leuse de  l'archipel  en  proportion  de  son  étendue.  Les  villes  y  sont  nom- 
breuses :  Capiz  est  située  sur  la  côte  du  nord,  à  l'embouchure  d'une 
rivière  qui  porte  le  même  nom  que  l'île,  et  qui  arrose  les  campagnes  d'une 
antique  bourgade  appelée  aussi  Panay  ;  sur  la  côte  occidentale,  une  nou- 
velle capitale  de  province,  San-José  de  Buenavista,  et  un  ancien  chef-lieu. 
Antique,  se  regardent  par-dessus  les  eaux  d'une  baie  et  servent  de  ports  à 
la  cité  de  Sibalon,  qui  se  montre  sur  les  premières  pentes.  Au  nord-est  de 
l'île,  la  princi|)ale  ville  est  la  Concepcion,  tandis  qu'au  sud-est  s'ouvre 
entre  Panay  et  une  autre  île,  celle  de  Gnimaras,  le  détroit  bien  abrité 
d'Ilo-Ilo,  empli  de  navires,  caboteurs  et  longs  courriers,  ceux-ci  mouillés 
en  dehors  de  la  barre.  Après  Manille,  Ilo-Ilo  est  le  port  le  plus  fréquenté 
des  Philippines  :  ouvert  au  commerce  extérieur,  il  a  pris  aussitôt  une  part 
considérable  à  l'exportation  du  sucre  et  d'autres  denrées  coloniales,  des 
tissus  d'abacâ,  des  fruits,  des  légumes,  et  à  l'importation  des  marchan- 
dises européennes  et  chinoises'.  A  une  petite  distance  au  nord  d'Ilo-llo 
s'élève  le  faubourg  épiscopal  de  Jaro. 

La  caj)itale  de  Negros  est  située  sur  la  côte  de  cette  île  la  plus  rappro- 
chée d'Ilo-Uo.  Ouoiquc  cette  dernière  soit  le  marché  central  de  tout  l'ar- 

'  Viileui'  moyenne  des  écliangi'S  à  lIo-llo  ;  Ki  inilllniis  du  francs. 
Mouvement  de  la  navigation,  à  l'enlréo  et  à  la  sortie,  en  1887  : 
m  navires,  jaugeant  '164  445  tomies. 
xiï.  72 


570 


NOUVELLE   CÉOCRAPlllE   LMVEMSELLE. 


chipel  de  Visayas,  le  lilro  do  chef-lieu  a  élé  donné  à  la  ville  de  Cebi'i,   la 
capitale  de  l'ile  du  même  nom,  proljablement  en  raison  de  l'antiquité  de 


N"    115.   aO-ILO    ET    IlÉTnolT    nï    GGIMARAS. 


I90*40-. 


D  après  divers  documents 


ûcOà/0' 


1    :    650  ntio 


sa  fondation,  (l'est  le  eon([U(''i-aiit  Lej^aspi  ipii  en  bâtit  les  premiers  édifices 
en  1571  et  la  mil  sous  le  vocable  de  Santu  N'mnbre  de  Jésus.  Déjà  cin- 
quante années  auparavant,  Magalhàes  avait  déliarqué  dans  celte  partie  de 
l'ile,    et  c'est   précis(''menl  en  face,  dans  l'ilul  de   Maclan,  ipi'il  tniuva  la 


ILES  DE  CEBÛ  ET  DE   MINDAKAO.  571 

mort.  Celn'i  fut,  comme  Ilo-Ilo,  ouverte  au  commerce  du  monde  en  1863: 
on  avait  Uni  par  comprendre  (|ue  les  jurâtes  de  Jolô  et  de  Mindanao, 
qui  infestaient  les  parages  méiidionaux  des  Philippines,  pourraient  se 
transformer  en  de  paisibles  marins  si  on  leur  facilitait  les  moyens  de  ga- 
gner leni-  vie  par  le  transport  des  marchandises  ;  mais  là  aussi  les  prin- 
cipaux intermédiaires  des  échanges  sont  des  (]hinois.  Cehù  expédie  les  riz 
de  l'anay,  l'ahacâ  de  Leyte,  la  cire,  le  roliu  et  la  nacre  de  ^lindaiiao,  les 
sucres  et  les  tahacs  que  lui  envoient  Tnghilaran  et  Maribojoc,  la  ca])itale 
et  la  principale  ville  de  l'île  Dohol  ;  elle  possède  aussi  dans  le  voisinage 
(les  couches  de  houille  d'une  lionne  (pialité,  que  l'on  hrùle  d'ordinaire 
en  la  mélangeant  à  des  charbons  anglais'.  Cependant  les  privilèges  de 
Cebii  ne  lui  ont  pas  donné  le  premier  rang  parmi  les  agglomérations 
urbaines  de  l'île. 

La  grande  île  de  Mindanao,  encore  habitée  dans  presque  toute  son  éten- 
due par  des  populations  indépendantes,  n'a  d'établissements  espagnols  que 
sur  quelques  points  du  pourtour,  éloignés  les  uns  des  autres.  Misamis, 
sur  un  port  naturel  de  la  côte  septentrionale  que  domine  à  l'ouest  la  masse 
imposante  du  Malindang,  et  dans  le  voisinage  d'alluvions  aurifères,  d'ail- 
leurs inex[)loitées,  est  un  des  pueblos  ({ui  paraissent  avoir  le  plus  d'ave- 
nir; Butuan  a  l'avantage  d'être  située  sur  l'estuaire  du  grand  fleuve  A gu- 
san;  Surigao,  à  la  pointe  septentrionale  extrême  de  l'île,  commande  le 
principal  détroit  qui  s'ouvre  à  l'est  vers  le  Grand  Océan;  Bislig,  vers  le 
milieu  de  la  côte  orientale,  possède  un  excellent  port  sur  un  littoral  battu 
de  vagues  terribles  pendant  une  moitié  de  l'année  :  c'est  le  seul  mouillage 
sûr  de  la  côte  au  sud  de  Surigao.  Dans  la  grande  baie  de  Davao  ou  de 
Tagloc.  ouverte  au  sud-est  de  Mindanao,  le  pueblo  de  Vergara,  appelé 
aussi  Davao  comme  le  golfe  et  la  province,  est  un  établissement  de  fonda- 
tion récente,  dont  les  premiers  habitants  furent  des  militaires  et  des  for- 
çats. Plus  à  l'ouest,  dans  la  plaine  féconde  que  parcourt  le  rio  Grande  et 
où  se  trouvait  autrefois  Bouajang,  le  centre  du  puissant  empire  de  Magin- 
danao,  les  bourgs  de  Cotlabato  et  de  PoUoc  sont  des  groupes  de  raxchus  : 
c'est  près  de  laque  les  missionnaires  ont  établi  le  siège  de  leur  propagande 
dans  la  région  païenne  de  Mindanao.  Enlin,  le  poste  principal,  Zamboanga, 
situé  à  l'extrémité  même  du  promontoire  sud-occidental  de  l'île,  est  une 
véritable  ville,  d'ailleurs  de  fondation  déjà  ancienne  :  elle  date  de  1655;  les 
Espagnols  avaient  placé  leur  poste  d'attaque  contre  les  pirates  précisément 

•  Mouvomont  de  la  navigation  à  Coln'i,  à  IV'iitrce  ol  à  la  soiiio,  on  1887  : 
40  navires,  jaugeant  45  915  tonnes. 


bl-2  -XOLVELLi:   C.Edl.llAI'llll-:   LM\  EliSELLE. 

au  centre  de  la  région  marilinie  la  plus  infestée  par  eux.  L'un  des  porls 
de  cabotage  les  plus  actifs,  Zamboanga  exporte  le  meilleur  café  de  l'archi- 
pel ;  quoique  bâtie  dans  une  plaine  basse  coupée  de  marais  saumàtres,  au 
pied  de  montagnes  boisées,  la  ville  est  remarquablement  salubre  :  elle  est 
même  réputée  la  plus  saine  de  toutes  les  Philippines'.  Ses  habitants, 
presque  tous  métis,  sont  fiers  de  leur  origine  espagnole,  et  parlent  le  cas- 

-N"  ue<  —  AitciiiPKi,  Ht  joLu. 


Est  de    Par-, 


/^ro^on^ei^f~s 


1      2  5S0  000 


tillan  avec  une  grande  pureté.  Au  siècle  dernier,  Zamboanga  disparut  sous 
une  pluie  de  cendres  rejetée  d'un  cratère  voisin. 

Les  «  îles  des  Pirates  >',  désormais  annexées  à  l'empire  colonial  de  l'Es- 
pagne, ont  chacune  leur  poste  d'où  une  garnison  de  soldats  et  de  marins 
surveille  les  mers  avoisinantes.  A  Basilan,  où  les  Français  firent  en 
1845  une  expédition  de  guerre  pour  venger  le  meurtre  de  matelots,  le 
gouvernement  des  Philippines,  craignant  qu'une  garnison  française  ne 
s'y  établit  à  demeure,  a  voulu  faire  acte  de  possession  eu  fondant  la  ville 


'   Muntauo,  oiivnigi'  cité. 


MINDANAO,   ARCHIPEL  DE  JOLO.  573 

d'Isnlji'lla,  qui,  grâce  à  son  excellent  port,  situé  en  face  de  Zamboanga, 
paraît  devoir  prendre  un  jour  (pielipie  importance;  mais  elle  est  encore 
d'une  extrême  insalubrité:  les  forçais  envoyés  par  centaines  pour  débrous- 
ser  le  sol  aux  alentours  de  la  ville  naissante  sont  tous  morts  à  la  tâche. 
L'antique  cité  de  Jolé  ou  Sulu,  bàlie  en  amphithéâtre  vers  la  pointe  occi- 
dentale de  l'île  du  même  nom,  est  aussi  devenue  espagnole  depuis  1876,  et 
le  descendant  des  sultans  fameux  qui  commandèrent  dans  tout  l'archipel 
des  Pirates  et  au  nord  de  Bornéo,  n'est  plus  qu'un  humble  pensionné  du 
gouvernement  des  Philippines.  La  ville  a  perdu  toute  industrie  et  les  fa- 
meux /.Tm  de  Jolô  ont  été  remplacés  par  des  armes  de  fabrication  anglaise 
et  allemande  ;  de  même  l'agriculture  est  ruinée,  les  cultures  sont  retom- 
bées en  friche.  Deux  autres  postes,  dont  les  garnisons  sont  également 
composées  de  soldats  disciplinaires,  surveillent  les  mers  occidentales  : 
Tay-tay,  situé  à  l'extrémité  septentrionale  de  la  Paragua  ou  Palauan,  au 
bord  d'une  baie  bien  abritée,  et  Puerto-Princesa,  sur  un  magnilique 
havre  naturel  de  la  côte  orientale.  Les  tribus  païennes  des  Tagbanuhoy, 
d'origine  malaise,  habitent  les  forêts,  dans  le  voisinage  immédiat  de  la 
forteresse.  Les  montagnes  de  l'intérieur  sont  parcourues  par  les  Balac, 
que  l'on  croit  être  des  negrilos. 

L'île  de  Balabac,  qui  fait  face  à  l'archipel  bornéen  de  Banguay,  a  [tour 
capitale  un  simple  village  qui  fut  naguère  un  lieu  d'internement  pour 
les  condamnés  indigènes.  Quant  aux  îlots  qui  parsèment  à  l'ouest  les  eaux 
de  la  mer  de  Chine,  ils  ne  sont  point  habités*. 


Les  Philippines  sont  gouvernées  à  Madrid  par  la  Couronne  et  les  Cortès: 
suivant  les  oscillations  de  la  politique  péninsulaire,  les  décrets  et  les 
l'èglements  relatifs  aux  possessions  coloniales  de  l'Extrême-Orient  en  mo- 
dilient  le  régime  administratif,  mais  sans  changer  beaucoup  au  fond  des 


'  Villes  principales  des  Philippines  ayant  plus  de  10000  luibilants,  avec  leur  banlieue,  en  1S80  : 

Lucban lôOOOhnli. 

Caluuiiiil   (Panipangal {'2  500     » 

Bacoloi-  .1  12  000     .) 


LUZON. 

Manille  «  murée  »,  avec  faubonrgs.  ToO  000  liab 

Laoag  (lloeos  Norte) _.  56  000  » 

Batangas  (Batangas) 55  000  » 

Tayabas  (Tayabas) 25  000  » 

Lingayen  (Pangasinan) 25  000  n 

Tuguegarao  (Cagayan)   21  000  » 

Daraga  (Albay)  . 20  000  » 

Vigan  (Ilocos-Sur) 18  000  » 

Gapan  (Nueva-Ecija) 18  000  » 

Albay  (Albay) 15  000  » 


Bidacan  (Bulacan,  Luzon).    .    .    .  11  JOO  d 

VISAÏAS. 

llo-llii  (llo-llo,  Panav^ 24  000  bab. 

Capiz  (Capiz.  Panay) 25  000  » 

Sibalon  (Antique,  Panay)  .    .    .    .  15  000  » 

Tagbilaran  (Bohol).  .."....  12000  » 

Cebù  (Cebù) 10  000  » 


574  NOUVELLE  GÉOGRAPUIE  UMVERSELLE. 

choses  :  le  petit  nombre  des  Espagnols,  comme  perdus  au  milieu  d'un 
monde  étranger,  ne  leur  permet  de  modifier  qu'avec  de  grandes  précau- 
tions les  traditions  de  gouvern(!ment. 

Le  chef  suprême  de  la  colonie,  ayant  titre  de  gouverneur  général,  com- 
mande les  forces  de  terre  et  de  mer  et  administre  directement  l'île  de 
Luzon;le  groupe  des  îles  Yisayas  et  Mindanao  est  placé  sous  l'autorité 
d'officiers  généraux  subordonnés.  Un  conseil  d'administration,  composé  de 
notables  nommés  par  le  pouvoir,  siège  à  côté  du  gouverneur  et  l'assiste 
dans  ses  fonctions  ;  en  outre,  quebjues  grands  dignitaires,  le  secrétaire  du 
gouvernement,  le  chef  d'état-major,  le  directeur  des  finances  et  celui  de 
l'administration  civile,  constituent  une  sorte  de  ministère,  irresponsable 
si  ce  n'est  devant  le  pouvoir.  Le  gouverneur  général  est  considéré  comme 
«  vice-patron  »  de  l'Eglise. 

Les  trois  gouvernements  de  Luzoïi,  Yisayas  et  Mindanao,  se  divisent  en 
provinces,  administrées  soit  par  des  gouverneurs  militaires,  soit  par  des 
alcaldes  civils,  qui  sont  en  même  temps  juges  en  première  instance  au 
civil  et  au  criminel.  Dans  la  plupart  des  provinces  de  Luzon,  c'est  le  ré- 
gime civil  qui  prévaut;  mais  le  régime  est  strictement  militaire  dans  l'île 
de  Mindanao  et  même  dans  les  Yisayas,  où  pourtant  la  po[)ulation,  entière- 
ment policée,  est  beaucoup  plus  nombreuse  (jue  dans  les  autres  provinces 
et  presque  aussi  pressée  que  dans  les  pays  industriels  de  l'Europe  occiden- 
tale. Chaque  province  est  divisée  en  pueblos.  terme  i|ui  désigne  à  la  fois  la 
circonscription  cantonale  et  son  chef-lieu;  aussi  qucbjues-uns  de  ces  «vil- 
lages »  ont-ils  une  population  considérable,  de  dix,  quinze  ou  même  vingt 
mille  habitants  :  tels  sont  les  pueblos  des  alentours  de  Manille,  de  la  par- 
tie méridionale  de  Luzon,  de  Panay  et  autres  îles  des  Yisayas,  et  chacun  de 
ces  districts  est  administré  par  un  (jobernadorcillo  ou  «  petit  gouverneur  », 
qui  délègue  ses  pouvoirs  à  des  tenientes  ou  «  lieutenants  »  placés  à  la  tète 
de  chaque  village  ou  hameau  du  ])ueblo.  Tandis  que  les  hauts  fonction- 
naires sont  exclusivement  des  Espagnols  envoyés  par  la  mère  patrie,  la 
hiérarchie  administrative  des  pueblos  eijt  composée  de  métis  ou  d'indi- 
gènes, élus  j)our  trois  ans  par  leurs  concitoyens  notables.  Les  goberna- 
dorcillos,  appelés  aussi  capitaines,  sont  à  la  fois  maires  et  juges,  mais  on 
peut  faire  aj)pel  de  leurs  jugements  devant  les  alcaldes  et  devant  la  cour 
suprême,  ïaudieticia  de  Manille.  Les  «  petits  gouverneurs  »  en  retraite, 
désignés  sous  le  nom  de  capilanes  pasados,  jouissent  aussi  d'une  grande 
inOuence.  Ensemble,  les  notables  des  pueblos  sont  responsables  du  recou- 
vrement de  l'impôt,  qui  s'élève  en  moyenne  à  7  francs  50  pour  chaque 
individu  valide  de  seize  à  soixante  ans. 


GOUVERNEMENT  PES   ['IIILIPPINES.  575 

La  collecte  de  l'impôt,   telle  est  on  effet  la  mission  capitale  des  admi- 
istrateurs,  el  la  (axe  princinalc  a  conservé  le  nom  de  tributo,  comme 

N"    in.    • —    BENSITK    DE    I.A    lOPULATION    PHILirPINE 


Est  de   Pan; 


Ihibilanls  par  kiloiiiéln>  iwm 

G  g  H  H 

lit-  U  à  i  h.  lie  1  il  23  h.  ,1e  ià  à  lijO  li.  plus  île  100  h. 

Chaque  cane  i-e|iresenlo  plus  de  1000  liabilauls. 


au  temps  où  les  naturels  des  Philip|)ines  étaient  encore  considérés  comme 
des  païens  asservis.  Ce  tribut  de  capitation,  qui  fut  jadis  d'une  piastre  ou 
cinq  francs  par  an,  et  qui  dépasse  acluellemenl  dix  francs,  est  d'ordi- 


576  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

nnire  payé  pnr  famille  et  founiit  les  éléments  des  statistiques  sommaires 
de  la  population  ;  pendant  leur  domination  éphémèi'e,  au  dernier  sièele, 
les  Anglais  l'avaient  aboli  pour  se  faire  bien  venir  des  indigènes.  Outre 
cet  impôl,  les  hommes  doivent  au  gouvernement  quarante  journées  de 
travail  pour  la  construction  des  routes  ou  des  édifices  communaux;  mais 
cette  corvée,  (jui  dans  un  pays  de  grande  activité  serait  vraiment  énorme, 
équivaut  à  peu  de  chose  chez  les  populations  lentes  des  Philippines,  car 
chaque  indigène  peut  se  racheter  de  ces  polos  y  servicios  moyennant  une 
somme  qui  ne  dépasse  jamais  une  quinzaine  de  francs.  Les  Chinois  payent 
un  tribut  sujiérieur,  soit  30  francs,  réduit  de  moitié  pour  leurs  métis; 
mais  les  Européens  et  leurs  familles  sont  exemptés  de  tout  impôt  de  capi- 
talion,  symbole  d'asservissement.  Des  contributions  prélevées  sur  les 
industries  et  sur  les  immeubles,  les  droits  de  douane  et  de  navigation,  la 
poste  et  le  télégraphe,  enfin  la  loterie,  la  ferme,  des  alcools,  de  la  marque 
des  bestiaux  el  des  combats  de  coqs,  complètent  le  budget  des  Philippines'. 
La  culture  de  l'opium  est  interdite,  mais  l'importation  en  est  affermée  à 
des  marchands  chinois.  Les  dépenses  annuelles  comprennent  l'entretien 
du  corps  diplomatique  de  l'Espagne  en  Chine  et  au  Japon:  il  est  rare 
qu'elles  ne  donnent  pas  lieu  à  un  déficit. 

La  religion  de  l'Etat,  défendue  jus(jue  pendant  le  cours  de  ce  siècle 
par  une  rigoureuse  inquisition,  est  le  culte  catholi(pie,  et  l'exe-rcice 
public  de  tout  autre  culte  est  interdit  :  une  partie  du  tribut,  dite  sanclorum, 
est  strictement  réservée  à  l'entretien  du  clergé  ;  en  outre,  celui-ci  a  droit  à 
des  rétributions  directes  dites  jyié  de  altar,  les  fidèles  ayant  à  les  payer 
au  «  pied  même  de  l'autel  «.  Le  clergé  séculier  espagnol,  composé  d'un 
petit  nombre  d'ecclésiastiques,  réside  principalement  à  Manille,  la  cité 
archiépiscopale,  et  dans  les  trois  évèchés  de  Nueva-Caceres,  de  Jaro  et  de 
Cebii.  (Juant  aux  puehloa,  ils  sont  desservis  soit  par  des  j)rètres  indi- 
gènes, soit  par  des  Espagnols  du  clergé  régulier,  appartenant  à  l'ordre 
des  Augustins,  le  plus  riche  el  le  plus  puissant  de  tous,  à  ceux  des 
Dominicains,  des  Récollets,  des  Franciscains  et  des  Jésuites,  toutes 
communautés  qui  sont  établies  dans  l'île  depuis  la  conquête  :  d'après 
leurs  règles,  ces  missionnaires  doivent  séjourner  dans  les  Philippines 
au  moins  dix  années,  el  presque  tous  y  restent  sans  espoir  de  letour 
dans   la    mère    patrie.   D'ailleurs  ils    sont   peu    nombreux  :  l'ensemble 


'  Budget  des  l'hilippines  en  1886  : 

Recettes 57  SOU  000  francs. 

Dépenses 58  125  000       » 


(.(MVKHNEMENT   DES   I'IJILIIM'IM; S.  j77 

(lu  clergi'' dans  les  IMiili|i|)iiics  n'alloiiil  ])as  même  1200  personnes'.  Les 
grands  séminaires  des  diocèses  formenl  le  clergé  indigène. 

J/inslruction  [)nljli(|ue,  ohligaloire  dans  les  régions  policées  de  l'ar- 
chipel, est  sons  la  surveillance  des  prêtres,  (pii  ont  établi  dans  presque 
tous  les  pueblos  des  écoles  primaires  mixtes  ou  séparées  pour  les  garçons 
et  les  filles  :  tons  les  enfants  apprennent  à  lire  et  à  écrire  l'espagnol,  ou 
(In  moins  à  le  copier.  (Jiioi(|ue  cette  langue  s'oublie  généralement  au 
sortir  de  l'école,  elle  devient  peu  à  peu  l'idiome  policé  et,  à  moins  de  chan- 
gements polititpies,  elle  Unira  certainement  [lai'  l'éduire  les  parleis  indi- 
gènes à  la  condition  de  patois.  Quelques  écoles  normales,  à  Manille  et  dans 
les  provinces,  forment  les  instituteurs  indiens.  L'enseignement  secondaire 
comprend  deux  collèges,  dirigés  l'un  par  les  Dominicains,  l'autre  par  les 
Jésuites.  (Juant  à  l'université  «  pontificale  de  Sanlo-Tomas  »,  fondée  en 
16i5  et  toujours  conli(5e  à  des  professeurs  ecclésiastiques  pendant  les  deux 
si('cles  et  demi  de  son  existence,  elle  est  surtout  une  école  de  tlu'ologie  : 
cependanl  elle  donne  aussi  des  cours  de  science  et  de  médecine  et 
dipbune  des  officiers  de  santé,  des  pharmaciens  et  des  sages-femmes. 
La  censure  défend  l'importation  de  la  plupart  des  ouvrages  scientifiques 
et  littérain^s  de  l'étrangvr  :  encore  en  l'année  1882,  les  ouvrages  de  Ber- 
nardin de  Saint-Pierre,  Paul  et  Virginie  et  la  Chaumière  indieHiie,  ont 
été  spécialement  défendus.  Les  huit  ou  dix  journaux  espagn(ds  et  le 
journal  tagal  sont  également  soumis  à  la  censure  (^cclésiasti((ue.  En 
1882,  le  nombre  des  lMiilip[)ins  abonnés  aux  journaux  était  seulement 
de  3500 ^ 

Le  noyau  de  l'aroK-e  philippine  se  com|K)se  d'environ  1 4^)0  i'  Péninsu- 
laires )',  formant  un  régiment  d'arlillerii;  :  à  elle  seule,  celte  petite  troupe 
constitue  le  cinquième  de  l'armée,  qui  comprend  en  outre  près  de  6000  in- 
digènes. Proportionnellement  à  leur  étendue  et  à  leur  [io|)ulation,  les 
Philippines  n'ont  donc  pas  une  force  armée  plus  eonsidérable  (|ue  l'Insu- 
linde  néerlandaise,  et  leurs  garnisons  sont  très  inférieures  à  celles  de  la 
France  auTonkin';  au  point  de  vue  militaire.  rarclii|)el  espagnol  ne  saurait 
se  comparer  à  l'empire  du  Japon,  son  plus  proche  voisin  du  nord  :  en 
cas  de  guerre,  le  péril  serait  pour  la  puissance  européenne.  Le  recrute- 
ment des  corps  indigènes  se  fait  par  voie  de  tirage  au  sort  et  le  service 
dure  huit  années;  le  remplacement  est  autorisé,  et,  grâce  à  l'état  général 
de  paix,  le  «  prix  "  d'un   homme  est  peu  élevé,  de  200  à  250  francs  dans 

1  l'atiicid  lie  l;i  t^sciisiirii.  Mi'iiiurùt  subre  Filipinas  y  Jolô. 
'■  Fr.  Jav.  itc  Mijya  v  Jimciioz,  Las  islas  Filipinas  en  1882. 
■*  .Monlanii,  ouvrage  cité. 

XIV.  73 


:.78 


NOUVELLE   GEOGRAPHIE    LMVERSELLE. 


les  plus  riches  provinces.  Des  milices  de  cttail  ri  lieras  soni  appelées  (picl- 
quefois  à  faire  un  service  local. 

La  marine,  d'une  vingtaine  de  petits  bâtiments,  corvettes,  avisos,  canon- 


—  niviMdNS  rnoviNciALts  iie  l  \nciiirti.  iiks  riiiLirriNE^ 


Est  de  Pans 


Est  de  C-eenvvich 


nières,  est  montée  par  2000  hommes  environ,  dont  le  poste  central  est  de- 
vant l'arsenal  de  Cavité,  en  vue  de  Manille,  où  résident  les  cliefs  militaires 
el  où  se  trouve  la  principale  garnison.  Après  Manille  et  Cavité,  les  lieux  de 
rendez-vous  et  d'occupation  les  plus  importants  ^ont  Lingayen,  sur  la  côte 


(iOrVERNEMEM   DKS   l'IIILH'I'IM' S. 


^79 


scpteiiliiiiiiiile  de  Luzoïi,  Zaniljoano.i  cl  Polloc,  dans  Mindaiiao,  Isalic!;;, 
Jolô,  l'iicrto-Princesa,  dans  les  îles  du  sud.  Seulement  sept  porl'^  des  Phi- 
lippines sont  ouverts  au  commerce  étranger  :  trois  dans  Luzon,  Manille, 
Lcgaspi  et  Suai,  quatre  dans  les  îles  du  sud,  Taeloban,  Ilo-llo,  CeLi'i 
et  Jolô. 


Le  laltleau  suivant  donne  la  liste  des  54  provinces  |ihilippincs,  avec  leur 
régime  administratif,  leur  superficie  et  leur  population  probables,  d'après 
les  évaluations  les  plus  récentes  : 


c  ,ivli;m;- 

Mli.VTS. 

1 

PROVINCES. 

CAPITALES. 

IlEGIME. 

MPEBFICIE 
i:\  KIL.  CARRÉS 

POPULATION- 

l'Cll'. 

KILOM. 

1 

Maiiila. 

Manila 

Civil. 

855 

524  567 

:.8l 

2 

Cavité. 

Cavile. 

Militaire. 

1  112 

()9  794 

(i2 

3 

Laguna. 

Sanla-Cruz. 

Civil. 

2  258 

141  900 

(C) 

i 

4 

Morong. 

-Mûiong. 

Militaire. 

1  740 

48  665 

28 

5 

liulacaii. 

Biilacan. 

Civil. 

2  423 

264  575 

109 

6 

Panipanga. 

Bacdb.r. 

1) 

•1  176 

207  205 

95 

7 

Balaan. 

Balança. 

11 

1  448 

49  275 

54 

S 

Zambales. 

Iba.   ' 

,) 

5  055 

fcO  250 

16 

9 

Tailac. 

Tailac. 

Militaire. 

1  627 

57  715 

55 

10 

l'angasinan. 

Lingayen. 

Civil. 

4  566 

252  892 

58 

il 

La  Union. 

Saii-Feiiianilo 

Militaire. 

1  074 

115  911 

108 

12 

lîonguet. 

La  Trniiilad. 

» 

5  007 

9311 

5 

15 

liocos-Sur. 

Vigaii. 

Civil. 

2  285' 

M  4  675 

h 

1-i 

llocos-Norto. 

Laoaiig. 

0 

5  587 

14S20i 

H 

15 

Allia. 

Bangueil. 

Militaire. 

2  825 

57  791 

15 

16 

Cagayan. 

Tuguegarao. 

Civil. 

1 1  yOb 

70  881 

6 

LczoN .   .    . 

17 

lialanes  (iles) 

San-Domingo. 

1) 

550 

iOO 

1,5 

18 

Isabela. 

Tumanini. 

Militaire. 

11  178 

59  591 

5,5 

19 

Bontoc. 

Bnnioc. 

» 

5810 

7  757 

0.5 

20 

Lepanto. 

Lepanto 

II 

1  055 

18  009 

4 

21 

Principe. 

Baler. 

)i 

5  245 

5  208 

1 

22 

Nueva-Vizcava 

Bayombong. 

Militaire. 

7  3'45 

2i557 

i 

25 

Nueva-Ecija. 

San-Isidio. 

Civil. 

7  929 

92  970 

12 

24 

Infanin. 

Bniangonan. 

Militaire. 

2  175 

8  485 

4 

25 

Balangas. 

Balangas. 

Civil. 

5  555 

508  110 

;'.7 

20 

Tavabas. 

Tayabas. 

„ 

5  275 

103  310 

20 

27 

Caniarines  N. 

Dact. 

,) 

2  874 

29  009 

iO 

28 

Cainariiies  S. 

Nueva-Caecres 

1) 

5  660 

88  712 

16 

29 

Albay. 

Albay. 

1) 

4  592 

245  972 

,-.4 

51) 

Mindoi'o  (Ile) 

Calapan. 

Civil. 

11075 

57  648 

5 

51 

Bunas  (île) 

San-Pascual. 

Militaire. 

495 

52 

Masbate  (île) 

Masbalo. 

9 

5  452 

41000 

8 

1  55 

Rurablon(iles) 

Rnuiblnn. 

>■> 

1  558 

\ 

osn 


NorvEi.LK  (,i:oi;i;ai'Iiii;  rM\  ki;ski.i.k. 


liorvEnNE- 

1 

PUP. 

_c 

pnovrscb:~. 

CAPITALES. 

RÉGIME. 

SCPERFICTE. 

POITLATION. 

V 

KILOM. 

i 

Cebù  (ile). 

Cebû. 

Militaire. 

iC97 

518  052 

HO 

2 

Leyic  (ile). 

Tacloban. 

Il 

7  925 

278  452 

55 

5 

Samar  (ile). 

Catbalogan. 

11 

15  580 

185  000 

14 

4 

llo-Ilo. 

llo-Ilo. 

1, 

5  105 

500  000 

97 

VlSAYAS    .      . 

5 

Concepcion. 

(Concepcion. 

» 

501 

27  000 

48 

1  ^• 

Antique. 

San-José. 

» 

2  974 

100  000 

55 

f    7 

Càpiz. 

Câpiz. 

)i 

5  800 

197  000 

51 

8 

INegi'os. 

nacolod. 

11 

12  098 

220  000 

19 

' 

0 

Bohol(ilc). 

Tagbilaran. 

)) 

4  124 

277  587 

07 

i 

Misamis. 

Misaniiii.         1          1 

50  455 

1 
1 

2 

Surigao. 

Suiigao.         ) 

Davao. 

Bislig.            > 

57  225     i 

-l 

Bislig. 

A'ergara.         ) 

1 

050  000 

0.5 

j 

'' 

l'olloc. 
Cottabalo. 

Polloc.             ) 
Collabali).        ) 

25  455    ' 

(i 

Zaniboanga. 

Zaniboanga . 

11 

6  855 

1 

^ 

Basilan  (ile). 

Isabela. 

11 

1285 

000 

0,5 

'■ 

« 

Jolo  (archip.) 

Jolo. 

» 

2  450 

100  000 

41 

l'iKiviNr.rs 

1 

Ciilaniianes. 

Tay-Tax .         i 

III  .-.00    i 

') 

l'ueilo  l'rincesa 

Pi-incesa.        {         » 

li481 

12  0110 

-' 

AriJAr.KMES. 

l 

Balabac. 

Balabac.          ) 

i 

800    \ 

Los  .M;iriaiiiifs,  les  Carolincs  el  les  i'alaos,  loiilcs  ■  petites  Mes  -,  d'oii 
letif  nom  de  Mici'onésie,  sont  eonsidérées  offieiellenieiil  eoiniiie  dans  la 
dépeiidaiiee  administrative  des  Philippines,  finoicjiie  la  pln[iai'l  de  ees 
toi  Tes.  seulement  connues  des  matins  et  des  traitants,  n'aient  eiicoie  reçu 
la  visile  d'auenn  personnage  officiel. 


CHAPITRE  V 


MICRONESIE 


MARIANNE? 


l'i>lili(|ii('m(M)l  unies  aux  l'liili|>|>in(_'s  (lc|)nis  [dus  de  deux  siè(des,  ces 
iles  leur  sont  égalemetil  associées  dans  l'Iiisloire  des  navigations.  C'est  le 
premier  archipel  que  renconlra  Magalliàes  en  1521  dans  son  voyage,  el 
c'est  de  là  tju'il  cingla  pour  atteindre,  dix  jours  après,  l'ile  philippine  de 
Cebû  et  cet  îlot  de  Mactan  où  il  devait  li'ouver  la  mort.  Plus  tard,  (piand 
les  Espagnols  se  fureni  emparés  des  Philippines  et  ([u'ils  eureni  élahli 
le  va-et-vient  régulier  de  leurs  galions  à  travers  l'océan  Pacifique,  l'ile  de 
(iuam,  dans  les  Mariannes,  fui  le  lieu  d'étape  obligé  des  marins  entre  .Ma- 
nille et  Acapulco;  enhn,  (piand  In  population  primitive  des  Mariannes  enl 
presque  complètemenl  disparu,  des  immigrants  des  Philippines  vinrent 
combler  les  vides,  apportant  de  leur  pays  des  plantes,  des  mœurs,  une 
langue  nouvelles.  Le  nom  d'  «  archipel  des  Larrons  >.  {Ladrones)  que  Ma- 
galhàes  donna  aux  îles  découvertes  pai'  lui  ne  leur  est  pas  resté;  de  même 
que  les  Philippines,  elles  doivent  à  la  llallerie  leui'  appellation  usuelle,  dé- 
cernée en  l'honneur  d'une  reine  d'Espagne, Marie-Anne  d'Autriche,  femme 
de  Pliilip|ie  IV.  Après  le  nom  de  Magalhàes,  les  Mariannes  rappellent  ceux 
des  navigateurs  qui  les  (Uil  explorées  (hqniis  :  Anson,  B\ron,  ^Vallis.  de 
Ereycinel. 

Un  espace  de  2000  kilomètres  sépare  la  terre  des  Philippines  la  plus 
avancée  vers  l'orient  de  la  première  île  sud-occidentale  de  l'archipel  des 
Mariannes,  et  cet  espace  est  dans  presque  toute  son  étendue  sans  îlots  ni 
écueils  :  dans  ces  parages  l'Océan  a  des  profondeurs  qui  dépassent  2500 


582 


NOUVELLE   GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


M"    119.    RANGEE    DES    MARIANN 


et  3000  mètres:  seulement  quelques  îlots,  entre  autres  Parece  Vêla,  «  On 
dirait  une  voile  )',  se  montrent  au  nord  de  la  mer  iiiiernirdiaire,  à  l'aji- 

proclie  des  archipels  inéridioiuiux 
du  Japon,  el,  vers  le  sud,  d'autres 
(erres  annoncent  la  proximité  de 
l'archipel  des  Palaos.  Une  nappe 
océanique  complètement  libre , 
d'environ  '200  000  kilomètres  car- 
rés, limite  à  l'ouesl  la  rangée  des 
Marianiies.  Il  est  certain  que  ces 
îles  n'ont  aucun  rapport  de  forma- 
tion avec  les  Philippines  :  elles  ap- 
partiennent à  une  saillie  terrestre 
d'origine  différente.  La  disposition 
de  l'archipel  montre  tout  il'ahord 
une  analogie  parfaite  entre  les  Ma- 
rianncs  et  les  chaînes  volcaniques 
des  lvt)uriles  el  des  îles  Aléou- 
liennes.  Dans  leur  eiisemhle,  elles 
décrivent  en  effet  un  arc  de  cercle 
d'une  étonnante  régularité,  comme 
s'il  eût  été  tracé  par  un  immense 
compas  reposant  |iar  sa  pointe  sur 
la  côle  septentrionale  de  Luzon. 
Les  Marianncs  sont  aussi  une  ran- 
gée (le  volcans,  dont  quelques-uns 
sont  émergés  et  dressent  leurs 
cimes  à  plusieurs  centaines  de 
mètres  au-dessus  des  eaux,  taudis 
que  d'autres,  n'ayant  pas  atteint  la 
surface,  portent  un  cliapilcau  de 
calcaires  coralliens  qui  dépasse  le 
niveau  du  Mol.  La  longueur  totale 
I;  ^lîn  kii.  de  l'arc  des  Mariannes.  dévelop|)é 

du  nord  au  sud,  est  d'un  millier 
de  kilomèties,  cl  les  dix-sept  îles  ont,  avec  leurs  îlots  et  leurs  écucils,  une 
superiicie  colle('tive  évaluée  par  Agius  à  1026,  et  par  Behm  et  Wagner 
à  1140  kilomèti'es  carrés.  Le  banc  de  Sanla-Rosa,  qui  continue  au  sud 
l'île  la  plus  graiule,  (!uam  ou  Guahan,  comprenant  à  elle  seule  prè>  de  la 


C.Ferr( 
400Û"'         6000""    e/,-<"~t/a 


MARIANNES.  585 

moitié  de  l'espace  insulaire,  se  trouve  immédiatement  au  nord  de  i'ahîmc 
le  plus  profond  de  ces  parafes  (4575  mètres)  ;  au  nord-est  de  ce  creux,  les 
«  fonds  du  Challenger  >>,  qui  limitent  le  socle  oriental  des  Mariannes,  ont 
partout  plus  de  5000  mètres. 

Considérée  comme  une  chaîne  de  montagnes  à  demi  submergée,  la 
rangée  des  Mariannes  commence  par  quelques  cimes  de  basaltes  et  de  tufs 
qui  s'élèvent  à  400  et  5U0  mètres  dans  l'île  de  Cuam  et  en  dominent  les 
plateaux  herbeux  ou  boisés,  les  plaines  de  sable  ou  d'argile,  bordées  sur 
le  pourtour  par  de  brusques  falaises.  Au  nord,  la  chaîne,  interrompue 
d'abord  par  un  détroit  de  50  kilomètres,  se  relève  pour  former  le  mont 
Tempingan  et  le  socle  insulaire  de  Rota  ou  Sarpan,  également  coupé  de 
falaises  et  ceint  de  récifs  madréporiques.  Puis  viennent  Aguijan,  la  char- 
mante Tinian,  aux  collines  doucement  ondulées,  et  Saypan,  portant  à 
son  extrémité  septentrionale  deux  volcans  éteints.  Au  delà,  les  îles  sont 
de  dimensions  moindres,  mais  l'activité  volcanique  n'y  est  pas  endormie. 
Des  trois  sommets  de  l'île  Anatagan,  l'un  fumerait  encore;  Alamagan, 
dont  le  piton  est  probablement  le  plus  haut  de  l'archipel,  atteint  700  mètres 
au  point  culminant  de  l'enceinte  qui  entoure  son  cratère  aux  vapeurs 
tournoyantes;  Pagan,  composé  de  deux  îles  montagneuses  unies  par  la 
base,  n'a  pas  moins  de  trois  volcans,  dont  un  seul  est  en  repos  ;  les  mornes 
d'Agrigan  sont  éteints,  tandis  que  le  cône  isolé  de  l'Asuncion  (659  mètres), 
redressant  ses  talus  sléi'ilcs  hors  des  eaux  profondes,  est  encore  fissuré  de 
quelques  crevasses  fumantes.  Vers  l'extrémité  septentrionale  de  la  chaîne, 
les  Uraccas  ou  Mangas,  simples  débris  de  laves,  paraissent  être  les  restes 
d'une  enceinte  de  cratères  marins  comme  les  îlots  de  Dedica,  au  nord  de 
Luzon  ;  enfin,  la  borne  terminale  des  Mariannes  est  formée  par  le 
Farallon  dos  Pajaros  ou  «  Pilon  des  Oiseaux  »,  volcan  toujours  actif,  de 
400  mètres  en  hauteur.  Dans  son  ensemble,  la  rangée  montagneuse  aurait 
encore  six  foyers  brûlants.  Ce  sont  les  cônes  réguliers  des  volcans  qui 
avaient  fait  donner  à  l'archipel  le  nom  d'îles  des  Vêlas  Lalinas  ou 
«  Voiles  Latines  ». 

Baignées  dans  le  courant  alizé  du  nord-est,  qui  se  maintient  avec  une 
grande  régularité  pendant  la  saison  dite  sèche,  d'octobre  en  mai,  les 
Mariannes  reçoivent  leurs  pluies  abondantes  pendant  les  quatre  mois  d'été, 
de  juin  à  septembre,  alors  que  le  soleil,  revenant  vers  le  nord,  entraîne 
avec  lui  les  vents  pluvieux  du  sud-ouest.  Cependant  les  collines  et  les 
monts  des  Mariannes  recueillent  en  toute  saison  une  part  d'humidité  et  les 
ruisseaux  des  îles  roulent  une  assez  forte  quantité  d'eau,  si  ce  n'est  dans 
les  terrains  poreux,  calcaires,  coralligènes  ou  de  cendres  volcaniques;  le 


584  NOUVELLE  dEOGRAPUIE  LMVEliSELLE. 

(li'boisomml  ii  ilimiiiiié  le  débil  iiorma)  des  pelils  cours  d'eau  et  rendu  les 
crues  plus  soudaines,  les  sécheresses  plus  longues.  La  lloi'e  spontanée, 
composée  principalement  d'espèces  appartenant  à  l'aire  asiatique,  a  été 
en  firande  [lartie  détruite,  et  la  plupart  des  arlires  (jui  donnent  aux  pay- 
sages leur  physionomie  actuelle  ont  été  introduits  par  l'homme.  Les  cocn- 
liers  et  l'arhre  à  pain  ou  rima,  qui  bordent  les  plages  de  la  plupart  des 
îles  tropicales,  dominent  aussi  sur  les  côtes  des  Mariannes.  L'archipel 
ne  possède  qu'un  seul  mammifère  non  amené  par  les  navigateurs  :  c'est 
la  gramle  «  roussette  de  Keraudren  >',  que  l'on  voit  voler  en  plein  jour, 
bravant  l'éclat  du  soleil.  Les  Mariannais  en  mangent  la  chair,  malgré  le 
fumet  désagréable  (ju'elle  répand'.  Les  espèces  d'oiseaux  sont  peu  nom- 
breuses, et  les  perroquets,  si  admirablement  représentés  dans  les  Mo- 
luques,  mainquent  complètement  dans  les  îles  Mariannes.  Quelques  lézards 
et  un  seul  serpent  constituent  la  faune  des  i-eptiles  ;  même  les  insectes 
sont  rares. 

Les  premiers  navigaleui's  Irouvèreiil  une  population  considérable  dans 
les  îles.  Les  Chamorros,  (|ue  Magalhàes  désigna  injustement  en  masse  par 
le  nom  de  Ladrones,  paraissent  avoir  été  les  frèivs  des  Tagal,  à  en  juger  par 
la  parenté  des  langues;  mais  l'aspect  physiipie  de  leurs  rares  descen- 
dants piMinet  de  croire  (|ue  les  éh'ments  iniloni'^sien  et  papoua  avaient 
consliliK''  la  inilion  priniilive.  Deux  classes  distinctes,  noblesse  et  peuple, 
ciihv  lesquelles  le  mariage,  même  le  contact,  étaient  interdits,  avaient 
été  probablemenl  à  l'origine  formées  d'immigrants  de  provenance  diffé- 
rente ;  mais  la  conquête  espagnole  ihiil  par  les  réduire  en  un  commun 
esclavage,  ("est  l'ii  IGOS  ([n'eut  lieu  la  prise  de  possession;  mais  les  Cha- 
morros rc'sistèrent  avec  énergie  aux  actes  d'autorité  et  de  violence,  et 
quand  la  guerre  se  termina,  vers  la  fin  du  siècle,  plus  de  la  moitié  des 
cin(piaiile  ou  soixante  mille  indigènes  avaient  été  exterminés  ou  s'étaient 
réfugiés  dans  les  Carolines  :  plus  des  deux  tiers  des  180  villages  étaient 
tombés  en  ruines.  Puis  vinrent  des  maladies  épidémiques.  Anson,  visi- 
tant l'île  de  Tinian  en  1642,  y  trouva  partout  des  traces  du  séjour  récent 
des  naturels,  constructions,  jardins,  vergers,  troupeaux  de  grands  bœufs 
blancs  [uiissant  dans  les  prairies;  mais  l'homme  était  absent  de  celte  île 
charmante.  Des  soldats  venus  deGuani  avaient  enlevé  tous  les  indigènes  pour 
remplir  les  vides  laissés  dans  leur  île  par  une  épidémie,  mais  la  plupart  des 
exilés  périi'enl  de  langueur"  :  Tinian   avait  éti'  dépeuplée  sans  que  Guam 


(Jimy  cl  (lnin]:iiii.  l'ui/rtf/i'  niiloiir  du  Momie  sur  les  cunclles  i  l'inmie  ))  et  (i  la  l'Iijsicicime  )>. 
U.  viiii  Knlzcliiir.  Enldcrkupij.'ircisc  in  (1er  Sinlscu. 


liwilklij/i  M^^^^Si 


74 


MARIANNES.  r)87 

reprîl  la  populalion  d'autrefois.  En  1700  il  no  restait  plus  dans  tout 
l'archipel  que  l(J5i  habitants  :  c'est  alors  qu'il  fallut  avoir  recours  à 
des  colons  taj^al  des  Philippines,  qui  se  mêlèrent  aux  descendants  des 
indigènes'.  Les  insulaires  considérés  comme  étant  de  race  chamorro  plus 
ou  moins  pure  n'étaient  en  1875  qu'au  nombre  d'environ  600,  sur 
près  de  9000  individus.  A  elle  seule,  l'île  de  Guam  a  les  six  septièmes 
de  la  population,  qui  s'est  accrue  réf^ulièrement  depuis  l'épidémie  de 
rougeole  (|ui  sévit  en  185ti;  Uola  el  Saypan  ont  chacune  quelques  cen- 
taines d'habitants;  Tinian  n'a  qu'un  village  et  une  léproserie.  A  part  des 
familles  de  pécheurs,  personne  n'habite  les  iles  du  nord^ 

Si  les  Mariannais  ont  décru  en  nombre,  ils  ont  également  déchu  en  civi- 
lisation :  quoique  baptisés  et  sachant  lire  l'espagnol,  ils  ne  connaissent 
plus  les  industries  pratiquées  parleurs  ancêtres.  Ils  savent  à  peine  cultiver 
le  sol,  qu'on  labourait  autrefois  avec  des  instruments  en  bois  et  en  fer,  des 
os  et  des  coquillages  emmanchés.  Ils  ne  connaissent  plus  l'art  de  la 
poterie  el  leurs  étoffes  n'ont  plus  la  même  iinesse;  ils  ne  bâtissent  plus 
de  ces  maisons  comme  en  vit  Anson  dans  l'île  de  Tinian,  portées  par  des 
piliers  et  des  chapiteaux  de  sable  et  de  pierres  cimentés,  d'une  symétrie 
parfaite;  enfin,  ils  n'ont  plus  pour  canots  que  de  grossiers  monoxyles  et 
nulle  |iart  on  ne  voit  de  ces  barques  à  balanciers  qui  faisaient  l'admira- 
tion d'Anson  et  des  autres  marins  par  leurs  qualités  nautiques.  Construits 
pour  naviguer  du  nord  au  sud  et  du  sud  au  nord  entre  les  îles,  et  par 
conséquent  toujours  pris  en  travers  par  le  vent  alizé,  ces  esquifs  étaient 
précisément  disposés  pour  recevoir  le  vent  de  côté  el  pour  en  utiliser 
toute  la  force  :  les  Espagnols  leur  donnaient  le  nom  de  «  volants  »  pour 
en  indiquer  la  vitesse;  les  matelots  d'Anson  évaluaient  à  20  nœuds,  soit 
à  57  kilomètres  par  heure,  la  marche  de  ces  bateaux  par  un  vent  alizé 
frais.  Jelés  parfois  hors  de  leur  roule,  ils  abordèrent  souvent  à  des  îles 
situées  en  dehors  de  l'archipel  mariannais. 

Le  chef-lieu  de  l'archipel  est  Agana,  où  plus  de  la  moitié  des  insu- 
laires et   tous   les    déportés   politiques   sont  réunis  :   il   s'y  trouve  aussi 

'  Felipe  de  la  Corle  y  Ruano  Calderon,  Revue  Mciriliïiic  et  Coloniale,  janvier  1876. 
*  Superlicie  des  Mariannes  principales,  d'après  Behni  et  \\  agner  : 

(liiniii ùlikil.earr.  Agrigan 

Sa\|ian 185  »       »  Analapan 

Tinian 150  n       »  Agnijan 

Uola m  ))       ))  Alaniagan 

Pagan 100   »        »        ,       Asuncinn 

(Delisle,  Bidk'tiii  de  la  Socicle  commerciale  de  Paris,  1"  oct.  1888.) 
Populalion  des  Maiiannes  en  1887  :  9080  habilanls. 


52 

kil.c 

irr. 

20 

» 

1) 

12 

» 

)) 

8 

)) 

1) 

8 

» 

1) 

588  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

quelques  Carolins,  venus  pour  acheler  du  ko])iah  ol  recueillir  des  pierres 
luisantes  qui  leur  servent  de  monnaie.  Celle  ville,  située  sur  la  côte 
nord-occidentale  de  Guam,  n'est  accessible  qu'aux  barques,  et  les  grands 
navires  doivent  mouiller  en  rade  :  ils  étaient  jadis  beaucoup  plus  nom- 
breux, lorscjue  baleines  et  baleiniers  fréquentaient  encore  ces  parages.  Le 
service  postal  entre  Manille  et  les  Mariannes  ne  se  fait  qu'une  fois  par  an. 
Le  gouvernement  des  Mariannes  est  militaire  :  la  garnison  se  compose 
de  300  hommes,  recrutés  par  conscription  parmi  les  indigènes.  Les  groupes 
de  Parry,  de  Volcano  et  les  îlots  épars  au  nord  de  l'archipel,  dans  le  voisi- 
nage des  Ogasavara  ou  Bon  in,  qui  appartiennent  au  Japon,  sont  presque 
tous  inhabités.  Sur  plusieurs  cartes  ils  sont  encore  désignés  en  bloc  sous 
le  nom  d'archipel  de  Magalhàes.  A  cet  ensemble  de  terres,  n'ayant  pas 
100  kilomètres  carrés,  se  réduit  cette  Magellanie,  qui  comprenait  autrefois 
les  Mariannes  et  les  Philippines,  découvertes  par  l'illustre  Portugais. 


II 

ILES    PALAOS. 

Cet  archipel  a  été  fréquemment  considéré  comme  appartenant  à  la 
chaîne  des  Carolines,  de  même  (jue  Yap  et  les  îles  voisines  ont  été  souvent 
désignées  comme  faisant  partie  du  groupe  des  Palaos;  les  Espagnols,  les 
possesseurs  politiques  de  ces  mers,  donnent  à  toutes  ces  terres  océaniques 
le  nom  commun  d'archipel  Carolinien.  Cependant  la  différence  d'orienta- 
tion fait  contraster  netiement  les  deux  rangées  d'îles  :  tandis  que  les  Ca- 
rolines se  dirigent  de  l'ouest  à  l'est,  pour  se  reployer  ensuite  vers  le  sud- 
est,  les  Palaos  s'alignent  dans  le  sens  du  nord-est  au  sud-ouest,  et  par 
leurs  îles  extrêmes  pointent  dans  la  direction  de  la  Nouvelle-Guinée.  D'ail- 
leurs leur  constitution  géologique  est  la  même  que  celle  des  Carolines; 
elles  sont  également  formées  de  montagnes  d'origine  éruptive,  trachytes 
ou  basaltes,  et  de  roches  coralligènes,  soit  en  atoll  bas,  soit  en  massifs 
que  les  oscillations  du  sol  ont  élevés  à  de  grandes  hauteurs.  L'en- 
semble de  l'archipel  comprendrait  une  surface  d'un  peu  plus  de  500  kilo- 
mètres carrés',  dont  jilus  de  la  moitié  pour  la  seule  île  de  Baobeltaob, 

'  Superficie  di's  îles  Palaos,  d'après  Beliin  et  Wagner  : 

Î  Baobeltaob  .    .    .  500  kilomètres  carrés. 

Koroer 57  « 

Autres  îles ...        GO  « 

lies  (lu  sud. m « 

Ensemble 505  kilomètres  carrés. 


MARiANNES,  PALAOS. 


5811 


dans  le  groupe  des  Palaos  proprement  dites,  bordé  à  l'est  et  à  rouest 
d'abîmes  ayant  plus  de  2000  mètres  en  profondeur;  du  nord  au  sud,  la 
longueur  de  l'archipel  est  d'environ  900  kilomètres  et  sa  plus  grande 


120.    ARCHIPEL    DES    TALAO"^ 


E3 


largeur  dépasse  400  kilomètres  ;  la  mer  des  Palaos,  dans  son  ensemble, 
occupe  un  espace  de  100  000  kilomètres  carrés.  De  dix  à  quatorze  mille 
habitants,  suivant  les  évaluations  diverses,  habitent  la  grande  île  et  les 
îlots  épars. 


590  NOUVELLE  GÉOr.RAPUlE  IMVERSELLE. 

Le  groupe  dos  iles  sfjitoiilrionales  coii^lilue  un  monde  distincl,  |iarfai- 
lenient  délimité.  C'est  la  partie  de  l'archipel  qui  fut  connue  la  première 
par  les  navigateurs  espagnols  et  que  Yillalobos  désigne  du  nom  d'Arre- 
cifes  ;  c'est  aussi  la  région  qui  a  été  le  plus  souvent  visitée  et  décrite  :  la 
littérature  géographique  relative  à  cette  partie  des  Palaos  comprend  les 
deux  ouvrages  de  Wilson'  et  de  Semper%  ainsi  que  de  nombreux  mémoires, 
parmi  lesquels  celui  de  Mikliikho-Maklaï".  Quelques  îlots  posés  sur  un 
récif  commencent  au  nord  ce  groupe  des  Palaos,  puis  vient  la  grande  île 
de  Baobeltaob,  que  continuent  au  sud-ouest  des  terres  déchiquetées,  îles 
et  îlots,  terminés  par  la  montagne  insulaire  de  Niaour  (Ngaour)',  l'île 
la  plus  fertile  et  la  plus  salubre  de  l'archipel.  Mais  d'une  extrémité  à 
l'autre  de  celle  poussinière  d'îles  les  récifs  se  prolongent  en  terrasse 
presque  à  fleur  d'eau.  L'espace  occupé  par  le  piédestal  de  polypiers  est 
plus  considérable  que  la  partie  émergée  des  îles;  seulement  quelques 
chenaux  navigables  serpentent  dans  le  labyrinthe  des  récifs;  mais  en 
beaucoup  d'endroits,  Semper  a  reconnu  des  traces  évidentes  de  soulève- 
ments modernes.  Les  plus  hautes  collines  éruptives  de  l'archipel  s'élèvent 
dans  la  grande  île  de  Baobeltaob,  près  de  la  côte  occidentale  :  un  des 
pilons  atteint  050  mètres.  Cette  île  est  partiellement  couverte  de  forêts  (|ui 
lui  valurent  son  nom  espagnol  de  Palos,  «  Bois  »  ou  «  Mais  >',  transformé 
depuis  en  Palaos".  C'est  donc  à  tort  que  la  forme  anglaise  de  Pclcw  est 
ensore  employée  en  de  nombreux  ouvrages. 

Très  pauvre  en  espèces  animales,  puisqu'on  y  voit  seulement  un  rat 
gris  et  les  bêtes  domestiques  introduites  par  les  Européens,  l'archipel  des 
Palaos  a  cependant  quelques  types  d'animaux  qu'on  ne  voit  point  ailleurs, 
entre  autres  un  genre  d'oiseaux,  le  pmmatliia\  Deux  habitants  des  côtes 
deviennent  déplus  en  plus  rares  dans  les  Palaos,  si  déjà  ils  n'ont  disparu  : 
le  crocodile  et  le  dugong.  Les  pêcheurs  oui  Icllemeut  poursuivi  ce  cétacé, 
dont  la  chair  est  excellente,  qu'on  ne  le  retrouve  plus  dans  les  parages 
occidentaux  de  l'océan  Pacifique.  L'atlas  ou  première  vertèbre  de  cet  ani- 
mal est  considéré  dans  les  îles  Palaos  comme  l'objet  le  plus  précieux  qu'un 
chef  puisse  donner  à  un  sujet  :  c'est  la  marque  distinctive  d'un  ordre  de 
noblesse.  Lorsqu'un  heureux  mortel  a  été  jugé  digne  de  cet  honneur,  on 
lie  fortement  ses  doigts,  et  au  moyen  d'une  cordelette  on  introduit  de  force 

'  C'est  |i(iui-  les  noms  océaniens  que  l'orthograplie  géographique  présenle  le  plus  de  confusion. 

*  Semper,  ouvrage  cité. 

'  Otto  Fmsch,  Journal  du  Muséum  Godeffroy,  Ueft  VIII. 

*  Keale,  An  account  of  tlie  Peleiv  Islnnds. 
'  Die  Palau-lnscbi  im  Stillen  Océan. 

*  hv'esliija  RoiissL  Geoyraf.  Obthlclicslva,  tS77. 


ILES   l'ALAOS   ET   LEURS   HABITANTS.  591 

la  main  dans  rétroilf  ouverture  :  rré(|uemmenl  le  récipiendaire  achète  de 
la  perte  d'un  doigt  la  gloire  de  porter  son  bracelet. 


Les  indigènes  des  Palaosont  la  peau  plus  noire  que  les  Mariannais  et  les 
(larolins,  et  chez  la  plupart  d'entre  eux  les  cheveux  sont  crépus  ou  frisés: 
(luoi(pi'il  y  ait  eu  certainement  mélange  de  sang  malais  et  polynésien,  le 
type  papoua  domine;  les  îles  méridionales,  près  des  côtes  de  la  Nouvelle- 
(îuinée,  appartiennentethnographifjuement  au  monde  de  la  Papouasie.  D'a- 
près Semper,  on  voit  un  très  grand  nombre  de  naturels  que  l'on  [lourrait 
prendre  pour  des  Juifs  à  l'expression  de  leur  physionomie.  Ils  ont  de  petits 
yeux  et  de  fortes  mâchoires,  la  face  carrée;  leur  nez  est  naturellement 
aplati  et  les  narines  se  relèvent  extérieurement  avec  une  grande  facilité. 
Jadis  tous  les  indigènes  des  Palaos  se  perforaient  la  cloison  du  nez;  mais 
celte  pratique  se  perd  chez  la  nouvelle  génération,  malgré  la  légende  leli- 
gieuse  qui  s'y  attache  :  d'après  les  vieillards,  les  ombres  des  défunts  se 
présentent  toutes  devant  un  conseil  d'esprits  qui  siège  près  de  l'île  Niaoui-, 
à  l'entrée  du  Nedelok  ou  «  pays  des  Morts  »,  et  on  leur  fait  subir  un  exa- 
men ;  celles  qui  n'ont  pas  le  nez  perforé  sont  jetées  à  bas  du  tronc  d'arbre 
qui  meneaux  Champs  Elysées  des  Palaos  et  englouties  aussitôt  par  un  mol- 
lusque énorme'.  Les  insulaires  se  noircissent  les  dents  au  moyen  d'une 
terre  noii'e  (jui  leur  fait  gonfler  les  gencives  et  empêche  la  mastication  pen- 
dant plusieurs  jours.  Ils  se  peignent  aussi  le  corps  d'un  jaune  éclatant  et 
se  tatouent,  mais  avec  une  moindre  profusion  de  dessins,  lignes,  croix, 
étoiles,  images  de  poissons  et  d'oiseaux,  que  leurs  voisins  des  Carolines; 
quelques  dames  des  Palaos  se  posent  des  mouches  sur  le  visage,  à  la  façon 
des  mar(|uises  du  dix-huitième  siècle.  La  pratique  du  tatouage  diminue, 
à  cause  du  danger  de  l'opération  :  les  ])iqùres  aux  jambes  et  aux  cuisses 
ont  souvent  entraîné  la  mort  du  patient.  Le  tatouage  n'a  plus  un  carac- 
tère sacré,  et  l'on  ne  peut  plus  reconnaître  la  position  sociale  d'un  indi- 
vidu aux  figures  tracées  sur  son  corj^s. 

Wilson,  ignorant  la  langue  des  Palaos,  s'imaginait  que  les  insulaires 
n'avaient  point  de  culte  :  il  est  vrai  qu'ils  n'ont  guère  de  cérémonies 
religieuses;  mais  leur  mythologie  est  très  compliquée  et  les  personnages 
qui  leur  servent  d'intermédiaire  avec  le  monde  surnaturel,  les  kalites, 
sont  1res  puissants,  parfois  plus  que  les  chefs  eux-mêmes.  Ces  magiciens, 
hommes  ou  femmes,  peuvent  évoquer  les  âmes  des   morts,  conjurer   les 

•  Mikl'uklio-Makiaï,  mémoire  cilé. 


592  NOUVELLE  GÉOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

m;il;idios,  écarter  ou  appeler  les  iléaiix.  Leurs  pouvoirs  sont  héréditaires 
et  cinq  d'entre  eux  ont  la  su[iréinatie  sur  tous  leurs  confrères  de  l'archipel. 
On  leur  Làtit  des  maisons  et  on  les  approvisionne  en  abondance  de  toute 
espèce  de  denrées.  Un  poisson  est  aussi  tenu  pour  kalil(^;  enlin  il  existe 
des  pierres  divines  auxquelles  on  offre  des  sacritices  et  qui  sont  consi- 
dérées à  la  fois  comme  des  symboles  et  des  figurations  vivantes  du  kalite 
klu-ldo  ou  kalite  suprême,  appelé  aussi  Lios  ou  Bios,  depuis  que  les 
Espagnols  et  les  insulaires  des  Palaos  sont  en  relations  de  commerce.  La 
croyance  aux  génies  et  les  ordres  des  kaliles  et  des  chefs,  qui  veulent  se 
réserver  des  jouissances  interdites  au  vulgaire,  ont  compliqué  l'existence 
des  indigènes  d'une  foule  de  prescriptions  et  d'observances  ;  un  très 
grand  nombre  d'objets  et  de  lieux  sont  movgoul,  c'est-à-tlire  taboues. 
Chacun  a  sa  vie  réglée  par  des  coutumes  sévères. 

Les  femmes  sont  respectées  et  peuvent  acquérir  le  pouvoir,  soit  comme 
kalites,  soit  comme  chefs  suprêmes.  Elles  se  groupent  en  associations, 
dont  on  reconnaît  les  privilèges,  et  l'on  assura  même  à  Miklukho-Makl'aï 
que,  en  cas  de  crime  ou  de  délit,  la  femme  était  jugée  par  ses  pairesses. 
Des  traces  d'un  ancien  matriarcat  se  maintiennent  :  ce  n'est  pas  l'épouse 
du  chef,  mais  sa  sœur,  qui  est  considérée  comme  la  })lus  noble  et  l'héritage 
du  pouvoir  ne  se  fait  pas  du  père  au  lils,  mais  du  frère  au  frère.  Le  lieu 
de  bains  réservé  aux  femmes  est  sacré  :  l'homme  qui  passe  sans  permis- 
sion à  côté  de  baigneuses  s'expose  à  être  battu  ou  même  tué  par  elles'.  Les 
hommes  de  chaque  caste,  soldats  ou  nobles,  se  groupent  également  en 
associations  et  possèdent  des  «  clubs  »  particuliers,  les  paï,  dans  lesquels 
nul  ne  peut  pénétrer  sans  leur  assentiment.  Les  associés  achètent  un  cer- 
tain nombre  de  jeunes  fdles,  (jui  deviennent  les  épouses  temporaires  de 
toute  la  communauté  et  qui  forment  ensemble  une  petite  cohorte  jirivilé- 
giée,  accompagnant  les  membres  du  club  dans  toutes  les  fêtes  et  les  expé- 
ditions de  guerre.  Les  paï,  dressés  sur  de  grosses  pierres  en  forme  de 
piliers,  sont  des  édifices  relativement  somptueux,  que  l'on  décore  avec  le 
plus  grand  soin  de  figures  sculptées  et  |)eintes.  Un  groupe  symbolique 
s'élève  au  centre  du  fronton;  aux  parois  sont  appendues  des  rangées  de 
figures  découpées  en  bois,  peintes  de  rouge,  de  jaune  et  de  noir,  les  unes 
représentant  des  scènes  de  la  vie  locale  et  constituant  une  sorte  d'histoire, 
les  autres  se  rapportant  à  des  mythes  religieux.  Ce  sont  les  annales  de  la 
nation  ou  de  la  communauté,  représentées  sommairement  et  résumées  en 
quelques  parties  par  des  signes  abrévialifs  que  l'on  peut  considérer  comme 

'  Seiiiper,  mi'inoire  cilé. 


ll.ES  l'ALAOS  ET  LEURS  UABITAM'S.  j'j.j 

une  sorte  (ririiUirc.  Les  iiulitiènes  des  Palaos  possèdent  aussi  un  système 
,L:ia|ilii(jne  analogue  aux  (juiposdos  Ineas  du  IV'Imui  :  ce  sont  des  cordes  cl 
des  eordelelles  ([ue  l'on  noue  de  diverses  manières  pour  leur  l'aire  exprimer 
les  idées  à  échanf;er.  De  même  (jue  dans  l'Europe  du  moyen  âge  les  expé- 
diteurs de  messages  remellaieiil  leur  liague  au  |iorleur.  en  garanlii'  de 
l'aulhentieilé  du  pli,  de  même  aux  lies  l'alaos  ceux  (jui  envoient  un  (piipo 
ne  manquent  pas  d'y  ajouter  leui'  petit  couteau  en  écaille  de  tortue'. 

Les  morts  sont  IrJ's  honorés  dans  l'archipel  des  Palaos.  On  lave  le  corps, 
on  riiahille  de  neuf  et  on  l'orne  de  tous  ses  hijoux,  à  l'exception  de  la  ver- 
tèbre de  dugong,  troj)  précieuse  pour  (pie  l'htMiliei-  consente  à  la  |ierdre, 
puis  on  procède  à  l'enterremenl,  souvent  la  nuit,  à  ht  lueur  des  torches  et 
des  bûchers.  La  tombe  est  creusée  devant  la  porte  même  de  la  demeure. 
(Chaque  maison  est  précédée  d'une  petite  terrasse  à  buttes  reclangulairejs  : 
c'est  le  cimetière  de  la  l'amille  ;  quelques-unes  de  ces  terrasses  sont  ombra- 
gées de  citronniers,  et  de  petites  cases  s'y  élèvent  en  l'honneur  du  grand 
kalite,  le  Dieu  inconnu.  Parmi  les  hommes,  les  plus  proches  parents  sont 
les  seuls  qui  soient  admis  à  la  cérémonie  de  l'inhumation,  mais  toutes  les 
l'emmes  du  village  sont  conviées;  en  ouli'c,  quatre  pleureuses  en  titre  doi- 
vent rester  pendant  (|ualre  mois  dans  la  maison  du  défunt,  et  durant  cette 
période  il  leur  est  inliirdit  de  se  laver  :  à  peine  leur  est-il  permis  de  boire, 
à  des  intervalles  ti'ès  éloignés. 

Les  Ktats  sont  très  nombreux  dans  les  Palaos  :  autant  de  villages,  autant 
de  chefs,  (iràce  à  ra|)|)ui  ([ue  lui  prêta  l'Anglais  Wilson,  a|irès  son  nau- 
frage, en  1783,  le  ce  roi  »  de  File  de  Korœr,  au  sud  de  la  .grande  île 
Baoheltaob,  acquit  une  sorte  de  suzeraineté  sur  ses  voisins;  mais  son  ascen- 
dant a  diminué  et  la  plupart  des  autres  chefs  ne  voient  guère  en  lui  (pi'iin 
é'gal.  Les  titres  diffèi'ent  suivant  les  Ktats  :  un  des  |)lus  signiticalifs  est 
celui  de  iiidd  ou  "  mort  ',  dunl  le  sens  est  (|u'(m  ne  saurait  soutenir  le 
regard  du  chef  sans  mourir.  Mais  à  côté  du  mad  commande  un  krci,  ihet 
de  l'armée  et  «  maire  du  palais  »,  qui  <lispose  [)arl'ois  d'un  pouvoir  su- 
périeur à  celui  du  roi.  Autour  de  lui  s'assemblent  les  niupak  ou  vassaux, 
ayant  chacun  son  cortège  île  guerriers,  habitant  le  même  pai.  La  guerre 
est  l'occupation  par  excellence  de  cette  société  féodale  et  c'est  avec  une 
impitoyable  cruauté  (pi'elle  se  poursuit  :  les  femmes,  les  enfants  ne  sont 
pas  épargnés.  Le  but  principal  est  de  se  procurer  des  crânes,  car  le 
«  grand  kalite,  disent  les  indigènes,  aime  à  manger  les  hommes  », 
et  c'est  devant   les  magiciens,    ses    représentants  sur  la   terre,   que  l'on 

'  Miiit'uiitio->takt'aï,  méinniio  cité. 

XIV.  75 


594  NOUVELLE  OÉOGUAPUIE  UM VERSELLE. 

dépose  les  tètes  coupées.  Mais  en  pleine  uueire  les  droits  de  l'hospita- 
lité prévalent  encore.  Ou'un  l'ugitif,  homme  ou  femme,  parvienne  à  se 
glisser  jusque  dans  le  village  de  ses  ennemis,  à  proximité  de  la  maison 
du  chef,  il  n'a  plus  rien  à  craindre  :  sa  personne  est  sacrée. 

Les  guerres  féroces  contrihuent  pour  la  plus  forte  part  à  la  décadence 
morale  et  matérielle  des  insulaires.  Ceux-ci  ne  sont  plus  les  hommes  hons 
eî  naïfs  fpie  décrit  Wilson  à  la  lin  du  siècle  dernier.  Miklukho-Maklaï,  ce 
voyageur  é(piitable  et  toujours  porté  à  la  hienveillance  envers  les  gens  des 
l'aces  dites  «  inférieures  >>,  ne  peut  s'empêcher  de  décrire  les  naturels  des 
Palads  comme  faux  et  rapaces.  C'est  ipie  l'arrivée  des  Européens  a  com- 
plètement changé  les  conditions  sociales.  Sans  dout(>,  les  indigènes  sont 
à  maints  égards  plus  civilisés  exlérieuremenl  :  ils  ornent  leurs  maisons  de 
gravures,  de  photographies;  ils  possèdent  des  instruments  en  fer,  des 
armes  de  précision,  même  des  livres;  plusieurs  d'entre  eux  parlent  un 
peu  l'espagnol  ou  l'anglais;  leur  idiome  s'est  enrichi  d'un  grand  nombre 
(le  mots  nouveaux  d'origine  euro|)éenne.  (pii  répondent  à  de  nouvelles 
idées.  L'âge  de  la  pierre  a  cessé  pour  eux,  il  ne  s'est  maintenu  (lue  pour  les 
monnaies,  qui  sont  de  jaspe  et  d'agate  chez  les  chefs  et  les  princes,  tandis 
ipie  les  pauvres  se  servent,  comme  moyen  d'échange,  de  pierres  de  moindre 
valeur,  de  boules  de  veri'e  et  il'émail,  toutes  percées  d'un  trou  au  milieu, 
comme  les  monnaies  des  riches.  Une  carrière  de  l'île  montueuse  de  Mala- 
kan,  près  de  Rorœr,  est  exploitée  par  des  Carolins  de  Yap,  qui  viennent  y 
tailler  des  disques  de  diverses  grandeurs,  ddiit  ils  ionl  leur  monnaie  : 
(|uelques-unes  de  ces  pierres  ou /c  ont  plus  de  six  mètres  de  tour'  et  soni 
tellement  appréciées,  que  pendant  les  guerres  l'une  d'elles  sui'lil  pour  ache- 
ter ra|»pui  d'une  tribu  neutre". 

L(!  remplacement  presque  soudain  ifune  civilisation  par  une  autre 
n'est-il  pas,  dans  les  Palaos,  la  cause  |irincipale  de  la  déchéaiue  des  indi- 
gènes? (juand  ils  n'avaient  d'autres  outils  que  des  os,  des  arêtes,  des 
morceaux  de  bois  et  d'écaillé,  leur  vie  était  une  existence  de  labeur  :  la 
coustruclion  de  leurs  canots,  le  tissage  de  leurs  grossières  étoffes,  l'orne- 
mentation de  leurs  cabanes  ne  se  faisaient  que  par  des  efforts  soutenus; 
tous  les  indigènes  étaient  obligés  de  travailler,  et  le  roi  lui-môme  était 
fabricant  de  haches".  Maintenant  la  hache,  le  couteau,  le  rabot  ont  rendu 
faciles  les  travaux  indispensables;   le  loisir  s'est  accru  et,   à  l'insligatioii 

'  Gorininl:  MildiiUlin-MAhii.  Iu''csliiiii  Ruiis»!,.  tu'nijaif.  Obchkhcstvn,  1878.  Iraduitioii  itc 
Lw.ii  Mclrliniliij\. 

-  F.  Ilcinslii'iiii,  Siiflscc-Eiiiuicninycii. 
»  Wilson  (K(";ilt>).  oiivi-nge  cité. 


CAROLINES.  .-,9;) 

des  trailanls  européens,"  s'emploie  en  rapines,  en  expéditions  de  «tuerie: 
les  caractères  s'avilissent.  En  même  temps  la  ])OpuIation  décroît.  A  la  lin 
du  dernier  siècle,  le  nombre  des  habitants  dépassait  50  000,  à  en  jujicr 
par  la  rpiantilé  des  canots  de  fiuerre  et  leurs  équipages,  et  depuis  celle 
épo<|ue  la  diminution  a  été  de  plus  des  trois  quarts,  bien  que  les  femmes 
soient  très  fécondes  et  que  nulle  épidémie  n'ait  sévi  sur  les  insulaiics'. 


III 

CAROLINE  s. 

L'ensemble  des  îles  que  Ton  appela  jadis  ■'  .Nouvelles-Philip[iines  »  et 
auxquelles  on  a  donné  spécialement  le  nom  de  Carolines,  en  l'honneur  de 
tjharles  11  d'Espagne,  occupe  une  étendue  maritime  très  considérable  :  de 
l'ile  occidentale,  Ngoli,  à  l'île  orientale,  l'alaii.  la  dislance  en  droite  ligne 
n'est  pas  moindre  de  2880  kilomètres  el  la  largeur  moyenne  de  l'ar- 
chipel esl  d'environ  b  degrés.  La  mer  carolinienne  comprend  donc  un 
espace  d'environ  1600  000  kilomètres  carrés,  sur  lesquels  la  superficie 
même  des  quarante-huit  groupes,  eonipreiuuil  cinq  cents  îles,  esl  évaluée 
seulement  à  077  kilomètres-.  >()it  un  peu  plus  de  la  1700'"  partie  de  la 
région  maritime.  D'ailleurs  la  mer  est  peu  profonfle  entre  les  îles  et  des 
récifs  très  étendus  élargissent  le  socle  de  plusieurs  d'entre  elles.  C'e^t  à 
l'extrémité  occidentale  de  l'aichipel  que  les  eaux  voisines  ont  la  plus 
grande  profondeur  :  au  nord  sont  les  .<  fonds  du  (ihailenger  »,  au  sud  les 
«  fonds  de  ÎN'ares  ».  Les  Carolines  ne  se  raltaclienl  sous  la  mer  qu'aux  îles 
Palaos,  situées  sur  leur  prolongement,  quoique  avec  une  orientation  dif- 
férente. La  courbe  que  commence  à  dessiner  la  partie  méridionale  des 
(>arolines,  mais  sans  l'achever,  esl  celle  que  décrivent  plus  au  sud  les  îles 
de  la  Mélanésie,  et  plus  à  l'est  les  archipels  de  Marshall,  de  Gilbert  cl 
d'Ellice.  Malgré  le  désordre  apparent  de  toutes  ces  terres  éparses,  on  re- 
connaît qu'une  loi  générale  a  présidé  à  leur  distribution. 

Les  Portugais  furent  les  découvreurs  des  Carolines.  En  1527,  Diogo  da 
Rocha  atteignit  l'île  occidentale,  Ngoli  ou  Malaloles,  puis  Saavedra  et  Villa- 
lobos,  en  1542,  parcoururent  la  mer  des  Carolines  et  en  virent  aussi 
quelques  terres;  d'autres  furent  aperçues  par  Legaspi.  le  conquérant  des 
Philippines;  mais,  la  position  de  ces  îles  n'ayaiil  |)as  été  reconnue  avec 
certitude,  ou   ne   pouvait    \c-  identifier,  et  clKUiue  navigateur  (pii   passait 

'   SiMii|iri-.  liiiMa^'O  cili'. 

-  lielmi  uiul  W.'iifiier,  BcvulkeruiKj  (1er  Erdc,  1880. 


Mo  N'OUVELLE   (lÉdGI!  A  l'IllK   IMVERSELLE. 

cioyail  los  découvri)-.  L'exi^lcncL'  de  Icrres  au  sud 'des  Mariannes  olait  liicii 
connuo,  mais,  au  lieu  do  chercher  à  eu  lixer  hi  position  vraie,  on  les  évilail 
phitôt.  à  cause  des  écueils  (|ui  les  entouraient,  et  même  on  finit  par  les 
ouhliei'.  (l'est  à  la  fin  du  div-sejtlii'uie  siècle  que  l'ordre  commença  de  se 
faire  dans  ce  chaos.  La  pi'emière  c  Caroline  )i,  d'après  laijuelle  toutes  les 
autres  ont  été  ainsi  appelées,  fui  celle  que  découvrit  le  pilote  Lazeano  en 
1686;  c'est  peut-être  Yap  ou  bien  l'île  de  Farroïlep,  qui  se  trouve  sous 
le  méi'idien  des  Mai'iannes,  à  oM)  kilomètres  an  sud  de  (iuam.  Puis 
des  Caroliniens.  poussés  par  la  tempête  sur  l'ile  principale  des  Mariannes, 
di'essèrent  ou  du  moins  firent  dresser  par  le  prêtre  Canlova  la  première 
carte  sommaire  de  toute  la  région  des  Carolines  qui  entoure  l'île  de  La- 
mourek  ou  ^iainouii'k.  dans  la  ])artie  centrale  de  l'archipel,  et,  liientot 
après,  ce  missionnaiie  allait  visiter  ces  terres  poui'  en  convertir  les  natu- 
rels'. Mais  l'exploration  scientifique  ne  commença  que  dans  les  dernières 
années  du  dix-hnitièmc  siècle,  avec  ^Yilson  et  Ihargoïta.  Ile  1<SI7  à  1828 
se  firent  successivement  les  expéditions  mémorables  de  Kotzebiie,  Frey- 
cinel,  Duperrey,  Dumont-d'Urville,  Lulké,  après  lesquelles  il  ne  resta  plus 
(|u'à  préciser  les  détails  et  à  faire  la  géographie  spéciale  de  chaque  île.  Le 
conilit  de  souveraineté  qui  éclata  récemment  entre  les  Espagnols  et  l'empire 
allemand,  et  qui  se  termina  parla  leconnaissance  officielle  des  revendica- 
tions de  l'Espagne  et  leur  transformation  en  droit  politique,  a  eu  pour  consé- 
quence d'attirer  l'attention  vers  les  Carolines  et  d'aider  à  leur  exploration. 
Les  noms  des  îles,  îlots,  récifs  et  hancs  de  l'archipel  carolinicn  sont  loin 
d'être  définitifs  :  entre  les  appellations  indigènes,  diversement  prononcées 
par  les  marins  de  dilTérenles  nalions.  et  les  désignations  anglaises,  fran- 
çaises, russes,  qui  l'ecouvrent  les  cartes  marines  de  ces  parages,  l'usage 
n'a  pas  encore  décidé,  si  ce  n'est  pour  quelques-unes  des  plus  grandes 
îles,  telles  que  Yap,  Ponapé,  Ualan.  La  plupart  des  Carolines  sont  des 
terres  de  foimation  coralligène,  exhaussées  de  quelques  mètres  seulement 
au-dessus  du  niveau  marin,  et  nombre  d'entre  elles  n'ont  pas  même  assez 
(h-  terre  végétale  pour  que  des  arbres  puissent  insérei'  leurs  racines  dans 
les  fissures  de  la  pierre;  cependant  il  en  est  aussi  qui  se  sont  peu  à  peu 
couvertes  d'une  végétation  touffue  jusqu'au  bord  de  la  mer  cl  (n"i  des  vil- 
lages ont  pu  se  fonder  à  l'ombre  des  cocotieis,  des  arhres  à  pain  et  de> 
liari'inglonia.  au  feuillage  sombre,  entourés  de  fruits  cl  de  icjeton-^. 
(Quelques-unes  de  ces   îles  basses  sont  des  aloll  d'une  régularité   parfaite. 


'  l'iml  Chilii.  Lcltivs  nirieitsi's  cl  ('■(lifuiiilcs.  I7S1  :  —  Jiimc>  liiinii'v,  (',lnviiolu(jif(il  Hislorij  uf 
tlw  Viiiidijc  finit  Di.siovcrics  in  llic  Soiilli  Si'ii. 


CAKOLIM-î^. 


b'J'J 


des  couronnes  de  verdure  enlouraiU  un  liif;on  où  les  barques  ne  peuvent 
pénélrer  que  par  d'étroites  bi'èches  entre  les  récifs.  Une  des  îles  circulaires 


N"    121.    ARtUfPEI.    DE    RCK. 


D'après  la 


ot  Pludileinann. 

Profoiuleurs. 


Di;  0  à  50  iiièti-os. 


De  30  ù  100  méli-es. 


[)c  KK.IO  uiMrcs  cl  au  ilL-là 


du  groupe  de  Morllock,  Satoan,  se  compose  de  soixante  îlots,  les  uns  se 
prolongeant  sur  un  espace  de  plusieurs  kilomètres,  les  autres  simples 
dents  de  rochers,  tous  exactement  posés  sur  le  pourtour  du  mur  de 
corail.  Mais  parmi  lesCarolines  se  trouvent  aussi  quelques  îles  dressant  de 


000  >Oi:VELLK   (.EOni'.APIIII':   INIVEUSi:  Ll.i:. 

liants  |iiloiis  au-dessus  de  l.i  uapjjc  presque  liori/.oulale  îles  eaux,  des  bancs 
et,  des  roches  unies  :  ce  sont  les  terres  plus  étendues  qui,  à  l'époque  de 
leur  formation,  ont  énier!:(é  tie  l'Ucéan  en  massifs.  Ces  îles  montueuses, 
Kuk,  Ualan,  l'onapé,  —  celle-ci  atteignant  S7'2  mètres  d'élévation.  —  sont 
levètues  jusqu'au  sommet  d'arbres  maonillques,  ne  comprenant  d'ailleurs 
i|u'un  petit  nombre  d'espèces,  parmi  lesquelles  de  superbes  fouiières,  qui 
ressemblent  à  des  palmiers'.  Iavs  pluies,  fort  abondantes,  surtout  sur  les 
pentes  des  collines  et  pendant  la  mousson  du  sud-ouest,  entretiennent  la 
verdure  des  forêts.  Comme  les  Mariannes,  les  Carolines  ont  une  faune  indi- 
gène d'une  extrême  pauvreté  :  le  monde  des  mammifères  n'y  est  repré- 
senté que  par  un  chien,  de  la  taille  du  danois,  aux  oreilles  pointues,  à 
la  queue  longue  et  pemlante-,  et  par  une  seule  espèce  de  rat,  qui  en- 
seigna, dit-on.  aux  indigènes  l'art  de  se  pi'ocurer  le  vin  de  palme  en  ron- 
geant la  cime  des  cocotiers  pour  en  l)oii'e  la  liqueui-.  La  roussette  vole  dans 
les  palmeraies,  l'iguane  et  le  lézard  rampent  sur  les  branches  et  les  tor- 
tues cheminent  sur  les  plages. 


(In  évalue  diversement  de  "iU  OOO  à  OU UUO  le  nombre  des  habitants  de 


'   Iles  fiu  jjrdiipos  (les  Caiolines  ayant  plus  de  ô  kilonu'tres  canos  en  superficie,  dans  la  diieclion 
Ir  l"i)uest  à  l'est  : 

Noms.  SupiTli.i,'.  l'upulaliou                  l)éi-uiivrcuis. 

Ngoli  (Matalotes,  Lauiolioik) ."0  kil.  cair.  liabitants.  da  Roclia  (I.V27). 

Yap  (Eap,  Uap,  Guap) 207  i  GOOO  (Mik.-Jlak.)  Eazeano  (IGSli). 

Ik'S  Oulatlii  (l'ilivi.  Maclienzie) ,"  i.  7(10  (Hidii-k). 

Iles  Sorol  (l'hilipp) .-  „  'JO       ;  Hunier  (  1 791). 

lliea  (Wolea,  Oleai) ">  »  (iOO       n                   .,          d 

KariDilep  (Faïaulep,   San-liariial)é,  (iardner) .  ."  h  0  l.azeaii". 

Iles  Elalo  et  Toass  (llaweis) 5  ..  r.llO  (Culiekl.  Wilsou  (1707). 

Lamourek  (Lanintrek,  N'amourck,  Swede) .    .  (>  'JOO       »                   fi           i) 

Salawal  (Saloel,  Tueker) i  «  200       «                    »            >> 

Suk  (Pulusuk,  Ihaifjciita) l  "  IOO        n  Ibaigoïla  (I79'J). 

l'uloal  (Endei-liy,  Kala) .')  >.  IOO       .i                    »         (ISOI). 

Los  Marlii-es ."i  i.  200  (Culiek). 

Nanicinuilo  (AniuiMua,   Lulké,  Li\inast(ine) .  0  h  50       »                    ii              ii 

Huk  (Trnk,  IJoyolu,  T(iiTes)  .    ......  ir)2  -  12  OOU  (Kubary).  Dupeirey  (1824). 

Satoan  (.\l(ii-llock),  tiO  îlots  (Lukunor,  etc.).  -i  >•  i  050  (Doane).  .Moilloek  (  1  7001. 

Nukuuor  (Nukiior,  .Monteverde,  Dunkin).  .    .  l  .i  1.50       i  Monleveide  (IbOU). 

Oraluk  (Saint-.\ugustin,  Bordelaise).    ...  0  >  0  Thompson  (1770). 

Ant  (Andenio,  Seniavin) 7  "  0  Liitké  (18Ô2). 

l'onapé  (l'uinipet,  Beruabi,  Ascension).    .    .  ."i7  >  .">  (IOO  lUernslieiin). 

Ualan  (Kussaic.  Stron>ï) 112  ■.  iOO           n  Crozer  (ISOI). 

Autres  îles 2'J  ..  I  000 

En^^mble 329  kil. cal.  211070  liab. 

^  F.  Lulké,  Vuij/Kic  aiilimr  du  Monde. 


CAROLINES   ET   LEIRS   llAlilTANTS. 


601 


'archipel.  Iliik,  Ponapé,  ciilin  Yap,  clioisic  lomiiit',  ile  capitale  des  Caro- 
ines  occidenlales  et  des  Palaos ',  à   cause  de  la  j)r(»\iiiiité  des  I'hili[)piiies, 


tst   de    Par, s 


Dapr-és  J.T.BIoh 


I     -Hfinoo 


ont  ensemble  plus  des  deux  tiers  de  la  population.  (juoi(jue  appartenant  en 
très  grande  majorité  à  une  l'ace  croisée,  mais  à  tond  indonésien,  les  insu- 


Gimeno  Agius,  'Soks  iittinuscriles. 


70 


002  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

laires  des  Carolincs  uClVenl  aussi  tle  grands  coiitrasles,  d'un  groupe  h 
l'autre.  Dans  les  îles  occidentales,  ils  ressemblcnl  aux  Visayas  et  aux  Tagal  : 
ils  ont  le  teint  clair.  Dans  les  îles  du  centre,  leur  peau  est  d'un  rouge 
cuivré;  plus  à  l'est,  dans  le  groupe  de  Seniavin,  ils  sont  pres([ue  noirs  et 
ressemblent  à  des  Papoua;  à  lîalan,  l'île  la  plus  orientale  de  la  traînée,  ils 
ont  la  peau  encore  plus  foncée,  leur  chevelure  est  légèrement  crépue.  Dans 
l'île  Nukunor  et  à  Satoan,  la  population  descend  d'immigrants  de  Samoa, 
ainsi  que  le  prouvent  l'aspect  physique,  la  langue  et  les  mœurs.  Knfin  il 
est  des  îles  où  des  Européens,  matelots  ou  marchands,  sont  assez  nom- 
breux en  proportion  pour  que  la  plupart  des  enfants  offrent  déjà  un  type 
rapproché  de  celui  des  blancs.  Le  nombre  des  Carolins  a  certainement  dimi- 
nué depuis  l'arrivée  des  étrangers  d'Euro])e,  mais  non  point,  comme  on 
l'a  souvent  dit,  en  vertu  d'une  loi  inéluctable.  11  est  vrai  que  des  épidé- 
mies relativement  peu  dangereuses  en  Europe  deviennent  terribles  en  Océa- 
nie:  telle  est  la  teireur  causée  par  ces  fléaux,  rougeole  ou  grippe,  que  dans 
l'île  de  Yap  et  ailleurs  les  indigènes  se  réunissent  pour  attaquer  les  villages 
atleinls  de  l'infection,  tuer  les  malades  et  forcer  les  autres  à  se  réfugier 
dans  l'intérieur  pendant  |ilusi(Hirs  semaines'.  Toutefois  les  maladies  appor- 
tées j)ar  les  matelots  n'expliquent  pas  la  disparition  de  la  race.  Il  ne  suf- 
lit  pas  que  l'Européen  se  présente  pour  que  le  ("arolin  s'incline  et  meure. 
Souvent  il  faut  qu'on  le  tue,  et  c'est  ce  que  les  pirates  blancs  n'ont  pas 
manqué  de  faire  en  mainte  circonstance.  Mais  surtout  ils  ont  pratiqué  en 
grand  la  chasse  à  l'homme,  afin  de  recruter  des  travailleurs  pour  leurs 
plantations  des  îles  Fidji  et  autres  archipels.  Fréquemment  des  navires 
sont  venus  jirendre  des  chargements  de  Carolins,  i|ue  l'on  tra(piait  comme 
des  bêles  fauves  dans  les  forêts,  puis  des  voyageurs  |ihilosophes  ont  en- 
ensuile  parlé  de  la  fatalité  qui  pèse  sur  les  races  diles  inférieures  et 
ipii  les  condamne  à  disparaître  devant  le  noble  blanc!  Cciicndaiil  il  ne 
manque  pas  d'îles  où  les  familles  sont  nombreuses  et  où  la  population 
s'accroît  avec  rapidité  par  l'excédeiil  des  naissances.  Telle  est,  dans  le 
groupe  de  Morllock,  cette  île  de  Lukunor,  la  «  perle  des  (^arolines  »,  dont 
le  soi  est  cultivé  jusqu'à  la  dernière  molle  de  terre'. 

Pris  en  masse,  les  Carolins  sont  des  lnimmes  doux,  hospilalicrs,  |)acilî- 
qùes,  travailleurs;  les  maris  ne  brutalisent  jioint  leurs  femmes,  et  celles- 
ci,  quoique  habituées  à  une  libei'lé  compli'le  avant  le  mai'iage,  sont  fidî'Ies 
à  leurs  époux  ;  les  parents  sont  d'une  grande  tendresse  pour  leurs  enfanta  ; 


'  llernsheiin,  oiunige  cité. 

*  Doaiie,  Gcocjrnpliicnl  Miuiazinc,  Aufïiist  1,  1874. 


HABITANTS  DES  CAKOLINES.  (iU5 

une  solide  amitié  unit  les  compagnons,  et  les  camarades  deviennent  fières 
en  échangeant  leurs  noms'.  En  certaines  îles,  notamment  à  Ualan,  les 
habitants  n'avaient  point  d'armes,  pas  même  de  hâtons  :  ils  ne  compi-e- 
naient  pas  les  dissensions  et  les  guerres.  Si  ce  n'est  dans  le  voisinage  des 
comptoirs  et  des  missions,  où  îes  manirs  se  sont  modifiées  au  contact  des 
Européens,  les  Carolins  vivent  très  simplement.  Leu''  costume  se  compose 
d'un  pagne,  d'une  guirlande  de  ileurs,  de  quelques  lambeaux  d'écorce,  et, 
ponr  les  femmes,  d'une  jupe  lissée  en  libres  végétales.  Le  tatouage  est 
général,  et  se  pratique  à  petits  points,  non  })ar  entailles  ;  mais  il  varie 
singulièrement  suivant  les  îles,  les  tribus  et  la  position  sociale.  Ouelques 
chel's  ont  la  poitrine  couverte  de  dessins  très  compliqués  et  parfois  d'une 
grande  élégance;  en  outre,  ils  se  distinguent  par  divers  signes  extérieurs  : 
ainsi  les  familles  aristocratiques  de  Ya[)  portent  un  coquillage  blanc  à 
l'un  de  leurs  poignets;  les  peignes  en  bois  d'oranger  ou  d'ébène  sont 
réservés  aux  hommes  libres.  Les  femmes  se  tatouent  surtout  aux  bi'as  et 
aux  mains;  elles  se  peignent  aussi  diverses  parties  du  corps.  Les  mères 
mani[)ulent  pendant  plusieurs  mois  le  nez  de  leurs  enfants  nouveau-nés 
pour  lui  donner  une  forme  plate  et  large,  considérée  comme  une  beauté; 
en  outre,  elles  ne  manquent  pas  de  leur  perforer  la  cloison  nasale*. 

La  nourriture  des  Carolins  se  compose  surtout  des  fruits  du  ritna  ou 
ai'bre  à  pain,  du  taro,  racine  de  ïaruiii  esculentum,  de  la  patate  douce, 
introduite  des  Philippines,  de  poisson  et  de  fruits  de  mer,  qu'ils  savent 
pécher  avec  une  dextérité  étonnante.  On  les  voit  plonger,  armés  d'un 
clou,  pour  aller,  sous  une  épaisseur  d'eau  de  15  à  20  mètres,  détacher 
du  fond  des  Iridacnes,  qu'ils  mangent  crues".  Ils  ne  cultivent  point  le 
ri/,  que  des  planteurs  auraient,  dit-on,  vainement  essayé  d'introduire  dans 
l'archipel.  Leurs  demeures  sont  en  général  beaucoup  moins  vastes,  moins 
élégantes  et  moins  commodes  que  celles  de  leurs  voisins  de  la  Mélanésie 
et  de  la  Paj)ouasie  :  en  plusieurs  îles,  ce  ne  sont  que  des  toitures  de  feuil- 
lage qui  reposent  sur  le  sol  et  sous  lesquelles  on  entre  en  rampant  par 
deux  ouvertures  ménagées  aux  extrémités.  Mais  chaque  village  possède 
un  édifice  de  diaîensions  plus  considérables  et  d'architecture  plus  soi- 
gnée, qui  est  à  la  fois  un  abri  pour  les  bateaux,  un  hôtel  pour  les  étran- 
gers, un  lieu  de  réunion  en  temps  de  pluie,  une  salle  de  récréation  pour 
les  enfants.  Les  Carolins  sortent  à  peine  de  l'âge  de  la  pierre  :  les  traitants 
étrangers  leur  apportent  des  haches,  des   scies,  des  couteaux  ;  cependant 

'  Lullié,   Voyage  autour  (lu  Monde. 

-  hv'estiija  Roiissk.  Geograf.  Ohchichesti'a.  1S7S;  Iraduclion  jiar  Léon  Metdinikov. 

°  QuLiy  et  llaiinaril,  Voijaye  de  découverte  de  «  l'Astrolabe». 


U04  NOUVEI.LIÔ   GÉOGRAPUIK   IMYERSE LLE. 

la  |)lii|iarl  do  leurs  iiislruinonls  sont  encore  des  arêtes,  des  coquillages, 
des  fragments  d'os'.  Dans  les  îles  orientales,  des  missionnaires  américains, 
dont  les  premiers  se  présentèrent  en  184!),  ont  converti  au  protestan- 
tisme quelques  milliers  de  naturels  ;  mais  il  en  est  des  centaines  qui  sont 
revenus  à  leurs  anciennes  pratiques  et  le  culte  dominant  dans  les  îles  de 
l'ouest  est  toujours  raniniisnie,  l'adoration  des  arbres,  des  monts,  de 
tout  ce  qui  vit  et  s'agile,  la  crainte  des  esprits  qui  volent  dans  l'air,  le 
respect  superstitieux  des  ancêtres.  On  vénère  beaucoup  les  morts  et  les 
animaux  dont  ils  sont  censés  habiter  le  corps,  surtout  les  lézards  et  les 
anguilles;  leiils  du  chef  reste  sans  nourriture  au  moins  trois  ou  quatre 
jours  à  côté  (lu  cadavre  de  son  père  étendu  sur  une  natte  avec  le  glaive  dans 
la  main  et  la  hache  sur  l'épaule;  puis,  quand  on  a  dressé, au  somme!  d'une 
colline,  la  pyramide  funéraire,  il  se  construit  un  ajoupa  à  côté  du  lumulu> 
et  y  vit  pendant  cent  jours.  La  palmeraie  du  chef  mort  est  tabouée  pen- 
dant des  mois;  personne  ne  |)eul  y  cueillir  des  fruits".  Les  habitants 
polynésiens  de  Nukonor  et  de  Satoan  sont  les  seuls  (Jarolins  qui  se  soient 
taillé  des  idoles  en  bois  et  qui  se  prosternent  devant  elles.  D'ailleurs  les 
cérémonies  religieuses  varient  beaucoup  dans  les  diverses  îles  :  par  les 
mœurs  et  les  institutions,  les  tribus  carolines  sont  fragmentées  à  l'infini: 
telle  petite  île  se  divise  en  |)lusieurs  «  royaumes  «,  incessamment  en  lutte 
ou  vivant  en  «  paix  armée  ».  La  plupart  des  chefs  le  s(uit  par  droit  d'hé- 
ritage, d'autres  sont  élus  par  leurs  pairs  :  ils  sont  considérés  d'ordinaire 
comme  les  possesseurs  du  territoire  commun  et  la  plus  grosse  part  du  gain 
leur  appartient,  riouvernés  par  une  rigoureuse  éti(|uette,  ils  ne  peuvent 
entrer  sur  le  terriloirc  du  voisiu  sans  une  invitation  formelle. 

Depuis  que  les  marins  d'Euroj)e  sont  devenus  les  intermédiaires  du 
commerce  entre  les  archipels  de  la  Micronésie,  les  Carolins  ne  font  plus 
de  voyages  coiiiuic  autrefois  cl  ne  consiruiseni  plus  de  bateaux  d'uji  fori 
tonnage;  mais  ils  n'en  sont  pas  moins  restés  d'admirables  navigateurs. 
L'eau  n'a  pas  de  terreur  pour  eux  :  ils  nagent  et  plongent  avec  une  adresse 
merveilleuse  et  se  hasardent  loin  de  loul  rivage  sur  leurs  petites  barques 
à  balancier,  creusées  dans  un  seul  Ironc  d'arbre,  peintes  avec  goût  en 
rouge  et  eu  noii',  et  munies  d'une  voile  en  feuilles  de  latanier,  ayant  la 
forme  d'un  éventail.  Leurs  pilotes  savent  se  guider  en  pleine  mer  par  la 
vue  des  astres  cl  la  marche  de  la  houle.  Aux  temps  où  les  Carolins  aven- 
Uueux  ne  s"enibai(|iiaienl  |ias  encore  sur  les  vaisseaux   des    blancs  pour 


'   lloano,  nu'iiiiiiiT  oilr. 

-  F.  Ik'riisliciiii.  Sii(h"i'~Kriiiiieriiiiiir 


UAIilTANTS  DES  CAROLINES.  60:. 

aller  visiter  les  archipels  loiiilaiiis.  les  villages  de  marins  possédaient 
des  écoles,  de  véritables  instituts  de  navigation  et  d'astronomie,  où  gar- 
çons et  filles  apprenaient  à  connaître  la  position  relative  des  constella- 
lions,  les  heures  du  lever,  de  la  culniinatioii  et  du  coucher  des  astres,  les 
errements  des  planètes,  la  marche  des  vents  et  des  courants,  les  divisions 
du  cercle,  les  directions  des  archipels  lointains,  des  Philippines  à  l'ouesl 
jus(iu"aax  iles  Havaii  à  l'est.  On  leur  enseignait  aussi  la  construction 
des  bateaux,  la  fabrication  et  le  maniement  des  agrès  :  l'enseignement, 
presque  en  entier  technique  et  scientifique,  ne  comprenait  la  magie  que 
pour  une  faible  part,  la  récitation  de  formules  de  conjuration  contre  le^ 
nuages,  les  brouillards  et  les  trombes.  Les  marins  des  Carolines  et  des 
Marshall  divisaient  l'horizon  en  l^,  même  en  28  et  en  32  arcs  de  cercle: 
en  (pielques  atoll  ils  avaient  un  nom  sjiécial  pour  35  étoiles  ou  groupe^ 
d'étoiles  qui  les  guidaient  sur  la  mer  sans  rivages;  leurs  barques  s'élan- 
çaient au  nord  vers  Guam  et  les  autres  Mariannes  et,  malgré  la  |)oussée  de> 
courants  de  traverse,  ils  savaient  trouver  ces  îles  à  plus  de  000  kilo- 
mèlivs  du  point  de  dépari,  sans  lieu  d'étape  intermédiaire.  Il  est  vrai 
que  les  tempêtes  les  détournaient  souvent  de  leur  route,  mais  souvent 
aussi  ils  savaient  reprendre  la  direction  normale  et  voguer  vers  les  îles 
hautes,  visibles  à  une  grande  dislance  en  mer.  Lorsque  35  Carolins  furent 
jetés  sur  les  côtes  de  Samar,  dans  les  Philippines,  ils  eurent  pour  intei- 
|)rètes  d'autres  Carolins  auxquels  pareille  aventure  était  arrivée,  et  (|ui, 
après  être  retournés  dans  la  mère  patrie,  étaient  venus  une  deuxième  loi> 
aux  îles  occidentales.  Sur  leurs  barques  les  pilotes  carolins  et  marshallien-< 
ont  des  medos,  espèces  de  cartes  ingénieusement  construites  au  moyen  de 
coquillages  ou  de  pierres  représentant  les  îles,  et  de  bâtonnets  llgurani 
l'écpiateur,  le  méridien,  l'itinéraire  à  suivre,  les  degrés  ou  journées  de 
navigation,  enfin  les  courants  transversaux.  Dès  qu'un  marin  des  Carolines 
voit  une  boussole,  il  la  compi'end  et  dirige  sa  course  en  se  guidant  sur 
raijiuille  aimantée'. 


Yap  (Ouap,  Gouap),  la  giande  île  In  plus  rapprochée  des  Philippines, 
est  la  plus  européanisée  de  l'archipel.  Tamil,  près  duquel  se  trouve  h 
principal  lieu  d'ancrage,  est  la  résidence  du  gouvernement  des  Caroline^ 
occiilentales  et  de  Palaos  :  c'est  là  aussi  que  se  sont  établis  les  marchand - 


'  llcinslifiin,  Dcitrod  ziir  Sprficlii-  lier  Marsliiill-liisclii  :  —  Kuban,  Mittcilunfieii  der  (ieoyra- 
phischcii  Gesellschnft  in  Hniiihiii-<i.  ISSU;  —  A.  Scliiik.  Ans  iilleii  Wetttheiteii,  nov.  1881. 


006 


NOUVELLE  f.ÉOGRAPlIlE  UNIVERSELLE. 


étrangers,  Allemniuls  en  uiajorilé,  qui  exjiorlonl  k'  koprah'  et  les  liiehes 
(le  mer  :  la  prépondérance  des  négociants  germains  dans  ces  pai'ages  a 
même  été  la  cause  du  conilit  récent  qui  faillit  arracher  à  l'Espagne  la  pos- 


Eît    d.   G.-een.-..c 


Dapi-èa  les  cartes  manne 


session,  sinon  elTeclive,  du  moins  Iradilionnelle  de  ces  îles.  Les  indigènes 
eux-mêmes,  jadis  très  commerçants,  ont  perdu  presque  tout  leur  trafic  cl 
profilent  peu  du  mouvement  d'échanges.  Ils  se  servent  encore  pour  mon- 
naie de  coquillages  et  de  pièces  trouées,  enfilées    sur  cordonnets  comme 


Expoiiation  anniicllo  ilii  ko]iinli  des  Carolines  : 

1400  loiincs,  ilciiil  110'.)  expédiées  par  les  maisons  de  commerce  allemandes. 


YAI',    F'ONAI'E,   OIALAN.  007 

les  ligatures  chinoises;  pour  les  grosses  dépenses  ils  ont  les  meules 
rondes  importées  des  Palaos  et  appartenant  on  général  à  toute  la  commu- 
nauté'. Toutes  les  rues  des  villages  de  Yap  et  les  principaux  sentiers  sont 
depuis  un  temps  immémorial  pavés  de  dalles  plates,  et  les  maisons,  notam- 
ment les  bai-bai,  analogues  aux  pa'i  des  Palaos,  sont  élevées  sur  des  sou- 
bassements de  pierre. 

Ponapé,  la  plus  étendue  des  Cai'nliiies  et  jadis  la  plus  populeuse,  promet 
de  reprendi'e  une  grande  importance,  comme  lieu  d'étape  et  de  ravitaille- 
ment, et  les  marchands  étrangers  y  possèdent  déjà  de  vastes  plantations; 
la  barrière  circulaire  qui  entoure  l'île  protège  des  ports  nombreux,  acces- 
sibles par  des  chenaux  ouverts  à  travers  les  récifs.  Dans  le  voisinage  de 
la  côte  orientale,  sur  des  falaises  de  corail,  se  voient  des  restes  de  con- 
structions préhistoriques,  consistant  en  murs  épais,  formés  de  colonnes 
basalti(]ues  couchées,  ayant  jusqu'à  huit  et  même  onze  mètres  de  long^  Les 
indigènes  n'ont  aucune  tradition  qui  se  rapporte  à  ces  ruines;  plusieurs 
d'entre  elles  sont  partiellement  immergées,  le  sol  s'étant  affaissé  depuis 
([u'onl  vécu  les  générations  des  bâtisseurs".  Mais  les  principaux  édifices 
élevés  par  les  Carolins  d'autrefois  sont  ceux  qui  se  trouvent  dans  l'île 
de  Ualan,  à  l'extrémité  orientale  de  l'archipel,  et  surtout  dans  l'îlot  de 
Lelé,  à  côté  de  Ualan.  Quehjues-unes  des  murailles,  hautes  de  G  mètres  et 
larges  de  4,  sont  formées  d'énormes  blocs  de  basalte,  apportés  de  fort  loin. 
Plusieurs  de  ces  ruines,  maintenant  couvertes  de  végétation,  apparaissent 
au-dessus  des  récifs  comme  de  grands  îlots  de  verdure.  Nulle  part  on  ne 
trouve  les  balaté  (biches  de  mer  ou  holothuries  comestibles)  en  plus 
grande  abondance  et  en  variétés  [jIus  nombreuses  que  sur  les  écueils  de 
ces  îles*. 

Ualan  est  la  principale  station  des  missionnaires  américains,  dont  les 
postes  sont  parsemés  dans  les  groupes  environnants,  (juoique  les  ordon- 
nances coloniales  ne  permettent  pas  d'autre  culte  chrétien  que  le  catho- 
licisme, le  gouvernement  espagnol  a  dû,  à  la  suite  d'une  révolte  des  indi- 
gènes, reconnaître  le  fait  accompli  et  laisser  aux  Carolins  convertis  le  libre 
exercice  de  leurs  cérémonies  protestantes. 

'  Wood.  Yacliling  Crnise  in  Oie  Soulli  Seas. 
-  Dana  ;  —  Maxwell  :  —  Uerendeen,  etc. 
'>  tlale;  —  Dana,  Coral  nndCoral  Islands. 
'  Lessiiii,  Voi/ngc  autour  du  Monde. 


608  NOUVELLE  GÉOGRAPUIE   UNIVERSELLE. 


IV 

MICRONÉSIE     OlilE.N'TALE. 
ARCUIPELS     DE     MARSHALL.     DE     GILLEIIT     ET     d'eLLICE. 

Ces  îles,  dont  la  traînée  se  prolonge  à  l'orient  des  Carolines  sur  un 
espace  de  près  de  4000  kilomètres,  Iransversalemenl  à  l'équateur,  appar- 
tiennent à  la  même  formation  géologique  et  sont  disposées  suivant  le 
même  axe  d'orientation.  Au  point  de  vue  géographii|ue,  elles  doivent  être 
étudiées  ensemble,  (juoiqu'elles  se  trouvent  en  des  aires  dil'féi'entes  par  les 
populalions  ijui  les  habitent  :  les  Ellice,  et  en  [lartie  les  (iilijcrl,  sont  des 
terres  polynésiennes,  tandis  (pie  les  Marshall,  le  groupe  le  plus  important, 
sont  un  archij)el  de  la  Mieronésie.  Au  point  de  vue  politi(pie,  ces  îles  dif- 
fèrent également  :  elles  sont  déjà  partagées  offieiellement  entre  les  puis- 
sances européennes.  L'archipel  des  Marshall,  dont  le  commerce  est  entre 
les  mains  de  négociants  hambourgeois,  l'ail  pai-tie  de  l'empiie  colonial 
germanique,  tandis  que  les  îles  Gilbert  et  Ellice  ont  été  déclarées  en  1880 
comme  se  trouvant  dans  la  «  zone  des  intérêts  anglais  ».  Mais  si  la  décou- 
verte conférait  des  droits,  ces  archipels  seraient  certainement  espagnols. 
Peut-être  l'île  San-Barlolomeo  que  vit  Loaissa  (Loyasaj  en  1525  est-elle 
une  des  Marshall;  quoi  qu'il  en  soit,  les  «  Jardines  »,  ainsi  nommées  en 
1 529  par  Alvaro  de  Saavedra,  étaient  certainement  des  îles  de  ce  groupe,  de 
même  que  les  islas  dos  Pcscadores,  visitées  dans  ces  parages  par  d'autres 
navigateurs  du  seizième  siècle.  En  1507,  Mendana  de  Neyra  traversa  aussi 
le  groupe  méridional,  l'archipel  d'Ellice;  toutefois  les  découvertes  précises, 
permettani  d'idenlilier  exactement  les  îles,  ne  se  iirent  que  deux  siècles 
jilus  lard,  lors  de  l'exploration  inélhoiliipic  di^  l'Océan. 

En  1707,  Wallis  reconnut  le  premier  deux  îles  du  groupe  des  l'esca- 
dort's.  |(uis,  en  I7S(S,  |(>s  deux  anglais  Marshall  et  Gilbert,  revenant  de 
Port-Jackson,  où  ils  avaient  déposé  leur  cargaison  de  coiirich,  traversèrent 
ces  régions  de  la  Mieronésie  orientale  cl  (■ludièrcnl  en  détail  le  gisement 
cl  la  forme  des  îles,  connues  désormais  sous  leurs  noms;  mais  on  leui' 
donne  aussi  d'autres  appellations  :  ainsi  les  Gilbert  sont  désignées  comme 
les  Kingsmill-islands  et  les  Line-islands,  c'est-à-dire  <(  îles  de  l'Equateur». 
D'autres  navigateurs  anglais  suivirent  Marshall  et  Gilbert;  |iuis,  après  les 
guerres  de  l'Empire,  Kolzebiie  et  Chamisso,  sur  le  vaisseau  russe  le  Itnril,-, 
firent  leur  expédition  mémorable  au  milieu  des  atoll  micronésiens.  En 
18'2">,    Duperrey    visita    aussi  deux  des    îles  importantes   de    l'aicliiitel 


MICRONESIE   OniEMALE.  fiflO 

Jlarshiill,  l'I  depuis,  îles  missionnaires  el  des  traitants,  aynni  longlcmps 
réside  en  diverses  parties  des  archipels,  en  ont  donné  de  remarquables 
monographies.  On  peut  maintenant  indiquer  la  superficie  approximative 
des  archipels  et  en  évaluer  la  jiopulalion'. 

Presque  toutes  les  îles  des  trois  archipels,  qui  reposent  sur  un  socle 
commun  de  moins  de  1850  mètres  en  profondeur,  sont  allongées  dans  le 
sens  du  nord-ouest  au  sud-est,  qui  est  également  celui  du  sillon  sous- 
marin  :  un  soulèvemont  du  fond  les  unirait  en  une  seule  tei're  étroite  et 
longue  avec  l'archipel  de  Samoa.  A  l'exception  de  trois  ou  quatre  îles  qui 
nul  été  probablement  exhaussées  par  une  poussée  volcanique,  toutes  les  îles 
des  groupes  Marshall,  Gilbert,  Ellice  sont  des  terres  basses,  de  formation 
coralligène,  ne  dépassant  le  niveau  de  la  mer  que  d'un  mètre  ou  un  mètre 
et  demi,  si  ce  n'est  sur  ipichpies  plages  où  le  vent  a  plissé  le  sable  en  dunes 
mouvantes.  Parmi  ces  îles  de  corail,  il  en  est  que  les  alluvions  marines 
ont  unies  en  une  terre  continue,  sans  brèches  ni  lagunes;  mais  la  plupart 
sont  des  atoll  avec  ceinture  extérieure  d'îlots  et  de  récifs  et  lagon  central 
offrant  un  abri  aux  navires,  ou  du  moins  aux  barques  :  ce  genre  de  for- 
mation a  même  valu  à  l'archipel  d'Ellice  d'être  appelé  <i  îles  des  Lagons  m, 
nom  par  lequel  le  désignent  habituellement  les  missionnaires.  De  loin,  ces 
îles  coralliennes  présentent  ordinairement  le  même  aspect  :  en  bas  la  zone 
blanche  des  brisants,  en  haut  le  feuillage  vert.  La  ■<  montagne  »  par 
excellence  au  milieu  de  toutes  ces  terres  s'élevant  à  peine  au-dessus  des 
eaux  est  une  butte  de  l'île  Pleasant,  dans  l'archipel  des  Gilbert,  haute  de 
70  mètres-. 

La  plu|)art  des  îles  Marshall  el  des  Gilberl  sont  1res  remarquables  parmi 
les  atoll  de  l'océan  Pacifique  par  la  bizai'rerie  de  leurs  formes.  Il  en  es! 
])eu  d'annulaires,  ce  qui  provient  sans  doute  de  l'irrégularité  du  socle 
volcanique  sur  lequel  s'élèvent  leurs  constructions.  Les  triangles  et  les 
trapèzes  dominent  dans  les  Marshall  ;  Arhno  ressemble  à  une  tète  de  bœuf 
aux  cornes  aiguës;  d'autres  îles  rappellent  la  forme  de  navettes,  d'étriers, 
de  harpes.  Presque  tous  les  atoll  n'ont  de  récifs  continus  que  sur  la  face 
orientale,  tournée  toujours  de  l'est  à  l'ouest;  la  face  occidentale  des  atoll 

'  Surface  et  poiuilalion  des  îles  et  atol!  dans  les  archipels  de  Marshall,   Gilhert,  Ellice  : 

,.     ,    Il  l  Iles  Ralik  .    .    .     273  lui.  carrés  3  I  iô     »     (Witt,  Kuhn). 

ilarshall  ^     ^^    ^^^^^  ^^g         „  „  7o20hab.(Witt,Uernsheim) 

Gilbert  ou  Kingsmill  .    .    .     428         »  n  41000     »  (Finsch.Turner). 

Ellice 3ti         »  »  3  503     »     (Whiimee) 

Enseiiihle.    .    .     8(jti  kil.  carrés.  54  968hah. 

'  Gciselei,  .4«H«/c/i  ih'r  Hijdroijraphie,   l8Si. 


«10 


KOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


ne  se  révèle  que  par  des  brisants  écumeux.  La  raison  déco  coiilrasto  est 
facile  à  comprendre  :  du  côté  de  l'ouest,  les  vagues,  lentes  et  sans  force, 
se  déroulent  au-dessus  des  récifs  sans  les  détruire,  tandis  qu'à  l'est  la 
houle  du  large,  beaucoup  plus    violente,  détache   de  gros  fragments  de 


^'•    124      ILE    1)  ARH.NO. 


Est  de  Par.s 


Oapr- 


De  oU  iiièlres  et  au  (k'iù. 


roche  et  les  accumule  en  (hdiris,  que  les  coquillages  et  le  sable  lin  cimentent 
peu  à  peu  et  transforment  en  une  berge  solide;  les  semences  qui  tlotlent 
sur  la  vague  s'arrêtent  sur  l'écueil  émergé  et  les  arbustes  s'élèvent. 
commencement  de  la  forêt  future.  De  tous  les  atoll  boisés.  Maraki,  dans 
les  Gilbert,  est   le  plus  charmant'  :  vu  du  haut  d'un  mal.  on  dirait   une 


Daiui,  uuviiii'c  cilé. 


MICRÛNÉSIK   ORIENTALE. 


6il 


guirlande  verte  tlottaul    sur    les  eaux   bleues.  Presque  tous  les  ilôts  tic 
l'atoll  se  sont  unis  en  un  seul  anneau. 

Le  climat  des  Marshall  est  un  des  plus  agréables  du  monde  océaiii([ue; 
le  vent  du  nord-est,  qui  soulUe  régulièrement  de  novembre  en  février,  et 


N'*   125.    ARCmPEL    DES    M.\R3I[ALL. 


Est  de  P, 


sookil. 


qui  dans  le  reste  de  Tannée  est  parfois  remplacé  par  des  vents  d'est  et  du 
sud-est,  ou  même  interrompu  par  des  calmes,  tempère  les  chaleurs  nor- 
males de  CCS  latitudes  :  c'est  en  octobre  et  novembre  que  les  tempêtes  sont 
le  plus  à  craindre.  Plus  éloignées  des  terres  continentales  que  les  Carolines 
et  les  Mariannes,  les  îles  Marshall  ont  un  climat  plus  océanique:  elles  oui 


612  NOUVELLE  CÉOGR AI'UIE  UNIVERSELLE. 

nussi  une  flore  et  une  faune  d'une  plus  grande  pauvreté,  quoique  très 
riches  encore  pour  des  îles  d'origine  coralligène.  Chamisso  n'avait  trouvé 
que  59  espèces  de  plantes,  dont  7  cultivées  dans  l'archipel,  et  les  natu- 
ralistes qui  ont  parcouru  les  mêmes  iles  depuis  son  voyage,  n'ont  guère 
ajouté  de  lormes  végétales  nouvelles  à  son  herltiei':  une  seule,  espèce 
serait  |)ro|)re  aux  îles  Marshall.  La  plante  la  plu^  utile  rsl  le  iMiiilamia 
odoriilissiiniis,  dont  les  indigènes  [lossèdent  une  vingtaine  de  \ariélés 
et  qui  Iburnit  leur  princi|)ale  iioui'riture  :  elle  atteint  dans  ces  iles  des 
dimensions  qu'elle  n'a  point  ailleurs.  Le  cocotier,  représenté  aussi  par 
des  variétés  distinctes,  est  moins  utilisé  pour  l'alimentation  depuis  que 
les  traitants  se  sont  établis  dans  le  pays  et  font  recueillir  le  koprah  pour 
la  fabrication  de  l'huile  et  l'exportation;  (|uanl  à  l'arbre  à  pain,  il  est  plus 
grand  et  plus  beau  dans  la  partie  méridionale  de  l'archipel  Marshall  (jue 
dans  toute  autre  région  de  l'Océanie.  Ni  mammifères,  ni  oiseaux  d'esjiècc 
particulière  ne  se  rencontrent  dans  la  faune  des  Marshall  ;  mais  les  chè- 
vres, les  cochons,  les  chais  y  ont  beaucoup  multiplié  et  le  poulet  domes- 
tique y  est  redevenu  sauvage'. 

Le  type  des  indigènes  varie  graduellement  du  nord  au  sud.  Les  habitants 
des  Marshall  ressemblent  auxCarolins,  et  comme  eux  ils  appartiennent  au 
groupe  des  Micronésiens,  tandis  que  les  habitanis  de  l'archipel  d'Ellice  sont 
des  Polynésiens  de  race  à  peu  près  pure,  comme  ceux  des  îles  orientales. 
Entre  les  deux  types  extrêmes,  les  gens  des  îles  Gilbert  sont  de  provenance 
mélangée,  mais  dans  l'ensemble  doivent  être  considérés  comme  des 
Micronésiens  :  ce  sont  les  plus  beaux  parmi  les  naturels  des  iles.  et  quel- 
ques-uns d'entre  eux  ont  une  taille  presque  gigantesque.  Mainte  figure  est 
tout  à  fait  européenne  et  l'on  rencontre  çà  et  là  des  individus  que  Ton 
prendrait  pour  des  Juifs,  à  la  forme  de  leur  nez,  légèrement  aquilin.  Les 
anciens  costumes,  pagnes  et  franges,  ont  à  peu  près  disparu,  si  ce  n'est 
dans  les  îles  oîi  les  missionnaires  n'ont  pas  encore  abordé,  et  les  indigènes 
n'ont  guère  plus  d'autres  ornements  que  des  fleurs  ou  des  feuilles  dans  le 
\o]h'  percé  de  l'oreille,  des  plumes  d'oiseaux  ou  des  colliers.  Le  tatouage  est 
pres(|ue  abandonné.  Au  commencement  de  ce  siècle,  c'était  une  obligation 
sacrée  de  se  faire  dessiner  sur  le  corps  des  figures  de  signification  sym- 
bolique. Le  chef  qui  procédait  à  celte  opération  ne  s'y  livrait  (jue  la  nuit, 
après  avoir  appelé  un  dieu  à  son  aide,  et  devait  attendre  (|u'une  voix  favo- 
rable lui  répondît  du  lointain  :  presijue  toujours  il  percevait  un  son,  bruit 
de  la  vague  ou  du  vent,  chant  d'oiseau  ou   voix  humaine,  qu'il   pouvait 

*  Cari  llager,  Die  Marsliall-hiseln. 


MICKUNKSIENS  ORIESTAIX.  (515 

interpréter  comme  la  réponse  du  dieu'.  Les  artistes  se  faisaient  payer  l'ort 
ciier,  et  de  pauvres  indigènes  avaient  à  travailler  pendant  des  années  pour 
s'acquitter  envers  le  tatoueur". 

En  1817.  lorsque  Âdalbert  de  Clianiisso  explorait  les  îles  Marshall  en 
(■ompa,unie  de  son  ami  le  Carolin  Kaduu.  les  indigènes,  non  encore  livrés  aux 
traitaniset  aux  missionnaires,  lui  paiaissaientètre  une  nation  remarquable 
j)ar  ses  hautes  qualités,  par  son  inlelligeuce  et  son  initiative  :  |iartou( 
il  voyait  l'image  de  la  [mix,  l'amour  du  travail,  la  concorde  dans  les 
familles,  un  grand  sentiment  d'égalité,  même  devant  les  chefs.  Mais  cette 
population  qui  lui  semblait  pleine  d'avenir  est  précisément  une  de  celles 
qui  ont  le  plus  rapidement  déchu  :  la  phtisie  emporte  les  jeunes  gens;  les 
objets  de  manufacture  étrangère  tuent  l'initiative,  les  redites  européennes 
empêchent  de  penser.  Il  est  des  îles  où  l'on  ne  voit  plus  un  seul  outil  fabri- 
qué par  les  naturels,  et  dont  les  villages  ressemblent  à  de  misérables 
faubourgs  d'une  ville  américaine.  Les  pécheurs  des  Marshall,  aussi  remar- 
quables que  les  Carolins  par  leur  intelligence  géographique,  et  comme 
eux  très  grands  voyageurs,  savent  encore  construire  des  bateaux;  mais 
ces  esquifs,  travaillés  à  la  hache,  n'ont  plus  ni  l'élégance,  ni  la  solidité,  ni 
la  vitesse  de  ceux  que  leurs  ancêtres  façonnaient  avec  la  pierre  ;  bientôt 
même  on  ne  saura  plus  en  charpenter,  et  les  indigènes  qui  resteront  ne 
seront  plus  que  de  pauvres  rameurs  sur  les  canots  des  blancs.  On  érige 
des  pagaies  sur  les  tombes  des  morts  illustres. 

Les  insulaires  de  ces  archipels  ont  des  traditions  qui  rapi)ellent  l'an- 
cienne existence  du  cannibalisme,  au  moins  dans  quelques  îles.  Le  guer- 
rier prenait  le  nom  de  l'ennemi  vaincu,  sans  doute  parce  qu'autrefois  il  en 
mangeait  la  chair".  D'autres  coutumes  sanguinaires  ont  régné  :  c'est  ainsi 
que,  dans  le  groupe  de  Ralak,  la  mère  ne  pouvait  garder  que  ses  trois 
premiers  enfants;  s'il  en  naissait  un  quatrième,  elle  devait  l'enterrer 
de  ses  propres  mains,  .\insi  le  voulait  la  religion;  mais  on  n'en  témoi- 
gnait pas  moins  une  grande  tendresse  aux  survivants,  et  quand  une 
femme  mourait,  d'autres  se  présentaient  aussitôt  pour  adopter  sa  famille. 
En  général,  l'épouse  était  très  respectée  par  son  mari  :  elle  n'avait  d'autre 
labeur  que  le  tissage  des  nattes  et  des  voiles  et  la  préparation  des  mets  ; 
les  hommes  se  livraient  à  tous  les  travaux  de  force.  Dans  les  combats,  les 
époux  étaient  à  côté  l'un  de  l'autre.  L'homme  lançait  le  javelot,  et  la  femme 
restait  à  côté  de  lui  pour  écarter  le  trait  qui  pouvait  l'atteindre  ou  pour  se 

'  A.  von  Charaisso,  Entdecuimijsreise  in  die  Siidsee  iiml  nach  der  Beriitgslrasse. 

-  F.  Uemsheiin.  Siklsee-Eriimerunçien. 

=  Meinicke;  —  Waitz-Gerland,  Anthropologie  der  .\'atiiroolker. 


fiU  NOrVKLLi;  CKOCRAi'llli:   UMVERSKLLK. 

précipiter  au-tk'v;ml  du  vainqueur  et  lui  demander  grâce.  Dans  les  iles 
Gilbert,  elle  ne  f|uillait  même  pas  l'époux  ou  le  fils  après  la  mort  :  elle 
restait  avec  le  cadavre  ju'^qu'à  ce  que  la  chair  s'en  fut  détachée,  et  ses  pa- 
rents venaient  se  frotter  le  corps  de  ces  déhiis  humains. 

La  religion  n'était  guère  que  le  culte  des  esprits,  et  les  temples  se  rédui- 
saient à  un  espace  carré  entre  quatre  pierres,  ou  à  l'ombre  d'un  rocher  ou 
d'un  grand  ai'bre.  Les  prêtres  avaient  quelque  influence,  mais  bien  faible 
en  comparaison  de  celle  des  chefs,  dont  la  plupart  exerçaient  un  pouvoir 
absolu  ;  les  rois  de  certaines  îles  se  faisaient  suivre  en  voyage  par  tous 
leurs  sujets  :  en  leur  absence,  aucun  homme  n'eût  pu  rester  sur  la  même 
île  que  les  épouses  royales.  Hager  parle  d'un  chef  qui,  apprenant  l'al- 
phabet, faisait  abattre  la  tète  de  tous  ceux  dont  les  progrès  étaient  plus  ra- 
pides que  les  siens.  La  hiérarchie  sociale  est  nettement  établie.  Au-dessous 
des  irui}/,  parmi  les(piels  on  choisit  les  rois,  par  ordre  de  descendance 
maternelle,  viennent  les  princes,  [uiis  les  propriétaires,  et  enfin  les  «  gens 
de  rien  »,  les  pauvres,  auxquels  on  peut  reprendre  sans  indemnité  la  terre 
qu'ils  cultivent  et  qui  ne  peuvent  se  marier  qu'à  une  seule  femme.  C'est 
parmi  eux  (]uc  l'on  recrutait  naguère  des  «  engagés  »  pour  les  plantations 
des  Samoa  ;  mais  dans  les  Marshall  le  nombre  des  insulaires  a  tellement 
diminué,  qu'il  en  reste  à  peine  assez  pour  la  culture  des  palmeraies  de 
leurs  propres  archi[)els.  Les  arides  Gilbert,  qui,  en  proportion  de  leur 
étendue,  sont  le  plus  peuplé  des  gi'oupes  océaniens,  puisqu'il  a  plus  de 
iSU  habitants  par  kilomètre  carré,  ont  pu  fournir  plus  de  travailleui's  aux 
traitants  ;  mais  là  aussi  le  marché  des  hommes  est  presque  épuisé. 

Des  mai'chands  européens  sont  établis  dans  l'archipel  des  Marshall  de- 
puis l'année  1864.  La  plupart  représentent  des  maisons  allemandes  ;  ce- 
pendant ils  ont  aussi  à  soutenir  la  concurrence  des  missionnaires,  de 
marchands  anglais,  américains,  havaïiens,  néo-zélandais,  même  chinois, 
et  c'est  afin  d'assurer  leur  prépondérance  commerciale,  fortement  menacée, 
qu'ils  réclamèrent  pour  les  îles  Marshall  le  «  protectorat  )>  germanique, 
accordé  par  le  gouvernement  en  1885;  ils  y  firent  ajouter  aussi  deux 
petits  ai-chipels  qui,  d'api'ès  la  convention  avec  rEs[)agne,  devraient  plutôt 
être  attribués  à  la  zone  des  Carolines  :  ce  sont  les  îles  Enivvetok  ou  Brown 
et  les  récifs  de  Providence.  Le  poste  de  Jaluit  est  devenu  le  chef-lieu  admi- 
nistratif des  possessions  allemandes,  comme  il  était  déjà  le  centre  des 
échanges  avec  les  Carolines,  les  Gilbert  et  toutes  les  îles  de  ces  parages'. 
Des  plantations  et  des  comptoirs  sont  élalilis  dans  les  îles  Milli,  Namorek. 

'  MnuveiiiLTil  comiiiereial  de  Jaluit  ou  1SS4,  à  l'eiilrét'  l't  à  la  sortie  : 

C'J  navires,  jaugeant  Sio^  tonnes,  dont  iO  allemands,  jaugeant  ôôôl  tonnes. 


MICRONESIK   ORIENTALE.  GIT) 

Arhiio,  Miijuro,  Likich,  Elion,  cl  d'aiilres  encore.  (Juaiil  aux  missions, 
elles  sont  dirigées  princijiaiement  par  des  missionnaires  havaiiens,  peu 
aimés  des  marchands  :  des  eonflils  d'inlérèls  ont  eu  lieu  et  |)ar  ordre  des 
«  protecteurs  »  ont  été  tranchés  au  profit  des  négociants  de  Jaluil. 

Au  nord  des  Marshall  se  trouvent  quelques  îles  que  l'on  doit  considérer 
comme  appartenant  sinon  aux  mêmes  groupes,  du  moins  à  la  même  aire 
géographique.  Telle  est  Gaspar  Rico  ou  Cornwallis.  Les  îles  et  les  récil's  qui 
se  suivent  en  traînées  vers  le  Japon  sont  séparées  par  de  grandes  profon- 
deurs océaniques  de  la  saillie  sur  laquelle  reposent  les  Marshall. 


l,e  lahleaii  sui\aiil  donne  la  liste  des  archipels  de  la  Micronésie  orien- 
tale, avec  le  nomhre  des  îles,  la  superficie  el  la  [lopulation  présumée 
des  lochers  solitaires  ou  des  groupes  (pii  ont  au  moins  3  kilomètres 
carrés  : 


UKS    ILES    un    GROUPES    11  ILLS. 


Ralik.  .  . 
âTûliii.  car. 
".143  hab. 


Ratak.  . 

129kil.car., 

TàiiOliab. 


MARSHALL. 

Eiiiwetok  (Brown) 

Bikini  (Eschhullz) 

Alinginac 

Rongerik  (Riiiiskiy  Korsaliov) .    . 

Rongelap  (Pcscadorcs) 

WoUho  (Kabahaia,  Schanz)  .  . 
l'jae  (Cathei'ine,  Serpent) .  .    .    . 

Lae  (Lai,  Brown) 

Mcnlcbikov  (Zwadjeliii).  .  .  . 
Nainu  (>iamo,  Ross,  etc.).  .  .  . 
Elmore  (Odia.  Oja,  I\rointcheiiko) 
Jaluit  (Bonhaiii,  Rlizabeth)  .    .    . 

Nainorek  (Baring) 

Ebon  (Boston,  etc.) 

Autres  îles 

Bikar  (Farnbani) 

Ulirik  et  Taka  (Suvoi'ov)  .    .    .    . 

Ailuk 

Jemo 

Likieb  (ILiydenj 

Wotje  (Ûtdia,  Romanlzov) .       .    . 

Erikub  (Ctitctiilchagov) 

Maloelab  (Calvert,  Arakcheyev).  . 

Aurh  (Ibbetson) 

Arrowsniith  (Majuro,  Majurok).    . 

Arhno  (l)anieL  Padder) 

Milli  (Loid  .Miilgravel 


2G 


30 

6 

14 

10 

7 

(i 

8 

4 

10 

14 

3 

16 

5 

80 

50 

'2fi 

50 

43 

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l'UI'ULATION. 


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Il          11 

1  000 

Il     (Kubni. 

5  000 

Il          1. 

700 

,1    (Wittj. 

610 


NOUVELLE  OÉor.RAPUIE  UN'I VERSELLE. 


ijiLBCi'.T  (i'2b  kildmi'li't's  c"invs;  41  OUI)  linljilaiil:- 


kil. 
Makin 

7 

ImI). 

.")00   (Finseli). 

Tai'itari  (Butaritan)    .    . 

50 

2  500         » 

Maraki  (Matthew)   .    .    . 

23 

1  500 

Apaiang  (Charlotte).  .    . 

'(0 

5  000         >) 

Tarawa  (Knox,  Cook) .    . 

40 

2  000         )- 

Maiana  (Hall,  Gilbert).  . 

50 

5  000         » 

Kuria  (Woodle)  .... 

15 

]  000         » 

,\ranuka  (Uenderville).  . 

16 

1  000 

Apamama(llopp.,  Simp.) 

17 

4  300         « 

Nonouli  (Svdcnhain)  . 

.     50 

4  300  (Turner) 

Tapoteowea(Druminond)     25 

7  500  (Dana). 

Oiieatoa  (Clcrk,  Eliza). 

25 

950  (Turner) 

Peru  (Francis,  Sunday) 

ÙO 

2  500         V 

Nukunan  (Byron).  .    . 

25 

2  000         » 

Tamana  (Chase) .  .    . 

10 

1  700 

Arorai  (Hope) .... 

50 

(iOO 

Paanopa  (Barnahal.    . 

25 

150         » 

Pleasanl 

5 

1  400         » 

ELLICE  (5()  kilomètres  earrés;  5505  habitanis). 

Nanomea  (Sf-Augusfin) .        6       440  (Tnrnor).  I  Nui-Eeg  (Nederland)..   .  5  -440  (Tnrner) 

Iludson 5       255         «  Funafuti  (Ëllice).    ...  6  145         n 

Lynx  (Speiden,  Kiu  Tao).       i      460         «         '  Nukuladai  (Mitehell), .    .  6  105         » 


Autres  iles 


4  kiL  car.       480  bah.  (Turner) 


CHAPITRE   VI 


PAPOUASIE 


Cette  grande  ferre,  nommée  le  plus  souvent  Nouvelle-Guinée,  appellation 
qu'elle  dut.  en  1545,  à  l'Espagnol  Inigo  Ortiz  de  Retis,  grâce  à  la  res- 
semblance de  ses  habitants  avec  ceux  de  la  Guinée  africaine,  est,  après 
l'Australie,  la  terre  continentale  la  plus  vaste  du  Pacifique  :  elle  dépasse 
même  Bornéo  en  étendue.  De  l'extrémité  nord-occidentale  de  la  Papouasie 
à  l'extrémité  sud-orientale,  la  distance  en  ligne  droite  est  de  2590  kilo- 
mètres, sans  compter  les  groupes  et  les  traînées  d'îles  et  d'îlots  qui  conti- 
nuent des  deux  côtés  la  grande  terre;  dans  sa  partie  la  plus  large,  la 
distance  de  la  côte  à  la  contre-côte  dépasse  600  kilomètres.  La  superficie 
totale  de  l'île  a  été  évaluée  par  Behm  et  Wagner  à  785  562  kilomètres 
carrés  :  d'après  les  mêmes  auteurs,  elle  est  de  814859  kilomètres  si  l'on 
comprend  avec  la  Nouvelle-Guinée  l'archipel  d'Aroe  et  les  autres  groupes 
d'îles  qui  en  dépendent,  comme  les  décombres  épars  autour  d'un  édifice 
en  ruines.  Cette  vaste  contrée,  égale  à  une  fois  et  demie  la  France  en 
étendue,  semble  destinée  à  prendre  une  importance  de  premier  ordre, 
car  elle  est  abondamment  arrosée  et  riche  en  productions  diverses  ;  néan- 
moins elle  est  restée  jusqu'à  nos  jours  presque  entièrement  en  dehors  du 
domaine  de  l'humanité  civilisée  :  les  récifs  de  ses  côtes,  ses  marécages, 
ses  forêts  et  son  immensité  même  l'ont  défendue  contre  les  envahisseurs 
blancs,  et  la  population  clairsemée  qui  l'habite,  divisée  en  de  nombreuses 
tribus,  ne  s'est  nulle  part  constituée  en  nation.  Mais,  quoique  inexplo- 
rée encore,  la  Papouasie  est  déjà  partagée  :  la  Hollande,  qui  revendiquait 
la  grande  ile  depuis  plus  d'un  demi-siècle,  est  désormais  reconnue  pro- 
priétaire de  la  région  limitée  à  l'orient  par  le  141'  degré  de  longitude 
E.  de  Greenwich,  et  le  reste  de  la  Nouvelle-Guinée  est  réparti,  depuis  le  traité 
de  1885,  entre  l'Angleterre  et  l'Allemagne.  La  première  a  le  versant  méri- 


618  NOUVELLE   GÉOGRAPllIE   l'MVERSELLE.      . 

dional,  baigné  par  les  eaux  du  (h'iioil  de  Torrcs;  la  seconde  s'est  em- 
parée des  côtes  tournées  vers  l'Océan'.  C'est  en  vain  que  Miklnklio-Maklaï 
transmit  aux  gouvernements  d'Europe  la  protestation  des  indigènes  de 
la  côte  Makîaï  contre  toute  annexion  de  leur  pays. 

L'honneur  de  la  découverte  n'appartient  à  aucune  des  nations  qui  se  sont 
approprié  la  Nouvelle-Guinée.  Une  lettre  du  Florentin  Corsali,  adi'cssée 
en  1515  à  Julien  de  Médicis,  mentionne  l'existence  d'une  terre  fort  éten- 
due située  à  l'orient  des  Moluques  :  il  s'agissait  probablement  de  l'île  des 
Papoua;  mais  la  plupart  des  historiens  en  attribuent  la  découverte  réelle, 
ou  du  moins  celle  de  quelques-unes  des  îles  attenantes,  au  Portugais  Jorge 
de  Menezes  :  ce  «  bon  port  de  Versiya  «  dans  lequel  il  hiverna,  de  1526 
à  1527,  était  peut-être  Warsai,  vers  l'extrémité  nord-occidentale  de  la 
Nouvelle-Guinée".  Quoi  qu'il  en  soit,  on  ne  peut  avoir  de  doutes  sur  la 
direction  suivie  par  le  navigateur  qui  parcourut  ces  mers  après  Menezes, 
l'Espagnol  Alvaro  de  Saavedra.  En  1528,  il  mouilla  près  d'une  «  île  de 
l'Or  n,  qui  est  probablement  une  de  celles  qui  se  trouvent  dans  la  baie  de 
Geelvink;  puis,  l'année  suivante,  il  longea  au  sud  de  l'équateur  une  côte 
qui  se  profilait  vers  le  sud-est  sur  un  espace  de  plusieurs  degrés  en  longi- 
tude :  cette  côte  était  certainement  celle  de  la  Nouvelle-Guinée.  Seize 
années  après,  Relis  lui  donnait  le  nom  qu'elle  porte  encore  aujourd'hui 
et  en  prenait  possession  pour  la  couronne  d'Espagne.  Pourtant  on  ignorait 
encore  si  cette  grande  terre  était  une  île  ou  s'il  fallait  y  voir  une  simple 
dépendance  de  ce  continent  qu'on  s'imaginait  former  dans  l'hémisphère 
du  sud  un  contrepoids  aux  continents  du  nord.  Il  est  vrai  que  des  cartes 
du  seizième  siècle  représentent  déjà  la  Papouasie  comme  une  île;  mais 
d'autres  cartes,  notamment  celle  de  Valentijn,  en  ])l('in  dix-huitième 
siècle,  ne  séparent  pas  encore  la  Nouvelle-Guinée  de  l'AusIralic. 

Dès  l'année  ItidB,  l'insularité  de  la  terre  des  Papoua  avait  été  pratique- 
ment démontrée  ]iar  le  pilote  espagnol  Torres,  qui  s'était  avancé  à  travers 
les  écueils  dans  le  périlleux  détroit,  et  qui  avait  en  même  temps  reconnu 
les  côtes  méridionales  de  la  Nouvelle-Guinée.  Mais  cette  découverte,  soi- 
gneusement cachée  comme  un  secret  d'Etat,  ensevelie  dans  les  ai'chives  de 
Manille,  avait  fini  par  être  oubliée  des  Espagnols  eux-mêmes,  d  plus  d'un 


•  Divisions  dp  la  Mouvelle-Guincc,  avec  évalualion  approximative  de  la  superficie  et  de  la  popu- 
laliun  : 

Teniloire  hollandais,  avec  les  îlesOccidenlales.     300  000  kil.  carrés.  500  000  halj. 
I)         anglais,  avec  les  îles  Orientales.  250  000         n  1 10  000      » 

«         allemand tSO  000         <,  100  000      d 

-  Tiele,  Europeecrs  in  dcn  Malcisclicn  Archipel;  —  Eaga, Nccicriaiidsch  Sicmo-Guinca. 


DÉCOlVERTf:,    EXPLORATION   OE   LA   NOUVELLE-GULNÉE, 


619 


siècle  et  demi  s"écouia  avant  (jue  les  Anglais,  s'emparanl  de  la  capitale  des 
Philippines  en  1762,  ne  donnassent  en  même  temps  à  Dalrymple  l'occasion 
d'apprendre  l'événement  géographique  de  premier  ordre  auquel  se  rattache 
désormais  la  mémoire  de  Torres.  Bientôt  après,  en  1770,  Cook,  reprenant 
l'itinéraire  du  navigateur  espagnol,  parcourut  de  nouveau  le  détroit,  qu'il 
croyait  être  le  premier  à  visiter,  et  la  Nouvelle-Guinée  prit  enfin  sur  les 
cartes  une  forme  rapprochée  de  ses  véritables  contours. 

Pendant  l'intervalle,  d'autres  marins  avaient  reconnu  sur  divers  points 
les  côtes  de  la  Papouasie.  \Villem  Jansz,  sur  le  navire  Dnyfken,  s'était 
avancé,  en  1006.  jusqu'à  l'archipel  d'Aroe  et  aux  côtes  sud-occidentales  de 

N°    126.    PRIXXIPACX   VOYAGES   SUR    LES    COTES    ET   DANS    LINTÉniElR    DE    LV    NOLVELLE-GCLNÉE. 


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la  Nouvelle-Guinée;  dix  ans  plus  tard.  Le  Maire  et  Schouten  découvraient 
l'archipel  de  Schouten,  au  nord  de  la  baie  de  Geelvink;  puis,  en  IG^ô, 
Carstensz  poussait  jusqu'au  Yalsche  Kaap,  à  la  pointe  de  l'île  Frederik 
Hendrik.  D'autres  navigateurs,  parmi  lesquels  le  célèbre  Tasman,  visitèrent 
aussi  les  deux  côtes  du  nord  et  du  sud;  mais  à  la  fin  du  dix-septième  siècle 
File  était  encore  si  peu  connue,  que  Rumphius  en  décrit  d'une  manière 
tout  à  fait  erronée  l'extrémité  occidentale,  la  seule  dont  il  eût  entendu 
parler,  et  la  prolonge  même  au  nord  de  l'équateur.  La  crainte  que  les 
Anglais  ne  parvinssent  à  fonder  des  colonies  sur  les  côtes  de  la  Nouvelle- 
Guinée  et  ne  ravissent  à  la  Compagnie  hollandaise  le  monopole  des  épices, 
ramena  l'attention  vers  la  grande  île.  En  effet,  le  pirate  Dampier  avait 
longé  au  noid  le  rivage  papouasien  et  constaté  que  les  archipels  de  la 


•JiO  NOlVni.I.F;   (.KOIIRAPIIIE   liMVEliSELLE. 

NoiivelJc-Irlanilc  cl  de  la  ^'ouvolIe-Brclagne  sont  disliiicis  de  la  Papnuasio 
pro|iienient  dite.  Le  navigateur  Wijiaiid  i'iil  donc  envoyé  dans  les  mêmes 
parages,  et  le  littoral  du  nord  fut  reconnu  jusqu'à  son  extrémité  orien- 
tale, et  même  an  delà,  puisijue  l'archipel  Massim  ou  de  la  Louisiade  était 
considéré  comme  faisant  partie  de  la  Aouvelle-Gninée.  D'anciennes  cartes 
espagnoles,  étudiées  par  M.  Ilamy  et  comparées  avec  soin  aux  documents 
hollandais,  oui  pr(>uv(''  (pie  Tdiies  el  les  navigateurs  qui  l'avaient  précédé 
au  seizième  siècle  avai<'iil  (li'jà  reconnu  d'une  manière  gé'nérale  la  forme 
de  la  Pa[)ouasie  dans  sa  parlie  orienlale'. 

L'expédition  de  Cook  commence  l'ère  des  explorations  modei'ues  sur  les 
côtes  de  la  Papouasie.  Avant  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  Forrest,  Mac 
Cluer,  d'Entrecasteaux  relèvent  le  tracé  de  longues  étendues  du  litloral. 
Mais  les  guerres  qui  entre-heurtenl  les  peuples  de  l'Europe,  interrompent 
les  voyages  de  découverte,  et  ils  ne  reprennent  qu'à  la  paix.  Duperrey, 
Dumont-d'Urville,  Belcher  sont  au  nomhre  des  premiers  marins  (pii  élu- 
dient  les  parages  de  la  Nouvelle-Guinée;  Kolff  parcourt  le  détroit  cjui 
sépare  l'île  de  Frederik  Hendrik  de  la  grande  terre,  et  qu'il  croyait  être  une 
rivière;  puis,  en  1828,  il  fonde  sur  la  haie  du  Triton,  en  face  de  l'archipel 
d'Aroe,  le  premier  jtoste  militaire  occupé  par  des  Européens  sur  la  côte 
papouasienne.  Le  fort  du  Bus,  ahandoiiiié  depuis  à  cause  de  l'insaluhrilé 
des  environs,  lut  le  commencement  de  l'œuvre  d'annexion,  qui  s'opère 
lentement,  mais  d'une  manière  irrésislihle.  C'est  dans  la  même  année 
1828  que  le  gouvernement  hollandais  |)i-oclama  officiellement  la  prise 
de  possession  du  territoire  néo-guinéeii  jusqu'au  lil'degré  de  longitude 
E.  de  Greenvvich  et  suhstiiua  son  aulorilé  à  celle  de  son  vassal  le  sultan 
de  Tidore. 

Désormais,  c'est  l'intérieur  même  de  la  masse  continentale  qu'il  s'agit 
de  connaitre.  De  savants  naturalistes,  tels  que  Jukes,  Wallace,  Cerruti, 
Beccari,  d'Alhertis,  Bernstein,  Meyer,  Raffray,  se  sont  avancés  déjà  au  loin 
dans  l'intérieur  des  terres.  Mais,  si  nombreux  que  soient  les  efforts  en  vue 
d'une  exploration  complète  de  l'île,  avec  ses  populations,  ses  produits,  ses 
richesses  naturelles,  la  Nouvelle-Guinée  est  encore  une  des  contrées  les 
moins  connues  de  la  surface  tei'restre  :  le  funeste  climat  des  régions 
cotières,  cl  par  conséquent  le  petit  nomhre  de  points  où  des  Européens  ont 
pu  s'étahlir  pour  ravitailler  les  voyageurs,  le  manque  absolu  de  stations 
sur  les  plateaux  saluhres  de  l'intérieur,  el  l'hoslililé  trop  souvent  justifiée 


'  E.-T.  Il;iiii\ .  Cfilics  (imiennes  de  la  Nouvelle-Guinée,  Bulletin  de  la  Sociélé  de  Géogiaphie, 
nmnuhw  1S77. 


.'if  ITTiSifirti 


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MONTAGNES  DE   LA  NOUVELLE-GUINÉE.  625 

des  indigènes,  qui  se  dédent  à  bon  droit  des  blancs,  tenant  d'une  main 
le  pistolet  et  de  l'autre  la  bouteille  d'eau-de-vie,  rendent  les  voyages  très 
difficiles  et  souvent  impossibles.  Pour  achever  l'œuvre  sans  violence, 
il  l'audrait  des  explorateurs  tels  que  Mikl'ukho-Makl'aï,  qui  se  donna 
comme  plan  de  conduite  d'être  toujours  discret,  patient,  véridique  à 
l'égard  des  naturels,  et  qui  sut,  au  milieu  des  plus  grands  périls,  rester 
fidèle  à  ses  résolutions;  mais  de  pareils  héros  sont  rares.  II  en  est  peu  qui 
aient  «  démontré  par  l'expérience  que  sur  tous  les  points  de  la  Terre 
l'homme  est  bien  un  homme,  c'est-cà-dire  un  être  bon  et  sociable,  avec 
lequel  on  peut  et  l'on  doit  entrer  en  relations  [)ar  la  bonté  et  la  justice'  ». 

La  Nouvelle-Guinée  n'a  pas  une  forme  massive  comme  le  continent  aus- 
tralien qu'elle  sépare  des  mers  équatoriales.  On  l'a  comparée  à  un  oiseau 
gigantesque'  :  la  péninsule  du  nord-ouest,  ouvrant  son  large  golfe,  serait 
la  tète  de  l'animal;  le  cou  est  indiqué  par  l'isthme  que  resserrent  la  baie 
de  Geelvink  et  celle  de  l'Etna  ;  la  queue  se  prolonge  au  sud-est,  toute 
frangée  de  petites  presqu'îles  parallèles  qui  ressemblent  à  des  plumes. 
Mais,  en  étudiant  la  forme  de  la  Papouasie  telle  qu'elle  serait  si  les  eaux 
environnantes  se  retiraient  soudain,  on  constate  qu'une  faible  dénivella- 
tion d'une  centaine  de  mètres  suffirait  pour  rattacher  cette  île  à  l'Aus- 
tralie :  l'archipel  de  la  Louisîade  prolongerait  la  Nouvelle-Guinée  vers  le 
sud-ouest,  et  d'autres  îles  l'uniraient  à  la  grande  terre  ;  mais  à  l'ouest,  au 
nord,  au  sud-est,  s'ouvrent  des  abîmes  qui  limitent  bien  nettement  la 
masse  insulaire.  Au  nord,  la  mer  a  des  creux  de  plus  de  2000  mètres  :  ce 
sont  les  «  fonds  de  Nares  ^>  ;  même  entre  la  côte  néo-guinéenne  et  la 
Nouvelle-Bretagne  la  sonde  ne  touche  qu'à  plus  de  1000  mètres  de  profon- 
deur. Au  sud-est,  les  «  fonds  deCarpenter  »,  ({ui  s'avancent  en  golfe  sous- 
marin  entre  la  Louisiade  et  la  «  Grande  Barrière  «  des  récifs  australiens, 
ont  un  gouffre  central  de  2450  mètres. 

A  l'extrémité  nord-occidentale  de  la  Nouvelle-Guinée  quelques  îles 
d'assez  grandes  dimensions,  Misool,  Salwatie,  Balanta,  Waigeoe  et  d'autres 
plus  petites,  indiquent  le  commencement  du  relief  qui,  dans  l'île  majeure, 
se  redresse  en  hauts  sommets.  La  péninsule  de  Berau,  appartenant  à  la 
Papouasie  proprement  dite,  est  déjà  fort  élevée  :  les  monts  d'Arfak,  qui 
longent  la  côte  septentrionale  de  cette  péninsule,  se  terminent  à  l'entrée  de 
la  baie  de  Geelvink  par  une  cime  de  2902  mètres,  présentant,  du  côté  de 
la  mer,  des  pentes  très  escarpées.  Le  golfe  de  Berau.  appelé  par  les  Euro- 


'  Lettre  de  Tolstoï  à  Miklouklio-Maklài. 

*  Jolin  Strachan,  Explorations  und  Adcentures  in  New-Gitinea. 


fi2l 


NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


])éens  golfe  de  Mac  Cluer,  eu  l'honneur  du  marin  (iiii  l'e\|ploia  à  la  lin 
du  siècle  dernier,  s'avance  à  plus  de  2()Û  kilomètres  dans  l'intérieur  des 
terres  et  sépare  presque  complètement  la  pres(prile  septentrionale  du  reste 
de  la  Nouvelle-Guinée;  néanmoins  un  isthme  étroit  relie  les  deux  terres  et 
une  rangée  de  collines  s'élève  entre  les  deux  haies.  On  s'est  longtemps  de- 
mandé si  la  presqu'île  de  Berau  n'était  pas  une  île.  et  récemment  encore 
le  marin  Strachan,  pénétrant  jusque  vers  l'extrémité  orientale  du  golfe  de 
Mac  Cluer,  a  prétendu  qu'il  existait  une  communication  entre  les  deux 


MONTAGNE?    DE    LA    NOCA'ELLE-lirlNEE. 


