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LA TERRE ET LES HOMMES
PAR
ELISÉE RECLUS
XIV
OCÉAN ET TERRES OCÉANIQUES
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LIVRE XIV
OCÉAN ET TERRES OCÉAMOUES
MADAGASCAR . MASCAREIGNES,
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POLYNÉSIE.
CHAPITRE PREMIER
HÉMISPHÈRE OCÉANiaUE
Dans l'ensfiiible des mers, l'océan Allanlique peut èlie considéré
comme une « médilerranéc ». De même que la nappe « sans bornes » des
eaux où se hasardaient avec terreur les premiers nauloniers hellènes finit
par se révéler « mer close », simple golfe intérieur, quand les marins en
eurent reconnu, de l'Europe à l'Afrique, l'enceinte de rivages, de même
le formidable Atlantique, encore tenu pour illimité il y a quatre siècles,
se révèle à son tour comme une vallée sinueuse entre les deux moitiés
de l'hémisijhère continental, l'Ancien Monde et le iS'ouveau. Au nord, le
Groenland et l'Islande sépaient cette vallée profonde des cavités de la mer
polaire; à l'est, à l'ouest, les rives de l'Europe et de l'Amérique du Xord,
de l'Afrique et de l'Amérique du Sud, se correspondent par leurs saillies
et leurs golfes, et dans bipartie la plus étroite de la mer, de Carabane au
HV. 1 f
2 NOUVELLE GEOGRAPUIE UNIVERSELLE.
cap Sào-Roque, ne se trouvent qu'à '2900 kilomètres de distance. Mais
au sud la bouche de l'Atlantique austral s'ouvre largement, pour se con-
fondre avec l'étendue du grand Océan, enveloppant la planèle sur sa ron-
deur entière.
Sans y comprendre ni l'Atlantique et ses mers latérales, ni les eaux du
pôle arclique parsemées d'Iles et de glaçons et entourées par le cercle des
N" 1. llÉMlSPlIÈnE DD GRAND OCKAX (l'Aimi; OCCIDENTALE).
terres d'Asie et d'Amérique, l'Océan recouvre la moilié de la superficie
terrestre'. Au sud des trois exlrémilés continentales, le cap Iloorn, le cap
de Bonne-Espérance et la Tasmanie, la zone des eaux s'étend sans discon-
tinuité en un cercle de 2o 500 kilomèti'es. En outre, la nappe océanique se
projette au loin vers le nord, par delà l'équaleur, pour former, à l'est de
l'Afrique, le vaste bassin de la mei' des Indes, et à l'est de l'Australie, de
' Sm-fiico ni-r:iiiii|Mi' Iciliili', (l';i|iivs Kiiinuiirl .^08 000 000 liiloniètres cariés.
Cnn.l (Ici'Mii, siii-. I'.\ll;]iilii|ue et les iiR'is ;iic(ii|iics. . . 'J81000 000 » )i
Sii|ii'ili(ic ilrs Iriics (■■imT^ves 14'i000 0()0 n n
BASSIN DU GRAND OCÉAN. 5
rfnsulindo, de l'Asie, le bassin, bien plus grand encore, du Pacifique.
L'ensemble des masses continentales étant assimilé à un demi-cratère,
dont la saillie, commençant au cap de lionne-Kspérance pour finir au cap
Iloorn, comprend les monts de l'Ethiopie, l'Himalaya et les Andes, l'océan
des Indes et le Pacifique ou mer du Sud, déjà réunis par Fleurieu sous le
nom de <c firand Océan >\ emplissent en entiei' l'immense hémicycle. Le
N° 2. IIKMIM'III-:
r.ÉW fl'.VllTIL OlULMALt)
développement total de ce demi-cercle de rivages intérieurs dépasse
40 000 kilomètres, soit la longueur de la circonférence terrestre à l'équa-
teur. Eduard Suess a parfaitement étalili le contraste que présentent l'Allan-
lique et le Pacifique, le premier n'offrant sur son pourtour aucune liante
chaîne bordière, tandis que le deuxième longe de ses abîmes la base même
des rebords montagneux'; mais ne se Irompe-t-il pas en assimilant à la
formation de l'Atlantique celle de l'océan Indien avec ses hautes saillies
' Vas Anllilz (1er Erde, 2'" Band.
-1 NOUVELLE GÉOGRAPHIE IMVERSELLE.
littorales de Java, rie Sumatra, des monfafjnes d'Arrakan, les chaînes
immergées des Maldives et des Laqiiedives, les (ihàtes, les monts per-
sans et Madagascar?
Le vaste bassin océanique n'est point une étendue sans récifs et sans
îles. Il a comme l'Atlantique ses terres émergées, non seulement dans le
voisinage des continents, — ce sont des fragments détachés du littoral de
l'Afrique, de l'Asie, des deux Amériques, — mais aussi à distance des
cotes, au milieu des abîmes. Même quelques-unes des îles éparses dans
l'hémisphère océanique du monde sont de telles dimensions, qu'on y a vu
les restes ou les pierres d'attente d'un continent. Madagascar, les Comores
et les Seychelles passèrent aux yeux de plusieurs naturalistes comme les
débris d'un monde immergé, auquel on avait donné le nom de Lémurie,
(i'ajirès un d(^s types de sa faune, désormais dispersée; à l'est, dans
le giand océan Pacifique, des milliers d'îles, en cônes ou en anneaux,
semblent appartenii'. soit à un continent submergé, soit à un nouveau
monde en voie de formation; enfin, l'ensemble des terres qui se prolonge
au sud-est de l'Indo-Chine, de Sumatra à la Tasmanie, constitue, mal-
gré sa rupture en îles distinctes, un corps terrestre analogue à l'Afrique
et à l'Amérique méridionale. Les diverses parties du monde sont, on le
sait, rangées deux par deux suivant trois axes parallèles. Les deux Amé-
riques, du Nord et du Sud, sont les deux continents qui présentent le plus
de régularité dans leur disposition; mais on reconnaît aussi le groupement
binaire dans les parties de l'Ancien Monde. L'Europe, jadis séparée de
l'Asie par la Méditerranée caspienne, l'Aral et d'autres lacs, forme avec
l'Afrique le groupe occidental. Le groupe oriental, encore plus irrégulier,
compi'end la masse énorme de l'Asie et toutes les îles du sud-est qui se
pressent dans l'Océan, entre la mer des Indes et le Pacifique. Que sont
toutes ces terres, sinon un coiUiiienl brisé, prolongeant les Indes dans
l'hémisphère méridional? C'est à bon droit que l'on a donné le nom d'In-
suliiide aux terres équatoriales qui continuent l'Indo-Chine au milieu de
rOcéan. La grande île de l'AusIralie, aux dimensions continentales, et les
terres circonvoisines ont été également désignées par une expression heu-
reuse, celle d'Australasie, — Asie australe, — qui constate le groupement
binaire des terres orientales de l'Ancien Monde.
11 est prol)able qu'un autic continent existe dans l'immensité de
l'océan du Sud. La région polaire antarctique, inexplorée sur un espace
d'environ KJ millions de kilomètres carrés, renferme certainement de
vastes terres émergées, et maint géographe les a déjà dessinées comme
formant un massif continu qui recouvrirait la rondeur polaire : à la
lUSSIN nu r.RAMl OCÉAN. 5
« mer libre » que l'on imagine sur h; jxile boréal corresponflrail un conli-
nent ceinl de glaces sur le pôle austral. Ouoi qu'il en soil, les fragments
de glaciers que les navigateurs aventurés dans les latitudes antarcliques
voient llotter en immenses convois témoignent de l'existence de montagnes
dans la direction du sud ; en outre, les instruments de sonde ont ra|i])orté
du fond des fragments de granits, de schistes, de grès, de calcaires récem-
ment brisés', et sur quelques points isolés les explorateurs ont réellement
vu ou cru distinguer à travers la brume les profils de ces monts glacés du
sud. Sans y comprendre les terres antarctiques situées au delà du (50'' degré
de latitude, la superficie totale des îles et des massifs semi-continentaux
de la mer des Indes et du Pacifique comprend une étendue de beaucoup
supérieure à la surface de l'Europe. Sur les centaines de terres éparses il
en est d'inhabitées; d'autres ne sont que très faiblement peuplées, mais
l'ensemble des insulaires dépasse en nombre les habitants de l'Amérique
du Sud, et son accroissement moyen est rapide, malgré la dépopulation
de plusieurs archipels océaniens'.
Si ce n'est dans les îles les plus voisines de l'Asie, toutes les régions de
l'hémisphère océanique restèrent presque entièrement jusqu'à ce siècle en
dehors du mouvement économique et commercial du monde civilisé. Mais
la colonisation de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, la prise de posses-
sion des archipels polynésiens, l'établissement d'un réseau de navigation
régulière entre les centres vitaux du Pacifique et de la mer des Indes, ont
annexé, pour ainsi dire, cette moitié de la planète à l'autre moitié du
globe dont l'Europe occidentale occupe le milieu. Du coup, le monde,
encore incomplet jusqu'alors, s'est achevé, et l'histoire vraiment univer-
selle, pour toutes les races et tous les peuples, a commencé : il ne manque
plus rien à la grande scène où se meut l'humanilé, désormais unie, du
moins par les relations matérielles, et devenue consciente d'elle-même.
Ce! agrandissement du monde de la civilisation ne peut manquer d'avoir
' .liilm Mun-.xy, AV((H)r. Od. IT), 188.").
- Siipoilicie et [jn|nil;Ltion pi'obiilile des terres de l'iiéinisphère océanique en 1888 :
Madagascar 591 904 kilomèlres carrés. 5 000 000 Imliitanls.
Autres îles de la mer des Indes . . 15 534 ii ii G80 000 «
Insulindc 1698 7.57 » n 29 000 000 »
riiilippines 296 182 n « 6.500 000 »
Mii-ninésie 5 550 n » 90 000 »
Mélanésie (Nouvelle-Guinée, etc.) . . 955 811 » » 1250 000 »
Australie et Tasmanie 7 695 726 i) » 2 890 000 »
Nouvelle-Zélande et îles voisines . . 272 989 » » 655 000 »
Polynésie 26 799 » » 155 000 «
Ensemble 11 555 092 kilomètres carrés. 44 000 000 lialiitanis.
6 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
(les conséquences de la plus haute portée. Aux premières cultures nationales
qui se développèrent dans les grandes vallées lluviales', succéda la culture
plus générale des peuples qui entourent le bassin de la Méditerranée;
puis, lorsque le Nouveau Monde eut été découvert, vint l'ère de la civilisa-
tion atlantique, dépassant la civilisation méditerranéenne « dans la même
pi'oportion que le carré de l'axe du bassin maritime dépasse celui du
bassin océanique » ; et maintenant, c'est le monde entier qui devient le
théâtre de l'activité des peuples civilisés : la Terre est désormais sans
limites, puisque le centre en est partout sur la surface planétaire et la
circonférence nulle part. Mais dans l'ensemble des régions connues et
habitées il en est qui par la beauté de leurs paysages, la douceur de leur
climat ou d'autres privilèges attireront tout spécialement les hommes.
Et parmi ces lieux d'élection en est-il qui dépassent certaines îles du
Pacifique par la mei'veilleuse harmonie des contours, le charme di-s eaux,
la suavité de l'atmosphère, la fécondité du sol, le cours paisible des sai-
sons, le rythme gracieux de tous les phénomènes de la nature? « Je pense,
dit le naturaliste Bâtes, que si l'humanité a pu atteindre un haut degré
(le culture grâce à sa lutte contre l'inclémence des régions froides, c'est
dans les contrées équatoriales seulement que la race parfaite de l'avenir
pourra jouir complètement de son magnifique héritage. «
Egyptiens, Arabes et Phéniciens connaissaient depuis des siècles la mer
Erythrée, c'est-à-dire l'océan des Indes, et leurs navires s'y étaient aven-
turés vers les c(3tes qui produisent l'encens, l'ivoire et l'or, lorsque les
Grecs, pendant l'expédition d'Alexandre, apprirent à leur tour le chemin
de ces eaux du Midi. Suivant d'abord les rivages au point de rester presque
toujours en vue de la terre, ils s'avancèrent pourtant fort loin; mais la tra-
dition rapporte seulement au premier siècle de l'ère vulgaire la grande
découverte du mouvement alternatif et régulier des alizés et des moussons,
qui affranciiit les navires de leur timide mouvement de reptation le long
(In littoral et leur permit de se hasarder en plein Océan, des côtes de
rAfii(iue et de l'Arabie à celles de la i*éninsule hindoue, en cinglant tou-
jours vent ai'rièrc. On ne saiirail douter que ce va-el-vicnl des vents
ne fût d(''jà connu des navigateurs arabes et phéniciens et qu'ils ne l'eus-
sent utilisé pour leurs voyages; mais le mérite de la découverte fut attri-
bué au pilote grec d'Egypte Ilippalos et l'on donna même son nom aux deux
courants aériens d'aller et de retour: c'est après lui seulement que tous les
marins, conlianls dans le souffle régulier des airs, eurent l'audace d'aban-
■■ L^on Melclmiliov, Les Grands Fleuves hislurtques.
DECOUVERTE DU GRAND OCEAN. 7
donner de vue les côtes et de voguer en pleine mer vers les îles lointaines.
Pendant l'époque romaine, les îles et les péninsules asiatiques de la
mer des Indes étaient mieux connues qu'elles ne le furent douze siècles plus
lard, à la veille de l'expédition de Vasco de Gama. Les marchands occiden-
taux connaissaient Taprobane ou Ceylon, la Chersonèse d'Or ou presqu'île
de Malacca, ainsi que l'île de l'Oige, c'est-à-dire Java. Leur commerce
s'étendait jusqu'aux Moluques, puisque les clous de girofle avaient fait
leur apparition sur les tables des Romains opulents. Aux veillées du bord,
les marins se racontaient des aventures prodigieuses, où les caprices de la
fantaisie se mêlaient aux descriptions plus ou moins véridiques dépeuples,
li'animaux et de plantes que les conteurs avaient réellement vus dans
leurs voyages. Des navigateurs de nations diverses qui trafiquaient pour
les Romains, ces récits passèrent, plus ou moins transformés, aux marins
arabes du moyen âge, et de ce fonds primitivement vrai soilit niaiul(î his-
toire merveilleuse des Mille et une .A'i///s.
L'âge moderne des explorations commence pour le monde océanien en
même temps que pour celui de i'Amériqui^ En 1498, Vasco de Gama,
après avoir contourné le continent africain, traverse directement la mer
des Indes pour aborder à (Jalicut. Deux années après, Diogo Dias, le
frère de cet autre Dias qui avait le j)remier doublé le cap de Bonne-
Espérance, découvre Sào-Lourenço ou Madagascar, tandis que, poussant
plus avant, d'autres marins vont reconnaître les côtes de l'Indo-Chine.
En 15(39, Malacca devient un centre de domination portugaise, et désor-
mais tout^ navire asiatique faisant escale à ce marché doit recevoir à son
bord un capitaine portugais. Les terres de l'Insulinde, qu'avait déjà visi-
tées l'Italien Barlema, appartiennent bientôt à l'empire commercial de
Lisbonne; mais, une fois possesseurs des précieuses îles des Épiées, les
marins portugais ne s'aventurent que rarement au delà, dans les parages
inconnus. C'est à une autre nation, représentée, il est vrai, par le Por-
tugais Magalhàes, que devait appartenir la gloire d'achever la circum-
navigation de la planète à travers l'étendue du Pacifique. Prenant le
chemin de l'ouest, autour de l'Amérique méridionale, et non celui de
l'est, autour de l'Afiique comme Vasco de Gama, Magalhàes franchit en
1520 le détroit qui porte son nom, et, premier Européen, pénétra dans
le Pacifique austral, cinglant à la découverte des comptoirs avancés des
Portugais. Par un étrange hasard, ses navires, traversant la nuée des îles
océaniennes, naviguèrent en des parages déserts sur un espace de 17 000
kilomètres : ils ne rencontrèrent que deux îles inhabitées, situées à l'orient
du groupe non encore découvert des « îles Basses «. Le premier archipel
s NOUVELLE CÉOGUAPIIIE LNIVERSELLE.
aperçu, on 1521, fut celui des Larrons ou Mariaunes; puis, repreuaut sa
course vers l'ouest, Magalhàes atteignit les Philippines, et prit terre sur
l'ile de Mactan, où il trouva la mort dans un combat contre les indigènes :
c'est à bon droit que les terres découvertes par lui furent longtemps
désignées sous le nom de Magellanie.
Les compagnons du navigateur portugais continuèrent leur loule
d'abord vers Bornéo, puis vers les Moluques, et dans son passage de re-
tour, à travers l'océan Indien, le Basque Sébastian el Cano, capitaine du
seul vaisseau qui restât, reconnut une île à hujuelle il donna le nom
de San-Pablo et que l'on appelle actuellement Amsterdam. Des 2Ô7 hommes
partis de Séville il n'en revint que 1(S, parmi lesquels l'igafetta, l'historio-
graphe de la traversée'. " Je ne pense pas, écrivait-il, que personne à l'ave-
nir veuille entreprendre un pareil voyage « ; cependant, six années après
l'expédition de Magalhàes, une autre escadre espagnole, commandée par
Loyasa, pénétra également dans l'océan du sud par le détroit méridional de
l'Amérique, et se dirigea vers l'archipel des Larrons, sans rencontrer
dans le long voyage d'autre terre qu'une île de faibles dimensions. Un de
ses navires, repoussé par la tempête vers les côtes du Mcxiipie, lit la pre-
mière circumnavigation de l'Amérique du Sud.
De longues années se passèrent avant que le Pacifique fût traverse en
sens inverso et que le voyage de circumnavigation pût se faire dans la
direction de l'ouest à l'est. En vain les explorateurs tentaient de remonter
à l'orient contre le courant des alizés qui soufflent régulièrement sur les
eaux du Pacifique. Dans ces tentatives se lirent de nombreuses découvertes
d'îles cl d'arcliipels : la ?souvelle-(iuinée, les Carolines, les îles Marshall,
les Peliou ou Palaos, les îles Boiiin s'ajoutèrent au monde connu;
mais, après avoir lutté pendant des semaines et des mois contre les flots et
les airs pour gagner les longitudes orientales, les explorateurs finissaient
par abandonner l'entreprise et se laissaient porter de nouveau vers les Phi-
lippines ou les Moluques. Enfin un moine augustin, Andres de Urdanela,
trouva ou plutôt devina le chemin de l'est à travers le Pacifique'. Raison-
nant par analogie, il pensa que les lois de l'atmosphère devaient être les
mêmes sur l'Atlantique et le Pacilique, el qu'aux vents du sud-ouest de
l'Europe occidentale devaient corresj)ondre des courants de même direc-
tion dans les latitudes tempérées comprises entre le Japon et la Californie.
Cette prévision météorologique se trouva complètement justifiée. En J5(35,
' t'ioiir Miirlyi- il'An^lifi';i, De ichiis ucediikis cl urbc iiuvu.
- Oscar l'escliL'l, Geuhkhlc dcr Erdkundc.
KXl'LOUATION riE L'OCÉAN PACIFIUUK. 9
près d'un ilfini-sièck- après le voyage de Magalhàes, il se dirigea des Phi-
lippines et de l'archipel des Larrons vers les mers du Japon, jnsqu'au
45' degré de lalilude, puis, cinglant vers le snd-esl, il liiiit par atteindre
le port mexicain d'Acapulco; le voyage avait duré l'ih jouis.
Désormais un mouvement régulier d'aller et de retour s'étaldit de l'un à
l'autre côté du Pacifique, entre le Mexique et les Philippines. La route était
tracée par les pilotes, et pendant deux cents années les galions espagnols
IMlJNCil'AUX VOYAGES DES ESPLOnATEURS DANS I. OniAN PAIIIFIQUE.
la suivirent fidèlement. A])rès être partis d'Acapulco, les marins n'avaient
plus à changer l'orientation des voiles jusqu'aux Philippines; mais au
retour ils voguaient vers le 55' degré au large du Japon et se maintenaient
à cette latitude jusqu'en vue des côtes de Californie, puis ils longeaient le
littoral pour retrouver le point de départ. Si bien réglée par la coutume
était la marche des galions, qu'ils firent à peine quelques découvei'tes en
dehors de la voie tracée; cependant des caries espagnoles portent l'indi-
cation de terres dans les parages occupés par les îles Sandwich. Le calme
XIV. 2
10 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE
même de l'atmosphère, la rareté des tempêtes furent peut-être une des
causes de l'ignorance dans laquelle on resta si longtemps relativement aux
terres océaniennes do l'hémisphère boréal. Le grand Océan mérite bien
le nom de « Pacifique » donné par Magalhàes. Quant à l'appellation de
« mer du Sud » employée d'une manière plus générale par les marins jiour
l'ensemble des mers comprises entre l'Asie et l'Amérique, elle ne s'ap-
jiliquait d'abord, par contraste avec la « mer du Nord «, d'où vinicnl les
découvreurs espagnols, qu'aux eaux riveraines situées au sud-ouest du
Mexique et de l'isthme américain'. De leur côté, les moines franciscains,
croyant que l'immense Océan ne baignait que des terres destinées à se
peupler un jour de fidèles néophytes, lui donnèrent le nom, oublié aujour-
d'hui, de «merde Notre-Dame de Lorette ».
En dehors des parages traversés par les galions d'Acapulco, presque
Ions les archipels équatoriaux de la mer du Sud furent au moins aperçus
par des marins espagnols au seizième et au dix-septième siècle. En 1507,
Mendana de Neyra vit le groupe actuellement connu sous le nom des îles
Ellice et l'archipel des Salomon; en 1595, Hurtado de Mendoza découvrit
les Marquises; Queiros, en lOOfi, traversa le groupe des îles Basses, visita
les Nouvelles-Hébrides et longea les côtes du continent d'Australie, qu'il
crut avoii' vu le premier, quoiqu'il eût été précédé sur ces rivages par le
pilote portugais fiodinho de Eredia, cl même, en 1551, parle Provençal
(iuillaume le Testu^ ; enfin, un navigateur de l'escadre de Oueiros, Terres,
se hasardant au milieu du périlleux labyrinthe de récifs qui sépare l'Aus-
tralie el la Nouvelle-Guinée, réussit à se glisser sain et sauf entre les
dangers el, après deux mois de tâtonnements, rentra dans la mer libre :
c'est à bon droit que son nom est resté au chenal reconnu par lui avec tant
d'audace et de prudence. Mais Espagnols et Portugais n'avaient déjà plus
le monopole de ces terres océaniques, partagées entre eux par la bulle
d'Alexandre YI. Le pirate anglais Drake suivit, cinquante-sejit ans après
Magalhàes, la route tracée par ce grand navigateur; puis Cavendish el des
marins hollandais apprirent à connaître les chemins du Pacifique. Bien
plus, dès la fin du seizième siècle, des marchands néerlandais avaient
établi des comptoirs à Java et peu à peu leur pouvoir s'étendait dans les
îles avoisinantes et se substituait à celui des Portugais. A leur tour les
navigateurs hollandais prirent part à l'œuvre de découverte dans les mers
du Sud, et Tasman surtout accrut le réseau des itinéraires d'exploration :
Pigafetta, Premier Voijncje autour du Monde.
ihjor, Journal of thc R. Geoyraphical Socielij , 1872 ; — Pelermanns Mitlheilunyen, 1, 1873.
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EXF'LORATION DE 1/OCÉAN PACIFIOUE. 13
loulc la cote occideiilale do l'Australie fut reconnue jusqu'au détroit de
Torres; la Tasmanic et ses péninsules de basalte, la Nouvelle-Zélande et
SCS volcans surnirent du milieu des mers. Mais tel était encore l'esprit de
rivalité entre les nations commer(;anles, que les découvertes faites précé-
demment par des marins portugais ou espagnols restaient ignorées des ma-
telots du nord, (juoique Torres eût démontré par expérience qu'un détroit
sépare l'Australie (hda Nouvelle-Guinée, Tasman affirmait encore, quarante
années après, que les deux terres appartenaient à un même continent.
La deuxième moitié du dix-huitième siècle fut l'époque décisive pour
l'exploration scientifique des mers du Sud. Désormais ce n'était plus au
seul profit d'une nation ou d'une compagnie commerciale que devaient se
faire les expéditions de découverte, les résultats en étaient acquis d'avance
à tout le monde civilisé. Kn outre, les observations, faites avec plus de
rigiKHir, donnaient aux récils des voyageurs une authenticité beaucoup
plus grande. En 17(j(3, Wallis, le premier parmi les navigateurs de la mer
du Sud, fixa ses longitudes par la méthode des dislances lunaires : désor-
mais les monstrueuses erreurs des navigateurs précédents, qui compor-
taient jusqu'à 2000 et 3000 kilomètres d'écart, devenaient impossibles, et
les marins n'en furent plus réduits h errer pendant des semaines ou
des mois à la recherche d'archipels considérables déjà signalés par leurs
devanciers. C'est ainsi qu'avant cette époque nombre d'explorateurs durent
renoncer à trouver les îles Salomon découvertes par Mendana de Neyra et
l'on s'imagina même qu'elles n'existaient point : elles n'auraient été, pen-
sait-on, que des apparitions fantastiques, des nuées de l'horizon simulant
des récifs, des forêts et des villages. D'autre part, maint archipel s'était
dédoublé aux yeux des marins; la même île avait été vue en des endroits
que l'on croyait différents et on lui donnait plusieurs noms, comme à des
terres distinctes. L'emploi des méthodes astronomiques mit un terme à
cette fluctuation désordonnée des îles océaniennes.
L'époque de l'exploration méthodique des mers du Sud, commen(;ant
avec Wallis, peut être considérée comme se terminant en 1827, année de
la redécouverte, ou plutôt de l'annexion au monde connu, par Dumont
d'Lirville, des deux grandes îles Fidji. Pendant ces soixante années, qu'il-
lustrèrent les voyages de Carteret, de Bougainville, de Cook, de Vancouver,
de Lapérouse, s'acheva dans ses grands traits l'œuvre géographi(jue des
explorations océaniennes. Ensuite il ne resta plus, et il ne reste encore, (ju'à
préciser les positions des îles, qu'à en fixer plus exactement les contours,
à signaler tous les récifs, à reconnaître les vigies douteuses, à effacer des
caries celles qu'on avait marquées par erreur. Parmi les voyageurs du
14
NOUVELLE GÉOGRAPUIE UNIVERSELLE
siècle dernier, le premier ranjj; appartient incontestahlemeni à Çook : un
peut dire que l'année 1769, peiidiuil hupielle l'illustre navii;iiteur eom-
mença le reseau de ses itinéraires dans le Pacifique, est, après l'année 1 Tt^ 1 ,
où se fit le voyage de Magalhàes, la date capitale dans l'histoire de la prise
de possession des mers du Sud. Cook, débarqué à Taïti, déliula par ses
mémorables observations sur le transit de Vénus et fixa ainsi une longi-
tude précise au centre du Pacifique; puis il fit complètement le tour des
deux îles néo-zélandaises, reconnut la côte occidentale de l'Austi'alie et
découvi'it à nouveau le détruit de Torres. Dans son second vovage, il
N'^ i. LES DErX PREMIERS VOYAGES DE CIRCrMNAVIGATÏOX DE LA TERRE
DE l'est a l'ouest (magalhâes) ; DE l'ouest a l'est (cook).
0° Méridien de Greeruv.cK
explora surtout les mers australes, des deux côtés du cercle polaire, mais
en sens inverse de la route suivie par tous les circumnavigateurs précé-
dents. Le |)remier parmi tous les marins il fit le tour de la Terre en
voguant de l'ouest à l'est, dans le même sens que la rotation planélaire :
plus de deux sil'cles et demi s'étaient écoulés depuis que Magalliàes avait
l'ail son v<iyage circumterrestre en cheminant de l'est à l'ouesl, enti'aîné
pai' le smifile régulier des alizés. Dans sa troisième expédition, (look se diri-
gea vers les eaux boréales : il reconnut le détroit qui sépare les deux con-
tinents d'Asie et d'Amérique, puis découvrit à nouveau les iles Sandwich,
où il fut d'abord reçu comme un dieu, mais où, bientôt après, un acte de
violence contre un chef lui valu! la morl.
EXPLORATION DE L'OCEAN PACIFIOUE. 15
Les ex|)Iorations do Cook eurent pour effet d'écarter défiuilivemeut le
préjugé des (héorieiens, d'après lesquels les terres émergées devaient occu-
per exactement sur la rondeur planétaire autant d'espace que les cavités
océaniques. Depuis Hippaniue, les géographes les plus fameux professaient
comme un dogme ré(juilil)re ])arfait entre les terres et les mers, et c'est
pénétré de cette idée quePlolémée avait dessiné au sud de la mer des Indes
une côte continentale rattachant l'Afrique aux Indes. Ce rivage, s'éleu-
dant au sud sur la rondeur terrestre, tous les navigateurs du Pacili(|ue
avaient cru le retrouver : d'ahord la Nouvelle-Guinée, puis la Nouveile-
llullande, puis la Nouvelle-Zélande leur })arurent être ce monde ausirai ;
ensuite chaque île qu'on ajierçut à des latitudes plus méridionales fut con-
sidérée comme un promontoire du continent cherché. Cook, qui d'ailleurs
croyait lui-même fermement à l'existence de ces terres du sud, en recula
les rivages bien au delà des parages atteints par ses prédécesseurs, et main-
tenant on sait que l'Antarctide, continent ou groupe d'îles, est cerlaine-
ment de faibles dimensions, comparée à l'immense étendue des mers.
En constatant l'absence de terres continentales dans les espaces jiar-
courus par Cook, Forster émettait l'hypothèse que la nature avait compensé
le manque d'équilibre entre les deux hémisphères du corps planétaire, en
plaçant au fond de l'océan antarctique des roches d'un poids considérable'.
Bien que le grand navigateur Cook, plein de l'orgueil de ses travaux
immenses, eût posé des limites au génie de l'homme, en déclarant que
nul marin ne le dépasserait, on est pourtant allé plus loin, et depuis
son voyage la surface connue de l'Océan s'est agrandie dans la dii-ec-
tion du pôle austral. Les terres découvertes sont en quelques parages
assez rapprochées les unes des autres pour qu'on puisse leur attribuer
en toute probabilité une côte continue : elles formeraient ensemble une
des plus grandes îles de la superficie planétaire. C'est au sud de l'Aus-
tralie que se présente dans la zone antarctique le corps de terres émer-
gées le plus considérable. Déjà Balleny, en 1850, découvrit un archipel
de volcans dans le voisinage immédiat du cercle polaire : un des cônes
insulaires, celui de Young-island, entièrement revêtu de neiges, se dres-
serait, d'après l'évaluation de Balleny et de ses compagnons, à la hau-
teur d'au moins 5600 mètres; d'une autre île, beaucoup plus basse,
s'élançaient deux jets de vapeur. Partout les vallées et les ravins des pics
sont comblés par les glaces : on ne voit la roche nue qu'aux endroits où
le heurt des vagues a «oupé des promontoires en falaises, révélant les
' Observations iiiade during a Voyage round llie World.
16
NOUVELLE GÉOGRAPUIE UM VERSELLE.
laves noires surplombées par un auvent de neige blanehe; il n'y a point
(le eriques, à peine quelques ])lages de cendres et de scories menuisées'.
Cinglant à l'ouest de cet archipel, sans trop s'éloigner à droite ni à
gauche du 65^ degré de latitude, Balleny crut voir la terre en deux en-
■ — ■ tPOQrES DES l'KISClPALES DECOUVERTES FAITES DANS L nCEANIE.
MsndiendePan.
e-diendeG-eenw.ch ;£û'
M.
l.'iil
Ma-:ilh3i-s. r.uahaii. Philippines.
T.
16iô
Me.
152»;.
Menezês, Papuuasie.
1'.
1611.
S
IriîS.
A. de SaavRdra, CnroHnes.
0.
1H9lI.
S.
KiS.
«arshall.
B.
1765.
fi
I.TÔI.
Guillaume le Tcslu, Australie.
\Va.
1-67.
Y
15t->.
Villalolms. Carolines, Palaos.
Ca.
1767.
Mil
lafiT.
Mendana, Ellice, Salomon, Sandw
ih.
Ilo.
1768
„
15!».i.
0 /. Marquises. Snnta-Cru
C.
1769
0.
1606.
Queiros, /. Basses, F(ikaofo,Slles-Héhrides.
C.
1770
T.
1606.
Torrcs, Détroit de Torrcs, Louisindes.
C.
1773.
I,. M
1616
Lemaire, yiounfou, Kouvelle-ïrlande.
t:.
1771
II.
1616.
Hailoi;, Endrachtsland.
I.a.
17SI7
F..
1619.
Edel, Edelsland.
Dr.
1791
T,.
16ii
Leeuwins, LceuwinsUind.
lia.
l-'.W
^.
16i-
Nuvls, Nuyisland.
lia.
1810
\\.
16*S
Wills. Wittsland.
Wk
IKll
T.
1611
Tasman, Tasmanie, youielle-ZeU
,ide.
U. l
lSi7
TaMiian,/. Tfiii(,n, Fidji. Suiivelle-Brelnij
» Tasmnntnnd, Carpentarie.
Dampior, Sourelle-Gitinéc.
Ilvron, /. Gilherts.
Wallis, Taiti.
Carlerel, /. Pitcairn, Carteret, Basses.
Houf;ainville, Samoa, Salomoit.
Cuiik, I. Australes
» yoiivelle-Zclande, Australie.
I. Hei'veif.
. /. Savage, Noueelle-Calfdoiiie.
. I.apèrouse, Savai.
. IlrouKlilûii, /. aialham.
. liass, Détroit de Bn.ss.
, Ilazelbur^, Mncqiiarie.
. Walker, Camphell.
. Uumont dlrville, Fidji.
droits et il désigna même l'une des hautes saillies aperçues dans le loin-
tain du nom de Sabrina-land.
Dès l'année suivante, le Français Dumont d'Urville et l'Américain
Wilkes, attirés dans ces parages par l'esjjoir d'y fixer la position exacte du
pôle magnétique méridional, visitaient de nouveaa les mers explorées par
' Juiiniiil oj llic R. Ccoyrtiphiitil Socictij, ISÔO.
ANTARCTIDE. 17
Balleny, et tous les deux afOmièrent sans hésitation qu'ils avaient bien vu
la terre ferme, et non de simples cordons de glaces flottantes. Dumnnl
d'iîrville donna le nom de terre d'Adélie aux cotes monlueuses, hautes do
lOtlII 11 i'200 mètres, qu'il aperçut au sud et qu'il suivit à l'ouest, sur une
dizaine de degrés; toutefois il ne déhnrqua point. Plus à l'ouest, Wdkes
vil aussi la ferre en quatre endroits, el c'est d'après son lémoignage que
N» c. — \iiïv(;i:-
MiicrMiomiiES
1 : looonn nno
l'ensemble des massifs entrevus, îles éparses ou terre continue, a été
désigné sous le nom de Wilkesland. Pourtant James Ross, qui ne suivit
pas le même chemin, crut pouvoir mettre en doute les rapports des trois
navigateurs qui s'étaient succédé dans celte partie de l'Océan. Rien n'est
plus trompeur que les horizons brumeux de ces régions méridionales, où
les rayons d'un soleil bas se brisent sur les glaces, et il faut un œil des
plus exercés pour distinguer entre un véritable mont rocheux el une
XIV. 3
18 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
« moiilagne ciislalline détachée d'un glacier lointain )>. Sauf sur un
point où Wilkes reconnut de près les roches noires d'une falaise, il se tint
partout à la distance d'au moins une vingtaine de kilomètres de la terre,
toute bordée de glaces, et partout il la vit revêtue de frimas. A l'est des
îles Balleny, Wilkes indiquait aussi un massif montagneux, et James Ross,
qui vogua sur une mer libre précisément à l'endroit signalé, se donna le
malin plaisir d'y jeter la sonde et ne trouva pas le fond à 1800 mètres*.
Ouoi qu'il en soit, de l'insularilé ou de la continuité du Wilkesland,
il est certain qu'à l'est de l'archipel Balleny la mer se prolonge beaucoup
plus au sud. James Ross y pénétra deux fois, en 1841 et en 1812, et
chaque fois s'approcha plus du pôle austral que nul navigateur n'avait fait
avant lui, que nul n'a fait depuis : il est vrai que lui et ses compagnons
moulaient des vaisseaux spécialement armés et protégés pour la traversée
des glaces. Kn 1812, il atteignit le point 78° 9' 50", encore situé à 1515
kilomètres du pôle sud en droite ligue, soit à 576 kilomètres en deçà du
poiiit correspondant atteint dans la /(inc boréale. Dans son premier voyage,
il suivit vers le sud la côte orientale d'une terre qu'il nomma Yictoria-
land et que bordent des monts superbes, tels que le Sabine, cône de 5000
mètres étincelant de glaces, mais offrant à sa base quelques escarpe-
ments noirs, et le Melbourne, plus haut encore, atteignant 1000 mètres.
Kniin, à l'endroit où durent s'arrêter les explorateurs, ils voyaient se dres-
ser devant eux les deux volcans jumeaux, l'Erebus (5780 mètres) et le
Terror (5520 mètres), dont le premier lançait des fumées, sombres pen-
dant le jour, rouges pendant la nuit. Un mur de glace, de près de 100 mè-
tres en hauteur, front d'une immense plaine ayant au moins 500 kilo-
mètres en largeur, empêcha les marins de débarquer auprès des volcans,
mais ils avaient pris terre en deux autres endroits des terres australes.
A l'orient tie la terre de Victoria, les voyages de Cook et de Ridlings-
hausen n'ont pas révélé l'existence de l'Antarctide au sud des pai-ages
orientaux de l'océan Pacifique, à moins qu'un point douteux, nuage ou
rocher, vu par Cook, n'ait été véritablement une terre : la petite île de
Pierre, telle est la seule montagne émergée que l'on ail tiouvée dans ces
parages. Mais au sud de l'Amérique, faisant face au cap Iloorn et aux
archipels voisins, les îles, ou peut-être les côtes d'une grande terre antarc-
tique, ont été reconnues en plusieurs endroits dans le voisinage du cercle
polaire. Bellingshausen découvrit la terre d'Alexandre, qui se rattache
probablement à la côte montagneuse de (iraham, signalée par Biscoe en
' Voijmjc in tlie Soullicin and AiiUirctic Hcyiuiis.
ANTARCTIDE.
1852 et mieux reconnue par Dallmann en lS7i; puis au noril-esl de ce
massif élevé se prolonge en Irainée |)arallèle une chaîne d'îles nom-
breuses, les terres de Lonis-l'hili|i|ie et de Joinville, découveiles par
— PmiMlINTOIRF- SKI'TKMHIONAI, UL I. ANTVItrTIlH
c/e 500 à 20C0 t^e POOQ e
1 ■ ôr.iinono
Ihimont d'Urville, les Shellaiid el les Oikney méridionales, déjà vues par
des baleiniers anglais et américains, — peut-être même en loO.S par le
navire hollandais de Geerilz', — toutes massifs montueux et cnloui'és
' Dumont d'Urville, VoijMje nu Pôle suil ci dtiiis l'Occnnir, vol. 11; — Bariow, Jijiiniiil of llic
R. Geoyrciphical Society, 1851.
'211 NOUVKLLK (.KOCHAI'UIE L'M VERSELLE .
d'eaux prolbndos où la soiule trouve des centaines de mètres à quelques
encablures du rivage'. Mais, iraniédialeraent à l'est de ces archipels, le
Ijaleiuier Weddell, après s'être ouvert un passage en iS'iô à travers de
grands convois de glace, s'était avancé dans une mer complètement libre
jusqu'au delà du Vi*" degré de latitude : c'est, au sud de l'Atlantique, le point
le plus méridional que l'homme ait encore atteint. Au delà, sur la demi-
circonférence qui s'étend à l'est vers Wilkesland, on n'a reconnu que deux
côtes situées ou se prolongeant au sud du ceicle |iolaire : celles d'Enderby
et de Kemp. Biscoe, qui découvrit la première île en 1S,"1, un an avant
Grahamsland, essaya vainement d'y aborder : les glaces le retinrent
toujours à plus de 50 kilomètres de distance. Plus tard, un baleinier
réussit pourtant à y atterrir*. Les terres de l'Antarctide les plus avancées
vers le nord, les monts de Victoria et ceux de Louis-Philip[)e, se trouvent
situées resj)ectivement en face de la Nouvelle-Zélande et de la pointe mé-
ridionale de l'Amérique; ainsi chaîne de montagnes s'oppose à chaîne de
montagnes, rangée volcanique s'affronte à rangée volcanique".
Depuis les voyages de Ross, c'est-à-dire depuis un demi-siècle bientôt , nulle
expédition scientifique nouvelle n'a dépassé le cercle polaire : en 1874, le
Challenger s'en est approché, mais il ne l'a point franchi. 11 est étonnant
(ju'en ces temps d'entreprises hardies on ait reculé pendant tant d'années
devant la reprise sérieuse de l'ceuvre d'exploration; |)ourlant elle est
devenue plus facile de nos jours, grâce aux progrès de l'industrie maritime
et aux mille ressources qu'offrent les engins modernes pour la traversée
des glaces. C'est donc avec un sentiment de honte que les géographes
signalent l'énorme lacune laissée par les routes des navigateurs sur la
rondeur anlarcliiiue et ({u'ils demandent des volontaires pour continuer
l'ieuvre des Cook, des Ross et des Dumont d'Urville. Il est probable que la
première expédition de recherches s'équipera en Australie, la partie du
inonde la plus rapprochée des îles polaires du sud, et celle dont les habi-
tants ont le plus d'intérêt à connaître les phénomènes météorologiques
et glaciaires de ces froides régions. Entre la jiointe méridionale de la
Tasmanie et les côtes de Wilkesland, la distance est seulement de
t>GOO kilomètres.
Dans la partie de l'Océan dont les navigateurs ont tléjà en entier
exploré la surface, une autre élude, celle des profondeurs, est depuis long-
temps commencée, el l'on peut dire que, d'une manière générale, l'épais-
' Juiirnal of tlic R. (!i-oijriipliiciil Sociclii, tSô.j.
2 boas, Science, 1887, X; — Pckrmaiin's Milteiliinijeii, 1888, II.
' Reiter, Die SiXdpolarfraije.
FONDS OCKANIQUES. i'I
seul' des mers esl connue. L'océan Indien offre dans son ensemble des
fonds assez réguliers s'étendant à plus de 4000 mèlres au-dessous de la
nappe supérieure des eaux. Ainsi que l'onl révélé les sondages fails par
l'expédilion du CliuUcngcr et depuis par des marins de diverses nations,
les berges sous-marines des continents et des grandes iles qui entourent
PliOFONDEl'IiS DES MERS AUSTUALES.
D'après Bartholome
i
CPer
^/^o/ortc/tTu/'S
\ : 10)000 ono
de trois côtés la mer des Indes s'inclinent rapidement vers les abîmes
océaniques, et presque partout on trouve la profondeur de 2000 mètres à
moins de 200 kilomètres des rivages. Une coucbe de puissance égale
recouvre, vers le 40" degré de latitude méridionale, le seuil qui limite au
sud l'océan Indien proprement dit. En dedans de cette courbe bathymé-
Irique de 2000 mètres, presque parallèle aux rives continentales, la ligne
22 rsOUVELLE f.KOr.RAPIJlE UNIVERSELLE.
(le 4000 mt'lres décrit un granil nombre de sinuosités, du moins à l'ouest
et au nord, autour de Madagascar, des Mascareignes, des Seychelles, des
Laquedives; en outre, l'archijx'l des Tchagos se dresse du milieu d'abîmes
recouverts par 4000 à jOOO mèli'cs il'eau. La profondeur moyenne de tout
l'océan Indien est évaluée par Jobn Murray à 4235 mètres', soit à 900
mètres de plus que ne l'avait estimée Otio Kriimmel'. Les plus fortes cavi-
tés que la sonde ait reconnues dans la mer des Indes se trouvent dans
les parages situés entre la côte nord-occidentale de l'Australie et les îles de
Java et Sumatra : en ces régions, les navires chargés de la pose du câble
sons-marin ont signalé des profondeurs de 5500 à 5045 mètres ; OtIo
Kriimmel propose de donner à cet abîme le nom de « fond de la Lé-
murie ». C'est un fait remarquable que les plus grands creux des mers
indiennes aient été reconnus à une dislance relativement minime du litto-
ral et dans le voisinage du foyer volcanique le plus ardent des îles de la
Sonde. Sur presque tout le pourtour des terres antarctiques, au sud de
l'océan Iiulien et du Pacilique, les mers, qui d'ailleurs n'ont été sondées
qn'en un pelit nomlne de points, paraissent être beaucoup moins profondes
que les grands bassins de la mer des Indes et du I'acili(jue : on dirail
qu'elles ont élé comblées par les débris apj)orlés des terres australes. Ce-
pendant un prodigieux abîme se trouverait sous le cercle polaire antarc-
liqiie, au sud-est des Soulh-Oi'kney : James Ross a sondé dans ces
parages à plus de SiOO mèln^s sans Irouver le fond. Il serait utile de con-
trôler celle oliservalion uni(|iie jiar de iionveanx sondages.
Comparé à l'océan Indien, qui esl dépourvu d'îles dans sa parlie cen-
trale, le Pacilique, parsemé d'archipels, ])résente un fond 1res inégal ; en
beaucoup d'endioils se Irouvent des seuils sons-mai'ins qui se transfor-
meraient en îles ou en péninsules si le niveau de la mer s'abaissait de
quelques centaines de mètres. D'abord les quatre grandes terres de l'In-
snliiide, Sumatra, Java, Bornéo et Celêbès, reposent, avec la presqu'île
de Malacca, sur un socle immergé que \)o ivcouvrent pas même lOOmèlres
d'eau : les deux abîmes océaniques di; l'cmesl et de l'est sont sépai'és dans
ces parages par un seuil d'environ 1500 kilonièlies en largeur. L'AusIralie
et la Nouvelle-tininée peuvent être également considérées comme les par-
lies émergées d'un même socle continental, comprenant aussi la Tasmanie
au sud, et au nord plusieurs îles voisines de la Papouasie. p]ntre les deux
groupes de l'Insulinde et de l'Australasie. un fossé de plus de 1000 mètres
' Scoltisli (kocjrnpliical Muyininc, NovcnilH'r 1887.
* Versiuh einer vcnjlcichcnden Morphuloyic (1er îh'crcsriiiiiiw.
FONDS OCKANIOUES. 23
en profondeur longe la côte orienlale de Timor, et même au sud de Ceram
s'ouvre un abîme où la sonde a trouvé plus de 4000 mètres d'eau. Dans
le Pacifique proprement dit la plupart des archipels et des chaînes de récifs
qui les continuent sont également portés par des piédestaux immergés, qui
presque tous sont orientés dans le sens du nord-ouest au sud-est, le même
que celui de l'Amérique centrale. Il semble que dans le vaste hémicycle
des terres continentales qui s'étend du cap de Bonne-Espérance au cap
lloorn, les archipels du Pacifique soient comme les rudiments d'un cercle
s'appuyanl à l'est sur la côte de l'Amérique: c'est ainsi que dans maint
grand cratère ébréché s'est inscrit un cratère régulier de moindres
dimensions.
Les cavités profondes limitées de part et d'autre par les seuils immer-
gés ont reçu des explorateurs anglais et américains des noms qui rappel-
lent soit les navires employés aux travaux hydrographiques des mers du
Sud, soit les savants qui se sont occupés de la bathymétrie avec le plus de
zèle. Le ci'eux circulaire où la sonde trouve plus de 4000 mètres d'eau à
l'ouest de la Tasmanie est le « fond de Jeffreys » : en un endroit on y a
louché le lit marin à 4758 mètres au-dessous de la surface. A l'est de la
Tasmanie, vers la Nouvelle-Zélande, s'étend un autre creux, de surface
plus considérable, où la sonde a révélé des profondeurs égales : ce sont
les fonds de Thomson, continués au nord, vers le Queensland, par les
fonds de Patterson (4820 mètres.) Ceux de la « Gazelle >', parallèles à l'axe
général des îles océaniennes, c'est-à-dire orientés dans le sens du nord-
ouest au sud-est, sont moins profonds, puisqu'on y a mesuré seulement
4154 mètres d'épaisseur liquide; ils s'embranchent par leur extrémité occi-
dentale aux « fonds de Carpenter )i, qui commencent au détroit de Terres
el à la Papouasie et vont se terminer entre la Nouvelle-Calédonie et les
Nouvelles-Hébrides : on y a trouvé au point le plus creux 4850 mètres de
profondeur. Les « fonds de Nares », au nord de la Nouvelle-Guinée et de la
Nouvelle-Bretagne, sont également recouverts par une couche de près de
5 kilomètres d'eau. Dans la direction de l'orient, les cavités sont encore
plus creuses : les fonds de Ilildgard ont jusqu'à G039 mètres et ceux de
Miller 6510 mètres.
Au nord des Carolines, les étendues du Pacifique sont beaucoup plus
libres de terres ; aussi, comme on devait s'y attendre, les profondeurs y
sont-elles plus grandes que dans les cavités de la Polynésie proprement
dite. Les fonds dits du ■< Challenger », d'après le navire d'exploration sur
lequel ont été faites de si importantes recherches de physiographie océa-
nique, offrent l'énorme profondeur de 8372 mètresentre les Carolines et les
2i NOUVELLE GÉOGRAPHIE UINIVERSELLE.
Mariannes; plus à l'est, vers les îles Marshall, un autre creux a fourni des
sondages de 0271 mètres. Enfin, toute la région du Pacifique septentrio-
nal, du Japon à la Californie, présente une immense fosse elliptique,
entourant une partie centrale moins profonde, dont l'axe est formé par
les îles Sandwich et par leur prolongement de récifs dans la direction de
l'ouesl-nord-ouest. Les « fonds de Wyman » ((j^oO mètres), à l'est des
Sandwich, ceux « de Belknap » et >< d'Ammen » (àlJ^T et 5(515 mètres), au
sud et à l'ouest ilu même archipel, appartiennent à cette cavité annulaire
qui phis loin, vers le Japon, prend le nom de « fond de Tuscarora )', d'après
le navire américain à bord duquel a été donné le coup de sonde le jilus
profond enregistré jusqu'à maintenant : c'est à iOtl kilomètres environ à
l'est de la chaîne méridionale des Kouriles qu'a été mesuré cet ahîmede
851.J mètres, presque aussi bas que la plus haute montagne est élevée
par rapport à la surface des eaux. De même que dans l'océan Indien, les
parties les plus creuses du fond se trouvent dans le Pacifique précisément
le long des chaînes de volcans qui se succèdent du Japon à la péninsule
d'Alaska. On peut dire que ces rangées de montagnes fumantes sont le
véritable rivage du bassin océanique' : au delà les eaux sont peu pro-
fondes, si ce n'est dans une partie de la mer de Bering, où l'on trouve
jusqu'à 1000 et 2000 mèti'es.Les terres avancées de l'Asie et de l'Amérique
reposent sur un socle commun très rapproché de la surface. Dans le détroit
de Bering proprement dit la moyenne de profondeur n'est que d'une qua-
rantaine de mètres et nulle part la sonde ne descend à plus de 58 mètres.
Entre ces fonds à peine immergés, qui forment aux deux continents une
large banquette extérieure, et les grands abîmes du Pacifique, la chute est
soudaine : la sonde y révèle des pentes qui seraient même tenues pour
rapides dans les régions montagneuses des continents.
Lc!s parages orientaux du Pacifique, si ce n'est dans le voisinage de la
(]alifornie, ont été moins soigneusement observés que ceux des mers aus-
tialasiennes. Même avant la traversée faite par le vaisseau italien ]'ettor
Pisani en 1885, tout l'espace, de plus de 50 millions de kilomètres
carrés, compris entre l(!s archipels et les côtes américaines, du Mexi(|ue au
Chili, était resté inexploré dans ses profondems. On possède maintenant
une série de treize sondages entre les côtes de la Colombie grenadine et le
grou|)e des Sandwich, et l'endroit le plus profond marqué sur cet
itinéraire du navire italien se trouve à la cote de 5720 mètres; pour l'en-
semble du lit marin, en tenant compte de l'inégalité des intervalles entre
' Ed. Sut'ss, uuvra'jc cite.
PROFONDEURS DE L'OCÉAN PACIFIQUE. 25
les soiulagos, la moyenne de profondeur dans cette partie de l'Oi'éan est de
4570 mètres'. Avant l'exploration faite par le Vetlur Piaani, on n'avait eu
d'autre indication pour évaluer l'épaisseur d'eau dans le Paciri(|ue orien-
tal que la vitesse de propagation des vagues pendant les tremblements
de niei'.
On sait en effet que les ondes parcourent l'Océan avec une ra|iidilé
croissant avec la profondeur de l'eau, et, en appli(jiiant la formule de
Lagrange relative à ce phénomène, on a cherché à déduire la piofondeur
océani(pie de la rapidité de translation des ondes de tremblement. En
vertu de ce calcul, (leinitz trouva, lors de la grande secousse de 18GS, (pu-
la moyenne de profondeur du lit de l'Océan enli'e la côte du Pérou et
Ilavaii, — ou d'une manière plus précise entre Iquique et Ililo, — devait
être évaluée à 4259 mètres. Le faible écart que présentent celle indication et
le résultat obtenu par les sondages du Veltor Pisani est remanjuable ; d'ail-
leurs la différence du point de déjiart explique suffisamment la moindre
|)rofondeur obtenue par la sonde, car du Pérou à la Colombie, le long
des cèles américaines, se creuse un abime qui n'a pas moins de 5000 à
6000 mètres. Des calculs de même nature ont été faits pour les fonds
d'autres parties du Pacifique lors du tremblement de 1 868, et en 1885 après
la formidable éruption du Krakalau. Le résultais de ces opérations, dues
à (ieinitz, Hochsleller, Neumeyer, à d'autres encore, coïncident assez bien
avec les obsenalions directes : suivant les parages, c'est de 2000 à 5000
mètres que varient les profondeurs moyennes trouvées par ce procédé.
Quoi qu'il en soit du degré d'approximation ainsi obtenu, le calcul ne sau-
rait remplacer les travaux de sondage, car la formule ne tient pas compte
du frottement de la masse liquide sur h; fond du lit, sur les récifs et les
rivages, el le temps précis des observations sui les divers points des con-
tinents et des îles n'est pas -toujours exactement tonnu\
Les dépôts ramenés des profondeurs pi'ésenlent une remarquable uni-
formité. Dans le voisinage des terres, surtout près de l'embouchure des
granils fleuves, les débris d'origine terrestre constituent la boue et l'ar-
gile du fond, mêlés aux fragments des coquilles et des coraux. Plus loin
des rivages, par les fonds de 1000 à 5000 mètres, les sédiments du lit
marin sont composés de fragments de coquillages et des tests calcaires
d'animalcules : la boue recueillie offie une teneui de 90 à 95 pour 100 en
carbonate de chaux". Mais à mesure que la profondeur s'accroît, la propor-
' BoUotlino delUi Societ/i Geogrcifud lltiliiiini. t88"j; — Geoyidpliisclu'sJalirbticli, 1887.
* Ollo Kniiiimel, Geoyraphisches Jnlirhiich, Raiiil \I, 1887.
' John Munay, mémoire cité.
2G NOUVELLE CE OCKAI'IIIE li.MVERSELLE.
lion de calcaire (limiiiiio et dans les aliîiiies de 4000 à jOOO mèlres (iii
trouve partout une argile formée de foi'aniiniieres, de radiolaires, de diat(K
mées et autres débris d'iuliniment petits mêlés à des particules de pierre
jMjnce et à divers produits décomposés d'éjections volcanitiues. Nulle
|)art, sur le lit profond de l'océan Indien, on n'a découvert gravier ou roche
nue. La pauvreté des argikis de grandes profondeurs en carbonate de
chaux provient de ce que l'eau contient de l'acide carbonique. Les iniiom-
biables corpuscules calcaires tombant en poussière des couches supé-
rieures de la mer finissent par se dissoudre avant d'atteindre le fond.
Mais les dents de requins, les s(iuelelles de cétacés se trouvent en (|uan-
tilé dans les argiles du lit : on en retire des restes d'animaux préhis-
tori(|ues et contemporains placés côte à côte; des nodules de fer d'origine
cosuiii|ue s(uil également épars dans la masse argileuse.
Ainsi (|u'en témoigne le nom même de « Pacifi(|ue » donné au giand
Océan, les tem|ièles y sont moins frécpientes ([ue sur l'Atlantique, du
moins dans les latitudes tropicales, à faible marée. La cause en est à
l'immense surface uniforme ipie pr('senle une vaste étendue de la mer du
Sud, loin du voisinage de c("iles continentales (pii, par les difféi'ences
c(msi(l('Maliles du relief. (h'Ierniiiienl de biiisques renversements dans la
marche des venis ci le climal. C'est dans les parages orientaux du l'aci-
liipie, là où les navires voguenl à des distances de plusieurs millieis de
kilomi'lres sans rencontrei- d'iles, <pie les eaux sont d'ordinaiie le plus
tranipiilles et que la navigation est le moins |)érilleuse : dans la région
marilime (pie les mai'ins espagnols appelaient jadis» golfe des Dames )i,
un é(piipage de jeunes lilles aurait pu sans danger manœuvrer les galions
chargés d'or (|ui jiarfaient d'Acapulco. La partie orientale du Pacili(pie est
celle on soufllent régulièrement les alizés : ceux du nord-est se font sentir
avec conslaiice dans la zone tropicale com|irise entic les îles Revilla-(ïige(lo
et les Mariamies, sur un espace d'einiidii l 'J 000 kilomèlres en largeur ;
les alizés du sud-est l'emportent dans une aire moins étendue, eiilre les
(ialapagos et les Mar(|uises : c'est un espace d'environ 5000 kilomèlres.
Mais, au milieu des îles océanii'iines du l'acili(iue équatorial, les mille
foyers d'appel distincts que foiinenl les terres parsemées dans la mer,
les unes montueuses, les antres à peine en saillie au-dessus des eaux,
roin|)enl la direclion des venIs el les forcent maintes fois à relliier en
arrière. Les couranis normaux des alizés sont fré(juemmeiit l'cmplacés
parles brises alternantes qui lournc'iil avec le soleil. Pendant l'hiver de
VENTS RKCULIKRS DE L'OCÉAN PACIFIQUE. 27
l'héiuisplière nirridioiiiil, les alizés du sud-est soiifllent avec le plus do
réiiularilé, mais eu été des vents de nord et de nord-est leur dispuleut
la pi(''|>(iu(léiaii(e; souveiil aussi des calmes s'établissent et pas une brise
ne Irissoimc à la surface de l'eau; parfois quelques conflits de vents
foui hiurrioycr les airs. La l('Ui|)éi'alur(' moyenne des îles, baifiuées par
une eau ddui les alleriialives de froid et de cbaleur sont encore moin-
dres que celles (le ralinos[)bèi-e, est d'une sinfiulière douceur : du mois le
plus chaud au mois le jtjus fioid, des deux ci")lés de r{''(|ualeui' jus([u'aux
Iroj)i(|ues, ['('caii oïdinaire. |)oui' une inoveuue de "2.") à '25 dej^rés, est seu-
lemeul de ." à 7 degrés ceiilijirades; cependant les oscillalions extrêmes
de liiiile l'année comporleni, suivaul les îles, un l'cail de 1(1 à 20 degrés,
(juant aux pluies, elles difl'èreul du simple au (l(''cuple ou même davan-
tage, suivant l'exposition des versanis insulaires, (ournés dans la direclion
des venis pluvieux ou du côté opposé. Tandis que certaines vallées où vien-
nenl s'amasser les nuages reçoivent annuellement des quantités énormes
de pluies, il est des îles plaies, situées dans \c voisinage de r(''([ualeur, où
netoudjenl point d'averses, si ce n'est à des intervalles très éloignés.
A l'ouest et au sud-ouest des îles et des îlots de la Polynésie pro|)remt'nt
(lile, le voisinage des grands corps insulaires, lels que la Nouvelle-Guinée,
l'AusIralie, Celêbès, Bornéo, appelle l'air ambiant avec plus d'énergie
jtendant la saison des chaleurs : il ne détermine pas de simples brises
comme dans l'Océanie orientale, mais il attire des moussons régulières,
d'une durée plus ou moins grande suivant les conditions diverses du
milieu, étendue des teri'es, hauteur des monlagnes, superlicie des espaces
dé])ouivus de végétation. Les vents alizés du sud-est dominent dans ces
régions pendant la saison d'hiver de l'hémisphère méridional; mais pen-
daul Fêlé le vent qui l'emporte est une mousson *de l'ouest ou du nord-
ouesl,qui amène généralement les vapeurs et les averses. Ainsi le régime
normal des airs est la succession de deux vents direclement coniraires
dans leur mai'che et différents dans leiu's effets, l'un desséchant et l'autre
humide. Toutefois, dans le dédale infini des baies, des criques el des
passages, les ii'régularilés soiil uouibreuses; les couraiils généiaux el les
brises locales se mêlenl diversemenl.
Dès la limili' même de l'aire des moussons, ou conslale une déxialion
dans la marche des vents. En effel, les eaux du déiroil de Terres, eiilre
l'AusIialie et la Xouvelle-Guinée, élan! obsiruées par d'innombrables
écueils el n'ayant en moyenne qu'une vingtaine de mètres d'c'paisseur,
s'échauffent au soleil beaucoup plus que les mers profondes de l'ouesl et
de l'est : il en résulte une élévation notable de temjiéralure pour l'ai-
S8 NOUVELLE r.ÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
mosphèrc siirincombanU' et là se forme un foyer d'appel pour tous les
vents. Les alizés du nord-est s'inlléchissent pour entrer directement dans
le détroit, oîi ils soufflent avec une grande violence pendant l'hiver;
d'autre part, les moussons d'été, qui dominent surtout en décembre, jan-
vier et février, cessent de se diriger au sud-est vers la grande terre et se
replient vers le détroit, dans la direction de l'ort-Moreshy, privant ainsi
la péninsule d'York de la part d'eau pluviale (jui lui serait nécessaire'. Au
centre du labyrinthe des iles, entre la iXouvelle-tiLiiiiée et Bornéo, le ré-
gime des vents est tellement troublé par les obstacles divers épars dans
tous les sens, que l'on ne sait pas même toujours distinguer d'une manière
précise quelle est l'origine première du vent, alizé ou mousson, et qu'on
ignore auquel des deux il faut attribuer le principal apport des pluies'. En
moyenne, elles sorU fort abondantes, et dans quelques îles, nolammenl à
Sumatra, elles dépassent 4 mètres par an. La température annuelle, de
26 à 27 degrés, suivant l'exposition des rivages, est aussi plus élevée que
dans les îles océaniennes; elle est également plus constante el du mois le
plus chaud au mois le plus froid l'écart est seulement de 1 à 2 degrés;
il est moindre que l'écart journalier, entre l'après-midi el le matin. Dans
le grand jardin du monde, la << serre chaude » est l'Insulinde.
A l'ouest de Bornéo et des Philippines, le régime des vents change
encore par suite de la diftérence des contours insulaires et des massifs
montagneux. Dans ces parages, les marins ne pailent plus de vents alizés:
ils ne connaissent (jue les moussons. Celle du sud-ouest, passant le détroit
<le la Sonde el jiar-dessiis l'île de Sunuiira, souflle assez régulièrement de
la mi-avril à la mi-octobre dans l'espace libre ouvert jusqu'à Formose;
mais elle est parfois interrompue par des vents du sud-est, el sur les
rivages des îles et des continents elle est frangée de brises et de remous
latéraux qui permettent aux voiliers de louvoyer à contre-mousson. A ce
veni du sud-ouest, qui est le vent d'été, succède le vent d'hiver, appelé
mousson du nord-est : c'est le courant polaire régulier. 11 souflle comme
la mousson du sud-ouest j)eiHlant une moitié de l'année; mais sa grande
force est en décembre et janvier. Les pluies tombent dans les deux sai-
sons, et dans les deux saisons aussi se produisent les coups de vent et les
tempêtes; mais c'est principalement pendant la mousson du sud-ouest, en
juin ou en juillet, ou bien, lors du renversement des vents, vers l'équi-
noxe de septeinbi'e, que le conflit des airs amène le soudain tournoiement
* î{Mia\, Journal of the R. Gcoçjrnphirnl Socielij, 1808.
* A. R. Waliiicc, Report of British Association, 1862.
!"
VE.MS OCEA.MOUES. 31
des cyclones appelés typhons, taï fuuuy ou « grands venls », dans les mers
de (lliinc.Ces toui'billons aériens, qui se forment généralement dans l'est,
font tournoyer leurs spires en se portant vers l'ouest ou le nord-ouest.
Leur force est d'ordinaire plus grande dans le voisinage de la terre que du
côté du large et se perd rapidement dans la direction du sud. 11 est rare
que les typhons descendent vers les régions équatoriales dans les paiagcs
situés au midi de Luçon, la plus grande des Philippines.
En dehors des iles de la Sonde, dans le libre espace qu'ulTiv l'océan des
Indes jusqu'aux Mascareignes et à .Madagascar, les venls, moins inllécliis
dans leur marche par les terres riveraines, reprennent une direction beau-
coup plus régulière. L'aire des venls alizés du sud-est, qui occupe la
partie de la mer comprise entre l'.Vustralie, Madagascar et l'équateur, se
déjilace du sud au noid et du nord au sud, suivant l'alternance des sai-
sitns : quand le soleil éclaire surtout l'hémisphère septentrional, les alizés
fi'anchissent l'équateur; quand il revient sur l'hémisphère du sud, l'aire
des venls r(''glés ne dépasse guère que le 5" degré de latitude. Mais autour
de cette partie centrale de l'Océan, où le vent du sud-est souille d'un mou-
vement égal, s'arrondit le vaste demi-cercle des terres, de l'Afrique méri-
dionale à l'Australie, bordé d'une zone de moussons alternantes, qui se
porlenl vers les terres pendant la saison chaude de l'année, puis refluent
vers la mer pendant la saison plus froide. Lu aucune partie de la Terre
les moussons n'ont une marche aussi bien réglée que dans les parages
septentrionaux de la mer des Indes, de la côte des Somal à Sumatra. La
mousson du sud-ouest, qui apporte de la mer les orages et les pluies,
souffle du milieu d'avi'il au milieu de septembre dans les golfes d'Oman et
du liengale, et la mousson du nord-est, qui est en réalité le vent polaire,
rc[ir('nil l;i prépondérance du milieu d'octobre au milieu de mars; le
lialanci'uient des airs est d'une n'gulai'ité parfaite. Dans l'hémisphère
méridional, sur les côtes de l'AusIralie, celies de Madagascar cl du con-
lincnl alVicain, le rythme des vents n'est pas aussi précis : il est vrai que
le ((inlraslc cnlrc lerre et mer n'y est pas aussi nettement tranché. On sait
que, lors (In rcnversenieul des uioussiins cl j)i'ndaul 1rs chaleurs estivales,
le coiillil des venls di'lerniine parfois la formation de cyclones redoutables.
(i'esl principalement dans le voisiragiMles .Mascareignes que ces ouragans
s(Mil le plus dangereux, mais ils bouh'verseni aussi les eaux dans le golfe
d'.\den et la mer du Bengale.
Extérieurement, dans la direction des p('iles, l'aire "îles alizés est bordée
par une zone de vents variables, dont la résultante prend en général le
sens de l'ouest à l'est. L'océan Indien, fermé du côté du nord, ne peut
52 NOUVELLE GÉOGRAPHIE IMVERSELLE.
avoir (ju'une seule ilo ces zones, celle du sud, comprise eu moyenne entre
le '28*^ el le 60^ degré de latitude, tandis que le Pacifique, aussi bien que
l'Atlanlique, a ses deux zones de vents variables, l'une dans l'hémisphère
septentrional, l'autre dans l'hémisphère méridional, qui va rejoiiulre à
l'ouest celle de la mer des Indes, à l'est celle de l'Atlantique, entourant
ainsi complètement la Terre. La découverte de ces parages océaniques où
dominent les vents occidentaux, c'est-à-dire les vents de retour ou contre-
alizés, a été d'une importance capitale dans l'histoire de l'exploration du
globe. Urdanela, guidé par sa connaissance des vents de l'Atlantique, apprit
ainsi à diriger les navires à travers le Pacifique vers les côtes du Nouveau
Monde, et Cook, dans l'hémisphère méridional, put, en suivant la zone
correspondante des vents variables, tenter le voyage de circumnavigation
terrestre en sens inverse delà voie suivie par Magalhàes.
Le mouvement des eaux répond à celui des airs dans le grand bassin océa-
nique, si ce n'est que, par suite de sa moindre mobilité, le courant maritime
a plus de constance dans sa marche que le courant aérien : il représente,
pour ainsi dire, le volant de la machine immense. Ces déplacements ryth-
miques de l'eau à travers l'étendue du Pacifique ont eu encore plus d'im-
portance que les vents dans l'histoire de l'humanité, car si les alizés et les
vents de retour ont facilité aux navigateurs européens la traversée de
l'Océan entre l'Ancien Monde et le Nouveau Monde et hàlé ainsi i'feuvre
d'exploration des îles océaniennes et des terres australes, les couiauts
avaient transporté précédemment des esquifs sans voilure ou mal gréés, sur
lesquels étaient aventurées des familles d'éraigrants. C'est grâce aux cou- (
rants que s'est fait le peuplement des terres : de proche en proche, des îles
aux îles et de continent à continent, la race iiumaine s'est ainsi épandue
sur une moitié de la planète.
Le grand courant moteur est celui qui se propage dans les mers équato-
riales dans le même sens que la marche apparente du soleil, des côtes du
Nouveau Monde à celles de la Nouvelle-Guinée et des Philippines. La masse
liquide qui se dirige ainsi de l'est à l'ouest n'a pas moins de 5000 kilomè-
tres en largeur, peut-être davantage en moyenne, puisqu'on l'observe par-
fois du !26'' degré au sud de l'équatenr jusqu'au 24" degré au nord, mais
avec un reflux ou une zone de calmes dans sa partie médiane. L'ensemble
des mers équatoriales se meut avec une vitesse variable, suivant les sai-
sons et les parages, de 50 à 60 kilomètres par jour, sur une épaisseur qui
tlépasse cerlainemen* 1500 mètres dans l'axe du courant. El cette mer en
mouvement parcourt près de la moitié de la rondeur planétaire! Comparés
à ce courant océanique, que sont les fleuves déversés dans la mer par les
CdlRANTS DU PACIFIUUE. ôô
régions conliiieiiUilL's : son ilél)il par seconde est d'an moins denx kilo-
mètres cubes, soit deux mille millions de mètres cubes.
Ce courant central, tronc de la ramure de courants secondaires qui se
développent dans le reste de l'Océan, donne naissance à deux grands remous
latéraux, qui occupent, l'un le Pacifique du nord, l'autre l'Océan du sud.
Pi'enant la même direction que les moussons des Carolines, les eaux du
courant équalorial obliquent vers le nord-ouest, dans la direction du
Japon, puis, arrivées dans le voisinage de l'Empire du Levant, elles en
longent les cùles vers le nord-est, et sous le nom de Kouro-Sivo ou
« Torrent iS'oir », se déploient en une immense courbe à travers la nu'r;
quoi(iu'elles se perdent peu à peu comme coui'ant proprement dit, elles
s'écoulent avec lenteur le long des rivages de l'Amérique Auglaise, des
États-Unis et de la basse Californie, pour rentrer enfin dans le courant
équatorial. A ce grand remous des eaux dans l'hémispbère du nord en
correspond un autre dans l'hémisphère du sud. Des nappes liquides,
s'épanchanl au sud des mers équatoriales, passent à l'est et à l'ouest
de la Nouvelle-Zélande, puis se reploient au sud dans les mers australes,
et par une courbe symétrique à celle du Kouro-Sivo vont rejoindre à
l'ouest du Chili un courant littoral qui longe la côte américaine et, par
le travers des Galapagos, reprend son voyage de l'est à l'ouest dans le
courant équatorial. Dans l'océan Indien se produit un remous analogue. Les
eaux de la zone chaude s'y meuvent aussi d'une marche lente dans la direc-
tion de l'ouest et se divisent autour de Madagascar en un double cou-
rant qui se porte vers le sud; puis, dans les parages anlarctii|ues, elles
s'unissent à un courant de retour qui, après avoir longé la côte occidentale
de l'Australie, rejoint les eaux équatoriales.
D'ailleurs ces trois vastes remous, analogues dans leurs traits généraux.
olTrent de singulières diversités dans leurs détails, suivant la marche des
vents, la profondeur des mei's, la forme et l'orientation dos teri'es avoisi-
nantes. En maints endroits les eaux lentes précipitent leur mouvement et
dans le sein de la mer se forme comme un lleuve, dont l'eau se distingue
des eaux riveraines par la nuance aussi bien que par la vitesse : la friction
contre ses rivages liquides le fait osciller en vagues courtes comme celles
d'un rapide fluvial et la rencontre de flots différant par la température
donne naissance à des brouillards qui l'ampent au loin sur la mer : ce sont
là des phénomènes qu'on observe principalement sur le a Torrent Noir »
du Japon et sur son prolongement à travers le Pacifique du nord. En
outre, chaque remous a ses franges latérales de courants tertiaires qui
pénètrent dans les golfes et les détroits ; enfin chacun a ses affluents, les
54 NOUVELLE GÉOGRAPHIE U.MVERSELLE.
courants d'eau froide que lui envoient les mers polaires. Un échange inces-
sant se fait entre les eaux tièdesdes régions équaloriales et les eaux à basse
température des zones de glace. Un mouvement général emporte les eaux
polaires dans la direction de l'équateur pour compenser les pertes causées
par l'évaporation sous les latitudes tropicales, et suivant les courants
aériens, la forme du lit et des rivages, ce déplacement collectif des masses
liquides se décompose en courants partiels d'un cours plus rapide, dont
les uns passent à côté et en sens inverse des courants venus de l'équa-
teur, tandis que les autres se glissent en dessous pour continuer leur
marche dans les profondeurs.
11 semblerait au premier abord que tous les courants polaires, de lem-
péi'alure plus froide que les courants équaloriaux et par conséquent d'une
plus grande densité relative, devraient toujours, en se rencontrant avec des
eaux tièdes, plonger au-dessous pour couler sous-marinement; toutefois
telles nappes d'eau froide, beaucoup moins salines que celles d'une plus
haute température, soit à cause d'une moindre évaporalion, soit par suite
de leur mélange avec les eaux fondues des montagnes de glace, sont d'une
légèreté supérieure à celle des eaux ambiantes et glissent par conséquent
à la surface de la mer. Les physiciens qui explorent les profondeurs de
l'Océan cherchent à deviner la marche des courants et des contre-courants
superposés en constatant la température des eaux à des distances fixes sur
la ligne de sonde. C'est là un travail des plus délicats et l'interprétation des
phénomènes observés est parfois très difficile ; mais par la comparaison des
sondages on arrive peu à peu à suivre la marche des eaux dans les abîmes.
On sait quelle est la succession normale des températures de la suifacc de
la mer jus([u'au fond du lit : tandis que la couche superficielle, en contact
avec l'atmosphère, présente une température qui diffère peu de celle de
l'isotherme! du lieu, l'eau du fond se trouve à peine au-dessus du point de
glace, et l'espace intermédiaire olfre en général une gradation régulière
dans le refioidissement des couches liquides. Toute anomalie dans cette
gradation, tout saut bruscjue dans les indications du baromètre enregis-
treur, indiquent le passage d'un courant dans les profondeurs. C'est ainsi
que dans les mers australes, entre le 66" et le 5i' degré de latitude, l'ordre de
succession des températures est modifié dans la profondeur des eaux par
le voisinage des glaces. De 150 à 350 mè'Ires au-dessous de la surface, une
couche d'eau plus froide s'intercale entre les eaux superficielles que
récliaulTc le soleil d'éli' et les eaux à [eni[)érature normalement décrois-
sante qui occupent l'abime inférieur. Celte couche d'eau froide, qui se
maintient à peine au-dessus du point de congélation, de zéro à — '2 de-
COURANTS DU PACIFIQUE, GLACES ANTARCTIQUES. 35
grés, doit éviilemmont sa basse température à la fusion des énormes
îles de glace flottante, dont presque toute la masse est baignée par l'onde
marine.
Parmi les courants spéciaux ijue forme l'eau froide venue soil des
pôles, soit des profondeurs', le plus remarquable par sou influence sur le
climat des côtes riveraines est celui qui longe le rivage occidental de l'A-
mérique du Sud : c'est le courant dit de Ilumboldt ou du Pérou, plus frt)id
de 1 1 à 12 degrés que l'eau des mers avoisinantes. Dans l'hémisphère du
nord, des eaux de basse température suivent aussi les côtes de l'Amérique
du Nord pour aller se mélanger avec les flots des mers équatoriales. Une
faible partie de ce.courant froid a pu croiser, dans le détroit de Bering,
une branche du courant tiède qui se porte vers les mers arctiques, mais
la grande masse de l'eau froide qui descend vers le sud provient des mers
d'Alaska et des autres golfes du Pacifique septentrional. Partout les eaux
marines sont animées d'un mouvement de translation, et c'est ainsi que
les effluves du sud sont apportés vers le nord, avec la faune et la flore cor-
respondantes, et que les régions des chaleurs des régions tropicales sont
tempérées par la proximité des eaux froides. Les climats des deux zones
différentes se mêlent en un climat nouveau, grâce aux courants qui s'en-
tremêlent ou se côtoient en sens inverse, car à chaque déplacement de l'eau
répond un déplacement contraire. Même le grand courant équatorial a son
contre-courant, qui correspond à la zone aérienne des calmes et se porte,
surtout durant les mois de juin à octobre, dans la direction de l'ouest
à l'est, de la Nouvelle-Guinée à l'Ecuador. C'est précisément dans l'axe du
courant équatorial, mais surtout au sud de la « ligne », que se produit
ce mouvement de l'eflux au mouvement général des eaux océaniques : sa
largeur est évaluée à 5(30 kilomètres en moyenne, mais il est assez irrégu-
lier dans sa marche et s'épanche en maints endroits en remous latéraux.
L'océan Indien offre également un contre-courant équatorial, longeant du
côté du nord le courant qui emporte les eaux dans la direction de l'occi-
dent. Les elhnologistes donnent la plus haute valeur dans l'histoire des
migrations à ces courants et contre-courants parallèles qui portent et ra-
mènent les peuples d'un continent h l'autre.
Au sud de l'Océan, sur le pourtour de la calotte antarctique, les abords
des terres sont défendus par des banquises continues, qui se déplacent, se
creusent en golfes, s'allongent en promontoires, s'ouvrent çà et là en
étroits passages où les navires ne peuvent s'aventurer qu'avec précau-
' OHo Kriiimncl, Hiindburh (1er 0:,eaiioyrai)liic, Raïul II.
.')« NUUVKLLE GKOGKAI'IIIE UNIVERSELLE.
lion. Haute do 5 à 4 inèlres en moyenne, mais parsemée de « bourgui-
gnons » inégaux qui ressemblent à des blocs erratiques, la banquise n'est
plus un obstacle invincible pour les marins qui disposent des puissantes
ressources de la mécanique moderne et dont les bâtiments sont construits
de manière à résister au choc des glaçons. Au delà de celte avant-
garde mobile s'étendent des espaces libres, oij ilottent de grandes mon-
tagnes de glace, entourées d'un cortège de blocs. Les navigateurs qui se
sont approchés de l'Antarctide, dans le voisinage du cercle polaire ou
môme par delà le 70° degré de latitude, ont remarqué que ces montagnes,
N'* 9. — i;vNorf>E siivit; I'ar dimum d urville.
Qapr-èi Dumont d'U
entraînées par le courant dans la direction du nord, dii'fèrenl par la forme
et par l'origine. Les unes, celles qui proviennent ties glaciers à versant
rapide, serpentant dans les vallées des montagnes, sont très diverses de
])vnïi\ cl d'aspect : suivant les lignes de la fracture et le mouvement de
bascule qui les a fait chavirer dans l'eau, une fois détachées de la masse
qui reste encore adhérente à la roche solide, elles dressent au-dessus de
la mer soit des sommets en coupoles, soit des pointes ou des aiguilles.
Les autres, qui d'ordinaire sont d'énormes dimensions, se présentent sous
la forme de blocs rectangulaires et leur face supéricui-e est presque unie.
Ces masses flottantes se sont détachées de la << barrière de glace » qui longe
à une distance inégale les parties non montueuses des côtes. Même en été
GLACES AN'TARCTIHLES 37
ces banf|iiises ne fondent point. Pendant Irois saisons estivales, en 1S41,
ISi^ et 1843, Ross ne vit qne dix-huit 'fois la température s'élever au-
dessus du point de glace, et alors à moins de 2 degrés seulement ; quelques
glaçons étaient frangés de stalactites transparentes, et Ross se demandait
comment elles avaient pu se former, puisqu'il n'avait point vu se fondre
la glace'.
Autant que les rares observations faites jusqu'à ce jour permettent d'en
juger, les barrières de glace, d'une hauteur moyenne de 50 à 55 mètres
au-dessus des flots qui viennent en heurter la base, ne sont autre chose
que la glace de terre lentement poussée vers la mer par la pression des
masses plus ou moins inclinées qui recouvrent l'intérieur du continent.
Grâce à leur poids spécifique, elles s'avancent bien en dehors de la côte,
même à la distance de "20 et 50 kilomètres, en continuant d'adhérer
au fond rocheux. Ross, sondant les eaux dans le voisinage de la barrière,
trouva pour le lit marin une profondeur de 475 mètres; or c'est préci-
sément à cette profondeur que des glaces émergeant de 50 à 60 mètres
doivent « perdre pied >•>, pour ainsi dire, et commencer à flotter libre-
ment dans l'eau. En effet, le poids des glaçons comparé à celui de l'eau
marine étant des neuf dixièmes environ, les neuf dixièmes de leur volume
plongent dans le liquide; mais la masse étant en général plus large
par la base que par la cime, la profondeur des parois immergées doit
être évaluée au septuple ou à l'ocluple de la hauteur des falaises exposées
à l'air libre*.
Une fois séparée du tronc des glaces continentales par quelque grande
cassure rectiligne, la colossale épave commence son voyage vers les mers
équatoriales. Tel bloc présente une muraille régulière de 8 à 10 kilo-
mètres de long et creusée à sa base de portes cintrées: on dirait un front
de cité cheminant sur les eaux, parfois étincelant au soleil, mais le plus
souvent vaporeux, comme une ombre évoquée par l'imagination. De près,
la montagne apparaît formidable : de puissants bastions se dressent en
avant de la masse; des redans où viennent s'engouffrer les vagues se
creusent entre les tours ; des corniches surplombantes laissent pendre du
sommet leurs draperies de neige. La falaise de glace qui se montrait de
loin comme un plan uni, d'une couleur égale et terne, se révèle avec
mille variétés de contours et de nuances ; les lignes de séparation des assises
neigeuses, transformées en cristal par la pression et le temps, se succè-
• Raizel, Yerhandluiujcn des fuiifUm Dculschcii Geoijraphi'ntags zu lldinhurcj, 1885.
' Murray, Scottish Geoyraphkal Mayazine, September 1800.
38 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
(lent parallèleinenl dans toute l'épaisseur de la paroi, de plus en plus rap-
l)rochées en proportion du poid^5 surincombanl, et çà et là infléchies en
courbes serpentines ou coupées de brusques fissures. Les parties sail-
lantes sont éclatantes de blanchenr, les ombres sont bleues, et chaque
pente, chaque trou de la glace est du plus bel azur; la nuit on voit luire
la montagne flottante d'une vague phosphorescence. Entraînée par le cou-
rant, elle se meut avec lenteur, constamment battue des vagues qui vien-
nent se briser sur elle comme sur un écueil; des cavernes s'y ouvrent :
les équipages des navires rapprochés des glaciers mouvants entendent le
tonnerre continu des flots qui se poursuivent dans les grottes et se heurtent
contre les parois., A la longue les colonnes de soutènement s'écroulent, les
arches s'effondrent et les fragments basculés des montagnes cristallines
perdent ce caractère tabulaire qu'offrent la plupart dos glaces de l'Océan
du sud, comparées à celles des* mers boréales. Graduellement rapetisses,
les débris flottent en longs convois et parmi ces glaçons on ne reconnaît
plus ce qui fut banquise ou glace de terre.
Suivant la quantité des apports et la vitesse des courants, les restes
des banquises s'avancent plus ou moins loin dans l'Océan; en moyenne
ils ne dépassent guère le 55" degré de latitude, mais on les a maintes
fois rencontrés beaucoup plus au nord, notamment à l'ouest de la Nouvelle-
Zélande et dans rAtlanli(|ue austral ; on les a vus jusqu'à Tristào da
(^unha et au large du cap de Bonne-Kspérance, à 5i degrés de latitude;
en moyenne, les glaces du pôle antarctique sont charriées à 400 kilomètres
plus avant vers l'équaleur que celles du pôle arctique. Le bloc de glace le
])lus élevé que l'on ait aperçu du navire le ChaUcwjer avait de 75 à 76
mètres de hauteur. Cuok en vit ipii se dressaient à |)lus de 100 mètres
et Wilkes en aurait mesuré qui étaient encore su[)érieurs d'un tiers en
altitude. En moyenne les blocs ont de 450 à 900 mètres en largeur.
Aucun d(; ceux qu'observèrent les naturalistes du Clidlloujcr ne contenait
de roches détachées de parois rocheuses des montagnes; mais Ross, Du-
mont d'Urville et d'autres ex|)loraleui's en ont vu de nombreux exemples.
\n dessin de John Mac Nab, qui accompagnait Balleny dans son expé-
dition de 1859, représente une de ces montagnes flottantes portant un
rocher noir entre deux pinces de cristal'. Un aulic puissant bloc de glace
vu par Wedilell était tellement couvert de terre noirâtre, (|u'à dislance on
l'eût certaiiu'ment pris pour un rocher'.
' Jonnitil <if llic H. (jco(irni)liic(il Socielij. vol. 1\, IS.J'J; — Dumoiit d'Urville, Yuijiiye au Pôle
Sud et dans l'Océaiiie.
2 Weddcll, A Voyaye lowaids llw Suiiili l'uli:
I ^
CLACES ANTARCTIQUES, CUAINES DE VOLCANS. 41
Ainsi les glaces contribuent pour une certaine part aux changements de
forme des continents, puisqu'elles enlèvent des terres à l'Antarctide pour
aller les porter aux îles éparses dans l'Océan à des centaines ou milliers
de kilomètres, ou pour les déposer sur des fonds marins que les alluvions
élèvent peu à peu et qui aflleureroiit peut-être un jour pour foimer de
nouveaux récifs. Mais il est aussi d'autres forces à l'œuvre pour modilier
les contours des terres dans l'Océan et tantôt les agrandir, tantôt en dimi-
nuer l'étendue. Les recherches des naturalistes ont démontré que pen-
dant la série des âges ces forces ont opéré des changements considé-
rables dans la géographie océanienne. Ces grands agents de transforma-
tion sont principalement les foyers de gaz et de matières fondues qui
ébranlent le fond marin, puis le brisent pour rejeter au dehors des mon-
tagnes de débris, et les polypiers « bâtisseurs d'iles ^ qui j)arsèment la
mer de leurs constructions merveilleuses.
Les volcans sont beaucoup plus nombreux et plus actifs dans le bassin
du Pacifique et sur les bords intérieurs des continents que sur les rivages
opposés de l'Ancien Monde et du Nouveau, baignés par l'Atlantiiiue. (jue
sont les Açores, les Canaries et les Caboverdiennes, les volcans de l'Islande
et ceux des Antilles, en comparaison du « cercle de feu » inscrit dans
l'hémicycle immense formé par les rivages des continents, du cap de
Bonne-Espérance au ca[) Ilooru? C'est par centaines que l'on comj)le les
monts à cratères dans cet anneau volcanique d'environ 55 000 kilomètres
qui se développe de l'ile septentrionale de la Nouvelle-Zélande aux volcans
méridionaux du Chili. Dans cet anneau, la série des montagnes brùlanles,
çà et là interrompue par de larges brèclies, notamment au nord de
la Nouvelle-Zélande, comprend les bouches de volcans ouvertes dans les
Nouvelles-Hébrides, les archipels de Santa-Cruz et des Salomon, les chaînes
des Philippines, celles du Jaj)on, où Milne compte 120 volcans, dont ao
actifs, l'archipel des Kouriles, avec ses 10 i)u\eilures, et les oi cônes, dont
10 encore fumants, des îles Aléoutiennes. Par la péninsule d'Alaska, la
chaîne des volcans se rattache à ceux de la côte occidentale du Nouveau
Monde. D'ailleurs l'anneau volcanique ne lînit pas avec la pointe de l'Amé-
rique, puisque les terres polaires situées au sud ont aussi leurs bouches
d'éruption, entre autres le Bridgeman, dont les scories rouges laissent
incessamment échapper la fumée, et plus à l'ouest, dans le groupe des
New-Shetland, le cratère ébréché de l'île Déception, avec son havre circu-
laire de 50 kilomètres de tour et de 177 mètres de profondeur', dont les
' KenAiû, Journal uf Ike R. Gcotjidpliical Sociclij, ISÔl.
XIV. 6
42 NOUVELLE CÉOGIi AI'HIE IM VEKSELI.E.
parois, composées de couches alleriianles de cendres el de glace, déverseiil
des luisselets d'eau thermale. Enfin un arc de cei'cle passant au pôle aus-
tral rattache ce foyer aux trois hauts volcans Erebus, Terror, Melliourne,
dont le premier éclaire de ses feux la morne étendue des neiges. De ces
géants aux monts de la iSouvelle-Zélande se succèdent des promontoires
et des iles au moins en partie formés de laves.
En dedans du cercle de feu se trouvent d'autres jioinls faibles du lit
maritime qui se sont tissures pour laisser passer des monts de scories ou
de cendres, et la plupart de ces éruptions se sont produites suivant de
longues lignes de fracture, pour la })luparl parallèles et disposées en arcs.
Les Mariannes, les Tonga, Samoa, ont leurs volcans, et vers le cenire de la
circonférence formée par les montagnes brûlantes du l'acifique septentrio-
nal se dressent les hauts sommets de l'archipel Ilavaiicn, percés de cratères.
En dehors du cercle, vers l'océan Indien, une puissante chaîne volcanique,
commençant à l'ouest de la Nouvelle-Guinée, comprend une traînée d'îles
au nord de Timor, Flores, Soembawa, Lombok, Bali, jiuis la longue terre
de Java avec ses 45 cônes d'éruption, dont 28 encore en activité. A l'ex-
trémité occidentale de cette île, la rangée des volcans ne se continue plus
en ligne droite : une antre lissure de la Terre coupe suivant un angle
brus(pie l'axe de fracture javanais, et dans la direction du nord-ouest s'a-
ligiieiit les 07 volcans de Suuiali'a, dont il ne reste que o en travail. Au
delà s'étend la vaste étendue sans îles de l'océan Indien, mais dans le voi-
sinage de Madagascar s'élèvent les volcans insulaires des Mascareignes et
la « marmite » de Comore ; la grande île elle-même est parsemée de vol-
cans éteints pai' centaines. Dans les mers australes, où flottent les restes
des glaces anlaicliques, sont éparses d'autres montagnes de laves exondées:
telles Saint-Paul el Amsterdam.
Entre tous les points frémissants de la surface terrestre il en est où
les changements géologiques provenant (réiuplions. de pluies de cendres,
de tremblements, sont fort considérables, du moins aux yeux des hommes
qui vivent dans les régions atteintes par les secousses ou recouvertes par les
débris. La Nouvelle-Zélande, les îles de la Sonde, le Japon, les Kouriles,
l'archipel Ilavaiien sont au nombre de ces contrées dont l'aspect s'est
modifié aux alentours des volcans pendant la période liist(ui(jue, et
peut-être le foyer le plus actif de toute la surface planétaire se trouve-
t-il dans le détroit de la Sonde, précisément à l'endroit où se cou-
pent les deux axes volcanii|ues de Sumatra et de Java, au boitl du seuil
sous-mariu qui sépare le j)lateau de la Sonde et les ])rofonds abîmes de
l'océan Indien. C'est là que gît cette île fameuse de Krakatau, qui pei'dit
VOLCANS ET CORAUX. «
les deux tiers de son étendue pendant l'éruplion dt^ 188Ô, aiors que
d'autres îles surgissaient du fond de la nier ot que l'atmosphère s'em-
plissait de eendros, li'ansporlées par les vents sur loule la rondeur du
globe.
Les changements opérés j)ar les coraux se font avec plus de lenteur, sans
10. VOI.CA
111- PACTFini E.
brusques convulsions, mais ils n'en sont que plus considérables : dans
le seul Pacifique, Dana énumère 290 îles coralligènes, occupant un espace
de 49 200 kilomètres carrés avec les lagons qu'elles enlermont', et si l'on
comptait en outre les espaces assez grands pour donner place à un village
ou à un bouquet de cocotiers, c'est à des milliers et des milliers que, dans
la mer des Indes et le Pacifique, surtout dans la partie orientale de cet
James D. Dana, IniU-il Slalcs E.iplorimj EspciIiHon. vol. X.
41 NOUVELLE GÉOGRAPHIE l'NIVERSELLE.
océan, il faudrail évaluer les terres élevées, îles ou îlols bàlis par les jioly]K's
conslriicleurs. Les travaux de ces zoophytes ne peuvent se faii'e dans les
eaux dont la température est moindre en hiver de 20 degrés centigrades;
mais la zone où les animalcules trouvent les conditions de chaleur néces-
saire offre sur les deux côtés de l'équaleur une largeur varialile, ayant en
certains endroits plus de GOOO kilomètres. Partout, dans cet espace
immense, les colonies des polypiers peuvent se fonder sur les rivages et les
bas-fonds recouverts par une épaisseur d'eau moindre de 40 à 45 mètres,
et en certaines conditions de 90 à 100 mètres'. Seulement les coraux
ne vivent point dans un flot ti'op chargé d'alluvions : les bouches des
rivières interrompent les murailles des récifs par leurs ajjports. Le trop
rapide escarpement des falaises empêche aussi les animalcules bâtis-
seurs de prendre pied, et quelques rivages que l'on s'attendrait à voir
formés de corail « vivant « ne se composent que de grèves « mortes »,
peut-être par suite des remous trop violents qui poussent sur la rive des
eaux profondes et froides : c'est ainsi que s'expliquerait le manque de coraux
sur une grande partie de l'aride et brûlante côte des Somal.
Mais, sauf ces quelques interruptions, les récifs bordent ou entourent
les côtes et le* îles de la zone équaloriale. Nombreuses sont les espèces
do polypes qui travaillent à la construction de ces rivages extérieurs : ma-
drépores, porites, astréacés; il est encore d'autres genres d'animalcules,
différents des zoophytes, qui sécrètent du calcaire et travaillent ainsi à
l'extension de la terre ferme; enfin il est des algues, les nuilipores et les
corallines, les uns qui se déposent en croûte solide sur les rochers à la
façon des lichens, les autres qui s'agglutinent en dépôts sur les plages".
S'exhaussanl peu à peu par la pélrilicalion des générations disparues, les
récifs fleurissent en générations nouvelles, qui s'agitent à la surface, puis
s'empiei'rent à leur tour. La croissance de ces rochers vivants se fait en
moyenne avec une grande lenteur, d'un mètre au plus pendant deux ou
trois siècles, mais le champ d'œuvre est l'immensité des mers et le résultat
annuel représente des centaines de millions de mètres cubes par an
ajoutés par les zoophytes à la solide ossature du globe. Même des îles
situées dans une aire de dépression et s'abaissant lentement par rapport à
la mer environnante peuvent être frangées d'une ceinture de récifs crois-
sant d'un mouvement plus ra])i(le et s'élevant ainsi peu à peu au-dessus
de la surface des eaux. C'est d'ordinaire sur le bord extérieur des édi-
' (iiippy, Scoltisli Geoyrapliic/d Mayazine, Mardi 1888.
* Dana, Coruls and Corid-Islaiids ; — A. de Lapparent, Traité de Géoloijh
CORAUX DES MERS ÉQL'ATORIALES. Ah
ficos (lo corail, aux endroits balliis avec le plus de fureur par la va^ue,
que les polypes prospèrent et que leurs constructions atteignent le plus
rapidement le niveau des marées. L'exhaussement du liane de corail au-
dessus de la mer et sa li'ansformation en île ou en rivage continental est
le l'ail (les tempêtes : des blocs rompus de la ceinture de corail sont em-
pilés en écueils; d'autres fragments consolident ces roches émergées, puis
la vague et le vent y apportent des semences; l'oiseau de mer y fait son nid,
et sur la nouvelle plage que dépose le Ilot et que la lirise redresse eu dune
verdoient les herbes et les arbustes.
La forme et l'aspect des coraux émergés diffèrent suivant les parages où
11. ZONE DES ILES CORALLICENES
130°
Mér.dlen del80°de Pa
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130"
30'
-o
30°
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/V^-'C^t/ét^oms
/fTÙi/ai
*' •
Méridien de 180° Greenwich
Barrières de récifs.
I ; 120 000 (100
Terres exliaussêes.
I(;s ont construits les zoophyLes. Les moins remanjuables sont les récifs
eôliers qui frangent les rivages des continents ou des îles, en s'appuyanl
sur les roches ou les grèves; mais en beaucoup d'endroits les récifs ne tou-
chent pas la côte autour de laquelle ils se sont élevés; ils se dressent en
hai'rière à une certaine distance du littoral, laissant un chenal navigable
ou du moins une nappe liquide entre leur bord intérieur et la terre ferme.
11 esl de ces barrières qui se prolongent au large de la côte sur des cen-
taines et même, comme la « Grande Barrière » de l'Australie, sur plus
de 2000 kilomètres : d'autres, comme le récif annulaire de la Nouvelle-
Calédonie, entourent complètement l'île qui leur sert de noyau; (pi'un
léger soulèvement se produisît, l'espace médiaire entre l'île et l'anneau se
46 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
trouverait à sec et la terre émergée serait doublée d'éleudue. Kulin, il est
des milliers d'îles qui n'ont pas do noyau central cl (|ui se composent
d'un anneau, complet ou seulement fragmentaire, enfermant une lagune
intérieure encore en communication avec la mer ou bien séparée de l'Océan,
et colmatée peu à peu par les sables et les débris d'animalcules; il est
même de ces lagunes qui se sont transformées en bassins d'eau douce,
grâce à leur renouvellement graduel par les pluies. Ces récifs annulaires
sont les atolls, ainsi nommés d'après ceux des Maldives, les plus réguliè-
rement formés et les plus nombreux qui existent dans l'Océan. On observe
toutes les transitions possibles entre la frange de récifs, sur une cote con-
tinentale, et l'atoll annulaire parfait, assiégé sur tout son pourtour [lar les
eaux marines el contenant à l'intérieur un lagon tranquille. Même la
plupart des quarante mille terres émergées des Maldives' sont groupées
de telle sorte qu'elles forment des atolls d'alolls, r'esl-à-dirc (|ue cbaque
fragment d'un anneau est un anneau lui-même.
On sait à quelles hardies généralisations sur les oscillations lentes de la
surface terrestre l'étude des récifs coralliens a mené l'illustre Darwin.
Constatant que les barrières des récifs et les murs extérieurs des atolls s'élè-
vent en maints endroits au-dessus de mers très profondes, il en conclut
que ces roches avaient été en entier construites par les générations de bâ-
tisseurs (pie l'on voit aujourd'hui consteller le récif supérieur de leurs co-
rolles. Mais, puisque les espèces coralligènes ne peuvent travailler que dans
les couches supeilicielles de la mer, là où les eaux sans cesse en mouve-
ment leur apportent les matériaux de leurs édilices, l'énorme hauteur de la
roche corallienne témoignait, d'après le naturaliste, d'un affaissement
graduel du lit marin. Lorsque les premières colonies de polypes commen-
cèrent leur œuvre, elles ne se trouvaient (ju'à une quarantaine de mètres
au plus de la surface marine; mais à mesure ({u'elles élevaient leurs con-
structions, le sol qui les porte s'abaissait, et c'est ainsi (pie le mur de corail,
plongeant de plus en plus dans l'onde profonde et grandissant toujours par
le sommet, s'accrut incessamment en épaisseur bien au delà de 40 mètres.
Ainsi s'expliquait la formalion des ri'cifs en barrière à une grande dislance
des rives : jadis ils frang(^aieiil le littoral, mais le mouvement graduel d'a-
baissement ayant entraîné celui-ci. le ivcif seul aurail pu continuer d'af-
fleurer à la surface, grâce au labeur persislant des madrépores et des
espèces congénères : la terre ferme, servant jadis de point d'appui, aurail
plongé peu à peu dans les profondeurs, éloignant son rivage de la barrière
' Oweii, Journal uf Ihc H. Ccoyiiiphical Hociclij. 1832.
CORAUX DES MKRS E(jL ATURIALES. 47
extérieure des récifs iirandissants; le canal se serait élargi graduellemenl,
et même, à la fin, la disparilion dn noyau central de terres émergées aurait
transformé le chenal circulaire en lagune : la mare enfermée dans l'atoll
aurait indiqué précisément le lieu où se dressait jadis la montagne de l'île
disparue. Tel archipel, comme celui des îles Basses, ne serait, suivant l'ex-
pression de Dana, qu'un « vaste cimetière, où chaque atoll marque l'em-
placement d'une terre engloulie ». D'après cette théorie, il serait donc
facile de reconnaître dans l'étendue des mers à quels mouvements d'oscil-
lation obéissent les îles : les récifs soulevés au-dessus de la mer, sur les
pentes des monts, indiqueraient l'aire d'exhaussement; les massifs de
coraux en frange témoigneraient du repos relatif de la côte, tandis que les
« barrières » et les atolls seraient comme des flotteurs placés au-dessus de
régions submergées. La plupart des îles du Pacifique, c'est-à-dire toutes
celles qui se succèdent de Pitcairn, dans l'archipel des îles Basses, jus-
qu'aux Philippines, en passant au nord des îles de la Société et des Samoa,
appartiendraient à une zone de dépression : on serait tenté de voir dans ces
îles éparsesle reste (l'un continent limitant au sud tout le Pacifique boréal.
Telle est la théorie de Darwin ; mais il n'est pas probable qu'elle s'ap-
plique à toutes les terres du grand Océan qu'entourent les récifs. Là où
les piédestaux de roches sur lesquels les polypes vivants continuent d'éle-
ver leurs constructions se composent eux-mêmes de calcaire corallien jus-
qu'à des profondeurs considérables, il n'est pas douteux qu'il y ait eu en
effet un mouvement de dépression entraînant d'anciennes terres dans les
abîmes océaniques ; mais de pareilles vérifications n'ont j)u être tentées
encore qu'en un petit nombre de points, et, vu le manque d'observations
directes, on doit se borner à considérer le raouvemant de dépression
comme très probable là où les parois extérieures des îles coralliennes
plongent dans la mer profonde suivant une déclivité rapide, d'ailleurs
très rare dans les fonds marins : c'est ainsi que près de l'île Knder-
bury, dans l'archipel du Phœnix, la sonde révèle déjà une profondeur
de 5640 à 4800 mètres du rivage; bien plus, à 1600 mètres de l'île
Danger, non loin de Vanikoro, on n'a trouvé le fond qu'à 1801 mèli'es, et
l'un des profils extérieurs des récifs de Taïti indique une déclivité de
72 degrés et demi'. D'autre part, des sondages faits dans le voisinage de
certaines îles coralliennes ont montré qu'au pied d'un escarpement de
quelques dizaines de mètres s'étendent de vastes plates-formes où l'on a
recueilli, parmi des blocs éboulés de corail, des fragments d'origine volca-
' Daiiii, American Journal uf Science, IS8.5; — 0. Kriiniiiifl. Gcixjraiihkclira Jalirluirh, 1887.
48 NOUVELLE GEOGIIAI'IIIE LNIVERSELLE.
iliqiio. Dans co cas, il est foii possible que des cônes d'éru|ilion arasés par
les vagues à une faible profondeur au-dessous de la surface marine aient
servi de piédestal aux constructions des espèces coralligènes', ou bien ipie
les édifices des polypiers reposent sur des assises entièrement formées
d'aulres animalcules travaillant dans les mers profondes'. De patientes
observations poursuivies par les naturalistes permettront un jour de clas-
ser les diverses îles coralliennes suivant leur origine et leur histoire.
Plusieurs Iles signalées par Darwin comme situées sur une aire de dépres-
sion, les îles Basses, les Fidji, les Palaos, les Salomon, les Tonga, sont au
contraire dans une aire d'élévation'.
Un espace océanique com|)renant jdus de la moitié de la rondeur
[danéiaire, du détroit de Bering à rAnlarclide, offre nalurellemenl la
série de tous les climats, et par suite les formes végétales et animales qui
sedévelo[»pent dans ses lies et ses archipels appartiennent aux types les
plus divers. Dans le voisinage des continents, les îles de l'Océan partici-
pent plus ou moins à la flore et à la faune de la terre ferme; toutefois
rinsulinde est le seul groujie insulaire que l'on puisse considérer comme
dépendant de l'Ancien Monde pour les organismes qui le peuplent : la flore
indienne, à j)eine retardée dans sa propagation parles fossés j)eu profonds
des détroits, s'est continuée dans les îles qui se succèdent au sud-esl,
et même elle s'y manifeste par une merveilleuse richesse de formes, égalée
seulemiMiten quelques rares districts privilégiés du continent voisin. Grâce
au va-et-vient des moussons, des courants et des contre-courants, la flore
indienne s'est ég;demenl répandue dans la nuée des petites îles équalo-
riales, et quelques-unes d'entre elles n'ont qu'un très petit nombre de
[dantcs endémiques*. La ressemblance étonnante que j)résentent les flores
d'îles éloignées, non seulement pour les végétaux introduits j)ar l'homme,
mais aussi pour les plantes à croissance spontanée, est un des indices
que signalent certains naturalistes comme témoignant de la vaste exten-
sion de terres océaniennes, divisées de nos jours en des centaines de frag-
ments épars'\
Si (les terres distantes les unes des autres offrent une grande analogie
par leur [)arui'e de [liantes, il en est au contraire de rapprochées qui pré-
< Julin MiiiT;iy, l'rumdiiiijs of llip H. Suriclii iif Ediiihurijh, 1880; — A. ilr Lii|.|):iiriil, Traite
(le Géoloijie.
"■ lîuclKiMiiii, Validai loiiditiijiisDf Aiiiinril Life. Iiilci-naliiiiiiil Scii'nlilic- Séries, voL XXXI.
= Sciiiper; — •■iippy, Scollisli GeiMittijiliiral MtHjd-Jnc, Miii'cli 1888.
« Giiscbach, la Véflélation du Globe, Inul. pur 1'. do Tchihakliel'.
6 I'. lie Tehilialeliel', Appendice à rdiivnige de (liisebacli.
ILES CORALLIGKNES, FLORES OCEANIQUES. W
sentent un remarf|nalile contraste. Ainsi Madagascar est une terre intlé-
pcndante par sa ildic, el nullement une île africaine, ainsi qn'on pourrait
le croire d'a]irès l'examen d(^ la carte : plus do. la moitié des espèces
reconnues appartient en |)ropre à la (erre malgadie. De même, les Masca-
reignes, îles volcaniques dont la mer a de tout temps iiaigné les promon-
toires de lave, sont des terres oîi l'on trouve un très grand nombre
de formes originales, et que l'on peut considérer comme antant de sta-
tions botanitiues distinctes. Dans l'océan Pacifique, l'archipel Ilavaiien
constitue aussi une aire à part : de tous les groupes insulaires des ré-
gions tropicales, c'est celui qui possède le nombre proportionnel b^ j)lus
élevé de plantes endémiques. Enfin, dans les îles (lalapagos, quoique
situées dans le voisinage de rAméri(]ue et dir(;ctement sous l'iniluence du
courant équalorial venu des rôles de l'Ecuador, plus de la moitié des
espèces sont d'origine locale; même chacune des six îles constitue un
centre spécial. Des fourrés de plantes appartenant h un seul genre et
croissant sur des terrains analogues sont pourtant l'oi-més d'espèces dis-
tinctes suivant les différentes îles.
La flore du continent australien est l'une des mieux délimitées qn'oiTre
la planète, quoique les rivages septentrionaux et nord-occidentaux de cette
terre soient très voisins des îles qui appartiennent à l'aire de végétation
indienne; de la péninsule d'\oik. en Australie, aux côtes de la Nouvelle-
Guinée le contraste est frappant, et pourtant le détroit qui les sépare est
parsemé d'îlots formant autant de reposoirs pour les plantes émigrées.
Ce n'est pas que l'Australie soit privée de plantes d'origine indienne : dans
les forêts des régions nord-occidentales, on trouve au moins cent espèces
d'arbres provenant du continent d'Asie ; mais les formes typiques sont
les mêmes de l'une à l'autre extrémité de l'Australie et partout la végéta-
tion offre une grande parenté d'aspect. Ce qui domine dans les forêts, ce
sont les eucalyptus, les acacias, lescasnariiias et les arbres dont les feuilles
sont à peine développées ou pointent verticalement, fournées vers le sol;
quant aux régions non forestières, elles sont couvertes surtout de buissons
entremêlés. L'Australie possède une flore endémique d'une très grande
richesse : elle ne le cède qu'à la région du Cap de Bonne-Espérance en
variété de plantes. La Nouvelle-Calédonie, quoique située à 1500 kilo-
mètres de la côte du Oueensland, offre dans sa végétation une étonnante
ressemblance d'aspect avec le continent australien; toutefois la distance est
trop considérable pour qu'il y ait cm un échange nolal)le d'espèces. Immé-
diatement à l'est de la Nouvelle-Calédonie, les Nouvelles-Hébrides se ratta-
chent au contraire à l'aire indienne par leur luxuriante végétation tropicale.
XIV. 7
50 .NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
L'île Norfolk, également dans les mers orientales de l'Auslralic, se dis-
tingue par sa flore endémique comprenant une des })lus belles espèces
d'araucai'ia, un palmier, des urlicées et des fougères arborescentes; elle
forme transition entre la Nouvelle-Hollande et la Nouvelle-Zélande, tout à
fait différentes l'une de l'autre par le caractère de leur végétation : d'après
Grisebach, la flore néo-zélandaise aurait plus de ressemblance avec celle
de l'Araucanie qu'avec la végétation du continent voisin. Les forêts, tou-
joui's vertes, sont les plus ricbes du monde en fougères arborescentes,
et par conséquent elles donnent mieux que toutes autres une idée de
ce que devaient être les bois des temps géologiques, alors que prédomi-
naient les grands cryptogames'. Mais dans l'ensemble la végétation est
relativement pauvre, ce qui lient sans doute à l'isolement d(^ l'archipel
dans l'immense Océan. l'ar la foiie proportion de ses fougères en arbres,
l'île de Juan-Fernandez, quoique très rapprochée des côtes du (Ihili, se
rattache à l'aire de la Nouvelle-Zélande.
(Juant aux îles de l'Océan situées au sud du 45'' degré de latitude, vers
la zone aniarclique, à peine peut-on parler de leurs flores, si pauvres
en comparaison des flores respectives sous les latitudes correspondantes
de l'hémisphère septentrional. Même l'île de Kei'guelen, située au sud
de la mer des Indes, à une aussi grande dislance du pôle austral que le
Havre (M (Hierbourg le sont du pôle boréal, n'a jiourlani, d'ajirès Hooker,
que IS plantes phanérogames, seulement un cin(iuième de la richesse
végétale du Spitzberg* : l'infécondité du sol, la situation de l'île dans la
vaste étendue des mers, ])eut-èlre aussi le mainpie de lumière dans le ciel
brumeux el l'extrême unifoi'mité du climat annuel, sont-ils les causes de
celle pauvreté de la contrée en espèces végétales. Les terres plus voisines
des glaces antarctiques ont encore quelques j)lantes, mais le navigateur
qui en longe les âpres rochers pourrait les croire absolument nus. C'est
avec un véritable effroi (pu' les premiers voyageurs aventuiés dans les
mei's australes parlent di; ces îles où l'on voit seulement des roches, des
sables, des neiges, el dont les cimes tour à lour se caclienl el se (b'voilent
sous les nuétîs (jue le vent chasse el déchire. « Terres niaudiles! disent-
ils. Séjour de ténèbres éternelles'' ! )i
Les îles océanicpies onl aussi bien leurs faunes (pie leurs flores spéciales,
mais le mode de répai'tition des espèces endémi(jues offre de grands con-
trastes, suivant la direction des vents el des courants, l'isolement des terres
< F. von liiifhslcllor, iScu-Scclnitil.
^ Grisebach, ouvrage cilé.
^ G. R. Foi'ster. Observations tnuàc (luriiu) n Yuijaijc ruund Uic W'mld.
FLORKS f:T FAUNES OCÉANIQUES. M
et leur facilite d'aecès. Les oiseaux marins de puissant voi qui parcourent
des milliers de kilomètres sans chercher un point de repos ont une aire
très étendue, limitée seulement, au nord et au sud, par les obstacles du cli-
mat; les lojigues migrations leur sont aussi faciles qu'aux poissons et
ils peuvent se propager d'Ile en île comme les plantes dont les graines
résistent pendant des mois à l'action de l'eau marine. Mais à part ces
oiseaux, que leur aile rend les maîtres de l'espace, les animaux sont
presque tous prisonniers dans leur domaine insulaire, et lorsqu'il y a eu
communication d'une terre à l'auti'e, c'est que l'homme est intervenu de
plein gré ou à son insu pour transporter les immigrants, ou bien (jue des
changements géologiques ont jeté un seuil de passage entre les stations
différentes. On ne saurait expliquer autrement l'existence des espèces com-
munes à [ilusieurs îles ou bien à ces terres et aux continents voisins;
quant aux espèces propres à une seule île ou à un archipel, c'est bien
dans le lieu même où elles se trouvent qu'il faut chercher leur origine;
c'est là que se sont constituées ces formes animales distinctes, quel qu'ait
été d'ailleurs leur mode d'apparition. Mais les animaux supérieurs sont
rares parmi ces espèces propres aux terres océaniques; les ordres infé-
rieurs sont représentés en une proportion plus considérable.
Madagascar, cette grande terre que sa ilore particulière élève presque au
rang d'un continent, n'est pas moins originale pour sa faune, dont les
formes offrent un type tout à fait local, à l'exception d'une seule, celle du
sanglier à masque, qui paraît être commune à l'île et au continent voisin'.
Les Mascareignes constituent aussi un monde à part, qui compi'cnait
naguère des oiseaux imparfaitement armés |)our la concurrence vitale et
destinés à disparaître bientôt a[)rès l'arrivée de l'homme dans leurs îles.
Les terres de l'Insulinde, quoique si raj)pi'ochées des deux péninsules
indiennes, ne doivent point en être considérées comme de simples dépen-
dances au point de vue de la faune; au contraire, elles semblent être les
centres de dispersion pour de nombreux animaux, et la péninsule de
Malacca, la Cochinchine, paraissent avoir reçu d'elles autant d'émigranls
qu'elles leur en ont donné : c'est du continent que les éléphants, les
rhinocéros, les tigres ont passé dans Sumatra; c'est de Bornéo, ou du moins
(le la contrée dont cette île est un fragment, (|ue l'orang-outang et nombre
d'autres espèces particulières à la faune malaise se sont répandus dans la
presqu'île occidentale. Si riches en grands mammifères sont les terres do
l'Insulinde. (ju'on doit les considérei' comme faisant encore partie du
' (Inmiliilier cl Aljili. Miliif-Fthvaids., Histoire imluvcllc des iiniiiiiiuféirs tic Mculinjuscar
b-2 NOUYELLi: V.ÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
monde asiatique : la ligne de démarcation <}ui sépare les deux aires zoolo-
giques, malaise et australienne, passe à l'est de Cclêbès, qui forme une
petite province à part, très distincte à maints égards de ses voisines.
L'Australie est le pays des marsupiaux : par sa faune comme par sa
flore elle offre un caractère d'antiquité qui la lit considérer par quelques
géologues comme l'une des terres dont la surface n'aurait pas été rema-
niée par les éléments; néanmoins on sait aujourd'hui que les dépôts ter-
tiaires, relativement récents dans l'histoire du globe, occupent une grande
étendue dans le continent australien. Les marsupiaux, inconnus dans
l'Ancien Monde, si ce n'est dans les régions de l'Indo-Chine, qui à
cet égard peuvent être tenus pour une dépendance de l'Australasie,
sont représentés dans le continent du sud par treize genres et plus de cent
espèces, tandis (pi'on n'y trouve ni singes, ni pachydermes, ni ruminants,
et que les carnassiers, les rongeurs et les édentés y sont très peu nom-
breux. Pour les animaux d'ordre inférieur, l'Australie offre aussi un ca-
ractère original : oiseaux, lézards se distinguent nettement de ceux du con-
tinent asiati(pie. La Nouvelle-Zélande forme aussi un microcosme : privée
jadis de tout mammifère qui lui appartînt en propre, à l'exception d'un
rat et peut-être d'une espèce de loutre, elle possédait ses deux remanjua-
bles familles d'oiseaux, l'ajjtéryx et le dinornis, qui ont péri comme le
dronte de Maurice, inhabiles à fuir le javelot du Maori et le fusil de l'Eu-
ropéen. Les deux îles néo-zélandaises n'avaient pas moins de quinze espèces
de ces oiseaux de la famille des autruches, presque aussi nombreux que
ceux de tout le reste du monde'.
Vers l'orient, dans les îles égrenées à travers le l'acifitpie, les grands
mammifères manquent com|dètement et l'on n'y voit que des petites
espèces de chauves-souris et de rongeui's; les reptiles sont aussi très rares.
Mais les oiseaux, grâce au vol et à la natation, se sont répandus en nombre
d'archipel en archipel ; c'est ainsi que les hommes eux-mêmes, portés par
delà les détroits et les grands bras de mei' par les ailes de leurs bateaux,
ont graduellement colonisé presque toutes les îles de l'immense Océanie.
Avant que les Européens eussent découvert la moitié de la planète
recouverte par les eaux, les insulaires de ces régions avaient appris à se
connaître mutuellement, et de grandes migrations avaient eu lieu, d'un
côté vers Madagascar, dc^ l'autre vers l(!s îles lointaines de l'est, dans la
• Alfi-L'cl H. \V;ill;icc, TIh' hhiiid Life- — Tlw Ciyjiimjiliical Dishihiilioii <if Animais.
FAUNES, POPULATIONS OCÉANIQUES. 53
direction du Nouveau Monde. Les populations d'origine divei-se qui occu-
pent la Malaisic insulaire, et qui se rattachent soit par l'origine, soit par
les relations de commerce aux nations de l'Asie sud-orientale, sont les
intermédiaires des rapports qui se sont établis d'une extrémité à l'autre de
l'Océan; les insulaires de Madagascar sont, du moins en partie, les parents
des Malais do l'Insulinde, et de proche en proche les habitants de ces îles,
les uns à peau claire, les autres à peau foncée, ont étendu leur domaine
vers l'est, soit par le mélange avec des aborigènes, soit par la colonisation
des terres inoccupées. Toutes les langues parlées, de Madagascar à l'île de
Ptiques, des mers afi'icaines aux mers américaines, sur une largeur qui
dépasse la demi-circonférence terrestre, sont considérées comme formant
une seule famille linguistique, celle des idiomes malais-polynésiens'.
Néanmoins l'écart est fort grand entre les extrêmes, c'est-à-dire entre les
idiomes les plus différents, et l'on est encore bien éloigné de connaître
toutes les transitions d'une langue à l'autre.
Si par leur communauté d'origine les langages des peuples océaniques
témoignent d'un mouvement de migration en divers sens dans toute l'éten-
due de la mer des Indes et du Pacifique, les grands contrastes entre les
populations elles-mêmes indicjuent une diversité de provenance très consi-
dérable, telle que nombre d'écrivains ont même classé les insulaires en
races, brunes ou noires, complètement distinctes. Quoi qu'il en soit, les
différences que les peuplades présentent en maintes régions océaniques,
soit d'un archipel à l'autre ou entre deux îles, soit même entre des mon-
tagnes et des plaines, peuvent s'expliquer en grande partie par le croise-
ment des deux flots de migrations ethniques. Tandis que de proche en
proche les populations se répandaient dans le sens de l'équaleur, entre
l'Afrique et l'Amérique, un autre mouvement se produisait dans une di-
rection précisément transversale, entre l'angle sud-oriental de l'Asie et le
continent australien. De même que dans les eaux se croisent les courants,
de même se croisèrent les migrations des hommes en marche à travers les
terres océaniques. L'un des mouvements, qui se propageait suivant les
latitudes à travers les vastes mers, est celui qui donna aux diverses races
la ressemblance des langages ; l'autre mouvement, qui })assait d'un hémi-
sphère à l'autre en franchissant d'étroits bras de mer, est celui qui amena
successivement du grand corps continental les populations différentes par
l'aspect et les mœurs et substitua graduellement les civilisations les unes
' Miu-silfii; — Criiwfuiil ; — van ilcr Tnuk ; — Dahie ; — A. de (Jualrefiigos, Les Polyncsiciis et
curs migralions.
54 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
aux autres. C'est par la péninsule de Malacca, et peut-être aussi par les
terres aujourd'hui disparues et recouvertes des eaux peu profondes de la
mer de Java, que les diverses populations noires, éparses maintenant dans
les îles, trouvèrent leur chemin. Mais c'est par la même voie que vinrent
aussi les Malais et autres immigrants apparentés par l'origine qui disper-
sèrent les noirs, ne leur laissant pour domaine que des îles écartées ou
des régions montagneuses difliciles à occuper. On admet généralement que
les Samang et les Sakaï de la péninsule Malaise, les Mincopi des Anda-
man, les Negritm des Philipi)ines, les Papoua de la Nouvelle-Guinée et les
Australiens, quoique pour la plupart très différents les uns des autres,
appartiennent originairement au même groupe que les peuidades noires
de l'Inde, Santal, Gond, Kohi et Moundah; mais pendant la longue durée
des âges, alors que les peuplades émigrées vers le sud vivaient sous des
climats différents, aux prises avec des diflicultés de nature diverse, obli-
gées de moditler de mille manières leur genre de vie, en contact avec des
peuples distincts, soit comme alliés, soit comme ennemis, et se mélan-
geant en proportions variées avec ces éléments nouveaux, que de change-
ments ont du s'accomplir et combien s'est transformé le type premier sui-
vant les lieux et les temps!
Deux mille années seulement nous séparent de l'aurore des temps his-
toriques dans l'Insulinde, et ce court espace suffit pour nous monti'er l'in-
fluence capitale exercée sur les populations maritimes du sud par les civi-
lisations de l'Asie. Au commencement de celle période, les Hindous étaient
les éducateurs des populations de Java, de Bali, de Sumatra ; leur influence
constatée s'étendit même jusqu'à Bornéo, et des monuments, des noms de
lieux, des systèmes d'écriture, des légendes religieuses, les mœurs de |io-
pulations entières témoignent de l'action puissante qu'ils ont exercée. Les
Arabes, qui succédèrent aux Ilindons, à la fois comme intermédiaires des
échanges et comme initiateurs, accomplirent aussi une (euvre considérable
dans ce monde de l'Asie insulaire, |)uisque des millions d'hommes y pro-
fessent actuellement leur religion, et que même les noms de famille leur
sont empruntés, des Comores à Bornéo. Quant aux Chinois, leur action a
été moins directe : ils vivent plus à l'écart des indigènes et n'ont point fait
de propagande religieuse comme les missionnaires de l'Inde et de l'Arabie;
mais en maints districts ce sont eux qui constituent le fond même de la
population. Par leurs nombreux immigrants établis depuis de nombreuses
générations dans le pays, ils renouvellent incessamment la race.
Actuellement l'influence prépondérante est celle des Européens de l'occi-
dent. Toutes ces terres de Malais, de Negritos, de Papoua, de Kanakes et
IMJI'ULATIUNS OCKAMOUES. 55
Maori appartiennent politiquement à quelque puissance d'Europe, ou du
moins sont considérées déjà comme étant dans sa zone d'attraction ou
dans celle des États-Unis. Le monde de l'Océan est presque entièrement par-
tagé comme l'Afrique. Disposant des mille chemins de la mer et de celui
qu'ils se sont ouvert par l'isthme de Suez entre deux continents, les Eu-
l'opécns l'emportent sur tous les envahisseurs d'autrefois, Hindous, Aralies
et (Illinois, par la vitesse des mouvements, la force matérielle, l'ascendant
de la civilisation, et d'année en année ils ont une prise plus forte sur ces
régions, situées pourtant aux antipodes de leur patrie. On peut même dire
qu'avec les colonies australiennes et la Nouvelle-Zélande s'est constituée
une autre Europe, faisant une sorte d'équilibre géographique à l'ancienne,
de l'autre côté de la planète, et lui servant d'avant-garde dans les mers
australes. Mais est-on en droit de célébrer comme une «victoire de la civi-
lisation )' et comme le progrès par excellence cette expansion de la race
et des idées européennes, alors qu'elle s'achète par la violence, l'asservis-
sement, et par la destruction systématique de populations enliJ'res?
Les grandes divisions ethniques des peuples qui habitent les terres,
de l'Océan correspondent d'une manière générale à la distribution géo-
graphiipie des îles. Madagascar forme un petit monde distinct, où les immi-
grants malais et les indigènes apparentés aux noirs de l'Afrique vivent à
côté les uns des antres. L'Insulinde et les Philippines sont habitées princi-
|)alement par les Malais, frères de ceux qui peuplent la péninsule de
Malacca; mais parmi eux se maintiennent, en groupes isolés, des hommes
d'une! autre origine, les noirs, (jne l'on croit de souche dravidienne. Les
archipels des Palaos, des Mariannes, des Carolines, des Marshall, qui
sont parsemés au nord de ré(|uateui' et des terres mélanésiennes, et aux-
quels on a donné si justement le nom de Micronésie, offrent un mélange
de races qui fiiit de leurs tribus la transition entre Malais, Papoua et insu-
laires des petites îles satellites du ,la|)on. Plus au sud, dans la Papouasie
et la rangée des terres presque attenantes, Nouvelle-Bretagne, Nouvelle-
Irlande, Salomon , Nouvelle-Calédonie, Nouvelles-Hébrides, toutes îles
dites de la Mélanésie, précisément à cause du type des gens à peau
'( noire » qui les habitent, cette race l'emiiorte sur tous les autres élé-
ments. Le continent australien appartenait aussi naguère à des tribus de
noirs, offrant à peine, sui- quelques côtes, un léger mélange de sang ma-
lais. Enfin, toutes les îles de l'est, d'un côté jusqu'aux îles Havaii, de
l'autre jusqu'à la Nouvelle-Zélande, appaitiennent aux restes des nations
polynésiennes, gardant encore une remarquable analogie de type enti'c
elles, malgré les eaux qui les retiennent captives.
CHAPITRE II
ILES DE L'OCEAN INDIEN
L'ile do Sokotra ou Socolora est, tle luules les terres do l'océan ludion
colle que l'on peut considérer avec le plus do raison comme une simple
dépendance géographique du continent africain. Quoiqu'un détroit do
250 kilomètres la sépare du cap (iiiardaliii et que les parages intermé-
diaires offrent des abîmes profoinls do 1)00 mètres, l'orientation de l'île,
dans l'axe même de la pointe extrême du pays des Somal, et toute une
traînée d'îlots et de récifs qui s'aligne entre les deux terres, montrent
bien que Sokotra est un fragment détaché do l'Afrique. Mais au point de
vue commercial et politique elle a toujours appartenu à l'Asie, et mainte-
nant elle dé|iend de la ville d'Aden, l'une dos forteresses asiatiques de la
Grande-Bretagne. Do 1835 à 1S.')I) elle fut occupée par une garnison an-
glaise, ])uis ahandonnéo poui' Aden, (pii est un poste stratégique d'une im-
portance bien autrement grande. En 1845, elle a été déclarée « colonie do
la couronne « ; toutefois cette prise de possession est plus fictive que réelle;
il en était de même naguère du pouvoir de suzeraineté qui appartient de-
puis oinq siècles au sultan de Kechin, résidant au nord-ouest do l'Ile,
sur le littoral arabe le plus rappi'ocbé.
Le nom même de Sokotra témoigne tlo l'ancienneté des souvenirs et des
légendes qui s'y rattachent : dans la géographie de l'Inde, elle était consi-
dérée comme l'un des pétales de la grande Heur do lotus tlottant au-dessus
des eaux : c'était la f/r/y>« mukhulura , la Diou-Skadra ou "presqu'île bien-
heureuse )', une de ces îles « fortunées « que de tout temps les peuples.
58 NOUVELLE GKOr.R AI'UIE UNIVERSELLE.
désireux d'un meilleur sort, ont cru devoir exister par delà les nuafies ilu
couchant'. Les Grecs firent de cette île la « Dioscoride >', la " terre des
Dioscures », tandis que les Arabes maintinrent plus purement, sous la
forme actuelle, l'ancienne dénomination hindoue. Des marchands grecs
visitèrent l'île, et la tradition [)arle même d'une colonie qu'y aurait
envoyée Alexandre le Macédonien. Dans les premiers siècles de l'ère
actuelle, les habitants de l'île se convertirent au christianisme, religion
qui était celle d'une grande partie des populations du Yemen ; vers la fin
du treizième siècle ils étaient « tous baptisés » et reconnaissaient le pou-
voir d'un archevêque'. Lors de l'arrivée des Portugais, qui firent leur appa-
rition en 1505, puis s'établirent dans l'île pour surveiller les abords de
la mer Kouge et capturer les boutres arabes qui passaient dans le voisi-
nage, les gens de Sokotra se disaient encore chrétiens; leur culle ics-
semblail à celui des Jacobites d'Abyssinie et comme eux ils se Taisaient
circoncire. D'après leur tradition, ils auraient été convertis par Thomas,
l'apôtre des Indes, mais ils ne comprenaient plus la langue dans laquelle
ils récitaient leurs prières; ils vénéraient la croix, la plaçant sur leurs au-
tels et la portant ;i leurs ciilliri's. François Xaviei' visita les Sokotrins en
loi'i et en baptisa plusieurs. Au milieu du dix-septième siècle, un moine
carmélite, Vincenzo, reconnut encore chez les habitants quelques traces du
christianisme : ils s'agenouillaient devant la croix, la portaient dans
leurs processions et donnaient à leurs filles le nom de Maria ; mais ils
ne pratiquaient d'autre ■< sacrement « que la circoncision, qui d'ailleurs
n'est pas encore d'usage universel, et sacrifiaient à la lune. Actuellement,
le nom d'un village de la côte nord-occidentale, Kolessea ou Ciolloiisir,
rap|icllcrail (icul-êlre l'exislencH' d'une ancienne église {crclrsni) en cet
endroit de la côte; ce serait, avec la croix des lombes', tout ce qui reste
du christianisme. Presque toute la population, quoique diverse par ses
origines, se dit arabe et professe la foi mahométane*, mais sans fana-
tisme, bien que les Wahabites aient envahi l'île en 1800 et y aient établi
leur régime pendant quelques années. Schweinl'urth pense que certains
amas de pierres sont des autels déti'uits; mais il ne signale d'autre monu-
ment ancien qu'une |iierre sur laquelle on a reconnu quelques caractères
grecs, restées inilécliiUValiles.
Les « Bédouins >- de l'intérieur, qui se distinguent par leur haute
' Lasscn, Indische AllerUiiiiner.
- Marco Polo; éditions de l'autliiiT l'I Vulc
"' F. M. Iliiiilrr. .lournnl nfthe Aiithropalogicnl Societii. t877.
* llciii i Vulc, Tlii' Book ofsrr Marco Polo: — Roinanet du (Jaillaiiil. .Vissions Cnllioliqurs, 1887.
SOKOTRA. 59
taille, leur musculnture ol leur snnté, sont évidemment d'une race diffé-
rente de celle des riverains, Arabes purs ou croisés de nègres. On les croit
autochtones; leur langage, qui d'ailleurs tend à disparaître, était assez
distinct de l'arabe pour être complètement inconipi'éliensijile aux gens
(le la péninsule, à l'exception de ceux du rivage le plus rapproché'. Non
loin de la capitale, Tamarida, quelques-uns de ces Bédouins, les monta-
gnards Saïeni ou Kichim-, prétendent avoir du sang portugais; près delà
pointe orientale, les Momi seraient en jjarlie de descendance abyssine;
N° 12. SOKOTRA.
Est de Pans
pf>^ pr
54'l0 • Est de Greenwich
0 aprèsWeHsled Ravensiem.Paul Cha
CPer
P^o/h/^c/eu^s
D. Djeliel (moiit:i;jno). R. [(as (cap).
I : coooro
d'autres ressemblent à des Juifs, et on les désigne en effet comme de
provenance hébraïque.
Sokotra, dont la superficie est évalée à 'icSdO kilomètres carrés, a la
forme d'un triangle allongé, à pointe aiguë tournée dans la direction de
l'est. Toutefois les côtés du triangle ne sont j)as rectilignes : vers leur
milieu ils se reploient au sud, le rivage méridional tournant sa convexité
du côté de la haute mer. Au centre de l'île se dresse un massif grani-
tique, le Ilaggier, — ou mieux le Iladjar, c'est-à-dire la « Pierre y % —
dont les cimes déchiquetées s'elevent à 14:20 mètres. Les autres montagnes
de l'île, beaucoup plus basses, sont formées d'assises calcaires percées de
' Wellsteit. Journal oftlie H. Gcoyraphkal Society, 1835; — Sctiweialiirlli, etc.
- F. M. Uunter, mémoire cité.
^ P. Cliaix, JSotes manuscriles.
(50 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
très nombreuses cavernes, dans lesquelles nichent les oiseaux et çà et là
gîtent les indigènes. L'ile paraît être géologiquement très ancienne, et les
naturalistes en parlent comme d'un lieu de refuge où se sont maintenues
des formes primitives de plantes : sur les 828 espèces connues, dont 375
phanérogames, il en est un quart qu'on ne trouve point ailleurs'. Cer-
taines parties de Sokotra, notamment sur la côte méridionale, sont re-
couvertes de dunes, disposées en rangées parallèles. L'ile est très jtierreuse
et par conséquent assez infertile; cependant elle est en maints endroits
revêtue d'arbustes qui verdissent pendant la mousson du nord-esl : dans
la région occidentale, quelques vallées tournées vers la rive du nord sont
même omliragées de grands ai'bres et Wellsted en compare les sites les plus
verdoyants aux campagnes de l'Angleterre. Par sa « végétation splendide »,
dit Schweinfiirth, Sokolra contraste avec les côtes voisines de l'Afrique et
de l'Asie.
Le climat de Sokolra est moins chaud que celui de l'Arabie voisine,
grâce aux moussons et aux brises qui se succèdent sur les rives de l'île.
Ce mouvement alternatif des moussons n'est pas aussi favorable à la
navigation avec la mer Rouge qu'on l'avait espéré naguère, et (juoique
Marco Polo ait jadis parlé du vaste commerce de cette île, Sokotra n'a pu
de nos jours conquérii" grande importance comme avant-poste d'Aden sur
la route des Indes. L'allernance des courants aériens s'établit dans ces
parages, d'un côté entre la côte des Somal et celle de l'Arabie, de l'autre
entre la manche d'Aden et la haute mer. Pendant la première moitié
de l'année, le vent souffle principalement au sud-ouest, dans la direction
de l'Afriqiu'; pendant les six autres mois, il se porte vers la péninsule
arabe el nu nord-est vers le golfe d'Oman. Le mouvement de va-et-vient
s'établit ainsi régulièrement de l'un à l'autre des rivages opposés : c'est
comme lieu d'étape entre les points les plus rapprochés des deux conti-
nents que Sokotra serait bien placée, du moins si elle avait un port suffi-
samment abrité; mais entre ces deux points presque déserts combien mi-
nime est le trafic! Chaque année, de six à dix barques arabes, qui voya-
gent avec les moussons entre Mascale el Zanzibar, s'arrèlent deux fois à
Sokotra .
Les douze mille babilanls de l'île' ne demandent à l'étranger ({u'un
peu de dokliii [pcnicilaria ti/plujulcs), quand les récolles de dalles n'ont
pas été bonnes et que vaches, brebis et chamelles ne leur fournissent pas
' Schwoinfiiilli, Eiii Bcsiirh au f Sokotra : — Baylcy Balfour. Bolanij of Sokotra ; — A. île Cnn-
(IciUe. Société de (iéoyrapliic de Genève, 1888.
- G. Sclnveinfiirlli, Ein Bcsucli inifSocolra mil der Ricbcckschcn E.rpedilion ; Insi'i'i' /cil, 188.").
assez de Init. Eux-mêmes n'exporlont guère qu'un peu de (jhi ou beurre
fondu, du sang-dragon, produit par une plante d'une espèce particulière,
et un ou deux milliers de kilogrammes d'aloès {alocs spicata), aloès soco-
trin ou « chicoliii »', le meilleur produit de ce genre que possède la phar-
macopée : la plante croît sur la montagne entre les altitudes de 150 à
1000 mètres. Les habitants sont presque exclusivement un peuple pas-
leur : ils ont de nombreuses brebis, des chèvres, des bœufs, des ânes sau-
vages et des chameaux, au pied montagnard, ne craignant pas de chemi-
ner sur les sentiers pieri'eux. Les chevaux, dont parlent d'anciens auteurs,
n'ont pas laissé de descendance, et, quoi qu'en dise Wellsted, on ne trouve
|)oinl de casoars. La faune de File, 1res pauvre, ne comprend aucune espèce
de quadrupède dangereux; mais les rejtliles, entre autres des serpents
venimeux, sont communs à Sokotra. Les oiseaux sont lous d'espèces afri-
caines, tandis que les mollusques appartiennent plutôt à la faune de
l'Arabie.
Tamarida, vers le milieu de la côle septentrionale, est le principal vil-
lage; Kolessea, à la pointe nord-orientale, faisait jadis aussi quelque
commerce, mais ce n'est plus aujourd'hui qu'un lieu de bannisse-
ment. Sur la côte méridionale. Hunier a visité les ruines d'un gi'and
fort portugais. Naguère les habitants de Sokolra vivaient libres, indépen-
dants du sultan de Kechin aussi bien que de l'Angleterre, n'ayant d'autre
loi que la coutume; toutefois, l'empire de Kechin s'étant récemment
dédoublé, l'un des frères souverains règne sur la côte d'Arabie, tandis que
l'autre réside à Tamarida ou dans une plaine voisine, appelant à sa barre
les indigènes*. Ceux-ci sont très doux, très équitables les uns à l'égard des
autres; chez eux les vols et les actes de violence sont presque inconnus';
il y a très peu d'esclaves, mais sur la côte beaucoup de nègres ayant fui la
servitude.
Les petites îles qui se succèdent à l'ouest de Sokolra, vers la pointe d'A-
frique, appartiennent aussi au sultanat de Kechin; mais deux seulemeni
sont habitées : Bander-Saleh (Samneh) et Abd el-Kouri, dont les chè\res
sauvages parcourent les rochers. Les indigènes, fort misérables, vivent du
produit de leur pêche. A quelques kilomètres au nord se dressent en mer
des îlots escarpés, couverts de guano que viennent charger des chaloupes
arabes.
' Litiré, Dictionnaire de la langue française i
- Hayley Balfour, mémoire cili'.
^ Wcllsled, mémoire cité.
62 .NOUVELLE GÉ OCP, APIIIE IMVERSELLE.
II
MADAGASCAR.
Cette grande île de l'océan Indien est l'un des corps insulaires les plus
considérables de la planète : elle ne le cède en étendue qu'au Groenland,
à la Nouvelle-Guinée, à Bornéo, et probablement aussi au massif de
l'Antarctide. Située à une faible distance relative de la côte orientale de
l'Afrique, puisque le canal de séparation n'offre dans sa partie la plus
étroite qu'une largeur de 580 kilomètres, cette île n'a pas moins de 1625
kilomètres de longueur en ligne droite, du promontoire septentrional ou
cap d'Ambre à la pointe du sud ou cap Sainte-Marie; la distance moyenne,
du rivage de l'est à celui de l'ouest, d'Andovoranto à la côte des Ya-
Zimba, par Tananarive, est d'environ 500 kilomètres, et le développement
eomplel <les rivages, non conquis les pclilcs indentations et les golfes
intérieurs, tels (pie la baie de Diego-Suarez, dépasse 4825 kilomètres. La
superficie totale est évaluée à 5!)!2 000 kilomètres carrés, un seizième de
plus qae la surface du leniioiie fiançais. La forme de Madagascar est
assez régulière et ressemble beaucoup à celle de Sumatra, la première
grande île que le navigateur rencontre de l'autre côté de la mer des Indes.
Elle est disposée en ovale allongé, parallèle à l'axe du lilloral africain; mais
un côté, celui (pii est tourné vers la liante mer, est presque rectiligne
sur la moitié de sa longueur : les flots l'ont égalisé en élevant un faux
rivage de sable et de limon au devant des baies (pii découpent le littoral
primitif. La côte occidentale, ipii regarde l'Afrifpie, est plus irrégulière
(Mie la côle de l'est; elle s'avance en |iri)nionloires et se creuse en petits
«^olfes et en ports. Le nom actuel de Madagascar semble lui avoir ét('' apjdi-
qué par erreur, — Marco Polo l'ayant attribué d'abord à la ville de Magdo-
cliou, sur la côle africaine' ; — toutefois cette appellation se rapproche de
C(^lle de Malagasi, sous laquelle se désignent l(\s habitants, et l'influence des
étrangers sur les Ilova, maîtres de l'île, leur a fait adopter oflîciellement la
dénomination de Madagascar. Cette terre n'est plus pour eux le « Tout ",
comme aux temps où des bateaux à vapeur ne touchaient pas à leurs
rivages. On ne se sert plus d'anciens termes indigènes, tels que Nossi-
Dambo, t' île des Sangliers y> ; mais les habitants des îles environnantes
disent encore Tani-Bé ou « Grande Terre »-.
* Yule, The Booh ofser Marco Polo; — Grandidicr, Hisloiie de Madnyascar
- Debk'niie, Géographie médicale de iSosi-Bé.
HISTOIRE DE MADAGASCAR. Gd
Presque en entier dans la zone intertropicale, puisqu'elle dépasse au
nord le 12'' degré de latitude et le 25^ au sud, l'île de Madagascar appar-
tient cej)endant à la zone tempérée, grâce à la hauteur des plateaux qui
occupent la plus grande partie de l'île; elle possède des territoires fertiles
et salubres, défendus en maints endroits contre les entreprises de l'étran-
ger par un cordon de rivages malsains. La population est assez dense en
quelques districts du plateau, mais dans l'ensemble elle est relativement
peu considérable, de 5 à 6 habitants par kilomètre carré, si l'évaluation de
trois millions d'habitants, faite par M. (irandidier, est, comme il est pro-
balile, celle qui se rapproche le plus de la vérité. En outre, cette population
est fort divisée à la fois par les origines et par les haines héréditaires, et
les Européens, quoitjue toujours représentés par un petit nombre d'enva-
hisseurs, ont pu aisément s'établir dans le pays en excitant les peuples
les uns contre les autres : les désastres qui vinrent frapper les immi-
grants à diverses reprises furent causés moins souvent \)i\v l'hostilité des
indigènes aue par la maladie, le manque de ressources et surtout les
dissensions entre les colons eux-mêmes. Mais, après de longs intervalles
d'inaction, l'influence européenne, représentée par l'action des mission-
naires et des marchands de diverses nations, et au point de vue militaire
par l'intervention des Français, a fini décidément par l'emporter. En
outre, l'unité politique s'est constituée, du moins officiellement, au profit
de la nation la plus puissante de l'île, celle des Hova : on a même livré à
celle-ci par traité des populations indépendantes qu'elle n'avait jamais pu
soumettre'; mais le peuple dominateur a dii accepter, dans ses relations
avec les puissances étrangères, d'être représenté par la République fran-
çaise, et en fait se trouve ainsi réduit au rôle d'Etat protégé. Un point du
littoral et quebjues îles du voisinage appartiennent à la France.
Le vague des renseignements laissés par les auteurs anciens sur les îles
de la mer Erythrée ne permet pas de décider si la terre aujourd'hui dési-
gnée sous le nom de Madagascar fut jamais connue des Romains. Elle
n'entre d'une manière certaine dans l'histoire des navigations qu'à
ré|)n(jue des grandes découvertes des Arabes, et Macoudi la mentionne au
dixième siècle dans ses « Prairies d'or )>, en l'appelant « pays de Djaibuna » ;
elle fut ensuite désignée sous plusieurs autres noms. Les marins
d'Euroj)e n'apprirent à la connaître (jue cinq siècles plus tard, deux
années après le voyage de Vasco de Gama, qui passa dans le voisinage
de la grande île. Après cette première reconnaissance, faite en 1500 jiar
' Di' Miihv ; — R:ii)iil l'u ;lel ; — ilii Verçe ; — de Lanessan elc.
60 N'OUVELLE GEOGRAPUIE INIVERSELLE.
Diogo Dias, l'île de Sào-Lourenço, — telle fut la désignation portu-
gaise, — reçut plusieurs autres visites des marins de Lisbonne, Fernào
Suares, Ruy Pereira et Tristào da Cunha, « dont le nom, dit CamÔes, vi-
vra éternellement dans toute cette partie de l'Océan qui baigne les îles du
midi »; mais les découvreurs, n'ayant recueilli ni or ni argent dans la
terre nouvelle, l'abandonnèrent bientôt, attirés vers l'Inde, le pays des
perles, des diamants et des précieux tissus. Trop peu nombi-eux jjour
s'emparer d'une moitié du monde, les Portugais ne pouvaient que délais-
ser la plupart de leurs conquêtes, pour concentrer leurs forces dans celles
d'où ils reliraient le plus de richesses. Si leur établissement de Moçam-
bique était devenu le centre d'une colonie considérable, nul doute que
l'île de Sào-Lourenço ne se fût trouvée, grâce à sa proximité de l'Afrique,
dans la zone d'annexion de l'empire portugais. La première carte de
Madagascar où l'on reconnaisse la forme de l'île est celle de Pileslrina',
qui date de 1511.
Après la découverte, près d'un siècle et demi s'écoula sans que des Euro-
péens fissent de sérieuses tentatives pour s'établir dans l'île. Flacouri
dit que des Hollandais y passèrent en 1655, sur les bords de la baie
d'Anton-Gil ; puis, en 1642, une société française, dite « de l'Orient »,
reçut de Richelieu la concession de Madagascar et des îles voisines, « pour
y éi'iger colonies et commerce » ; l'année suivante, quelques compagnies
débarquèrent dans l'île, donnant ainsi une première sanction aux « droits
historiques)) sur Madagascar réclamés par le gouvernement fiançais dans
ses débats ultérieurs avec l'Angleterre. La baie d'Anton-Gil (Antongil), si
largement ouverte sur la côte orientale, fut un des premiers postes occu-
pés; mais les princijjales tentatives de colonisation proprement dite se
firent d'abord sur la côte méridionale, à l'endroit le plus rapproché de
l'Europe par la voie du Cap, la seule connue à cette époque. Les Français
choisirent d'abord la baie de Manaliafa ou Sainte-Luce, ouverte à l'angle
sud-oriental de Madagascar, puis ils se transportèrent plus au sud, dans
la péninsule de Taolanara, où ils élevèrent le Fort-Dauphin; la grande
île reçut elle-même le nom d'île Dauphine ou France orientale.
Grâce aux renforts et à de nombreuses ex|)éditions de ravitaillement, les
Français se maintinrent sur cette pointe de Madagascar : leurs forces eus-
sent certainement suffi à étendre la domination de la France dans toute la
partie méridionale de l'île, si les colons n'avaient pas abusé de leur ascen-
dant sur les naturels pour les convertir, puis pour les exciter à la guerre
' A. Gianilidier, ouvi'niïo cilé.
UISTOlRi;
M A 11 AT, A se Ali.
67
AXGLE SrD-ORIENTAL DE MADAGASCAll.
Est de Par
les uns contre les autres, et même pour faire la ehasse aux naturels et
vendre leurs captifs aux planteurs hollandais de Maurice. A la lin le ter-
ritoire avoisinant le Fort-
Dauphin se trouva dévasté;
des villages par centaines
avaient été livrés aux
flammes et les habitants
échappés aux massacres
avaient dû émigrer en
d'autres régions de l'ile :
la garnison française, en-
tourée de solitudes, n'eut
plus même la ressource du
pillage, et c'est à grands
frais qu'elle devait impor-
ter les bœufs et le riz de
pays éloignés. Les survi-
vants s'embarquèrent à la
fin de 1672 sur un navire
de passage : à peine quel-
ques métis restés dans le
pays rappelaient-ils le sé-
jour des Français à Forl-
Danphin'. On évalue aux
deux tiers de l'effectif les
soldats et colons emportés
par la maladie, la famine
et la guerre : le restant o après les canes de la m
servit de noyau à la colo- [==]
nie de Bourbon, (pii, deux Oe5â/o-r
siècles plus tard, devait , ■ ■
être un point d'appui poui'
de nouvelles tentatives de conquête sur Madagascar. De Flacourt, l'auleui'
de l'ouvrage* le plus fréquemment consulté sur l'ile malgache et ses tri-
bus au dix-septième siècle, fut un de ses premiers gouverneurs.
De fréquents édits royaux rappelèrent après l'abandon de Madagascai'
-Cf!j~o^^^r^ ,
47°io-EstdeCreen,„cK
l : sot (100
cye-50'"etâu O'e'à
' Lin-iize, Souoeiiirs de iladafiascur.
• Histoire de la (fraude hle de Madaçiascar.
08 NOUVELLE (iÉOGRAPlIlE L.M VEHSELLE.
que la «couronne » maintenait ses droits de possession; mais pendant
près d'un siècle aucune tentative de colonisation ne justifia ces affirma-
tions de pure forme : les seuls visiteurs étrangers furent des pirates ou des
traitants des Mascareignes qui venaient échanger des étoffes et autres mar-
chandises d'Europe contre des esclaves. En 1750, la Compagnie des Indes
tenta de centraliser ce commerce à son profit en s'emparani de File Sainte-
Marie, située au sud de la baie d'Anton-Gil, et quelques années plus tard
le gouvernement français fit réoccuper le Fort-Dauphin, mais sans ipie la
reprise de ])ossession aboutît à un résultat durable. De même l'élaldis-
sement vice-royal fondé en 1774 sur la baie d'Anton-Gil [)ar le fastueux
magnat polonais et magyar Maurice Beniovski dut être abandonné deux
années plus lard, e( l'on ne voit plus trace de Louisbourg, la ca[)ilale;
a peine a-t-on reconnu la rouie que l'aventuriei', ûcscnu ampakassombé ou
if empereur )' des Malgaches, avait construite au nord-est de la baie
d'Anton-Gil vers A'goulsi. Après trois siècles de commerce et d'occupa-
tions partielles on ne connaissait encore de Madagascar que ses rivages.
Ce sont les rivalités de la France et de rx\ngleterrc qui donnèrent l'im-
pulsion aux voyages d'exploration j)olilique et commerciale sur les pla-
teaux de l'ile. Pendant les guerres de rEmj)ire, les Anglais s'éiaieni empa-
l'és de l'île de France ou Maurice, dont ils voulurent faire d'abord un
arsenal pour la coii<|uèle de Madagascai-; mais, ayant dû, après discussion
des traités, ri'iioncer à leur prétention de voir dans la grande île une
dépendance de Maurice, ils laissèrent les Franr;ais occuper de nouveau les
postes du lilloral et se boi'nèrent à cherclici' un allié parmi les rois indi-
gènes, pour arriver indirectement à faire expulser les re})résenlanls de la
puissance rivale. Cet allié, ils crurent l'avoir trouvé dans le souverain des
Hova, qui, par le nombre de ses sujets et par sa résidence au centre
de l'île, dans une ])Osi(ion dominante, paraissait en effet avoir le plus de
chances pour devenir un jour le maître de l'île enlière. Uadama, salué
par les Anglais « roi de Madagascar et de ses dépendances », s'em|iara bien-
lot du port de Tamalavc, grâce à leur ap|iui, et le chemin de l'inlérieur
leur fut ainsi complètement ouvert. Ils en |irofilèrenl, dès l'année 1820,
pour envoyer à la capitale marchands, missionnaires, officiers et diplo-
mates, pour s'établir à demeure dans les jiorts les plus fréquentés et pour
surveiller les côtes presque en suzerains. On put croire que Madagascar,
cette « Grande-Dretagne de l'Afrique», ainsi que s'écriait le missionnaire
Ellis, était devenue colonie de l'Angleterre et (pie l'armée des Ilova,
aux gages de l'étranger, servirait désormais à l'affermir dans sa con-
quête. Mais il n'en était rien : en 1828, un changement de règne amena
blSTUlKE DE M.VDAGASCAll. H'J
l'expulsion des Aiii;lais, la doslruclion de leurs comptoirs, la pei'si'cutiou
de leurs convertis, et les Malgaches, comprenant tous les razalia ou
blancs dans un même sentiment de haine, s'efforcèrent de leur fermer le
pays et de soumettre leurs traitants, dans les ports du littoral, à une rigou-
reuse surveillance. Cependant les huit années pendant lesquelles les iEu-
ropéens avaient librement visité le royaume hova ne devaient pas être per-
dues pour les insulaires, désormais initiés partiellement aux arts et aux
idées de la civilisation moderne.
C'est de 1845 à 185'2 que le système d'isolement politique adopté par
les Hova fut observé avec le plus de rigueur. A la suite d'une spoliation
des marchands d(! Tamatave et d'une tentative malheureuse des marins
anglais et français pour en tirer vengeance, les relations furent complète-
ment rompues entre les Malgaches et les Européens de toute nation. Mais
sur la côte occidentale de l'île les Français étaient en rapport avec les
populations indé|»endantes, sakalaves et autres, et s'étaient emparés de
quelques îles ou nossi du littoral : Nossi-Bé, Nossi-Komba, Nossi-Mitsiou ;
même ils avaient acquis les droits de suzeraineté sur les côtes de la grande
terre. Quand les blancs furent admis de nouveau dans le royaume des
Hova, ils eurent bientôt recon(|uis une grande influence; mais les l'iva-
lités recommencèrent entre Anglais et Français, et le ])rivilège que récla-
maient les étrangers de pouvoir « s'établir [)arlout où ils le jugeraient
convenable et acquérir des biens en toute propriété» donna lieu à de con-
tinuelles discussions. Celles-ci finirent, en 1<S85, par amener la guerre,
([ui se termina d'une manière avantageuse pour la France, sans toutefois
donner à ses nationaux le droit d'acquérir le sol : ils ne peuvent que
le prendre en location pour une dui'ée indéterminée, mais ils sont auto-
risés désormais à résider et à faire le commerce librement dans (ouïe
l'étendue du royaume des Hova.
Le voisinage de deux îles riches et po])uleuses, comme le sont la
Réunion et Maurice, ne pouvait man(jucr d'enti-aîncr })eu à peu les popu-
lations de Madagascar dans l'orbite du giand commerce européen. En
relations nécessaires avec l'EurojJe par leurs riches produits coloniaux,
les Mascareignes doivent également trafiquer avec l'île malgache, d'où elles
tirent le bétail et les vivres indispensables à leurs travailleurs. La grande
terre et les deux petits massifs montagneux des mers orientales foimenl
au point de vue économique un tout indivisible : aussi l'annexion, sinon
politique, du moins commerciale de Madagascar, était-elle devenue inévi-
table; ce sont les deux satellites de l'ile-continent qui en ont fait la con-
quête par l'entremise des escadres françaises. Certainement ce fait histo-
7U NOUVELLE GÉÛGUAPUIE UNIVERSELLE.
rique se serait accompli beaucoup plus tôt, si Maurice et la Réunion
n'appartenaient pas à deux puissances rivales, occupées depuis quatre-
vingts années à ruiner mutuelleraent leurs entreprises dans ces parages
de la mer des Indes. Pourtant, quoique Maurice soit colonie anglaise, la
population française qui l'habite a contribué pour une certaine part, même
par des volontaires armés, aux expéditions qui ont assuré la prépondérance
française sur Madagascar. Tôt ou lard, à n'en pas douter, le centre de gra-
vité politique se déplacera pour se ])orter des petites colonies des Masca-
reignes vers la grande terre, si riche en trésors non exploités.
Madagascar n'est pas encore complètement connue au point de vue géo-
graphique. Plus de la moitié du territoire des Sakalaves est toujours terre
ignorée, et les régions du midi, précisément celles où les Français firent
leurs premières expéditions, entre le Fort-Dauphin et le pays des Bara,
n'ont pas été explorées scientifiquement. Les parties les mieux connues
de l'île sont naturellement celles que parcourent les traitants entre la côte
orientale et la capitale, Tananarive ; de même, autour de celle ville les iti-
néraires se croisent; il ne reste en maints endroits que des points de dé-
tail à relever. De tous les voyageurs, celui qui a le jilus fait |iour la
découvei'te de l'intérieur et qui le premier en a dessiné exactement le re-
lief est M. Grandidier; il a traversé l'ile de côte à côte, parcouru un espace
de plusieurs milliers de kilomètres et fixé des centaines de points astrono-
miques, offrant, avec les côtes relevées par les marins, un réseau de lignes
fondamentales pour toutes les cartes ultérieures. Grâce à ses observations
et à celles de MM. Roblet. Mullens et (iameron, on a pu faire une véri-
table triangulation de la province centrale de Madagascar, Imerina, et en
dresser des cartes, telles que n'en possèdent pas certaines régions d'Eu-
rope, en Espagne et dans la Balkanie. La bibliographie malgache com-
prend plus de 1500 documents divers, livres, brochures et cartes.
L'Ile n'a pas la struclure l'égulière (juc^ lui prêtaient les premiers voya-
geurs : cette prétendue chaîne de montagnes que l'on traçait du nord au sud,
du cap d'Ambre au cap Sainte-Marie, n'existe pas. Au lieu d'une chaîne
maîtresse, l'île présente dans les parties du nord et du centre des massifs
irréguliers irposant sur un socle commun de hautes terres et descen-
dant vers la mer par des pentes très inégales. Si la mer s'élevait également
autour de l'île de manière à en limiter la région montagneuse, cette
terre amoindrie n'aurait pas, sous une forme réduite, les contours actuels
de Madagascai'. La déclivité occidentale, tournée vers le détroit de Moçam-
EXPLUHATIO.N DE MADAGASCAR. ^1
hique, est beaucoup plus doucement inclinée que celle de l'est, et à sa base
s'étendent en plusieurs districts de vastes plaines, f;ublrmeiit élevées au-
dessus de la mer; de
même, vers l'extré- ^° ''■ — "-"NtituREs PRtNcipvrx des voyageurs a madagascak.
mité méridionale de
l'île, le sol s'abaisse,
et les montagnes ,
les collines disparais-
sent; des dunes se
succèdent en rangées
le long du rivage. La
pente rapide de l'île
est celle qui descend
vers la côle orientale
et que prolongent en
mer les berges sous-
marines jusqu'à plus
de 5000 mètres en
profondeur.
D'après Mullens',
la première grande
montagne que l'on
rencontre en venant
des terres basses du
sud est la forteresse
naturelle de l'Ivohibé,
dans le pays desBara.
Au delà de cette roche
isolée, le sol s'élève
en un plateau mon-
tueux , flanqué de
chaînes bordières. Le
massif culminant de
Madagascar est l'An-
karatra, à peu près dans la région centrale de l'île, mais une fois plus
rapproché des rivages orientaux que de la côte occidentale. Ce groupe de
montagnes, dont l'axe est le même que celui de l'île entière, dépasse
.humai oftlie R. Ceoyraphical Suciclij, IS'
72 NOUVELLE fiÊOORAPlIlE IMVERSELLE.
2500 mètres par quelques-unes de ses pointes : la plus haute, la Tsiafa-
Javona ou « montagne Nuageuse «, atteint 2590 mètres'. Au sud, les
autres groupes de sommets n'ont en moyenne qu'une élévation deux fois
moindre, mais vers le nord on a signalé plusieurs massifs offrant dos
altitudes de 1500 mètres. L'Amhinivini, à l'ouest de la baie d'Anlon-(!il,
est peut-être, de toutes les montagnes de Madagascar, la plus forniidahle
d'aspect; sa paroi suprême se dresse d'un jet à (300 mètres au-dessus du
chemin de la vallée'.
En dehors des grands massifs, l'ensemble de la contrée a l'aspect
d'une lande inégale, se déroulant en longues ondulations d'argile rouge
ou grisâtre, interrompue çà et là par de brusques saillies de granits, de
gneiss, schistes ou basaltes, se dressant en murailles ou en tours ou s'en-
tassant en amas chaotiques. Le socle des montagnes, d'environ 1000 mè"-
tres d'allilude, est limité à l'est [lar des escarpements et des gradins, qui,
vus de la mer, présentent l'aïqjarence de chaînes avec leurs saillies, leurs
promontoires et leurs cluses transversales. Des forêts recouvrent les pentes
de ces marches extérieures du plateau. Du côté de l'ouest les hautes terres
sont également bordées de degrés dont les saillies forment montagnes et
qui se dirigent du sud au nord suivant l'axe général de Madagascar. Trois
de ces murs parallèles se succèdent entre le plateau et la mer, et se con-
fondent eux-mêmes en plateaux secondaires là où ils ne sont pas séparés
les uns des autres par des vallées de rivières, des plaines d'érosion ou des
contrées lacustres graduellement comblées. Les chaînons extérieurs ne
sont pas formés de roches granitiques comme les massifs du centre; ils
apjtartiennent aux terrains secondaires : MM. Grandidier, Richardson, Ilil-
debrandt y ont trouvé des fossiles des âges compris entre l'oolithe et la
craie, ainsi que les restes fossiles de grands animaux disparus. Des blocs
épars en diverses parties de la contrée, au pied des montagnes, sont tenus
par Sibree pour des erratiques : Madagascar aurait donc eu sa ])éiiode
glaciaire.
()uoi (lu'il en sdil, elle a eu ses âges d'activité volcani(|ue avant les
temps racontés jiar l'histoire. Près du rebord oriental des monts on a
reconnu des centaines de volcans d'où s'épanchèrent des coulées de laves.
Des bouches se sont ouvertes à travers le massif central d'Aiikaratra.àcôté
des granits, et les hauts pitons eux-mêmes, points culminants de l'île, sont
des cônes d'éruption; des laves en ont jailli de tous les côtés, mais surtout
< D'après Sibree {Cn-nt Afriran hlaiid), '2728 mètres.
* Hiiron, Anlnnaniirti'i) Aniniah 1887.
MONTAGNES, RIVIÈRES DE MADAGASCAR. 75
vers le sud. Une des cheircs du versant raéridiouiil n'a pas nmins de
40 kilomètres en longueur : les langues de lave s'avancent au loin dans les
plaines, contrastant par leur couleur sombre avec le rouge éclatant des
argiles. Au noi'd-ouest, sur les bords du lacltassi, Mullens a compté (|ua-
rante cratères, grands et petits, entiers ou ébréchés, solitaires ou par
groupes, et ce sont leurs coulées qui ont barré la route aux eaux de la
contrée e( les ont forcées à s'amasser en lac; plus loin, vers le sud, toute
une plaine, qui ressemble à celle des « Champs l'hlégrcens » en Italie,
est ])arsemée de monticules et de buttes, cbeminées éteintes d'une im-
mense fournaise : d'après une vague tradition, les ancèti-es des indigènes
aui'aient assisté à ces conflagrations du sol'. Dans la ])arlie septentrionale
de l'île, les volcans sont fort nombreux. Au nord-est de la baie d'Anlon-
Viï], s'élève une de ces montagnes « brtîlées «, piton sacré dont le cratère
renferme un lac poissonneux et dont les talus extérieurs sont formés de
débris rouges autour du cône su[)rème et blancs à la base. La pointe tei-
minale de Madagascar, le cap d'Ambre, est aussi un volcan, dominant
les Ilots qui se partagent autour de ses coulées. Les satellites de la grande
t(M're, Nossi-Bé, Mayotte, Anjouan sont également formés de laves. En
maintes parties de Madagascar jaillissent des eaux thermales et des bouf-
fées d'acide carbonique, moi'ielles aux insectes et aux bestioles. Les tiem-
blements de terre sont assez fréquents.
Madagascar, bien exposée aux vents alizés de la mer des Indes, est riche
en eaux courantes, si ce n'est vers l'extrémité méridionale, soumise par-
fois à des vents desséchants venus du continent d'Afrique. La jjIus grande
quantité d'eau tombe sur le versant oriental de l'île, mais ce n'est ]ias de
ce côté que se forment les rivières à la plus ample ramure : la rapidité des
pentes et l'étroitesse de la zone d'écoulement ne [)ermettent pas aux cours
d'eau de se développer en méandres et de s'unir en fleuves avant d'attein-
dre la mer : la plupart ne sont que des torrents, n'ayant pas même une
centaine de kilomètres en longueur. Un des plus abondants est le Teng-
teng ou Manompa, qui naît dans une vallée longitudinale entre deux
chaînes parallèles, et perce l'une d'elles par une profonde cluse pour
s'échapper vers la mer, où il débouche en face de l'île Sainte-Marie. Le
Maningori recueille aussi ses premières eaux dans une haute ]ilaine, entre
la chaîne maîtresse et le barrage formé par le rebord du plateau de soutè-
nement : la masse liquide retenue s'étale en marais, puis en un bassin la-
custre, également sans profondeur, l'Alaolra, qui se prolonge sur une
' Millions, ,/o»)V(rt/ ()/''/"' /?• Geoyr/ipliical Sucicii/, 1875.
7i NOUVELLE GÉOGRAPUIE L'MVERSELLE.
treiilaine de kilomètres dans la vallée longitudinale avant de trouver une
brèche qui permette au trop-plein de se déverser par une cluse profonde
sur le versant extérieur et d'atteindre la mer, non loin de Fenoarivo.
Jadis l'Alaolra fut une mer intérieure d'au moins 550 kilomètres de lon-
gueur, disposée parallèlement aux montagnes et à la côte : d'anciennes
plages étagées sur le pourtour des hautes vallées de Sihanaka et d'Ankaï
prouvent que la nappe lacustre s'élevait à 547 mètres au-dessus de son
niveau actuel'. Au sud de Tamatave et d'Andovoranto, la rivière Onihé,
qui reçoit aussi des afiluents venus de vallées longitudinales, mais qu'ali-
mentent surtout les ruisseaux descendus du grand massif central d'Anka-
ratra, est le fleuve le plus abondant du versant oriental. La Matita-
nana ou « Main morte », rivière sainte' qui naît plus au sud, dans le pays
des Belsileo, est moins considérable, mais son cours est plus accidenté :
une de ses cascades, au sortir des montagnes, a ISO mètres de hauteur,
et près de là jaillit une source thermale abondante.
Si les rivières de Madagascar qui descendent vers l'océan Indien sont
fermées à la navigation au-dessus de leur embouchure, leurs estuaires
ramifiés et rattachés les uns aux autres par des marigots latéraux présen-
tent à l'intérieur des voies navigables d'un grand développement : quel-
ques coupures faites à travers les sables et les bancs de coraux peimet-
traient à de petits bateaux à vapeur de voguer à l'abii de la houle marine
entre l'Ivondrou, près de Tamatave, et la bouche de la Malilatana, c'est-à-
dire sur une longueur de plus de 485 kilomètres, en tenant compte de
toutes les sinuosités du chenal. Déjà en 1S64 le capitaine Rooke a mené
à bonne fin cette navigation, rendue çà et là dangereuse par les bancs de
vase et par les rangées de pieux des pêcheurs; les portages ou ampana-
lana, sui" le parcours du canal futur, que Radama I" avait déjà fait com-
mencer % ont pendant les hautes eaux environ 46 kilomètres en longueur
collective; quelques planteurs y ont récemment creusé des passes. Le lit-
toral présente donc un double rivage*, la plage extérieure, que vient
ébi'anler le flot, et la berge intérieure, baignée par l'eau tranquille des
baies vaseuses où s'entremêlent les racines des palétuviers. Ces estuaires,
où viennent se jeter ciiiiiuanle petits cours d'eau et qui communiquent
avec l'Océan par un |iclil nombre de graus d'accès difficile, ressenililcnl à
' Uaron, AiiUiiiniiar'n'o Aiiiniid. I8S7.
- W. Ellis, Histonj of Mailaytiscar.
•' lionry W. Lillk', ihidayascar.
* Rooke, Journal of llic H. Gcoyiiiiiliinil Socictij, 18()i; — A. (irandiilicr, ouvrage cilé; —
IJeiiry W. Little, Madagascar.
RIVIÈRES, MARIGOTS COTIERS DE MADAGASCAR.
75
JJAtllCOTS IJE LA tUTI: UlilENTALE I:E SIAIIA CA^rAll,
des lacs et en maints endroits se partagent en canaux tortueux qui en font
un labyrinthe inextricable, s'asséchant parfois en été et connu seulement
de quelques pilotes. Le cordon littoral (jui borde ces lagunes est constitué
en divers endroits par des
murs de polypiers, sur les-
quels la mer a jeté du sable
et des coquillages, trans-
formant peu à peu les ru-
chers et les plages en une
digue continue ; des arbres
forestiers y ont pris lacine et
les villages sesuccèdent dans
la verdure. Sous l'action du
courant qui longe la côte,
le cordon littoral est d'une
régularité parfaite. De l'anse
du Fort-Dauphin, à l'angle
sud-oriental de Madagas-
car, jusqu'à Marofototra ou
Foulepoinle, sur une lon-
gueur de 900 kilomètres, le
rivage est presque reclili-
gne, les navires qui fré(jueii-
tent ces mers se tiennent
à distance des récifs côtiers
et souvent font leur trafic
sous voile. Au nord de Fou-
lepointe la côte n'a plus la
même régularité et se creuse
profondément jiour lormer
la baie d Anton-Gil, à l'abri
d'un iiromonloirc volcani-
que; mais l'ile Sai nie-Marie
(Nossi-Boraha ) , (jiii s"al- ^] ;^^;,, ^n
longe en fer de lance aii-
(levanl de la baie de Tengleng (Tinlingne), parait èlre le reste d'un cordon
lilldial qui coiitiiiuail la muraille rectiligne des côtes du sud et reliait Fon-
lepoinle au cap Maseala. Quant à la baie ramifiée de Diego-Suarez, qui se
trouve à l'extrémité septentrionale de Madagascar, elle doit son existence
_Mjê
■IaKgfet
49° EstdeC-reenvvich
D'après Grandidier et autr
c'e/00'"etàucfe/Â.
5 TOP noo
NOrVKLLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
erosion de la cote orientale et ba
d'amos-gii,.
au massif volcanique du cap d'Ambre qui s'est dressé au noi'd de l'île,
enfermant ainsi une vaste étendue d'eaux marines.
Sur le versant occidendal, tourné vers le détroit de Moçambique, quel-
ques fleuves ont un bassin considé-
rable, dont les origines se trouvent
dans les montagnes de l'est, à proxi-
mité de la mer des Indes. Au sud de
la province des Betsileo, le Mangoka
ou Saint-Yincent reçoit les eaux d'un
territoire d'au moins 50 000 kilo-
mètres carrés. Plus au nord, le Tsi-
jobonina est alimenté j)ar les ruis-
seaux (jui descendent des volcans
d'Ankaratra et de toute la région
phlégréenne des alentours : un émis-
saire de ce lac Itassi que barrent des
coulées de laves vient aussi s'épan-
cher dans son couranl. Plus puissant
que tous les autres cours d'eau de
Madagascar, l'ikopa, réuni au Betsi-
boka, apporte à la baie de Bombelok
les eaux de la province d'imerina,
dans laquelle se trouve la ca])ilale du
royaume. Son cours dévelo|i|)é n'a
pas moins de 800 kilomètres; d'a-
près Sibree, un bateau à vapeur d'un
faible tirant d'eau poiu'rait remonter
le Betsiboka jus(prà Wh kilomètres
(le la mer. Au nonl-ouest de l'ile
toutes les rivières de (piebpie inipor-
(■ luo uiL tance se jellenl en des grdfes sinueux
el raniiii(''s ipii prc'seiitent une l'cs-
semlilanee loinlaine avec les fjords de la Scandinavie et que l'on peut
comparer plus exacienient aux di'conpnres du lilloral brelon' : ils son!
dus probablement à une cause analogue, c'est-à-diie à la di'sintégi'ation
graduelle des roches graniti(|ues et autres, suivant les lignes de frac-
tui'e. Des îles nombreuses, débris de la graiide (erre, sont parsemées
47'
48°
Est de
Par,..
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Huliiiieyei-, Û;e llrcltiyiiP.
jiija!
LITTORAL, CLIMAT 1)E MADAGASCAR. 70
aii-devanl des golfes et continuenl les promontoires. Une de ces îles, dé-
|)eiidance évidente de Madagascar au point de vue géographique, est
Nossi-Bé, fameuse par ses groupes de volcans, dont l'un contient de jielils
lacs dans ses cratères éteints. D'après M. Grandidier, la côte orientale, con-
linuellement érodée par le courant, reculerait peu à peu, si ce n'est aux
endroits où, comme à Tamalave et à Foulepointe, des pâtés de récifs
protègent la plage, tandis que sur la cote occidentale la terre tendrait à
empiéter sans cesse sur les eaux marines par le travail des poly|iiers. C'est
ainsi que plusieurs baies se sont trouvées enfermées par le littoral gran-
dissant et transformées en lacs '.
Par sa latitude, Madagascar est une région tropicale; par son altitude,
c'est un pays tempéré. Un bord de la mer aux montagnes de l'inlérieur on
constate une décroissance normale de la température moyenne et sur les
sommets de l'Ankaratra et des autres massifs on entre dans la zone des
froidures; des lamelles de glace s'y forment sur les flaques d'eau. Mais,
grâce aux mers qui l'entourent et dont un courant tiède maintient la tem-
pérature normale, Madagascar jouit d'un climat très égal en moyenne,
n'offrant point de brusques sauts de la chaleur au froid. A Tananarive,
sur les hantes terres de l'intérieur, la température de l'hiver ne descend
jamais au-dessous de 6 degrés; à Taraatave, au bord de la mer, les
ardeurs de l'été ne dépassent pas 34 degrés; plus au nord, dans l'île
Sainte-Marie, elles sont 5 à 4 degrés plus élevées'.
Madagascar est en entier comprise dans la zone des alizés du sud-est;
mais, par suite de réchauffement des terres, ces vents sont en général
déviés de leur marche et d'ordinaire ils soufflent franchement dans la
direction de l'est à l'ouest. Les cartes de Brault, qui résument tant de mil-
liers d'observations météorologiques, constatent que le régime aérien a sa
plus grande régularité pendant la saison sèche, c'est-à-dire lorsque le soleil
éclaire directement la zone tropicale du nord, d'avril eu septembre; mais
quand l'astre revient vers le sud, amenant avec lui la zone des nuages et
des pluies, les vents changent fréquemment de direction et d'allures; ils se
reportent en moussons sur les côtes de Madagascar, principalement au
' Bhmchaiil, Revue des Deux Mondes, !."> décembic 1872.
- Température d'hiver et d'été sur le.s deux côtes et sur les plateaux, tl'aprés (jraiulidier :
Côle occiileiilnic. PI;ilo;iux. C.Mu oricnlale.
Tolia ou Tullear Tananarive Tauiatave
(25»24'lat. S.) (18c55' lai. S.: allil. 1401) mût.) (l8'"10'lat.S.)
Moindre température. . 10" (juillet) ti" (juin, aoùl) 15" (juillet)
Température extrême . . 24" (janvier) 28", 5 (novembre) 34" (déc. jauv.)
Écart. ... 14" 22".5 l'J"
80 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
noid-oucst : on est alors dans la saison de l'hivernage, qui est en même
temps l'élé, d'octobre en mars. C'est aussi la saison des tempêtes, mais il
est rare que la courbe des cyclones, si dangereuse dans les ])arages des
Mascareignes, atteigne la grande île. Elle y passe pourtant : au connnen-
cemcnt de 1888 un ouragan a jeté onze navires à la côte de Tamatave.
A Tananarive, les (rois quarts des pluies tombent pendant l'hivernage'.
L'humidité et la chaleur réunies de l'été rendent fort dangereux pour
les Européens le séjour dans les terres basses du littoral de l'est, le plus
abondamment, arrosé, grâce aux vents de l'océan Indien, chargés de
vapeurs : c'est en janvier et en février surtout que les côtes orientales de
Madagascar, voilées de brumes grises, méritent le nom de « cimetière des
Européens « qu'on leur a souvent donné. Le mélange des eaux douces et
des eaux salées dans les estuaires où s'épanchent les rivières débordées a
pour conséquence une grande mortalité des organismes appartenant aux
deux milieux différents; l'atmosphère se charge de miasmes dangereux,
cl, pour éviter la fièvre, les Européens et les indigènes des côtes doivent
se hâter de l'emonter vers les hautes terres sahibres de l'intérieur. Nom-
breux sont les voyageurs qui ont payé de la vie leur amour de la science.
La végétation, comme les phénomènes du climat, se modifie avec l'alti-
tude; les espèces changent en même temps que la physionomie générale
(le la flore. La magnificence des fourrés de plantes tropicales que contem-
plent les voyageurs sur les plages humides de la côte orientale les a portés
à croire que dans son ensemble l'île a partout un sol fécond revêtu d'une
jtarure admirable de végétaux; mais il n'en esf pas ainsi. Les roches gra-
niti(jues de l'intérieur, les plaines des terrains secondaires sont inferliles
dans la plus grande partie de leur étendue et de vastes espaces sont entière-
ment dépourvus d'arbres, même d'arbrisseaux. Madagascar a des savanes
à perte de vue, dont la végétation ne comprend que des herbes grossières.
Mais les régions centrales de l'île possèdent aussi de belles et riches val-
lées où la terre végétale, apjiortée par les eaux courantes, s'est amassée
sur une grande épaisseur et qui rendent au décuple la semence qu'y jette
le cultivateur. La constitution géologique de Madagascar se révèle, pour
ainsi dire, par la distribution des forêts, qui se sont disposées en une longue
ceinture sur le pourtour de l'ile, soit dans la région côtière, soit dans
la zone des avant-monts. Sur le versant oriental, la lisière des forêts,
divisée par une dépression intermédiaire, est double ; sur le versant occi-
' OiKiiitité moyenne île pluie tombée à T.nnanarive (1881 à 1884) : 1",54.
(Antaiianarivo Aiimial, 1884.
Est de Pa,
CLIMAT, FLORE DE MADAGASCAR. 81
dental, elle présenle une lacune clans les plaines inhabilées qui s'étendent
à l'ouest de l'Ikopa. Quelques forêts de diverses grandeurs sont éparses
dans le cercle forestier
du pourtour'. '*° '" — ^"^'' '^'■"^"■'""^ "'-^ foiiùis de mauaoascab.
La flore de Madagas-
car, mieux connue que
celle des régions afri-
caines qui lui font face,
offre un caractère oi-i-
ginal : [larmi ses "250(1
plantes connues et clas-
sées, sur une flore pro-
bable de i500 espèces,
les unes rap|)cllent les
végétaux (le l'Afrique,
d'autres ceux de l'Amé-
rique méridionale ou de
l'Australie; mais leur
physionomie se rappro-
che surtout de celle
des plantes asiatiques'.
D'ailleurs c'est du côté
tourné vers l'Asie, c'est-
à-dire sur le littoral de
l'est, que la végétation a
le plus d'éclat et de va-
riété; le versant du sud
et les pentes occiden-
tales, au sol plus aiide,
n'ont pas la même ri-
chesse de flore ; les
plantes, soumises à de
plus longues sécheres-
ses, plus exposées aux vents du confinent voisin, ont les feuilles plus
dures, les racines plus épaisses; cependant les arbres é()ineux, que
l'on rencontre dans les régions mal arrosées de l'Afrique, manquent
44'
Est d. Grée,,
Paprès GrandldiE
C.Pe
P/-ofont^eu/-s
i 10 0)1
I Kil.