1   :   M  0(10  000 


c/s  '^ÛOa  "'s^du  ^e/^ 


mers;  cependant  le  naturaliste  Meyer,  cheminant  de  l'une  à  l'autre  haie, 
avait  déjà  reconnu  positivement  l'absence  de  tout  chenal  de  communica- 
tion. D'après  le  missionnaire  Geiseler,  qui  résidait  en  1867  dans  un 
village  de  l'isthme,  deux  rivières  opposées  permettent  de  traverser  la 
langue  de  terre  en  harque  :  le  partage  intermédiaire,  formé  par  une 
colline  rocheuse,  a  seulement   •  un  quart  de  mille  /  en  largeur'. 

Au  sud  du  golfe  de  Mac  Cluer,  une  autre  indenlation  du  littoral,  étroite 
et  longue  comme  un  fjord,  pénètre  au  loin  dans  le  corps  de  l'île  :  c'est  la 
profonde  haie  d'Argoeni,  (|ue  diunineiit  les  hauts escarj)ements  des  monts. 


'  -100  mèties  ou  I8.j0  mètres,  suivanl  ii's  milles.  (Van  lier  Crab  en  Tcysmami;  Robidé  van  lier 
Aa,  Reizen  iiaar  IScdertanthcli  !Siciiiv-Gui>ieu.) 


MOiNTA(iM':S   DE   LA   NOUVELLE-GIINÉE. 


625 


La  péninsule  d'Onm,  comprise  entre  ces  deux  golfes,  de  Mac  Cluer  cl  d'Ar- 
goeni,  est  fort  élevée  en  moyenne,  mais  sans  atteindre  à  l'altitude  des 
montagnes  deBerau;  quelques  sommets  seulement  dépassent  1000  mètres. 
IMus  à  l'est,  on  voit  se  dresser  de  superbes  cimes  dans  le  voisinage  immé- 
diat de  la  côte  méridionale  :  le  Genoffo,  près  de  l'entrée  de  la  baie  d'Ar- 
goeni,  atteint  1500  mètres;  le  Lamansieri,  au  pied  duquel  se  trouvent  les 
ruines  du  fort  du  Bus,  n'a  (|ue  750  mètres;  puis  diverses  delolili  ou  haies. 


N"    128.  GOLFE    DE    JIMXXIIER. 


E    ,    de   P, 


ûeûâ/ô'" 


icK)  kil. 


celle  du  Triton,  celle  de  l'Etna,  interrompent  la  chaîne  côtière;  mais  elle 
reprend  au  delà  pour  former  une  puissante  rangée  de  monts,  la  plus 
haute  de  la  Nouvelle-Guinée  et  de  tout  le  monde  océanique.  Elle  commence 
au  cap  Boeroe,  par  le  mont  Lakahia  (1591  mètres),  puis  on  voit  se  succé- 
der, lie  l'ouest  à  l'est,  des  cimes  de  plus  en  plus  élevées.  La  chaîne,  encore 
inexplorée  dans  toute  son  étendue,  dépasse  même  la  ligne  des  neiges  : 
un  sommet  de  5100  mètres  se  montre  aux  marins  avec  un  diadème 
de  pointes  resplendissantes.  Cette  arête  neigeuse,  à  laquelle,  dans  l'igno- 
rance de  son  nom  indigène,  on  a  donné  l'api^'llalion  de  mon!  Charles 
XIV.  71) 


626  .NOUVELLE  CÉOGRAI'UIE   L.MVERSELLE. 

Louis,  se  continue  probal)lemenl  vers  l'est  pour  former  la  crête  que  d'Al- 
hertis  a  vue  au  nord  du  bassin  de  la  rivière  Fly,  et  se  rattache,  soit  par  des 
plateaux,  soit  par  d'autres  rangées  de  monts,  aux  chaînes  hordières  du  lit- 
toral océanique.  Sur  celte  côte,  le  mont  Gautier  ou  Tabi  atteint  2000  mè- 
tres ;  le  mont  Cyclope,  qui  se  dresse  plus  à  l'est,  n'est  guère  intérieur  en 
altitude;  entin,  le  massif  terminal  qui  s'élève  en  face  de  la  Nouvelle- 
Bretagne  et  auquel  les  navigateurs  français  ont  donné  le  nom  de  monts 
Finisterre,  s'élève  à  5500  mètres;  les  promontoires  extrêmes  offrent 
en  maints  endroits  l'aspect  de  fortifications  régulières,  composées  de  rem- 
parts en  escalier,  anciennes  plages  de  corail  successivement  exhaussées'. 
C'est  dans  cette  partie  de  la  Nouvelle-Guinée,  voisine  des  volcans  de  la 
Mélanésie,  que  la  terre  tremble  le  [)lus  fréquemment. 

L'orographie  de  la  péninsule  sud-orientale  est  celle  (|ui  a  été  le  mieux 
étudiée,  grâce  au  voisinage  de  l'Australie  et  à  la  faible  largeur  du  terri- 
toire, de  facile  abord  par  la  côte  et  la  contre-côte.  Les  montagnes  de  cette 
presqu'île,  annexée  à  l'empire  colonial  britannique,  ont  reçu  des  noms 
anglais.  Les  monts  Albert,  situés  sur  le  même  méridien  que  les  monts 
Finisterre,  commencent  la  chaîne  du  nord-ouest,  puis  le  mont  Yule  (o062 
mètres)  lui  succède  au  sud-est;  le  mont  Owen  Stanley  (i0!2i  mètres) 
domine  de  sa  double  pointe  toute  la  rangée  péninsulaire  :  c'est  en  1888 
(]ue  la  cime,  couverte  de  graniles  fougères,  a  été  escaladée  pour  la  ])re- 
mière  fois  |)ar  l'Australien  Martin.  A  l'est,  la  rangée  s'abaisse  peu  à  peu, 
[tuis  elle  se  divise  en  deux  pointes  j)our  former  la  fourche  extrême  de  la 
Nouvelle-Guinée  et  reparaît  de  dislance  en  dislance  dans  la  mer  avec 
l'archipel  de  Moresby,  les  îles  Massim  ou  de  la  Louisiade.  Le  détroit  qui 
sépare  la  grande  terre  de  l'île  Ilayter  et  aulies  îles  orientales  a  reçu  de 
Moresby  le  nom  de  China-st rails,  parce  (|u'il  offre  une  voie  directe  aux 
navires  qui  se  rendent  de  l'Australie  en  Chine  :  les  bords  de  ce  détroit 
sont  parmi  les  plus  beaux  de  la  Mélanésie  en  grâce  et  en  imprévu.  Le 
navigateur  Owen  Stanley  a  reconnu  le  premier,  en  18i(S,  la  complète 
insularité  de  l'archipel  oriental. 

A  l'est  du  détroit  de  la  Chine,  la  [)éninsule  extrême  de  la  Papouasie  re- 
prend en  mer  par  une  traînée  d'îlots  et  de  récifs  qui  se  terminent  à  500 
kilomètres  plus  loin  par  les  îles  de  Massim  ou  de  la  Louisiade.  Toutes  ces 
terres  sont  orientées  dans  le  prolongement  du  grand  corps  insulaire  de  la 
Nouvelle-Guinée,  de  l'ouest-nord-ouest  à  l'est-sud-est.  L'île  la  plus  grande, 
appelée  du  Sud-Est  par  les  navigateurs  français,  est  entourée  de  récifs  dis- 

'  Finsch,   \Villi('linis-l(i>td  und  BisiiKirch-AicliiiM'l ;  —  Saiiiuiifdlirlcn. 


MONTAG.NES,    ILES,    FLEUVES   DE   LA   NOl  VELLE-Gl  INÉE.  627 

posés  également  dans  le  même  sens  ;  au  nord,  les  rochers  du  Calvados  s'a- 
lignent vers  l'ile  Rossel,  parallèlement  à  l'ile  du  Sud-Est;  enfin  l'île  Saiiil- 
Aignan  se  redresse  au  nord-ouest  en  formant  un  autre  sillon  de  même 
orientation.  L'archipel  d'Enli'ecasteaux,  situé  au  nord  de  la  péninsuh^ 
terminale  de  la  Papouasie  et  continuant  une  des  branches  de  sa  fourchi; 
lerminale,  a  la  même  allure  et  sert  de  point  d'appui  à  un  hémicycle  de 
récifs  enfermant  l'un  des  plus  grands  lagons  des  mers  tropicales,  souvent 
désigné  sous  le  nom  de  lagon  de  Lusençay,  d'après  un  de  ses  récifs;  les 
îles  de  Trobriand,  de  la  Grandière,  d'autres  encore  s'élèvent  sur  ce  récif 
semi-circulaire,  enfermant  des  eaux  peu  profondes'.  Il  est  probalde  que 
toutes  ces  terres  immergées  firent  autrefois  partie  du  continent  papoua- 
sien.  La  péninsule  néo-guinéenne  des  monts  Finisterre  se  prolongeait 
jadis  par  les  récifs  jusqu'à  l'île  Woodlark  ou  Mouyou. 

Quoique  voisine  de  la  stérile  Australie,  la  Aouvelle-Guinée,  baignée  de 
tous  les  côtés  par  la  mer,  dentelée  de  golfes  profonds,  hérissée  de  pointes 
qui  arrêtent  les  nuées  pluvieuses  et  située  dans  la  zone  équatoriale,  sur  la 
ligne  de  rencontre  des  alizés,  est  arrosée  avec  abondance  et  les  fleuves  y 
prennent  un  développement  considérable,  lien  est  deux  qui  roulent  une 
très  forte  masse  liquide.  L'Amberno  ou  Mamberan,  le  «  Grand  Fleuve  », 
auquel  les  Hollandais  ont  aussi  donné  le  nom  de  Rochussen,  est  ali- 
menté par  les  monts  neigeux  de  (Charles-Louis,  et  se  déverse  à  l'est  de 
la  baie  de  Geelvink,  en  empiétant  sur  la  mer  par  un  vaste  delta  aux  rami- 
fications nombreuses,  bordées  de  palmiers  nipa  et  de  casuarinées.  La  mer 
est  blanche  ou  verdàtre  à  une  grande  distance  au  large  des  bouches  de 
l'Amberno,  et,  de  crainte  des  bas-fonds,  les  navires  évitent  les  abords  du 
delta  :  on  ne  sait  pas  encore  quel  est  le  rameau  principal  du  fleuve.  Le 
cours  d'eau  le  plus  abondant  du  versant  méridional,  le  Fly,  est  un  peu 
mieux  connu.  Découvert  par  Blackwood  en  1845,  et  nommé  d'après  son 
navire,  ce  fleuve  puissant  a  été  visité  par  Jukes,  Mac  Farlaue,  d'Albertis, 
qui  l'a  remonté  sur  une  longueur  de  800  kilomètres,  jusqu'en  vue  des 
hautes  montagnes  où  il  prend  son  origine.  On  n'a  pas  encore  parcouru 
toutes  les  branches  du  delta  et  l'on  se  demande  si  les  nombreuses 
rivières  qui  coulent  au  sud  du  Fly,  précisément  en  face  de  la  péninsule 
australienne  de  York,  sont  des  fleuves  indépendants  ou  seulement  des 
effluents  du  Fly. 

Des  îles  de  formation  alluviale  s'avancent  dans  la  mer  aux  embouchures 
des  cours  d'eau,  mais  en  maints  endroits  la  côte  est  bordée  d'îlots  corallis 

'  Findlay  :  —  Finscli  ;  —  VV.  Powell,  Proccedinys  of  ilie  R.  Geograpliicul  Socicly.  1885. 


628  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

gènes,  pour  la  plupart  révolus  de  végélalioii  et  d'autaiil  plus  coniparahles 
à  des  corbeilles  de  verdure  que  la  vague  les  mine  par-dessous  en  donnant 
à  leurs  rives  une  corniche  surplombante.  Il  est  aussi  de  grandes  îles  que 
l'on  doit  considérer  comme  faisant  partie  de  la  j\ouvelle-Guinée.  Les  plus 
vastes  sont  celles  de  la  baie  de  Geelvink,  Korrido,  Biak,  Jap|)en.  Au  sud 
de  la  côte  méridionale,  l'île  de  Frederik-IIendrik,  qu'une  sinueuse  ruelle 
d'eau  sépare  de  la  Klapper-kust  ou  «  côte  des  Cocotiers  »,  n'est,  pour  ainsi 
dire,  île  qu'en  apparence  :  un  simple  banc  de  sable,  une  obstruction  do 
troncs  d'arbres  en  ferait  une  presqu'île.  Plusieurs  îlots,  surtout  dans  le 
détroit  de  Terres,  sont  disposés  de  manière  à  former  des  ports  naturels, 
précieuse  ressource  pour  les  bâtiments  dans  le  voisinage  d'une  côte  peu 
découpée,  dépourvue  de  toute  crique  d'abri  sur  des  centaines  de  kilo- 
mètres. D'après  ^Yallace,  l'archipel  d'Aroe  aurait  été,  comme  Frederik- 
IIendrik,  une  terre  à  peine  séparée  de  la  grande  île  par  un  marigot.  Les 
rues  et  ruelles  d'eaux  tranquilles  qui  la  découpent  en  d'innombrables  îlots, 
comme  les  quartiers  d'une  cité,  semblent  indiquer  (jue  les  îles  d'Aroe 
furent  autrefois  une  plaine  marécageuse  de  la  grande  terre,  doni  les  dx^- 
naux,  après  avoir  été  rem|ilis  d'eau  douce,  ont  été  envahis  graduellement 
par  l'eau  salée.  Le  phénomène  de  la  mer  lactée  est  assez  commun  dans  les 
mers  qui  avoisinenl  l'archipel  d'Aioe'. 

La  position  géographique  de  la  Nouvelle-Guinée,  sous  la  même  latitude 
moyenne  que  Sumatra,  en  fait  à  la  fois  une  contrée  chaude  et  humide, 
sans  grands  écarts  de  température,  sans  pluies  ni  sécheresses  trop  prolon- 
gées. La  Nouvelle-Guinée  n'a  ni  les  froidures  ni  les  ardeurs  estivales  de 
l'Australie  :  les  voyageurs  ne  parlent  pas  de  chaleurs  ayant  dépassé 
52  degrés  ni  de  basses  températures  inl'éi-ieures  à  20  degrés*.  Comme  dans 
l'Insulinde,  l'alternance  des  saisons  est  réglée  par  les  alizés,  qui  tantôt 
soufflent  régulièrement  du  sud-est  et  du  nord-est,  tantôt  sont  infléchis  en 
moussons  et  changent  de  direction  suivant  les  foyers  d'appel  qui  les  atti- 
rent. Les  hautes  rangées  de  montagnes  qui  partagent  l'île  en  deux  ver- 
sants très  inclinés  font  contraster  de  chaque  côté  la  marche  des  saisons. 
Pendant  l'hiver  de  l'hémisphère  septentrional,  de  novembre  en  avril,  alors 

■   '  Tt'iiiminck,  ouvrage  cité. 

*  Observations  faites  à  la  Pointe  do  l'Eriiiilagc  (yjô'O"  S.  :  I4.j"ii)'  I"  E.  tlo  (W.)  \ku  Mikluklio- 
Makiaï)  : 

TeniprT.-ifurc  inoyeniic 'J(i".2 

Il           maxiiiia ôl",8 

miniina 2|o,2 

Jours  (le  |iliiic 130 

Ouaiilili'  de  pluie i-".')Qi 


ILES  AROE.   CLIMAT   DE    LA   >OrVELLE-(;UI>'ÉE.  ti'29 

(|ue  l'nlizé  (lu  nord-est  apporte  les  vapeurs  donl  il  s'est  saturé  dans  la  Ira- 
vej'sée  du  Pacifique,  les  pluies  se  déversent  en  alidiidance  sur  les  pentes 
des  monts  tournées  vers  le  nord;  l'autre  versant,  tourné  vers  l'Australie, 
est  alors  dans  la  saison  des  sécheresses  ou  du  moins  des  pluies  l'ares 
que  laissent  tomber  les  nuées  venues  avec  les  vents  variables  du  sud. 
Durant  l'autre  moitié  de  l'année,  de  mai  en  octobre,  les  alizés  du  sud-est 
souftlent  franchement  sur  les  côtes  sud-orientales  de  la  Nouvelle-Guinée, 
c'est-à-dire  toute  la  partie  de  l'ile  que  n'abrite  pas  le  continent  australien, 
et  ces  vents  sont  toujours  accompagnés  de  pluies.  A  l'ouest  du  détroit  de 
Torres,  la  masse  énorme  de  l'Australie  modifie  la  direction  des  vents  nor- 
maux qui  proviennent  du  sud-ouest  et  de  l'ouest,  mais  qui  apportent  aussi 
des  mers  parcourues  une  abondante  humidité.  Pendant  cette  saison  la 
contre-côte  présente  les  phénomènes  inverses  :  les  hautes  montagnes  de 
la  chaîne  Owen  Stanley  arrêtent  complètement  l'alizé  du  sud-est,  et  dans 
les  parages  abrités  les  marins  ne  rencontrent  que  des  calmes  ou  des  vents 
inconstants. 

Terre  à  demi  australienne,  la  Nouvelle-Guinée  offre  une  végétation 
moins  riche  que  celle  de  l'insulinde,  mais  par  ses  presqu'îles  occidentales 
elle  semble  appartenir  à  la  même  zone  que  les  Moluques,  et  l'on  y  trouve 
les  mêmes  arbres,  notamment  les  muscadiers.  Dans  les  régions  orien- 
tales, les  acacias,  les  eucalyptus  rappellent  le  voisinage  de  l'Australie.  On 
peut  dire  qu'en  général  les  deux  flores  s'entre-croisent  dans  le  corps  insu- 
laire de  la  Nouvelle-Guinée;  elles  alternent  suivant  la  sécheresse  ou  l'hu- 
midité des  versants.  Là  où  les  pentes  manquent  d'eau,  c'est  la  flore  austra- 
lienne qui  domine,  les  arbres  clairsemés  des  bois  sont  des  eucalyptus  et 
d'autres  essences  de  la  Nouvelle-Hollande;  les  u  hiM'bes  à  kangourou  »  y 
ondulent  en  de  vastes  savanes,  tandis  qu'au  bord  des  ruisseaux  croissent 
les  arbres  à  pain,  les  manguiers,  les  sang-dragons,  les  pandanus,  les  pal- 
miers à  noix  d'arec  et  les  cocotiers'.  Mais  il  est  aussi  un  grand  nombiv» 
d'espèces  propres  à  la  Nouvelle-Guinée  :  Beccari  a  compté  une  cinquantaine 
de  palmiers  que  la  grande  lie  est  seule  à  posséder.  Le  sassafras  goheianum 
est  une  laurinée  dont  le  liber  fournit  la  préci(uise  huile  de  massoï,  très 
estimée  comme  fébrifuge  dans  l'archipel  Malais. 

La  ressemblance  des  faunes  est  grande  entre  l(^s  deux  contrées  voisines, 
la  Nouvelle-Guinée  et  l'Australie,  pourtant  bien  dissemblables  par  l'aspect 
général,  le  relief  et  le  climat.  D'un  côté,  un  pays  de  hautes  montagnes,  de 
vents  pluvieux,   de    vallées    humides,  de  grands  fleuves,  de  vastes  forêts 

'  W.  {',.  Lawes,  Pi-occediiujs  of  tlie  H.  Gcoyropliical  Surictij,  OcloLer  1880. 


050  NOUVELLK   f;ÉOi;ilAPllIE   IMVKIiSELLE. 

toujours  vertes;  de  l'auli'c,  un  eonlineiit  iui.x  |il;iines  sans  bornes,  aux 
terrains  pierreux  et  sans  eau,  aux  brousses  épineuses  ;  néanmoins  hi  l'aune 
des  mammifères  appartient  à  h\  même  aire  de  dispersion,  ce  qui  ne  peut 
s'expliquer  que  par  le  fait  d'une  ancienne  jonction  des  terres  :  la  forma- 
tion du  détroit  de  Torres  est  un  événement  moderne  dans  l'histoire  de 
la  planète'.  Mais  les  animaux  ont  dû  modifier  leurs  mœurs  pour  s'accom- 
moder au  milieu.  Ainsi  l'un  des  kangourous  de  la  JNouvelle-Guinée  a  cessé 
d'être  un  animal  sauteur  pour  devenir  grimpeur  :  sa  queue  s'est  couverte 
de  poils  et  amincie,  ses  pattes  se  sont  garnies  de  griffes,  et  il  se  meut  le 
long  des  ramures  par  petits  sauts;  au  lieu  de  paître  l'herbe,  il  se  nourrit 
du  riche  feuillage  des  arbres;  toutefois  il  est  encore  malhabile  à  l'esca- 
lade et  ne  manquerait  pas  d'être  exterminé  si  des  félins  parcouraient  les 
forêts  de  la  Nouvelle-Guinée. 

Plus  de  30  espèces  de  marsupiaux,  dont  l'un  est  aussi  petit  qu'un  rat, 
constituent,  avec  un  sanglier,  des  chauves-souris,  des  souris  et  des  mono- 
trèmes,  toute  la  faune  des  mammifères  de  la  Pajtouasie.  Le  chien  dingo, 
qui  accompagne  partout  l'indigène,  est  venu  comme  (nix  de  jiays  étrangers 
à  une  époque  immémoriale*;  comme  le  chien  d'Australie,  il  n'aboie  point  ; 
il  ne  se  nourrit  guèi'e  (jue  de  végétaux  et  de  fruits,  et  sa  chair  est  excel- 
Icriie.  l'ar  ses  oiseaux,  la  grande  île  n'est  plus  une  simple  province  austra- 
lienne, elle  appartient  également  à  la  Malaisie.  Seulement  dans  la  péninsule 
nord-occidentale  de  la  Nouvelle-Guinée  et  dans  les  îles  avoisinantes,  Wal- 
lace  et  d'autres  naturalistes  ont  constaté  l'existence  d'au  moins  250  espèces 
d'oiseaux  terrestres,  appartenant  à  lOS  genres,  dont  6i  |)ro|»res  à  l'aire 
de  la  Nouvelle-Guinée,  des  Molu(|ues  et  de  l'Australie  du  nord.  VA  |)armi  ces 
espèces  il  en  est  qui  sont  des  plus  remarquables  par  l'élégance,  l'origi- 
nalité des  formes  et  l'éclat  des  couleurs.  L'une  est  le  plus  beau  des  pi- 
geons, goura  coronata;  d'autres  sont  des  perroquets,  le  grand  cacatoès 
noir  et  le  nasiterna,  «  le  géant  et  le  nain  »  de  la  tribu  ;  enfin,  la  Nouvelle- 
Guinée  est  aussi  le  centre  de  dispersion  pour  ces  merveilleux  oiseaux 
de  paradis,  que  les  Malais  appelaient  les  «  oiseaux  de  Dieu  »  et  que  l'on 
croyait  jadis  ne  pouvoir  vivre  que  sur  l'aile,  volant  vers  le  soleil  :  on  pré- 
tendait qu'ils  n'avaient  point  de  pattes,  car  on  n'apportait  les  jteaux  que 
mutilées  sur  les  marchés  des  Moluques,  et  même  Linné  donna  à  la  grande 
espèce  le  nom  de  paradhea  apoda.  Le  casoar  est  aussi  l'un  des  oiseaux 
de  l'omis  papouasienne.  Les  gi'ands  rapaces  manquent  presque  complè- 


'  Alfred  II.  Wallace.  Tlic  Matdij  Arrliipelaijo. 
-  0.  Fiiisfh,  Samoa fdluicii. 


FAUNE,   POIHLATION  UK   LA   NOUVELLE-GUINÉE.  Oôl 

Icmcnt,  et  c'est  gi';ice  à  leur  ahst-iice  (ju'oiil  pu  se  développer  (ant  d'es- 
pèces d'oiseaux  au  plumage  éclatant'.  En  mainte  triliu,  les  indigènes  élè- 
vent des  coqs  et  des  perroquets  pour  les  plumes  qu'ils  leur  fournissent. 
Parmi  les  serpents  néo-guinéens,  très  nombreux,  se  trouve  une  espèci; 
v.uv'ieusCjieclioiHlropytlinu  iiidcher,  formant  la  transition  entre  les  seqx'uls 
l)oas  d'Amériipie  et  les  pythons  d'Asie".  L'exploration,  encore  bien  incom- 
plète, de  la  Aouvelle-Guiiiée  a  fait  connaître  des  milliers  d'insectes  (jui 
témoignent  d'une  étonnante  richesse  de  formes  et  de  genres,  aussi  remar- 
quable en  proportion  (jue  celle  du  monde  des  oiseaux. 


La  population  de  la  ^ouvelle-laiinée,  que  l'on  évalue  diversement  d'un 
demi-million  à  plus  de  deux  millions  d'habitants",  comprend  un  très  grand 
immbi'e  de  peuplades  fort  différentes  les  unes  des  autres  par  la  stature,  la 
couleur  de  la  peau,  la  forme  du  crâne  et  les  autres  traits  physiques, 
aussi  bien  ([ue  par  les  aplitutlcs  et  les  mœurs.  Parmi  les  tribus,  plusieurs 
se  rapprochent  du  type  indonésien,  tel  qu'on  le  retrouve  à  Bornéo  et  à  Ce- 
lèbès,  d'autres  ressemblent  aux  Malais  et  sont  décrites  par  les  voyageurs 
comme  appartenant  à  cette  race.  Wallace,  Virchovv,  deQuatrefages,  Ilamy, 
d'Alberlis,  Mantegazza  croient  aussi  que  les  negritos  sont  représentés  dans 
la  Nouvelle-Guinée  comme  race  distincte,  et  non  comme  Papoua  dégénérés, 
ainsi  que  le  croit  Meyer,  avec  Mikhluko-Maklaï  ;  enfin,  les  groupes  d'ori- 
gine polynésienne  sont  nombreux,  suilout  dans  la  partie  sud-orienlale 
de  l'île,  et  des  croisements  se  sont  faits  à  l'inlini  de  village  à  village.  La 
race  n'est  point  une,  comme  il  paraissait  probal)le  d'après  les  récits  des 
pivmiers  explorateurs;  du  moins  l'élément  papoua,  d'après  lequel  la 
grande  terre  a  reçu  son  nom  de  Papouasie,  prédomine  sur  tous  les  autres  : 
il  est  presque  sans  mélange  sur  le  versant  se|)tentrional  de  l'île.  D'après 
quelques  auteurs,  il  se  retrouve  même  dans  toute  l'Océanie;  jadis  il 
s'étendait  jusqu'aux  îles  Ilavaïi  et  à  la  Nouvelle-Zélande,  où  l'ont  rem- 
placé les  Polynésiens  \ 

Ce  mot  de  Papoua  serait  dérivé  de  l'expression  malaise  poua-poua,  ayant, 
dit  Crawlbrd,  le  sens  de  «  noir-noir  »;  cependant  la  plupart  des  savants 
lui  donnent  la  signification  de  «  crépus  »,  due  à  la  frisure  naturelle  de 
leurs  cheveux;  c'est  le  trait  physique  des  Papoua  qui  frappe  le  plus  les 

'  Studer,  Jahresbeticht  der  Gcoyrnphisclieii  Gcscllschafl  in  Bcni,  1882-1883. 

«  Raffray,  le  Tour  du  Monde.  1879. 

■•  0.  C.  Stonc,  A  few  Months  in  ?iew-Guinea. 

"  !•<■  OiialR'Li^'L'S,  Les  Pijyniées.  t'tc. 


652  NOUVELLE  GÉOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

étrangers.  Eux-mêmes  ne  se  donnent  pas  de  nom  générique,  et  les  appel- 
lations spéciales  par  lesquelles  on  désigne  les  dilTérentes  tribus  se  con- 
fondent d'ordinaire  avec  les  noms  de  lieux.  Les  langues,  aussi  nom- 
breuses que  les  peuplades,  sont  assez  distinctes  pour  que  les  indigènes  ne 
puissent,  en  maints  endroits,  se  comprendre  de  village  à  village  :  on  ne 
parlerait  pas  moins  de  vingt-cinq  idiomes  dans  la  partie  du  littoral  du 
sud  qui  s'étend  sur  un  espace  d'environ  500  kilomètres  à  l'est  du  détroit 
de  Torres'  :  le  plus  connu  do  tous  est  le  noiour  de  Doreï  et  des  îlots  voi- 
sins. D'ailleurs,  tous  les  parlers  néo-guinéens  étudiés  jusqu'à  maintenant 
appartiennent  à  la  grande   famille  glossologique  malayo-polynésienne'. 

En  moyenne,  les  Papoua  sont  d'une  taille  un  peu  moins  élevée  que  les 
Polynésiens,  et  variant  d'ordinaire  entre  l"',5o  et  1"',60.  Ils  sont  bien 
faits,  souples,  adroits,  et  les  Européens  admirent  l'art  avec  lequel  ils  se 
servent  de  leurs  doigts  de  pieds  pour  ramasser  des  objets;  il  en  est  qui 
sont  de  merveilleux  grimpeurs  et  qui  cheminent  à  la  façon  des  singes  sur 
les  branches  des  arbres.  La  plupart  des  Pa[)oua  ont  la  peau  très  foncée, 
mais  jamais  de  ce  noir  brillant  que  présentent  les  Chillouk  ou  les  Ouolof 
d'Afrique.  Les  traits  se  rapprochent  de  ceux  des  Européens;  les  sourcils 
sont  bien  marqués,  les  yeux  giands  et  vifs,  la  bouche  grande  et  forte, 
mais  non  lip|)ue,  la  mâchoire  solide.  Chez  les  Papoua  de  la  péninsule 
nord-occidentale,  que  Wallace  considère  comme  représentant  le  type 
dans  sa  pureté,  le  nez  est  long,  busqué  et  pointu  :  c'est  là  un  trait  que 
les  artistes  papoua  ne  mantjuent  jamais  de  reproduire  dans  les  effigies 
humaines  dont  ils  décorent  leurs  maisons  et  leurs  barques.  Un  autre  carac- 
tère distinctif  de  nombreuses  tribus  papoua  est  la  chevelure  crépue  ou 
même  laineuse,  qui  orne  la  tête  d'une  superbe  toison,  non  moins  opu- 
lente que  celle  des  Cafusos  brésiliens,  et  témoignant  peut-être,  comme 
chez  ces  derniers,  d'un  croisement  de  races.  Ainsi  que  la  chevelure  touf- 
fue, la  forme  allongée  du  crâne  n'est  point  un  trait  constant  du  type 
papoua,  mais  il  est  général.  Dans  quelques  îles  du  détroit  de  Torres,  à 
Mabiak  par  exemple,  les  mères  prennent  soin  d'allonger  en  pointe  les 
crânes  de  leurs  enfants.  Sur  la  grande  terre,  Miklukho-Makl'aï  signale 
aussi  beaucoup  de  tribus  où  les  jeunes  filles  s'accoutument  à  porter  des 
fardeaux  en  passant  une  courroie  autour  de  leur  tète,  et  cette  habitude  a 
pour  conséquence  de  déprimer  circulairement  le  crâne. 

Il  est  des  Papoua  ([ui  vont  encore  nus,  mais  la  plupart  ont  du  moins 


\\.-G.  Lawos,  ouvra^'e  cili'. 

Kern,  Actes  du  sixième  ruiifiirs  des  Orientalistes.  1883. 


I  --- 


PAPOU  A.  035 

une  espèce  de  pn^ne  eu  écoree  ou  de  jupe  eu  liliies  de  |)kintes,  parfois 
uu  simple  rotin  auquel  est  suspeudue  une  coquille  ou  une  feuille.  Le 
tatouage  n'est  pas  universel  et  les  Papoua  proprement  dits  ne  se  recou- 
vrent pas  de  dessins  et  d'arabesques  comme  les  Polynésiens;  en  outre,  ils 
se  tatouent  par  brûlures  ou  ]iar  incisions,  et  non  pas,  comme  les  popu- 
lations mélangées  du  sud-est  de  l'ile,  au  moyen  de  piqûres.  Très  désireux 
de  plaire,  les  Papoua  se  chargent  d'ornements:  peignes  de  bambou  dans 
leur  chevelure,  baguettes  passées  à  travers  la  cloison  du  nez,  pendants 
d'oreilles  en  os,  en  bambou,  en  coijuillages  on  en  pierres  brillantes, 
colliers,  bracelets  et  chevillères  en  vertèbres  de  poisson  et  même  en  dents 
humaines,  rehaussent  leur  beauté.  Ils  se  peignent  aussi  le  corps  de  cou- 
leurs vives.  En  signe  de  deuil,  les  Papoua  se  bariolent  en  blanc,  en  jaune 
ou  en  noir,  suivant  les  tribus.  Pour  exprimer  leur  chagrin,  les  femmes 
de  Katau,  près  des  bouches  du  Fly,  se  recouvrent  d'un  réseau  de  corde- 
lettes, de  la  ligure  jusqu'aux  genoux'. 

Certaines  tribus  papoua,  parmi  lesquelles  résida  Miklukho-Makl'aï,  sur 
les  bords  de  la  baie  de  l'Astrolabe,  généralement  désignée  de  nos  jours 
sous  le  nom  de  «  côte  Makl'aï  »,  sont  parmi  les  moins  policées  de  la 
Papouasie  :  les  métaux  leur  étaient  inconnus,  elles  se  trouvaient  encore 
dans  l'âge  de  la  pierre,  des  coquillages  et  du  bois,  ne  sachant  point  se 
fabriquer  d'instruments  avec  d'autres  matériaux.  Seuls  parmi  les  con- 
temporains, ces  Papoua  ignoraient  l'art  de  produire  le  feu  lorsque  h 
voyageur  russe  vint  bâtir  sa  cabane  dans  leur  voisinage  :  quand  les 
charbons  s'éteignaient  dans  une  maison,  il  fallait  en  emprunter  chez  le 
voisin;  après  les  expéditions,  on  s'en  prêtait  de  village  à  village.  Les 
vieillards  racontent  qu'à  une  époque  peu  éloignée  le  feu  était  com- 
plètement inconnu  :  on  mangeait  la  viande  crue,  ce  qui  avait  pour  consé- 
quence de  faire  régner  le  scorbul.  Peut-être  cet  état  de  civilisation  est-il 
celui  des  indigènes  de  l'intérieur,  restés  en  dehors  de  toutes  relations  avec 
les  étrangers  ;  mais  la  plupart  des  riverains,  visités  par  les  Malais  elles 
Bougi,  les  marins  d'Europe  et  d'Amérique,  ont  depuis  longtemps  une 
culture  beaucoup  plus  développée.  Tandis  que  certaines  tribus  ne  connais- 
sent (jue  lâchasse,  la  pêche,  la  cueillette,  il  en  est  qui  savent  cultiver  la 
terre  et  qui  défrichent  de  vastes  clairières  dans  la  forêt;  ils  plantent  des 
sagoutiers  dans  les  terrains  humides,  entourent  leurs  cabanes  de  bana- 
niers, sèment  le  maïs,  le  taro,  le  tabac,  exportent  même  des  productions 
agricoles  en  échange  de  marchandises  d'Europe,  notamment  des  armes  et 

'  D'Alberlis,  Rci'tic  il  Anlliropologic.  1876. 


636  NOUVELLE  UÉOf.RAl'IllE  UNIVERSELLE. 

(les  insliumrnls  en  i'er.  Xiij^iù'rc  ils  ircniployaifiil  (|ue  les  flèches  el  les 
javelots  à  poinle  de  pierre,  ou  en  Itois  empoisonné,  les  couleanx  de 
bambou,  les  poignards  en  os,  les  é|)ieux  el  les  massues.  En  1770,  Cook, 
et  depuis  cette  époque  d'autres  navigateurs  ont  remarqué  sur  la  côle 
méridionale  de  la  Papouasie,  à  l'ouest  du  détroit  de  Torres,  des  indigènes 
qui  les  visaient  avec  un  tube  el  leur  envoyaient  un  projectile,  accompagné 
d'un  certain  bruit  d'explosion  ;  mais  ils  ne  purent  se  rendre  compte  de 
la  nature  de  cette  arme.  Les  Papoua  possèdent  aussi  des  instruments  de 
musique  de  formes  primitives,  llùles,  tambours  et  buccins. 

Si  peu  développés  qu'ils  soient  dans  les  connaissances  el  les  industries, 
les  Papoua  ont  un  sentiment  artistique  très  remarquable  :  comme  scul|i- 
teurs  et  ciseleurs,  ils  sont  de  beaucoup  supérieurs  à  la  plupart  des  nations 
malaises.  Ne  disposant  guère  pour  leurs  travaux  d'art  que  de  bambous, 
d'os,  de  feuilles  de  bananier,  d'écorces  et  de  bois,  ils  ne  dessinent  et  ne 
gravent  d'ordinaire  que  dans  le  sens  de  la  fibi'e,  c'est-à-dire  suivant  les 
lignes  droites;  néanmoins  ils  réussissent  avec  ces  moyens  primitifs  à 
produire  des  ornements  très  gracieux  et  d'une  grande  originalité,  à  tailler 
des  trhim  ou  statues  colossales,  repi'ésenlant  des  chefs  célèbres  et  des 
ancêtres';  grâce  à  leur  talent  de  graveurs  et  de  sculpteurs,  ils  en  sont 
même  arrivés  à  re|)résenter  de  vastes  scènes  historiques  et  à  raconter 
ainsi  les  événements  contemporains.  De  nombreuses  tribus  ont  leurs 
annales,  soil  dessinées  sur  des  feuilles,  soit  peintes  sur  des  rochers  en 
écriture  symbolique^  Les  crânes  des  ennemis  abattus,  que  l'on  conserve 
av<M'  soin  pour  orner  les  maisons,  sont  eux-mêmes  en  certains  endroits 
enjolivés  de  dessins  tracés  sur  un  masque  de  cire  el  de  résine.  Sur  les 
bords  du  Fly,  on  se  sert  aussi  de  crânes  comme  instruments  de  musique: 
on  y  perce  un  ou  deux  trous,  dans  lesquels  l'air  se  précipite  en  sifflant 
<piand  on  lait  tourner  le  crâne  à  la  manière  d'une  fronde". 

Toutes  les  habitations  des  Papoua,  même  celles  qui  s'élèvent  dans  l'in- 
térieur des  terres,  sont  construites  sur  des  rangées  de  pieux,  d'après  le 
modèle  des  villages  insulaires,  qui  sont  entourés  d'eau  à  chaque  marée  el 
([u'on  ne  peut  aborder  qu'en  bateau.  Ces  groupes  de  cabanes,  qui  ressem- 
lilent  de  loin  à  quelque  récif  émergé,  de  forme  bizarre,  offrent  l'image  |»ar- 
faite  de  ce  que  furent  les  cités  lacustres  de  l'Europe,  il  y  a  trois  ou  quatre 
mille  années.  Des  pieux  inégaux  profondément  enfoncés  dans  le  lit  vaseux 

'  n.  Fiiiscli.  Sdiiwiifnhrten. 

-  Ijcon,  Tijihlnifl  voor  Iiidische  Laiid-,  Triril-  fiiirl  Vollieiilnindi'.  vol.  \1X  ;  .Motzyer,  Nalurc, 
A|iril  9.  1885. 

=  I'.  .Manliig:i«a.  Bulletin  de  hi  Sociclé  d\\iiUin>j>olwjk\  19  ii\.  ISSU. 


PAPOIA.  657 

dos  baies  soulionnenl  des  plaïulieis  de  lianes  et  de  poutrelles  entrelacées, 
plus  ou  moins  polis  avec  des  instruments  de  pierre  ;  au  centre  du  réduit, 
une  couche  de  terre  glaise  porte  le  foyer.  Une  petite  varande  court  devant 
la  maison  :  là  jouent  les  enfants  et  s'installent  les  pêcheurs.  Des  perches, 
sur  lesquelles  cheminent  sans  peur  les  indigènes,  saisissant  le  bois  de 
leurs  pieds  nus,  réunissent  les  maisons  d'une  galerie  à  l'autre.  Des  croco- 
diles nagent  au-dessous  des  cabanes  pour  se  nourrir  des  débris  de  cuisine, 
et  maintenant  des  chaloupes  européennes,  même  de  petits  bateaux  à 
vapeur,  sillonnent  les  rues  et  jettent  l'ancre  devant  la  maison  commune, 
qui  sert  à  la  fois  de  temple,  d'hôtel,  de  bourse  et  de  marché.  Dans  les 
villages  de  l'intérieur  les  Papoua  ont  conservé  le  même  type  de  construc- 
tion que  sur  les  côtes. 

C'est  par  la  construction  de  leurs  bateaux  que  les  Papoua  donnent  la 
preuve  la  plus  remarquable  de  leur  ingéniosité.  Ouand  le  mauvais  temps 
s'annonce,  ils  amarrent  deux,  trois  et  même  quatre  de  ces  barques  en 
une  seule  masse  flottante  qui  s'élève  et  s'abaisse  au  gré  des  vagues  sans 
jamais  chavirer.  Quelques-uns  de  ces  latakoï  ou  bateaux  de  commerce  ont 
jusqu'à  six  voiles  rectangulaires  faites  en  nattes  de  l'écorce  du  palmier 
sagou  et  retenue*^  chacune  par  deux  mâts  verticaux  plantés  sur  le  bordage 
de  l'embarcation.  D'autres  bateaux  n'ont  qu'une  seule  voile,  d'une  hau- 
teur double  du  mât,  ovale,  échancrée  dans  la  partie  supérieure,  de  ma- 
nière à  former  deux  cornes  pointues  qui  de  loin  font  ressembler  la  barque 
à  un  animal  prodigieux,  quelque  lucane  énorme  cheminant  sur  les  mers'. 
Les  indigènes  savent  aussi  donner  une  grande  stabilité  à  de  simples  mo- 
noxyles  creusés  par  le  fer  et  le  feu,  en  plaçant  en  travers  de  la  barque 
une  plate-forme  qui  repose  à  ses  deux  extrémités  sur  une  poutre  à  bouts 
pointus  servant  de  balancier. 

Quoique  fort  redoutés  jadis  par  les  marins  de  passage,  la  plupart  des 
Néo-Guinéens  sont  de  mœurs  très  douces  :  les  femmes  sont  respectées,  et 
les  enfants  traités  avec  une  bonté  parfaite;  les  esclaves,  dans  les  rares 
districts  où  il  en  existe,  ne  sont  point  nourris  ou  habillés  autrement  que 
les  hommes  libres';  on  rend  hommage  aux  morts  par  des  fleurs,  des 
chants  et  des  cérémonies.  Les  rites  diffèrent  beaucoup  suivant  les  tribus  : 
les  uns  enterrent  leurs  morts  aussitôt  après  la  fin  ;  d'autres  attendent 
que  le  cadavre  ait  été  desséché  par  le  feu  ou  par  le  temps;  ailleurs  les 
ossements  sont  distribués  entre  les  amis,  et  le   fils  orne  son  bras  de  la 


'  Octnvius  C.  Slone,  .4  few  iiionths  in  AViu  Giiiiwa. 
--  Achilli'  Ralïrav.  Tony  du  Momk:  IS'y. 


(JÔS  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

mâchoire  du  \)hvc.  Un  des  usages  les  plus  communément  suivis  est  de 
laillei-  des  karvar,  c'est-à-dire  des  figurines  qui  représentent  les  morts 
ou  plutôt  la  vie  qui  s'est  échappée  d'eux;  quand  le  fils  meurt,  on  plante 
le  korvar  sur  sa  tombe,  à  côté  de  ses  armes  :  il  se  l'ait  suivre  dans  l'autre 
monde  par  l'image  de  son  père  et  laisse  la  sienne  à  ses  enfants.  Les 
cabanes  et  les  bateaux  qui  servent  de  temples  sont  ornés  des  effigies  des 
ancêtres.  Ce  culte  des  morts,  celui  des  génies,  bons  ou  mauvais,  qui  vivent 
dans  les  arbres,  les  rochers,  le  vent  et  les  orages,  telle  est  la  religion  des 
Papoua.  Cependant  le  mahométisme  a  fait  invasion  dans  les  petits  archi- 
pels de  la  côte  occidentale  et  dans  le  continent  même  de  la  Nouvelle-Guinée, 
D'autre  part,  des  missionnaires  chrétiens  sont  à  l'œuvre  en  diverses  par- 
ties du  littoral  pour  convertir  les  indigènes. 


Les  Hollandais,  héritiers  du  sultan  de  Tidore,  qui  garde  la  suzeraineté 
de  nom,  mais  auquel  il  est  désormais  défendu  de  lever  tribut',  sont  offi- 
ciellement les  maîtres  de  la  Nouvelle-Guinée  occidentale;  mais  sur  ce 
territoiie  immense  ils  ne  possèdent  même  pas  une  ville  d'où  l'annexion 
puisse  se  faire  par  degrés  vers  l'intérieur  :  ils  n'ont  que  de  simples 
escales,  devant  lesquelles  se  présentent  leurs  bâtiments  de  guerre  à  inter- 
valles plus  ou  moins  éloignés,  j)our  protéger  les  petites  opérations  com- 
merciales de  quelques  traitants  européens,  et  surtout  pour  montrer  leur 
jiavillon  et  maintenir  leur  autorité  aux  yeux  des  indigènes.  Sur  quelques 
points  de  la  côte  a  été  dressé  le  blason  néerlandais,  en  avertissement 
pour  les  marins  de  passage  et  en  symbole  de  pouvoir  pour  les  naturels. 
A  l'angle  nord-oriental  de  la  Nouvelle-Guinée,  une  île  semble  admirable- 
ment placée  pour  servir  un  jour  d'entrepôt  commercial  aux  populations 
insulaires  de  ces  parages  :  c'est  l'île  de  Waigeoe  ou  la  «  Terre  de  l'Eau  ». 
Les  golfes  profonds  qui  la  découpent  au  sud  pourraient  abriter  du  vent 
des  flottes  entières,  et  l'île  coralligène  de  Gemien,  placée  au  devant  du 
littoral,  forme  une  magnifique  rade.  De  cette  escale  les  navires  peuvent 
se  porter  soit  à  l'est  vers  le  Pacifique,  soit  au  sud  ou  à  l'ouest  dans 
le  labyriuthe  des  terres  insulindiennes.  ^lalheureusement  Waigeoe, 
quoique  fertile  et  peuplée,  n'a  guère  de  produits  d'exportation  :  les  habi- 
tants, descendus  de  Malais  et  de  Papoua,  sont  nonchalants  comme  tous 
les  autres  insulaires  auxquels  le  sagoutier  fournil  la  nourriture  en  sura- 
bondance. L'intérieur  de  l'île  n'a  point  de  tribus  indépendantes  d'Alfou- 

'  Pfocci-itiiifis  of  llic  F{.  Gcoijnipliical  Society,  1885. 


l'Al'OLA,    WAIGEOE.   SALWATIE. 


639 


rou'.  Le  radjah  do  l'ile  i-ésido  à  Samsam,  au  fond  du  goH'c  qui  parlage 
presque   complèlcracul  l'ilc  :    l'isllime  do  Fak-Fak,  (jui  rôunil   los  doux 


V"    129.    —    WAIGEOE,    BATAMA   ET    SAI.WATIE. 


Est  de  Paris  ,128 


Est  deGreenwIch  150°20- 


D'après  les  cartes 


I   :  lan.ifino 


moitiés  de  Waigeoe,  n'a  guère  que  20  mèlros  en  hauteur'.  Le  marché  le 
plus  frcfiuenté  de  l'archipel  occidental  de  la  Nouvelle-Guinée  est  le  bourg 
de  Samaté,  dans  l'île  de  Salwalie. 


'  Alfred  R.  \\3\lacc,  Mfildii  Airliipclafiu. 
*  H.  Ilosenbers,  ouvraae  cilo. 


640 


NOUVELLf;  GÉOGRAl'lllE  IMVKnsi-LLE. 


Sur  le  conlinont,  le  inouillage  le  plus  fréquenlé  ])iir  les  navires  hollan- 
dais est  celui  de  Doreï  ou  «  Intérieur  »  ,  silué  à   l'entrée  de  la   Laie  de 


N*^    !r>0.    linlîLl. 


tst  de  Pa,-    c- 


Pr-ofor7c/eu/~^ 


1  •  ma  ooo 


Geelvink,  au  pied  des  monts  Arfak.  Tiois  villages  sur  pilotis  s'élèvent  en 
îlots  près  de  la  côte,  abrités  au  nord  par  nn  promontoire  hoisé.  Quelques 
traitants  viennent  y  trafiquer,  ainsi  que  des  missionnaires,  d'ailleurs  bien 
accueillis  par  les  indigènes,  mais  impuissants  à   grouper    autour   d'eux 


IlOREf,  MAFOUR  ET  KARON.  (iil 

une  pelilo  (■oiiunuiiaïUc  de  fidèles.  Les  Pa[)oua  de  Doreï  sont  connus  sous 
le  nom  de  Maibur  ou  Nofour,  apiicllalion  qui  est  probablement  de  même 
oi'igine  que  celle  d'AHburou  ;  dans  ce  cas,  elle  aurait  en  portugais  le 
sens  de  «  gens  du  dehors  »  ou  «  sauvages  »  ;  cependant  Van  Ilasselt  donne 
à  ce  nom  la  signification  de  «  découvreurs  du  feu'  »;  les  indigènes  sont 
justement  fiers  de  l'invention  sublime,  attribuée  aux  dieux  pai-  1rs 
autres  peuples.  Peu  de  naturels  ont  été  mieux  étudiés  par  les  voyageurs. 
Chez  eux,  les  jeunes  garçons  vivent  à  part  des  familles  dans  un  «  teni|ile  » 
en  forme  de  bateau,  aux  piliers  sculptés,  qui  se  dresse  à  l'écart  au  milieu 
des  flots  :  la  foi  jinblique  veille  devant  cet  édifice  ;  le  père  lui-même  ne 
se  permettrait  pas  d'en  franchir  le  seuil  à  la  recherche  d'un  fils.  Avant  le 
mariage,  le  fiancé  doit  éviter  à  tout  |)rix  de  voir  la  jeune  fille  qui  deviendra 
sa  femme;  s'il  la  rencontre  en  un  sentier,  il  doit  se  blottir  dans  les 
broussailles,  se  cacher  la  tète  :  sinon  il  aurait  à  payer  de  fortes  amendes 
pour  racheter  les  malheurs  attirés  sur  la  communauté^  La  femme  enceinte 
qui  tient  à  garder  son  enfant  se  peint  le  ventre  en  rouge,  couleur  de  la 
vie;  mais  il  est  rare  qu'elle  ait  plus  de  deux  ou  trois  enfants;  lors  d'une 
quatrième  grossesse,  elle  se  fait  toujours  avorter.  Les  Mafour  ont  |)our 
voisins  les  montagnards  Arfak,  coupeurs  de  tètes  redoutés,  qui  pourtant 
ont  bien  accueilli  les  voyageurs  aventurés  parmi  eux. 

Sur  la  c(jte  septentrionale,  à  l'ouest  de  Doreï,  se  trouve  une  autre  escale, 
Amberbakèn,  «  Pays  de  l'Ambre  »,  habitée  i)ar  des  Papoua  de  même  race 
que  les  Mafour,  paisibles  et  bienveillants  comme  eux  et  cultivateurs  plus 
habiles.  Leurs  villages  se  composent  de  cabanes  très  haut  perchées  sur  des 
tiges  entre-croisées  de  bambous.  Les  voisins  occidentaux  des  Amberbakèn 
sont  les  Karon,  l'une  des  rares  peuplades  de  la  Nouvelle-Guinée  que  l'on 
n'ait  pas  injustement  accusées  d'anthropophagie  :  ils  mangent  les  cadavi'cs 
de  leurs  ennemis  tombés  dans  les  combats.  Du  reste,  les  Karon  ne  s(uit 
probablement  [)as  de  race  papoua.  Quoique  de  taille  moyenne,  environ 
l'",(30,  ils  appailiendraient  à  la  même  souche  que  les  negritos  des  Philip- 
pines". D'après  le  naturaliste  Raffray,  ils  ont  le  corps  trapu,  les  membres 
épais,  une  grosse  tète  ronde,  avec  des  arcades  sourcilières  très  saillantes, 
les  lèvres  fortes,  la  figure  large  et  plate  :  ils  tressent  leurs  cheveux 
crépus  en  épis  qui  leur  battent  les  tempes  et  le  front;  des  cicatrices 
grossières  forment  leur   tatouage.   Leur  pagne    consiste  en  une  écorce 

•  Van  Uasselt,  ZciUcluifl  fiiy  Elliiioloyù;  1876;  —  Élie  Iteclus,  Revue  inteniaiioimle  des 
Sciences,  décembro  1882. 

*  Raffray,  Tour  du  Monde,  l"  semestre  1879;  —  Van  Hassell,  etc. 
'  De  Qualiefages,  Pyyniées. 

XIV  81 


642  NOUVELLE  GEOGRAI'UIE  IMYERSELLE. 

lannée  suspendue  à  une  cordelelle  serrée  autour  des  reins.  D'après  les 
marchands  malais  qui  les  fréquentent,  les  Karon  ne  se  nourrissent  pas 
de  sagou  comme  les  gens  de  la  cote  :  ils  mangent  les  tiges  d'un  autre  pal- 
mier (pii  croît  en  terrain  sec,  et  ne  dédaignent  comme  aliment  aucune 
espèce  de  reptile  ni  d'insecte.  On  leur  prèle,  mais  sans  l'avoir  constaté  par 
l'observation  directe,  l'abominalde  coutume  de  manger  des  enfants,  quand 
ils  n'ont  ni  esclaves  ni  captifs  à  dévorer;  ils  ne  laisseraient  en  vie  que 
deux  enfants  par  famille'.  Plus  au  sud,  dans  l'intérieur  de  la  pres- 
qu'île, vivraient  d'autres  naturels  également  cannibales,  les  Gebar:  des 
riverains  du  golfe  de  Mac  Cluer  sont  accusés  aussi  de  manger  leurs  captifs. 

Au  sud  de  Doreï,un  des  villages  importants  de  la  côte  est  Wairoer,  situé 
non  loin  du  lieu  le  plus  étroit  de  l'isthme,  où  pourrait  s'établir  un  portage 
entre  la  haie  de  Geelvink  et  celle  de  Mac  Cluer  ;  des  traitants  malais  vien- 
nent y  acheter  des  noix  de  muscade  sauvag(>s.  D'autres  negorijcn  se  suc- 
cèdent sur  les  rivages  de  la  haie  de  Geelvink,  notamment  celles  des  Wan- 
dammen  au  sud  et  des  Aropcn  (NYaropcn)  au  sud-est  de  ce  grand  golfe; 
puis,  au  delà  du  delta  de  l'Amherno,  la  côte  des  «  PapouaNus)i  offre  quelques 
escales  où  des  navires  hollandais  viennent  parfois  prendre  un  chargement 
d'écaillé  et  d'holothuries  et  montrer  le  drapeau  de  la  nation  su7,eraine.  Mais 
la  population  y  est  très  clairsemée  et  le  mouvement  des  échanges  y  dimi- 
nue depuis  le  milieu  du  siècle.  Les  traitants,  ayant  suivi  leur  méthode 
ordinaire  de  faire  des  prêts  aux  indigènes  pour  s'assurer  d'avance  les 
denrées  à  un  prix  dérisoire,  courent  le  danger  d'être  assassinés  par  leurs 
débiteurs,  et  en  certains  endroits  ils  n'osent  s'aventurer  à  terre  :  ils 
attendent  en  mer  que  les  harqu(»s  viennent,  l'une  après  l'autre,  leur  ap- 
porter les  produits'.  La  baie  la  jilus  orientale  du  territoire  hollandais, 
dite  baie  de  Ilumboldt  ou  telokh  Lintjoe,  est  une  des  régions  du  littoral 
(pi'habitent  les  tribus  les  moins  policées  :  elles  ne  savent  même  ]>as  extraire 
l'huile  de  la  noix  des  cocotiers  qui  bordent  toute  la  partie  occidentale  de  la 
baie.  Les  îles  sont  plus  fréquentées  que  la  grande  terre  par  les  marins. 
Celles  de  la  baie  de  Geelvink  ont  chacune  des  marchés  assez  actifs  :  le  plus 
important  est  celui  d'Ansoes,  sur  la  côte  méridionale  de  l'île  de  .lobi  ou 
Jappen.  La  population  du  bourg  ressemble  beaucoup  aux  Mafour  de  Do- 
reï.  Mais  dans  l'intérieur  de  l'île  vivent  des  sauvages  redoutés,  que  l'on 
accuse,  à  tort  ou  à  raison,  d'anthropophagie. 

Sur  la  côte  de  la  Nouvelle-Guinée  hollainlaise  toui'uée  veis  IcsMohujues, 


'  Van  (Ifr  (jali,  Tfvsniann,   Rol)i(l('  van  (1er  Aa,  Reiicii  iiaur  Neilerlnndscli  JSicKwGiiiiiea. 
'  Van  (lor  (Irali  et  Tevsniann,  ouvia''e  eilé. 


BAIE   DE   GEELVl.NK,   ILES   AROE.  «45 

le  marché  le  plus  fréquemment  visité  est  celui  de  Sekaar,  situé  sur  une 
petite  baie,  à  l'entrée  méridionale  du  golfe  de  Mac  Cluer.  Les  traitants  de 
Ceram  pénî'lrent  jusqu'au  j)ort  de  Binloeni,  où  ils  achètent  du  sagou  et 
des  noix  de  muscade,  mais  ils  n'osent  pas  aborder  les  côtes  septentrio- 
nales du  golfe,  dont  les  habitants  sont  redoutés  comme  pirates  et  canni- 
bales. Le  radjah  le  plus  puissant  de  la  contrée  est  celui  de  la  neyurij 
Atti-Atti,  groupe  insulaire  d'une  vingtaine  de  cases,  situé  à  l'ouest  de 
Sekaar  el  peuplé  de  gens  de  toute  race  qui  se  disent  mahométans.  Le  roitelet 
d'Alli-Atti  est  le  représentant  du  sultan  de  Tidore  dans  ces  parages,  el  c'est 
lui  qui  va  recueillir  le  long  de  la  côte  les  impôts  des  villages.  Gi'àce  à 
son  entremise,  le  suzerain  de  cette  partie  de  la  Nouvelle-Guinée  et  le  gou- 
vernement hollandais  lui-même  ont  cessé  d'être  des  mythes  pour  les  natu- 
rels :  dans  l'archipel  de  Karas,  dans  l'île  d'Adi,  el  jusqu'à  Namalolle  et 
Aidoema,  non  loin  de  la  baie  où  s'élevail  jadis  le  fort  du  Bus,  l'autorité 
des  Pays-Bas  est  pleinement  reconnue.  Au  delà,  le  pouvoir  de  la  <(  Compa- 
gnie »  n'est  plus  qu'un  nom.  Les  Papoua  de  ces  régions  sont  ceux  que  les 
voyageurs  disent  ressembler  le  plus  aux  nègres  africains;  autrefois  ils 
vendaient  des  esclaves,  et  parfois,  disent  les  anciens  voyageurs,  jusqu'à 
leurs  enfants'. 

Les  îles  Aroe  ou  de  la  «  Nacre "^  »,  situées  à  150  kilomètres  environ  au 
sud  de  la  côte  néo-guinéenne,  ont  beaucoup  plus  d'im})ortance  connnei- 
ciale  que  les  escales  de  la  grande  terie.  Dobbo,  le  marché  de  l'archipel, 
commande  un  chenal  bien  abrité  dans  l'îlot  de  Warama,  l'une  des  bulles 
coralliennes  situées  au  nord-ouest  de  l'archipel;  vers  le  commencement  de 
l'année,  de  mars  en  mai,  des  bateaux  s'y  rencontrent  en  foule,  venus 
de  Ceram  et  des  îles  voisines,  de  l'archipel  de  Kei,  même  de  Macassar. 
D'après  Wallace,  l'exportation  de  cet  îlot,  qui  consiste  surtout  en  nacre  de 
perle,  écaille  de  tortue,  holothuries,  nids  de  salanganes  et  oiseaux  de 
paradis,  aurait  une  valeur  annuelle  de  450  000  francs;  pendant  la  saison 
du  marché,  les  cases  sont  trop  étroites  pour  recevoir  les  traitants  venus 
de  toutes  les  terres  insulindiennes  de  l'Occident;  mais  après  les  jours  de 
trafic  le  village  est  complètement  délaissé.  L'archijtel  d'Aroe  dépend  de  la 
résidence  d'Amboine,  et  presque  tous  les  ans  un  commissaire  hollandais 
vient  de  la  capitale  pour  faire  sa  tournée  d'inspection  et  de  jugements, 
peu  utile  d'ailleurs,  car  en  son  absence  la  population  s'administre  fort 
bien  toute  seule,  sans  qu'il  y  ait  de  meurtres  ni  de  vols  à  punir".  D'après 

'  kiiHT,  VuijtKjc  o(  llw  Dotiryn. 

-  J.-(!.  Itic'ili'l,  Vi'iliaiiillii/iijen  der  GcscUsclitifl  fin-  Erdkundc  zii  Jkiiin,  1885,  n'  Z. 

^  KolfC;  Alfred  R.  Walhice,  ouvrages  cités. 


r,44  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

Uosenherg,  queltjucs  groupes  de  Negritos  vivraient  dans  la  partie  orien- 
tale de  l'archipel,  voisine  des  pêcheries.  Les  Alfourou  (Alivourou),  qui 
liahitent  ces  îles,  disent  avoir  un  arbre  pour  ancêtre  et  seraient,  d'après 
lîiedel,  de  la  même  souche  que  les  populations  australiennes  du  Queens- 
land  septentrional,  tandis  que  d'autres  les  croient  venus  de  Timor  et  de 
Tenimber';  Wallace,  de  son  côté,  les  considère  comme  appartenant  au  pur 
type  papoua.  Ils  mangent  de  la  viande  de  chien,  espérant  que  celte  nour- 
riture les  maintiendra  toujours  forts  et  vaillants  :  ils  mêlent  aussi  à  leurs 
gâteaux  de  sagou  quelques  coupures  et  débris  des  corps  de  leurs  parents. 
Les  religions  étrangères,  mahométisme  et  christianisme,  n'ont  eu  guère 
de  prise  sur  ces  indigènes'.  La  naissance  d'une  fdle,  qui  fait  espérer  aux 
parents  un  jirix  d'achat  futur,  est  toujours  célébrée  par  de  grandes  réjouis- 
sances, et  souvent  l'on  procède  aux  fiançailles  aussitôt  après  la  venue  de 
l'enfant. 


Même  avant  que  les  Anglais  lussent  devenus  ofliciellement  les  maîtres 
de  la  Papouasie  méridionale,  ils  avaient  étendu  leur  juridiction  sur  toutes 
les  îles  habitées  du  détroit  de  Torres  jusqu'en  vue  de  la  grande  terre; 
pour  prendre  possession  de  leur  nouveau  domaine,  les  colons  australiens 
n'ont  eu  que  de  faibles  détroits  à  franchir.  La  proximité  du  continent 
d'Australie  donne  à  ce  territoire  britannique  une  importance  exception- 
nelle :  aussi  cette  région  est-elle  la  mieux  connue  ou  plutôt  la  moins 
ignorée  de  la  Papouasie,  celle  où  les  itinéraires  des  voyageurs  ont  pénétré 
le  plus  avant  et  où  les  tentatives  de  idionisation  ont  été  tentées  en  de  plus 
larges  projmrtions.  Déjà  des  spéculateurs  australiens  demandent  la  conces- 
sion de  vastes  étendues  pour  y  établir  des  plantations  et  lâcher  de  faire 
travailler  les  indigènes  à  leur  profit.  Puisse  leur  onivre  «  civilisatrice  « 
ne  pas  aboutir,  comme  dans  le  continent  austral,  à  l'extermination  des 
hommes  !  Des  proclamations,  dont  l'effet  est  encore  attendu,  défendent  le 
ra[)l  des  indigènes  et  la  vente  des  armes  à  feu,  des  alcools  et  de  l'opium 
aux  tribus  ])apoua. 

La  partie  du  territoire  anglais  qui  confine  immédiatement  à  la  Nouvelle- 
Guinée  hollandaise  est  celle  qui  paraît  avoir  le  plus  grand  avenir  pour  la 
culture  et  le  peuplement  :  c'est  la  région  des  terres  alluviales  et  fertiles 
dans  laquelle  se  ramifient  les  bras  navigables  du  Fly  et  qui  se  rapproche  le 


'  [l.  von  RosenbiM-g.  lier  Miihniisclie  Archipel. 
*  A.  Basli.111,  [iirlitsvcrliiiltiiisse  (1er  Vulker. 


ILES  AROE,   NOUVELLE-GUINÉE   ANGLAISE.  C45 

plus  (le  r.Vuslralic  :  oniro  les  deux  terres  la  largeur  du  détroit,  semé  d'îles, 
est  seulement  de  160  kilomètres.  Cependant  la  vaste  plaine  n'a  toujours 
pour  habitants  que  des  Papoua  sauvages,  et  le  seul  poste  de  blancs,  mar- 
chands et  missionnaires,  est  établi  dans  la  petite  île  de  Saibai,  entourée 
de  récifs,  qui  avoisine  la  côte  à  l'est  de  l'embouchure  du  Mai  Kasa. 

Lorsque  le  syndicat  des  colonies  australiennes  eut  envoyé,  en  1885,  une 
expédition  pour  établir  l'autorité  britannique  sur  le  territoire  officielle- 
ment annexé,  on  Ht  choix  pour  capitale  de  Port-Moresby,  crique  ouverte 
au  sud-ouest  du  massif  superbe  d'Ovven  Stanley  et  défendue  de  la  houle 
du  large  par  une  chaîne  de  récifs  :  en  cet  endroit,  des  falaises  de  corail 
l)lanc  succèdent  aux  rivages  boueux  couverts  de  palétuviers  qui  bordent  la 
terre  ferme  au  nord-ouest  ;  le  bassin  de  la  rade,  où  l'on  pénètre  par  une 
large  entrée,  a  des  profondeurs  de  7  à  12  mètres,  presque  à  toucher  la 
rive.  Le  village  indigène  aligne  sa  double  rangée  de  cases  sur  la  terre 
ferme,  à  l'ombrage  des  cocotiers.  C'est  l'un  des  plus  vastes  et  des  plus 
salubres  du  littoral  :  lors  de  la  découverte  de  Port-Moresby,  en  1873,  il 
n'avait  pas  moins  de  800  habitants,  agriculteurs,  commerçants  et  potiers, 
fnisant  un  grand  trafic  de  leur  vaisselle  avec  les  villages  delà  côte  nord- 
occidentale,  qui  leur  envoient  du  sagou  en  échange.  Depuis  celte  époque, 
le  boui'g  indigène  s'est  notablement  accru.  Quant  à  la  «  ville  »  euro- 
péenne, elle  ne  comprenait  en  1885  qu'un  groupe  de  maisons  apparte- 
nant à  des  missionnaires  et  les  entrepôts  d'un  traitant;  maintenant  elle 
possède  le  «  palais  »  du  gouverneur  et  tous  les  édifices  qui  symbolisent  le 
pouvoir,  caserne,  tribunal  et  prison.  Porl-Moresby  est  le  seul  havre  de  la 
Kouvelle-Guinée  britannique  où  les  marins  étrangers  soient  autorisés  à 
débarquer  leurs  marchandises,  et  nul  colon  ne  peut  s'y  établir  sans  per- 
mission spéciale.  Un  télégraphe  sous-marin  rattache  Port-Moresby  au  con- 
tinent australien. 

En  1887  on  ne  comptait  qu'une  vingtaine  de  blancs,  employés,  mis- 
sionnaires et  traitants,  résidant  sur  le  territoire  de  la  Nouvelle-Guinée 
britannique;  la  plupart  des  marchands  ne  débarquent  pas  de  leurs  cha- 
loupes, attendant  que  les  indigènes  leur  apportent  les  denrées.  L'explora- 
teur Forbes  avait  fondé  une  petite  colonie  à  Sogere,  village  de  l'intérieur 
des  terres,  situé  à  80  kilomètres  au  nord-est  de  Port-Moresby,  et  c'est  de  là 
qu'il  organisait  ses  expéditions  dans  la  région  montagneuse  des  alentours. 
Des  chercheurs  d'or,  qui  d'ailleurs  n'ont  guère  réussi  dans  leurs  entre- 
prises, ont  bâti  aussi  quelques  campements  dans  l'intérieur.  Un  voyageur 
blanc  isolé  peut  s'aventurer  sans  danger  dans  presque  toutes  les  contrées 
méridionales  du   territoire  britannique,  à  l'est    de  Fly-river.  Mais  c'est 


646 


NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


principalement  par  l'intermédiaire  d'insliluteurs  convertis  qne  l'influence 
européenne  se  fait  sentir  sur  les  populations  des  montagnes.  Le  séminaire 


Est  de  Greenwich 


DaFf^ès  les  cartes  marines 
et  a'écouyr^nt 


protestant  de  Port-Moresby  envoie  chaque  année  un  certain  nombre  de 
jeunes  missionnaires  indigènes  dans  les  villages  de  la  côte  et  des  îles,  et 
grâce  à  eux  les  idiomes  néo-guinéens  de  la  région  sont  déjà  bien  connus. 
Comme  jardiniers,  ces  instituteurs  ont  parfaitement  réussi,  et  les  enclos 


NOUVKI.r.fi-GUTNKK.    —     JIMIiTATION     ]l  I:     M  11  \  T  V  I,  N  Ail  Il>i     KIIÏArif,     l'BBS    IIK     PO  n  T- M  U  R  E  SD  V. 

Dessin    (le  fi.   Vuillici-,  iraïu-ès  une    pholoprai.liie  de  M.  J.  W,    I.i.iill,    exlniilc  de    Pictiircsqiie  New   Gimicti. 


pnnT-MORESBY,  Morr,  KOVAIU.  649 

des  naturels  s'emplissent  d'arbres  fruitiers  et  de  légumes  naguère  inconnus 
dans  la  contrée.  En  dehors  île  l'orl-Moresby,  on  ne  voit  de  maisons  euro- 
|)éennes  que  sur  le  promontoire  de  Hula,  à  une  centaine  de  kilomètres 
au  sud-est  de  la  capitale,  et  dans  quelques  îlots  voisins  de  la  côte;  en 
outre,  le  gouvernement  a  fait  l'acquisition  du  South-cape  et  de  l'ile  Stacey, 
à  la  pointe  sud-orientale  de  la  Nouvelle-Guinée,  en  prévision  d'un  futur 
établissement  stratégique  et  commercial.  Des  plantations  ont  été  récem- 
ment établies  dans  la  terre  principale  de  la  Louisiade,  l'ile  Sud-Est, 
K  Sudest-island  »,  comme  disent  les  Anglais.  L'île  Yaré  ou  Teste  est  un 
point  de  relâche  fréquenté  par  les  caboteurs. 

Les  indigènes  du  territoire  britannique  sont  en  moyenne  beaucoup  plus 
nombreux  (jue  dans  la  [)artie  hollandaise  de  l'île  :  en  certains  disd-icis, 
notamment  sur  la  côte  du  golfe  Papoua,  entre  le  delta  du  Fly  et  l'île  de 
Yule,  la  population  est  dense  et  de  crique  en  crique  on  voit  se  succéder  de 
gros  villages.  Au  sud-est  de  Port-Moresby,  le  district  d'Aroma  est  égale- 
ment très  peuplé;  de  même  les  îles  de  la  Louisiade  et  du  groupe  d'Entrc- 
casteaux  sont  bordées  de  villages  sur  tout  leur  pourtour,  mais  leurs  habi- 
tants sont  redoutés,  et  souvent  des  marins  jetés  sur  la  côte  ont  été 
dévorés  par  eux;  ces  naturels  ont  la  réputation  d'être  tous  sorciers  et  l'on 
raconte  qu'ils  savent  arracher  les  yeux,  la  langue,  le  cœur  et  les  entrailles 
de  leurs  ennemis  sans  que  les  victimes  s'en  aperçoivent'.  Ouelques-unes 
des  tribus,  d'origine  papoua,  ressemblent  à  celles  de  la  Xouvelle-Guinée 
occidentale  :  elles  sont  pour  la  plupart  composées  de  cultivateurs;  mais  les 
commerçants  et  les  marins  paraissent  être  de  race  mélangée  et  le  type  po- 
lynésien prédomine  chez  nombre  d'entre  eux.  Les  Motu,  qui  transportent 
les  poteries  de  Port-Moresl)y,  par  chargements  de  dix  et  vingt  mille,  et 
dont  l'idiome  est  devenu  la  «  langue  franque  »  des  traitants  sur  une 
grande  partie  du  littoral,  appartiennent  à  cette  race  croisée.  Ils  ont  le  teint 
relativement  clair,  comparable  à  celui  des  Taïtiens,  et  par  l'attitude,  la 
physionomie,  les  mœurs,  rappellent  aussi  les  Polynésiens.  De  tous  les 
habitants  de  la  Nouvelle-Guinée,  ce  sont  ceux  qui  se  tatouent  le  plus  ;  les 
dessins  dont  ils  se  recouvrent  la  poitrine,  le  ventre,  les  bras,  ressemblent 
d'une  manière  étonnante  à  des  caractères  latins  et  grecs  :  à  la  vue  de  ces 
beaux  torses  que  l'on  croirait  revêtus  d'inscriptions,  on  cherche  involon- 
tairement, dilTurner,  à  déchiffrer  ces  lignes,  comme  si  elles  étaient  l'his- 
toire de  celui  qui  les  porte.  Les  Koyari,  (jui  vivent  dans  l'intérieur  sur 
les  premières  jjentes  des  montagnes,  ont  près  de  leurs  villages  des  mai- 

'  Aniuilcs  lie  l<i  Propayntiun  de  In  Foi,  vol.  XXV,  1853. 

XIV.  82 


fi:.0  NOUVELLE  (ifXlGRAPUlE  .UNIVERSELLE. 

sonnettes  ou  dobo  percliées  au  sommet  des  arbres,  où  ils  se  réfugient  en 
cas  de  danger  et  d'où  ils  lancent  des  pierres  sur  les  assaillants.  Ce  sont 
peut-être  ces  dobo  qui  ont  donné  lieu  à  la  légende  de  peuples  papoua  qui 
vivraient  dans  les  arbres,  sautant  de  liranclie  en  branche  à  la  faeon  des 
singes.  Les  Koyari  et  leurs  voisins  et  parents  de  race,  le?-  Ivoïtapu.  ont  un 
teint  beaucoup  plus  noir  que  les  Motu. 

Les  peuplades  du  littoral  britannique  sont  de  celles  qui  n'ont  point  de 
gouvernement  déOni  et  où  tous  les  hommes  faits  sont  réellement  égaux.  Il 
est  vrai  que  chaque  village  a  ses  «  chefs  »,  qui  doivent  ce  titre  soit  à  leur 
âge,  soit  à  leur  bravoure  dans  les  combats,  soit  encore  à  leur  sagacité 
comme  sorciers;  mais  l'ascendant  moral  ne  leur  donne  pas  le  pouvoir,  et 
par  suite  le  gouvernement  anglais  ne  peut  en  faire  des  employés,  comme 
il  le  désire.  Tous  ses  efforts  tendent  à  donner  aux  tribus  une  constitution 
monarchique,  en  désignant  un  notable  indigène,  qui  sera  désormais  fonc- 
tionnaire rémunéré  et  en  même  temp>  le  représentant  de  ses  concitoyens, 
responsable  de  leur  obéissance'.  L'administration  de  la  ^"ouvelle-Guinée 
britannique  a  été  déléguée  par  le  gouvernement  anglais  à  la  colonie  austra- 
lienne de  Queensland. 


Le  territoire  germanique  de  la  ÎSouvelle-Guinée,  désigné  officiellement 
sous  le  nom  de  Kaiser  AVilhelms-land,  n'est  pas  administré  comme  colonie 
de  l'État,  par  des  envoyés  de  Berlin  :  il  est  géré  par  une  compagnie  com- 
merciale, qui,  sous  la  protection  et  la  surveillance  du  gouvernement, cher- 
che à  s'enrichir  par  l'établissement  de  |ilanlations,  la  fondation  de  mar- 
chés et  l'exportation  de  denrées.  Des  navires  de  guerre  visitent  ces  parages 
pour  faire  respecter  les  traitants  allemands  et  pour  leur  prêter  main- 
forte  à  l'occasion.  De  nombreuses  expéditions  ont  révélé  dans  ses  détails 
les  contours  du  littoral  :  peu  à  peu  les  noms  français,  anglais,  russes, 
qui  désignaient  les  points  saillants  de  la  côte,  sont  remplacés  par  des 
appellations  allemandes  :  il  ne  i-este  plus  sur  la  carte  qu'une  bien  faibli- 
pari  ie  de  la  nomenclature  donnée  par  les  premiers  navigateurs,  et  les  indi- 
gènes ne  saluent  plus  les  étrangers  du  tilre  de  «  Monsieur  «.  comme  après 
la  visite  de  Dumonl-d'l  rville  et  autres  marins  françai>'. 

La  capitale  des  possessions  germaniques  de  la  Nouvelle-tniiuée  est 
Finsch-hafen,    aiu-i   nommée   d'après    l'exjjlorateur    Finseli.  l'Allemand 


•  (1.  SeyiiKiur  Fml,  fl'ixnl  un  Brilish  AVii'  Ciiiiii'a.  Maicli  ."lO,   1880. 
-  Uosciiber;;.  ouvra;;e  oilé. 


]SOCVELLE-GlINKE  GERMANIQUE. 


lir.I 


qui  a  le  plus  parcouru  ces  rivages  et  qui  eu  a  le  mieux  observé  le  sol  el  les 
haliitauls.  Finsch-hafen  est  situé  près  de  l'extrémité  de  la  péuiusule 
qui  s'avauce  au  nord  du  golfe  de  IIuou.  En  cet  endroit  la  cote  est  prolbii- 


—  r\n:  pk  l  AfinoLACi:. 


Pro  ^or7/:/euf"3 


a'e  /û^  '^<^âu  £/^;/^ 


dément  découpée  par  une  haie  sinueuse,  et  les  gros  bâtiments  peuvent  y 
mouiller  complètement  à  l'abii  de  tout  vent,  par  1 8  et  20  mètres  de  pro- 
fondeur. Une  île  ronde,  que  l'on  a  rattachée  à  la  teri-e  ferme  par  une 
digue,  a  reçu  les  premières  maisons  de  la  colonie  à  la  On  de  l'année  1885,. 


«r.'i  MJLVKLLK   CÉUORAl'UIE   UNIVERSELLE. 

ci  des  citernes  y  recueillent  l'eau  de  pluie,  car  les  sources  manquent  com- 
plètement dans  les  calcaires  coralliens  de  l'île  et  des  rivages  environnants. 
Des  bouquets  d'arbres  alternent  avec  des  espaces  herbeux  sur  les  rivages 
de  Finsch-hafen  ;  la  contrée  était  relativement  assez  peuplée  quand  les 
Allemands  sont  venus  s'y  établir,  mais  la  plupart  des  naturels  ont  émigré 
depuis',  p:ni  désireux  d'avoir  à  travailler  sur  les  plantations  des  hlancs. 
Une  mission  protestante  s'est  fondée  dans  le  voisinage.  Finsch-hafen  reste 
en  communication  avec  le  monde  civilisé  par  un  bateau  dont  le  point 
d'attache  est  la  ville  australienne  de  Cooktown,  sur  la  côte  orientale  de 
Queensland. 

Un  autre  port,  le  meilleur  cl  le  plus  sur  de  la  Nouvelle-Guinée  alle- 
mande, est  Friedrich  Wilhelms-hafen,  sur  la  côte  septentrionale  de  la  baie 
de  l'Astrolabe.  A  ce  port  succède,  vers  le  nord-ouest,  celui  de  Ilalzfeldl, 
que  l'on  dit  être  le  plus  salubre  de  toute  la  côte. 


Le  tableau  qui  suit  donne,  d'après  Itclim  et  Wagnei',  la  liste  des  îles  que 
l'on  peut  considérer  comme  dc'pendances  géogra|(hiques  de  la  Nouvelle- 
(iiiinét'.  Les  îles  allemandes  voisines  des  côtes  du  nord  font  partie  des 
arcbipels  mélanésiens,  et  l'archipel  de  Torres,  au  sud  de  la  grande  île,  est 
alhibiié  à  l'AusIialie. 


ILES    DE    LA    SOUVELLE-CriNÉE 

Sri'EKFICIE. 

Iles  (icciili'rihili's  nii  îles  l'ii|i(iiiii  :  WalniMir.  Itiil.inlii.  Siilwalic,  Misool . 
Iles  (le  la  haie  île  (;eelvink 

7788  kil.  canvs. 
0927           )) 
«883           » 

5i7           » 

r)04           » 
31 40          » 

440          » 
1247          )i 
'i200          « 

Iles  (lu  liltdial  siul^ieeidenlal 

Iles  occidentales  eu  aiilii|iel  de  'Imcsliv 

Iles  d'Entrecasteaux 

Iles  de  Massiin  ou  archipel  de  la  Lonisiade 

2'.I470  kil.  carrés. 

Smhiirlilni  iihcr  hiii^cr  WiUifhiia-Liiiil.  1887.  Uelt  111. 


CHAPITRE  Vil 


MELANESIE 


ILKS     DE     LAMIRALTK,     ARCHIPEL     UISMARCK,     ILES     SALOMON. 

Toutes  les  îles  situées  au  nord-osi  de  la  Nouvelle-Guinée  jusqu'à  l'équa- 
teur  ont  été  déclarées  possessions  allemandes  par  le  traité  de  partage  fait 
avec  la  Grande-Bretagne.  A  l'ouest,  le  141''  degré  de  longitude  orientale 
de  Greenwich  limite  les  mers  germaniques;  mais  du  côté  de  l'est 
l'espace  reste  encore  ouvert  aux  annexions  futures;  jusqu'en  1885  le 
154*"  degré  de  longitude  orientale  était  la  borne  indiquée;  il  fut  franchi 
l'année  suivante,  et  les  îles  nord-occidentales  de  l'archipel  Salomon, 
Dougainville,  Choiseul,  \zabel  et  toutes  les  terres  voisines,  au  nord  du 
S''  degré  de  latitude  méridionale,  étaient  proclamées  terres  allemandes. 
L'ensemble  des  îles  ainsi  officiellement  annexées  à  l'empire  est  évalué 
à  plus  de  75  000  kilomètres  carrés.  La  population  dépasse  probable- 
ment un  tiers  de  million  d'hommes.  Di>  même  que  le  territoire  néo- 
guinéen  de  Kaiser  Wilhelms-land,  les  archipels  sont  affermés  à  une 
compagnie  commerciale,  qui  exerce  en  même  temps  l'autorité  politique. 
La  partie  méridionale  de  l'archipel  Salomon  est,  d'après  les  termes  du 
traité,  «  dans  la  sphère  de  l'influence  anglaise  ». 

Ces  parages  de  l'océan  Pacifi(jue  sont  parmi  ceux  qui  sont  restés  le  plus 
longtemps  ignorés.  En  1567,  Mendana,  guidé  |)ar  le  pilote  Hernando 
Gallego,  débarqua  le  premier  sur  l'île  Yzabel,  l'une  des  grandes  terres 
auxquelles  il  donna  le  nom  collectif  d'archipel  de, Salomon,  sans  doute 
avec  l'espérance  ou  la  prétention  d'avoir  retrouvé  ce  riche  «pays  d'Ophir», 
d'où  le  roi  de  Judée  importait  l'or  j)our  le  temple  de  Jérusalem.  Mendana 
employa  six  mois  à  explorer  les  îles,  (pi'il  dut  eiilin  quitter,  manquant  de 


C5i  NOUVELLE   GEOGRAPHIE  LMVERSELLE. 

vivres  et  d'oaii,  après  s'être  brouillé  avec  les  indigènes  qu'il  était  venu 
«  convertir  à  la  vraie  foi  ».  Il  revint  plus  tai'd  pour  coloniser  l'arcliipel 
qu'il  avait  découvert,  mais  il  mourut  sans  l'atteindre  :  la  route  des  îles  Sa- 
lomon  était  perdue  et  de  deux  siècles  elle  ne  devait  pas  être  retrouvée.  La 
position  en  avait  été  trop  vaguement  indi({uée  pour  qu'il  fût  possible  de 
s'y  diriger  à  coup  sur,  et  le  rapport  du  pilote  Gallego  avait  été  tenu  secret, 
de  peur  qu'il  ne  guidât  des  marins  d'autres  nations  vers  ces  îles  revendi- 
quées par  l'Espagne  :  c'est  seulement  à  une  époque  récente  qu'il  a  été  ré- 
vélé, commenté  et  traduit'.  Enfin  Carteret,  en  1707,  exactement  deux 
siècles  après  le  voyage  de  Mendana,  puis  l'année  suivante  Bougainville,  et 
Surville  en  1769,  parcoururent  de  nouveau  les  passes  et  les  détroits  dé- 
(îouverts  par  Mendana,  mais  sans  identifier  les  terres  qu'ils  voyaient  :  ils 
crui'ent  avoir  trouvé  de  nouvelles  iles  et  leur  donnèrent  une  nomenclature 
dillérente.  C'est  aux  patientes  investigations  de  Buacbe  et  de  Fleurieu% 
comparant  les  itinéraires  des  voyageurs,  qu'il  était  réservé  de  rendre  aux 
marins  espagnols  la  gloire  qui  leur  ap|»artenait. 

Mais  tandis  que  les  navigateurs  cberchaient  eu  vain  l'archipel  Salomon, 
ils  visitaient  d'autres  îles  dans  les  parages  plus  rapprochés  de  la  Nouvelle- 
(juinée.  En  1(316,  un  demi-siècle  après  le  voyage  de  Mendana,  les  Hollan- 
dais Le  Maire  et  Schouten  reconnaissaient  les  «Vingt-Cinq  îles»,  désignées 
depuis  Carteret  sous  le  nom  d'îles  de  l'Amirauté;  ils  découvraient  aussi 
Tombara  ou  la  IVouvelIt^Bretagne,  mais  ils  crurent  n'avoir  sous  les  yeux 
que  les  rivages  septentrionaux  de  la  Nouvelle-Guinée,  bordés  d'un  essaim 
d'îles  côtières;  Tasman,  qui  vit  aussi  ces  terres,  en  1645,  tomba  dans  la 
même  erreui",  et  seulement  en  l'année  1700  le  pirate  Dampier,  se  glis- 
sant au  sud  des  archipels,  pénétra  dans  le  détroit  qui  porte  son  nom  et 
décomposa  ainsi  les  terres  néo-guinéennes  en  leurs  éléments  distincts. 
Mais  il  restait  encore  à  longer  les  contours  des  îles,  à  en  découvrir  les 
rades,  les  ports  et  les  dangers,  à  faire  l'hydrographie  com])lèle  de  ces 
parages,  et  ce  travail,  commencé  au  dernier  siècle  par  Carteret,  Bougain- 
ville, d'Entrecasleaux,  continué  en  1827  par  Dumonl-d'Urville,  se  complète 
peu  à  peu  de  nos  jours.  A  l'intérieur,  les  îles  n'ont  encore  été  que  très  im- 
parfaitement explorées:  des  missionnaires,  des  traitants,  quelques  savants, 
tels  que  Mikliiklio-Maklaï,  Finsch,  Guppy,  ont  visité  diverses  parties  des 
archipels  mélanésiens  et  ont  fait  connaître  les  résultats  de  leurs  études. 
L'enquête  méthodique  n'a  commencé  qu'en  1884,  lors  de  la  prise  de  pos- 
session de  la  Nouvelle-Bretagne  jiar  le  gouvernement  germanique.  Mais 

'  H.  B.  Guppy,  Tlic  Soloiiioii  Isliiiids. 

-  Dccomcrtes  des  Fiaiiiiiis  en  ïH'iii  et  I76l(  iliiiis  le  sud-est  de  lu  iSoKvelle-tiitiiiée. 


MELANESIE.  655 

ruii  Jl's  premiers  aclcs  officiels  a  élé  de  changer  la  nomenclalure  géogra- 
]iliif|iie,  dans  laquelle  dominaient  les  appellations  d'origine  anglaise  et 
iVan(;aise.  Sans  doute  il  eût  été  bon  de  supprimer  ces  noms  arbitraires 
pour  rendic  aux  îles  ceux  que  leur  donnent  les  indigènes  eux-mêmes; 
mais  on  ne  s'est  occupé  que  de  modifier  la  carte  dans  un  sens  patrio- 
tique, sans  chercher  à  justifier  les  termes  nouveaux  par  des  considéra- 
tions tirées  de  l'aspect  extérieur  des  îles,  de  la  nature  du  sol,  de  la  popu- 
lation ou  de  la  géographie  comparée.  Le  principal  groupe  d'îles  est  devenu 
rarchi|)el  Bismarck,  l'île  Tombara  ou  Xew-Ireland  est  désormais  le  Neu- 
Mecklenburg,  l'île  York  a  pris  pour  nom  Xeu-Lauenburg,  et  la  ^'evv-Britain 
ou  Bii'ara  s'appelle  maintenant  Neu-Pommern  ou  Aouvelle-Poméranie. 
On  a  également  débaptisé  la  plupart  des  montagnes  et  des  ports. 

Les  terres  mélanésiennes  sont_disposées  suivant  deux  courbes  transver- 
sales. Celle  du  nord  commence  par  l'îlot  du  Tigre,  à  150  kilomètres  eavi- 
ron  au  nord  du  littoral  de  la  Nouvelle-Guinée,  puis  elle  se  continue  vers 
l'est  par  les  groupes  deMnigo  ou  de  l'Echiquier,  de  l'Ermite  et  l'archipel 
de  l'Amiraulé;  ensuite  vient  l'île  de  Neu-Hanover,  suivie  de  la  terre  allon- 
gée de  Tombara,  orientée  dans  la  direction  du  sud-est,  de  même  que  toutes 
les  îles  qui  lui  succèdent  dans  la  rangée  des  Salomon.  La  courbe  méri- 
dionale est  d'abord  parallèle  à  la  côte  de  la  Nouvelle-Guinée  :  à  moins  de 
13  kilomètres  du  rivage  se  dresse  l'île  Volcan,  borne  extrême  de  la 
rangée;  puis  l'île  Dampier  ou  Kar-Kar,  les  îles  Longue  etRook  marquent  à 
des  intervalles  éloignés  l'arc  fort  allongé  de  la  courbe:  cessant  de  suivre  la 
côte  de  la  grande  terre  vers  le  sud-est,  elle  se  reploie  vers  l'est  pour  former 
l'île  considérable  de  Birara,  Neu-Pommern,  dont  l'extrémité,  continuant 
l'arc  de  cercle,  se  profile  au  nord-est,  transversalement  à  Tombara.  Vers 
le  point  de  rapprochement,  les  deux  terres  sont  disposées  de  manière  à 
entre-croiser  leurs  saillies. 

De  même  que  la  plupart  des  auti'es  rangées  d'îles  se  déployant  en  arcs 
de  cercle,  les  deux  courbes  des  îles  mélanésiennes  sont  composées  eu 
grande  partie  de  terres  volcaniques.  L'île  Volcan  ou  de  Vulcain,  à  l'origine 
de  la  courbe  méridionale,  est  un  piton  superbe,  rejetant  de  son  cratère 
des  volutes  de  fumée  :  un  collier  de  plantations  borde  ses  rivages  et  la 
forêt  recouvre  les  pentes  jusqu'à  1000  mètres  d'altitude;  le  dernier  tiers 
du  volcan,  jusqu'à  la  hauteur  de  1500  mètres,  n'a  d'autre  végétation 
qu'une  herbe  rare.  A  côté  de  ce  mont  fumant,  l'îlot  d'Aris  n'est  plus 
qu'une  coupe  ébréchée;  mais,  plus  à  l'ouest,  l'île  Lesson  brûle  encore. 
Des  tremblements  ont  souvent  ébranlé  ces  mers,  et  lorsque  Dampier  tra- 
versa le  premier  le  déiroil  qui  porte  son  nom,  l'atmosphère  était  emplie 


056  >fOUVELLE  f.ÉOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

(le  vapeurs  et  de  cendres,  le  ciel  reflélail  des  flammes,  el  des  bancs  de 
pierres  ponces  flottaient  au  loin  sur  la  mer;  mais  de  nos  jours  les  nom- 
breux cônes  éruptifs  qui  parsèment  cette  région  maritime  sont  en  repos. 
Birara,  la  plus  grande  île  mélanésienne  en  dehors  de  la  Nouvelle-Guinée, 
n'est  pas  assez  connue  dans  sa  partie  centrale  pour  qu'on  ait  pu  discer- 
ner la  nature  des  roches  sous  la  nappe  uniforme  de  verdure  qui  recouvre 
les  massifs  de  montagnes;  mais  on  sait  que  la  pointe  extrême,  le  cap 
Gloucester,  baigné  à  sa  base  par  le  courant  de  Dampier,  est  un  volcan 
encore  actif  et  que  de  nombreux  monts  à  cratère,  hauts  de  2000  mètres 
en  moyenne,  s'élèvent  dans  le  voisinage.  Un  récif  à  peine  émergé  dans 
le  groupe  des  îles  Françaises  parsemées  au  nord  de  Birara  est  aussi  une 
masse  volcanique  rejetée  du  fond  de  la  mer  et  l'une  de  ses  sources  s'élance 
en  geyser.  Plus  à  l'est  on  voit  se  dresser  sur  un  des  promontoires  de  la 
grande  île  un  mont  fumant,  haut  de  1200  mètres  :  c'est  le  «  Père  », 
accompagné  de  ses  deux  «  Fils  »,  de  moindre  altitude,  mais  en  ignilion 
comme  lui:  enlin,  à  l'extrémité  septentrionale  de  Birara,  la  baie  Blanche, 
entourée  d'un  amphithéâtre,  de  montagnes,  paraît  être  elle-même  un 
cratère  ruiné  :  au  milieu  des  eaux,  presque  lacustres  d'aspect,  une  petite 
butte  circulaire  se  dresse  en  falaise  et  sur  la  péninsule  qui  ferme  la 
baie  à  l'orient  s'élèvent  les  volcans  de  la  «  Mère  »  (63S  mètres)  et  de 
ses  «  Filles  »;  dans  les  mers  avoisinantes  on  a  vu  souvent  bouillonner  les 
eaux  et  même  des  îlots  ont  été  partiellement  emportés. 

L'action  volcanique  paraît  être  moindre  dans  la  partie  occidentale  de  la 
courbe  du  nord,  chaîne  maîtresse  de  la  Mélanésie.  Les  groupes  de  l'Echi- 
quier et  de  l'Ermite  sont  de  vastes  atoll,  et  l'on  ignore  si  le  socle  qui  les 
porte  est  formé  par  une  terrasse  éruptive.  Les  îles  de  l'Amirauté  consistent 
principalement  en  roches  coralligènes,  et  seulement  au  centre  de  la 
grande  île  Taui  apparaît  un  groupe  de  1)00  mètres  en  hauteur,  que  l'on 
dit  être  d'origine  ignée.  Le  Neu-Hanover,  la  longue  terre  de  Tombara 
et  les  îlots  des  eaux  voisines  ont  des  monts  élevés,  auxquels  on  n'a  point 
reconnu  de  bouche  volcanique  ;  mais  les  volcans  recommencent  avec  la 
chaîne  des  Salomon.  La  grande  île  Bougainville  n'est,  de  l'une  à  l'autre 
extrémité,  qu'une  rangée  de  volcans,  décrivant  une  courbe  régulière  dont 
la  concavité  est  tournée  vers  le  nord-est  :  le  plus  haut  sommet  de  la  chaîne, 
le  mont  Balbi,  s'élève  h  3100  mètres,  mais  un  seul  des  volcans  lance  encore 
des  vapeurs  et  des  cendres,  le  Bagana,  situé  dans  la  partie  centrale  de  l'île. 
Les  cônes  émergés  qui  parsèment  le  détroit  de  Bougainville  sont  aussi 
composés  de  laves,  mais  ])araissent  être  depuis  longtemps  éteints.  I>'île 
de  Choiseul,  qui  continue  Bougainville  au  sud-est  et  qui  repose  sur  un 


VOLCANS  DE  LA   MKLANÉSIE. 


657 


môme  socle  sous-marin,  offre  une  jilus  grande  étendue  de  terres  basses, 
anciens  fonds  marins  et  lits  de  corail.  Yzahel  et  Malaïta,  dans  la  chaîne 
septentrionale  des  Salomon,  furent  également  des  rangées  de  volcans  : 


N°    lôô.    BAIE    BLANCHE. 


Est  de  Gr 


El 


t.y^COtJ  t^r^nC 


ûeûJSû-. 


ia  première  dresse  un  de  ses  pitons  à  1188  mètres;  l'autre,  plus  élevée, 
atteint  1305  mètres  par  son  cône  supérieur;  toutes  deux  se  com- 
posent de  laves  très  anciennes,  altérées  à  de  grandes  profondeurs  par 
les  intempéries.  Jusqu'à  la  hauteur  de  150  mètres,  les  bases  des  monts 


658  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

sont  entourées  de  terrasses  calcaires,  qne  déposèrent  fjraduellemenl  les 
eaux  marines. 

La  chaîne  méiidionale  des  Salonion,  parallèle  à  la  jiremière,  commence 
par  l'ile  Mono  (Treasury),  qui  s'élève  à  une  centaine  de  kilomètres  au  sud 
de  Bougainville  ;  après  avoir  été  un  volcan  à  l'air  libre,  le  cône  s'engouClra, 
puis  de  nouvelles  oscillations  du  sol  le  firent  surgir  au-dessus  des  eaux; 
le  mont  volcani(jue  est  maintenant  revêtu  de  dépôts  marins  incrustés  de 
foraminifèn^s".  Le  groupe  d'Iles  qui  succède  à  Mono,  vers  le  sud-est,  a  des 
orifices  de  volcans  non  encore  complètement  éteints  :  l'île  Yela  la  Velha 
(900  mètres)  a  des  fumerolles  et  une  soufrière;  Narovo  ou  Eddystone- 
island,  est  également  fissurée  de  crevasses  d'où  s'échappent  des  vapeurs 
sulfureuses;  mais  l'ile  la  plus  considérable  du  groupe,  New-Geo^'gia, 
n'a  plus  que  sa  rangée  de  cônes  au  repos.  Lors  de  l'arrivée  des  Espagnols 
dans  ces  parages,  la  petite  île  de  Savo  ou  Sesarga  flambait  à  l'extrémité 
septentrionale  de  Guadalcanar,  l'île  superbe  dont  les  monts,  presque  tou- 
jours enroulés  de  nuées,  se  dressent  à  plus  de  '2000  mètres,  même  à 
"iiiO  mètres.  L'île  qui  l'orme  la  pointe  méridionale  de  l'archipel,  San- 
Cristobal  (1250  mètres),  est  aussi  d'origine  volcanique;  mais  toute  trace 
d'activité  en  a  disparu,  et  des  presqu'îles  coralliennes  frangent  la  côte. 
L'îlot  extrême  de  rarclii|iel,  Sanla-.\na,  est,  comme  Mono,  un  ancien 
volcan  qui  s'abîma  dans  les  Ilots  et  (jui,  après  avoir  séjourné  à  5000  ou 
4000  mètres  au-dessous  de  la  surface,  a  reparu  à  la  lumière  du  jour, 
portant  sur  son  noyau  de  laves  un  manteau  calcaire  formé  par  la  |iluie 
d'animalcules  (|ui  tombe  au  fond  de  l'Océan. 

Des  aloll  et  des  îles  basses  sont  é|)ars  à  dislance  des  grandes  îles,  for- 
mant au  nord  des  Saloraon  une  chaîne  irrégulière  de  brisants,  sur  de 
vastes  étendues  :  l'atoll  Ontong-Java  ou  de  Candelaria  est  surtout  à  redou- 
ter par  les  marins,  son  enceinte  ovale  de  récifs  se  développant  sur  un 
pourtour  d'au  moins  "200  kilomètres.  Les  îles  de  l'archipel  des  Saloraon 
sont  aussi  bordées  en  maints  endroits  de  barrières  coralligènes  se  dres- 
sant au-dessus  des  eaux  profondes  :  à  l'est  d'Yzabel,  une  de  ces  murailles 
continues  a  près  de  200  kilomètres;  New-tjcorgia.  Bougainville,  (Ihoiseul 
sont  également  frangées  de  récifs,  qui  les  remienl  inabordables  sur  plus 
de  la  moitié  de  leurs  rivages.  Entre  ces  ])iédestaux  de  corail  les  détroits 
ont  en  moyenne  de  700  à  800  mètres  de  profondeur.  La  plus  grande 
épaisseur  d'eau,  dans  les  mers  mélanésiennes,  a  été  mesurée  vers  le 
centre  du  demi-cercle  formé  par  l'archipel  Bismarcii,  entre  Tombara  et 

'  11.  B.  Gu)i|iy,  TItc  Solo)}ioii  Istdiiils. 


VOLCANS.   ATOLL.    CLIMAT   HE    LA   MÉLANÉSIE.  (ia9 

Birara  :  en  cet  emlroit,  la  sonde  a  trouvé  1420  mètres  :  c'est  peu,  en  com- 
paraison des  abîmes  ilu  Pacifique  septentrional. 

Les  terres  de  la  Mélanésie  du  nord  sont  comprises  en  entier  dans  la 
zone  des  alizés  du  sud-est.  Pendant  plus  de  la  moitié  ou  même  les  deux 
tiers  de  l'année,  de  mai  en  septembre  ou  d'avril  en  novembre  ou  en 
décembre,  suivant  les  années,  le  vent  soufile  constamment  dans  la  direction 
normale,  puis  il  laisse  l'empire  des  airs  à  la  mousson  d'ouest  ou  de  nord- 
ouest,  vent  irrégulier  et  cliangeant,  mais  humide  comme  l'alizé,  puisqu'il 
traverse  aussi  l'Océan  avant  d'atteindre  les  îles  :  on  compte  au  moins  un 
jour  pluvieux  sur  trois  et  parfois  un  sur  deux  pendant  le  cours  de  l'année. 
Les  pluies  sont  fort  abondantes  dans  les  archipels  de  Bismarck  et  de 
Salomon'  :  en  moyenne,  elles  ne  sont  pas  inférieures  à  'ô'",1ù  par  an  dans 
le  voisinage  immédiat  de  la  côte  ;  mais  sur  les  pentes  élevées,  là  où  les 
nuages  pluvieux  atteignent  leur  plus  grande  épaisseur,  les  averses  donnent 
une  quantité  d'eau  bien  autrement  considérable  :  à  la  hauteur  de 
2000  mi'tres,  dans  les  vallons  de  l'île  Giiadalcanar,  tournés  vers  les  vents 
alizés  du  sud-est,  la  masse  d'eau  tombée  est,  d'après  Guppy,  au  moins  de 
lia  12  mètres.  Ces  versants  de  montagnes  sont,  dans  les  terres  océa- 
niques, l'endroit  le  mieux  arrosé  que  l'on  connaisse;  pour  l'abondance  des 
pluies  ils  ne  sont  dépassés  dans  le  monde  entier  que  par  les  escarpe- 
ments des  monts  Khasi,  dans  le  bassin  du  Brahmapoutra.  En  une  seule 
averse  de  dix  heures,  Guppy  a  vu  tombei'  plus  de  27  centimètres  d'eau 
dans  le  voisinage  de  la  côte.  Les  «  grains  noirs  »  sont  très  fréquents, 
mais  ils  passent  vite  et  ne  mettent  pas  en  danger  les  navires  montés  par 
des  marins  habiles.  La  saison  la  moins  salubre  est  celle  des  vents  irré- 
guliers de  la  mousson  d'ouest. 

Grâce  aux  pluies,  la  végétation  des  archipels,  qui  ressemble  beaucoup 
à  celle  de  la  Nouvelle-Guinée,  est  très  riche  et  variée.  Même  les  simples 
bancs  de  corail  disparaissent  en  maints  endroits  sous  les  grands  arbres, 
dont  le  vent,  les  courants,  les  oiseaux  ont  apporté  les  semences.  Sur  les 
pentes  des  monts  les  forêts  s'étendent  en  une  masse  continue,  élevant 
çà  et  là  ses  dômes  touffus  à  plus  de  50  mètres  du  sol.  Une  des  espèces  les 
plus  communes  parmi  les  arbres  forestiers  est  le  figuier  banyan,  aux  mil- 
liers de  filets  pendants  qui  embrassent  d'autres  arbres  et  finissent  par  les 
étouffer  :  des  légendes  racontent  ces  luttes  entre  le  banyan  et  les  géants 


*  Pluie  tombée  auxSalomon  pendant  l'année  1883,  d'après  Guppv  : 

Santa-Ana,  îlot  au  sud-est  de  San-CiisUibal 5". 17 

Ugi,  îlot  à  l'est  de  San-Ciistobal 3", 71 


(360  NOUVELLE  GKOliRAl'HIE  UNIVERSELLE. 

de  la  forêt.  Un  des  produits  les  plus  curieux  de  la  flore  cryptofiainique 
des  Saloiiion  est  un  amas  de  matière  végétale  qui  ressemble  à  l'igname 
et  que  l'on  rencontre  sur  le  sol,  sans  racine  ni  point  d'attache.  M.  Tiuppy 
signale  avec  étonnement  les  connaissances  remarquables  des  naturels  en 
fait  de  botanique  :  ils  distinguent  parfaitement  les  unes  des  autres  des 
espèces  presque  identiques  en  appai'ence  ;  à  cet  égard  ils  sont  bien 
meilleurs  naturalistes  que  ne  le  sont  même  les  Européens  instruits,  en 
dehors  des   savants  de  profession. 

La  faune  mélanésienne  ressemble  beaucoup  à  celle  de  la  Nouvelle- 
Guinée;  mais  dans  les  îles  Salomon  les  espèces  de  la  Polynésie  viennent 
s'entremêler  à  celles  de  la  Pajtouasie  :  on  se  trouve  sur  les  confins  de  deux 
aires  zoologiques.  D'après  le  dire  des  indigènes,  des  singes  anthropoïdes 
existeraient  encore  dans  les  grandes  îles,  Malaïta,  Guadalcanar,  San- 
Cristobal  ;  mais  aucun  zoologiste  européen  ne  les  a  vus.  A  l'exception 
des  porcs,  des  chiens,  d'une  sarigue,  et  d'une  petite  espèce  de  rat,  les 
étrangers  qui  visitent  ces  terres  n'ont  point  rencontré  de  mammifères 
indigènes.  Parmi  les  oiseaux,  le  pigeon  est  l'un  des  plus  communs: 
c'est  le  principal  agent  de  la  dispersion  des  plantes.  Powell  dit  que 
dans  les  îles  volcaniques  le  megapodius  place  souvent  son  nid  dans  les 
fissures  à  fumerolles.  Les  reptiles,  si  faiblement  représentés  dans  la 
plupart  des  îles  océaniennes,  sont  assez  nombreux  aux  îles  Salomon,  et 
plusieurs  espèces  sont  propres  aux  archipels  mélanésiens;  on  y  remarque 
surtout  d'énormes  crapauds,  et  lors  de  la  découverte  d'Yzabel  i)ar  les 
Espagiu)ls,  ceux-ci  détruisirent  des  temples  où  l'on  adorait  ces  batra- 
ci(Mis  et  l(!s  serpents.  Les  crocodiles,  encore  vénérés  par  les  insulaires, 
sont  communs  sur  le  pourtour  des  îles,  aussi  bien  dans  l'eau  douce 
que  dans  l'eau  salée;  on  les  redoute  peu,  et,  d'après  la  légende,  ils  ne 
seraient  dangereux  que  pour  les  femmes  infidèles.  Les  îles  Salomon  sont, 
dans  la  direction  de  l'est,  le  dernier  groupe  où  vive  ce  grand  saurien. 


Les  Mélanésiens  appai'tiennent  ceilainement  à  la  même  souche  (|ue 
les  Papoua  de  la  Nouvelle-fiuinée,  quoiqu'on  trouve  aussi  parmi  eux  des 
l'eprésentants  des  types  malais  et  polynésiens;  il  existe  même  en  pleine 
Mélanésie  une  enclave  raicronésienne,  le  petit  archipel  de  rKchi(piier, 
composé  d'une  cinquantaine  d'îles  et  d'îlots'.  C'est  probablement  l'une 
des  îles  de  l'archipel  Salomon,  San-Cristobal,  que  certaines  traditions  d'in- 

'  MiUliiklio-Miilvl'iiï,  Izv'cstiija  Roiissk.Groçir.Ohrhltlir.'idHiASlG.ir.uhrium  pniLi'on  Mi'lcliiiiliov. 


FLORE.   FAUNE,  l'OplLATlON  DE  LA   MÉLAXÉSIE. 


fiOl 


salaires  de  la  mer  du  Sud  signalent  comme  la  patrie  de  leur  race  :  cette 
terre  de  Pouro,  que  l'on  dit  au  pilote  Oueiros  être  le  lieu  d'origine  des 
tribus  océaniennes  et  que  Haie  a  voulu  identifier  avec  l'île  de  Boeroe  dans 
les  Molui{ues',  serait  Lien  {)lut(jt  Baura,  c'est-à-dire  l'ile  dont  les  Espagnols 
ont  changé  le  nom  en  celui  de  San-Cristobal'.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  traits 
prédominants  chez  les  habitants  des  rivages  dans  les  archipels  de  l'Ami- 
rauté, de  Bismarck,  de  Salomon,  sont  bien  ceux  du  tyj^e  mélanésien.  Quant 
aux  tribus  qui  vivent  dans  l'inlérieur  des  îles,  elles  sont    peu  connues. 


S\\-i:[!l>T()IÎVL. 


Est  de  Pari 


D'après  les  cartes  marines 


P/~o  ^or>  c/<^  o/  ^^ 


1  .  nfioooo 


mais  ([uelques  indices  permettent  de  croire  que  l'élément  negrilo  y  est 
assez  fortement  représenté.  La  variété  des  dialectes,  d'ailleurs  tous  déri- 
vés d'une  même  souche,  est  fort  grande.  La  légende  d'hommes  à  queue, 
qui  vivraient  dans  l'intérieur  de  Birara,  est  très  répandue. 

Les  insulaires  sont  pour  la  plupart  de  taille  moyenne  et  bien  propoi- 
tionnés;  ils  ont  la  peau  d'un  brun  foncé  et  la  chevelure  abondante  et 
crépue.  Les  plus  beaux  parmi  ces  naturels  sont  ceux  de  Bougainville  :  ils 
dépassent  les  autres  en  stature  et  en  force,  mais  ils  sont  aussi  plus  noirs 
et  leur  crâne  est  moins  allongé  ;  ce  sont  de  vrais  brachycéphales,  et  d'ail- 


"  Ethnography  and  Pliilology  of  the  U.  S.  E.rplnring  Expédition. 
-  H.  B.  Guppy,  The  Solomon  Islands. 


G(i2  NOUVELLE  (iÉOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

leurs  la  même  forme  de  tète  prévaut  chez  lieaucoup  de  Mélanésiens,  fait 
que  Mik'l'ukho-Maklaï  a  le  premier  mis  hors  de  doute  et  ipii  a  surpris  la 
plupart  des  ethnologistes.  Un  grand  nombre  de  Mélanésiens,  surtout  dans 
les  îles  de  l'Amirauté,  ont  de  longues  dents  qui  font  saillie  en  dehors  de  la 
bouche,  ce  qui  donne  à  la  physionomie  (pielque  chose  de  bestial  et  de  fé- 
roce; mais  ce  trait  est  moins  frappant  chez  les  hommes,  qui  mik-henl  le 
bétel  et  recouvrent  ainsi  leurs  dénis  d'un  vernis  noiràlie,  (pie  chez  les 
femmes  et  les  enfants,  dont  les  dents  restent  blanches.  On  rencontre  aussi 
des  indigènes,  principalement  dans  l'île  de  Birara,  dont  les  doigts  de  pied 
sont  reliés  les  uns  aux  autres  jiar  um^  membrane  commune'.  Les  ulcères 
sous  le  pied  sont  très  fiéquents  chez  les  Mélanésiens,  et  dans  l'archipel 
de  Salomon  au  moins  les  deux  cinquièmes  de  la  population  sont  affectés 
de  grosses  plaies  causées  par  la  présence  d'un  parasite  {linea  cininata 
tropico);  dans  quebjues-unes  des  îles,  presque  tous  les  habitants  ont  à 
nourrir  ces  hôtes  incommodes.  Les  affections  de  la  peau  ne  sont  pas 
moins  générales  que  chez  les  Carolins.  Une  habitude  funeste,  principa- 
leuKuit  dans  les  îles  de  l'Amirauté,  est  de  manger  de  l'argile.  La  plupai'l 
des  hommes  Agés  sont  emportés  i)ar  des  maladies  pulmonaires  :  quand  la 
mortalité  a  été  très  forte  dans  un  village,  les  habitants  émigrenl  et  foui 
choix  pour  leurs  demeures  d'un  aulre  emplacement,  déclaré  plus  favorable 
par  les  sorciers.  Les  Mélanésiens  résistent  mieux  que  les  Polynésiens  aux 
influences  morbides  que  leur  apportent  les  blancs;  mais  les  pratiques  de 
l'infanticide,  très  communes  dans  certaines  îles,  les  dépeuplent  gra- 
duellement. Dans  Ugi,  près  de  la  côte  orientale  de  San-Crislobal,  presque 
tous  les  enfants,  garçons  et  filles,  sont  tués  par  leurs  parents  :  la  popu- 
lation se  recrute  par  l'achat  d'esclaves  sur  la  terre  voisine;  au  lieu  de 
fils,  le  vieillard  a  pour  soutiens  des  garçons  achetés,  qui  deviennent  libres 
en  arrivant  à  l'âge  d'homme. 

Les  Mélanésiens  ne  pratiquent  pas  la  circoncision,  et  dans  les  villages  oi!i 
prévaut  cette  coutume,  on  peut  être  certain  (pu^  la  population  est  d'origine 
polynésienne'.  Le  tatouage  est  de  règle,  non  par  piqûres,  suivant  la  mode 
des  insulaires  de  la  mer  du  Sud,  mais  par  entailles,  faites  au  moyen 
de  pierres.  Dans  l'île  de  Sanla-Ana,  à  l'extrémité  méridionale  de  l'archipel 
Salomon,  les  garçons  n'acquièrent  le  droit  de  se  marier  e(  d'accompagner 
les  pécheurs  et  les  guerriers  qu'après  s'être  soumis  à  ro|)ération  du 
lalouage,  et  pendant   cette  période  d'épreuves  ils  doivent   habiter  seuls 


'  Kiiinilly,  Un-  Wi'sli'ni  Pacifie  (nul  .Ycic  (iuiiii'ii:  —  (ui|i|iv,  Duvnige  cité. 
-  Cuili'iniiliin.  .hninuil  of  llic  Aiitliinpoldçiical  Itislitiilr,  vuL  VL 


MÉLANÉSIENS.  663 

dans  une  case  et  se  nourrir  du  sang  d'un  poisson  sacré.  Dans  l'ilc  de 
Bougainville,  au  contraire,  le  tatouage  est  interdit  aux  jeunes  gens  : 
c'est  ajjrès  le  mariag(^  que  les  hommes  et  les  femmes  font  saillir  sur  leur 
jieau  des  l'angées  de  houlons  en  forme  de  pois  qui,  par  le  nombre  et  la 
disposition,  indiquent  le  rang  des  personnages.  Très  coquets  comme  tous 
les  sauvages,  les  Mélanésiens  s'occupent  beaucoup  de  leur  toilette  :  ils  se 
baignent  chaque  jour  pendant  des  heures,  se  frictionnent  le  corps  et  le 
peignent  en  rouge,  si  ce  n'est  pendant  la  période  de  deuil,  où  il  leur  est 
interdit  de  se  laver;  ils  font  bouffer  leur  chevelui'e  en  une  sphère  énorme, 
ou  bien  la  dressent  en  tour,  en  forment  une  masse  rouge  et  dure  au  moyen 
d'ocre  et  d'argile  :  tel  est  le  labeur  occasionné  par  le  soin  des  cheveux, 
(]ue  des  vieilles  femmes  de  l'île  Mono  se  les  rasent  complètement  pour 
avoir  le  temps  nécessaire  aux  travaux  de  leur  case.  Les  naturels  encore 
sauvages  n'ont  pas  de  vêtements,  mais  ils  se  surchargent  d'ornements, 
colliers,  bracelets,  tresses  d'herbes  et  pompons  :  la  plupart  se  percent  la 
cloison  du  nez  poui'  y  introduire  un  cordonnet  où  sont  enfilés  des 
coquillages,  ou  bien  pour  y  placer  des  défenses  de  porc;  ils  suspendent 
aussi  des  morceaux  de  bois  et  d'autres  objets  aux  anneaux  forés  dans 
les  lobes  de  leurs  oreilles.  Un  des  principaux  ornements  des  indigènes 
est  un  fragment  de  tridacne  ou  d'écaillé  de  tortue  ;  les  guerriers  heu- 
reux dans  les  combats  portent  des  guirlandes  de  dents,  de  vertèbres, 
de  phalanges  humaines,  et  sur  leur  poitrine  se  balance  un  fémur.  En 
un  grand  nombre  d'îles,  notamment  à  Matupi,  la  monnaie  se  compose 
encore  de  coquillages  enfilés';  ailleurs  on  emploie  les  dents  de  chien  ou, 
dans  les  villages  d'anthropophages,  des  colliers  de  dents  d'hommes'-.  Dans 
les  îles  del'Amiraule,  ce  sont  les  bouteilles  vides  (|ui  représentent  la  valeur 
d'échange". 

Les  guerres  sont  incessantes  dans  certaines  îles,  non  seulement  entre 
les  tribus  du  littoral  et  celles  de  l'intérieur,  mais  aussi  entre  peuplades 
riveraines.  C'est  qu'il  faut  se  procurer  des  tètes  pour  orner  la  maison  du 
chef  et  les  canots  de  guerre;  il  faut  aussi  des  prisonniers,  que  l'on  égor- 
gera dans  quel([ue  fête  solennelle  pour  que  leur  âme  protège  les  champs  ou 
favorise  la  pêche.  Les  funérailles  des  chefs  donnent  également  lieu  à  des 
sacrifices.  Le  cadavre  est  placé  debout  au  fond  de  la  fosse,  puis  enterré 
jusqu'au  cou;  alors  on  allume  un  feu  qui  détache  les  chairs  et  permet 
d'enlever  le  ciàne,  puis  on  l'érigé  dans  le  canot  qui  sert  de  temple.  Mais  il 

'  F.  Hcrnsliciiii,  Siidsee-ErinneruiKjen. 
^  l'enny,  Ten  Years  in  Mclaiicsia. 
'  Mililukliu-Malilai,  inciiioiie  tilé. 


GOi  NOUVELLE  GÉOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

roslo  à  combler  la  fosse  :  la  femme  la  plus  jeune,  un  enfant  y  sont  jetés 
avec  les  biens  les  plus  précieux  ilu  chef  et  les  oflVandes  des  amis,  puis  le 
tout  est  écrasé,  brisé  et  recouvert  de  pierres,  tandis  que  l'assemblée  pousse 
des  cris;  parfois  on  coupe  les  palmeraies,  pour  que  les  arbres  eux-mêmes 
participent  à  la  douleur  générale.  Les  esclaves  que  possèdent  les  chefs 
mélanésiens  sont  en  général  bien  traités,  mais  ils  ont  toujours  la  redou- 
table perspective  d'être  abattus  d'un  coup  de  massue  et  mangés  (juand 
on  célébrera  la  victoire  d'un  chef  ou  le  lancement  d'un  canot.  D'a[)rès 
Uomilly,  un  des  plats  les  plus  appréciés  de  la  cuisine  néo-irlandaise  est 
un  mélange  de  sagou,  de  noix  de  coco  et  de  cervelle  humaine.  Une  des 
terres  de  l'Océan  où  le  cannibalisme  fait  le  plus  de  victimes  est  Arossi  ou 
San-Cristobal  :  parfois  jusqu'à  vingt  personnes  y  sont  cuites  et  mangées 
en  un  seul  jour;  un  chef,  que  visita  Brown,  possède  un  cocotier  sur  lequel 
76  entailles  rappellent  le  nombre  de  corps  humains  dépecés  et  mangés 
en  ce  lieu'.  Il  est  peu  d'Iles  mélanésiennes  où  l'anthropophagie  ait  com- 
plètement disparu  du  culte;  cependant  on  cite  la  petite  ile  de  Sanla-Ana 
dont  les  liabilants  s'abstiennent  de  la  eliair  humaine,  depuis  ipie  le  chef 
l'a  tabouée  à  la  suite  d'une  épidémie.  En  d'autres  îles,  l'inlluence  des 
blancs  a  fait  abandonner  la  hideuse  pratique,  et  ceux  des  insulaires  qui 
l'observent  encore  ne  manquent  pas  de  s'en  défendre  devant  les  étran- 
gers. Désormais  les  insulaires  des  Salomon  remplacent  les  ossements  de 
l'homme  })ar  ceux  du  porc  dans  l'ornementation  des  cabanes  et  des  canots 
de  guerre.  Dans  les  îles  de  l'Amirauté,  les  vergues  des  bateaux  sont  ornées 
de  touffes  de  cheveux  humains. 

Les  villages  des  Mélanésiens,  composés  pour  la  plupart  de  deux  ran- 
gées de  cabanes,  assez  solidement  bâties  pour  résister  aux  intempéries 
pendant  cinq  ou  six  années,  présentent  tous  les  types  de  construction  : 
agglomérations  insulaires  élevées  sur  pilotis,  groupes  de  cases  reposant 
sur  le  sol,  et  même,  notamment  à  ^/abel,  arbres  fortifiés,  accessibles 
seulement  [)ar  des  échelles  ou  des  ])oulres  eiitaillées.  Dans  chaque  village, 
l'édilice  élevé  avec  le  plus  de  soin  vX  décoré  des  sculptures  en  bois  les  plus 
curieuses  est  le  tainbun,  la  case  publi(|ue  où  se  réunissent  les  hommes, 
où  l'on  accueille  et  fêle  les  étrangei-s,  où  les  chefs  placent  leurs  canots  de 
guerre  ;  dans  l'île  de  Tombara,  cette  case  est  parfois  ornée  de  statues 
taillées  dans  une  roche  crayeuse  que  l'on  dit  être  rejetée  sur  le  rivage  par 
les  raz  de   marée  et  les  tremblemenis   marins*.    De   toutes    les   gi'andes 


'  lUown;  M;icallistor,  ProceediiKjs  of  llie  11.  bish  Acadi'iiiij.  Juiie  -l'i,  1883. 
-  lii-owii.  Juin  nul  of  llie  R.  Gcoiinipliiriil  Socii'hi.  |S77. 


84 


MELANESIENS.  687 

ili's  nu'lani'sioiincs,  Bimra  paraît  èlro  la  plus  poiipkk',  pi-inci|ialcini_'iil  sur 
la  rive  occidentale  :  en  longeant  les  côtes  on  voit  partout  s'élever  les  fumées, 
et  certaines  parties  du  littoral  sont  complètement  bordées  de  cocotiers, 
l'arbre  nourricier  par  excellence.  La  population  du  littoral  peut  s'évaluer 
d'après  le  nombre  des  cocotiers,  vingt  de  ces  arbres  représentant  un 
liomme  en  moyenne'.  La  cabane  de  chaque  indigène  est  considérée 
comme  un  lieu  sacré  par  ses  voisins;  nul  ne  peut  y  entrer  (ju'au  péiil  de 
sa  vie\ 

Les  bateaux,  dans  les([uels  la  plupart  des  Mélanésiens  passent  une 
moitié  de  leur  existence,  sont  des  chefs-d'œuvre  de  labeur  et  de  patience  : 
à  l'extérieur  ils  sont  décorés,  avec  un  goût  qui  étonne  chez  un  peuple 
encore  barbare,  de  figures  lailb'es  qui  représentent  les  génies  prolec- 
teurs et  (jui  défendent  en  même  lenijis  les  guerriers  contre  les  flèches  ou 
les  javelots  de  l'ennemi;  à  l'intérieur  ils  sont  ornés  de  nacre  perlière  et  de 
bois  précieux.  Les  Mélanésiens  se  servent  d'une  voile  quadrangnlaii'c, 
tandis  que  dans  les  mers  polynésiennes  tous  les  esquifs  ont  une  voile  en 
pointe,  comme  les  barques  de  la  Méditerranée.  Les  bateaux  à  balancier  ne 
sont  pas  d'usage  général  dans  les  mers  de  la  Mélanésie  allemande,  et 
même  dans  les  parages  de  l'archipel  Salomon  presque  toutes  les  grandes 
embarcations  sont  dépourvues  de  cet  appareil  d'équilibre.  La  cause  en 
est  à  l'existence  de  la  voie  maritime  relativement  abritée  qui  sépare  les 
deux  rangées  parallèles  des  îles  :  c'est  le  chenal  que  suivent  les  barques, 
ne  se  hasardant  que  rarement  dans  les  mers  tempétueuses  du  large.  Cepen- 
dant il  est  aussi  des  bateaux  que  l'on  construit  de  manièi'e  à  pouvoir  y 
adapter  un  balancier  lors  des  gros  temps,  mais  qui  naviguent  d'ordinaire 
sans  cet  appendice  latéral.  D'ailleurs,  les  insulaires  de  ces  parages  sont 
d'une  audace  et  d'une  habileté  extrêmes  :  à  San-Cristobal  on  voit  des  ra- 
meurs qui  se  lancent  en  pleine  mer  montés  sur  des  batelets  de  25  cen- 
timètres en  largeur  au  plus  et  portant  une  planche  transversale  sur 
laquelle  ils  se  tiennent  en  équilibre. 

Excell(Mils  marins,  pêcheurs  habiles,  les  insulaires  de  la  Mélanésie 
sont  aussi  pour  la  plupart  de  bons  agriculteurs  :  dans  les  clairières  ca- 
chées de  la  forêt,  loin  des  villages,  on  rencontre  des  champs  d'ignames, 
de  patates  douces,  de  taro,  de  bananiers,  de  cannes  à  sucre,  fort  bien 
entretenus  par  les  f(>mmes;  des  massifs  de  cocotiers  et  de  sagouliers,  ijuel- 
ques  arbres  à  pain  fournissent  aux  indigènes  le  reste  de  leur  nouriiture, 


'  Kniiiillv.  oiivratrf  cité. 

'-  \lAi\/ri.Ainifil:-::  lie  lu  Propaijdliim  (h- In  Foi.  1885. 


608  NOUVELLE  GÊOGRAPUIE   UNIVERSELLE. 

presque  exclusivement  végétale.  Ce  sont  les  femmes  qui  tissent  les  nattes 
en  feuilles  de  pandanus  et  qui  modèlent  les  poteries.  Les  outils  de  jar- 
dinage et  les  armes,  massues,  javelots,  ares  et  flèches,  sont  fabriqués 
par  les  hommes.  Suivant  les  îles,  les  formes  de  ces  engins  diffèrent  beau- 
coup, ou  même  on  emploie  des  armes  dissemblables  :  ainsi  les  insu- 
laires de  l'Amirauté  ne  connaissent  point  l'usage  de  l'arc,  qui  est  entre 
les  mains  de  presque  tous  leurs  frèrc^s  de  race',  mais  que  la  plupart 
des  Polynésiens  ignorent  ;  récemment  encore  ils  n'avaient  d'autres  haches 
que  des  coquillages  tranchants  emmanchés  à  un  bàlon,  et  leurs  épicux  se 
terminaient  par  des  pointes  d'obsidienne,  importée  de  l'île  volcani(jue  de 
Lou'.  Maintenant  presque  tous  les  riverains  des  mers  mélanésiennes 
emploient  les  armes  à  feu;  même  pour  la  pèche,  les  insulaires  des  Salo- 
nion  se  servent  de  dynamite,  tandis  ([ue  dans  l'intérieur  des  îles  les 
naturels  en  sont  encore  à  l'âge  de  la  pierre.  La  langue  commerciale  est 
l'anglais. 

Les  femmes  sont  tenues  pour  très  inférieures  à  l'homme  dans  les  tribus 
mélanésiennes  :  presque  partout  il  leur  est  interdit  d'entrer  dans  la  case 
publi(jue  du  village;  elles  n'ont  aucune  part  aux  cérémonies  religieuses 
et  s'éloignent  (piand  le  père  ou  le  mari  prend  son  repas.  Elles  sont  la  pro- 
|iri(''l('  (lu  maître;  dans  l'Ile  de  San-Ci'istobal  et  les  terres  voisines,  elles 
appaitienn(Mit  même  pour  un  temps  à  la  commune  entière.  Mais  elles  doi- 
vent bdélilé  absolue  à  l'époux  collectif,  à  moins  qu'elles  n'aient  été,  ce 
qui  se  présente  quelquefois,  l'objet  d'un  troc  avec  un(^  commune  voisine. 
Dans  les  deux  îles  de  Birara  et  de  Tombara,  les  jeunes  tilles  destinées  aux 
chefs  sont  enfermées,  sous  la  direction  d'une  matrone,  dans  une  case  d'où 
elles  ne  sortent  ipie  pour  suivre  les  acheteurs  qui  s'emparent  d'elles  avec 
simulacre  d'enlèvement;  chez  quelques  tribus  ce  n'est  pas  une  case,  c'est 
une  cage  qu'elles  liabilent,  et  le  réduit  est  trop  bas  pour  leur  permettre  de 
se  tenir  debout.  Ue  leur  côté,  les  fds  subissent  une  période  d'initiation  dans 
la  forêt,  où,  pendant  quelques  mois,  il  leur  est  permis  de  goûter  à  certains 
mets  qui  plus  lard  seront  labonés  strictement.  On  retrouve  dans  l'île  de 
Birara  la  coutume  étrange  des  Zoulou,  d'a])rès  lacpielle  il  est  interdit  au 
gendre  de  parler  à  sa  belle-mère,  de  la  voir  même  :  quand  elle  va  passer, 
il  se  cache  derrière  un  buisson \  Dans  cette  île,  de  même  que  dans  les 
autres  terres  de  l'archipel  Bismarck,  les  unions  se  font  toujours  suivant 
le  mode  exogamique  :  la  société  est  divisée  en  deux  castes,  et  l'homme  doit 

*  Moseley,  E.tpédiiion  du  «  Cliallenf;pr  ii ,  1875. 
'  MiU'ukho-MaW'aï,  niéiridire  cité. 

''  lii'own.  Piipiiniis  (111(1  Polfiiicsiaiis. 


MELANESIENS.  669 

loiijoiirs  acliek'r  son  ('pouse  dans  le  clan  qui  lui  est  étranger.  Les  enfants 
appartiennent  à  la  famille  de  la  mère,  et  par  conséquent  une  rotation  in- 
cessante se  fait  de  génération  en  génération  entre  l'une  et  l'autre  caste.  De 
même  que  chez  la  plupart  des  trihus  africaines  et  océaniennes,  il  existe 
des  sociétés  à  rites  secrets,  qui  doivent  une  grande  puissance  aux  mystères 
de  leurs  cérémonies  et  à  leur  solidarité  :  dans  les  îles  de  la  Mélanésie, 
ces  francs-maçons  redoutés  sont  désignés  d'ordinaire  par  le  nom  de  duk- 
duk.  L'île  York  est,  dit-on,  le  centre  de  la  confrérie  dans  le  groupe  de  Bis- 
marck'. Le  grand-maître,  inconnu  du  vulgaire,  s'haMlle  de  feuilles  dans 
les  grandes  circonstances;  tout  homme  condamné  [lar  lui  au  ehàlimeiil  ou 
à  la  mort  peut  être  sûr  que  la  sentence  sera  promptement  exécutée. 

Malgré  les  meurtres  de  hlancs  et  les  festins  qui  les  ont  suivis,  des  mis- 
sionnaires catholiques  et  protestants  se  sont  aventurés  en  divers  points 
des  archipels.  Une  mission  qui  s'était  fondée  à  San-Cristobal  dut  être 
transférée  dans  l'île  Woodlark  apiès  un  massacre;  mais  les  prêtres  eurent 
encore  à  s'enfuir  de  cette  terre,  et  maintenant  ils  se  sont  établis  dans 
l'île  Rook,  à  l'extrémité  sud-occidentale  de  Birara,  près  du  détroit  de  Dam- 
pier;  les  naturels  de  cette  île  abhorrent  l'anthropophagie.  Dans  l'en- 
semble, l'influence  des  missionnaires,  plus  ou  moins  modifiée  par  celle 
des  traitants  et  des  marins,  n'a  pas  été  considérable  :  les  Mélanésiens 
n'ont  que  le  culte  des  bons  et  des  mauvais  esprits  et  celui  des  grands 
phénomènes  de  la  nature;  ils  vénèrent  les  animaux  dont  ils  ont  [)eur  : 
ici  on  adore  le  crocodile,  ailleurs  le  requin.  (luppy  raconte  que  dans 
l'île  d'Ulaua,  au  nord  de  San-Cristobal,  l'homme  qui  a  pu  échapper  aux 
dents  d'un  requin  est  rejeté  dans  la  mer  pour  servir  de  proie  au  dévoreur 
sacré.  On  s'occupe  peu  des  malades;  dans  la  plupart  des  îles,  on  les 
abandonne  même  à  leur  destin  dès  qu'on  n'a  plus  espoir  de  les  sauver  : 
on  les  porte  dans  la  case  funèbre,  puis  on  met  à  côté  de  leur  natte  une 
noix  de  coco  et  on  les  laisse  mourir  seuls;  on  se  sent  impuissant  à  com- 
battre le  mauvais  esprit  qui  s'acharne  sur  la  victime.  Les  natifs  d'Ugi 
croient  que  les  âmes  des  morts  se  changent  en  lucioles'. 

L'organisation  politique  diffère  complètement  suivant  les  îles  :  dans  les 
archipels  de  l'Amirauté  et  de  Bismarck  les  tribus  n'ont  point  de  chefs,  ou 
plutôt  ceux  qui  portent  ce  nom  ne  le  doivent  qu'aux  traitants  étrangers  ; 
personne  ne  se  permet  de  donner  des  ordres  à  son  semblable  :  tous  les 
membres  de  la  tribu  sont  égaux  et  délibèrent  sans  maître  sur  les  intérêts 


Wilfred  Powoll,  lfanrfc)/«f/s  iii  Nnu-Dritniii. 
Guppy,  ouvrage  cité. 


07n  NOUVELLE  (;ÉOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

communs.  Mais  ihins  la  pluiiarL  des  îles  Salunion  If  })Oiivoir  ili'S  chefs 
héréditaires  s'est  fortement  constitué.  D'ordinaire  les  royaumes  ne 
sont  pas  considérables  :  autant  de  villages,  autant  d'Etats;  toutefois  il 
existe  quelques  domaines  royaux  qui  s'étendent  sur  un  essaim  d'îlots 
et  même  sur  de  vastes  espaces  dans  les  grandes  îles.  C'est  ainsi  que  le 
chef  de  l'île  Shortland,  dans  le  détroit  de  Bougainville,  commande  à  tous 
les  insulaires  du  passage,  de  même  qu'aux  tribus  les  plus  rapprochées 
dans  les  îles  Bougainville  et  Choiseul.  Ce  sont  généralement  les  chefs  de 
petites  îles  qui  réussissent  à  constituer  les  dynasties  les  plus  puissantes  : 
ils  le  doivent  à  leurs  marins,  plus  mobiles,  plus  audacieux  que  les  agri- 
culteurs des  grandes  terres  voisines.  L'action  du  gouvernement  germa- 
nique s'emploie  à  consolider  le  pouvoir  des  chefs  principaux  et  à  les  trans- 
former sraduellement  en  fonctionnaires. 


Il  n'y  a  |ioinl  encore  de  villes  dans  la  Mélanésie  allemande.  La  «  colo- 
nie «  de  Port-Breton,  fondée  en  1870  sur  la  côte  méridionale  de  Tombara, 
au  pied  de  monts  ravinés  et  dans  la  région  la  |ilus  aride  de  l'île,  n'a  plus 
un  seul  de  ses  immigrants  français,  auxquels  on  avait  promis  merveille 
et  (pii  n'ont  trouvé  dans  la  «  Nouvelle  France»  que  la  maladie  et  la  faim  : 
Port-Breton  n'est  plus  qu'un  hangar  abritant  quelques  marchandises.  Le 
chef-lieu  politique  et  commercial  des  archipels  germaniques,  y  compris 
les  Salomon,  est  situé  dans  une  position  tout  à  fait  centrale,  entre  la 
Papouasie  et  l'archipel  Bismarck.  La  première  station  fut  Mioko,  dans 
les  eaux  tranquilles  qui  s'étendent  au  sud  d(>  l'île  York  ou  Neu-Lauenburg; 
mais  les  écucils  voisins,  qui  se  découvrent  à  marée  basse,  répandent  une 
mauvaise  odeur.  On  lit  alors  choix,  pour  résidence,  de  l'île  très  popu- 
leuse de  Matiqii,  située  |ilus  à  l'ouesl,  cl  (|ui  est  elle-même  un  cralère 
avant  surgi  dans  l'ancien  cratère  de  la  baie  Blanche;  mais  une  vague  de 
IremblemenI  j)ro(Iuile  par  éruption  démolit  à  demi  le  village,  et  le  centre 
de  l'adminislration,  de  nouveau  déplacé,  fut  porté,  au  sud-ouest  de 
Mioko,  dans  l'îlot  de  Kerawara,  devant  lequel  peuvent  mouiller  les  plus 
grands  navires  :  l'exportation  annuelle  du  koprah  ne  dépasse  guère  un 
millier  de  tonnes.  D'ailleurs,  les  employés  de  la  compagnie  commerciale, 
qui  représentent  la  puissance  allemande  dans  ces  parages,  n'ont  eu  jus- 
qu'à maintenant  d'autre  mission  que  de  protéger  les  comptoirs  établis  sur 
divers  points  des  archipels  et  de  surveiller  l'émigration  ou  plutôt  l'expor- 
tation des  naturels  envoyés  sur  les  plantations  des  blancs.  Les  marchés 
d'esclaves  ont  été  remplacés  par  des  maichés  de  i'  Iravailleurs  libres  », 


MlliT-liKETON,    AlloKd.    MATUl'l,   KERAWAFtA. 


(J71 


mais  la  (lini'rciicc  eiilre  li's  n|H''i'MlioMs  de  tous  ces  négriers  n'est  liiièro 
([lie  nominale,  et  des  centaines,  des  milliers  d'engagés,  emmenés  loin  de 
lenr  patrie,  se  sont  laissés  mourii-  de  désespoir.  Des  publicistes  allemands 


]I,K    XKl-LAUCN'BlRIi 


proposent  d'établir  dans  les  possessions  mélanésiennes  un  lieu  de  (i(''p(ir- 
tation  pour  les  ciiminels.  Finsch  désigne  les  îles  du  détroit  de  Dampier, 
occupant  une  situation  centrale  entre  la  côte  de  la  Nouvelle-Guinée  et  les 
archipels  du  nord  comme  les  endroits  oîi  il  conviendrait  le  mieux  de  l'on- 
der  ces  colonies  pénitentiaires'. 


Finsch,  Sanioiifaliricn. 


672 


NOUVELLE  GEOGRAPHIE   UNIVERSELLE 


Le  tableau  suivant  donne  la  lislc  des  îles  principales  de  la  Mélanésie,  en 
dehors  des  îles  dépendantes  de  la  Nouvelle-Guinée,  avee  leur  superficie, 
calculée  approximativement,  et  leur  population,  évaluée  par  Belnu  et 
Wagner  et  les  vovaseurs  récents. 


XO.MS    DES    CnOrPES    ET   DES    ILES. 

sui'erucie 

E\    KU..    C.VIl. 

POPI'LATION  PKÉsfjn';!;. 

Iles  de  r.Vmirnulé 

1952 

2  000 

lie  Matthias  .  .    . 

660 

Autres  îles  occiilent 

651 

70  000 

l 

1  476 
12  1)51) 

Tombara (New-L'eland,  Neu-Mecklenburgl. 

Archipel  Bisinaicli.  ■, 

Biraia  (New-Brltain,  Neu-Pommern).  .    . 

2'p'.)00 

100  000  (Bridge). 

Neu-Lauenburg,  York-island) 

58 

\ 
Iles  «  Françaises  n  < 

1  578 

il)(l 
UO     ' 
100 

20  000 

Giipiel. 

1 

Autres  iles 

180 

Ile  RiKik.  .    . 

705 
600 
520 

10  000 

Ile  Dampier  (Kaikai- 



Iles  viiisines.    .    . 

450 

, 

Bougainvillc  (Bouka)  et  iles  voisines. 

10  210 

j 

Choiseul  (San-Marcos) 

5  850 

l 

New-Georgia  et  iles  voisines 

5  220 

Iles  S.ilomon    .    . 

Yzabel  et  iles  voisines 

Giiadalcanar  et  Savo 

5  90(1 

6  560 

175  00(1 

j 

Malaita  (Ranios),  Meraïuasiki,  el-.    . 

6  580 

1 

Sau-Cristobal  (Arossi.  Baura) 

5  115 

Iles  voisines 

2  697 

MELA.NESIE.  673 


II 


ARCHII'liL     DE     SANT\-(;nUZ,    N  OU  VE  L  L  E  S- Il  KB  R  I  DE  S. 

Ces  deux  traînées  d'ilos  mélanésiennes  Ibnl  évidemment  partie  du  même 
système  de  plissement  terrestre  que  les  îles  Salomon,  mais  elles  n'en  for- 
ment pas  la  continuation  précise  et  s'orientent  dans  un  sens  un  peu  dif- 
férent ;  leur  axe  se  dirige  du  nord-nord-ouest  au  sud-snd-est.  Les  deux 
archipels  com[)reniient  une  cinquanlaine  d'îles  et  d'îlots,  sans  comptei' 
d'innombrahles  récifs;  en  outre,  quelques  terres  sont  parsemées  dans  les 
mers  orientales  sur  les  voies  maritimes  qui  mènent  aux  îles  Fidji  et 
Samoa.  Ensemble,  l'archipel  de  Santa-Cruz,  les  Nouvelles-Hébrides  et  les 
îles  des  parages  orientaux,  Tikopia  el  Anuda,  auraient  une  superficie  de 
lôOOO  à  14  000  kilomètres  carrés.  La  population  totale  de  ces  groupes 
mélanésiens  serait  d'environ  70  001)  habilanls.  d'après  les  évaluations 
approximatives. 

L'archi|)('l  de  Sania-Cruz  lut  découvert  en  1505  par  Alonzo  de  iMendana, 
qui  cherchait  alors,  mais  sans  y  réussir,  à  retrouver  les  îles  Salomon, 
visitées  par  lui  vingt-huit  années  auparavant.  Queiros,  le  compagnon 
de  Mendana,  explorant  en  160(3  les  mêmes  parages,  vit  le  premier  les 
Nouvelles-Hébrides  et  jeta  l'ancre  dans  une  baie  de  l'île  d'Espiritu-Santo. 
11  crut  avoir  trouvé  le  continent  austi'al  :  aussi  donna-t-il  à  celte  madré 
de  tcnitas  iskts  le  nom  d'Australie,  appliqué  plus  tard  à  la  partie  du 
monde  que  Terres,  le  second  de  Queiros,  dut  sans  doute  apercevoir  lors- 
qu'il franchit  le  délroil  qui  perle  sou  nom.  C'est  dans  cette  île  d'Es[iirilu- 
Sanlo,  ou  Merena,  que  Queiros  fonda  la  «  Nouvelle-Jérusalem  >  ,  la  ville 
d'(u'i  la  foi  devait  se  répandre  sur  tous  les  rivages  de  l'océan  Paciiique. 
Jlais  il  ne  revit  pas  les  terres  découvertes  par  lui,  et  plus  d'un  siècle  et 
demi  se  })assa  avant  (ju'un  nouvel  explorateur,  Bougainville,  a]qiarùl 
devant  ces  îles  :  d'ailleurs,  le  nom  même  ipi'il  leur  donna,  celui  de 
«  Grandes-Cyclades  >■,  prouve  ipi'il  n'en  releva  |)oint  méthodiquement  les 
cijles,  puisipie  dans  leur  ensemble  elles  sont  disposées  en  rangées  et  non 
jwint  eu  cercle.  Eu  1774,  six  ans  après  Bougainville,  Cook  visila  le  même 
archipel,  qu'il  étudia  plus  en  détail  et  auquel  il  donna,  en  souvenir  des 
îles  écossaises,  le  nom  maintenu  depuis  dans  la  nomenclature  géogra- 
phique. Après  Cook,  il  restait  à  préciser  les  contours  des  îles  centrales  et 
à  découvrir  quelques  terres  écartées.  En  17<S9,  Dligh,  expulsé  de  son 
navire  pai'  l'éiiuipage  révolté,  et  forcé  de  tiaveiseï'  dans  sa  largeur  plus 


674  NOUVELLE   r.EOr.nAI'IllE   l'M  VERSELLE. 

de  la  moitié  du  Pacifique,  eut  la  cliauce  de  leucoutrer  dans  son  périlleux 
voyage  l'essaim  des  îles  de  Banks,  au  nord  des  A'ouvelles-Hébrides.  L'année 
précédente,  Lapérouse  avait,  parcouru  les  mêmes  parties  de  l'Océan,  mais 
il  ne  devait  point  raconter  son  voyage.  Son  navire  vint  se  briser  sur  un 
écueil  de  l'île  de  Vanikoro,  la  terre  la  j)lus  méridionale  de  l'archipel  Santa- 
Cruz,  et  ce  n'est  que  trente-neuf  années  après  le  naufrage  que  l'Anglais 
Dilloii  découvrit  l'endroit  où  le  vaillant  explorateur  et  ses  compagnons 
avaient  péri  :  le  fatal  rocher  se  trouve  à  l'occident  de  l'île,  dans  une  des 
passes  de  la  ceinture  de  récifs. 

Maintenant  bien  connues  par  les  marins,  exploitées  par  les  traitants 
qui  viennent  y  prendre  des  «  engagés  «  pour  les  [tlantations  d'autres  îles, 
et  par  les  missionnaires  qui  cherchent  à  recruter  des  fidèles  pour  leurs 
églises  respectives,  les  îles  de  Santa-Cruz  et  les  Nouvelles-Hébrides  ne  font 
partie  d'aucun  empire  colonial  européen.  Le  groupe  du  nord  se  trouve, 
il  est  vrai,  dans  la  "  zone  d'inlluence  »  attribuée  spécialement  aux  «  inté- 
rêts britanniques  »  en  vertu  du  traité  conclu  avec  l'Allemagne,  mais  les 
Nouvelles-Hébrides,  qui  semblaient  aussi  destinées  à  devenir  possession 
anglaise,  ont  été  disputées  par  la  France  à  l'Angleterre,  et  même  de  petites 
garnisons  françaises  ont  occupé  temporairement  quebpies  îles.  Mission- 
naires catholiques  et  missionnaires  protestants,  en  cherche  d'  «  âmes  à 
sauver  »,  planteurs  de  la  Nouvelle-Calédonie  et  planteurs  des  îles  Fidji  en 
quête  de  travailleurs  pour  leurs  champs,  ne  manquèrent  pas  de  faire 
intervenir  leurs  gouvernements  respectifs  en  faveur  de  leurs  intérêts  par- 
ticuliers, et  pendant  quelques  années  le  sort  politique  de  l'archipel  fut  en 
suspens.  Un  traité  récent  prolonge  cette  situation  indécise  en  [)laçant 
l'archipel  sous  le  protectorat  commun  de  la  Fiance  et  de  l'Angleterre  :  il 
est  probable  que  cette  double  surveillance  aura  tôt  ou  tard  pour  résultat 
le  partage  des  Nouvelles-Hébrides  entre  les  puissances  rivales. 

Les  deux  archipels  sont  d'origine  volcanique,  comme  les  autres  aligne- 
ments d'îles  dans  le  Pacifique  occidental  :  dans  presque  tontes  ces  terres 
mélanésiennes  on  voit  se  dresser  des  cônes  de  forme  régulière,  aux  flancs 
recouverts  de  cendres  et  de  laves.  D'après  Dana,  c'est  à  l'activité  des  forces 
ignées  qu'il  faudrait  attribuer  le  manque  pres(jue  absolu  de  récifs  coral- 
liens dans  les  archipels  de  ces  parages;  quoique  situées  entre  la  Nouvelle- 
Calédonie  et  les  îles  Fidji,  si  riches  en  coraux,  Santa-Cruz  et  les  Hébrides 
n'ont  point  d'atoll,  et  le  seul  anneau  coralligène  achevé  qui  s'y  trouve  est 
celui  dont  s'est  entourée  l'île  de  Vanikoro.  Un  des  îlots  septentrionaux  de 
Santa-Cruz,  le  Tinakoro,  est  toujours  en  éruption.  Au  nord  des  Nouvelles- 
Hébrides,  dans  le  groupe  dit  archipel  de  Banks  et  de  Torres,  un  volcan  de 


ILES  SANTA-CRUZ,   NOUVELLES-HÉBRIDES.  «75 

l'îlo,  Uroparapnnu  liaiil  de  505  mèlrcs.  oiiviv  nu  iiord-esl  son  cratère 
effondré,  ol  la  mer  oniplil  rancieii  fond  du  bassin.  J^rès  de  là,  dans  l'île 
de  Vanua-Lava  ou  «  Grande-Terre  »,  des  sources  thermales  jaillissent  en 
aliondance  au  bord  de  la  mer.  Au  centre  de  l'archipel,  l'île  d'Ambrym 
(1067  mètres)  et  le  mont  escarpé  de  Lo[)evi,  le  plus  élevé  de  l'archipel 
(15'2'i'  mètres),  sont  aussi  des  volcans  on  activité;  enfin,  au  sud,  dans 


^^o^cf/-it:/^i^^^ 


1   ■.  575  000 


l'ilc^  de  Tanna  Aiperi  ou  simplement  Tanna,  c'est-à-dire  «  Terre  »,  le 
moni  boisé  de  Yasova  est  toujours  en  travail;  par  intervalles  de  six  à  huit 
minutes,  surtout  de  janvier  en  mars',  on  voit  s'élancer  de  la  cime  les 
vapeurs,  les  cendres  et  les  boulets  de  lave;  un  excellent  havre  de  cette 
île,  l'orl-liesolulion,  a  été  comblé  en  1S78  par  un  tremblement  de  terre. 
Des  éruptions  sous-marines  ont  eu  lieu  fréquemment  dans  ces  parages,  et 
les  navires  se  sont  fi'ayé-  péniblement  leur  voie  à  travers  les  couches  de 
pierre  ponce.  Outre  les  volcans  encore  actifs,  nombre  d'autres  monls  insu- 


lîreni'lilcy.  .So»//;  .S'ivy  isliiints. 


fi70 


NOUVELLE  GEOGRAPUIE  UMVERISELLE. 


.NOUVLLLLS-imliniIlIiS. 


laii'os  de  l'arcliipol  versèrent  autrefois  des  fleuves  de  feu.  En  beaucoup 
d'endroits  on  ix'mar(jue  des  traces  d'exhaussements  modernes  :  des  racines 

de  j)alétuviers  garnies  de  co- 
quillages se  trouvent  à  12  mè- 
tres au-dessus  du  niveau  de 
la  mer  ' . 

Le  climat  diffère  notablo 
ment  dans  les  diverses  parties 
des  archipels,  puisque  ceux-ci 
se  prolongent  sur  un  espace 
dépassant  12  degrés  en  lati- 
ude  :  le  10*  degré  au  sud  de 
l'équateur  traverse  les  parages 
de  l'archipel  de  Santa- Cruz, 
et  l'îlot  Matlhew.  dans  les 
Nouvelles-Hébrides,  se  trouve 
au  sud  du  22'"  degré.  La  diffé- 
rence de  température  moyenne 
est  donc  de  2  à  5  degrés  centi- 
grades entre  les  di-ux  extrémi- 
tés de  la  rangée  des  îles.  Néan- 
moins le  l'égime  des  vents  et 
des  pluies  est  le  même  dans 
toutes  ces  mers  :  le  vent  alizé 
du  sud-est  souffle  régulière- 
ment pendant  l'été  de  l'hémi- 
sphère septentrional,  de  mai 
en  octobre,  tandis  que  dans 
l'autre  moitié  de  l'année,  de 
novembre  en  avril,  les  vents 
p'erro"  irréguliers  alternent  avec  l'ali- 
zé ;  le  vent  d'ouest  l'emporte 
'^'^'^  souvent,  amenant  avec  lui  les 
pluies,  les  orages  et  même  des 
cyclones.  En  moyenne,  l'hu- 
midité est  très  abondante,  et  par  conséquent  la  végétation  est  touffue: 
les  montagnes  sont  couvertes  de  forêts.  Pour  les  Européens,  le  climat  des 


F^of^orjc^ecjrs 


1    :   9  MO  000 


'  Ormières.  Dullelin  de  la  Sociclc  de  GéoyrapUie  commerciale  de  Paris.  1887-1888,  n°  C. 


ILES  SANTA-CRIZ,  NOUVELLES-HÉBRIDES.  C77 

NouvolIes-IIébrides,  surtout  du  côté  occidental  qui  est  celui  dos  pluies, 
est  des  plus  insalubres  :  il  l'est  également  devenu  pour  les  naturels, 
maintenant  décimés  par  la  phtisie. 

l^a  llore  de  ces  archipels,  nouri'ie  par  un  sol  des  plus  féconds,  com- 
prend un  f;rand  nombre  d'espèces  qu'on  ne  trouve  point  ailleurs,  entre 
autres  un  arbre  de  la  famille  des  myrtes,  qui  répand  un  parfum  péné- 
trant et  qui  s'élève  à  plus  de  12  mètres;  une  variété  de  cèdre,  à  feuilles 
d'olivier,  atteint  une  hauteur  beaucoup  plus  considérable  et  pourrait  four- 
nir de  grands  mâts  pour  les  vaisseaux.  Presque  tous  les  arbres  des 
Nouvelles-Hébrides  sont  très  résineux,  et  la  substance  blanche  et  trans- 
parente qui  en  découle  est  fort  ap|>réciée  par  les  rares  industriels  ayant 
pu  en  faire  usage;  le  bois  des  Nouvelles-Hébrides  le  plus  recherché  pour 
l'exportation  est  le  bois  de  sandal.  Les  plantes  nourricières  de  ces  archi- 
pels sont  pour  la  plupart  d'origine  occidentale  :  l'aire  indienne  de  végéta- 
lion  se  continue  jusque  dans  ces  îles  lointaines'  ;  mais  par  cent  espèces  de 
fougères,  par  le  dammara  et  l'araucaria,  les  Nouvelles-Hébrides  appar- 
tiennent aussi  au  domaine  néo-zélandais.  Sauf  quelques  variétés,  les  aibres 
à  fruit  sont  ceux  que  possèdent  les  autres  îles  océaniennes  :  cocotiers, 
sagouliers,  arbres  à  pain,  bananiers.  La  plante  par  excellence  est  l'igname  : 
ce  tubercule  constitue  le  principal  aliment  des  habitants.  Ceux-ci  comp- 
tent les  années  par  les  récoltes  :  quand  les  pourvoyeurs  d'hommes  en- 
lèvent les  insulaires  pour  les  amener  comme  «  engagés  »  dans  les 
plantations  de  Queensland,  des  îles  Fidji  ou  de  la  Nouvelle-Calédonie, 
le  temps  du  service  obligatoire  est  évalué  dans  le  contrat,  non  pas  en 
années,  mais  en  «  ignames  ».  Quant  à  la  faune  indigène,  elle  est  très 
pauvre  en  mammifères  :  des  chauves-souris  et  des  rats,  telles  sont  les 
espèces  primitives.  Les  cochons  ont  été  importés;  récemment  encore  les 
naturels  de  Tanna  et  de  Mallicolo  virent  avec  étonnement  les  premiers 
chiens,  amenés  des  îles  de  la  Société.  On  trouve  aussi  à  Tanna  le  pigeon 
des  muscadiers. 