' A. Graiidiilier, ouvrage cilt-.
- Alfreil R. Wallaee, Ihe Islanil Life.
82 IVOIVELLE (iÉOGRAPUlE UNIVERSELLE.
complèlement dans les coiilrées de Madagascar à cllinal conespon-
dant; on ii'j voit pas non plus d'acacias. Un des arlircs les })lus remar-
quables de la flore insulaire est une espèce de baobab, signalée pour la pre-
mière fois par M. Grandidier : sans être de dimensions aussi colossales
que le baobab africain, il le dépasse par l'élégance el la majesté du port.
Le tamarinier est l'un des plus beaux arbres de la côte occidentale, qui
regarde l'Afrique, mais il manque au versant opposé : c'est à l'ombi'e de
ces arbres que les chefs sakalaves construisent leur demeure'. Le cocotier
prospère dans la région du littoral, mais on le croit d'origine exotique;
d'après quelques voyageurs, la semence en aurait été importée dans l'île
par les Malais, de même que celle de l'arbre à pain. Madagascar possède
aussi des espèces indigènes de palmiers, entre autres des palmiers à sagou,
un hypha^ne, parent du doum des régions nilotiques, et le ra|»hia, au
tronc gros el trapu, aux palmes découpées en mille folioles, aux énormes
grappes de fruit pesant jusqu'à cent et cent cinquante kilogrammes. Les
pandanus vakoa, avec leurs spirales de feuilles en glaive, croissent au
bord de la mer, sur les terres sèches, tandis que dans la vase s'enche-
vêtrent les racines des palétuviers. Dans les fonds, el plus larement sur
les pentes, un superbe balisier, étalant ses feuilles en un large éventail
d'une régularité parfaite, domine les herbes et les arbrisseaux : c'est la
ravenala [urania xpcciosa), que l'on appelle communément « arbre du voya-
geur», parce que les pluies y laissent, à l'aisselle des jiétioles, des goutte-
lettes suffisant au besoin à désaltérer les passants; mais on la rencontre
surtout dans les régions arrosées, où l'eau est en abondance. L'utilité de
la ravenala provient des matériaux de construction qu'elle fournit aux
campagnards : le tronc seil à la charpente, les pétioles et les grosses ner-
vures fournissent les poutrelles, el les feuilles sont employées pour recou-
vrir le toit.
Parmi les plantes de sa flore endémique, Madagascar peut montrer beau-
coup d'autres formes remarquables : telles l'ouvirandrona {uucirandra
fenestralls) ou <( bulbe tressée», espèce aquatique dont les feuilles ovales
sont découpées comme des pièces de tulle; le filao ou « arbre à massue »
[camarina la le ri fol ia), aux énormes racines, qui fixent les sables mou-
vants du littoral ; la brehmia spinom, plante de la famille du slrychnos, et
donnant néanmoins des fruits comestibles; la grande ovchiAca angrxmm
KrMjui pcda le, cnlouvAul de sa verdure le tronc puissant des vieux arbres;
les népenlhès, dont les fleurs se recourbent en amphores et se remplissent
' IHi Ver;.'(', Mmhnjdscar et Peuplades indépcnilanies.
FLORE, FAUNE DE MADAGASCAR. 83
d'eau. Les essences qui peuvent loiirnir soit des matériaux de construc-
tion, soit du bois d'œuvre pour meubles sont très nombreuses, teck, ébé-
nier, bois de natte, palissandre et bois de rose. Malbeureusemenl la défo-
restation de Madagascar se poursuit sans relâche; un voyageur raconte que
[tour faire passer une pierre tomltaleon aballil vingl-cinq mille arlircs dans
une forêt des Betsileo'.
La faune malgache, non moins originale (|ue la llore, l'ail l'élonne-
ment des naturalistes et les entraîne à des spéculations diverses sur l'his-
toire ancienne de l'île et ses origines. Les espèces spéciales à celte grande
terre ont fait naître l'hypothèse, indiquée d'abord par Geoffroy Saint-
Ililaire, puis développée parle naturaliste anglais Sclatei', que Madagascar
est le resti! d'un continent qui comprenait au moins en partie l'esjtace
occii|ié de nos jours par l'océan liidieii. (a- (■(inliiient su[)[)Osé avait même
reçu un nom, celui de Lémurie, d'api'ès les demi-singes de la famille des
lémuriens, (|ui sont représentés à Madagascar par un plus grand nombre
d'espèces qu'en Afrique et dans les Indes orientales. Plusieurs hommes de
science ont accepté cette hypothèse plus ou moins modiriée% et même
Hâckel en était venu à se demander s'il ne fallait pas voir dans cette Lému-
rie, qui n'existe plus, le lieu d'origine et le centre de dispersion des
diverses races humaiiu^s". Mais Wallace, après avoir été lui-même très
ardent à soutenir que la faune de Madagascar témoignait en faveur de
l'ancienne existence d'un vaste conlinenl lémurien, ne croit plus mainte-
nant à des changements aussi considérables dans l'équilibre planétaire;
néanmoins il lui faut encore reconnaître que de bien gi-andes modiiica-
lions ont eu lieu dans les contours des terres et des mers. Poui- ex|)liquer
la présence des espèces africaine» (pii se trouvent aussi dans l'île de Ma-
dagascar, il admet que les diuix terres étaient unies autrefois, mais qu'à
cette é[)oque l'Afrlipie, elle-même séparée des contrées méditerranéennes
par une large mer, ne possédait pas les espèces animales, lions, rhi-
nocéros, éléphants, girafes et gazelles, qui lui vinrent plus tard des
contrées du nord, (l'est également par des isthmes de continent à conti-
nent et des mers de partage qu'il cherche la cause de l'aiiparilion ou de
l'absence à Madagascar de telles ou telles espèces asiatiques, malaises,
australiennes ou américaines'. On le voit, même ceux des naturalistes
' Baron, Anlananaih'o Aii/uial, i&Sl.
2 Emile Blancliard, Rci'iic des Dcii.r Moiuh's, lô ilcccmbrc 1872; — (Iscnr Pcschol, Ncucn Pro-
blème (1er rerfileiclienileii Enlkniide.
^ Histoire de In créiilioii des êtres urijanisés.
" Comijoralive Aiitiquitij of Continents; — Geoyrapliieal Distribiitiuii of Animais; — Tlie
Islund Life.
Si NOl'VELLE GÉOGRAPUIE LMVERSELI.i;.
qui défeiidt'iil k' plus éuergiqiiement la longue slahililé des formes con-
tinentales sont obligés d'admettre qu'elles se sont siugulièiemeiit modi-
fiées pendant le cours des âges.
Tandis que les îles océaniques sont d'une extrême pauvreté en mammi-
fères, Madagascar n'en possède j)as moins de 60 espèces, preuve suffisante
que celle île fit jadis partie d'un continent; mais ces mammifères sont
groupés de manière à constituer une faune essentiellement originale. La
moitié des espèces insulaires se compose de lémuriens, makis et autres,
qui se distinguent par leurs mœurs d'écureuils, leurs longues queues,
leurs mains énormes, leurs cris déchirants qui ressemblent <à des voix
humaines', leurs sauts à la manière du kangourou : entre autres, un
propithèque, de la famille desindris, peut faire des bonds de 10 mètres
quand il est poursuivi par les chasseurs; grâce à sa membrane brachiale
formant parachute, « il semble voler d'arbre en arbre ^ >•'. Toutes ces
espèces, qui se cantonnent chacune dans une région bien délimitée, sont
faciles à apprivoiser, et l'une d'elles, le l)abakoto [Udianotus indris), est
même dressée à la chasse aux oiseaux''. Le plus connu de ces lémuriens,
Vaije-ciije {cheironujs), qui sommeille pendant la saison sèche, se construit
un vrai nid ; le catta vit au milieu des rochers. Une autre famille de mam-
mifères, les tendrek ou centetides, qui ressemblent aux hérissons et qui
s'engourdissent pendant l'été, est représentée par plusieurs es])èces dont
on ne retrouve les congénères que dans les grandes Antilles, Haïti et Cuba.
In l'(''lin inconnu ailleurs, le piiitunla ou cri/ptttprnctd fero.r, el des civettes
sont les seuls carnivores de l'île; enfin des rats, des souris et un sanglier
à masque (jjutdinoclia'rm larratus) appartiennent aussi à la faune de Mada-
dagascar. Quant aux bœufs, aux chiens sauvages que l'on rencontre dans lès
forêts ou les savanes de l'île, ce sont les descendants d'animaux domestiques
retournés à l'état libre. Quelques naturalistes en disent autant d'une espèce
de chat. Les rats envahissants d'Europe ont également conquis Madagascar.
Parmi les oiseaux, plus de la moitié des espèces ne se trouvent [loint ail-
leui's (pie dans la grande ilc et leur jdiysionomie générale ressendile [iliis
à des formes malaises qu'à celles de l'Afrique. Kaguère, c'est-à-dire il y a
deux ou trois siècles peut-être, l'île possédait aussi un oiseau gigantesque
de la famille des aulruches, Vxjiijoriils iiuiiimiis, que connaissaiciil les
marchands arabes du mo\eii âge el que, dans les contes des nuils, ils dé-
crivaient à leurs compalrioles émerveillés : c'est le légendair<' oiseau roc,
' \. Viiisnii, VDiidiji' (I Mdildijnsi'ur.
■ A. (.i-.irKlIiliif, uii\i:i^,. cilr.
' lhiilin;iii.-i, Viiilii(i<i,snir niiil ilic liisclii Si'iji Ik'IIoi
FAUNE, POPULATIONS DE MADAGASCAR. 8b
le « gi'iffon )i de Marco Polo, qui saisissait les éléjihants dans ses serres
et les li-ansportait au sommet des montagnes. On a trouvé des œufs
d'épyornis d'une capacité de 8 litres et par conséquent 6 fois plus gros
que l'u'uf d'autruche. M. Grandidier a découvert également les ossements
de l'oiseau, ainsi que les squelettes d'une grande tortue et d'une variété
d'hippopotame. Le crocodile de Madagascar, qui foisonne dans les rivières
des deux côtes, paraît constituer une espèce particulière; il en est de
même d'un hoa géant, qui, d'après la légende, attaquerait parfois des Lœufs
et des hommes; plusieurs autres ophidiens ap[)artiennent à la faune de
Madagascar, mais aucun, diseni la plupait des naluralisles, ne serait armé
de crochets à venin; toutefois des voyageurs doutent de cette assertion'.
Deux espèces d'araignées sont fort redoutées des indigènes et l'on va jus-
([u'à jirétendre que leur morsure est mortelle. Le monde des insectes et
des animaux inférieurs est d'une grande variété et, comme celui des
mammifères, offre des espèces qui le rattachent à la faune de tous les
autres continents, de l'Afrique à l'Australie et à l'Amérique du Sud.
Dans la faune malgache la part de découvertes qui revient h M. Grandi-
dier est de 10 mammifères, de 10 oiseaux, de 25 reptiles et 18 sauriens,
sans compter les animaux inférieurs.
Un n'a point trouvé d'armes ni d'instruments de pierre à Madagascar-,
ce qui justifie l'hypothèse d'après laquelle l'île serait restée inhahitée jus-
qu'à l'immigration de colons déjà demi-civilisés. La population humaine
de la grande île a de multiples origines comme sa faune proprement
dite et se relie par des éléments divers aux terres qui forment l'im-
mense hémicycle de la mer des Indes, l'Afrique, l'Asie et les archipels
malayo-])olynésiens : de l'ouest, du nord, de l'est sont venus les immi-
grants. Mais il est certain (|ue l'influence prépondérante, soit par le
nomhre des colons, soit plutôt par leur civilisation relative, appartient à
des peuples d'origine malayo-polynésienne. La preuve en est dans la langue
qui se parle chez les trihus de toute race, d'une extrémité à l'autre de
Madagascar. Qu'ils soient d'origine nègre, arahe, indienne ou malaise,
tous les Malgaches parlent un idiome souple, poétique, harmonieux, que
des recherches précises ont reconnu comme étant apparenté aux dialectes
de l'Insulinde et de la Polynésie, et le nom même du peuple, Malagasi,
' U(iiili.lei-, yoitli-East Miuhtijdscdr: — Jouan, Bulletin de lu Sucicié de Gcuyraphic de Ruche-
fort, 18S'2-1885.
- Sibree. The Gréai Afrkuii hland.
86 NOUVELLE GÉOfiliAPlIlE IMVERSELLE.
a été rattaché à celui de Malacca, ilaiis la péninsule Indo-Cliiiioise'. Des
vocabulaires, dont les ])remieis furent un recueil hollandais de 1604
et celui d'Arthusius", qui date de 1(515, avaient déjà rendu celte parente
plus que probable; des grammaires approfondies et des dictionnaires com-
plets ont mis désormais hors de doute l'hypothèse des premiers explo-
rateurs scientifiques. Le malgache ])ossède près de cent mots malais sur
les cent-vingt termes les plus usuels"; le reste se compose de mots arabes,
souahéli, bantou : c'est entre l'idiome malgache des Betsimisaraka et le
malais de la péninsule Indo-Chinoise que les ressemblances seraient le
plus frappantes*. Tous ces noms agglutinés que présente la carte de Mada-
gascar et qui nous étonnent par leur longueur sont pour la plupart très
heureusement formés et peignent d'un trait l'aspect des lieux désignés.
Il est à présumer que l'invasion des immigrants malayo-polynésiens
date d'une période ancienne, car il y a deux siècles et demi, lors de l'ar-
rivée des colons français, la population de Madagascar se composait de
tribus indépendantes sans cohésion les unes avec les autres et sans com-
munauté de civilisation, si ce n'est pour la langue : l'ancienne unité de
race ou de nation, qui avait donné une même parole aux habitants, n'exis-
tait plus. Aucun élément (■lhni(|ue de l'Ile ne se distinguait par une culture
supérieure, si ce n'est la population aialie, (pii aj)partient à une autre race
(pu^ les Malais. Or cette influence arabe, qui avait déjà commencé dans le
siècle même de l'hégire, n'a pas suffi pour sémitiser les indigènes, qui
avaient déjà subi une influence anlérii'ure |)lus puissante : au treizième
siècle, un écrit arabe mentionne les insulaires comme les « frères des Chi-
nois >i et donne le nom de Malay à l'une des cités de l'île ; un siècle plus
tôt, Kdrisi connaissait également celle ville de Mal<^y^
Aucun renseignement historique ne permet d'appuyer les hypothèses au
sujet des temps plus anciens auxquels débarquèrent les étrangers, ni sur
la contrée précise de laquelle ils étaient originaires. Ouel fut le chemin
qu'ils suivii'ent? On ne sait. Seulement il serait difficile d'imaginer pour
eux une autre roule que celle des couianis de la merdes Indes poussés
par les vents alizés dans la direction du noi'd-esl au sud-ouest. Ces flots
qui, en IS85, portèrent les pierres ponces de Krakatau sur les plages de
Madagascai', entraînèrent aussi les |)i'a() des îles de la Sonde à la grande terre
' A. Vlnsdii, ouvrage cité; — Ao Frolicrvillc, Fiidh'lin de lu SoriM de Gcoyrnpliic, 1839.
- Max Li^cliTC, Les Peuplades de Mndnyasrar; — Joigensen, Aidunannrivo Anniinl, etc.
5 Olivier Beauivgaid, Biillelin de la Société d'Anthropologie, séance du 15 juillet 1800.
* Mullens, ouviage cité.
' Waitz, Antliropoloijie.
ORIGINES MALAISES DES MALGACUES. 87
méritlioiialc de l'Océan : ce n'est pas en vain que les rois des Malais prenaient
le titre de « maîli-es des vents et des mers de l'orient et de l'occident « '.
Peut-être que les bancs de Tchagos, qui, d'après Darwin, auraient été im-
mergés à une époque récente, offraient alors un lieu d'étape favoiaWe
entre les deux régions. Mais pour s'accommoder au milieu nouveau les
immigrants venus de l'orient duriMit changer leur genre de vie : de
marins qu'ils étaient, ils devinrent agriculteurs. Echappant à la zone mor-
telle des plages, ils traversèrent les forêts du littoral et gravirent les pentes
du plateau où se maintiennent leurs descendants. Le « canot d'argent :",
c'est-à-dire la tomhe dans laquelle on ensevelit le souveiain des Ilova, raii-
pelle encore le temps oli les morts de la liihu étaient en effet déposés dans
une barque, comme chez les Betsimisaraka de la eôle et chez de nombreuses
peuplades malaises \ Actuellement, les Ilova ne supportent pas mieux que
les Européens le climat des basses terres. La lèpre et d'autres maladies de
peau sont assez communes chez eux.
Dans l'ensemble, Madagascar offre un mélange de populations diverses,
dans lesquelles les types ne se sont nulle part conservés à l'état pur. Chez
certains insulaires, notamment ceux de la côte occidentale, l'élément nègre
a la prépondérance, et l'on y rencontre surtout des individus forts, à peau
noire ou d'un brun foncé, à ligure aplatie, à cheveux crépus. Dans les pro-
vinces du centre, la plupart des tribus se ra[q)rochent du type malais;
leur peau est d'une nuance cuivrée, leurs cheveux sont lisses, leurs dents
d'une ailmirable blancheur. Aux deux extrémités opposées de l'ile, sur les
rivages du nord-ouest et du sud-est, se montre le type « blanc )., c'est-à-tlire
celui des Arabes. D'après M. Grandidier, les Indiens du Malabar auraient
aussi laissé des traces nombreuses de leur séjour sur la côte occidentale,
et des familles de chefs revendiquent cette origine hindoue. On constate
en mainte tribu l'existence de castes, et chez les individus qui en font par-
tie l'aspect j)hysique diffère en même temps que les conditions sociales :
les maîtres appartiennent à une autre race que les sujets.
La nation devenue la jtlus puissante aujourd'hui, celle des Ilova, |)araîl
avoir conservé, du moins dans ses castes supéi'ieures, le type original
malais. Des écrivains les rattachent aux Batta de Sumatra et de Nias', aux
Javanais et gens de Bali\aux Tagal des Philippines^; on signale aussi
' J. Cook, A Voyage lo tite Pacijk. Océan.
- James Sibree, j4/itoîmnnr(!'o Aiiiiiial, 1887.
5 Marsden, Historij of Sumatra ; — van dev Timk, On the Madagascar Languaçie.
* W. von Uuinbiililt, Kaxci-Sprachc : — Crawfurcl, Grammar and Dictionary of the Malaii Lan-
(juage; — A. Grandiilior, mémoires divers.
^ ^aiU, Anthrapuloyie ; — Slaniland Wake, Antanunarivo Annual, 1885.
88
NOUVELLE (iÉOGIiAPUII'; INIVERSKLLi:.
leur ressomblanco avec les Siamois, avec les Sainoans et les indigènes de
Tonga, même avec les Japonais. Ces divergences de vues entre les obser-
vateurs témoigneraient d'une origine multiple des Ilova, due sans doute
à des invasions successives; mais gens de la Sonde, Samoans, Japonais
nAVOSISAIIITRASlOniVO, HIMSTRE UOVA.
D'après uni? photofïrapliic coiiiniuiiiquéc par la Société de Géo;jraphie.
peuvent (Mre Ions, si tin les compare aux Africains, considérés comme
appartenant à la même famille. Lorsque Flacourt décrivit l'île de Madagas-
car, il y a deux siècles et demi, la peuplade des Ilova était ignorée ou con-
fondue sous d'autres noms avec des tribus voisines; les et Oves » n'appa-
raissent dans l'histoire que vers le milieu du dix-huitième siècle, aloi's
([u'ils reconquirent leur indépendance sur les Sakalaves', et (jue leur chef.
Li' (ii'iilil, 1 (';/"(/(' (liiiis les mers de l'Inde (1701-171)9).
lin VA.
89
Andi'iaiiiimjioiiuincrina, le « Seigiiour qui est clans k- cœur d'imo-
rina », fonda lo royaume actuel. Les indigènes des plateaux se disaient
Anibanilanitra, c'est-à-tlire « ceux qui vivent sous les cieux », ou Amba-
niandro, a ceux qui vivent sous la lumière du jour » : ils s'étaient donné
FKMME BKTSII.KU.
D'après uiir> |iliolo?rapliie communiqiii}i' par la SociiUi- de Géograpliic.
ces noms, soit parce (pic leur iialric, l'imerina, était pour eux le monde
entier, soit parce qu'ils liaiiileiit les hautes régions des montagnes, au-
dessus des plaines basses de la terre'. En réalité le titre de Hova s'ap-
plique seulement à la classe moyenne du peuple, les nobles étant dési-
gnés par l'apjiellalion d'Andriana et les esclaves par celle de Mainti et d'An-
devo; mais actucllcincnl les gens des peuplades vaincues aiment à prendre
Stiiniliiig. Aiitaiianarivo Aiiiiual, ]8b7.
12
00 NOUVELLE (iÉOGKAlMIlE l.M VERSELLE.
Il' nom de Hova pour se réclamer de la race dominante, landisque les tribus
encore indépendantes lancent aux haliitants de l'Imerina l'insulte de Am-
boalambo ou « Chiens-cochons j> ', (|ui jadis, dit-on, avait été prise en
bonne part'. La population dite hova s'accroît ainsi à la fois par l'agréga-
tion de tribus diverses en même temps que par l'excédent des naissances,
qui est considéiable, car dans les régions montagneuses les femmes sont
très fécondes^ Des colonii-s de Hova vont s'établir en diverses parties de
l'Ile, loin du plateau natal, notamment au nord du lac d'Alaolia.
Les jugements que les voyageurs. Anglais ou Français pour la plupart,
portent sur le caractère des Hova, diffèrent singulièrement : ce qui s'ex-
plique non seulement par les passions de rivalité politique, mais aussi
par la fréquentation de classes diverses. Autant les personnages hova qui
ont à vivre au milieu des intrigues de cour et à louvoyer entre les |)artis
pour sauvegarder leur influence et leur vie sont devenus fins diplomates,
habiles à gagner du temps par des lenteurs calculées et à ti'omper un en-
nemi par des flatteries et des caresses, autant les Hova de la campagne,
cultivateurs à la vie paisible, sont doux, prévenants, hospitaliers, durs au
au travail, tendres pour leurs f(Mnmes et leurs enfants, respectueux |M)ur la
" terre des ancêtres )■. Les marchands étrangers les accusent d'être fort
âpres au gain, accusation (jue leur renvoient très justement les indigènes.
Ensemble les Hova et toutes les ti'ibus des régions centrales qui ont pi'is le
nom de la nation victorieuse seraient, d'après M. Grandidier, au nombie
d'un niiliidu d'individus, soit le tiers de toute la population de l'Ile. On
comprend la supériorité (|ue la densité relative des habitants et la position
qu'ils occupent au centre de l'île leur donnent sur les tribus du poui'lour
insulaire. Les troupes disciplini'-es à l'eui-opéenne qu'ont dressées des aven-
turiers anglais el autres on! l'ail le reste. Une vaste partie du territoire
(pii enidure l'Imerina esl encore pres(|ue dé|)euplé, notammenl du ccMé de
l'ouest. Là s'étendent de véritables déserts, qu'on met des jours à traverser
sans y trouver un seul village. I^es explorateurs anglais ont appelé cette
maiclie Ao maii's laiitl tn\ '<- Pays de Personne»'. « Le pays n'est pas et
ne peut être peuplé, » dit (irandidiei'.
Au siècle derni(,'r la pri''p()nd(''rance mililaiie ap[)artenail aux " (iins des
Longues plaines »'. les Sakalaves de la côte occidentale. Ceux-ci, qui d'ail-
' Joi'geiisen, Deuischc Kuloniul-ZeUinuj , ]."> mal ISS7 : — Silure, Anlundiiuriro Aniuiiil. 1S87.
- I). LaviTilant, Colonisation de ilndinirisciiv.
'• A. Grandidier, Bulletin de la SociiHc de Céuyrapliie. 1S8.").
* MhIIciis, Proceedinys of Ihe R. Geoipaphicnl Socielij, 1875.
5 Gi'lle rlymologie de Jdrgensen, que dnniienl eux-mêmes les Sakalaves, esl eoutestée. l'eiil-clro
ce mot est-il une insulte, et dans ce cas il signifierait les « Longs Cliats ».
N" IS. roPUI.ATIOXS DE MADAGASCAII.
IIOVA, SAKALAVES. 91
leurs étaient divisés en deux royaumes et eu ciielTeries indépendantes',
sont maintenant, sinon soumis aux llova, du moins aliandonnés officiel-
lement j)ar leurs
auci(Mis alliés, les
Français, à la géné-
rosité des domina-
teurs de l'île, et les
postes occu]iés |iar
les Ilova sur les
points stratégiques
de leur territoire ne
font de l'asservisse-
ment fului' qu'une
question de temps.
Les iAIahafali de la
région du sud-ouest,
les Anti-Fiherenana,
Anti-Mena, Anti-
Mahilaka , Anti-Ma-
raha , Anli-Boueni
et autres tribus %
appartiennent tous
à la famille saka-
lave, qui comprend
environ un demi-
million d'individus.
Chez ces Malgaches,
le type nègre pa-
raît l'emporter sur
le type malais. Leur
chevelure est on-
dulée , mais non
laineuse ; leur nez
est large et plat ,
leur bouche lippue; forts et agiles pour la plupart, ils ont le mollet bien
dévelop[ié et le pied d'une remarquable élégance de forme ; la lèpre, si
D après Di
1 12 000000
' Guillaiii, \'oijn(jC fi Mmlmjascnr.
^ Anti, Anta, Anté, devant les noms de peuples, a le sell^ d'Ici, Gens d'Ici, l];ibilanls.
92 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
commune chez les Hova, est très rare chez eux. Les phis purs de race soiil
ceux de l'intérieur, qu'on appelle Machicores, mais en heaucoup d'en-
droils du littoral ils sont croisés d'Arabes, et sur la côle du sud-ouest,
dans les royaumes sakalaves encore indépendants de Fiherenanâ et de
Kilombo, les Vezo, c'est-à-dire les « Nageurs » ou habitants des côtes, sont
presque blancs et se disent tels, grâce à leurs croisements nombreux avec
les immigrants hindous, les pirates anglais et français des deux derniers
siècles et les gens de la Réunion qui viennent commercer dans les escales
du liltoi'al'. Aucun indice ne permet de rattacher directement les Saka-
laves à quelque populalion noire du continent opposé ni de préciser
l'époque à laquelle se (it, soit en masse, soit jilutôt par expéditions suc-
cessives, l'émigration de ces tribus; du moins possèdent-elles encore des
flottilles de barques à balancier, sur lesquelles pêcheurs et commerçants
entreprennent de longues traversées et que les pirates employaient na-
guère pour rôder annuellement autour des Comores; en 1805, ces cor-
saires sakalaves capturèrent même une corvette portugaise près de la côte
africaine d'Ibo. En tout cas, ces Africains devenus Malgaches se distin-
guent nettement des nègres esclavi^s importés pai' les Arabes dans les
poris du littoral : ceux-ci sont jiour la plupart des gens de la nation des
Ma-Koua, les nègres du Moçambique dont les tribus sont éparses entre
le Zambèze et le Ro-Vouma. Kux-mémes, d'après I5aron , se donneraient le
nom de Zaza-Manga.
Les Belsileo, c'esl-à-dire les " invincibles >', qui viNcnl, au nombre
d'environ trois cent mille, dans la région montagneuse conlinant au sud
(lerimerina, ne méritent plus leur nom : ce sont |)our la plupart des agri-
culteurs paisibles et chez ies(juels l'élément noir parait l'emiiorlerde beau-
coup sur le type malais - ; ils dépassent tous les autres Malgaches |)ar
la hauteur moyenne de la taille, 1"',83 d'a|)rès Sibree. Les Bara, c'est-à-
dire les « Barbares » % qui peuplent les plateaux au sud des Belsileo,
ressemblent plus aux Sakalaves qu'à leurs voisins du nord, et, comme les
premiers, ont partiellement conservé leur indépendance; ceux d'entre
eux qui se réfugièrent sur le mont Ivohibé, au bord d'un lac enfermé
dans la cavité suprême, peuvent de là-haut braver les assiégeants '. IMus au
sud, les Ant'Androï, (|ui possèdent la pointe méridionale de Madagascar,
sont également insoumis; comme leurs voisins occidentaux les Mahafali,
' sibree, Tlie Greut Africiiii hluntl.
- \V. Deans Cowati, Procecdinys of tlic R. GeoiiraphiLdl S(jciclij, tStJ2.
^ Datilo, Joi!,'enseii, Anlaiianarivo Aniiimt, tSS.j.
* Miillt'iis, Juiii-iial ofllie R. Geoyrnphkal Society, 1877.
rOPULATKOS DE .MADAGASCAR. 95
ils se tiennent soigneusement à l'écart dos étrangeis el sont réputés avec
eux comme les plus barbares des Malgaches. Les Ant'Anossi, les « Gens
des Iles » ou des « Rivages », ceux avec lesquels les premiers colons fran-
çais de Sainle-Luce et du Foit-Dauphin se trouvèrent en contact et qu'ils
opprimèrent d'une si dure fatjon, sont maintenant assujettis aux Ilova.
Les Ant'Aïsaka, ou « ceux qui j)èchent à la main », (jui leur succèdent au
nord, sur la côte orientale, ressemblent beaucoup aux Sakalaves et sont
probablement croisés des mêmes éléments. Puis viennent, dans la même
direction, les .VnL'Aïmoro, ou les « Maures »' , autres riverains de la mer
orientale, qui prétendent èlre descendus d'Arabes de la Mecque, bien
que le métissage soit de toute évidence chez eux, et qui montrent en té-
moignage de leur origine d'anciens manuscrits écrits en caractères arabes.
Au-dessus des Ant'Aïmoro et des Anl'Ambaboaka, dans les vallées fores-
tières de la montagne, vivent les Ant'.Vnala ou « gens de la Forêt », qui
pour la plupart ont pu conserver leur indéjiendance, grâce à la difficulté
d'accès des forteresses naturelles où ils sont campés. L'une d'elles, Ikiongo
ou Ikongo, qui se dresse à 500 mètres au-dessus des terres avoisinantes,
est encore plus escarpée que l'Ivohibé; elle se termine de tous côtés par des
précipices et des parois ingravissables, si ce n'est en un endroit où passe
un sentier qu'un jielit nombre de guerriers suffirait à défendre : des mai-
sons de guet sont construites de distance en distance sur le pourtour de
la crête; cinq villages, entourés de champs et de fontaines, sont épars sur
le plateau supérieur, long de 15 kilomètres sur 7 kilomètres de large. La
tribu libre des Ant'.Vnala, qui se l'éfugie en temps de guerre sur l'Ikongo,
est généralement désignée })ar le même nom que la montagne^ Dans toute
la partie sud-orientale de Madagascar, l'influence arabe parait avoir été
considérable. Les « blancs », ces Zafe-Raminia dont parlent Flacourt et
autres écrivains du temps, étaient des .Vrabes ou des Hindous convertis à
l'Islam. Nombre de chefs dans toutes les tribus prétendent à la descen-
dance arabe, et les ombian ou prêtres, — les oinassi des Sakalaves, — ])ro-
pagent des coutumes ou des cérémonies certainement dérivées de rislam\
La population la plus nombreuse du versant oriental aj)parlient à la
nation asservi(> des Betsimisaraka ou « Gens Unis », bien connue des
voyageurs, car il faut traverser leur territoire pour se rendre deTamatave
à Tananarivc, la capitale de Madagascar. Les Betsimisaraka et leurs voisins
les Betanimena, « Gens de la Terre Rouge », qui se prétendent issus des
' « Gens (le la liive n, il'Liprés Jdiyeiiseii.
- Du'Verge, Muditijnscar et Peuplades indcpendanlcs.
5 Max Leclerc, Les Peuplades de Mudayascar; — A. Waleii, Aiiliiiiaiiarivo Aniiuat, 18SÔ.
96 NOUVELLE (ÎÉOGKAPUIE UNIVERSELLE.
indris Labakolu, sont des gens grands et forts, mais d'un naturel doux
et résigné, d'ailleurs ne différant guère de leurs maîtres les llova : ils
sont au nombre d'environ Irois eent mille. Parmi les autres peu[ilades du
versant oriental, les Ant'Ankaï, < Gens des Défrichements », et les Bezano-
zano ou •( Anarchiques i>'. (jui habitent l'étroite et longue vallée d'Ankaï,
entre deux chaînes parallèles revêtues de forêts, sont devenus les inter-
médiaires du commerce entre les Hova du plateau et les Betsimisaraka du
littoral. Ce sont eux qui transportent presque toutes les marchandises sur
les sentiers difficiles des monls; l'habitude qu'ils ont de porter des far-
deaux pesants sur les épaules y fait développer j)eu à peu des bourrelets
charnus qui protègent la clavicule contre les chocs : les enfimts naissent
tous pourvus de ces appendices protecteurs'. Plus au nord, dans la dépres-
sion dont le lac Alaotra occu[)e le fond, vivent les Anl'Sikanaka un les
« Lacustres », — les « Indépendants >', d'après William Ellis, — [lècheurs
et bergers qui paissent les troupeaux des Ilova. Presque tous les objets dont
ils se servent sont faltriqués en roseaux. Pendant la saison des pluies, les
habitants de quelques villages riverains ne se donnent pas la peine de
s'enfuir dans les lei'res situées au-dessus du niveau de l'inondation ;
ils placent leur foyer cl leurs nattes sur d'épais radeaux de jonc et se
laissent ilolier au gr('' de l'onde". Les Sihanaka appartiennent au même
groupe de tribus ([ue les Betsimisaraka; mais au delà, les indigènes
qui peuplent l'exlrémilé septentrionale de Madagascar, les Aiil'.Vnkara,
«Gens du •Son] ,< ou « Gens des Rocs » ', se distinguent de Ions les
autres Malgaches par leur aspect de Cafres, leurs cheveux laineux, leurs
lèvres épaisses : ce sont ceux des Malgaches (|ui ont le plus subi l'influence
de l'Islam. Les Aiil'Ankara élaient les alliés des Français contre les Ilova
et, de même que les Sakalaves, ils ont été conliés par le traité de 18S5 à
la grandeur d'âme de leurs anciens ennemis, les maîtres de l'île.
Outre les appellations des peuplades principales qui se parlagent le
territoire de Madagascar, on voit sur les caries beaucou[t d'autres noms
de tribus, qu'il faut considérer soit comnn; les désignations de clans, de
castes ou de familles, soit comme des termes synonymes des noms plus
usuels. Mais on parle aussi de po|)ulations naines, les Kimo, qui viviaienl
dans la partie méiidionali' de l'île, au milieu des Bara : les |)remiers
voyagenis français qui les menlionneni, le naturaliste Commeison, et de
' (( P(îU|)le (le la Broiisso », d'après Jorfjensen.
- Memoirs of tlie Antliropotoyical Society, 1877.
' Du Verge, ouvrage cilé. •
* Revue de Géographie, mai 1888; — JorgcnsL'ii, Anliitiaiiiiiit'o Ainnuil. 1885.
POPULATIONS DE MADAGASCAR. 97
Modavo, gouverneur de Fort-Dauphin, décrivent ces pygmées comme des
noirs à grosse tête, à cheveux crépus, à hras longs, très courageux et fort
hahilcs à lancer la flèche; mais pendant le cours de ce siècle aucun explo-
rateur ne les a rencontrés. Flacourt croyait aussi à l'existence d'une
tribu (le cannihalos, les Onlaysatroiha, qui mangeaient leurs malades et
leurs vieillards : chez ces indigènes malgaches, apparentés peut-être aux
Batla de Sumatra, « les pères et les mères n'ont d'autres sépulcres que
leurs enfants»'. Les Behosi, qui vivraient dans les forêts du versant
occidental, près des marches inhabitées, seraient des hommes noirs, sau-
tant comme les singes de branche en branche, et se nourrissant de
fruits, de racines, de lémuriens pris au piège, puis engraissés ^ Peut-être
ne reste-t-il plus qu'un souvenir d'eux, comme des anciens nègres les
Va-Zimba, que l'on dit avoir été les aborigènes de Madagascar et qui
auraient ignoré l'usage du fer. (Juels furent ces Va-Zimba, dont le nom
rappelle l'origine bantou? Une petite tribu du pays des Sakalaves, au sud
de Majnnga, est connue par cette même appellation, mais est-elle un reste
des autochtones? Ce qui le ferait croire, c'est qu'on les considère comme
ayant une sorte de droit naturel sur le sol, et que dans leurs voyages ils
peuvent s'approvisionner de vivres dans les champs sans payer, comme
s'ils étaient des envoyés du souverain ''. Peut-être faut-il voir en eux des
frères des Ba-Simba ou Cimbéba de la côte occidentale d'Afrique. Les
tombeaux des aborigènes Va-Zimba, entassements ou cercles de ])ierres,
sont épars en diverses régions des plateaux et les Malgaches ne s'en appro-
chent qu'en tremblant; parfois même ils y font des sacrifices pour con-
jurer les esprits qui tourbillonnent autour de ces lieux néfastes.
Dans un pays comme Madagascar, qui se trouve dans une période de
transformation rapide, presque de révolution, l'état social présente les
plus grandes divergences suivant les castes et les tribus qui sont entraînées
dans le mouvement ou qui en restent à l'écart. L'influence des blancs est
prépondérante, et dans nombre de tribus les chefs se vantent de des-
cendre d'Européens, comme leurs prédécesseurs se vantaient d'une ori-
gine arabe'. Les Hova, de même que les Japonais, — autre trait de ressem-
blance, — se sont lancés avec une sorte de furie dans l'imitation de la
' De Flacourt, Histoire de la grande Islc de Madagascar.
2 Sibrec, The Great African Islaiid; — Cousins, Antananarivo Annual, 1875.
' L. Diihle, Antananarivo Annual, 188.>.
* Du Verge, Madagascar et peuplades indépendantes.
XIV. 13
98 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
culture européenne. Coslumés, parures, meubles, demeures, cérémonies,
parades militaires, formules de langage, jusqu'aux religions, ils ont tout
adopté des étrangers, Français ou Anglais, qui les visitent, et de proche en
proche l'œuvre d'européanisation se propage autour de la capitale vers les
extrémités de l'empire. Le mouvement s'était même continué pendant
la période du bannissement de tous les étrangers, et ceux d'entre eux qui
avaient été expulsés de Tananarive et qui s'y établirent de nouveau après
la guerre furent surpris d'y trouver un grand accroissement dans le
nombre des maisons d'architecture européenne. Maintenant les blancs,
marchands ou missionnaires, parcourent l'ile librement, et des centaines
d'entre eux, surtout des traitants de la Réunion et de Maurice, reçoivent
l'hospitalité chez des peuplades encore indépendantes, des côtes ou de
l'intérieur. Sous l'influence européenne les écoles se sont multipliées dans
les villes et les villages : la langue hova, désormais fixée par l'écriture en
caractères latins, est devenue un idiome littéraire et possède des livres et
des journaux, chaque année plus nomlneux; les mots portugais, anglais,
surtout français, d'ailleurs fortement niodiliés, envahissent le langage. Le
christianisme, représenté par cinq dénominations ou «églises», le catholi-
cisme et quatre cultes protestants, est religion d'Etat depuis l'année 1869,
et la reine est le « chef de l'assemblée des croyants ». Madagascar a ses
sociétés savantes. Radaraa II, qui en montant sur le trône, en 1861, com-
mença par déclarer dans un grand conseil ou Imbari que désormais tous
les blancs « faisaient partie de sa famille », eut même l'idée de fonder
une Académie des sciences.
Mais en dehors de Tananarive, dans les districts reculés de l'empire, se
sont maintenues partiellement les mnnirs primitives, les coutumes héritées
de la civilisation malaise ou bantou, les religions et les prati(|ues des
temps anciens. Les Malgaches qui n'ont pas adopté tout ou partie du cos-
tume européen ou les longues robes en cotonnade apportées par les mis-
sionnaires, n'ont d'autre vêtement que le lamba, sorte de jupon qui, chez
les populations de l'intérieur, consiste en bandes d'écorce battues au mar-
teau. Les indigènes de nombreuses tribus se tatouent la ligure ou s'y
taillent des cicatrices comme leurs ancêtres de l'Afrique ou de la Polynésie,
et peignent leur chevelure, l'enduisent d'argile, comme la plupail des tri-
bus du haut Congo; ainsi les Bara en font une grosse boule jaunâtre au
moyen de cire et de graisse. De même que les Indonésiens, les Malgaches
se saluent en se flairant mutuellement. Les demeures des indigènes non
civilisés ne sont autre chose que des huttes en pisé, en roseaux, ou en
pétioles et en feuilles de ravenala; enfin, il est des peuplades dont les guer-
MADAGASCAR ET LKS MALGACHES. 99
riers ne possèdent pas encore d'armes à l'eu el qui se servent de lances, de
flèches, et même de sarbacanes.
La pratique de la circoncision est générale chez toutes les peuplades
non devenues chrétiennes. C'est à l'âge de six ou sept ans que les enfants
sakalaves subissent cette opération, qui les fait désormais considérer
comme des hommes : à cette occasion les assistants les frappent et les
secouent, [lour leur donner un pressentiment de la vie de luttes à laquelle
ils doivent se préparer. En général les enfants malgaches jouissent d'une
grande liberté et, dans la plupart des tribus, jeunes gens et jeunes filles
peuvent former des unions temporaires sans encourir de blâme; ils se
prennent à l'essai avant de décider de la conclusion du mariage. S'il n'a
pas encore pris femme, le Malgache ne peut hériter et reste mineur'. Le
mariage se fait d'ordinaire par voie d'achat el, comme en tant d'auli'es
contrées, est accompagné d'un simulacre d'enlèvement; parfois l'achelcur
n'emmène l'épouse qu'après avoir vaillamment combattu pour elle, en fai-
sant assaut de force et d'adresse avec les jeunes hommes du voisinage.
Chez les Sakalaves, les parents ne peuvent décider le mariage sans le con-
sentement de leurs enfants, mais ils président au banquet nuptial. L'époux
et l'épouse mangent au même plat, puis ils trempent le doigt dans un vase
qui contient le sang d'un bœuf rouge égorgé en leur honneur et en mar-
quent les invités à la poitrine. Les unions sakalaves sont en général très
respectées et les divorces, désignés avec courtoisie sous le nom de « remer-
ciements », sont rares : il est arrivé fréquemment, dit-on, que, lors de la
mort d'un conjoint, le survivant se suicida de désespoir'. Chez les Maha-
fali, au contraire, la femme est toujours considérée comme un être infé-
rieur, tenue à tous les devoirs envers l'homme et ne jouissant d'aucun
droit. Elle n'a pas même la permission de manger avec lui, ni d'assister
à son repas ; malade, elle doit rester éloignée du mari ; quand elle meurt,
on ne porte pas son cadavre dans le lieu sacré réservé à l'époux. La
femme adultère est souvent mise à mort, même par ses parents; enfin,
chez les Sihanaka, les veuves ont à subir de véritables tortures. Yètue de
son plus riche lamba et portant ses plus beaux atours, la malheureuse
attend dans la case mortuaire le retour du convoi funèbre. En reve-
nant de la cérémonie, les parents et les amis se précipitent sur elle,
arrachent ses bijoux, déchirent sa robe, dénouent sa chevelure, lui jeltenl
un pot cassé, une cuiller ébréchée, un lambeau d'étoffe salie et la char-
Coif;ni'l. Bulletin de la Société de Géographie, octobre 1887.
Von der Declion; — du Verge, ouvrage cilé.
100 NOUVELLE GÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
gent de malédictions comme la cause du malheur. Toute parole lui est
interdite; tout le monde peut la frapper et ce deuil dure des mois, par-
fois même une année; il se termine par un divorce en règle, que
prononcent les parents du mort pour la séparer des restes de son an-
cien époux'.
La fraternité du sang, connue sous divers noms suivant les tribus, est
une coutume fréquemment observée chez les Malgaches, et la plupart des
voyageurs européens ont pu s'acquérir ainsi plusieurs « frères » qui leur
ont facilité l'exploration du pays. Les deux amis se font une blessure l'un
à l'autre et mêlent le sang qui s'en écoule, ou bien, comme chez les
Ant'Anossi, se font préparer un breuvage avec le sang d'un bœuf, mêlé à
une eau sacrée dans laquelle on jette divers objets, une balle de plomb
et une manille d'or'. Les ordalies se sont aussi maintenues dans les
provinces insoumises de Madagascar et nulle part ces jugements de Dieu
ne furent naguère plus terribles que chez les Hova : c'est par milliers
que l'on en comptait chaque année les victimes. L'épreuve la j)lus com-
mune est celle de forcer les accusés à plonger la main dans l'eau bouil-
lante; d'autres fois, on place un morceau de fer rouge sur la langue du
prévenu, ou bien on lui fait boire le poison préparé avec les fruits du tan-
ghin {taïujliiuia renenifcra), ou bien encore on l'oblige à traverser à la
nage une rivière infestée de sauriens. Le sorcier frappe l'eau trois fois,
puis s'adresse aux monstres de la rivière : « C'est à vous, crocodiles, de
juger. Cet homme est-il innocent? est-il coupable? »
La loi, c'est-à-dire la coutume, appelée lilin draza chez les Sakalavcs,
est observée avec scrupule dans les provinces non encore soumises au
gouvernement hova, et cette loi est sévère, surtout quand elle ne repose
sur aucun autre fond moral que la j)eur de l'inconnu. Le code sakalave
renferme autant de choses pidi ou défendues qu'il y a de tabou dans les
coutumes polynésiennes. 11 est interdit à tout Sakalave de doi'mir la tête
tournée vers le sud, de balayer la maison du côté du nord, de se coucher
sur l'envers d'une natte, de peler une banane avec les dents, de manger du
coq ou des anguilles, de laisser un miroir dans la main d'un enfant, de
cracher dans le feu et de faire mille autres choses qui paraissent sans
portée à ceux que ne gouverne pas la crainte des sorciers et des mauvais
génies. Chaque tribu, chaque clan, chaque famille a ses fadi spéciaux,
qu'il lui faut observer sous peine d'infortune. Tel lieu est néfaste, et tous
* Sibree, Madayascar and ils people; — du Verge, ouvrage cité.
2 A. Graiuliclicr, Bullelin de la Société de Céoyrapkie, fcvi-ier 1S72.
MADAGASCAR ET LES MALGACUES. 101
l'évitent avec soin ; telle date est signalée comme dangereuse et l'on inter-
rompt alors le travail, on se garde de toute entreprise ; nul n'aurait l'au-
dace de se lancer dans une aventure sans avoir consulté, par l'entro
raise des sorciers, le jeu de hasard dit sikili, que M. Grandidier croit
avoir été apporté d'Arabie par des juifs persécutés. « Le sort est le jour
du mois », dit un proverbe malgache'. Il est de ces jours terribles oîi les
nouveau-nés anl'anossi et ant'anala sont livrés aux crocodiles ou enter-
rés vivants\ Pour augmenter sa colonie, Beniowski se faisait livrer tous
ceux que leur destin présumé condamnait au malheur. Chez les Sakalaves
Vezo, les familles s'entendent pour sauver les enfants, tout en observant
la coutume : on les porte dans la forêt; mais à peine les a-l-on déposés,
qu'un parent vient sauver la victime".
On a fréquemment recours aux sacrifices pour se rendre les esprits lavo-
rables. Tous les phénomènes de la nature, le tonnerre, le vent, la pluie,
sont personnifiés par des génies, fils d'un génie supérieur, Zanahar-bé, que
l'on n'invoque pas directement, tant il est au-dessus des mortels*. Les
montagnes, les rochers, les grands arbres sont aussi des personnages
vénérés, et tel géant, baobab ou tamarinier, dominant au loin res})ace, est
frangé de chiffons, orné de tètes d'animaux, enduit d'argiles colorées, qui
témoignent de l'adoration dos fidèles. Mais les mauvais génies, encore plus
nombreux que les esprits bienveillants, tourbillonnent dans l'air, cher-
chant leurs victimes : ce sont eux qui allument l'incendie, qui détruisent
la récolte, qui font périr le bétail et les hommes. Quand il bâtit sa cabane,
quand il ensemence son champ, le chef de famille, entouré de tous les
siens, invoque un à un les esprits des parents pour qu'ils écartent les enne-
mis invisibles. Contre ceux-ci, le chant est l'arme la plus puissante. Pour
guérir les malades, les femmes et les jeunes filles se rassemblent autour
d'eux et, matin et soir, chantent en dansant et en battant des mains. Mais
si l'incantation ne réussit pas et que le malade succombe, c'est que les
démons ont triomphé. On procède alors à des purifications générales :
d'ordinaire la maison du mort est abandonnée aux mauvais esprits. Les
Ant'Anossi quittent même le pays; chez la plupart des tribus sakalaves
on cherche du moins à dérouter les génies en changeant de nom : on
espère ainsi leur faire perdre trace. Chez les Sihanaka, on cache les ma-
lades dans les forêts, et deux ou trois individus seulement sont dans le
• A. Graiulitlior, du Verge, SlanJiiig, etc.
'' liiirtef, Bulletin de la Société de Géoi/raphic de Roclicfuii. l'J ilcceiuLie lisSo<
' A. Waleii, Aniunanarivo Animal, ISS.".
* F Coigiicl, Bulletin de la Société de Géujjrupliie, uctoLre lUbl.
102 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UiNIVERSELLE.
mystère de leur retraite : s'ils réussissent a les cacher aux démons, les
malades guérissent '. Dans la plupart des tribus malgaches, de même que
chez les Indonésiens, les enterrements se font longtemps après la mort,
lorsque les cadavres sont comj)lèlemenl décomposés.
Les progrès ne sauraient être fort rapides dans un pays où le sol est
encore labouré par des mains esclaves. 11 est vrai qu'en portant tous les
bras disponibles sur les cultures industrielles, au détriment de la produc-
tion des vivres, de grands propriétaires peuvent faire naître l'illusion de
la prospérité agricole; mais c'est précisément alors que la masse du
peuple est le plus malheureuse. Les planteurs, sur la côte orientale, sont
tous défenseurs ardents du maintien de l'esclavage et prétendent ainsi
plaider pour les progrès agricoles de la contrée. Déjà les pi'emiei's colons du
Fort-Dauphin vendaient les hommes enlevés à leurs propres alliés, i)uis,
pendant les deux siècles qui suivirent, Madagascar devint un entrepôt où
les négriers venaient s'approvisionner d'esclaves pour les plantations des
Mascareignes, la côte africaine, l'Arabie et l'Egypte ; d'autre part, les
Bla-Koua ou Mojambika, — noms sous lesquels on comprend les nègres
.amenés d'Afrique, — ont été débarqués par milliers sur la côte des Saka-
lavcs : les colons maui'iciens les désignent par l'appellation de « mar-
mites », du mot indigène inaromita, qui signilie « passeur de gué )i. De-
puis 1877, l'importation des noirs est sévèrement interdite; mais dans l'île
même l'esclavage existe, et l'on évalue aux deux tiers de la poitulalion
totale le nombre des hommes asservis; on peut dire aussi que les tribus
vaincues par les Ilova sont en masse considérées comme des hordes d'es-
claves par les vainqueurs et tenues à de continuelles corvées. D'ailleurs,
l'esclavage n'est-il pas, dans chaque peuplade, le témoignage d'une an-
cienne lutte entre classes ou races ennemies? Le crime de pauvreté se
paye par la servitude : les dettes entraînent pour le débiteur hova la
perte de la liberté au profit du créancier. D'après Mullens, le prix moyen
d'un esclave à Madagascar est d'une cinquantaine de francs. Quelques
grands personnages en possèdent des milliers; les dignitaires de l'Eglise
en achètent comme les autres, et dans leurs prêches les pasteurs se
gardent bien de toucher à celte délicate question, le droit de l'homme
à la liberté*.
Comme pays d'agriculture, Madagascar est néanmoins d'une réelle im-
portance |(our rap])rovisionnement des terres voisines, les Mascai'eignes. Le
' lli'nry W. Lilllc, Maihiiiiiscai:
* Millions, Twcivc Moiitlis in Madaijascdr; — Sliaw, Mti(l(i<jnsriir and Frtnice: — Cust. Lan-
yiMcjps of Aj'rkii: — Afrique e.iploiée cl civilisée, 1883.
AGRICULTURE, INDUSTRIE DE MADAGASCAR. iO?,
riz est la grande culUire des indigènes, et hien que la partie labourée du
sol ne puisse pas même être évaluée à un centième de la superficie totale,
la piddiu-liou annuelle, amplement suffisante pour l'alimentation des insTi-
laii'es, contribue pour une forte part au commerce d'exportation. Dans
quelques provinces éloignées du cenli-e, notamment chez les Ant'Anala, la
culluie se déplace chaque année, on brûle les herbes et les arbustes d'un
terrain choisi, puis, à la saison des pluies, on jette la semence dans le
sol retourné et l'on attend la récolte. L'année suivante on abandonne le
cam|)eraent temporaire [lour aller s'établir sur quelque autre terre de
délVichement. Dans le voisinage de Tananarive, les terres irrigables que
l'on cultive en rizières sont préparées avec beaucoup de soin et ne reçoi-
vent la semence qu'après avoir été engraissées par le séjour des moutons
et des bœufs'. Outre le riz, les Malgaches cultivent la plupart des plantes
comestibles des régions tropicale et subtropicale, le manioc, les patates, les
ignames, les arachides, les embrevatles [njlimis cajanus) et le saonio, ce
même végétal {arum esculentum) qui, sous le nom de taro, est si répandu
dans le monde océanien. Les Européens ont introduit dans la région des
plateaux les céréales, les légumes et les arbres fruitiers de rhémis])hère
septentrional; sur les plateaux de l'imerina on cultive l'arbuste à thé'' et,
sur la côte, des planteurs s'occupent depuis quelques années de la grande
culture du cotonnier, du cafier, de la canne à sucre.
Les régions centrales de Madagascar, déjiourvues de forêts et recouvertes
d'herbages, sont un pays des plus favorables pour l'élève du bétail. Les
bœufs appartiennent aux deux races, celle de l'Afrique du sud, et la belle
variété des zébu ou buffles indiens, introduile de l'Oiient à une époque in-
connue et représentée par des centaines de mille, peut-être par plus d'un
million d'individus. Le bœuf est le compagnon le plus cher du Sakalave :
nulle cérémonie n'a lieu qu'il n'y figure, nulle légende ne se raconte sans
({u'il y ait son rôle. La brebis malgache est la bêle à long poil et à grosse
(|ueu(!. Presque tous les animaux des fermes d'Europe jirospèrent égale-
ment dans les campagnes de Madagascar, à rexceplion du cheval, qui dé-
périt fréquemment; la race <jui réussit le mieux est celle que l'on a
importée de la Barraanie. Le porc, jadis abhorré comme animal impur,
reconquiert peu à peu le pays des Ilova, mais ne pénètre pas chez les Saka-
laves, ([ui sont encore sous l'influence lointaine de l'Islam '\ Toutes les
volailles d'Europe se trouvent désormais dans les basses-cours des Ilova.
' Laoaze, Souvenirs de Madagascar.
- Journal Mudngasear. mars-avril 1888.
' A. Vinson. Voyage à Madagascar; — Keller, Reiscbilder.
104 NOUVELLE GEOGRAPUIE UNIVERSELLE.
et quelques magnaneries naissantes ont reçu des vers à soie de l'espèce
chinoise, que l'on nourrit, comme en Europe, de la feuille du mûrier.
Lés espèces malgaches, dont l'une vit sur l'embrevade, fournissent aussi
des soies résistantes'.
Sous l'influence de leurs instituteurs européens l'industrie des Mal-
gaches s'est déjà bien modifiée : les maisons nouvelles et les vêtements le
prouvent; cependant la plupart des industries indigènes se sont mainte-
nues sous leur forme ])rimitive. Les tisserands malgaches tissent des pièces
de soie éclatantes et solides, des cotonnades et des toiles, qui servent à la
fabrication des lambas; les fibres du palmier raphia sont employées aussi
à faire des vêtements, des chapeaux, des voiles de navires. Les nattes
exportées de Madagascar, tissées en raphia, en papyrus ou autres espèces de
roseaux, sont renommées pour leur solidité, la durée et le brillant de leurs
couleurs. Comme les Arabes et les nègres, les Malgaches sont d'habiles
ouvriers en filigrane et découpent habilement le fer-blanc et la tôle : les gen-
tilshommes peuvent se livrer au métier du fer sans déroger et les objets
sont fabriqués avec d'autant plus dégoût que le travailleur est plus res-
j)ecté. Quant aux grandes manufactures fondées ))ar le Français Laborde,
favori de Radama II, ces divers établissements ont été détruits pendant les
dissensions civiles et les ressources du pays ne sont pas suffisantes pour
qu'ils puissent se relever. Les gisements miniers, que les récits des indi-
gènes disent être fort riches, mais dont les voyageurs n'ont encore reconnu
que des affleurements, n'ont pu jusqu'à maintenant acquérir d'importance
économique, le gouvernement hova en ayant longtemps interdit l'exploita-
tion sous des peines sévères. Les recherches de M. Guillemin ont prouvé
que Madagascar possède un bassin houiller, en face de Nossi-Bé, notam-
ment près d'Ambodimadiro, sur les bords de la baie de Passandava, mais
on n'a point tous les renseignements nécessaires sur les limites de ce bas-
sin, sur sa puissance et les facilités de l'exploitation. Les sables de l'Ikopa
sont aurifères, et quelques mines d'or et de cuivre sont exploitées pour
le compte du gouvernement'; on s'occupe aussi d'aménager des salines,
qui dispenseront les Malgaches de faire venir leur sel de Marseille. Les car-
riers malgaches connaissent l'art de se procurer des dalles de basalte de
dimensions voulues en entretenant un feu constant à la surface de la pierre.
Le gouvernement hova surveille le commerce de la contrée par des
postes de douane établis sur tous les points importants du littoral, même
* Cambouc, Biillelin de lu Société d'AccUmutalion, 1883.
2 Temps, 51 mars 1888.
INDUSTRIE, COMMERCE DE MADAGASCAR. 105
dans les districts habités par des po[mlatioiis indépendantes. 11 prélève un
droit de 8 ou 10 pour 100 sur tous les objets de commerce, à l'importation
et à l'exportation; les livres et les articles de papeterie, nécessaires pour les
écoles, sont exempts des taxes. Une grande partie du trafic, principalement
sur la côte orientale, se fait avec la Réunion et Maurice, qui demandent
des bœufs, du riz, du maïs et des vivres de toute espèce pour nourrir
leurs travailleurs employés dans les plantations; en échange, les Masca-
reignes envoient des objets de fabrication européenne, et surtout du rhum,
le poison des indigènes, qui les civilise « à mort »'. Le commerce direct
avec l'Europe appartient à quelques négociants qui vendent aux indigènes
des tissus, des objets de quincaillerie et de mercerie, des fusils et d'au-
tres armes, contre des peaux, du suif, de la cire, du caoutchouc, du copal,
que leur procurent des traitants postés dans les ports d'escale de la côte et
dans les gros villages de l'intérieur. Les Étals-Unis prennent aussi une
forte paît au tralic extérieur de Madagascar, évalué à une trentaine de mil-
lions^ La pièce française de cinq francs a seule cours dans le pays sous le
nom de dollar : on la découpe en petits morceaux que l'on pèse avec soin.
Chaque marchand porte sa balance.
La difficulté des communications enti'C les hauts plateaux et les ports
du littoral retarde le développement du commerce. Des spéculateurs ont
déjà proposé la construction de chemins de fer le long de la côte et vers les
martliés du centre, mais il n'existe encore que de mauvais sentiers entre
la capitale et les deux ports jjrincipaux, à l'ouest et à l'est de l'île, Majanga
et Tamalave. Ce fut même longtemps un des principes de la politique
hova de maintenir entre la capitale et l'étranger la barrière infranchis-
sable des forêts et marécages : c'est aux généraux Ilazo et Tazo, « Forêt et
Fièvre », que les souverains confiaient le salut de leur royaume. La pression
du commerce et les convenances mêmes des gouvernements finiront par
triompher de la politique traditionnelle de l'État; un télégraphe unit déjà
Tananarive à son port oriental et l'on s'occupe d'élargir quelques sentiers.
Actuellement toutes les marchandises sont expédiées de Tananarive à Ta-
malave et à Majanga par des porteurs belsimisaraka ou autres, que l'on
charge en moyenne d'un fardeau de 45 à 50 kilogrammes. Les frais de
transport s'accroissent en des proportions énormes quand les objets à expé-
dier ont un Doids plus considérable. En moyenne, un « marmite » em|iloie
1 Exportiilion du liiiim de Mimrice à M;idiigascar on 1880 : 17 500 bards, soil 3S500 licclfilitros.
" Mouvement de la navigation dans les poris do Madagasear en 1880, d'après Raoul Poslel :
Entrées et sorties : 1200. navires, jaugeant 200 000 tonneaux.
XIV. H
106 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
une douzaine de jours de la capitale à Tamatave, à 540 kilomètres de dis-
lance l'une de l'autre, et reçoit de 15 à 125 francs pour ce voyage. Les
voyageurs sont portés en fitacons ou filanjanes, litières ouvertes, générale-
ment fort incommodes : ils peuvent d'ailleurs parcourir la route à bœuf
ou à cheval. Tamatave et les stations françaises du pourtour de l'île ne
sont pas encore (1(S88) réunies au réseau télégraphique du monde; mais
deux lignes régulières de hateaux à vapeur, correspondant avec Maurice et la
Réunion, touchent aux ])rinci})aux ports de Madagascar, et depuis la paix
ils amènent une quantité d'immigrants, créoles des Mascareignes, Arabes
et Hindous, qui d'ailleurs ne sauraient entrer en concurrence avec les indi-
gènes pour le Iravail de la terre, trop mal l'émunéré.
La capitale du royaume des Ilova, et bientôt, à n'en pas douter, celle de
l'ile entière, est devenue grande cité, non par l'atliaction du commerce,
mais surtout par la centralisation des pouvoirs, la réunion forcée des em-
ployés, courtisans, soldats et esclaves. Tananarive ou Ant'Ananarivo, c'est-
à-dire « Ici les Mille Villages «, est en effet composée d'un grand nombre
de villages et hameaux léunis : comme les capitales d'Europe, celle de
Madagascar englobe de décade en décade les localités voisines dans ses fau-
bourgs grandissants. En 1S!2(), elle était peuplée de dix à douze mille
habitants; vingt ans apiès, la population avait doublé ' ; quelques voya-
geurs contemporains, même des résidents ayant dressé des slalisti(jues
partielles, parlent de cent mille jiersonnes rassemblées aujoui'd'hui ilans
la cité malgache '. Elle comprend plus de vingt mille constructions, les
maisons étant généralement ti'ès ])etites et chaque famille riche en possé-
dant plusieurs. Le noyau primitif de Tananarive occupe, à Li 00 mètres
d'altitude, le sommet d'une colline qui se ])rolonge du nord au sud, do-
minant d'environ 150 mètres la vallée de l'ikopa, qui serpente à l'occi-
dent; des fontaines abondantes, dites les « eaux vives », alimentent la
ville. Du sommet de la bulle on contemple de tous les côtés une immense
étendue de jardins, de rizières e( de villages, épars sur les jilateaux
ondulés.
La crèle même de la colline poite le palais loyal et s'avance dn côté de
l'ouest en un jiromontoire, qui est la i< roche tarpéienne » de Tananaiive :
c'est de là qu'étaient précipités ceux qu'avait frappés la colère du souverain.
• William Ellis, Hislorij of Madciyascar.
2 A. Gramlidler, {iiivra^e cité; — Sibicc, Aiilaiiaiiarii'o Aniiual, XI, 1887.
Il
lllllll
TANAÎNARIVE.
loa
Sur le versant occidental les pentes sont trop rapides pour qu'on ail pu y
construire beaucoup de. maisons; les demeures se sont groupées principa-
lement sur les déclivités orienlales de la colline, toutes bâties sur de pe-
X" 19. TANANAUIVF. et ?;£•; ENVIRONS
Est d
:<Lri"i\'^^
AMBOHIMANGA
i?s'^:'^^sm:i-;^
4#
'SmM.
de Gre-r^^^ ch
lites terrasses nivelées, disposées en forme de degrés. Les maisons, pour
lesquelles la pierre et la brique remplacent à jieu près le bois, et que ter-
minent des paratonnerres, sont tournées dans la direction de l'ouest, soil
à cause de la direction des venls froids, qui souflleiil du sud-est, soit plu-
tôt en vertu de traditions mythiques; mais elles ne s'alignent point en
110 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
rues régulières'. Quelques avenues découpent la ville en quartiers iné-
gaux : la principale, pavée en dalles de granit, est la « voie sacrée »
de la famille royale. Elle longe d'abord la crête de la colline vers le
nord, puis s'élargit pour former la place d'Andohalo, où les rois, se
dressant sur une pierre sainte, viennent prendre la couronne et la poser
sur leur tète. Au delà, ce boulevard descend dans la ville nouvelle qui
s'est construite au nord de l'ancienne Tananarive et, se continuant dans
la campagne entre les rizières, se prolonge à une vingtaine de kilo-
mètres jusqu'à la ville d'Ambohimanga, l'une des « douze cités sacrées »
et la plus sainte de toutes, bâtie sur une roche isolée de gneiss qu'ombra-
gent de grands bois et au pied de laquelle sourdent des eaux thermales fré-
quentées. Les Européens reçoivent rarement l'aulorisalion de pénétrer
dans cette ville, patrie des ancêtres de la dynastie et lieu de villégiature des
princ(>s : chaque aimée, la cour y établit sa résidence jiour une courte
période, pendant laquelle toutes les affaires de l'Etat doivent être inter-
rompues; le temps est consacré aux fêles, aux sacrifices, aux invoca-
tions. En dehors de ce Versailles de la royauté, Tananarive possède plu-
sieurs autres lieux de promenade, villages pittoresques, lacs, maisons
de campagne entourées de jardins. Aux portes mêmes de la ville, dans la
vallée de l'ikopa, les eaux sont retenues en un petit lac baignant un îlot
de plaisance; la rivière est bordée de levées qui empêchent les inondations
et dont on attribue la construction à l'un des premiers rois de la dynastie.
Une route carrossable de o'-l kilomètres conduit de Tananarive à Man-
tassa, le groupe d'établissements industriels que Laborde avait fondés
au sud-est de la capitale. On y fabriquait de tout : étoffes, métaux, bri-
ques, porcelaine, sucre, savon, armes, balles, poudre, canons et jusqu'à
des conducteurs élec(i'i(pu^s. Un vasie jardin d'acclimalalion enlouiail
les usines.
Une autre ville des plateaux malgaches porte le nom de « capitale ».
C'est Fianarantsoa, chef-lieu des Betsileo, située à près de 500 kilomètres en
ligne droite au sud de Tananarive, à 1300 mètres d'altitude, sur une
haute colline du versant occidental de l'île, et dans la région où naissent
les premiers affluents du fleuve Mangoka : par le rang, sinon par le
nombre des habitants, elle est la « deuxième ville du royaume »'. Les
missionnaires anglais l'ont choisie pour centre de propagande dans les pro-
vinces méridionales de Madagascar. Le peu de trafic qui se fait de cette
' A. Grandidier; W. Ellis, ouvrages cités.
* William Dcaiis Cowan, Procesdiiigs oflltc R. Gcoyiapliical Sociiiij, Sv\<\vniWi- 188'2
TANANARIVE, ANDOVORANTO, TAMATAVE. Ui
ville vers la mer se porte en entier vers la côte orientale, trois fois plus
rapprochée que la côte de l'occident, mais d'un accès difficile à cause de
l'àpreté des montagnes et de la violence des rivières. La station principale
occupée par les Hova dans le pays ant'anala porte le nom d'Ambohimnnga
comme la ville sainte des conquérants. Le pays environnant, terre de pro-
mission pour la culture, n'est que partiellement conquis; le roi des Bara,
qui réside sur la montagne il'lvohibé, s'est même refusé juscju'à mainte-
nant à recevoir les envoyés hova'.
Les havres méridionaux de la côte de l'est, tournée vers les solitudes de
l'océan des Indes, sont peu fréquentés : les denrées à charger ne sont
pas en assez grande quantité pour que les marins risquent leurs embarca-
tions sur les dangereux récifs de ces parages. Fort-Dauphin, qui est rede-
venu le bourg malgache de Faradifaï, n'e-st plus qu'un poste stratégique
des Ilova, à l'angle sud-oriental de l'île. En remontant la côte vers le nord,
on voit se succéder, à de longs intervalles, d'autres fortins occupés par les
Ilova : Ambahi ou Farafanga, dans le pays des Ant'Aïmoro ; Ambohipeno,
sur le territoire des mêmes tribus, à l'embouchure de la rivière Matitanana;
Masindrano ou Tsiatosiki, sur une autre rivière descendue du pays des
Betsileo; Mahanoro, ville des Betsimisaraka, sur un promontoire qui do-
mine un estuaire voisin de la bouche de l'Onibé, la plus forte rivière de
la côte orientale; Vatoumandri, qui, lors du blocus de Tamatave, était de-
venu le port de débai'quement pour les marchandises destinées à Tanana-
rive. Andovoranto, ou la « Baie Commerçante », ancienne capitale du
royaume betsimisaraka, bâtie sur une llèche de sable, au milieu d'un laby-
rinthe de lagunes, est plus importante que les autres bourgades riveraines,
parce qu'elle est, sur le littoral, le point le plus rapproché de Tananarive :
les voyageurs qui se rendent à la capitale suivent la côte de Tamatave à
Andovoranto et partent d'un estuaire voisin pour monter à l'escalade des
plateaux. Un bassin d'ancrage serait donc admirablement })lacé en cet
endroit, mais la plage est dangereuse et ses abords sont inaccessibles
aux grands navires : cependant quelques commerçants créoles se sont
établis à Andovoranto, bravant l'aii' empesté des marécages. Sur la
côte voisine se succèdent des plantations de cannes à sucre et de cacaoyers;
mais on a cessé d'y cultiver le calîer, tué par Vhemilcia vostatrix. Une
source thermale fréquentée, où les Hova venaient autrefois offrir des
sacrifices sanglants, jaillit auprès de la route qui mène d'Andovoranto à
Tananarive.
• Mullens, Twetve Monllis in Mndayascar.
112
NOUVELLE GÉOGRAI'IIIE UNIVERSELLE.
Tamatave ou Toamasina, de 100 kilomètres plus éloignée de la capi-
tale que le bourg d'Andovoranlo, est le port le plus animé de la grande
s" SO. TAMATAVE.
Lst de b'"eenwicK
D'apre3 I Amirauté anôUise
Pro^On£/eur-s
1 4:> noo
n 1 l.il.
île malgache. Vingt mille habitants s'y pressaient avant la guerre.
En cet endroit la côte s'avance en pointe dans la direction de l'est
et se termine par un récif de corail qui limite deux baies au nord et au
sud. En outre, celle du nord est protégée de la houle du large par un lem-
TAMATAVE, SAINTE-MARIE. H."
pari de poly|)iers qui se prolonge à plusieurs kilomètres jusqu'à un ilôt
boisé a])pelé « île aux Prunes ». Les plus grands navires peuvent mouiller
dans la rade de Tamatave et les embarcations n'ont pas de brisants n
rrancbir pour atteindre les embarcadères. La petite ville se compose d'en-
trepôts, de maisonnettes et de cabanes habitées par lesBetsimisaraka, des
noirs d'autres races et des créoles : des orangers, des citronniers, des
manguiers, des cocotiers ombragent les demeures; vers l'ouest un rideau
d'arbres cache la « batterie » et le village des Hova. Jadis Tamatave élail
un de ces nombreux « cimetières des Européens » qui se trouvent dans
les régions tropicales ; mais l'accroissement de la ville a fait dessécher quel-
ques marais, plantés maintenant d'eucalyptus, et le climat local est devenu
moins insalubre. C'est de Tamatave surtout que l'on expédie les bœufs, les
volailles et le riz destinés aux Mascareignes, les cuirs et le caoutchouc
à destination de l'Europe'.
Au nord de Tamatave, le premier havre, d'ailleurs très peu fréquenté,
est celui de Foulepointe, appelé Mahavelo, c'est-à-dire « Beaucoup de
Santé », et très salubre en effet pour les Betsimisaraka, tandis qu'il est
presque toujours mortel pour les Européens. Plus loin, Fénérife ou Fenoa-
rivo est visité* surtout par les navires qui viennent charger du riz : c'est
le débouché naturel du riche pays des Sihanaka et de la vallée du Manin-
gori. Vers le nord-est se profile une île française, la longue et étroite tei-re
de Sainte-Marie, la Nossi-Boraha des indigènes, peuplée de 7500 habi-
tants en 1885. Les anciens auteurs français lui avaient aussi donné le nom
de Nossi-Ibrahim, « île d'Abraham », et parlaient d'une colonie juive éta-
blie sur cette terre; pourtant les superbes Betsimisaraka de Sainte-Marie
n'ont rien de sémite, ni dans la démarche, ni dans les traits. Avec son
annexe méridionale, l'île des Nattes, cette terre où déjà les Français s'é-
taient établis du temps de Flacourt, a plus de 50 kilomètres du sud-est au
noi'd-ouesl; mais sa largeur moyenne est si faible, que la superiicie totale
de l'île est seulement de 155 kilomètres carrés, dont un cinquième
peut être soumis à la culture : le clou de girofle et la vanille sont les
principales productions de Sainte-Marie; plus de cinquante mille pal-
miers bordent les plages. Le port, bien abrité et protégé par l'île Madame,
s'ouvre sur la côte occidentale de File, en face de la grande terre, et sei't
d'entrepôt pour un petit 'trafic d'échange avec les po])ulations du littoral
opposé; presque tous les habitants de l'île sont marins. Quant aux postes
occupés naguère parles Français sur cette côte de Madagascar, la Poiiilr
* Mouvcnifiit de Tamatave eu ISSO :-43ûl l'JO Iraiies, iloul .1 14.') 500 francs à l'ini|initiliiin.
m NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
à Larrée cl Tintingue ou Teng-teng, ils ont clé abandonnés. Un fort mal-
gache, près de Maroantsetra, sur la plage insalubre de la baie d'Anton-
Gil, remplace la « ville » française de Louisbourg, fondée par Beniovski.
C'est là que se fait le principal trafic de caoutchouc que l'on retire d'une
vahea, différente de la liane à caoutchouc de la côte orientale d'Afrique.
Avant la destruction des cétacés de ces parages, la baie d'Anton-Gil était
un lieu de rendez-vous pour les baleiniers de toutes les nations.
Les ports sont nombreux sur la côte nord-orientale de Madagascar. An-
goutsi ou Ngoutsi, ainsi nommé d'un îlot voisin, est un havre très sûr:
c'est de la campagne environnante que vient le meilleur riz de la grande
terre. Vohemar, également protégé par un îlot, est aussi un poi'l excellent,
et le village riverain fiiit un commerce assez actif, surtout pour l'appro-
visionnement des Mascareignes : avant que ce poste fût occu})é [lar les
Ilova, on en expédiait chaque année jusqu'à dix mille bœufs, plus forts
que ceux de Tamalave. Plus loin, vers le nord, le port Louquez ou Lokia,
oij les Anglais s'installèrent provisoirement après les guerres de l'Empire,
offre une vaste étendue d'ancrage. Enfin, vers l'extrémité septentrionale de
Madagascar, s'ouvre le golfe intérieur de Diego-Suarez ou Antomboka,
une de ces vastes baies que l'on compare à celles de San-Prancisco et de
Rio de Janeiro, « les plus belles du monde entier ».
Par le traité de 1885 la baie de Diego-Suarez a été cédée à la France, qui
en a fait un port de refuge et de ravitaillement pour sa flotte. L'entrée
(lu bassin, large de plus de 3 kilomètres, est partagée en deux par l'ilol
« de la Lune » ou Nossi-Yolané : la passe suivie par les navires n'a pas
moins de 50 à 5t) mètres de ])rofondeur et donne entrée dans un vaste bas-
sin qui se ramifie en plusieurs braïu-hes : celle du sud-ouest a 25 kilo-
mètres en longueur. Dans la plupart des baies secondaires, les eaux, tou-
jours tranquilles, sont très profondes et les plus grands vaisseaux peuvent
mouillera quelques mètres du rivage : c'est sur la côte méridionale, au
village d'Antsirana, et en face, sur le cap Diego, que se sont fondés les
établissements français, complétés par des groupes de paillotes qu'habitent
en majorité des fugitifs sakalaves et ant'ankara. Antsirana, déjà pourvue
d'un petit chemin de fer, s'étend graduellement sur une (errasse élevée,
au-dessus des ('Mlrep(~ils cl des chantiers, (l'est le chef-lieu de la province
française de Madagascar, qui C(im])ren(l aussi les deux îles de Sainle-Marie
et de Aossi-Bé. La baie de Diego-Suarez, entourée de monts stériles, située
à la pointe de Madagascar, loin des pays de production considérable, et
dépourvue de routes convergentes, ne pouvait avoir autrefois d'impor-
tance pour le trafic; mais elle offre une admirable position stratégique, à
VOUÉMAR, DIEGO-SUAREZ. 115
roxlrcinitc inèmo ilc la grande terre, surveillant à la luis les deux eûtes
de Madagascar, les Comores et les Mascareignes. Protégée par les fortilica-
lions de la passe, une flotte pourrait mouiller dans quelque crique de
l'intérieur, invisible du large et hors de la portée des canons ; en outre.
DIEGO-SrAREZ.
Est de Par
une route de 6 kilomètres réunit Diego-Suarez à une découpure de la côte
occidentale, la baie du Courrier, et l'on parle même de franchir l'isllirae
j)ar une voie ferrée. La nouvelle colonie commande donc les deux rivages,
et son double port, qui dispense les bateaux voiliers de doubler le cap
d'Ambre et ses dangereux courants, donne à Diego-Siuirez une valeur com-
merciale qui lui manquait'. En 1888, on s'occupait de fonder un sana-
' Mouvement des échanges ;i Die(;o-Suarez en ISS7 : 1 1260000 francs.
lin NOUVELLE GÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
loire sur un des sommets de la montagne d'Ambre, à 115(3 mètres au-
dessus du niveau de la mer. Le périmètre du territoire appartenant à
la France autour de la baie de Diego-Suarez n'a pas encore été otlicielle-
menl déterminé.
Sur la côte nord-occidentale, découpée de goUès et de baies, le port le
j)lus fi'équenlé se trouve dans une île appartenant à la France, comme
Sainte-Marie. C'est la terre volcanique de Nossi-Bé ou « Ile-Grande »,
occupée par une garnison française depuis 1841. Plus vaste que Sainte-
Marie (29 300 hectares), plus fertile aussi, mais presque complètement
déboisée, Nossi-Bé a été annexée à l'empire colonial français à cause de
sa magnifique rade, parfiiitement abritée, (jui s'étend au sud de l'ile, pro-
tégée à l'est j)ar le cône régulier de Aossi-Komba, au sud-est par la pénin-
sule malgache d'Ankili, à l'ouest j)ar un groupe de récifs : des centaines de
navires pourraient y évoluer à l'aise. Le chef-lieu, appelé llellville, d'après
l'amiral de Ilell, qui lit l'acquisition de la colonie, est une gracieuse bour-
gade, située malheureusement dans le voisinage de marais; un autre bourg
plus ancien, Antonorou, à l'est, mais au bord de la même rade, est ha-
bitée surtout par desAnt'Alotch ou Anl'Alaolra, c'est-à-dire par des « Gens
d'Outre-Mer )^ , Malgaches croisés de Comoriens et d'Arabes. Les blancs
sont pour la plupai't venus des Mascareignes et s'adonnent au commerce
ou à la surveillance des plantations. Les ouvriers qu'ils emploienl pour
leurs cultures, canne à sucre, giroflier, vanille, sont encore en grand
nombre des « engagés )>, recrutés naguère degré ou de force sur le con-
liiienl voisin : on leur donne le nom général de Ma-Koua. Les autres ha-
bitants sont des Malgaches, surtout des Sakalaves et des Betsimisaraka.
La population de Nossi-Bé et des îlots voisins a varié de GOOO à 1(3 000
individus, suivant les alternatives des guerres et des révolutions sur la
grande terre voisine et l'élat du commerce local'; en 18SÔ, le nombre des
habitanis ayant « payé leur tète )i, c'est-à-dire acquitté la taxe de capila-
tion, était de 0500 environ, sur lesquels 140 individus de race blanche.
L'industrie })ropremenl dite de Nossi-Bé ne com[)rend guère que la fabri-
cation du sucre et du rhum. Le commerce, libre de douanes, est rela-
tivement considérable pour une île de si faible étendue'. Nossi-Bé, qui
dépend administralivement de Diego-Suarez, constitue une commune avec
les quelques îlots voisins, Sakatia, Nossi-Komba, Nossi-Fali et la bizarre
Nossi-Mitsiou, ouverte en forme de conlpas. Un sanatoire pour les conva-
1 I'. liiclKinl lli'lilcniir, GnxjniiMi: mrilicfilr ilr .'Sosi-llc.
2 Mouvomeiit loiuiiieicial de llellvilli' en 188.') : 7 8U0 000 francs.
Mouvement (le la naviuatiun : 52000 tonnes.
DIEGO-SUAREZ, NOSSI-BÉ. H7
IcsceiUs lie la colonie s'élevail autrefois au soainiel de la nioulagne de
Nossi-Komba : les gouverneurs en ont l'ail leur maison de campagne.
Au nord-ouesl de llellvillc, les anciennes bouches volcanicjues des
ce Terres ElTondrées » sont emplis de lacs, que peuplent des crocodiles
l'edoutés.
Au sud de la rade de Nossi-Bé, une baie profonde, celle de Passandava,
N" 22. NOSSl-I!]':.
Esr de P...
/^/'O^o/ie/et^r^
1 : SSono;j
naguère occupée [lar des croiseurs français, s'avance au loin entre les mon-
tagnes de Madagascar : le marché fort actif d'Ambodimadiro en occupe
rexlrémilé méridionale et non loin de là des mineurs commencent à ex-
ploiter les gisemenls houillers de Bavoulabé. D'autres baies lui succèdent
au sud. joules profundcs et bien abritées; mais la plus IVé(|M('iilée de
toutes est la grande baie de Pximbelok (Anijiombilokana), gardée à l'en-
trée, sur la pointe de l'est, |mr la ville de Mojanga ou Mad5.anga. C'est la
118 NOUVELLE GÉOGRAl'UlE UNIVERSELLE.
Tamatavc de la cote occidontale et son commerce n'est <;nèrc inlérienr.
Elle se décompose également endenx villes, celle dn trafic, doni les
maisons à loils ])lats bordent la mer, et la ville hova, qui entoure les
fortifications modernes, bâties sur une colline au-tlessus de la rade : né-
gociants hindous, soldats hova, paysans sakalaves, immigrants cafrcs,
arabes ou comoriens, se croisent dans les rues propres et régulières de
Mojanga. Cette ville est plus éloignée fjue Tamatave de la capitale de Mada-
gascar, mais elle a l'avantage de se trouver sur le même versant, dans le
même bassin, et si les bateaux à vapeur ne remontent guère la rivière
Ikopa au delà de son confluent avec le Belsiboka, des canots peuvent
voguer à plusieurs journées en amont. .Vvant l'année 18'25, quand Mo-
janga était encore chef-lieu d'un royaume sakalave indéjjendant, elle était
beaucoup plus populeuse. Au moins dix mille habitants s'y pressaient, et
dans le nombre beaucoup de marchands arabes. Au delà des faubourgs
actuels se voient des amas de décombres, reste de l'ancienne ville. En
amont, sur les bords du fleuve, Marovoaï ou ^ Ville des Crocodiles », que
les barques d'un tirant de 1"',50 atteignent avec la marée, est une grosse
bourgade, qui fnt aussi la capitale d'un royaume des Sakalaves. Le vil-
lage de Mavatanana sur l'ikopa, au-dessus de son confluent avec le
Betsiboka, possède des alluvions aurifères, que le gouvernement a enfin
permis d'exploiter.
Au delà de Mojanga se succèdeni pliisit'urs autres baies, (jue les marins
visiieiil rarement. Le cap Saint-Aiidi'é, aux supci'bes falaises, marque la
division naturelle entre les deux moitiés du littoral de l'est. Le pays de
Menabé, aux berges bordées de récifs et d'îlots stériles, reste peu connu ;
mais il possède un port rré(|U('nlé. celui de Matseroka, (jui promet de deve-
nir un jour le marché de la grantie vallée du Mangoka et du riche pays
des Betsileo. Un autre village riverain, où les Hova avaient bàli une forte-
resse, Morandava, a été emporté par les vagues. Plus au sud, Kilondio est
à la bouche même du Mangoka; enfin, la côte sud-occidentale, (juoique
moins riche de havres que celle du iiord-ouesl, a pourtant des escales
fréquentées. C'est dans cette région, non encore entièrement soumise aux
Hova, que se sont cantonnées longtemps la plupart des compagnies de
négriers qui se livraient au commerce des esclaves ou des « engagés ».
La faim obligeait souvent les Mahafnli à vendre leurs enfants', et les
pratiques de la liaile oui eu pour conséquence de fréquents conflits
entre indigènes et marchands. La place la plus commert^anle est Tu!-
' Aiitiiiiiuiani'O Atiiiiuil, ISS-4.
MOJANCA, TILLEAR.
H9
lear, Tolia ou Ankatsaoka, située à une vingtaine de kilomètres au nord
de la bouche du fleuve Sainl-Auguslin, au bord d'une rade fort Ijclle,
très étendue et bien abritée. Le pays environnant, d'une salulirilé remar-
quable, est aussi d'une grande fertilité et fait tralic de cire, de bois colo-
rants, de céréales et de bétail ; c'est de là que provient presque toute
COTE SORD-OCCIDEXTALE DE MADAGASCAR.
Est de R
p/^O^Or?i/ciJr)s.
1 : 1500 000
l'orseille employée en France. Tous les jours des Bara, des Anl'Anossi,
des Mahafali et gens d'autres tribus descendent au marché de Tullear'.
Le bourir de Nossi-Yé. dans un îlot oui borde au sud l'estuaire du
' Population prob;il)le des principales villes île Matlagasear :
Tananarivo (Sibree. Grandidier) . lOOOOOhab. | Amboliinianga (MuUens) . . . . 5 000 bal
Miijanna 8 000 n I Maiovoaï o .... 5 000 )»
Tamatave 7 000 :. 1 Tullear (du Verge) 5 000 »
Fiananratsoa (Mnllens) 5 ûOO » I Antsirana (Nicolas), janvier 188î<. 4 007 «
Andovorauto 3 000 hab.
120 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Saiiil-Auguslin, est visité par los traitants clos Mascareignes, et un rési-
dent français s'y est récemment établi.
Le gouvernement des Hova est en fait un despotisme absolu, tempéré
par les révolutions de palais et masqué par quelques fictions constitution-
nelles. Le souverain est le maître : à lui la vie, la fortune, la propi'iélé de
tout son peuple. Avant que le christianisme fût professé d'une manière
générale chez les Hova, on donnait au roi le nom de « dieu visible » ;
maintenant le pouvoir lui appartient « par la grâce de Dieu et la volontiî du
peuple )i. Il était le grand prêtre de la nation, offrait des sacrifices an-
nuels pour assurer le bonheur de ses sujets et recevait d'eux en hommage
les prémices du sol. A son avènement, les personnages de la cour fai-
saient le « serment du veau », c'est-à-dire qu'après avoir sacrifié un de
ces animaux et brisé ses membres, ils juraient par les épées enfoncées
dans le corps de la bête que le même sort devait les frapper s'il leur ar-
rivait jamais d'être jiarjures envers leur souverain'. Son nom, son image,
les objets qu'il touche sont également vénérés; une langue sjM'ciale, em-
plie de termes consacrés, est employée pour le maître, comme dans les
autres idiomes malais ; lui seul a droit au parasol rouge. Les troupes en
campagne se tournent dans la direcliou de son palais, comme le niaho-
mélan vers la kibla, pour lui présenter les armes. La terreur le précède et
le suit; quand il a parlé, quand un serviteur monirc la « sagaie d'ar-
gent )', tous obéissent en silence. On raconte que l'individu désigné pour
la mort était naguère invité à un bancpiet : il mangeait et buvait avec ses
convives, puis, (piand on lui préseiitaii la coupe falale, il la vidait en accla-
mant 11! maître. Des nobles condamnés recevaient une lige de fer avec
l'ordre de s'empaler volontairement' ; d'autres avaient à s'enlizer dans un
marais; d'autres enfin étaient brûlés vifs; mais, sauf pour des }uolétaires
ou des esclaves, on se gardait de répandre du sang : c'est à ce ména-
gement que se témoignait la mansuétude royale.
Tout-puissant en principe, le roi ou la reine, ])leiii de « la sagesse des
douze rois », c'est-à-dire de tous ses aïeux, choisit lui-même son succes-
seur; mais il n'échappe pas aux intrigues de la cour, et le pouvoir appar-
tient aujourd'hui à un premier ministre, sorte de maire du palais, mari
de la reine. D'autres ministres sont nommés par lui, mais il leur faut se
' Sihrpo, The Gveiil African Islaiid.
2 Lacazc, Souvenirs de Madayttscar.
GOUVERNEMENT DE MADAGASCAR. l'21
conformer à ses ordres. Do même les dignilaires que le souverain réunit
en kabori ou grand conseil, ayant non les prérogatives, mais l'apiiarence
d'un parlement, se bornent à écouter le discours du trône et à mani-
fester leur approbation. Dans les grandes occasions, quand toutes les tri-
bus s'assemblent, précédées de leurs chefs, conformément à l'ancien droit
féodal, le ministre parle à la foule, en lui demandant, à la fin de son dis-
cours, si elle est bien d'accord avec lui, et elle ne manque jamais de ré-
pondre : « Oui, c'est bien cela! » Les clans des nobles ou andriana, plus
rapprochés du palais, et par cela même plus faciles à surveiller, sont en
réalité les moins libres de tous : il leur est interdit de s'éloigner de la capi-
tale sans mission spéciale. Mais les anciennes divisions en nobles, bour-
geois et esclaves, disparaissent devant le groupement social des « hon-
neurs «, à la fois militaire et civil, qui rappelle la hiérarchie russe du
tchin. Le « pi'emier honneur » est celui du simple soldat ou de l'agent;
de cet honneur on peut monter de grade en grade jusqu'au «seizième »,
la plus haute voliinahilra ou « fleur des champs ».
D'après des lois récentes, le commerce du rhum est défendu dans l'Ime-
rina et 4o00 « amis des villes » ont été désignés pour faire observer les
prescriptions royales, pour tenir les registres de l'état civil et veiller au
transfert régulier des propriétés. Un code pénal beaucoup moins rigoureux
que l'ancienne coutume a été proclamé, et désormais la peine de mort est
rarement appliquée. L'armée, dite des « cent mille hommes », quoiqu'elle
n'en comprenne que trente mille, se recrute par une sorte de conscription,
et après cinq années de service les soldats sont congédiés; quelques jeunes
Ilova font leurs études militaires en France. A l'exception des instituteurs,
tous les employés du gouvernement, même les juges de district, sont
privés de traitements directs : ils ont à vivre, soit des revenus que leur
procure un fief dû à la munificence du gouvernement, soit des présents que
leur apportent administrés ou justiciables : on peut dire qu'en fait les
verdicts sont toujours à l'encan. En se présentant devant le souverain on
doit toujours offrir le lianina, c'est-à-dire le tribut de vassalité, générale-
ment une pièce d'argent ou d'or. Tout Malgache lui doit aussi son travail
personnel et peut être requis pour la corvée ou fanompoana. Les mis-
sionnaires anglais ont même fait ajouter récemment à la corvée de la
reine la « corvée de Dieu », pour la construction des temples. Les produits
de la dîme et de la capitation, ainsi que les droits de douane, appartiennent
au souverain et alimentent son trésor particulier, sans qu'il ait à en rendre
compte. Actuellement c'est par l'intermédiaire de la Société française du
Comptoii' d'escompte que sont perçues les taxes dans les six principaux
XIV. 10
12'2 NOUVELLE GÉOCR AI'IIIE UNIVERSELLE.
|)i(ils (le commerce, ciir Madagascar est entré dans la voie des emprunts :
l'Etat a contracté une première dette de 15 millions pour payer les in-
demnités réclamées par la France. Quant aux frais du protectorat, repré-
senté par le résident de Tananarive, les vice-résidents de Tamatave, de
Mojanga, de Fianaranisoa, de Nossi-Vé et les contrôleurs des douanes, ils
incombent au gouvernement français.
La religion officielle est le christianisme, sans privilège pour l'une
des églises ou des sectes; mais celle qui compte le plus d'adhérents esl
l'église épiscopale anglaise, dite bcsopy dans le pays, et représentée par les
« missionnaires de Londres » ; en 1887, ils n'avaient pas moins de 1200
églises et de 4150 prédicateurs, presque tous Hova, parlant à 500000 au-
diteurs. Les catholiques sont au nombre d'environ 100000. En même
temps que le costume européen était imposé aux courtisans et aux habi-
tants des villes, il leur était onloiiné de se faire chrétiens, d'observer le
» re|)()s du sabbat » et d'assister aux prêches, sous peine de châtiments ou
d'aflVonls, comme d'avoir à '< |)orter des pierres ou à ramper à quatre
pattes »'. Les indigènes soumis sont tenus de participer aux prières en
l'honneur du souverain ou traités en rebelles; mais chez les peuplades
indépendantes les conversions sont fort rares. Plusieurs chefs sakalaves se
disent mahométans, mais il n'en est guère de chrétiens. Quant à la fête
|)aïeiine du lùtvdivana ou du Bain, que la cour va célébrer dans la ville
sainte d'Ambohimanga, elle se transforme graduellement et n'est plus
guère que la semaine des festins. L'éducation des enfants est devenue obli-
gatoire, comme la fréquentation du prêche pour les parents, et dès que
le choix d'une école, catholique ou protestante, a été fait, les élèves ne
peuvent plus la quitter". Le français et l'anglais sont enseignés dans les
écoles et des ouvrages de science sont traduits en malgache. On publie des
des journaux et des revues par milliers d'exemplaires; mais il n'existe pas
encore de service postal régulier, si ce n'est, pour le service de la résidence
française, entre Tananarive et Tamatave. Des courriers sj)éciaux portent à
marches forcées les ordres du souverain dans toutes les parties de l'Ile.
Quelques provinces de Madagascar sont nettement délimitées et par-
tagées en districts : ce sont les provinces du centre, complètement soumises
au régime des Ilova, l'imerina, le Betsileo, rAiit'Ankaï, l'Ant'Sihanaka.
• James Siliree, Anlanannrivo Anmial, 1889; — \\o\x\àev,NoHh-Eaislfrn Mudayusair.
2 Écoles oiivortos à Madagascar en 1886. 1167 fréquentées par I'jO 906 élèves.
I) des missionnaires do Londres. . 818 ii 10.') .^70 »
)) I) norvégiejis. . 117 i> 27 909 »
» )i calholifiues. . 191 n 11 900 (20 000 en 1887).
MADAGASCAR, COMORES. 125
Mais ilaiLs les régions imparfailcmenl conquises, ou loul à l'ail iiulépori-
danles, les districts s'accroissent ou diminuent suivant la force des garni-
sons établies dans les postes militaires. Acluellomenl le nombre des pro-
vinces est fixé à vinyl-deux.
III
A mi-dislance entre Madagascar et le conliiu'nl d'AI'riqne, l'arcbipel des
Comores est également séparé de l'un et de l'autre \n\r des abîmes océa-
niques d'une jjrol'ondeiir d'un millier de mètres. 11 se compose de qualre
îles et de quelques îlots groupés en satellites aux alentours; du sud-est au
noi'd-ouesl, l'ensemble des Coraores forme une chaîne d'envii'on 245 kilo-
mèlres de longueur, que la nature volcanique de ses roches montre avoir
surgi du fond de la mer. Les Comores n'appartiennent ni à Madagascar ni
à l'Alrique, bien que leurs relations naturelles soient plus grandes avec
l'île qu'avec le continent'; elles constituent un groupe distinct, ayant
une certaine originalité par sa flore et ])ar sa faune. La population présente
aussi des traits distincts : tandis que le fond en est africain et malgache
par l'origine, ce sont des Asiatiques, des colons arabes, qui ont modifié les
habitants primitifs, en leur donnant leur civilisation, leur langue et leurs
mœurs. Quant à la puissance politique, elle a été prise par la France, en
I8il, pour Mayotte, la Comore orientale, et tout récemment, en 1886,
pour les autres îles. Quoique d'une faible étendue, l'archipel comorien est
cependant d'une grande importance stratégique par sa position au milieu
du canal de Moçambique et sur le flanc occidental de Madagascar. On
ne saurait imliquer avec précision le nombre de ses habitants : plusieurs
documents parlementaires publiés lors de la proclamation du protectorat
hasardent le chiffre de 80 000 individus pour la Grande-Comore, dont
M. Jouan évalue la population à 5000 personnes seulement".
La poussée qui a fail surgir les îles paraît avoir été beaucoup jilus forte
' Alfiv.l R. W'Macc, Tlic Ishiul Life.
^ Superlicio cl iiii|iulali()ii piésunii'e ou recensée des Comores en 1887 :
Grande-Coniorc. . . 1 102 kiloni. cari'és. 20 000 habilanls; lis Ijalj. jiai kil. cane.
Moheli -i:,\ n (! 000 n 20 » »
Anjoiian "tH » 12 000 » 52 n »
Mavolte cl ilols. . . 5."iti » 0 000 » 25 » i)
Ensemble. . . . 2007 kiloni. carres. 47 000 habitants; 25 liab. par kil. carré.
126 NOUVELLE GÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
dans la partie septentrionale de l'archipel que dans la partie méridionale.
Tandis que Mayolte, l'île du sud-est, n'a pas de mornes qui dépassent
600 mètres en hauteur, les sommets d'Anjouan, qui occupe le milieu
de l'archipel avec Moheli, atteignent 1200 mèlres, et dans l'île du nord-
ouest, la Grande-Comore, le volcan aclil' Karlal ou Karadalla, appelé aussi
Djoungou dja Dsaha, la « Marmite au Feu » ', se dresse à 2598 mètres d'al-
tilude. Cette montagne imposante, avec ses escarpements noirâtres domi-
nant les flots bleus et sa guirlande étroite de cocotiers, présente un des
tableaux grandioses de l'océan Indien. Parfois une colonne de i'umée
s'élève du cratère, abîme de 150 mètres de profondeur et de 2 kilomètres
de tour; en 1858, des laves s'épanchèrent en abondance des flancs occi-
dentaux du Karlal, entourant comme un îlot un village perché sur une an-
cienne coulée de lave. Plusieurs autres monts, cônes parfaits ou irréguliers,
sont aussi d'un très grand aspect et se terminent en promontoires de
prismes basalticjues. Mais les Comores ont aussi des formations non volca-
niques, granits et roches sédimentaires. En maints endroits, les plages,
dont le sable est formé de laves délitées, sojit d'un noir brillant, mêlé de
fer, et contrastent jiar leur couleur avec les récifs de coraux, d'une blan-
cheur éclatante. Ces massifs coralligènes diffèrent de forme sur le poui-
tour des îles :à la Grande-Comore, à Moheli, sur les côtes d'Anjouan, ils
tiennent aux rivages, et ne s'étendent pas au loin, tandis cpi'autour de
Mayotte ils se sont disposés en une ceinture ovale; quelques brèches seu-
lement laissent pénétrer la houle à l'intérieur du cercle des récifs et
donnent en même temps accès aux navires. Des couches de sables et de
coquillages modernes, complètement semblables à celles que maçonne
actuellement le flot, se voient à une certaine hauteur au-dessus du
niveau marin : il y a donc eu soulèvement du sol dans ces parages'.
Les saisons sont mieux réglées aux Comores qu'à Madagascar, les îles
n'étant pas assez grandes jiour modifier notablement le régime des courants
atmosphériques. La saison des sécheresses se maintient sans changement,
de mai en octobre, et grâce à l'abaissement relatif de la température,
oscillant de 20 à 29 degrés centigrades, n'est pas très insalubre pour les
Européens. Les vents soufflent alors du sud-est: ce sont les ali7,és de l'hémi-
sphère méiidional; mais, suivant le mouvement du soleil, ils tournent
journellement et soufflent vers les îles en brises du sud et du sud-ouest.
En octobre commence l'hivernage, qui est en même temps la saison des
• Kei'slcn; von dci- Declifti, Reiseii in Od-Afrika.
- A. Gcvrey, Essai sur les Comores.
COMORES.
127
chaleurs, de 25 à oo degrés centigrades. Alors les vents du nord-ouest,
qui sont les alizés de l'hémisphère septentrional, entraînés à la suite
du soleil dans l'hémisphère du sud, dominent dans l'archipel, apportant
les pluies en ahondance : il tomhe dans cette saison jusqu'à 5 mètres
d'eau, et même davantage sur les pentes des montagnes. Parfois les vents
opposés se heurtent, et tantôt se neutralisent en calmes, tantôt tournoient
en cyclones; cependant ces ouragans des Comores ne sont jamais aussi
Esl^de Par.s
Lst de D^eenwlc^^
anglaise
Pro/'ortc/et^^s
cycSOC^^/ÛOO"
-, 0(10 000
terribles que ceux des Mascareignes. Malgré l'énorme quanlilé d'eau
que déversent les moussons de l'hivernage sur la Grande-Comorc, cette
île n'a pas un seul ruisseau permanent; toute l'eau de pluie disparaît
dans les cendres et les scories volcaniques. Les autres îles, Anjouan,
Moheli, Mayotte ont de petits cours d'eau serpentant dans les vallées.
Le sol des Comores, composé en partie de laves réduites en poussière,
est d'une extrême fertilité : les grands arbres y prospèrent. Avant que les
îles fussent peuplées, leur surface n'était qu'une immense forêt, tandis que
maintenant un sixième seulement de la superficie de l'archipel est re-
128 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
xC'iu de bois. Quelques espèces paraissent être d'origine spontanée; mais
la plu])art des plantes ont été introduites, soit directement j)ar l'iiomme.
comme les légumes d'Europe, soit par les courants maritimes. De nom-
breux végétaux sont venus de Madagascar par cette voie. Pendant la mous-
son méridionale, un contre-courant local et superficiel fait parfois refluer
les eaux, qui se portent ordinairement vers le sud, et c'est ainsi que des
semences appartenant à la flore malgache ont été apportées aux Comores'.
Oiiiinl à la faune de cet archipel, sa physionomie générale indique bien
Madagascar comme lieu d'origine : la plupart des espèces sont identiques
dans les Comores et dans la grande terre, ou du moins appartiennent aux
mêmes genres. Les îles n'ont qu'un lémurien; elles possèdent en outre
une chauve-souris [pteropus cuniorcHKis), (|ue l'on rencontre vers l'orient
jusqu'en Australie, mais qui manque en Afrique. On y trouve aussi une
espèce de perroquet noir, qui se rattache à une forme de la Malaisie'.
Les Comores ou Komr, — dont le nom, également appli(]ué à Mada-
gascar, est rattaché par SlanilandWake h celui des Khmer de l'Indo-l^liinc,
— étaient connues des navigateurs arabes au moins dès le dixième siècle,
et les Persans de Chiraz qui trafiquaient avec la côte d'Afrique, à
Magdochou et Kiloa, débarquèrent aussi à firande-Comore et dans les îles
voisines. Dans les premiers temps de l'expansion portugaise, la firande-
Comore fut visitée par des marins de Lisijonne; mais les colons j)ro-
premeut dils, des fugitifs pour la plupart, vinrent de Madagascar et de la
côte africaine, même de l'Arabie, |)ar escales, et formèrent dans l'archipel
une race croisée offrant toutes les transitions du Sémite presque pur au
Malgache et au Bantou ; le trafic a également attiré quelques Banyan de
Bombay. Le fond de la population insulaire se compose d'Ant'Alotch, qui
représentent le mélange des éléments divers. Africains, Arabes et Malga-
ches ; d'après von der Decken, les gens de Mayotte seraient venus au trci-
zii'Uic siècle du pays de Mouchambara, — sans doute rOu-Sanibara.
— Presque tous de grande taille, ils ont le teint jaunâtre, les lèvres
épaisses, mais non bouffies, le front haut, mais étroit : les cheveux seraient
crépus, mais ils sont d'ordinaire rasés à la musulmane; les femmes ont
les dénis noircies par l'usage du bélel ; plusieurs se tatouent et portent
une ilcui'cllc ou un bouton de métal à la narine, suivant la mode hindoue.
A Mayolte, où l'élément malgache a eu plus de force, les Comoriens sont
plus noirs; dans les autres îles, leur type est plus sémitique d'aspect.
• Uildt'hiandl, Zcilschiift fur Erilkiinde, iiMil, 187(>.
- Ilumbkil, Milue-Edwards, Académie des Sciences, scanci' do juilltl 1885.
il
POPULATION DES COMORES. 131
Dans la Grandc-Comore, ils sont d'une (aille et d'une musculature excep-
tionnelles : les voyageurs parlent avec admiration de ces hommes qui,
majestueux et pacifiques, cheminent gravement sur les rochers en s'ap-
puyant sur de longues cannes ; les animaux aussi sont plus forts que ceux
des autres îles'. Les gens de la Grande-Comore ou Ya-Ngasiya sont rare-
ment malades. L'éléphantiasis est inconnue chez eus; les plaies, si fré-
quentes chez les Africains du continent et des îles, ne se voient guère dans
leur pays. On explique celte constitution robuste des habitants de Grande-
Comore par leur excellente hygiène aussi bien que par la salubrité du
sol, fréquemment arrosé et toujours sec. Fort actifs, très sobres, d'une
grande propreté, et se récréant fréquemment par la musique, ils ne se
marient point dans l'extrême jeunesse comme les Arabes : la moyenne
des épousailles est de vingt-sept ans pour les hommes, de vingt ans pour
les femmes'. Le costume ordinaire est celui des Malgaches; mais dans
quelques familles s'est conservé l'usage d'un masque carré, qui s'ouvre à
la hauteur des yeux.
Les Ant'Alotch et la classe dominante des Mahorri, c'est-à-dire les
et Maures », appartenant également à la race croisée, sont tous mahomé-
tans et tâchent de se rapprocher des Arabes, leurs initiateurs et leurs
maîtres. Des cadis arabes rendent la justice d'après le Coran : la chair du
sanglier est réputée impure et, sauf à Mayotte, les porcs sauvages que les
navigateurs d'autrefois avaient introduits ont été exterminés. Les sultans
font rédiger leurs actes solennels en arabe, mais la langue usuelle, qui
s'écrit aussi en caractères arabes, est une variété du souahéli de Zanzibar ;
quelques mots malgaches apportés pai- les colons sakalaves et betsimisa-
raka de la grande île se mêlent à cet idiome. Quant aux esclaves « cafres»,
appartenant à toutes les peuplades de la côte orientale d'Afrique, ils ont
dû adopter la langue de leurs maîtres, mais non sans y ajouter un grand
nombre do mots, environ le dixième du vocabulaire, d'après Casalis. Près
de la moitié des Comoriens sont des noirs asservis, quoique les sultans
se soient engagés à libérer leurs esclaves. Naguère la principale indus-
trie des marins de l'archipel était la traite des nègres; leurs boutres sont
employés maintenant au transport des vivres et des marchandises entre
Madagascar et les terres voisines. Les Comoriens, surtout ceux d'Anjouan,
émigrenl beaucoup; on en rencontre sur tous les points du littoral africain.
L'île française de Mayotte (Maouté), quoi([ue trois fois moins étendue que
• Gevrey, ouvrafre cilé.
- Otto Kersten, Von dcr Dcckcii's Ràseii in Ost-Afiikii.
152
NOUVELLE GÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
la (rrande-Comore, est de beaucoup l'île la plus imporlanle par son com-
merce. La grande rade, protégée à l'iîst par l'îlot Pamanzi et la chaîne des
récifs, au sud par un autre îlot, à l'ouest par Mayolle, est très profonde et
23. MAÏOTTE.
Est de Pans
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0 après la carte de la Mari ne française
Pro ^onc/eu/^s
c/e Su '"et au-c/e/â
: 400 000
assez vaste pour des escadres. Une deuxième rade s'ouvre plus au nord, en
dedans du récif nord-orienlal, et d'autres ports échancrent le littoral. Le
trafic est libre à Mayolte : néanmoins il ne s'élève guère qu'à deux millions
et demi de francs par année; File n'est pas devenue un entrepôt pour Ma-
dagascar et le continent, et la population des insulaires est trop minime
MAYOTTE, ANJOUAN. 155
pour alimenter un grand mouvement d'échanges. Les cocotiers sont une
des principales richesses de Mayotle; on cultive aussi le cafier, le coton-
nier, surtout la vanille; naguère les planteurs européens, venus pour la
plupart de Maurice et de la Réunion, s'occupaient surtout de la culture de
la canne à sucre, qui leur donnait environ 5000 tonneaux de sucre par
an, et de la fabrication du rhum, que l'on exportait à Madagascar. L'île
n'a ni tarif de douane, ni octroi de mer; le budget local est alimenté par
l'impôt.
Le chef-lieu de la colonie ne fut pas d'abord établi dans la grande île,
mais sur la pointe de récif ou « plateau » de Zaoudzi, attenant à la pointe
occidentale de Pamanzi, îlot échancré de baies qui furent des cratères; un
petit lac, que l'on voit près de l'extrémité septentrionale de Pamanzi, fut
aussi une bouche de volcan ; il est maintenant empli d'eau salée, qui, com-
muniquant probablement avec la mer, s'abaisse et s'élève comme elle,
li'étroit rocher de Zaoudzi, où une chaloupe doit apporter de l'eau deux
fois par jour, n'a guère pour habitants que des fonctionnaires et des sol-
dats : aussi a-t-on dû construire une autre capitale sur la pointe de Choa
ou Mamoutzou, que la grande île projette en face de Zaoudzi ; l'insa-
lubrité des plages marécageuses des alentours a fait longtemps arrêter
les travaux, et les édifices tombaient en ruines avant d'être terminés.
Le bourg le plus populeux de l'île, celui où se tiennent les marchés, est
situé à 1 kilomètres à l'ouest de la pointe de Mamoutzou, sur un ruisseau
qui descend de la montagne de M'Sapéré (580 mètres) : M'Sapéré est
aussi le nom du village. La population de Mayotte a presque quadruplé
depuis l'annexion à la France : en 1845, elle était de 5500 habitants. Elle
s'accrut rapidement, pour diminuer en 1848, lors de l'abolition de l'escla-
vage; mais la culture de la canne à sucre introduisit des milliers d'enga-
gés, autres esclaves, pour prendre la place des anciens tra*'ailleurs des
Comores. Plus de deux cents blancs se sont établis à Mayotte.
Anjouan (Johanna, Nsouani) ou « île de la Main » a longtemps été un
point de relâche entre le cap de Bonne-Espérance et les Indes : aussi le
trafic y a toujours été relativement considérable. Les croisières anglaises
pour la répression de la traite y possédaient un dépôt de vivres et de char-
bon. C'est la plus fertile des Comores. Les planteurs y ont introduit la cul-
ture de la canne à sucre, qui a parfaitement réussi et qui donne au sul-
tan de l'île une part considérable de ses revenus. Ce personnage, Arabe
qui se dit d'origine persane, réside au nord-ouest de l'île, dans une cité
d'apparence médiévale, avec murailles irrégulières, tours carrées, étroites
poternes, citadelle croulante ; on lui donne le nom de Msamoudou, et plus
■134 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
souvent celui de l'île, Anjouan ou Johanna : près de quatre mille habi-
tants se pressent dans les maisons de pierre qu'enferme l'enceinte; de-
puis l'établissement du protectorat, une école française y a été fondée. L'île
d'Anjouan eut son rôle funèbre dans l'bistoire politique de la France :
c'est là que furent jetés, en 1801, trente-deux déportés républicains, pré-
tendus complices d'une tentative d'assassinat contre le premier consul. Ils
devaient « aider à la colonisation des Seychelles j), et en même temps
« changer de principes et revenir de leurs erreurs » ; mais tous mou-
rurent en peu de temps, enlevés par le climat, les épidémies, la misère,
les accidents ou le poison.
Moheli ou Moali, la plus j)etite et la moins peuplée des Comores, est
pourtant celle qui fournil le plus de travailleurs aux plantations de Mayotte;
elle-même, fertile et parfaitement arrosée, mais par des eaux trop riches
en magnésie, possède des palmeraies, des caféteries, des champs de cannes,
des plantations de vanille et de girofliers, entourant d'une zone verdoyante
la ville de Fomboni, beaucoup plus propre et mieux entretenue que les
autres villes arabes des Comores. Les principaux domaines de l'île appar-
tiennent à des propriétaires anglais et même la résidence du sultan est
enclavée dans une de leurs j)lanfalions'.
Ngaziya ou la (irande-Gomore, quoique la plus grande et la plus popu-
leu.se de l'archipel, est celle dont les cultures ont le moins d'imjior-
lance et qui prend le moins de part au mouvement commercial; d'ailleurs
elle est rarement visitée, à cause du manque d'aiguades et de ports. Toute-
fois elle expédie du bétail à Mayotte et à Madagascar ; quoique les ruis-
seaux disparaissent dans le sol poreux de cendres et de scories, l'eau sou-
terraine entretient une belle végétation^ La résidence du sultan est la ville
de Mouroni ou de « Brûlé », au bord d'une cricjuc de la côte sud-occidentale.
On pourrait considérer aussi comme appartenant géographi(juement au
groupe des Comores les récif» qui se succèdent au nord-est de Mayotte,
parallèlement à la côte de Madagascar, et qui se terminent par la traînée
des petites îles inhabitées dites les « Glorieuses ». A 200 kilomètres
plus au nord se trouve une autre poussinière d'îlots et de récifs, les
îles Gosmoledo, reposant sur un ]iaiac('l de récifs et ceintes d'un anneau
coralligène. Quoique revendi(|uées par la Giande-Bretagne comme une
' Vincent, Société de Géographie de Paris, t. j juin 1888.
- M. II. Jouan, les Satellites de Madayascar.
COMORES, ALDABRA, AMIRANTES. 155
dôpeiiclanœ de Maurice, elles n'oiil point de colons; mais des pécheurs y
habitent temporairement pendant la saison favorable. Une île plus grande,
située à peu près sous la même latitude (jue les Cosmoledo, mais à 120 ki-
lomètres à l'ouest, est l'île annulaire d'Aldabra, véritable atoll allongé
qui se divise en plusieurs fragments, îles et récifs ; des tortues géantes
rampent sur le sable et des myriades d'oiseaux de mer tournoient au-
dessus des brisants. Une colonie de pêcheurs norvégiens, venus de Ber-
gen et comprenant une douzaine de familles, s'est établie dans Aldabra
en 1879, sans maîtres et sans lois.
Ensemble toutes les terres qui émergent au-dessus des Ilots à l'est des
Comores et au nord-ouest de Madagascar ont une superlicie évaluée à
100 kilomètres carrés.
IV
AMIRANTES ET SEYCHELLES.
Au nord de Madagascar, l'axe montueux de la grande île se continue en
mer, jusqu'à plus de '200 kilomètres de dislance, par un plateau de moins
de 1800 mètres de profondeur, portant quelques îlots, puis, au delà d'un
profond détroit, par les deux archipels des Amirautés et des Seychelles.
L'ensemble du socle sur lequel reposent Madagascar au sud, les Seychelles
au nord, se prolonge sur un espace d'environ 2800 kilomètres. Considérées
comme une dépendance de Maurice, toutes les îles qui continuent vers le
nord l'axe de Madagascar appartiennent à l'Angleterre.
Le groupe le plus rapproché de la grande île, celui de Farquhar, n'est
pas complètement inhabité : (juelques pécheurs, venus pour la plupart des
Mascareignes, se sont établis dans l'île occidentale, dite Joào de Nova. Plus
au nord vient l'îlot de Providence, auquel succèdent des récifs, puis les
nombreuses îles des Amirautés, entourées de leurs anneaux de polypiers.
Ces îles, aussi nommées « Ilhas do Amirauté », en l'honneur de celui qui
aux yeux des Portugais fut l'amiral par excellence, Vasco de Gama, ont
été découvertes par lui en 1502, mais les résidents des six îles habitées,
au nombre de cent cinquante environ, sont venus de Maurice et des Sey-
chelles et parlent le patois créole de ces îles. Des forêts de cocotiers, qui
sont la principale richesse de l'archipel, et quelques savanes couvrent ces
tei'res coralligènes, élevées de quelques mètres à peine au-dessus des flots;
les zébus et les moutons errent dans les pâturages des îles, et servent, avec
lûC NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
les lorlues, à l'approvisionnement des navires de passage. Des phtisiques
de Maurice sont allés demander la guérison à l'air pur des Amirautés.
Les Seychelles, — ou mieux Séchelles, — qui doivent leur nom à Moreau
de Séchelles et presque toutes les appellations spéciales des îles à des per-
sonnages français du dix-huitième siècle', constituent un groupe de vingt-
neuf îles, sans compter les petits récifs insulaires. Les principales sont
disposées en forme de cercle, comme si elles reposaient sur un atoll im-
mergé d'environ 150 kilomètres de tour^ Les roches émergées des Sey-
chelles ne sont pas unicjuement, comme celles de l'archipel Farquhar, do
File Providence et des Amirautés, composées de masses coralligènes. Les
monts cristallins se sont fait jour au-dessus des (lots. A Mahé un som-
met s'élève à 988 mètres, celui de Praslin atteint 014 mètres, à Silhouette
on voit une cime de 754 mètres, et ces hauteurs a[)partiennenl à une for-
mation granitique absolument semblable à celle de Madagascar : c'est au-
tour de ces roches primitives que les madrépores et autres animalcules
bâtisseurs ont édilîé leurs murailles blanches. L'île la plus considérable,
Mahé, présente une surface de 117 kilomètres carrés, près de la moitié
de la superficie de l'archipel". Praslin, la seconde île, occupe un espace de
40 kilomètres carrés; des autres îles, de très faibles dimensions, deux seu-
lement sont habitées; Curieuse, faible îlot dépendant de Praslin, est une
léproserie : on croyait jadis que l'inguérissable maladie pouvait être guérie
par des bains de sang de tortue, et nulle part on n'eût trouvé ce remède
mieux qu'aux Seychelles. D'ailleurs, quoique situées dans le voisinage
immédiat de l'équateur, de 400 à 000 kilomètres au sud, ces îles sont
relativement salubres, même pour les Européens; la régularité des vents
alternants du large empêche la stagnation des eaux et des airs, cl la tem-
pérature toujours égale, de 20°, 5 à 29 degrés, fait de ce climat un des
plus agréables du monde. On répétait jadis que les spirales des cyclones
ne passaient jamais sur les Seychelles : c'est une erreur, mais il est vrai
de dire que les troubles de l'atmosphèi'e sont rares en ces parages.
La flore spontanée des Seychelles, d'environ 540 espèces, comprend une
soixantaine de végétaux endémiques, entre autres trois pandanus; mais la
plante (pii ])our les botanistes fait la renommée de l'archipel, est le fameux
' Elle l'ajot, Il(t liourhon.
- Lewis Pelly, Journal of (lie R. Gcoyraphical Socictij, 1805.
' Superficie cl populiiliun des Ainirantes et des Seychelles en 1880 :
Amii'antes. . . 8." liiloiii. can'és. d.")0 haliilanls. i liai), par Klloiii. carié.
Seyclielles . . . 'ili 4 « ] 5 i.")») » hH » n
Ensemble , Ô47 kiluin. cariés. 1 JOUU liabilanls. 4J liab. par kiluiii. carré.
SEYCUKLLES.
157
]ialinior à éventail dit ludoicca seijclicllarum, dont les fruits ne mûrissent
d'ailleurs qu'en deux îles. Praslin et la Curieuse. On sait que le fruit de
SEÏCIIELLES.
Est de R
d'après la carte de la Ma
^ro^C^t^C'^r^
I : lOOOOiO
c/t;/ûûâ/c^\'/'-''^tatj Je/â.
ce {lalmier se compose de deux noix juxtaposées dans une même enve-
loppe, qui peuvent rester pendant des mois entiers dans la mer sans
pourrir ; les courants des moussons les poussent sur les côtes de l'Inde,
18
i38 iNOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
parfois même sur celles de Java et d'autres îles de l'Insiilinde, où on les
recueillait comme un trésor, croyant que ces noix venaient du fond de
l'Océan : de là le nom de « cocos de mer » sous lequel ils étaient connus
par les marins. La valeur de ce fruit comme panacée et comme porte-
bonheur était réputée inestimable : tel roi qui possédait ce talisman le
donnait en rançon d'une ville. C'est en 1769 seulement que Barré dé-
couvrit le palmier lodoicea et en recueillit les noix '. De nos jours,
le coco de mer ou des Maldives n'a qu'une valeur de curiosité. Les
jeunes feuilles du palmier, n'ayant pas encore perdu leur couleur d'un
jaune clair, sont utilisées pour faire des boîtes, des éventails, des bibelots
divers, très fins et d'un éclat persistant. Le bois du lodoicea est d'une
dureté extraordinaire et les objets qu'on en fabrique sont, pour ainsi
dire, indestructibles. Les botanistes craignent que cet arbre ne disparaisse
bientôt.
Les Seychelles, dont la faune est très pauvre, n'ont pas une seule espèce
lie mammifères qui n'ait été importée par l'homme. Les reptiles et les
amphibies de l'archipel, qui sont relativement nombreux, etpariui lesquels
on trouvait naguère le crocodile", appartiennent à des genres qui sont
également représentés, soit à Madagascar, soit aux Mascareignes; il en est
de même des oiseaux iniligènes, appartenant à quinze espèces, dont treize
ne se trouvent point en dehors de l'archipeP. La pauvreté de la faune locale
en insectes est extraordinaire : une des espèces aborigènes, dite la mouche-
feuille ou « feuille ambulante », phyllinm sicclfulium, ressemble si bien à
une feuille verte, qu'il faut au naturaliste des semaines de recherches
])0ur la reconnaître au milieu de la verdure. Cette feuille animée devient
très rare, depuis que les Anglais de l'Inde la ])ayent fort cher pour la
placer dans leurs jardins. Plantes et animaux d'origine étrangère ont
été presqu(! tous introduits de Maurice et de la Réunion, les deux îles
d'où viennent aussi les colons purs ou métissés de race européenne.
(Quoique les Seychelles appartiennent à la Grande-Bretagne, l'idiome des
insulaires est le patois créole de Maurice, mélangé de quelques mots an-
glais. Les noirs africains sont fort nombreux aux Seychelles. Les croisières
anglaises chargées de réprimer la traite des nègix-s ayant trouvé dans ces
îles un excellent point de ravilaillcnicnl, les navires venaient souvent y
débar(piei' les esclaves captui'és : une fiii'le ])roportion de ces expatriés est
' Alexis Hoclion, Voijagcs à Mudaijascar, à Maroc cl aux Indes Orientales.
- D'L'iiienvilIe. Stalistitiiie tic Vile Maurice; — Kcrstcn, Von der Dechcn's Rcise ; — liarliiiui.n,
Madayashar und die insein Seiirhcllen.
= Alficd R. ■\Vallace, The Islniid Life.
SEYCUELLES. 139
restée aux Seychelles, s'unissanl à la race où se mêlent des éléments euro-
péens, hindous, chinois et malais. Les naissances sont en grand excédent
sur les morts'.
La production du tabac, du cacao, du café, du sucre, du riz et autres
denrées nécessaires à la consommation des insulaires est amplement suffi-
sante; mais les îles n'exportent guère que des noix de coco, sous forme de
koprah ou fragments concassés, et depuis quelques années de la vanille;
on expédie aussi des Seychelles de l'écaillé de tortue, des clous de girofle.
Les chèvres prospèrent, mais on n'a guère d'autres animaux domesti(jues.
Ouelques industriels possèdent des viviers où ils élèvent des tortues pour
les vendre aux marins de passage. Le commerce de l'archipel, qui s'élevait
naguère à une vingtaine de millions, a notablement décru dans les der-
nières années, par suite d'une maladie des cocotiers'. Il se concenti-e dans
l'espace profond entouré de récifs qui est devenu le port de l'île principale
et que l'on désignait jadis du nom de Mahé, comme la terre dont il borde le
rivage, et d'après le gouverneur de l'Ile de France qui prit possession des
Seychelles en 1743 : les Anglais ont remplacé cette appellation historique
parle nom obligatoire de Port-Victoria, que portent un ou plusieurs en-
droits de chaque colonie britannique. Mahé est un lieu d'escale pour les
paquebots qui font le service de Suez à Maurice et de ravitaillement pour
les baleiniers.
Au point de vue administratif et juri(li(|ue, les Seychelles ressortissent
à Maurice, éloignée pourtant de 1700 kilomètres dans la direction du sud.
S'il y eut jadis jonction ou du moins rapprochement des terres entre les
plateaux sous-marins qui portent les Seychelles et les Mascareignes, il est
probable que les îles émergées décrivaient une grande courbe au sud-est
des Seychelles, car on constate dans ces parages l'existence de hauts-fonds
très étendus, les bancs Saya de Malha, Nazareth et autres encore. Vers
l'extrémité méridionale des roches immergées de Nazareth, surgissent
même quelques îlots, les Cargados ou Garayos, appelés aussi Saint-Brandan,
comme cette île mystérieuse que les marins du moyen âge croyaient exister
dans l'Atlantique. Les Cargados ont ensemble une superficie de 53 kilo-
mètres carrés et sont couvertes de cocotiers appartenant à des habitants de
Maurice : une dizaine d'hommes en recueillent les noix et s'occupent de la
fabrication du koprah, de la pêche, de la salaison du poisson.
' I^lat civil lies Seyclielles en 188'i et t88") :
Natalité : 51 et 32 sur 1000 liabitants. Mortalité : 21,6 et 20,5 sur 1000 liabilanis.
- Mouvement de Port-Victoria en 1884 : 130 000 tonneaux.
140
NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Dans le vaste hémicycle des eaux profondes limité extérieurement
par Madagascar, les Amirautés, les Seychelles, le banc de ÎN'azareth et les
Mascareignes, se dressent aussi quelques pointes d'ilôts, sommets de pyra-
mides dont la base est à 4000 mètres au-dessous des flots. Au sud des
Seychelles la première terre émergée, l'île Plate, n'est qu'un bouquet d'ar-
N° 37. SOCLES SOrS-MARlXS DE MADAGASCAR ET DES MASCAREICNES.
Est de Par'.s
^Af/.f^.vrss
■S/rxc.vnirs
P,-ofor,deLjr-s
tfe/OOO^SOOO".
I ; ivionoono
et JOOOTetâu-dc/j
bres. Coelivy, Galega ou las Galegas, à 700 kilomètres des Seychelles, sont
dévastes forêts de cocotiers, des « îles d'huile » (oil-inlatKk), comme les
Cargados, et comme elles entourées par le cercle des blancs récifs et des
flots bleus : une petite république de plus de deux cents créoles mauri-
ciens exploite la palmeraie de la grande Galega (28 kilomètres carrés) pour
la préparation de l'huile de coco. On a essayé vainement d'y introduire les
bœufs et les cerfs; les chevaux y vivent difficilement et la mortalité y est
CARGADOS. GALEGA. TROMELIN, MASCAREIGNES. 141
très grande sur les enfants '. Une autre île, Tromelin, située à peu près
à mi-distance entre Sainte-Marie de Madagascar et les Cargados, n'est
qu'un banc de sable blanc dépassant de 4 à 5 mètres le niveau de la mer :
de là le nom d'Ile au Sable (jue lui donnent les créoles. En 1761, un na-
vire cbargé de noirs se heurta sur cette plage et les malheureux naufragés
restèrent abandonnés sur cette dune d'environ 60 hectares, sans abri
contre le soleil et le vent, n'ayant d'autre nourriture que les coquillages
des bords, obligés parfois de se cramponner contre la tempête à l'étroit
piédestal qui les portait. Pourtant ils ne moururent pas tous : quinze
ans après l'événement, une tardive expédition de sauvetage, dirigée par
M. de Tromelin, trouva encore sept négresses qui avaient pu résister à la
terrible épreuve".
MASCAREIGNES.
TUE D EX SEMBLE.
Bien que ce nom, donné en 1513 par le Portugais Pedro de Masca-
renhas", — n'ait été appliqué d'abord qu'à la seule île de la Réunion, il o
fini par être employé d'une manière collective pour désigner les trois terres.
Réunion, Maurice et Rodrigues, qui, tout en ayant une origine distincte,
offrent les plus grandes ressemblances pour le mode de formation, le cli-
mat, les productions et l'histoire. Longtemps elles furent unies politi-
quement comme colonies de la France : ce sont encore des îles sœurs par
la population qui les habite, mais elles dépendent de deux gouvernements
distincts. Tandis que, après la conquête, la Grande-Bretagne restituait
la Réunion à la France, elle garda Maurice, la plus importante des trois
îles, et Rodrigues, sa dépendance coloniale. Ensemble, les Mascareignes
ont une superficie totale de 4005 kilomètres carrés'" et une population
* Laplace, Campuyne de « l'Arléinise ».
- Alesis Rochon, ouvrage cité; — Grant, Histonj o{ Mauriims.
^ Ferdinand Denis; — Élie Pajot, lie Bourbon.
* Superficie et population des Mascareignes :
Maurice et îlots (1887) . 1914 kil. carrés. 560 .560 habitants. 188 hab. par kil. carré.
Réunion (1887). . . . 1979 » .i 163 880 » 83 « »
Rodrigues (1886). . . 110 n d 1780 d 10 .i >>
Ensemble. . 4003 kil. carrés. 556 O'iO habitants. 1.39 hab. par kil. carré
142 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
(1888) d'environ 550 000 individus : bien que les districts montagneux des
îles soient en grande partie inhabitables, la densité kilométrique des habi-
tants est d'environ 140 personnes, proportion que l'on retrouve seulement
dans les régions les plus fertiles et les plus industrielles de l'Europe.
Les deux îles principales sont presque d'égale grandeur et de contours
égaux : ce sont deux ovales irréguliers d'origine volcanique, des sommets
de cônes d'éruption se dressant hors des mers pi'ofondes. La terre sud-
occidentale, la Réunion, est la plus grande, la plus élevée, elle est aussi la
seule qui ait encore un cratère en activité; mais elle est de beaucoup
dépassée en importance économique par Maurice, l'île nord-orientale, car
celle-ci possède un port naturel où les navires peuvent se réfugier pendant
les tempêtes redoutables de ces parages et ce port est devenu le centre
d'un commerce très étendu, le point de départ principal des entreprises
industrielles tentées à Madagascar et dans les autres îles de l'Océan des
Indes. En dépit du partage politique, Maurice et la Réunion se complètent
mutuellement : la première avec ses bons ports et ses terres basses, la
seconde avec son étagement de climats et de végétation, forment un insé-
parable tout.
Semblables par l'origine, les deux îles sœurs le sont aussi par les condi-
tions du climat : également soumises au cours régulier des alizés du sud-
est, également frangées de brises terrestres, et fort abondamment arrosées
au côté du vent, tandis que les pluies sont rares de l'autre côté'. Souvent
un même cyclone, tournoyant de l'une à l'autre terre, les a soumises au
même désastre : de 1751 à 1885, la Réunion a été frappée soixante-deux
fois par ces tempêtes tournantes. Les ouragans, qui se forment d'ordinaire
dans le voisinage de l'équateur, entre le 5° et le 10" degré de latitude méri-
dionale, traversent obliquement la mer des Indes en se dirigeant vers le
sud-ouest. C'est dans les parages des Mascareignes, ou plus à l'ouest vers
Madagascar, (|ue les météores tournoyants dévient vers le sud, pour se
porter ensuite dans la direction du sud-est, en sens inverse des vents
alizés. Dans ce long trajet parabolique, le tournoiement de l'air se fait
autour d'un centre relativement calme qui se déplace incessamment, et la
spirale se meut toujours en tournant de l'ouest l\ l'est par le nord et de
l'est à l'ouest par le sud : telle est la marche régulière des ouragans,
ti'lle (pie Joseph Hubert l'avait découverte en 1788, bien avant que les
• (Juantilés de pluiu tombées dans les Mascareignes :
Mauricp. Réunion. Iloiiripucs.
Cluny (centie de l'île) . 3'°,710 Saint-Benoit (au vent). 4-, 124 Port-Malhuiin . . . . 0»,120
l'ort-Louis (s. lèvent). 0°,124 Sainl-I'aul (s. le vent) . 0°,700
Saint-Denis (entre deux) 1",246
TEMPETES DES MASCAREIGKES. \iâ
inétéorologislos modernes, Dove, Redfield, Piddington, Bi'idel, eussent
exposé leurs théories'. Des cyclones se sont produits en toutes les sai-
sons de l'année; cependant ces phénomènes sont très rares pendant l'hi-
ver des Mascareignes : c'est entre les mois de décembre et d'avril que les
ruptures de l'équilibre aérien sont le plus à craindre, et le mois de février
est redoutable entre tous. La force des ouragans varie beaucoup : tantôt
ce sont de simples coups de vent qui agitent la mer pendant quelques
heures; tantôt ce sont de furieuses rafales qui bouleversent les flots durant
plusieurs jours et sur une largeur de plus d'un millier de kilomètres ;
parfois même le grand cyclone est accompagné d'un cyclone secondaire, et
le navire qui fuit le premier ouragan est saisi par un autre. Le tour-
noiement du vent a pour conséquence d'entrecroiser les vagues et de
donnera l'Océan l'aspect d'une chaudière bouillante.
Dans les eaux des Mascareignes, les météorologistes ont eu de terribles
événements maritimes pour objets d'étude. En un seul ouragan, celui
du 26 février 1860, trois navires disparurent, trois se brisèrent sur
les côtes de Madagascar, six, échappés à grand'peine, durent être démo-
lis, vingt-quatre furent gravement avariés; des marchandises pour une
valeur de plus de 5 millions se perdirent dans les flots\ Le cyclone de
1868, peut-être plus terrible encore, démolit 2895 cases et 20 188 ca-
banes\ A l'approche de la tempête, que signale la baisse du baromètre,
les navires non mouillés dans un port de refuge se bâtent de gagner un
abri ou de fuir vers la haute mer; les insulaires de Maurice et de la
Réunion font tous leurs préparatifs en vue du danger prochain. 11 est
arrivé fréquemment que Maurice fut dévastée sans que le cyclone attei-
gnit l'ile sœur; d'autres fois le côté des terres tourné au vent reçut tout le
heurt de l'ouragan, tandis que le côté situé sous le vent était complète-
ment épargné; tel village était renversé de fond en comble, et le village voi-
sin seulement eflleuré. La force du cyclone diffère aussi suivant la hau-
teur : parfois l'atmosphère reste parfaitement calme au sommet des mon-
tagnes de la Réunion, alors que les bois du littoral sont brisés par la
rafale et que les toits des maisons s'envolent dans le vent. En même temps
que la tempête des airs les riverains ont à redouter la colère de l'Océan.
Des raz de marée précèdent et accompagnent toujours les cyclones, non
seulement ceux qui ont labouré les mers voisines des Mascareignes, mais
encore à ceux qui se sont produits au loin ; on redoute surtout les lames
• Emile Trouelk', Papiers de Joseph Hubert.
- 11. Uiiiief, Élude sur les Ourutjans de l'hémisphère austral.
' Nichulas Pike, Subtropical Raiiibles in the Laitd uf the Aphaiiaplerix.
IM NOUVELLE GÉOGRAPHIE UiNlVERSELLE.
de fond propagées du banc des Aiguilles. Des blocs énormes de corail, qui
se trouvent maintenant à quelque distance du littoral, ont été arrachés
des récifs et poussés sur la terre par les vagues profondes : à la vue de ces
rochers, projetés loin de la rive, on pourrait croire qu'ils ont été lancés
par une explosion sous-marine.
Menacées comme elles le sont par les violences de l'air et de l'eau, les
deux îles ont le plus grand intérêt à s'avertir mutuellement de tous les
changements de temps qui s'annoncent. Quoique de l'une des îles on ne
puisse que très rarement apercevoir l'autre, située à 245 kilomètres de
distance, cependant la courbure de la Terre n'empêche pas que les mon-
tagnes de la Réunion puissent être frappées par un rayon de lumière lancé
du haut d'un pic de Maurice. Des communications optiques ont été éta-
blies entre les deux îles ; on sait désormais que l'île du nord-est, allaquée
par les ouragans une douzaine d'heures avant la Réunion, jmurrait lui
signaler l'imminence du danger; néanmoins on n'a pas donné suite à ce
système international de signaux.
L'origine océanique des Mascareignes a dû leur donner une flore et une
faune particulières, différant non seulement de celles des continents d'Asie
et d'Afrique, mais aussi des espèces de Madagascar et des îles voisines. Il
est impossible de savoir ce que fut la flore des Mascareignes avant l'arrivée
des premiers colons : car, depuis cette époque, la jtlupart des forêts ont
été coupées et brûlées, de nouvelles cultures ont été introduites et des
plantes sauvages, au nombre de trois cents environ, apportées du dehors
fortuitement, ont pris la [tlace des espèces indigènes; sauf le citronnier, la
Réunion ne paraît avoir aucun arbre fruitier qui lui soit propre'. Cepen-
dant on compte encore dans les Seychelles et les Mascareignes plus de cinq
cents végétaux qui ne se trouvent point ailleurs, et, parmi les formes
communes à ces îles et à d'autres terres, on constate que les espèces
asiatiques l'emportent en nombre sur celles d'origine africaine. Sur 22
pandanus, ces îles en possèdent une vingtaine, dont 0 particuliers à l'île
Maurice, 4 à la Réunion, 5 aux Seychelles, 2 à Rodrigues. La proportion
considérable des fougères, puis celle des orchidées, donnent à la flore des
Mascareignes une place tout à fait distincte parmi les flores insulaires.
Quant à la faune, il est admis par la plupart des naturalistes que tous les
mammifères vivant actuellement dans lesîlcs,unlémurien et un cenlelesde
Madagascar, un chat sauvage, un lièvre, des rats et des souris, ont été
introduits par les colons; de même des lézards, des serpents, des camé-
' Elle l'ajol, ouvrage cité.
FLORE, FAUNE DES MASCAREIGNES. 145
lôons, des grenouilles; (juaiit aux tortues de terre, jadis tellement nom-
breuses que certaines plages en étaient « pavées »', elles ont été extermi-
nées par les chasseurs\ C'est aux Portugais (|ue l'on doit l'introduction
des cerfs qui parcouraient autrefois les forêts de la Réunion et (pie l'on ren-
contre encore à Maurice. On a récemment essayé d'acclimaler l'autruche
dans cette dernière île. Parmi les habitants ailés des Mascarcignes est le
« martin » ou « merle » de Chine [acridothercs trislh), (jue Poivre se
fit envoyer en 1764 pour défendre les plantations contre le fléau des sau-
terelles et d'autres insectes. Ce bienfaiteur des colonies fut longtemps
protégé contre les chasseurs par de fortes amendes. 11 est menacé mainte-
nant par des couleuvres, d'origine malgache, qui ])énètrent dans le nid de
l'oiseau et dévorent les petits\. Par une étrange anomalie, l'île Ronde,
située à plus de 2d kilomètres au nord-est de Maurice, constitue un
petit monde à part : elle possède une espèce de chou palmiste qui lui est
propre; en proportion, elle a plus de plantes monocotylédonées que tout
autre endroit de la Terre, et sa faune, particulière comme sa ilore, est re-
marquable par des lézards et deux serpents*.
Si les Mascareignes se sont enrichies d'espèces étrangères, en revanche
elles ont perdu leur faune ])rimilive. Ces îles se distinguaient naguère de
tous autres massifs insulaires par leurs oiseaux, si l'on peut apjjeler ainsi
des animaux à structure de volatiles, mais incapables de voler. Le dronte
ou dodo et l'aphanaptéryx, le « solitaire » ou pezophaps solitaria, la poule
d'eau géante, plus grande que l'homme, une espèce de lori, vivaient avant
l'arrivée des Européens, soit dans toutes les Mascareignes, soit dans l'une
ou l'autre des îles, et récemment M. Clarke a découvert dans une mare de
Maurice les restes non encore fossilisés d'oiseaux de plusieurs autres espèces
différentes, mêlés à ceux de cerfs, de cochons et de singes. Le Guat, qui
séjourna deux ans à Rodrigues, de 1601 à 1603, puis vécut à Maurice pen-
dant quehpies années, arriva à une épo(pie où b^ di'oule avait (b'jà disparu
et où la poule géante existait encore. La venue des blancs fut pour ces ani-
maux le cataclysme destructeur : peu de décades suffirent pour amener la
disparition complète de ces oiseaux, qui, d'après leur grande ressemblance
avec divers genres des temps miocènes, paraissent avoir eu leur origine
dans ces lem])s reculés. C'est que les drontes et leurs congénères ne pos-
sédaient pas l'immense avantage de la vitesse pour échapper à leurs enne-
' Grant, Hislory of Miiurllius.
'- Alfred R. Wallace. The hland Ujc.
' Bernardin dn Saint-Pierrr ; — Bory de Saint-Vincent ; — vnn dor Decken ; — Elie Pajot, etc.
* Barlilj ; — Niciiolas Pilie, ouvrage cilé.
lifi NOl'VELLE r.ÉOORAI'IIIE UNIVERSELLE.
mis. Les chiens, les chats, les cochons introduits dans les îles les eurent
bientôt dévorés ; les rats mangèrent leurs œufs, le fusil du chasseur abattit
les derniers survivants. Tout récemment même une espèce de pigeon,
alectorœnas nitidissima, dont les musées ne possèdent que trois exem-
plaires, vient de périr à Maurice, et l'on croit qu'une autre espèce du même
genre, alectorœnas rode ricana, a disparu de Rodrigues'. L'existence de ces
oiseaux lors de l'arrivée des blancs et de leurs compagnons les animaux
domestiques est un des faits qui portent les naturalistes à croire à l'iso-
lement j)rimitif des Mascareignes : puisque leur faune, non armée pour la
lutte, avait toujours été protégée contre les visites des carnivores, c'est que
les îles n'avaient jamais été unies à de grandes terres \ Les lamantins qui
peuplaient les cotes de Maurice ont égalenient péri.
Les mêmes éléments ethniques ont constitué la population des Masca-
reignes et des archipels circonvoisins jusqu'aux Seychelles. Ces îles étaient
comj)lètement inhabitées lorsque, en 164(3, Pronis, commandanfdu Fort-
Dauphin de Madagascar, fit transporter douze mutins dans l'île de Mas-
carenhas. Ils n'y restèrent que trois ans. En 1655, sept colons français,
accompagnés de six Malgaches, s'établirent à Saint-Paul, en amenant
avec eux quehpies animaux, qu'ils lâchèrent dans la montagne pour faire
souche de bétail et de gibier; mais, à la suite d'un ouragan, ils s'en allè-
rent à leur tour, et la colonisation définitive de l'île ne commença qu'en
1663, avec l'arrivée de deux Français, accompagnés de quehiues ser-
viteurs nègres". Dans les premiers temps les colons vécurent de poissons,
de tortues, de patates, d'ignames et d'autres racines que leur donnait
la terre fertile; ils étaient presque nus, vivaient en plein air, ignorant les
maladies*. Libres, sans ennemis à combattre, sans gouverneur pour leur
iin|)oser des corvées et des règlements, le ])elit groupe de blancs prospéra:
des villages se fondèrent et s'entourèrent de j)lantations, le trafic commença
avec la mère patrie, puis la Compagnie des Indes Orientales, qui reçut le
monopole du commerce avecMascarenhas, devenue l'île Bourbon, y posséda
l'une de ses escales les plus lucratives. L'île du nord ou Cerné, que les
Portugais n'avaient j)as colonisée, était tombée au pouvoir des Hollandais,
(pii lui avaient donné en 15ns le nom de Maurice (Maurilius) et y avai(Mit
mis garnison au milieu du siècle suivant; mais ils ne réussirent point,
chassés, dil-on, par une invasion prodigieuse de rats, cl durent abandon-
' Edward Newton, Geoçirapliisclifs .liilnhiirh. 1880.
- Alfred R. W.illace, Tlic hlniid Uj\:
'• E. Troiielle, Noies iiiamiscrites.
* Dapper, Description de rAfri(]iie.
II.UilTANÏS lli:S MASCAIIKIUM'S. 117
nor leur conqucle, que les Français de Bourbon occupèrent quel(|U(i
temps après, en 1713'. Les deux îles sœurs étaient délinilivement colo-
nisées par des blancs d'ori<iine iVançaist', presque tous Normands, Bre-
tons ou Saintoni;eois, que venaient rejoindre des marins et des avenlu-
rieis. (]('s quel(}ues centaines de premiers habitants sont les ar.cètres
(le la plupart des blancs qui peuplent aujourd'hui les deux îles et les
terres avoisinantes. Les statistiques, d'ailleurs bien défectueuses, ont per-
mis de constater que les blancs, habilant de nos jours les Masca-
l'ei^iies et les Seychelles, au nombre d'environ qualre-vingt mille, ont
du leur accroissement bien moins à l'iminif^ration (ju'au surplus des
naissances sur les morts. Ces îles de l'océan Indien offrent un exemple
remarqual)le de terres tropicales où les blancs n'ont cessé de vivi'o cl
d'augmenter en nombre"; mais les croisements de race ne permettent
plus depuis longtemps aux recenseurs d'établir la proportion vraie des
blancs |)armi les indigènes. La fécondité des familles créoles françaises
est fort grande : on y compte environ 230 enfants pour 1000 femmes
mariées, tandis qu'eu France la proportion est d'un tiers moins élevée'.
De 1843 à liSi7, les naissances ont dé[)assé régulièrement les décès
dans la proportion d'un tiers'. On sait ([uelle grande part les (ils des
Mascareignes, Bertin, Parny, Joseph Hubert, Lislet Geofroi, Leconte de
risie, d'autres encore, ont prise au mouvement littéraire et scientilique de
la Fraïu'Ç.
Mais les blancs d'origine française, aux(piels se sont associés des
Anglais depuis la prise de possession de Maurice, de Rodrigues et des
Seychelles [)ar la (Irande-Bretagne, ne constituent (pi'uue minorité ])armi
les insulaires. Les premieis colons de Mascareuhas amenaient avec eux des
esclaves de Madagascar, et lorsque, en 1713, Guillaume Dufresne s'empara
de Maurice, abandonnée parles Ilollaiulais, il avait également des noirs
' llrriiiinliii de Saiiit-Pii'iTC, Voynye à l'hle de. France.
- Accidissciiii'iit dos blancs à la liéunion ot à Ihiurice :
ll.Hniion. îlMiiriiL'.
171.") yuo 17'ji r.d
■17lJ3 4 027 17(),". r. yij.ï
1804 l'ilOIJ 1804 7 108
\n.^ 17i!;)5 187)0 8 59a
'" Élal civil ili's liabilaïUs de Bourljoii, avaiil ralmlilioii de i>!.clavaf;c, en 1823:
IJlaiu-,'.. . . . 694 naissances. ."99 iikuIs. Accniisseiiicnl : 29.">
Noirs libres. . 208 " 108 « " 100
Esclaves ... 217 n llilO » hiiMiiiiilion : 1425
(Tiiniuas, Essai de Slalisliijue sur iile de Buurbun.)
* Biirdicr, La Colonisation scientifique.
118 NOUVELLE CÉOGRAPIIIE UNIVERSELLE.
av('c lui. Des nègres malgaches eurent à se livrer, sous les ordres des
lilancs, aux pénibles travaux de défrichement qui ont transformé les
deux îles : quelques dénominations de plantes, d'animaux et d'instru-
ments primitifs que possède le parler créole, rappellent ces premières
années de la mise en culture du sol'. Plus tard, les négriers, constitués
en compagnies privilégiées et touchant des primes pour l'importation
des esclaves, allèrent surtout s'approvisionner de chair humaine sur le
continent d'Afrique, et des noirs de toutes les tribus de l'Afrique orien-
tale, connus sous le nom général de '< Cafres », vinrent peupler les
j)lantations. Le sort des malheureux esclaves des Mascareignes était ce
qu'il fut partout ailleurs dans les pays où les asservis n'ont d'autre ga-
rantie d'être traités avec douceur que l'intérêt ou le bon vouloir de leurs
maîtres % et quoique, en vertu d'un édit de 1725, tous les esclaves eussent
été baptisés et fussent ainsi devenus les ■< frères spirituels » de leurs
jwssesseurs'. Il est vrai qu'un « code noii' » avait été promulgué en
1685 pour la protection des esclaves; mais ce code même, dont les
articles n'étaient pas toujours observés, autorisait toutes les punitions
(pii ne dépassaient pas trente coups de fouet. Appartenant à des
races différentes, parlant des langues distinctes, manquant d'armes,
et d'ailleurs abrutis par le travail forcé, les esclaves des Mascareignes
ne se soulevèrent jamais contre leurs maîtres; mais souvent des cen-
taines d'entre eux étaient en fuite à la fois, gîtant dans les cavernes ou
dans les forêts, rôdant la nuit aux abords des plantations pour dév
terrer quelques racines. Les chasseurs faisaient des battues en règle
à la poursuite de ces nègres marrons, et des ])rimes étaient accordées
à ceux qui rapportaient la main droite de quelque fugitif abattu. Une
première désertion était punie de la perle d'une oreille; à la seconde,
on coupait le jarret du délin([uaul; la mort était la punition d'une troi-
sième fuite'.
La République française proclama l'abolition de l'esclavage, mais les
planteurs, d'accord avec le gouverneur général de Malartic, résistèrent aux
ordres de la mère patrie : à peine les commissaires de la liépul)li(|ue
avaient-ils touché terre à l'Ile de France, qu'on les embaiMpia de nouveau,
et bientôt après on se débarrassa de tous les soldats qui les avaient accom-
' L. lier! lu lion. Revue rie Géoijrnphie, décembre 1880.
- {',. liaissiie, Éliidi' sur le paloLs tréule tiwuricieii.
'■ ll'l iiicmille. Sliilisli(iur de Vile Maurice.
» Bernaiilin île S;iiiil-I'iciiv. Vnijage ii l'Iule de France; — Miiill;[|(l, iSoles sur iile de la
Réunion.
HABITANTS DES MASCAREIGNES. 1 l'J
pagnés, soit en les renvoyant en France, soit en les expédiant à Batavia,
sous prétexte d'aider les Hollandais, alliés des Français '. L'émancipation des
noirs fut ainsi retardée ius(|u'au milieu du siècle suivant : à Maurice elle
se lit par degrés, de l!SÔ4 à 1858; à la Réunion, elle ne fut proclamée
que dix ans plus tard, par la deuxième I{é|)uljlique, et dans les deux îles
la propriété vivante fut rachetée aux anciens possesseurs jirivés. aux
communes et aux cures'. Les noirs de Maurice se rappellent encore
le temps margoze, c'est-à-dire le « temps d'amertume « ou de servi-
tude, ainsi désigné d'après un légume de goût très amer, et comparent
avec joie cette époque aux jours actuels où tous ont mêmes droits.
« Tmit marmites débonte là hant difél » tlisenl-ils. « Toutes les mar-
mites sont près du feu M » (Quoique les nègres des Mascareignes,
d'origine malgache, cafre ou moçambique, soient maintenant en grande
infériorité numérique dans les îles, c'est jwurlaut le créole français,
parlé par eux, qui sert de commun moyen d'échange intellectuel entre
les différentes races pressées dans l'étroit territoire : Français, An-
glais, Chinois, Arabes, Malais, Hindous de toutes les provinces de la
Péninsule.
Les relations fréquentes des Mascareignes avec la presqu'île hindoue, le
va-et-vient des escadres et des corsaires dans l'océan Indien avaient déjà eu
pour résultat d'introduire de nombreux Péninsulaires dans les deux îles
pendant la deuxième moitié du dix-huitième siècle, et c'est à des gens de
leur race que l'on confiait la construction de presque tous les édifices.
Mais, lorsque les planteurs virent approcher le jour de l'émancipation des
noirs, ils s'occupèrent de se procurer des travailleurs d'autre origine :
Chinois, Malais, Hindous du nord et du sud, et surtout Malabares; ce
nom est même celui que l'on donne dans le langage ordinaire à tous les
« engagés » hindous venus de l'Orient. Maurice importa les ouvriers en
foule pour la culture des plantations, grâce aux facilités exceptionnelles
que lui offrait le gouvernement anglais de l'Inde. Moins peuplée que Bour-
bon encore au milieu du siècle, Maurice a maintenant deux fois plus d'ha-
bitants, proportion correspondante à celle des terrains cultivables dans les
deux îles. D'après les règlements, l'introduction des travailleurs étrangers
devait se faire dans des conditions de parfait respect pour leur libre
volonté; mais, sur la plupart des plaulalioiis, les aucieiiiies |)ratiquesde
' GranI, The Hislorij of Mniiriliiis or Ihc hle of France.
- Esclaves rachetés il Maiirici'. . . 0.") ô'iO Indeiimllé : .V2 81. j 800 francs.
» >) à la Itéuiiioii . . {J0 8i!'J » 41 104 005 »
' C. Baissac, ouvrage cité.
150 NOUVELLE CEOGRAl'lUE UNI VEKSELLE.
resclavagc eonlinuèrent d'être appliquées aux engagés. Ainsi que le dé-
clare un document olliciel', les pi'oinesses faites aux émigrants, à leur dé-
|)aii de l'Inde, n'étaient tenues ni par leur agent protecteur, ni par les
magistrats, ni par les médecins, ni par les planteurs. Plus d'un com-
mandeur les menait à coups de rotin, comme on avait mené les esclaves;
on les faisait travailler même plus que les nègres, et ])lus lougtemps, car
leur vie n'était pas aussi précieuse que celle d'un Caire acheté à beaux
deniers ; leur maigre salaire était souvent dévoré par les amendes, et quand
enfin, api'ès cinq ans révolus, ils étaient redevenus libres, des passeports
cl des tracasseries de police les assimilaient à des criminels surveillés. Le
fait le plus grave peut-être est que l'immigration de ces Orientaux, plus
nombreux à Maurice que blancs et noirs, l'éunis maintenant sous la même
rubrique, comme citoyens égaux', s'est constamment pratiquée en violation
des lois naturelles d'une proportion normale entre les sexes. Les femmes
ayant toujours été importées en nombre beaucoup moindre que les
b()mmes\ il en résultait que les familles ne pouvaient se constituer (|u'à
l'état d'exception; la polyandrie était devenue la règle dans les campe-
ments d'Hindous; les enfants, très rares d'ailleurs, étaient fort négli-
gés par leurs parents d'aventure. La mortalité, frappant des gens sans
famille, était chaque année beaucoup plus considérable que la natalité* :
c'est ])ar de continuelles importations que se comblaient les vides et
que s'accroissaient les chiourmes des plantations. Mais, par l'effet de la
solidarité qui lie les races les une^; aux auties, les maladies qu'aj)|)or-
tai(Mit les immigraiils chinois et hindous frappaient aussi les auti'es liabi-
larils de l'île : ce sont les jiremiers (|ui ont apporté la lèpi'c; ce sont les
Hindous qui ont introduit dans les Mascareignes la lièvre récurrente, dite
Report uf (lie Commissionners nppoinled lo enquiir iiilo llic iiviiliiieiil of iimiiHjriiiils, tS7,">.
l'opulation des doux ^'randes Mascairi^'iics en 1887 :
Citoyens établis, blancs, noirs et de couleur. . . ) ,.,.,,, ( l'il).")r>y
, ' i l() -vli ■
Il Erifja^'és » nialgaelies, cafres et aral)es . . . . ) ( !.")'2()(l
Oririilaiix (Hindous et Cliiiiois) 'iM 721 257H
Ensemble T.liS 1 45 Itil 505
l'rn|iiiiliuu des sexes chez les « engagés » de loiUe rare, ;i la liéiinion, en 1887 :
llornnies 'i8 8;)8
Kennnes \t\\:>
Ensenilili' 40 'J71
Liai cimI des inniugi'ants liindous {|r l,i Uéunion, de 1848 à I88-' :
Naissances 8 657
Morts 'J8 2t)5
IIAIilTANTS DES MASC.UÏI'KINES. 151
(le Romliiij '; pciidaiit la <;r:iii(lc éiiidémie qui dura trois années, do 1860
à 180S, soixante-douze mille individus, soil le quart des habitants de
Mauriee, périrent : jusqu'à deux cent quarante personnes mouraient dans
la ea])itale en un seul jour". Les Maseareignes avaient eu jadis une renom-
mée de parfaite salubrité et l'on craignait alors qu'elles ne devinssent les
« terres d'élection de toutes les pestes asiatiques ». Les maladies ont di-
minué, mais la misère est venue. « Tempx français zourmotts II pli (jroa
que temps mujkih. » « Du temps des Français les giraumons étaieiil plus
gros que du lemjjs des Anglais, » disent les nègres de Maurice\
Actuellement les deux îles s'indianisent de plus en plus; la fête du
Yamseh rivalise de luxe et d'éclat avec la Fête-Dieu. La disproportion qui
existait entre les hommes et les femmes s'amoindrit chaque année\ parce
([ue la mortalité frappe surtout les hommes et que le nombre des femmes
qui se font rapatrier après leur temps de service est fort minime^ D'au-
tre part, la population des îles diminue chaque année, par le décroissement
de l'immigration, qui compensait la mortalité, et cette diminution conti-
nuera probablement jusqu'à ce que l'équilibre soit rétabli entre les sexes.
Une forte proportion des Malabares qui vivent dans l'île sont maintenant
libres de tout « engagement » envers les planteurs et cherchent à gagner
leur vie dans le petit commerce et les bas emplois de l'administration.
Nombre d'entre eux se marient avec des femmes de couleur; grâce à leur
sobriété, à leur économie, peut-être aussi à leur esprit d'intrigue, les
Indiens de Maurice évincent peu à peu les gens d'autre race, ils (d)ligent les
créoles eux-mêmes à leur céder le marché du travail; (juelques-uns d'entre
eux se sont partagé les terres de nobles endettés. A l'immigration des cul-
tivateurs hindous correspond une émigration de bourgeois créoles. Nombre
de ceux-ci quittent les îles pour rentrer en Europe, la patrie des aïeux, ou
pour courir les aventures à Madagascar ou dans les Indes.
' M;ilu'', (iéiHirtijihic mcdicnlc.
- Nichohis Pike, ouvrage cilé.
"■ Baissai', ouvrage c'ilo.
* I'()|mlntiiin (li's Mascaivignos. suivant les soxps, on 1887 :
Maiirn-i". L:i Rénilioii.
Iloiumos '208.101 88 355
Femmes t.VJ 744 73108
Ensemble 3(58 14:> ICI 503
■'■ Mouvement de la population inilienne à Mauriee en 1884 :
Arrivi^i's. Dr-parls. .Naissanc"s Moris.
Ilonnnes 4471 1197 .300'2 'ifiSfi
Femmes 1949 3.j8 308li 1047
152 NOUVELLE GÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
II
Maurice, qui continue, au sud des Cargados, le grand hémicycle des
terres émergées, des récifs et des bancs de sable, ne fut pourtant rattachée
à aucune autre île ; elle surgit isolément de l'océan des Indes. Entièrement
coiniiosée de roches basaltiques, elle est peut-être d'origine plus ancienne
que la Réunion, car ses côtes sont beaucoup plus découpées, ses monta-
gnes ont été plus abaissées par l'érosion et les cratères de ses volcans ont
été oblitérés : on en reconnaît (juelques-uns seulement en des coupes la-
custres, où les eaux dorment entre des parois de laves. Les massifs monta-
gneux de l'île sont entourés par des plaines de terre rougeâtre, qui jadis
étaient couvertes de forêts, remplacées aujourd'hui par des cultures, des
jardins, des villages; le centre de l'île est occupé par un plateau de quatre
à cin(| cents mètres de hauteur ayant conservé (juelques restes de ses bois.
La montagne, dite Pilon du Milieu (597) mètres), qui domine ce plateau,
n'est point la plus élevée; mais il est probable qu'elle le fut jadis : la
cime se compose en entier de i)rismes basaltiques couchés horizonlalc-
menl, dont la masse fut injectée entre des parois de montagne qui n'exis-
tent plus actuellement'. Le Piton est dépassé de plus de 200 mètres par
la montagne de la Rivière Noire (825 mètres) se dressant dans la partie
sud-occidentale de l'île. Les monts les plus piltores(|ues et de la forme la
plus bizai're sont ceux du massif voisin de la capitale. Au milieu de la
crête, s'élève, comme un doigt, le locher supei'be du Pouce, et près de là
se montre l'obélisfjue de Pieter Bolh ((S15 mètres), surmonté d'un énorme
bloc globulaire, que de rares gravisseurs escaladent au moyen de cordes et
d'échelles. Le pourtour de l'île est frangé de récifs et d'îlots, entre les-
quels s'ouvrent les chenaux des ports. Des roches de formation marine,
situées actuellement au-dessus du flot, |irouveiit que sur la côte de Mau-
rice un changement de niveau s'est fait entre la terre et l'océan \ Les
îlots qui avoisinent la grande île vers son extrémité du nord, la Ronde,
la Plate, nie d'Ambre, le Coin de Mire, sont couverts de débris qui témoi-
gnent (le l'existence d'un volcan disparu, (|ui llandiait jadis dans ces
parages".
' IlicliartI von Drasclii', Jiihrhiuli ih-r Cruhiiiisihen Rfirlisansliill. ISTIi.
- Darwin, Conil-Rcefs ; — Cli Vélain, la Faune des 'des Saiiil-l'nid et AiiisU'i-(l<im.
' Borv de Sainl-Vincenl; — N. Pike, ouvrages cités.
MAURICE.
153
Maurice, plus populpuso que la Réunion, est plus déboisée : la défo-
restaliuii y est presque eomplèlo. On n'y voit plus de ces grands bois
28. MAI IllCE.
E5t de Par.
/'rofor/a^Giyr-~3
1 t 730 000
qiKï décrit Bernardin de Saint-Fierre, tellement unis par un réseau de
lianes que, après avoir scié les arbres, il fallait encore couper les cordages
naturels qui les retenaient'. «Jadis mon doigt était à l'ombre, il commence
à brûler au grand soleil, » dit une énigme ou sirandane relative à la mon-
' VuiiiHji' il rislc lie Fiance
XIV.
•20
154 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
lagne du Pouce, près de Port-Louis. La destruction des forêts a eu les con-
séquences habituelles : les cours d'eau n'ont plus qu'un régime irrégulier,
alternativement débordés et presque taris. Un dicton cité par Baissac' con-
state les changements accomplis dans l'hydrologie mauricienne : « Les
rivières de Maurice n'ont pas de chance : du temps des Français elles cher-
chaient des ponts, du temps des Anglais elles cherchent de l'eau. » Le
sol des montagnes, durci par le soleil, est devenu impénétrable aux
]iluies : celles-ci s'écoulent rapidement par les pentes, au lieu de séjourner
comme autrefois au milieu des mousses et des herbes, d'entrer dans les
radicelles des plantes ou dans les fentes du sol et de rejaillir en sources;
au bas des montagnes se forment des mares temporaires, dont les exha-
laisons fatales se répandent au loin. Les sécheresses sont plus longues, les
pluies plus soudaines, plus abondantes et plus irrégulières; de vastes
espaces de terrain, jadis en culture, sont devenus infertiles '.
L'ile n'a qu'une seule grande ville, Port-Louis, située sur le côté orien-
tal (le l'île ou « sous le vent )i, au bord d'une baie qu'abritent des récifs
de coi'ail et que défendent des batteries et des forts; les bâtiments y
courent peu de danger lors des cyclones; cependant au dernier siècle on
a vu dans la rade jusqu'à 54 carcasses de navires, autant d'écueils à ajou-
ter à ceux des polypiers'. Fondée en 1735 par Mahé de la Bourdonnais,
elle remplaça le port du sud-est, où jusqu'alors avaient abordé presque
tons les vaisseaux, et depuis cette époque elle monopolise le commerce de
l'ile. Vue du large, la ville, moins anglaise d'aspect que ne le sont (lalais
et Boulogne', se présente superbement au milieu des jardins et des |)al-
meraies, à l'issue de la Grande-Rivière, qui serpente au sud-est; l'am-
philhéàli'e des montagnes se déploie en hémicycle à l'est de Port-Louis,
dominé par la roche boisée du Pouce. Près du quai et de la crique du
Trou-Fanfaron, la statue de Mahé, fondateur de Port-Louis, se dresse
sous les ombrages, et quelques beaux édifices bordent les rues principales;
mais dans l'ensemble la ville n'a pas l'élégance qu'on s'attendrait à trouver
dans le centre commercial de l'océan des Indes, où se pi'essent près de
soixanle-dix mille habitants. L'émigration des nobles et des riches qui vont
passer les iiuils dans les villas de la campagne, la prise de possession des
' fjtiKlc sur le patois créole tnuuricien.
* I). Rodjjpis, The Fariner, 1876.
'• (iiant, History of Mniiritiiis.
* Darwin, A Naturalises roi/ai/e roiniil llic World.
MAI liici:.
riiiil)uMrj;s et d'uiio piirlie de lii cilô par les llimlous et. les Malgaches doii-
iiciil à plusieurs quartiers un aspect de pauvreté el d'abandon. D'ailleurs
la |)(>pulalion a réellement diminué depuis la grande épidémie.
l'ort-Louis a perdu aussi une pailie de son commerce : la suhslilulioii
X" 39. l'OHT-LUI I>
Est de Pa
57°53-
r^
1 ■ 12:; OltO
de la vapeur à la voile dispeuse heaucoiip de navires de l'aii'e escale en roule
pour leurs apjirovisionnements, et le percement de l'isthme de Suez a dé-
tourné le commerce des Indes de son ancien lieu d'étape dans l'Océan.
Cependant le mouvement des échanges est encoie i'ort considérable à
Maurice', bien supérieur en proportion à celui de la ])lupart des i)ays
' CiiiiiiiiL'rcc de l'url-Louis l'Ii ISSU :
linporlalions .VJ 8(i7 i'iO fniiKS.
Expoi-lalions 80 'J58 VA\ »
EiiSL'iuljlo. . . i-iU 8i!5 870 francs, suil Ô8U francs par l];iljilaiil.
158 NOUVELLE GÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
d'Europe, et le port est presque toujours rempli de bâtiments'; des lignes
régulières de navigation le rattachent à l'Europe par le canal de Suez,
à la Réunion et à Madagascar ; mais les Mascareignes n'ont pas encore de
câble télégraphique les reliant au réseau du monde. Le sucre et le rhum
sont les premiers articles d'exportation, car l'île possède plus de 250 su-
creries et de 40 distilleries, produisant en moyenne de 50 à 80 000
tonnes de sucre et 25000 hectolitres de rhum, d'une valeur moyenne
de quatre à cinq millions de francs ; mais ses récoltes sont notablement
amoindries* par suite des attaques du « pou blanc » et du borer [procercm
sacchariphagm). Le maïs et, d'une manière générale, les « vivres » que
la culture fournit aux habitants sont insuffisants et c'est en grande par-
tie à la « Grande Terre », ou Madagascar, que les Mauriciens vont s'ap-
provisionner : des navires dits bullockers, parce qu'ils servent surtout au
transport des bœufs, vont et viennent incessamment entre Port-Louis et
Tamataveou Vohémar. Tout le riz consommé par les Indiens des Masca-
reignes est imjKJrtédu Bengale. La vanille, les fibres d'aloès, l'huile de coco
sont parmi les denrées d'exportation qui rapporlenl le plus aux jdanteurs.
Des chemins de fer traversent l'île', unissant la ville avec les princi-
paux groupes de plantations et de maisons de plaisance. La voie du nord-
est atteint, à une dizaine de kilomètres, les habitations sucrières de Pam-
plemousse, près desquelles se trouve le jardin célèbre que le naturaliste
Poivre fonda en 1768 et dont il fit une pépinière pour l'élève de plantes
tropicales : ce jardin d'essai existe encore et quelques-unes de ses allées
sont parmi les plus belles du monde. Pamplemousse, ainsi nommée du
citronnier citrus decumann, est le site où Bernardin de Saint-Pierre a
fait vivre « Paul et Virginie », et telle est la puissance de l'illusion évo-
quée par le roman, que l'on montre aux voyageurs les tombeaux des deux
amants. L'ile d'Ambre, environnée d'écueils, où vint se briser le navire
Saint-Gérnn, comme le raconte l'écrivain, est au nord-est de Maurice.
Un autre chemin de fer qui, au sortir de Port-Louis, se dirige vers le
sud-i'st <à travers les plaines Wilhems, est celui que bordent en plus grand
nombre les villas de plaisance. Le village de Curepipe, situé presque au
centre géométrique de l'île, à 555 mètres d'altitude, précisément sur le
seuil de partage entre les deux versants, est devenu le principal sanatoire
de Maurice, et des créoles, fuyant l'air impur du littoral, y ont en foule
' Mouvement des navires à l'ort-Louis en ISiiO, à l'eulive cl n h sortie :
922 naviies, jaugeant 692 270 loiiiies.
- Production du sucre à Maurice en t8()."> : 122452 tonnes.
'■ Chemins de fer de Maurice en 1886 : 1-48 kilomètres. Bénéfice net : 870 000 lianes.
MAURICE. 150
établi leur résidence : c'est tout près de là, au sud, que s'ouvre le gracieux
cratère boisé, d'une profondeur d'environ 100 mètres, dit le « Trou du
Cerf » ; la ferme expérimentale de Curepipe contenait en 1887 douze mille
arbustes à thé d'une venue parfaite'. Sur le versant oriental, la voie maî-
tresse du chemin de fer aboutit à Mahébourg, l'un des villages riverains
du grand port qu'avaient choisi les premiers colons hollandais pour le
mouillage de leurs vaisseaux. C'est près de Mahébourg, au sud, que se
trouve la falaise percée par laquelle les vagues s'élancent en un superbe
« souffleur» de 15 mètres de haut.
Le gouvernement de Maurice, modifié en 1884 et 1885, n'a rien de
démocratique. Le gouverneur est nommé par la couronne, de même que
les cinq membres du conseil exécutif. Sur les vingt-sept membres du con-
seil législatif, huit le sont en vertu de leur charge, neuf sont à la nomi-
nation du gouverneur et dix sont choisis par les citoyens qui jouissent d'un
certain revenu. Dans les affaires d'ordre local ou financier, le vote des
membres officiels n'est pas compté quand celui des dix membres élus est
unanime. Les divisions électorales ou districts sont au nombre de neuf :
Port-Louis (2 députés), Pamplemousse, Rivière-du-Rempart (nord-est de
l'île), Flacq et Grand-Port (côte orientale). Savane et Rivière-Noire (sud-
ouest de l'île). Plaines Wilhems et Moka (partie centrale de Maurice).
L'armée, qui se composait en 1887 de 445 hommes, est pour une moitié
entretenue par la Grande-Rretagne. La législation, en partie française, en
partie anglaise, est des plus compliquées et permet d'éterniser les procès,
au grand profit des avocats. Il n'y a point de religion d'Etat*; cependant le
gouvernement subventionne les Eglises catholiques et épiscopales, celles-ci
dans une proportion plus forte, relativement à leur nombre; il donne aussi
des subsides à un certain nombre d'écoles % d'ailleurs bien insuffisantes
' Afrique explorée et civilisée, avril 1887.
- Répiiitilion (les Mauriciens, d'après leurs culles, en 1881 :
Mahométans, Sivailes, etc. . . 244 000
Catholiques 108 000
Protestants 8 000
= Écoles de Maurice : 114. Nombre des élèves :
Eu 1881. En 1887.
Élèves catholiques . 9 107 élèves, soit 75 pour 100 ; 1 1 TO.'j élèves, soit 75 pour 100.
I) protestiints . 998 )> n 8 n 7Ô'2 » U «
)) hindous . . 1746 I) ..10 .. ) ' . .,.
1 ■. fio« - •' '" " " 20 »
» mahométans 024 n n :» » )
1 2 475 élèves. 1 ."1 072 élèves
IfiO NOUVELLK (lÉOCRAl'IllK IMVEHSKLLK.
pour tous les enfants de l'île ; à peine un ijuart d'entre eux ret^'oivent
l'instruction primaire, ilauiice possède plusieurs sociétés scientifiques
et littéraires, entre autres une société pour la propagation de la langue
française. Un grand nombre de journaux, dont six quotidiens, sont pu-
bliés à Port-Louis.
Le budget de la petite île est très considérable' et sert à payer de nom-
breux fonctionnaires, presque tous anglais dans les hauts grades; les em-
ployés à moindre traitement sont en majorité créoles, tandis que les
humbles places sont occupées par des Hindous. La monnaie officielle de
Maurice est la roupie hindoue, égale au dixième de la livre sterling ; le sys-
tème métrique est obligatoire depuis 1878.
Les îles anglaises de l'océan Indien, à l'exception de Sokotra, mais en y
comprenant l'archipel de Tchagos et les autres îles de ces parages (|ui
appartiennent géographiquement à l'Inde, dépendent administrativement
de Maurice.
I. A ni;t'MON.
La plus grande des Mascareignes, désignée officiellement « île de la
Réunion », mais connue aussi sous son ancienne appellation d(> Bourbon,
n'offre pas de leri'aiiis habitables dans (ouïe son étendue, comme l'île rela-
tivement plate de Maurice. Par sa configuration géographique, celle d'un
ensemble (hi monts et de plateaux à pentes rapides, bordé d'une lisière
étroite de plaines et de versants doucement inclinés, la Héunion a dû res-
ter presque entièrement déserte dans sa partie médiane; elle n'est guère
habitée que sur une zone étroite du pourtour, où les villes et les villages
se succèdent en collier; dans la haute région des froidures s'étendent
toujours de vastes solitudes. L'île a gardé son as])ect grandiose et la ma-
gnificence de ses horizons, mais elle n'a plus les lorcMs (pii descendaient
jusqu'à la mer et qui lui avaient valu des voyageurs ra|)pellalion d'Kden'.
Tandis ipie Maurice est oiienlée du nord-est au sud-ouest, la Réunion a
son axe priiici|)al dans la direction du nord-ouest au sud-esl, et c'est dans
' r.iiil^'et (le Maurice en 1881) :
Recettes 18 T.MKKIII francs.
Dépenses 211 OT.") 000 x
Dcllc |mbli(|nc 18 ti.")." 7."iO «
^ |tii|i|iri', Di'sai/itidn de /'.4/'n'(/Hc; — bniv de Saiiil-ViiicenI, iiiivraf^e eilé.
LA RÉUNION. \m
ce sens que se succèdent les sommets. D'étroites plaines d'alluvions ou île
galets se montrent à l'issue des gorges, mais partout ailleurs les escarpe-
ments commencent au bord de la mer et l'on monte par des pentes régu-
lières, sans ressauts, jusqu'aux plateaux qui occupent l'intérieur de l'iIe.
Dans la partie centrale de la Réunion, où les érosions ont le moins raviné
les terrains, les hautes plaines dépassent 1600 mètres en altitude; en cer-
tains endroits le seuil de partage entre les deux versants s'élève à plus de
2000 mètres. Des mornes, des pitons se dressent au-dessus des crêtes. Le
massif le plus élevé, celui des Salazes, ainsi nommé d'une vague ressem-
blance de forme avec les salazes ou broches en bois dont les Malgaches
se servent pour rôtir la viande, est dominé par le Piton des Neiges.
Chaque année, sauf de rares exceptions, des lignes blanches de flocons
strient le cône terminal apparaissant au-dessus des ravins d'érosion dans
lesquels s'écroulent ses talus ; sa hauteur actuelle est de 5069 mètres. Un des
épaulemenls septentrionaux du pilon est la pyramide régulière de Ciman-
def ou «Bonnet Pointu )>, qui semble le point culminant de l'île (2226 mè-
tres), quand on la contourne au nord-ouest, entre Saint-Denis et Saint-Paul '.
Vers l'extrémité orientale de l'ile, les laves se relèvent pour former un
deuxième massif, dont les cimes dépassent 2300 et 2400 mètres. Soudain
le sol s'affaisse, et l'on se trouve au bord d'un précipice de forme semi-
circulaire, dit le « Grand Enclos », qui prolonge ses deux remparts exté-
rieurs jus(ju'à la uier, enfermant complètement dans son enceinte le vol-
can du « Grand Brûlé >■>. Cette paroi de cirque, ayant en moyenne de
250 à 500 mètres de hauteur, et ne présentant surtout son pourtour qu'un
petit nombre de ravins de descente, est peut-être unique au monde par son
étonnante régularité. L'ensemble du cirque n'a pas moins de 96 kilomè-
tres carrés en superficie et le développement du mur de l'Enclos est de
45 kilomètres environ. Il est probable que l'Enclos, autrefois circulaire,
enfermait, comme le Kilauea d'IIavaïi, un lac de matières fondues et bouil-
lonnantes; puis la paroi orientale de l'immense cratère fut détruite par
les coulées de lave, qui trouvèrent de ce côté des points de moindre résis-
tance*. Il se peut qu'il y ait eu aussi des effondrements au-dessus de vides
intérieurs laissés par les éruptions : à l'ouest du « Grantl Enclos >i, on
observe également de longs remparts, qui semblent avoir été produits |iar
des tassements; enfin, un nouvel <f enclos » se forme depuis quelques an-
nées, dans l'enceinte du premier, autour du cratère central '.
• Maillard, Notes sur l'île de la Réunion.
- Bory de Saint-Vincent, ouvrage cité ; — Richard von Drasche, mémoire cité.
' E. Trouetle, Notes manuscrites.
xrv. '21
102
NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Le bouillonnement des laves, les crevasses du sol et les éruptions modi-
licnt fi'équemment l'aspecl du volcan, et les cratères actifs, ainsi que
l'avaient déjà constaté Hubert etBory de Saint-Vincent, ont souvent changé
de place. Actuellement, le cratère le plus élevé (2623 mètres) ou « piton
Bory » n'est pas celui qui est resté en communication avec le foyer des
matières en fusion : c'est une coupe à fond durci, ayant un pourtour
extérieur d'environ 600 mètres. La cheminée d'éruption, dite « cratère
S° 50. LE GniND l!HfLÉ.
Lbt de br-een v cH
dapr-ea Nic.lUrd
Dolomien » ou « piton de la Fournaise )',qui se forma on 1791', est d'une
centaine de mètres moins haute que le grand cratère; elle se termine ])ar un
orifice de quatre à cinq cents mètres de tour, d'où s'échappent coiislam-
inont (les vapeurs : en se penchant au bord du puits, on aperçoit la nappe
de pierre en fusion (jui, au contact de l'air, se recouvre d'une couche brune,
comme d'un couvercle de fer, brisée en plaques polygonales par la lave
rouge et bouillonnante. Les éruptions sont fréquentes : à la tin du siècle
dernier, elles avaient lieu •< au moins deux fois l'an »'; de 1800 à 1800,
M. Maillard en énumère une vingtaine, soit une en moyenne par période
' PnpiiTs (le Josrpli lliibcrl: — E. Trourlle. Noies manuscvilcs.
- Rorv (11' Sainl-VinciMil. (iiivrn^'c cilc''.