Les  deux  archipels  de  Santa-Cruz  et  des  Nouvelles-Hébrides  occupent  la 
zone  de  transition  entre  le  monde  mélanésien  et  la  Polynésie,  et  leurs 
populations  offrent  par  conséquent  une  grande  variété  de  types,  suivant  le 
mélange  ou  la  juxtaposition  des  races.  Chaque  île  présente  un  contraste 
avec  sa  voisine;  même  sur  une  seule  terre,  des  peuplades  diffèrent  gran- 
dement les  unes  des  autres  par  l'aspect,  les  mœurs  et  le  dialecte.  Ainsi 
que  dans  les   Salomon  et   l'archipel  Bismarck,  les  riverains  et  les  gens 

'  MoiniciiL',  Zcilschriji  dcr  Gescllsditifl  fiir  Erdkundc.  n.  t)2,  j,",  1874. 


078  NOUVELLE   GEOCFÏ AI'IIIH   INIVERSELLE. 

lU'  l'inh'iii'iii  IVirment  des  groupos  de  liihiis  liieii  Iraiichés,  généralemonl 
désignés,  dnns  l'anglais  jargonné  de  ces  parages,  sous  les  noms  de  man- 
sahwater  et  de  man-hmh,  «  homme  de  l'eau  salée  «  et  <c  homme  de  la 
hrousse  «.  Mais,  dans  l'ensemble,  c'csl  le  lype  mélanésien  qui  prévaut, 
même  dans  les  îles  méridionales,  Yalé,  Erromango,  Tanna  '.  Les  navigateurs 
ont  remarqué  que  les  naturels  des  îles  du  sud  sont  en  général  plus  forts, 
plus  grands  et  mieux  bâtis  que  ceux  des  îles  septentrionales.  Mais  jtris  en 
masse,  et  considérés  d'après  nos  règles  ordinaires  d'esthétique,  ils  ne  sont 
point  beaux  :  leur  front  est  bas  el  fuyant,  leur  face  élargie  par  deux  pom- 
mettes saillaules,  leur  nez  aplati  et  leur  bouche  épaisse;  en  diverses  îles, 
les  mères  ont  l'habitude  de  déformer  le  crâne  de  leurs  enfants  au  moyen 
de  planchettes,  qui  allongent  l'encéphale  de  l'avant  à  l'ai'iièie,  le  rétré- 
cissent et  l'abaissent^  :  c'est  jtrobablemenl  à  cette  déformation  artiticielle 
que  les  indigènes  de  Yanikoro  et  de  Mallicolo  doivent  d'être,  d'Sprès  Flower, 
les  |)lus  dolichocéphales  des  hommes.  La  chevelure  et  la  barbe  sont  lai- 
neuses; les  Néo-Hébridais  ont  la  peau  presque  noire  et  souvent  détériorée 
par  les  maladies.  Ils  cherchent  à  s'embellir  en  se  perçant  des  trous  dans 
les  oreilles  et  la  cloison  du  nez,  en  se  faisant  des  entailles  sur  les  bras 
et  sur  la  poitrine,  en  s'ornant  la  tète  de  coquillages,  de  feuilles,  de  touffes 
d'herbes,  en  s'enluminant  de  peintures  tracées  sur  le  corps  au  moyen 
d'ocre  rouge,  de  chaux  et  de  pigments  divers  ;  mais  le  tatouage  propre- 
ment dit  est  assez  rare  :  dans  les  îles  du  sud  il  est  même  complètement 
ignoré.  Un  grand  nombrt^  d'insulaires  emploient  de  la  cendre  de  bois 
pour  donner  à  leur  crinière  une  belle  couleur  dorée.  A  Tanna  le  suprême 
bon  Ion  consiste  à  la  diviser  en  une  multitude  de  petites  touffes  liées  par 
des  libres  végétales  près  de  la  racine  des  cheveux  :  il  ne  faut  pas  moins 
de  trois  à  ([uafre  années,  dit-on,  pour  compléter  celte  partie  de  la  toilette 
d'un  beau  guerrier".  Lors  de  l'arrivée  des  Européens  dans  les  îles,  les 
naturels  marchaient  nus  ou  n'avaient  d'autre  vêtement  que  des  pagnes 
d'écorce  battue,  de  feuilles  ou  de  libres  de  cocotier.  Des  insulaires  que 
décrit  Cook  se  serraient  tellement  la  taille  avec  une  ceinture  de  cordes, 
qu'ils  ressemblaient  à  de  «  grosses  fourmis  ».  De  nos  jours,  la  plupart  des 
Aéo-IIébridais  emploient  des  étoffes  européennes  pour  tout  ou  partie  de 
leur  costume.  Ils  ne  bâtissent  point  l(>urs  demeures  sur  pilotis  comme 
les  Papoua  et  les  Mélanésiens  de  l'ouest  :  ce  sont  |)resque  toujours  de 
simples  toits  en  feuilles  de  palmier  posés  sur  quatre  uieux. 

*  Otto  Finsch,  Aiitliropologische  Eryàbnissc  eincr  licisc  iii  iUt  Siklsee. 
-  Roberjiit,  Bulletin  de  la  Société  de  Gùotjrdphie.  \"  trimestre  1885. 
"  CL  M;irkli;iin.  Cruise  of  tlie  «  liosarin  «  iiiiidiifi  llic  A'cic  Hébrides. 


,  M:^  ^^-4-^  \f^''^  ATt/   ^V     '  V/V//Vf, 


_\0U  VKLLES-HKBniUES,      li  R 0  C P F.     »    INDIGENE?;, 

Uti^siii  )li>  I,:iclliit-r,  iriipl'è^  !|i|i'  |ilu.lo^T;i|.Iiiii  rumiiliiiiiipTcn  par  M.  r,oUo:m. 


ILES  SA.\ÏA-CKUZ,   MOL VELLES-llÉBRIDES.  Ii81 

Si  la  jirando  majorité  des  naturels  est  évidemment  mélanésienne  dans 
les  deux  archipels,  la  belle  race  polynésienne  est  représentée  presque  à  l'état 
pur  dans  le  voisinage  des  îles  Santa-tlruz.  L'ilot  d'Anuda  ou  Cherry- 
island,  celui  de  Tukopia  ou  Barwell,  situés  bien  à  l'est  de  la  rangée  des 
grandes  îles,  dans  les  mers  orientales,  son!  certainement  habités  par  des 
Polynésiens  :  on  les  reconnaît  à  la  forte  cai'rure,  à  la  taille  élancée,  à 
la  longue  chevelure,  à  la  figure  souriante.  Les  gens  deFutuna  et  d'Aniwa, 
la  «  Madère  »  des  Nouvelles-Hébrides,  vers  l'extrémité  méridionale  de  l'ai- 
chipel,  sont  aussi  des  Polynésiens,  et  les  noms  mêmes  ([u'ils  ont  donnés  à 
leurs  îles  sont  empruntés  à  des  terres  voisines  des  Tonga  '.  Il  est  très  pro- 
bable, d'après  la  description  donnée  par  (jueiros,  que  les  habitants  des 
îlots  Taumaco  ou  Duff,  an  nord-est  de  Santa-Cruz,  aj)partiennent  aussi 
à  la  même  race.  Peut-être  les  insulaires  de  Nukapu,  l'une  des  îles  de 
l'essaim  principal  de  Sanla-Cruz,  sont-ils  issus  d'un  croisement  des  deux 
éléments  ethniques,  car  leur  dialecte,  d'origine  maori,  est  essentiellement 
polynésien,  tandis  que  leurs  mœui's  les  rattachent  aux  peuplades  de  la 
Mélanésie. 

Les  femmes,  achetées  par  les  maris,  sont  en  général  fort  malheureuses  : 
toutes  les  grosses  besognes  leur  sont  imposées  et  souvent  on  les  accable  de 
coups;  dans  quelques  îles,  notamment  à  Mallicolo,  on  leur  casse  les  deux 
incisives  supérieures  ;  dans  Anatom  elles  devaient  suivre  leurs  époux  dans 
la  fosse  ;  au  jour  même  du  mariage,  on  leur  mettait  la  corde  au  cou  :  il 
ne  restait  plus  qu'à  la  serrer  pour  la  cérémonie  funéraire.  Presque  tous 
monogames,  à  l'exception  des  chefs,  les  Néo-IIébridais  sont  fort  jaloux  et 
veillent  de  près  à  la  conduite  de  leurs  épouses  :  une  foule  de  choses  per- 
mises à  l'homme  sont  défendues  à  la  femme;  c'est  pour  elle  surtout 
que  le  tabou  est  prononcé  par  les  chefs  et  les  prêtres.  Ceux-ci  sont  des 
magiciens  (jui  commandent  au  vent  et  à  la  pluie,  qui  évoquent  et  chassent 
les  maladies  et  les  esprits,  qui  parlent  aux  ancêtres,  les  dieux  de  la  tribu, 
et  transmettent  leurs  volontés  aux  vivants.  Ils  présidaient  aux  festins  de 
chair  humaine,  car  l'anthropophagie,  naguère  plus  commune  dans  la 
Mélanésie  orientale  que  dans  toutes  les  autres  terres  océaniques,  avait  un 
caractère  religieux  :  on  dévorait  les  prisonniers  de  guerre  et  les  cadavres 
des  ennemis  tombés,  pour  se  nourrir  de  leur  force  et  de  leur  courage;  mais 
le  goût  de  la  chair  humaine  avait  aussi  porté  les  naturels  à  manger  les 
morts  de  leur  propre  tribu  ou  à  les  échanger  contre  ceux  de  peuplades 
amies. 

'  Meinlcko,  iiiéiuoire  clk'. 


08^  MOUVELLK  GÉOCUAi'lIlK  LM  VEHSE LLE. 

Ces  mœurs  de  cannibales  ne  pouvaient  que  donner  aux  indigènes  de 
Sanla-Cruz  et  des  Nouvelles-Hébiides  une  réputation  de  scélératesse  et  de 
férocité;  cependant  il  est  certain  que,  dans  les  relations  mutuelles  entre 
Mélanésiens  et  blancs,  ceux-ci  (tnl  été  de  beaucoup  les  plus  faux  et  les 
j)lus  cruels.  (Jue  de  fois  ils  ont  assailli  des  villages  pour  en  capturer  les 
défenseurs  et  les  vendre  comme  «engagés  )i  sur  les  plantations  lointaines! 
(Jue  de  fois  ils  ont  massacré  de  sang-froid  des  femmes,  des  enfants,  des 
vieillards,  et  brûlé  des  récoltes  pour  affamer  ceux  que  les  balles  de  leurs 
fusils  n'avaient  pu  atteindre!  Parfois  les  «  noirs  »  ont  réussi  à  se  venger 
de  leurs  assaillants  ou  à  s'emparer  de  quelque  blanc  naufragé,  et  quoi 
d'étonnant  qu'ils  se  soient  alors  rués  sur  leur  proie  pour  la  dévorer!  Mais 
il  est  rare  que  des  navigateurs  et  des  missionnaires  les  trailant  avec  justice 
et  bienveillance  aient  eu  à  se  plaindre  d'eux.  Si  l'évèque  Patteson  fut  tué 
dans  l'Ile  de  Nukapu,  en  1871,  c'est  par  la  main  d'un  père  auquel  on 
venait  d'enlever  ses  enfants.  D'après  Markham,les  indigènes  d'EiTomango, 
qui  tuèrent  Williams,  auti'o  missionnaire,  ne  se  servent  de  fusils  que 
contre  les  blancs,  dans  lesquels  ils  ne  voient  que  des  voleurs  d'bommes; 
dans  leurs  guerres  locales,  entre  frères  de  race,  ils  tiendraient  pour  Ikui- 
teux  d'employer  les  armes  nouvelles. 

L'anthropophagie  ne  s'est  inainlenue  que  dans  uu  petit  nombre  d'Iles; 
dans  les  terres  du  sud,  les  plus  fréquentées  par  les  blancs,  elle  n'est  qu'un 
souvenir.  En  réalité,  jilusieurs  des  Nouvelies-llélirides,  quoique  non  an- 
nexées ofliciellement  par  quelque  puissance  eui'opéenne,  n'eu  ap|iarlien- 
nent  pas  moins  à  des  blancs,  qui  gouvernent  la  population,  la  font  tra- 
vailler à  leur  profit,  et  en  transfoi'meni  l'élal  social,  (jui  rappelle  de  jilus 
en  plus  celui  des  prolétaires  d'Euro|)e.  I/île  d'Anatom  (Aneïliinu),  la  plus 
rapprochée  de  la  Nouvelle-Calédonie,  n'est  peuplée  que  de  «iinverlis, 
sachant  tous  lire  et  écrire.  En  d'autres  îles,  les  communautés  clirélieunes 
l'emportent  en  nombre  sur  les  jieuplades  restées  païennes.  La  terre  la 
plus  considérable  des  INouvelles-liébrides,  Espiritu-Sanlo  ou  simplement 
Sanlo,  dont  le  dt'couvreur  (Jueiros  vantait  avec  raison  le  climat  et  la  ri- 
chesse et  (|u"il  jtroclamail  devoir  être  la  future  rivale  des  «  provinces  du 
Chili,  du  Pérou,  <lu  Mexique,  des  Philippines  »,  est  précisément  une  des 
îles  qui  ont  été  le  moins  visitées  par  les  Européens  et  (|ui  u'out  encore 
qu'une  bien  faible  valeur  économique.  Son  vasl('  «  port  ■,  ou  plutôt  la 
baie  parfaitement  abi'itée  de  la  Yera-Cruz,  dans  laquelle  <  quatre  mille 
navires  tiendraient  à  l'aise  »,  est  resté  presque  dései'l,  el  nul  planteur 
ne  s'est  établi  sui'  les  bords  du  «  Jourdain  >i. 

En  1828,  la  découverte  du  bois  de  saiidal  dausl'ile  irijriimaugd  donna 


ILES  SANTA-CRUZ.   NOUVELLES-HÉBRIDES.  «80 

linii  M  un  trafic  secret  avec  la  Chine,  qui  cessa  peu  à  peu  avec  la  dcstruc- 
lioii  (les  forêts.  Les  traitants  ajoutaient  à  leur  trafic  de  bois  de  sandal  ce- 
lui du  «  bois  d'ébène  »  vivant,  surtout  des  femmes.  Le  centre  commer- 
cial de  l'archipel  des  Nouvelles-Hébrides  est  l'ile  de  Vaté  ou  Efal,  plus 
souvent  désignée  par  son  nom  anglais  d'île  Sandwich.  Des  colons  européens 
se  sont  établis  près  de  Porl-Havannah  et  en  d'autres  endroits  de  celte  île, 
renommée  pour  la  fécondité  de  ses  terres  et  la  richesse  de  sa  végétation, 
mais  des  plus  insalubres,  et  y  font  cultiver  le  maïs,  le  riz,  le  cotonnier,  le 
tabac,  le  cafier  :  en  1882  ses  plantations  comprenaient  une  centaine  de 
raille  de  ces  derniers  arbustes;  on  fume  les  cultures  avec  des  aslérides 
retirées  des  mers  voisines.  Les  planteurs  des  Nouvelles-Hébrides  expédient 
des  grains,  des  fruits,  des  porcs  et  des  volailles  à  Nouméa,  capitale  de  la 
Nouvelle-Calédonie.  Une  partie  considérable  des  terres  des  Nouvelles- 
Hébrides  appartient  à  une  compagnie  néo-calédonienne. 


Le  tableau  suivant  montre  combien  la  population  de    ces  archipels  est 
minime  en  comparaison  de  leur  superficie  : 


ILES. 

SUPERFICIE 
ES     KIl.     C.tR. 

P0PrLATIO\. 

/  Santa-Ci'iiz 

ÔOO 

Arcliippl  ilo  Siinla-Craz     .      !   Vnnikoi-n.            .    .                    .    . 

KU       '          .MIDII       1 

'   Aulres  îles  clo  l'airlii|icl 

-2\i 

4  500 

20  000 
'8  000 

5  000 
5000 
2  000 

10  000 

1  280 

15  000 

958 
926 

4  857 
2  268 

644 
5i8 
1041 
380 
160 

5  259 

/  Espiritu-Santo.  . 

1  Ambrym.    .        .               .        . 

V        „„..•,                    ]  Vaté  (Samlwicli) 

Nnuvplles-IIi'brules  .,..<„ 

1   Anatom 

Aulres  îles 

Ensemble 

15  227 

66 

62  280 
650 

Iles  de  l'est,  Tiknpia.  Anuila,  etc.   ... 

684  NOUVELLE   GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

III 

MKLANÉSIE     FRANÇAISE,     NOUVELLE-CALÉDONIE     ET    ILES     LOÏAUTÉ. 

La  grande  île  néo-calédonienne  est,  à  l'orient  de  l'Australie,  une  des 
terres  les  plus  considérables  du  Pacifique.  Elle  occupe  une  superficie  égale 
à  celle  de  trois  départements  français',  et  doit  en  outre  une  iin])orlance 
exceptionnelle  à  sa  position  sur  la  grande  ligne  de  navigation  de  Sydney  à 
San-Francisco.  Mais,  quelle  que  soit  actuellement  et  dans  l'avenir  la 
valeur  économique  de  la  Nouvelle-Calédonie,  son  nom  dans  l'histoire  lui 
vient  surtout  du  rôle  qui  lui  est  échu  comme  lieu  de  transporlation  depuis 
1864,  et  surtout  après  les  événements  de  la  Commune.  Si  petite  est  désor- 
mais la  Terre,  que  nul  événement  ne  peut  s'accomplir  sans  avoir  son 
contre-coup  jusqu'aux  antipodes.  Après  avoir  été  un  lieu  de  haiinisse- 
menl  pour  des  milliers  de  Français  entraînés  dans  les  tempêtes  poli- 
tiques et  sociales,  l'île  mélanésienne  est  devenue  la  prison  d'autres  mil- 
liers de  Français  condamnés  par  les  lois  et  soumis  à  l'expérience  d'une 
pénalité  nouvelle.  La  terre  néo-calédonienne  est  moins  une  colonie, 
comme  il  est  convenu  de  l'appeler,  qu'un  lieu  d'expériences,  où  philan- 
thropes et  criminalisles  essayent  leurs  systèmes  respectifs,  les  uns  ])onr 
améliorer,  les  autres  pour  punir  les  condamnés. 

La  destinée  politique  de  la  Nouvelle-Calédonie  est  une  de  celles  qui  pré- 
sentent l'équilibre  le  plus  instable.  Annexée  à  reni|)ire  colonial  français 
en  1855,  à  la  suite  d'un  naufrage  de  marins  qu'avaient  dévorés  les  indi- 
gènes, eelte  terre  océanienne  est,  pour  ainsi  dire,  sans  point  d'appui  qui 
en  facilile  le  maintien  comme  possession  française.  Elle  se  trouve  à  })lus 
de  70t)0  kilomètres  de  la  Cochinchine,  à  4775  kilomètres  de  Taïti,  la  prin- 
cipale des  îles  françaises  du  Pacifique  oriental,  et  de  toutes  parts  elle  est 
entourée  de  colonies  ou  de  terres  anglaises  :  au  nord-ouest  la  Nouvelle- 
Guinée  péninsulaire,  au  nord  les  îles  méridionales  de  l'archipel  des  Salo- 
mon,  à  l'est  le  groupe  des  îles  Fidji,  au  sud-est  la  Nouvelle-Zélande, 
enfin  à  l'ouest  le  continent  australien,  avec  ses  populations  ambitieuses, 
exaltées  par  le  succès.  En  réalité  la  Nouvelle-Calédonie  esl  une  dépendance 

'  Superficie  ilc  l.i  Nouvelle-Calédonie  et  de  ses  dépendances  : 

Nouvelle-Calédonie 16  712  kilomètres  carrés. 

Iles  adjacentes 'itIS  i  .i 

lies  Loyauté 2  7  i.j         •> 

Ensemble 19  665  kilomètres  carrés. 


NOUVELLK-nALÉDOME.  685 

gôographiqiio  du  (jiieeiisland,  ot  les  immenses  progrès  de  l'AusIralie  en 
puissance  politique  ne  permoltenl  guère  de  douler  que  la  force  de  gravi- 
talion  naturelle  ne  fasse  entrer  tôt  ou  tard  la  Nouvelle-Calédonie  dans 
l'orbite  du  continent  voisin.  Déjà  la  plupart  des  entreprises  industrielles  et 
commerciales  de  l'île  française  sont  préparées  par  des  spéculateurs  an- 
glais, et  le  jargon  bichlamar,  qui  sert  aux  indigènes  et  aux  étrangers  pour 
trafiquer  de  la  «  biche  de  mer  »  et  se  mettre  en  relations  mutuelles,  est 
très  fortement  mélangé  de  termes  britanniques. 

Assez  éloignée  au  sud  de  la  voie  maritime  que  suivaient  les  galions 
espagnols  des  Philippines  au  Mexique,  la  Nouvelle-Calédonie  est,  malgré 
ses  dimensions  considérables,  une  des  terres  océaniennes  qui  ont  été  le 
plus  tardivement  découvertes.  C'est  on  1774  seulement  que  Cook,  dans 
son  deuxième  voyage,  aperçut  les  collines  de  la  grande  île,  près  de  son 
extrémité  septentrionale,  puis  longea  toute  la  côte  de  l'est,  et  reconnut 
au  sud-est  l'île  Kunié,  à  laquelle  il  donna  le  nom  d'île  des  Pins.  Seize  an- 
nées après,  d'Entrecastcaux  suivait  les  rivages  de  la  Nouvelle-Calédonie 
par  la  côte  occidentale  et  relevait  les  contours  du  récif  à  plus  de  250  kilo- 
mètres au  nord  de  l'île.  L'archipel  des  Loyauté,  qui  se  développe  parallè- 
lement au  massif  de  la  Nouvelle-Calédonie,  n'était  pas  encore  connu, 
et  l'Anglais  Butler,  qui  le  découvrit  en  1800,  —  ou  en  1805,  —  ne  fit 
qu'en  signaler  l'existence  :  la  véritable  exploration  de  ces  îles  et  de  la 
Nouvelle-Calédonie  elle-même  n'eut  lieu  qu'en  1827,  grâce  à  Dumont- 
d'Urville;  cependant  il  restait  encore  beaucoup  à  faire  avant  qu'on  pût 
tracer  les  linéaments  précis  des  rivages  et  de  leur  bordure  de  récifs,  car 
la  Nouvelle-Calédonie  était  déjà  déclarée  terre  française,  que  l'on  ignorait 
l'existence  de  la  belle  rade  de  Nouméa,  devenue  le  centre  commercial  de 
la  colonie.  Ce  havre  ne  fut  découvert  qu'en  l'année  1854,  par  Tardy 
de  Monlravel.  Actuellement  l'île  est  une  des  mieux  connues  du  monde 
océanique. 

La  Nouvelle-Calédonie  et  la  rangée  parallèle  des  îles  Loyauté  constituent 
évidemment  un  ensemble  géographique,  bien  que  leurs  parties  superfi- 
cielles soient  formées  de  roches  différentes.  Exactement  orientées  dans  le 
même  sens,  du  nord-ouest  au  sud-est,  elles  sont  en  réalité  deux  chaînes 
de  montagnes,  dont  l'une,  celle  de  l'ouest,  est  complètement  émergée  en 
une  masse  continue,  tandis  que  l'autre,  celle  de  l'est,  n'a  pu  atteindre  la 
surface  de  l'eau  par  les  pointes  de  ses  rocs  et  n'est  arrivée  à  former  des  îles 
que  par  la  superstructure  des  bancs  coralligènes.  Des  récifs  et  des  écueils 
cachés,  reposant  également  sur  un  socle  de  roches  primitives  ou  volcani- 
ques, continuent  les  deux  rangées,  que  sépare  une  profonde  vallée  mari- 


686  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

timp  :  la  sonde,  jetée  à  720  mètres  dans  cette  fosse  inlermédiaii'e,  n'a 
point  trouvé  le  fond.  Relativement  à  l'ensemble  des  terres  océaniennes, 
le  système  orographique  de  la  Nouvelle-Calédonie  se  conforme  à  l'ali- 
gnement général  des  saillies  émergées  :  c'est  un  plissement  parallèle  à 
celui  qui  a  fait  surgir  les  iles  Salomon. 

Le  corps  de  la  grande  île,  non  compris  les  récifs  et  les  îlots  voisins,  a  la 
disposition  régulière  d'un  ovale  très  allongé,  ayant  ofl^  kilomètres  de  lon- 
gueur et  45  kilomètres  seulement  de  largeur  moyenne.  Presque  tout 
cet  espace  est  couvert  de  collines  et  de  montagnes,  très  inégales  de 
forme  et  d'altitude.  Les  hauteurs  de  l'extrémité  sud-orientale  sont 
même  de  véritables  massifs  insulaires,  séparés  par  des  plaines  en  partie 
marécageuses  et  semés  de  petits  lacs  dont  les  eaux  s'épanchent  de  divers 
côtés.  Ces  plaines  sont  d'une  horizontalité  parfaite,  et  le  pied  des  monta- 
gnes y  est  aussi  nettement  délimité  que  s'il  plongeait  dans  l'eau.  Le  sol 
est  une  argile  dure  et  ferrugineuse,  parsemée  de  globules  de  fer  rouge  et 
noir,  et  complètement  aride  sur  une  grande  partie  de  son  étendue;  ailleurs 
quelques  herbes  y  poussent  en  maigres  touffes,  et  çà  et  là  des  bois  épais, 
ayant  trouvé  un  terrain  plus  favorable,  apparaissent  au  milieu  de  la  steppe 
nue  comme  des  îles  de  verdure'. 

Le  massif  de  Humboldt  (1054  mètres),  que  l'on  crut  pendant  plusieurs 
années  être  le  plus  élevé  de  l'île,  se  dresse  plus  au  nord,  près  de  la  côte 
orientale  de  la  Nouvelle-Calédonie,  qui,  dans  son  enscMnble,  est  un  peu 
plus  haute  que  la  côte  occidentale;  néanmoins,  aune  vingtaine  de  kilo- 
mètres à  l'ouest,  près  d'une  baie  ramifiée  en  plusieurs  criques,  la  Dent  de 
Saint-Vincent  (1445  mètres)  est  presque  la  rivale  du  pic  de  Humboldt. 
Vus  de  la  mer,  les  divers  sommets  qui  se  succèdent  vers  le  nord-ouest,  le 
long  de  chaque  rivage,  s'alignent  de  manière  à  donner  l'apparence  d'une 
chaîne  côtière  :  on  a  pu  se  figurer  ainsi,  d'après  les  cartes  marines,  que 
le  système  montagneux  de  la  Nouvelle-Calédonie  se  composait  de  deux  ran- 
gées littorales  parallèles,  séparées  par  une  cnvollc  médiane.  En  certains 
endroits,  notamment  aux  deux  extrémités  de  l'île,  on  constate  celte  dispo- 
sition du  relief;  mais,  dans  presque  toutes  les  autres  parties  du  massif 
insulaire,  des  monts  et  des  plateaux  s'élèvent,  épars  ou  en  chaînes,  entre 
les  deux  versants.  Au  nord  du  Humboldt  et  de  la  Dent  de  Saint-Vincent, 
les  monts  occupent  toute  la  iargeui-  de  l'île,  mais  en  s'abaissant  graduelle- 
ment dans  la  direction  du  nord-ouest  :  il  est  dans  cette  région  peu  de 
sommets  qui  dépassent  1000  mètres.  C'est  vers  l'extrémité  de  la  Nouvelle- 

'  Chiimbeyrfpii,  liiillclin  tli'  In  Sock'lé  de  Gco(iyfi/iliic,  juin  1875. 


MONT.Vr.N'ES  DE   LA   .\Ul VELLE-CALÉDOME. 


C89 


C;il(''(l(iiii(\  h  long  de  la  cùlo  nord-oiiontalc,  que  les  monts  prennent  le 
mieux  les  allnres  d'iiin»  chaîne  et  qu'ils  atteignent  la  plus  grande  liaii- 
leui'.  j.e  [)iton  de  Panié  s'élève  à  l()i'2  mètres:  une  autre  eime,  plus  au 
noi'd,  s'arrondit  en  forme  de  voussure  à  1700  mètres  d'altitude. 

Les  roches  dominantes  dans  le  relief  de  la  Nouvelle-Calédonie  sont  les 
syénites,  les  serpentines,  les  diorites,  les  schistes  métamorphiques  et  les 
Irachyles;  même  des  piei'res  ponces,  qui  se  présentent  en  galets  rejelés 


VIJ.l.E-l.-.U.lillOMl 


Est.de  p. 


EstdeGneenw.ch 


C   Pc 


1   ;  5000  000 


par  les  eaux,  témoignent  de  l'existence  d'anciens  foyers  d'éruption'.  La 
grande  ressemblance  géologique  des  monts  calédoniens  et  des  chaînes  de 
l'Australie  orientale  avait  fait  augurei'  aux  chercheurs  d'or  un  succès  ra- 
pide dans  l'exploitation  des  veines  aurifères  de  l'île;  mais  les  résultats 
financiers  de  ces  entreprises  minières  ont  été  jjeu  encourageants.  Les  mé- 
taux que  la  Nouvelle-Calédonie  possède  en  abondance,  et  qui  contribueront 
peut-être  à  en  faire  un  pays  industriel  important,  appartiennent  au  groupe 


'  (l;iniicr,  iSoiii'cUi's  Annules  ilfs  Y<iii(i<ics,  i\ércii)\\\i'  \H{\'. 


87 


690  NOUVELLE  GEOnRAl'HIE  UNIVERSELLE. 

(lu  l'or,  chi'omo,  nickel,  robalt,  iiiilinininc.  Le  cuivro  csl  égalemonl  t'X|iloili'' 
et  Ton  a  reconnu  des  lorrains  liouillcrs,  d'ailleurs  sans  importance  éco- 
nomique, au  pied  des  roches  serpentineuses  du  littoral. 

Le  récif  qui  horde  les  côtes  de  la  Nouvelle-Calédonie  et  la  prolonge, 
au  noi'd-ouest  et  au  sud-est,  la  douhle  au  moins  en  étendue.  C'est  à 
tort  que  Darwin  et  Dana  nient  l'existence  de  récifs  «  en  frange  »  et  de  récifs 
«  en  harrière  »  le  long  de  la  côte  orientale  de  la  Nouvelle-Calédonie  :  les 
recherches  hydrographiques  de  Chambeyron  et  d'autres  explorateurs  ne 
laissent  aucun  doute  à  cet  égard.  Seulement,  vers  son  extrémité  méridio- 
nale, l'anneau  de  récifs  s'enfonce  sous  l'eau,  d'abord  de  quelques  mètres, 
puis  jusqu'à  55  ou  40  mètres,  en  formant  au  nord  de  la  passe  centrale, 
près  de  l'île  des  Pins,  un  mur  continu,  portant  de  distance  en  distance  des 
chapeaux  de  corail,  émergents  ou  encore  noyés.  Dans  sa  partie  moyenne 
et  du  nord,  la  harrière  de  récifs,  dite  «  grand  récif»  par  M.  Chambeyron, 
affleure  partout  en  une  masse  unie  de  200  à  1000  mètres  de  largeur,  inter- 
rompue seulement  par  quelques  passes  qui  no  s'ouvrent  point,  à  l'excep- 
tion do  l'une  d'elles,  en  face  de  l'embouchure  do  rivières,  et  qui,  par  con- 
sé(juent,  n'ont  pas  eu  pour  cause,  comme  tant  d'autres  brèches  des  murs 
coralligènes,  le  mélange  d'eaux  douces  et  d'eaux  salées  impropre  à  la  vie 
des  animaux  constructeurs.  La  nappe  maritime  comprise  entre  la  mer  du 
grand  récif  et  la  côte  ferme  offre  aux  navires  une  voie  largo  et  profonde 
en  eau  tranquille  :  de  rive  à  rive,  la  distance  est  d'environ  10  kilomètres, 
et  vers  le  milieu  du  chenal,  où  s'amassent  les  débris  des  polypiers,  l'épais- 
seur atteint  50  et  60  mètres;  quelques  écueils  cachés,  alignés  sur  le  bord 
de  la  fosse,  rendent  la  navigation  périlleuse.  Du  côte  extérieur,  où  la  mer 
vient  briser  en  vagues  formidables,  renversant  d'énormes  blocs  do  corail  et 
les  roulant  devant  elles,  le  grand  récif  abaisse  rapidement  sa  corniche,  puis, 
à  la  dislaiicc  moyenne  de  400  mètres,  plonge  brusquement  vers  les  fonds 
dits  «  insondables  »  de  plus  de  700  mètres;  en  certains  endroits  le  mur 
vertical  de  calcaire  polypier  commence  à  une  centaine  de  mètres  du  rivage, 
et  les  eaux  de  la  mer  jtrennent  une  teinte  d'un  noir  mat,  qui,  d'a|irès 
Chambeyron,  est  «  duo  à  l'absorption  des  rayons  du  soleil  par  l'immense 
muraille  à  pic  ».  Nulle  part  l'hypothèse  de  Darwin  relative  à  l'immersion 
graduelle  des  terres  dont  se  forment  les  enceintes  coralligènes  ne  semble 
plus  justifiée.  La  croissance  des  coraux  sur  les  récifs  néo-calédoniens  se 
fait  avec  une  rapidité  extraordinaire.  Des  astrées  dépassent  parfois  50  mè- 
tres de  tour  dans  les  parties  de  la  barrière  constamment  battues  par  la 
vague.  Au  nord  do  la  Nouvelle-Calédonie  les  deux  branches  du  grand  récif 
côlier  ne  se  rejoignent  pas  :  elles  s'écartent  au  contraire  l'une  do  l'autre 


NOUVKLLE-C.VLEDOMK,    ILES  LUVALTÉ.  6'.n 

el  se  prolongent  sur '270  kilomètres  de  longueur,  pour  se  refermer  au  noi'd 
des  îles  Iluon,  Fal)re,  Leieizour,  Surprise,  atoll  parfait  dont  la  véritable 
forme  n'est  connue  que  depuis  une  époque  récenle'.  Le  groupe  de  Bélep, 
comprenant  les  îles  d'Art  et  de  Polt,  s'élève  au  milieu  du  lagon  dans 
l'axe  de  la  Nouvelle-Calédonie;  de  rares  pécheurs  d'holothui'ies  se  hasardent 
dans  ces  mers  périlleuses,  semées  d'écueils  et  parcourues  par  de  violents 
fleuves  marins  fpii  se  portent  au  nord-ouest,  dans  la  même  direction  que 
le  vent  alizé. 

La  chaîne  des  îles  Loyauté,  composée  de  polypiers,  présente  en  résumé 
toute  l'histoire  des  îles  coralliennes.  Les  récifs  de  Pétrie  et  ceux  de  l'Astro- 
labe, au  nord,  sont  de  dangereux  écueils,  situés  à  fleur  d'eau  et  disposés 
en  atoll.  L'Ile  d'Uvea,  qui  succède  à  ces  récifs,  est  un  plateau  de  corail 
semi-circulaire,  parfaitement  horizontal,  dont  l'altitude  moyenne  est  de 
15  à  18  mètres  et  qui  se  complète  à  l'ouest  et  au  nord  par  des  baies 
immergées  :  le  lagon  enfermé  dans  l'île  a  18  mètres  de  profondeur.  Lifou, 
la  |)lus  grande  des  Loyauté,  appelée  Chabrol  par  Dumont  d'Urville,  est 
aussi  un  ancien  atoll,  mais  soulevé  par  poussées  successives,  jusqu'à  la 
hauteur  de  90  mètres  :  on  distingue  nettement  les  trois  terrasses  d'ex- 
haussement, cou[iées  en  accores  brusques  comme  la  falaise  extérieure 
plongeant  actuellement  dans  les  eaux.  Plus  haute  encore,  puisqu'elle  s'é- 
lève jusipi'à  une  centaine  de  mètres,  la  ([uatrième  île.  Mare  on  Xengoné, 
se  compose  de  cinq  étages  horizontaux,  indi(|uant  autant  de  changements 
de  niveau  relatifs  entre  la  teri'e  et  la  mer.  Emergée  depuis  un  temps  plus 
considérable  que  les  autres  îles,  Mare  est  aussi  plus  fertile,  plus  boisée, 
plus  peuplée  en  proportion  de  son  étendue.  Une  bosse  de  roches  inégales 
s'élève  au  centre  de  l'île  au-dessus  des  terrasses  régulières  :  ce  serait 
probablement  un  noyau  de  terrains  éruptifs  autour  du({uel  se  sont  dépo- 
sés les  calcaires  coralliens.  A  en  juger  par  les  nombreuses  coquilles  des 
espèces  actuelles  (|ue  l'on  trouve  au-dessus  du  niveau  de  la  mer  el  qui  ont 
encore  en  partie  leurs  couleurs,  le  dernier  exhaussement  du  sol  serait 
d'une  date  géologifjue  récente.  Des  fissures  nombreuses  s'ouvrent  dans  les 
falaises  du  pourtour  insulaire  :  à  Lifou,  c'est  dans  ces  déchirures  de  la 
roche  que  l'on  déposait  les  cadavres,  graduellement  momifiés  à  l'air  marin. 

Aliondammenl  arrosée  par  les  pluies,  puisque  la  chute  moyenne  repré- 
sente une  épaisseur  d'eau  d'un  mètre  environ,  la  Nouvelle-Calédonie  a  de 
nombreuses  rivières,  de  quelques  kilomètres  à  peine,  qui  s'écoulent  des 


'  firimdemann,  Peietiiuinii's  Mitllieihuujcn,  1870,  Ucl'l  X;  —  Cluimbcyron,  Bulleliii  do  la  So- 
ciclé  de  Géoyraphie,  dcctiiibio  1875. 


692  NOUVELLE  GÉOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

versants  de  l'csl  et  tie  l'ouest.  Un  seul  de  ces  courants  est  assez  abondant 
pour  mériter  le  nom  de  lleuve  (|ue  lui  donnent  les  colons  :  c'est  le  Diahol, 
qui  naît  au  pied  du  Panié,  dans  ie  massif  le  plus  élevé  et  coule  dans 
une  vallée  longitudinale,  parallèle  à  la  côte  de  l'est,  pour  se  déverser 
dans  la  baie  d'Harcourt,  entre  les  deux  coines  nord-occidentales  de  l'île. 
Avec  tous  ses  détours,  le  Diahol  a  plus  d'une  centaine  de  kilomètres  en 
longueur,  et  dans  sa  partie  inférieure,  là  où  le  flot  de  marée  soutient  son 
coui'ant,  il  porte  des  embarcations  d'un  tirant  d'eau  de  2  à  5  mètres.  C'est 
la  seule  voie  navigable;  les  autres  rivières  ne  sont  remarquables  que  par 
les  sites  de  leurs  bords,  leurs  cascades  ou  leurs  rapides.  Une  des  plus 
curieuses  est  la  Toutouta,  qui  se  jette,  au  nord-ouest  de  iS'ouméa,  dans 
la  baie  de  Saint-Vincent.  Son  cours  est  en  grande  partie  souterrain, 
comme  celui  de  plusieurs  ruisseaux  de  cette  région  :  on  les  entend  bruire 
sous  le  sol,  mais  ils  ne  se  montrent  pas  à  la  surface.  La  Toutouta  jaillit 
d'une  fente  du  mont  llumboldt  en  une  puissante  cascade,  à  1200  mètres 
d'altitude.  En  aval,  une  partie  de  son  lit,  sur  un  kilomètre  de  longueur, 
est  à  sec  pendant  plus  de  la  moitié  de  l'année  :  les  eaux  s'écoulent  par 
une  galerie  souterraine,  ([ui  |iMsse  d'abord  à  gauche,  |iuis  à  droite  du  lit 
superficiel'.  Ouelqucs  ruisseaux  de  l'île  sont  alimentés  jiar  des  sources 
thermales,  à  en  juger  par  la  haute  température  de  leurs  eaux  :  sur  la  côte 
nord-orientale,  deux  cascades  tombant  à  côté  l'une  de  l'autre  roulent  une 
eau  différente,  tiède  ici  et  froide  plus  loin.  D'après  les  indigènes,  une 
source,  dont  l'eau  proviendrait  des  pluies  de  la  grande  terre,  jaillit  sur 
un  des  pàlés  du  récif  extérieui".  Quant  aux  îles  Loyauté,  n'ayant  pas  de 
monlagiH's  qui  arrêtent  les  |)luies,  elles  ne  sont  point  arrosées  de  ruis- 
seaux permanents.  Un  peu  d'bamidité  s'amasse  dans  les  cavités  du  cal- 
caire, mais  ce  liquide  est  bientôt  chargé  d'impuretés,  et  les  indigènes 
préfèrent  boire  la  liqueur  des  noix  de  coco;  pour  augmenter  leur  jietile 
provisidu  d'eau  de  pluie,  ils  taillent  des  gouttières  le  long  des  cocotiers 
jusqu'à  un  trou  creusé  à  la  base  des  arbres''. 

Traversée  dans  son  milieu  par  le  21'' degré  de  latitude  méridionale,  la 
Nouvelle-dalédonie  est  située  en  entier  dans  la  zone  torride  et  la  tempéra- 
ture moyenne  y  est  fort  élevée;  néanmoins  les  écarts  entre  l'hiver  et  l'été 
sont  assez  considérables,  malgré  l'infUience  modéi'atrice  de  l'Océan  dans 
lequel  baigne  la  grande  île  :  la  ceinture  de  récifs  qui  l'entoure  l'isole 
un  peu  de  la  haute  mer.  L'été,  qui  correspond  à  l'hiver  de  l'hémisphère 

'  Cliainboynin.  même  recueil,  juin  1875. 

-  Teui|H'ratuie  moyenne  de  Nouméa  ('i'i"  16'  t-i''  do  latitude  sud)  :  25  degrés  centigrades. 

^  Glaumonl,  Butlclin  de  la  Société  de  Géograpliic  commerciale  de  Paris,  l"  octobre  1888. 


RIVIKRF-S,   CMMAT  DE  LA  NOIiVELLE-CALl'; DON'IE.  095 

seplnilrional,  osl  la  saison  des  pluies,  dos  vents  varial)k'S  el  dos  ouragans. 
C'est  pondant  los  mois  do  janvier  et  do  lévrier  que  les  sautes  de  vent  sont 
les  jdus  fréquentes,  et  parfois  les  tempêtes  prennent  le  caractère  de  véri- 
tables ouragans  ;  mais  il  est  rare  que  ces  météores  se  fassent  sentir  dans 
la  partie  septentrionale  de  l'Ile,  car  les  alizés,  qui  dans  cette  saison  remon- 
tent vers  le  nord,  avec  tout  leur  cortège  de  phénomènes  météorologiques 
réguliers,  soufllent  encore  sur  les  côtes  i\(}  la  Nouvelle-Calédonie  les  plus 
ra[)prochées  de  l'équateur;  pendant  certaines  années  les  vents  généraux  du 
sud-est  prévalent  sans  interruption  sur  les  rivages  néo-calédoniens  du 
nord.  Par  sa  |)osilion  sur  la  limite  dos  deux  zones  météorologiques,  l'ile 
n'a  pas  toujours  sa  part  régulière  de  pluies  :  en  moyenne,  elle  en  reçoit 
1  mètre  par  année;  mais  il  arrive  parfois,  surtout  dans  les  districts  du 
nord,  que  des  sécheresses  prolongées  tarissent  les  sources  et  les  rivières. 

Un  fait  des  plus  remarquables  est  la  salubrilé  de  la  Néo-Calédonie. 
Alors  (juo,  sous  la  mémo  zone  équalorialo,  lant  d'auli'os  lies  ont  un  climal 
rodouiablo,  surtout  pour  los  colons  européens,  des  laboureurs  et  dos  ter- 
rassiers blancs  |)euvonl  travailler  le  sol,  parfois  même  dans  los  endroits 
marécageux,  sans  que  leur  santé  ail  à  en  soultiir.  On  ne  [loul  s'expli- 
quer l'oxcolbMico  de  ce  climat  ni  par  l'inlluenco  do  l'alizé  et  dos  brises 
do  mer,  ni  |)ar  la  nature  poreuse  des  rives  d'origine  corallienne,  car  les 
autres  terres  océaniennes  des  régions  ti'opicales  ont  les  mêmes  avantages. 
Tous  les  coraux  qui  entourent  l'ile  sont  des  «  coraux  vifs  >',  tandis  que 
ceux  des  Nouvelles-Hébrides,  ces  terres  si  dangei'ousos  pour  les  colons, 
sont  au  contraire  des  coraux  morts  :  los  débris  qui  s'y  trouvent  pour- 
rissent au  lieu  d'entrer  inimédiatoment  dans  la  circulation  vitale'.  Mais, 
d'api'ès  les  indigènes  et  les  colons,  la  vérilable  cause  de  l'oxcollonco  du 
climal  néo-calédonien  est  la  |)i'ésenco  d'un  arbre  bienfaisant,  le  niduuli  ou 
mclaleum  l('iir(nlciidro}),(\u\  se  plait  aussi  bien  sur  les  pentes  arides  que 
dans  les  foriaiiis  marécageux  :  il  serait  pour  la  Nouvollo-Calédonio  ce 
que  l'eucalyplus  est  pour  l'Australie  voisine;  los  insalubres  Nouvelles- 
Hébrides  seraient,  dit-on,  dépourvues  t\c  niaouli".  Colle  myriacée,  qui 
ressemble  au  bouleau  par  son  écorce  blanche,  ses  rameaux  grêles  et  ses 
petites  feuilles,  fournit  à  l'industrie  du  parfumeur  l'huile  volatile  du 
cajoput,  de  même  que  l'autre  espèce  de  mclaleuca,  commune  à  Boeroe, 
l'une  des  Moluquos. 

Suivant  la  nature  des  terrains,  la  flore  néo-calédonienne  diffère  singu- 


'  cil.  Leniire,  Vofiaye  à  pied  en  Nouvelle-Calédonie. 

^  Balansa,  BuUelin  de  la  Société  de  Géoifraphie,  féviiur  1873 


6M  NOUVKLLE  GEOGRAI'UIE   LMVERSELLK. 

lièremenl  ;  mais  elle  ost  d'une  richesse  exlraordinaiie  par  rapport  à  la 
faible  étendue  relativi^  de  l'île.  Brongniart  énunière  loOO  espèces  végé- 
tales, dont  1 100  dicotylédones,  dans  la  Nouvelle-Calédonie  :  c'est  là  un  fait 
qui  permet  de  considérer  l'île  comme  un  fi'agment  considérable  d'une 
grande  lern,'  disparue.  Dans  les  régions  occupées  par  les  teri'ainséruptifs, 
qui  comprennent  une  partie  des  districts  méridionaux,  les  myrtacées,  les 
casuarinées,  les  conifères  sont  représentés  par  })lusieurs  espèces  particu- 
lières à  la  Nouvelle-Calédonie;  mais  sur  ces  terres  les  plantes  qui  con- 
stituent les  pâturages,  graminées,  papillonacées,  composées,  manquent 
presque  complètement,  et  par  conséquent  l'élève  du  bétail  y  est  tout  à  fait 
impossible  :  c'est  par  de  longs  détours  à  travers  des  terrains  non  éruptifs 
que  l'on  conduit  les  bestiaux  de  l'une  à  l'autre  partie  de  l'île  ;  on  ne  peut 
même  établir  de  jardins  sur  ces  roches  infécoiules.  Les  terrains  sédimen- 
laires,  qui  dominent  dans  les  régions  septentrionales,  ont  une  autre  flore, 
forestière  et  herbacée,  d'une  très  grande  variété;  mais  les  incendies  et 
les  défrichements  l'ont  déjà  modifiée  et  l'ont  partiellement  remplacée  par 
des  plantes  sociales,  s'avançant  par  masses  profondes  à  la  conquête  du 
pays.  Parmi  ces  plantes  envahissantes  se  trouve  une  graminée,  andropogon 
allionii,  dont  les  graines  ne  gênent  nullement  les  bœufs  et  les  chevaux, 
mais  sont  funestes  aux  brebis  :  elles  pénètrent  dans  la  toison,  irritent  la 
peau  et  provoquent  de  continuels  abcès  qui  épuisent  l'animal.  Tant  que 
cette  plante,  actuellement  si  commune  dans  le  pays,  n'aura  pas  été  exter- 
minée, l'élève  du  mouton,  qui  a  tant  contribué  à  la  richesse  du  continent 
voisin,  ne  saurait  être  tentée  avec  espoir  de  succès.  Biais  parmi  les  plantes 
naturalisées  il  en  est  de  très  utiles,  et  si  les  forêts  ont  disparu,  des  pâtu- 
rages, des  jardins,  des  vergers  ont  maintenant  une  certaine  valeur  écono- 
mique pour  la  Nouvelle-Calédonie.  La  principale  ressource  forestière  que 
l'île  possédait  autrefois,  celle  du  bois  de  sandal,  est  désormais  à  peu  près 
perdue.  Les  jilus  beaux  arbres  des  forêts  sont  les  dammara  ou  kauri,  les 
ai'aucaria  et  \c  diospyros  ou  ébénier. 

Comme  dans  les  autres  îles  océaniennes,  la  faune  est  d'une  grande  pau- 
vreté dans  la  Nouvelle-Calédonie.  Les  seuls  mammifères  vivant  à  l'état 
libre  sont  une  grande  espèce  de  chauve-souris  et  un  rat.  De  même, 
depuis  l'arrivée  des  Français,  des  lièvres  et  des  cerfs  ont  été  introduits 
dans  quelques  rares  |)ropriétés.  La  Nouvelle-Calédonie  n'a  de  reptiles 
(ju'un  serpent  des  marais,  très  commun',  et  les  seuls  petits  animaux 
nuisibles  sont   une  espèce   de  scorpion,    un  cenli])ède  et    une  araignée. 

'  Emile  Giriaull,  .\o/('«  inainiuritcs. 


FLORK,   FAU.MÎ,   HABITANTS  DK  LA  iN(JL' VELLK -CALÉDOMf;.  (lO.') 

Parmi  les  107  ospôccs  d'oiscau\  que  les  naluralisles  ont  découvertes  dans 
l'île,  plusieurs  la  ratlachenl  aux  aires  de  la  Nouvelle-Zélande,  à  l'Australie 
et  même  aux  îles  de  la  Sonde;  mais  quelques-unes  de  ces  espèces  ont  une 
physionomie  originale  :  tel  est  le  kagou  (rhliioclidas  jnbntus),  ipii  rappelle 
certains  hérons  par  sa  crête,  son  plumage,  la  longueur  de  ses  pattes,  et 
se  rapproche  au  contraire  des  grues  par  le  sternum.  Naguère  cet  oiseau 
était  fort  commun,  et  le  matin,  lorsque  les  kagou  se  réunissaient  par 
bandes  sur  le  bord  de  la  mer  ou  le  long  des  torrents,  ils  faisaient,  par  une 
sorte  d'aboiement,  presque  autant  de  bruit  qu'une  meute  de  chiens;  mais, 
volant  d'une  aile  lourde,  l'oiseau  est  condamné  d'avance  à  la  dis|)arilion, 
comme  le  dronte  et  l'aptéryx,  si  l'homme  ne  le  prend  sous  sa  protection  et 
ne  s'en  fait  un  aide  contre  les  insectes,  car  c'est  un  grand  destructeur  de 
bestioles  et  vermisseaux  :  en  1879,  il  en  existait  un  seul  à  Nouméa  et  on 
allait  le  voir  pai' curiosité.  Jadis  les  forêts  de  la  Nouvelle-Calédonie  étaient 
tristes  avant  qu'on  introduisît  d'Australie  et  de  la  Malaisie  des  oiseaux 
chanteurs.  Presque  tous  les  oiseaux  volent  dans  le  voisinage  de  la  côte, 
et  ceux  qui  restent  dans  l'intérieur  sont  de  petits  insectivores  silencieux. 


La  découverte  de  haches  en  jade  poli  dans  les  terrains  quaternaires  delà 
Nouvelle-Calédonie  prouve  que  l'homme  vit  dans  ces  régions  océaniennes 
depuis  des  tem[)s  reculés,  et  l'on  a  même  essayé  de  reconnaître,  parmi  les 
diverses  tribus,  celles  qui  descendraient  des  populations  aborigènes.  Quoi 
qu'il  en  soit,  les  Kanakes  ou  les  «  Hommes  »,  —  c'est  le  nom  indigène  que 
les  Frani-ais  ont  maintenu  aux  indigènes  néo-calédoniens  et  à  ceux  des 
archipels  voisins,  —  appartiennent  bien  en  majorité  à  la  race  mélané- 
sienne. La  nuance  de  la  peau  est  presque  noire  ou  du  moins  d'un  brun 
très  foncé;  les  pommettes  des  joues  font  une  forte  saillie,  et  les  traits 
sont  vigoureusement  accusés;  la  chevelure  est  crépue  et  sa  couleur  natu- 
relle est  noire  :  mais  l'ancienne  mode  de  se  jaunir  ou  blanchir  les  cheveux 
avec  de  la  chaux  s'est  conservée  dans  plusieurs  districts.  Les  Kanakes 
ont  aussi  l'habitude  de  se  percer  le  lobe  de  l'oreille  et  d'y  introduire  une 
rondelle  de  bois  ;  dès  que  l'enfant  est  né,  la  mère  lui  serre  fortement  le 
nez  ])our  lui  donner  la  forme  (|ui  lui  parait  le  plus  esthéti(pie;  en  outre, 
elle  pétrit  la  tête,  essayant  irallouger  la  face  du  garçon,  d'arrondir  celle  de 
la  fille*.  Le  tatouage  est  devenu  rare  et  ne  se  pratique  guère  que  chez 
les  femmes  :  elles  se  font  des  piqûres  aux  bras  et  à  la  poiti'ine  au  moyen 

'  yUmUvui'wv,  Diillcliii  (le  Ici  Société  d'Anthrupoloçjic,  1870. 


60G 


^'OUVELLE  GEOGRAl'IllE  IMVERSELLE. 


d'horbos  poinluos,  puis  elles  mellent  le  feu  à  ces  Itriiulilles  et  la  lnùlure 
qui  se  propage  sous  la  peau  y  laisse  de  petites  taches  lileuàlies.  L'usage  de 
s'enduire  le  corps  d'eau  de  suie  était  général,  mais  il  diminue  à  mesure 


FEJIJIi:    IIE    MABE,    IIANS    L  AnClllI'I:!,    DES    LOÏVl'TE. 

Gravure  du  Tliirial,  .^al.ri•^  une  iiliolopiaplii.'  .!,■  MM.  liiilly  .-1  Pcaco 


que  l'emploi  du  vêlement  l'emporte  sui'  les  costumes  rudimentaires  do  la 
génération  kanake  antérieure. 

L'épouse  est  la  propiit'U-  du  mari,  cl  celui-ci  la  surveille  jalousement. 
Le  droit  patriarcal  prévaut  dans  les  triijus  néo-calédoniennes  :  tout  avoir, 
tout  pouvoir  sont  héréditaires  du  père  au  llls  aîné,  de  naissance  ou 
d'adoption  ;  mais,  si  liien  reconnue  (jue  soil  la  propri(''té,  les  mo'urs  exi- 
gent (]ue  les  prodiiils  sdieni  parlai;(''s    IValernellemenl   entre  li's  menducs 


KANAKES  NÉU-CALÉDOME.NS. 


G  9  7 


de  lii  Irilni;  quand  la  peuplade  a  des  vivres  en  abondance,  Ions  en  ont  leur 
pari,  même  lesmorls;  on  aliat  |t()ur  eux  des  (èles  de  cocoliers  et  l'on  saiune 
les  ))iay<H'é  ou  arlires  à  [lain.  L'émiyianl  rapporte  tout  ce  qu'il  a  gagné  au 


XATcnEL  DE  MMiK.   PANS  1.  Ai\c:iiiri:i.  m-;  u.wiii-. 
Gravure  Je  TliiruU,  •V:>\m-^  mu-  |.liulu^'r;i|.liie  .le  M.  Alhiu  lluplian. 

chef  de  sa  tribu,  pour  (pi'il  le  restitue  à  la  communauté.  Entre  les  diverses 
peuplades  il  n'y  a  guère  de  solidarité  politique  :  autant  de  clans,  autant  de 
nations,  tantôt  alliées,  tantôt  ennemies,  et  parlant  des  dialectes  différents, 
quoique  de  même  origine;  cependant  les  tribus  s'associent  généralement 
pour  la  guerre  en  deux  confédéi'ations,  les  ()l  et  les  Wawap'.  Chaque  gi'oupe 


MiirilidilziiM',   niriiKiilv  fité. 


698  NOUVELLK  (lEOr.IiAIMlll'    l'MVKRSELLE. 

s'est  constilué  sous  une  forme  moiiiurlii([ue,  avec  un  chef  ilonl  la  personne 
est  sacrée  et  auquel  tous  les  sujets  doivent  non  seulement  le  respect, 
mais  aussi  les  corvées  pour  les  cultures,  les  constructions,  la  pèche,  le 
transport  des  vivres.  Au  milieu  des  grandes  ruches  où  demeurent  les 
indigènes,  la  maison  du  chef  se  reconnaît  aussitôt  par  ses  dimensions  et 
par  son  cône  pointu  t»M'miné  au  sommet  par  de  petites  boites  de  paille  et 
des  tillil  ou  banderoles  d'écorce.  La  case  d'un  grand  chef  est  encore  plus 
ornée  :  à  la  cime  se  montrent  la  «  main  »,  c'est-à-dire  une  sorte  de 
peigne  décoré  de  coquilles,  et  1'»  oiseau  »,  qui  n'est  en  réalité  qu'un 
morceau  de  bois  découpé  en  étoile.  Le  chef  est  le  «  soleil  »  de  sa  tribu  : 
quand  il  meurt,  on  dit  de  lui  (pie  «  l'astre  se  couche  ».  11  est  tenu  de 
convoquer  le  conseil  des  anciens  dans  toutes  les  circonstances  importantes 
de  la  vie  communale,  pour  les  enquêtes  judiciaires  et  les  condamnations, 
les  déclarations  de  guerre  et  les  traités  de  paix,  l'organisation  des  pilou- 
pilou,  fêtes  nationales  suivies  de  festins.  Chaque  village  kanake  possède 
un  tabou  par  excellence,  image  sacrée  sculptée  dans  un  bois  dur  que  l'on 
orne  de  peaux  de  chauves-souris  et  que  l'on  fixe  au  sommet  d'une  longue 
perche,  la  face  tournée  vers  l'orient.  D'apiès  MM.  de  Rochas  et  Bourgarel, 
les  chefs  et  les  nobles  seraient  pour  la  plupart  d'origine  polynésienne  et 
se  distingueraient,  par  le  type  et  la  j)hysionomie,  de  leurs  sujets  méla- 
nésiens :  ils  auraient  non  seulement  le  teint  j)lus  clair,  mais  aussi  le  front 
plus  haut  et  plus  large,  le  nez  plus  droit,  les  lèvres  moins  fortes,  la  taille 
plus  élevée,  la  démarche  plus  fière.  C'est  naturellement  du  côté  de  l'orient, 
tourné  vers  les  régions  océaniennes,  que  l'élément  polynésien  est  le  plus 
follement  représenté  dans  la  population. 

Les  Kanakes  de  la  Nouvelle-Calédonie  sont  au  nombre  des  Océaniens 
qui  diminuent  et  meurent.  «  Nous  ne  sommes  pas  comme  nos  ancêtres, 
(lisait  un  chef  kanake  à  Brenchley  :  ils  étaient  nombreux  et  sages,  et  nous 
ne  sommes  ni  l'un  ni  l'autre'.  »  L(>s  voyageurs  évaluaient  à  une  soixan- 
taine de  mille  les  indigènes  qui  vivaient  dans  l'ile  vers  le  milieu  du  siècle; 
en  1886,  ils  n'étaient  plus  que  25  000.  11  est  vrai  qu'une  part  de  cette 
diminution  doit  être  attribuée  à  des  massacres,  suivis  de  festins  de  chair 
humaine  :  les  ennemis  tombés  étaient  toujours  dévorés;  leurs  corps  étaient 
équilablement  répartis  entre  les  guerriers,  et  ceux-ci  en  distribuaient  les 
morceaux  dans  leurs  familles,  «  comme  chez  nous,  dit  M.  de  Rochas,  on 
distribue  le  pain  bénit  ».  Lors  de  l'arrivé-e  des  premiers  marins  d'Europe, 
les  indigènes,  n'ayant  jamais  vu  d'autre  viande  que  celle  de  leurs  sem- 

'   llioiiclilcy,  Suiilli  Soi  isliinds. 


t 


'é'W 


rOPlLATION  Ï)K  LA  NOlVElLn-CALÉDOME.  TOI 

liliihlos.  s'iiniiuiniiicnl  (jiie  le  lin'iit' (lislrilun''  aux  iiiali'ldls  ('lail  la  cliair 
d'hoiiimos  ^iuaiilt'sqiios'.  Kii  1S7<S,  une  insiiri-cclKiii  îles  iiaUuels,  (|ui 
coula  la  vie  à  ^UO  colons  ou  soldais,  fut  violcnimciil  irprinice  :  on  lua 
un  millier  de  Kanakes,  et  en  outre  1200  d'enirc  eux  l'urenl  déporlés  dans 
l'ile  des  Fins  et  en  d'aulres  iles.  Toulel'ois  la  dé|)erdilion  d'iioniines  cau- 
sée par  la  guerre  est  peu  de  chose  en  comparaison  des  perles  qu'il  faul 
allribuei-  à  des  causes  chroniques,  surtout  à  la  phtisie,  apportée  par  les 
Européens.  L'ivrognerie  fait  aussi  beaucoup  de  victimes  de|)uis  l'invasion 
des  marchands  de  ■<  talia  )S  les  Néo-Calédoniens  ne  huvaieni  (pie  de  l'eau 
lors  de  l'arrivée  des  hiancs '.  Les  alliances  entre  les  Européens,  condam- 
nés, soldats  ou  colons,  et  les  femmes  ou  «  popinées  »  kanakes  sont  rares, 
car  les  Calédoniens  nié|)riseiil  fort  les  tdijo  ciirabuKs  ou  «  gt'iis  de  la 
prison  »,  et  fré(|uemment  des  femmes  indigènes  ont  été  tuées  par  leurs 
parents  pour  s'èlre  données  à  ces  blancs  tenns  ponr  indignes".  On  ne  pent 
donc  espérei'  que  la  race  métissée  absorbe  peu  à  peu.  jiar  de  nouvelles 
unions,  toule  la  [)opulation  néo-calé<lonienne.  C'est  par  la  niorl  conq)lèto 
de  la  race  que  se  lera  sans  doute  la  dis|)aiitioii  des  Kanakes;  ilans 
l'espace  de  quel(|ues  générations  ils  n'existei'ont  [)lus  comme  population 
distincte,  et  l'on  ne  verra  d'aulres  traces  de  leur  séjour  que  les  beaux 
travaux  d'irrigation  faits  par  eux  sur  le  flanc  des  collines.  Presque  tons 
les  métis  de  la  Nouvelle-Calédonie,  rattachés  à  l'Eglise  calholi(|ue  par  les 
missionnaires  maristes,  deviennent  étrangers  anx  mœurs  et  aux  cou- 
tumes de  leurs  ancêtres;  mais  ils  ne  paraissent  nullement  déchus  au 
point  de  vue  intellectuel. 

Pour  la  culture  des  piaules  industi-ielles  les  projiiiélaires  terriens  ont 
ch(M'ché  à  employer  les  bras  des  indigènes,  mais  sans  grand  succès.  Les 
Kanakes,  groupés  en  tribus,  possèdent  eux-mêmes  des  réserves,  dont  la 
jouissance  collective  leur  est  garantie  j)ar  l'Etal  ;  ils  aiment  mieux  cultiver 
poui'  leur  pro|)re  compte  maïs,  mani(jc  ou  laro  et  jouer  d'une  espèce  de 
flûte  dont  la  musique,  disent-ils,  encourage  les  phir.'es  à  germer  et  les 
fruits  à  mùiii  ',  (jue  peiner  dans  les  gramles  plantations  des  blancs 
produisant  le  tabac,  la  canne  à  sucre  ou  le  cafier.  De  là  ces  accusations 
de  paresse  invétérée  contre  les  indigènes,  et  l'on  cherche  à  les  remplacer 
par  des  «  engagés  »  que  l'on  importe  d'aulres  iles  et  que  l'on  retient 
dans  une  sorte  de  servitude  par  des  avances  difficiles  à  rembourser,  exi- 

'  J.  tîamier,  ouvrage  citt'. 

''  n|iif;oz,  Biillelin  de  la  Société  de  Gcoiirrijiliie,  ."=  triiiH'^lic  I8SI1. 

'  fimiie  Giffaiill,  I\'oles  iiiaiiuscritcs 

'  Miinci'loii,  Mcldiicsic  friviç.nkc. 


702  NOUVELLE  r.ÉOCrRAl'lllE  UNIVEIISELLE. 

goant  lo  labeur  de  plusieurs  années.  Plus  de  2000  élrangei's  oui  élé 
introduits  ainsi  en  Nouvelle-Calédonie,  surtout  des  Mélanésiens  des  îles 
Loyauté  et  des  Nouvelles-Hébrides;  l'île  reçoit  aussi  des  Africains,  des 
couli  de  l'Inde,  même  quelques  Chinois.  Les  blancs  condamnés  fournissent 
également  des  bras  à  la  grande  culture. 

Les  déportés  politiques,  amenés  en  'IS?^  au  nombre  de  4500  environ, 
ont  presque  tous  quitté  le  pays  :  quelques-uns  d'entre  eux,  qui  s'étaient 
créé  à  Nouméa  des  industries  lucratives,  ont  été  les  seuls  à  ne  pas  pro- 
fiter, en  1880,  de  leur  droit  de  rentrer  en  France.  La  population  des 
transportés  pour  crimes  ou  récidive  se  compose  actuellement  d'environ 
12  000  individus,  dont  le  plus  grand  nombre  est  employé  aux  travaux 
publics;  douze  cents  transportés  en  cours  de  peine  ont  été  cédés  à  des 
compagnies  d'exploitations  minières  ou  industrielles,  et  six  cents  environ 
jouissent  d'une  liberté  relative  dans  les  pénitenciers  agricoles,  où  ils 
cultivent  leurs  concessions'.  De  catégorie  en  catégorie,  ces  condamnés 
finissent  par  appartenir  à  celle  des  citoyens  libres.  Cette  dernière  classe, 
encore  très  inférieure  en  nombre  aux  transportés  et  à  leurs  gardiens, 
geôliers  et  soldats,  ne  peut  manquer  de  prévaloir  bientôt,  parla  descen- 
dance même  des  condamnés  qui  rentrent  dans  la  société  civile;  mais  la 
plupart  des  fiimilles  doivent  s'éteindre,  puisqu'un  très  petit  nombre  de 
femmes  seulement  sont  envoyées  en  Nouvelle-Calédonie  :  parmi  les  relé- 
gués on  ne  compte  guère  que  150  femmes.  Cependant  quelques  lamillcs 
se  constituent,  et  de  même  que  les  fils  des  coiiricts  australiens  ont  obligé 
la  mère  pairie  à  cesser  de  leur  envoyer  des  condamnés  pour  le  peuplement 
de  la  colonie,  de  même  les  enl'anls  des  Iransporlés  proleslent  contre 
l'envoi  d'autres  immigrants  forcés  dans  les  campemeuls  de  la  Nouvelle- 
Calédonie. 

L'immigration  libre  est  encore  bien  faible  :  la  "  colonie  "  a  moins 
de  colons  que  de  fonctionnaires.  11  est  vrai  que  le  gouvernemeni  offre 
à  tout    immigrant    laboureur   une  concession  gralu'l''  <^l''  terrain,  com- 


'  Population  de  la  Nouvello-CaK'donie  el  des  Loyaiité  on  1887  :  GÔ87G. 

Population  libre '2  (itiT 

Fonctionnaires  et  leuis  familles 5  476 

Soldais  et  surveillants 2  918 

Relégués H24  j 

Transportés 7477  '   Il  110 

Libérés 'J  51  û   } 

IndiKèncs  néo-calédoniens 22  371    |    ,,  ,,,,. 

r         •  I  80"       -^'^'' 

bngagcs 1  02 J  \ 

Indigènes  des  Lojanlé 19  505 


NKO-CALEnONIENS,   NOUMKA.  700 

pivnant  4  hectaros  do  sol  cultivable  cl  20  licctarcs  de  pâturages,  à  charge 
pour  le  colon  de  résider  pendant  quelques  années  sur  son  domaine  et  de  le 
mellre  en  valeur  ;  mais  les  tentatives  de  colonisation  ont  été  si  malheu- 
reuses, qu'on  a  du  à  diverses  reprises  rapatiùer  les  malheureux  agriculteurs 
attirés  dans  ce  lointain  pays  par  l'espoir  de  l'aisance  :  la  concurrence  de  la 
main-d'œuvre  pénitentiaire  enlève  au  petit  cultivateur  toute  chance  de 
succès.  Les  colons  qui  se  présentent  en  plus  grand  nombre  sont  des 
Australiens  :  en  qualité  de  voisins  connaissant  le  climat,  les  cultures,  les 
gens,  les  conditions  économiques  du  milieu,  ceux-ci  peuvent  se  mettre 
au  travail  avec  beaucoup  plus  d'assurance  ;  quebjues  centaines  se  sont 
établis  dans  les  régions  cultivables  de  l'ile,  où  ils  se  livrent  surtout  à 
l'élève  du  bétail.  Quant  aux  industries  diverses,  elles  sont  pour  la  plupart 
entre  les  mains  d'ouvriers  habiles  appartenant  à  la  classe  des  libérés. 
Des  compagnies  se  sont  constituées  pour  l'exploitation  des  richesses 
minérales  de  la  Nouvelle-Calédonie,  principalement  le  nickel,  le  cuivre  et 
le  cobalt'  :  c'est  en  faveur  de  ces  sociétés  que  se  ferait  la  transformation  de 
la  monnaie  française  de  cuivre  en  monnaie  de  nickel.  La  grande  propriété 
existe  déjà  dans  l'île  :  dès  l'année  1880,  un  concessionnaire  possédait 
17  000  hectares  en  un  seul  tenant.  Kéanmoins  l'élève  du  bétail,  seule 
industrie  de  ces  puissants  tenanciers,  n'a  qu'une  faible  importance  relative. 
La  Nouvelle-Calédonie  n'a  pas  même  100000  bêtes  à  cornes,  à  peine 
20  000  moulons  et  quelques  centaines  de  chevaux,  importés  de  l'île 
Norfolk.  Une  superficie  totale  de  20  000  hectares  est  réservée  à  l'ensemble 
des  pénitenciers  agricoles. 


Nouméa,  qui  fut  appelée  Port-de-France  pendant  les  premières  années 
delà  colonisation,  est  le  chef-lieu  et  la  ville  unique  de  l'île  et  de  ses  dépen- 
dances :  elle  contient  à  elle  seule  4000  personnes,  près  de  la  moitié  des 
Européens  résidents,  civils  et  militaires.  Fondée  en  1854,  après  la  sou- 
mission de  la  tribu  de  son  nom,  Nguéa  ou  «  Nouméa  »  occupe  une 
belle  position  commerciale  vers  l'extrémité  méridionale  de  l'île,  sur  la  côte 
tournée  vers  l'Australie.  Elle  est  située  sur  une  péninsule  montagneuse, 
découpée  de  baies  et  de  cri(jues  et  entourée  d'îles  et  d'îlots  ;  une  grande 
brèche  ouvei'le  dans  la  barrière  extérieure  des  récifs  communique  avec 
plusieurs  rades,  toutes  parfaitement  abritées;  la  principale,  qui  s'ouvre 
au  nord-ouest  entre  l'île  Non  et  la  presqu'île  Ducos,  pourrait  recevoir  une 

'  l'iddiiclliin  annuelle  des  mines  néo-caléiloniennes  Je  nickel  :  12  000  tonnes. 


701  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  r.MVERSELLE. 

flollo.  Tdiil  li^  commerce  de  la  Nouvelle-Calédonie  se  concentre  dans  ce 
porC.  En  voie  de  formation,  Nouméa  offre  un  ensemble  encore  j)eu  régu- 
lier, où  les  maisonnettes  en  hois  s'entremêlent  aux  grands  édifices  civils  et 
militaires.  Une  butte  qui  géin;it  le  développement  de  la  ville  a  été  rasée,  et 


■Esl  de   Far 


Pro^o^cfeur^^ 


I).-  0  ■!  10"  Dl-  10  à 

1      ISfl 


De  2j-  ul  ;iu-iiei;i 


(les  eaux  en  abondance  ont  été  amenées  d'une  dislance  de  lô  kilomètres; 
des  arbres  ombragent  les  ])i'incijiales  avenues,  un  beau  jardin  entoure  le 
palais  du  gouvernement;  des  sentiers  de  promenade  s'élèvent  en  serpen- 
tant sur  les  pentes  des  montagnes  environnantes  et  redescendent  au  bord 
des  criipu's  sur  la  plage  orientale  de    la  pres(pi'ile.  Une  route  mailresse 


Viilt'Ui-  ili's  rcliaiigos  à  Ndiiméa  en  1881  :   10  277  200  francs. 

.Mi)iiVL'mi'n(  liiliil  (II'  la  iia\iL'ali n  1887)  :  '277  iiaviivs,  iloiil  87  français. 


NOUMI'A.   nOIRAIL.  705 

part  (le  Nouméa  pour  so  rainilicr,  au  sorlii'  de  la  iH'iiiusule.  sur  divers 
poiiils  de  la  grande  terre. 

Nouméa  est  entourée  de  [R^nilenciers.  A  l'ouest,  l'île  de  Nuu,  (|ui  eaeho 
aux  habitants  de  la  ville  le  tableau  de  la  grande  mer,  renferme  le  prin- 
cipal dépôt  des  condamnés  et  ses  dépendances  :  c'est  là  que  sont  enfermés 
les  forçais  insoumis,  les  ouvriers  d'art,  les  malades  et  autres,  au  nombre 
de  3000.  De  l'autre  côté  de  la  lade,  au  noid-ouest  de  Nouméa,  se  pro- 
filent les  côtes  dentelées  de  la  presqu'île  Ducos,  où  800  communalistes, 
condamnés  à  la  déportation  dans  une  enceinte  fortifiée,  subissaient  leur 
peine,  et  dont  le  camp  est  occupé  aujourd'hui  par  des  «  libérés  «  de 
diverses  catégories.  Au  nord-est  de  celte  l'ade  se  montre,  dominé  pai- 
un  coteau,  le  camp  de  Monlravel,  où  sont  internés  les  condamnés  mili- 
taires et  où  se  fait  le  classement  des  transportés  à  leur  arrivée  de  France. 
Des  groupes  de  condamnés  ti'availlent  en  outre  sur  tous  les  chantiers 
publics  de  Nouméa,  sur  les  routes,  dans  les  plantations,  les  mines  et  les 
forêts.  Les  missionnaires  maristes,  les  plus  riches  propriétaires  de  l'Ile, 
emploient  un  grand  nombre  de  transportés  dans  leurs  jardins  et  leurs 
champs  de  Saint-Louis,  à  l'est  de  Nouméa;  près  de  là,  d'autres  détenus 
ont  été  envoyés  aux  mines  de  nickel  et  de  cobalt  du  mont  d'Or,  et  ce  sont 
aussi  des  transportés  qui  exploitent  les  forêts  de  l'Etat  au  boid  de  la  baie 
du  Prony,  à  l'extrémité  sud-orientale  de  la  Nouvelle-Calédonie. 

Au  nord-ouest  de  Nouméa,  quelques  postes  militaires  et  centres  de  peu- 
plement se  succèdent  sur  la  côte  occidentale  :  Bouloupari,  situé  près  de  la 
baie  de  Sainl-Yincent  et  de  sa  poussinièic  d'îlots;  la  Foa  et  Teremba 
ou  Uraï,  lieux  de  marché  pour  les  fermes  de  la  plaine  environnante, 
qu'arrose  une  rivière  à  marée;  Bourail,  où  se  trouvent  un  grand  pénilen- 
cier  et  un  couvent  de  femmes  condamnées,  (j'est  l'endroit  de  la  Nouv(^lle- 
Calédonie  qui  a  le  plus  d'importance  au  point  de  vue  agricole;  toutes  les 
vallées  de  la  rivière  Nera  et  de  ses  afllueiils  ont  été  distribuées  en  con- 
cessions à  des  condamnés  qui,  pour  la  plu|)arl,  ont  épousé  des  femmes 
libérées;  de  belles  routes  parcourent  les  plantations  et  rattachent  la  ville 
naissante  au  port  de  Gouaro.  Au  delà  de  Bourail,  les  établissements  du 
littoral  sont  rares  et  peu  considérables.  A  Gomen,  sur  la  rive  d'une  baie 
large  et  sûre,  on  a  établi  un  saladero  pour  rabaltnge  du  bétail  et  la 
fabrication  des  conserves  de  viande. 

La  région  minière  la  plus  riche  de  la  Nouvelle-t^ah'donie  est  la  moyenne 

vallée  du  Diahot,  vers  l'extrémité  nord-orientale  de  l'île.  La  montagne  de 

Balade  est  traversée  dans  tous  les  sens  de  veines  métallifères  :  or,  cuivre. 

pyrites,   nickel.  Lors  des  premières  découvertes  de  minerai,  en  IST'i.  les 

!uv.  89 


706  NOUVELLE  GEOGRAPUIE  LMVERSELLE. 

Australiens  accoiii'ui't'iil,  des  hameaux  naquireiU  au  milieu  des  solitudes  et 
des  soeiétés  d'exploitation  seconsliluèrenl.  La  contrée  prenait  l'aspect  d'un 
canton  du  (Jueensland,  lorsqu'une  faillite  de  financiers  vint  ruiner  les 
entreprises.  Depuis,  une  compagnie  minièi'e  ayant  ohleuu  ra|)pui  direct 
du  gouvernement  par  un  prêt  de  trois  cents  condamnés,  pour  une  j)é- 
riode  de  vingt  années,  toute  compétiti(m  est  devenue  impossible;  les 
mineurs  se  sont  retirés;  il  ne  reste  plus,  à  Ouégda,  (ju'un  seul  groupe 
minier,  flanqué  de  casernes  pour  la  surveillance  des  ouviiers.  Le  princi- 
pal lieu  d'embarquement  du  mineiai  est  au  (Caillou,  le  port  de  marée  do 
la  rivière  Diahol  :  la  route  qui  de  ce  port  s'élève  aux  mines  les  plus  pi'o- 
ductives  traverse  la  montagne  et  redescend  au  village  historique  de  Balade, 
le  premier  que  vit  Cook  lors  de  la  découverte,  en  177i,  celui  où  les 
Fran(;ais  vinrent,  en  1855,  prendre  possession  de  la  IN'ouvelle-Calédonie. 
Pourtant  Balade  est  de  beaucoup  dépassé  en  importance  par  d'autres  vil- 
lages du  littoral  de  l'est  :  Hicnguène,  Ouagap,  Houaïlou,  Kanala,  Thio. 

Fondé  en  1859,  Kanala  peut  être  considéré  comme  le  chef-lieu  de  la 
côte  orientale.  Ce  village  est  situé  dans  le  voisinage  d'une  baie  profonde  el 
jiarfaitement  abritée  par  une  })resqu'ile  montueuse.  Kanala  est  un  centre 
|iénitenliaii'e  et  agricole,  comme  la  Foa  el  Teremba,  auxquels  l'unira  bien- 
tôt une  loute  carrossable  ;  c'est  aussi  un  centre  minier.  Le  nickel  de  Houaï- 
lou, de  Kanala,  de  Thio,  ex|)loité  presque  exclusivement  par  des  mineurs 
australiens,  qui  enseignent  leur  langue  aux  indigènes,  est  le  plus  riche  et  le 
plus  |)ur  (pie  l'on  ail  di'couverl  jusqu'à  ce  jour.  Les  divers  établissements 
fondés  |iar  les  blancs  sur  le  littoral  néo-iali'ddiiien  ne  sont  pas  encore  tous 
A'eliés  par  de  bonnes  roules,  (|U(ii(]ue  radiiiiuislralidu  dispose-  d'une  armée 
de  plus  de  dix  mille  travailleurs.  Le  plan  de  viabilité,  qui  consiste  à  con- 
struire deux  roules  maîtresses  chacune  sur  un  côté  de  l'île  et  à  les  ratta- 
cher par  des  échelons  transversaux  entre  deux  baies  opposées,  est  loin  de 
sa  réalisation.  Ouelques  petites  voies  de  fer  parcourent  les  districts  miniers. 
Pour  franchir  les  distances  considérables  d'un  poiiil  à  un  autre  de  la 
Nouvelle-Calédonie,  les  employés  et  les  colons  em[)loient  presque  toujours 
le  bateau  à  vapeur  ipii  l'ait  le  tour  de  l'ile,  en  desservant  les  postes  du 
littoral. 

Les  îles  habitées  qui  dépendent  de  la  grande  terre.  Art  et  Polt,  dans  le 
lagon  du  nord,  l'île  des  Pins  à  l'extrémité  méridionale  des  récifs,  ne 
possèdent  ni  grands  villages,  ni  ports  fréquentés.  Comme  la  Nouvelle- 
Calédonie,  File  des  Pins  ou  Kuiiié  a  en  son  rôle  dans  l'histoire  de  la  dé- 
portation. Trois  mille  condamnés  de  la  Commune,  divisés  en  cinq  groupes 
administratifs,  y  vivaient  dans  les  clairit-res  des  jiiiis  :  ils  sont  rem|)lacés 


NOU  VK  I.LK-CA  LEUOML.      H  A  UI  T  A  T  I  O  X      D  i:      L  II  I.  F     kANAKL. 

De»i:i  de  G,  Viullior,  d';i|U'ès  une  i'hutugi';i]iliic  cummuuiquûo  par  M.  Cutlcitu. 


ILE   DES   PINS,    ATOLL   llK   CIIESTERFIELII. 


709 


mainlonaiil  par  des  exilés  kanakes,  des  IVutmIs  infirmes  ou  âgés  et  les 
«relégués  »,  récidivisles  condamnés  à  l'exil  j)erpétuel.  Les  indigènes,  aux- 
quels on  a  enlevé  les  terres  pour  les  donner  aux  établissements  péniten- 
tiaires, sont  fort  à  l'étroit  dans  leur  ancien  patrimoine. 

Le  poste  militaire  et  le  chel-lieii  adminislralil'  des  lies  Loyauté  sont  éta- 


lln.    II.K    1I1.S    l'I.N 


D  après  'a  carLe  de  la  Mar-nefrançaise 


Pro  /^or7c7'sur-^ 


ûeOa/f}'"  ,yc/û^ôO"'       a'::.5û<rstsu.c^/à 


IjHs  devant  le  mouillage  deChépénéhé,  dans  l'île  Lil'ou;  cette  rade  est  assez 
fréquentée  par  les  traitants  de  Sydney. 

A  jilus  de  500  kilomètres  à  l'ouest  de  la  pointe  septentrionale  de  la 
Nouvelle-Calédonie,  un  grand  atoll,  au-dessus  duquel  quelques  îlots,  Ches- 
terlield,  Bam|ilon,  Avon,  s'élèvent  de  dislance  en  distance,  occupe  le  milieu 
de  la  mer  qui  sépare  le  récif  néo-calédonien  de  la  «  Grande  Barrière  »,  au 


710  .NOUVELLE  GÉOCHAl'Ill  E   IMVEliSELLE. 

sud  (le  la  mer  (1(;  Corail.  En  1S78,  la  France  a  pris  possession  de  cet  atoll, 
quoiqu'il  ail  été  découvert  en  1795  ])ai'  des  navires  anglais  el  ipie  l'étude 
hydrographique  en  ait  été  faite  éf^alenienl  par  des  marins  de  la  nièm<! 
nation.  Aussi  la  Grande-Bretagne  el  l'Australie  onl-elles  protesté  contre 
celte  acquisition  politique  de  la  France.  Des  industriels  l'ont  ex|)loiter  le 
guano  (1(^  Cheslerlield  el  des  Ilots  voisins,  qui  furent  jadis  un  des  princi- 
paux lieux  de  pèche  pour  les  baleiniers  '. 


Jusqu'en  l(S60,la  Nouvelle-Calédonie  fut  considérée  comme  une  annexe 
des  étahlissemenls  français  de  l'Océanie,  dont  le  centre  était  Taïti  ;  main- 
tenant l'Ile  mélanésienne  et  ses  dépendances  sont  administrées  par  un  gou- 
verneur, assisté  d'un  const'il  colonial,  où  deux  notahles  siègent  à  côté  des 
principaux  chefs  d'administration  et  auxcpiels  on  adjoint  (jueli|ues  délé- 
gués des  municipes  pour  discuter  les  (pieslidiis  liudgV'Iaii'es.  Nouméa  est 
la  seule  commune  qui  ait  son  conseil  iiiuni(i|ial  ;  les  coluns  du  reste  d(^ 
l'île  sont  représentés  par  un  coum'II  colonial  élu,  et  en  France  par 
un  délégué  spécial  au  conseil  des  colonies.  L'ap|iareil  judiciaire  est  le 
même  qu'en  France  :  Nouméa  possède  un  Irihunal  tle  première  instance, 
un  tribunal  sujiéricur,  qui  est  tout  à  la  t'ois  cour  d'appel  cl  cour  d'assises, 
et  un  tribunal  de  commerce.  Des  juges  de  paix  se  déplacent  périodiquement 
dans  les  divers  districts;  (|uant  aux  chefs  indigènes,  ils  font  oflice  de  ma- 
gistrats |iour  les  délits  commis  dans  la  Iriliu.  Ce  sont  aussi  de  jeunes 
Kanakes  (jui  font  le  service  de  la  |iidice  à  Nouméa  et  dans  le  reste  de  l'ile. 

La  Nouvelle-Calédonie  proprement  dite  se  divise  en  cini|  circonscri|)- 
lions  :  Nouméa,  Kanala,  Dourail,  Oubache  et  le  Nord.  Le  budget  annuel 
oscille  entre  deux  et  li'ois  millions  de  francs'.  Depuis  la  prise  de  pos- 
session, «  la  France  a  jelé  deux  cents  millions  en  Nouvelle-Calédonie"  ». 


'  Tliii'i'crlin,  Juiinidl  il'uii  liiilciiiier. 

■'-  Budget  in(Hn.|i(ilit;iin  dr  \:>  Nniivrllc-CiiUnlonif  en  1887:  7  017  240  francs. 

1)  'local  .1  )i         l'M  1887:  2  228  9110      » 

*  Edmond  Turque^,  Scrvicx  colonial,  raiiporl  n"  2UJj,  session  de  1887. 


CHAPITRE    VIII 


AUSTRALIE     ET     TASMANIE 


VUE     D   ENSEMBLE. 


Par  son  nom  mémo,  rAusti'alic  rappelle  les  nombreux  voyages  qui,  jus- 
qu'à l'expédilion  décisive  de  Cook,  ont  été  entrepris  à  la  recherche  d'une 
lerrc  i'aisanl  équilibre  aux  vastes  étendues  émergées  de  l'hémisphère  septen- 
trional. Réduit  aux  dimensions  réelles  que  reconnut  le  grand  explorateur, 
le  K  continent  austral  »  ne  peut  plus  être  considéré  comme  le  contrepoids 
des  terres  du  nord,  mais  il  est  assez  vaste  pour  qu'on  y  voie  une 
partie  du  monde  correspimdaiil  à  l'Afrique  el  à  l'Amérique  du  Sud  : 
c'est  un  des  trois  continents  méi'idionaux  qui  se  rattachent  à  ceux  du  nord 
par  isilimcs  dii  Iraînées  d'îles.  Les  terres  qui  réunissent  l'Australie  aux 
péninsules  asiatiques  appartiennent  pour  une  part  considérable  à  l'aire 
australienne  par  leur  climat  et  leurs  productions;  en  outre,  un  socle 
sous-marin  bordé  de  récifs  accroît  notablement  les  dimensions  réelles  du 
couliuent  austral.  La  surface  de  l'Australie,  sans  les  îles  adjacentes,  ne 
dépasse  guère  les  trois  (juarts  de  la  superllcie  du  confinent  d'Lurope, 
qui  se  trouve  à  l'autre  extrémité  de  la  diagonale  de  l'Ancien  Monde.  Avec 
les  terres  réunies  à  la  masse  cenirale  sous  le  nom  commun  d'Australasie, 
de  la  Nouvelle-Guinée  à  la  Xduvelle-Zélamle,  la  surface  émergée  dans 
cette  pai'lie  de  l'océan  I*aciii(|ue  n'est  (pie  très  faiblement  inférieure  à 
celle  de  riùirope. 

Mais  à  d'autres  égards  combien  les  deux  continents  différent!  Compara- 
tivement à  son  étendue,  rEuro|)e  est  la  partie  du  monde  la  plus  peuplée; 
l'Ausli'alie  est  la  moins  babitét-:  la  deiisilé  de  la  population  en  Europe  est 


712  NOUVKLLE   r.KOr.RAPIIIE   l'M\  EliSELLE. 

c-ciilupir  (i(M"cllo  qu'olïïc  aciuellonieiit  l'AusIralie.  Il  csl  vrai  que  co  con- 
tinent du  sud  estrncore  aux  commencements  de  son  évolution  dans  l'ère  de 
la  civilisation  solidaire  des  peuples  :  tard  venus  dans  le  concert  des  na- 
tions, les  Australiens  progressent  raj)idement  en  nombre  et  en  inihience; 
toutefois  la  contrite  qu'ils  habitent  est  loin  d'avoir  les  avantages  de  relief, 
de  configuration  générale,  de  climat  qui  font  de  l'Europe  une  partie  du 
monde  privilégiée.  Les  montagnes  nourricières  de  fleuves,  les  vastes  bas- 
sins où  ruissellent  ])arlout  les  eaux  courantes,  les  plaines  d'alhivions  fer- 
tiles, les  golfes  profonds  qui  pénètrent  au  loin  dans  la  masse  continentale 
et  Ini  donnent  l'aspect  d'un  corps  organisé,  manquent  à  l'Australie  :  com- 
parée à  l'Europe,  sa  forme  est  lourde  et  fruste,  celle  d'un  bloc  à  peine  dé- 
grossi ' . 

Néanmoins,  l'homme  sait  par  la  science  et  l'industrie  se  rendre  de  plus 
en  plus  indépendant  des  inconvénients  de  son  milieu  et  en  utiliser  plus 
habilement  les  ressources.  Les  eaux  cachées  sont  appelées  à  la  surface;  les 
cultures  remplacent  les  brousses;  des  chemins  artificiels  subviennent  au 
manque  de  voies  navigables;  sons  l'élreinle  de  l'homme  la  terre  se  fait 
petite,  et  les  régions  habitables,  jadis  entourées  par  le  désert,  deviennent 
accessibles.  C'esl  ainsi  que  le  continent  ansiralien  a  pris  dans  l'économie 
du  inonde  une  imporlance  (|u'il  n'aurait  jamais  pu  acquérir  avant  l'âge  des 
chemins  de  fer.  A  maints  égards,  l'Australie  est  la  première  des  colonies 
anglaises,  et  au  point  de  vue  politi(|ue,  même  en  l'absence  de  flottes  et 
d'armées,  elle  contiibue  beaucoup  à  consolider  reni|)iri'  colonial  de  la 
Grande-Bretagne.  La  ligne  de  navigation  qui  se  dirige  de  l'Angletei're  vers 
ses  immenses  possessions  des  Indes,  par  la  .Méditerranée  et  le  canal  de 
Suez,  se  continue  vers  le  sud-est  à  travers  l'Océan,  et  là  une  distance  égale 
rencontre  une  autre  terre  anglaise,  le  continent  australien.  Le  chemin 
maritime  plus  long  qui  contourne  l'Africjue,  de  Londres  à  Melbourne  et  à 
Sydney,  a  pour  étape  intermédiaiie  la  colonie  britannique  du  Cap  :  dans 
son  long  voyage  de  plus  de  2(5  000  kilomètres,  sur  la  moitié  de  la  circonfé- 
rence terrestre,  l'Anglais  ne  visite  que  des  tei'res  anglaises;  partout  il  voit 
pratiquer  ses  mœurs  et  entend  parli'r  sa  langue  :  il  n'a  point  changé  de 
patrie  en  changeant  d'hémisphère,  l'our  bien  apprécier  à  sa  valeur  l'in- 
fluence qui  revient,  sinon  à  l'Auiileterre,  du  moins  à  l'élément  anglais 
dans  l'histoii'e  de  riiumaniti'',  il  faut  ajouter  les  Etats-Unis  à  la  Grande- 
Bretagne,  à  ses  colonies  et  à  ses  vastes  possessions.  Avec  celle  p;irt  con- 

'  Superficie  et  iiopiikiliou  île  l'Aiistnilie  et  de  l;i  Tiisnwiiie  : 
7  095  7-20  kilomètres  ciirrés;  2  'JIH  Ô'M  lialntimts  au  TA  ili'e.  1887;  0,4  liab.  par  kil.  eané. 


CONTINENT  AUSTHALIEN. 


715 


sidéniblo  de  la  surrace  lerroslir,  habitée  |)ai'  plus  do  rout  millions  de  ses 
frères,  l'Ani^lais  prut  envisager  l'avenir,  |)lein  de  conlianee  dans  la  des- 
tinée de  sa  laee.  An  monde  conlinental  russe  qui  com[)rend  la  moitié  de 
l'Europe  et  la  moitié  de  l'Asie  s'oppose  le  monde  océanique  anglais  qui 
s'étend  sur  tout  le  pourtour  tle  la  |ilanèti'. 

On  sait  que  les  premiers  voyages  de  découverte  poussés  par  les  Portu- 
gais dans  les  mers  auslralasiennes  restèrent  ignorés  ou,  tout  au  plus,  ne 

N°    m.    SUPERFICIE    DE    L'aUSTR\L1E    COJIPARÉE    A    CELLE    DE    lANCLETERnE. 


Est  de  R 


F-  H.    r.r...nw;c»- 


1  :  40  nno  iino 


laissèrent  après  eux  que  de  vagues  rumeurs,  dont  quelques  documents  ear- 
tograpliiques  portent  la  trace  indiscutal)le.  Cette  île  de  ^  Jave  la  (irande  )>, 
(| ne  l'un  représente  sur  les  cartes  dès  la  première  moitié  du  seizième  siècle', 
olIVe  des  contours  assez  pi"écis  pour  qu'on  ne  puisse  douter  du  passage  des 
marins  portugais  dans  ces  parages;  mais  leurs  noms  se  sont  perdus. 
On  oublia  même  le  voyage  accompli  par  Torres  en  100(5  à  travers  le 
détroit  semé  de  récifs  qui  sépare  la  Papouasie  de  l'Australie,  et  sans  les 
recherches  de  l'érudil   [(alrym|)le  peut-être   serait-il  encore  ignoré.  C'est 


'  R.  U.  Jliijor,  Earlij  Vdijoycs  lo  lerra  Aiistridis.  iiow  ciilled  Aiislialia. 

XIV. 


90 


7U  NOUVELLE   GEOCRAI'IIIE  UNIVERSELLE. 

aux  naviuiili'iirs  hullaiiiUiis  qu'est  due  la  connaissance  précise  des  rivages 
du  conlincMl  auslralii'u,  cl  h  nom  de  ÎN'ouvelle-lIollantlc  donné  ])ar  ses 
découvreurs  à  la  coutiée  se  niaiiilint  longtemps  à  bon  droit.  Lorsque 
cette  appellation  prévalul  ilans  la  nomenclature  géographique,  vers  le 
milieu  du  dix-septième  siècle,  une  grande  partie  des  côtes  avait  été  déjà 
explorée.  Le  navire  Dmjfkcn,  expédié  par  les  Hollandais  à  la  recherche  des 
terres  nouvelles,  avait  probablement  touché  en  lOOG  les  rives  orientales 
du  golfe  de  Carpentaria  et  suivi  le  littoral  jusqu'au  cap  Keer-weer  ou  du 
<(  Retour  ».  En  161(3,  VErmlracld  longeait  à  l'ouest  le  littoral  extrême 
du  continent,  et  récemment  encore  le  nom  de  ce  navire  se  maintenait  sur 
les  cartes.  Trois  ans  après,  Edel  découvrail  la  pointe  sud-occidentale  de 
l'Australie,  puis  le  capitaine  de  la  l,eew?i;m  cl  l'eter  Nuyis  naviguaient  suc- 
cessivement le  long  des  côtes  méridionales,  tandis  qu'au  nord-ouest  et  au 
nord  d'autres  marins  hollandais  apercevaient  les  ternes  auxquelles  ils 
donnèreni  les  noms  tl'Arnhem  cl  de  Will.  lui  lOii,  Alici  Tasman  vint 
compléter  la  découverte  de  toute  la  moitié  occidentale  du  continent  :  deux 
années  auparavant  il  avait  déjà  cinglé  autour  de  l'Ile  Yan-Diemen,  qui  porte 
,  acluellemenl  son  nom,  Tasmanie;  mais  il  n'avait  pu  reconnaître  si  elle 
appartenait  à  la  grande  terre  voisine. 

Il  élail  réservé  à  (look  d'aborder  le  pi'emier  la  côte  orientale  de  l'Aus- 
Iralie  et  de  démontrer  la  justesse  des  prévisions  laites  pai'  Desbrosses  dans 
la  carte  dont  il  avait  accompagné  son  Histoire  dca  Marif/dliom  aux  Terres 
(tiistralcs.  En  177(1,  il  découvrit  Holaiiy-bay,  remonla  veis  le  nord,  puis, 
apri's  avoir  louvoyé  entre  la  terre  l'erme  et  la  ><  giande  Barrière  »  de  corail, 
pénétra  dans  le  détroit  de  Torres,  mettant  eidin  hors  de  doute  la  disjonc- 
lion  delà  .Nouvelle-Guinée  et  de  l'Australie.  .Mais  on  igiioiail  encore  si  la 
Tasmanie  élail  le  promontoire  sud-oriental  du  conlinenl,  cl  de  nombreux 
navigaleuis  \i--ilerenl  celle  lie  el  mouillèrenl  dans  ses  poris  avant  que 
Bass  pénéliàl  tians  le  détroit  qui  |iorle  son  nom.  (.i'était  en  1798,  dix  ans 
après  la  l'ondalion  de  la  premièi(>  colonie  anglaise  sur  les  côtes  de  la 
Nouvelle-t^ialles  du  Sud.  Déjà  l'ex|iloralion  de  l'inlérieur  du  continent 
avait  connnencé  par  de  petites  excuisioiis  cuire  le  lilloral  el  le  versant  des 

Montagnes  Bleues;  mais  cet  obslacle  ne  fut  sur nié  qu'en  1<SI3,  par  des 

éleveurs  de  bélail,  (ju'uiie  longue  séciieresse  avail  poussés  à  la  découverle 
de  nouveaux  pâturages. 

La  recherche  des  terrains  heibeux,  puis,  après  la  Irouvaille  de  l'or  en 
'l85i,  la  ruée  soudaine  des  mineurs  vers  les  plaines  alluviales  et  les  val- 
lées rocheuses  encore  inconnues,  ont  fait  beaucoup  pour  la  connaissance  de 
l'Auslralie  intérieure;   mais  les  expéditions   désintéressées  de  voyageurs 


EXPLORATION   DE   L'AUSTRALIE.  715 

qui  u'iiésiloiil  pas  à  hasarder  leur  vie  pour  atteindre  le  l)ut  désiré,  ont  fait 
bien  plus  encore.  L'œuvre  do  l'exploralion  australienne  a  col'ité  en  effet 
beaucoup  d'existences  humaines  :  le  botaniste  Cunningham,  le  savant 
Leichhardt,  Gray,  Burke,  \Yills  et  de  nombreux  compagnons  ont  suc- 
combé, les  uns  tués  par  les  naturels,  les  autres  épuisés  par  la  fatigue,  la 
soif  ou  la  faim.  Et  parmi  les  hardis  conquérants  de  la  Terre  qui  ont  pu 


s"    l'.2.     —   PRIXCIPAUS    VOYAGES    II  EXI'LOnATIOX    EN   AUSTRALIE. 


E    tdet- 


raener  à  bonne  fin  l'expédition  commencée,  combien  se  sont  montrés 
de  véritables  héros  en  exerçant  toute  l'énergie,  toute  la  patience  et  la  force 
d'âme  dont  l'homme  est  capable  !  Pendant  des  journées  et  des  semaines 
entières  il  leur  fallait  étudier  le  sol  et  l'hori/on  à  la  recherche  d'une 
mare,  d'un  ruisselel  ou  d'une  goutte  d'eau  ;  les  amis  avaient  à  se  séparer 
au  milieu  du  désert  pour  chercher,  ihacun  de  son  côté,  l'eau  désirée,  et  se 
désigner  au  loin  pour  lieu  de  rendez-vous  quelque  rocher  dont  un  mirage 
ou  l'hallucination  de  la  soif  pouvait  facilement  les  éloigner.  Et  les  marches 
à  travers  les  dunes,  sur  les  plaines  de  cailloux,  dans  les  mares  salines  ou  les 


716  NOUVELLE  GEOliHAl'UlE   UNIVERSELLE. 

brousses  épineuses!  les  écarts  à  la  jKuirsuite  des  chevaux  éj^arés!  les  cha- 
leurs intolérables  auxquelles  succède  le  froid  des  nuits!  L'histoire  des 
explorations  australiennes  est  de  celles  qui  donnent  la  plus  haute  idée  de 
la  firaiidrur  de  l'homme. 

Le  voyage  décisif  dans  la  série  des  tentatives  qui  se  succédaient  d'année 
en  année  est  celui  que  ht  Mac  Douall  Sluart  en  lîSG'i,  après  deux  essais 
inlVuctueux,  dont  les  itinéraires,  à  droite  et  à  liauchc  rap|iellent  les 
mouvements  des  antennes  chez  les  insectes.  Le  prenticr  il  réussit  à 
traverser  le  continent  australien  dans  sa  plus  grande  larucur,  du  golfe  de 
Saint-Vincent  à  la  côte  septentrionale,  en  face  de  l'île  Melville.  L'Australie 
se  trouvait  ainsi  partagée  en  deux  par  une  voie  transversale,  sur  laquelle 
on  établit  di's  stations  de  dislance  en  distance,  aulaiil  de  lieux  de  dépai'l 
et  de  ravitaillement  pour  les  voyageurs.  De  ces  points  li\es,  (jui  diminuaient 
de  moitié  l'espace  à  parcourir,  on  put  s'aventurer  ilans  les  solitudes  de  l'est, 
et  en  '1<S7Ô  Warburlon  atteignit  enlin  la  cote  occidentale  :  le  réseau  des 
itinéraires  s'étendait  désormais  dans  toute  l'Australie,  de  l'est  à  l'ouest 
aussi  bien  qu(^  du  sud  au  mird.  On  jieut  dire  que  l'exploialion  première 
du  continent  est  terminée  :  les  régions  de  l'intéiieiir  sdut  connues  dans 
leurs  traits  principaux,  et  les  mailles  du  blet  de  roules  jelé  sur  l'Australie 
st'  ressei'reront  peu  à  peu.  grâce  aux  ex()l()rali(ins  partielles  nécessitées 
pour  la  pose  des  télégraphes  ou  la  iccherche  des  soul•(•e^  et  d(;s  pâturages. 
Cependant  il  reste  de  vastes  espaces,  surlnul  dau^  l'Australie  occidentale, 
où  le  pied  de  l'Européen  ne  s'est  pas  encore  posé  :  telle  partie  du  con- 
tinent laissée  en  blanc  sur  les  cai'tes,  entre  les  itinéraires  de  Giles.  de 
Fori'esl,  (le  \\arl)urtou.  reprt'seule  une  (''tendue  de  sept  à  liiiil  cent  mille 
kilomJ'tres  carrés,  dépassant  la  siiperlicie  de  la  France. 

Les  explorations  sous-marines  faites  dans  ces  dernieis  temps  jiar  le 
ChftlU'}iiicr  et  d'autres  na\ires  oui  assez  neltenieiil  liiiiil(''  le  socle  qui 
porte  l'Australie  et  (jue  l'on  |)eiit  considérer,  au  poinl  de  vue  géologique, 
connue  formant  une  seule  masse  continentale  parliellenient  émergée.  Au 
nord,  la  Papouasie  et  tous  les  groupes  et  traînées  d'îles  adjacentes,  telles 
que  la  Louisiade  et  les  Aroe,  s'élèvent  sur  le  piédestal  commun,  unies  à 
l'AiisIralie.  plul(M  ((ue  sépan'-es  p.ir  les  récifs  du  détroit  de  Torivs.  Le  golfe 
de  Carpentaria  et  les  mers  nord-occidentales,  jusqu(^  dans  le  voisinage  de 
Timor,  appartiennent  également  à  l'aire  australienne.  Au  sud,  les  eaux 
basses  boi'dent  aussi  le  littoral  sur  uiu-  tri's  grande  largeur,  et  au  sud-est 
une  longue  péninsule  sous-mai'ine,  sur  laquelle  se  dicsse  la  Tasmanie, 
s'avance  à  plus  de  1500  kilomètres  dans  les  mers  pr(d'(pn(les.  A  l'est,  des 
abîmes  de  })lus  de    iOOO   mètres  longent   les  ccites  de  ,\e\v  South  "Wales, 


laiidis  que  les  rivages  du  ii(H'( 
n;irii("'i('  »  (le  récits,  se  r;il- 
Ijiclu'iil,  par  un  seuil  de  "" 
1111  (in s  de  '2000  mèlirs  en 
proroiideiir,  à  l'île  Norfolk 
el  à  la  péninsule  du  nord- 
ouesl  de  la  Nouvelle- 
Zélande.  Celle  lign(^  de 
jnnelion  enlre  le  conlinenl 
el  les  dé|)ondances  austra- 
liennes les  plus  éloignées 
oITre,  dans  la  direclion  du 
siid-esl,  la  inèine  orienlalion 
(pie  la  Néo-Calédonie,  les 
lies  Loyauté,  les  Nouvelles- 
Hébrides  et  d'autres  terres 
émergées  dans  ces  parages 
du  Pacilique. 

11  est  à  remarquer  que, 
dans  l'ensemble  des  terres 
ausiralasiennes,  la  masse 
coiilinenlale  est  précisément 
celle  qui  olTre  le  moindre 
relief.  Les  chaînes  les  plus 
élevées  de  l'Australie  sont 
(i'im|)ortance  secondaire  en 
comparaison  des  hautes 
montagnes  de  la  Nouvelle- 
Guinée  et  de  la  Nouvelle- 
Zélande;  même  les  îles  Sa- 
lonion  ont  des  inonls  d'al- 
litnde  supérieure.  Ce  fait 
fiîmoigne  en  faveur  de  l'hy- 
|iolhèse  qui  unit  l'Australie 
avec  les  terres  du  nord  et  de 
l'esl  en  un  tout  géologique. 
La  l'apouasie,  la  Nouvelle- 
Zélande  ne  seraient  autre  chose  q 
lasieii,  dont  plus  d'une  moitié  cï 


EXl'LoliATION    IIK   I/AISTHALIE.  717 

est,   bordés   au    large  par  la  «   grande 


1*3.   VOÏ.IGES   DE    PU.NETRATION    TAU   JLiC   BOUALL   STUART. 


Est    de    Ps 


X 


20  mai        ,'  I. 

lljulllet   \"-{i       ^     15 J"'" 
,r:         -AO'/  20  mai 

/juillet,^       f       ,;■    ^yff^yfs/>I>uy~/c.; 


Est   de  Greenw.dl 


I    :   G  000  000 


ne  les  bords  du  grand  continent  auslra- 
^t  mainlenant  recouverle  par  les  eaux,  et 


718  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

comme  le  relief  terrestre  en  olIVe  de  très  nombreux  exemples,  dans  l'Amé- 
rique du  Sud,  en  Afrique,  et  d'une  manière  générale  autour  du  grand 
bassin  de  l'Océan,  du  cap  de  Bonne-Espérance  au  cap  Iloorn,  c'est  préci- 
sément le  long  du  littoral  que  se  dressent  les  plus  hauts  sommets,  immé- 
diatement au-dessus  des  pai'ages  où  se  creusent  les  eaux  profondes'. 

De  même  que  l'ensemble  australasien,  la  grande  terre  présente  ses  plus 
hautes  saillies  dans  le  voisinage  de  la  côte  et  sur  la  face  qui  regarde  le 
profond  l'acilique.  Les  arêtes  principales  du  confinent  sont  disposées  de 
manière  à  former  un  croissant  extérieur,  delà  péninsule  ir\oik  au  pro- 
montoire de  Wilson.  Au  delà  de  cet  ourlet,  le  terrain  s'abaisse  tellement 
que  les  premiers  voyageurs  crurent  à  l'existence  d'une  «  Caspienne  « 
située  dans  l'intérieur  de  l'Australie  et  recevant  toutes  les  eaux  courantes. 
Au  lieu  de  celle  mer  centrale  imaginaire  il  existe  seulement  quehjues 
petits  bassins  sans  écoulement,  et  presque  toutes  les  rivières  importantes 
descendent  directement  à  la  mer  :  mais  les  plaines  qu'elles  parcourent  ont 
un  très  faible  relief;  grâce  à  cet  aliaissement  du  sol,  le  littoral  s'est  creusé 
fort  avant,  au  nord  et  au  sud,  pour  former  le  golfe  de  Carpenlaria  et  celui 
de  Saint-Vincent;  entre  ces  deux  échancrures,  les  plus  fortes  de  la  côte,  le 
niveau  des  campagnes  se  maintient  presque  partout  à  moins  de  150  mètres. 
A  l'ouest  de  cette  dépression,  les  terres  se  relèvent  de  nouveau,  et  veis  le 
centre  du  continent  des  massifs  de  rochers  dépassent  1000  mètres  d'alti- 
tude par  plusieurs  de  leurs  pointes. 

La  chaîn<'  principale  a  reçu  le  nom  d'Alpes  Australiennes  {Aii^ttralidn 
Alps),  en  souvenir  des  Alpes  de  l'Europe.  Dominant  le  musoir  sud-oiienlal 
du  continent,  elle  comnu^nce  à  l'est  de  Melbourne,  dans  Victoria  et,  pré- 
sentant sa  convexité  vers  le  sud-est,  s'arrondit  en  demi-cercle  pour  se 
prolonger  par  d'autres  chaînes  dans  la  direction  du  iu)rd.  La  rivière  Vass, 
afllueul  du  Meuve  Murray,  est  considérée  comme  la  limite  septentrionale  du 
système  des  Alpes  Australiennes,  dont  la  longueur  développée  esl  d'environ 
400  kilomètres.  Ces  montagnes  méritent  le  nom  d'Alpes  moins  par  leur 
altitude  que  par  le  nombre  considérable  de  leurs  massifs,  de  leurs  con- 
Ireforls  et  des  chaînons  latéraux  ou  parallèles.  D'ailleurs,  les  Alpes  Austra- 
liennes sont  d'un  accès  facile  :  les  escarpements  les  plus  raides  se  trouvent 
pour  la  plupart  à  mi-hauteur  des  monts;  mais  au-dessus  les  pentes  sont 
assez  douces  et  de  vastes  plateaux  herbeux  ou  faiblement  boisés  forment  le 
socle  sur  lequel  s'élJ'vent  les  dômes  et  les  croupes,  que  l'on  peut  gravir 
même  à  cheval.  La  cime  culminante,  la  pointe  de  Townshend,  dans  le 

*  Ed.  Suobb,  Dus  AiUtit:,  ilcr  Erdc. 


MONTACNIÎS  DE   L'AUSTRALIE. 


719 


groupe  (les  monts  Kosciuszko,  iillciiil  '2241  mèlres  :  elle  se  dresse,  dans 
New  Soulh  Wales,  précisément  sur  la  lussectrite  de  l'angle  formé  par  la 
partie  sud-orientale  du  continent,  au  promontoire  de  Howe.  En  mainte 
vallée  des  Alpes,  les  neiges  séjournent  pendant  toute  l'année,  et  dui'anl 
l'hiver,  de  mai    en  novembre,  les  plateaux  eux-mêmes  portent  leur  far- 


N»    IW.    —   AlPES    AUSTRALIENNES. 


^7       '/      -f      ' 


Profon^yec^  r-s 


deau  de  frimas.  Quelques  névés  se  forment  dans  les  hautes  ravines  des 
monts  Kosciuszko,  et  les  traces  d'anciens  glaciers  se  voient  en  diverses 
parties  de  la  chaîne.  Dans  les  monts  de  Bogong  (1904  mètres),  situés  à 
l'ouest  des  hautes  sources  du  Muiray,  une  moraine  frontale  barre  une 
petite  vallée  à  la  cote  de  899  mètres'. 

Les    roches   qui  composent  les   Alpes  Australiennes    ont  une  grande 


'  Von  Lendonfckl,  Erçianuiiuislicfl,  ii"  ti7.  ;»  l'ficiiiiiiiiii's  Milleihinyeii. 


720  NOUVELLE  OÉOGR APIllE  UNIVERSELLE. 

aiilif|uilé  :  ce  sont  des  <;i;iiiils  cl  tics  masses  siluriennes,  enlreni(Més  de 
juirplivies,  de  diorites,  de  basallcs;  çà  et  là  des  formations  Icriiaires  em- 
plissent les  vallées,  mais  toujours  en  couches  horizontales,  tandis  que  les 
terrains  environnants  sont  toidus  et  disloqués.  La  nature  géologique  des 
monts  alpins  d'Australie  se  retrouve,  malgré  les  dépressions  intermédiaires, 
dans  les  montagnes  occidentales  de  Victoria  et  même  celles  de  laTasmanie, 
qui  appartiennent  pour  une  ])onne  part  aux  mêmes  âges  de  la  planète. 
Les  Pyrénées,  qui  s'élèvent  parallclemenl  à  la  mer,  au  nord-ouest  de 
Melhourne,  et  les  Grampians,  dont  les  masses  irrégulières  se  dressent  plus 
à  l'oiiesl,  sont  aussi  des  montagnes  siluriennes,  moins  élevées  d'ailleurs 
que  les  Alpes,  car  le  plus  haut  sommet,  le  mount  William,  dans  les  (Iram- 
pians,  atteint  seulemenl  1700  mètres.  Mais  nulle  part  en  Austialie  les 
formations  volcaniques  ne  sont  plus  développées.  C'est  par  centaines  que 
l'on  voit  les  cônes  des  volcans  dans  la  partie  occidentale  de  Victoria,  les 
uns  simples  huttes  d'éruption,  les  autres  véritahles  monts  de  (300  mètres 
d'élévation,  ajjpartenant  à  toutes  les  périodes  successives,  des  temps 
paléo/.oï(pies  à  l'époque  tertiaire.  Plusieurs  des  cratères,  coupes  de  forme 
paifaite,  renferment  des  lacs  d'une  grande  profondeur  :  l'un  d'eux,  le 
Bine  Jiake,  qui  occupe  la  cavité  su[iérieure  de  l'un  des  volcans  du  groupe 
de  Gamhier,  dans  South  Australia,  n'a  pas  moins  de  200  mètres  d'eau. 
D'autres  ci'atères  sont  devenus  des  cinpies  lierheux  ou  hoisés;  ils  ver- 
sèrent autrefois  des  fleuves  de  laves  qui  recouvrent  de  très  vastes  étendues 
de  |)ays.  Un  seul  des  anciens  volcans,  le  Tower-hill,  |)ivs  de  Warriiamhool, 
s'élève  en  pleine  mer'. 

Les  monts  de  la  Tasraanie  sont,  comme  les  Aljies  d'Australie,  formés  de 
granits  el  d'assises  siluriennes,  et  des  roches  éru[ilives  ont  en  maints  en- 
droits dressé  des  barrages  transversaux  d'où  les  eaux  des  vallées  s'élancent 
en  cascades;  toutefois  les  géologues  n'ont  [)()inl  constaté  en  Tasmanie 
l'existence  de  volcans  jjroprement  diis.  (juoiipie  l'ile  prestjue  entière  soit 
hérissée  de  montagnes,  la  partie  la  plus  élevée  est  celle  du  nord-ouest, 
el  c'est  vers  cet  angle  de  la  Tasmanie  ipie  se  dresse  le  sommet  le  plus  haut, 
le  Cradie-mountain  (1515  mètres);  plusieurs  autres  cimes  dépassent  1400 
mètres;  mais  vers  le  sud-est  le  terrain  s'abaisse  et  des  fjords  profonds 
décou|)enl  le  littoral.  Dans  son  eiisemhle,  la  Tasmanie  a  la  forme  d'une 
moitié  d'ovale,  érodée  au  nord,  du  côté  de  la  .Nouvelle-Hollande,  suivant 
une  courbe  concave  régulière.  Le  délroil  fut  cerlainement  autrefois  rem- 
placé |iar  un  isthme  (|ui  unissait  les  deux  leii(^s  el  dont  (pielques  îlots  gra- 

<   Si'lwyii  ;iMil  llricli.  .Yo/c.s  un  llir  l'Inisiriil  Crtiijnijihii  uf  Virhirifi. 


91 


MONTAGNES,   PLAINES   DE   L'AUSTRALIE.  723 

ililiques  sont  les  restes;  mais  immédialemeiU  à  l'est  les  abîmes  de 
l'Océan  descendent  à  plus  de  5000  mètres.  Au  point  de  vue  géologique, 
le  promontoire  de  Wilson,  la  jjoinle  la  plus  méridionale  du  continent 
australien,  est  une  île  comme  celles  du  détroit  de  Dass.  Si  le  continent 
s'abaissait  de  moins  de  100  mètres,  les  deux  baies  de  l'ouest  el  de  l'est  se 
rejoindraient  en  un  deuxième  déiroil. 

Au  nord  des  Al[)es  Australiennes  l'ourlet  montagneux  du  littoral,  divisé 
en  plusieurs  chaînes  parallèles,  prolile  sa  crête  principale  à  la  distance 
moyenne  de  75  kilomètres  de  l'Océan.  Chacune  de  ces  chaînes,  chacune 
des  arêtes  transversales  a  son  nom;  parfois  aussi  on  désigne  l'ensemble 
du  système  sous  l'appellation  commune  de  BlueMounlains,  qui  apj)artient 
plus  spécialemeni  aux  montagnes  situées  à  l'ouest  de  Sydney,  et  pen- 
dant si  longtemps  considérées  ])ar  les  colons  comme  un  infranchissable 
obstacle.  Les  pics  les  plus  élevés,  entre  autres  le  Sea-view,  qui  se  dresse  à 
l'ouest  de  Port-Macquarie,  dans  la  partie  septentrionale  de  New  South 
Wales,  atteignent  1800  mètres,  mais  la  plupart  des  cimes  ne  dépassent 
pas  1500  mètres;  en  maints  endroits  pourtant  les  érosions  y  ont  évidé  des 
cirques  aux  parois  perpendiculaires  d'un  aspect  grandiose.  La  pente  l'apide 
des  monts  regarde  la  mer;  de  l'autre  côté,  la  saillie  montagneuse  offre  en 
beaucou])  tl'endroils  l'aspect  d'un  |)lateau  faiblement  incliné,  et  le  sol 
s'affaisse  vers  les  plaines  du  Muri'ay  par  une  longue  contre-pente.  De 
vastes  cavités,  dont  le  pourtour  ébréché  laisse  maintenant  passer  les  ruis- 
seaux, paraissent  avoir  été  des  lacs  :  telles  sont  entre  autres,  sur  le  ver- 
sant occidental  des  monts,  les  «  plaines  de  Liverpool  »  {hiver pool-plaim), 
parsemées  d'îlots  basaltiques.  1/Australie  eut  aussi, comme  les  contrées  du 
nord  de  l'Europe,  sa  période  lacustre,  succédant  à  la  période  glaciaire. 

Dans  la  partie  seplenirionale  de  îS'ew  South  Wales,  la  chaîne  de  partage 
s'abaisse  peu  à  peu,  et  plus  au  nord,  dans  la  colonie  de  (Jueensland,  il  est 
peu  de  cimes  qui  atteignent  (300  mi'tres;  même  en  certains  endroits  le 
relief  montagneux  est  complètement  interrompu  :  des  seuils  à  peine  indi- 
qués constituent  le  faîte  entre  les  deux  versants.  Les  hautes  saillies, 
dépassant  1000  mètres  en  hauteur,  reprennent  au  nord  du  tropique  du 
Capricorne  pai-  une  arête  de  granit  qui  longe  le  littoral  et  se  poursuit  au 
nord-ouest  jusqu'à  la  racine  de  la  péninsule  d'\ork,  où  s'élève  une  petite 
chaîne  faîtière,  haute  de  quelques  centaines  de  mètres.  Entre  les  Alpes 
Australiennes  el  les  monts  granitiques  du  Oueensland  septentrional,  les 
roches  dominantes  sont  des  formations  carbonifères  de  différents  âges, 
paléozoiques  et  mésozoïques  :  il  s'y  trouve  aussi  des  granils,  des  porphyres, 
et,  sur  le  versant  occidental,  quelques  volcans  et  des  champs  de  laves.  C'est 


724  NOUVELLE  GEOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

dans  celte  zone  des  monts  australiens  et  sur  les  pentes  septentrionales 
des  montagnes  de  Victoria  que  sont  épars  ces  gisements  aurifères  qui  ont 
fait  la  richesse  de  l'Australie  :  ils  appartiennent  tous  à  divers  étages  des 
terrains  tertiaires  et  reposent  sur  un  «  fond  >>  ou  lit  rocheux  des  forma- 
tions siluriennes  dont  ils  sont  dérivés.  La  plupart  des  gisements  emplis- 
sent d'anciens  lits  fluviaux,  auxquels  on  donne  le  nom  de  «  gouttières  x>; 
en  certains  endroits  ils  ont  plus  de  100  et  même  jusqu'à  180  mètres  de 
puissance. 

A  l'ouest  de  réj)ine  dorsale  de  l'Australie,  la  dépression  compi'ise  entre 
le  golfe  de  Carpentaria  et  la  bouche  du  Murray  est  en  grande  partie  occu- 
pée par  des  formations  crétacées.  Ces  terrains  mésozoïques  et  les  vastes 
plaines  d'origine  tertiaire  prouvent  que  l'Australie,  jadis  considérée 
comme  le  continent  «  vieux  »  par  excellence,  eut  aussi  ses  oscillations,  ses 
alternatives  d'immersion  et  d'émersion  comme  les  autres  parties  du 
monde.  Au  delà  commencent  les  terres  peu  connues,  traversées  par  des 
itinéraires  éloignés  les  uns  des  autres.  Mais  on  sait  que  l'Australie  du 
sud,  des  deux  côtés  du  golfe  de  Spencer,  sur  les  bords  des  lacs  salés  de 
l'intérieur,  a  des  roches  granitiques  et  j)rimitivcs;  de  même  les  i)éninsules 
septentrionales,  en  face  de  l'ile  Melville,  ont  leurs  granits  et  leurs  roches 
métamorphiques:  enfin  l'Australie  sud-occidentale  est  constituée  dans  une 
part  considérable  de  son  étendue  par  des  plateaux  de  granit  d'une  faible 
élévation,  portant  çà  et  là  quelques  arêtes  de  montagnes,  hautes  de  cinq  à 
six  cents  mètres.  Ces  divers  massifs  sont  tous  désignés  par  des  noms 
d'explorateurs  ou  d'hommes  fameux  dans  la  politique  contemporaine.  Un 
de  ces  groupes,  celui  de  Mac-Douall.  à  l'est  du  télégrajihe  transcontinen- 
tal, est  riche  en  «  rubis  »  et  autres  pierres  fines. 

Le  «  désert  des  grès  »,  comprenant  plus  d'un  tiers  de  l'Australie,  est 
probablement  d'origine  postérieure  à  tous  les  massifs  montagneux  du  con- 
tinent ;  mais  il  est  impossible  d'en  indiquer  l'âge  précis,  car  dans  la  plus 
grande  partie  de  son  étendue  on  ne  trouve  point  de  fossiles  :  c'est  aux 
temps  pliocènes  que  la  |)lupart  des  géologues  font  remonter  l'émergence 
des  plateaux,  des  collines  et  des  plaines  de  ce  désert  australien  ;  dans  le 
Queensland  seplenlrional  il  recouvre  les  formations  crétacées.  Les  dépres- 
sions qu'on  y  rencontre  soni  |)r(»duiles  par  les  agents  météoriques,  la 
chaleur  et  le  froid,  le  vent  et  la  pluie;  en  divers  endroits  on  reconnaît 
que  le  niveau  du  sol  s'est  abaissé  de  dizaines,  même  de  centaines  de 
mètres,  laissant  çà  et  là  des  masses  résistantes  qui  témoignent  de  la  posi- 
tion première  des  couches  disparues.  Dans  la  partie  nord-occidentale 
de  l'Australie  se  trouve  une  région  à  laquelle  Grey  a  donné  le  nom  de 


IlOCUES   1)K   I/AUSTRALIK.  7'25 

<t  pays  des  Piliers  »,  à  cause  des  colonnes  île  gi'ès  qui  se  dressent  pai- 
myriades  sur  le  sol  inégalement  excave  et  tout  fleuri  de  plantes,  enguirlandé 
de  verdure;  des  ruisseaux  en  partie  souterrains  continuent  l'œuvre  d'éro- 
sion. La  saillie  que  l'on  considère  comme  la  «  borne  centrale  »  du  conti- 
nenl,  la  «  pile  de  Ghambers  »,  est  aussi  un  de  ces  «  témoins  »  géolo- 
giques. 11  n'existe  guèi'c  sur  la  planète  de  colonne  plus  régulièremenl 
formée  que  ce  pilier,  admirable  point  de  repère  souvent  utilisé  par  les 
voyageurs  pour  leurs  rendez-vous  et  leurs  caches  de  provisions.  Haut  d'en- 
viron 45  mèfi-es  et  rose  à  l'extrémité  supérieure,  il  se  dresse  sur  un  pié- 
destal de  grès  blanc,  monticule  d'une  trentaine  de  mètres  qu'entourent 
des  blocs  épars,  fragments  de  l'ancienne  montagne  désagrégée,  dont  il  ne 
reste  plus  en  place  (pie  le  pilier  solitaire. 

Le  désert  australien  a,  comme  celui  du  Sahara,  sa  région  des  dunes,  à 
l'ouest  du  télégraphe  transcontinental,  sui'  le  versant  du  nord-ouest.  Les 
rangées  de  monticules  sableux  s'y  succèdent  avec  une  régularité  parfaite, 
se  déroulant,  comme  les  vagues  de  la  mer,  dans  le  sens  de  l'est  à  l'ouest, 
sur  un  espace  de  600  kilomètres  en  longueur.  En  entier  composées  de 
sable  rouge,  sans  une  herbe  qui  en  diminue  le  violent  éclat,  ces  dunes 
ont  une  apparence  «  terrible  »  et  l'homme  ne  les  traverse  pas  sans  effroi'. 
En  dehors  de  cette  région,  quelques  oasis  de  verdure  et  de  fleurs  se  mon- 
trent çà  et  là  dans  la  redoutable  solitude.  D'ailleurs  l'aspect  du  désert 
change  suivant  les  saisons,  d'humidité  ou  de  sécheresse,  et  pour  un  même 
endroit  les  récits  des  voyageurs  diffèrent  singulièrement. 

Les  observations  que  les  géologues  ont  faites  sur  le  pourtour  continental 
donnent  une  grande  probabilité  à  l'hypothèse  d'un  soulèvement  général  de 
la  côte  australienne  :  les  rivages,  après  avoir  été  rongés  par  la  mer,  qui  a 
fini  j)ar  recouvrir  une  moitié  de  l'ancien  continent,  gagnent  de  nouveau 
peu  à  peu  sur  la  nappe  des  eaux.  Le  littoral  est  bordé  de  plages  émergées 
que  p;irsèment  des  bancs  de  coquilles  pareilles  à  celles  de  la  mer  voisine; 
de  nombreux  lacs,  naguère  golfes  de  l'Océan,  ont  gardé  leur  faune  péla- 
gique, tandis  que  tl'autres  se  sont  vidés  de  l'eau  salée  qui  les  emplissait, 
pour  se  changer  en  nappes  d'eau  douce  ou  même  s'évaporer  complètement; 
des  écueils,  cachés  jadis  par  le  flot,  montrent  maintenant  leurs  roches 
noires  au-dessus  du  niveau  marin.  Enfin,  l'ingénieur  Babbage,  construc- 
teur du  chemin  de  fer  d'Adélaïde  à  la  mer,  dans  l'Australie  du  Sud,  a 
constaté  qu'entre  deux  opérations  de  nivellement  le  sol  s'était  élevé  de 
quelques  décimètres.  En  étudiant  toute  la  région  qui   s'étend   au  nord  du 

'  Sluil,  Joiirncii  iti  llie  Ceiilri'  of  Auslrrilia. 


72(i 


NOUVELLE   GEOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 


golfe  de  Spencer,  on  ne  peuL  iloiiter  que  ce  pays  lui  un  archipel  aux  îles 
nombreuses,  séparées  par  des  chenaux  sans  prol'oudeur.  Le  détroit  de 
Bass,  qui  limite  au  sud  l'Australie  proprement  dite,  deviendrait  terre 
ferme  s'il  se  ])roduisait  un  soulèvement  moindre  de  50  mètres.  La  Tas- 
manie,  que  l'on  crut  si  longtemps  être  une  })artie  du  continent  voisin, 
lui  appartient  en  effet  au  point  de  vue  géologique.  Il  est  d'ailleurs  |»robable 
que  la  présence  des  glaciers  a  dû  contribuer  à  maintenir  la  forme  piimilive 


N"    145.    IJtIROIT   EE    BASS. 


Est  d 


c/e  20350""        c/eSOa.  200  '^c/e  900  "'et  au-  cfs/â 

1  :  s  iSSS  000 


du  littoral  lasmanien  :  toute  la  partie  méiidionale  de  l'ile  est  découpée  en 
baies  cl  en  criques,  anciens  fjords  qui  ont  gardé  leiii'  prcd'oiideur. 

iJne  mer  semblable  à  celle  qui  existait  aiiticfois  à  la  place  de  l'Australie 
méridionale  est  le  détroit  qui  sépare  actuellement  le  continent  australien  et 
la  Nouvelle-Guinée.  Du  cap  York  au  mont  Cornwallis,  dans  la  partie  la 
moins  large  du  détioit  de  Torres,  la  profondeur  extrême  n'atteint  pas 
22  mètres;  en  moyenne,  elle  est  de  14  à  15  mètres  seulement,  et  déjà,  de 
1842  à  1847,  les  explorations  détaillées  des   navires  F/y  et  Brambic  ont 


MERS   PE  L'AUSTRALIE. 


72t» 


(lémonlrc  qu'on  Miivaiit  los  sinuosités  du  chenal  le  [ilus  prolVind,  un 
navire  calant  plus  de  10  mètres  ne  pourrait  passer  que  par  une  mer  par- 
faitement unie.  Les  îles  rocheuses  qui  pointent,  isolées  ou  en  archipels, 
au-dessus  de  l'eau  bleue  du  détroit,  consistent  uniformément  en  poi'phyre 
ou  en  syénite,  comme  les  roches  de  la  péninsule  terminale  de  Queensland, 
et  en  continuent  évidemment  la  chaiiu'.  A  l'est  de  ces  collines  émergées, 
entourées  de  récifs,  qui  laissent  entre  eux  des  passages  libres  de  tout  écuelil, 
s'étend  la   vraie  «  mer  de  Corail  >>,  qui    n'a   |ioinl  d'Iles  rocheuses,  mais 


141'..    riKTRdiT    II],    TfiRnE?. 


Est  de  Par, s 


Daprès  l'Amirauté  angla 


/^^•o/o/7a^ei'fS 


1  ;  7  VSO  000 


seulement  un  périlleux  labyrinthe  de  masses  coralligènes,  et  que  l'on  peut 
comparer  dans  son  ensemble  à  une  longue  plage  sous-marine  s'abaissant 
graduellement  vers  l'est  jusqu'à  la  piofondeur  moyenne  de  40  mètro'-.  L-i 
est  le  vrai  rivage  du  continent  australien,  et  comme  il  arrive  sur  lanl 
d'autres  littoraux  émergés  ou  immergés,  une  chaîne  volcanique  marque  la 
limite  de  séparation  entre  le  plateau  continental  et  les  gouffres  de  la  grantle 
mer.  Il  est  vrai  que  ces  volcans  de  la  mer  de  Corail,  éteints  dans  la  période 
actuelle,  sont  de  bien  faibles  dimensions.  Le  principal  est  l'île  de  Murray, 
située  à  une  petite  distance  en  dedans  de  la  .c  Grande  Barrière  ».  Quoique 
si  rapprochée  du  continent  australien  et  en  faisant  géologiquement  par- 
XIV.  92 


730  NOUVELLE  GEOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

Ile,  cetlp  îli'  se  distingue  de  la  grande  terre  par  sa  végétation.  Les  rivages 
et  même  les  pentes  inférieures  des  collines  qui  s'élèvent  jusqu'à  200  mè- 
tres sont  revêtus  d'une  forêt  continue  de  cocotiers,  arbres  qui,  au  dire 
de  tous  les  voyageurs,  manquaient  en  Australie  avant  l'arrivée  des  immi- 
grants européens'. 

Le  mur  de  récifs  qui  forme  le  rivage  extérieur  de  Oueensland  et  qui  rat- 
tache l'Australie  à  la  Nouvelle-Guinée,  se  prolonge  sur  un  espace  encore 
beaucoup  plus  considérable  que  le  «  grand  récif»  de  la  ■Nouvelle-Calédonie; 
son  développement  total,  sans  compter  les  petites  indentations,  est  d'envi- 
ron 2500  kilomètres.  11  commence  au  cap  Sandy,  corne  du  littoral  austra- 
lien qui  s'avance  en  pleine  mer  au  large  de  la  convexité  de  la  côte  orientale, 
et,  d'aboril  interrompu  par  de  larges  détroits,  rapproche  bientôt  ses  îlots, 
puis  les  unit  en  une  paroi  continue,  n'offrant  que  de  rares  brèches  où  puis- 
sent se  hasarder  les  navires.  Les  premiers  explorateurs  longeaient  avec 
anxiété  la  ligne  des  brisants  pendant  le  jour,  et  vers  le  soir  cheichaient 
à  prendre  le  large  pour  s'éloigner  de  leur  mugissement  éternel  ;  néanmoins 
les  naufrages  ont  été  fort  nombreux.  Maintenant  tous  les  passages  de  la 
Grande  Barrière  son!  connus,  et  les  bâtiments  pratiquent  les  chenaux  de 
l'intérieur  pour  naviguer  à  l'abri  de  la  houle.  Avant  que  la  force  de  la 
vapeur  fût  appli(|uée  à  la  propulsion  des  navires,  les  portes  de  la  Grande 
Barrière  et  le  détroit  de  Torres  offi'aient,  malgré  les  dangers  des  récifs, 
l'itinéraire  obligé  des  navires  qui  se  rendaient  de  l'océan  Pacifique  dans 
la  mer  des  Indes.  En  effet,  le  veni  alizé  du  sud-est  y  souffle  réguliè- 
rement pendant  presque  toute  l'année,  tandis  (ju'au  sud  de  l'Australie  les 
vents  soufflent  |)res(pie  toujours  de  l'ouest  et  du  sud-ouest,  et  fréquem- 
ment en  tempête.  D'ailleurs  la  houle  n'est  point  dangereuse  en  dedans  de 
la  Grande  Barrière,  et  les  mouillages  ordinaires  protégés  par  un  îlot  y  con- 
sliluent  de  véritables' ])orls.  La  pureté  d<'  l'air  et  l'extrême  transparence  de 
l'eau  sont  la  sauvegarde  des  marins  qui  naviguent  dans  ces  mers  :  <à  la  dis- 
tance de  1(S00  mètres,  le  matelot  posté  sur  le  mât  du  navire  distingue 
déjà  l'existence  de  bas-fonds  à  9  mètres  au-dessous  de  la  surface,  grâce  au 
contraste  que  présentent  les  nuances  verdàtres  de  l'eau  peu  profonde  avec 
le  bleu  des  cavités  voisines. 

Très  inférieure  aux  autres  continents  pour  la  hauteur  des  massifs  de 
montagnes,  l'Australie  l'est  aussi  pour  la  ramure  et  l'abondance  des  cours 
d'eau.  Parmi  ses  fleuves  atteignant  la  mer,  il  n'en  est  qu'un  seul  qui  soif 
considéi'able  par  l'élendue  du  bassin  :  c'est  le  Murray  ou  Goohva,  décou- 

'  Rei'le  Jukos,  Siiri'cijiini  Voiiagc  of  tlir  o  Fly  ». 


GRANDE   BARRIÈRK.   FLEUVES   IlE   1/AUSTRALIE.  77.1 

vert  en  1824  par  Hume  et  Ilovell.  Les  Grampians,  les  Pyrénées  de  Victoria, 
les  Alpes  et  les  montagnes  cùtières  tle  New  South  Wales  lui  envoient  tous 


LV    tiRANDE    BVRRIERK. 


l  ;    1 1  KftOftIlil 
0  5hO   kll. 

les  ruisseaux,  toutes  les  rivières  de  leur  versant  intérieur.  De  la  source 
la  plus  éloignée  du  système  fluvial,  la  Condamine  de  Queensland,  jusqu'à 
l'embouchure  dans  son  estuaire  de  South-Australia,  la  distance  est  d'au 


752  >'OUVELLE  GÊOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

moins  2000  kilomètres  ;  ensemble,  toute  la  surface  d'écoulement  dont 
l'eau  trouve  une  issue  par  la  bouche  du  Murray  comprend  une  étentlue  de 
plus  d'un  million  de  kilomètres  carrés  :  ce  bassin  dépasse  ceux  du  Tigre 
et  de  l'Euphrate  réunis;  il  est  plus  grand  que  celui  du  Danube,  plus  que 
celui  du  Saint-Laurent;  il  égale  le  bassin  du  Gange:  mais  quelle  différence 
dans  la  masse  liquide  !  Le  débit  annuel  du  fleuve  australien  est  seulement 
de  550  mètres  cubes  par  seconde  :  c'est  moins  que  la  portée  de  la  Seine'. 
C'est  à  peine  si  le  Murray  offre  assez  d'eau  pour  que  de  petits  bateaux 
à  vapeur  puissent  en  remonter  le  courant  inférieur  durant  la  saison  des 
crues;  en  dix  années,  de  l!S77  à  iSiSG,  le  Darling  n'a  pu  servi i' à  un 
faible  trafic  que  pendant  cinquante-sept  mois",  et  ses  affluents  sont  inna- 
vigables, si  ce  n'est  pour  de  simples  barques.  L'apj)ellation  fluviale  a  été 
justement  appliquée,  non  à  la  plus  longue  branche  de  la  ramure,  mais  à 
celle  qui,  grâce  à  la  direction  de  son  cours,  parallèle  à  l'axe  des  montagnes 
de  Victoria,  reçoit  la  plus  grande  (juantité  d'eau.  Le  Murray  naît  sur  les 
frontières  de  Victoria  et  de  New  South  Wales,  dans  les  Alpes  Austra- 
liennes, et  court  à  l'ouest,  en  s'unissant,  du  côté  t\o  sa  rive  gauche,  aux 
torrents  que  lui  envoient  les  montagnes  de  Victoria  :  c'est  ainsi  que  son 
flot  se  maintient  et  grossit  peu  à  peu.  Les  affluents  du  nord,  le  Lachian 
uni  au  Morrumbidgee,  et  surtout  le  Darling,  ont  une  longueur  de  cours 
beaucou|i  plus  considérable,  mais  ils  roulent  une  moindre  quantité  d'eau, 
et  parmi  les  sous-tributaires,  il  en  est  beaucoup  dont  le  flot  épuisé  se 
perd  dans  les  mares  avant  d'avoir  pu  atteindre  le  lit  du  courant  majeur. 
Tous  ces  cours  d'eau  s'é[)anchent  sur  le  sol  en  nappes  temporaires  ;  ils  ne 
sont  pas  formés  de  fonds  réguliers  avec  lits  de  sables  ou  de  graviers,  et 
méritent  à  peine  le  nom  de  rivières  '\ 

Sur  le  versant  oriental  des  montagnes  côtières  de  New  South  Wales  et  de 
(Jueensland,  les  fleuves  ont  une  abondance  relative,  grâce  à  la  lVé(|uence 
des  pluies  et  à  rim[)erinéabilité  des  loches  du  bassin  ;  mais  ils  n'ont 
jtas  assez  d'espace  poui- développer  leur  ramure,  et  leur  flot,  à  peine  issu 
des  montagnes,  se  perd  dans  l'Océan.  Sui'  ce  versant,  les  fleuves  les  plus 
considérables  sont  le  F'itzroy  et  le  Burdekin,  qui,  par  les  brèches  ouvertes 
entre  les  monts,  reçoivcnl  une  partie  de  l'eau  tombée  sur  les  pentes 
opposées.  Sur  le  revers  occidental  de  Queensland,  le  golfe  de  Carpentaria 
est  frangé  de  bassins  fluviaux,  Mitchell,  Gilbert,  Norman,  Flinders,  Leich- 
linnll,  Albert,  Roper,  n'a|>porlaiil  en  leni])s  oi'dinaire  qu'une  faible  quan- 

'  Wills,  Scullish  Gcoçjraphkal  Muyminc,  k\m\   1887. 
-  Uussell.  Journal  of  ihc  R.  Society  of  New  Soulli  Wales. 
'  W.  E.  Aliljotl.  iiK'mo  recueil. 


FLEUVES    DE   I/AISTR.VLIE.  1", 

lilé  (IVaii,  mais  témoignant,  |i;ir  leurs  cluses  creusées  à  de  grandes  pro- 
londeiirs  dans  les  rochers,  de  l'action  puissante  exercée  jadis  par  leurs 
courants.  Plus  pauvre  en  rivières,  la  côte  du  nord-ouest  n'en  a  guère  qui 
puissent  se  comparer  en  importance  à  celles  de  la  chaîne  côlière  orientale; 
l'une  d'elles,  qui  se  déverse  dans  le  Queen's  channel,  a  reçu  des  «loyaux» 
explorateurs  de  la  région  le  nom  de  Victoria.  Au  delà  vient  le  Filzroy, 
puis  sur  la  côte  occidentale  se  succèdent  plusieui's  bassins  fluviaux  de 
même  valeur,  ceux  du  Grey,  de  l'Ashhurton,  du  Gascoyne,  du  Murchison; 
mais  dans  presque  toutes  les  saisons  de  l'année  les  lits  de  ces  fleuves 
sont  des  chaînes  de  mares  à  demi  desséchées.  Ouant  aux  grèves  de  la  côte 
méridionale,  sur  la  longue  courbe  rentrante  de  !200U  kilomètres  qui  se 
dévelop[)e  du  musoir  sud-occidcnlal  de  l'Australie  au  golfe  de  Spencer, 
elles  ne  sont  pas  même  coupées  par  une  seule  embouchure  :  les  quelques 
ruisseaux  qui  se  forment  dans  l'intérieur  ne  parviennent  pas  jusqu'à  la 
mer.  Les  pluies  violentes  forment  des  rivières  temporaires  dans  les 
régions  arides  de  l'Australie,  et  l'on  comprend  combien  l'apparition 
d'un  véritable  courant  dans  un  lit  ordinairement  desséché  ravit  les  rares 
spectateurs  qui  en  sont  les  témoins.  Longtemps  avant  que  se  montre  le 
flot,  on  entend  le  sourd  mugissement  de  l'eau  qui  descend  en  brisant 
les  arbres  ou  les  arbustes  et  qui  les  roule  dans  son  lit  ;  le  bruit  devient  de 
plus  en  plus  fort,  puis  on  voit  un  filet  d'eau  serpentant  dans  les  sinuo- 
sités du  ravin  comme  pour  chercher  sa  voie,  et  soudain  arrive  avec 
fracas  la  grande  cataracte,  emplissant  bientôt  jusqu'aux  bords  la  tortueuse 
vallée  ' . 

Parmi  ,es  cours  d'eau  qui  s'arrêtent  en  route  dans  les  dépressions  do 
l'intérieur,  il  en  est  un  qui,  du  moins  par  l'étendue  de  son  bassin,  peut 
être  considéré  comme  un  véritable  fleuve  :  c'est  le  Cooper's  creek,  connu 
d'ailleurs  sous  d'autres  noms  dans  les  diverses  régions  qu'il  parcourt  :  une 
de  ses  sources  maîtresses  porte  cette  appellation  banale  de  Victoria  dont 
les  Anglais  ont  pris  à  tâche  de  recouvrir  le  monde.  Sur  un  espace  d'en- 
viron 600  kilomètres  du  sud-est  au  nord-ouest  s'étend,  à  travers  les  pâtu- 
rages du  Queensland,  la  zone  des  hautes  sources  du  Cooper's  creek.  Les 
tributaires  supérieurs  se  réunissent  pour  s'écouler  vers  le  sud-ouest,  paral- 
lèlement au  Darling,  puis,  après  s'être  égaré  çà  et  là  dans  les  marécages  des 
terres  basses,  le  fleuve  va  se  perdre  dans  la  dépression  du  lac  Eyre,  où 
se  déversent  aussi  d'autres  courants  venus  des  solitudes  de  l'Australie 
centrale  :  la  longueur  développée  du  Cooper's  creek  doit  être  d'au  moins 

•  Milcliell,  Tropical Australia. 


734  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

2000  kilomètres;  toutefois  le  cours  du  fleuve  n'est  pas  continu  pen- 
dant toutes  les  saisons  de  l'année:  souvent  il  n'est  indiqué  que  par  des 
mares  et  des  marais.  Les  lacs  changent  aussi  de  dimensions  et  de  forme 
suivant  la  durée  et  les  proportions  relatives  de  réva]ioration  et  des  pluies. 
Tantôt  ce  sont  des  mers  intérieures  dont  les  Ilots  battent  le  rivage  et  qui 
s'étendent  à  perte  de  vue,  sans  îles  ni  bancs  visibles;  tantôt  des  fanges 
sur  lesquelles  reluit  le  mirage,  ou  des  argiles,  blanches  d'efflorescences 
salines.  Pendant  les  sécheresses,  on  peut  sans  peine  traverser  à  cheval 
ces  prétendus  lacs;  ce  sont  les  baies  du  pourtour  (jui  d'ordinaire  con- 
servent le  plus  longtemps  les  vases  trompeuses  où  l'on  risque  de  s'en- 
lizer'  :  la  cause  en  est  aux  eaux  profondes  (|ui  suintent  de  l'intérieur  des 
terres  vers  les  criques  latérales.  1/orienfation  et  les  contours  du  lac  Eyre 
et  du  lac  Torrens,  qui  le  continue  au  sud,  comme  pour  aller  rejoindre 
le  golfe  de  Spencer,  portent  à  croire  que  ces  lacs,  maintenant  distincts, 
furent  autrefois  des  étendues  marines,  en  libre  communication  avec 
l'Océan;  la  dépression  terminale,  qui  est  certainement  la  jtarlie  la  plus 
creuse  du  continent  australien,  est  encore  à  21  mètres  au-dessus  du  ni- 
veau de  la  mer.  Le  lac  Gairdner  et  d'autres,  de  moindres  dimensions,  par- 
sèment les  régions  désertes  à  l'ouest  de  celte  dépression  médiane  du  lac 
Torrens.  Au  centre  du  conliuenl,  l'Amedeus,  lac,  mare  ou  saline  déserte, 
occupe  encore  une  dépression  du  sol;  enfin,  il  existe  dans  l'aride  Aus- 
tralie occidentale  plusieurs  cavités  du  même  genre,  habituellement  dési- 
gnées du  nom  de  lacs. 

Dans  les  bassins  bien  explorés,  connue  celui  du  Darliiig,  le  débit  des 
rivières  est  tellement  faible  en  comparaison  des  jiluies  tombées,  que  des 
auteurs  ont  cru  pouvoir  l'expliquer  par  l'existence  de  fleuves  souterrains 
coulant  au-dessous  des  argiles  superlicielles  et  emportant  vers  la  mer  ou 
vers  un  lac  caché  la  plus  forte  partie  des  eaux*.  Toutefois  il  est  une  part 
de  l'humidité  pluviale  qui,  sans  descendre  par  les  rivières,  séjourne  sur 
le  sol  en  des  sortes  de  vasques,  que  l'on  désigne  dans  les  pâturages  du 
Darling  sous  le  nom  de  fjilfjicx.  Dans  ces  plaines  horizontales  où  l'eau  tom- 
bée par  averses  s'étale  en  nappes  dépoiu'vues  de  tout  courant,  sans  puis- 
sance érosive  pour  se  creuser  un  lit  fluvial,  les  seules  dépressions  où  l'eau 
puisse  s'amasser  sont  les  crevasses  qui  se  sont  ouvertes  avant  les  pluies 
dans  le  sol  desséché.  Sous  l'action  de  l'humidité,  les  parois  mitoyennes  de 
ces  lézardes  s'affaissent  et  se  nivellent;  le  fond  des  cavités  s'égalise  peu  à 


<  Goyiler,  Pctcrmaiiii's  Mitlliciliiiiiicii.  ISG,',  llcll  VIU. 

*  Russell;  —  Atiliull,  Joiintal  ufllic  R.  Societij  of  ^ew  Soidli  Wnics,  1881. 


CLIMAT  m:  l.-.VrSTRALIE. 


735 


])(Mi  ;  dos  ciTux  (l'un  inèlic  ou  d'un  nièd'c  ol  demi  en  prolondeur,  cl  de 
dimensions  diverses,  de  quelques  mètres  à  100  mèlres  de  tour,  se  forment 
graduellement.  Il  est  aussi  des  gilgies  que  les  indigènes  ont  agrandies  et 
transformées  en  eiternes,  [umr  y  amasser  des  quantités  d'eau  eonsidéraMes. 
Le  climat  de  l'Australie  est  écrit  à  la  surface  du  sol.  A  la  vue  de  ces  ro- 
ches dénudées,  de  ces  plaines  sans  arbres,  de  ces  dépressions  sans  eau  qui 
occupent  la  plus  grande  partie  du  continent,  on  constate  les  traits  domi- 
nants de  la  météorologie  australienne.  Bien  (^l'environnée  d'eau,  l'Aus- 


isoTiitiïMKS  ni:  1, 


tralie  est  de  forme  trop  massive  pour  que  sou  climat  soit  insulaire  comme 
celui  de  l'Europe  :  par  la  sécheresse  de  l'air,  due  aux  contours  des  rivages 
et  au  relief  du  sol,  c'est  une  terre  essentiellement  continentale. 

Situé  pour  une  moitié  dans  la  zone  tropicale,  pour  une  autre  moitié  dans 
la  zone  tempérée  du  sud,  l'ensemble  du  lerritoir»^  offre,  de  la  péninsule 
d'\oik  à  la  pointe  de  Tasmanie,  une  longue  succession  de  degrés  isolher- 
miques  :  à  l'extrémité  septentrionale,  la  température  moyenne  atteint 
26  degrés  centigrades;  au  promontoire  du  sud,  elle  est  de  12  degrés  seu- 
lement; mais  ce  n'est  pas  avec  une  régularité  conforme  à  la  latitude  que 


756  NOUVELLE  GÉOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

se  sucmleiil  ces  diverses  tempéralures;  les  vents,  les  courants  et  les  mon- 
tagnes modifient  singulièrement  les  moyennes  normales,  les  élevant  sur  un 
point,  les  abaissant  sur  un  autre.  C'est  ainsi  que  le  reflux  du  courant 
équatorial  et  le  courant  polairt',  (jui  se  rencontrent  sur  les  eûtes  de 
Queensland  et  de  New  South  Wales,  en  inlluencent  diversement  la  tempé- 
rature. Le  conliaste  est  toujours  grand  d'un  versant  à  l'autre  des  monts. 
Dans  les  déserts  de  l'intérieur,  comme  dans  le  Sahara  d'Afrique,  les 
extrêmes  du  froid  au  chaud  offrent  un  énorme  écart,  de  — 9  à  50  degrés 
centigrades,  même  plus  encore,  d'après  l'explorateur  Slurt'. 

Le  vent  normal  de  l'Australie  est  l'alizé  du  sud-est  :  il  souffle  dans  la 
partie  inférieure  de  l'atmosphère,  tandis  que  dans  les  couches  d'en  haut 
passe  le  contre-alizé  du  nord-ouest.  Toutefois  le  grand  foyer  d'ajipel  que 
forment  les  solitudes  arides  de  l'intérieur  change  la  direction  régulière 
des  courants  atmosphériques  :  l'alizé,  infléchi  vers  la  côte,  se  transforme 
en  vent  d'est  ou  même  en  vent  de  nord-est  ;  de  tous  les  côtés  des  brises 
marines  se  portent  vers  les  terres.  Au  nord-ouest,  les  vents  de  l'Insulinde, 
qui  soufflent  en  hiver,  ne  sont  aulrr  chose  que  l'alizé  du  nord-est  qui  se 
dirige  de  l'hémisphère  septentrional  dans  celui  du  sud  et  change  de  direc- 
tion en  changeant  de  zone;  entre  ces  deux  aires,  des  alizés  du  sud-est  et 
(les  muuNSons  du  nord-ouest,  la  région  neutre  (jui  se  lialance  de  l'est  à 
l'ouest  et  du  nord  au  sud,  suivant  les  saisons,  correspond  d'une  manière 
générale  avec  la  péninsule  d'York\  Mais  au  sud  de  l'Australie  les  grands 
vents  d'ouest,  (|ui  soufflent  fréquemment  avec  force  et  même  en  tempête, 
trouvent  le  chemin  libre  devant  eux,  de  la  mer  des  Indes  à  l'océan  Paci- 
liquc,  cl  ne  se  détournent  que  rarement  de  leur  route.  Sur  le  continent 
même  d'Australie,  les  changements  de  vents,  surtout  en  été,  sont  géné- 
ralement accompagnés  de  convulsions  soudaines,  désignées  sous  le  nom  de 
huniers  ou  k  éclats  »  :  le  baromètre  baisse  rapidement,  le  vent  soulève  des 
nuages  de  poussière,  puis  l'orage  s'amasse,  la  foudre  gronde  et  les  pluies 
s'aballcnl  sur  le  sol;  à  Melbourne,  on  donne  à  ces  vents  soudains  de 
l'intérieur  le  nom  ûc  })rit:ldajicrs  on  «  briqueliers  »,  h  cause  des  tourbil- 


'  (^limal  cil-  diverses  villes  de  l'Australie  : 


Villes  et  leurs  latitudes.           Tcm 

liOratuir  ] 

Somerset   (N.  E.),   \ùo&  S. 