GKAND BKULÉ, CIROUES D'ÉROSIOM. 163
(le trois années, et (juelques-unos de ees coulées ont été fort abondantes :
celle de ISB^, qui commença aux deux tiers de la hauteur du Grand-
Brûlé, descendit jusqu'à la mei', où elle forma un petit promontoire. Par-
fois elles sont accompagnées de pluies de cendres et de matières diverses,
entre autres de ces fds ténus d'obsidienne que les insulaires de Havaii a(>-
l)ellenl les « cheveux de la déesse Pélc' » ; Bory de Saint-Vincent en vit tout
un nuage enveloppant le sommet du volcan. En maints endroits du Grand
Brûlé des voûtes de scories dures recouvrent des galeries vides par les-
quelles s'épanchèrent jadis des laves encore fluides; ce n'est donc pas
sans danger que l'on parcourt les pentes du volcan : la chute d'une cou-
pole brisée peut entraîner le voyageur en de profondes cavernes. Vu de la
mer, le Grand Brûlé n'est pas aussi morne d'aspect que son nom pourrait
le l'aire supposer. Des îlots de forêts, respectés par les coulées de pierre,
sont épars au milieu des scories ; des broussailles, des fougères, et çà et
là quehjues arbres isolés se montrent sur les laves anciennes; même des
cheires récentes ont leur vêtement de mousse; la végétation essaye par-
tout de reconquérir l'espace d'où le feu l'avait extirpée. On a constaté des
traces de soulèvement, jusqu'à la hauteur de 80 mètres, sur les côtes sud-
occidentales de la Réunion, où d'anciennes plages coralligènes se montrent
au-dessus des polypiers du littoral actuel. Les récifs, qui entourent com-
plètement Maurice, sont assez rares sur les côtes de l'île sœur, à cause de
la l)rusque |)rofondeur des mers environnantes ■.
L'île de la Réunion, déjà si remar({uable |iar son volcan, est en outre
une des terres les plus intéressantes de l'Océan par les prodigieux cirques
d'érosion que les eaux de pluie y ont creusés. Dans la partie occidentale de
l'île se sont ouverts trois de ces énormes entonnoirs, séparés les uns des
autres par d'étroites arêtes, d'où les graviers s'écoulent en nappes sur les
deux versants. Une butte pyramidale, épaulement du piton des Neiges,
le (îros Morne, se dresse au centre de divergence des trois gouffres dis-
posés en forme de trèfle. Au sud-est l'abîme de Cilaos, où viennent s'unii'
les mille ravins qui aboutissent à la rivière de Saint-Etienne; au nord-
ouest, un autre cirque profond, celui de Mafate, qui donne naissance à la
rivière des Galets ; au nord-est, le fond de Salazie, où serpentent les tor-
lents qui forment ensemble la rivière du Mal. L'œuvi-e d'érosion n'a pas
nivelé d'une manière égale ces profondes cavités : entre les divers torrents
se pi'olongent des arêtes élevées, et même des montagnes isolées, telles
' Rochon, Voijayc h Miulayascar: — liory Jo !?;iiiU-Vincenl, ouviaye cilé.
- Ricliard von Diasclie, uiéraoiie cité.
IGl
NOUVELLE (lÉOGRAPIlIE IMVERSELLi:.
<liie le Piton d'Enchcin (15(31 inèlres), ainsi nommé d'un nègre marron
qui y vécut quatorze ans, redressent leurs escarpements au centre des
plaines ravinées; quelques petits lacs, ou plutôt des mares, emplissent les
creux en amont des éboulis. En outre, chacun des trois cinpies a sa source
thermale; celle de Cilaos apparaît en plusieurs filets d'eau chaude qui
s'élancent et donnent aux ruisseaux une température plus élevée que celle
LES TROIS Cmul'ES D KnOSION.
I tel ^
J-
vi
\. ^
J
-- ^
n
Uap Via
de l'air ambiant. La source du cirque de Salazie est la plus fréquentée;
celle du cirque de Mafate, très riche en soufre, est la plus el'licace, quoi-
que la moins visitée à cause de la difficulté des chemins; celle de Cilaos
est de beaucoup la plus abondante. Avec tous ses petits afflueiils, elle
forme un véritable ruisseau de trois litres par seconde : il siillil, (piaiid
on veut se baigner, de creuser un trou dans le sable el d'allendre que
l'eau de percolalion l'ait rempli.
RIVIÈRES DE L.\ RÉUNION. Irt?
Far la disposition de leurs bassins, les rivières de la Réunion, alimen-
tées, au vent par des averses très abondantes et, sous le vent, par des pluies
beaucoup moins fortes, peuvent être considérées comme offrant le type de
torrents alpins, démolissant à l'amont, reconstruisant à l'aval. Dans la
partie supérieure du bassin, cha(jue ruisselet érode et creuse; puis, à leur
sortie du cirque, unies en un seul canal, les eaux s'engagent dans une
étroite cluse, pour s'étaler, dans le voisinage de la mer, en un large champ
de galets, oii s'accumulent les débris apportés de la montagne. Un peut
juger de la puissance d'érosion de ces torrents par le vide que représente
chaque cirque dans l'épaisseur du plateau : celui de Salazie a perdu ainsi,
par l'action des eaux, une masse de terre au moins égale à 80000 mil-
lions de mètres, soit à 80 kilomètres cubes. Et cette puissance d'érosion
ne peut que s'accroître par le déboisement des montagnes : l'homme tra-
vaille à transformer son île si fertile en une roche nue. La terre végétale
des pentes est emportée vers la mer, et parfois des pans entiers de débris
s'écroulent d'un coup : les talus de cendres rejetés par d'anciennes explo-
sions s'affaissent en bloc, délayés par les pluies. En 1875, une seule cou-
lée de débris, qui tomba sur le hameau de Grand-Sable, recouvrit un espace
de 150 hectares sur une épaisseur de 40 à 00 mètres.
Les petits bambous {bamlmm ulpina) connus sous le nom de « ca-
lumets » forment sur le flanc des montagnes une zone de végétation
limitée d'une manière assez précise, de 1400 à 1500 mètres, pour qu'elle
puisse servir aux créoles de mesure d'altitude. Afin de donner une idée de
la hauteur à laquelle il est parvenu, le chasseur dit à combien d'heures
ou de minutes il se trouvait « au-dessus» ou « au-dessous des calumets ».
Plus haut, les plateaux et les sommets sont en partie couverts d'amba-
villes [luibertia), grands arbustes au Ironc noueux et tordu qui se divise en
une foule de rameaux glabres portant des corymbes de fleurs jaunes.
De même que Maurice, la Réunion a pour industrie principale la cul-
ture de la canne et la fabrication du sucre et du rhum. Peut-être indi-
gène, la canne à sucre n'est guère cultivée en grand que depuis le
rétablissement de la paix, après les guerres de l'Empire; mais elle a peu à
|)eu rem|)lacé toutes les autres cultures sur la zone du littoral, jusqu'.'i
l'altitude de 800 à 1000 mètres'; la production annuelle varie de 30 000
à 40000 tonnes, après avoir été jadis de 60 000; mais le prix de la
' Miiillanl, (Mivrn''(' cilc.
168 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
main-d'œuvre, les maladies de la canne et la concurrence du sucre de bet-
terave empêchent l'industrie sucrière de prospérer à la Réunion et de nom-
breuses usines ont été saisies par les prêteurs. Au siècle dernier, le café
était la principale denrée de Bourbon, oîi déjà l'on avait découvert une
espèce indigène de cafier (roffea mauriciana); mais de nos jours la culture
du cafier est presque entièrement abandonnée pour la canne : on ne pos-
sède de caféteries importantes que dans les hauts de Saint-Leu et de
Saint-Pierre'; celles de Salazie donnent des produits peu estimés. Le gi-
roflier, qui contribua jadis à enrichir Bourbon, a cessé d'être cultivé de-
puis que l'essence de girofle n'est plus employée dans l'industrie de la tein-
ture; mais la vanille, qu'un noir de la Réunion réussit le premier à
féconder artificiellement, est devenue un des principaux articles d'expor-
tation : en 1887, la production de l'Ile seule, environ 75 000 kilogrammes,
bien supérieure à celle de tout autre pays, aurait suffi pour la consom-
mation de l'Europe entière'. Le cotonnier n'est pas cultivé et la cherté de
la main-d'œuvre est trop grande pour que l'on s'occupe des arbustes
à thé de Salazie et de Saint-Leu, dont la feuille, un peu acre d'abord,
finit par acquérir, dit-on, un arôme d'une grande finesse. Des botanistes
ont aussi parlé d'introduire dans les jardins l'orchidée faham (cpidendron
nvaUim), plante sauvage des montagnes de la Réunion, fort a|ipréciée
comme succédané du thé. On a également essayé la vigne, mais sans suc-
cès. Enfin, M. Vinson a introduit et acclimaté le chinchona dans l'île de
la Réunion, notamment dans le cirque de Salazie; les graines et les
plantes qu'il a distribuées ont permis d'établir des pépinières en diverses
parties de l'île, et en 1888 le service forestier comptait 26 700 arbres bien
venus; l'utilisation de l'écorce a déjà commencé. Cet arbre précieux est
d'autant plus utile à propager qu'il contribue à reconstituer les forèls et à
retarder le ravinement des piMiles par les pluies d'orage. On a fait égale-
ment (les plantations d'eucalyptus pour assainir l'aii' et prévenir les fièvres
intermittentes.
Comme dans l'île sœur, Maurice, l'attribution presque exclusive du sol
aux cultures industrielles, a eu pour conséquence une grande disette de
« vivres j^ : les grains, les légumes, les fruits ne suffisent jjIus, malgré la
féciindilé du sol. Les hautes vallées de l'intérieur, où l'on cultive surtout
des plantes d'origine européenne, ont encore une population d'agricul-
teurs trop faible pour que la production soit considérable et les pàtu-
' E. Troupttc, IS'otes manuscrites.
- Journal Madayuscar, novembre 1887.
CULTURES DE LA REUNION. lU'J
rnges do la « plaine )> des Cafres ne nourrissent pas assez de bestiaux
pour l'alimentalion des 160 000 lialulants de l'ile : c'est de la « Grande
Terre » ou Madagascar que l'on doit [lour une très forte part importer les
bœufs, les porcs, la volaille; prescjue tout le riz provient du Bengale'.
On a proposé le creusement d'un canal de ceinture qui contournerait les
flancs des montagnes de l'île, à l'altitude d'environ 1000 mètres, et qui
permettrait d'arroser à volonté les terrains des pentes inférieures et
d'accroître ainsi la production des céréales. Un canal de ce genre existe
déjà au-dessus de Saint-Pierre, dans la partie méridionale de l'ile, mais
les rigoles qu'on en dérive servent surtout aux cultures industrielles des
grands propriétaires.
En effet, la Réunion n'est pas un pays de petite propriété, malgré les
facilités qu'auraient les cultivateurs à vivre dans l'aisance sur un étroit
lopin de terre. De très vastes domaines se sont constitués, surtout depuis
l'extension de l'industrie sucrière, et l'on cite une commune, Saint-
Philippe, d'ailleurs couverte en partie de laves incultivables, où les trois
quarts du sol sont accaparés par deux individus. La proportion des « pe-
tits blancs » exclus de leur part de propriété est très considérable, la vie
indépendante devient pour eux de plus en plus difficile et ils sont obligés
de se presser dans les villes pour accroître le nombre des parasites. Du
reste, la configuration géographique de l'île avait été mise à profit par les
concessionnaires de domaines : les propriétés n'étant limitées que de trois
côtés, en face par la mer, et latéralement par deux ravins parallèles, le
reste de la concession était censé s'étendre d'escarpement en escarpe-
ment jusqu'au seuil de partage entre les deux versants. Lors d'un héritage,
la propriété se divisait longitudinalement, de la mer à la montagne, et
tel domaine morcelé se composait à la fin d'une série de rubans ayant
une vingtaine de mètres en largeur et plusieurs lieues en longueur'. Pour
exploiter son champ d'un bout à l'autre, chaque proprétaire aurait dû
construire une route en lacets occupant presque tout l'espace qui lui était
attribué. Ce mode de division territoriale devait entraîner de continuelles
disputes et des procès qui se terminaient par le monopole du fort et
Surface des cultures à la Réunion en 188G : (
Ctiamps tle canne 34 500 liectares.
Cafélei'ies 4 3 jO »
VaniUeries 3 300 ))
Champs de « vivres » 9 400 »
Autres cultures 8 450 »
(Blciiulel, //(■ de la Rcwiioii, Société de Géographie, 6 avril 1888.)
- Thomas ; — Maillard, ouvrage cité.
XIV. 22
170 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
la ruine du foible : seulement quelques « îlettes » des hautes vallées,
espaces bie» délimités naturellement par des ravins, ont pu échapper aux
grands propriétaires.
L'industrie manufacturière est presque nulle à la Réunion, les habitants
n'ayant aucun intérêt à payer chèrement des objets de fabrication locale
que l'on peut acheter meilleurs et à moindre prix venant de France; on
importe même d'Europe de la chaux et des briipies pour les constructions;
les couches inépuisables de fer titane que vient déposer le flot sur les
plages de Saint-Leu ne sont pas utilisées, quoique ces sables renferment
en moyenne plus de 50 pour 100 de mêlai j)ur. Les ouvriers ne s'occupent
guère que des métiers relatifs à la consommation locale et à l'industrie de
la canne : c'est ainsi que l'on tresse par centaines de mille des sacs en
lanières de pandanus vacoa pour le transport du sucre. Quelques char-
pentiers de navires, dans les villes de commerce, travaillent aussi à la
réparation cl même à la construction des chaloupes et d'autres bâtiments.
La Réunion possède une petite flotte de commerce sortant de ses chantiers
et montée par ses marins. Cependant presque tout le commerce extérieur
de File se fait par des navires framjais, surtout par les paquebots employés
au service régulier de Madagascar'.
La ca[)itale actuelle de l'ile, Saint-Denis, n'est pas le plus ancien éta-
blissement des colons français : les pionniers venus du Fort-Dauphin
avaient fait leurs premiers défrichements à Saint-Paul, à l'ouest de la
grande falaise qui forme la |)arlie nord-occidentale de l'ile. Saint-Denis,
percée de rues régulières, est une belle cité d'une quarantaine de mille
habitants, bâtie sur la pointe la plus septentrionale de la Réunion, entre
deux rivières. En sa qualité de capitale, elle a les principaux édifices de la
colonie, palais du gouverneur et hôtel de ville, caserne monumentale et
hôpital, lycée, grandes écoles et musée. De même que Port-Louis, elle a
érigé une statue à Mahê de la Bourdonnais : un beau jardin botanique
occupe un vaste espace au centre même de la cité.
Saint-Denis, bâtie au vent de l'île, sur la côte exposée aux courants
atmosphériques de l'est et du sud-est, occupe un des endroits de la Réu-
' Mouvement coinnicici;il île la Réunion en 1886:
Impoilation 28 123 000 francs.
Exportation 17, ÔI9 000 n (sucre : 8 500 000 francs.)
Ensemble 41 442 000 francs.
I
lilililtiiilliziiillliiiiiitllijiili^
SAl.NT-DEMS, SAl.ST-I'ALL.
175
iiion les plus menacés par les cyclones. Quand l'ouragan s'annonce, il l'aul
que les navires s'enfuieni aussiUjl de la rade vers la haute mer; fjuel-
(piefdis l'équipage ne se donne pas le temps de lever l'ancre : on brise les
chaînes, et on laisse le capitaine à terre quand, par aventure, il ne se trouve
pas à son bord et ne peut franchir le raz de marée qui précède le cyclone.
A peine un petit port ou « bnrachois » a-t-il été ménagé au nord de
Saint-Denis, protégé par une solide jetée, fort élégante. Cependant la
0 «iniNK » DE SA
d'après une iiholoprapliie
■M. P. Miial.iiiicL
ville fait quelque commerce; en 18.S6, vingt-quatre navires sont venus
y charger ^ioOO tonneaux de denrées, dont près de 20 000 tonneaux
de sucre.
Le chef-lieu ne possédant pour son trafic qu'une rade périlleuse, l'île
a dû chercher à se donner un bon port. Naguère le lieu d'escale le moins
redouté de la côte occidentale était le bourg de Saint-Paul, situé à 46 ki-
lomètres de Saint-Denis, << sous lèvent », au bord d'une baie en demi-
cercle, que protège au nord la ])éninsule ti'iangulaire de la Pointe des
Galets, apportée par la riviJ'rc du même nom. Mais la marine de Saiiil-
Nouvelle Gco^l■aullie Liiivoiselle. T. XIV. PI. 1"
ILE DE LA REUNION : SAINT-DENIS ET LE PORT DES GALETS
Hachette et C*. Paris.
^^
K-,1,. (n...,n;^v„.|,
\ : 112 000
S.VIM-1'AIL, l'OUT I)i:s CALKTS. SAINT-l'lERRE.
175
travaux d'arl, ponts, romblais ol tiiinicls : à l'ouest de Saint-Denis, le
contour (le la falaise de laves, haute d'une centaine de mètres, se fait jiai'
une série de souterrains et d'encoibidlenieiits.
Les villages de Saint-Joseph et de Saint-Philijtpe, sur la c(Me méridio-
nale, ne sont pas assez considérables pour qu'on ait continué la voie feirée
du littoral sur leur territoire. Au delà, les coulées du « Grand-Brûlé « et de
N° S.'. SAlNT-PIERnE.
Est J. Gn.en. ,
I • 12 0ijO
plusieurs .- biùlés » latéraux interrompent la zone des habitations et des
cultures. Sainte-Rose, que traverse ensuite la grande route sur la côte,
n'est, comme les villages du sud, qu'un lieu faiblement peuplé. Mais plus
loin se montre Saint-Benoît, qui peut prétendre au titre de ville et oîi un
beau pont franchit la rivière des Marsouins; les plantations de cette
partie du littoral ont servi de jardins d'essai pour le reste de l'île. La voie
ferrée de Saint-Benoît passe à Bras-Panon, — un des rares villages de l'île
qui par leur nom ne soient pas sous le patronage d'un saint, — puis
I7G NÛliVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
au-dessous de la longue rue de Saint-André, et gagne Saint-Denis en
traversant les deux communes de Sainte-Suzanne et de Sainte-Marie. La
grande roule qui ceint l'Ile entière de son ruban sinueux a ''2ô2 kilo-
mètres de longueur. Un autre chemin de ceinture, non terminé, passe
au-dessus de la route basse, à des altitudes variables de 500 à 800 mètres.
Enfin diverses rampes s'élèvent de la côte vers les bassins de l'intérieur, et
de Saint-Pierre à Saint-Benoit une voie transversale, dite chemin de la
Plaine, parce qu'elle traverse la « plaine » ou plateau des Cafres, franchit
le seuil de partage entre les deux versants à plus de 1600 mètres de hau-
teur'. L'accroissement de la population et fréquemment aussi l'amour de
la liberté ont fait essaimer vers les hauteurs les populations du littoral.
Dans l'étroite vallée de Mafate ou de l'Eau « Qui tue », ainsi nommée
par les nègres malgaches pour la mauvaise odeur de sa fontaine sulfureuse,
se trouve, à plus de 1500 mètres, et précisément au-dessous de la masse
puissante du Gros-Morne, un plateau d'une extrême fertilité, auquel on ne
pouvait accéder naguère qu'au moyen d'une échelle. Cette terrasse si dif-
ficilement abordable, dite « la Nouvelle », est occupée depuis 1848 par
une colonie de « petits blancs » qui se réfugièrent avec leurs animaux
dans la montagne, pour échapper à l'humiliation de porter un livret de
police, bien décidés à ne pas acquitter d'impôts « tant que le gouverneui'
de l'ile ne viendrait pas en voiture jusqu'à leurs maisons ». Les deux
cirques de Salazie et de Cilaos se sont également peuplés, d'abord de
nègres marrons, mais qui finirent tous par redescendre, puis par des agri-
culteurs sédentaires; maintenant quelques malades viennent demander
la santé aux sources thermales. Salazie {S12 mètres), où l'on monte par
une belle l'oule qui s'élève de Saint-André dans les gorges de la rivièr(>
du Màt, est le principal sanaloire civil et militaire delà Réujiion. Au sud
de Cilaos, la commune importante d'Entre-Deux apparaît sur une haute
(errasse entre deux |)rofonds ravins.
L'île de la Réunion est représentée en France par un sénateur et deux
députés. L'administration locale est confiée à un gouverneur qui dépend
du ministère de la marine et qu'assiste un conseil privé, composé des
chefs d'administration et de deux habitants notables; un conseil général
élu par les cantons se com|)ose de 56 membres. La direction des affaires
judiciaires a|i|»artient au procureur général. La mère patrie vote un sub-
' liiiiilcs nalidiiiilcs ilr U lirr.nidii on ISSi : 51 4 kilonu'li'es.
SAINT-ANDRÉ, SALAZIE, COli VKKNKMK.NT HE LA RÉUNION.
177
side annuel pour l'entretien des fonctionnaires et des troupes de gar-
nison, — de trois à quatre cents hommes en moyenne, — mais les
impôts directs et indirects suffisent pour constituer un budget local assez
élevé, qui doit subvenir aux travaux publics et à l'instruction, relati-
vement très développée chez les blancs et les gens de couleur'. Les mi-
lices, peu considérables, s'exercent rarement; mais dans toutes les pé-
riodes de guerre ou de danger public elles se sont ra|)idement constituées.
Au dernier siècle, des compagnies de volontaires bourboniens ont servi
dans l'Inde, et récemment des insulaires de la Réunion ont pris part par
centaines à l'occupation des ports de Madagascar'.
L'île se divise en cantons, subdivisés en communes, dont la population
est comptée en bloc dans le recensement de 1887. Cinq d'entre elles ont
plus de dix mille habitants, ainsi que l'indique le tableau suivant :
Partie du vest
Partie sous le ve\t . . .
CANTONS.
COMMUNES.
Saint-Denis
Sainte-Suzanne . . .
Saint-Denis (30 055 habitants).
Sainte-Marie, Sainte-Suzanne.
Saint-Benoît
Saint-Joseph
Saint-Pierre
Saint-Louis
Saint-Paul
Saint-Benoît (11 337 hab.), Sainle-Rose,
Plaine des Palmistes.
Saint-Joseph, Saint-Philippe.
Saint-Pierre (24 618 hab.), Entre-Deux.
Saint-Louis (17 866 hab.), Saint-Leu.
Saint-Paul ('2.^073 hab.).
Lycée de Saint-Denis 400 élèves.
7 autres établissements d'enseignement secondaire et 157 éta- »
blissements d'enseignement primaire (110 laïques, 47 con-
gréganistes) HOll
Ensemble' H 511 élèves.
* Budget colonial : 4 000 000 francs.
25
178 .NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
IV
RODRICUES.
A une époque récente, Rodrigues, — la Diogo Raïs des Portugais, —
était considérée comme une terre distincte des Mascareignes par l'origine.
Quoique Bory de Saint-Yincent et d'autres savants eussent déjà classé
Rodrigues parmi les terres volcaniques, un voyageur l'avait décrite comme
une masse de granit rouge et gris recouverte de grès et de calcaires ', et cette
description erronée avait suffi pour qu'on vît dans celle terre le reste du
continent « lémurien )i. Toutefois Rodrigues n'est point formée de roches
granitiques. De même que la Réunion et Maurice, c'est un amas de laves
rejelées du sein de la mer et l'on y voit des colonnades basaltiques gran-
dioses, entre autres celles du Mont-Tonnerre, colline du versant septen-
trional qui s'élève au-dessus de la rivière aux Huîtres : les fûts de colonnes
y dépassent 60 mètres". L'île de laves se continue dans les flots par des
plateaux de récifs percés de cavernes qui doublent, el au delà, la superficie
de Rodrigues et ne laissent aux embarcations que d'étroits el périlleux
chenaux. Mais dans ces parages on n'a pas à craindre les tempêtes : les
vents du sud-est soufflent avec une grande régidarité et l'île est trop petite
pour être frangée de brises changeantes.
Simple dépendance administrative de Maurice, (|ui la l'ail gouverner par
un commissaire, à la fois chef militaire cl magistrat, Rodrigues n'avait
en 1(^80 qu'une population de 1780 habitants; peuplée dans la même
proportion que Maurice, elle aurait [)lus de vingt mille résidents. Formée do
l'oches volcaniques délitées, naturellement fertile, abondante en eau et en
fruits, elle était jadis couverte de forèls, que les incendies ont détruites : on
n'y voit \)\uh que des broussailles et rà et là des massifs de pandanus
vakoa. L'île ne mérite plus le nom de « paradis terrestre » que lui don-
nait Le Guat à la fin du dix-septième siècle; toutefois elle pourrait nour-
rir facilement des foules pressées de colons. D'ailleurs ses productions,
haricots, maïs, fruits, poisson, bétail, sont exportées en quantité pour
Maurice du petit havre septentrional de l'île, Port-Maihurin ; Rodrigues
contribue pour une jiart notable à l'alimenta lion des travailleurs mauri-
ciens. Mais les tortues, qui au commencement du dix-huitième siècle pul-
lligj;in, PrncccdiiKjs uf llic R. (ri'tKjrnpIiicnl Sorielij, IS'iO.
VVhartoii, flijdioyidplnc Oflicr, JSTli; — Rehiii, Pelermaini's Milllicilunyeii, ISSU.
RODRIGUES.
179
hilaient sur les bancs de Rocirigucs, ont complèlomoni disparu : l'ilo (''tnit
alors comme. un« garde-manger » où l'on puisait sans discrétion, comme
si les ressources étaient inépuisables. Vers 1700, quatre petits bàliments
Est de Pan3
63° 20-
Est de Greenw.ch
d'après Wharton C Perron
/taches çu, coui'rent Ûe0à25^ a'e2Sà50'^- .c'cSÛÀ/ÛOT' cj/c /OO ""et 6}u-a'^'/à
et c^ècoi/i^f^erc
I 13Ï 000
affectés au service des vivres transportèrent de Rodrigues à l'île de
France trente mille tortues en dix-huit mois.
Visitée à plusieurs reprises par Portugais et Hollandais, Rodrigues fut
habitée pour la première fois d'une manière permanente par le réfugié
protestant Le Guat, qui y résida plus de deux ans, de 1691 à 1693, avec
sept compagnons. Aux temps de l'esclavage, une population de noirs assez
180 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
coiisidéi'abk' travaillait sur les plantations de l'île; mais depuis l'éinauci-
pation de nombreux affranchis ont quitté celte terre, isolée au milieu des
mers, à 658 kilomètres de Maurice, pour rentrer à Port-Louis, le centre
de la civilisation dans l'océan des Indes. En 1843, Rodrigues n'avait plus
que 250 habitants ; elle se repeuple maintenant de travailleurs, presque
tous noirs, qui défrichent les coteaux. Il ne s'y trouve que deux villages,
le havre, Port-Mathurin, et dans l'intérieur, Gabriel, près de la cime cul-
minante de l'ile, le Limon, haut de 400 mètres. Sur le versant méridio-
nal de Rodrigues se voient, à diverses hauteurs, d'anciennes plages coral-
ligènes percées de cavernes : dans une de ces grottes on a découvert des
ossements du pezopliopa ou solitaire et d'autres oiseaux appartenant à des
espèces disparues.
Pendant les guerres de l'Empire, Rodrigues eut une grande importance
stratégique. C'est à l'abri de cette île, dont ils s'étaient emparés sans peine,
que les Anglais, après avoir organisé leurs expéditions dans l'Inde, trou-
vèrent leur point de ralliement contir Maurice et qu'ils établirent leurs
hôpitaux pour les blessés.
ILES KEELIiVG.
Pour trouver d'autres îles au delà de Rodrigues, c'est à des milliers de
kilomètres (pi'il faut cingler à travers l'océan des Indes; les navires ont
à pointer dans la direction de Java contre le vent et la houle pour atteindre,
à 5800 kilomètres de distance, l'archipel circulaire des îles Keeling, ainsi
nommées d'après l'Anglais qui les découvrit en 1609. Les cocotiers qui
décrivent sur les plages émergées leur cercle de verdure leur ont aussi
valu l'appellation d'île des Cocos {Cocos Islands).
Ouoi(ine situé à un millier de kilomètres du détroit de la Sonde, l'ar-
chipel de Keeling doit probablement son origine aux mouvements terres-
tres qui se sont produits dans la formation des îles asiatiques, car il se
trouve précisément en face de la déchirure qui sépare Java et Sumatra et
des volcans qui se di'essent au milieu du détroit. Il est à présumer que les
îles Keeling sont portées par un socle volcanique s'élevant du fond des
abîmes : à 2 kilomètres de l'entrée, Fitzroy ne put atteindre le lit marin
avec une sonde de 2195 mètres; les pentes immergées du plateau offrent
donc une inclinaison qui ne peut guère être inférieure à 45 degrés. On
sait que l'aloll des îles Keeling, visité par Diirwin en 1856, est devenu
dans la littéi-aUii'e géograpbi(|ue un des exemples l(>s |)lus fré(|uemment
RODRIGIES, ILES KEELI.NG.
181
cités en faveur de la théorie iiifiénieuse des abaissements et des soulève-
ments du l'oiH^ marin, imaginée jtar le grand naturaliste, ]yes ilols de
:lk> Kt;i;i.i_\G.
Est de Greenwich
d'àpre^.fiiz-Hcy
Sabfesetrvcfies /fuicouv"' OeOàPO'
et c/écou y^ent.
P^O /Ç7y-7i3<f ^ r^
I : 153 000
Keeling auraient été les créneaux de la haute tour de corail lentement éri-
gée par les polypes ;» mesure que la base descendait plus profondément
sous les flots'. Depuis que la première carte de l'Ile a été dressée, on a ob-
' .4 Ndliirtilist's Voiiiiçic round llw Worlil.
182 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
serve des phénomènes d'exhaussement : les plages se sont élevées et agran-
dies, des chenaux se sont fermés et des lagons où voguaient les navires
leur sont devenus inaccessibles'.
Interrompu par de nombreuses brèches et s'ouvrant largement vers le
nord, l'atoll se compose d'une vingtaine d'ilôts allongés occupant ensemble,
à marée haute, un espace de 10 kilomètres carrés. Il n'a d'autre flore
spontanée que les cocotiers et une trentaine d'autres espèces, arbres et
plantes, dont les semences ont été apportées par le flot, après avoir fait
un énorme détour avec le courant, de Java en Australie. Mais les hommes
ont introduit dans l'archipel de nombreuses plantes alimentaires, ainsi
que des animaux domestiques, et, malgré eux, des rats, qui sont devenus
un redoutable fléau. Le premier colon, Hare, s'établit dans les îles Keeling
avec une centaine d'esclaves. Actuellement l'archipel est une grande plan-
tation, dont le propriétaire, (|ui est en même temps le gouverneur, emploie
cinq cents Malais à l'exploitation de son immense palmeraie, La belle pres-
tance et la force des colons témoignent de la remarquable salubrité de
l'atoll. Tous les habitants se nourrissent de cocos, les hommes aussi bien
que les porcs, la volaille et même les crabes. L'eau est fournie par des
puits que l'on creuse dans le sable et où la nappe, d'origine pluviale, s'é-
lève et s'abaisse avec la marée.
Autrefois l'atoll était considéré comme possession néerlandaise ; mais
l'Angleterre s'en empara en 1856, pour le rattacher au gouvernement de
Ceylan; depuis 1886, il dépend de Singapour.
L'île triangulaire de Christmas ou de Noèl, située à 400 kilomètres au
sud de la côte escarpée de Java, surgit du fond des mers comme l'archipel
de Keeling : entre ce roc et la grande terre la sonde a trouvé plus de
6000 mètres «le profondeur. Cette terre isolée, également couverte de co-
cotiers, n'est point un atoll; mais, bordée de récifs sur prescpie tout son
pourtour, elle se compose en entier de calcaire d'origine corallienne.
Trois lignes de plages, à 13 mètres, à 45 mètres et à Îj^ mètres, semblent
indiquer trois niveaux successifs d'émergence'.
• Ucnry 0. Forbes, Proceedings of tlic R. Gcoyriipliical Socielij, Deconiber 1879.
2 Lister, Nature, December 29, 18S7
ILliS IvUELIM;, CUKISTJIAS, AMSTKIIDAM, SAliNT-l'AUL.
AMSTERDAM ET SAI.NT-PAIJL.
Ces doux îles, situées dans la partie méridionale de l'océan Indien, à peu
près à moitié chemin entre le cap de Bonne-Espérance et Adélaïde, dans
l'Australie du Sud, sont l'une et l'autre des amoncellements de roches
éruptives issues des profondeurs de la mer et n'ayant eu aucun rajiport
d'origine avec d'autres îles : ni plantes, ni animaux, ni fossiles ne témoi-
gnent d'une ancienne jonction entre, ces amas de laves et les Mascarei-
gnes ou Madagascar; à moins de 8 kilomètres de Saint-Paul, on trouve
déjà 2450 mètres de profondeur dans la mer, tant les pentes sous-marines
sont raides. Même les deux îles, dressant leurs falaises à 78 kilomètres de
distance, diffèrent heaucoup l'une de l'autre par la composition de leurs
roches et très probahlement n'ont jamais été réunies'. Elles sont censées
appartenir politiquement à la Grande-Bretagne; cependant des i)ècheurs de
la Réunion en ont fait souvent une île française \ et en 1845 une compa-
gnie commerciale y faisait débar(iuer une garnison pour en prendre \ws-
session au nom de la France.
Dans son voyage de retour a|)rès la mort de Magalhàes, El Cano j)assa
(hius le voisinage d'une « île très haute, située par 57 degrés de latitude
méridionale, paraissant inhabitée, sans aucun arbre et d'une circon-
férence d'environ six lieues de tour », description qui convient à l'île
appelée plus tard la Nouvelle-Amsterdam ou simplement Amsterdam.
Qui découvrit l'île de Saint-Paul? On l'ignore; mais un portulan du
seizième siècle en fait déjà mention. Au commencement du siècle suivanl,
les navigateurs hollandais connaissent bien les deux îles, et van Vlaming
le premier y aborda en 1606. Depuis cette époque, elles ont été fré(iuem-
ment visitées, surtout de force, par des naufragés, et dès l'année 1841
des pêcheurs et chasseurs d'otaries s'établissaient à demeure dans l'île
Saint-Paul. Enfin des expéditions scientifiques ont eu lieu dans les deux
îles, notamment en 1874, lorsque des savants français, venus à Sainl-
Paul pour y observer le passage de Vénus, profitèrent de leur séjour pour
étudier la structure géologique des deux masses volcaniques et en dresser
' Véhiin, Mission de. Vile fiainl-Piiiil.
- Ferdinand von Hochsteltcr, Erdurnscjclunij (1er FroijnUr u Novara ».
184
NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
la carte et les profils. On a souvent proposé d'établir un point de relàehe
à Saint-Paul sur la route de l'Australie; mais sous celte latitude, qui cor-
respond pourlaiil à celle de Palerme et du Pirée, le climat est tellement iné-
N^ r,;i. — ii,E 11 AMSTErui\>r.
Est.de Par,
7/^3^' Lst de Lireenwich
D'apfès Moucher et \
/^rjfor7i:/-ftvr^
i 90 000
gai, les vents d'ouest souillent si IVéïiuemmenl en tempête, et les îles
offrent si peu de ressources, outre le poisson, ipie tout séjour y est con-
sidéré comme un douloureux exil.
La plus grande île', Amsterdam, dont le moine le plus élevé, presque
' Su|ic'iiicio irAiiisli'idiiiii cl tU' S;iiiil-i'iiiil
Aiiisteidiim
Saint-l'aul
iô kiloiiii'lros carrés.
7 » »
ILE SAINT-PAUL. 185
toujours environné de brumes, atteint 911 mètres, a la forme presque
régulière d'un earré long, ayant son grand axe dirigé dans le sens du
sud-est au nord-ouest : du côté de l'ouest, d'énormes éboulements ont eu
lieu el lies falaises de 800 mètres, rayées par des brouillards, dominent
les brisants écumeux, où ne peuvent que rarement se hasarder les barques ;
des oiseaux tourbillonnent par myriades autour des cavernes qui s'ou-
vrent entre les assises de laves. Le sommet de l'ile, atteint par de rares
visiteurs, offre un plateau tourbeux parsemé de cônes d'où ont coulé des
laves : une végétation pressée de roseaux rend en maints endroits la marche
presque impossible. En 1792, lors du passage d'Entrecasteaux, l'ile était
en flammes : l'incendie provenait-il, comme il semble probable, de la
combustion de cette forêt de « calumets >', ou bien les cratères étaient-
ils alors en pleine éruption ? Aciuellement l'Ile d'Amsterdam est en re-
pos : on n'y voit ni soupiraux de laves, ni fumerolles.
Saint-Paul, cinq ou six fois moindre en étendue que l'île d'Amsterdam,
est un type de volcan maritime ébréché : peu de cratères où pénètrent les
vagues présentent une forme plus régulière. La coupe, d'une rondeur
presque parfaite, qui échancre la côte nord-orientale de l'ile, est entourée
d'escarpements et de talus que termine une arèle à la hauteur de 250 à
272 mètres. Le lac d'eau tranquille enfei'mé dans le cratère forme un
vaste port ayant au centre une profondeur de (39 mètres, mais l'entrée est
barrée par deux péninsules de débris dont la houle change souvent la
forme et qu'elle a parfois unie en jetée continue, fermant tout passage aux
navires. La pente extérieure s'incline régulièrement sur tout le pourtour
de l'île, interrompue çà et là par quelques cônes de scories et coupée brus-
quement en falaise au-dessus des flots. Sur le rivage du lac intérieur, des
sources thermales jaillissent en abondance : il sufiit même de déblayer un
peu le sable pour y voir s'amasser l'eau chaude et les pêcheurs peuvent
d'un même coup de ligne prendre le poisson et le jeter dans la marmite.
Les parois mêmes qui entourent le cratère sont percées de fumerolles et la
température y est assez élevée pour que des sphaignes et des lycopodes
d'espèces tropicales, analogues à celles que l'on rencontre à la Réunion, s'y
pressent en draperies verdoyantes, el que de petites espèces animales, im-
portées probablement de Maurice, des myriapodes, une blatte, le cancre-
lat, y vivent en dépit des froidures de l'ile. Sur les pentes opposées, on ne
voit que des roseaux et d'autres plantes indi(|uant un climat beaucoup
plus froid.
D'a|irès les descriptions des premiers voyageurs, comparées à celles
des explorateurs modernes, il paraît (pie les phénomènes d'activité volca-
XIV. 24
186
NOUVELLK GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
nique ont notanlemcnt diminué : les sources thermales seraient moins
chaudes, les fumerolles moins ahondantes, les espaces brûlants moins
étendus. En outre, l'île diminue en surface par la destruction rapide de
De 0 à D iiielres. De 5 à 50 jnélres De 50 met. e.\ au cU-lù
ses rivages . parliiul les cijles sont lailh'es en falaises; des deux côtés de
l'entrée du |)(>rl des IVaiimenIs énormes se sont détachés du volcan, et
quelques îlots superbes, entre autres la Ouille, pyramide aux assises
horizontales, et l'îlot du Nord, colonnade basaltique en forme de temple
circulaire, s'élèvent au milieu des vagues roulant vers le rivage.
â
i
m
ILES SAINT-PAUL, AMSTERDAM, MA11I0>'. 189
l>a llorc ne se compose que de 55 à 40 espèces de mousses cl lichens
et d'une (juinzaine de végétaux herl)acés. Les arbres plantes [)ar les pè-
cheiu's et les jjotaiiistes des diverses expéditions n'ont pu réussir. Quant
aux plantes maraichères, telles que la pomme de terre, la carotte, l'oseille,
elles se sont maintenues, mais à l'état chétif : seul le chou a prospéré d'une
manière étonnante et tend à prendre des dimensions arborescentes. On a
trouvé quelques papillons, et même une abeille. Les coquilles terrestres
man([uenl complètement. Les cochons lâchés autrefois dans l'île y ont vécu
lin petit nombre d'années, mais les chats, les souris et les rats ont résisté
au climat : x réunis par le malheur », ils gîtent en bonne intelligence
dans les mêmes retraites '.Amsterdam, moins étudiée que Saint-Paul parce
qu'elle est moins accessible, paraît avoir une flore et une faune plus consi-
dérables : on y trouverait même un ou plusieurs petits quadrupèdes, entre
autres une belette. L'expédition francjaise de 1874 y découvrit, sur une cin-
quantaine de plantes, 25 espèces autochtones. La phylka arborea, arbuste
qu'on n'avait observé jusqu'alors (|ue dans l'Atlantique, sur le volcan
Tristào da Gunha, existe dans l'île d'Amsterdam \
VI
ILES AUSTRALES.
Plusieurs groupes d'îles se succèdent de l'ouest à l'est dans les parages
de l'océan Indien que les courants parsèment de glaces flottantes; mais ces
terres froides, entourées de brisants, heurtées par des vents qui soufflent
en tempête, sont trop inhospitalières pour que l'homme ait pu s'y faire
une patrie; des naufragés y ont souvent passé de mortelles périodes d'at-
tente, scrutant sans cesse l'horizon à la recherche d'une voile de salut. Des
baleiniers ont aussi fondé des campements plus ou moins durables dans
le voisinage des pêcheries. Situées sur la route maritime de la Grande-
Bretagne à l'Australie méridionale, dans la zone des grands vents d'ouest,
ces îles sont heureusement bien connues, et récemment, en 1874, elles
ont même été étudiées avec soin par les naturalistes du ChoUemjer.
Toutes ces terres volcaniques jaillissent d'eaux profondes de plus de
5000 mètres.
L'île de Marion, ainsi nommée d'après celui qui la découvrit en 1771,
' (;ii. Voliiin, La Faune des îles Saint-Paul el Amslerdnm .
- Filliul el besclierel, Journal officiel de la Républi(jue française, "i'J ocIoImc 1875.
190 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
est la |jJus haute du groupe occidental, situé à plus de 1200 kilomètres au
sud-est du cap de Bonne-Espérance'. Entièrement volcanique, Marion
dresse sa coupole centrale à 1280 mètres, et même en été, au mois de
décembre, la neige recouvre la montagne jusqu'à 500 mètres au-dessus du
niveau marin; des volcans adventices hérissent comme des verrues tout le
pourtour du grand dôme, et des talus de cendres rouges, çà et là revêtus
de mousse, descendent jusqu'à la plage. L'ile du Prince-Edouard, ainsi
désignée par Cook, est de moitié moins élevée. Les Crozet, également décou-
vertes par Marion, forment un archipel de plusieurs îles, dont un som-
met, Possession-island, dépasse 1500 mètres. L'île des Porcs (Hog-island),
sur laquelle un capitaine anglais, avait lâché des cochons pour approvi-
sionner les baleinières et les naufragés, n'a plus de ces animaux; mais les
lapins y vivent par myriades, creusant leurs terriers dans les scories de
laves'.
Kerguelen, la grande île de ces parages, approche par sa côte méridio-
nale du SO*" degré de latitude. Découverte en 1772 par le capitaine fran-
çais dont elle porte le nom et visitée de nouveau par lui l'année suivante,
cette terre fut reconnue comme étant « certainement une île >i'', et non
pas une péninsule du grand continent austral cherché par tous les naviga-
teurs des mers du sud. Cook fut aussi, en 1770, l'un des explorateurs de
Kerguelen, dont il voulut changer l'appellation en celle de « Terre de la
Désolation ». Elle mérite en effet ce nom, ainsi qu'ont pu le constater
les baleiniers, puis les voyageurs du CiutUcwjer, et l'année suivante les
membres des expéditions anglaise, américaine et allemande (pii vinrent
y observer le j)assage de Ténus. Entourée de ses trois cents îles, îlots ou
rochers, Kerguelen était jadis de l'abord le plus difficile pour les navires
à voiles; cependant elle offre, principalement sur sa côte orientale, un
grand nombre de baies et de criques profondes où peuvent s'abriter les
bâtiments, après avoir franchi les passes. Par les indentations de ses ri-
vages, Kerguelen offre déjà cette formation des fjoi'ds t[\w l'on remarque
' Supcrficio (les yioiipos insuliilres :
Marion ot l'rinoc-ÉiloiKud 4 l.j kilomolics canes, d'apivs Relim et Wagner.
Crozet ,")23 » » »
Kerguelen et îles voisines 4 450 ii » d'après G. l'eirim.
Heard et Mac-Donald 440 d » d'après Behiii et Wagner.
- Nares, Expédition of lltc ClHilleiujcr.
' De Kerguelen, Relalioii de Deux Voyages dans les nieis Auslidles et des Indes.
ILES MARION. CROZET, KERGUELEN.
19d
sur les côtes des terres voisines du cercle [tolaire, jadis complètement
envahies par les glaces.
Les montagnes de Kerguelen, toutes i'ormées de roches volcaniipies, en
terrasses ou en colonnades, ne sont pas disposées suivant des alignements
réguliers, quoique dans l'ensemble l'axe d'élévation soit dans la direction
N' 57. KERGUtlLKN
Est Je Ta.,.
Est de G,
P/-o/'om:3feur'j
4^eOà50^:
t : isonooo
c/c WO ""et du 'c/e/â
du nord-ouest au sud-est. D'après les baleiniers, le foyer souterrain
de Kerguelen serait encore brûlant : au sud-ouest, une montagne lance-
rait des vapeurs'. Le sonimcl le ])Ius haut mesuré jusqu'ici est le mont
Ross (1(S63 mètres), situé près de l'extrémité méridionale de l'île; sur la
péninsule de l'est, le mont Crozier atteint 990 mètres, et le Wyville Thom-
son de la péninsule sud-orientale s'élève à 965 mètres. Des glaciers s'é-
panchent des cirques supérieurs de la montagne et au moins en un en-
' StiuliT, Geotirnpliisclie Gescllschaft iii Boni. 27 nkldljer 1S8I.
192 NOUVKLLE GÉOliRA l'UIE LNIVERSELLE.
droit de la côto ocfideulalc dt^sccndcnl jusqu'au Innd de la mor. A l'ouesl
les neiges et les glaces, qui recouvrent rintérieur de l'île et qui se con-
fondent pour les marins avec les blanches assises des nuages, ne permet-
tent guère de reconnaître les cratères, les crevasses et les coulées; mais
dans le voisinage du littoral se montrent de nombreux volcans à la coupe
terminale emplie de neige ou d'eau. La côte orientale, celle qui est tournée
vers le beau temps, reçoit moins d'humidité, et la ligne des neiges s'y
arrête en moyenne à 500 mètres au-dessus de la mer. A une époque an-
térieure, le climat de l'île fut très différent, car les schistes argileux des
vallées recouvrent çà et là du bois fossile dans tous les états de trans-
formation, ici presque frais, ailleurs à demi pétrifié ou même silice
pure; en outre, on rencontre dans les creux du basalte des couches de
charbon, d'une épaisseur qui varie d'un mètre à quelques décimètres et
que recouvrent des coulées plus récentes : ces gisements sont en si grand
nombre, que l'on s'est demandé si on pourrait les exploiter et faire de
Kerguelen im dépôt de charbon, sur la voie maritime de l'Angleterre à
l'Australie'. Cette possession française, inutile aujourd'hui, prendrait alors
une certaine importance commerciale. Il est certain qu'on pourrait aussi
y élever du bétail; des moutons qu'y débarqua l'expédition de Ross pen-
dant les mois d'hiver y réussirent parfaitement; d'ailleurs les îles Falkland,
dont le climat est le même que celui de Kerguelen et qui ont une faune et
une flore analogues, sont un excellent pays d'élevage pour les bichis.
Le climat actuel de Kerguelen est très égal, différant à peine de l'hiver
à l'été, mais humide et froid : d'après Studer, l'écart de température est
de 10 degrés seulement, de 0 en hiver à 10 degrés en été, et la moyenne
est de 4 degrés. On peut dire que dans cette île le vent souffle «■ tou-
jours » en tempête du nord ou de l'ouest, souvent avec accompagne-
ment de grêle, de neige et de jduie, mais aussi par un l)eau ciel clair.
Oiielquefois ce vent est déplacé par des orages venus du nord-est et por-
tant des pluies abondantes, des brouillards et une température élevée;
mais tous les autres vents sont passagers et le grand courant des airs
reprend sa marche normale dans la direction du sud-est'. C'est aux
tempêtes incessantes de Kerguelen (pie le naturaliste Studer fait remonter
la cause du manque d'ailes qui caractérise les insectes, notamment les
mouches et le papillon de l'Ile : à quoi serviraient des ailes à l'insecte,
puisque le vent l'emporterait avant (pi'il eût le temps de les ouvrir^?
' Von Sclilcinilz, Zcilsclnjfl (1er Gcsellschaft fur Erdkunde, 187ti.
- Hoolier; Nares, E.rpéditioii du Cli.T]lenger : — Aniudcs Hijdrotjriiidiiqucs, 7>' Iriiiiestre 1874.
3 Slniler, Ausfluij auf dcr liiscl Kcrfiueten, Berner Tasclientiiicli, 1881.
KERGl'ELES. 195
On a coiislalc aussi que les albatros ne nichent point sur la eôle nurd-
oceidenlale de l'Ile, tournée vers les tempêtes, entourée d'un brouillard
pei'pétuel : on ne les voit (pie sur les rivages de Kerguelen regardant vers
le ciel clair'.
].a flore de Kerguelen est d'une extrême pauvreté, celle d'une terre
antarctique plutôt que d'une île située dans la zone tempérée, correspon-
tlant pour la latitude à la vallée de la Somme. Hooker, qui passa un hiver
dans l'ile, n'y recueillit que 18 espèces de phanérogames, sur un total
de 150 espèces; des recherches postérieures n'ont fait découvrii' que trois
auli'es plantes à fleur. Près des deux tiers de la végétation se composent
d'algues et de mousses, et parmi les phanérogames la proportion des
monocotylédones est d'un tiers, proportion qu'on ne retrouve dans aucun
autre pays du monde. En débarquant sur le rivage des criques, après avoir
franchi la zone des grandes algues [macrocystls pyrifera), dont les liges
en cordage ont jusqu'à 60 mètres de longueur, on aperçoit d'abord une
étroite zone de gazon, puis viennent des plantes à l'aspect de saxifrage,
des mousses et quelques graminées poussant dans le creux des roches ;
l'azorellaselago forme sur les pentes d'énormes coussins emplis d'eau, où
l'on enfonce jusqu'aux genoux. Un seul végétal fait un certain effet dans
le paysage par la grandeur de ses proportions : c'est un chou, une cruci-
fère gigantesque, dont le nom latin (jjrinfjlea anthcorbutica) dit les ser-
vices rendus aux équipages de navires fiuigués par la nourriture du bord :
ce chou est une production spéciale de Kerguelen, car on ne le trouve
sur aucune autre terre de l'océan Indien. Une autre phanérogame, le
lyellia, rappelle une plante andine : trois espèces que l'on croit également
originaires de Kerguelen, ressemblent tellement à des congénères de la
Terre de Feu, qu'on est tenté de les considérer comme de simples va-
riétés; enfin, une plante est d'origine australienne. Dans l'ensemble, la
flore de Kerguelen se rattache à celle de la Terre de Feu, ce qui doit s'ex-
pliquer sans doute ])ar la direction des eaux portant incessamment vers
l'est. Le seul oiseau propre à Kerguelen et aux archipels Marion et Crozet,
le chionis miiior, est de la grosseur d'un pigeon o.l ressemble à une
espèce des îles Falkland et de la Terre de Feu. (Juoique située dans le voi-
sinage relatif de l'Afrique et de l'Australie, Keiguelen est plus rapprochée
zoologiquement du Nouveau Monde que de l'Ancien.
L'île n'a ni mammifères terrestres, ni reptiles, ni batraciens, et les
phoques à fourrure et autres cétacés, encore fort nombreux dans les
' Expoilitioii du Cliallciiycr, 1874.
XIV. 25
m >'OUVliLLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
mers de Kergueleii au commeiicemenl du siècle, soiil devenus rares.
En 1845, plus de cinq cents navires poursuivaient la baleine dans ces
parages; en 1874, le nombre des bâtiments employés à la pèche était des-
cendu à cinq ou six. Les otaries sont menacées d'une extermination com-
plète; elles sont même si réduites en nombre, qu'on ne leur fait plus
régulièrement la chasse; mais on poursuit encore les éléphants de mer
{cystopliora Iconina), ces phoques énormes dont le mâle, deux fois plus
grand que la femelle, est armé de puissantes défenses et gonlle son nez
en forme de trompe : un de ces mâles fournit une tonne d'huile, autant que
mille pingouins'. Obligés d'aller à terre pour nourrir leurs petits, ces ani-
maux passent sous le feu des chasseurs, qui exterminent tout, mâles et
femelles, jeunes et vieux. Seules les baies de la côte occidentale offrent en-
core un asile aux phoques, grâce à la violence des vagues qui en inter-
disent l'approche aux embarcations. Des pêcheurs qui avaient recueilli une
énorme quantité d'huile sur la pointe sud-occidentale de Kerguelen atten-
dirent inutilement j)endant des années qu'un navire tentât le passage des
brisants pour prendre cargaison, et, de lassitude, ils finirent par mettre
le feu à tous leurs barils : de là le nom de Buiifirc-bracli, « plage du Feu
de Joie », donné à cette partie de la côte. Le havre où les marins abordent
le plus fréquemment est le Christmas-harbour ou « port de Noël >', situé
près de l'extrémité nord-occidentale de Kerguelen, et signalé de loin par
une arche de basalte, grandiose porte triomphale.
Mac-Donald, au sud-est de Kerguelen, est un simple incher envi-
ronné d'écume, où nul pêcheur n'aborde; mais l'Ile lleard est fréquentée
par les pêcheurs de baleines et de phoques. L'île est presque entièrement
blanche : seulement aux promontoires on aperçoit les noires parois de
laves. Deux énormes névés aux langues de glace recouvrent les monts
autour du sommet principal, le Big Ben, que l'on dit supérieur en altitude
au moût Boss de Kerguelen. Il aurait environ 1000 mèti'es de hauteur;
mais les naturalistes du Challenfier ne purent l'apercevoir : au-dessus
de 500 mètres tout disparaissait sous l'épais brouillard. Le climat de
Heard est encore plus froid et plus tempétueux que celui de Kerguelen.
Les vents polaires du sud-est, qui ne soufflent pas dans cette dernière
île, sont très communs dans les parages de la terre méridionale et leur
violence est à redouter.
' SluiliT, iiR'iiluire cité.
CHAPITRE III
INSULINDE
VUE D ENSEMBLE.
L'« Inde insulaire », Insulinde ou Indonésie, ainsi que l'ont justement
appelée les Hollandais, constitue, indépendamment de toute juridiction
politique, un ensemble bien délimité. Le socle qui porte les deux grandes
îles de Sumatra et de Java est brusquement coupé du côté de l'océan
Indien par des falaises sous-marines qui descendent jusqu'aux abîmes les
plus profonds de tout le bassin. Java se continue à l'est par une traînée
d'iles de moindre étendue qui se prolonge jusqu'au nord-est de Timor
et qui fait évidemment partie de la même région : les volcans qui s'ali-
gnent sur cette longue chaîne d'îles témoignent de l'action des mêmes
forces géologiques. Au sud de la Papouasie, l'étroite zone volcanique se
recourbe comme pour limiter à l'orient la région de l'Insulinde. Une des
cr.evasses d'éruption ti'averse l'île de Ilalmahera' ; une autre passe à
l'extrémité de la grande terre de Celèbès et l'enferme, pour ainsi dire, dans
l'hémicycle des volcans. Quant à Bornéo, la plus considérable des îles de
la Sonde en étendue, celle masse presque continentale appartient bien
plus intimement encore au même groupe que Sumatra et Java, car elle se
trouve sur un même piédestal de fonds à peine immergés : un lil marin
moindre de 100 mètres en profondeur, où les navires peuvent jeter l'ancre
]iartout, sépare les trois grandes îles : une dénivellation de KO mètres
' L'orlliiigi;i|ïli(' i'iii|ili)yi''t' pour les noms do lieux <liuis renipire culonia! néerlandais est l'urliio-
Kraplie hollandaise, telle que la donnent les doeunients officiels.
196 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE
ajoulorait au continoni d'Asie un espace d'environ 5 500000 kilomètres
carrés. A maints égards les Pliilippines pourraient être aussi considérées
comme faisant partie de la même région naturelle que l'insulinde, car le
demi-cei'cle des volcans se continue à travers l'archipel espagnol, et les
deux principales îles de ce groupe, Mindanao et Luzon, se rattachent l'une
et l'autre à Bornéo par des rangées d'îles, d'îlots et d'écueils; mais déjà
les Philippines se trouvent sous un climat différent, et presque sur tout
leur pourtour, elles haignent dans les eaux profondes. Entre les deux
groupes insulaires de Bornéo et des Philippines on trouve dans les mers
de Sulu des ahimes de plus de 4500 mètres.
Mais l'insulinde elle-même, ainsi que Wallace l'a depuis longtemps
prouvé', se divise naturellement en deux régions bien distinctes : l'une
rindo-Malaisie |)roprement dite, qui comprend les trois grandes îles de
Sumatra, Java et Bornéo, unies par un lit marin sans profondeur; l'autre,
l'Austro-Malaisie, où ne se trouve qu'une seule terre de dimensions con-
sidérables, Celèbès, et dont les deux îles surgissent d'abîmes océaniques.
Des contrastes de climat, de flore, de faune, de populations humaines
existent entre ces deux moitiés de l'insulinde; mais l'une et l'autre offrent
des caractères communs qui permett(>nt de les considérer comme formant
dans leur ensemble une partie du monde distincte de l'Asie, dont elles
sont le prolongement sud-oriental, sur une très grande étendue de la
surface marine. La superficie réunie de toutes les terres insulindiennes
est évaluée à près de I 700000 kilomètres carrés, soit plus de trois fois la
surface de la France,, mais l'espace sur lequel ces terres sont parsemées
est beaucoup plus vaste : de la pointe extrême du nord de Sumali'a à la
dernière île de Tenimber, le long de l'océan Indien, la distance est de
4700 kilomètres, et de Lomhok à la pointe sejttentrionale de Bornéo la
plus grande largeur de l'insulinde atteint II 75 kilomètres. Dans cette
immense étendue on com])te une île plus vaste que la France, une autre
supérieure à la Grande-Bretagne, deux qui dépassent l'Irlande en étendue,
sept qui l'emportent sur la Corse, et par dizaines des îles occupant plus
de surface (|ue Malte : les îlots sont innombrables; partout des tfnifili, —
mot que l'on emploie pour désigner des « terres fermes » cultivées, —
de^poulo, des novm, c'est-à-dire des îles, des îlots sans culture ou fai-
blement p('uplés". Il semble au voyageur perdu dans le labyi'inlhe des îles
que l'insulinde es! un monde sans bornes. Sur une barque malaise, il
Thr Miilini ,\rtliijicl<i(i(): — Tlw liiiiil of tlic Ommj-Utnii riiiil llic Iliril of l'ara'lise.
Gi-iwiiinl, Ilixiiirii oj thr liiiliiiii Arihijirldfiii.
INSULISDE.
197
cingle peiulanl des jours et des semaines le long des grandes îles, au
milieu de sites toujours nouveaux, parmi des tribus qui diffèrent de mœurs
et de langage et ne se connaissent même pas de nom. Des promontoires,
des volcans éleints ou fumants, des bancs de coraux, des forêts insulaires
qui semblent surgir des flots comme un bouquet de verdure marquent les
étapes sur la mer sans lin.
Comme région de passage entre deux continents, Asie et Australie,
rjnsnlinde présente un singulier contraste avec cette autre zone de transi-
lion que, de l'autre côté de la merdes Indes, les terres arides de l'Arabie
N" 38. SOCLE SODS-.MAniM UES TERBES DE L INSCLISDE.
Est de P;
Est de Gr.
I : îGoooooa
et de Suez forment entre l'Asie et l'Afrique. Par la richesse de son dévelop-
pement insulaire, par l'infinie variété de ses paysages, par l'éclat de sa
flore, le nombre de ses espèces animales, la diversité de ses populations
et l'abondiince de ses ressources, l'Insulinde l'emporte même sur la partie
de la surface terrestre qui lui correspond à l'orient, de l'autre cùt('' du
globe. Ces contrées, pourtant si belles, qui constituent la région médiane
de l'Amérique centrale et des Antilles, entre les deux continents du Nou-
veau Monde, ne peuvent se comparer en splendeur aux îles de la Sonde et
aux Moluques. Elles leur sont aussi bien inférieures pour l'importance
dans riiistoire et pour la valeur économique dans les relations de jieuple
198 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
à peuple. A elle seule, l'île relativemeul petite de Java est plus riche en
hommes et en productions que toute l'Amérique centrale et les Antilles, et
(le nombreux détroits entre les îles offrent au commerce des grands che-
mins interocéaniques plus vastes et plus commodes que ne le seront
jamais les canaux de Panama et de Nicaragua, percés à grands frais à tra-
vers les marécages et les rochers.
Traversée dans toute sa longueur par la ligne équinoxiale, l'insulinde
pourrait être appelée le « Sud du Monde », non pas seulement comme
l'Afrique intérieure, à cause de sa haute température annuelle, mais sur-
tout à cause de la fertilité de ses terres, à la fois chaudes et largement
arrosées, de l'exubérance de sa végétation, de la nature précieuse de ses
produits. L'énergie môme qui se manifeste dans les forces volcaniques à
l'œuvre sous les îles de la Sonde et les terres voisines contribue à faire de
cette région un des centres de l'activité terrestre. Le sol y vibre et s'y en-
tr 'ouvre encoi'eplus fréquemment que sur le foyer des laves de l'Amérique
centrale et des Antilles. Java, File la plus populeuse du monde, la mieux
cultivée, la plus productive, est aussi la pins violemment secouée par les
convulsions du sol, celle où les laves .se sont ouvert le j)lus de crati'res per-
manents.
Ces terres si remarquables ne sont point habitées par des peuples indé-
pendants. Quelques tribus insoumises se cachent encore sur les plateaux
de Sumatra, dans les forets de Bornéo et d'autres îles, mais elles ne
représentent en nombie qu'une bien faible partie des habitants de l'insu-
linde. Quant aux populations malaises plus ou moins civilisées, qui par
le commerce ont exercé tant d'influence dans le monde océani(jue et dont
les colonies se sont répandues sur un espace immense, de Madagascar en
Polynésie, elles ne se sont jamais constituées en un corps de nation com-
pact et leurs conquêtes ne se sont faites que par tel ou tel groupe isolé
de l'ensemble. De nombreux petits États malais se sont fondés, mais la
race n'a point eu de grands empires : la diversité que présente leur pays,
divisé en mille petites patries insulaires, s'est retrouvée dans leur histoire,
l/unilé ])olitique, n'ayant |)u se produire spontanément, se fait sous le
pouvoir de l'étranger. Les Européens qui se sont emparés de l'Amérique
entière, des deux tiers de l'Asie, d'une moitié de l'Afrique, se sont faits
aussi les maîtres de l'insulinde : une seule puissance d'Europe, et l'une
des moindres actuellement par sa force militaire, domine dansée monde
immense compris entre l'Indo-Chine et l'Australie.
Guidés pai- les jiilotes arabes, les navigateurs portugais, les voyageurs
italiens apparurent dès les |)remières années du seizième siècle dans les
UISTOIRE DE L'INSULINDE. 201
mers do la Sonde, et dès IMI Albuquerque, devenu maître de la grande
ville de Malacca, donnait à sa nation la prépondérance politique dans tout
le monde malais; l'année suivante, le premier chargement de noix de mus-
cade pai'tait directement de Banda pour Lisbonne. Afin de pouvoir explo-
rer au plus tôt toutes les parties de leur nouveau domaine les Portugais
décidèrent que chaque bateau de commerce, malais, javanais, chinois,
trafiquant avec Malacca serait désormais commandé par un capitaine eu-
ro])éen. En peu d'années les marins occidentaux apprirent à connaître
le labyrinthe des routes maritimes dans l'Insulinde et à s'assurer les
bénéfices du commerce des épices entre les Moluques et Lisbonne. H est
vrai que les Espagnols, conduits par Magalhàes, vinrent à leur tour reven-
diquer les Moluques comme leur propriété légitime. En vertu de la bulle
d'Alexandn; \L qui partageait le monde récemment découvei't et à décou-
vrir entre les deux puissances ibériennes, le Portugal avait droit aux terres
situées à l'extrême Orient; mais l'Espagne, de son côté, réclamait ces
terres comme placées à l'extrême Occident, par delà le Nouveau Monde,
et pour terminer les conflits il fallut que les Portugais payassent la rançon
des îles disputées. Ils en restèrent les tranquilles possesseurs pendant près
d'un siècle; mais dès 1596 les navires hollandais, auxquels le commerce
direct avec Lisbonne avait été interdit par Philippe II, apprenaient le
chemin de l'Orient: ils apparaissaient devant Malacca et s'approvision-
naient eux-mêmes d'épices dans les comptoirs malais. Telle fut l'ardeur
commerciale inspirée par les deux frères Iloutman, qui avaient à venger un
emprisonnement à Lisbonne, qu'en sept années les négociants d'Amster-
dam et d'Anvers expédièrent vers l'Insulinde quinze flottes, comprenant
ensemble soixante-cinq bâtiments : ce fut un vrai mouvement national'.
En 1600, les nouveaux venus obtenaient un lambeau de territoire à Suma-
tra; en 1610, ils s'établissaient à Java et y bâtissaient un fort, remplacé
plus tard, malgré les Anglais, par celui de Batavia, point central de leurs
futures conquêtes. A cette époque, les Portugais étaient politiquement trop
déchus ])our soutenir la lutte contre les Hollandais : déjà en 1609 les
Moluques leur avaient été ravies, et de leur immense empire d'autrefois il ne
reste dans ces parages que la moitié orientale de Timor, avec un îlot voisin.
Devenue puissance politique et militaire, commandant à des royaumes
et disposant de troupes considérables, ayant des amiraux et des généraux à
ses gages, la compagnie de marchands à laquelle le gouvernement hollan-
dais avait concédé en 1602 le commerce de l'Insulinde se trouva néan-
' Rdlanil Donapartp, Rmie de Gcnçimpliic, 1884.
XIV. 26
202 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
moins trop faible pour défendre ses immenses possessions quand ses
rivaux, les commerçants anglais, furent devenus les maîtres de la mer. A
la fin du dix-huitième siècle, les Moluques, ces îles à épices considérées
comme la plus précieuse des richesses coloniales, tombèrent au pouvoir
de l'Angleterre et, pour éviter que tout le reste de l'Insulinde ne lui fût
également enlevé, les privilèges de la compagnie furent rachetés en 1800
par l'Etat hollandais, devenu la république Batave. Mais Java et ses dé-
pendances n'en passèrent pas moins entre les mains des Anglais, qui les
rendirent seulement en 1816. Depuis cette époque, la Néerlande, contrée
de si faible étendue en comparaison de ses possessions indiennes, est res-
tée dominatrice de tous les archipels qu'elle possédait à la fin du der-
nier siècle; même elle a étendu sa domination sur plusieurs îles qu'elle
ne s'était pas encore attril)uées et son pouvoir effectif s'est consolidé dans
l'intérieur de Sumatra, de Celèbès, de Bornéo. Seulement la partie septen-
trionale de celte dernière grande île était restée jusqu'à ces derniers temps
en dehors de l'influence hollandaise, ce qui a permis à une compagnie
britannique de s'y tailler un domaine pour l'annexer à l'empire colonial
de l'Angleterre. Cette terre anglaise, et dans la même île de Bornéo la
principauté de Sarawak, acquise par un officier de fortune britannique,
enfin le sultanat de Brunei la moitié portugaise de Timor sont les
seules contrées de l'Insulinde qui ne soient pas considérées officiellement
comme dépendant du petit État hollandais ; pourtant il reste encore dans
l'immense archipel des nations à conquérir, comme celle d'Atjeh, dans le
nord de Sumatra. Depuis que l'Allemagne, devenue à son tour puissance
coloniale, a pris part au partage des terres lointaines, elle a découpé dans
le continent d'Afrique des territoires d'une plus grande étendue que l'In-
sulinde; mais leur valeur est nulle, pour ainsi dire, on comparaison de
ces possessions néerlandaises, que nombre d'hommes politiques s'accor-
dent à considérer d'avance comme un prochain héritage de la Germanie.
Est-ce en prévision de cette richesse future que le gouvernement d'Alle-
magne s'est emparé d'une grande partie de la Papouasie et des archipels
voisins, afin de prolonger vers l'orient cette Inde insulaire, déjà si vaste,
que la destinée semble lui promettre du côté de l'occident?
La littérature historique et géographique relative à l'Insulinde est
énorme et s'agrandit annuellement par de nouveaux ouvrages : des cher-
cheurs, isolés ou se groupant en sociétés savantes, travaillent sans cesse
à l'exploration matérielle et morale du monde malais, et parmi les docu-
ments publiés il en est de premier ordre, car l'Insulinde est une des
régions les |)liis riches en faits intéressants sur la physique du globe, la
HISTOIRE, EXPLORATION DE L'INSULINHE.
203
distribiilion tlos llores et dos faunes, la migraLioii des races et l'évolulion
des hoinmes, les ])roblènîes de la politique et de l'économie sociale'. Mais
ce qui manque encore à ce travail encyclopédique est que les indigènes
eux-mêmes y prennent part : chasseurs sauvages ou travailleurs soumis,
ils n'ont qu'un bien petit nombre de représentants dans le monde de la
science et des arts, et ceux d'entre eux qui participent au mouvement
des études contemporaines ne peuvent le faire avec assez d'indépen-
dance pour juger des choses on toute sincérité.
Grâce à la facilité des voyages, le temps n'est plus où les compagnies
N^ 59. t^lI'LRFICIES COMPARLtS DE LA HOLLANDE ET DE L INSLLINDE HOLLANDAISE.
Est d. Par.
^^-^f
Est de Greenwich
1 (KOOOCOO
et les gouvernements, jaloux de leur monopole commercial, ne permet-
taient pas que l'on publiât les cartes de leurs îles. Au seizième siècle, les
Espagnols et les Hollandais punissaient do mort quiconque faisait con-
naître les itinéraires de leurs navigateurs. A leur tour, les Hollandais,
après s'être procuré ces cartes à grand prix et en avoir fait de nouvelles,
se gardaient bien de les publier'; on en donnait des copies à chaque capi-
taine de vaisseau, avec injonction de les remettre au retour dans les ar-
chives de l'amirauté, et la peine du fouet, la marque, le bannissement
étaient réservés aux traîtres qui les montraient à des étrangers. Même
dans les parages dangereux, et dont les périls étaient grossis à plaisir
par la légende, on refusait des pilotes aux navires en délresse^ Maintenant
' Voir surtout Bijdrayen van de Tant- Land- en Volkenkundc.
- Roland Bonaparte, inénioire cilo.
^ Bernardin de Saint-Pierre, Yoi/ayc à l'hic de France; — L. A. de BougainvlUe, Voijagc de la
Boudeuse i) et de la flûte l' n Etoile ».
204 NOUVELLE GÉOGRAPUIE INl VERSELLE.
cerlaines parties de l'Insulinde sont, au point de vue purement extérieur,
mieux connues que maintes régions de l'Europe orientale; mais il est
aussi plusieurs îles dont l'intérieur n'est figuré sur les cartes que d'après
des itinéraires incomplets ou les renseignements des indigènes. Toutefois
le réseau géodésique s'étend peu à peu d'île en île à travers l'Insulinde et
tôt ou tard l'ensemble de l'archipel sera représenté avec la même fidélité
et le même détail que Java, quelques parties de Sumatra et même de Celè-
bès, déjà figurées par d'aiimirables cartes topographiques et géologiques.
Quant à la population, on n'en connaît point encore le chiffre, même ap-
proximatif. Les statistiques officielles' distinguent pour les difféi'enles îles
les nombres d'habitants donnés par un recensement régulier, par une éva-
luation raisonnée ou par une estime plus ou moins plausible ; enfin il
est des contrées pour lesquelles les auteurs ne hasardent même pas de con-
jectures'.
Les îles de la Sonde appartiennent, on le sait, à la zone des vents alizés
et des moussons alternantes, mais le va-et-vient des saisons et les phéno-
mènes locaux déplacent incessamment les foyers d'appel et modifient en
conséquence la marche des vents. A Batavia, prise comme poste central au
milieu des 151 stations météorologiques de l'Insulinde", la « bonne mous-
son » c'est-à-dire le vent alizé du sud-esl, l'emporte pendant les mois de
l'été septentrional, principalement durant les mois de juin, juillet, août et
septembre, et l'atmosphère est en général moins humide que pendant la
« mauvaise mousson «, qui comprend surtout les mois de décembre à
mars, ceux où les nuages laissent tomber une plus grande abondance de
pluies. Toutefois ce contraste des saisons ne se présente pas toujours
d'une manière bien tranchée, surtout dans l'intérieur des terres. Il n'est
pas de mois qui n'ait sa part de pluies, et même pendant la saison dite
sèche l'atmosphère des rivages marins contient près de 80 pour 100
d'humidité relative; elle est presque saturée lors de la saison des pluies.
La chute d'eau en moyenne sur toute l'Insulinde dépasse 5 mètres, d'après
Voyeïkov. Kn maintes régions de l'Insulinde, il est très difficile de distin-
' lieficcriiKiSdliiuiiiiik lujor iScdoiiinilsih Indiv, 1888.
- SuiK'il'iLii; ol pnpulaliiin iiiobiililo de riiisiillii(lc en 1881, sans la Nouvolle-iùiitiéc :
Sii|icrlicic. Pcipul.Tlioii. lVi|iiil, kilom
Insiilinde hollandaise 1 4(i'2 000 kil. carrés. 30 6,^0 000 haliilaiils. 'illiali.
i> anglaise, dans Bornéo. . . 171800 » 550 000 d ."i »
» portugaise I(i850 pi 550 000 n H'i »
ÏMdianal de Brunei .",8 000 » 80 000 » 2 »
Ensemble. . 1 089 250 kil. carrés. 51 810 000 habilants. Il) liab.
'" En 1885. (Voveikov, Oesterreichischc Zeîlschrift fiir Meleoroloyie, 1885.)
CLIMAT DE L'INSULINDE. 205
guor la vi''rilal)l(' allcrnnnce îles saisons et de se rendre l)ien compte de
la succession noimale des jours pluvieux et des Leaux jours. Même, à
l'est de Celèbès, c'est le vent alizé du sud-est qui apporte en i^énéral les
pluies, tandis que la mousson de l'ouest balaye les nuages de ratniosjihère :
dans une zone indécise et changeante, entre Sumatra et Timor, les deux
vents opposés sont accompagnés en moyenne de la même quantité de
pluies. Dans le dédale infini des îles, chaque détroit, chaque ruelle d'eau
change la direction des vents inférieurs, des brises et des courants de houle.
De bas en haut, c'est-à-dire du littoral au sommet des montagnes, on
observe des changements considérables dans le régime des vents. La mous-
son occidentale n'entraîne que la masse inférieure de l'air et son épaisseur
n'atteint jamais 2000 mètres. La force de la mousson se fait sentir prin-
cipalement vers la base et sur les premières pentes des montagnes, par
exemple à Buitenzorg (280 mètres), dans la partie occidentale de Java :
en cet endroit, un des plus abondamment arrosés de toute l'Disulinde, il
tonne souvent tous les jours pendant des mois entiers : on s'habitue si
bien à entendre le grondement de la foudre rouler de montagne en mon-
tagne, qu'on s'étonne, le soir, lorsque l'atmosphère est sans nuages et sans
rumeurs. Mais au-dessus de la zone où souffle la mousson, l'espace appar-
tient constamment à l'alizé du sud-est' : tantôt il s'élève, tantôt il s'abaisse,
et parfois, en frôlant ou même en heurtant la mousson, produit des cy-
clones locaux d'une violence extrême ; mais dans les hauteurs de l'air il
garde toujours la prépondérance, et les fumées des volcans sont régulière-
ment entraînées par lui dans la direction de l'ouest : aucun spectacle n'est
plus saisissant que celui d'une tem])ète de l'ouest qui ploie les arbres, en-
traîne les nuées avec fureur, tandis que plus haut, par une jK'rcée d'air
l)leu, on aperçoit la longue fumée du volcan se déroulant en sens inverse
dans le ciel })ur. Dans ces régions supérieures l'atmosphère est beaucoup
moins souvent troublée que dans la zone basse et les pluies y sont peu
abondantes.
Des changements analogues dans le régime du climat s'accomplissent
suivant la direction de l'ouest à l'est. La partie occidentale de Java est
plus humide que la partie orientale et celle-ci reçoit plus d'eau que Timor.
De même les températures saisonnières deviennent de plus en plus iné-
gales dans la même direction. Dans les îles de la Sonde, l'écart entre les
tem|)ératui'cs mensuelles ne com|)orte même jias un degré centigrade :
c'est du jour à la nuit que l'on observe les extrêmes, mais non de l'été à
' Fr. Juiigliulin, Java, iijne gcdaante, :y/i plaïUcnluoi cii zijn inwcncliye buuiv.
206 ^0UVELL1:; GÉOGIIAPUIE UNIVERSELLE.
l'hiver : si dans les mois secs les nuits sont plus froides et les journées
plus chaudes, il y a compensation pendant les mois pluvieux, à tempéra-
ture sensiblement égale, le jour et la nuit : à Batavia, l'oscillation du ther-
momètre entre les extrêmes de froid et de chaud dépasse rarement 10 de-
grés pendant tout le courant de l'année; mais à Timor l'écart est beau-
coup plus considérable : déjà les terres orientales de l'Insulinde parti-
cipent du climat australien'.
La flore de l'archipel, comprenant plus de 0000 phanérogames, décrits
par Miquel % appartient à la même zone que la flore indienne; mais dans
la direction de l'est elle se modifie graduellement et se rapproche de
plus en plus du type australien, à mesure que l'atmosphère se fait moins
humide et que la température présente de plus grands écarts entre ses
extrêmes : à Timor, le caractère de la végétation est déjà beaucoup plus
australien qu'hindou; les eucalyptus, les casuarinées, les acacias do-
minent, et, loin de se presser en forêts, ils se présentent en taillis
clairsemés comme sur le continent voisin. Mais dans les îles occidentales
de l'Insulinde la puissance de production végétale est extrême, et malgré
les défrichements, malgré la lutte incessante des cultivateurs contre la
végétation spontanée, certaines forêts de Java ne sont pas moins belles
que celles du Brésil et de la Colombie. En de vastes districts, occupant
peut-être le quart de la superficie de Java, s'étendent, il est vi-ai, des
savanes où ne croît que l'herbe d'alang {impcrata arundinacea), dans
laquelle le cheval disparaît avec son cavalier. Au milieu de ces mers de
graminées, d'un vert pâle, se voient quelques bouquets d'arbres épars ;
mais ces savanes sont dues à l'action de l'homme qui détruisit les forêts,
soit pour défricher le sol, soit pour éloigner les tigres ou les serpents, et
d'ailleurs les grands arbres, laissés à eux-mêmes, y reconquièrent peu à
peu le domaine qui leur fut enlevé. Il est aussi des forêts à l'ombre rare,
' Tcinpi'i'atuivs et pluies de diverses loc;ilités de l'Insulinde, d'après des observations variant de
cinq à treize années :
T.'niiiùr. Mois Moi»
Lieux AitiUlilc. aiiiiii.'llc. k- plus tliauil.
l'adang (Sum.), 0» 56' lat. S. 20»,6 27o,2 (mai)
Palenibang(S.), 2"50' )) 27» 27»,4 »
Danjermassin, 5» 34' » 270,1 27<',7 »
Datavia (Java), 6» H' )> 2jO,U 26o,4 (mai, oct.
Iiuitenznrg(J.), G".57' o 280" 25» 2.'j",5 (sept.)
lianjoewangie, 8» 17' » 26»,7 27»,3 (avril)
Amboine. 5" 41' u 26'',."> 27».2 (février)
(Uann. Handhuch (1er Kliiiuiloloyie; — Vciyeikiiv, licijen-Vcrliâllnisse tics
Mnlniisclicii Anliipcts.)
- Ili'schyijviiiij l'dii Siuiiatiii's PUiiilcinvci'i'ltl.
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lus froid.
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5"',7ô0
FLORE DE I/INSULINDE. 207
celles des .icacias et des mimosées qui croissent sur les montagnes cal-
caires; mais dans les terres humides et fécondes du littoral et des pentes
bien arrosées le sol n'offre plus assez d'espace pour toutes les plantes qui
s'y pressent; chaque tronc d'arbre se recouvre d'épiphytes, les lianes lient
les branches les unes aux autres, et, s'échappant par les dômes de feuillage,
s'élèvent les hampes des palmiers, « deuxième foret se dressant au-dessus
de la première ».
Les îles de la Sonde ont leurs espèces particulières de palmiers, entre
autres deux sortes de palmiers-sagou {metroxylon Rnmpliii ou sagus) et
le coryphn ou palmier gebang, qui croît dans une étroite zone, d'environ
150 mètres en altitude, immédiatement au-dessus des forêts du littoral. Des
palmiers-lianes ou rotang, le « rotin » des ouvriers d'Europe, s'attachent
aux autres arbres, se suspendent même en guirlandes d'une cime à l'autre
et se prolongent parfois à plus d'une centaine de mètres, unissant toute
la forêt en une masse solide, impénétrable à l'homme qui ne manie
pas la hache ou ne se fait pas précéder par le feu. Des espèces de bam-
bous croissent aussi à la façon des lianes et peuvent atteindre plus de
40 mètres en longueur; d'autres sont armées d'épines et se pressent en
fourrés qu'évitent même les fauves. Ce que peuvent devenir les plantes
parasites dans ces îles de la Sonde où la sève alimente les végétaux avec
tant d'abondance, on le voit par les fleurs du raf/lesia, qui croît sur les
racines et les branches de l'ampélidée cissus : sur une des espèces indi-
gènes de Sumatra s'épanouissent des fleurs ayant jusqu'à 2 mètres 8 dé-
cimètres de tour.
Sur le penchant des montagnes, les plantes de diverses espèces s'étagent
suivant les climats, de la zone tropicale des côtes à la zone tempérée des
sommets ; cependant on observe de curieux phénomènes de voisinage entre
végétaux qui appartiennent naturellement à des régions différentes. C'est
ainsi que, dans l'île de Sumatra, des chênes se trouvent associés à des
camphriers dnjobalanops, sur le littoral même; des éricées s'y montrent
aussi, tandis qu'à Java elles n'habitent que les montagnes, à des altitudes
considérables. Sumatra possède dans ses districts élevés du nord des
espèces de pins mêlées à des casuarinées : c'est là que s'arrête vers le sud
le domaine de ces conifères dont l'Himalaya est la patrie par excellence;
nulle part ils ne franchissent l'équateur dans la direction du sud. Chaque
île de l'Insulinde a sa part considérable de plantes endémiques dans l'im-
mense variété des espèces. C'est ainsi que dans la flore de Sumatra, com-
prenant d'après lui 2642 phanérogames connues, Miquel signale 1049
formes qui ne se retrouvent pas dans l'ile de Java, séparée pourtant de
208 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
la première île par un étroit canal. Même les deux moitiés de Java, celle
de l'ouest et celle de l'est, différant légèrement par le climat, contrastent
par les caractères de la flore locale. Non seulement les Moluques, depuis
longtemps fameuses par les espèces rares qui croissent sur leur sol, mais
toutes les autres îles de l'archipel ont des plantes qu'on ne voit en nulle
autre partie de la surface terrestre : en trois années, le botaniste Beccari
a découvert plus de deux cents espèces complètement nouvelles dans le
seul district de Sarawak, au nord-ouest de Bornéo. Dans les îles mêmes,
les sommets des montagnes forment comme autant d'îles secondaires,
dont la flore se distingue de celle qui les entoure et rappelle les types de
terres éloignées, à température plus froide : à 2600 mètres d'altitude, sur
les hautes pentes de la montagne de Kina-Balou, à Bornéo, se rencontrent
des plantes appartenant à des genres qu'on retrouve seulement dans la
Nouvelle-Zélande '.
Dans la direction de l'ouest à l'est, la flore se modifie graduellement en
raison des changements du climat, mais pour les animaux le passage est
brusque de l'une à l'autre f;iune : tandis que les espèces des îles occiden-
tales jusqu'à Bali ont le type indien, celles des îles orientales, à partir de
Lombok, offrent les caractères des formes australiennes; deux mondes,
« aussi différents que l'Europe l'est de l'Amérique », se trouvent en pré-
sence, séparés l'un de l'autre par un détroit moindre de 35 kilomètres en
largeur. ]1 est vrai que les deux îles Bali et Lombok, en grande partie
composées de roches volcaniques, sont peut-être dans presque toute leur
étendue d'origine moderne. Ce qui de nos jours est un étroit caïud fut
jadis un large bras de mer; mais le contraste frappant de deux ftuines,
précisément dans une chaîne d'îles offrant une si grande unité au point
de vue de la géographie physique, n'en est pas moins un phénomène des
plus remarquables. Un des traits saillants de la surface terrestre est
cette rangée d'îles volcaniques, nées évidemment d'une même crevasse
du fond marin, qui se continuent de l'îlot de Krakatau à celui de Nila,sur
une longueur de 2775 kilomètres, et cette traînée de laves se trouve cou-
pée au milieu précis par une brusque ligne de séparation entre les
faunes! On doit en conclure que la formation des volcans de la Sonde
est un i)hénoniène relativement moderne : l'affrontement des deux faunes,
indienne et australienne, prouve que la distribution des terres et des mers
et la vie ]ilanétaire elle-même dil'iéraient jadis en ces parages.' Entre
Bornéo et Celêbès, que sépare d'ailleurs un détroit dé])assant de beau-
A. GrisBbac'i, In Yéyétation du Globe, tiad. par Tcliilialcliof.
FLORE. FAI NE DE 1/ INSILIMIE.
909
cou[j celui de Lombok on largeur, le conlraste entre les espèces d'animaux
n'est pas moins remarquable : de part et d'autre presque toutes les formes
appartiennent à des familles distinctes. On doit en conclure que là aussi
les terres différant par leurs faunes respectives doivent être restées sans
islhme de jonction depuis des temps géologiques très anciens; mais
Celèbès ne faisait point, comme Lombok, partie du monde australien : de
N" 40. LIGNE DE SÉPAIUIION DES FAUNES DANS L'iNSrLINDE.
Est de Par
I : 52S00000
tous les côtés elle apparaît isolée; c'est une terre dont l'isolement complet
est un fait géologique datant des âges les plus l'eculés'.
Ouant aux trois grandes îles occidentales, Sumatra, Java et Bornéo, que
des lits marins si peu profonds séparent actuellement du corps continen-
tal de l'Asie, leur faune aussi bien que leur flore démontre l'ancienne con-
tinuité des terres. Wallace compte 48 espèces de mammifères qui sont
communes à la Malaisie continentale et à l'archipel voisin. Sumatra,
longue chaîne de montagnes parallèle à la péninsule de Malacca, peut être
considérée comme ayant une faune presque identique à celle de la terre
' Earl, Niitii'c races of Ihe Iiuliau Ariliijtcliiiio: — Wallace, niivrage cité.
XIV.
210 NOUVELLE GÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
ferme; Bornéo, plus éloijinée du conlinenl, présente déjà une certaine
originalité dans ses formes animales; Java, quoique fort rapprochée de
Sumatra, à laquelle des îlots intermédiaires, où peuvent se reposer les
oiseaux migrateurs, la rattachent encore davantage, offre plus de ca-
ractères spéciaux dans sa faune que l'ile de Bornéo, pourtant plus iso-
lée en apparence; elle possède en propre plus d'oiseaux, plus d'insectes
que les deux autres îles, et l'on en conclut qu'elle se détacha la première
du continent : Bornéo tenait encore à l'Indo-Chine lorsque Java était déjà
de tous côtés entourée par la mer. L'élude de la zoologie contredit donc
formellement la tradition des Javanais, d'après laquelle la catastrophe
de rupture entre Sumatra et Java serait un événement récent, ayant eu
lieu vers l'an mille : ainsi s'expliquerait le nom de Poelo Pertjeh, « île
Brisée », donné à Sumatra.
L'exploration zoologique de l'insulinde est loin d'être termiiu'e. La
région la mieux connue des naluralisles est la partie occidentale de Java;
on a aussi étudié avec beaucoup de soin le district de Padang, dans Suma-
tra; à Bornéo, les environs de Sarawak et de Banjermassin, l'île de
Bangka, enfin certaines péninsules de Celèbès, ont été également visités
dans tous les sens'. Mais ce n'est là qu'une faible part de l'immense
domaine et l'avenir réserve encore de grandes découvertes aux natura-
listes. Néanmoins les explorations déjà faites suffisent pour qu'on puisse
juger de la richesse immense de la faune de l'insulinde occidentale : en six
années de recherches, Wallace seul a rapporté plus de '125 000 échantil-
lons zoologiques. Les mammifères de l'Indonésie sont au nombre de jdus
de 170 espèces, parmi lesquelles la famille des singes compte 24 repré-
sentants. A Sumatra et à Bornéo se trouvent deux espèces d'orang-outan,
cet « homme sauvage», si souvent décrit, qui, par son intelligence et ses
qualités affectives, semble être le plus rapproché de l'homme civilisé; le
si-amang, presque aussi haut de taille que l'orang-outan, vil à Sumatra; à
l'exception des terres orientales, chaque île a ses gibbons aux longs bras et
ses lémurides au long museau. Sumatra et Bornéo sont encore le refuge
d'une espèce d'éléphant, qui ne paraît pas différer de celle de l'Inde, et
d'un tapir qui se retrouve aussi sur le continent ; Sumatra et Java ont
leurs rhinocéros, Bornéo et Java leurs taureaux sauvages, qui ressemblent
à ceux de Siam et de la Barmanie. Les îles de la Sonde n'ont pas moins de
33 espèces de carnivores, parmi lesquels le tigre royal et le léopard,
presque aussi redoutable. Quant à la tribu des chauves-souris, elle com-
' II. J. Velli, (li'erzicht van ilc Hennis (1er Fdvna l'tin Fie(lerl{inils<n hulie.
FAUNE DE L'I>'SULIN1)E. til!
|)i'eml 50 espèces. Les rongeurs sonl aussi 1res nombreux : à elle seule l;i
Cainille des écureuils est représentée par 25 espèces, presque toutes diffé-
rentes de celles du continent; en outre, une dizaine d'animaux insecti-
vores, les toupaïa, qui ont une grande ressemblance avec les écureuils,
apj)artieiinenl presque exclusivement à la faune insulaire.
Environ 550 espèces d'oiseaux, sans compter celles que les éleveurs ont
récemment introduites, vivent dans l'archipel, et quelques-unes, uolam-
menl les ])erroquets, sont parées des couleurs les plus éclatantes. Les ophi-
diens et autres reptiles, rai'es dans la plupart des terres maritimes, ne
le sont point dans l'insulinde : le crocodile infeste ses estuaires, un python
de ses forêts atteint une longueur de 10 mètres, et le serpent à lunettes est
un de ses hôtes les plus redoutés. Des poissons, par centaines d'espèces,
peuplent ses rivières, et c'est par milliers et milliers (|ue les insectes de la
région sont déjà classés dans les musées. Les papillons sont répandus en
si grande multitude, « qu'ils en sont devenus, dit Alfred M'allace, un des
(rails caractéristiques du paysage ». Les « ornilhoptères », qui fiappent
la vue plus que la plupart des oiseaux, grâce à leurs dimensions, à la
majesté de leur vol, à l'éclat de leurs couleurs, se renconti'ent par bandes,
sur la lisière commune des forêts et des terres cultivées, et nulle part ils
ne sont aussi beaux. On ne peut guère se promener une matinée dans les
parties les plus fertiles des lei'res malaises sans trouver trois ou (juatre
espèces de papilio, et souvent le double : les naturalistes en comptent
aujourd'hui 150 (|ui habitent l'archipel, et la seule Bornéo en possède
50, le plus grand nombre (|ui ail été découvert dans une île. La propor-
tion de ces espèces diminue graduellement en avançant de l'ouest vers
l'est ; mais leur taille augmente en raison inverse'.
L'a|ipauvrissement de la faune dans la direction de l'est, vers l'Aus-
tralie, est telle, que Timor n'offre pas plus de 7 espèces de .mammifères
terrestres, avec 15 chauves-souris, animaux (|ue la puissance de leui' aile
rend maîtres de l'espace. Kn ])assant de Bornéo dans Celèbès, le naturaliste
est moins frappé de la diminution des espèces que de leurs formes nou-
velles. Celèbès, plus anciennement isolée que les terres voisines, est plus
originale dans l'aspect de sa fiiune. Placée dans la région de partage entre
deux aires, de la Sonde et de l'Australie, la grande île participe à ces deux
zones par quelques formes animales; mais la plupart de ses espèces lui
appartiennent en propre : elle constitue un monde à part. Des 550 oiseaux
de la Sonde, 10 seulement ont passé à Celèbès, mais cette île en possède
> AH'reil H. Wallacc, Les Sélections iialiinllcs. Iiiul. ijar Lucien Je Carulollc.
21-2 NOUVELLE GÉUGUAI'IIIE LMVEHSELLE.
SU qu'on 110 relrouvc point jiillciirs; de sos ^21 iiiiuiiiiiirt'rcs, donl 7
chauves-souris, 11 lui sont spéciaux. (Juan! aux papilhuis de Celèbès, ils
se distinguent tous de leurs coiif^ciicres d'autres contrées jiar le dessin
extérieur de leurs ailes.
Les Moluques, situées à l'extrémité orientale del'lnsulinde, sont, comme
Timor et Celèbès, très pauvres en mammifères; elles en ont 10 seule-
ment, sans compter les chauves-souris, et l'on a des raisons de croire que
la moitié de ces espèces, entre autres le cynopithèque, cantonné dans la
seule île de Batjan, ont été jadis introduits par l'homme. Les formes
ty|iiques de ce groupe d'îles se rapprochent des espèces australiennes : ce
sont des marsupiaux, entre autres une sarigue, belidem ariel, qui res-
semble à un écureuil volant. D'autre part, les Moluques sont d'une mer-
veilleuse richesse en oiseaux : elles en possèdent j»lus que l'Europe entière.
Bien que l'exploration des îles soit encore loin d'être achevée, on connaît
déjà dans les Moluques "ilK» espèces d'oiseaux, donl 195 terrestres, et la
]ihiparl, perroquets, pigeons, martins-pècheurs, sont parmi les plus
belles de la zone tropicale en élégance de forme et en splendeur de plu-
mage. De même, les nombreux insectes, et notamment les papillons des
iloluques, font l'admiration des naturalistes parleurs dimensions et l'éclat
de leurs ailes. A elle seule, la petite île d'Amboine contient plus d'espèces
remarquables de lépidoptères que de vastes espaces continentaux : là, on
peut le dire, est le foyer central de la Terre pour le dévelop|)ement le
|)lus com|)let (le ces formes animales. Sinon les es]ièces, dont la |iluparl
sont propres aux Molucpies, du inoins les genres et le groupement rap-
prochent celte faune insulaire de celle de la Nouvelle-Guinée. Ouoique de
terre en terre le continent d'Asie semble se continuer jusqu'en plein océan
Pacifique, Celèbès et les Moluques se trouvent déjà zoologi(juement dans
une autre partie du monde.
De même que les faunes, les races humaines se |)artagent l'insulinde.
mais la ligne de séparation des deux domaines ne coïncide jias pour les ani-
maux et les hommes. Tandis que les aires zoologiques ont jjour fosse inter-
médiaire le passage de Lombok et le large détroit de Macassar, la limite
tracée entre le monde malais proprement dit et celui des l'ajunia et des
|)opiilations congénères se trouve beaucouj) plus à l'est : elle traverse les
îles de llalinahera cl de Boeroe, puis se dirige au sud-ouest, vers Soemba
et Timor. D'ailleurs les habitants des îles situées de chaque côté de cette
limite diflei'enl les uns îles autres, soit (|u'il^ oITrenl à divers degrés des
FAUKE, POPULATIONS DE L'INSULINDE. 215
caraclorc's de Iransilioii enlro les Malais et des immij;rants d'autre race,
soit qu'ils aient un type vraiment original qui semble en faire le débris
de quelque race primitive : on ne parle pas moins de cinquante langues
dans l'archipel Indien ; chacune des pojiulatioiis insulaires doit être étudiée
à part, avec la terie qui la jjorte.
Dans les îles de la Sonde et à Celèbès, de même que dans une partie des
Moluques, la race, sinon unique, du moins prépondérante, est celle des Ma-
lais : ce sont eux qui constituent l'ensemble de la population, ou qui du
moins se sont assimilé, en se fondant avec eux, la plupart des autres élé-
il. POPILATIOXS DE L IXSCLINDE.
EstdePar.î. 100"
m<[i mm wm
ments ethni(pies. Mais, quelles que soient les ressemblances de ces Malais
d'une extrémité à l'autre de l'Insulinde, ils se divisent en groupes naturels
suivant le milieu géographique, les croisements divers, la nourriture, l'état
de civilisation ou de barbarie. Les Malais proprement dits, semblables à
ceux qui vivent dans la péninsule de Malaisie et qui ont donné leur nom
à la race entière, habitent les rivages de Sumatra, de Bornéo et les îles in-
termédiaires; les Javanais, ainsi que leur nom rindiijue, peuplent la plus
grande partie de Java, mais se sont aussi répandus plus à l'est dans les
deux Iles de Bali et de Lombok. Les Soundanais habitent la partie occi-
dentale de Java, au bord du détroit de Soenda, dit « de la Sonde » par
les Européens. Les Boughi occupent la j)éninsule sud-occidentale de Ce-
m NOUVELLE GEOGRAl'UIE UNIVERSELLE.
lèbès, ainsi que les cùles situées au nord, et ont essaimé dans toutes les lies
avoisinantes; enfin chaque terre distincte a ses populations plus ou moins
pures ou mélangées et connues sous des noms divers. L'appellation d'Al-
fourou, employée de Celèbès à la Papouasie pour toutes les tribus obligées
de fuir dans l'intérieur, loin des côtes, n'implique point une ressemblance
de race et ne s'emploie que pour caractériser l'état social de populations
restées à l'écart des Malais et relativement peu nombreuses, les unes plus
blanches que les Javanais, les autres ayant au contraire le teint plus l'oncé
et l'aspect des Papoua de la Nouvelle-Guinée.
Parmi les Insulindiens il en est encore de sauvages, comme les Batta
de Sumati'a, les Dayak de Bornéo, les Alfourou, c'est-à-dire les « Libres »
de Celèbès, et la plupart des anihropologistes s'accordent à voir en eux les
restes d'une population primitive à teint clair qui aurait envahi les îles
avant les Malais ' : on leur donne spécialement le nom d' « Indonésiens »,
comme s'ils étaient les représentants des anciens maîtres de l'archipeP.
Mais dans les îles nord-orientales, voisines de la Nouvelle-Guinée et des
Philippines, on rencontre un autre élément ethnique, tout à fait distinct
des Papoua et des Malais, composé de |)0])ulalions à peau noire ou noirâtre,
à chevelure parfois crépue, ressemblant aux Mincopi des Andaman, aux
negritos de Mindanao et de Luzon, et ces indigènes, véritables autochtones,
seraient encore antérieurs aux Indonésiens blancs de Sumatra, de Bornéo
et de Celèbès. Dans les îles occidentales les <( petits noirs » ont été extermi-
nés ; ils oui élé simplement icfoulés vers les montagnes dans les îles de
l'est, comme l'ont été les Indonésiens blancs dans les grandes terres de la
Sonde. C'est un phénomène étrange que ce contraste des espèces animales
et des hommes eux-mêmes entre des îles rapprodiées el des districts limi-
trophes, ayant un même climat et des conditions gét)gra[)liiques analogues.
L'histoire de la |ilanèle expliijue cette opposition si tranchée : ce sont des
âges difiérenis (|iii se trouvent juxtaposés. Mais pendant la série des siècles
ces populations différentes les unes des autres ont dû être longtemps sou-
mises aux mêmes influences, car toutes leurs langues, malaises, papoua-
siennes, indonésiennes et negritos, constituent une même famille''. Bien
pins, llodgsoii et Caldwell ont rattaché ces langages à la souche dravi-
dienne de l'Inde méridionale'.
Dans le langage ordinaire, le nom de Malais a le même sens que maho-
' De nLialivIii^cs, ll;iiriy, Vivien île S;iiiil-M;irliii, Vesteeg, Monlaiio.
- Logiin; — liaiiiy. Hiillclin de lu Sock'lé lie Gi'oyrapliie, mai 1877.
'' Ed. Diilaiii ier, Maisiten. .Moerenli(iiit, Buseliniaim, Favie, Kern, etc.
* Oiliviei- Iti'aiiienaid, Suciélc tV ÀiiUtfopolo(jic de Paris, séance du '2 juillet 1885.
POPULATIONS DE L'INSlLl.NDi:. 215
mélan : l'Insulindien, noir, bronzé ou blanc, qui a|)|iren(l Fécrituro arabe
et se fait circoncire, devient « Malais » par cela même'. Cependant il est
probable que la grande majorité de la population appartient à la même na-
tion. Sans préjuger l'origine première de la race malaise, (jui domine dans
rinsulinde, on peut se demander quelle était sa patrie aux temps (pii
précédèrent la période liistorique? Sont-ils entrés dans l'archipel en des-
cendant de la [léninsule Malaise, ou bien avaient-ils un autie centre de
dispersion, les plateaux du centre de Sumatra par exemple? Leur nom
même, d'après van der Tuuk, rappellerait leur origine étrangère : il aurait
le sens de « vagabond », « émigrant ». Dans tous les pays occupés par eux,
les rives des fleuves sont dites ■< droites » et « gauches », non d'après la
marche du voyageur dans le sens du coui'ant, mais au contraire comme
s'il remontait de l'aval à l'amont, ce qui semble prouver que les colons sont
venus de la mer ; on a constaté aussi de grandes ressemblances entre les
cases malaises et les barques : en maints endroits les villages ont l'aspect
d'une flottille échouée. Les Malais insulaires, de même que ceux du conti-
nent, sont petits ou de taille moyenne, mais robustes; leur peau est d'un
rouge brun, parfois olivâtre, et, chez les femmes qui sortent peu, tirant
sur le jaune. Ils ont les cheveux noirs, durs et grossiers au toucher, et
sont presque sans barbe; leur figure un peu aplatie, au petit nez, mais
aux lai'ges narines, aux grosses lèvres, aux pommettes saillantes, aux yeux
noirs, est plutôt ronde qu'ovale : n'était leur teint et la différence du cos-
tume, on les prendrait souvent pour des Chinois; ils ressemblent encore
plus aux Khmer ou Cambodgiens et les langues des deux nations pré-
sentent une grande analogie dans la structure grammaticale ^ Ce qui
distingue surtout les Malais, c'est le bel é(juilibre des membres, la finesse
des attaches, la petitesse des mains et des pieds.
De même que les gens de toute race, les Malais des diverses îles diffèrent
singulièrement suivant leurs métiers ou professions : le pirate ou le mar-
chand ne peuvent être jugés comme l'artisan ou le cultivateur; mais la
grande masse des indigènes, composée d'individus qui travaillent la terre,
sont des gens sociables, quoique assez taciturnes, bienveillants, toujours
disposés à s'entr'aider, des plus respectueux pour la liberté les uns des
autres, d'une extrême politesse. L'ouvrier ne se permet pas de réveiller son
camarade en, portant la main sur lui ; le créancier n'ose guère rappeler sa
dette au débiteur ; il est rare que par ses manières et la teneur de son lan-
' Mavidc-n, Historii of Siiinalra.
- Fdiil.iini'; — Ayinrmnier; — A. Koaiie, Aiislialasiii.
210 NOUVELLE f.ÉOGRAPUlE UNIVERSELLE.
gage le Malais ne soit pas réellement supérieui- au Liane venu dans son
pays avec la prétention de le « civiliser » '. Mais, quoique très policés et dis-
posant depuis des siècles d'une littérature écrite, les Malais ne paraissent
pas avoir la même force intellectuelle que d'autres nations, notamment
les Papoua, qui de nos jours sont loin de les égaler en civilisation. Ce
qui manque au Malais, disent les voyageurs qui ont le plus vécu dans
son intimité, c'est une large compréhension des choses, c'est l'audace dans
la pensée : il est timide, sans initiative, acceptant sans résistance les
influences étrangères. Jadis il se laissa convertir au bouddhisme et au
brahmanisme par quelques missionnaires hindous, puis l'arrivée des mar-
chands arabes eut bientôt rattaché presque toutes les populations au cuite
de l'Islam, et maintenant une poignée d'administrateurs hollandais, ne dis-
posant que d'une petite armée de mercenaires, suffit pour tenir trente
millions d'hommes dans une sujétion qui ressemble à la servitude.
II
Sl'MATRA ET 1 1. E S DE LA MET. 0 CC I DE X T A I. E.
Sumatra, même sans les archipels vuisins qui en font géologiquement
partie, est l'une des plus grandes îles de la planète; elle n'est dépassée en
étendue que par les deux terres des pôles, le (iroenland et l'Antarctide, et
les trois îles, Papouasie, Bornéo, Madagascar. Sa surface, non encore me-
surée par une triangulation régulière, est évaluée à plus de 440 000 kilo-
mètres carrés, soit treize fois la superficie de la ÎNéerlande, la con-
trée d'où partent les ordres pour le gouvernement de l'île et sa conquête
définitive. Car Sumatra, quoique officiellement annexée tlans son entier à
l'empire colonial de la Hollande, est encore habitée, dans les montagnes
et les forêts de sa partie septentrionale, par des populations indépen-
dantes, et depuis 1875 la nation néerlandaise a puap|)rendrc parla guerre
d'Atjeh, par d'incessants conflits autour des camps, des incursions et des
assauts, ce qu'il en coûte de subjuguer un peuple résolu à défendie son
autonomie. L'île n'étant pas complètement conquise, on n'a pu jusqu'à
maintenant dresser un recensement général de la population; mais les sta-
tistiques partielles qui ont été faites pour les provinces soumises, et les éva-
luations raisonnées que l'on propose pour les districts indé|)endants,
perniettenl il'affiiiner que la population de Sumatra, d'ailleurs fort minime
' Alfred li. Wallacc, Tlir Miihni Archiprliiiio.
SUMATRA. 217
en prnpnrlion de l'énorme superficie du territoire, s'est notablement
accrue depuis le milieu du siècle. En 1869, Velh constatait que le nombre
des habitants de Sumatra et des îles occidentales n'atteignait pas tout à
fait deux millions et demi. Actuellement il dépasse certainement trois mil-
lions et demi; peut-être est-il même de quatre millions d'hommes. Peuplée
comme Java, sa voisine, que la fécondité du sol et l'abondance des res-
sources lui permettraient de dépasser, Sumatra aurait soixante-dix mil-
lions d'habitants'.
Les deux îles de Sumatra et de Madagascar se ressemblent, l'resqiu'
égales en étendue et présentant chacune dans son ensemble la forme d'un
ovale allongé, l'une et l'autre ont une côte presque rectiligne, celle qui est
tournée vers la haute mer, et une côte inégale, découpée de criques et de
baies, celle que baignent des eaux moins profondes. Ces deux mers oppo-
sées qui entourent Sumatra, l'une océan sans bornes, l'autre détroit semé
d'îles, auraient valu à la grande terre, disent quelques étymologistes, son
nom sanscrit de Samantara, l'île « placée entre deux » ; mais on ne saurait
guère douter que l'appellation usuelle de l'île ne soit réellement dérivée
de Samoudra, désignation d'un ancien royaume de la côte septentrionale :
ce mot a le sens de « mer » en sanscrit *. Lorsque l'influence hindoue pré-
dominait dans ces parages, Sumatra partageait avec l'île voisine la déno-
mination de Djava ou Java, et, pour la distinguer de l'autre Java, on la
qualifiait de « Petite », non qu'on rimaginàt inférieure en dimensions à
la « (îrande Java », mais parce qu'elle était de moindre importance com-
merciale'. Les noms indigènes de Sumatra sont Pertjeh ou Andalas*. Les
Européens n'apprirent à connaître cette île que dans les premières années
du seizième siècle. Ludovico di Barlhema en visitait les côtes du nord en
1505, et quatre ans plus tard une flotte portugaise ancrait dans ces pa-
rages. Les Hollandais, maîtres actuels, ne se présentèrent qu'à la fin du
même siècle, en 1508.
De même qu'à Madagascar, les massifs de hauteurs et de montagnes,
composés en grande partie de roches stratifiées reposant sur le granit, ne
se profilent pas vers le milieu de l'île; au contraire ils s'alignent princi-
palement dans le voisinage de la côte océanique; mais, beaucoup plus régu-
liers qu'à Madagascar, ils sont disposés d'une extrémité à l'autre de
' Superficie et population probable île Sumalra et des îles occidentales :
A67) 146 kilomètres carrés; ô&OOOOO liabitants; 8 habitants par kilomètre carré.
- Yule, The Book ofser Marco Polo.
■' Marsden, Uislortj of Siimnlrn.
* 1'. J. \c\\\, Adiilrij.il.iiiulifi en slatistiscli Woordeiilwch van Necclerlandsch Indic.
XIV. 28
218 NOUVELLE GÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
Sumatra suivant un axe à peine infléchi, n'offrant en certains endroits
qu'une seule arête maîtresse, tandis qu'ailleurs se poursuivent deux ou
trois chaînes parallèles ; des chaînons secondaires unissent transversale-
ment ces crêtes et limitent des plateaux verdoyants, des cirques et des
combes où dorment des lacs, où serpentent les rivières. C'est là, dans
ces vasques supérieures, à l'altitude moyenne d'un millier de mètres, que
se sont groupés les villages les plus nombreux et que le sol fertile est le
moins négligé. Dans cette région salubre, dont le climat, beaucoup plus
frais que celui du littoral, convient même aux Européens, se trouvent
réunis tous les avantages qui semblent devoir faire une contrée populeuse,
riche et prospère.
L'ossature de Sumatra continue certainement, mais avec [)lus de régu-
larité, la chaîne des monts indo-chinois de l'Arrakan (|ui forme le cap
ÎSegrais, à l'est de l'Irraouaddi, et décrit ensuite la coui'be allongée des îles
Andaman et Nicobar'. Les monts de Barisan, — c'est le nom que l'on donne
à l'ensemble du relief montagneux de Sumatra, — commencent déjà
en pleine mer, au nord d'Atjeh, ])ar l'île ou poelo Brass (700 mètres), por-
tant un phare à son exti'émité septentrionale : c'est le >< phare de Suma-
tra 5'. A l'est se dressent le massif insulaire du poelo Wai (415 mètres),
puis, à quelques kilomètres à peine dans l'intérieur de la grande terre, la
cime volcanique de Selawa Djanten, haute de 1726 mètres; les Hollandais
lui donnent aussi le nom de (loudberg ou » montagne de l'Or ». A ce fier
volcan, presque isolé de toutes parts, succèdent vers l'est, le long de la
côte septentrionale, d'autres cimes, pour la plupart moins élevées, qui
jalonnent le rebord du plateau encore inexploré des Atchinois : la chaîne
se termine près du cap Diamant ou Djamboe-Ajer par un Tafelberg ou
« mont de la Table )i, qui porte sa terrasse suprême à lOOt) mètres
au-dessus de la mer. Un volcan, non encore visité, le Samalanga, montre
son cône de 1200 mètres par delà les collines du littoral; mais la chaîne
principale, qui preinl son origine à l'ouest du Goudberg et de la vallée
d'Atjeh, pour longer de près la rive océanique, élève ses pitons à une
hauteur beaucoup plus considérable. L'Abong-Abong et le Loeseh, que
l'on dit èti'e des volcans, mais qui n'ont pas encore été explorés,
atteindraient respectivement 3400 et 5700 mètres d'altitude.
. Au sud de ces grands sommets, dont les cônes puissants reposent sur un
socle de roches cristallines (rois lois moins élevé, la hauteur moyenne des
' Ed. SîJss, Antlit^ acr Ente; — K:in, Tijflsclirijï van liet Aardvijksl.unduj Genootscluip te
Aitislcrildin, \m\.
MUNTACNES DE SL.MATlîA. 221
iiKinlngnes s'nbaisse et celles-ci se divisent en chaînes pai'allMcs ponr
embrasser le plateau de Toba et la « mer » ou Uto de même nom, appelée
aussi Silalahi ; c'est un lac d'eau claire, d'une superficie de 1500 kilomè-
tres carrés, qu'entourent par centaines les villages des Batla : des volcans
éteints ou encore actifs se reflètent dans les eaux du lac ; l'un d'eux, le
Dolok Simanaboem, lançait d'épaisses vapeurs en 1881, et sur ses hautes
pentes, de même que sur celles d'un volcan voisin, on distingue d'en bas
une large zone d'un jaune d'or, consistant probablement en cristaux de
soufre. Un autre volcan, le Poesoek Boekit, au bord même de la l'ive occi-
dentale, possède aussi de vastes solfatares où vont s'approvisionner les
Balta. L'Ile qui s'élève au milieu du lac fut un volcan que des éruptions
de cendres ont rattaché à la terre ferme et au Poesoek Boekit par un
mince pédoncule. Le lac de Toba s'allonge dans le sens du noi'd-ouest au
sud-est, parallèlement à Sumatra et à son axe montagneux; son écoule-
ment se foit au sud-est, vers la manche de Malacca.
L'amphithéâtre des monts, qui projette ses promontoires dans la direc-
tion de la côte orientale, se referme, au sud du plateau de Toba,
et la chaîne principale, réduite à une seule arête maîtresse, reprend sa
direction normale, parallèlement à la côte océanique de Sumatra. Dans
cette partie du Barisan, quelques cimes volcaniques ou' autres dépassent
1500 mètres d'altitude : de l'une des montagnes s'échappent en tourbil-
lons des vapeurs sulfureuses ; une autre est percée d'un cratère aux parois
jaunes de soufre'. De superbes [)romontoires latéraux flanquent la chaîne
à l'ouest el, vus du large, paraissent être les sommets dominateurs. Tel
est le Malintang (1500 mètres); tel est aussi le Pasaman, que les géo-
graphes d'Europe ont appelé Ophir, non à cause de ses mines d'or, car il
n'vn renferme point, mais par allusion à la richesse de la grande île tropi-
cale. Complètement isolé en apparence et se dressant au nord à 9 kilo-
mètres seulement del'équateur et vers le milieu précis de la côte océanique
de Sumatra, le mont Ophir est, de toutes les montagnes de l'île, celle que
devaient le plus remarquer les marins. Aussi la croyait-on naguère la plus
élevée et lui donnait-on une hauteur bien supérieure;! celle de 2929 mètres
que lui ont laissée les explorateurs modernes. Le mont Ophir a deux cimes
jirincipales et plusieurs cratères en [lartie oblitérés.
Au delà, la chaîne proprementdite est interrompue par une large vallée,
celle de la rivière Masang, au sud de bupielle une rangée transversale de
volcans s'élève de l'ouest à l'est sur le bord des « Hautes Terres de Pa-
' Franz Jinigliiiliii, Die Bullalandcr.
2n .NOUVELLE GÉOGRAl'UIE IMVERSELLE.
dan"; >'. Le plus occidental de ces volcans a perdu son aspect de montagne:
il ne reste plus que l'énorme pourtour de la hase, formant maintenant une
enceinte boisée. La cime a disparu, emportée sans doute par quelque (explo-
sion formidable, et à la place du volcan se trouve (iôO mètres) un lac
ovale, le Manindjoe, appelé aussi Danau, c'est-à-dire la « mer >-, emplis-
sant une moitié de l'ancien cratère. Cette nappe d'eau, qui se déverse à
l'ouest dans l'océan Indien, est alimentée de quelques fontaines légère-
ment thermales et alcalines, très fréquentées par les malades indigènes;
des éruptions gazeuses ont lieu de temps en temps dans les [)rofondeurs
du lac, car une odeur du soufre se répand dans l'air et les poissons
meurent par milliers. A l'est de ce cratère lacustre, qui ressemble beau-
cou|i au lac italien de Bolsena, se dresse un volcan encore entier, le Sin-
galaiig ('2(i(S'2 mètres), à peine moins superbe que son voisin oriental le
Mcrapi, dont la plus haute pointe atteint '2<Si8 mètres. Ce volcan, que son
nom même, Moro Api ou «' Feu Destructeur », jiroclame mont redou-
table, est en effet celui des sept ou huit ])itons ignivomes de Sumatra
qui s'est le plus fréquemment ouvert et (|ui a versé le plus de laves
sur les campagnes environnantes. Pendant ce siècle, de nombreuses
éruptions ont eu lieu. Le sommet de la montagne, nu, rouge, rebelle à
toute végétation, se termine par trois cônes à cratères entourés de cou-
lées. La légende des Malais indigènes fait du Merapi une sorte de mont
Ararat, d'où leurs premiers parents descendirent à mesure que se reti-
raient les eaux.
Le volcan Sago ('2'2iU mètres) se dresse comme une borne angulaire au
nord-est des « Hautes T(M'res » de Padang. Celte terrasse est montueuse
daii^ toute son élcndur, mais elle est assez bien limitée par deux arêtes
longitudinales, à l'ouest la chaîne maîtresse de Barisan, à l'est celle
de Ngalau Sarilioe. Knilu, au sud, une autre chaîne transvei'sale borde
cette partie du plateau, et, comme la chaîne du nord, elle a aussi sa borne
angulaire, le volcan de Talang ou Soelasi (2M5 mètres), qui domine
directement à l'est la cilé de l'adang : des eaux thermales, des gaz sulfu-
reux s'échappent en abondance des crevasses de cette montagne, qui
d'ailleurs n'a point, à sa cime de cratère proprement dit'; ses parois
sont revêtues de soufre, que vont recueillir les indigènes. Dans la partie
la plus basse du quadrilatère que les quatre chaînes extérieures forment
autour des c Hautes Terres » de Padang s'étend un lac de forme allongée,
dont le gland axe est celui de l'île même et de ses montagnes et <|ni n'a
' \l'11i; \;im U.isscll, liutlctiii tir ht Société de Géoijinphie, décembre 1878.
MOMACMES ET LACS DE SUMATRA.
225
pas été moins bien exploré que les lacs de la Suisse'. C'est la ^ mer »
de Singkarah, bassin très poissonneux, suffisant à l'alimentation d'un
grand nombre de ses riverains; son niveau a été baissé de près d'un
mèlre par la destruction d'une jjarre de rochers qui se trouvait sur le
courant de sortie, là où se forme la rivière Oembilien, l'une des bi'auches
AINE VOI^CAMQUv Iir merapi.
Pr-o ^0<t ^y^iv^j
I ■ 130 00(1
maîtresses de l'indragiri. Trois autres lacs, sans compter les mares,
s'élagenl sur les pentes sud-orientales du volcan tle Talang : l'un d'eux
est le tributaire de la mer de Singkarah.
Au sud du Talang, la chaîne de Barisan ne |)résenie qu'une arête uni-
Laos (lu plalraii (le Padaiig
Maniiuijoe. .
Sinnikarali . .
Allilu<ii'. S(ipcrlicic. Plus grande profondeur.
159mèlres; 100 kilomètres carrés; 157 mètres.
im )) Il '2 11 » 268 »
{()(irh' ficolodiqne de Versicc;/.)
224 NOUVELLE (iEOr.RAPUlE UNIVERSELLE.
que longeanl la cùte i\c l'Otraii la dislancp moyenne de ^2h kilomèlres.
C'est dans celle partie de la chaîne, mais presque isolé, à l'est de l'alifjne-
ment régulier des monts, que se dresse le Koriniji (5600 mèti'es), appelé
aussi Indrapoera, ou la « Cité d'Indra » : comme les grandes montagnes de
l'Inde, ce pic, qui disjiule au Loeseh le premier rang parmi les sommets
de Sumatra, fut la demeure des dieux. Presque toujours des vapeurs s'é-
chappent de son cratère, abîme que purent contempler MM. Yeth et van
Ilassell et qu'ils disent être « d'une circonférence énorme et d'une profon-
deur de quelques centaines de mètres ». Ce mont superbe, comme ceux
des c( Hautes Terres » de Padang, possède aussi son petit système lacustre
dans les vallées creusées à sa racine : un torrent qui naît à sa base, puis
longe la chaîne volcanique sur le versant oriental, va se jeter dans le da-
nau de Korintji, d'où un émissaire s'échappe vers le Ujambi. Au sud,
d'autres volcans se succèdent dans l'axe général de l'île. La plupart son!
éteints; cependant le Kalia et le Dempo ont fréquemment de violentes
explosions. Le Kaba (1050 mètres), que l'on aperçoit à 50 kilomètres au
nord-esl de Bcnkoelen, dominant le Suikerbrood ou « Pain de Sucre », se
termine par deux cratères, dont l'un est inaccessible, et qui sont tous les
deux fissurés de crevasses lançant des jets de vapeur. En IS75, le volcan
s'exaspéra et la série des éruptions dura trois années : jusqu'à plus de
35 kilomètres, les montagnes et les vallées environnantes furent recou-
vertes do sables, mêlés à des substances chimiques mortelles pour les
plantes et les animaux; quand les berges sableuses des ruissoaiix voi-
sins s'écroulent dans le courant, les poissons meurent empoisonnés. Le
Dempo (5170 mèlres), qui se dresse à une centaine de kilomètres au sud-
est de lienkoelen, est en activité constante. Un vaste cratère, le Sawah, ne
jette plus de flammes, et les indigènes peuvent sans danger y offrir leurs
sacrifices au milieu des bruyèi'es et des rhododendrons. Le cône dans le-
quel s'ouvre le nouveau cratère, et que l'on appelle Merapi, comme le vol-
can des ■< hautes terres ■>' de Padang, s'élève à 250 mètres au-dessus du
Sawah : c'est la demeui'e du (leva ou « dieu » que viennent invoquer les
gens des alentours. Au fond du gouffi'e, à une centaine de mètres au-
dessous de la margelle circulaiie, on voit biiller un petit lac comme une
nap|H' de vif-aigenl, puis un point noir apparaît au milieu de la surface
luisante, il s'agrandit el se creuse : c'est un entonnoir, dans lequel l'eau
s'engouffre soudain. Quelques minutes après, un sourd loiiiierre ébranle
les rochers; le bi'uil se rapproche, éclate comme la foudre, el le lac, trans-
formé en va])eurs, s'élance hors de la montagne en un jel puissant, pour
retomber dans le cratère. Ain^i, l(uiles les (juinze ou vingt minutes, le
MONTAGMES DE SUMATRA, KRAKATAl'. 225
lac disparaît et reparaît en un superbe geysir de quelques « centaines de
pieds w'.
Plus au sud, une ranaii' nu « mer » est située dans un cirque élevé
(518 mètres), que des volcans éteints entourent de trois côtés et qui paraît
avoir été un cratère; au centre il est d'une « extrême profondeur». Des
sources chaudes, (jui jaillissent près de la rive méridionale des pentes du
Siminoeng, élèvent assez la température de cette pailie du lac («lur tuer
les poissons qui s'y aventui'ent. Au sud, la chaîne du Barisan se ijHiirque:
un rameau, qui suit la direction noimale de l'île, se dirige en droite
ligne vers le sud-est et se termine au cap Tjina, par des collines basses
dont le prolongement irait rencontrer en mer la petite île des Princes et
la pointe sud-occidentale de Java. L'arête volcanique de Sumatra court
plus à l'est, signalée de loin par ses hauts sommets coniques, le Besagi, le
Sekindjau, le Tehah, le Tangkamoes ['■l'UVl mètres), celui-ci plus connu
sous le nom de Keizers Piek ou « Pic Impérial ». Il se dresse déjà près de
l'exti'émité méridionale de Sumatra, au bord de la baie de Samangka, et
se rattache probablement par une crevasse sous-marine à la bouche volca-
nique de l'île Taboean. Sur la grande terre la rangée des monts volcaniques
se continue par le Tangka (1042 mètres), jusqu'à la pointe médiane de
Sumatra. Un rebord de collines, qui contourne la baie de Lampong, relie
cette chaîne terminale à l'ossature rocheuse de la troisième pointe de Su-
matra, celle qui s'avance au-devant de Java, précédée par un cortège d'îles
et d'écueils : le détroit de la Sonde, entre les deux îles, n'a que 26 kilo-
mètres de largeur.
Le volcan éteint, dit lîadja Bassa (lôil mètres), qui termine au sud
la rangée des 66 volcans sumatrais, forme du côté du nord la moitié du
portail maritime : il ne se trouve pas sur le prolongement de l'axe où
se sont érigés les grands cônes de l'île, de l'Abong-Abong au Tangka, et
seniide s'être dressé jadis sur une île isolée qu'une oscillation du sol, ou
probablement une pluie de cendres aura rattachée à Sumatra. Le Badja
Bassa fiiit partie d'une arête transversale de volcans dont l'axe cou])e celui
de Sumatra, puisqu'il se dirige du nord-est au sud-ouest : c'est la ran-
gée, bien minime en apparence, saillie presque imperceptible à la surface
de la Terre, qui comprend dans le détroit de la Sonde les deux îles de Se-
besi et de Krakatau; peut-être se prolonge-t-elle dans l'océan Indien, car
c'est précisément sur la continuation de la ligne du Radja Bassa au Kraka-
' Henry 0. Forl)es, .4 ?iiiluvalisl'.i WaiirleriiHis in llie Kastcni Aicliipct/nio.
- Diitimi, Ranau, T;io, suivant les dialectes, sont îles termes identiques.
(Fr. Jungluihn, Ballalunder.)
XIV. il*
226
NOUVKLLK liÉOGRAPlJIE l'M VERSELLK.
tau, mais à une clislaiice d'un millier de kilomètres, que les îles Keoling
se dressent du fond de gouffres ayant 5500 mètres en profondeur. Mais
une autre faille volcanique vient rroiser celle de Sumatra et de Kra-
katau dans le détroit de la Sonde : c'est la crevasse de Java, sur laquelle
sont alignées de l'ouest à l'est tant de formidables montagnes d'éruption.
Ainsi la surface terrestre se trouve en ce lieu de croisement comme
éloilée par les tissures, et sur ce |i(iinl faillie les pliéiniml'ues de destruc-
K" i5. LE KlUKATAi: ET LES ILES VOISINES, ETAT ANTEIUETIt A L EUITTIO.N.
daprè& les cartes holland.
f^f^0^ijric/eC*^^
1 ! i5i)o:>o
lion ont eu parfois, et tout l'écemment encore, un caractère grandiose.
Naguère le cône de Krakatau, se dressant à 832 mètres d'altitude et
déroulant parfois ses vapeurs dans le sens de la mousson, était salué avec
joie par les marins qui franchissaient le détroit, et les navires ancraient à
son abri par 50 ou 60 mètres de profondeur. La dernière érujjtioii men-
tionnée |)ar les archives, mais depuis longtemps oubliée par les indigènes,
était ci'lle de 1680. Au mois de mai 1885, le volcan se réveilla; sur ur.
des épaulemenls septentrionaux, la terre se fendit, les llammes jaillirent,
KliAKATAU.
227
Ifs (li'-lonations et les explnsiniis fie fumées et de cendres se succédèrent;
toulelois l'éruption ne dilTérait point d'autres phénomènes du même
genre observés en tant d'endroits de l'insulinde, et des visiteurs de Batavia
débarquaient en partie de plaisir sur l'ile inhabitée de Krakatau et s'appro-
chaient du cratère. Mais après trois mois de grondements et de détonations
le volcan s'exaspéra, et dans l'espace de quelques heures toute la géogra-
pliic (lu détroit de la Sonde était changée. A Batavia, distante de \bO kilo-
}i' U. Lt KRAKATAU ET LES ÎLES V01SL\E?, ÉTAT POSTÉRIEUR A l'ÉRIPTIOS.
Est de Pan
Est de Gréent. ch
I05=a^
d'après 'es cartes hollandaises
: kil.
mètres du lieu de l'explosion, le fracas était si terrible, qu'on croyait à une
éruption dans le voisinage, et l'on s'attendait même à voir le sol s'en-
tr'ouvrir ; dans toutes les mers de la Sonde et de la Chine méridionale, dans
le golfe du Bengale et une moitié de l'océan Indien, jusqu'à Rodrigues,
on entendait les décharges, et partout on se demandait quelles flottes se
livraient ce terrible combat dans les parages voisins :1a commotion ébraida
l'atmosphère sur un espace immense, évalué à la quatorzième partie de
la surface terrestre; peut-être même les bruits souterrains eiileiidus
228 NOUVELLE GÉOIIRAPHIE UNIVERSELLE
dans File américaine de Caïman Brac, presque aux antipodes de Krakalau,
provenaient-ils du même foyer d'explosion'. Les cendres projetées en
nuages jusqu'à '27 kilomètres de hauteur, jusqu'à 55 kilomètres et demi,
N" 15. AIRE DE DISPERSION DES CENDRE'! PI' KRAKAT.U .
ll'.l|.ivs Vi-rl.cik.
dit un autre rapport, s'abattirent en couches épaisses tout autour de l'île
qui volait en débris : à 15 kilomètres de distance, le lit de cendre attei-
gnit I mètre; à plus de 150 kilomètres, dans l'intérieur de Sumatra, il en
tomba 5 et (i centimètres en certains endroits; à 1200 kilomètres, dans
F. A. ForrI, Sciincc de l' Avnilànk îles Sciences, U mars 1885.
KRAKATAU. ^'-^'J
l'ocL'iin liuiion, par delà les îlos do Kooliiifj;, les cendres poiidroyaienl en-
core les eaux' : c'est à 18 milliards de mètres cubes que l'on a évalué
l'énorme déplacement de roches sous forme de cendres et de pierres
ponces; la mer en apporta jusque sur les cùles de Madagascar. Même toute
l'almosphère sur le |)Ourloui' de la [)lanèle se serait emplie de la fine
poussière volcanique jusqu'aux limites supérieures de l'espace aérien,
vmt LASCK PAH LA VAGIE DE KRAKATAU DAXS LES TEmiES UE TELUKII-BETUNG.
Dessin lic Th. Weber, d'après un croquis tie M. Korthals.
s'il est vrai que les merveilleuses lueurs crépusculaires des mois d'au-
tomne 1885 provenaient du volcan de Krakatau ^ et d'autres montagnes
brisées des îles Aléouliennes et d'Alaska, le Bogoslov et l'Augustin '. La
mer frémit aussi sur toute la circonférence terrestre, ainsi que le consta-
tèrent les maréographes des côtes océaniques, et, dans la mei' des Indes,
la grande vague d'ébranlement qui se propagea en treize heures jusqu'au
can de Bonne-Espérance.
' Vei'beclt, KraIiatao,'« Nature », Maj i, 1884.
' INmnian Lockyer, Times, December 8. 1883.
-■ Eiiiil Melzger, Peleriiuiiui's Mitteiliiiificii. 1880.
250 NOUVELLE GÉOGRAPUIE UNMERSELLE.
Les fuyards des villages menacés, les marins des navires qui se trou-
vaient près du lieu d'expldsion firent croire d'abord que le champ de des-
truction avait été beaucoup plus vaste; mais quand les cendres se fureni
dispersées et que les navigateurs purent s'aventurer de nouveau dans le
détroit de la Sonde, le spectacle qu'ils contemplèrent leur parut néanmoins
à la fois effroyable et prodigieux. Les villes du littoral, Andjer et Tjaringi
sur la côte de Java, Beneavvang, Telokh-Betong sur celle de Sumatra.
avaient disparu; nulle trace n'existait plus des villages parsemés naguère
sur les rives; les forêts de cocotiers, qui longeaient la mer jusqu'au pied des
montagnes, avaient été rasées ; une vague de 50 à 56 mètres de hauteur,
produite par l'engouffrement du mont, s'était heurtée contre les terres,
emportant les promontoires et creusant des baies nouvelles : tous les tra-
vaux humains étaient détruits et plus de quarante mille personnes, sur-
prises pendant la terrible matinée, >< plus noire que la nuit », avaient été
noyées dans le déluge qui montait de la mer ou par la pluie de boue qui
tombait du ciel. Seul dans les parages du détroit, le gardien d'un phare,
dressé à 40 mètres sur un roc insulaire, resta sain et sauf au milieu de
l'immense commotion ; dans les ténèbres il ne s'était même pas aperçu
de la vague qui venait de submerger le phare jusqu'à sa lanterne. De l'ile
de Krakalau il ne restait (jue le volcan du sud; mais toutes les hauteurs
du nord, soit les deux tiers de l'île, d'uiu' surface de 20 kilomètres envi-
ron, avaient été emportées, et à la place s'ouvrait un gouffre oîi une sonde
de 500 mètres ne toucliail pas le fond ; de la paroi brisée du volcan mé-
ridional, présentant la coupe de toutes ses assises de laves superposées,
descendaient incessamment des avalanches de pierres, et la poussière qui
se dégageait des éboulis montait en nuages vers le ciel'. Mais si les terres
avaient disparu, d'autres, foi'uiées d'amas de cendres et de pierres ponces,
avaient surgi du ioinl de la mer : l'ile Vei'laten avait plus que doublé
d'étendue, et des buttes se montraient là où la sonde trouvait autrefois 70
mètres de profondeur; d'autres îles, telles que Sebesi, qu'on avait vues
naguère couvertes de bois et de villages, n'étaient plus que des cônes blan-
châtres de pierres. Aux îles nouvelles s'ajoutaient les masses flottantes de
ponces qui formaient des barres à l'entrée des baies et qui, pendant des
semaines ou des mois, empêchèrent le passage des navires, l'eu à peu le
heurt des vagues et le mouvement de la houle et du flot déblayèrent le
détroit de ces îles flollanles et des lalus de cendres émergées ; mais le cra-
tère sous-marin qui s'est ouvert au nord de Krakatau s'est maintenu. Les
' Cultt'iiu, Eti Ovcaiiic; — IJrcuii el Ivurtluils, Mission scii'iili/i(jiic dans le détruil de lu Sonde.
KRAKATAU, FLEUVES DE SUMATRA. 231
études péolojiiques f;u(es en cet endroit ont établi que ce cratère avait pré-
cédemment existé et que la partie septentrionale de Krakatau était de l'or-
malion récente : ce qui reste du volcan, et les deux îles Verlaten et Lang,
sont les trois fragments extérieurs, le trépied, pour ainsi dire, d'un mont
de 2000 mètres qui se dressa jadis au-dessus du cratère d'explosion.
Les fleuves de Sumatra, plus lents que les volcans dans leurs travaux
géologiques, ont pourtant plus fait pour les changements de la contrée.
On peut évaluer à près de la moitié de l'Ile le territoire qui se reconnaît
à riiorizontalité des couches alluviales comme un présent des fleuves;
on les voit s'appuyer comme des grèves à la base des falaises de calcaire
coralligènc qui furent l'ancienne côte sur le versant oriental du Barisan;
|)lus des deux tiers de la côte orientale est de formation contemporaine et
s'accroît incessamment par de nouveaux apports. Sur le versant occi-
dental des monts l'action des cours d'eau est beaucoup moindre : leur bas-
sin de réception n'est pas assez grand pour qu'ils puissent apporter à la
mer une quantité considérable de débris; cependant les terres d'alluvion
occupent aussi de vastes étendues sur ce littoral. L'énorme masse d'eau
pluviale qui tombe sur les deux versants de Sumatra explique l'impor-
tance de celte action géologique des rivières. En moyenne, Padang reçoit
par an 4 mètres 800 millimètres d'eau; Palembang, sur l'autre rive, est
arrosée d'une manière plus abondante encore, et les plus grandes pluies
s'abattent sur les premières pentes des montagnes'.
L'Asaban, qui reçoit le trop-plein du lac Toba, est l'un des fleuves du
versant oriental; plus au sud vient le Rokan, qui débouche dans le dé-
troit (le Malacca par deux estuaires boueux : sa longueur dépasse 200 ki-
lomètres, et près de la moitié de son cours s'étend en des terres basses
qu'il a déposées et nivelées lui-même. Le Siak et le Kampar se déversent
tous les deux dans le labyrinthe des canaux maritimes de l'archipel
fangeux situé à l'ouest de Singapour; quoique navigables l'un et l'autre
jusqu'à plus de 100 kilomètres de leur entrée, les deux cours d'eau ser-
pentent au milieu de plaines presque inhabitées et mortelles jiour l'é-
tranger. L'Indragiri, qui succède au Kampar dans la direction du sud,
nait également dans le voisinage de la côte occidentale, sur les « Hautes
Terres » de Padang. Après avoir traversé la x mer )i de Singkarah, il
|)arcourt, sous le nom d'Oembilien, des teriains riches en charbon qui
appartiennent aux premiers âges tertiaires, puis échappe à la région des
plateaux par des rapides et des cascades, et, coulant parallèlement au Kam-
• Henry 0. Forbes, ouvrage cilé.
252 NOUVELLE GEOGRAPHIE l'NlVERSELLE.
par, va inrler ses eaux à celles de la baie d'Amphitrite; près de son em-
bouchure, au sud, le petit bassin de Reteh renferme aussi des roches
carbonifères. Les navires remontent le fleuve à une grande distance dans
l'intérieur, mais non jusque dans le voisinage des mines de houille.
Le Djambi, dont les hautes sources jaillissent au nord et au sud de
rindrapoera, le pic supi'ènie de l'île, est le cours d'eau qui a le plus vaste
bassin et qui p(ir((> à la mer la j)lus forte masse liquide. Devant la cité'de
Djambi, située à une centaine de kilomètres en amont des embouchures,
il a plus de 400 mètres de large en eaux basses et plus de 5 mètres en
profondeur : b^s crues font plus que doubler sa portée ; les bateaux à
vapeur d'un mètre de calaison remontent le Djambi et sa branche maî-
tresse, la « rivière » ou balang Ilari, à (iOO kilomètres de la mer; les pe-
tits canots pénètrent à 175 kilomètres plus loin. La rivière de Palembang
ouMoesi,qui naît aussi sur les hauteurs voisines de la côte occidentale,
recueille les eaux du versant oriental sur un espace d'environ 550 kilo-
mètres, puis, arrivée dans la plaine basse, en aval de la cité de Palem-
bang, se divise en plusieurs coulées qui se ramifient h. l'infini au milieu
des marais. Le courant principal, le Soesang, qui se jette dans le détroit
de Bangka, vers l'entrée septentrionale de la manche, conserve assez d'eau
piiur donner accès aux grands navires pendant la période des crues et aux
embarcations moyennes durant le reste de l'année; quant aux autres
branches, elles s'anastomosent à droite et à gauche avec diverses rivières,
s'unissent en lacs et s'étalent en mai'écages, se c(uilon(lenl avec les eaux
marines sous les forêts di^ palétuviers. L'ensemble de ces terres à demi
noyées, inhabitées et presque inhabitables dans tonte la région riveraine,
s'étend sur un espace d'environ l'2O00 kilomètres carrés. D'après les
traditions locales, (jui peui-èlre n'ont d'anire origine que la vue des em-
piétements rapides de la terre sur la mer, loute la région du dclla du
Moesi se serait formée pendant la |)éri()(le hisloiique, et la ville de l'alem-
bang, située maintenant fort loin de l'embouchure, aurait été bâtie sur
le lill(ii-al même, à l'enlri'c do lleuve. Les palétuviers (|ui croissent sur
ces rivages contribuent aux empièlemenls rapides des terres, en l'i'ieiiaiit
les débris entre leurs souches et en laissant tomber leurs fruits, en ileliors
du rivage, dans les vases des eaux libres, où ils prennent racine '.
A l'ouest de Sumatra s'aligne une rangée de terres, disposées paialli'le-
ment à la côte occidentale de la grande île. Des abîmes de plus de liOOO
mètres en jtrofondeur séparent celte rangée de rai'(lii|M'l des Mcobar. mais
' Lelini'rt, Doilschc Hundsi-hati fiir Ccogriiphic. niivi'iiilnT 1882.
FLEUVES DE SUMATRA, ILES OCCIDENTALES. 255
elle se ratlaclie à Sumalra par l'incliiiaison des pentes immergées. Ces îles
forment, pour ainsi dire, un rebord extérieur à la haute terre voisine et
sont composées d'assises tertiaires, qui continuent celles du littoral
de Sumatra '. Situées sur des fonds recouverts en moyenne par 100 mètres
d'eau, elles se trouvent précisément sur la corniche du socle de l'Insu-
linde; immédiatement à l'ouest, le lit marin se creuse et, à moins d'une
centaine de kilomètres au large, la sonde mesure des gouffres de plus
de 5000 mètres. Commençant au nord-ouest par l'île Babi, celle chaîne des
îles occidentales parallèle à Sumatra se termine au sud-est par l'île d'En-
gano', à plus de 1200 kilomètres de distance. Peut-être pourrait-on
même considérer la roche isolée de Christmas, située à 500 kilomètres
plus loin, comme appartenant aussi à cette rangée, car elle est située
sur le prolongement de son axe; toutefois la distance et les grandes pro-
fondeurs intermédiaires jjermeltent de rester dans le doute à cet égard.
Sans cette terre éloignée, les îles occidentales qui (ié|)endent certainement
de Sumatra par leur position géographique et leur formation offrent une
superficie collective de 14 082 kilomètres carrés et leur population totale
est évaluée à 500 000 habitants. '
Quant aux îles de la côte orientale, situées sur le socle commun aux
trois grandes terres de l'Insulinde, les plus considérables sont distinctes
de Sumatra par l'origine et doivent être étudiées à part. Les îles basses,
formées d'alluvions et séparées seulement par des canaux sans profondeur
d'autres campagnes à peine exondées qu'ont formées et nivelées les fleuves
de Sumatra, sont parmi les dépendances naturelles du vaste corps insu-
laire : telles sont les îles de Roepat, de Bengkalis, de Padang, Rangsang,
Rantau et autres, qui se trouvent aux embouchures des cours d'eau ; mais
celles qui gisent plus au large, et dont le sol se redresse en collines ou
même en montagnes, ont une origine différente : elles appartiennent à la
même formation que la péninsule de Malacca. Comme cette presqu'île,
elles offrent une ossature granitique, autour de laquelle s'étendent des cou-
ches de latérite ; en outre, elles se trouvent situées exactement sur le
même axe que la Malaisie continentale : elles en constituent le prolonge-
ment, divisé en massifs distincts par les érosions marines. Mais, tandis
que la mer détruit d'un côté, les fleuves construisent de l'autre; ils
apportent les débris menuisés des hautes montagnes de Sumatra et les ré-
pandent à droite et h gauche en couches qui s'avancent de plus en plus
' Mai'liii, liijdruijcn lui de Tiial- Land- en Volhenkunde. ISSô.
- Telamijang des Malais, Taigoeka des insulaires eux-niènies. Le nom usuel est probablement
espagnol : Engano ou « île de la Déception ».
XIV. 50
251
NOUVELLE (;é()i;rai'1iie universelle.
diiiis la mer : peu à peu l'île s'agrandit dans la direction de l'est. Si les
courants côtiers ne reci-eusent pas les détroits, ceux-ci finiront par se
combler et les îles malaises de l'est, les archipels de Riouw et de Lingga,
Bangka et ses satellites se réuniront à la jurande terre orientale, perdus
alors comme des blocs ei'ratiques dans les sables et les argiles modernes'.
N" W. ■ — PLAlNtS ALU-VIALES IIANS LE BASSIN DU MOESI.
j^/7cycy^^ecât(^
I : 4 0(10 0)0
On sait (}ue Sumatra se trouve, avec reiisemblc des terres de l'Insu-
linde, dans la zone des moussons alternanics, celle du sud-esl, qui est le
vent alizé régulier, de mai en septembre, el cflli' du nord-ouest, de no-
vembre en mars, qui apporte la plus iorle pail de pluies : les Malais
désignent l'ouest par l'expression « liaut du vent » et l'est s'appelle
'< bas du vent »'. Pour la flore, pour la faune, Sumatra se distingue des îles
voisines par un grand nombre d'espèces curieuses. Elle possède la
' Alliv.l 11. \V;ill;»v, 77/t' Ualaii Airlii/jclafi».
- S. E. \V. Hoorila van Evsinga, A'o/i'.s- iiuiiiiisoitcs: — .\. ilr l'iiia, l'ai/s di's Épiies.
FLORK DK SIMATKA. '^37
grande raf/h'sia, l'ai'iim giiianlcsqiie [itmorplmpludlax Ulanum), qui se
dresse à plus de 5 iiièlics ilc haiiLeur, el ces éloniianls figuiers dont les
branches s'enlbncenl en terre et font pointer leurs fruits hors du sol
comme autant de petits champignons'. Une transition graduelle se fait
du nord au sud : tandis que le pin de Merkus domine dans certaines
régions montagneuses de Sumatra au nortl de l'équaleur, les conifères ne
se voient plus au sud. Ainsi se succèdent ou s'entremêlent de l'une à l'autre
extrémité de l'Ile les limites de nombreuses espèces; mais aux bords du
détroit de la Sonile l'aspect de la végétation offre encore, de Sumatra à Java,
un certain contraste, (jui frappe même les observateurs non botanistes".
Un des phénomènes caractéristiques de la flore de Sumatra, comparée à
celle de Java, sa voisine, est la grande étendue relative ([n'y [irésentent les
steppes d'rt/rt/M/etde (jlaijn, herbes d'un mètre de hauteur, qui étouffent les
semences des arbres et stérilisent le sol quand elles ont pris la prépondé-
rance. Tandis qu'à Java elles ne descendent pas au-dessous de 900 mèti'es,
elles se rencontrent à Sumatra jusqu'à 240 mètres du niveau marin, cl
les défrichements hâtifs, sans méthode, les ont beaucoup accrues |ienilant
la j)ériode historique. De toutes les terres insulindiennes, Sumatra est la
plus riche en essences (jui fournissent des sécrétions, gommes ou résines,
ayant une grande valeur commerciale. C'est là (jue s'élève le majestueux
camphrier dryabalanopx, dont les Chinois payaient jadis le produit au
poids de l'or; c'est de là que l'Europe a reçu les premiers envois de gutla-
percha {geta pertjn) ; si le grand arln-e, isonandra pertja, qui produit la
précieuse substance venait à disparaître sous les coups des bûcherons im-
prévoyants, il existe dans l'île beaucoup d'autres végétaux qui laissent cou-
ler également la gutta. Sumatra possède dix espèces de canneliers : nulle
autre contrée n'est aussi riche en arbres de ce genre; il est donc probable
que cette île en est le centre de dispersion ''.
Entre les faunes des deux îles la différence est plus grande qu'entre
les flores. Sumatra possède l'orang-outan, mais seulement dans un district
de la côte nord-orientale, et d'autres singes remar(|uables, entre aulies le
galéopithèque ou lémurien volant; l'éléphant, exterminé dans les régions
populeuses, où l'on ne trouve plus que ses ossements dans les fondrières
et les marais, est encore très commun dans les forêts et les jongles de la
côte nord-orientale; d'après les indigènes, il en existe deux espèces bien
distinctes, qui ne se croisent pas l'une avec l'autre. Le tapir, comme
• Henry 0. Fmijrs, (iiivi-;igo cité.
° Miquel, Bcsthrijvimi van Suiiinlra's Ptaiilcnwcicld.
' Cari Scliuinann, Untersuchumjcn iibcr die Zimmiliauh'f, Erjiiinzungsheft, ir 7Ô.
258 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
rorang-oiUan et réli''|)hant, ne se voil pas au delà du délroil de la
Sonde, et le rhinocéros de petite espèce que l'on rencontre dans les
forêts de Sumatra diffère du grand rhinocéros de Java, maintenant
devenu rare. Quoi qu'en dise Marsden, il ne parait pas que l'hippo-
potame ait appartenu à la faune sumatraise. D'après Ilagen, elle com-
prend, avec les animaux domestiques, 60 mammifères et 120 oiseaux.
La population malaise de Sumatra est diversement mélangée et, par
suite de la différence des milieux, offre d'une province à l'autre de grands
contrastes de mœurs et de civilisation. Ainsi les habitants de la région
septentrionale de l'île, les gens d'Atjeh ou Atchinois, se considèrent comme
formant une nation à part des autres insulaires. Les nobles se prétendent
issus d'immigrants arabes et semblent réellement d'origine mébingée. Pen-
dant les cinq siècles qui précédèrent l'arrivée des Portugais dans l'Insu-
linde, le commerce de la contrée se trouvait entre les mains des Arabes,
qui se mariaient avec des femmes du pays. Dès la fin du douzième siècle,
les habitants étaient convertis à l'Islam et plus tard le royaume d'Atjeh
devint un centre de propagande pour le mahomélisme : il eut ses théolo-
giens, qui rédigi'rent des livrt>s en arabe; il eut aussi des sectaii'cs, qui
prêchèrent une nouvelle h)i panthéiste et que, à l'exemple des souverains
d'Occidcut, les sultans d'Atjeh lii'enl mettre à mort, condamnant eii outre
les ouvrages à p(''i'ir sur le bûcher par la main du lidurreau". (Juoique l'in-
llueuce ai'abe ait beaucoup diminué dans ces derniers leuips, les Atchinois
ont conseivé de nombreuses coutumes apportées d'Arabie par leurs initia-
teurs, et leur langue malaise, très corrompue ])ar l'inlioduclion de termes
étrangers, s'éci'il en caractères arabes; leurs dignitaires |iorteiil la robe et
le turban cdinnie les marchands de Djeddali; cependaMl leurs femmes ne
sont pas voilées.
On dit les Atchinois |ierlides et cruels, accusation que l'on |)(irle d'ail-
leurs ((inlic hnis les |icuples (|ui (b'I'endenl leur iinléjiendance; mais du
moins ne leur ('(niteste-l-on |)as le courage et l'amour du travail. Habiles
cultivalenrs, ils obtiennent de leurs chamj)s de grandes récoltes de riz et
d(! patates qui leur ont permis de soutenir contre les Hollandais une guerre
de quinze années. Comme les Hindous, les Bai'nians, les Siamois, les
Atchinois aui'aienl su. dit-on. dresser l'éléphanl el rruipldver {idur le
transport de leurs marchandises. Ouvriers adroits, ils travaillent 1 or el
' Velli : — Viiii ili'i' Tiink. Miilnii M(uiiiSLrij)lD uftlir 11. Axialic Soiiely.
UABITANTS DE SIMATRA, ATCHINOIS, BATTA. 259
l':ii'i;enl, faliriquont des bijoux, tissent des étoffes de coton et de soie,
constiuiscnl des emijarcations solides poui' aller trafiquer avec les îles
et le continent voisin, parfois aussi pour écunier les mers. Les principaux
entrepôts de leurs marchands en dehors de Sumatra sont Ponlo Pinang et
Singapour : c'est de là qu'ils imjiorteni l'opium, dont ils sont passionnés
consommateurs.
Au sud de la province d'Aljeh, la région montagneuse est occupée par
des peuplades encore indépendantes et partiellement converties à l'Is-
lam, les Gayou, dont cm ne connaît guère (pie le nom et qui habiteraient
les bords d'une " mei' d'eau douce », le Laoet Tawar' ; [mis viennent les
mystérieux Alas, et les Battak ou Balta, qui se pressent surtout autour du
lac; Tuba : dans le bassin de cette mer intérieure la population serait
d'au moins 300000 habilanls, d'a[)rès le missionnaire Nommensen; mais
elle se divise en deux groupes pres(juc sans relations l'un avec l'autre, les
Batta du nord, cpii commercent avec les Atchinois, les Balta du sud, qui
lrali([uent avec Dell et Sibogha. En dehors de la région lacustre, que les
indigf'ues disent être le lieu d'origine de leur race, les populations batta
ont essaimé à grande distance : ce sont leurs tribus que l'on rencontre
au sud jusqu'au pied du montOphir; à l'est, elles ont occupé aussi tout
le versant oriental jusqu'à l'embouchure du Bila; en outre, les habitants
de la province de Tapanoeli, sur le versant occidental des monts, sont
des Batta qu'avaient assujettis les Padri ou les « Pères >', fanatiques
musulmans qui donnaient le choix aux vaincus entre la conversion ou
la mort. Nombre d'ethnologisles comptent aussi les insulaires niassi
parmi les Balta. Mais, en ne prenant comme tels que les Batta purs ou
mélangés de Sumatra, (ui ne peut guère les évaluer à moins d'un million
d'hommes.
Grâce à leur isoK'uient dans les montagnes, les Balta |iurs ressemblent
aux Dayak de Bornéo et aux Alfourou de Gelèbès. On a même voulu en
faire une race spéciale", comme si les changements du milieu el du genre de
vie ne suffisaient pas à expliquer les différences d'aspect. La plupart des an-
Ihropologistes les rai lâchent aux races primitives, apparentées aux Polyné-
siens, qui peuplaient l'Insulinde et qui, après avoir exterminé ou refoulé
les Negrilos, ont été exterminées ou refoulées à leur lour. Du reste on re-
marque une transition insensible de type entre les Malais du littoral et les
Batta de la montagne. En moyenne, ceux-ci, du moins sur le plateau, ont
» Bran (le Saint-Paul Lias, Bulletin de la Sociélé de Géographie. 4° trimestre 1885.
■* ,Iunt;huhn, Die Bailaliiiider nuf Sumatra.
240 NOUVELLE (iHiKiRAPIllE UNIVERSELLE.
un teint beaucoup |ilus hianc que les Malais du littoral; ils sont plus
grands, leur chevelure el leur harhe soûl phis alioudaiiles. Ils ont une
démarche et des ti'aits (jiii les rapprochent des Hindous, leurs anciens
initiateurs dans l'industiie el les arts. Ouoique leur nom même de Batta,
provenant sans doute du mot sanscrit Bhàta ou k sauvage»', témoigne
de leur état d'intériorité relativement à leurs civilisateurs, on doit
néanmoins les compter au nombre des nations policées. Maintenant ils
ont perdu tout souvenir des Hindous, sous l'influence desquels ils se
sont trouvés au moyen âge, et peu à peu l'action des Malais islamisés, sur-
tout celle des Atehinois et des Padri de la côte occidentale, les islamise à
son tour; des missionnaires chrétiens, Allemands pour la plupart, sont
aussi à l'œuvre parmi eux, mais sans autre résultat que de les amener au
doute sceptique, par le spectacle des religions en conflit. C'est en 1867
que des Européens pénétrèrent [)our la première fois jusqu'au lac Toba.
dans le cœur du |)ays des Hatia ; six années après, ceux-ci recevaient
une nouvelle visite et tinrent conseil pour savoir s'ils ne puniraient pas de
mort les éti-angers qui venaient prol'aner leur terre sacrée; maintenant,
accoutumés à la vue des blancs, ils ne mettent plus d'obstacles à leurs
voyages; même, en 1885, les riverains méridionaux du lac Toba ont dû se
soumettre aux armes hollandaises.
En déjtit des influences étrangères, hindoue, maliomé!an(\ chrétienne,
la civilisation des Batta conserve un fond d'oi'iginalilé très remarquable.
Cultivateurs comme leurs voisins, planteurs de riz et de maïs, ils se dis-
tinguent parmi les insulaires comme éleveurs de bétail, et possèdent de
grands troupeaux de chevaux et de buffles, de chèvres, de porcs et de
chiens, qu'ils engraissent pour les festins communaux; mais d'ordinaire
ils ne mangent que des grains, des racines et des fruits. Les Batta monta-
gnards ne font pas usage de la noix de bétel, si chère aux autres Malais;
mais ils fument le tabac avec passion et mâchent un mélange de chaux et
de feuilles de gambir {uncnria (jambir). Ils ne se tatouent le visage ni le
corps et ne pratiquent jioint la circoncision; c'est |)ar le limage des dents
que l'on célèbre l'entrée des jeunes gens dans la société des hommes. L'indu-
strie est assez développée dans les villages batta : comme forgerons, arnui-
licrs el bijoutiers, ils sont fort habiles, mais ils laissent aux femmes les tra-
vaux du tissage et de la poterie. Les Batia savent construire des demeures
fort élégantes, dont quelques-unes ressemblent à des chalets suisses
et comprennent deux étages placés au-dessus d'un icz-de-chaussée ser-
' Lassen; — Vivien de Saiiit-.Maitiii, Dictionnaire île Géoijrupliie universelle.
vani (retaille. Dans (luclqucs dislricls il csl d'iisaj^v qiio tous les "ons de
la commune aidciil leurs concitoyens à s'élever une maison; on liàlit
aussi des gynécées pour les filles à marier; en maints endroits, plu-
sieurs familles vivent dans une s-julc lialiitation, petite forteresse entourée
de palissades pour éviter les surprises. Chaque village possède une halle
commune, oîi l'on garde les objets précieux et où les étrangers reçoivent
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f 925 1)00
l'hospitalité. Les livres et autres documents gravés sur hois, écorce ou
feuilles sont parmi les Irésors conserv(''s avec le plus de soin, car la
plupart des Batta savent lire et écrire; mais, tandis que les Malais du
littoral ont remplacé leurs anciens caractères d'origine hindoue par des
lettres arabes, les Batta se servent encore de l'ancien alphabet, dérivé des
lettres sanscrites; ils écrivent de droite à gauche sur les écorces planes et
244 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
de bas en haut sur les roseaux ou bagueltes qui constiluenl leurs archives.
Leur lanffue, qui contient beaucoup de mots hindous, diffère notablement
du malais de la côte et son vocabulaire est plus riche; en outre, elle com-
prend des jargons spéciaux, tels ceux des ftMiinies, des sorciers et des vo-
leurs; les jeunes filles et les jeunes hommes correspondent au moyen
de feuilles. Les Batta ont un système postal : les arbres creux (jui se trou-
vent au croisement des routes servent de boîtes aux lettres.
La commune batta, appelée marr/a en quelques districts, est un groupe
autonome, représenté plutôt qu'administré par un m iljn h ou pamousovk:
tous délibèrent en comiuun. Il existe aussi des groupes de villages consti-
tuant aulant de petites républiques et rattachés par un lien fédéral; enfin,
on constatait les vestiges d'une ancienne royauté dans les témoignages de
vénération presque religieuse que l'on prodiguait naguère à un prince rési-
dant à Bakara, gros village situé à l'extrémité sud-occidentale du lac de
Toba et récemment conquis par les Hollandais. Tous les niemlu-es d'une
communauté sont censés unis par les liens du sang, quoiqu'ils ne soient j)as
égaux et que les gens de la classe inférieure puissent même être mis en
gage ou vendus par ordre du conseil, soit pour dettes, soit pour crimes ou
délits. La jurisprudence des Balta est sévère, et sanctionnée d'ordinaire par
de fortes amendes payées au j)ro(lt du radjah. Pour les crimes graves, parmi
lesquels on ne compte pas le meurtre simple, et qui comprennent l'adultère
avec la femme d'un radjah, l'espionnage, la trahison, la rébellion armée,
les juges prononçaient naguère et peut-être prononcent encore la décapi-
tation; mais par un exemple unique dans les codes écrits, quoique ayant été
de règledans les coutumes de maint peuple primitif, la communauté lésée
devait se faii'e justice en mangeant le coupable; |)arfois même la condam-
nation portail que le malheureux serait dévoré vivant. Les proches parents
de la victime, solidaires avec la conniiune, (levaient |ii'endre j)art au fes-
tin et même en fournir l'assaisonnement, le sel et le jus de citron. En de-
hors des actes de justice, l'anthropophagie ne se pratiquait jms et jamais
la condamnalion ne frappa les femmes". De nos jours, les Batta prétendent
que les repas de cbaii' humaine ont complètement cessé chez eux, mais on
doute de leur véiacih'; on croit aussi qu'ils tuent des esclaves pour accom-
pagner leurs chefs dans la tombe et qu'ils les obligent à se masquer et à
danser devant la fosse. D'après Junghuhn et d'autres écrivains, l'anthro-
pophagie serait d'origine relativement récente chez lesBalla; toutefois cette
' Léon Mclcliiiiliov, Revue iiilcriiiilioiifilc dex Seieiiees Ijioloijiiiiies, VIII, 1883.
- Willer, Tijdsclirift l'oor Nedeiiniiikeli liitlië, 18i(l.
CATTA. 245
affiimnlioii est en (lésaccord avec les dires des anciens anieurs. Les tradi-
tions arabes et les premiers navigateurs européens décrivent les monta-
gnards de Sumatra comme des cannibales mangeant leurs infirmes et leuis
vieillards. Dès qu'ils se sentaient incapables de travailler, les grands-
pères se suspendaient par les mains à une branche d'arbre, tandis (jue
famille et voisins dansaient autour d'eux : « Quand le fruit est mûr, il
tombe. » Les victimes tombaient en effet, et on se précipitait sur telles
pour les couper en morceaux. Ces festins se tenaient d'ordinaire à ré|>oque
de la maturité des citrons'.
Les prisonniers de guerre, considérés comme coupables de « rébellion
contni le vainqueur », sont ceux que la coutume épargnait le moins. Kn
ouln^ la plu[)art des guerres sont très sanglantes : la jurisprudenc<' batia
ne permettant pas d'asservir une commune ou de lui enlever sa terre, on
ne peut se venger d'elle que par des meurtres nombreux, et les guirlandes
de tètes coupées que l'on voit dans les maisons des radjah témoignent du
zèle que mettent les guerriers à cette œuvre d'extermination. En plusieuis
districts, ces batailles de village à village retardent l'accroissement de la
population batta, réduite d'un autre côté par la pratique des avortements,
qui paraît être générale. Les mariages sont assez tardifs, à cause du jii'ix
élevé des femmes, car d'ordinaire c'est le mari qui achète son épouse; mais
il existe une autre forme d'union, d'origine matriarcale, l'achat du mari
par la femme. Simple propriété mobilière, le conjoint acheté peut être
saisi pour dette et se lègue en héritage.
On retrouve chez les Batta les traces des religions hindoues, puisqu'ils
reconnaissent la trinité des dieux, le Créateur, le Conservateur et le Des-
tructeur, et qu'ils admettent l'existence de divinités et de génies auxquels
ils donnent le nom presque indien de dicbata {dccaté); mais les pratiques
religieuses ne prennent dans leur vie qu'une part très minime : ils n'ont
guère de culte régulier et ne possèdent qu'un ou deux temples'; ils se
boi'uent à invoquer les petites idoles qu'ils portent toujours sur eux dans
un sachetet se préoccupent surtout d'écarter rinlluencedes mauvais esprits :
on a vu des familles et des communes se donner un génie protecteur en
enterrant un enfant vif, qui désormais \cilleia sur leurs champs. Les
grands personnages sont censés se survivre. Le jour de leur mort, on en-
semence un champ de riz, puis on attend la moisson, à laquelle préside le
cadavre et qui se termine par un festin donné en l'honneur du défunt,
' Stnmfofil Rafflos, Mcmoir of liis lifc, hij lus widow.
2 BiMiiilcs Pli Gerlli van Wijk, TijiUrlirifl iwii Tiicil- Ltind- l'n Vulhenkumlc. f)ocl XXII.
2iC NOIJVKLLK GÉOCUAl'illK INI VEIiSKLLE.
passé au raiif^ des gériios bionveillaiils : on no l'onlorro qu'apivs la fèlo,
près de la maison qu'il protégera désormais.
On considère en générai comme appartenant, à la l'amille elliniqno des
Batta les deux petites tribus sauvages des Orang-Oulou et des Oraiig-
Loubou, qui vivent dans les hautes vallées situées au nord du mont Ophir
et paraissent être restées en dehors de toute inflnence hiiuloue ; mais il se
peut aussi qu'ils soient i-elombés dans la iiaiiiaric jiai' suih^ de pei'sécu-
tions et de guerres malheureuses. On les compare aux plus sauvages des
habitants de Bornéo; comme eux, ils sont à {)eine vètns, habitent des hut-
tes de branchages ou des troncs d'arbres creux, et pour arme se servent
de la sarbacane avec Iraifs empoisonnés. Ils ne cultivent même pas
le sol et se nourrissent de liiiils, déracines, de serpents et d'insectes;
cependant des marchands lenr apportent un peu de riz et de sel à des
endi'oils désignés d'avance, on ils Irouvent quelques denrées recueillies
dans le pays par les hommes des bois. (!enx-ci ne reloiirnenl an lieu d'é-
change (|n'a[)rès le départ des traitants : de gros chiens les averlissent de
la prt'sence des hommes et de l'approche des tigres.
L'ancien royaume de Menangkabao, qui su(<(''da à l'empire hindou d'Adi-
(yavarma, comprend, au sud du j>ays des Batia, la partie la plus |iopulense
de Snmali'a, dans la régittn moniagneuse des « Hautes Terres » de i'adang et
sur le versani occidental de l'île. Le nom de celle contrée, Menangkabao
(Menang-Karbaon), ■< la Victoire du Biiflle », s'expli(|ue pai' la légende d'un
conilial eiitredeiix buriles, l'un de Sninaira, l'autre de .Tava, qui se lei'mina
par le ti'iom|)he du [tremier champion : ce récit symbolise probablement
un conflit ou même de longues guerres entre les imligènes et des colons
étrangers'. L(>s indigènes l'emportèrent et lenrs coutumes ont ])révahi sur
celles des Javanais et des Hindous : on les considère comme les Malais
par excellence et c'est dans lenr dialecte (pi'on voit la langue pure.
Même de nos jours, malgré la conversion des Malais à l'Islam, et la
complète du royaume de Menangkabao par les Hollandais, les anciennes
institutions des villages lédérés et du matriarcat se sont maintenues. La
population se divise en noiilidv, c'esl-à-dire en clans ayant cliacnn son
chel', choisi dans une famille privilégiée, et son conseil composé de tous
les hommes laits. De leur ci'ilé, t(Uis les clicls de village se j^roupcMl en
un conseil de district et l'eiisendde du caiit(Ui i'c(;oit d'oi^dinaire sa (h'uo-
miuati(Ui d'après le munbre des villages on L'ohi (|ui le c(uistilneiil : les
' lliit;iLiili'i', C.lnoiiiijiu' (le l'asci; — Nclsctici-, Vryzniiirliiiij van OverlrvcriiKjcti van lict yijh
vait MciKiiKikidxiii, llccl Wtt.
OK.VMi-I.OI l;()l . MKNAMiKAB.VO.
247
« S('|)l >\ les « Noiii' )•, los X Dix >>, les « Vinot >i, les u Cinquante )> Kdln.
Aucun lionnne n'ii le ilroil de |in'ii(lrc leannc (hins son propie kolji ou
(Imus s<ui soukou : les unions s(uil essenlicllenienl cxogames. Le marié se
l'cuil en \isil(' aupiès do sa teniuie ou de ses ieunnes, il les aide à itérer le
X» 48. POPrLATIONS DK SIMATRA
Est de Par
Lst de Grpenvicn
Oe'OÀ/OOO"' o'e/OÛOÀSOOO-" c/eSOOOA-^OO'^ ^e^OOO^'eiâcy c/^/^
0, (levant les noms de peuples nu de [rihus sisiiufie orimij, lioniuies. ICxeniple - omn*/ Riiuifi. les hommes du Sol.
I ■ l.HOOO 000
niénaiic à eullivcr les Icri-es, mais ses cnlanls appartiennent à la nù'H' el
doiveni l'cslcr dans le village malernel, hériter des terres matrimoniales,
(juaul à riiérilaiic du [lère, il a|iparli('nl au\ cnlanls de sa sœur dans son
village d'origine : telle est la loi de l'uumlaïKj-mniiIdnç/. Le maintien de ces
coutumes, si contraires à l'Islam, montie le peu d'iniluence exercé sur les
indigènes par la religion ol'liciclle du pa\s ; (cpcudanf, au commencement
248 NOUVELLE GÉOGRAPUIE L'.MVERSELLE.
(le ce siècle, une secte rigide, celle des Orang- Poeti ou des >< Hommes
Blancs », à laquelle son ardeur de propagande lit donner le nom de
padri, comme aux missionnaires portugais, devint assez puissante pour
bouleverser le royaume. Vers 1820, ces Wahabites de l'Orient, dont la ré-
forme consistait surtout à s'abstenir de tabac, de bétel, de liqueurs fortes,
réduisirent à de telles exirémités le grand-prètre et roi de Menangkabao,
que celui-ci dut faire appel aux Hollandais, alliés ipii bienhU après
devinrent les maîtres.
Les Malais qui peuplent les bautes vallées et les plateaux au sud des
« Hautes Terres » de Padang ressemblent Ijcaucoup aux Halla, ^i ce n'est
qu'on ne remarque chez eux aucune trace de cannibalisme. Les Korint-
jiers, qui vivent aux alentours du mont Indrapoera, les Uedjangers, « gar-
diens de la frontière » montagneuse entre les provinces de Palembang et de
Benkoelen, les Pasonmah, ou tribus du pays que domine le volcan Dempo,
enfin, vers l'exlrémilé méridioiude de Sumatra, les Aboengers, « Gens du
haut pays >' ', et les Lam|iongers ou « Gens du bas pays », paraissent avoir
joui autrefois d'une civilisation supérieure, car leurs ancêtres leur ont
légué un mode d'écriture, dérivé des caractères sanscrits, comme celui des
Balta; presque tous les indigènes savent lire et écrire'. Un rencontre çà el là
dans les forêts de la contrée des statues colossales, qui d'ailleurs n'offrent
ni le type hindou, ni celui des Malais. Dans les régions montagneuses, les
goitres, les écrouelles sont des affections fort communes. Chez quelques
tribus de Uedjangers, les mères aplatissent le nez et comj)riment le crâne
de leurs enfants'; l'habitude de se limer les dents est générale. Van
Hasselt croit les Lampongers et les Aboengers originaires du pays de Me-
nangkabao. Chez tous ces indigènes, le mariage est exogamique : le mari
achète sa femme à un prix relativement élevé, qui l'oblige ordinairement
à peiner j)endant de longues années el à s'endetter; mais son épouse lui
ajiparlieni comme une esclave, et les bijoux, les pièces de monnaie dont
elle se couvre au jour de la noce lui ap[iarliennenl ; pins lard il cherche à
se payer de ses IVais par la \enle d(> ses filles. Le frère aîn('' l'pouse loules
les veuves de la famille'. OuanI anx femmes des hantes classes, elles se
marient d'ordinaire, comme dans le Menangkabao, sous le régime du ma-
Iriarcal, el resleul pnipriélaii'es du chanq) el de la famille. Dans les villes
du liiliiral, où l'inlhience de l'Islam l'empoile sur le paganisme originaire,
' I'. J. Velh, Tijdsdirift van lict Ànrdiijlisl.iimli;! Cciiuulsclidj) le Amsterdciiii.
- Itenry 0. Forbes, ouviage, cilé.
' William Marsden, Hislurij i)f Siiiiiutia.
* Adolf basliaii, Iiidunesicii.
l'ASGUMAll. UAItlTANTS FIES LAMI'ONd, ÎNIASSI. 249
les unions se foni à la mode arabe. Seuls les gens mariés sont enterrés
avec honneur, parce qu'ils sont les « pareiils du peuple»; les autres corps
sont jetés dans la l'orèl. Toute liile enceinte doit aller accoucher dans la
brousse et ne revenir qu'après quarante jours d'absence, mais sans son
enfant; à son retour, il faut |»urilier le village par le sacrilice d'un liuflle.
égorgé devant le balai ou jialais communal.
Les riverains de la côte orientale, dans les pays de Siak, Djambi, Palem-
bang, sont pour la plupart originaires des îles voisines : ce sont les descen-
dants de marchands qui fondèrent- des comptoirs aux embouchures des
fleuves. L'influence hindoue se prolongea très longtemps dans cette région
du littoral, par l'entremise de Java, et jusqu'au milieu du seizième siècle
des colonies javanaises s'établirent à Palembang. Les mœurs et les cos-
tumes des Sumalrais de cette côte diffèrent à peine de ceux des Java-
nais, et la langue elle-même renferme un grand noml)re de mots apportés
de l'île voisine. Dans l'intérieur vivent quelques milliers d'Orang Koubou,
que l'on croit descendre des populations aborigènes graduellement refou-
lées : on ne les voit guère qu'au milieu des forêts, où ils mènent une
existence errante. Physiquement, ils se distinguent à peine de leurs voi-
sins d'origine malaise, si ce n'est qu'ils sont plus forts et d'un teint plus
clair, et parlent un idiome rapproché de la langue des civilisés. Mais ils
contrastent avec eux par leur qualité maîtresse, la droiture : ils sont véri-
diques, probes et très courageux; armé d'un simple épieu, le Koubou
ne craint pas de s'attaquer au tigre. 11 commerce avec le traitant chinois
ou malais, mais en prenant la même précaution que les ^eddah de
Ceylan, les Oulou et Loubou de l'Ophir : il évite de se rencontrer avec
l'acheteur.
Les insulaires de la chaîne des terres situées à l'ouest de Sumatra sont
de races diverses. Ceux de l'île septentrionale, Simaloe ou Babi, descen-
dent d'émigranis de Menangkabao et sont mêlés d'Alchinois. De même les
gens des îles Banjak ou >< Nombreuses 51 sont des Malais et des Atchinois
de Sumatra, venus il y a deux siècles environ ; mais l'île la [ilus occiden-
tale, Bangkara, est encore inhabitée, et on l'évite même, de peur des mau-
vais « esprits » dont on la croit peuplée'. Les habilanls de l'île de Nias,
les Ono Niha ou les « Enfants des Hommes», au nombre d'environ 240 000
d'après l'explorateur von Rosenberg, qui a dressé la carte de la contrée,
ne sont pas encore tous soumis administrativement à la domination hol-
landaise ; quelques clans sauvages ont gardé leur in(lé|»endance, mais du
' Von Hiisenberg, Der Malnylsclie Archipel.
XIV. 52
■250 NOi:\ELLE GEUGKAI'UIE l M VEUSELI.E.
moins respectent-ils les voyageurs euroj)éens. sachant (jue tout mauvais
accueil leur coûterait la liberté. Junghuhn et, après lui, la plupart des
auteurs voient dans les Niassi les descendants d'une colonie de Balla : les
ressemblances physiques et morales sont en elTel fort nombreuses entre
les deux groupes ethniques, "mais on peut en dire autant des contrastes,
et d'ailleurs les Massi du sud et ceux du nord ne se reconnaissent point
comme frères et diffèrent beaucoup par les mu'urs. Si iSiassi et Balla sont
réellement de même origine, la séparalimi ddil avoir eu lieu à une époque
déjà très reculée.
Les Niassi du nord el du sud sont en général gais, complaisants, polis,
très faciles à mener par l'amour-propre, très désireux de plaire, mais fort
lâches, si ce n'est dans quelques districts du sud, où la guerre ne consiste
pas comme ailleurs en embûches et en surprises. Les haines héréditaires
se maiiilienneni entre les familles, parfois jusqu'à l'extermination complète
de l'une d'eiilic elles: lanl (pfil reste encore un enfani, l'ennemi craini
un vengeur. Les villages, surtout dans le nord de l'ile, témoignent de
l'état de peur dans lequel vivent les populations. Nulle part on ne voit de
cabane isolée. Les groupes de maisons s'élèvent sur des buttes naturelles
ou artilicielles, entourées de fossés et d'estacades. Les demeures elles-mêmes
sont construites sur des rangées de pieux, colonnades rustiques entre
lesquelles se tiennent les cochons, nourris d'excrémenls et de débris (!<•
cuisine. Une échelle et une trappe permettent de |)énétrer dans la maison,
d(Mil la fiirme csl celle d'une gi'ande coi'beille ovale avec un haut couvercle
de jonc ; des mâchoires de poi'cs, témoignage de la richesse du maître, dé-
corent extérieurement les angles des toits et les pieux de soutènement ;
les chefs de villages, ihms la partie méridionale de l'île, ajoutent des tètes
d'homuK^s à la dt'coralidn de leurs édilices ; des efligies du génie domestique
prolc'^i'iil riiahilalion contre les entreprises des ennemis et la malveil-
lance des esprits de l'air. Des fauteuils de j)ierre, i)lacés devant la ca-
bane, offrent aussi de grossières sculptures d'hommes et d'animaux. A
l'une des extrémités du village s'élève la maison du forgeron, à laquelle
ou attribue également une vertu magique, et la porte de la place est
gardée j)ar une haute statue du dieu de la tribu et de sa femme.
Les Niassi sont d'habiles artisans. Maisons et forteresses sont fort bien
construites, leurs armes élégantes el afiilées. Ils travaillent le cuivre avec
art, tissenl v[ ti'ignent les étoffes, tressent des nattes foi'l appréciées,
extraient de la noix de coco de l'huile pour l'exportation. L'or, en frag-
ments ou en bijoux, est leur seule monnaie, et leurs chefs aiment à plan-
ter des plumes d'or sui' leui' chevelure el à s'allacher un croissant d'or au-
NIASSI. 251
dessus de la icvro supérieure en ;^uise de mousiaches. Les Niassi du sud
ont quelques roules dallées avec soin et tracées habilement sur les crêtes
des collines. Ils n'ont point appris, comme les Balta, à se servir d'un
alphabet d'orij^ine hindoue, et c'est par l'inlhienee malaise et musulmane
qu'ils entrent peu à peu dans le monde de la civilisation contemporaine,
modifiant leurs anciennes mœurs.
Actuellement le culte des Niassi se réduit à foi't peu de chose. Les prêtres
ou éré, hommes et femmes, choisis d'oi'ilinaire par le chef dans sa propre
famille, ont pour fonction capitale d'invoquer les hela, c'est-à-dire des
esprits intermédiaires qui connaissent les bons et les mauvais génies et
dont on peut se faire des aides ou des complices pour toutes les entreprises.
Les prêtres sont également chargés de l)(''nir les mariages, en pressant l'une
contre l'autre les têtes des deux liancés et en offrant au dieu protecteur la
chair des animaux. Les mariages doivent se faire entre jeunes gens de
tribus différentes, et toujours par voie d'achat. Mais le prix est en gé-
néral très élevé et le pauvre qui emprunte pour se procurer une femme
court grand risque de vendre sa liberté et cflle de ses enfants, car la
valeur de la dette se double chaque année et dès qu'elle correspond au
prix d'un esclave, le créancier peut mettre son débiteur à l'encan : on a
vu des familles entières tomber en esclavage pour une dette qu'avait
fait contracter primitivement l'achat de quelques épingles ou d'une bras-
sée de fd métallique. Les albinos, qui naissent en assez grand nombre
chez les Niassi du sud, sont considérés comme ayant eu pour père quelque
démon, et d'ordinaire on les maltraite. L'adultère entraîne de fortes
amendes et souvent la peine ca]Mtale; la illle enceinte est étranglée et jetée
dans la brousse.
Les prêtres sont avaul tout médecins, c'est-à-dire exorcistes. < Aiilanl
de maladies, autant de mauvais esprits », que le prêtre infaillible par-
vient toujours à chasser par ses conjurations, mais qui sont renij)lacés
par d'autres génies dévorants quand la maladie persiste et que la mort
survient'. Quand un malade parait devoir succomber, les parents et les
amis se réunissent autour de sa couche et poussent des hurlements et
des cris jusqu'au moment où le malheureux rend le dernier soupir. Dans
la partie méridionale de l'Ile, on ne se contente pas de pleurer le mort, il
faut aussi lui rendre honneur : (Ui promène le cadavre dans le village et
l'on expose ses armes sur la route. (Jn place à rcxtrémilé du cercueil l'ef-
figie d'un oiseau en bois scul|»té, juiis on suspend la liière sous un ajoupa
' Kilo Reclus, Revue iiilfriinliuiKilc des Sfie.iiees lïiultHjiques, 15 ilc'cciiiljrc ISS].
252 NOUVELLE GÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
de feuilles, et les amis se mettent en embûche le long des sentiers pour
surprendre des passants, hommes ou femmes, et leur couper la tête, à la
gloire du défunt. Quand il s'agit d'un grand chef, la coutume demande au
moins une vingtaine de crânes, et des guerres se font de village à vil-
lage pour trouver les victimes nécessaires ; parfois on se contente de tuer
des esclaves, mais on les fait mourir dans les tortures, afin que le sacrifice
soit plus agréable aux génies cruels. L'héritage passe d'ordinaire du père
au fils aîné, mais la coutume n'est pas absolue, et celui des enfants qui
réussit, au moyen d'un roseau, à capter le dernier souffle du mourant ou
du moins à le faire croire aux assistants, devient par cela même compéti-
teur de la fortune et du jjouvoir familial ou politique. Souvent des chefs,
tout puissants en principe, sont oljligés de partager la souveraineté avec
leurs rivaux, et dans la pratique il est rare qu'ils prennent une décision
sans consulter les notables ou même tous les propriétaires. Dans les con-
seils chacun pai'le librement, el j)arf(iis on en vient aux coups : aussi
est-il d'usage de délibérer à jeun, afin d'éviter les violences que pourrait
amener l'abus du vin de palmier'. Jadis il se faisait un grand trafic d'es-
claves niassi, que des centaines de prao venaient caj)turer sur la côte de
l'île, et Stamford Rafflcs fut « censuré » par la Compagnie des Indes orien-
tales pour s'être opposé à ce commerce. Maintenant un grand nombre de
Niassi émigrent pour aller servir dans les familles malaises et européennes,
et c'est parmi eux que l'on choisit presipie toujours les charpentiers, les
maçons, les couvreurs. La beauté des femmes niassi est fort appi'éciée et
les Malais de la côte les recherchent pour épouses.