2Ô»,;): 

Brishane  (E.),  27"  28' S.  .    . 

21»,2 

Sydney  (E.),  53» 52' S.   .    .    . 

18" 

Mell)oiiriie(S.),57»49'  S..    . 

14" 

Adélaïde  (S.).  54''57'  S.    .    . 

\-".:> 

l'ertli  (S.  0.),  51«57'  S.    .    . 

17".  7 

(Uatli-ay) 


-  Alex.  WMiiiy.  JoiniKil  of  ilie  R.  Gcoifriipliiiat  i^oclctij,  1868. 


2"',20 

56",2 

+  5» 

55n.2 

I".33 

40».2 

4-2» 

58»,2 

t°,20 

450,7 

—  20,8 

46»,5 

t'",60 

45» 

+  1".2 

4.50.8 

O^.ôj 

440,6 

-  0".4 

45» 

O^.Si 

CLIMAT   DE   LVrSTliALIK. 


737 


PLUIES  m;  i.'vrsTRALii:  iinii:\TM.i 


Ions  lie  sable  qu'ils  eiiliniiienl.   il   iie  se  passe  pas  d'été  que  des  vents 
chauds,  analogues  par  les  effets  au  seiroeeo  d'Afrique,  ne  se  fassent  sentir 
plusieurs  fois  dans  les  régions  cultivées  du  littoral  australien.  La  tempé- 
rature   s'élève    brusque- 
ment, les  animaux  et  les 
liommes  se  sentent  épui- 
sés,   les   plantes    s'incli- 
nenl,  et  si  le  vent  chaud 
dure     trop     longtemps, 
toutes  les  feuilles  se  flé- 
trissent et  se  dessèchent 
comme  par  la  gelée. 

La  proportion  des 
pluies  diminue  rapide- 
ment du  littoral  vers 
l'intérieur  :  de  l'un  à 
l'autre  versant  des  mon- 
tagnes côlières,  la  préci- 
pitation de  l'humidité  se 
réduit  de  UKutii'-;  de  |)lus 
d'un  mèli'e  à  Sydnev, 
elle  n'est  pas  même  de 
40  centimètres  dans  les 
plaines  occidentales  de 
New  South  Wales,  et  cer- 
tainement elle  est  bien 
inférieure  encore  dans 
les  régions  centrales  de 
l'Australie,  oîi  les  vents 
n'arrivent  que  privés  de 
leurs  vapeurs.  Au  centre 
du  continent,  la  |)luie 
qui  tombe  annuellement 

à  la  station  de  tvbarlolte-  < "'" — 1 

Waters  (8»29' de  latitude 

méridionale)  est  seulement  de  1  1  i  millimètres,  et  parfois  toute  une  année 
se  passe  sans  une  seule  averse.  La  plus  grande  partie  du  continent  est 
trop  aride  pour  que  l'Européen  puisse  s'y  établir  et  en  cultivei'  ou  faire 
cultiver  le  sol.  Du  moins  le  colon  a-t-il  l'immense  avantagede  trouver   un 

XIV.  ■  93 


De  0. 


738  NOIVELLE  (iÉOGRAPUIK   UNIVERSELLE. 

climat  sain  dans  toutes  les  contrées  australiciinos  où  il  a  l)àti  ses  villes 
et  poussé  son  bétail.  La  salultrilé,  lel  est,  aux  yeux  des  immigrants  euro- 
péens, le  privilège  de  l'Australie  :  malgré  les  changements  ([n'impose 
une  vie  nouvelle,  les  Anglais  ne  soulTrent  ])oinl  de  leur  migration  vers 
l'autre  côté  du  monde,  et  même  la  durée  moyenne  de  l'existence  serait 
plus  forte  dans  la  deuxième  pairie  que  dans  la  première.  Il  est  passé  en 
proverbe  parmi  les  Australiens  que  les  vieillards  ont  un  renouveau  de  jeu- 
nesse en  débarquant  sur  leurs  plages. 


La  flore  australienne  offre  un  caiactère  très  original  :  il  n'est  guère  de 
provinces  végétales  mieux  délimiU'es  que  Faire  néo-hollandaise;  elle 
contraste  d'une  manière  étonnante  avec  celle  de  la  Nouvelle-Guinée, 
dont  elle  n'est  séparée  que  par  une  manche  sans  profondeur.  Cette 
originalité  de  la  flore  d'Australie  s'ex[)lique  par  la  longue  durée  des 
âges  écoulés  depuis  la  séparation  du  continent  méridional  ;  mais  on  s'é- 
tonne qu'une  terre  si  peu  variée  en  comparaison  de  l'Europe,  et  d'ailleurs 
occupant  une  moindre  surface,  |)0ssède  un  plus  grand  nombre  de  plan- 
tes :  c'est  à  12  250  que  l'on  évalue  les  espèces  végétales  du  continent  aus- 
tralien', et  sur  ce  nombre  on  compte  75MI  piaules  (jui  se  trouvent  seu- 
lement en  Australie  :  la  pointe  méiùdionale  de  l'.Vfiique  et  la  Nouvelle- 
Calédonie  sont  les  seules  parties  de  la  Terre  qui,  en  j)roj)ortion,  aient  une 
part  plus  forte  de  végétaux.  Dans  ces  trois  contrées,  cette  population  si 
pressée  d'espèces  distinctes  doit  avoir  une  même  cause  :  l'amoindrisse- 
ment graduel  d'une  aire  jadis  beaucoup  plus  étendue;  à  mesure  que  l'es- 
pace diminuait,  s'accroissait  la  densité  kilométrique  des  espèces  florales^. 
El,  phénomèru' remarquable,  ce  n'est  point  à  la  partie  tropicale,  c'est  au 
contraire  à  la  zone  tempérée  qu'appartient  la  plus  forte  |iroporlion  d'es- 
pèces, et,  dans  la  zone  tempérée,  ce  n'est  pas  la  région  pittoresque  et 
variée  de  l'orient,  c'est  l'aride  et  triste  Australie  occidentale  qui  offre  le 
plus  de  variété  dans  ses  formes  végétales  :  de  ce  côté,  par  conséquent,  les 
pertes  de  territoire  auraient  été  le  plus  considérables. 

Sinon  le  nombre  des  espèces,  du  moins  l'éclat  et  la  magnificence  delà 
végétation,  dépend  surtout  de  l'abondance  des  pluies.  C'est  ainsi  que  la 
belle  famille  des  palmiers,  que  l'on  croirait  devoir  trouver  seulement  dans 
la  partie  tropicale  de  l'Australie,  semble  pres(jue  indépendante  de  la  lati- 


'  EiT(l.  vnii  Miiellcr,  Pctcriiiiiiin's  Miltciliiifjcn.  188Ô,  Itell  Vit. 
*  Daltoii  lluolier,  On  llir  Flnvo  ojAiisiratiii. 


FLORK   DE   L'AUSTRALIi:.  739 

tilde  et  suit  le  bord  de  la  mer  Lien  au  sud  de  la  liiiiie  du  tropique.  Il  ji'y  a 
point  de  palmiers  sur  la  côte  aride  de  l'occident  ;  on  ne  les  voit  que  dans 
une  étroite  lisière,  le  long  des  rivages  du  nord  et  sur  ceux  de  l'est,  jusque 
dans  New  South  Wales,  où  des  lIclMona  de  25  mètres  en  hauteur 
ombragent  encore  les  pentes  des  collines,  au  sud  de  Sydney,  sous  le 
55°  degré  de  latitude.  Par  sa  llore  de  palmiers,  comme  à  tant  d'autres 
égards,  l'Australie  ressemble  à  l'AIVifiue  méridionale'.  Les  paiidanus  s'a- 
vancent moins  au  sud  que  les  palmiers  el,  le  long  de  la  côte  du  Queens- 
land,  ne  dépassent  pas  Moreton-bay.  Dans  son  ensemble,  la  flore  tro[»icale 
d'Australie  est  moins  originale  que  la  llore  tempérée  :  elle  possède  un 
grand  nombre  de  plantes  indiennes  et  malaises,  qui  lui  donnent  en 
maints  endroits  un  caractère  indonésien  ;  mais  on  y  trouve  aussi  quel- 
ques formes  toutes  spéciales,  n'occupant  qu'une  aire  très  faible  :  tels  sont, 
près  de  la  baie  de  Hanover,  au  nord-ouest  du  continent,  ces  remarijualdes 
capporis  (pii  croissent  à  une  hauteur  considérable  et  dont  les  branches, 
portant  des  fruits  aussi  gros  que  des  noix  de  coco,  se  reploient  gracieu- 
sement en  une  vaste  ombelle  ;  le  tronc  est  toujours  ventru,  en  forme  de 
navet,  ce  qui  donne  à  l'arbre  un  aspect  maladif  :  les  fruits  de  ce  cap- 
paris  sont  excellents,  et  la  gomme  blanche,  qui  découle  des  blessures  faites 
à  son  écorce,  ressemble  au  macaroni,  à  la  fois  de  couleur  et  de  gowt'. 
Parmi  les  plantes  australiennes  cantonnées  dans  un  étroit  espace,  les  bota- 
nistes ont  aussi  retrouvé,  sur  tes  montagnes  de  New  South  Wales,  des 
formes  appartenant  aux  contrées  septentrionales  de  l'Europe.  Hooker  énu- 
mère  38  de  ces  espèces,  renoncules,  gentianes,  myosotis,  séneçons,  dont 
les  deux  patries  sont  aux  antipodes  l'une  de  l'autre.  Depuis  l'arrivée  des 
Européens,  la  végétation  s'est  modifiée  d'une  manière  remarquable  :  c'est 
ainsi  que  le  chiendent  a  envahi  l'Anstialie  et  de  Va  s'est  répandu  dans 
la  Nouvelle-Calédonie  et  autres  lies.  D'apiès  Hooker,  on  Irouve  actuelle- 
ment dans  les  campagnes  qui  entourent  Sydney  plus  de  200  plantes  euro- 
péennes parfaitement  acclimatées,  c'est-à-dire  se  reproduisant  de  leur 
graine  sans  l'intervention  de  l'homme. 

Parmi  les  950  espèces  d'arbres  qui  atteignent  au  moins  9  mètres  de 
hauteur,  les  plus  communs  en  Australie  sont  ceux  dont  les  feuilles 
sont  petites,  finement  découpées,  n'ayant  qu'une  faible  évaporation  et 
n'offrant  que  peu  d'ombrage.  Le  genre  acacia  est  représenté  par  520 
espèces.  Les   casuarinées,  qui    n'oni  pas    de    feuilles,    mais   plutôt   des 


«  Oscar  Dnulc,  Pclcniiaiiirs  MiUliciliiiiiicii,  1S7S,  Ucft  1. 

*  George  Grey,  Two  E.rpeditions  in  Novtli-Wesl  niid  Wcslern  Aiislialia. 


740  NOL'VKLLK   (;i'; OGKAPUII'    INIVERSELLE. 

filaments,  sont  aussi  l'iul  iionilircuses,  de  môme  que  les  «  arhres  à  herbe  » 
ou  (jrass-lrees  {.raiilhin-rlned)  dont  l'ombelle  ressemble  en  effet  à  une 
énorme  touffe  d'herbe,  du  centre  de  laquelle  se  dresse  un  grand  roseau, 
couvert  d'étoiles  blanches  dans  la  saison  des  fleurs;  une  autre  curio- 
sité des  forêts,  dans  le  Queensland,  es!  une  sterculiacée  dite  butlle-tree 
ou  «  arbre  à  bouteille  ",  à  cause  de  sa  forme.  L'arbre  australien 
par  excellence  est  l'eucalyptus  :  enviimi  cent  vingt  espèces  de  celte 
essence  peuplent  l'Australie,  et  l'une  d'elles  est  ce  fameux  eucahjptus  glu- 
hihiK,  aucjuel  on  attribue  tant  de  qualités  curatives  et  qui  dépasse  tous  les 
autres  arbres  en  hauteur  moyenne,  si  ce  n'est  peut-être  le  icelUiigtonia  de 
rOregon  et  de  la  Californie  :  un  tronc  renversé  dans  une  forêt  de  Victoria, 
à  l'est  de  Melbourne,  n'avait  pas  moins  de  140  mètres  en  longueur.  Les 
eucalyptus  de  l'25  mètres  ne  sont  pas  rares  dans  les  ravins  de  Victoria  et 
de  la  Tasmanie;  mais  plus  au  nord  on  n'en  trouve  guère  qui  dépassent 
60  mètres  :  on  ignore  quelle  est  la  raison  de  ce  contraste.  Les  eucalyptus 
qui  croissent  dans  les  gorges  de  la  Tasmanie  poussent  droit  comme  des 
bambous,  et  les  premières  branches  ne  se  séparent  du  fût  qu'à  la  hau- 
teur de  15  ou  "20  mètres  :  quand  le  vent  souffle  dans  les  défilés,  les  lanières 
d'écoi'ce  qui  pendent  du  tronc  se  froissent  et  se  heurtent  avec  un  étrange 
bruit  de  grincements  et  de  plaintes.  Les  grands  eucalyptus  ne  se  montrent 
que  sur  les  pentes,  et  de  loin  on  ne  se  rend  poiiil  compte  de  leui's  prodi- 
gieuses dimensions'. 

L'Australie  n'a  guère  de  forêts  épaisses,  enchevêtrées  de  ramures  cl  de 
lianes,  comme  celles  des  régions  tropicales,  ni  même  de  futaies  aux  troncs 
pressés  comme  les  pinières  et  les  sapinières  tlu  nord.  D'ordinaire  les 
arbres  sont  fort  espacés,  comme  ctuixdes  parcs  anglais,  et  sous  leur  ombre 
s'étend  un  sol  gazonné  où  paissaient  autrefois  par  bandes  les  kangourous, 
remplacés  maintenant  |iar  les  moutons.  Ces  forêls  clairsemées  recou- 
vraient naguère  la  plus  grande  partie  du  versant  occidental  des  monts  de 
New  South  Wales  et  de  Queensland  ;  mais  plus  à  l'ouest,  vers  le  centre  de 
l'Australie,  ils  font  place  à  la  brousse  ou  scrub,  composée  généralement  de 
plantes  associées,  telles  que  des  acacias  et  des  eucalyptus  nains,  ou  des 
s[)\niÎG\  [triodia  irritans).  An  nord  du  tiS'' degré  de  latitude,  là  où  celle 
brousse  domine,  entremêlant  ses  aiguilles,  il  est  souvent  impossible  à 
homme  ou  bêle  de  se  frayer  un  chemin,  et  de  nomlneux  voyageurs  ont 
dû  changer  d'ilinéiairc  ou  retourner  sur  leurs  pas,  n'ayant  pu  forcer  le 
passage  à  travers  le  spiniléx.  Les  fourrés  d'eucalyptus  dnmosa ,  dits  maliie 

>  Jinirnal  iif  thi-  R.  Sorirlii  of  New  Soitlli  M'aies. 


FLORE   DE   L'AUSTRALIE.  743 

par  les  indigènes,  sont  également  nn  grand  obstacle  aux  explorations,  mais 
(in  peut  y  pénétrer  :  ils  ont  l'aspect  de  roseaux,  croissant  à  5  et  4  mètres 
de  hauteur  avant  de  se  ramifier  en  branches;  on  ne  distingue  nulle  part 
le  sol  sous  le  feuillage  uniforme  de  la  mer  de  verdure  dans  laquelle  dis- 
paraît le  voyageur  cherchant  à  s'ouvrir  un  passage.  (Juand  on  perce  une 
route  dans  les  fourrés  de  mallie,  la  tranchée  est  aussi  nette  que  celle 
d'un  chemin  bordé  de  murs'.  La  brousse  la  plus  facile  à  traverser  est  celle 
qui  se  compose  de  jne/«7('Mrfl,  arbustes  qui  ressemblent  au  myrte  et  qui 
laissent  des  espaces  libres  entre  leurs  touffes.  Les  indigènes  des  régions 
désertes  connaissent  une  plante,  le  pitchouri  (r/Hèo/.s/r/  lioim-oodli),  don[  les 
feuilles  réduites  en  poussière  les  soutiennent  pendant  les  longues  marches 
et  retardent  la  faim  ;  dans  les  combats  ils  mâchent  constammciil  le  pilcliouri 
et  leur  fureur  guerrière  s'en  accroît  jusqu'à  la  folie. 

Le  déboisement  de  l'Australie  a  depuis  longtemps  commencé.  Vers  1860, 
quelques  éleveurs  eurent  l'idée  d'étendre  les  terrains  de  pâture  en  tuant 
les  arbres  clairsem.és  des  forêts  qui  recouvraient  le  versant  des  monts.  Il 
eût  été  trop  long  et  lro|)  coûteux  d'abattre  les  eucalyptus  et  autres  grands 
arbres,  et  on  se  contenta  de  les  «  ceinturei'  «  en  enlevant  une  bande  cir- 
culaire d'écorce.  Cette  pratique  se  répandit  promptement  dans  la  contrée, 
et  en  1880  au  moins  les  trois  quarts  des  forêts  qui  se  trouvaient  dans  le 
bassin  du  Hunter  étaient  détruites  '  :  avant  longtemps  il  n'y  aura  plus 
un  arbre  dans  les  immenses  pâtis  de  l'intérieur.  La  disparition  des  forêts 
a  transformé  le  jilus  charmant  pays  en  un  espace  monotone  et  triste;  mais, 
par  un  phénomène  des  plus  remarquables,  la  quantité  des  j)luies  n'a  pas 
diminué  par  le  déboisement.  L'abondance  de  l'herbe  s'est  tellement  accrue, 
qu'en  certains  endroits  mille  moutons  trouvent  à  pâturer  là  où  les  éleveurs 
ne  pouvaient  en  garder  qu'une  centaine.  Les  eucaly|)tus  et  les  autres 
arbres  dont  les  racines  se  ramifiaient  au  loin  pour  aller  chercher  riiuuii- 
dité  nécessaii-e  n'en  laissaient  plus  aux  herbes,  qui  naissaient  lors  de  la 
chute  des  pluies  et  périssaient  dès  la  première  sécheresse  :  maintenant 
tout  ce  qui  suinte  dans  le  sous-sol  leur  est  réservé,  et  quand  de  fortes 
averses  tombent  sur  la  terre,  les  mille  tigelles  des  plantes  en  retien- 
nent l'eau  et  s'en  nourrissent". 

De  même  que  la  flore,  la  faune  de  l'Australie  est  d'une  physionomie  ca- 
ractéristique, témoignant  de  la  longue  durée  des  âges  pendant  lesquels  ce 
continent  du  sud  est  resté  séparé  de  l'Asie.  Parmi  les  160  espèces  de  mam- 

'  \Y;ilkce,  Auslraldsiii. 

«  W.  E.  Abbotl.  Journal  ,jf  the  R.  Sorictii  af  ycw  South  II'»/<-s.  1880,  vol.  XIV. 

'  Von  Leiiilenfi'Ul.  l'cti'nnaun's  Mitleiluiif/cn.  1888.  ii.  H. 


7il  .NOrVELLK   GÉOGnAI'llli:    IM VKRSKLLf;. 

niil'ères  que  possède  l'AusIr.iIic,  on  ne  rclcdiivc  (ju'iiii  lii's  |)clil  uoiubi'e  de 
formes  nippelant  celles  de  rhéniisphère  sepleiitrioiial  :  des  rais,  des  sou- 
ris et  uu  chien  à  demi  sauva<>e,  le  dingo,  qui  l'ut  pi'obajjlement  le  compa- 
i;non  des  premiers  immigrants  humains  du  continent  et  dont  on  trouve 
les  débris  dans  les  cavernes  à  ossements,  (els  sont  les  genres  qui  se  raj)- 
prochent  d'animaux  asiatiques  et  européens.  Mais  on  ne  trouve  en  Aus- 
tralie ni  éléphants,  ni  rhinocéros,  ni  singes,  ni  félins  d'aucune  sorte.  Les 
espèces  re])résentatives  dans  cette  partie  du  monde  sont  |)rincipalement 
les  marsupiaux,  qui  manquent  partout  ailleurs,  si  ce  n'est  en  Amérique, 
où  vivent  diverses  espèces  de  sarigues.  Les  fossiles  recueillis  dans  les 
dépôts  quaternaires  de  l'Australie  montrent  qu'à  une  période  déjà  loin- 
laine  la  faune  du  continent  ressemblait  à  celle  de  nos  jours,  mais  par 
des  animaux  de  dimensions  beaucoup  plus  grandes.  Vmdiprotodon,  espèce 
alliée  à  celle  des  kangourous,  était  à  peine  inférieure  à  l'éléphant;  d'autres 
avaient  la  laille  du  rhinocéros;  un  ])halanger  Carnivore  était  aussi  puis- 
sant qu'un  lion,  et  des  oiseaux  de  la  famille  des  émus  dépassaient  les 
autruches. 

De  tous  les  mammifères  australiens,  les  kangourous  et  les  animaux  de 
familles  rapprochées  sont  de  beaucoup  les  ]»lus  nombreux.  On  compte  une 
cinquantaine  d'espèces  distinctes  de  ces  marsupiaux,  dont  l'un,  le  grand 
kangourou  rouge,  a  plus  d'un  mètre  et  demi  de  hauteur,  et  pèse  jusqu'à 
l(M)  kilogrammes,  tandis  que  d'autres  ont  seulement  la  laille  du  lièvre  ou 
même  celle  du  rat.  Les  jiéramélides  ou  «  l'als-lapins  >-,  ([ui  ont  une  poche 
marsupiale  comme  le  kangourou,  mais  courent  à  la  façon  des  autres  qua- 
drupèdes, au  lieu  de  sauter  sur  les  deux  pattes  de  derrière;  les  phalangers, 
qui  vivent  sur  les  arbres  et  se  nourrissent  de  feuilles;  le  phascolomys,  qui 
se  terre  dans  le  sol  et  mange  des  racines;  les  dasyures  carnivores,  qui  s'at- 
laquent  aux  souris,  aux  oiseaux,  même  au  menu  bétail;  enfin  les 
ornilhorhyiupu^s,  au  bec  de  canard,  que  l'on  classait  autrefois  parmi  les 
oise^uix,  mais  qui  sont  des  mammifères  ovipares  ou  monoirèmes,  alliés 
aux  marsupiaux,  telles  sont  les  autres  bêles  caractéristiques  de  la  faune 
ausiralieune.  (Juant  aux  oiseaux,  forl  nombreux,  puisque  l'omis  com- 
prend 650  espèces,  150  de  jilus  (]ue  la  faune  européenne,  ils  ne  pré- 
scnlent  pas,  dans  leur  ensemble,  des  caraclères  distinctifs  aussi  tranchés 
que  les  mammifères.  Sans  doule  l'AusIralie  a  ses  émus,  ses  casoars  et  di- 
verses espèces  de  nu'i/alopodlus  qui  ne  couvent  pas  leurs  œufs  et  se  bor- 
nent à  les  recouvrir  de  broussailles;  mais  la  plupart  des  oiseaux  qui 
vivent  dans  ce  contincnl  du  >ud  apparlicnneul  aussi  aux  aires  insulin- 
dienne  et  asiati(]ue,  grâce  à  l'aile  qui  les  poite  au-dessus  des  bras  de  mer. 


FAUNE  DE   L'AUSTRALIE.  745 

Les  espèces  à  la  forme  élégante,  au  iihiniage  riclieinenl  coloré,  sont  à 
peine  moins  nombreuses  en  Australie  que  dans  la  Nouvelle-Guinée  et  les 
Mokujues  :  celles  qui  vivent  du  nectar  et  du  miel  des  fleurs  sont  propor- 
tionnellement mieux  représentées  que  les  auti'cs,  car  l'Australie  est  très 
riche  en  arlires  et  en  plantes  basses  qui  se  couvrent  de  fleurs'.  Toutefois 
d'autres  familles  d'oiseaux,  qui  se  trouvent  partout  ailleurs,  telles  que  les 
vautours,  les  faisans,  les  pies,  manquent  à  l'Australie.  Le  crocodile  ne  se 
voit  que  sur  les  côtes  du  continent  tournées  vers  l'archipel  malais.  Parmi 
les  ophidiens  d'Australie,  les  espèces  venimeuses  sont  très  communes.  Los 
autres  groupes  zoologiques,  poissons,  insectes,  mollusques,  offrent  aussi 
des  faunes  spéciales  d'une  grande  richesse  de  formes,  mais  déjà  grande- 
ment modiiiik's  dans  leur  distriliulion  par  l'arrivée  d'es[ièces  euro[)éennes; 
même  les  foi'èis  et  les  brousses,  [)res(jue  silencieuses  jadis,  se  sont  ani- 
mées de  chants  d'oiseaux  nouveaux  venus.  Plantes  et  bêtes  indigènes  sont 
refoulées  dans  l'intérieur  par  les  espèces  colonisatrices,  comme  l'Australien 
lui-même  par  l'étranger  de  race  blanche.  Non  seulement  les  Anglais 
ont  introduit  dans  le  continent  austral  tous  les  animaux  domestiques  de 
l'Europe,  ils  ont  aussi,  depuis  iîSiO,  lait  venir  des  chameaux  d'Asie,  avec 
leurs  conducteurs  afghans  et  baloulches,  et,  grâce  à  ces  immigrants, 
hommes  et  bêles,  habitués  à  la  traversée  du  désert,  on  a  pu  entre[)rendre 
en  Australie  des  ex[)éditions  qui  sans  eux  eussent  été  im|)ossibles. 


Par  conjecture,  on  évalue  à  150 OOU  ou  à  ^00  000  le  nombre  des  indi- 
gènes qui  habitaient  le  continent  avant  (pie  des  colons  européens  y  fon- 
dassent leurs  premiers  établissements.  La  population  eut-elle  été  deux  ou 
trois  fois  plus  considérable,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  l'Australie  était 
alors  presque  déserte  en  comparaison  de  son  étendue.  Mais  les  li'ibus  claii-- 
semées  sur  l'immense  surface  offraient  de  grandes  ressemblances  par  le 
type  et  le  langage,  et  la  plujiart  des  anthropologistes  s'accordent  à  voir  dans 
les  Australiens  des  hommes  d'une  seule  et  même  race,  constituant  un  grou])e 
bien  distinct  dans  l'ensemble  de  l'humanité.  Il  est  probable  toutefois 
qu'avant  l'immigration  européenne,  des  gens  d'origines  diverses,  jetés  par 
la  tempête  ou  suivant  un  itinéraire  maritime  depuis  longtemps  connu, 
avaient  pénétré  en  Australie  et  s'étaient  mêlés  à  la  population  primitive. 
Dans  son  voyage  d'exploration  à  travers  les  régions  nord-occidentales  du 
continent,  George  Grey  remarqua  dans  chaf[ue  tribu  la  présence  d'hommes 

'  Alfred  |{.  W^illace,  Àustralasia. 

XIV  94 


746  NOUVELLE  GEOGRAPHIE   IMVERSELLE. 

au  Icint  relativement  clair  qui  .semljJaicnl  disposer  d'une  certaine  autorité 
sur  leurs  compagnons  :  d'après  lui,  ces  guerriers  représentaient  un  élé- 
ment de  provenance  insulindienne  parmi  les  aborigènes  de  l'Australie, 
et  leuis  chiens,  tout  différents  du  dingo  d'Australie,  ressemblaient  aux 
chiens  malais  de  Timor'.  D'autre  part,  il  existe  dans  les  îles  du  détroit  de 
Torres  des  gens  à  chevelure  abondante  et  frisée  qui  sont  probablement 
de  même  provenance  que  les  Papoua\  Maer  ou  Murray-island  est  peuplée 
de  noirs  qui  ne  diffèrent  point  des  Néo-Calédoniens. 

Ouelle  que  soit  l'origine  de  ces  contrastes  parmi  les  indigènes,  diffé- 
rence de  race  ou  diversité  des  milieux  et  du  genre  de  vie,  le  type  ordi- 
naire des  Australiens  non  encore  avilis  jiar  une  existence  de  mendicilé  et 
d'opprobre  chez  les  colons,  est  celui  d'hommes  de  belle  taille  et  de  foite 
musculature,  ayant  le  front  bas,  mais  ample,  le  nez  épaté,  la  bouche  large, 
la  mâchoire  solide,  les  yeux  bruns  et  vifs,  abrités  par  des  arcades  sour- 
cilières  très  saillantes;  chez  les  Australiens  occidentaux,  l'évèque  Rude- 
sindo  Salvado  a  vu  quatre  aveugles,  mais  pas  un  sourd,  ni  un  muel,ni  un 
idiol.  Les  Australiens  sont  noirs  comme  les  Africains  de  Kigrilie,  mais  ils 
n'ont  pas  la  chevelure  laineuse;  leur  barbe  est  beaucoup  plus  fournie 
ipie  celle  des  nègres,  et  leurs  lèvres  ne  sont  pas  bouffies.  Leur  mollet  est 
peu  développé,  leurs  jambes  sont  grêles  et  les  pieds  fort  petits  et  |)lats. 
Kn  moyenne,  ils  le  cèdent  probablement  aux  Européens  en  force  physique, 
el  si  l'on  en  croyait  les  voyageurs  ipii  les  ont  vus  seulement  dans  des 
tanières  misérables  aux  abords  des  grandes  villes,  ou  les  chasseurs  qui 
les  ont  poursuivis  comme  gibier,  ces  naturels  seraient  des  êtres  de  forme 
grot(>s(]ue  et  d'aspect  repoussant  :  on  les  décrit  volontiers  comme  s'ils 
étaient  des  animaux  médiaires  entre  l'homme  et  le  singe  et  plus  rap- 
prochés de  ce  dernier,  car  on  se  laisse  facilement  entraîner  à  dire  du 
mal  de  ceux  auxquels  on  a  fait  tort.  D'autre  part,  ces  indigènes  décriés 
ont  trouvé  d'enthousiastes  défenseurs.  .Mitchcll,  qui  avait  pris  pour  guide 
dans  l'Australie  tropicale  le  noir  Yui'anigli,  (ju'il  appelle  «  son  compagnon, 
son  conseiller  et  son  ami  «,  déclare  expressément  que  les  Australiens 
de  son  escorte  étaient  i(  sui)érieurs  en  pénéti'ation  et  en  jugement  »  à 
ses  aides  blancs,  dont  il  n'avait  pourtant  pas  à  se  |ilaindre.  Au  point  de 
vue  |)hvsique,  la  supériorité  de  \uranigh  lui  paraissait  évidente  :  ><  Comme 
simple  écliantillon  d'histoire  naturelle,  (|uel  animal  civilisé  eût  pu  se 
com|)arer  à  l'indigène  par  la   beauté  des  dents,  la  ])uissance  de  la  diges- 

'  Journal  of  Iwo  E.rpeditions  ofdiscoi'cnj  in  jSoiili  Wcslein  and  Western  Auslralin. 
^  Juliii  Jardin.  JûM/vm/  ofthe  R.Geo(jrapliira}  Society  of  London  1806.-  —Mac  Gillivray.  loi/Of/c 
of  tlie  lîaUtesiialvo  :  —  Topinard.  BnUctiii  de  la  Société  d\\ntliroj)oto(iic.  tS7'2. 


INDIGENES  AUSTRALIENS.  747 

lion,  la  perfection  des  organes  de  la  vne,  de  l'onïe,  du  flair,  du  goùl, 
dn  tacl,  la  forée  à  la  marche,  à  la  course,  à  l'escalade  des  arbres,  la 
libre  el  fière  santé,  l'intensité  de  l'existence' »?  En  moyenne,  les  tribus 
supérieures  ont  le  teint  plutôt  cuivré  que  noir.  Les  crânes  australiens 
sont  presque  tous  dolichocé[)hales.  La  partie  de  l'Australie  oîi  les  indigènes 
paraissent  être  le  plus  dégradés  physiquement  est  l'aride  région  cen- 
trale, oîi  l'homme,  amaigri,  rabougri  par  la  faim  et  la  soif,  passe  son 
existence  à  fouiller  le  sol  pour  y  trouver  des  racines  et  quelque  veine 
d'eau.  Il  existerait  même  des  tribus  accoutumées,  ainsi  que  leurs  chiens, 
à  laper  l'eau  de  mer".  Les  plus  beaux  des  Australiens  étaient  ceux  de  la 
côte  orientale,  oii  la  nature  clémente  leur  fournissait  en  abondance  l'eau 
et  la  nourriture  nécessaires,  y  compris  d'ailleurs  des  mets  qui  étonnent 
l'Européen  :  c'est  ainsi  que  le  mont  Bogong  tire  son  nom  des  chenilles 
que  les  indigènes  y  ramassaient  par  milliards  pour  leurs  repas". 

C'est  par  centaines  que  l'on  énumèreles  tribus  de  cette  race  australienne, 
elle-même  composée  seulement  de  quelques  milliers  d'individus.  En  certains 
districts  on  compte  autant  de  langages  qu'il  y  a  de  peuplades  ou  de  groupes 
de  fiimilles  épars.  En  d'autres  régions,  au  contraire,  les  dialectes  des  indi- 
gènes se  ressemblent  sur  une  assez  grande  étendue.  Des  bords  du  Ilaw- 
kesbury  à  ceux  de  Moreton-bay,  sur  un  espace  d'environ  GOO  kilomètres 
du  sud  au  nord,  les  Australiens  se  comj)renaient  sans  trop  de  difllcullé*. 
De  même,  les  habitants  de  la  côte  sud-occidentale,  entre  la  baie  de  liame- 
lin  et  King  George-sound,  n'ont  pas  de  différences  notables  dans  leurs 
dialectes ^  On  cite  aussi  comme  formant  une  seule  aire  glossologique  toute 
la  région  comprise  entre  le  Cooper's  creek  et  le  Darling  moyen ,  sur  un  espace 
de  plus  de  lOtlOOO  kilomètres  carrés,  et  l'on  attribue  l'étonnante  ressem- 
blance des  parlers  à  ce  fait  que  l'extrême  sécheresse  de  la  contrée  oblige 
les  indigènes  à  se  grouper  en  été  autour  des  points  d'eau,  à  suspendre 
toutes  hostilités  et  à  former  temporairement  comme  une  grande  nation. 
D'autre  part,  les  tribus  du  bas  Darling,  habitant  une  contrée  où  l'eau  et  la 
végétation  ne  manquent  jamais,  ont  pu  se  tenir  à  l'écart  les  unes  des 
autres  depuis  un  temps  fort  long,  et  leurs  langages  se  sont  par  conséquent 
très  diversifiés.  On  peut  en  juger  par  les  noms  que  ])orteiit  les  peuplades 
de  cette  région  et  qui  tous  signifient  exactement  la  même  chose.  Ce  sont 


'  Tropical  Atislialia. 

-  Do  Fivycinot:  —  Stokes;  —  Tniiinanl,  Ruces  indiyèues  de  t'Austialie. 

5  Von  Lcndenl'cld,  Deutsche  Rundschau  fur  Géographie,  nov.  1888 

*  Dawson,  The  Présent  stnte  of  Australia,  1850. 

•^  George  Groy,  Journal  of  two  Expéditions. 


748  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

les  Boiii-a-Boura,  les  Baraha-BaraLa,  les  Ouati-Ouali.  Ouaïki-Ouaïki, 
Litchi-Lilchi.  Darli-Darli,  Yari-Vari,  ethniques  dont  le  sens  est  celui  de 
«  Kon-A'on  '  "  :  c'est  par  un  mode  de  penser  analogue  que  la  France 
s'est  trouvée  divisée  en  Langue  d'Oui  et  Langue  d'Oc.  Ce  qui  contribue  à 
diflérencier  i-apidement  les  dialectes,  c'est  que  le  respect  dû  aux  morts 
oblige  les  survivants  à  tabouer  pour  un  temps  ou  pour  toujours  un  grand 
nombre  de  mots  qui  se  rapportaient  audéfuni  ou  qui,  par  une  assonance 
quelconque,  paraissaient  s'y  rapporter". 

Quelles  que  soient  les  différences  entre  lesparlers  australiens,  ils  se  res- 
semblent tous  à  maints  égards.  Ils  sont  polysyllabiques  et  agglutinants  au 
moyen  de  suffixes  très  riches  en  voyelles  et  harmonieux.  Les  aspirations 
sont  j)eu  marquées  et  les  sifflantes  manquent  complètement;  l'accent 
tombe  ordinaii'ement  sui-  l'avanl-dernière  syllabe.  Les  onomatopées  sont 
très  communes  et  tous  les  objets  perçus  par  les  sens  sont  désignés  par 
un  grand  nombre  de  termes  synonymes  ou  ilu  moins  passant  pour  tels 
chez  les  étrangers  qui  interrogent  les  naturels.  Mais  si  lu  langue  abonde  en 
mots  descriptifs,  elle  est  d'une  extrême  pauvreté  en  expressions  abstraites 
et  les  noms  de  nombre  manquent  :  on  a  dit  de  certaines  tribus  austra- 
liennes qu'elles  comptaient  seulement  jusqu'à  trois,  au  plus  jusqu'à  cinq. 
En  l'absence  d'une  conna  issance  ])récise  des  langages  d'Australie,  on  a 
essayé  de  les  classer  d'après  quelques  indices  ou  points  de  détail;  mais 
ces  tentatives  ont  donné  des  résultats  différant  beaucoup  les  uns  des 
autres.  En  tout  cas,  les  idiomes  lasmaniens,  dont  il  reset  un  vocabulaire, 
étaient  considérés  comme  formant  un  groupe  distinct.  Au  j)oint  de  vue  des 
traits  et  de  l'aHure,  les  Tasmaniens  semblaient  se  rapprocher  des  Mélané- 
siens plus  que  les  tribus  du  continenl. 

Aux  grandes  diversités  physiques  des  indigènes  australiens  correspon- 
dent (le  non  moindres  différences  morales;  aussi  les  voyageurs  ont-ils  pu. 
suivant  les  populations  qu'ils  ont  visitées,  en  fiiire  des  tableaux  complète- 
ment distincts,  vrais  les  uns  et  les  autres,  mais  que  l'on  aurait  tort  de 
considérer  comme  représentant  rens(Mnble  de  la  race.  Les  uns  vantent 
leur  fierté  native,  leur  courage,  li'ui-  respect  de  la  parole  donnée;  les 
autres  parlent  d'eux  comme  de  lâches,  de  menteurs  et  de  traîtres.  Une 
des  accusations  que  l'on  porte  le  plus  fréquemment  contre  les  Australiens 
est  qu'ils  maltraitent  leurs  femmes  et  les  accablenl  de  tiavail.  et  dans 
la    phipaLl  des   familles   cette  accusation  n'est  que  trop  fondée.  11  n'est 


'  PcliT  Bevcrigdi-,  Journal  of  llic  R.  Society  o( iScw  Soulli  Walcs.  \S8Ô. 

*  A.  Biislian    Bcsiicli  in  San  Salvador:  —  Léun  Melcimiluiv,  Notes  manuscrites. 


INDIGÈNES  AUSTRALIENS.  749 

pas  sans  exemple  que  des  femmes  aient  conquis  un  certain  ascendant 
moral  dans  leurs  tribus,  mais  d'ordinaire  elles  sont  traitées  en  esclaves; 
non  seulement  elles  ne  peuvent  pas  manger  devant  les  hommes  et 
mainte  noui'rilure  leur  est  interdite,  mais  elles  sont  tenues  à  témoigner 
dans  leur  langage  et  leur  attitude  une  sorte  d'adoration,  et  le  moindre 
manquement  est  cruellement  [)uni  :  le  mari  peut  tuer,  même  brûler 
sa  femme,  sans  que  parents  ou  amis  aient  le  droit  d'intervenir;  il 
peut  en  jeter  le  cadavre  à  ses  chiens,  car  l'épouse  est  sa  chose,  une  pro- 
priété de  laquelle  il  a  le  droit  d'user  et  d'abuser  à  son  caprice.  Et  cepen- 
dant un  constate  en  xVustralie  des  traces  d'un  ancien  état  matriarcal  :  c'est 
le  plus  souvent  par  les  mères  que  se  transmettent  le  nom,  la  parenté,  le 
rang  et  la  fortune. 

La  polygamie  est  générale  dans  les  peuplades  australiennes,  et  l'on  a  vu, 
dans  la  partie  nord-occidentale  du  continent,  des  riches  acquérir  jusqu'à 
dix  femmes.  Dans  quelques  tribus  l'exogamie  est  de  rigueur  et  tout  ma- 
riage contracté  avec  une  femme  du  même  clan  est  considéré  comme  un 
inceste;  en  d'autres,  au  contraire,  l'union  entre  proches  parents  est  hono- 
rable'. Ici  les  mariages  se  font  par  un  enlèvement  vrai  ou  simulé,  ailleurs 
il  n'y  a  d'autre  formalité  que  le  payement.  La  chasteté  n'est  pas  une  vertu 
australienne.  Les  iîlles  ne  sont  point  surveillées  et  les  époux  font  sou- 
vent hommage  de  leurs  femmes  à  des  amis  ou  à  des  voyageurs;  s'ils 
punissent  l'adultère  par  des  coups  ou  par  la  mort,  c'est  comme  atteinte  à 
leur  droit  de  propriété;  le  complice  de  la  femme  est  simplement  tenu 
pour  un  voleur,  et  comme  tel,  il  doit,  protégé  d'un  bouclier,  se  tenir 
à  distance  du  mari  et  servir  de  cible  à  ses  projectiles  pendant  quelques  mi- 
nutes; d'ordinaire  il  subit  cette  épreuve  sans  recevoir  de  blessure. 
L'achat  des  femmes  par  les  riches  a  pour  conséquence  d'en  priver  les  pau- 
vres et  les  jeunes  gens  :  ce  sont  des  hommes  faits  et  des  vieillards  qui  pos- 
sèdent presque  toutes  les  femmes  de  la  tribu  ;  les  autres  doivent  rester 
célibataires  ou  se  contenter  de  vieilles  divorcées.  La  pénurie  d'épousées  est 
d'autant  plus  grande  dans  la  plupart  des  peuplades  australiennes  que  le 
nombre  des  femmes  est  de  beaucoup  inférieur  à  celui  des  hommes,  non, 
comme  on  l'a  dit,  parce  que  les  naissances  féminines  sont  plus  rares, 
mais  parce  que  les  femmes  ont  beaucoup  plus  de  dangers  à  courir  dans 
leur  courte  existence,  accouchements  précoces,  travaux  excessifs,  mauvais 
traitements,  attaques  nocturnes,  redoutables  surtout  pour  les  faibles  et  les 
désarmés.  Chez  de  nombreuses  tribus  l'infanticide  est  commun,  et  d'ordi- 

'  Loiiin(.'r  Fison  and  A.  "\V.  llowill.  KamiUiroi  iiiid  Kiiriidi,  Grovp  Miirricujc,  elc. 


750  NOUVELLE   fiÉOGRAPUlE   U?(IVERSELLE. 

naire  ce  sont  les  filles  que  l'on  tne,  en  les  enterrant  vives  aussilôl  après 
leur  naissance'. 

Les  enfants  qui  survivent  sont  ti'aités  avec  beaucoup  de  douceui'  :  jamais 
on  ne  les  frappe  ;  ils  grandissent  librement,  suivant  leurs  aînés  à  la  chasse 
et  à  la  guerre.  Cependant  on  leur  impose  des  épreuves  ou  burn  avant  de 
les  admettre  au  nombre  des  égaux.  En  un  grand  nombre  de  trilnis  on  leur 
arrache  ou  on  leur  casse  deux  incisives  de  la  mâchoire  supérieure;  la  plu- 
part des  jennes  gens  subissent  la  circoncision  ou  même  diverses  espèces  de 
mutilations  très  douloureuses;  eulin,  ils  ont  à  forcer  un  kaiigoui'ou  à  la 
course,  à  rester  seuls  et  sans  nourriture  dans  la  forêt  pendant  plu- 
sieurs jours  au  risque  de  leur  vie,  à  se  laisser  torturer  sans  se  plaindre; 
chez  les  Kurnaï  de  l'Australie  méridionale,  les  épreuves  se  terminent  par 
un  sommeil  magnétique,  au  sortir  duquel  les  jeunes  gens  se  réveillent 
«  hommes  »  ;  c'est  alors  seulement  qu'on  les  revêt  de  la  ceinture,  des  bra- 
celets, du  bandeau  frontal  et  d'autres  ornements  qui  témoignent  de  la  viri- 
lité*. D'ordinaire  les  cérémonies  d'initiation  précèdent  les  corrobori, 
réunions  qui  se  tiennent  aux  jours  de  pirine  lune  et  qui  sont  à  la  fois  des 
assises  de  justice,  des  parlements,  des  cérémonies  d'alliance  entre  tribus, 
et  se  terminent  par  des  représentations  théâtrales,  des  fêtes  et  des  orgies. 
Une  fois  initié,  le  jeune  homme  peut  prendre  part  aux  chants,  aux  tour- 
nois oratoires,  aux  danses;  comme  membre  du  clan,  il  reçoit  sur  la  poi- 
trine ou  sur  la  cuisse  les  entailles  du  kubuHij,  c'est-à-dire  l'emblème  na- 
tional, plante  ou  animal,  pareil  au  totem  des  Peaux-Rouges  d'Amérique; 
mais  son  blason  est  parfois  bien  modeste  :  un  insecte,  une  simple  fourmi, 
une  araignée.  11  doit  désormais  témoigner  de  sa  vénération  pour  le  talis- 
man qui  symbolise  le  groupement  des  familles,  et  se  tenir  pour  soli- 
daire de  tous  ceux  qui  le  portent  comme  lui,  de  tous  les  objets  de  la  na- 
ture qui  sont  associés  à  son  kobong;  ainsi,  lors  des  obsèques,  il  faut  veiller 
à  ce  que  le  cadavre  soit  couché  sous  un  arbre  considéré  comme  étant  du 
même  clan  ''.  Souvent  le  kobong  est  le  seul  tatouage  des  indigènes,  mais 
il  y  a  des  tribus  qui,  au  moyen  de  coquillages,  se  couvrent  le  corps  de 
cicatrices  symétriques  d'un  dessin  grossier.  Sur  les  côtes  du  nord-est,  les 
indigènes  suivent  aussi  la  mode  })a|)oua  de  se  perforer  la  cloison  du  nez 
et  d'y  introduire  un  morceau  de  bois  ou  un  os  de  kangourou,  qui  gène 
leur  respiration  et  les  oblige  à  tenir  la  houehe  ouverte.  Suivant  les  cir- 
constances diverses,  guerres,  fêtes  ou  deuils,  ils  se  peignent  le  corps  et  la 

'  Gerland  (Wallz),  Anthropologie  (1er  ISahirvdIl.cr. 

^  W.  Uowitt,  Journal  of  ihe  Antliropologicdl  histiliile,  1884. 

'  llowill;  Viiou'^h  $m\lh;Élie  Hcdui^,  Pa't'tie  (rAnllinij)olo(iie,   I  j  juin  1S87. 


INDIGENES  AUSTRALIENS. 


751 


figure  de  couleurs  eu  couche  éj)aisse,  l'ouge,  jaune,  lilanche  ou  noire  : 
le  rouge  est  la  couleur  sacrée  (|ui  indique  les  grandes  circonstances  de 
la  vie. 

Avant  l'arrivée  des  Européens,  les  naturels  de  l'Australie  étaient  nus  ou 
portaient  seulement  quelques  chiffons  ou  des  ceintures  de  fdnes,  du 
moins  dans  la  région  tropicale;  dans  les  contrés  plus  froides  du  sud,  les 


N      150.    POPULATIOXS    ET    LANGUES    DE    I.  AUSTRALIE    AD    MrLlEU    IIU    DfX-NEUVIEME   SIECLE. 


Est  de  Par.s 


Le   poilltilli'!   ill(lit|lie  li'S  rë^L^n^  un  ic  wuuiinriun^   11  Li.iii   !■.■:>  i  11   1 

iilarquciU  l(>s  limiles  île  queicpies  ilialecte: 


lliOO  kil. 

le  iKuimeraiip  n'i'tait  pas  en  usage;  les  autres  gris 


femmes  s'habillaient  d'une  tunique  en  peau  de  kangourou.  Dans  l'Aus- 
tralie du  nord,  les  naturels  se  peignent  la  figure  et  le  corps  de  diverses 
couleurs;  près  du  port  Darwin,  les  bariolages  blancs  tracés  sur  le  fond 
noii"  de  la  figure  lui  donnent  de  loin  l'aspect  d'une  tète  de  mort.  Il  en  est 
du  vêtement  et  de  la  toilette  comme  des  habitations,  qui  varient  à  l'infini  : 
ici  grottes  ou  pierres  d'abri,  ailleurs  ajoupas,  clayonnages,  huttes  ou 
même  constructions  en  pierre.  Quant  aux   armes,   elles  sont  aussi  fort 


752  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

diverses  ;  mais  on  ne  connaissait  l'arc  cl  la  llèche  que  sur  une  faible 
étendue  du  littoral  de  l'est.  Les  lances,  les  massues,  les  javelots,  sont  les 
arniej  ordinaires,  et  pour  donner  à  leurs  dards  légers,  pointe  de  silex  ou 
arête  de  poisson,  une  portée  et  une  sûreté  plus  grandes,  les  naturels  en 
augmentent  le  poids  au  moyen  d'un  bâton  attaché  à  la  baguette  de  jet  ;  en 
certains  endroits  les  indigènes  se  servent  encore  de  haches  en  pierre  non 
polie.  Mais  l'arme  curieuse,  celle  que  si  peu  d'Européens  ont  réussi  h  ma- 
nier, est  le  houmcrançj,  cette  palette  courbe  qui  tourbillonne  par  un  mou- 
vemenl  d'li('licc  dans  ladircclion  du  but,  puis,  après  avoir  frappé,  revient 
vers  celui  qui  l'a  lancée.  Le  génie  inventif  qui  a  permis  à  l'Australien  de 
trouver  cette  arme  merveilleuse  lui  a  fait  découvrir  aussi  des  procédés 
fort  ingénieux  pour  la  chasse,  la  pèche,  la  navigation;  cependant  les  Tas- 
maniens  ne  connaissaient  ni  le  bâton  de  jet,  ni  le  boumerang,  ni  même 
les  barques,  quoique  vivant  dans  une  île  entourée  d'ilôts.  Les  populations 
riveraines  du  détroit  de  Torres  et  de  la  mer  d'Arafoura,  chez  lesquelles 
les  élémenls  papoua  paraissent  en  certains  endroits  avoir  la  jirépondé- 
rance,  ignorent  le  boumerang.  La  forme  de  cette  arme  bizarn»  varie  beau- 
coup suivant  les  tribus. 

La  propriété  des  clans  est  parfaitement  délimitée,  et  souvent  chaque 
individu  possède  dans  ce  domaine  collectif  un  espace  que  nul  ne  lui  dis- 
pute. On  ne  peut  pénétrer  chez  lui  qu'avec  son  autorisation  expresse,  après 
s'être  présenté  comme  suppliant,  sans  armes,  et  en  tenant  dans  sa  main 
des  branches  vertes.  D'ailleurs,  l'Australien,  le  dernier  parmi  les  peuples 
cultivateurs,  ne  sait  utiliser  son  champ  (pie  |»our  la  culture  des  ignames, 
de  même  qu'il  n'a  su  associer  à  sa  vie  qu'un  seul  animal,  le  cliieu  dingo. 
L'industrie  est  assez  développée  dans  cerlaines  tribus  pour  (ju'elles  éprou- 
vent le  besoin  d'échanger  leiiis  pnidiiils.  vêlements  de  peau,  fdets  de 
fibres  végétales,  têtes  de  javelots,  pigments  de  couleurs  diverses.  Les  inter- 
médiaires de  ce  commerce  sont  des  hérauts  (lujaUa  uuatô]  élus  solennelle- 
meiil,  (|ui  leprésenlenl  leurs  conipalriules  auprès  des  Iribus  voisines  dont 
ils  parlent  les  dialectes;  grâce  à  des  mois,  à  des  signes  de  passe,  à  des 
«  bâtons  écrits  »',  ils  peuvent  se  présenter  jiartout  avec  confiance;  même 
en  lem|)s  de  guerre,  leur  personne  est  sacrée  '. 

Le  développement  remarquable  de  certaines  tribus  australiennes  se 
manifeste  surtout  par  leur  connaissance  des  cieux  étoiles.  Ils  donnent  aux 
diverses  conslellalions  les  noms  de  héros  légendaires  et  savent  exactement 


liroiif;h  Siiiylli,  ouvrage  cité. 
Peler  Iievcrici|.'c,  momoire  cité. 


95 


INDIGKNES  AUSTRALIENS.  7^5 

décrire  leur  position  ii';ij)rès  les  huit  poiiils  diviscuis  de  |;i  s|ilièic; 
la  marche  ilc  la  lune  et  des  étoiles  leur  permet  de  cecouuaître  les  heures 
avec  une  <>rande  précision  :  c'est  dire  que  la  pauvreté  de  leur  langage  en 
noms  de  nombre  ne  les  empêche  nullement  d'avoir  le  sens  exact  de  la  me- 
sure et  de  combiner  leurs  éléments  })rimitil's  avec  assez  d'habileté  poui- 
arriver  à  une  géométrie  rudimentaire.  Ils  apprennent  les  langues  avec  une 
extrême  facilité,  et  sur  les  bancs  des  écoles  où  leurs  lils  sont  assis  à 
côté  des  blancs,  ceux-ci  ne  sont  j)as  toujours  les  premiers.  I.a  facilité  lin- 
guistique des  Australiens  tient  })robablemenl  à  rexlrême  iinesse  de  leui- 
ouïe.  Ils  n'ont  point  d'instruments  de  musique,  si  ce  n'est  de  grossiers 
landjours,  tendus  en  peau  de  kangourou,  et  dans  quelques  tribus  du  sud 
une  espèce  de  flûte  dont  ils  jouent  avec  le  nez'  ;  mais  ils  chantent  fréquem- 
ment, dans  la  joie  ou  la  tristesse,  dans  la  passion  guerrière  ou  poui' 
tromper  la  faim;  ils  chantent  aussi  pour  se  remémorer  les  événements  qui 
les  intéressent.  Comme  les  Bushmen  de  l'Afrique  méridionale,  auxquels  on 
les  a  si  souvent  comparés,  ils  aimaient  à  l'eprésentei'  des  ligures  humaines 
et  des  formes  d'animaux,  sur  les  vêtements  de  peau,  les  écorces  d'arbres, 
les  parois  de  rochers.  Les  peintures  vues  par  Grey  au  nord-ouest  de  l'Aus- 
tralie, sur  les  bords  du  Glenelg,  sont  polychromes,  noires,  rouges,  jaunes, 
blanches,  bleues,  enduites  d'une  gomme  qui  rclJ'vc  l'éclat  des  couleurs, 
tout  en  les  protégeant  contre  les  intempéries.  Dans  la  partie  centrale 
du  continent  on  remarqui^  surtout  des  images  de  serjienls,  charbonnées 
ou  peintes  av(>c  de  l'ocre.  Telle  ligure  l'cpi'oduite  par  Gr(>y  rappelle 
celles  d'apôtres  byzantins  entourés  de  leur  nimbe  di^  lumière.  Le  voyageui' 
remarqua  aussi  une  tète  en  relief,  fort  bien  scul|ilée  sur  un  rocher  de 
grès.  Enfin,  quelques  signes  tracés  au-dessus  d'un  personnage  vêtu  d'une 
longue  robe  rouge  ressemblaient  tellement  à  des  caractères  d'écriture,  qu'on 
ne  pouvait  s'empêcher  d'y  voir  une  inscription.  11  semblerait  naturel  d'at- 
tribuer ces  dessins  à  des  visiteurs  venus  de  l'insulinde  voisine,  si  préci- 
sément les  œuvres  les  moins  grossièrement  exécutées  n'étaient  pas  celles 
que  l'on  a  découvertes  à  distance  de  la  côte*.  D'ailleurs  on  a  trouvé  aussi 
des  figures  gravées  sur  les  roches  des  monts  orientaux,  dans  le  (jueensland 
et  le  New  South  Wales. 

Les  funérailles  varient  singulièrement  selon  les  tribus.  Ici  on  brûle  les 
morts,  ailleurs  on  les  enterre  ou  on  les  expose  sur  des  pierres  ou  des  bian- 
ches  d'arbres.  Dans  l'Australie  du  Sud,  on  les  ensevelit  en  tournant  leur 


J.  I,.  Stolîes,  Disc<ii'eiies  in  Aiistrutia. 
George  Gi'ev,  ouvrage  cité. 


756  AOIVELLE  (;É Of;RAI'IIIE   IMYERSELLE. 

tôte  M'i'S  II'  soleil  Icvanl.  cl  on  allume  un  feu  près  de  la  tombe  jtour  chas- 
ser les  mauvais  esprils;  dans  la  pres(|u'ile  de  Caipenlaiia  on  les  place  sui- 
des promonloires.  A  l'exlrémité  même  du  cap  Yock,  un  îlol  escarpé,  d'une 
centaine  de  mètres  en  hauteur,  se  dressant  comme  uneseulinelle  des  mers, 
porte  sur  une  de  ses  terrasses,  entourée  de  [)récipiees,  un  énorme  monceau 
de  crânes,  retenu  sur  le  pourtour  par  un  cercle  de  pierres  et  surmonté 
d'une  tige  de  bambou  :  nul  site  plus  solennel  et  témoignant  d'un  plus 
grand  sentiment  poétique  n'aurait  pu  être  choisi  pour  l'ossuaire  de  la 
communauté'.  En  de  nombreuses  jieuplades,  notamment  au  nord  du  con- 
tinent, la  mère  se  coupe  un  doigt  lors  de  la  mort  de  chafjue  enfant.  Chez 
quelques  tribus  les  funérailles  sont  accompagnées  de  scènes  d'antliro|(oplia- 
gie.  Ouand  un  homme  périt  dans  la  jeunesse  ou  dans  la  force  de  l'âge,  ses 
proches  parents  et  ses  amis  se  croient  tenus  de  le  manger  pour  lui  témoi- 
gner leur  affection.  Dans  l'Australie  du  Sud,  l'enfant  qui  meurt  malade 
est  dévoré  par  eux  :  c'est  la  mère  qui  mange  la  tète,  dans  l'espérance  qu'elle 
fera  ainsi  renaître  celui  qu'elle  a  perdu,  et  les  enfants  de  la  famille  ont 
chacun  leur  part  du  funèbre  repas*;  en  d'autres  tribus,  la  mère  doit  garder 
le  cadavre  de  l'enfant  pendant  des  mois  entiers '".  Un  usage  général  est 
aussi  de  manger  les  cadavres  des  ennemis  tués,  afin  de  s'approprier  leur 
force  et  leurs  vertus  et  de  rendre  la  vengeance  impossible  à  leurs  mânes. 
Mais,  pour  atteindre  ce  but,  il  sul'lil  en  certains  districts  de  manger  la 
graisse  des  reins,  que  l'on  considère  comme  le  siège  de  l'àme*.  Ailleurs 
on  se  contente  des  yeux,  dans  lesquels  brillait  la  fureur  du  combat  '. 

Les  Australiens  croient  aux  sorts,  aux  envoûtements,  aux  évocations, 
aux  miracles.  Il  n'est  pas  de  maladie  que  n'ait  suscitée  un  sorcier  ennemi, 
pas  de  guérison  que  n'ait  obtenue  un  magicien  bienveillant.  Le  monde  est 
empli  d'esprits  et  de  génies,  les  uns  errant  en  peine  et  cherchant  un  corps 
pour  y  rentrer,  les  autres  animant  les  arbres  ou  les  rochers,  le  ciel  lui- 
même,  la  tempête,  les  nuages  et  les  astres".  Une  parait  pas  que  les  Austra- 
liens aient  des  itioles  projjrement  dites,  mais  ton!  leur  est  idole;  en  ton! 
objet  ils  voient  un  être  redoutable  ou  secourable  qu'il  leur  faut  invoquer 
pour  détourner  son  courroux  ou  jtoui-  avoir  son  aide.  Le  dieu  Lune  sur- 
tout paraît  être  une  divinité  puissante;  plus  puissant  que  la  déesse  Soleil, 
il  renaît  tous  les  mois  pour  engendrer  les  étoiles,  les  arbres,  les  animaux 

'  llcclc  Jiilics,  ouvrage  cité. 

'  Philosoplikal  Society  of  Adclaidc,  Soiilli  Aiislniliii,  1878.  1871'. 

'•  E.  Cuit,  ouviagc  cilé. 

*  Ciorlanil,  ouvrage  cilé. 

"•  Jlac  (lillivray.   Wjiinf/f  iif  llic  Riilllesnake. 

'■  Élic  !iec-lii>,  ftrvue  if AnllirnpoliMiie.  I88(i  cl  1887. 


INDKW'NES   AISTRALIENS.  TÔT 

et  les  hommes.  Viw  le  Init  des  missioiniaiics,  les  divers  myllies  (iiit  iini 
par  prendre  une  certaine  apparence  biblique,  et  quelques  auteurs  s'in- 
génient à  y  trouver  une  ressemblance  lointaine  avec  les  récils  de  la  (Jenèse. 
l'eu  (le  tribus  australiennes  (ilTrent  dans  leur  oiganisaiion  un  rudiment 
d'Etat.  On  cite,  entre  autres,  celle  des  iNarrinyery  du  Murray,  (pii  (Uil  des 
rois  électifs,  assistés  par  un  conseil  des  anciens';  mais  de  pareilles  ccnsli- 
tulions  sont  rares  :  chaque  chef  de  famille  est  le  maître  à  peu  près  absolu 
de  la  destinée  des  siens'.  Il  est  vrai  que  les  btih/d  on  sorciers  exercent  nue 
grande  influence,  et  que  cette  influence,  ajoutée  à  l'ascendant  de  l'âge,  leur 
assure  pai'Ibis  un  réel  pouvoir  polili(|ue;  mais  ce  s(ml  là  des  e.\ce[)tions. 
1/hérédité  du  commandement  du  père  au  lils  ou  au  neveu  est  un  phé- 
nomène plus  exceptionnel  encore,  et  les  voyageurs  n'en  citent  (pie  de 
rares  exemples.  La  règle  est  l'égalité  de  droits  pour  chaque  famille,  chaque 
tribu.  En  temps  de  paix,  toutes  étaient  considérées  comme  ayant  égale 
valeur;  mais  peu  à  peu,  par  une  sorte  de  pondéi'ation,  chaque  groupe 
avait  pris  une  spécialité  de  travail  qui  le  rendait  nécessaire  aux  autres. 
Telle  peuplade  trouvait  sur  son  territoire  d'excellente  pierre  dont  elle 
savait  fabriquer  les  plus  belles  haches;  telle  auti'c^  fournissait  les  meilleurs 
boumerang  ou  les  peaux  de  kang(mrou  les  mieux  ouvrées. 

Mais  dans  presque  tout  le  monde  auslralasieii  l'histoire  des  aborigènes 
n'est  plus  qu'une  chose  du  passé.  La  race  diminue  constamment,  elle 
dépéi'it  et  se  meurt  :  le  peu  qui  en  reste  se  transforme  rapidement  par 
le  métissage  et  la  domesticité.  On  sait  que  les  maladies  apportées  par  les 
Européens,  et  surtout  la  petite  vérole,  dont  l'invasion  coïncida  avec  le  dé- 
barquement des  convicls  à  Boiany-bay,  et  qui  régna  juscpi'en  l(SiO,  oui 
détruit  en  maints  districts  |)lus  de  la  moitié  des  haliitanls.  Il  est  aussi 
d'autres  causes  à  cette  disparition  du  peu[»le  australien,  et  dans  le  nombre 
il  en  est  que  l'on  trouve  dans  les  tribus  elles-mêmes.  Ainsi  l'accaparement 
des  femmes  par  les  vieux  et  les  riches,  l'infanticide  et  les  avortements, 
contribuent  à  dépeupler  certaines  contrées  de  leurs  habitants  piimitifs; 
mais  la  grande  raison  est  le  refoulement  graduel  de  la  population  par 
les  colons  étrangers,  ces  «  hommes  blancs  »  que  les  Australiens  croyaient 
reconnaître,  les  prenant  pour  des  frères  revenus  du  monde  des  esjtrils  '. 
Repoussés  vers  le  désert,  les  indigènes,  auxquels  leurs  teriains  de  chasse 
et  de  cueillette  fournissaient  des  aliments  en  abondance,  ne  trouvent  plus  à 
vivre,  et  uombi-e  d'enlri'  eux,  sachant  quelle  est  leiu'  destinée,  se  laissent 

'  Taiiliii,  FolUore,  Manners,  Cusioms  anil  Laïupiagcs  af  llir  Ai(.fli-(ilian  Aboi-ifiincs. 
2  liroufjli  Sinylli,  The  Aborifiines  of  Viclorin. 
^  Edward  M.  Cuit,  The  AKslidlitin  Itiue. 


7J8  M3LVELLK  GÉOGRAPHIE  LMIVERSELLK. 

mourir  avant  le  temps  ou  ilu  moins  se  refusent  à  |H'i'|iéluer  leur  race. 
l*ourrail-il  en  «Mre  autrement  quand  des  magistrats  colonianx  «  déclarent 
maraudeurs,  braconniers,  et  dignes  d'èlre  traités  comme  tels  »,tous  les  fds 
du  sol  qui  persistent  à  rester  sur  le  patrimoine  de  leurs  ancêtres''.'  L'a})[)a- 
rition  du  bétail  européen  est  déjà  un  arrêt  de  mort  pour  les  indigènes, 
car  les  kangourous  sont  aussitôt  exterminés  par  les  blancs  ou  fuient  de 
leurs  pâturages,  et  les  chasseurs  noirs,  ne  trouvant  plus  de  gibier,  sont 
obligés  de  s'enfuir  à  sa  suite  ou  de  mourir  de  faim;  en  seize  mois, 
'220000  kangourous  ont  été  tués  dans  le  seul  district  ([ueenslandais  de 
Warwick.  Mais  on  ne  supprime  pas  seulement  le  gibier  de  l'Autralien,  on 
fait  aussi  la  chasse  à  sa  personne.  Autour  demain!  domaine,  notamment 
dans  la  région  du  Queensland  qui  s'étend  sur  les  conlins  du  désert,  les 
parcs  à  brebis  sont  gardés  par  des  gens  de  police  à  cheval.  Australiens, 
Mélanésiens  ou  Cafres,  chargés  de  tirer  sur  les  noirs  encore  libres  et  de 
débarrasser  les  paisibles  colons  de  ces  rôdeurs  gênants'. 

L'Ile  de  Tasnianie,  la  première  parmi  les  colonies  ausiralasiennes,  a  été 
complètement  «  nettoyée  )>  —  c'est  le  terme  anglais  —  jtar  la  destruction 
systématique  de  sa  population  primitive,  que  l'on  estima  à  7000  individus 
envii'on  loi's  de  l'ari'ivée  des  blancs,  et  que  l'on  dit  avoir  été  des  [ilns  re- 
marquables par  sa  douceur  et  sa  bontés  Le  28  décembie  1854,  les  derniers 
indigènes,  traqués  comme  des  bêles  fauves,  furent  capturés  à  l'extrémité 
d'un  promontoire,  et  cet  événement  fut  célébré  comme  un  triomphe. 
L'heureux  chasseur,  Robinson,  reçut  en  récompense  du  gouvernemenl 
une  propriété  de  iOO  hectai'es  et  une  somme  considérable;  en  outre,  une 
souscription  publique  lui  valu!  environ  200000  francs*.  On  promena 
d'abord  les  captifs  d'ilot  en  ilôt,  puis  on  emprisonna  tous  les  Tasmanicns, 
;ni  nombre  de  deux  centaines,  dans  un  vallon  marécageux  de  l'ile  Flin- 
deis,  ([n'entourent  les  eaux  souvent  bouleversées  du  détroit  de  Bass.  On 
leui'  donna  des  vivres  et  quel(|ucs  leçons  de  catéchisme  ;  leur  communauté 
fui  même  citée  en  exemple  des  progrès  de  la  civilisation  chrétienne; 
mais,  après  dix  années  de  séjour  dans  le  lieu  de  bannissement,  plus 
des  trois  quarts  des  déportés  étaient  morts.  Alors  on  eut  pitié  d'eux. 
Les  douze  hommes,  les  vingt-deux  femmes  et  les  dix  enfants,  presque  tous 
mélis,  furent  ramenés  dans  le  voisinage  de  Hobart,  mais  encore  dans  une 
péninsuh^  étroite,  Oysler-cove,  et  sous  la  surveillance  de  quelques  gar- 

'  .1.  11.  \\<iu,U,  l^liilosophirnl  Sorirhi  of  Ailrliiiilr.  Smilh    \inlinliii.  1878-1879. 

-  Kiiilesiiido  Salvado,  Mémoires  hisluriqiic.s  sur  l'Ai(slriilic;  —  E.  (iuir,  ouvi'a;;e  cite. 

■■'  ICEntrt'caslcaux,  Voijmie  autour  ilu  Monde. 

*  .laines  Bonwick.  The  Ltisl  af  llie  Ttisuiiiniiiiis. 


INDIGÈNES  ATSTRALIEXS. 


759 


(liens  qui  sVniith iront  à  leurs  dépens.  En  1860  il  n'y  avait  plus  que 
seize  Tasnianiens;  en  1869  s'éteignit  le  dernier  homme  de  la  nation,  et 
en  1876  la  dernière  femme,  la  «  reine»  Truganina,  nommée  Lalla  Rookh 
par  les  Anglais,  suivit  son  peu|ile  dans  la  tombe.  Cependant  il  existait 
encore  quelques  métis  :  une  «  Tasmanienne  »  obtenait  en  1884  une  con- 
cession de  terres,  votée  par  le  parlement  de  llobart. 

De  même,  dans  le  continent  australien,  la  plupart  des  tribus  du  littoral 


LVLL.V   BnOKir,    LA    DERMKHK    TASMANIENNE. 

1-e  il,"  Th.ri.H  .l'niMvs  une  iihulo-mpliic  de  M.  B:iily 


ont  disparu  :  il  ne  reste  plus  un  homme  des  peuplades  de  Botany-bay,  qui 
comprenaient  1500  personnes  en  1788.  Dans  les  districts  anglais  où  vivent 
encore  quelques  individus,  tout  groupement  de  clan  s'est  effacé.  Lors  du 
recensement  de  1881,  le  nombre  total  des  aborigènes  dans  le  territoire 
colonisé  était  recensé  ou  évalué,  suivant  les  Etats,  à  une  trentaine  de 
mille  individus  :  raccroissemcnl  apparent  (pie  l'on  constate  dans  quel- 
ques-unes des  colonies  provient  de  ce  (|ue  leur  territoire  s'est  augmenté, 
embrassant  des  centaines  de  tribus  naguère  indépendantes  ;  cependant  des 
stalisti(pu's  récentes  permettent  de  croire  qu'il  y  a  eu  quebjues  accrois- 


76(1  NOrVKl.lJ-    GKOGRAPUIE   r.M\  EllSEl-LE . 

somonls  réels  do  jK)|iiilatioii,  pure  ou  mélissi»,  ilans  corlains  lerrituires 
lie  <■<■  réserve  »  où  les  indifiènes  sont  traités  avec  mansuétude'.  En  dehors 
des  contrées  (|u'liabitent  les  blancs,  dans  les  régions  arides  de  l'intérieur, 
la  population  aborigène  est  probablement  encore  moins  considérable 
(jne  dans  le  voisinage  des  côtes.  Le  mélange  des  blancs  et  des  indigènes 
australiens  produit  une  race  intermédiaire,  de  belles  proportions  et  de 
traits  agréables". 

Actuellement  les  colons  d'origine  européenne,  devenus  les  maîtres  du 
continent,  sont  au  moins  cin(iuante  fois  plus  nombreux  que  les  Austra- 
liens de  race.  Mais  les  commencements  furent  humbles,  et  tandis  qu'en 
d'autres  pays  les  habitants  aiment  à  célébrer  leurs  ancêtres  et  prédécesseurs 
comme  des  hommes  exceptionnels,  presque  comme  des  héros,  les  citoyens 
actuels  des  Etats  d'Australie  ne  se  glorifient  point  de  descendre  des  pre- 
miers colons  :  presque  tous  cherchent  à  établir  leui'  filiation  d'immigrants 
tard  venus.  Les  l'ondaleurs  des  communautés  australiennes  furent,  on 
le  sait,  des  condamnés  et  leurs  geôliers.  L'immigration  libre  ne  connnen(;a 
qu'en  l'année  1820;  di^à  quarante-deux  années  auparavaiil,  en  janvier 
177(S,  un  convoi  maritime  avait  porté  787  convirts  à  Bolany-bay  et,  de 
celle  baie,  aux  côtes  méridionales  de  Port-Jackson.  La  ct)lonie  jjénitentian'e 
n'avait  point  prospéié  ;  les  condamnés,  traités  avec  une  rigueur  impla- 
cable, surtout  sous  le  gouvernement  de  Bligh,  de  mémoire  exécrée', 
n'avaient  d'autre  pensée  que  de  s'enfuir,  et  des  milliers  d'entre  eux 
périrent  dans  leurs  leulalivcs  de  révollc  ou  de  fuite.  Un  grand  nombre 
réussirent  à  s'écliappei'  vers  les  tribus  i\v  l'inlérieur  ou  à  gagner  les  iles 
de  la  Polynésie  :  tandis  (pie  les  uns  élaient  mangés  j)ar  les  naturels, 
d'autres  devenaient  notables  ou  chefs,  et  quelques-uns  eurent  un  rôle 
bislori(pie  comme  conquéranls  d'archipels.  Jusqu'en  I8'2(J.  l'Australie 
reçut  de  la  mère  patrie  25  878  condamnés,  parmi  lesquels  on  ne  com|)- 
lait   que  .")(i()l  Iciniiies  '  :   les  naissances    n'excédèrent   pas  loOO,  et  loin 


'  Ahori^jèiii's  de  l'AusIiiilic 

'  culiiiiiséo  : 

A  iV'puque  lie  la  colonisation. 

1S71 

1S81. 

1887  (nvoc  métis). 

New  Soutli  Wiili's  . 

1  lii.-; 

5  402 

Victoria  

.j  1)00  en  182-4. 

859 

708 
20  585 

Queenslaïul .    .    . 

Soulli-Austiulia  .    . 

,    .          l'.'OOO  en  \1i')6 

Ô569 

0546 

Mesl-Ausiialia   .    . 

2  346 

Ensemble ...  51  088 

Bulletin  tic  la  Société  dWntliropoluiiic .  avili  1875. 
rUidi'stndo  Salvado,  ouvrage  rite. 
Noirdiir  lulal  des  lians|nirlés,  de  1788  en  1872  :  I.moOO. 


PEUPLEMENT   DE   L'AUSTRALIE.  7lil 

(le  pouvoii'  se  nourrir  de  leurs  produits,  les  immigrants  involontaires 
coûtaient  annuellement  une  quinzaine  de  millions  à  la  Grande-Bretagne. 
Mais  (lès  que  des  colons  libn^s  se  furent  (établis  en  Australie,  ils  protes- 
tèrent én(M"giquement  contre  la  continuation  du  système  de  déportation, 
eten  iSiO  ils  finirent  par  avoir  gain  de  cause,  du  moins  sur  la  càie 
orientale  de  l'Australie,  car  en  1853  la  Tasmanie,  et  en  1868  Wesi- 
Australia  recevaient  encore  des  condamnés  anglais.  Maintenant  l'élément 
primitif  des  convicts  est  complètement  fondu  dans  le  reste  de  la  population. 
C'est  après  la  découverte  de  l'or  que  le  nombre  des  habitants,  croissant 
suivant  une  proportion  modérée,  augmenta  soudain  avec  une  étonnante 
rapidité.  Depuis  le  milieu  du  siècle,  la  population  austi'alienne  a  décuplé  : 
de  500000  elle  s'est  élevée  à  trois  millions  d'individus.  L'immigration  des 
mineurs  ne  comprenait  guère  que  des  hommes  faits,  et  tous  les  autres 
chercheurs  de  fortune,  agriculteurs,  industriels  ou  commerçants,  arrivent 
en  grand  nombre  sans  famille.  L'écart  entre  les  sexes  est  d'autant  ))lus 
considérable  que  le  mouvement  de  l'immigration  est  plus  fort  :  c'est 
dans  le  Queensland,  la  colonie  qui  reçoit  le  plus  d'étrangers,  que  les 
femmes  sont  le  moins  nombreuses,  tandis  que  dans  Soulh-Australia, 
vers  laquelle  les  immigrants  ne  se  dirigent  plus  guère,  l'éipiilibre  est 
presque  rétabli  entre  les  sexes'.  D'année  en  année,  l'écart  diminue,  car 
l'excédent  des  naissances  sur  les  morts,  très  élevé  en  proportion  de  celui 
que  l'on  constate  dans  la  plupart  des  autres  pays  civilisés',  a  pris  plus 
d'importance  par  l'accroissement  des  habitants  :  il  est  désormais  supérieur 
au  nombre  des  immigrants",  et  c'est  ainsi  que  se  rétablissent  peu  à  peu  les 
conditions  normales.  Par  un  phénomène  remarquable,  la  mort  épargne 
beaucoup  plus  les  femmes  que  les  hommes'.  Il  est  probable  qu'à  la  fin 
du  siècle  la  population  d'Australie  offrira,  comme  celles  de  l'Europe  et  de 
l'AuK'riquc,  une  li^gère  priMlominance  de  fennnes. 

•  Proportion  (tes  sexes  en  1886  : 

Soutti-Auslralia 91,9  femmes  [jour  100  liommes. 

Queensland 70,5       »  » 

Ensemble  de  l'Australie  et  de  la  Tasmanie.       82,5       »  » 

^  Natalité  dans  les  colonies  australiennes  en  1880  :  ôô  pour  100. 

Mortalité  »  n  !■         Iti         n 

'  Accroissement  de  la  population  blanche  australienne  en  1887  : 

Par  Texcédent  des  naissances  sur  les  morts.    .    .       7"2  i87 
))  de  rimniijri'ation  sur  l'éminralion.        04  806 


Ensemble 137  295 

*  Naissances  en  1885  :  Garçons.    .     58585       Filles.   .    .     55885       Ensemble.    .    114  266 
Morts:  Hommes.  .     28  654      Femmes.  .      19  951  «  48585 

Excédent:  i)  29  729  »  55  952  d  65  681 

XIV.  96 


762 


NOUVELLE  GEOGRAPHIE  INIVERSELLE. 


La  jiart  dos  Anglais,  Écossais  et  Irlandais  dans  l'immipratidn  vers 
l'Australie  est  tellement  prépondérante,  que  tous  les  autres  éléments 
ethniques  s'y  sont  perdus  :  langue,  institutions,  mœurs,  tout  est  anglais, 
et  même  à  certains  égards  plus  anglais  qu'en  Angleterre'.  Nombre  d'Aus- 


151.    —    BENSITE    DE    LA    ruPCI.ATlUX    ATSTRALIENNE. 


Es-ldePar.s 


ILiMtiiiits  par  kiloniètrp  carré. 


Di'  0  à  1.  1)1-  1  à  2.  Di'  î  à  i.  riiis  Ji-  i. 

Chaque  carré  rcjirésciili!  une  iiojmlatioii  de  2(100  liahilauls, 

.  Villes  tic  |>lus  lie  5OO0O  haliitarits. 


tralicns  mettent  une  certaine  vanité  à  ne  pas  se  laisser  entraîner  dans  le 
mouvement  des  idées  modernes  qui  emporte  la  mère  patrie,  quoique  le 
milieu  nouveau  dans  lequel  ils  se  trouvent  les  oblige  à  suivre  une  voie 
différente  et  qu'ils  s'éloignent  graduellement  de  leurs  concitoyens  de  la 
vieille  Eui'ope  pour  se  rap|iroclier  ([uelque  peu  des  Américains  du  Nord  : 


'  Fronde,  Oicaiin;  —  Aiilliuin  T](illii|ii',  Aiislriilid  /nul  AVic  ZcaUinil. 


POPILATION   DE   L'AISTRALIK. 


152.    -^   ACCROISSEMENT    !IE    LA    POPULATION     AUSTRALIE 


ils  leur  ressemblenl  [lar  la  (aille,  Faltiludc,  même  j)ar  les  traits.  Les  colons 
alleinaiuls,  assez  nombreux  en  Australie,  ne  sont  groupés  nulle  part  avec 
une  cohésion  sufiisante  pour  qu'ils  puissent  vivre  à  part  des  Anglais;  ils 
•levieniHMit  promptement  Australiens.  Quant  aux  Chinois,  que  le  grands 
propriétaires  introduisaient,  jadis  en  foule  pour  l'exploitation  de  leurs 
terres  et  de  leurs  mines,  ils  avaient  fini  |)ar  constituer  une  classe  puissante, 
qui  menaçait  les  travailleurs 
blancs  de  les  priver  de  tout 
gagne-pain  :1e  «  péril  jaune  », 
tel  est  le  nom  que  l'on  don- 
nait à  celte  invasion  graduelle 
des  Chinois  en  Australie.  Les 
haines  de  race,  suscitées  par 
cette  opposition  des  intérêts, 
ont  fini  jiar  rendre  le  séjour 
de  Oueensland  et  des  autres 
colonies  australiennes  presque 
intenable  aux  Chinois  :  des 
milliers  d'entre  eux  ont  dû 
quitter  le  pays,  et  des  lois 
récentes,  votées  contrairement 
aux  traités  conclus  avec  la 
Chine,  empêchent  les  ■(  Cé- 
lestes »  lie  débarquer,  si  ce 
n'est  en  payant  un  droit  d'en- 
trée fort  élevé,  et  les  sou- 
mettent à  toutes  sortes  de 
vexations   légales'.    Désormais 

ce  sont  les  blancs  et  non  plus  les  jaunes  qui  élèvent  des  «  murailles  de 
Chine  »  autour  d'eux. 

Comme  dans  toutes  les  colonies  modernes  à  type  industriel,  la  popu- 
lation des  immigrants  s'est  en  grande  partie  concentrée  dans  les  villes, 
si  bien  que  deux  cités,  Sydney  et  Melbourne,  ont  à  elles  seules  près  du 
tiers  de  la  population  australienne.  Cependant  l'agiiculture  ou  plutôt  l'ex- 
ploitation du  sol  fournit  ses  principales  richesses  aux  colons  de  ce  monde 
nouveau.  Une  statistique  très  détaillée  permet  de  comparer  à  cet  égard 
les   diverses  contrées  australiennes   et    démontre    combien    s-rande    est 


/ 

/ 

25O000O 
;CBODO0 

i 

500000 

/  ■  ' 

^--'^ 

fiiiiliiiil 

'  Chinois  il'AusIialio  en  I8S8  :  10  (U'i. 


T64  NOi:Viai,E  CKOCRAI'IIIF:   IMVEIiSKLLE. 

(l('jà  leur  importance  éc(iiionii(jii('  dans  rcnscmblo  cki  monde  civilisé.  Il 
est  vrai  que  l'immense  domaine  apparlenanl  à  la  «  Couronne  »  n'est 
utilisable  que  dans  une  faible  étendue  relative;  cej)endant  une  surface  de 
plus  de  45  millions  d'hectares,  vendue  à  des  particuliers  jusqu'à  la  lin 
de  1(S86,  est  employée,  soit  directement  pour  la  culture,  soit  pour  l'élève 
du  bétail,  et  principalement  pour  celle  des  brebis;  des  puits  artésiens, 
creusés  en  maintes  réfiions  de  l'intérieur,  ont  suscité  les  eaux  cachées  et 
transformé  des  espaces  arides  en  terrains  de  pâture  ;  on  s'occupe  aussi  de 
retenir  les  eaux  au  moyen  de  barrages.  L'Australie  est  le  premier  pays  du 
monde  pour  la  production  des  laines  :  elle  vient  avant  les  Étals-Unis, 
l'Argentine  et  la  Russie',  et  la  laine  de  ses  quatre-vingts  millions  de  brebis, 
de  la  qualité  la  plus  tine  et  placée  an  premier  rang  sur  tous  les  marchés, 
représente  une  valeur  annuelle  d'environ  un  demi-milliard  de  francs. 
Les  fermiers  possèdent  aussi  de  grands  troupeaux  de  bœufs,  d'excel- 
lents chevaux,  des  cochons,  et  le  commerce  australien  exporte  en  quantité 
des  peaux,  de  la  graisse,  du  suif,  des  viandes  conservées',  et  depuis  1882 
des  animaux  congelés''.  Le  dingo  des  Australiens  est  très  redouté  par  les 
beigers;  non  seulement  il  dévore  les  brebis,  mais  encore  il  tue  celles  qu'il 
ne  peut  emporter  :  des  parcs  entiers  ont  été  détruits  par  ce  chien,  qui 
d'ailleurs  disparaîtra  bienl(»t  avec  ses  maîtres.  Le  renard  est  aussi  devenu 
dangei'eux;  mais  le  plus  grand  fléau  de  l'élève  du  bétail  en  xUistralie  est 
le  lapin,  également  importé  d'Euro|)e  :  nulle  contrée  ne  convient  mieux 
à  ce  rongeur  que  les  plaines  ondulées  et  fleuries  parcourues  autrefois  par 
le  kangourou.  11  s'est  multiplié  d'une  manière  prodigieuse,  et  quoique 
les  bergers  et  leurs  chiens  en  tuent  au  moins  cinquante  millions  chaque 
année,  il  envahit  de  plus  en  plus  le  territoire,  ([u'il  tond  aux  dépens  des 
brebis.  Pour  arriver  à  le  détruire,  on  s'occupe  surtout  d'enclore  les  ler- 

'  Production  de  la  laine  dans  le  monde  en  1885,  d'après  Neumann-Spallait  :  889  000  tonnes, 
l'art  de  l'Australie  en  188.")  :  157  000  tonnes,  soit,  le  sixième  do  la  [iroduetion  totale. 
Il  I)  en  1887  :  247  000      ii     ,  plus  du  quart  n  » 

*  Cheptel  des  États  australiens  : 


Ch.'vaux. 

Uwuh. 

Moulons. 

Porcs  M886J 

iN'ew  South  Wales  (,-,1   déc.    1887). 

~M  000 

1  575  487 

46  905  152 

208  097 

Victoria                           »              » 

315  000 

1  303  205 

10  023  985 

239  857 

(Jueensland                     ii             » 

.J05  805 

4  071565 

12  920  158 

55  843 

South-Austi-alia(188D). 

170  000 

389  720 

7  254  000 

103  807 

m'st-Austialia  (51   déc.   1887).  .    . 

41  100 

88  254 

1  909  940 

24  280 

Tasmanie                 »              »      .       . 

29  528 

148  005 

5147242 

07  595 

Ensemhle.   .     12.52  102       7  570  900       84  820  477         759  859 
'  Moutons  congelés  exportés  d'Australie  en  1880  :  722  SOO. 


Cl'LTlRES,    BÉTAIL   DE   L'AISTRALIE.  707 

rains  de  pâturage,  afin  d'arriver  méthodiquement  à  l'extermination  suc- 
cessive des  tribus  de  lapins  :  on  procède  aussi  dans  l'ile  de  Rodd,  près 
de  Sydney,  à  des  expériences  sui"  le  «  choléra  des  poules  »  et  sur  une 
autre  peste  animale,  la  «  maladie  de  Tinlinallogy  ».  On  espère  que  les 
lapins  deviendront  eux-mêmes  porteurs  de  la  contagion  qui  détruira  leur 
race,  mais  on  a  peur  que  de  proche  en  proche  l'infection  ne  se  propage 
aux  animaux  domestiques. 

(juant  aux  terres  soumises  au  labour  et  qui  comprenaient  en  1886  une 
surface  collective  de  5  572  000  hectares',  les  produits,  fort  considérables  en 
proportion  de  la  surface  cultivée,  sont  en  grande  partie  consommés  dans 
les  colonies  elles-mêmes.  Mais  l'Australie  commence  aussi  à  prendre  rang 
parmi  les  pays  exportateurs  de  vin,  de  sucre,  de  tabac.  Quelques-uns  de 
ses  crus,  à  Victoria  et  dans  New  South  Wales,  ont  déjà  une  certaine 
réputation  :  bourgogne,  bordeaux,  Champagne,  moselle,  porto,  rien  ne 
manquerait  aux  producteurs  australiens,  disent  leurs  invités  étrangers; 
mais  le  phylloxéra  ravage  aussi  le  vignoble  australien.  La  culture  des  cé- 
réales et  autres  denrées  d'alimentation  se  fait  surtout  sur  les  domaines 
relativement  peu  étendus  qui  constituent  la  propriété  moyenne;  les  champs 
de  cannes  à  sucre  de  Queensland,  et  bien  plus  encore  les  enclos  de  pâtu- 
rage du  Darling  et  autres  terres  situées  au  delà  des  chaînes  côtières  de 
l'est,  appartiennent  pour  la  plupart  à  de  grands  propriétaires.  Malgré  les  lois 
qui  limitent  la  superficie  des  terrains  qu'un  seul  individu  peut  acheter  ou 
louer,  pour  7,  14  ou  21  ans,  l'Australie  tend  à  présenter  le  même  régime 
agricole  que  la  mère  patrie,  celui  de  la  répartition  du  sol  en  vastes  do- 
maines :  le  moindre  lot  que  l'on  puisse  acheter  à  la  campagne  est  de 
16  hectares  (New  South  Wales);  mais  dans  certaines  colonies  on  peut  faire 
l'acquisition  de  1025  hectares  en  un  seul  tenant,  et  des  syndicats  s'asso- 
cient pour  l'achat  ou  la  location  d'étendues  beaucoup  plus  considérables. 
T(>lle  |)ropriélé  désignée  sous  le  nom  de  slieep-run  ou  sheepwalk  a  dans  sa 
partie  centrale  un  parc,  des  jardins,  une  résidence  superbe  avec  tou- 
relles, galeries  et  serres,  et  le  squatter,  \&  berger  «  accroupi  »,  est  l'aris- 
tocrate australien,  un  riche  personnage  qui  possède  les  moutons  par  cen- 
taines de  mille,  fait  gérer  ses  terres  par  des  régisseurs  et  réside  dans  les 

'  Priiuipales  cultures  australiennes  en  1880  : 

Surfat'e  des  champs.  Produîls. 

Fnmient 1370  000  heet.  12  190  000  lieelol. 

Autres  céréales  ....        1 24  730     d  2  409  000       » 

Pommes  de  terre  ...          59125     »  5.i7  297  tonnes. 

Foin 441415     »  1267  512     » 

Sucre,  en  1888 40  000     x 


768  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE   INIVERSELLE. 

villes  (lu  littoral  ou  niriiie  à  Londros  ou  à  Piuis'.  Sur  trnt  Australiens,  six 
seulement  sont  au  nombre  des  propriétaires  terriens. 

Les  mines  d'or  qui  ont,  plus  que  tout  autre  produit,  contribué  au  peu- 
plement de  l'Australie,  lui  donnent  encore  une  partie  notable  de  ses  reve- 


MINHS    II  tm    DE    I.  \rSTRALIl-:    Srn-ORlENT-VI-E 


nus.  Victoria  surtout,  la  colonie  (jui  dut  à  ses  mines  sa  suprématie  tempo- 
raire sur  New  South  Wa les,  en  population  et  en  industrie,  possède  des  gise- 
ments d'une  grande  richesse  ;  mais  le  travail  y  est  de  moins  en  moins 
rémunérateur,  à  mesure  que  les  métaux  précieux  diminuent  en  valeur 
relative.  Dej)uis  l'année  1851 ,  époque  de  la  découverte  des  ii  champs  d'or  » 


Froiiile.  Oceana. 


iliiiii 


MINES  D'OR  DE   L'AISTRALIE.  77! 

jusqu'en  1887,  le  lulal  de  l'or  déclaré  par  les  mineurs  s'élève  à  la  somme 
énorme  de  8  milliards  de  francs;  c'est  environ  deux  cents  millions  par 
année.  Les  mines  d'étain,  que  l'on  exploite  principalement  dans  Queens- 
land,  et  celles  de  cuivre,  très  productives  dans  Soulh-.Vustralia,  ont  égale- 
ment assez  d'importance  pour  alimenter  le  commerce  de  l'Australie;  enfin, 
les  mines  de  charbon  de  Ntnv  South  Wales  ne  le  cèdent  maintenant  en 
production  qu'à  celles  de  l'Kurope  occidentale,  des  Étals-Unis  et  de  la 
Ilussie  :  elles  gagnent  à  mesure  (jue  perdent  les  mines  d'or'  ;  ce  sont  elles 
qui,  avec  les  pairs  à  brebis,  ont  rendu  à  New  South  Wales  le  premier 
rang  parmi  les  colonies  australasiennes.  Les  mines  d'argent  n'ont  qu'une 
faible  valeur  économique.  Quant  aux  lacs  salins  de  l'Australie,  ils  ne  sont 
guère  exploités  et  ils  ne  donnent  que  des  matières  im|)ures. 

L'industrie  manufacturière  de  l'Australie  ne  diffère  point  de  celle  de  la 
rirande-Brelagne  par  la  matière  et  les  procédés,  mais  elle  n'a  pas  encore 
assez  d'inijtortance  pour  donner  lieu  à  une  exportation  notable  vers  les 
îles  des  mers  environnantes.  Le  commerce  n'expédie  guère  (|ue  des  pro- 
duits agricoles  et  miniers  eu  échange  de  produits  industriels,  venus 
presque  exclusivement  de  l'Angleteri-e,  et  des  thés  importés  de  Chine. 
L'ensemble  de  ce  mouvement  est  énorme  en  proportion  de  la  faible  popu- 
lation relative  du  continent.  L'Australie  est  au  premier  rang  pour  la  valeur, 
|)ar  habitant,  de  ses  ventes  et  de  ses  achats.  Il  est  vrai  que  les.  échanges 
entre  colonies  sont  considérés  comme  trafic  extérieur;  les  droits  de 
douane  diffèrent  de  l'un  à  l'autre  Etat  et  sont  même  établis  de  manière 
à  protéger  les  industries  spéciales  contre  la  concurrence  des  voisins.  Pour 
desservir  ce  commerce,  des  milliers  de  navires  vont  et  viennent  incessam- 
ment le  long  des  cotes  austialiennes  et  sur  les  voies  maritimes  qui 
rayonnent  autour  du  continent'.  Trois  lignes  de  navigation  à  vapeur, 
subventionnées  par  le  gouvernement  britannique,  desservent  les  j)orts  de 
grand  commerce  entre  la  (Jrande-Brelagne  et  l'Australie;  en  outre,  des 

'  Production  miriiiMf  (II'  l'Australie  et   de  la   Tasnianie  en   I88(i.  sans  compter  le  fer,  l'anti- 
moine,  etc.  : 

Or Valeur:  102  Slllî  450  francs. 

ÉUiin ,)  ."ÎO  000  050       n 

Cuivre M  10  4I0.'.")0       i> 

Argent „  O.')  10  025       t, 

Charijon  de  terre  ...  5  009  220  tonnes.  i>  34  874  525       >■ 

En>endde 185  002  000  francs. 

-  Importation  de  l'Australie  et  de  la  Tasnianie  en   1887  :  1  453  005  900  francs. 
Exportation  i.  »  „  1  204  468  000       « 

Ensemble  du  connnerce  »  >,  2  098  1.35  900  francs. 


772  NOrVHLLK   CÉOGR AI'lllE   UNIVERSELLE. 

bateaux  à  vapL'ur  ('■Iraiijicrs,  les  Messageries  Marilimes  el  la  Coi)i|)a<iiiie 
Germanique,  louchent  aux  ports  austi'aliens  prinei|iaux'.  (iiàce  au  service 
combiné  des  bateaux  à  vapeur  et  des  chemins  de  l'er,  tles  lettres  ont  été 
transmises  de  Londres  à  Adelaide  en  l'espace  de  vinj^l-sept  jours.  Par  les 
navires  enregistrés  dans  ses  ports,  l'Australie  contribue  pour  une  certaine 
part  au  commerce  du  monde,  car  sa  flotte  mercantile,  déjà  considé- 
rable, égale  celle  de  contrées  européennes  comme  l'AusIro-Hongrie  el  la 
(îrèce'. 

A  l'intérieur  du  contineut,  des  communications  par  voies  ferrées  sont 
établies  entre  toutes  les  grandes  villes  de  l'Australie  orientale  :  il  ne 
manque  en  1K8S  (jue  le  viaduc  de  la  rivière  Ilawkesbury  pour  compléter 
le  chemin  de  l'er  d'Adelaide  à  Brisbane,  dont  la  longueur  totale  est  de 
'2907  kilomètres,  autant  (|ue  de  Paris  à  Moscou.  West-Ausiralia.  à  l'angle 
sud-occidental  du  conlinenl,  possède  aussi  quelques  petites  lignes  de  fer,  et 
vient  de  commencer  l'énorme  entrepi'ise  d'une  voie  côlièie  rattachant  le 
King  George-sound  au  léseau  de  l'Australie  du  Sud;  de  son  côté,  le  gou- 
vernement de  cette  dernière  colonie  poursuit  la  construction  d'un  chemin 
de  fer  transcontinental,  (|ui  rejoindra  les  deux  villes  d'Adelaide  et  de  Pal- 
merslon.  Enlin,  la  Tasmanie  ajcuite  (|uel(|ues  emhranchemenls  à  sa  ligne 
maîtresse  de  baunceslon  à  llidiarr'.  A  l'exceplion  de  Ironcoiis  industriels, 
tous  les  chemins  de  fer  de  l'Australie  ap|iartiennent  aux  Etais  dont  ils  tra- 
versent le  territoire.  Quant  aux  télégraphes*,  qui  sont  aussi  payés  |iar  le 
budget  national,  ils    unissenl   loules   les  colonies  les  unes   aux  autres  el 

'  Miiiivi'iiiciil  ili'  l;i  nii\ij;;ili(Mi  de  l'AiisIralie  et  de  la  Tasmanie  en  1885  : 

Eiilires.    .    .       7  (i(i8  navires,  jaugeant  5  685 -4i8  tonnes. 
Sorties  ...       7058       »  o        5691  851       » 

Ensemble.      15  520  navires,  jaugeant  11  575  299  tonnes. 

-  Eldllc  niairliande  de  l'Aiisliiilic  el  de  la  Tasmanie  en  1887  : 

1540  voiliers jaiigeanl  185  7-48  tonnes. 

799  bateaux  à  va]ieur .    .  n  75  510       d 

Ensemble  :  2545  navires jaugeant  259  258  tonnes. 

"'  Chemins  de  fer  de  l'Australie  et  de  la  Tasmanie  an  51  décembre  1887  :  1 1  596  kilomètres. 
Capital  d'établissement  :  1  9U5  700  000  francs. 

Recettes  de  l'année  1885 172  529  825  francs. 

Dépenses         »  110  410  575     » 

Bénéfices  de  l'année.   ...      01  915250  francs. 

'  Réseau  télégraphique  au  51  décembre  1887  :  55  854  kilomètres. 

Dépêches  télégraphiques  en  1886 0  471050 

.Mouvement  postal  :  Lettres,  cartes  el  mandais .    .  99  429  510 

il               I         .lournaux 07  199  928 

,)               ,,         l'a.pK'ls 12  942  180 


RI-SEAU   TÉLKr.R.M'UIOrE,   ÉCOLES   DE   1/ AUSTIiALlE.  770 

l'AusIralie  l\  la  Noiivellc-Zélantlo  el  à  Java.  Deux  càlilcs  scronl  prouliaiiic- 
menl  déposés  dans  la  mer,  de  Ceyian  à  l'AusIralie  oecidenlale,  et  de 
l'île  de  Vancouver,  sur  la  côte  américaine  du  Dominion,  à  Sydney. 
Ainsi  sera  complété  le  circuit  électrique  des  colonies  anglaises  sur  la 
rondeur  terrestre. 

L'éducation  étant   oblif^atoire  et  {gratuite,  du  moins  dans  les  écoles  de 

S°    15'>.    CJIE.MI.VS    DE    FER    DE    l'ACSrR.tLlE    A    LA    FIS    DE    1887. 


Est  de  Par 


Chemins  de  fer  conslniils. 
Voies  ui.iîtresses  en  con>li'uetion. 
1  :  40  non  non 


l'Etat,  tous  les  enfants  passent  quel([ues  années  dans  les  établissements 
d'instruction  publique  :  la  moyenne  des  connaissances  est  plus  élevée  en 
Australie  qu'en  Angleterre;  en  proportion,  les  filles  suivent  les  cours  plus 
longtemps  que  les  garçons,  et  les  institutrices  sont  jilus  nombreuses  que 
les  instituteurs.  Le  budget  de  l'instruction  ])ublique  est  fort  élevé  :  en 
1885,  il  était  de  124  francs  par  écolier'.  La  presse  ausii'alienne  comprend 
environ  huit  cents  journaux  et  autres  publications  périodiijues. 


'  Écoles  piiljliqucs  d'Australie  el  île  Tasnianie  en  ISSO  : 

i)r)'21,  IVé(|iientées  par  MO  08.j  élèves. 


77i  NOIVELLE  GEOGRAl'UIE   IMVERSELLE. 

Actuelk'inciil,  les  colons  d'Australie  se  son!  conslilués  en  cinq  Etats, 
six  avec  la  Tasmanie.  Suivant  les  épo(|ues  de  leur  fondation,  leurs  intér(Ms 
économiques  et  l'inlluenee  des  politiciens  qui  les  dirigeaient,  ces  divers 
États  se  sont  donné  des  constitutions  dilïérentes,  mais  tous  doivent  faire 
ratilier  leurs  décisions  par  le  gouvernement  britannique  et  recevoir  comme 
gouverneur  ou  vice-roi  un  représentant  direct  du  souverain;  cependant  un 
conflit  récent  entre  Queensland  et  la  métropole  pour  la  nomination  du  gou- 
verneur s'est  terminé  à  l'avantage  de  la  colonie.  En  deux  Etats,  Victoria  et 
la  Tasmanie,  les  institutions  sont  démocratiques,  et  le  suffrage  universel, 
a|i[iliqué  de  manière  à  donner  aux  minorités  une  représentation  propor- 
tionnelle, nomme  les  deux  chambres;  à  Xew  South  Maies  et  dans  les 
autres  États,  la  chambre  haute  est  en  entier  ou  parliellemeni  à  la  nomi- 
nation de  la  «  (iouronne  ». 

En  grandissant  et  en  rapprochant  leurs  essaims,  les  colonies  austra- 
liennes ont  senti  la  nécessité  de  s'unir  plus  étroitement.  Une  fédération, 
autorisée  d'avance  par  le  Parlement  britannique,  se  constitue  pour  resser- 
rer les  liens  d'amitié  sous  la  suzeraineté  de  l'Anglelei'i'e  et  pour  veiller 
aux  intérêts  communs  dans  le  continent  et  les  îles  du  Pacifique;  mais 
certaines  questions  de  rivalité  et  de  préséance  ont  empêché  jusqu'à  main- 
lenanl  la  constitution  déHnitive  de  ce  futur  Etat  fédéral  d'AusIralasie,  dont 
la  capitale  est  tléjà  indiquée  :  ce  serait  Albury,  sur  le  Mnriay,  à  peu  piès  à 
moitié  chemin  de  Sydney  à  Melbourne,  à  la  frontière  commune  des  deux 
Etats,  New  Soulh  \Vales  et  Victoria  :  on  lui  donne  en  prévision  de  son  rang 
futur  le  nom  de  «  Fédéral  City  »;  mais  il  est  fort  possible  (pie  cette  and)i- 
tion  soit  déçue  au  [)rofit  d'une  autre  ville.  Lors  de  la  ])remière  conférence 
tenue  à  Hobart  en  1886,  New  South  AVales,  l'Australie  du  Sud  et  la 
Nouvelle-Zélande  n'avaient  pas  envoyé  de  délégués;  mais  les  îles  Fidji  y 
avaient  leurs  représentants.  En  1888,  une  nouvelle  conférence,  à  laquelle 
assistaient  les  délégués  de  tous  les  États  auslralasiens,  a  discuté  la 
fondation  de  tribunaux  suprêmes  pour  l'ensemble  des  colonies;  enfin 
Soulh-Australia,  hostile  jusqu'alors  au  |ii'ojet  de  fédération,  l'a  récem- 
ment accepté.  L'ambition  des  Australiens  est  de  faire  entrer  un  joui- 
dans  leur  confédération  la  Nouvelle-Guinée  britannique,  ainsi  que  toutes 
lés  îles  de  l'Océanie  acquises  par  la  Grande-Bretagne,  et  de  pouvoir  exercer 
dans  l'hémisphère  méridional  une  hégémonie  incontestée.  En  mainte 
circonstance  déjà,  notamment  dans  les  conflits  avec  la  France  au  sujet 
des  Nouvelles-Hébrides  et  de  la  transportation  des  récidivistes  dans  la 
Nouvelle-Calédonie,  on  a  pu  s'apercevoir  que  les  Australiens  espèrent  être 
bientôt  de  foice  à  se  dire  les  maîtres  dans  l'hémisphère  du  sud,  et  jiro- 


KTATS   AISTRALIKNS.  77:. 

clainci-  coinmc    les  Amt'iicaiiis  leur  ■<  (locliiiic  de  Monroe  »  :    le   mkiikIc 
Océaniquo  aux  Océaniens. 

Comme  puissance  militaire,  l'AusIralasic  sérail  déjà  bien  ditïicile  à 
attai|uer,  car  sa  |u)pulalion  valide,  de  vingt  à  quarante  ans,  dépasse  un 
demi-million  d'hommes  et  s'est  fortement  organisée  par  des  corps  de 
volontaires  que  le  l'éseau  des  chemins  de  fer  côtiers  peut  transporter  sur 
tous  les  points  menacés  ;  en  outre,  Irois  positions  stratégicjues  ont  clé  l'or- 


Ki.'i.    —    l;l  \TS    Al'STRVMKN 


Est  de  Paris 


'  A  U  s  ,T~R-A   L 
^A,.^J.  S    T^R    A   L    I   A  :  .'■C^'^!^^    \s^Jl      ^'-''-''^i^^ 


tiliées  :  le  King  C.eorge-sound,  à  l'angle  sud-occidental  du  continent, 
quelques  îles  du  détroit  de  Torrcs,  et  l'entrée  de  Port-Jackson,  devant 
Sydney.  Une  llottille  de  canonnières,  de  torpilleurs  et  de  croiseurs  rapides 
défend  les  approches  des  ports,  et  des  conventions  récentes  avec  l'Angleterre 
permettent  d'acci'oitre  rapidement  le  nombre  des  vaisseaux  de  guerre. 
On  a  voté  en  1<S88  plus  de  vingt  millions  de  francs  pour  l'armement  des 
côtes  et  la  construction  des  forts. 

Financièrement,  l'Australie  est  très  <d)érée.  La  possession  des  mines  d'or 
a  rendu  les  Auslialiens  prodigues,  et  leurs  dettes  actuelles  sont,  en  pro- 


770 


NOUVELLE  GEOflRAPUlE  UNIVERSELLE. 


portion  des  habitants,  plus  élevées  encore  que  celles  de  la  France', 
mais  ce  poids  est  moins  lourd  à  porter,  grâce  à  l'accroissement  rapide  de 
la  population  (»t  des  produits  en  Australie.  L'aujimeutalion  annuelle  des 


KIMl    GKdRflE-StirMt. 


Est  de  Pa 


1  :    ïoO  OflO 


habitants  dépasse  un  trentième;  celle  de  la  richesse  publique  est  ])lus  ra- 
])ide  encore  :  cependant  l'Australie  a  aussi  son  paupérisme. 

Le  tableau  suivant  ddiiiic  la  liste  des  Etals  australiens,  avec  leur  super- 
ficie et  leur  population.  Les  subdivisions  administratives  diffèrent  dans 
diverses  colonies  et  même  dansclia(|ue  Klat,  suivant  la  densité  de  la  popu- 
lation et  les  intérêts  économiques  et  politiques.  Leurs  jioms  officiels  sont 


■  liuilgcl  lies  Élals  Australions  en  18S7.  d'après  liaytei-  : 

Recettes Ot  9  980  400  francs 

Dépenses 655  871  025       » 

Déficit 45  881  .525       « 

Dette  totale. 5  938  465  52a       » 


soit  15()0  fiants  jiai-  lèlc. 


AUSTRALIE   OCCIDENTALE. 


ceux  (II-  cnmlés.  boanh.  sliin-x,  imiiiiLi|)es,  bouj-gs,  divisions  électorales  et 

|);i>h)i'iil('^. 


1    1  VI~- 

^À 

en  kiluinëlrt'S  i'.inv':s. 

rOl'U.VTlUN 
FIN    DE   1887. 

^      S 

CAP1TAI,I>. 

>Vw  Sniilli  Wules. 

1788 

799  139 

104-2  919 

1,05 

Sydney. 

Vicinii;.. 

1851 

•J29  078 

10.56  119 

4,5 

Melbourne. 

IJUd'Iishiiil. 

1859 

1  7.-II7-JI 

506  940 

0.2 

Brisbane. 

1.  -3  1    Siiuili  Au>tr:ili:i. 

18.')li 

985  7-JO  ) 

.Welaidc. 

',-J5ll  011 

517  440 

0.14 

/.    =   '^  Nuithei n  Teniloi y. 

I8G5 

1  555  891  ) 

Palmeislon 

West-Ausliali;!. 

1829 

'2  5-27  585 

42  488 

0.02 

Perib. 

T;isiiiani;i. 

Ensemble 

I85i 

07  894 

142  478 

2,1 

Ilobail. 

7  (i96  020  kil.  cariés. 

2  948  590 

0,55 

l'o[)iihitiiin  [ii'obable  ;i  la 

Tiu  de  1888,  avec  les  aborigènes  : 

5  100  00 

)  liabitanls.  suit  0.4  par  kil.  carré. 

AlSTn.\I.IE     OCCIDK.M.\I,F,    |  W  EST-.\  USTR  A  I,  I  a1  . 

Celle  colonie,  la  première  lerre  australienne  dont  les  navires  venant 
d'Europe  aperçoivent  les  rives,  est  le  moins  populeux  et  le  moins  inipor- 
lant  de  tous  les  États  australasicns,  quoique  son  territoire  comprenne 
environ  le  tiers  de  la  surfoce  continentale.  Elle  a  été  fondée  il  y  a  plus 
d'un  demi-siècle,  en  IS^O,  et  pourtant  ses  résidents  d'origine  européenne 
ont  à  peine  dépassé  le  nombre  de  (juarante  mille,  et  peut-être  les  indi- 
gènes, dont  les  tribus  sont  en  force  dans  la  partie  nord-occidentale  de  l'Aus- 
tralie, n'ont-ils  pas  cessé  d'avoir  la  majorité  numérique  de  ce  pays.  En 
1850,  la  colonie  n'ayant  encore  que  5000  habitants,  le  gouvernement  en 
Ot  un  lieu  de  transportalion  pénale,  et  près  de  dix  mille  condamnés  furent 
introduits  dans  Wesl-Australia  jusqu'en  l'année  180S;  mais,  en  dépit 
de  ces  apports  continuels  de  colons  malgré  eux,  la  population  ne  s'accrois- 
sait qu'avec  lenteur.  Elle  ne  prit  un  mouvement  d'augmentation  sensible 
qu'après  la  découverte  de  gisements  auriftM'es  dans  la  partie  du  territoire 
située  entre  les  rivières  Irvvin  et  Murcliison.  Le  peu  d'empressement  des 
colons  à  se  porter  vers  l'Australie  occidentale  s'ex|ilique  par  la  sécheresse 

XIV.  98 


778  NOUVELLK   GEOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

(lu  climnt,  rtiridité  du  sol,  la  salinité  des  eaux,  la  pauvrolé  des  pâturages, 
parsemés  en  divers  endroits  de  plantes  vénéneuses.  Même  la  plus  grande 
partie  du  territoire  de  l'État,  limité  à  l'est,  de  côte  h  côte,  par  le  129"  degré 
de  latitude  orientale  (Greenwich),  est  encore  inconnue;  la  région  de  colo- 
nisation ne  comprend  que  le  musoir  péninsulaire  placé  à  l'angle  du  sud- 
ouest  et  les  vallées  inférieures  des  rivières  qui  se  succèdent  au  nord  de 
Perth  sur  le  littoral.  L'Australie  de  l'Ouest  est  un  monde  isolé  des  autres 
colonies  australasiennes;  elle  n'a  de  communications  avec  elles  que  par 
mer  :  risquer  le  voyage  direct  à  travers  les  solitudes  est  encore  un  de  ces 
rares  exploits  qui  s'enregistrent  dans  les  annales  de  la  géographie. 

Le  centre  de  la  colonie  est  la  ville  de  Perth,  bâtie  à  19  kilomètres  de  la 
mer,  sur  les  bords  de  la  «  rivière  des  Cygnes  »  (Swan-river),  qui  en  cet 
endroit  s'élargit  en  forme  de  lac.  Une  roule  et  un  chemin  de  fer  unissent 
cette  humble  capitale  à  son  havre  maritime,  la  ville  de  Fremantle,  située 
à  l'emliouchure  du  cours  d'eau,  sur  sa  rive  méridionale;  elle  n'a  qu'une 
rade  peu  sûre,  exposée  aux  vents  du  nord  et  du  nord-ouest,  et  parfois  les 
navires  doivent  se  réfugier  au  sud,  à  l'abri  de  la  longue  île  basse  appelée 
Garden-island.  Néanmoins  Fremantle  est  le  lieu  d'exportation  le  plus  actif 
de  la  colonie,  et  c'est  de  là  surtout  que  l'on  expédie  les  laines,  qui  sont  la 
principale  richesse  de  l'AusIialie  occidentale.  L'ile  de  Rottnest,  qui  couvre 
la  rade  de  Fremantle  du  côté  de  l'ouest,  est  bordée  de  salines  que  des  con- 
damnés et  des  indigènes  exploitent  pour  le  compte  du  gouvernement.  Les 
trois  jiorts  de  Rockingham,  Bunhury  et  Busselton,  qui  s'ouvrent  au  luird 
de  Fremantle,  sont  les  plus  importants  de  la  côte  occidentale  pour  l'expor- 
tation du  bois  de  jarra  {cncalijptm  marginata),  essence  fort  appréciée  des 
constructeurs  et  des  mai'ins  pour  sa  durée  et  sa  résistance  au  ti'avail  des 
termites  et  des  tarels. 

Au  nord-est,  le  chemin  de  1er  de  Perth  se  continue  dans  la  vallée  de  la 
rivière  des  Cygnes  vers  (iuildford  et  vers  York  et  Beverley,  marchés  agri- 
coles actifs,  entourés  de  pâturages  et  de  brousses,  jadis  riches  en  bois  de 
sandal.  Une  route  carrossable  de  420  kilomètres, qui  se  dirige  au  sud-est  à 
travers  des  espaces  en  grande  partie  déserts,  met  la  ville  de  Perth  en  com- 
munication aA'ec  le  port  maritime  de  la  côte  méridionale,  Albany.  Le 
manque  de  terrains  cultivables  dans  les  alentours  de  cette  petite  ville  l'em- 
pêche de  prendre  le  développement  rapide  que  sembleraient  devoir  lui 
assurer  son  excellent  port,  le  King  George-sound,  et  sa  position  à  l'angle 
sud-occidental  du  continent.  Albany  est  une  escale  des  paquebots  entre 
l'Angleterre  et  Melbourne  et  le  point  de  West-Australia  qui  rattache  au 
reste  du  monde  le  réseau  local  des  lignes  télégraphiques.  Le  gouvernenicnl 


AISTRALIE    Oi:CII)E.NT.U,E. 


779 


anglais  et  les  colonies  australiennes  s'occupent  à  frais  communs  de  con- 
struire des  fortillcalions  autour  de  ce  point  stratégi(jue  du  littoral.  Dès 
l'année  liS20,  le  gouverneur  de  New  Soulli  Wales  l'avait  fait  occuper  par 
une  petite  garnison  pour  empêcher  les  Français  de  s'y  étahlir.  à   la  suite 


15'.    PEBTH    ET   SES    E>T1R0S5. 


Est  de   Par 


II5°30 


Esf    de    Greenwch 


Il5"30- 


D'ap.les  cartes  de  l'Amirauté  anglaise  et  d 


C  ?e 


de  rex|)ioration  mélhodicjue  du  littoral  faite  par  Baudin  et  Freycinet  :  c'est 
la  partie  du  littoral  australien  oîi  l'on  remarque  le  plus  de  noms  français. 
Au  delà,  vers  l'ouest,  il  n'existe  qu'une  escale  désignée  du  nom  de  port, 
quoique  presque  inhabitée  :  Eucla  (Yircla  ou  Yergalla),  c'est-à-dire  «  Etoile 
du  Matin  »  dans  le  langage  des  indigènes.  Eucla  est  sur  la  frontière  des 
deux  colonies  West-.Vustralia  et  South-Ausiralia. 


780  NOIYELLE   GEOGRAl'llIK   UNIVERSELLE. 

Au  nord  do  Freniantle,  l;i  cote  est  pres(jue  dôsertc  sur  un  espace  d'en- 
viron ."00  kilomètres  :  c'est  dans  cette  direction  que,  sur  un  point  du  lit- 
toral, se  trouve  la  mission  de  la  Nouvelle-Nursie,  fameuse  par  les  études 
ethnographiques  de  lUidesindo  Salvado.  L'œuvre  de  la  colonisation  n'a 
pris  une  certaine  im])orlance  que  dans  le  district  de  Tictoria,  ari'osé  par 
la  rivi(M"e  Greenoufili,  liordée  des  champs  de  Idé.  Des  chemins  de  1er  qui 
parcourent  ce  disirici  a|)p(trtenl  les  ]>i()(luils  de  la  contrée  au  port  de 
Geraldton,  situé  au  hord  de  la  baie  du  (diampion  :  dos  Ilots  et  des  récifs, 
les  Houtman's  Abrolhos,  limilent  à  l'ouest  le  chenal  côlier.  Le  district  de 
Victoria  est  la  région  minière  de  l'Australie  occidentale  :  on  y  trouve  sur- 
tout du  plomb,  du  cuivre  et  de  l'or.  Au  delà,  les  bords  de  la  baie  du  Requin 
(Shark's  bay)  et  la  côle  nord-occidentale  sont  visités  annuellement  par  une 
centaine  d'emharcalions  de  pèche,  qui  recueillent  les  perles  et  la  nacre: 
leur  principal  dépôt  est  le  village  de  Roehourne,  situé  à  la  bouche  de  la 
rivière  Sherlock,  (l'est  une  des  régions  de  l'Australie  oli  les  indigènes,  assi- 
milés à  des  esclaves  en  vertu  d'un  acte  «  d'assignation  »,  ont  eu  le  plus  à 
souffrir  de  la  féroce  avidité  des  blancs.  La  production  annuelle  de  la  pèche 
dépasse  en  valeur  500  000  francs. 

Toute  la  |)artie  du  littoral  australien  qui  s'étend  plus  loin  vers  le 
nord-esl  était  naguère  inhabitée  des  blancs,  lorsque,  en  1S69,  des  cher- 
cheurs d'or  découvrirent  le  métal  précieux  dans  le  territoire  montueux  que 
limite  au  sud  le  cours  du  Filzroy.  La  foide  des  mineurs  se  précipita  vers 
ces  contrées  :  des  villages,  des  purls  se  fondèrent  sur  les  rivières  et  sur  les 
golfes  du  lilloral.  En  1886,  quand  les  mines  furent  placées  sous  la  sur- 
veillance de  l'administralion,  plusieurs  milliers  d'individus  occupaient 
déjà  ce  district,  dit  de  Kimberley;  sa  capilale.  Derby,  s'élève  sur  la  rive 
orientale  d'un  estuaire  dans  le((uel  débouche  le  lleuve  Fitzroy.  Le  j)euple- 
mcnl  di>  celUr  partie  de  l' Aiisiralie,  d(''signi''('  dt'jà  \mv  (ïeorge  (ii'ey,  il  y  a 
plus  d'un  demi-siècle,  comme  l'une  des  plus  riches  de  promesses,  est  un 
fait  ca])ilal  dans  l'histoire  de  la  colonisation,  car  la  région  est  l'une  des 
moins  infertiles  et  des  moins  pauvnMuent  arrosées;  mais  les  colons 
anglais  n'osaient  s'y  aventurer  à  cause  de  la  chaleur  du  climat.  Ce  district, 
situé  en  ])lein<'  zone  trojticale,  en  face  di>s  iles  néerlandaises,  dont  le  sépare 
seulement  l'étroite  mer  d'Arafoura,  est  bien  placé  ])our  devenir  le  lieu 
des  échanges  et  du  va-et-vient  des  populations  entre  l'Insulinib»  et  l'Aus- 
tralie, actuellement  presque  étrangères  l'une  à  l'an  tic.  La  mari'c  s'élève 
dans  quelques  estuaires  de  cette  côle  à  la  hauteur  de  1 1  à  1"2  mèlies'. 

'   (1.  (iivv,  (iiiviuïc  ciU;. 


AISTRALIK   nu  SUD  781 

Soûle  entiT  les  colonies  du  coulincnl,  Wcsl-Australia  est  encore  ratta- 
chée à  la  Grande-Bretagne  par  des  liens  administratifs  directs.  Le  gouver- 
neur el  le  conseil  exécutif  sont  nommés  par  la  «  Couronne  »;  même  le 
conseil  législatif  est  en  partie  à  la  nomination  du  gouvernement;  toutefois 
la  majorité  de  cette  assemblée  est  élue  par  les  citoyens  parmi  les  notables 
ayant  une  propriété  d'au  moins  25  000  francs;  les  électeurs  eux-mêmes 
doivent  posséder  une  terre  de  2500  francs,  ou  payer  annuellement 
250  francs  de  loyer.  En  1(S80,  le  pays  était  divisé  en  quatorze  districts 
élecloi'aux.  La  force  armée  se  composait  en  1887  de  590  volontaires'. 


III 

SOUTH-AIISI'RALIA. 

Le  nom  de  cet  Etat  n'est  point  justifié,  car  le  territoire  de  la  colonie 
n'occupe  pas  la  partie  la  pins  méi'idiunale  du  continent,  el  se  prolonge  au 
noid  jns(|u'à  la  mer  dePapouasie.  L'espace  attribué  à  Soulh-Australia  com- 
prend toute  la  zone  médiaiu'  de  la  Nouvelle-Hollande,  du  côté  de  l'ouest 
jus(|u'au  129''  degré  de  lalitude  orientale  (Greenwich),  et  du  côté  de  l'est 
jusqu'à  d'autres  degrés  de  longitude,  le  loX''  sur  le  versant  du  gulfe  de 
(larpentaria  el  le  141"  sur  le  versant  de  l'Océan  du  sud.  Plus  dn  (piait  du 
lerriloire  continental  apparlientà  Soulh-Australia  :  sur  le  liltoraldu  niud, 
la  péninsule  située  à  l'ouest  du  golfe  de  Carpenlaria  en  fait  partie;  sur  les 
côtes  du  sud,  les  golfes  de  Spencer  el  de  Saint-Vincent  en  sont  les  échan- 
crures  principales. 

La  colonisation  de  l'Australie  du  Sud  a  commencé  sur  les  bords  de  ces 
baies  en  l'année  1834,  et  vers  la  fin  de  1856  la  proclamation  officielle  du 
nouvel  Etat  se  fit  près  du  porl  de  Glenelg,  sous  un  grand  eucalyptus,  dont 
le  tronc,  aujourd'hui  sans  vie,  porte  une  inscription  commémoralive;  aux 
jours  anniversaires  de  la  fondation,  les  habitants  s'y  rendent  en  foule  pour 
célébrer  la  fête  nationale.  Seuls  les  colons  libres  ont  contribué  h  la  fon- 
dation de  la  communauté  sud-australienne,  aucun  condamné  n'y  fut  dé- 
l)ar(iué  :  néanmoins  le  peuplement  de  la  colonie  se  fit  avec  une  grande  len- 
teur, jusqu'en  1846,  année  delà  découverte  de  riches  mines  de  cuivre,  qui 
attirèrent  aussitôt  la  foule  des  spéculateurs  et  des  industriels.  L'Australie 

'  liiKJfjct  (le  Wcsl-Aiislniliii  en  1880  : 

licccllcs  :     i)  714  000  fr;iiu-s  ;  Dépenses:     '.»  800  880  IVaiics. 
Dette  puljli(iue  :     ."2  150  000  francs. 


78'i  ^(iivKLLE  (;éo(;rai'1J1e  universelle. 

(lu  Sud  est  rosi ("■(■  Iir'ii  inCériouro  (M1  population,  en  richesse  el  en  commerce 
aux  trois  colonies  orientales,  Victoria,  Ps'ew  South  Wales  et  Oueensland  ; 
et  même  (t(>  1885  à  1886  elle  a  présenté  ce  phénomène  uni(|ue  en  Aus- 
tralie, un  recul  temporaire  dans  le  nombre  des  habitants,  réniijfration 
vers  les  mines  de  West-Ausiralia  et  vers  d'autres  régions  ayant  dépassé 
l'immifiration  et  l'excédent  naturel  des  naissances  sur  les  morts.  Ouoitjue 
le  climat  de  l'Australie  du  Sud  soit  des  plus  salubres  pour  les  blancs,  il  est 
redout(''  à  cause  de  ses  chaleurs  et  du  manque  de  brises  marines,  la  conca- 
vité de  la  côte,  tournée  vers  les  déserts,  faisant  prédominer  les  vents  des- 
séchants de  l'inlérieur.  La  mortalité  est  forte  sur  les  enfants  et  l'acclima- 
lemenl  de  la  race  n'est  j)as  aussi  facile  cjue  dans  le  reste  du  continent  :  la 
phtisie,  la  maladie  australienne  par  excellence,  y  est  encore  j)lus  commune 
que  dans  les  autres  États.  Par  suite  du  balancement  des  climats,  la 
col()ni(»  se  trouve  parfois  soumise  à  une  période  de  sécheresse.  Une  grande 
l»artie  du  sol  est  aride,  impropre  aux  cultures,  et  même,  sur  de  vastes  éten- 
dues, saline  et  sans  herbe.  Quant  au  territoire  septentrional  de  la  colonie, 
son  climat  torride  y  rend  racclimatement  des  cultivateurs  européens  très 
diflicile.  et  le  gouvernement  suzerain  a  dû  y  tolérer  l'entrée  des  colons 
malais  cl  chinois.  Presque  toute  la  |)opulation  sud-australienne  se  trouve 
donc  grou|i(r  dans  la  région  méii(li((nale,  entre  le  cours  inférieur  du 
Murray  et  la  rive  orientale  du  golfe  de  Spencer.  C'est  de  là  aussi  que  vien- 
nent Ions  les  ])roduils  qui  donnent  de  l'importance  à  l'Australie  du  Sud 
dans  le  monde  colonial  di^  l'AngleleriT,  les  cuivres,  les  laines  et  le  fro- 
ment';  pour  celle  céréale,  Soutli-Australia  dépasse  toutes  les  autres  colo- 
nies australiennes.  Quelques  éleveurs  de  South-Australia  possèdent  des 
aulruchei'ies.  La  cultur(>de  la  vigne  s'est  notablement  accrue  dans  les  der- 
nières aniK'cs',  el  fournil  une  liqueur  ([ue  les  Australiens  comparent,  sui- 
\aiit  les  leiroirs,  au  |)(irlo,  au  xi'u'ès  et  aux  vins  du  Uhin.  La  colonie 
exporte  aussi  îles  fruits  et  des  conserves. 

La  capitale  de  Soulh-Australia,  Adélaïde,  «  la  Cité  Modèle  »,  est  par  sa 
[topulalion  la  troisième  ville  de  l'Australie  :  plus  de  130000  habitants  se 
pressent  dans  le  quartier  central  et  ses  faubourgs.  Elle  est  située  dans  une 
plaine  voisine  de  la  mer,  près  des  premières  pentes  de  la  chaîne  des  monts 
jjofly  qui  s'élèvent  à  l'orient,  el  sur  les  boiils  de  la  rivière  Torrens,  sou- 

'    Sii|icrlicie  di's  cIi;imi|i>  ilr  liii-  ilaiis  S(Milli-Aiislriili;i  en  18«(>  : 

81o8'20  hectares.  Production  :  5  315  055  hectolitres. 
-  Supcilicic  des  \i{;nes  dans  Soulh-Austialia  en  1886: 

I  '.liiT  hectares,  l'ioduclioii  :  '.'L'IO  hectolitres. 


AUSTRALIE   DU   SUD,    ADELAIDK.  78.-; 

\('iit  à  soc;  SOS  largos  rues,  (jrioiik'os  suivant  los  jxjiiils  canliiiaux,  déouii- 
peiit  la  ville  en  carrés  réguliers.  Menacée  de  manquei'  d'eau,  Adélaïde  a 
dépensé  des  millions  pour  creuser,  dans  los  montagnes  voisines,  de  vastes 
réservoirs  d'alimentation  ;  elle  possède  aussi  des  promenades  nombreuses, 
des  parcs  étendus,  un  jardin  botanique  très  bien   ontielenu.  L'inivorsilé 


CD 


Pro  ^o^t^e^^fs 


..     Phares 


de  l'Australie  du  Sud,  l'Institut  et  autres  sociétés  savantes  siègent  dans 
la  capitale  de  la  colonie  :  c'est  là  que  se  centralisent  tous  les  efforts  scien- 
tifiques et  littéraires  des  habitants.  En  dehors  d'Adelaido,  qui  contient  à 
elle  seule  plus  du  tiers  de  la  population  coloniale,  avec  ses  faubourgs, 
Ilindmarsh,  Norwood,  Kensington,  il  n'y  a  que  des  bourgs  et  des  villages 
exclusivement  agricoles,  commerçants  ou  miniers. 


784  NOUVELLE  GÉOGRAPllII-    UNIVERSELLE. 

Adelaiile  a  [ilusieiirs  porls.  Le  principal,  ipii  a  reçu  le  nom  tic  la  capitale, 
l'(ii-l-A(lclai(lc,  se  Irouvo  à  une  douzaine  de  kilomètres  au  nord-ouest,  pvh 
d'une  cri(pie  ap|ii-oli)nilie  |iar  l'art  cl   fi'anf.;ée  d'cmljarcadèrcs;  Gleiiel^,  ;'i 

N"    lj9.    AIILr.  \lnK,    GIILFLS    l»L    SI'ENCER    KT    IH:    ?  VINT-VINCENT. 


de    Pa 


anglaise 


Pro^onc/eurs 


c/e/OéPS"  oie  PS  à  50"  c^eôO'"  etau-de/à 

1  ;  5300  000 


l'oucsl  d'Adelaide,  et  presque  rattache  à  la  cité  par  des  l'anbour^ts  et  des 
groupes  de  villas,  est  aussi  un  port,  et  les  paquebots  vieniunit  y  déposer  et 
prendre  les  dépèches;  Yictor-harhour,  situé  au  sud-est,  au  bord  de  l'Océan 
austral,  (>t  réuni  à  la  capitale  par  un  chemin  de  fer,  est  également  une 
des  escales  avancées  d'Adelaide;  enfui,  une  voie  ferrée  qui   se  dirige  au 


AisTiiAi.iK  ur  sri».  78:. 

iioi'd-osi  vl  qui  v;i  icjoiinlrc  le  llinivc  Murrny  à  Murg;iii,  au  coudu  priu- 
cipal  (k-  son  cours  inlVrii'ur,  mcl  Adcliiidc  on  communicalion  avir  hi  sculi' 
lifjno  de  navigation  intérieure  fjue  possède  le  continent  australien  :  une 
quaraiilaine  de  lialeaux  à  va|ienr  vont  et  viennent  en  anionl  du  ini'andre  où 
aboutit  la  ligne  d'Adelaide.  Le  petit  port  fluvial  de  (loolwa,  situé  à  12  kilo- 
mèlres  on  amont  do  la  liouolie  du  Murray,  sur  le  lac  terminal  d'Alexan- 
drina,  fait  un  certain  Iralic  jioiir  l'expoilalion  de>  laines.  Au  delà  du 
fleuve,  jirès  de  la  frontière  do  Victoria,  la  ville  de  Mouiit-liamliiei'  ou 
Gambieilon,  situi'c  à  la  base  méridionale  du  \(d(aii  du  mémo  nom  el 
alimentée  d'eau  par  le  lac  du  cratèic,  est  le  centre  commercial  le  plus 
actif  dos  districts  méridionaux  :  un  chemin  de  fer  la  rattache  à  la 
ca|iilale. 

D'autres  voies  ferrées  so  dirigent  d'Adelaide  vers  les  districts  miniers 
du  nord.  Les  houigs  de  Gavvlor.  Iva|)unda  et  Kooi'inga  ont  surtout  do 
l'imporlauce  |iar  les  mines  docui\re  de  leui' voi^-inago;  les  gisemenls  d(^ 
Bnrra-Durra,  près  de  Ivooringa,  sont  con.x  (jui  ont  l'ail  de  South-Ausiralia 
une  colonie  prospère  :  de  1846  à  1877  on  en  iclira  du  minerai  pour  une 
valeur  de  plus  de  cent  millions  do  francs.  Au  nonl-esl.  près  des  fron- 
tières de  Victoiia,  Toolulpa  s'enrichit  par  ses  mines  d'or.  Les  niino  do 
Wallaroo,  de  Moonta,  de  Kadina,  près  de  la  racine  de  \ork-peninsida, 
sur  la  rive  orientale  du  golfe  do  SpoiU'or,  ne  s(mt  pas  moins  riclios 
fpie  celles  do  Burra-Dui-ra.  Mais  au  ufu-d  le  chemin  de  fer,  qui  so  pour- 
suit à  li'a\oi's  les  pàiurages,  les  dt'serls  <■!  les  saline^,  a  liienli'il  dé|)assé' 
les  r(''gi(>ns  industrielli's  et  ne  sert  (|n'au  Iranspoil  des  laines  el  de  quel- 
(jues  denrées  agricoles.  Lu  jour,  celte  ligiu',  devenue  Iransconliiienlalo, 
.sei'a  la  voie  choisie  pai'  la  plupart  dos  visiteurs  qu'amèneront  les  paque- 
bots de  la  Gi'ando-Brelagne  vers  les  régions  peuplées  de  l'Australie  orien- 
tale et  sud-oiientalo.  Deux  câbles  sous-marins  rejoignent  l'extrémité  do 
ce  chemin  de  fer  à  Banjoevvangi,  dans  l'ilo  do  Java  :  on  1888,  ils  ont 
été  rompus  en  eau  profonde  par  une  explosion  volcanii|no. 

l'almerslon,  située  à  l'extrémité  seplenirionale  de  cetlo  ligne  non  encore 
aclicM''e.  se  |)r(''pare  à  ses  destinées  par  un  commerce  (h'jà  ciuisidi'rable'. 
Depiii--    l'aiini'e    |S7.'),    le    jiort    Darwin,    sur    la    ri\('    (irienlale  du(|uel    se 

«   Mniiv.'iiiriU  ilu  t'(Hi-ll;ii\\in.  m  l'iilMici-tiiii,  cm  ISSIi  : 

iinpiirlalions 7  .jK)  ."".M)  Iraiio. 

Ex|)orl:iliims 2  58ô  07^)       ■ 


Ensciiihli-    ....        y  75-2  D'ij  Ihiiio. 
Tonnage  des  navires,  eiitiées  el  sorties  : 

207853  tonnes,  dont  20Ô  92-4  sous  iiavillun  anglais. 


780 


NOUVELLE   GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE 


bàlissf'iil  les  consiruclions  de  Palmerston.  est  ouverl  au  coniineice  île 
loutes  les  nations  :  c'est  un  des  plus  vastes,  des  plus  commodes  et  des 
mieux  abrités  que  fréquentent  les  marins  dans  les  mers  orientales.  La 
population  totale  de  ces  régions  septentriojuiles,  le  Northern  Territory, 


Siilile»  q 


n'avait  encore  que  4550  habitants  lors  du  recensement  de  1881  ;  depuis, 
elle  s'est  accrue.  Plus  des  quatre  cinquièmes  des  résidents  sont  des 
•  diinois,  qui  déchargent  les  navires,  défrichent  le  sol  pour  les  plantations, 
empierrent  les  routes  et  vont  exploiter  au  sud  les  mines  d'tir  de  lUirrundie 
et  d  autres  endroits.  Les  négociants  de  ce  district  s'iqiposenl  énergique- 


AISTRALIE   DU   SID,   NORTUERN   TERRITORV.  787 

nient  aux  lois  rcsliiclives  de  riinmif;r<Ttii)ii  diiiioise  :  ne  |ionv:nil  déposer 
d'ouvriers  blancs,  ils  cherchent  à  recruter  des  travailleurs  orientaux. 

Un  petit  mouvement  d'échanges  s'est  établi  entre  Palmerston  et  la 
ville  javanaise  de  Soerabaja,  sur  le  chemin  futur  du  grand  commerce 
intercontinental  d'Australie  eu  Euroj)e.  La  tentative  de  colonisation  qui 
avait  été  faite  dès  1824  sur  le  détroit  d'ApsIey,  entre  les  îles  Melville  et 
Bathurst,  puis  d'autres  essais  du  même  genre  qui  eurent  lieu  plus  à  l'est. 
sur  la  péninsule  de  Cobourg,  ne  réussirent  ]»oinl.  à  cause  de  l'isolement 
(les  immigrants  anglais,  sous  un  climat  lr(ip  biMlant  pour  eux,  sur  un  sol 
trop  infécond,  recouvert  il'une  latérite  presque  feriugineuse.  Le  campe- 
ment de  Victoria,  bâti  sur  le  beau  port  d'Essington,  n'a  jamais  pu  s'élever 
non  plus  MU  rang  de  ville'. 


La  colonie  sud-australienne  est  autonome.  Le  gouverueui-,  nommé  par 
la  reine,  a  six  ministres  responsables,  choisis  dans  le  Parlement,  qui  lui- 
même  se  compose  de  membres  élus  par  les  citoyens.  Le  conseil  législalif 
ou  «  chambre  haute  »  comprend  2i  membres,  et  la  «  chambre  basse  », 
liousc  of  asaembly,  est  foi-mée  de  ^1  députés,  élus  pour  trois  ans.  Les 
etecleurs  du  conseil,  tenus  à  cerlairu's  conditions  de  cens  comme  pro- 
priétaires ou  feimieis,  ne  constituent  [tas  tout  à  l'ail  les  deux  cinquièmes 
<le  la  population  mâle,  tandis  que  pour  l'élection  de  l'Assemblée  tous  les 
citoyens  établis  depuis  six  mois  dans  le  pays  ont  droit  au  suffrage.  Une 
trentaine  de  municipalités  jouissent  des  privilèges  de  l'autonomie  commu- 
nale. La  force  armée  se  compose  d'un  [leii  plus  de  ."jtMlO  v(dontaires  et 
de  r(''(juipag('  d'un  petit  navire  de  guerre". 

'    Villes  (!,■  l'.ViisIralio  (lu  Sii,l  ;.mmiI  pins  ,],:  'idIMI  liiil,ihiiils  ni  I8SI.  plus  de  ÔOOO  en   1888: 

Aileliiide  (1888) Ijll  UOO  liah.  nvec  sesfaulmirgs. 

Tecliilpa  (1887) 5Ô0II  »  en   1881. 

l'oil  Adelaiile 5 '28(1  n              » 

Moonla 5  000  ).              « 

(iawler 7,000  >,               » 

fileuel^ ,-)000  1.              » 

Kapunda 2  290  i'             ii 

Kodiinga  (Rurra-Runa) 2  760  »              " 

Moniit  Gaiiiliiei- 2  400  »             i» 

^  Riiditel  de  Sonlli-Auslialia  : 

Recettes  de  l'année  fiscale  1887-1 88S  :  (!0  047  2ô0  francs. 
Dépenses  »  »  ,,  07  270  000       » 

Dette  publique  au  1"  juillet  1880  :  484  907  .^OO  fiaiics. 


788  MU  Vi;i.|.E  OÉOiiliAPIIlE  LN'1\  ERSELI.E. 


IV 


H  lîE^SLAMI. 


Co  nom  ni(''ino  csl  un  indice  ilu  |)(M1  d^incicniu^é  de  iclle  colonie.  J^a 
"  Terre  île  la  Reine  »  faisait  jadis  parlie  de  New  South  Wales,  et  c'est 
en  ISÔO  seulement  qu'elle  a  pris  une  existence  politique  distincte;  mais, 
quoique  postérieure  en  date  aux  deux  Etats  australiens  de  l'ouest  et  du 
sud,  elle  les  d(''|»asse  en  p(q)nlation  et  en  commerce;  il  est  vrai  que  dès 
l'année  1824  des  criminels  avaient  été  départes  sur  les  bords  de  la  baie 
de  Moi'eton,  et  que  le  territoire  avait  été  ouvert  à  la  colonisation  libre  en 
184'2.  L(>s  habitants  de  la  partie  seplenli'iomile  de  Queensland,  dont  les 
intérêts  économiques  ne  son!  ]>as  toujours  d'accord  avec  ceux  des  colons 
de  la  régi(jn  méridionale,  demandent  la  constitution  d'un  nouvel  Etat, 
qui  comprendrait  les  bords  du  gollé  de  Carpentaria,  la  péninsule  d'York, 
les  iles  du  ili'troil  de  Torres  et  la  Nouvelle-lininéi^  brilanniqni^;  au  point 
de  \ne  admiiiisiralir,  le  pays  se  partage  en  trois  k  divisions  >■.  du  nord,  du 
milieu  et  tlu  sud,  (|ue  l'on  considèic  comme  devant  formel'  un  jour  trois 
Etals  politi(|iies  dislincis. 

l'iiis  du  tiers  de  la  piqmlation  est  encore  massé  dans  l'angle  sud- 
oriental  de  (Jueensland,  l'ancien  district  de  Morelon-bav  ;  mais  en  dehors 
de  celle  région  les  centres  de  peuplement  sont  di'jà  fori  nombreux,  grâce 
à  la  diversité'  des  culluri's  et  des  industries,  (jueensland  a,  comme  la 
Nouvelle-lialles,  de  vastes  terrains  de  pâture,  principalement  sur  le  ver- 
sant occideiilal  des  monts;  elle  es!  ('galcmeiil  1res  riche  en  gisements  auri- 
fères, ipii  sont  <''pars  dans  toute  la  conlri'e,  des  iVontiJ'res  de  New  South 
Wales  à  la  jiéninsule  d'York  et  aux  vallées  qui  s'iindinenl  vers  le  golfe  de 
(iarjientaria.  Ses  gisements  de  ciil\re,  d'i'lain,  de  houille  ont  aussi  alliré 
des  colonic^s  de  s|t('iciilateurs  el  d'oinriers  sur  divers  points  du  territoire; 
enfin  la  ciillure  des  piailles  aliinenlaires,  ijiii  ne  réussissent  jias  sous  le 
même  climat,  froment,  maïs,  canne  à  sucre,  arbuste  à  ihé,  ananas,  ont 
eu  pour  conséquence  de  créer  dans  le  Queensland  plusieurs  foyers 
distincts  de  c(donisatioii.  On  sail  que,  pour  les  cultures  tnqiicales,  les 
planteurs  ont  eu  recours  aux  services  d'engagés  polynésiens,  compris 
sous  le  nom  générique  de  Karnakies  (Kanakes),  et  que  cette  importation 
d'étrangers,  amenés  dans  les  luhour-vesseU  et  temporairement  asservis,  a 
été  souvent  accompagnée  de  crimes  contre  la  liberté  et  la  dignité  hu- 
maines. C'est  aussi   dans  le  Queensland   que   la   présence  des  (Chinois  a 


nCEENSLAMI,   DRlSnA>'i:. 


789 


(IdiuK'   lieu    ;iii\   |iliis  ciiicllcs  iiijuslices  de  lii    |i;irl  do   ■<   rt'|)r('<ciilaiils 
(le  l;i  civilisnlidii  sii|i(''ri<'iir('  ».  Des  cxpnlilioiis  de  vcdciirs   (riinmiiics  se 


Dapres  les  ^drics  de  lA,. 


anglaise  et  di.e.-s  di,cu.),c. 


i    r  -no  000 


soiiL  l'n''(]iicininciU  (irgjiiiisées  dans  le  Queenslaiid  |ioiir  ravager  les  îles  de 
la  M(''laii('sie  el  de  la  INdviiésie. 

liiisijaiie,  la  eapitale  el  la  ville  la  plus  ancienne  de  (Jueensland,  es! 
située  sur  la  rivièi-e  de  son  nom,  à  l'endroil  où  elle  s'ouvre  eu  esluaire 
pour  s'unir  à  la  liaie  doMoreton,  à  une  quarantaine  de  kilomètres  en  aval; 
les  navires  d'un  tonnage  moyeu  remontent  jusqu'à  la  ville,  au-dessous 
d'un  pont  de  TiM)  nièires  cpii  traverse   le  llenve.  Le  port  de  Brisbane,  le 


7  ilO  N  U  U  V  E  L  L  E   G  É  (  )  (i  R  X  P  11  1 E  U  N 1  \  E  H  S  E  L  L  E . 

jiliis  frtMjiu'iiU''  (Ir  Queensland',  est  précédé  à  l'est  jmi'  la  rade  adiiiiralde 
de  Moreton-bay,  protégée  par  une  longue  chaîne  d'îles  basses;  deux  che- 
mins de  fer  unissent  Brisbane  aux  bords  de  celte  rade,  l'un  qui  se  dirige 
(In  nord-est  vers  Sandgate,  lien  de  villégialure  et  de  bains,  l'anlre  qui  va 
rejoindre  au  sud-est  l'entrée  méridionale  de  la  baie,  accessible  seulement 
a nx  bateaux.  Brisbane  est  alimentée  d'eau  en  abondance  et,  comme  les 
antres  grandes  villes  australiennes,  elle  a  nn  beau  parc  botanique. 

Ipswich,  bâtie  à  une  soixantaine  de  kilomètres  en  amont  de  Brisbane. 
sur  un  affluent  méridional  du  ilenve,  se  trouve  à  la  tète  de  navigation, 
et  les  bateaux  apportent  directement  à  ses  entrepôts  les  marchandises 
(|ui  de  là  sont  expédiées  vers  les  diverses  stations  de  l'intérieni'.  Ipswich 
•  '--t  nn  ceJitre  de  répartition  pour  le  ()neensland  dn  sud.  C'est  là  qne  le 
chemin  de  fer  commence  l'ascension  de  la  chaîne  de  partage,  pour  redes- 
cendre à  Warwick  dans  la  haute  vallée  de  la  (iondamine,  la  branche  maî- 
tresse du  Darliut;.  Taudis  (|ue  la  \oie  |iriiici|pale  continue  de  se  (lirig(>i' 
vers  l'ouest  par  les  villes  de  Toowoumba,  Dalby,  Boma,  un  embi'anche- 
inent  va  rejoindre  au  sud  les  lignes  de  Sydney  et  de  Melbourne;  un  autre 
gagnera  un  jour  les  bords  du  golfe  de  Carpentaria,  à  Poinl-Parker. 

La  ville  de  Maryborough  occupe,  à  !27'2  kilomèli'es  au  nord,  une  posiliuii 
analogue  à  celle  de  Brisbane.  Elle  se  trouve  aussi  au  bord  d'un  lleiive 
navigable,  le  Mary,  qui  s'élargit  en  golfe  et  débouche  dans  un  bras  de 
mer  défendu  à  l'est  par  l'île  allongée  dite  (ireat  Sandy-island.  Un  pont 
d'eiivii'on  r>(IO  mètres  traverse  le  Ilenve  à  Maryhorougli.  La  |)riu(ipale 
industrie  des  planteurs  environnants  est  la  culture  de  la  canne  à  sucre, 
et  ce  district  possède  de  nom])reuses  usines.  Au  sud,  dans  une  vallée 
tributaire,  est  la  ville  aux  maisons  é|)arses  de  ('iym|)ie,  fameuse  |»ar  ses 
miiu's  d'oi',  découvertes  en  1807  :  elles  avaient  d('jà  produit  en  ISSO  pour 
une  valeur  de  |)lus  de  50  millions  de  francs.  Au  nord  on  a  découveit.  à 
liurruin.  de  puissantes  couches  d'excellent  charbon,  et  au  nord-ouest  on 
exploite  de  riches  mines  de  cuivre  dans  le  district  de  Mount-Perry,  ratta- 
ché par  une  voie  feia'ée  au  |torl  de  Buiulabeig,  à  l'embouchure  du  Buriietl. 

Un  autre  |»ort  de  l'iviî're,  Bockhampton,  est  la  ville  la  plus  consi<lé- 
rable  du  Oueensland  après  Brisbaiu'.  Sa  position  est  fort  belle,  dans  une 
riche  campagne,  en  vue  de  coteaux  hoisé>  au  bord  d'un  large  fleuve,  le 
Fitzroy,  qne  remontent  les  gros  navires,  et  à  proximité  de  mines  produc- 
tives, or,  argent  et  cuivre.  Bockhampton.  comme  Brisbane,  est  la  lèle  de 

'   Mouvement  des  poi'ls  du  Queensland  en   18S(i  :    \ii'Jo  uaxlres,  jau;,'eanl   )  l'.'O  KiO  lonnes. 
Valeur  des  éclianscs  :  252  520  G50  francs. 


OUEENSLAM).  .  791 

ligne  d'un  clioniin  de  1er  (|iii  jK-nèlic  mu  loin  ihin^  l'iniéiieur,  vers  les 
plaines  centrales,  el  (jui  se  inmilie  de  dioile  et  de  gauelie  vei's  les  dislricls 
miniers.  Au  delà,  sui'  un  lilloral  profundénienl  découpi',  se  succèdent,  le 
port  de  ilackay,  d'où  l'on  exporte  des  tabacs,  des  sucres,  des  cafés  et 
autres  denrées  tropicales,  Bowen  ou  Port-Denison,  dont  l'accès  est  moins 
dangereux  que  celui  des  autres  havres  protégés  par  la  <<  Grande  Barrière», 
et  Townsville,  (jui  doit  son  inipoilance  aux  mines  d'or  de  la  vallée  du 
Burdekin  et  de  ses  alfluents.  liavenswood  et  Charters  Towers  sont  les 
princi[)aux  bourgs  miniers  :  le  mélid  e\|iédié  annuellement  de  Charters 
Towers  est  d'une  valeur  d'environ  0  millions  de  francs. 

Sur  le  littoral  du  Pacifique,  le  dernier  port  que  les  navires  fi'équentent 
en  nombre  est  celui  de  Cooktowii,  ville  fondée  en  1875  el  devenue  rapide- 
ment fort  active,  gi'àee  au  voisinage  des  mines  d'or  de  Palmer-river.  Cook- 
town  est  le  marché  et  le  lieu  d»;  ravitaillement  des  établissements  anglais 
et  allemands  de  la  Nouvelle-Ciuinée  el  des  îles  mélanésiennes.  La  colonie 
de  Somerset,  ijue  l'on  fonda  à  la  pointe  même  de  York-peninsula,  dans 
l'espoir  d'en  faire  une  autre  Singap(nir',  n'est  qu'un  pauvre  village  peu 
salubre;  mais  une  île  voisine,  Thursday-island,  est  une  escale  constam- 
ment visitée,  grâce  à  sa  position  sur  l'itinéraire  des  navires  qui  traversenl 
le  détroit  ;  en  outre,  elle  est  de|iuis  i<S77  le  centre  de  l'industrie  perlière 
dans  les  mers  de  Torres  :  j)lus  de  deux  cents  bateaux,  montés  par  loOO 
hommes,  sont  employés  à  la  pèche  des  perles,  de  la  nacre,  de  l'écaillé  de 
tortue,  des  holothuries  dans  les  parages  environnants \  Une  autre  île,  située 
dans  la  partie  orientale  du  détroit,  Erub  ou  Daridey-island,  possède  le 
séminaire  central  des  missionnaires  ])rotestants  de  la  Société  de  Londres. 

Sur  le  versant  du  golfe  de  Carpentaria,  les  deux  établissements  de  Nor- 
mantown  et  de  Burketown  n'i'laient  r(''cemnit^nt  que  de  ])etils  lieux  de 
marché  où  venaient  s'approvisionner  les  bergers  des  alentours",  et  Burke- 
lovvn  était  même  ])resque  entièrement  abandonné,  à  cause  de  l'insalubrité 
des  marais  environnants.  La  découverte  des  gisements  aurifèi-es  de  Croy- 
don,   sur  le   niènK;   versant,   faite  l'U    IX(S5,   a  aussit()l   précipité  vers    la 

'  Ale\.  lU\tr.i\.  Joiiniiil  iiflhf  fl.  I^eminiiihiciil  S,„iclij.  1808. 

2  lialtsuix  lin  iiéclu' do  Tliuiscl.i\-|vl:in(l  l'ii    I88i  :    'Jl'J. 

Proiliiitde  la  pècho  :  702  tomics  ilr  lunic,  A\\w  \Arny  ilr  'i  .'.n.')  IMKI  liaiirs. 

5  Villes  de  Queensland  ayant  plus  de  ÔODO  liatiilaiils  en  I88(i  : 

lirisbane,  52  507  haliilanls;  ô.'iOOO  halntants  en  1888;   7.j  04U  avce  les  iMnlMinri-s  en  1880. 

Hoeklianiplon 10  795  liali.    1    Ipswicli  e(  faulioiH'i.'s 0  fiOS  liab. 

Maryl)(ii(in;;li '.)-281      'i          Tdurisville 7  800     » 

(jjnipie  el  rauljiiui'y Il  807      )      !    Tnowedmlja 6  270     » 

Crovdon  (18871 .")  000  lialnlanls. 


79-i  NOrVKI.LE   GÉOGRAI'UIK   IMM- fSSEl.I.K. 

cdiilitV  tle^  millici's  de  s|)LTiilateurs  et  (k-  coluiis'.  Le  |)ojl  tlioi^i  (loiir 
foKi'  coiilrée  est  Point-Parkoi-,  abrité  au  lariio  par  le  iiroii[)o  des  îles  Ben- 
tinck  et  Moniiuyloii. 