Les insulaires de l'archipel deMentawej sont également des « sauvages »
très diffi'iciils des anlres indigènes des îles côtières. D'après M. de Rosen-
berg, qui, l'un des pi'emiers, les visita, de lSi7 à 1852, ils ne seraient
pas d'origine malaise : il faudrait voir en eux un essaim de la race poly-
nésienne. Leur idiome, remarquable par sa douceur et par l'abondance
des voyelles, différerait com|tlètement des dialectes de Sumatra et des
arcliipcls voisins. Comme les Polynésiens, les insulaires de Mentawej, qui
se donneni eux-mêmes le nom de Tchagalalegat, aiment beaucoup les
plumes flottantes, les feuillages, les fleurs ; ils ornent leur chevelure de
corolles éclatantes et se couvrent la poitrine de tatouages en forme de bou-
cliers, qui ressemblent à ceux des Tonga et auti'es Océaniens. Certains
mets sont rigoureusement taboues pour les femmes el (pichpies endroits
' Nii'invi'iiluiisi'n. Vi'rhnii(letiii<ji'ii l'nii lii'l linliifiiKiscli (iciioolxrlKijj raii Kiiiisli'ii en Wclcii-
■■ii lui iijioi, l.S."i7; — Klii' Ki^c'liis, niiMimiro i-ili''.
MASSI, TCIIAGALALEGAT. 253
mystérieux do la forêt sont, interdits aux priifanes. Los Tchagalalogat
no noircissonl pas Jours donts oommo la |ilii|i;iil dos gons de race ma-
laise, mais ils limout en pointe colles do d(nant ; à l'oxceplion des che-
veux el des sourcils, qui d'ailleurs sont faiblement marqués, ils s'épilont
soigneusement tout le corps el s'arrachent même les cils. Garçons et filles'
se livrent ensemble aux exercices de gymnasticpie, à la course, au saut,
à l'escalade, à la natation, aux joutes; mais après le mariage les femmes
se tiennent discrètement à l'écart. Le divorce est inconnu chez ces popula-
tions et l'adultère est puni de mort. Les Tchagalalegal et leurs voisins,
les insulaires de Pageh, sont très pacifiques. Ils ne guerroient jamais
entre eux et ne mettent point leui's villages en étal de défense; toutefois ils
se gardent bien de les bâtir sur la rive de la mer et les cachent dans l'in-
térieur, au bord de quoique étroit ruisseau. Naguère leurs armes étaient
encore l'arc et les flèches empoisonnées. Ils craignent fort les esprits; ce-
pendant ils vont parfois les consulter dans l'épaisseur des forets et ils en
recueillent les réponses, [U'ononcées, disent-ils, d'une voix criarde et che-
vrotante. Les âmes des morts, très redoutées, se changent en démons :
une île du largo, inhabitée, serait pleine de ces revenants'.
Même la petite île d'Engano, à l'extrémité méridionale de la chaîne exté-
rieure des îles, a sa race d'hommes spéciale, que divers écrivains ont cru
pouvoir assimiler aux Papoua, mais sans autres indices, pour justifier leur
hypothèse, que l'étal rudimen taire de la civilisation locale. A peine si vers
la moitié du siècle les insulaires d'Engano avaient appris h forger le fer;
auparavant ils nv connaissaient que les armes el les instruments do pierre.
Ils marchaient nus : d'où le nom de Poulo Tolandjang, ou « île Nue », que
les marchands malais donnaient à cet étroit domaine. Los Korikdjéé, —
c'est l'appellation locale dos indigènes — ignoraient aussi le tabac el les
boissons spiritueuses et, chose déshonorante aux yeux de leurs voisins de
tûulo religion, anionaienl leurs femmes et leurs iillos aux matelots de pas-
sage. Mais on vantait unanimement leur sci'upuleuse honnêteté : le vol
n'existait point chez eux. Ils étaient aussi de laborieux cultivateurs, et
c'était une honte d'avoir un gros ventre, tandis que dans les pays voisins
l'obésité est en honneur, c(nnme témoignage d'une opulente paresse. Les
cadavres sont enveloppés d'un iil(>l de pèche, sans doute afin que le mort
puisse dans l'autre monde continuer de pourvoir à sa nourriture; mais on
abat ses arbres fruitiers, on dévaste son champ et son jardin, que désor-
mais il no cultivera plus.
' Viin Itoscnberi,', (Uivnige cité.
254 NOUVELLE GÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
Encore dépourvue de' voies de communicalion faciles el peuplée de
diverses nations et de tribus n'ayant entre elles aucune cohésion [lolitique,
Sumatra n'a sur son pourtour maritime qu'un petit nombre de villes con-
sidérables, el dans l'intérieur les plus fortes agglomérations ne sont guère
que des villages. Cependant de grands royaumes se sont à plusieurs époques
constitués dans l'ile et leurs capitales ont été les foyeis d'un commerce
considérable.
L'ancien empire d'Aljeh, que les chroniques disent avoii' été fondé au
commencement du treizième siècle, était fort étendu. Aux temps de sa
plus grande puissance, dans la première j)artie du dix-septième siècle, il
embrassait environ la moitié de l'ile, et plusieurs Etals secondaires lui
rendaient hommage; de l'Egypte au Japon les princes demandaient son
alliance. Son armée comprenait des centaines d'éléphants de guerre et dis-
posait de deux mille canons. Le sultan, qui portait un nom arabe et qui
prétendait, comme tous les autres souverains des États sumalrais, descen-
dre d'Alexandre le Macédonien, Sikander « aux Deux Cornes »', exerçait un
pouvoir presque absolu, du moins dans les districts voisins de sa rési-
dence. Actuellement les frontières de rAljch. telles que les Hollandais les
ont tracées par une ligne arbitraire, à travers un territoire qui ne leur
appartient même pas, n'embrassent plus que l'extrémité septentrionale de
l'Ile, du sud de la baie de Langsar, sur la côte de l'est, à la baie de Silekat,
sur la rive occidentale; en outre, l'ile de Babi et quelques îlots voisins,
habités au moins |)artiellement par des Atchinois, font ])arli(> de la |)r(i-
vince. Quoique la population de la contrée ait été plus que décimée par
la guerre contre les Hollandais, on croit qu'elle dépasse encore un demi-
million d'hommes. Les Atchinois proprement dits se divisent en trois
dans, les « vingt-deux >', les «vingt-cinq » et les « vingt-six «communes,
appelées sa<ji ou mockim : chaque commune est régie par deux /w/ /)////'/(/(/,
chefs héréditaires, qui contrôlent le pouvoir l'un de l'aulre el qui, n'Hinis
en assemblée générale avec tous les autres panglinia,consliluent le conseil
de la nation. Enfin, chaque village s'administre d'une manière autonome
par les délibérations de ses anciens, sans lesquelles le chef ne peut lien
décider. Cette vie indépendante des communes explique la merveilleuse
énergie avec laquelle les indigènes ont su défendre leur indé'jiendance
contre l'étrangei-.
Dès l'année IMHI. le sullan d'Aljeh signait un lrail('' de ciimmerce avec
les Portugais, et depuis cette é|)()(|tie les Auliinois ont loujouis ('lé en rela-
' llulauiici', Jijiinidl Asi(ili(jiir : — Li-yili'ii, Maldij Aiinitls.
ATJEII. -Ib5
lions avec, les Jùiropéens, soit pacifiques, soit, guerrières. Mais au milieu
de ce siècle l'empire était complètement déchu, et les Hollandais s'étaient
emparés de plusieurs places du littoral. En 187!2, le moment leur parut
propice pour venger sur le sultan les actes de piraterie de ses vassaux,
dont il était peul-èlre le complice, et terminer enfin la conquête de l'Ile.
Grâce à un traité avec la Grande-Bretagne, j)ar lequel ils lui cédaient leurs
établissements delà côte de Guinée, achetant ainsi son désistement de tout
projet ultérieur sur le nord de Sumatra, les Hollandais espéraient en avoir
bientôt fini avec les Atchinois, mais leur premier assaut se termina par un
désastre. Il lallul reconstituer une armée, voler de nouveaux fonds et faire
une campagne en règle, pour s'emparer, après quarante-sept jours de
siège, de la cité fortifiée dans laquelle s'étaient enfermés les Atchinois;
toutefois la prise du kralon n'amena pas la soumission des indigènes, et
maintenant encore, aprî's ((uinze années de lutte (jui ont coûté plus d'un
demi-milliard de francs à la Hollande, aux deux années plus de cent mille
hommes, et le double aux populations indigènes, les districts de l'intérieur
sont restés indépendants : l'annexion déiinilive ne se fera que lorsque des
routes se ramifieront dans le pays.
Le chef-lieu du royaume d'Atjeh, connu jadis sous le nom de Kola lladja
ou « Ville du Koi », et maintenant appelé Groot Aljeh, est bâti en forme
de quadrilatère régulier à 4800 mètres du rivage et à l'entrée d'une vallée
des plus fertiles, que parcourt la rivière d'Atjeh, ombragée de cocotiers ; au
sud se dressent deux monts isolés, « le pèreellamère du fleuve», disent les
indigènes. De nombreux villages sont épars autour de l'enceinte et un
cercle de forteresses pourvues de voies ferrées défend le camp retranché.
Un chemin de fer, le premier qui ait él('' bàli dans Sumalra, réuiiil la ville
à son quartier maritime Oleh-leh, construil sur \\\w plage étroite cuire
la mer et une coulée marécageuse, et doit se prolonger au sud jusqu'au
village d'Indrapoeri, d'origine hindoue. On dit que la population de Kola
Radja s'élevait à 55000 habitants avant la guerre; en ISS^, la ville et le
port avaient reconquis une grande partie de leur importance; en 18S(i, on
y comptait 9400 indigènes et 2500 Chinois. La culture du poivrier, lo
luda ou piper )i,iijnim, importée de l'Inde, est générale dans le pays et la
production annuelle du poivre s'y est élevée en temps de paix à IS mil-
lions de kilogrammes, soit les deux tiers de la consommation du monde
entier. Une grande exportation de celte denrée se fait par lés marchés
de la côte occidentale jiendant les années de paix : d'après van der Tuuk,
les indigènes s'imaginent que les Européens, habitant sous un climat
froid et humide, bourrent leurs paillasses de cette épice pour se réchauffe)'
256 NOUVELLE (.ÉOlUtAlMllE UNIVERSELLE.
i)ciulaiil leur sommeil. Ia's Auhinois reciieillenl aussi le sel dans les ma-
rais du littoral.
Sur la eôte orientale d'Atjeh, dite " eôle des Aiéijuiers - parée ({u'elle esl
bordée des palmiers qui l'ournissent la noix de hétel. les garnisons hol-
landaises oceupent deux autres jilaees du littoral. Segli, près des pentes
N' i9. — K(IT\-ItVIIJ\ KT i.i; rOHT h oi.i;n-i J.H.
méridionales du Goudhei'g, et Edi, au sud du |ironuHiliure a()pel('' l'ointe
du Diamant : c'est près de là. dans hi pays de Pasei. (pie se tromail la
cité de Souiiiadra, ipii a donné son nom à l'île. Sur la eôle oceidentale ou
« côte du l'oivie > , (pii s'exhausse graduellement au-dessus des eaux',
une escale l'réquentée est celle de KIoeang, fameuse par ses vastes grolles.
où les salanganes font leurs nids, si appréciés par les Chinois. A une cen-
L Wiilluii, Xnmih'n de rK.ilmnc-Oneiil. miL IL
ATJEil, SlliOCIIA, l'AIIANG. 'iô7
(iiiiic lie kilomètres au sud, une autre escale, celle de la bouche du Te-
nom, est devenue tristement fameuse : c'est là que vint s'échouer en ISiSj
le navire anglais Nisero, dont les hommes, au nombre de dix-huit, furent
réduits en captivité; trois années auparavant, deux voyageurs français.
Wallon et Guillaume, (jui j)arcouraienl la contrée à la recherche des mines
d'or, avaient été assassinés dans leur propre bateau, à deux journées de
navigation sur le Tenom'. Cependant, à moins de cinquante kilomètres au
sud, une garnison hollandaise occu{)e le petit havre de Malaboeh (Âna-
laboe), point d'attache des bateaux à vapeur de la côte. Les indigènes qui
ne veulent point se trouver sous la domination étrangère se sont pour
la plujKUt réfugiés au bourg deWailah, situé sur le littoral, entre Malaboeh
et Tenom'. Des laveries d'or, des gisements de charbon promettent à
Malaboeh un certain avenir commercial". Au sud, le |)ort de Tanipal
Toewan fait un petit Iralic avec l'ile de Babi.
Singkel, ancienne capitale de royaume, devenue maintenant le chef-lieu
d'une division de la province de Tapanoeli, n'est qu'une bourgade mal-
saine, entourée de marais et située dans une île, sur la k côte de la Peste ».
entre les deux bras que forme l'embouchure d'une rivière abondante : des
marchands chinois en utilisent le mauvais porl et font quelque commerce
de canq)hre, (le benjoin et d'holothuries, ex[)édiés en échange d'opium et
de riz. i'ius au sud, Baros, autre résidence royale avant l'arrivée des
Hollandais, possède une rade moins dangereuse que celle de Singkel et fait
un trafic assez important avec Goenoeng Sitoli, la capitale de Nias. Puis
vient le havre de Sibogha, formé par l'une des indentations de la grande et
profonde baie de Tapanoeli : c'est l'un des <( meilleurs ports du monde»;
les navires peuvent y mouiller à quelques mètres du rivage. Sibogha, mal-
heureusement insalubre, est un des points du littoral par lesquels les
voyageui's pénètrent dans le pays des Batta. A l'est et au sud-est, sur les
hauteui's du j)laleau, se trouvent des bourgs, très importants par leur
position commerciale et stratégique : Si|iirok, Padang Sidempoean, l'erlibi,
fameux |iai' ses ruines d'origine biiu(lillii(|ue. Au sud, vers Padang, se
succèdent quelques petits havres, d'ailleurs peu fréquentés et |iérilleux
dans la mousson d'ouest : Natal, Ajer Bangis, Priaman.
Padang, la cité la plus pros|)èi'e de toute la côte occidentale et l'un des
mairhés les plus actifs de Sumatra, a plutôt l'aspect d'un grand parc que
d'une villi\ A l'exception du (piarlier cenlral, où se groupent les édilices
' l'^iiil l'';iui|M(', Aicliii'cs (les Missions Sciriilifniiii's. 18SI.
■•' lliHkMisliniM, tiiillrlin ,lc h, .Sy,-,V/,: ,li- G,-oii);iiihir ilr Paris. n° A, 1887-1888.
5 CM. I\;iii, Vcrliciiulliiiifien lies iwcilcii (Irulschcn Gcogyiiphcnlaijes, :« lldllc, \iiii'2.
'2r.8 ^o^vl■:Ll,I•: i;i:(ii,uai'iiik imvkksklli;.
jiulilics, les diverses parlies de l'adiiiiii, li;iliil(''es par Niassi, .Malais, Java-
nais on (iliinuis. se (■(iin|)oseiil de inaisoniielles liasses, (iniliia^(''es de eocd-
liei's ou de inanj^iiiers, eiiloiirc'es de jai'dins, de rizières, de vergers où
croissoni (ouïes les |ilaiiles Iropicales utiles \m\- leurs (''corces, leurs
jiommes, leurs fleurs ou leurs l'ruils. Le cône funianl du Talaujidoiiiiue
au loin ('(^s canipa^iues |)arseniées d'Iialiilalions, landis ([u'au sud coule en
scrpenlanl la |ielil<' rivièi'c de l'adann et (iii'au delà s'(''lève le nionl des
Siufics ou .\[tenl)erjj, ainsi noumu! des (luadrunianes l'aniiliers (|ui le peu-
|ilent sous la protection des citoyens. Au sommet de la colline, un sôma-
j)hore signale i'ap[>roche des navires ipii vieniieiil ancrer dans la rade, à
l'altri précaire d(> ([uei(jues Ilots de coiail. Le comuierce d'exportiilion,
(|ni est d'enviidu [o millions de lianes jiar ainu'e, consiste |)i('S(|ue uni-
(juement eu calé, à destination des Klats-Lnis ; la pioduelion de celle denrée
diminue jh'u à peu.
Liinpiir'lance de i'adanu esl due moins à la ilcliesse des plaines einiron-
nanli's (pi'à sa l'axdrahle silualimi comme lieu de convergence des routes
ipii descendent du plateau populeux et saluhi'e de Menanukaliao où l'on
envoie les oriiciers cl les emj)ioyés du jiouveriu'menl en convalescence. Sur
ces >i hautes terres de Padanji )\ où les ILdIandais se sont solidement ('laldis
depuis plus d'un demi-siècle, le l'orl de Kock, situé à un millier de mèlres,
dans le pays d'Afiani, au jiied du volcan iMerapi, est le piimipal lieu de
fiai'iiison ; en cas d'altaciue extérieure, il devieiulrail la capitale straléjiifpie
el adminislialive de l'Ile. Près de là s'ouvre une cluse aux parois de lui',
creusée à l.")0 mètres dans l'épaisseni' du plateau : c'est le Karliaouen-i^at
ou « trou des Buflles. » Padanii-l'andjanji, aulic liouriiade populeuse où
résident des i'onclionnaires hollandais, occupe le ichord du plateau, à la
hase occidentale du Mei'api : c'(>st le chei'-lieu des " (Quatre Kola >'. Sur
un antre versant se voient les restes de Lriaufian, (jui l'ut la capilale de
l'empire de .Menarifikahao. l'aja-Komho, capitale des ullinquanle Kola », esl
située heancoup plus à l'est, de l'autre coté du volcan de Safio. I,es Cin-
ipianle Kola sont le k jiai'adis du paradis " sumalrais el les cultures de
la zone tempérée y pros|)èrent à côté des plantes tropicales. Ces régions
du plateau fournissaient autrefois les pépites d'or (pii avaient rendu le
nom d(! Sumatra fameux dans tout l'Orienl; ces mines sont maintenant
ahandonnées, mais on utilise les <;isemonls de 1er nia<;néti(pie qui se
trouvent aux alenloiiis du Fort van dor Capellen. Sur' les l)oi<ls de la ii\ièr(>
Oend)ilien, à l'est du Sini;kai'ah, s'étendont des f;isenienls houilleis d'une
excellente (|ualil(', dont la puissance est évaluée à ÔTO millions de mî-lics
culies pai' l'iup'iiieur de (ireve. (Test principaleini'ul en vue de l'exploi-
PADANG, FORT DE KOCK.
2o9
tiilion lie ces cuuclies de ehiuhoii (jue l'un a jjrojelé la construction d'un
chemin de fei' qui réunirait les " hautes terres « à Padanji, ou, plus au
N" 5). — PADANG ET SES ENVIHONS.
Est de -Pans
Est de Greer.wicK
d'après la carte de i.'Etat-Major
Pro/b/^i^eur-s
1 ■ 85000
sud, à la baie de Brandewijn, par un col ouvert au nord du Tahmg ; mais
les difficultés de l'escalade ont jusqu'à maintenant fait reculer les délen-
teurs du budget ; on espère que l'exportation des houilles d'Oembilien se
fera plus facilement par le versant oriental, grâce à la rivière navigable
'2(iO NOUVELLK GÉOGRAPHIE IMVERSELLE.
Mari, la liianclic maîtresse du I)jaml)i, (jui passe à une soixaiilaine de
kilomètres des mines. De iorl belles routes carrossables gravissent les
pentes : l'une d'elles, qui monte à Padang-Pandjang, passe par une cluse
|)rofond(^ offrant aux détours du chemin d'admii'ables échappées sur
l'Océan. Nulle part les maisons sumatraises ne sont plus remarquables
l)ar la finesse, l'originalité et la perfection des sculptures qui décorent les
frises et les pignons.
Au sud de Padang et des petits ports côtiers Païnan et Mokko-Mokko
qui possède des mines de charbon, la vieille cité de Bengkoelen, chef-lieu
de résidence, est une ville (hrliue : c'est la Bangkahiiulou des indigènes.
s'* 51. MOMAG.MCS A L KST DE PADANG.
tst i^ \
1 730 MO
Ainsi que le dit le proverbe : • liengkoeien esl un petit endroit avec de
grandes maisons, où de petites gens portent de grands litres. >> De la fin
du dix-sepliî'ine jus(|u'eM IS'2i, elle appartint à la (Compagnie des Indes
orientales, ({ui en avait fait la capilale de ses possessions en Insuiiiide.
Les Kuropéens y sont peu nombreux et le commerce s'est retiré du port
ensablé : c'est à quelques kilomètres au sud, dans la baie de Silebar, que
les navires vont cbai'ger leurs marchandises. La ville est peu salubre ; en
I71i déjà les Anglais avaient déplacé leur résidence |)(nir la poi'Ier au fort
Mai'Iborough, (|ui se trouvait à quelques kilomèlics plus au n<ird ; mais,
d'après l'avis des médecins hygiénistes, c'est à une distance encore plus
considérable vers le sud qu'il faudrait rebâtir la ville pour la soustraire aux
venls liévreux cl aux émanations dangereuses. Des trenible-lerre on! lé-
liE.NKOELEN, TELOKU-BETONG, PALEMBANG. 2CI
/Mr(l('' les (''(liliccs, qui depuis n'ont pas été tous réparés : la ville offre un
air d'ahandon, et les Chinois, les Malais des quartiers commentants sont
a|)pauvris pour la plupart. Les tei'rains environnants sont peu fertiles et
la eullure du cafier est délaissée.
Malffré l'admirable position commerciale des villages de Sumatra situés à
l'extrémité méridionale de l'Ile, sur les rives de profondes baies, le trafic,
qui consiste surtout en poivre et en résine dammar, n'a qu'une faible im-
portance dans ces bourgades malaises; même avant l'explosion volcanique
de Krakatau, qui ravagea le littoral, il n'existait pas une seule ville popu-
leuse sur cette côte déchiquetée des Lampong ou >< Pays Bas », à laquelle
manque d'ailleurs une zone de plaines fertiles d'une laigeur suffisante ;
presque partout, les hauts volcans se dressent immédiatement au-dessus de
la mer. Le groupe d'habitations le plus considérable est Telokh-Betong,
composé de huit villages qui se succèdent au bord de la baie de Lampong
cl sur les rives d'un petit cours d'eau. Des sources thermales nombreuses,
de températures différentes, jaillissent aux alentours, de la base des vol-
cans.
La piincipale cité commerciale du sud de l'ile et la plus peuplée de tout
Sumatra est la ville de Palembang, qui se trouve sur les deux rives du
Moesi, à l'endroit du fleuve qu'on pourrait appeler le « point vital » : c'est
le licni de convergence des principaux affluents de l'intérieur, immédiate-
UKmt en amont du delta, dont les bras se ramifient sur une grande éten-
due. Palembang occupe une surface très considérable : sur la rive sep-
tentrionale, les o(} kampoHfi ou quartiers d'Ilir comprennent un espace de
plus de 8 kilomètres en longueur; sur la rive méridionale seulement
16 kampong, appelés du nom colleclif d'Oeloe, recouvrent le terrain'. Les
constructions européennes, peu nombreuses, se groupent sur la rive du
nord, autour d'une forteresse, le kraton, que les Hollandais ont graduelle-
ment transformée en palais résidentiel ; près de là un léger renflement
du sol est recouvert d'un petit bois, lieu sacré habité par quelques écu-
reuils familiers. A peu de distance du fleuve il n'y a plus d'habitations.
On a fui les terres vaseuses'de la plaine pour s'établir sur les bords
salubres du Moesi, dont le courant, large de 500 mètres et de 10 à 15 mè-
tres en profondeur, coule avec rapidité eiilre ses berges. De même que
dans la cité chinoise de Canton, un grand uom!)re de résidents ont leurs
demeures en plein fleuve, sur des radeaux ou rakit de bambous, attachés à
' I^cs deux lennes malais A'Ilir et d'Oeloe, i)ui' l'un icliiiuvc imi mille endroits sur les cartes de
l'insnlinde, ont respectivement le sens d' « inlï'ricur », « aval » ou « gauche », et de « supérieur »,
n amont » ou « droite ».
2()2
NOUVELLE GÉOGRAI'UIE UNIVERSELLE.
la rive ou à des pilolis au moyen de câbles en rotin, (juclqucs-uns de ces
radeaux sont assez vastes pour jiorler des maisons servant à plusieurs fa-
milles ; d'autres ne contiennent que des huttes ou des hangars. On
raconte que les premiers radeaux furent construits à Palembang, par des
négociants chinois auxquels le sultan avait refusé de prendre terre : ils
restèrent au milieu du fleuve, hal)itant un quartier flottant qu'à la moindre
52. l'.VLEMB.l
U après la iarti> cli' SlOL-uiluorl fl Sn'lliolT.
alarme le souverain eut pu livrer à l'incentlie. Mais ils ne sont plus seuls:
des Arabes, des Hindous, des Malais, même quelques Eurojjéens ont fait
choix d'habilalions fluviales pour jouir de la bise salubre qui passe sur le
courant, tantôt descendant avec le jusant, tantôt remontant avec le flot.
Presque toutes les boutiques sont ancrées dans le Moesi ; pour faire ses
achats, on prend un bateau et l'on parcourt les canaux étroits entre les
maisonnettes à toits recourbés, peintes de couleurs vives. Il est arrivé
souvent, lors des crues, que des maisons, entraînées par le courant, ont
I =
l'ALEMDANG, MOEWAUA KOMl'EU. 265
été portées à do grandes distances en aval de l'alemlianij; ; IVéciueaimenl
aussi des enfants tombent dans le lleuve, infesté de crocodiles.
La population de Palembang, qui fait remonter sou origine à une colonie
de Javanais, arrivée au quatorzième siècle, parle encore une sorte de
patois différant beaucoup des dialectes malais de Sumatra et ressemblant
en effet au dialecte du Java central. D'ailleurs la plus grande partie de son
commerce se fait avec Batavia. Les gros navires qui remontent le fleuve jus-
qu'à Palembang, c'est-à-dire à plus de cent kilomètres de rembouchure,
viennent charger le tabac, le riz, la gomme élastique, la gutta-percha, le
benjoin et autres denrées qu'apportent les barques. Plus de cent bateaux
descendent parfois en un seul jour des escales de l'intérieur, situées pour
la plupart aux confluents de rivières ou moewcira, tels que Moewara Doea,
Moevvara Inim, Moewara Bliti, Moewara Rupit ; Tebing Tenggi est aussi
un grand marché. Le vaste bassin du Moesi, dont Palembang est l'entrepôt
naturel, commence à proximité de la côte occidentale et s'empare ainsi
du trafic, qui semblerait devoir appartenir à Bengkoelen. Quant aux lave-
ries d'or, qui ont valu son nom à Palembang', elles n'ont plus grande
importance : quelques orpailleurs seulement se livrent à cette industrie. De
nombreux ouvriers chinois y fabriquent des laques et des meubles. Près
de la ville s'élèvent les tombeaux des sultans, parmi lesquels l'Européen
remarque avec étonnement celui de Sikandar Alam, « Alexandre le Grand »,
cet ancêtre commun des divers souverains de Sumatra".
Au nord de l'ancien royaume de Palembang, un autre sultanat, assujetti
depuis 1858 aux Hollandais, celui de Djambi, possède aussi une ville com-
merçante, placée comme Palembang au « collet » d'un fleuve, en aval de ses
confluents et en amont de son delta : c'est Moewara Kompeh ou « Bouche
du Kompeh », à la réunion de cette rivière et du fleuve principal, le
Djamlii. Mais dans ce bassin fluvial le marché et le siège du gouvernement
ne sont pas réunis en une même ville comme dans. le bassin du Moesi.
L'entrepôt de commerce, Moewara Kompeh, est situé à 75 kilomètres en
aval de Djambi, où s'élève le palais du sultan : une partie de la popula-
tion y vit aussi sur des radeaux à l'ancre ; quelques restes de constructions
hindoues se voient dans les environs, de même (jue dans la province de
Palembang. C'est avec Singapour que se fait presque tout le commerce du
Djambi. Plusieurs sultanats du haut bassin fluvial sont restés indépen-
dants du TOUvcrnement hollandais.
' De r,lere(j, Tijclsclirifl van lict Aardnjkskundhj Gciioutscliarip le Amslerdam. iS'l,
- Ucniy 0. Forbes, ouvrage cili.
XIV. 3i
266 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Ringat, la capitale de l'ancien royaume d'Indragiri, (jui limite au nord le
Djambi, a perdu sa richesse et sa gloire : ce n'est plus qu'un petit groupe
de villages, situé sur la rive droite de l'Indragiri et ne trafiquant plus avec
la mer ; les alluvions déposées à l'entrée du fleuve, dans la baie d'Amphi-
trite, interdisent désormais le passage aux navires. Poeloe Lawang ou Pala-
lavang, qui occupe sur la rivière Kampar une |)osition analogue à celle de
Ringat, et qui fut aussi capitale de royaume, fait quelque commerce avec
Singapour, le grand entrepôt des eaux malaises. Enfin Siak, autre chef-lieu
d'empire déchu et maintenant annexé aux possessions hollandaises, a
gardé ses libres communications avec la mer, distante d'environ 100 kilo-
mètres par les détours du fleuve ; mais le trafic se fait surtout au marché
de Pekan-Baroe, situé en amont de Siak, là oi'i se relèvent les premières
pentes des avant-monts vers la chaîne du Barisan : c'est le lieu qu'on a
désigné comme le point initial du chemin de fer à construire entre les
houillères d'Ombilien et le versant oriental di^ Sumatra. Les petits ports
du littoral, notamment Boekil-Batoe, prennent une part de plus en plus
considérable au commerce de cabotage, et l'on espère que la ville de
Bengkalis, située dans l'île de même nom, au bord d'une rade parfaite-
ment abritée, deviendra prochainement une escale fréquentée. Les che-
naux qui se ramifient à l'infini autoui' des îles de ces parages étaient na-
guère le refuge des pirates.
Le centre agricole et connnercial le plus actif du nord-est, au bord de
la manche de Malacca, est le groupe de villages et de plantations auquel
on a donné le nom de Deli, d'après un royaume qui occupe cette partie du
territoire. C'est en 1802 que le sultan de Deli plaça ses Etats sous la suze-
raineté du gouvernement hollandais et bientôt après des j)lanteurs s'éta-
blissaient dans ce district, dont les terres sont d'une fertilité exception-
nelle : en l'espace de deux années, des jardins abandonnés sont tellement
envahis par les herbes folles et les arbrisseaux, qu'il serait impossible d'en
reconnaître le plan primitif. Les premiers Européens qui tentèrent for-
lune à Deli cherchaient à s'enrichir surtout par le commerce des noix de
muscade, du poivre et autres épices; mais peu à peu ils ont délaissé ces
diverses cultures pour s'occuper exclusivement de la production du tabac',
' l'iiMliiilion (lu lalmc diins les pliiulaliuiis de Deli cl des régions voisines, sur la « Côte orienlalc « :
ISIiH. . . loi 000 kilogrammes.
-IS75. . . 04(j(i()0 » Valeur: .f) 001) 000 francs.
t8S0. . . 4.V47:jî)0 » » 'i'iMMIOOO x
I88'i. . . 7 142 210 » » r>0 000 000 »
1SS0. . , y l'JO JOO ), Il UO 000 000 u
SIAK, DELL
267
quo l'on oxjiwlic sur le marché d'Amstcrdaiii, où il est fort ajiprûcié : le
lal)MO (le Dell contribue déjà poiii' une pari considérable à l'approvision-
nenieiil de rKiiiope. iMais celle éiionne prodiiclion ne profile guère au
Pro^O/^C^Ci^f^^-
1 cïo ono
0 ïa Ml.
Iravail libre : même la |iiu}iarl des planlalions ont été rachetées par
une puissante compagnie financière, que le gouvernement a munie de
notables privilèges et contre laquelle toute concurrence est im])ossible; la
concession de terrains aux Chinois et aux Hindous est interdite. Des
208 NOUVELLE fiÉOf.RAPUIE UNIVERSELLE.
esclaves cullivaiciil les premières i)lantalions; maiiifenaiil ce sont des
« engagés » que recrute la compagnie; mais les Malais et les Batta, — ceux-
ci (le beaucoup les plus nombreux, — ne suffisent pas au travail, et
plus de vingt-cinq mille travailleurs chinois ont été importés. On a
fait aussi, mais sans grand succès, la tentative d'introduire des Java-
nais de Semarang, et de détourner ainsi, au profit de Sumatra, une
partie de l'excédent annuel de population que fournit l'île de Java; enfin
des Kling ou Kalinga, c'est-à-dire des Hindous de la présidence de Ma-
dras, mélangés pour la pluparl avec d'nuires races, contribuent à l'ac-
croissement des chiourmes à demi asservies qui cultivent les campagnes
de Deli. Des deux côtés de ce district, au nord vers les pays de Langkat
et d'Aljeh, au sud vers le sultanat de Sirdang, les plantations s'étendent de
proche en proche : c'est par cette région, espèrent les économistes hollan-
dais, que commencerait pour Sumatra l'œuvre d'exploitation à outrance
qui a déjà fait de Java une contrée unique dans le monde comme grande
usine de |)roduc(ion agricole. Les petits chevaux de Deli, provenant du
pays des Batia, sont fort appréciés sur les marchés de Singapour el de
i*oulo l'inang.
Le marché d'e\p(''(li(ion du dislricl, Laboean ou « Lieu d'Ancrage >%
estsilué près de l'enihouchure de la rivière Deli sur un terrain maréca-
geux e( au bord d'une anse boueuse : les navires doivent mouiller à T) kilo-
mètres du rivage. Un chemin de fer j)art de Laboean pour remonter la
vallée dans la direction du sud à travers les nombreux kampong el les jdan-
tations de la compagnie : un embranchement, qui part de Medau. le vil-
lage central et le chef-lieu administratif de la |)rovince dite >^ (Jôlc oiien-
lale >' {(k)slkiist), jténètre à l'ouest dans la haute vallée de Langkat.
Les diverses parties de Sumatra ont un régime administratif difft'i'ent.
Tandis ([ue les districts d'Aljeh situés à riiilérieur el les régions les |ihis
reculées du pays des BatIa jouissent encore de leur indépendance, et (|ue
d'autres provinces, telles que Badang, Benkoelen, Balembang, sont eiitièi'e-
iiient soumises, plusieurs territoires sont gouvernés médiatement par des
princes, devenus les vassaux de la Hollande et lui payant le lianxil ou jiar-
tie de la lécolte, mais ayant encore de grands privilèges et |)rélevaiit
une paît considérable du revenu local : on observe toutes les transitions
entre l'ancien mode de gouvernement malais et l'assujettissement pur et
sim|)le aux lois hollandaises promulguées ])ar le gouverneur de Batavia.
Les petits Etals situés à l'est du plateau de l'adang sur le versant des monts
SUMATRA, ARCUIPKLS DE RIOUW ET DE LINGGA.
209
suivenl encore l'adat du royaume de Menangkabao. Presque Ions les
royaumes du versanl oriental ont leurs sultans, plus ou moins déchus,
et leur conseil des notables. Les clans ou soukwt ont tous leur chef élu,
qui l'cçoit aussi l'investiture du gouvernement et qui sert d'intermé-
diaire entre le peuple et l'autorité; plusieurs soukou réunis constituent
une marr/n, groupe secondaire, tribu ou principauté, correspondant au
canton français et administré par des chefs de district qui, d'un côté,
transmettent les vœux du peuple, et de l'autre les ordres du pouvoir. Ja-
dis chaque marga avait ses lois spéciales et ses coutumes, inscrites sur
des bambous ou sur des feuilles de borassus, et précieusement conservées
de génération en génération.
Les grandes divisions de Sumatra, avec leur superficie et leur popula-
tion recensée ou présumée, sont énumérées dans le tableau suivant :
lilM-lll\<.
POPULATION ES 1880
VILLES PRINXIPALES.
Atji'h, iiKiï'penilunt ou soumis
Pays des Bal (a »
Tapannoli ' . . . .
Padaii", bas pays (liencilL'n-laïuli'Ml. . .
)) haut pajs (Doven-landcii) . . .
Beuglioolen
Lampong
l'alembanf;
Cole orientale (Ouslkusl)
545 ObO liab.
300 000 »
104 000 ,<
.ylGoOO »
070 500 11
152 000 1.
122 SOO i.
557 400 .
182 000 ..
Kota-Radja (50 000 hab.)
Sibogba.
Padang(25 000hab.).
Fort de Kock.
lîeiigkoelen (II 000 bab.).
TeloUb-Iîelong.
Palembang (00 000 hab )
Medan (10000 bab.).
ÏII
ILES ET AnCIIIPELS DE LA SONDE, ENTRE SUMATRA ET DORNEO.
Les archipels de Riouw et de Lingga, qui continuent au sud la péninsule
de Malacca, occupent une étendue considérable, mais ils sont bien loin
d'égaler en population, en produits et en activité commerciale la petite
île de Singapour, ravie p?r les Anglais à remj)ire insulindien de la Nécr-
laiide et devenue le grand entrepôt du trafic à l'angle sud-orienlal du
continent d'Asie'. De même que Singapour, les groupes d'iles Riouw et
Siiperlirii' el iiiipiiialion des deux arebi|iids Uioiiw el l.ingga :
4100 kilomètres carrés. OS 000 habitants en tSS8; 25 bab. par kil. cariv.
'J70 , NOUVELLE GEOGRAPUIE UNIVERSELLE.
Lingga paraissent n'être que des fragments détachés de la presqu'île Ma-
laise; mais leur formation actuelle est nettement insulaire, tandis que
Singapour, séparée du continent par un simple chenal, semhle n'être
qu'un appendice du territoire de Djohor. Les Malais donnent aux deux
archipels le nom de Tanah Salât ou « Pays des Détroits », à cause des
nomhreux chenaux qui se présentent à leurs prao entre les îles, îlots et
récifs. De tous ces chemins maritimes, le plus fréquenté est celui de
Riouw, qui fait communiquer la rade de Singapour avec la mer libre,
s'étendflnt à l'est vers Bornéo.
Les terres des archipels Riouw-Lingga contrastent nettement avec les
îles alluviales de la côte de Sumatra : formées principalement de granit et
de grès comme la péninsule de Malacca, dont elles font géologiquemenl
partie, elles se relèvent en coteaux ondulés, au-dessus desquels apparais-
sent quelques hautes croupes, dites montagnes par les indigènes. Une des
cimes de Bintang atteint 515 mètres; le sommet dominateur de tout l'ar-
chipel est le pic de Lingga, dans l'île de même nom qui appartient au
groupe méridional : sa hauteur est de Hol mètres. Grâce aux terrains en
pente et au lihre écoulement des eaux, il ne s'est point formé de marais et
le climat est partout saluhre; cependant un grand nomhi'e d'îles sont
inhaliitées; de noires forêts les recouvrent en entier, et les prao malais en
évitent les abords, non encore parfaitement explorés.
La population primitive des îles se compose de Malais et, d'après une
tradition, c'est dans l'archipel de Lingga, où les habitants offrent un type
d'une remarquable pureté, que la race aurait pris son origine; le malais de
Riouw est un des plus riches en productions littéraires, chroniques, drames
et poèmes. Mais dans l'aichipel septenirional, autour de Riouw, le fond
malais se trouve déjà mélangé de beaucoup d'éléments divers : les Java-
nais, (pii possédèrent ce |tays lors de l'existence du royaume de Modjo-
Pahit, y ont laissé leurs descendants ; les marchands bougi de Celêbès y
ont j)lusieurs villages; les Chinois surtout y sont fort nombreux, et en
maints endroits ils ont, comme à Singapour, la supériorité numérique.
Dans les villes ainsi que dans les campements ils se divisent en deux na-
tions distinctes, ayant chacune son « capitaine » : ce sont des Cantonais
et des Chinois d'Amoy, ceux-ci contrastant favorablement avec les pre-
miers par leurs mœurs pacifiques, leur amour du tiavail, leur sobriété.
Le commerce, beaucoup plus actif dans l'archipel de Riouw que dans
celui de Lingga, est la cause de cette invasion continue des Chinois; mais
ce sont eux aussi qui s'occupent de la production du (jnmhir, dont les
îles de Riouw ont pratiquement le mono|)ole. On sait (|ue cette denrée.
AliCllII'ELS DE RIOLW ET DE LI>'GGA.
271
appelée aussi terra japonh'u cl aitcrJm, esl obloniie par la décoction des
i'cuillcs de Vuncaria ou nuudca rjambir des botanistes. La seule île de
Liiiitan produit annuellement 7 millions de kilogrammes de gambir, (jue
l'on expédie surtout à Batavia, à Macassar et à Bandjermassin, où il sert à
la préparation du bétel que mâchent les indigènes. L'archipel est aussi
une des contrées importantes de l'Insulinde pour la pi'oduction du poivre.
5V- AHCIlir'EL DE IllOrV
L S t d ■? r 5 ^ ,
D'jipf'Cîi divC-G d
/^ro ^O^o'ecr/^s
reû^SS''-
c/s âû"'etàu i/^.a
Quelques îles ont des gisements d'étain, entre autres les deux Karimon,
îlots qui se trouvent dans le détroit de Malacca, cl la grande île de
Singkep, située dans l'archipel méridional, au sud de Lingga. Les détroits
l'ournissent aux pêcheurs de graiules quantités d'holothuries et d'agar-agar
{fuom saccharinus), que les gourmets chinois im[)ortent à grands frais.
Riouw, le chef-lieu des archi[)els et naguère de la « résidence » orien-
tale de Sumatra, est située dans la petite île de Tandjang Pinang, qu'une
étroite coulée sépare de Bintang, la jilus vaste terre de ces parages : sou-
-2T2 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
vent on donne le nom de Rioinv aux deux îles juxtaposées. La ville, bàlie
sur la rive orientale du détroit de l'iiouw, — le Rhio des cartes anglaises,
— se compose de plusieurs quartiers distincts, qui se succèdent autour
d'une rade peu profonde, mais très sûre : les îlots de Mars et de Sengarang
la protègent contre les vents. Déclarée port franc en 1828, Riouw n'a pu
rivaliser de comlnerce avec sa voisine anglaise, Singapour; elle n'en est
que la vassale, et c'est à cet immense entrepôt qu'elle expédie toutes ses
denrées par services réguliers de bateaux à vapeur.
La grande ileBangka, d'une superlicie de 12(jSl kilomètres carrés, et
constituant à elle seule une « résidence; », semblerait à première vue n'être
qu'une simple dépendance de sa voisine, la terre semi-continentale de
Sumatra; elle est pourtant complètement distincte de celle île par sa for-
mation géologique et, comme les arcbipels de Riouw et de Lingga, elle
fait partie du prolongement rompu delà péninsulede ilalacca. Elle s'oriente
aussi dans la même direction, du luird-ouesl au sud-est, parallèle à l'axe
de Sumatra. Si le détroit tortueux et sans profondeur qui la sépare des
terres alluviales de Palembang offre sur ses deux l'ives une série corres-
pondante de courbes saillantes et rentrantes, la cause n'en est point à
une ruptiuf cpii se serait produite enlrc des roches de même formation,
mais bien à l'acliou des courants de flux et de reflux qui vont el viennent,
répartissanl d'une manière égale les apports terreux des fleuves de Palem-
bang. Rangka n'a point de volcans ni de roches ignées comme Sumatra ; à
peine si Von y ti'ouve <|uel(pu's sources thermales. Les roches piiiicijiales
di; l'île sont les granits, les (juartz, les masses feldspathiques, d'ailleurs
sans régularité apparente. Les collines onduleuses ne se suivent pas en
chaînes : elles sont éparses en massifs, dont aucun n'atteint 1000 mètres
d'élévation. Le plus haut sommet, celui du mont Maras, qui se dresse im-
médialenu'ut au sud de l'étroite baie d(! Klabat, dans la partie septentrio-
nale de l'île, n'a pas plus de 811 mètres. Les rivages les plus escarpés sont
ceux de l'est, tournés vers la haute mer.
Bangka ne diffère point des côtes sumatraises voisines pour les phéno-
mènes du climat, mais déjà flore et faune présentent de notables con-
trastes ' : les gi'ands animaux, éléphants et rhinocéros, même tigres et
buffles, manquent dans les forêts. Ouant à la population, très mêlée, elle
se compose principalement de Malais, comme dans les autres légions
' liiissell A. WalkicL-, Pwcccdiiiijs of Ihc li. Gcoiirapliical Sociclii. tk'C. 1879.
HIOI W, B.V.N(iKA.
273
cùlières do l'insuliiuk', mais l'rlc'ini'iil javanais y est moins forlomcnl re-
présenté quo clans le district de l'alombani^, et sur le littoral se trouvent
çà et là des colonies de Malais orifiinaircs du nord, que l'on appelle com-
munément les OrangSekat ou Orang Laout, c'est-à-dire les « Gens de Mer » :
ce sont les frères des Badjo de (lelèbès' et des Orang Kouata ou « Gens des
estuaires» qui font un petit commerce de cabotage sur la côte sumatraiso
de l'est. Ouand ils sont au mouillage, la plupart d'entre eux ne sortent pas
N" 53. liANGKA.
E=* d. Pa,r
Ûe0^6'" c/e.5^25'" c/e25'"et âiy c^e/d.
même de leurs prao : huit ou dix de ces euiltarcalioiis couvertes de nattes
constituent un kampong flottant, une n'pulilique ayant ses coutumes et
son conseil des notables. Les Orang Sekal n'ont d'autre nourriture que le
poisson, les « fruits de mer », l'espèce de fucus dite agar-agar, et c'est
peut-être à ce genre d'alimenlation (pi'il faut attribuer une maladie spé-
ciale, le (/f/r/o«.s, qui les atteint parfois. Restés païens, les « Gens de Mer »
ont été souvent accusés par leurs voisins mabométans de se livrer à la
jtiralerie. mais ils sont au contraire d'une. stricte probité et ne vivent (pie
Tlieoildp Wailz. Aiilliropolofiic lier ISaliirvùlkcr
•271 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
(lu [iioduil do la pèche et du Iralic. Lo;; populations do l'iiitoriour, dilos
Orany Goonong ou <( Gens de la montagne », ressemlilonl aux Balla snnia-
trais jiar l'apparence physique et les mœurs '.
Les Chinois, qui forment près du tiers de la po|iulation insulaire,
appartiennent déjà pour une bonne moitié au nombre des natifs. Ces Chi-
nois nés dans le pays sont appelés Pernakan et constituent la classe dis-
tincte des Sinkee ou Chinois immigrés, venus de Canton ou du Fokien.
Mariés pour la plupart à des femmes métisses, ils parlent le chinois et le
malais; mais, en dépit des mélanges, c'est le type primitif de l'immigrant
ipii l'emporte. Malgré leur accroissement assez rapide, la |)opulation (h l'île,
qui a plus que doublé depuis 1S50, est encore minime", d'environ six
habitants par kilomètre carré. L'agriculture est presque entièrement
délaissée : la principale industrie, à laquelle tout est sacrifié par la com-
pagnie concessionnaire, est rox[)loi(ation dos mines d'élain, les plus pro-
ductives du monde entier.
On dit que ces précieux gisements furent découvoils au commencement
du dix-huitième siècle. Leurs produits appartinroni <l"abord au sultan
iU' Palembang, souverain de l'ilo : on 1740, les Chinois, employés déjà
presque exclusivomoni à recueillir le métal, vn obtenaient une quantité
évaluée à lô,')0 tonnes. La production aoluolle, monopolisée par l'Elal,
donne des revenus annuels qui égalent souvent la valoui' du capital
engagé. Mais les Chinois qui travaillent dans les mines, vivant des
avances (|iii leur sont faites par l'administration, sont restés misérables,
et c'est pour les surveiller et les contenir que des garnisons ont été répar-
ties dans les disiricis miniers. Les gisements d'élain, au nombre de plu-
sieurs centaines, se rencontrent dans toutes les parties de Bangka, mais
c'est principalement jirès de la côte n(tr(l-orieutale, aux alentours de Me-
l'awang, (pie se tiouvenl les plus riches exploitations. De même (pie dans
la péninsule de Malacc^a, h^s (Hnich(^s stannifères de Bangka sont contenues
dans les boues alluviales, qui recouvrent, sur une éj»aisseur d'au moins
quatre mètres, de dix ou douze au plus, les argiles de couleurs foncées
éteinhu^s à la base d(^s collines granitiques : çà et là, K^s courants qui por-
lèreiil ces boiu^s ont rencontré des obstacles au-devant (h^ipiels ils ont
creusé le sol et formé des « poches » où le métal s'est déposé en masses
considérables. Les mineurs ont IVé([nemmeiit trouvé dans ces allu-
>iiins (les arbres renversés qu'eniraina le courant, et les tixincs sont
' Lange, Hel Eilaiid Bankn.
■ Populaliidi (te Bau^lia au .'1 iI.hoiuIuv ISSU ; 71 71. "i lialiilaiils.
Wi-'iO Malai>; 'JIOJO GliiiMis; Iti,"! Eiiio|H'im>.: 2:)0 Aial.i>« c\ ilivots.
BA.NGKA, lilLl.lTON. 275
orientés fhiiis le même sens, la racine au nord-oiiesl et le branchage au
sud-est, suivant la même direction que l'île, ainsi que Sumatra et la pénin-
sule Malaise; en 1850, on trouva aussi dans une mine du district nord-
occidental une grosse embarcation d'un modèle inconnu de nos jours'.
Bangka possède plusieurs gisements de métaux autres que l'étain : or,
argent, cuivre, plomb, arsenic, mais ces richesses ne sont guère exploitées.
Le fer de Bangka est très apprécié pour la i'ahrication des armes.
Munlok, la capitale, est située près de l'extrémilé nord-occidentale de
lile, au bord du détroit de Bangka et en face des diverses embouchures du
ileuve de l\Tlembang. A l'époque de leur domination, les Anglais, par un
calebbour obséquieux, avaient changé le nom de Muntok en celui de
Minto, pour faire honneur à un de leurs gouverneurs généraux; mais l'an-
cienne dénomination malaise a de nouveau prévalu. Dominée au nord par
le Manoenibing (i!l.") mi'li'es), la ville, que peuplent environ 5500 habi-
tants, borde les deux rives d'un petit cours d'eau descendu de celte mon-
tagne; le quartier européen, bien fortilié, occupe une terrasse du versant
méridional, tandis que le bazar chinois longe la rive septentrionale, près
de l'embouchure : le reste de la ville est un immense jardin de cocotiers
et d'autres grands arbres, ombrageant de gracieuses cases élevées sur
pilotis ou socles de pierre. La rade de Muntok a l'avantage d'être abri-
tée, mais elle n'a pas grande profondeur et l'entrée en est péi'illeuse; ce-
pendant on y fait un commerce assez important avec la côte de Sumatra,
Biouw et Singapour.
L'île deBilliton ou Blitong, dont la surface est évaluée à un lieis environ
de la superficie de Bangka, était naguère une dépendance administrative
du « pays de l'Etain » ; elle se rattache à la côte sud-orientale de Bangka
par une centaine d'îlots et des récifs, entre lesquels serpentent les péril-
leux détroits de Gas|)ar. Elle présente la même formation géologique el
dans ses boues alluviales on trouve aussi des couches d'étnin. Sa plus
haute cime, le Tadjem à la double pointe, atteint 050 mètres.
Bedoutée des marchands, qui derrière chaque îlot de la côte crai-
gnaient de voir apparaître une flottille de corsaires, Billiton était naguère
sans commerce et presque tout son territoire était désert; en 1(S56, on n'y
comptait même pas en tout l"2 000 habitants. L'exploitation des gisements
d'étain a donné une imjtortance con^idi-rable à celle île : la |K)pulation a
' l,;mj;t', ouvrage tilé.
'J76 NOI VELLl- (;ÉOr,liAI'lllK IINIVI'RSKLLK.
Iiijilé, cl le porl de Tiiiidjonji I';iii(l;ini;, vers IimjucI conver^cnl les prin-
cipales routes, a pris quelque aninialion. Les Chinois, qui n'avaient à
Bangka que de rares représentants, s'y trouvent aciuellenient au nombre
de plus de neuf mille el entretiennent les échanges avec Java et Singa-
pour'. La production minière, qui ne dépassait pas 40 tonnes en 1(855, a
centuplé depuis et rap])orte d'énormes hénélices aux concessionnaires'. De
même qu'à Bangka, les mineurs font pour leur propre compte l'excavation
du sol mélallifère, mais ils sont tenus de vendre l'étain à un prix fixé
d'avance et de s'ap|)rovisionner dans les magasins de la compagnie. Aussi
la jdupart d'entre eux sont-ils endettés et meurent sans avoii' pu rem-
hourser leur créancier. Depuis la constitution de la compagnie, Billifon a
été érigée en une province distincte de Bangka : un i< l'ésident assistant » a
son séjour dans le bourg de Tandjong l'andang.
La mer de Bornéo, ouverte au nord vers la mer de Chine, est parse-
mée d'archipels, qui se composent chacun d'un grand nombre d'iles, ])our
la ])lupart inhabitées : Tambeiaii, situé à mi-dislance entre l'archipel de
Lingga el Bornéo; Anamims, placé au large de la péninsule Malaise; Na-
loena, au delà du(juel les eaux sont lilii'cs vers la Cochinchine et les Phi-
lippines; Serasan, à l'ouest de la pi'incipauté de Sarawak, dans Boriu'o.
Ce dernier grimpe est également connu sous le nom d'archipel des Pi-
raies, quoique les habitants de la seule île peuplée n'aient maintenant
d'autre occupation cpie de recueillir les imix de coco pour eu fabiiquer
de l'huile. Parmi les deux cents îles et îlots de ces archipels la plus grande
(Ni Bitengoeren, apjx-lée aussi Groot Natoena ou Natoena la Grande : elle
dépasse en étendue les autres terres de ces parages'', et l'une de ses mon-
tagnes, le Banay, alleini d'aprc-s Laplace une hauleur de Ill'ilî nu-Ires.
Les habitants des îles cultivées, que de Ilollander évaluait en 'KSTîS à
l'2 ()()() individus, sont exclusivement Malais et font un petit commerce de
cabotage avec les marchés de Singapour cl de Biouw pnur (■changer leur
poisson, I(^ur sagou et leur huile de coco contre du ri/, de la (|iiin(aillerie
' Superlicie el population de Billiton au .ïl ilccoinbre 1880 :
■41)88 kilomètres canes; 55174 habitants: 7 tiabitants par kilonièlre carié.
- l'roiluclion moyenne des mines d'étain de Bangka el de Billilon : 87)51) tonnes.
Bénélice annuel : 5000000 francs. Bénéfice total de 18.");! à 1887 : 2180000(10 lianes.
^ Superficie des archipels Tambelan, Anambas, Natoena et Serasan, d'après Belun et Wayner :
iïôl8 kilomètres carrés.
Superficie de (irool Natoena : 1 ."Vifô kilomètres carrés.
lilLLlTU.N. -NATUKNA. HOKNEO. 277
et des étoffes européennes. Les marins de A'aloena la Grande eonslriiisenl
des [irao, (jne Laplace dit être « d'un travail admirable >^. Les iles de l'ar-
cliipel dépendent politiquement de Riouw, et des membres de la famille
du sultan, vassal des Hollandais, viennent les ifouverner tour à toni'.
IV
Le royaume de Bruneï, jadis puissant, a donné son nom, modilié par
les marins d'Europe, à la terre dont il occupe la côte nord-occidentale.
Kalainantin ou Klematan est une appellation indigène usitée dans (juel-
<|ues districts, et que l'on a cru devoir aussi appliquer à l'ile entière;
mais, en comparaison des terres environnantes, Bornéo est d'une étendue
si considérable, qu'elle semblait sans limites; ses babitants ne la dési-
finaienl point d'une manière spéciale et n'en distinguaient que les diverses
provinces, par dénominations particulières que les étrangers employaient
ensuite dans un sens plus général. Bornéo est en effet un monde de
dimensions énormes. En dehors des masses continentales, — parmi les-
quelles on comprend l'Australie, — et des terres glaciales, le Groenland
et l'Antarctide, Bornéo n'est dépassé en superficie que par la Nouvelle-
Guinée; mais, par sa forme massive, qui est celle d'un grand triangle posé
sur les eaux, Bornéo ressemble beaucoup plus à un continent que la Nou-
velle-Guinée, aux larges baies et aux longues péninsules. C'est évidemment
le noyau central de ce qui fut jadis l'Australinde, avec Java, Sumatra, la
péninsule Malaise. La cuvette sans profondeur des mers qui s'étendent au
sud et à l'ouest, entre les terres maintenant disjointes, a été à peine excavée,
pour ainsi dire, par les agents géologiques et révèle l'ancienne forme du
continent, dont le fragment le plus considérable, Bornéo, représente plus
du tiers. Avec les petites îles de son littoral, telles que Maijang et les Ka-
rimata jirès de la c(jte sud-occidentale. Poelo Lacet et Sebokoe à l'angle
sud-oriental, elle comprend un espace de 740 840 kilomètres carrés, égal
à près d'une fois et demie la surface de la France. Le pourtour de l'ile,
non compris les petites indentations du lilloiai, nffre un développemeni
total de 6420 kilomètivs.
Cette île centrale de l'Insulinde, qutiique des plus fertiles et riche en
produits de toute espèce, est pourtant [iresque déserte en proportion de
son étendue. Sept ou huit fois plus grande que Java, elle est dix ou douze
fois moins habitée; si les évaluations sommaires faites d'après les récits
278 NOLVELLK (;ÉOr.R.\IMllE UNIVERSELLE.
des voya^'eurs sont assez rapprochées de la vérité, Bornéo n'anrait pas
même la moitié des habitants de Sumatra, déjà si iaihlement peuplée,
malgré l'immensité de ses ressources naturelles. La rareté relative de la
population à Bornéo doit être attribuée à la zone de forêts marécageuses et
malsaines qui borde le littoral sur presque tout son pourtour. Les villages
n'ont pu se développer que très diflicilement dans ces régions insalubres:
presque toutes les agglomérations humaines sont restées à l'étal rudimen-
taire, privées des éléments de progrès que donnent les relations mutuelles
et les échanges. Les peuplades riveraines se sont à peine élevées au-dessus
de leur genre de vie primitif : elles en sont encore à la cueillette, à la
pèche et à la chasse; l'âge de l'agriculture proprement dite n'a commencé
qu'en lin |ielil nombre de clairières, et en maints endroits la sauvagerie
est telle (|ue les divers groupes se traitent les uns les autres comme un
simple gibier. « Couper des tètes », telle est la seule industrie qui pousse
certaines tribus à la recherche de leurs voisins.
L'étal social des populations de Bornéo a mis de très grands empê-
chements à l'exploration de la contrée; encore au commencement du
siècle on ne connaissait de Bornéo (jue ses rivages. Vue probablement par
les Portugais dans les premières années du seizième siècle, elle n'entre
dans l'histoire qu'en 1521, lorsque les compagnons survivants de Maga-
Ihâes se présentèrent devant Bruneï. Bientôt après,, lorge de Menezes fonda
un comptoir sur la côte occidentale de Bornéo. Les Hollandais apparurent
à la lin du siècle, en \U9X; les Anglais suivirent, mais toutes les ten-
tatives d'exploitation finirent par être abandonnées, soit pour des mé-
com|iles financiers, soit pour cause de révolte de la |iart des indigènes
ou des immigranls chinois. L'occupation permanente par des Européens
de quelques points du lilloral de Bornéo ne commen(;a qu'en 1812, lorsque
des Anglais, remplacés deux années après par les Hollandais, s'établirent
à Ponfianak et à Bandjermassin. Ces deux comptoirs et ceux que l'on
fonda plus tard en d'autres endroits de la côte ont été les jwints de dé-
part des expéditions que les envoyés militaires ou géogi'aphes et les natu-
lalisles ont faites dans l'intérieur. Aucun travail d'ensemble n'a encore
él('' eiilre|iris en vue de la Iriangulation de l'ile, mais les divers itinéraires
se croisent en plusieurs points et, sauf dans les régions centrales, pi'es-
que toutes les parties du lei'ritoire qui n'ont pas été exploi'ées ont été du
moins reconnues à distance |)ar des visées et décrites d'après les récits des
indigènes.
Les coui's des rivil-res, la [iliiparl assez profondes et assez égales en
(!écli\il('' |H)ur (ju'on puisse les reinoiilcr en baleau loin de la mer,
EXPLORATION, PRISE DE POSSESSION DE liORNEO. 279
ont ék'" les chemins qu'ont suivis les explorateurs. C'est par eau que von
Marlens et tant d'autres ont pénétré dans le cœur de Bornéo, en amont de
Pontianak; par eau que Schvvaner a parcouru presque dans leur entier
les bassins du Barito et de ses affluents, ceux du Kahajan et du Kapoeas ;
par eau que Bock a visité, sur le versant oriental, le « pays des Canniliales »
arrosé par le Koeteï. Les voyages j)ar terre ont été relativement plus fré-
quents dans les régions septentrionales de l'ile, où les cours d'eau, d'un
moindre développement, n'offrent pas autant de facilités pour gagner les
régions monlueuses de l'intérieur. Les voyages mémorables de Wallace ont
été faits autour de Sarawak, et depuis que les Anglais se sont établis au
nord de Bornéo, le réseau des itinéraires s'étend en mailles serrées sur leur
territoire.
Les Hollandais, maîtres de tout le reste de l'insulinde, à l'exception
d'une moitié de Timor, n'ont pas eu le temps d'établir leur puissance dans
l'ile entière : le lent travail d'annexion commencé par eux leur a valu la
possession de toute la partie qui s'étend au sud de l'équateur et de la
moitié des districts septentrionaux; mais le littoral du nord-ouest et du
nord leur a échappé : ce sont des Anglais qui ont obtenu du suzerain,
le sultan de Bruneï, le droit de s'établir dans ces régions et qui sont deve-
nus les véritables possesseurs du territoire. En 1846, le gouvernement
britannique se fit céder en toute propriété, malgré les protestations de la
Néerlande, l'ile de Labuan, située à l'entrée même delà baie de Bruneï;
mais déjà le sultan avait cédé à un j)articulier, l'Anglais James Brooke, la
principauté de Saraw'ak, comprenant la partie méridionale de son royaume:
moyennant redevance annuelle, l'officier de fortune devint proj)riétaire d'un
très vaste territoire qui s'est graduellement accru aux dépens du domaine
royal. De l'autre côté de Bruneï la partie septentrionale de l'île est deve-
nue aussi, par cession du sultan, le fief d'une grande compagnie bri-
tannique pourvue d'une charte royale. Une partie de cette contrée ayant
été également revendiquée par le souverain des îles de Sulu, ce ])erson-
nage a été désintéressé par une |)ension, comme son collègue de Bruneï,
et grâce à cet achat du sol aux deux prétendus propriétaires, l'Espagne,
devenue suzeraine du sultan de Sulu, s'est trouvée désormais écartée du
nombre des puissances qui convoitaient la possession d'une partie de
Bornéo. Enfin, le sultanat de Bruneï ne subsiste que par la tolérance de
l'Angleterre, et la question s'agite maintenant de l'unir aux deux terri-
toires des compagnies, sous le protectorat direct de la Grande-Bretagne.
Mais il reste encore à régler une (jueslion de frontières entre le gouver-
uenient bullandais el la comnagnii! de Nurih-Borneo, le fleuve de Sebuku.
'280 NOUVELLE GEOCRAPUIE INIVERSELLE.
rcven(lif|ué des doux parts comme limite, étant pour chaeiin dos deux Ktat>
un cours d'eau différent'.
A l'exception de deux ilos, Celèbôs et llalmahora, les terres do l'insulindo
ont une forme extérieure des plus simples ; quelques-unes même ont les
contours do figures géométriques : ce sont des parallélogrammes, des ovales,
dos ti'apèzes; Bornéo est un triangle. A première vue on est frappé du
contraste que présentent ces contours massifs, comparés à ceux de l'île
bizarre de Colèbès, aux péninsules divergentes; cependant, quand on étu-
die l'orientation des saillies montagneuses de Bornéo, on s'aperçoit qu'il
suffirait d'un abaissement du sol pour que la grande Ile, diminuée de ses
terres basses, offrît une découpure de côtes analogue à colle de Celèbès et
de Halmahera. Réduite à son squelette de montagnes, Bornéo présente
d'aboi'd un tronc majeur orienté du sud-ouesl au nord-est dans la direc-
tion des Pliilip|)ines ; mais do la partie médiane de ce tronc se détachent
trois |)ros([u'ilos divergentes (|ui se terminent aux principaux [)romonloires
de l'ile, séparées les unes des autres par les bassins alluviaux dos fleuves;
les érosions et les apports ont graduellement modifié l'aspect ])rimilif do
l'île : [)endant le cours des siècles sa forme éloilée est devenue do |)lus on
plus indistincte'.
La chaîne maîtresse commence, à une cinquantaine do kilomètros do la
moi' dos Philippines, par un mont su|)orbo, ([ui est le plus élevé de l'île
<>nlièr'oot |)robablemoiit aussi de l'insulindo. (l'est le Kina-balou, la " Veuve
(îliinoiso .', ainsi nonnn('' on vertu d'uiu' légende bizarre (|iio raoontonl
les indigènes"', i^ow, h [iromior, l'a gi'avi en IS51. Les mesures Irigono-
métriijues de Belcher donnent à cotte montagne une hauteur de plus do
4100 mètres; loulefois dos voyageurs qui ont escaladé le Kina-balou,
jusque dans le voisinage du sommet, pensoni tjuo l'altilude réelle n'at-
teint pas .lillO mètres : on no sanrail donc classer encore les monts île
l'insnlinde par ordre d'élévation. \u iU' l'un des golfes (|ui di'oouponl le
' Sii|iedicii' et ijo|julation pi^oljables des divcises iKiilius (!<• lioriKMi :
Boini'o hollandiiis, soumis ou officiello-
ment annexé 559 740 kil. lan. 1 (171 (KM) lial)iliinls.
Sarawali 98350 <> r)(l(l (1(1(1 «
Brilisli Norlh-13onieo 04750 « '25000(1 »
Bmneï 58000 .) 80000 »
Eiisniildf 741)84(1 kll. l'an-. 1 701(100 haliKanls.
^ Osrar l'c^clirl, AVhc PiMcinc (h-r verijlckhciutcn Eid/.iuiil,:
' El'. .lun;;liidiii, nuvraye citi'.
l'.lIll.NEO, KI.NA-1)AL(H
281
lilldial à rdiii'sl (lu inass>ir, le Kiiia-balou, iréqueiiunciil raye de nuages,
se redrosse en parois presque verlicales au-dessus des cimes environnantes,
et se termine par une crête inégale, surmontée de masses distinctes sem-
blables à des (ours. Jadis des bois sombres recouvraient les pentes jusqu'à
36. KINA-UALOU.
•"/^■"••"•"'i'<-
■fete"" ^tîî
Est H. Gre.r
7\
Daprès divers docLiments
P'-o/'onc^eu/-^
I . 1 S8» 000
c/eSO "'scdicA c/c/à
50(10 mètres, mais les monlagnai'ds ont aballu presque partout les arbres
pour cultiver le sol: la brousse vierge ne s'est maintenue que dans les pré-
cipices. La masse gigantesque est formée de granit et d'auti-es roches cris-
tallines; mais d'après Little, qui gravit le Kina-balou en l(S(]7, un cratère
de dimensions énormes s'ouvre dans l'éjjaissenr du mont : des fragments
XIV. ôO
282 NOUVELLE GEOGRAl'UIE UNIVERSELLE.
(le laves sont rpai's sur le j^rnnil '. Naj;u('i(^ les liéojiraplios pailaicnl d'un
firaiid lac de Kiiia-balou situé à la hase orientale delà monla|;ne, et on le
dessinait sur les cartes comme un bassin « d'une circonférence de cent
milles' » ; mais ce lac n'existe point, à moins qu'on ne veuille désigner de
ce nom une mare périodique formée en temps de crue par une rivière du
versant oriental. L'origine de la tradition relative à ce prétendu lac doit
être probablement attribuée à un calembour involontaire : un district de
la contrée est désigné par le nom de Uanau, terme malais qui signifie en
effet « lac » ou « mer' ».
Au sud du Kina-balou, l'arèle de séparation entre les deux versants
s'abaisse brusquement : le col que franchit l'explorateur autrichien Wilti
esta 670 mètres d'altitude; mais plus au sud il ne put trouver un autre
passage qu'à H73 mètres et des sommets s'élevaient dans cette partie
de la chaîne à plus de 2000 mètres. Au delà, vers le sud-ouest, la crête
lie partage est inexplorée sur une grande étendue et l'on connaît seu-
lement quelques noms des montagnes visibles de la mer. La carte orogra-
|)liique n'est dessinée avec quelque sûreté que dans le bassin de la rivière
Brunci, au sud et au sud-est de la capitale, où se dressent les monts Malu
et Marud, dépassant l'un et l'autre 2400 mètres en hauteur. Le mas-
sif ceniral de l'ile, d'où s'écoulent au sud-ouest, au sud et à l'est les
aflhienls supérieurs des trois grands fleuves de Bornéo, n'a pas encore été
visité (I.S(SS) par des Européens : on n'en connaît que le nom. D'après les
indigènes, le pic dominateur de ce groupe de montagnes, le Batoe Tehang,
serait tellement haut, que « de la cime on pourrait atteindre facilement
le ciel ». De loin la pointe apparaîtrait toujours « blanche «, soit j)arce
qu'elle s'élèverait jusqu'à la zone des neiges, soit ])lulôt parce ({ue des va-
|)eurs s'enrouleraient à ses rochers*. Quoi (pi'il en soil, les monts les plus
ra|ipi'ocliés du iKinid ccMili'al (|u'ai('nl explorc's jusipi'à nos jours d(»s voya-
geurs d'Kurope se distinguent seulement par leur forme pittoresque, les
bizari'eries de leurs pointes; mais aucun des pitons n'aurait, d'après
Schwaner, plus de 1400 mèties en hauteur, et les arêtes qui rayonnent
de là vers les promontoires de Bornéo seraient dans presque tout leur
parcours encore moindres en élévation. Même la chaîne qui se dirige vers
le sud-ouest et l'ouest, le Lupar, s'ohlilèi'c complètement en certains en-
droits. Entre la rivière du même nom, qui parcourt le territoire de Sara-
' Sculiisli (•t'u<ii<iijliii(il MayiniiK'. \)rtoi]\\iry lcS,S7.
- Velli, Aurdrijshskiuuliy en Statistisch WuonlnilnirL l'iiii iSriU-rliiiitlsrli liidië.
'• II. C. Maytie, Proceediiiiis ofllie R. (icufimitliiral Smirlfi. JliÈicli 18S8.
* Scliwuiii'i', Hurncu: — Bock. Viilcr ilcii Kiiiiiiihalrii inif llonicu.
MONTAGNES lil-; i;ul!Ni;(i. '283
wak, cl If lac de Sriaug, apjiaclciiaiil au hassiii du Kapoeas, les peiilcs
soiil à peine sensibles; on traverse un pays plat en apparence, tandis
(ju'au nord-est on voit les cimes bleues des « Mille et Cent Montagnes' ".
Au delà de cette brècbe, la chaîne occidentale est encore inlerionipue sur
plusieurs points, mais elle se redresse à son extrémité pour décrire un su-
perbe amj)hitliéàlre autour du pays de Sarawak et se ttn-ininer en mer par
la pointe aiguë de Tandjang Datoe. Les deux monts les plus élevés de cette
chaîne de pai'lage sont le Penrisan et le l'o(>, d'une hauteur respective de
1450 et de 18,>0 mètres. Au sud, dans le leiiiloire h(dlandais, les collines
deMontrado forment un massif distinct.
Au sud du Batoe Radjah ou mont Roi, qui s'élèvt' à 'i.'iOO mètres, le
seuil montueux qui limite à l'orient le bassin du Kapoeas ne parait point
avoir de cimes rivalisant en hauteui' avec celles du Sarawak et du massif
central ; il se prolonge au sud par des sommets de 000 et !S00 mètres
d'altitude, puis se continue entre les bassins du Kapoeas et du Barito,
non par une chaîne, mais jiar une succession de groupes séparés les uîîs
des autres par de larges dépressions et formant autant de masses insu-
laires. Ouant à la chaîne sud-orientale, qui sert de limite commune entre
le versant du Barito et du Mahakkam, elle est d'une saillie plus forte : le
Batoe Boendang, d'où s'é[ianchent au sud des affluents du Barito, au
nord des cours d'eau tributaires du Mahakkam, atteint 1570 mètres d'après
Schwaner, mais vers le sud la chaîne s'abaisse rapidement, et dans sa
partie médiane n'offre plus que des collines arrondies ne dépassant guère
l'altitude de 200 mètres. Une des brèches de la chaîne est occupée par le
Djallan-Batoe ou le « Chemin des Pierres », chaos de blocs calcaires de
toutes les formes et de toutes les dimensions qui couvre un espace de
plusieurs centaines de kilomètres carrés. Des arbres croissent entre les
rochers et (;;i et là dans leurs anfiactuosités ou sur leurs cimes. Les mon-
tagnes qui portaient jadis ces masses calcaires en couches parallèles ont
été graduellement dissoutes et entraînées par les eaux : il n'en reste que
les fragments épars\ En se rapprochant de la mer et en se recourbant au
sud-ouest autour des plaines alluviales de Bandjermassin, la chaîne se
reforme, composée de roches cristallines ; sa borne terminale, le Satoï,sert
d'amer aux navires de passage. De même les montagnes qui limitent au
nord le bassin du Mahakkam unissent à l'est par la chaîne de granit
du Lakoeroe, s'avancaiil au loin dans la mer en un ]>r(imonloire aigu.
' William (iruckiT, t'rucceduHjs uf llic R. Gcuçiinpliicnl Socichi. April ISSl.
- (]:iil Bock, ouvrage cilé.
284 NOUVELLE r.ÉOORAPIlIE UNIVERSELLE.
Outro les rangées de monts qui s'alifjnenl en saillies conliniK^s, Bornéo
est parsemée d'un grand nombre de massifs isolés, îles qui s'élèvent au
milieu des plaines, comme les archipels environnants au milieu des mers.
La plupart de ces groupes insulaires sont de faible hauteur, mais il en est
aussi qui rivalisent avec les sommets des grandes chaînes : tels le Balik
Pippan et le Bratus, dans le bassin de Mahakkam ; d'après Bock, celte
dernière montagne aurait environ 1500 mètres. On sait que le granit et
autres roches cristallines constituent plusieurs des hauts sommets du
Bornéo central : les débris transportés par les eaux et parsemés dans les
campagnes le témoignent suffisamment. Mais dans les régions voisines de
la côte presque toutes les montagnes appartiennent aux formations sédi-
mentaires. Les roches calcaires sont fort nombreuses et des milliers de
cavernes y donnent retraite aux hirondelles salanganes. Des assises d'âges
différents renferment des couches de combustible, houille ou lignite :
Bornéo, si riche en forêts, ne l'est pas moins en charbon de terre. Maintes
régions de l'île ruissellent aussi de sources salines. Enfin, quoique Bornéo,
entourée d'un hémicycle d'îles volcaniques, paraisse maintenant ne cacher
aucun foyer de laves, elle eut aussi ses cratères d'éruption et l'on voit (;à
et là les scories des feux d'autrefois, près de Kina-balou et dans le massif de
Montrado.
Les rivages de Bornéo ont fréquemment changé de contours, et s'il fut
un temps où la grande île était rattachée à Sumatra et à la péninsule Ma-
laise, il lui arriva aussi d'èlre l'éduite à son ossature de montagnes, sans
les plaines d'argile, de cailloux roulés et d'alluvions qui s'étendent de nos
jours entre les massifs. C'est probablement lors de cette période que les
volcans de Bornéo flambaient au-dessus des rivages marins. A cette même
époque se déposaient les couches horizontales sur lesquelles sont épars les
galets ferrugineux détachés des monts et où l'on recueille les métaux pré-
cieux, or, platine, mercure, et celui des diamants qui a le plus de trans-
parence et d'éclat. Presque tous les districts de Bornéo ont leurs laveries
d'or, les provinces anglaises du nord, Sarawak, Montrado, les environs
de Pontianak et de Bandjermassin ; en outre. Malais et Dayak connaissent
un grand nombre de gisements dont ils se gardent bien de révéler le lieu,
désirant en conserver le monopole ou tenir les étrangers éloignés de leur
territoire, (juant aux mines de diamants, elles emplissent en général des
poches de terrains argileux, à distance des strates aurifères.
Arrosée par des pluies abondantes, Bornéo rend à la mei- par de larges
fleuves l'excédent des eaux. Néanmoins le versant nord-occidental, enire la
chaîne maîtresse et la mer, n'a pas assez de largeur |)our que les cours
FLEUVES DE BORNEO. 287
d'eau puissent y prendre un grand développement : la plus abondante de
ces rivières est eelle qui porte le nom de l'île : Bruneï ou Bornéo,
el ipii se jette dans l'estuaire de la capitale. Le Rejang, le Lu])ar sont
aussi de puissantes rivières que remontent les embarcations marines. La
rivière de Sarawak, sur le même versant, n'a qu'un faible covu's, mais
son estuaire navigable est devenu fameux, grâce cà la ville qui s'élève sur
les bords.
Un des trois fleuves principaux de l'ile est celni dont le bassin est com-
pris entre les deux chaînes sud-occidentales : c'est le Kapoeas. Son cours
se maintient assez régulièrement dans la direction du sud-ouest. De grands
lacs se succédaient dans sa vallée, mais lesalluvions les ont graduellement
comblés ou n'ont laissé dans les campagnes riveraines que des danau d'une
faible étendue relative et sans profondeur, tels que le Sriang et le Luar.
Avant d'atteindre les plaines de la zone maritime, le Kapoeas passe entre
deux collines rapprocbées qui lui font comme une porte triomphale, puis
se ramifie en deux branches, se divisant à leur tour pour former les
bouches nombreuses d'un delta, dont le développement sur la mer n'a pas
moins de 120 kilomètres. La surface d'alluvions, coupée de marigols, fait
saillie en dehors de la ligne primitive du littoral et, d'après les traditions
indigènes, rapportées par Temminck, aurait empiété de plusieurs lieues
sur la mer pendant les temps historiques. L'île deMajang, placée au-devant
delà bouche méridionale du delta, est déjà presque entièrement rattachée
à Bornéo et les apports fluviaux sont entraînés plus loin dans la mer vers
l'archipel Karimata. La province de Poeloe P(!lak était une île, comme l'in-
dique son nom : c'était 1' « Ile de la Terre », c'est-à-dire l'ile dépourvue de
toute végétation '.
La région méridionale de Bornéo, au sud de l'équaleur, est la plus abon-
damment arrosée de l'île. Les fleuves Kotaringin, Pemboean, Sampit, Ka-
(ingan, Kahajan, Barito, se succèdent à de courtes distances, également
bordés de marécages dans une partie de leur cours, tous empiétant sur la
mer par leurs alluvions et présentant aux embarcations un chemin qui s'a-
vance au loin dans l'intérieur. De ces cours d'eau du sud, le plus con-
sidérable est le fleuve Barito ou Banjer, connu aussi sous plusieurs autres
noms dans les diverses régions qu'il traverse. Né dans le massif cen-
tral de l'île, le Barito coule d'abord vers l'est en de profondes cluses,
presque inabordables, coupées de rapides et de cascades, puis il cesse de
longer la base des montagnes et coule au sud en serpentant dans la plaine.
' Si-li«ani'r, Bornéo.
288 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Grossi de nombreux affluents, il porte bateaux dans toute cette partie de
son cours et donne accès aux navires de mer, l)ien au delà du port de
Bandjermassin, voisin de l'entrée. A une centaine de kilomètres de la mer,
le fleuve se divise en deux bras également navigables, dont l'un, celui de
l'est, reçoit les rivières de Negara et de Marlapoera, tandis que celui de
l'ouest s'unit au Kapoeas, jadis fleuve indépendant, coulant directement
jusqu'à la mer. L'empiétement graduel des boues apportées par le Barito
a fini par combler le golfe qui s'ouvrait en cet endroit et le Kapoeas est
devenu le tributaire du Barito, ainsi que le Kahajan ou Groote Uajak le
deviendra plus tard, à la suite de nouveaux progrès des alluvions. La super-
ficie actuelle du delta dépasse 2000 kilomètres carrés, et les bras fluviaux
qui le limitent ont en certains endroits une largeur d'un kilomètre et
davantage; mais pendant la saison des crues les eaux débordées du Barito
et du Kapoeas s'unissent dans la plaine, et la nappe liquide s'étend sur
un espace immense, évalué par Schwancr à 52 000 kilomètres carrés; les
villages, bâtis sur les renflements du terrain, sont épars en îlots au milieu
de la mer d'eau douce. De même que le Mississippi et tous les autres
fleuves abondants qui serpentent dans les plaines basses, le Barilo cbange
fréquemment de cours, et surtout par les coupures qui se font aux pédon-
cules de méandres développant au loin leur courbe circulaire. Après la
formation de ces coupures ou antassan, les anciennes boucles, oii le cou-
rant a moins de force, s'envasent peu à peu aux deux extrémités et se
transforment en dannu ou c( mers », analogues aux <c fausses rivières »
de la vallée mississippienne; çà et là ces « mers )>, recreusées à nouveau
pendant les inondations et réunies à d'autres lacs et marais, s'étendent à
perte de vue entre des l'ives boisées.
Au sud-est de l'île, quelques petites rivières s'écoulent des montagnes
riveraines, mais on ne retrouve de grands cours d'eau que dans la vaste
plaine de Koctei. Le fleuve qui la parcourt naît dans les ravins du nœud
central des monts et prend bientôt sa direction normale vers le sud-est :
c'est le Mahakkam, appelé aussi Koeteï, du môme nom que la contrée (pi'il
anose. A la sortie de la région des montagnes, il roule déjà une grande
(juantité d'eau; mais, en arrivant dans les plaines, il s'étale à droite
(>t à gauche en vastes lacs où l'on ne voit plus l'horizon des forêts. Bestes
d'une ancienne mer, ces réservoirs lacustres diminuent graduellement en
étendue; les vases, qui se déposent entre les racines des arbres riverains
gagnent d'année en année sur les eaux, mais les parties centrales
sont encore profondes; Bock y jeta en plusieurs endroits la sonde à plus de
25 mètres. Kn aval de la région des lacs, (iiie d'étroits bavons unissenl en
FLKUVES DE BORNKU.
un labyrinthe sans fin, le Mahakkani rejoint son principal ailkient, le
Telen, et, suivant la tlirection que lui imprime ce tributaire, descend en
serpentant vers le sud; de basses collines, on l'on distingue au passage les
^'' 37. Itl-I.TA nr liAlUTO.
Est de Par,
M
115" EstdeGreenwich
P/^of on Coeurs
ûeOà.'O'^ a'e/ûaS6"' c/t^ é?6 '^'ec au a^sA
I 1 40J0)O
0 100 kil.
noires couches tlu chaibon, se voient des deux côtés de la vallée; mais, en
aval d'un brusque détour vers l'est, les deux rives, distantes d'un ou de
plusieurs kilomètres, deviennent complètement alluviales; le palmier nipa
est le seul arbre qui croisse sur le fond vaseux. Déjà le fleuve, dont le
courant alteine avec le flux et le reflux, coule, pour ainsi dire, en dehors
XIV. 37
290 NOUVELLE GÉOr.RAI'IKE UNIVERSELLE.
de la terre ferme; comme le Mississippi, il se ramilie en de nom])i"eiises
branches formant < patte d'oie » au milieu de l'Océan : que la marée s'é-
levât exceptionnellement d'un ou deux mètres, et tout le delta de formation
nouvelle disparaîtrait sous les eaux.
Au nord des montagnes de Lakoeroe, les rivières du versant oriental,
le Kelaï, le Kajan, le Seboewang, le Kina-Batangan, d'autres encore, ne
peuvent se comparer au Miihakkam ni aux autres fleuves du sud, vu la
moindre étendue de leuis bassins et le développement inférieur de leur
cours : cejH'ndanI ils roulent encore une quantité d'eau considérable et
tous servent lie chemins aux navigateurs; mais leurs bouches sont ren-
dues très périlleuses par les formations coralligènes, très abondantes sur
la côte nord-orientale'. H esl peu de contrées an monde qui puissent
se comparer à Bornéo pour le nombre de voies flottables et navigables':
aussi n'est-il jias étonnani que des centaines de marchands malais et
chinois en aient profité, comme sur les fleuves orientaux de Suma-
tra, ])our se construire des demeures flottantes. Les forêts que l'on
rencontre dans toutes les |»ar(ies du bassin leur fournissent le bois : ils
lient les poutres en radeau, y bàlisseni leur maisonnette, parfois même
tout un village de cabanes, puis desoendent avec le flot, ancrant de dis-
tance en distance, partout où ils ont à recueillir un peu de miel,
acheter des gommes ou des peaux, faire cjuelque tralic Après des semaines
ou des mois de voyage, ils arrivent enfin dans une bourgade commer-
çante du cours inférieur, où ils vendent leurs denrées et la maison qui
les contient. Si l'entreprise a réussi, ils gagnent de nouveau le haut diî
fleuve en barque, bàlissiMit une nouvelle demeure mobile et recommen-
cent leur commerce de troc'. JjCs fleuves de Bornéo, au cours inférieur
à peine incliné, laissent [x^nétrer le Ilot de marée jusqu'à une grande
dislance en amont ; mais dans la plupart des embouchures, notamment
' Jdsi-pli Lrliiicrl, Uni (lie Erdc.
- l'Ioiivos |iriiK-i|i;uix de lîdiiioo :
i.pproxii
Briinoi mi Liiiibang. . . . 200
Ri'jmif; 500
LupiM- 500
Kapo«>as 800
Katingan 450
Kahajan 550
Barito 920
Mahaliliam 960
Kina-Balanpnn 550
"' Cari Bock, ouvrage cité.
Suporlii-ii-
approxiinalivi' du 1
Coui
■s n,aviR.iWi-
? et des affliionU.
lOOOOliil. caiT. 100 kil.
(Saint-John.)
25 000 ,.
r,20 1)
(Crock.M-K
tOOOO 1.
48 1.
1.
75 000 i>
000 11
1)
20 000 0
200 1.
(Schwaner).
21 860 .)
250 11
i>
100 000 i>
tOOO 1)
1.
80 000 11
(100 11
(Bock).
20 000
i.50 ,1
(Pryer).
FLEUVES, CLIMAT DE liORNEO.
'J'Jl
flans celle du Lupar, l'invasion du Ihix se fait brusquement, par un Ibr-
niidable niascarel, dont les rouleaux écuineux se poursuivent avec le Tracas
du tonnerre.
Coupée parla ligne équinoxiale, Bornéo n'a pourtant pas un climat lor-
N» :18. FLEUVES NAVIGADLES ET ITINÉBAIBES PniNXIPACX DES VOVACEURS DANS BOKNEO.
Est de-Pan;
Lst de Greenwich
CPe
/?n//èr'e'.s nt3i^/^3£?/es
ride que l'on puisse comparer à celui d'Ailen el des côtes de la mer Ilouge ;
de même (pie les autres terres de l'Insulinde, elle est rafraîchie par les
brises marines, qui de toutes pai'ts sont appelées vers les régions échauf-
l'ées. 11 est rai'e que sur les côtes de Bornéo la température atteigne 55 de-
grés à l'ombre; d'ordinaire elle ne dépasse pas 3'2 degrés : les oscillations
'2'J-2 .NOrVKLLK CÉO GRAPHIE L M VERSE LIE.
normales du ihorinoinèlre sont de 22 degrés le matin à 51 degrés vers
deux heures de l'après-midi. Ce qui fait le climat de Bornéo reiloutable
pour les Européens, ce n'est pas la chaleur, mais l'humidité nocturne.
Les marais, les inondations périodiques, les boues qui se dessèchent au
soleil, les matières organiques putréfiées, rendent aussi le climat i'ort
dangereux, surtout dans les régions de l'intérieur, hors de l'action de la
brise et des marées. Loin des côtes les saisons sont à peine marquées:
la direction des vents n'est pas réglée; les nues, les pluies sont appor-
tées de tous les côtés de l'horizon. Mais sur le littoral l'ordre des mous-
sons est assez régulier : la mousson du sud-est, qui est le vent alizé,
souffle d'avril en octobre; puis viennent les moussons du nord-ouest,
du nord ou du nord-est, suivant les rivages, avec les tempêtes el les
violentes pluies. Mais il pleut aussi dans la saison du beau temps, et
même jiarfois avec abondance : c'est à quatre ou cinq mètres que l'on
évalue la quantité d'eau tombée annuellement à Saravvak. 11 est arrivé
aussi que des sécheresses prolongées ont régné sur le pays : en 1877, le
grand lac Sriang, dans le bassin du Kapoeas, s'assécha complètement'.
En parcourant le Koetei, l'explorateur Bock traversa des forêts mortes de
chaleur, entièrement dépouillées de verdure; il n'y restait plus d'animaux:
la nature entière avait été frappée.
Mais ce sont là de rares accidents ; les saisons ont bientôt repris leur
cours et les arbres morts sont remplacés. On |)eut dire que l'immense
Biiriieo n'est (pi'une seul(> forêt : des singes, dit un auleui', pour'raicnt se
rendre de l'une à l'autre extrémité de l'île en courant de branche en
branche. En quelques districts seulement des étendues couvertes de
l'herbe (ildix/ inlerrompeni la forêt. Dans son ensemble, la flore de
Bornéo ne diffère pas de celle des autres grandes îles; néanmoins elle com-
prend (pielques espèces particulières, surtout parmi les arbres de l'inté-
rieur, qui fournissent des bois de consiruclion, des résines et des gommes.
Sur les pentes du Kina-Balou, fameux par ses nombreuses variétés de ne-
penthes, les botanistes ont reconnu l'existence d'un curieux mélange de
plantes indiennes, malaises et australiennes. Cn des végétaux de la zone
boueuse du littoral est le sagoutier {metroxylon sagus liumphii), et bien
que dans certains districts, notamment dans la vallée du Mahakkani, on
ignore l'arl d'en exti'aire la précieuse moelle nutritive', les habitants
d'autres régions de la côte l'oblienuent en si grande abondance, que le seul
' William Oiixkc]-. iiiéniuiii; elle.
■* Ciiil Buck, uuviaKC cité.
FLORE, FAUNE, l'01'l]l,.\ TIONS DE BORNEO. ii95
iL'rritoirc de Sai'awak exporte plus de la inoilié du sagou livré dans le
monde au eommerce général'. Un seul sagoulier de moyenne grandeur
fournil environ 1000 gâteaux, d'un poids total de 500 kilogrammes. C'est
tout ee qu'il l'aut pour la nourriture d'un homme pendant une année, et
pourtant il sul'lil de dix journées d'un travail relativement facile pour pré-
parer celle abondante provision.
La faune de Bornéo, de même (|U(> la flore, possède plusieurs espèces en
propre qui lui donnent une physionomie particulière. Cha(jue ile a des
animaux qui manquent aux autres. On sait que le contraste des faunes
insulaires a même amené les naturalistes à déterminer l'âge relatif de la
séparation des îles les unes d'avec les autres : Sumatra et Bornéo étaient
encore unies en une seule terre, (jue Java était déjà une île distincte;
ri'lroii passage de la Sonde est donc plus ancien que la large mer de
lioiiieo'. Ce qui le prouve, c'est la conformité des faunes entre Bornéo et
Sumatra et leur dissemblance relative entre cette dernière île et Java.
Parmi les animaux qui paraissent avoir leur lieu d'origine à Bornéo, le
plus remarquable est le mias, orang-oulan (ni " homme des bois » (simia
xaiijfm), que l'on trouve également à Sumatra. On le rencontre encore
dans toutes les parties de Bornéo, mais on n'a point réussi à le domes-
liquer : presque tous les animaux capturés meurent de phtisie, même
(piand on les élève dans le voisinage de la forêt natale. Les indigènes
racontent que le mias ne redoute ni rhinocéros, ni tigre, ni sanglier; il
accepterait même la lutte avec le crocodile et le python. On a longtem|is
douté que l'éléphant et le rhinocéros appartinssent à la faune de Bornéo :
il est vrai que ces grands animaux ont disparu des provinces hollandaises;
mais dans le territoire anglais, près de Sandakan, on les rencontre en-
core en bandes ^ Le tigre de Bornéo est une espèce particulière [jHh ma-
crosrt'lls). On voit aussi dans l'île deux variétés de crocodiles qui n'existent
point ailleurs.
On a parlé d'une race spéciale de Bornéens vivant au milieu des forets
de Bornéo, et les insulaires aiment à décrire les Orang-Bouiitoiit ou
" hommes à queue » qui se trouveraient dans les régions centrales. De nom-
breux voyageurs, arabes, malais et indigènes, affirment les avoir vus, s'as-
' \Villi;mi (Irockor, imimoirc cilo.
2 Alfred Russell Wallacc, Tlic hlaml Lifr.
'' Pi'vt'i-, Zoolof/isl, Oclohor 1881; — V. A. J., Tijihcliiîfl van licl IS'cdeiiaiidscli AaitlnjitH-
Kuniliif (iciKJolsrlKip. 1SS4. ii. 1).
i'U NOUVELLE GÉOGRAPHIE yMVEKSELLE.
seyant sur dos escabeaux percés d'un trou dans le(}uel ils inséraient leur
appendice'. Récemment encore, le voyageur Bock chercha, mais sans suc-
cès, ces hommes à queue parmi les habitants des montagnes qui séparent
le bassin du Bai'ito de celui du Pasir. Ouoi qu'il en soit de ces Bounlout,
Bornéo a bien parmi ses habitants des hommes complètement sauvages.
Tels sont les Pounan ou « Gens des Bois » des régions centrales et les
î\javong du Kahajan, qui gîtent dans les forêts, sans même se garantir
du soleil ou des pluies par un toit de feuilles. Ils n'ont d'autre vêtement
qu'un pagne; leur arme est la sarbacane, munie de dards empoisonnes
au moyen d'une mixture dans laquelle entre la nicotine; mais récemment
ils ont su aussi se procurer des glaives. Ils fuient Européens, Malais
et Chinois, et ne commercent avec eux que par intermédiaires. Ils ont
le teint moins noir que les autres habitants del'ile; leurs femmes sur-
tout, presque toujours abritées du soleil par l'ombre épaisse des forêts,
oui la peau claire, d'un jaune gris. La chair des singes, celle des ser-
pents et des grenouilles sont leur principale nourriture. Les ethnolo-
gisles se demandent si parmi les peuplades de l'intérieur il en est que
l'on doive classer avec les populations insulindiennes blanches ou avec les
negritos de petite taille'.
La grande majorité des habitants de l'intérieur se compose de Dayak,
nom général dont la pi-emière signification paraît être celle de « Gens » ou
« Hommes », mais qui pour les Malais n'a d'autre sens que celui de
« Sauvages ou k Païens )> ; on l'explique aussi par un mot des langues
indigènes, dculayak ou k claudicant », appellation qui d'ailleurs n'est guère
justifiée". D'ailleurs on confond sous celle dénomination des tribus qui
sont probablement d'origine différente et qui contrastent par l'aspect et
le genre de vie. En général, les noms spéciaux par lesquels on les signale
sont lires des lieux qu'ils habitent : c'est ainsi qu'ont été nommés les
Orang-Kapoeas, les Orang-Barito, les Orang-Mahakkam, les Orang-Boekil
ou « Gens de la Montagne v, les Ot-Danom ou « Gens des Hauts «; on dis-
tingue aussi entre les « Dayak de mer », les Riverains, et les « Dayak de
terre «, les Gens de l'intérieur. Prises en masse, les populations dayak se
distinguent des Malais policés par une taille plus élancée, un teint plus
claii-, le nez plus saillant, le front plus élevé. Chez un grand nombre de
peuplades, les hommes s'épilent soigneusement le visage; hommes et
femmes se liment, se teignent, et parfois se forent les dents poui' y placer
' Spencer Sainl-Jotin ; Yiile ; Cail Bock, etc.
- Uaiiiy, Bulletin de la Sociélé (t'Aiiihfopolofiic, 1870; — de Oiiiilief'afjes, len Piiynu'es.
^ Kaii en l^o..iuiiimi>. Tijilsclirifl iciii hcl Scdcrlaiulscli Adidrijhskuniliij (iciwotschap, iHHl.
DAYAK.
295
(les boulons on or; ils porconi aussi \c lobe de l'oreille pour y iniroiluire
(les morceaux de l)ois, des anneaux, d(^s croissants de mêlai, el autres ob-
'^S'^lX^
BORNEO. TYPES D.IÏAK.
Gravuiede Thiiieil, d'après une pholographie communiqucc par M. Collpau.
jets de parure dont le poids linil par faire allonger l'extrémité de l'oreille
jusque sur l'épaule. Les m("'res, en plusieurs tribus, déforment artificielle-
ment l(^s crânes de leurs enfants au moyen de planchettes de bambou el de
•290 NOUVELLE GÉOfiRAPlIlE IMYERSELLE.
bandelettes'. Le costume tlayak, simple pièce de cotonnade lileue. avec
bande tricolore aux extrémités, est toujours drapé avec pràce ; sur la
chevelure noire s'enroule une étoffe rouge à passementerie d'or. La
plupart des Dayak se tatouent les bras, les mains, les pieds et les cuisses,
parfois aussi la poitrine et les tempes, et presque toujours les des-
sins, qui d'ailleurs témoignent de beaucoup de goût et se détachent en
une belle couleur bleue sur le fond cuivré, sont distribués en nombres
impairs, afin de concilier le destin : des amulettes, pierres, billes ou fili-
granes, s'ajoutent aux ornements pour détourner le mauvais sort ; dans
quelques tribus ils s'enroulent des fils de laiton autour de la poitrine et
du ventre, comme les Africains des bords du A'yanza. Les mtiladies de
peau sont très communes chez les Dayak, peut-être à cause du manque
de sel dans la nourriture. Un voit des goitres dans le pays de Koeteï
aussi fréquemment que dans certaines vallées des Pyrénées et des Alpes :
sur trois femmes dayak de ces contrées, une au moins est goitreuse.
Contre la variole, fort dangereuse dans le pays, les indigènes avaient
appris, avant l'arrivée des Hollandais, à pratiquer une sorte d'inoculation.
Les Dayak croient à l'existence d'un être suprême, le Sang-Sang, dont
les prêtres connaissent la volonté et avec lequel ils s'entretiennent dans un
« langage céleste ». Mais la confiance du peuple se porte suilout vers les
hilian ou prêtresses, qui savent conjurer les mauvais espi'its et les mala-
dies, jeter les sorts, deviner l'avenii', résoudre les énigmes, improviser des
chants. Elles sont élevées par les prêtres dès l'enfance et toujours choisies
parmi les esclaves, car leur métier comporte la prostitution : elles a|qiar-
tiennent, suivant un tarif fixé, à Ions les hommes mariés de la tribu.
Parmi les pratiques relatives au mariage, il en est une, probablement d'ori-
gine chinoise, qui n'a guère d'égale en cruauté. Les riches Ol-Danom
enferment leurs filles, à l'âge de huit à dix ans, dans une étroite cellule
mal éclairée, d'où elles ne sortiront qu'api'ès sept ou huit ans de captivité.
Pendant ce temps, elles ne doivent \oir ni parents ni amis, pas iiième
leur mère, et n'ont d'autre occupation (pie de tresser des nattes; une
esclave leur porte leur nourriture, (juand une fille sort de sa prison, pâle,
chétive, chaïu'elanle sur ses petits pieds sans force, elle est digne des plus
riches acheteurs : on immole un » morceau d'homme ->, c'esl-à-dire un
esclave, et on arrose son corps du sang qui jaillit".
Encore de nombreuses Iribusdaxak prati(|ueiil celle « chasse aux têtes »
< Wlllnim CnickiT, i\tiliirc', Decembci S, ISÎSI.
- Si'liwiiiii'r, //oiv/co , — Tiiur ilii Monde, \iH>2. 1"' soiiirsIiT
•4. A
DAYAK. 299
qui a rendu leur nom l'iimoiix. cl ijui, léccmnionl, menaçait de faire dis-
pai'ailre la race enlièro. Chez les indifiènes cette praticjue est essentielle-
ment relipieuse, et nul acte important de la vie ne leur paraît avoir de
sanction s'il n'est accompagné do la présentation d'une ou plusieurs tètes
coujiées. L'enfant naît sous une mauvaise influence si le père n'a pas
apporté une tète à sa femme pendant la grossesse; le jeune garçon ne
devient homme et ne peut ceindre le gJaive ou mandau, c'est-à-dire le
« chasse-crâne >■>, qu'après avoir abattu une tète; l'adolescent n'est pas
accueilli par la jeune fille qu'il courtise s'il ne lui fait présent d'une tète
pour orner la hutte conjugale; le chef n'est pas reconnu comme tel s'il n'a
montré à ses sujets une tète coupée de sa main; nul mourant ne se
rend avec honneur dans le royaume d'outre-tombe s'il n'a ]>our compa-
gnons des hommes à tète coup(''e. Chaque radjah doit à son i-ang de se
faire suivre dans la mort par un nombreux cortège. Chez quehjues tribus,
notamment chez les Bahou Tring, dans la partie septentrionale du bassin
du Mahakkam, et chez les Ot-Danom du haut Kahajan, la coutume reli-
gieuse exige davantage : il ne suffit pas de tuer, il faut encore torturer la
victime avant de lui donner le coup final, d'asperger les cultures de son
sang et de manger sa chair sous les yeux des ])rètres et des prêtresses, qui
font les cérémonies prescrites : on comprend la terreur qu'inspirent les
Dayak à leurs voisins et la tradition d'après laquelle on se les imagine
nés de poignards et de glaives ayant pris forme humaine'. Une expédition
de K chasse aux tètes » est si bien considérée comme l'acte religieux par
excellence, que chez les tribus primitives elle doit être précédée d'une con-
fession générale : tous les pécheurs s'accusent de leurs fautes, s'imposent
des yjoifift//, c'est-à-dire des taboti, comme les Polynésiens, et font jiéni-
tence dans la forêt j)our revenir à l'état de grâce. C'est lavés de toute
souillure moiale qu'ils se livrent à leurs danses funèbres, se revêtent
de leur costume de guerre en peaux de bêles féroces et prennent leur
masque, figurant une gueule de tigre ou de crocodile, |)our aller surjH'en-
dre les gens d'une peuplade éloignée, ennemie ou amie, et faire leur pro-
vision de tètes coupées ou de victimes à dévorer'. D'ailleurs les crânes de
l'ennemi sont d'ordinaire l'objet du plus grand respect : on les comble
d'attentions, on leur met à chaque repas les meilleurs morceaux dans la
bouche', on leur fournit le bétel elle tabac, on les traite comme des chefs,
espérant leur faire oublier l'ancienne tribu et les rattachera la nouvelle:
' De BaïkiT, Archipel Indien.
- Peri'laer. Ethnoyraphischc Ucschrijviny lier Dajaks ; — Schwaner, Cail Bock, ouvrages cités.
^ Keppel, E.Tpedilion of (lie ship « Diilo n.
500 NOUVELLE GÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
« Votre li'le est à nous maintenant ; aidez-nous à tuer vos frères d'autrefois. :>
Quoiqu'ils ne manquent pas de re|)rocher à leurs éducateurs d'abattre
aussi des tètes, les Dayak f;raduellement islamisés des possessions néerlan-
daises et britanniques abandonnent peu à peu leurs coutumes meurtrières.
D'ailleurs les « coupeurs de têtes » eux-mêmes sont parmi les popula-
tions de l'Insulinde une de celles qui ont le plus de qualités morales.
Ils sont presque tous d'une candeur et d'une honnêteté parfaites : ils ne
se hasardent jamais à parler d'une chose qu'ils ignorent et respectent
avec scrupule le produit du travail d'autrui. Dans la tribu même les
meurtres sont inconnus : en douze années il n'y eut sous la domination
de Brooke, dans la principauté de Sarawak, qu'un seul cas de mort vio-
lente, et le coupable était un étranger adopté par les Dayak. Les indigènes se
distinguent aussi favorablement des immigrants malais, chinois ou euro-
péens par leur tempérance et leur discrétion. Quoiqu'on les trompe et les
pille (le toutes manières, ils restent bienveillants et gais, s'amusent avec
abandon et sont fort habiles à inventer toute espèce de jeux. Artistes-nés,
ils ne se contentent pas d'élever leurs maisons sur de hauts pilotis pour
les placer au-dessus du niveau des inondations ou les soustraire aux atta-
ques des rôdeurs de nuit, ils savent aussi en disposer les poutrelles et les
bambous de manière à former des dessins qui plaisent aux regards. Ils
sont zélés collectionneurs de faïences et de porcelaines, et certaines pièces
rares sont considérées par eux comme ayant une vertu divine'. Les tom-
beaux de leurs chefs, et en certains endroits ceux de leurs chiens, solide-
ment construits en bois de fer, sont ornés de sculptures représentant des
lètes, des oiseaux, des bouches de dragons, qui le cèdent à peine aux con-
structions barmanes et siamoises pour le fini des détailset la grâce originale.
Le centre de la plupart des villages est occupé par le balai ou « maison
principale )>, édifice circulaire ou allongé, élevé sur pilotis comme les
autres demeures, mais enfermant une très vaste salle où couchent les
jeunes hommes non mariés et les étrangers, et qui sert en même tem|)s
de ])ourse, de forum, de salle du conseil. Quelques-uns de ces palais dayak,
pai'fois aménagés en forteresses, ont jus(|u'à 500 mètres de tour ; Keppel
en a vu, sur les bords du Lundu, dont la longueur dépassait 181 mètres
et où vivait toute une tribu de quatre cents personnes. Comme construc-
teurs, les indigènes donnent aussi la preuve de leur génie naturel en je-
tant des ponts de bambou sur les ruisseaux et même sur des rivières de
plus d'une centaine de mètres en largeur. Il est vrai que des Européens
' Pi-rcliiiT. liock, nuvnigos ciliés: — Sornirier. Mii.irc (iiitliriiiinliHiique de Lci(l"ii.
DAYAK. 301
oseraient à peine s'aventurer sur ces structures branlantes dont le palier
n'est formé que par un seul gros bambou; pour y cheminer en gardant son
équilibre, on tient la main sur un garde-i'ou si mince, qu'il serait dange-
reux de s'y appuyer. Mais les Dayak ne tracent point de chemins, à peine des
sentiers : ils n'ont guère d'autres voies que les cours d'eau. Leurs meilleures
roules sont formées de troncs d'arbres qu'ils mettent bouta bout et sur les-
quels ils courent plutôt qu'ils ne marchent. Au moindre indice de danger,
ils déplacent les arbres qui mènent à leur village et le chemin est détruit.
Bons agriculteurs, les Dayak du pays de Sarawak retirent successivemenl
deux récoltes de chaque terre défrichée, du riz, puis des cannes à sucre,
du maïs ou des légumes; ensuite ils laissent le sol en friche pendant huit
ou dix ans : bientôt la brousse, ou même la forêt, ont remplacé les cultures.
Les greniers sont des espèces de corbeilles tressées au sommet des arbres
et rattachées au sol voisin par des échelles ou des plans inclinés en bam-
bou. Quant aux Dayak de l'intérieur, ils s'occupent surtout d'exploiter les
richesses naturelles de la forêt en coupant le rotin, en recueillant la gutta-
percha pour les Européens, et pour les Chinois les nids d'hirondelles et
les pierres de bezoar. Quand les indigènes (juitient leurs villages pour s'a-
venturer au loin dans les forêts à la recherche de ces objets, leurs femmes
allument en des noix de coco de. petites lampes qu'elles abandonnent au
courant du fleuve, comme le font en des occasions semblables les riveraines
du Gange. Ces lumières flottantes, qui brillent en l'honneur des génies de
l'air et des eaux, intercèdent auprès d'eux pour les maris absents.
Il paraît étrange qu'avec tous les avantages réunis dans leur pays, ter-
rains fertiles, facilité d'accès, richesses naturelles presque inépuisables,
les Dayak à demi policés qui ont abandonné la coutume religieuse de la
chasse aux têles n'augmentent pas en nombre. Leurs récolles fournissent,
el au delà, les approvisionnements nécessaires et leur permettent en outre
d'alimenter les marchands du littoral. Le célibat est inconnu dans ces con-
trées ; tous se marient à l'âge de la pleine force virile, et cependant les
villages dayak sont épars sur de vastes espaces au milieu de la mer de
verdure qui recouvre l'intéi'ieur de l'ile. La cause en est aux épidémies el
à la faible fécondité des femmes : de deux à quatre enfants, telle est la
moyenne de la natalité dans les familles. D'après Wallace, cette faible
proportion des enfan s doit être attribuée au travail excessif des mères.
Quoique les maris Dayak respectent fort leurs femmes et ne manquent pas
de les consulter en toute occasion, c'est pour elles que sont toutes les be-
sognes pénibles : ce sont elles qui pilent le riz, qui bêchent le sol et por-
tent les fiirdeaux en gravissant les montagnes, en descendant au fond des
.-0-2 NOUVKLLK GKOORAPHIE rM\ EliSF.LLK.
précipices. Epuisées (lo Iraviiil, elles soul vieilles iivniil ïù'^c. (i'esl à un
million d'honiines environ que l'on évalui^ le nombre des Dayak de raee
pure qui peuplent Bornéo.
Les Malais mahomélans, (|iii cnsci^urnl à leurs voisins de l'intérieur
le nom d'Allah et persuadent aux ehel's indi^l'ues de prendre plusieurs
femmes, de les voiler el de les enfermer en si<;ne de eonversion à l'Islam,
sont presque tous établis sur le littoral el sur les bords des lleuves; d'après
M. (Àttteau, ceux de Sarawak s'aeeordeni à dire que leurs ancêtres sont
venus dans le pays depuis une Irenlaine de jiénéralions. Appelés par le
commerce, ils s'avancent peu à peu vers les régions montueuses en allant
de marché en marché. Par les croisements et rinlluence de leur civili-
sation, supérieure à maints égards, les Malais transforment peu à |)eu les
Dayak et se les assimilent. Ouoique en minorité numérique, c'est à eux
qu'appartient la prépondéranc(\ et eha(iue jour ajoute à leur ascendant.
Des liougi, des Badjo de Celèbès, des Javanais, des lllanos des Fhili|)pines,
quebpies Arabes, accroissent la |)opulation mahomélane de l'ile; mais ils
sont d(''passés en nombre |iar les (Illinois. (]ui résident dans les ports de
commerce; ceux-ci ont même le monopole de mainte industrie et celui de
l'exploitation des mines aurifères. Les Européens n'avaient pas encore
délinilivement établi leurs comptoirs à Bornéo. (]ue les (Chinois y étaient
dé'jà représentés par des colonies respectables, el ce sont eux qui ont offert
la |ilus sc'i'ieuse ri'sislance aux Hollandais pour la prise de |)ossession des
régions méridionales de l'ile. A l'état pur ils s(hiI |)1us de trente mille;
avec les métis on |)eul ('valuer leui' nombre à piès de deux cent mille,
mais on ne |ieul les eompler d'une nianiJ're exacte, la gi'ande majorité
d'enlif eux apparlenant à des familles établies dans le pays et mélangées de
sang malais depuis plusieurs généi'ations. OuanI aux Hollandais el aux
Anglais, ils sont (|uel(iues centaines seulemeni; mais ils ont le p(»uvoir
en main, et cela suflit [)oui' (|ue des milliers de leurs sujets a|)prennent à
parler leur langue et s'évertuent à les imiter.
UOIINKII HOLLANUAIS.
Sur la côte orientale de Bornéo, Fonlianak, la eiU' du >■ Fanti'ime »,
est la première ville que visiti-rent ses maîtres actuels, et elle est restée
la capitale et le marché commei'cial de la contrée; depuis l(Sô(i, le sultan
du pays l'a cédée aux Hollandais, (pii eu ont fait un poi't franc. La cité,
composée de maisons en bois, ([ni bordent les deux rives du lleuve Ka-
MALAIS, CIII.MIIS. l'OMAMAK, HA Mi.l Kll M ASSIN. .ÎOâ
pofiis, est l)àli(' à une (|iiiiizaiMc de kiliiiiirlics de l;i rrici', iiii coiiiliiciil ili;
l;i liviJ'iT Lnixlak : Chinois, Boiijy fl Malnis y oui leurs qiiarlicis disliiicls.
Des iiiiiics liiiidoiics, Icinplcs et slalucs, se, vdiciil çh cl là dans li-s loivls
eiiviromiaiilcs. Les vilhi^ivs (|iii se siiccl'dciil sur les bords du Kapocas en
aiudul de Pontiaiiak jus(ju';i Siulan^jl, au confluctil du Mclawi, ap|)ai'li(Mi-
nciil ('■^ali'iMCMl à plusieurs iialious dislincles, foiinaiil chacune son
lii'oupi' pailiculiei', avec adiiiiuisl rai ion sp(''ciale. Dans les pelils royaumes
soumis, silués au nord de l'itnlianak, vers la IVonlière de Sarawak, c'est
ridément chinois ipii l'eiiiiioile. Alliiés à Samhas el à Montrado |iar les
liches mines d'or el de platine, à Laiidak par les poches dcdiamanl. el
iiiainlenaiil sur' les hords du Kapocas |)ar les ".fiscmenls de chaihon, iN ont
lieu ;'i peu relVudé les Kavak, el \eis le milieu du siJ'ch; ils avaient con-
slitué (les républiques indcpeiidanles : dans ces kowjsi ou conlVéïies chi-
noises, les •' fièrcs aînés -> cl les " IVèrcs jilus jeunes ;> s'cntr'aidaiciil
el le |)aupérisme é'tail inconnu '. Tivs solidaires les uns dos autres, ils se
déi'endirent avec le jjIus }>iaii(l coui-a<;f, el il lallul envoyer contre eux des
forces (le plusieurs milliers d'hommes pour les soumettre au régime hol-
landais: |ilus de la moitié (l(( ces (;bim)is (piitlérent le pays pour rester
lijjies. De même que tlans la |)lupart des autres colonies chinoises, le
principal commerce de Sambas et de Monirado est celui de l'opium. S(je-
kadana, ([ui se trouve au sud des terres alluviales du kapocas, sur un
esluaire latéral, l'ut jadis la capitale de l'un des grands empii'cs de Bor-
néo : ce n'e^l plus (ju'un jiauvre village. Kn l'ace sont des îles pittoresques,
les i< terres l'orlunées » de Karimala, jadis fort populeuses, el mainlenant
désertes. Le pic de l'île principale s'élî-ve à iD.'îi mJ'ln's.
Entre le delta du Kapocas el cilui du Uarilo, chaque embouchure de
rivif-re a son marché, chaque ancien royaume a sa ca|)ilale, où un fo/iclion-
naii'e hollandais siège à côté du descendant des souverains; mais la popu-
lalioii du littoral est trop faible pour (|ue ces chefs-lieux soient auti'e
chose (|ue de pauvres villages; ce|iendanl la haute \all(''e du Kabajan est
trJ's liche en sable d'oi' (jue iccueilleiil les Dayak, mais sans permettre aux
Chinois de pénétrer chez eux pour le leui- acheter. Les naturels qui tra-
licpient le |)lus activement dans ,■(■[[(■ partie de Bornéo sont les .Ngadjocs
de l'oeloe Pelak. Au delà, la jiremii're grande ville est celle qui com-
mande l'entrée du Barito, Bandjermassin, — ou simplement Bandjer,
— la capitale des provinces sud-occidentales de Bornéo et la cité la plus
peu|ilée de l'Ile entiJ-re. File ne se trouve |)as sui- l'estuaire rn(~'me du
' Hiihiili': v;in (ter Aa, De lillnriilinii i-uiii liH i\'c(lrrl(iii(li>cli ijebiid.
504
NOUVELLE GEOGRAPUIE UNIVERSELLE.
Barito, mais à l'est de ce fleuve, dans une réfiioii parsemée de bayous qui
se ramifient en un réseau changeant : 1^ rivière Martapoera vient rejoin-
dre le Barito dans ce dédale de canaux dont la maré(^ renouvelle deux
l'ois par jour les eaux saumàtres, — d'oii le nom de la ville, << Déluge re-
fluanl ». — Bandjermassin, la i< Venise de Bornéo », aligne ses maisons
en bois sculpté, sur plusieurs kilomètres le long des rivages, mais ces
BANDJEKMASSI.N, MARTAI'OERA. NEOARA. Ô05
(lemourcs bâties en terre ferme sont presque partout cachées pai' les rakil
ou constructions flottantes ancrées dans le courant; en outre, des barques
(le toutes formes, simples canots, gondoles, chaloupes pontées surmontées
de cabines, voguent dans toutes les avenues, portant les marchands et les
acheteurs. Les Hollandais, héritiers des comptoirs, qui se sont succédé,
avec quelques interruptions, depuis le commencement du dix-septième
siècle, habitent l'ile de Talas, au centre des autres villes, malaise et chi-
noise ; chaque groujie de population habite son quartier spécial; les singes
ont aussi leur kaiuponij |iarticulier. File des Fleurs, où les indigènes vien-
nent leur apporter des friandises. Visitée par les navires de 4 à 5 mètres
de calaison, Bandjermassin foit un commerce considérable : c'est l'un
des porls secondaires les plus actifs de l'insulinde. Naguère cette ville
vendait beaucoup de diamants, recueillis sur les bords de la rivière Marta-
poera; mais depuis que les mines du Cap ont été découvertes, on n'exploite
plus celles de Banjermassin qu'avec perte, d'autant plus que le sultan ré-
clame comme sa propriété toutes les pierres ayant plus de cinq karats. Ce-
pendant la réputation dn marché de Bandjer pour les diamants était si bien
établie, que les négociants chinois de cette ville importent des pierres du
Cap pour les revendre aux princes de l'archipel comme diamants de Marta-
poera : ceux-ci passent en effet pour être les plus purs et briller de l'éclat le
|)lus durable; on recueille aussi dans ce district une notable quantité de
|)iiudre d'or, et des mines de charbon, [iroduisant naguère plus de 10000
tonnes de houille par an, sont exploitées à Pangaron, en amont de Marta-
poera. Cette ville, au nom hindou, qui signifie « Cité des Mortels », fut
jadis la capitale de la contrée, et le sultan y possède un palais; elle est
située à une cinquantaine de kilomètres à l'est et en amont de Bandjer-
massin. Les fourrés des alentours, par suite d'une exploitation barbare, ne
fournissent plus que des rotins d'une qualité inférieure.
La région la plus populeuse et la plus civilisée de Bornéo, celle où des
colons hindous paraissent s'être établis tout d'abord ', est le bassin de la
rivièi'e Bahan ou Negara, affluent oriental qui s'unit au Barilo à une cen-
taine de kilomètres de la mer. Vers le milieu du siècle, les habitants de ce
petit bassin fluvial étaient seulement au nombre de 60 000, d'après Schwa-
ner; en 1878 on en comptait jilus de 500 000, grâce à la paix et aux pro-
grès de l'agriculture et de l'industrie; indépendants en fait, ces indigènes
ne permettaient pas aux sultans de Marta[)oera de pénétrer sur leur terri-
toire. Cette partie de Bornéo est proportionnellement aussi peuplée que Java.
' Scliwiinei', (iiiviMjîc cilé.
XIV. 59
Ô06 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
La ville d'Amoentaï, au centre du district, sur la rive gauche du Rahan,est
entourée de cultures, et des barques y arrivent en quantité, chargées de
fruits. Negara et Margasari, situées en aval et bordant les deux rives sur
une longueur de plusieurs kilomètres, sont des villes de production indus-
trielle : c'est de là que viennent les tuiles et les poteries employées dans
toute la contrée; Negara possède aussi des chantiers de construction pour
les prao et les sampang; enfin, les armuriers de Negara étaient fameux
dans rinsulinde avant que les Hollandais leur défendissent la fabrication
des fusils et des coutelas. A l'est, des immigrants javanais cultivent de
fertiles plantations, dans le district de Kendangan, sur les bords de la gra-
cieuse rivière Amandit, ombragée de cocotiers. La ville neuve, située au
coniluent du Bahan et du Barito, Mocwara-Bahan ou Marabahan (Bckom-
paï), est l'entrepôt de Bandjermassin pour le bassin du Bahan : ses mai-
sons fixes et flottantes bordent la rive droite du Barito sur une longueur
de r» kilomètres; sa population s'accroît rapidement de colons dayak qui
se convertissent à l'Islam. En amont, la vallée du Barito, parsemée de lacs
et de fausses rivières, est presque dépeuplée en comparaison de celle du
Bahan. Le plus gros village est celui de Loetoentoer (Lokhton Toeoor),
placé au confluent du Teweh, à 540 kilomètres de la mer.
A l'angle sud-oriental de Bornéo, les divers |)elifs royaumes du lilloral
sont encore à demi indépendants. La capitale d'un de ces Etats, Pasir ou
« Sable «, ainsi nommée des dunes environnantes, est une des villes con-
sidérables de Bornéo. Située à la bifurcation d'un delta fluvial que
remontent les petites embarcations, elle fait un assez grand commerce
avec les côtes opposées de Celèbès, d'où lui viennent de nombreux immi-
grants. En 1 77'2, les Anglais avaient essayé d'y établir un entrepôt d'opium.
Plusieurs villes importantes se succèdent sur le cours inférieur du
Maliakkam. dans le royaume de Koeteï, à demi assujetti aux Hollandais
de|)uis qu'ils en ont chassé, en 1844, un marchand anglais qui voulait, à
l'exemple <lu radjah Brooke, se tailler une principauté dans Bornéo. Tan-
garoeng, la caj)itale du sultanat, est aune centaine de kilomètres en
amont de l'embouchure, bordant de ses maisons sur pilotis et de ses
bateaux la rive droite du fleuve, fort large en cet endroit. La marée monte
jus(|u'à Tangaroeng, promenant d'une extrémité à l'autre de la ville les
ordures qui flottent sur l'eau. Quelque mouvement d'échanges se fait
dans cette capitale, mais presque tout le commerce du royaume s'est con-
centré dans la ville de Samarinda, qui s'est élevée sur les bords du fleuve,
près de la foui'che des passes. De grands navires, ajqiartenant à des
négocianis chinois, viennent y (hai'gcr les denrées apporliVs sur radeaux
iililllliliilillllliiliilliiililiiliiiiiiliiiiunjliii
NKCMiA, MAKAbAllA.N, SA MA Kl. M) A. 7,{i'd
(les ré<;ioiis supérieures du bassin, rotins, gutta-percha, bois de coustrue-
liou, miel, nids de salanganes; les Européens no prennent presque aucune
part à ce tralic. C'est à Samarinda que résident le chargé d'affaires hollan-
dais et l'imam ou grand-prctre, chez lequel les étudiants zélés viennent
apprendre à écrire l'arabe et à réciter les versets du Koran. Les Bougi,
venus de Celèbès, se sont établis sur la rive droite, où ils constituent une
république redoutée, s'administrant elle-même et promulguant ses
N° 00. COURS INFKRlEl-n IIU MAUAKKAM.
l de Par.s
/î"0 fofft^e'Ur^
ISOOO 0
lois. Le« Chinois et les Malais habitent sur la rive gauche, soit en des
maisons llotlanles, soit en des demeures (i.ves dressées sur pilotis : nulle
part on ne voit de rues, ni même de sentiei's; c'est uniquement par eau
que se font les communications entre les quartiers différents. La ville est
en même temps un grand cimetière : des pierres et des planchettes de
bois sculpté indiquent le lieu de repos des morts autour des cabanes oîi
séjournent les vivants. Les rares baleaux à vapeur qui touchent à Sama-
rinda tiouvent dans le voisinage même de la ville, notamment à Pelarang,
à t) kilomètres en aval, des provisions de houille que fournissent des
510 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
gisements d'une grande richesse appartenant au sultan'. Sanga-Sanga,
village situé à la tète du delta, fut la résidence royale avant Samarinda.
Le petit port de Sankolirang, sur une des baies qui se succèdent au
nord du delta du Mahakkani, n'est plus habité que par des pêcheurs. A en
juger d'après les ruines hindoues qui se trouvent dans le voisinage, ce
fut jadis un centre de civilisation sur la côte orientale de Bornéo. Les
petits royaumes qui se succèdent au nord du Koeteï jusqu'au territoire
anglais de North-Borneo et que l'on ajjpelle quelquefois États de Berouw,
d'après une rivière de ce versant, Sambilioeng, (loenong-Teboer, Boelan-
gan, Tidoeng, sont parmi les moins connus de Bornéo. Seulement quelques
fonctionnaires hollandais se sont établis sur deux ou trois points du lit-
toral, alin de constater par leur présence le droit de ]>ossession acquis à
leur gouvernement, et de prévenir ainsi les réclamations du sultan des
îles de Sulu, les revendications de l'Espagne et les annexions de l'Angle-
terre. Une grande partie de ces territoires, que les pirates ont dévastés, est
presque sans habitants'.
La moitié néerlandaise de Bornéo se divise en deux provinces, celle de
l'ouest, avec Pontianak pour chef-lieu, celle du sud et de l'est, ayant
Bandjermassin pour capitale. De même qu'à Sumatra, les fonctionnaires
hollandais n'établissent leur autorité directe que par degrés et ne substi-
tuent un nouveau régime à l'ancien qu'après avoir usé celui-ci en l'em-
ployant comme intermédiaire. Des sultans et des radjahs sont encore à
la tète des différents États, mais ])lusieurs d'entre eux, «protégés » par
une gai'uison hollandaise, n'ont qu'un vain titre et ne sont en réalité que
des pensionnaires du gouvernement. D'autres, au contraire, tels ([uc
les sultans de Pasir et de Koeteï, plus éloignés du centre de la puis-
sance étrangère, sont encore de véritables souverains, mais ils n'igno-
rent pas que les conseils des envoyés placés auprès d'eux pourraient deve-
nir des ordres, et peu l\ peu ils se changent en humbles vassaux. Même
dans les villes où les Hollandais sont depuis longtemps maîtres incontestés
et scrupuleusement obéis, c'est par l'entremise d'indigènes qu'ils aiment
à commander. Le Jmp-tJun et le Impitdn chinois, le panoeni-bahait, le
pangcran, le tomnnfjoiKj malais sont responsables des actes de leurs subor-
donnés : le résident hollandais ne se mêle pas directement des affaires
d(iin('sli(|U('s (le cluKine nation, j)i)urvu (|u'('lle se mainlieiiiic en paix et
' Cai-l Bock, Untcr (Icn Kaniiihalcn aiif ISunicu; — Iiulisclie Mcrcuiir, 7 ajuil ISS8.
BORNEO UOLLANDAIS.
ÔH
acquitte régulièrement les impôts. Quant aux Dayak de l'intéi-ieiir, ou ne
leur dcmanile que de payer la taxe de capitation, et souvent le chef qui est
tenu de la recueillir réussit à se la taire payer quatre ou cinq fois. Les
sultans afferment la vente de l'opium et la gabelle; d'après Bock, leur
revenu le plus assuré provient de l'usure : ils prêtent à leurs sujets moyen-
nant de gros intérêts et sur solides hypothèques.
Le tableau suivant donne la liste des divisions du territoire hollandais
de Bornéo, avec leur superilcie approximative et leur population probable:
DIVISION S.
PllOVINCES OU nnvM UES
SrBDIVISIOS?.
VILLES PRINCIPALES.
îi !
Sambas
Saiidias. 10 0(10 liabitanl .
• 2 j
Montradu.
Moiitiado, 1 :iOO n
"• = i
Mampawa.
•^ ■* -^
Pontianak.
Pontianak, l.'jOOO »
=--^ J
' Pontianali. . . .
Landak.
Gî = =
Tajan-Milioinv.
Sintang.
■Afd
00 1
Cil
Soekadana.
i ..-5
? s
s ""
Sud.
Knta-W'aringin ou
Kotaiingin.
^
Sampit ou Zuider-
'~
Afdeeling.
"=
Groote l't KIcine
1 =
Dajak.
•^ 1£
Doesoi^n et Bokom-
Marabahan. 10 000 habitants en 1879 (Bock).
- - 4
pai.
Negara, 10 000
z o c:
Amoeiilaï.
Amoentai. 8 000
5 O =
Bamljerniassin.
Bandjerniassin, .jSOOOen 1879 (Mi-yor, Bock).
Marlapopia.
Martapopia, 12 000 habitants.
• •? ^
TanahLaiH'l.
:§ S J
E>i.
^ rr =^
Tanah Kocsan.
T o ~
Tanah BoeiiilMio.
i o
^ ■«#
Pasii-,
Pasir, 20 000 habitants.
i. '"^
Koi'tPï.
Samarinda, 10 000 habitants on 1878 (Bock).
V
Sambilioeng.
Tangaroong, .JOOO babilants 1878 (Bockl.
^
Goenong-Tebner.
N
Boelangan.
Tidoeng.
312
iNOUVKLLE GÉOGRAI'HIK UNIVEUSELLU.
SDLTAXAT DE BRUNEl ET BOBSEO
Pendant la première moitié de ce siècle, presque toute la partie septen-
trionale de Bornéo était encore assujettie au sultan de Bruneï, alors le sou-
ci. — DniMii.
EstdePa
Lst de b^'eenwich
Dapres la cartt de IXtat-Majo
[Zj
SèiJb^es^if/ cot^i^/~ent ûeûa/û"^ €/e/0 rnètr-es
et aecout</'erfi etciu i^/e/À
veraiii le plus puissant de l'Ile (jui porte son nom. De nos j(nirs son
domaine est sin^^ulièremenl léduil. Avec pleine conscience de ne jujuvoir
résister à la demande de plus forts que lui, le sultan a cédé la plus jurande
paitie de son empire. Il a donné au gouvernement anglais l'île qui com-
mande l'entrée de son port, livré le territoire du sud à un olTicier de foi-
tune, abandonné celui du nord à une compagnie financière. Ce qui lui
reste ne pivsenle jilus guère que le quarl de son ancien domaine cl
DRINEI, LABUAN, SARAWAK. 51Ô
se trouve déjà sous la suzeraineté effective de l'Âiioleterre avant trétre
rangé officiellement au nombre des provinces britanniques.
Bruneï, la résidence du sultan, est, comme la plupart des autres villes
du littoral, une cité amphibie, mais d'aspect plus étrange encore que
Pontianak ou Bandjermassin, car les plates maisons européennes ne s'y
mêlent pas aux pittoresques constructions des Malais. Les avenues de
balraux se prolongent au loin sur le lleuve, large en cet endroit d'envi-
ron deux kilomètres, et sur les eaux de la baie se balancent les navires des
Chinois et des gens de Mindanao. On ne voit partout que l'eau ou la vase :
les demeures fixes sont des îles à marée haute. Après deux années de navi-
gation à travers les solitudes marines, les compagnons de Magalhàes,
abordant à Bruneï, furent éblouis à la vue de cette grande ville : Pigafetta
dit qu'elle contenait « vingt-cinq mille feux ». Les habitants qui restent,
soit une dizaine de milliers, sont des gens doux et timides, malheureux,
accablés par les impôts, tous esclaves du prince. Leur principale industrie
est la fabrication des ai'uies et des instruments en cuivre. Les tribus
environnantes, déjà partiellement converties à l'Islam, sont celles des
Kadyan et des Murut.
Labuan, l'île de la c< Bade », que s'est fait céder le gouvernement anglais
en 1846, quoique les Hollandais prétendissent y avoir droit, était alors
complètement inhabitée : ce n'était qu'une forêt. En l'annexant à leur
empire colonial, les Anglais espéraient lui donner une grande importance
comme station de guet entre Singapour et Hongkong, mais elle se trouve
un peu en dehors de la route directe suivie par les navires, et ses mines
de charbon de terre, exploitées avec activité pendant quelques années,
n'ont pu être défendues contre les eaux de pluie, si abondantes dans ces
régions; elles sont de formation plus ancienne que celles du reste de l'île,
qui appartiennent au jura ou même à des époques plus récentes. Quoique
pourvue d'un gouverneur et d'un conseil législatif, l'île, peuplée de Ma-
lais et de Chinois', n'avait plus que Ifl Européens en 1S84. Depuis l'inler-
ruplion (lu liavail minier, le commerce de Labuan a nolahlenient diminué'.
Le territoire de Sarawak, compris entre l'Étal de Bi'uneï et les posses
sioiis hollandaises, à l'ouest de la chaîne maîtresse, ne fait partie de l'em-
pire colonial de la Crande-Brelagne que depuis 1S(S8. Il a|)parlient à la
* Superficie : 78 liitomètivs canvs. Population : 6300 hab., soit 81 liai). |iar kilomùlre cairé.
- Mouvement total ite la rade, à l'entrée et îi la sortie, en 1881) : 52 278 tonnes.
Valeur des échanges : 409507.') fr.incs.
XIV. 40
514 NOUVELLE GEOGRAPHIE IMYERSELLE.
dynastie anglaise des Brooke, qui ont pris le litre indien de radjah et
possèdent la contrée en qualité de fief : vassaux plus puissants que leur
suzerain malais, ils ont successivement agrandi leur domaine depuis 1841 ,
et maintenant l'État de Saravvak est plus étendu, plus populeux et bien au-
trement riche que celui de Bruneï. Cependant les trois cent mille hahilanls
que l'on attribue à Sarawak' constituent une population bien faible en-
core poui- un espace de 90 000 kilomètres carrés : ce n'est pas même ti'ois
habitants par kilomètre. Un traité récent fait avec l'Angleterre assure à
celle-ci la direction des affaires intérieures de Saravvak.
De même que la plupart des autres villes du pourtour de Bornéo,
Kuching, souvent appelée Saravvak comme l'Élat dont elle est la capitale,
est située à distance de la mer sur un fleuve navigable. Les grands navires
peuvent y remontiM", quoique assez difficilement, par les deux bouches
j)rincipales d'un delta. Dominée par des coteaux boisés, entourée de jar-
dins et de vergers, la ville présente une apparence gracieuse; les
Anglais qui l'habitent regrettent cependant que la capitale n'ait pas été
placée à une trentaine de kilomètres au nord-est, sur les terrains en pente
et parfaitement salubres d'un promontoire marin, au bord de l'entrée du
(leuve dite deMoratabas. Mais il est trop tard pour déplacer une ville qui
possède de beaux édifices, des entrepôts, des marchés couverts, des chan-
tiers, tout un réseau de routes bien entretenues et de riches plantations.
Sa population, dayak, malaise et chinoise, s'accroît rapidement, par l'ex-
cédent des naissances et par l'immigration : simple village en 1850,
Kuching avait en 1884 une vingtaine de mille habitants. Des mines d'an-
limuine et de mercure, que l'on ex[)loilait avec grand profit dans la partie
supérieure du bassin, ont perdu de leur valeur, mais des mineurs chinois
y sont toujours occupés, de même qu'aux lavages d'or et de diamants et
aux houillères du Sadong. Les dislricls qui promettent le plus de jiroduits
aux planteurs sont ceux deLundu, à l'ouest de Sarawak, dans les fertiles
vallées des monts : on y cultive surtout le riz, le gambir et le ])oivrier.
Une des baies de Lundu est fameuse par ses tortues, qu'uiu' loi protège
conti'e les chasseurs : la récolte des œufs est affermée.
A l'est de Sarawak, la grande vallée du Lupar. égaleuienl 1res fer-
tile cl riche en gisements de charbon, est probablement celle qui pi'endra
le phis d'importance dans l'avenir, grâce aux communications faciles
([u'elle offre avec le bassin du Kapoeas et l'intérieur de Bornéo : sa capitale
est le gros village malais de Simangang, situé à 1.10 kilomètres de l'em-
' Kd. Ciilteaii, En Occiiiin-
SARAWAh.
315
bouchurc du fleuve, à la Ictc de la navigation. Le bassin du Rejaii<;, qui
comprend la partie septentrionale de l'État de Sarawak, fait déjà un assez
fort commerce d'exportation, surtout en sagou et en bilian ou bois de
fer, que chargent des navires chinois. Le principal entrepôt du trafic est
le port de Rejang, situé sur la branche méridionale du delta. Sibu, autre
ville malaise bâtie dans une île, à la fourche même du delta, est le grand
marché de l'intérieur et le gouvernement y a l'ail construire un fort pour
surveiller les Dayak des alentours. Une des li-ibus les plus nombi-euses du
N° G2. SAHV
1 . soo on»
c/<f /O'^efac^ ,:^c/ài.
Sarawak, dans le voisinage du sultanat de Bi'uneï, est celle des Milano,
partiellement islamisés. Ils sont laids, grossiers de formes et de démarche,
presque blancs, mais d'un « blanc laiteux et malsain », et l'habitude de
presser la moelle du palmier, pour la |)réparalion du sagou leur adonné des
pieds plais et larges. Les tètes des enfants sont aplaties au moyen de plan-
chettes comme celles des « Tètes Plates » de l'Amérique du Nord. Oiiand un
homme riche meurt chez les Milano, on coupe ses sagoutiers, aliii que sa
fortune le suive dans l'auli'e monde'.
Le commerce grandissant de Sarawak est desservi par une centaine de
navires européens, chinois, malais, et des baleaux à vapeur à service régu-
William CrockiT, l'mcfciliiKis uf llic R. (jnKiraiiliical Sucieli/, A|iiil 1S81.
516 NOUVKLLE (iÉOGRAl'UlE UNIVERSELLE.
lier vont et viennent entre Kuching' et Singapour'. Alimenté par le trafic,
le revenu de l'Étal s'accroît dans les mêmes proportions', et une partie en
est consacrée chaque année aux travaux ])ublics et à l'entretien des écoles.
D'ailleurs le radjah exerce un pouvoir absolu, nomme à son conseil qui
lui convient, Européen ou Malais, et n'est responsable de ses actes qu'eu-
vers lui-même. L'esclavage, graduellement aboli, doit prendre fin pendant
le courant d(> l'année 1888. L'armée régulière, composée d'enviion 500
soldats indigènes, recrute ses officiers dans une école civile et militain* de
150 élèves. D'autres écoles ont été fondées dans la principauté.
Les divisions territoriales de Sarawak, désignées d'après les rivières
principales qui les arrosent, sont les suivantes :Luudu, Sarawak, Sadong,
Batang Lupar. Saribas, Kalukah, Rejang, Mukah, Binlulu.
Le territoire anglais de Aorth-Borneo, ilésigné également sous le nom
de Sabah, s'est constitué par achats successifs. En 18(3Ô déjà un consul
des Etats-Unis avait obtenu du sultan de Bruneï la concession d'une partie
de celle contrée septentrionale de l'ile et fondé une compagnie, exclusive-
ment américaine, pour l'exploitation de cette immense propriété; mais les
tentatives de colonisation échouèrent, les spéculations commerciales abou-
tirent à la ruine, et une société anglaise put sans difficulté substituer
ses droits à ceux de la compagnie qui sombi'ait. De nouvelles concessions,
faites en 1S77 et en 1878, étendirent la surface des districts détachés
du pays de Bruneï et attribués à un petit groupe de capitalistes anglais:
en outre, ceux-ci se firent céder par le sultan des îles Sulu les do-
maines qu'il possédait ou revendiquait sur la grande terre. Moyennant
quelques pensions, ils ac(piirent ainsi tout un royaume et s'en firent re-
connaître et garantir la possession jtar le gouvernement anglais. Les
limites du nouvel Etat sont fixées, sur la côte occidentale, |mr le mont
Maiapok, près de la baie de Bruneï, et sur la côte orientale par le Sibuko.
De nombreux voyageurs ont été chargés jtar la compagnie d'explorer le
territoire, d'en remonter les fleuves jusqu'aux sources, d'en escalader les
cols cl les montagnes, d'en étudier toutes les ressources minières et agri-
coles, et d'indi(juer d'avance les lieux favorables à l'établissement des
diverses plantations.
Grâce à ces explorations, le Norlli-Borneo se révèle comme la région la
I MouMMiu'Ml ciiiiiiiiiMrKil lir Siiiiiwiik Cil l^iSII ; 'JIHIIMI 11(10 IV.iiics.
' lie\fnii (le l'Êlat t\v Sar.iWiik vu I8.">.i : l.'.OdlMI IVaiici-.
Il » Il CM 1883 : 1 4UU(I0I» »
SAKAWAK. MlRTlI-BORNEO. 511
plus belle, la jilus pilloresque et la plus riche en promesses de l'île entière;
mais quand les Anglais en ont pris possession, elle était l'une des moins
peuplées : à peine cent cinquante mille habitants occupaient ses plages et
les bords de ses rivières. Dans le bassin du Kina-Batangan, M. Pryer ne \il,
sur un espace parcouru de 480 kilomètres, que trois villages et une maison
isolée. La suppression des guerres intestines, la sécurité des popula-
tions riveraines, désormais à l'abri des pirates, l'introduction de la vaccine
dans les communautés indigènes, enfin l'immigration chinoise ont eu pour
conséquence un accroissement rapide des nouveaux sujets anglais, qui
d'ailleurs sont encore en grande partie des esclaves. En vertu de sa charte,
la compagnie s'est engagée à ne permettre la possession de captifs à aucun
étranger. Européen ou Chinois, mais elle n'est point tenue à supprimer
la servitude dans les tribus : ses «encouragements moraux » et l'action du
temps doivent amener peu à peu un nouvel ordre de choses. Quoi qu'il en
soif, l'état social de la contrée ne peut que se modifier promptement sous
l'inHuence des Chinois qui accourent dans les villes récemment fondées et
dirigent toutes les entreprises nouvelles. C'est à des Chinois qu'on attri-
bue l'ancienne civilisation bornéenne, dont on voit (;à et là les traces
et que signalent encore les noms du Kina-Balou et du Kina-Batangan;
c'est encore à des Chinois que sera due principalement l'ère de civilisation
qui recommence. Les Dayak de la contrée sont généralement désignés sous
les noms de Dusun et d'idaan. Une des tribus, celle des Bulé-Ilupis, qui
habile près du golfe de Sandakan, parait se distinguer de toutes les autres
par le teint presque blanc et le " profil européen )> ; on considère ces
indigènes, condamnés probablement à dispai'aîlrc, comme des représen-
tants presque purs du type insulindieii '.
Il eût semblé naturel de fonder la capitale de l'Étal soit sur un porl do
la côte occidentale, fiiisant face à la péninsule Malaise et à la Cochinchine,
soit vers l'extrémité septentrionale de Bornéo, qui s'avance vers les Phi-
lippines entre deux mers fréquentées; mais les Anglais ont préféré s'éta-
blir, vu l'excellence du port, sur une des baies de la rive nord-orieutale.
Sandakan (Elopura), la nouvelle ville, est située, du côté du noi'd, à
l'entrée d'une rade parfaitement abritée de tous les vents et se ramifiant à
plus de 50 kibmètres dans l'intérieur, entre des falaises de grès portant
des collines boisées. A marée basse, le seuil de l'entrée n'a pas moins de
8 mètres, el le long du débarcadère les navires peuvent accoster par
7 mètres de profondeur. En l'espace de hnil années, Sandakan est deve-
• .Monlauii. Biillclin de la Suciélé de Uéuyiapliie, iléc. lîJSl.
518
NOUVELLE GÉOGRAI'UIE LNl YERSELLE.
nue une ville très animée ayant plus de cinq mille hahilaiils, dont les
deux tiers Chinois'. Elle possède de grands éléments de commerce dans
son voisinage immédiat. On trouve du charbon dans les terrains en falaise
qui bordent la rade et du bois de fer dans les forêts des alentours. De
grandes plantations de tabac ont été faites de l'autre côté du port par des
concessionnaires de Sumatra, et les sagoutiers, naguère inconnus dans
cette partie de Bornéo, y prospèrent maintenant.
Par des marigots côliers le port de Sandakan communique directement
cr>. — f(MiA
E.tdeP..-,.
0 après d.vers document
-M kil
avec la bouche de Kina-Batangan, la rivière principale de }sorlh-Biirneo.que
des bateaux à vapeur remontent à une grande dislance. Le \iw\ lluvial est
le village de .Mala|>i, où ili's CliiiKiis d(''|K)sent les nids d'hirondelles
recueillis à l'ouest dans les cavernes de Goinanlon. Un de ces antres, ouverts
dans la roche calcaire, arrondit sa voûte à 275 mètres de hauteur et les
vols d'hirondelles qui s'y engouffrent, le soir, en une épaisse nuée ])assent
lUnanl trois (piarts d'heure sous l'immense porche. La vente annuelle de
ces nids comestibles rapporte 125 000 francs aux fermiers chinois. D'autres
cavernes, peu|)lres les niu>s d'hirondelles, les autres de chauves-souris, se
' Daly, Piucccdinys uf tlic R. Gcoyrapliical Sociclij, him;ir\ 1888.
SANDAKAN, BAIE DE MARlUi;. 319
rencontrent dans tous les avant-monts du nord de Bornéo, surtout aux
défilés des fleuves, mais elles sont pour la plupart mal exploitées : les nids
y sont recueillis à des intervalles inégaux, trop rapprochés ou trop dis-
tants, et l'on ne touche pas encore aux épaisses couches de guano accu-
mulées dans les salles. La vallée du Segama, qui se développe plus au
sud, parallèlement à celle du Kina-Bntangan, possède aussi dos laveries
d'or, que l'on dit 1res riches, et vois lesquelles se portent en nombre les
mineurs chinois. Une route carrossable se construit de la lade de Sanda-
kan aux mines du Segama.
Un des points vitaux de la nouvelle colonie se trouve à l'extrémité méri-
dionale de la baie de Marudu, où se jette la rivière du même nom, des-
cendue du massif de Kina-Balou. Le village de Bougon, où se concentre le
mouvement commercial de la contrée et près duquel s'étendent do vastes
plantations de tabac et do cannes à sucre, devient l'entrepôt naturel pour
tout le nord de Bornéo et pour les îles Mallawalli, Banguey, Balambangan,
qui prolongent au nord la grande terre vers les Philippines : en 1775, les
Anglais avaient déjà étal)li dans l'île de Balambangan une colonie qui dura
deux années. Un port s'ouvre à l'ouest dans la baie de Marudu : c'est le
Kudat, ignoré des marins jusqu'en 1881, mais destiné sans doute à deve-
nir un jour un lieu de rendez-vous pour les navires de l'Insulinde. Les
deux rivières doTampusuk et de Taravvan étaient fameuses autrefois comme
les repaires de pirates venus de Mindanao, les redoutables Illanos (Lanon,
Lanun), contre lesquels on dut diriger [dusieurs expéditions anglaises'.
Sur la côte occidentale, la baie de Gaya, encore plus vaste que Kudat,
offre aux navires un des meilleurs mouillages des mers chinoises :1a flotte
entière de la (îrande-Bretagne pourrait y ancrera l'aise; des gisements de
charbon, sur le littoral même, permettraient en outre aux bâtiments de
s'approvisionner de combustible. Cependant ce n'est pas au bord de cette
baie que s'est fondé l'établissement des Anglais : il se trouve à Mempa-
kol, en face do l'ib» Labuan.
Si le commerce de North-Borneo s'accroît rapidement % la cause en est
surtout aux plantations de tabac de la côte orientale : les vallées du Sagul
et du Labuk fournissent une feuille élastique et fine, des plus appré-
ciées et employée surtout poui' l'enveloppe des cigares^ Dès l'année 1887,
' ivfppL'l, Expfililion lu Buriicu of llic sliip « Diilu ».
- Mouvenu'iit cmnint'rcial de North-Borneo :
En 1881 : Importations : 805290 fr. Exportations : 727'2'20 fi-. Ensemble : 1530.510 fr.
» 1887 » 5, '500 000 » « 2855550 » » 8135.550 »
' Dalv, mémoire cité.
320 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
l'étendu;^ des ((MTaiiis cultivés en tabac dans North-Borneo comprenait
80 000 hectares, et dans l'année des spéculateurs avaient acheté pour
la même culture une autre surface de 5'2 000 hectares'. (îràce à cette aug-
mentation rapide des campagnes productives, le revenu de la compagnie
s'est notablement accru', mais sans égaler encore les dépenses occasionnées
par la prise de posssession. Les gérants de l'entreprise n'ont pas d'armée
proprement dite, seulement quelques centaines d'hommes de police recrutés
surtout parmi les Dayak d'autres parties de Bornéo. Tous les chefs de
tribus sont tenus de jurer <' obéissance à la compagnie et le payement
régulier de la taxe de capitalion jj.
L'État est divisé en quatre provinces, qui sont : Dent el Keppcl, sur /a
côte occidentale ; Alcock, au nord-esl ; East-Coast, à l'est et au sud-est.
C'est dans cette dernière province que se trouve la capitale.
JAVA ET MAUOEIIA.
Dans le monde tropical de l'iiisulinde, Java n'est par la superficie que
la qualriî'me des îles, mais elle contient à elle seule plus des deux tiers de
la population, et la valeur relative de ses productions est encore bien
plus considérable. Depuis une période d'au moins vingt siècles, Java
dépasse toutes les autres terres de l'archipel par le nombre des habitants,
l'abondance des ressources, les progrès de la civilisation. Visitée et colo-
nisée par les Hindous, elle est devenue le foyer de leur influence dans l'Di-
sulinde, désormais rattachée par la culture aux péninsules gangétiques, et
de celte époque d'initiation date pour les Javanais une prééminence
ihirable. Leuis tribus, auxquelles les missionnaires bouddhistes avaient
apporté des paroles de paix, de fraternité entre les hommes, se sont unies
en nation, entrant ainsi dans une ère historique nouvelle, où ne pouvaient
les suivre les peuplades des îles circonvoisines, restées barbares dans un
pays inculte. Sous le régime arabe, puis sous la domination hollandaise,
c'est encore la poussée des premiers éducateurs, venus de l'Inde, qui se
fait sentir dans les populations javanaises.
D'après (|uclques auteurs, le nom même sous le((ucl Java est désignée de
nos jours serai! d'origine hindoue. L'appellation de Jabadiou, coiiiiue par
* Maynp, même rccupil, March 1888.
* Revenu de l'Eliil de Norih-Rornen :
En 1881 : 1(11 Dl'l fnines. En 1888 : 7.■.:.7I.^ fi'.nnes.
liOKNEM, JAVA. 521
Ploléméo, n'est aulrc qii(^ l;i foniio viilf^iiin' de ])jav;i-(lii|)ii, '< ilc de Java »
ou « île (le KOrfic » : les immiffrants indiens auraient ainsi désif^iié l'Ile
d'après une céréale qui leur paraissail ressembler à l'orge de leur patrie' ;
c'était probablement le mil {panicum Italicnm). Toutefois d'autres étymo-
logistes cherchent l'explication du nom de Java (Djava ou Djavi) dans les
langues du pfiys. Les habitants occidentaux de l'île, ceux qui constituent
la sous-race des Soundanais, |)renaient le titre de Djelma Boemi, c'est-à-
dire '( (!ens du Sol >', et désignaient leurs voisins, dans le centre et à l'est
de l'île, par le mot de Tyang Djavi, ou i< (Jens Etrangers ). : le pays
lui-même était dit Tanah-Djavi, i< Contrée du Dehors » ou ^ Extérieure ».
Ce qui rend cette hypothèse plausible, c'est (jue d'autres terres du dehors,
notamment Sumatra etRali, portèrent aussi le nom de Djava ou Java, et
même aux origines de l'histoire moderne le continent australien est va-
guement indiqué sous l'appellation de i< Jave la Grande ». Mais à la iin
du seizième siècle, lorsque les premiers marchands hollandais établirent
leurs comptoirs dans l'île que le détroit de la Sonde sépare de Sumatra,
elle était connue, d'une extrémité à l'autre, sous le nom de Java, que nulle
autre terre de l'Insulinde ne lui disputait [)lus. C'est le Zabedj des Arabes.
D'ailleurs les termes poétiques sous lesquels on la désigne aussi sont
nombreux : celui de Noesa Kendang ou ■< Ile des (irands Monts » paraît
avoir été jadis assez communément employé.
Celte « île des Grands Monts » est maintenant presque aussi bien
connue que les contrées de l'Europe occidentale. C'est ])ar milliers que
les bibliothèques renferment les ouvrages relatifs à cette terre merveilleuse.
Elle a été étudiée à tous les points de vue; des savants de premier
ordre l'ont explorée, géologues et géographes, naturalistes et ingénieurs,
anthropologistes et historiens. La triangulation en est terminée depuis
18(S'2 et des cartes topographiques, dressées avec le ])lus grand soin,
représentent le relief de l'île dans tous ses détails. Même la descrip-
tion spéciale de chaque volcan, par coupe, plan et élévation, a été faite,
si bien que tous les changements de forme pourront être notés avec pré-
cision et que la montagne aui'a désormais ses annales comme le Vésuve
et l'Etna.
On croyait jadis que l'île de Java était entièrinnent composée de roches
volcaniques sorties des profondeurs de la mer des Indes. Il n'en est pas
ainsi : environ les trois cinquièmes de Java se composent de terrains sédi-
mentaires, plaines et montagnes, et l'île entière se continue au nord vers
* tlir. Lassen, Iiulische Atlcilliuinskiindc : — Dulaurier; — Kerii; — Velii, Java.
HV. 41
322 NOUVELLE GEOliRAI'lIlE UNIVERSELLE.
Billilon et Bornoo, au nord-ouosl vers Suinnlra, par une plaine unie que
recouvre une faillie couche d'eau marine, moindre de 100 mètres en pro-
fondeur, (juelques lies basses émerg^enl de cette plaine inoiulée : telles sont
les « Mille Iles » {Duizend Eilatulen) qui, au nord-ouest de Batavia, par-
sèment les eaux de leurs bouquets de verdure; telles sont aussi les vingt-
six lies de Karimon-Java, qui décrivent leur ronde au nord de la baie de
Semarang. L'ile de Bavvean, entourée d'écueils et dressant un cône à
600 mètres d'altitude, se distingue des autres terres de ces parages par son
origine éruptive. Plus à l'est, à peu près à la moitié de la distance qui
sépare l'extrémité orientale de Java et la côte de Bornéo, les Solombo sont
des îles basses, n'offrant, sur la plus grande terre, qu'une saillie d'une
centaine de mètres en hauteur. OuanI à l'ile Madoera, on peut la consi-
dérer comme une simple dépendance de Java, dont elle forme le prolonge-
ment nord-oriental. Le long des mers septentrionales, Java et Madoera ne
présentent guère que des terres basses se continuant sous les eaux par des
récifs et des bancs de sable; différente d'aspect, la côte méridionale est
rocheuse, abrupte et descend en mer par une chute rapide : la berge sous-
marine de toute l'insulinde plonge brusquement jusqu'aux abîmes de
l'océan Indien. L'une et l'autre côte sont découpées en baies qui s'avan-
cent assez profondément dans les terres ; cependant File présente dans
son ensemble l'aspect presque géométrique d'un long quadrilatère luju
parallèle à l'équateur, mais inclinant légèrement son axe vers le sud
dans la partie orientale. De l'ouest à l'est, du promontoire extrême dit
Java-hoofd, c'est-à-dire i< Tète de Java ", au Java's Oosthoek ou « l'ointe
orientale de Java )>, la longueur en ligne droite est de lOtio kilomètres;
mais de côte à contre-côte la distance varie lieaucoup, et précisément
vers le milieu de l'île elle se trouve réirécic à la moitié de sa largeui' nor-
male. L'ensenilile du poui'tour iiisulaiic, non compris Madoera et sans
compter les petites indenlations du littoral, est de 5550 kilomètres.
La partie occidentale de Java est en moyenne beaucoup plus élevée que la
partie orientale. Le socle des terres qui porte les cônes volcaniques ne con-
stitue un plateau que vers l'extrémité de l'ouest, dans les k régences » de
l'reang.En cette région, que Junghuhn compare aux hautes terres du pays
sumatrais des Batta, le sol se relève en un j)iédestal de (iOO à 1500 mi-Ires,
et les montagnes, rapprochées les unes des autres, sont unies par des
seuils élevés, l'entie-deux des cônes ayant été en grande [)artie comblé par
les coulées de laves et les chutes de cendres. Dans la direction de l'est la
hauteur moyenne de l'île se rapproch(^ du niveau de la mer, et vers
l'extrémité orientale les montaj-nes se dressent immédiatement au-dessus
COTES ET MONTAGNES DE JAVA.
525
de la j)lain(', inclinées d'une penle régulière de la base au sommet. Les
volcans qui se succèdent d'un bout de l'ile à l'autre ne s'alignent point en
une chaîne continue; en maints endroits ils sont séparés les uns des
autres par des espaces de 50 kilomètres : au milieu des campagnes
basses qui les entourent, ils apparaissent comme des îles dans l'étendue
des mers. Un fait remarquable, signalé par Junghuhn, est que nombre de
volcans, associés par deux, trois ou quatre, forment des chaînons distincts
dont l'axe ne se confond pas avec celui de l'île, mais au contraire le tra-
verse obliquement. Leur direction moyenne est parallèle à l'axe de Suma-
tra, tandis que, par un contraste étrange, les volcans alignés de cette der-
nière île s'orientent dans le même sens que Java. Ainsi les ci-evasses
N" Gi. l'RINCIPAUX VOLCANS IID JA
Ede-G 106°
S
l lOOOOOOO
d'où s'épanchèrent les laves se sont produites dans chaque île comme
par une sorte d'échange de forces créatrices. Quant à l'énergie des foyers
à l'œuvre sous les deux îles, elle doit être à peu près la même, car le
Semeroe de Java n'est inférieur que de quelques mètres à l'Indrapoera
ou Korintji. Dans l'ensemble, les montagnes javanaises ne le cèdent point
en élévation moyenne à celles de Sumatra; seulement le manque de ter-
rasses sous-jacentes leur donne une hauteur lelative plus grande au-
dessus de leurs bases. Java se distingue aussi de Sumatra par la rareté
de vallées longitudinales entre des arêtes parallèles, et par l'absence de
bassins lacustres encore emplis ou desséchés. Le relief du sol, offrant de
toutes parts aux eaux un libre écoulement vers la mer, ne se prêtait pas à
la formation des combes et des lacs. En ramenant toutes les saillies de
->n NOUVELLK (lÊOr.RAPIIIF; INIVEIiSELLE.
l'ilc à une hauteur moyenne, Junghulni trouve que l'altitude totale de Java
est un j)eu moindre de 500 mètres.
Parmi les volcans javanais, il en est deux qui par leur position, près de
la rive septentrionale de l'île, semblent appartenir à un système orographi-
que distinct de celui des autres montagnes éiuplives : ce sont le Karang, à
l'angle nord-occidental de Java, et le Moerio ou Moerja, dans la péninsule
qui s'avance en pleine mer de Java, à l'est du golfe de Semarang. Ces deux
massifs volcaniques sont presque insulaires : si la mer s'élevait h près de
500 mètres au-dessus du niveau actuel, le volcan de Karang serait com-
plètement isolé et séparé du reste de Java par un large bras de mer. Quant
au groupe de Moerio, il suffirait d'un abaissement de 4 ou 5 mètres dans la
hauteur du sol environnant pour que le volcan reprît sa forme insulaire,
comme il l'avait encore, d'après la tradition, dans les temps historiques.
Karang et Moerio sont entourés l'un et l'autre de nappes d'alluvions, qui
s'ap|)uient sur les pentes septentrionales de collines appartenant aux âges
tertiaires el prolongeant leurs falaises et leurs crêtes parallèlement à l'axe
del'ili'. De même, le grand alignement des volcans du sud longe le rebord
septentrional d'autres saillies de formation tertiaire, riveraines de l'océan
Indien. En réalité, suivant Junghuhn, .ftiva se composerait de deux îles
accouplées dans le sens de la longueur, mais l'île du sud est la seule qui
ne soit pas rompue par les flots. Celle du nord n'offre plus que des frag-
ments. Elle a disparu entre la province de Cheribon el celle de Japara,
où le littoral se creuse en une large échancrure: au delà un déltdil
sépai'c Madoera des campagnes javanaises. On icconnaîl néanmoins la forme
jnimilive de la terre du nord, qui se continue à l'est par une traînée de
petites îles, l'archipel de Sapoedi, puis celui de Kangean, et l'essaim
des îlots boisés de Paternoster; au sud se développe parallèlement, comme
un brise-lames, la chaîne des îles, de Bali à Nila, ipii coiilinuenl
l'alignement ])rincipal des volcans de Java. D'après Junghuhn, les deux
bornes terminales de celte île brisée du Java septenti'ional seraient : à
l'ouesl, le volcan de Krakatau, dans le déiroil de la Sonde, à l'est le
goenong Api ou >< mont du Feu )', appelé aussi Braudend eiland ou « île
Ihùlanle .>, qui dresse son cône, entouré d'une étroite plage, au nord de
l'île Welter. Les deux masses volcani([ues du nord de Java paraissent
être maintenant dans une période de repos. Le Karang et la montagne
jumelle de l'oelasari laissent seulement échapper (|uelques vapeurs sul-
fureuses, tandis que le Moerio n'a plus ni fumerolles ni solfatares. Au
nord-iuiest du Karang, une vallée, (distruée par un banc de débris volca-
iii(|ues, enfermait une mer ou (IdtutK, mai'ais que l'on a récemment vidé.
VOLCANS DE JAVA, KARANG, MOERIO, SALAK, GEDK. 525
La poinio la plus occitlonlalo de Java, dilo Java-lioofd, esl en même
temps la première saillie des hauleurs qui se continuent de l'ouest à l'est
à travers l'île entière. Le promontoire appelé d'ordinaire goenong Pajoeng
ou « mont du Parasol », à cause de ses ravins divergents, esl un cône tra-
chytique d'environ 450 mètres, séparé par un détroit d'un piton plus élevé,
poeloe Panah ou « île des Princes », qui se dresse à l'entrée méi'idionale
du passage de la Sonde. Java-hoofd est lui-même presque en dehors de la
grande terre et ne s'y rattache que par un isthme bas en grès marin d'ori-
gine récente; mais au delà une chaîne de partage entre les eaux des deux
versants s'élève par degrés et, dans le massif sédimenlaire des « Mille
Montagnes», dépasse 900 mètres d'altitude. Sous le méridien de Batavia se
montre le premier groupe de hauts volcans, atteignant 2215 mèlres par
l'un des cônes, le Salak. L'histoire n'en mentionne qu'une éruption,
en 1690 : des coulées de houes et de sables s'épanchèrent alors des
flancs (le la montagne en quantités si énormes, que des vallées en lurent
obstruées complètemiMit et que les lacs temporaires formés par ces bar-
rages s'abattirent ensuite en déluge sur les plaines inférieui-es. Le cratère
d'où sortit le fleuve de boue s'ouvre en chaudière énorme au sommet de
la montagne, mais on n'y voit plus de puits central : toutes les pentes
sont couvertes de forêts et des fumerolles ne s'échappent que du revers
occidental du Salak. Quoique l'un des volcans les moins élevés et les moins
actifs de Java, le Salak est fréquemment visité, grâce au voisinage de Ruiten-
zorg. La grande voie ferrée de l'île passe à la base orientale du moni, au
col de Tjitjoeroeg, seuil de partage ayant seulement 525 mètres d'allilude.
A l'est de ce col, un autre massif volcanique atteint une élévation bien
supérieure à celle du Salak. Le Gedé, c'est-à-dire le « Grand », qui donne
son nom au groupe entier, pointe jusqu'à 29(32 mètres et son voisin le
Mandala-Wangi le dépasse de 60 mètres. Le Gedé proprement dit a lancé
fréquemment des cendres; de son cratère ébréché, d'environ 1200 mètres
en circonférence, s'échappent encore des jets de vapeur, et du soufie se
dépose sur les parois de son enceinte; d'abondantes sources d'eau chaude
coulent des lianes de la montagne. Une étroite crête rattache le Gedé aux
parois d'un autre cratère, bien plus vaste, puisqu'il dépasse 4 kilomètres
en circonférence, du mur méridional, le Sala, à la muraille du nord, le
Panggerango. L'abîme, profond de plus de 500 mètres en moyenne,
a 12 kilomètres de tour, et de son gouffre se dresse le cône d'éruption,
qui s'appuie par un talus sui' le bord oriental du cratère et le surmonte
d'un millier de mètres. Il est revêtu de bois jusqu'à la cime et se ter-
mine par une terrasse inclinée où des filets d'eau nombreux jaillissent de
ô2fi
NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
la mousse, unis bientôt en un large ruisseau que les rhinocéros visitaient
naguère. De cette terrasse, le plus haut observatoire de toute la partie
occidentale de Java, on voit à la fois les deux mers par-dessus les mon-
tagnes et les collines des versants; tout le plan de la contrée basse, avec
ses villages, ses forêts, ses rizières, le réseau de ses routes, se déploie
dans le cercle de l'horizon. Nettement limité à l'ouest par le col de Tji-
N" 63. VOLCA.N DE GEU
ijoeroeg, le massif du (jedé se prolonge vers l'est par des avant-monts;
mais^iJi^^''i''''''t*^iil soudain à la profoiule cluse où viennent s'engouffrer
les eaux des hautes terres pour descendre au nord |)ar la rivière ou
tji Taroem vers la mer de Java.
Au sud du Gedé et des monts qui lui font cortège, les assises de foi'ma-
tion tertiaire, calcaires, argiles et grès, atteignent leur plus grande éléva-
tion. Presque partout coupées bi'usquement en falaises de deux à trois
cents mètres, ces assises, blanches et jaunâtres, dépassent même l'altitude
%
M\iHt\\\m^'
VOLCANS DE JAVA, l'ATUEllA, l'Al'AMlAJ AN. Ô29
(le '2000 nii'lres par le sominel du Bi'eii;j;-l)reiiy ; mais à ïe^l elles ilisjia-
raisseiil sous le (alus de eendres el sous les coulées de laves du l'aloeha
(2366 mètres). Une cheire énorme dont les laves se sont décomposées en
une terre des plus fertiles et portent maintenant de riches caféteries, s'est
épanchée jadis dans les plaines situées au nord, mais aucune tradition ne
raconte que le volcan se soit réveillé depuis ces temps inconnus; le cratère
d'une régularité parfaite qui s'ouvre en entonnoir à la cime du moni est
revêtu d'arbres jusqu'au fond, et le cratère extérieur, qu'emplit un « lac
d'alun », c'est-à-dire une eau saturée de soufi'e et d'alun, n'a pas une tem-
pérature supérieure à celle de l'air ambiant. Mais à quelques kilomètres au
nord-est de Patoeha, à l'origine du tji Widei, s'ouvre un ciique de boue
chaude d'où s'échappent, par des milliers d'ouveitures, des vapeurs acides,
à odeur de soufre, désagrégeant graduellement les roches des alentours.
Au-dessous de l'immense fournaise, pareille aux « furnas » des Açores, les
innombrables jets unissent en un bruit strident toutes les voix de la fon-
drière, soupirs, hoquets, sifflements, détonations, et les forêts environ-
nantes en renvoient incessamment l'écho.
A l'orient du l'atoeha, les monts volcaniques se succèdent en un grand
désordre apparent, unis les uns aux autres par des seuils élevés, enfermant
de hautes vallées d'où les torrents s'échappent par d'étroites portes pour
rejoindre les cours d'eau du versant septentrional. Un de ces volcans, le
Malabar ou « mont des Roses » {'iùi'-I mètres), n'a même plus sa forme
conique, et son vaste cratère est à peine reconnaissable ; seulement deux
sources thermales semblent indiquer un reste d'activité. Plus au sud, le
WajangCilHI mètres) a gardé sur sa j)ente occidentale une magnilique
solfatare, entourée de rochers usés et blanchis par les acides, un petit
geysir de 5 mètres, avec intermittences de deux à trois minutes, et un
ruisseau d'eaux sulfureuses et alumineuses. Bien autrement aclif, le
Papandajan ou la <( Forge » ("iO-ji mètres) contient dans le cirque ébréché
de son ancien cratère presque tous les appareils des laboratoii-es volca-
niques : « des marais sulfureux qui bouillonnent, des cônes boueux qui
soupirent, renâclent, lancent des boues et des pierres, des sources chaudes
qui jaillissent en sifdant ». Toutes les voix du volcan se mêlent en un tu-
multe assourdissant et pourtant i-ylhmé, qui fait penser à une immense
usine avec ses milliers de marteaux retentissants et ses jets stridents de
vapeur. Un ruisseau qui descetul pur et clair dans le cirque de la « Forge ».
en sort brûlant et saturé de soufre'. En 1772, le Papandajan eut une
' Vv. Juiigliuliii, uuvrjge cité.
XIV. 42
550 NOUVELLE CEOGRAPIIIE UNIVERSELLE.
terrible éruption, une des plus violentes qui aient eu lieu dans les temps
modernes. Mais à cette époque nul savant d'Europe n'avait encore pénétré
dans la contrée et les indin;ènes se contredisent dans leurs récits.
Le goenong Goentoer ou « mont Tonnerre » ("2244 mètres), situé au
nord du Papandajan et faisant partie du même groupe, est un cône latéral
(jui domine au nord-ouest le goenong Agoeng ou « Grand Mont ». Les
autres montagnes de Java sont boisées ou du moins revêtues d'herbes,
mais le Goentoer est absolument nu de la base au sommet. C'est une masse
d'un noir grisâtre, n'offrant d'autre saillie sur ses pentes que les blocs de
lave, à demi enfoncés dans les cendres. Pendant les éruptions on a vu par-
fois tout le cône de la montagne s'illuminer des scories brûlantes rejetées
par la bouche du cratère, et sur cette couche d'un rouge sombre les cou-
lées de matière fondue descendaient en fleuves d'un rouge blanc. Avec le
Lamongan, le Goentoer est le plus actif des volcans de Java. Ses éruptions,
fort dangereuses pour les plantations des alentours, les ont souvent recou-
v(mIos de cendres : c'est par centaines de mille que les cafiers ont été
détruits dans ses jours de fureur. Junghuhn évaluait en 1843 à plus de
10 millions de tonnes la quantité de sable qu'il lança en ombelle à l'alti-
tude de 5000 mètres et qui resta plus d'une demi-journée, flottant dans
l'air et obscurcissant le soleil, avant de retomber en pluie sur les cam-
pagnes des alentours. Poiirlaiil ce ir(''lail là qu'une des petites explosions
du volcan!
Le Galoengoeng (2229 mètres) ou le >< mont des Cymbales », d'après
Junghuhn, est moins actif que le Goentoer, mais ses réveils de 1822
ont été parmi les j)lus terribles de Java. Le fracas fut entendu dans
l'ile entière et un pan de la montagne entr'ouvert témoigne encore de la
violence desiruclive des forces déchaînées. Deux éruptions eurent lieu,
l'une pendant le jour, l'autre pendant la nuit, et chaque fois les pluies de
cendres et de pierres furent accompagnées d'un déluge de boues. Des
lacs enfermés dans le volcan se déversèrent dans les campagnes environ-
nantes, entraînant les terres, roulant les blocs; même des amas de fange,
lancés en fusées de la brèche, retombaient à des kilomètres de distance,
mêlés à des nappes d'eau brùlanle. Un mois après l'événement, quand on
put a[)procher des racines du moni, siu' la houe consolidée, (Ui l'econnul
que, sauf quelques îlols épargnés dans le voisinage même du volcan, en
dedans de la coui'be tracée par les jets de l'éruption, tout le pourtour du
Galoengoeng, villages, rizières, caféteries et forêts, avait été recouver!
d'une couche fangeuse d'un gris bleuâtre, ayant en certains endroits
15 mètres d'épaisseur. Toute végétation avait disparu jusqu'à la distance
VOLCANS DE JAVA, GOENTOER, GALOENGOENG. TANGKOEBAN PRAHOE. 531
(le plus de 20 kilomètres ; cent quatorze villages, qu'habitaient plus de
quatre mille personnes, avaient été recouverts par le flot de boue. Dans
la plaine s'élevaient par myi'iades de petites buttes, formées par les
blocs que le courant avait entraînés avec lui. De superbes forêts ont re-
pris possession des pentes du volcan et de ses alentours. C'est non Idin de
cette montagne, du côté de l'ouest, que se trouve le Telaga Bodas ou « Lac
Blanc », mare à laquelle les retlets d'une argile sulfureuse donnent en effet
une couleur blanchâtre, et que des jets de vapeur font bouillonner inces-
samment. Un des vallons lapprochés du lac est le fameux Padjagalan ou
<c Champ du Meurtre <>, d'où s'échappent des vapeurs mortelles. On y
trouve toujours des cadavi-es d'animaux, écureuils et autres rongeurs,
chats sauvages, des oiseaux, même des serpents (ju'étouffa l'acide carbo-
nique et dont les cadavres échappent à la putréfaction; à l'épofjue où
Junghuhn explorait la contrée, on y voyait aussi des tigres et des rhino-
céros. Mais il parait que ces émanations du sol varient notablement en
quantité, et même ])ar la nature des gaz : parfois on peut travers(>r sans
danger le Champ du Meurtre. Les autres montagnes de la contrée, telles
le Tjikoeraï (^Sl? mètres) elle Sawal (1761 mètres), sont toujours restées
en repos durant les temps historiques, et dans le chaînon de collines qui
s'abaisse par degrés vers l'est jusqu'au delta du tji Tandoewi, on ne signale
aucun phénomène d'éru[)tion.
La haute plaine de Bandong, qui limite au nord le groupe des monta-
gnes volcaniques de l'reang, et dans laquelle s'unissent les eaux du tji
Taroem, est dominée au nord par d'autres volcans qui se dirigent de l'ouest
à l'est, suivant l'axe de l'île. Le premier goenong, le Boerangrang (2058
mètres), est une masse Irachytique dont les éruptions furent antérieures à
l'histoire. Plus loin, le Tangkoeban Prahoe (2075 mètres), montre à peine
au-dessus des autres monts la longue voussure qui lui a fait donner son
nom de «Bateau Renversé » ; mais il est encore en pleine activité : l'un de
ses cratères jumeaux, qui s'ouvre dans une dépression terminale de
6 kilomètres en circonférence, est empli de petites mares bouillonnantes.
Le Tampomas (1685 mètres), qui termine la chaîne du côté de l'est, semble
éteint, si ce n'est qu'une fissure de ses roches laisse encore échapper des
gaz sulfureux : sur une arête de son cratère, dominé par le cône terminal
de débris, se voient les restes d'un autel qui date probablement des temps
antérieurs à l'Islam et devant lequel viennent encore s'agenouiller les
pèlerins.
Le goenong Tjerimaï, voisin du golfe de Cheribon, se dresse presque
isolé, à 5070 mètres d'altitude : on l'appelle aussi mont de Cheribon, d'à-
332 NOUVELLK GK OGRAPIllE lINlVEItSELLE.
près la villi^ qui s'est, bâtie près de sa base. On a vu parfois le icllet des
laves éclairer le ciel au-dessus de cette montagne et les coulées de feu des-
cendre sur ses flancs. Le cratère actuel, profond d'une centaine de mètres,
est un entonnoir d'une régularité parfaite, autour duquel passait naguère
un sentier de rhinocéros, creusé à près de 2 mètres dans l'épaisseur
du tuf. Les hirondelles nichent par milliers dans les cavernes du cra-
tère, et, d'après les naturels, ces oiseaux ne seraient autres que des salan-
ganes à nids comestibles comme celles qui tourbillonnent à l'entrée des
grottes au bord de la mer. Chaque jour les hirondelles du Tjerimai vont et
viennent entre leur gîte du cratère et la plage où elles se nourrissent
d'insectes'.
A l'est du Tjerimaï et du Sawal, mon! tei'miiial des massifs du sud,
l'ile de Java est rétrécie entre deux golfes qui s'avançaient jadis beaucoujt
plus loin dans l'intérieur des terres. La saillie maîtresse entre les deux
versants se réduit à une chaîne de rochers, qui n'atteignent pas même
100(1 mètres (le hauteur; mais à peu de distance un nouveau volcan, le
Slamat (."li^ti mèlies), se dresse dans un isolement superbe : au nord, au
sud, il s'élève de toute sa hauteur au-dessus de plaines basses doucement
inclinées vers la mer. Sa forme est des plus régulières et des forêts
sombres en recouvrent les pentes, jusqu'à 750 mètres de la cime, où com-
mencent les aiides talus de déjection. Du cratère s'échappe, avec un bruit
de cataracte, une épaisse colonne de vapeurs que le vent supérieur de
l'alniosphèi'c l'ecourlie loujouis dans la dii'crlion de l'ouesl ; (|uand une
bouffée d'air reploie les fumées, on aperçoit les parois du gouffre, bril-
lantes d'un jaune d'or. Le matin, le soir, une couche de nuages blancs,
ressemblant au champ d'un glacier, recouvre les plaines et les collines
basses qui se succèdent dans la direction de l'est; mais la vue reste libre
vers les deux mers, du nord et du sud, el dans le lointain se monti'ent
comme des îles les sommets coniques des volcans orientaux, le Uogo
iljembangan, le Prahoe, le Sindoro, le Soemhing, le Merapi.
Le volcan dont le l'rahoe ('25,57 mJ'tres) n'est (|u'une luine latéi'ale
fut probablement, à une épocpie antérieure à l'histoire, le plus haut som-
met de Java; mais des explosions enlevèrent le cône suprême et il ne reste
que les débris du pourtour, au nord le l'rahoe, à l'est le Pakoe('idjo,
au sud le Wisma : tout l'espace intermédiaire est occu]té ])ar un plateau
inégal, le Dieng, dont le nom est donné souvent à l'ensemble du massif.
Cette terrasse, où se trouve, entouré de champs de tabac, le village le plus
VOLCANS 1)K JAVA, T.IERIMAI, SLA.MAT, llJKNC,. ô.'iS
él('V('' (le l'ilc ciilirrc, csl une îles plus remarquables de Java en phéiioniènes
volcaui(|ues : houehes (réru[)(ioii, coulées de laves, lacs chauds et salures
de subslauees chimiques, solfatares, sources chaudes, ruisseaux d'eau bouil-
lante, fumerolles et mofettes. C'est sur le plateau de Dieng, creusé dans
une arèle de partage enti-e deux ruisseaux, que s'ouvre le trou d'effoudic-
ment appelé Pakaraman, Goewa Oepas ou « Vallée de la Morl>i, et décrit
par certains voyageurs' comme une plaine déserte où nul ne saurait
N" 86. DIENG.
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s'aventurer sans périr. En celte île de Java, si riche en phénomènes gran-
dioses, le Pakaraman a été signalé comme la merveille par excellence, bien
qu'il ne soit en réalité qu'un simple trou, large de quelques mètres au
fond et laissant échapper parfois un peu d'acide carbonique. La renommée
de ce point de Java provient sans doute des ti-aditions religieuses qui se
rattachent au plateau de Dieng, jadis rendez-vous des adorateurs de Siva,
le dieu de la destruction. Même sur l'arête terminale du Prahoe, non loin
du siimmcl, se voient des temples abandunnés; d'autres sanctuaires
' Ffiorsi'li, citr ilans Pennanl, (hitlincs of llic Globe: — liudilin^li, IV;;; Rotlcnhim iiiiar Juvd.
334 NOUVELLE GÉOGRAPUIE IIMVERSELLE.
sont épars en divers endroits ; on y reconnaît aussi des édiliees qui
servirent d'auberges aux pèlerins, un escalier monumental par lequel les
fidèles atteignaient le rebord du plateau, enfin un canal souterrain qui
dégageait de ses eaux une vallée marécageuse. Dans une grotte, Junghuhn
découvrit même une inscription hindoue, restée indéchiffrable. L'impor-
tance des travaux d'architecture constatés dans l'enceinte de volcans
lémoigne de la p(i|mla(ion considérable ([ui se pressait sur ces hauteurs à
répiM[ue de la civilisation sivaïte. Mais des éruptions du Pakoeôdjo,
peul-èlre aussi des invasions de convertisseurs musulmans, firent le
silence sur le plateau de Dieng; les forêts, les marécages en reprirent pos-
session, et les hommes ne s'y sont aventurés de nouveau, avec leur bétail
et leurs cultures, que depuis le commencement de ce siècle'.
Aux longues crêtes, aux cimes émoussées des volcans qui entourent le
plateau de Dieng, succèdent vers le sud les deux cônes superbes du Sin-
doro (3124 mètres) et du Soembing (3556 mètres), que les marins
voguant dans les parages de Semarang connaissent sous le nom des « Deux
Frères ». Le Sindoro surtout, c'est-à-dire le « Majestueux ><, se profile
avec une parfaite régularité de contours : c'est le plus beau des volcans
javanais; à la cime son cône est trompiépar une ligne horizontale, comme
si un glaive eût tranché la pointe du moni; de tous les côtés les laves,
sortant de l'élroit cratère terminal, se sont épanchées en nappes d'une
épaisseur constante, qui vers le nord sont entrées dans l'amphithéâtre
ébréclié du volcan Telerep et l'ont à demi remjjli, el au sud se sont heur-
tées et repliées contre les pentes plus abruptes du Soembing. Celui-ci, qui
doit probablement son nom de « Mont Fendu " à une brèche de son cra-
tère el au chaos de ses laves écroulées, est plus élevé que le Sindoro, mais
ses formes sont moins régulières. A l'ouest, au sud, à l'est, il est entouré
de vallées profondes ou de plaines basses el ne se rattache à l'ossature de
l'île que par le seuil de partage entre les Deux Frères. Entre tous les
volcans de Java, le Soembing se distingue par la régularité des sillons
extérieurs (jui layonnent en diverg(>ant du cône suprême vers la base,
séparés les uns des autres par des côtes en saillie de 80 à 100 mètres : les
érosions des eaux qui s'écoulent en torrents entre les coulées de laves ont
ainsi frangé la montagne d'une collerette de i-avins. On voit d'autant mieux
cette formation des barranques que le Soembing, comme le volcan jumeau,
a été complètement déboisé par les agriculteurs : il se montre dans sa
iiudilé. Les Deux Frères semblent presque éteints : à peine quelques jets de
' JurifiliLilin, (luvi'ajîe cilé.
VOLCANS \)E JAVA, SlMlOUO, SOEMIilNi;, MERAl'I. ô">5
vapeurs indiquent-ils un reste d'activité dans le foyer souterrain. C'est le
tône du Soembinji qui marque à peu près exactement le centre de Java :
les indigènes signalent la colline Tidar (504 mètres), située dans la plaine
orientale, à la hase du volcan, comme le « clou » qui a fixé l'île sur le
disque du monde.
Un seuil de partage peu élevé rattache le volcan Telerep à un autre moni
de laves, l'Oengaran (2048 mètres), dont les trois croupes allongées se
profilent au sud de Semarang. Ce volcan à peu près éteint, n'ayant plus
que des fumerolles et des sources thermales, est l'un des moins élevés de
Java, mais un de ceux que remarquent le plus les marins, grâce aux nuages
amoncelés qui en recouvrent presque toujours les cimes juscju'à 1000
mètres de la plaine. Un mince pédoncule de collines l'unit aux deux vol-
cans jumeaux de Merhahoe (5116 mètres) et Merapi (28(3(3 mètres), qui,
de l'autre côté de la grande vallée de Kadoe, font face aux autres monts
géminés Sindoro et Soembing. Le Merbaboe, la plus haute des deux mon-
tagnes, semble inaclif : la dernière éruption que mentionne l'histoire
locale paraît avoir eu lieu en 1500. Le travail du foyer souterrain s'est
localisé au-dessous du Merapi, le u Feu Destructeur » : il lance incessam-
ment hors de son cratère terminal un jet de vapeur blanche d'au moins
200 mètres de tour à la base, qui, saisi par le vent alizé, se replie aussitôt
dans la direction de l'occident et se déploie en arcade éclatante dans le
ciel bleu. Ainsi que le fait remarquer Junghuhn, ce reploiement oontinu
des vapeurs du Mera|)i, en partie sulfureuses, doit avoii- à la longue une
action sur les [larois du cratère : c'est du côté occidental que celles-ci sont le
[)lus rapidement désagrégées par les acides et par l'humidité; elles s'écrou-
lent plus tôt el le cratère se déplace dans le même sens. Pendant le cours des
siècles, l'orifice gagne constamment vers l'ouest, ainsi que le montrent
les rebords d'un ancien cratère délaissé du côté de l'est. (Quoique tou-
jours fumant, le Merapi n'a pas eu, pendant la période historique, d'érup-
tions aussi terribles que celles d'autres volcans de Java : il n'a guère lancé
que des cendres, parfois changées en boue par les pluies abondantes qui
tombaient en même temps; mais les longues pentes du volcan, qui des-
cendent au sud jus([u'ii la mer, entourant de leurs couches uniformes des
collines insulaires, témoignent du nombre prodigieux des explosions (|ui
se sont succédé. (juel(|ues-unes des parois trachytiques du Merapi oui une
forme columnaire ({ui les fait ressembler aux basaltes de Staffa.
A l'orient du Merapi, la rangée volcanique est complètement iulci-
rompue par la vallée alluviale que parcourt le Solo. Dans cette partie
de l'île, la saillie maîtresse est formée par les roches calcaires d'un blanc
3ô(i NouviaLP: (;i';u(;r.\1'IJIK l:.mverseli,k.
laiteux auxijiicllcs ou a duiiiu' le nom île goenoiif; Sewoe ou « Mille Moula-
fijues '1, el (|ui longent en falaises la côte méridionale île Java. Les points
les plus élevés de ce massif atteignent 600 mètres, mais la surface mame-
lonnée de la contrée est en général beaucoup moins haute. Ainsi que le
nom du pays l'indiijue, « mille » et « mille» buttes, de 50 à 60 mètres en
saillie, parsèment le plateau, séparées les unes des autres par des allées
sinueuses, ombragées des plus beaux arbres; entre les socles (jui portent les
monticules, s'ouvrent des vallons étroits et allongés, presijue partout emplis
de hautes herbes et fermés aux deux extrémités : les eaux qui s'y amas-
sent pendant la mousson pluvieuse s'échappent par des loewanij, enton-
noirs et canaux souterrains qui communiquent avec la mer. Les paysages
du goenong Sewoe, dit Junghuhn en se rappelant sans doute les collines
en pente douce et les forets de sa patrie thuringieune, « dépassent en
beauté » tous les autres sites de Java : ces avenues ombreuses, ces coteaux
aux pentes douces, ces vallons en |irairies et les raies villages entourés
de jardins forment un ensemble gracieux (jui rappelle un peu l'aspect des
pays tempérés. Du haut des parois abruptes qui lei'Uiinent les .< Mille
Montagnes » du côté de l'Océan, hautes de 60 mètres ou davantage, on voit
après les gi'aiides pluies la mer bouillonner au loin, et des eaux jaunes,
provenant des rivières sous-marines, s'épanchent sur les Ilots bleus. Ce
sont les torrents qui se sont engouffrés dans les loewang du goenong Sewoe
pour glisser à la surface des grès sous-jacents au calcaire : trouvant une
issue au fond de la mer, ils reuionleiil ;nissil('il, cl, plus légers ([ue l'eau
salée, la recouvrent sur de vastes étendues.
Au nord-<'st de cette région des Mille Montagnes, et d'un hémicycle
plus élevé d'autres collines li'oiigine sédimentaire , le goenong Lavvoe
(.5'"254 mJ'tres) se dresse en massif presijue complètement isolé; des
plaines basses l'entourent de tous les côtés et les ravins qui en échancrent
le cône, en divergeant connue les rayons d'un cercle, déversent leurs
eaux dans les affluents d'une même rivière, le Solo. Les trois dômes du
volcan, visités jadis par les adorateurs de Siva, ne sont [)oint percés de
cratères et nulle part la montagne ne s'est creusée en coupe ; mais du côté
méridional une sorte de jilateau déchiré, parsemé de blocs, creusé de
gouffres, laisse échap|ier des vapeurs de ses crevasses pi'ofoinles. Le
goenong Willis (^'t')! mèlres), (|ui succède au Lavvoe dans la rangi'c vol-
canique, mais à SO kilonièlres de dislance, n'a plus même la foiine d'un
volcan. Une explosion préhistorique a dû emporter le cône suprême, et
maintenant il ne reste qu'une longue crou|)e inégale et sans cratère;
des sources thermales et des solfatares témoignent encore de l'existence
VOLCANS DE JAVA, GOENu.NG SEWOE
d'un l'oycr souterrain. Il en csl de niùme pour le petit volcan de l'an-
dan (000 mètres), situé au nord du Willis, dans la région des plaines.
An sud de Soerahaja cl de son drila lluvial, Java est occupée dans une
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■',1 -' ■ y ''■ . - ' l'-'l'i - '. ^■- f' /'l -X '^'■- ■ '-.'
■>'J/
VL-
J'après la Carte de Sch^erbrandt.
_-_J
grande partie de sa largeur par un massif transversal d'autres monts vol-
cani(|ues. Le goenong Keloet (17.j1 mètres) ou le « Balai », le plus l'ap-
prochédu Willis, est celui (|ne les indigènes redoutent le plus. Dans la
cavité de son cratère, profonde d'au moins 200 mètres, il enferme un lac
d'eau douce, dont la contenance était évaluée en 1.S44, par Junghuhn, à
"i8
NOrvi-I.LI' (.l'ÛGRAPIlIE UNIVERSELLE.
plus (le GO millions ilc m('lres cuIjos. Lors des CTuptions, quiiml la flic-
minée du volcan s'ontc'ouvre au-dessous du lac, lan(;anl ses jets de vapeur
brûlante à travers la niasse liquide, celle-ci se change elle-même en vapeur,
s'élève en tourbillons de nuées d'où jaillissent des éclairs, puis l'etombe
PENTES 51D-0CCIUE.\TAI.ES
E t de Gr.=r,„ h
sur les pen[es en foi'uiidaliles averses, mêlées aux phiics de salilc (|iii' jum-
jette la montagne. Des lils de cendres trachyli(jues, creusés des bords du
cratère à la base du volcan, rappellent le passage de ces coulées soudaines
(jui s'abattent en déluges sur les campagnes d'en bas, « balayant » les
cultures, déracinant les arbres et rasant les villages. Kn IcSiS, les d(''l(ina-
lions régulières des gaz (|ui Iranslormaicnt le lac du cralèie en nuage et
VOLCANS l)K JAVA, KEL0I:T. TENfiGEU. SEMEliUE. ",':)
Je laii(,'aioiil contre le ciel, produisirent un tel fracas, (ju'on les enlendil
dans presque toute l'Insulinde. Dans l'île de Celèbès, les haliitanls de
Macassar, à 850 kilomètres et au vent de l'explosion, furent épouvantés de ce
qu'ils croyaient être le bruit d'une canonnade et l'on envoya des navires
en reconnaissance dans les parages voisins. Les autres volcans du massif
sont éteints ou du moins n'ont ])lus ([uc de faibles restes de leur activité
première. Le Kawi à la triple iioiiilc, iliuil la plus haute, le Boelak, atteint
"iSÔO mètres, n'a plus même de solfataiv, mais seulement une fontaine
thermale; le puissant Ardjoeno (.3555 mètres), aux cimes nombreuses
où les Sivaïtes venaient jadis offrir des sacrifices, n'en a plus qu'une seule
d'où s'échappent des vapeurs, et le I'enanggoen<ian (1050 mètres), (|ui
termine la chaîne au sud de Soerabaja, paraît complètement endormi, (le-
]ienil,inl dans l'axe même de la raufiée, à une vingtaine de kilomètres
au sud de Soerabaja, se sont élevés deux volcans de boue, d'une dizaine de
mètres en hauteur, dont les éruptions ont lieu surtout aux heures de
la marée. Une de ces buttes rejette des briques en fragments (jui ne peuvent
pi'ovenir que des construclions hindoues de l'ancienne ville de Moiljo-
l'aliil, bâtie autrefois beaucoup |)lns à l'ouest. Ces briques ont été en-
traînées par les courants d'eau au fond du golfe, maintenant cinublé
d'alluvions, où les deux volcans de boue ont pris naissance.
Un isthme n'ayant pas 500 mètres en hauteur i-ejoint le massif de l'Ar-
djoeno à un autre groupe volcani((ue, celui du Tengger et du Semeroe : la
première de ces montagnes, au nord, est celle qui a le plus large cratère
dans l'île de Java; la seconde, au sud, est le pic dominateur de l'ile et
récemment, en 1885, il s'en est épanché un courant de lave évalué à plus
de 500 000 mètres cubes, le premier lleuve de matière fondue que l'on ail
observé à Java : on croyait naguère, avec Junghuhn, que les volcans de
l'île ne rejetaient que des matières solides, cendres ou pierres. Le cône ter-
minal du Semeroe atteint 5071 mètres, tandis que le Tengger élève sa plus
haute pointe à 2724 mètres seulement ; de là sans doute son nom. (jui
signitiei'ait « Colline -> ; il apparaît aux indigènes comme le degré par lequel
lin moule au Semeroe, c'est-à-dire au mont Merou, à la » Sainte Mon-
tagne 1', car le volcan de Java est assimilé au pic de la région centrale de
l'Himalaya, ce dieu qu'ont vénéré de tout temps Hindous et Tibé-
tains. Le Tengger est d'une grande régularité, et de sa cime jaillissent, à
courts intervalles des colonnes de vaj)eurs et de cendres, noires le jour,
rouges la nuit, (|ui en accroissent la hauteur de plusieurs centaines ou
même de milliers de mètres. 11 est probable que le Tengger ne le cédait pas
autrefois au volcan du sud pour l'élévation et la majesté du cône central.
540 NOUVELLK GK OGRAPIIIK UNIVERSELLE.
Mais loiilo la partie supcrioui'o de la montagne a ilisparii; il n'en reste
pins (|ue les parois extérieures formant une énorme enceinte d'environ
2o kilomètres en cireonCérence, çà et là coupée de failles et di^ liri'ches et
s'élevanten certains endroits à oOO mètres au-dessus de la plaine intérieure,
69 TENGGEIÎ FT SKMEItOE.
^'^
^^M.LJ
qui lut jadis un cratère, (ielle plaine unie, d'une altitude nieyenne d<' |ilus
de '200U inl'Ires, est dite le Dasar (in " Merde Sahie ., et tandis (|n'niie
partie de la dépression, où les eaux séjournent [)lus longtemps ([u'ailleurs,
est une savane herbeuse, l'autre est en ('ITel une étendue de la plus line
poussière, (]ue les pluies diu'cisseni cunnue l'argile, mais (|ue la niuitidre
m
ï\à
WllllllllilÊIIÊ
VOLCANS DK .l.W.V, ISROMn, LAMdNCAN. ô4".
scVIiorosso rond monl)lc do nouveau. Dans le Dasar on se Irouve comme
en un pelil Sahara : le mirage se joue dans les couches lointaines de
l'ail' cl le moindre vent soulève des trombes qui tournoient et se pour-
suivent dans la vaste enceinte; presque tout le Dasar reste pendant l'année
une plaine morne d'un gris noirâtre. Du milieu de l'espace enfermé s'éli'-
vent quehjues monticules de salde, dont l'un, le Bromo, (ouj(Hirs fumant, a
souvent eu de terrihies ('ruptions. (/(«st la cheminée centrale du Tengger,
simple hutte posée au milieu du cratère immense et renfermant dans
sa coupe tantôt un petit lac, tantôt un foyer de lave bouillonnante. Le nom
de Bromo n'est autre que celui de Brahma. Les derniers Javanais qui
professaient la religion brahmanique s'étaient réfugiés sur les pentes du
mont Tengger et leurs descendants célèbrent encore des fêtes en l'honneur
du dieu : le grand-prètre monte au bord du cratère et jette des offrandes
de riz au Devo-Biomo ou ■< Dieu Brahma. »
(juel(|ui's observateurs oui cru remar(|uer (pi'il existe une ctM'laine
alternance dans les éruptions du Bromo et dans celles du Lamongan (II),"»?
mètres), volcan situé à un quarantaine de kilomètres i)ius à l'est, dans un
autre massif. C'est le moins élevé de Java, mais l'un des plus violents dans
ses éruptions extraordinaires et le plus rythmé dans son travail journa-
lier, qui est de lancer en fusi'cs des cendres et des vapeurs; des laves
se sont épanchées de ce mont comme des flancs du Semeroe. Un ancien
volcan, leTarob (KiliO mètres), au nord du Lamongan, est à demi caché
sous les talus grandissants de la bouche actuelle. Tout autour de la mon-
tagne, dans la solitude des grands bois, se succèdent en collier de petits
rana», anciens ci'atères ou bassins d'effondrement maintenant emplis
d'eau; l'un d'eux a plus d(( 100 mèti'es eji profondeur.
Un isthme de collines, que franchit un col à 250 mèlics d'altitude, ral-
lache le Lamongan, ducôtéde l'est, à un massif d'autres montagnes, d'ori-
gine volcanique, connu sous le nom d'Ajang et présentant des pitons
nombreux, ainsi qu'un large plateau revêtu de forêts. Un 1844, cette con-
trée montagneuse était comi)lèlement inconnue, on ne savait pas même si
un cratère s'ouvrait au milieu de ces solitudes. C'est à Junghuhn, l'infati-
gable explorateur de Java, que revient l'honneur de la découverte : au som-
met de l'Argopoera (3090 mètres), le pic le plus élevé, il se trouva au bord
d'un gouffre d'éruption, et tout à côté, sur la plus haute saillie, il aperçut
les luines d'un temple de Siva. D'autres constructions, éparses près de la
cime, expli(juent le nom kavi du volcan, la « Yille de la Montagne », et
l'un des sanctuaires, rongé par des vapeurs acides, prouve que depuis cinq
cents ans, le volcan assoupi s'est éveillé au moins une fois. Ouant au
544 NOUVELLE GÊOGRAPUIE UNIVERSELLE.
gocnong Ringgit (1250 niMres), qui s'avaiico dans la inor à rêxlrcmilé
iioi'd-oricnlale de la chaîne d'Ajang, il se repose acluellemenl comme
l'Argopoera; mais à la fin du seizième siècle il se fendit, lancanl dans
l'ail' d'énormes quanlilés de cendres : pendant trois jours le soleil lui caché
par les nuages noirs, et quand l'obscurité se dissipa, tous les villages des
alentours avaient disparu avec leurs hahilanls. Actuellement la montagne
n'a plus ni cratère, ni soll'atarcs, ni rumeidlles ou sources thermales,
mais les traces de l'éruption sont enc(U'e visibles. Tandis (jue la partie
se|)leiilri()nale du volcan, |ilongeant ses lacines dans la mer, a gardé sa
l'orme noiinale de cùne avec racines divergentes, la })artie méridionale est
c(»mpl('lement effondrée : ses ruines sont éparses comme celles d'un édi-
fice; mais de nouveaux villages ont pris la place des anciens vl la |i(ipii-
Jatioii même ignore le désastre qui fra|)pa ses ancêtres.
La rive orientale de Java, au bord du détroit de Bali, est domini'e par
des volcans comme le littoral de la pointe occidentale. Un énorme massif
terminal projette ses coulées de lave ius(|u'à ."> kilomJ'fres des récifs avan-
cés de Bali. Tout un diadème de hauts pilous enhuire un plateau circulaire
ipii fui pcul-rli'e un grand cralèi'e : au sud-ouest se dresse le Raoen (.'âr)!)
VOLCANS DE JAVA, RINT.GIT, RAOEN. ôi5
métros); au nord-ouesl se proloni;e l'aivle du Kendeng, puis au nord-esl
s'élève le Koekoesau ou la ■< Corbeille •<, landis ([u'au sud-est se pressent
le Merapi, l'Ongop-Ongop, le Ranti, le Paudil et autres sommets souvent
compris sous le nom commun de goeiiong Idjen ou i< Mont Isolé ». Les
eaux qui s'amassent sur le plateau, jadis lacustre, s'écoulent au nord par
une cluse ouverte entre le Kendeng et le Koekoesan. Le Raoen, géant su-
perbe dans celte assemblée de monts, est de tous les volcans de Java celui
qui s'est évidé le plus profondément pour laisser une issue aux va-
peurs du foyer caché. Le gouffre a l'aspect d'une énorme chaudière;
ses parois sont verticales sur les deux tiers de la hauteur et les fumées
qu'on voit s'élever dans le fond sont tellement lointaines, qu'elles a|)pa-
raissent comme un brouillard et qu'on n'entend pas même leur sifflement ;
de l'autre côté de l'immense abîme, on distingue vaguement sur la mu-
raille de cendres les saillies de quelques piliers de laves. Lors de la visite
de Junghuhn, ce formidable cratère avait environ 5000 mètres de tour et
7"20 inèlies de profondeur; mais il s'agrandissait fréquemment par la
chute de ses bords, qui se détachaient en masse, comme des rivages saldon-
neux attaqués à la base par le courant d'un fleuve. Parmi tous les autres
volcans de l'enceinte, un seul est encore actif, celui qui porte le nom de
Merapi, comme le volcan fameux du centre de Java et comme un mont
suraatrais.Un lac d'eau douce repose dans le cratère; mais, lors des érup-
tions, les vapeurs sulfureuses le soulèvent, le changent en vapeur comme
celui du Keloet, puis les nuées, chargées à la fois de sable et d'eau,
retombent sur les campagnes des alentours et les couvrent de boues l)rn-
lantes. Une de ces explosions eut lieu en 1817, entraînant les maisons et
les hommes, el diminuani |)ar d(^ nouvelles plages le détroit qui sé[)are
les deux îles de Java et Rali. Le promontoii'e en forme de massue (jui ter-
mine Java au sud-est, dans l'alignement des montagnes calcaires de la
côte méridionale, était jadis une île que des pluies de cendres ontiatta-
chée par une terre basse et marécageuse à la grande terre. Quant au pro-
montoire nord-oriental, le Baloeran (1290 mètres), c'est un volcan dont
la force s'est éteinte : un seuil de IT) mètres à peine sépare ce cône insu-
laire des coulées de l'Lljen.
Au nord, l'île de Madoera, quoi(jue assez accidentée, n'a point de mon-
tagnes, mais seulement des rochers calcaires : son plus haut r/oeiwng, le
Tamboekoe, vers l'extrémité orientale de l'île, atteint seulement 170 mètres
au-dessus du niveau de la mer. Verbeek a constaté que les formations
Iriasiques, jurassiques, crétacées manquent complètement à Madoera, de
même que dans la grande terre.
Ô4f) >OUVELLK GKOGIÎAPIIIE UNIVERSELLE.
Oiioi(|ue riHenduedes lorrains volcaniquos de Java soit Lieu iiilérieiire à
celle des formations scdimentaires, les quarante-cinij volcans de File, avec
leur cortège de pitons latéraux, leurs cheires de lave et leurs nappes de
cendres, sont les traits qui donnent à Java son aspect original : en appro-
chant de ses rivages, le regard est toujours attiré vei's ces grands monts
aux courbes gracieuses qui se montrent au-dessus des forêts de la plaine,
soit empourprés aux rayons du soleil, soit d'un bleu pâle dans l'azur plus
profond du ciel, et parfois surmontés d'une plume de vapeurs blanches se
recourbant à l'ouest sous la pression du vent et s'éclairani en rose, le
soir, comme les neiges des Alpes. A des intervalles différents, mais sur-
tout, d'après Yerbeek, pendant la dernière partie des âges tei'tiaires, tous
ces monts ont pris part à la transformation de l'île; durant la période
histoi'i(|ue, plus de vingt d'entre eux ont accompli des changements très
considérables, modifiant le profil et les contours de la contrée. Il est ceitain
(|ne ])ar l'action des volcans la géographie de l'île est devenue tout autre.
Si la migration des espèces végétales et animales ne permiH guère de douter
de l'ancienne jonction des terres entre Java, la péninsule Malaise et Bornéo,
d'autre part les faits géologiques démontrent (|ue durant les âges immé-
diatement antérieurs à la période conlem|)oraine, Java était divisée en
plusieurs îles offrant le même aspect que la traînée orientale des terres
comprises entre Bali et Nila. (le sont les volcans qui pai' leurs coulées et
surtout leurs éruptions de cendres ont le plus contribué à réunir les iVag-
ments (''pars en une seule gi'ande t(^rre. Du côté du sud, leur action a été
mininie, à cause de l'énorme profondeur de l'Océan, et ils n'ont jtu combler
i|ue d'étroites baies, l'attacher à la rive maîtresse que des îlots rapprochés;
mais dans les parages du nord ils ont notablement étendu la superficie
des terres, et nombre d'îles ont été transformées en péninsules ou même
complètement entourées de campagnes nouvelles, entraînées pour ainsi
dire loin de la mer. Il paraît d'ailleurs que Java s'élève graduellement au-
dessus de l'Océan ; en maints endroits les grèves et les bancs de corail ont
été soulevés à (), S et mémo 15 mètres '.
Par leurs torrents de vapeurs, les sables (|u'ils mêlent à leurs nuées, les
boues qu'ils font l'etomber sur les campagnes environnantes, les volcans
sont ri''i'llement des Meuves, mais ce sont les cours d'eau pioprement dits
i|ui reprennent tous les débris rejelés par les cratères ou les crevasses
et les (listiihueiil en couches régulières, les remanient en alluvions, et
leui- (Idiineul la consistance nécessaire pour résister à l'érosion d(^s eaux
' Jiin,nliiiliri. Vclli, mivrugi's eitrs : — Ed. Siicss, Ihis Aiillilz (1er Erdc.
VOLCANS, i'ij;i vi;s ni:; java. 517
111:111110. Les rivières contiiiiiiMil ainsi l'œiiviv i-ommencée dans le l'oyor
des volcans, r( c'est aussi dans les jiolfes |)en piidonds du nord que leurs
empiétements sont le plus rapides. D'ailleurs, c'est également de ce côté
que les bassins fluviaux ont la plus grande étendue, que les cours d'eati
ont le ])lus de longueui' cl la plus vaste ramure : grâce à la direction de la
moussim de l'ouest et du nord-ouest, (|ui l'emporte par l'abondance des
pluies, les rivières du versant seplenlrional sont également privih'giées
poui' la quantité proportionnelle de leur débit. Les tjl et les kali — ce
sont l(>s noms soendanais et javanais des rivières — ne sont guèiv navi-
gables (|iie dans les provinces du nurd.
\ers l'angle nord-occidental de .lava, à l'ouest et à l'est de lîatavia, les
plaines sont arrosées par des rivil'res nombreuses, trop faibles pour iMic
navigables, si ce n'est dans les terres basses où leur cours a été canalisé.
La plus considérable, le tji Taroem, (}ui nait dans la province de l'reang,
sur les pentes des volcans méridionaux, et s'échappe du plateau de Ban-
doiig jiar une cluse ouverte dans la chaîne du nord, a un cours dévelo]ipé
d'environ 2iO kilomètres, dont le tiers inférieur est navigable aux barques
d'un faible liiant d'eau. Le délia du Iji Taroem, bordé de terrains d'inoii-
dalion, s'avance au loin dans la mer à l'est du golfe de Batavia. Les
mesures précises faites dans ces parages constatent que, depuis la lin du
dix-septième siècle, l'empiétement moyen de ce littoral sur la mer est d'un
peu plus de 7 mètres par an '. Le tji Maiioek, inoins abondant que h Ta-
roem, a piiuriant formé comme lui une pointe vaseuse : c'est la saillie
qui porte le nom indien d'Indramajoe. Les bateaux remontent aussi le
canal inférieur du tji Manoek.
Le grand fleuve du versant septentrional, long de 500 kilomètres, est
\o kali Solo, appelé aussi Bengawan et Sambaja. Ses premières eaux jail-
lissent dans un vallon des « Mille Montagnes ><, à l'i ou 13 kilnmi'tres
seulement de l'océan Indien, et le ruisseau jirimitif se grossit bieiitôL d'au-
tres ruisseaux descendus des volcans Merapi et Merbaboe, ijui limitent le
bassin du côté de l'ouest. A l'est, le Koekoesan et le Lavvoe sont rayés de
ravins qui de tous les côtés descendent vers le kali Solo ou ses affluents, et
c'est au nord-est du Lavvoe (|iie le confluent des deux rivières maîtresses
transforme li^ cours d'eau en un véritable Meuve. Il lui reste pourtant à
franchir une cluse de rochers, mais au delà le kali Solo présente dans
tout son cours une profondeur suffisante pour les barques d'un fori
liraiil d'eau : il serait même accessible aux gros navires de mer s'il n'était
' Ti'oiiip; — JuM^lmliM. Vulli. uiivragcs cilùs.
5i8 NOrVELLIi GEOGRAPIIIK l M VERSELLK.
obstrué à rentrée par des bancs dont le seuil est recouvert seulement de
"2 mètres d'eau. Dans son cours navigable, le Solo coule au nord-csl, puis
à l'est, au milieu de la dépression naturelle ouverte entre les deux moitiés
parallèles de Java, et trouve une issue par la brèche du Nauw, où s'est
l'orme le détroit de Madoera. Le delta d'alluvions a j)lus qu'à moitié com-
blé cette brèche et en a diminué la profondeur: tôt ou tard le passage eût
été complètement obstrué i)ar les bancs de sable, malgré le llux de la
marée, si les eaux (jui coulaient à l'est n'avaient pas été détournées vers
le nord au moyen d'un canal rectiligne, creusé dans les leri'cs basses. Les
troubles, rejetés vers la mer, se déposent en un petit g(dle latéral. C'est
le même travail que l'on devrait faire en France pour jeter le grand Uhône
à l'ouest et protéger ainsi le golfe de Fos contre les apports fluviaux.
A l'autre extrémité du détroit de Madoera, dans le Trechter ou «Enton-
noir » proprement dit, se déverse un autre fleuve, toujours chargé de
troubles et remarquable par les grandes dimensions de son delta envahis-
sant. Ce kali est le Brantas, qui |irend également son origine très près de
l'océan Indien, au sud du volcan de Kawi : un de ses affluents naît à
2 kilomJ'lres seulement de la côte méridioiudc. Le Brantas, appelé aussi
Kediri-riviei', ne le cède dans Java qu'au seul kali Solo en abondance
d'eau; mais, si ce n'est pendant les crues, les bateaux ne le remontent
(|u'au risque d'échouei' sur les fonds de vase ou de sable. Quant aux rivières
du ver.sant méridional, il en est peu, même parmi les plus fortes, sur
lesquelles puissent se hasarder les banjues. Le kali l'rogo, dont les hauts
aflluenls viennent des deux groupes de volcans jumeaux, à l'ouest le
Siudoro et le Soembing, à l'est le Merbaboe et le Merapi, est trop rapide
pour (|u'il |)uisse servir au trans|)oil des denrées et l'on n'a pas encore
donné suite au ])rojet de l'ingénieur Stielljes, (jui consiste à le rejeter au
nord dans le bassin du Solo, afin d'en utiliser les eaux pour les arrose-
ments'et la navigation'. Le kali Serajoe, alimenté par les ruisseaux (jui
descendent d'un autre hémicycle de volcans, du Soembing au Slamat, est
navigable dans son cours inférieur; mais, |)our éviter la barre })érilleuse
de l'entrée, les bateaux doivent contourner l'estuaire à l'ouest par un
canal creusé deniain d'homme. Le iji Tandoevvi, dont les vallées supé-
rieures embrassent le massif du Sawal, reçoit même des baleaux à vapeui'
dans son estuaire qu'élargit le flot marin; le fleuve, dans son coui's infé-
rieui', s(!r|)enle en un vaste golfe transformé en marais ou rawa j)ar les
alluvioHs (|ue lui ont apportées les torrents : il ne l'cste plus de ce golfe
' S. E. W. iiiKinla \M\ Evsiii^a, Notes tnaiiiiscrilcs.
FLKl'VKS m: JAVA, SlllJl. niiANTAS. TA.MMIKWI.
349
fjiriiiic hiiic sans profoiidour, dite Sogara Aiiaknii ou " Mer des Knlanls ».
Une longue ile rocheuse, Noesa Kembaniian, située au devant de la ré|iion
liasse de l'ancien goU'e, facilite !(> travail de comblement en retenant les
alluvions des rivières, qui sur le reste du littoral sont emportées dans
N» 71. NOESA KF.MBANGA
20 l-Tl.
les aijimes (icéani(|ues. Ih'jà le Noesa Keinhaniian n'est j)lus sépai'é de la
grande Icrre (|ue j)ar un marigot vaseux. On |>eut dire (|u'il fait partie do
Java; taiulis (ju'on le voyait jadis à une certaine distance au large, il se
trouve maintenant attaché à la rive : de là sans doute son nom, qui,
d'après la plupart di^s auteurs', signifierait, non pas « île des Fleurs »
J. Cruwl'uril, liidinn Aichipelaiju : — Velli, Jatui.
550 NOUVELLE (iE (li; l{ Al'UlE L'.MVEKt^ELLi;.
cDiiiiiiL' le (liseiil les iiidiiiènes, mais u ile FloUaiile ". Il esl viai (|iie la
légeiule explique ce phénomèiie par l'interveiilion d'iiii saiiil (|iii iiieiiail
eu laisse l'île miraculeuse.
Le cliuial de Java ressemide à celui des autres terres de l'Iusuliiide occi-
deutale; il ulïre également l'alteruaucedes deux vents alizés, trausl'tirmés en
moussons et apportant tous les deux une certaine quantité de [)luie, (juoi-
(|ue la mousson de l'ouest soit plus humide en moyenne et [dus l'réfjuem-
ment accompagnée de mauvais temps. Garantie en partie des vents d'ouest
par la masse de Sumatra, Java ne re(;oil pas une part d'humidité aussi
considérahie que les plateaux de l'ile sœur; en outre, rorienlalion des
montagnes dans le sens de l'ouest à l'est modilie le régime des courants
atmosphériques : l'alizé change rrcMjuemment sa direcliim normale du
sud-esl j)our souffler du sud, perpendiculairement au rivage; de même, la
mousson « de l'ouest .. vient frapper la côte en vent du nord,el de part et
d'autre, à travers File, les courants atmosphériques se propagent dans
les avenues que leur présentent les larges brèches entre les rangées de
volcans. Les deux rives, du nord et du sud, offrent ainsi un grand con-
traste provenant de la marche des vents; les deux extrémités de l'ouest et
de l'est difièrent aussi, par suite de l'assèchement graduel du climat, à
mesure qu'on se rapproche de l'AusIialie. Ou tih^erve égalemenl des con-
trastes locaux suivant l'étendue des régions forestières et les défiiche-
menls ; mais c'est toujours le versant occidental des monts, tourné vers
la mousson " mauvaise ', (|ui reste le plus humide et au(piel s'attachent
le plus souvent les hrunies ; au-dessus de (SOI) mètres ou u'oliserve plus le
jeu allernalif des lirises de lerre el îles hrises de mer; au-dessus de
150(1 mèlres la mousson d'ouest perd de sa force; plus haut s'étend une
zone ueulie. el les cimes encore plus élevées baignent dans le courant
ri'gulirr de l'ali/i' du sud-esl. Il esl l'are (|ue plusieui's jours se passent
sans (|u'il |ileii\e sur les sommets de Java; presque clia(|ue soir a son
orage, (hi peut dire que chaipu' massif a son climat, provenant à la fois
des couililions géogTaphi(|ues et de l'action des hommes. Les moyennes
de [)luies constatées dans cent stations méléorologi((ues de Ja\a pendant
huit années établissent que la part d'humidité varie d'un peu plus de
1 mètre à |)iès de ') mètres par au '.
L'ensemble de la flore javanaise, décrite par Mi(|uel, coniprenil plus de
'.MMIIj phani'rogames, dont ."0(10 oui des noms indigènes, ce i|iii lénioigne
' Sliilmn ilc.l;iv;i(|iii ;i ivai le iiinnis <\r pliilc. .Ir IST'J :. 1 88ti : Siloohoniln (E. .Il' .liivii). l'-.lid
i: Il i|ui fil a roai le jilii^ » » Iliiilciizoi>[ (0. ili' Java), ■i"',74i
{licfUvriiHis A linanak, I fJSfS. )
CLIMAT. FLORT: DE JAVA. r.M
(l'un sens ipmaïquabli' d'oltscrvalion clicz les Javanais', (iràce à sos nom-
l)ivu\ volcans, qui so succèdeni comme des îles dans la mer, Java varie à
l'infini l'étagement de ses espèces végétales, dont les zones s'entrecroisent,
de l'été constant des pentes inférieures à l'hiver ou du moins à l'automne
des sommets. En moyenne, la zone tropicale de Java, celle où croissent les
espèces, indigènes ou importées, qui demandent une haute température
constante, ne dépasse guère 600 mètres; la plupart des palmiers ne s'élèvent
pas au-dessus de cette hauteur; cependant l'areng {borasmH gomutjia), le
zi(tlif'rbo())n des Hollandais, cet arbre si utile qui fournit aux Javanais une
boisson fermentée, du sucre, des cordages, Valap, c'est-à-dire les feuilles
pour la toiture, comme le palmier nipa des marais, enfin mille objets
d'usage journalier, se voit partout dans l'intérieur de l'ile jusqu'à l'alti-
tude de 1400 mètres. Les plus beaux arbres croissent dans la zom-
moyenne entre 000 et "2000 mètres, offrant en proportion de la hauteur
du sol une physionomie (jui se rapproche graduellement de celle des
forêts d'Europe; d'ailleurs on y rencontre aussi des espèces des genres
européens, chênes, érables, châtaigniers, à côté du Iakka (myri^tico
ini'm) et du rasamala (litjuklainhar allitHjiana), le géant des bois java-
nais de l'ouest. Dans les régions supérieures, la puissance de la végéta-
tion diminue par degrés : les fourrés se composent en majeui'e partie
d'arbustes et de plantes basses, myrtes, acacias, ronces, sureaux, chè-
vrefeuilles, et surtout de gnaphalium ligneux et d'une espèce d'éricée.
l'agapetes. Plusieurs cimes de volcans, oîi l'on ne remarque pourtant au-
cune trace d'exhalaisons gazeuses, sont complètement nues. Par amour
du merveilleux, quelques voyageurs anciens ont attribué les émanations
dangereuses de certains volcans à la présence d'arbres, tels que l'aiitylar.
dont le voisinage même donnerait la mort; toutefois cet ai'bre redouté
{(rutiiiris in.iicaria) n'est mortel que par Voepas ou poison (|ui en découle
et il se rencontre dans toutes les parties de l'île, aussi bien (|u'en d'autres
terres de l'Insulinde, où son suc est employé, comme celui de diverses
plantes vénéneuses, pour enduire les pointes des flèches et des javelots :
il tue en paralysant l'action du cœur. Après le cocotier, l'areng et les bam-
bous, un des végétaux les plus précieux de la flore endémique java-
naise est le djati, le tek des Hindous {kctonia (irandh), qui manque dans
plusieurs autres îles de l'archipel asiati(jue et dont l'aire, même à Java,
est considérablement diminuée depuis les temps historiques \ Il est rela-
Ollo Kunizo, Vm Die Erdc, Rcisebeiichle fines Nnlurforiirltrys.
i. \\ . U. Cordes, De Djali-liosschen.
352 NOUVELLK GKOGRAPHIE UNIVERSELLE.
livemcnl rare diuis les j)roviiicos occidentales : sa véiilahle pairie esl entre
le promonloii'e de Japara et Madoei'a, dans la résidence de Remhang, où il
occnpe snrloiit les parties asséchées des plaines et les premières pentes des
monts jusqu'à '250 mètres d'alliliide ; mais il en existe aussi de grandes
forêts dans toutes les parties du centre et de l'est, et des plantations en
ont été faites le long des routes et dans les terrains vagues.
De même que Sumatra cl Born(>o, .Tava possède ses animaux distincts
dans la faune générale de l'insulinde. Sur une centaine de mammifères,
cinq ou six lui appartiennent en [)ropre ; de 27(1 espèces d'oiseaux, elle
en possède 40, qui sont exclusivement javanaises. }.!ais ce qui étonne sur-
tout,c'estle manque de formes animales caractéris(i(|uesdes autres grandes
îles do la Malaisie : Java n'a point l'éléphanl, ni le lapir, ni l'orang-ouian,
mais elle a le ravissant cerf-nain, ou '< cerf-souris », minialui'e parfaite
du ceif des forêts d'Europe. Parmi ses grands mammifères, les plus
remarquables sont les rhinocéros et les bœufs sauvages; mais les pre-
miers ne se rencontrent, déjà fort rarement, (|ue dans la partie occiden-
tale de l'ile, où d'ailleurs ils semblent compli'iemeni indifférents au cli-
mat : on les voyait aussi bien sur les plus hauts sommets des volcans,
au b;)rd des cralères, que dans les forêts basses du littoral. Quant aux
tigres, ils hai)ileu[ les jongles en diverses parties de l'Ile, mais c'est prin-
cijialemenl dans les terres basses que se trouve leur zone de parcours;
en maints dislricls montagneux, les trouj)eaux de cerfs paissent sans dan-
ger dans les clairières des l'orêls. Sur d'autres plateaux, il esl vrai, les
tigres ont suivi le gibier, el l'on a remarqué (|u'ils sont toujours accom-
pagnés dans Icuis migralions par le paon. Les slalisli(jues établissent
que des centaines d'individus périssent chaque année à Java pai' la denl
des tigres : comme dans l'Inde, il arrive souvent que des fauves dont les
dénis sont usées chassent l'homme exclusivemeni ; dans la résidence de
Banlam, des villages entiers ont dû être déplacés à cause du voisinage des
tigres. Les crocodiles soni aussi fort dangereux dans certaines rivières,
mais ils font annuellement moins de victimes (|ue les tigres. Un lézard de
grandes dimensions, le tukc'i (iihiti/daclijlus (julUtlm). est ainsi nommé
d'après son ci'i, que le nouveau venu pourrait croire |iroiion('('' par une
bouche humaine '.
Les îles dépendantes de Java en diffèrent pai'tiellemenl [)ar la l'aune :
Bawean notamment constitue, par ses espèces d'animaux, un petit monde
à part; même Noesa Kembangan, qui n'est pour ainsi dire (|u'uuc pénin-
' (;. Wiii.lsnr Eiirt, The Eask'ni Sens.
FAINE, POPILATIONS DK JAVA. 555
suie javanaise, possède une roussette [pteropm aterrimus) que l'on ne
li'ouve pas à Java '.
Les indifiènes de Java n'appartiennent pas tous au même proupe natio-
nal. Les Malais proprement dits, (jui donnent leur nom à l'ensemble de la
race, ne sont représentés dans l'Ile que par des immigrants et ne possèdent
la majorité que dans une moitié de la province de Batavia, où les ont
appelés le commerce et la centralisation politique. Le reste de l'île est
occupé par des Soendanais, des Javanais, — ceux-ci de beaucouj» les plus
nombreux, — et des Madoerais. Entre ces divers groupes, qui se distin-
guent surloul par la langue, s'interposent des zones de transition où se
parlent des patois intermédiaires.
A l'exception de l'enclave malaise de Batavia et des côtes du nord, où
l'idiome javanais a prévalu, la partie occidentale de Java est habitée par les
Soendanais jusqu'à une ligne transversale, tirée du golfe de Cheribon à
l'embouchure du tji Tandoewi : le nom de Soenda, que l'on donne à cette
contrée, est d'origine fort ancienne, et c'est par erreur que les maiins par-
lent des îles et du détroit « de la Sonde » comme si cette appellation était
de provenance européenne et devait sa signification aux faibles profondeurs
(le l'eau dans les mers de Java. Les gens du Soenda ou Soendanais, les
«Hommes du Sol » ou les « Aborigènes », ont en effet, grâce à la nature
montagneuse de leur pays, mieux conservé leurs moeurs primitives que les
autres insulaires et se sont moins croisés d'éléments étrangers. Ils sont en
général plus forts physicjuement, plus grands et plus sains; mais ils sont
considérés comme relativement barbares, et quand ils se rencontrent avec
des Malais ou des Javanais, ils ont honte de leur dialecte, que l'on tient
dans les villes pour une sorte de patois. Moins développée que le javanais,
leur langue n'en diffère que peu pour le vocabulaire primitif et la syn-
taxe; mais elle renferme beaucoup moins de mots sanscrits, l'influence
des Hindous ayant été relativement faible dans leurs montagnes. Cepen-
dant les Soendanais furent également convertis au bouddhisme, et plus
tard à la religion de Mahomet; ils eurent aussi beaucoup à souffrir de
guerres d'invasion, et l'on dit que le nom même de Pieang, qui reste
aux Preanger Regentschappen ou « régences de Preang », a le sens de
« Terre d'Extermination »-. Dans la haute vallée du tji Oedjoeng, que
TL'inmiiick, Les Possessions néerlandaises dans l'Inde.
Olivier, Reisen im Niederlândischen Indien.
ïiv. 45
554 NOUVELLK (lÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
(lominent les monlnuiies (le Kêndaiig, près de l'extrémilt'' occiaenlale de
l'ile, un millier de Soendnnais, désignés sous le nom de Badoeï, — dérivé
sans doute de l'arabe badaoui ou bédouins, — praticjuent encore des céré-
monies païennes, auxquelles se mêlent quelques traces du culte de Bouddha.
Ces montagnards se distinguent de leurs voisins mahométans par une
plus grande probité et des mœurs plus sévères. Meurtres, vols, adultères
sont inconnus chez eux ; ceux d'entre les villageois qui se rendent cou-
pables de quelque méfïiit sont bannis de la commune; la culture des
rizières en terrains humides leur est interdite ])ar la tradilion. Les cheCs
des knmpong prennent le nom de « pères »; on les appelle aussi les
« Sources de la Joie ».
Les Javanais proprement dits, ([ui représentent plus des deux tiers de
la population, occupent toute la partie centrale de Java à l'est du golfe de
(llieribon ; ils peuplent en outre la côte septentrionale entre Cheribon et
le détroit de la Sonde, et le littoral du sud dans la région orientale de
l'île. A l'est du pays de Soenda, la contrée devient beaucoup plus facile-
ment accessible, grâce aux larges dépressions qui s'ouvrent entre les mas-
sifs de volcans. Aussi les immigrants étrangers, venus des autres îles de
rinsulinde, surtout du ïsiampa, dans la péninsule ludo-chinoise, et même
de l'Inde lointaine, ont-ils été nombreux dans celte partie de Java, et la
civilisation supérieure des Hindous leur donna sur la population indigène,
d'ailleurs civilisée déjà, un ascendant considérable : la langue sacrée des
Javanais, le kari, c'est-à-dire le langage « cultivé », renfei'me une très
forte proportion de termes sanscrits. D'anciens documents, des inscriptions
on! sauvé ce langage de l'oubli, et il en reste des traces nombreuses dans
le javanais, surtout en poésie; les contes de la veillée, les fragments de
poèmes, les représentations théâtrales et ces tvajang ou jeux de niarioii-
netles auxquels les insulaires de Java assistent avec tant de passion, raji-
pellent les grandes scènes de la mythologie hindoue. D'ailleurs, en pays
javanais comme en domaine soendanais, s'est maintenue une popula-
tion d'environ trois mille fugitifs sivaïles (|ui ont gardé leurs pratiques
indieunes en même temps que leur dialecte, fortement mélangé de termes
dérivés de la langue sacrée. Ce sont les « gens de Tengger », (|ui ont pris
pour l'efuge le plateau du même nom, avec sa « mer de sable » et son
cône fumant. Dans leurs longues maisons, où plusieurs familles ont leur
résidence commune, brûle une flamme sacrée, qui ne s'est point éteinte
depuis le jour où elle fut apportée des rivages de la péninsule hindoue.
Le javanais se subdivise en plusieurs dialectes provinciaux ; en outre,
chacun de ces parlers locaux, de même (|ue le soendanais, comprend deux
JAVANAIS.
-.05
langues, la « haule » et la « basse », le krotno el le mjoko, fjue tous doi-
vent employer, la première quand ils s'adressent à des supérieurs ou à des
égaux cérémonieusement traités, la seconde quand ils s'entretiennent avec
des inférieurs ou des amis. Le langage noble n'est point, comme on pour-
rait le croire, celui que l'on parle spécialement dans l'entourage des prin-
ces : au contraire, les pauvres, obligés de témoigner leur soumission en-
vers tous, parlent d'ordinaire le kromo d'une façon beaucoup plus élégante
que les nobles, habitués à se servir avec leurs gens du langage « bas », le
« parler du tutoiement ». D'ailleurs, les différences entre les deux dia-
lectes ne sont pas de simples formes; elles s(int piofondes : il faul ciii-
N" 72. rOPrLVTIOX? DE JAVA.
= 1^5^'
Est d- Pa,
SuL'udauais. Mal.nis. Javanais. Maducrais. Tcnfrfrorais
Le croisement des grisés iiidique le mélange des langues.
[doyer d'autres termes, d'autres tournures de phrases, modifier les dési-
nences de mots quand on ne peut en trouver de différents; même les noms
des villes changent suivant la personne à lacjuelle on parle'. Il existerait
même une troisième langue, à peu ])rès intermédiaire aux deux autres,
le madyo, dont on se sert dans l'intimité.
Le dialecte de l'ile de Madoera est assez différent du javanais pour qu'on
le considère comme un langage à part, et généi'alement on le parle d'une
voix traînante qui lui donne un caractère spécial. Tandis que l'idiome
javanais empiète graduellement à l'ouest sur le soendanais, en vertu de la
civilisation supérieure de ceux (|ui l'emploient, c'est le madoerais qui
l'ompoile dans la |)arlie oricnlalc de File, gri'ice au mouvement rapide
' Crawfurd, llislonj uf ihr liidi/iii Airliipclayu i — Kcrii ; v:m iloi' Tiiiik; Velli, ilc.
556 NOUVELLE GÉOGHAI'lllE L M VEIiSELLE.
d'immij^ralion qui entraîne les entreprenants Madoerais sur la grande
terre voisine '.Ils ont la majorité numérique dans les deux provinces de
Besoeki et de Probolingo; ils luttent en égaux dans celle de Pasoeroean,
et s'accroissent rapidement autour de Soerabaja. Les trois langues, soen-
danaise, javanaise, madoeraise, s'écrivent en caractères dérivés du deva-
nagari de l'Inde.
Physiquement, les Javanais ont des formes gracieuses et des traits
délicats. On ne voit parmi eux qu'un petit nombre d'individus de haute
taille; mais, qu'ils soient de moyenne ou de faible stature, ils sont presque
toujours sveltes et élancés. Plus encore que chez les autres Malais, les di-
verses parties du squelette présentent un bel é(juilibre; mais chez les
femmes les os sont d'une extrême gracilité \ La couleur de la peau varie
du jaune pâle à l'olivâtre foncé, suivant le genre de vie des indigènes, la
nourriture et le lieu de séjour : la nuance la plus appréciée, chez la femme
surtout, est celle où l'on voit briller comme un retlet d'or. Le nez est jteu
saillant, sans être épaté; la bouche est forte, sans être lippue; les yeux sont
larges et bien ouverts; la figure, ronde, [)résente un ensemble de physio-
nomie bienveillant et poli, souvent triste, suppliant ou résigné. Les princes
portent la moustache à la manière hindoue.
Les Javanais sont les plus doux des hommes, quoi(|u'il ne uiaiMiue pas
d'auteurs qui les accusent d'être fanatiques, perfides, rancuniers, vindica-
tifs : mais il est facile de se laisser entraîner à médire des faibles. Habitant
une conirée dont le climat permet la culture de toutes les plantes nourri-
cières et dont le sol n'est dépassé en fécondité par aucun autre, le Javanais
n'a pas eu de peine à devenir agriculteur et longtemps la cueillette des fruits
avait suffi pour le nourrir. Si rapide (|ue fût l'accroissement de la pojiula-
tion, les produits étaient toujours en surabondance dans ce pays où l'indi-
gène Innive facilement ses trois repas de riz par jour, avec du |)oisson et
un peu de viande de buffle, moyennant un travail de quebjues heures, et
où l'on n'a besoin ni de maison, ni de vêlements, ni de chauffage"'. Le
Javanais a donc |)ris naturellement les maîurs pacifioues de l'agi^iculleur
' l'o|iiil;iliijii jii'dliable de Java en 1888, suivant les langues :
De langue javanaise 10 (100 000 haliilants.
)) soendanaise 2 500 000 »
I) madoeraise 2 000 000 n
» malaise 1 000 000 »
D'autres langues ÔOO 000 »
Ensemble ... 25 000 000 habitants.
- Von Scherzcr, Novarn-E.rpedilion .
' Van Uoëvell, Reis ovcrJnvn, Maditin en Buti ; — S E. \V. Iluoida van Ejsinga, l'hiiuaopliie
Positive, septenibie. oetobre 1882.
JAVA. l'eMPEKECB ET L IMPLKAIIUCE DE SUEKAKARIA.
Gravure Je Thirial, d après une photographie communiquée par M. Cotlea».
JAVANAIS. 359
et la cohésion communale entre paysans du même district est devenue
très forte là où la culture dominante est celle des rizières, qui demande
un labeur collectif. Mais si la terre généreuse et les conditions du travail
semblaient préparer les Javanais à une existence douce et facile, les impo-
sanls phénomènes de la nature devaient d'autre part les disposer à la
crainte. Les orages de Java sont terribles et les statistiques annuelles
pailcnl (le centaines d'individus frappés chaque année par la foudre, de
villages incendiés, de maisons détruites. Les fumées, noires de cendres,
qu'on voit s'élever au sommet des volcans, paraissent plus redoutables
encore (}ue les nuages cuivrés d'oîi s'élance l'éclair et souvent en quelques
heures des populations entières ontdisparu avec villages et moissons. A ces
terribles dangers éventuels des orages, des inondations, des explosions vol-
caniques se joint pour le paysan la peur d'être saisi par les fauves, qui
rôdent autour des maisons et des vergers.
Mais c'est de l'homme surtout que vient le péi'il pour l'homme. On
ignore l'histoire ancienne de Java, depuis les âges de pierre, révélés comme
en Europe par des armes et des instruments en silex; mais on sait que
pendant les vingt derniers siècles les habitants de l'ile ont toujours eu des
maîtres. Les seules tribus qui aient pu maintenir pour un temps leur indé-
pendance sont celles que de grandes forêts, des pentes abruptes ou même,
des enceintes de cratère protégeaient contre l'attaque. Les agriculteurs
des plaines, épars dans un territoire qui ne présentait guère de défenses
naturelles, si ce n'est des bois et des marécages faciles à tourner, restaient
exposés à toutes les invasions, et partout des maîtres étrangers vinrent
leur imposer la servitude. La forme même de Java, long parallélogramme
divisé en avenues transversales par les chaînes de volcans, empêchait la
naissance d'un peuple offrant une certaine cohésion politique et capable
d'une résistance durable. Aux origines de l'histoire insulindienne, des
convertisseurs hindous, venus probablement par la voie de la Barmanie,
de Siam et du Tsiampa, étaient à l'œuvre dans l'ile de Java, convertis-
sant les indigènes au brahmanisme : au commencement du cinquième
siècle, lors du voyage du pèlerin bouddhiste Fa-hian, la religion des
brahmanes dominait dans l'île. Plus tard elle fut remplacée presque par-
tout par les pratiques du bouddhisme; cependant le culte qui s'est main-
tenu encore çà et là autour des volcans rappelle les traditions du sivaïsme.
De nombreux royaumes hindous, dont l'histoire et les légendes donnent
les noms et qui ont laissé sur le sol les ruines de leurs capitales ou de
leurs temples, se constituèrent successivement, surtout dans la partie cen-
trale et vers l'extrémité orientale de l'île.
ÔGO NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Pendant la période de l'influence hindoue, l'Insulindo presque entière
se trouva même par deux fois, au treizième et au quinzième siècle, réunie
sous le pouvoir d'un seul maître. Mais déjà les Arabes musulmans dispu-
taient aux dynasties hindoues la domination de l'ile : en 1478, ils rasaient
la capitale de l'empire de Modjo-Pahit, située non loin de la ville actuelle de
Soerabaja, et pendant les deux ou trois générations suivantes ils firent dispa-
raître successivement les petites principautés hindoues qui s'étaient encore
maintenues'. Mais à leur tour ces conquérants furent bientôt remplacés
par d'autres. Si les Portugais, trop faibles pour conquérir la contrée, se
bornèrent à fonder quelques comptoirs sur la côte et à prendre part comme
aventuriers aux guerres intestines de Java, les Hollandais, qui parurent
en 1596, se sentirent en peu d'années assez puissants pour s'établir en
maîtres sur le sol. En 1619, ils fondaient le fort de Batavia, centre de la
domination qui depuis s'est étendue de proche en proche sur le reste de
l'île et sur l'archipel de l'Indonésie. Quoique des insurrections locales aient
eu lieu, et (|ue même une guerre de succession ait ébranlé le ])Ouvoir
hollandais de 1825 à 1850, cependant on peut dire que, dans l'ensemble,
les Javanais n'ont pas d'égaux parmi les nations pour l'obéissance et la
résignation. On cite même des exemples de malheureux qui, sur l'ordre
-des chefs, se laissaient condamner à leur place aux travaux forcés. Il est
étonnant qu'un peuple si docile, se pliant à l'asservissement comme l'a fait
le peuple javanais, ait pourtant consei'vé tant de vertus, la douceur, l'es-
prit de justice, la probité. Sur les côtes, il se trouve le plus en contact avec
les étrangers et c'est là aussi qu'il est le plus mêlé d'éléments de corrup-
tion et de pei-fidie. On dit (jue les femmes javanaises, non abruties par la
corvée, ont en général plus d'énergie, d'intelligence et de fierté que les
hommes.
On a l'habitude de signaler le rapide accroissement de la population
javanaise comme un témoignage en faveur de sa prospérité matérielle et
morale. Le doublement des familles dans l'espace d'une génération, tel est
le lait (]ue l'on invoque poui' vanter la domination étrangère comme un
régime bienfaisant entre tous. Il est certain que, si l'augmentation numé-
ri(|ue d'un peuple était une preuve de bonheur, les Javanais seraient jjarmi
les plus heureux des hommes ; car dans l'espace d'un siècle, alors que la
population de la France s'accroissait d'un tiers, les indigènes de Java, sans
tenir compte des Chinois et des blancs immigrés, décuplaient en nombre
par le seul fait de l'excédent des naissances sur les décès. En 1781), à la
' llr^\vfiir(L lUstoiii of tlii- liidian Anliipi'liHjn; — Yctli. Java.
JAVANAIS, ACCROISSEMENT DE LA POPULATION.
3G1
suite de « guerres sans cesse renaissantes qui avaient enlevé la nioitii' de
la population et fait de cette île si riche et si belle un théâtre de cruauté et
d'oppression ' », les Javanais étaient un peu plus de 2 millions; en 1888,
ils sont au moins 25 millions, et chaque année trois à quatre cent mille
individus, parfois même plus d'un demi-million d'hommes, s'ajoutent aux
liahilants pressés dans les campagnes de Java. Déjà la densité de la po-
pulation javanaise est de beaucoup supérieure à celle de la Hollande, et
même est bien près d'égaler celle de la Belgique; peut-être même la
dépasse-t-elle, car les communautés agricoles, sachant parfoitement que
le cens est fait dans l'intérêt du fisc, ne se prêtent point à faciliter le tra-
vail des recenseurs. Et puisque les deux tiers du sol javanais sont encore
N° 7.-,. ACCROISSEMENT DE L.V POPULATION UE JAVA, COMPAIiÉE A CELLE DE LV ll»l.r,AMlE.
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i8E0 1830
18-10
1850 1860
1870
:S80
inciilles, rien n'empêche que le nombre des habitants ne triple encore
(piand l'île entière sera défrichée.
Cependant des reflux partiels ont eu lieu dans cette marée montante de
vies humaines. En 1880, une famine, suivie de tout un cortège de mala-
dies, réduisit de 108 000 habitants, soit plus du cinquième, la population
de la province de Bantam, à l'extrémité occidentale de Java. En 1818, plu-
sieurs districts de la province de Semarang furent aussi partiellement
dépeuplés par la famine : on vit alors des mères vendre leurs enfants pour
([uel(|nes florins, et même les donner, afin de les arracher à la mori ; dans
sept provinces du centre, de Cheribon à Madioen, la population diminua
de 554 000 personnes en quatre années*. Mais après les périodes de disette
les familles croissent de nouveau, bientôt les vides sont comblés et au
delà. Les paysans javarîais ne redoutent point, comme les petits proprié-
' Slavniiniis, l'oi/rtf/c h Bat(n<in.
' W. R. Iliic'vi'll en W. Bosc-li, De vrije Arbcid ofJnvn; — S. E. W. Roorda van Eysinga, mé-
iMoiic cilé.
XIV. 46
362 NOUVELLE GÉOGRAPllIE UNIVERSELLE.
Iniros français, d'avoir une trop nombreuse famille à lancer dans le monde.
iJéjiourvus de loule amliilion, aussi lùcn pour leurs enfants que pour
eux-mêmes, ils ne rêvent point pour les leui's une existence qui les élève
au-dessus de la pauvreté héréditaire. Résignés d'avance au sort de leurs
fils, ils leur enseignent par l'exemple à vivre de peu et sans espérance.
Un certain nombre de Javanais émigrent vers Bornéo, Sumatra et
autres îles de l'archipel, mais l'immigration des étrangers l'emporte de
beaucoup sur l'émigration. Parmi ces gens du dehors, les Chinois sont
les plus nombreux : ils dépassent deux cent vingt mille. Il est vrai que
la plupai't sont des Pernakan, c'est-à-dire des Chinois natifs de Java,
ayant pour mères des femmes indigènes. C'est par l'excédent des naissances
sur les décès, et moins par l'immigration, que s'accroît la population chi-
noise; mais le mélange des sangs ne modifie le type du père ou de l'aïeul
qu'avec lenteur, et même après ])lusieurs croisements successifs, de gé-
néralioii en généralion, on iccoiiiiail le descendant des Chinois sous le
S(//'o/w/ javanais. Leurs enfants reçoivent une éducation chinoise d'institu-
teurs venus de Chine ou même y ayant passé leurs examens. Ils ne se fou!
jamais domesli(jues comme dans les autres colonies; ils veulent sans doute
évitei- d'être associés à ces Javanais qu'ils méprisent; ils évitent aussi les
Juifs, leurs rivaux dans le maniement de l'or'. En général, les « Enfants
de Han » sont fort redoutés des autres habitants de Java : intermédiaires
de commerce, entrepreneurs, fermiers de monopoles, prêteurs sur gages,
coiilrebandiers et marchands d'opium, ils prélèvent la meilleure pari
des bénéfices sur toutes les transactions; par les crédits et les avances
de fonds, ils accaparent les récoltes et les héritages : en arrivant, ils se
font humbles, et bientôt ils sont les maîtres; « ils s'épanouissent comme
le lotus ». En ISlSj, leurs propriétés à Java représentaient une valeur de
"2X0 millions de francs '. Les Européens voient en eux des concurrents
pour le grand trafic, et cependant ils doivent les utiliser pour mettre à
profit leur connaissance des hommes et des choses. De son côté, le gouver-
Mcinrnt hollandais, tout en les tenant en suspicion à cause de leui' iudé-
|)cndatice di' caractère, de leur esprit de solidarité nationale, de leurs con-
cilialiulcs occultes, ne peut que s'adresser .à eux pour une foule d'emijlois
(|iii dcinandcnt de la légularité et de la minutie. Aussi l'interdiction com-
pli'lc (le l'iiumigraliou chinoise, ordonnée en 1857, fut-elle levée (juel(|ues
années a|ir('s; mais l'entrée de l'île resta difficile aux <' Fils de l'Em-
' (). Kiiii/i', Uni (lie El (h'.
- Efiiifii- opiiicrlJiKii-ii l'ii hrscliiiiiwiinicii iii'cr dcii Ti)est(iii(l in IScdcrliiiiiIsrli Oiixl-liidir, ilniti
l'en mut H(iofil-iimhtciiiiiii\
HAIUTAMS DE JAVA, LUI.NUIS. ARABES. ELRUI'ÉE.NS. 565
piri" Flt'iiri ;> : droits de débarquement et de séjour, taxes de capitation,
passeports, choix de garants responsables, impôts spéciaux sur cha(|a('
industrie, retardaient l'invasion; encore maintenant ils sont frappés par
un impôt spécial sur le revenu. Aussi, et quoi qu'on en dise, leur accrois-
sement est-il moindre que celui des indigènes '.
Moins nombreux que les Chinois, les Arabes uni tni jirujiortidii une
influence supérieure, grâce à leur religion : appartenant à la race élue,
ayant pour eux les souvenirs de l'ancienne domination, ils sont considérés
par les Javanais comme ayant une sorte de sainteté, surtout ceux d'entre
eux qui ont fait le voyage de la Mecque. Cependant ils ont les mêmes
industries que les Chinois et vivent aussi aux dépens des agriculteurs
javanais comme intermédiaires du traiic. ^'aguère les Arabes (!<• .lava
é'Iaient presque tous les descendants plus ou moins mélangés des
anciens maîtres du pays; mais pendant le cours de ce siècle d'autres
Arabes se sont dirigés vers les cités commerçantes de Java : ce sont les im-
migrants de Hadramaut : en 1885 ils étaient déjà près de onze mille, cl
leur nombre s'accroît, grâce aux facilités de communication qu'ullieut
les bateaux à vapeur. S'occupant surtout de la vente de marchandises euro-
péennes, les Arabes de Java se tiennent encore à part des autres habitants
et dans la famille gardent précieusement le trésor de leur langue; cepen-
ihnil tous les hommes parlent malais. Malgré l'insuffisance des écoles,
t(tu^> savent lire et écrire, et quelques-uns même sont de véritables érudils
dans les questions de théologie musulmane, de jurisprudence ou de gram-
maire. Très sobres, très dévoués à leur famille et à leur clan, très respec-
tueux des parents et des coutumes, les Arabes de .lava sont pour la plupart
arrivés à la fortune et recherchent la fiiveur du gouvernement hollandais,
liiut en évitant de s'attirer la haine des indigènes*.
tjuaiit à la population européenne, même en y comprenant ceux qui sonl
« assimilés aux Européens >• [uir leur ioni-tiun nu Irur ciillr. rllc c^t ilc
quatre à cintj fois moindre que la colonie chinoise, cl quatre ccul Ircnlc
fois inférieure à la foule des indigènes. Les maîtres étrangers dispai-ais-
sent, pour ainsi dire, dans la mer d'hommes qui les entoure. Et même si
l'on devait tenir compte strictement de la couleur, comme les préjugés de
race obligent encore les statisticiens à le faire aux Elats-lnis, le nombre
Accroissement de la population à Java et Madoera en 50 ans, de 1857 à 1880 :
Population totale en 1857 : 11 l'iiBIi luibilants^; Chinois : 158550
.. ., 188G : yi'J07259 i. » 225573
Accroissement en 50 ans : 08 p. 100 " 65 p. 100
Van den berg. Le Hadhramout el les eoloiiies anihes ildits l'unliipet Indien.
364 NUUVELLE GEOGUAl'UlE UNIVEKSELLE.
des « Européens /> de Java serait moins élevé; une lorle jiropoilioii des
femmes appartenant aux familles des hhines sont en réalité de sang mêlé.
Les employés qui se sont étalilis dans le pays et qui se sont unis à des
femmes indigènes sont tenus d'élever leurs filles avec soin ; parfois même,
lorsqu'ils viennent à manquer à leur famille, le gouvernement local se
charge à leur place de l'éducation des métisses, destinées à devenir un
jour les épouses d'Européens. Dès la deuxième génération, ces nanna,
— ainsi qu'on les nomme à Java, — sont consiilérées comme ajiparle-
uant à la race blanche, quels que soient d'ailleurs chez elles les indices
persistants de la race javanaise'. Les hommes de sang mêlé, que l'on
a[)pelle avec une nuance de mépris signa ou liplap, mais pour lesquels on
ne sent nullement cette aversion qu'ont les Américains à l'égard des mu-
lâtres', sont également sous la lulelle du gouvernemeni, qui leur donne
pour emplois spéciaux les fonctions d'écrivains, de clercs, d'arpenteurs,
de bas commis dans les administrations publiques. On dit que ces métis,
inlelligents, mais paresseux, mous et très vaniteux, sont peu féconds, et
que leius familles s'éteignent après un petit nombre de générations; mais
la vérilé est qu'ils se mêlent peu à peu au reste des habilanls. (j'est avec
ces métis que se sont fondus les rares descendants des l'orlugais venus
au seizième siècle.
L'inunigration des Européens était autrefois très découragée par les hauts
fonctionnaires de l'Insulinde, qui ne voyaient dans les immenses posses-
sions néerlandaises qu'un fief à exploiter au profit de l'État et nullement
unecolonie ouverte aux hommes d'initiative. D'après le décret de 1818, (|ui
resta longtemps en vigueur, nul Européen, Néerlandais ou étranger, pas
même un ancien fonctioniuiire ou un officier retraité, n'avait le droit de
pi'cndre résidence à Batavia ou dans une autre ville de Java sans autorisa-
lion [)ersonnelledu gouverneur général ; après avoir obtenu ce permis, nul
ne pouvait s'éloigner de sa résidence à plus de 7 ou 1(3 kilomètres, sui-
vant les villes; une fois désigné, le lieu de séjour ne devait pas être
changé sans l'assentiment du gouverneur, et le porteur de tout passeport
avait à suivre strictement son itinéraire : un écart de 3 kilomètres le ren-
dait passible des rigueurs de la loi. Désoi-mais l'accès de l'Ile ii'esl plus inlcr-
dil,et les employés, les soldats, (juelques négocianis favurisés ne sont plus
les seuls à visiter la merveilleuse terre; des ingénieurs, des agronomes,
même des artisans s'y présentent aussi, mais rarement pour s'y établir à
' Wernicli, Gcoçiritphisch-Medicinische Sliidieti.
- Douwes Dekker (Mullatuli), Max Haveluar.
KUKOl'EENS A JAVA. 305
demeure. Les Eui'opéeiis qui vont dans l'insulinde le l'onl [)resque tous
dans l'espoir de revoir la patrie, Java ne méritant plus comme autrefois le
nom de « cimetière des blancs » : la mortalité annuelle des Mancs est
peut-être dix ibis moins forte qu'au siècle dernier'. Les maladies (|ui les
décimaient jadis sont beaucoup mieux connues et combattues d'une ma-
nière plus énergicjue; les immigranis hollandais ont appris h. vivre comme
les gens de Java et les règles de l'hygiène sont observées avec plus de soin ;
les emplacements des demeures sont choisis dans les endroits salubres, et
des stations de villégiature et de guérison, situées à diverses altitudes, per-
mettent de graduer les climats pour les valétudinaires et les convalescents.
A quelques kilomètres des plaines à l'atmosphère étouffante, on retrouve
l'air vif de la patrie. Néanmoins la mortalité des Européens à Java est
encore très élevée, et les maladies, surtout le l)eri-beri, que l'on croit être
une fièvre d'anémie, sévissent parfois d'une manière terrible sur les sol-
dats de toute nationalité qui composent l'armée coloniale de la Hollande.
Les immigranis ont également à craindre l'amoindrissement de leur éner-
gie morale; ils perdent de leur vivacité et de leur force d'initiative.
Ne pouvant imposer par le nombre, les Européens ont dû, comme leurs
prédécesseurs hindous ou musulmans, mettre leurs soins à maintenir les
populations dans l'obéissance par une sorte de terreur religieuse. Tenus
envers leurs maîtres à des témoignages de respect qui ressemblent à l'ado-
ration, les Javanais finissent en effet par les adorer, par les craindre et les
implorer comme les dispensateurs de la vie et de la mort. Sur les routes,
tous se prosternaient naguère au passage de la voiture d'un blanc, même
à 150 mètres de distance ; ceux qui portaient un parasol s'empressaient
de le fermer, restant exposés à l'ardeur du soleil, et se tenaient le dos
tourné, se gardant bien d'élever leur humble regard jusqu'à la figure du
maître : devant le blanc la foule observe un silence religieux. Le Javanais
qui recevait une lettre en présence d'un Européen ne manquait jamais de
la remettre à son voisin, qui la lisait avant lui'. La règle première pour
tous les blancs de Java est d'assurer le prestige de la race, en marquant
les distances (pii doivent séparer les naturels et leurs dominateurs, les
nobles Orang-Pouli. Dans les colonies, il était naguère interdit aux Eui'o-
péens d'occuper une condition servile, même de s'engager comme cochei's
' Décès des Eurojjéons à Batavia, d'après van Lecnl :
En 1730 1 décès sur 2,02 résidents.
182.5 1 » 8,31 »
l8.-)0 1 » 20 1)
^ \V. li. (lAlmeida, Lifi- in Javu.
3«6 NOUVELLK CKOlilUPUlE UNlVERSELLi;.
cm jaidiiiicrs. Ou'un olficier, qu'un soldat blanc soient condamnes à une
peine inl'aniante j)our une cause quelconque, ils sont aussitôt renvoyés en
Hollande pour y subir leur châtiment, qui doit rester ignoré des naliCs, et
ne pas nuire au respect que ceux-ci gardent pour leurs maîtres. C'est en
vertu du même principe qu'avant l'année 1864 il était interdit aux Java-
nais d'apprendre la langue hollandaise et d'envoyer leurs enfants dans
les écoles des blancs : l'èlre inférieur ne devait pas s'élever jus(|u'à la
compréhension de l'idiome du maître. Il est vrai (|ue les Malais, considérés
comme élant de race moins basse, avaient l'aulorisalion d'a|)prendre le
hollandais, car il importail aux conquérants de faire des catégories dis-
tinctes et hostiles parmi leurs sujets; — mais les fonctionnaires n'eussent
pas toléré que le serviteur leur adressât la parole dans la langue noble :
chez eux on parle le malais et ils le parlent eux-mêmes, le pur idiome
néerlandais ne devant point se souiller au contact d'oreilles piofanes, qui
d'ailleurs arrivent facilement à le comprendre. Le malais, langue franque
de rinsulinde, est le dialecte officiel pour toutes les affaires de l'adminis-
tration et de la justice. Naguère il était toujours ligure en caractères arabes;
l'usage se répand de plus en plus de l'écrire et même de l'imprimer en
lettres latines.
(Juoique entourés de nombreux serviteurs, que du reste ils traitent
d'ordinaire avec une grande bonté, les maîtres hollandais restent ainsi
co'mme dans un monde su])érieur, séparés de la foule. Ils se gardaient
jadis d'élever le Javanais par l'instruction; ils se gardent encore de le rap-
procher d'eux en encourageant des missionnaires à leur prêcher la reli-
gion chrétienne. Au fond, les Javanais sont encore païens, adorateurs des
ancêtres et des forces de la nature, attribuant à des esprits tous les événe-
ments de leur existence. Leur religion a même été désignée sous le nom
de " javanisme » ; mais ils ont conservé de nombreuses pratiques des
cultes hindous, et depuis que l'Islam est devenu la religion oflicielle, ils
célèbrent les fêtes musulmanes, et de décade en décade avec plus de fer-
veur ; des sectes de zélés, notamment celle des Naksjibendi, oui piis nais-
sance au milieu d'eux, et depuis (|ue le pèlerinage de la Mec(pie n'est
plus interdit, quelques milliers de Javanais profitent de l'autorisation ])our
revenir costumés en Arabes et se dire tels'. Les écoles mahométanes sont
de plus en plus fréquentées à Java et la plupart des paysans font au moins
la prière du soir'. Des légendes chrétiennes se sont aussi introduites dans
' Sujets lidlliindais se rcnitant il la Mecque en 1850, sous l'^uicicii ir;;inu' : O'J.
De 1880 à 1880 : Ô7> 970, soil 5001 lui- ;ui en iiKiyeniiu.
* Ecoles lualioiuélanes à Ja\a : 10 700, avec S.j.") 148 élèves.
EIROPÉENS A JAVA, SYSTEME DE CULTURE. "itiT
la niytluilojiic javanaise'. Comme leurs frères île race, les Ilova de Mada-
gascar, et comme les insulaires des Moluques, les habitants de Java seraieni
devenus chrétiens si on le leur eût ordonné; mais on ne les a point con-
viés à le faire, et même souvent le permis d'établissement fui refusé
à tout missionnaire non hollandais ^ A peine onze mille Javanais se
trouvent-ils classés comme ayant la religion des blancs.
Désireux d'éviter tout point de contact avec la population javanaise, afin
de ne pas être ramenés à leur mesure humaine, les fonctionnaires hollan-
dais ont préféré ne pas exercer directement le pouvoir. C'est par l'inter-
médiaire des chefs indigènes que l'expression de leur volonté parvient au
peuple. Des « régents » javanais, descendants des familles princières, onl
gardé l'apparence de la dominalion et, grâce à de riches émoluments et à
des parts au bénéfice de l'impôt, ils peuvent maintenir leur rang et leur
faste; mais en échange ils ont à écouter les conseils que leur donnent les
'( résidents » hollandais placés à côté d'eux : quoique tenus d'obéir,
ils portent la responsabilité des ordres. L'action des fonctionnaires est ainsi
masquée du haut en bas de l'échelle et les gouvernés n'ont aucune part
dans le choix des administrateurs. Cependant on leur permet d'élire les
chefs de village, chargés de répartir' les terres, les travaux, les corvées, les
salaires, et cette élection rend ainsi les paysans partiellement responsables
du sort qui leur est fait. Mais que le maire déplaise en haut lieu, on le
destitue aussitôt.
La traite des esclaves a cessé dans les îles hollandaises à la fin du dix-
septième siècle et l'esclavage proprement dit n'existe plus à Java depuis
1860; à cette époque, près de cinq mille individus cessèrent d'appartenir
officiellement à leurs maîtres hollandais, chinois ou arabes. Mais peut-on
dire que le reste de la population se compose d'hommes libres, alors
qu'elle est astreinte au travail forcé en faveur du gouvernement? Aussi
longtemps que les autorités n'intervinrent pas directement dans la direc-
tion du travail et (ju'elles se bornèrent à réclamer l'impôt des cultures,
fixé par Stamford Raffles, lors de la domination anglaise, à la moitié, aux
deux cin(|uièmes ou au tiers des produits, suivant les terres, les résultats
fiu'cnt hrs mauvais pour le lise, et chaque année le déficit des recettes
allait s'aggravant. Mais en \^ôi le gouverneur général van den Bosch
reçut pleins jiouvoirs pour modifier le régime existant et, dès l'année sui-
vaiile, la ]i<i|iulali(in dul se conformer à un nouveau mode de cullurcs cl
' Eiriil Mclz^'i'f, Mitllicihinficii iilu'r (ilniilicii iiiid Ak'iyliiiilicii hci Siinilaiirscii uiul Jiii'diicii.
- C. C. I)iirckh:ii-,ll. lilriiK' Mi.ssioiis-Hihli„lli,-k.
368 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
irimpùts, devenu Cameux sous le nom de « système >' el copié en grande
partie sur les pratiques du monopole des tabacs dans les Philippines; tou-
tefois le changement put se faire sans provoquer de crise, les édits du gou-
verneur se trouvant en grande partie conformes aux anciennes coutumes
ou adat observées par les princes indigènes.
En vertu du « système de culture », qui devait remplacer l'impôt fon-
cier par des récolles productives pour les Pays-Bas, chaque circuit agricole
de l'immense « ferme » javanaise était placé sous la direction d'un contrô-
leur ([ui délimitait un cinquième du sol, réservé au gouvernement ou à ses
concessionnaires pour y introduire à son choix des cultures industrielles,
s'attribuait dans toute la commune le cinquième jour du labeur, — plus
tard le septième, — et de fait ordonnait les travaux, encourageait et pu-
nissait les travailleurs. A la fin de l'année, le gouvernement se faisait
livrer par les producteurs les diverses denrées d'exportation, café, sucre,
indigo, thé, tabac, cannelle ou poivre, mais au « prix du marché », après
déduction des deux cinquièmes pour l'impôt, el d'une somme fixe pour
le transport. Or ce « prix du marché» dont parlait l'ordonnance première
et ()ue les ordonnances successives continuJ'rent de mentionner, a toujours
été lixé par le gouvernement bien au-dessous du cours réel et, d'après les
statisti(iues officielles, les paysans javanais ont été frustrés de sommes qui
s'élèvent à deux milliards depuis l'établissement du « système ». Sur une
seule denrée, le café, i< pivot du régime colonial néerlandais >>, la spo-
liation des indigènes au profit du budget de la mère patrie a représenté
de 1(Sj1 à 1877 l'énoime total de 1700 millions de francs. Le \m\ réel du
marché, après défalcation de l'impôt, a parfois dépassé du triple le prix
officiellement avoué aux indigènes. Il n'est donc pas étonnant que le mi-
nistre van de Putte et tant d'autres hommes politiques de la Hollande aient
qualifié de « misérable système » cette exploitation des Javanais. D'autre
j)arl, des |)rati(|ues gouvernementales procurant un « boni colonial » con-
siiiérabb', souvent plus de 50 millions, ne pouvaient manquer d'avoir de
nombreux admirateurs, bien que la masse de la ])opulation indigène restât
miséi'able et affamée ', et des économistes ont célébré les agissements du
gouvernement hollandais à Java comme un modèle de sagesse politique'.
Il est vrai ({ue l'ère des bénéfices réguliers paraît définitivement close :
la guerre d'Atjeh, puis les ravages des insectes dans les plantations de
caliers, enfin l'accroissement forcé des dépenses budgétaires ont amené
I W. R. vaii ll(i.-vcll, oiivnigi- cité.
- J. W. MuMcv, U(}U< tii iniiiKKjo il Coloinj : — Alfroil l!. Wnlhico, Tlir Mtihiii ArchipctiKjci
47
SYSTEME DE CULTURES A JAVA. 571
le (lôfu'it, el l'on constato iino fois do plus que le moiiopnlo fmil pur
entraîner la ruine, non seulement ponr les spoliés, mais aussi pour
l'État. Dans les dernières années, le « système » a été grandement mo-
difié. Les corvées sont abolies, du moins sur le papier, si ce n'est pour
les travaux d'utilité publique, routes, ports, canaux, édifices administra-
tifs. Les particuliers, qui peuvent affermer les domaines de l'État et des
communes pour une durée de 75 années ou davantage, ont à se procurer
leurs travailleurs sans que le gouvernement intervienne dans la rédaction
des contrats, et les terres possédées par les communes en vertu de droits
héréditaires leur ont été cédées en toute propriété. Les cultures du thé, du
tabac, de l'indigo, du nopal à cochenille, de la cannelle, ont été abandon-
nées à l'initiative personnelle : le gouvernement n'a gardé le monopole de
la vente que pour le sucre, jusqu'en l'année 1890, et pour le café, le pro-
duit le plus fructueux, tant que des lois nouvelles n'en décideront pas
autrement.
On comprend que le système du travail forcé, c'est-à-dire de l'esclavage
déguisé, ait eu pour conséquence le recul intellectuel et moral de la nation.
Si les documents historiques manquent pour juger définitivement de l'état
réel des Javanais aux époques antérieures, les édifices de l'époque hin-
doue laissés en différentes parties de l'ile prouvent que les connaissances
du peuple de Java en procédés industriels, en science et en art l'empor-
taient alors de beaucoup sur celles de nos jours : « les pierres elles-mêmes
crient » que depuis ce temps les hommes ont déchu. Sans doute l'initiation
venait alors des Hindous, mais les œuvres réalisées témoignent des pio-
grès accomplis par leurs disciples. Comment n'y aurait-il pas amoindris-
sement et régression de la race, alors que pendant près de trois siècles la
population indigène a toujours été tenue en dehors de l'école, de peur
qu'elle n'appi'ît à penser et qu'elle ne tentât un jour de combler l'abîme
qui la séparait des maîtres. Maintenant encore c'est à peine si, depuis
1871, Java possède pour ses vingt-trois millions d'habitants quelques
écoles où les enfants des indigènes puissent s'asseoir à côté de ceux des
Européens ' : ainsi que le disent les régents, « il serait imprudent d'ai-
guiser les klevan du menu peuple contre leurs propres poitrines ». La ser-
vitude ne peut qu'avilir les asservis; el n'avilil-elle pas aussi les maîtres'/
La nation hollandaise est-elle encore aujourd'hui l'égale du peuple libre
qui chassa les Espagnols et qui tint tète aux armées de Louis XIV?
La terre est restée indivise dans les communes javanaises. Le souverain
' Ecolos pi-imaiiTs incligèiios ouvortos à Jnva en 1887 : '201, avec Ô9 707 élèves.
372 NOUVELLE GÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
est toujours considéré comme le propriétaire éminenl, mais l'usufruit col-
lectif des champs cultivés par les villageois appartient à ceux-ci : ensemble
ils forment avec la terre communale un tout organique, la dessci, et ne
comprennent guère un autre mode de tenure du sol. C'est en vain qu'en
divers endroits ont été faites des tentatives poui- faire dominer le régime
de la propriété privée parmi les pauvres cultivateurs des campagnes; sans
doute il existe un certain nombre de lois qui se transmettent p;u' héritage
dans les familles, mais l'organisation communale s'est maintenue : même
lorsque des jongles ont été défrichées par un homme d'initiative, elles
doivent, après un certain temps de jouissance, faire retour à l'association.
D'après Vadat, la commune est la véritable personne : c'est elle qui est
solidairement tenue de payer les impôts et de fournir les corvées. Comme
dans les mir slaves, l'habitant de la dessa garde toujours sa maisonnette
et son jardin et jouit avec tous les communiers de l'usage des bois et
des terrains vagues ; mais les terres cultivées sont partagées entre les
familles, soit chaque année, soit tous les deux ou trois ans, suivant les
districts. Malheureusement, l'énorme augmentation des habitants pendant
le cours de ce siècle a eu pour conséquence de réduire à de très faibles parts
la portion de chaque cultivateur : en certaines régions cette part est d'une
vingtaine d'ares seulement, ou même de moins encore, et le gouverne-
ment ne vient pas au secours des communes pour leur concéder les terres
en friche qui lui appartiennent. En moyenne, la maisonnette du Javanais
vaut une vingtaine de francs et les revenus de son petit héritage peuvent
s'élever au plus à 120 francs par an. Il lui est bien difficile d'en gagner
autant par son travail dans les plantations des maîtres' ; la population tout
entière voit donc son avoir diminuer constamment et se trouve menacée
d'une lamentable misère ; néanmoins elle réussit à vivre, malgré l'impôt
et la corvée. En serait-il de même si la |»ropriété particulière se consti-
tuait dans les 40 000 communes^ et si la rapide inégalisation des parts
réduisait bientôt presque toutes les propriétés à des parcelles inutilisables
ou même privait de tout avoir la plupart des prolétaires? La condition de
Java ne deviendrait-elle pas, toutes proportions gardées, la même que celle
de l'Irlande, el la dépopulation ne serait-elle pas inévitable? C'est dans
la province de Bantam que des propriétaires ont pu, sous la domination
anglaise, se constituer les plus grands domaines privés, et l.à aussi le sol,
appartenant à des maîtres presque ((nijours absents, est le plus mal cnl-
' P. lirooshool'l , Memorïe over aen luestnnd in liitlic.
■ (Ininmimes ou dessa privées do Ipiip : (>Ui.
CULTURES DE JAVA, RIZ, CAFÉ. 573
tivé, les malheureux y sont plus nombreux qu'ailleurs, et les famines y
ont eu lieu plus fréquemment, amenant, à diverses reprises, les révoltes
de la faim. Le fiimeux roman de Max Havelaar, qui remua profondément les
esprits en Hollande, décrivait en termes éloquents la situation lamentable
des paysans de Bantara, et cet état de choses n'a pas encore changé '.
La culture par excellence, qui fait vivre le paysan javanais, est celle du
riz. En maint district ce grain est la nourriture exclusive : aussi Java,
malgré l'énorme production annuelle', n'a-t-elle d'ordinaire ([u'une très
faible exportation de cette denrée, comparativement à la Barmanie et à la
Cochinchine. Ensemble, l'étendue des rizières dépasse 2 450 000 hectares,
et l'on cultive non seulement les bas-fonds marécageux et les vallons en
pente, transformés en sawah régulièrement irrigués et s'élevant en amphi-
théâtre de degrés parallèles qui brillent sous la lumière, on utilise aussi
les tegal ou terrains secs, sur lesquels croissent les espèces les plus
nutritives de riz, et les penchants de collines et de montagnes, jusqu'à
l'altitude de 1500 mètres, au-dessous de la zone des cafiers. Après la
récolte du riz, les fossés et les réservoirs sont vidés et l'on recueille les
poissons qui durant l'année ont pullulé dans les rizières. Les fièvres
endémiques régnent aux alentours des sawah, mais elles ne font pas
autant de ravages qu'en d'autres contrées, pourtant plus éloignées de
l'équateur : le peu de danger relatif que présentent les rizières de Java
provient de ce que les paysans ne laissent point stagner les eaux, mais
en entretiennent toujours le courant, et de ce qu'ils entourent leurs vil-
lages d'un. rideau de grands arbres. Dans l'île de Madoera, dont le sol est
presque partout doucement ondulé, on ne cultive guère le riz : le princi-
pal grain nourricier est le maïs '\
Bien que les cultivateurs javanais ne boivent jamais de café, chacun de
ceux qui habitent une région où la culture du cafier est ordonnée par le
gouvernement doit en cultiver six cents pieds et fournir de nouveaux plants
en cas d'insuccès. Le cafier est la plante qui donne à la Hollande, ou du
moins qui lui donnait, les « bonis coloniaux )i, et c'est elle qui en consé-
quence a valu aux indigènes le dur régime du travail forcé'. Ce végétal, qui
' Salaire moyen par jour à Java en 1882 :
En province : artisans, de 1 à 2 francs; manœuvres ou coulis de 25 centimes à 1 franc.
A Batavia : ii de 75 c. à 5 fr; » n de 25 à 80 centimes.
- Récolte du riz à Java en 1885 : 4370000 tonnes, soit environ 190 kilogrammes par tète.
Exportation en 1887 71 252 tonnes.
' K. W. von Goikom, De Oost-Indische Cultures.
* Javanais employés à la culture forcée du café en 1886 :
■475 000 familles, appartenant .i 0650 villages.
374
NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
(lovait un jour reprôsenler au point de vue économiciue une valeur Lien
autrement grande que les épices, « les plus précieux trésors de l'Inde »,
ne fut introduit dans l'île de Java que dans les dernières années du dix-
seplième siècle, et en 1711 l'exportation des baies débutait par un envoi
d'environ 400 kiloprammes'. Actuellement la part de Java dans l'en-
N"» -îi. ZUNKS SUPERPOSEES DES RIZIERES HUMIDES, DES RIZIERES SECHES ET DES CAFETERIES,
SUR LES PENTES DU SOEMBIXG.
semble de la production totale du monde est d'un sixième à un huitième,
soit en moyenne de 60 millions de kilogrammes, d'une valeur de 50 mil-
lions de francs. L'île hollandaise n'est dépassée que par le seul Brésil pour
l'importance de la récolte du café; à égalité de territoire, l'expoi'tation ja-
vanaise est de beaucoup la plus grande. Depuis que Java a l'ait retour
aux Pays-Bas, après les guerres de l'Empire, l'accroissement de la produc-
tion a élé l'oil considérable de décade en décade. Mais, nuoique de nom-
' N. P. V;iii (Ion \]cr'^, Hisluriciil-Sldiislictil A"'''»' «" llic proilKcliiin iiiiil ciiiisinii/jUiiii iifijiffce.
CULTURES LIE JAVA, CAFE, SUCRE. 575
biciix jnopriétaires privés soient entrés maintenant en concurrence avec
le gouvernement pour la culture ducaliei', l'industrie ne progresse guère
ou même semble reculer. En 1876, le redoutable champignon hcmilcia
mstoi/v'j", qui a déjà ruiné les caféteries de Ceylan, faisait son apparition
dans celles de Sumatra, et trois années plus tard pénétrait dans les plan-
tations javanaises; il faut protéger aussi le calier contre d'autres parasites,
notamment contre l'insecte borer {xijlotricus quadrupes) ; le nombre des
pieds de calé, qui dépassa 250 millions dans les plantations du gouverne-
menl, est tombé à 150 millions e(, au lieu de 775 000 familles employées
à la culture, on n'en compte plus que 475000'. Les j)lanteurs de Java
foudcMl maintenant grand espoir sur le cafier de Libéria, qui résiste au
cliam[)ignon et au borer; mais c'est toute une révolution économique
il'avoir à remplacer plus de 200 millions d'arbres, en comptant ceux des
propriétaires privés \ Les Javanais entourent les plantations d'arbustes à
feuillage rouge pour effrayer les sangliers^, et dans la plupart des caféte-
ries les plants de cafiers sont ombragés par des erythrhia ou dadap. Un
petit rongeur, le paradoxurus mmanga, se nourrit de baies, dont il ne
digère que l'enveloppe. Les petits tas de café musang que l'on rencontre (jà
et là dans les plantations fournissent la boisson la plus appréciée.
De même que pour le café, l'île de Java tient le deuxième rang dans le
monde pour la production du sucre : elle vient après Cuba, avant l'Inde,
les l'hilippines et le Brésil; sa récolte, qui d'ailleurs varie beaucoup d'an-
née en année, suivant l'abondance des pluies et les autres phénomènes du
climat, est eji moyenne la dixième partie du sucre de canne produit sur
la Terre. La culture de la canne, qui compiend plusieurs espèces de plants,
est une des anciennes industries de Java : dès l'année 1050, on comp-
tait une vingtaine de manèges pour l'extraction du sucre dans les envi-
rons de Batavia; au commencement du siècle suivant, ils avaient dépassé
la centaine. Eu ISOS, la jiroductioii s'élevait à 5800 tonnes'; mais
' 1'. C. lluyscr, hulisclic Gids, 188i>.
- Récolte du café dans les }il;mtaliuiis du |,'OUvcriicnicnl :
1S16 5 (100 loiines,
1850 00 000 .>
1879 (la plus forte du siècle) . . . 7'J 400 n
1887 (ta moindre du demi-siècle) . 17 750 »
Récolle totale du gouvernement et des particuliers en 1879 : 9-4 588 tonnes.
{Imlischc Gids, 1888.)
^ Otto Kuntze, Vm die Erdc.
* Recuite moyenne du sucrr de 1857 à 180-'. . . . 105 700 tonnes
)' » 1875 199 000 »
Il » 1887 418 000 »
376 .NOUVELLE CÉOGRAl'illE IMVERSELLE.
c'est dans la douxiôme inoilié du siècle surtoul que les progrès ont été
rapides, compensant en grande partie les pertes qu'ont faites les plan-
teurs dans la culture des cafiers. La part de récolte qui appartient au
gouvernement diminue chaque année, en vertu de la loi qui l'oblige à
l'abrogation graduelle du travail forcé et à la concession de ses cultures
sucrières à des entrepreneurs privés : bientôt il aura cessé toute con-
currence avec ce qu'on appelle le « travail libre », c'est-à-dire avec les
exploitations agricoles des princes indigènes, des banquiers et des compa-
gnies financières qui possèdent de grands domaines par héritage, par
location ou par achat. Quelques-unes des plantations, surtout dans les
« pays des Princes », à Djokjokarta et Soerakarta, sont pourvues d'un
outillage industriel qui ne le cède en rien à celui des plus belles usines de
l'Europe.
La culture de l'arbuste à thé, apportée du Japon en 182(3, n'a jamais pris
dans l'ile de Java une importance qui lui permette de lutter sur les mar-
chés avec la Chine et l'Assam. Le gouvernement hollandais, devenu pro-
ducteur de thé, avait fondé des plantations dans toutes les parties de l'île,
mais sans grand profit, et depuis 1865 cette industrie est complètement
abandonnée h l'initiative privée. La production moyenne du thé est d'envi-
ron 2400000 kilogrammes; mais dans les bonnes années la (juantité de
feuilles recueillies, d'ailleurs d'une qualité médiocre, s'est élevée à [ilus de
5 millions de kilogrammes. Les autres végétaux de Java i\\u fournissent
soit des substances alimentaires, soit des condiments, sont encore d'une
moindre valeur dans le commerce du monde. Les cacaoyers, les girolliers
et cannelliers sont relativement peu nombreux, et même le poivrier, qui
jadis fit la fortune de la province de Bantam et fut la principale cause de
la prise de possession du pays par la compagnie hollandaise, a cessé d'être
une culture profitable. On compte dans l'île plus de 23 millions de coco-
tiers, dont 10 millions portant des fruits.
Le tabac est l'une des denrées qui, malgré de grandes oscillations com-
m'erciales, ont le plus d'importance dans le mouvement des exportations
javanaises'; en outre, la consommation locale de tabac est fort considé-
rable. Comme la plupart des autres grandes cultures, celle du tabac a cessé
d'être un monopole du gouvernement, pour passer entre les mains de con-
cessionnaires ; des spéculateurs chinois exploitent aussi cette industrie pour
le commerce local ; mais il leur est interdit de cultiver le pavot à opium :
' Exportaliuii du tabac de Java en 1831 1 14 G80 kiloyiamiues.
)i ., 1, 1864 7 875 075 >>
,) „ „ 1882 16 633 000 *
CULTURES DE JAVA. 577
c'est au gouvornemcnl qu'ils sont obligés d'acheter cette drogue, importée
de l'Inde, de la Perse et de l'Asie Mineure. L'indigo, qui fut un des objets
du monopole les plus jalousement surveillés, est maintenant livré à l'in-
dustrie privée et n'a cessé d'être un produit de valeur dans l'agriculture
javanaise, malgré l'invasion des couleurs extraites de la houille. Après
l'Inde anglaise, mais très loin en arrière, Java est le pays du monde qui
fournit le plus d'indigo'. Quant aux plantes textiles, le coton, le jute, la
ramie, elles ne sont guère l'objet que de petites cultures locales; les
indigènes emploient aussi le duvet qui s'échappe des fruits du kapok ou
randoe {eriodendron anfractmsum).
Le même arbre est utilisé comme bois d'œuvre et l'on sait quelle
importance a pris dans l'industrie, pour la construction des navires, des
édifices et des meubles, le précieux bois de tek, — le djati des Javanais,
— dont les forêts occupent encore une superficie de 6000 kilomètres
carrés. Dans ces derniers temps on a également employé pour le reboise-
ment de Java un arbre non moins précieux, le chinchona. Des plants furent
introduits de la Réunion en 18à'2, puis en 1854 le botaniste Ilasskarl
apporta plus de quatre cents boutures de l'Amérique du Sud et put établir
de vastes jardins d'essai sur les pentes du Gedé et du Malabar. Neuf an-
nées après, on comptait déjà dans les plantations de l'Ile 540 000 arbres
en forêt et 600000 en pépinière; mais la variété dont on avait fait choix
est une de celles qui ont la moindre valeur, et l'on dut même l'abandonner
pour les autres variétés, à écorce plus riche, notamment le calisaya, que
l'on venait d'introduire dans les régions montagneuses de l'Inde an-
glaise. En 1888, les parcs et les pépinières du gouvernement de Java con-
tiennent plus de 0 700 000 arbres des meilleures espèces % croissant à
diverses altitudes, de 1250 à 1950 mètres; en outre, l'industrie privée fait
concurrence à l'État pour l'élève des chinchona. Par le bon choix des plants
et le greffage, on a fini par obtenir des arbres dont l'écorce contient jus-
qu'à 11 et même 15 pour 100 de quinine'.
Java ne possède pas d'animaux domestiques en suffisance pour l'eii-
Iretien du travail agricole. La partie occidentale de l'ile surtout est rela-
livement pauvre : l'extrême province de l'ouest, Bantam, a seulement
94 animaux, chevaux, buffles et bœufs par 1000 habitants, tandis que la
province extrême de l'est, Banjoevvangi, en a 850, et de l'une à l'autre con-
trée l'accroissement proportionnel se fait d'une manière assez régu-
' Priiductidii (le l'indigo à Java t'ii 1887 : 817 000 kilogrammes.
- Récolte de l'écorce en 1887 : .jàl 056 kilogiammes.
■> Henry l). Forbes, A Natiiralist's Wanderiny in the Eastern Avrhipclago.
uv. 48
578
NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
lière'. Mais dans toutes les parties de l'île il y a eu diminution absolue
du cheptel pendant la deuxième moitié de ce siècle, alors que la popula-
tion humaine augmentait d'une manière si considérable; des épizooties
ont parfois sévi sur les animaux de joug : en 1880 et 1881, les paysans
"3. FOnÈTS DE TEK ENTHE SEMARANG ET SOERABAJA
des provinces occidentales perdirent près de 150 000 bœul's et buffles.
Depuis, la quantité du bétail s'est accrue de nouveau ; cependant nombre
de communes ne peuvent pas s'en pi'ocurer pour les travaux de la cam-
' Gliepk'l lie Java et Madoeia en 1880, d'après Jaeger, et en 1886, d'après les rapports officiels :
Java occidental
Java oriental.
Ensemble (1880|
Ensemble (188
BuClles . . .
. 974974
1380312
2361 28G
2 541936
Bœufs. . . .
. 187931
1747291
1935222
2089404
Chevaux. . .
. 1(34238
373039
r.57877
517854
Total. . .
. 1327 143
5S07242
4834383
5149194
AGRICULTURE. INDUSTRIE DE JAVA. 379
pagne. Les chevaux de Java, tlescendanl d'animaux importés d'Aral)ie,
ont beaucoup perdu en taille, mais ils ont gardé le feu et la Ibrce d'endu-
rance : on vante surtout les trotteurs de la province de Cheribon et les tra-
vailleurs de Kedoe; pourtant ces animaux n'égalent pas en vaillance et en
perfection de formes les poneys de Sumatra.
Les Javanais ont reçu de l'Europe la plupart des oiseaux de basse-cour,
et leurs viviers, ainsi que les eaux de leurs baies, renferment des espèces
nombreuses de poissons. Sans compter les cultivateurs qui possèdent des
réservoirs, une cinquantaine de mille individus n'ont d'autre travail que la
pêche maritime; mais tous ces produits servent à la consommation locale,
à l'exception des holothuries et des ailerons de requins, qui sont expé-
diés en Chine. On sait que les nids de salanganes {coUocalia esculenta),
d'une qualité plus exquise à Java que dans toutes les autres îles, sont
aussi destinés aux marchés de Canton et des autres ports chinois; pour
obtenir cette précieuse denrée, que l'on vend jusqu'à 400 francs le kilo-
gramme, les riverains des falaises, surtout dans les régences de Preang,
descendent par des échelles de rotin qui mènent à l'entrée des grottes et
réussissent à y pénétrer en construisant des galeries volantes au-dessus du
flot grondant. Dans les régions basses du littoral, d'anciennes baies ont été
aménagées en marais salants, que le gouvernement fait exploiter pour
vendre le sel à ses sujets de l'Insulinde. Quoique la production saline
augmente quelque peu de décade en décade, la consommation moyenne
diminue chez les Javanais appauvris'. Une partie de la récolte est expédiée
dans les îles avoisinantes.
L'industrie moderne avec son puissant mécanisme n'a été introduite à
Java que pour le service des grandes usines sucrières, celui des ports et
des chemins de fer. Autrement les Javanais en sont restés à leurs métiers
traditionnels pour la fabrication des objets d'usage ordinaire et de con-
sommation locale. Les femmes tissent les étoffes et les ornent de couleurs
très solides en les trempant dans un bain de teinture après avoir recouvert
de cire les parties qui doivent rester en blanc; les hommes travaillent les
métaux et savent en faire des armes élégantes, notamment des krlss ou
poignards de formes ondulées. Dans les terres « princières » de Djokjo-
karta s'est maintenue en toute propriété l'industrie des fabricants de
gongs et instruments de musique pour les orchestres ou (jamdcuKj, ran-
gées de cloches, cymbales, tambours, clochettes et languettes en cuivre
l'niiiuclidii (lu sel à Java t'I Madoera en 1885:
57 000 tdiini's, soit i kilogrammes et demi par tèle. Valeur : t.") 175000 francs.
580
NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
et en kimboii, que l'artiste frappe avec un marteau pour accompagner les
représentations théâtrales ou les danses des roengeng ou bayadères. Les
plus habiles artisans de Java sont les Chinois : c'est à eux que s'adressent
surtout les Euroj)éens pour les travaux qui demandent de l'adresse et du
goût. D'ailleurs l'art ne saurait se développer chez un peuple famélique où
tout est subordonné aux nécessités urgentes de la vie matérielle et que
l'on lait manœuvrer par grandes masses en des travaux où nulle initia-
tive n'est laissée aux ouvriers.
Les routes carrossables sont bien tracées et parfaitement entretenues,
avec trottoirs latéraux et allées supplémentaires pour les lourds chariots, du
\* 7t;. — cnKMiN^ in; ïkh m
a'e 200 3 2Oa0 "• 200a^ 4000 '"
-Lhem.ns de fer Routes a
1 • 1 1 000 000
moins entre les villes principales. L'artère maîtresse est la grande voie
militaire, longue de 1503 kilomètres, qui fut construite d'Anjer à Ban-
joewangi, par les ordres du redoutable Daendels, désigné encore par les
Javanais sous le nom de « Maître du Grand Tonnerre ». Les ponts en bam-
bou, de construction fort ingénieuse et d'une extrême solidité malgré
leur apparence fragile, traversent les torrents et même les fleuves. Dans
sa jalouse politique d'isolement, l'État hollandais se refusa longtemps à
faire construire des voies ferrées pour faciliter les communications entre
les diverses parties de l'île et laisser les visiteurs pénétrer librement dans
les régions peu connues de l'intérieur. C'est en 1872 seulement que fut
ouvert le premier chemin de fer de Java, ipii rattache Batavia, la capi-
tale, à Builenzorg, le Versailles du gouverneur. Depuis cette épo(|ue, le
ROITES ET OUEMINS DE FER DE JAVA.
381
réseau s'est accru lentement, et il est encore loin d'être terminé dans
ses grandes lignes, indiquées nettement par la structure de l'île. Ce réseau
primordial doit comprendre, de toute évidence, deux lignes côtières allant
de l'une à l'autre extrémité de Java, et des voies transversales rattachant de
distance en distance les deux rivages, par les vallées ouvertes entre les
massifs de volcans. Mi les montants, ni les barreaux de cette échelle de
chemins de fer ne sont achevés en entier; néanmoins le rattachement des
trois grands ports de File, Batavia, Somarang, Soerabaja, aux riches et
L[i.\t^ ItK KATtAlX A VAI'tL'U L'A>S L IN^lLlMit:.
enkoelenX „ ra embanj '-—^ • * ' ^ V Ambom» " "»^v_i
<3
-° w Koepan§
Est de Greenwich
populeux districts de l'intérieur ' a déjà contribué pour une forte part à
l'accroissement du commerce, que desservent des bateaux à vapeur régu-
liers, voguant d'escale en escale sur le pourtour de l'île et vers les autres
ports du reste de l'Insulinde. Plus de la moitié des voies ferrées appar-
tiennent à l'État, de même que tout le réseau des lignes télégraphiques'.
Celles-ci se rattachent au réseau de l'Inde et de l'Europe par Singapour
et Èi celui de l'Australasie par Timor. Des sociétés de navigation, pos-
sédant ensemble plus de 60 bateaux à vapeur, d'un port de près de
Chemins de fer et routes à vapeur ouverts au trafic à Java à la fin de 1887 : 1500 kilomètres.
Dépenses d'établissement jusqu'à la fin de 1883, pour 932 kilomètres : 127994800 francs.
- Réseau télégraphique des Indes Néerlandaises en 1880 : 923o kilomètres.
Télégrammes envoyés 378 277
Lettres reçues et expédiées dans les 198 agences postales 5161401
Journaux 5 029 107
582 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
100000 lonncaux, l'ont communiquer les îles de l'archipel entre elles et
avec l'Eurojie '.
La |j1us grosse part du commerce oe Java se fait encore directement avec
les Pays-Bas, quoique depuis 1874 une loi supprime le régime différentiel
pour les navires de diverses nations qui touchent à Java et réduise en
même temps, dans une forte proportion, les droits d'entrée et de sortie
d'un grand nombre de marchandises. Toutes les denrées d'exportation
acquises au gouvernement par le monopole sont expédiées en Hollande
par les soins d'une société fondée en 1S24 avec des privilèges royaux,
dont une part lui reste encore : dans l'imagination des sujets, le nom de
la Handel-Maatschappij se confond avec celui de l'Etat, et en effet la com-
pagnie qui exploitait autrefois les richesses de l'Insulinde et qui, après
avoir gagné des milliards, fit banqueroute à la fin du siècle dernier, avec
une dette de 252 millions de francs, exerçait tous les droits de souverai-
neté. Depuis que la liberté du commerce a été proclamée, en 1874, le
mouvement des échanges avec la Grande-Bretagne a pris une importance
notable : l'Angleterre achète des sucres bruts, qu'elle paye en cotonnades et
en quincaillerie'. La Chine, les Etats-Unis, la France ont aussi avec Java
un trafic de quelque valeur". Les matelots javanais sont d'une vaillance et
d'une adresse étonnantes : c< pour grimper sur les haubans ils ne le cèdent
qu'aux singes » *.
' Voyageurs transportés par oateaux à vapeur dans l'arcliipel en ISSl : 10.")74G.
' Cnnimcrcc île Java avec la Grande-Bretagne en 1880 :
Exportitinn île Java 78909 450 francs.
Importation 01066875 »
Ensemble. . . . 1 10 0ù0.î25 francs.
^ (!i)unnorce extérieur de Java en 1884, sans les transactions directes du f^ouvernenienl :
Importation 257 800 000 francs.
Exportation .>16 160 000 ii
Ensemble . . . . 57.'i 960 000 francs.
Ensemble du commerce libre de l'Insulinde néerlandaise. . . 742 255 000 francs.
)) I) avec les transactions du gouvernement. 910 255 000 >>
Mouvement de la navigation à l'entrée et à la sortie, en 1885 :
Commerce extérieur. . 9 195 navires, jaugeant 2 227 280 tonneaux.
Cabotage 10 502 » » 1122 725 »
Ensemble. . . 19 697 navires, jaugeant 3 350 005 tonneaux.
Flotte commerciale de Java en 1882 : 1060 navires, dont 34 à vapeur, jaugeant 93529 tonnes.
(Van den Berg, Finances nnd economical progress o( Sethcrland India.)
* VVindsir Earl, Enslcrn Sens.
COMMERCE DE JAVA, BANTAM, BATAVIA. 385
Au commencement du dix-septième siècle le commerce extérieur de Java
avait pour point d'attache et pour entrepôt principal la ville de Bantam,
située près de l'extrémité nord-occidentale de l'île, au bord d'une baie
semi-circulaire, bien défendue des venls du nord par un cordon d'îles et
d'îlots, mais obstruée par des bancs do vase qui gênaient la navigation
et rendaient le district insalubre. C'est à Bantam que les Hollandais éta-
blirent leur premier comptoir, en 1596, et les gravures anciennes la repré-
sentent comme une vaste cité, avec de splendides édifices et un magnifique
brise-lames en pilotis ' ; mais la capitale déchue n'est plus qu'un pauvre
village, dont les maisonnettes se cachent sous les palmiers; cependant
elle a conservé sa mosquée, qui date de l'époque antérieure à l'arrivée
des Européens, et les tombeaux de ses princes et de ses imam. Comme
toutes les villes antiques, Bantam a gardé aux yeux des indigènes un ca-
ractère sacré, et les Chinois s'y rendent, à certains jours de fête, pour y
vendre des lanternes de papier et des drapeaux. Le nom de Bantam est
resté à la province, mais le siège de l'administration s'est déplacé : le
chei'-lieu de la « résidence » est maintenant la petite ville de Serang, si-
tuée à une douzaine de kilomètres au sud, au bord d'un ruisseau des-
cendu des gorges du Karang. Une autre ville a pris le rôle de Bantam
comme lieu de reconnaissance ou première escale pour les marins qui
viennent du large : c'est Anjer, que détruisit en grande partie la formi-
dable vague d'ébranlement, lors de l'explosion du Krakatau, en 1885.
Enfin, comme centre du commerce, Bantam a été remplacée par Jaka-
Ira, la ville que les Hollandais appelèrent Batavia en y fondant leurs
entrepôts et leurs forts.
La capitale de Java et de toute l'Inde néerlandaise occupe une immense
étendue, en proportion du nombi'e des habitants : des pointes de ses
jetées à ses quartiers les plus avancés dans l'intérieur des terres, la dis-
tance en ligne droite dépasse '20 kilomètres. H est vrai que cet espace est
occupé par plusieurs villes ne se rattachant les unes aux autres que par
des canaux, des routes et des avenues. La ville ancienne, fondée en 1619.
avait été construite au bord de la mer, sur la rive droite de la rivière ou
tji Liwong : la citadelle, à quatre bastions aigus, s'élevait sur un îlot arti-
ficiel à l'entrée du chenal. Peu à peu Batavia prit en effet l'aspect d'une
cité « batave » avec ses canaux et ses fossés, ses maisons en brique à plu-
sieurs étages et à pignons. Mais une pluie de cendres, projetée parle Salak.
obstrua les canaux, dont l'eau avait été jusqu'alors vive et courante; des
' Valenlijn, Beschrijvhig van Groot-Djava , etc., 1720
384.
NOUVELLE GÉOGRAl'UIE UNIVERSELLE.
ATAVH EN 1628
mares se lormèrejit dans les bas quaiiiers, tandis que les piaffes onuiic-
taienl sur la mer'. Déjà fort insalubre, Batavia le devint plus encore et
perdit en outre l'avantage d'être assise au bord de la rade. Elle est mainte-
nant à 2 kilomètres de la
mer, et sa rivière, changée
en canal, a dû être prolon-
gée de 2 kilomètres plus
loin, jusqu'aux eaux pro-
fondes. La laissant aux
gardiens malais des entre-
pôts et à la population
grouillante des Chinois ,
les résidents européens ont
(|uitlé l'ancienne ville pour
fonder leur capitale nou-
velle à quelques kilomètres
plus au sud, sur des ter-
rains plus élevés, et par-
tout ils ont pris soin de
ménager de larges ave-
nues, de laisser des bou-
(juelsde verdure, de plan-
ter des jardins. Le quartier
central de Weltevreden ou
i< des Satisfaits )>, qui pos-
sède les principaux édi-
lices publics et les grands
hôtels, est un admirable
parc aussi bien qu'une
ville, et l'on peut, en se
])romenant sous les om-
brages, voir la plupart des
plantes tropicales remar-
quables par l'éclat du feuillage, la beauté des fleurs, la majesté du port ou
les bizarreries de la végétation, ravenala, multipliants, flamboyants, pal-
miers de toute espèce. Autour de Weltevreden, situé dans les bosquets orien-
taux de la vallée, et de la vaste pelouse dite Konings plein ou « Plaine
' M. L. vaii Deventer, Geschiedcnis th'i IScderlaiidcrs op Java.
nouvelle Géographie Universelle. T. XIV. PI. H.
DÉTROIT DE LA SONDE
ll;icliolle et C". Paris.
Etl de Pans
TeloUli IJftopnî
f AI
J» E R DE
Kojzens Suai
nu Bai'o de Seimm^a
■I.Taboi
oBliml.ii,
Waiiœ Jloek
Jiaje de Ltunpomf
J.Rond
J.Lagocndi
I. Seboekxie
J. Sehesi
aru,.n...s..
Cap s! JViealas
DuajsindenWcf
~ C.Rmtanf
Baie de ^^>_ *
Mantoja.
1 er^atert Eiland
Lta^EOund .^"■'■*^«^'<^Trie«-Andj.
l\pt,- ISu
i^i^
Jh'insen. Eihuid
Tfi-ecdc Puitt
WtdlmmstBa
EepstePuat
JayuBuufd ïiyo^nf
lloiirijef
nl,na„ik
:Mal,.u,„n,'
CPePPOn, d'ap/w U e^aste- de. ItL' ^JlToTJveSe GcograjJùe liiivm'stJle''' e^ ti au/fc^ i
WSERANC X)„j^^^ji^, BATAVIAU^
li:u.o.._ A k /^ j ) .îLsWConjdisVai
'^ Lcbak
Pi-aibadiuis
delOOiSOOV •^■■^OoàlooO'i
de lOOO'T'H mi-dclL.
XiUoral reoourKFt par J" c , "'^ J eraption du «ralaUlm en JSS3 .
Zc^ phares jont^ r^re^^'^ /"^ U^ ^„^,^ ^^™. .
.M)kil.
49
lîATAVI.V
Ô87
(lu Roi », sur le jx'iicliiiiil occidi'iilal, se sont élevés (rnuires quartiers,
éjjialeinont parsemés tie jardins et de bosquets, où les Européens se pro-
mènent le soir, toujours tète nue. Une ville de maisons champêtres va
T) — CATAVIA ET PORT DE TAXDJOSG l'niIlK.
L t l_ b cenwich
: COU
2 kil.
rejoindre au nord, le ion^ du canal, l'ancienne Batavia, taudis (ju'au
sud elle se continue jusqu'à Meester Cornelis, autre groupe de quartiers
épars, séparé de Batavia an point de vue adminislralif, mais apparte-
nant au nuMue organisme. Des kroupoiK/ de villageois eufoureni les (rois
•"88 NOUVELLE GÉOGRAPUIK IMVERSELLE
cilés (le leur ceintuiT de palmes. Batavia est le siège des sociétés savantes
les plus anciennes et les plus florissantes de l'Insulinde : l'une d'elles a
plus d'un siècle d'existence. La cité possède une école de médecine, des
bibliothèques, un musée, et l'on y publie des journaux scientifiques d'une
haute valeur.
Une quatrième ville, faisant également partie de Batavia, vient de se
fonder : c'est le quartier maritime de Tandjong Priok. Récemment, Batavia
n'avait point de port et les grands navires étaient obligés de mouiller
au loin dans la rade, qui d'ailleurs est parfaitement abritée par toute une
poussinière d'iles ; seuls les petits bateaux à vapeur et les barques pou-
vaient entrer dans le canal. Chaque année, les alluvions apportées par le
iji Liwong et |iar la rivière Angkee envasaient les abords; la ligne des
plages reculait de plus en plus vite: de 1(S17 à 1874. elle s'éloignait du
port au taux de 52 mètres par an'. Il était donc nécessaire de conquérir
un abri par la construction de jetées en eau profonde, el l'on discuta long-
temps sur le choix de l'emplacement. Un grand nombre de marins pro-
posaient d'établir le port au nord-ouest de la rade, près de l'île Onrust,
qui possède déjà un arsenal de la flotte; mais on a fini par se décider pour
la pointe de Tandjong Priok, qui se trouve à 10 kilomètres seulement au
nord-est de rancicnnc ville. En cet endroit, la côte, un peu plus élevée que
sur le littoral voisin, s'avance dans la mer en jetée sablonneuse et se rat-
tache à un cordon de plages exhaussées qui se prolongent vers l'est.
Deux énormes digues de pierre, ayant l'uiic 1765, l'autre 1065 mètres
de longueur, s'enracinent maintenant sur la pointe et se recourbent à leur
extrémité septentrionale pour ne laisser aux navires qu'un passage d'envi-
ron 150 mètres : l'espace enfermé par les murs de quai comprend près de
200 hectares et les plus grands vaisseaux peuvent y mouiller à l'aise. Des
bassins de carénage, des cales sèches, des ateliers de construction complè-
tent l'outillage du port, que chemin de fer, route et canal réunissent à tra-
vers les terrains marécageux au reste de la cité. Des villages et des cultures
commencent à recouvrir le sol affermi dos deux côtés des voies de
jonction.
Les deux gros Ijourgs ae Tangerang à l'ouest et de Bokasi l\ l'est peu-
vent être considéiés comme les dépendances directes de Batavia, les Chinois
qui les habitent étant constamment attirés vers les marchés de la grande
ville : grâce à un chemin de fer, Bekasi fait même partie de Batavia comme
lieu de villégiature; maison ne voit nlus dans la contrée un seul descendant
' Tijdsrlirifl ritii lirl A', l/istitiuit ran Iniienieiirs. jim. ISTT.
TANGElîANn. lUlTEN/JIRG. 589
dos pnvsans hollandais venus an milieu du dix-huitième siècle'. A Tanjje-
rang el dans les environs, quarante à cinquante mille paysans et paysannes
s'occupent, pendant la morte-saison, à tisser en fibres de bambou des
chapeaux, des boîtes, des nattes, que les marchands chinois achètent pour
le compte de commerçants parisiens. Le seul district de Tjilongok a expé-
dié en 1887 environ 1 200 000 chapeaux, pour une somme de près de
2 millions \ Plus au sud s'avancent les promontoires du volcan de (ledé,
vers lesquels se dirigent la plupart des Européens pour aller respii(M'
l'air pur et tâcher de rendre du ressort h leurs muscles. Buitenzorg' ou
« Sans-Souci « avait été choisi dès l'année 1744 pour la construction d'un
castel de plaisance, qui, par des agrandissements successifs, est devenu une
résidence des plus vastes : c'est là que séjournent d'ordinaire les gouver-
neurs généraux des Indes néerlandaises. Situé à 265 mètres d'altitude, sur
un coteau boisé qui sépare les deux vallées du tji Liwong et du Iji Dani,
Builenzoïg commande les paysages merveilleux des plaines l)oisées, des
gorges sombres et des pentes qui se redressent, gracieusement infléchies,
d'un côté vers le Salak, de l'autre vers le Gedé. Nulle part à Java la
végétation spontanée n'est plus belle ni plus variée qu'à Buitenzorg, et
nul jardin botanique n'est plus riche ni mieux disposé que celui dont
les allées serpentent autour du palais de la résidence : il contient plus de
0500 plantes d'espèces diverses. Buitenzorg n'est pas assez élevé pour
i[u'on puisse le considérer comme un sanatoire. La station de Sindang-
Laja, vers laquelle se dirigent les malades et les convalescents, est située à
1070 mètres, sur les pentes septentrionales du Gedé, près du vaste jardin
d'essai de Tjibodas. Ce lieu est, dit-on, le plus salubre de toute la partie
occidentale de Java ; des centaines de soldats d'Atjeh y ont retrouvé la
santé, et il aurait été plusieurs fois question d'y envoyer les officiers ma-
lades des garnisons françaises de la Cochinchine'".
Au sud de Buitenzorg, le chemin de fer franchit le seuil de partage
entre les deux versants de l'île, puis, laissant au sud les régions très fai-
blement peuplées qui descendent vers la baie de Wijnkoops et le port de
Plaboean-Batoe, il se dirige vers l'est, passe aux stations importantes de
Soekahoemi et de Tjandjoer, et pénètre dans le vaste bassin du Iji Ta-
roera, entouré d'un amphithéâtre de volcans. C'est là que se trouve le port
d'embarquement de Tjikao, d'une extrême importance avant l'ouverture du
chemin de fer, les prao du littoral venant y chercher les denrées de l'in-
' M. L. van Deventer, Geschiedciiis dcr Nederlanders op Jara.
- Imlisclic Mcrcuur, 1888.
3 Wernichf Ceogrnphisch-^iiedirinische Sliidirii.
ôyO NOUVELLE OEOGR APIIIE UNIVERSELLE.
téricur. l'Iiis à l'csl, h 741 moires d'iillitiicle, s'élî'vc Baiidoiif;, In gra-
cieuse caj)italo des a régences de Preang >i, presque coniplèlenient cachée
par la verdure des grands arbres, et dominée au nord par la longue croupe
du Tangkoeban Prahoe. Xu delà de Bandong et de la slalion de T.jilJM-
lenka, la dernière en 188<S,la voie ferrée traversera le seuil du plateau jxtur
descendre dans la vallée du tji Manoek, oi!i elle s'unira à un embranche-
ment de la ville de Garoet, au sud-ouesl ; puis, gravissant d'autres cols à
l'est, elle gagnera par de longues rampes la plage méridionale, au port
de Tjilatjap. Ce havre, le seul du littoral de l'Océan qui soit rattaché par
chemin de fer au versant septentrional de Java, mais seulement par le
tronçon oriental du réseau, est aussi, grâce à l'abri que lui offre l'île ou
plutôt la péninsule de Kembangan, le lieu d'ancrage le meilleur et le plus
sur de la redoutable côte du sud ; même à marée basse les navires trouvent
au moins 5 mètres et demi de profondeur sur la barre et peuvent ancrer
par 10 et 11 mèlres devant la ville. Des foi'tifications défendent Tjilatjap,
le point stratégi(|ue le plus important du littoral.
A l'est (le Batavia, la côte marécageuse, bordée de palétuviers et de bancs
vaseux, n'a point de ports jusqu'au golfe de Cheribon, et les bourgs de
l'inléiieur, tels que Poerwakarta, capitale de la province de Krawang,
n'ont qu'une faible populatidii. liidramajoe, dans le delta du tji Manoek,
qui pidduil le meilleur liz de Java, est un petit port de rivière, accessible
seulement aux navires de tonnage moyen. La province de Cheribon, beau-
coup |ilus peuplée et |dus productive que celle de Krawang, est une des
parties de Java qui possèdent le plus de petites villes et de grosses boui-
gades ; mais elle n'a point de cité considérable. Cheribon, la capitale, ainsi
noninu'c du torrent tji Ribon, au bord duquel la ville a été construite,
occupe un rang secondaire |)armi les centres commerciaux de Java ; d'ailleurs
sa rade, ouverte aux vents du nord et de l'est, n'a ])as d'avantages uau-
ti(|ues et les grands navires en évitent les approches. La belle race des che-
vaux de (Cheribon est élevée dans les vallées du volcan Tjerimaï, dont les
pentes viennent mourir près de la ville. Tegal, capitale de la province du
même nom, ne possède, comme Cheribon, qu'un lieu d'ancrage très
exposé aux vents, et ce n'est pas sans danger que les navires viennent cher-
cher les denrées apportées à Tegal par les chemins de fer de Balap^elaiig et
de Pangka. La plus grande ville de la côte septentrionale entri' Batavia et
Seniaiang est Pekalongan, située sur les deux bords de la livière du même
nom. Elle possédait jadis le mono|iole du commerce de l'indigo et les
femmes y tissaient des étoffes de couleur très appréciées.
Semarang ou Samarang, située vers le centre de la courbe (|ue forme
SEMAKANG.
593
avec le reste de la cote fa péninsule de Japara, est, dans l'ile de Java, l'un
des trois lieux de grand commerce; c'est elle qui expétiie surtout le sucre,
le café, le tabac, l'indigo, produits par le « travail libre » ; pour ses ex-
portations elle rivalise avec Batavia et Soerabaja ; à la lin du siècle dernier,
elle était la pi'cmière. Cependant elle n'a point de port, et c'est à '2 kilo-
Est de F,
I : 6000(1
mèlres au moins du rivage que doivent mouiller les luivires d'un Tort
tirant d'eau; lors de la mousson d'ouest la mer est presque intenable:
seules les barques et les chaloupes à vapeur peuvent entrer dans la ville
par le caïud de Bandjir, creusé à l'ouest de Semarang, et ])ar la rivière
canalisée, aux bords de laquelle s'élèvent les édifices de la cité. Si l'on con-
struit un port, il faudra l'établir loin de Semarang, probablement à l'ouesl,
dans le voisinage de la pointe de Kiwvelang, car devant la ville on ne trouve
XIV. ÙO
r.yi XJLVELLE (.ÉOtiUArillE l MVEliSELLE.
les proluiuk'iirs de !) moires, nécessaires pour les graiuls navires, (lu'à la
dislance de 8 kilomèlres de la plajie'. Un fort, dessiné en forme d"éloile,
élève des baslions entourés de fossés dans la plaine marécageuse (jui sé-
pare les deux passes; deux puils arlésiens, donl l'un est foré à côté de la
cilndelle, fournissent de l'eau pure aux habilanls et aux navires. De même
(|u';i lialavia, les résidents se sont groupés à Semarang suivant leurs nalio-
nalih's et leurs professions : les Chinois ont établi leur kampong en amonl
de la ville, sur la rive gauche du Kali Ngaran ou Semarang; les Javanais
cultivateurs ont érigé leurs cabanes le long des routes, sous l'ombrage
des cocotiers; les pécheurs campent dans le voisinage des canaux et de la
plage, et les Européens, (jui sont au nombre de plusieurs milliers dans
celle ville commerçante, ont l'ail choix, pour leurs hôtels et leurs villas, du
ipiarlier de Bodjong, qui se relève au-dessus des lerres basses dans la
dircclidu des montagnes. Des lieux de villégiature sont épars au sud-ouesl,
à la base et sur les pcnles du volcan d'Oengaran. Des ruines de lemples
hindous couronnent les bords de terrasses étagées sur les flancs du mon!,
et (|uel([ues lidèles Indiens, résidant à Semarang, viennent apporter leurs
oITrandes aux images de Siva et de Ganesa, qui trônent encore au fond des
sanctuaires croulants. C'est à Semarang i[ue se trouve la plus grande com-
munauté de Javanais convertis au christianisme.
Centre de convergence du commerce des provinces les plus populeuses
de Java, Semarang est aussi l'une des villes de Java les mieux pourvues de
moyens de communication : elle possède routes, chemins de fer, omnibus
à vapeui', canaux et paquebots côtiers. Une des lignes de navigation réunit
SiMuarang à Japara, ville ancienne qui a donné son nom à la province donl
le centre est occupé par la montagne de Moerio. Aux temps de la domina-
tion hindoue, Japara fut une cité de grand commerce, et même au com-
mencement de ce siècle elle était assez fréquentée par les navires; mais
son port, graduellement envahi par les coraux, a Uni par se fermer en
entier : à marée basse, on peut même se rendre à pied jusqu'aux îles qui
défendaient auliefois les bâtiments ciuitre la houle du large. Maintenant
déchue, Japara n'est plus qu'un centre administratif : la vie s'est reportée
dans les villes, entourées de riches cultures, qui se succèdent au sud, le
long de la voie commerciale tracée dans les terres basses entre le golfe
de Semarang et celui de llembang. Une des pi'incipales villes de cette
riche vallée est Demak, devenue fameuse chez les mahomélans grâce à sa
inus(|uée, la première »jui ait été fondée dans l'Ile de Java. Plus à l'est
' Mac U'od, Tijdschrifl van hct K. lnslituitl van Inijcn leurs, 1878-7'J.
SEMARANfi, .lAPARA, AMBARAWA, MAf.ELANG. 595
viennent les deux grands marchés de Koedoes et de Patti ; puis, dans le voi^
sinage du golfe oriental, l'ancienne ville de Djawana ou Joana s'élève sur
les l)ords d'une l'ivii'i'e élargie en estuaire, où pénètrent des navires d'un
tonnage moyen. Des sources thermales jaillissent au sud, dans la vallée du
Loesi. Les plus remarquahles sont celles de Koewoe, associées à des gaz
fjui s'échappent d'une masse limoneuse et saline sous forme de grosses
ampoules éclatant à plus d'un mètre de hauteur. Dans la saison des
pluies le bouillonnement des sources s'exaspère'.
Au sud de Semarang le chemin de fer s'élève par un long détour vers
Ambarawa ou le « Large Marais », que les Hollandais ont choisie pour en
faire leur poste stratégique par excellence dans l'intérieui' de Java ; d'après
Veth, il faudrait voir dans cette dépression le centre d'un vaste cratère
comme celui du lac Manindjoe dans Sumatra. La construction dufort.jtour
laquelle on employa en corvées les paysans des alentours j)ar dizaines de
milliers, eut pour conséquence une longue famine, qui décima les p(i|)ula-
tions\ Le vaste fort de Willem \, situé près d'Ambarawa, à 470 mètres
d'altitude, commande plusieurs voies naturelles qui s'ouvrent entre les
massifs de volcans : au nord-ouest, le seuil de séparation entre l'Oengaran
et le Soembing;au sud-ouest, la province si po|)uleuse de Kadoe, dominée
d'un côté par le Soembing, de l'autre par le Merbaboe et le Merapi ; au
sud-esl, les plaines de Soerakarta et la haute vallée du Solo, conloui'uant
le volcan d(^ Lawoe. La forteresse surveille de près la frontière des « Pays
Princiers », les derniers qui se soient complètement soumis, et la rade de
Semarang, d'où lui sont envoyés approvisionnements et renforts, est peu
éloignée. Au sud-est d'Ambarawa, sur les premières pentes du Merbaboe,
à 574 mètres, se trouve la ville de Salatiga, les « Trois Pierres », où fut
signée en 1811 la capitulation qui livrait les Indes hollandaises à l'Angle-
terre. C'est un des principaux sanatoires de Java, un de ceux qui comman-
dent le plus bel horizon de monts fumants et de campagnes.
La capitale de la province de Kadoe, Magelang, occupe près du « Clou de
Java », le centre de la magnifKjue plaine qu'arrose le Progo et (jue fer-
tilisent les cendres des volcans. Les eaux courantes, les arbres touffus aux
branches entremêlées, les monts superbes dressant leurs cônes bleuâtres à
l'horizon, font de Magelang une ville enchanteresse. C'est à une quinzaine
de kilomètres au sud, sur une petite éminence voisine du Progo, (|ne se
montre la plus belle ruine; hindoue de Java, la pyramide ouvragée de
' Vetli, ouvrngecité; — S. E. \V. Roorda van Eysinga, Notes miuuisrrites.
* Van Uoëvell; — Perelaer, etc.
ù9t;
KOUVKLLE CÉ.OGRAPIIIE UNIVERSELLE.
81. — M.IGEL.ISG ET BUEBOE-BOEDHOER
Boeroe-Boodluicr '. Reposanlsur une plaie-forme caiTco de 16'2 mètres sur
chaque coté, l'édifice élève ses sept étages en recul jusqu'à la coupole ou
diKjoba centi'ale, domi-
nant de sa masse unie
des milliers d(> sculp-
tures. Chaque pierre est
taillée et louillée : le
long des galeries les
bas-reliefs en Irachyte
représentent des as-
sauts , des batailles ,
des chasses, des nau-
frages, des scènes d'in-
térieur, des processions
triomphales où figure
l'éléphant, inconnu à
Java ; aux angles des
terrasses grimacent des
idoles monstrueuses, et
de distance en distance
des effigies de Bouddha
trônent sous des édi-
cules à jour , mornes
et dormantes suivant
le type traditionnel et
sans la liberté sincère
du ciseau que présen-
Iciil les bas-reliefs ; les
cultes de Bouddha et
de Siva se mêlent dans
les sculptures. Le gran-
, , diose monument, que
des voyageurs ont com-
paré au temple khmer d'Angkor pour l'ampleur des proportions et le fini
des détails, a perdu un grand nombre de sculptures précieuses, que les
princes et les fonctionnaires des environs ont enlevées pour l'ornement de
Mot dérivt" iiwil-ètre du sanscrit Parn-Buiuldliii ou « Suprême Bnudillia ».
(Ia'ou Feer, Aniiriles de l'Extrême Orietit, 1881-82.)
BOEROE-BOEDHOER, SOERAKARTA. 397
leurs palais et de leurs jardins; mais il en reste encore assez pour don-
ner une idée du prodij^ieux travail (rarchitecture que les artistes javanais
du huitième ou du neuvième siècle, guidés par des architectes hindous,
ont laissé, en témoignage de leui' civilisalion, à leurs descendants dégéné-
rés. On a récemment découvert que la base du temple est entourée d'un
revêtement appliqué sur des murs sculptés et couverts d'inscriptions. Les
archéologues espèrent trouver dans les fouilles de précieuses indications
sur l'histoire de l'édifice et de la contrée'.
Situées sur le versant méridional de l'île, les capitales des deux pro-
vinces de Kadoe et de Bagelen, Magelang et la non moins gracieuse
l'oerworedjo, appartiennent à la zone d'attraction commerciale du port de
Tjilaljap. Un chemin de fer, presque parallèle au rivage de l'océan Indien,
mais se maintenant à distance des étangs côtiers et des dunes, parcourt
les plaines fertiles et populeuses. Au nord de la voie ferrée, Banjoemas,
c'est-à-dire « Eau d'or >s capitale de la province du même nom, est sé-
parée des campagnes du littoral par une chaîne de coteaux calcaires.
La station centrale du réseau des chemins de fer de Java est la ville
de Solo ou de Soerakarta, l'ancienne Kartasoera, « Œuvre des Héros »,
capitale de l'un des « pays princiers » encore laissés sous une apparence
de gouvernement local. Par le nombre de ses habitants Soerakarta est la
deuxième ville de l'île; elle en serait la première, si Batavia et Meester Cor-
nelis étaient considérées comme formant deux cités réellement distinctes.
Divisée en de nombreux quartiers (jui bordent la rivière Pepé, affluent
occidental du Solo, la ville occupe un immense espace. Au centre, le kraton
ou palais du soesoelioenan forme une ville à lui seul avec ses cours inté-
rieures, ses casernes, son harem, ses kiosques et ses jardins : dix mille
habitants, princes, courtisans, domestiques et soldats, vivent dans l'en-
ceinte. Devant le palais s'étend une vaste place où s'assemble la foule dans
les fêtes, dominée par le branchage touffu de deux waringin, qui, par
leurs innombrables racines, symbolisent l'éternité de la dynastie. Mais
près de là s'ouvrent les embrasures d'une citadelle hollandaise tenant
l'empereur et sa cour sous la bouche des canons.
Djokjokarta ou Djokjo, la capitale du sultanat de même nom, autre
« pays princier « réputé indépendant, est moins grande que sa rivale : elle
n'a que le cinquième rang parmi les cités javanaises : c'est la ville qui por-
tait au dernier siècle le nom fameux de Malaram; elle a gardé son carac-
tère javanais beaucoun plus que Soerakarta ou toute autre cité soumise
' E. Metzger. Scotlisli (îeufinipliiral Maqntinc, 1888, n» 8.
308
NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
aux iiilluences européenne et chinoise. Située sur le versant de l'océan
Indien, à 2j kilomètres de la mer en ligine droite, la « Ville Sûre », —
tel serait le sens du nom de Djokjokarta, — est entourée d'admirables
campagnes, qui se redressent au nord vers les pentes du Merapi. Comme
Soei'akarta, elle groupe ses divers quartiers autour d'un kraton de près d'un
kilomètre carré en étendue qu'habite le sultan, entouré d'une domesticité
de [)lusieurs milliers d'individus et flanqué de fortifications anciennes,
N" 82. LE MERAPI ET njOK.IOKAHTA
désormais impuissantes. Quelques ruines de temples hindous sont éparses
aux alentours, et au sud-est, sur une colline d'où l'on voit la mer .se briser
coiilrc les rocs, se trouve la nécropole des princes de Mataram, vénérée par
les Javanais. Quoique si rapprochée de la mer, Djokjokarta n'a point de
pori, et l'on n'a pas donné suite au projet d'en établir un au bord de la
cri(iu(' la plus voisine, dite de Mandjiengan. Le havre le moins éloigné est
celui de l'aljilan, formé par ime indentalion de la côte rocheuse, à l'est
des « Mille Montagnes »; mais ce port ne communique encore avec les
villes de l'inlérieur ((ue par d'à|)res sentiers traversant un territoire l'ai-
DJOKJUkAKÏA l'ATJlTAN, MADIOKN. j.jy
l>icineiil hiii)ilc, quoiiiuc tori lichc on beaux niarhros. Le f^racieux lemiile
si\aïle (le Cramhaiian. au nord-est de I),jokjo. est le premier qne les in-ré-
S° 8j. PATJITA
"^S" \ ''-^'W^t^c -"^
n"" PATJITAW/"^ "■ /
V ^ '^ e#
nieurs hollandais aient signalé : on le découvrit en 1797, sons un fourré
de végétation.
Madioen ou la « Ville du Durile », eliel'-lieu de la province du même
400 NOUVELLE GÉOGRAI'UIE IMVERSELLE.
jium, comprise entre les deux massifs volcaniques du Lawoe el du Willis,
est située, comme Soerakarta, dans le bassin du Solo, au bord de la
rivière de son nom, affluent navigable de cette grande rivière. Ngavvi, bâ-
tie près de la jonction des deux cours d'eau, a de l'importance comme mai-
ché, après avoir été jadis un point stratégique de premier ordre sur la
frontière des « pays princiers )>. Bodjonegoro, l'une des villes riveraines
du Solo, à l'entrée de sa grande plaine terminale d'alluvions, est aussi
un centre commercial assez animé, et c'est de là que sont expédiées la
[)lupart des denrées pour la cité maritime de Toeban, l'une des escales
les plus fréquentées du littoral. Déjà fameuse au temps de la domination
hindoue, Toeban est devenue par ses nombreux tombeaux de saints un
des lieux de pèlerinage des mahométans et l'on y vénère un « figuier » de
dimensions colossales. Quoique simple chef-lieu de district, Toeban est
plus peuplée que la capitale de la ])rovince, Rembang, située plus à l'ouest,
au bord d'une baie que liniilenl les deux promontoires volcanioues du
Moerio et du Lasem.
Soerabaja, la métropole de l'Est javanais et qui fut aussi pour un temps
capitale de toute i'Insulinde, est un des grands entrepôts et le principal
arsenal maritime ; elle a succédé en activité commerciale à sa voisine du
nord, (îresik ou Grissee, ancienne colonie d'Arabes, d'où le mahométisme
se répandit dans l'intérieur et qui devint la résidence d'une puissante
dynastie de prcMres-rois. Les premiers navigateurs portugais vinrent trafi-
(|uer à Grissee. La ville proprement dite de Soerabaja est bâtie sur la rive
gauche de la rivière Branlas; mais on peut dire que, grâce à la plaine
alluviale du bas Solo, elle se trouve également à l'issue de ce bassin fluvial,
le plus considérable de Java. L'emplacement occupé par Soerabaja a été peu
à peu déposé par les eaux du Brantas, qui força la iner à reculer de plu-
sieurs kilomètres vers le nord, laissant la ville dans l'intérieur des cam-
pagnes, comme elle a laissé Grissee, où l'on a dû forer le sol à 700 mèl-res
de proibndeur avant de trouver une nappe aquifère au-dessous des terrains
meubles. Le détroit dn Trechtei' ou " Entonnoir )•, qui .sépare la grande
terre et l'île deMadoera, a gardé une largeur el une ])rofondeur suffisantes
pour recevoir les navires d'un fort tirant d'eau; dans cette rade abritée
de tous les vents, ils trouvent un mouillage parfait : des allèges et des
barques vont et viennent entre les bâtiments du large et les entrepôts du
bord. Certains quartiers de Soerabaja, coupés de canaux dans tous les sens,
ressemblent aux villes de la Hollande; mais les kamj)ong javanais entou-
rent la cité commerciale d'une ceinture de palmeraies, et les villas euro-
péennes de Simpang sont nichées en des jardins touffus. Les anciens toni-
MOlUd-I'AlIlT,
hciiiix qui sp Iroiivoiil (Unis un l'iuil)our<i- voisin rappellenl l'arrivée des
a Hommes Légendaires >s c'esl-à-dire des Hindous. Ce sont eux, dit la
li-adilion, qui fondèrent le grand empire de Modjo-Pahit, l'État brahma-
i:t i.r: ïiktroit m
E.tde Far, s
I 2°5L Est de Grée v ch
de 0 à i '7' d^ 5 '"et au delà
1 : ISO 000
iii(|ue (ioni les mahométans ne parvinrent à triompher que dans la
deuxième moitié du quinzième siècle.
Les ruines de la capitale hindoue se voient encore dans les campagnes
du Brantas, à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest de Soera-
haja, près de la ville de Modjo-Kerlo; des fragments d'édifices en brique,
d'un ti'avail |)arfait, y démontrent le recul de la civilisation javanaise
depuis l'arrivée des Européens. En amont, dans la partie moyenne
404 NOUVELLE fiÉOr.R AIMIIE UNIVERSELLE.
de sa vaste circonférence, l'admirable vallée du Branlas conslilue la pro-
vince de Kediri, un des paradis de Java, mais aussi l'une des contrées
dont la population misérable, avilie par la servitude, est en même lemps
le plus détériorée physiquement par l'abus de l'opium. La courbe supé-
rieure de la vallée, enveloppant les massifs du Keloet et du Kawi, embrasse
le pays de Malang, où se trouvent les plus riches caféteries et tabaqueries
de Java. Près de Malang, dans la dépression ouverte entre les volcans du
ivavvi et ceux du Tengger, se voient à Singosari de nombreux débris de
constructions hindoues; les promontoires et les terrasses des montagnes
portent aussi les restes d'anciens temples, enfermés maintenant pour la
plupart dans les villas de grands propriétaires.
Le village qui fait face à Soerabaja, de l'autre côté du détroit, n'a d'im-
portance que par le va-et-vient des bacs à vapeur entre l'Ile et la grande
terre : la ville commerçante de Madoera, Bangkalan, occupe, plus au nord,
une baie tournée vers la haute mer. Elle est beaucoup plus riche et plus
peu|)lée que le chef-lieu ofliciel de l'Ile, le bourg de Pamekasan, situé dans
la plaine, à quelques kilomètres du golfe de Madoera; la principale indus-
trie des côtes est la fabrication du sel, pour le compte du gouvernement de
l'Insulinde. Le bétail de Madoera est très apprécié dans tout l'archijiel. Au
nord, l'île de Bawean, qui dépend administrativement de Soerabaja, est
habitée par des gens de race madoeraise, à en juger par le dialecte local.
Klle envoie à son tour des milliers d'émigrants à Java, comme manœuvres
et travailleurs de terre, et fait un commerce de cabotage actif.
Au sud de c(^ même golfe, Pasoeroean ou le « Jardin de Bétel », qu'il
serait plus juste d'appeler maintenant le i< Champ de Tabac », est la première
grande ville de Java que traverse le chemin de fer après avoir dépassé
l'ancien golfe de Modjo-Pahit, comblé par les alluvions. Déjà connue aux
temps de la domination hindoue, Pasoeroean est, de toutes les cités java-
naises, celle où se sont conservées le j)lus les coutumes d'origine indienne;
les Javanais des environs apportent encore aux sources des offrandes de
feuilles vertes et de fleurs et vénèrent les débris de sculptures ramassés
dans les anciens temples de Siva. Le j)rincipal sanatoire du Java oriental,
Tosari, est situé à 1780 mètres, à l'angle d'un épaulement du Tengger,
d'où l'on jouit d'une vue merveilleuse sur la mer. les campagnes et les
monts.
A l'est de Pasoeroean, deux autres capitales d(> province, Probolingo
ou Bangei-, puis Besoeki, se succèdent au bord du golfe de Madoera ; bnu's
rades sont fort dangereuses en janvier et en IV'vrier, quand souille le glicv-
dctig on vent tcnij)êlueux du sud. Au delà, sur les ])lages d'une cri(]ue, se
MALANG, PASOEROEAN. BESOEKI, BANJOEWANGI. 405
montrent les maisonnettes du bourg de Panaroekan, qui fut jadis une
grande cité et l'un des marchés les plus actifs de l'Jiisulinde. C'est là que
les Portugais, conduits par Affonso d'Alhuqueinpie, établirent leur premier
comptoir à Java. A l'est de Panaroekan il n'y a plus que d'humbles villages
au bord de l'eau, et la route, cessant de longer la mer, contourne la masse
énorme du Raoen pour atteindre la ville de Banjoewangi ou des « Eaux
Parfumées », qui se trouve sur la rive orientale de l'île, au bord du déti'oil
qui sépare Java et Bali. Elle a remplacé comme escale de commerce le port
de Blambangan, situé plus au sud, au bord d'un estuaire maintenant
envasé. Banjoewangi est le point d'attache du télégraphe sous-marin (|ui
relie l'insulinde à Port-Darwin en Australie. Le i)ays enviionnant, séparé
du reste de l'ile par des montagnes sans chemins, est la contrée la moins
peuplée de Java. Prescjue en dehors du cercle d'attraction de Batavia et
de Soerabaja, elle appartient déjà par nombre de ses habitants à l'in-
sulinde orientale'.
Le pouvoir est absolu à Java et dans les autres îles ou possessions
« extérieures )> de l'insulinde. Représentant le roi de Hollande, le gouver-
neur général est souverain; le nom qu'on lui donne est celui de « grand
seigneur «. Il commande les forces de terre et de mer, applique les lois
votées par le parlement des Pays-Bas et possède lui-même le privilège de
lancer des décrets et d'imposer des règlements administratifs, en confor-
mité générale avec les décisions gouvernementales prises en 1854. Sa liste
civile, récemment diminuée, dépasse encore 33(1 000 francs avec les frais
de déplacement. Un conseil de cinq membres, proposés par lui et nommés
par le roi, l'assiste pour l'aider dans l'œuvre législative, mais sans avoir
de part au pouvoir exécutif. C'est en vain jusqu'à maintenant que des
publicistes de Java et de la Hollande ont réclamé pour l'insulinde la jouis-
sance de son propre budget et une part d'autonomie dans son gouverne-
ment. Les Javanais n'ont quelques droits de tolérance que dans l'adminis-
tration de la (Icssa ou commune; encore une forte ])i'oporlion des résidents
' l'i-iiieipales villes de Java avec ieui- population en 188(1 :
batavia 100 485 liai). 1 ,., n-,^ , ,-. ,
,, , „ ,. -, ,,„ I /l 9'25 habitants.
Meester (jornelis . / 1 440 ii |
Socraliarla ou Solo 1 .50 000 n
Soerabaja 1 28 990 d
Djokjokaita 90 000 i>
Seniai'anj; 71 440 »
Pasoeroean hO 000 »
iOr, NOUVELLE f.ÉOORAPUIE UNIVERSELLE.
se compose-t-c'llo de inanuonjKntg, gens « sans famille et sans pairie »,
auxquels on pouvait comparer naguère les lielmathlosen de la Suisse.
On s'étonne que les ordres d'un maître puissent être obéis par tant de
millions d'hommes, alors qu'il dispose de forces matérielles si peu consi-
dérables. L'armée que commande le gouverneur est d'environ trente mille
individus, dont une moitié seulement composée d'Européens, et ceux-ci
ne sont pas même tous Néerlandais : mercenaires ou aventuriers, alle-
mands, belges et d'autres nations', ils sont enrôlés spécialement pour
le service des Indes et dressés à leur métier dans le « dépôt » de Ilaider-
wijk, sur les bords du Zuiderzee. Blancs et indigènes de races diverses,
Malais d'Amboine, métis, nègres, Arabes et Hindous, servent dans les
mêmes bataillons, mais groupés, suivant les couleurs, en compagnies
distinctes, et ce sont des officiers européens, très peu nombreux en pro-
|)orlion de leurs troupes, qui encadrent tous ces éléments d'origine, de
langue et de mœurs différentes. De même tous les canonniers sont euro-
péens, mais leurs servants sont des natifs. Confoi'mément aux traditions
des armées orientales, les soldats peuvent vivre dans les casernes avec
leurs familles, légitimes ou temporaires, et parfois même se font suivre
parleurs femmes en de courtes expéditions; la bande des vivandières est
organisée en campagne suivant une hiérarchie militaire, qui répond à celle
des maris, et reçoit régulièrement ses rations. L'armée est uniquement co-
loniale; même pour la guerre d'Aljeh aucun détachement de troupes néer-
landaises n'a été envoyé aux Indes, quoique l'empressement des volontaires
auprès des officiers recruteurs ail notablement diminué. Ouant à la flotte,
stationnée dans les ports de l'Indonésie, les meilleurs navires appai'tien-
nent à la marine nationale*.
Les Européens de Java et des autres Iles son! adniinislr(''s directemcnl
|iar le gouviM'neui' général, mais les indigi'nes peuveni encore avoir l'illu-
sion d'obéir aux descendants de leurs anciens princes et non aux conqué-
rants éli'angers. Les diverses provinces sont divisées en régences, dont les
chefs titulaires ou « régents » appartiennent à la lignée des familles autre-
' Ainioe (le l'insulinde ;i la fin de 1887 :
Européens 1 i 230
Amboinais. 2 182
Autres indigènes 10 152
Ensenilile ."2 ;i4i
- Forces navales de rinsullndr Inillaiidiiise '.i la lin de l'aniiér 188li :
Vaisseaux de l'Elat. . . . 2.^, montés par 0002 lioninies, dmil 2ll."i(i Enropéens.
)) insulindiens . . 88 » 1271 )) » 111 «
GOUVERNEMENT ItE JAVA.
407
lois souveraines : ces toemewjgoemj . ou régenis de deuxième classe, et les
adliipanl, ou régenls de première classe, sont presque tous radliea ou
uriiices • le titre de pawicron est le plus élevé que puisse conférer le gou-
verneur. Ouoique nommés par la « Couronne », les régents ont toujours le
prestige que leur assure la richesse, car ils jouissent d'un salaire
^levé, — de 20 000 à oOOOO francs, suivant les régences, — et lou-
chent en outre une [.art de [.roduit sur les cultures. Mais à côté de ces
régents javanais siègent des résidents néerlandais et des assistants, —
prélVts et sous-préiels, — qui sont moins en vue, mais qui représen-
lonl raulorité réelle; de même pour les eirconscriptions inlén.'ures. la
DIVISIONS ADMINISTRATIVES DE JA
1. I',illll;uil.
11. Lialavia.
m. l'reangei- Regciil-
schappen.
IV. Krawang.
V. Clierihoii.
Vl. Ti-i;:il.
Vil. I!anJUl■lna^
VIII. Pekalonga
IX. Bageleu.
X. Semarang
XI. Kadoo.
XII. Djokjokail,.
XIII. Soerakail;L
XIV. Japara.
XV. liiMiiliaii-.
XVI. MadioLMi.
XVII. KiMJiii.
XVIII. .Soerabaja.
XIX. Pasocrocau.
XX. Proboliiiggo.
XXI. Besoeki cl BuihIjol'-
XXII, JlailoiTn.
surveillance dOs vedono ou dignitaires indigènes est coniiée à des contrô-
leurs européens, élevés pour la plupart à l'Académie hollandaise de Delft
et tenus de séjourner vingt-cinq années dans l'Ile avant de iirendre leur
retraite ; ensemble, ces fonctionnaires européens sont au nombre d'envi-
ron trois cents. Le représentant des maîtres réels est toujours à côté du
personnage javanais, et peu à peu les sujets arrivent à ne jilus se faire
d'illusions sur la part d'autorité laissée aux princes natifs. Graduellement
les fonctionnaires indigènes sont écartés ou réduits à des rôles inférieurs :
il n'est pas douteux que, tôt ou tard, ils disparaîtront comme intermé-
diaires, laissant les con(|uérants et le peuple vaincu face à face. Dans les
deux « pays princiers » {VonteHlandcn), Soerakarla et Djokjokarta, l'an-
cien régime s'est encore maintenu avec les formes primitives. Soerakarta
obéit officiellement à un empereur ou soewchociKtn, Djokjokarta reçoit les
'm NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
ordres d'un sultan; mais l'un et l'autre sont tenus en respect parmi rési-
dent hollandais, et de plus on a pris soin de leur susciter des rivaux indi-
gènes, candidats au pouvoir que le gouvernement de Batavia a toujours
sous la main; empereur et sultan ne peuvent même quitter leur kraton
pour une promenade sans en aviser le résident. Les monopoles que pos-
sédaient ces princes, devenus simplement de grands propriétaires, ont été
en partie rachetés par le gouvernement hollandais.
Un trihunal suprême siège à Batavia pour toutes les possessions néerlan-
daises. L'Ile se divise en trois circonscriptions judiciaires, correspondant
aux divisions naturelles du territoire : au-dessous des cours de justice de
Batavia, Semarang et Soerabaja, des tribunaux secondaires sont établis
dans les provinces, les régences et les districts. Chaque résident, assistant
et contrôleur est un magistrat qui prononce les jugements, en conformité
avec les précédents et après avoir consulté, le plus souvent pour la forme,
des assesseurs musulmans qui connaissent les coutumes locales et les
prescriptions de l'Islam. Les maires des communes ont aussi un certain
pouvoir discrétionnaire pour réprimer les délits et distribuer les puni-
tions. Les chefs des communautés chinoises, majors, capitaines et lieute-
nants, chargés de maintenir l'ordre parmi leurs compatriotes, sont éga-
lement armés du droit de punir, quoique dans une faible mesure. La
peine de mort existe dans le code hollandais des Indes, mais elle est
rarement appliquée. Les condamnés indigènes sont employés pour la plu-
|)arl dans les arsenaux, les chantiers, sur les routes et les canaux. Si ce
n'est dans les grandes villes, il n'y a point de police à Java. Les communes
sont chargées de faire respecter lois et règlements sous leur responsabilité
directe.
Le budget « colonial », qui s'applique à Java pour plus des deux tiers,
est, on le sait, alimenté en partie par la vente du café que produit le tra-
vail forcé des indigènes. Les autres recettes principales sont la rente du
sol et les monopoles de l'opium et du sel'. Environ un tiers du budget
est appliqué à la défense, un autre à l'aduiinislralion proprement dite.
' RucIgL't (( colonial » en 1888 :
Principales rcLx'ttos : Vente (lu café on llollaniii'. ol ;i Java . . . . 53 M'2 520 francs.
» » de l'ctain » » . . . . Il 151 770 »
» Rente du sol 45 507 920 n
» Monopole de rdiiiiiin ôi 562 000 »
n » du sel 12 894 000 »
I) Taxes douanières 1 9 Ô8II 000 i.
Ensemble des receltes prévues en 1888 207 5G8 120 francs.
» dépenses « » 277 753 054 »
(;()l VEHNK.MKNT HE JAVA.
409
Tuiik'l'ois l'ensemble de rim[i()l esl heiuicoiij) plus considérable que ne le
(lisent les registres officiels, car il laudrail y comprendre aussi la valeur des
journées prises au paysan javanais pour le travail des plantations e( des
roules. En évaluant au plus bas taux ce labeur forcé, c'est au moins à
2o0 millions de francs que s'élève, d'après Brooshooft, l'imjml réellement
payé par la population javanaise.
Java etMadoera constituent vingt-deux provinces, dont les noms suivent
dans le tableau, avec le nombre de leurs subdivisions ou régences, leur
superficie et leur population recensée en lSf>!6
IIIVISIOSS
N.VTl'RELLES.
rnoviNciis.
CAPITALES.
SUBDIVI-
SIONS.
SIPERFICIE
en kilom.
roPlLATION
POPILATION
lilLOMÉIIl.
Bantaiii.
Sei-ang.
Ô
8 505
545847
661iab.
Batavia.
lîatavia.
A
0 455
1015884
157 »
Java occidental.
Krawang.
Pocrwaliai'la.
3
4 025
331638
72 »
Clieribon.
Clieribon.
b
6 750
1569163
203 »
l'reang.
Bandong.
U
21 245
1654836
4915558
78 1)
'2G
47 580
104liab.
1 Tegal.
Tcgal.
5
5 7'Jy
1006556
265 bab.
Pelvalongaii.
Pekalongaii.
'j
1 790
558978
501 ))
Semarang.
Scmarang.
(5
5 187
1 412555
272 »
Japara.
Palti.
i
5 122
858166
275 »
Java cemual. .
/ Banjoeinas.
Banjot'inas.
.")
5 561
1112120
200 ),
Bagelcn.
Poerworedjo.
5
5 450
1272552
571 »
Kadoe.
MagL'laiig.
•2
2 048
740278
361 1)
Soeraliarla.
Socrakarla.
5
6 228
1071 090
172 ))
Djotijoliarta.
njokjokarta.
8
5 089
642 728
208 1)
253 liai).
40
54 254
8654785
Rembang.
lU'iidiaiig.
4
7 558
1196402
I59liab.
Soei'abaja.
Soerabaja.
8
6 022
1889366
514 .)
Madioen.
Madioen.
5
6 492
1021995
158 »
1 Kcdiri.
Kcdiri.
5
6 400
979301
155 »
Java o^,lE^TAL. .
' l'asofiwan.
Pnscienieaii.
')
5 555
838947
157 1.
l'robolingo.
pÈ-olidling".
3
3 465
506015
146 ,.
Besoelii.
Besocki.
5
9 680
591700
61 »
l'iisniililc
Madoera.
dl' l'ilo . . . ^
Paniekasan.
4
5 286
1405 494
265 1)
57
50 218
8427118
168 bab.
105
151 852
21 997 259
167 bal .
52
410 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
VI
L'ilo de Bali, la « Pt^tite Java », ainsi qu'on l'a fréquemment tlc'si<;nce,
est en effet, par sa structure et ses roches, un fragment de la grande île,
dont la sépare seulement un canal étroit : entre les deux rives opposées la
distance n'est pas même de 4 kilomètres, et sur le seuil le plus haut la
profondeur est seulement de 16 mètres; le courant venu de l'océan liulien
qui passe dans le détroit esl quelquefois tellement fort, que les voiliers ne
peuvent en Iriompher. Ouoique presque javanaise par sa formation géo-
logique, Bali est assez éloignée du centre de la puissance néerlandaise
pour avoir conservé un caractère original. Le faible détroit a sufli pour
différencier quelque peu la flore et la faune; il a contribué aussi à main-
tenii' distinctes les populations et à retarder le mouvement d'évolution
qui s'accomplit dans rinsulinde en se propageant de l'ouest à l'est. Bali
est, j)our ainsi dire, au point de vue historique, une Java fossile; tandis
que la grande terre devenait mahométane, Bali restait hindoue jiar le
culte, les mœurs, les institutions et même, jusqu'à un certain point, par
l'idiome. Aussi de nombreux savants, historiens et linguistes, ont-ils étu-
dié celte île remanjuable; mais on connaît moins ses ressources matérielles
et .ses forces productives. Aucun recensement précis n'a encore été fait ;
d'après les documents officiels, Bali serait, comme Java, une des contrées
du monde où les habitants se pressent en plus grand nombre'.
La forme générale de Bali esl celle d'un triangle allongé dont le sommet
pointe vers Java el dont la base esl tournée vers Lomliok. Dans la direc-
tion de l'ouest à l'est se succèdent des montagnes d'oi'igim' «ruptive, dis-
posées en chaînes ou en massifs, sans régularité apparente. Le premier de
ces cônes volcaniques, le Bakoengan (1 400 mètres), se dresse en face même
de la ville javanaise de Banjoewangi. Beaucoup plus élevé, le Batoe Kaoe
ou |iic de Tabanan occupe presque exactement le centre géométri(|ue de
l'Ile : le cône |)iinci|)al du massif, entouré de petits lacs, atteint 2025 mè-
tres. Au nord-est de ce ])iton central el d'un lai'ge seuil, le volcan toujours
' Siiperfu'ie et |iii|)iilalinn priilmlili' de Itali li Lomliok en 1886, d'aiiiès lo Hi'fiecriiujs Aliiinnak :
Territoire liolliindais lie fiali 'J l.'id kil. carr. I U'J'Jô'i Lab., soit 48 hab. par kil. carr.
1) princier (le Bail et LoMibok. 8708 » TiiOdOO » 142 ..
Ensemble. . 10 858 kil. earr. 1 rj4'."J."2bab., soit l'ii bab. par kil. earr.
BALL
411
atlif (le Baloer (1950 moires), lance de deux cratères mugissants des
colonnes de vapeur', tandis qu'à sa base nord-orientale les coulées de
laves sont descendues jusqu'au bord d'un beau lac bleu, qu'elles ont même
partiellement vaporisé; une forte saillie de rebroussement,que présente la
coulée à son extrémité, s'expliquerait par le coullit des laves fluides et des
masses gazenzes dégagées soudain par la vaporisation de l'eau : d'après le
mythe balinais,le volcan est la demeure d'un dieu, et sa femme, la déesse,
-N° 86. UALI.
^f Oa 200 ?■ de 200 ^ /COO "■ o'e /OOO ':
i . 1 500 000
habite les eaux du lac. Au sud-est de Batoer se succèdent d'autres volcans,
éteints en apparence : le goenong Abang ("2000 mètres) et le goenong
Agoeng ou le « Grand Mont », appelé aussi le pic de Bali, dont le cône
nu, jaunâtre, parsemé de blocs, ouvre son cratère à plus de 5200 mètres
au-dessus du niveau de la mer. A l'extrémité orientale de l'île, un autre
volcan, le Seraja (1250 mètres), n'est plus qu'une immense ruine. Lors
d'une éruption ({ue l'histoire n'a pas racontée, toute la partie supéiieure
de la montagne fut emportée et se dispersa en poussière dans les plaines
et dans l'Océan : il ne reste plus (jue la base effondrée du volcan. Au sud
• laWmgiiV. Pfiernuinn's Mitllii'iliiiiticii, 1S04; — Jiicubs, Eciiiiicii Tijd onder de Haliëfs.
412 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
(le ces massifs d'éruption s'étendeiil des campagnes dont les cendres vol-
caniques ont été remaniées par les eaux, et vers le sud se montrent quel-
ques assises de roches tertiaires. Tel est l'îlot de Badoeng, qu'un isllinie
bas a rattaché à Bali ; mais Noesa Penida ou Pandita, — l'ile des Prêtres,
— de formation analogue, est restée isolée dans le détroit oriental.
Quoi(jue les pluies tombent en abondance à Bali, les rivières, man(juant
d'un espace suffisant pour se formel', n'ont qu'un foible courant, cl
s'assèchent même pour la plupart pendant la mousson du sud-est : l'eau
est employée presque en entier pour les irrigations des rizières, dirigées
avec le plus grand soin par les cultivateurs indigènes. Très peuplée et cou-
verte de champs, Bali manque de bois, et l'on doit en importer de Java.
A l'exception de quelques tigres qui rôdent dans les brousses des mon-
tagnes, au nord et à l'ouest, l'île n'a point de fauves.
Les Balinais, frère des Javanais par la race, sont en moyenne un peu
plus grands et plus forts ; moins accoutumés à la servitude, et ne voyant
que rarement leurs maîtres hollandais, ils ont l'attitude plus ferme et le
regard plus fier. Dans les régions montagneuses de Bali, les goitres sont
extrêmement communs : en certains districts, plus de la moitié des habi-
tants en sont affligés, et l'on ne renconti-e presque pas de femmes qui ne
soient déformées par ces excroissances; mais, d'après Jacobs, le crélinisme
n'accom|)agne jamais le goitre chez les Balinais comme chez les monta-
gnards des Pyrénées et des Alpes. On parle dans l'île deux dialectes bien
distincts : la langue originale paraît être le « bas » balinais, qui diffère
notablement du dialecte de Java et qui ressemble aux idiomes des îles
orientales; au contraire, le « haut » balinais se rapproche beaucoup du
haut javanais et ne s'en distingue guère que par de nombreux emprunts
faits à l'ancienne langue sacrée, le kari, que parlent encore les prêtres
et les lettrés. De même qu'à Java, les serviteurs et les pauvres sont tenus
de s'adresser en haut langage à leurs sn])érieurs, et ceux-ci répondent en
langue basse.
La civilisation hindoue paraît avoii' eu beaucoup plus de pi-ise sur les
insulaires de Bali que sur les Javanais. Ce n'est pas seulement par l'immi-
gration des fuyards du royaume de Modjo-Pahit, dont les descendants
vivent encore à part des autres Balinais', que l'on peut s'expliquer la per-
sistance des religions hindoues dans l'île de Bali ; des colonisateurs ont dû
venir aussi directement de la côte de Coromandel, car on ne voit pas trace
à Java d'une aussi forte constitution des castes (|ue dans la société bali-
' il. v;m Eck, Prom'diiHis o( Ihe H. Geop-aphiad Sonclii. Miiicli 1880.
lîALI ET BALINAIS. 413
naiso'. Ofncipllemcnt toute la population se divise, comme dans l'Inde, en
quatre castes : celles des Brahmanes, des Kchatrya, des Yaïsya et des
Soudra; mais ces groupes primordiaux se subdivisent en de nombreuses
sous-castes, et l'ancienne noblesse balinaise, dans laquelle on choisit géné-
ralement les chefs de villages, constitue une caste spéciale, classée entre
la troisième et la quatrième. Naguère les princes se mariaient avec leurs
sœurs pour préserver la pureté du sang royal. Les limites entre les castes
sont maintenues par la coutume avec une impitoyable férocité : une iille
de l)rahmane qui se donne à un homme de caste inférieure est livrée aux
llammes et son amant est cousu dans un sac et jeté à l'eau; même dans
les deux provinces qui dépendent directement de la Hollande, les magis-
trats doivent, sous la pression de l'opinion ])ubli(jue, prononcer la peine
du bannissement contre les jeunes gens qui violent la loi des castes. On a
vu souvent le brahmane tuer de sa main sa fille coupable d'infraction à la
coutume. Néanmoins les croisements de caste à caste sont nombreux, les
brahmanes et les princes ayant le droit de prendre dans les rangs infé-
rieurs autant de femmes qu'ils veulent et transmettant leur propre no-
blesse à leurs héritiers. A l'exception de trois princes, qui appartiennent
à la deuxième caste, tous les autres sont originaires de la troisième, qui
constitue ce que l'on peut appeler la « bourgeoisie » de Bali. Les soudra
sont les prolétaires, les gens de corvée, presque des esclaves. Mais quand la
guerre éclate entre gens des castes supérieures, les Soudra n'y prennent
aucune part ; ils continuent de vaquer à leurs travaux ordinaires, sans
souci de la querelle des grands\
Le culte des Balinais est la religion trinitaire hindoue, et devant des
milliers de temples, devant les maisons des prêtres et des chefs, flotte le
(ha]teau tricolore, — rouge, blanc, bleu, — dans lequel maint voyageur
hollandais a cru reconnaître les couleurs de sa patrie, tandis qu'il symbo-
lise les trois personnes de la Divinité, le Créateur, le Conservateur et le
Destructeur. Mais les images de Brahma et de Vichnou ont été remplacées
presque partout par celles Dourga et Ganesa^ ; en outre, l'influence boud-
dhique persiste à travers le brahmanisme, et Siva, représenté parle lingam,
cl de beaucoup le personnage le plus adoré, est invoqué comme un dieu
bienveillant. D'ailleurs les Balinais ont peu de /i-le religieux et ne mani-
leslenl aucune intolérance à l'égard des gens de culte différent; même
(|uel(jues milliers d'entre eux, appartenant à la basse caste, se sont con-
' Tciiiniinck. Coup d'œil gcnéral sur les Possessiuiis néerlandaises dans l'Inde.
- liiniie, De invloed van de Hindoe-Bescliaviny.
' Kan et Timmerman, Tijdschrift van het Nederlandseli Genoolscliap te Amsterdam.
414 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
vertis à l'Islam, afin de se relever ainsi au point de vue social; en 1881,
à la suite du meurtre d'un missionnaire, les tentatives de propagande
chrétienne, d'ailleurs complètement inutiles, ont été abandonnées dans
l'Ile. Evidemment les temples hindous épars dans les diverses parties de
Bali sont trop nombreux pour les fidèles, car il en est beaucoup qui
tombent en ruine et qu'on ne songe point à réparer, et des lieux de pèle-
rinage où l'on venait jadis de toutes les parties de l'île, sont délaissés
maintenant. Les cérémonies religieuses que les Balinais observent avec le
plus (le zèle se rapportent à la culture du sol : peuple de paysans, ils
aiment à faire des processions autour des champs, à s'arrêter devant les
cabanes de bambou qui servent de temple à la déesse de la moisson, à
se couronner de fleurs après les heureuses récoltes.
La jurisprudence religieuse est fort dure et des pénitences sont fré-
quemment imposées au peuple quand les prêtres ont observé quelque mau-
vais présage. Une femme meurt-elk^ en couches, ou donne-t-elle naissance
à un enfant mal conformé, ou bien, — événement plus grave encore, —
devient-elle mère de deux jumeaux, garçon et tille, les plus terribles mal-
heurs menacent la population, et il faut les écarter par le jeûne et les
prières : naguère il fallait répandre le sang humain, parfois même tortu-
rer les victimes. On raconte que, parmi tant d'autres inventions horribles,
les prêtres avaient trouvé celle d'étendre et d'attacher les condamnés sur
des pointes de bambous naissants, dont les cônes durs et siliceux péné-
traient dans la chair vive de l'homme et le faisaient périr après quelques
jours de tortures abominables'. Les épouses des brahmanes et des princes
étaient tenues moralemenl de se jeter sur le bûcher de leur époux et de le
suivre dans la mort : celle qui se refusait au supplice était désormais con-
damnée à l'opprobre. On vit jusqu'à 74 femmes se sacrifier sur le bûcher
du mari\ Vingt ans après que la dernière sali eut été brûlée dans l'Hin-
(loustan, Bali avait encore ses holocaustes de veuves'. Depuis la défense du
gouvernement hollandais, on a chercht'' à la tourner en poignardant d'a-
bord les victimes avant de les lancer dans les flammes. D'autres cérémo-
nies, qui paraissent horribles aux voisins des Balinais, se sont mainte-
nues, et les changer serait commettre un attentat contre la piété filiale.
Chaque famille lient à brûler ses morts avec grand luxe de parfums, de
fleurs, de repas; nulle cérémonie n'est plus coûteuse, et pour se préparer
à ces dépenses il faut des semaines et des mois, parfois même des années.
* .Ligiii-, Shiiiiiporc, Mnlacrii. Jnva.
* John Crawfiii'J. //i.v/ori/ of ihc Iiidiait ArihipehHjo.
^ Jacobs, ouvrage cité.
15AL1 ET liALINAIS. 415
l*eiulanl ce temps, on conserve le corps dans la cabane, lavé el pariumé,
mais en pourriture; des pierres placées sur le cadavre en facilitent la mo-
mification lente par l'expulsion des gaz et des liquides. Seuls les corps
des varioleux el des lépreux sont immédiatement enterrés.
Les Balinais vivent presque exclusivement de riz, d'autres grains et de
l'ruils. Si la chair du bœuf leur est défendue par la religion, l'urine
et la lienle de cet animal sont leur principale |iharmacopée. La seule viande
qui leur soit permise est celle du cochon; mais les prêtres s'en abstien-
nent. Les palmeraies de cocotiers sont très étendues et donnent une
énorme quantité d'huile. L'industrie domestique est, de même que l'agri-
culture, plus développée à Bali qu'à Java ; mais les indigènes sont de très
mauvais marins. Parmi les artisans on trouve des joailliers, des ciseleurs,
des armuriers fort habiles, et les femmes tissent et teignent de belles
étoffes en coton et en soie. Dans un temple de Boeleleng on conserve en-
core une copie antique des coutumes javanaises sur le règlement des com-
munautés de villageois et les syndicats d'irrigation.
Le niveau moyen de l'instruction est très élevé chez les Balinais. Bien
qu'ils n'aient pas d'écoles, la plupart des hommes et des femmes des
castes supérieures savent lire et écrire le balinais, et même le kavi : c'est
par milliers qu'ils possèdent des " livres » ou paquets de feuilles de
lontar ou burassns gravées avec un poin(;on et pressées entre deux plan-
chettes : histoire, théologie, jurisprudence, éthique, poésie, théâtre, rien
ne man(jue à la littérature de Bali, et d'a[)rès van der Tuuk, qui a vécu
lui-même dans l'ile jiendant de longues années et y a formé une très
riche bibliothèque, c'est dans le poème balinais de Tantryn qu'il faudrait
chercher, au moins en partie, l'origine des Mille et une Nuits. Souvent les
gens de Bali se réunissent le soir pour assister à des représentations théâ-
trales, qui se rapportent poui' la plupart à des mythes ou à des événements
(le l'Inde et que des acteurs de la caste brahmanique déclament dans la
langue sacrée, comme on le faisait jadis à Java ; dans ces « mystères», les
ancêtres des Balinais sont ligures comme des géants ou rakchasa. Entre
autres indices d'une civilisation antique, d'origine hindoue, on cite aussi
la division du temps qui prévaut chez les Balinais. Leur année officielle, qui
n'a rien d'astronomique, mais dont le caractère est purement rituel, se
compose de deux cent dix jours et se divise en six mois, partagés chacun en
sept groupes penthémérides' ; mais en pratique on compte le temps par
moussons : chacune de nos années correspond à deux années des Bali-
' Ciawl'unl, ouvrage cité: — Selberg, Reine iiacli Jiiva.
Uij NOUVELLE (i ÉOGH Al'IllE IMVEItSELLE.
nais. Leur jour est de seize heures, correspoiulanl chaeune à une lieurc
el demie des calendriers européens et comniençanl à partir du lever du
soleil. Les princes se servent, dans leurs dépèches, île la chronologie ma-
hométane.
Quoique fort remarquable encore, la civilisation de Bali témoigne d'une
grande décadence pendant les deux derniers siècles. Les récils des anciens
voyageurs parlent d'un commerce considérable qui se faisait dans les ports
de l'île et de voies de communication qui réunissaient alors les diffé-
rentes villes; maintenant le trafic est déchu; on ne voit plus guère que
d'âpres sentiers el il n'existe plus de chars que dans un district de plaine
au sud de Bali. L'usage de l'opium, qui est répandu dans toutes les castes,
les guerres civiles de province à province, les expéditions des marchands
d'esclaves qui pendant longtemps ont ravagé les campagnes du littoral,
enhn l'avilissement de la femme, réduite à n'être plus qu'un objet de Iralic,
ont été les causes de ce recul de la civilisation balinaise, et c'est mainte-
nant de l'étranger que la population de l'Ile doit attendi'e des éléments
nouveaux pour reprendre sa voie de progrès et d'initiative. Les colonies
chinoises ont attiré toute l'activité de la contrée.
Les deux |)ruvinces balinaises les plus rapprochées de Java, Djembrana,
sur la côte méridionale, et Boeleleng, sur la côte du nord, sont soumises
directement à l'administration hollandaise el dépendaient naguère de
Danjoewangi, située sur la rive opposée du détroit. Le bourg de Boeleleng,
composé de hameaux épars à une faible distance de la mer, est la rési-
dence principale des fonctionnaires et prend rang comme capitale, mais
il lui mantjue un port : sa marine, Pabean, n'est (|u'um> plage où vien-
iicnl se hi'iser les vagues. Presque tous les villages ont gardé l'aspect de
l'éduils fortifiés.
Sept provinces de Bali oui été laissées au pouvoir de princes protégés,
qui jouissent encore de droits souverains, mais dont la puissance mili-
taire a été brisée pendant les guerres sanglantes de 1840 et 1N49 et qui se
savent surveillés de près. A en juger par le cérémonial de leurs cours,
ce seraient de grands potentats : on n'approche d'eux qu'en se proster-
nant, et quand ils meurent, tous leurs sujets doivent, en signe de deuil,
se faire raser la tète. Ils héiilenl de la fortune, des femmes et des
esclaves de tout indigène qui n'a pas de légataires directs et de tout crimi-
nel condamné au bannissement : or ce sont eux (jui jugent, et quand il
leur convient, ils n'ont qu'à siéger sous leur somptueux dais de justice pour
Y s ; 15
il, I
HALI. LOMIIOK. 410
s'iidju^^or un (Idiiiiiiiic coiivdilr. Une des jiiiiicipalcs ressources de leur
l)U(lji;et consiste dans la location des t'emines (|ue leur procurent ces nom-
breux héritages'.
La principauté deBangli, (|ui cimline du coté de l'est au lîoeleleng, est
la région sacrée de Bali, puis(|ue le volcan de Batoer s'élève sur son terri-
loire; cependant c'est une autre province, celle de Kaloeng-Koeng, située
sur la côte sud-orientale de l'île, qui est considérée comme la première en
noblesse : son chef, l'un des princes les moins puissants de Bali, n'en
est pas moins le k Grand Homme», et les autres souverains lui rendent
hommage. Le pays de Gjanjar, situé à l'ouest du Kaloeng-Koeng, est l'État
le plus populeux de Bali, et de toutes parts les immigrants accourent, grâce
à la prospérité relative dont on jouit dans cette contrée fertile, moins du-
rement gouvernée que les terres voisines. Quant à la principauté méridio-
nale, Badoeng, où se faisait jadis le plus grand commerce de Bali, elle est
maintenant presque sans habitants : le trafic des esclaves l'avait trans-
formée en désert. Quant aux deux provinces occidentales, Tabanan et
Mengwi, elles seraient toutes les deux extrêmement peuplées. La province
(irientale, Kai-ang-Assem, qui fait face à Lombok, a |)our souverain le
radjah de cette île.