Queensland  n'a  pas  encore  rompu  les  liens  adaiini>lralirs  qui  la  ratta- 
chent au  gouvernement  britannique.  Le  gouverneur  et  le  conseil  législatil', 
la  chambre  haute  du  parlement,  sont  à  la  nomination  de  la  (louronne.  Les 
meniluTs  de  ce  conseil,  au  uomlire  de  36,  sont  nommés  à  vie.  Oiiant  à 
l'assemblée  législative,  elle  est  élue  |mi'  le  sulïrage  n^iv('r^(■l.  <■!  la  dorée 
(lu  mandat  est  de  cinq  années;  les  délégués  ne  louchent  aucun  traite- 
ment". La  force  armée  se  compose  d'une  tron])e  permanente  de  165(1 
hommes,  d'environ  600  volontaii'es  et  de  150  cadets.  Une  cauouuièi'e  et 
quelques  marins  sont  censés  détendre  les  5000  kilomètres  de  ci"iles. 


m:w  soiTii    wai. es  inoi  vei.i.k-callks  lie  sud). 

(À'Itc  ciliduie,  la  preuiièrc  eu  dalc  du  coiilincul.  iiuisqu'cllc  a  di'ià  un 
siècle  d'existence,  p^rlc  un  udui  (|ui  rappelle  sa  dépendance  de  l'Aiigie- 
leri'e  et  qui  d'ailleurs  manque  ((puiplèleuienl  d'en|du)nie.  Au>>i  a-l-il  éd' 
IVéquemmeut  (|ue-^li(iii  de  changer  rappellalion  oriicielle  de  la  conlriV,  e( 
Von  a  même  proposé  de  la  remplacer  simplemeni  par  celle  d'Australie, 
à  l'exeniple  des  Etats-Unis,  qui  revendi(|uenl  |Mnir  eux  seuls  le  nom 
d' f<  Améiique  )i.  Toulelnis  les  autres  Liais  ausiraliens  proleslenl  contre 
celle  prélenlion  de  New  Soulli  Wales  de  prendre»  |ioui-elle  seule  le  nom  de 
l(ms,  el  l'ancieune  désignalion  esl  mainlenne.  Il  lui  un  lenqis  dû  New 
South  ^VMles  élail  en  elTel  l'ensemble  des  c(d(inies  européennes  de 
l'Australie;  mais  quand  Wesl-Ausiralia  eul  élé  consliluée,  puis  ipie  Victoria 
el  (jiieenshind  eurent  |)ris  une  exislence  |irop)'e  en  il(''laclianl  au  sud  el  au 
miid  de  vastes  tei'riloires  de  la  colonie  mère,  celle-ci  ne  représenla  plus  en 
surface  (uriin  peu  plus  du  dixième  du  continent,  espace  encore  énorme 
pdur  su    faillie   pii|(ulali(Mi   relalive,    puis(|u'il  égaie   une   lois   el  demie  la 

>   N.ilcia-  ilr  Tor  cxliail  (k's  mines  ilr  Cnivdoii  en  1887  :  .'  108  (KKI  IViiiK^. 

-  I!u(l-i-t  (lu  Oiii'riKJiini!  (l;ms  l'iinnéc-  fiscak'  1887- 1888  : 

liiT.'llr. 8.")  7'i."(  011(1  fiani>. 

llé|icnsrv 81.1  m  87;>       11 

\k'\W  iiiil.lii|iio  au  TiO  juiu  1888  :  ()75  59'-'  lUO  IVauo. 


NOUVELLE-GALLES  DU   SUD.  T'JÔ 

supcriicio  de  la  France  :  au  sud,  du  côlé  de  Yicloiia,  la  iVoulière,  sur  le 
versant  du  Pacifique,  est  une  ligne  droite,  tracée  à  travers  monis  et  vaux, 
entre  le  promontoire  sud-oriental,  dit  cap  Howe,  et  le  mont  Pilot,  sur  la 
chaîne  maîtresse;  mais  au  delà  on  a  pris  pour  limite  commune  un  haut 
affluent  du  Murray.  puis  cette  rivière  même,  jusqu'au  141"  degré  de  lati- 
tude orientale  (Greenwich).  Du  côté  de  Oueensland  un  chaînon  de  mon- 
tagnes qui  commence  à  la  pointe  Danger,  puis,  sur  le  versant  du  Darling, 
le  cours  de  diverses  rivières  constituent  la  partie  orientale  de  la  limite. 
Au  delà,  le  29*  degré  de  latitude  méridionale  est  une  frontière  fictive 
tracée  dans  la  plaine  immense. 

(Juoique,  à  la  suite  de  la  fîl'Vi'c  de  lOr  qui  lanra  la  fuulc  a\ide  vers 
la  colonie  de  Yichiria.  celle-ci  ail  ac(juis  temporairemenl  la  supériorité  en 
population  et  en  importance  commerciale,  le  premier  rang  est  revenu  à 
New  South  Wales.  Elle  est  moins  riche  en  or.  il  est  vrai,  mais  la  produc- 
tion de  ce  métal  perd  de  sa  valeur  relative  dans  l'économie  générale  de  la 
contrée,  et  c'est  la  Nouvelle-Galles  qui  fournit  en  plus  grande  ahondance 
la  laine,  denrée  qui  plus  que  toute  autre  a  contrihué  à  faire  la  fortune 
de  l'Australie.  Pour  l'exploitation  des  mines  de  houille,  c'est  la  même 
colonie  qui  est  de  heaucoup  la  plus  active,  ainsi  (|ue  pour  d'autres 
industries  de  moindre  valeur.  En  outre,  rancienneté  même  de  New  South 
Wales  comme  colonie  hritannique  l'aide  à  prendre  l'hégémonie  parmi  les 
Etats  australasiens  :  c'est  elle  qui  en  grande  partie  a  fondé  Victoria,  Oueens- 
land. la  Tasmanie,  la  Nouvelle-Zélande,  par  ses  essaims  de  colons.  C'est  à 
rendroil  désigné  par  Cook  sur  le  pourtour  du  continent  que  se  trouve  le 
véritable  centre  du  monde  colonial  de  l'Australa^ic 

L'emplacement  choisi  en  178S  jiour  recevoir  la  première  colonie  péni- 
tentiaire aux  antipodes  de  la  (irande-Bretagne  ne  porte  point  encore  de 
ville.  Biitany-bay,  dont  le  nom  a  été  longtemps  ap[)liqué  à  l'ensemble  des 
possessions  anglaises  en  Australie,  n'a  sur  ses  bords  que  des  villages  de 
bains  et  des  villas  éparses  appartenant  désormais  à  la  banlieue  de  Sydney. 
L'entrée  du  port  est  signalée  au  sud  par  le  monument  de  Cook,  qui  décou- 
vrit cette  baie,  en  1770;  et  au  nord  par  celui  de  Lapérouse,  qui  en  1788 
partit  de  ce  point  de  relâche  pour  le  voyage  d'où  il  ne  devait  plus  revenir; 
les  noms  de  Banks  et  de  Solander  laissés  aux  deux  caps  qui  se  font  face, 
des  deux  cotés  du  chenal,  rappellent  aussi  la  mémoire  de  savants  qui 
conlribuèrent  à  l'u-uvre  de  découverte  australienne.  Si  la  baie  vantée  par 
ces  premiers  explorateurs  est  abandonnée  par  le  commerce,  ce  n'est  point 
qu'elle  ne  présente  aux  navires  des  eaux  profondes  et  un  abri  suffisant, 
c'est  que  dans  le  voisinage  immédiat,  au  nord,  s'ouvre  le  merveilleux 
XIV.  100 


79i 


NOrVI'.LI.E   GKUfiKAPlilK    IM VERSKILK. 


eiiscmljlc  lie  |)oils  (|u'oii  appelle  Porl-Jacksoii,  et  qui  n'a  guère  de  [jareils 
sur  la  Terre  jwur  l'éleiulue,  la  sûreté  et  les  avantages  nautiques:  seule- 
ment le  ehenal  d'entrée  entre  le>  eaps  ou  heads  n'est  pas  tout  à  fait  assez 
profond.  La  surface  d'anerage  du  port  est  de  23  kilomètres  carrés,  et  le 
pourtour  du  littoral  intéiieur.  a\ec  ses  liaies  et  ses  criques  secondaires, 
atteint  87  kilomètres. 

Sydney,  bàlie  sur  les  rives  méridionales  de  ce    pori  magiiititjue.  est  la 


!CS.    —   HiTïM-m 


D  après  lA, 


P/~o/o^^e^''-s 


I    .   IGOUOD 


e/eSûàSOÛ'"     c/i^POÛ^etau-^/e/d 


plus  ancienne  cil(''  de  l'AusIralie.  car  un  siècle  esl  un  long  espace  de 
tenqis  dans  l'histoire  des  Europc'en^  de  l'héinisplière  du  sud.  D'ahord 
simple  pénilencier,  puis  chef-lieu  de  piisons  é|)arses  dans  le  territoire  envi- 
l'onnatii,  Syiliu'V  ne  fui  dans  les  premières  décades  (|u'un  humhle  village, 
construit  dans  une  clairière  de  forèl,  à  l'extrémité  d'un  ])romontoire: 
inaintenani  c'est  une  grande  capilale.  ipii  dispute  à  Melbourne  le  |iremier 
rang  dans  le  niuiule  océanique.  Ses  habitants  lui  donnent  le  nom  de  Qaeeit 
of  Ihc  South,  «  Reine  du  Sud  ».  Grâce  aux  nombreuses  sinuosités  du 
rivage  et  au  relief  inégal  des  lei'i'ains.  Svdnev  n'a  point  celle  monotonie 


Nouvelle  Géographie  Universelle.  T.  XIV.  PI.  lU. 


SYDNEY  ET  pqRT-JACKSON 


Uachelle  el  C'.  Paris. 


t.lVM101iV;V''«--''n,'Jo«<<c/ic(,V;;,/-,y./ut/-/,«.,^,,c//i,,rf</^</rt-..  cU,c,^n,siiL, 


J^oOmdciurs 

IZ5       ^      î^  \m. 

D^oàs-r        d^iàwr-       d^inur.o'T-        de  so'^^uau.M^l 
i  :  ti/ÔIJd 


Oio>;j,n,£i-haia.  !'•'!'' 


SYDNEY. 


797 


banale  de  la  plupart  des  villes  auslraliennes  el  américaines  :  ce  n'est  point 
un  damier  de  structures  dont  tous  les  carrés  ont  les  mêmes  dimensions. 
elle  a  des  rues  qui  serpentent  dans  les  vallons  et  à  la  montée  des  col- 
lines; des  criques,  des  bras  de  mer,  des  rochers,  interrompent  le  plan 
irrégnlier  et  partagent  la  cilé  cm  villes  distinctes.  Au  centre  est  le  vieux 


1C3.    —    SYDNEY    EN    181)2. 


Est  de  Par.s 


T^ 


/    ri- 


\ 


(  I  / 1 


quartier,  en  forme  de  main  ouverte,  allongeaul  ses  promontoires  dans  la 
rade;  au  sud  se  croisent  les  belles  aveimes  de  Woolomoloo;  au  nord,  les 
bacs  à  vapeur  vont  et  viennent  incessamment  entre  les  anciens  quaitiers, 
la  ville  nouvelle  de  Nortli  Shore  et  les  bains  de  Manly,  à  la  double  plage, 
l'une  sur  la  mer  intérieure,  l'autre  sur  l'Océan.  Chaque  lue  présente  des 
perspectives  différentes  sur  les  collines,  la  rade  et  ses  criques,  les  jardins 


798  NOrVELLE  (lEOGRAPUIE   UNIVERSELLE. 

cl  les  bois.  Et  peu  île  capilales  sont  aussi  largement  pourvues  que  Sydney 
lie  parcs  et  île  pelouses  :  un  des  espaces  réservés  pour  la  promenade,  le 
Moor-park,  situé  au  sud-est  de  la  cité,  n'a  pas  moins  de  240  hectares;  un 
autre,  au  centime  même  de  la  ville,  commande  le  tableau  grandiose  des 
ports  et  des  passes.  On  s'occupe  d'amener  à  Sydney  l'eau  du  lac  George, 
situé  au  sud-ouest  dans  les  Alpes  Australiennes;  toutefois  il  est  arrivé, 
dans  les  années  de  sécheresse,  que  ce  réservoir  lacustre  se  trouva  presque 
sans  eau. 

Comme  cité  commerçante,  Sydney  est  le  centre  principal  des  lignes  de 
navigation  à  vapeur  dans  l'océan  Pacifique  et  du  mouvement  de  cabotage 
sur  les  côtes  de  l'Australie'.  En  outre,  le  port  est  si  vaste,  qu'entre  les  nom- 
breux embarcadères  de  ses  bords  s'est  développé  un  grand  trafic  intérieur 
pour  le  transport  des  voyageurs  et  la  répartition  des  denrées  et  des  mar- 
chandises :  des  forts  érigés  sur  les  promontoires  de  l'entrée  défendent  la 
rade,  qui  d'ailleurs  n'a  jamais  été  menacée  par  aucun  ennemi.  Entre  les 
deux  cités  qui  se  disputent  le  premier  rang  dans  le  continent  australien, 
Melbourne  et  Sydney,  celle-ci,  avec  son  port  merveilleux,  a  l'avantage 
d'occuper  une  posilioii  jilus  (■ciilralc  relativement  à  l'eusemble  des  Etats 
de  l'AusIralasie  et  de  si'  trouver  plus  rapprochée  des  terres  océaniennes 
et  de  l'Amérique  :  elle  regarde  \cis  le  monde  habité,  et  non  pas,  comme 
McllMiuiiie.  vers  les  terres  glacées  de  l'Antarctide.  Sydney  a  tenu  à  honneur 
d'être  une  ville  de  science  et  d'art  :  elle  a  des  musées,  la  liclie  Université 
de  New  South  Wales.  des  soci(''l<''s  savantes  et  un  vaste  jardin  botanique 
entretenu  avec  soin.  Une  station  /.dologicpie  a  été  l'ondée  sur'  une  baie 
voisine  de  la  cité  par  Mikl'ukho-Maklay. 

Sydney  se  rattache  pai'  des  (InMiiitis  de  fera  toutes  les  \illes  el  bour- 
gades imporlanlcs  de  la  cohMiic  et  des  j'^tats  voisins,  Queensland  el  Vic- 
toria, l'aramalla,  la  ville  la  |)lus  rap|tr()chée,  peut  être  considérée  comme 
une  dépendance  naturelle  de  Syliiey,  puisfju'elle  es!  silm'e  à  l'exirémité 
occidentale  de  la  même  baie,  à  l'endroit  où  vient  se  jeter  la  livière  de  son 
nom  :  ses  canij)agnes  sont  vantées  comme  le  verger  de  Sydney  et  possèdent 
les  plus  belles  (irangeries  du  (■(intineul. 

'   M.iini'iMi'nl  ili'  l;i  inni^'olioii  (l:iiis  les  |iiiils  de'  Nrw  Sniilli  Walps  en  1881)  : 

IJihri's 'J(iSl  ,i;ivlirs,jauge:in(  2  1141118  iDiiiics. 

Sni-lics 2  7.M       »  n         -2\\7,'.mi       )> 


Eiisoiiiljte   ....        .^iû'J  navires,  jaugeant  4  258  (iU4  toniii'.'i. 

Valeui- (les  échanges  :  Impnrlalions 524  5.j8  700  francs 

lixpoilalions 582  905  52.5       u 

Ensenilile S07  244  025  fiflncs. 


SYDNEY,   NEWCASTLK. 


Au  nord  de  l'ort-Jacksoii,  le  bassin  de  la  rivière  llawkcsbury  n'a  poini 
de  villes  proprement  dites,  mais  au  delà  le  Hunier  parcourt  la  région  la 
plus  populeuse   de  New  >Soulh  Wales  après  les  alentours  de  Sydney.  La 


ville   (le   Newcaslle 


i   sarde  l'enliée  du  fleuve,  en    se  recourbant  sur 


qui    g: 


une  pointe  Iriaiigulaire  au  sud  e(  au  sud-esl  du  clieual,  esl  la  deuxième 


Est  ^e  Pans 


Oaprès  l'Amiraote  an|lai^e 


/^/-O^O^'c/cw^ 


t    ;   123  0(10 


c/e  SO"~fi-t  ju  ofe/j 


ville  de  l'Etal,  el  à  une  trentaine  de  kilomètres  au  nord-ouest  se  trouve 
une  autre  ville  aninn'e,  Mailland,  composée  de  deux  communes  juxta- 
posées sur  les  bords  du  llunter,  navigable  jusqu'en  cet  endroit.  Newcastle, 
de  même  qu'un  bourg  voisin,  Wallsend,  doit  sou  nom  à  la  ricliesse  des 
mines  de  houille  qu'on  exploite  sur  les  bords  du  Hunier  et  qui  rappellent 
par  la  puissance  des  couches  et  la  qualité   du   combustible  les  charbon- 


800  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  .UNIVERSELLE. 

nages  de  rAngieterre.  L'exportalion  des  houilles,  qui  représente  environ 
les  deux  tiers  de  la  jiroduetion  totale  de  l'Auslralasie  en  combustible 
minéral,  attire  chaque  année  à  Mewcastle  plus  d'un  millier  de  bateaux 
chargeurs';  par  l'importance  de  son  trafic,  celle  ville  née  d'hier  dépasse 
déjà  des  cités  européennes  comme  Nantes  et  Cadiz.  A  côté  des  puits  de 
mine  se  sont  fondées  diverses  manufactures. 

Les  autres  ports  qui  se  succèdent  au  nord  dans  la  direction  de  Queens- 
land,  Porl-Stephens,  Port-Macquarie,  la  bouche  de  la  rivière  Clarence,  sont 
peu  fréquentés.  Dans  la  zone  du  versant  côtier,  Grafton  est  la  seule  ville 
de  quelque  importance,  grâce  aux  cultures  environnantes  et  à  ses  mines 
d'or,  de  cuivre,  d'antimoine,  et  surtout  d'élain  :  les  gisements  de  Vege- 
table  Creek  ou  Emmaville  sont  les  plus  productifs.  Le  versant  opposé  de 
la  chaîne  de  partage,  dans  la  région  pastorale  dite  New  England  ou  «  Nou- 
velle Angleterre  »,  a  quelques  petites  villes  éparses.  Tamworth  est  la  prin- 
cipale station  intermédiaire  du  chemin  de  fer  qui  rejoint  Sydney  à  Bris- 
bane.  Bathurst,  sur  une  autre  voie  ferrée,  celle  qui  se  dirige  au  nord- 
ouest,  de  Sydney  vers  le  cours  du  Darling,  est  un  centi-e  de  commerce 
encore  plus  actif.  Située  à  7(1(1  nièlres  d'altitude,  dans  une  haute  vallée  des 
Montagnes  Bleues,  qui  s'incline  à  l'ouest  vers  le  Darling  par  le  bassin  de 
la  livière  Macquarie,  Balhursl  a  l'aspect  d'une  ville  agricole  anglaise, 
entourée  de  champs,  de  pâturages  et  de  bouquets  d'arbi'es.  Au  delà,  la 
voie  principale  se  continue  à  travers  les  pâturages  et  les  champs  de 
céréales  par  Orange,  AVellingtoii,  Duhbo,  et  se  termine  à  la  ville  deBourke, 
bâtie  sur  le  Darling,  à  l'endroit  où  commence  la  navigation  pendant  la 
période  des  crues  :  cette  rivière  est  connue  sous  le  nom  de  Biverina  ou 
«  Mésopotamie  australienne  ».  D'autres  chemins  de  fer  (jui  se  détachent 
du  tronc  principal  de  Sydney  aux  Montagnes  Bleues  vont  couper  les  aflluents 
du  Murray,  et  le  Murray  lui-même,  aux  villes  les  mieux  situées  comme 
centres  de  cultures,  de  mines,  ou  comme  escales  de  navigation.  Forbes 
sur  le  Lachian,  Gundagai  et  Wagga-Wagga  sur  le  Morrumhidgee,  Albury 
sur  le  Murray,  sont  les  plus  im[)ortantes  parmi  ces  villes  de  fondation 
nouvelle.  Albury  surtout  s'est  rapidement  développée  comme  station  de 
mi-voie  entre  Sydney  et  Melbourne  :  elle  est  entourée  de  champs  de 
tabac  et  de  vignobles  produisant   un  cru  renommé.  Un  pont  fianchil  le 

•  Exportai  Ion  de  la  liouillo  ilo  Nowcastlc  en  1880  .• 

2  178  11(5  tonnes,  d'une  vaieia-  de  .j7  ôOO  000  francs. 
Mouvement  du  port  en  188('),  à  l'entrée  et  à  la  soilio  : 

2(i88  navir'cs,  jaugeant  i!  194  Ui.")  tonnes. 


GOULlîOlFiN.   ILK   >OHFGLK.  801 

Miirray  dcvaiil  Albui'x  '.  A  l'esl,  par  delà  les  cours  du  Darliiiy,  se  tiduvcnl 
les  mines  d'argent  et  de  plomb  de  Silverlon,  fré(jnemmenl  désij^nées  du 
nom  de  AVilcannia,  d'après  une  ville  située  au  boid  du  fleuve. 

Au  sud  de  Sydney,  les  ports  de  Wollongong,  de  Kiama,  de  Nowra  ou 
Shonlliaven  font  (|iu_^l(|ue  commerce  de  denrées  agricoles  et  de  charbon; 
mais  le  centre  industriel  et  commercial  de  celte  |»arlie  de  New  South 
Wales  se  trouve  à  l'intérieur,  dans  une  valb'e  des  nionlagnes  :  c'est 
Goulburn,  située  à  ë49  mètres,  sur  un  haut  altlnent  du  Hawkesbury; 
son  district  est,  avec  certaines  régions  de  la  Nouvelle-Anglet(>rr(\  le  mieux 
cultivé  et  le  plus  [)roduclif  de  New  South  Wales.  Une  partie  du  lilloral, 
entre  Sydney  et  Wollongong,  a  été  désignée  en  1880  comme  devant  appar- 
tenir collectivement  aux  citoyens  d'Australie.  C'est  le  «  parc  national  » 
de  Porl-IIacking,  d'une  superficie  de  li  800  hectares,  avec  collines, 
forêts,  rivières  na\igables  et  baies  poissonneuses. 


Les  îles  de  Loi'd  Howe  et  de  Norfolk,  avec  les  Ilots  (jui  en  di'pendenl. 
sont  rattachées  administrativement  à  New  South  Wales,  qiioi([ue  la  forme 
du  relief  sous-marin  les  attribue  géographi(|uement  à  la  Nonvelle-Zélande, 
et  (|ue  par  leur  flore  et  leur  faune  elles  constituent  de  petits  mondes  indé- 
pendants. L'île  principale  de  Lord  Howe,  haute  de  865  mètres,  est  peuplée 
depuis  1840  de  quelques  familles,  qui  pourvoient  à  leur  subsistance  en 
fournissant  des  vivres  aux  navires  de  passage,  mais  qui  ne  prospèrent 
point,  si  l'on  en  juge  ])ar  l'émigration  qui,  de  trois  cents,  a  réduit  le 
nombre  des  habitants  à  une  quarantaine.  L'île  Norfolk,  cinq  fois  ])lus 
grande,  est  plus  peuplée  en  proportion.  Lorsque  Cook  la  découviil, 
en  1774,  elle  était  déserte;  le  gouvernement  anglais  y  établit  une  colonie 
pénitentiaire  pour  les  ((Hiitcts  les  plus  redoutés,  que  l'on  traita  dans  les 
|)remières  années  avec  une  effroyable  sévérité  :  des  malheureux  furent 
fusillés  jusque  dans  réglise\  Plus  tard,  on  fil  à  Norfolk  de  nombreuses 
expériences,   ]ilus  ou    moins  heureuses,   sur  le  «   relèvement   des  crimi- 

1  Villes  de  New  Simili  NV;iles  :iy;mt  [iliis  de  odIlO  l^diilmils  ;ui  rcceiiseiiiciil  de  1881  : 

Sydney  (déc.  1887),  l.'i'2  84r)  Iwl).  548  84(i  linh.  -.nrr  les  (induiiii-j;?. 

Neweaslle  (1887) 20  00(1  n  « 

I^aramall:i  (1887) 12  000  »  » 

Cdullnnn  (18811 ij  000  n  » 

Wdll.injiïmg    .) 8  000  «  d 

M;iill;iiiil           1, 7  500  »  ,» 

lliilluiisl           « 7  221  ))  » 

-  Waller  Coole,  Ocniii  PmifKjKr  orriilenliil. 

XIV.  101 


802 


NOUVELLE   (;ÉOi;UAPUlE   UNIVERSELLE. 


nels  »;  mais  en  1S42  l'étaiilissement  fut  abandonné,  et  l'île  était  de 
nouveau  sans  habitants  bjis(jue,  en  18ÔG,  les  insulaires  de  Pilcairn, 
descendants  de  matelots  anglais  révoltés  qui  s'étaient  mariés  à  des  femmes 
polynésiennes,  et  trop  à  l'étroit  sur  leur  tei-re  natale,  demandèrent  au 
prouvernement  la  concession  de  IN'orlbld  qui  leur  fut  accordée.  Au  nombre 


Estdc^ar,. 


(l'un  peu  plus  de  six  cents,  ces  indigènes  se  gouvernent  eux-mêmes,  sous 
la  présidence  d'un  magistral  élu,  mais  sous  la  direction  réelle  des  mis- 
sionnaires anglicans,  qui  ont  fondé  une  école  d'environ  deux  cents  jeunes 
gens,  amenés  de  la  Mélanésie.  Isolés,  surv(>illés  et  protégés  à  outrance, 
les  habitants  de  l'île  Norfolk  ont  peu  d'initiative;  quémandeurs  et  hypo- 
crites, ils  n'ont  aucune  industrie  et  leur  agriculture  n'est  pas  florissante  : 
en  1855,  leurs  champs  ne  comprenaient  que  00  hectaies  en  étendue.  Ils 


ILK   NOKFOLK,   VICTORIA.  80r. 


s'oiinuieiil,  oublient  même  de  se  marier.  En  1884,  le   iKunbre  des  époux 
comprenait  seulement  le  cinquième  des  adulles'. 


De  même  que  sa  lille,  Queensland,  la  colonie  de  New  South  Wales  relève 
(le  la  i'  Couronne  »  pour  la  nomination  du  j^iouverneur  et  d'un  conseil 
législatif  de  21  personnes,  nommées  à  vie;  mais  elle  choisit  par  le  sulTrage 
universel  les  membres  de  l'assemblée  législative,  actuellement  au  nombre 
(le  124,  deux  \y.w  disirici  électoral;  lors  de  chaque  recensement  oriiciel, 
l'assemblée  aiignienle  en  |iro[)orlioii  de  l'accroissement  des  électeurs.  La 
force  armée,  réguliers  et  volontaires,  comprend  près  de  7000  hommes.  Le 
budget  de  New  South  Wales  est  beaucoup  plus  élevé  par  tète  d'habilant 
que  celui  de  la  (irande-Biclagne  ou  de  la  France'. 


Yl 


Cette  colonie,  la  plus  petite  du  continent  australien,  est  la  plus  |)opu- 
leuse  en  ])roportion  de  la  surface  :  ce  qui  d'ailleurs  ne  lui  permet  |)as  de  se 
comparer  avec  les  contrées  de  l'Europe  occidentale,  piiis(|uc  le  nimibrc  de 
ses  habitants  est  seulement  de  4  à  h  par  kilomètre  carré.  Elle  ne  le  cède  en 
population  totale  qu'à  New  South  Wales,  dont  elle  s'est  politiquement  dé- 
lachée  en  I8M;  même  elle  occu|ia  le  premier  rang  pendant  la  grande 
pi'ospérité  des  chercheurs  d'or.  A  celle  cause  d'attraction  spéciale,  l'or, 
la  c(donie  de  Victoria  ajoute  un  avantage  de  premier  ordre  pour  les 
immigrants  anglais,  son  climat,  moins  chaud  que  celui  des  autres  Etats  de 
l'Auslraiie  et  plus  analogue  par  ses  oscillations  à  celui  de  la  Grande- 
iirelagne.  Telle  est  la  raison  ipii  l'avait  l'ail  appeler  Australia  Félix  avant 
que  le  besoin  de  ilatter  leur  reine  portât  les  mineurs  australiens  à  inscrire 
une  fois  de  plus  le  nom  de  Victoria  sur  la  carte  du  monde. 

Lors  de  la  constitution  de  la  colonie  en  Etat  distinct,  Melbourne,  la  capi- 
tale, était  déjà  fondée  depuis  seize  ans  ;  mais,  comparée  à  Sydney,  ce  n'était 


'   lli'  Uuljiier,  A  Travers  l'Eini/irc  hyilinitiiipie:  —  Wilkiiisim.  Piijifr.s  n-lating  lo  //.  M'a  Pos- 
«pssiutis.  1883,  1884.   1885. 

-  Récoltes  lie  >V\v  Sniilli  Wales  en  188(>   .    .    .        I8U  807  025  fiancs. 

Dépenses 'i-2()  97 1725       n 

Défuil :,-  114  200       » 

Dette  publique 1  025  850  225        » 


S04  NOUVEMK   GKOCR.U'IIIE   UNI  VERSE  LLK. 

(|iriiii('  ville  sjiiis  iniporliuice,  cl  les  iiiimi;^riiMls  ne  s'y  [irécipilèrent  en 
foule  qii';i|iiès  lii  ilécoiiverte  de  l'or.  Mainteiuint  c'est  l'une  des  grandes 
cités  de  l'empire  colonial  brilanniciue,  la  iiKKjnificent  Melbourne.  De 
même  que  Rome,  elle  se  dit  bàlie  sur  sepi  collines  :  elle  a  aussi  un 
modeste  Tibre  aux  eaux  jaunàli'es,  le  Yarra-Yarra;  quoique  dans  l'inté- 
rieur des  terres,  elle  s'est  rapidement  agrandie  pour  adeindre  la  mer,  et 
maintenant  elle  borde  le  rivage  de  quais  et  de  façades  monumentales.  Ses 
nombreux  faubourgs,  ayant  chacun  hôlel  de  ville  et  munici|)alilé,  et  for- 
mant un  damiei'  de  rues  et  de  places  distinct  du  jiaiallélogramme  central, 
s'étendent  au  loin  dans  toules  les  directions.  L'ensemble  des  quartiers  ren- 
ferme environ  400  000  babitants,  un  peu  plus  du  tiers  de  la  popu- 
lation de  tout  l'Etal.  Beaucoup  plus  régulièrement  construite  et  plus  uni- 
forme que  Sydney,  grâce  à  l'égalilé  du  s(d,  elle  se  vante  aussi  de  posséder 
des  monuments  superbes,  pour  lesquels  aucune  dépense  de  luxe  n'a  été 
épargnée,  jialais  du  parlement  et  du  gouverneur,  université,  musées, 
églises  et  banques.  Les  bibliothè(jues  rivalis(>nt  déjà  en  importance  avec 
les  collections  secondaires  de  l'Europe,  et  l'observatoire,  établi  à  l'est  de 
la  ville,  au  milieu  de  vastes  jardins,  est  ])ourvu  des  instruuKMits  les  plus 
coûteux,  dus  aux  premiers  constructeurs.  D'ailleurs,  les  savants  de 
Melbourne  ont  contribué  pour  une  bonne  part  à  l'étude  du  ciel  austral, 
ainsi  qu'à  l'exploration  géologique  de  la  contrée.  C'est  à  Melbourne  qu'on 
a  projeté  et  ])réparé  celte  expédition  de  découverte  dans  les  mers  de  l'An- 
tarctide que  les  bésitations  du  gouvernement  central  ont  empêché  jusqu'à 
maintenant  de  mener  à  bonne  fin.  La  société  géographique  d'Australasie 
s'est  constituée  dans  la  capitale  de  Victoria. 

Le  port  de  Melbourne,  plus  spiVialemenl  désigné  sous  le  nom  de 
Ilobson's  l)ay  et  découvert  j)ar  Muiray  en  1802,  est  empli  de  navires  à 
l'ancre,  entre  lesquels  |)assent  par  centaines  les  bateaux  à  vapeur  qui 
voguent  d'un  côté  à  l'autre  de  la  rade.  Les  grands  paquebots  s'arrêtent  à 
12  kilomètres  de  la  ville  proj)rement  dite,  près  des  (|uais  de  Sandridge  ou 
Port-Melbourne  et  dans  les  docks  de  Williamstown,  situés  à  l'extrémité 
d'une  langue  de  terre,  qui  se  pr-olonge  au-devant  de  la  baie'.  On  pourrait 
considérer  aussi  comme  appartenant  à  l'organisme  commercial  de  la 
capitale  les  \illes  qui  se  succèdent  sur  les  lives  de  ce  vaste  golfe  de  forme 
triangulaire,  le  I'oit-lMiilli|>.  dont  le  sommet  est  le  port  de  Melbourne.  La 

'  MoiivciiicMil  i\f  la  ii:niuiili(Mi  à  Mrlliijiiijir  .■(  dans  les  aiilics  pDils  de  Vicloria  un  18SG  : 

4  031   naviii's,  jaugoani  ."75dr)87  tonnes. 
Valcui'  des  éclianj{es  : 

7o8  147  iOO  IVancs,  dont  405  204375  francs  à  rini|ioitali(in. 


VICTORIA,  MELBOURNE.  807 

ville  de    Geeloiig,  siliiéo  à  l'angle  sud-occidenlnl  de   la   mer  inlérieure, 
est  un  de  ces  satellites  de  la  capitale,  surtout  comme  ville  d'entrepôts  et 


ÏIELBOLRNE    ET    iiODSON  S-DAV. 


d'usines,  tanneries,  lilatures,  fabriques  de  conserves;  ses  fondateurs  espé- 
raient qne,  plus  rapprochée  de  la  mer,  elle  distancerait  bientôt  Melbourne 
comme  cité  commerciale,  Queenscliff,  sur  la  falaise  occidentale  qui  com- 
mande le  détroit  ou  Rip,  à  l'entrée  houleuse  du  Port-Phillip,  est  aussi  une 


808  NOUVELLE   CÉOfil! Al'UIE   LMVERSELLE. 

dc'pendance  de  Melbourne,  son  posie  de  guet  et  sa  principale  forteresse 
en  vue  de  la  grande  mer;  à  l'est  du  goulet,  la  pointe  Nepean  porte  les 
édifices  de  la  Quarantaine.  Les  petites  villes  de  bains  bâties  sur  les  plages 
du  golfe  et  du  littoral  maritime  doivent  également  leur  prospérité  à  leurs 
visiteurs  de  la  cité  voisine.  Enlin,  les  douze  chemins  de  fer  fjui  i-ayonnent 
autour  de  Melbourne  rattachenl  à  la  ville  d'innombrables  villas  et  hameaux 
de  plaisance.  A  51  kilomètres  au  nord-est  se  trouve  le  lac  arliliciel  de 
Yan-Yean,  d'environ  5(30  hectares,  formé  par  la  rivière  l'ienty,  affluent 
du  Yarra-Yarra  :  il  renferme  pour  l'alimentation  de  la  ville  "2X8  millions 
d'hectolitres  d'eau,  assez  pour  loule  une  année,  au  taux  de  ^Od  iilics  par 
jour  et  par  habitant. 

A  l'orient  de  Melbourne,  dans  la  partie  montueuse  du  lerrildire,  la 
population  est  peu  considérable  et  les  villages  sont  clairsemés  :  les  bourgs 
les  plus  importants  sont  ceux  de  Sale,  dans  la  région  agricole  du  littoral, 
dite  Gipp's  land.  et  Beechvvoilli,  au  centre  d'un  district  aurifère  très  pro- 
ductif, voisin  des  sources  du  Murray.  En  dehors  de  Melbourne,  la  })artie 
de  la  contrée  oii  les  habitants  se  sont  portés  en  plus  grand  nombre  est  la 
région  qui  occupe  les  deux  versants  de  la  chaîne  de  partage  dans  un 
espace  de  100  à  150  kilomètres  au  nord-ouest  de  la  capitale  :  c'est  là 
que  l'on  découvrit  les  mines  d'or  en  1X51.  Là  se  trouve  Ballarat  (Bai- 
laarat),  la  deuxième  ville/le  Yictoi-ia,  bâtie  sur  un  sol  «  dont  chaque 
miette  a  été  passée  au  crible  du  mineur  »  et  qui  a  su  depuis,  comme 
Melbourne,  s'entourer  de  villas,  de  bosquets,  de  jardins,  de  cultures,  et 
créer  dans  le  voisinage  un  lac  artificiel.  D'autres  villes  prospères,  Smythes- 
dale,  Cresvvick,  Chines,  Daylesford,  Kyneton,  Castlemaine,  parsèment  la 
contrée,  puis  la  riche  Sandhursl  ou  Bendigo,  rivale  de  Ballarat,  et  la  lière 
Eaglchawkse  montrent  à  l'extrémité  septentrionale  d'un  chaînon  de  mon- 
tagnes, à  l'entrée  des  plaines  (|ue  parcoui-ent  le  Bendigo  et  [le  Campaspe, 
affluents  du  Murray.  Trois  chemins  de  fer  se  ramifient  à  Sandhurst.  L'un 
d'eux  traverse  le  Murray,  sur  un  pont  de  580  mètres  qui  passe  devant 
Echuca,  poste  ])rincipal  de  iiavigalion  siii-  le  fleuve,  situé  sur  une  pénin- 
sule au  confluent  du  (Campaspe.  La  \oic  ^(■  continue  au  nord  dans  New 
South  Wales  jus(|u'à  la  ville  grandissante  de  Deniliquin. 

La  partie  occidentale  de  Yictoria,  sans  être  aussi  faiblement  peuplée  (|ue 
le  fiijjp's  land,  n'a  pourtant  que  des  bourgades  clairsemées.  ^Varrnamhool, 
ijellast,  Portiand  sont  de  |ielits  poi'ls  C()tiers  :  mais  il  est  pnd)abl('  que  ce 
havre  |)rendra  une  certaine  importance  commei'ciale  quand  on  aura  fini  de 
construire  un  brise-lames  |iour  défendre  la  rade  contre  la  boule  et  les 
vents  du   sud-est.  A  l'intéiieur,   les    agghuni'rations   les  plus    piijiuleuses 


MCTORIA.   TASMANIE. 


809 


sont  celles  d'Arariil  el  de  Slawell,  l'iiiie  et  l'iuilre  foiulées  par  des  mineurs. 
C'est  à  Stawell  et  à  Saiidlnirst  que  l'on  exploite  les  mines  d'or  les  plus 
profondes  de  Victoria  :  l'une  d'elles,  à  Sandliurst,  avait,  en  1888,  750  mè- 
tres de  prolondcur '. 


Victoria  o^l  (('Ile  des  colonies  autraliennes  qui  dépend  le  moins  du  fiou- 
vernement  central  :  celui-ci  n'est  représenté  dans  l'Etat  (jue  par  la  per- 
sonne du  gouverneur.  Le  conseil  législatif,  ou  ><  chambre  haute  j,  est  élu 
au  scrutin  secret  |iar  des  censitaires,  chacune  des  quatorze  provinces  nom- 
mant trois  de  ces  délégués  pour  une  période  de  six  années,  avec  rotation 
de  deux  ans  en  deux  ans.  La  «  chambre  basse  ->^  ou  assembb'e  législative, 
nommée  par  le  suffrage  universel,  se  compose  de  94  membres,  qui  reçoi- 
vent un  traitement  annuel  de  7500  francs,  tandis  que  les  membres  du 
conseil,  choisis  parmi  les  propriétaires,  ne  touchent  aucuin-  indemnité'. 

La  force  armée  comprend  environ  4000  hommes  de  terre  et  500  mai'ins 


Vil 


TASMAME. 


La  moindre  des  colonies  australasiennes  par  l'étendue  de  son  territoire, 
l'île  de  Tasmanie,  dite  autrefois  de  Van  Diemen,  a  pourtant  une  popula- 
tion plus  considéi'able  que  l'Australie  occidentale,  avec  son  domaine  im- 
mense et  partiellement  iiu'vploré;  elle  est  même,  en  pro[iortioii  de  sa 
surface,  plus  peujdée  (|ue  toutes  les  autres  colonies  australiennes,  à  l'ex- 
ception de  Victoria.  Dès  l'année  1804  elle  recevait  des  colons,  mais  des 
colons  malgré  eux,  les  concictii  des  prisons  d'Angleterre,  et  jusqu'en  1855, 
année  (|ui  pr(''céda  l'entrée  de  la  Tasmanie  dans  le  concert  des  nations  aus- 
tralasiennes, le  gouvernement  central  y  envoya  des    condamnés.  Détachée 


(Ir  \i.:l(i 


'    Villes  |,|-|llri|.;il 
MclimurÈic  l'I  r:inlKiiirj;s  . 

liallaial 

Siiiulliiirst  iHfiidifjiH 

(;c('loiif; 

K:ii:lrlKi«k 

-    liiiil.url  ,1,'  \i,l,,ii;i  ,1 

Kccelles 

Dépenses 

I(.;[lc  |iiiljlii|iic,  le  .'(I  juin  1887  :  8-J7y7'J  1(10  Iran 


Icin-  |iipj)iilaliiin  ri'ct'nsùc  i.mi  1881 


V.li;).iC.  U: 
.■(i  5.5  I 
'J8  W)-2 
•il  1Ô7 
7  li.5l) 


(1887) 
(1880) 
(1881) 

(1887) 
le  1887 


Castleinaine . 
Warrnaniljool 
Stawell  .  .  . 
ELlui,-a.    . 

(IhuiL'S.      .      . 


sliniée  (Ml  188' 
1)000  hall. 

O-'Ûl        n 

4980  « 
4500  .1 

4  220  « 


(1880) 
(1881) 
(1881) 
(1887) 
(1887) 


190  800  000  IVancs 
184  950  000   1. 


102 


810  NOUVELLE   (JÉOCIi AI'IIIE   I  NI VERSELLE. 

(lu  leriiloirc  [loliliijue  de  ^l'^v  Smilli  Wnlcs,  elle  ;i  reçu  de  crllc  colouie  la 
plupart  de  ses  immigiants  libres.  Lors  de  la  découverledes  mines  d'or,  les 
Tasmaniens  se  ruèrent  aussi  vers  l'Eldorado,  et  la  prospérité  de  l'ile  dimi- 
nua an  profit  du  continent  voisin.  Elle  a  repris  de  nouveau  et  la  popula- 
tion ne  cesse  de  s'accroître  régulièi'ement.  La  Tasmanie  offre  aux  Anglais 
le  climat  de  l'hémisphère  austral  qui  ressemble  le  plus  à  celui  de  leur 
mère  patrie  et,  pendant  le  brûlant  été  australien,  de  nombreux  visiteurs 
temporaires  de  Victoria  et  de  la  Nouvelle-Galles  du  Sud  viennent  y  jouir 
des  tVaiches  brises  marines.  (]omme  les  autres  colonies  aulralasiennes,  la 
Tasmanie  exporte  surtout  des  laines;  elle  possède  aussi  des  gisements 
miniers,  d'élain,  d'argent  et  d'or:  une  de  ses  richesses  consiste  en  l'ruits 
excellents  et  les  vergers  les  produisent  en  telle  surabondance,  que  la  plus 
grande  partie  pourrit  sur  le  sol.  .■  La  Tasmanie,  dit  Trollope,  devrait 
taire  des  conserves  de  tVuils  pour  le  rest(>  du  monde.  » 

L'île  n'a  que  deux  cités,  bâties  aux  deux  extrémités  de  la  dépression 
qui  réunit  les  deux  fjords  les  plus  longs  et  les  plus  sinueux,  au  nord 
et  au  sud.  Une  magnilii|ue  roule,  coiislruile  par  les  convicts,  et  un 
chemin  de  Ter  réunisseni  les  deux  xilles.  (]elle  du  nord,  Launceston, 
jilus  importante  que  la  ville  de  la  (ioniouaille  anglaise  dont  elle  a  ))ris 
le  nom,  est  le  jtosie  principal  de  connnerce;  avec  son  a\atil-port,  (ieor- 
getown,  situé  à  l'entrée  du  Ijord,  elle  l'ail  |n'es(jue  tons  les  ('changes  d(^ 
la  Tasmanie  avec  Melbourne,  don!  elle  n'est  sé|)arée  (pie  par  une  jour- 
née de  navigation  à  vapeur.  La  cité  mér-idiomde,  Ilobarl-town,  jilus  com- 
muiu'ment  désign(''e  sous  la  forme  abr(''g(''edelIobarl,  a,  comme  Launceston, 
un  port  accessihie  aux  naviics  de  lonnage  moyen,  e(  nu  a\ant-port  où 
vienm'ut  mouiller  les  plus  grands  vaisseaux.  (Capitale  de  l'île,  elle  possède 
l(^s  plus  beaux  édifices  et  les  j)rincipales  institutions  de  la  Tasmanie;  son 
admii'able  parc  s'étend  sur  plus  de  400  hectares  et  commande  le  tableau 
presque  sans  égal  en  Auslralie  (pi(>  présentent  à  l'ouest  le  mont  Welling- 
lon,  souvent  couvert  de  neige,  les  aulres  nnuilagnes  et  les  collines  bois(''es, 
les  promontoires  av(^c  leur  denii-cercle  de  brisants,  les  détroits  ser- 
pentins et  le  golfe  «  des  Tempèles  >■,  ou  Slorm-bay,  se  confondant  au  loin 
avec  la  mer  australe.  A  l'e^l  du  iioli'e  la  pres(|u'ile,  dite  Tasuian-peninsula, 
ne  se  rallaclie  ;i  la  (erre  ferme  (|iie  p:ir  un  ('lidit  pédoncule  de  l'ocliers,  et 
d'autres  péninsules  la  frangenl  à  leur  lnui'.  (J'esl  l'une  de  ces  forlei'esses 
iiaiurellt^s,  Port-Arthur,  (pie  l'on  a\ait  choisie  pour  en  faire  la  prison  des 
convicts  les  plus  nxloutés  :  (jiiiiize  molosses  enchaînés  sur  l'isthme  ro- 
cheux aidaient  les  sentinelles  à  garder  les  captifs.  Des  «  souflleurs  »  d'où 
les  vagues   s'élancent  t-n  écume,  et   des  arcades  de  rochers,  des  cavernes 


I  1 


TASMAMI-;. 


815 


tonnantes  l'ont  de  Port-Arlluir  un  îles  sites  les  plus  pittoresques  du   litto- 
ral'. A  l'extréniité  méridioniile  de  la   péninsule,  la  pointe  même  fju'(Uit  à 


iC7.    —    IIUUAHl     Kl     1-V    RIMKIU-    UhRWF-NT. 


Eet  ér  P. 


D'après  les  carres  de  I  A 


aL-le  anglaise  et  d  ai^tres  documer 


É    :    1  «.".O  OflO 


c/e  /OO  '"ei  é>iy  .y^/À 


doubler  tons  les  navires  pour  mlier  dans  la  haie  des  Tempêtes  et  dans 
l'estuaire  de  Hobart,  se  dressent  les  roches  basaltiques  du  cap  Raoul, 
prismes  inégaux  et  noirs  que  la  vague  entoure  de  son  écume.  La  eri<|ue 


'  Villes  (lu  la  Tasiiianie  avec  leur  po|iulaliuii  : 
llohait.    .     28  648  habitanls  (on  188 J);         Launeeslon.    .      19  ô.m  lialiilants  (en  1887). 


814  NOUVELLE   (lÉOfiR APIIIE    I  NIVERSELLE. 

dite  Oysler-cove,  près  de  laquelle  nioiirureiit  les  ilerniers  iiuli^jèiies  tas- 
maniens,  a  été  récemment  aménagée  pour  l'élève  des  huîtres,  suivant  la 
méthode  française  des  fascines  et  des  houchols. 

Les  contrées  occidentales  de  la  Tasnianie.  (iccupi'es  pai'  d'àpro  mon- 
tagnes, sont  presque  inhahilées,  et  même  inliahitahles  daus  la  parlie  la 
plus  considérable  de  leur  étendue.  Les  roches  nues  ou  recouvertes  d'ar- 
bustes bas  et  tellement  enchevêtrés  qu'on  doit  se  frayer  un  chemin  à  la 
hache,  n'ont  aucune  herbe  pour  les  bestiaux,  et  pendant  huit  mois  de  l'an- 
née la  neige  blanchit  les  hauteurs;  l'homme  ne  peut  s'établir  qu'à  l'issue 
de  quelques  vallées,  sous  le  vent  presque  toujours  tempétueux  et  humide. 
C'est  dans  cette  région  peu  hos|)italière  que  se  trouvent  les  gisements 
miniers  ex])loilés'  d'or,  d'étain,  de  hismulh  et  d'antimoine. 

La  conslilnlidii  pi)lili(nie  de  la  Tasnianie  ne  diffère  de  celle  de  Aicloria 
que  par  le  iiomhrc  des  membres  qui  coniposiMit  les  deux  assemblées'. 

'    ['riMliicli Ir  rrhilii  ni  T;iMii;iiiir  l'ii   1880  :     8  959  (iT.J  fiiincs. 

ilr   l'nr  „  «  57  500  000         1, 

-   i!ihl;;rl  (!.•  \:<  V.<-,u:m\r  en    I  !S8(i  : 

lirccllc^ U'i-J5  100  francs. 

Ii.'pnivr. .        14  018  875       » 

n.ih-  |iiiIi1li|m.' 100  008  000     » 


CHAPITRE    IX 


NOUVELLE-ZELANDE   ET  ARCHIPELS  VOISINS 


L'arciii|M'l  des  Mnnii.  i|iil  ^':i\;iiici'  .111  sud  vers  les  mers  iinl.ii'c- 
li(|uos,  ;i  Liindi'  r;i|i|ii'll;iliiiii  (|iic  lui  (liiiiii;i  siiu  di'Ciiuvi'eur  lidlliiinhiis  : 
i|iiui(|ut'  la  plus  aujiljiisc  des  ccduuios,  cl  souvcnl  désignée  comiiu'  la 
"  Giaudc-Brelagne  des  antipodes  »,  colle  lerre  l'appelle  loujours,  jiar  son 
nom  même,  le  souvenir  du  grand  navigateur  Abel  Tasman,  ((ui  en  vil  les 
côtes  occidentales  en  ltH"2;  jl  l'avait  appelée  d'abord  '<  Terre  des  Etals  j» 
(Staaten  land),  dans  la  peiisi-e  (|u'eile  rejoignail  penl-èlre  l'autre  terre 
des  Etats  située  au  sud  de  l'Amérique.  .V  la  suite  d'une  sanglante  ren- 
contre avec  les  indigènes  dans  la  Laie  du  Massacre,  située  à  l'épaule  nord- 
occidentale  de  l'ile  du  sud,  il  continua  sa  coui'se  vers  le  iM)rd  jus(|u'au 
cap  extrême  de  la  Nouvelle-Zélande  sans  avoir  pu  constater  l'insularité  des 
terres  découvertes  par  lui.  Cent  vingt-sept  années  se  passèrent  avant  qu'un 
nuire  navigateur,  James  Cook,  aiicrcùl  les  rivages  néo-zt'landais.  Il  aborda, 
sur  la  (('lie  orientale  de  l'ile  du  nord,  dans  une  clique  ;i  laquelle  il  donna 
le  nom  de  Poverlv-bav,  déinenli  de  nos  jours  par  les  superbes  troupeaux 
ijui  ])aissenl  dans  les  prairies  des  alentours;  puis  il  longea  le  lilloral  dans 
la  direction  du  sud  el  lit  le  pi'iiple  de  l'archipel,  d(''inonlraiit  ainsi  que 
ces  terres  n'apparteiiaieiil  pas  au  c(Uilinenl  austral  don!  il  avait  espéré 
r(^connaitre  les  C(jles.  Dans  ses  deux  autres  \(ivages  d'exploralion,  (jook 
visita  la  Nouvelle-Zélande  :  en  loiil  il  iie  passa  pas  iiKiins  de  .l^T  jours  à 
('•ludier  l'ai'chipel,  et  la  carie  qu'il  eu  a  laissée  esl,  mèiiK^  dans  les  détails, 
d'une  ét(mnante  exactitude.  Itésorinais  il  ne  reslail  jdus  qu'à  jiréciser  le 
tracé  du  rivage  el  à  parcourir  l'inlérieur  d(>s  ile^.  l/aiiiii'e  même  où  (]ook 
les  décoiivrail  ii  nouveau,  le  navigateur  Irançais  Sui'ville  déban|uail 
dans  l'île  du  nord,  puis  trois  ans  ajirès,  Marion  et  (irozet  en  exploraient 
aussi  des  c(jles  :  l'un  de  ces  vovageiirs,  Marion,  \  trouva  la  inoil,  massacré 


8IG  NOUVELI.K   CÉOGRAl'Ull';   UNIVERSELLE. 

});ii'  !(•>  iiuligriios,  avec  (iiialiirzc  des  siens.  Dès  celle  époque,  les  navires 
baleiniers  commencèrent  à  Aisiler  les  [laragcs  de  la  Nouvelle-Zélande, 
mais  sans  fonder  d'établissements  jiennanenls  sur  la  côte. 

C'est  par  l'entremise  d'immigrants  australiens  que  se  fil  la  première 
tentative  de  colonisation  de  rarchi])el  néo-zélandais  :  une  station  de  mis- 
sionnaires groupait  ses  cabanes  à  l*ahia,  sur  les  bords  de  la  baie  des  Iles 
{bay  of  Islanch),  près  de  l'extrénilh'  seplenirionale  de  la  grande  île  du 
m»rd,  et  bientôt  après  un  autre  village,  de  pécheurs  et  de  traitants,  s'éta- 
blissait en  face  de  la  station  à  Kororaiika,  el  se  peuplait  de  l)lancs  et  de 
métis.  Un  magistrat  résideni  lut  nommé  par  le  gouvernement  anglais  pour 
surveiller  les  Européens  de  la  colonie  naissante,  mais  sans  assumer  d'au- 
lorité  sur  les  indigènes,  considérés  comme  nation  souveraine.  La  coloni- 
sation proprement  dite,  avec  prise  de  possession  oflicielle  du  sol,  ne  com- 
mença qu'en  1840  par  la  fondation  de  la  ?\ew-Zcttland  Company,  qui 
acheta  des  terres  aux  indigènes  et  iil  choix  d'un  emplacement  sur  le  porl 
Nicholson,  crique  de  la  côte  méridionale  <le  l'île  dn  nord,  pour  en  faire  le 
chef-lieu  de  ses  domaines  et  le  point  inilial  du  |ieuplement  de  l'aichipel. 
La  même  année,  un  navire  français,  apparlenaul  à  hi  Compagnie  Nanlo- 
Bordelaise,  abordait  à  la  baie  d'Akaroa,  à  l'extiémité  de  la  péninsule  moii- 
lueuse  de  Banks,  dans  l'île  méridionale.  Mais  lors(jue  les  Français  débar- 
quèrenl,  des  officiers  anglais  venaient  d'y  passer,  et  le  sol  avait  été  acheté 
par  eux.  C'est  en  qualité  de  sujels  de  la  Grande-Bretagne  (pu^  dnreni 
s'élablir  les  colons  français  sur  leur  domaine  de  l'2  00U  hectares.  La  petite 
colonie  s'est  graduellement  fondue  dans  le  monde  anglais  qui  l'environne. 

Cette  tentative  d'annexion  coloniale  faite  au  nom  de  la  France  bâta  l'ac- 
tion dn  gonvernemeut  anglais  et  des  compagnies  terriennes.  Celles-ci,  sans 
atlendre  même  l'approbation  oflicielle,  s'empressèrent  de  fonder  des  villages 
sur  plusieurs  points  du  litt(nal  et  d'y  d(''bar(|uer  par  centaines  des  familles 
d'immigranis.  En  1841,  la  Nouvelle-Zélande,  cessant  d'être  considérée 
connue  une  dé|)endauce  politique  de  New  South  Wales,  |irit  le  tilre  de  colo- 
nie distincte,  el  douze  années  plus  tard,  alors  (|ue  sa  p(i|iulali(in  blanche 
s'élevait  déjà  à  une  trentaine  de  mille  peisonnes,  elle  prit  j)lace  au  ncnnbre 
des  Élats  constitutionnels  de  l'empii'e  colonial  anglais.  Bienlôl  après,  eu 
1857,  ou  déconvrit  les  mines  il'or  (|ui  ont  fait  la  fortune  de  la  Nouvelle- 
Zélande  :  les  chercheurs  de  métal  accmnni-enl  en  foule, el  le  pays  se  ])eupla 
rapidement'.  L'archipel  du  Pacili(|n<'  austral  est  rnaintenaut  une  des  prin- 

'   SuiH'ifieii;  (le  la  N'uuvellf-Zélaiiile  cl  poimlalinn  (\  ciiniiii-is  les  Mami).  au  51  ilé/oiiiliiv  1887  : 
275  550  Icilomèlros  canr>:   048  0(1(1  liaMlaiils. 


KM'I.lIliATKiN    HE    I,  A    NOI  V  KI.LK-Z.KLA  MlE.  817 

cipalcs  foldiiics  ausli'jiliisiciiiics,  une  des  (pIiis  jM'ii|ilr('s  m  |)r(i|)iirli(Mi  de 
son  ('(oiuluc. 

On  comprend  <jiie  les  deux  glandes  iles  de  l'ai'clii|)el  soieni  eniLi'asséos 
d'ordinaire  sons  le  nom  eoileelit'  de  .Nouvelle-Zélande,  car  ces  denx  terres, 
((uoiqne  séparées  jiar  le  délroil  de  Cook,  n'en  forment  en  réalité  qu'une 
seule,  par  l'orientation,  l'allure  générale  et  le  socle  sur  lequel  elles  se  dres- 
sent. I/ile  du  Nord,  la  «  France  Ansli'ale  »  de  Marion.  est  la  moins 
grande  :  on  la  désigne  parfois  sous  Me  nom  maori  de  Ika  na  Maui,  le 
«Poisson  de  Maui  »,  en  souvenir  d'une  légende  héroïque;  elle  est  dite 
aussi  Aolea-roa,  c'est-à-dire  la  ^  (Irande  ('lendue  >.,  — ■  >'  le  Soleil  écla- 
tant ",  d'après  Kerry  Nicliolls.  —  L'Ile  du  Sud,  la  plus  considéralde,  porte 
l'appellation  indigiMie  de  Tevalii  l'aiiamu,  dont  le  sens,  expli(jué  de 
diverses  manières',  est  projjalilement  «  pays  du  Jade'  »  .  Un  détroit, 
Foveaux-strait,  sépai'e  de  cette  île  une  terre  de  faibles  dimensions,  mais 
ahrnpie  el  liante  de  90(1  mètres,  Stewart-island,  ([ui  autrefois  fui  aussi 
nommée  «  île  du  Sud  »,  comme  s'il  était  possible  de  la  comparer  aux  deux 
terres  du  nord  :  c'est  le  Raki-rua  ou  la  «  Terre  aride  »  des  Maori.  Enfin, 
l'archipel  se  tei-mine  au  sud  par  le  pic  isolé  des  Snares,  entouré  di^  quel- 
ques îlots  rocheux,  signalés  pour  la  première  fois  en  1791  par  Vancouver. 
Wetlstein  et  d'autres  géographes  ont  constaté  que  l'ensemlile  de  la 
Nouvelle-Zélande  ressemhle  singulièrement  par  sa  foi'me  exléi'ieni'e  à  la 
péninsule  italienne,  mais  en  sens  inverse  :  sa  pointe  nord-occidentale 
correspond  à  la  presipi'ile  des  (]alal)res,  tandis  (|ue  son  exlr(''milé  nord- 
orientale  rappelle  le  «  talon  »  d'Otrante.  Toutefois  le  l'elief  des  deux  terres 
anti|)odales  ne  présente  guère  d'analogie. 

Le  corps  de  la  Nouvelle-Zélande  est  orienii''  dans  le  sens  du  sud-ouest 
au  nord-est,  el  l'exploration  sous-marini^  du  Pacifique  a  (h'-monlré  que 
dans  celte  partie  de  l'Océan  lesanii'es  lei-i-es  sont  disposées  suivant  le  même 
axe  d'orientaticni.  Au  sud,  divers(\s  îles,  découvertes  au  commencement  de 
ce  siècle,  le  petil  archipel  d'Auckland,  les  îles  volcaniques  de  Cam|)ljell  et  de 
Mac(|uaiMe,  Emerald-island  el  les  îlots  (jiii  les  accompagnent,  alignent  éga- 
lement leurs  socles  el  leurs  saillies  dans  la  direction  du  sud-ouest  au  nord- 
est.  Au  nord  de  la  Nouvelle-Zélande,  la  chaîne  des  terres  émergées  se  conti- 
nue, mais  en  se  recourlianl  un  |ieu,  par  les  iles  Kermadec  et  par  l'archipel 
de  Tonga;  enfin,  à  l'c'sl,  les  îles  (>halhani,  le  gi'ou|ie  des  qualorze  îles 
de  Bounty  el  celui  des  Anli|)odes  affectenl  une  disposition  parallèle  à 
l'axe  de  la  Nouvelle-Z(''landi\  (les  ilols  des   Antipodes,   mieux  nommés  des 

'   1'.  A.  Lrsson,  Ir.t  i^o/i/H(".s(C)iN,  leur  iiiiiiiiic.   leurs  iiiiiiniliiiiis  cl  leur  hniti/Kjc. 
-  A.  S.  Tliomsnn.  Netv-Zerildiifl. 

XIV.  103 


818  >()IVr,I.LK   IIKOCKAI'IIIK   U.M\  K  HSK  I.I.K. 

l'éiiiiiilipudcs  par  WalcrliDiisc,  (|iii  les  (l('couviil  en  IS(M),  ne  mi'iilciit  pas 
complMenifiit  Itnir  nom  ;  pas  plus  que  lo  Coutiiieiit  Austral,  jadis  appch' 
Auti-Chllionie  ou  «  Contre-Terre  »,  elles  ne  s(>  trouvent  sui'  la  l'ondeur 
planétaire  à  l'opposé  précis  de  l'observatoire  de  Greenvvieh,  au(piel  les 
rapportait  i'exploi'ateur  anglais.  Leur  position  (49°, 42  de  latitude  méri- 
dionale et  178°, 45'  à  l'est  de  Greenwich)  correspond  exactement  à  celle 
de  la  pointe  de  Barfleur,  sur  la  face  opposée  du  globe,  à  '20(1  kilo- 
mètres au  sud-ouest  du  centre  astronomi(|ue  des  marins  anglais.  Les  îles 
Antipodes  sont  des  roches  de  granit  inabordables,  percées  de  grottes  el 
d'arcades  où  les  vagues  passent  en  mugissant.  Le  pic  le  plus  élevé  de  la 
graiule  île,  le  mont  Gallavvay,  s'élève  à  400  mètres'. 

A  l'ouest,  les  terres  émergées  delà  Nouvelle-Zélande  se  conlinueiil  au- 
dessous  de  la  mer  pai'  des  seuils  élevés,  (|ui  se  dirigent  au  nord-ouest  :  l'un 
d'eux,  qui  se  termine  par  les  îles  pyramidales  de  Howe,  s'ari'ète  au  large 
(lu  golfe  australien  de  Morelon-bay  ;  l'aiihc,  prdldiigemciil  de  la  p('Miiusuli' 
nord-occidentale  de  la  Aouvelle-Zélaiulc,  se  redresse  pour  former  l'ile  de 
INortollv.  va  rejoindre  les  récifs  de  (Iheslerfield,  à  l'ouest  de  la  Nouvelle- 
Cal(''<loiiie,  puis  s'unit  au  piédestal  (pii  porle  la  (îraiide  lîariière.  Ces 
parties  relativement  peu  profondes  de  l'Océan,  où  la  sonde  louche  le  lit 
marin  à  moins  de  ISOO  mJ'Ires  de  la  surface,  indi(|ueraienl,  d'après  (juel- 
ques  géologues,  le  giseiiicnl  d'anciennes  terres  ipii  reliaient  la  Nouvelle- 
Zélande  à  l'AusIralie.  en  un  i^rand  continent  faisant  éipiilibi'c  à  l'Afrique 
et  à  rAm(''ri(|ne  in('Tidionale.  Les  hautes  montagnes  néo-zélandaises  seraient 
à  l'orient  la  cliaîm'  bordière  de  C(^  massif  continental*  ;  cependant  elles  ne 
s'c'lèvent  pas.  comme  la  plupart  des  autres  saillies  côlières,  au-dessus  des 
abîuM's  oc('Mniqnes  les  jihis  prolonds  :  la  mer  est  beaucouji  plus  ci'ense 
à  l'csl  des  Alpes  autraliennes  qu'au  pied  des  Alpes  néo-zélandaises. 

La  chain(>  alj)ine  ([ui  fait  lessembler  d'une  manière  si  remarquable  l'ile 
méiiilionale  de  la  Nouvelle-Zélan<le  aux  régions  montueuses  delà  Scandina- 
vie, commence  en  mer  par  le  groupe  volcanique  des  Snares,  autour  duquel 
tourbillonnent  les  oiseaux,  et  pai' SiewaLt-island,  fragment  de  |)laleau  mon- 
lueux,  analogue  à  d'autres  massifs  de  la  grande  tern>,  granits  et  roches 
sédimentaires  d'ancienne  formation.  Dans  son  ensemble,  l'épine  dorsale  de 
l'ile  du  Sud  suit  la  C(')te  occidentale;  le  veisant  de  l'ouest  est  très  escai'pc' 
el  plonge  en  maints  endroits  du  c(Ué  de  la  mer  par  des  parois  abruptes.  Le 
versant  oriental,  au  contraire,  est  relativement  peu  incliné,  mais  la  |)ente 


'   }ie))(irt  tif  Ihc  Marine  departeiiienl,  lS<'H'-/.i'iihiiiil.  IS8(! 
-  i;.!.  Siirss.  I)(is  Aiillil:  (Ici-  A'iy/c. 


--i,.| 
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Rf 


tàM  ièmûum\im,immimf4 


l'iKI.IEF   riE   LA   NOLlVELLE-ZÉLAÎSrtE.  S'Jl 

L'>t  iiilriioiii|uif  |iiir  des  cliiVînoiis  parallèles  à  l'artMc  principale  cl  com- 
posés priiicipalcnit'iil  de  (h'Iii'is  que  (raiicieniics  nioiaiiies  ont  jioiissés 
au-tk'vant  des  vallées.  Dans  la  partie  méridionale,  l'ossatun!  de  l'île  n'a 
pas  ras[)ect  d'une  chaîne  :  c'est  plutôt  un  plateau  de  1000  à  1:200  mètres 
d'élévation,  parsemé  de  pyramides  de  (juel(|ues  centaines  de  mètres. 
Mais  ce  plateau  se  rétrécit  peu  à  peu  cl,  piès  du  Milford-sound,  il  se 
réduit  à  une  arête  (|ue  domine  le  mont,  en  rorme  de  |(mr,  dit  le  Caslle- 
mountain  ou  «  mont  (]hàteau  »  ("2140  mètres).  Au  delà,  la  chaîne  se 
dresse  encon'  |)ius  haut,  et  pic  neigeux  succède  à  pic  neigeux  jusqu'aux 
monts  Earnslaw  ("2705  mèti'es)  et  Aspiring  (oO'2.~  mètics),  que  l'on  peut 
considérer  comme  les  horin's  méridionales  des  Aljtes  néo-zélandaises  jtro- 
prement  dites.  Cependant  cette  chaîne  est  interrom])ue  soudain  par  une 
cluse  comme  d'aulics  grands  systèmes  montagneux  n'en  oITrent  point 
d'exemple  :  en  remontant  un  délilé  que  parcourt  un  gave  rapide  cou- 
lant au  sud-est.  on  atteint  un  seuil  composé  de  débris  et  d'une  hauteur 
d'environ  5  mètres;  après  avoir  dépassé  ce  barrage,  on  se  trouve  dans  une 
étroite  plaine,  d'où  l'on  descend  par  une  pente  insensible  sur  le  versant 
occidental,  dans  le  bassin  de  la  rivière  llaast.  Ce  passage,  car  on  ne  saurait 
lui  donner  le  nom  de  col,  est  à  l'altitude  de  491  mètres  seulement  : 
on  l'a  désigné  d'aprJ's  l'explorateur  et  géologue  llaast,  celui  de  tous  les 
géographes  (|ui  a  le  mieux  é'tudié  la  sliucture  des  monts  néo-zélandais. 

Au  nord  de  la  lissure  transversale,  les  monts  s'élèvent  encore,  et  c'est 
dans  celte  partie  de  l'île,  à  peu  près  vers  le  milieu  de  la  saillie  de  partage, 
que  se  dresse  le  géant  de  la  Nouvelle-Zélande,  le  mont  Cook,  dont  l'appel- 
lation maori  est  Ahravaïgi  ou  ^  Perçant  le  Ciel  >>  ;  il  atteint  o70N  mètres 
d'altitude  et  l'obélisque  blanc  de]  sa  crête  dépasse  de  haut  tous  les  autres 
sommets,  désignés  pour  la  plupart  sous  les  noms  de  savants  fameux,  lloch- 
stetter,  Lyell,  Darwin,  Élie  de  BeaumonI,  Malte-Brun.  Au  delà,  les  Alpes  se 
maintiennent  à  })lus  de  "2500  mèti'es,  et  sans  échancrures  profondes,  sni' 
un  espace  d'environ  "200  kilomètres  jusqu'au  Harper's  pass,  ouvert  à 
1067  mètres  entre  les  deux  versants  :  c'est  là  que  finit  la  ciête  alpine; 
mais  quelques  grands  massifs  se  présentent  encore  sur  l'axe  de  la  chaîne, 
notamment  le  mont  Franklin,  d'environ  3000  mètres;  au  delà,  les 
chaînons  se  ramifient  dans  tous  les  sens,  et  la  bianche  la  j)lus  haute  con- 
tinue de  longer  la  côte  occidentale.  A  cette  extrémité  de  la  saillie  monta- 
gneuse le  dernier  grand  pic  est  le  mont  Arthur,  haut  de  I  76S  mètres. 
Un  de  ses  rameaux  se  déploie  en  amphithéâtre  autour  de  la  baie  du  Mas- 
sacre jusqu'au  cap  Farewell  ou  «  Adieu  »,  pointe  nord-occidenlale  de  l'île. 
C'est  dans  les  montagnes  de  l'île  méridionale  que  les  Maori  trouvaient  la 


Si'J.  iNUlVELLK   GK UGliAl'llIK   IM VKKSELLE. 

iiéphiite  qui  leur  servait  à  fabriquer  les  ornements  el  les  armes  auxquels 
les  chefs  attachaient  un  si  grand  prix. 

Les  Alpes  de  la  Nouvelle-Zélande  dépassent  de  beaucoup  la  limite  infé- 
rieure des  neiges  persistantes,  qui  est  en  moyenne  de '2 iOO  à  ^iMt  mf'ti'es. 
Les  névés  s'étendent  sur  des  milliers  de  kilomètres  carrés  autour  du  monl 
Cook,  et  de  ces  nappes  blanches,  que  dominent  les  pyramides  étincelanles, 
s'épanchent  des  glaciers  sur  les  deux  versants  des  montagnes.  Du  c()té  de 
l'est  descendent  de  magnifiques  fleuves  de  glace,  entre  autres  le  Tasinan, 
dominé  à  l'est  par  la  pyramide  isolée  du  Malte-Brun,  dont  la  foi  me  ra|>- 
pelle  vaguement  celle  du  Cervin'.  Pour  les  dimensions  le  Tasnian  |ieul 
se  comparer  aux  plus  vastes  glaciers  des  Alpes  :  il  a  19  kilomètres  de 
long  et  près  de  5  kilomètres  à  son  extrémité  inférieure,  située  à  71o  mètres 
au-dessus  de  la  mer;  mais  la  plus  grande  partie  de  ce  courant  de  glace 
reste  cachée  sous  des  amas  de  pierrailles  el  de  boue.  Sur  la  pente  occiden- 
tale, les  glaciers,  alimentés  par  une  neige  plus  abondante,  qu'apportent  les 
venis  humides  de  l'ouest,  descendent  plus  bas  :  c(dui  du  mont  (look  ne 
s'airèle  qu'à  ^iO  mètres  d'altitude",  mais  les  vallées  sont  trop  courtes 
pour  que  les  fleuves  de  glace  puissent  |ireiulre  le  même  développement 
(jue  sui'  le  versant  opposé.  D'ailleurs,  à  l'est  comme  à  l'ouest,  les  glaciers 
étaient  jadis  beaucoup  plus  étendus  :  des  moraines,  des  polis  et  des  lacs 
témoignent  de  leur  ancienne  extension.  D'apiès  (Ireen,  les  glaciei's  de  la 
.Nouvelle-Zélande  seraient  actuellement  dans  une  période  de  croissance. 

Encore  dans  l'époque  glaciaire  par  ses  montagnes,  la  Nouvelle-Zélande, 
et  sui'lout  la  grande  île  méridionale,  appartient  à  la  période  lacustre  pai' 
ses  plaines.  Les  lits  des  fleuves  de  glace  disparus  sont  en  partii'  eui|)lis 
parades  lacs  que  d'anciennes  moraines  frontales  retiennent  à  l'aval  el  qui 
se  comblent  peu  à  peu  du  côté  d'amont  par  les  sédiments  qu'apportent  les 
gaves  des  montagnes.  Sans  compter  de  nonibi'eux  étangs  de  moins  de  deux 
kilomètres  carrés  en  superlicie,  luillanl  au  milieu  des  roches  ou  des 
glaces,  l'ile  du  Sud  ou  Tevahi  Dunamu  n'a  pas  moins  d'une  soixantaine 
de  lacs,  dont  plusieurs  s'étendant  sur  un  esjiace  de  plus  de  100  kilomètres 
carrés  cl  remplissant  des  cavités  de  [iliis  de  100  mètres  en  profondeur. 
Presque  tous  ces  grands  réservoirs  se  IrouNcnl  dans  la  partie  méridionale 
de  l'île  et  sur  le  versant  oriental  des  nionls.  Les  Alpes  néo-zélandaises, 
se  dressant  brusquement  le  long  de  la  rive  occidentale,  ont  de  ce  côté  une 
|)ente  trop  raj)ide  pour  que  les  eaux  aient  pu  s'y  amasser  en  bassins  consi- 


'  liiccii,  Tlic  liifili  Alps  of  Ncw-Zealund. 
*  Cox,  Report  on  tlie  Westent  tlislric'. 


Md.NTACM'S   KT   CLACIKIIS   Dl'    LA   NUI  V|;LLI; -ZKL  AMlK.  fi^'T, 

ilrrahlcs.  .Mais  la  coiiIrc-iM'iilc  (ourin'c  vers  l'oririit  et  h^s  phiiiics  rayées  de 
inoraiiies  (|iii  riiilerronijteiil  juscju'à  la  mer  offrent  (l(>s  inégalilés  nom- 
l)n'iises  oîi  les  lacs  ont  pu  siiceédei  aux  glaces  :  c'esl  dans  la  régiou  inler- 
médiaiiT.  de  la  montagne  à  la  plaine,  que  se  sonl  formés  la  pluparl  de  ees 


riUriFR    l>E    T\: 


t  :i:i:>> 


,^'i^-^  ,./ 


li     ^- 


l'éservoirs  lacustres;  une  ligne  droite  menée  à  travers  les  principaux  lacs, 
du  nord-est  au  sud-ouest,  sur  une  longueur  de  S^O  kilomî'lres,  seiail 
parallèle  à  la  chaîne  des  Alpes  néo-zélandaises  cl  se  confondrai!  avec  l'axe 
même  de  l'île  du  Sud. 

i,i's  lacs  (pii  conslilueiil  le  Lifoopc  scplcnti-ional.  à  l'est  ukmiic  du  massif 


82i  NOrVEI.LE   CEOdliAI'IIIF,   lIMVEnSELLi:. 

If  |ilus  élevé  (les  Alpos,  piiraissciil  n'èlrc  que  le  resie  (1*1111  dédale  d'eaux 
ialéi'ioures  ayant  occupé  les  \asles  plaines  de  Mackenzie,  découpées  en 
d'innomhiables  cavités  secondaires  ])ai'  les  moraines,  les  amas  de  blocs 
erratiques,  les  barrages  et  lits  de  sédiments.  Ces  lacs.  Te  Kapo,  Pukaki, 
Ohau,  jadis  beaucoup  plus  profonds,  se  comblent  rapidement,  comme  se 
sont  déjà  comblés  ceux  que  traversait  plus  au  nord  la  rivière  Waïmakariri, 
et  l'on  prévoit  le  jour  où  la  rivière  Waitaki,  sortant  maintenant  en  cristal 
transpanMil  des  bassins  où  se  purifie  l'eau  glaciaire,  ne  recevra  plus  qu'un 
flot  troublé.  Ouoique  son  cours  dévebqjpé  ne  dépasse  guère  200  kilomètres, 
c'est  pourtant  un  grand  fleuve,  el  même  un  auteur  le  dit  «  cinq  fois  aussi 
abondant  que  la  Tamise'  »,  mais  sans  donner  déchiffres  à  l'appui  de  son 
assertion.  Plus  au  sud,  la  (llutlia,  qui  rei-oil  le  trop-plein  du  groupe  cen- 
tral des  lacs,  est  beaucoup  plus  considérable,  et  le  même  auteur  la  com- 
pare au  Nil  :  par  la  longueur  du  couis  aussi  bien  que  par  le  volume  liquide, 
c'est  le  premier  fleuve  néo-zélandais.  C'est  aussi  celui  dont  le  bassin'  a  été 
le  mieux  exploré,  grâce  à  ses  mines  d'or,  qui.  dès  l'année  ISfi^,  ont  attiré 
des  milliers  il'exjtlorateurs  dans  la  région  des  sources.  Un  des  lacs  du 
versant,  le  Wakatipu,  n'a  pas  moins  de  (SO  kilomètres  en  longueur, 
mais  sa  largeur  varie  de  2  à  T»  kilomètres  seulement;  il  a  l'aspect  d'un 
fleuve  tortueux,  mais  sans  courant  visible  el  sa  profondeur,  sans  exemple 
dans  un  cours  d'eau,  dépasse  42.')  ini'lres  à  l'endroil  le  plus  creux  : 
en  moyenne  l'épaisseur  d'eau  es!  de  3(i5  mètres;  <le  pari  el  d'autre, 
les  versants  des  montagnes  riveraines  plongent  sous  les  eaux  eu  abiiiples 
falaises. 

Le  plus  vaste  de  l(Uis  les  lacs  U(''o-Z(''laiidais,  Te  Anau,  est  en  dehors 
du  bassin  delà  Clulha,  à  l'oiigiue  d'une  rivière  qui  se  déverse  sur  la  côte 
méridionale  :  il  emplit  une  longue  vallée  et  tous  ses  vallons  tributaires  sur 
un  espace  de  510  kilomètres  carn»;  à  l'endroit  le  plus  |(rofond,  la  sonde 
a  mesuié  28(^)  mètres.  Un  islhme  de  quelques  kilomètres  sépare  le  Te 
Anau  d'un  autre  grand  lac,  le  Maiiapoui'i,  que  l'on  croit  être  également 
très  profond  el  cjui  se  ramilie  eu  de  nombreuses  criques,  autoui'  d'Iles  el 
de  j)romontoires  escarpés.  Les  Maori  qui  parcouraient  ces  conliées,  de 
nos  jours  encore  presque  désertes,  ne  s'aventuraient  qu'avec  crainte  aux 
bords  de  ce  lac  aux  eaux  somhi'es,  rellélaut  des  UKuits  noirs  de  fui'èts.  Le 
nom  de  .Manapouri  ou  «  Co'ur  attristé  »  témoigne  peul-èlre  ihi  seuliment 
que  leur  inspirait  le  dieu  caché  dans  ce  lac  silencieux. 


'    W.   N.  llliilr,  Snjlli.tli  CriHiiiiphiiiil  Mmjd-Jiic.  iiin,   1887. 

-  Sn|.rili(ic(lii  Imssiii  ,1,-  lii  (;iulli;i.  il'j|iivs  llhiir  :  'l\:,K>  Kiloiiièln 


104 


FJORDS   IlE    LA    NOll VELLE-ZÉLA>Di:. 


8-27 


Si  le  versant  oriental  du  plateau  méridional  des  Alpes  néo-zélandaises  a 
ses  lacs,  le  versant  occidental  a  ses  fjords.  De  part  et  d'autre  la  formation 
est  analogue  :  les  vallées  se  correspondent  des  deux  côtés  des  monts;  seule- 
ment celles  (le  l'est  sont  emplies  d'eau  douce;  celles  de  l'ouest,  en  com- 
mun irai  ion    avec    la    mer,  sont    des  liassins   d'eau   salée.    Le    contraste 


N°    169.    —    FJORDS    SUD-OCCIDENT.VUS    I)K    LA    NOCVELI.E-Ztl.AXDE. 


Est  de  Par, 


Est  de  Green^ich 


I  :  2  800  000 


entre  les  ramures  de  vallées  opposées  est  le  même  dans  cette  partie  de  la 
Nouvelle-Zélande  que  dans  la  péninsule  Scandinave;  à  la  Suède  lacustre 
répond  la  Norvège  découpée  de  fosses  marines.  Comme  dans  les  contrées 
lioréales,  les  fjords  néo-zélandais  n'existent  qu'à  l'issue  et  aux  points 
de  rencontre  où  des  glaciers  ont  empli  des  vallées  primitives,  les  pro- 
li'geanl    contre    les    dépôts    de    débris   qui    se   faisaient    aux   alentours, 


82S 


NO r VK I. L F,  i; K ( II. i; a imi i i;  im ve use l i, i:. 


parloul  où  les  couches  de  j^lace  ne  recouvraient  pas  le  sol  ;  ni  moraine» 
ni  alliivions  ne  travaillaient  à  comliler  ces  dépressions  profondes,  que  le 
fleuve  congelé  conservait  dans  leui'  forme  |)remière.  Mais,  dès  que  les  gla- 
ciers se  sont  retirés  au-dessus  du  niveau  de  la  mer  et  que  leur  partie  infé- 
rieure s'est  graduellement  fondue,  l^euvre  de  comblement  a  commencé  : 
éboulis,  avalanches,  lori'enls,  vagues  marines  ont  collaboré  au  remplis- 
sage des  bassins,  transformés  d'abord  en  chaînes  de  lacs,  puis  en  plaines 


i;iu:aksi:a-soii.M)  ut  bv<h 


Pro^na/eurs 


c/e/00à200^. 
1    non  000 


de  200  "^et  â^-del^ 


marécageuses  et  en  campaj^nes  fciiilcs.  Déjà  tous  les  Ijords  (|ui  existaient 
au  nord  du  44"  degré  ont  él(''  oblitérés  :  il  n'en  rciste  qu'à  l'angle  sud- 
occidental  de  l'île  du  Sud,  sur  une  longueur  il'environ  125  kilomètres.  Les 
plus  grands  sont  ceux  qui  s'ouvrent  |)récisément  à  l'extrémité  méridionale 
de  la  côte  :  le  Preservation-inlet,  la  baie  du  Dark  Cloud  ou  «  Nuage 
Sombre  »,  et  le  Dusky-souiid  ou  k  baie  Fumeuse»;  ce  derniei' n'a  pas 
moins  de  207  kilomètres  car  i(''s  en  su|)erficie.  Le  fjord  le  plus  septentrio- 
nal de  la  Nouvelle-Zélande  el  de  Joules  les  terres  de  l'hémisphère  austral  est 
leMilford-sound,  admirable  nappe  d'eau  dans  laquelle  se  réilètent  les  monts 
neigeux,  les  cirques  éliiicelants  de  glace  et  les  promontoires   vcM'doyants; 


FJOliliS,    MdNT.Wi.NKS   llK   1,.\    Ndll VKLLK-ZKL.VMlK.  821) 

(les  parois  abnuilcs  de  plusieurs  centaines  ou  même  d'un  millier  île  mètres 
se  dressent  hors  de  l'eau  et  de  leurs  fissures  s'élancent  des  cascades'. 

Tous  les  fjords  néo-zélandais  se  ressemblent  par  la  longueur,  l'étroitesse 
et  la  f>rande  ])rofoiideur  de  leur  fosse,  faiblement  ramifiée;  cependant  il  en 
est  plusieurs  qui  s'unissent  par  des  bras  latéraux  et  découpent  ainsi  le 
littoi'al  en  îles  de  forme  régulière.  Le  creux  des  fjords,  dans  la  partie  mé- 
diane, dépasse  'i'iO  mètres  en  moyenne;  le  Milford-sound,  le  plus  pro- 
fond de  tous,  recouvre  son  lit  d'unes  é|iaisseur  d'eau  de  3(30  mètres.  Sans 
exce|)(ion,  les  fjords  ont  un  seuil  à  l'entrée,  un  «  pont  »  de  débris  comme 
les  fjords  norvégiens,  et  les  parages  maritimes  qui  bordent  la  côte  sont 
recouverts  d'une  assez  mince  couche  liquide.  Avant  de  trouver  dans 
l'Océan  la  même  profondeur  d'eau  que  dans  les  fjords,  il  faut  cingler  au 
large  jusqu'à  une  distance  d'au  moins  100  kilomètres.  Cette  faible  épais- 
seur des  eaux  néo-zélandaises  a-t-elle  pour  cause  les  énormes  quantités 
de  débris  apportées  jadis  par  les  glaciers  de  l'intérieur?  ces  hauts-fonds 
sont-ils  des  montagnes  détruites,  puis  déposées  de  nouveau  en  couches 
régulières?  ou  bien  faut-il  voir  dans  ce  phénomène  l'effet  d'agents  géolo- 
giques plus  puissants  que  les  glaciers?  La  forme  générale  'de  la  côte, 
coupée  régulii'rement  suivant  une  courbe  convexe  entre  les  étroites  portes 
des  fjords,  semble  témoigner  de  l'action  d'un  grand  courant  qui  l'aurait 
érodée  pour  en  étaler  au  loin  les  débris.  Du  côté  de  l'est,  le  littoral  a  em- 
piété au  contraire  sur  les  eaux  marines,  les  fleuves  ont  étalé  en  mer  de 
vastes  plaines  alluviales,  protégées  en  deux  endroits  contre  les  érosions  par 
des  musoirs  volcaniques.  L'un  de  ces  promontoires  est  le  cap  Saunders, 
à  l'abri  duquel  s'est  ouvert  le  port  d'Otago;  l'autre,  la  péninsule  de  Banks. 
dont  la  masse  su|ierbe,  complèlemeul  isolée,  est  découj)ée  de  baies  et  de 
caranques  où  mouillent  les  navires  :  telles  sont  Port-Akaroa,  Pigeon-bay, 
Port-Levy,  Port-(]ooper.  Un  cordeau  de  sables  marins  unit  la  côte  méri- 
dionale de  cette  presqu'île  de  laves  à  la  terre  ferme  en  enfermant  un  ma- 
rigot vaseux.  Banks-peninsula  ressemble  d'une  manière  étonnante  au 
monte  Argentaro  de  la  côte  italienne.  Non  compris  toutes  les  indentalions 
et  les  sinuosités  du  littoral,  le  développement  des  côtes  néo-zélandaises  est 
évalué  par  Tlionison  à  plus  de  5(10(1  kiloinJ'tres. 

.\lalgi(''  la  |ir(ii'()M(le  coupure  que  forme  le  détroit  de  (Jook,  les  chaînons 
orientaux  de  l'île  du  Sud  se  continuent  de  l'autre  côté  de  la  brèche,  dans 
l'île  se})tentrionale.  Des  crêtes  parallèles,  mais  de  faible  élévation,  s'ali- 
gnent dans  le  même  sens  que  les  montagnes  di'    l'autre  île,  c'est-à-dire 

'    \,iii  [..■.KlriilfM.  Dnilsrhr  lliiiHl.frliini  fiir  Gcnfiniiiliir  iinil  SI,it,.'<liL   \|.iH   1SS8. 


850 


NorVELLK   GÉOGRAl'IllE   IM VERSEl.l.K. 


dans  la  direction  du  sud-ouest  au  nord-est;  mais,  tandis  que  dans  l'ile  du 
Sud  les  Alpes  néo-zélandaises  bordent  le  littoral  de  l'ouest,  ici  c'est   le 


71.    —    DETROIT    IIE 


E.-     d«    P: 


1  :  5  nno  oiiii 


a'e2ûO  '"et  au  c^£'/à 


lon^r  de  la  cote  occidentale,  ou  du  moins  à  um-  dislance  d'au  plus  80  kilo- 
mètres, (jue  se  développent  ces  rangées  de  montagnes.  Le  socle  qui  les 
porte  constitue  une  terre  presque  distincte,  long  quadrilatère'se  lerïni- 
nanl    au  sud-ouest  et  au    nord-est  par   des  péninsules    znassives    et    se 


\ULCA.\S  1>K   LA   >OL\KLLH-Z£LA.MiE.  831 

laKacliaiil  au  reste  de  l'île  par  de  vastes  plaines  et  des  seuils  uiontueux, 
ayant  près  de  1000  mètres  au  sud  du  lac  Taupo.  La  plus  haute  montagne 
de  cette  région  orientale  est  le  Ilikurang  (1688  mètres),  situé  non  loin  de 
l'East-cape  ou  cap  Oriental.  Vers  le  centre  de  l'île,  le  court  chaînon  de  Kai- 
mawana,  qui  dresse  au-dessus  des  plaines  ses  escarpements  boisés  et  sou- 
vent neigeux  à  la  cime,  appartient  au  même  système  orographique  par  son 
orientation  et  par  la  nature  de  ses  roches  anciennes,  ardoises,  grès  et 
quartz,  injectées  de  veines  dioritiques;  les  sommets  du  Kaimavvana  adei- 
gnent  1800  mètres. 

A  l'ouest  de  ces  monts,  le  reste  de  l'île  est  occupé  par  des  massifs  volca- 
niques, disposés  pour  la  |)lupart  sans  ordre  apparent  et  séparés  les  uns 
des  autres  par  des  lacs  et  de  profondes  vallées.  Le  mont  Ruapehu,  le 
plus  élevé  de  l'île  septentrionale,  forme  à  lui  seul  tout  un  groupe  de  cônes, 
dont  la  base  commune,  reposant  sur  un  plateau  d'un  millier  de  mètres 
en  hauteur,  n'a  pas  moins  de  100  kilomètres  de  tour;  les  deux  pointes 
neigeuses  de  la  pyramide  suprême,  haute  tle  2700  mètres,  commandent 
un  immense  horizon  sur  l'île  presque  entière  jusqu'aux  promontoires  de 
l'est;  de  belles  forêts  recouvrent  les  pentes  occidentales  de  l'ancien  volcan, 
tandis  que  de  l'autre  côté  s'étend  une  plaine  inhabitée,  le  désert  d'Onetapu 
ou  du  «  Sable  Sacré  »,  formé  en  effet  de  cendres  et  de  scories  que  vo- 
mirent les  cratères  du  Ruapehu  à  une  époque  inconnue.  Mais  là  aussi 
le  sol  était  revêtu  de  forêts;  car  sous  les  débris  on  retrouve  les  troncs 
carbonisés  des  grands  arbres  ' . 

Un  espace  uni  d'environ  8  kilomètres  sépare  la  base  du  Ruapehu  de 
celle  d'un  volcan  encore  actif,  qui  se  dresse  plus  au  nord,  le  Tongariro. 
Le  socle  qui  le  porte  est  à  l'altitude  d'environ  900  mètres,  mais  il  se  creuse 
en  vasque  autour  de  la  montagne  :  j)eut-être  existail-il  en  cet  endroit  un 
cratère  duquel  s'est  élevé  graduellement  le  cône  du  Tongariro,  mont  de 
cendres  et  de  scories  d'une  régularité  parfaite,  dont  le  cratère  terminal  est 
maintenant,  d'après  Nicholls,  à  2248  mètres.  Le  volcan,  presque  toujours 
en  état  d'éruption,  était  naguère  strictement  taboue  par  les  indigènes  ;  ce- 
pendant il  a  été  gravi:  on  a  pu  contempler  le  spectacle  admirable  du  grand 
cratère  et  des  petites  coupes  latérales  d'où  s'élancent  en  tourbillonnant  des 
vapeurs  sulfureuses;  à  travers  le  nuage  que  fait  flotter  le  vent,  on  aperçoit 
quelques  mares  d'eau  bleue  qui  remplissent  les  dépi'essions  terminales  de 
volcans  parasites;  plus  loin  vers  le  nord,  la  montagne  Kelotahi  émet  aussi 
do  fumées  en  abondance,  tandis  oue  le  cône  réiiulier  du  Pihaiiga,  domi- 

'  .1.  11.  kiTiv-.Mcholls.  Tlic  Kimj  Counlnj. 


85'2  NOUVELLE  (;ÉOGK AI'IIIE   IMVEliSELLE. 

iKUil  la  pallie  méridionale  ^du  grand  lac  Taupo,  est  depuis  longtemps 
éleinl.  Les  Maori  lui  donnent  le  nom  de  u  femme  du  Tongariro  )' ;  quant 
au  mot  de  Tongariro,  il  indique  simplement  la  position  de  la  montagne  au 
sud  du  Pihanga.  Un  chef  maori  vient  de  léguer  en  mourant  les  massifs 
volcaniques  du  Ruapehu  et  du  Tongariro  à  la  nation  néo-zélandaise,  pour 
(|u'elle  en  fasse  un  «  parc  national  »,  protégé  contre  les  empièleineiils  el 
les  enlaidissements  de  la  pro[)riélé  priv(''e. 

Le  Taupo,  qui  occupe  à  peu  |iivs  le  milieu  géographique  de  l'ile  du 
Nord,  appartient  aussi  au  système  volcanique  de  la  Nouvelle-Zélande  :  on 
a  même  émis  l'hypothèse  que  ce  fut  un  prodigieux  cratère.  La  forme  iii(''- 
gulière  du  bassin  ne  justifie  point  celte  snp|)()silion.  mais  il  est  horde  de 
volcans  d'où  se  sont  écoulées  des  laves  el  (|ui  ont  laiUM'  des  ])ierres  |)onces 
el  des  cendres  en  quanlités  énormes.  Il  est  pr(diahle  que  les  premières 
éruptions  de  cette  contrée  se  fireni  au-dessous  de  la  mer  el  que  les  amas 
de  débris  rejetés  finirent  par  séparer  de  l'Océan  un  golfe,  Iransformé  gra- 
duellemenl  en  lac  par  de  nouveaux  appiuls,  puis  en  lac  d'eau  douce  par 
les  pluies,  les  neiges  el  le  courani  de  sortie  :  c'esl  une  remarquable  coïn- 
cidence que  le  nom  du  Tau|)()  ail  le  sens  de  «  Rocher  jadis  couvei'l 
d'eau  )^  comme  si  les  Maori  avaient  uue  lra<lili()ti  raconlant  l'exliausse- 
menl  graduel  de  la  conirée '.  Toule  la  pai'lie  nu'diane  de  l'île,  à  l'ouest 
des  roches  anciennes  de  l'ossalure  piimilive,  est  composée  de  couches  de 
pierre  ponce,  d'une  puissance  de  plusieurs  centaines  de  mètres,  recou- 
vertes d'un  humus  formé  en  partie  de  trachyle  désagrégé.  Les  mon- 
tagnes à  l'est,  les  volcans  à  l'ouest,  el  dans  l'espace  intermédiaire  les 
cendres  et  les  scories  ont  limité  le  réservoir  ci'ulral  et  en  ont  ainsi  relevé 
le  niveau  jusqu'à  la  convexité  du  |)lateaii  en  forme  de  boucliei'  (|ui 
occupe  la  partie  moyenne  de  l'ile.  Jadis  le  lac  Taupo  était  même  plus 
élevé,  ainsi  qu'en  témoignent  les  plages  marquées  sur  les  jH'ntcs  des  mon- 
lagnes  environnantes;  mais  la  livièi'e  (jui  s'en  échappe  l'a  vidé  en  partie 
en  ravinant  les  amas  de  pierre  ponce  qui  limitent  au  nord  le  bassin 
lacustre.  Actuellement  le  niveau  du  lac  est  à  558  mètres  d'altitude,  et  son 
étendue  dépasse  775  kilomètres  cairés;  eu  quel(|ues  eiidi'nits  il  est  sans 
profondeur,  mais  la  partie  centrale  est  1res  creuse,  de  «  plusieurs  centaines 
de  mètres  »,  disent  trop  vaguement  les  géologues  anglais.  Dix-sept  rivières 
se  jettent  dans  le  Taupo;  la  plus  considéi'able  est  le  Waikato,  qui  passe  à 
la  base  du  Pihanga  el  gagne  peu  à  peu  par  ses  alluvions  sui-  la  |iartie  mé- 
ridionale du  lac.  Celle  rivière,  dont  le  nom  signifie  simplement  «  Eau  cou- 


LAC   TAUPO,   RIVIKRE   WAIKAÏO.  853 

raiite  »,  naîl  diiiis  les  hautes  neiges  du  Ruapehu  h  côté  d'une  autre  rivière 
qui  descend  vers  le  détroit  de  Cook;  les  deux  vallées  à  pente  contraire 
coupent  l'île  en  deux  moitiés.  La  rivière  qui  sort  du  lac  Taupo,  et  qu'on 
appelle  Waikato  comme  le  cours  d'eau  supérieur,  a  sa  légende,  et  de  même 
que  le  Rhône,  elle  est  censée  traverser  le  lac  sans  y  mêler  ses  eaux.  Comme 
leRhône,  elle  s'enfonce  aussi  en  des  gorges  profondes,  non  entre  des  parois 


IT2.     —    LVC    TACI'C 


Est  de   Par, 


175°  30 


Est    de     Greenvv  ch 


aprts  J(erry-Nicholls 


rocheuses,  mais  entre  des  assises  de  pierres  puiico,  superposées  en  ter- 
rasses avec  une  régularité  parfaite.  En  plusieurs  endroits,  la  base  de  ces 
falaises  croulantes  est  bordée  de  fumerolles,  qni  de  loin  ressemblent  à  des 
feux  de  pêcheurs.  L'eau  du  Waikato  est  d'une  admirable  couleur  d'opale, 
provenant,  dit-on,  de  la  silice  qu'elle  contient  en  abondance.  A  10  kilo- 
mètres à  peine  en  aval  de  la  sortie  du  lac,  la  rivière,  arrêtée  par  un  roc 
transversal  de  trachyle,  ])longe  de  15  mètres  du  fond  de  l'étroite  gorge  et 
XIV.  105 


854  NOUVELLE  GEOfiRAPUIE  UNIVERSELLE. 

lombt!  dans  un  large  bassin  où  lournoicnt  ses  eaux,  jinis  clic  ivçoil  de  son 
versant  occidental  un  large  ruisseau  thci'rnal,  descendu  du  cirque  de  Wai- 
rakei,  où  de  toutes  parts  des  geysir  entourés  de  margelles  siliceuses  jail- 
lissent au  milieu  de  la  forèl;  çà  el  là  des  arbi'cs  tombés  se  reconnaissent 
encore  sous  l'incruslalion  cristalline  (jui  les  recouvre  peu  à  peu.  Du  pied 
d'une  colline,  un  jet  de  vapeurs  brûlantes,  d'une  température  de  122  de- 
grés centigrades,  s'élance  en  déchirant  l'air  d'un  sifllement  continu.  On 
le  distingue  parfois  de  80  kilomètres  à  la  ronde,  el  les  Maori  (jui  naviguent 
sur  le  lac  Taupo  en  étudient  les  alternatives  |iour  se  rendre  compte  des  va- 
riations du  temps'.  En  aval  de  son  confluent  avec  le  ruisseau  thermal, 
le  Waikato  décrit  une  grande  courbe  vers  l'est  à  travers  le  plateau  de  pierres 
ponces,  puis  il  se  replie  vers  le  nord-ouest  et  se  nuMe  aux  eaux  marines 
par  un  large  estuaire  ouvert  au  sud  de  la  péninsule  d'Auckland. 

Entre  la  vallée  du  Waikato  et  le  goll'e  dit  liay  ot  Plenly,  (|ui  limite  au 
nord-est  le  grand  corps  insulaire,  le  plateau  de  pierres  ponces  est  occupé 
j)ai'  un  antre  groupe  de  volcans  et  de  lacs,  anciens  cratères  ou  réservoirs 
formés  par  des  barrages  de  débris.  La  plus  vaste  napj)e  d'eau  de  cette  région, 
le  Roto-rua  ou  le  «  Deuxième  Lac  »,  est  située  à  l'ouest  des  autres  bassins, 
à  la  base  oi'ientale  du  mont  Ngongotaha  (77(S  mètres).  Le  lac,  d'une  super- 
ficie d'environ  (SO  kilomJ'Ires  carrés,  est  charmant  à  voir  avec  sa  |)etite  île, 
les  collines  el  les  promontoires  de  ses  bords,  les  bosijuets  el  les  l'oi-èls  des 
rivages;  mais  ce  qui  fait  de  cette  régitin  un  lieu  de  merveilles,  ce  sont  les 
sources  variées  à  l'infini  pai'  la  forme,  la  périodicité,  la  composition  chi- 
miijue,  (|ui  jaillisseni  du  sol  au  sud-ouest  du  lac;  l'espace  sans  cesse 
vibrant  occupe  une  Z(ine  de  Ti  à  (i  kiloniJ'tres  au  bord  de  l'eau  et  de 
1600  mètres  dans  l'intérieur.  Fontaines  inlermiltenles,  jels  errants,  qui 
s'élancent  d'un  point,  puis  disparaissent  |)our  se  montrer  plus  loin, 
vasques  tranquilles  où  l'eau  pure  est  à  peiin»  troublée  par  (juel(|ues  bulles, 
sources  froides,  tièdes,  chaudes  ou  brûlantes.  suHuicuscs,  salines  ou 
acidulés,  solfatares,  fumerolles,  geysir,  la  vallée  du  Uoto-ina  montre 
à  côté  les  uns  des  autres  tous  ces  phénomènes.  Un  des  geysir  jaillit  à 
20  mètres  de  liaiil  d'un  cùiie  siliceux  île  1,'»  mi-lrts  :'la  vapeur  s'échappe 
en  sifflant  cl  ICau  qu'elle  soulève  hruil  cdunne  le  tonneric.  Lt>s  eaux 
thermales  et  niini'rales  avaient  alliié  de  Idules  jiarls  les  malades  maori  ; 
maintenant  les  blancs  néo-zélainlais,  même  des  Europi'ens.  s'y  rendeni  à 
leur  tour;  un  sanatoire  s'élève  sui'  les  bords  du  lac. 

A  l'est  du  Roto-rua  se  succi'deni  d'auli'es  bassins  lacustres,  le  Ruto-iti 

'  Keny-.XiLholls,  ouviage  cit«. 


WAIKATO.   LACS   ROTO-IU'A   ET   TARAWERA. 


835 


ou  <(  K'iil  Lar  »,  le  Uolo-ehu  ou  «  lac  Vasciiv  •>,  In  Rolo-iiia  ou  «  lac 
Blanc  »,  (lonl  les  courts  efflueuls  desceiulenl  au  uoni  vers  la  baie  d'Alion- 
dance.  Plus  au  sud,  à  300  mètres  d'altitude  moyenne,  se  groupent  d'autres 
lacs,  dont  le  plus  grand  est  le  Tarawera,  dominé  à  l'est  par  la  montagne 
du  même  nom  ou  le  «  lioe  Iirùl(''  ».  cône  lr(Mi(|nr  d'as|iec(  formidable  dont 
les  talus  rouges  et  noirs  se  redressent  à  r>(IO  uii'lres  au-dessus  du  lac.  On 
croyait  ce  volcan  ('leinl,  mais  il   n'élail  (|u'assoupi,  et  en   18S0,  pendant 


HKGKJN    Ul:s    Mt:i\VKIl.l.l>. 


Est  de   Par- 


/f' 


=t   de  Lreenvv  ch 


-"L,     Kolo-iiiahaiia  avaiil  le  III  juin  I8SK. 


une  nuit  d'hiver,  il  se  réveilla  soudain.  Un  tremblement  secoua  toute  la 
contrée,  des  crevasses  s'ouvrirent  et  le  sommet  de  la  montagne,  réduit  en 
cendres,  fut  lancé  dans  les  airs,  une  colonne  de  vapeurs  et  de  scories  en- 
tlammées,  que  l'on  aperçut  à  plus  de  250  kilomètres,  s'éleva  dans  le  ciel  à 
6000  mètres  de  hauteur  et  retomba  en  pluie  sur  les  alentours  ;  des  villages 
s'effondrèrent  sous  le  poids  des  cendres  sèches  ou  transformées  en  boue 
par  l'orage  qui  s'était  amassé  autour  de  la  montagne  en  éruption.  Lors- 
qu'on put  se  hasarder  de  nouveau  dans   le  voisinage  du  Tarawera,  on 


836  NOUVELLE  GEOGRAPUIE   UNIVERSELLE. 

s'aperçut  (|ii(i  l'aspect  de  la  coiilrée  avait  changé  :  des  sites  curieux  avaient 
disparu  sous  la  couche  unifoniie  de  poussière,  et  l'on  ne  voyait  plus  traces 
de  la  X  merveille  des  merveilles  »,  la  fameuse  source  incruslaule  de  Te- 
Tarata  (jui  n'avait  pas  d'égale  sur  la  Terre  :  à  la  place  s'était  ouvert  un  cra- 
tère houeux,  plus  bas  de  150  mètres  que  le  niveau  de  l'ancien  lac.  Avant 
l'explosion,  les  eaux  qui  s'épanchaient  dans  le  Roto-mahana  ou  "  lac 
Chaud  »,  jaillissaient  par  intermittence,  à  25  mètres  au-dessus  du  lac, 
dans  une  vasque  d'environ  200  mètres  de  tour;  après  avoir  empli  ce 
cratère  aux  ourlets  de  silice  translucide,  semblable  à  l'albâtre,  elles 
s'écoulaient  en  minces  nappes  d'azur  pour  tomber  de  bassin  en  bassin, 
tous  développant  leurs  margelles  blanches  en  hémicycle  parfait,  grâce  à 
l'ondulation  régulière  de  l'eau  qui  déroulait  ses  vaguelettes  circulaires 
autour  de  la  cascatelle  ;  en  diminuant  de  température,  l'eau,  saturée  de 
silice  et  de  substances  sulfureuses,  changeait  graduellement  de  couleur  : 
de  la  nuance  du  saphir  dans  le  bassin  de  jaillissement,  elle  prenait  plus 
bas  les  reflets  de  la  tur(|uoise,  et  à  son  entrée  dans  le  lac  elle  n'était 
plus  que  très  légèrement  azurée.  Un  talus  de  cendres  couvre  maintenant 
ces  «  terrasses  blanches  »  et,  près  de  là,  les  «  terrasses  roses  »;  mais  la 
force  cachée  se  fait  jour  eu  d'autres  points,  et  si  d'odieux  s|)éculateurs 
ne  réussissent  pas  à  discipliner  les  sources  pour  en  faire  des  objets 
d'exhibition,  en  les  entourant  de  barrières  et  en  les  défendant  par  des 
tarifs,  les  phénomènes  de  cette  région  volcanique  seront  toujours  parmi 
les  plus  curieux  de  la  nalui'e  en  travail. 

L'effluent  des  lacs,  dit  la  «  rivière  des  Dieux  »  (Awa  o  te  Atua),  descend 
au  nord-est,  puis,  après  avoir  contourné  le  volcan  éteint  de  Putauaki, 
s'unit  au  Rangitaiki,  le  principal  cours  d'eau  de  ce  versant,  et  coule 
dans  la  baie  d'Abondance  (bay  of  Plenty).  Mais  dans  les  eaux  mêmes  on  se 
trouve  en  pleine  région  volcanique.  Au  milieu  du  golfe  s'élève  le  cône  de 
l'Ile  Blanche  ou  Whakari,  haut  de  260  mètres  seulement,  mais  lançant 
parfois  des  vapeurs  sulfureuses  sur  un  immense  espace.  Le  cratère,  incliné 
d'un  côté  de  la  montagne,  a  2  kilomètres  et  demi  en  circonférence,  et 
l'intérieur  de  la  vaste' enceinte  est  complètement  rempli  par  des  fume- 
rolles, solfatares,  jets  de  vapeurs,  fontaines  sifflantes.  Le  Whakari  peut 
être  considéré  comme  l'extrémité  septentrionale  de  l'axe  volcanique  dont 
l'autre  extrémité  est,  au  sud-ouest,  le  superbe  massif  du  Ruapehu.  D'après 
la  légende  maori,  une  galerie  souterraine  unirait  le  cratère  du  Whakari 
à  celui  du  Tongariro  :  c'est  par  ce  passage  que  les  messagers  des  dieux 
ont  porté  le  feu  sacré  au  volcan  central  de  l'île. 

La  Nouvelle-Zélande  n'a  pas  d'autres  montagnes  brûlant  encore,  mais 


VOLCANS   ET   TREMBLEMENTS   DE   TERRE.  839 

j)arini  ses  jiiicii'iis  voIcmms  il  en  est  de  superbes.  Le  Taranaki,  dit  mouiit 
Egniont  par  les  Anglais,  ioi'ine  à  lui  seul  toule  une  iiéninsule  à  l'angle 
sud-occidental  de  l'île  du  Nord:  ce  l'ut  jadis  une  île,  dont  la  base,  exhaussée 
par  les  cendres,  s'est  rattachée  à  la  grande  terre;  sa  pyramide  suprême, 
haute  de  2521  mètres,  ne  le  cède  qu'au  Ruapehu  parmi  les  montagnes  de 
l'île.  D'autres  volcans,  dont  quelques-uns  dépassent  1000  mètres,  s'ali- 
gnent en  chaînons  au  nord-ouest  du  lac  Taupo,  et  non  loin  de  la  mer,  au 
sud  de  la  bouche  du  Waikato,  le  Perongia  (959  mètres)  a  laissé  couler  vers 
l'ouest  d'énormes  tiaînées  de  lave  (jui  se  sont  avancées  dans  les  eaux  en 
longs  promontoires;  enlermant  des  golfes  profonds.  Enfin,  dans  la  pénin- 
sule d'Auckland,  projetée  au  nord-ouest  comme  une  épée  de  narval,  les 
volcans  soni  |)cu  élevés,  mais  ils  sont  fort  nombrcMix  :  c'est  par  dizaines 
qu'ils  sont  parsemés  dans  la  parlie  la  plus  étroite  de  la  presqu'île,  les  uns 
élevant  leurs  buttes  à  une  centaine  demèlres  au-dessus  du  sol,  les  autres 
ouvrani  leurs  cratères  au  ras  de  l'eau  et  fornianl  de  petits  havres  d'une 
régularité  ])arfaite.  Au  large  d'Auckland,  dans  la  mer  orienlale,  la  masse 
ovale  du  fier  Rangiloto,  le  «  Ciel  Sanglant  »,  semble  fermer  l'entrée  du 
porl.  Plus  au  nord,  la  longue  corne  péninsulaire  de  l'île  est  découpée  par 
(le  nombreuses  baies  sans  grande  j)rofondeur,  qui  paraissent  être  les  restes 
de  fjords  à  demi  comblés.  L'une  d'elles,  sur  la  rive  orientale,  est  la  «  baie 
des  lies  »  [bay  of  Islands) ,  parsemée  en  effet  d'îles  et  d'îlots  d'aspect  pyra- 
midal. L'un  d'eux  est  le  «  Vieux  Chapeau  »  [Old  Hat),  ainsi  nommé  de  sa 
forme  :  avec  son  cône  tronqué  et  la  roche  argileuse  de  son  pourtour,  usée 
par  le  flot,  cet  îlot  ressemble  à  un  feutre  gigantesque  flottant  sur  la 
mer'.  La  Ijaie  des  lies  a  sur  ses  bords  quelques  sources  thermales  et  sul- 
fureuses. 

Les  tremhlemenis  de  terre  sont  fréquents  dans  toutes  les  parties  de  la 
Nouvelle-Zélande  et  l'on  a  observé  en  maints  endroits  des  changements  de 
tracé  dans  les  rivages.  Des  géologues  ont  même  émis  l'hypothèse  que, 
dans  son  ensemble,  l'archipel  serait  animé  d'un  mouvement  de  bascule 
analogue  à  celui  de  la  péninsule  Scandinave.  Tandis  que  la  parlie  septen- 
trionale de  l'île  du  Nord  s'affaisserait  lentement,  le  reste  de  la  contrée  se 
serait  élevé  d'une  manière  parfaitement  appréciable,  même  pendant  la 
courte  période  de  la  colonisation  britannique.  De  brusques  exhaussements, 
causés  par  les  agilalions  volcani(|ues  du  sol,  ex|)li(pient  les  retraits  de  la 
mer  en  cei'lains  endroits,  notamment  dans  le  port  de  Wellington,  au  bord 
du  détroit  de  Cook;  mais  ailleurs  le  mouvement  se  serait  accompli  avec 

'   li:iii;i,  Vnilcd  Sliilcx  E.rpluriiKi  E.iiii'ililiiiii, 


840  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

lenteur,  sans  secousses  perceptibles  ;  des  couches  de  pierres  ponces,  laissées 
sur  les  côtes  à  différents  niveaux,  lémoignent  de  cette  poussée  du  sol  ou  de 
ce  retrait  des  mers.  En  1847,  on  découvrit  dans  l'île  du  Sud,  à  près  de 
200  mètres  de  la  mer  et  bien  au-dessus  du  niveau  des  hautes  marées,  la 
carcasse  d'un  navire  dans  lequel  on  crut  reconnaître  Y  Active,  naufragé 
trente-trois  années  auparavant,  en  1814;  un  arbre  croissait  à  travers  les 
ouvertures  de  la  carène'. 

Le  climat  de  la  Nouvelle-Zélande  est  assimilé  à  celui  de  l'Angleterre, 
quoique  la  température  moyenne  des  contrées  néo-zélandaises  occupées 
par  les  immigrants  anglais  soit  notablement  supérieure  à  celle  de  leur 
mère  patrie.  Du  reste,  les  ^  contrastes  climatiques  sont  grands  entre  les 
parties  extrêmes  de  l'archipel,  situées  sur  la  rondeur  terrestre  à  14  degrés, 
soit  à  1550  kilomètres  de  distance  l'une  de  l'autre;  tandis  que  la  pénin- 
sule du  nord  a  le  climat  italien,  les  ivgions  du  sud  rappellent  l'Ecosse, 
et  l'île  Stewart  est  orcadienne".  Mais  partout  les  changemeuls  sont  brus- 
ques; les  sautes  de  vent  sont  rapides  dans  ces  terres  océaniques,  et  par 
suite  les  changements  du  fi-oid  au  chaud  et  du  sec  à  l'humide.  En 
moyenne,  la  température  <'st  plus  égiilc  mii'  les  côtes  occidentales  tour- 
nées vers  les  vents  marins,  qui  soiiftlciil  le  plus  fréquemment;  les  écarts 
sont  très  forts  au  contraire  dans  ccrlaines  parties  de  la  côte  orientale, 
notamment  dans  les  plaini's  voisines  de  la  |)éninsnl('  de  Banks;  cepen- 
dant le  versant  abrité  des  nionls,  itii  r(''carl  annuel  du  tVoid  au  chaud 
est  beaucoup  plus  élevé,  offre  un  clinial  pins  agréable  (pic  la  côte  venteuse 
de  l'ouest,  où  l'année  n'a  (las  un  jour  de  calnic.  (l'est  aussi  à  la  jiré- 
dominance  des  venis  d'onesl  qnc  les  (•('îles  lumiiées  vers  l'occident 
doivent  leur  plus  l'oiic  jiail  (riiiiniidilt',  |ilni(>  dans  les  plaines  et  sur 
les  pentes  inférieures  des  montagnes,  neige  sur  les  sommets.  Parmi 
ces  vents  occidentaux,  celui  (jui  provient  du  nord-ouest  et  qui  jmsse 
par-dessus  les  monts  pour  sonl'llci-  ^\w  le  versant  micnlal  ressenilile  au 
scirocco  par  les  phénomènes  (pii  l'aii-onipagnenl.  Sur  le  versant  des 
Alpes  néo-zélandaises,  qu'il  lia|i|ic  directement  en  venani  du  large, 
il   apporle   des  pluies   en  abondance,   landis    (|iie  snr  la   penle  orientale 

,  '  Ricliard  Tajior.  Te  Iha  ii  Muni  ;  —  \hmw\U.  .hmniiil  ,if  Ihr  II.  Cnniraiihinil  Snciftii.  IS7i; 
—  Thomson,  New  Zealand. 

-  (!liinal  des  principales  villes  rie  la  -Nonvelle-Zélanilr  : 
T,M„|,or. 
Meus.  I.alilmif.  liioyi>iii»\  .Vhis 

Auckland 56»  50' 

Wellington M"  16' 

(Ihristchurcli.  .    .    .  43"  52' S. 

Dnnedin 45"  .52' 


14",  5 

29" 

t'2».4 

28" 

ll»,5 

55" 

Ht".7 

2'.l" 

Éca.l. 

l'Iuif. 

26n,2 

0'",85 

25" 

f»,58 

41" 

0»,6o 

:,\Y 

n-,85 

CLIMAT   ItK   LA   NOUVELLE-ZÉLANDE.  S4l 

il  t'sl  devenu  sec;  quand  il  souille,  le  ciel  qui  recouvre  ces  disUicls  de  la 
Nouvelle-Zélande  prend  une  couleur  d'un  bleu  Ibncé,  les  amas  de  nuages 
qui  pesaient  sur  l'horizon  disparaissent  comme  par  enchanlemenl,  et  les 
torrents  qu'alimente  la  fonte  des  glaciers  se  gonflent  soudain'. 

La  «  Nouvelle-Angleterre  »  du  Pacifique  a  l'avantage  de  ne  pas  ressem- 
bler par  les  brouillards  à  l'Angleleri'e  atlantique:  elle  jouit  d'un  ciel  franc, 
où  l'azur  et  les  nuages  pluvieux  se  succèdent  sans  ces  longs  intermèdes  de 
temps  incertains  qui  rendent  parfois  si  pénible  le  séjour  dans  la  Grande- 
Bretagne.  C'est  principalement  à  celle  absence  de  brouillards  que  les  mé- 
decins attribuent  la  remarquable  salubrité  du  climat  néo-zélandais,  salu- 
briU'  (jui,  avec  la  beauté  des  sites  et  l'abondance  des  eaux  minérales  de 
toute  esitèce,  promet  de  faire  de  la  contrée  un  vaste  sanatoire.  Mais  la 
[jureté  du  ciel  est  achetée  par  la  fréquence  et  l'àpreté  des  vents.  Sur  les 
bords  des  deux  passages  qui  divisent  l'archipel,  le  détroit  de  Cook  et  le 
détroit  de  Foveaux,  les  airs  soufflent  en  tempête  pendant  une  grande 
partie  de  l'année.  En  1886,  les  gros  temps  se  succédèrent  cin(iuaiile-se[il 
lois  aux  approches  du  port  de  Wellington. 

La  flore  néo-zélandaise  varie  avec  le  climat,  de  la  zone  tempérée  du  nord 
à  la  région  froide  du  sud  ;  mais  dans  l'ensemble  elle  offre  bien  le  même 
caractère,  d'une  extrémité  à  l'autre  de  l'archipel.  Isolée  dans  l'Océan, 
à  des  centaines  de  kilomètres  de  toute  autre  grande  terre,  la  Nouvelle- 
Zélande  possède  une  flore  très  distincte  de  celle  des  autres  contrées  de 
l'hémisphère  méridional  :  les  deux  tiers  de  ses  végétaux  ne  se  voient  point 
ailleurs,  et  près  d'une  trentaine  de  genres  n'ont  de  représentants  nulle 
jiarl.  La  flore  néo-zélandaise  a  ses  analogies  les  plus  intimes  avec 
celle  des  continents  les  plus  rapprochés  à  l'ouest  et  à  l'est,  l'Aus- 
tralie et  l'Amérique  du  Sud,  et,  phénomène  remarquable,  c'est  peut-être 
avec  celle-ci,  qui  est  pourtant  la  masse  continentale  la  plus  éloignée, 
que  les  ressemblances  seraient  le  plus  nombreuses.  Les  arbres  carac- 
léristicjues  de  l'Australie,  l'eucalyptus  et  l'acacia,  manquent  à  la  Nouvelle- 
Zélande,  fait  capital  qui  ne  permet  guère  d'admettre,  avec  nombre  de 
géologues,  que,  pendant  les  âges  récents  de  la  Terre,  des  seuils  émergés 
aient  réuni  le  continent  australien  à  l'archipel  oriental*.  La  Nouvelle- 
Zélande  parait  avoir  été  un  centre  distinct  comme  aire  de  végétation  ;  les 
espèces  se  sont  propagées  de  ce  milieu  vers  les  îles  des  alentours. 

L'isolement  de  l'archipel  devait  avoir  pour  conséquence  la  pauvreté 


'  Julius  llaasl,  Juunuil  uf  Ihe  R.  Gewjruph'wal  Suciety,  1S70. 
«  Alfred  R.  Wallace,  The  Island  Life. 

XIV.  106 


842  NOUVELLE  (iÉOCHAPUIE   UNIVERSELLE. 

leliilivo  ik'  la  llore,  composée  de  960  espèces  indigènes'.  Les  forèls  ne  con- 
lieiineiil  qu'un  pelil  nombre  d'espèces,  et  ces  espèces  n'ont  pour  la  plu- 
part que  des  fleurs  ternes  el  peu  apjiarentes.  L'aspect  des  fourrés  est 
triste  et  monotone,  en  comparaisdii  des  belles  forêts  fleuries  de  la  Tas- 
manie  et  du  Cap;  elles  soni  uniriics  sinhiul  à  cause  du  maiii|U('  de  vie 
animale  :  on  n'y  entend  ])as  nuMue  un  cliaul  d'oiseau.  Ouand,  après  avoir 
cheminé  sous  ces  épais  feuillajics,  on  revient  aux  espaces  découverts  et 
lumineux,  on  se  sent  connue  alléjié  d'un  poids  de  terreur'.  Les  piaules 
caractéristiques  sont  les  150  espèces  de  fougères  arborescentes  et  autres, 
qui,  en  mainte  région,  occupent  à  elles  seules  de  vastes  étendues.  La 
Nouvelle-Zélande  a  aussi  ses  espèces  particulières  de  jmiis,  entre  aulres  le 
kauri  {dammaro  austrolis),  qui  de  nos  jours  ne  croit  plus  que  dans  l'ile 
septentrionale  :  son  fût  su|icrlic  atteint  (id  mètres  de  hauteur,  et  sa  résine 
est  fort  recherchée  pour  la  fabrication  des  vernis.  Mais  on  l'exploite  à 
outrance,  surtout  à  cause  de  son  excellent  bois  de  construction  ;  pour  bâtir 
les  villes  on  a  détruit  des  forêts  entières  el,  avant  qu'(in  s'occupât  de  l'amé- 
nagement des  plantations  nouvelles,  on  a  pu  craindre  que  l'espèce  même 
ne  fût  lùentôt  exterminée.  Le  clinial  ]iaiail  avoir  contribué  aussi  à  dimi- 
nuer l'aire  de  crtiissauce  de  cet  arbre.  Sur  les  boi'ds  de  la  rivière  Molyneux, 
au  sud  de  l'ile  inéridimiale.  le  sol  renl'eiine  de  nombreux  blocs  de  résine 
kauri,  qu(ii(|ue  de  nos  jours  l'aibre  de  cette  espèce  se  retrouve  seulement 
à  10  degrés  plus  au  nord.  La  substance  fossile  résineuse  que  l'on 
recueille  dans  les  régions  méridionales  de  la  Nouvelle-Zélande  est  tout 
aussi  fraîche  d'aspect  que  la  résine  récemment  gemmée,  el  néanmoins, 
depuis  qu'elle  a  coulé,  assez  de  siècles  ont  passé  pour  que  la  zone  de 
l'arbre  ait  reculé  vers  le  nord  de  près  d'un  millier  de  kilomètres".  La  gomme 
ancienne,  plus  compacte,  est  beaucoup  plus  appréciée  que  celle  des  arbres 
encore  debout*,  et  des  compagnies  commerciales  se  sont  constituées  pour 
l'exploitation  de  cette  précieuse  résine,  dont  les  habiles  chercheurs  con- 
naissent les  gisements  \ 

La  faune  néo-zélandaise,  très  originale  connue  la  tlore,  ne  comprenait, 
pensent  les  zoologistes,  qu'un  seul  (iuadru|)ède,  une  espèce  de  loutre,  dont 
l'explorateur  Haast  a  vu  les  traces  el  que  d'autres  voyageurs  ont  poursuivi 
sans  pouvoir  l'atteindre.  Quant  au  rat  maori,  exterminé  jusqu'au  dernier 

'  Fcid.  von  Muelter,  Die  Flora  von  Amtralicn. 

■  Ferdinand  von  Hochslctter,  Neii-Scchind . 

'  Rich.  Tavlor,  Te  Ika  a  Maui;  —  Uoworih.  Jouninl  of  the  R.  Geoynipliical  Society.  187-4. 

*  Raoul,  Notes  manuscrites. 

'  Exportation  de  la  gomme  de  kauri  néo-zélandaise  en  1887  : 

6  791  tonnes,  d'une  valeur  de  9  061  225  francs. 


FLilIiK    I;T   FAI' ne   DE   LA   NOUVELLE-ZELANDE.  S43 

par  le  rai  venu  (rKiii(i|M',  les  iiidioèncs  disent  l'avoir  appurlé  avec  eux 
dans  leurs  caïKils  :  il  m  ('lail  de  inèine  du  cliieu,  (jiii  d'ailleurs  n'avait 
jamais  quitté  l'iionune  jxiur  vivre  à  l'état  sauvage  dans  les  forêts.  H  n'v  a 
point  de  serpents  ni  de  tortues  dans  l'archipel,  et  la  famille  des  grenouilles 
n'est  représentée  que  par  une  espèce,  vivant  en  un  seul  endroit  du 
littoral,  dans  l'île  du  Nord  ;  mais  les  lézards  sont  nombreux.  On  en  compte 
une  dousiine  d'espèces  qui  ne  se  retrouvent  point  en  d'autres  pays;  l'une 
d'elles,  halteria  punrtatft,  désormais  cantonnée  dans  un  îlot  de  la  baie 
il'Abondance,  est  une  forme  médiaire  entre  les  lézards  ordinaires  et  les  cro- 
codiles :  elle  inspirait  une  certaine  crainte  superstitieuse  aux  Maori,  bien 
qu'elle  fût  inotïensive.  Naguère,  avant  l'introduction  d'espèces  européennes, 
les  cours  d'eau  néo-zélandais  étaient  presque  dépourvus  de  poissons; 
cependant  on  y  voit  des  espèces  curieuses  par  la  vaste  extension  de  leur 
domaine,  entre  autres  une  anguille  ([ui  vit  aussi  en  Chine,  en  Europe,  aux 
Indes  occidentales,  et  une  linile  que  Ton  l'cnconti-e  également  dans  les 
l'uisseaux  de  la  Tasmaiiie  et  dans  ceux  île  l'Amérique  du  Sud.  Une  des 
grandes  curiosités  de  la  faune  et  de  la  floie  néo-zélaïuiaise  est  l'espèce  de 
chenille  {splixrla  Robertsi)  qui  se  creuse  un  trou  au  pied  d'un  arbre;  et  dans 
laquelle  naît  un  long  champignon,  qui  se  développe  à  l'air  libre. 

La  classe  la  plus  remarquable  de  la  faune  néo-zélandaise  est  celle  des 
oiseaux.  Elle  est  fort  riche,  puisqu'elle  se  compose  d'environ  150  espèces, 
dont  plus  d'un  tiers  appartenant  en  propre  à  l'archipel  et  constituant  17 
ou  18  genres  absolument  distincts.  Pai'mi  ces  oiseaux  il  en  est  de  fort 
curieux  :  tel  le  huia,  espèce  d'étourneau,  dont  le  mâle  et  la  femelle  dif- 
fèrent absolument  par  la  forme  du  bec;  mais  l'oiseau  caractéristique  par 
excellence  est  le  kiwi,  ce  fameux  aptrrijx  ou  «  sans-ailes  »,  dont  il 
existe  encore  trois  ou  quatre  espèces  indigènes  :  en  effet,  dépourvu  d'ailes 
et  de  queue,  couvert  de  poils  au  lieu  de  plumes  et  de  la  taille  d'une  poule 
ordinair(\  le  kiwi  est  sans  di'l'ensi'  conlii'  le  chien,  cl  s'il  en  reste  encore 
dans  les  ilislricts  écartés,  c'est  giàce  à  ses  habitudes  nocturnes.  Mais  il 
disparaîtra  bientôt,  comme  ont  disparu  les  espèces  analogues  dans  les 
Mascareignes,  et  comme,  dans  la  Nouvelle-Zélande  même,  ont  péri  les 
quinze  espèces  de  moa  ou  dinornis\  oiseaux  de  la  famille  des  autruches, 
de  différentes  dimensions  :  l'un  d'eux  avait  plus  d(^  5  mètres  en  hauteur. 
Les  restes  fossiles  des  moa  ont  été  découverls  dans  les  tourbières,  sous 
les  couches  d'alluvions  et  dans  les  grolt(>s,  encroûtés  de  stalagmites  ;  mais 
on    a    aussi    retrouvé  de    leurs    squelettes,    un    œuf  |irodigieux,   Nuig   de 

'    Hi(li;inl  Ow.'il.  Mi-inoii-  un  II,,'   K.rlnirl   Wimilrss   Ilinis  o/  AVh'  Znil,ni,l. 


844  NOUVELLE  GEOfiRAPFJIE   UNIVERSELLE. 

25  centimètres,  et  même  des  fragments  de  peau  et  des  plumes  dnns  les 
tombeaux  des  Maori  et  parmi  les  débris  de  cuisine  :  il  est  donc  certain  que 
les  indigènes  ont  chassé  ces  oiseaux,  voués  par  leur  manque  d'ailes  à  une 
destruction  rapide  :  d'après  la  tradition  maori,  les  raoa  étaient  couverts 
d'un  plumage  éclatant'.  Parmi  les  types  en  voie  d'extinction  ou  même 
ayant  déj<à  disparu,  on  compte  le  notornis  ou  moho,  le  coturnix,  sorte  de 
caille  qui  était  dans  l'archipel  le  seul  représentant  autochthone  de  l'ordre 
des  gallinacés,  V anarhyncims ,  petit  échassier  qui  se  faisait  remarquer  par 
la  courbure  latéralede  son  bec,  le  thinoniis,  autre  oiseau  du  même  groupe. 
Le  nestor  ou  kea,  espèce  de  peri'(K|U('l-cluiuelte,  est  encore  très  commun 
dans  les  vallées  des  avant-monts  :  il  est  fort  redouté  des  patres  depuis 
qu'il  a  pris  l'habitude  de  saigner  à  vif  les  brebis  et  les  agneaux. 

Il  est  vrai  que,  depuis  l'arrivée  des  colons  anglais,  les  vides  faits 
dans  la  faune  locale  sont  graduellement  comblés  par  de  nouvelles  espèces, 
sauvages  et  domestiques.  Des  chasseuis  onl  introduit  dans  l'archipel  le 
cerf  et  le  chevreuil,  le  lièvre  et  le  lapin,  funestes  présents,  ce  dernier 
surtout,  dans  l'œuvre  d'aménagement  du  sol.  Les  porcs  sont  redevenus 
sauvages  en  quelqnes  districts,  et  c'esl  par  milliers  ((u'on  les  abal  aunucl- 
lement  dans  les  fourrés.  Les  eaux  ont  été  aussi  peuplées,  surtout  de  sau- 
mons, de  truites,  et  d'auti'es  espèces  de  la  mère  patrie.  Quant  à  l'omis, 
elle  s'est  accrue  jKir  le  foisonnement  de  certaines  espèces  locales,  luitam- 
ment  celle  de  niartins-pècheurs  ((^?/(7/o/(  rdijaits):  mais  c'est  de  l'Australie 
voisine,  de  l'Europe  et  des  deux  conliiietits  américains  que  viennent  en 
gi'ande  majorité  les  successeui's  des  espèces  dis|iarni>s.  Ainsi  les  cailles 
indigènes  sont  remplacées  par  la  caille  de  Californie,  (|ui  a  prospéré 
d'uiu^  manière  étonnante,  et  par  d'autres  gallinacés,  la  perdrix  grise  et 
le  faisan  de  Chine;  le  faisan  ordinaire  avait  aussi  parfaitement  réussi 
dans  la  Nouvelle-Zélande,  mais  les  éleveurs  se  sont  trop  hâtés  de  le  mettre 
en  liberté,  car,  après  s'être  multi])liédans  les  forêts,  il  a  été  bientôt  exter- 
miné par  les  chasseurs.  Étourneaux,  moineaux,  fauvettes,  merles,  grives, 
corneilles,  alouettes,  pinsons,  importés  d'Angleterre  à  grands  frais,  se 
sont  acclimatés  et  peuvent  faire  croire  au  colon  qu'il  n'a  point  changé 
de  ])atrie.  11  revoit  des  champs,  des  bois,  des  édifices  semblables  à  ceux 
qu'il  a  laissés  de  l'autre  côté  du  monde;  il  rencontre  les  mêmes  animaux 
domestiques  et  sauvages,  il  entend  jaser  les  mêmes  oiseaux.  Non  content 
de  voir  disparaître  naturellement  tout  ce  (|ui  donnait  à  la  Nouvelle-Zélande 
sa  physionomie  spéciale,  le  cha^senr  anglais  en  hâte  la  destruction,  aidé  par 

'  A.  S,  Tlionifoii,  ouvrage  cité. 


FAUNE,  POPULATIONS  DE   LA   NOIlVELLE-ZÉLANnE.  845 

le  chat    domestique,   redevenu  sauvage  dans  les  forêts.   Bientôt  l'œuvre 
d'extermination  sera  aussi  complète  que  l'homme  peut  la  faire. 


Les  insulaires  que  les  blancs  ont  trouvés  dans  l'archipel  comparent 
leur  destinée  à  celle  des  plantes  et  des  animaux  indigènes  et  se  croient 
destinés  à  périr  comme  eux  :  «  Notre  rat,  disent-ils,  est  mangé  par  le 
rat  d'Europe,  notre  mouche  fuit  devant  la  vôtre,  et  nous-mêmes  nous 
serons  remplacés  par  vous.  »  Pourtant  ces  Maori  qui  prévoient  ainsi  leur 
mort  ('laient  parmi  les  nations  polynésiennes  une  des  plus  intelligentes, 
des  plus  nobles  et  des  plus  civilisées.  Si  leur  disparition  devait  s'accomplir, 
ce  serait  une  des  infortunes  de  notre  humanité. 

Les  Maori,  c'est-à-dire  «  la  Lignée,  la  Descendance  »,  dans  le  sens 
d'  «  Indigènes  »,  sont  sans  aucun  doute  les  frères  de  race  des  insulaires  de 
la  Polynésie  orientale.  Leurs  légendes,  très  précises  et  très  détaillées,  sont 
unanimes  dans  le  récit  de  leur  migration  dans  l'archipel,  et  permettent 
même  d'évaluer  approximativement  l'époque  de  cet  événement.  Les  éduca- 
teurs des  enfants  devaient  leur  enseigner  avec  soin  toutes  les  traditions 
orales  de  la  race,  leur  faire  apprendre  l'histoire  et  la  généalogie  des  héros, 
leur  marquer,  au  moyen  de  planchettes  entaillées,  la  succession  des  évé- 
nements et  des  âges.  Ces  enseignements,  recueillis  par  Grey  et  jiar  d'autres 
savants,  nous  apprennent  qu'il  y  a  quatre  ou  cinq  siècles  le  Maori  Te 
Kupe  aborda  le  premier  dans  Aotea-roa,  l'Ile  septentrionale  de  la  Nouvelle- 
Zélande,  et  qu'émerveillé  de  sa  découverte,  il  s'en  retourna  dans  sa  terre 
natale  d'Havaiki  pour  chercher  ses  compatriotes.  Il  revint  en  effet  avec 
une  flottille  de  sept  canots  de  guerre,  contenant  chacun  une  centaine 
de  combattants,  des  prêtres,  les  idoles  de  pierre  et  les  armes  sacrées,  ainsi 
que  (les  plantes  et  des  animaux  du  pays.  A  cette  Iradilion  de  l'immigration 
des  Maori,  leurs  descendants  ajoutent  des  légendes  de  faits  merveilleux,  le 
partage  d'Aotea-roa  en  deux  îles,  l'apparition  d'îlots  et  de  rochers,  le  jaillis- 
sement des  sources  et  des  flammes.  Des  crânes  de  Néo-Zélandais,  offrant 
tous  les  caractères  des  crânes  papoua,  indiqueraient,  d'après  Huxley  et 
Quatrefages,  l'existence  antérieure  d'une  race  indigène  qu'auraient  exter- 
minée les  Maori. 

On  ne  sait  quelle  est  cette  ile  tle  Ilavaïki  d'où  viureut  Te  Kupe  et  ses 
compagnons.  La  similitude  des  noms  fait  penser  à  l'île  de  Savaii,  dans 
l'archipel  de  Samoa  ou  des  Navigateurs,  et  c'est  de  cette  même  île  de 
Savaii  que  d'autres  frères  des  Maori  auraient  colonisé  Havaii,  dans  l'ar- 
chipel des   Sandwich.   La  ressemblance  des  populations,  des  langues,  des 


846  NOUVELLE  GEOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

mœurs  cl  dos  légendes  entre  la  Nonvelle-Zélande  et  la  l'dlvm'sic,  mcl  m 
effet  hors  de  doute  que  des  niigialious  oui  eu  lieu  il'uue  jiailie  quelconque 
de  la  Polynésie  équatoriale  vers  les  groupes  épars  ;  loulcfois  rien,  si  ce 
n'est  une  vague  analogie  de  noms,  ne  permet  d'idenlilier  l'île  des  Samoa 
avec  le  berceau  légendaire  de  la  race  des  Maori.  11  semble  plus  probable 
que  la  patrie  des  immigrants  d'Aotea-roa  se  trouvait  dans  l'archipel 
des  Tonga,  c'est-à-dire  dans  le  groupe  d'Iles  le  j)lus  rapproché  de  la 
Nouvelle-Zélande  :  la  dislance  entre  les  deux  terres  ne  dépasse  pas  2000 
kilomèlres,  et  c'esl  pn-cisémenl  dans  le  sens  de  la  Nouvelle-Zélande  que 
porte  le  courant.  La  parenté  des  idiomes,  longa  el  maori,  est  si  grande, 
que  les  habitants  des  deux  contrées  arrivent  en  peu  de  temps  à  se  com- 
prendre. Le  mot  tonga  se  retrouve  fré(ju(>nimenl  dans  le  langage  maori 
et  dans  la  nomenclature  géographique  de  la  Nouvelle-Zélande'. 

Les  Mori-ori  des  îles  Chatham,  réduits  à  un  petit  nombie  de  familles 
et  métissés  avec  des  Maori,  sont  ecrlainciiiciil  des  Polynésiens  tic  mèmt> 
origine,  venus  du  Nord  vei's  le  quinzième  siècle,  d'après  leurs  traditions.  Ce 
sont  des  hommes  moins  grands,  mais  plus  trapus  ei  plus  forts  (|ue  les 
Maori,  ayant  des  traits  accusés  et  le  nez  a(|uiliii  du  ,luil'.  Petit  peuple  de 
chanteurs  et  de  conteurs,  ils  vivaient  heureux  dans  leur  ile  de  Warekauri, 
lorsque,  en  1852  ou  en  1855,  un  matelot  néo-zélandais  de  Taranaki,  ser- 
vant à  bord  d'un  navire  anglais,  eut  l'occasion  de  visiter  un  de  leurs  vil- 
lages. De  retour  dans  sa  patiie,  il  parla  à  ses  amis  de  ces  insulaires  «paci- 
fiques el  bous  à  manger»,  el  liienl(~il  une  expédition  de  guerriers  débar- 
qua dans  l'île  des  Mori-ori.  Les  malheureux,  attaqués  à  l'improvisle,  furent 
capturés  et  les  vainqueui's  firent  aussitôt  le  choix  de  ceux  qu'ils  man- 
geraient :  les  victimes  enreni  à  |ioiter  elles-mêmes  le  bois  et  à  préparer 
le  feu  sur  lequel  on  allait  les  rôtir*.  La  |iopiilation  mori-ori  était  d'en- 
viron 1500  individus  à  répo(|ue  de  la  conquête;  en  188(3,  ils  n'étaient 
plus  que  trente-six,  esclaves  de  fait,  malgi(''  les  décrets  (rt'mancipation  : 
leurs  pr(qjri(''tés  réservées  conq)renaient  un  espace  de  2i2  hectai'es  seu- 
lement. 

Les  Maori  sont  parmi  les  plus  beaux  insulaires  de  rOcé-anie.  (Juelques- 
uns  sont  très  grands,  la  ])lupai't  sont  de  haute  taille,  forts  et  hien  bâtis, 
très  larges  de  |ioiti'ine,  mais  ayant  en  |M'o|iorlion  le  buste  plus  long  et  les 
jambes  plus  courtes  que  rKiiropéen.  Les  traits  sont  en  général  assez  régu- 
liers,  les  pommettes  ont  une  légère  saillie,  le  front  est  élevé,   le  regard 


•  Keny-Nicliols,  ouvrage  cili'. 

«  H.  Hamitiei'slpy  Travers.  I>elcrmiiiiit's  Millnlinuini.   ISKIi,  II, 'Il  II, 


M.\(»HI. 


8i7 


jiLMiétiaiil  L'I  lifi'.  Jadiï?  Ifs  liiiinincs  s'r|iilai('iil  mm'u  soin  |Kiiir  éleiidre 
la  surl'ace  à  l'ecoinrir  |iai-  les  ornements  du  laloiia^,^e  ;  les  jeunes  filles 
se  faisaient  tatouer  les  lèvres;  d'où  le  nom  de  Blue-lips,  (^  Lèvres-Bleues  », 
que  leur  donnaient  les  Anolais.  Aueiine  nalioii  polynésienne  n'égala  les 
Maori  dans  ce!   arl    (rcmliellir    la    l'urine  Inimaiiic  iiar  des  traits  liarino- 


CHEF    MAORI    TATOLI.. 

.io  Tiii.lal.  .WxpvH  uni'  i.holographio  ooniuiuniqué..' par  M.  Haoul. 


nieux  qui  suivent  les  contours  du  corps,  en  font  valoir  le  relief  et  les 
proportions.  L'artiste  maori  savait  varier  à  l'infini  les  courbes  de  la  gra- 
vure :  tout  était  calculé  de  manière  à  produire  une  heureuse  flexion  des 
lignes  ;  les  rides  naturelles,  les  mouvements  du  visage,  le  jeu  des  muscles, 
devaient  aider  au  charme  du  dessin,  et  certes  c'était  un  beau  spectacle 
que  celui  d'un  jeune  hdoinie  sain,  dans  sa   iière   nudité,   n'avaiit    d'autre 


848  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

vêlement  que  ce  fin  réseau  de  lignes  bleues  sur  sa  peau  d'uu  ruujie  brun. 
Celui  qui  ne  se  soumettait  pas  aux  longues  tortures  du  tatouage,  lors  des 
principaux  événements  de  sa  vie',  était  considéré  comme  un  homme  qui 
d'avance  consentait  à  devenir  esclave.  L'homme  tatoué  ne  pouvait  jamais 
être  asservi.  «  La  liberté  ou  la  mort  !  »  telle  était  sa  devise. 

Très  fiers,  mais  fort  habiles  à  mesurer  leurs  paroles,  les  Maori  ont  toujours 
su  se  faire  traiter  en  égaux  par  les  Anglais,  etdans  les  conférences  politiques 
ils  ont  eu  fréquemment  le  dessus  par  la  logique  et  l'éloquence,  de  même  que 
dans  les  jeux,  le  cricket  par  exemple,  ils  dépassent  les  envahisseurs  en 
force  et  en  adresse;  dans  les  écoles,  ils  sont  au  moins  leurs  égaux.  D'ail- 
leurs, quand  ils  ont  dû  en  venir  aux  mains  pour  défendre  leur  terre  et  ne 
pas  se  laisser  refouler  dans  les  vallées  neigeuses  des  montagnes,  ils  ont 
montré  qu'ils  ne  le  cédaient  point  en  bravoure  aux  pakeha,  les  immigrants 
étrangers.  Entre  la  ville  de  Tauranga  et  la  «  région  des  Merveilles  »,  une 
ferme  et  des  champs  en  culture  occupent  l'emplacement  du  grand  pa  ou 
forteresse  de  terre  et  de  palissades  que  le  général  Cameron,  à  la  ((Me  de 
4000  Anglais,  essaya  vainement  de  réduire  et  qui  vit  la  déroule  el  le 
massacre  de  la  plupart  des  assaillants.  D'ailleurs  cette  vaillance  guerrière 
était,  comme  de  coutume,  accompagnée  de  pratiques  féroces,  entre 
autres  l'anthropophagie.  Les  Maori  mangeaient  le  cœur  et  les  yeux  de  leurs 
ennemis  tombés  dans  le  combat,  aliii  d'acquérir  leur  sagacité  et  leur  cou- 
rage. Dans  les  anciens  débris  de  cuisine  ou  trouve  des  ossemenis  d'hommes 
entaillés  par  la  hache  et  grattés  par  le  racloir.  à  côté  d'ossements  de 
chiens  et  d'oiseaux.  Les  traditions  parlent  de  mille  guerriers  qui  auraient 
été  mangés  après  une  bataille  victorieuse. 

L'iiuluslrie  des  Néo-Zélandais  ne  s'appliquait  qu'à  un  petit  nombre  de 
travaux,  mais  dans  chacun  de  ces  métiers  ils  étaient  devenus  d'une  habileté 
l'emarquable.  Le  séjour  sur  une  terre  moins  généreuse  que  leurs  îles  na- 
tales, sous  un  climat  plus  àjire,  la  raielé  des  |»lanles  et  des  fruits  comes- 
tibles, les  avaient  obligés  à  s'ingénier  pour  trouver  leur  nourriture  :  ils 
s'étaient  faits  agriculteurs,  et  leurs  jardins  étaient  fort  soigneusement  en- 
tretenus. Comme  sculpteurs  et  décorateurs,  ils  étaient  sans  rivaux  parmi 
les  insulaires  du  monde  océanique,  el  les  peintures  des  rochers,  les  figures 
taillées  dont  ils  ornaient  leurs  demeures,  leurs  bateaux,  les  pieux  sacrés 
placés  à  l'entrée  de  leurs  villages,  de  leurs  forteresses,  el  (jue  l'on  con- 
serve avec  soin  dans  les  musées  néo-zélandais  ou  dans  les  endroits  encore 
taboues  par  les  Maori,  sont  des  plus  remarquables    par  l'originalité    du 

*  A.  liasliaii,  Bcsuili  in  Sun-iiuh'iHluy. 


MAUFil.    l'AVS   nr   lUil.  849 

dessin  et  la  porleetion  du  travail.  (Jii(ii(jii('  déchus,  les  Maori  ((iiilem- 
porains  sont  toujours  ti'ès  adroits  à  pi'éparer  la  libre  du  pliormitim 
tenax-ei  à  la  tresser  en  nattes,  qu'ils  teignent  de  couleurs  éclatantes  el 
durables;  ils  savent  aussi  tanner  les  peaux  de  chien  et  IVibriijuer  de  super- 
bes manteaux  avec  des  crins  de  kiwi  et  des  plumes  d'autres  oiseaux  ;  enfin, 
ils  pratiquent  maintenant  avec  succès  les  diverses  industries  des  blancs. 

Leur  religion,  comme  celle  des  autres  Polynésiens,  était  celle  des  forces 
de  la  nature,  toujours  associées  dans  leur  esprit  aux  âmes  des  aïeux.  La 
UK-moiie  des  ancêtres  se  mêlait  tellement  à  leur  vie,  (|ue  les  amis,  en  se 
rencontrant,  ne  se  saluaient  point  par  des  signes  de  tendresse  ou  des  cris 
de  joie,  mais  commençaient  par  gémir  et  pleurer  en  souvenir  de  ceux  qui 
n'étaient  plus  là  pour  jouir  de  l'amitié.  Devenus  tous  cliiéliens,  du  moins 
de  nom,  les  Maori  n'ont  [ilus  les  idoles  de  j)ierre  (|u'ils  avaient  apj)orlées 
avec  eux  lors  de  leur  exode  dellavaïki.  Une  de  ces  effigies  a  été  donnée  pai' 
les  indigènes  eux-mêmes  au  gouverneur  Grey  ;  l'autre,  (|ui  avait  été  enfouie 
dans  l'ile  de  Mokoia,  au  milieu  du  lac  sacré  de  Roto-rua,  était  en  1884 
l'objet  d'un  procès  entre  deux  tribus'.  Mais  ce  n'est  pas  sans  lutte  que  les 
Maori  ont  accepté  les  enseignements  des  missionnaires  el.  pendant  la  guei-re 
d'indépendance  qui  éclata  en  I8(J4,  les  indigènes,  ne  voulant  plus  avoir 
rien  de  commun  avec  les  Anglais,  abjurèrent  le  christianisme  poui'  fonder 
une  religion  nouvelle  dans  laquelle  la  mythologie  chrélienne  et  le  culte  des 
ancêtres  se  mêlaient  é'trangement  :  ce  culte,  a[»[)elé  des  llau-hau,  d'aijrès 
les  cris  «de  douleur,  de  tendresse  ou  d'extase'  »  que  pou>isaient  les  fidèles 
dans  leurs  prières  publiques,  n'est  pas  tombé  complèlenieiil  en  désuétude. 
Quebjues  pratiquants  hau-hau,  ennemis  des  Anglais,  se  sonl  maintenus  en 
groupes  dans  le  «  pays  du  Roi  >■. 

Ce  pays  du  Roi  (Kim/s  coutitnj),  d'une  su[)erlicie  iTenviron  "2ÔO0O  kilo- 
mètres carrés,  embrasse  une  partie  considérable  de  File  du  Nord,  à  l'ouest 
du  lac  Taupo.  Les  deux  hautes  montagnes  Ruapehu  el  Toiigariro  étaient 
naguère  comprises  dans  ce  domaine,  ainsi  que  tout  le  littoral  qui  s'étend 
entre  la  baie  d'Aotea  et  la  base  seplentrionale  du  mont  Taianaki.  Effrayés 
des  continuels  empiétements  de  l'agriculteur  pakeli;i.  les  Maori  se  réu- 
nirent en  congrès  et  décidèrent  que  désormais  ils  ue  vendraieni  de  ter- 
rains à  aucun  prix  et  ne  laisseraient  plus  même  de  blancs  y  pénétrer  :  une 
hache  passa  de  main  en  main  chez  les  tribus,  symbole  de  mort  pour 
celui    qui    trahirait  sa  parole.  C'élail  en    1854.   Depuis  cette  épo(jue,  des 

'  KiTi-y-.Nicholls.  iiuviane  cilé. 

"■'  Servant,  Aiiiifih-s  ilc  hi  I^i-(ip/t(iiilioii  iIc  In  Fui. 

XIV.  107 


S30  NOUVELLE  GEOGRAPUIE   UNIVERSELLE. 

conflits  ont  eu  lieu;  en  1(S65  et  18(34  des  troupes  anglaises  envaliiienl 
le  royaume  et  des  laniheanx  de  lerrilnire  fuiciil  enlevés;  cepeiidaiil 
le  pays  que  se  sont  réservé  les  Maori  constitue  encore  un  espace  bien  déli- 
mité et  naguère  It^  voyageurs  n'y  entraient  que  |iar  des  marches  rapides  à 
travers  les  districts  iiihaMl(''s  ou  liien  grâce  à  des  sauf-conduits  obtenus 
par  voie  diplomali(|ue.   Les  tribus,  jadis  sans  cohésion  les  unes  avec  les 


tîrx    d       Pa 


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autres,  se^soiit  groupées  eu  communauté  |iolili(|ue  et  se  sont  choisi  un 
roi,  d'où  le  nom  de  Kiitrj's  nitnilnj  donné  à  leur  territoire  de  parcours. 
C'est  en  vain  t[ue  le  gouxerneiiieni  colonial  a  clierehé  à  l'aire  de  ce  idi 
uu  fonctionnaire,  en  lui  pa\anl  une  forte  somme  annuelle  et  en  lui 
conférant  au  nom  de  la  reine  une  grande  aulorilé  adminislralixe.  Mais, 
resjionsahle  envers  un  peuple  fier  et  palrioti(jue,  il  n'a  point  encore  con- 
senti à  échanger  son  indépendance  contre  une  servitude  dorée  et  il  s'en 
lient  au   traité  signé,  [irès  de  la  baie  des  lies,  à  AVaitangi,  —  F  c  Kau  des 


MAOlil,    niMICHATlON   UliS   liLANCS.  8M 

Pleurs  )',  —  Irailé  d'iiinès  K'iiiiel  les  Anglais  s'engagèrent,  en  1840,  à  res- 
peelcr  l'anldiiomic  et  la  |ir((|(i'iélé  des  indigènes.  Toutefois  les  jours  du 
jieuplc  sont  comptés.  Cha([ue  année  la  foule  des  blancs  augmente  d'au 
moins  vingt  mille  indidivus  cl  leur  inlluence  sui'  la  partie  de  l'île  qui  ne 
leur  appartient  pas  encore  s'acci'oit  en  jtroporlioii.  D'autre  part,  les  Maori 
s'affaiblissent  en  nombie,  en  force  physique  el  en  ('■neigie  morale. 

Il  sciail  impossible  de  dresser  une  slatisti(jue  de  la  populalion  maori, 
puisque  les  «  tribus  du  roi  >>  ne  se  laissent  point  i-ecenser  ofliciellement; 
cependant  l'opinion  générale  est  que  les  évaluations  sommaires  faites  à 
diverses  époques  onl  une  valeui-  sul'lisanle  pour  mcllre  hors  de  doute  la 
décroissance  constanle  de  la  race.  Les  Maori  auraieiil  été  au  moins  une 
cenlainede  mille  lors  de  l'arrivée  des  blancs  dans  le  pays;  au  milieu  du 
siècle,  ils  avaient  déjà  diminué  d'un  tiers;  en  1874,  on  en  comptai!  45  740, 
et  d'après  le  recensement  de  1880  ils  auraient  perdu  encore  trois  mille 
des  leurs.  Le  fail  le  plus  grave,  bien  ccuislah'  dans  les  distiicts  où  les 
indigènes  vivent  à  côté  des  blancs,  est  que  précisément  les  femmes,  j»ar 
lesquelles  la  race  pourrait  se  reconstituer  et  s'accroître  de  nouveau,  sont 
le  plus  IVappi'es  par  la  mort'.  Les  jeunes  Maori  n'ont  plus  la  vigueur  de 
leurs  aînés,  et  la  phtisie  en  emporte  la  moitié;  ce|)endant  le  déjîérissemenl 
du  peuple  paraît  être  relardt",  et  en  certains  districts,  notamment  dans 
celui  de  Kaïpara,  au  nord  d'Auckland,  il  y  a  eu,  gràci»  aux  métis,  (|uel- 
ques  excédents  de  naissances  sur  les  morts. 