Le tableau suivant donne la liste des provinces de Bali, avec l'estimatior
recensée ou approximative de leur superlicie et de leur |)0|)ulalion :
rnuvi\i;h;s.
M.:rtwn:ii:.
,, . , „ , ■ Djeinbi-ana
l'rdMiues liollanihusos „ , ,
( Hoeleleng
EnseiiililL'
Ti>rritnircs princiers : liangli, Taijanan, Mi'iigwl.
liailcjeng, Gjanjar, Kaloeng-Koeng, Karang-Assem.
700 kilom. carrés.
1 4.50 )) 1)
20 040 haliilanls.
7fi 890 »
!2 150 kiluni. canvs.
5 2G0 Idlom. carrés.
102 y.îO habilanls.
700 000 hal)ilanls.
S02 '.l.')0 lialiilants.
Bali et Londiiik apparlieiineni dcjxiis l!S8"2 à la même circonscription
idminisirative de l'empire néerlandais.
' Jacobs. ouvrant' cité.
420 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Ml
L'ile de Lombok, ainsi nommée par les Enropéens d'après l'un de ses
villages, situé sur la côte nord-orientale, au bord du détroit d'Âllas, est
connue des indigènes sous l'appellation de Selaparang ou Selaparan, et
les Malais la désignent d'ordinaire par le nom de Tanah Sasak ou " Pays
des Sasak » — et non pays du « Radeau «, ainsi que l'interprétait Craw-
furd. — Lombok offre, à peu de chose près, la même superficie que Dali
et les lies adjacentes, mais elle est moins explorée, à cause de la nature
plus montueuse du sol et de la moindre civilisation des habitants. Depuis
le milieu du dix-huitième siècle, Lombok est sous la dépendance des Ba-
linais, et quoique ceux-ci m^ constituent qu'une faible colonie iclalive-
ment aux indigènes Sasak, ils ont fait de l'ile une annexe politi(|ue de
leur mère patrie'.
Dans la géographie générale del'lnsulinde ce détroit de Lombok, qui n'a
|)as empêché les Balinais de s'emparer du territoire opposé au leur, est un
Irait qui ne semble pas avoir une imporlance bien considérable; dans sa
pallie la plus étroite, il a seulement .10 kilomètres de l'ive à rive, mais
sa plus grande profondeur, sur le seuil, dépasse 1000 mètres : c'est là, on
[iciil le dire, que se termine la mer de Java, dont la mince couche d'eau
est, dans toute son étendue, nnundre de 200 mèti'es; le courant s'y pro-
page du sud au noid avec une vitesse moyenne de 7 kiiomèti'cs à l'Iieuie.
On sait, depuis les explorations de Wallace, que ce faible détroit de
l>ombok, siin|ile fossé en comparaison de tant d'autres manches de l'In-
sulinde, l'orme pourtant ,"i beaucoup d'{''gards, pour la dislrilmlioii des
espi'ces, la princi|)ale limit(> entre le monde indien et le monde aiislra-
lien. Le palmier areng (nrciH/n sacrharifcrn) manipie à Lombok. (iette
île n'a pas non plus le bois de lek, ni les fougères, les orchidées, les
mousses de la flore javanaise, i'our la faune les différences sont |)lns
grandes encore. Lombok n'a point de tigres, ni autres félins : la phqiart
des oiseaux qui vivent dans les bois de .lava et de Bali sont inconnus à
Lombok, qui, d'autre part, possède de nombreuses espèces australiennes,
enire autres les fameux mn/fi poil lus ijinihlii, ces étranges gallinacés (pii
' Superlicie cl |i(i|mla(ion probalili' lie LuiiiLuk, (l':i|iivs le Rctiecriiu/x-AhiKiniik tU- ISSS :
54."5 kildinétres carrés; .Mil (11)11 lialiilaiiK. Miil Klll lialiilaiit- par kilniiiétrf t-aiiv.
421
eni'ouissent ioiirs œiil's cl les l'ccoiivi'eut d'amas ik' terre el de branches,
ayant parfois jusqu'à 12 mètres de hauteur et 12 mètres de tour. Les ka-
katoès d'Australie sont éfjalement des oiseaux de Lonihok, mais on les
IiKllmn m; l.uMl:
Est de Par
D'après les cQr-t
trouve aussi plus à l'ouest, dans la petite île de.Pandita qui n'est séparée
de Bali que par des eaux basses : peut-être ces animaux ont-ils été im-
portés par delà le détroit. Toutefois la transition se poursuit d'une île à
l'autre et, d'après Martin', c'est plutôt dans les mers de Timor.au nord-
liciisilmiJiiflijlif Vocnlriichtcii te Aiiisterddiii, ISSÔ
in NOUVKLLK (,KO(;itAI'IIIE IM VKKSKLI.E.
uuest de coite île, qu'il l'aul elierchcr la vérilalile liiiiile entre l'Asie et le
monde australien.
De même que Java et Bali, Loniliuk ulïie deux saillies parallèles de
roches, l'une au midi, composée de formations sédimentaires, l'autre au
nord, dressant à de grandes hauteurs ses cônes volcaniques. La chaîne
méridionale, peu élevée en moyenne, puisqu'elle ne dépasse pas 500 mètres,
repose sur un socle régulier, qui déborde à l'ouest et à l'est on dehors de
la ligne des rivages. Ouelquec buttes de scories éruptives, entre autres
celles qui dominent, au sud-ouest de l'île, la profonde baie dite Laboean
Tring, ont traversé les assises qui s'élèvent en falaises au bord de l'Océan
Indien. Des amas de tuf, provenant d'explosions antérieures, rattachent
cette chaîne du sud aux volcans du nord et forment au milieu de l'île
une voussure do partage, le Sasan, d'où les eaux s'écoulent d'un côté vers
le détroit do Lombok, de l'autre vers celui d'Alias. Au nord, la rangée dos
volcans commence en face do Bali par le cône de Wangsit (1200 mètres),
auquel succèdent plusieurs autres monts aux cralèi'os éteints, puis, vers
le milieu de la chaîne, s'élèvent en cercle les sommets nus d'un grand
massif volcani(iuo, le lleiuljani, ayant encore au centre do son ])lateau
terminal une hutte fumante, i'A])i on le .< Fou », d'où s'échapj)ont en
volutes des vapeurs sulfureuses. Un giand lac ou daitoc, h^ Segara Anak,
emplit une dépression latérale. Le pilon le plus élevé du massif, désigné
d'orilinaire sons le imm do pic de Lombok, est sinon le mont culminaul
lie rinsiilinde, du moins l'nn de ses plus hors sommets : les diverses
évaluations d'altitude varient entre 55i'2 et 4200 mètres. Aucun Kuropéon
n'en a fait l'ascension '.
Les Sasak, qui constituent presque toute la population de Londxik, no
diffèrent que peu des Dalinais par l'apparence et parlent une langue
d'origine analogue, mais plus rapprochée du dialecle de Soombavva : l'al-
phabot qu'ils emploient est le balinais. Tous convertis à l'Islam, ils con-
Iraslent avec leurs voisins de l'ouest par les prati<[ues religieuses, les
inu'urs et les institutions. Ils ne l'oconnaissent point do castes et les
mariages se font librement entre gens de toute provenance. On no voit
guère de mosquées dans le pays, ce qui ne témoigne pas en l'aNour do
leur zèle : ne se distinguant guère des mahométans que par leur Jiourri-
ture. ils mangent du bo'uf el abhori'ont la viande de porc, tandis que les
Balinais croiraient commettre un crime s'il goûtaient la chair du bœuf,
leuraniinal sacré. La population sasak, assujottio aux Balinais, est celle qui
' Ed. Colleaii, En Occdnu:
LO.MBUK. .423
paye les taxes et (|ui se soiunet aux coi'vées. J,a nation des envahisseurs,
représentée ]iar une cdlonic d'ciniron vinjil mille individus, dont les kain-
pniifi se^Toupenl dans la partie occidcnlale de l'Ile, est exemple de tous
impôts.
Malaram, la capitale du royaume, est située dans une plaine, à 7 kilo-
mètres de la cote orientale : sa marine, la ville d'Ampanan, est un lieu de
marché prospère, composé de (|ualre kampong, habités chacun par une
nation distincte. Malais, Dalinais, Bougi de Celèbès et Sasak. PendanI
la mousson du sud-est, la mer y es! |)arfaitenient calme et les navires y
uiouillent sans danger; mais quand sourilciil les vents d'ouest, les vagues se
hiisenl avec fureur sur la plage, et lors des grandes marées, dont l'oscil-
lalioii est d'environ 5 mètres, toute communication est interrompue entre
les embarcations et le rivage. Malaram, où les Balinais seuls ont le droil
de passer à cheval, est une ville admirablement tenue; les rues sont
larges el liieii ombragées de multipliants; les routes qui rayonnent en
diverses directions ont en moyenne plus de '20 mètres entre les fossés et
traversent les ruisseaux et les ravins sur des ponts de bambou bien entre-
tenus. A une petite distance au sud de Malaram se trouve le village sasak
(jui fut la cajdtale de l'île avant la conipiète du pays par les Balinais :
il porte le nom de Karang Assem, comme la province orientale de Bali, et
se trouve assujetti au radjah de Lombok depuis 1849.
Les campagnes qui s'étendent à l'est de Mataram vers les collines de
Sasan, sont peut-être, dit Wallace, les |ilus admirablement cultivées de
toute l'Insulinde, où pourtant on voit tant d'autres merveilles du travail des
paysans. L'Europe n'offre point d'exemple de pareils jardins : sur des
espaces de plusieurs centaines de kilomètres carrés, les eaux des rivières
el des ruisseaux y sont divisées el réparties avec un art infaillible dans le
réseau des canaux d'arrosement qui contournent les flancs des collines
elles hémicycles des ravins, se succédant en étages comme les gradins d'un
amphithéâtre. Les principales récoltes des Sasak sont le riz et le café,
(pi'ils exportent par la marine d'Ain[»anan. Ils vendent aussi à l'étrangei'
des chevaux de petite taille, mais pleins de feu, et des canards d'une
espèce jtarticulière, qui marchent presque droits comme des pingouins el
(|ue les marins appellent les ■< soldats balinais ». La seule monnaie qui ail
cours à Lombok est la ligature chinoise.
Les lois sont fort sévères dans la principaulé de Lombok et de Karang
Assein. Tout vol, tout adultère sont punis de mort. Les jeux de hasard,
l'usage de l'opium sont interdits sous peine de bastonnade; la loi prévoit
même les cas où la mort des condamnés sera [irécédée par la torture.
i'ii MtlVliLLK (.EOdliAPUll': l.M VKKSELLi:.
Les héritajjes ne soiil attribués aux lils qu'à la condiiinu de incndrc à leur
charge l'entretien de toute la famille. L'armée du radjah, ((luiiKisée d'une
vingtaine de mille hommes, munie des meilleures aimes à l'eu, manœu-
vre avec une précision que l'on voit rarement chez les troupes orientales.
Le radjah de Lombok est représenté dans le Karang Assem par un vice-roi.
et des échanges de colons se sont faits plusieurs fois par ordre eniro les
deux moitiés de la [)rincipaulé.
VIII
s n E M n A W A
Plus grande que Bali et Lombok réunies, Soembawa, — dont le vrai
nom indigène est Sambava, — se compose en réalité de plusieurs terres
distinctes qu'une faible dénivellation séparerait complètement, tandis
qu'un mouvement peu considérable en sens inverse l'unirai! à des îlots du
voisinage, tels que Mojo au nord, Sido et Tengani au sud-est. Vers le
milieu de sa longueur, Soembavva est réduite à un mince pédoncule d'une
vingtaine de kilomètres : une large baie, médilerranée en miniature,
pénètre de la mer de la Sonde dans l'intérieur des terres, se ramiliaiil çà
et là en criques latérales, où les embarcations trouvent un abri parfait
contre tous les vents. Plus à l'est, d'autres baies découpent le littoral en
forme de fjords : telles sont la baie de Tjempi, sur la côte méridionale, et
celle de Bima, sur la côte du nord. La j)lus grande partie de File est mon-
tueuse et formée de massifs distincts, d'origine éruptive, (pii ont emjùété
sur la mer par les débris rejetés de leurs crevasses; éteints ou actifs, les
cratères seraient au nombre de vingt-deux dans Soembava. Cependant au
sud de l'ile se voient quelques formations sédimenlaires, ([ui conlinuenl
vers l'est les alignements des monts calcaires de Java, Bali etLondjok. La
pointe sud-occidentale" de Soembavva est précisément formée par une mon-
tagne d'assises non volcani(jues se terminant par un plateau régulier :
on lui donne le nom de Tafelberg ou « mont de la Table » comme à
tant d'autres monts d'aspect analogue.
Le volcan de Ngenges (1653 mètres) est le premier grand massif dans
la partie occidentale de l'île, puis vient le Lanieh (1,'iilS mi-Ires) ; mais ces
monts superbes sont dépassés par le Tiinboro ou Tamiidra. dont le cône
lron(pié s'avance en dehors de Soembawa, emplissant de ses longues pentes
toute une vaste péninsule. Le plus haut |)ilon du Timboro s'élève à "iToli
mètres, maison dit (pi'avanl [Xih la monlagne dépassiiil iUOO mèlics en
VULC.V.NS llK SUi;.\ll!.\\\.\.
i'ib
haulciir : elle (lomiiiiiit alors parmi les mollis de l'insuliiiilc. Le i>iliiii
que l'on voit aujourd'hui eu voguant au nord de Soembawa n'est plus
qu'une gigantesque ruine, dont l'énorme cratère, profond de 550 mètres,
a 25 kilomètres de lonr. Dans la soirée du 5 avril 1S15, le sommet de
la montagne lit explosion et les nuages de cendres, éclairés pai' des rellels
d'incendie, recouvrirent le ciel. Pendant dix l'ois vingtniuad'e heures,
PMITIK CENTRALi: DE SOEMCA
L.t de l-an
_^T ^ ^
^^
' J'
Est de Greenv
Pnofont^ei^rS'
CsOà/O^
Soeml)awa et les mers avoisinanles restèrent perdues dans la nuit ra^ée
d'éclaiis : le fracas des éruptions retentissait au loin jusqu'à Ceh'bès, à
Bornéo, à Java et à Sumatra, et la pluie de cendi'es, portée de tous les
côtés par les alizés et les contre-alizés, mais surtout dans la direction de
l'ouest par les vents supérieurs, tomba sur un espaci» de plusieurs millions
de kilomètres carrés ; le ciel en était obscurci jus(|u'à l'ouest de Semarang;
dans les eaux rapprochées du volcan, la couche ilotiante de pierres ponces
dépassait un mètre en épaisseur et les navires se trouvèrent arrêtés en
i'JB NOUVELLE CKiMiUAl'IllE UNIVERSELLE.
pleine mei'. Les récits des indigènes el des iiiiurhaiids iindies (|iii (Vlia|i-
pèrent au désastre ne lurent pas recueillis et contrôlés à temps poui' (ju'ii
ait été possible d'évaluer la quanlité de débris projetés alors par le cratère
du Timboro; mais les quelques laits mis hors de doute ])rouvent que la
masse répartie ainsi autour du volcan représente certainement des centaines
de kilomètres cubes, plus de trois cents, dit Junjihuhn, plus de mille d'a-
près Zollinger. Les douze mille habitants des petits États circonvoisins
furent ensevelis sous la pluie de cendres ; mais la famine, les épidémies
(jui se succédèrent ensuite à Soembawa et dans les iles rapprochées, par
suite de la destruction des forêts, de la perle des bestiaux, de la ruine des
canaux d'ii'rigation, causèrent la mort d'un bien plus grand nombre,
peut-être de iOOUOO personnes. La disette lit périr plus de 40 000 Sasak
dans l'île de Lombok ; la population totale de Soembawa, ipii aurait été
de 170 000 individus en 1815, n'était plus que de 75 500 personnes en
18i7, soit trente-deux ans après, l'île n'ayant pu encore recouvrer sa végé-
tation nourricière'. Même de nos jours, trois quarts de siècle après l'ex-
plosion, la péninsule du Timboi'o est restée pres([ue complètement déserte.
Dans une grande partie de l'insulinde, la « nuit des cendres » fut long-
temps considéiée comme l'événement capital de l'histoire et comme la
dale de comparaison pour tous les faits ordinaires delà vie.
Dans la partie orientale de l'île, coupée de hautes falaises et souvent se-
couée par de violents ti'cmblements de terre, les pitons volcaniques sont
nombreux. Uindi, Sont Mandi ou le » Père Smid >', Aroe Hassa, ]irès des
côtes se[itentrionales, ont respectivement 1570, I3S(S, 1677 mètres de hau-
teur, et vers l'angle sud-oriental s'élèvent les deux cônes de Sambori
(1250 mètres) et de Lamboe (1413 mi'Ires). Knlin, en dehors de Soem-
bawa, le mon! insulaire de Sangeang, a|>pelé aussi goenong Api ou
« mont (lu Feu ", allciul 2 KM) mètres. C'est un volcan dont le l'oyei',
comme celui du Siromboli, est en agitation constante : d'cii bas on voit
le jel de va|)eur et de cendres, puis la nue se dissipe peu à [)eu, le vol-
can l'ait silence, et tout à coup, après un intervalle de quehjues minutes,
d'un (|uart d'heui'c [tarfois, un nouveau souille lancé par le volcan ternit
le lileu du ciel.
Les gens de Soembawa, de race malaise comme leurs voisins, ont subi
riniluence des habitants de Celèbès, avec les(|uels ils lônt une part notable
de leur tralic el dont leur île est une dépendance administrative : l'idiome
Suiierlicii' cl |i{i{iiihiliiji] de Suciiiiuittii :
lô'.ISO kilimiélies carrés; I.jUUI)U habitaiils. suil 11 liali. |i;ii- kiloiiiclir carré.
SOKMli.WVA, 11 ni A. 427
(les Boiifii (le G^lt'bi's s(î irn^lange a\TC d'aulres dialcclcs malais dans fjiiel-
fjuos dislricls d(^ la c(Uc septentrionaK^ cl la iangiu^ de Macassar psi la seule
fjui s'(îci'ive dans le pays'. Presque Ions les habitants de Soembawa se récla-
ment de l'Islam, mais ([uelques groupes d'Orang Dongo ou « montagnards »
habitant les forc-ts, au sud du volcan d'Aroe Hassa, sont encore païens,
tout en gardant quehpies cérémonies (jui témoignent du passage des mis-
sionnaires hindous dans leurs montagnes. Ils donnent aux esprits le nom
de (leva, qui appartient au sanscrit et leur font des offrandes de fruits et de
fleurs. La nuit, ils s'éclairent à la flamme des torches, comme leurs
ancêtres : la lumiî're de la lam[ie leur porterait malheur. Quand un des
leurs vient à mourir, sa fortune est partagée également entre tous les héri-
tiers, mais il garde une des parts : on sacrifie sur la tombe les b(Mes qui
lui sont échues, et l'on brûle ou enterre les autres objets, afin qu'il les
emporte avec lui dans l'autre monde. Ces montagnards interdisent aux
Européens l'entrée de leurs for(Ms, et le petit commerce de troc (pi'ils entre-
tiennent avec les marchands (Hrangers se fait en des clairières convenues
sur les limites de leur territoire'.
Le royaume occidental de Soembawa est celui qui porte spécialement le
nom de l'île : sa capitale, appelée également Soembawa, est située au bord
d'une baie de la cale septentrionale, ouverte aux vents du nord-ouest. Di-
vis(>e en plusieurs kampong (ju'habitent des gens de diverses races, natifs
de l'ile, Bougi. et autres émigrants de Celèbès, Soembawa est p(Miplée d'au
moins six mille individus : lors de l'explosion du Timboro, vingt-six per-
sonnes seulement avaient pu échapper au désastre. C'est de Soembawa que
l'on exporte surtout les vaillants petits chevaux qui font la gloire de l'ile;
les marchands de la ville expédient aussi du coton, du bois de sandal, et,
pour le compte du gouvernement hollandais, le précieux bois de sapan, espèce
de cœsifilpiniaoa « bois rouge », (jue l'on emploie pour la teinture, notam-
ment au Japon. D'autre part, les mai'chands de Soembawa doivent impor-
ter l'huile de C(K'0, h^s plantations de cocotiers étant fort rares dans l'île.
La ville de Bima, bâtie sur la rive orientale de la baie du m(''me nom,
est jiresque runi(|ue marché de la moitié de l'île silu('e à l'est du Timijoro,
et en même temps la capitale d'un Ktat indigène qui comprend aussi, à
l'es! du déiroil de Sapi, le vieux cratère ébréché de Gili Banla ou >' Barre
la Houle », le groupe de Komodo ou « île d(^s Rats », quelques îlots, et
le ])ays de Mangkaraï, partie occidentale de l'île Flores; jadis l'île de
' II. Zollinger, Biimi en Socnibmvd .
- C. Rclnwardl, ftc/.v iitiar den liidisilini Airliipol, — II. Ziillint;i'i'. Rcis over Hiili en Loiiibol,.
i28 NOUVELLE GÉOGRAPHIE ENIVERSELLE.
Soemba en t'aisait également partie. Le |)oil (l(^ Binia est nn des meilleurs
(le rinsulinde. La baie qui pénètre en forme de cluse entre les roebers à
plus de 25 kilomètres dans l'intérieur des terres et qu'entoure un am])hi-
théàtre de volcans, n'a pas moins de 150 mètres de j)rofondeur à l'entrée,
et devant Bima, où elle s'élargit en lac, les navires sont parfaitement à l'abri
des vents du large et mouillent par des fonds de 25 à 55 mètres. Un
(|uartier spécial, kampong Wolanda nu " village Hollandais », est la rési-
dence des marchands européens et, des fonctionnaires qui surveillent le
sultan et prélèvent sur le commeire la part réservée au gouvernement de
Batavia. Bima, de même ([ue Soembawa, exporte des cbevaux d'une re-
marquable beauté, qu'achètent surtout îles marchands arabes. Le blason
du royaume est. l'image d'un cheval et, dans les écuries royales, un de ces
animaux, à la santé duquel est attachée la prospérité de l'Etat, est traité
avec des honneurs pres(|ue divins : quand il meurt, « d'une manière mys-
térieuse >', disent les indigènes, il est aussitôt remplacé par un auli'c
d(Mni-dieu. Lors du voyage de Zollinger, en 1849, le sultan de Bima ne
|)ossédait ])as moins de dix mille chevaux. Bima, entourée de volcans, a fié-
(|uemment à souffrir de tremblements de terre : lors de l'explosion du
Tiniboro, une vague monstrueuse, soulevant les navires, les laïu'a dans
la ville, au-dessus des maisons brisées. Dans le voisinage de Bima se
voient (]uelques tombeaux hindous, datant probablement de l'époque où
celte région de Soembawa était tributaire de l'empire javanais de Modjo-
l'aliil.Oii a h(Uivédans le pays des inscriptions indi'chilTraliles, dues à un
peuple inconnu'.
IX
FLORES, ARCHIPELS DE SDLOli ET d'm 1,(111
l^es terres, classées encoïc |iarnii les >< j)etites Iles de la S(Mi(le ", font
partie (le la longue chaîne (|iii s'est formée à r(*st du (b'Iroit, sur les lis-
sures (lu loy(>r des laves, et qui se continue par une courbe doucement
inlléchie jusqu'à l'îlot de Nila. Flores et ses voisines de l'est sont d'origine
volcanique, comme b^s terres occidentales; nK'-me dans ces étroites îb\s,
s'allongeant en forme de mur entre d(Mix mers, la rangée de monts s(Hli-
menlaires, ({ue l'on voit à Java, à Bali et à Lombok, nian(|ue coiii|il('lernenl :
le^ promonloire^ m(''i'idionaux de Floi'(^s sont des monts à ci'al("'res, ('leinls
' I!. Ziilliii^'i'C, Hiiiia cil Soemliairii .
BIMA, FLORES. 429
OU llaiiiLlant encore. Quoique lorl riches en productions de toute espèce,
ces terres sont assez négligées par leurs possesseurs européens : l'immense
empire colonial de l'Insulinde est trop vaste pour qu'on ait pu encore l'ex-
ploiter dans toute son étendue d'une manière méthodique. Jusqu'en l'an-
née 1850, les Hollandais et les Portugais se disputaient la partie orientale
(le Flores et les archipels voisins : un traité adjugea à la A'éerlande tout le
territoire en litige, mais sans qu'il ait été, depuis cette époque, beaucoup
mieux exploré. On n'a pas même de données approximatives sur le nombre
des insulaii'es : c'est par des évaluations indirectes, d'après le rendement
des impôts et le commerce des ports, que l'on arrive à donner comme pro-
bable le chiffre d'environ quatre cent mille individus pour toute la popu-
lalion de Flores et des deux archipels de Solor et d'Allor'.
Des volcans s'alignent le long de la côte méridionale de Flores. Le
Rokka, — Omboeoe Soro, — projetant ses laves en ])romontoires dans la
mer des Indes, atteint "20(80 mètres. Au delà, vers l'est, dans le pays d'Kn-
deb, dont le nom est parfois appliqué à l'Ile entière, se dresse le goenong
Ki^o ou Homba, que l'on croit être le sommet le plus élevé de Flores : il
atteint 2800 mètres. Le volcan appelé spécialement goenong Api ou « Mon-
tagne de Feu » domine l'extrémité d'un promontoire, au sud du village
d'Fndeh ou Ambogaga, et les indigènes disent qu'au nord du même vil-
lage un autre mont volcanique, le goenong Kingo, a fait éruption à di-
verses reprises pendant les temps historiques. A l'angle sud-oriental de
Flores, le volcan de Lobetobi profile son double cône, l'un toujours fumant,
le Laki-Laki ou « Homme » ('2170 mètres), l'autre, le Perampoean ou
<' Femme » (2265 mètres), percé d'un cratère que des incrustations de
soufre revêtent à l'intérieur. Un volcan éteint, le Kabalelo (2281 mètres),
commande un des passages du détroit de Larantoeka, en face de l'île Solor.
Enfin la péninsule terminale, ([ui se recourbe en hameçon à l'extrémité
nord-orientale de Flores, porte aussi son cône volcanique, le Larantoeka
ou llimandiri, haut de 157(3 mètres ; il est à l'état de re])os, mais à sa base
jaillissent de nombreuses sources thermales, par les(juelles s'échappe la
chaleur du foyer souterrain. Peut-être existe-t-il encore un autre volcan
sur la côte du nord, près du village de Geliting, à l'endroit où l'île de
Flores se rétrécit en isthme ; mais il serait possible que les navigateius de
' Siiiiorlicic et p{i|iiil;itii]ii de Flores et des archipels voisins:
Flores 1 () .577 liilomètres carrés. 'J.'iO 000 liaLilanls.
AiTlii|iel de Solor. . 'J 05") » » 40 000 »
d'All.ir . . 3 525 )i » 85 000 «
'iisend)le . . 'il 055 kiloiiièlres carrés. 375 000 hrdulaiils.
/t.-o NuiiVELLr; GÉncnu'iuE universelle.
la mer inléiieuiv aient vu une colonne de vapeurs qui s'élevail de la cùle
du sud et qu'ils l'aient attribuée à une cime du littoral opposé'.
Au sud du Tandjong Boenga ou « promontoire des Fleurs », — d'où le
X" 8J. DÉTROIT Di: LARANÏOEKA.
PfO foni^eu^^
1 • 1 nooooo
nom poitugais di' Flores, — un >< poi-lail » qui n'a pas plus de 1 il 10 mètres
de large dans la partie la plus léirécie du passage, sépare Flores de l'île
d'Andonaré : les voiliers ne s'y engagent pas toujours sans péril, caries
I'. ,1. \clli, .\,nilnil,xLiiii(liii CciioulsilKi}) Ir Aiiislndinii. 1X70.'
l-'L(IHi;s. «1
vc'iils .s'cii^ouirieiitiiaiis IVtroile ouvcrlmv, les courants y sont l'orl ramtlos
cl parlois s'y renversent brusquement. Mais, dans ces parages, d'autres
voies s'ouvrent entre les deux mers de Flores et de Timor, la rangée vol-
canique de la Sonde s'élant divisée en de nombreux fragments. L'ile de
Solor, qui a donné son nom à rarchi{»el le plus rapproché de Flores, est
la plus |)etile de son groupe; au nord, File d'Andonaré, beaucoup plus
po|iiil('iisc, esl aussi plus étendue : puis, à l'csl, l'ile de Lomblem est encore
plus considérable. Les deux iles du groupe d'Allor, Pantar et Ombaaï, que
visita l'igafetla, le compagnon de Magalbries, et qu'il décrit sous le nom
de Malouva, sont aussi des îles plus vastes que Solor; en outre, un grand
nombre d'Ilots et de récifs sont parsemés dans le voisinage des teri'es
principales. Toutes sont monineuses et des volcans y ont épanché des
courants de lave. Le Lamahalé (1555 mètres) s'élève dans l'ile d'Ando-
naré, et le Lobetollé (1490 mètres) forme le promontoire septentrional de
Ldudilein.
La population de Flores et des îles voisines est mélangée d'éléments
divers. Les habitants des côtes, qui parlent pour la plupart l'idiome malais
de Dima, appartiennent au même groupe que les insulaires de Soembawa,
à l'exception des Bougi et autres immigrants de Celèbès qui se sont établis
dans les ports; ils construisent aussi leurs demeures à la mode malaise,
en les appuyant directement sur le sol, et non en les plaçant sur des
pilotis à la façon des Papoua. Cependant les naturels de l'intérieur des
terres, à Flores et à Solor, auraient le teint plus noir que les riverains, et
par leurs traits, aussi bien que par le genre de vie, témoigneraient de leur
[larenlé ethnique avec les indigènes papoua de la Nouvelle-Guinée'. Le
mahométisme est, comme dans les iles de l'ouest, à l'exception de Pâli, la
religion à laquelle les insulaires du groupi' de Flores prétendent api)arte-
iiir; mais les Portugais, qui possédèrent jusfpi'au milieu de ce siècle une
|)artie de Flores et les petits archipels voisins, étaient beaucoup plus zélés
que les Hollandais pour la conversion des natifs : aussi ne manque-t-il pas
de Malais des îles qui se disent à la fois « Portugais » et >-' chrétiens »
et ont probablement en effet un peu de sang portugais dans les veines. Des
prêtres de Timor viennent parfois visiter leurs communautés, baptiser les
enfants, bénir les mariages, asperger les tombeaux.
C'est une ancienne place fortiliée des Poi'lugais, Laranloeka, située au
pied du volcan de même nom et au bord du délioil de Flores, qui est
devenue le chef-lieu des ])ossessions hollandaises dans ces parages. Tous les
' George Windsor Earl, Tlic ^idwc Races of Ihc liirlitin Airliiiwlago.
iô'j INOLIVELLK (.KUl.li.U'IllK IMVEKSELLE.
ans, uiio iloUille de bateaux vieiil de Celèl)ès avec la mousson du noi'd-
ouest poui' api)oi-ter des arlicles de mercerie, des poteries et des métaux,
puis elle s'en retourne avec la mousson du sud-est, emportant des écailles
de tortue, des holothuries, des nids d'hirondelles et autres produits du
pays. Jadis on exportait aussi des esclaves de Flores, notamment du district
occidental, leMangeraai. Avant l'année 1750, Flores était une des îles où
la compagnie des Indes Orientales interdisait tout commerce sous les
peines les plus sévères, de peur que les navires ne prissent un chargement
de cannelle sauvage, qui eût foit concurrence au produit dont la compagnie
s'était réservé le monopole.
Moins importantes que Larantoelva, Andonaré, dans l'Ile du même nom,
Lawajang, capitale de Solor, et Allor Kaijil. à la jiointe nord-occidentale
d'(.)mliaai, sont aussi visitées parles marchands de Celèhès. Ces villes, avec
leurs archipels, dépendent toutes de la province de Flores, tandis (|u'une
parlic mi'me de la gi'ande île, le Mangei'aai, se rattache adminislralive-
menl à Soendjawa.
Cette île, dite aussi ^> de la Sonde )', (juoi(jue elle se trouve en plein
océan Indien, en dehors de la rangée des îles qui continuent Java, forme un
pclil monde à part. Séparée de Komodo et de Flores par un bras de mer
d'une ci'iitaine de kilomètres en largeur moyenne, ayant plus de '200 mètres
en [trorondeur, Soemba n'est pas même parallèle à la chaîne régulière des
monis volcaniques : sa masse ([uadrilalérale se recourbe dans la direction
(In nord-ouest au sud-esl. 1/iie n'a |ias non plus de cratère fumant, et les
roches d'éruption n'y occuperaient, d'après le dire des voyageurs, (ju'une
faible étendue. On croit que l'île pres(|ue en entier est de formation sé-
dimentaire : sur toute la côte du sud, ses rochers sont de structure calcaiir
et se terminent en falaises percées de grottes; en aucune partie de l'insu-
linde, dit-on, les salanganes ne se pressent en vols plus épais. Vers le
centi'e, les terrains, j)eu accidentés, ont l'aspect d'un plateau, s'élevant
jusqu'à 600 mètres d'altitude, et le sol ne se redresse en collines et en
montagnes que le long du littoral (bi nord. Parmi les divers noms que
l'on donne à l'Ile de Soemba (Tjindana), il en est un qu'elle ne mérite
plus guère, celui de Sandclhoul-eiland ou <c île de Sandal «, car les arbres
de cett3 essence qui peuplaient la côte ont presque entièrement disparu,
snFMIfA, ll.KS SAWOi:. .135
|i;ir siiiU' (l'iiiic L'\|iloiliilioii à oulraiice. Il n'en reste plus que dans l'in-
l(''iienr de I île. Des deux vaiiélés de hois de sandal, la rouge et la grise,
celle-ci est la plus estimée : le bois, réduit en poudre, est employé surtout
en cosmétiques et en remèdes. Soeniba possède aussi quelques gisements
aurifères : ce fut l'une des k îles d'Or >■ de la légende. M. Hamy pense
(ju'il faut y voir l'Ile que le dnci)bridor (iodinlio de Eredia se vante d'avoii'
explorée le premier '.
(juoique les insulaires, divisés en un grand nombre de petites commu-
nautés, n'aient jamais oITert de résistance sérieuse aux marchands ni aux
fonctionnaires hollandais, l'ile de Soemba est encore fort peu connue, et
récemment c'est de deux cent mille à un million d'habitants que vaiiaient
les chiffres relatifs à la po[)ulalion de Soemba; on l'évalue actuellement,
mais sans renseignements statistiques précis, à 400000 individus,
nombre relativement considérable pour une surface de 10 900 kilo-
mètres carrés. De race malaise, les habitants de Soemba parlent un
dialecte spécial, que ne comprennent pas les autres insulaires; dans les
combats et les cérémonies guerrières, ils ont encore l'apparence de gens
du moyen âge, avec leurs longues lances, leurs cottes de mailles, leurs
boucliers. De même que leurs voisins des îles Sawoe, situées à l'est, à
mi-chemin de Timor, ils ont conservé le culte des ancêtres, mélangé
de cérémonies et de croyances qui témoignent de l'influence hindoue :
c'est ainsi (ju'ils parlent d'une trinité de dieux mystérieux, le Bon, le
Protecteur et le Méchant'; mais ce n'est pas à ces esprits supérieurs
que leurs anciens apportent des offrandes : c'est aux vagues de la
mer, aux grands arbres, aux promontoires, aux tombeaux des aïeux.
Les gens de Soemba n'ont ni temples ni prêtres, si ce n'est les chefs
de famille et les vieillards; mais dans les îles Sawoe on donne le nom de
prêtre au bourreau, qui se tient à côté du tribunal des radjah el qui
tranche la tète aux condamnés. Les chefs sont enterrés assis, le menton
appuyé sur les genoux.
Le havre de Nangamessi, où un marchand arabe s'est établi av( c une
petite colonie de compatriotes, est le j)rincipal marché de Soemba. De ce
port, bien situé sur la rive septentrionale, à l'issue d'une belle vallée, on
exporte d'excellents chevaux, non seulement dans les autres terres de
l'Indonésie, mais aussi à Maurice et en Australie. Jadis l'expédition des
esclaves se faisait en secret sur les côtes de cette île écartée : encore en
' Bulletin (le 1(1 Société de Géographie, juin 1878.
- 1'. I'. lioui-da vaii EvsinKa, Luiid- en Volkenlmnde van Picdeiiandscli hitlië
4"4 NOUVELLE GEUGli Al'UlE UMVE[{SELLE.
IcSOO le rôsidenl de Timor lit détruire dix embarcations qui allaient
prendre un chargement de captifs à Soemba '.
Les îles de Sawoe, visitées par Cook au siècle dernier, la « Grande Sa-
woe », Randjoena et Dana, constituent un ensemble administratif avec
Soemba et dépendent de la résidence de Timor. La population des îles
Sawoe dépassait oOOOO individus en 1860, lorsqu'une épidémie de variole
se répandit dans l'archipel, enlevant jtius de la moitié des habitants. Actuel-
lement, on évalue à 16000 le nombre des insulaires, assez pressés sur
leur étroit territoire de 480 kilomètres carrés. Naguère les femmes de
Sawoe se tatouaient comme les Polynésiennes. D'après Wallace, les habi-
tants de Sawoe ressemblent physiquement b(;aucoup plus à des Hindous ou
à des Arabes qu'à des Malais.
XI
TIMOn ET AnCHU'EI. IlE lUlTTI.
L'île de Timor, la plus étendue de celles qu'on embrasse sous le nom de
« Petites Iles de la Sonde », est, comme Soemba, en dehors de la rangée
des îles volcaniques. Orientée dans le sens du sud-ouest au nord-est, elle
l'orme avec celte chaîne un angle aigu, mais il semble (ju'en la croisant
elle l'ait infléchie pour lui faire suivre sa propre direction : les îles orien-
talesqui eonlinuenl la ligne javanaise des volcans se recourbent de manière
à ])i'olonger jusqu'à Nila l'axe de Timor; il paraît donc probable (jue, dans
la |)lastique terrestre, Timor et ces îles auront été soumises à un mémo
plissement du sol. De même que Sumatra et Madagascar, Timor |iréseiile
du côté de l'océan Indien une côte beaucoup plus r(''gulière que le rivage
tourni' MU nord Ncrs les détroits el les mers basses. Les iialurcls distin-
gui'ut l)ien entre les deux mers opposées : celle du sud, qui |)ousse ses
vagues formidables contre les falaises, est la « mer virile » ; la mer du nord,
plus calme, moins p('Milleuse pour les embarcations, est la <■ nier ('(''minine' ».
Malgré son impoitance géographique, à l'angle sud-orienlal de l'Insulinde
et en face de la côte australienne, Timor est une des îles qui oui l'Ié
assez peu étudiées jusqu'à nos jours pour qu'on ne puisse en évaluer la
population d'une manière précise. La Néei'lande et le Poilugal, qui se |)ar-
lagcnl cette grande terre à peu près par moitié, se sont disdibué très iné-
' AdidiijLnhiiiiiluj cil sldlisliscli WuDrdcnducii v<iii ycdriliiiidscK liulië.
- Vai|i\iiilias, linldiin du Socind/iiU' do Geoijrcipliui de Lixlina. 18SÔ.
ILES SAWOE, TIMOR. 435
paiement les sujels limoriens : la j)aiiie poiiupaise, qui rlépend adminis-
Iralivemeut de Macao, comprend ciiiquanle-qiialre " royaumes », dont
(pielques-uns, jouissant encoi'e (i'une complète indépendance, auraient
phis d'un demi-million d'Iiabitants, d'après les recensements détaillés ou
sommaires faits en 1879 pour chaque Etat par M. Vaquinhas. Quant au
territoire hollandais, (pii n'est pas non plus complètement soumis, il auiait
à |ieitie 2j0 000 habitants'.
Le nom de Timor, d'origine malaise, n'a point de signiiication ethnique:
« Orient », tel en est le sens. Les marins de l'Insulinde y voyaient la terre
la plus orientale de leurs périgrinations nautiques et distinguaient cette
grande île et les îlots situés plus à l'est par les dénominations de Timor-
besar ou « Grand Orient » cl de Timor-ketjil ou « l'dil Oiicnt ». D'après la
tradition, les indigènes de Timor étaient des sauvages ignorant l'agricul-
ture et ne vivant que du produit de la cueillette et de la pèche, lorsque
les premiers immigrants se présentèrent dans l'Ile, vers le milieu de
la côte méridionale, là où se trouve aujourd'hui la petite |)rincipauté de
Waiwiko-Waihali. Ces colons, qui apportaient le riz et le mais et qui se
servaient d'instruments et d'armes de 1er, seraient arrivés, dit-on, à la fin
du quatorzième ou au commencement du quinzième siècle. Originaires
de Ternale, les envahisseurs étrangers, devenus bientôt les maîtres,
firent souche de familles princières, dont les divers royaumes étaient cen-
sés dépendre du sultan de Ternate, sinon par des tributs et des hommages
directs, du moins par une sorte de lien mythique. Lorsque la Compagnie
des Indes Orientales disputait aux Portugais la possession de l'île, elle se
réclamait d'une abdication formelle, obtenue du sultan de Ternale*.
Il est certain que les premiers navigateurs blancs (|ui débarquèient à
Timor furent des Portugais : c'est vers l'année 1520 et vers le milieu de la
côte du nord, au village de Lifau, encore occupé par eux de nos jours,
qu'ils auraient pris d'abord possession du sol; peu après, ils élevèrent
aussi un fort à Koepang, la ville qui est actuellement le chef-lieu des pos-
sessions néerlandaises. Les Hollandais n'abordèrent à Timoi' que près d'un
' Siipcrricic cl |i(ipulali(iii pi-iibable de Timor et des îles voisines :
Supei'ticic. Population. l'opiil. kilom.
Timor poiliipiis el Kainliirip. . 10 8i7 kil. carrés. 53B 000 liali. .V2 hab.
I) liollaiidais t.") 448 » 250 000 » t'J »
Ensemble. . . 50 295 kil. carrés. 7SU 000 liab. 26 hab.
IleSamaoe 421 kil. carrés. 3 000 bab. 7 hab.
Archipel Rolli 1 004 » 54 000 » .")4 »
2 P. J. Vetb. Hct Eildiid Timor.
406 NOUVELLE CÉOCRAPUIE LMVEUSELLE.
!?iècle jilus l;ii(l, on 1(51"), dniis iiiie cxiH'ililioii de guerre coiilre leurs
rivaux. Une lois établis solidement, ils eurent à lutter sans relâche contre
les « Portugais blancs » et plus encore contre les « Portugais noirs»,
c'est-à-dire contre des potentats indigènes qui. par les croisements de
race, avaient quelque sang portugais; jusqu'au milieu du dix-huitième
siècle, la place de Koepang eut à repousser des attaques. La guerre
qui désolait le pays avait pris de telles proportions, que la Compagnie
hollandaise entretenait en 1757 une armée de 15 700 hommes. Euro-
péens, Timoriens, gens de Rotti, affranchis et esclaves. Suivant les vicis-
situdes des combats, les chefs se faisaient baptiser protestants ou catho-
liques et prenaient des noms hollandais ou portugais. Pendant ce siècle,
les discussions diplomatiques ont remplacé la guerre, jusqu'au traité
de 1859, qui a fini de régler la question des frontières entre les deux
Étais.
Il parait probable, d'après les explorations partielles qui ont été faites
sur le pourtour et dans l'intérieur de File, que dans sa partie médiane
Timoi' présente, d'une extrémité à l'auli'e, une ossature de plateaux el de
monts appartenant à des formations anciennes, schistes, grès et calcai-
res; mais de part et d'autre, sur les deux versants, se sont déposées des
assises plus récentes, notamment la craie; les couches argileuses sont très
épaisses : de là une extrême difficulté à construire des chemins à lia vers
les terres coulantes '.Des roches coralligènes, qui frangeaient la jiarlic sud-
occidentale de l'île, ont été graduellemeni soulevées à plusieuis cenlaines
de mi'Ires au-dessus du niveau marin \ Kn certains endroits, les roches de
la chaîne se redressent brusquement en obélisques et en citadelles : ces
masses de pierre dominant les croupes environnantes sont désignées sous
le nom de faloe, « roches » [baloe en malais), tandis que les monts aux
longues pentes régulières sont appelés netem. Un des fatoe que l'on voit
de Koepang, au sud-ouest de l'île, le Leeoe, s'élève à 1200 mètres envi-
ron ; jilus loin se succèdent des montagnes plus hautes, mais dans la moi-
tié hollandaise de Timor aucune cime n'atteint 2000 mètres. Dans la par-
lie portugaise de l'île, les sommets sont |)lus fiers, le pays est plus âpre:
le |)ic (le Kabalaki, que visita Forbes, dépasse 5000 mètres; le mont
d'Alas, qui se dresse à peu de distance à l'est de la frontière, immédiate-
ment au nord de la côte de l'océan Indien, n'aurait pas moins de 575S
mètres : c'est le rival du Semeroe de Java el du jiicde Lombok. S'il existe
II. (>. Kiiik's, omra^'i' citi'.
Bi'rli- Jiik.'s, Yoiiiifie nf thc n Fly ».
M(intai;m:s uv. timui!.
457
(les volcans indjui'iiiciit dits dans l'ilc de Timor, ro donl on donlc encore,
ils ne sont certainement pas nombreux : d'après Ileinwardi ', une mon-
tagne appelée Iloen-bano, dans la partie occidentale de l'île, aurait fait
éruption en 1850 et causé quelque dommage dans le pays; l'année sui-
vante, un mont du territoire portugais, le Bibiluto, aurait rejeté des
cendres. Wallace dit aussi qu'un pilon, situé au centre de Timor, aurai!
été en grande j)artie réduit en débris par explosion au milieu du dix-
TIMOK tr ILKS VOISIN
Est de P,
eye/ÛÛÛJt 2000 '"
1 , n.ïonono
o'e2000'"eiâu<ye/A
septième siècle. En maints districts, des porphyres et des serpentines se
sont fait jour à travers des roches sédimentaires. Vers l'exlrémilé du sud-
ouest de Timor, dans une baie de l'ile Samaoc, s'élève un locher de
grès, un de ces nombreux îlots qui portent le nom de Kambing, synonyme
de l'italien Caprera. A la cime de cet îlot s'ouvre une sorte de cratère,
dépourvu de toute végétation, et renfermant des monticules épars, de 3 à
8 mètres de hauteur : ce sont des volcans de boue, comme les macca-
Itibe siciliennes. Chaque éruption de gaz est suivie d'une coulée d'argile
grise qui descend sur les pentes du monticule et l'agrandit peu à peu
' Reis in tien IikHscIwii Anliipel.
438 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
jusqu'à ce que la pression intérieure s'ouvre une nouvelle issue. Au pied
des buttes, des fissures du sol sont emplies d'une eau saumâlre, qu'ai-
ment beaucoup les cerfs, puisqu'ils viennent à la nage de l'île de Samaoe
pour s'y abreuver ; souvent les chasseurs les attendent à l'affût dans Kam-
binj;'. Près des sources s'arrondit en dôme un noemoek, espèce de mul-
tipliant, dont le branchage, supporté par « trois mille troncs «, dit Teni-
minck, abriterait toute une armée. Dans l'îlot de Landoe, au sud de
Semaoe, se sont aussi formés des volcans de boue.
Timor, la terre de l'Insulinde la plus rapprochée de l'Australie, a des
saisons beaucoup plus nettement tranchées que les grandes îles occiden-
tales, Java. Sumatra, Bornéo. Pendant la mousson du sud-est, de mai en
octobre, le vent qui vient de passer sur le continent australien n'apporte
aucune humidité : la végétation se flétrit et les monts prennent des tons
rouges, jaunes, grisâtres, partout où leurs pentes sont couvertes seule-
ment d'herbes ou d'arbustes. Les ruisseaux, les rivières même tarissent
complètement, pour ne couler de nouveau qu'à la mousson d'ouest, quand
la (erre verdoie et refleurit. Le mois de noveml)r(\ qui doit amener la mous-
son du nord-ouest avec les pluies bienraisantes-, est attendu avec impa-
tience; la première pluie est saluée dans chaque village par la musique et
la danse. Des deux versants de l'île, c'est celui du nord, la bandade dentro,
le « coté du dedans », comme disent les Portugais, (jui est le mieux ar-
rosé et le plus verdoyant; c'est là que sont les plus longues rivières, les
[dus vastes forets, et que la population s'est établie en groupes relative-
ment nombreux et prospères. Le versant du sud ou bouda de fora, le « côté
(In dciiors >i, est plus sec, moins verdoyant et moins riche; cependant il
est loin d'être infertile, comme on l'a dit souvent, ])Our l'avoii- vu seule-
ment pendant la saison des sécheresses.
Le contraste que présentent les deux versants |)our l'abondaïu'C des eaux
et l'aspect de la végétation se retrouve dans la flore et la faune. La côte
qui i-egarde l'Australie est la plus riche en espèces australiennes ; celle
(jui est tournée vers les îles de la Sonde et les Moluques a surtout les
espèces appartenant à ces régions. D'ailleurs, on le sait, Timor est relati-
veincnl j)auvre en formes végétales et animales : elli; dépend plus de la
Nouvelle-Hollande que de l'Asie et l'on y voit l'eucalyptus, l'arbre caracté-
ristique de l'Australie. Dans l'intérieur de l'île, nombre de plantes
rappellent la flore africaine. Timor n'a d'auties félins qu'un chat
' 1'. .1. Vi'lli, miMiioire citi''.
* Rlink. Winil- iiiid Mccn'sstiviiiiijificii im Cchicl ilcr KIciiicii Siiiiild-liisfin. 1887.
s5E/l|AiUl^=
Dessin ilc (.. NuiH"-'' "''
TIMOR ET SES HABITANTS. 441
sauvage à longuos oreilles; sou plus grand (juadrupède est une espèce
de cerf qui se rapproche d'un cervidé de Java et des Moluques. Elle ne pos-
sède qu'un singe, le cercopithecus cynomolgns ; les deux tiers de ses mam-
mifères se composent de chauves-souris. Les animaux les plus redoutés
de la faune tiraorienne sont le trigonocéphale vert et le crocodile, duquel
les princes de Koepang prétendaient autrefois être descendus. Quand un
nouveau souverain prenait le sceptre, les sujets se préci]>i(aient au bord de
l'eau pour rendre également hommage à ses parents les sauriens : celui de
ces animaux qui apparaissait le premier était le cousin du roi, et on lui
amenait comme épouse une belle jeune (ille, parée et parfumée, qu'il dé-
vorait aux applaudissements de la foule.
Les habitants de Timor ne sont pas classés parmi les Malais projtremeni
dits et paraissent se rapprocher des Dayak de Bornéo. Quoi qu'en aieiil dil
plusieurs écrivains, il n'y a point de peuplades noires dans l'Ile de Timor' ;
tous les indigènes ont la peau claire, jaunâtre, du Malais et ne dilTèrenl
guère les uns des autres : c'est par le costume et les armes qu'ils se dis-
tinguent, plus que par la stature et les traits. Les peuplades distinctes
sont fort nombreuses, et, d'après Cravvfurd, on ne parlerait pas moins de
quarante « langues » — ou plutôt dialectes — dans l'île de Timor. Le
groupe ethnique le plus considérable est celui des Ema-Velou, appelés Be-
lonais [Beloeneezen) par les Hollandais. Ils occupent toute la moitié orien-
tale et une grande partie de la région du centre et comprennent un nom-
bre considérable de tribus : de là ce nom de Yelou, qui signifie « Amis »
ou « Alliés >'. Ils prétendent être venus des Moluques, ce (pii est probable-
ment vrai pour les familles de leurs chefs, et ils attribuent une origine ana-
logue à leurs voisins occidentaux, les Timoriens proprement dits, quoi-
qu'ils leur donnent aussi l'appellation d'Ema-Davan ou « Javanais )>. Ces
Timoriens ou Toh-Timor habitent les régions occidentales de l'Ile, à l'ex-
ception de la pointe extrême, où vivent les Aloeli Koepang, dont le ]irince
réside à l'ouest, dans l'île de Samaoe'. Des marchands étrangers, bougi,
chinois, européens, se sont établis dans les ports, et l'on sait qu'une race
mélangée, celle des « Portugais noirs », a fait souche dans la partie sep-
t<>ntrionale de l'île, notamment dans les principautés d'Ambenou, d'O-
kussé et de Noimuti, qui forment une enclave portugaise au milieu du
territoire hollandais. Les princes, même dans le territoire hollandais, ont
reçu le nom defettor, du portugais /)'//o/'. intendant.
' Riedel, liiillcli/i ae in Soctcté de Géoyrnphie, 187'.t.
* Tcirimincli, Coup d'œil sur les Possessions Néerliiinhiises dans l'Inde ArrliijxUnqiiine
XIV. M
U-2 NOUVELLE GÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
Les Bcloiiais cl les Timoriens non oncorc soumis à riulhience des mis-
sionnaires catholiques ou jtrolestants ont un culte animiste assez déve-
loppé. Ils adorent un « Maitie de la Lumière », Ousi-Neno, qui demeure
dans le soleil et qui a pris la lune j)our épouse. Ils voient dans les astres
les résidences d'autant de divinités d'ordre inférieur; mais, tout en révé-
rant ces dieux lointains, ils adressent surtout leurs prières aux objets de
la nature (pi'ils voient à côté d'eux : montagnes et rochers, arbres et fon-
taines; ils apportent aussi des offrandes aux âmes des morts, intermé»-
diaires obligés de toutes les communications des hommes avec les dieux
supérieurs. Les lieux vénérés deviennent pomali pour eux, et nul ne peut
V jiénétrer sans la permission des prêtres : abattre une branche dans un
bois sacré, se baigner dans une source sainte, seraient autant de crimes
dignes de la mort. Les lois du tabou ne sont pas moins respectées à Timor
que dans les îles polynésiennes et chez les Sakalaves, et les ressemblances
des cultes sont telles, qu'on doit y voir moins l'effet d'une évolution natu-
relle à l'esprit humain que les indices d'une civilisation jadis commune aux
insulaires de Madagascar, de Timor et de l'Océanie. Chaque village a son
temple, caché dans un bois sacré et entoui'é d'une forte barrière. Chaque
État a son sanctuaire particulier, lieu terrible, duquel les profanes n'osent
ap|Moclier dès qu'ils ont vu, à travers le feuillage, les crânes de buffles (pii
en ornent les portes. Ces temples sont l'habitation du loul'tk ou génie pro-
tecteur, qui siège, au centre de l'édifice, sur une pierre jetée du haut du
ciel par le dieu de la lumière. Les Timoriens croient aussi à de mauvais
génies, auxquels ils offrent eu sacrifice des bêtes noires, tandis que les ani-
maux h poil roux sont réservés pour les dieux protecteurs'.
Les Timoriens se tatouent diverses parties du corps avec des épines, se
liment les dents en pointe et souvent se les peignent en rouge, de la cou-
leur des giaiiis de grenade, afin de » ne pas resscinblcr à des singes >> ;
dans quelques tribus les indigènes liches ornent leurs dents de lamelles
d'argent ou d'or. Les mœurs, relativement au mariage et à l'héritage,
varient singulièrement suivant les peuplades. Tandis que dans certaines
contrées les femmes sont toujours prises en dehors de la tribu, il en est
d'autres où les unions sontendogames : ici prévaut le droit paternel avec
l'héritage de père en fils, ailleurs le droit maternel avec l'héritage de l'onde
au fils de la sœur. Il est des tribus où le jeune homme n'entre dans l'as-
semblée des égaux et ne peut contracter mariage qu'après avoir abattu une
ou plusieurs tètes, comme le Dayak de Bornéo, mais seulement en guerre
' Vi'tli, iiR'iiiciirp cité; — Ailiilf Bastian, liidûiicsint (jdrr <lif liiscl/i des Mutiiiihchcii Anliiin-t
TIMOUIENS, KUEl'A.NG. «3
(ItTlaréc. ou dans les eérémonios funèbres. Aussi les guerres élaienl-elles
incessantes entre les tribns; mais, d'après la coutume, elles devaient se
faire en observant un certain « droit des gens ». Les crieurs ou « chiens
du pays » appelaient aux armes tous les hommes valides, puis une bande
choisie se rendait sur la frontière pour jeter, en signe de provocation, une
tête de chien noir sur le territoire ennemi. Dès qu'un homme est tué, le
combat s'arrête, le vainqueur s'élance sur le cadavre, crie son {)ro|)re nom
et demande celui du vaincu. Après le rétablissement de la paix, il rem! le
crâne de la victime, avec une amende versée par la communauté; sinon, il
aurait à payer « sang pour sang »'. Les lois timoriennes sont très sévères
et la peine de mort est prononcée |)our la plupart des crimes ou délits;
mais le rachat de la condamnation est permis : les pauvres sont donc les
seuls que frappe la loi ■.
Les princes ou « lils du Soleil » sont, comme en beaucou|) d'auli'es
pays, censés ne pas mourir. Us « s'endorment » seulement et ne sont enter-
rés (|ue très longtemps après le commencement du long « sommeil ». En
quebjues districts on les expose en des cercueils ouverts au sommet des
arbres ; ailleurs les épouses gardent le corps sur leurs genoux pendant des
mois entiers, et on ne l'ensevelit qu'à l'état de momie desséchée, couché
sur le dos, « afin qu'il puisse regarder son père ». Ses trésors sont en-
fouis avec lui et jadis on lui donnait une escorte d'esclaves; encore de
nos jours on le fait accompagner d'un chien, qui doit le guider sur la
roule d'outre-tombe; chacun de ses sujets doit lui apporter un présent.
Des buttes de pierres, d'autant plus hautes que le personnage était plus
puissant, sont érigées sur les fosses. Cependant ou craint que les morts
ne reviennent et le chemin qu'a sui\i le cadavre; est fermé |iar uiu- |ialis-
sade de bambous.
Koe[)ang, la capitale de la partie hollandaise de Timoi' et des iles du
sud-ouest, est une des villes les moins salubres de l'Insulinde. Située sur
la rive méridionale d'une baie qui échancre profondément l'extrémité sud-
occidentale de Timor, elle occuj)e un sol trop bas et l'air n'y est pas assez
icnouvelé : les chaleurs y sont (''louffanles. Néanmoins cette ville, jieuplée
d'environ 7000 habitants, Timoriens, Malais, Chinois et Européens, est
devenue, grâce à sa rade et au choix qu'en ont fait les autorités néerlan-
' U. 0. Forbes, ouvrage cilc''.
* A. de Castro, Ans allai Wcllllicilcii, déc. l!S7'i.
m
NOUVELLE (iÉOGRAPHlE UNIVERSELLE.
daisL's, la |(laco tic commerce la plus importante de Timor : elle est très fré-
quentée pendant la mousson du sud-est, mais les boutres des marchands
de Solor et de Celèbès l'évitent pendant la mousson d'ouest. On exporte
surtout de Koepang du bois de sandal, des chevaux, des oranges exquises
et la cire de l'abeille sauvage (apis dorsctta), qui suspend son nid aux
branches des grands arbres ; en outre, les marins de l'archipel de Solor
viennent pêcher dans ses eaux des poissons de toute espèce, poursuivre les
KOEPANG.
i2l'i5- Est de Par-îs
I83°35- Est de Greenwich
^r'o/'ont/euns
1 : 300 000
cétacés, recueillir les huîtres perlières. C'est à eux que les Chinois achètent
les ailerons de requin, l'écaillé de tortue, les holothuries. Quant aux gens
de Timoi' et de Rotti, ils se hasardent rarement en mer; ils sont presque
exclusivement agriculteurs. Ceux de Rotti préparent en abondance du vin
de palme très apprécié et vendent d'excellents petits chevaux, » grands
comme des chiens de Terre-^euve ■>.
Alapoepoe, vers le milieu de la côte septentrionale de Timor, est aussi
une bourgade ouverte au conimeice étianaer. Elle est située non loin de
KOEPANG, ItILLI. .445
la IVontièro portugaise, dans la province de Filarang, l'une de celles ([ue
l'on dit être le plus riches en veines de cuivre; pourtant ce métal n'a pas
encore été sérieusement exploité. C'est à l'est d'Atapoepoe que se trouvent
les districts habités par les « Portugais noirs », dont le chef-lieu est Okussé,
autre village riverain. Les régions montagneuses qu'on aperçoit au sud
appartiennent au petit Etat de Sonebaït, où réside un lioraï, c'est-à-dire
un '< empereur », de qui dépendaient jadis presque toutes les principautés
occidentales de Timor. Un autre « empereur » a pour capitale le village de
Waiwiko, sur le rivage de la mer des Indes. Les Timoriens n'ont guère de
villages; leurs cabanes, dont on ne voit par côté que le toit, posé sur le sol,
sont éparses en petits groupes, habités chacun par une famille'.
Centre administratif d'un territoire plus populeux que la moitié néerlan-
daise de Timor, la ville de Dilli, où demeure le gouverneur portugais, est
de moindre importance que Koepang; elle a même déchu de|)uis le milieu
du siècle : plus de 5000 personnes l'habitaient alors, tandis qu'en 1S7U
sa population n'atteignait pas 3100 habitants avec les faubourgs. Encore
plus que Koepang, c'est une ville insalubre, exposée à l'air pestiféré des
marécages ; mais elle possède une assez bonne rade et, du large, présente
une belle apparence. La plupart des maisons sont à demi ruinées; seuls
l'église, le couvent, le séminaire, qui dominent Dilli du haut d'une ter-
rasse voisine, sont restés en bon état d'entretien. Quelques bannis repré-
sentent la part la plus considérable de la colonie portugaise. DesBougi, des
Chinois, des Arabes, et deux ou trois Indiens de Goa, occupant un faubourg
distinct, sont les principaux intermédiaires du commerce, (jui comprend
surtout le café, la cire, le bois de sandal à l'exportation, et le riz à l'im-
portation'. Le café de Timor est de (jualifé supérieure; aussi de nom-
breuses caféteries se sont-elles récemment fondées dans les provinces les
plus rapprochées de Dilli. Les plantations de canne à sucre et de tabac
sont beaucoup moins importantes, et les plants de chinchona, dont le gou-
verneur de Java avait fait présent à celui de Dilli en 1874, ont été négli-
gés : à peine en trouve-t-on encore trois ou quatre exemplaires dans les
plantations de la montagne'. Le froment, <|ue l'on cultive sur les plateaux
et sur les pentes, à 1000 mètres d'altitude seulement, est de très bonne
' II. 0. Korbes, ouvrage cité.
- Commerce de Uilli en 1884 :
Importation I 114 410 francs.
Exportation i 4.")9 850
Tohd :> 544 '240 francs.
' José ilos Sanlos \ai|MiMliiis, UdIcHiii du Sutk'iliiilc ilc licuyrapliid ilc Lisluiii, 1881.
«(! .NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
(|ualili5'. Une des principales industries dn Timor por(iij;ais est le lissa<>e
des sacs en fibres de plantes diverses : ce sont les femmes qui se livrent
à ce travail au profit des négociants chinois.
Balugudé, près de la frontière hcillandaise, Mauliara, situé en face de la
pointe orientale de l'île d'Omliaai. Manatuto, à l'est de Dilli, sont des vil-
lages de la côte septentrionale qui font aussi (juekjue commerce. Près de
Maubara, les roches sont traversées de riches mines de cuivre encore inex-
jiloilées. D'après Yaquinhas, les « Portugais noirs » de Lifau parlent le
portugais, et même quelques naturels le lisent et l'écrivent. La force pu-
blique portugaise, dite « infanterie de Timor », se compose exclusivcmenl
de condamnés aux travaux puldics.
Au nord de Dilli s'élève en pleine mer la montagne escarpée de Kam-
bing, la seule île, en dehors de Timor, que les traités aient laissée aux
Poilugais ; sa population est de '2000 habitants.
XII
ip
ILES Dr (( SlD-nlEST » (UT Zrin-WESTKR EII.A.VDEN.
Ces terres, groupées sous le nom commun d'îles >< Sud-Occidenlales »,
})ai'ce qu'elles se trouvent pour la plupart au sud-ouest d'Amboine, le
centre administratif et commercial dont elles dépendent, sont plus fré-
quemment désignées par les marins anglais sous l'appellation de Servvatty.
dérivée par corruption de la dénomination hollandaise Zuid-Wester".
Ouoi(|ue réunies par le gouvernement en une même province maritime,
elles ne constituent nullement une division naturelle, car elles appar-
lieniH'iit à des rangées et à des grou|ies distincts. Les îles méridionales, les
plus nombreuses, continuent à l'esl la grande île de Timor, dont elles ne
sont, pour ainsi dire, que les fragments; les îles du centre, plus clairse-
mées, mais comprenant la terre considérable de Wetter, font partie <le
l'alignement volcanique de Java et Bali ; enliii le cône du goenong Api ou
de la montagne Brûlante et quelques îlots émergés de faibles dimensions
soni considérés par Junghuhn comme formant l'extrémité orientale d'une
autre rangée volcanique, indiquée de dislance en distance au-dessus des
Ilots. Mais, si différentes qu'elles soient les unes des autres par leur ori--
giiie sédimeiilaire, coralligi'iie ou volcanicpie, les îles Sud-Occidenlales se
' AVallaci', DUvnige cilt'.
- I). IL Kdiff. Voiidçies of Ihc Dulili biig l)i>iiiija,W.inf.li\cA liy Georye Wiailsui- Eiiil.
TIMOR, ILKS « SI D-OCCIDENTALES ». Ai^
rt'ssemijk'iil par leur liisloirc j)oliti(HiL' i'I commerciale. Faililemeiit peu-
plées, elles ont été longtemps délaissées comme sans importance aucune,
et en 1825 et 1826, quand un hrick néerlandais fit la tournée de ces iles,
trente, quarante années, même un demi-siècle s'étaient écoulés depuis que
les indigènes n'avaient aperçu un navire de la nation à laquelle ils élaienl
censés appartenir. Ils accouraient au-devant des Hollandais, précédés
de leurs chefs, qui s'étaient parés de l'hahit et du tricorne à la mode
de 1780 et brandissaient leur hàlon d'Iionneui' mar(|né aux armes de la
Compagnie.
Les iles les plus remarquables par leur forme et leur relief sont naturel-
lement les îles volcaniques. La montagne du «Feu», le goenong Api,
isolée au milieu de la mer et complètement inhabitée, dresse un cône
supeibe, d'où ne sortent plus de vapeurs. La grande île Wetter ou Wella,
(jui fait face à la côte septentrionale de Timor, prolonge parallèlement à
celle île une chaîne de pitons volcaniques, d'apparence stérile, au milieu
desquels se sont réfugiés de timides naturels. Kisser ou Kissa, située plus
à l'est, près de la côte de Timor, est également une terre montagneuse.
Choisie au dernier siècle comme centre administratif des îles du Sud-
Ouest, elle est aussi celle dont la population est le plus policée; mais
la famine y a souvent fait des ravages : les pluies ne tombent pas sur ses
pentes en assez grande abondance pour les cultures, et souvent les indi-
gènes ont dû émigrer vers les terres voisines. Roma, qui succède à Wetter
et à Kisser vers le nord-est, environnée d'îlots et de récifs, est au con-
traire une île féconde, exportant une partie de ses récoltes. Puis vient
Damma, culminant au nord-est par une montagne toujours fumante, dont
la base laisse échapper des sources thermales; ses forêts étaient autrefois
riches en muscadiers, que fit arracher la Compagnie des Indes et qu'une
autre compagnie cherche à iulroduire de nouveau dans l'île. Nila, échan-
crée à l'ouest d'un cratère et dominée par un volcan, quelquefois actif
(485 mètres), puis Saroea, terminent à l'orient la chaîne javanaise des
volcans.
La rangée méridionale des îles qui semble continuer Timor commence
avec Letti, la plus populeuse des îles Sud-Occidenfales, une de celles
dont les habitants se distinguent par la probité et la sévérité des mœurs.
Jadis les parents tuaient eux-mêmes leui's enfants coupables d'avoir violé
la coutume; la Compagnie, cherchant des esclaves pour ses plantations
d'épices à Banda, intervint pour commuer la peine de mort en servitude
à son profit : elle put augmenter ainsi ses chiourmes de travailleurs. Moa,
])eu éloignée de Letti, et dominée au nord-est par un morne, le « pilon du
448 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Buffle », qui, toutes proportions gardées, ressemble au pic de Tenerife, est
aussi une terre très peuplée et ses habitants font un assez grand com-
merce ; mais la coutume ne permet pas aux navires d'ancrer dans les eaux
de cotte île, et les indigènes ne doivent pas exporter de denrées : les trai-
tants de Letti viennent les chercher en de petites embarcations et les
portent dans leur île; tout autre mode de traiîc attirerait le malheur sur
les gens deMoa. Lakor, très voisine de Moa, n'est qu'un banc de corail
émergé s'élevant d'environ 6 mètres au-dessus de la mer; elle n'a point
de fontaines, et les habitants doivent recueillir l'eau de pluie dans leurs
citernes. Loeang est aussi environnée de récifs, où l'on pèche les holothu-
ries ou biches de mer les plus appréciées de tout l'archipel. La haute
Sermatfa, longue chaîne lie collines escarpées, sans criques accessibles à
sa base, est rarement visitée, tandis que Babber ou Baba, entourée d'îlots
nombreux, est fréquentée par les caboteurs. Comme les Pajwua des îles
situées plus à l'est, les gens de Babber s'enduisent les cheveux de chaux et
d'autres substances pour leur donner une belle couleur jaune d'or, et les
attachent gracieusement avec un mouchoir éclatant ou une feuille de pal-
mier. La pelile île de Wetang est un magniti(|ue jardin dépendant de
Babber'.
Au siècle deiiiier, lorsque la Compagnie entretenait un comptoir et un
forlin dans presque toutes les îles du Sud-Ouest, les indigènes avec les-
([uels les Hollandais se trouvaient en fréquentes relations s'étaient con-
vertis au christianisme et, en témoignage de leur changement de foi,
avaient pris un costume noir et des noms européens. En 1825 et 1820, le
chapelain qui accompagnait l'expédition de Kolff était à peine débarqué
dans un village, (jue les « chrétiens » l'entouraient pour faire bénir leurs
mariages et baptiser leurs enfants. Ces chrétiens, dont quelques-uns
savaient encore lire et écrire, sont presque partout considérés comme
étant de race supérieure, et en maints endroits les indigènes restés païens
sont tenus |)ar eux dans une demi-servitude. Leur autorité est d'autant
' Supeilkk' fl jxipiihlion présiimi'e des îles SmI-Occidenlales :
Weller 2 721 kildin, c.més. 7 540 liab. d'après Riedel, en 1SS(!.
, Kisser 97 » 9 800 n
Roma 589 » t 145 »
Dainma et ilols vnisiiis .... .")20 » i 697 ii
Nila et Saroea t.V2 o 2 590 n
Letti, Moa et Lakor 720 « t0 897 »
Loeang. Sermalta et îlots voisins 200 » 6 881 »
Baldier, Wetang, Daai .... 618 » 21 871 »
Ensemble. . . . 5 197kiloin earrés. 62 -427 habitants.
ILES (I SUD-ORIENTALES ». 449
plus grande (|irils se larguent du lilif d'Anak Compania ou " Fils de la
Compagnie », dû à l'union d'aïeux européens avec des femmes indigènes.
Le missionnaire Rinnooy constate que, malgré la faible part de sang hol-
landais restant après quatre ou ein(| générations chez les naturels « lilancs »
de Kisser, descendants de soldats de diverses nationalités européennes,
nombre d'entre eux ont encore un teint notablement j)lus clair que celui
de leurs voisins, des yeux bleus et la chevelure blonde; d'après Mayer,
leurs champs seraient cultivés par des esclaves achetés sur les côtes por-
tugaises de Timor. Kn ces derniers temps, l'Islam a l'ait des conquêtes
dans l'archipel. Les naturels de plusieurs îles, notamment de Wetter et
de Kisser, (|ui fuient la présence des blancs, sont désignés sous le nom
d'Alfouroii, ap|iellalion (|ui d'ailleurs n'a pas de sens elhni(jue. Chaque vil-
lage est administré par un uranij-kaija, choisi parmi les notables et, dans
quel(jues-unes des îles, un chef supérieur commande à ceux de tous les
autres villages; mais leur titre est surtout honorifique, et la puissance de
la coutume ne leur permet guère de donner cours à leurs caprices. En
maints endroits prévalent encore des mœurs communautaires : c'est ainsi
que les indigènes de Lakor et de Moa vont d'une île à l'autre sans em-
porter de provisions; ils prennent ce dont ils ont besoin dans les planta-
lions de leurs voisins, et ceux-ci leur rendront la pareille à l'occasion,
sans que, même en temps de querelle, il soit jamais ((ueslion entre eux
de vente ou de payement'.
XIII
ILES « SL'D-OniF. NT.VLES », ARCIllI'KLS DE T E M M B E R ET DE KEl.
Il eût semlih' naturel d'indiquer la position gi''ogiaplii(|ue de ces îles
par rapport avec la grande terre de la Papouasie, dont les îles Kei sont à
120 kilomètres seulement ; mais les marchands hollandais (jui ont en cer-
tains endroits modifié la nomenclature malaise de l'insulinde ne connais-
saient que leurs entrepôts de commerce, et c'est relativement au port
d'Amboine, le chef-lieu des Moluques et leiu- marché ])rinci])al dans ces
possessions lointaines, qu'ils fixèrent la position des aichipels de Tenim-
ber et de Kei : ils en tirent les îles « Sud-Orientales )>, comme ils avaient
fait de Wetter et de ses voisines les îles << Sud-Occidentales ». D'autre part,
les navigateurs de Macassar avaient donin' le nom d<' Timor-Laoet, « Orient
des Mers », à la plus grande des îles de Teiiimber, |iour en indii|uer la
' Kollï, ouvra^'c cité.
xiT. 57
4J0 NOUVELLE GÉOGRAIMIIK UNIVERSELLE.
position sii(l-oi'iL'iil;ilo par l'apporl à (^cIôIjôs. Au [loiiil de vue de la géo-
graphie générale, ces îles, (jui appartienueut eneore à la région malaise,
pcuvenl être considérées comme l'ormanl la limite orientale du monde
indonésien : à l'ouest s'étend la mer île Banda, parsemée d'iles où vivent
des populations malaises; à l'est commence la mer dite d'Ai-al'oura, dont
les rivages sont habités parles populations papouasiennes et australiennes.
D'une superficie assez considérable, mais iai])leiiienl peuplées', les lies
Sud-Orientales ne sont pas encore bien connues des marins, et le con-
tour des côtes est rà et là (racé en lignes incertaines. Même à une époque
toute récente on croyait que la grande île de Tenindier ou Taiiah Imber se
prolongeait sans interruption juscju'à la pointe méridionale de l'archiitel,
et la plu|)art des caries usuelles piésenleni encore cette erreur, l'ourtant
les naturels, avec lesijuels les marchands hollandais traitent de[tuis [ilus de
deux siècles, savent parrailemeni que leur territoire se divise en deux
îles ilistinctes, et ils donnent à chacune d'elles un nom dilT(''rent. Owen
Stanley, <pii \isila Tenindier en ISGD, dit aussi (|u'elle comprend " plu-
sieurs lies sépari'-es' ». Enlin, en 1(S7N, un naviic de lianda, \'lùjcf<)ii,
rraïuhit le détroit profond qui s'ouvre entre Vamdena et Selai'oe, et dont
les baies latérales olTrent d'admiraljles poris de l'clnge, par des fonds va-
rialilcs de I,") à SI) mètres. .Mais il reste bien des n'cherchcs à faire avant
que l'exploration hydrographiipu' de l'archipel Tenimber puisse être con-
sidérée comme achevée. Kncoi'c en l(S(SS, le navire Sawaramj a signalé
vers l'extrémiic' sud-occidciitale de rai'(hi|(el une Ile inconnue de |)lus de
3 kilomètres de longueur.
Les deux îles, com|)osées de roches calcaires, n'ont dans pres(|ue t(uile
leur ('leiidue (|u'iin faible relief : la j)lus haute cime de l'archipel, piès
de la i-nW. occidentale de Vamdena, est le volcan insulaiic de l,aibobar,côn<>
paifailemenl i'(''gulier (pii s'i'lèveiail, d'après Forbes, à (iOO mètres envi-
ron : des [lierres ponces glissent des pentes de celte monlagne et flottent
dans les parages des alentours. Les falaises de Vamdena, de formation
coralligène, sont biusquemenl coupées sur une grande partie du pour-
• SiiiiiTliiii' cl |iii|Miliiliiin |.njliiililcs (les ilcs SiKl-Oricnliiirs :
Viiiiulcnn .'(18 1 Ivildiii carri's. )
Scl:ivn(. IKiU „ i
li'Oli liaii. cf:i|iro-^ ttlcdol.
Tenimbkii . . , ,
[ Autres it.'s 1(100 .. (
j.. \ ('.È-iimic KM 082 » 588(1 »
'■'■■■ ■/ Autres it.'S (lo l'aiTlii]ieL .Vill ;. 117(10 "
Eusi'u\lil(' (les ik's Su(l-fli'ieliliili.'S . . 7i4.j kiluiu. t-arrcs. 5(l.jt'J tialiitautB.
- Itonry (j. F(U-l)cs. .Imiriuil ofllw R. Veujiriipliirnl Sociclfi. Mardi 1884.
TEMMBER,
451
(out\ et il on ost (|iii ii'alleignont p;is moins do 50 mètres au-dossns du
flot', ce (ini lémoifinc d'oscillations considéraldes dans le niveau relatil'des
N° 92. TEMMBEn.
130' Est de
d'après Forbes et les -caf-t
Pro /on c/ei> ^~s
ûeOÀ/OO"" c/e'ÛO'"et^^ c/e/À
lOOO
50 kil.
terres et des mers. L'ilc de Larat, que l'éti'oit canal de Wallace, pareil à
un sinueux marifiot, mais navigable même ])our de grands navires, sépare
de Yamdena, est également une terre basse, tandis (jue l'extrémité sep-
Anna F(iil)us, IimiiliiKlc. E.rpciiciice uf a ^'dliirdlisl's wifc in Ihc Euslern Anliipcltigo.
452 NOUVELLE GEOGRAPHIE IMVERSELLE.
k'iilrioiialt' du groupe de Tenimbcr, l'ile de Verdate,sc dresse en promon-
toires escarpés. Parallèlement aux iles maîtresses de TenimLer se succè-
dent à l'ouest de petites îles, des ilols et des récifs (juc les faibles pro-
fondeurs de l'eau rendent en maints endroits d'un très difficile accès et
dont le tracé sur les cartes marines est encore tout [)rovisoire.
La nature calcaire du sol, percé de grottes dans lesquelles disparaissent
les eaux de pluie, a privé les îles Tenimber de ruisseaux fécondants, et de
vastes étendues du territoire sont restées infertiles et inhabitées. Cepen-
dant des brousses impénétrables recouvrent çà et là les pentes; aucun
félin ne s'y cache, mais le bétail lâché j)ar les j^iemiers navigateurs y est
devenu sauvage : les indigènes ])oursuivent ces bœufs noirs, aux cornes
droites, et les capturent au moyen d'un lacet de rotin ou les luent à coups
de flèches. Les cochons .sauvages rôdent aussi en grands troupeaux aux
alentours des villages. Tenimber, de même que la plu|)art des Moluques,
n'a point de singes dans ses forêts'. L'ensemble de la faune, oiseaux et in-
sectes, présente un aspect néo-guinéen.
Les habitants de Tenimber vivent sans maîtres. quoi(jue certains indi-
vidus se donnent h vain lilie de chef. Peu nombreux, puisque les régions
de l'intérieur et la partie scplentrionale de Yamdeiia sont inhabitées ou
parsemées de rares hameaux, ils ressemblent beaucou[) plus aux Malais
qu'aux Pa|)oua, bien que la race soit évidemment mélangée. La nuance de
leur peau est foncée, leurs cheveux, jaunis par les onguents, sont légè-
rement crépus, mais leurs liails ont une grande régularité et nombre
d'entre eux ne diffèrent des Kuropéens que par la couleur. Les femmes sont
plus grandes et mieux faites que la plupart des autres insulaires leurs
VDisines. Les jeunes hommes sont des modèles achevés d'équilibre, de
force et de grâce :nul voyageur (jui ne décrive avec admiration les groupes
de ces beaux adolescents, à la chevelure dorée, aux rouges draperies flot-
tantes, se penchant en arrière pour bander leur arc ou se lançant en
avant pour darder le javelot. Les gens de Tenimber, hommes et femmes, se
tatouent légèrement le front, le< joues, la |ioilrine et les poignets. Les
femmes sont ornées de bracelets et de colliers en verroteries rouges et,
lors du mariage, portent des chevillères en cuivre (pii s'entre-choquent
à chaque pas. Les riches indigènes qui obtiennent des monnaies d'or en
échange de leurs holothuries et de leur écaille de tortue en fabriquent de
lourds anneaux et des pendants d'oreilles. Le goût artistique les distingue
des Malais, (pii leur sont très inférieurs pour le sens du beau : ils déco-
' Kulft, oima^'c cili'.
TEMMBER. «3
ront leurs pran à liahuicicr de lèles (raiiiinaux, réels ou fanlasli(jues,
sculptées éléfiammeut, cisèlent les pilotis de leurs cabanes en l'orme de
crocodiles et de poissons qui se comballent, s'entremêlent et se dévorent.
Les hommes chantent souvent, mais les femmes n'ont point le droit de
les accompagner de la \iiix. Tenues ponr iid'érieures, elles sont toujours
vendues par leurs parents, et, tant (jue le prix d'achat, consistant en objets
d'or et en dents d'éléphant, n'a pas été payé en entier, elles restent en
gage, elles et leurs enfants, dans la demeure paternelle; mais les îles de
Tenimber n'ont ni mines d'or ni troupeaux d'éléphants, et le jeune homme
doit a((en(li'(^ s(uivenl |)en(lant d(>s années avant d'avoir pu échanger sa
nacre de perle et son Irepang contre le |)récieux douaire apporté de Singa-
pour par les traitants badjo. L'homme qui ravit une jeune fille à un fiancé
ayant déjà payé la dot est puni de mort. .V Tenimber les préceptes de l'hy-
giène convenue obligent les mères à bercer leurs nourrissons au-dessus
d'un feu à grande fumée, qui chasse les mousli([ues et entretient une tem-
pérature élevée dans la boite à fond plat oii l'enfant est couché de ma-
nière à s'aplatir le sommet de la tète; mais on ne déforme point les crânes
au moyen de planchettes, comme en certains dishicis de Celèbès. Les morts
honorés sont toujours déposés dans le voisinage de la mer, sur une ]»lale-
forme de branches ou sur un bloc de corail; souvent les gens de Tenimber,
de même que le faisaient les ancêtres des Malgaches, placent le corps dans
un canot, qu'ils décorent de marionnettes et de banderoles pour écarter
les mauvais génies, (jnand un homme a été décapité dans un combat, on
remplace sa tête par une noix de coco pour tromper l'esprit du défunt et
lui faire croire qu'il est encore entiei''.
Des Arabes et d'autres Mahométans ont cherché à répandre leur culte
dans les lies Tenimber, mais sans succès : les indigènes ne veulent à aucun
prix consentir à se priver de leurs boissons spirilueuses et de la viande de
porc. Ils adorent un dieu suprême, Douadilah, symbolisé par un poteau
.sacré autour duquel ils dansent le tjikehr, et par des images grossières
qu'ils placent dans lenis demeures en face de la porte : ils s'inclinent
devant ces objets saints et leur présentent toujours une partie de leur
repas. Même en voyage, ils portent une effigie du dieu qui les patronne
et ils s'arrêtent pour l'invoquer. Ils croient aussi à une existence
future pour eux-mêmes et pour tout ce qui vit : le pêcheur ne manqucia
jamais de rejeter dans la mer une partie de sa capture, afin que l'âme du
poisson puisse voyager dans le monde des cs[)rits. Les gens de Tenimber
' Anna Foi'bes, oiivr;igc cité.
454 NOUVELLE GÉOGRAIMIIE UNIVERSELLE.
montrent au loin sur la mor la terre où ils se rendront après la mort,
mais ils se gardent bien d'aller la visiter pendant la vie; les marins
l'évitent avec une sainte frayeur.
Les îles Kei ont pi'ohahienii'nt l'een leur nom des Portugais : ce sont des
cai/ux ou des écueils comme les Arysde la Floride; les marins de ces parages
leur donnent le nom d'Kvar ou « îles des Cochons ». Plus rapprochées que
les Tenimber de Banda et d'Amboine, elles se trouvent par cela même
dans le centre d'allraclion de l'islam, et une partie de leur population,
peut-être le quart, se compose de mahométans, paiini lescjuels les fugitifs
d'autres îles et les immigrants volontaires sont assez nombreux. (Quelques
habitants des Iles fabri(|uent des poteries (jue l'on expoi'te dans tous les
ai'chipels environnants. Les insulaires sont aussi de très habiles construc-
teurs de bateaux, et les marins de (ieram, de Banda, de Celêbès viennent
leur en acheter. L'île la plus considérable, dite la Grande Kei, (jui se
prolonge en forme de navette à l'est de l'archipel, contient à elle seule
les deux tiers de la jjopulation; mais la slalidii la plus fréquentée, Doela,
se trouve dans un îlot voisin de la Petite Kei, à l'ouest de la Grande : là
tout un cercle de collines insulaires, abritant une rade profonde, constitue
un |)ort admirable, visité depuis des siècles par les acheteurs d'holothuries
et d'écaillé : en aucune partie de l'insulinde ces denrées ne sont de meilleure
(jualité. Les eaux de l'archipel siinl aussi d'une l'ichesse extiêiu<' en pois-
sons. Depuis quehjues années, des j)lanteurs se sont établis dans les îles.
En IS,"),"), deux petites îles entourées de récifs émergèrent des flots
dans le voisinage de la (irande Kei, à la suite di' Iremblemenls de terre et
de mer.
XIV
CEI, K 11 f; s ET ILES VOISINES.
Cette grande terre, la troisième de l'insulinde par la superficie, et la
quatrième j»ar la population et l'importance commerciale, rivalise avec
Java poiu' la beauté des aspects et la variété des phénomènes; pour la
bizarrerie des contours, elle n'est (''galée que ]iar les arcbi|)els des l'égions
(Voides du noid et du sud, tailladés de l'j(M(ls dans tous les sens. Celêbès
ne se compose, jiour ainsi dire, que d'une ossature de montagnes; les
plaines d'alluvions qui, dans Bornéo, ont comblé les anciens golfes
ménagés entre les chaînes, maïKjueiit dans sa rivale de l'est : elle est
ILES Klil. CELKISKS.
i^^
loiile en péninsules qui se ramifient autour d'un nonul central. Jadis on
croyait que c'était un arcliipel ; Joào tle Barros, dans ses Décades, parle des
llhas dos Celebes (îles des Celèbès), et même des ilhas dos Macacares,
comme si Macassar se trouvait en dehors des Celèbès. Au nord, se re|doie
en une double courbe la presqu'île d(^ Gorontalo et de Minahassa; au mi-
lieu, Celèbès se divise en deux autres langues de terre, qui pointent, l'une
au nord-est, dans la mer des Moluques, l'aulre au sud-est, dans la mer
de Banda; enfin, au sud, l'île s'amincit et se [)rojette au loin vers la mer
de Flores pour former la péninsule de Macassar. En outre, des ramilica-
tions terminales donnent un aspect île pinces aux membres du graiiil corps
insulaiie, et des îles, qui appailiennent évidemment à la même formalion
que Celèbès, prolongent dans la mer chacune de ses articulations. Mais
en laissant de côté les îles et les Ilots celèbiens, la seule grande terre oITre
en comparaison de sa surface un developt)eraent de côtes tout à fait extraor-
dinaire. Avec une superficie légèrement supérieuie au tiers de la France,
elle n'a pas moins de 5000 kilomètres pour l'ensemble de ses rivages, non
comprises les indenlalions secondaires : son pourtour côtier égale celui
de la France et de la péninsule lbéri(pie réunies. Partout dans Celèbès
les habitants sont rapprochés du liltoi'al; le |ioinl le plus éloigné de la
mer, dans les montagnes de Lalimodjong, vers le point de diramation des
chaînes j)éninsulaires, est à une centaine de kilomètres de l'Océan.
Cette île étonnante, que ses golfes et ses baies rendeni si facile d'accès
dans toutes ses parties et qui possède en oulie le sol le plus fertile, les
productions naturelles les plus riches, est pourtant presque déserte en
proportion de ses ressources' : peuplée comme Java, elle aurait trente rail-
lions d'habitants; les statistiques a|)proxinialives n'évaluent pas même
à un million d'individus l'ensemble de la population du groupe insulaire
de Celèbès. On s'étonne que sous le régime de la domination ou de la
suzeraineté hollandaise les familles se soient si lentement acci'ues ; c'est
' Superficie et population de Celèbès et des îles vuisiues :
Celèbès et terres attenantes, Kabaena,
*Wo\voni, etc 177 32Ukil. carrés. G50 000hab.
Saleijer et îlots voisins 085 » hl 000 ii
Boeton et Moena 8 O.ïà » '20 000 ..
Tanah Djainpca et îlots voisins. . . . -453 » 50(1 )i
Pcllinf! et Bangaaï .î HO » 10 000 ..
Arcliipel de Soela 6 '2'i'2 » 0 500 n
p de Togean 7-i5 ). 500 «
i> de Sangi 950 » 40 000 i.
i> deTalaoef 007 » 5 000 i.
Ensemble 1 1)8 4'J5 kilom. carres. 788 500 liabitanls.
456 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
que les Alfourou, qui consliluent les tribus de Celèbès dans l'intérieur
de l'île, vivent encore pour la plupart en état d'isolement et de haines hé-
réditaires. En maints endi'oits des « coupeurs de têtes » rôdent aux abords
des villages, et, jusqu'à une é[)oque récente, des pirates, cachés deri'ière
les îlots et les promonloires, étaient aux aguets pour se saisir des indi-
gènes et les vendre comme esclaves. Si ce n'est en quelques districts favo-
risés, on n'dsail ])lus culliver le sol (ju'en |)assaiit; l'agriculture était aban-
donnée pour la chasse et la pèche, et des marches inhabitées séparaient
tous les « royaumes ». Enfin, la conquête des Etats populeux de l'île par
les Européens ne s'est pas faite pacifi(juement comme en d'autres terres
de l'insulinde. Il a fallu livrer de sanglants combats, qui ne se sont pas
loujoui's tei'minés à l'avantage des envahisseurs blancs : c'est pied à pied
que le territoire sur lequel les Hollandais se sont établis solidement a
été conquis par eux, et souvent, même pendant ce siècle, des retours offen-
sifs ont été tentés par les insulaires, Bougi ou Alfourou. D'abord les Eu-
ropéens vinrent eu hôtes, et les premiers coullils n'eurent lieu qu'à propos
de privilèges commerciaux, puis, en 10(30, c'est comme ennemis du Por-
tugal que se pi'ésenlèreut les Hollandais et (ju'ils s'emparèrent du fort de
Macassai', défendu par une garnison portugaise. Longtemps ils n'occupè-
rent que ce point du littoial. (juel([ues années plus tard, ils concluaient
un trail('' d'alliance et de protectorat avec divers Etats de la péninsule sud-
occidenlale. Depuis celte éjioque, ils n'ont négligé aucune occasion d'ac-
croilre leurs privilèges et de les transformer en domination effective;
mais dans la pluj)art des royaumes de l'intérieur ils n'ont encore ni fonc-
tionnaires, ni représentants : c'est même à de longs intervalles que se
fiiil la visite officielle des côtes.
Celêbès n'a |)as encore été explorée dans son entier et quel(|ues parties de
son relief ne sont connues que d'une manière générale. Les montagnes de
Latimodjong, qui constituent le nonid central et desquelles descendent les
rivières les plus longues et les plus abondantes, sont précisément une des
régions les plus ignorées dans ses détails géogi'aphiques, et les voyageurs
n'ont pu évaluer encore la hauteur des cimes. D'a()rès Schneider', Ja rangée
de monts que l'on doit considérer comme la chaîne maîtresse est celle qui,
partant du cap Palos ou Donggala, sur la côte occidentale, se dirige au
sud-est vers le LatinKidjong et se prolonge par la péninsule sud-orientale.
L'ossature de ces monts est composée de gneiss; même, en certains en-
droits, des massifs de granit arrondissent leurs dômes au-dessus des
' Jtilirbiicli lier K. K. Geoloyisclicii RciclisniisUill. 1S7G.
CELEBES.
457
roches secondaires cl lerliaires de leurs deux versaïUs. Un chaînon laté-
ral de gneiss se détache du nieud ccnlral ])our lormer l'ossalure de la
presqu'île de Balanle. (hiaiil à la péiiiiisulc méridionale, celle de Macas-
sar, elle est égaleracnl doniinéc par des nionls ciislallins ou paléozoïques :
RKCION? EXPLORKES DE CELEBES.
E .t é
ûeûà-POÛ'" e/<^SûÛÀ/ÛOO"' ^<^/ÛOÛ^Sûûû"' a£2ûûû&'fûûû'" i^/sfSS'û'Waua'^/Â
I • 8 000000
Los pnriios lo
(II' i;i raitd i-epréseuteut les régions de Celèbès eomplêteinent explorées par les Hollatulais
mais, an lieu de s'aligner en une rangée médiane parallèle aux côtes, ces
monts sont disposés en chaînons transversaux dirigés vers le sud-ouest ;
une de ces arêtes de granit se termine au cap Mandhar. Vers le sud de la
presqu'île, un massif distinct, appartenant aux formations secondaires, du
permien au jura, dresse ses voussures à une hauteur considérable : c'est
XIV. 58
458
NOUVELLE GÉOGRAPHIE IMVERSELLE.
j aALEIJER
/)• (p'ent jyt
là que s'élève le sommet culminant de l'île (.317)0 mètres), appelé de di-
vers noms, entre autres Dikhuik ou « Gros Vende», mais plus souvent
désigné, d'après la ville de sa base,
r 91. — sALEiiKn. comme le <f j)ic de Bonthaïn >> (Ban-
laëng); de loin il parut au natura-
liste Beccari d'être d'origine volca-
ni(jue.
L'angle sud-oriental de la pénin-
sule se continue en mer par quelques
îlots et par la longue île monlueuse
de Saleijer, dont les cimes abruptes
dépassent 1(1(10 mètres; la jilus haute
atteint ITîSO mètres. L'île, ipie l'on
apj)elle aussi Limbangang, a la forme
et le nom d'un poisson effilé (jui se
joue dans les eaux environnantes.
Le détroit qui sc'-parc Saleijer tle la
grande terre est fort dangereux el les
marins qui s'y engagent observent
un silence religieux pendant la tra-
versée; quand ils sont obligés de
parlei', ils se servent d'un argot
spécial |i()ui' (b'router les génies mal-
veillants, et le nom de Saleijer n'est
jamais pi'ononcé. Les îlots Tambo-
longang et Poelasi, (|ui se trouvent
au sud de Saleijer, en sont la minia-
ture j)resque exacte, et des polypiers
grandissants unissent peu à peu les
deux îles en une seule terie'. Un
phénomène des plus curieux, non
encore expli(pié, est la lueur (jue
l'on observe par les soii's de grand
vent aux deux extrémités d(! l'île :
tl'après les indigènes, ce reflet serait
A^^c
/^rofo/^c^etyrs
I ■ 900 000
dù à l'existence de veines d'or dans les roclx's des promontoires.
Les îles, telles que Roesa, Tanah Djampea, Bonerate, (jui continuent Sa
U. E. t). Eiigelliaid. PcU'nnunn's Milleilumicn , 188(3.
SALEIJER, MOiNTAGiSES DE CELÊBÈS. -ijO
leijer au sud et au sud-est dans les mers de Flores appartiennent adininis-
tivement à Celèbès et l'on peut éf;alenient les considérer comme en élanl
des dépendances <;éo(;raphi(iues; presque toutes sont habitées par des pê-
cheurs paisibles, depuis (pie les pirates ont cessé de parcourir ces parages.
D'autres îles, séparées de la péninsule sud-orientale de Celèbès, en font
certainement partie au point de vue géologique, bien que de tortueux dé-
troits les en séparent : l'une d'elles, Boeton, porte un ancien volcan sur
l'un de ses promontoires orientaux.
Les voyageurs n'ont pas signalé l'existence de volcans dans la partie
centrale de Celèbès et dans les péninsules méridionales, mais il est certain
(pi'à une é|)oque antérieure des éruptions considérables ont eu lieu, car
en plusieurs districts, notamment aux environs de Maros, dans la pro-
vince de Macassar, on constate que les dépôts calcaires, quelle qu'en soit
l'épaisseur, sont entièrement superficiels et reposent sur des assises de
basalte, que révèlent les érosions des torrents : çà et là même cette roche
éruplive s'élève en dômes entre les roches sédimentaires'. Un des promon-
toires qui s'avancent au sud dans le golfe de Gorontalo, comme pour
rcjdindi'e l'archipel de Togean, poilci le nom d'Api ou « Feu » ; mais,
d'après le récit des indigènes, cette aj)pellation n'est point due à des érup-
tions volcaniques : le « feu » provient de gaz qui s'enllamment quand on
remue le sol vaseux des alentours \
La presqu'île septentrionale de Celèbès, rattachée au reste de l'île par un
mince pédoncule dont la saillie est peu élevée au-dessus des eaux, constitue
géogi'apbiquement une terre distincte, puisque, h l'exception de quelques
sauvages, nul ne s'y rend que ])ar mer des autres contrées de Celèbès.
(jéologiquement, cette presqu'île forme aussi une province à part. A l'est
de Tomini, où la largeur de l'isthme est réduite à une trentaine de kilo-
mètres, et que domine au nord-ouest l'une des plus hautes montagnes de
Celèbès, le Donda (2900 mètres), des rangées de collines et de monts, com-
posés de gneiss et de quartz aurifères, se prolongent à mi-distance entre
les deux rives; puis, à l'endroit où la péninsule se recourbe vers le nord-
est, des buttes et des montagnes de laves et de cendres se sont fait jour à
travers les autres roches. Tel est le Sapoetan (1882 mètres), qui s'est ou-
vert plusieurs fois pendant ce siècle, et près duquel, vers le nord, jail-
lissent les eaux thermales et boueuses de Panghoe. Une des sources bouil-
lonne dans un bassin calcaire, d'une rondeur parfaite, comme s'il eût
' Alfred R Wallace, ouvrage cité.
- C. van doi' Uart, Reise rondoiu hcl cihiiid Ccichcs.
460 NOUVELLE CÉOGR APUIE LMVERSELLE.
été creusé de iiiiiin d'iiorame; paiiuis des jets de gaz s'élancent avec Iiruil,
soulevant l'onde en colonnes. Les volcans de houe sont aussi très actifs
et rejettent incessamment des nappes d'ai'gile fluide, bleues, rouges,
grises, qui s'épanchent à quelques mètres de distance. Au milieu du groupe
des huttes s'étend un petit lac de vase bouillonnante, que l'on croit se
prolonger souterrainement au-dessous des cônes d'éru|ition.
Vers l'extrémité septentrionale de Minahassa, s'élèvenl d'autres volcans,
le Klabat (2072 mètres), aux deux cimes, dont l'une renferme un lac dans
son cratère; les Doevva Soedara (1085 mètres) ou les << Deux Sœui's >^; le
Lakon (1054 mètres), habité, disent les indigènes, parunespiil rcdou-
tahle : sur des pentes boisées se voient les traces d'une éiuj)lion ipii dut
faire d'énormes ravages, puisque les naturels en parlent encore après cinq
siècles d'intervalle. D'après la légende, un géant aurait enlevé le sommet
du Lakon d'un coup de glaive et l'aurait placé sur le Klabal. Ces hautes
montagnes son! visildes jns(ju'à Teiiiale. La cliaine V(il(ani(|ue se continu(^
en mer, mais en se dirigeant IVaiichement vers le nord pour rattacher
rinsulinde aux Philippines par le promontoire méridional de Mindanao.
Plusieurs îles de cet archipel de jonction portent des volcans actifs. L'ilol
de Doeang, à côté de la terre |)lus grande de Tagoelanda, est un côiu' de
500 mètres qui flambait en LSMi; Sjauw, (jui s'élève plus au nord, est
souvent environné de fumées et recouvert de ceiulres que lance son cra-
tère; enliii, dans la grande île de Sangi ou Sanghir, qu'environnent une
cinquanlaine d'îliits, le v(dcan d'Aboe ou de " Cendre j> dresse son cône
ébréché au-dessus dupromontoii'e septentrional. Cette pyramide superbe est
une de celles dont les explosions ont causé le plus de désastres. En 1711,
des milliers de personnes furent englouties sous la pluie de cendres; en
1812, des coulées de laves s'épanchèrent sui-les campagnes des alentours,
rasant les bois de cocotiers qui faisaient la richesse de l'île. En 1856, une
explosion nouvelle lit périr 2800 individus dans les cendres, les laves ou
les courants d'eau bouillanle. ("est pai- ce mont destructeur, home bien
connue des marins, ipie se termine l'Iiisiilinde piopicmcnl dite.
l>a forme de Celèhès, avec ses étroites jiéninsules, ne lui permet pas
d'avoir de longs cours d'eau. A peine les ruisseaux ont-ils écha[)pé aux
cirques des montagnes, qu'ils atteignent la mer. Cependant cerlaines
rangées de monts sont orientées de manière à former des plaines longitu-
dinales, dont les rivières ne rejoignent la mer qu'après avoir longtemj)s
coulé parallèlement aux côtes. C'est ainsi que, dans la péninsule du sud-
est, la rivière Bahoe Solo, qui prend naissance dans le lac de Tafoeli, offre
un cours développé d'environ 250 kilomètres. Dans la iirc-tprile de
MI.NAUASSA.
461
I\l;ic'nss:ii', lu rivirrc Sadaiifi, qui foiirl entre deux chaînes de moiilagnes
oMmiiics, n'a pas moins d(^ 400 kilomètres. Sur le versant oriental de la
même |)res(|u'ile, l'aboiidanle rivière de Tjenrana, que les bateaux re-
raontenl jus(ju'à une centaine de kilomètres dans l'intérieur, a |)our
ainuents du nord et du sud d'autres livières ([ui coulent ]iarallèlement à la
cote. L'n lac, situé au milieu de la péninsule, alimente la Tjenrana : c'est
N» 9S. MISAIIAS
Est de Rai
^c/cAf^^dic/j
^ ^ /i-e/^éeh
E^t de Gre
d'après l'Ciat-Mdjo
/^rofona^et^^S
1 . 1 ÎIllO 000
le Tamparang ou Tem|ie, (|ui n'a pas plus de 9 mètres dans la partie la
plus creuse de son bassin, (juelques autres dépressions des régions mon-
tagneuses sont également remplies par des eaux lacustres sans grande pro-
fondeur. Une des plus belles est le lac de Tondano, situé à 600 mètres
d'altitude à l'est du volcan de Lakon, près de l'extrémité septentrionale
du Minahassa. Le toi'rent ([ui s'échappe du Tondano entre dans une cluse
tortueuse, puis, tout à cou]), [donge ;i plus de I jO mètres dans un cirque
462 NOUVELLK GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
rocheux, où commence la large vallée qui descend au noi'd vers Menado :
celte cascade est l'une des plus fameuses de l'Insuliude.
De même que Bornéo, Celèbès est traversée par l'équateur : les trois
péninsules du sud sont dans l'hémisphère austi'al; la jiéiiinsulc du nord
est dans l'hémisphère boréal. La lenipérature moyenne est donc élevée,
oscillant entre les extrêmes de 52 degrés pendant le jour à 21 degrés pen-
dant la nuit; mais l'écart ordinaire est beaucoup moindre, l'alternance dey
brises de terre et de mer qui frangent tout le [)ourlour de l'île aidant
sans cesse à l'égalisation du climat. Située vers le milieu géographique de
rinsulinde, (Jelèbès est aussi, pour ainsi dire, le milieu climatique entre
Sumatra et Timor : la « mauvaise mousson >>, c'est-à-dire le vent d'ouest
et de nord-ouest, y est moins forte et moins humide que sur les côles
d'Atjeh et de Padang; le vent alizé du sud-est y est moins régulier et moins
sec que dans les îles voisines de l'Australie; on remar(|ue souvent, sur-
tout dans le détroit de Saleijer, au sud de la presqu'île de Macassar, que
les deux vents opposés, de l'ouest et de l'est, se tiennent en équilibre, sou-
levant la mer et causant des orages locaux d'une grande violence : appor-
tés par l'une et l'autre mousson et trouvant en ti-avers de leur l'oute l'ob-
stacle des montagnes, les nuées dévei-sent des pluies abondantes sur les
deux côtés de l'île, principalement sur la côle de Macassar, exposée à la
« mauvaise mousson .. Des brouillards pèsent IVéquemmtMit sur les hau-
teurs el en cachent la vue aux marins qui voguent à leur base. Il est
rare que Celèbès ait à soulTrii' de la sécheresse, puisque les pluies y
vai'ient de 1 à 4 mètres par an'; d'autre part, le sol offre presque par-
tout des pentes d'écoulement et les eaux ne s'amassent pas en marécages
coinpai'ables à ceux des trois autres grandes Iles. Celèltès est une des
terres les plus salubres de l'insulinde.
l'ar la magnificence et la variété de sa llore, Celèbès égale presque les
îles occidentales; ses forêts semblent même plus belles, parce que, dans
jilus de la moitié du territoire insulaire, elles ont gardé leur aspect pri-
mitif. WaUace a constaté que dans la merveilleuse presqu'île deMinahassa,
un (les paradis de la Terre, la végélalion foreslière se mainlient dans toute
sa beauh', du lilloral de la mer à des altitudes de plus d'un millier de
mètres. La cause en est surtoul, d'après lui, à l'épaisseur du sol vé-
gétal qui recouvre les pentes el les plateaux : les racines Irouveiil partout
des couches de cendres volcani(|ues ou <le sable argileux et peuvent y péné-
1 Pluies tombées en diverses parties de Oli-hés. il,' 1,S79 ;, 1880:
Macassar 5"',2'J8 pai' an ; Kniilliaiii I'».r>.42 par an ;
Menailo 2=,0'J4 » Goninlalo I^.IOJ »
FLORE, FAl'NE DE CELEBES. 465
Irer aussi loin que dans la lorre des plaines. En mainls endroits, des
clairières naturelles alternent gracieusement avec les forêts.
On retrouve à Celèbès la plupart des espèces végétales des îles situées
plus à l'ouest; mais pour la faune les différences sont beaucoup plus
grandes. On sait, par les recherches de Wallace et d'autres naturalistes,
que Celèhès, séparée des terres voisines par de profonds détroits, paraît
avoir son indépendance insulaire depuis des temps très anciens, tant sa
faune présente un caractère original. Située à mi-chemin entre l'Asie et
le continent australien, elle possède quelques espèces appartenant à ces
deux aires zoologiques, mais elle offre aussi de nombreuses formes ani-
males complètement distinctes : elle est un centre de dispersion, et ses
espèces particulières ont plus de ressemblance avec les formes africaines
qu'avec celles de l'Inde et de l'Australie. Parmi les animaux propres à
Celèbès se trouve une espèce de singe, le cyuopitliecus nigrescem, qui est
fort commune dans toutes les parties de l'île, mais qu'on ne rencontre en
aucuiu^ autre terre insulindienne, si ce n'est dans la petite île de Caijan,
où elle a été probablement introduite accidentellement, h'aitoa di'pi'cssi-
eorim, que divers naturalistes classent parmi les bœufs ou les buflles,
bien que d'après ses cornes il faille y voir une antilope, a l'apparence
d'une vache et ressemble beaucoup à certaines espèces africaines. Son nom
malais signifie « bœuf des bois ». On ne le voit que dans les régions mon-
tagneuses, et jamais dans celles que parcourt le cerf. Celèbès possède aussi
une espèce particulière de sanglier, et le cochon-cerf, ce fameux babiroussa,
dont le mâle a quatre défenses, deux à la mâchoire inférieure et deux au-
tres sortant verticalement de la mâchoire supérieure pour se recourijer en
arrière, au-dessus du crâne. Celèbès n'a point de félins, mais sa faune
compreiul cinq écureuils, les représentants de ce genre qui se sont avancés
le j)lus loin vers l'orient, et deux marsupiaux, avant-garde occidentale des
animaux de cette famille. Au point de vue de la faune, les îles voisines,
telles que Saleijer, Boeton, l'archipel de Sangi, dépendent de Celèbès : on
a aussi reconnu que les îles de Soela appartiennent à la même aire zoolo-
gique, bien qu'elles soient plus rapprochées des Moluques.
D'ordinaire on divise les habitants de Celèbès en Malais et en Alfourou,
mais ce partage se rapporte beaucoup moins à l'origine qu'à l'état de
civilisation. Les populations policées du littoral qui parlent ou comprennent
le malais ou des idiomes rapprochés sont classées comme appartenant à la
race maîtresse de l'Insulinde, tandis que les tribus sauvages de l'intérieur,
XIV. .^9
46G NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
quelles (jue soient d'ailleurs leur apparence ])hysiquc et leur langue, sont
dites Alfourou ; les progrès de la culture, en les modifiant peu à peu, leur
font aussi changer de nom : telle peuplade que l'on qualifiait d'alfourou
quand elle vivait encore indépendante dans les forêts, a cessé de l'être
depuis qu'elle cultive le cafier et paye régulièrement les impôts aux con-
trôleurs hollandais. Toutefois il est certain qu'il y a eu diversité de
provenance parmi les Celèbiens. De même que la l'aune asiatique et celles
de la Papouasie et de l'Australie ont dans la grande ile leurs représentants
respectifs, de même on y retrouve des éléments ethniques différents,
venant de l'ouest et de l'est. En maints endroits, on rencontre des indi-
vidus ayant des traits et une chevelure qui ressemblent à ceux des Papoua.
Les idiomes indiquent aussi le croisement d'influences diverses; enfin, on
reconnaît au nord, notamment dans l'archipel de Sangi, la proximité des
îles Philij)pines'.
Une des populations dominantes de Celêbès est celle des Bougi, dont le
domaine originaire est le royaume de Boni, dans la péninsule du sud-ouest,
mais qui se sont répandus dans les provinces voisines, et même ont
essaimé par delà les mers vers toutes les îles de l'archipel Indien. Les
Bougi, et leurs voisins les Mangkassar et les Wadjo, sont des hommes de
taille moyenne, mais trapus, forts et adroits, dont le teint est d'ordinaire
un peu i)lus clair que celui des autres Malais. Ils ont l'allure décidée et le
regard fier comme des gens qui ont conscience de leur valeur; ils ne se
courbent point devant l'outrage comme les Javanais, depuis longtemps
asservis, mais ils y répondent par la vengeance : chez eux la vcndette divise
longtemps les familles. Guerriers très braves, les Bougi et les Mangkassar
combattirent vaillaninient les Hollandais; et ceux-ci, de leur côté, recru-
tèrent jadis de nombreux soldats parmi ces indigènes : mais ils durent y
renoncer, les Malais de Celêbès étant, de tous les Insulindiens, ceux qui,
dans un moment de colère, ou bien dans le paroxysme frénéti(iue de
l'ivresse ou du jeu, sont le plus fréquemment entraînés aux fureurs de
Vamok; quand ils « courent l'amok », armés de leur kriss ondulé, ils
frappent au hasard hommes, femmes, enfants, jusqu'à ce qu'on les abatte
ou les garrotte. C'est pour faciliter leur capture (ju'on arme les agents
de polic(> d'une espèce de fourche avec laquelle ils tiennent les furieux à
dislance; autrefois les coureurs d'amok étaient condamnés au supplice
de la roue. Les Espagnols des Philippines, qui curent aussi fréquemmeul
l'occasion de rencontrer des coureurs d'amok parmi les pirates maho-
' Alfivd U. \V;ilhii'(\ nuvrase cité.
llAlilTANÏS l»E CELÊBÈS. -407
mclaiis de Mimlanao et de Jolô, leur doiiiiont le nom de juruDicnlados.
« asscrmenlés » ; ces malheureux se lient par le sermenl religieux de
mourir en tuant.
De tout temps les Bougi ont eu la réputation de marins inirépitles, de
marchands pleins d'initiative et d'entreprise. En plusieurs îles de l'Indo-
nésie, ils ont monopolisé le trafic et chaque ville commerçante a son kam-
pong hahilé uni(piement par des Bougi, qui s'administrent eux-mêmes el
ne laissent point l'étranger empiéter sur leurs privilèges héréditaires. Très
solidaires les uns des autres, ils s'entr'aidenl partout où ils se l'encontrent,
et quand des flottilles de pirates' écumaient les mers de l'Insulinde, ils
naviguaient de conserve et faisaient bravement la chasse à leurs enne-
mis; ils n'achetaient point d'esclaves, mais, comme créanciers, ils rédui-
saient leurs débiteurs à la servitude : l'homme était le gage de la dette,
et fréquemment ce gage n'était libéré que par la mort. Encore de nos
jours, de nombreux débiteurs sont, avec la connivence des juges, réduits
à l'affreuse condition de pandellngen, c'est le terme hollandais. Les mar-
chands voient dans cet asservissement du débiteur la garantie essentielle
de leur commerce. Chez les Bougi, les femmes jouissent en général d'une
certaine liberté : on leur enseigne des métiers, notamment le tissage et
la broderie, et quelques-unes d'entre elles apprennent aussi à lire et à
écrire, soit le malais, soit le bougi, qui possède des caractères spéciaux,
de même que la langue des Mangkassar. La littérature indigène est assez
riche, surtout en lalôca, collections de proverbes relatifs aux mœurs, îi la
conduite de la vie, aux traditions politiques, des plus instructives pour
l'histoire de la civilisation dans l'Insulinde. Les Bougi sont, parmi les
nations de l'Indonésie, une de celles qui se sont le plus tardivement con-
verties à l'Islam. C'est vers le milieu du dix-septième siècle que l'ancienne
religion animiste, mêlée de pratiques hindoues, finit par céder à l'influence
des missionnaires musulmans; cependant on observe encore maints
usages religieux qui se rattachent au culte sivaïte du lingam, et la croyance
à la métempsycose s'est maintenue : de là les hommages que l'on rend
aux anguilles et aux crocodiles qui se trouvent dans les fossés des cita-
delles'. Les Bougi des villes ont cessé de porter le costume national; mais
dans les campagnes nombre d'entre eux revêtent encore leur simple
sarong de cotonnade bleue ou rouge admirablement tissée et, comme les
nègres du haut Nil, s'entourent les bras et les jambes d'anneaux de cuivre
ou de fil d'archal.
' S. E. W. Roorda van Eysinga, Notes manuscrites.
468 .NOUVELLE GÉUGHAPUIE LMVERJ^ELLE.
Au nord de la péninsule de Macassar, dans le corps central de l'ile,
la population des montagnes, toujours restée en dehors de la domina-
lion hindoue et de la zone d'attraction du commerce avec Arabes et Chi-
nois, se compose d'Alfourou sauvages, divisés en de nombreuses tribus :
telle est celle des Toradja, qui peuple les vallées du massif de Latibodjong
et dont le nom est parfois appliqué d'une manière générale à tous les
païens indépendants de l'intérieur. Il en est qui vivent à l'état de lutte
constante et n'ont guère d'autre industrie que la chasse à l'homme, soit
pour couper des tètes et en orner leur cabane ou celle de leur liancée, soit
pour capturer des esclaves. Les Topantunuasu ou « Mangeurs de chiens )>,
qui habitent dans le voisinage du lac Posso, dévorent la cervelle et boivent
le sang de leurs ennemis. Même dans les îles du littoral vivent des peu-
plades de ces Alfourou ayant encore les mœurs de bètes fauves. Ceux de
l'île Peling, près de la péninsule de Balante, errent nus dans les forêts
et gîtent la nuit sur des branches d'arbres'. D'après Mayer, l'usage de dé-
formei' le crâne des enfants est très commun chez les Alfourou de Celèbès.
Par la civilisation de ses habitants de diverses races, mais depuis long-
temps confédérés, le pays de Minahassa, c'est-à-dire de la « Fraternité »,
rivalise avec Macassar, qui occupe l'autre extrémité de l'île : c'est aux deux
bouts du grand diamètre de Celèbès que les indigènes policés se pressent
en groupes plus nombreux et retirent du sol la plus grande quantité de
produits : aussi est-ce là que les Hollandais ont le plus solidement éta-
bli leur pouvoir. Les Minahassans et leurs voisins de l'ouest, croisés d'élé-
ments divers sur le littoral, mais à l'état ])ur sur les plateaux de l'inté-
rieur, se distinguent de presque tous les aulies habitants de l'insulinde pai-
la clarlé de leur teint. Kombre d'enli'e eux, nolaniment ceux d'Amoerang
cl (h' Toli-Toli, sont aussi blancs que des Européens, et, n'était la forte
saillie de leurs pommettes, ils pourraient eu effet être considérés comme
tels ; MM. de Qualrefages, Hamy, Montano voient en eux un type de ces
Indonésiens blancs qu'ils croient avoir précédé les Malais dans l'insulinde;
ceux de Toli-Toli sont les plus petits parmi les insulaires de Celèbès.
Dumont d'Urville a été frappé de la ressemblance étonnante des Indoné-
siens de Minahassa avec les Polynésiens orientaux, Tonguiens et Maori. Au
commencement du siècle, la plupart des tribus de Minahassans guer-
royaient les unes contre les autres, «chassant des tètes» comme les Dayak
de Bornéo, et|)arfois même, en de grandes fêles, mangeant de la chair hu-
maine. A la mort d'un chef il fallait orner sa tombe de deux tètes fraîche-
' V;iii (1er Harl, tieisc roiidoiii licl Eilanil Cclcbcs.
MINAIIASSA ET MINAUASSANS. -469
ment coupées, et si l'on n'avait pas de captifs sous la main, on tuait des
esclaves. Les indigènes n'avaient pour vêtements que des écorces d'arbres.
A l'exception de (piehjues peuplades encore revèches, les Minahassans sont
devenus des hommes traufjuilles et pacifiques, très laborieux, habiles à
toutes sortes de métiers. Leurs villages, aux rues propres et bien tenues,
se composent de maisonnettes en bois, blanchies à la chaux et reposant
sur des pilotis de 2 mètres de hauteur peints en bleu; l'ameublement, de
style hollandais, est travaillé avec soin, et des jardins lleuris, des haies de
roses, séparent les cabanes des plantations. Les chefs portent avec aisance
le costume européen, et le langage de l'école, le pur malais, remplace peu
à peu les mille dialectes des indigènes.
C'est la culture du sol qui a le plus contribué à la civilisaticm des Mina-
hassans. En [S'i'-l, le cafier fut introduit dans la presqu'île, aux environs
de Mcnado, et les premières plantations réussirent admirablement : le
café obtenu était le meilleur de l'archipel. Peu à peu les pentes des mon-
tagnes se recouvrirent de caféteries, entre 500 et I.jOO mètres d'altitude;
les chefs de villages, désormais connus sous le nom de « majors », devin-
rent entrepreneurs de cultures, et le gouvernement convint avec eux d'un
prix fixe pour l'achat des produits, dont un vingtième leur revient, tandis
que le reste est distribué en salaire aux travailleurs, après déduction des
avances : ceux-ci se groupent en associations de labeur ou mapalou, qui
finissent par constituer de grandes familles. D'après Wallace, qui visita le
Minahassa en 1859, le système javanais du « despotisme paternel » serait
accepté sans murmure par les populations asservies; mais on s'étonne d'a-
voir à constater que le nombre des habitants ne s'accroît pas dans cette
conlrée, qui pourtant est des plus salubres et produit en suraliondance
toutes les denrées nécessaires à la vie. La mortalité est très forte sur les
enfants, abandonnés dans les cabanes par leurs mères qui s'en vont tra-
vailler pour les majors dans les caféteries. Presque tous les Minahassans
sont convertis au christianisme, tandis que les autres Celébiens policés
appartiennent à l'Islam.
Le cafier n'est pas la seule culture industrielle de Celèbès : le Minahassa
et le pays de Macassar ont aussi des plantations de muscadiers, des champs
de cannes, de tabac et de kosso, la même plant(> que l'abacâ ou « chanvre
de Manille » ; mais le travail des indigènes s'emploie presque en entier à
la production des « vivres », sagou, riz ou maïs. Le commerce d'exporta-
tion consiste surtout en denrées recueillies dans les forets ou pèchées
dans la mer : gutta-percha et gommes diverses, cire et miel, nacre, écaille,
holothuries, algues comestibles, nids de salanganes. La partie septentrio-
^70 NOUVELLE GÉOGRAl'UlE UNIVERSELLE.
naie de Celèbès fournit aussi un peu de poudre d'or au commerce extérieur.
En vertu d'anciens traités, les petits États de la péninsule de Menado
étaient tenus de livrer au gouvernement hollandais un tribut annuel de
poudre d'or, calculé d'après le nombre des habitants ; mais les laveries sont
devenues trop pauvres pour qu'il ait été possible de maintenir cet impôt.
De même que Soembavva, Celcbès possède une excellente race de petits
chevaux, dont Java et les autres îles importent quelques centaines par an.
La cité la jilus fameuse de Celèbès est Mangkassar, — dont le nom s'est
transformé en Macassar pour les Européens : pour les indigènes, c'est
rOedjoeng l'andang ou la « Pointe des Pandanus » ; — les Hollandais la
désignent aussi par l'appellation de Ylaardingen, qui appartient spéciale-
ment à l'un de ses forts, érigé au centre de la ville. Les arbres cachent les
quartiers extérieurs, et l'on ne voit d'abord que la partie commerçante de
la cité, avec ses quais, ses jetées, les bateaux de toute forme amarrés au
rivage et son port toujours calme. Ce noyau central de Macassar s'étend à
la distance d'un kilomètre envii'on le lourde la nlase; mais, au nord, les
maisons parsemées sous les arbres, puis les chantiers et les entrepôts,
continuent la ville jusqu'à l'extrémité d'un cordon littoral que des marais
et des rizières séparent de la terre ferme. Le quartier européen ne touche
pas à la ville commerçante : il commence au sud du fort Ylaardingen ou
Rotterdam et se prolonge à [ilus il'un kilomètre entre les jardins et les
avenues de grands arbres, loin du tumulte des quais et des rues, où se
pressent les marchands chinois, arabes et bougi. Macassar est, avec Bandjer-
massin et Soerabaja, l'une des trois grandes villes de trafic qui occu[)cnt la
position la plus heureuse dans la région centrale de l'insulinde. Elle était
déjà fréquentée depuis longtemps par les Malais quand le Portugais Antonio
Galvào s'en empara en 1538. Les Hollandais sont établis définitivement à
Macassar depuis 1665, époque où ils édifièrent Ylaardingen à la place
d'une foi'teresse malaise; le mouvement d'échanges s'y accrut rapidement
lorsque le port fut déclaré franc de tous droits, en I(S46; mais il a diminué
depuis cette époque. L'exportation de Macassar compi'cnd, outre les denrées
de la contrée environnante, divers produits de l'industrie locale, entre
autres l'huile lakalava, extraite de la pulpe du badoe et bien connue
en Europe sous le nom d'huile de Macassar'. On a tenté, mais sans suc-
' Valciii' iiiuyenno des éclianges dans lo port de Macassar : 25 000 000 francs.
En I88(j : Iniportalion lH)lil400 »
i> Exporlation du calé . . . . 0 l'iO 000 liilogrriniines.
MACASSAR, MAROS.
471
ces, d'obtenir de l'eau douce à Macassar par un puits artésien creusé à une
grande profondeur. Des récifs, des îlots, des traînées d'îles, désignés en
masse par l'appellation d'archipel de Sperraonde, protègent la rade contre
MACA>SAR ET LA POINTK >rD-OCCIDENTALt: I)F. CELKDES
tst de Paris
Est de Graerwlch
/^ro for>c/Gur-s
c/e/OÂ/CO"' o'c/S'ÛAôOO'"afeSffO'"et3ut^e/À
1 : SIS 000
0 30 kil.
tous les vents. Au sud, l'île dite Tana keke, la « Terre des Sorciers », est
évitée avec soin par les marins superstitieux.
La province de Macassar, (pioique appartenant aux Hollandais depuis
plus de deux siècles, n'a pourtant qu'un bien petit nombre de voies de
communication faciles. La plus importante est celle qui longe le littoral au
nord et au sud de la capitale, en certains endroits au bord même de
l'eau, mais presque partout à une certaine distance dans l'intérieur des
terres. La ville de Maros, résidence d'un roi vassal, est l'un des premiers
472 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
lieux d'étape sur la roule du uoid. qui se continue, à travers plusieurs
« royaumes», jusqu'à eelui de Tanette; la rivière qui passe à Marcs,
l'une des plus pittoresques de Celèbès, plonge en superbes cascades et dis-
paraît sous des voûtes de rochers. Une autre route, celle de l'est, traverse
la région montagneuse, au nord du jiic deBonlhaïn, pour aboutir sur la
côte orientale, à Sindjaï et à Balang Mpa. La route du sud passe à Goa ou
(lowa, oîi demeure l'héritier déchu d'un Etat jadis puissant, puis elle
touche à j)lusieurs bourgades côtières, Glisong, Takalar el autres, habi-
tées par des marins très hardis, que le gouvernement hollandais recrute
|iour sa flotte insulindiennc. Sur la côte méridionale de la péninsule de
Macassar, baignée par la nier de Flores, la ville jirincipale est celle de
Bonthaïn ou Bantaeng. située à l'issue d'une vallée rajiide qui remonte au
nord vers le grand pic de Celèbès. Elle a succédé comme capitale de district
à un autre port du littoral, à demi ensablé, celui de Boeloekomba, qui se
trouve à une trentaine de kilomètres j)lus à l'est. Le district environnant
est celui de Celèbès qui produit la plus gi'ande quantité de café, de 5 à
4 millions de kilogrammes par an.
D'autres « royaumes « occu|)ent le versant oriental de la péninsule de
Macassar et les deux presqu'îles de l'est ; mais leurs chefs-lieux ne sont
que d'Inunbles villages, et quoique de nombreuses stations de pèche se
soient établies au bord des cri(jues et dans les détroits abrités, aucune n'a
pris d'im|iortance dans le commerce international : dcN Chinois et des
Malais viennent y troquei' des marchandises étrangères contre les denrées
du ]>ays. Badjoa, le jtort du royaume de Boni, jadis le |)lus puissant de
Celèbès, est une des escales les |)lus actives, une de celles dont les marins
s'aventurent à de grandes distances le long des côtes : grâce à enx,
presque tous les royaumes de la péninsule sud-oiientale et des îles voisines
étaient devenus les vassaux du roi de Boni. Le meilleur port de ces parages,
au nord de l'archipel des îles sud-orientales, mais sur la terre ferme, est
la baie de Kendari, qui communique avec la mer par un étroit goulet;
elle s'élargit à l'intérieur, olïiant un vaste bassin de mouillage aux |ilus
grands navires. Par deux fois les Ilollaiulais s'y sont établis, mais pour
l'abandonner bientôt après, l^a côte orientale de Celèbès n'offre presque
partout, dans la succession infinie des anses et des promontoires, que l'é-
tendue monotone des forêts inhabitées. Les j)ècheurs qui explorent les côtes,
à la recherche du trepang et des tortues à écaille, sont des Orang-Badjo, les
« Tsiganes de la mei' », frères des Orang-Sekat de Bangka et des Orang-
* Viiii lier ll:iil, iiiivi;i"e cité.
BONTIIAI.N. BAI1.IOA, l'AHIlii, l'AI.OS. 475
Liiocl de Rornon, goiis timides qui couchent l'aremeiit sur la terre ferme :
ils naquirciil sur leur prao que berce la vague, et c'est là qu'ils mourront.
Les bords du golfe de Tolo ou Tomaïki, ouvert entre les deux péninsules
orientales et bordé par les deux royaumes de Taboenkoe et de Bangaaï, pos-
sèdent, au point de vue géographique, toutes les conditions favorables pour
la fondation d'un grand port de commerce, excellents mouillages, salu-
brité du climat, richesse de la végétation, et, en l'absence de routes, pas-
sages relativement faciles à travers les isthmes des presqu'îles vers les
golfes voisins. Pourlant il n'existe sur ces côtes que de ])auvres villages,
et ceux-ci ont été fréquemment ravagés par les corsaires. Des îles voi-
sines, fort étendues, sont complètement désertes : c'est ainsi (pie dans
l'archipel de Soela, qui s'avance à l'est de Celèbès vers les Moluques, deux
îles seulement sont habitées, Soela Besi et Soela Taliaho; la po|)ulalion
totale de l'archipel, qui s'était élevée à quarante mille individus, avait été
réduile par les pii'ales et les marchands d'esclaves au se|)lième du nombre
primilif. I/archipel de Togean ou les îles « Écailles de Tortue » {Scliildjxid-
eihniiloi), situé dans le golfe de Toraini, au nord de la péninsule de
Balante, n'a pas plus de quatre cents habitants, d'origines diverses.
Le bourg de Parigi, à la racine de la péninsule du nord-est, ne
|touvait manquer d'être un lieu de débarquement et de commerce, grâce
à sa position sur le pédoncule le plus étroit de l'isthme. Un trajet d'envi-
ron 55 kilomètres ])ermet aux marchands d'éviter un énorme détour de
8t)0 kilomètres, qu'il faudrait accomplir pendant deux moussons succes-
sives. Sur la rive occidentale de Celèbès, le sentier de Parigi aboutit au
golfe de Palos : en un jour les porteurs et les cavaliers font le voyage de
l'une à l'autre rive. La position de Palos, dans une région fertile et bien
cultivée, sur une baie profonde et à l'abri des vents, offre des avantages
commerciaux exceptionnels : on ne saurait douter que dans un avenir
prochain, lorsque les régions centrales de Celèbès et celles de Bornéo qui
lui font face seront ])euplées et cultivées, Palos et son avanl-posle, Don-
gala, à l'entrée de la baie, ne deviennent des villes de pi-emière importance
dans la gé'ographie économique de l'Insulinde. On s'étonne que les Hol-
landais n'aient pas encore fondé un établissement sur ce point vital de
Celèbès et qu'un chemin de fer ne relie pas les deux côtes voisines.
Au nord de l'isthme de Parigi, la péninsule se rétrécit encore entre les
deux baies opposées de Dondo et de Tomini, qu'unit un sentier de monta-
gnes ; là aussi un petit commerce se fait de l'un à l'autre port à travers la
presqu'île : mais le pays est presque dé[ieiq)lé, et Tomini, le bourg d'a[)rès
lequel on désigne [larfois le vaste golfe de Gorontalo, est composé d'une
XIV. CO
m NOUVELLE GÉOnRAPUlE UNIVERSELLE.
dizaine de cabanes seulenienl. Ouanl aux habilanls de la côte septen-
trionale, ils restèrent longtemps sous la domination des hardis pirates de
Tonloli ou Toli-Toli, qui rôdaient dans les mers de Jolô : la forteresse
de ces corsaires, hàlie à l'est de Dondo, sur la rive du même golfe, fut
détruite en 1822 par les Hollandais et j)lus de trente bateaux de course
lurent livrés aux flammes. Les orpailleurs recueillaient autrefois une
assez grande quantité de poudre d'or dans cette région de la presqu'île,
industrie précaire qui est presque entièrement abandonnée.
La ville de Gorontalo ou Holontalo, improprement désignée parfois sous
le nom de (loenong Tello (mont Tello), a donné son nom à la presqu'île
nord-orientale deCelèbèset à l'un de ses grands golfes; elle est située dans
une plaine jadis lacustre, à l'issue d'une étroite vallée parcourue par un
torrent qui descend du lac de Limbolto; les ruines d'anciens forts domi-
nent les promontoires au-dessus de la ville. Gorontalo fut, comme Tonloli,
un nid de ])irates; mais elle est actuellement un lieu de marché pacifique,
et des sentiers la font communiquer avec Kwandang et Soemalata, au
noid de l'ile. Au delà de Gorontalo, vers l'est, la côte est presque déserte
jus(|u'aux rivages du Minahassa, où se succèdent les deux ports de Be-
lang et de Kema : ils sont unis par de bonnes roules, à travers la pénin-
sule, à Menado, chef-lieu de la province cl rivale de Macassar pour l'im-
portance politique et la valeur des échanges.
Menado ou Manado, ïo. Wenang des indigènes, est située au bord d'une
large baie ouverte dans la direction de l'ouest et protégée au nord par plu-
sieurs îles, dont Tune est Menado Toevva ou « Menado la Vieille « : c'est là
que se trouvait en effet rancienne ville. Les habitants l'abandonnèrent en
|(iS2 à cause du manque d'eau et de la trop grande facilité d'accès que
leur île offi'ait aux ennemis : ils se réfugièrent sur la teire ferme, |)rès de
rem[)Iacenieiit de la Menado aciuelle, «pii s'est peu à peu formée aulour du
fort de Nieuw-Âmsterdani. La petite cité hollandaise est l'une des plus
charmantes de cette Insulinde, qui ])0ssède tant d'autres villes gracieuses :
Menado n'est qu'un vaste jardin, parsemé de maisons rustiques et tra-
versé pai' des allées ombreuses, dont chacune se termine par une admi-
ralili' pi'ispective sur la mer, les îles ou les montagnes éteintes ou brû-
lantes. Un (les quartiers de Menado est habité ])ar une tribu d'Allourou,
les Bantek, (|iii ont résisté aux tentatives de conversion des missionnaires
chrélicns, et (pii ont gardé en partie leurs anciennes UKeurs; ce sont des
hommes 1res laborieux et on leur confie ])res(|ue tous les travaux du |i()rl,
don! le conimerce est affranchi de taxes douanières.
Menado (^sl entourée de cultures r('mplarant les ioivts primiliv("-, et
-■':? '?^
MENADO, TUNDANU, llIVlSIONS DE CELÈBÈS. 477
CCS cham|is sont traverses de belles routes qui iacilitent l'accès du ma-
f,niili(|iie plaleau de Tondann, avec ses cafeteries, ses forêts et son beau lac
sinueux d'où s'épanche la su|i<irbe cascade de la rivière de Menado. I^a
ville de Tondano ou des » A(|uali(jues » est située maintenant sur une
liaulc berye, |»rès de l'elTluenl du lac; mais c'était, au commencement du
siècle dernier, une cité lacustre, bàlie sur pilotis et peuplée de gens liers,
([ue les Hollandais eureni ^rarid'peine à léduire; aussi ne manquèrent-ils
pas de déplacer la ville. A une petite dislance à l'ouest s'élève sur une ter-
rasse, à lOOl) mètres d'allitude (Miviron, le village de Roeroekan. C'est le
groupe d'Iiabilalioiis le jilus liaul de loiil le Minahassa, et proljalilemenl
de File entic'i'e de Celèbès'.
Au nord de Celèbès, les habitants des iles Sangi et Talaoet, Alfourou en
grande partie policés, avaient été baptisés de force dès le seizième siècle
par des missionnaires catholiques, et l'on voit encore chez eux les ruines
d'églises de ce temps. Comme les Néo-Guinéens, les gens du littoral habi-
tent des maisons construites sur pilotis; généralement plusieurs familles
sont l'éunies sous le même toit.
Les divisions politiques et administratives de Celèbès ne corres|ioiulent
pas aux divisions naturelles. C'est ainsi que Soembawa, l'une des iles de
la rangée volcanique du sud, fait [»artie du « gouvernement » deMacassar,
tandis que dans l'Ile même de Celèbès les petits Etats qui bordent le golfe
de Tolo ou Tomaïki, enlie les deux péninsules orientales, appartiennent au
sultan dcTernate et dé[iendent par consé(|uent d'un îlot lointain. Ce vaste
lerriloire n'est pas le seul que la Hollande possède uniquement comme suze-
raine, par l'intermédiaire d'un vassal :1a plus grande partie de Celèbès con-
siste en petits États indigènes, dont les uns sont classés parmi les lèuda-
taires médiats ou immédiats, et les autres parmi les alliés; il en est aussi
qui ont gardé une complète indépendance. Les districts soumis directement
à l'administration hollandaise n'occupent qu'une faible étendue relative :
là même les anciennes procédures administratives se sont partiellement
maintenues, et le pouvoir est exercé par des régents indigènes, que sur-
veillent des résidents ou assistants hollandais. Enfin, les diverses colonies
commerciales établies dans les villes du littoral ont chacune leur eonstitu-
' Villes inincijiales de Celèbès, avec leur |io|iulati()ii recensée ou présumée :
Macassar tiO 000 hab.
Menado i 000 »
lionlliain 5 àOO »
Tondauu .") 000 bab.
Kenia. 'i 000 ,)
Palos 2 000 »
NOUVELLE OEOGRAPUIE UNIVERSELLE.
(io)i spéciale cl leur chef responsable. Le mode de j;ouverncmeiil dilTère
dans les nombreux « royaumes », petits et grands, qui se partagent
Celèbès; la plupart sont des monarchies électives, limitées par la coulurae,
jtar l'autorité des notables et le pouvoir religieux des prêtres. L'Etat de
s" 97. DIVISIONS ADMINISTRATIVES DE CELEBES.
EstdePor,.
•iiR-iil .le Celèbès. Hésideuce ,1e Meuado. Résideliee de Tenmle. Uùsideucc a .Vii.l.uli
Wadjo, sur la côte orientale de la province de Macassar, est une répu-
bli([ue de grandes familles ayant un prince élu pour chef nominal : le con-
seil souverain se compose de quaranle délégués, parmi lesquels siègent
quelques femmes, en vertu de leur fortune ou de leurs droits héréditaires.
Les divers royaumes des Bougi sont également des Etats oligarchiques
dont le souverain n'est (|ue l'exécuteur di^s volontés de ses vassaux.
CELEBKS, MOLUQUES.
479
Le tal)lenu suivant iii(li(jue, d'aprôs le Regeerivgs Âlmonnk,\Q^ divisions
poiiliqut's el administratives de Celèbès — moins Soembawa :
i':i(iviNi:i;s
DIVISIONS HOLLANDAISES.
IlOVACMES VASSACX.
nOÏACMES ALLlliS.
AITRF.S.
Macassar.
Boni.
Goa. Boeton el
Wodjo.
Districts (lu nord (Ma-
îles voisines.
n.s, etc.).
Tanelle.
Mandhar, Kajeli
Toradja.
CiXÙBKS . . .
Districts (lu sud (Boii-
1 thaïn, etc.).
' Districts de l'est (Ba-
lang Nipa, etc.
Saleijer et Iles voisines.
Iles Manoewi et W'owoni
(Palos et Don-
gala), Loewoa,
LaiwoeiouKan-
dari) , Tontoli
ouToli-Toli,etc.
Iti''|ii>mlances
(le Tci'iiato.
Côte orientale de Ce-
li>bès.
1 Archipel de Bangaai.
Archipel de Soela.
Menado (Minahassa).
Gorontalo.
Mi;nado . . .
Côte septentrionale t\r
Cek'bés.
Iles de Sangi et de Ta-
laoet.
1
XV
MOLUQUES DU SUD.
BOEBOE, CEBAM, AMBOINE, BANDA
Un seuil sous-maiMU, oîi l'on ne ti'ouve pas même 200 mètres en pio-
fondeur, relie Celèbès et l'archipel de Soela à Boeroe. la plus occidentale
des Moluques. D'autre part, cette île ovale fait partie d'une rangée de terres
recourbée en arc de cercle, qui com[ii"end Ceram, Goram, divers îlots, el
va croiser au groupe de Kei une autre rangée de terres émergées, les îles
ilii « Sud-Est ». Cette chaîne des Moluques méridionales, dont la courbe
se prolonge sur un espace d'environ 750 kilomètres, d'abord de l'ouest à
l'est, puis vers le sud-est, parallèlement à la côte de la Nouvelle-Guinée,
est bien délimitée au nord et au sud par des mers profondes : d'un côté,
l'abîme de séparation entre Ceram et les Moluques du nord a plus de
.IIHKI inèlics; de l'autre, la mer de Banda se creuse à plus de (jOOO mètres,
4S() NOUVELLE C.ÉOGIiAI'HIE LM VEliSELLE.
in/'nic en un ciidroil li'rs r;i|)|ii()cli(' du volcim de |}aiid;i, ii 7<S|,") iiiMi'os
aii-di'ssoiis de la siiil'acc. (l'csl |)i'écis(''iiK'iil au (•ciilrc de ci'llf mer
(|iic se rcdicssc, couiiiic uiiu bulle au milieu d'un cfalèrc, le plateau sous-
niaiin de l,uei|iai'a, avec ses quelques récifs exoiulés. A re\ee|ilioM li'Aiii-
hoiue el de Hauda, donl le <>i'(iu|ie ii'esl ])as silué dans le même ali<;iiemenl
(|ue les autres Molutjues méridionales, toutes ces îles se trouvenlen deliors
de la ziine v()leaiii(|ue de l'Insulinde.
La |ielite ile d'Amltoine el la poussinière de Banda, plus pclile encore,
eurent jadis une importance commerciale l)ien sn|)érieure à celle des
^l'aiides iles de ces parafes, et (|ii()i(|ue leur nilc ait dimiiUK". elles ont
|u)urtanl j^ardc' la pi'ééminence admiiiisiralive, en \crlu de leur ancienne
^loii-e et de l'aiilorilé (|ue donne la durir. Mais il est pr()l)al)le ([ne le
centre de jiravit('', an moins |)our les pioductions aj^i'icoles, finira par se
déplacer vei's Hoeroe el (lei'am, qui l'empoilent déjà jiour le nombre des
lialiilanis et possèdeni aussi d'excellenls ports'.
lîiieroe, rime des iles les moins connues de raichipel insniindien et
pourlani l'une des plus l'erliles. des plus riches en icssouires nalurelles,
pr(''S('nte du c(")l('' de l'ouest sa l'ace la plus escarp(''e : c'est non loin de
crtie rive occideiilale (|ue se di'esse la monta<;ne culminante de l'Ile, le
i.amandam; (Ui mont de l'onialioe, liaiil de 'J,"»!l!l mètres. A ce lici' sonnnel
se relient d'auti'es nmntagnes, en cbaînes el en massil's, qui s'abaissent
fii'adnellement dans la dii'cction de l'est, mais plus hautes el plus escar-
pé'es le lonii de la côle uK'i'idiomde (lue sur le lilloral oppos(''. Hans l'en-
semlili', le l'cliel' monlauneux de lîoeroe es! dispos{'' en un demi-cercle
don! la convexiii' est loiirnée vers l'est : un ^land lac, le Wakoliolo,
occupe, à TiiSO mi'Ires d'altitude, une dépression, en l'orme de crati're, dans
la r(''jiion cenlrale de l'île ; sa prolondeur n'esl pas considérable si l'on en
croil l'ancienne carte dessiiK'c dans l'ouvrage de \ aient ipi, d'apii's hop ici le
les plus j^ramls fonds seiaieni iruiie vinglaine de brasses. Korbcs n'a
tidiivi' dans le Wakoholo (pi'iine seule esjK'ce de jxtisson, ran^uille.
La c("ile orientale esl ('■chanciée par la mai;iiirK[ue baie de Kajeli, (pi'eu-
' Suprriicii' l'I |iii|iiilali(iii recensai', rvaliiiT (iii |iivsiiiurc', des Miilii(|U('s niri idinrintcs :
liofiiic cl Aiiililiniw . . . 8 771luliiiiirlivs(;invs. fi'i OOO liiiljilaiils.
Cci-ain 18 1118 « » '20(1000 )i
(in)ii|pi' (le Oniin-Luii'l . 138 i> » 2 000 )■
Connu 7).'.! )i )) i.MIO n
AnilHiiiic 08"» Il 11 .",2 000 ,.
Iles (teliiissoi' 26.'j 11 II 20 000 «
Gr()ii|i(> (le Bandii .... U ii » G 000 ii
Eiisciiilili'. . . 28 r.O Kilduiclics canvs. TmO ,"i00 li ililhinl.;.
lioKiKii:. amikhm;, (ir;i,i \sski;.
1S1
(ouïr uni' l;ii'i;(' |il;nii(' (IduiiiKv |i;u- un ;ini|ilnlli(''i'ili-(' de iikhiIm^ucs. Lu
[iclilc ilr (rAniMiinw, sihK'cnu suil-csl de lîocidr. ix'ulcn rire coiisidriu'c
('nniiiic une sini|il(' (l(''(ii'ii(hiMct'; rllc csl jiussi lii's Muinhijiucusc, cl des
l'écils en hoi'dcnl les rivii^vs.
Les [iclilcs îles (|ni ialla( lii'ul lîiicroc ;i Oiain. Manipu, kcliin^, |{((ii(im,
soni, au {Kiinl de vue i;c'u;^ra|ilii(|U(', de simples IVanmcnls dr (Icrain, de
iiièinc (|uc SCS [K'iiinsulcs terminales, l/ilc d' Aniltoiiic, cl les irnis ilcs (|ui la
N" 08. — DOEIlOIi.
Est de' Paris
•i,rt,fi,' ^
/S"
l?/° Est de Gr
d^preiMulk
Profortc/^c^/^S
OaOàôO'" a'cSûàSÛO'" c/eôûai/OÛO'" ai'e/C%%?â.SOÛO"''i:reaOOC-euwa'e/.i
1 : 3 000000
siliveiil à l'os! elquel'on réunil sous le nom commun d'Oeliasser, Oma on
llaroekoe, Saparoea el JNoesa Laoel ou " île de la Mei' », re|)oseiil sur l(^
niiMiie socle de Icitcs iniiiicrji(''cs (pic la jurande ierre di- (Icrani. Anilioinc
csl Icllcniciil découpée, qn'cui la considère coninic l'orméo de deux pénin-
sules; lliloe, celle du nord, de heanconp la plus liaule, csl couverte di;
collines pénibles à ;j;ia\ir; nu isilinic sald(Hincn\, (pii n'a pas iM(~'ine
'i kilomclrcs de largeur, réunil la prcsiprilc de lliloe à celle du sud, Ley-
linior. A l'csl, llaroekoe cl Saparoca onl des pilons de 400 el 500 mèlres
de liauleur ; A'oesa Laoel csl plus liasse : on l'appelle aussi « île de l'Or »,
soil parce (|u'on y recueillail de la poudre d'or, soil jmrce que ses lerres
sonl d'une :;iandc l'erlililé. D'après Wallacc, Anilioinc serait une terre vol-
18'2 NOUVELLE r.ÉOr.RAPHIE UNIVERSELLE.
canique, et parfois un cratère, ouvert dans la partie oceiclenlale de l'ile,
aurait lancé des vapeurs et des cendres ; une nouvelle bouche d'éruption
se serait même formée en 1824. Cependant des résidents européens d'Am-
l)oine nient l'existence de tout volcan dans cette ile des Moluques.
Cerani ou Serang, la plus grande des îles du groupe méridional, est
également celle dont les monts sont le plus élevés. La partie occidentale,
dite Hovvamoel ou la « Petite Ceram » et recouverte d'une forêt continue,
est la moins haute; mais au centre s'élèvent des monts de plus de
2000 mètres, et vers l'est, sur le méiidien de Banda, la montagne de
Noesaheli dresse son piton culminant à 29(30 mètres d'altitude : les
indigènes, qui l'appellent le ■< Xomhiil ■• de l'ile, la tiennent en véné-
ration. La roche dominante de Ceram est le granit, d'après quelques
voyageurs, et des couches d'argile rougeàtre s'étendent à la base des
escarpements. Des récifs frangent les rivages, et les îles qui continuent
Ceram vers le sud-est sont en grande partie formées de calcaire coral-
ligène. L'île de Goram, l'une des plus considérables de ce groupe, con-
siste en un noyau central de rochers autour desquels les polypiers ont
construit lenrs lécifs ; mais d'autres îles d'égale étendue, telles que Mana-
woko et iMalabello, sont uniquement formées de corail soulevé. Au-dessus
des basses roches du pourtour, (lt'|iassaiil à peine le niveau delà mer, le sol
s'élève en pente douce vers la base de falaises blanches, çà et là perpendi-
culaires et s'élevant à 50 ou même à (30 mètres : ce sont des masses pures
(le calcaire corallien, dans lequel disparaissent les eaux de pluie. Les lis-
sures de la roche offrent des passages aux indigènes pour escalader le
plateau supérieur où se trouvent les villages et les cultures'.
Le petit groupe de Banda contraste avec les grandes îles et les archipels
voisins j)ar son isolement et l'incessante activité de sa « montagne de Feu «
ou goenong Api. Les six îlots sont très rapprochés les uns des autres et
trois d'entre eux, Lonthoir ou (irande Banda, Banda Neira et le Volcan,
sont disposés en cercle de manière à former un véritable lac intérieur
dont on ne voit pas les entrées; ce fut probablement une immense bouche
d'éruption. Deux des îles qui entourent ce bassin naturel. Grande Banda
et Banda Neira, sont verdoyantes jusqu'à la crête de leurs collines, tandis
(|ue le cône superbe de la montagne fumante n'a sur les pentes inférieures
([u'une légère teinte verte et, plus haut, n'offre que des talus de pierres,
toutes blanches d'efflorescences salines au sommet : des vapeurs s'élèvent
en tourbillons de cratères et d'entonnoirs ouverts au-dessous de la cime et
> AH'ivd H. WallacL', ouvrage cilé.
CKFtAM, 1!AM)A. 483
se réuniss(Mil on niiaoos que déroule le veut. Les îles de Banda Iremblenl
fré(juemnient, et les vagues produites par la secousse viennent se heurter
au littoral, rasant les habitations et ravageant les jardins. Des laves et des
cendres constitueraient la masse des îles, si des coraux ne s'étaient
formés autour de leurs rivages, leur donnant ainsi une ceinture de roches
calcaires, que les oscillations du sol ont soulevée jusqu'à plus de 100 mè-
tres au-dessus du iii\eau niaiiu. Les eaux de pluie disparaissent enlirrc-
ment dans les talus de cendres des îles, si ce n'est dans la (irande
Banda et à Banda iNeira, oi'i s'épanchenl quebpies rares i'onlaines; le
bétail des Moluques méridionales se serait accoutumé, dit-on, à boire
l'etiu de mer'. C'est dans les parages de Banda que l'on observe le plus
fréquemment, pendant les mois de juin et de septembre, le curieux
phénomène de la « mer de lait » : les eaux paraissent blanches durant
la nuit et s'éclairent d'une vague phosphorescence. Mais les raz de
marée qui se produisent alors mettent en danger les navii'es d'un faible
tonnage.
Placées entre l'Insulinde [)i'opremenl dite et la JNouvelle-Ijuinée, les
Moluques du sud participent au climat des deux régions'; de même leurs
espèces végétales et animales témoignent de la transition entre deux
mondes; cependant chacune des îles possède niu' faune caractérisée
par des formes originales, si ce n'est pour les mammifères terrestres,
qui leur manquent pres(|ue complètement. Les Moluques méridionales
n'ont pas même de singes; après les chauves-souris, les espèces les mieux
représentées sont celles des marsupiaux : par ces animaux, notamment
par le cuficus, qu'avait déjà signalé Bougainville, les Moluques appar-
tiennent à l'aire de la Nouvelle-Guinée; d'autre part, le curieux babiroussa
de Celèbès, que l'on voit aussi dans l'archipel de Soela, a pénétré dans l'île
de Boeroe, qui, par ce sanglier, fait partie du domaine insulindien; elle
s'y rattache également par ses pythons énormes, c< troncs d'arbres mou-
vants )i, qui s'attaquent à l'homme et le dévorent. Pauvres en mammi-
fères, les Moluques sont prodigieusement riches eu oiseaux, qui pour la
plupart ressemblent aux formes papouasiennes : dans la seule île de Ceram,
Wallace a découvert 55 espèces d'oiseaux qui ne se trouvent point ailleurs :
en(r(> autres, un casoar casqué, haut de plus d'un mètre et demi et portant
au lieu d'ailes des faisceaux de noires aiguilles cornées. Boeroe lui fournit
' ,1. II. ili' Honilyi'k-Basliaanse, Voyctijc de l n liis n.
" Miiyi'iiiir lies pluies pendant une série de huit années dans les M(dui|ups :
Aniboine : 5'°,7li'J; Saparoea : ô'",,"(5ti ; Banda Neira : 'J'°,S77; Teriiale : 2'", 192.
iS4 NOLVELLK (iÉnr.RAI'IIIK UNIVERSELLE.
iiiissi 17 l'sprics iiouvellos. Les Moluqiu's soiil pni'liculii'icmcnl rirlirs l'ii
perroquets, en pigeons, en martins-pècheurs, tous brillants des couleurs
les plus vives. De même pour les poissons, les Moluques.cl principalement
celles du sud, sont une des régions privilégiées du monde. M. Bleeker a
trouvé dans les ports et les criques de la seule îled'Amboine 7S0 espèces de
poissons, presque autant qu'en possèdent tontes les mers et les rivières de
l'Europe, et des centaines d'entre eux, Laiiolés ou mouchetés de bleu,
de vert, de rouge ou de jaune, offrent une variété infinie d'aspects : il n'est
probablement pas sur la Terre, dit Wallace, de baie où la vie animale ait
une plus grande diversité de formes que dans les « jarilins marins » du
petit golfe d'Amboine. Les mollusques et les infînimenl petits de l'Océan
y sont aussi représentés par des multitudes d'espèces. Pour les insectes,
notamment pour les papillons, Amboine est également l'endioit de la
Terre qui possède les plus grands et les plus beaux : c'est le paradis des
naturalistes. Et par un étrange contraste, qu'on ne peut s'expliquer, la
partie orientale de Ceram, pourtant fort bien ])artagée jiour la végétation,
est, comparée à la région occidentale de l'île, d'une extrême pauvreté en
formes animales.
Les haliilanls non encore pdlicés des Moln(|ues méridionales sont ilési-
gnéssousle nom d'Allouroii, conimeà Celèbèset en d'autres îles de l'Insu-
linde; mais, au lieu de se rattacher, comme les Cclèbiens, aux Dayak de
Bornéo et aux Batta de Sumatra, ils ressemblent beaucoup plus aux l'apoua
de la JNouvelle-Guinée et paraissent être de même origine; on se demande
avec étonnement |)ourquoi la simple coïncidence d'un nom géograplii(|ue
des légendes polynésiennes avec celui de Boeroe a pu faire croire à cer-
tains ethnologistes' que cette île est le lieu d'origine des rtices de la Poly-
nésie. Les Alfourou de cette île craignent même de voir la mer; elle
est tabouée pour eux et malheur leur arriverait s'ils entendaient seu-
lement le bruit des vagues'. Ils sont de taille moyenne ou élevée, leur
peau est d'un brun foncé, et chez qnel(|ues-uns d'entre eux la chevelure
frisée ou houlTaiile occupe un rs|iace (Miorme, (piaiid ils ne la i'amè-
neni pas en chignon ou en nceud sur l'une îles tenq)es. Us aiment beau-
coup les ornements, et ceux d'entre eux (jui n'ont ni verroterie, ni corail,
ni métaux, portent des bracelets et des chevillères en herbes tressées et
Haie. Elliiioiiidj/hii iiikI l'ItilohHjii ; United Slalcs E.i/jluiiiiii E.rpicliliuii.
U. (J. Eorlii's, uuvraw cili''.
ALFOl'ROr I)i:S MOLUOIES. 48^
percent des noyaux de IVuils un des baies jionr s'en faire des colliers. Mais
il est rare de rencontrer ces Paitona de Boeroe et de Ceram à l'état pur,
car il n'y a qu'un très petit nombre de villages à l'intérieur : presque
toute la population vit sur le littoral, et là des Malais et d'autres immi-
grants se sont croisés avec la race primitive et en modifient diversement
le type. Dans l'île Manawoko, à l'est de Ceram, l'élément malais semble
avoir pris le dessus et les métis issus des deux races sont de Ibrt beaux
hommes, aux traits agréables et à l'opulente chevelure. On dit aussi que
})armi les Amboinais la physionomie hindoue se retrouve chez de nom-
breux insulaires, et la langue témoignerait d'une ancienne influence asia-
tique par une foule de mots et de tournures; dans la plupart des îles
orientales de la Malaisie le nom de lieu Modjo-Pahit rappelle l'ancien
empire hindou de Java '.
Les indigènes « alfourou » de Boeroe n'ont plus les mœurs féroces des
gens de Ceram; les premiers ont cessé, depuis une époque immémo-
i-iale, de couper les tètes de leurs ennemis pour en parer leurs demeures,
tandis que les Alfourou de Ceram sont passionnés pour la guerre et pour
les trophées sanglants qu'elle leur procure. Mais, à part celle différence
capitale, les naturels des deux îles se ressemblent beaucoup par les
croyances, les mœurs et les institutions. Les uns et les autres croient à un
être suprême, le créateur et le conservateur de la terre, du ciel cl de la
mer, le grand juge qui récompensera les bons et punira les méchants,
dans cette vie et dans celle qui est à venir. Toutefois ils n'adorent [)oint
ce grand esprit, et réservent leurs prières et leurs conjurations pour les
génies innombrables, bons et mauvais, qui vivent autour d'eux, dans les
rochers, les arbres, les ruisseaux et le vent. Des sorciers et astrologues,
auxquels on vient apporter des offrandes, sont les intermédiaires des
hommes et des génies, et grâce à eux les maladies se guérissent, les
plantes fructifient, les barques voguent heureusement sur la mer.
Les femmes sont toujours achetées dans une tribu différente : tous les
mariages sont exogames; la femme, emmenée dans la tribu du mari, cesse
de connaître les siens; en cas de veuvage, elle ne peut se remarier qu'à un
parent ou compagnon de son ancien époux, mais on ne lui paye pas de
dot. Les enfants appartiennent à la tribu du père. D'ailleurs la femme
est toujours traitée avec bienveillance et justice : les mœurs exigent que
les travaux pénibles incombent aux hommes et que les besognes faciles
soient réservées aux femmes quand celles-ci sont malades, enceintes ou
' \;il(Mili|ir. — Willcr, Hcl eiliiiid Uueroe: — Wiiilz. Aiilhiopohyie der Kaliirvolker.
-i8G NOl'VKME CKOGUAPIIIE UNIVERSELLE.
iiouirito>, elles soiil (lis|)ensées de lout liiheur. La douceur naturelle des
Alfourou s(^ mauil'este aussi à l'épaid des faibles : l'esclavage y est en
abomination et le débiteur ne i'orl'ait jamais sa liberté comme à Celè-
bès et dans mainte autre lie malaise. Tout prêt se fail sans intérêt, et
quand l'emprunteur est incapable de [)ayer, il est tenu pour libéré : c'est
un fail rare que le différend soil poilé devant le chef du village on de la
tribu.
Les fonctions diverses de chefs, d'astndogues. de hérauts d'arn)es sont
héréditaires; mais il jieut ariivei' que ces personnages déplaisent à leurs
concitoyens, et ceux-ci procèdent alors à de nouvelles élections. La part
de chacun des fonctionnaires est réglée avec une précision remarcjuahie
dans l'économie de la tribu. Le nombrede gâteaux de sagou qui leur revient
est si bien connu d'avance par les participants, que nulle difficulté ne peut
naîirt' entre le-- sujets cl les chefs : en moyenne, l'ensemble de l'impôt
s'élève à près d'un (juart de la lécolte. Dans la partie orientale de Ceram,
la nourriture jirescjue exclusive des habitants est le sagou, et les indigènes
en ])réparent uiu' (puintilé suflisanle ])our en expédier dans toutes les îles
avoisinantes. L'arbre croit dans tous les endroits bas et marécageux, et
même sur les pentes des coteaux, partout où l'eau séjourne i)endant quel-
(|ne temps, iierrièi-e un rocher ou dans un repli du terrain. Un bel arbre
fournit en moyenne dix-huil cents gâteaux, d'un poids total d'environ oOO
kilogrammes, soit la nourriture d'un homme pendant l'année, et c'est
dans l'espace de quelques jours que se fait le travail nécessaire, abattage,
préparation de la moelle, cuisson des gâteaux. Cependant cet te générosité de
la naluic ne rend point l'Alfoui'ou paresseux : il se fait chasseur, pécheur,
marchand et passe son temps à décorer sa personne et sa cabane'.
Il est presque sans exemple que des Alfourou de l'intérieur se convertis-
sent à l'islam; mais sur le littoral l'influence malaise est prépondérante
et les croisements ajoutent sans cesse de nouveaux Orang-Slam ou
« hommes de l'Islam » à la confession mahométane. D'autre part, des in-
stituteurs et des missionnaires chrétiens d'Amboine, établis à Ceram et
dans les autres îles, ont baptisé des milliers de naturels. Kn aucun lieu
de rinsulinile les chr(''tiens ne sont aussi nombreux : en plusieurs vil-
lages ils constituent la majorité; la péninsule méridionale d'Amboine, que
visita Fran(,'ois Xavier, rap('»tie du Japon, est peuplée do chrétiens, tandis
que celle du nord est nuihomélane. Sur la pallie du littoral de Ceram qui
fait face à Amboine, tous les indigènes sont, au moins nominalement, des
> Wallacf, (MiM-.-i"!' ciU'; — Willei-, lld cihiiiil lUimie.
MOLIUIES ET LEIRS HABITANTS. 487
Oi'anfï-Sirani ou « Nazaréens » : ils portent îles noms du ealendrier, pos-
sèdent des bibles et des livres de cantiques; quelques-uns d'entre eux ont
appris à lire et à écrire. A l'imitation des Européens, les chrétiens des
Moluqucs se distinguent par la couleur noire de leurs \ètenienls les
nobles et les chefs portent encore îles costumes à la mode hollandaise du
siècle dernier.
La forte proportion des chrétiens parmi les habitants des Moluques
méridionales témoigne du passage des Portugais dans la contrée : ce sont
ces derniers qui, dans leur zèle de propagande, ont converti de gré ou de
force les indigènes groupés autour de leurs comptoirs. Après l'arrivée des
Hollandais, les convertis durent abandonner le rituel catholique et devenir
protestants réformés; toutefois mainte cérémonie se fait encore avec la
même pompe religieuse qu'au temps des moines portugais. Bien que l'ile
d'Amboine et l'archipel de Banda n'aient appartenu au Portugal que pen-
dant un siècle, et que la domination hollandaise y dure depuis plus de
deux siècles et demi, l'influence des premiers conquérants se fait encore
sentir : non seulement des noms géographiques, tels que Banda, Neira,
Itaiideira, Paso, se sont maintenus, mais les dialectes des indigènes sont
rem|ilis de mots portugais, que l'on emploie du reste sans en connaître
l'origine. On constate aussi la peisislancc du type lusitanien dans la popu-
lation d'Amboine et ce sont les descendants des Portugais (]ui ont la peau
la |)lus noire'. D'ailleurs la race a certainement déchu; le nombre des
habitants a beaucoup diminué, et nulle part les infirmités et les maladies
de peau ne sont plus fréquentes que dans les îles de ces parages.
C'est dans les premières années du dix-septième siècle que les marins
hollandais se présentèrent devant Amboine et Banda et qu'ils en firent la
conquête. Devenus les possesseurs de ces îles qui produisent les fameuses
épiées, « valant leur pesant d'or », les conquérants voulurent s'assurer
le monopole de denrées qui leur procuraient jusqu'à 200 et 500 ])0ur IflO
de bénéfice par voyage". Ils ordonnèrent la destruction de toutes les forêts
de muscadiers {myristira moachata) et de gii'ofliers {caryophylhis aromati-
cus) que l'on trouverait dans leur immense domaine en dehors de Banda
et d'Amboine; et, dans ces îles mêmes, le nombre des arbres fui stric-
tement limité par de nombreuses oidonnances : c'est ainsi que dans les pays
où le monopole du tabac est constitué, en France par exemple, la culture
de la plante est interdite ailleurs (]u'en certains districts soigneusement
' V;ilrrilljn; — Roorda: — Wailz, Aiitlinipulayie dcr iStiluivOlkcr.
- Ciawriird, ouvrage cité.
488 NOrVELLE r.EOr.R A f'HIE r.MVERSELLE.
délimités. Mais la inori ('(ait prononcée contre toul violalcur du mono-
pole; la senle présence d'un Iraitant étranger sur une île à muscadiers
était châtiée par la peine capitale, quelquefois par le supplice de la roue '.
Bien que la Compagnie entretint dans cha(|ue île des « sergents extirpa-
teurs » % l'œuvre de destruction commandée par les avides commerçants
néerlandais ne fui pas complète, les régions de l'intérieur des terres ne
leur élant qu'imparfailemeni connues; toutefois ces forêts étaient égale-
ment ignorées par les marchands d'autres nations, et pendant deux siècles
et demi le marché d'Amsterdam fut le seul du monde on l'on put acheter
le clou de girofle, la noix de muscade et le raacis. Un des résultats du
monopole attrihué à Amhoine et à Banda fut de dépeupler des îles qui
avaient été commerçantes jusqu'alors et de permettre aux pirates de s'in-
staller dans les ports qu'ahandonnaient les trafiquants. Mais la conséquence
la plus grave du système fut l'avilissement des indigènes, condamnés au
travail forcé sur les plantations pendant la moitié de l'année; il ne leur
restait plus assez de temps pour cultiver leurs propres jardins : toutes les
autres industries étaient sacrifiées à la culture des arbres à épices. A la
fin, le monopole lui-même devint onéreux : les Mascareignes et d'autres
îles non hollandaises disputaient les marchés d'Europe aux épices des
Moluques, quoique par des variétés inférieures, et les dernières années
de vente, au milieu du siècle, furent désastreuses pour le gouvernement.
Le commerce des épices ne rapportait plus même autant que la production
avait coûté; en outre, les dépenses «ndirectes occasionnées par le main-
tien du monopole étaient fort considérahles : le budget des Moluques se
soldait cluKine année par un énorme délicil.
I)('|)uis (|ue la culture des aihres à épices est redevenue libre, l'inipor-
tance irAmboine comme lieu de production du clou de girofle a considéra-
blement diminué. Le travail des plantations était si impopulaire, (|u'en
maints endroits l'entretien en fut abandonné ; on coupa même des arbres
pour ne plus les avoir sous les yeux. Mais dans le groupe de Banda les
planteurs, plus énergiques et |)lus enlrepicnants, et surtout plus favorisés
par les conditions du sol et du climat, continuent de soutenir la concur-
rence avec les auti'es lieux de |)roducti()n muscadière''. (les propriétaires de
Banda présentent, avec les gens de Kisser, l'exemple d'un groupe d'origine
hollandaise s'étani maintenu pendant plus de deux cent cinquante ans
sous le climat tropical des mers de la Sonde. A la suite d'un massacre
' Bokemeyer, Die Molukken.
- Stavorinus, Voijacjc à Samarancj, etc.
'' V.in Hocvi'll, Aiiihon en ilc Ocliasers.
MOLIOI'ES KT LEURS HABITANTS. i89
des iiiiliiirin's, onlonné par le Ici'rilile directeur Coen au eommeiicemenl
du dix-seplième siècle, de grandes élendues de terrains furent distribuées
par le "ouvernemenl hollandais à d'anciens soldats et à des employés en
retraite, (jue l'on désigna sous le nom de jjcrkciuers, à cause des parcs
{perk) que leur assigna le sort. Les descendants des perkeniers, d'ailleurs
très croisés d'éléments indigènes, vivent encore dans l'île ; mais ils ne
travaillaient point eux-mêmes le sol qui leur avait été concédé : jusqu'en
1860, année de l'abolition du monopole, ils le lirent cultiver par des
mains esclaves. Ces malheureux avaient éh' importés des îles les plus
diverses, et quelquefois par le dépeuplement complet du lieu d'origine :
e'est ainsi (ju'en 1616 les insulaires de Sjauw, attirés par des présents sur
les navires hollandais, furent transportés en masse; d'autres avaient été
volés sur les côtes de la Cochinchine. des îles Kei, de l'archipel d'Aroe, de
la Nouvelle-Guinée ; enOn le gouvernement y envoya des condamnés de
toute race'.
Le régime des castes prévaut à Amboine l't dans les îles Oeliasser, bien
plus en conséquence de la domination hollandaise qu'en vertu des ancien-
nes mœurs. Au-dessous des rares fonctionnaires européens, les gens de
sang mêlé constituent une première caste, très fière de son origine vraie ou
prétendue, car, sur le millier de métis qui vivent dans la résidence d'Am-
boine, il en est des centaines qui seraient fort embarrassés de donner leur
généalogie. Après ces demi-sang, dont quelques-uns jargonneni un peu
le hollandais et qui se qualifient mutuellement de7mjnheerei de mevrouw,
viennent les indigènes chrétiens qui sont classés parmi les Ininjers ou
ce bourgeois ». Ils descendent d'aïeux que la Compagnie avait affranchis
du travail, de la corvée et du droit de capilalion, et ces premiers privi-
lèges leur en ont valu plusieurs autres dans la suite. Autrefois, un des
principaux éléments de la |)opulaliou élail la classe des iiiardijkcrs ou
« affranchis », esclaves libérés dont on avait fait des soldats et qui com-
battaient avec une étonnante inlrépidili^ Quelques mahométans, mais
peu nombreux, et presque tous appartenant à des castes inférieures, ont
reçu également le titre de " bourgeois ». Les derniers, depuis que l'es-
clavage est aboli, sont ceux que l'on appelle les urang masintj ou les « pe-
tites gens ». D'après la plupart des voyageurs et des résidents, la valeur
morale des indigènes serait piécisément en raison inverse de leur rang:
plus ils ont de droits à l'ciisiveté. plus ils sont en effet paresseux,
joueurs et débauchés ; il est de règle chez les Hollandais d'Amboine de
' liukpinevcr. oiivraiio cilé.
490 NOUVELLI-: fJKOr.RAI'UIE UNIVERSELLE
s'adresser |jliilùl à îles cuivriers maliuiiiélaus (lu'à des clnéliens. Mais
dans les villages éloignés, à Boeroe et à Gerani, les indigènes des deux
cultes sont également honnêtes et travailleurs'.
D'après Argensola% les naturels d'Amboine et de Ceram se divisaient
autrefois en Oli-sima et Oli-linia, en ■< Neuf Pays )> et en « Sept Pays »,
groupement de tribus confédérées que d'autres classements ont fait oublier
en partie; cependant ces lignes se sont maintenues dans Ceram, sous le
nom de Pala-sima et de Pata-lima : les premiers habitent surtout la partie
occidentale de l'Ile, les seconds la partie orientale. D'après van HoëvelP, ces
divisions datent des anciennes rivalités de Ternate et de Tidore, jadis puis-
sances suzeraines de ces contrées. Les Pala-sima sont de beaucoup les plus
redoutés parmi ces Alfourou sauvages. lh\ grand nombre d'entre eux
appartiennent à l'association des kakian, que l'on croit être, sans preuves
suffisantes, une ligue d'extermination contre les blancs'.
Amboine. — Amboina, ou mieux Arabon suivant l'appellation indigène,
- — le chef-lieu de la résidence ou préfecture des Moluques du Sud, est une
ville de I.IOOO habitants, beaucoup moins peuplée qu'elle ne le fut autre-
fois, mais encoi'c fort imporlanle parmi celles de l'Insulindc orientale.
Située sur la live niéiidionale de la baie de son nom, au pied de la mon-
tagne de Soya, elle se compose d'un (piartier central commerçant et de
faubourgs aux larges rues ombreuses, qui se prolongent au loin. Le
fort de Victoria, ainsi nommé en souvenir de la ■< victoire » des Hollan-
dais sur la garnison portugaise en HiOK, domine la ville de sa masse
imposante. Amboine, port libre où les plus grands vaisseaux viennent
mouiller par 20 et 30 mètres de profondeur, se complète à l'es! jiar le
village de j'aso ou du « Passage >■, situé à l'extrémité de la baie orien-
tale de l'ile, sur l'isthme sablonneux à travers lequel les marins traî-
nent leuis pi-ao et autres embarcations de l'une à l'autre baie. Amboine
est le centre des écoles et des missions religieuses dans l'Insulinde
orientale et la Papouasie. C'est à Amboine que résida Valentijn et (pie
mourut le naturaliste lium|)hius. les premiers explorateurs scienlifi(|ues
de l'Insulinde.
Le |>orl principal de l'ib; Boeroe offre t(uis les avantages matériels (jui
' WilltT, iiiivi'iige cité.
' CoïKjuisliis de las islas Mohicas.
^ Aiiibon en de Oeliasers.
* V;iii Ho(^s, De Phiiicrs der licseli(n>iii(j in Sedcihindsch-bnlic.
WMf'i
A.MliOlM;, KAJELI.
493
(levraienl en fane un <j;ian(l maiehé : les eaux d'ancrage sont profondes,
un promontoire qui s'avance à l'est protège bien la baie contre le vent et
la houle; un bois de tek, fournissant des matériaux de construction, occupe
une partie de la plaine, de vastes et fertiles camjtagnes s'étendent vers les
POHT D AMBOINL.
f c i V -or a /
r ^1
.,jfe^ ,-, t/
Prc^COC^^U^^
I • S'iocin
monts; mais au bord de l'eau on ne voit que l'Iiumble ville de Kajeli,
dont la population, musulmane, chrétienne et chinoise, est d'environ
2000 individus. Depuis que les Hollandais s'y sont (■(ablis,la terre a gagné
en cet endroit une largeur de près de SOO mètres sur la mer. Kajeli ex-
porte environ 600000 bouteilles jiar an d'huile de cajeput {melalriira ca-
jejiiili), (|ue les iiuligiMies distillent des feuilles de l'ai'bic Inii/oii poidl nu
i'Ji NOUVELLE CEOGRAI'IIIE INI VEFiSELLE.
« écorce blanche », espèce rapprochée du j;irullier. hes Amhoiiiais achèleiil
aussi à Kajeli des arachides et des porcs engraissés au sagou, qu'ils payent
surtout en gongs de cuivre'. L'île Boeroe est une de celles dont il a été
le plus question comme pays de colonisation agricole, même pour des
Européens; mais heureusement les divers projets (jui ont été faits à cet
égard n'ont point abouti, car le cliinal ;iiirait sans aucun doute fait
échouer les tentatives. Ouant aux iles situées entre Boroe et Ceram, elles
avaient été méthodiquement dévastées et dépeuplées par la Compagnie',
et depuis celte époque fatale du monopole destructeur, elles sont restées
désertes.
Ccram, comme Boeroe, n'a sur les l)aies de ses rivages que des groupes
de cabanes peuplés de Malais, de quelques marchands étrangers et d'AI-
fourou mahométans ou chrétiens : on donne à ces hameaux le nom de
neyerijen ou neyorijen, que l'on a souvent traduit en finançais |»ar le mol
erroné de k nègreries »; cette appellation, (pii n'indique nullement la cou-
leur des habitants, est dérivée du mol hindou iKKjitr ou « ville )i. Telles
soni, au sud de Ceram, les iiegiirijcn d'Amahaï, chet-lieu de l'adminis-
tration hollandaise, d'Elpapoeli, Makariki, lloya, Teloeti, et sur les baies
du nord, de Sawaï et Wahaï ; ce dernier village est fortifié et possède un
vaste port. Des Européens ont établi des caféleries, des champs de tabac,
des plantations de cacaoyers dans le voisinage de la côte et font exploiter
des gisements de charbon.
A une petite distance de la pointe ifrienlale de Ceram et de la plage de
Çiisser, en forme d'anneau, l'ilot de Kihvaroe, dans le groupe de Ceram
Laiiel, (iffre le plus étrange aspect : c'est une petite « Venise malaise ».
Les cabanes bâties sur pilotis se pressent tellement, que nulle part on n'a-
perçoit le sol ; l'îlot disparaît en entier sous les constructions : en appa-
rencf, le village flotte sur la mer. Des eaux douces, venues des îles voi-
sines sous-niarinement, dit Wallace, y soui'deiit en fontaines abondantes.
Kilwaroe, situé au bord du seul canal pi'ofoiid (pii traverse les bancs de
Ceram Laoel, au détour de la grande île, est un lieu de marché très
actif : des Bougi et d'autres marchands s'y sont établis pour en faire
le (iiiu(i|ial ('nln'|)("il de commerce entre Aniboiiie et la Nouvelle-Guinée.
Quelques insulaires de ces parages, notamment ceux de Goram, ont été
très enrichis par le trafic dans toutes les îles de l'est. Wallace parle avec
éloniienient des bijoux d'or massif ipie portent les femmes de Matabello et
' II. n. F,.iIm->, (mvnifjo cil.'.
' 1'. lili'okcr. Hcis iiaar on door de Minniuissa.
BOEROE. CERAM, MATABELLO. DELIASSER.
495
des canons de bronze qu'aihèlent les villageois pour en parer les abords de
leurs habitations. Les chefs sont vêtus splendidement de robes en soie el
en salin broché.
A l'est d'Amboine, le liourg principal des Oeliasser est Saparoea, situé
dans l'île de même nom. près de la rive d'un bon port et au point de con-
vergence de deux grandes routes qui traversent l'Ile aux endroits les moins
N° 100. — KILWAROE.
d après les cartes marines h
larges. Malgré ses avantages, Saparoea n'a [)as même '2000 habitants, pres-
i[ue tous chrétiens. Les plantations des environs fournissent encore au
commerce une assez grande quantité de clous de girofle, beaucoup plus
qu'Amboine : malheureusement les récoltes de ces boutons de fleurs, non
encore épanouis, sont très inégales et d'ordinaire ne sont bonnes qu'une
fois sur deux. Les fortes récoltes de tout le groupe amboinais dépassent
150 000 kilogrammes, tandis (pic les « petites » n'atteignent pas môme
25 000 kilogrammes'.
' V;in llofvcll, oiivi^ifîf cilO
Wti
MK \i;i.l.K I.KOdHArilll': imvkkseli.k.
La ville l'oililiéc de Daiula ou >it'ira, située dans File du luème ixini, au
nord du bassin, lacustre en apparence, que forme la haie de Banda,
occupe un des sites les plus pittoresques de l'Insulinde, sur les pentes de
la montagne Papenberg, au milieu des plus belles plantations de musca-
diers qu'il y ait dans le monde. En face, l'île de Lonthoir pres(|ue entière
est couverte de ces arbres et d'autres plus grands, les kdiuu'i [kanarium
coDuiitiiu'). plantés comme aiiris. Le sol volcanique légei-, l'ombre, l'Iiunii-
GROrPE DE BANDA
Est de I
Lst de GreenvMch 129'.
D après les cartes marines
I kil
dite naluiclle du climat coii\iennenl admii'ablement au muscadiei-, qui
croil ici presque sans soin, lanilis tpie les planteurs de Singapour, de Poulo
Pinang et d'autres endi'oits ne peuvent réussir que par de coûteux
efforts. Le muscadier, qui s'élève à la hauteur de 0 à 10 mètres, est un
arbre bien formée aux feuilles luisantes, aux belles Heurs jaunes : le
« fruit d'or «, qui ressemble à la pèche, se fend et montre à l'intérieur
la noix brune et le macis rouge, que mangent avec avidité de gracieux
pigeons {rurpopharju roitcinna), inconnus à Ceram et dans les auti-es
^^IrVfc; S
li
i
H
i»^^^
Moliu|iios' : r.incioiiin' Ci)iii|(ii^iii(' liolliiiulaiso avail oidonné d eu cnIit-
miiicr l'espôcf, pour cinpôclicr la propagation des semences du musca-
dier'. Une ceinture de cocotiers entoure la base du goenono- Api, habitée
par les fds d'immigrants de Hoelon. Les îlots de Roen et de Uozengaïn sont
également de petites colonies de cultivateurs, (|ui pour la plupart descen-
dent (le bannis.
La résidence d'Amboine est divisée administrativement en sept districts:
Ainboine, Boeroe, les Déliasser, Banda et les trois circonscriptions de (leraui.
XVI
MOI. IQIES DU .NORD.