(Juaul  à  la  |iopulalion  blancli(\  on  sait  avec(iuelle  ra|)idité  elle  s'accroît, 
non  seulement  par  l'immigralion,  mais  surtout  |)ar  l'excédent  des  naissauc^'s 
sur  les  morts.  De  ce  chef,  l'auguien talion  annuelle  est  presque  sans  exemple 
en  d'autres  pays  :  il  naîl  [H'csque  trois  fois  plus  d'enfants  dans  la  Nouvelle- 
Zélande  qu'il  n'y  a  de  décès'".  En  outre,  les  gains  et  les  pertes  s'équilibiM^Jil 
toujours  de  manière  à  augmenier  le  nombre  propoi'lionnel  des  femmes  et 
à  coml)ler  ainsi   l'écjut  ])rovenant  de  l'immigralion  beaucoup  plus  consi- 

»  Maori  do  la  Nnuvfllo-Zrhmdr  i-ii  ISSIi  : 

Ile  du  Nord 'Jl  (ii'J  homnu's;  18  Ittl  femmes. 

Ile  du  Sud 1  OOi         »  894       n 

Iles  Stewart  et  Challiam.  .    .  1(J8         i>  142       » 

Ensemble.    .    .    .     22  821  hommes;      lil  947  femuies.      Total  :  42  708 

Avec  les  métis 2r.  918         »  20  974       »  »        44  922 

*  Etat  civil  de  la  iiopulaliou  iiro-z'laiulaise  eu  18SG  : 

Naissances.    .    .     9872  gardons  ;     9427  lillcs.     KnseinWe  :  19299 
Morts 5,")I6  hommes;    2010  lei l's.        »  6126 

Excédent.    .     O.j.oO  hommes;    0817  femmes.       »  15173 


852  NOUVELLE   GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

dérable  des  hommes'.  Déjà  plus  de  la  moitié  des  habitants  de  la  Xouvelle- 
Zélande  sont  des  natifs  de  la  contrée;  presque  tons  les  colons  sont  venus 
des  lies  Britanni(|ues,  et  parmi  ceux-ci  les  Anglais  et  les  Ecossais  sont  en 
grande  majorité  sur  les  Irlandais.  Les  Allemands  sont  au  nombre  d'envi- 
ron cinq  mille,  et  des  essaims  de  Scandinaves,  Norvégiens  et  Danois,  se 
sont  établis  dans  l'île  du  Nord.  Les  industriels  ont  aussi  importé  quel- 
ques milliers  de  Chinois;  mais,  suivant  l'usage  barbare  pratiqué  dans  l'im- 
portation de  ces  travailleurs,  on  n'a  pas  introduit  de  lémmes  avec  eux  :  en 
18S6  on  ne  comptait  que  neuf  Chinoises  dans  la  Nouvelle-Zélande.  La  con- 
currence des  travailleurs  blancs  a  fait  {)rondre  par  le  Parlement  des  me- 
sures prohibitives  contre  l'immigration  chinoise,  analogues  à  celles  (ju'oiit 
votées  les  chambres  australiennes\ 

Dans  les  premières  années  de  la  colonisation,  les  concessionnaires  ne 
voulurent  rien  laisser  au  hasard  et  procédèrent  avec  méthode  pour  faire 
de  la  société  nouvelle  qu'ils  dirigeaient  une  copie  aussi  parfaite  que 
possible  de  la  société  britanni(jue,  considérée  comme  un  idéal.  Il  s'agis- 
sait pour  eux  de  reproduire  dans  les  terres  des  Antipodes  une  image  de  la 
mère  pairie,  avec  son  puissant  clergé,  son  aristoci'atie  terrienne,  sa  bour- 
geoisie commerçante  et  son  peuple  de  travailleurs  soumis  et  religieux. 
Conformément  à  ce  programme,  les  ca|)itaiisles  qui,  dans  l'île  du  Nord, 
s'étaient  l'ail  livrer  le  sol  par  les  Maori,  sous  la  protection  et  la  suze- 
l'ainelé  de  la  (Irande-Bretagne,  ne  le  mettaient  en  vente  qu'à  des  prix  ina- 
bordables pour  de  petits  cultivateurs,  et  les  sommes  ainsi  oljlenues  étaient 
i'raploy(''i's  à  introduire  sur  les  domaines  des  manœuvres  et  des  ouvriers, 
foulcfois  des  dil'ticultés  llnancières  et  des  conflits  avec  le  gouvernement 
einp(~'(lièrciil  la  i(''alisati(m  complète  de  ce  plan  social.  Les  projets  d'autres 
compagnies  qui  obtinrent  la  concession  de  vastes  territoires  dans  l'île 
méridionale  eurent  une  meilleure  réussite.  La  pi'ovince  de  Canterbury, 
ainsi  nomm(':e  par  de  zélés  anglicans  d'après  la  cité  primatiale,  se  constitua 
inmuMlialement  sous  la  direction  spirituelle,  et  en  partie  temporelle, 
(['('■vèques  et  de  prêtres  anglicans  et  se  divisa  en  paroisses  et  en  «  trou- 
peaux ».  D'autre  |)art,  les  émigrants  écossais  de  la  Frce  Kirk,  qui  s'éta- 
blirent dans  la  partie  méridionale  de  l'île  et  qui  donnèrent  à  leur  capitale 
le  nom  (•elli(jue  de  Dunedin,  sxuonyme  d'Ijlinburgh,  avaient  aussi  leur 
conslitutinn  religieuse,  destinée  à  les  maintenir  en  communauté  distincte% 

■   l'(i].iil;ill.iii  lie  la  Nduvc'llc-Zélandf,  avec  les  Maori,  !,■  ."il  ili'tL'iulji'o  188U: 
.îil  594  lioinmes  ;  2'Jl  778  ffinmcs.  Tolal  :  (555572. 
-  Cliinois  ilal)lis  iliins  la  Nouvelle-Zélande  en  1888  :  4  688. 
s  Jiilius  Vogel,  Officiai  Handbook  of  New-Zealuiul. 


HABITANTS,   AGRICULTURE   DE   LA   NOUVELLE-ZÉLAN'nE.  85." 

Mais  les  décoiivcrles,  qui  firent  aflliiei'  soiulaiu  les  ciiereheurs  d'or  par 
milliers  chez  les  austères  presbytériens,  eurent  bientôt  rom[)u  l'étroile 
orpinisatioii  de  eelte  église  coloniale,  et  la  Nouvelle-Zélande  ne  diflere  plus 
des  autres  colonies  anglaises  au  |)oint  de  vue  social  et  religieux.  Les  sectes 
de  toute  dénomination  y  sont  fort  nombreuses  ;  toutefois  la  majoi'ilé  des 
fidèles  appartient  encore  à  l'Eglise  anglicane'. 

Comme  aux  premières  années  de  la  colonisation,  avant  la  décoiiverle 
des  mines  d'or,  la  principale  industrie  des  Néo-Zélandais  est  l'agriculture. 
Depuis  le  commencement  des  ventes  jus(]u'à  la  lin  de  mars  1888,  les 
cultivateurs  ont  fait  acipiisition  d'un  espace  de  7(540  000  hectares,  pour 
une  somme  totale  de  o2U  millions  de  francs,  accaparée  en  très  grande 
partie  par  des  individus  isolés  :  sejit  propriétaires  possèdent  cliacnn  plus 
de  40000  hectares;  deux  cent  cinquante-neuf  personnes  ont  des  domaines 
dépassant  4000  hectares  chacun'.  Les  régions  encore  utilisables  de  l'ar- 
chipel occupent  une  étendue  au  moins  égale,  mais  les  pays  de  mon- 
tagnes, surtout  dans  l'île  méridionale,  ne  peuvent  guère  être  exploites  que 
])our  leurs  forêts  et  leurs  pâturages.  L'île  du  Nord  est  la  plus  fertile,  grâce 
à  ses  tufs  volcaniques  décomposés,  et  son  climat  est  plus  doux  :  aussi  la 
population  maori  se  pressait-elle  dans  cette  île,  qui  d'ailleurs  est  inoindre 
en  surface,  et  les  blancs  y  ont  à  leur  disposition  une  superficie  de  terres 
très  inférieure  à  C(>lle  de  l'île  du  Sud.  Les  33400  fermes  qui  existaient 
en  avril  1887  dans  toute  la  Nouvelle-Zélande  se  livraient  précisément 
aux  mêmes  cultures  que  celles  de  la  Grande-Bretagne  :  de  la  métropole 
du  nord  à  ses  colonies  du  sud  on  ne  voit  d'autres  changements  que  celui 
de  quelques  arbres  fruitiers,  dans  les  jardins  de  l'île  septenfrionale  :  là  les 
fruits  de  l'Italie  mûrissent  à  côté  de  ceux  de  l'Angleterre'.  La  Nouvelle- 
Zélande  n'offre  pas  les  mêmes  avantages  que  l'Australie  pour  l'élève  des 
bestiaux  ;  cependant  le  cheptel  est  très  considérable  et  la  valeur  des  laines 
exporlées  s'élève  annuellement  à  plus  de  80  millions  de  francs^La  conser- 

'  D('iioinbreiiient  des  cultes  do  la  Nuuvelle-Zélande  en  1880: 

Anglicans ,        229  757    1   Cafhnlif)iies  romains 79020 

l'ieshylciicns. ...        lôOlMô   |   Aulrcs  dénoiiiinalions 1230"p0 

Sans  ivligidn  on  ayant  refuse  de  répondre  .    .    .  20908 

''  Canlerburij  Press,  April  7,  4885. 
^  TeiTcs  en  culture  en  avril  1887  :  î)55  7bO  hcelares. 

Production  des  céréales.  .    ....        200000  liectidilres. 

*  Terrains  d'élève  et  pâturages  :  4  456  650  hectares. 

Chevaux,  en  1887 187  582 

Bètes  à  cornes  «       855558 

Brebis,  en  1888 I504080t 


8W  NOUVELLE   (lEUCIi APIIIE    LNIVERSELLE. 

valioli  (les  viinidcs  est  une  des  iiidusIiiVs  |ii'(ispèr('sdo  la  Noiivcllc-Zr'l.indc', 
et  maintenant  un  s'occupe  de  la  fabricaliou  du  heurie  |iuur  le  niareli('' de  la 
Grande-Bretagne. 

Les  îles  sont  riches  en  gisements  miniers;  mais  on  n'y  exploite  avec 


>I1\S    DK    FKR    IIP;    I.\    NUUVELl-K-ZKLANDE. 


Est  de  Par; 


activilé  rjne  les  mines  d'iji'  :  en  18<S7,  près  de  douze  mille  personnes, 
dont  un  (juarl  de  Chinois,  Iravaillaieul  à  tamiser  les  sahles  aurifères  ou  à 
briser  les  roches  dequarlz  poui'  en  exiraire  le  métal*;  depuis  1857,  année 


'   MdiiUms  ^iIkiMus  cl  expoWés,  snit  cniifjclrs,  soil  rniisiMVrs,  m  1887  :  1  525  057. 
-  Produclioii  (le  Loi-  nro-zélaiidiiis  on  1887  :  '.'0'.''J7  ."idd  IVaiK-s. 


INDlSTIilES   [)K   LA  .NOUVELLE-ZELANDE.  857 

(Ir  la  découvortp,  jusqu'en  l<S(S7,  l'ensemble  de  la  production  s'esl  élevé  à 
jilus  (le  1100  millions  ;  en  une  seule  année,  18S6,  le  produit  des  mines 
atteignit  G9  6S8  000  francs.  Il  est  probable  (ju'à  la  décroissance  de  l'expor- 
tation de  l'or  correspondra  l'augmentation  du  travail  dans  les  mines  de 
houille  :  |diis  d'un  millier  d'ouvrieis  exploitent  déjtà  les  houillères,  cl 
l'ensemble  de  la  [noduction  annuelle  di'passe  un  demi-million  de  tonnes'. 
La  Nouvelle-Zélande  a  di^jà  de  grandes  nianulaclui'es  comme  l'Angleterre  et 
fabrique  ses  propres  navires,  ses  locomotives  et  ses  vagons. 

L'archipel  a  son  réseau  de  routes  et  de  voies  ferrées,  et  prochainemeni 
on  pourra  se  l'endre  par  chemin  de  fer  d'une  extrémité  à  l'autre  de 
chacune  des  deux  terres.  La  plupart  des  lignes  de  la  colonie  ont  élé  con- 
struites par  le  gouvernement  et  lui  appartiennent,  à  l'exception  de  (jucl- 
ques  embranchements  provinciaux'.  Des  bateaux  à  vapeur  naviguent  de 
port  à  port  autour  des  îles  et  les  unissent  à  l'Amérique  et  à  l'Europe".  Le 
commerce  extérieur  est  plus  considérable  en  proportion  que  celui  des  na- 
tions européennes,  puisqu'il  dépasse  j50  francs  par  tète  d'habitant,  blanc 
et  maori'.  De  même  le  Néo-Zélandais  écrit  plus  que  le  Français''  et 
jouit  piuir  l(>s  prcmicics  é'Iudes  de  facilités  d'instruction  supérieures. 
Deux  cents  journaux,  dont  nn  en  langue  maoï'i,  sont  puldiés  dans  les 
deux  îles. 

'  l'rodiiclidii  (les  liouilloifs  nni-zi'hindaisi's  en  1887  :  ."j^S  020  lonnos. 
-  Cliomiiis  (le  I'lt  noo-zélaiulais  au  31  di'i-('iiil)i-o  1887  :  2  927  kilomètivs. 

Capital  d'établissfiiioiit .302067  775  francs. 

Voyageurs ."  426  40.j 

.Mari-handises  transpoi'lik's I  747  754  lonnos. 

">  KIollc  cdunuorcialo  de  la  .Nouvelle-Zélande  en  1887  :  2628  kilomètres. 
50.")  navires  à  voile,  jaugeant  55059  tonnes. 
168  Ijnleanx  à  vapeur     »         38  5.")7        » 

Erisendile  :  671  navires,  Jaugi'ant  94196  tonnes. 

■»  Coniniei-ce  de  la  Nouvelle-Zélande  en   IS87  : 

Iniporlalions 156  1.'Î7  875  fjanes. 

Exportations 171654  225       >) 

Eusenilile.    .    .    .        .■:;27  792  1 60  francs. 
Mouvement  de  la  navigation  : 

Entrées 725  navires,  jaugeant  502  572  tonnes. 

Sorties 707       »  n  488551       ii 

Ensenilile.    .      1452  navires,  jaugeant  990905  tonnes. 
"  Mouvement  postal  en  1886  : 

Lettres  et  cartes 59518479 

Livres  et  journaux 17  791742 

Télégrammes 1836266 

XIV.  108 


858 


NOUVELLE   nÉOGRAPIllE   UNIVERSELLE. 


Auckland  est  une  des  vieilles  cilés  de  la  Xuuvelle-Zélande,  |)nis(ju'elle 
a  été  fondée  en  1840,  quelques  années  après  la  station  de  Kawa-Kawa  ou 
Russell,  sur  la  baie  des  Iles.  Elle  fui  clidisie  |hiui'  capitale  de  tout  rar<-hi- 


□ 


Profo/^i^eurs 


r^à^cs  t/^f  cou^r-ent  et  c/ecou^^eni         /?e  Oc:l  /û  ' 


c^e/û'^eeéie^  e^e/à 


pel,  cl  (jii(ii(|ue  cette  di^iiili'  lui  ail  (''l(''  ravie,  elle  est  restée  la  mIIc  la  plus 
populeuse,  n'ayant  pas  moins  de  (iOOOO  habitants,  avec  ses  l'aubourfis. 
et  |)ossède  la  princi|»ale  école  universitaire  de  la  Nouvejle-Zr'lainle.  Elle 
doit  son  importance  à  son  admirable  |i(isilion  sur  la  rive  nK'i'idioiiale  de 


Ar(:KL.\>r»,  tu  a  mi:  s,  Wellington.  850 

rcxcolleiil  j)t)i'l.  |i;n  rMiicmciil  Mbrili',  de  Wailemala,  à  l'eiulroil  le  |)lus 
('Iroil  (le  l'isllimc  (jiii  rriinil  au  ciiips  insulaire  la  péninsule  du  nurd.  A 
12  kilomèlres  au  sud,  un  de  ses  faubourgs,  Onehunga,  est  assis  au  Lord 
du  jiolfe  de  Manukau,  (>nsenilile  de  ports  également  ouverts  à  la  naviga- 
lion.  Grâce  à  ces  avantages  nauti(jues,  à  la  densité  de  la  population  dans 
les  alentours  et  à  la  richesse  des  campagnes,  Auckland  dépasse  les  aulics 
(ilés  néo-zélandaises  en  activité  commerciale'  :  c'est  de  là  qu'on  ex|)orle 
exclusivement  le  bois  de  kauri  et  la  précieuse  gomme  de  cet  arbre.  Envi- 
ronnée de  petits  volcans  éleints.  Auckland  est  au  c(>nlre  d'une  des  régions 

les  |)lus  curieuses  de   la  Terre  | •  l'élude  des  pliiMiomènes  pbysi(|ues  : 

aux  alentours,  soixanle  monts  jadis  lumants  prolilent  leurs  cônes,  modèles 
parfaits  de  formation  régulière. 

Au  nord  d'Auckland,  les  seuls  bourgs  commercanls  sont  ceux  de  la  baie 
des  lies  et  les  villages  liverains  de  la  baie  de  kaïpara,  projetant  au  loin 
ses  bras  de  méduse  cjilre  les  l'oréls  et  les  plantations  récentes  :  lvaï[)ara 
est  r  «Édcn  de  la  jNouvelle-Zé'Iande  ».  Les  villes  secondaires  de  la  province 
s(uit  les  deux  cités  jum(dles  de  Grahamslown  et  de  Shoi'lland,  unies  main- 
lenaiil  sous  le  nom  de  Tliames,  et  situées  au  sud-esl  d'Aucklaïul,  sur  la 
rive  orientale  du  golfe  impioprement  nommé  Firtli  of  the  Thames.  l'ius 
au  sud,  Tauranga  est  le  havre  de  débarquement  pour  les  voyageurs  qui  se 
rendent  au  lac  Tarawrra  et  au  «  Pays  des  Merveilles  ».  Sui'  la  côte  oiien- 
tale,  (jisborne  a  (|uel(jue  animation  comme  havre  de  la  baie  de  Pauvreté 
(Poverty-bay)  ;  mais  c'est  plus  au  sud,  vers  le  milieu' de  la  côte,  que  se 
Irouxe  la  seule  ville  du  littoral,  Napier,  le  chef-lieu  de  la  province  de 
llawke's-bay.  Elle  est  fort  bien  située  sui'  une  p(''ninsule,  entre  un  estuaire 
tortueux  et  une  baie  demi-circulaii'e,  (|ue  l'fui  a  comparée,  comme  tant 
d'autres,  au  golfe  de  iNaples;  mais  le  port  de  ÎNapier,  dont  le  vrai  nom  est 
Ahui'iri,  est  d'une  enliée  difficile  pour  les  grands  navires.  Cependant 
l'exportation,  laines,  \ian(les  et  b(''lail  sur  pied,  di'passe  20  millions  de 
francs  chaque  aiUK'e. 

La  capitale  de  la  Nou\elle-Z(''lande.  Wellington,  date  de  1840,  et  sa  fon- 
dation précéda  même  celle  d'Auckland.  Elle  occupe  une  position  centrale, 
an  bord  du  détroit  de  Cook,  et  de  ses  jeté'es,  sur  \o  port  Nicholson,  à  celles 


'  Mouvement  du  |iifiI  d'AucIdaml  en  1886,  à  l'entivc  et  ;i  t:i  MUlie  : 
170  navires,  jaugeant  556  690  t(jnriiaux. 
Valeui- lies  éelianges  :  Importations.    .    .    .        -LâOSSiTo  fiancs. 
Exportations.    .    .    .        !2j02,')22.^       « 


Ensemlile.    .        68  U 17  700  francs. 


NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


(le  BIciiheim,  sur  la  rive  opposée,  les  coinmunicalioiis  sont  fréquenles. 
lue  autre  ville  de  la  même  province  fait  un  commerce  assez  aciit',  Wan- 
i;anui,  située  à  la  liouche  de  la  rivière  navigable  du  même  nom.  an  sud 


E,td=Pa. 


c/e  /û'"r(su  tye'À 


dn  .'  pays  du  Roi  »,  encore  réservé  anx  Maori.  Au  nord-ouest  de  \\an- 
ganiii,  le  chemin  de  fer  du  littoral  pénètre  dans  l'intérieur  pour  contour- 
ner le  cône  péninsulaire  de  l'Ef-nionl  on  Taranaki,  et  gagne  le  bourg  de 
iNeM-IMymoulb,  destiné  probablement  à  devenir  une  ville  populeuse  quand 
le  brise-lames  de  Moturoa,  dans  le  voisinage,  aura  été  construit  et  que  les 


BLEMIi:iM,    NELSON',    ClIKlSTCliriiCII.  861 

navires  pourront  y  charger  les  denrées  du  «  jardin  de  la  Nouvelle- 
Zélande  ». 

Dans  l'île  du  Sud,  la  ville  de  lileiihcini,  (jui  l'ail  faee  à  Wellinj^hui,  est 
encore  peu  considérable,  quoiqu'elle  ail  ranj^  de  chef-lieu  et  ([ue  deux 
voies  fei'rées  viennent  s'y  réunir.  La  cité  la  plus  commerçante  bâtie  sur 
la  rive  méridionale  du  détroit  de  Cook  est  une  autre  capitale  de  province, 
Nelson,  située  au  bord  d'une  crique  qu'entoure  un  amphiihéàire  de  hautes 
collines.  Au  delà,  il  n'y  a  |)lus  sur  la  côte  du  nord  que  des  villages  et 
des  hameaux;  mais  de  petites  villes  sont  nées  sur  le  littoral  de  l'ouest, 
grâce  aux  mines  d'or  et  de  houille.  La  prospère  Westport,  défendue 
par  le  ca]i  Foui  Wind  ou  «  Vent  Mauvais  »,  a  l'avantage  de  posséder  un 
havre  sûr  et  piofond.  Plus  au  sud,  la  ville  de  rtreymouth  et  celle  de 
llokitika,  capitale  de  la  province  de  Westland,  étaient  au  contraire  assez 
difficiles  d'accès  avant  qu'on  eut  construit  des  jetées  d'abri  et  creusé  des 
passes  et  des  bassins.  Greymouth,  jadis  rendez-vous  des  chercheurs  d'oi-, 
est  maintenant  la  et  Newcastle  néo-zélandaise));  en  J88(3,  elle  a  exporté 
120000  tonnes  de  houille.  Hokitika  a  gardé  quelque  im[)ortance  comme 
centre  de  gisements  aurifères  :  en  18(36,  l'année  qui  suivit  les  découvertes 
d'or,  la  récolte  de  métal  dépassa  55  millions  de  francs.  Bokilika  est  la 
ville  la  plus  rap|)rochée  de  la  région  des  névés  et  des  glaciers. 

Le  versant  oriental  de  l'île  du  Sud,  qui  est  le  plus  doucement  incliné,  est 
celui  qui  a  le  plus  de  terrains  cultivables  et  féconds,  la  population  la  moins 
clairsemée  et  la  zone  littorale  la  plus  commerçante  :  c'est  là  ([ue  se  trou- 
vent les  deux  principales  cités  de  l'île,  Christchurch  et  Dunedin.  Christ- 
church,  chef-lieu  de  la  province  de  Canterbury,  n'est  pas  située  au  liord 
de  la  mer,  mais  dans  une  vaste  plaine  que  parcourt  la  rivière  Avon,  et  à 
15  kilomètres  de  son  port,  Lytteltoii,  l'ancien  Port-Cooper.  C'est  la  plus 
anglaise  d'aspect  parmi  les  villes  de  la  Nouvelle-Zélande  et  celle  qui,  en 
(jualité  de  cité  primatiale,  a  construit  les  édifices  religieux  les  plus  riches. 
Son  musée  contient  une  collection  très  remanjuable  de  squelettes  d'oi- 
seaux disparus.  'Avec  les  faubourgs  environnants,  Christchurch  est  la 
deuxième  ville  de  la  Nouvelle-Zélande  et  son  ])ort  est  celui  qui  possède  la 
flotte  de  commerce  la  plus  nombreuse';  toutefois  le  mouvement  de  la  navi- 
gation n'égale  point  celui  des  ports  d'Auckland".  La  montagne  de  Banks- 
jteninsula  et  la  crique  d'Akaroa,  où  l'on  voit  encore  quelques  descendants 
décelons  français  venus  en  ISi^,    sont  des  lieux  de  villégiature  pour  les 

'  Tonnage  du  iimt  dr  l.ylli'lton  en  4887  :  31-178  lonnoaux. 

*  Mouvement  du  port  de  Ljtteltnn  en  1880  :  1  535  navii'cs,  jaugeant  :  500  047  tonnes. 
Valeur  des  échanges  ■  74  302  825  francs. 


N(  Il  \  F,  L I.  E  i;  I-;  (h;  Il  a  l' il  i  )•:  l' n  i  v  f.  m  s  k  i,  i,  F. 


liiiLiliiiils  (If  (llirislcluii'cli.  Un  rlicmiii  de  fer.  (|iii  rruiiil  l;i  villo  cl  ^(Hi 
|iorl,  passe  en  iiii  l(in^  (iiiincl  dans  une  couh'c  de  laves  :  c'c-l  le  |diis 
licaii   liavail  d'art  de  la  X(iu\cll('-Z(''laiid('. 

Au  sud  de  Clirisli-luircli.  l(ini(Uirs  sur  la  (l'ilr  (ii-icntalc.  se  succèd(Mil  les 


N"  I7S.  —  fjrrmsri  iiuRru  kt  i.a  rKNivsri.K  n  ak.' 


EstdePa^.s 


xilii's  ciiinuicii-aiilcs  de  Tiiiiani  cl  d'Oamaru,  |Miis  la  riche  Duuciliu,  la 
uir'li(i|iidc  (lu  sud.  >iliu''c  sur  la  rive  uecidculalc  de  l'esluairc  d'Olnuo. 
(|ii'aliiilc  à  ruriciil  uuc  [(('iiinsulc  \(ilcaini|uc.  i,cs  liàliiuciils  d'un  louua^e 
uu)yen  peuvent  leniuiiter  jus(|u'à  la  ville  depuis  (|U(>  des  liavau.v  (l(^  dia- 
jiaji;e  ont  appr()f(Ui(]i  le  chenal;  mais  les  navires  d'un  fort  liranl  d'eau 
s'arivlciil  à    rciilr(''c  de  resluaiic  au  poil  Clialniers.   à   li  kilouièlrcs  au 


CIlIilSTCiiniCII.    IIIM- hlN. 


Sflf) 


ii(iiil-es(  (le  la  cilr '.  Ldis  de  la  t;iaiiilf  ]iros|)<'iité  (1rs  mines  d'or  dans  lo 
disirict  d'Otago,  Diuu'diii,  <|iii  de  |i('lil  xilla^c  avail  ('h'  soudainement 
(l'ansformé  en  \ille  populeuse,  élail  le  eenlre  ectnimeicial  le  plus  actif  de  la 
Nouvelle-Zélande;  actuellement  il  est  au  deuxième  lan"'.  C'est  de  Dune- 


N"    179.    nUNEDIN    KT    POUT    CIULMKRS. 


Est  de  Pans 


Est  de  Greenwlch        170' 


CIZl 


diii  que  ])arlenl  jiénéraleinent  les  voyageurs  pour  aller  visiter  la  région  de-' 
lacs  dans  les  Alpes  néo-zélandaises. 

Sur  la  rive  méridionale  de  l'ile,  que  baigne  la  mer  Anlaicli(jue,  la  ville 
prospère,  vers  laquelle  se  dirigent  les  routes  el  les  chemins  de  fer  de  l'inté- 

'  Flotte  cominorciale  de  Dunediii  en  1887  :  27  658  tonnes. 
-  Mouvement  du  port  de  Dunedin,  à  l'entrée  et  à  la  sortie,  en  1886: 
178  navires,   jau^'eaiit  16ô83t>  tonnes. 


864  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

lieiir,  esl  la  jeune  Invercargill,  située  sur  un  estuaire  île  l'aible  iirot'oiideur, 
mais  pourvue  d'un  avant-port,  comme  Dunedin  et  Christehurch  ;  c'est  à 
Cam[)l)elltown,  à  l'entrée  du  golfe,  que  touchent  les  pa({ueljols  à  vapeur. 
Un  chemin  de  fer  se  dirige  d'Invercargill  vers  Kingston,  la  ville  charmante 
située  à  l'extrémité  méridionale  du  lac  Wakatipu.  Queenstown,  sur  la  rive 
orientale  du  même  lac,  à  la  base  du  Ben-Lomond,  est  une  ville  j)lus  gra- 
cieuse encore,  fondée  par  des  mineurs  et  devenue  pour  les  Xéo-Zélandais 
un  lieu  de  villégiature  fré(jueiité.  Invercargill  est  le  lieu  (r('nihar(iue- 
ment  des  rares  voyageurs  ([ui  se  rendent  dans  l'île  de  Stewarl,  presque 
inhabitée'. 


Les  petites  îles  du  littoral,  (|ui  ne  se  trouvent  pas  dans  le  (bnnaine 
administratif  des  comtés,  ont  une  surface  collective  de  29Ô6  kilo- 
mètres carrés  et  leur  population  ot  d'environ  six  cents  personnes.  Le  chef- 
lieu  (If  l'archipel  Chalham  ou  Warekauri,  la  plus  vaste  des  dépendanc(>s 
de  la  Nouvelle-Zélande,  est  le  village  de  Waitangi,  situé  sur  la  baie  de 
Petre,  échancrure  de  la  côte  sud-orientale  :  c'est  là  que  se  sont  éta- 
blis les  Maoïi,  envahisseurs  des  îles.  Les  forêts  de  Warekauri  ont  été  en 
partie  détruites  et  l'on  ne  voit  pas  dans  la  grande  île  d'arbres  élevés 
comme  ceux  dont  on  retrouve  les  débris  dans  les  tourbières,  amas 
de  végétation  carl)onisée  (jui  biùlent  l'u  maints  endroits,  même  jusqu  à 
10  mètres  de  profondeur'.  L'ilc  de  l'itl  ou  Bufaritari,  au  sud  de  l'ile 
majeure,  est  une  table  basaltique  de  180  mètres  en  hauteur,  oflVant 
encore  une  espèce  de  palmier  sur  le  rivage,  mais  presque  en  entier  cou- 
verlc  d'arbustes  bas  et  à  peine  habilée.  (Juanl  aux  îles  Bounly,  des 
Antipodes,  Auckland,  Campbell.  Macquarie,  elles  n'ont  jamais  eu  d'autres 
habilanls  que  des  visiteurs  temporaiivs,  naufragés  ou  pécheurs  de  baleine; 
maintenant  ceux-ci  sont  peu  nombreux.  En  lS7i,  l'île  Campbell  a  été  la 

'   Mlles  (le  lu  Nniivi'llo-ZélamlL'  ay.iiil  une  |i(i|iiil;itl(iii  .le  plus  do  5000  liab.  eu  I88f)  el  en  1887: 

Aucld;vu(l  (1887) ,"»."Uil  liiiliil;ints,  57 OàO  avec  les  faubourgs. 

\Vellin<.'ton  (1880) 25945         »  27  850  » 

Duueilin  «       2524.)         n  45000  » 

■  Chiistctiureh  »       15265         »  50650  » 

Tliamos  (Giahamstown  et  Sliorlland).    .        7900         » 

.\apicr  (1886) 7680         o 

Nelson       » 7  515         n  Kl  900  n 

Oamaru     « 5550         » 

Invercargill  (1886) 5210         ).  8940  ,i 

Wan^-auni 5000         » 

=  H.  Il;ui]]]ierslev  Travers,  Petcnnanns  MiUfihnujn,,  1880,  UefI  11. 


"1. 


ino 


ILE   CAMPBELL,   A  IC  KLANK.    K  EIIM  ADEC, 


8G7 


Station  choisie  j)ar  les  astroiiomfs  français  pour  l'observation  dn  passade  de 
Vénnssnrlesoieil.  [/expédition  alleinandes'élait  installée  dans  le:^Anekland, 


181.    —    ]l.K    CirATIUM. 


Ouestde  Pans  ,179 


d'après  les  cartes  de  l'Amirauté  a^JI. 


/-'/^^  /^'yne^ecy  ^^ 


1   ;  9O0  000 


dont  tonte  la  population  |iernianenle  consistait  en  une  famille  de  bergers. 

Les  îles  Kerniadec,  (pii  se  groupent  à  un  millier  de  kilomètres  au  nord- 

osl  de  la  Nouvelle-Zélande,  sur  le  seuil  sous-marin  qui  rejoint  ce  grand 

archipel  à  celui  des  îles  Tonga,  ont  été  formellement  anm-xées  à  TAustra- 


868  NOUVKM.K  OKOGRAPIIIE   UNIVERSELLE. 

lasie  et  à  l'empire  colonial  Liilannique  en  1887.  Déjà  tléeouvertes  au  siècle 
dernier  par  AYatts  et  d'Enlrecasteaux,  elles  étaient  inhabitées  à  cette  épo- 
que et  l'ont  presque  toujours  été  depuis.  Maintenant  la  grande  île,  dite 
Raoul  ou  Sunday-island,  possède  un  petit  village  à  la  base  de  son  cône  vol- 
canique boisé,  haut  de  485  mètres;  le  gouvernement  anglais  vient  d'y  éta- 
blir un  déjiôt  de  vivres  pour  les  naufragés.  Les  deux  autres  îles,  plus 
petites,  sont  d'origine  également  éruptive.  Ensemble  elles  offrent  une 
superficie  d'environ  h2  kilomètres  carrés.  Il  est  probable  que  les  îles 
Kermadec  furent  jadis  un  lieu  d'étape  pour  les  émigrants  polynésiens, 
de  même  qu'elles  sonl  aujourd'hui  une  station  médiaire  entre  les  colonies 
britanniques  de  la  Nouvelle-Zélande  et  des  îles  Fidji.  Par  la  flore  elles 
appartieniienl  encore  à  l'aire  néo-zélandaise. 


Depuis  l'année  18jÔ,  la  Nouvelle-Zélande  a  cessé  d'èlre  une  colonie  de 
la  «  Couronne  »  et  se  gouverne  elle-tnèni(>  par  un  parlement  de  deux 
chambres  et  un  ministère,  que  préside  le  gouverneur,  représentant  du 
souverain.  Le  conseil  législatif,  qui  est  la  chambre  supérieure,  se  compose 
(le  47  mcndires,  nomniés  |)ai-  lu  reine  <(ininie  le  gouverneur;  deux  Maori 
sont  au  nombre  des  légishileuis  elmisis.  La  chambre  des  représentants 
com|)iend  91  membres  élus,  dont  i  Maori;  sont  électeurs  et  éligibles  tous 
les  citoyens  résidents,  de  vingt  et  un  ans  et  au-dessus.  Les  membres  du 
parlement  ont  droit  à  un  Irailement  de  5000  francs  pour  frais  de  voyage. 
Des  conseils  cantonaux  ('lus.  ddiil  les  allribulions  ont  i''té  réduites,  déli- 
bèrent sur  les  intérêts  provinciaux. 

Le  département  de  rinstrucli(Hi  publi(|ue  est  un  des  plus  richenietit 
dotés.  D'apri's  la  loi  de  1877,  l'éducation,  obligatoire,  gratuite  et  laïque, 
embrasse  les  rudimenis  des  sciences  et  en  outre  le  dessin,  la  musique  vo- 
cale, rc'conomie  domolicjue,  les  exercices  militaires'.  L'instruction  secon- 
daire el  universitaire  est  départie  dans  un  grand  nombre  de  collèges,  dont 
trois  sonl  affiliés  à  l'Université,  ceux  d'Auckland,  Christchurch  elDunediu  ; 
des  centaines  de  milliers  d'Iierlares  conslilueut  les  dotations  de  ces  hautes 
écoles.  Le  coi-iis  d'examinateurs,  (|iii  porte  le  nom  d'Université,  confère 
les  mêmes  lilre--  que  (liunhridge  el  Oxford.  Malgré  les  sommes  très  considé- 

«  Élal  lit-  l'iii>lriRli(Mi  |iiililii|ih>  CM   ISSO  : 

Sarli;ml  llir  ri  riiiiv.    .    .       'J.ïOlir,!  Iiominos  :     191 92i  fcmnios.     Tolal  :  421 9b5 
Sactiatitlirr  scuirniciil  .    .         l.'>.ïl)y         »  U080       »  »  27389 

IgQoranls 61  7ô8         »  59066       »  »         120804 

Nombre  des  enfants  à  l'écolo  au  31  décembre  1886  :  106  328. 


(iOl  VFJOKMK.NT   l»K    LA    NOr\KLLK-ZÉ LA.MiK.  869 

i-;ililês  voli'cs  pour  rin^liucliiin.  le  iKinibre  dos  Nôo-Zôlniiihiis  i|ui  ne  ^iivpiil 
ni  lirr  ni  l'rrirc  r('i)r(''siMilc  cncdic  le  (■in(|uii'nic  de  hi    jiopiilation. 

I,'armi'i'   ne  ciinsish'  (|u'l'ii  viil(iiil;m-cs.   au   Udinlu'c  de  8:255  en  IS86; 
en   (Uilre,   un  cnrits  de  cadets  (-(impi-end    IIIOT  hommes.  Une  seelion  de 


181.    —    l'IlOVINCES    IIK    LA    NOrVELLE-ZKLANDK. 


Est  de    Greenw.ch 


In  flotte  auslrnlienne,  composée  de  deux  navires  et  de  quelques  torpilles, 
protè<>('  les  cotes,  et  des  fortifications  ont  été  élevées  aux  abords  des 
quatre  ville--  priu(i|ialc<  de  la  colonie,  Auckland.  ^Yellillgton,  Clirislchurch 
el  Dunedin. 

Le  budget  de   la    .Nouvelle-Zélande    est    énorme   en    comparaison    du 
nombre  des  liabilanl».  el    la   dette    publi(|ue   di'pa'-se  celle  de    loiil    autre 


870 


NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


pays  du  nioiulo,  y  compris  la  France'.  Le  gouvernement  se  charge  des 
assurances  sur  la  vie,  de  l'administration  des  domaines  et  de  la  gérance 
des  intérêts  privés. 


Le  tableau  suivant  'énumèi'e  les  anciennes  provinces,  jadis  petits  Étals 
autonomes  et  confédérés,  et  maintenant  simples  districts  électoraux  et 
adminisliiilirs  : 


SUPERFICIE 
en  kil.  rair. 


m    10  ili'ri-iiihir    1886. 


-z  [  AiiL-kland. 

^  \  lln\vko's-l,ay. 

=  I  Wdlingli.n." 

é,  f  Taianaki.           1 

.  ,'  Nelson.               ', 

I  l  Ma]-ll»M-oMj:l,.     f 

=  ■  (:aMt(Mliuiv.      ( 


118510. 


152  709  hah. 
25127    1) 
7  7  556    i> 
18  442    I) 


(  255  814  '  2 


l'OI'UL.    KIL. 


j.  /  W,.sllaii(l. 
~   ,   Ola^o. 

Autres  îles. 

EnsciiiLli-    . 


50  205 

"     \ 

11  115 

" 

150  880 

121  400 

16  128 

ll'J  I5i 

1)     I  527 

iHI8 

2,2     11 

6  540 

600 

0 

0.08   1. 

275  550 

582  412 

liajjilaiils. 

2.1  hal). 

Amklaii.l. 
>a|iii'r. 

Ni'w-I'lyiiioiith. 
Wcilin^'lon. 

^.■ls(in. 

Rldilit'iin. 

CIiiisIchuiTli. 

Iliikitika. 

iHincdiii. 


Wellincilnn. 


Population  proliablc  à  la  fin  de   1888. 


Maori   :  680  000  habilants 


♦  Rcictli-s  de  Tannée  fiscale  1886-1887  :     07  060  (i75  fianes. 
I>qi''"^''s       "  »  i>  100  514  925       .. 

Ilelle  puliliiiue  le  51  mars  1888 018960925  fraues. 

1)  avec  les  délies  des  villes.    .    .    .      1 060000000        >) 

(Soit  1425  francs  par  li'le  il'jiaiiilaiil,  y  cniii|iris  les  Maori.) 


CHAPITRE    X 


ILES    FIDJI 


Ce  f;rim(l  aiilii|)('l  de  la  zone  éiiuatorialc  du  sud  n'est  pas  même  désigne 
ofriciellemeiil  ilii  nom  ({ue  lui  donnent  ses  propi'es  habitants  :  appelées 
Fidji  par  des  navigateurs  de  Tonga,  qui  reproduisaient  infidèlement  la 
prononciation  des  indigènes,  les  îles  Vili  ont  perdu  jusqu'à  leur  langue  ei 
au  droit  de  se  nommer,  tout  eu  entrant,  par  une  fiction  constitutionnelle^ 
au  nombre  des  États  auslralasieiis  indépendants.  En  réalité  ce  grou]»' 
insulaire  est  une  simple  possession  polili(|ue  de  l'AusIralasie,  apparleuaul 
à  un  [letit  nombre  de  planteurs  qui  t'ont  cultiver  leurs  terres  par  des 
travailleurs  impoi'tés  des  îles  environnantes  et  même  de  la  péninsule 
Hindoue,  tandis  que  les  naturels  dépérissent  dans  les  villages  de  l'inté- 
rieur. Toutefois  l'archipel  fidjien  occupe  une  surface  considérable,  et 
ses  terres  fécondes  sont  assez  favorisées  par  le  climat  pour  ([ue  deux 
millions  d'hommes  pussent  y  trouver  facilement  leur  imurriture. 

Tasman  le  ])remier  découvrit  la  partie  orientale  des  Fidji,  dénommée 
pai-  lui  d'une  manière  géiu''rale  «  îles  du  prince  Willem  ».  Cook  ne  vit  en 
1774  que  l'ilol  Yaloa  ou  des  Tortues,  situé  au  sud-est  du  groupe  propre- 
ment dit,  et  Bligli  traversa  les  parages  des  Fidji  en  17S9,  lors(|ue,  aban- 
donné d'une  grande  partie  di'  son  équipage,  presque  mourant  de  faim  et  de 
soif,  il  fuyait  vers  l'Insulinde.  Après  lui,  et  Wilson  ([ui  visita  l'archipel  en 
I7!*7,  de  nombreux  navires  de  commerce  allèrent  trafiquer  avec  les  insu- 
laires fidjiens  et  leur  acheter  du  trépang  et  du  bois  de  sandal;  mais  l'explo- 
ration scientifi(jue  ne  commença  qu'en  18'27,  lors  de  la  première  expédition 
lie  Duinont-d'Urville;  en  1858,  le  même  savant  poursuivit  l'étude  de  l'ar- 
clii[)el  fidjien,  puis,  en  1840,  l'Américain  Wilkes,  accompagné  de  Dana  et 
d'autres  hommes  de  science,  parcourut  cette  région  du  Pacifique.  Ensuite 
vinrent  les  missionnaires  et  les  voyageurs   isolés.  Les  Fidji  étaient  déjà 


872  NOUVELLE   (iÉOGRAPIIIE   UNIVERSELLE. 

parmi  les  îles  les  mieux  comuies  de  rOc-éaiiic.  lois(|iie,  en  1874,  la 
Grande-Bretagne  annexa  cet  ai'chi|)el  à  son  ('m|iii'e  colonial.  Le  relevé 
hydrographique  des  côtes,  commencé  par  Dumonl-d'Urville  et  Wilkes, 
continué  par  Denham  et  Hosken,  a  été  complété  dans  tous  ses  détails 
par  Moore,  qui,  pendant  sa  mission  de  trois  années,  longea  le  pourtour 
entier  des  îles.  Le  cadastre  des  terres  cultivables,  entrepris  dès  les  })rc- 
mières  années  de  l'occupation  anglaise,  ne  se  poursuit  que  lentement,  à 
cause  de  l'insuffisance  des  allocations  annuelles  et  de  la  difficulté  des  opé- 
rations en  un  pays  montagneux,  couvert  dans  toute  son  étendue  de  forêts 
et  de  broussailles. 

L'île  principale,  Yiti-Levu  ou  «  Vili  la  Grande  »,  est  de  forme  ovalaire, 
orientant  son  grand  axe  dans  la  direction  de  l'ouest  à  l'est.  C'est  l'une  des 
teri'es  les  plus  vastes  de  la  Polynésie  équatoriale  :  son  étendue  dépasse 
d'un  tiers  celle  delà  Corse.  Elle  est  entièrement  montagneuse,  et  les  vol- 
cans éteints,  maintenant  recouverts  de  végétation  juscju'au  sommet,  ont 
plus  de  1200  mètres  en  hauli'ur  :  (|uelques  cimes  atteignent  même 
ir)00  mètres;  le  sol,  argileux,  jaune  (Ui  d'un  rouge  sombre,  consiste  en 
cendres  décomposées,  qui  devicMinenl  très  [iidduclives  partout  où  elles 
reçoivent  les  pluies  en  abondance.  D'ailleurs  les  camjtagnes  sont  naturelle- 
ment arrosées  par  des  centaines  de  ruisseaux  et  de  rivières,  et  (juelciues- 
unes  de  celles-ci  roulent  une  assez  grande  (|nantité  d'eau  pour  que  les 
bateaux  a  vapeur  puissent  pénétrer  à  une  'cei'laine  dislance  dans  l'inté- 
rieur. Un  de  ces  fleuves,  le  Waï-Levu  ou  «  Grande  Eau  »,  appelé  d'ordi- 
naire Rewa-Rewa,  embrasse  dans  son  bassin  plus  du  tiers  de  l'île;  il  se 
déverse  dans  la  mer  à  son  extrémité  sud-oiienlale,  el  les  terres  extrêmes, 
empiétant  graduellement  sur  les  Ilots,  sont  formées  par  les  alluvions  de 
son  delta;  la  marée  y  remonte  à  \~)  kllouièlies  el  les  barques  voguent 
à  80  kilomètres  plus  loin. 

La  deuxième  île  en  étendue,  Yanua-Levu  ou  <c  lie  (ii'.inde  »,  se  prolonge 
au  nord-est  de  Yiti-Levu,  enfermant  entre  ses  deux  péninsules  orientales 
la  vasie  baie  de  Nateva,  appelée  aussi  k  mer  Moi'le  »  par  les  indigt'ues,  à 
cause  de  la  tranquillité  des  eaux.  Cetli'  île  es!  également  volcanicjue,  el 
de  sa  chaîne  de  montagnes,  dont  le  versani  le  moins  incliné  penche  au 
nord-ouest  tandis  que  l'escarpement  rapide  plonge  vers  les  criques  du  sud 
sourdent  de  nombreuses  fontaines  thermales.  Yanua-Levu  et  Yiti-Levu  soni 
unies  l'une  à  l'autre  par  des^barrières  de  récifs  (jui  indiquent  peut-être  un 
ancien  littoral,  et  sur  lesquelles  se  succèdent  plusieurs  îles.  Le  grand  récif 
extérieur,  dont  la  longue  courbe  convexe  esl  percée  d'une  large  brèche  an 
nord-ouest,  porte  sur  sa  crête  les  peliN  archipels  de  Yasava  el   de  Mama- 


II.KS   I-IDJI. 


87:. 


iinlha;  lorécil'  iiilciicur  (jui  iiiiil  hi  côlo  oriciihilc  de  Vili  aux  pdinlcs 
méridionales  (le  Vatua,  comprend  i'ilol  de  Mlian  cl  la  terre  nn  peu  pins 
grande  d'Ovalau,  eélèJsres  dans  l'Iiistdire  des  Fidji  conmie  ayanl  élé  à 
diverses  époques  les  eenires  poliliiiiics  de  rarelii|)el. 

Outre  les  deux  grandes  îles,  le  gi'(in|)e  en  conipreiHl  deux  antres,  de 
moyenne  surfaee  :  an  snd-onesl,  la  voleani(|ue  Kandavn,  fort  imporianie 
eomme  la   pins  ra|ipiochée  de  la  Nouvelle-Zélande  et  de  l'Australie,  et  se 


ILES  Fiari. 


Lst  de*raris 


c/^SW,s2000T 
1  , 1  (î  nno  (100 


afe£0OO'"stâ:j  «tè-ZJ 


continuant  an  nord  par  une  longue  enceinte  de  récifs;  au  nord-est,  l'île  de 
Tavinni,  presque  aussi  haute  et  dominée  au  centre  par  un  volcan  (700  mè- 
tres), dont  le  cratère  est  empli  d'eau.  L'élroit  et  pittoresque  détroit  de 
Somo-Somo  sépare  la  masse  quadrilatérale  de  Taviuni  et  les  péninsules 
dentelées  de  Vanna-Levu.  Parmi  les  autr(^s  Iles  de  l'archipel,  il  n'en  est 
pas  une  seule  ([ui  atteigne  150  kilomètres  carrés  en  siipei'ficie  :  la  plupart, 
ne'sont  que  des  fragments  d'atoll  ou  des  monticules  hordes  d'une  frange 
de  corail.  La  chaîne  jtrincipale  des  îles  se  rccourhc  à  l'orient  de  rarelii[)(d, 
XIV.  110 


874  NOUVELLE   GEOr.RAPIlIE   UNIVERSELLE. 

tlaiis  la  (lirtrliun  du  iiurd  au  sud.  CclU'  Iraini'C  d'ik's,  désiguée  sous  le 
nom  général  de  Lan,  complète  un  vaste  hémicycle  de  terres  que  l'on  peu! 
comparei'  à  une  coupe  volcani(jue  ouverte  *  la  mer  jiar  son  bord  méridio- 
nal. Oiielques  îles,  ayant  toutes  une  ceinture  de  récits,  sont  éparses  dans 
l'intérieur  de  ce  cratère  immense'.  Ensemble,  les  terres  émergées  des 
Fidji  sont  au  nombre  de  255,  dont  une  centaine  habitées. 

Les  deux  côtés  de  chaque  île,  au  vent  et  sous  le  vent,  diflerent  singu- 
lièrement d'aspect.  Les  alizés  du  sud-est,  qui  soufflent  pres(|ue  constam- 
ment, apportent  l'humidité  nécessaire,  et,  sous  la  |)luie  bienfaisante,  les 
versants  de  l'est  et  du  midi  se  recouvrent  d'une  t'orèt  continue,  tandis 
que,  sous  le  vent,  les  pentes,  moins  bien  arrosées,  n'offrent  que  des  sava- 
nes, où  poussent  çà  et  là  quelques  pandanus  odorants  :  c'est  là  que 
les  colons  trouvent  les  terrains  les  plus  fiivorables.  déjà  prêts  pour  la  cul- 
ture el  l'élève  du  bétail.  Mais  là  même  où  les  forêts  sont  le  plus  épaisses, 
elles  xHit  d'origine  récente,  car  il  n'est  pas  un  seul  Cdin  de  terre  qui  n'ait 
été  défriché,  puis  abandonné  apri-s  qnel(|ues  années  d'usage:  un  système 
barbare  de  rotation  a  été  appliqué  à  l'ensemble  de  la  contrée,  les  champs 
épuisés  étant  remplacés  anssilôt  jiar  un  sid  donl  la  fertilité  s'est  recon- 
stituée pendant  des  siècles  de  repos'. 

La  température  moyeniunles  îles  Fidji  est  un  |ieu  moins  élevée  (|ue  celle 
des  terres  continentales  situées  sous  la  même  lalilude  :  giàce  aux  brises 
marines,  les  extrêmes  de  chaleur  son!  niddéri's;  cepeiulant  les  Européens 
se  plaignent  de  l'ardeur  du  soleil  dans  les  planlations  éloignées  du  lil- 
loral.  L'année  se  divise  naturellement  en  deux  saisons  :  la  saison  relative- 
ment fraîche  de  mai  en  octobre,  |)endant  l'hiver  de  l'hémisphèie  méri- 
dional, et  la  saison  chaude,  (rocldlnc  en  mai.  aldis  que  le  soleil  revient 
vers  le  tropique  du  sud  avec  son  corlège  de  nuages  '.  Aussi  appelle-t-on 
cette  |)(''riiiiii'  de  l'année  «  saison  des  pluies  ».  ipioique  chacjue  mois  ait  à 
peu   |)rè>  le   même  numbic   de  jouiiu''!-.   plinieu'-es:   il   est   vrai  (|ne  les 


(•oinmi>Miiii  ;iu:;liii> 


•20  808  kiL 


Ngau.  . 
r.wu..  . 
Ov;ihiu.. 
Aulios  ile 


'    Sii|icilii-ic  ;i|i|iiiixiiPi;ili\r  ilrs  ilc>  tiilji,  il'^lir 

Vili-Li'vu 10  645  kiL  i-aiT. 

Vamia-Li'vii 6  473       » 

Taviuni 553       » 

KandaMi 335       f 

-  Beilliold  Si'ciiiann,  .4  Missim  lo  Vili. 

'•  Clinial  (les  îli-s  Fidji,  irapiès  VauiLthaii  cl  HhIimi  s  : 

T.'ii]|«i:iliin;  Teni|iér.ilure  Jours 

Moy.-mip.  la  (.lu-  liaulr.  la  plus  basse.  de  pluie, 

Suwa  (Viti-Lcvu)  en  1886.     25o,7     5i'\  l.ir2ùiév.8'2)  15",55(7aoùl84)        lit! 
Delanasau  (Vamia-Levii).  .     26", 'i  U>i> 


1411  kiL 

l'-'T       ' 

124       1 

2  200      ) 


Ouanlili- 
,1e  l.lu.e. 

2M5 


CLIMAT.    KLORi:,    FAINK   DES   FIDJI.  875 

aversos  sont  beaucoup  plus  forics  pendant  la  saison  chaude;  en  mars 
surtoul,  alors  (|ue  le  soleil  est  au  zénith  des  îles  Fidji,  les  chutes  de 
|)luie  sont  redoutables  et  quebiuelois  accompagiu''es  de  véritables  oura- 
j^ans.  Dans  l'île  d'Ovalau,  le  déboisenieni  aurait  eu  pour  résultat,  non 
d'augmenter  les  pluies,  mais  de  les  répartir  autrement,  en  diminuant  le 
nombre  des  jours  pluvieux  et  en  accroissant  la  violence  des  averses.  En 
1871,  Mbua  reçut  en  un  seul  jour  l'énorme  abat  d'eau  de  58  centimètres, 
plus  que  l'Australie  du  sud  pendant  une  année. 

La  })hysion(»mie  générale  des  piaules  fidjiennes  est  tropicale.  Au-dessus 
de  la  ceinture  de  cocotiers  qui  borde  le  littoral,  interrompue  çà  et  là. 
dans  les  rares  endroits  marécageux,  par  des  enchevêtrements  de  palétu- 
viers, on  voit  des  fougères  arborescentes,  des  palmiers  de  diverses  espèces, 
des  scilaminées  et  autres  plantes  de  la  zone  équatoriale,  revêtus  en  partie 
d'orchidées  parasites.  Cependant  quelques  districts  offrent  une  végétation 
d'un  caractère  essentiellement  australien  :  des  casuarinées,  des  acacias, 
diverses  espèces  à  mince  feuillage  feraient  croire  qu'on  se  trouve  sur  les 
bords  du  golfe  de  Car|)entaria.  Yei's  l'altitude  de  (500  mètres,  les  formes 
végétales  du  littoral  sont  rem|)lacées  par  d'autres  piaules,  mais  on  n'a 
rencontré  sur  aucune  cime  de  florule  alpine.  Le  botaniste  Home,  (jui 
a  découvert  plus  de  300  espèces  nouvelles,  évalue  l'ensemble  de  la  flore 
iidjienne  à  iOSIj  phanérogames  et  à  24d  fougères  et  piaules  alliées. 

Comme  toutes  les  autres  îles  du  l'acilbiue,  les  terres  iîdjiennes  sont 
d'une  extrême  pauvrelf-  en  espèces  de  la  faune  snp(''rieure  :  un  rai,  des 
chauves-souris,  et  des  cétacés  dans  les  mers  voisines,  tels  sont  les  seuls 
mammifères  de  l'archipel;  mais  tous  les  animaux  domestiques  euict- 
péens  ont  été  introduits,  ci  |;i  plupart  ont  prospéré  :  des  cochons  sau- 
vages errent  dans  les  forêts;  les  chats  rôdent  par  milliers  autour  des 
liabitatiims.  Berthold  Seemann  a  compté  46  espèces  d'oiseaux;  les  reptiles, 
seipenisel  lézards  sont  plus  nombreux  encore;  quelques  espèces  de  gre- 
nouilles sont,  dans  la  direction  de  l'est,  les  dei'uiers  re[)résentanls  des 
batraciens  dans  le  monde  océanique.  Les  mers  avoisinantes  sont  habitées 
|iar  120  ou  125  espèces  de  poissons,  dont  plusieurs  sont  venimeux  ou  dont 
la  chair  est  vénéneuse.  Les  requins  peuplent  les  eaux  fidjiennes,  et  parmi 
ces  redoutables  animaux  il  en  est  qui  vivent  exclusivement  dans  les  rivières. 


Les  Fidjiens  ressemblent  l\  la  fois  aux  Mélanésiens  de  l'ouest  et  aux 
Polynésiens  de  l'est  :  il  est  certain  que  par  les  croisements  ils  descendent 
des  deux  races;  toutefois  la  majorité  d'entre  eux  se  rapproche  beaucoup 


870  NOUVKLLE   GKOGRAIMIIE   UMVElîSE LLE . 

plus  du  lype  occidental  (juo  du  type  orienlal.  Ils  sont  grands  et  forts,  très 
hruns  ou  cuivrés,  même  presque  noirs  de  peau,  pourvus  d'une  abondante 
loison  qui  lienl  le  milieu  entre  le  cheveu  et  la  laiiu''  ;  les  mélis  sont  nom- 
breux, et  par  la  régularité  des  traits  plusieurs  ont  des  ligures  presque 
européennes.  Naguère  à  peu  près  nus,  les  Fidjiens  n'avaient  d'autre  vête- 
ment que  le  pagne  ou  le  jupon  en  fibres  végétales;  ils  s'oignaient  le 
corps  d'huile  et  se  rougissaient  les  cheveux  avec  de  la  chaux;  les  femmes 
-se  perçaient  le  lobe  de  l'oreille  pour  y  passer  uiu-  rondelle  de  bois  ou 
(l'écorce.  Pies(|ue  toujours  l'homme  s'apj)uyait  fièrement  sur  une  lourde 
massue.  Maintenant  les  naturels  sont  vêtus  de  chemises,  robes  ou  blouses, 
et  drapés  de  couvertures  :  de  plus  en  plus  ils  prémunit  l'apparence  de 
prolétaires  velus  de  la  (b'Iioque  de  maîtres  européens.  Leur  intelligence 
naturelle  est  1res  ^ive  :  fl'ajirès  Williams,  les  Fidjiens  seraient  remar- 
(juables  par  la  logique  de  leur  esprit;  tout  sauvages  qu'ils  sont,  on  peut 
entretenir  avec  eux  une  conversation  raisonnée.  Ils  sont  fort  généreux, 
ainsi  qu'en  liMUoigne  \('uv  langue.  1res  liche  en  mots  qui  signifient  don- 
ner, mais  n'ayant  pas  un  terme  jionr  désigner  le  prêt  ou  l'emprunt.  Com- 
|)arés  à  leurs  voisins  de  la  Polynésie,  ils  se  distinguent  aussi  par  une 
grande  rései've  :  leurs  danses  ou  inrhr,  très  di'cenles  el  toujours  gra- 
cieuses, représenleni  de  |)elils  drames  cham|ièlres  ou  maritimes,  les 
semailles,  la  récolte,  la  pêche,  jusqu'aux  luttes  di'  la  marée  montante 
et  des  roclieis\ 

Nominalenienl,  Ions  les  habilauls  de  rarilii|)el  soni  chi'éiiens  :  en  185Î), 
les  premiers  niissionnaii'es  s'i'lablncnl  dan-^  le  gidupe  oriental  des  iles,  à 
Lekemba,  puis,  à  mesure  (|ue  graiulil  leur  iniluencc.  ils  fondJ'rent  d'au- 
tres stations,  et  ])eu  à  |)eu  ])arlagèr(>iit  le  |)ouv(iir  avec  les  chefs;  l'histoiri- 
des  Fidji  pendant  les  cin([nante  dei'nières  années  est  celle  des  rivalités  et 
des  alliances  entre  niissionnaiies  et  pianleui's.  désormais  associés  sous  la 
protection  du  gonvertu-meiil  anglais.  La  religion  doniinante,  comprenant 
pins  de  cent  mille  fidèles,  est  celle  des  Wesleyens;  quel([ues  milliers  de 
Fidjiens  sont  devenus  catholi(|ues,  et  l'Fglise  épiscopale  anglaise,  disjiosani 
d'un  bndget  considérable,  accroît  annnellenient  le  nombre  de  ses  jiarois- 
siens.  Lors  des  commencements  de  la  piopagande  religieuse,  un  des  plus 
grands  obstacles  à  la  réussite  des  missionmiires  fut  que.  dans  leur  igno- 
rance de  la  langue,  ils  ne  surent  pas  désigner  leur  dieu  sous  le  nom  de 
Ndegeï,  celui  de  l'être  mystérieux  qui,  sous  la  forme  d'un  grand  serpent. 


'  Joiinial  (les  Muséum  Godeffioij. 
Miss  Gordon  Cumming,  Al  Home  in  Fiji. 


\  /v       >     "t  •■"      i~(  /,  ;„^f"7„ 


^^  ïi-__      -ts 


^•hifitr, 


ILFS    FIIUI.    —    1.  V     FVMII.I.L     noVALE. 

Dessin  de  lionjal,  il'.-ii.ri'^  une  |.lioiu^iM|ihic  .li'  M,  liul'i 


KUIJIKNS.  870 

caché  dans  les  grollos  profondes,  a  créé  el  conserve  le  monde;  ils  em- 
ployèrent le  mot  de  kalou,  que  les  Fidjiens  appliquent  seulement  aux 
dieux  secondaires,  aux  patrons  des  classes,  des  familles  et  des  métiers. 

Les  ancêtres  étaient  élevés  au  rang  des  dieux,  et  quelques-uns  d'entre 
eux,  célèbres  pendant  leur  vie,  étaient  devenus  de  puissantes  divinités 
invoquées  par  le  peuple  entier.  De  même  que  dans  la  plupart  des  îles 
polyiu'isiennes,  on  indiijuait  dans  les  îles  Fidji  le  lieu  précis  où  se  ren- 
daient les  morts  pour  entreprendre  leur  grand  voyage  vers  le  monde 
inconnu  de  l'éternité,  qui  se  trouve  au  loin  dans  les  régions  oiî  se  couche 
le  soleil;  ce  point  de  départ,  le  «  Finisterre»  de  Vanua-Levu,  est  le  pro- 
montoire extrême  de  la  pointe  occidentale,  Naïkobokobo  :  souvent  les 
indigènes  s'y  rendaient  en  pèlerinage.  Les  indigènes  avaient  des  jirètres 
ledoutés  qui  savaient  se  mettre  en  communication  avec  les  âmes  des  morts, 
de  même  qu'avec  les  dieux,  et  qui  les  faisaient  parler  devant  la  foule 
assemblée;  ils  interrogeaient  aussi  tout  ce  qui  vit,  car  chez  les  Fidjiens 
loul  possède  une  âme,  non  seulement  les  hommes,  les  animaux  et  les 
plantes,  mais  aussi  les  maisons,  les  canots,  les  armes  et  les  instruments 
de  ha\ail.  Les  temples  étaient  placés  pour  la  plupart  sur  des  terrasses 
naturelles  ou  artificielles  et  se  composaient  en  général  d'une  cabane  ordi- 
naire se  dressant  sur  un  socle  carré  ou  sur  une  pyramide  en  maçonnerie. 
Un  bâton  magique,  destiné  peut-être  à  détourner  les  mauvaises  influences, 
était  jiosé   horizontalement  au-dessus  du  toit  de  feuilles. 

On  sait  ((ue  le  cannibalisme  faisait  partie  de  la  religion  des  Fidjiens.  Les 
noms  de  certains  de  leurs  dieux,  tels  que  le  «  Dieu  du  massacre  »  et  le 
«  Dieu  mangeur  de  cervelles  humaines  »,  témoignent  assez  du  caractère 
effroyable  des  cérémonies  célébrées  en  leur  honneur.  La  religion  ensei- 
gnait que  toute  bienveillance  naturelle  était  une  impiété,  que  les  dieux 
aiment  le  sang,  et  qu'il  serait  coupable,  criminel  de  ne  pas  le  verser 
devant  eux  :  après  leur  mort,  les  hommes  innocents  qui  n'avaient 
jamais  tué  étaient  jetés  aux  requins.  Les  enfants  à  sacrifier  pour  les 
festins  étaient  livrés  à  des  enfants  de  leur  âge,  (|ui  faisaient  ainsi  leur 
a|)prentissage  de  bourreaux  el  de  cuisiniers.  Les  femmes  du  chef  de- 
vaient le  suivre  dans  la  mort  et,  dans  certaines  circonstances,  les  fils  se 
laissaient  enterrer  vifs  dans  la  tombe  de  leur  père,  «  victimes  très 
heureuses  et  agréables  aux  dieux  y<  :  lonle  ]irotestation  eût  semblé 
offensante;  on  raconte  qu'une  femme,  sauvée  par  des  missionnaires, 
s'échappa  pendant  la  nuit  pour  ailer.se  livrer  à  ses  bourreaux'.  Souvent 

'  Ersliiiii'.  Wrslcni  Pticifw. 


880  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE   IM  VEliSi:  LLE. 

les  vieillards  ft  les  malades  demaiiflaieiit  iiu'oii  les  achevai  cl  se  faisaieiil 
enterrer  à  demi,  puis  t''liaii^lei'.  Les  i('|i;is  de  la  cliair  de  rhiiiiinn' ou  du 
«grand  porc  >'  étaient  une  cérémonie  sainte,  à  laquelle  les  i'emmes  et  les 
enfants  ne  pouvaient  ])rendre  part,  et  tandis  que  les  hommes  se  servaient 
de  leurs  doigts  ])our  jirendre  toute  aulre  iKuu'iitnre,  ils  n'axaietit  le  droit 
de  toucher  la  \iande  sacrée  qu'au  moyen  de  l'ourchettes  en  liois  dur,  con- 
servées avec  un  respect  religieux;  de  même,  les  fours  dans  lesquels  on 
faisait  cuire  les  cadavres  ne  devaient  jamais  servir  à  aucun  aulre  usage. 
Les  mères  fidjiennes  iVotlaient  la  chair  de  l'ennemi  mort  sur  les  lèvres 
de  leurs  enfants.  D'ailleurs  manger  un  euiu'mi  étail  lui  rendre  hommage  : 
on  cuisait  un  adversaire  méprisé,  mais  on  ne  le  mangeait  pas. 

Bien  que  la  chair  humaine  fût  réservée  aux  chefs  et  que  même,  en  ipiel- 
ques  districis,  elle  fût  tahouée  jtour  tous  autres,  les  viclimes  ('■laieiit  ikmu- 
hi'euses  et  l'on  inonlrail  en  divers  endroits  des  centaines  de  |iieries  com- 
raémoralives  rap|)elan(  le  même  nomhre  de  sacrifices.  Dans  l'intérieur 
de  Viti-Levu,  près  de  Namosi,  se  li'onvail  le  domaine  d'une  liilm,  les  >'a- 
loca,  qui,  ayani  déplu  à  \in  tui  ou  roilelel  des  envinuis,  fui  condamnée 
à  l'evlerminalion  mé'lhodii|ue.  Chaipie  année,  les  halnlanls  d'une  maison. 
une  seule,  devaient  mourii'  et  fournir  le  repas  du  maître.  AprJ's  le  ferlin. 
on  mettait  le  feu  à  la  cahaiu-,  puis  on  plantait  à  la  place  des  laro  el  des 
houlures  de  sahiniiiii  aiitln-opoplidijinn,  destinés  au  futur  assais(uinenu'nt 
d'une  autre  ianiille.  La  fuile  eùl  ('li'  immédiatement  |)unie  île  mort,  el  les 
malheureux  reslaieni  à  (('ilé  du  champ  falal.  donl  ils  voyaient  avec  lerreiu' 
les  plantes  verdii',  puis  fleuril',  puis  mùrii'.  Au  jour  de  la  i(''C(ille.  les  ser- 
vants venaient  prépaivr  la  tahic  du  hanquet,  couper  les  laro,  chaulTer  la 
gi'aiide  marmite,  et.  se  saisissant  des  victimes  par  les  luas  et  les  j^inhes. 
ils  se  lançaient  à  la  course,  et  leur  brisaient  le  ci'àne  contre  une  pierre 
sacrée.  Le  soir  une  autre  cabaiu'  était  incendiée,  un  autre  chanij)  de  laro 
était  planté,  et  c'est  ainsi  (|ue  d'année  en  anné'e  le  \illage  s'amoindrissait 
d'une  case  et  d'une  famille.  Cepeiulant  le  roi  daigna  pardonner  aux  der- 
niers snrvi\anls,  et  la  seule  personne  cpii  restât  de  la  Iriltu.  une  \ieille 
femme,  mourut  de  sa  mort  naturelle  en  ISOO. 

I/anlhro]iophagie,  d'abord  céri'nionie  purement  religieuse,  devait  avoii' 
pour  consécpience  de  rendre  les  mo'urs  plus  féi'oces,  el  la  colère,  un 
simple  caprice  ou  même  l'appélit  d'un  roi  sufiisaieni  piuu- faire  condamner 
les  sujets  ou  les  captifs  au  four  ou  à  la  chaudièr(\  Le  roi  Thakumban,  (jui 
jdus   lard    de\:nl   se   >■  convertir  j'.dexcnir  ><  (din'lien  f(  r\enl    '.  et  passer 

'   l)iiiiioiit-:rrivill(',  VoijiKji'  (tu   Poli'  Sud  (i  (lima  rikciiiiic. 


FIDJIKNS   KT   'FONT, ANS.  .S,S1 

niix  yoiix  dos  Anclnis  pour  li^  "  l'oi  h'jiiliinc  »  (1(^  loul  l'arfliipol,  so  plaisiiil 
Il  (l(''si<incr  di'  sii  inassuc  celui  ipi'il  lui  ((inviciidiiul  de  maiij^ci'  à  son  repas 
du  soir;  si  un  malhcuipux  imploniit  sa  grâce,  il  lui  faisait  arracher  la 
langue  et  la  dévorait  crue,  saignante  encore  :  il  avait  trouvé  plaisant  d'avoir 
dans  son  paradis  un  «  arhre  dn  IVuil  (hieiidn  ",  au(|uel  étaient  susj)cndns 
des  membres  humains,  tous  morceaux  de  choix  réservés  à  la  table  royab^'. 
Et  pourtant,  lorsque  les  missionnaires  et  les  résidents  anglais  insisièreni 
auprès  des  chefs  pour  ([ue  le  cannibalisme  cessât  d'être  pratiqué,  les 
soutiens  des  vieux  usages  défendirent  énergiquement  leurs  anciennes 
«  institutions  »,  prétendant  que  c'est  un  devoir  envers  la  société  de 
maintenir  la  terreur  dans  les  basses  classes.  Ces  conservateurs  à  outrance 
ont  Uni  par  céder  :  lorsque  l'arc  hi|iel  entra  dans  l'empire  colonial  anglais, 
les  sacrilices  humains  avaient  enlièrement  cessé,  de  même  que  l'usage 
affreux  de  lancer  des  embaicalioiis  de  guerre  en  les  faisant  glisser  sur 
des  corps  de  captifs. 

Une  des  l'aisons  qui  ont  le  plus  contribué  à  faire  accepter  aux  chefs 
lidjiens  la  souveraineté  des  Anglais  est  la  crainte  que  leur  inspiraient  les 
immigrants  de  Tonga  :  ils  redoutaient  que  leur  archipel  ne  fût  envahi  [)ar 
eux,  ciinnne  les  îles  Tonga  l'avaient  été  jadis  par  les  immigrants  de  Samoa, 
ancèlres  des  Tongans^.  Autrefois  les  insulaires  de  Tonga  n'osaient  abor- 
der sur  les  côtes  des  grandes  îles  Fidji  sans  autorisation  spéciale  :  même 
lorsque  la  tempête  les  avait  jetés  sur  la  rive  et  'qu'ils  se  présentaient 
en  suppliants,  ils  étaient  saisis  et  mangés''.  Mais  les  nécessités  du  com- 
merce les  protégèrent  en  diverses  îles  de  l'archipel,  surtout  dans  les  teri'es 
coralligènes  de  l'orient  les  plus  rappi'ochées  de  Tonga  :  ils  apportaient  des 
nalles,  des  étoffes  peintes,  et  demandaient  en  échange  des  bois  de  construc- 
lloii  poui'  leurs  flottilles.  Ils  s'y  inslallèreiil  même  en  colonies  pour  gréer 
leurs  embarcations  sur  place,  cl  bieiil(~it  ils  furent  assez  nombreux  dans 
(|uel(|ues-unes  des  îles  de  l'archipel  sud-oriental,  et  notamment  à  La- 
kemba,  la  terre  majeure,  pour  y  vivre  en  communautés  indépendantes. 
Audacieux  et  fiers,  conscients  de  leur  supériorilé  guerrière  sur  les  indi- 
gÎMies  lidjiens,  ils  en  vinrent  bientôt  à  l'agi'ession,  et  l'un  des  chefs  les 
plus  puissants  des  îles  Tonga,  amenant  avec  lui  de  nombreux  merce- 
naires, s'empressa  de  [)roliter  des  cir((uistances  jjour  s'établir  dans 
l'archipel  oriental  comme  arbitre  entre  les  chefs  lidjiens  et  «  redresseur 
de  torts  ».  A  la  suite   de  chaque  nouvelle  décision,  toujours  appuyée  par 

•  Jiilius  liicndiley,  Julliiifis  tliiriiKj  llic  niti.ic  iif  llif  Curaçod  innoiui  llie  Suulh  .Sert  IstdiiiLs. 
-  Hciiiiold  Scoinaim,  ouvr:ig;e  cilé. 
'•  .liiliii  ('alviirl,  Fiji  nnd  tlip  Fijiaiis. 

XIV.  III 


R82  NOUVELLE  fifiOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

les  armes,  son  royaume  s'accroissait  de  territoires  conquis  et  quel(|ues 
milliers  de  fidèles  s'ajoutaient  au  lotoit  di'  l'huile,  c'est-à-dire  à  l'église 
wesleyenne,  dont  les  ministres  étaient  |)ayés  en  huile  de  coco.  Convertis- 
seurs armés,  les  Tongans  avaient  pris  les  missionnaires  pour  alliés  dans 
leur  guerre  de  conquête,  et  chaque  tiaité  de  paix  dicté  par  eux  portail, 
comme  premier  article,  que  les  vaincus  brûleraient  leurs  temples  et  se 
rattacheraient  au  lotou.  En  l<Sr)0,  le  chel'  victorieux,  qui  se  donnait  comme 
simple  lieutenant  du  roi  de  l'archipel  Tonga,  commandait  à  une  armée 
régulière  de  3000  hommes  accoutumés  à  la  victoire  :  toutes  les  trilius  des 
îles  orientales  et  de  Yanua-Levu  lui  étaient  soumises  et  il  se  préparait 
à  la  conquête  deYiti-Levu,  lorsque  le  consul  Pritchard  intervint  à  son 
tour,  au  nom  de  la  Grande-Bretagne,  et  força  les  envahisseurs  tongans  à  se 
désister  désormais  de  tonte  inicivcnlidii  militaire  ou  politi(jue  dans  les 
affaires  de  l'archipel. 

Après  le  danger  de  l'invasion  tongane  vint  pour  les  insulaires  des 
Fidji  un  autre  péril,  celni  de  l'extei'mination  par  les  blancs,  américains' 
ou  australiens.  (Juehjues  marins  des  Klals-Unis,  ayant  à  se  plaindre  du 
«  roi»  Thakumbau.  lui  n'-clamaicnl  ({'('iioimes  dommages-intérêts,  (ju'il  on! 
été  incapable  de  payer  si  une  compagnie  de  spéculateurs  austialiens  ne  lui 
avait  avancé  la  somme  en  échange  d'un  domaine  cultivable  de  80  000  hec- 
tares, pris  dans  les  contiées  les  jilus  leililes  de  l'aichipcl.  I)(''s((iinais  les 
])lanteiirs  blancs  devenaient  les  niaili'cs,  et  ceux  des  indigènes  (|ui  ne 
se  |diaient  pas  à  travailler  les  champs  de  l'étranger,  à  côté  des  coulis  im- 
portés des  Nouvelles-Hébrides,  des  Sannta,  de  l'Inde,  n'avaient  })lus 
qu'à  se  retirer  dans  les  vallées  écarté-esde  rinl(''rii'iir.  D'ailleurs,  les  débuts 
du  gouvernement  des  blancs  furent  des  plus  malheureux.  Une  dépntation 
de  notables  indigènes  s'étant  l'endue  en  Australie,  en  lS7o,  ces  délé- 
gués rapportèrent  dans  leui'  pays  une  épidémie  de  rougeole,  et  le  fléau, 
mortel  pour  la  phqiarl  de-'  iiisnlaiics  (|ui  eu  ('laieiil  atteints,  se  pro|)agea 
dans  tout  l'archijjel,  et  surtout  à  \iti-LevM,  d'une  manière  effrayante  : 
en  quelques  semaines,  plus  de  trente  mille  Fidjiens  avaient  péri,  et  l'opi- 
nion généi'ale  parmi  ceux  (|ui  reslaieiil  ('lait  ([ue  les  planteurs  avaient 
laissé  s'étendre  la  nudadie  alin  de  se  débarrasser  des  propriétaii-es  et  de 
s'emparer  des  terres  abandonnées  ;  même  des  blancs  ont  cru  que  l'horrible 
soupçon  était  fondé'. 

La  dépopulation  conliniie.  Il  es!  M;ii  (|u"ou  ignore  quel  était  le  nombiN^ 
précis  des   insulaires  avanl    l'arri\(''e  des  blancs  dans    le  pays,    mais  les 

'   SIdiii'Iii'wlt  Cuiiricr-,  Tlic  Cuiol  Liiiiils. 


IMllSTIUli    IlliS   Klll.lli;.NS.  8SJ 

\illiij;('s  (k'Iiiiils,  les  iirs  (h'scrlcs  léiiioigiiciil  de  l,i  (limimiliiMi  des  lialii- 
l;mls,  ('(  (l('|iuis  (in'dii  I'miI  îles  rccciisciiicnls  plus  (iii  uKiiiis  i(''iiuli('rs,  le 
tlcjtci'issi'incnl  de  la  riici'  ii'csl  plus  ddutciix.  Dans  les  dcruiJ'ics  aniircs, 
les  blancs  (mix-uk'iucs  soiiI  devenus  nmins  nnnihreux,  par  suile  des 
llnclnalions  dii  coinnieree.  I  n  indice  des  Irisles  condilious  sociales  (|ui 
pi'{''\alenl  dans  les  îles  l'idji  esl  (pie  les  i'enioies  y  sont  on  niinorilé, 
aussi  liien  dans  la  [lopulaliou  ludiLii'ue  (|ue  |iai'nii  les  ('(rangers  venus 
v(ilonlairenienl  ou  iniroduils  coiinno  travail  leurs'.  Clia(|nc  anniv,  les  morls 
l'cniporteiU  de  beaucoup  sni'  les  naissances  \ 

l.es  cullures  si;nt  1res  xariirs  dans  l'archipel.  Une  espèce  d'ijinanie 
lournil  aux  iudiiiÎMies  la  pi'incipale  nonrrilui'e,  el  l'on  cultive  aussi  le  laro 
on  dalo,  celle  aroïdée  qui  a  lant  d'iniporlauce  poni'  l'aliuienlaliiin  de 
riioninie  daus  une  jurande  partie  du  monde  éipialoiial,  des  montagnes  de 
Kanieroun  aux  iles  Mar(|uisV's.  Mais  les  Fidjiens  n'ont  plus  de  pi'odiiils 
qu'ils  puissent  vendre  aux  étrangers  en  échaiifie  des  marchandises  d'En- 
i'(qie  :  le  bois  de  sandal,  (jue  les  traitants  venaient  y  chercher  au  commen- 
cenienl  du  siècle,  est  pres(| ne  épuisé;  on  ne  ti'ouve  plus  l'arbre  que  dans 
les  jai'dins.  Le  dakua  on  pin  de  Fidji  [dammura  vitiemis),  espèce  ra|i- 
|)rochée  des  kauii  ou  dammara  de  la  Nouvelle-Zélande  et  de  la  Nouvelle- 
Calédonie,  est  devenu  également  1res  rare,  el  l'on  n'exporte  plus  (|u"uue 
l'aible  quantité  de  résine.  Les  cocotiers  bordent  les  plages  par  centaines  de 
milliers,  mais  ils  n'a])par(i(Minent  pas  aux  naturels,  et  ce  sont  maitilenani 
les  planteurs  qui  en  expédient  en  Europe  et  en  Australie  l'huile  et  le 
koprah.  Quant  aux  produits  de  l'industrie  locale,  ils  ne  servent  qu'aux 
indigènes.  Un  des  arbres  les  plus  utilisés  par  eux  est  le  malo  {broiissonclid 
pttptjnfcra),  (huit  le  liber,  mai'telé  par  les  femmes,  se  transforme  eu  une 
étoffe  solide  et  souple  :  on  l'emploie  soit  comme  pagne,  soit  comme  toge, 
et  naguère  les  chefs  la  portaient  en  long  manteau  traînant  au  loin  derrièi'e 
eux  ;  on  en  fait  aussi  du  papier  de  choix.  Cette  étoffe  est  d'un  blanc  pur, 
mais  on  sait  la  teindre  de  dessins  variés  par  une  méthode  qui  ressemble 

'  Popidiillon  lies  ilos  Fidji,  sans  Ilolunia,  au  31  déceinbiL'  1884: 

Hommes.        IViiiin.'..  Kiim'i,,!,!,. 

Blancs 2  586            \m  .'.".i.'. 

Gens  de  sang  («(jlé .'>'.)'.)           .192  7111 

luiinigranls  asiali(|m's  ol  oci'aïuiMis.    .    .       0 'J">         1  6.3'i  8  ôCii 

Fidjiens lil)  8(l'2       54  089  114  891 

Eiiseiulile 70  7-iO      57  040       127  760 

Pdpnhilion  ;ni  l"ji(illi'l  1887  :  tllaais  :  2  105.  .\iilivs,  avec  lluliniiii  :  122  500. 
-  Él.il  ti\il  L's  iles  Fidji  en  1881  : 

978  niarijf^ts;  4840  naio»auLt.^  ;  8592  nioits. 


mi  isnrvKLi.K  cKociiAi'iiiK  iMVKitsi:i,i,i;. 

;i  cellt'  lie  riin|iiiiiicii(\  ;ui  UKiNcii  de  [lelits  riayiiiciils  de  liiiiulHiii  liiilli's 
jncc  soin  cl  clKirjii's  de  C(iiil('iir. 

La  llorc  iialufelle  ou  acclimalée  des  îles  Fiflji  esl  tcllcinciil  lielie  en 
plantes  préeieiises  |»ai'  leui's  Iruils  ou  leurs  racines  cunieslililes,  par  lenr's 
drofiues,  épiées,  libres,  eouleuis,  jiouimes  ou  graisses,  que  les  plaiileurs 
oui  l'embarras  du  elioix  jiour  leurs  cultures.  Si  les  sjiéeulalions  ont 
peu  l'éussi  ins(|u'à  uiaiuteuauf,  la  cause  en  est  moins  anx  ouracans,  qui 
ont  parfois  di'xasli'  les  planlalions,  qu'aux  déplorables  eoudilions  du  travail 
aeeompli  pai'  des  mains  asservies.  Dans  les  premières  années  de  la  eobmi- 
sation.  la  j:iierre  anuM'icaine  de  sécession,  qui  donna  une  si  grande  impor- 
tance à  la  culture  du  cotonnier  dans  tous  les  pays  de  production, 
enrichit  ra|iidement  les  |)lanteurs  lidjiens;  mais  depuis  cette  époque  la 
main-d'ieuxre  est  devenue  trop  chère  jinur  que  celle  indusirie  agricole  ait 
pu  se  mainlenii',  et  les  iles  Fidji  exportent  à  peine  quelques  halles  de  coton. 
On  a  également  inti'oduit  dans  l'archipel  l'arhusle  à  thé,  mais  sans 
grand  succJ's,  loujours  ;t  cause  de  la  chérit'  du  lra\ail  ;  giàce  à  Seemann, 
les  Fidjieiis  onl  appris  à  eviraire  la  moelle  noui'ricièi'e  de  leurs  palmiers  îi 
sagou.  i.e  lahac  esj  culliNt'-,  mais  pres([ia'  exclusivement  pai'  les  naturels, 
qui  vendent  la  l'euille  [lour  le  payement  de  leurs  imp('>ls.  .Maintenant  la 
piincipale  culture  induslrielle.  après  celle  du  cocotiei',  (|ui  l'ournit  le 
ko[)rah',  est  celle  de  la  canne  à  sucre.  L'ensemble  des  terres  vendues 
aux  planteurs  s'élevait  en  [S^'2  à  plus  de  1 12  000  hectares.  L'année  1885 
l'ut  celle  du  jilus  grand  commerce';  mais  depuis  cette  é|)oque  il  a  régu- 
lièremenl  diminué',  en  prcqiortion  de  l'exode  des  blancs.  Le  trafic  se 
trouve  pour  la  plus  gi'osse  part  enli'e  les  mains  des  .Anglais  el  des  Anglo- 
Australiens,  mais  les  négociants  de  Hambourg  sont  aussi  l'eprésenlés 
par  des  traitants  dans  les  îles  Fidji  et  se  sont  emparés  de  plusieurs 
articles  d'evpoitatiim. 

Si'ulemenl  (|ueli|ues  ports  des  Fidji  prennent  pari  au  mouvement  inler- 
national  îles  ('clianges"'.   L'ancienne  capitale,   Levuka,  est    située  au    bord 

'  Récolte  (lo  I88Ô  :  26  944  500  iioiv  de  cocd,  |iroiliiisan(  4899  luiiiLe>  de  tioinali. 
-  MouvL'nii'iit  <los  iVlianiçcs  dan>  l'aictiipcl  de  Fidji  en  1883  : 

linportalioii 'il)  064  820  francs. 

Kspnrtation il  264  S6â       » 

tii>eiiiL]|e.    .     .    .        .")i  529  685  flancs. 
■  Mouvciiient  de  la  navigation  en  1883,  sans  les  Ijanjues  indigènes,  à  l'entrée  et  à  la  sortie  : 

90  bateaux  , à  \a|ii'ur,  jaiiijrani 72  584  tonnes, 

306  voilieis  ■.        64  172       » 

Liisendile.      3'.M)  navires.  jaLi^eanl 137  056  limncs. 


l.OMMKliCK   IIKS   II.KS   Klll.ll 


d'une  cri(|U('  ni-icrilalc  de   l'ilc  d'Ûviilaii;   miiis  le  déjihircnifiil  du  centre 
pnliliqiie  el  adminislialif  de  l'aicliiiM'l  liail  devenu  nécessaire  à  cause  de 


K"    185.    SnV.V    ET    LEVniiA. 


Est   de    Par  s  .I7r     o 


Est  de  Greenvv,ch         I 


O 


^ro  ^o^a'e^r^ 


l'incommodité  du  site  de  Levuka,  rangée  de  maisonnettes  longeant  la  plage 
à  la  base  d'escarpements  difficiles  à  gravir.  Suva,  le  chef-lieu  nouveau, 
récemment  bâti  dans  la  grande  île  Viti-Levu,  |irès  de  son  extrémité  sud- 
oi'iental(>,  est  beaucoup  mieux  placé'  que  Levuka,  sur   un  sol    doucement 


888  NOUVELIK  GKnf.R AIMIIK  UNIVERSELLE. 

incliiifi  vors  la  mer,  entre  les  deltas  des  deux  plus  alioiidnnls  cours  d'eau 
de  Yiti-Lpvu,  et  dans  le  voisinage  du  village  le  plus  peuplé  de  rinléi-ii'ur, 
Rewa,  appelé  par  les  Anglais  la  "  Venise  fidjienne  »  :  autour  de  ses 
cabanes  les  eaux  du  Rewa-Rewa  se  lamifienl  en  de  nomlireux  canaux. 
(]ependant  le  point  d'allache  des  grands  paquebots  est  dans  la  baie  de 
Ngalao,  au  sud  de  l'ile  de  Kandava  :  dansées  parages,  l'eau  est  |ilus  pro- 
l'onde,  moins  ]>arseniée  d'éeueils. 

Au  sud  de  Vanua-Levu,  la  baie  de  Savu-Savu  est  fréquent(''e  [»ar  des 
caboteurs  ;  jji'ès  du  port,  des  sources  tbermales  abondantes  jaillissent  sur 
le  rivage.  Les  villages  des  Fidjiens  présentent  quelque  ressemblance  avec 
ceux  de  l'intérieur  de  Sumatra  :  les  cabanes  se  terminent  aux  deux  extré- 
miti's  par  des  pignons  à  corne,  (bipassant  le  toit  d'au  moins  un  mètre  et 
recouverts  de  coquillages. 


Comme  |ieu|il('.  les  Fidjiens  n'ont  aucune  part  au  gouvernement  de 
rarcbip(d;  les  Maucs  ne  leur  en  ont  rien  laissi'.  La  coliuiie  est  une  dépen- 
dance de  la  .1  Couronne  >■  :  gou\ernenr  el  conseil  cxé'cutil'  sont  nommés 
pai'  le  souverain  de  la  Grande-Rretagne,  et  les  lois  sont  préparc'es  |iar  un 
conseil  législatif  de  treize  membres,  sept  mnnmés  eu  vertu  de  leurs 
l'oiictions  et  six  cboisis  parle  gouverneur.  L'arcbi|)el  a  été  divisi'  en  diuize 
districts,  sous  l'administration  de  cbel's  indigènes  salariés,  descendants 
des  anciens /»/,  qui  doivent  appliquer  les  lois  de  l'Angleterre  et  les  cou- 
tumes ou  Ifila  a|iprouvé'es  par  le  gouvernement  anglais;  la  plus  |)récieuse 
pour  eux  est  celle  qui  assure  aux  propri('laires  le  travail  des  pauvres,  assi- 
milés à  des  serfs.  Jadis  les  l'amilles  ou  (/(ili  étaient  git)up(''es  en  communautés 
analogues  à  la  zadnuKja  seibe  :  elles  étaient  propriélaiics  en  commun;  mais 
l'avidité  des  cliet's,  aidée  ]iar  la  législation  britanui(|ue,  a  peu  à  peu  trans- 
l'ormé  le  clief  en  maître  absolu  de  la  terre  :  c'est  un  plu'uonu'ne  analogue 
à  celui  qu'a  présenté  raccajiaremenl  des  comtés  pai'  les  lainh  écossais'. 

Le  budget  annuel  a  dimiiuK-  en  même  temps  que  la  population  blancbe, 
el  la  dette  publiipie  s'accroil  d'ann(''e  en  aniiée\  La  prospérité  des  îles 
l'idji  est  loin  de  répomire  aux  espérances  de  ses  premiers  colonisateurs 
lilancs,  et   le  [lelit  Etat  insulaiic  n'est  guère  digne  défigurer  à  côté  de  ses 

'   KIscm:  —  de  IliiliiiiT.  Hciuir  des  Doux  Momies.  15  (Ire.  1885. 

-  liiiil-cl  ili's  iles  Fidji  on  1886  : 

Recettes 1  614  ôjO  fnincs. 

Dépenses I  95.Ï  535      ji 

Délie  |iiitili(iue 7  500  000      » 


liOTIMA.    MKRimi'N   llF.   PARTACK.  889 

('i)nft''(I(''iV's"(lo  l'Atisli'iilasio;  aussi  los  néfiociaiits  lidjicns  niil-ils  pliisieiiis 
rui>  (Icmar.di'  au  Pailcnit'iil  do  Viclon'a  de  prendre  en  main  l'adminislraliou 
de  leur  lerritoire,  lro|i  coûteux  à  iiérer  ()our  eux  seuls. 


Ku  1881,  l'île  de  Rotuma,  terre  volcanique  située  à  500  kilomètres  au 
iKuil  de  l'anjile  noi'il-occidental  des  îles  Fidji,  a  t''t(''  rurmellement  annex(''e 
par  l'Angleterre  à  sa  ((iloiiie  iidiienne.  Klle  occupe  un  espace  évaluf'  seu- 
lement à  .")(»  kilomètres  carrés,  et  tout  l'intérieur,  dont  les  sommets  s'éji'- 
\ent  à  200  et  '2MI  mètres,  est  inhabité.  On  l'a  transformé  en  un  grand 
enclos  pour  les  [)orcs  saiivaiics,  (pii  C(iu>litaenl  la  principale  richesse  de 
l'île.  La  zone  du  pourtour  où  se  succèdent  les  villajics  et  que  suit  une  i-onle 
(  irculaire,  est  fort  bien  cultivée  :  c'est  une  palmeraie  de  àO  kilomètres  en 
lonfïueur,  interrompue  par  des  claii'ières  de  jardins. 

Les  Rotumans,  très  hardis  marins  et  très  appréciés  comme  matelots 
par  les  capitaines  de  passade,  ont,  comme  les  Fidjieiis,  subi  rinflneiK-e 
des  jiens  de  Toufia,  (|ui,  même  avant  l'ari'ivée  des  missioniuiires  anglais, 
avaient  converli  la  plupart  d(^s  insulaires  au  jirotestantisme  wesleven.  De 
leur  c(Mé,  les  catli(di(|ui's  uiil  loiiili'  nue  missidu  à  liiiluma.  et  dans  celle 
ile,  comme  dans  pres(jue  Idiiles  ci'lles  de  !'( Jct'aiiii',  le>  deux  relif;itnis 
se  ti'ouvenl  en  piM'seiice.  De  nu'iiie  (|ui'  leurs  Noisius,  les  Roluinans 
son!  frappé's  de  (li'|ii'risseuie!ir. 


Le  LSir  deuré  de  latitude  à  l'es!  on  à  l'onesl  de  (ireenwich  passe  à  tra- 
vers les  îles  orientales  de  l'arclii|)el  des  Fidji  :  c'est  la  lii;ne  conveiilionnello 
i|iii  s('pai'e  en  tlenx  miiili(>  r(ic('aii  l'aciliipie  el  qui  en  consé'quence  est 
aibqiti'e  par  les  marins  poui'  limite  des  dates  journalières.  A  l'uui'sl  de 
celle  liiiiii',  (Ui  cdinple  les  heures  en  avance  des  hoi'lof;('s  de  l'Europe  occi- 
dentale; il  l'esl.  (ui  les  C(un|)le  en  retard  :  sur  ce  deui'i'  nu-ridicu  de 
l'Océan,  minuit  it'piuid  à  la  fuis  au  midi  de  Liuidre--  pour  le  juur  suivant, 
dans  le  sens  d'nrieiit  m  i)c<M(leiil,  el  pour  le  jour  pri'ci'deiil.  dans  le  sens 
d'occident  enoiienl.  De  chaque  côté  de  cette  lijine  de  division,  le  même  jour 
s'a|(p(dle  de  noms  différenls  :  les  marins  venus  de  l'est  sautent  un  jour 
de    la    semaine    quand    ils    la    fi  aiicliisseiil  ;    ils  le    reibuiblent    ipiand    ils 


'    Khil  <ivil  ,1c  lliiliiiun  cil  1887  :  07  n:ii>siMccv  ;   |(I7  hkh-I-.. 

I'<>|iiil:ilicn  <lr  Itnliii ii   I88r>: 

jl.-.li  Imiiiiih's:  l.^ll  rciiiiiic..  KiiMMiiMc  :  L'iMI. 
MV.  II-. 


890  NOUVEI.LK  i;Én(;i{ APillF  UNIVERSELLE. 

voguent  en  sens  inverse.  Suivant  les  changements  politiques,  cette  ligne 
(le  partage  pour  le  calendiier  s'est  avanci'r  ou  reculée.  Manille,  fjue  les  ga- 
lions Taisaient  communiquer  avec  le  monde  européen  par  la  voie  du  port 
mexicain  d'Acapulco,  était  considérée  comme  étant  à  l'ouest  de  Gadiz. 
([uoique  par  celte  voie  elle  se  trouve  aux  deux  tiers  de  la  ciiconférence 
lerrestre,  tandis  que  Macassar,  située  sui-  le  même  méridien  que  Manille, 
mais  en  rapport  avec  l'Europe  par  la  voie  du  cap  de  Boiine-Es|)érance, 
comptait  ses  heures  comme  se  IrouvanI  à  l'est  de  l'Europe.  D'autre  part,  la 
péninsule  d'Alaska  se  réglait  d'après  l'élershourg  pour  son  calendrier.  11 
n'en  est  plus  ainsi  actuellement.  Les  Philippines,  les  Carolines  ont  désor- 
mais la  même  numération  de  jours  que  l'Australie  et  la  Nouvelle-Zélande; 
de  son  côté,  l'Alaska  règle  ses  jours  comme  le  reste  du  continent  améri- 
cain. Toutefois  on  peut  se  demander  si  le  méridien  de  partage  ne  devrait 
pas  être  quelque  peu  déplacé,  d'environ  dix  degrés  vers  l'est,  afin  de  mieux 
séparer  les  deux  mondes  l'un  de  l'autre.  11  est  évident  que  la  ligne  méri- 
dienne la  plus  commode  pour  former  limite  entre  les  deux  hémisphères  est 
celle  qui  passe  par  le  détroit  de  Bei'ing,  sé|)arant  l'Asie  de  l'Amérique,  et 
les  régions  australasiennes  des  parages  relativement  déserts  du  Pacil'Kjne 
oi'iental". 

'  1!.  (li'fti'aiiiiii)iil,  iiic'iiKiires  divers;  —  HolIctliiKi  (Iflla  fioriclà  CcoyrdfwaiUiUanii.  niaj;glo  1888. 


CHAPITRE    XI 


POLYNESIE    ÉQUATORIALE 


Ia'  nom  dv  l'ulyiu'sie  est  un  do  ces  lormes  au  sens  indécis  qui,  suiv;inl 
les  géographes,  s'appli({uen(  à  un  ensemble  d'îles  océaniennes  plus  ou 
moins  étendu.  Au  point  de  vue  juiirmenl  géogra|thi(jue,  ces  «  Iles  nom- 
breuses »  sont  les  (erres  de  laibles  dimensions  (jui  parsèment  les  mers  à 
r(uicnl  (les  grandes  masses  insulaires  ou  continentales  des  Phili|>|iines, 
de  la  Nouvelle-Guinée,  de  l'Australie.  Au  point  de  vue  ethnographique, 
la  Polynésie  se  compose  des  archipels  orientaux  de  l'Océanie  (jue  peuj)le 
la  race  à  teint  clair,  apparentée  aux  Malais  par  le  langage,  mais  1res 
dilTérenle  de  ces  derniers  par  les  li'adilions  el  Jes  mœurs,  l'ai-  leurs 
hahilaiits,  les  iles_  néo-zélandaises,  dans  l'hémisphère  an(arcli([ue,  el, 
d'autre  paît,  l'archipel  des  Sandwich,  dans  l'hémisphère  du  nord,  ap[mr- 
liennent  donc  à  la  Polynésie';  toutefois  ces  terres  éloignées  de  ré(|ualeur 
se  dislinguenl  d'une  manière  si  nette  des  autres  îles  polynésiennes  jiar  le 
climat  et  la  nature  géologi(|ue  du  sol,  (ju'elles  doivent  être  étudiées  à 
|tart.  L'archipel  des  Ellice,  dont  la  |)opulalion  est  également  polynésienne, 
appartient  à  la  même  rangée  insnhiiic  (|ue  les  Marshall  et  les  tiilherl. 
Dans  ses  limites  l'cslreinles.  I;i  Pdlyni'sie  proprement  dite,  comprise 
presque  en  enlier  eiilre  la  ligne  ('■qiialoriale  cl  le  lid|)ique  du  >ud,  oITre 
encore  une  étendue  livs  coiisidi'iaiilr.  Siii'  un  espace  océanique  (r<'n\iron 
.">  millions  (le  kilomèlres  carré's  ^onl  ('■[laises.  en  (Uize  gi'oupes  principaux, 
l't  cà  cl  là  pai-  deux  ou  par  Irois,  ou  même  compicicmciil  isolées,  des  îles 
de  toule  forme  ayant  ensemble  une  superficie  évaluée  à  près  de  10000  kilo- 
mètres carrés.  Quel  est  le  nombre  de  ces  îles?  On  en  compte  environ 
!2'20  alteignant  au  moin-'  un  kilomètre  de  surface,  mais  il  serait  iinpos- 

'  .1.  A.  Mm'iviiliiiiil.  Yviiiific  (iti.v  ih's  dit  Ciaiiil  Occiiit, 


8'J2  NOUVKLLK   (,K(H,  1!.\  l'Il  I  K    I  .M\  KliSKMj:. 

sil)k'  (If  (IriKimliivr  les  iiiillirrs  d'ildls  cl  di'  nVil's  ilistiiicis  ([iii  s'iiiiis- 
soiil  pour  Itiriiiei- les  iiiiiicaux  des  ;il(tll  vi  (|ui  |i;iraissi'iil  cl  (lis|i;iiiiisst'iil 
lour  à  lour,  dccdiivcrls  |)iir   le   rellux,  iv<(iii\eils  |>;n-  le  llitl. 

Les  îles  de  la  l'olyiK'sie  oiieiitale  sdiil.   cdin la    |plu|iaii  des    aiilres 

lerrcs  océaniennes,  dis|)osées  suivaiil  des  ali^iieiin'iils  lépulieis.  A  I  e\- 
ceplioii  des  îles  Toni;a,  (|ni  a|>|iailieiiiienl  à  la  cliaiiie  de  la  Nouvelle- 
Zélande  el  (|iii  se  rallaehetil  à  cel  areliipel  |iar  le  groupe  de  Keiiiiadec,  les 
aulres  îles  |iolvnésienne4  sonl  orieiilées  dans  le  sens  du  nord-onesl  au 
sud-esl  el  disposées  en  chaînons   parallèles,  doni  la  vraie  forme  se  révèle 


\:kms  m>  1I.I-S  I' 


1     on  0110  000 


suiloul  par  celle  des  piédeslaux  cachés  (ju'a  révélés  la  soinle.  Six  princi- 
pales arêtes,  sans  compter  des  saillies  de  Faillies  dimensions,  se  succèdenl 
ainsi  en  échelons  du  (irou|>e  de  Mue  ou  hini  à  l'archipel  des  Mar(|uises, 
toutes  séparées  les  nues  des  auli'cs  jiar  des  fosses  itrofondes,  où  la  masse 
li(|uide  ofl'ri"  en  moyenne  une  épaisseur  de  iOOO  mètres.  La  |M'emière  de 
ces  arêtes,  la  plus  l'aihicmeni  mar(piéc,  est  celle  ipii  se  ivlie  à  l'anjile 
nord-oriental  de  l'aichipel  di's  Tonga,  immédiatenieiiL  à  l'est  de  l'ahîme  le 
plus  profond  des  mers  de  l'hémisphère  méridional,  creusé  à  8(101  mètres'. 
L'île  de   N'iue   est    la   seule    terre    iiahitahle  (pie    |irésente   cette    première 


•  Soii.la"Os  ik'  XtMerm  en  1888  :  V^''"^'  l;il.  S.;  17^<'8'  K.  ttr  (iiiriiwicli. 


l'iii.^  NKsii;  i;ni  AKUii Ai.i:.  S'Jô 

ili;iiiic   ircininui    ,"(1(10    IvilninJ-Ircs   imi   IdiijiUfiii-;    les   ;ni(ii's    sjiillics    iil' 
sont  que  des  roches,   des  récils  ou  des  banes  de  sable;   l'écueil  de  .Maria- 
Tberesa,  (]u'eii(oureiit   de  toutes   parts  des  eaux   profondes,    termine    la 
rhaine  sous-inariiu'  du  cùlé  des  mers  anlar(lii|ues.  La  deuxième  ran[;éc 
des  terres  polynésiennes  est  manjuée  au  contraire  par  un  grand  nombre 
de  massifs  émergés  :  elle  commence  au  nord-ouest  par  les    îles    Samoa, 
dont    l'une  es!    la    |)!us  giande    de  la  Polynésie;    le  petit  groupe  des  Pal- 
merslon,    puis    les    iles  de  (iook,  lui  succèdent   au    sud-est,    suivis    pai- 
les  îlots  plu^  cliiii'semés  de   l'archipel  Tubuai.   Moins  régulière  dans  son 
orientation,  mais  encore  parfaitement  reconnaissable,  grâce  aux  explora- 
lions  sous-marines,  la  troisième   rangée    a    son  point  de  départ  aux  îles 
Tokelau,   puis   se    continue    par    les   îlots   de    ['uka[)uka,    de    Suvorov   et 
les  iles  de  la    Société;  au  delà,  quelnues  îlots,  attribués  d'ordinaire  aux 
Tuamotou,  peuvent  être  considérés  aussi  comme  appartenant   à  l'aligne- 
ment de  Taïli.   A    l'autre    exlii'milé  de    la  chaîne,   dans  le  voisinage  de 
r/'ipialeui',  les  iles  Phœnix,  ([uoique  bien   isoli'cs  par  des  abîmes  océani- 
ipic^.  les  fonds  de  Hilgard  à  l'ouest  et  les  fomls  de  Miller  à    l'est,   s'ali- 
gnent aussi  dans  le  môme  sens  que  les  îles  de   la   Société;  de  même  les 
autres  groupes  situés  au  sud  des  fonds  de  Miller;  enlin  les  îles  Penrhyn  ou 
Manahiki  forment  l'extrémité  nord-occidentale  de  la  quatrième  rangée  des 
îles  polynésiennes,  qui  se  poursuit  au  sud-est  par  la  principale  traînée  des 
Tuamotou,  puis  se  recourbe  légèrement  en  |irésen(ant  sa  concavité  à  l'équa- 
leur.  et  redresse  ses  pointes  de  dislance  en  dislance  au-dessus  de   l'eau, 
l/îie  Pitcairn  et  l'île  de  Pà(|ues,   enlin  Sala  \  (iomez,  font  [)artie  de  celle 
chaîne  d'îles,   cpii   se  maintient   sur  une  loninueiir  de  OÔOO  kilomètres. 
L'île  de  Sala  y  Gomez  est,  dans  la  directicm  de  l'est,  la  dernière  ile  de  la 
l'olynésie,  la  borne  terminale  de  ce  monde  océanique  raltaclu'  à   \'\siv 
par  une   série  continue  de  terres.   A  l'est,    vers  l'Amérique,  la  mer  est 
déserte  d'îles  sur   un  espace  d'environ  '2700  kilomètres;  il  est  \rai  (pie 
les  îles  de  Juan-Fernandez,  Mas  a  Fuera  el  Mas  a  Denlro  se  trouvent   vur 
le  même  alignement  que  les  îles  Tuanioloii  cl   l'île  de  Pâques;   mais  le 
voisinage  relatif  des  côtes  du  Chili  permet  de  considérer  ces  terres  comme 
les  dépendances  géographiques  du  confinent  sud-américain. 

Au  nord  de  l'axe  médian  des  îles  polynésiennes,  deux  auti'es  rangées  se 
succèdent  :  l'une,  peu  considérable,  comprend  l'île  Malden,  la  Caroline  et 
la  traînée  septentrionale  des  îles  Basses;  l'auli'e,  plus  riche  en  pointes  émer- 
gées, commence  au  nord  de  l'équaleur  par  les  îles  Samaiang,  Xevv  York, 
Christmas,  Fanning,  souvent  grou])ées  sous  le  nom  d'America-islands,  puis 
va  former,  au  nord  desTuamolou.  l'essaim  isolédes  Maiiiuises.  De  cel  arclii- 


s'.ti  NuiVLLLt:  (iKU(;i;Ai'iiii-;  i  mnhiiskli.i;. 

|)('l  cxlivinc  (le  la  l'olynôsie  équalorialc  à  la  Icric  coiiliiiriilalt'  la  |ihi^  ia|i- 
liroclu'c.  c'csl-à-dire  vers  lo  rap  Saii-l>iK'as,  au  IkiiiI  dr  la  |i(''iiiiiMilf  de 
(ialironiif,  la  ilislance  à  paiToiirir  dans  riimiii'iisc  déscil  li<|iiid('  c^l  de 
iilOO  kildinèlres.  Des  Marquises  à  l'archipel  d'IIavaïi  riiilcrvallc  est 
moindre  :   il  esl   de  ."."iOO  kilonièlrcs. 

De  même  (|ue  les  autres  |>()|iulaliiins  (leéaniennes,  celles  de  la  INdyuésie 
éqiiatdriale  n'ont  pu  écliappei'  à  la  domination  di's  missionnaires  et  des 
traitants  européens,  el  le  conllil  des  intérêts  et  des  passions  entre  hiaiics 
de  nationalité  el  de  culte  dilTéreiils  a  amené  rintervenlion  des  puis- 
sances et  l'ait  |iroclanier  l'annexion  ol'licielle  de  la  plupart  des  archipels  de 
ces  parajics.  Cependant  le  parlaj^e  de  l'Océanie  entre  les  divers  empires 
coloniaux  n'est  |ias  encore  achevé,  non  point  à  cause  de  la  résistaïu-e  des 
insulaires,  trop  peu  mimbren\  el  Irop  rlaii-semés  pour  être  redoutables, 
mais  par  suite  de  la  rivalitt'  des  pri'lenlions  entiv  les  puissances  euro- 
péennes, qui  n'ont  pu  se  mettre  il'accord  pour  la  répai'tition  définitive  de 
la  région,  l/ascendant  hritaniii(|ue  domine  dans  la  partie  occidentale  de  la 
Polynésie;  les  îles  Touf^a  et  Tokelau  se  trouvent  dans  la  zone  d'attraction 
|iolitii|ue  de  la  cou lédi'ra lion  auslralieiine  ;  mais  le  uroiqie  des  Samoa,  si 
im|iortaiit  comme  centi'e  de  navifiatioii  dans  l'océan  I'acili(|ue,  est  un  enjeu 
Inq)  ])récieux  |)our  (|u'on  ne  l'ait  pas  disputé  à  l'An^letei'ie  :  la  ré|iuhlique 
des  Elals-Unis  s'est  même  présentée  au  nombre  des  rivaux,  et  l'on  eut  le 
projet  de  coiisliliier  l'archipel  des  Samoa  en  un  ■  lerrilolre  ■  polili(|iu' 
des  Etals-Unis  el  de  le  l'aire  repi'(''seiiter  au  (lonjiiJ's  par  un  d(''l(''j;u(''  s|iécial. 
Actuellement,  l'inlluence  de  l'Aufileleire  et  celle  de  la  ré|)uliliqne  améri- 
caine sont  contre-l)alanc(''es  à  Samoa  jtar  celle  de  l'empii'e  j;('rmani(|ue.  el  les 
,mierres  civiles  (jui  se  livrenl  dans  l'archipel  entre  les  roitelets  soni  en 
réalité  suscitées  par  des  cmillils  (lipl(unati(|ues  entre  les  re|))'ésenlants  des 
trois  puissances  rivales.  Plus  au  nord,  les  petits  archipels  voisins  de  l'équa- 
leur,  les  Iles  l'Inenix,  celles  île  Faiininu.  d'Kiiderbury,  de  Maldex  et  autres 
terres  à  f>uano  n'<mt  pas  la  même  valeur  slralé<;i(pu^  et  commerciale 
i|iie  l'archipel  des  Samoa;  aussi  ne  sonl-ils  puiiil  dispiilé's  entre  les  puis- 
sances, et  li^s  j'jats-llnis  n'en  mil-ils  point  revendiqiW'  la  possessi(Mi  elt'ec- 
li\e.  (|Uoi(Hi'elle  leur  ail  ele  souvent  allribiiée.  Oiiant  aux  liioupes 
orientaux  de  la  Polviii-sie.  Iles  de  la  S<ici(''ti''.  îles  Basses  et  .Mar(|uises,  iN 
sont  désormais  reconnus  cmume  appartenant  à  la  France,  quoique  le 
prolecloral  de  Tahiti  ail  donné  lieu,  il  y  a  pi'ès  d'un  demi-siècle,  à  de 
très  graves  difficultés  entre  les  deux  gouverneinenls  de  la  France  el  de  la 
Grande-Bretagne. 

Par  les  forniatimis  péologi(Hies,  les  régions  polynésiennes  propreinenl 


I'iii.ynksif;  i:nrAT(irii\i.r. 


S9r. 


dites  ne  dilTi'iviil  |iimil  de  la  Micronésie.  Ces  îles  (iiil  aii-->i  leurs  volcans, 
mais  les  foyers  vifs  ne  se  trouvent  que  dans  les  archipels  occidentaux,  les 
Toni^a  et  les  Samoa  ;  dans  toutes  les  iles  orientales,  les  montajines  de  laves 
se  sont  éteintes.  Les  îles  Tonga,  qui  |)rolon<;('iil  au  nord  l'axe  volcanique  de- 
là Nouvelle-Zélande,  se  composent  en  réalité  de  deux  chaînes,  l'une,  de 
heauconp  la  plus  importante  par  la  superficie  des  terres  et  le  nombi'e  des 
liabilaiils  :  c'esl  la  chaîne  orienlale  ;  l'aulre  n'olTranl  (ju'uu  pelil  noinhre 
d'îles  SI'  (ti'essant  superbement  au-dessus  de  la  mer  :  ce  sont  les  pointes  de 
volcans  ayant  oradnellemenf  surgi  du  sein  des  flots  et  formé,  à  l'occident  de 


IT«  nr  I.  \   prn\ 


nniFVTvi.F. 


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110' 

•■   /fjiy3ii 

1 
1 

^£ft^9S 

^^^JyK^^'/j,^ay 

\K-,   .,,e..d..l"- 


rarcliipel.  une  crête  aux  pilims  clairsemé's.  \\\  de  ces  pilons,  le  Tofna,  qni 
fit  explosion  en  ISSÔel  dont  le  cratère  fume  toujours,  s'élève  fi  854  mètres; 
plus  au  nord,  le  Kao,  la  plus  haute  montagne  de  l'archipel,  atteint 
1524  mètres;  il  eut  fré(|uemmenl  des  éi'U|)lions  |iendanl  la  période  histo- 
l'ique.  Laté,  moins  élevée  et  située  à  l'ouest  du  groupe  de  Yavao,  brûlait 
en  1854,  et  son  voisin  septentrional,  Fonualaï,  a])pelé  souxent  du  nom 
espagnol  d'Aniargura,  n'est  plus  (pTun  déhiis  depuis  X^'i'o.  1)(>  violents 
li'emblements  du  sol  ayant  averti  les  habilanls,  ceux-ci  s'enfuirent  dans 
les  îles  voisines.  Mais  les  cullui'es  d'autres  iles  furent  endommagées  par 
la  chute  de  la  cendre.  On  entendit  la  détonation  à  |dus  de  21^0  kilomf'fre^ 
de  distance,  et  la  mer  fut  recouverte  de  scories  llottanles  jusipi'à  1(10  kilo- 
iHi'Iro  :  (luaud  (»u    re\iiil    dans  l'Ile,  ou    \\  \    lrou\a  (lue  des  niur'>  de    hnc 


f*!»'!  NOrVRI.I.F   fIKOCKAl'IllK   CM VKHSI- l.l.i:. 

l'iiviiK'S  Cl  (les  amas  do  salilo  r»u'^c  on  luiir.  liiic  aulrc  ilc  solilairo. 
mais  silmV  sur  le  proloiigemenl  tic  la  clKiiiic  v(ilcani(|iic,  csl  |)os«V  sur 
la  mer  comme  une  couronne  :  c'est  INiua  tu,  île  ovale  d'une  remar- 
quable régularité,  enfermant  un  lac  de  même  tonne  dans  ramphithéàlrc 


1    .   70(1(10(1 


lie  sdii  \asle  crali'i'e.  La  li'aiiit'e  (irienlalf  des  Tniiga  conlrasie  avec  les  viil- 
cans  isolés  de  la  cliaine  occidentale  par  ses  Icrres  basses;  même  la  plus 
grande  île,  Tonga-tabou,  n'est  (|u'une  plaine  unie  de  sable  coi-allicn,  sur 
hupiellc  re|)ose  niu-  é|)aisse  conclie  d'humus  d'une  exirème  fertilité  :  l'Ile 
enli(Mc  n'r-t  i|u'uii  jardin,  où  les  cabanes  se  cachent  sous  l'ombrage  des 
arhres  à  pain,  dans  les  palmei'aics  nu  les  loufles  de  bananiers.  (IcpendanI 


.KS   T(iN(, A.    Ml  K.   SAMOA. 


8it7 


([uelques  îles,  coiiipost'fs  t'oiilcmciit  dv  roches  coralligt'iies,  ont  été  sou- 
levées aune  certaine  h.Tutciii'  aii-dcssus  de  la  mer  :  tel,  au  nord  des  Tonga, 
le  pelit  archipel  de  Aa\ao,  avec  ses  brusques  falaises  percées  de  grottes, 
ses  gracieux  coteaux  et  ses  vallons  ombreux.  La  superficie  de  toules  les  îles 
est  plus  (|iie  doublée  par  les  récifs  qui  les  entourent  e(  rà  et  là  les  unissent 
par  un  socle  comnuiii,  mais  sans  former  d'atoll  régulier.  A  l'est  de  l'ar- 
chipel Aavao,  l'île.  Niue  oulnui,  est  également  un  banc  de  corail  exhaussé. 


I1.ES    SAMOA 


^^ O^SOOO'"    afeSCOOé. 4000'"i^s SOOÛ^'stâoy-c/s/Â 


Les  îles  Samoa,  disiiosées  réiiulièrement  en  une  longue  rangée,  sont  de 
nature  volcanique  ;  on  n'y  voit  d'autres  roches  que  le  basalte,  soit  en  masses 
compactes,  soit  en  tufs  ou  eu  cendres.  Mais  elles  diffèrent  par  l'âge  et, 
tandis  (jue  certaines  roches,  complètement  usées  à  la  surface,  révèlent 
an  seul  gi'ologue  leur  origine  ignée,  d'autres  apparaissent  encore  telles 
(pi 'au  jour  on  les  courants  de  lave  s'épanchaient  de  la  fournaise.  D'après 
Dana',  c'est  du  sud-est  an  nord-ouest  que  s'est  graduellement  éteint  le 
foyer  volcanicpie  situé  au-dessous  de  la  crevasse  de  Samoa.  L'île  deTutnila, 
la  plus  orientale  des  trois  grandes  terres,  n'a  pas  de  cime  centrale  ayant 
conservé  sa  Iiouche  (r('riipliiin  :  le-  cônes  ont  été  oblitérés  par  les  intempé- 


Umli'â  Stales  Explorinij  E.iprditiim. 


113 


898  NOIVELLE   GÉOGRAPHIK   L'MVKIÏSKLLK. 

ries,  et  des  vallées  profondes  se  sont  ouvertes  daus  les  montagnes,  dont 
la  forme  première  n'est  plus  reconnaissable.  Upolu,  qui  vient  plus  à 
l'ouest,  présente  en  partie  le  même  aspect  que  Tutuila  :  mais  en  quelques 
districts  les  volcans  ont  gardé  leurs  pentes  régulières,  leurs  cheires  de 
laves  scoriacées  aux  limites  précises  :  un  des  nombreux  cratères  est  une 
coupe  circulaire  enfermant  un  lac.  Enfin  File  occidentale,  la  grande  Savaii, 
n'est  qu'une  seule  montagne  volcaniciue,  un  Etna  au  cratère  central,  aux 
douces  inclinaisons  des  versants,  aux  nombreux  cônes  parasites  parse- 
mant comme  des  pustules  le  corps  du  géant  ;  une  forêt  continue  recouvre 
le  sommet  central  et  la  zone  des  pitons  secondaires  ;  il  n'est  pas  un  cra- 
lèie  qui  ne  soit  empli  de  verdure.  Le  volcan  de  Savaii  est  en  repos;  ce- 
pendant les  indigènes  ont  la  tradition  de  flammes  jaillissant  autrefois  de 
la  montagne,  et  l'on  montre  tout  spécialement  une  cheire  très  distincte 
comme  ayant  été  vue  par  les  ancêtres.  Savaii  est,  de  toutes  les  îles  Samoa, 
celle  qui  est  entourée  de  la  plus  étroite  corniche  de  corail  :  ce  «lu'il  fiiuf 
attribuer,  d'après  Dana,  à  la  faible  durt'c  iviative  du  temps  pendant  lequel 
ont  pu  travailler  les  zoopbytes,  depuis  que  la  mer  fut  bouleversée  pai- 
les  éruptions.  Upolu,  depuis  plus  longtemps  éteinte,  offre  sur  son  pour- 
loui'  une  plus  large  bordure  de  roches  coralligènes.  Les  îles  orientales 
|trésentent  des  bancs  de  même  origine.  |ilns  vastes  encore  en  proportion 
de  la  terre  émergée;  enfin  le  dernier  îlol  de  la  chaîne,  l'île  Rose,  n'est 
qu'un  atoll,  pi'obablement  déposé  par  les  animaux  constructeurs  au  sommet 
d'un  piton  volcani(|ue;  mais  sur  les  récifs  se  voient  çà  et  là  des  fragmenis 
de  basalle.  que  Dana  pense  avoir  élé  lai^-si'-s  en  cet  endroit  par  des  troncs 
d'arbres  flottants  ou  jetés  par  quelipie  embarcation  comme  lest  inutile.  Des 
éruptions  sous-marines  ont  eu  lieu  dans  ces  parages  :  on  a  vu  parfois 
des  ((donnes  de  vapeurs  s'élever   des  eanx'. 

Les  divers  archipels  qui,  au  sud-est  des  Samoa,  en  conlinuent  la  raugi'e 
vers  les  mers  antarctiques,  sont  égalemeiil  formés  de  volcans  ou  de  roches 
coralligènes  élevées  au-dessus  de  la  mer  :  les  atoll  y  sont  rares.  L'archipel 
de  Cook  a  plusieurs  sommets  volcani(|ues  dépassant  le  niveau  marin  d'une 
cenlaine  de  mètres,  mais  un  seul  volcan  d'une  ini|»osante  majesté,  le  Rara- 
tonga,  haut  de  L'tOO  mètres  environ  :  il  esl  d'accl's  1res  difficile,  une  cein- 
ture de  récifs  s'étant  formée  sur  tout  le  |)ourt(inr  de  l'île  depuis  que  le 
volcan  a  cessé  de  rejeter  des  laves  et  des  cendres.  Les  îles  Australes  on 
Tubuaï.  sur  le  prolongement  de  la  rangée,  sont  aussi  des  >*ommets  de 
volcans  ent(Uirés  de  polypiers. 

'  Stonehewer  Cooper,  Coial  Liiiiih. 


ILES  SAMOA,    TIlUiAl.   M();()HEA.    TAITI.  899 

Les  plus  hautes  iiionta^ncs  volcaniques  de  la  Polynésie  éijualoriale  sont 
celles  des  îles  (le  la  Société.  Un  jireniier  volcan,  Maupili,  se  dresse  à  une 
centaine  de  mètres  au  milieu  d'un  atoll,  puis  vient  la  haute  Bora-bora, 
élevant  à  plus  de  700  mètres  la  double  tète  de  son  morne  de  basalte 
et  ceinte  à  la  base  d'un  'port  circulaire,  qu'une  barrière  de  corail  dé- 
fend contre  la  [houle.  Les  deux  îles  jumelles  de  Taliaa  et  Raiatea 
(400  mètres),  celle  de  Huahine  (360  mètres),  continuent  l'archipel  volca- 
nique dans  la  diiection  du  sud  et  du  sud-est,  puis  une  petite  butte 
d'éruption,  le  Tapamanoa,  leur  succède  au  milieu  des  Ilots  avant  que  le 
marin  voie  surgir  devant  lui  les  monts  superbes  du  groupe  de  Taïti.  L'île 
Moorea  ou  Eimeo,  qui  se  montre  la  ])remière,  est  doiniiu'e  |)ai'  le  fier 
Tohivea  (1218  mètres);  mais  de|)uis  ré[»oque  où  les  basaltes  sont  sor- 
tis des  cratères  en  coulée,  que  de  changements  se  sont  accomplis! 
L'île  a  été  ravinée  dans  tous  les  sens,  découpée  en  montagnes  distinctes, 
échancrée  par  des  golfes  profonds  ;  ses  laves  décomposées  sont  devenues 
terre  végétale  et  l'on  ne  voit  l'escarpement  des  i-oches  qu'à  travers  le 
feuillage  épais  des  arbres.  Même  à  côté  de  la  mei'veilleuse  Taïli.  Moorea 
est  une  terre  merveilleuse  par  la  grandeur  et  le  charme  des  sites. 

Taïti  a,  mieux  ((ue  sa  voisine  Moorea,  gardé  la  forme  régulière 'd'un 
massif  v(dcanique.  L'île  principale,  Taïti  Nui  ou  «  Taïli  la  (irande  »,  est 
presque  ronde  et  le  pic  dominateur  occupe  à  peu  près  le  milieu  de  la  vaste 
circonférence  du  littoral;  mais  vers  la  j)artie  sud-orientale  du  pourtour 
un  mince  pédoncule  de  terres  basses,  formé  probablement  lors  de  quelque 
éruption,  latlache  à  la  gi-ande  île  une  île  ovalaire  de  moindre  étendue, 
Taïli  Iti  ou  «  Taïti  la  Petite  ».  Les  deux  terres  jumelles  soni  montueuses 
l'une  et  l'autre  et  çà  et  là  poussent  leurs  promontoii'es  en  dehors  de  la 
ligne  régulière  des  rivages;  mais  la  hauteur  des  saillies  est  en  proportion 
des  dimensions  de  leur  piédestal.  Le  sommet  le  plus  élevé  de  Taïti  la 
Petite,  le  Komo,  atteint  H 30  mètres,  tandis  que  le  mont  Orohena  ou  «  Sol 
des  Dieux  »,  qui  se  dresse  au  centre  de  Taïti  la  Grande,  a  2237  mètres  : 
il  n'a  pas  encore  été  escaladé,  l'arête  suprême  se  terminant  par  un  faisceau 
vertical  de  piliers  basaltiques';  mais,  non  loin  de  lui,  l'Aoraï,  à  peine 
moins  haut,  a  été  gravi  pour  la  première  fois  en  1882.  Plusieurs  autres 
cimes  qui  font  cortège  à  ces  deux  montagnes  ont  une  altitude  de  1500 
mètres  :  vues  du  littoral,  que  les  mornes  dominent  à  une  distance 
moyenne  d'une  dizaine  de  kilomètres,  elles  paraissent  très  escarpées,  et 
en  maints  endroits  elles  se   redressent   en    parois   verticales;   des  murs 

'   H;ioiil,  Piolfs  munuxnid's. 


900'  >iOUVELLE  GÉOGU.Vl'llIE  UNIVERSELLE. 

(le  lave,  qui  ont  résisté  aux  iiil('in|it''ri('s,  alors  (|ue  les  roches  environ- 
nantes se  délitaient  et  tombaient  en  ruines,  ressemhleiil  à  des  édifices 
gigantesques.  Une  crèle,  découpée  en  aiguilles,  a  reçu  le  nom  de 
«  Diadème  »,  que  lui  ont  valu  ras|)ect  superbe  de  ses  roches  posées  sur 
le  front  des  montagnes  el  ses  reilels  étincelants  aux  rayons  du  soleil.  Les 
cascades  de  cent  cinquante  ruisseaux  ou  rivières  plongent  du  haut  des 
degrés  basaltiques  et  porleiit  au  bord  de  la  mer  les  débris  des  volcans 
réduits  en  minces  galets  el  en  sable.  Ainsi  s'est  formée  la  zone  de  jilaines 
étroites,  d'un  à  trois  kilomètres,  qui  entoure  l'ile  de  sa  guirlande  de  ver- 
dure; toutefois  les  alluvions  se  seraient  perdues  au  loin  dans  les  llols  si  Taïli 
n'avait  sa  barrière  extérieure  de  récifs.  Tous  les  fragments  menuisés  de  la 
roche  se  sont  arrêtés  dans  les  eaux  Irancjuilles  du  canal  circulaire  et  l'ont  à 
demi  comblé'.  Seulement  une  faible  partie  des  alluvions  s'enfuit  vers  la 
mer  par  les  brèches  qui  s'ouvrent  dans  le  récif  au  devant  des  rivières  les  |)lus 
abondaules  :  les  impuretés  de  l'eau  empêchent  la  formation  des  polypiers. 
Les  lies  Manahiki,  parseuK'es  au  nord-oiu^sl  de  Taïli,  sont  des  îles 
i<  basses  »  comme  celles  du  grand  ar<liip{'l  s|i('Tialemeiit  désigné  sous  ce 
nom.  Celles-ci,  que  l'on  appelait  jadis  Pomolou  ou  les  «  îles  de  la  Nuit  ", 
les  terres  «  Mystéi'ienses'  »,  et  que  l'on  nomme  actuellement  d'un  terme 
moins  poétique  Tuamolou,  c'esl-à-dire  les  «  îles  Eloignées  »,  mérileni 
aussi  l'appellation  d'  «  archipel  Dangereux  »,  donnée  par  Bougainville. 
Presque  toutes  les  terres  émergées  sont  des  aloll  ou  de  simples  j»ointes 
de  récifs,  au  milieu  desquels  il  laul  louvover  avec  prudence,  car  elles  ne 
sont  pas  toujours  révélées  par  un  cercle  de  brisanis;  d'une  courte  distance 
au  large  les  îles  boisées  el  |ieupl(''es  ne  soni  visibles  que  par  la  ceinture 
d'arbres  apparaissant  au-dessus  de  l'oui'lel  blanc  des  vagues.  Jadis,  avant 
l'introduclion  du  cocolier.  la  faible  couidie  de  terre  qui  s'est  formée  sur 
la  ceinture  des  atoll  n'avail  d'aulre  M'i^cMalion  arborescente  (|ue  des  jian- 
daiius  et  une  espèce  de  buis  dile  miliimiki.  Des  78  îles  qui  composeni 
l'archipel  proprement  dit,  74  oui,  d'après  Dana,  moins  de  4  mètres 
au-dessus  du  niveau  moyen  des  mers;  celles  ipii  alleigneni  à  une  (|ua- 
l'anlaine  de  mètres  d'altitude  (uil  l'aspecl  de  V(''iilables  monlagnes;  les 
navires  s'en  éloignent  pai'ce  (ju'eiles  n'onl  pas  de  la^dn  où  ils  puissent  jeter 
l'ancre  dans  les  eaux  trancjuilles.  JjCs  aloll  ri'guliei's,  qui  soûl  de  beau- 
coup les  plus  communs,  oui  la  foi'ine  d'un  o\ale  orienlé  dans  le  même 
sens  que  l'archii^el,  c'esl-à-dire  daii-i  la  direclion   du  noi'd-ouest  au  sud- 


'   Ihina,  (iim:if;e  l'ilé. 

*  Mocrenliout,  Voyoyc  aux  îles  du  Grand  Oiriin.  —  l'uiiiolou  m'  (ludiiit  aussi  par  «  Iles  Soumises,  i 


ARCHIPEL   [)E   GAMRIER. 


903 


est;   la  mer  intérieure  enfermée  par  la  ceinture  de  récifs  a  jns(ju';i   100 
et  150  kilomètres  de  tour  dans  les  ^n-ands  atoll  des  îles  Basses. 

Au  sud-est  de  cet  archipel,  la  grande  île  de  Mangarcva  conslilue  avec 
(|uelques  îlots  élevés  un  groupe  spécial,  d'origine  volcanique,  l'archipel 
de  Gambier.  Dans  l'histoire  de  la  géographie  ce  groupe  est  un  des  plus 


\°    188.    \nCHlPEL    IlE    nAMniER. 


Oi-est  de  G-een^.cK      'i55° 


(■(innus,  grâce  aux  observations  de  Darwin  :  c'est  là  qu'il  crut  avoir  décou- 
vert le  mystère  des  oscillations  de  la  croûte  terrestre.  L'archipel  tout  entier 
c'^l  enveloppé  d'un  récif  de  corail  qui  semble  indiquer  l'ancien  pourtour 
des  massifs  submergés.  D'après  l'illustre  explorateur,  ces  îles  se  Irouve- 
raienl  dans  une  aii-e  d'affaissement  :  jad>s  une  grande  terre  aurait,  occupé 
tout  l'espace  limité'actuellenient  par  le  récif  extérieur;  mais  elle  se  sérail 


904  NOUVELLE   GEOliHAl'IllE   UMVEUSELLE. 

a'Imissée  par  degrés,  et  en  même  temps  les  polypiers  du  pourtour  se  seraient 
élevés,  grâce  au  travail  des  animalcules  constructeurs  :  l'exhaussement 
graduel  du  mur  extérieur  de  corail  pourrait  être  mesuré  par  la  profondeui- 
des  abîmes  qui  entourent  les  escarpements  sous-marins  du  récif.  Onoi  ipi'il 
en  soit,  il  est  certain  que  l'ossature  des  Gambier  se  compose  d'un  noyau 
volcanique  autour  duquel  les  madrépores  ont  élevé  leurs  cousiruclions. 
La  montagne  centrale,  le  Dutï  (580  mètres),  est  un  volcan  éteint,  de 
même  que  les  autres  montagnes  épaises  dans  l'enceinte  de  corail. 

Au  nord-est,  la  dernière  rangée  de  la  Polynésie  équatoriale  contraste  par 
ses  mcuitagnes  avec  les  terres  basses  des  Tuamotou.  A  part  quelques  atoll 
et  des  bancs  de  corail,  les  Marquises  sont  des  îles  montueuses,  anciens 
Yolcans  ou  groupes  de  volcans  proliahlement  en  repos  depuis  des  âges  très 
lointains,  car  on  n'y  retrouve  nulle  |)arl  la  l'orme  régulière  des  cônes  avec 
cratères  terminaux  et  manteaux  de  laves.  Nouka-hiva,  la  plus  grande  des 
îles,  ne  présente  à  l'ouest  que  des  roches  abruptes  et  des  plateaux  pier- 
reux presque  dé|iourvus  de  végélalion.  mais  la  partie  ihi  ccnlrc.  où  naît  le 
principal  cours  d'eau,  est  enlouré('  par  un  cercle  de  monts  dont  l'un  est 
le  pic  dominateur,  haut  de  1178  mètres;  une  échancrure,  au  sud-est  du 
(■ir(|ue  el  de  l'ilc  eJlc-nKMnc.  s'oinre  sur  l'une  des  nombreuses  baies 
du  lilloial.  lliva-oa,  que  Mendaua  aviiil.  appcIcM'  Domenica,  a  mieux  gartlé' 
son  arcliileclure  |irimili\i'  (|uc  s;i  ii\;de.  N(ud\a-hi\a.  In  amphithéâtre 
de  monts  volcaniques,  d(ml  l'un,  haut  de  l'2(jll  mèlies,  est  le  plus  élevé 
de  toutes  les  Marquises,  s'y  prolile  eu  l'orme  de  demi-cratère,  el  deux 
petites  îles  situées  au  sud,  Tauala  el  Motane,  semblent  être,  avec  l'île 
majeure,  des  fragments  d'un  volcan  de  dimensions  énormes.  Enfin,  à  l'ex- 
Irérailé  orientale  de  la  Polynésie,  la  solilaire  île  de  Pàipu's  est  un 
énorme  bloc  de  lave  se  termiiiaiil  par  un  volcan  ébréché  aux  trois  pointes 
de  sa  masse  triangulaire.  La  plus  haute,  qui  dresse  abruplement  sou 
cône  hors  des  flots  jusqu'à  t)00  nu''tres,  est  à  l'angle  nord-occidenlal  de 
l'île  :  à  peine  voit-on  de  ses  pentes  quelque  verdure  conirasicr  avec  les 
scories  arides  de  la  surface  inégale  des  terres. 

Un  sait  que  les  îles  de  la  Polynésie  équatoriale  sont  comprises  presque 
toutes  dans  la  zone  des  vents  alizés  du  sud-est,  mais  que  les  vents  du  nord- 
est  prévalent  dans  ceux  des  grou|(es  qui  se  trouvent  au  nord  de  l'éMpialenr  : 
pendant  l'été  du  sud,  ces  alizés  de  l'hémisphère  septentrional  se  reploient 
au  midi  de  la  ligne  en  vents  du  nord-ouest  et  en  courants  irréguliers. 
Les  îles  montueuses  troublent  aussi  le  mouvement  normal  des  courants 
aériens  en  s'entourant  d'une  frange  de  brises  alternantes.  Un  balancement 
du  nord  au  sud  se  produit  pour  les  courants  océaniques  comme  pour  ceux 


(,  AMIidCfi,    MAIIQUISES.   (|,1M\T   |ii:   I.A    l'IlLVNKSIK 


nor. 


tic  ratiiiuspluTc.  Dans  ces  parages,  \f-  uurauaiis  .suiil  rares;  cepciulaiil  ils 
sounieiit  parfois   avec  une  exirème   xiulcnce  el   sont  des  plus  daiigeroiix 


N°    189.    MAllil 


Ouest  de  Par 


Ouest   de    Greenwich 


dans  les  îles  basses,  où  l'on  a  vu  les  values  »■  di^rouler  de  la  rive  de 
l'Océan  jnsqu'aux  lagons  de  i'inlérieni-,  lasanl  les  arbres  et  les  cabanes, 
ne  laissant  |)lus  aucune  trace  du  séjour  des  hommes.  C'est  ainsi  qu'en 
1S78  un  cyclone  passa  sur  les  îles  Tnanioloii  '  :  le  chef-lieu  de  l'archipel, 


E:ii)loi(iti()ii,  jiiillc l  I ST'.I. 


114 


906  NOUVELLE  GÉOGRM'HIE   IMVERSELLE. 

Anaa,  fut  entièrement  détruit,  et  dans  l'île  de  Kaukuia  plus  de  cent 
personnes  se  noyèrent  en  essayant  de  fuir  dans  leurs  embarcations  '. 

La  zone  médiaire  des  calmes,  des  brises  et  des  vents  tournoyants  qui 
s'interpose  dans  les  régions  équaloriales  entre  les  aires  des  deux  alizés, 
correspond  à  une  zone  d'eaux  sous-jacentes,  qui,  au  lieu  de  se  porter 
constamment  de  l'est  à  l'ouest,  avec  le  grand  courant  équatorial,  demeu- 
rent relativement  immobiles,  ou  sont  parcourues  de  risées  transversales, 
même  renversées  ;  parfois  ces  eaux  s'écoulent  en  masse  vers  l'est,  con- 
trairement à  la  marche  normale  du  courant  ;  c'est  pendant  les  mois  de 
juin  à  octobre,  quand  le  soleil  descend  sur  l'écliptique,  vers  le  tropique 
méridional,  que  ce  contre-courant  a  le  plus  de  force.  Par  suite  de  ces 
grands  mouvements  maritimes  qui  se  tiennent  diversement  en  équi- 
libre, les  marées  n'offrent  j)as  dans  ces  parages  le  même  i-ythnie  (jue 
sur  la  |)hipart  des  rivages  continentaux.  C'est  ainsi  qu'à  Taïti  quatre  flux 
animés  de  vitesses  différentes  et  n'atteignant  pas  leur  plein  à  la  même 
heure  viennent  se  rencontrer  des  divers  points  de  l'espace  :  il  en  résulte 
(|ue  dans  son  ensemble  la  marée  est  prescpie  entièrement  neutralisée;  sa 
hauteur  movenne  ne  dépasse  guère  un  tiers  de  mètre  et  seulement  une  fois 
|iar  jour.  Suivant  les  oscillations  annuelles  produites  par  les  courants,  les 
îles  basses  bordées  par  des  bancs  de  sable  changent  de  saison  en  saison. 
L'îlot  de  Baker,  situé  sous  la  ligiu^  écpiatoriale,  au  nord  de  l'archipel 
l'hœnix,  est  un  exemple  de  ces  alternatives.  En  été,  quand  souffle  le 
Aeiit  du  sud-est,  le  banc  littoral  se  déploie  directement  à  l'ouest;  en  hiver. 
(|uand  le  courant  atmosphérique  dominant  est  celui  du  nord-est,  le  banc 
se  rejette  vers  le  sud  :  l'écart  d'oscillation  ipi'offre  la  pointe  de  sable  n'est 
jias  moindre  de  200  mètres  entre  l'un  et  l'autre  alizé. 

Les  pluies  sont  fort  abondantes  dans  les  îles  montagneuses  situées  sur 
le  parcours  des  vents  alizés  :  Nouka-hiva.  Taïti.  Raratonga,  Upolu,  Savaii 
reçoivent  une  grande  quantité  d'eau,  du  moins  sur  leurs  pentes  tournées 
vers  le  vent:  mais  les  îles  basses,  qui  n'arrêtent  point  les  courants  atmo- 
s|)hériques,  sont  arrosées  par  de  moindres  pluies,  et  parfois  des  anné(>s 
se  passent  sans  qu'il  tombe  une  seule  averse.  Par  un  remarquable  con- 
traste, c'est  précisément  dans  le  voisinage  de  l'équaleur,  sons  celte  zone 
(le  calmes  où  le  conflit  des  vents  amène  en  d'autres  parages  des  pluies  si 
abondantes,  que  les  nuages  déversent  rarement  leur  humidité;  il  arrive 
même  que  les  vapeurs  se  dissolvent  dans  le  ciel  au-dessus  de  certaines  îles 


«  Dana,  Maiiual  of  Geoloyij  :  —  «'.seniy,   Die   WiikinKjcn  (1er  Wiiide  <nif  die  Cestnltuiifi  der 
Erde,  Ergânzungsheft  zu  Pclermaim's  Mitteiliiniti'ii. 


CLIMAT,   FLORE,    FAUNE   DE  LA   POLYNÉSIE.  C07 

coralligènes.  La  cause  en  est  à  la  haute  tempéralure  ilc  ces  bancs  de  co- 
rail on  de  sable  presque  dépourvus  de  végétation;  en  passant  dans  l'air 
chaud  qui  s'élève  des  îles,  les  nuages  disparaissent  et  laissent  voirie  bleu 
du  ciel,  puis  ils  se  reforment  au  delà  :  les  contours  de  l'île  se  des- 
sinent dans  l'espace  aérien  par  une  île  d'azur.  Ces  terres  siius  j»luie« 
étaient  naguère  recouvertes  d'épaisses  couches  de  guano,  et  niaintrnant 
encore,  malgré  l'exploitation  très  active  commencée  depuis  le  milieu  du 
siècle  par  des  industriels  américains,  les  ouvriers  y  travaillent  avec  pro- 
fit. L'île  Baker,  celle  de  Ilowlands,  située  dans  le  voisinage,  et,  plus  à 
l'est,  Jarvis  et  Malden  sont  au  nombre  de  ces  îles  à  guano.  Les  oiseaux 
peuplent  par  millions  les  récifs  émergés;  ils  se  pressent  tellement,  (jn'en 
maints  endroits  la  surface  des  terrains  en  preml  une  teinte  uniforme, 
celle  de  leur  plume,  sur  des  étendues  de  plusieurs  hectares.  Dans  How- 
lands,  où  croissent  quelques  arbustes,  toujours  chargés  de  volatiles,  ces 
perchoirs  blanchis  semblent  tout  à  fait  morts  :  ils  végètent  cependant, 
la  vie  se  maintient  près  des  racines.  La  seule  plante  prospère  est  le  pour- 
pier, qui  germe  et  lleurit  en  plein  guano. 

Au  point  de  vue  de  sa  flore  et  de  sa  faune,  la  Polynésie  équatorial<>,  n'est 
qu'un  prolongement  des  terres  mélanésiennes,  et  ce  fait  même,  le  mnnque 
d'organismes  qui  appartiennent  en  propre  aux  îles  de  l'Océanie,  suffit  à 
prouver  que  ces  archipels  ne  sont  point  le  reste  d'un  continent  submergé. 
C'est  de  l'ouest  qu'ils  ont  re(;u  presque  tontes  leui's  plantes  et  leuis  ani- 
maux, quoique  les  formes  américaines  y  soient  aussi  représentées.  La 
belle  végétation  tropicale  qui  couvre  quelques  atoll  pourrait  faire  croise  au 
premier  abord  que  la  variété  des  plantes  spontanées  est  considér;(ble; 
pourtant  le  botaniste  Gray  n'a  compté  dans  tout  l'archipel  des  île^ 
Basses  que  '28  ou  50  espèces  de  végétaux,  non  compris  celles  que 
l'homme  a  introduites,  entre  autres  le  cocotier.  Même  dans  l'île  de  lîapa, 
située  au  sud  du  27*"  degré,  sous  la  même  latitude  que  Brisbane,  on  trouve 
des  palmeraies;  mais,  battus  par  les  âpres  vents  d'ouest  et  de  sud-ouest, 
(|ui  luttent  incessamment  dans  ces  j)arages,  les  cocotiers  ne  portent  point 
de  fruit'.  La  première  [)lante  qui  s'empare  des  récifs  est  le  )>oui  pier, 
puis  viennent  une  herbe  rampante  à  fleur  jaune,  la  triumphelta  piocum- 
iem',  une  espèce  de  bourrache  velue  et  une  plante  grasse  qui  se  plaisent 
au  bord  du  flot  salé.  Mais,  si  pauvre  que  soit  la  végétation  par  le  n^nnbre 
des  espèces,  les  fourrés  de  pandanus  et  de  prionia  qui  se  sont  emparés 
du  sol  émergé  n'en  donnent   pas   moins   à  certaines  îles  une   ap(»arence. 

'  R:ioiil,  yoles  iiiaiiv.sciilfs. 


'J08  NOUVKI.I.K   CKUl.liAl'HIK   liNIVERSKI.l.K. 

do  richesse  exubéiaiile;  lliieiiake  nu  lloiulén,  l'iiiie  îles  Tuaniutou.  esi 
une  forêt  luxuriante.  Lorsque  Dana  visita  cette  île  gracieuse,  elle  n'étais 
habitée  <jue  d'oiseaux  ;  non  encoi'e  effrayés  par  la  vue  de  l'homme,  «  ils  so 
laissaient  cueillir  sur  les  branches  des  arbres  comme  s'ils  avaient  été  des 
fleurs  «;  on  leur  arrachait  nicnic  les  |i]iMiies  de  la  (|ueue  sans  (|u"ils 
essayassent  de  s'envider.  Le  chien  était  indigène  dans  (jneltjues  îles':  un 
seul  mammifère,  le  rat.  élail  connuun  à  toutes  les  terres  polynésiennes, 
avant  l'arrivée  des  Européens,  accompagnés  des  animaux  domestiques, 
et  maintenant  il  a  disjiaru  de  quelques  endroits,  notamment  de  Taïti. 
D'après  Dumont-d'lrville-,  le  r,it  ('11111  à  demi  doine^liqui'  dans  le  groupe, 
de  Mangareva;  les  naturels  se  jilaisaient  à  le  nourrir.  Un  centipède.  long 
d'une  quinzaine  de  centimètres,  est  le  seul  animal  venimeux  de  la  Poly- 
nésie orientale. 


l'ar  ses  populations  humaines,  la  Polynésie  est  un  domaine  distinct  dans 
le  monde  océanique;  cepeinlant  la  race  ne  paraît  pas  y  èlre  absolument  sans 
mélangï'  d'idénients  étrangers.  Même  des  vestiges  de  civilisations  difté- 
fentes  de  celles  des  Polynésiens  actuels  prouvent  que  des  révolutions  uni 
eu  lieu  dans  ces  archipels  et  (pic  les  effets  en  ont  été  rtssez  consid(''iables 
pour  sulisliluer  nue  race  à  une  autre.  Les  curieux  nnuMunenls  de  l'ilc  i\i' 
l'ài[ncs,  qui  du  reste  ^onl  incduiparablenient  inférieurs  en  valeur  artis- 
tique aux  sculplui'es  des  h;ile:iu\  de  lîirara  (Ui  des  cases  de  la  N(unelle- 
Zélande,  sont  j)eut-élre  les  léuKiignages  d'uiK>  ancienne  culture.  Tout 
souvenir,  toute  légende  se  rapportant  aux  Ages  oij  furent  taillés  ces  monu- 
nuMits  ont  complèlemeni  disparu  chez  les  indigt-nes  coiilemp(n'ains  r  on 
se  demande,  avecllamv.  s'il  ne  l'anl  pas  les  attribuer  à  des  inilurels  de  la 
race  pap(Uia,  car  des  ciiines  iroines  dans  les  tombeaux  de  l'île  de  Pâques 
ne  diffèrent  vn  rien  île  ceiiv  de  la  Nouvelle-Guinée  par  leurs  caractères 
essentiels.  Les  «statues»  sont  des  effigies  en  basalte  d'énormes  dimensions, 
—  l'une  n'a  pas  moins  de  7  nn'lres,  — ipii  représentent  la  tète  et  le  buste 
de  personnages  ayant  unifornK'nient  le  front  bas,  les  arcades  sourcilières 
|)i'oéminenles,  le  nez  long  et  aux  foites  narines,  la  bouche  grande  aux 
livres  minces  et  une  physiononiie  sévèie  :  d'après  (ilemeuls  Maikham.  ces 
ligures  se  rapprocheraient  plii'-  du  type  aymara  ipie  du  tv|te  polvné- 
sien;   toutes  ont  le  haut  et  le  deiiiJic  du  crâne  a])lati;  de.  chaque  côté  de 


'   A.  I\.  'Walhce,  Tlie  InlandLifi-;  —  .Imi.ih.  Ihxinhiilii)ii  (icoipdpliHjUir  lo»  m.i4'4iUT.  en  Océnnic 
-   Viiijdiic  nu  P61e  sud  et  dans  rOirann-. 


FAl'.NK,   l'Ol'ULATlUNS   llK   l.A    l'OI,\  NKSIK.  y(i;i 

la  (èlo  la  pierre  est  laillée  de  manière  à  simuler  de  luiii;iies  baiidelelles  se 
eoiifundani  avec  l'uieille.  La  pluiiarl  de  ees  liuslcs,  idoles  ou  statues  l'uné- 
raires,  sont  éri<^és  sur  des  eornielies  de  basalte  dans  l'inlér'ieur  d'un  cra- 
tère; il  en  est  même  un  qui  n'a  pas  encore  été  complètement  déjiagé  de  la 
roche  primitive  par  les  carriers;  des  instrnmenls  d'obsidienne,  grattoirs  et 
couteaux,  gisent  sur  le  sol  environnant  :  ce  sont  iirobablemenl  les  outils 
(iwi   servirent  aux   sculnleurs   de  la  race  éleinle.  On  voit  aussi   dans  l'ile 


N"    190.    ILt:    UE    PAQUl-: 


Obies-t  de  Paris 


de  l'ài|ues  des  allées  pavé'cs  de  tlalles  régulières  et  îles  murs  ornés  de. 
jietits  obélisques;  enfin  on  a  fait  dans  celte  île  la  trouvaille  unique  de 
<'  bois  parlants  »,  planchettes  en  bois  de  toivjinro,  acacia  à  fd)re  dure, 
sur  lesquelles  sont  représentés  avec  beaucoup  de  soin  et  en  lignes  régu- 
lières des  objets  de  diverses  espèces,  poissons,  torlu(3s,  serpents,  plantes. 
co(|uillages,  ainsi  (|ue  des  hommes  et  leurs  armes  :  ce  sont  de  véritables 
hiéroglyphes'.  11  n'est  pas  encore  certain  que  les  bois  parlants,  conservés 
pour'  la  plupart  au  niusé'e  chilien  de  Santiago,  aient  été  déchiffrés,  comme 


M|iliniise  l'iniu-l.  Tour  ilii  Mande 


IS'fi;  —  li;iMul.  ^'l,l,'s  nuDiimcnlc 


010  ÎNOUVELLE   GEOr.RAPIllK   U!N1\  EltSELLE 

on  l'a  prcloiulu  :  d'après  de  Lapelin,  un  chef,  mort  vers  le  milieu  du 
siècle,  savait  lire  et  écrire  au  moyen  de  ces  signes*.  Les  vestiges  de  civili- 
sation antique  trouvés  à  l'ouest  de  l'île  de  Pâques  et  en  d'autres  terres 
polynésiennes,  notamment  dans  l'île  Malden,  l'une  des  «  sporades  5>  de 
l'archipel  Fanning,  et  dans  Râpa,  l'une  des  îles  Tuhuaï,  ne  consistent 
guère  qu'en  voies  pavées  et  en  constructions  dites  cyclopéennes.  A  Tonga- 
tabou  on  voit  une  sorte  de  porte  triomphale. 

Les  Polynésiens  proprement  dits,  que  l'on  appelle  également  Maori,  du 
nom  réservé  d'ordinaire  aux  seuls  naturels  de  la  Nouveile-Zc'-iande,  et 
qui  se  disent  Kanakes,  c'est-à-dire  «  Hommes  »,  sont  des  gens  à  peau 
brune  et  cuivrée,  qui,  par  la  taille  moyenne,  égalent  ou  même  dépassent 
les  Européens  du  nord.  Les  premiers  voyageurs,  et  nombre  des  explo- 
rateurs modernes  qui  pourtant  n'ont  devant  eux  que  des  représentants 
dégénérés  de  l'ancienne  race  polynésienne,  n'hésitent  pas  à  reconnaître 
la  supériorité  physique  des  insulaires  de  la  Polynésie  sur  leurs  visiteurs, 
les  matelots  des  navires  européens\  Dans  les  îles  Tonga  et  Samoa  presque 
tous  les  hommes  sont  des  athlètes  de  belle  taille  et  de  prestance  admi- 
rable :  ils  ont  le  regard  lier,  la  tète  haute  et  large,  la  chevelure  noire,  légè- 
rement ondulée,  souvent  couronnée  de  ileurs.  L'obésité  est  assez  commune, 
surtout  chez  les  chefs.  La  nuance  de  la  peau  n'est  point  en  rapport  avec 
la  latitude  des  îles  :  les  Polynésiens  qui  vivent  dans  le  voisinage  de  l'équa- 
leur,  Tongans,  Samoans,  gens  des  Ellice,  sont  précisément  ceux  qui 
ont  la  peau  la  plus  claire,  tandis  que  les  Maori  de  la  Nouvelle-Zélande 
et  les  Kanakes  havaïiens  ont  le  teint  beaucoup  plus  foncé".  Les  Polyné- 
siens rient  volontiers,  ils  aiment  la  musicpie  et  la  danse,  les  chants 
et  les  récits  :  on  compte  par  centaines  les  livres  de  vovages  qui  les 
décrivent  comme  la  race  joyeuse  et  poéti(|ue  par  excellence,  et  (juand 
on  lit  ces  ouvrages,  on  serait  tenté  de  croire  (|ue.  récemment,  les  Polyné- 
siens vivaient  dans  l'âge  d'or;  du  moins  |)eut-on  dire  que,  de  tous  les 
peuples,  les  insulaires  de  quelques  terres  polynésiennes,  non  visitées  par 
la  guerre,  étaient  les  plus  heureux.  Lors(jue  Dumont-d'Urville  demanda 
aux  habitants  de  Tukopia  s'ils  croyaient  à  une  vie  future,  avec  récompense 
pour  les  bons  et  punition  pour  les  méchants  :  «  Il  n'y  a  pas  de  méchants 
parmi  nous,  »  répondirent-ils. 

Les  divers  langages  de  l'Océanie  orientale,  dérivés  delà  même  souche 

'  Revue  Mariliinc  et  Coloniale,  \81'2. 

-  G.  de  Lapéiouse,  Yoijage  autour  du  Monde,  vcil.  IV,  p.  189;  —  George  Cain|ili(!ll,  Loij-Leiters 
oftlte  Challenger;  —  Pembroke  aiid  Kiru'sley,  South-Sea  llubbtes,  bij  the  Earl  and  llte  Doctor. 
'  Haie,  U.  S.  Exploring  Expédition; —  Léon  Melclinikov,  Notes  manuscrites. 


POLVNKSIEKS.  911 

primitive,  sont  encore  1res  ra|)[)r(icliés  les  uns  des  autres  par  la  structure 
et  le  vocabulaire.  Lointainenient  alliés  aux  langues  malaises,  ils  représcn- 
lenl  une  période  plus  ancienne  de  développement  et  semblent  indiquer 
chez  ceux  qui  les  parlent  une  plus  grande  pureté'  de  race.  Les  dialectes 
polynésiens,  assez  pauvres  en  sons,  puisque  leur  alphabet  se  compose  seu- 
lement de  treize  à  dix-sept  caractères,  suivant  les  peuples,  se  distinguent 
par  la  douceur  et  l'harmonie  :  aucune  syllabe  ne  se  termine  par  une  con- 
sonne et  les  voyelles  prédominent  [dans  tous  les  mots.  Naguère  ces  lan- 
gues, très  rapprochées  les  unes  des  autres,  de  la  Nouvelle-Zélande  aux  îles 
Sandwich,  n'offraient  presque  pas  d'inflexions  dans  ,1a  formation  de  leurs 
termes;  les  radicaux  restaient  immuables  et  tous  les  cliangements  de 
temps,  de  nombre,  de  cas  étaient  indiqués  au  moyen  de  jiariicules  sépa- 
rées. Les  modifications  du  langage  avaient  naguère  une  cause  majeure,  la 
suppression  ou  la  suspension  tem])oraire  de  mots  taboues,  qu'il  fallait  rem- 
placer par  d'autres.  Actuellement  les  divers  dialectes,  remaniés  par  des 
missionnaires  qui,  pour  la  plupart,  sont  ignorants  du  génie  intime  des 
langues  manipulées  par  eux,  se  modifient  très  rapidement  et  se  mé- 
langent d'expressions  et  de  tournures  anglaises. 

On  sait  que  l'une  des  pratiques  générales  parmi  les  nations  polyné- 
siennes était  celle  du  tatouage.  Les  dessins  (|ui  recouvraient  le  corps  des 
insulaires  constituaient  leur  vêtement';  mais  ce  costume  disparaît  à  son 
tour,  remplacé  parles  cotonnades  (ju'ont  apportées  les  missionnaires.  Pour 
les  femmes,  élément  conservateui'  jtar  excellence.  roj)ération  du  tatouage, 
qui  fut  autrefois  un  acte  religieux  «  exigé  par  les  dieux  »  %  se  maintient  plus 
longtemps  que  pour  les  hommes;  en  plusieurs  archipels  ceux-ci  ne  se 
faisaient  plus  tatouer  que  pour  s'embellir,  tandis  (jue  les  femmes  étaient 
obligées  de  se  conformer  strictement  à  la  tradition,  sous  peine  de  ne 
pouvoir  trouver  un  mari;  aux  Mar(piises,  tout  repas  (|ui  n'aurait  pas 
été  préparé  par  des  mains  tatouées  eut  été  considéré  comme  im[nir.  En 
d'auti'es  archipels,  au  contraire,  l'homme  seul  avait  le  droit  de  poiler  sur 
la  peau  tous  ces  dessins  (|ui  U'  rangeaient  parmi  les  nobles  et  qui  lui  ])er- 
mettaient  de  faire  enlemii-e  sa  voix  dans  les  assemblées^;  quant  à  la  femme, 
elle  était  jugée  indigue  de  ce  blason.  Dans  certaines  îles.  ro|)éralion  com- 
plète du  tatouage  était  si  longue,  (ju'il  fallait  commencer  à  y  soumettre  les 
enfants  dès  la  quatrième  ou  cin(|uième  année,  tandis  qu'en  d'autres  îles 


Gei'laml  (Waitz),  Anlhropoloij'ic  (1er  N(iliiri'dll,rr. 

G.  de  Lapéiouse.  ouvrage  cité. 

Srliniclfz,  Klciihincj  iiiiil  Scliiinicl,  dcf  Eiiujcborfiicn  lU's  Slilli'iis  Océans. 


yi2  MOIIVKLLE   (iÉOl.liAlMlIK   L  M\  KliSKI.LK. 

on  se  lioi'iiail  à  moiiclieli'r  le  corps  de  poiiils  plus  rlairs  en  y  faisan!,  dt's 
ampoules'.  Une  forte  pari  d'iniltalive  était  laissée  au  géiiîe  des  tatoueurs, 
hommes  ou  femmes,  mais  des  motifs  traditionnels  so  retrouvaient'dans.  les 
ornements  de  chaque  tribu,  et  d'ordinaire  il  était  facile  de  reconnaître,  au 
tracé  des  courbes,  des  parallèles  el  des  losanges,  (juelle  était; la  pairie  des 
insulaires  fjue  l'on  rencontrait;  les  artistes  tatoueurs  se  groupent  par 
écoles,  comme  les  peintres  de  l'Eui'ope.  L'opi^ration  du  tatouage  polynésien 
se  fait,  non  par  entailles  comme  dans  là  jilupart  des  iles  de  la  Mélanésio,. 
mais  par  piqûres  obtenues  au  moyen  d'un  petit  instrument,  de  la  forme 
d'un  peigne,  que  l'on  frappe  à  légers  coups  de  maillet  :  elle  est  fort  doulou- 
reuse, surtout  quand  elle  s'applique  aux  lèvres,  bien  que  dans  cette  partie 
délicate  du  visage  les  Iraits  à  marquer  soient  peu  nombreux.  Les  chairs 
tuméfiées  se  gonflent  alors  en  fluxions  énormes,  et  très  fréquemment 
des  accidents  cérébraux  se  déclarent  chez  le  |iatient.  Les.  raies  parallèles 
qui  circonscrivent  l'angle  de  la  niik'lKiiic  cl  celles  i|ui.sont  li'acées  sur  les 
faces  latérales  des  doigts  meltent  aussi  quelquefois  les  Uiloués  en  danger''. 
Le  pigment  employé  pour  l'opération  était  en  généralde  charbon  très  IIji 
(| ne  donne  la  noiv  d(^  \'iilcii.rili's  (lilolxi,  la  plante  oléagineuse  utilisée  égar 
lement  pour  l'éclaiiage  (hnis  loule  la  INilynésie  orientale.  C'est  entre  les 
.Maoï'i  de  la  Xouvclle-Z(''laiide  cl  les  Man|uisicMs  (|u'on  (ibscrve  les  plus 
glandes  ressemblances  dans  les  dessins,  d(!  même  (pie  ilans  l'aspect  géné- 
lal  du  corps  :  les  deux  groupes  ethniques  sont  très  i-approchés  l'un  de 
l'antre'". 

En  géui'iral,  les  insulaires  sont  d'autant  plus  vêtus:  que  leur  ])eau  esl 
moins  foncée  :  la  co(|uelteric  du  vêlement  se  dével6|i[)e  chez  les  hommes 
en  proporliiin  de  leur  blancheur.  La  phiparl  des  l'diyrK'sleus  portai(Mit  le 
pagne  et  la  jupe  du  lihi'c  végétale  ou  d'(''C()rce  el  se  drapaient  en  outre 
d'étoffes  légères  jetées  sur  l'épaule'.  Les  chefs  surtout  tenaient  à  honneur 
de  revêtir  des  toges  et  des  manteaux.  Les  Taïtiens,  Jes  plus  soucieux  de 
leur  costume  parmi  tous  les  habitants  de  la  Polynésie;  s'enroulaient  une 
large  ceinlure,  le  niani  ou  liliiirr.  autour  du  corps,  et  s'attachaient  aux 
l'eins  un  pureo  aux  couleurs  éclatantes  qui  leur  tombait  jusqu'aux  |)ieds; 
aux  heures  de  repos,  ils  se  ceignaient  la  poitrine  d'une  écharpe  Hottanle 
ou  oint  bini  ou  même  se  re\êtaient  i\u  hjiiitd,  manteau  de  la  forme  du 
poncho  mexicain  et  pei'<'é  ('galenienl  d'un  trou  jioui'  le  |)assage  de,  bl  têt(^ 

'  Williams,  iSnrffilives  of  MissidiKinj  EiUcipfiir. 

'  Beiction,  Tiitouaçies  ait.r  îles  Mnrquises,  Ilmiic  irAMllir(i|i(ilcij^ic,  IStil. 

'  Dumont-d'llrvillo,  ouvr:i<;('  riti';  — Raoul,  Notes  iiiniiiisi-rilcx. 

*  <_War   PcscIk'I,    Viill.rriniiulc;  —   Sdiiiieltz.  iiii' iiv  ril.'. 


TATOLAGE,   COSÏUMi;    DES   |M)L VNESIENS. 


913 


Aux  îles  Tonga,  à  Wallis  et  dans  la  [iliipart  des  archipels  voisins,  les 
femmes  fabriquent  aussi  des  tapa  d'une  extrême  finesse,  non  moins  belles 
que  les  étoffes  des  Mélanésiennes.  Pour  les  vêtements,  le  tatouage  et  même 


ll.I,S     MAUnllSKS.    WTIHI.L    TATOUi;. 

de  Thirial,  d'apri-s  une  pholOLMapliie  rc.in]iiuiiii]iiéc;  par  M.  Colleau. 


pour  les  armes,  les  liansitions  se  l'on!  graduellement  de  l'un  et  l'autre 
archipel.  On  a  dit,  il  est  vrai,  que  les  Polynésiens  ne  connaissaient  ni 
l'arc  ni  les  flèches;  c'est  une  erreur  :  ils  s'en  servaient  pour  les  comhat^ 
dans  les  îles  Tonga  et  Samoa,  et  dans  les  archipels  orientaux  ils  employaienl 

XIT.  115 


ou  NOUVELLE   (.ÉOGKAPUIE   LNIVERSELLE. 

encore  ces  armes  lors  des  fêtes  civiles  ou  religieuses,  ou  )iar  simple  diver- 
tissement, comme  le  l'ont  encore  nos  archers  de  foire'. 

Si  ce  n'est  dans  les  îles  où  les  cérémonies  d'origine  mytliiciue  compren- 
nent l'anthropophagie,  les  Polynésiens  n'ont  d'autre  nourriture  animale 
que  le  poisson,  les  coquillages  et  la  chair  du  porc  :  encore  ces  mets 
étaient-ils  généralement  défendus  aux  femmes,  parfois  même  sous  peine 
de  mort.  Dans  la  plupart  des  archipels,  les  fruits,  les  graines,  les  ra- 
cines et  les  feuilles  alimentaires,  souvent  mêlées  et  fermentées  de  manière 
à  foimer  une  pâle,  étaient  amplement  suffisantes  à  nourrir  les  indigè- 
nes, et  ceux-ci  n'avaient  point  à  violenter  la  terre  par  un  âpre  labeur  de 
culture.  En  (juelques  îles  favorisées,  leur  seul  travail  était  d'avoir  à  ramas- 
ser les  fruits  tombés  des  arbres  nourriciers,  tels  que  le  cocotier  et  l'arbre 
à  pain  :  les  disettes  ne  pouvaient  être  causées  que  par  l'imprévoyance; 
farine,  eau,  lait,  substances  fermentées  et  enivrantes,  la  planteleur  don- 
nait tout,  et  ils  y  trouvaient  en  outre  le  liber  pour  en  faire  des  étoffes  par 
le  martelage,  la  libre  pour  en  lisser,  la  filasse  pour  fabi'i(juer  des  nattes, 
des  cordages,  des  voiles,  enfin  du  bois  pour  construire  cabanes  et  banfues. 
Les  diverses  espèces  d'ignames,  de  patates,  de  taro  s'ajoutaient  aux 
fruits  pour  varier  les  repas  et  nulle  part  ne  manquait  la  liijueur  aimée,  le 
kava,  préparée  avec  les  racines,  au  goût  légèrement  jtimenté,  du  piper 
iiietliijstirunt,  que  l'on  cultive  dans  les  jardins.  Les  jeunes  filles  mâchent 
les  fibres  delà  plante,  qu'elles  rejettent  dans  un  vase,  mêlée  à  leur  salive; 
après  fermentation,  la  liqueur  est  devenue  claire,  agréable  au  goût  et  très 
rafraîchissante;  elle  enivre  peu,  mais  on  dit  que,  bue  en  grande  quantité, 
l'Ile  finit  par  amener  une  faiblesse  générale  et  des  maladies  de  peau.  Défen- 
due par  les  missioniuiires,  elle  a  été  presque  parldul  remplacée  par  une 
boisson  plus  dangereuse,  Feau-de-vie  fabriquée  avec  le  jus  d'orange'. 

Les  insulaires  de  Samoa,  qui  d'ailleurs  ne  sont  pas  des  Polynésiens  de 
race  pure,  étaient  respectueux  des  femmes,  et  même  chaque  village  se  choi- 
sissait une  patronne,  généralement  la  fille  du  chef,  qui  devait  représenter 
la  communauté  dans  les  fêtes  civiles  et  religieuses,  recevoir  les  étrangers 
et  les  présenter  à  la  tribu,  attirer  le  bonheur  sur  tons  par  sa  bonne  grâce  et 
sa  beauté.  Mais,  dans  la  plupart  des  autres  îles  polynésiennes,  l(>s  femmes, 
quoi(jue  d'ordinaire  fort  bien  traitées,  étaient  considérées  comme  très 
inférieures  aux  hommes.  Dans  les  cérémonies  religieuses,  les  hommes 
existaient    seuls   on  face   de    la  divinité  et  se  distinguaient  par  l'épithète 


'  Ellis,  Polijnesiaii  Reseanlics. 

-  Peiiibroke  and  Kin<i;sl<"y,  ouvrage  (  ilr 


>..l,3,^. 


jtsP'ri'^" 


FKMMES     DKS    11.  K  S     S.V-MOA- 

Dessin  de  A.  Sjnjiiy,  iI:i|,its  m,,-  |ilioln;;ropliip  .oiiiumniiiuiiu  [«ir  M.  Colle 


MAlilACKS,    INFANTICIDES   KN   PÛL YiNÉSIi;.  1117 

(lo  m  OU  «  sacirs  »,  liiiidis  (|ue  les  iVinmes  ôtaienl  désignées  avec  nn'juis 
jiar  le  tenue  de  non  ou  «  proi'aues  «.  C'est  contre  les  femmes  surhnil  (jn'é- 
taient  lancées  les  interdictions  du  tabou  :  rien  de  ce  qui  était  olieit  aux 
dieux  ne  pouvait  être  touché  par  les  «  profanes  «  sous  peine  de  mort. 
Jamais  elles  ne  participaient  au  repas  du  père,  du  mari  ou  du  fils,  jamais 
elles  ne  mangeaient  à  la  même  place,  jamais  elles  ne  préparaient  leurs 
mets  au  même  foyer.  Dans  les  maisons  des  chefs,  les  femmes  appar- 
tenaient d'une  manière  absolue  à  leur  famille  :  on  les  mariait  d'avance, 
dès  leurs  [)lus  jeunes  années,  et  parfois  même  elles  étaient  promises  avant 
de  naître.  En  certaines  îles,  la  fille  devenait  prisonnière  dès  (|ue  la  pro- 
messe de  mariage  avait  été  faite  par  les  parents  :  on  lui  construisait 
dans  la  cabane  paternelle  une  espèce  de  galetas,  d'où  elle  ne  pouvait 
descendre  sans  l'aide  d'autrui,et  dans  les  grandes  occasions,  quand  on  la 
laissait  sortir,  on  l'accompagnait  toujours,  pour  qu'il  n'arrivât  pas  d'ac- 
cident à  la  propriété  du  futur  mari.  Suivant  les  îles,  les  cérémonies  du 
mariage  variaient  singulièrement  ;  mais  quand  il  s'agissait  de  l'union 
d'un  chef,  on  ne  manquait  pas  de  la  sanctionner  ])ar  des  rites  solennels. 
Assis  au  milieu  du  sanctuaire  sur  le  drap  blanc  nuptial,  les  fiancés 
tenaient  dans  leurs  mains  les  crânes  de  leurs  ancêtres,  et  les  deux 
mères,  de  l'homme  et  de  la  femme,  se  déchiraient  la  figure  pour  mêler 
leur  sang,  en  asperger  les  futurs  époux  et  témoigner  ainsi  que  les  deux 
familles  en  formaient  désormais  une  seule.  Malgré  l'imposant  cérémonial 
de  ces  unions,  elles  étaient  rarement  durables.  La  polygamie  était  la 
règle  dans  la  plupart  des  maisons  royales;  sans  que  le  chef  se  donnât  la 
peine  de  répudier  son  épouse,  et  tout  en  lui  laissant  son  rang,  il  lui  rendait 
volontiers  sa  liberté.  A  cet  égard,  les  mojurs  étaient  fort  tolérantes. 

Lorsque  les  Européens  se  présentèrent  pour  la  première  fois  dans  les 
Iles  polynésiennes,  l'horiùble  pratique  de  l'infanticide  prévalait  dans  cer- 
tains archipels,  notamment  dans  celui  de  la  Société.  D'a|)rès  les  mission- 
naires Ellis  et  Williams,  les  deux  tiers  des  nouveau-nés  étaient  détruits, 
souvent  même  avant  d'avoir  poussé  leur  premier  vagissement.  A  peine  le 
|ière  avait-il  saisi  l'enfant  qu'il  l'élouffait  et,  creusant  le  sol  de  la  cabane 
ou  du  jardin,  il  faisait  disparaître  le  petit  corps,  qu'il  recouvrait  ensuite 
truii  peu  de  terre  et  de  feuilles  vertes.  Mais  si  le  père  lardait  un  instant 
dans  son  œuvre  de  meurtre,  l'enfant  avait  droit  à  la  vie,  on  le  soi- 
gnait toujours  avec  affection,  et  les  tendresses  de  la  mère  ne  dif- 
féraient point  de  celles  que  partout  ailleurs  les  mères  prodiguent  à 
leurs  nourrissons.  La  cause  première  de  ces  effroyables  pratiques  ne  doit 
point  être  cherchée  dans  la  crainte  de  la  misère,  car  dans  ces  îles  heu- 


918  NOUVELLK  GKÛGRAPUIK  U.M\  EHSK  LLK. 

reusos  lu  nature  fournit  amplement  tout  ce  qui  e!<t  nécessaire  à  la  vie,  et 
il  eût  suffi  aux  naturels  d'ajouter  quelques  heures  à  leur  labeur  jour- 
nalier pour  accroîti'e  leurs  ressources  en  surabondance.  C'est  la  vanité, 
l'orgueil  de  race,  dit-on,  qui  poussèrent  d'abord  les  chefs,  c'est-à-dire 
précisément  les  plus  riches,  à  se  débarrasser  de  leurs  enfants.  Quand 
ils  se  mariaient  à  une  femme  du  commun,  c'est  par  un  sacrilice  qu'elle 
devait  acheter  la  noblesse.  Chaque  meurtre  d'enfant  la  faisait  monter 
dans  la  hiérarchie  sociale  :  après  trois  ou  quatre  infanticides,  elle  pouvait 
désormais  se  considérer  comme  étant  de  fsan<i  royal  et  sa  progéniture 
ne  déshonorait  point  la  race*.  D'après  Gerland^on  luail  aussi  les  enfants 
jK»ur  en  faire  des  anges  gardiens  de  la  famille  auprès  des  génies  du  ciel  : 
afin  de  plaire  aux  dieux  cruels,  il  fallait  èlre  cruel  soi-même,  se  donnei' 
«  des  entrailles  de  dieux  ».  Ceux  qui  n'avaient  pas  d'enfanls  à  sacrifier 
devaient  du  moins  offrir  leur  sang,  se  déchirer  le  visage,  se  couper  une 
ou  deux  phalanges.  Aux  premières  causes  d'infanticide,  d'origine  religieuse 
ou  de  caste,  l'habitude  de  répandre  le  sang  finit  par  en  ajouter  d'autres  : 
ini  se  débarrassait  des  enfants  uniquement  pour  n'avoir  pas  la  peine 
de  les  élever  :  les  filles  surtout  étaient  en  grand  danger  de  mort  à  leur 
naissance;  on  tuait  moins  fiéquemment  les  garçons,  destinés  à  défendre 
la  tribu  en  temps  de  guerre.  En  certaines  îles,  disent  les  premiers  mis- 
sionnaires, le  nombre  îles  lionnues  l'enqioilail  ilc  ipiatrc  à  ciiKi  fois  sur 
celui  des  femmes. 

Il  existait  même  à  faïli  cl  m  d'anlics  ar)lii|iels  une  caste  particulière 
chez  laquelle  l'infanticide  l'Iait  cdiisiilt'ii-  cduiine  un  devoir.  C(>tte  asso- 
ciation, connue  à  Taïti  et  dans  les  iies  voisines  sons  le  innn  d'Arioï,  et 
peu  différente  de  la  classe  îles  Iriioï  dans  les  lies  Marshall,  >e  lecrutait 
comme  une  franc-maçonnerie  :  elle  avait  ses  épreuves  d'initiation,  ses 
mots  de  passe,  ses  mystères,  sa  hiérarchie,  composée  de  sept  degrés. 
Les  Ai'ioi  de  la  première  cla>se.  les  «  voyants  de  la  nnil  ».  devaient  avoii- 
une  attitude  grave,  une  conduite  sévère,  comme  il  sied  à  des  ju'ophètes;  les 
autres  étaient  à  la  fois  prêtres,  acteurs,  hommes  du  monde.  Ils  donnaient 
des  représentations  ihéàlrale^^.  m-  livraient  à  des  danses  et  à  des  jeux, 
exhortaient  le  peuple  et  ])riaient  les  dieux  dans  les  cérémonies  publi([ues. 
Respectés  par  tous,  grâce  à  leur  science  vraie  on  prétendue,  ils  avaient  le 
droit  de  vivre  du  travail  des  autres  ;  partout  où  ils  se  présentaient,  on 
les  accueillait  en  maîtres.  Il  est   probable   que   les    premiers   statuts  de 


'  W.  Kllis,  ouvrage  eilé. 

''  Anthropotoyie  (1er  Naturvulhe 


VIŒliHS   DES   l'dLVNKSIKNS.  'J19 

l'ordre  loiii' eiijoigiiaieiiL  de  se  considéi'er  comme  l'oim;int  une  seule  l'a- 
mille  et  leur  inlerdisaient  d'en  fonder  une  nouvelle  par  le  mariage;  tou- 
tefois ces  hommes  infaillibles,  devant  les(|nels  tous  s'inclinaient,  devaient 
Unir  par  se  faire  une  morale  particulière,  tout  autre  que  celle  du  simple 
|)euple  :  des  femmes,  dépendantesde  l'ordre,  étaient  communes  aux  Arioï, 
mais  tout  enfant  né  de  cette  promiscuité  était  dévoué  à  la  mort.  La  mère 
«jui  ne  pouvait  se  résoudre  à  laisser  péril-  son  fruit  était  expulsée  de  la 
corporation.  On  l'appelait  avec  mépris  :  «  la  femme  qui  sauve  son  enfant'.  » 

Ce  sont  probablement  les  pratiques  de  l'infanticide  qui,  par  réaction, 
ont  fait  naître  dans  la  Polynésie  orientale  l'habitude  presque  générale  de 
l'adoption  d'enfants  étrangers.  A  Taïti  et  en  d'autres  îles  la  ]dupart  des 
parents  cèdent  leurs  lîls  ou  leurs  filles  à  des  amis.  Après  cinq  ou  six 
mois  d'allaitement,  le  nourrisson  est  remis  à  sa  deuxième  famille,  eu 
échange  de  quelques  présents.  Il  est  rare  que  les  enfants  retournent  chez 
leurs  parents  naturels;  quand  on  les  interroge,  ils  donnent  toujouis 
comme  leur  famille  celle  dans  laquelle  ils  ont  vécu.  De  là  d'extrêmes  dif- 
ficultés pour  l'établissement  authentique  de  l'état  civil,  auquel  ont  voulu 
procéder  les  fonctionnaires  européens,  à  Taïti  et  ailleurs;  de  là  aussi  des 
complications  de  toute  sorte  pour  les  héritages  et  la  constitution  de  la 
propriété  ;  car,  toujours  dirigés  par  la  routine  administrative  apprise  en 
Europe,  les  employés  français  cherchent  à  simplifier  leur  besogne  en 
répartissant  la  terre  par  domaines  privés,  conformément  au  droit  romain. 
Naguère  les  parcelles  du  sol  n'étaient  jamais  concédées  à  titre  définitif; 
tout  cultivateur  restait  maître  de  son  champ  aussi  longtenqis  qu'il  le 
labourait  de  ses  mains;  dès  qu'il  l'abandonnait,  les  terres  étaient  distri- 
buées à  nouveau,  suivant  l'organisation  sociale  des  insulaires,  soit  par  le 
chef  de  la  tribu,  soit  par  les  notables,  siégeant  dans  la  case  publique.  Dans 
ces  sociétés,  si  peu  )U)mbreuses,  qui  jadis  consliluaient,  à  elles  seules, 
toute  une  humanité,  on  comprenait  les  guerres,  les  violences,  les  assas- 
sinats, mais  la  passion  de  l'intérêt  privé  n'allait  pas  jusqu'à  ravir  aux 
faibles  le  moyen  d'entretenir  leur  vie. 

Dans  les  îles  polynésiennes,  le  gouvernement  était  presque  partout  entre 
les  mains  de  chefs  puissants,  dont  les  ordres  ne  pouvaient  être  discutés. 
Une  hiérarchie  rigoureuse  séparait  les  classes  les  unes  des  autres  et 
soumettait  les  simples  propriétaires  aux  chefs,  les  pauvres  aux  riches  et 
les  femmes  aux  hommes;  mais  au-dessus  de  tous  régnait  la  coutume. 
•Juoique  s'élant  développée  peu  à  peu  de  manière  à  favoriser  les  intérêts 

'  J.  Cook,  Voijnyc  autour  ilu  Monde. 


920  NOUVELLE   (.ÉOr.lîAPUlE   INIVERSELLE. 

et  les  jia>sions  des  grands,  elle  était  aussi  devenue  tyranniijue  pour  eux  : 
cette  loi  du  tabou,  qui  gouvernait  tous  les  mouvements,  tous  les  actes  de 
la  vie,  était  souvent  gênante  pour  ceux'mèmes  qui  la  promulgaient.  Les 
lerribles  peines  qu'elle  prononçait  contre  les  violateurs  avaient  contribué  à 
rendre  la  population  féroce  :  on  ne  connaissait  guère  qu'une  punition  chez 
les  Océaniens,  la  mort.  La  grande  cérémonie  religieuse  était  de  sacrifier 
des  hommes  en  l'honneur  des  dieux;  en  certaines  îles  on  allait  jihis  loin  : 
les  corps  des  victimes  étaient  cuits  sur  l'autel,  et  leur  chair,  enveloppée  de 
feuilles  de  taro,  était  distribuée  entre  les  guerriers.  A  Taïti,  le  souverain 
mangeait  les  yeux  des  victimes.  Dans  les  îles  Samoa,  le  vaincu  devait  s'in- 
cliner devint  le  vainqueur  avec  un  morceau  de  bois  et  des  feuilles  sèches 
sur  la  tète,  comme  pour  lui  dire  :  «  Allume  du  feu,  si  cela  te  convient,  tue 
et  cuis-moi  comme  tu  cuis  un  porc  poui-  ta  noui'ritnre.    • 

Quoique  la  vie  humaine  parut  avoir  bien  peu  de  valeur  chi'z  des  popu- 
lations (jiii  pratiquaient  l'inlanlicide,  les  sacrifices  humains,  el  même, 
en  quelques  terres  polynésiennes.  le  cannibalisme,  la  mort  des  hommes 
faits  et  des  parents  donnait  lieu  à  de  grandes  lamentations,  à  des  cris,  à 
des  scènes  de  désespoir  apparent,  ^iillc  pari  le  soin  des  niorls  n'élail 
poussé  plus  loin;  on  adorait  presque  vvu\  nièmes  qu'on  avait  mi''prisé's 
ou  haïs  pendantleur  vie;  en  se  mariant,  la  l'cniinc  prenait  di'jàle  collier  de 
griffes  qui  devait  lui  servir  à  se  déchirer  au  jour  de  son  deuil.  Dans  quel- 
ques îles  de  la  Polynésie,  de  même  (|ue  chez  des  tribus  papouasiennes, 
nit''!an(''sii'nnes,  indonésienne^,  les  femmes  devaient  rester  dans  une  même 
cabane  avec  le  cadavre  du  mari  pendant  des  semaines  et  des  mois,  oindre 
le  cor|)s  d'huile  de  coco,  recueillir  soigneusement  le  liquide  infect  écha|ipé 
lies  chairs  en  décomposition,  transformer  peu  à  peu  la  masse  putréfiée  en 
une  momie  sèche  et  de  bonne  odeur,  et  durant  toute  cette  période  de  hah-n- 
pahaa  s'abstenir  de  se  laver  elles-mêmes,  s'imprégner,  pour  ainsi  dire,  de  la 
substance  du  mort.  C'est  même  à  celle  préparation  des  cadavres  que  l'on 
a  attribué  en  partie  la  dé[)opulalion  des  Marquises',  bien  que  cette  pra- 
lique  existe  aussi  en  des  îles  où  le  nombre  des  habitants  s'accroît,  el  (pie 
l'abandon  du  hakapahaa,  depuis  la  conversion  des  indigènes  de  INouka-hiva 
au  catholicisme,  n'ait  point  diminué  la  mortalité.  La  vénération  qui 
s'attachait  aux  morts  n'était  point  un  vain  cérémonial,  car  les  ancêtres 
s'élevaient  aux  rang  des  dieux  :  ils  prenaient  place  à  côté  de  ceux  qui 
lançaient  le  tonnerre  et  soulevaient  les  vagues,  et  souvent  même  ils  finis- 
saient   par  se  confondre  avec   eux.  Tel   roi   puissant  qui  avait  i;agné  de.- 

'  Joiiaii.  Revue  Coloniale.  ;niil  1888:  —  liiTclon,  lliillelin  île  In  Sneiété  ti'Àiilhropoknjie. 


MŒURS   IlES    l'dLYNÉSIKNS  921 

lialaillcs  clail  (levciiii  apiès  sa  mort  le  dieu  de  la  guerre  eL  l'on  »!ssayai( 
de  se  le  concilier  par  des  invocations.  Ouant  aux  pauvres,  aux  ca[)tit's,  aux 
gens  du  commun,  ils  étaient  «  sans  âme  »,  et  cependant  presque  tous 
les  objets  de  la  nature  étaient  censés  en  avoir  une. 

L'apothéose  des  chefs  avait  fini  |iar  transformer  les  cimetières  en  tem- 
ples :  en  maints  endroits,  il  n'y  avait  point  de  différence  entre  les  tomhes 
et  les  lieux  sacrés.  Ces  inaraé  étaient  rarement  construits  à  la  manière 
des  cases,  avec  colonnades  en  bois  et  toitures  en  feuilles  de  palmier  :  c'é- 
taii'iil  ]ilu(ô[  des  autels  en  blocs  de  lave  ou  de  corail,  reposant  sur  d'autres 
blocs  quadiangulairesqui  formaient  des  quatre  côtés  un  escalier  monu- 
mental. Qu('l([ues-uns  de  ces  maraé,  élevés  au  sommet  [de  buttes  natu- 
relles ou  arlilicielles,  avaient  l'aspect  de  pyramides  et  se  profilaient  dans 
le  ciel  au-dessus  de  la  ceinture  des  cocotiers,  et  telles  étaient  les  dimen- 
sions de  leurs  dalles  qu'on  se  demandait  comment  les  naturels  avaient  pu 
les  détacher  du  récif  ou  du  rocher  et  les  transj)orter  à  distance.  On  voit 
encore  en  quelques  îles  des  restes  de  ces  tem|)les  envahis  par  les  arlnistes, 
mais  toujours  regardés  avec  vénération  par  les  indigènes,  ([uoiqu'ils  ne 
viennent  plus  y  fiiire  leurs  sacrifices  et  leurs  évocations.  Whitmee  raconte 
({ue,  lors  de  l'appai'ition  d'un  navire  dans  le  voisinage  des  côtes,  les  insu- 
laires des  Ellice  se  précipitaient  toujours  vers  leurs  maraé.  «  Serez-vous 
les  plus  forts,  disaient-ils  à  leurs  dieux,  ou  nous  livrerez-vous  aux  dieux 
étrangers?  » 

Depuis  un  demi-siècle  déjà  la  question  est  résolue.  Quoiipie  les  maladies 
apportées  par  les  Eunqiéens,  coïncidant  avec  l'introduction  du  christia- 
nisme, aient  été  attribuées  à  la  méchanceté  des  dieux  nouveaux,  la  reli- 
gion des  blancs  n'en  a  pas  moins  triom[ihé;  les  diverses  sectes  protestantes 
et  l'église  catholique  se  partagent  les  laibles  restes  de  la  population  poly- 
nésienne. Tandisque  dans  la  Mélanésie  quebpies  populations  gardent  encore 
leurs  anciens  dieux,  les  insulaires  de  l'Océanie  orientale,  trop  clairsemés 
pour  résister  à  l'influence  étrangère,  ont  tous  accepté  les  religions  des  vain- 
(jueurs.  Dès  l'année  1797,  les  missionnaires  prolestants  se  présentèrent  à 
Taïti,  et  peu  à  peu  ils  répandiriMit  leur  foi  dans  tous  les  archipels  jiolyné- 
siens.  Les  prêtres  catholiques  vinrent  à  leur  lour.  et,  (juoi(|ue  moins  nom- 
breux et  disposant  d'un  moindre  budget,  ils  ont  fait  des  prosélytes  dans 
toutes  les  îles;  même  ils  ont  lini  par  l'emporter  dans  quelques-uns  des 
archi|)els,  surtout  dans  les  terrains  français,  où  ils  étaient  soutenus  par  le 
pouvoir  civil  ;  d'ailleurs  la  pompe  de  leur  culte,  la  confession  et  le  dogme 
de  la  rémission  des  péchés  leur  donnent  plus  de  prise  sur  les  iiuli- 
gènes  que  n'en  ont  les  protestants  anglais  avec  leurs  rigoureuses  pra- 
XIV.  110 


!fJ2  >01\I:LL1'    (W'OCllAl'IllE   U  M  \  KliSKLLK. 

liqiu's'.  Le  inormoni>-ine  l'iit  ;iiissi  (|iu'l(]iics  rciitiiiiics  d'adlKMents.  Des 
guerres  civiles  ont  souvent  éclalé  dans  les  archipels  j)olynésiens  pai'  suilir 
de  la  rivalité  des  religions.  Dans  les  îles  où  le  pouvoir  des  i)rètres  pul 
s'établir  sans  conteste,  des  gouvernements  théocraticjues  se  constituè- 
rent. C'est  ainsi  que  dans  l'archipel  Gamhier  un  missionnaire  catholique 
essaya  de  transfoi'mer  Mangareva  en  un  vaste  couvent;  de  même  dans  les 
îles  de   Cook.  et    même    pendant   quelque  temps  à    Taïli,   les  proleslanîs 

>°    101.    —    RiaiCIONS    DE    I/OCKAMK. 


lOO'Mér.d.en  de  Par 


^^ 


lOO'  Mer.dieride  Gree.'.v.cU 


isa' 


C.  Porioîi. 
A  B  M  C  P 

Animâtes.         Bralimanislfs.     Maliona-l;uis.         CalliolicjUL'S.         IVolcslanls. 

CP  P.C 

C.ilholiqii.-  |ilii-  noMiliivMV  i|ui-  les  prolcslanls.  Prol.'slaiiN  plus  ii..iiiliriMii  qui'  li'-  i-alli(ilM|ui>. 


anglais  enlevaieiil  luus  dnilN  (ixii^^  el  piilili(|ues  aux  non-communiants, 
réglaient  les  cosluiue-s,  les  alliludes.  les  sahilalious  el  Ions  les  actes  delà 
vie.  Plus  lihrcs  di-soimais,  les  indigi'ues  h'-nuiignenl  en  général  d'une 
grande  indifi'i'i-eiice  i-eligieuse. 

Il  est  certain  (|ue  par  di's  li'ails  nombreux  de  leur  genre  de  vie,  aussi 
bien  que  par  leurs  iuslilnlions,  leius  mythes  et  leurs  pratiques  religieuses, 
l((s  PoIyiu''siens  ressemblent  de  diverses  manières  à  leurs  voisins  occiden- 
taux de  lonle  race,  Papiiua,  liiddrK'siens,  Malais,  .lapioiais  même:  ils  offrent 


'    .1,    I!li'nclilc\.  ciiiMJue  citr. 


WK.IIAIIUNS   l'dl.VNKSIK-WKS.  '.fi") 

aussi  (le  nomhieusrs  aiialoj^ios  avec  les  naturels  de  l'Ainérique  du  Sud 
el  du  Mord,  et  l'on  a  })u,  en  néf>ligeanl  les  contrastes  et  les  différences. 
|)lace)-  à  côté  les  uns  des  auties  comme  frères  de  race  les  Polynésiens  et  les 
Araucans.  D'ailleurs,  les  insulaires  de  l'Océanie  orientale  ne  sont  jioiulun 
groupe  ethnique  sans  mélange  d'autres  éléments;  parmi  les  croisements 
qui  se  sont  opérés  dans  les  îles  de  l'Océan  équalorial  il  est  possible  que  les 
Américains  aient  eu  leur  part,  d'autant  plus  que  les  vents  et  les  courants 
réguliers  portent  dans  la  direction  de  l'est  à  l'ouest.  Des  faits  historiques 
récents  prouvent  que  les  migrations  des  continents  aux  lies  et  d'archipel 
en  archipel  peuvent  s'être  accomj)lies  fréquemment  par  divers  concours  de 
circonstances.  C'est  ainsi  qu'en  18o!2  une  jonque  japonaise,  montée  par 
neuf  pécheurs,  fut  saisie  par  un  typhon  sur  les  côtes  méridionales  de  l'ar- 
chipel, puis  entraînée  parle  courant  du  Kouro-Sivo,  ballottée  sur  les  mers 
inconnues  pendant  plus  de  dix  mois  et  finalement  poussée  sur  la  côte 
fl'Oahu,  dans  les  Sandwich  :  grâce  à  leur  chargement  de  poisson  et  à  l'eau 
de  rosée,  quatre  marins  avaient  survécu.  Vers  la  nuMue  époipie,  un  autre 
bâtiment  japonais  échouait  sur  la  côte  d'Amérique;  d'autre  part, des  troncs 
de  conifères  venus  des  côtes  de  l'Orégon  ou  de  l'île  Vancouver  ont  été 
plusieurs  fois  recueillis  sur  les  plages  de  l'archipel  havaïien'.  De  même, 
dans  le  Pacifique  occidental,  on  a  vu  souvent  des  voyages  involontaires 
s'accomplir  autour  de  l'archipel  Caroliu  entre  les  Philippines  et  les  Mar- 
shall, en  sens  inverse  de  la  voie  qu'auraient  voulu  suivre  les  rameurs.  Les 
in-sulaires  de  ïaïti  et  les  navigateurs  (jui  ont  visité  les  îles  Basses  racon- 
tent aussi  de  nombreux  exemples  de  migrations  qui  se  sont  produites  à 
c(mtre-sens  du  vent  normal*.  Les  mélanges  de  race  ont  donc  pu  se  faire 
à  diverses  reprises  dans  l'immense  bassin  océanique  et  modifier  de  proche 
en  proche  ou  même  à  de  grandes  distances  toutes  les  populations  insu- 
laires. D'ailleurs,  nombre  de  traditions  témoignent  que  les  migrations  se 
sont  faites  en  mainte  occasion,  non  par  le  fait  des  orages  ou  du  renver- 
sement des  vents,  mais  de  propos  délibéré,  soit  par  amour  des  conijuêtes 
ou  recherche  des  aventures,  soil  pai-  nécessité,  quand  des  tribus  vaincues 
étaient  condamnées  au  bannissemi'iit,  ou  bien  (piand  l'île  habitée  se  trou- 
vait trop  petite  pour  les  populations  qu'elle  contenait  et  qu'il  fallait  aller 
en  quête  de  nouvelles  terres.  Alors  on  consultait  les  devins,  on  jetait  les 
sorts  et,  lorsque  les  conjonctures  des  vents  et  des  courants  semblaient 
propices,  on  mettait  à  la  voile  et  l'on  cinglait  vers  le  monde  inconnu.  Par- 


Jules  K.-mj,  K,i  MûoHo  Hainii. 

I>e  Qnalrcfages,  Les  Polijiicxicn.t  l'I  li'ins  iiiifinilitniK 


924  MIUVKMK   CEIMIIi AI'HIE   IMVERSELLE. 

fois  les  divinités  étaient  favoraliles;  les  émigrants  découvraient  les  îles 
cherchées  par  delà  l'horizon  et  même  (jiielques-uns  d'entre  eux  revenaient 
pour  raconter  leurs  découvertes.  Tous  les  indigènes  des  archipels  j)olyné- 
siens  ont,  soit  par  la  tradition,  soit  par  des  relations  directes,  connais- 
sance d'autres  îles  que  les  leurs,  aussi  hien  au  vent  que  sous  le  vent. 
C'est  à  des  milliers  de  kilomètres  autour  de  leur  étroite  patrie  que 
s'étendait,  même  avant  l'arrivée  des  Euro])éens,  le  monde  connu  ou  deviné 
des  Carolins,  des  Tongans,  des  insulaires  de  Taïti. 

Toutefois,  et  hien  que  dans  les  conditions  exceptionnelles  d'une  saute 
ou  de  l'irrégularité  des  vents,  les  migrations  puissent  se  faire  dans  tous  les 
sens,  il  est  certain  que  l'ensemhle  des  faits,  langues,  ressemhlances  ethni- 
ques, mœurs,  traditions,  désignent  les  terres]  occidentales,  voisines  de 
l'Asie,  comme  le  principal  lieu  d'origine  des  populations  polynésiennes  : 
c'est  en  sens  inverse  du  mouvement  général  des  eaux  et  des  airs  que  s'est 
fait  le  mouvement  des  nartons.  Le  reflux  qui  se  produit  dans  le  courant 
éipintorial  et  fait  ordinairement  mouvoir  les  eaux  dans  la  direction  de  l'est 
a  prohahlement  eu  une  importance  de  premier  ordre  comme  voie  naturelle 
(le  transport  pour  les  émigrants;  cependant  ce  cuntif-cduraiil  se  meul 
piesque  exclusivement  au  nord  de  l'équateur,  en  des  parages  océaniques 
DÛ  les  tcrres.sont  rares  :  il  passe  entre  la  Nouvelle-Guinée  et  les  Carolines, 
emprunte  le  large  détroit  ouvert  entre  l'archipel  des  Marshall  et  celui  (le> 
(iilhert  et  ne  rencontre  dans  sa  marche  d'autres  îles  appartenant  à  la 
Polynésie  proprement  dite  que  celles  de  l'archipel  Fanning.  Pour  alteimiic 
la  plupai't  des  îles  polynésiennes,  éparses  au  sud  de  l'éipiateur,  les  liateaux 
des  émigrants  libres  ou  forcés  ont  dû  faire  de  grands  détours  jiour  ren- 
trer par  des  remous  latéraux  dans  la  zone  du  ((nirant  normal  et  des  \ents 
alizés.  S'il  eût  été  possible  de  faire  la  traversée  en  ligne  droite,  jamais  les 
navigateurs  n'auraient  eu  plus  d'un  millier  de  kilomètres  à  francliii'; 
mais  on  sait  par  des  récits  authentiques  de  voyages  involontaires  accom- 
plis pendant  les  trois  derniers  siècles  (|ue  maintes  fois  les  traversées  ont 
I  lé  au  moins  doubles  ou  triples  en  longueur-.  Et  de  ces  voyages  aventureux 
ninibien  ont  dû  se  terminer  par  un  désastre!  Combien  de  malheureux  sont 
rnoils  de  faim,  de  soif,  d'épuisement  avant  d'atteindre  la  terre  désirée!  Le 
destin  jette  les  hommes  à  la  surface  de  la  Terre  comme  la  semence  des 
plantes,  emportée  par  le  vent  et  des  milliers  de  grains  périssent  avant 
qu'un  seul  puisse  germer  dans  un  terrain  favorable. 

Les  savants  ne  se  sont  pas  bornés  à  remonter  les  âges  pour  suivre  juscpi'à 
leur  ancienne  patrie  insulindienne  les  ancêtres  des  Polynésiens  actuels, 
ils  ont  pu  établir  en  outre  que  les  migrations  se  sont  faites  à   une  époque 


JlKiliAïKlNS   IMILVNESIENSES. 


025 


tU'jà  i'tii'l  loiiihiino,  alors  (jiie  les  indigènes  des  terres  voisines  de  l'Asie 
n'avaient  pas  encore  snbi  l'influence  hindoue  el  que  la  civilisation 
malaise  ne  s'était  pas  constituée,   refoulant  les  habitants   piiniitifs  dans 


iïi2.    ÏIII.n\l!IINS    l'iH,V.S 


Méridceride  Pa 


-^ 


<S.  Cr-/fitoh3/j 


^  O  f!  T      Coa/iA/VT      0£     i.  T -T  T      Jf      LOOCST 


,Jt  ^frûÀ/'f.       ■      ^. 


ati"''  j/i,,;./„,vÀ;,„r^„/,/,.^/?:s/,*:.VK   . 

'.        XX£r/itrri/.;^/ai'y!,iVa,0,X.a,mm!l  ^. 


•<■:■ 


Mend.cndeGrecnw.c.'l     (80- 


Daprès  Léon  Metchnlkov 


l'inlérieur  des  îles.  Aucune  trace  de  sanscrit  ne  se  tiouve  dans  les  langues 
|)oIynésiennes'  :  les  insulaires  de  l'Océanie  orientale  descendent  donc 
d'aïeux  qui  n'ont  pas  connu  les  religions  hindoues;  d'après  M.  Hamy, 
leurs  plus  proches  parents  doivent  être  cherclK's  parmi  ces 'Indonésiens 
di"  haute  taille  que  l'on  rencontre  en  diverses  îles  de  l'insulinde,  rejetés, 


•   iHiiiiont-d't  rvillc,  nimagc  cilt':  —  Kf ni  ;  —  VVIiiimee;  —  llaiiiv,  elc. 


'.t-2(j  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNI VERSELLi;. 

tlaiis  i'inlérieur  par  les  immigrants  malais  et  confondus,  sous  le  nom 
commun  d'Alfourou,  avec  des  gens  d'origine  papoua  ou  negrito.  Proba- 
blemenl  le  grand  exode  des  Polynésiens  vers  l'est  se  fit  à  l'époijue  où  ce 
qui  reste  des  tribus  indonésiennes  dut  quitter  le  littoral  des  iles  poui' 
s'enfuir  dans  les  montagnes.  Ces  temps  sont  très  éloignés  de  nous:  ils 
durent  même  être  antérieurs  à  l'invention  de  la  poterie  dans  les  îles 
malaises,  car  jusqu'à  l'invasion  européenne  les  Polynésiens  ne  se  ser- 
vaient que  de  })ierres  brûlantes  pour  cuire  leur  nourriture'. 

On  a  cherché  à  préciser  davantage  le  lieu  d'origine  des  insulaires  de 
l'Océanie.  Une  tradition  des  Samoans  parle  d'une  île  Pulolu  (Burotu,  Bou- 
rotou),  située  dans  l'ouest,  comme  étant  la  patrie  de  leurs  ancêtres.  D'après 
une  hypothèse,  ce  nom,  où  se  trouve  le  mot  malais  yjo«/o,  n'aurait  d'autre 
sens  que  celui  d'«  île  sacrée*  ».  Mais  on  a  imaginé  aussi  que  l'île  chei- 
chée  serait  la  terre  de  Boeroe,  située  entre  Celêbès  et  Ceram"';  pourlautcelle 
île,  très  peu  productive  et  fort  peu|»lée  en  comparaison  de  son  étendue,  n'a 
rien  île  particulier  qui  puisse  la  faire  considérer  comme  un  ceutie  de  peu- 
plemenl,  et  pi'écisément  les  Alfourou  de  cette  île  sont  ceux  qui,  loin  d'avoir 
le  goût  de  la  navigation,  s'interdisent  au  contraire  le  voisinage  du  litto- 
ral, de  peur  que  le  veut  ne  leur  apporte  le  hiuit  lugubre^  des  brisants. 
M.  <jup|»y  propose  une  autre  solution  :  d'après  lui,  la  terre  d'origine  des 
Polynésiens  serait  le  Baura  de  l'archijjel  des  Salomcui,  l'île  (|ue  les  Espa- 
gnols ont  appelée  Sau-(li'islobal.  Il  est  en  effet  prcdiablt^  qnt^  dans  leur 
exode  d'occident  eu  oi'ieiil  les  aucèli'es  des  Oeéauit'ns  (ini  passé  ])ai"  ce 
lieu  d'étape,  (pii  d'ailleui's.  sauf  son  nom,  n'a  lieu  (pii  paiaisse  le  ralla- 
cher  aux  traditions  |i(ilyuésiennes. 

Quoiqu'il  en  soit,  on  ne  peut  affirmeiavec  assurance,  el  d'une  manière 
toute  générale,  que  la  provenance  insulindienne  des  Océaniens  orientaux; 
mais  on  discute  de  plus  près  la  position  de  leurs  points  de  départ  à  l'entrée 
du  monde  polynésien.  Les  traditions  des  Maori  de  la  Nouvelle-Zélande, 
celles  des  insulaires  havaïiens,  des  gens  de  Raiatonga,  de  Taïti.  des  Mar- 
quises, des  Tuamolou,  désignent  uniformément  une  île  de  Savaïki,  Havaïi, 
Avaïki.  Havaï,  Havaïki  comme  la  terre  des  ancêtres,  —  d'où  le  nom  de 
Savaïori,  proposé  pour  les  Polynésiens',  —  et  l'on  a  recueilli  des  tradi- 
tions qui  racontent  le  voyage  de  peuplement  entre  cette  île  et  les  divers 
groupes  océaniens.  Savaïi,  la  plus  giandedes  Samoa,  est  considérée  par  la 

•  Oscar  PcsL-h.'L  Volhcrkuiidr. 
-  H.  A.  Keane,  méimiiic  <i(r. 

•"•  Hall',  Ethnoqraphii  nnil  ['hih)tu<iii  nf  Hw  V.  S.  E.rplorinii  E.ijialilidii. 

*  Keaiie;  —  Whilmci'. 


MiciiATin.Ns  p(tl,vM■:sl^;^Nl•;s. 


927 


|ilii|)iirt  des  o(liiiolo;^isli's  comme  ('•(anl  la  Savaïki  des  épo|)ées  polvné- 
sieiiiies,  el  la  ressemblance  des  noms  donne  une  certaine  valeur  à  celle 
hypothèse;  toutefois  les  dénominations  géographiques  se  sont  fréquem- 
ment déplacées  et  parmi  les  îles  de  ces  parages  il  s'en  trouve  au  moins 
deux,  Upolu,  la  voisine  de  Savaii,  et  Tonga-tabou,  qui  dépassent  la 
ijrande  île  relativement  aride  de  Savaïi,  comme  centres  de    culture   el 


l'iH'iîr.AiioNs  m-:  lim.kvmi-: 


lOO'Met   d  en  de  Par  ^ 


Malais  Australiens, 

Imionûsiens. 


Papoua  Micronésions.       Polyiié 


Baura. 

1     r^rnooDOrto 


(le  population;  enlin,  dans  rarchijiel  même,  Savaïi  passe  pour  avoir  été 
colonisée  par  des  immigrants  des  îles  orientales'.  D'ailleurs  les  traditions 
polynésiennes  s'appliquent  probablement  à  toutes  les  îles  de  ces  parages, 
embrassées  dans  une  même  aire  de  navigation,  plutôt  qu'à  une  terre 
isolée  :  celle-ci  aura  gardé  le  nom  qui  appartenait  à  tout  un  archipel. 
D'après  quelques  auteurs,  Ilavaïki  n'anrait  d'autre  sens  que  celui  de 
•<  Feu  »  :  les  émigranis  seraient  tout  simplement  des  colons  venus  d'une 
terre    brûlante'.    D'autres   hypothèses    ne    se   rapportent   qu'an    monde 

'  Turiici-,  Siiiiwa;  — l'iikliaitl,  Memoir  of  tlie  Antliropologicril  Londoii  Societji,  \mI.  I 
-  Bnilfi'r(,  Orhjinr  et  rlispniitinii  île  /«  rocc  polipiésifiinf 


928 


NOUVELLE   CÉOCHAPUIE  UNIVERSELLE. 


mythicjuo  :  Havaïki,  dit  le  ini^isioiinaire  Wyalt  Gill,  est  le  nom  de  l'enfei- 
pour  les  insulaires  de  Hervey.  Pour  M.  Leston,  c'est  le  «  sol  nourricier  ». 
A  l'orient  de  l'île  mystérieuse,  les  Polynésiens  se  sont  propagés  d'escale 
en  escale,  s'arrètant  pendant  un  temps  plus  ou  moins  long  dans  les 
centres  de  dispersion  secondaires,  tels  que  Raratonga  et  Taïti.  Depuis 
Tupaïa,  l'insulaire  de  Taïti  auquel  Banks  et  Cook  firent  dresser  une  carte 
des  îles  de  la  Société  et  des  terres  environnantes,  on  a  essayé  de  dessiner 
les  diverses  migrations  à  travers  l'Océanie  ;  mais  les  traditions  sont  trop 
vagues  et  présentent  trop  de  lacunes  pour  qu'il  soit  possible  de  tracer 
d'après  elles  des  itinéraires  précis,  et  maintenant  il  est  bien  lard  pour 


Qo^ 


^"^Ç;^ 


cO^'-'*'"' 


Oyoutcu 


cntrepri^-ndrc  une  pareille  anivre  :  déjà  la  carie  de  Tupaïa,  très  exaclc 
pour  Taïti  et  les  îles  voisines,  entre  lesquelles  se  faisaient  des  voyages 
lï'équenls,  n'a  probablement  pour  toute  la  jiartie  occidentale  qu'une  valeur 
mytbi(|ue,  dont  le  sens  réel  s'est  perdu  :  le  grand  corps  insulaire  de 
l'ouest,  ce  «  père  des  autres  îles  »  signalé  par  lui,  indique  sans  doute  que 
la  direction  présumée  du  lieu  d'origine  de  la  lace;  c'est  ainsi  que  sur  les 
cartes  du  moyen  âge,  on  voit  repi-ésenfés  les  «  îles  des  Bienheureux  »,  les 
«  Champs  Elysées  »,  les  «  paradis  »,  où  les  hommes  se  rendent  après  leur 
mort.  Maintenant  les  indigènes,  eux-mêmes  croisés  avec  les  blancs,  ont 
également  mêlé  leurs  légendes  aux  mythes  chrétiens  et  la  trame  originale 
de  leurs  récits  est  de  plus  en  plus  difficile  à  reconnaître.  Les  blancs  ont 
suivi  les  Polynésiens  dans  tous  les  archipels,  dans  toutes  les  îles  où  se 
fait  quelque  trafic.  Ils  sont  les  maîtres  désormais;  ils  sont  aussi  les  exter- 


riKl-KUPLEMENT  DE   LA   IMILYNÉSII-.  92 

minaleiirs,  et  li^s  Iradilioiis  (icéaiiifiiiics  uicuri'iil  en  nirnu'  U'ni|)s  que 
la  race. 

Les  pxonipk's  de  ce  dépéi'issemenl  des  iiidij^èiies,  de  celle  niurlalilé 
coUeclive  des  insulaires,  soni  Ineii  connus'.  Sans  parler  des  évalualions 
sommaires  ([ui  ont  élé  l'ailes  ]mr  les  j)remiers  iiavifialeurs,  et  d'après 
lesquelles  la  populaliou  de  lel  ou  lel  groupe  d'iles  aurait,  dépassé  celle 
que  possède  actuellemenl  loule  la  Polynésie,  les  recc^nsemenls  précis  fails 
à  diverses  époques  |)endanl  le  cours  de  ce  siècle  ne  permettent  jias  de 
mettre  en  doute  le  dépeuplement  général  des  tei'res  océaniques.  En  177i, 
lors  de  l'arrivée  de  (jook  à  Taïli,  c'est  par  un  calcul  de  |irol)aljilil(''  sur 
l'équipage  des  pirogues  voguant  aulourde  ses  vaisseaux  (pie  l'illustre  navi- 
gateur estima  le  nombre  des  haliilants  de  File  à  240  000;  Furster  s'ar- 
rêtait au  total  de  150  000  individus,  et  pour  l'cnsemljle  de  la  l'olynésie  il 
évaluait  la  population  à  OùOOOO  personnes',  six  fois  le  nombre  actuel. 
On  ne  saurait  essayer  de  mesurer  le  taux  séculaire  de  dépérissement 
d'après  ces  évaluations  premières;  on  ne  peut  que  constater,  d'une 
manière  générale,  la  rapide  diminution  des  insulaires  océaniens.  Cepen- 
dant les  antbropologisles  constatent  ce  l'ait  remar({uableque,  tout  en  subis- 
sant l'assaut  de  maladies  terribles  et  en  se  réduisant  en  nombre,  les  indi- 
gènes sont  restés  les  "  plus  beaux  bommes  de  la  Terie  ->,  |iar  la  prestance 
et  la  haute  taille  ". 

Les  causes  du  dépeuplement  des  îles  sont  multi|des,  sans  compter  la 
plus  brutale,  rexterminaiion  à  coups  de  fusil,  dont  l'bisloire  de  la  Polv- 
nésie  offre  de  nombreux  exemples.  Souvent  aussi  le  recrutement  des 
plantations  s'est  fait  par  l'enlèvement  de  tous  les  habitants  mâles  d'une 
île  :  c'est  ainsi  que  des  arcbi|)els  entiers  ont  été  dépeuplés  par  des  trai- 
tants péruviens  qui,  sous  prétexte  de  commerce  légitime  en  noix  de  coco 
ou  en  écailles  de  tortue,  venaient  capturer  des  travailleurs  pour  les  plan- 
talions  de  canne  à  sucre  sur  les  bords  américains  du  Pacifique.  Avec  plus 
de  foi'mes  légales  et  un  respect  apparent  de  l'humanité,  les  marchands  qui 
vont  engager  des  travailleurs  dans  les  Nouvelles-Hébrides,  les  Salomon,  les 
Marshall  ou  d'autres  îles  pour  les  cultures  industrielles  de  Queensland,  de 
la  Nouvelle-Calédonie  ou  des  Samoa,  arrêtent  aussi  le  mouvement  de  la 
population  et  préparent  la  dis|iarilion  de  la  race,  puisqu'ils  séparent  les 
sexes,  n'emmenant  avec  leurs  k  engagê's  )>,  tous  hommes  dans  la  force  de 


'  Meinicke,  liisctii  îles  Slillcii  Oreiins;    -  (Iciininl  (Wnilzl.  Ànlkniiiuhiiiic  dcr  ^iilKirulkcr. 
-  Voijnge  round  tlie  WoiUl. 

^  \Vci>li;i(li,   KiiyjK'iiiii'.ssiiniicii   ficlxr   dcr  Novain  ;   —  Clavrl,   ].cs  Maniidsii'iis,    Arclilves   iIl' 
Mrdrciiii'  n;nalr.   LSSlel   ISS.'.. 

XIV.  117 


ilJO 


NOUVELLE   CÉOCliAI'IHE   UNI VEUSELLE. 


l'àg'O,  (ju'iiiK^  lirs  faible  |)r(i|i()ili()ii  de  reimncs.  Des  f;ons  foujialilcs  do 
pareils  .actes  sont  mal  venus  à  pai'ler  comme  ils  le  i'oiil  de  la  «  destinée 
manifeste  »  qui  condamne  les  Polynésiens  cuivrés  à  disparaître  devant 
les  Européens  blancs  :  ce  sont  eux  qui,  par  la  violence  et  la  ruse,  sont  les 
agents  du  désastre  dont  ils  accusent  le  sort. 

Il  est  aussi  d'autres  causes  de  mortalité  (pii  ddivent  être  atlribnées  à 
la  présence  des  blancs.  On  sait  quels  sont  la  plupart  des  Européens  qui 
portent  anx  indigènes  les  «  bienfaits  de  la  civilisation   )^.   Des  convicts 


19V.    —    M(il\lMI.\r    lit    LA    rOrULATION    OCEAXIENNK. 


^^--'"''^iiiiiiii 


100*  Wér.d.en  de  Greenw.cK 


^V 


/£ 


llllil  '^'"''™^*  •'<•"'  '"  populalion  s'accroît. 

La  populnlion  s'.Tcci'oil  ccalcnicnt  dans  les  îles  polynésiennes  ilont  les  noms  sont  portés  snr  la  carte. 

Dans  les  autres  îles  elle  diniinne. 


échappi's  lie  leur  prison  d'Australie,  des  matelots  fiiyaiil  leur  navire,  des 
marchands  de  li(|iiciirs  fortes,  des  voleurs  d'hommes,  tels  sont  les  blancs 
qui  ont  le  plus  contribué;!  l'éducation  des  insulaires.  La  grande  cause  de 
la  moi'talité  des  indigènes,  sui'toiit  dans  les  îles  on  les  étrangers  viennent 
en  grand  nombre,  comme  Taïli  et  llavaïi,  est  rinreclidii  produite  par  les 
maladies  qu'ont  propagées  les  matelots  européens;  les  oiganismes  sains. 
non  accoutumés  au  poison,  résistent  moins  énergiqnement  aux  dange- 
reux virus  que  les  corps  accdiituiiK's  à  la  lutte  coiiliv  le  mal  par  de  fré- 
quentes épidémies.  Dès  raniu'e  177(S,  aiissil('il  après  la  visite  des  vais- 
seaux de  Cook  dans  l'archijjel  de  Sandwich,  le  Ib'an  dtVinie  les  naturels. 


DKI'KUM.KMKNT    HK    I,  \   l'OLnKSIl';.  951 

'(  Voilà  le  iidullVc  (It'Vdi'iinl,  le  Idinlicau  de  Ilavaïi  !  viiilà  ce  (jiii  abiiDc  le 
cor[)s,  co  (|iii  alVaililit  les  ciilaiils,  Vdilà  ce  (|iii  iciul  les  cliciiiiiis  ilcserLs!  » 
s'ûci'ieiil  David  Malo  cl  ses  fullal)oralours  de  l'Iiisloiie  Iiavaïieniie  rédigée 
en  185(S  el  Iradiiilc  |iai'  Jules  Remy.  Ce  que  disent  les  indii^ènes  de  11a- 
vaii,  loiis  leurs  lïères  polynésiens  le  répèlenl  :  ce  sonl  les  Européens 
qu'ils  accusenl.de  leur  avoir  apporté  la  maladie  el  la  mort. 

H  n'est  |ias  jiis(pi'au\  missionnaires  qui,  dans  leur  empressement  à 
dresser  des  calécliumènes  exemplaires,  n'aient  contribué  à  l'appauvris- 
sement physique  de  la  race  en  obligeant  leurs  lidèles  à  se  vèlir  à  l'eu- 
ropéenne, et  en  augmentant  ainsi  la  sensibilité  de  leurs  organes  aux 
changements  de  températuiv  :  les  Polynésiens  ont  a|)pris  à  connaître  les 
rhumes,  les  bronchites,  et  fmalement  la  phtisie  est  devenue  le  Iléau  destruc- 
teur. Plus  Fatale  encore  que  le  changement  de  costume,  de  domicile, 
d'habitudes  a  été  en  mainte  station  de  missionnaires  la  suppression  des 
amusements  bruyants,  des  l'êtes  et  des  danses.  Les  indigènes  s'ennuieni; 
bien  [)lus  :  pris  entre  leurs  traditions  nationales  et  les  'enseignements 
des  instituteurs  étrangers,  cherchant  à  se  recoiimiitie  cniie  deux  morales 
dillérentes,  entre  deux  conce[itions  générales  des  choses,  les  Polynésiens 
se  laissent  aller  à  la  dérive,  incapables  de  reprendre  avec  confiance 
la  direction  de  leur  vie.  La  populalion  des  îles  de  l'Océanie  se  meurt, 
parce  qu'elle  n'a  plus  un  ensemble  d'idées  rectrices  de  ses  actions,  une 
commune  mesure  pour  juger  de  ce  qui  est  bien  ou  mal.  En  ])résence  des 
Européens,  missiimnaires,  marchands  ou  malelols,  eux-mêmes  si  dilTé- 
rents  les  uns  des  autres  [lar  le  caracièi'e  et  les  nueiirs,  les  Océaniens  per- 
dent lout  é(piililire  de  conscience  el  de  jugement  moral,  ils  laissent  aller 
leur  vie  au  hasard,  sans  but,  sans  volonté.  Le  ressort  est  brisé,  telle  est  la 
cause  de  leur  décadence  el  de  leur  langueur  mortelle. 

Toutefois,  si  le  di'périssement  des  insulaires  océaniens  est  le  l'ait 
général,  il  n'est  pas  sans  exceplion.  Parmi  les  îles  polynésiennes  il  en  est 
(juelques-unes,  tout  spécialement  favorisées,  dont  les  habilanls  ont  pu 
traverser  heureusement  la  période  de  transition  sans  que  leur  nombre 
diminuai.  Telles  sont  les  îles  de  Lukunor  dans  les  (larolines,  de  Fnluna 
dans  rarc!ii|iel  Wallis,  de  Mue  au  nord  des  Tonga;  depuis  le  milieu  du 
siècle,  les  recensements  périodiques  dressés  par  les  missionnaires  ont 
élahli  ipiela  populalion  de  ces  (pielques  îles  s'accroît  régulièrement  par  l'ex- 
cédenl  des  naissances.  C'est  là  un  phénomène  capital,  qui  permet  d'es|)érer 
le  relèvement  futur  des  Polynésiens,  quand  ils  se  seront  gi'aduellement 
accommodés  au  nouvel  ordre  de  choses.  Néanmoins  on  ne  saurait  doutei' 
(pi'ils  soient  à  la  veille  de  tlisparaître  comme  élément  ellini((ue  distinct  : 


952  MirVKLLK   i;  KOtll  A  l'Il  I  K    I  MVKIiSiaLK. 

la  race  se  ini'IaiiLic  de  plus  cii  phis  ;  des  iiiimi,i;faiils  de  hniLc  iialioii  se 
croisent  avec  la  [iO[)iilali(in  prirnilivc.  cl  |)rcs(|iie  |iarl(Kil  où  le  iiomlire  des 
hahilanls  augmeiilc  de  nouveau,  ajirès  a\oir  ]onj;lem[is  ilimiiiué,  à  Taïli 
par  exomple,  c'est  à  des  étrangers  et  à  des  métis  (ju'est  dû  cet  accroisse- 
ment. L'ère  moderne  a  commencé  pour  la  Polynésie  :  ces  îles  do  l'Océan 
.sont  annexées  commercialement  à  l'Europe,  qui  y  a  déjà  choisi  ses  escales 
de  naviaalion  et  de  li'alic. 


L'archipel  des  Tonga  est  un  peu  en  dehors  des  lignes  majeures  de  com- 
munication entre  le  Nouveau  Monde  et  l'Australie,  car  son  ilc  principale, 
Tonga-taliou,  se  trouve  à  |dus  de  700  kilomètres  à  l'est-sud-est  des  terres 
de  l'archipel  Viti.  qui  sont  les  points  d'arrêt  natuiels  sur  la  roule  de  San- 
Francisco  et  des  iles  Havaïi  à  Sydney  et  h  Melhourne.  Mais, quoique  situées 
en  dehors  de  l'axe  commercial  du  l'aiilique,  les  iles  Tonga  d(uvent  à  leurs 
immenses  palmeraies  d'èlre  \isili''es  |iai'  un  grand  nombre  de  navires,  alle- 
mands en  majorité,  ipii  \ienneiil  \  chercher  le  ko|»rah  desséché  pour  les 
huilei'ies  européennes.  La  capitale  du  peli!  rdvaumedes  Tonga,  et  en  même 
lemps  le  jiort  le  plus  fréquenté  de  ces  jiarages,  esl  la  ville  de  Nukualofa, 
hàtie  sur  la  côte  se|ilenlrioiuile  de  Toiiga-lali(Ui,  au  hord  dune  rade  hien 
dél'endue  pai'  les  récifs.  Le  palais  à  tourelles  du  sou\erain  et  quehpies 
maisons  de  négociants  dominent  les  huttes  des  indigènes,  dispersées  le 
long  de  rues  tiroiles  et  ri'gulières  el  toutes  enloui'ées  (riiu  jardinet.  La 
cam|iagne  environnante  est  aussi  un  jardin  parsemé  de  cocotiers,  d'arhres 
touffus,  de  |danles  lleuries  et  Iraveisc'  de  helles  routes  cari'ossahles.  Dans  la 
parlic  (iri(>ulMl('  de  l'ile,  sur  la  ri\e  d'une  haie  |ires(|ue  eulilTcmeul  (■(un- 
hh'c  par  les  n'cifs  à  Heur  d'eau,  se  trouve  la  priiiri|iale  slaliou  calho- 
hque  de  rarchipel.  Mua.  silu(''e  à  c()l(' de  l'ancieuMc  l't'sidence  des  sou- 
verains et  près  de  la  n('cr(q)ole  l'oyale,  gros  hlocs  de  corail  supei'[>osés  en 
forme  d'escalier. 

Moins  imporlanis  (jue  .Nidvualofa,  l.einka  dans  le  groupe  des  iles 
llaahaï,  et  Nina  lu  dans  la  plus  grande  des  iles  Yavao,  sont  aussi  des  en tre- 
piils  de  koprah,  fré(juemment  visités  par  les  cahoteurs  allemands.  Dans  ces 
deux  villes  résident  des  lieutcnanls  du  ini.  Le  port  de  Niua  lu  esl  un  des 
meilleurs  de  l'ocf'an  Pacilique  :  reuli(''i'  loilueuse  en  est  un  |)eu  dillicile. 
mais,  après  avoir  suivi  le  lahyi'inlhe  du  clienal.  lesua\ires  ain-reul,  pai' 
40  el  50  mètres  de  profondeur,  dans  un  \asle  bassin  défendu  de  Ions  c('ilé-- 
contre  les  vents  par  un  ain|)hithéà[re  de  terres  élevées. 

A  l'orienl  des  longa,  l'Ile  pres(jue  isolée  à  laquelle  s(Ui  découvieur,  Cook. 


ILES   TOX.A.    \lli:.    WAI.I.IS.    SAMOA.  955 

donna  le  nom  de  Siiviiuoisliind,  ;i  ciuisc  du  in;iii\;iis  mciicil  i|iii'  lui  liicnt 
les  hahiliuiN,  u  repris  son  a|i|iellali(iii  iireniière  dcNine  (Inni).  l)'a[)rès  une 
convenlion  signée  en  18S()  entre  l'Aniilelerre  el  l'Allemagne,  elle  a  été 
déclarée  terre  neutre;  ee|iendant  l'inllueiice  ani^laise  y  domine.  C'est  une 
des  iles  les  plus  l'erliles  de  la  Polynésie,  liien  que  l'eau  de  pluie  disparaisse 
presque  en  entier  par  les  fissures  de  la  roche  (  iMallienne,  exlianssée  en 
moyenneà  unecentaine  de  mètres  au-dessu>du  niveau  de  la  mei'.  L'idiome 
de  Nine  est  lonfran  ;  suivant  la  tradition  des  indigènes,  leui's  ancêtres 
auraient  traversé  à  la  nafic  le  larjie  liras  de  mer  ([111  sépare  Tcui^a-laliou  de 
leur  patrie'. 

Les  lies  peu  nomlireuses  ipii  s'(''lèveiil  dans  l'dci'an  au  nord-ouest  des 
Tonj;a  et  au  nord-ouest  des  Fidji,  siuit  di'sigiK'es  ordiiiairemenl  s(Uis  le 
nom  d'archipel  de  Wallis,  d'après  le  navigateur  qui  les  découvrit  en  17(37  : 
elles  sont  disposées  sur  une  ligne  qui,  par  l'île  anglaise  de  Rotuma,  réuni- 
rait les  Samoa  aux  deux  terres  extrêmes  lialpil(''es  par  des  Polynésiens,  du 
côté  de  roccideiil,  Aiiuda  et  Tukopia.  Les  insulaires  de  Wallis  sont  pro- 
hablemeiil  venus  de  Tonga-lahou',  ijuoi(|irmi  iiioriie  de  l'iiilé'rieur  dans 
Uvea,  l'ile  Wallis  proprement  dite,  soit  désigné  par  les  naturels  comme  le 
lieu  d'origine  de  la  race.  I/ile  de  Fuluna,  table  régiiliJ'ie  que  l'on  xoit  à 
l'ouest  lie  la  monliieuse  l  vea,  est  une  des  terres  poIxiK'siennes  que  les 
mœurs  des  habitants  tirent  jadis  redouter  des  marins  :  les  anthrop(qihages 
de  Fuluna  dévorèrent  jusqu'au  dernier  les  dix-huit  cents  habitants  d'un 
ilôt  voisin.  Aloli  ou  .■  lerre  de  r.\iiiour  '■  ;  lui  racoiile  (pie  l'iin  des  chefs 
futuuais  mangi^a  jusiju'à  >-a  propre  mi're.  Les  iles  Wallis,  (o'i  des  mission- 
naires catholiipies  a\aienl  loudé  nue  slalion  dès  l'aunéc;  iNi."),  ont  été 
annexées  en  18<S7  aux  possessions  françaises  de  l'Océanie.  On  sait  que  ce 
petit  archipel  est  une  des  l'ares  contrées  polynésiennes  oi!i  la  population 
s'accroît. 

Les  Samoa  méi'itent  encore  le  nom  d'archipel  des  ■'  Navigateurs  »  que 
leur  donna  Ijougainville  ;  mais  ce  lie  son!  plus  les  indigi'iies  (pii  transpor- 
tent les  denrées  d'île  eu  île,  ou  du  iiioiiis  leur-  bar(pie^  ne  déliassent  jias 
les  parages  des  aleiilours  :  ce  sont  des  navires  allemands,  anglais,  amé- 
ricains, (pii  vieiiiieiil  chercher  les  produits  des  plantations  établies  par 
les  Eurojiéeiis  dans  les  iles  de  rarchi|H'l,  notamment  dans  Upolu,  la 
plus  populeuse,  (pioiipie  la  seconde  seulement  en  étendue.  Le  port  prin- 
cipal de  l'archipel,  Apia,  est  aussi  dans  cette  île,  sur  la  rive  septentrionale, 


'  ïiiiiii'i-,  i\'iiiiipfii   Yi'iiis  in  l'iiliiiicsiii. 

-  I!al;iilluii.  AiintiU's  de  la  l'io/Jdfiiiliuil  de  hi  fui.    18S4. 


'Jôi 


NorvEi.i.K  (,i;(ii,i!Ai'iiiK  iMvi;r;si;i.i.i: 


iiu  Itoi'd  d'une  liaie  scini-cii'ciihui'c,  i|U(' ilt^rciid  ;i  l^jiicsl  nue  |i(MiinMiie  lioi- 
si'r  cl  liordôe  de  récifs.  La  ville,  qui  fut  jadis  un  rendez-vous  de  balei- 
niers, alors  que  les  grands  cétacés  étaient  encore  nombreux  dans  les  eaux 
du  Pacifique,  n'est  guère  fréquentée  aujourd'bui  cjue  jiai'  les  cbaigeurs  de 


Est  de   Pan. 


Est  de  Grecnwi 


Pr-o/'oric/ewS 


/?oc/?&s^i^f  Ci?£yi'r'i?rrt         ûcûÀ^O^ 


Ivopi'ali  ;  (III  a  planh'  aussi  dans  Tilc  des  coloiiiiicrs,  des  ealicrs,  du  labac 
cl  la  |ilu|iail  des  aibics  liui(iei>  européens;  mais  une  guerre  de  succes- 
sion, qui  sévit  depuis  plusieurs  années,  a  compiomis  ou  même  ruiné 
les  industries  agricoles  :  les  champs  el  les  jardins  ont  été  ravagés  jusque 
dans  la  banlieue  d'Apia  et  la  ville  même  a  beaucoup  souffert.  Les  pro- 
grès en  commerce  et  en  popiilalion  qui  faisaieiil  de  l'ile  d'Upolu  une  des 


ILKS   SAMOA,    IIAIIATOM.A,    IIAI'A.  '.)."> 

terres  les  plus  romar(|ii;ilil<'s  de  la  i'(ilyii(''sie,  oui  rU'-  intorrompiis'.  Le 
pori  (le  Pango-Pniigo,  ([iii  pénèti'C  comme  un  fjord  dans  la  côle  méridio- 
nale de  Tutiiila,  el  que  l'on  croit  avoir  été  une  crevasse  d'eliondrement 
dans  les  flancs  d'une  monlaunc  v(ilcani(pu\  |Miurrail  remplacer  Apia 
comme  centre  du  commerce,  s'il  n'avait  le  désavantage  de  s'ouvrir  dans 
une  ile  écartée.  Tutuila  est  la  })lus  gracieuse  des  îles  Samoa,  el  Pango- 
Pango  est  un  des  sites  que  les  voyageurs  signalent  entre  l(iii-~  pour  la 
grâce  el  la  grandeur  de  ses  paysages.  Sur  la  côle  opposée  de  l'Ile,  le  navi- 
gateur de  Langle  et  trois  autres  compagnons  de  La|iérouse  furent  massa- 
cri's   par  les  naturels,  en   1787,  au  bord  de  la   baie  de  Funga-sa. 

Deux  |(etites  îles  du  groupe  Samoa,  situées  entre  Upolu  et  Savaïi,  sont 
en  |)roportion  beaucnu]!  plus  riches  cl  pnjiiileuses  que  les  autres  (erres  de 
l'ai'chipel.  Apolima  ou  le  «  Creux  de  la  main  »  est  un  cône  volcanicjue  aux 
versants  érodés  ])ar  la  vague  et  coupés  en  falaises  :  la  nature  en  a  fait  une 
forteresse  où  les  indigènes  des  îles  voisines  se  réfugient  en  temps  de 
danger.  Manono,  plus  grande,  mais  aussi  très  facile  à  défendre,  est  un 
vaste  jardin  :  |)lus  de  3000  habitants  s'y  pressaient  naguère  sous  le  bran- 
chage des  palmiers.  Ces  insulaires  sont,  dit  (ihurclnvard,  les  marins  les 
plus  renommés  de  ces  paragt^s. 

A  l'exception  de  Tau.  l'Ile  orientale  du  gniupe,  les  îles  Samoa  forment 
un  Etat,  dit  conslitutionnel,  dont  la  charte  est  copiée  sur  celle  de  l'An- 
gleterre, avec  roi,  chambre  des  seigneurs  et  chambre  des  députés.  La  ca- 
pitale est  le  petit  liourg  de  Mulinuu.  dans  l'île  d'Upolu.  Mais  Apia  est  eu 
dehors  du  royaume  et  forme  un  municipe  spécial,  gouverné  par  un 
triumvirat  des  consuls,  allemand,  anglais  et  américain.  Les  Américains 
onl  fait  choix  de  ce  port  comme  station  navale  et  dépôt  de  charbon.  Le 
royaume  de  Tau  a  des  coutumes  encore  païennes.  Le  chef  est  sti'ictement 
surveillé  par  ses  sujets,  de  peur  (ju'il  ne  boive  de  l'eau  ou  ne  se  baigne 
dans  la  mer,  événements  qui  causeraient  le  désastre  de  la  communauté'. 

Les  archipels  qui  continuent  au  sud-est  la  rangée  des  Samoa  sont  très 
faiblement  peuph's  ;  mais  ils  eureiil  une  grande  iinporlauee  liisl(iri(|ue 
comme  lieux  d'étape  et  d'émigration.  L'île  de  Raratouga  (Uorotonga),  dans 
l'ai'cliipel  des  Ib'ivey  ou  Cook,  est  citée  par  les  insulaires  de  plusieurs 
archipels  comme  la  leire  d'où  vinii'iil  leurs  ancêtres.  Les  Raratongans 
contemporains  smil  au  iioiiibic  de-»  Polyni'siens  qui  onl  fini  par  s'assou- 
plir complèlemeiil  au  n'-giine  sévère  iin|)orté  par  les  missiomiaiies  anglais  : 


'   Vali'ur  amiufllc  (1rs  odiimnes  .'i  A|iiii  :  .j  (HKI  (lUO  (nuu->. 
-  I^liuicln\;ii(l.  Sniiioti. 


956  Ndl'VKLLI':   CÉOGIiAI'IIII']    li.MVKIISKI.I.i; . 

ils  ont  des  écoles,  des  Ijibliolhèqiies,  et  [mlilieiil  inèinc  un  journal  en 
leur  langue.  Les  Anglais,  en  prévision  de  l'étahlissemenl  |iio(liain  d'une 
ligne  de  navigalion  à  vapeur  en  Ire  l'Amérlcjne  centrale  e(  la  Xouvellc- 
Zélande,  ont  choisi  Raralonga  pour  en  faire  une  escale  de  commerce  et 
d'approvisionnement;  mai^  la  rade  de  liaraloiiga  n'esl  pas  sûre.  Plus  à 
l'est,  dans  le  groupe  des  J'uliiaï.  ([uc  la  France  a  ii''ccnHnenl  annexé 
comme  dé-pendance  de  Taïli,  l'ilc  la  |ihis  imporlanle,  (]uoi(pie  à  peine 
habitée,  est  IJapa,  la  plus  australe  des  (erres  polynésiennes  ])ro|)rement 
dites.  On  espère  que  Râpa  sera  un  jour  la  rivale  de  Raralonga  comme 
piiinl  d'allache  des  ligues  de  navigalion  Iranspaciliques;  les  Itàlimenls  y 
tiou\eul  un  meilleur  aliri  :  la  vague  s'y  déroule  en  longues  ondulalions, 
mais  sans  y  hriser.  Dancieiines  fortifications  se  j)rofilenl  sur  li's  mon- 
tagnes de  Râpa. 


Les  îles  de  la  Société  sont  beaucoup  plus  éloignées  (|ue  les  archipels 
Tonga  et  Samoa  de  la  gi'ande  voie  ii-ansveisale  du  l'acillcpie  ;  mais  quand 
le  détroit  de  Panama  aura  ('h'  perce'-,  elles  se  lrou\eroul  piN'cisémenl  à 
moitié  chemin  de  la  grande  écluse  améiicaine  et  du  continent  australien  : 
elles  prendront  alors  une  importance  de  premier  ordre  comme  étape  de 
commerce.  D'ailleurs,  elles  oui  d(''jà  quelque  valeur  é((uiomi(iiie  par  leurs 
productions,  et  si  minime  que  soit  le  nombre  de  leui's  liabilanis,  il  est  fort 
considérable  relalivemeni  à  celui  des  muIics  archipels  de  la  Polynésie 
orientale.  Taïli,  —  ou  mieux  Taliili.  —  esl  resh'c  le  cliel-lieu  naturel  de 
toute  la  Polynésie  oiientale. 

l'apeelé.  la  résidence  du  repi'ésenlant  de  la  France  dans  les  îles  de  la 
Société,  est  une  gracieuse  bourgade,  entourée,  comme  toutes  les  villes 
océaniennes,  de  jardins  et  de  palmeraies,  où  résonnent  souvent  les  liiméné, 
c'es|-;i-dire  les  mélodies  (pie  les  jeunes  hommes  et  les  jeunes  fdles  chan- 
leiil  d'une  \oi\  harmonieuse  eu  clio'ur  ;i  plusieurs  parties.  Des  ruisselels 
siuiieul  enli'e  les  luaisounelles,  sous  les  hiauclies  enh'ein("'l('es,  d'où  le 
nom  de  Papeeté,  .<  Pelile  Eau  «.  Souveul  le  clKi-lieM  de  Taïli  esl  célébré 
comme  un  pai'adis  lericslre;  poui'iani  le  rempart  des  haules  montagnes 
ai'rèle  le  veul  alizé  du  sud-esl  et  les  hahilanls  oui  à  subir  une  lempérature 
étouffante,  si  ce  n'esl  quand  souille  la  brise  maiine,  ajiporlani  la  rumeur 
des  brisants.  Le  port  de  Papeeté,  protégé  par  nue  ligne  de  récifs,  dans 
laquelle  s'ou\rent  Irois  (heuaux,  est  largi>  et  profond,  mais  encore  peu 
fréquenté  :  le  commerce  (|ui  s'y  fait  est  en  giande  |iailie  eiilre  les  mains 
de  négociants  étrangers,  anglais  et  américains  ;  l'idiome  que  counaissenl 


TAITI.   IMI'KETK. 


9:.  7 


le  mieux  les  iii(li;iî'iies,  i\yvt"^  li-iii-  l.iiiaiio  maternelle,  est  l'im^lais,  le 
iiMiler  (les  miuins  el  de  leurs  [iicmiers  missionnaires'.  Quelques  peliles 
escales  sur  le  lilloral  sont  parfois  visitées  par  des  chaloupes  américaines 
qui  viennent  v  chercher  des  oranges  pour  San-Francisco.  L'oranger,  a[)|)orlé 
par  (](iiik,  est  en  elïet  la  princi[iMle  cullui'e  de  Taïli:  quant  au  goyavier, 
introduit  en  1(S1j,  il  s'ol  |iropai;('' nu  |)(iinl  de  devenir  un  lléau  :  sur  les 
pentes  des  montagnes  il  iDime  une  iinpén('lra]de  brousse.  Des  plantations 


N"    190.   TAill    Et    MOOrttA 


Ouest  de   Par. 


O^est  de  Green-.ich  149° 


tdai^tres  documents 


ûeO^^'OOO'.'  ai-SWÛ"'etaucfs/Â 


avaient  été  fondées  sur  les  plages  du  pourtour  do  l'île,  notamment  au 
nord-ouest,  dans  le  district  d'Alimaono,  pour  la  culture  du  cotonnier, 
du  calier,  de  la  canne  à  sucre  et  (raulre-»  plantes  tropicales;  mais  les 
45U0  «  engagés  »  chinois  (pii  les  travaillaient  pour  des  capitalistes  étran- 
gers sont  presque  tous  dispersés;  il  en  reste  moins  d'un  millier,  devenus 
petits  marchands  ou  jardiniers. 

'  Monvenipnl  conimoriial  di'  Taiti  en  18S.")  : 

Importation.    .    .    .        .j  023  706  frano».  ilnnt  I  ."lôô  5Cli  finncs  par  Ins  navires  français. 
Exportation  ....       k  C>i  2S'J       »         »     1  .42-2  540       «  «  11 

Ensemble  .    .       9  iliO  0f?8  fiancs.  ilont  2  730  100  francs  par  les  navires  français. 
Mouvement  de  la  navigation,  à  l'entrée  rt  à  la  sortie  ;  200  navires,  jaugeant  Ali^iâ  tonnes. 
XIV.  118 


'■ir,s  NUI  vi;i,i.i:  i;k(I(;i!\|'||||-:  imvi:i;si:i.i.k. 

<lii  l'Viiliii'  :i  [iliis  (le  •2(10(10  licciMirs,  sdil  iiii  ciniiui^iiir  de  l'ih'.  I;i 
suporruii.'  dos  terrains  qu'il  scniit  ]Missil(if  ilo  soiinirllrc  à  la  jirando 
ciilliiir  sur  le  pourtour  de  ïaïti'.  Toutes  ees  terres,  situées  en  bordure 
sur  le  littoral  et  sur  les  premières  pentes  des  monts,  sont  facilement 
accessibles  par  la  route  de  191  kilomètres  qui  se  développe  en  un  double 
anneau  autour  des  deux  iles  jumelles,  tracée  çà  et  là  en  corniche  au-dessus 
des  ilôts;  mais  à  l'extrémité  sud-orientale  de  la  «  petite  Taïti  »  elle  est 

S°    197.    —    rAPEKlf;. 


Estd.Pa 


st  de  Ta'S 


151  "55 


Est  oeL-'et'  ..    _r 


>^o^'û^ec*^.5 


I  -  55  non  (irai 


inlerr(im|iiie  par  des  précipices,  et  les  voyageurs  doivent  se  confier  à  une 
b,iri|iic  cl  passeï'  au  milieu  des  vagues  que  le  vent  alizé  pousse  en  cet  endroit 
à  travers  une  large  brèche  de  récifs.  Une  voie  ferrée  s'ajoutera  pro- 
chainement à  la  route  dans  la  partie  occidentale  de  la  grande  île,  entre 
Pàpeeté  et  les  plantations.  Un  fortin  est  placé  sur  l'isthme  de  Taravao,  à 
l'endroit  où  viennent  presque  s'aflleurer  les  deux  routes  côtières  et  où 
serait  la  véritable  place  de  la  capitale  de  Taïti  :  en  effet,  le  havre  méri- 
dional entre  les  deux   îles,   le  Porl-Phaéton,  est  beaucoup  plus  vaste  et 


'  Sujierlicio  des  terrains  cultivés  à  Taili  el  à  Moorea  en  1884  :  3255  hectares. 


ILliS    llK    I.A    SilCIKTh:,   TLAMniiM  .    M\l;n||SES.  'M 

inioiix  aliiilt'  que  relui  de  l'iipcch'.  \]\\  imiIic,  i;i  |i()si[i(iii  serait  plus 
lieurt'use  au  point  de  vue  slraléuique,  gi'àco  à  l'isthme  qui  permet  de  com- 
mander les  deux  rives  à  la  fois.  I.es  tei'res  l'erliies  du  littoral  sont  plus 
rapproeliées  de  Porl-l'liai'toii  (|ue  de  Fapeeli'  el  la  lenipéralure,  modérée 
pai-  l'alizé,  vol  beaucoup  moins  pénilde'  :  r'e^l  au  nord-ouest  de  ce 
pori  (pie  se  Iroiive  la  vallée  d'erfondremeni  où  des  ('lidulis  de  scories  ont 
l'elenu  les  eaux  et  l'ormé  le  cliarmaui  lac  de  \aliiiia.  l.e  l'oilin  de  Tara\ao 
est  la  seule  rorlilication  de  rar(dii|iel,  mais  des  piihlicisles,  disposanl 
d'avance  des  iinlli(iiis  de  la  mèi'c  pairie,  [larleiil  d'enlourer  l'apeeté  de 
défenses,  de  garnir  le  [lorl  de  lor|iilles,  de  l'emiser  une  Motte  dans  les  eaux 
de  la  Société  et  des  archipels  voisins,  afin  de  «  pouvoir  bai'rer  le  chemin 
à  liuile  armée  navale  eiirop(''eiiiie  se  dii'igeant  vers  l'AusIralie  ou  l'Asie'  ». 

iJoorea.  au  Inoi-d-ouest  de  la  grande  île,  n'en  est  qu'une  dépendance 
agricole  el  les  barques  vont  et  viennent  incessamment  entre  Papeelé  et  les 
brèches  ouvertes  dans  la  ceiiiUire  de  ses  [(''cils.  Mais  l'une  des  îles  occi- 
dentales ou  "  sous  le  vent  >'  esi  nue  rivale  de  Taïli  par  raiiimalion  de  son 
trafic.  Raïalea.  enl'ermi'e  ainsi  ipieïaliaa  dans  l'enceinle  d'iin  récii' ovalaire. 
a  l'avantage  de  posséder  un  des  meilleurs  havres  du  Pacifique,  et  le  com- 
merce, presque  entièrement  eiilre  les  mains  d'ex[ior[ateurs  allemands,  y 
est  moins  entravé  par  les  règlemenls  ipi'à  Papeelé.  Pa  ville  de  Teavarua, 
située  sur  la  côte  sud-orientale  de  iiaialea,  en  face  île  l'Ile  de  Tahaa,  occupe 
le  centre  du  petit  archipel.  P\aïatea  fut  autrefois  le  centre  religieux  des  iles 
de  la  Société,  le  siège  de  la  l'ranc-maroiinerie  des  Arioï  :  de  hnili's  les 
iles  voisines.  «  lilocs  IdinlH's  du  ciel  ■■,  nn^'ine  de  la  sainte  iîora-bora 
et  do  Huahine  la  guerrière,  on  Ncnail  à  lîaïalea  prendre  pari  aux  grandes 
|)rocessioiis  célélirées  en  riionneiir  des  dieux. 

A  800  kilomètres  einiron  au  nord  de  Taïli  se  Iroine  la  petite  ilc  de  la 
Caroline,  où  des  asiroiiomes  fraii(;ais  oui  l'ail  en  1883  de  remarquables 
études  sur  la  consliliilioii  du  sideil. 


Les  iles  orienlales,  les  Tuamolou.  Mangareva  et  les  Marquises,  appelées 
en  1791  "  iles  de  la  lîévolulioii  "  jiar  l'exploraleur  Marchand,  ont  aussi 
d'excellents  jiorts  oii  pourraient  s'aliriler  des  Hottes;  mais  les  deux  chefs- 
lieux  de  ces  groupes  insulaires,  Taio-haé,  sur  la  cijle  méridionale  de  Nouka- 
hiva  et  Rikilea.  dans  l'ile  de  Mangareva,  ne  sont  (jue  d'humbles  villages. 


'    liuijul,  yulci  iiKiillHiriili'S. 

-  Ue  LaiiL'ssan,  rE.vptnisivii  culuniale  de  In  France. 


1)12 


Mil  vi;iJj-;  i;f:(ii,i;.\i'iiii:  i  .Mvi;i;si;i.i,K. 


Dmiis  1c>  TuiimuUui,  le  clifl-lieii  n  ('■l(''  liaiisléit'  d'AiiMa  à  liildll  plus  scp- 
Iciiliidiial  (le  FakaiavM.  Le  iiiaii(|iif  de  iiopiilatiori,  la  dispersidii  des  lares 
lialtilaiils  sur  un  esj)ace  de  plus  d'un  million  de  kilomèlies  carrés,  rendenl 
toute  industrie,  tout  développement  commercial  presque  impossibles. 
Ces  archipels  lointains,  qu'un  espace  de  6000  kilomètres  sépare  de  la 
côte  la  plus  rapprochée  de  l'Américpie.  n'auiont  tôt  ou  tard  d'auli'es 
richesses  que  leurs   jiahiieraies ',  à  moins  qu'on   ne  s'occupe   d'y  rétaldir, 


108.  —  xoi'K  v-mv.i 


Ouest    de    Pan 


'Ouest   de    G 


"5727 


sui\aiil  une  melhode  scienliliipie,  re\|iloilaliiMi  des  nacres  cl  des  jicilcs, 
hien  compromise  aujoui'd'hui.  Les  londs  marins  oiïreul  dans  ces  lies  des 
conditions  très  lavorahles  à  la  propagation  des  huitres  perlières  ;  mais  dans 
presque  tous  les  lagons  les  pécheurs  ont  procédé  avidement  aux  l'écidles  à 
outrance  cl  par  consé(pient  à  l'exlerminalion  d(^  la  race.  Dans  les  iles  où 
l'administration  est  intervenue  pour  proléger  la  pèche,  elle  s'est  htunee, 
comme  les  prêtres  d'autrefois,  à   «   tahoucr  "  pendant  plusieurs  années 


l'alii]fr:iifs  (1rs  Tuiiiiiulmi  un  lb!7ô:   10  iiiillidiis  (If  tuculiors. 

lLX|ioiliiliuii  :  7>  (JOO  luiiiii's  (If  k(i|ii';iii.  V;iloiir  :  7  .'jUII  1100  Iniiics 


ll.KS   MAIIUIIISKS.    TIAMdTill  .    IMTCAI  li  I  .  lltri 

\t'^  l.iUOMs  (''iMiisi's  ;  iiiiiis  lii  où  les  liiiilrcs,  liop  r;ii('s,  ik;  |>('iiv('IiI  se  i;i(i- 
pi'oclicr,  les  liiiiics  ne  se  rocoiisliliiciil  pas  cl  riii(liislri(^  reslc  riiimV. 
Pour  lii  irliiMir,  il  osl  iudispoiisaMo,  dit  M.  lîoiiciioii-Bi'aiulolv,  de  semer 
les  lacions,  et  d'élever  luiilicielleinent  le  naissain,  comme  on  le  fail  sur  les 
côtes  de  France.  Les  indigènes  des  Tuamolou,  moins  heanx,  moins  gra- 
cieux et  moins  aimables  que  ceux  àrs  iles  de  la  Socit'h',  sont  en  revanciie 
|)lus  laborieux  :  sui'  les  bancs  de  coiaux  des  Tuamolou,  des  immigranisde 
Taïti  seraient  bientôt  moris  de  i'aim. 

Dès  l'année  1815,  un  Américain,  i'orler,  s'était  emparé  des  îles  Mai- 
quises  au  nom  de  son  gouvernement,  qui  ne  ratifia  point  la  prise  de  pos- 
session. En  1855.  un  aventurier  français,  Thieirv,  déjà  <<  souverain  (l(>  la 
Nouvelle-Zélande  »,  se  donna  le  lilre  de  (  roi  de  Nouka-biva  ",  puis  des 
missionnaires  catholiques  français  s'établirent  dans  l'arcbipel  :  ce  l'ut  le 
commencement  de  l'annexion  à  la  France,  qui  se  lit  par  degrés.  Dans  le 
groupe  taïtien,  les  indigènes  ont  eu  |iendan(  la  période  du  "  prolecloi'at  » 
une  j)art  dir(>cle  à  la  gérance  de  leurs  inli'réls  :  uTie  assembl(''e  nationale, 
coiuposi'e  de  {b'putés  élus  pour  lidis  ann(''cs  |iar  le  suffrage  universel, 
siégeait  à  Papeeté;  elle  est  remplac(''(!  par  un  conseil  général,  (ju'élisenl  l<>s 
citoyens  parlant  français.  Depuis  188(1,  Taïli  et  les  îles  voisines  onl  été 
déclarées  possessions  françaises.  Dans  les  îles  Marquises,  le  pouvoir  est 
exercé  d'une  manière  absolue  par  le  résident  français,  qui  fait  afficher  ses 
ordonnances  sui'  les  arbres  aux  abords  des  bameaux  ou  poi'ter  aux  chefs, 
devenus  ses  agents.  A  Mangareva,  les  prêtres  catholiques  régnaient  encore 
récemment  au  nom  de  la  France,  sur  les  îles  presque  dépeuplées;  les 
fennnes  y  étaient  strictemeni  séparées  des  hommes'. 


La  dernière  île  habitée  à  l'exlréniilé  snd-orienlale  des  Tuamolou  esl  la 
fameuse  Pitcairn,  dans  laquelle  s'établirent,  avec  des  femmes  taïliennes,  les 
matelots  anglais  qui  s'étaient  révollés  en  1789  contre  l'impitoyable  Bligh 
et  l'avaient  déposé'  en  pleine  mer  dans  une  chaloupe  avec  (|uel(pies  com- 
pagnons. Les  rebelles  s'étaient  d'aboi'd  rendus  dans  l'île  de  Tubuaï,  mais, 
api'ès  de  nombreuses  aventures,  ra|)ts.  meurtres,  guerres,  ceux  qui  res- 
taient firent  choix  de  i'ilnl  inhabile  de  Pilcairn,  où  ils  constituèrent  une 
petite  république  ignorée  du  monde.  Quand  on  lii  la  découverte  de  cette 
communauté  mi-anglaise,  mi-taïtienne,  où  l'on  parlait  les  deux  langues, 
et  dans  bnpielle  s'étail  c(mservée  parliellemeni  la  cullure  eui'(q)é'enne,  une 

'   f';iiil  Desciinnol,  li'f:  Inléirlu  fiiinrais  ilniis  t'orciiii  }'<iiifujuc. 


044 


MirVKI.I.H   CKdCl;  M'IIIF,    TM VI- liSKI.I.i;, 


curiosité  syni|Mliii(|uc  s"rvcill,i  en  Aii^lrlriiv  :  le  ciiiiii'  ilc  ivliolliou  dos 
insiilaiios  de  Pilcairii  lui  oulilir;  on  ne  vil  plus  on  eux  (juc  dos  compa- 
triolos.  ot  les  dons  alTluôicnt.  Ou  sait  que  le  gouveruomeut  britannique 
leur  lit  même  cadeau  d'une  île  fertile,  Norfolk,  comme  champ  tie  migra- 
tion :  la  plupart  des  Pitcairnicns  acce|)tèreut  (h'Iiniliveinenl  rorfre(jui  leur 
avail  ('U'  faite;  mais  quebpies  familles,  n'ayaiil  nu  s'haliiluei'  à  leur  nou- 
velle patrie,  sont  revenue>  à  i'ilcairu. 

I.'île    de  Pâques,  ou   Pià|ia    nui,   c'est-à-dire  la   ■'  grande  Uapa  >>,  l'ile 
de  lave  (u'i  l'on  a  trouvé  les  i<  bois  parlants  »  et  les  idoles  dressées  dans 


iiivr^KiN-;  poi.nii.irFs  df,  f 


AIlL-iiin^MH-  l'oilu-al  rials-n 


les  rarin  ou  cratères  des  voh'ans,  l'ut  ainsi  nommée  ])ar  son  découvreur 
liidlaudais  lîoggeveen.  Elle  est  comme  perdue  en  jileine  mer.  à  ■20110  kilo- 
mètres à  l'est  de  Pilcairu;  aussi,  (luoiqu'elle  ait  été  de  loin  en  loin  en  rela- 
tions avec  les  autres  îles  polynésiennes,  est-elle  restée  longtemps  sans  do- 
minaleni's  européens.  Des  ininiigrauls  laïliens,  auKMU's  pai'  un  Fran(;'ais 
qui  l'esta  plusieurs  années  dans  l'île,  ont  peiniis  à  la  France  de  reven- 
diquer longtemps  cette  île  comme  faisant  virtuellement  |iartie  de  ses  pos- 
sessions océani(pies;  elle  est  désoianais  allribuée  an  (iliili.  d(nil  la  Hotte 
commande  dans   ces  parages  di'jii  voisins  de  rAnn'riqne  du  Sud. 

•juanl  au\  îles  situées  dans  le  \oisinage  même  de  l'i'ipiali'iir  et  même  au 


II.ES   l'irCAllil.    HAl'A.   CIIRISTMAS.  'J45 

11(11(1  (le  lu  liyiic,  elles  sdiil  considéfées  comme  des  terres  anglaises,  quoique 
(les  indiisliiels  améficaiiis  aient  ét(''  les  uniques  ex[)loiteui's  des  îles  à 
jiuano  qui  s'y  trouvent  et  aient  intime  donn(5  à  l'un  des  groupes  le  nom 
d'Ainerica-islands  :  c'est  le  plus  rapproché  de  l'archipel  Havaïien,  et  l'une 
de  ses  îles,  Clirislmas-islaiid,  est   parmi  les  plus  vastes  de  la   Polynésie. 


Le  tableau  suivant  donne  la  liste  des  principales  îles  de  la  Polynésie 
é([uatoriale,  avec  leur  superficie,  leur  population,  celles  des  groupes  dont 
elles  font  partie  et  leur  juridiction  [)olilique. 


AlUJirl'LL-    ou    lERnES    ISOLlîliS 

SOUVERAIXEIÉS 
OIT  PPOTECTORATS. 

ILES. 

jn'EUFICIE 

en  kilom. 

carres. 

IHIPÏÏLATIOX. 

Tonga  (archi|iel  îles  Amis). 

Archipel  de  Wallis. 

.Niue.  Inni  ou  Savage-island. 

Samoa  (archipel  des  Na\iga- 
teurs). 

Tokolau  (Union) 
Cook  (Hervev). 

Tubuai  (iles  Ausiralesl. 

Allemagne  et  ' 
Angleterre. 

Kraiiee. 

Allem.;  Angl. 

Allemagne, 
Angleterre, 
États-Unis. 

Angleterre. 
France. 

Tonga-laboii. 
Ella. 
Vavao. 
Tofoa. 
Autres  îles. 

Ensemble..    . 

Futuiia  (Hooriil. 
Uvea  (Wallis). 
Autres  îles. 

Ensemble .    .    . 

Savaii  et  îlo(s. 
Upolu  et  îlots. 
Tutnila. 
Tau 
Autres  îles. 

Eiisemlile.    .    . 

liaratiinga. 
1  .Maiigia. 
1  Autres  îles. 

t       Ensemble .    .    . 

l'iibiiai. 
l  Ravaiva  (VaviUio). 
\  Mapa  (O|iaro). 
'  A  Mires  iles. 

1           Klls.MMble.     .     . 

4'i2 

171 

145     } 
55 
.393 

50  000  bail. 

H86 

50  0(10  hab. 

115 
96 
90 

2  500  hab. 
5  500     » 

2  260     11 

501 

8  260  hab. 

94 

5  124  hab. 

1707 

881 

1.59 

51 

9 

12550  hab.  (1874) 
16  568     » 
5  746     » 

2787 

34  265  hab. 

14 

520  hab. 

81 

67 

220 

3  500  hab. 
5  000     )i 
3  000     )i 

368 

11  500  hall. 

103 

66 
42 

75 

345  hall. 
550     » 
150     » 

550     ). 

286 

1  .595  hall. 

119 


NOUVELLE   GEOCiliAl'IlIE    IM VEliSELLK 


.uicri[i'iii,s  ou  TEimES  is( 

,,É.s. 

SOUVERAINETÉS 
DU  PIIOTECTORATS. 

II.ES. 

SUPERFICIE 

Cil  kiloni. 

l'Ol'ULATIO.N. 

Raialea. 

19.i 

1  400  bail. 

Taliaa. 

82 

700     » 

\  S. 

.■    Vl'Ml 

Ta|iaiuariiia. 

7." 

1  653     11 

] 

Huahini'. 

34 

200     ,. 

IIps  <le  1;,  Sucirirf 

Vnuu:..            l 

Boi-a-Boia. 

24 

800     » 

Autres  îles. 

04 

400     ., 

( 

Moorea  (Einie(i). 

\:,i 

1427     ).  (1880) 

)  Au 

VCMI. 

Taili. 

1012 

9  74:1     » 

l'illl'llix. 

Mmiuliiki. 

Autres  îles. 

Ensemble.    .    . 

llangiroa  (Raiioa). 

iiir.n 

16  557  hab. 

i2 

011  bah. 

1.-.7 

1  600  bail. 

00 

Nalupe  (Clermont- 

TiKiriKildii    (  l'oiiuilciii 

,    iirs 

\ 

Tonneii-e). 
lia,,. 

40 
50 

4  000  bab. 
l 

liasses). 

haiRc. 

1 

Anaa. 

Autres  îles. 
Mangareva     ((iani- 

20 
799 

1 

1 

Lier). 

24 

1  500     '1 

Wailni    (  l{ii|iii  nul , 

le    (If 

l'ileaiin. 

Ensenilile.    .    . 

•"• 

96     1.(1881) 

978 

5  596  hab. 

lis 

600  bab. 

IVuiucs). 

Clilll. 

Salu  y  Goiiiez. 

Cliiisiniav. 

4 

2:>o 

Kiiiiriiiig  (AinriitM-isI 

nuls). 

.\Mjrl,.,ir. 

F ling. 

40 

200  liali.(  1880) 

Aulies  îles. 

17 

Enseniltle.    ,     . 
'  Nonka-hiva. 

.j07     I             1) 

482 

1 

Hiva-oa  (Doniinieai 

400 

1 

lliaou. 

05 

1 

)  Koa  (Laiiou). 

87) 

)liin|uiscs. 

Fruiice. 

\  lauka 
1  Fatu-hiva. 

Taou-ata  (Crislina). 

Autres  îles. 

Ensemble  .    .    . 

Où 
77 
70 
52 

5  754  bail. 

1274 

3  754  bail. 

KrisoiMlilc  .1.' 

la  l'olyiK'sir  iirit'Mlalr. 

.    .      D'i-K)  Kil.  caiT 

^s;    111  21 

1  baliilHiils. 

CHAPITRE    XIT 


ARCHIPEL    HAVAIIEN 


Les  îles  havaïiennes,  jiliis  coniuies  sous  le  nom  d'îles  Saïuhvich,  (Ioiiik' 
par  Cook  en  1778,  forment,  dans  la  région  nord-orientale  du  Pacifique,  la 
limite  des  terres  océaniennes.  Disposée  en  une  ligne  droite  d'une  lon- 
liueur  lolalf  de  580IJ  kilomètres,  la  chaîne  des  îles,  des  ri'cifs  et  des  bas- 
fonils  se  développe  de  l'ouest-nord-ouest  à  l'est-sud-i^st,  parallèlement  aux 
archipels  polynésiens  du  sud  :  au  delà,  vers  le  nord-est,  on  ne  voit  plus  une 
seule  terre  émerger  des  fonds  jusqu'à  la  C(jle  américaine;  seulement, 
près  de  l'extrémité  occidentale  de  la  chaîne  des  Sandwich,  un  écueil,  le 
Mellish-bank,  se  profile  sous  les  eaux  dans  le  même  sens  que  le  sillon  prin- 
cipal. Mais  si  les  îles  havaïiennes  tei'minent  nettement  au  nord-est  le 
monde  polynésien,  puis<pie  des  abîmes  de  2000  et  même  de  4000  mètres 
longent  les  écueils  immédiatement  au  nord,  elles  sont  bien  séparées  des  autres 
terres  océaniennes,  car  au  sud  de  l'archipel  s'ouvrent  des  gouffres  dési- 
gnés par  les  dénominations  de  «  fonds  de  Belknap  »  et  «  fonds  d'Ammen  », 
oîi  les  profondeurs  dépassent  5500  mètres,  line  très  faible  partie  du 
sillon  qui  se  relève  entre  les  fosses  du  nord  et  celles  du  sud  constitue  l'ar- 
chipel proprement  dit,  formé  par  l'extrémité  sud-oiientale  de  la  chaîne. 
L'importance  géographique  de  ce  groupe  est  capitale,  puisque  les  Sandwich 
sont,  du  côté  des  Etats-Unis,  le  poste  avancé  de  tout  le  monde  océanien; 
cependant  aucun  grand  centre  de  population  n'y  a  ])iis  naissance  :  les 
naturels,  (jui  diminuent  en  nombre,  n'ont  été  encore  (pie  partiellement 
remplacés  [)ai'  les  immigrants'. 

On  sait  que  les  îles  havaïiennes  avaient   été  vues  |iar   des   navigateurs 

'   Siipeilicie  et  pu|iiil;ilii)ii  ili's  îles  Sandwidi  en  1S84  : 

l(i  y  16  kiloiuétrcs  canes;  80578  habitants,  suit  h  liahilanls  pai'  kiloniétre  carré. 


'.(48  NdlVELLE   (lEOOHAPUIE   UNIVERSELLE. 

européens  au  moins  deux  siècles  avant  l'expédition  de  Gook.  Dans  leurs 
voyages  annuels  du  Mexique  aux  Philippines  et  leurs  traversées  de  retour, 
les  galions  espagnols  suivaient  des  voies  différentes,  la  première  dans 
le  courant  équatorial,  la  deuxième  dans  le  contre-courant  boréal ,  et 
quoiipie  leur  itinéraire  fût  ordinairement  des  plus  réguliers,  des  sautes  de 
vents  des  courants  latéraux,  des  orages  soudains,  peut-être  même  la  curio- 
sité géographiipie  d'un  capitaine,  peuvent  avoir  fait  dévier  les  galions  de  leui- 
route  banale,  et  dans  un  de  ces  voyages  les  marins  aperçurent  les  hautes 
montagnes  de  l'archipel  d'Havaïi,  visibles  par  nn  beau  temps  à  500  kilo- 
mètres en  mer.  Toutefois  le  gouvernement  espagnol  garda  par  devers  lui 
la  connaissance  de  ces  îles,  où  des  pirates  auraient  pu  guetter  au  passage 
les  navires  chargés  d'or  :  ayant  voulu  être  seul  à  s'attribuer  le  produit  de 
la  découverte,  il  en  a  longleni])*  perdu  l'honneur.  Cej)endant  des  cartes 
antérieures  à  Gook  mentionnaient  déjà  dans  ces  parages  l'existence  de 
terres  émergées;  l'une  d'elles,  prise  par  Anson  sur  un  navire  espagnol, 
montre  sous  la  latitude  des  Sandwich,  (juoique  beaucoup  trop  à  l'est,  un 
groupe  d'îles  appelées  la  Mesa,  los  Majos  (Monjes)  la  Desgraciada'.  D'autre 
part,  les  insulaires  ont  de  nombreuses  traditions  relatives  aux  visites  de 
navigateurs  anciens.  Un  des  étrangers,  venu  «  dix-huit  générations  »  avant 
Kamehameha,  (jui  vivait  au  commencement  de  ce  siècle,  apportait  avec 
lui  «  une  petite  id(de  »  (pii  fut  admise  dans  le  panthéon  kanaque  et  pour 
laquelle  on  bàlil  un  temple.  D'autres  blancs  étaient  des  chefs,  portant 
l'épée,  qui  se  couvrirent  de  gloire  dans  les  guerres  havaïiennes;  d'autres 
encore,  jetés  à  la  côte  par  un  naufrage,  se  présentèrent  en  supidiants. 
mais  ils  furent  également  bien  accueillis  et  se  marièrent  à  des  femmes  du 
pays  :  des  indigènes  se  réclament  de  leur  descendance,  et  l'on  dit  qu'ils  se 
distinguent  par  un  teint  plus  clair,  des  cheveux  moins  foncés  que  ceux  des 
autres  naturels.  Trente-sept  ans  avant  l'ariivée  de  Gook,  un  navire  esjia- 
gnol,  le  galion  Nuestra  Seilora  de  CocadotH/o ,  échoua  sur  une  des  côtes  de 
l'archipel.  Les  morceaux  de  fer  que  Gook  trouva  dans  les  Sandwich  avaient 
été  apportés  par  ces  étrangers.  Le  nom  que  les  Kanakes  donnent  aux 
navires  des  blancs,  moku,  «  île  »,  date  de  l'époque  lointaine  où  ils  virent 
pour  la  première  fois  ces  masses  énormes  llottant  à  l'horizon. 

Mais  sans  l'exploration  de  Gook,  en  1778,  les  savants  ne  se  seraient 
point  occupés  de  rechercher  les  traces  des  découvertes  anciennes  :  c'est 
à    lui  que  revient  en   entier,  du    moins   quant   aux   résultats,  la  gloire 


'  lli'oriii"   Ansoii,    Retntiiiit ;   —   G.  île   LapiTouse,  Ynijdgc   aiitniir  ilii  Monili\   —   )lni'ili;iniL 
Vofiafir  fh(  (I  Soliilr  i,  niiloiir  ilii  Mande:  —  Jules  R.-my,  Kn  Maoli'ln  Hinniii.  de. 


DKCOUVKIiTE   1)1-:    l/AliCIIII'KI,   i(AVAÏIK>'.  1)4',» 

(rnrraclicr  les  îles  Havaïi  à  l'inconnu,  de  les  avoir  l'ail  ciilrci-  dans  la 
luinièi'c  (le  l'hisloire.  (Jnand  les  navires  anglais  apparurent  dans  la  haie 
de  Waimca,  l'une  des  éclianciaues  méridionales  de  l'Ile  Kauaï,  les  indi- 
gènes, saisis  d'admiration  à  la  vue  de  ces  «  forêts  qui  marchaient  dans  la 
mer  »,  ne  négligèrent  pourtant  pas  l'occasion  de  se  [)rocui'er  du  fer  par 
le  troc  ou  par  le  vol,  et  dès  le  premier  jour  un  conflit  eut  lieu  entre  les 
Kanakes  et  les  étrangers.  Heureusement  (pie  les  navires  de  Cook  mirent  à 
la  voile  presque  aussitôt  après  pour  la  côte  américaine.  Dans  ce  premier 
voyage  l'exp^u'ateur  n'avait  vu  ipie  les  trois  iles  occidentales  de  l'archipel 
proprement  dit,  Niihau,Kaiiaï  et  Oahu;  mais  a[)rèsson  départ  la  renommée 
delà  merveilleuse  apparition  d'une  forêt  flottante  ou  d'une  «  baleine  ailée'  « 
se'propagea dans  les  grandes  îles  du  sud-est,  jusqu'à  Havaïi,  et  quand,  à 
la  fin  de  la  même  année  1778,  les  naturels  de  Maui  aperçurent  un  beau 
malin  les  deux  navires  anglais,  ils  comprirent  aussitôt  qu'un  «  dieu  » 
allait  se  montrer  à  eux.  Hs  le  reçurent  en  effet  comme  un  dieu,  et  même 
les  prêlres  l'econnurent  en  lui  l'une  des  divinités  les  plus  redoutables  de 
leur  panthéon,  Lono  ou  Orono.  Dès  qu'il  eut  mouillé  dans  la  baie  de 
Kealakeakua,  vers  le  milieu  delà  côle  occidentale  de  Havaïi,  un  j)rètre  vint 
sacrifier  un  cochon,  en  récitant  des  prières;  puis,  quand  le  capitaine 
anglais  débarqua,  précédé  par  des  hérauts,  quinze  mille  hommes,  que 
trois  mille  canots,  dit  Ledyard,  avaient  apportés  de  toutes  les  [larties  de 
rarchi[)el,  gisaient  prosternés.  Le  dieu  Lono,  suivi  de  la  foule  qui  mar- 
chait à  quatre  pattes,  gravit  lentement  les  ïlegrés  du  temple  et,  ajirès 
avoir  été  présenté  à  ses  frères  les  autres  dieux,  qu'il  embrassa,  il  se 
laissa  oindre  par  les  prêtres  d'huiles  odoriféranles  et  reçut  l'adoration 
de  ses  nouveaux  fidèles.  D'après  les  récits  de  ses  propres  officiers,  il 
semblerait  que  le  grand  navigateur,  enivré  par  les  merveilleux  succès  de 
sa  carrière,  ait  complaisamment  accueilli  ces  hommages,  ces  prières  qui 
moulaient  vers  lui.  Plusieurs  fois,  pendant  un  mois  de  séjour,  les  scènes 
d'apothéose  se  renouvelèrent,  et  jamais  il  ne  tenta  de  s'y  soustraire.  H 
en  profita  même  pour  Icvci-  les  labou  qui  le  gênaient  dans  rex|)loration 
de  l'île  et  pour  se  faire  apporter  gratuitement  des  vivres  et  des  offi'andes 
de  toutes  sortes.  Mais  ses  exigences  dépassèrent  la  mesure  et  la  violation 
des  sanctuaires  souleva  l'indignation  générale;  enfin  l'enterrement  d'un 
marin  révéla  aux  indigènes  que  les  Anglais,  eux  aussi,  sont  mortels,  et, 
pendant  une  bagarre  causée  par  le  vol  d'un  canot,  Cook,  frappé  par  mé- 
garde,  poussa  un   cri  :  on   com|irit  qu'il  n'était  pas  un  dieu  et  un  coup 

Thmiismi.  IScir  Znilaitil ;  —  lliihillliMi.    \nii(ili's  ,li-  la  l'nipiifinlioii  ilc  lu  Foi.   I.Si|. 


n;.o 


NOI'VKLLR   CI'OCUAPIIIE   liMVEHSELLK. 


(le  ]i()i^iKir(l  ri'lt'iidil  iiiuil  sui'  la  pla^e.  Cependant  la  croyance  en  sa  divi- 
nilé  |ieisista  chez  qneliines-uns,  el  ses  ossemenls,  conservés  dans  un  tem|jle. 
l'nreni  longtemps  adorés. 

Après  le  voyage  de  Cook,  Lapé'rouse,  puis  Vanconver  visiièreni  l'airhipel 
Havaïien,  et,  dès  l'année  1794,  Brown  Ironvail  et  ex|)l(nail  le  port  de 
Hoiioliiln,  deviMin  depnis  le  centre  commercial  des  îles;  de  même  (jue 
(ioiik.  il  cul  à  payer  sa  d(''(0iiverte  de  la  vie.  Dès  le  commencement,  du 
dix-neuvième  siècle,   les  diles  de  Saîidwich  étaient  connues,  el   les  halei- 


niers  de  diverses  nali(nis,  j)rincipalenieul  américains,  l'aisaienl  du  port  de 
Honolulu  leur  lieu  de  rendez-vous  dans  le  Fa(;ilique  boréal.  Des  mar- 
chands, des  missionnaires,  des  savants,  s'étahlii'enl  à  demeure  dans  les 
îles,  et  les  indigènes  eux-mêmes,  prenant  part  aux  recherches  des  Euro- 
péens, contribuèrent  bientôt  à  la  descriptiim  géographique  de  leur  pays  et 
à  la  publication  de  leur  histoire.  Actuellement,  l'arcbijiel  havaïien  est  de 
beaucoup  le  mieux  exploré  de  toutes  les  terres  de  la  Polynésie  :  la  biblio- 
graphie des  îles  Sandwich  comprend  des  milliers  de  livres,  de  brochures 
el  autres  documents  scientifiques. 


Aiii:iiiri:i,  iia\\iik,n  kt  sks  volcans.  ii.m 

IJiK' l(''j;rii(l(' kaii;i(|U(' qui  l'ail  iiailic  raicin|icl  d'iiii  u'iil' iininciisc,  ('•cla- 
lant  soudain  au  milipii  de  la  mer',  se  ra]i|ioil(' probablement  aux  ancien- 
nes éruptions  de  laves  (jui  ont  réellement  l'ait  surgir  les  îles  au-dessus  des 
flots.  La  rangée  volcanique  des  Sandwich  repi'oduit,  mais  en  sens  inverse  et 
en  proportions  beaucoup  plus  grandes,  la  formation  des  iles  Samoa.  Dans 
la  chaîne  des  iles  septentrionales,  connue  dans  celledes  terres  équatoriales, 
le  plus  haut  massif  montagneux  est  >itiié  à  l'extrémité  de  l'archipel,  et  à 
partir  de  celle  borne  angulaire  énorme  les  iles  "diminuent  en  dimensions 
vers  l'autre  extrémité,  jusqu'à  n'être  plus  que  de  simples  récifs  à  peine 
émergés.  L'énergie  des  foyers  volcanicjues  s'amoindrit  dans  le  même  sens. 
car  c'est  dans  l'île  majeure,  Havaïi,  (|ue  se  dressent  les  plus  hauts  vol- 
cans et  que  s'ouvrent  les  chaudières  de  lave  bouillonnante.  Les  autres  îles 
sont  également  hérissées  de  pilons  à  ci'atères,  mais  les  phénomènes  d'in- 
candescence y  sont  très  faildes  ou  même  ne  se  révèlent  plus  que  par  des 
eaux  thermales;  les  volcans  on!  perdu  leur  force  primitive,  sous  l'ac- 
tion de  l'air  et  des  pluies;  dans  les  dernières  îles,  vers  le  nord-ouest, 
les  cratères  et  les  coulées  de  laves  sont  devenus  tout  à  fait  indistincts,  et  les 
scories,  changées  en  terre  végétale,  se  recouvrent  d'une  végétation  magni- 
fique. Évidemment  ces  foyers  occidentaux  sont  éteints  depuis  des  âges 
très  anciens.  Pour  la  même  raison,  les  récifs  coralligènes  sont  beaucoup 
plus  nombreux  sur  le  pourlour  des  iles  du  nord-ouest  que  sur  les  côtes 
de  Havaii,  oili  des  gaz  délétères,  jaillissant  du  sol,  empêchent  le  dévelop- 
pement des  polypiers. 

IjCs  trois  faces  de  la  gi-ande  île  méridionale  diffèrent  de  forme  et  d'as- 
pect. La  côte  occidentale,  celle  que  visitèrent  les  navires  de  Cook,  s'élève 
par  une  pente  très  rapide,  mais  assez  régulière,  jusqu'au  socle  qui  poite 
les  volcans  de  l'île.  La  côte  méridionale,  d'un  versant  doucement  incliné, 
permet  de  gagner  sans  trop  de  [teine  les  plateaux  de  l'intérieur,  tandis  <pie 
le  littoral  tourné  vers  le  nord-est  est  coupé  par  de  bi'usques  falaises  (pie  les 
eaux  des  torrents  interrompent  de  distance  en  distance  par  d'étroites 
gorges.  C'est  la  seule  partie  de  l'île  où  se  soient  formés  des  cours  d'eau  : 
partout  ailleurs,  l'humidité  disparaît  sons  les  amas  de  cendres  qu'ont 
rejetés  les  cratères  des  montagnes. 

Le  volcan  du  sud,  appelé  Mauna-Loa  ou  la  i<  Grande  Montagne  »,  élève 
son  d()me  régulier  à  4145  mètres  de  hauteur,  soit  à  un  millier  de  mètres 
lui-dessns  de  la  zone  de  végétation.  Ainsi  le  volcan  de  Sandwich  dé|)asse  de 
plus  de  400  mètres  le  superbe  pic  de  Teyde,  dans  les  Canaries,  souvent  cité 

'   Williams,  iS(in-iilii'c'  o(  Missuiiininij  lùilcri>risi'.i  in  Ihe  Sonlli  xcd  in/aiids. 


flo'J 


NOUVELLE   (;ÉOi;iï\l'IIIE   LNl VEKSELLE. 


(■(iinmt!  le  géant  des  mers.  Le  cnitère  ou  |)lut(U  le  groujM'  de  cialères 
désigné  spécialement  sous  le  nom  de  Mokuaveoveo  s'ouvre  au  sommcl 
même  de  la  montagne,  de  manière  à  former  une  excavation  syméti'i(|ue, 
disposée  dans  la  direction  du  sud  au  nord.  Au  centre  se  creuse  le  gi-ind 
cratère  primitif,  dont  le  diamètre  moyen  est  d'environ  deux  kilomètres  et 
demi,  tandis  que  la  profondeur  dépasse  500  mètres.  C'est  encore  le  cratère 
le  plus  actif,  et  des  buttes  de  scories,  les  unes  en  ignition,  les  autres 
éteintes,  s'élèvent  du  fond  de  cet  aLîine.  Au  nord  cl  au  sud  de  ce  gouffre, 
deux  terrasses  en  hémicvcle.   plus  hautes  de   l.")»»  mètres,  figurent  deux 


tiic:s  hi:  maina-i.i, i  i:t  m.  km. vil v 


ÛL^estd- 


^ii, 


moiti(''s  de  cratère,  inscrites,  pour  ainsi  dire,  sur  le  pourtour  de  l'orilice 
cenlial.  iLulin,  aux  extrémités  de  l'axe  d'éru|)tion,  deux  coupes  moins  pro- 
fondément creusées  dans  le  dôme  de  lave  terminent  régulièrement  la 
rangée  des  cratères.  Des  coulées  se  sont  épanchées  des  bords  mêmes  du 
gouffre  de  Mauna-Loa  :  ainsi  en  l(S43  un  flot  se  dirigea  vers  le  nord- 
est,  pour  se  bifurquer  à  la  base  du  Mauna-kea  en  deux  courants  secon- 
daires, qui  s'arrêtèrent  l'un  et  l'autre  sur  les  plateaux.  En  1880,  une  autre 
coulée  s'échappa  du  même  point,  épanchant  dans  l'esjiace  de  six  jours  un 
Ilot  brûlant  d'environ  700  millions  de  mJ'tres  cubes. 

En  1852,  une  autre  cheire  recouvrit  le  versant  oriental  jusque  dans  les 
légions  cultivées  de  la  côte  et  rasa  quehpies  villages  à  400  mètres  d'alti- 
tude. Mais  ce  sont  pour  la  plupart  des  oiilices  qui  s'ouvrent  à  une  grande 


VOLCANS   llK    II  \  \  \ïl.  U5:, 

(lisliiiicc  lui-ilcssdiis  (lu  (l(~ini('  sn|)(''rii'iii-  du  noIcim  i|iii  (Icviciiiiciil  les 
émissaires  du  l'oyor  souleriain.  C'esl  airiNi  (jii'iiii  llciivc  de.  lave  suruil 
en  ISoo  des  \ersants  du  nord-esl  e(  liiiil  par  allcindic  la  plaint!  de  Hilo 
à  une  faible  distance  de  la  mer.  après  avdir  i-eeouverl  de  ses  nappes 
fissnrées  un  temloire  de  7^0  kilomèlres  cairés'.  Trois  ans  plus  tard,  une 
autre  bouche  s'ouvrit  à   10  kilomètres  au   nord  du  grand  cratère,  et  la 


COULEE   DE    LAVES    DU    KILAUEA. 
jlrsvii,  ,ic  \.  Slom,  d':ipn-s  uni'  |>h..ln^inpl]i,-. 

double   ciiuli'c  (pii  en   sorlil  se   reploya  à   l'dueNl    poui'  combler  à  demi    la 
baie  de   Kiliolo. 

Sur  les  lianes  orientaux  du  Mauna-Loa  s'ouvre  l'immense  cuve  laté- 
rale du  Kilauea.  dont  les  bords  sont  à  1210  mètres  d'altitude.  Le  Kilauea. 
(|ue  l'on  croyail  être  la  demeure  de  la  formidable  di'esse  Peb',  est  un 
abinie  pres(jue  circulaire  d'environ  1")  kilomètres  de  tour  et  d'une  pro- 
fondeur variable,  suivant  le  mouvemeni  des  laves  qui  bouillonnent 
dans  le  fond.  D'ordinaire,  une  parlic  de   la    cliaudière   seulement   est  en 


Itidh'lin  (le  In  Snrirli-  ,lr  Crniiviiiihio  roiiniidrialr  dr  B'irilraii.r.   1881. 

XIV.  l'iO 


0;.4  NOIiVELLK   <;(•  0(;M  A  l'Illl-    rMVKIiSKI.U:. 

(■Iiiillilioii  cl  les  niveaux  successifs  auxquels  atteignit  la  lave  sont  disposés 
.sur  le  pourtour  de  la  fournaise  en  terrasses  noires  de  largeur  inégale,  rocs 
tiges  qu'une  nouvelle  ascension  de  la  fonte  basaltique  liquéfie  encore  el 
ti'unsforme  en  lacs  de  feu.  Il  n'y  a  point  d'exemple,  pendant  ce  siècle,  que 
des  laves  fluides  se  soient  é|)anchées  directement  de  la  chaudière  du 
Kilauea  ou  des  autres  puils  de  feu  qui  la  prolongent  vers  l'est;  toujours 
la  chaleur  souterraine  a  fondu  les  roches  profondes,  et  c'est  à  une  grande 
distance  au-dessous  que  s'est  fa  il  jour  le  fleuve  hrûlanl.  L'un  (l'cux,  (|uc 
l'on  croit  être  issu  du  Kilauea  par  des  galeries  cachées,  s'esl  écouli',  en 
1868,  à  près  d'une  centaine  de  kilomètres  au  sud-ouest,  puis,  arrivant  au 
bord  de  la  falaise,  est  tombé  en  cascade  de  feu  dans  la  mer:  une  pyramide 
de  laves,  que  de  imuveaux  apports  ont  rattachée  à  la  terre,  a  l'ormé  ainsi 
en  pleine  mer  la  pointe  de  Ka-lai'.  Ttana  évalue  à  plus  de  cinq  milliards 
de  mètres  cubes  le  torrent  de  lave  (jui  s'écoula  dans  l'un  de  ces  débor- 
d<'ments.  Les  matières  fondues  de  ces  volcans  sont  d'ordinaire  d'une 
extrême  fluidité  et  descendeni  snr  les  |ienles  sans  que  dans  les  villes  du 
pourlour  insulaire  on  entende  le  moindre  hniil.  n'ajirès  Dana,  on  ne  ver- 
rail  pas  ti'ace  de  l'aclion  des  eaux  sah'cs  dans  les  suhslaïu'es  chimiques 
d(''p()sé'es  dans  les  cheires  :  les  inlillralions  d'emi  douce  sufliraienl  donc  à 
expli(|uer  l'écoulement  des  laves. 

Au  noid-ouesl  de  la  "  (irande  Monlagne  '.don!  la  masse  recouvre  un 
espace  de  près  de  5000  kilomètres  cm  i(''s,  un  autre  mont,  beaucoup  moins 
élevé,  verse  parfois  des  laves  dans  la  nu'r  occidentale  :  c'est  le  Mauna- 
llualalaï  (2522  mètres).  Les  autres  sommets  de  Havaïi  n'ont  plus  de  bou- 
ches fumantes.  Le  principal  est  celui  du  nord-est,  qui  se  dresse  à  une 
bailleur  plus  grande  encore  que  le  Mauna-Loa  :  son  nom  même, Mauna-Kea 
ou  la  «  Montagne  Blanche  »,  décrit  l'aspect  de  la  cime,  qui  pendant  plu- 
sieurs mois  de  l'année  reste  drapée  ou  striée  de  neige.  D'après  les  nivelle- 
ineiils  officiels,  l'altitude  du  pic  suprême  est  de  4208  mètres  :  sur  la  Terre 
il  est  peu  de  sommets  que  l'on  puisse  apercevoir  de  la  mer  se  dressant 
ainsi  à  plus  de  4  kilomètres  dans  le  ciel.  Du  port  de  Hilo,  à  la  base  orien- 
tale du  volcan  éteint,  on  distingue  parfaitement  les  bords  dentelés  du 
cratère,  se  prolongeant  du  nord  au  sud  sur  un  espace  de  plusieurs  kilo- 
mètres :  si  les  talus  de  la  montagne  se  continuaient  régulièrement  jus- 
qu'au sommet,  le  Mauna-Kea  dépasserait  la  hauteur  de  6000  mètres.  Le 
Kohala,  cône  d'un  millier  de  mètres,  est  situé  à  l'extrémité  septentrionale 
de  l'ile,  sur  le  prolongement  exact  dn  Mauna-Kea  :  son  cratère  est 
depuis  longtemps  oblitéré. 

Havaïi  se  continue  an  nord-onesl  pai(juatre  iies  nioiiliieuses  etquelques 


VOLCANS   DE    IIAVAII. 


1)57 


ilnis  (|iii  fdiisliliiciil  (hiiis  l'ensemble  (If  l'aieluiH'l  un  ;ii(lii|)ei  secondiiice. 
Cliacuiie  (le  ees  leires  a  ses  voleans,  j)ro|)ortionnels  en  hanlenr  à  la  yiaii- 
cleuf  (le  l'île;  le  nionl  U'.  plus  ('levtî  est  eeini  qui  rempli!  de  sa  masse 
éditique  (510!)  mi^'lres)  la  parlie  nK'i'idionale  de  l'ile  ifaiii,  le  Ilalealiala  ou 
«  Maisini  du  S(deil  )■  ;    son  eralt-re  esl   immense,  l'un  des  plus  grands  (uii 


OceQ-td^  Pan: 


C  Perron 


se  soieni  mainleniis  avee  leur  prolil  ivgulier  :  l'ouilel  e\l(^'iieur  n'a  pas 
inoins  de  25  kilomètres  en  eiironiï'rence  et  la  jirtd'ondeur  du  gourfre 
dépasse  600  mètres.  Les  récils  n'ont  guère  pu  se  former  sur  le  pourlour 
de  cette  montagne,  sans  doute  à  cause  des  émanations  sulfureuses  des  vol- 
cans, landis  (jue  la  jparlie  sepienlrionale  deMaui,  massif  pi'es(|ue  dislincl. 


UbS  MUM-.I.I.K   l,l-(l(,ll.\l'IIIK   l.M\KliSKLIj:. 

csl  oiiviruiincc  de  |ioly[ii('rs '.  L;i  huijiuo  de  !>iiljle  qui  réiinil  lo  deux 
moitiés  de  Maiii  n'a  que  2  mètres  à  l'endroit  le  plus  élevé  :  c'est  une 
simple  plage  qui  se  détruit  et  se  reconstruit  sans  cesse.  Le  vent  alizé  ([ui 
passe  sur  le  versant  nord-oriental  de  l'isthme  en  emporte  les  sables  en 
nuages  blancs,  pour  les  laisser  retomber  au  delà,  sur  le  versant  du  sud 
ou  même  dans  la  mer;  des  embarcations  qui  passent  au  loin,  ou  voit 
constamment  la  nuée  poussée  par  les  rafales.  Et  malgré  cette  action 
continuelle  du  vent  et  le  déplacement  incessant  des  sables,  l'isthme  garde 
sa  forme  primitive  :  d'un  côté,  la  mer  apporte  assez  de  matériaux  poui' 
reconstruire  la  plage;  de  l'autre  elle  en  emporte  assez  [lour  que  la  terre 
n'empiète  pas  sur  les  eaux  du  golfe. 

L'île  d'Oahu,  qui  succède  au  groupe  de  Maui.  occupe  une  superficie 
moindre,  mais  elle  est  parsemée  de  buttes  volcaiiirpu's  dont  les  couj)es 
terminales  sont  encore  faciles  à  reconnaître.  Enlin,  Kauai,  Mihau  cl 
Kaula,  qui  achèvent  au  nord-ouest  la  rangée  des  grandes  îles,  ont  aussi 
leurs  volcans,  dont  l'un  n'a  pas  moins  de  1800  mètres  en  hauteur.  Au 
delà,  les  îlots  qui  se  prolongent,  eu  traînés  à  plus  de  5000  kilomètres 
dans  la  direction  du  Japon,  sont  probablement  aussi  des  volcans;  mais  on 
n'a  pu  reconnaître  de  laves  que  sur  un  petit  nombre  de  ces  terres  émer- 
gées. Dans  le  dernier  massif  insulaire  de  grande  surface,  Kauaï,  une 
i-angéede  dunes  qui  longe  la  rive  au  sud-ouest  sur  un  espace  de  deux  kilo- 
mètres et  demi,  est  composée  de  sables  sonores,  pareils  à  ceux  que  les  gra- 
visseurs  du  Sinaï  entendent  chanter  sous  leurs  pas  :  quand  on  se  laisse 
glisser  du  haut  en  bas  des  talus,  les  vibrations  musicales  de  la  dune 
retentissent  comme  celles  d'un  orgue  puissant.  Les  traces  de  l'exhaus- 
sement des  îles  sont  nombreuses  :  çà  et  là  on  rencontre  d'anciennes  plages 
situées  à  différents  niveaux  sur  les  pentes  des  montagnes.  Dans  une  des 
îles  du  grou|)e  de  Maui  un  banc  de  corail,  moderne  en  apparence,  se 
développe  sur  une  assez  grande  longueur  à  loO  mètres  au-dessus  de  la 
mer;  à  Kauaï,  une  autre  berge  coralligène,  moins  distincte,  (puiique 
reconnaissable,  contourne  le  grand  volcan  à  l'altitude  de  1200  mi'Ires. 
Depuis  l'année  1794,  on  a  constaté  (pie  les  écueils  du  pori  de  Honolulu  se 
soiit  exhaussés  de  plus  d'un  mètre,  au  grand  désavantage  de  la  navigation. 

L'archipel  Sandwich  ne  dépasse  la  ligne  tropicale  du  noid  que  par  ses 
récifs  occidentaux;  toutes  les  îles  qui  consliluent  le  groupe  propicnieni 
dit  sont  encore  sous  la  zone  torride,  dans  celte  partie  de  l'Océan  que  l'uii 
appelle   «  mer  du   Sud  >',  avec  le  sens  de    "  uier  des  chaleurs  ».  llavaii 

'   DiiiiH,  Uiiid-dStiitr.'i  E.ipU,n,ni  E.ipcHilioit. 


Vm.CA.NS,    CLIMAT    llK    l.'A  IICII I  l'KI.   IIAVAIIKN.  '.)M 

osl  traversée  par  le  20"  degré  de  lalitude.  Ouoique  la  lenipéraliue  soil 
moins  élevée  sur  les  côtes  des  Sandwich  que  dans  les  îles  Fidji  et  Samoa, 
elle  est  pourtant  très  forte  dans  les -parties  bien  abritées  du  littoral,  dont 
'air  n'est  pas  renouvelé  par  les  alizés  du  uord-ouesl.  La  temjtérature 
moyenne  est  de  21  degrés  centigrades  à  Honoluln;  pendant  douze  années, 
la  plus  grande  chaleur  n'a  pas  déj)assé  52  degrés,  tandis  (jue  les  pires 
iVoids  ont  été  seulement  de  11", 5  :  ainsi  l'écart  entre  les  extrêmes  est 
d'environ  20  degrés.  Naturellement  les  températures  sont  beaucoup  moin- 
dres sur  les  plateaux  de  l'intérieur:  le  climat  de  ces  hantes  régions  res- 
semble à  celui  de  l'Europe  occidentale. 

Les  pluies  sont  abondantes  dans  l'archipel  havaïien,  d'un  mètre  et  demi 
à  deux  mètres,  sans  que  pourtant  on  puisse  les  comparer  à  celles  de 
rinsulinde.  Les  vents  alizés  du  nord-est,  qui  soufflent  avec  une  grande 
régularité  les  trois  quarts  de  l'année,  ajtportent  de  temps  en  temps  avec 
eux  des  averses  bienfaisantes;  mais  peiulanl  l'hivei',  alors  que  fout  le 
système  des  vents  est  ramené  vers  le  sud  j)ar  la  marche  du  soleil,  il 
arrive  que  les  contre-alizés  descendent  du  haut  de  l'espace  et  viennent 
frapper  les  pentes  sud-occidentales  des  îles.  Ces  vents,  chargés  de  vapeurs 
puisées  dans  la  région  des  calmes  tropicaux,  sont  fréquemment  accom- 
pagnés d'orages  :  on  dit  que  les  indigènes  n'ont  pas  de  mot  dans  leur 
langue  pour  désigner  le  mauvais  temps,  mais  les  kona  ou  ruptures  d'écjui- 
libre  des  vents  alizés  n'en  sont  pas  moins  de  violents  troubles  atmosphé- 
riques. Dans  l'ensemble,  le  climat  général  d(!s  îles  Sandwich  est  l'un  des  plus 
agi-éables  et  des  plus  salubres  de  la  Terre,  et,  malgré  la  distance, 'nombre 
de  malades  d'Europe  et  des  Etats-Unis  sont  allés  y  restaurer  leur  santé. 
Bien  que  les  kona  apportent  soudain  de  fortes  quantités  de  pluie,  ce 
sont  pourtant  les  vents  réguliers  qui,  à  la  fin  de  l'année,  ont  déversé 
la  plus  forte  part  d'humidité,  et,  en  conséquence,  les  deux  côtés  des  îles 
présentent  dans  leur  aspect  une  différence  considérable,  due  à  celle  des 
pluies  tombées;  les  rivages  de  l'ouest,  notamment  dans  Havaïi,  ont 
gardé  leurs  aspérités  premières,  tandis  que  les  côtes  orientales,  abon- 
damment arrosées,  ont  une  épaisse  couche  de  terre  végétale  à  la  surface 
de  leurs  scories.  En  certains  endroits  de  la  montagne,  dans  l'île  d'Oahu, 
on  a  mesuré  près  de  sept  mètres  de  pluies  annuelles  ^ 

Les  courants  océaniques  des  parages  havaïiens  varient  avec  les  vents  qui 
les  poussent.  Le  mouvement  général  des  eaux  se  porte  au  sud  des  îles 
Sandwich  dans  la  direction  de  l'est  à  l'ouest  avec  le  grand  courant  équa- 

'    I!.  (,ii|i|.s,    ri,c  Snloiiioii  ixlnnds. 


yen  n'oiveij.e  oéographie  universelle. 

toiial;  ;ui  iionl  des  îles,  l;i  iKijipe  marine  est  entraînée  en  sens  inverse. 
L'archipel  est  done  ])laeé  dans  la  zone  médiaire  entre  les  denx  eonrants; 
il  en  résnlte  qn'il  sulTit  d'nne  faible  oscillation  dans  un  sens  ou  dans 
un  autre  pour  moditier  la  direction  de  l'eau  et  que  les  îles  se  trouvent 
sur  l'une  ou  l'autre  des  voies  naturelles  de  l'Océan  :  ainsi  s'expliquent 
les  voyages  d'épaves  ou  de  bateaux  désemparés  qui  viennent,  les  uns  des 
îles  japonaises,  les  autres  des  côtes  américaines  ou  des  archipels  polyné- 
siens. Quant  aux  marées,  d'ailleurs  assez  faibles,  puisque  leur  ampli- 
tude ne  dépasse  guère  un  mètre  en  moyenne,  elles  ont  longtemps  déroulé 
tons  les  observateurs.  Leur  marche  paraît  régulière  pendant  quelipie 
temps,  puis  elles  changent  d'allure,  tantôt  rapprochant,  tantôt  diminuant 
leurs  intervalles.  Ces  anomalies  apparentes  sont  désormais  expliquées. 
Quand  la  lune  traverse  la  ligne  équinoxiale,  deux  marées  à  peu  prJ's 
égales  se  suivent  dans  les  vingt-quatre  heures;  mais  à  mesure  que  la  lune 
s'éloigne  vers  le  nord  ou  vers  le  sud,  l'une  de  ces  marées  devient  beau- 
coup plus  forte  que  l'autre,  jusqu'au  moment  de  la  déclinaison  extrême, 
oii  il  n'y  a  qu'une  seule  marée  appréciable  :  en  déclinaison  boréale,  la  pre- 
mière marée  est  la  plus  forte;  en  déclinaison  australe,  c'est  la  seconde. 

La  flore  naturelle  des  îles  Sandwich  n'est  pas  aussi  riche  que  ])Ourrait 
le  faire  espérer  la  haute  température  moyenne  de  la  contrée  et  la  fertilité 
du  sol.  AvanI  l'arrivée  des  Européens,  elle  était  très  pauvre  en  com- 
paraison de  celle  des  continents  jouissant  des  mêmes  conditions  clima- 
ti(|ues,  el  sur  une  grande  partie  de  leur  pourtour  les  îles  ont  encore  un 
aspect  de  nudité.  Dans  l'étroite  zone  du  littoral,  on  voit  seulement  des 
groupes  de  cocotiers  et  de  deux  autres  espèces  de  jialmiers,  des  arbres  à 
pain,  dont  les  fruits  sont  très  inférieurs  en  qualité  à  ceux  des  îles  Marquises 
et  de  Taïti,  et  quelques  autres  arbres  indigènes,  entre  autres  Valcurites  ou 
Inikni,  dont  les  branches,  pleines  d'une  substance  oléagineuse,  [servaient 
jadis,  et  servent  encore,  aux  Sandwich  comme  dans  les  autres  îles  orien- 
tales de  la  Polynésie,  à  l'éclairage  des  maisons  :  les  indigènes  n'ont  pas 
d'autre  mot  que  le  nom  de  cet  arbre  pour  désigner  une  lampe.  Plu- 
sieurs plantes  exotiques,  venues  avec  les  étrangei's,  envahissent  peu  à  peu 
la  zone  du  littoral  et  en  égayent  l'aspect  :  telles  sont  les  ricins,  les  daturas, 
le  xanthium,  l'indigotier.  Dans  les  vallées  profondes  el  bien  arrosées  qui 
s'ouvrent  entre  les  montagnes  à  quelque  distance  du  littoral,  la  végétation 
naturelle  est  beaucoup  plus  abondante  et  les  cultures  sont  plus  variées  : 
c'est  là  que  l'on  rencontre  le  halapepe  (brenchleya),  asparaginée  gigan- 
tesque, d'un  port  superbe,  dont  le  feuillage  ressemble  à.  celui  des  pan- 
danns  :  les   indigènes  adoraient   autrefois    celle   piaule.    D'une    manière 


CLIMAT.    FIJIHK,    FATM-:   llK   I.' A  IICII I  l'KL   IIAVAIIKN.  U(il 

générale  on  peut  dire  ([ue  la  flore  des  îles  possède  plus  d'espèces  ligneuses 
que  d'herbes;  plusieui's  genres  qui,  dans  les  clinials  tempérés  d'Europe, 
ne  sont  représentés  que  par  des  lormes  annuelles,  sont  arborescents  dans 
les  Sandwich:  c'est  ainsi  (|u'un  chenopodium  devient  un  arbre  véritable'. 
La  zone  forestière,  qui  s'étend  sur  les  pentes  des  monts  jusiju'à  2000  mè- 
tres d'altitude,  est  caractérisée,  comme  celle  du  littoral,  par  de  nom- 
breuses essences  ligneuses,  myrtacécs  et  autres;  on  y  voit  aussi  un  rumex 
géant,  dont  les  tiges  se  développent  en  lianes  à  la  hauteur  des  plus  grands 
arbres.  La  zone  montagneuse,  que  l'on  atteint  an-dessus  de  2000  mètres 
dans  les  îles  élevées  de  Maui  et  de  Ilavaïi,  n'a  guère  que  des  arbustes,  et  la 
zone  alpine,  celle  des  sommets,  n'offre  que  des  graminées  et  des  lichens. 
La  faune  spontanée  est  très  pauvre  en  mammifères  :  comme  toutes  les 
îles  éloignées  des  continents,  l'archipel  Sandwich  n'a  qu'un  petit  nombre 
d'espèces  endémiques.  Avant  l'arrivée  de  Cook,  les  habitants  n'avaient 
(|ue  le  chien,  le  cochon  et  la  poule  pour  animaux  domestiqués,  et  très 
jirobablement  ces  bêles  avaient  été  introduites  par  des  colons  peu  de  siècles 
auparavant;  la  souris  et  une  espèce  de  chauve-souris,  telle  était  la  faune 
supérieure  des  îles.  Les  reptiles  n'y  étaient  représentés  que  par  trois  petites 
espèces  de  lézards.  Les  oiseaux  indigènes  ne  sont  évalués  qu'à  une  qua- 
rantaine de  formes  aquatiques  ou  aériennes,  et  dans  le  nombre  il  n'est 
pas  une  seule  espèce  de  chanteur.  Le  plus  aiqirécié  de  ces  oiseaux  est  le 
(Irepanis  pacifica,  l'oo  des  indigènes,  que  l'on  trouve  çà  et  là  dans  la 
région  i'orestièi'e,  et  qui  porte  près  des  épaules,  au  milieu  de  sa  r(d)e  du 
plus  beau  noir,  quelques  petites  plumes  jaunes,  fort  recherchées  jadis 
|)our  la  parure  des  chefs  :  le  manteau  de  Kamehameha  I",  auquel  on  avait 
travaillé  pendant  neuf  générations  successives,  était  entièrement  fait  de 
ces  plumes  d'oo,  fixées  sur  un  filet  à  mailles  serrées^  M.  Remy  dit  que  le 
pou  et  la  mouche  ont  accompagné  le  Kanake  dans  l'archipel,  tandis  que]  la 
puce,  le  moustique,  le  scorpion,  le  centipède,  sont  d'introduction  relative- 
ment récente.  Les  ruisseaux  des  îles  étaient  |)i'es(jue  sans  poissons  ;  mais 
les  mollusijues  y  vivaient  en  mullitudes,  cl  le  genre  achatinelle,  dont 
ipHd(pH^s  espèces,  à  charmante  coquille,  pullulent  sur  les  feuilles  des 
arbres,  tandis  que  d'autres  p{''nètrent  dans  la  terre,  n'a  pas  moins  de  trois 
cents  variétés  dans  l'archipel  :  nul  autre  endroit  du  monde  n'est  aussi 
riche  en  mollusques  de  ce  genre.  Les  mers  voisines  abondent  eu  cétacés, 
en  poissons  et  autres  organismes. 


<  Jules  Remy.  Kn  Mmilrh,  lUiniii. 

-  .1.' Jaclison  .tii'vi's,  llixlurii  nf  Un'  ll<nriiii(iii  m-  Sinulirich-islanilx 


9(52  NOrVELLE   C  ElKi  li  A  l'IllE   INI  VERSELLE. 

Les  Havaïions  oui  doiiuis  l<iiigleni|is  jicidu  leurs  mœurs  unlionales,  qui 
rossemblaieni  à  celles  de  leurs  frères  de  race,  les  Maori  de  la  Nouvelle- 
Zélande  et  les  Polynésiens  équatoriaux.  Il  y  a  déjà  plus  d'un  demi-siècle 
(jue  les  cérémonies  religieuses  sont  aliaiKloiiiK'os  :  les  indigènes  regardent 
les  ruines  de  leurs  sanctuaires  d'autrefois  avec  autant  d'indifférence 
religieuse  que  les  Gaulois  de  nos  jours  se  promenant  entre  les  jtierres 
de  Karnak.  En  IcS'iO.  i|uand  les  premiers  missionnaires  proleslanls 
se  présentèrent  devant  Ilavaïi,  la  plupart  des  indigènes,  subissant  l'in- 
lluence  des  matelots  et  autres  visiteurs  étrangers,  avaient  déy,\  cessé 
de  croire  à  leurs  dieux  nationaux  et  des  guerres  religieuses  avaient 
éclaté.  Puis,  lorsque  les  missionnaires  eurent  converli  officiellement  les 
chefs  des  insulaires,  tous  les  sujets  durent  suivre  la  loi  des  maîtres,  et  les 
lois  les  plus  sévères,  basées  strictement  sur  le  Décalogue,  furent  édictées 
contre  tous  ceux  qui  ne  se  conformeraient  pas  aux  prescriptions  nouvelles, 
surldul  contre  les  «  Ijlaspbémaleui's  »  et  les  «  violaleurs  du  sabbat  ». 
Toute  la  population  bavaïienne  fût  devenue  une  grande  communauté 
méthodiste,  si  des  prêtres  anglicans  et  des  catholiques  français  n'étaient 
venus  disputer  le  pouvoir  aux  premiers  missionnaires.  Les  rivalités  reli- 
gieuses, suivies  de  révolutions  locales  et  de  l'intervention  des  puissances 
étrangères,  troublèrent  pendant  longtemps  les  populations  de  l'archipel; 
mais  la  paix  est  aujourd'hui  rétablie  entre  les  fidèles  des  différents  cultes, 
et  même  une  troisième  l'eligion,  le  bouddhisme,  a  pénétré  dans  les  îles 
Sailli wicli.  Les  Mornioiis  (iiit  essayé  également  de  recruter  des  jiai'tisans 
dans  l'archipel,  mais  sans  gi'and  succès. 