OBt, lî VT J AN . T i
Le groupe des Moluqnes dont Ilalmahera est le centre se tiouvc bien
délimité surtout son pcnirlour par les profondeurs mannes. A l'ouest, des
abîmes de plus de 2000 mètres le séparent de Celèbès et de l'archipel <le
Sangi; au nord et an nord-ouesl, la mer se creuse jusqu'à plus de
4000 mètres; au sud. un goulTiv de HOtlO mètres s'ouvre entre l'île d'Obi
et les Moluques méridionales; enfin, à l'est, des golfes d'un millier de
mètres et un seuil de plus de oOO mètres en profondeur marquent la zone
de partage entre le monde insulaire et les îles qui dépendent delà Papouasie.
Dans l'ensemble, les Moluques du nord sont disposées longitudinalement
du nord au sud, tandis que les Moluques méridionales sont orientées de
l'ouest à l'est. La superficie totale du groupe d'Halmahera dépasse 10 000
kilomètres carrés; mais les îles, à l'exception de Ternate et des îlots voi-
sins, Tidore, Makjan, Molir, Kajoa, dits les « Petites Moluques », sont
très faiblement peuplées''; il en esl même où nulle famille ne vil ;i de-
meure. Les deux îles de Tifoeri cl de Miijoe, qui dépendent poliliquenienl
' Production des muscades à Bandn jmi t87.S ; 1 258 000 kilogramme? de noix; 408000 kilo-
[grammes de macis.
- J.-ll. de Bondyik-Bastiaane, Voijnfji's ilc /' « Iris «.
^ Superficie el population des Moluques du nord :
Batjan et îles voisines . . . 2 643 kil. carr. 2 000 habilanl-.
Petites Moluques 286 « .50 000 )■
Ualmahera et îles voisines. 10 965 « 25 000 «
Morotaï 2 098 » Pas de résidents.
Obi et îles voisines .... \ 900 n » «
Tafoeri et Majoe .... 160 » i' »
Kiisemlile . . . . 24 652 kil. carr. 57 000 habitants.
300 .NOLVKI.l.K CKOGHAl'illE UNIVERSELLE.
(leTernato, peuvent èlre aussi eomplées eouiuu; apparleiianl au groupe des
Molucpies, bien qu'elles s'élèvenl des mers |)rofondes, à l'est de la pénin-
sule celèbienne de Minaliassa. Les Portugais ne donnaient le nom de
Molucos qu'aux « petites Moluques » des géographes modernes. Le nom a
fini par s'appliquer à toutes les îles orientales qui produisent des épices '.
Les forces volcaniques sont beaucoup |)lus actives dans les Moluques du
nord qui! dans celles du sud, et toute une rangée de cratères à éruption se
profile sur le bord occidental de l'archipel. L'une des moitiés de l'île Bal-
jan, rattachée à l'autre par un isthme étroit, n'offre point de formations
volcaniijues, mais seulement des calcaires coralligènes, des conglomérais
de galets, des grès superposés en feuillets minces; c'est au nord de l'isthme
que le travail du foyer souterrain se manifeste par le jaillissement d'un
geysir et par réchauffement des argiles, qui se transforment en une sorte
de bouillie. Cette source, qui coule près de la haie de Sajoan, sur la côte
orientale, ne s'élance en jet que pendant la saison des pluies : comme
les geysir de l'Islande, elle renferme beaucoup de silice, que l'eau,
presque bouillante, puisqu'elle est à la température de 99 degrés, dépose
en couches sur la margelle de son bassin. Au delà de Batjan, Kajoa dresse
ses rochers basaltiques. Makjan, l'une des Petites Mohnpies, n'est qu'un
seul volcan se dressant hors des eaux marines. Au commencement du dix-
septième siècle, celte montagne était beaucoup plus haute; mais en 1(346
la partie supéiieure du cône vola en débris et l'un des côtés se fendit jus-
<|u'au bas : il ne reste plus que le tronçon du volcan, percé d'un cratère
énorme ; en 1802, une nouvelle éru|)tion couvrit de cendres l'île entière :
jusqu'à Ternale le jour fut obscurci et les moissons furent brûlées. Au
nord, l'île de Motir (614 mètres) fut aussi une montagne brûlante, qui
lança des scories vers la fin du siècle dernier. Tidore est formée dans sa
partie méridionale par un cône d'une régularité parfaite, revêtu de cultures
jusqu'à la moitié de sa hautiuir : c'est le volcan le plus élevé des Moluques;
de son cratère (17;20 mètres) s'élèvent de temps en temps quelques vapeurs
et des sources thermales jaillissent à sa base. Le volcan de Ternate, décrit
par Camoès, est un peu moins haut et moins élégant de forme; mais ses
éruptions sont très fréquentes : depuis que les Hollandais se sont établis
dans l'île, au commencement du dix-septième siècle, jusqu'en 1862, on
n'a pas compté moins de vingt-quatre éruptions suivies de coulées de
laves; sept cratères s'ouvrent dans la partie supérieure de la montagne,
fissurée dans tous les sens et toujours fumante. Les tremblements de terre
• Argousolii . ouM-.i^'e cité; — Ile lii>iii;ainvillc. l«//«(/f de la . Boudeuse /) et de /' v Étoile ».
l'KTITKS MOLlOri'S, Il ALM AIIRH A. 501
soiiL fréquents et la ville assise au ])ie(l du volcau u'a pu encore réparer
les (lésaslres causés par une secousse, qu'une aulre se fait senlir. Sur
la côle nord-occidenlale de l'île un village forlilié. le Soela-lakomi, a dis-
paiii, et à sa place se trouve un goulTre d'c^lTondremenl en forme de cra-
tère et rempli d'eau : on lui donne le nom de "Pays Xoyé )i.
Au nord, le prolongement de l'ave volcanique des Petites Moluijues
vient frapper la côte avancée d'IIalmahera, et là aussi s'élèvent trois
cônes d'éi'ujjlion, visibles dj Ternate. Au delà, un autre promontoire
d'IIalmahera est également volcanique : près de (îamakora. une montagne
de cendres surgit en 1()7.". Plus au nord se montre le goenong Tarakan.
appelé autrefois Tafellierg ou >< mont Table >>, à cause de sa forme, et
dont les éruptions paraissent avoir élé nomln'cuses. Celles du volcan Tolo,
qui se dresse en face de l'île Morotaï, ont été très violentes et ont changé
la forme du littoral, en comlilant les baies et en formant des lacs par des
barages de cendres noires. In de ces lacs, de lornialion récente et profond
de 50 mèlres, se trouve près du village de (lalela, au pied du volcan tron-
(|ué (le Kerkan' : d'après Bernstein, il l'audrait y voir un vrai cratère de
volcan'. De grandes oscillations du sol ont eu lieu au-dessus de la crevasse
des Petites Moluques. Wallace constata sur une partie du littoral de Kajoa
qu<i l'île s'était élevée d'environ (30 mètres, ainsi (|u'eM témoignent les co-
raux d'anciennes plages, et (pi'elle s'abaissait de nouveau assez rapidement :
les arbres du bord périssaient, baignant leur pied dans l'eau salée.
La grande île d'IIalmahera ou " la (rrande Terre )% ainsi nommée de sa
position au milieu d'une poussinière d'îlots et de rochers'', offre dans
sa formation une singulière ressemblance avec (jelèbès : elle se compose
aussi (le quatre pi'uinsules montagneuses rayonnant autour d'un massif
central : on l'appelle (juelijuefois la « petite (lelèbès ». llalmahera dirige
aussi son corps insulaire dans le sens du nord au sud et tourne ses gtilfes
à l'orient. Le rétrécissement des péninsules du nord à leur racine est
une aulre analogie entre les deux terres; enlin. l'ilc Irachytique de Morotaï
et les îlots voisins, qui paraissent avoir été rattachés jadis à la presqu'île
septentrionale, forment la confn^-partie du Minahassa, dans l'île de Celè-
bès, et les deux péninsules du sud et du sud-est sont aussi prolongées par
des îles, Daniar et (lebé. Au point de vue politique, les Moluques du nord
présentent le même phénomène que les Moluques du sud. Dans ce dernier
groupe, la ])réémineiice ap(iailienl à la petite île d'Andioiiie et aux îlots de
' J.-E. Teysmaiin, Annales de l'Exlrciiic-Oricnl, IS7S-lb7U.
- Peleniioiiii's Mitthriliinyeii, 1873.
= Willcr, //(•/ eildiid ISo.Toe.
•"'0'-' NOUVKLM-; CKOf.IiAl'IlIK UNIVERSELLE.
li.inda, moiiiiliv>. eiicoïc, liiiidis (jiio la j^i'ando île de Ccrara on est uno
sim])lc dépendance; de même dans le groupe du nord, la .' Grande
Tei'ic » est un vasie domaine presque désert, partagé eutie les deux sou-
verains des deux volcans insulaires, Ternale et Tidore.
Les Moluques du nord, plus encoiv (jue celles du sud, se distinguent
par une remarcjuahle « localisation j> des espèces. Chacun des îlots a ses
formes (jui lui appartiennent en propre et que l'on ne retrouve pas dans
les terres voisines'. C'est ainsi que dans l'île de Morotaï on trouve des
oiseaux de vol puissant que l'on a vainement cherchés dans la grande
terre d'Halmahera, dont elle n'est séparée (|ue par un détroit de iO kilo-
mètres, parsemé d'îles nombreuses. Morotaï, au nord d'Halmahera, de
même que Daniar, au sud de la même île, ressemhleut plus par leui'
faune à l'archipel extrême de la Papouasie qu'à celui des Moluques, dont
<'lles ne sont sans doute (|u'un IVagment". De toutes les îles de ces parages,
la plus lemarquahle pour les naturalistes est Baijan. Dans ses t'orèls de
muscadiers et d'autres essences, on rencontre des cynopilhèques, les singes
qui habitent, du côté de l'orienl, le plus loin de leur centre de dispersion.
On y trouve aussi descivelles, (|ui. d'a|)i'ès Wallace, ont |)u ètie introduites
accidentellement par des immigianls malais (lu chinois. Il n'es! pas rare
de voii' ces étrangers amener avec eux des animaux d'espèces diverses:
des accidents jieuvent vider les cages et peupler la forêt.
Les immigrants malais sont nombreux dans les petites Moluques et en
certaines îles constituent la majorilé : ce sont eux qui, après avoir pris |)ied
à Teiiiale et à Tidoi'e, ont fait la (•()n{|uèle de tout l'archipel et s'assimilent
gradiiellemeni le reste de la jtopulation. Leur type primitif paraît être
rapproché de celui des gens de Macassar; mais, ayant piis pour épouses des
tilles alfourou, ils présenleni de grandes dilTérences d'aspect et de carac-
tère : leur langue même n'est malaise ipie par la formation, et le vocabu-
laire est surtout all'ouiou. j^es habilanls d<' Baijan, de Kajoa et ceux des
côtes méridionales d'Halmahera son! presque Ions de ces Malais croisés, el
s'ils se distinguent nellemeni des Alfourou de l'inlérieur, c'est principale-
nienl par les mœurs el la religion : ils sont mahométans, et comme tels
se sentent solidaires des populations policées de l'Insulinde. Lu autre élé^
ment elbni(|ue, croisé comme celui des Malais et se distinguant aussi
des Alfourou |iai' sa civilisalion relalive, esl celui des Orang Sei'ani ou
' linlTiiiv. Anliivr.'i îles missions sciciililiiiucs et liltn-iiiirs, loiue tV, tSTT: — W;illai'c. Mnlnij
.\icliij)rl(i(io.
- Wallace, iiuMagr l'ilé ; — IfiM-nsIciii, Zciischrifl (iir alhji'mciiu' Erdl.iiiiilc. jiili I8G5; —
tili'ckci', Roisr iKifir en ditiir rie Mitiiilidssa.
IIAMI A.NTS l)i;s MOLIULES. 503
.( Nazaréens », — c'esl-à-diic clirélieiis, — (|ui nescencleiU on parlie
d'aïeux portugais; mais (le|)uis liois siècles ils ont oublié sinon leur ori-
gine, du moins leur langue et même leur religion première : ils parlent
un malais mélangé de quelques mots lusitaniens, et se disent protestants,
mais leurs ilimanches se terminent par la musique et les rondes. Par les
alliances avec les femmes indigènes ils sont devenus plus noirs que les
Malais et (jue les Alfourou : leur peau est aussi foncée que celle des l'apoua ' :
ils ressemlilent beaucoup aux Brésiliens de race mêlée qui vivent sur les
bords de l'Amazone. Les Nazaréens sont presque les seules gens de l'in-
sulinde qui mangent la chair du « renard volant >', ces énormes chauves-
souris (ju'on voit parfois suspendues par centaines aux branches des
arbres morts.
Les Alfourou restés à l'état plus ou moins pur habitent piinci|)aienient
les régions centrales de la péninsule du nord d'IIalmahera. Wallace,
Raffray* voient en eux des Papoua à peine modifiés, si ce n'est que nomljre
d'entre eux ont le teint aussi clair que celui des Malais; mais ils ont la
hante taille du Néo-fiuinéen, ses traits grossiers, son grand nez presque
aquilin, son corps velu, se chevelure laineuse ou ondulée, sa voix éclatante,
sa liberté d'allures. Par les mœurs et les institutions ils ressemblent
aux Alfourou de (leram et de Boeroe; ainsi la jeune fdle ne peut être
achetée que |)ar un homme appartenant à un autre clan ou tofct, mais
la lilialion u'e>t comptée que pendant quatre généi-ations : au delà de cette
limite il n'y a plus de paienlé. La femme et les enfants suivent le clan du
mari et du père. La polygamie n'est pas autorisée et les devoirs mutuels
des deux époux sont réglés avec soin. 11 se peut même que le mari soit
condamné à l'esclavage temporaire comme pandeling \)o\\v acquitter hss
dettes de sa femme ou de ses filles, mais celles-ci ne sont jamais asservies
en payement des dettes du mari ou du ])ère. Le débiteur ne peut devenir
pandeling, — et cela pour une période qui ne saurait dépasser dix années,
— que dans sa propre commune, car tous les communiers sont solidaires
de la dette les uns des autres envers tout groupe étranger. La propriété
privée du sol n'existe pas : la terre est au clan. Nulle part on n'a plus de
respect pour les morts : jamais l'Alfourou d'IIalmahera ne ment; il se sent
surveillé par les ancêtres. C'est probablement en l'honneur des aïeux cjue
l'Alfourou brise toujours les poteries qu'il achète : une partie de tout ce
qu'il possède est réservé pour le mort '". Dans les districts niahométans s'est
' Wiillaco, ouvrage cité.
- Bulletin (te la Société de Géoijmphie. 1" semestre 1877.
^ J.-E. Teysinaun, Annales de V Extrême-Orient, i87S-lS79.
501 NOUVEL!,!:; G!' 0(;!;.\!'ll !!•: lMVE!lS!iLLi;.
iiitroiliiilc une couliuiie qui rappelle l'rpirii\c du (angliiu à Madagascar:
les accusés qui protestent encore de leur innocence après avoir été con-
damnés par les juges, doivent coiiliriner leui' parole en buvant « l'eau du
glaive » : sur l'écuelle qui conlienl la redoiitalile lioisson se croiseni deux
épées et on y laisse lomlier une Italie de fusil. Le parjure y hoil la mort'.
L'Ile la plus méridionale du ^loupc d\)l)i, Obi Ombirali ou Obi Major,
est inbabitée, de même que loul sou cortège d'îlots. Elle n'est d'ailleurs
que très imparfaitement connue, et le Iracé de ses côtes, reclilié en 18G0
par les Italiens Cerruli el di Lenna', n'a pas encore été levé oflîcielle-
ment par les hydi'ograpbes bollandais. Obi est pourtant une des terres
de rinsulinde qui mérileraieul le plus d'èlre explorées et appropriées au
séjour ,1e riiouime, et l'on ci'oil i|ue jadis elb- fut très peuplée. Elle possède
de grandes forêts de sagouliers et de muscadiers, des pêcheries d'huîtres
perlières et de tortues à écaille ; les vallées s'ouvrent largement vers les
monts de l'intérieur, qui, d'après (luillemard'', atleindiaienl 1500 mètres.
Pourtant le fort de Biil, que les Hollandais avaient élevé piès de la pointe
occidenlale de l'île, a été abandonne'-; mais on dit que les insulaires de
passage y portent encore quel(|ues offrandes, tribut liclif payé aux esprits
des anciens maîtres. Tous les résidents ont quitté le pays; seuls des pê-
cheurs de Baijan \ élablissenl des campenienls temporaires. Des corsaires
d'IIalmahera s'y nie!laienl aulicfois en embuscade, et même en ISSO il
fallut diriger une expédition contre eux. Des spéculateurs on! demandé au
gouvernement hollandais la concession des forêls de muscadiers; on pour-
rail fournir le sol imurricier à une ceulaine de milliers d'hommes en
concédant les terres d'Obi à des émigranls de Java.
L'île de Daijan, plus vaste (|u'Obi, a du moins une faible population.
mais seulement sur le littoral; l'archipel d'îlots fertiles qui borde Ijatjan
au nord-ouest est complètement inhabité : les cultivateurs paciliques re-
doutaient trop les pirates de Mindanao pour s'établir sur ces rivages el les
Européens sont trop peu nombreux dans les Moluques du nord pour que
les iudigèiuïs se sentent à l'abii sous leur protection. Des immigrants
malais, des Nazaréens, des Alfouroii de Celêbès constituent la population
de Baijan ; lécemmenl des fuyards des cùles de Tomori, dans Celêbès, sont
venus se joindre à eux pour éviter les incuisions de puissants voisins : ce
' Witicr, cuivrage cité.
- (liiidii Cora, Cosmos, \ii|. I\. 1877. fasoii-dlii i.
= Criiisc of llw t! Marciiesii n lu Kaiiitsliall.d tniil .Viio Ciiiiwa.
OBI. It.VTJAN. MAKJAN, TEIiNATK. TIDORK. 505
ï^onl (les hommes lie petite taille, <|iii ressemblent plnsiquernent aux Bougi
et aux gens de Macassar et qui sont très habiles pour fabriquer des vêle-
ments d'écorce. Le chel-lieu, appelé également Batjan, est situé sur la
côte occidentale, an bord d'une l)aie sure et à l'endroit où l'Ile se léirécil
en isthme. Une! route carrossable rejoint Batjan à des mines de ehaibon
exploitées à divei'ses reprises j)ar des condamnés, pour le compte du gou-
vernement. hoUandais. Les indigènes parcourent les forêts à la icclierelic
d'un aulre combustibh', le dammar, résine qui découle de grands arbres
et forme au bas du Ironc de grosses masses pesant jusqu'à dix kilogrammes.
Ils pilent celte résine et eu remplissent des tubes en feuilles de palmiers
de près d'un mètre de longueur : ce sont les seuls luminaires qu'ils em-
ploient'.
La petite île de Kajoa, qui continue la chaîne volcanique au noid de
Baljan, a quelques centaines d'habitants, qui vivent de riz et de poisson et
qui payent au sultan de Ternate les prémices de leur récolte et un tribut
de nids d'hirondelles, de perles et d'écaillé. L'Ile de Makjan, formée de
cendres qui lui doniuMit une plus graiule fertilité, est aussi bcaucou]) plus
populeuse, et .son importance en lit, au moyen âge, un des enjeux de
guerre les plus disputés entre les souverains de Ternate et de Tidore; plus
tard, les Espagnols s'en emparèrent, et les Hollandais la conquirent à
leur tour. Puis, voulant écarter les concurrents, ils la ininèieut, en obli-
geant le sultan de Ternate à déraciner tous les girolliers de ses îles, (|ui lui
donnaient dans le commerce de la Chine et des Indes une puissance éco-
nomique de premier ordre : c'est dans cette île des Moluques, Makjan,
que serait, d'après Musschenbroek, le lieu d'origine de l'arbie précieux".
Après la destruction des forêts, la plu|iart des habitants éniigrèrenl ou
périrent; ceux qui restenl cultivent un tabac excellent, l'iès de Makjan
se trouve l'îlot de Mareh, appelé aussi l'île des « Potiers » (l*ollcidi(il,l,-cis-
ciland), à cause de son excellente argile à poterie.
On sait que les deux sultanats de Tidore et de Ternate, confondus
maintenant en grande partie dans la circonscription administrative appelée
« résidence « de Ternate, se partagent presque toutes les Moluques du
nord. C'est un des phénomènes les plus remar(|uables dans l'histoire de
l'insulinde que rim[)ortance extraordinaire prise par ces deux îlots relati-
vement aux vastes terres environnantes : à l'époque même où les répu-
bliques de marchands italiens, Venise, Pise, (iênes, jouissaient d'une si
Wallacc, ouvrage cili'.
Von Gorliom, De oosi-indische ruUurcs.
XIV 64
506
NOUVELLE r.EOGRAPUlE UNIVERSELLE.
merveilleuse prospérité, et par les mêmes raisons, en des eonditions ana-
logues, les eomniunaulés malaises île l'Orient acquéraient, par la naviga-
tion et le commerce, de grands empires coloniaux s'étendant au loin sur
les rivages des îles et des continents; des colonies de traitants venus de
Tidore et de Ternate se rencontraient dans tous les marchés de la Ma-
10.'. EMPIRES DE TERXATE ET IIE TIDOnE.
Est de Par
^■'
LS+de breenwicl-i
^
^
Ri'sideiiL'c Aiu-ii'nne dèpeudaiice Ancieiiiu; di-peudaïux Rovnini
lie Tcniatc de Ternale. de Tidore. de lîal|;
1 . ÎO 000 000
laisie. L'ascendant des communautés marchandes s'accrut aussi long-
temps qu'elles se hornèrent au Iralic; mais cjuand leurs doges furent de-
venus di! riches potentats entourés de milliers d'esclaves et que leur amhi-
lion fut de commander à des armées nombreuses de mercenaires, à des
flottes de pillards allant chaque année prélever de lourds tributs ou voler
des hommes sur les côtes des îles environnantes, la décadence commença, et
les États des Moluques se trouvèrent sans foi'ce contre les con(|uérantséti'an-
TERNATK ET TlftORE. S07
fTors. Acluellemciit les sultans [n'ciiit plus (|u'un vain tilrc Ce quo l'on
appelle le « royaume)' de Tiilore comprend dans son domaine la partie cen-
trale de l'ile Ilalmahera et ses deux péninsules orientales, les îles néo-
guinéennes et même les côtes occidentales de la grande terre, tandis que
Ternate est censé posséder la presqu'île du nord d'Halmahera et plus de
la moitié des péninsules du sud; en dehors des Moluques, le domaine
politique de Ternale s'étend aussi sur les îles Soela et sur un tiers de
l'île Celèbès.
Les chroiii(|iies indiiièncs, re[)r()(hiites par Valenlijn, disent qu'en l'année
1522 un traité de paix fut conclu entre les Klals des Moluques, et qu'en
vertu de celte convention le premier rang parmi les souverains devait
appartenir au kolano de Djaïlollo (Gilolo), sui' la grande terre d'Hal-
mahera; mais dès l'année 1580 le sultan de Tei'iiale conquit la préséance'
sous le nom de kolano Maloko ou « doge des Moluques )> ; après lui venait
le prince de Djaïlollo, avec le titre de « doge de la Baie », et celui de Tidore
ou 'c doge des Montagnes » occuj)ait le troisième rang; le roi de Batjan ou
le " doge du Bout )■. était le quati'ième souverain par droit de préséance'.
Depuis cette épo(juc, des guerres entre Portugais et Espagnols, puis l'ai-
rivée des Hollandais, ont modilié l'équilibre des pouvoirs : le sultan de
Djaïlollo n'est plus que l'humble vassal de Ternate, et celui-ci doit recon-
naître à son tour la suzeraineté de la Hollande. Mais, en dépit de cet étage-
ment de dominateurs, les petits États d'Halmahera ont gardé leur con-
stitution oligarchi([ue. Il est vrai (|ue la dignité de liolmio est héréditaire
dans la famille royale, mais le personnage est choisi par un coiiseil de
nobles, qui gartle le pouvoir législatif et même le droit de déirôner le
kolano. En l<S70, un décret du gouveinement hollandais (h'clarail libres
les esclaves de Ternate et de Tidore'.
La capitale du sultanat de Tidore n'est qu'un village, situé sui' la \\\i-
occidentale de l'île, au milieu de campagnes bien cultivées, en face de la
côte d'Halmahera ; mais Ternate est une véritable ville, quoi<|ue déchue :
l'ouverture en franchise des ports de Celèbès, Macassar, Meuado, Kema a
beaucoup nui à Ternale; bien (jue son port ait été également déclaré libre,
un grand iKnnbre de marchands, Bougi, Chinois, Arabes, ont émigré.
Ternate a cessé d'être le principal marché des j)luraes d'oiseau de para-
dis, mais elle ex|)édie encore de l'écaillé, des holothuries et l'écorce de
manmh employée pour la fabrication d'huiles médicinales. Les ruines d'é-
' Bolteincyei'. Die Molakkfii.
- lîsclaves ilo Teniat,' et ik- Titloro racliett's on 1879 : 4449. Prix du rachat : 421 flOO francs
508
NOUVELLE GEOGRAPUIE LMVEHSKLLE
difices, renversés par les Ircmblements do lerie, sont é])arses au milieu
des habilalions modernes, cl lesforls, portugais et hollandais, ont dû être
fréquemment reconstruits ; en ari-ière de chacjue maison en pierre se
trouve partout ime seconde habitation en bois léger où sont les chambres à
coucher et où l'on n'a guère de risques à courir en cas de secousse sou-
daine'. Au-dessus de la ville, les pentes ilu volcan sont couvertes de ver-
105. TEnSATE, TIDORE ET l>THME DE DADINCA.
A^ù/iv=<5^J?^^.T
1 : Gonooo
gers où l'on recueille des fruits ex([uis : nulle pari les dourians et les
mangues ne sont de (jualilé supérieure.
A l'est de Ternate s'ouvre la baii> profonde (pii tiécoupe la racine de la
péninsule septentrionale d'IIalmahera. L'isthme est occupé dans sa partie
lapins étroite |)ar le fortin de Dadinga : c'est le point stratégique le plus
important de la grande ile, et c'est aussi le seul où les Hollandais entre-
tiennent une petite garnison. En cet endroit l'île a seulement 5 kilomètres
en largeur, de l'une à l'autre baie, et quoique la route soit coupée de quel-
' A. Raffray, Vofiaye en youi'clle-Giiinéc, Tuur du Mmule, l' semestre 187',t.
TERNATE, IIALMAUERA. Ml
ques |)as diCficilL's, on [leul cependant transporter les piao par-dessus l'oli-
staclo et leur faire ainsi éviter un détour de 400 kilomètres : on emploie
trois jours pour pousser une barque de soixante rameurs à travers le
portage. La baie qui succède à celle de Dadinga, du côté du nord, est la
baie de Djaïlollo, cette ancienne capitale qui attirait les flottes au qua-
torzième siècle; ce n'est plus actuellement qu'un pauvre village, entouré
de cultures abandonnées qu'a recouvertes la brousse' : le « doge de la
Baie ■> est l'un des plus humbles vassaux de son vassal d'autrefois, le
sultan de Ternale. Ces régions, si populeuses au moyeu âge, ont été
N" 10*. DEN51TÉ DE L \ POPULATION DANS l'INSULINDE HOLLANDAISE.
Est de Paris
.f--
ç>, -l-ÏS^,
:iliit:iiUs par kilomètre
D
ileOàSh. Je 5 à 10 h. île RI ;i 3U li. .loiOàlSOIi.
Chaque carré représeule une populalioii de lUOOOO liubilaiil^.
Il:; oon ofio
I Kil.
presque entièrement dépeuplées par l'esclavage et par le monopole. En
perdant de sou importance, Djaïlollo a cessé de donner son nom à la
grande île d'ilalmahera : l'appellation de Gilolo, qui se perpétue sur
nos cartes, n'est employée dans les Molu(|ues ni par les indigènes ni par
les Européens.
Parmi les autres villages d'ilalmahera, le plus connu est celui de Galcla,
situé sur une baie, au nord-est de la péninsule septentrionale et en face de
l'île de Morotaï : les Alfourou de la contrée environnante, les cultivateurs
les plus habiles et les plus laborieux d'Halmahera, sont généralement dési-
gnés sous le nom de ce village. Tabello, <jui se trouve plus au sud et que
' W'allace, ouvrage cité.
512 MU'VKLLE r.ÊOCRAr'IlIE INIVEIiSl- LI,K.
(léroiiik'ul d.' iioinl.ivuv îlols et dos ivciCs d'api.iothc diingereuso, fut
longtemps redouté romiiir un nid de corsaires : réfugiés et bannis de Celè-
bès, de Coram et d'autres îles se cachaient derrière ce labyrinthe de
détroits, d'uù ils sortaient pour aller guetter les prao de commerce
et dévaster les villages des côtes lointaines; en 1837, les Hollandais
transportèrent dans l'Ile de Saleijer ([uatre cents de ces pirates et leur
donnèrent des terres à coloniser'. Au bord du golfe compris entre les
deux péninsules du sud et du sud-est. la negerij de Veda fait quelque
Itil. = Itillilun.
1 . 30 000 ofiri
L, = I.nn,i.c
commerce et constiuit des lialeaux pdur les échanges avec la Nouvelle-
(luinée.
La grande île de Morotaï, qui termine au nord-est le groupe des Mii-
luques et toute l'Insulinde, s'est dépen|)lée jusqu'au dernier homme à la
suite des incursions de pirates. Cet immense em])ire colonial néerlan-
dais, déplus decin([ cents îles, trop vaste ])our ([u'ou puisse en exjjloiter
toutes les l'ichesses, iinil vers le grand Océan par des terres, jteuplées
autrefois, inhabitées de nos jours. Ainsi qu'en témoignent les caries sla-
tisti(iues, Ja\a. Madoera, Bali et Lombok sont les seules îles où la jmpula-
lion se soit groupée en masses considérables. Les îles orientales de la traî-
née javanaise sont beaucoup moins peuplées, et les autres terres, Bornéo,
(A'ièbès et les Moluques sont presque désertes en proportion de leur
étendue.
Temminck, ouvrose cité.
MOLiniKS. l'KOVLNCES DE L'INSULINLlK. 513
Le tableau suivant donne, d'après les documents officiels, la liste des
possessions hollandaises, non suivant leurs divisions naturelles, mais en
circonscriptions administratives, avec leur superficie et leur population
recensée ou évaluée, approximativement ou par conjecture.
CR.VNDES DIVISIONS.
PROVINttS.
SUPERFICIE.
ES KIL. CARRÉS.
ES 1883.
POI'll.. KILCIM.
1. Java t't Madoeka.
131 852
21 997 259
167 bal
Suiiialia's Wcslkiisl.
121 030
1190 254
10 .-
BenkoeU'ii.
25 055
152 386
6 1'
Lampongsciie Dislricleii
26125
122 803
5 i.
Palembang.
140 712
557 396
4 ..
Sumatra's Oosikust.
42 270
182 414
4 )i
Aljfli. l'k-.
51040
543 450
10 '
Rioiiw .
4190
9i989
23 i'
lianka.
12 081
74715
6 i>
II. Possessions exiÉ-
Billilnii.
4 688
.35 174
Rir.ur.Es.
Boiiieo's Westorardoeling
154 324
401687
(Biiiteiibcziltingcn.)
\ lioiru-o's Zuidcr en Oos-
torafdeeliiif;.
361229
67 1 948
2 1'
Celèbès (Macassai) vl
Sopiiibawa.
118 245
392 829
3 i<
M.iiado.
69 6'J6
222 497
3 ),
Tenialf (ri d'ièbès
0.5 .>
orit'iitak').
2.38 685
102 048
14 ..
Timor, clc.
62 845
912 000
Aiiiboinc.
48 961
2.51 691
5 II
Bali cl Loiiiljok.
ElISCIllllIr
10 838
1 342 932
124 I,
1 624 418
29 248 872
18 liab.
CHAPITRE IV
PHILIPPINES.
VUE 1) ENSEMBLE.
Le nom de Magellanie qui fui doniK' à cet archipel, en mémoire du glo-
rieux navigateur auquel on en duil la découverte, n'a pas été maintenu
par les géographes. La dénomination d'Iles Occidentales, qui rappelle le
long voyage de Magalhàes dans la direction de l'est à l'ouest, et celle
d'archipel de Saint-Lazare, sont également tombées en désuétude; l'ap-
[lellation qui jusqu'à maintenant a remplacé les autres est celle que
lui donna Lopez deYillalohos afin de plaire à son futur maître, Phili()pe II.
On désigne aussi d'une manière générale toutes ces îles sous le nom d'Indes
Espagnoles; de même que Java, Bornéo, Sumatra, ce sont des Indes par
l'étendue, la beauté, la richesse, l'infinie variété des produits; mais l'in-
fluence hindoue ne s'y est pas fait directement sentir dans la civilisation
locale. Les Philippines, comme l'Insulinde hollandaise, sont un monde
trop vaste pour ipi'un voyageur puisse le parcourir en entier. Une seule
des îles, Luzon, a plus de 100 000 kilomètres carrés; une deuxième,
Mindanao, n'est guère moindre en superficie; cinq autres ont chacune plus
de iOOOO kilomètres en surface, et tout autour de ces grandes terres les
îles et les îlots sont épars : dans ce labyrinthe immense on ne compte pas
moins de deux mille « Philippines «.
Luzon et les terres voisines ne le cèdent guère à Java, à Sumatra, à
Gelèbès par leurs merveilleux paysages; peut-èlre même offrent-elles plus
de variété d'une saison à l'autre, par l'effet des moussons qui alternent
avec un rythme plus ample, grâce à un plus giand éloignement de l'équa-
r.l6 NOUVELLE GEOGRAI'UIE UNIVERSELLE.
leur. La végétation du littoral, qui comprend les mêmes espèces ou des
espèces correspondantes, est aussi touffue que celle de l'insulinde; des
golfes, des baies échancrent également les côtes ; des lacs parsemés d'iles
reflètent les forêts, et des montagnes, des volcans aux aigrettes de va-
peurs limitent l'horizon. Les habitants dos Philippines, aborigènes, Malais,
Chinois, métis diversement croisés, sont aussi très curieux à étudier, et
dans l'ensemble paraissent offrir plus d'originalité que leurs parents de
l'insulinde hollandaise. L'intervention des maîtres espagnols, quoique très
violente à l'occasion, n'a pas pesé d'une manière aussi dure sur les indi-
gènes et n'a pas modifié aussi profondément le caractère primitif : les
habitants sont restés plus libres. Quelques iles de l'immense archipel et
les districts écartés des grandes terres du sud n'ont pu être explorés, puis-
qu'ils sont encore partiellement en dehors de la domination espagnole ;
mais les pays directement administrés sont aussi très mal connus. L'é-
tude méthodique et détaillée de l'ensemble des Philippines n'est pas faite;
les cartes sont très défectueuses, si ce n'est pour le levé des côtes, auquel
ont travaillé les marins des diverses nations. Enfin, les recensements
n'ont été pris que d'une manière superficielle el contradictoire par les
employés civils et les curés des paroisses; pour les indigènes non poli-
cés on ne possède même que des évaluations approximatives. Cependant on
peut fixer à sept millions au moins le nombre actuel des habitants : en
proportion, ces terres si fertiles n'auraient environ que les deux tiers de la
population de l'Espagne, déjà fort clairsemée'. D'après Jordana, neuf mil-
lions d'habitants, tel serait le chiffre probable de l'archipel.
Quoicpie formant un groupe bien distinct de l'insulinde et séparées d'elle
par deux abîmes océaniques, ayant l'un près de 5000, l'autre plus de
5000 mètres de profondeur, les Philippines se rattachent aux terres du
sud par Irois longs bras en partie émergés, en pai'lie recouverts par les
vagues. De ces trois isthmes, celui de l'ouest, constitué sur plus de la
moitié de sa longueur par la Paragua, île en forme de glaive, est le plus
régulier et celui dont les brèches ont le moins de profondeur : entre Min-
doro el la pointe nord-occidentale de Bornéo les fonds les plus bas du
seuil, que limitent Balabac et Banguey, sont en moyenne à une cinquan-
taine de mètres seulement au-dessous de la surface marine; des bancs
de récifs, (|ui par la forme ressemblent aux îles alluviales d'un delta, sont
disposés dans le détroit de Balabac, entre la Paragua et Bornéo, sous la
' Superficie cl |iii|iiihitiuii prohablc des Plulippines :
'i'Jti'Ib'i kiluiiictres carrés; 7 000000 liabilaiils; 21 liabilants par Idloiii. carré.
MERS ET MONTAGNES DES l'UlLIPl'lNES.
Ôl7
LE^ TROIS ISTHMES DE L INSULLNDE ET l'E? PHILIPPINE--
pression du fleuve marin qui, penilant la mousson du sud-ouesl, se porte
avec violence dans la mer de Jolù. Le deuxième isthme est celui qui unit la
pointe nord-orientale de Bornéo à l'extrémité occidentale de Mindanno
par l'archipel deJol6;mais
le chenal de séparation,
par lequel les eaux de la
mer profonde de Jolô com-
muniquent avec le bassin
plus profond encore de la
mer de Celèbès, est par-
couru par un fleuve de
marées alternantes, dont
l'épaisseur liquide dépasse
500 mètres. Enfin, à l'est
de la cavité presque circu-
laire de la mer de Celèbès,
la péninsule de ilinahassa,
l'archipel de Sangi et d'au-
tres îles se recourbent en
un troisième isthme à
coupures nombreuses : la
plus large et la plus creuse
est celle qui contourne au
sud-est la péninsule ex-
trême de Mindanao. Ainsi
que l'ont démontré les
explorations sous-marines
du ChaUemjer , le* deux
bassins maritimes enfer-
més entre les Philippines
et Bornéo ressemblent à
la Méditerranée par leurs
températures profondes : ^ :;|^^i.i
les eaux froides des fonds
océaniques ne peuvent y pénétrer par-dessus les seuils, et le point le plus
bas du thermomètre marque encore 10 degrés.
Ces trois alignements de monts émergés et sous-marins qui s'avancent
de rinsulinde hollandaise vers les Philippines, prolongent leur axe dans
l'intérieur de ces îles et en constituent en grande paitie le relief. Min-
518 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UKIVERSELLE.
danao, la moins bien coiimie des îles espagnoles, quoique l'une des })lus
curieuses par ses phénomènes volcaniques, est formée, du moins à
l'ouest et au centre, ]iar la continuation des deux rangées orientales,
celles que signalent en mer les archipels de Jolo et de Sangi. L'axe de
Jolô, dont la direction normale est du sud-ouest au nord-est, comprend
toute la péninsule occidentale de Mindanao, tandis que l'axe de Sangi,
s'alignaiit du sud au nord, atteint cette même île par sa pointe méridio-
nale, au volcan de Sarangani, et se prolonge vers le nord en se recourlianl
graduellement vers l'ouest. A l'orient de cette saillie montagneuse, une
autre saillie parallèle constitue lonle la parlie de Mindanao qui horde le
grand Océan. Et quand on étudie dans l'ensemble de ses alignements le
groupe entier des Philippines, on constate que, de la pointe méridionale
de Mindanao h l'extrémité septentrionale de Luzon, toutes les (erres sont
IVirmécs par des saillies situées dans le prolongement des isthmes du
sud ou suivant des sillons parallèles. Ainsi la chaîne bordièi'c qui longe
la côte orientale de Mindanao se poursuit au nord-ouest, en une courbe
gracieusement infléchie, par les îles de Lejte, de Masbate, Ticao, Burias;
à l'est se développe une courbe parallèle, formée par l'île de Samar, la pénin-
sule luzonienne de Camarines et l'isla del Polillo. D'autre paît, les îh".
de Bohol, Cehù, NCgros, Panay sont alignées suivant l'axe de rar(lii|icl
de Jolo ou en plissements |iarallèles; enfiii, Mindoro et le corps prin-
cipal de la grande île de Luzon se trouvent sur le prolongement de la
Paragua et de Boi'neo. En maints endroits, des massifs volcani(jues ou
autres se dressent sur les points de croisement. Il est à remarquer que
l'île la plus massive des Philippines, Luzon, réunit toutes les cordillères
dans la puissante arête du (laraballo, de même que Ions les arceaux unis-
sent leurs nervures au sommet d'une coupole. Au nord des Philippijies, les
alignements de montagnes, interrompus par de larges- détroits, se conti-
nuent vers le Japon par Formosa et les îles Liou-Kieou.
Dans toutes les terres de l'archipel espagnol, le sol est monlueux ;
chaînes succèdent à chaînes ; les seules plaines que l'on rencontre sont des
régions alluviales situées aux bouches des rivières, et les espaces laissés
entre les montagnes au croisement des rangées. La plus grande partie des
Philipj)ines paraît être constituée ])ar des roches anciennes, notamment
par des schistes; on trouve aussi des granits dans le nord de Luzon.
Les terrains houillers ont une grande puissance dans les îles du milieu,
surtout dans Cehii et Negros, oi^i l'on a trouvé toutes les variétés de
combustible. On présume qu'en maints endroits les couches de houille
ont été recouvertes par des coulées de laves. Dans les régions allu-
MOMTAGNES, VOLCANS DES PU1L1I'1'I>ES. 519
viales on constate le phénomène inverse : là ce sont les cheires issues (l(>s
volcans i|ni disparaissent sous les sables et les argiles que déposent les
neuves. Des calcaires modernes se forment aussi sur presque tout le poui-
lour des îles par le travail des polypiers, et l'on a pu reconnaître, sur de
longues étendues de côtes, que ces assises récentes ont été soulevées à une
hauteur notable au-dessus du niveau de la mer : on les voit former de
grandes tables horizontales au contoui- des promontoires, et les espèces de
coquillages et autres débris marins qui s'y trouvent engagés appartiennent
aux espèces encore vivantes dans les mers des alentours. Vers la coui'be
septentrionale du golfe de Davao, au sud-est de Mindanao, un mouvement
du sol se produit en sens contraire : là les terres s'abaissent, ainsi qu'en
témoignent les forêts mortes ou mourantes que la mer envahit'.
Les Philippines sont très riches en métaux. Les naturels recueillent de
l'or dans les liions de quartz et dans les alluvions de toutes les îles,
notamment dans la province de Benguet, au centre de Luzon, et à Min-
danao, vers la pointe nord-orientale de Surigao : des rivières doivent leur
nom au sable brillant et aux pépites (|ue roulent leurs eaux. Le cuivre est
fort commun dans les montagnes luzonaises de Lepanto, limitrophe de
Benguet, et de temps immémorial on en relire du minerai, que les indi-
gènes savent travailler et transformer en outils et ornements. De même,
des forgerons emploient d'excellent minerai de fer pour en fabriquer des
instruments et des armes. D'api'ès Centeno, on trouve dans l'île de Cebii
de la galène renfermant près de la moitié de son poids en métal pur, et
les solfatares des volcans assoupis contienniMil des amas inépuisables de
soufre.
Les monts à cratères, éteints ou encoie actifs, sont, en proportion de la
surface, presque aussi nombreux aux Philippines que dajis l'insulinde
néerlandaise et semblent alignés suivant des axes réguliers, qui se confon-
dent avec ceux des îles elles-mêmes. La chaîne occidentale des îles, celle
de la Paragua, renferme deux volcans en li'avail, dont on ne connaît guèi'e
que le nom, Alivancia et Talai aipiiii, et (|ui s'(''lèvenl dans l'ilot de Duma-
ran, à l'angle nord-oriental de la Parat^ua. L'île de Jolô aurait aussi un
volcan, qui lit éruption en 1.641 ; mais depuis cette époque il paraît que
la montagne s'est apaisée : aucune annale n'en fait mention. Le promon-
toire le plus méridional de Mindanao porte un volcan sinon actif, du moins
en repos depuis le dix-septième siècle seulement ; c'est le Sangil ou Saran-
gani, appelé aussi d'autres noms. La chaîne qui se continue vers le noid,
' Miinl;in(), Rappui! sur une mission aux lies Pliilipjjiucs.
5-20 NOOVKLI.E GliOGRAPUIE UM VEliSELLF..
marquée {)ai" des cônes (l'éiii|ition et des vestiges de cratères, qu'einplis-
sent actuellement d'épaisses forêts, se redresse peu à peu, et l'un de ses
sommets, le volcan d'Apô, est le plus élevé de toutes les Philippines.
On lui donnait "2086 mètres seulement' ; mais M. Montano,qui l'a gravi, en
18S0, avec quelques compagnons espagnols, a constaté que la cime atteint
.114.") mètres. Le cratère suprême, d'environ 15(10 mètres de tour, est
revêtu sur ses pentes exléiieures et intérieures d'une maigre végétation
de genévriers et d'autres arbustes ; mais le versant méridional de la
montagne est fendu sur une grande longueur par une infranchissable
crevasse d'où s'échappent des vapeurs sulfureuses, se rattachant en nuages
épais au sommet de l'Apcr. Sur la même chaîne, qui se prolonge dans
les régions inexplorées du nord de l'Ile, on ne signale point d'autres vol-
cans, si ce n'esl, en pleine mer, l'îlot de Camiguin, dont le cratère fil
éruption en 1871, recouvrant un bourg de ses cendres, et que l'on vil
grandir peu à peu jus(|u'à la liauleur de 420 mètres.
A l'ouest de l'Apô se succèdent du sud au nord plusieurs montagnes
ignivomes probablement éteintes, telles que le Sugut ou Cottabalé) et le
Macaturin, situé sur une cordillère qui va rejoindre dans la péninsule
occidentale les hautes montagnes que domine le Malindang (2617 mètres).
Le géologue Cenleuo y (iarcia "' rattache ces volcans du centre de Minda-
nao à une traînée de laves qui se dirigerait vers le volcan de Taal, dans
l'île de Luzou, par les îles occidentales des Yisayas. Ainsi l'une des îles de
cet axe, Siquijor, appelée aussi Fucgii ou " Feu .., lémoigne par son nom
même de sa nature volcani(iue. Puis, au delà, dans la partie septentrionale
de Negros, llambe encore le vdicaii de Malaspina ou Canfoon, qui se dresse
à 2 '(07 mètres; eniin, sur la même ligne, des sources de gaz inllammables
jailiissenl dans l'île de Panay, ])rès de la ville; d'Ilo-Ilo.
(JiKinl à la chaîne bordière de l'est, dans .Mindanao, elle se compose tie
basaltes, mais on n'y signale point de volcans, à moins que le grand lac
de Mainil, près du promontoire extiême de Surigao, ne soit un ancien
cratère: situé à 40 mètres d'altitude seulement, il est très profond et ses
berges sont presque verticales ; des sources thermales jaillissent en abon-
dance aux alentours'. Au nord, celle chaîne se conlinue dans l'Ile deLeyIe;
près du cratère boisé d'un volcan éleint, un ravin est empli d'argiles bi-
garrées qui conlienncMil environ un quart de soufre pur, et que les indi-
' F. Blumcnliill, Vi'rsiirli riiicr Etlino(ir(ipliie dcr Philippinen.
- Monlano, Bullelin de lu Sociélc de Géographie, juin 1881.
^ Meiiiori/i (jcolo(jico-)niner(i de las hlas Filipiiias.
* Moiitano. niémuiro cili'.
VOLCANS DES l'UILri'PlNES.
gènes Irailent avec de l'huile pour séparer le mélalloïde; en outre, des
eaux thermales qui déposent de la silice sur les margelles des sources,
entraînent une certaine quantité de soufi'e, que l'on recueille dans les cre-
vasses des rochers'. On dit que la côte orientale de Lejte s'élève peu à
PARTIE MERIDIONALE IIE LUZON.
^^g<^^^
Est de Gr,
D'après les cartes de l'AtTurauté anglaise et divers docwmer
I : I ÔOO 1100
peu, tandis que le rivage opposé s'abaisse ou du moins recule devant la
mer par reflet de l'érosion.
La grande activité volcani(|ue des Philippines s'est concentrée dans
Luzon et ses péninsules. Déjà sa pointe méridionale la plus avancée, qu'un
isthme étroit rallache à la piesqu'île de Camariues, renferme un volcan.
' Jagor, flciscii In ilcii Pliilippiiieii.
66
b-B NOUVELLE GEOGRAPUIE CN'IVERSELLE.
le superlie Bimisaii, tjui ressemble il'une manière éloiiiianle au Vésuve,
mais qui n'a jias de ^a|)les à ses pieds. Au-dessus des palmeraies de la
rive on voit se dresser un cône régulier, à demi entouré d'un cratère
beaucoup plus vaste, dont une moitié s'est effondiée. Encore au milieu
du siècle, on croyait que le Bulusan était complètement éteint; mais il
s'est réveillé deux fois depuis cette époque, et de violentes secousses ont
remué toute la contrée environnante : on aurait constaté que près de là,
sur le petit golfe de Sorsogon, le sol se serait affaissé de plus d'un mètre
et demi. Plus au nord, se profile une autre montagne volcanique, mais
sans boucbe terminale, le l'oedal ou jiic de Bacon, au pied duquel, sur le
bord de la mer, la puissante source de Manito emplit un ancien cratère,
d'où elle s'écoule sur la plage par une échancrure des parois et une petite
cascade.
Dominant le beau golfe d'Albay, se dresse le volcan du même nom,
appelé aussi Mayon : c'est la plus redoutée des montagnes philippines;
c'est aussi l'une des plus hautes, mais on a donné de son altitude des éva-
luations très différentes', peut-être à cause des fumées qui entourent
fréquemment le sommet et s<'mblenl l'exhausser. D'une forme régulière
presque parfaite, le Mayon couvre du cercle do sa base un espace de plus
de 200 kilomètres carrés : des forets s'élèvent à peu près au quart de sa
hauteur, mais au-dessus on ne voit plus guère que des coulées de cendres.
Ces talus sont très difliciles à gravii' ; cependant Jagor et von Drasche en
ont atteint la cime. Lors de son ascension, en 1(S7(3, ce dernier constata
que le Mayon n'avait plus de cratère proprement dit : il se terminait par
un amas de pierres, entre lesquelles s'élançaient avec bruit des jets de gaz
sulfureux ; une tissure de 40 à 45 mètres de large s'était produite en 1872
du haut en bas de la montagne*. Les éruptions du Mayon, assez fré-
quentes, n'entraînent que peu de laves : presque toutes les matières re-
jetées sont des cendres, mais elles sont poussées hors de la montagne en
quantités si prodigieuses, (|ue les campagnes des alentours en sont recou-
vertes jusqu'à une gi'aiide distance ; les annales du volcan signalent sur-
tout r « l'i'Ufcion hovvoi'om » de 1766. En 1814, la ville de Dai'aga fut
ensevelie; des nuées de cendres furent emportées jusqu'à Manille, à
555 kilomètres de distance, et remplirent les rues d'une couche d'un
demi-mèlre d'épaisseur. Même sans éruption, le volcan de Mayon est
quelquefois la cause de grands désastres : quand les pluies s'abattent sur
n'a|)iï's ,I:ii;of, ^7)74 mètres; d'après Blumenli'iU, ihi'i; d'apirs Monlano, '27Û4.
Hicliard Min llrasclir, Jahrhuch (1er yeologischen Reichsansliill, llSTti.
VOLCANS DES PUILIPPINES. 525
les amas de cendres, les avalanches de boue descendent au bas des talus,
engloutissant les cultures et les \illages ; puis des forêts de casuariiiées
naissent spontanément sur les couches d'alluvions, au-dessus des autres
forêts disparues.
Le Mazaraga (1554 mètres), qui succède au Mayon dans la chaîne des
volcans, est un cône de dolérile non percé de cratère; mais immédiatement
au nord s'élève le Malinao, inclirtant sur son versant oriental une large
coupe d'érui)lion, qui paraît n'avoir pas éjianché de laves depuis des siè-
cles. Au nord-ouest se dresse un autre volcan, l'Iriga ou Iraga (121 2 mè-
tres), qui en l'année 1641 était encore un cône parfait, lors([ue <'■ sou-
dain », dit la tradition, la partie orientale de la montagne s'effondi-a, lais-
sant à sa place des amas de débris et un gouffre profond ; les eaux d'un
ruisseau qui coulait à la base de l'Iriga furent arrêtées par l'éboulis et
s'amassèrent en un lac qui existe encore sous le nom de Buhi. A l'est
de ce lac, de l'autre côté de montagnes éruptives, la vallée de Tibi pré-
sente le groupe le plus curieux de sources thermales, sulfureuses et sili-
ceuses que possèdent les Philippines. Elles sont assez abondantes pour
former un petit ruisseau d'eau chaude qu'utilisent les ménagères du voi-
sinage pour la cuisson des aliments. Les sources, qui déposent de la silice
en s'évaporant à l'air libre, recouvrent le sol d'incrustations d'une blan-
cheur éclatante et du plus gracieux dessin. L'oriiice, entouré de cercles
concentritjues, diminue chaque année de diamètre et s'accroît en hauteur
à mesure que se forment de nouveaux dépôts : à la fin le cône s'obstrue,
et la croûte de silice se brise sur un point faible pour laisser jaillir la
source. En un endroit, la voûte s'est complètement effondrée et laisse voir
un petit lac souterrain dont l'eau bleue est d'une transparence et d'une
finesse de nuances merveilleuses; sa température est de 85 degrés cen-
tigrades'; un jet d'eau et de vapeur, bien plus chaud, n'a pas moins de
108 degrés. Une des sources mêle son eau à celle de la mer et tantôt
monte, tantôt s'abaisse avec le flux et le reflux.
A la racine de la péninsule de Cararauan, s'élève un volcan à très
large base, l'Ysarog ou le « Solitaire », dont les pentes occupent toute la
largeur de la contrée, entre les baies de San-Miguel et de Lagonoy : c'est à
lui que les îles orientales de Camarines doivent d'avoir été rattachées à Lu-
zon. A l'ouest, au sud, au nord, on voit la longue montagne se redresser
graduellement par une courbe gracieusement infléchie et se terminer par
un dôme régulier (1066 mètres); mais, du côté de l'est, un effondrement
• Jagor; — Iticliaril von Drasclie : ■— Monlano, mémoire cité.
526
IVOrVKLLE (IKOGHAPiJIE UNIVERSELLE.
a fail disparaître tout un pan iK' r\sarog et l'on n'aperçoit qu'un vaste
amphithéâtre boisé : c'est le eirque de Runj;us, ainsi nommé d'un village
qui se trouve à l'entrée. Aucune tradition ne se rapporte à l'écroulemenl
de la montagne et pendant la période moderne il n'y a point eu d'éruption :
une source d'acide carbonique est le seul reste d'activité que |iut obser-
ver Jagor dans la région des sommets.
La partie septentrionale de la grande péninsule de Camarines est domi-
née par deux massifs de formation volcanique, la sierra de Colasi et le
\r.TIE CENTRAI.t
1 : asnnooo
Labo ou Tetas de Polantuna; mais ces montagnes paraissent être en repos
depuis un temps immémorial, et l'on n'y trouverait même pas de cratère;
cependant Jagor parle d'une tradition générale dans le pays, d'après
laquelle le « petit Colasi », promontoire qui s'avance dans la mer orien-
tale, ne cesserait de grandir : pareil phénomène ne pourrait s'expliquer
que par des naj)])es de cendres nouvelles s'épanchant sur les talus exté-
rieurs. Un foyer volcanique semblable à celui d'Albay, dans le Camarines
du sud, ne se retrouve que dans le corps de la grande île de Luzon, au
sud de Manille. Deux des premières montagnes qui se dressent vers l'angle
VOLCANS DES PUILIPPINES. r,27
sud-oriental de Liizon, le Majavjiiy (lONO mètres) et le Saii-Cristobal (^ôôô
mètres), sont de volcans éteints : la dernière éruption du Majayjay eut
lieu en 1780, et depuis cette époque les forêts ont repris possession du
cône; le lac qui emplissait le profond cratère s'est vidé, et l'on aperçoit
encore, sur le versant méridional, la hrèche par laquelle s'épanchèrent les
eaux. Puis viennent, à l'ouest et au nord-ouest, d'autres monts volca-
niques, tels le Malarayat et le Maquiliiig (l'200 mètres), superbes observa-
toires d'où l'on voit à ses pieds le monde de lacs, de lagunes, de golfes,
d'iles et de presqu'îles (jui donne une si étonnante variété aux paysages
de cette région des Philippines. Le cratère du Maquiling est « immense » ;
mais du côté du sud les parois se sont écroulées, pres([ue jus(|n'à la base de
la montagne. Les sources thermales sulfureuses jaillissent en abondance
des vallées environnantes; plusieurs petits cratères épars dans la plaine
sont enij)lis de lacs fumants, de « lagunes enchantées », et l'une des dé-
pressions, dite Ticrra Blanrn ou Lupang Puli, est comme une vaste
chaudière pleine d'une ai'gile bouillante, où toutes les roches se dissolvent
sous l'action des jets de gaz : de temps en temps des masses de limon brû-
lant sont projetées à de grandes hauteurs.
Le volcan de Taal, l'un des moins imposants par la masse, puisqu'il n'a
<pie '254 mètres d'altitude, est pourtant un des plus remanjuables parmi
les monts éruptifs des Philippines. Avec deux autres cônes de moindre
élévation, il occupe un îlot dans le milieu d'un lac, le Borabon, séparé de
la mer occidentale par un isthme bas et étroit. Piaviné par de profondes
barranques, sillons des eaux de pluie, le volcan de Taal se creuse au som-
met en un énorme cratère, hors de proportion avec la colline qui le con-
tient : l'abime.fjue les indigènes appellent le « Purgatoire » et (jue nombre
d'entre eux croient en effet être l'entrée du lieu d'épreuves des morts, a
plus de 4000 mètres en circonférence et renferme dans ses profondeuis
des cratères secondaires, des buttes d'éruption, des crevasses nombreuses,
d'où jaillissent des fumerolles, et deux petits lacs bleus renfermant des
acides sulfurique et chlorliydri(|ue dans la proportion de plus de 0 cen-
tièmes : on dit qu'ils sont à peu près au niveau de la mer'. Les centres
d'éi'uplion ont souvent changé de place. Autrefois les deux autres volcans
de l'île, le « Grand >' et le « Petit « Binintiang, alternaient leurs jets d(!
cendres'; des éruptions se sont aussi fait jour du fond des eaux; mais
depuis 1749 le foyer d'explosion s'est maintenu au-dessous du Taal : c'est
' (^enteno y Gareia, inomoi](i cilo.
* Seiiiper, Die Philippiiien uiid iliri' lirtcoliiici:
r.âs
NOUVELLE (;ÉOGrUl'UlE UMVERSELLE.
(le là que s'élancent en nuages les roches menuisées; on ne voit pas trace
tle laves qui se seraient é|»aiK-liées du Taal ou d'autres volcans de la région
N'^ m.). TAAL ET LAi; UOMBO'
Esl de Greenw\-.ct-. I2rs'
D'après Centeno
lacustre. La dernière éruption, celle de 1S8o, a fait disparaître toute trace
de végétation dans l'île'.
Le Bombon a près de 200 mètres en prolondeur i l'eiidroil le plus creux.
Ce fut j)roljal)lement un grand cratère (r(''iu|ili()ii, dont l'îlot du Taal et des
volcans voisins n'est que la butte centrale; et les parois de lui', hautes de
Ti'iiison Woods, Hcisc aiif dcn l'hi/ipjiiiicii.
VOLCANS DES l'HII.IPPINES. 529
"200 mètres, qui entourent le lac au nord et à l'est, sont les restes de
l'enceinte primitive. Mais ce cratère était jadis ouvert du côté de la mer
comme celui de l'Ile Saint-l*aul; l'isthme bas qui au sud-ouest sépare le
lac du golfe voisin, est en entier composé de cendres volcaniques. L'eau de
l'ancienne baie devenue lac est encore quelque peu saline, bien que les
pluies la renouvellent sans cesse et qu'une rivière effluente emporte le
trop-plein du liquide; des poissons de mer, qui vivent dans le lac, se sont
nraduellement accommodés à leur nouveau milieu. Jusqu'au nord de
Manille, le sol se compose de tuf rejeté par le Taal et les autres volcans, et
l'on se demande si le grand lac deBay, ou la Laguna, situé au sud-est de
Manille, n'est pas aussi un ancien golfe, séparé de la mer par un seuil de
formation moderne, celui sur lequel a été construite la capitale des Philiii-
pines. n'a{)rès Semper, le requin et un autre poisson de mer peuplent
la Laguna aussi bien que les golfes voisins'. Des péninsules, des îlots volca-
niques s'élèvent dans la partie septentrionale de cette mer intérieure, mais
leurs cratères sont en repos depuis un temps immémorial. L'île du Corre-
gidor, située à l'entrée de la baie de Manille, se compose de roches ignées,
mais on n'y voit pas de bouches d'éruption proprement dites. La chaîne
bordière de Mariveles et de Zambales, dont les cônes réguliers limitent à
l'ouest l'admirable baie de Manille, n'a pas eu d'éruptions pendant la
période historique. Au milieu d'une grande ])laine qui s'étend vers le
nord, s'élève le double mont insulaire d'Arayat ou Sinocoan, haut de
S78 mètres : par la courbe harmonieuse de ses pentes c'est une des mon-
tagnes les plus belles des Philippines.
Le mont Aringay ou Santo-Tomas (2295 mètres), (jui domine à l'est
la baie de Lingayen, est aussi un volcan ; mais les annales contradic-
toires écrites par les moines espagnols laissent douter des éruptions qu'il
aurait eues, pendant la période historique, au milieu du dix-septième
siècle. Le Data, situé au nord-est de l'Aringay, est certainement au repos,
mais il est entouré, ainsi que plusieurs autres monts de ce groupe, de
sources thermales et de solfatares. On ne retrouve de volcans qu'à
l'extrémité septentrionale de Luzon. Le (]agud (1105 mètres), qui s'élève
dans le promontoire terminal du nord-est, lame constamment, mais
il semble probable à Blumentritt que son activité est d'origine récente,
car les religieux qui vivaient dans une ville rapprochée n'en font aucune
mention dans leurs chroniques. Au delà, la ligne de feu se continue sous
la mer. Le volcan de Camiguin, que l'on confond souvent avec l'autre
' Hicliaid vDii Oia'iche, mémoire cilé ; — Wnod, Mt-vp]-. Gill, jSdtiire.
530 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Camiguin des parages de Mindanao, est un mont de 736 mètres enfermant
une solfatare exploitée. Mais près de là, également dans le groupe des
Babuyanes, un autre volean est né pendant ce siècle. Vers la lin de l'année
1856, les pêcheurs aperçurent une légère nuée blanche qui s'élevait des
écueils de Dédira : ils crurent d'abord reconnaître un navire échoué; mais
la nuée grandit peu à peu et monta vers le ciel en épaisse colonne de
fumée. Le soir même on vit apparaître, à travers la ])luie de cendres, une
noire colline de laves se di'essant au-dessus des écueils. Quatre années
après, elle atteignait 210 mètres de hauteur et ne cessait de grandir; elle
aui'ait actuellement 246 mètres. Il est peu de cônes volcaniques sur la
Terre qui aient ci i-i aussi ra[)idement pendant la période contemporaine.
Du reste, il est pr(dial)le que les écueils de Dedica, qui servent de base au
nouveau volcan, sont eux-mêmes les débris d'une ancienne montagne brû-
lante'. Le phare terminal des Philipjiines, complétant, à ITOtl kiloml'tres de
distance, la chaîne de volcans qui commence au Sangil, est le Babuyan
Claro, dont le cône, haut d'environ 1000 mètres, toujours ceint de vapeurs
et de reflets ardents, éclaire pendant les nuits les parages dangereux de la
mer de Formose. Au nord, les diverses îles des Batanes, appelées Bashee
par les marins anglais, rattachent par leurs traînées de récifs l'archipel
espagnol à la grande île chinoise.
On sait que les Philippines sont une des régions les plus fréquemment
ébranlées j)ar les secousses terrestres : en dépit des « soupapes de sûreté »
(pir. d'apiès d'anciennes hypothèses, les volcans ouvriraient aux foyers
souterrains, les îles espagnoles sont dans un état de frémissement presque
continuel : les sismographes de l'observatoire de Manille sont toujours en
mouvement; des ondulations dirigées ordinairement dans le sens de
l'ouest à l'est, font vibrer le sol, et bien rares sont les années pendant les-
quelles ces vibrations n'entraînent pas quelque désastre. La cité de Manille
a été souvent ruinée par les tremblements de terre : celui de 1865,1e plus
terrible de tous, renversa la j)lupart des éditices publics et des maisons
européennes bâties en maçonnerie. La secousse de 1880, non moins vio-
lente, n'a pourtant pas été aussi fatale, les constructions ayant été pres-
que toutes élevées de manière à pouvoir résistei' à de violentes oscillations.
Les maisons n'ont qu'un étage, qui consiste en boiseries entre-croisées de
manière à former une sorte de grande cage, ])osée sur les murs larges et
bas du rez-de-chaussée; les lourdes tuiles du toit sont graduellement rem-
placées par des feuilles de tôle galvanisée, et les tables des appartements
' Muntero, moiiKiiir citi'.
VOLCAMS ET SECOUSSES VOLCANIQUES DES PUILIPI'INES.
.Jôl
sont faites du bois le plus solide, pour qu'en se réfugiant au-dessous on
évite le choc des plâtras et autres débris.
Lors du tremblement de 1880, le volcan de Taal et plusieurs autres
montagnes des Philippines étaient en pleine éruption; môme un volcan
N° 110. TPEMDLEMliNT llli 1880.
Ert de P,
119°
Est de Green
D'après Centeuo y GarcKi.
sous-marin, situé entre l'île de Polillo et la côte orientale de Luzon, dressa
son talus de (cudrcs au-dessus des eaux; dès l'année suivante, les vagues
l'avaient (li'innii et il n'en reste plus de vestiges*. Les lentes oscillations du
sol qui eliangcnl le niveau relatif de la terre et de la mer se révèlent en
F. BlimiciilriU. ouvrafru tilé
532 NOUVELLE GÉOGRAPHIE IMVERSELLE.
maints endroits le long des côtes philippines. Brusques secousses et lents
phénomènes de plissement modiflent sans cesse les sillons convergents des
îles. Des phénomènes d'exhaussement ont été observés en de nombreuses
parties de l'archipel. Les grès et les argiles qui recouvrent les autres for-
mations sont remplis de fragments de coquillages, dont la plupart vivent
encore dans les mers voisines; dans les plaines et sur les p(Mites des mon-
tagnes on rencontre çà et là les restes d'anciens récifs absolument sem-
blables à ceux qui bordent les rivages.
L'alignement des montagnes philippines en chaînes parallèles a pei'mis
à quelques fleuves de Luzon et de Mindanao de prendre un développement
considérable. Le plus abondant de tous est celui qui porte en effet le nom
de « Grand Fleuve «, Cagayan, Tajo ou rio (iraudi' : il cuule entre deux
cordillères de Luzon, sur une longueur de i)lus de 550 kilomètres, et s'unit
à la mer par un large estuaire, en face de l'île Camiguin. L'Agno, qui
débouche dans la partie méridionale de la baie de Lingayen. reçoit les eaux
du cirque de Benguel, am])hithéàtre calcaire dans lequel on ci'oit recon-
naître un ancien atoll soulevé, et mêle de la poudre d'or au sable de ses
grèves. Le rio Pampangan, qui parcourt la vaste plaine du même nom et
recueille les eaux de plusieurs lacs, se déverse dans la partie sepleiilrionale
de la baie de Manille, où il a formé un large delta en dehois de la ligne
primitive du rivage. Un autre lleuve, qui se déverse dans la baie de Ma-
nille, le Pasig, a seulement une vingtaine de kilomètres en longueur; mais,
comme la Neva <pii sort du Ladoga et traverse une cajiilale avanl de s'unir
au golfe de Finlande, elle est reflluenl d'un grand lac d'eau douce, pro-
fond de 56 mètres, la Laguna de Bay, et la cité de Manille s'est bâtie sur
ses bords; de petites embarcations ou baiirris v[ des batcdx, bateaux à vapeur
à fond plat, voguent sur le Pasig entre le lac et la mer. Au sud, la rivière
Pansipit ou Taal n'est, comme le Pasig, que le court émissaire de l'an-
cienne baie de Bombon, maintenant Iransfoimée en lac. Dans Minda-
nao, le cours d'eau le plus abondant est celui d'Agusan ou de Butuan.
que les embarcations ])euvenl remonter à plus d'une centaine de kilo-
mètres. Un autre lleuve, auquel on donne quelquefois le nom de « rio
Grande de Mindanao >•, prend, dit-on, sa source au centre de l'île, dans
le lac de Magindanao, et coule au sud-ouest, puis, après avoir reçu les
eflluents d'autres lacs, se dii'ige au nord-est pour se jeter dans la bahia
Illana, extrémité septentrionale de la mer de Celèbès. Grâce aux mous-
sons alternantes, qui parcourent de vastes étendues marines, toutes les
îles de l'archipel sont abondamment arrosées.
Le climat des Philippines est essentiellement maritime et tropical, c'est-
FLEUVES. CLIMAT DES l'UlLlI'I'INES. 555
à-(lire que la (empérature, furl élevée en moyenne, n'oscille qu'entre des
limites assez rapprochées. La chaleur mensuelle, variant de quelques
degrés à peine, ne sert point à distinguer les saisons : le partage de l'an-
née se fait comme dans l'Insulinde, par le renversement des moussons et
l'alleriiance de la pluie et des sécheresses '.Pendant une moitié de l'année,
d'octobre en avril, c'est le vent normal du nord-est ou courant polaire qui
souffle sur les Philippines; d'avril eu octobre, c'est la mousson qui se
précipite du sud-ouest et devient maîtresse de l'air. Dans la succession
normale des courants aériens, les vents tournent régulièrement du nord-
est au sud-ouest en passant [)ar l'est et le sud, et du sud-ouest an nord-est
en passant par l'ouest et le nord; mais, lors des changements de moussons,
la lutte d'équilibre ([ui se [iroduit entre les nappes d'air en mouvement
est toujours attendue avec anxiété, car on peut craindre alors la forma-
tion soudaine de hafjuios ouvoguios, c'est-à-dii'e de typhons'. Ils naissent
dans l'Océan, à l'est des Philippines, traversent l'archipel au nord de Min-
danao et parcourent la mer de Chine en déplaçant leur centre vers le nord
et le nord-est, tandis que la spirale du vent se meut du nord au sud par
l'ouest, et du sud au nord par l'est, en sens inverse des cyclones de l'océan
des Indes. C'est en automne, lorsque le vent normal du nord-est reprend
la supi'ématie, que les tournoiements de l'air sont le plus à redouter. Les
effets de ces météores sont parfois désastreux : en mainte tempête, les
navires ont été coulés par dizaines, des villages démolis ont été emportés
dans le vent, des milliers de personnes ont péri. Le typhon qui passa
sur Manille en 1882 est le plus terrible dont on ait souvenance : la colonne
barométrique était tombée à moins de 7'2S millimètres, et la vitesse du
M'ul alleiguit '■17y2 kilomètres à l'heure". Un câble électrique immergé entre
Manille et Hongkong signale maintenant à la côte chinoise l'approche de la
tempête et les marins prennent leurs précautions contre l'imminent danger*.
Sur les côtes orientales de l'archipel on observe fréquemment, surtout à la
renverse des moussons, des raz de marée ou dolus, qui sont aussi très
icdoiilables [»our les embarcations, et (|ui sont dus probablement à l'ac-
' Toniijératurt's observées à Manitle :
Moyenne de 1870 à 1880, d'apiès Faura .... WM
j Ecart total des températures 20", 9
Extrême maxima, d'après Semper (septeuibn;) . . 56"
« niinima » « (février) . . . 15", 1
PluRS annuelles : de 2'°, 27 à 2", 76 (d'après Jagor).
- Villavicenciu, Mcmoria de ta cumision hidrograjica, 1874.
■' Frank Plant, younm/ of tkc Miiiicliesler Gcograpliictil Sociclu, 18S6.
* Monlauo, ouvrage cite.
534 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
tion de cyclones lointains; ils remontent comme le mascaret dans les
fleuves et les estuaires.
Chacun des deux courants aériens qui se succèdent au-dessus de l'ar-
chipel apporte ses pluies et ses oraj^es; aussi les deux versants sont-
ils arrosés tour à tour. Quand souffle le vent du nord-est, les parties du lit-
toral et les pentes des montagnes tournées dans cette direction reçoivent
une grande quantité de pluie ; mais les côtes occidentales, celles de Manille
par exemple, abritées contre les orages par les monts de l'intérieur, jouis-
sent d'un beau temps presque inaltérable. Après le renversement des
moussons, c'est le contraire : les rivages occidentaux sont arrosés chaque
jour par une pluie d'orage, tandis que de l'autre côté des montagnes pré-
vaut la sécheresse. D'ailleurs, l'alternance des saisons et l'abondance des
pluies varient singulièrement suivant la latitude des îles, la hauteur
moyenne du sol, la direction des chaînes de montagnes, les avenues que
les détroits ouvrent au vent et que leur ierment les promontoires. Ainsi,
la quantité d'eau qui tombe annuellement dans la vallée de l'Âgusan, à
Mindanao, est de 4 mètres environ, près du double de ce que reçoivent les
campagnes de Manille. Le volcan de Majayjay, situé près de l'isthme (pii
rejoint Luçon à la presqu'île de Camarines, et par consé(|uent soumis à
l'influence des deux moussons, avec leurs pluies alternantes, reçoit parfois
des averses ou collas pendant huit ou neuf mois, avec de i-ucs intervalles
de jours secs'; aussi des torrents considérables découlent de tout son pour-
tour. Dans les régions où l'on peut toujours compter sur une abondance
suffisante d'humidité, comme dans la vallée de l'Agusan, on sème et l'on
récolte en toute saison; ailleurs, il faut se régler sur la période des pluies,
soit pour en faire [)roliter la plante, soit au contraire [tour la lui éviter.
De là, entre les deux versants, ce contiasie des cultures qui étonna les pre-
miers navigateurs. Les récoltes ont lieu d'un côté des îles quand les semis
se font de l'autre côté.
Cette même alternance des vents et des pluies est pour les pêcheries, la
navigation, le commerce des deux littoraux de l'archipel la cause de con-
trastes semblables à ceux de l'agriculture. Pendant la durée des vents du
nord-est, les barques des rivages orientaux ne peuvent |)lus tenir la mer et
se réfugient dans les ports; les péciicurs. les marins icvienni'iil à terre
pour devenii' agriculteurs ou chercher à maiée basse les c(tquillages et les
poissons restés sur les récifs. C'est précisément alors (jue les embarcations
des ports occidentaux s'élancent dans la haute mer. A la renveise des sai-
' Jagnr. ouvra'.'c cilé.
CLIMAT, FLORE DES l'HILIPPINES. 555
sons, le tableau se modilie presque soudainement : les mers se peuplent d'un
côté tandis que; de l'autre elles deviennent déseites. La vie se balance,
pour ainsi dire, de l'une à l'autre rive, suivant l'oscillation des vents. Les
groupes de population qui vivent sur un isthme entre les deux mers se
déplacent suivant la saison vers le port de l'est ou celui de l'ouest. Mais il
est entre les îles des passages bien abrités contre les deux moussons et où
les navires peuvent s'aventurer en tout temps : tel est le détroit de San-
Bernardino, la grande voie commerciale de l'archipel : au nord-est, Luzon
et ses presqu'îles, puis Samar, la protègent contre l'alizé; de l'autre côté,
Mindoi'o et les diverses îles Yisayas les défendent de la violence des mous-
sons occidentales. Dans ces détroits abrités le vent est moins dangereux que
les marées et les courants. Le labyrinthe des îles gène le libre développe-
ment des ondes du flux et du rellux, qui tantôt se succèdent régulièrement,
tantôt se contrarient de diverses manières, se neutralisent entièrement ou
en partie et semblent échajtper à toute loi : ce sont des marées « folles »
(locas), dans lesquelles prévaut le type diurne ou semi-diurne, suivant les
lieux et les saisons, mais dont le pilote le plus exercé peut seul prévoir les
allures. Les hauteurs du flux sont en général peu considérables : elles
varient d'un demi-mètre à plus d'un mètre; mais si peu que s'élève le
niveau moyen de l'eau, les masses liquides qui ont à s'échapper par
d'étroits passages y déterminent des courants d'une extrême puissance,
contre lesquels les bateaux à vapeur peuvent seuls lutter. La manche de
San-Bernardino est souvent très dangereuse. Dans le détroit de Surigao,
entre Mindanao et Leyte, la vitesse du courant atteint parfois 15 kilo-
mètres à l'heure' : c'est presque la rapidité du raz Blanchard, dans la
mer française du Cotentin.
Situées entre l'Insulinde hollandaise et l'île chinoise de Formose, les
Philippines offrent dans leur flore et dans leu r faune une transition natu-
relle entre les deux régions ; néanmoins elles possèdent aussi nombre
d'espèces qui leur appartiennent en propre ou qui même ne se trouvent
que dans une seule île. Mindanao, qui d'ailleurs est la moins connue des
terres de l'archipel, parait être aussi la plus riche en plantes spécialement
philippines : dans la soixantaine d'arbres de haute futaie qui constituent
ses forêts et que l'on pourrait employer pour la construction des navires,
la charpente, l'ébénisterie ou la sculpture, se trouve une myrtacée, le
mag kono(-raiitlio>ilcinvin rcr(lufi(iiii(niiiiii)-jH)h jiresqne incorruptible, qui
' Camilo do Arana, Dcrroleio Jd fircliipiplnyo Filipiiio; — Moiilano, mémoire cité.
- Sébastian Vidal v Siiler; — Muii(aiio. ouvraee cité.
5Ô6 NOUVELLE GÉOGRAPHIE INI VERSELLE.
iipparliciil t'iicorc à Faire australienne el ne dépasse pas an nord les côtes
orientales de Mindanao'. Le baletc, qui est le liguier Lanyan des Hindous,
est très commun dans toutes les Philippines, et atteint d'énormes dimen-
sions : l'un d'eux, dans la province de Camarines, avait été transformé en
citadelle à deux étages et l'on y avait placé des canons \ Les espèces de pal-
miers sont nombreuses. Ces arbres précieux des Moluques, le cannellier,
le giroflier, le poivrier, se trouvent dans les fonMs de quelques îles méri-
dionales, et d'autre part on a découvert à Luzon l'espèce la plus appré-
ciée de la flore chinoise, l'arbuste à thé, que l'on commence à cultivei'
dans les jardins botaniques, avec un bon résultat. A la fin de l'année ISÎS^
les botanistes avaient reconnu l'existence de I KiTi genres de végétaux dans
les Philip|)ines et classé 4583 espèces.
Les Philippines n'ont point de bêtes féroces : le seul carnassier que l'on
rencontre dans les forêts est un chat sauvage, le ngiao; peut-être aussi,
d'après le témoignage des naturels, une espèce de tigre ou de léopard
vivrait-elle dans la Paragua, île médiaire entre l'Insulinde et Luzon; les
sangliers de l'archipel sont parfois dangereux, lialaliac, île si rapprochée
de Bornéo, est une de ses dépendances au point de vue de la faune, puis-
qu'on y voit la petite antilope pilandoc, ce gracieux animal de l'aire insu-
lindienne ; Mindoro ]iossède aussi une espèce d'antil(q)e, le tamarao
depressicornis, et plusieurs cerls appartiennent à la faune philippine.
Dans tout l'archipel, des tribus de singes [iiutracus cynu))iuhjus) i-ùdent
dans les forêts, au voisinage des cultures. Les espèces d'oiseaux sont
fort nombreuses aux Philippines; les gallinacés surtout y sont représen-
tés par des formes superbes, notamment par le labuyo et le bulicuiijaij :
les coqs de ces tribus sauvages dépassent encore en beauté, en orgueil,
en intrépidité et en fureur de lutte les coqs de combat élevés avec tant
de sollicitude parles amateurs philippins. Les mers qui entourent l'archi-
pel sont très riches en organismes animaux de toute espèce et certains
cours d'eau fourmillent de poissons : il en est un, le dalag ou << tête de
serpent » {ophiocephahix), qui porte aux deux côtés de la tète des poches
pleiiu's d'eau : ses branchies constamment mouillées lui permettent de
respirer hors de la rivière, et on le rencontre broutant des herbes dans les
campagnes et même grimpant au tronc des palmiers". Les variétés de
serpents sont nombreuses : toutes les csj)èces redoutables, Irigonocéphales,
vipères, najas, sont i-eprésentées dans la faune locale; quant aux ci"Oco-
' Sinilialdi) de Mas, Informe sobre el esludo de las islas FiUjjiikis.
- D. J. Monlero y Vidal, El Archipie'.ayo Filipiiio.
' Sem|icT, ouvrago cité.
FLORE. FAINK. IlAlflTANTS llKS PIHI.FPl'INES. 537
flilt's, ils ileviciiiicnt ônornies : on en a vu atteignant près de 10 mètres de
longueur'.
Dans les vases des estuaires fluviaux vit une espèce d'huilre perlière
(jiltintna placenta), recherchée, non à cause de ses concrétions calcaires,
mais pour sa nacre translucide, que l'on découpe en petits carrés pour
l'employer à la place du verre dans les fenêtres : ces vitres, en usage non
seulement aux Philip|)ines, mais aussi (hms les îles de la Sonde et en
Ciiine, laissent passer une lumière très douce qui repose le regard. Les
meis de Jolô sont hahitées par la vérifahle huître perlière {melea<jrin(i
margaritifera), que des plongeurs vont chercher au fond de l'eau, parfois
à 50 mètres de profondeui'. (Juelques perles de Jolô sont achetées par
des négociants chinois; mais la [duparl, plus appréciées dans ces con-
trées de l'extrême Orient qu'en Euiope, sont gardées par les princes indi-
gènes, qui les montrent avec orgueil dans leurs coffrets à côté d'au-
tres « perles » de même apparence que l'on trouve en des noix du cocotier.
C'est principalement sur les côtes de l'île Cebù que les Visayas pèchent
ces admirables éponges, le « palmier à fleurs de Vénus «.dont le squelette
de silice, d'une merveilleuse délicatesse, ressemble à une corne d'abon-
dance en dentelle de verre fdé : la drague recueille cette charmante euplec-
tella (ou (ilcyonceUum), la reijadera des Espagnols, à des profondeurs de
20 à ISO mètres.
Les aborigènes des Philippines, graduellement refoulés par les Malais,
sont maintenant bien peu nombreux : on ne les rencontre guère ({u'à
l'état de petits clans ou même de groupes familiaux, et dans quelques-unes
des îles on en cherche vainement la trace; ils en ont été exterminés ou s'y
sont fondus avec le reste de la population. Actuellement, ces Negritos ou
X Petits Nègres », que l'on nomme aussi Aetas, Ahetas, Atas, Itas, — ap-
pellation qui semble avoir eu primitivement le même sens% — ne sont à
l'état pur qu'au nombre d'une vingtaine de mille''; ils seraient peut-être
(les millions, si l'on comptait tous les indigènes de race croisée chez les-
quels se retrouve le sang negrilo. Les nombreuses peuplades diversement
civilisées qui habitent les Philippines offrent toutes les transitions d'ap-
parence, de culture et de mœurs entre les Negritos et les Malais. C'est
' De la Gironnicre, Avenlures d'un ijeniUhomme. breton aux Philippines.
- De Quatrefages, Les Pijymées.
= Ferd. Blumenti-itl, Versucli einer Ellinoiiruphif (1er Pliilippinen, L'rgiinzungslieft zu Pelcr-
mann's Miltlieilungen, ii° 07.
XIV. b8
5Ô8 NOUVELLE (lÉOCRAI'llIE IN'I VKRSELLE.
dans l'île, jnslemonl appelée Negros, qu'il y aie ])lns de noirs; mais on
en trouve dans toutes les autres îles, excepté dans les archipels situés au
nord de Luzon et peut-être aussi dans les îles de Saniar, Leyte, Bohol
et Jolô. Mindanao en a plusieurs trihus, entre aulies celle des Mama-
nuas, qui vivent près du lac Maïnit. Il en existe aussi près de Manille,
dans la sierra de Zambales, mais ils ont été presque partout refoulés
dans l'intérieur; ils n'osent descendre jusqu'à la mer ipic dans la pailie
nord-orientale de Luzon, sur le versant de la cordillère. 11 est facile de
comprendre leur amour farouche de la liliert('' : que de fois le simple voi-
sinage des gens de races conquérantes leur a-l-il valu l'esclavagi; ou la
mort !
A l'é^tal pur, ils mi'-ritf^nt pleiin^ment leur nom : ce sont en effet des
« noirs» de petite taille, de moins d'un mètre et demi'. Ils ont la tète
relativement grosse, les yeux brillants, le front haut, le crâne élevé, la
chevelure ahondante, crépue, parfois presque laineuse; les membres sont
grêles, le pied massif, avec le gros orteil fortement dévié; le mollet man-
que presque complètement*. Les rides du visage et la mâchoire avancée
leur donnent parfois un aspect simiesque". Les Aetas parlent le dialecte
malais des gens policés avec lesquels ils sont obligés d'entrer en relations,
mais entre eux ils emploient des mots d'origine inconnue, que l'on croit
empruntés au langage primitif encore usité au dix-septième siècle; pour-
tant le dialecte spécial qu'ils parlent en quelques districts appartient incon-
testablement à la souche malayo-polynésienn(\ (pioique les Aetas aient
une origine cllinique différente de c(>lle des Tagal ' : on en conclut qu'ils
sont soumis à l'inlluence malaise depuis des tem])s très éloignés. La
plupart des tribus se tatouent et la pratique de la circoncision est géné-
rale; en quelques districts, les mères délorment artificiellement les crânes
de leurs enfants. Quant au vêlement, il se réduit à un langouti pour
les hommes, à une jupe pour les femmes, si ce n'est dans les régions
du littoral où les Aetas vivent à proximité des villages populeux. Dans
certains districts ils habitent des huttes de branchages, ou même des
cases perchées sur pilotis à la mode malaise; ailleurs ils n'ont pour se
protéger que des cadres mobiles en feuilles de palmier (jii'ils tournent du
côté du vent, de la pluie ou du soleiP. Dans les provincets où ils se civili-
' Taillo moyenne des >'efrrilnR de Zambales, d'après Meyer : \",M; d'après Morilann : \"',i(>
- De Quatrefafies et Uamy ; Meyer; Montano, ele.
' De la C.iroimière; — Virchow; — Keane, Natinr. Dec. 7)i). l.S.SO.
' Schadenberg, Zeilschrift fiir EUntohiçiie, ISiiO.
5 Semper, Bhnnenlrill, ele.
' ^^i^î
■-^^*>'-»MAi
II.KS MlILIIT'INliS. laiDllM-: IIK \ I: I. 1; IT il ^.
Uessiu ,1c E. llu.ij.iL ,ra|,iés nue |.liulu^'i-a|,liic de lei collecliuu Marchi;, coiumuniqn,-,. |mi- I,; JImm-c ilKliiuKrapliii;.
NKI.KMIIS llKS l'IllLIl'IMNKS.
541
seul peu à pLUi, ils (léfViehciil le sol, eulliveiil les |)l;niles :iliinenlaires,
élèvcnl delà volaille el des poies; ils se hasardenl à commercer avec les
N" 111. rillNi;iI'Al.E5 POPULATIONS DKS PIllLlPl'lN
Lst de P<
Ëfflia DIID E53 fï21 CD
lîîoiTulos Maun-> l)iiv;il,. .\c};rilos. Cliiiiui .
et congénères, et cou^^éiii'rcs.
Malais, mais ne soiil que Iroji iaeiles à tromj)er, puiscjiie, d'après Mon-
lano, les plus inlelligenis d'enire cu.\ ne savent <;uère compter au delà
de i ou de 5. D'ailleurs ils reconnais.sent leur inféi'iorité et réservent le
nom de tau, '^ homme )■. au.x ^ens de la race maîtresse, l'ourlanl ils leur
542 .NOUVELLE GÉUG UAI'IJIE UNIVERSELLE.
sont en général supérieurs par la Ijonté et la douceur du cniaclère cl leur
intelligence n'est nullement aussi obscure que leurs voisins, Tagal ou
Yisayas, ont l'habitude de le dire.
L'autorité n'est pas héréditaire chez les Aetas : à la mort liu chef, les
pères de famille élisent son successeur, qu'ils respectent comme un
pati'iareheet qu'ils choisissent parmi les plus àgV's de la tribu. L'époux n'a
qu'une femme et d'ordinaire la traite avec affection et respect. Chez
quelques peuplades, la cérémonie du mariage est gracieuse et touchante:
les fiancés montent sur deux arbres voisins et llexibles, que le pa-
triarche balance et rapproche; quand les feuillages s'entremèlenl et que
les visages se touchent, le mariage est conclu. La femme doit accoucher
seule, puis elle va se plonger dans un ruisseau avec son enfant, pratique
constante qui, d'après Montano, contribueiait pour une large part à la
disparition de la race. Le nouveau-né appartient à la tribu tout entière,
qui lui donne un nom après en avoir délibéré en assemblée. Les enfants,
les malades, les vieillards sont entourés des plus grands soins; le dévoue-
ment de tous pour chacun est la loi des Aelas. Bien qu'ils adorent la lune,
les étoiles, le tonnerre, l'arc-en-ciel et tous les grands phénomènes de la
nature, leur principal culte est celui des morts. Ils enterrent le cadavre
tlans un tronc d'arbre creux ou sous la cabane qu'il habitait, et vont en
construire une autre, mais à une faible distance, ahn de pouvoir veiller
sur le lieu désormais sacré et empêcher que le pas d'un étranger ou d'une
bète sauvage ne le profane. Jadis, dit-on, les Aegrilos luaienl un Malais à
la mort de chacun ties leurs.
A l'exception des Aetas, des colons chinois, de leuis uK'lis et des Euro-
péens, toute la [)opulalion philippine, du moins au nord de Mindanao, est
malais(î d'origine et de langue. A une époqui' inconnue, mais certainement
1res lointaine, les Malais, ancêtres des l'liilip[)ins, débaniuaienl sur les
rivages des îles et s'y établissaient à demeure : le nom de bubDKjaij ou
'( barque » donné encore de nos jours aux villages lappelle le temps où
l'équipage, la » barquée », désormais campée sur la grève, avait à peine
changé son genre de vie et travaillait d'accoid comme si elle s'était encore
trouvée sur le banc do rame. Plus tard, les colons chinois vinrent à leur
tour sur des sampan ou nefs à « trois planches >- et l'appellation de c(>l
esquif, hissé sur l'estran, est également devenue celle des groupes d'habi-
tations qu'il élevèrent. Chaque balangay, chaque sampan était le berceau
d'une colonie 1.
' Olivier Beiiurcgai'il, Bulletin de la Socictc d'AnttiiVjjulojjic de Paris. 1 juillet 1SS7.
NEGRIÏOS, MALAIS DES PHILIPPINES. 545
Los Malais des Philippines, pris en général, ressemblent à ceux de l'iii-
siiliiide hollandaise, si ce n'est que, vivant à proximité de la Chine, ils
présenteni, surtout à Luzon, uneléiière transition vers le type chinois de la
région des grands fleuves : l'ohliquilé de la paupière, assez rare chez les
Malais du sud, est au contraire un Irait distinclif des Malais de Luzon.
Quels que soient leurs caractères spéciaux et leurs dialectes, ils sont divisés
en trois grandes classes, d'api'ès la religion et le genre de vie : ceux qui
ont accepté l'autorité des blancs et les enseignements des prêtres catho-
liques sont dits //((//os ou « Indiens i< et se fondent graduellement en une
seule nation; les Malais du sud, qui se sont convertis à l'Islam, sont
connus sous le nom général de Moros ou « Maures « ; enfin les tribus indé-
|)endanfes, ou ne subissant le joug qu'avec impatience et célébrant encore
les anciens rites, sont les Infelea ou ^' Infidèles >■.
Les Tagal ou Ta-Gala sont les plus civilisés des « Indiens » : on les éva-
lue à un million et demi, et leur nombre s'accroît incessamment, moins
par l'excédent des naissances sur les morts que par l'assimilation gra-
duelle d'indigènes classés autrefois en Iribus distinctes. Le domaine des
Tagal, dont le berceau est la eouile vallée du Pasig' et qui comprend ac-
tuellement toute la partie centrale de Luzon, empiète peu à peu sur les
autres populations dans le reste de l'île : au nord, il a conquis le lei'ri-
toire des Pam[)angos et des Pangasinanes ; au nord-est, il s'agrandit aux
dépens des Aetas; au sud-est, il refoule les \icol ; l'île de Mindoro, celle de
Marinduque se sont « lagalisées ■>•■. Sur toutes les côtes des Philippines,
même à Mindanao, on trouve des Tagal; ce sont les principaux porteurs
de la civilisation européenne dans l'archipel. Mais à côté d'eux, dans la
même île de Luzon, sont d'autres races d'Indiens christianisés, celles des
Ilocos ou Ilocanos, (pii peuplent la zone entière au nord du golfe de Lin-
gayen, et les Ibanagou Cagayanes, (|ui vivent an nord de l'île, dans la val-
lée du Cagayan sur le liltoral, et dans les archipels voisins. Très colonisa-
teurs, ces Indiens essaiment de tous côtés et contribuent ainsi à l'assi-
milalion graduelle des populations païennes qui les environnent. C'est
ainsi que les Zambales et les Pagasinanes du littoral compris entre le golfe
de Lingayen et la baie de Manille sont absorbés peu à peu par les Ilocos,
tandis qu'ailleurs ils finissent jiar devenir Tagal. Le régime de la grande
propriété qui prévaut chez les Ilocos force les pauvres à s'expatrier : un
phénomène socioIogi(jue analogue à celui qui chasse d'Europe en Amé-
rique les paysans irlandais, écossais, allemands, Scandinaves, italiens,
' Patcrnii, Aiitiyua Ch'iliMcion de Filipiiias.
Mi NnrVEI.I.E CKOCUAPIIIK rMVERSELLK.
entraîne les cailitoin ou prolétaires ilocos à émigrer dniis les pays voisins
pour y trouver du travail et l'indépendanee'.
Les Vicol ou Bicol, qui peuplent, au sud-est des Tagal, la presqu'île des
Camarijies, les îles de Catanduanes, de Burias, de Ticao. et la moitié de
Masbate, ressemblent fort aux Tagal; eomme eux ils avaient déjà une civi-
lisation assez avancée lors de l'arrivée des Espagnols, auxquels ils furent les
premiers à se soumettre, étant moins belliqueux, plus humbles que les
Tagal ; mais il en est pourtant un grand nombre qui se sont réfugiés dans
les montagnes, autour des volcans : ces renioiitadux, appelés aussi cimar-
ronrs ou « marrons «, moidescoa et montdraces, sont ceux qui parlent le
dialecte vicol avec le plus de pureté : ils sont au moins 400 000. Le troi-
sic'me groupe etbnique des Philippins policés, comprenant deux millions
et demi d'individus, est celui des Visayas ou « Bisayas », d'après lesquels
on désigne l'ensemble des îles comprises entre Luzon et Mindanao;
plusieurs de leurs colonies occupent aussi les côtes de cette grande île;
les habitants des îles Calamiancs et de la Paragua sont également des
Visayas, mais la nuance foncée de leur peau et l'ondulation de leur cheve-
lure permettent de croire qu'ils sont eu partie des descendants deNegrilos.
C'est dans Cebù, dit-on, que la race visaya est la plus pure, et que l'on
parle la meilleure langue. Les Visayas avaient autrefois l'habitude de se
barioler le corps et même de se tatouer, de se « peindre avec le feu » " : de
là le nom de Piittados ou « Peints », sous lequel ils étaient connus des
Espagnols; mais, devenus chrétiens et soumis aux blancs, ils ont cessé de se
colorier et ne recherchent plus la gloire d'abattre des tètes : jadis une de
leurs tribus, les Caragas de Mindanao, iw dounait à ses guerriers le droit
de porter un turban rouge que lorsqu'ils avaient tué sept hommes. En se
poliçant, les diverses peuplades sauvages du groupe visaya perdent bnu-s
noms spéciaux pour entrer dans la nation des « Indiens ».
De même les « Maures », qui occupent l'aichipel de Jolô et les côtes
méridionales de Mindanao, com])i'ennent un ti'ès grand nombre de tribus
différentes, unies par la religion et le genre de vie. Le fond malais paraît se
rattacher au groupe des Visayas, mais on reconnaît aussi parmi ces Maures
des types qui ressemblent aux Dayak de Bornéo et aux Badjo de Celèbès et
de toute la Malaisie. Les familles aristocratiques sont arabes ou originaires
de Bornéo ou de Ternate ; par les croisements l'élément chinois est aussi
représenté; enfin, des renégats espagnols devenus corsaires ont également
' F. Blumeiilrilt, iiipiiioirc cilt'-.
' Pi<;af(!tla ; l'urchas ; Morga, vie.
VISAYAS ET MAURES DES PUILII'PINES. 545
leur ilc^cemlance parmi les maliumélaiis des Philippines méridionales; les
femmes, volées par les pirates sur tous les rivages de l'Insulinde et des
iles du nord, ont t'ait de la population maure l'une des plus métissées de
l'i^vtrème Orient. La [liralerie, telle était en effet l'industrie capitale de
ces mahométans insulaires, même avant l'arrivée des navigateurs euro-
péens : au siècle dernier on compta, dit-on, jus({u'à cent mille individus
(jui se livj-aient à la course dans les mers indonésiennes, et parmi ces
pirates, les plus nomltreuv et les plus hardis étaient ceux de Jolô et les
lllanos de Mindanao. On voyait leuis liai-([ues jusque dans les eaux de
Java, mais c'est principalement sur les côtes de Celcbès, dans les Molu-
ques et les Philippines qu'ils allaient se fournir d'esclaves, soit [tour les
vendre, soit pour recruter leurs chiourmes. Le régime politique essentiel-
lement féodal des Maures faisait reposer toute l'organisation sociale sur
la piraterie. A côté des sultans se tenaient les datou, vassaux presque
aussi puissants que leur suzerain, et chacun de ces princes devenait, sous la
réserve de l'hommage dû à son maître, propriétaire des pays conquis et
des richesses capturées; les tao niarahay ou « hommes bons », c'est-à-
dire les guerriers libres, les accompagnaient dans les expéditions de guerre,
et les saeope, ou la foule des gens sans terre, leur étaient asservis. A la sai-
son favoralih», chacun d'eux organisait (pielque expédition de conquête ou
de rapine : comme les chevaliers normands, ils allaient à l'aventure pour
combattre les inlidèles au nom de la vraie foi et s'acquérir un nom glo-
rieux en enlevant des femmes, des esclaves et des trésors. Au commen-
cement du seizième siècle, ils étaient en train de faire la conquête de l'ar-
chipel philippin, et si les Espagnols n'étaient intervenus, il est certain
que les Tagal seraient aujourd'hui mahométans'. Même au siècle dernier,
les corsaires maures venaient rôder aux aboi'ds de la baie de Manille, et,
dans leurs guerres contre les Espagnols, les Hollandais étaient parfois
ligués avec ces pirates. Quand Tasman afta(|ua Manille, en 11518, il avait
pour alliés les maures de Jolô et de Mindanao".
Très habiles constructeurs de bateaux, les « Maures » possédaient, par
dizaines de types différents, des embarcations de toutes formes et de toutes
grandeurs, taillées pour fendre l'eau avec une extrême rapidité, et résis-
tant admirablement à la vague, quoique le mode d'assemblage des bois
fût des plus simples et ne comportât point l'emploi du fer. Aussi long-
tcin|is (|iic les Espagnols et les Hollandais se bornèrent à donner la chasse
' V. liliiniiMiliill, iiiL'inuiiL' cité.
- l{oljiilc van ilci' Aa, liuUsclie GUIs, avril 1882.
ù-i6 NOUVELLE (iÉOGKAl'lIlE LMVEKSELLE.
on pleine mor aux pirates de Jol6 et de Miiiilaiiao, ceux-ci u'eurenl yuèic
à redoulei' les navires de guerre européens ; même lorsque des bateaux à
vapeur légers eurent commencé leurs croisières, les forbans, avertis
par la fumée qui se montrait à l'horizon, avaient le temps de se cacher
dans les criques et les détroits, on de s'engager au milieu de récifs oii nul
ne pouvait les suivre. La piraterie n'a été presque entièrement détruite
(jue pendant la deuxième partie de ce siècle, par la jirise de possession
effective du littoral de Mindanao et par roccupati(Hi de Jolô. C'est en 187(5
que les Espagnols se sont fermement élahlis dans celte dernière île; s'ils
n'avaient suivi l'exemple donné par les Hollandais et les Anglais sur les
côtes de Bornéo, l'archipel des Pirates eût été certainement conquis par
quelque puissance navale de l'Europe. Si ce n'est pour les prescriptions
relatives à la « guerre sainte », les Maures de Jolô et de Mindanao n'ob-
servaient guère le Coran; malgré leur grand prêtre, le .sy//'//' (chéri f), et
leurs pandita, ce sont de mauvais mahomélans, mangeant la chair du
porc et buvant des boissons fermentées comme les « infidèles >'.
Les populations païennes, indonésiennes ou malaises, souvent confon-
dues par les Espagnols sous le nom général d'Igorrotes, constituent encore
une part considérable des habitants de Lu/.on et de Mindanao : plus
de cinquante « nations )• diflV'rriites vivent dans l'archipel. Les Igori'otes
proprement dits peuj)leut, à l'est des Ilocos, la vallée de Benguot et les
régions montagneuses des alentours. Les Tinguianes, en partie christia-
nisés, ou du moins possédant des crucifix, dont ils se servent comme de
talismans, sont au nord les voisins des Igorrotes, tandis que les llon-
gotes, les Ifugaos, les Catalanganes, les Irayas et antres vivent à l'est,
dans le haut bassin du Cagayan. On observe un remai(|uable contraste
entre les Igorrotes et leurs voisins les Tinguianes : autant les premiers
sont braves, autant les aulies sont timides; les Igorrotes ont le teint
bi'onzé, les Tinguianes ont la jn'an presque blanche; la plupart des voya-
geurs voient en eux des métis d'origine chinoise. Les Igorrotes paraissent
être des Tagal ayant gardé la religion et les mœui's piimitives. Ils croient
en un dieu suprême et en d'autres dieux, qui personnifient les phénomènes
de la nature, et ils leur offrent (lessacriiic.es; mais leur principal culte
est celui des anilos ou ancêtres, dont les âmes fi'issonnent avec les feuilles
(le l'arbre sacré planté à l'entrée du village; parfois aussi les aïeux se
montrent sous forme d'animaux, et en maints endroits de Lnzon, comme
à Celêbès, les viviers sont emplis d'anguilles que les indigènes nourrissent
avec une piété filiale. Les vieillards sont très respectés, et quand ils meurent
on doit célébrer un grand repas en leur mémoire; auti'efois le cadavn;
MAIRES ET IGORROTES DES PUILIPPINES. 5i7
élait partage- entre tous les assistants, et cette coutume funéraire s'est
maintenue jusqu'au commencement de ce siècle'. De nos jours on enterre
le corps dans une grotte ou sous le sol même de sa cabane. Les céré-
monies ^oii! dirigées par des prélresses, vieilles femmes qui sont ("gahmieiil
f|'''l%;fi^!'l
PHILIPPINES. — INDIEN IFCCAO.
Gravure clc Tliirial. d'après ime iiliolo^'ra|iliic rommuiiiqui}e par K; musée d'Ethnosrrapliip.
chargées de se concilier les dieux el les ancêtres et de conjurer les mal;;-
dies. Bien différents à cet égard de la plupart de leurs voisins, les Igor-
rotes veillent jalousement à la lionne conduite de leurs fils et de leurs
lilles, qui vivent à part en de grandes maisons, sous la surveillance de
vieillards. Le lien du mariage, héni par les ancêtres, sous l'invocation
de la |)rêlresse, est très respecté, et jadis l'adidlère était puni de mori :
' Siniljaldci tic Mii= ; — F. Blumenliitt.
548 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
la veuve ne peut se remarier qu'avec l'assentiment, très rarement obtenu,
de la famille du mari, et le veuf ne peut prendre une nouvelle épouse
qu'après sept ans révolus. La famille esl étroilement solidaire, el toute
insulte doit être vengée par la mort : de là des haines héréditaires el des
« chasses aux tètes » entre les tribus. Les Ifugaos se servent dn lazo poui'
saisir les ennemis au passage et les attirer brusquement sous leur cou-
leau. Parmi ces indigènes païens il en esl (pii ont conservé la pratique
(hi laloiiMge'. La lioiisc de vache esl fori en honneur chez eux, ce (pii
lémoignerail peut-être d'anciennes inihiences du brahmanisme; des Igor-
roles vont même jus(|u'à mêler cet ingn'dient à leur nourriture. Le nom
de (lirald donnt' au\ divinités est égalenienl (rmigine hindoue.
Les jiaïens de Mindanao se divisent en il(^ Iri's nombreuses peuplades,
l'éunies soiiveiil par les blancs sous le nom c(dleclif de Manobos ; mais
cette apj>ellalion doit être ivservée aUx indigènes du nord-est qui vivent
dans le bassin de l'Agusan el dans la péninsule de Surigao : celles de leurs
ti'ihus qui soni le plus rap|ir'Ocbées de la mer ont élé con(|uises el chris-
tianisées par les Kspagiiols. (]eux-ci ont recueilli en maints endi'oils des
ai'mes eu pierre taillée, que les tribus appelaient les » dents des éclairs «',
par une association d'idées analogue à celle des paysans d'Europe, qui
voient dans ces armes les « pierres de la foudre ... Parmi les « inlidèles»
(le l'inh'iieur on reti'ouve, plus ou nniins niodilii' par les croisenienls, le
type malais des Visayas el celui des aborigènes negrilos; mais la souche
principale serait celle des « Indonésiens «, ces frères des insulaires de la
Polyiii'sie, (•aracl(''ris<''s par une taille (''lev('e. de l"',»!.') à l"',7'2. pai' un leint
elair, pres(pie blanc, par un bel (''([uildire des nieudires. Dans la |ibiparl
des tribus, bouunes et l'enniies se pei'ceiit le loliide dt' l'oreille poui' y
iiili'oduire des l'ondi'lles d'os ou d'autres objets; dans loules les familles
on lime les dents des adolescents, suivantdes modes diff(''ren les pour chaque
peuplai le ; eu diverses tribus, on chaniic aussi la l'orme natuielle du crâne
des nouveau-nés. La pratique du lalouage est générale : les mères font
elles-mêmes l'opération sur leurs enfanis au moyen d'un couteau et de la
fumée d'une certaine l'ésiiie, et les iiian|uent ainsi de signes indélébiles,
qui permelli'ont de les reconnaître un jour eu cas d'enlèvement, car. dans
ce pays -de guerres et de vendelles, la liberh''. de même que la vie de cha-
cun, est toujours en danger. M. Monlano a doniu! le nom de « Pays de
la Terreur >' aux régions orientales de Mindanao' ; mais il est peu de dis-
' Siiiil);il(io lie M;is; — Si.in|icr; — Itliiiiiciilrill.
- Sébastian Vidal y Solor; — M(iiil;iiiii, clc-,
' Une Mission aii.r îles Pliilippincu cl en Malaisic.
PAÏENS DE MINDAN.UI, CHINOIS DES l'IIlI.ll'IMNES 549
Iricls dans If rcsh- de l'île qui ne inérilerait'iil d'èlrc désiiinés de la mémo
manière. Quand les Manobos, précédés de leur grand prêtre, qui porte le
" talisman du dieu », ont réussi à surprendre leurs ennemis dans le som-
meil, ils égorgent tous les hommes, n'épargnant que les femmes et les en-
fants, réservés à l'esclavage; puis, après la vicloii'e, le grand prêtre ouvre
du glaive sacré la poitrine d'un cadavre, y trem|)e le talisman et mange le
cœur ou le foie du vaincu'. Les Mandayas luent pour l'honneui' : ils ont
un mot spécial, bfKjnnt, «- meurtrier », pour désigner le vaillant qui a
coupé au moins cinquante têtes, et qui seul a le droit de se coiffer d'un
lurhan écariate'. De vastes territoires ont été changés en solitudes par l'ex-
termination des indigènes. Les Indonésiens de Mindanao sont menacés de
disparaître, comme ont disparu en Polynésie tant d'autres peuplades de
leur race : ce tpie n'a pas fait la guerre, l'assiniilalidn graduelle des indi-
gènes par les [lopulalions malaises et mélisses [dus |)(plict^es le fera certai-
nement.
Parmi les étrangers qui s'élahlissenL dans les Philip[iines cl (|ui en
modifient la race, les plus nombreux sont les Chinois : depuis un temps
immémorial leurs colonies bordent le littural des îles, et dans presque
toutes les tribus on remarque des indices de sang chinois ; dans Luzon
et quelques-unes des autres îles on signale, à tort on à raison, des peu-
plades entières comme descendant d'ancêtres de la Fleur du .Milieu.
On sait par les annales du Céleste Empiic que des princes de l'ai'chipel
envoyaient des ambassades et des tributs au Fils du Ciel, et des objets de
fabrication chinoise que l'on trouve dans les tombeaux des Philippines
prouvent qu'un mouvement d'échange se faisait entre les deux pays.
Sous le régime espagnol, les Chinois ne s'établirent à Manille (|ue vers
ISSO.En peu d'années, ces samileyes ou « marchands ambulants ''» fu-
rent assez nombreux pour essayer de devenir les maîtres. Trois fois pen-
dant le Cduiant du siècle suivant ils se révoltèrent contre les Espagnols,
et chaque fois c'est par dizaines de milliers (ju'on les massacra. Après
avoir mis des empêchements de toute espèce à leur venue et à leur sé-
jour, par des impôts, des mesures de police, des vexations continuelles,
on finit par les exiler en masse : en 1765, après une occupation momen-
tanée de Manille par les Anglais, tous les Chinois furent expulsés ou mas-
sacrés; leur race ne fut plus représentée que j»ar des métis chrétiens. Mais
sans rintermé;liaire chinois il n'y a plus de petit commerce : à peine le
•
' SiMiiiiei-, Dir l'Iiilippini'ii iiiiil Une Hi'wuhiicr.
^ Montano, Tour du Monde, \" scm. 1 884 : — Butlctiit de lu Sociélé de Géographie, '>' Iriin. 1 88.Î.
^ Olivier Beaurcgard, mémoire cilé; — Jagor, ouvrage cité.
5.M) NOUVELLE GEOGRAPHIE l'MVERSELLi:.
saiiyley élail-il chassé qu'on l'invilait à lovcuir. Mal^iiù le mépris de l'Eu-
ropéen et la haine du Taj>al, le Chinois a son l'auliourg dans chaque
cité, et c'est à lui que revient le plus clair du proht sur les échanges.
On a cherché aussi à l'employer dans les travaux des plantations, au dé-
triment des ouvriers indigènes, mais, comme aux Etats-Unis et en Aus-
tralie, les travailleurs du pays, menacés dans leurs moyens d'existence,
ont fini [lar évincer leurs rivaux. En 1887, le nomhre de Chinois de race
pui'e était évalué par Escobar yLozanoà ÙÔOOO, proportion minime en
comparaison de celle des Malais ; mais il est très rare que les immigrants
amènent des l'emmes avec eux : un recensement de 1870 comptait dans
les Philippines 120 Chinois pour une seule Chinoise. La plupart retour-
nent dans la mère patrie après avoir fait fortune, non sans laisser der-
rière eux un« famille de métis. Il est vrai que la loi esj)agnole les oblige à
se convertir avant de prendre femme ; toutefois ils n'ont point de répugnance
à se laisser baptiser et ils trouvent facilement des épouses, moyennant un
douaire suffisant pour parer aux chances d'abandon. Les métis chinois font
souche à leur tour, et la race, qui rap|)elle beaucoup plus le type chinois
du père que celui de la mère tagal, vicol ou visaya, prospère d'une ma-
nière étonnante. Ce sont les Chinois de sang mêlé (pii constituent la liour-
geoisie des îles, tandis que les blancs occupent les fondions publiques et
que leurs métis sont pour la pluj)art de petits propriétaires.
Les Espagnols se présentèrent dans l'archipel (luarante-quatre ans après
la mort de Magalhàes. Miguel de Legnsjii apparut d'abord, comme son de-
vancier, devant l'île de Cebii, puis il conquit Panay,et en 1571 cingla vers
Manille pour y fonder le centre de la puissance castillane. Grâce à la dis-
ci|)line et aux ai'raes européennes, il cul l'acilemenl raison des petits princes
du nord; mais la con(|U(He de l'archipel n'a jamais été complète; encore
maintenant elle est loin d'être achevée. En proportion, les 14000 Espa-
gnols des Philippines ne sont pas plus nombreux (juc les Hollandais dans
l'insulinde. Quoique désignées abusivement sous le nom de « colonies )>.
ces îles ne sont que des possessions : les Espagnols y sont toujours des maî-
tres étrangers, faisant travailler les indigènes, mais ne travaillant point
eux-mêmes. D'ailleurs ce sont, parmi les Européens, ceux qui supportent
le mieux en moyenne le climat des Philippines : ils ont à craindic,
comme les indigènes, mais à un moindre degré, parce qu'ils sont mieux
nourris, toutes les maladies endémi([ues, fièvres paludéennes et dysente-
ries ; ils mil à redouter surtout l'anémie, qui s'attaque à eux. ]irincipale-
menl aux femmes, après quelques années de séjour. Les Espagnols ciroles
sont pai'l'ailenieul acclifliatés et font Sduche de familles nombreuses; mais
l'iIlM LATIO.NS IIKS l'Ill l.ll'l'INES. 551
il est impossible de savoir quelle est l.i proportion des blancs aulhenli(pies
dans l'ensemble des babilanls, car ces créoles, tout en se réclamant de
leur origine <' péninsulaire », ne maintiennent point la [tureté de leur
sang, comme le l'ont les Euiupéeas eu d'autres pays oh l'indigène est un
objet d'aversion : ils s'allient sans l'épugnance avec des métisses ou même
avec des indigènes. Des Péruviens et des Mexicains, représentés aux Philip-
pines par une forte colonie à l'époipie oii les galions espagnols faisaient
annuellement le voyage entre Acapulco et Manille, ont aussi laissé dans le
pays une descendance qui se mêle aux autres créoles, et de ces éléments
divers s'est formée une race nouvelle, remarquable par ses qualités phy-
siques. Les métis sont plus forts, |)lus sains, plus beaux que les Espagnols
et les Indiens purs : ils gagneni ra]tidement en nombre, et dans la plu-
j)art des villes on est étonné de voir combien le teint des indigènes s'est
éclairci, combien leurs traits se sont européanisés sous l'influence de ces
croisements'. Une certaine hostilité règne entre les métis et les « pénin-
sulaires » de sang pur : plusieurs révoltes militaires, causées par ces
haines de race et d'influence, ont éclaté pendant ce siècle et mis en péril
la domination de l'Espagne.
Les po|iulations philippines sont jtarmi les plus civilisées de l'extrême
Orieul. Ilans la plupart des |)rovinces, les villages des Indiens, pvrblos
et risitfix, sont bien tenus, de beaucoup supérieurs aux amas de huttes
que l'on trouve encore en tant de pays d'Europe. Chaque demeure est
isolée, entourée d'un jardin fleuri et parfumé, séparée des autres enclos
par un rideau de palmiers et de bananiers. Les maisons sont toutes éle-
vées sur jiilotis à plus de 2 mètres au-dessus du sol, conformément aux
traditions des ancêtres, qui habitaient les terres alluviales, au bord des
lacs ou de la mer. L'air circule librement autour de l'édifice; il y pénètre
aussi par la vai'ande, le large corridoi', les ouvertures nombreuses; de
toutes i)arts entre la lumière, adoucie pai- les couchas ou « coquilles «,
minces plaques de nacre disposées en treillis, par carrés et par losanges;
les boiseries sont sculptées avec le plus grand soin et souvent avec goût;
des meubles ciselés, des bibelots chinois ornent les appartements, toujours
balayés, frottés et polis : la propreté de la demeure est méticuleuse'.
De même (pie chaque famille indienne a sa case, de même elle est pro-
j)iiétaire d'un champ, si ce n'est dans le pays des Ilocos et chez quelques
autres nations indiennes. Le régime de la petite propriété prévaul dans
' Moiilniiu, oiivrafiO cité.
- W. Ciifford Palgvave, Vhisscs, or Scc)u>s and Sliidics in nuinif L/inds.
552 NdliVKLLE (;K(M,liA PIIIK l M VKHSKLLK.
presque lous les distiicls des l'iiilijipiiies. A l'exception de quelques métis
chinois, personne n'a de gi'ands domaines, mais tous ont de quoi se sus-
tenter, ])on an, mal an, eux et leuis familles, de quoi subvenir même à de
petites dépenses [lour les fêtes et les plaisirs. Dans les provinces popu-
leuses, les terrains sont divisés et subdivisés en d'innombrables par-
celles pour la culture du riz, de la patate douce et des autres denrées ali-
mentaires. Même les plantes dont les produits sont destinés au commerce
sont cultivées surtout par le paysan libre : partout de petits enclos, parse-
més de petits hangars, de maisonnettes, d'usines rudimentaires. On ne
voit guère de ces grandes fabriques, de ces vastes enli'epùts que l'on ren-
contre au milieu des campagnes dans les pays où de puissants eaj)itaux
sont employés à l'exploilalioii du sol au profil d'un seul piopriiHaire ou
d'une compagnie de monopole. Ici les terrains de culture appartiennent
au cultivateur lui-même : il ne vend que le surplus de sa récolte; et de
ces petits aj)porls, achetés dans les villages par les intermédiaires chinois
et métis, se fait la masse des produits que les négociants de Manille expor-
tent à l'étrangei': mais elle est bien minime encore en proportion de ce
qu'elle pourrait expédier, car on évalue seulement à 1 800000 hectares, soit
au quinzième delà superOcie du sol philippin, l'étendue des terrains cul-
tivés dans l'archipel. L'élève du bétail a relativement peu d'importance : ce
sont les Espagnols qui ont introduit les chevaux et les ânes dans l'archi-
pel ; les brebis ne se sont acclimatées (|u'avec dilhculté.
In " système de culture ", qui parait avoir servi de modèle à celui de
Java', avait été institué aux l'hilij)pines dès l'année 1780. En vertu de
ces règlements, le gouvernement de Madiid constituait à son ]irolit le mo-
nopole des principales productions industrielles, mais il les a successive-
ment laissées libres, précédant encore à cet égard la })uissance rivale. Le
moDupdlc qui dura le plus longtemps, jus(iu'eii 1S8"2. est celui du tabac,
que l'on cullive surtout dans les provinces septentrionales, nolamnieut
thuis le bassin du Ciigayan. La situation des indigènes asservis au lra\ail
dans les champs de tabac ne différait de l'esclavage que par le nom. Chaque
village du district était tenu de livrer une certaine ([uantité de feuilles à
un prix très inférieur à l;i valeur léclle, el l'alcalde (jui tenait à être bien
vu de ses supéiieurs devait n'-ussir à diminuer de beaucoup les dépenses
prévues. Il en résultait que les cultivateui's, surmenés |)ar la rapacité du
fisc, n'avaient pas même le temps nécessaire pour cullivei' leurs cham{)s
de riz : sur la terre la plus féconde, ils étaient conslamment menacés de
' S. E. W. Roordii \an Evsinga, .Yoïcs inaiiuncrilcs.
l'OPL'LATlDNS, CILÏIRES DES PUILIPPINES. 553
lalaniiiH'. La mortalité était très forte parmi ces mallieureiix, et la plupart
lie leurs entants périssaient en bas âge. Le monopole avait eu également
])Our conséquence de détériorer la valeur du produit, quoique les Espagnols
soient dans les deux mondes an |)i'eniiei' rang comme préparateurs t\u
tabac' : les cigares de Manille, mal préparés par des mains esclaves, étaicnl
devenus très inférieurs en qualité à ceux des Cubanais. Les Philip|)ines
sont au cinquième rang dans W inonde pour la production dn tabac : elles
viennent après les États-Unis, la Turquie, le Brésil et l'insulinde hollan-
daise; elles dépassent Cuba'. Les [dantations de tabac avaient beaucoujt à
soufli'ir du ravage des insectes avant qu'on y eût introduit de Cochinchine
des espèces d'oiseaux, les « marlins .. {stinDopaxtor, anijdothercii), qui
nettoient les plantes de leurs |iai'asites.
Le sucre est la principale culture des l'hilippines faite en vue de l'ex-
])orlation : la récolte, acheté»^ presque en entier par les Etats-Unis et la
Grande-Bretagne, comporte en moyenne les deux tiers de celle de Java, soit
plus de deux millions de quintaux métriques, d'une valeur de 50 niilli(Uis
de francs". Le café, (pii au milicui du siècle était l'objet d'un grand com-
merce, et qui ensuite fut |)resque coniplètenuuit délaissé après la guerre
franco-allemande, a repris une certaine importance dans le mouvement des
échanges*. Le cacao et les autres denrées coloniales n'ont qu'une valeur
secondaire, mais les IMiili|)pines jouissent d'un monopole naturel |iour
la production et la mise en œuvre des libres du bananier textile, )\nim
abnrti , généralement connu sous le nom de ^ chanvre de Manille » '' :
les étoffes qu'on en lisse dépassent celles du meilleur chanvre russe, en
force de résistance, en éclat et en légèreté. Mais ces tissus sont rarement
vendus à l'étranger : ils restent dans le i»ays, achetés par les métis chinois.
L'exportation, qui se dirigea d'aboril presque uniquement vers les Etats-
Unis, ne comprend guère que les marchandises grossières, surtout les
cordages; elle prendrait beaucoup plus d'importance encore pour le grée-
ment des navires si on pouvait gouilronner les câbles d'abacâ comme ceux
de chanvre, irest dans la prescpi'île de Camarines (pie le bananier textile
est le mieux cullivé' cl (|u'il dduni' les meilleurs |)roduils : la récolte an-
' KxiKiilalidii (lu liili:ii- lies Pliilipiiiiips on IS81 :
i:>(IO00000 cigaivs et (5(339 824 kilofriaiiiiues de tabac tirut.
Production annuoilc moyenne de 1875 à 1885 : 9 8(j'2 iOO kilogrammes.
- Noumann-Spallart, Uebersichten (1er WcUtoirthschnfl.
5 Exportation du sucre des Philippines en 187(i : I 320 000 quintaux métriques.
n » .) en 1885: 2059 740 » »
' Exportation du café des Philippines en 1884 : 73 IOO qnijitaux mélriques.
■' Exportation du clianvre di' Manille en 1887 : 530 000 halles, d'inie valeur de 50 000 (IOO fr.
XIV. 70
bhi ÏSOUVELLE (.ÉOCKAl'lllK UNIVERSELLE.
iiUL'lIc est (rêuviroii Irois loiincs et demie ;i l'iiectare, quaiililc fort consi-
dérable, qui suffirait amplcmenl à rémunérer les producteurs s'ils n'étaient
pour la plupart asservis aux négociants par un système d'avances usu-
raires qui ne leur permet pas d'échapper à la dette. Dans la partie septen-
trionale de l'île de Luzon, où l'on n'a pu acclimater le bananier textile, les
Ilocos utilisent de la même manière les fibres d'aulres plantes, notamment
l'ananas et le coton : les « manteaux des Ilocos » sont fort appréciés à Ma-
nille et dans le reste des Philippines.
A l'exception des cigares et des tissus d'abacâ, les îles esj)agnoles n'ont
d'industrie manufacturière que pour la consommation locale : le com-
merce d'exportation consiste presque uniquement en produits non ouvrés
de l'agriculture et de la cueillette, et c'est l'industrie étrangère qui envoie
en échange les objets de fabrication savante, métaux, étoffes, ai'mes,
instruments et machines, même les mortiers à piler le riz qui remplacent
les losunfi primitifs d'apiès lesquels, dit-on. la grande île de Luzon est
désignée. Le mouvement des échanges s'est notablement accru aux Phi-
lippines pendant les dernières décades, grâce à la suppression de certains
monopoles, à la diminution des droits de douane, à la libre admission
des navires étrangers, à l'ouverture de nouveaux ports au commerce, à.
l'augmentalion naUirelle delà population'. Des services réguliers de paque-
bots entre Manille et les deux grands marchés anglais de Singapour et
(le Hong-Kong, et des lignes de bateaux à vapeur enire la capitale et les
|irincipaux ports, au nord et au sud de l'anhipel, rattachent désormais
tous les points vitaux des Philippines au l'esle du monde. Les habitants
des Philippines sont un peuple de marins cl de pêcheurs : c'est de la mer
(ju'ils dépendent en ])artie pour leur nourriture journalière. Ils sont deve-
nus très habiles à manier leurs embarcations j)ar tous les fem|is, et mal-
gré les dangers des récifs et des lemjiètes ils se hasaideul au milieu des
coui'anls de l'archipel et font un grand commerce de cabotage. Presque
aucun transport ne se fait j)ar (erre; même là où il ne s'agit que de traver-
ser un islhnie éli(»il, comme de Manille à la côte orientale de Luzon, les
envois se font [lar un long voyage de circumnavigation.
Mais (juoique les chemins naturels offerts par les détroits dans toutes
MouvoiiK-iil ciniiinorciiil l'XtL'rienr des l'liili|ii)iiies en ISSi:
Importation 89 MO 000 francs.
Exportation 02 600 000 «
Ensemble 182 000 000 francs, soit 26 francs par tête.
Navif;ation extérieure, à l'entrée et à la sortie : 802 navires, jaugeant 649 51.") tonnes,
l'art (le la navigation biilaniiic|ue » 308 » i) 240 880 »
INDUSTRIE, CIVILISATION DES PHILIPPINES. 555
les direclions jjormetlenl de communiquer de district à district, le man-
(jue de routes dans l'intérieur des îles prive encore mainte région de tous
rapports avec les havres du littoral. Même de prétendues « chaussées » ne
sont que de mauvais sentiers ou des successions de fondrières. Souvent
des administrateurs en voyage ont pu s'y tromper : avertis quelques se-
maines auparavant de leur prochaine arrivée, les alcaldes réunissaient tous
les Indiens du district; on arrachait à la hâte les arhrisseaux et les herhes
folles qui avaient envahi la route, on jelail de In terre dans les trous, on
écartait les plus grosses pierres, et l'on faisait passer les voitures à force
de bras aux endroits difficiles, en chantant et en poussant des cris de joie.
La route semblait faite, mais dès la première pluie qui suit le passage
du haut fonclionnaiie. elle cessait d'exister'. Le réseau des chemins de
fer est encore à ïr\;\[ de pnijet : à peine a-t-on posé, dans la direction
du nord, quehjues kilomètres de voie au sortir de Manille.
Mais si les I'hilij)pines sont, au point de vue de l'industrie, du com-
merce, de la vialiililt', des progrès matériels, au-dessous de Java, si leur
accroissement, pourtant considérable, est moindre que celui des Java-
nais', elles occuj)ent à d'autres égards un rang supérieur : les popu-
lations qui les habitent ne sont pas des ilotes tenus par leui's maîtres dans
un état d'infériorité, sans espoir de relèvement. Tandis que les Hollandais
vivent, comme dans un autre monde, au-dessus de sujets chez lesquels
tout diffère, costume, mœurs, langue et religion, et qui regardent
leurs conquérants comme des hommes d'une autre nature, les Espa-
gnols ont invité Tagal, Vicol et Visayas à se rapprocher d'eux. Grâce au
mélange des races, la transition se fait par degrés insensibles, du fier
« péninsulaire » au lils converti de l'Igorrote : la religion est la même, les
mœurs s'unifient graduellement; la plupart des Indiens apprennent à lire
et à écrire la langue espagnole; Tagal et Visayas ont cessé d'employer
p(nn' leur pi'opre idiome les caractères d'origine hindoue qui leur servaient
autrefois, et qui d'ailleurs étaient d'une lecture difficile, et l'on prévoit
même comme prochain le jour où le parler castillan l'emportera sur tous
les idiomes locaux". Le costume de l'indigène policé est déjà celui de l'Eu-
ropéen, si ce n'est que la chemise est portée en guise de blouse et que
d'ordinaire le chapeau est de forme chinoise.
' Jagor; Palgrave. ouvrages cités.
- Etal civil ilans les provinces de Luzon d"après Mnva v .liinencz :
Naissances i p. lÛO îles haijilants.
Miiil> '2,53 1)
" F. .1. de Moya y Jimencz, Ltis Islas Filipiiiiis.
55G .NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
11 est vrai (jiie la iialionalité de ces populations, li'oj) souples, (lop obéis-
santes, se perd peu à peu et (pie les indigènes n'ont ni dans l'industrie ni
dans les mœurs l'originalité que leur eût maintenue une civilisation indé-
pendante ; mais il n'en est pas moins heureux que la culture européenne
entraîne graduellement les Philippins dans son orhile sans les avoir ré-
duits comme tant d'autres à la condition de serfs, sans les faire passer
|)ar la dure étape du paupérisme. Pris en moyenne, les Indiens des Phi-
lip|)ines sont parmi les hommes les plus heureux de la Terre : leur vie est
douce dans les jardins parfumés, à l'ombre des palmiers chargés de fruits,
au bord des ruisseaux murmurants; en maints endroits ils sèment leur
riz en cadence, au son d'un violon ou d'une clarinette'. Mais ils se laissent
aller facilement à la paresse; ils aiment avec passion le jeu, surtout les
combats de coqs, et saisissent les occasions de loisir que leur fournissent
les jours de fête. La religion n'est guère pour eux qu'une succession
d'amusements.
Les populations des Phili])pines sont catholiques avec passion : non
(ju'elles se préoccupent des dogmes promulgués par l'église ou qu'elles
produisent beaucoup de théologiens discutant les points subtils de la foi ;
mais elles aiment les pompes, les cérémonies, les images que leur ont
apportées les prêtres : une grande part de leur existence se passe en pra-
tiques, au fond peu difl'érenles du culte primitif. Un autel domesti(pie,
portant les effigies de la Vierge et des saints, successeurs des anciens
««itos, occupe la place d'honneur en cha(|ne cabane, et dans tous les actes
de la vie on se tourne vers eux })our les j)rendre à témoins; une lumière
brille toujours au centre de la façade des églises, devant l'image bariolée
du piitriin. Le moindre hameau a sa fête, pendant laquelle on jiromène
triomphalement les statues sacrées, couvertes de soie, de liroderies et
de fleurs. Les églises, bâties dans le style « jésuite » de rKs|)agne,
avec des murs larges et bas, flanqués de puissants contreforts et dominés
par un clocher octogonal, sont décorées avec le plus grand soin de
draperies, de banderoles, de guirlandes et de fleurs. Chaque village a
sa bande de musiciens (|ui accompagnent les cérémonies religieuses de
la fanfai'e des trombones et des cymbales; souvent des acteurs célèbrent
des mystères et représentent des comédies où le sacré se mêle bizar-
rement au profane, et des feux d'artifice terminent les journées consa-
crées à la gloire des saints. Le curé, surtout ipiand il est Espagnol de
naissance, est le personnage le plus considéiable du lieu, et c'est à lui([ue
' MiinlaïKi, lliillciiii (le In Snriclé de Géu(irapliie,\iiSO.
l'UplLATKiNS |ii;s IMIII.II'I'IM'S, MAMLLE. .i57
s'aili'osse le ■< capilaii " dans loiilcs les circoiislances graves. La sonnerie
de l'église annonce la siesie ([uanil il songe à se reposer : ■< l'Iieui-e
esl celle (jue sa majesté désire '<\ C'fsl le curé, |»lus (jue les soldats et les
canons, qui assure à l'Espagne la soumission parfaite des naturels ma-
lais. Mais les routes, l'instruction, les journaux et les livres, qui pénètrent
(le plus en plus malgré la censure, les relations fréijuenles avec l'étranger,
|)réparenl un nouvel ordre de choses, où les Indiens, tout en se rappro-
chant encore davantage de l'Européen et en participant à ses destinées,
gagneront en indépendance et en liherté morale. Aussi les prêtres des
Philippines sont-ils en général peu favorables aux changements qui pour-
raient amoindrir leur tutelle sur les Indiens; il leur déplaît même de
voir l'usage de l'espagnol se répandre peu à peu. Désormais aucun Indien
policé ne peut exercer de fonctions rétribuées ou publiques, même dans
les villages, sans savoir lire et écrire l'espagnol.
Manille, la capitale des Philippines, est située au bord d'une grande
baie de forme ovale, à l'embouchure de la rivière Pasig, affluent du
grand lac de Bay ou « Laguna », par excellence. La cité proprement dite,
la « Manille murée », profile son enceinte bastionnée au bord du Pasig,
sur l'emplacement de la rive gauche ou méridionale qu'avait choisi Lopez
de Legaspi, en 1571, pour en faire le centre de la puissance espagnole.
Ville de casernes, de couvents, de constructions administratives, Manille
n'est qu'officiellement le chef-lieu des Philippines; la vie s'est portée vers
les quartiers de la rive droite, que deux ponts réunissent à Manille :
c'est là, surtout à Binondo, à Tondo, à Sampaloc, que se fait le commerce
et que se pressent les Chinois et les indigènes; en outre, des fau-
bourgs s'étendent au milieu des palmeraies sur les deux rives du Pasig.
Ensemble l'agglomération manillaise couvre un espace de 12 kilomètres
carrés. Les conditions hygiéni(jues de Manille sont mauvaises et l'on
s'étonne (|ue la mortalité annuelle n'y soit pas plus élevée. La rivière, dont
les eaux, prises en amont de la ville, servent à l'alimentation des habi-
tants, est remplie de débris que le flux et le reflux promènent entre les
maisons; de longs convois de « quiapo » (pistia xtratiotes) et d'autres
herbes glissent sur le courant et se mêlent aux détritus rejetés par la ville;
les nombreux canaux dérivés du Pasig et se ramifiant en veines et en vei-
nules dans la « Venise tagale » se dessèchent pendant une moitié de l'an-
' Jngor, ouvrage cité.
558 NOUYELLK (JKOii II A l'IllE TNIVERSELLE.
née et leurs vases réjuimleiil une odeur fétide; enliu, les loililicatious de
112. MANILLE.
Est de Paris
Manille, d'ailleurs devenues complètement inutiles au point de vue de la
drlense, empêchent le libre jeu des brises purifianles.
Souvent secouée par des treml)lements de terre, Manille n'a ])oinl d'édi-
I --
MANILLE ET SES ENVIRONS. 561
fices d'un caractère graiidioso, mais elle possède les principaux élablisse-
ments d'instruction publique, ainsi que l'observatoire et l'école de pein-
ture; un petit musée et une bibliothèque publique ont été fondés par la
société des « Amis du Pays », et une promenade assez mal tenue porte le
nom de « jardin botaniijue ». Manille n'a d'importance que par ses fabri-
ques do tabac et par son fommerce général. Comme centre d'échanges, elle
est admirablement située, à l'issue d'une rivière navigable et d'une mer
intérieure qui lui assure les produits de toute une province, et sur une
vaste baie de 200 kilomètres de pourtour, où les flottes réunies du monde
trouveraient [)lace; un canal facile à creuser mettrait Manille en commu-
nication par bateaux à vapeur avec les villes du littoral océanique, sur la
« contre-côte » de Luzon. L'entrée de l'immense rade est en parlie cou-
verte par la masse volcanique de l'île du Corregidor, et |)eii(lanl la mous-
son du sud-ouest, lorsque la houle pénètre dans la rade, les navires de
500 tonneaux peuvent mouiller dans l'estuaire même du Pasig, à l'abri
d'une longue jetée, tandis que les petits bâtiments de guerre vont ancrer,
à 13 kilomètres au sud de Manille, dans l'anse de Cavité, que défend
contre la vague un long promontoire sablonneux, dit le carit ou « hame-
çon », d'oi!i le nom de la ville'. Bientcjt un nouveau port, appuyé sur la
jetée méridionale du Pasig, devant la Manille murée, recevra les plus grands
navires dans ses bassins. Au point de vue du commerce général, Manille
est aussi très heureusement placée : elle commande toutes les routes de
navigation entre le détroit de la Sonde et l'estuaire du Yangtze kiang.
Avec quelque exagération, Lapérouse disait de Manille qu'elle occupe la
meilleure position commerciale du monde entier. On sait qu'elle fut jus-
qu'en 1811 le point d'attache du trafic de l'Espagne avec ses colonies amé-
ricaines.
Des omnibus à vapeur relient Manille au bourg de Malabon, situé
comme la capitale sur le rivage de la baie et à l'embouchure d'une rivière :
c'est là que se trouve la plus grande fabrique de cigares des Philippines,
occupant parfois jusqu'à 10 000 ouvrières. Au point de vue industriel,
Malabon est une dépendance immédiate de Manille, de même que la riche
ville de Bulacan, située un peu plus au nord, sur un arroyo du fleuve
Pampanga qui se déverse dans la baie : un bateau à vapeur la met en
relations journalières avec la capitale. La place forte de Cavité, au sud,
est aussi dans le cercle d'attraction de Manille, comme avant-port, arsenal,
chantier cl ville de fabriques : c'est de toutes les cités |ihilippines celle qui
* Marlinez de Zuùiga, Philippine Islaiitls.
XIV. 71
562 NOUVELLE GÉOGR'AîUlE' UNIVERSELLE.
rappelle le mieux l'Espagne par la consti'uction de ses édifices; dans le
voisinage, le bourg d'Indan recueille le meilleur café des îles. Les deux
pueblos de Pasig el de Pateros, situés sur la lagune de Bay, à la sortie des
canaux qui forment le Pasig, doivent être également considérés comme
des marchés extérieurs de Manille : sur plus de .") kilomètres on ne
voit au bord du fleuve que des parcs aquatiques pour les canards (pii
servent à l'approvisionnement de la ville : on les nourrit de coquillages
(jue les bateliers vont chercher par milliards dans la rade; le couvage se
fait artificiellement dans ce bourg si bien nommé Pateros ou <t Éleveurs
de Canards »\ La lagune de Bay a pris son nom d'nn village situé sur la
rive méridionale de celte mer intéi'ieiire, près de la région volcanique des
thermes; le chef-lieu de la province, Santa-Cruz, est bâti au nord-ouest
sur la même rive du lac. Un autre cher-lieu de province, Moron. est, sur
une des baies du nord, l'un des ports riverains de la « Lagune ». Sur la
rive méridionale jaillissent l(!s sources thermales des Banos, fréquentées
par les haliilants de Manille. La ville industrieuse de Lucban, oîi l'on
fabrique surtout des chapeaux, est située snr le versant méridional du
bassin de la Lagune, près du volcan de San-Cristobal. C'est un des sites
les ])lus |)illoresques de Luzon, avec fontaines, grottes et cascades.
La puissante rivière de Pampanga, afiluent septentrional de la baie de
Manille, a j)lusieurs villes populeuses dans son bassin. Gapan, près de
laquelle sont des gisements d'or et de houille, est une ville considérable de
la province de ÎN'ueva-Ecija, plus importante que son chef-lieu, le bourg de
San-Isidro : c'est une des régions philippines qui ont le plus souffert des
secousses terrestres en 1880, et de vastes étendues, au bord du fleuve et
des rivières, ont été fissurées de crevasses découpant toute la campagne en
blocs réguliers. Plus au sud est un auti'e chef-lieu, Bacolor, (pie les Espa-
gnols des Philippines choisirent momentanément pour la capitale de leurs
possessions, lorsque les Anglais se furent emparés de Manille en 1762. Les
bateaux à vapeur qui vont et viennent entre Manille et le bas Pam])anga
s'arrêtent à l'escale de la Guagua, en aval de Bacolor. Une autre ville, à
l'est, Calumpit, est un centre de commerce agricole, situé dans la cam-
pagne la plus fertile de l'archipel, au confluent des rivières Pampanga
et Quingoa.
En face de Manille, sur la rive occidentale de la baie, se montre une
petite cité maritime, Balanga, qui fait un certain commerce; puis, au
tournant de la presqu'île ipii forme la baie de Manille, le pelil port bien
' José Mouloro v Vidiil, El Ariliipidinjo Ftlipimi.
MANILLE, LINGAYEN. 5CÔ
alirik' ili' Marivoles e:^t domino par le volcan de son nom. Au delà, (hM'endu
par les proniomoires méridionaux de la sierra de Zambales. s'ouvre le
port de Subij;-, que l'on dit èlre le plus sûr des Philippines, mais ([ue des
iiionls d'accès difficile enlourenl de trois côtés. Plus loin, Iba, cliel-lieu
de la province, n'est ipi'uii liour^f situé sur une crique périlleuse. Mais sur
N» m. — i,NviiiiiN~ m: sjami.li:.
f:stde
\ ■ :oo 000
le revers des montagnes de Zambales, dans la giande baie de Lingayen, se
succèdent d'excellents ports, notamment celui de Suai, défendu au nord-
est par une corne de rochers; récemment ouvert au commerce internatio-
nal, il n'est pourtant guère visité (jue par les caboteurs : les montagnes des
alentours et le manque de l'outes empêchent le trafic de se porter vers
celte partie du littoral, l.a ville populeuse de Lingayen est située entre
564 NOUVELLE CÉOGRArillE IMVERSELLE.
Suai cl le havre de Dagupan, sur uu des bras du delta de l'Agno (iraiide,
fleuve qui comprend dans son bassin les trois provinces de Beni;uel, de
Tarlac et de Pangasinan. Dans l'intérieur de ce bassin la ville principale
est San-Miguel de Camiling, située sur les conlins de |i()[iulalions parlant
des langues diverses, Pampangos, Uocanos et Pangasinanes.
Au nord, des bourgs considérables, Sanlo-Tomas, Aringay, San-Fernando,
se succèdent sur la côte, puis la cité de Vigan, liàtie comme Lingayen
sur une bouche fluviale, dans le delta de l'Abra. Laoag, située j)lus au
nord, près de l'angle nord-occidental de Luzon, est la deuxième ville des
Philippines par le nombre des habitants, (puiifju'elle ne possède point de
port et n'ait d'autres richesses que les produits agricoles de sa plaine peu-
plée d'ilocanos. Mais au delà le littoral de Luzon est presque désert : c'est
du côté de l'ouest, regardant vers l'Asie, que se presse la [)opulation et
que se trouvent les centres de culture. Tuguagarao est la seule gi'ande
ville riveraine du Cagayan, le fleuve le plus abondant des Philippines;
plus bas, sur le même cours d'eau, est la ville de Lallo, l'ancienne iSueva-
Segovia, qui a [)ris de l'importance dans ces dernières décades, comme
entrepôt du meilleur tabac de l'archipel : elle a pour port le mouillage
d'Aparri, sur la rive orientale de l'estuaire du Gagayan. Au delà, il faut
suivre les rivages au nord et à l'esl de Luzon sur un espace de plus
de 700 kilomètres avant do trouver un port côlier, celui de Binan-
gonan, situé à peu près sur la contre-côte de Manille, en face de l'île du
Polillo. Les îles Babuyanes et Batanes, [)arsemées au nord de Luzon, dans
la direction de Formose, sont presque toutes inhabitées. Elles sont pour-
tant bien placées au bord d'un passage océanique fréquenté par les marins
qui naviguent entre Hongkong et Sydney : cette voie maritime, qui passe
en dehors des archipels, est plus longue, mais plus sûre que celle du dé-
troit lie Toi'res et des manches de l'Insulinde.
Au sud de Manille, le bourg de Marigondon, le premier (pie déj)assent
les navires après avoir pénétré dans la halo, est habité par des Tagal et les
descendants d'immigrants de Ternate venus au milieu du dix-septième
siècle : elle est entourée des campagnes les plus riches, de même que les
villes de Barayan et de Taal, situées au bord d'un golfe bordé de terres
nouvellement formées et composées de cendres volcaniques. La baie qui
s'ouvre plus à l'est baigne des rives encore mieux cultivées, et c'est au
milieu de magnifiques jardins que se groupent les maisons de lîatangas,
l'une des cités les plus populeuses de l'archipel, qui doit en outre une
importance de premier ordre à sa position près de l'enlrée du détroit de
San-Bernardino, la grande voie commerciale des Philippines entre Luzon,
rà . :
BATANGAS, TAYARAS, ALBAY. 507
l'orohipol (les Visayas cl Mindanan. Presque en faec de Balanças, sur la
rive seplenlrionale de File Mindoro, s'élèvent en amphithéâtre les mai-
sons de Calapan : c'est autour de cette ville que se groupe presque toute
la population insulaire.
L'isthme étroit qui rattache à la masse de Luzon le groupe des pénin-
sules de Camarines ne pouvait manquer d'avoir des marchés fréquentés
dans le voisinage des deux mers. Au sud est la gracieuse ville de Tayabas;
au nord, sur une rade bien abritée par l'îlot d'Alabaf, est la bourgade de
Mauban. D'autres lieux commerçants se suivent au bord des golfes de
Camarines; mais la population S(i presse surtout dans la vallée de ce lleuve
Vicol (pii parcourt la région médiane de la péninsule et donne son nom
anx Malais de ses bords. En amont dn lac Batn, la rivière ([ui porle le
nom (le Quinali arrose les campagnes de Camalig, (Juinobatan, Ligao, Oas,
Polangni, Libong, tous villages peuplés chacun de plus de douze mille
habitants et séparés à peine par un espacede 2 à o kilomètres'. Kii aval du
lac. Balu, le Yicol. d(nenu navigable, baigne plusieurs autres villag(>s.
passe non loin de Nabua, puis à Xaga ou Nueva-Caceres, chef-lieu de la
province de Camarines-Sur, et se déverse dans la baie de San-Miguel,
devant la place forte de Cabusao ; à son embouchure le fleuve est parfois
désigné sous le même nom (jue la vilbî gardienne. A une petite distance,
près d'une crique du littoral, se trouve Daet, capitale de la province du
nord de Camarines.
Albay, autre résidence d'alcalde mayor, occupe une position charmante
au pied du volcan superbe de Mayon : de même que sa voisine Daraga, elle
est entourée de palmeraies et de vergers qui ceignent d'une zone ver-
doyante la masse aride de la montagne toujours fumeuse. Daraga, officiel-
lement désign('e du nom de Cagsaua, remplace une ancienne ville de cette
appellation (|ui s'éb^vait plus haut, sur les |)remières pentes du volcan, et
que détruisit l'éruption de 1814. Le port d'Albay et de Daraga est la petite
ville de Legaspi, malheureusement exposée à toute la fureur de la mous-
son du nord-est; en hiver, elle C(^sse (rexpédi(n' le u chanvre de Manille x,
qui (Constitue la part la plus importante de son commerce, et le mouvement
des échanges se fait alors par le port de Sorsogon, situé de l'autre côté d'un
isthme, sur une baie de la c(Ue occidentale : d'une saison à l'autre les deux
ports se complètent. En outre, la province d'Albay a (juelques havres de
moindre trafic :Tibi et Tabaco, au nord d'Albay, et au sud Bulusan, dont
les maisons se montrent sous les cocotiers, à la base orientale de son volcan.
' Jasor. ouvr.Tsro cif(''.
5A>I\H ET LT.VT( .
568 NOUVELLE GÉOGRAPHIE l'MVERSELLE.
L'ile de Samar, qui conlinue au sud-ost la péniusuli' de Cauiariues, m a
poiut de tiraiides villes : la plus considérable, Guinan, près de i'exlré-
niilé méridionale de
l'île, est entourée de
vastes forêts de coco-
tiers, dont les noix ser-
vent à la fahricalion
de l'huile ; la bour-
gade de Borongan, sur
la cote tournée vers
le drand Océan, pos-
sède à elle seule plus
de 120 000 palmiers
en pleine production',
(latbalogan, capitale de
Samar, bâtie sur le lit-
toral de l'ouest, est
presque sans Iraiie, les
navires ne s'engageant
qu'avec péril dans les
chenaux de la rade,
entre les récifs et les
îlots. Le port principal
de l'ile Leyt(>, qui en
est aussi le chef-lieu,
Tacloban, est la ville
lie ces parages qui a le
]dus grand mouvement
d'échanges : elle com-
merce directement avec
Manille. En face de Ta-
cloban, un autre port,
Basey , appartenant à
l'île Samar, se trouve
sur les bords du charuiani d('[r(iil de San-.lnanitd, mm loin de l'entrée
méridionale de ce fleuve marin. La voie tortueuse, longue d'une quarantaine
de kilomètres, tantôt se resserre en défilé, tantôt s'élargit en lac; en certains
D'Après, divers doci
\ : 2KOnf>00
Jagnr. uuvrage cité.
ILKS DES VISAYAS. 569
oiuiroils elle a seulemonl (jiiohjues centaines de mètres entre les rives.
De part et d'autre la forêt vierge s'étend jns(iu'au bord, interrompue seu-
lement par des villages, des groupes de cocotiers, des clairières cultivées;
des îlots de corail, soulevés de quel(jues mètres au-dessus des eaux,
reflètent leur masse blanche dans le courant que pousse le flux ou le reflux :
i'h et là se montrent des falaises pittoresques, percées de cavernes où jadis
les insulaires déposaient leurs morts. Les bateliers s'en approchent en
tremblant et ne continuent leur route qu'après avoir fait des offrandes aux
mànt's des aïeux. C'est dans les environs de Basey que croît en plus grande
abondance la plante vénéneuse dite « fève de Saint-Ignace » {^tryclnioa
i(jnall(i ainara). Un arbre de l'espèce dklerocarpm fournil aussi une huile
résineuse, le halao ou mnhipajo, très appréciée par les constructeurs pour
préserver le fer de la rouille.
Une petite île, presque un îlot, lîomblon, pourrait prétendre à être le
Delos des Cyclades Philippines, car elle se trouve à peu près au centre géo-
graphique des îles, dans une mer assez étendue qu'un cercle de terres
environne en entier. Mais pour le nombre des habitants et l'importance du
trafic le véritable milieu des Philippines est l'île de Panay, la plus popu-
leuse de l'archipel en proportion de son étendue. Les villes y sont nom-
breuses : Capiz est située sur la côte du nord, à l'embouchure d'une
rivière qui porte le même nom que l'île, et qui arrose les campagnes d'une
antique bourgade appelée aussi Panay ; sur la côte occidentale, une nou-
velle capitale de province, San-José de Buenavista, et un ancien chef-lieu.
Antique, se regardent par-dessus les eaux d'une baie et servent de ports à
la cité de Sibalon, qui se montre sur les premières pentes. Au nord-est de
l'île, la princi|)ale ville est la Concepcion, tandis qu'au sud-est s'ouvre
entre Panay et une autre île, celle de Gnimaras, le détroit bien abrité
d'Ilo-Ilo, empli de navires, caboteurs et longs courriers, ceux-ci mouillés
en dehors de la barre. Après Manille, Ilo-Ilo est le port le plus fréquenté
des Philippines : ouvert au commerce extérieur, il a pris aussitôt une part
considérable à l'exportation du sucre et d'autres denrées coloniales, des
tissus d'abacâ, des fruits, des légumes, et à l'importation des marchan-
dises européennes et chinoises'. A une petite distance au nord d'Ilo-llo
s'élève le faubourg épiscopal de Jaro.
La caj)itale de Negros est située sur la côte de cette île la plus rappro-
chée d'Ilo-Uo. Ouoiquc cette dernière soit le marché central de tout l'ar-
' Viileui' moyenne des écliangi'S à lIo-llo ; Ki inilllniis du francs.
Mouvement de la navigation, à l'enlréo et à la sortie, en 1887 :
m navires, jaugeant '164 445 tomies.
xiï. 72
570
NOUVELLE CÉOCRAPlllE LMVEMSELLE.
chipel de Visayas, le lilro do chef-lieu a élé donné à la ville de Cebi'i, la
capitale de l'ile du même nom, proljablement en raison de l'antiquité de
N" 115. aO-ILO ET IlÉTnolT nï GGIMARAS.
I90*40-.
D après divers documents
ûcOà/0'
1 : 650 ntio
sa fondation, (l'est le eon([U(''i-aiit Lej^aspi ipii en bâtit les premiers édifices
en 1571 et la mil sous le vocable de Santu N'mnbre de Jésus. Déjà cin-
quante années auparavant, Magalhàes avait déliarqué dans celte partie de
l'ile, et c'est précis(''menl en face, dans l'ilul de Maclan, ipi'il tniuva la
ILES DE CEBÛ ET DE MINDAKAO. 571
mort. Celn'i fut, comme Ilo-Ilo, ouverte au commerce du monde en 1863:
on avait Uni par comprendre (|ue les jurâtes de Jolô et de Mindanao,
qui infestaient les parages méiidionaux des Philippines, pourraient se
transformer en de paisibles marins si on leur facilitait les moyens de ga-
gner leni- vie par le transport des marchandises ; mais là aussi les prin-
cipaux intermédiaires des échanges sont des (]hinois. Cehù expédie les riz
de l'anay, l'ahacâ de Leyte, la cire, le roliu et la nacre de ^lindaiiao, les
sucres et les tahacs que lui envoient Tnghilaran et Maribojoc, la ca])itale
et la principale ville de l'île Dohol ; elle possède aussi dans le voisinage
(les couches de houille d'une lionne (pialité, que l'on hrùle d'ordinaire
en la mélangeant à des charbons anglais'. Cependant les privilèges de
Cebii ne lui ont pas donné le premier rang parmi les agglomérations
urbaines de l'île.
La grande île de Mindanao, encore habitée dans presque toute son éten-
due par des populations indépendantes, n'a d'établissements espagnols que
sur quelques points du pourtour, éloignés les uns des autres. Misamis,
sur un port naturel de la côte septentrionale que domine à l'ouest la masse
imposante du Malindang, et dans le voisinage d'alluvions aurifères, d'ail-
leurs inex[)loitées, est un des pueblos ({ui paraissent avoir le plus d'ave-
nir; Butuan a l'avantage d'être située sur l'estuaire du grand fleuve A gu-
san; Surigao, à la pointe septentrionale extrême de l'île, commande le
principal détroit qui s'ouvre à l'est vers le Grand Océan; Bislig, vers le
milieu de la côte orientale, possède un excellent port sur un littoral battu
de vagues terribles pendant une moitié de l'année : c'est le seul mouillage
sûr de la côte au sud de Surigao. Dans la grande baie de Davao ou de
Tagloc. ouverte au sud-est de Mindanao, le pueblo de Vergara, appelé
aussi Davao comme le golfe et la province, est un établissement de fonda-
tion récente, dont les premiers habitants furent des militaires et des for-
çats. Plus à l'ouest, dans la plaine féconde que parcourt le rio Grande et
où se trouvait autrefois Bouajang, le centre du puissant empire de Magin-
danao, les bourgs de Cotlabato et de PoUoc sont des groupes de raxchus :
c'est près de laque les missionnaires ont établi le siège de leur propagande
dans la région païenne de Mindanao. Enlin, le poste principal, Zamboanga,
situé à l'extrémité même du promontoire sud-occidental de l'île, est une
véritable ville, d'ailleurs de fondation déjà ancienne : elle date de 1655; les
Espagnols avaient placé leur poste d'attaque contre les pirates précisément
• Mouvomont de la navigation à Coln'i, à IV'iitrce ol à la soiiio, on 1887 :
40 navires, jaugeant 45 915 tonnes.
bl-2 -XOLVELLi: C.Edl.llAI'llll-: LM\ EliSELLE.
au centre de la région marilinie la plus infestée par eux. L'un des porls
de cabotage les plus actifs, Zamboanga exporte le meilleur café de l'archi-
pel ; quoique bâtie dans une plaine basse coupée de marais saumàtres, au
pied de montagnes boisées, la ville est remarquablement salubre : elle est
même réputée la plus saine de toutes les Philippines'. Ses habitants,
presque tous métis, sont fiers de leur origine espagnole, et parlent le cas-
-N" ue< — AitciiiPKi, Ht joLu.
Est de Par-,
/^ro^on^ei^f~s
1 2 5S0 000
tillan avec une grande pureté. Au siècle dernier, Zamboanga disparut sous
une pluie de cendres rejetée d'un cratère voisin.
Les « îles des Pirates >', désormais annexées à l'empire colonial de l'Es-
pagne, ont chacune leur poste d'où une garnison de soldats et de marins
surveille les mers avoisinantes. A Basilan, où les Français firent en
1845 une expédition de guerre pour venger le meurtre de matelots, le
gouvernement des Philippines, craignant qu'une garnison française ne
s'y établit à demeure, a voulu faire acte de possession eu fondant la ville
' Muntauo, oiivnigi' cité.
MINDANAO, ARCHIPEL DE JOLO. 573
d'Isnlji'lla, qui, grâce à son excellent port, situé en face de Zamboanga,
paraît devoir prendre un jour (pielipie importance; mais elle est encore
d'une extrême insalubrité: les forçais envoyés par centaines pour débrous-
ser le sol aux alentours de la ville naissante sont tous morts à la tâche.
L'antique cité de Jolé ou Sulu, bàlie en amphithéâtre vers la pointe occi-
dentale de l'île du même nom, est aussi devenue espagnole depuis 1876, et
le descendant des sultans fameux qui commandèrent dans tout l'archipel
des Pirates et au nord de Bornéo, n'est plus qu'un humble pensionné du
gouvernement des Philippines. La ville a perdu toute industrie et les fa-
meux /.Tm de Jolô ont été remplacés par des armes de fabrication anglaise
et allemande ; de même l'agriculture est ruinée, les cultures sont retom-
bées en friche. Deux autres postes, dont les garnisons sont également
composées de soldats disciplinaires, surveillent les mers occidentales :
Tay-tay, situé à l'extrémité septentrionale de la Paragua ou Palauan, au
bord d'une baie bien abritée, et Puerto-Princesa, sur un magnilique
havre naturel de la côte orientale. Les tribus païennes des Tagbanuhoy,
d'origine malaise, habitent les forêts, dans le voisinage immédiat de la
forteresse. Les montagnes de l'intérieur sont parcourues par les Balac,
que l'on croit être des negrilos.
L'île de Balabac, qui fait face à l'archipel bornéen de Banguay, a [tour
capitale un simple village qui fut naguère un lieu d'internement pour
les condamnés indigènes. Quant aux îlots qui parsèment à l'ouest les eaux
de la mer de Chine, ils ne sont point habités*.
Les Philippines sont gouvernées à Madrid par la Couronne et les Cortès:
suivant les oscillations de la politique péninsulaire, les décrets et les
l'èglements relatifs aux possessions coloniales de l'Extrême-Orient en mo-
dilient le régime administratif, mais sans changer beaucoup au fond des
' Villes principales des Philippines ayant plus de 10000 luibilants, avec leur banlieue, en 1S80 :
Lucban lôOOOhnli.
Caluuiiiil (Panipangal {'2 500 »
Bacoloi- .1 12 000 .)
LUZON.
Manille « murée », avec faubonrgs. ToO 000 liab
Laoag (lloeos Norte) _. 56 000 »
Batangas (Batangas) 55 000 »
Tayabas (Tayabas) 25 000 »
Lingayen (Pangasinan) 25 000 n
Tuguegarao (Cagayan) 21 000 »
Daraga (Albay) . 20 000 »
Vigan (Ilocos-Sur) 18 000 »
Gapan (Nueva-Ecija) 18 000 »
Albay (Albay) 15 000 »
Bidacan (Bulacan, Luzon). . . . 11 JOO d
VISAÏAS.
llo-llii (llo-llo, Panav^ 24 000 bab.
Capiz (Capiz. Panay) 25 000 »
Sibalon (Antique, Panay) . . . . 15 000 »
Tagbilaran (Bohol). ..".... 12000 »
Cebù (Cebù) 10 000 »
574 NOUVELLE GÉOGRAPUIE UMVERSELLE.
choses : le petit nombre des Espagnols, comme perdus au milieu d'un
monde étranger, ne leur permet de modifier qu'avec de grandes précau-
tions les traditions de gouvern(!ment.
Le chef suprême de la colonie, ayant titre de gouverneur général, com-
mande les forces de terre et de mer et administre directement l'île de
Luzon;le groupe des îles Yisayas et Mindanao est placé sous l'autorité
d'officiers généraux subordonnés. Un conseil d'administration, composé de
notables nommés par le pouvoir, siège à côté du gouverneur et l'assiste
dans ses fonctions ; en outre, quebjues grands dignitaires, le secrétaire du
gouvernement, le chef d'état-major, le directeur des finances et celui de
l'administration civile, constituent une sorte de ministère, irresponsable
si ce n'est devant le pouvoir. Le gouverneur général est considéré comme
« vice-patron » de l'Eglise.
Les trois gouvernements de Luzoïi, Yisayas et Mindanao, se divisent en
provinces, administrées soit par des gouverneurs militaires, soit par des
alcaldes civils, qui sont en même temps juges en première instance au
civil et au criminel. Dans la plupart des provinces de Luzon, c'est le ré-
gime civil qui prévaut; mais le régime est strictement militaire dans l'île
de Mindanao et même dans les Yisayas, où pourtant la po[)ulation, entière-
ment policée, est beaucoup plus nombreuse (jue dans les autres provinces
et presque aussi pressée que dans les pays industriels de l'Europe occiden-
tale. Chaque province est divisée en pueblos. terme i|ui désigne à la fois la
circonscription cantonale et son chef-lieu; aussi qucbjues-uns de ces «vil-
lages » ont-ils une population considérable, de dix, quinze ou même vingt
mille habitants : tels sont les pueblos des alentours de Manille, de la par-
tie méridionale de Luzon, de Panay et autres îles des Yisayas, et chacun de
ces districts est administré par un (jobernadorcillo ou « petit gouverneur »,
qui délègue ses pouvoirs à des tenientes ou « lieutenants » placés à la tète
de chaque village ou hameau du ])ueblo. Tandis que les hauts fonction-
naires sont exclusivement des Espagnols envoyés par la mère patrie, la
hiérarchie administrative des pueblos eijt composée de métis ou d'indi-
gènes, élus j)our trois ans par leurs concitoyens notables. Les goberna-
dorcillos, appelés aussi capitaines, sont à la fois maires et juges, mais on
peut faire aj)pel de leurs jugements devant les alcaldes et devant la cour
suprême, ïaudieticia de Manille. Les « petits gouverneurs » en retraite,
désignés sous le nom de capilanes pasados, jouissent aussi d'une grande
inOuence. Ensemble, les notables des pueblos sont responsables du recou-
vrement de l'impôt, qui s'élève en moyenne à 7 francs 50 pour chaque
individu valide de seize à soixante ans.
GOUVERNEMENT PES ['IIILIPPINES. 575
La collecte de l'impôt, telle est on effet la mission capitale des admi-
istrateurs, el la (axe princinalc a conservé le nom de tributo, comme
N" in. • — BENSITK DE I.A lOPULATION PHILirPINE
Est de Pan;
Ihibilanls par kiloiiiéln> iwm
G g H H
lit- U à i h. lie 1 il 23 h. ,1e ià à lijO li. plus île 100 h.
Chaque cane i-e|iresenlo plus de 1000 liabilauls.
au temps où les naturels des Philip|)ines étaient encore considérés comme
des païens asservis. Ce tribut de capitation, qui fut jadis d'une piastre ou
cinq francs par an, et qui dépasse acluellemenl dix francs, est d'ordi-
576 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
nnire payé pnr famille et founiit les éléments des statistiques sommaires
de la population ; pendant leur domination éphémèi'e, au dernier sièele,
les Anglais l'avaient aboli pour se faire bien venir des indigènes. Outre
cet impôl, les hommes doivent au gouvernement quarante journées de
travail pour la construction des routes ou des édifices communaux; mais
cette corvée, (jui dans un pays de grande activité serait vraiment énorme,
équivaut à peu de chose chez les populations lentes des Philippines, car
chaque indigène peut se racheter de ces polos y servicios moyennant une
somme qui ne dépasse jamais une quinzaine de francs. Les Chinois payent
un tribut sujiérieur, soit 30 francs, réduit de moitié pour leurs métis;
mais les Européens et leurs familles sont exemptés de tout impôt de capi-
talion, symbole d'asservissement. Des contributions prélevées sur les
industries et sur les immeubles, les droits de douane et de navigation, la
poste et le télégraphe, enfin la loterie, la ferme, des alcools, de la marque
des bestiaux el des combats de coqs, complètent le budget des Philippines'.
La culture de l'opium est interdite, mais l'importation en est affermée à
des marchands chinois. Les dépenses annuelles comprennent l'entretien
du corps diplomatique de l'Espagne en Chine et au Japon: il est rare
qu'elles ne donnent pas lieu à un déficit.
La religion de l'Etat, défendue jus(jue pendant le cours de ce siècle
par une rigoureuse inquisition, est le culte catholi(pie, et l'exe-rcice
public de tout autre culte est interdit : une partie du tribut, dite sanclorum,
est strictement réservée à l'entretien du clergé ; en outre, celui-ci a droit à
des rétributions directes dites jyié de altar, les fidèles ayant à les payer
au « pied même de l'autel «. Le clergé séculier espagnol, composé d'un
petit nombre d'ecclésiastiques, réside principalement à Manille, la cité
archiépiscopale, et dans les trois évèchés de Nueva-Caceres, de Jaro et de
Cebii. (Juant aux puehloa, ils sont desservis soit par des j)rètres indi-
gènes, soit par des Espagnols du clergé régulier, appartenant à l'ordre
des Augustins, le plus riche el le plus puissant de tous, à ceux des
Dominicains, des Récollets, des Franciscains et des Jésuites, toutes
communautés qui sont établies dans l'île depuis la conquête : d'après
leurs règles, ces missionnaires doivent séjourner dans les Philippines
au moins dix années, el presque tous y restent sans espoir de letour
dans la mère patrie. D'ailleurs ils sont peu nombreux : l'ensemble
' Budget des l'hilippines en 1886 :
Recettes 57 SOU 000 francs.
Dépenses 58 125 000 »
(.(MVKHNEMENT DES I'IJILIIM'IM; S. j77
(lu clergi'' dans les IMiili|i|)iiics n'alloiiil ])as même 1200 personnes'. Les
grands séminaires des diocèses formenl le clergé indigène.
J/inslruction [)nljli(|ue, ohligaloire dans les régions policées de l'ar-
chipel, est sons la surveillance des prêtres, (pii ont établi dans presque
tous les pueblos des écoles primaires mixtes ou séparées pour les garçons
et les filles : tons les enfants apprennent à lire et à écrire l'espagnol, ou
(In moins à le copier. (Jiioi(|ue cette langue s'oublie généralement au
sortir de l'école, elle devient peu à peu l'idiome policé et, à moins de chan-
gements polititpies, elle Unira certainement [lai' l'éduire les parleis indi-
gènes à la condition de patois. Quelques écoles normales, à Manille et dans
les provinces, forment les instituteurs indiens. L'enseignement secondaire
comprend deux collèges, dirigés l'un par les Dominicains, l'autre par les
Jésuites. (Juant à l'université « pontificale de Sanlo-Tomas », fondée en
16i5 et toujours conli(5e à des professeurs ecclésiastiques pendant les deux
si('cles et demi de son existence, elle est surtout une école de tlu'ologie :
cependanl elle donne aussi des cours de science et de médecine et
dipbune des officiers de santé, des pharmaciens et des sages-femmes.
La censure défend l'importation de la plupart des ouvrages scientifiques
et littérain^s de l'étrangvr : encore en l'année 1882, les ouvrages de Ber-
nardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie et la Chaumière indieHiie, ont
été spécialement défendus. Les huit ou dix journaux espagn(ds et le
journal tagal sont également soumis à la censure (^cclésiasti((ue. En
1882, le nombre des lMiilip[)ins abonnés aux journaux était seulement
de 3500 ^
Le noyau de l'aroK-e philippine se com|K)se d'environ 1 4^)0 i' Péninsu-
laires )', formant un régiment d'arlillerii; : à elle seule, celte petite troupe
constitue le cinquième de l'armée, qui comprend en outre près de 6000 in-
digènes. Proportionnellement à leur étendue et à leur [io|)ulation, les
Philippines n'ont donc pas une force armée plus eonsidérable (|ue l'Insu-
linde néerlandaise, et leurs garnisons sont très inférieures à celles de la
France auTonkin'; au point de vue militaire. rarclii|)el espagnol ne saurait
se comparer à l'empire du Japon, son plus proche voisin du nord : en
cas de guerre, le péril serait pour la puissance européenne. Le recrute-
ment des corps indigènes se fait par voie de tirage au sort et le service
dure huit années; le remplacement est autorisé, et, grâce à l'état général
de paix, le « prix " d'un homme est peu élevé, de 200 à 250 francs dans
1 l'atiicid lie l;i t^sciisiirii. Mi'iiiurùt subre Filipinas y Jolô.
'■ Fr. Jav. itc Mijya v Jimciioz, Las islas Filipinas en 1882.
■* .Monlanii, ouvrage cité.
XIV. 73
:.78
NOUVELLE GEOGRAPHIE LMVERSELLE.
les plus riches provinces. Des milices de cttail ri lieras soni appelées (picl-
quefois à faire un service local.
La marine, d'une vingtaine de petits bâtiments, corvettes, avisos, canon-
— niviMdNS rnoviNciALts iie l \nciiirti. iiks riiiLirriNE^
Est de Pans
Est de C-eenvvich
nières, est montée par 2000 hommes environ, dont le poste central est de-
vant l'arsenal de Cavité, en vue de Manille, où résident les cliefs militaires
el où se trouve la principale garnison. Après Manille et Cavité, les lieux de
rendez-vous et d'occupation les plus importants ^ont Lingayen, sur la côte
(iOrVERNEMEM DKS l'IIILH'I'IM' S.
^79
scpteiiliiiiiiiile de Luzoïi, Zaniljoano.i cl Polloc, dans Mindaiiao, Isalic!;;,
Jolô, l'iicrto-Princesa, dans les îles du sud. Seulement sept porl'^ des Phi-
lippines sont ouverts au commerce étranger : trois dans Luzon, Manille,
Lcgaspi et Suai, quatre dans les îles du sud, Taeloban, Ilo-llo, CeLi'i
et Jolô.
Le laltleau suivant donne la liste des 54 provinces |ihilippincs, avec leur
régime administratif, leur superficie et leur population probables, d'après
les évaluations les plus récentes :
c ,ivli;m;-
Mli.VTS.
1
PROVINCES.
CAPITALES.
IlEGIME.
MPEBFICIE
i:\ KIL. CARRÉS
POPULATION-
l'Cll'.
KILOM.
1
Maiiila.
Manila
Civil.
855
524 567
:.8l
2
Cavité.
Cavile.
Militaire.
1 112
()9 794
(i2
3
Laguna.
Sanla-Cruz.
Civil.
2 258
141 900
(C)
i
4
Morong.
-Mûiong.
Militaire.
1 740
48 665
28
5
liulacaii.
Biilacan.
Civil.
2 423
264 575
109
6
Panipanga.
Bacdb.r.
1)
•1 176
207 205
95
7
Balaan.
Balança.
11
1 448
49 275
54
S
Zambales.
Iba. '
,)
5 055
fcO 250
16
9
Tailac.
Tailac.
Militaire.
1 627
57 715
55
10
l'angasinan.
Lingayen.
Civil.
4 566
252 892
58
il
La Union.
Saii-Feiiianilo
Militaire.
1 074
115 911
108
12
lîonguet.
La Trniiilad.
»
5 007
9311
5
15
liocos-Sur.
Vigaii.
Civil.
2 285'
M 4 675
h
1-i
llocos-Norto.
Laoaiig.
0
5 587
14S20i
H
15
Allia.
Bangueil.
Militaire.
2 825
57 791
15
16
Cagayan.
Tuguegarao.
Civil.
1 1 yOb
70 881
6
LczoN . . .
17
lialanes (iles)
San-Domingo.
1)
550
iOO
1,5
18
Isabela.
Tumanini.
Militaire.
11 178
59 591
5,5
19
Bontoc.
Bnnioc.
»
5810
7 757
0.5
20
Lepanto.
Lepanto
II
1 055
18 009
4
21
Principe.
Baler.
)i
5 245
5 208
1
22
Nueva-Vizcava
Bayombong.
Militaire.
7 3'45
2i557
i
25
Nueva-Ecija.
San-Isidio.
Civil.
7 929
92 970
12
24
Infanin.
Bniangonan.
Militaire.
2 175
8 485
4
25
Balangas.
Balangas.
Civil.
5 555
508 110
;'.7
20
Tavabas.
Tayabas.
„
5 275
103 310
20
27
Caniarines N.
Dact.
,)
2 874
29 009
iO
28
Cainariiies S.
Nueva-Caecres
1)
5 660
88 712
16
29
Albay.
Albay.
1)
4 592
245 972
,-.4
51)
Mindoi'o (Ile)
Calapan.
Civil.
11075
57 648
5
51
Bunas (île)
San-Pascual.
Militaire.
495
52
Masbate (île)
Masbalo.
9
5 452
41000
8
1 55
Rurablon(iles)
Rnuiblnn.
>■>
1 558
\
osn
NorvEi.LK (,i:oi;i;ai'Iiii; rM\ ki;ski.i.k.
liorvEnNE-
1
PUP.
_c
pnovrscb:~.
CAPITALES.
RÉGIME.
SCPERFICTE.
POITLATION.
V
KILOM.
i
Cebù (ile).
Cebû.
Militaire.
iC97
518 052
HO
2
Leyic (ile).
Tacloban.
Il
7 925
278 452
55
5
Samar (ile).
Catbalogan.
11
15 580
185 000
14
4
llo-Ilo.
llo-Ilo.
1,
5 105
500 000
97
VlSAYAS . .
5
Concepcion.
(Concepcion.
»
501
27 000
48
1 ^•
Antique.
San-José.
»
2 974
100 000
55
f 7
Càpiz.
Câpiz.
)i
5 800
197 000
51
8
INegi'os.
nacolod.
11
12 098
220 000
19
'
0
Bohol(ilc).
Tagbilaran.
))
4 124
277 587
07
i
Misamis.
Misaniiii. 1 1
50 455
1
1
2
Surigao.
Suiigao. )
Davao.
Bislig. >
57 225 i
-l
Bislig.
A'ergara. )
1
050 000
0.5
j
''
l'olloc.
Cottabalo.
Polloc. )
Collabali). )
25 455 '
(i
Zaniboanga.
Zaniboanga .
11
6 855
1
^
Basilan (ile).
Isabela.
11
1285
000
0,5
'■
«
Jolo (archip.)
Jolo.
»
2 450
100 000
41
l'iKiviNr.rs
1
Ciilaniianes.
Tay-Tax . i
III .-.00 i
')
l'ueilo l'rincesa
Pi-incesa. { »
li481
12 0110
-'
AriJAr.KMES.
l
Balabac.
Balabac. )
i
800 \
Los .M;iriaiiiifs, les Carolincs el les i'alaos, loiilcs ■ petites Mes -, d'oii
letif nom de Mici'onésie, sont eonsidérées offieiellenieiil eoiniiie dans la
dépeiidaiiee administrative des Philippines, finoicjiie la pln[iai'l de ees
toi Tes. seulement connues des matins et des traitants, n'aient eiicoie reçu
la visile d'auenn personnage officiel.
CHAPITRE V
MICRONESIE
MARIANNE?
l'i>lili(|ii('m(M)l unies aux l'liili|>|>in(_'s (lc|)nis [dus de deux siè(des, ces
iles leur sont égalemetil associées dans l'Iiisloire des navigations. C'est le
premier archipel que renconlra Magalliàes en 1521 dans son voyage, el
c'est de là tju'il cingla pour atteindre, dix jours après, l'ile philippine de
Cebû et cet îlot de Mactan où il devait li'ouver la mort. Plus tard, (piand
les Espagnols se fureni emparés des Philippines et ([u'ils eureni élahli
le va-et-vient régulier de leurs galions à travers l'océan Pacifique, l'ile de
(iuam, dans les Mariannes, fui le lieu d'étape obligé des marins entre .Ma-
nille et Acapulco; enhn, (piand In population primitive des Mariannes enl
presque complètemenl disparu, des immigrants des Philippines vinrent
combler les vides, apportant de leur pays des plantes, des mœurs, une
langue nouvelles. Le nom d' « archipel des Larrons >. {Ladrones) que Ma-
galhàes donna aux îles découvertes pai' lui ne leur est pas resté; de même
que les Philippines, elles doivent à la llallerie leui' appellation usuelle, dé-
cernée en l'honneur d'une reine d'Espagne, Marie-Anne d'Autriche, femme
de Pliilip|ie IV. Après le nom de Magalhàes, les Mariannes rappellent ceux
des navigateurs qui les (Uil explorées (hqniis : Anson, B\ron, ^Vallis. de
Ereycinel.
Un espace de 2000 kilomètres sépare la terre des Philippines la plus
avancée vers l'orient de la première île sud-occidentale de l'archipel des
Mariannes, et cet espace est dans presque toute son étendue sans îlots ni
écueils : dans ces parages l'Océan a des profondeurs qui dépassent 2500
582
NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
M" 119. RANGEE DES MARIANN
et 3000 mètres: seulement quelques îlots, entre autres Parece Vêla, « On
dirait une voile )', se montrent au nord de la mer iiiiernirdiaire, à l'aji-
proclie des archipels inéridioiuiux
du Japon, el, vers le sud, d'autres
(erres annoncent la proximité de
l'archipel des Palaos. Une nappe
océanique complètement libre ,
d'environ '200 000 kilomètres car-
rés, limite à l'ouesl la rangée des
Marianiies. Il est certain que ces
îles n'ont aucun rapport de forma-
tion avec les Philippines : elles ap-
partiennent à une saillie terrestre
d'origine différente. La disposition
de l'archipel montre tout il'ahord
une analogie parfaite entre les Ma-
rianncs et les chaînes volcaniques
des lvt)uriles el des îles Aléou-
liennes. Dans leur eiisemhle, elles
décrivent en effet un arc de cercle
d'une étonnante régularité, comme
s'il eût été tracé par un immense
compas reposant |iar sa pointe sur
la côle septentrionale de Luzon.
Les Marianncs sont aussi une ran-
gée (le volcans, dont quelques-uns
sont émergés et dressent leurs
cimes à plusieurs centaines de
mètres au-dessus des eaux, taudis
que d'autres, n'ayant pas atteint la
surface, portent un cliapilcau de
calcaires coralliens qui dépasse le
niveau du Mol. La longueur totale
I; ^lîn kii. de l'arc des Mariannes. dévelop|)é
du nord au sud, est d'un millier
de kilomèties, cl les dix-sept îles ont, avec leurs îlots et leurs écucils, une
superiicie colle('tive évaluée par Agius à 1026, et par Behm et Wagner
à 1140 kilomèti'es carrés. Le banc de Sanla-Rosa, qui continue au sud
l'île la plus graiule, (!uam ou Guahan, comprenant à elle seule prè> de la
C.Ferr(
400Û"' 6000"" e/,-<"~t/a
MARIANNES. 585
moitié de l'espace insulaire, se trouve immédiatement au nord de i'ahîmc
le plus profond de ces parafes (4575 mètres) ; au nord-est de ce creux, les
« fonds du Challenger >>, qui limitent le socle oriental des Mariannes, ont
partout plus de 5000 mètres.
Considérée comme une chaîne de montagnes à demi submergée, la
rangée des Mariannes commence par quelques cimes de basaltes et de tufs
qui s'élèvent à 400 et 5U0 mètres dans l'île de Cuam et en dominent les
plateaux herbeux ou boisés, les plaines de sable ou d'argile, bordées sur
le pourtour par de brusques falaises. Au nord, la chaîne, interrompue
d'abord par un détroit de 50 kilomètres, se relève pour former le mont
Tempingan et le socle insulaire de Rota ou Sarpan, également coupé de
falaises et ceint de récifs madréporiques. Puis viennent Aguijan, la char-
mante Tinian, aux collines doucement ondulées, et Saypan, portant à
son extrémité septentrionale deux volcans éteints. Au delà, les îles sont
de dimensions moindres, mais l'activité volcanique n'y est pas endormie.