De  même  que  dans  la  plupart  des  îles  polynésiennes  la  |i(ipulali(in  indi- 
gène décroît  d'une  manière  constante  dans  les  îles  Sandwich.  Il  est  vi'ai 
que  les  évalualioMs  de  Cook  sur  le  nombre  des  naturels  qui  se  ])ressaient 
autour  de  lui  étaient  exagérées  :  à  celte  époque  l'archipel  n'avail  point 
400  000,  ni  peut-être  même  500  000  bal)itants;  mais  en  1790,  alors 
que  le  mouvement  de  dépopulation  était  déjà  très  rapide,  il  est  certain 
que  les  îles  avaient  encore  plus  de  200  000  individus.  Depuis  loi-s, 
chaque  recensement  indique  une  diminution  des  Kanakes',  et  ce  qui 
prouve  que  la  race  elle-même  est  frappée,  c'est'  que  les  femmes'  suc- 
coniliciil  les  premières.  Tandis  qu'elles  dépassent  les  hommes  en  nombre 


fK'ciYiissMTioiil  ;;riiilM('l  des  Kiiiiiikos,  do  1778  :\   IS8i: 


1778 riOflOOO 

■1790 20(1(100 

1852 .  1.-)0  51."j 

IS.'B 10S7.V.) 


I8Ô0.    . 84  1(55 

18(iO 07  084 

1878 «098 

1881 iOOli 


l'KI'l  I.ATIll.NS    UE    i;  AKCIIII'KI,    Il  A  \  AIIK.N.  !J(k) 

dans  la  jilii|iai'l  dos  (•(inli-irs  de  la  TcriT.  elles 'ne  les  égalt'ul  pas  ilaus  les 
iles  Sandwich.  Jusqu'à  une  é[Joque  réceale,  le  flot  des  iuimii^iaiils  ne 
compeusail  pas  les  perles  causées  par  la  disparilioii  des  indigènes.  Mainlc- 
nanl  h;  vide  commence  à  se  coiiihlcr,  par  raiiiv(''r  de  plus  en  plus  considé- 
rable des  étrangers,  et  déjà  les  Kanakes  sont  en  niinoiilé  dans  le  pays  de 
leurs  ancêtres;  il  n'est  pas  douteux  que,  dans  un  avenii'  [jrochain,  ce  qui 
reste  de  la  race  originaire  aui-a  disparu,  par  suile  du  mélange  des  sangs 
avec  les  iinmigranls  de  loule  nalioiialilé.  Aux  divei'ses  raisons  (|ui  l'ont 
diminuer  dans  la  jiluparl  des  îles  les  nalurels  polynésiens  s'est  ajoutée 
depuis  l.SlS,  une  maladie  terrilile  que  l'on  dit  avoir  été  importée  par  ceux 
des  immigi'anls  qui  seront  sans  doute  les  principaux  remplaeanls  de  la 
nation  mourante.  Ce  Iléaii  est  la  lèpre,  connut!  dans  le  pays  sous  le  nnin 
de  mai  pake  ou  «  maladie  chinoise  ».  C'est  par  centaines  (jue  les  indigènes 
ont  été  atteints  de  l'inguérissable  mal.  Dès  que  les  premières  alleiiites  (\i'. 
l'infection  sont  constatées,  le  malade  est  transporté  dans  l'île  de  Molokaï, 
à  moins  ([u'il  ne  réussisse  à  s'enfuir  vers  les  États-Unis.  Itans  la  vasle 
prison  insulaire  vivent  huit  cenis  de  ces  malheureux,  se  promenant 
eu  toute  liberté  et  pourvus  des  conforts  de  l'existence,  mais  condamnés  à 
ne  jamais  sortir  de  l'île,  dans  la(|uelle  des  missionnaires  caUndiques  se 
sont  enfermés  avec  eux  :  une  expérience  horrible,  l'aile  récemment  sur  un 
condamné  à  mort,  a  établi  d'une  manière  concluante  la  contagion  du 
Iléau.  Parmi  les  Kanakes  sains  et  de  sang  pur  il  en  est  encore  qui  donnent 
une  idée  de  ce  (pie  fut  autrefois  la  nation,  (juaiid  les  sauvages  parcouraient 
librement  les  plages  dans  leur  lière  beauté.  Tous  les  voyageurs  parlent  avec 
admiration  de  ces  courses  de  chevaux,  aujourd'hui  interdites,  oîi  le  prix 
était  disputé  par  de  hardies  écuyères  kanakes,  à  la  robe  et  à  la  chevelure 
llottantes. 

Ce  n'est  pas  en  colons  libres,  c'est  en  «  engagés  »  que  sont  \enus  les 
Chinois,  qui  nniintemint  sont  propoitionnellement  si  nombreux  dans  les 
îles  Sandwich.  Les  grands  feudataii'os  terriens  du  royaume  les  ont  impor- 
tés pour  cnlliver  leurs  champs  de  canne  à  sucreel  leurs  autres  plantations, 
et,  de  même  que  dans  les  autres  archipels,  ils  les  ont  fait  venir  seuls,  sans 
famille.  Arrivés  dans  les  terres  hava'iiennes,  quelques-uns  d'entre  eux 
réussissent  à  trouver  des  femmes  kanakes  et  créent  ainsi  une  race  mélisse, 
celle  des  Hapa-Paké  ou  «  T)emi-Chinois  .1.  (pii,  jinr  l'asiiecl  physique, 
ressemblent  en  général  beaucoup  [dus  au  pi're  (pi'à  la  mère.  D'après 
1  usage,  les  lîUes  issues  de  ces  unions  suivent  la  destinée  de  leur  mère, 
tandis  que  les  ganjons  sont  élevés  comme  de  vrais  Chinois;  lorsque  le 
pèi'e  l'enlre  dans   sa   pairie,   il   prend    loiijoiirs   le   lils  avec   lui,  aliamloii- 


U(i6  iNOTl  VELI.E  MIKOi;  IIA  l'Il  I  V.   UN  I  VERSELLI-;. 

luiiil  la  jiailic  téminiiic  de  l;i  l'amillc.  Mais  un  liraïul  nonilirc  d(?s  engagés 
chinois  qui  onl_  fini  le  service  de  cin((  années  stipulé  par  leur  contrai 
restent  dans  le  pays,  délaissant  presque  tous  l'agriculture  pour  aller 
s'établir  dans  les  villes  on  les  villages,  comme  artisans  ou  liouliquiers. 

Des  Japonais,  des  Polynésiens  de  diverses  îles  sont  également  engagés 
pour  les  plantations  des  Sandwich;  mais,  parmi  ces  immigrants,  les  plus 
nombreux,  après  les  Chinois,  sont  des  insulaires  que  l'on  ne  s'attendrait 
point  à  trouver  si  loin  de  leur  mère, patrie,  des  Portugais  açoriens.  Mieux 
que  tous  autres,  ces  paysans  lusitaniens  peuvent  s'accommoder  à  leur  nou- 
veau milieu  :  vivant  sous  une  latitude  différente  d'une  dizaine  de  degrés 
seulement  de  celle  des  Sandwich,  habitués  aux  saisons  d'un  climat  ana- 
logue, retrouvant  à  Ilavaïi  le  s(d  et  les  plantes  de  leur  pays,  ils  changent 
à  peine  de  patrie  en  quillant  l'Allantique  pour  le  Pacifique.  D'année  en 
année  leur  nombre  s'accroît,  et  des  services  réguliers  de  bateaux  ])0ur  les 
émigrants  sont  établis  entre  les  Açores  et  les  Sandwich'.  De  même  que 
les  Chinois,  les  Portugais  contribuent  à  créer  la  classe  des  artisans  à 
Ilonolulu  et  dans  les  autres  villes.  L'augmentation  annuelle  de  la  popu- 
lation est  de  plusieurs  milliers  par  an,  les  arrivées  d'étrangers  dépas- 
sant de  beaucoup  les  départs'.  Mais  plus  les  immigrants  affluent,  plus 
diminue  la  proportion  des  femmes  :  ensemble  elles  ne  dépassent  guère 
le  tiers  de  la  pojmlation  totale',  et  l'on  comprend  quelles  funestes  con- 
séquences a  celle  différence  des  sexes  pour  la  moralité. 

C'est  princi|ialcmeiit  à  la  culture  du'sucre,  comme  denrée  d'exportation, 
et  du  riz,  comme  denrée  de  consommation,  que  sont  employés  les  bras  des 
engagés  étrangers.  Grâce  à  la  libre  entrée  du  sucre  havaïieii  aux  Etals- 
Unis,  la  culture  de  la  canne,  introduite  dans  l'archipel  par  des  convicts 
australiens,  s'esl  prodigieusement  accrue  :  la  récolte  jotale  des  cent  plan- 
tations établies  dans  les  deux  grandes  îles  du  sud  dépasse  en  moyenne 
50  000  tonnes;  à  cet  égard  l'archipel  des  Sandwich  j)récède  la  Réunion, 
la  Guadeloupe,  la  Martinique,  Natal,  Saint-Domingue  et  d'autres  colonies 
sucrières  depuis   longtemps   cultivées'.    Les    iles  havaïiennes   produisent 

'  l'iiiHihilioii  ilrs  iles  Sniiilwicli  Cil  t8S4  :  80  .'l'S  habitants. 


Portugais 9.577  liai). 

Ainéi'icains 2  006     » 

Autres  t'tiaiiKers 6  96i     » 


Kanakes 40  014  hali. 

Demi-caste 4  218     » 

Chinois 1 7  959     » 

=  Arrivées  de   188Ô  à  1880    :  27  98r);'(lé|)ails  :  12470.  Surplus  des  arrivées  :  15515. 

'  Proprolion  des  sexes  dans  les  îles  Sandwich  en  1884  : 

5t  559  lioinines  ;  29  059, femmes. 

*  Exportation  du  sucre  des  îles  Sandwich  en  1885  :  77  021  tonnes,  d'une  valeur  de  50  186000  fr. 


l'on  i,ATiiiNs.  cDMMr.iici:  iii:  i/ai!<;iiii'i:l  iiavaïif.n.  %7 

iuissi  (lu  cfilV',  tlii  coton,  ilii  tahnc,  mais  en  faible  quantité,  et  le  taro. 
jadis  la  nourriture  par  excellence,  est  en  grande  partie  remplacé  |(ar  le 
froment,  (pi'on  importe  de  l'Amériipie  du  Xord.  La  pèche  de  la  baleine 
et  du  cachalot,  si  importante  pendant  bi  première  moitié  de  ce  siècle,  a 
cessé  d'être  fructueuse;  mais  l'élevage  du  bétail  prospère.  Les  quelques  ani- 
maux domestiques  laissés  par  Vancouver  ont  peuplé  les  îles,  et  même  une 
partie  de  leur  descendance  est  redevenue  sauvage.  On  chasse  les  sangliers 
et  les  chèvres  dans  l'île  Havaïi;  ailleurs  on  élève  des  troupeaux  de 
brebis  et  de  bêtes  à  cornes  ;  partout  où  le  sol  est  déboisé,  une  herbe 
envahissante,  lemenercia,  s'empare  du  sol  et  forme  d'excellents  pâturages. 
Kauaï  est  le  «  jardin  »  de  l'archipel.  L'île  Mihau  n'est  guère  qu'un  vaste 
parc  de  bétail  appartenant  à  une  riche  famille  étrangère. 

En  vertu  d'un  traité  de  réciprocité  commerciale,  le  commerce  est  pres- 
que exclusivement  entre  les  mains  de  négociants  de  l'Amérique  septen- 
trionale'; même  avec  l'Eui'ope,  les  échaiiges  se  font  surtout  parla  voie 
des  États-Unis  :  grâce  au  chemin  de  fer  transcontinental  de  New-York  à 
San-Francisco,  le  voyage  de  Paris  àHonolulu  ne  dure  que  vingt-cinq  jours. 
Un  mouvement  considérable  de  cabotage,  par  chaloupes  et  petits  bateaux 
à  vapeur,  se  fait  entre  les  îles^;  en  outre,  les  planteurs  disposent  dans  les 
îles  Havaïi  et  Maui  de  quelques  lignes  de  chemins  de  fer'  pour  le  trans- 
port de  leurs  denrées.  Service  postal,  télégraphes,  téléphones,  les  insu- 
laires des  Sandwich  possèdent  tous  ces  avantages  matériels  de  la  civilisa- 
tion moderne  dans  une  plus  large  mesure  que  la  plupart  des  populations 
euro|iéennes.  Il  n'y  a  pas  un  seul  indigène  au-dessus  de  sept  ans,  homme 
ou  femme,  qui  ne  sache  lire,  écrire  et  calculer.  Le  jury  de  l'Exposition 
universelle  de  Paris,  en  1S7(S,  a  doiuK- à  Havaïi  le  grand  prix  pour  le  dé- 
veloppement de  l'instruction  primaire.  La  race  est  «  curieuse  de  savoir  »,  dit 
Jules  Piemy.  Elle  est  iière  aussi,  amoureuse  de  son  indépendance.  «  L'air 
du  pays  est  libre  »,  suivant  le  proverbe  havaïien. 

La  plus  grande  île.  Havaïi,  n'est  pas  celle  où  se  trouve  la  cité  la 
plus  p(qiuleuse.  Hilo,  le  chef-lieu,  est  situé  sur  la  côte  nord-orientale, 
au  bon!  d'une  baie  largement  ouverte  vers  l'alizé  du  nord-est  et  partielle- 

'  Expoi-lalimis  en  1886  :  54  80.j  000  fiaiics.  doiil  .j1  808  000  francs  de  sucre. 
Importations       ii  25  852  000       » 

Enseinl)le  des  échanges  en  188t)  :  80  657000  fiaiics.  dont  74  897  000  avec  les  États-Unis. 
-  Mouvement  de  la  navigation  de  l'archipel  havaïien  en  1886,  à  l'entrée  et  à  la  sortie: 
620  navires,  jaugeant  444  750  tonnes. 
Flolle  connneniali'  de  l'archipel  : 

58  navires,  jaugeant  l.ï  529  tonnes. 
5  i:iieuiius  de  fer  ile^;  îles  Sandwich  en  1887  :  51  kilomètres. 


IKiS 


XOrVEM.K   IIKOCIIAIMIIK   l'M VKRSEI.I.K. 


nient  comltléo  par  les  alluvions;  les  jihuilalions  sucriî'rcs  tics  alonfours 
ont  ôlé  plus  d'une  fois  menacées  par  les  coulées  de  laves  qui  s'épanchent 
des  veisanls  du  Mauna  Loa.  La  capitale  de  Maui,  Lahaina.  a  plus  d'avan- 
tages nautiques,  grâce  à  sa  position  sur  le  rivage  d'un  détroit  (pie  protè- 
gent au  large  les  îles  Lanaï  et  Kahulaui  :  c'est  le  port  réservé  aux  halei- 
niers,  devenus  rares  désormais,  et  en  outre  il  s'y  fail  un  commei-ce  consi- 
dérable de  denrées  agricoles,  notamment  de  sucre  et  de    raisins  exquis. 


IIUMII.ULU. 


0.,es-t  de  Pf 


[^ 


et  dfu  t^e/à. 


Fréquemment  des  assemMé(^s  politiques  se   sont  réunies  dans  celle  ville 
centrale  de  l'archipel. 

ITonoluhi.  la  capitale  d'Oahu  cl  de  loiiles  les  îles  Sandwich,  a  son 
]»oil  hien  abrité  des  vents  réguliers  par  ramj)hithéàlre  des  monts  envi- 
idiinanls,  et  des  courants  variables  du  laige  par  une  double  ligne  de 
i'écil's  :  découvert  en  1794  j)ar  un  miviie  américain,  il  est  devenu  le  centre 
de  l'archipel,  et  l'ancienne  capitale,  Kailua,  située  sur  la  côte  occidentale 
de  llavaïi,  au  nord  de  la  baie  où  fut  massacré  Ojok,  a  été  abandonnée.  La 
ville,  aux  maisons  éparses  dans  les  jardins  sur  un  espace  de  plusieurs 
kilomètres  carrés,  se  voit  à  peine.  Du  large  on  ne  dislingue  que  les  mas- 


'122 


iliNdI.ll.l.  ;t7I 


sifs  dos  grands  arbres,  les  bosqiicis  d'orangors.  et  rà  et  là  des  clochors 
d'églises  et  des  façades  de  palais.  A  l'est,  un  ancien  volcan,  le  Dianiond- 
head,  domine  fièrement  la  rade;  en  arrière  de  la  ville,  on  aperçoit  un 
autre  volcan,  au  cône  parfaitement  régulier,  au  cratère  hémisphéritjue  : 
c'est  le  Punrh-boirl  ou  le  <c  Bol  de  l'unch  «  des  Anglais.  Au  delà  se 
montre  le  col  où  passe  en  serpentant  la  roule  de  la  côte  opposée,  et  vers 
l'ouest  une  brèche  du  récif  laisse  entrer  à  marée  haute  les  eaux  de  la  mer 
dans  une  ])laine  lacustre  :  ces  lacs  «  des  Ferles  »  sont  d'anciens  cra- 
tères d'éruption  et  de  geysir,  devenus  maintenant  de  petits  bassins  d'eau  sau- 
màtre  et  fermés  à  la  bourlie  \y,\v  des  nasses  à  poissons.  Honolulu  est  le 
siège  des  principales  écoles,  des  sociétés  savantes  de  l'archipel,  et  c'est 
là  qu'on  publie  presque  tous  les  journaux  des  îles,  anglais  et  kanakes. 
Le  pori,  prin(i|iai('  Nlalion  des  navires  américains  (lan>  le  l'acilique,  reçoit 
à  (juai  les  navires  calant  moins  de6  mètres'. 


D'après  la  conslilulidn  de  1<SS7,  (pii  succède  à  iieaueoup  d'autres,  le 
gouvernement  liavaïien  est  une  monarchie  conslituti(mnelle.  Les  deux 
chambres,  des  nobles  et  des  représentants,  sont  également  nommées  par 
les  citoyens  d'origine  kanake  ou  étrangère;  mais,  tandis  que  pour  la  pre- 
mière les  propriétaires  ont  seuls  le  droit  de  vote,  tous  ceux  qui  savent  lire 
et  écrire  peuvent  voter  pour  la  seconde.  Les  nobles  sont  élus  pour  six  ans, 
les  représentants  pour  deux  années  seulement.  Les  deux  chambres,  com- 
prenant chacune  24  membres,  siègent  en  commun,  sous  le  nom  d'as- 
semblée législative  et  discutent  en  présence  du  ministère  royal,  formé 
de  quatre  conseillers  que  nomme  le  loi.  La  force  armée  se  compose  de 
250  hommes  recrutés  par  conscription  et  de  250  volontaires  '. 

La  langue  officielle  est  encore  le  kanake,  mais  elle  est  graduellement 
remplacée  par  l'anglais.  Les  écoles  sont  constituées  sur  le  modèle  des  éta- 
blissements américains  ;  les  livres  qu'on  donne  aux  enfants  sont  des  livres 
américains;  les  mesures,  les  monnaies  sont  les  mesures  et  les  monnaies 
américaines.  En  réalité  les  îles  Sandwich  sont  une  province  de  la  républiipie 

'    Ville-;  ili's  ilcs  Sandwich  iium-  Iimii'  |ii.|Mil;ili(in  ni   1^81)  : 

llonoluln.   ....        .......  -h)  187  lialiilanls. 

Uilo .5  000       » 

Lahaiiia 3  580        n 

-  Biuliîi'l  (le  l'areliipel  liavaïien  en   ISSIî  : 

lieeetles 17  iS'J  000  francs. 

Dépenses 17  ii:)000       ). 

nette  iml)lii|ne .  11771  000       » 


072 


NOUVELLE  r.ÉOGRAPIllE  UNIVERSELLE. 


voisine.  Si  elles  n'ont  pas  été  annexées  depuis  longtera[)s  par  les  Étals- 
Lnis,  c'est  que  jadis,  quand  cette  nation  n'était  pas  encore  la  puissance  de 
premier  ordre  (pi'elle  est  aujourd'hui,  ses  diplomates  et  ses  missionnaires 
ne  purent  triompher  de  la  résistance  de  la  firande-Bretagne  et  de  la 
France.  Maintenant  cet  obstacle  n'existe  ])his  ;  mais  les  Américains,  inat- 
laipiables  dans  leur  immense  domaine,  évitent  de  se  donner  des  points  vul- 
nérables au  dehors',  et  l'établissement  d'une  station  maritime  pour  ses 
grandes  lignes  de  paquebots  suffit  à  lui  assurer  les  avantages  commer- 
ciaux qu'elle  réclamait  :  d'ailleurs  les  imtables  des  îles  Sandwich,  quoique 
presque  tous  Américains,  ont  des  intérêts  opposés  à  ceux  de  leurs  com- 
patriotes. Tandis  que  la  rivalité  des  ouvriers  blancs  a  fait  expulser  les 
Chinois  de  Californie,  les  gros  propriétaires  de  Ilavaïi  veulent  continuer  de 
se  pourvoir  librement  de  «  bras  »  dans  le  Céleste-Empire.  Dans  la  répu- 
blique démocratique,  les  artisans  veulent  commander  le  marché  des  sa- 
laires ;  dans  l'archipel  féodal,  la  classe  dirigeante  veut  disposer  sinon  d'es- 
claves, du  moins  d'ouvriers  disciplinés.  Telle  est  la  raison  du  maintien 
de  ce  que  l'on  appelle,  par  une  fiction  légale,  l'indépendance  politique 
de  l'archipel  Havaïien. 


Le  tableau  suivant  donne  la  liste  des  îles  bavaïiennes,  avec  leur  super- 
ficie, d'après  Behm  et  Wagner,  et  leur  population  respective.  L'archipel  est 
divisé  en  quatre  provinces. 


1'I1CJVINCE<. 

ILES. 

scpEnnciE. 

POPUIATIUN    E\  lS8i. 

nip.    KIl.DM. 

Iliivaii. 

Uaviiii 

Mniii 

llj  iilC  kiloiii.   car 
1  268        n 

vs. 

Maiii. 

Kalnl.aiii    .    .    . 
Lana, 

14:.        » 
.-(Il        )) 

.Molokai.    .    .    . 

lui      .< 

80  578  haliitanls. 

;,    hall. 

Oahii. 

Oatiii 

1  f.SO 

i 

Kaiiaï. 

{  Kauaï 

(  Niitiau  fl  Kaiila. 

1  418        .. 
,2811        ), 

■  1 

■  1 

1 

Les  il, 

Is  ih  l'oiiosl.  d'iiiK 

siirfaci'  colli'clivc  dr 

(>2  kiliiinùlivs  carivs,  soiil  iiiliali 

U'S. 

»  C.  (le  Vaiigny,  Revue  polili(i>n-  ci  lillémiir.  .10  juillet  1887. 


En  lorminaat  ce  quatorzii'Miie  volume,  avec  lequel  s'achève  la  descriplinn  des  terres  qui  appar- 
tiennent géographiqucment  à  l'Ancien  Momie,  je  ptiisc  aux  auiis  el  compagnons  de  labeur  que  j'ai 
laissés  sur  ma  route  :  je  pense  à  Léon  iMetchnikov,  (|ui  m'aida  dans  mon  travail  pendant  plusieurs 
bonnes  années  de  fraternité  scientifique;  je  pense  à  S.  E.  W.  Roorda  van  Eysiuga,  qui  me  donna 
tant  de  précieux  documents  et  de  bons  conseils.  Ils  nous  ont  été  enlevés  tous  les  deux,  et  c'est  à 
leurs  familles  que  je  dois  reporter  le  témoignage  (le  reconnaissance  dont  j'ai  le  coeur  empli. 

Après  ces  deux  collaborateurs,  auxquels  je  dois  plus  qu'à  tous  autres  pour  la  préparation  de  ce 
volume,  je  suis  heureux  de  nommer  les  bienveillants  auteurs  qui  ont  bien  voulu  m'aidcr  par  leurs 
lettres,  leurs  récits  ou  leurs  annotations.  (Ju'ils  reçoivent  l'hommage  de  ma  gratitude  :  M.  Emile 
Trouette,  qui  a  relu  les  épreuves  de  mon  chapitre  sur  les  Mascareignes  ;  M.  Bliuk,  qui  a  suivi 
avec  soin  mes  pages  sur  l'iusulinde  ;  M.  Jimeno  Agius,  qui  m'a  fourni  de  nombreux  documents  sur 
les  Philippines  ;  M.  Emile  Giffault,  qui  a  revu  ii  fond  les  chapitres  relatifs  aux  Nouvelles-Hébrides  et 
à  la  Nouvelle-Calédonie;  M.  Raoul,  auquel  j'ai  pu  soumettre  les  chapitres  relatifs  à  la  Nouvelle- 
Zélande  et  à  la  Polynésie;  MM.  van  Kol,  Rartbes  et  (iordon,  à  l'obligeance  desquels  j'ai  eu  recours 
pour  mes  études;  M.  Cotteau,  qui  a  bien  voulu  rassembler,  dans  un  de  ses  derniers  voyages,  une. 
grande  partie  des  photographies  nécessaires  pour  l'illustration  de  ce  volume;  MM.  Marche,  Mon- 
tano,  Verschuur,  qui  ont  mis  il  ma  disposition  leurs  photographies,  .le  remercie  aussi  mon  collabo- 
rateur intime,  M.  Perron,  qui  a  dessiné  toute  ;  les  cartes  du  volume,  MM.  les  artistes  dessinateurs  et 
graveurs,  qui  m'ont  continué  leiu'  bon  concours,  M.  Polguère,  qui  s'est  astreint  au  pénible  travail 
de  revoir  les  épreuves.  Enfin,  je  n'oublierai  jamais  que  le  dévouement  infatigable  de  M.  Charles 
Schiffer;  son  concours  journalier  dans  les  mille  difficultés  de  la  publication  périodique,  m'out 
rendu  facile  une  œuvre  qui  sans  lui  eût  été  au-dessus  de  mes  forces. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE 


Ai):ifi^  (volcan),  -411. 
AI)d-el-Kouii,  61. 
Aboc  (volcan),  i6(). 
Ahoeiigers,  248. 
Al.ong-.\l)ong,  218. 
Aciipulco,  890. 
Adélaïde,  750,  *785.  787. 
Adélie,  17. 
Adi  (île),  643. 

Aelas,  Ahelas,   Atas,  lias,  ou 
Ncqritos,  537,  538  et  suiv. 
Agafia,  587. 
Agno  (fleuve),  532. 
Agno  Grande,  564. 
Agoeng  (goeuGug)  (Java),  330. 
Agoeng  (goenong)  (Bail),  411. 
Agi-igan,  583,  *587. 
.\guijan,  583,  *587. 
Agusan  ou  Butuan,  *532,  534. 
Ahravaïgi  (mont),  821. 
Ahuiiri  (golfe),  859. 
Ailuk,  615. 
Ajang  (monts),  343. 
Ajer  Bangis,  257. 
Akaroa  (baie),  816,  *861. 
Alabat  (îlot),  567. 
Alamagan,  583,  *587. 
Alaotra,  75. 
Alas,  239. 
Alas  (mont),  450. 
Alaska,  888. 
Albany,  778. 
.\lbay  (ville),  *567,  573. 


Alliay  (volcan  et  golfe),  522. 
Albert  (monts),  626. 
Albuiv,  800. 
Aldabïa  (île),  135. 
Alexandre  (terre  d'),  18. 
Alexandrina  (lac),  783. 
Alfourou,  214,  449,  450,  405, 

468,  477,  '484,  502,  *505. 
Alingina;,  015. 
Alivancia  (volcan),  519. 
Alivouroti  [Alfourou),  644. 
Allor  (archipel),   428,  *451. 
Al.di  (île),  933. 
Alpes  Australiennes,  *718. 
Alpes  Néo-Zélandaises,  821. 
Amahaï,  494. 
Amandit  (rivière),  306. 
Amargura  (volcan),  895. 
Ambalii  ou  Farafanga,  111. 
Ambarawa,  595. 
Ambenou  (principauté  d'),  441. 
Amberbakcn,  041. 
Amberno  ouMambcran,  627. 
Ambinivini,  72. 
Anddauw,  480,*481. 
Arabodimadiro,  104,  *1 1 7. 
Ambohimanga,  *H0,  111,119, 

122,  123. 
Ambohipeno,  111. 
Ambointiis,  485. 
Amboine  (ilc),   206,  212,  449, 

*480,  481,  483,  484,  487, 

480,  513. 


Amboine,  Amboîna  ou  Ambon 

(ville),  *490,  491. 
Ambre  (cap  d'),  *73,  76,  *llo, 

110. 
Ambre  (ile  d'),  152,  *158. 
Ambrym  (île),  675,  *685. 
Amedeus  (lac),  734. 
America-islands,  893. 
Américains,  923. 
Amirautés,  135. 
Amirauté  (îles  de  1'),  654,  656, 

662,  663,  068,  669,  672. 
Ammen  (fonds  d"),  941. 
Amocntaï,  *506,  311 
Amoerang,  468. 
Ampanan,  423. 

Amphitrite (baie  d'),  232,  266. 
Amsterdam  (ile),  8,  42,  *183. 
Anaa,  906,  94  . 
Anambas  (îlot),  276. 
Analagan,  *583,  587. 
Anatom  (Aneilimn),  *680,  683. 
Andjer,  250. 

Andonaré  (ile),  430,  *431. 
Andovoranto,  "IH,  119. 
Ângkce  (rivière),  588. 
Angoutsi  ou  Ngoutsi,  114. 
Annva,  679. 
Anjcr,  585. 
Anjouan  (Johaima,  Xsouani),  73, 

125,  126,  127,  •135. 
Ankaratra,  *71,  72,  79. 
Ankili  (péninsule),  116. 


'  Les  mmicnis  précèdes  d'un  astci'isipie  indicpient  la  page  où  bO 
cumplète  des  lieux,  des  populations  ou  des  sujets  désignés. 


trouve  la  descriplion  la  plus 


07(1 


l.\DK.\   ALl'IlAliETlUl  t. 


Ansoes,  Oi'i. 

Aiit  (Aiulciiiol.  liUO. 

Aiit'Minord.  '.!."). 

AiU'A'i.sdka,  'J'.t. 

Aiit'Alolch    nu     Anl'Alaolni  . 

*H(),  128,  ir.i. 
Aid'Anala.  'Oo,  HI-'. 
AnfAitiIroi.  'J2. 
AiiCAnl.ai,  9l'i. 
Ail  l'Ankara.  'M. 
AiifAiiossi.  "Jd,  lUO.  loi. 
Anlaictkle.  *ld.  50. 
Aiiti-Boiieiii.  Ul. 
Aiili'Clilhuiiii',  818. 
Aiili-Filicrniana.  Kl. 
Anti-Mahara,  Ul. 
.4«(i-J/(i/iî7«/.a,yl. 

1«/|-J/CH«.  1)1. 
AnlipoJt'S  (îlfs),  801. 
Antique,  509. 
Anton-Gil  (Anli)ngil)  (l)iiie),  00, 

68,73,  *1U. 
.\ntonorou,  1 10. 
Anl  Sikanaliri,  90. 
.Vii(sii-inii,'H4,  119. 
Anuda   ou  Cliern-iskiiul,  070, 

955. 
Aoraï  (nionl),  899. 
Aotea-roa  (île),  817,  815,  819. 
Apaiang,  01  G. 
.Vpanauia,  610. 
Apari'i,  504. 
Api  (Banda),  48'i. 
Api  (Ci'lébès),  450. 
Api  (Flores),  429. 
A|ii  (yoenong)  ou  iSraïKlcinl  ci- 

lan.l,  524. 
Api(llos<luSud-Onesl),4iO. 
Api  (Loml)ok),  422. 
Apia,  955,  950. 
.\pô  (volcan),  520. 
Apolinia,  055. 
Apsicy  (détroit  d"),  787. 
Aralbura  (nier),  450. 
Aranuka,  lilO. 
Araral,S09. 
Aiduriiiis,  925. 
Arayal  ou  Sinocoan  |nionl),529. 
Anijoeno  (volcan).  559. 
Arfak  (monts),  025. 
Arlak,  641. 

Argoeni  (baie),  624,  625, 
Argopocra  (volcan),  515. 
Arhno  (ile),  *600,  014,*015. 
Aringay  (bourg),  564. 
Aringay  ou  Santo-Toinas,  529. 
Ar/oi,  918,  911. 
Aris  (ilôt  d'),655. 
Aroe  (arcbipel),  619,  *628,'0l5, 

652, 


Aroe  llassa  (vulcani,  126. 

Aropcn  [Waropin],  042. 

Ari'ocifes,  590. 

Art  (île),  091,  *706. 

Aj'lhur  (nmnl),  821. 

Asahan  (fleuve),  251. 

.Vshburton,  755. 

Aspiring  (mont),  821. 

Astrolabe  (baie  de  ri,055,  "651 

Asuncion,  *585,  5S7. 

.\tali,  955. 

.\la|ii)epoe,  414. 

Alchiiiois,  *258,  249,  *254. 

Aliniaono,  95  . 

Atjeh,  202,  '254,  209,  .t02. 

Atlantique,  3. 

Atoeli  Koepaug,  441. 

Alti-Aiti,  045. 

Auckland  (îles),  817,  *8G4. 

Auckland  (péninside),  859. 

Auckland    (ville),    851,    *858, 

809. 
Auckland  (province),  870. 
Aurh,  015. 

Australes  ou  Tubuai  (îles),  893. 
Australie.    4,    5,    10,    22,  45, 

49,  52.620,675,  685,  *il4. 
Ausiraliens,  '744,  748. 
Avadii,  voir  llavaiki. 
Avon  (rivière),  861. 
Awa  0  le  .Vtua.  856. 


lialibcr  on  l!;iba.  i  18. 
Dabi  ou  Siinaloe  (ile),  255, 

254. 
lîabuyan  Clai'o  (volcan),  5^ 
liabuyancs  (îles),  550,  5()-i 
Bacolor,  *562,  575. 
Badjoa,  472. 
Baclocï,  554. 
Badoeng  (îlot),  412. 
liadoeng  (principauté),  411 
liagana  (muni),  656. 
Bagclen  (province),  409. 
Balian  ou  -Negara  (rivière), 
Bahoe  Solo  (rivière),  460. 
Ilahot,  Jriiui.  209. 
l'.akaia,  2li. 
Baker  (ilul),  907. 
Bakocngan  (volcan),  410. 
Balabac  (détroit),  516. 
Balabac  (ile),  550,  *575. 
Balade  (mont  et  village),  ' 
Balambangan  (île),  319, 
Balanga,  562. 


210. 
iO. 


505 


Bailli  (uioul),  050. 
Bali,2(l8,2l5,  544,*4I0.  451, 

512,  515. 
Balik  Pijqian  (nionl).  281. 
Baliiiais.  *412,  422,  425. 
Ballarat  (Ballaarat),   *808,  809 
Balleny  (archipel).  15. 
lialueian  (volcan),  545. 
Banda    (archipel),    480,   *482, 

487,  488. 
Banda  (mer),  479. 
Banda  Keira,  482,  485. 
Banda    ou  Keira   (ville),    *496, 

497. 
Bander-Saleh(Samneh),  61 . 
lîandjermassin  ou  Bandjer.  206, 

210,  278.  284,  '505,  510, 

511. 
Ilasilan  (ile),  572,  '580. 
Bass   (détroit    de),    714,  *72M, 
Basses  (îles),  10,  47,  48,  894, 

907.  Voir  Tuamotou. 
Ilattir,  575, 

Batanes  (îles),  550,  '564,  579. 
Batangas,  *564,  573. 
Batanfa,  625. 
Batavia  (Jakatra),  204,  206.227. 

.560,  505,  575,  580,  '585. 

405,  408. 
Batavia  (province),  409. 
Bathurst  (île),  787,  800. 
Batjau,    212,  465,    499,    500, 

502,  '504,  505, 
Batoe  Boendang  (mont),  285. 
Batoe  haoe  ou  pic  de  Tabanan, 

410. 
Ilaloi'  Badjah  (nionl),  283. 
Bal,,.'  Tcbàiig.  282. 
Baloer  (volcan),   *4I1.   119. 
lidtta  ou  Balldk,    214,   '259, 

250,  269. 
Balugudé,  440. 
Baiira  (San-Crislobal),  920. 
Bavoutabé,  117. 
Bawean  (ile),  *522,  .552,   401. 
Bav  ou  la  Laguna  (lac),  *329. 

502. 
Bav  oFlslands,  ou  baie  des  Ile-, 

816,8.59,850, 
Bay  (village),  562. 
BeechworUi,  808. 
Bi'linsi,  97. 
Bekasi,  588. 
lielang,  474. 
Belfast,  808. 
Belknap  (fonds  de),  945. 
BeloïKiis,  441. 
Bendigo  (Sandhurst),  808. 
Bendigo  (riv.),  808. 
Beneawang,  250. 


INDKX   ALPUABKTIQUE. 


977 


[î(-nf.k:ilis  (ile),  253.  *2f)(j. 
lîcii^koelon    ou   Bangkahoulou, 

*'J(10,  269. 
Bonyuet  (cirquo),  552. 
licnguet  (province),  519. 
Ben  Lomond  (montagne) ,  864. 
Berau  (péninsnle  et  golfe),  623. 
Berouw  (État  de),  510. 
BesagI,  225. 
Besoeki  (ppovincel,    556,   104, 

*409. 
Belanimena,  95. 
Betsiboka,  76. 
Betsileo.  89,  *92. 
Betsimisaïuhd, 'i)h,  115,  116. 
Beverley,  778. 
Bezanozano,  96. 
Biak  (ile),  628. 
Bibiluto  (mont).  ^157. 
BigBen  (moni),  19  i. 
Bikar,  615. 
Bandjir  (canal),  595. 
Bandong,  590. 
Bandong  (plaine), *551,  347. 
Bangaai,  *45o.  475. 
Bangka  (île),  210,   254,   *272. 

515. 
Bangkalan,  404. 
Bangkara  (île),  249. 
Bangli  (principauté),  419. 
Banjak  (îles),  249. 
Banjoemas  (province),  597,*409. 
Banjoewangi,  206,  '405. 
Banjoewangi  (province),  377. 
Banks  (cap),  795. 
Banks  (îles  de),  674. 
Banks  (péninsule),  '829,    861, 

840. 
Banos,  502. 
Bantam  (ville),  385. 
Bantam  (province),   352,    361, 

372,  577,  *409. 
Banlek,  474. 

Baobeltaob  (île),  588,  *590. 
Bara,  *92,  98,  111. 
Bamha-Baraba ,  748. 
Barayan,  564. 

Barisan  (monts),  *2I8,  225. 
Barito  ou  Banjor  (lleuve),  279, 

*287,  290,  506. 
Baros,  257. 
Basey,  568. 
Bikini,  615. 

Billiton  ou  Blitong  (Ile),  275. 
Bima  (baie  de),  424,  425,  428. 
Bima  (viUe),  427. 
Binangonan,  564. 
Binintiang  (volcans),  527. 
Bintang  (île),  270,  271. 
Bintoeni,  645. 


Birara  ou  Xeu-Pomniern,  655, 

*656,  662,  067,  608,  672. 
Bislig,  571. 
Bismarck  (arcbipol),  *655,  659, 

669,  672. 
Blainbangan,  405. 
Blancbc  (baie).  650. 
Blanche  ou  Wbakai-i  (ile),  836. 
Blenheim,  861.  870. 
Blue  Lake,  720. 
Blue-tips,  847. 
Blue  .Mountains,  723,  800. 
Bodjonegoro,  400. 
Boekit-Batoc,  266. 
Boelangan  (État  de),  310. 
Boeleleng,  415,  '416. 
lioeleleng  (province),  419. 
Boeloekomba,  472. 
Boengoeren   ou  Groot  .\atùena, 

276. 
Boerangrang  (mont),  331 . 
Boeroe,  479,  '480,  483,  485, 

495,  494,  695,  926. 
Boeroe-Boedhoer,  596. 
Boetak  (volcan),  359. 
Boeton  (ile),  *455,  459,  465. 
Bogong  (monts),  747. 
Boliol  (île),  518,  *580. 
Bonibetok       (  Amponibitokana  ) 

(baie  de). 
Bombon  (lac),  527,  528. 
Bonerate,  458.  ' 
Bonfire-beacb,  19i. 
Bongon,  519. 

Boni  (rovaume),  466,  472. 
Bonoa,  481. 
Bontbaïn    ou    Bantaeng     (pic), 

458,  462,  '472,  477. 
Bora-Bora,  '899,  941. 
Bornéens,  295. 
Bornéo,  22,  28,  51.  195,  190, 

202,  204,   210,  '277,   512. 

515. 
Bornéo  Hollandais,  502. 
Borongan,  568. 
Botany-bay,  714,  760,  *795. 
Bouajang,  571. 

Bougainville    (île),  655,    '650, 
Bougainville  (détroit),  656. 

•658,  661,  665,672. 
Boughi,  215. 

Bouiji,  502,  509,  456,  *466. 
Bouloupari,  705. 
Bounty  (îles),  817,  864. 
Buuia-Boura ,  748. 
Bourail,  705. 
Boui'bon  ou   La   Réunion,    67, 

'160. 
Bourke,  800. 
Bouroton  (ile),  926 


Bowcn  (Port-Denison),  791. 
Ilrambanan,  599. 
Brandewijn  (baie),  259. 
Brantasou  Kediri-rivier  (fleuve), 

'548,  400,  405,  404. 
Bras-Panon,  175. 
Brass  (ile  oupoelo),  218. 
Bratus  (mo:it),  284. 
Breng-breng,  529. 
Bril  (fort  de),  504. 
Brisbane,   777,  *789. 
British    Norlli -Bornéo,    279, 

280. 
Bromo (volcan),  540,  *543. 
Bruncï  ou  Bornéo  (rivière),  282, 

•287.  S90. 
Bruncï  (sultanat  de),  202,  204, 

'277,  '279,  280,  512. 
Brunci  (ville),  515. 
Buffle  (piton  du),  448. 
Buhi  (lac),  525. 
Bijitenzorî,    205,     206,    5511, 

580,  *589. 
Bulacan,  '561,  575. 
BiiU'-Dupis,  517. 
Bulusan  (volcan),  '522,  567. 
Bunbury,  778. 
Bundaberg,  790. 
Burdekin,  791. 
Burnett,  790. 
Burias  (île),  518,  '579. 
Burketown,  791. 
Burotu,  926. 
Burra-Burra,  785. 
Burrum,  790. 
Busselton,  778. 
liutaritari,  ou  Pitt-island,  864. 
Buluan,  571. 


Cabusao,  567. 

Cafres  (plaine  des),  169,  176. 

Cagavan,   Tajo  ou   rio  Grande, 

♦552,  564. 
Cagsaua  (Daraga),  507. 
Cagud  (volcan),  529. 
Caillou  (le),  706. 
Calamiaî^cb  (îles),  544. 
Calapan,  567. 
Calunipit,  *562,  575. 
(jamalig,  567. 
Camarines  (péninsule),  556,553, 

567. 
Caminguin  (îlot),  520. 
Caniinguin  (volcan),  530. 
(lanipaspe,  808. 


123 


'm 


INDEX  ALPUAliKTIOri:. 


Oampbell  (îles),  "817,  804. 
Campbelltown,  81)4. 
(^anterbury  (province),  870. 
(lapiz,  *569,  573. 
Caraballo  (inonls),  518. 
Caragas,  544. 

CargadosouGarayos  (ilôts),  159. 
Caroline  (iles),    iiô,  *59S,  890, 

925,  924.  931. 
Caroline  (île),  Microncsie,  895. 
Caroline  (île),  Polynésie. 959. 
Caioliiis,  601. 

Carpentaria  (golfe),  *788,    875. 
Casilemaiiie,  808,  809. 
Caslle-mounlain.  821. 
Calalangaiies,  546. 
(]atbalongan,  568. 
Cavile  (ville,  anse),  *56l,  578. 
Cebù  (lie),    *5I8,   *5I9,   557, 

544,550,  570.  580,  581. 
Cebi'i  (ville),  *570,    573,  576, 

579. 
Celèbès,  22,  52,195,190,202. 

209,    211.    215,  214,    280, 

•454,  485.    501.   507,   512, 

513,  926. 
Celêbicns,  406. 
Ceram  ou  Serang,    479,    480, 

*482,  494,  926. 
Ceram-Laoet,  480. 
Chalmers  (port  el  ville),  862. 
Chamoiros,  584. 
Cbanipion  (baie),  780. 
Chailes-Louis  (monts),  625. 
ChailoKc-Walcis,  737. 
Cbarler  Towers,  791. 
Challiani  ou    Waiekauri,    817. 

804,  807. 
Cheiibon  (mont  et  golfe),  531. 
Clieiibon  (province),  379,590, 

'409. 
^heribon  (ville),  590. 
Chesterliekl    (îles     et     récifs). 

818. 
Cbina-straits,  02(i. 
Chinois,  274.   276.  302.  305, 

362,  549,  852. 
Choa  ou  Mainoutzou  (pointe  de), 

135. 
Cboiseul  (lie),  653,  *65C,  658, 

•672. 
Christchurch,  840,  *86l,  802, 

868,  869,  870. 
Chiistmas  (île),  *182,235,  893. 
Christmas  (île),  Polynésie,  945. 
Cluistnias-barbour,  1 94. 
Cilaos  (cirque),  163,  176. 
(iiniandef  (mont),  161. 
Clarence  (rio),  800. 
Clermont-Tonnerre,voir.\atupc. 


Clunes,  808,  809. 
Cluny,  142. 
Clutlïa  (fleuve).  824. 
Cobourg  (péninsule).  78 
Coelivy  (il(il).  141). 
Coin  <lc  Mire  (île),  152. 
Colasi  (sierra),  520. 
Comores,  4,  5,  42,  92,  ' 
Concepcion,  509. 
Condamine.  731. 
Cook  (détroit),  829.  83! 
Cook  (îles),  895,  *898,  i 
Cook  (mont),  821. 
Cooktown,  652,  79i. 
Cooper's  ereek,  755,  74 
Corail  (mer  de),  729. 
Corregidor  (île),  *529,  L 
Cosmoledo  (iles),  134. 
Coltabato,  571. 
Courrier  (baie),  115. 
Cradle-mountain,  720. 
Creswick,  808. 
Croydon,  791. 
Ci'ozet  (archipel).    *190, 
Crozier  (mont),  191. 
Curepipe,  158. 
Curieuse  (ile),  150. 
Cyclope(inont),  020. 
Cygnes   (  rivière    des  ), 
liver,  778. 


Dadinga  (baie),  508. 
l)aet,'507. 
Dalbv,  790. 
Daniàr,  501,  502. 
Danmia,  447,  448. 
Dampier  (détroit),  654. 
Dampicr  ou  Kar-Kar  (île"), 

•672. 
Danau,  282. 
Danger  (pointe),  793. 
Daraga,  522,  *567,  573. 
Dark  Cloud-sound,  828. 
Darling  (fleuve),    *732  , 

747,  793. 
Darnley-island.  791. 
Darli-Darii,  748. 
Darwin  (sommet),  821. 
Dasar,  340. 
Data  (volcan),  529. 
Davao  (ville  et  baie),  519,  ' 
Dayak,   214,  *294,  311, 

317,  408. 
Daylesford.808. 
Dedica  (écueils),  530. 


125. 


9,  801. 
.122. 


01. 


655, 


571. 
515, 


Deli  (rivière),  268. 

Dell  (ville),  266. 

Demak,  594. 

Dempo  (volcan),  224. 

Deniliquin,  808. 

Diadème  (mont),  902. 

Diahot  (fleuve),  *692,  703. 

Diamant  ou  Djamboe-Ajer  (cap), 

218. 
Diamond-head,  969. 
Diego  (cap),  114. 
Diego-Suarez     ou     Aniomboka 

(baie),  75,  «114,  115. 
Dieng  (plateau),  532. 
Dikbuik  (mont),  458. 
Dilli,  445. 
Diudi  (volcan),  426. 
D,iadollo(Gilolo).  507,  *511. 
Djallan-Batoe,  285. 
Djanibi    (fleuve),    *252,     260, 

265. 
Djambi  (province),  265. 
Djambi  (ville),  252. 
Djawana  ou  Joana,  395. 
Djetma-Buciiu,  52 1 . 
Djembrana    (province).     4I(>, 

•419. 
Djokjokarla  ou  Djokjo  (ville  et 

province),   570,   579,   *397, 

405,  407,  409. 
Dobbo,  645. 
Doeang  (îlot  de),  460. 
Doela,  454. 

Doewa  Soedara  (volcan),  ifiO. 
Dolok    Simanaboem    (volcan) , 

221. 
Donda  (moni)   459. 
Doiulo  (golfe',  475,  474. 
Dongala,  475. 
Doreï,  632,  '640. 
Dubbo,  800. 
Ducos  (presqu'île),  705. 
Duff  (mont),  904. 
Duizend  Eilanilen,  522. 
Duinaran  (ilutde),  519. 
Dunedin,  801,  802,  "8.52,  808, 

870. 
Dusky  Sound,  828. 
Diisiiii,  517. 


Eaglehawk.  809,  808. 
Earnslaw  (mont),  821. 
Ebon,  015. 

Ecbii[uier(iles  del'),  055,  *G5B, 
000. 


INDEX   ALPII.UIKTinrE. 


979 


Echuca,  808,  809. 

Edi,  256. 

Egmonl  (iiKinls).  8.")9.  800. 

Einieo  ou  Moorca.  899. 

Elato  (îles),  UOII. 

Ellice  (îles).    10.    *008,    01  P. 

891,  9'21. 
EliedeBeauinoiit(soniiiict),  S'il . 
Elmore,  615. 
Elpupoeli,  49-i. 
Ema-Davan,  441. 
Ema-Velou,  441. 
Emerald-island,  817. 
Emiiiaville,  800. 
Endeh  ou  Ambogaga,  429. 
EnderbuiT  (île).  47. 
Enderby  (terre  d"),  29. 
Engafli)  (cap). 
Eiigano  (île),  233,  *25"). 
Eniwctok  ou  Brown  (îles),  014, 

615. 
Entrecasteaux    (archipel     d' ) , 

*627. 
Entrecasteaux   (îles   d'),    049, 

652. 
Entre-Deux,  176. 
Erebus,  *18,  42. 
Erikub,  615. 
Ermite  (îles  del"),  656. 
Erromango,  678,  082.  *685. 
Erub  ou  Murray  (île),  791. 
Espiritu-Santo  ou  Merena,  673. 
Espiritu-Santo  (île),  *682,  685. 
Essington  (port),  787. 
Eucla,  779. 
Eyre  (lac),  734. 


Fak-Fak  (isthme),  659. 

Fakarava.  941. 

Fanning  (îles),  895,  S9i.  nUO. 

924. 
Farallon  dos  Pajaros,  585. 
Farewell  (cap),  821. 
Farquhar  (îles),  135. 
Earroilep  (Faraulep),  596.  *000. 
Fatu-hiva,  946. 
Fénérife  ou  Fenoarivo,  113. 
Fianarantsoa,  *H0,    119,   122. 
Fidji  (îles),  15,  48,  *87I. 
Fidjiens.  S75. 
Filarang  (province),  445. 
Finisterre  (monts),  626. 
Finsch-hafen,  650. 
Fitzroy  (fleuve),  752,  780. 
Flinders,  752. 


Flores  (île),  428. 

Flores  (cap),  450. 

Flv  (fleuve),  627. 

Foa  (la),  705. 

Fomboni,  154. 

Fonualai,  895. 

Forbcs,  8011. 

Fort-Dauphin,  00,  08,  Mil. 

Fort  van  der  Capellcn,  258. 

Foulepoinic     (Mahavclo),      79, 

•113. 
Foui  Wind,  801. 
Foveaux-strait,  *817,  841. 
Françaises  (îles),   *056,  672. 
Franklin  (mont),  821 . 
Frederik    Ilendrik    (île),    619, 

620,  *628. 
Fremanlle,  778. 
Friedrich  WdIu'Imsbaren,  052. 
Funga-sa    (baie  du    .Massacre), 

955. 
Fuluna,  '081,  931. 


Gabriel  (village),  180. 
Gairdncr  (lac),  734. 
Galapagos  (îles),  49. 
Galega   ou   las    Galegas    (îles). 

140. 
Galela,  511. 

Galets  (rivière  des),  105. 
Gallaway  (mont),  818. 
(ialoengoeng  (volcan),  550. 
Gamakora,  501. 
Gambier    ou  Mangareva,   904. 

922,  *927. 
Gambierton,  785. 
Gapan,  *562,  573. 
Garden-island,  778. 
Garoet,  390. 
Gascoyne,  735. 
Gaspar   Rico     ou     Cornvvallis- 

island,  615. 
Gautier  ouTabi  (mont),  620. 
Gawler,  785,  787. 
Gaya  (baie  de),  319. 
Gaijoii,  239. 
Gcbnr,  642. 

(!edé  (volcan),  *325,  377,  589. 
Geelong,  *807,  809. 
Geelvink  (baie),*618,  023,  OiO, 

042. 
Geliting,  429. 
Gemicn  (île),  038. 
GenolTo  (mont),  025. 
George  (lac).  798. 
Georgetown,  *805. 


(îeraMion,  780. 
Gilbert  (fleuve),  752. 
Gilbert  (îles),  *008,  013, 

924. 
(îili  Hanta  (volcan),  427. 
(îilolo  (Djailollo),  507,  *51 
Gipp's  land,  808. 
fiiquel  (île),  672. 
Gisborne.  859. 
(îjanjar  (pays  de),  419. 
Glenelg,  784,  787. 
Glisong,  472. 
Glorieuses  (îles),  154. 
Gloucester  (cap),  656. 
(îoa  ou  Gowa,  472. 
Goenong  Api,  voir  Api. 
(ioeneng  Siloli.  257. 
Goenong-Teboer  (Etat  de), 
Goentocr  (goenong  ou  vul 

330. 
Gomanton  (cavernes  de),  5 
Goolwa,  785. 
(ioram,  479,  480,  *482. 
Goro  (île),  874. 
Gorontalo   ou    llolonlalo, 

*47i. 
Gorontalo    (golfe),     459, 


010, 


18. 


462. 


Gouaro,  705. 

(ioudherg,  voir  Selavva  Djanlen. 

Goulburn,  780,  801 

Grafton,  800. 

Graham  (terre  de),  18. 

Grahamstown,  859. 

Grampians,  720. 

Grand-Brûlé  (volcan),*16 1 ,  162 

Grande-Barrière,   729,    791    el 

suiv. 
Grande-Comore ,     *125,     120. 

127,  '154. 
Grand  Enclos,  161. 
Grande  Kei,  450,  *454. 
Grandière  (îles  de  la),  627. 
Grand  Océan,  889,891. 
Grand  Sable  (hameau),  107. 
(îroat  Sandy-island,  790. 
(ireenough,  790. 
(îregory,  752. 
Gresik  ou  Grissee,  400. 
Grey  (fleuve),  732. 
Greymouth,  861. 
Gioot  Atjeh  (Kota  Radja),  *255. 
liroot-Banda  ou  Lonlhoir,  *482, 

490. 
Groote  Dajak,  288. 
Groot     Natoena    (Boengoeren), 

276. 
(iros  Morne  (colline),  165. 
Guadah-anar    (île),    *058,   659, 

072. 


980 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 


Guagua  (la),  56"2. 

Guam    ou   Guahan    (ile),    581, 

582,  *587. 
Guildforil,  77^. 
Guimaras,  5(Î9. 
Guimaras  (ile  et  détroit),  509, 

570. 
Guinan,  568. 
Guinobatan,  567. 
Gundagai,  800. 
Gynipie,  790,  791. 
Huon(île),  691. 
Huon  (ile),  689. 


Haast  (rivière  et  imIi.  8-Jl. 
Haggier  (Haiijar),  59. 
Ilaleahala,  950. 
Halmaheia,  195.  2811.  -199, *50 1 , 

505,  507,  *5Û8. 
Hanovre  (baie),  759. 
Hao,  940. 
Haolai  (îles).  952. 
Uari  (rivière),  *252.  260. 
Harper's  pass,  82 1 . 
Hatzfeldt,  652. 

Havaii  ou  Sandwich,   42,   49, 
165,  894,  926,  945  et  suiv. 
Havaïieiis,  962. 
Havaïki,  845,  *927. 
Hawke's  bay,  870. 
Hawkesburv  (rivière),  799.801. 
Ueard  (île),"  190,  *194. 
Hellville,  MO. 

Hervey  (iirs),  956, 
Hiaou,  *946. 
llieriguène,  706. 

Ilikurang  (monl).  851. 
Hilo,  954,  968,971. 

Hilgard  (fond  lie),  895. 

llindmarsh,  785. 
Hitoe  (péninsule),  48 1 . 

Hiva-oa,  904. 

Hobart  ouobart-town.  772,  777, 
•810. 

llobson's  bay,  804. 

Hoebsletter  (Mjnnnel),  821. 

llokitika.  861. 

llonden  (île),  908. 

Honolulu,  *908,  971,972. 

llouadou,  707. 

Houtman's  Abrolhos,  780. 

Hova,  65,  87,  '97,  120. 

Howamoel,  482. 

Howe  (cap),  795. 

Howe   (îles)    (Lord   Howe),   78 
801,818. 


Howlands(îlc),  907. 
Hoya,  494. 
Huahine,  899,  941. 
lludson,  616. 
lluenake  ou  llonden,  908. 
Huîtres  (rivière  aux),  178. 
liula  (promontoire),  649. 
llumboldt    ou    telokh    Linljoe 

(baie),  642. 
Huraboldt  (mont),  680. 
Hunter,  799. 
Huon  (golfe),  651. 


Iba.  56û. 

Ibanag  ou  Cagayanes,  o45. 

Idaaii.  517. 

Idjen  (mont),  545. 

Ifuyaos,  546,  *54S. 

Igorrole,  555. 

Igorrotes,  *546. 

Ikana  Maui,    voir   Nouvdli-Zé- 

lande, 
Ikiongo  ou  Ikongo,  95. 
Ikopa  (rivière),  '76.  104,   100, 

118. 
Iles  de  l'océan  Indien,   57. 
Iles  (baie  des),  bay  of  Islands, 

voir  Baie  des  lies. 
Illana  (bahia),  552. 
lltanos  (Lanon,  Lainiii),  *51'.l, 

545. 
Ilocos  ou  Ilocanos,  *545,  554. 
Hoen-bario  (monl).  457. 
Ilo-Ilo,  *569,  575,  579. 
Uongoies,  546. 
Imérina,  70.  105. 
Indan,  562. 

Indien  (oc'éan),5,0,*21,  28.55. 
Indonésiens,  *214,   548,    922, 

925. 
Indragiri  ou  Oembilien  (fleuve  ), 

225,  *251,266. 
Indramajoe  (cap),  *547,  590. 
ludrapoeri,  255. 
Insulinde  ou  Indonésie,  4.  5.  7. 

28.  48,  51.54,  *I95. 
Inui  (île).  Voir  Mue. 
Invercargill,  864. 
Ipswich,  *790,  791. 
Iiaijas,  546. 

Iriga  ou  Iraga  (volcan),  525. 
Irwin  (rivière),  777. 
Isabella,  575. 
Itassi  (lac).  *75,  76. 
Ivoliibé  (monl),  *71,  92. 


Jaluil,  014,  615. 

Japara,  594,  '409. 

Japonais,  922. 

Jappen  (île),  628. 

Jaro,  569,  576. 

Jarvis  (ile),  907. 

Java,  7,  10,22,  42,  195,  196, 
198,  201,  202,  205,  207, 
210,  213,  217,  257,  277, 
295,  *520,  512,  513,  552, 
785. 

Java-hoofd  ou  Java's  Ooslhoek, 
322,  *325. 

Javanais,  215,  270,  555, '554. 

Jemo,  615. 

Joào  de  Nova  (ile),  155. 

Jobi  ou  Joppen  (île),  642. 

Joinville  (terre  de),   19. 

Jolo  ou  Sulu  (archipel),  467, 
517,  518,  519,  537,  545, 
546,  '572,  573,  580. 

Jolô  ou  Sulu  (ville),  '575,  579. 

Jnan-Fernandez  (îles)  (uias  a 
Fuera,  mas  a  Dentro),  50, 
893. 


Kaba  (volcan),  224 

kabalaki  (pic),  436. 

Kabalelo  (volcan),  429. 

Kadina,  785. 

Kadoe  (province),  595,  '409. 

Kailijan,  313. 

Kahajan    (fleuve),    279,     28 

'290. 
Kailua,  968. 
Kaimawana  (baie).  851. 
Kaïpara    (baie    et    ville),    85 

859,  860. 
Kaiser  Wilbehns-land,  650 
Kajan  (rivière),  290. 
hajeli  (baie),  480. 
Kajeb  (ville),  '495,494. 
Kajoa,  499,  500,  501,  '505. 
Ka-laé  (pointe),  954. 
Kalamantin  ou  Klematan.   27 
Kaloeng-Koeng  (province),  41 
Kambing  (ile),  446. 
Kambing  (ile  de  Samoe),  457 
Kampar  (fleuve),  251. 
Kanakes,  '695,  698,  788,91 

voir     Nouvelle-Calédonie 

llavaii. 


9. 


INDEX   ALPUABÉTlOLifi. 


981 


Kanala,  707. 

Kandavu  (ile),  875,  874.  886. 

Rangeai!  (archipel),  32-4. 

Kao  (mont),  8'J5. 

Kapoeas  (neuve), 279,  *2S7, 288. 

290,  503. 
Kapunda, 785, 787. 
Karang  (volcan),  324. 
Karang-.\sseni  (Lombok),   425. 
Karang-Assem  (province),  419. 
Karas  (archipel),  645. 
Karbaouen-gat,  258. 
Karimata  (îles),  277,  287,  *505. 
Karinion  (ilols).  271. 
Karimon-Java  (iles),  522. 
Karon,  641. 
Kartal    ou    KaraJalla    (volcan). 

126. 
Katau,  655. 

Katingan  (fleuve),  287,  *290. 
Kauai,  947,  958,  972. 
Kaula  (île),  955. 
Kawa-Kawa  ou  Russell,  858. 
Kawi  (volcan),  559. 
Kealakeakua,  947. 
Kediri  (province),  404,  *409. 
Kediri-rivier  ou  Branlas,   518. 
Kedoe  (province),  379. 
Keeling  (iles).  *180,  226. 
Kei  (iles),  449,  450,  *454. 
Keisers  Piek   ou    Tangkainoes, 

255. 
Kelaï  (rivière),  290. 
Kelang  (ile),  481. 
Keloet  (volcan),  557. 
Keina,  474,  *477. 
Kembangan  (péninsule),  390. 
Kemp  (ile),  20. 
Kendangan  (district),  506. 
Kendari  (baie),  472. 
Kensington,  785. 
Keo  ou  Romba  (volcan),  429. 
Kerawara,  670. 
Kerguelen  (ile),  50,  *190. 
Kerikdjéé,  253. 
Kerkan  (volcan),  501. 
Kermadec  (iles),  817,  867,  892. 
Ketolabi  (mont),  851. 
Kiama,  801. 
Kiholo  (baie),  951. 
Kilauea,  954. 

Kilwaroe  (îlot),  *494,  495. 
Kimberley  (district),  780. 
Kimo,  96. 
Kina-balou  (mont),   208,  *280. 

292. 
Kina-Batangan  (rivière),   *290, 

517,  518. 
King    George    sound  (Albany), 

775,  776,  778. 


Kingo  (volcan),  429. 

Kinn's  country,  *S49. 

Knigsniill-islands,  608. 

Kingston,  864. 

Kisser  ou  Kissa,  *447,  448. 

Kitoniho,  118. 

Klabat  (baie),  272. 

Klaliat  (volcan),  460. 

Klapper-kust,  628. 

Kloeang,  256. 

Kock  (fort),  258,  269. 

Koedoes,  595. 

Koekoesan  (volcan),  545. 

Koepang,  455,  *445,  444. 

Koetei  (Ocuve),  279. 

Koetei  (rovaunie),  506. 

Koewoe,  595. 

Kohala,  957. 

lioïiapu,  650. 

Kolessea  ou  GoUonsir,  58,  *01. 

Konio  (mont),  899. 

Koinodo  (archipel),  427. 

Kooringa,  785,  787. 

Koriniji  ou  Indrapoera   (mont). 

221. 
Korinljierx,  248. 
Koriicr,  588. 
Kororarika,  816. 
Korrido  (île),  628. 
Kosciuzko  (monts),  719. 
Kota   Radja     ou    Groot    Aljeb, 

*255,  269. 
Kotaringin  (fleuve),  287. 
Kouro-Sivo,  33,  925. 
Koijari,  632,  647,  *649. 
Krakalau  (ile),  42,  225,   *226, 

227,  324,  385. 
Krawang  (province^  409. 
Krowelang  (pointe),  395. 
Kucbing  ou  Sarawak,  *514. 
Kudat,  319. 
Kuria,  616. 
Kurnaï,  750. 
Kwandang,  474. 
Kvneton,  808. 


babo    ou   Telas  de    Polantuna 

526. 
Laboean,  268. 
Labnan  (île),  279,  *513. 
Labnk,  319. 
Laehlan,  800. 
Lae  (Lai,  Brown),  615. 
Laguna  de  Bay,  552. 
Lahaina,  955,  957. 


Laibobar  (volcan),  450. 

Lakahia  (mont),  625. 

Lakemba,  876,  881. 

Laki-Laki  (volcan),  429. 

Lakoeroe  (monts),  285. 

Lakon  (volcan),  460. 

Lakor  (ile),  448. 

I.alld  (Nueva-Segovia),  504. 

Lamabalé  (volcan),  451, 

Lainandang  ou  mont  de  Toma- 
hoe,  480. 

baniaiisieri,  625. 

I, aniline  (volcan),    426. 

I.anuiiigan  (volcan),  545. 

Laniourek  ou  .Nainourek,  596, 
*600. 

l.ampogero,  248. 

Lainiiong.  *248,  261,  209. 

Landak,  303. 

Landoe  (îlot),  438. 

Lang(île),  226,  227,  *251. 

Lanteh  (volcan),  424. 

Laoag,  *564,  575. 

Laoet  Tawar,  259. 

Larantoeka  (ville),  451. 

Laranloeka  ou  Ilimandiri  (vol- 
can),429, 451. 

Larat,  450,  *451. 

Larrons  (archipel  des),  voir  Ma- 
riannes. 

Laté  (volcan),  895. 

Latimodjong  (  monts  ),  455, 
*456. 

Lau  (archipel),  874. 

Launceston,  772,  *810.  815. 

Lawajang,  452. 

Lawoe  (monts),  556. 

Leeoe  (mont),  456. 

Lefuka,  951. 

Legaspi,  *567,  579. 

Leichhardt,  750. 

Lekendia,  voir  Lakemba. 

Lelé  (ilôt  de),  607. 

Lémurie,  4,  85. 

Lepanto  (monis),  519. 

Lesson  (ile),  655. 

Letti  (île),  447. 

Levuka,  886,887. 

Leyte  (ile).  518,  520,  521, 
568,  580. 

Levtimor    (péninsule),  481. 

Libong,  567, 

Lifan,  455. 

Lifou  (île),  691.  709. 

Ligao,  567. 

Likieb,  615. 

Limbangaug  (île),  458. 

Limon  (le),  180. 

Line-islands,  608. 

Lingayen,  *565,  575. 


'J82 

Lingga  (archipel),  254,*269. 
Lingga  liiiont),  270. 
Litchi-Litchi,  748. 
Liverpool-plaios,  723. 
Liwong  (fleuve),  588. 
Lobetobi  (volcan),  429. 
LobetoUé  (volcan),  431. 
Loeang  (île),  448. 
Loesch,  218. 
Loetoentoer   (Loklilon   Toeoor), 

306. 
Lofly  (monts),  7(59. 
I.omblen  (ile),  451. 
Lombok  (délioil).  420,  421. 
Lombok  (ile\  208,   215.  *420. 

512,  Ô13.' 
Lombok  (pic),  422. 
Longue  (île),  072. 
Lonlhoii'  ou  Grande liauila.*482. 

485,  496. 
Lopevi  (moul),  673. 
Los  Martires.  000. 
Louisbourg,  08,  114. 
Louisiade  (archipel  de  la),  049. 

•652. 
Louis-Philippe   (terre  de).    19. 

20. 
Louquez  ou  Lokia,  114. 
Lovaulé    (Lovaltv),    684,  *683, 

691,  709.' 
Luar  (lac),  287. 
Lucban,  362,  373. 
Lucipara  (plateau   sous-marin). 

480. 
Lukuuor  (ile),  692,  931. 
l.undu,  314. 

Lupar  (fleuve),  287,  *290,  314. 
Lupar  (monts).  282. 
Lnzon,   196,   513,    318,   *32l, 

*552,  536,   543,   554,  555, 

574. 
I.usençav  (lagon),  627. 
I.M'II  (Munmct),  821. 
Lmix.  (116. 
l.ytlelton   (Port-Cooper).    *861. 


Mabiak,  652. 

Macassar   (Mangkassar),    456. 

41)2.  •470,  477,  690. 
Macassar  (province),  471. 
Macaturin  (volcan),  520. 
Mtichicures,  92. 
Mac  Cluer  ou  de  Uerau  (golfe), 

624. 
Mac-Domdd  (îlot),  190,  *194. 


INDEX  ALPUABKTIQUE. 

Mac-Douall,  724. 

Mackay.  791. 

Macquarie(île),  817,  *864. 

Mactan  (îlot),  8.  570,  *581. 

Madagascar,  4,  5.  7.  49,  51 
53,  55.  *62.  126,  128,  158, 
217. 

.Madioen  (province).  399,  *409, 

Madame  (ile),  113,  .320.  *.322. 
*345,  *355,  373,  409.  512, 
513. 

Mndoernis,  355. 

Mafate  (cirque),  *163,  176. 

Mnfoiir  ou  y o four,  641. 

Magalbâes  (archipel),  588. 

Magelang,  595. 

Magellanie  ou  Philippines.  515. 

Magindanao  (lac),  552. 

Mahafidi.  91,  92,  «99.  118. 

.Mahakkain  ou  Koeleï  (fleuve), 
*288,  290.  292. 

Mahannro,  111. 

Mahé  (ile),  156,  157. 

Mahéhourg,  159. 

Mnhorri,  131. 

Maiana,  616. 

Maijang  (île),  277. 

Mainil  (lac),  520. 

Maitland,  *799,  801. 

Majang  (ile),  287. 

Majavjav  (volcan),  *627.  534. 

Majoi,  499. 

.Majuro.  615. 

Makariki,  494. 

Makin,  616. 

Makjaii.  499,  500,  *505. 
Makiaï  (côte),  618,  *6.")5. 
Ma-Kona,  116. 

Malabar  (volcan).  *.329.  377. 
Malal)o<'b  (Analaboe),  257. 
Malaboti,  561. 

Malais,  .54,  55, 198,  215,  *21 4, 
238,    270,    502,  555,    465, 
502,  537,  558,  *542,  631, 
932. 
Malaïla  (ile),  *657,  672. 
Malakan,  594. 
Malang  (pays  de),  404. 
Malapi,  518. 
Malarayat,  527. 
Malaspina  ou  Canlonn  (volcan), 

520. 
Marlborougb  (lurt),  261). 
MalHen  (île),  S95,  894.  910. 
Maliiachcs,  85. 
Malinao  (volcan),  525. 
Malindang  (volcan),  520. 
Malintang  (mont).  221. 
Mallicolo.  678,  679,  *683. 
Maloclab,  615. 


Malle-liriin  (mont),  821. 

Malu  (mont),  282. 

Mamanuas,  558. 

Mamanulha  (archipel),  875. 

Manafiafa  ou  Sainte-Luce  (baie), 
66. 

Manahiki  lîles),  895,  *902,  946. 

Mana|iouri  (lac),  82i. 

Manalulo,  446. 

Manawoko,  '482. 

Manawoko  (ile),  485. 

Mandala-Wangi,  325. 

Mandayas,  549. 

.Mandhar  (cap),  457. 

Mandjiengan.  598. 

.Mangaia,  945. 

Mang-areva  oU  fiambier,  *905. 
*922,  941,  944.  945. 

Mangei-aai,  432. 

Mangkaraï  (pays  de),  427. 

Mangkassar,  466. 

Mangoka  ou  Saint-Vincent,  76. 

Manille.  530,  552,  554,  54?. 
552.  554.  *557,  575,  576, 
579. 

Manindjoc  ou  Danau  (lac),  222, 
223. 

Maningori.  75. 

Manipa,  481. 

Manito  (source),  522. 

Manly  (bains),  797. 

Mayiobos,  548. 

Manoek  (fleuve).  547. 

Manoembing,  275. 

Manono  (ile),  955. 

Mant.issa,  1 10. 

Manukan,  859. 

.1/aori,  468.  *82l),  840. 

Maquilinï,  527. 

Mai-aki,  *610,  616. 

Marapok  (mont),  510. 

Maras,  272. 

Mare  on  Nengoné,  691. 

Mareh  (îlot).  505. 

Margasari,  506. 

Marianncs  ou  iles  des  Larrons, 

8.  25.42.  *581. 
Maria-Tberesa  (écueil),  895. 
Maribojoc,  571. 
Marigondon.  564. 
Marinduque,  545. 
Marion    (archipel).  *189,    195. 
Maiiveles  (monts),  329. 
Mai'iveles  (ville),  565. 
Marlhorough  (prov.),  870. 
Maros,  459,  *471. 
Marovo.Yi,  118,  119. 
Marquises  (iles),  10,  892,   894. 
*895.  904,  926,   941,  946. 
Mmijuisicns,  920. 


l.NDKX   ALl'U.USKTIOUE. 


'J«3 


Mars(ilol),  272. 

Marshall  (Iles),  *6n8.  012,  (115, 

615,  923,  929. 
Marsouins  (rivière  des),  175. 
Marlapoera  (rivière),  2SS,  '504, 

505. 
Marlapoera    (ville).   *50i,   511. 
Manid  (iiioril),  282. 
.Marudu  (baie  et  rivière),  510. 
Mary  (fleuve),  779. 
Maryborougli.  790,  791. 
Mas  a  Dentro,  .Mas  a  Fuera,  voir 

Juan  Fernandez. 
Masliate  (ile),  518,  *579. 
Mascareignes,  51.  42,  49,  51. 

09,  80.  127.  *lil. 
Masindrauo  ou  Tsiatosiki,   111. 
Massacre  (baie   du),   (Nouvelle- 
Zélande),  809,  815,  821. 
Massim  ou  Louisiade  (aiibl|irl), 

*620,  652. 
Mât  (rivière  du),  163. 
Malabello,  *482.  494. 
Matarara  ou  Djokjokaita,  *597. 

423. 
Matitanana,  74. 
Matseroka,  118. 
Matthias  (îles),  072. 
Matupi  (ile),  063,  *670. 
Mauban,  567. 
Maubara,  44(i. 
Maui  (ile),  947,  *957.958.  901. 

907,  968,972. 
Mauiia  llualalaï,  954. 
Mauna-Kea,  *954,  957. 
Mauna-Loa,  950. 
Maupiti  (volcan),  899. 
Maurice  ou   île  de  France,   08, 

69,    105,    158,   141,   *142, 

144,  146,  147,  *152. 
Mavatanana,  118. 
Mayon  (volcan), *322,  525,  567. 
Mayotte  (Maoulé).  70,  125,  126, 

127,  *131,  1.32. 
Mazaraga  (volcan),  525. 
Mbau  (îlot),  873. 
Mbua  (île),  875. 
Mcdan,  268,  269. 
Meester  Cornelis,  *587,  405. 
Hélanësie,  5,  55,  '053. 
Mélanésiens,  660,  678. 
Melbourne  (mont),  18. 
Melbourne  (ville),  42,  730,  763, 

777,  805,  809. 
Mellish-bank,  945. 
Melville  (île),  787. 
Mempakol,  319. 
Menabé  (pays  de),  118. 
Monade  ou  Manado,  462,  4C9, 

*474,  477. 


Meiiado  Toewa,  474. 
.Meuangkabao  (royaume),  246. 
Mengwi  (province),  419. 
Mentav\ej  (archipel),  252. 
Mentchikov,  615. 
Mcrapi  (Java central). *355.  598. 
Merapi  (Java  oriental),  345. 
Merapi  (Sawah),  224. 
Merapi  (Sumatra),   *222,   258. 
Merbaboe  (volcan).  '335.  595. 
Micronésie,  5,  55,    *581,    895. 
Mirronésicns.  b^i,  392,  '611. 
Milaitd,  315. 
Milloid-sounil,  821,  S28. 
Miller  (fonds  de),  893. 
Milli(iles),  614,015. 
Minabassa,   '400,    462.    '408, 

469. 
Miniiluissfiiis,  408. 
Mindanao,  196,407,  515.  517, 

'518,  520,  553,  558,  545, 

540,  548,  571,  574. 
Mindoro,  '518,  536,  545,  567. 

*579. 
Mioko,  070. 
Misamis,  571. 
.Misool.  023. 
Mitcbell(lleuve),  7.32. 
V.OA  (ile),  447. 
Modjo-Kerlo.  403. 
Modjo-l'ahil,  359,  404,  '485. 
Moeua,4o5. 

Moerio  ou  Moerja  (volcan).  3'24. 
Moesi  ou  rivière  de  Palembans. 

*2.32,  20  i. 
Moewara-Baban    ou    Marabahan 

(lîekompai).  *3U6,  511. 
Moewara  lîliti,  265. 
HoewaraDoea,  205. 
Moewara  Inini,  265. 
Moewara  Kompeh,  265. 
Moewara  Hupit.  205. 
Mohchou  Moah.  125,  120.  127, 

*154. 
Mojanga    ou     Madsant'a.   *117, 

119,122. 
Mokko-Mokko,  200. 
Mokoia  (île),  849. 
Mokuaveovco,  930. 
Molokaï  (île),  905. 
Moluqnes,   7,   201,   197,    208, 

212.  441,  '479,  '499. 
Molvueux  (rivière),  842. 
Mo'iiii,  59. 

Mono  (Trcasury),  058,  065. 
Montagnes    Bleues ,    voir    Blue 

Mouulains. 
Moniradrt,  283,  284,  303. '311. 
Montravel  (camp  de),  705. 
.Mont-Tonnerre,  178. 


Moonta,  785,  787. 

Moorea,  595,  *899,  941. 

Morandava,  118. 

Moresby  (archipel),  621). 

Moreton  (baie),  788,  818. 

Morgan,  783. 

Moii-Oii.  846. 

Moron,  562. 

Jloros.  544. 

Morotaï,  499,  501,  502,  *5I2 

Morrunibidgee,  800. 

Mortlock,  599. 

Motane,  904. 

Motir(ile),  499,  500. 

Motii.  649. 

Mouroni,  134. 

.Mouyou(îlcs)  ou  Wondlark.  (i27. 

652. 
.Msamoudou  ou  Anjouan,  153. 
M'Sapéré,  133. 
Mua,  920. 
Mulinuu,  936. 
Muntok,275. 
Murchison,  777. 
Murray    ou     Goolwa     (fleuve), 

723,  *730,    785,   793,  800, 

808. 
Murray  (île),  729,  740. 
M  II  mit,  315. 


N 

.Xaga  ou  Nueva-Càccres,  567. 

.\aikobokobo,  879. 

Na-loca,  880. 

.Namonuito,  600. 

Namorek,  014. 

.\amu  (Namo),  613. 

Nangamessi,  *433. 

Nannmca,  016. 

•Napicr,  859,  870. 

Narovo     ou     Eddyslonc-island, 

658. 
Sdyrinijcnj,  757. 
.\atal,  257. 
.\'ateva  (baie),  872. 
Natoena,  270. 
Nattes  (îles  des),  113. 
Natupe   (Cleruiont- Tonnerre) , 

935. 
Nazareth  (bancs  de),  ISQ. 
Negara  (rivière),  288. 
Negara  (ville),  *300,  511. 
Ncgiilos,  54,  *557,  641. 
Negros  (île),  518.  .558,  *569. 
.\eison,  801,870. 
Né()-(AiUdonicns  ou  Kanakes, 

'095,  698. 


984 


INDEX   ALPIlABÉTinrE. 


Néo-Giiiucciix  ,    voir  Papotia  . 

631. 
mo-HéhruUiis,  678. 
.\cpe:m  (poiiile),  808, 
Nera  (rivière),  705. 
Neu-Hiinover   (île),  *655,   672, 

voir  Tombiira. 
Neu-Lauenburg   ou    île    York, 

*653.  671. 
Neu-Lauenlnirg  (York),  672. 
Neu-Mecklenburg,  655. 
Neu-Pommern  (New-Britain  ou 

Birara),  655. 
Newcastle,  799. 
New-England,  800. 
New-Georgia.  *658,  672. 
New-l'lvmoulh,  860,870. 
New  SÔuth   Wales,    719,   721, 

723,    732,  736,  737,    759, 

755,  761,  767, '792. 
New-York  (île).  893. 
Ngadjoes,  505. 
Ngalao  (port  et  village),  886. 
Ngau  (île).  874. 
Ngawi,  400. 
Ngenges  (volcan),  425. 
Ngoli'ou  Matalotes,  '598,  600. 
Ngongotaha,  834. 
Niaour  (Ngaour),  590. 
Nias  (île),  249. 
Niassi,  250. 
Nicholson,  816,  *859. 
Niihau,  947,  '967,  972. 
.^ira  (ile),  447. 
Niuafu.  896.  932. 
Niua,    Inui   ou    Savage-island, 

892,  '930  et  suiv. 
Pijavunçi,  294. 
Noesakeli  (mont),  482. 
Noesa  Kembangan,  *349,   552. 
Noesa  Laoct,  481. 
Noesa  Penida  ou  Pandita,  '•412. 
Noinmli  (principauté),  441. 
Nokoinar,  604. 
Nord  (Saint-Paul).  186. 
Norfolk    (île),    50,  *80d,  818, 

943. 
Nonnan  (lleuve),  721. 
Nornianlown,  71 1. 
Norlh  Bornéo,  316. 
North  Shore,  797. 
.Ncirtbern  Territory,  786. 
Nossi-Bé,  69,  73,' 79,  '116. 
Nossi-Fali,  116. 
Nossi-Komba,  69,  116. 
Nossi-Mitsiou,  69,  *116. 
Nossi-Yé. '119,  122. 
Non  (île),  '705. 
Nouka-hiva,  '904,  906,  941. 
Nouméa,  685,  087,  692,  '703. 


Nouvelle  -  Bretagne     (Birara), 

654. 
Nouvelle-Calédonie,   45,     49, 

'684  et  suiv.,  929. 
Nouvelle-Galles    du    Sud.    voir 

New  Soutb  ^Yales. 
Nouvelle-Guinée  ou  Papouasie. 

13,  22.  28,  483.  *lil7.  711, 

750.  92 i. 
Nouvelle-Hollande,    voir-  Aus- 
tralie el  Tasmanie. 
Nouvelle-Nursic,  780. 
Nouvelles-Uébrides,  10,  41.  49, 

'673.   676,  677,  682,   683, 

693,  916,  929. 
Nouvelle-Zélande,  5,  20,    41, 

50.52,208,  711,  773, '815, 

895. 
Nowra,  801. 

NuevaCâceres  ou  Naga,  576. 
Nukapu  (île),  679. 
Nukualofa,  932. 
Nukunor,  600. 


Oalm  (île),  958,  968,972. 

Oamaru,  8(i2. 

Oas,  567. 

Obi,  ObiOmbirab  ou  Obi  Major, 

•5  4,  499. 
fledjoeng  (lleuve),  354. 
Oeliasser(îles),  480, '481,489, 

495. 
Oembilien  ou  Indragiri  (fleuve~, 

223, '251,  258. 
Oengaran  (volcan),  '335,  394. 
Ohau  (lac),  824. 
Okussé,  *441.  445. 
Old  Hat  (îlot),  839. 
Oleh-leh.  255. 
Oma  ou  llaroekoe,  481. 
Ouibaaï  (île),  431. 
Onehunga,  859. 
Onetapu  (désert),  831. 
Ongop-Ongop  (volcan),  345. 
Onibé  (rivière),  '74,  111. 
Onin  (péninsule),  624. 
Ono  Niha,  249. 
Onrust  (île),  588. 
Onlaijsatioihn,  97. 
Ontong-Java  ou  de  la  Candelai  ia 

(atoll),  658. 
Oparo,  voir  Râpa. 
Opliir  ouPasaman  (niont),  221. 
Or  (mont  d'),  705. 
Draluk,  600. 


Oiaïui-liailjo.  472 
Orancj-Bounluul,  295. 
Orançi-Donqo,  427. 
Orange,  800. 
Orung-Gocnnntj,  274. 
Oraiifi-KoKnta,  273. 
Orany-Koubou,  249. 
Oiang-Laoet,  472. 
Oriiny-Louhou ,  2i0. 
OrrtHf/-Oi(/oH,  246. 
Orciny-Sclidï  ou  Oniiiy  Lnout, 

Orang-Laoct,  *273,  472. 
Orany  Serani,  487,  '502. 
Orkney  (îles),  19. 
Orohena  (mont),  899. 
0(,697. 

Olago  (port).  829,  862. 
Otago  (province),  87ti. 
Ot-Danom,  *294,  296,  299. 
Ouagap,  706. 
Oiiaiki-Oiinïk),  748. 
Oiicdi-Omiti.  748. 
Oulathi  (îles),  600. 
Ovalau  (ile),  875,  887. 
Owen  Stanley  (mont),  026. 
Ovster-cove,  858. 


l'abean,  416. 

l'acitique,  3,  7.  *22, '889, 891 , 

voir  Grand  Océan. 
Padang,   206,  210,   222,  231, 

233,  246,  '257,   269,    462. 
Padang  (province),  269. 
Padang-Pandjang,  '258.  260. 
Padang  Sidempoean,  257. 
Padjagalan  (vallon),  531. 
Pudri,  259. 
Pagan,  '583,  587. 
Pasjeb  (île),  253. 
Pallia,  816. 
l'aman,  260. 
Paja-Kombo,  258. 
Pajoeng  (goenong),  325. 
Pakaranian,  Goewa  Oepas,  333. 
Pakoeodjo  (volcan),  332. 
Palaos  (lies),  48,  '588. 
Palembang  (ville  et  province), 

206,  231,  252,  249,  '201, 

268,  '269. 
Palembang  ou  Moesi  (rivière), 

*232. 
Palmerston,  777,  785. 
P.Élmerston  (îles),  895. 
l'alos,  '473,  477. 
Paiiiauzi  (llol),  133. 


INDEX   ALIMIAlîKïinii:- 


985 


Pamekasan,  4i0. 

l'aiiipangaa  (rio),  *53i.  5()'J. 

l'ampanijos,  543. 

l'amplemousse,  158. 

l'anali  (ile  des  Princes),  525. 

i'anama  (isthme),  UôU. 

Panaroekan,  405. 

Paiiay,  518,  550,  *ô6!). 

Pandan  (volcan),  357. 

J'andil  (volcaQ),  345. 

Pandita  (ile),  421. 

Pangaron,  305. 

Pamjasinancs.  545. 

Panggerango  (volcan),  525. 

Panghoe,  459. 

Pango-Pango,  934. 

Panié  (piton),  089. 

Pansipit  ou  Taal  (fleuve),  532. 

Pantar  (ile)  451. 

Papandajan  (volcan),  529. 

Papeefé,  *930. 

Papenberg  (raonll,  490. 

Papoiia,  54,  210,  400,  484, 
'031,000,922. 

Papouasie  on  Nouvelle-Gui- 
née, 202,  *017. 

Pâques  (Waihu  Ou  Râpa  nui), 
893,  *904,  908,  943. 

Paragua  (la),  516.  519,  *a50. 

Paramatta,  798,  801. 

Parece  Vêla,  582. 

Paiigi,  475. 

Parry  (iles),  588. 

Pasainan  ou  Ophir,  22 1 . 

Pasig  (fleuve),  *552,  557,  501, 
502. 

Pasig  (village),  502. 

Pasir,  *3U0,  311. 

Paso  (village),  490. 

Pasoeroean  (ville  et  province^ 
556,  404,  405,  409. 

Pasoumah,  248. 

l'assan(lavafl)iiii'),   117. 

l'ula-lima.  490. 

Pala-sinui,  490. 

Paternoster  (ilols),  324. 

Pateros.  502. 

Patjitan,  398. 

Patoeha  (volcan),  329. 

Patti,  595. 

Pays  des  Piliers,  725. 

Pekalongan,  *390,  409. 

Pekan-Baroe.  200. 

Pelarang,  309. 

Peling  (île),  455,  408. 

Pembocan  (fleuve),  287. 

Penaiiggoengan  (volcan).     359. 

Penrhyn  (fond  de),  895. 

Pcnrhyn  (iles).  893. 

Pennsan  (nionll.  283. 


Peranipoean  (volcan),  429. 

Pernakan,  *274,  302. 

Perongia  (mont),  839. 

Perth,  735,  *778. 

Pertibi,  257. 

Pescadores(islas  dos),*008,  015. 

Petites  Moluques,  499. 

l'eti-e  (baie),  864. 

Philippines,  5. 

Philippines,    8.    41,    55,    190. 
515,  920,  923. 

Philippins,  537. 

Pbillip  (port),  797,  804. 

Phoenix  (îles),  893,  894,  900. 

Pierre  (île),  18. 

PieterBoth  (mont),  152. 

Pigeon-bay,  829. 

Pilianga  (mont),  831. 

Pile  de  Chambers,  725. 

l'ilot  (mont),  793. 

Pins  ou  Kuuié    (île  des).   085, 
•700. 

Pitcairn    (ile),  802,  893,  943, 
944,  946. 

Piton  d'Enchein,  164. 

Piton  des  Neiges,  101. 

Piton  du  Milieu,  152. 

Pitt  (île)  ou  Butaritari,  804. 

Plate  (ile),  *1 40,  152. 

Pleasant  (île),  *ti09,  010. 

Pleuty  (bav  of)  ou  baie  d'Abon- 
dance, 854,  836. 

Plenty  (rivière).  898. 

Poe  (mont),  283. 

Poedal  ou  pie  de  Bacon,  522. 

Poelasari  (volcan) ,  324. 

Poelasi  (îlot),  458. 

Poelo  Laoet,  277. 

Poeloe   Lawang   ou  Palalavang, 
206. 

Poeloe  Petak,  287. 

Poerwakarta,  590. 

Poerworedjo,  397. 

Poesoek   Boekit    (volcan),  221. 

Pointe  a  Larrée,  114. 

Pointe  de  l'Ermitage,  028. 

Pointe  des  Galets,  173. 

Point-Parker,  790,  792. 

Polangui,  507. 

PoliUo  (isla  del),  *518,  551. 

Polloc,  571. 

Poloat(iles),  000. 

Polynésie,  5.  23,  883. 

Polynésie  équatoriale,    885   et 

suiv. 
Polipiésicns ,  079,  '900,  '908 

et  suiv. 
l'oniotou,  voii-  Tnanialou. 
Ponapé    (Puiuipi't),    590,    600. 
001.  006.  *t.07. 


Pontianak,  278,284,  '302,310, 

311. 
Porcs  (ile  des),  190. 
Porl-Adelaide,  784,  787. 
Port-Akaroa,  829. 
Port-Arthur,  810. 
Port-Breton,  670. 
Port-Cooper,  829. 
Porl-Darwin,  751,  785. 
Port-Denison,  791. 
Port  des  Galets,  1  74. 
Port-Hacking,  801. 
Port-Jackson,  775,  '794,  799. 
Portiand,  808. 
Port-Levy,  829. 
Port-Louis,  142,  *154. 
Port-Macquarie,  800. 
Port-Mathurin,  142,  '178. 
Port-Moresby,   045. 
Port-Phaéton,  958. 
Por(-Philipp,804. 
Port-Resolution,  675. 
Port-Stephens,  800. 
Port-Victoria,  159. 
Possession-island,  190. 
Posso  (lac),  408. 
Pott  (île  de),   '691,  706. 
Pouce  (le),  152. 
Pounan,  294. 
Poverty-bay,  800,  815. 
Prahoe  (volcan),  332. 
Prasiin  (île),  130. 
Preang  (régences  de),  Preanger, 

555,  579,  409. 
Preservation-inlet,   828. 
Priaman,  257. 
Priangan,  258. 
Prince-Edouard  (île  du),  190. 
Probolingo  ou  Banger,  556,*404, 

409.  " 
Progo  (fleuve),  '348,  593. 
Prony(baie),  704. 
Providence  (récits),  614. 
l'uerto-Princesa,  573. 
Pukaki  (lac),  824. 
Pukapuka(îlot),  893. 
Putanaki  (volcan),  836. 
Pulotu,  voir  Havaïki. 
Pvrénées,  720. 


Oueenscliff,  807. 
Queensland,    725,    750,    752, 
730,  755,  758,   '788,  929. 
Queenstown,  804. 
Uuille  (la),  186. 
IJuinali  (rivière),  567. 


124 


986 


l>'Di:X   AU'UAIfKTIQUE. 


Radja  Bassa  (volcan),  225. 
Raiatca  (ile),    8U9,  941. 
Raki-rua,  817. 
Ralik  (îles),  (JU9,  015. 
Ranay  (monlagtie),  276. 
Rangiroa  (Rairoa),  939. 
Rangitaiki  (rivière).  iS.â6. 
Rangitoto  (moiil),  S.")9. 
Rangsang  (ile).  253. 
Rantau  (ile),  233. 
Ranti  (volcan),  345. 
Uaoea  (volcan),  *3ii,  405. 
Raoul  (cap),  813. 
Raoul  ou  Suuilay-isl;irul.  *(J7"2. 

868. 
Râpa  (Oparo).  9117.   010.  955, 

'9.36. 
Rai-alonga,  898,  900,  935,  920, 

928. 
Rardlonijuns,  930. 
RaUik(iles),  *(i09,  613,  015. 
Ravensvvonil,  791. 
Rejang,  515. 

Rcjang  (rivière),  *287.  290. 
Redjanyers,  248. 
Reniliang,  559,  *400.  409. 
Rendjani  (volcan),  422. 
Rei[uin  (haie  du),  (Skark's  bav), 

780. 
Réunion,    68,   09,   105,    141, 

•142,  144,  147,  M  60. 
Rcwa,  888. 

Rewa-Rewa  (denve),   872.  888. 
Ribon  (torreni),  390. 
Rikitca,  941. 
Ringat,  266. 
liinggit  (volcan).  3ii. 
Riouw   (aichipcl),   234,    '269. 

271,513. 
Rivcrina,  800. 
Riviéi-e-Niiirc  (luoulanne  de  la). 

152. 
Roa  (LIapou),  910. 
liockliamploii,  *790. 
Knckiiigliani.  778. 
Kodd  (ile),  767. 
liodrigues,  141,  144,  *178. 
lioebourne,  780. 
Rocii  (ilol),  499. 
Roepal  (ile),  235. 
Roeiockan,  477. 
Roesa  (île),  458. 
Rokan  (Qeuvc),  *231. 
Rokka  (Oniboeoe  Soi'o),  429. 
Roma  (ile)  (Insulinde),  417,  448. 
Roiua  (Ausli-alic),  790. 


Romblou  (ile),  *509,  579. 

Ronde  (ile), '145,  152. 

Rougclap  (Pescadores),  015. 

Rongeiik,  615. 

Rook  (ile),  669,  *672. 

Roper,  732. 

Rose  (ile),  898. 

Ross  (mont),  191. 

Rnla  ou  Sarpan,  585,  *587. 

Rola-nia,  835. 

Rolo-ehu,  835. 

Rolo-iti,  853. 

Rolo-niahana,  836. 

Rolo-rua  (lac),  834. 

Rolli  (archipel),  *455,  444. 

Rnltnest  (île),  778. 

Roluina  (ile),  889,  953. 

liotumiiiis.  889. 

Rozengaïn  (îlot),  499. 

Ruapehu  (mont),  831,836,  849. 

Uuk  (archipel),  599,  600,  601. 

Rungus  (village  et  cn-(pie),  536. 

Russell,  858. 


Saliah  ou  Norlli-lîorneo.  30. 

Sabine,  18. 

Sabrina-Land,  16. 

Sadang  (rivière),  461. 

Sago  (volcan),  222. 

Sagul,  319. 

Saibai  (ile),  645. 

Sdïpiii  ou  Kicliim,  59. 

Saint-Aignan,  627. 

Saint-André  (cap),  118. 

Saint-licuoil,   142,  174,    *175, 

177. 
Saint-Denis,  142,  M70,  177. 
Sainte-Marie  (ile),  68,    79. 
Sainle-Marie(Nossi-lioraha),  75, 

*113. 
Sainte-Rose,  175. 
Saiut-ICIienne  (rivière).  163. 
Saint-Joseph,  1  75. 
Saint-Leu.  168,  *170,  174. 
Saint-Louis,  177. 
Saint-Paul  (ile).  42,  M85,â29. 
Saint-Paul   (ville),     142,    146, 

170,  *173,  177. 
Saint-Philippe,  109,  *I75. 
Saint-Pierre,  168,  *I74,   177. 
Saint-Vincent  (dent  de),  686. 
Saint-Vincent  (golfe),  781. 
,Srt/,«/rti'eA-,  *90,  99,  100,   103. 

116,118. 
Sakatia,  116. 
Sala  (volcan),  325. 


.Salak  (volcan),  325. 
Salatiga,  595. 
Sala  y  Gomez.  893. 
Salazes  (massif  des),  161. 
Salazie  (cirque),*! 65,  167, 176. 
Salazie  (village),  168,  *176. 
Sale,  808. 

Saleijer,  455,  *458,  465,  512. 
Salomon  (îles),  10,  13,  41,  48, 

*655,  656,  660,  072,    068, 

668,672,  718,926,  929. 
Salwatie  (île),  *625,  659. 
Samalanga (volcan),  218. 
Samar  (ile),    518,    580,   *.508, 

005. 
Samarang(ile).  895. 
Samarang,  voir  Seniarang. 
Samarinda,  *506,  511. 
Samaté,  639. 
Sambas,  *303,  311. 
Sambilioeng  (État  de),  310. 
Sainbori (volcan),  426. 
Samoa  (îles), 42, 845,  895,  894. 

*897,  910,  927,  929,  *953, 

936. 
S/iiiionii.s.  *9I  4,  926. 
Samne  (ile).  *435.  457. 
Sauipit  (Heuv,'),  287. 
Samsan,  639. 
San-Barlolonieo  (île),  608. 
San-Bernardino   (détroit),   555, 

564. 
San-Cristobal  (volcan) .  527. 
San-Cristobal  (6aura),  (ile)  058, 

926. 
Sandakaii  (KIopiMa),  *517. 
Sandgalc,  790. 
Sandhoi^   <iu    lliMidigo,    *804. 

809. 
Sandridge,  804. 
Sandwich  (pori),     (Suuvelle^- 

llébrides),083. 
Sandwich,  voir  llavaii. 
Sandy  (cap),  730. 
Sandy  island,  790. 
Sau-Fernando,  564. 
Sanga-Sanga,  310. 
Sangeang  (rnoni),  426. 
Sangi   on   Sangliir   (îles),    455, 

*460,  465,  477.  517,  518. 
Sangil    ou   Sarangani   (volcan), 

519. 
San-lsidro,  562. 
San-José  de  Buenavisia,  509. 
San-Jnanilo  (déiroil),   568. 
Sankolirang,  310. 
San-Lucas  (cap),  894. 
Sau-.Miguel   de    Caniiling,  564. 
Saula-Aua  (ilôt),  658,  659,602, 

664. 


INDEX  ai.pii.u;i:tiqif;. 


987 


Saiila-Ciuz  (nicliipel),  ^L'CT."), 

076,  677,  683. 
Siiiita-Cniz  (ville),  562. 
Santo-Tomas,  564,  577. 
Sapai-oea  (île  et  ville) ,  481.  485, 

•495. 
Sa|ioeili  (aieliipel).  524. 
Sa|i(K'l;iii  imiiiil).  459. 
Saïaiifiani  (xulcaii),  518. 
Sarawak  ou  Kucliiti!;    (ville   et 

principauté),  SD'i,' 2U8.  210. 

280,  285,  284.   292,  *500, 

*30!,  515,  514. 
Sarawak  (rivière),  287. 
Saroea  (île),  447. 
Sasak,  '422. 
Sasan  (mont),  422. 
Salawal  (Satoel),  600. 
Satoan,  599,  600,  604. 
Satoï  (mont),  285. 
Saunders  (eap),  828. 
Sava*:e-islanil,  952. 
Savaii   (île),    845,    89S,    904, 

927,  955. 
Savaîki,  voir  Ilavaiki. 
Savaïoii,  920. 
Savo  ou  Sesarga,  058. 
Savu-Savu,  888. 
Silvcrton,  800. 
Sawah  (volcan),  224. 
Savvaï,   494. 
Sawal  (mont),  551. 
Sawoe  (îles),  455,  *454. 
SavadeMalha  (bancs),  159. 
Saypan,  583, *587. 
Schouten  (archipel),  619. 
Sea-vievv,  725. 
Sebesi  (île),  225,  250. 
Seboewang  (rivière),  290. 
Sebokoe  (ile),  277. 
Sebuku  (tlcuve),  279. 
Segama  (rivière),  519. 
Segara  .4nak  (lac),  422. 
Segara  Anakan  (baie),  549. 
Segli,  256. 
Sekaar,  643. 
Sekindjan,  225. 
Selaparang  ou  Selaparan  (Lom- 

boh),  420. 
Selaroe.  450. 

Selawa  Djanten  (volcan)  ,218. 
Semarang  ou    Samarang,   501, 

581,  *590,  405,  408,^09. 
Semeroe  (volcan),  525,  559. 
Sengarang  (îlot).  272. 
Sei'aja  (volcan),  411. 
Serajoe  (fleuve),  348. 
Serany,  '585. 
Serasan,  276. 
SermaUa(ile),  448. 


Serwalty  (îles)  mi  du  Sud- 
Ouest,  446. 

Sewoe  (monts),  55R. 

Sevchelles,   4,    5,    *150,    144. 

Shàrk's  bay,  780. 

Sbctland  (îles),  19. 

Sberlock  (rivière).  780. 

Sboalbaven,  801. 

Shortiand,  859,  864. 

Sliortland  (ile),  670,  859. 

Siak  (fleuve),  251,  266. 

Sibalon,  569,  575. 

Sibogha,  257. 

Sibu,  516. 

Sibuko  (mont),  516. 

Sihanako,  *96.  99,  101. 

Silebar  (baie),  260. 

Silhouette  (île).  156. 

Silvertou  (mines),  801. 

Simaloe  ou  Babi  (ile),  249. 

Simangang,  514. 

Sindang-Laja,  589. 

Siiidoro  (volcan),  334. 

Singalong  (volcan),  222. 

Singapour,  270. 

Singes  ou  Apcnberg  (mont  des). 
258. 

Sing  karah  (lac),  223. 

Singkel.  257. 

Singkep  (île),  271. 

Singosari,  404. 

Sipirok,  257. 

Siquijor  ou  Fuego  (île),  520. 

Sitoebondo,  350. 

Sjauw(île),  489. 

Sjauw  (volcan),  460. 

Slamat  (volcan),  382. 

Smythesdale,  808. 

Snares(î]es),  818. 

Société  (îles  de  la),  895,  894. 
899, '956. 

Soedara  (Doewa),  460. 

Soekaboenii,  389. 

Soekadana,  503. 

Soela  (archipel),  455. 

Socla  (îles),  465,  475,  507. 

Soela  Besi,  475. 

Soela-Takomi,  501. 

Soela  Taliabo,  473. 

Soemalata,  474. 

Soemba,  '432. 

Soembawa  (Sambava),  '424. 

Soembawa  (province),  477. 

Soembawa  (golfe),  424,  *425. 

Soembawa  (ville),  *4'27. 

Soembing  (volcan),  534,  574. 

Soenda,  353. 

Soendanais,  553. 

Soerabaja.  400  et  sniv.,  787. 

Soei'abaja  (province),  556. 


Socrakarta  ou  Solo,  '397,  405. 
Soerakarta  (province),  576,407, 

409. 
Soesang  (rivière),  252. 
Sogcre,  645. 

SokotraOU  Socotora,'57  et  suiv. 
Solander  (cap),  795. 
Soli),  voir  Soerakarta. 
Solo     (rivière),    Bengawan     ou 

Sambaja),    55(i,    547,    397, 

400. 
.Solombo  (îles),  522. 
Solor  (archipel),  428,  '451. 
Somerset,  736,  791. 
Somo-Somo  (détroit),  875. 
Solide  (détroit  de  la),  225. 
Sonde  (lies  de  la),  voir  Insulindc 

195  et  suiv. 
Sonebait  (Etat  de),  415. 
Sorol  (iles),  600. 
Soro  Vandi  (volcan),  426. 
Sorsogon,  567. 
Sorsogon  (golfe),  522. 
Soumadra,  217,  '256. 
Soiindanais,  213,521. 
South-.\ustralia,  720,  755,  756, 

764,  *781  et  suiv. 
Soutb-cape,  649. 
Souvorov   ou  Souwaiof   (ilols), 

895. 
Spencer  (golfe),   785. 
Spermonde  (archipel),  471. 
Sriang  (lac),  287,  292. 
Stacey  (île),  649. 
Stawell,  809. 

Stewart-island,  817,  818,  864. 
Storra-bay,  810. 
Suai,  565,  579. 
Subig,  565. 
Sud   (île    du),    voir   Kouvelle- 

Zélande  et  Tevalii-l'anamu. 
Sud-Est  (ile  du),  Sudest-islaud, 

'626.  649. 
Sud-Occidentales  (iles),  «  Zuid- 

v\ester  eilanden  i) ,  446. 
Sud-Orientales  (îles)  (Tcnindiei- 

et  Kei),  449. 
Sngut  nu  Cûttabato,  520. 
Suikerbrood,  22 i. 
Suk  (Pulusufi),  600. 
Sulu,  voir  Jolô. 
Sumatra,  22,  42,  62,  156,  195. 

201,    202,  207,    209,   215, 

'216,  277,  295,  525,  550, 

575,  515. 
Sundav-island    ou     île    Raoul, 

868". 
Surigao  (détroit),  555. 
Surigao  (pointe),  519. 
Surigao  (ville),  '571. 


I>DEX  ALPUABETIOUE. 


Suva,  887. 

Suvorov  (Souvarolf),  (ilôt),  895. 
Swan-river  ou  rivière  des  Cy- 
gnes, 778. 
Sydney,  76Ô,  79i,  779,  *80l. 


Taal,  56i. 

Taal (volcan),  527,  531. 

Tabaco,  507. 

Tabanan  (province  de),  419. 

Tabello,  511. 

Tabocan  (ile),  225. 

Taboenkoe  (royaume  de),  i'iô. 

Tabolongang  (ilôt),  458. 

Tacloban,  568,  579. 

Tadjeni  (mont),  275. 

Tafelberg  (Sumatra),  218, 

Tafelberg  (Soembawa),  424. 

Tafelberg  (llalmahcra),  501. 

Tafoeli  (lac  de),  460. 

Tai/fil  ou  Ta-G(it(i,  558,  555, 

•543. 
Tayhaiiuhoy,  573. 
Tagbilaran,  571,  573. 
Taliaa  (ile),  899,941. 
Taio-Ilaé,  941. 
Taiti,  14,  47,  895,   898,  906, 

918,   923,    926,   928,  929, 

*956  et  suiv. 
Tfi'itiriin,  924. 
Taiti  lli,  899. 
Taiti  Nui,  899. 
Takalar,  472. 
TalangouSoelasi  (volcan),  *222, 

258. 
Talaoet  (archipel),  455,  477. 
Talaraquin,  519. 
Tamarida,  19,  *61. 
Tamalave  ou  Toamasina.  68,  79, 

105,  «112,  119,  122. 
Tarabelan  (îlot),  276. 
Tambockoe  (mont),  345. 
Tamil,  605. 
Tamparang    ou    Tempe     (lac), 

401. 
Tampat  Toewan,  257. 
Tampomas  (volcan),  531. 
Tdmpusuk  (rivière),  319. 
Tamworlh,  800. 
Tanah-Djampea,  455,  458. 
Tana  keke  (île),  471. 
Tananarive  ou     Ant'.Vnanarivo, 

79,  80,  98,  M06,  119,  122. 
Tandjang  Datoe,  283. 
Tandjang  Pinang,  271. 


Tandjong  Boenga,  450. 
Tandjong  Pandang,  276. 
Tandjong  Priok,  388. 
Tandoewi  (fleuve),  348. 
Tangarocng,  506,311. 
Tangerang,  588. 
Tangka  (mont),  225. 
Tangkamoes    nu     Keizers   Piek 

(moni),  225. 
Tangkoeban    Pialme     (volcan), 

531. 
Tanna,  683. 

Tanna  Aipei'i,  *075.  Ii77,  078. 
Taou-ata,  901. 
Tapamanoa,  899. 
Tapanoeli  (baie),  257. 
Tapanoeli  (province),  257,  269. 
Tarakan  (volcan),  501. 
Taranaki    ou    mount    Egmont, 

859,  8i9,  860. 
Taranaki  (province),  870. 
Taravao  (isthme),  938. 
Tarawa,  016. 
Taravvan  (rivière),  519. 
Tarawera  (lac),  855. 
Tarilari,  010. 
Tarob  (volcan),  515. 
Taroen  (fleuve),  547. 
Tasman  (glacier),  822. 
Tagmanie,    13,    23,    714,    720, 

7.35,  740,   758,    771,   772. 

774,  *809  et  suiv, 
Tasmaiiicns,  748,  758. 
Tasman-peninsula,  810. 
Tatas  (île),  505. 
Tau,  935. 
Taui  (île),  656. 
Taumaco  ou  Duff,  079. 
Tanpo  (lac),  831,842,  849. 
Tauranga,  848,  859. 
Taviuni  (île),  875. 
Tayabas,  *5()7,  575. 
Tay-tay,  575. 
Tchdqalnlcijdl,  252. 
Tcbagos   (archipel.    Iwncs  des), 

22,87. 
Te  Anau  (lac),  824. 
Teavarua,  941. 
Tehah,  225. 
TebingTenggi,  263. 
Teetulpa,  785. 
Tcgal,  590. 

Tegal  (province  de),  409. 
Te  Kapo  (lac),  824. 
Telaga  liodas  (lac),  551. 
Telcn  (rivière),  289. 
Telerep  (volcan),  554. 
Telokh-Betong,  250,  *261 ,  209. 
Teloeti,  494. 
Tempiiigan,  585. 


Tengger  (volcan  de),  559. 
Tengteng  ou  Manonipa,  75. 
Tenimber  ou  Tanah  Iniber  (ile), 

*449  et  suiv. 
Tenoni  (fleuve),  257. 
Ternate  (île  et  ville),  453,  485, 

499,  500,  502,  *505,  *507, 

508, 
TeiTor  (mont),  18,  42. 
Te-ïarata  (source  de),  830. 
Tevahi  Panauiu,817,  voir  Nou- 
velle-Zélande. 
Thames,  859. 
Thursday-island,  791. 
Tibi,507. 

Tibi  (vallée  de),  525. 
Ticao,   518. 
Tidar  (colline),  555. 
Tidoeng  (État  de),  510. 
Tidore,''499,  500,  502,  *505 
Tierra  Blanca   ou  Lupang  Puh, 

527. 
Tifoeri,  499. 
Tigre  (îlot  du),  655. 
Timaru,  802. 
Timboro   ou  Tambora    (nioril), 

424. 
Timor,   201,    205,    200,   211. 

581,  *45i,  515. 
Tiinoriens,  44 1 . 
Tinior-Laoet,  449. 
Tinakaro,  674. 
Timjuianes,  546,.  585. 
Tinian  (île),  584,  *587. 
Tinlingue  ou  Teng-teng,  1 14. 
Tjandjoer,  589. 
Tjaringi,  230. 

Tjempi  (baie  de),  424,  425. 
Tjenrana  (rivière  de),  461. 
Tjerimaï  (mont),  551. 
Tjerimaï  (volcan),  590. 
Tjibodas,  589. 
Tjikao,  589. 
Tjikoeraï  (ninnl),  531. 
Tjilatjap,  590. 
Tjilongok,  589. 
Tjimaljan,  590. 
Tjiljalenka,  590. 
Tjitjoeroeg  (col  de),  525. 
Toba  (plateau   et   lac  de),  221. 

239. 
Toeban,  400, 
Tofua  (pic),  895. 
Togean  (archipel),  455,  473. 
Tohivea  (mont),  899. 
Tokelau(iles),  895,  894. 
Tolia  ou  Tullear,  79. 
Toli-Toli,  408. 
Tolu  (volcan),  501. 

Tolo  ou  Tomaïki  (golfe),  473. 


INDEX  ALPUABETIQUi:. 


<J8'i 


Tombiira  ou  Nouvelle-Bretagne 

(ile).G54,  ()Do,656,fi64,60S. 

072. 
Tomini  (bourg  et  golfe),  475. 
Tondano  (lac  et  cascade),  *461. 

463. 
Tondano  (ville et  plateau),  477. 
Tonga  (îles),  »5,  42,48,  817, 

881,   892,   894.  895,   910, 

'032.  936. 
Tongarlio  (volcan),   851,  836, 

849. 
Tonga-tabou,   896,    927,   952, 

955. 
Tonguiens.  468. 
Tonloli  ou  Toli-Toli,  474. 
Toowoomba,  790. 
Topaiitnniiiisii,  468. 
Toradja.  468. 
Torrens  (lac),  754. 
Torrens  (rivière),  782. 
Torres  (détroit),  14,  27,*G18, 

619.  650,    714,  '720,  775, 

788,  791. 
Tosari,  404. 

Toutouta  (cascade),  092. 
Tower-liill,  72(1. 
Townshend  (uionl)  (Kosciuszko), 

718. 
Townsville,  791. 
Trechter  (détroit),  348,  400. 
Triton  (baie  du),  620. 
Trobriand  (îles),    ou    Kirvirau. 

027,  652. 
Tromelin  ou  ile  au  Sable,  1 41 . 
Trou-Fanfaron    (crique),   voir 

Port-Louis. 
Tsiafa-Javona,  72. 
Tsijobonina,  76. 
Tuamotu  (lies),    (Pomotu,    îles 

Basses),  895,902,  *905,  926. 

*944,  945. 
Tubuai  (arcbipel),    893,    898, 

930,  945. 
Tuliaï  (ile),  943,  945. 
Tugiiagarao,  564,  575. 
Tukopia  ou  Barwell,  679,  910. 
TuUear,  Tolia  ou   Ankatsaoka, 

*H9. 
Tupuselei,  620. 
Tutuila  (ile).  897,934. 
Tiidiuj  Djiiri,  521. 


Ualan     (Oualau),     596,     597. 
liOO,  602,  005,  '607. 


Uaraï,  703. 

Ugi  (ile),  659,  602,  069. 
Ujae,  015. 
Ulaua  (île),  669. 
Uliea  (Wolea,  Oleaï).  600. 
Upolu,  898,  904,  927.  955.952. 
Uracas  ou  Mangas,  585. 
Ureparapara,  675. 
Utirik,  615. 

Uvea  (Wallis)  ou   Ouarail    (Te- 
remba),  691,  952,  933. 


Vahiria  (lac),  958. 
Va-Ngasiyn.  151. 
Vancouver  (île),  925. 
Vanikoro  (île),  *674,  675,  678, 

683. 
Vanua-Lava.  075. 
Vanua-Levu,   *872,    888,  879. 
Varé  ou  Teste  (île),  049. 
Vaté  ou  Efat  (île),  078,  *e83. 
Vatoa    ou   des    Tortues     (îlot), 

871. 
Vatoumandri.  111. 
Vavao  (îles),  895,  897. 
Vavitao,  945. 
Va-Zimha,  97. 
Veda,  512. 

Vegetable-Crci'k.  800. 
Veïa  la  Velha.  057. 
Vera-Cruz  (baie  de  la),  080. 
Verdate  (ile),  452. 
Vergara  ou  Davao.  571. 
Verlaten  (île).  226,  227,  '250. 
Fcio,  92,  101. 
Vicol  ou  Birnl,  544,  555. 
Vicol  (fleuve),  5ti7. 
Viclor-harbour,  784. 
Victoria  (colonie),     720,     767, 

774,  *803  et  suiv. 
Victoria  (fleuve),  753. 
Victoria  (Port  Kssington),  787. 
Victoria  (\Vesl- Australia),  780. 
Victoria-land.  18. 
Vieux  Chapeau  (Old  Uat),  840. 
Vigan,  564.  573. 
Visayas  (îles),  544,  569,  574. 
Yisaiias  {ISisaijas),  *544,  555. 
Viti,  voir  Fidji. 

Viti-Levu, '872,880,  882,  888. 
Vlaardigen  ou  Macassar,  470. 
Vohemar,  *M4. 
Volcan  (le),  482. 
Volcan  ou  de  Vulcain  (ile),  655. 
Volcano  (îles),  588. 


W 


Wadjo,  400. 

Wadjo  (État  de).  478. 

Wagga-Wagga,  800. 

Wahaî,  494. 

Wai  (poelo),  218. 

^Vaigeoe,  625,  *658. 

Waibu (Râpa  nui,  île  de  Pâques), 

955. 
Waikato  (rivière),  822. 
Wailah,  257. 
Waï-levu  (Rewa-Rcwa,  fleuve), 

872. 
^VaiInakariri,  824. 
Wainiea  (baie),  949. 
Wairoer,  642. 
Waitaki  (rivière),  824. 
Waitangi,  850,  864. 
Waiteniata,  859. 
Waiwiko,  4i5. 
Waiwiko-Waibali    (principauté 

de),  435. 
Wajang  (volcan),  329. 
Wakalipu  (lac),  824. 
Wakoholo  (lac),  4tO. 
Wallaroo,  785. 
Wallis  (archipel),    915,    951, 

'933. 
Wallsend,  799. 
Wamma  (îlot),  645. 
Wandammen,  642. 
Waiiganui,  860. 
Waiigsit  (volcan),  422. 
Warekauri  (île),  840,  8li4. 
Warrnambool,  720,  809,  808. 
VVarsai,  018. 
Warwick,  758,  790. 
Wmvap,  097. 
Wellington,    800,     859,    841, 

859,  861,  869,  870. 
Wellington  (mont),  812. 
West-Australia,  772,  765,  *777. 
Westland  (province),  861,  878. 
Wesiport,  861. 
Wetaiig(ile),448. 
Wetter     ou    Wetta    (Ile),    440, 

*447,  448. 
Whakari  (volcan),  856. 
Widei  (rivière),  529. 
Wilcannia,  801. 
Wilheins  (plaines),  158,  159. 
Wilkes-land,  17. 
William  (mouni),  720. 
Williarastown,  804. 
Willaumez  (ile),  672. 
Willis  (mont),  .556. 


990 


I.NDKX    ALPlIArSKTlOUK- 


Wilson  (in-omonloiie  de 

72Ô. 
WisiM  (inoiil),  ."."'2. 
WoUongoug,  801. 
Woodlark  ou  Mouyou  (ili 
Woolonioloo,  797. 
Wotje,  015. 
Woltho  (ile).  015. 
Wvvillo-Thoiiison  (monl 


i'amdena  (île).  450. 


718. 


■).  027. 


Yaii-Yeaii  (lac).  808. 

Yap   (Eap,   Uap,     (iuap),    588, 

590.  000,  002,  *605. 
Yaii-Yfiii.  7 48. 
Yalta- Van  a.  808. 
Yasava  (ai-cliipel),  872. 
Yasova  (monl).  075. 
York  (cap),  778. 
York   (ile)  ou    Ncu-Lauenbuig. 

•055,  009. 
York   (peninsula)  ((Jueensland). 

28,  725,  *88,  791. 
Yoi-k  (ville),  70i. 
Y'orke-]H>niiisula  (Soulh-Austia- 

lia),  785. 
Y'oung-i?land,  15. 


Ysai-og  (volcan).  525. 
Yule  (ile),  049. 
Yule  (monl),  020. 
Y'zabel   (ile),    055.    '(157, 
004,  072. 


(iOO, 


Zaïiihdtcs,  545. 
Zambales  (montagnes), 529, 
Zamboanga,  571. 
Zaoudzi,  133. 
Zuid-Wcster  Eilandi-n    ou 
du  Sud-Ouest.  4ili. 


503. 


TABLE  DES  CARTES 


1 .  Hémisphère  du  (îrand  OctMii  (partie  occidentale) 2 

2.  Hémisphère  du  Grand  Océan   (partie  orientale) 5 

ô.  Principaux  voyages  des  explorateurs  de  l'océan  Pacifique !) 

4-.  Les  deux  premiers  voyages  de  circumnavigation  de  la  Terre 14 

5.  Époques  des  principales  décourerles  faites  dans  rOcéanie Iti 

6.  Voyages  circmiipolaires 17 

7.  Promontoire  septentrional   de  l'Antarctide 19 

8.  Profondeurs  des  mers  australes 21 

9.  Banquise  suivie  par  Dumnnt-d'Lrville 50 

10.  Volcans  du  Pacifique 45 

1 1 .  Zone  des  îles  coralligènes 45 

-12.  Sokotra 59 

15.  Angle  sud-oriental  de  Madagascar 07 

14.  Itinéraires  principaux  des  voyageurs  a  Madagascar 71 

1 5.  Marigots  de  la  côte  orientale  de  Madagascar 75 

10.  Érosion  de  la  côte  orientale  et  baie  d'Anton-Gil 76 

17.  Zone  circulaire  des  forêts  de  Madagascar 81 

18.  Populations  de   Madagascar 01 

19.  Tananarive  et  ses  environs 109 

20.  Tamalave 112 

21.  Diego-Suarez 115 

22.  .Nossi-Bé 117 

25.  Côte  nord-occidentale  de  Madagascar 119 

24.  Comorcs 127 

25.  Mayotte 152 

20.  Seychelles 157 

27.  Socles  sous-marin-;  de  Madagascar  et  des  Mascareignes 110 

28.  Maurice 155 

29.  Port-Louis J57 

50.  Le  Grand-Brùlé 162 

51.  Les  trois  cirques  d'érosion 104 

PI.  1.    Ile  de  la  Réunion  :   Saint-Denis  et  le  Port  des  Galets 174 

52.  Saint-Pierre 175 

55.  Rodrigues 179 

54.  Iles  Keeling 181 

55.  Ile   d'Amsterdam 184 


OO'i  T  Ali  LE  DES  CAUTES. 

50.  Sainl-Paul 186 

57.  Kei'guelen 191 

58.  Socle  sous-marin  des  leires  dans  l'Insulinde 197 

59.  Superficies  comparées  de  la  Hollande  et  de  l'Insulinde  hollandaise 205 

40.  Ligne  de  séparation  des  faunes  de  l'Insulinde 209 

•41.  Populations    de    l'Insulinde 213 

42.  Chaîne  volcanique  du  llerapi 225 

45.  Le  Krakatau  et  les  lies  voisines,  état  antérieur  à  l'éruption 226 

44.  Le  Krakatau  et  les  îles  voisines,  état  postérieur  à  l'éruption 227 

45.  Aire  de  dispersion  des  cendres  du  Krakatau 228 

46.  Plaines  alluviales  dans  le  hassin  du  Moesi 254 

47.  Lac  de  Toha  et  pays  des  Batta 245 

48.  Populations   de   Sumatra 247 

49.  Kota-Radja  et  port  d'Olch-leh 256 

50.  Padang  et  ses  environs 259 

51.  Montagnes  à  l'est  de  Padang 260 

52.  Palembang 262 

55.  Deli , 267 

54.  Archipel  de  Ixiouw 271 

55.  Bangka 275 

50.  Kina-balou 281 

57.  Delta  du  barito 289 

58.  Fleuves  navigables  et  itinéraires  principaux  des  voyageurs  dans  Bornéo 291 

59.  Bandjerinassin 504 

60.  Cours  inférieur  du  Mahakkaiii 509 

61.  Brunci 512 

02.  Sarawak 515 

65.  Sandakan 518 

64.  Principauï  volcans   de  J.iva 525 

65.  Volcan  de  Gedé 526 

66.  Dieng 555 

67.  Ooenoug   Sewoe 557 

08.  Pentes  sud-occidentales  du  Keloel 558 

(iO.  Tengger  et  Semeroe 540 

70.  Lamongan 544 

71.  Noesa  Kemliangan 549 

.  72.  Populations  de  .lava 555 

75.  Accroissement  de  la  population  de  Java,  comparée  à  celle  de  la  Hollande 501 

74.  Zones  superposées  des  rizières  humides,  des  rizières  sèches  et  des  caféteries.  sur  h> 

pentes  du  Soembing 574 

75.  Forêts  de  tek  entre  Semaraug  et  Soebaraja 578 

76.  Chemins  de  fer  de  Java 580 

77.  Lignes  de  bateaux  à  vapeur  dans  l'Insulinde 581 

78.  Bata\ia  en  1628 584 

PI.  II.   Détroit  de  la  Sonde 584 

79.  Batavia  el  poil  de  Taudjnng  Priok 587 

80.  Semaraug 595 

81.  Magelaug  el  Boeroe-Boedhoer 396 

82.  Le  Merapi  et  Djokjokarla 598 

85.  Patjitan 599 

84.  Soerabaja  el  le  détroit  de  Madneia 405 

85.  Divisions  administratives  de  Java 407 

80.  Bali 411 

87.   Détioit  de  Lnnibok 421 


TABLK   DES   CAHTKS.  S93 

88.  hirlie  ciMiliale  de  Soeniljawa .i25 

89.  Ik'troit  de  Larantoeka 130 

90.  Timor  et  îles  roisines 457 

91.  Koepang 414 

92.  Tenimber ioi 

95.  Régions  explorées  de  Celêbès 457 

94.  Saleijer 458 

95.  Minahassa 4fil 

96.  Macassar  et  la  pointe  sud-occidentale  de  Celèbès i71 

97.  Divisions  administratives  de  Celèbès 478 

98.  Boeioe i8l 

99.  Port  d'Aniboine 493 

100.  Kilw.-iroe 493 

101.  Groupe  de  Banda 49ti 

102.  Empires  de  Ternate  et  de  Tidoro 506 

103.  Ternate,  Tidore  et  isthme  de  Dadinga 508 

104.  Densité  de  la  population  dans  ITnsulinde  Hollandaise 311 

105.  Divisions  politiques  de  ITnsulinde  Hollandaise 312 

106.  Les  trois  isthmes  de  ITnsulinde  et  des  Philip[iines 517 

107.  Partie  méridionale  de  Luzon 521 

1 08.  Partie  centrale  de  Luzon 526 

109.  Taal  et  lac  Bombon 528 

110.  Tremblement  de  1880 551 

111.  Piincipales   populations   des  Philippines 341 

112.  Manille 558 

113.  Environs  de  Manille 565 

114.  Samar  et  Leyte 308 

115.  llo-llo  et  délroit  de  Guimanis 570 

116.  Archipel  de  Jol<") 572 

117.  Densité  de  la  population  philippiue 575 

118.  Divisions  principales  de  l'archipel  des  Philippines 578 

119.  Rangée  des  Mariannes 582 

120.  Archipel  des  Palaos 589 

121.  Archipel  de  Ruk 599 

122.  Yap 601 

125.  Ponapé 606 

124.  Ile  d'Arhm. 610 

125.  Archipel  de  Mariliall 611 

126.  Principaux  voyages  sur  les  cotes  et  dans  l'intérieur  de  la  .Nouvelle-duinéc 619 

127.  Montagnes  de  la  Nouvelle-Guinée 624 

128.  Golfe  de  Mac-Cluer 625 

129.  ^Vaigéoe,  Batanla  et  Salwatie 639 

130.  Dorei 040 

131.  Port-Muresby 046 

1.32.  Baie  de  l'Astrolalje 651 

135.  Baie  Blanche tio7 

154.  San-Cristobal 661 

155.  Ile  Neu-Lauenburg 671 

136.  Vanikoro 675 

137.  Nouvelles-Hébrides 076 

158.  NouveHe-Calédonie 689 

159.  Nomiiéa 704 

140.  He  des  Pins 709 

141.  Superficie  de  l'Austialic  comparée  à  celle  de  rAni;leterre 713 

ii^  125 


994  TABLE  DES  CARTES. 

14^.  Principaux  voyages  (roxpluialidii   en  Australie 7IJ 

145.  Voyages  de  pénétratioa  par  Mac  Douall  Sluart 717 

144.  Alpes  Australiennes 71'.t 

143.  Détroit  de  Bass • 72t> 

146.  Détroit  de  Torres 72'J 

147.  La  Grande  Barrière 751 

148.  Isothermes  de  l'Australie 755 

149.  Pluies  de  l'Australie  orientale 757 

150.  Populations  et  langues  de  l'Australie  au  milieu  (lu  dix-neuvième  siècle 751 

151.  Densité  de  la  population  australienne 762 

152.  Accroissement  de  la  population  australienne 765 

155.  Mines  d'or  de  l'Australie  sud-orientale 768 

154.  Chemins  de  fer  de  l'Australie  à  la  lin  de  1887 775 

155.  États  australiens 775 

156.  King  George-sound 776 

157.  Perth  et  ses  environs 779 

158.  Adelaide 785 

159.  Adelaide,  golfes  de  Spencer  et  de  Saint-Vinceul 784 

160.  Port  Darwin 786 

161.  Brisbane  et  Moreton-hay 789 

162.  Botany-Bay 794 

165.  Sydney  en  1802 797 

PI.  111.   Sydney  et  Port-Jackson 792 

164.  >'e\vcastle 799 

165.  >orfolk 802 

166.  Melhourne  el  Uobsim's  bay 807 

167.  Uobart  et  la  rivière  Derwcnl 815 

168.  Glacier  de  Tasman 825 

169.  Fjords  sud-occidentaux  de  la  Nouvc^lle-Zélande 828 

170.  Breaksea  sound  et  Dusky  sound 829 

171.  Détroit  de  Cook 85(1 

172.  Lac  Taupo 855 

175.  Région  des  Merveillesi- 855 

174.  Pays  du  Roi 850 

175.  Chemins  de  fer  de  la  Nouvelle-Zélande 854 

176.  .Uickland 858 

177.  Kaipara 861 

178.  Cbrislchurcli  et  la  péninsule  d'Akaroa 862 

179.  Duncdin  et  Porl-Chalmers 865 

180.  Ile  Chatham 86' 

181.  Provinces  de  la  Nomelle-Zélande 869 

182.  Iles  Fidji 875 

185.  Suva  et  Levuka 887 

184.  Alignements  des  îles  polynésiennes 892 

185.  Iles  volcaniques  de  la  Polynésie  orientale 895 

186.  Touga-taboH 896 

187.  Iles  Samoa «'■'' 

188.  Archipel  de  Gambier 905 

189.  Marquises 905 

190.  Iles  de  Pâques 009 

191.  Religions  de  l'Océanie 9M 

192.  Migrations  polynésiennes 91. > 

193.  Populations  de  l'Océanie 915 

194.  Mouvement  delà  population  océanienne 918 


TABLE   DES   CARTES.  905 

193.  A|iia 952 

190.  Taïti  et  Moioea 953 

197.  Pappelé 954 

198.  Noiika-hiva 937 

199.  Divisions  politiques  de  l'Océaiiie •    .  936 

200.  Archipel  Havaïien 946 

'201.  Cratères  (le  Maiina-Lea  et  tk>  Kilauea 948 

•202.  Ilavaii 955 

205.  Ilduohilu. 995 

Carte  générale.  —  Afriquiî  jiéridionale  kt  Haiugascar. 
il'.iMe  carie  p.nil  l'-h'c  pl.ir('i'  à  l.T  (iii  .lu  i.mij.;  XIII.) 


TABLE   DES  GRAVI  RES 


I.  —  Vue  prise  à  Tasman-peninsula.  Dessin  de  Taylor,  d'après  une  photographie  com- 
muniquée par  M.  Cotteau 1] 

H.  —  Vue  prise  sur  la  côte  méridionale  de  la  Nouvelle-Guinée.  —  Port  Moresby.  Dessin 

de  Th.  Weber,  d'après  une  photographie  de  M.  Lindt 29 

III.  —  La  Terre  Louis-Philippe.  — Vue  prise  du  large.  Dessin  de  Th.  Weher,  d'après 

l'album  du  Voyage   de  Dumont-d'Urville 59 

IV.  —  Mailagascar.  —  Vue  prise   sur  la  route  d'Andovoranto  ii  Tananarivc.  Dessin  de 

Taylor,  d'après  une  photographie  de  MM.  Lachenal  et  Favre 63 

V.  —  Baie  de  Diego-Suarez.  —  Vue  prise  à  Antsirana.  Dessin  de  Taylor,  d'après  une 

pliotographie  communiquée  par  M.  G.  Révoil 77 

VI.  —  Havoninahitraniorivo,   ministre  hova.    D'après  une  photographie  communiquée 

|iar  la  Société  de  Géographie 88 

VII.  —   Femme  belsileo.  D'après   une  photographie  communiquée   par   la  Société  de 

Géographie 89 

Vlll.  —  Village  malgache  de  Nossi-Bé.   Dessin  de  Taylor,   d'après  une  photographie 

communiquée  par  la  Société  de  Géographie 95 

IX.  —  Tananarive.  —  Vue  générale  prise  de  l'ouest.  Dessin  de  A  S'om,  d'après  une  pho- 
tographie communiquée  par  la  Société  de  Géographie 109 

X.  —  Ambohimanga,  ville  sainte  des  llova.  D'après  une  photographie  communiquée 

par  la  Société  de  Géographie ISS 

XI.  —  Said  Ali,  sultan  de  la  Grande  Comore.  —  Princesse  de  la  Grande  Coraore.  Gra- 

vures de  Thiriat.  d'après  des  photographies  communiquées  par  la  Société  de 
Géographie 129 

XII.  —  Port-Louis.  —  Place  du  débarcadèi-e  et  statue  de  La  Bourdonnais.  Dessin  de 

G.  Vuillier,  d'après  une   photographie 155 

XIII.  —  Piton  d'Enchein.  Dessin  de  Taylor,  d'après  une  photographie  communiquée  par 

M.   G.  Révoil 165 

XIV.  —  Saint-Denis.  —  Vue  générale.  Dessin  de  Taylor,  d'après  une  photographie  com- 

muniquée par  M.  G.  lîévoil 171 

XV.  —   «  Marine  »  de  Saint-Denis.  Dessin  de  A.  Slom,  d'après  une  photographie  commu- 

niquée par  M.   P.  Miraijaud 175 


908  ï  Ali  LE  DES  GRAVURES. 

\VI.  —  Ile  Saint-Paul.  —  Vue  générale  prise  du   noid-est.   Dessin  de  Taylor,   d'après 

une  aquarelle  de  M.  Vélain 187 

XVII.  —  Cote  occidentale  de  Bornéo.  —  Habitation  de   Dajak-Kennyali   sur  la   rive  du 

Rejang.  Dessin  de  G.  Vuillier.  d'après  une  photographie  commuuiipiée  par 

M.  Cotteau 199 

XVIII.  —  Sumatra.  —  Phare  de  Poclo  Brass.  Dessin  de  .i.  Slom,  d'après  une  photogra- 

phie de  M.  Brau  de  Saint-Paul  Lias,  communiquée  par  la  Société  de  Géogra- 
phie  219 

XIX.  —  Navire  lancé  par  la  vague  de  Krakatau  dans  les  terres  de  Télokh-Bctong.  Des- 

sin de  Th.  Weber,  d'après  un  croquis  de  M.  Korthals '11'.) 

XX.  —  Sumatra.  —  Les  hautes  herbes  de  la  jongle.  Vue  prise  dans  le   royaunu'  de 

Déli.  Dessin  de  P.  Langlois,  d'après  une  photographie  de  M.  Brau  de  Saint- 
Paul  Lias,  communiquée  par  la  Société  de  Géographie 235 

XXI.    —  Orang-Batta.  —  Orang-Atjeh.  Gravures  de  Barbant,  d'après  des  photographies 

de  M.  Brau  de  Saint-Paul  Lias,  communiquées  par  la  Société  de  Géographie.     241 

XXII.   —  Palenibang.  —   Vue  prise  près   du    Kraton,   dans   le    bois    sacré.    Dessin   de 

P.  Langlois,  d'après  une  photographie  de  Meessens 1G7t 

XXIII.  —  Paysage  de  Bornéo.  —  Vue  prise  près  de   Sarawak.    Dessin   de  P.   Langlois, 

d'après  une  photographie  coiiuuuuiquée  par  M.  Cotteau 2S5 

\XI\ .  —  liornco.  —  Types  davak.  Gravure  de  Thiriat.  d'après  une  photographie  conuuu- 

niquée  par  M.  Cotteau 295 

\XV.  —  Bornéo.  —  Femmes  dayak.  Dessin  de  E.  Itonjal,  d'après  une  plKJlograpliie  com- 
muniquée par  .M.  Cotteau 297 

XXVI.  —  Bornéo  hollandais.  —  Vue  prise  sur  la  rivière  Amandit,  à  Kendangan.    Dessin 

de  Th.  Weber.  d'après  une  photographie  de  M.  Meessens •'307 

XXVII.  —  Paysage  de  Java.  —  Le  Gedé,  vue  prise   de   Buitcnzorg.  Dessin  de  A.  Slom, 

d'ajirès  une  photographie  communiquée  par  M.  Verschuur 327 

XXVIII.  —  Le  lironio.  —  Vue  prise  dans  le  Dasar.  Dessin  de   Taylor,    d'après  une  photo- 

graphie communiquée  par  M.  Cotteau 541 

XXIX.  —  Java.  —  L'empereur  et  l'mipéralrice  deSoerakarta.  Gravure  de  Thiriat,  d'après 

une  photographie  communiquée  par  .M.  Cotteau 337 

XXX.  —  Plantation  de  café  dans  les  régences  de   Proang.  Dessin  de  A.  Slom,  d'après 

une   photographie  communiquée  par   M.  Verschuur 369 

XXXI.  —  Batavia.  —  Vue  prise  dans  une  rue.  Dessin  de  Taylor,  d'après  une  photographie 

communiquée  par  M.   Cotteau 583 

XXXII.  —  Village  de  Tjimatjan,  près  de  Tjanjoer.   Dessin  de  Taylor,  d'après  une  photo- 

graphie communiquée  par  M.  Cotteau 591 

XXXIII.  —  Soerabaja.   —  Vue  prise  du  pont  de  Genting.  Dessin  de  Taylor,  d'après  une 

photographie  comnmniquée  par  M.  Cotteau 401 

XXXIV.  —  Bali. — Vue  prise  devant  le  palais  du  sultan  de  Boelcleng.  Dessin  deTh.  XVeber, 

d'après  une  photographie il  7 

XXXV.  —  Pavsage  de  Timor.  —  Vue  prise  dans  une  forêt  voisine  de  Koepang.  Des^ill  de 

G.  Vuillier,  d'après  une  photographie  conuiumiquée  par  M.  Cotteau.    .    .    .      459 

XXXVI.  —  Miuahassa.  —  Cascade  du  Tondano.  Dessin  de  P.  Langlois,  d'après  une  pholo- 

graphie  de  M.  Cotteau *'|J 

XXXVII.  —  Menado.   —  Vue  générale.   Dessin  de  Taylor,    d'après  une  photographie  de 

M.  Colteau -4^3 


TAiii.i-;  m; s  cu.wi  iii:s.  '.m 

WXVIII.  —  Amliniiio.  —  Vue  j^énéialc  de  la  rade.   Dessin   île  Tailnr,  d'après  une  pliolo- 

graphie  communiquée  par  M.  Cotteau 401 

XWIX.  —  Banda  Mcia  et  Lnnllioir  ou  Groot-Banda.  Dessin  de  Taylei ,  d'a|irès  une  photo- 
graphie communiquée  par  M.  Cotleau 4i)7 

XL.  —  Vue  prise  à  Ternate.  Dessin  de  Th.  AVeher,  d'après  une  pliotographie  counnu- 

niquée  par  M.  Cotteau 009 

XLI.  —  Le  Mavon.  —  Vue  générale.  Dessin  de  .V.  Slom,  d'a|irès  une  pholof!raphie  de  la 

collection  Marche,  communiquée  par  le  Musée    d"Ethnograpliie 'o'iTt 

XLII.  —  lies  Philippines.  —  Groupe  de  negrilos.  Dessin  de  E.  Ronjal,  d'après  une 
photographie  de  la  collection  Marche,  eoniniimiqnée  par  le  Musée  d'Ethno- 
graphie   ."j.")'.* 

XLIII.  —  Philippines.  —  Indien  Ifugao.  Gravure  de  Thiriat,   d'après  une  photographie 

connnuniquce  par  le   Musée  d'Ethnographie 547 

XLIV.   —  Manille.  —  Vue  générale  du  port.  Dessin  de  A.  Slom,  d'après  une  photogra- 

]diie  delà  collection  Marche,  communiquée  par  le  Musée  d'Ethnographie.    .      ûôD 
XLV.  —  l'ucblo  d'Indiens  policés,  dans  la  banlieue  de  Manille.  Dessin  de  Th.  XVeber,  d'a- 
près une  photographie  comnnmiquéc  par  le  docteur  Montano 50Ô 

XLVI.  —  Paysage  des  îles  Mariannes.  —  Village  de  Saypan.  Dessin  de  A.  Slom,  d'après 

une  photographie  de  M.  Marche 58ii 

XLVII.  —  Iles  Carolines.  —  l'alan,  vue  générale  prise  au  large.  Dessin  de  A.  Slom.  d'a- 
près un  croquis  du  Dépôt  des  caries  de  la  Marine 597 

XLVIll.  —  Paysage  de  la  Nouvelle-Guinée.  — Village  lacustre  de  Tupuselei,  dans  le  pays 
des  Motu.  Dessin  de  Th.  Weber,  d'après  une  photographie  de  M.  J.-W.  Lindt, 

v\Uahe  de  Pidid-esque  New  Giiiiicii C'il 

XLIX.  —  Nouvelle-Guinée.  —  Groupe  de  chefs  Kmaii.  tribu  de  la  Papouasie  sud- 
orientale.  Gravure  de  Thiriat,  d'après  ime  photographie  de  M.  .I.-\V.  Lindt, 

extraite  de  Pidiiiesqiie  iSew  Guiiica <).">.") 

I,.  —  Nouvelle-Guinée.  —  Habitation  de  montagnards  Koyari,  piès  de  Port-Moresby. 
Dessin  de  G.  Vuillier,  d'après  une  ])bolographie  de  M.  J.-\V.  Lindt.  extraite 

if  Picturcsqiw  New  GtiiiK'd 647 

Ll.  —  Iles  Salomon.  —  Case  tainbou  et  groupe  de  naturels  de  Sanla-Ana.  Dessin  de 
G.  Vuillier,  d'après  une  photographie  de  M.  IL  B.  t^uppy.  extraite  de  The 

Soloinon  Ishnids 065 

LU.   —  Nouvelles-Hébrides.  —  Groupe  d'indigènes.  Dessin  di'  Laelhier,   d'après  une 

photogiaphie  comnmniquée  par  M.  Cotteau 670 

LUI.  —  Nouméa.  —  Vue  générale  de  la  rade,  prise  de  la  caserne  d'artillerie.  Dessin  de 
Th.  XVeber,  d'après  une  photographie  communiquée  par  la  Société  de  Géo- 
graphie   687 

LIV.  —  Femme  de  Mare,  dans  l'archipcd  des  Loyauté.  Gravure  de  Thiriat,  d'après  une 

photographie  de  MM.  Dufty  et  Peace 696 

LV.  —  Naturel  de  Mare,  dans  l'archipel  des  Loyauté.  Gravure  de  Thirial,  d'après  une 

photographie  de  M.  Allan  Ilughan 697 

*      LVI.  —  Nouvelle-Calédonie.  —  Homme  el  jeune  611e  kanakes.  Gravure  de  Thiriat.  d'a- 

]]rès  une  photographie  de  .M.  Allan  Ilughan 097 

LVIl.  —  Nciuvelle-Calédonie.  —  Habitation  de  chef  kanake.  Dessin  de  G.  Vuilliei-.  d'a- 
près une  photographie  communiquée  par  M.  Cotteau 705 

LVlll.  —  Australie.  —  Vue  prise  dans  les  Montagnes-Bleues.  Dessin  de  Taylor,  d'après 

une    photographie  de  M.  Caiie 721 


1000  TABLK   DES   GRAVURES. 

LIN.  —  Fjord  siiil-oiipiilal  de  la  Tasmanic.  —  llobait,  vue  générale.  Dessin  de  Taylor. 

d'après  une  photographie  communiquée  par  M.  Cotleau 729 

L\.  —  Paysage  de  Victoria.  —  Foret  près  de  Fernshawe,  au  nord-est  de  Melbourne. 

Dessin  de  P.  Langlois,  d'après  une  photographie  de  M.  Caire 711 

LXl.  —  Australie.  —  Groupe  d'indigènes  du  Norlh-Queensland.  Dessin  de  Laethier,  d'a- 
près des  photographies  conmiuniquées  par  M.  Cotteau lh~< 

LXII.  —  Lalla-Rookh,  la  dernière  Tasmaiiienne.  Gravure  de  Thirial.  d'après  uni'  phnlo- 

graphie  de  M.  H.  lîaily 75',l 

LXIII.  —  Campement  de  défricheur  auslraliru.  Gravure  de  Ilildlhrand.  d'après  une  pho- 
tographie de  M.  Caire 765 

LXIV.  —  Sandhurst  ou  Bendigo,  ville  de  mineurs  australiens  (Victoria).  —  Vue  géné- 
rale. Dessin   de  Taylor,  d'après  une  photographie  de  M.  Caire 709 

LXV.  —   Baie   de  Sydnev.  —  Vue  prise  h  Middle-harbour.  Dessin  de   Taylor,   d'après 

une  photographie  comnuuiiquée  par  M.  Cotteau 795 

LWl.  —  Melhourne.   —  Vue  prise  dans  Bourke-Slreel.  Dessin  de  Taylor,  d'après  une 

photographie  de  M.  Caire 805 

LXVll.  —  Tasmanie.  —  Vue  générale  de  Launceslon.    Dessin  de  A.  Sloni,  d'après   une 

photographie  communiquée  par  M.  Cotteau 811 

LXVIII.  —  Vue  prise  devant  l'ile  des  Antipodes.  Dessin  de  Taylor,  d'après  une  plinlugraphie 

de  M.  Dougall,  eonmuiniquée  jiar  la  Société  de  Géographie 819 

LXIX.  —  Paysage  de  la  Nouvelle-Zélande.  —  Sources  de  la  Waimakariri.  Dessin  de 
Taylor,  d'après  une  photogi'aphie  communiquée  par  la  Société  de  Géogra- 
phie  8-20 

LXX.  —  Les  «  Terrasse  Rose  n  du  Itnlo-uialiaua.  Vue  prise  en  1880.  avant  l'éruplion. 
Dessin  de  Taylor.  d'après  une  pliotogi-qihie  communiquée  par  la  Sociélé  de 
Géographie 857 

LXXl.   —  Chef  maori  latoné.  Gravure  de  ïliirial,  d'après  une  plioliigraphie  communiquée 

par  M.  Raoul 847 

LXXII.  —  Nouvelle-Zélande. — Troujieaux  dans  les  enclos.  Gravure  de  Ilildihrand,  d'après 

une  pholographie  coniimmiquée  par  la  Société  de  Géographie 855 

LXXlll.  —  Oueenslown  et  lac  Wakatiiiu.  —  Vue  générale.  Dessin  de  G.  Vuillier,  d'après 

une  photographie  connnuniquée  par  la  Société  de  Géographie 805 

LXXIV.  —  Iles  Fidji.  —  Famille  royale.  Dessin  de  E.  Ronjat,  d'après  une  photographie  cam- 

muniquée  par  M.  Cotleau 877 

LXXV.  —  lies  Fidji.  —  Levuka,  vue  générale.  Dessin  de  Th.  XVeber,  d'après  une  photo- 
graphie de  MM.  Dufty  et  Peace 803 

LXXVI.  —  Paysage  des  îles  Tuamotu.  Dessin  de   P.    Langlois,  d'après  une  phologra|ihle 

connnuniquée  par  M.  Cotteau 905 

LWVll.   —  Iles  Marquises.  — Naturel  tatoué.  Gravure  de  Thirlat,  d'après  une  pholographie 

communiquée  par  M.  Cotteau 911 

LXWIII.   —  Iles  Samoa.  —  Groupe  de  femmes.  Dessin  de  A.  Sirouy,  d'après  une  photogra- 
phie de  M.  Dufty 000 

LXXIX.  —  Moorea.  — Vue  prise  devant  le  mont  llutui.  Dessin  d'A.  Slom,  d'après  une  pho- 
tographie communiquée  par  .M.  Colteau 915 

LXXX.  —  Coidée  de  laves  du  Kilauea.  Dessin  de  A.  Slom,  d'après  une  photogra|ihie  com- 
muniquée par  M.  de  Varigny 949 


TABLK   DES  liKAMRES.  lOOl 

I.XXXI.  —  Iles  Ilavaii.  —  Cralère  du  Kilauoa.  Dessin  de  Tavlor.  d'après  une  )]li(ilou'ia]iliie 

communiquée  par  M.  de  Vaiigny •    .    .    .      951 

LWXll.   —  Paysage  de  l'archipel  llavaiin.  —  Vue  prise  à  Waiméa,  dans  l'ili'  Kauai.  Dessin 

de  G.  Vuillier,  d'après  une  photographie  communiquée  par  M.  Cotleau.    .    .      958 

LXXXIU.   —   lliinolulii.  —  Vue  générale.  Dessin  de  A.  Slom,  d'après  une  photographie  com- 
muniquée par  M.  de  Varigny 965 


126 


TAULE  1>ES  MATIÈRES 


(.HAPITHE 

IjiAPiTi'.r 


UÉMISPIIÈRE    (ICKXMQIE 

S  iir.  l'océan  Indien    . 


Sokotra 

Mailagasiur 

Comores 

Amiranlcs  el  Scyiliellcs 

Mascareignes 

I.  —  Vue  d'ciiseiiilile 

II.  —  Maurice  .    .    . 

III.  —  La  Réunion    . 

IV.  —  Rodiiïiies  .    . 


III. 
IV. 

V. 

VI. 
VII. 
VIII. 

I\. 

X. 
M. 


Iles  Keeling   . 
V.  —  .Vmslorilam  et  S; 
VI.   —  Iles  australes  . 


SCLIMIE 

—  A  ue  d'ensemble 

—  Sumatra  et  îles  de  la  nier  occidentale  . 

—  Iles  el  ariliipels  de  la  Sonde  entre  Sumat 


liorneo 

Sultanat  du  liruuei  et  liorneo  anglais 

Java  et  .Madoera. 


—  lia 


I.undioU 
Soemliav 


Flores,  arclii|iels  de  Solor  l't  d'.Mlor. 

Soemba 

Timor  et  arcbi|iel  de  Uriiii   .    .    .    . 


0-2 
125 


141 
Ul 
152 
IGO 
178 
180 
185 
18'J 

l'J5 

195 
21G 
2C9 
277 
312 
520 
HO 
420 
424 
428 
452 
454 


1004  TABLE  DES  MATIERES. 

XII.  —  Iles  du  «  Sud-Ouest  »  ou  Zuid-West  Eilanden US 

XIII.  —  Iles  «  Sud-Orientales  »,  aichipels  de  Tenimbcr  et  Koi UQ 

XIV.  —  Celèbès  et  îles  voisines të^ 

XV.  —  Moluques  du  Sud.  —  Breioe,  Cerain,  Amboiiie,  banda 479 

XVI.  —  Moluques  du    Nord.    —   Obi,    al.jan.   Tidore,    Terualc,   Ilalmahera. 

Morotai ^99 

Chapitre     IV.  —  Puu.ippi\es "^'^ 

I.  —  Vue  d'ensemble 5'5 

C11APITP.E      \.  —  MicBONÉsiE 381 

I.  —  Mariannes ■    •  5°1 

II.  —  Iles  Palaos 388 

III.  —  Caiolines. 595 

IV.  —  Micronésie  orientale,  archipel  de  Maisliall,  de  Gilbert  et  d'Ellice.    .  G08 

Chapitre     VI.  —  Papulasie 617 

Chapitre    VII.  —  Mélaxésie    .    .    ' 65ô 

1.  —  Iles  de  rAmiraulé,  archipel  Bismarck,  îles  Salomou 655 

II.  —  Archipel  de  Santa-Cruz,  Nouvcllcs-Uébrides. 675 

III.  —  Mélanésie  française,  Nouvelle-Calédonie   cl  iles  Loyanlé U84 

Chapitre  VIII.  —  Aistraluî  et  Tasjiame 711 

I.  _  Vue  d'ensemble 711 

U.  _  \ustralie  occidendale  (West-Auslralia) 777 

III.  —  South-.Vusli-alia 781 

IV.  —  Oueensland ''88 

V.  —  New  South  Wales  (Nouvelle  Calles  du  Sud) 792 

VI.  —  Victoria 805 

VII.  _  Tasmanie 809 

Chapitre     IX.  —  Nol'veli.e-Zélasde  et  archipels  voisi.ss 813 

Chapitre      X.  —  Iles  Fidji 871 

Chapitre      XI.   —  Polynésie  ÉQUAToniALE 891 

(JIAPITRE    XII.  —  .Vrchipel  hav.aïien 945 

Note 973 

Index  alphabétique "'5 

Table  des    cartes 991 

Table   des   gravures ''97 

Table  des   matières i"9û 

Errata 1"05 


ERRATA 


De  graves  erreurs,  doat  je  m'accuse,  ont  été  laissées  dans  la  juemiére  feuille  du  volume. 

Les  lignes  IS  et  suivantes  de  la  page  10  doivent  être  corrigées  ainsi  :  Queiros,  en  1606,  traversa 
lo  groupe  des  iles  Basses,  et  longeant  les  côtes  d'Espiritù  Santo,  dans  l'archipel  actuellement  nommé 
les  Nouvelles-Hébrides,  crut  avoir  devant  lui  le  continent  austral.  La  découverte  en  a  été  également 
attribuée,  mais  à  tort,  par  les  uns  au  pilote  portugais  Godinho  de  Eredia,  par  les  autres  au  pro- 
vençal Guillamne  le  Testu. 

Page  16.  11  faut  supprimer  dans  la  légende  de  la  carte  les  noms  Guillaume  le  Testu,  Leeuwins 
et  Witts. 

Page  654,  22'  ligne.  Au  lieu  de  Tombara,  lisez  Birara. 


Imprimerie  A.  Lalmre,  rue  de  Fleurus,  9,  à  Paris 


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