Des trois sommets de l'île Anatagan, l'un fumerait encore; Alamagan,
dont le piton est probablement le plus haut de l'archipel, atteint 700 mètres
au point culminant de l'enceinte qui entoure son cratère aux vapeurs
tournoyantes; Pagan, composé de deux îles montagneuses unies par la
base, n'a pas moins de trois volcans, dont un seul est en repos ; les mornes
d'Agrigan sont éteints, tandis que le cône isolé de l'Asuncion (659 mètres),
redressant ses talus sléi'ilcs hors des eaux profondes, est encore fissuré de
quelques crevasses fumantes. Vers l'extrémité septentrionale de la chaîne,
les Uraccas ou Mangas, simples débris de laves, paraissent être les restes
d'une enceinte de cratères marins comme les îlots de Dedica, au nord de
Luzon ; enfin, la borne terminale des Mariannes est formée par le
Farallon dos Pajaros ou « Pilon des Oiseaux », volcan toujours actif, de
400 mètres en hauteur. Dans son ensemble, la rangée montagneuse aurait
encore six foyers brûlants. Ce sont les cônes réguliers des volcans qui
avaient fait donner à l'archipel le nom d'îles des Vêlas Lalinas ou
« Voiles Latines ».
Baignées dans le courant alizé du nord-est, qui se maintient avec une
grande régularité pendant la saison dite sèche, d'octobre en mai, les
Mariannes reçoivent leurs pluies abondantes pendant les quatre mois d'été,
de juin à septembre, alors que le soleil, revenant vers le nord, entraîne
avec lui les vents pluvieux du sud-ouest. Cependant les collines et les
monts des Mariannes recueillent en toute saison une part d'humidité et les
ruisseaux des îles roulent une assez forte quantité d'eau, si ce n'est dans
les terrains poreux, calcaires, coralligènes ou de cendres volcaniques; le
584 NOUVELLE dEOGRAPUIE LMVEliSELLE.
(li'boisomml ii ilimiiiiié le débil iiorma) des pelils cours d'eau et rendu les
crues plus soudaines, les sécheresses plus longues. La lloi'e spontanée,
composée principalement d'espèces appartenant à l'aire asiatique, a été
en firande [lartie détruite, et la plupart des arlires (jui donnent aux pay-
sages leur physionomie actuelle ont été introduits par l'homme. Les cocn-
liers et l'arhre à pain ou rima, qui bordent les plages de la plupart des
îles tropicales, dominent aussi sur les côtes des Mariannes. L'archipel
ne possède qu'un seul mammifère non amené par les navigateurs : c'est
la gramle « roussette de Keraudren >', que l'on voit voler en plein jour,
bravant l'éclat du soleil. Les Mariannais en mangent la chair, malgré le
fumet désagréable (ju'elle répand'. Les espèces d'oiseaux sont peu nom-
breuses, et les perroquets, si admirablement représentés dans les Mo-
luques, mainquent complètement dans les îles Mariannes. Quelques lézards
et un seul serpent constituent la faune des i-eptiles ; même les insectes
sont rares.
Les premiers navigaleui's Irouvèreiil une population considérable dans
les îles. Les Chamorros, (|ue Magalhàes désigna injustement en masse par
le nom de Ladrones, paraissent avoir été les frèivs des Tagal, à en juger par
la parenté des langues; mais l'aspect physiipie de leurs rares descen-
dants piMinet de croire (|ue les éh'ments iniloni'^sien et papoua avaient
consliliK'' la inilion priniilive. Deux classes distinctes, noblesse et peuple,
ciihv lesquelles le mariage, même le contact, étaient interdits, avaient
été probablemenl à l'origine formées d'immigrants de provenance diffé-
rente ; mais la conquête espagnole ihiil par les réduire en un commun
esclavage, ("est l'ii IGOS ([n'eut lieu la prise de possession; mais les Cha-
morros rc'sistèrent avec énergie aux actes d'autorité et de violence, et
quand la guerre se termina, vers la fin du siècle, plus de la moitié des
cin(piaiile ou soixante mille indigènes avaient été exterminés ou s'étaient
réfugiés dans les Carolines : plus des deux tiers des 180 villages étaient
tombés en ruines. Puis vinrent des maladies épidémiques. Anson, visi-
tant l'île de Tinian en 1642, y trouva partout des traces du séjour récent
des naturels, constructions, jardins, vergers, troupeaux de grands bœufs
blancs [uiissant dans les prairies; mais l'homme était absent de celte île
charmante. Des soldats venus deGuani avaient enlevé tous les indigènes pour
remplir les vides laissés dans leur île par une épidémie, mais la plupart des
exilés périi'enl de langueur" : Tinian avait éti' dépeuplée sans que Guam
(Jimy cl (lnin]:iiii. l'ui/rtf/i' niiloiir du Momie sur les cunclles i l'inmie )) et (i la l'Iijsicicime )>.
U. viiii Knlzcliiir. Enldcrkupij.'ircisc in (1er Sinlscu.
liwilklij/i M^^^^Si
74
MARIANNES. r)87
reprîl la populalion d'autrefois. En 1700 il no restait plus dans tout
l'archipel que l(J5i habitants : c'est alors qu'il fallut avoir recours à
des colons taj^al des Philippines, qui se mêlèrent aux descendants des
indigènes'. Les insulaires considérés comme étant de race chamorro plus
ou moins pure n'étaient en 1875 qu'au nombre d'environ 600, sur
près de 9000 individus. A elle seule, l'île de Guam a les six septièmes
de la population, qui s'est accrue réf^ulièrement depuis l'épidémie de
rougeole (|ui sévit en 185ti; Uola el Saypan ont chacune quelques cen-
taines d'habitants; Tinian n'a qu'un village et une léproserie. A part des
familles de pécheurs, personne n'habite les iles du nord^
Si les Mariannais ont décru en nombre, ils ont également déchu en civi-
lisation : quoique baptisés et sachant lire l'espagnol, ils ne connaissent
plus les industries pratiquées parleurs ancêtres. Ils savent à peine cultiver
le sol, qu'on labourait autrefois avec des instruments en bois et en fer, des
os et des coquillages emmanchés. Ils ne connaissent plus l'art de la
poterie el leurs étoffes n'ont plus la même iinesse; ils ne bâtissent plus
de ces maisons comme en vit Anson dans l'île de Tinian, portées par des
piliers et des chapiteaux de sable et de pierres cimentés, d'une symétrie
parfaite; enfin, ils n'ont plus pour canots que de grossiers monoxyles et
nulle |iart on ne voit de ces barques à balanciers qui faisaient l'admira-
tion d'Anson et des autres marins par leurs qualités nautiques. Construits
pour naviguer du nord au sud et du sud au nord entre les îles, et par
conséquent toujours pris en travers par le vent alizé, ces esquifs étaient
précisément disposés pour recevoir le vent de côté el pour en utiliser
toute la force : les Espagnols leur donnaient le nom de « volants » pour
en indiquer la vitesse; les matelots d'Anson évaluaient à 20 nœuds, soit
à 57 kilomètres par heure, la marche de ces bateaux par un vent alizé
frais. Jelés parfois hors de leur roule, ils abordèrent souvent à des îles
situées en dehors de l'archipel mariannais.
Le chef-lieu de l'archipel est Agana, où plus de la moitié des insu-
laires et tous les déportés politiques sont réunis : il s'y trouve aussi
' Felipe de la Corle y Ruano Calderon, Revue Mciriliïiic et Coloniale, janvier 1876.
* Superlicie des Mariannes principales, d'après Behni et \\ agner :
(liiniii ùlikil.earr. Agrigan
Sa\|ian 185 » » Analapan
Tinian 150 n » Agnijan
Uola m )) )) Alaniagan
Pagan 100 » » , Asuncinn
(Delisle, Bidk'tiii de la Socicle commerciale de Paris, 1" oct. 1888.)
Populalion des Maiiannes en 1887 : 9080 habilanls.
52
kil.c
irr.
20
»
1)
12
»
))
8
))
1)
8
»
1)
588 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
quelques Carolins, venus pour acheler du ko])iah ol recueillir des pierres
luisantes qui leur servent de monnaie. Celle ville, située sur la côte
nord-occidentale de Guam, n'est accessible qu'aux barques, et les grands
navires doivent mouiller en rade : ils étaient jadis beaucoup plus nom-
breux, lorscjue baleines et baleiniers fréquentaient encore ces parages. Le
service postal entre Manille et les Mariannes ne se fait qu'une fois par an.
Le gouvernement des Mariannes est militaire : la garnison se compose
de 300 hommes, recrutés par conscription parmi les indigènes. Les groupes
de Parry, de Volcano et les îlots épars au nord de l'archipel, dans le voisi-
nage des Ogasavara ou Bon in, qui appartiennent au Japon, sont presque
tous inhabités. Sur plusieurs cartes ils sont encore désignés en bloc sous
le nom d'archipel de Magalhàes. A cet ensemble de terres, n'ayant pas
100 kilomètres carrés, se réduit cette Magellanie, qui comprenait autrefois
les Mariannes et les Philippines, découvertes par l'illustre Portugais.
II
ILES PALAOS.
Cet archipel a été fréquemment considéré comme appartenant à la
chaîne des Carolines, de même (jue Yap et les îles voisines ont été souvent
désignées comme faisant partie du groupe des Palaos; les Espagnols, les
possesseurs politiques de ces mers, donnent à toutes ces terres océaniques
le nom commun d'archipel Carolinien. Cependant la différence d'orienta-
tion fait contraster netiement les deux rangées d'îles : tandis que les Ca-
rolines se dirigent de l'ouest à l'est, pour se reployer ensuite vers le sud-
est, les Palaos s'alignent dans le sens du nord-est au sud-ouest, et par
leurs îles extrêmes pointent dans la direction de la Nouvelle-Guinée. D'ail-
leurs leur constitution géologique est la même que celle des Carolines;
elles sont également formées de montagnes d'origine éruptive, trachytes
ou basaltes, et de roches coralligènes, soit en atoll bas, soit en massifs
que les oscillations du sol ont élevés à de grandes hauteurs. L'en-
semble de l'archipel comprendrait une surface d'un peu plus de 500 kilo-
mètres carrés', dont jilus de la moitié pour la seule île de Baobeltaob,
' Superficie di's îles Palaos, d'après Beliin et Wagner :
Î Baobeltaob . . . 500 kilomètres carrés.
Koroer 57 «
Autres îles ... GO «
lies (lu sud. m «
Ensemble 505 kilomètres carrés.
MARiANNES, PALAOS.
5811
dans le groupe des Palaos proprement dites, bordé à l'est et à rouest
d'abîmes ayant plus de 2000 mètres en profondeur; du nord au sud, la
longueur de l'archipel est d'environ 900 kilomètres et sa plus grande
120. ARCHIPEL DES TALAO"^
E3
largeur dépasse 400 kilomètres ; la mer des Palaos, dans son ensemble,
occupe un espace de 100 000 kilomètres carrés. De dix à quatorze mille
habitants, suivant les évaluations diverses, habitent la grande île et les
îlots épars.
590 NOUVELLE GÉOr.RAPUlE IMVERSELLE.
Le groupe dos iles sfjitoiilrionales coii^lilue un monde distincl, |iarfai-
lenient délimité. C'est la partie de l'archipel qui fut connue la première
par les navigateurs espagnols et que Yillalobos désigne du nom d'Arre-
cifes ; c'est aussi la région qui a été le plus souvent visitée et décrite : la
littérature géographique relative à cette partie des Palaos comprend les
deux ouvrages de Wilson' et de Semper% ainsi que de nombreux mémoires,
parmi lesquels celui de Mikliikho-Maklaï". Quelques îlots posés sur un
récif commencent au nord ce groupe des Palaos, puis vient la grande île
de Baobeltaob, que continuent au sud-ouest des terres déchiquetées, îles
et îlots, terminés par la montagne insulaire de Niaour (Ngaour)', l'île
la plus fertile et la plus salubre de l'archipel. Mais d'une extrémité à
l'autre de celle poussinière d'îles les récifs se prolongent en terrasse
presque à fleur d'eau. L'espace occupé par le piédestal de polypiers est
plus considérable que la partie émergée des îles; seulement quelques
chenaux navigables serpentent dans le labyrinthe des récifs; mais en
beaucoup d'endroits, Semper a reconnu des traces évidentes de soulève-
ments modernes. Les plus hautes collines éruptives de l'archipel s'élèvent
dans la grande île de Baobeltaob, près de la côte occidentale : un des
pilons atteint 050 mètres. Cette île est partiellement couverte de forêts (|ui
lui valurent son nom espagnol de Palos, « Bois » ou « Mais >', transformé
depuis en Palaos". C'est donc à tort que la forme anglaise de Pclcw est
ensore employée en de nombreux ouvrages.
Très pauvre en espèces animales, puisqu'on y voit seulement un rat
gris et les bêtes domestiques introduites par les Européens, l'archipel des
Palaos a cependant quelques types d'animaux qu'on ne voit point ailleurs,
entre autres un genre d'oiseaux, le pmmatliia\ Deux habitants des côtes
deviennent déplus en plus rares dans les Palaos, si déjà ils n'ont disparu :
le crocodile et le dugong. Les pêcheurs oui Icllemeut poursuivi ce cétacé,
dont la chair est excellente, qu'on ne le retrouve plus dans les parages
occidentaux de l'océan Pacifique. L'atlas ou première vertèbre de cet ani-
mal est considéré dans les îles Palaos comme l'objet le plus précieux qu'un
chef puisse donner à un sujet : c'est la marque distinctive d'un ordre de
noblesse. Lorsqu'un heureux mortel a été jugé digne de cet honneur, on
lie fortement ses doigts, et au moyen d'une cordelette on introduit de force
' C'est |i(iui- les noms océaniens que l'orthograplie géographique présenle le plus de confusion.
* Semper, ouvrage cité.
' Otto Fmsch, Journal du Muséum Godeffroy, Ueft VIII.
* Keale, An account of tlie Peleiv Islnnds.
' Die Palau-lnscbi im Stillen Océan.
* hv'esliija RoiissL Geoyraf. Obthlclicslva, tS77.
ILES l'ALAOS ET LEURS HABITANTS. 591
la main dans rétroilf ouverture : rré(|uemmenl le récipiendaire achète de
la perte d'un doigt la gloire de porter son bracelet.
Les indigènes des Palaosont la peau plus noire que les Mariannais et les
(larolins, et chez la plupart d'entre eux les cheveux sont crépus ou frisés:
(luoi(pi'il y ait eu certainement mélange de sang malais et polynésien, le
type papoua domine; les îles méridionales, près des côtes de la Nouvelle-
(îuinée, appartiennentethnographifjuement au monde de la Papouasie. D'a-
près Semper, on voit un très grand nombre de naturels que l'on [lourrait
prendre pour des Juifs à l'expression de leur physionomie. Ils ont de petits
yeux et de fortes mâchoires, la face carrée; leur nez est naturellement
aplati et les narines se relèvent extérieurement avec une grande facilité.
Jadis tous les indigènes des Palaos se perforaient la cloison du nez; mais
celte pratique se perd chez la nouvelle génération, malgré la légende leli-
gieuse qui s'y attache : d'après les vieillards, les ombres des défunts se
présentent toutes devant un conseil d'esprits qui siège près de l'île Niaoui-,
à l'entrée du Nedelok ou « pays des Morts », et on leur fait subir un exa-
men ; celles qui n'ont pas le nez perforé sont jetées à bas du tronc d'arbre
qui meneaux Champs Elysées des Palaos et englouties aussitôt par un mol-
lusque énorme'. Les insulaires se noircissent les dents au moyen d'une
terre noii'e (jui leur fait gonfler les gencives et empêche la mastication pen-
dant plusieurs jours. Ils se peignent aussi le corps d'un jaune éclatant et
se tatouent, mais avec une moindre profusion de dessins, lignes, croix,
étoiles, images de poissons et d'oiseaux, que leurs voisins des Carolines;
quelques dames des Palaos se posent des mouches sur le visage, à la façon
des mar(|uises du dix-huitième siècle. La pratique du tatouage diminue,
à cause du danger de l'opération : les ])iqùres aux jambes et aux cuisses
ont souvent entraîné la mort du patient. Le tatouage n'a plus un carac-
tère sacré, et l'on ne peut plus reconnaître la position sociale d'un indi-
vidu aux figures tracées sur son corj^s.
Wilson, ignorant la langue des Palaos, s'imaginait que les insulaires
n'avaient point de culte : il est vrai qu'ils n'ont guère de cérémonies
religieuses; mais leur mythologie est très compliquée et les personnages
qui leur servent d'intermédiaire avec le monde surnaturel, les kalites,
sont 1res puissants, parfois plus que les chefs eux-mêmes. Ces magiciens,
hommes ou femmes, peuvent évoquer les âmes des morts, conjurer les
• Mikl'uklio-Makiaï, mémoire cilé.
592 NOUVELLE GÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
m;il;idios, écarter ou appeler les iléaiix. Leurs pouvoirs sont héréditaires
et cinq d'entre eux ont la su[iréinatie sur tous leurs confrères de l'archipel.
On leur Làtit des maisons et on les approvisionne en abondance de toute
espèce de denrées. Un poisson est aussi tenu pour kalil(^; enlin il existe
des pierres divines auxquelles on offre des sacritices et qui sont consi-
dérées à la fois comme des symboles et des figurations vivantes du kalite
klu-ldo ou kalite suprême, appelé aussi Lios ou Bios, depuis que les
Espagnols et les insulaires des Palaos sont en relations de commerce. La
croyance aux génies et les ordres des kaliles et des chefs, qui veulent se
réserver des jouissances interdites au vulgaire, ont compliqué l'existence
des indigènes d'une foule de prescriptions et d'observances ; un très
grand nombre d'objets et de lieux sont movgoul, c'est-à-tlire taboues.
Chacun a sa vie réglée par des coutumes sévères.
Les femmes sont respectées et peuvent acquérir le pouvoir, soit comme
kalites, soit comme chefs suprêmes. Elles se groupent en associations,
dont on reconnaît les privilèges, et l'on assura même à Miklukho-Makl'aï
que, en cas de crime ou de délit, la femme était jugée par ses pairesses.
Des traces d'un ancien matriarcat se maintiennent : ce n'est pas l'épouse
du chef, mais sa sœur, qui est considérée comme la })lus noble et l'héritage
du pouvoir ne se fait pas du père au lils, mais du frère au frère. Le lieu
de bains réservé aux femmes est sacré : l'homme qui passe sans permis-
sion à côté de baigneuses s'expose à être battu ou même tué par elles'. Les
hommes de chaque caste, soldats ou nobles, se groupent également en
associations et possèdent des « clubs » particuliers, les paï, dans lesquels
nul ne peut pénétrer sans leur assentiment. Les associés achètent un cer-
tain nombre de jeunes fdles, (jui deviennent les épouses temporaires de
toute la communauté et qui forment ensemble une petite cohorte jirivilé-
giée, accompagnant les membres du club dans toutes les fêtes et les expé-
ditions de guerre. Les paï, dressés sur de grosses pierres en forme de
piliers, sont des édifices relativement somptueux, que l'on décore avec le
plus grand soin de figures sculptées et |)eintes. Un groupe symbolique
s'élève au centre du fronton; aux parois sont appendues des rangées de
figures découpées en bois, peintes de rouge, de jaune et de noir, les unes
représentant des scènes de la vie locale et constituant une sorte d'histoire,
les autres se rapportant à des mythes religieux. Ce sont les annales de la
nation ou de la communauté, représentées sommairement et résumées en
quelques parties par des signes abrévialifs que l'on peut considérer comme
' Seiiiper, mi'inoire cilé.
ll.ES l'ALAOS ET LEURS UABITAM'S. j'j.j
une sorte (ririiUirc. Les iiulitiènes des Palaos possèdent aussi un système
,L:ia|ilii(jne analogue aux (juiposdos Ineas du IV'Imui : ce sont des cordes cl
des eordelelles ([ue l'on noue de diverses manières pour leur l'aire exprimer
les idées à échanf;er. De même (jue dans l'Europe du moyen âge les expé-
diteurs de messages remellaieiil leur liague au |iorleur. en garanlii' de
l'aulhentieilé du pli, de même aux lies l'alaos ceux (jui envoient un (piipo
ne manquent pas d'y ajouter leui' petit couteau en écaille de tortue'.
Les morts sont IrJ's honorés dans l'archipel des Palaos. On lave le corps,
on riiahille de neuf et on l'orne de tous ses hijoux, à l'exception de la ver-
tèbre de dugong, troj) précieuse pour (pie l'htMiliei- consente à la |ierdre,
puis on procède à l'enterremenl, souvent la nuit, à ht lueur des torches et
des bûchers. La tombe est creusée devant la porte même de la demeure.
(Chaque maison est précédée d'une petite terrasse à buttes reclangulairejs :
c'est le cimetière de la l'amille ; quelques-unes de ces terrasses sont ombra-
gées de citronniers, et de petites cases s'y élèvent en l'honneur du grand
kalite, le Dieu inconnu. Parmi les hommes, les plus proches parents sont
les seuls qui soient admis à la cérémonie de l'inhumation, mais toutes les
l'emmes du village sont conviées; en ouli'c, quatre pleureuses en titre doi-
vent rester pendant (|ualre mois dans la maison du défunt, et durant cette
période il leur est inliirdit de se laver : à peine leur est-il permis de boire,
à des intervalles ti'ès éloignés.
Les Ktats sont très nombreux dans les Palaos : autant de villages, autant
de chefs, (iràce à ra|)|)ui ([ue lui prêta l'Anglais Wilson, a|irès son nau-
frage, en 1783, le ce roi » de File de Korœr, au sud de la .grande île
Baoheltaob, acquit une sorte de suzeraineté sur ses voisins; mais son ascen-
dant a diminué et la plupart des autres chefs ne voient guère en lui (pi'iin
é'gal. Les titres diffèi'ent suivant les Ktats : un des |)lus signiticalifs est
celui de iiidd ou " mort ', dunl le sens est (|u'(m ne saurait soutenir le
regard du chef sans mourir. Mais à côté du mad commande un krci, ihet
de l'armée et « maire du palais », qui <lispose [)arl'ois d'un pouvoir su-
périeur à celui du roi. Autour de lui s'assemblent les niupak ou vassaux,
ayant chacun son cortège île guerriers, habitant le même pai. La guerre
est l'occupation par excellence de cette société féodale et c'est avec une
impitoyable cruauté (pi'elle se poursuit : les femmes, les enfants ne sont
pas épargnés. Le but principal est de se procurer des crânes, car le
« grand kalite, disent les indigènes, aime à manger les hommes »,
et c'est devant les magiciens, ses représentants sur la terre, que l'on
' Miiit'uiitio->takt'aï, méinniio cité.
XIV. 75
594 NOUVELLE OÉOGUAPUIE UM VERSELLE.
dépose les tètes coupées. Mais en pleine uueire les droits de l'hospita-
lité prévalent encore. Ou'un l'ugitif, homme ou femme, parvienne à se
glisser jusque dans le village de ses ennemis, à proximité de la maison
du chef, il n'a plus rien à craindre : sa personne est sacrée.
Les guerres féroces contrihuent pour la plus forte part à la décadence
morale et matérielle des insulaires. Ceux-ci ne sont plus les hommes hons
eî naïfs fpie décrit Wilson à la lin du siècle dernier. Miklukho-Maklaï, ce
voyageur é(piitable et toujours porté à la hienveillance envers les gens des
l'aces dites « inférieures >>, ne peut s'empêcher de décrire les naturels des
Palads comme faux et rapaces. C'est ipie l'arrivée des Européens a com-
plètement changé les conditions sociales. Sans dout(>, les indigènes sont
à maints égards plus civilisés exlérieuremenl : ils ornent leurs maisons de
gravures, de photographies; ils possèdent des instruments en fer, des
armes de précision, même des livres; plusieurs d'entre eux parlent un
peu l'espagnol ou l'anglais; leur idiome s'est enrichi d'un grand nombre
(le mots nouveaux d'origine euro|)éenne. (pii répondent à de nouvelles
idées. L'âge de la pierre a cessé pour eux, il ne s'est maintenu (lue pour les
monnaies, qui sont de jaspe et d'agate chez les chefs et les princes, tandis
ipie les pauvres se servent, comme moyen d'échange, de pierres de moindre
valeur, de boules de veri'e et il'émail, toutes percées d'un trou au milieu,
comme les monnaies des riches. Une carrière de l'île montueuse de Mala-
kan, près de Rorœr, est exploitée par des Carolins de Yap, qui viennent y
tailler des disques de diverses grandeurs, ddiit ils ionl leur monnaie :
(|uelques-unes de ces pierres ou /c ont plus de six mètres de tour' et soni
tellement appréciées, que pendant les guerres l'une d'elles sui'lil pour ache-
ter ra|»pui d'une tribu neutre".
L(! remplacement presque soudain ifune civilisation par une autre
n'est-il pas, dans les Palaos, la cause |irincipale de la déchéaiue des indi-
gènes? (juand ils n'avaient d'autres outils que des os, des arêtes, des
morceaux de bois et d'écaillé, leur vie était une existence de labeur : la
coustruclion de leurs canots, le tissage de leurs grossières étoffes, l'orne-
mentation de leurs cabanes ne se faisaient que par des efforts soutenus;
tous les indigènes étaient obligés de travailler, et le roi lui-môme était
fabricant de haches". Maintenant la hache, le couteau, le rabot ont rendu
faciles les travaux indispensables; le loisir s'est accru et, à l'insligatioii
' Gorininl: MildiiUlin-MAhii. Iu''csliiiii Ruiis»!,. tu'nijaif. Obchkhcstvn, 1878. Iraduitioii itc
Lw.ii Mclrliniliij\.
- F. Ilcinslii'iiii, Siiflscc-Eiiiuicninycii.
» Wilson (K(";ilt>). oiivi-nge cité.
CAROLINES. .-,9;)
des trailanls européens," s'emploie en rapines, en expéditions de «tuerie:
les caractères s'avilissent. En même temps la ])OpuIation décroît. A la lin
du dernier siècle, le nombre des habitants dépassait 50 000, à en jujicr
par la rpiantilé des canots de fiuerre et leurs équipages, et depuis celle
épo<|ue la diminution a été de plus des trois quarts, bien que les femmes
soient très fécondes et que nulle épidémie n'ait sévi sur les insulaiics'.
III
CAROLINE s.
L'ensemble des îles que Ton appela jadis ■' .Nouvelles-Philip[iines » et
auxquelles on a donné spécialement le nom de Carolines, en l'honneur de
tjharles 11 d'Espagne, occupe une étendue maritime très considérable : de
l'ile occidentale, Ngoli, à l'île orientale, l'alaii. la dislance en droite ligne
n'est pas moindre de 2880 kilomètres el la largeur moyenne de l'ar-
chipel esl d'environ b degrés. La mer carolinienne comprend donc un
espace d'environ 1600 000 kilomètres carrés, sur lesquels la superficie
même des quarante-huit groupes, eonipreiuuil cinq cents îles, esl évaluée
seulement à 077 kilomètres-. >()it un peu plus de la 1700'" partie de la
région maritime. D'ailleurs la mer est peu profonfle entre les îles et des
récifs très étendus élargissent le socle de plusieurs d'entre elles. C'e^t à
l'extrémité occidentale de l'aichipel que les eaux voisines ont la plus
grande profondeur : au nord sont les .< fonds du (ihailenger », au sud les
« fonds de ÎN'ares ». Les Carolines ne se raltaclienl sous la mer qu'aux îles
Palaos, situées sur leur prolongement, quoique avec une orientation dif-
férente. La courbe que commence à dessiner la partie méridionale des
(>arolines, mais sans l'achever, esl celle que décrivent plus au sud les îles
de la Mélanésie, et plus à l'est les archipels de Marshall, de Gilbert cl
d'Ellice. Malgré le désordre apparent de toutes ces terres éparses, on re-
connaît qu'une loi générale a présidé à leur distribution.
Les Portugais furent les découvreurs des Carolines. En 1527, Diogo da
Rocha atteignit l'île occidentale, Ngoli ou Malaloles, puis Saavedra et Villa-
lobos, en 1542, parcoururent la mer des Carolines et en virent aussi
quelques terres; d'autres furent aperçues par Legaspi. le conquérant des
Philippines; mais, la position de ces îles n'ayaiil |)as été reconnue avec
certitude, ou ne pouvait \c- identifier, et clKUiue navigateur (pii passait
' SiMii|iri-. liiiMa^'O cili'.
- lielmi uiul W.'iifiier, BcvulkeruiKj (1er Erdc, 1880.
Mo N'OUVELLE (lÉdGI! A l'IllK IMVERSELLE.
cioyail los découvri)-. L'exi^lcncL' de Icrres au sud 'des Mariannes olait liicii
connuo, mais, au lieu do chercher à eu lixer hi position vraie, on les évilail
phitôt. à cause des écueils (|ui les entouraient, et même on finit par les
ouhliei'. (l'est à la fin du div-sejtlii'uie siècle que l'ordre commença de se
faire dans ce chaos. La pi'emière c Caroline )i, d'après laijuelle toutes les
autres ont été ainsi appelées, fui celle que découvrit le pilote Lazeano en
1686; c'est peut-être Yap ou bien l'île de Farroïlep, qui se trouve sous
le méi'idien des Mai'iannes, à oM) kilomètres an sud de (iuam. Puis
des Caroliniens. poussés par la tempête sur l'ile principale des Mariannes,
di'essèrent ou du moins firent dresser par le prêtre Canlova la première
carte sommaire de toute la région des Carolines qui entoure l'île de La-
mourek ou ^iainouii'k. dans la ])artie centrale de l'archipel, et, liientot
après, ce missionnaiie allait visiter ces terres poui' en convertir les natu-
rels'. Mais l'exploration scientifique ne commença que dans les dernières
années du dix-hnitièmc siècle, avec ^Yilson et Ihargoïta. Ile 1<SI7 à 1828
se firent successivement les expéditions mémorables de Kotzebiie, Frey-
cinel, Duperrey, Dumont-d'Urville, Lulké, après lesquelles il ne resta plus
(|u'à préciser les détails et à faire la géographie spéciale de chaque île. Le
conilit de souveraineté qui éclata récemment entre les Espagnols et l'empire
allemand, et qui se termina parla leconnaissance officielle des revendica-
tions de l'Espagne et leur transformation en droit politique, a eu pour consé-
quence d'attirer l'attention vers les Carolines et d'aider à leur exploration.
Les noms des îles, îlots, récifs et hancs de l'archipel carolinicn sont loin
d'être définitifs : entre les appellations indigènes, diversement prononcées
par les marins de dilTérenles nalions. et les désignations anglaises, fran-
çaises, russes, qui l'ecouvrent les cartes marines de ces parages, l'usage
n'a pas encore décidé, si ce n'est pour quelques-unes des plus grandes
îles, telles que Yap, Ponapé, Ualan. La plupart des Carolines sont des
terres de foimation coralligène, exhaussées de quelques mètres seulement
au-dessus du niveau marin, et nombre d'entre elles n'ont pas même assez
(h- terre végétale pour que des arbres puissent insérei' leurs racines dans
les fissures de la pierre; cependant il en est aussi qui se sont peu à peu
couvertes d'une végétation touffue jusqu'au bord de la mer cl (n"i des vil-
lages ont pu se fonder à l'ombre des cocotieis, des arhres à pain et de>
liari'inglonia. au feuillage sombre, entourés de fruits cl de icjeton-^.
(Quelques-unes de ces îles basses sont des aloll d'une régularité parfaite.
' l'iml Chilii. Lcltivs nirieitsi's cl ('■(lifuiiilcs. I7S1 : — Jiimc> liiinii'v, (',lnviiolu(jif(il Hislorij uf
tlw Viiiidijc finit Di.siovcrics in llic Soiilli Si'ii.
CAKOLIM-î^.
b'J'J
des couronnes de verdure enlouraiU un liif;on où les barques ne peuvent
pénélrer que par d'étroites bi'èches entre les récifs. Une des îles circulaires
N" 121. ARtUfPEI. DE RCK.
D'après la
ot Pludileinann.
Profoiuleurs.
Di; 0 à 50 iiièti-os.
De 30 ù 100 méli-es.
[)c KK.IO uiMrcs cl au ilL-là
du groupe de Morllock, Satoan, se compose de soixante îlots, les uns se
prolongeant sur un espace de plusieurs kilomètres, les autres simples
dents de rochers, tous exactement posés sur le pourtour du mur de
corail. Mais parmi lesCarolines se trouvent aussi quelques îles dressant de
000 >Oi:VELLK (.EOni'.APIIII': INIVEUSi: Ll.i:.
liants |iiloiis au-dessus de l.i uapjjc presque liori/.oulale îles eaux, des bancs
et, des roches unies : ce sont les terres plus étendues qui, à l'époque de
leur formation, ont énier!:(é tie l'Ucéan en massifs. Ces îles montueuses,
Kuk, Ualan, l'onapé, — celle-ci atteignant S7'2 mètres d'élévation. — sont
levètues jusqu'au sommet d'arbres maonillques, ne comprenant d'ailleurs
i|u'un petit nombre d'espèces, parmi lesquelles de superbes fouiières, qui
ressemblent à des palmiers'. Iavs pluies, fort abondantes, surtout sur les
pentes des collines et pendant la mousson du sud-ouest, entretiennent la
verdure des forêts. Comme les Mariannes, les Carolines ont une faune indi-
gène d'une extrême pauvreté : le monde des mammifères n'y est repré-
senté que par un chien, de la taille du danois, aux oreilles pointues, à
la queue longue et pemlante-, et par une seule espèce de rat, qui en-
seigna, dit-on. aux indigènes l'art de se pi'ocurer le vin de palme en ron-
geant la cime des cocotiers pour en l)oii'e la liqueui-. La roussette vole dans
les palmeraies, l'iguane et le lézard rampent sur les branches et les tor-
tues cheminent sur les plages.
(In évalue diversement de "iU OOO à OU UUO le nombre des habitants de
' Iles fiu jjrdiipos (les Caiolines ayant plus de ô kilonu'tres canos en superficie, dans la diieclion
Ir l"i)uest à l'est :
Noms. SupiTli.i,'. l'upulaliou l)éi-uiivrcuis.
Ngoli (Matalotes, Lauiolioik) ."0 kil. cair. liabitants. da Roclia (I.V27).
Yap (Eap, Uap, Guap) 207 i GOOO (Mik.-Jlak.) Eazeano (IGSli).
Ik'S Oulatlii (l'ilivi. Maclienzie) ," i. 7(10 (Hidii-k).
Iles Sorol (l'hilipp) .- „ 'JO ; Hunier ( 1 791).
lliea (Wolea, Oleai) "> » (iOO n ., d
KariDilep (Faïaulep, San-liariial)é, (iardner) . ." h 0 l.azeaii".
Iles Elalo et Toass (llaweis) 5 .. r.llO (Culiekl. Wilsou (1707).
Lamourek (Lanintrek, N'amourck, Swede) . . (> 'JOO » fi i)
Salawal (Saloel, Tueker) i « 200 « » >>
Suk (Pulusuk, Ihaifjciita) l " IOO n Ibaigoïla (I79'J).
l'uloal (Endei-liy, Kala) .') >. IOO .i » (ISOI).
Los Marlii-es ."i i. 200 (Culiek).
Nanicinuilo (AniuiMua, Lulké, Li\inast(ine) . 0 h 50 » ii ii
Huk (Trnk, IJoyolu, T(iiTes) . ...... ir)2 - 12 OOU (Kubary). Dupeirey (1824).
Satoan (.\l(ii-llock), tiO îlots (Lukunor, etc.). -i >• i 050 (Doane). .Moilloek ( 1 7001.
Nukuuor (Nukiior, .Monteverde, Dunkin). . . l .i 1.50 i Monleveide (IbOU).
Oraluk (Saint-.\ugustin, Bordelaise). ... 0 > 0 Thompson (1770).
Ant (Andenio, Seniavin) 7 " 0 Liitké (18Ô2).
l'onapé (l'uinipet, Beruabi, Ascension). . . ."i7 > ."> (IOO lUernslieiin).
Ualan (Kussaic. Stron>ï) 112 ■. iOO n Crozer (ISOI).
Autres îles 2'J .. I 000
En^^mble 329 kil. cal. 211070 liab.
^ F. Lulké, Vuij/Kic aiilimr du Monde.
CAROLINES ET LEIRS llAlilTANTS.
601
'archipel. Iliik, Ponapé, ciilin Yap, clioisic lomiiit', ile capitale des Caro-
ines occidenlales et des Palaos ', à cause de la j)r(»\iiiiité des I'hili[)piiies,
tst de Par, s
Dapr-és J.T.BIoh
I -Hfinoo
ont ensemble plus des deux tiers de la population. (juoi(jue appartenant en
très grande majorité à une l'ace croisée, mais à tond indonésien, les insu-
Gimeno Agius, 'Soks iittinuscriles.
70
002 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
laires des Carolincs uClVenl aussi tle grands coiitrasles, d'un groupe h
l'autre. Dans les îles occidentales, ils ressemblcnl aux Visayas et aux Tagal :
ils ont le teint clair. Dans les îles du centre, leur peau est d'un rouge
cuivré; plus à l'est, dans le groupe de Seniavin, ils sont pres([ue noirs et
ressemblent à des Papoua; à lîalan, l'île la plus orientale de la traînée, ils
ont la peau encore plus foncée, leur chevelure est légèrement crépue. Dans
l'île Nukunor et à Satoan, la population descend d'immigrants de Samoa,
ainsi que le prouvent l'aspect physique, la langue et les mœurs. Knfin il
est des îles où des Européens, matelots ou marchands, sont assez nom-
breux en proportion pour que la plupart des enfants offrent déjà un type
rapproché de celui des blancs. Le nombre des Carolins a certainement dimi-
nué depuis l'arrivée des étrangers d'Euro])e, mais non point, comme on
l'a souvent dit, en vertu d'une loi inéluctable. 11 est vrai que des épidé-
mies relativement peu dangereuses en Europe deviennent terribles en Océa-
nie: telle est la teireur causée par ces fléaux, rougeole ou grippe, que dans
l'île de Yap et ailleurs les indigènes se réunissent pour attaquer les villages
atleinls de l'infection, tuer les malades et forcer les autres à se réfugier
dans l'intérieur pendant |ilusi(Hirs semaines'. Toutefois les maladies appor-
tées j)ar les matelots n'expliquent pas la disparition de la race. Il ne suf-
lit pas que l'Européen se présente pour que le ("arolin s'incline et meure.
Souvent il faut qu'on le tue, et c'est ce que les pirates blancs n'ont pas
manqué de faire en mainte circonstance. Mais surtout ils ont pratiqué en
grand la chasse à l'homme, afin de recruter des travailleurs pour leurs
plantations des îles Fidji et autres archipels. Fréquemment des navires
sont venus jirendre des chargements de Carolins, i|ue l'on tra(piait comme
des bêles fauves dans les forêts, puis des voyageurs |ihilosophes ont en-
ensuile parlé de la fatalité qui pèse sur les races diles inférieures et
ipii les condamne à disparaître devant le noble blanc! Cciicndaiil il ne
manque pas d'îles où les familles sont nombreuses et où la population
s'accroît avec rapidité par l'excédeiil des naissances. Telle est, dans le
groupe de Morllock, cette île de Lukunor, la « perle des (^arolines », dont
le soi est cultivé jusqu'à la dernière molle de terre'.
Pris en masse, les Carolins sont des lnimmes doux, hospilalicrs, |)acilî-
qùes, travailleurs; les maris ne brutalisent jioint leurs femmes, et celles-
ci, quoique habituées à une libei'lé compli'le avant le mai'iage, sont fidî'Ies
à leurs époux ; les parents sont d'une grande tendresse pour leurs enfanta ;
' llernsheiin, oiunige cité.
* Doaiie, Gcocjrnpliicnl Miuiazinc, Aufïiist 1, 1874.
HABITANTS DES CAKOLINES. (iU5
une solide amitié unit les compagnons, et les camarades deviennent fières
en échangeant leurs noms'. En certaines îles, notamment à Ualan, les
habitants n'avaient point d'armes, pas même de hâtons : ils ne compi-e-
naient pas les dissensions et les guerres. Si ce n'est dans le voisinage des
comptoirs et des missions, où îes manirs se sont modifiées au contact des
Européens, les Carolins vivent très simplement. Leu'' costume se compose
d'un pagne, d'une guirlande de ileurs, de quelques lambeaux d'écorce, et,
ponr les femmes, d'une jupe lissée en libres végétales. Le tatouage est
général, et se pratique à petits points, non })ar entailles ; mais il varie
singulièrement suivant les îles, les tribus et la position sociale. Ouelques
chel's ont la poitrine couverte de dessins très compliqués et parfois d'une
grande élégance; en outre, ils se distinguent par divers signes extérieurs :
ainsi les familles aristocratiques de Ya[) portent un coquillage blanc à
l'un de leurs poignets; les peignes en bois d'oranger ou d'ébène sont
réservés aux hommes libres. Les femmes se tatouent surtout aux bi'as et
aux mains; elles se peignent aussi diverses parties du corps. Les mères
mani[)ulent pendant plusieurs mois le nez de leurs enfants nouveau-nés
pour lui donner une forme plate et large, considérée comme une beauté;
en outre, elles ne manquent pas de leur perforer la cloison nasale*.
La nourriture des Carolins se compose surtout des fruits du ritna ou
ai'bre à pain, du taro, racine de ïaruiii esculentum, de la patate douce,
introduite des Philippines, de poisson et de fruits de mer, qu'ils savent
pécher avec une dextérité étonnante. On les voit plonger, armés d'un
clou, pour aller, sous une épaisseur d'eau de 15 à 20 mètres, détacher
du fond des Iridacnes, qu'ils mangent crues". Ils ne cultivent point le
ri/, que des planteurs auraient, dit-on, vainement essayé d'introduire dans
l'archipel. Leurs demeures sont en général beaucoup moins vastes, moins
élégantes et moins commodes que celles de leurs voisins de la Mélanésie
et de la Paj)ouasie : en plusieurs îles, ce ne sont que des toitures de feuil-
lage qui reposent sur le sol et sous lesquelles on entre en rampant par
deux ouvertures ménagées aux extrémités. Mais chaque village possède
un édifice de diaîensions plus considérables et d'architecture plus soi-
gnée, qui est à la fois un abri pour les bateaux, un hôtel pour les étran-
gers, un lieu de réunion en temps de pluie, une salle de récréation pour
les enfants. Les Carolins sortent à peine de l'âge de la pierre : les traitants
étrangers leur apportent des haches, des scies, des couteaux ; cependant
' Lullié, Voyage autour (lu Monde.
- hv'estiija Roiissk. Geograf. Ohchichesti'a. 1S7S; Iraduclion jiar Léon Metdinikov.
° QuLiy et llaiinaril, Voijaye de découverte de « l'Astrolabe».
U04 NOUVEI.LIÔ GÉOGRAPUIK IMYERSE LLE.
la |)lii|iarl do leurs iiislruinonls sont encore des arêtes, des coquillages,
des fragments d'os'. Dans les îles orientales, des missionnaires américains,
dont les premiers se présentèrent en 184!), ont converti au protestan-
tisme quelques milliers de naturels ; mais il en est des centaines qui sont
revenus à leurs anciennes pratiques et le culte dominant dans les îles de
l'ouest est toujours raniniisnie, l'adoration des arbres, des monts, de
tout ce qui vit et s'agile, la crainte des esprits qui volent dans l'air, le
respect superstitieux des ancêtres. On vénère beaucoup les morts et les
animaux dont ils sont censés habiter le corps, surtout les lézards et les
anguilles; leiils du chef reste sans nourriture au moins trois ou quatre
jours à côté (lu cadavre de son père étendu sur une natte avec le glaive dans
la main et la hache sur l'épaule; puis, quand on a dressé, au somme! d'une
colline, la pyramide funéraire, il se construit un ajoupa à côté du lumulu>
et y vit pendant cent jours. La palmeraie du chef mort est tabouée pen-
dant des mois; personne ne |)eul y cueillir des fruits". Les habitants
polynésiens de Nukonor et de Satoan sont les seuls (Jarolins qui se soient
taillé des idoles en bois et qui se prosternent devant elles. D'ailleurs les
cérémonies religieuses varient beaucoup dans les diverses îles : par les
mœurs et les institutions, les tribus carolines sont fragmentées à l'infini:
telle petite île se divise en |)lusieurs « royaumes «, incessamment en lutte
ou vivant en « paix armée ». La plupart des chefs le s(uit par droit d'hé-
ritage, d'autres sont élus par leurs pairs : ils sont considérés d'ordinaire
comme les possesseurs du territoire commun et la plus grosse part du gain
leur appartient, riouvernés par une rigoureuse éti(|uette, ils ne peuvent
entrer sur le terriloirc du voisiu sans une invitation formelle.
Depuis que les marins d'Euroj)e sont devenus les intermédiaires du
commerce entre les archipels de la Micronésie, les Carolins ne font plus
de voyages coiiiuic autrefois cl ne consiruiseni plus de bateaux d'uji fori
tonnage; mais ils n'en sont pas moins restés d'admirables navigateurs.
L'eau n'a pas de terreur pour eux : ils nagent et plongent avec une adresse
merveilleuse et se hasardent loin de loul rivage sur leurs petites barques
à balancier, creusées dans un seul Ironc d'arbre, peintes avec goût en
rouge et eu noii', et munies d'une voile en feuilles de latanier, ayant la
forme d'un éventail. Leurs pilotes savent se guider en pleine mer par la
vue des astres cl la marche de la houle. Aux temps où les Carolins aven-
Uueux ne s"enibai(|iiaienl |ias encore sur les vaisseaux des blancs pour
' lloano, nu'iiiiiiiT oilr.
- F. Ik'riisliciiii. Sii(h"i'~Kriiiiieriiiiiir
UAIilTANTS DES CAROLINES. 60:.
aller visiter les archipels loiiilaiiis. les villages de marins possédaient
des écoles, de véritables instituts de navigation et d'astronomie, où gar-
çons et filles apprenaient à connaître la position relative des constella-
lions, les heures du lever, de la culniinatioii et du coucher des astres, les
errements des planètes, la marche des vents et des courants, les divisions
du cercle, les directions des archipels lointains, des Philippines à l'ouesl
jus(iu"aax iles Havaii à l'est. On leur enseignait aussi la construction
des bateaux, la fabrication et le maniement des agrès : l'enseignement,
presque en entier technique et scientifique, ne comprenait la magie que
pour une faible part, la récitation de formules de conjuration contre le^
nuages, les brouillards et les trombes. Les marins des Carolines et des
Marshall divisaient l'horizon en l^, même en 28 et en 32 arcs de cercle:
en (pielques atoll ils avaient un nom sjiécial pour 35 étoiles ou groupe^
d'étoiles qui les guidaient sur la mer sans rivages; leurs barques s'élan-
çaient au nord vers Guam et les autres Mariannes et, malgré la |)oussée de>
courants de traverse, ils savaient trouver ces îles à plus de 000 kilo-
mèlivs du point de dépari, sans lieu d'étape intermédiaire. Il est vrai
que les tempêtes les détournaient souvent de leur route, mais souvent
aussi ils savaient reprendre la direction normale et voguer vers les îles
hautes, visibles à une grande dislance en mer. Lorsque 35 Carolins furent
jetés sur les côtes de Samar, dans les Philippines, ils eurent pour intei-
|)rètes d'autres Carolins auxquels pareille aventure était arrivée, et (|ui,
après être retournés dans la mère patrie, étaient venus une deuxième loi>
aux îles occidentales. Sur leurs barques les pilotes carolins et marshallien-<
ont des medos, espèces de cartes ingénieusement construites au moyen de
coquillages ou de pierres représentant les îles, et de bâtonnets llgurani
l'écpiateur, le méridien, l'itinéraire à suivre, les degrés ou journées de
navigation, enfin les courants transversaux. Dès qu'un marin des Carolines
voit une boussole, il la compi'end et dirige sa course en se guidant sur
raijiuille aimantée'.
Yap (Ouap, Gouap), la giande île In plus rapprochée des Philippines,
est la plus européanisée de l'archipel. Tamil, près duquel se trouve h
principal lieu d'ancrage, est la résidence du gouvernement des Caroline^
occiilentales et de Palaos : c'est là aussi que se sont établis les marchand -
' llcinslifiin, Dcitrod ziir Sprficlii- lier Marsliiill-liisclii : — Kuban, Mittcilunfieii der (ieoyra-
phischcii Gesellschnft in Hniiihiii-<i. ISSU; — A. Scliiik. Ans iilleii Wetttheiteii, nov. 1881.
006
NOUVELLE f.ÉOGRAPlIlE UNIVERSELLE.
étrangers, Allemniuls en uiajorilé, qui exjiorlonl k' koprah' et les liiehes
(le mer : la prépondérance des négociants germains dans ces pai'ages a
même été la cause du conilit récent qui faillit arracher à l'Espagne la pos-
Eît d. G.-een.-..c
Dapi-èa les cartes manne
session, sinon elTeclive, du moins Iradilionnelle de ces îles. Les indigènes
eux-mêmes, jadis très commerçants, ont perdu presque tout leur trafic cl
profilent peu du mouvement d'échanges. Ils se servent encore pour mon-
naie de coquillages et de pièces trouées, enfilées sur cordonnets comme
Expoiiation anniicllo ilii ko]iinli des Carolines :
1400 loiincs, ilciiil 110'.) expédiées par les maisons de commerce allemandes.
YAI', F'ONAI'E, OIALAN. 007
les ligatures chinoises; pour les grosses dépenses ils ont les meules
rondes importées des Palaos et appartenant on général à toute la commu-
nauté'. Toutes les rues des villages de Yap et les principaux sentiers sont
depuis un temps immémorial pavés de dalles plates, et les maisons, notam-
ment les bai-bai, analogues aux pa'i des Palaos, sont élevées sur des sou-
bassements de pierre.
Ponapé, la plus étendue des Cai'nliiies et jadis la plus populeuse, promet
de reprendi'e une grande importance, comme lieu d'étape et de ravitaille-
ment, et les marchands étrangers y possèdent déjà de vastes plantations;
la barrière circulaire qui entoure l'île protège des ports nombreux, acces-
sibles par des chenaux ouverts à travers les récifs. Dans le voisinage de
la côte orientale, sur des falaises de corail, se voient des restes de con-
structions préhistoriques, consistant en murs épais, formés de colonnes
basalti(]ues couchées, ayant jusqu'à huit et même onze mètres de long^ Les
indigènes n'ont aucune tradition qui se rapporte à ces ruines; plusieurs
d'entre elles sont partiellement immergées, le sol s'étant affaissé depuis
([u'onl vécu les générations des bâtisseurs". Mais les principaux édifices
élevés par les Carolins d'autrefois sont ceux qui se trouvent dans l'île
de Ualan, à l'extrémité orientale de l'archipel, et surtout dans l'îlot de
Lelé, à côté de Ualan. Quehjues-unes des murailles, hautes de G mètres et
larges de 4, sont formées d'énormes blocs de basalte, apportés de fort loin.
Plusieurs de ces ruines, maintenant couvertes de végétation, apparaissent
au-dessus des récifs comme de grands îlots de verdure. Nulle part on ne
trouve les balaté (biches de mer ou holothuries comestibles) en plus
grande abondance et en variétés [jIus nombreuses que sur les écueils de
ces îles*.
Ualan est la principale station des missionnaires américains, dont les
postes sont parsemés dans les groupes environnants, (juoique les ordon-
nances coloniales ne permettent pas d'autre culte chrétien que le catho-
licisme, le gouvernement espagnol a dû, à la suite d'une révolte des indi-
gènes, reconnaître le fait accompli et laisser aux Carolins convertis le libre
exercice de leurs cérémonies protestantes.
' Wood. Yacliling Crnise in Oie Soulli Seas.
- Dana ; — Maxwell : — Uerendeen, etc.
'> tlale; — Dana, Coral nndCoral Islands.
' Lessiiii, Voi/ngc autour du Monde.
608 NOUVELLE GÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
IV
MICRONÉSIE OlilE.N'TALE.
ARCUIPELS DE MARSHALL. DE GILLEIIT ET d'eLLICE.
Ces îles, dont la traînée se prolonge à l'orient des Carolines sur un
espace de près de 4000 kilomètres, Iransversalemenl à l'équateur, appar-
tiennent à la même formation géologique et sont disposées suivant le
même axe d'orientation. Au point de vue géographii|ue, elles doivent être
étudiées ensemble, (juoiqu'elles se trouvent en des aires dil'féi'entes par les
populalions ijui les habitent : les Ellice, et en [lartie les (iilijcrl, sont des
terres polynésiennes, tandis (pie les Marshall, le groupe le plus important,
sont un archij)el de la Mieronésie. Au point de vue politi(pie, ces îles dif-
fèrent également : elles sont déjà partagées offieiellement entre les puis-
sances européennes. L'archipel des Marshall, dont le commerce est entre
les mains de négociants hambourgeois, l'ail pai-tie de l'empiie colonial
germanique, tandis que les îles Gilbert et Ellice ont été déclarées en 1880
comme se trouvant dans la « zone des intérêts anglais ». Mais si la décou-
verte conférait des droits, ces archipels seraient certainement espagnols.
Peut-être l'île San-Barlolomeo que vit Loaissa (Loyasaj en 1525 est-elle
une des Marshall; quoi qu'il en soit, les « Jardines », ainsi nommées en
1 529 par Alvaro de Saavedra, étaient certainement des îles de ce groupe, de
même que les islas dos Pcscadores, visitées dans ces parages par d'autres
navigateurs du seizième siècle. En 1507, Mendana de Neyra traversa aussi
le groupe méridional, l'archipel d'Ellice; toutefois les découvertes précises,
permettani d'idenlilier exactement les îles, ne se iirent que deux siècles
jilus lard, lors de l'exploration inélhoiliipic di^ l'Océan.
En 1707, Wallis reconnut le premier deux îles du groupe des l'esca-
dort's. |(uis, en I7S(S, |(>s deux anglais Marshall et Gilbert, revenant de
Port-Jackson, où ils avaient déposé leur cargaison de coiirich, traversèrent
ces régions de la Mieronésie orientale cl (■ludièrcnl en détail le gisement
cl la forme des îles, connues désormais sous leurs noms; mais on leui'
donne aussi d'autres appellations : ainsi les Gilbert sont désignées comme
les Kingsmill-islands et les Line-islands, c'est-à-dire <( îles de l'Equateur».
D'autres navigateurs anglais suivirent Marshall et Gilbert; |iuis, après les
guerres de l'Empire, Kolzebiie et Chamisso, sur le vaisseau russe le Itnril,-,
firent leur expédition mémorable au milieu des atoll micronésiens. En
18'2">, Duperrey visita aussi deux des îles importantes de l'aicliiitel
MICRONESIE OniEMALE. fiflO
Jlarshiill, l'I depuis, îles missionnaires el des traitants, aynni longlcmps
réside en diverses parties des archipels, en ont donné de remarquables
monographies. On peut maintenant indiquer la superficie approximative
des archipels et en évaluer la jiopulalion'.
Presque toutes les îles des trois archipels, qui reposent sur un socle
commun de moins de 1850 mètres en profondeur, sont allongées dans le
sens du nord-ouest au sud-est, qui est également celui du sillon sous-
marin : un soulèvemont du fond les unirait en une seule tei're étroite et
longue avec l'archipel de Samoa. A l'exception de trois ou quatre îles qui
nul été probablement exhaussées par une poussée volcanique, toutes les îles
des groupes Marshall, Gilbert, Ellice sont des terres basses, de formation
coralligène, ne dépassant le niveau de la mer que d'un mètre ou un mètre
et demi, si ce n'est sur ipichpies plages où le vent a plissé le sable en dunes
mouvantes. Parmi ces îles de corail, il en est que les alluvions marines
ont unies en une terre continue, sans brèches ni lagunes; mais la plupart
sont des atoll avec ceinture extérieure d'îlots et de récifs et lagon central
offrant un abri aux navires, ou du moins aux barques : ce genre de for-
mation a même valu à l'archipel d'Ellice d'être appelé <i îles des Lagons m,
nom par lequel le désignent habituellement les missionnaires. De loin, ces
îles coralliennes présentent ordinairement le même aspect : en bas la zone
blanche des brisants, en haut le feuillage vert. La ■< montagne » par
excellence au milieu de toutes ces terres s'élevant à peine au-dessus des
eaux est une butte de l'île Pleasant, dans l'archipel des Gilbert, haute de
70 mètres-.
La plu|)art des îles Marshall el des Gilberl sont 1res remarquables parmi
les atoll de l'océan Pacifique par la bizai'rerie de leurs formes. Il en es!
])eu d'annulaires, ce qui provient sans doute de l'irrégularité du socle
volcanique sur lequel s'élèvent leurs constructions. Les triangles et les
trapèzes dominent dans les Marshall ; Arhno ressemble à une tète de bœuf
aux cornes aiguës; d'autres îles rappellent la forme de navettes, d'étriers,
de harpes. Presque tous les atoll n'ont de récifs continus que sur la face
orientale, tournée toujours de l'est à l'ouest; la face occidentale des atoll
' Surface et poiuilalion des îles et atol! dans les archipels de Marshall, Gilhert, Ellice :
,. , Il l Iles Ralik . . . 273 lui. carrés 3 I iô » (Witt, Kuhn).
ilarshall ^ ^^ ^^^^^ ^^g „ „ 7o20hab.(Witt,Uernsheim)
Gilbert ou Kingsmill . . . 428 » n 41000 » (Finsch.Turner).
Ellice 3ti » » 3 503 » (Whiimee)
Enseiiihle. . . 8(jti kil. carrés. 54 968hah.
' Gciselei, .4«H«/c/i ih'r Hijdroijraphie, l8Si.
«10
KOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
ne se révèle que par des brisants écumeux. La raison déco coiilrasto est
facile à comprendre : du côté de l'ouest, les vagues, lentes et sans force,
se déroulent au-dessus des récifs sans les détruire, tandis qu'à l'est la
houle du large, beaucoup plus violente, détache de gros fragments de
^'• 124 ILE 1) ARH.NO.
Est de Par.s
Oapr-
De oU iiièlres et au (k'iù.
roche et les accumule en (hdiris, que les coquillages et le sable lin cimentent
peu à peu et transforment en une berge solide; les semences qui tlotlent
sur la vague s'arrêtent sur l'écueil émergé et les arbustes s'élèvent.
commencement de la forêt future. De tous les atoll boisés. Maraki, dans
les Gilbert, est le plus charmant' : vu du haut d'un mal. on dirait une
Daiui, uuviiii'c cilé.
MICRÛNÉSIK ORIENTALE.
6il
guirlande verte tlottaul sur les eaux bleues. Presque tous les ilôts tic
l'atoll se sont unis en un seul anneau.
Le climat des Marshall est un des plus agréables du monde océaiii([ue;
le vent du nord-est, qui soulUe régulièrement de novembre en février, et
N'* 125. ARCmPEL DES M.\R3I[ALL.
Est de P,
sookil.
qui dans le reste de Tannée est parfois remplacé par des vents d'est et du
sud-est, ou même interrompu par des calmes, tempère les chaleurs nor-
males de CCS latitudes : c'est en octobre et novembre que les tempêtes sont
le plus à craindre. Plus éloignées des terres continentales que les Carolines
et les Mariannes, les îles Marshall ont un climat plus océanique: elles oui
612 NOUVELLE CÉOGR AI'UIE UNIVERSELLE.
nussi une flore et une faune d'une plus grande pauvreté, quoique très
riches encore pour des îles d'origine coralligène. Chamisso n'avait trouvé
que 59 espèces de plantes, dont 7 cultivées dans l'archipel, et les natu-
ralistes qui ont parcouru les mêmes iles depuis son voyage, n'ont guère
ajouté de lormes végétales nouvelles à son herltiei': une seule, espèce
serait |)ro|)re aux îles Marshall. La plante la plu^ utile rsl le iMiiilamia
odoriilissiiniis, dont les indigènes [lossèdent une vingtaine de \ariélés
et qui Iburnit leur princi|)ale iioui'riture : elle atteint dans ces iles des
dimensions qu'elle n'a point ailleurs. Le cocotier, représenté aussi par
des variétés distinctes, est moins utilisé pour l'alimentation depuis que
les traitants se sont établis dans le pays et font recueillir le koprah pour
la fabrication de l'huile et l'exportation; (|uanl à l'arbre à pain, il est plus
grand et plus beau dans la partie méridionale de l'archipel Marshall (jue
dans toute autre région de l'Océanie. Ni mammifères, ni oiseaux d'esjiècc
particulière ne se rencontrent dans la faune des Marshall ; mais les chè-
vres, les cochons, les chais y ont beaucoup multiplié et le poulet domes-
tique y est redevenu sauvage'.
Le type des indigènes varie graduellement du nord au sud. Les habitants
des Marshall ressemblent auxCarolins, et comme eux ils appartiennent au
groupe des Micronésiens, tandis que les habitanis de l'archipel d'Ellice sont
des Polynésiens de race à peu près pure, comme ceux des îles orientales.
Entre les deux types extrêmes, les gens des îles Gilbert sont de provenance
mélangée, mais dans l'ensemble doivent être considérés comme des
Micronésiens : ce sont les plus beaux parmi les naturels des iles. et quel-
ques-uns d'entre eux ont une taille presque gigantesque. Mainte figure est
tout à fait européenne et l'on rencontre çà et là des individus que Ton
prendrait pour des Juifs, à la forme de leur nez, légèrement aquilin. Les
anciens costumes, pagnes et franges, ont à peu près disparu, si ce n'est
dans les îles oîi les missionnaires n'ont pas encore abordé, et les indigènes
n'ont guère plus d'autres ornements que des fleurs ou des feuilles dans le
\o]h' percé de l'oreille, des plumes d'oiseaux ou des colliers. Le tatouage est
pres(|ue abandonné. Au commencement de ce siècle, c'était une obligation
sacrée de se faire dessiner sur le corps des figures de signification sym-
bolique. Le chef qui procédait à celte opération ne s'y livrait (jue la nuit,
après avoir appelé un dieu à son aide, et devait attendre (|u'une voix favo-
rable lui répondît du lointain : presijue toujours il percevait un son, bruit
de la vague ou du vent, chant d'oiseau ou voix humaine, qu'il pouvait
* Cari llager, Die Marsliall-hiseln.
MICKUNKSIENS ORIESTAIX. (515
interpréter comme la réponse du dieu'. Les artistes se faisaient payer l'ort
ciier, et de pauvres indigènes avaient à travailler pendant des années pour
s'acquitter envers le tatoueur".
En 1817. lorsque Âdalbert de Clianiisso explorait les îles Marshall en
(■ompa,unie de son ami le Carolin Kaduu. les indigènes, non encore livrés aux
traitaniset aux missionnaires, lui paiaissaientètre une nation remarquable
j)ar ses hautes qualités, par son inlelligeuce et son initiative : |iartou(
il voyait l'image de la [mix, l'amour du travail, la concorde dans les
familles, un grand sentiment d'égalité, même devant les chefs. Mais cette
population qui lui semblait pleine d'avenir est précisément une de celles
qui ont le plus rapidement déchu : la phtisie emporte les jeunes gens; les
objets de manufacture étrangère tuent l'initiative, les redites européennes
empêchent de penser. Il est des îles où l'on ne voit plus un seul outil fabri-
qué par les naturels, et dont les villages ressemblent à de misérables
faubourgs d'une ville américaine. Les pécheurs des Marshall, aussi remar-
quables que les Carolins par leur intelligence géographique, et comme
eux très grands voyageurs, savent encore construire des bateaux; mais
ces esquifs, travaillés à la hache, n'ont plus ni l'élégance, ni la solidité, ni
la vitesse de ceux que leurs ancêtres façonnaient avec la pierre ; bientôt
même on ne saura plus en charpenter, et les indigènes qui resteront ne
seront plus que de pauvres rameurs sur les canots des blancs. On érige
des pagaies sur les tombes des morts illustres.
Les insulaires de ces archipels ont des traditions qui rapi)ellent l'an-
cienne existence du cannibalisme, au moins dans quelques îles. Le guer-
rier prenait le nom de l'ennemi vaincu, sans doute parce qu'autrefois il en
mangeait la chair". D'autres coutumes sanguinaires ont régné : c'est ainsi
que, dans le groupe de Ralak, la mère ne pouvait garder que ses trois
premiers enfants; s'il en naissait un quatrième, elle devait l'enterrer
de ses propres mains, .\insi le voulait la religion; mais on n'en témoi-
gnait pas moins une grande tendresse aux survivants, et quand une
femme mourait, d'autres se présentaient aussitôt pour adopter sa famille.
En général, l'épouse était très respectée par son mari : elle n'avait d'autre
labeur que le tissage des nattes et des voiles et la préparation des mets ;
les hommes se livraient à tous les travaux de force. Dans les combats, les
époux étaient à côté l'un de l'autre. L'homme lançait le javelot, et la femme
restait à côté de lui pour écarter le trait qui pouvait l'atteindre ou pour se
' A. von Charaisso, Entdecuimijsreise in die Siidsee iiml nach der Beriitgslrasse.
- F. Uemsheiin. Siklsee-Eriimerunçien.
= Meinicke; — Waitz-Gerland, Anthropologie der .\'atiiroolker.
fiU NOrVKLLi; CKOCRAi'llli: UMVERSKLLK.
précipiter au-tk'v;ml du vainqueur et lui demander grâce. Dans les iles
Gilbert, elle ne f|uillait même pas l'époux ou le fils après la mort : elle
restait avec le cadavre ju'^qu'à ce que la chair s'en fut détachée, et ses pa-
rents venaient se frotter le corps de ces déhiis humains.
La religion n'était guère que le culte des esprits, et les temples se rédui-
saient à un espace carré entre quatre pierres, ou à l'ombre d'un rocher ou
d'un grand ai'bre. Les prêtres avaient quelque influence, mais bien faible
en comparaison de celle des chefs, dont la plupart exerçaient un pouvoir
absolu ; les rois de certaines îles se faisaient suivre en voyage par tous
leurs sujets : en leur absence, aucun homme n'eût pu rester sur la même
île que les épouses royales. Hager parle d'un chef qui, apprenant l'al-
phabet, faisait abattre la tète de tous ceux dont les progrès étaient plus ra-
pides que les siens. La hiérarchie sociale est nettement établie. Au-dessous
des irui}/, parmi les(piels on choisit les rois, par ordre de descendance
maternelle, viennent les princes, [uiis les propriétaires, et enfin les « gens
de rien », les pauvres, auxquels on peut reprendre sans indemnité la terre
qu'ils cultivent et qui ne peuvent se marier qu'à une seule femme. C'est
parmi eux (]uc l'on recrutait naguère des « engagés » pour les plantations
des Samoa ; mais dans les Marshall le nombre des insulaires a tellement
diminué, qu'il en reste à peine assez pour la culture des palmeraies de
leurs propres archi[)els. Les arides Gilbert, qui, en proportion de leur
étendue, sont le plus peuplé des gi'oupes océaniens, puisqu'il a plus de
iSU habitants par kilomètre carré, ont pu fournir plus de travailleui's aux
traitants ; mais là aussi le marché des hommes est presque épuisé.
Des mai'chands européens sont établis dans l'archipel des Marshall de-
puis l'année 1864. La plupart représentent des maisons allemandes ; ce-
pendant ils ont aussi à soutenir la concurrence des missionnaires, de
marchands anglais, américains, havaïiens, néo-zélandais, même chinois,
et c'est afin d'assurer leur prépondérance commerciale, fortement menacée,
qu'ils réclamèrent pour les îles Marshall le « protectorat )> germanique,
accordé par le gouvernement en 1885; ils y firent ajouter aussi deux
petits ai-chipels qui, d'api'ès la convention avec rEs[)agne, devraient plutôt
être attribués à la zone des Carolines : ce sont les îles Enivvetok ou Brown
et les récifs de Providence. Le poste de Jaluit est devenu le chef-lieu admi-
nistratif des possessions allemandes, comme il était déjà le centre des
échanges avec les Carolines, les Gilbert et toutes les îles de ces parages'.
Des plantations et des comptoirs sont élalilis dans les îles Milli, Namorek.
' MnuveiiiLTil comiiiereial de Jaluit ou 1SS4, à l'eiilrét' l't à la sortie :
C'J navires, jaugeant Sio^ tonnes, dont iO allemands, jaugeant ôôôl tonnes.
MICRONESIK ORIENTALE. GIT)
Arhiio, Miijuro, Likich, Elion, cl d'aiilres encore. (Juaiil aux missions,
elles sont dirigées princijiaiement par des missionnaires havaiiens, peu
aimés des marchands : des eonflils d'inlérèls ont eu lieu et |)ar ordre des
« protecteurs » ont été tranchés au profit des négociants de Jaluil.
Au nord des Marshall se trouvent quelques îles que l'on doit considérer
comme appartenant sinon aux mêmes groupes, du moins à la même aire
géographique. Telle est Gaspar Rico ou Cornwallis. Les îles et les récil's qui
se suivent en traînées vers le Japon sont séparées par de grandes profon-
deurs océaniques de la saillie sur laquelle reposent les Marshall.
l,e lahleaii sui\aiil donne la liste des archipels de la Micronésie orien-
tale, avec le nomhre des îles, la superficie el la [lopulation présumée
des lochers solitaires ou des groupes (pii ont au moins 3 kilomètres
carrés :
UKS ILES un GROUPES 11 ILLS.
Ralik. . .
âTûliii. car.
".143 hab.
Ratak. .
129kil.car.,
TàiiOliab.
MARSHALL.
Eiiiwetok (Brown)
Bikini (Eschhullz)
Alinginac
Rongerik (Riiiiskiy Korsaliov) . .
Rongelap (Pcscadorcs)
WoUho (Kabahaia, Schanz) . .
l'jae (Cathei'ine, Serpent) . . . .
Lae (Lai, Brown)
Mcnlcbikov (Zwadjeliii). . . .
Nainu (>iamo, Ross, etc.). . . .
Elmore (Odia. Oja, I\rointcheiiko)
Jaluit (Bonhaiii, Rlizabeth) . . .
Nainorek (Baring)
Ebon (Boston, etc.)
Autres îles
Bikar (Farnbani)
Ulirik et Taka (Suvoi'ov) . . . .
Ailuk
Jemo
Likieb (ILiydenj
Wotje (Ûtdia, Romanlzov) . . .
Erikub (Ctitctiilchagov)
Maloelab (Calvert, Arakcheyev). .
Aurh (Ibbetson)
Arrowsniith (Majuro, Majurok). .
Arhno (l)anieL Padder)
Milli (Loid .Miilgravel
2G
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14
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NOUVELLE OÉor.RAPUIE UN'I VERSELLE.
ijiLBCi'.T (i'2b kildmi'li't's c"invs; 41 OUI) linljilaiil:-
kil.
Makin
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ImI).
.")00 (Finseli).
Tai'itari (Butaritan) . .
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2 500 »
Maraki (Matthew) . . .
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1 500
Apaiang (Charlotte). . .
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5 000 >)
Tarawa (Knox, Cook) . .
40
2 000 )-
Maiana (Hall, Gilbert). .
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5 000 »
Kuria (Woodle) ....
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] 000 »
,\ranuka (Uenderville). .
16
1 000
Apamama(llopp., Simp.)
17
4 300 «
Nonouli (Svdcnhain) .
. 50
4 300 (Turner)
Tapoteowea(Druminond) 25
7 500 (Dana).
Oiieatoa (Clcrk, Eliza).
25
950 (Turner)
Peru (Francis, Sunday)
ÙO
2 500 V
Nukunan (Byron). . .
25
2 000 »
Tamana (Chase) . . .
10
1 700
Arorai (Hope) ....
50
(iOO
Paanopa (Barnahal. .
25
150 »
Pleasanl
5
1 400 »
ELLICE (5() kilomètres earrés; 5505 habitanis).
Nanomea (Sf-Augusfin) . 6 440 (Tnrnor). I Nui-Eeg (Nederland).. . 5 -440 (Tnrner)
Iludson 5 255 « Funafuti (Ëllice). ... 6 145 n
Lynx (Speiden, Kiu Tao). i 460 « ' Nukuladai (Mitehell), . . 6 105 »
Autres iles
4 kiL car. 480 bah. (Turner)
CHAPITRE VI
PAPOUASIE
Cette grande ferre, nommée le plus souvent Nouvelle-Guinée, appellation
qu'elle dut. en 1545, à l'Espagnol Inigo Ortiz de Retis, grâce à la res-
semblance de ses habitants avec ceux de la Guinée africaine, est, après
l'Australie, la terre continentale la plus vaste du Pacifique : elle dépasse
même Bornéo en étendue. De l'extrémité nord-occidentale de la Papouasie
à l'extrémité sud-orientale, la distance en ligne droite est de 2590 kilo-
mètres, sans compter les groupes et les traînées d'îles et d'îlots qui conti-
nuent des deux côtés la grande terre; dans sa partie la plus large, la
distance de la côte à la contre-côte dépasse 600 kilomètres. La superficie
totale de l'île a été évaluée par Behm et Wagner à 785 562 kilomètres
carrés : d'après les mêmes auteurs, elle est de 814859 kilomètres si l'on
comprend avec la Nouvelle-Guinée l'archipel d'Aroe et les autres groupes
d'îles qui en dépendent, comme les décombres épars autour d'un édifice
en ruines. Cette vaste contrée, égale à une fois et demie la France en
étendue, semble destinée à prendre une importance de premier ordre,
car elle est abondamment arrosée et riche en productions diverses ; néan-
moins elle est restée jusqu'à nos jours presque entièrement en dehors du
domaine de l'humanité civilisée : les récifs de ses côtes, ses marécages,
ses forêts et son immensité même l'ont défendue contre les envahisseurs
blancs, et la population clairsemée qui l'habite, divisée en de nombreuses
tribus, ne s'est nulle part constituée en nation. Mais, quoique inexplo-
rée encore, la Papouasie est déjà partagée : la Hollande, qui revendiquait
la grande ile depuis plus d'un demi-siècle, est désormais reconnue pro-
priétaire de la région limitée à l'orient par le 141' degré de longitude
E. de Greenwich, et le reste de la Nouvelle-Guinée est réparti, depuis le traité
de 1885, entre l'Angleterre et l'Allemagne. La première a le versant méri-
618 NOUVELLE GÉOGRAPllIE l'MVERSELLE. .
dional, baigné par les eaux du (h'iioil de Torrcs; la seconde s'est em-
parée des côtes tournées vers l'Océan'. C'est en vain que Miklnklio-Maklaï
transmit aux gouvernements d'Europe la protestation des indigènes de
la côte Makîaï contre toute annexion de leur pays.
L'honneur de la découverte n'appartient à aucune des nations qui se sont
approprié la Nouvelle-Guinée. Une lettre du Florentin Corsali, adi'cssée
en 1515 à Julien de Médicis, mentionne l'existence d'une terre fort éten-
due située à l'orient des Moluques : il s'agissait probablement de l'île des
Papoua; mais la plupart des historiens en attribuent la découverte réelle,
ou du moins celle de quelques-unes des îles attenantes, au Portugais Jorge
de Menezes : ce « bon port de Versiya « dans lequel il hiverna, de 1526
à 1527, était peut-être Warsai, vers l'extrémité nord-occidentale de la
Nouvelle-Guinée". Quoi qu'il en soit, on ne peut avoir de doutes sur la
direction suivie par le navigateur qui parcourut ces mers après Menezes,
l'Espagnol Alvaro de Saavedra. En 1528, il mouilla près d'une « île de
l'Or n, qui est probablement une de celles qui se trouvent dans la baie de
Geelvink; puis, l'année suivante, il longea au sud de l'équateur une côte
qui se profilait vers le sud-est sur un espace de plusieurs degrés en longi-
tude : cette côte était certainement celle de la Nouvelle-Guinée. Seize
années après, Relis lui donnait le nom qu'elle porte encore aujourd'hui
et en prenait possession pour la couronne d'Espagne. Pourtant on ignorait
encore si cette grande terre était une île ou s'il fallait y voir une simple
dépendance de ce continent qu'on s'imaginait former dans l'hémisphère
du sud un contrepoids aux continents du nord. Il est vrai que des cartes
du seizième siècle représentent déjà la Papouasie comme une île; mais
d'autres cartes, notamment celle de Valentijn, en ])l('in dix-huitième
siècle, ne séparent pas encore la Nouvelle-Guinée de l'AusIralic.
Dès l'année ItidB, l'insularité de la terre des Papoua avait été pratique-
ment démontrée ]iar le pilote espagnol Torres, qui s'était avancé à travers
les écueils dans le périlleux détroit, et qui avait en même temps reconnu
les côtes méridionales de la Nouvelle-Guinée. Mais cette découverte, soi-
gneusement cachée comme un secret d'Etat, ensevelie dans les ai'chives de
Manille, avait fini par être oubliée des Espagnols eux-mêmes, d plus d'un
• Divisions dp la Mouvelle-Guincc, avec évalualion approximative de la superficie et de la popu-
laliun :
Teniloire hollandais, avec les îlesOccidenlales. 300 000 kil. carrés. 500 000 halj.
I) anglais, avec les îles Orientales. 250 000 n 1 10 000 »
« allemand tSO 000 <, 100 000 d
- Tiele, Europeecrs in dcn Malcisclicn Archipel; — Eaga, Nccicriaiidsch Sicmo-Guinca.
DÉCOlVERTf:, EXPLORATION OE LA NOUVELLE-GULNÉE,
619
siècle et demi s"écouia avant (jue les Anglais, s'emparanl de la capitale des
Philippines en 1762, ne donnassent en même temps à Dalrymple l'occasion
d'apprendre l'événement géographique de premier ordre auquel se rattache
désormais la mémoire de Torres. Bientôt après, en 1770, Cook, reprenant
l'itinéraire du navigateur espagnol, parcourut de nouveau le détroit, qu'il
croyait être le premier à visiter, et la Nouvelle-Guinée prit enfin sur les
cartes une forme rapprochée de ses véritables contours.
Pendant l'intervalle, d'autres marins avaient reconnu sur divers points
les côtes de la Papouasie. \Villem Jansz, sur le navire Dnyfken, s'était
avancé, en 1006. jusqu'à l'archipel d'Aroe et aux côtes sud-occidentales de
N° 126. PRIXXIPACX VOYAGES SUR LES COTES ET DANS LINTÉniElR DE LV NOLVELLE-GCLNÉE.
Est
Ji^ "^-V..
lo:
£:*&2^
1 2iooonno
la Nouvelle-Guinée; dix ans plus tard. Le Maire et Schouten découvraient
l'archipel de Schouten, au nord de la baie de Geelvink; puis, en IG^ô,
Carstensz poussait jusqu'au Yalsche Kaap, à la pointe de l'île Frederik
Hendrik. D'autres navigateurs, parmi lesquels le célèbre Tasman, visitèrent
aussi les deux côtes du nord et du sud; mais à la fin du dix-septième siècle
File était encore si peu connue, que Rumphius en décrit d'une manière
tout à fait erronée l'extrémité occidentale, la seule dont il eût entendu
parler, et la prolonge même au nord de l'équateur. La crainte que les
Anglais ne parvinssent à fonder des colonies sur les côtes de la Nouvelle-
Guinée et ne ravissent à la Compagnie hollandaise le monopole des épices,
ramena l'attention vers la grande île. En effet, le pirate Dampier avait
longé au noid le rivage papouasien et constaté que les archipels de la
•JiO NOlVni.I.F; (.KOIIRAPIIIE liMVEliSELLE.
NoiivelJc-Irlanilc cl de la ^'ouvolIe-Brclagne sont disliiicis de la Papnuasio
pro|iienient dite. Le navigateur Wijiaiid i'iil donc envoyé dans les mêmes
parages, et le littoral du nord fut reconnu jusqu'à son extrémité orien-
tale, et même an delà, puisijue l'archipel Massim ou de la Louisiade était
considéré comme faisant partie de la Aouvelle-Gninée. D'anciennes cartes
espagnoles, étudiées par M. Ilamy et comparées avec soin aux documents
hollandais, oui pr(>uv('' (pie Tdiies el les navigateurs qui l'avaient précédé
au seizième siècle avai<'iil (li'jà reconnu d'une manière gé'nérale la forme
de la Pa[)ouasie dans sa parlie orienlale'.
L'expédition de Cook commence l'ère des explorations modei'ues sur les
côtes de la Papouasie. Avant la fin du dix-huitième siècle, Forrest, Mac
Cluer, d'Entrecasteaux relèvent le tracé de longues étendues du litloral.
Mais les guerres qui entre-heurtenl les peuples de l'Europe, interrompent
les voyages de découverte, et ils ne reprennent qu'à la paix. Duperrey,
Dumont-d'Urville, Belcher sont au nomhre des premiers marins (pii élu-
dient les parages de la Nouvelle-Guinée; Kolff parcourt le détroit cjui
sépare l'île de Frederik Hendrik de la grande terre, et qu'il croyait être une
rivière; puis, en 1828, il fonde sur la haie du Triton, en face de l'archipel
d'Aroe, le premier jtoste militaire occupé par des Européens sur la côte
papouasienne. Le fort du Bus, ahandoiiiié depuis à cause de l'insaluhrilé
des environs, lut le commencement de l'œuvre d'annexion, qui s'opère
lentement, mais d'une manière irrésislihle. C'est dans la même année
1828 que le gouvernement hollandais |)i-oclama officiellement la prise
de possession du territoire néo-guinéeii jusqu'au lil'degré de longitude
E. de Greenvvich et suhstiiua son aulorilé à celle de son vassal le sultan
de Tidore.
Désormais, c'est l'intérieur même de la masse continentale qu'il s'agit
de connaitre. De savants naturalistes, tels que Jukes, Wallace, Cerruti,
Beccari, d'Alhertis, Bernstein, Meyer, Raffray, se sont avancés déjà au loin
dans l'intérieur des terres. Mais, si nombreux que soient les efforts en vue
d'une exploration complète de l'île, avec ses populations, ses produits, ses
richesses naturelles, la Nouvelle-Guinée est encore une des contrées les
moins connues de la surface tei'restre : le funeste climat des régions
cotières, cl par conséquent le petit nomhre de points où des Européens ont
pu s'étahlir pour ravitailler les voyageurs, le manque absolu de stations
sur les plateaux saluhres de l'intérieur, el l'hoslililé trop souvent justifiée
' E.-T. Il;iiii\ . Cfilics (imiennes de la Nouvelle-Guinée, Bulletin de la Sociélé de Géogiaphie,
nmnuhw 1S77.
.'if ITTiSifirti
f I
Il u
rud^if
MONTAGNES DE LA NOUVELLE-GUINÉE. 625
des indigènes, qui se dédent à bon droit des blancs, tenant d'une main
le pistolet et de l'autre la bouteille d'eau-de-vie, rendent les voyages très
difficiles et souvent impossibles. Pour achever l'œuvre sans violence,
il l'audrait des explorateurs tels que Mikl'ukho-Makl'aï, qui se donna
comme plan de conduite d'être toujours discret, patient, véridique à
l'égard des naturels, et qui sut, au milieu des plus grands périls, rester
fidèle à ses résolutions; mais de pareils héros sont rares. II en est peu qui
aient « démontré par l'expérience que sur tous les points de la Terre
l'homme est bien un homme, c'est-cà-dire un être bon et sociable, avec
lequel on peut et l'on doit entrer en relations [)ar la bonté et la justice' ».
La Nouvelle-Guinée n'a pas une forme massive comme le continent aus-
tralien qu'elle sépare des mers équatoriales. On l'a comparée à un oiseau
gigantesque' : la péninsule du nord-ouest, ouvrant son large golfe, serait
la tète de l'animal; le cou est indiqué par l'isthme que resserrent la baie
de Geelvink et celle de l'Etna ; la queue se prolonge au sud-est, toute
frangée de petites presqu'îles parallèles qui ressemblent à des plumes.
Mais, en étudiant la forme de la Papouasie telle qu'elle serait si les eaux
environnantes se retiraient soudain, on constate qu'une faible dénivella-
tion d'une centaine de mètres suffirait pour rattacher cette île à l'Aus-
tralie : l'archipel de la Louisîade prolongerait la Nouvelle-Guinée vers le
sud-ouest, et d'autres îles l'uniraient à la grande terre ; mais à l'ouest, au
nord, au sud-est, s'ouvrent des abîmes qui limitent bien nettement la
masse insulaire. Au nord, la mer a des creux de plus de 2000 mètres : ce
sont les « fonds de Nares ^> ; même entre la côte néo-guinéenne et la
Nouvelle-Bretagne la sonde ne touche qu'à plus de 1000 mètres de profon-
deur. Au sud-est, les « fonds deCarpenter », ({ui s'avancent en golfe sous-
marin entre la Louisiade et la « Grande Barrière « des récifs australiens,
ont un gouffre central de 2450 mètres.
A l'extrémité nord-occidentale de la Nouvelle-Guinée quelques îles
d'assez grandes dimensions, Misool, Salwatie, Balanta, Waigeoe et d'autres
plus petites, indiquent le commencement du relief qui, dans l'île majeure,
se redresse en hauts sommets. La péninsule de Berau, appartenant à la
Papouasie proprement dite, est déjà fort élevée : les monts d'Arfak, qui
longent la côte septentrionale de cette péninsule, se terminent à l'entrée de
la baie de Geelvink par une cime de 2902 mètres, présentant, du côté de
la mer, des pentes très escarpées. Le golfe de Berau. appelé par les Euro-
' Lettre de Tolstoï à Miklouklio-Maklài.
* Jolin Strachan, Explorations und Adcentures in New-Gitinea.
fi2l
NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
])éens golfe de Mac Cluer, eu l'honneur du marin (iiii l'e\|ploia à la lin
du siècle dernier, s'avance à plus de 2()Û kilomètres dans l'intérieur des
terres et sépare presque complètement la pres(prile septentrionale du reste
de la Nouvelle-Guinée; néanmoins un isthme étroit relie les deux terres et
une rangée de collines s'élève entre les deux haies. On s'est longtemps de-
mandé si la presqu'île de Berau n'était pas une île. et récemment encore
le marin Strachan, pénétrant jusque vers l'extrémité orientale du golfe de
Mac Cluer, a prétendu qu'il existait une communication entre les deux
MONTAGNE? DE LA NOCA'ELLE-lirlNEE.
1 : M 0(10 000
c/s '^ÛOa "'s^du ^e/^
mers; cependant le naturaliste Meyer, cheminant de l'une à l'autre haie,
avait déjà reconnu positivement l'absence de tout chenal de communica-
tion. D'après le missionnaire Geiseler, qui résidait en 1867 dans un
village de l'isthme, deux rivières opposées permettent de traverser la
langue de terre en harque : le partage intermédiaire, formé par une
colline rocheuse, a seulement • un quart de mille / en largeur'.
Au sud du golfe de Mac Cluer, une autre indenlation du littoral, étroite
et longue comme un fjord, pénètre au loin dans le corps de l'île : c'est la
profonde haie d'Argoeni, (|ue diunineiit les hauts escarj)ements des monts.
' -100 mèties ou I8.j0 mètres, suivanl ii's milles. (Van lier Crab en Tcysmami; Robidé van lier
Aa, Reizen iiaar IScdertanthcli !Siciiiv-Gui>ieu.)
MOiNTA(iM':S DE LA NOUVELLE-GIINÉE.
625
La péninsule d'Onm, comprise entre ces deux golfes, de Mac Cluer cl d'Ar-
goeni, est fort élevée en moyenne, mais sans atteindre à l'altitude des
montagnes deBerau; quelques sommets seulement dépassent 1000 mètres.
IMus à l'est, on voit se dresser de superbes cimes dans le voisinage immé-
diat de la côte méridionale : le Genoffo, près de l'entrée de la baie d'Ar-
goeni, atteint 1500 mètres; le Lamansieri, au pied duquel se trouvent les
ruines du fort du Bus, n'a (|ue 750 mètres; puis diverses delolili ou haies.
N" 128. GOLFE DE JIMXXIIER.
E , de P,
ûeûâ/ô'"
icK) kil.
celle du Triton, celle de l'Etna, interrompent la chaîne côtière; mais elle
reprend au delà pour former une puissante rangée de monts, la plus
haute de la Nouvelle-Guinée et de tout le monde océanique. Elle commence
au cap Boeroe, par le mont Lakahia (1591 mètres), puis on voit se succé-
der, lie l'ouest à l'est, des cimes de plus en plus élevées. La chaîne, encore
inexplorée dans toute son étendue, dépasse même la ligne des neiges :
un sommet de 5100 mètres se montre aux marins avec un diadème
de pointes resplendissantes. Cette arête neigeuse, à laquelle, dans l'igno-
rance de son nom indigène, on a donné l'api^'llalion de mon! Charles
XIV. 71)
626 .NOUVELLE CÉOGRAI'UIE L.MVERSELLE.
Louis, se continue probal)lemenl vers l'est pour former la crête que d'Al-
hertis a vue au nord du bassin de la rivière Fly, et se rattache, soit par des
plateaux, soit par d'autres rangées de monts, aux chaînes hordières du lit-
toral océanique. Sur celte côte, le mont Gautier ou Tabi atteint 2000 mè-
tres ; le mont Cyclope, qui se dresse plus à l'est, n'est guère intérieur en
altitude; entin, le massif terminal qui s'élève en face de la Nouvelle-
Bretagne et auquel les navigateurs français ont donné le nom de monts
Finisterre, s'élève à 5500 mètres; les promontoires extrêmes offrent
en maints endroits l'aspect de fortifications régulières, composées de rem-
parts en escalier, anciennes plages de corail successivement exhaussées'.
C'est dans cette partie de la Nouvelle-Guinée, voisine des volcans de la
Mélanésie, que la terre tremble le [)lus fréquemment.
L'orographie de la péninsule sud-orientale est celle (|ui a été le mieux
étudiée, grâce au voisinage de l'Australie et à la faible largeur du terri-
toire, de facile abord par la côte et la contre-côte. Les montagnes de cette
presqu'île, annexée à l'empire colonial britannique, ont reçu des noms
anglais. Les monts Albert, situés sur le même méridien que les monts
Finisterre, commencent la chaîne du nord-ouest, puis le mont Yule (o062
mètres) lui succède au sud-est; le mont Owen Stanley (i0!2i mètres)
domine de sa double pointe toute la rangée péninsulaire : c'est en 1888
(]ue la cime, couverte de graniles fougères, a été escaladée pour la ])re-
mière fois |)ar l'Australien Martin. A l'est, la rangée s'abaisse peu à peu,
[tuis elle se divise en deux pointes j)our former la fourche extrême de la
Nouvelle-Guinée et reparaît de dislance en dislance dans la mer avec
l'archipel de Moresby, les îles Massim ou de la Louisiade. Le détroit qui
sépare la grande terre de l'île Ilayter et aulies îles orientales a reçu de
Moresby le nom de China-st rails, parce (|u'il offre une voie directe aux
navires qui se rendent de l'Australie en Chine : les bords de ce détroit
sont parmi les plus beaux de la Mélanésie en grâce et en imprévu. Le
navigateur Owen Stanley a reconnu le premier, en 18i(S, la complète
insularité de l'archipel oriental.
A l'est du détroit de la Chine, la [)éninsule extrême de la Papouasie re-
prend en mer par une traînée d'îlots et de récifs qui se terminent à 500
kilomètres plus loin par les îles de Massim ou de la Louisiade. Toutes ces
terres sont orientées dans le prolongement du grand corps insulaire de la
Nouvelle-Guinée, de l'ouest-nord-ouest à l'est-sud-est. L'île la plus grande,
appelée du Sud-Est par les navigateurs français, est entourée de récifs dis-
' Finsch, \Villi('linis-l(i>td und BisiiKirch-AicliiiM'l ; — Saiiiuiifdlirlcn.
MONTAG.NES, ILES, FLEUVES DE LA NOl VELLE-Gl INÉE. 627
posés également dans le même sens ; au nord, les rochers du Calvados s'a-
lignent vers l'ile Rossel, parallèlement à l'ile du Sud-Est; enfin l'île Saiiil-
Aignan se redresse au nord-ouest en formant un autre sillon de même
orientation. L'archipel d'Enli'ecasteaux, situé au nord de la péninsuh^
terminale de la Papouasie et continuant une des branches de sa fourchi;
lerminale, a la même allure et sert de point d'appui à un hémicycle de
récifs enfermant l'un des plus grands lagons des mers tropicales, souvent
désigné sous le nom de lagon de Lusençay, d'après un de ses récifs; les
îles de Trobriand, de la Grandière, d'autres encore s'élèvent sur ce récif
semi-circulaire, enfermant des eaux peu profondes'. Il est probalde que
toutes ces terres immergées firent autrefois partie du continent papoua-
sien. La péninsule néo-guinéenne des monts Finisterre se prolongeait
jadis par les récifs jusqu'à l'île Woodlark ou Mouyou.
Quoique voisine de la stérile Australie, la Aouvelle-Guinée, baignée de
tous les côtés par la mer, dentelée de golfes profonds, hérissée de pointes
qui arrêtent les nuées pluvieuses et située dans la zone équatoriale, sur la
ligne de rencontre des alizés, est arrosée avec abondance et les fleuves y
prennent un développement considérable, lien est deux qui roulent une
très forte masse liquide. L'Amberno ou Mamberan, le « Grand Fleuve »,
auquel les Hollandais ont aussi donné le nom de Rochussen, est ali-
menté par les monts neigeux de (Charles-Louis, et se déverse à l'est de
la baie de Geelvink, en empiétant sur la mer par un vaste delta aux rami-
fications nombreuses, bordées de palmiers nipa et de casuarinées. La mer
est blanche ou verdàtre à une grande distance au large des bouches de
l'Amberno, et, de crainte des bas-fonds, les navires évitent les abords du
delta : on ne sait pas encore quel est le rameau principal du fleuve. Le
cours d'eau le plus abondant du versant méridional, le Fly, est un peu
mieux connu. Découvert par Blackwood en 1845, et nommé d'après son
navire, ce fleuve puissant a été visité par Jukes, Mac Farlaue, d'Albertis,
qui l'a remonté sur une longueur de 800 kilomètres, jusqu'en vue des
hautes montagnes où il prend son origine. On n'a pas encore parcouru
toutes les branches du delta et l'on se demande si les nombreuses
rivières qui coulent au sud du Fly, précisément en face de la péninsule
australienne de York, sont des fleuves indépendants ou seulement des
effluents du Fly.
Des îles de formation alluviale s'avancent dans la mer aux embouchures
des cours d'eau, mais en maints endroits la côte est bordée d'îlots corallis
' Findlay : — Finscli ; — VV. Powell, Proccedinys of ilie R. Geograpliicul Socicly. 1885.
628 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
gènes, pour la plupart révolus de végélalioii et d'autaiil plus coniparahles
à des corbeilles de verdure que la vague les mine par-dessous en donnant
à leurs rives une corniche surplombante. Il est aussi de grandes îles que
l'on doit considérer comme faisant partie de la j\ouvelle-Guinée. Les plus
vastes sont celles de la baie de Geelvink, Korrido, Biak, Jap|)en. Au sud
de la côte méridionale, l'île de Frederik-IIendrik, qu'une sinueuse ruelle
d'eau sépare de la Klapper-kust ou « côte des Cocotiers », n'est, pour ainsi
dire, île qu'en apparence : un simple banc de sable, une obstruction do
troncs d'arbres en ferait une presqu'île. Plusieurs îlots, surtout dans le
détroit de Terres, sont disposés de manière à former des ports naturels,
précieuse ressource pour les bâtiments dans le voisinage d'une côte peu
découpée, dépourvue de toute crique d'abri sur des centaines de kilo-
mètres. D'après ^Yallace, l'archipel d'Aroe aurait été, comme Frederik-
IIendrik, une terre à peine séparée de la grande île par un marigot. Les
rues et ruelles d'eaux tranquilles qui la découpent en d'innombrables îlots,
comme les quartiers d'une cité, semblent indiquer (jue les îles d'Aroe
furent autrefois une plaine marécageuse de la grande terre, doni les dx^-
naux, après avoir été rem|ilis d'eau douce, ont été envahis graduellement
par l'eau salée. Le phénomène de la mer lactée est assez commun dans les
mers qui avoisinenl l'archipel d'Aioe'.
La position géographique de la Nouvelle-Guinée, sous la même latitude
moyenne que Sumatra, en fait à la fois une contrée chaude et humide,
sans grands écarts de température, sans pluies ni sécheresses trop prolon-
gées. La Nouvelle-Guinée n'a ni les froidures ni les ardeurs estivales de
l'Australie : les voyageurs ne parlent pas de chaleurs ayant dépassé
52 degrés ni de basses températures inl'éi-ieures à 20 degrés*. Comme dans
l'Insulinde, l'alternance des saisons est réglée par les alizés, qui tantôt
soufflent régulièrement du sud-est et du nord-est, tantôt sont infléchis en
moussons et changent de direction suivant les foyers d'appel qui les atti-
rent. Les hautes rangées de montagnes qui partagent l'île en deux ver-
sants très inclinés font contraster de chaque côté la marche des saisons.
Pendant l'hiver de l'hémisphère septentrional, de novembre en avril, alors
■ ' Tt'iiiminck, ouvrage cité.
* Observations faites à la Pointe do l'Eriiiilagc (yjô'O" S. : I4.j"ii)' I" E. tlo (W.) \ku Mikluklio-
Makiaï) :
TeniprT.-ifurc inoyeniic 'J(i".2
Il maxiiiia ôl",8
miniina 2|o,2
Jours (le |iliiic 130
Ouaiilili' de pluie i-".')Qi
ILES AROE. CLIMAT DE LA >OrVELLE-(;UI>'ÉE. ti'29
(|ue l'nlizé (lu nord-est apporte les vapeurs donl il s'est saturé dans la Ira-
vej'sée du Pacifique, les pluies se déversent en alidiidance sur les pentes
des monts tournées vers le nord; l'autre versant, tourné vers l'Australie,
est alors dans la saison des sécheresses ou du moins des pluies l'ares
que laissent tomber les nuées venues avec les vents variables du sud.
Durant l'autre moitié de l'année, de mai en octobre, les alizés du sud-est
souftlent franchement sur les côtes sud-orientales de la Nouvelle-Guinée,
c'est-à-dire toute la partie de l'ile que n'abrite pas le continent australien,
et ces vents sont toujours accompagnés de pluies. A l'ouest du détroit de
Torres, la masse énorme de l'Australie modifie la direction des vents nor-
maux qui proviennent du sud-ouest et de l'ouest, mais qui apportent aussi
des mers parcourues une abondante humidité. Pendant cette saison la
contre-côte présente les phénomènes inverses : les hautes montagnes de
la chaîne Owen Stanley arrêtent complètement l'alizé du sud-est, et dans
les parages abrités les marins ne rencontrent que des calmes ou des vents
inconstants.
Terre à demi australienne, la Nouvelle-Guinée offre une végétation
moins riche que celle de l'insulinde, mais par ses presqu'îles occidentales
elle semble appartenir à la même zone que les Moluques, et l'on y trouve
les mêmes arbres, notamment les muscadiers. Dans les régions orien-
tales, les acacias, les eucalyptus rappellent le voisinage de l'Australie. On
peut dire qu'en général les deux flores s'entre-croisent dans le corps insu-
laire de la Nouvelle-Guinée; elles alternent suivant la sécheresse ou l'hu-
midité des versants. Là où les pentes manquent d'eau, c'est la flore austra-
lienne qui domine, les arbres clairsemés des bois sont des eucalyptus et
d'autres essences de la Nouvelle-Hollande; les u hiM'bes à kangourou » y
ondulent en de vastes savanes, tandis qu'au bord des ruisseaux croissent
les arbres à pain, les manguiers, les sang-dragons, les pandanus, les pal-
miers à noix d'arec et les cocotiers'. Mais il est aussi un grand nombiv»
d'espèces propres à la Nouvelle-Guinée : Beccari a compté une cinquantaine
de palmiers que la grande lie est seule à posséder. Le sassafras goheianum
est une laurinée dont le liber fournit la préci(uise huile de massoï, très
estimée comme fébrifuge dans l'archipel Malais.
La ressemblance des faunes est grande entre l(^s deux contrées voisines,
la Nouvelle-Guinée et l'Australie, pourtant bien dissemblables par l'aspect
général, le relief et le climat. D'un côté, un pays de hautes montagnes, de
vents pluvieux, de vallées humides, de grands fleuves, de vastes forêts
' W. {',. Lawes, Pi-occediiujs of tlie H. Gcoyropliical Surictij, OcloLer 1880.
050 NOUVELLK f;ÉOi;ilAPllIE IMVKIiSELLE.
toujours vertes; de l'auli'c, un eonlineiit iui.x |il;iines sans bornes, aux
terrains pierreux et sans eau, aux brousses épineuses ; néanmoins hi l'aune
des mammifères appartient à h\ même aire de dispersion, ce qui ne peut
s'expliquer que par le fait d'une ancienne jonction des terres : la forma-
tion du détroit de Torres est un événement moderne dans l'histoire de
la planète'. Mais les animaux ont dû modifier leurs mœurs pour s'accom-
moder au milieu. Ainsi l'un des kangourous de la JNouvelle-Guinée a cessé
d'être un animal sauteur pour devenir grimpeur : sa queue s'est couverte
de poils et amincie, ses pattes se sont garnies de griffes, et il se meut le
long des ramures par petits sauts; au lieu de paître l'herbe, il se nourrit
du riche feuillage des arbres; toutefois il est encore malhabile à l'esca-
lade et ne manquerait pas d'être exterminé si des félins parcouraient les
forêts de la Nouvelle-Guinée.
Plus de 30 espèces de marsupiaux, dont l'un est aussi petit qu'un rat,
constituent, avec un sanglier, des chauves-souris, des souris et des mono-
trèmes, toute la faune des mammifères de la Pajtouasie. Le chien dingo,
qui accompagne partout l'indigène, est venu comme (nix de jiays étrangers
à une époque immémoriale*; comme le chien d'Australie, il n'aboie point ;
il ne se nourrit guèi'e (jue de végétaux et de fruits, et sa chair est excel-
Icriie. l'ar ses oiseaux, la grande île n'est plus une simple province austra-
lienne, elle appartient également à la Malaisie. Seulement dans la péninsule
nord-occidentale de la Nouvelle-Guinée et dans les îles avoisinantes, Wal-
lace et d'autres naturalistes ont constaté l'existence d'au moins 250 espèces
d'oiseaux terrestres, appartenant à lOS genres, dont 6i |)ro|»res à l'aire
de la Nouvelle-Guinée, des Molu(|ues et de l'Australie du nord. VA |)armi ces
espèces il en est qui sont des plus remarquables par l'élégance, l'origi-
nalité des formes et l'éclat des couleurs. L'une est le plus beau des pi-
geons, goura coronata; d'autres sont des perroquets, le grand cacatoès
noir et le nasiterna, « le géant et le nain » de la tribu ; enfin, la Nouvelle-
Guinée est aussi le centre de dispersion pour ces merveilleux oiseaux
de paradis, que les Malais appelaient les « oiseaux de Dieu » et que l'on
croyait jadis ne pouvoir vivre que sur l'aile, volant vers le soleil : on pré-
tendait qu'ils n'avaient point de pattes, car on n'apportait les jteaux que
mutilées sur les marchés des Moluques, et même Linné donna à la grande
espèce le nom de paradhea apoda. Le casoar est aussi l'un des oiseaux
de l'omis papouasienne. Les gi'ands rapaces manquent presque complè-
' Alfred II. Wallace. Tlic Matdij Arrliipelaijo.
- 0. Fiiisfh, Samoa fdluicii.
FAUNE, POIHLATION UK LA NOUVELLE-GUINÉE. Oôl
Icmcnt, et c'est gi';ice à leur ahst-iice (ju'oiil pu se développer (ant d'es-
pèces d'oiseaux au plumage éclatant'. En mainte triliu, les indigènes élè-
vent des coqs et des perroquets pour les plumes qu'ils leur fournissent.
Parmi les serpents néo-guinéens, très nombreux, se trouve une espèci;
v.uv'ieusCjieclioiHlropytlinu iiidcher, formant la transition entre les seqx'uls
l)oas d'Amériipie et les pythons d'Asie". L'exploration, encore bien incom-
plète, de la Aouvelle-Guiiiée a fait connaître des milliers d'insectes (jui
témoignent d'une étonnante richesse de formes et de genres, aussi remar-
quable en proportion (jue celle du monde des oiseaux.
La population de la ^ouvelle-laiinée, que l'on évalue diversement d'un
demi-million à plus de deux millions d'habitants", comprend un très grand
immbi'e de peuplades fort différentes les unes des autres par la stature, la
couleur de la peau, la forme du crâne et les autres traits physiques,
aussi bien ([ue par les aplitutlcs et les mœurs. Parmi les tribus, plusieurs
se rapprochent du type indonésien, tel qu'on le retrouve à Bornéo et à Ce-
lèbès, d'autres ressemblent aux Malais et sont décrites par les voyageurs
comme appartenant à cette race. Wallace, Virchovv, deQuatrefages, Ilamy,
d'Alberlis, Mantegazza croient aussi que les negritos sont représentés dans
la Nouvelle-Guinée comme race distincte, et non comme Papoua dégénérés,
ainsi que le croit Meyer, avec Mikhluko-Maklaï ; enfin, les groupes d'ori-
gine polynésienne sont nombreux, suilout dans la partie sud-orienlale
de l'île, et des croisements se sont faits à l'inlini de village à village. La
race n'est point une, comme il paraissait probal)le d'après les récits des
pivmiers explorateurs; du moins l'élément papoua, d'après lequel la
grande terre a reçu son nom de Papouasie, prédomine sur tous les autres :
il est presque sans mélange sur le versant se|)tentrional de l'île. D'après
quelques auteurs, il se retrouve même dans toute l'Océanie; jadis il
s'étendait jusqu'aux îles Ilavaïi et à la Nouvelle-Zélande, où l'ont rem-
placé les Polynésiens \
Ce mot de Papoua serait dérivé de l'expression malaise poua-poua, ayant,
dit Crawlbrd, le sens de « noir-noir »; cependant la plupart des savants
lui donnent la signification de « crépus », due à la frisure naturelle de
leurs cheveux; c'est le trait physique des Papoua qui frappe le plus les
' Studer, Jahresbeticht der Gcoyrnphisclieii Gcscllschafl in Bcni, 1882-1883.
« Raffray, le Tour du Monde. 1879.
■• 0. C. Stonc, A few Months in ?iew-Guinea.
" !•<■ OiialR'Li^'L'S, Les Pijyniées. t'tc.
652 NOUVELLE GÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
étrangers. Eux-mêmes ne se donnent pas de nom générique, et les appel-
lations spéciales par lesquelles on désigne les dilTérentes tribus se con-
fondent d'ordinaire avec les noms de lieux. Les langues, aussi nom-
breuses que les peuplades, sont assez distinctes pour que les indigènes ne
puissent, en maints endroits, se comprendre de village à village : on ne
parlerait pas moins de vingt-cinq idiomes dans la partie du littoral du
sud qui s'étend sur un espace d'environ 500 kilomètres à l'est du détroit
de Torres' : le plus connu do tous est le noiour de Doreï et des îlots voi-
sins. D'ailleurs, tous les parlers néo-guinéens étudiés jusqu'à maintenant
appartiennent à la grande famille glossologique malayo-polynésienne'.
En moyenne, les Papoua sont d'une taille un peu moins élevée que les
Polynésiens, et variant d'ordinaire entre l"',5o et 1"',60. Ils sont bien
faits, souples, adroits, et les Européens admirent l'art avec lequel ils se
servent de leurs doigts de pieds pour ramasser des objets; il en est qui
sont de merveilleux grimpeurs et qui cheminent à la façon des singes sur
les branches des arbres. La plupart des Pa[)oua ont la peau très foncée,
mais jamais de ce noir brillant que présentent les Chillouk ou les Ouolof
d'Afrique. Les traits se rapprochent de ceux des Européens; les sourcils
sont bien marqués, les yeux giands et vifs, la bouche grande et forte,
mais non lip|)ue, la mâchoire solide. Chez les Papoua de la péninsule
nord-occidentale, que Wallace considère comme représentant le type
dans sa pureté, le nez est long, busqué et pointu : c'est là un trait que
les artistes papoua ne mantjuent jamais de reproduire dans les effigies
humaines dont ils décorent leurs maisons et leurs barques. Un autre carac-
tère distinctif de nombreuses tribus papoua est la chevelure crépue ou
même laineuse, qui orne la tête d'une superbe toison, non moins opu-
lente que celle des Cafusos brésiliens, et témoignant peut-être, comme
chez ces derniers, d'un croisement de races. Ainsi que la chevelure touf-
fue, la forme allongée du crâne n'est point un trait constant du type
papoua, mais il est général. Dans quelques îles du détroit de Torres, à
Mabiak par exemple, les mères prennent soin d'allonger en pointe les
crânes de leurs enfants. Sur la grande terre, Miklukho-Makl'aï signale
aussi beaucoup de tribus où les jeunes filles s'accoutument à porter des
fardeaux en passant une courroie autour de leur tète, et cette habitude a
pour conséquence de déprimer circulairement le crâne.
Il est des Papoua ([ui vont encore nus, mais la plupart ont du moins
\\.-G. Lawos, ouvra^'e cili'.
Kern, Actes du sixième ruiifiirs des Orientalistes. 1883.
I ---
PAPOU A. 035
une espèce de pn^ne eu écoree ou de jupe eu liliies de |)kintes, parfois
uu simple rotin auquel est suspeudue une coquille ou une feuille. Le
tatouage n'est pas universel et les Papoua proprement dits ne se recou-
vrent pas de dessins et d'arabesques comme les Polynésiens; en outre, ils
se tatouent par brûlures ou ]iar incisions, et non pas, comme les popu-
lations mélangées du sud-est de l'ile, au moyen de piqûres. Très désireux
de plaire, les Papoua se chargent d'ornements: peignes de bambou dans
leur chevelure, baguettes passées à travers la cloison du nez, pendants
d'oreilles en os, en bambou, en coijuillages on en pierres brillantes,
colliers, bracelets et chevillères en vertèbres de poisson et même en dents
humaines, rehaussent leur beauté. Ils se peignent aussi le corps de cou-
leurs vives. En signe de deuil, les Papoua se bariolent en blanc, en jaune
ou en noir, suivant les tribus. Pour exprimer leur chagrin, les femmes
de Katau, près des bouches du Fly, se recouvrent d'un réseau de corde-
lettes, de la ligure jusqu'aux genoux'.
Certaines tribus papoua, parmi lesquelles résida Miklukho-Makl'aï, sur
les bords de la baie de l'Astrolabe, généralement désignée de nos jours
sous le nom de « côte Makl'aï », sont parmi les moins policées de la
Papouasie : les métaux leur étaient inconnus, elles se trouvaient encore
dans l'âge de la pierre, des coquillages et du bois, ne sachant point se
fabriquer d'instruments avec d'autres matériaux. Seuls parmi les con-
temporains, ces Papoua ignoraient l'art de produire le feu lorsque h
voyageur russe vint bâtir sa cabane dans leur voisinage : quand les
charbons s'éteignaient dans une maison, il fallait en emprunter chez le
voisin; après les expéditions, on s'en prêtait de village à village. Les
vieillards racontent qu'à une époque peu éloignée le feu était com-
plètement inconnu : on mangeait la viande crue, ce qui avait pour consé-
quence de faire régner le scorbul. Peut-être cet état de civilisation est-il
celui des indigènes de l'intérieur, restés en dehors de toutes relations avec
les étrangers ; mais la plupart des riverains, visités par les Malais elles
Bougi, les marins d'Europe et d'Amérique, ont depuis longtemps une
culture beaucoup plus développée. Tandis que certaines tribus ne connais-
sent (jue lâchasse, la pêche, la cueillette, il en est qui savent cultiver la
terre et qui défrichent de vastes clairières dans la forêt; ils plantent des
sagoutiers dans les terrains humides, entourent leurs cabanes de bana-
niers, sèment le maïs, le taro, le tabac, exportent même des productions
agricoles en échange de marchandises d'Europe, notamment des armes et
' D'Alberlis, Rci'tic il Anlliropologic. 1876.
636 NOUVELLE UÉOf.RAl'IllE UNIVERSELLE.
(les insliumrnls en i'er. Xiij^iù'rc ils ircniployaifiil (|ue les flèches el les
javelots à poinle de pierre, ou en Itois empoisonné, les couleanx de
bambou, les poignards en os, les é|)ieux el les massues. En 1770, Cook,
et depuis cette époque d'autres navigateurs ont remarqué sur la côle
méridionale de la Papouasie, à l'ouest du détroit de Torres, des indigènes
qui les visaient avec un tube el leur envoyaient un projectile, accompagné
d'un certain bruit d'explosion ; mais ils ne purent se rendre compte de
la nature de cette arme. Les Papoua possèdent aussi des instruments de
musique de formes primitives, llùles, tambours et buccins.
Si peu développés qu'ils soient dans les connaissances el les industries,
les Papoua ont un sentiment artistique très remarquable : comme scul|i-
teurs et ciseleurs, ils sont de beaucoup supérieurs à la plupart des nations
malaises. Ne disposant guère pour leurs travaux d'art que de bambous,
d'os, de feuilles de bananier, d'écorces et de bois, ils ne dessinent et ne
gravent d'ordinaire que dans le sens de la fibi'e, c'est-à-dire suivant les
lignes droites; néanmoins ils réussissent avec ces moyens primitifs à
produire des ornements très gracieux et d'une grande originalité, à tailler
des trhim ou statues colossales, repi'ésenlant des chefs célèbres et des
ancêtres'; grâce à leur talent de graveurs et de sculpteurs, ils en sont
même arrivés à re|)résenter de vastes scènes historiques et à raconter
ainsi les événements contemporains. De nombreuses tribus ont leurs
annales, soil dessinées sur des feuilles, soit peintes sur des rochers en
écriture symbolique^ Les crânes des ennemis abattus, que l'on conserve
av<M' soin pour orner les maisons, sont eux-mêmes en certains endroits
enjolivés de dessins tracés sur un masque de cire el de résine. Sur les
bords du Fly, on se sert aussi de crânes comme instruments de musique:
on y perce un ou deux trous, dans lesquels l'air se précipite en sifflant
<piand on lait tourner le crâne à la manière d'une fronde".
Toutes les habitations des Papoua, même celles qui s'élèvent dans l'in-
térieur des terres, sont construites sur des rangées de pieux, d'après le
modèle des villages insulaires, qui sont entourés d'eau à chaque marée el
([u'on ne peut aborder qu'en bateau. Ces groupes de cabanes, qui ressem-
lilent de loin à quelque récif émergé, de forme bizarre, offrent l'image |»ar-
faite de ce que furent les cités lacustres de l'Europe, il y a trois ou quatre
mille années. Des pieux inégaux profondément enfoncés dans le lit vaseux
' n. Fiiiscli. Sdiiwiifnhrten.
- Ijcon, Tijihlnifl voor Iiidische Laiid-, Triril- fiiirl Vollieiilnindi'. vol. \1X ; .Motzyer, Nalurc,
A|iril 9. 1885.
= I'. .Manliig:i«a. Bulletin de hi Sociclé d\\iiUin>j>olwjk\ 19 ii\. ISSU.
PAPOIA. 657
dos baies soulionnenl des plaïulieis de lianes et de poutrelles entrelacées,
plus ou moins polis avec des instruments de pierre ; au centre du réduit,
une couche de terre glaise porte le foyer. Une petite varande court devant
la maison : là jouent les enfants et s'installent les pêcheurs. Des perches,
sur lesquelles cheminent sans peur les indigènes, saisissant le bois de
leurs pieds nus, réunissent les maisons d'une galerie à l'autre. Des croco-
diles nagent au-dessous des cabanes pour se nourrir des débris de cuisine,
et maintenant des chaloupes européennes, même de petits bateaux à
vapeur, sillonnent les rues et jettent l'ancre devant la maison commune,
qui sert à la fois de temple, d'hôtel, de bourse et de marché. Dans les
villages de l'intérieur les Papoua ont conservé le même type de construc-
tion que sur les côtes.
C'est par la construction de leurs bateaux que les Papoua donnent la
preuve la plus remarquable de leur ingéniosité. Ouand le mauvais temps
s'annonce, ils amarrent deux, trois et même quatre de ces barques en
une seule masse flottante qui s'élève et s'abaisse au gré des vagues sans
jamais chavirer. Quelques-uns de ces latakoï ou bateaux de commerce ont
jusqu'à six voiles rectangulaires faites en nattes de l'écorce du palmier
sagou et retenue*^ chacune par deux mâts verticaux plantés sur le bordage
de l'embarcation. D'autres bateaux n'ont qu'une seule voile, d'une hau-
teur double du mât, ovale, échancrée dans la partie supérieure, de ma-
nière à former deux cornes pointues qui de loin font ressembler la barque
à un animal prodigieux, quelque lucane énorme cheminant sur les mers'.
Les indigènes savent aussi donner une grande stabilité à de simples mo-
noxyles creusés par le fer et le feu, en plaçant en travers de la barque
une plate-forme qui repose à ses deux extrémités sur une poutre à bouts
pointus servant de balancier.
Quoique fort redoutés jadis par les marins de passage, la plupart des
Néo-Guinéens sont de mœurs très douces : les femmes sont respectées, et
les enfants traités avec une bonté parfaite; les esclaves, dans les rares
districts où il en existe, ne sont point nourris ou habillés autrement que
les hommes libres'; on rend hommage aux morts par des fleurs, des
chants et des cérémonies. Les rites diffèrent beaucoup suivant les tribus :
les uns enterrent leurs morts aussitôt après la fin ; d'autres attendent
que le cadavre ait été desséché par le feu ou par le temps; ailleurs les
ossements sont distribués entre les amis, et le fils orne son bras de la
' Octnvius C. Slone, .4 few iiionths in AViu Giiiiwa.
-- Achilli' Ralïrav. Tony du Momk: IS'y.
(JÔS NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
mâchoire du \)hvc. Un des usages les plus communément suivis est de
laillei- des karvar, c'est-à-dire des figurines qui représentent les morts
ou plutôt la vie qui s'est échappée d'eux; quand le fils meurt, on plante
le korvar sur sa tombe, à côté de ses armes : il se l'ait suivre dans l'autre
monde par l'image de son père et laisse la sienne à ses enfants. Les
cabanes et les bateaux qui servent de temples sont ornés des effigies des
ancêtres. Ce culte des morts, celui des génies, bons ou mauvais, qui vivent
dans les arbres, les rochers, le vent et les orages, telle est la religion des
Papoua. Cependant le mahométisme a fait invasion dans les petits archi-
pels de la côte occidentale et dans le continent même de la Nouvelle-Guinée,
D'autre part, des missionnaires chrétiens sont à l'œuvre en diverses par-
ties du littoral pour convertir les indigènes.
Les Hollandais, héritiers du sultan de Tidore, qui garde la suzeraineté
de nom, mais auquel il est désormais défendu de lever tribut', sont offi-
ciellement les maîtres de la Nouvelle-Guinée occidentale; mais sur ce
territoiie immense ils ne possèdent même pas une ville d'où l'annexion
puisse se faire par degrés vers l'intérieur : ils n'ont que de simples
escales, devant lesquelles se présentent leurs bâtiments de guerre à inter-
valles plus ou moins éloignés, j)our protéger les petites opérations com-
merciales de quelques traitants européens, et surtout pour montrer leur
jiavillon et maintenir leur autorité aux yeux des indigènes. Sur quelques
points de la côte a été dressé le blason néerlandais, en avertissement
pour les marins de passage et en symbole de pouvoir pour les naturels.
A l'angle nord-oriental de la Nouvelle-Guinée, une île semble admirable-
ment placée pour servir un jour d'entrepôt commercial aux populations
insulaires de ces parages : c'est l'île de Waigeoe ou la « Terre de l'Eau ».
Les golfes profonds qui la découpent au sud pourraient abriter du vent
des flottes entières, et l'île coralligène de Gemien, placée au devant du
littoral, forme une magnifique rade. De cette escale les navires peuvent
se porter soit à l'est vers le Pacifique, soit au sud ou à l'ouest dans
le labyriuthe des terres insulindiennes. ^lalheureusement Waigeoe,
quoique fertile et peuplée, n'a guère de produits d'exportation : les habi-
tants, descendus de Malais et de Papoua, sont nonchalants comme tous
les autres insulaires auxquels le sagoutier fournil la nourriture en sura-
bondance. L'intérieur de l'île n'a point de tribus indépendantes d'Alfou-
' Pfocci-itiiifis of llic F{. Gcoijnipliical Society, 1885.
l'Al'OLA, WAIGEOE. SALWATIE.
639
rou'. Le radjah do l'ile i-ésido à Samsam, au fond du goH'c qui parlage
presque complèlcracul l'ilc : l'isllime do Fak-Fak, (jui rôunil los doux
V" 129. — WAIGEOE, BATAMA ET SAI.WATIE.
Est de Paris ,128
Est deGreenwIch 150°20-
D'après les cartes
I : lan.ifino
moitiés de Waigeoe, n'a guère que 20 mèlros en hauteur'. Le marché le
plus frcfiuenté de l'archipel occidental de la Nouvelle-Guinée est le bourg
de Samaté, dans l'île de Salwalie.
' Alfred R. \\3\lacc, Mfildii Airliipclafiu.
* H. Ilosenbers, ouvraae cilo.
640
NOUVELLf; GÉOGRAl'lllE IMVKnsi-LLE.
Sur le conlinont, le inouillage le plus fréquenlé ])iir les navires hollan-
dais est celui de Doreï ou « Intérieur » , silué à l'entrée de la Laie de
N*^ !r>0. linlîLl.
tst de Pa,- c-
Pr-ofor7c/eu/~^
1 • ma ooo
Geelvink, au pied des monts Arfak. Tiois villages sur pilotis s'élèvent en
îlots près de la côte, abrités au nord par nn promontoire hoisé. Quelques
traitants viennent y trafiquer, ainsi que des missionnaires, d'ailleurs bien
accueillis par les indigènes, mais impuissants à grouper autour d'eux
IlOREf, MAFOUR ET KARON. (iil
une pelilo (■oiiunuiiaïUc de fidèles. Les Pa[)oua de Doreï sont connus sous
le nom de Maibur ou Nofour, apiicllalion qui est probablement de même
oi'igine que celle d'AHburou ; dans ce cas, elle aurait en portugais le
sens de « gens du dehors » ou « sauvages » ; cependant Van Ilasselt donne
à ce nom la signification de « découvreurs du feu' »; les indigènes sont
justement fiers de l'invention sublime, attribuée aux dieux pai- 1rs
autres peuples. Peu de naturels ont été mieux étudiés par les voyageurs.
Chez eux, les jeunes garçons vivent à part des familles dans un « teni|ile »
en forme de bateau, aux piliers sculptés, qui se dresse à l'écart au milieu
des flots : la foi jinblique veille devant cet édifice ; le père lui-même ne
se permettrait pas d'en franchir le seuil à la recherche d'un fils. Avant le
mariage, le fiancé doit éviter à tout |)rix de voir la jeune fille qui deviendra
sa femme; s'il la rencontre en un sentier, il doit se blottir dans les
broussailles, se cacher la tète : sinon il aurait à payer de fortes amendes
pour racheter les malheurs attirés sur la communauté^ La femme enceinte
qui tient à garder son enfant se peint le ventre en rouge, couleur de la
vie; mais il est rare qu'elle ait plus de deux ou trois enfants; lors d'une
quatrième grossesse, elle se fait toujours avorter. Les Mafour ont |)our
voisins les montagnards Arfak, coupeurs de tètes redoutés, qui pourtant
ont bien accueilli les voyageurs aventurés parmi eux.
Sur la c(jte septentrionale, à l'ouest de Doreï, se trouve une autre escale,
Amberbakèn, « Pays de l'Ambre », habitée i)ar des Papoua de même race
que les Mafour, paisibles et bienveillants comme eux et cultivateurs plus
habiles. Leurs villages se composent de cabanes très haut perchées sur des
tiges entre-croisées de bambous. Les voisins occidentaux des Amberbakèn
sont les Karon, l'une des rares peuplades de la Nouvelle-Guinée que l'on
n'ait pas injustement accusées d'anthropophagie : ils mangent les cadavi'cs
de leurs ennemis tombés dans les combats. Du reste, les Karon ne s(uit
probablement [)as de race papoua. Quoique de taille moyenne, environ
l'",(30, ils appailiendraient à la même souche que les negritos des Philip-
pines". D'après le naturaliste Raffray, ils ont le corps trapu, les membres
épais, une grosse tète ronde, avec des arcades sourcilières très saillantes,
les lèvres fortes, la figure large et plate : ils tressent leurs cheveux
crépus en épis qui leur battent les tempes et le front; des cicatrices
grossières forment leur tatouage. Leur pagne consiste en une écorce
• Van Uasselt, ZciUcluifl fiiy Elliiioloyù; 1876; — Élie Iteclus, Revue inteniaiioimle des
Sciences, décembro 1882.
* Raffray, Tour du Monde, l" semestre 1879; — Van Hassell, etc.
' De Qualiefages, Pyyniées.
XIV 81
642 NOUVELLE GEOGRAI'UIE IMYERSELLE.
lannée suspendue à une cordelelle serrée autour des reins. D'après les
marchands malais qui les fréquentent, les Karon ne se nourrissent pas
de sagou comme les gens de la cote : ils mangent les tiges d'un autre pal-
mier (pii croît en terrain sec, et ne dédaignent comme aliment aucune
espèce de reptile ni d'insecte. On leur prèle, mais sans l'avoir constaté par
l'observation directe, l'abominalde coutume de manger des enfants, quand
ils n'ont ni esclaves ni captifs à dévorer; ils ne laisseraient en vie que
deux enfants par famille'. Plus au sud, dans l'intérieur de la pres-
qu'île, vivraient d'autres naturels également cannibales, les Gebar: des
riverains du golfe de Mac Cluer sont accusés aussi de manger leurs captifs.
Au sud de Doreï,un des villages importants de la côte est Wairoer, situé
non loin du lieu le plus étroit de l'isthme, où pourrait s'établir un portage
entre la haie de Geelvink et celle de Mac Cluer ; des traitants malais vien-
nent y acheter des noix de muscade sauvag(>s. D'autres negorijcn se suc-
cèdent sur les rivages de la haie de Geelvink, notamment celles des Wan-
dammen au sud et des Aropcn (NYaropcn) au sud-est de ce grand golfe;
puis, au delà du delta de l'Amherno, la côte des « PapouaNus)i offre quelques
escales où des navires hollandais viennent parfois prendre un chargement
d'écaillé et d'holothuries et montrer le drapeau de la nation su7,eraine. Mais
la population y est très clairsemée et le mouvement des échanges y dimi-
nue depuis le milieu du siècle. Les traitants, ayant suivi leur méthode
ordinaire de faire des prêts aux indigènes pour s'assurer d'avance les
denrées à un prix dérisoire, courent le danger d'être assassinés par leurs
débiteurs, et en certains endroits ils n'osent s'aventurer à terre : ils
attendent en mer que les harqu(»s viennent, l'une après l'autre, leur ap-
porter les produits'. La baie la jilus orientale du territoire hollandais,
dite baie de Ilumboldt ou telokh Lintjoe, est une des régions du littoral
(pi'habitent les tribus les moins policées : elles ne savent même ]>as extraire
l'huile de la noix des cocotiers qui bordent toute la partie occidentale de la
baie. Les îles sont plus fréquentées que la grande terre par les marins.
Celles de la baie de Geelvink ont chacune des marchés assez actifs : le plus
important est celui d'Ansoes, sur la côte méridionale de l'île de .lobi ou
Jappen. La population du bourg ressemble beaucoup aux Mafour de Do-
reï. Mais dans l'intérieur de l'île vivent des sauvages redoutés, que l'on
accuse, à tort ou à raison, d'anthropophagie.
Sur la côte de la Nouvelle-Guinée hollainlaise toui'uée veis IcsMohujues,
' Van (Ifr (jali, Tfvsniann, Rol)i(l(' van (1er Aa, Reiicii iiaur Neilerlnndscli JSicKwGiiiiiea.
' Van (lor (Irali et Tevsniann, ouvia''e eilé.
BAIE DE GEELVl.NK, ILES AROE. «45
le marché le plus fréquemment visité est celui de Sekaar, situé sur une
petite baie, à l'entrée méridionale du golfe de Mac Cluer. Les traitants de
Ceram pénî'lrent jusqu'au j)ort de Binloeni, où ils achètent du sagou et
des noix de muscade, mais ils n'osent pas aborder les côtes septentrio-
nales du golfe, dont les habitants sont redoutés comme pirates et canni-
bales. Le radjah le plus puissant de la contrée est celui de la neyurij
Atti-Atti, groupe insulaire d'une vingtaine de cases, situé à l'ouest de
Sekaar el peuplé de gens de toute race qui se disent mahométans. Le roitelet
d'Alli-Atti est le représentant du sultan de Tidore dans ces parages, el c'est
lui qui va recueillir le long de la côte les impôts des villages. Gi'àce à
son entremise, le suzerain de cette partie de la Nouvelle-Guinée et le gou-
vernement hollandais lui-même ont cessé d'être des mythes pour les natu-
rels : dans l'archipel de Karas, dans l'île d'Adi, el jusqu'à Namalolle et
Aidoema, non loin de la baie où s'élevail jadis le fort du Bus, l'autorité
des Pays-Bas est pleinement reconnue. Au delà, le pouvoir de la <( Compa-
gnie » n'est plus qu'un nom. Les Papoua de ces régions sont ceux que les
voyageurs disent ressembler le plus aux nègres africains; autrefois ils
vendaient des esclaves, et parfois, disent les anciens voyageurs, jusqu'à
leurs enfants'.
Les îles Aroe ou de la « Nacre "^ », situées à 150 kilomètres environ au
sud de la côte néo-guinéenne, ont beaucoup plus d'im})ortance connnei-
ciale que les escales de la grande terie. Dobbo, le marché de l'archipel,
commande un chenal bien abrité dans l'îlot de Warama, l'une des bulles
coralliennes situées au nord-ouest de l'archipel; vers le commencement de
l'année, de mars en mai, des bateaux s'y rencontrent en foule, venus
de Ceram et des îles voisines, de l'archipel de Kei, même de Macassar.
D'après Wallace, l'exportation de cet îlot, qui consiste surtout en nacre de
perle, écaille de tortue, holothuries, nids de salanganes et oiseaux de
paradis, aurait une valeur annuelle de 450 000 francs; pendant la saison
du marché, les cases sont trop étroites pour recevoir les traitants venus
de toutes les terres insulindiennes de l'Occident; mais après les jours de
trafic le village est complètement délaissé. L'archijtel d'Aroe dépend de la
résidence d'Amboine, et presque tous les ans un commissaire hollandais
vient de la capitale pour faire sa tournée d'inspection et de jugements,
peu utile d'ailleurs, car en son absence la population s'administre fort
bien toute seule, sans qu'il y ait de meurtres ni de vols à punir". D'après
' kiiHT, VuijtKjc o( llw Dotiryn.
- J.-(!. Itic'ili'l, Vi'iliaiiillii/iijen der GcscUsclitifl fin- Erdkundc zii Jkiiin, 1885, n' Z.
^ KolfC; Alfred R. Walhice, ouvrages cités.
r,44 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Uosenherg, queltjucs groupes de Negritos vivraient dans la partie orien-
tale de l'archipel, voisine des pêcheries. Les Alfourou (Alivourou), qui
liahitent ces îles, disent avoir un arbre pour ancêtre et seraient, d'après
lîiedel, de la même souche que les populations australiennes du Queens-
land septentrional, tandis que d'autres les croient venus de Timor et de
Tenimber'; Wallace, de son côté, les considère comme appartenant au pur
type papoua. Ils mangent de la viande de chien, espérant que celte nour-
riture les maintiendra toujours forts et vaillants : ils mêlent aussi à leurs
gâteaux de sagou quelques coupures et débris des corps de leurs parents.
Les religions étrangères, mahométisme et christianisme, n'ont eu guère
de prise sur ces indigènes'. La naissance d'une fdle, qui fait espérer aux
parents un jirix d'achat futur, est toujours célébrée par de grandes réjouis-
sances, et souvent l'on procède aux fiançailles aussitôt après la venue de
l'enfant.
Même avant que les Anglais lussent devenus ofliciellement les maîtres
de la Papouasie méridionale, ils avaient étendu leur juridiction sur toutes
les îles habitées du détroit de Torres jusqu'en vue de la grande terre;
pour prendre possession de leur nouveau domaine, les colons australiens
n'ont eu que de faibles détroits à franchir. La proximité du continent
d'Australie donne à ce territoire britannique une importance exception-
nelle : aussi cette région est-elle la mieux connue ou plutôt la moins
ignorée de la Papouasie, celle où les itinéraires des voyageurs ont pénétré
le plus avant et où les tentatives de idionisation ont été tentées en de plus
larges projmrtions. Déjà des spéculateurs australiens demandent la conces-
sion de vastes étendues pour y établir des plantations et lâcher de faire
travailler les indigènes à leur profit. Puisse leur onivre « civilisatrice «
ne pas aboutir, comme dans le continent austral, à l'extermination des
hommes ! Des proclamations, dont l'effet est encore attendu, défendent le
ra[)l des indigènes et la vente des armes à feu, des alcools et de l'opium
aux tribus ])apoua.
La partie du territoire anglais qui confine immédiatement à la Nouvelle-
Guinée hollandaise est celle qui paraît avoir le plus grand avenir pour la
culture et le peuplement : c'est la région des terres alluviales et fertiles
dans laquelle se ramifient les bras navigables du Fly et qui se rapproche le
' [l. von RosenbiM-g. lier Miihniisclie Archipel.
* A. Basli.111, [iirlitsvcrliiiltiiisse (1er Vulker.
ILES AROE, NOUVELLE-GUINÉE ANGLAISE. C45
plus (le r.Vuslralic : oniro les deux terres la largeur du détroit, semé d'îles,
est seulement de 160 kilomètres. Cependant la vaste plaine n'a toujours
pour habitants que des Papoua sauvages, et le seul poste de blancs, mar-
chands et missionnaires, est établi dans la petite île de Saibai, entourée
de récifs, qui avoisine la côte à l'est de l'embouchure du Mai Kasa.
Lorsque le syndicat des colonies australiennes eut envoyé, en 1885, une
expédition pour établir l'autorité britannique sur le territoire officielle-
ment annexé, on Ht choix pour capitale de Port-Moresby, crique ouverte
au sud-ouest du massif superbe d'Ovven Stanley et défendue de la houle
du large par une chaîne de récifs : en cet endroit, des falaises de corail
l)lanc succèdent aux rivages boueux couverts de palétuviers qui bordent la
terre ferme au nord-ouest ; le bassin de la rade, où l'on pénètre par une
large entrée, a des profondeurs de 7 à 12 mètres, presque à toucher la
rive. Le village indigène aligne sa double rangée de cases sur la terre
ferme, à l'ombrage des cocotiers. C'est l'un des plus vastes et des plus
salubres du littoral : lors de la découverte de Port-Moresby, en 1873, il
n'avait pas moins de 800 habitants, agriculteurs, commerçants et potiers,
fnisant un grand trafic de leur vaisselle avec les villages delà côte nord-
occidentale, qui leur envoient du sagou en échange. Depuis celte époque,
le boui'g indigène s'est notablement accru. Quant à la « ville » euro-
péenne, elle ne comprenait en 1885 qu'un groupe de maisons apparte-
nant à des missionnaires et les entrepôts d'un traitant; maintenant elle
possède le « palais » du gouverneur et tous les édifices qui symbolisent le
pouvoir, caserne, tribunal et prison. Porl-Moresby est le seul havre de la
Kouvelle-Guinée britannique où les marins étrangers soient autorisés à
débarquer leurs marchandises, et nul colon ne peut s'y établir sans per-
mission spéciale. Un télégraphe sous-marin rattache Port-Moresby au con-
tinent australien.
En 1887 on ne comptait qu'une vingtaine de blancs, employés, mis-
sionnaires et traitants, résidant sur le territoire de la Nouvelle-Guinée
britannique; la plupart des marchands ne débarquent pas de leurs cha-
loupes, attendant que les indigènes leur apportent les denrées. L'explora-
teur Forbes avait fondé une petite colonie à Sogere, village de l'intérieur
des terres, situé à 80 kilomètres au nord-est de Port-Moresby, et c'est de là
qu'il organisait ses expéditions dans la région montagneuse des alentours.
Des chercheurs d'or, qui d'ailleurs n'ont guère réussi dans leurs entre-
prises, ont bâti aussi quelques campements dans l'intérieur. Un voyageur
blanc isolé peut s'aventurer sans danger dans presque toutes les contrées
méridionales du territoire britannique, à l'est de Fly-river. Mais c'est
646
NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
principalement par l'intermédiaire d'insliluteurs convertis qne l'influence
européenne se fait sentir sur les populations des montagnes. Le séminaire
Est de Greenwich
DaFf^ès les cartes marines
et a'écouyr^nt
protestant de Port-Moresby envoie chaque année un certain nombre de
jeunes missionnaires indigènes dans les villages de la côte et des îles, et
grâce à eux les idiomes néo-guinéens de la région sont déjà bien connus.
Comme jardiniers, ces instituteurs ont parfaitement réussi, et les enclos
NOUVKI.r.fi-GUTNKK. — JIMIiTATION ]l I: M 11 \ T V I, N Ail Il>i KIIÏArif, l'BBS IIK PO n T- M U R E SD V.
Dessin (le fi. Vuillici-, iraïu-ès une pholoprai.liie de M. J. W, I.i.iill, exlniilc de Pictiircsqiie New Gimicti.
pnnT-MORESBY, Morr, KOVAIU. 649
des naturels s'emplissent d'arbres fruitiers et de légumes naguère inconnus
dans la contrée. En dehors île l'orl-Moresby, on ne voit de maisons euro-
|)éennes que sur le promontoire de Hula, à une centaine de kilomètres
au sud-est de la capitale, et dans quelques îlots voisins de la côte; en
outre, le gouvernement a fait l'acquisition du South-cape et de l'ile Stacey,
à la pointe sud-orientale de la Nouvelle-Guinée, en prévision d'un futur
établissement stratégique et commercial. Des plantations ont été récem-
ment établies dans la terre principale de la Louisiade, l'ile Sud-Est,
K Sudest-island », comme disent les Anglais. L'île Yaré ou Teste est un
point de relâche fréquenté par les caboteurs.
Les indigènes du territoire britannique sont en moyenne beaucoup plus
nombreux (jue dans la [)artie hollandaise de l'île : en certains disd-icis,
notamment sur la côte du golfe Papoua, entre le delta du Fly et l'île de
Yule, la population est dense et de crique en crique on voit se succéder de
gros villages. Au sud-est de Port-Moresby, le district d'Aroma est égale-
ment très peuplé; de même les îles de la Louisiade et du groupe d'Entrc-
casteaux sont bordées de villages sur tout leur pourtour, mais leurs habi-
tants sont redoutés, et souvent des marins jetés sur la côte ont été
dévorés par eux; ces naturels ont la réputation d'être tous sorciers et l'on
raconte qu'ils savent arracher les yeux, la langue, le cœur et les entrailles
de leurs ennemis sans que les victimes s'en aperçoivent'. Ouelques-unes
des tribus, d'origine papoua, ressemblent à celles de la Xouvelle-Guinée
occidentale : elles sont pour la plupart composées de cultivateurs; mais les
commerçants et les marins paraissent être de race mélangée et le type po-
lynésien prédomine chez nombre d'entre eux. Les Motu, qui transportent
les poteries de Port-Moresl)y, par chargements de dix et vingt mille, et
dont l'idiome est devenu la « langue franque » des traitants sur une
grande partie du littoral, appartiennent à cette race croisée. Ils ont le teint
relativement clair, comparable à celui des Taïtiens, et par l'attitude, la
physionomie, les mœurs, rappellent aussi les Polynésiens. De tous les
habitants de la Nouvelle-Guinée, ce sont ceux qui se tatouent le plus ; les
dessins dont ils se recouvrent la poitrine, le ventre, les bras, ressemblent
d'une manière étonnante à des caractères latins et grecs : à la vue de ces
beaux torses que l'on croirait revêtus d'inscriptions, on cherche involon-
tairement, dilTurner, à déchiffrer ces lignes, comme si elles étaient l'his-
toire de celui qui les porte. Les Koyari, (jui vivent dans l'intérieur sur
les premières jjentes des montagnes, ont près de leurs villages des mai-
' Aniuilcs lie l<i Propayntiun de In Foi, vol. XXV, 1853.
XIV. 82
fi:.0 NOUVELLE (ifXlGRAPUlE .UNIVERSELLE.
sonnettes ou dobo percliées au sommet des arbres, où ils se réfugient en
cas de danger et d'où ils lancent des pierres sur les assaillants. Ce sont
peut-être ces dobo qui ont donné lieu à la légende de peuples papoua qui
vivraient dans les arbres, sautant de liranclie en branche à la faeon des
singes. Les Koyari et leurs voisins et parents de race, le?- Ivoïtapu. ont un
teint beaucoup plus noir que les Motu.
Les peuplades du littoral britannique sont de celles qui n'ont point de
gouvernement déOni et où tous les hommes faits sont réellement égaux. Il
est vrai que chaque village a ses « chefs », qui doivent ce titre soit à leur
âge, soit à leur bravoure dans les combats, soit encore à leur sagacité
comme sorciers; mais l'ascendant moral ne leur donne pas le pouvoir, et
par suite le gouvernement anglais ne peut en faire des employés, comme
il le désire. Tous ses efforts tendent à donner aux tribus une constitution
monarchique, en désignant un notable indigène, qui sera désormais fonc-
tionnaire rémunéré et en même temp> le représentant de ses concitoyens,
responsable de leur obéissance'. L'administration de la ^"ouvelle-Guinée
britannique a été déléguée par le gouvernement anglais à la colonie austra-
lienne de Queensland.
Le territoire germanique de la ÎSouvelle-Guinée, désigné officiellement
sous le nom de Kaiser AVilhelms-land, n'est pas administré comme colonie
de l'État, par des envoyés de Berlin : il est géré par une compagnie com-
merciale, qui, sous la protection et la surveillance du gouvernement, cher-
che à s'enrichir par l'établissement de |ilanlations, la fondation de mar-
chés et l'exportation de denrées. Des navires de guerre visitent ces parages
pour faire respecter les traitants allemands et pour leur prêter main-
forte à l'occasion. De nombreuses expéditions ont révélé dans ses détails
les contours du littoral : peu à peu les noms français, anglais, russes,
qui désignaient les points saillants de la côte, sont remplacés par des
appellations allemandes : il ne i-este plus sur la carte qu'une bien faibli-
pari ie de la nomenclature donnée par les premiers navigateurs, et les indi-
gènes ne saluent plus les étrangers du tilre de « Monsieur «. comme après
la visite de Dumonl-d'l rville et autres marins françai>'.
La capitale des possessions germaniques de la Nouvelle-tniiuée est
Finsch-hafen, aiu-i nommée d'après l'exjjlorateur Finseli. l'Allemand
• (1. SeyiiKiur Fml, fl'ixnl un Brilish AVii' Ciiiiii'a. Maicli ."lO, 1880.
- Uosciiber;;. ouvra;;e oilé.
]SOCVELLE-GlINKE GERMANIQUE.
lir.I
qui a le plus parcouru ces rivages et qui eu a le mieux observé le sol el les
haliitauls. Finsch-hafen est situé près de l'extrémité de la péuiusule
qui s'avauce au nord du golfe de IIuou. En cet endroit la cote est prolbii-
— r\n: pk l AfinoLACi:.
Pro ^or7/:/euf"3
a'e /û^ '^<^âu £/^;/^
dément découpée par une haie sinueuse, et les gros bâtiments peuvent y
mouiller complètement à l'abii de tout vent, par 1 8 et 20 mètres de pro-
fondeur. Une île ronde, que l'on a rattachée à la teri-e ferme par une
digue, a reçu les premières maisons de la colonie à la On de l'année 1885,.
«r.'i MJLVKLLK CÉUORAl'UIE UNIVERSELLE.
ci des citernes y recueillent l'eau de pluie, car les sources manquent com-
plètement dans les calcaires coralliens de l'île et des rivages environnants.
Des bouquets d'arbres alternent avec des espaces herbeux sur les rivages
de Finsch-hafen ; la contrée était relativement assez peuplée quand les
Allemands sont venus s'y établir, mais la plupart des naturels ont émigré
depuis', p:ni désireux d'avoir à travailler sur les plantations des hlancs.
Une mission protestante s'est fondée dans le voisinage. Finsch-hafen reste
en communication avec le monde civilisé par un bateau dont le point
d'attache est la ville australienne de Cooktown, sur la côte orientale de
Queensland.
Un autre port, le meilleur cl le plus sur de la Nouvelle-Guinée alle-
mande, est Friedrich Wilhelms-hafen, sur la côte septentrionale de la baie
de l'Astrolabe. A ce port succède, vers le nord-ouest, celui de Ilalzfeldl,
que l'on dit être le plus salubre de toute la côte.
Le tableau qui suit donne, d'après Itclim et Wagnei', la liste des îles que
l'on peut considérer comme dc'pendances géogra|(hiques de la Nouvelle-
(iiiinét'. Les îles allemandes voisines des côtes du nord font partie des
arcbipels mélanésiens, et l'archipel de Torres, au sud de la grande île, est
alhibiié à l'AusIialie.
ILES DE LA SOUVELLE-CriNÉE
Sri'EKFICIE.
Iles (icciili'rihili's nii îles l'ii|i(iiiii : WalniMir. Itiil.inlii. Siilwalic, Misool .
Iles (le la haie île (;eelvink
7788 kil. canvs.
0927 ))
«883 »
5i7 »
r)04 »
31 40 »
440 »
1247 )i
'i200 «
Iles (lu liltdial siul^ieeidenlal
Iles occidentales eu aiilii|iel de 'Imcsliv
Iles d'Entrecasteaux
Iles de Massiin ou archipel de la Lonisiade
2'.I470 kil. carrés.
Smhiirlilni iihcr hiii^cr WiUifhiia-Liiiil. 1887. Uelt 111.
CHAPITRE Vil
MELANESIE
ILKS DE LAMIRALTK, ARCHIPEL UISMARCK, ILES SALOMON.
Toutes les îles situées au nord-osi de la Nouvelle-Guinée jusqu'à l'équa-
teur ont été déclarées possessions allemandes par le traité de partage fait
avec la Grande-Bretagne. A l'ouest, le 141'' degré de longitude orientale
de Greenwich limite les mers germaniques; mais du côté de l'est
l'espace reste encore ouvert aux annexions futures; jusqu'en 1885 le
154*" degré de longitude orientale était la borne indiquée; il fut franchi
l'année suivante, et les îles nord-occidentales de l'archipel Salomon,
Dougainville, Choiseul, \zabel et toutes les terres voisines, au nord du
S'' degré de latitude méridionale, étaient proclamées terres allemandes.
L'ensemble des îles ainsi officiellement annexées à l'empire est évalué
à plus de 75 000 kilomètres carrés. La population dépasse probable-
ment un tiers de million d'hommes. Di> même que le territoire néo-
guinéen de Kaiser Wilhelms-land, les archipels sont affermés à une
compagnie commerciale, qui exerce en même temps l'autorité politique.
La partie méridionale de l'archipel Salomon est, d'après les termes du
traité, « dans la sphère de l'influence anglaise ».
Ces parages de l'océan Pacifi(jue sont parmi ceux qui sont restés le plus
longtemps ignorés. En 1567, Mendana, guidé |)ar le pilote Hernando
Gallego, débarqua le premier sur l'île Yzabel, l'une des grandes terres
auxquelles il donna le nom collectif d'archipel de, Salomon, sans doute
avec l'espérance ou la prétention d'avoir retrouvé ce riche «pays d'Ophir»,
d'où le roi de Judée importait l'or j)our le temple de Jérusalem. Mendana
employa six mois à explorer les îles, (pi'il dut eiilin quitter, manquant de
C5i NOUVELLE GEOGRAPHIE LMVERSELLE.
vivres et d'oaii, après s'être brouillé avec les indigènes qu'il était venu
« convertir à la vraie foi ». Il revint plus tai'd pour coloniser l'arcliipel
qu'il avait découvert, mais il mourut sans l'atteindre : la route des îles Sa-
lomon était perdue et de deux siècles elle ne devait pas être retrouvée. La
position en avait été trop vaguement indi({uée pour qu'il fût possible de
s'y diriger à coup sur, et le rapport du pilote Gallego avait été tenu secret,
de peur qu'il ne guidât des marins d'autres nations vers ces îles revendi-
quées par l'Espagne : c'est seulement à une époque récente qu'il a été ré-
vélé, commenté et traduit'. Enfin Carteret, en 1707, exactement deux
siècles après le voyage de Mendana, puis l'année suivante Bougainville, et
Surville en 1769, parcoururent de nouveau les passes et les détroits dé-
(îouverts par Mendana, mais sans identifier les terres qu'ils voyaient : ils
crui'ent avoir trouvé de nouvelles iles et leur donnèrent une nomenclature
dillérente. C'est aux patientes investigations de Buacbe et de Fleurieu%
comparant les itinéraires des voyageurs, qu'il était réservé de rendre aux
marins espagnols la gloire qui leur ap|»artenait.
Mais tandis que les navigateurs cberchaient eu vain l'archipel Salomon,
ils visitaient d'autres îles dans les parages plus rapprochés de la Nouvelle-
(juinée. En 1(316, un demi-siècle après le voyage de Mendana, les Hollan-
dais Le Maire et Schouten reconnaissaient les «Vingt-Cinq îles», désignées
depuis Carteret sous le nom d'îles de l'Amirauté; ils découvraient aussi
Tombara ou la IVouvelIt^Bretagne, mais ils crurent n'avoir sous les yeux
que les rivages septentrionaux de la Nouvelle-Guinée, bordés d'un essaim
d'îles côtières; Tasman, qui vit aussi ces terres, en 1645, tomba dans la
même erreui", et seulement en l'année 1700 le pirate Dampier, se glis-
sant au sud des archipels, pénétra dans le détroit qui porte son nom et
décomposa ainsi les terres néo-guinéennes en leurs éléments distincts.
Mais il restait encore à longer les contours des îles, à en découvrir les
rades, les ports et les dangers, à faire l'hydrographie com])lèle de ces
parages, et ce travail, commencé au dernier siècle par Carteret, Bougain-
ville, d'Entrecasleaux, continué en 1827 par Dumonl-d'Urville, se complète
peu à peu de nos jours. A l'intérieur, les îles n'ont encore été que très im-
parfaitement explorées: des missionnaires, des traitants, quelques savants,
tels que Mikliiklio-Maklaï, Finsch, Guppy, ont visité diverses parties des
archipels mélanésiens et ont fait connaître les résultats de leurs études.
L'enquête méthodique n'a commencé qu'en 1884, lors de la prise de pos-
session de la Nouvelle-Bretagne jiar le gouvernement germanique. Mais
' H. B. Guppy, Tlic Soloiiioii Isliiiids.
- Dccomcrtes des Fiaiiiiiis en ïH'iii et I76l( iliiiis le sud-est de lu iSoKvelle-tiitiiiée.
MELANESIE. 655
ruii Jl's premiers aclcs officiels a élé de changer la nomenclalure géogra-
]iliif|iie, dans laquelle dominaient les appellations d'origine anglaise et
iVan(;aise. Sans doute il eût été bon de supprimer ces noms arbitraires
pour rendic aux îles ceux que leur donnent les indigènes eux-mêmes;
mais on ne s'est occupé que de modifier la carte dans un sens patrio-
tique, sans chercher à justifier les termes nouveaux par des considéra-
tions tirées de l'aspect extérieur des îles, de la nature du sol, de la popu-
lation ou de la géographie comparée. Le principal groupe d'îles est devenu
rarchi|)el Bismarck, l'île Tombara ou Xew-Ireland est désormais le Neu-
Mecklenburg, l'île York a pris pour nom Xeu-Lauenburg, et la ^'evv-Britain
ou Bii'ara s'appelle maintenant Neu-Pommern ou Aouvelle-Poméranie.
On a également débaptisé la plupart des montagnes et des ports.
Les terres mélanésiennes sont_disposées suivant deux courbes transver-
sales. Celle du nord commence par l'îlot du Tigre, à 150 kilomètres eavi-
ron au nord du littoral de la Nouvelle-Guinée, puis elle se continue vers
l'est par les groupes deMnigo ou de l'Echiquier, de l'Ermite et l'archipel
de l'Amiraulé; ensuite vient l'île de Neu-Hanover, suivie de la terre allon-
gée de Tombara, orientée dans la direction du sud-est, de même que toutes
les îles qui lui succèdent dans la rangée des Salomon. La courbe méri-
dionale est d'abord parallèle à la côte de la Nouvelle-Guinée : à moins de
13 kilomètres du rivage se dresse l'île Volcan, borne extrême de la
rangée; puis l'île Dampier ou Kar-Kar, les îles Longue etRook marquent à
des intervalles éloignés l'arc fort allongé de la courbe: cessant de suivre la
côte de la grande terre vers le sud-est, elle se reploie vers l'est pour former
l'île considérable de Birara, Neu-Pommern, dont l'extrémité, continuant
l'arc de cercle, se profile au nord-est, transversalement à Tombara. Vers
le point de rapprochement, les deux terres sont disposées de manière à
entre-croiser leurs saillies.
De même que la plupart des auti'es rangées d'îles se déployant en arcs
de cercle, les deux courbes des îles mélanésiennes sont composées eu
grande partie de terres volcaniques. L'île Volcan ou de Vulcain, à l'origine
de la courbe méridionale, est un piton superbe, rejetant de son cratère
des volutes de fumée : un collier de plantations borde ses rivages et la
forêt recouvre les pentes jusqu'à 1000 mètres d'altitude; le dernier tiers
du volcan, jusqu'à la hauteur de 1500 mètres, n'a d'autre végétation
qu'une herbe rare. A côté de ce mont fumant, l'îlot d'Aris n'est plus
qu'une coupe ébréchée; mais, plus à l'ouest, l'île Lesson brûle encore.
Des tremblements ont souvent ébranlé ces mers, et lorsque Dampier tra-
versa le premier le déiroil qui porte son nom, l'atmosphère était emplie
056 >fOUVELLE f.ÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
(le vapeurs et de cendres, le ciel reflélail des flammes, el des bancs de
pierres ponces flottaient au loin sur la mer; mais de nos jours les nom-
breux cônes éruptifs qui parsèment cette région maritime sont en repos.
Birara, la plus grande île mélanésienne en dehors de la Nouvelle-Guinée,
n'est pas assez connue dans sa partie centrale pour qu'on ait pu discer-
ner la nature des roches sous la nappe uniforme de verdure qui recouvre
les massifs de montagnes; mais on sait que la pointe extrême, le cap
Gloucester, baigné à sa base par le courant de Dampier, est un volcan
encore actif et que de nombreux monts à cratère, hauts de 2000 mètres
en moyenne, s'élèvent dans le voisinage. Un récif à peine émergé dans
le groupe des îles Françaises parsemées au nord de Birara est aussi une
masse volcanique rejetée du fond de la mer et l'une de ses sources s'élance
en geyser. Plus à l'est on voit se dresser sur un des promontoires de la
grande île un mont fumant, haut de 1200 mètres : c'est le « Père »,
accompagné de ses deux « Fils », de moindre altitude, mais en ignilion
comme lui: enlin, à l'extrémité septentrionale de Birara, la baie Blanche,
entourée d'un amphithéâtre, de montagnes, paraît être elle-même un
cratère ruiné : au milieu des eaux, presque lacustres d'aspect, une petite
butte circulaire se dresse en falaise et sur la péninsule qui ferme la
baie à l'orient s'élèvent les volcans de la « Mère » (63S mètres) et de
ses « Filles »; dans les mers avoisinantes on a vu souvent bouillonner les
eaux et même des îlots ont été partiellement emportés.
L'action volcanique paraît être moindre dans la partie occidentale de la
courbe du nord, chaîne maîtresse de la Mélanésie. Les groupes de l'Echi-
quier et de l'Ermite sont de vastes atoll, et l'on ignore si le socle qui les
porte est formé par une terrasse éruptive. Les îles de l'Amirauté consistent
principalement en roches coralligènes, et seulement au centre de la
grande île Taui apparaît un groupe de 1)00 mètres en hauteur, que l'on
dit être d'origine ignée. Le Neu-Hanover, la longue terre de Tombara
et les îlots des eaux voisines ont des monts élevés, auxquels on n'a point
reconnu de bouche volcanique ; mais les volcans recommencent avec la
chaîne des Salomon. La grande île Bougainville n'est, de l'une à l'autre
extrémité, qu'une rangée de volcans, décrivant une courbe régulière dont
la concavité est tournée vers le nord-est : le plus haut sommet de la chaîne,
le mont Balbi, s'élève h 3100 mètres, mais un seul des volcans lance encore
des vapeurs et des cendres, le Bagana, situé dans la partie centrale de l'île.
Les cônes émergés qui parsèment le détroit de Bougainville sont aussi
composés de laves, mais ])araissent être depuis longtemps éteints. I>'île
de Choiseul, qui continue Bougainville au sud-est et qui repose sur un
VOLCANS DE LA MKLANÉSIE.
657
môme socle sous-marin, offre une jilus grande étendue de terres basses,
anciens fonds marins et lits de corail. Yzahel et Malaïta, dans la chaîne
septentrionale des Salomon, furent également des rangées de volcans :
N° lôô. BAIE BLANCHE.
Est de Gr
El
t.y^COtJ t^r^nC
ûeûJSû-.
ia première dresse un de ses pitons à 1188 mètres; l'autre, plus élevée,
atteint 1305 mètres par son cône supérieur; toutes deux se com-
posent de laves très anciennes, altérées à de grandes profondeurs par
les intempéries. Jusqu'à la hauteur de 150 mètres, les bases des monts
658 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
sont entourées de terrasses calcaires, qne déposèrent fjraduellemenl les
eaux marines.
La chaîne méiidionale des Salonion, parallèle à la jiremière, commence
par l'ile Mono (Treasury), qui s'élève à une centaine de kilomètres au sud
de Bougainville ; après avoir été un volcan à l'air libre, le cône s'engouClra,
puis de nouvelles oscillations du sol le firent surgir au-dessus des eaux;
le mont volcani(jue est maintenant revêtu de dépôts marins incrustés de
foraminifèn^s". Le groupe d'Iles qui succède à Mono, vers le sud-est, a des
orifices de volcans non encore complètement éteints : l'île Yela la Velha
(900 mètres) a des fumerolles et une soufrière; Narovo ou Eddystone-
island, est également fissurée de crevasses d'où s'échappent des vapeurs
sulfureuses; mais l'ile la plus considérable du groupe, New-Geo^'gia,
n'a plus que sa rangée de cônes au repos. Lors de l'arrivée des Espagnols
dans ces parages, la petite île de Savo ou Sesarga flambait à l'extrémité
septentrionale de Guadalcanar, l'île superbe dont les monts, presque tou-
jours enroulés de nuées, se dressent à plus de '2000 mètres, même à
"iiiO mètres. L'île qui l'orme la pointe méridionale de l'archipel, San-
Cristobal (1250 mètres), est aussi d'origine volcanique; mais toute trace
d'activité en a disparu, et des presqu'îles coralliennes frangent la côte.
L'îlot extrême de rarclii|iel, Sanla-.\na, est, comme Mono, un ancien
volcan qui s'abîma dans les Ilots et (jui, après avoir séjourné à 5000 ou
4000 mètres au-dessous de la surface, a reparu à la lumière du jour,
portant sur son noyau de laves un manteau calcaire formé par la |iluie
d'animalcules (|ui tombe au fond de l'Océan.
Des aloll et des îles basses sont é|)ars à dislance des grandes îles, for-
mant au nord des Saloraon une chaîne irrégulière de brisants, sur de
vastes étendues : l'atoll Ontong-Java ou de Candelaria est surtout à redou-
ter par les marins, son enceinte ovale de récifs se développant sur un
pourtour d'au moins "200 kilomètres. Les îles de l'archipel des Saloraon
sont aussi bordées en maints endroits de barrières coralligènes se dres-
sant au-dessus des eaux profondes : à l'est d'Yzabel, une de ces murailles
continues a près de 200 kilomètres; New-tjcorgia. Bougainville, (Ihoiseul
sont également frangées de récifs, qui les remienl inabordables sur plus
de la moitié de leurs rivages. Entre ces ])iédestaux de corail les détroits
ont en moyenne de 700 à 800 mètres de profondeur. La plus grande
épaisseur d'eau, dans les mers mélanésiennes, a été mesurée vers le
centre du demi-cercle formé par l'archipel Bismarcii, entre Tombara et
' 11. B. Gu)i|iy, TItc Solo)}ioii Istdiiils.
VOLCANS. ATOLL. CLIMAT HE LA MÉLANÉSIE. (ia9
Birara : en cet emlroit, la sonde a trouvé 1420 mètres : c'est peu, en com-
paraison des abîmes ilu Pacifique septentrional.
Les terres de la Mélanésie du nord sont comprises en entier dans la
zone des alizés du sud-est. Pendant plus de la moitié ou même les deux
tiers de l'année, de mai en septembre ou d'avril en novembre ou en
décembre, suivant les années, le vent soufile constamment dans la direction
normale, puis il laisse l'empire des airs à la mousson d'ouest ou de nord-
ouest, vent irrégulier et cliangeant, mais humide comme l'alizé, puisqu'il
traverse aussi l'Océan avant d'atteindre les îles : on compte au moins un
jour pluvieux sur trois et parfois un sur deux pendant le cours de l'année.
Les pluies sont fort abondantes dans les archipels de Bismarck et de
Salomon' : en moyenne, elles ne sont pas inférieures à 'ô'",1ù par an dans
le voisinage immédiat de la côte ; mais sur les pentes élevées, là où les
nuages pluvieux atteignent leur plus grande épaisseur, les averses donnent
une quantité d'eau bien autrement considérable : à la hauteur de
2000 mi'tres, dans les vallons de l'île Giiadalcanar, tournés vers les vents
alizés du sud-est, la masse d'eau tombée est, d'après Guppy, au moins de
lia 12 mètres. Ces versants de montagnes sont, dans les terres océa-
niques, l'endroit le mieux arrosé que l'on connaisse; pour l'abondance des
pluies ils ne sont dépassés dans le monde entier que par les escarpe-
ments des monts Khasi, dans le bassin du Brahmapoutra. En une seule
averse de dix heures, Guppy a vu tombei' plus de 27 centimètres d'eau
dans le voisinage de la côte. Les « grains noirs » sont très fréquents,
mais ils passent vite et ne mettent pas en danger les navires montés par
des marins habiles. La saison la moins salubre est celle des vents irré-
guliers de la mousson d'ouest.
Grâce aux pluies, la végétation des archipels, qui ressemble beaucoup
à celle de la Nouvelle-Guinée, est très riche et variée. Même les simples
bancs de corail disparaissent en maints endroits sous les grands arbres,
dont le vent, les courants, les oiseaux ont apporté les semences. Sur les
pentes des monts les forêts s'étendent en une masse continue, élevant
çà et là ses dômes touffus à plus de 50 mètres du sol. Une des espèces les
plus communes parmi les arbres forestiers est le figuier banyan, aux mil-
liers de filets pendants qui embrassent d'autres arbres et finissent par les
étouffer : des légendes racontent ces luttes entre le banyan et les géants
* Pluie tombée auxSalomon pendant l'année 1883, d'après Guppv :
Santa-Ana, îlot au sud-est de San-CiisUibal 5". 17
Ugi, îlot à l'est de San-Ciistobal 3", 71
(360 NOUVELLE GKOliRAl'HIE UNIVERSELLE.
de la forêt. Un des produits les plus curieux de la flore cryptofiainique
des Saloiiion est un amas de matière végétale qui ressemble à l'igname
et que l'on rencontre sur le sol, sans racine ni point d'attache. M. Tiuppy
signale avec étonnement les connaissances remarquables des naturels en
fait de botanique : ils distinguent parfaitement les unes des autres des
espèces presque identiques en appai'ence ; à cet égard ils sont bien
meilleurs naturalistes que ne le sont même les Européens instruits, en
dehors des savants de profession.
La faune mélanésienne ressemble beaucoup à celle de la Nouvelle-
Guinée; mais dans les îles Salomon les espèces de la Polynésie viennent
s'entremêler à celles de la Pajtouasie : on se trouve sur les confins de deux
aires zoologiques. D'après le dire des indigènes, des singes anthropoïdes
existeraient encore dans les grandes îles, Malaïta, Guadalcanar, San-
Cristobal ; mais aucun zoologiste européen ne les a vus. A l'exception
des porcs, des chiens, d'une sarigue, et d'une petite espèce de rat, les
étrangers qui visitent ces terres n'ont point rencontré de mammifères
indigènes. Parmi les oiseaux, le pigeon est l'un des plus communs:
c'est le principal agent de la dispersion des plantes. Powell dit que
dans les îles volcaniques le megapodius place souvent son nid dans les
fissures à fumerolles. Les reptiles, si faiblement représentés dans la
plupart des îles océaniennes, sont assez nombreux aux îles Salomon, et
plusieurs espèces sont propres aux archipels mélanésiens; on y remarque
surtout d'énormes crapauds, et lors de la découverte d'Yzabel i)ar les
Espagiu)ls, ceux-ci détruisirent des temples où l'on adorait ces batra-
ci(Mis et l(!s serpents. Les crocodiles, encore vénérés par les insulaires,
sont communs sur le pourtour des îles, aussi bien dans l'eau douce
que dans l'eau salée; on les redoute peu, et, d'après la légende, ils ne
seraient dangereux que pour les femmes infidèles. Les îles Salomon sont,
dans la direction de l'est, le dernier groupe où vive ce grand saurien.
Les Mélanésiens appai'tiennent ceilainement à la même souche (|ue
les Papoua de la Nouvelle-fiuinée, quoiqu'on trouve aussi parmi eux des
l'eprésentants des types malais et polynésiens; il existe même en pleine
Mélanésie une enclave raicronésienne, le petit archipel de rKchi(piier,
composé d'une cinquantaine d'îles et d'îlots'. C'est probablement l'une
des îles de l'archipel Salomon, San-Cristobal, que certaines traditions d'in-
' MiUliiklio-Miilvl'iiï, Izv'cstiija Roiissk.Groçir.Ohrhltlir.'idHiASlG.ir.uhrium pniLi'on Mi'lcliiiiliov.
FLORE. FAUNE, l'OplLATlON DE LA MÉLAXÉSIE.
fiOl
salaires de la mer du Sud signalent comme la patrie de leur race : cette
terre de Pouro, que l'on dit au pilote Oueiros être le lieu d'origine des
tribus océaniennes et que Haie a voulu identifier avec l'île de Boeroe dans
les Molui{ues', serait Lien {)lut(jt Baura, c'est-à-dire l'ile dont les Espagnols
ont changé le nom en celui de San-Cristobal'. Quoi qu'il en soit, les traits
prédominants chez les habitants des rivages dans les archipels de l'Ami-
rauté, de Bismarck, de Salomon, sont bien ceux du tyj^e mélanésien. Quant
aux tribus qui vivent dans l'inlérieur des îles, elles sont peu connues.
S\\-i:[!l>T()IÎVL.
Est de Pari
D'après les cartes marines
P/~o ^or> c/<^ o/ ^^
1 . nfioooo
mais ([uelques indices permettent de croire que l'élément negrilo y est
assez fortement représenté. La variété des dialectes, d'ailleurs tous déri-
vés d'une même souche, est fort grande. La légende d'hommes à queue,
qui vivraient dans l'intérieur de Birara, est très répandue.
Les insulaires sont pour la plupart de taille moyenne et bien propoi-
tionnés; ils ont la peau d'un brun foncé et la chevelure abondante et
crépue. Les plus beaux parmi ces naturels sont ceux de Bougainville : ils
dépassent les autres en stature et en force, mais ils sont aussi plus noirs
et leur crâne est moins allongé ; ce sont de vrais brachycéphales, et d'ail-
" Ethnography and Pliilology of the U. S. E.rplnring Expédition.
- H. B. Guppy, The Solomon Islands.
G(i2 NOUVELLE (iÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
leurs la même forme de tète prévaut chez lieaucoup de Mélanésiens, fait
que Mik'l'ukho-Maklaï a le premier mis hors de doute et ipii a surpris la
plupart des ethnologistes. Un grand nombre de Mélanésiens, surtout dans
les îles de l'Amirauté, ont de longues dents qui font saillie en dehors de la
bouche, ce qui donne à la physionomie (pielque chose de bestial et de fé-
roce; mais ce trait est moins frappant chez les hommes, qui mik-henl le
bétel et recouvrent ainsi leurs dénis d'un vernis noiràlie, (pie chez les
femmes et les enfants, dont les dents restent blanches. On rencontre aussi
des indigènes, principalement dans l'île de Birara, dont les doigts de pied
sont reliés les uns aux autres jiar um^ membrane commune'. Les ulcères
sous le pied sont très fiéquents chez les Mélanésiens, et dans l'archipel
de Salomon au moins les deux cinquièmes de la population sont affectés
de grosses plaies causées par la présence d'un parasite {linea cininata
tropico); dans quebjues-unes des îles, presque tous les habitants ont à
nourrir ces hôtes incommodes. Les affections de la peau ne sont pas
moins générales que chez les Carolins. Une habitude funeste, principa-
leuKuit dans les îles de l'Amirauté, est de manger de l'argile. La plupai'l
des hommes Agés sont emportés i)ar des maladies pulmonaires : quand la
mortalité a été très forte dans un village, les habitants émigrenl et foui
choix pour leurs demeures d'un aulre emplacement, déclaré plus favorable
par les sorciers. Les Mélanésiens résistent mieux que les Polynésiens aux
influences morbides que leur apportent les blancs; mais les pratiques de
l'infanticide, très communes dans certaines îles, les dépeuplent gra-
duellement. Dans Ugi, près de la côte orientale de San-Crislobal, presque
tous les enfants, garçons et filles, sont tués par leurs parents : la popu-
lation se recrute par l'achat d'esclaves sur la terre voisine; au lieu de
fils, le vieillard a pour soutiens des garçons achetés, qui deviennent libres
en arrivant à l'âge d'homme.
Les Mélanésiens ne pratiquent pas la circoncision, et dans les villages oi!i
prévaut cette coutume, on peut être certain (pu^ la population est d'origine
polynésienne'. Le tatouage est de règle, non par piqûres, suivant la mode
des insulaires de la mer du Sud, mais par entailles, faites au moyen
de pierres. Dans l'île de Sanla-Ana, à l'extrémité méridionale de l'archipel
Salomon, les garçons n'acquièrent le droit de se marier e( d'accompagner
les pécheurs et les guerriers qu'après s'être soumis à ro|)ération du
lalouage, et pendant cette période d'épreuves ils doivent habiter seuls
' Kiiinilly, Un- Wi'sli'ni Pacifie (nul .Ycic (iuiiii'ii: — (ui|i|iv, Duvnige cité.
- Cuili'iniiliin. .hninuil of llic Aiitliinpoldçiical Itislitiilr, vuL VL
MÉLANÉSIENS. 663
dans une case et se nourrir du sang d'un poisson sacré. Dans l'ilc de
Bougainville, au contraire, le tatouage est interdit aux jeunes gens :
c'est ajjrès le mariag(^ que les hommes et les femmes font saillir sur leur
jieau des l'angées de houlons en forme de pois qui, par le nombre et la
disposition, indiquent le rang des personnages. Très coquets comme tous
les sauvages, les Mélanésiens s'occupent beaucoup de leur toilette : ils se
baignent chaque jour pendant des heures, se frictionnent le corps et le
peignent en rouge, si ce n'est pendant la période de deuil, où il leur est
interdit de se laver; ils font bouffer leur chevelui'e en une sphère énorme,
ou bien la dressent en tour, en forment une masse rouge et dure au moyen
d'ocre et d'argile : tel est le labeur occasionné par le soin des cheveux,
(]ue des vieilles femmes de l'île Mono se les rasent complètement pour
avoir le temps nécessaire aux travaux de leur case. Les naturels encore
sauvages n'ont pas de vêtements, mais ils se surchargent d'ornements,
colliers, bracelets, tresses d'herbes et pompons : la plupart se percent la
cloison du nez poui' y introduire un cordonnet où sont enfilés des
coquillages, ou bien pour y placer des défenses de porc; ils suspendent
aussi des morceaux de bois et d'autres objets aux anneaux forés dans
les lobes de leurs oreilles. Un des principaux ornements des indigènes
est un fragment de tridacne ou d'écaillé de tortue ; les guerriers heu-
reux dans les combats portent des guirlandes de dents, de vertèbres,
de phalanges humaines, et sur leur poitrine se balance un fémur. En
un grand nombre d'îles, notamment à Matupi, la monnaie se compose
encore de coquillages enfilés'; ailleurs on emploie les dents de chien ou,
dans les villages d'anthropophages, des colliers de dents d'hommes'-. Dans
les îles del'Amiraule, ce sont les bouteilles vides (|ui représentent la valeur
d'échange".
Les guerres sont incessantes dans certaines îles, non seulement entre
les tribus du littoral et celles de l'intérieur, mais aussi entre peuplades
riveraines. C'est qu'il faut se procurer des tètes pour orner la maison du
chef et les canots de guerre; il faut aussi des prisonniers, que l'on égor-
gera dans quel([ue fête solennelle pour que leur âme protège les champs ou
favorise la pêche. Les funérailles des chefs donnent également lieu à des
sacrifices. Le cadavre est placé debout au fond de la fosse, puis enterré
jusqu'au cou; alors on allume un feu qui détache les chairs et permet
d'enlever le ciàne, puis on l'érigé dans le canot qui sert de temple. Mais il
' F. Hcrnsliciiii, Siidsee-ErinneruiKjen.
^ l'enny, Ten Years in Mclaiicsia.
' Mililukliu-Malilai, inciiioiie tilé.
GOi NOUVELLE GÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
roslo à combler la fosse : la femme la plus jeune, un enfant y sont jetés
avec les biens les plus précieux ilu chef et les oflVandes des amis, puis le
tout est écrasé, brisé et recouvert de pierres, tandis que l'assemblée pousse
des cris; parfois on coupe les palmeraies, pour que les arbres eux-mêmes
participent à la douleur générale. Les esclaves que possèdent les chefs
mélanésiens sont en général bien traités, mais ils ont toujours la redou-
table perspective d'être abattus d'un coup de massue et mangés (juand
on célébrera la victoire d'un chef ou le lancement d'un canot. D'a[)rès
Uomilly, un des plats les plus appréciés de la cuisine néo-irlandaise est
un mélange de sagou, de noix de coco et de cervelle humaine. Une des
terres de l'Océan où le cannibalisme fait le plus de victimes est Arossi ou
San-Cristobal : parfois jusqu'à vingt personnes y sont cuites et mangées
en un seul jour; un chef, que visita Brown, possède un cocotier sur lequel
76 entailles rappellent le nombre de corps humains dépecés et mangés
en ce lieu'. Il est peu d'Iles mélanésiennes où l'anthropophagie ait com-
plètement disparu du culte; cependant on cite la petite ile de Sanla-Ana
dont les liabilants s'abstiennent de la eliair humaine, depuis ipie le chef
l'a tabouée à la suite d'une épidémie. En d'autres îles, l'inlluence des
blancs a fait abandonner la hideuse pratique, et ceux des insulaires qui
l'observent encore ne manquent pas de s'en défendre devant les étran-
gers. Désormais les insulaires des Salomon remplacent les ossements de
l'homme })ar ceux du porc dans l'ornementation des cabanes et des canots
de guerre. Dans les îles de l'Amirauté, les vergues des bateaux sont ornées
de touffes de cheveux humains.
Les villages des Mélanésiens, composés pour la plupart de deux ran-
gées de cabanes, assez solidement bâties pour résister aux intempéries
pendant cinq ou six années, présentent tous les types de construction :
agglomérations insulaires élevées sur pilotis, groupes de cases reposant
sur le sol, et même, notamment à ^/abel, arbres fortifiés, accessibles
seulement [)ar des échelles ou des ])oulres eiitaillées. Dans chaque village,
l'édilice élevé avec le plus de soin vX décoré des sculptures en bois les plus
curieuses est le tainbun, la case publi(|ue où se réunissent les hommes,
où l'on accueille et fêle les étrangei-s, où les chefs placent leurs canots de
guerre ; dans l'île de Tombara, cette case est parfois ornée de statues
taillées dans une roche crayeuse que l'on dit être rejetée sur le rivage par
les raz de marée et les tremblemenis marins*. De toutes les gi'andes
' lUown; M;icallistor, ProceediiKjs of llie 11. bish Acadi'iiiij. Juiie -l'i, 1883.
- lii-owii. Juin nul of llie R. Gcoiinipliiriil Socii'hi. |S77.
84
MELANESIENS. 687
ili's nu'lani'sioiincs, Bimra paraît èlro la plus poiipkk', pi-inci|ialcini_'iil sur
la rive occidentale : en longeant les côtes on voit partout s'élever les fumées,
et certaines parties du littoral sont complètement bordées de cocotiers,
l'arbre nourricier par excellence. La population du littoral peut s'évaluer
d'après le nombre des cocotiers, vingt de ces arbres représentant un
liomme en moyenne'. La cabane de chaque indigène est considérée
comme un lieu sacré par ses voisins; nul ne peut y entrer (ju'au péiil de
sa vie\
Les bateaux, dans les([uels la plupart des Mélanésiens passent une
moitié de leur existence, sont des chefs-d'œuvre de labeur et de patience :
à l'extérieur ils sont décorés, avec un goût qui étonne chez un peuple
encore barbare, de figures lailb'es qui représentent les génies prolec-
teurs et (jui défendent en même lenijis les guerriers contre les flèches ou
les javelots de l'ennemi; à l'intérieur ils sont ornés de nacre perlière et de
bois précieux. Les Mélanésiens se servent d'une voile quadrangnlaii'c,
tandis que dans les mers polynésiennes tous les esquifs ont une voile en
pointe, comme les barques de la Méditerranée. Les bateaux à balancier ne
sont pas d'usage général dans les mers de la Mélanésie allemande, et
même dans les parages de l'archipel Salomon presque toutes les grandes
embarcations sont dépourvues de cet appareil d'équilibre. La cause en
est à l'existence de la voie maritime relativement abritée qui sépare les
deux rangées parallèles des îles : c'est le chenal que suivent les barques,
ne se hasardant que rarement dans les mers tempétueuses du large. Cepen-
dant il est aussi des bateaux que l'on construit de manièi'e à pouvoir y
adapter un balancier lors des gros temps, mais qui naviguent d'ordinaire
sans cet appendice latéral. D'ailleurs, les insulaires de ces parages sont
d'une audace et d'une habileté extrêmes : à San-Cristobal on voit des ra-
meurs qui se lancent en pleine mer montés sur des batelets de 25 cen-
timètres en largeur au plus et portant une planche transversale sur
laquelle ils se tiennent en équilibre.
Excell(Mils marins, pêcheurs habiles, les insulaires de la Mélanésie
sont aussi pour la plupart de bons agriculteurs : dans les clairières ca-
chées de la forêt, loin des villages, on rencontre des champs d'ignames,
de patates douces, de taro, de bananiers, de cannes à sucre, fort bien
entretenus par les f(>mmes; des massifs de cocotiers et de sagouliers, ijuel-
ques arbres à pain fournissent aux indigènes le reste de leur nouriiture,
' Kniiiillv. oiivratrf cité.
'- \lAi\/ri.Ainifil:-:: lie lu Propaijdliim (h- In Foi. 1885.
608 NOUVELLE GÊOGRAPUIE UNIVERSELLE.
presque exclusivement végétale. Ce sont les femmes qui tissent les nattes
en feuilles de pandanus et qui modèlent les poteries. Les outils de jar-
dinage et les armes, massues, javelots, ares et flèches, sont fabriqués
par les hommes. Suivant les îles, les formes de ces engins diffèrent beau-
coup, ou même on emploie des armes dissemblables : ainsi les insu-
laires de l'Amirauté ne connaissent point l'usage de l'arc, qui est entre
les mains de presque tous leurs frèrc^s de race', mais que la plupart
des Polynésiens ignorent ; récemment encore ils n'avaient d'autres haches
que des coquillages tranchants emmanchés à un bàlon, et leurs épicux se
terminaient par des pointes d'obsidienne, importée de l'île volcani(jue de
Lou'. Maintenant presque tous les riverains des mers mélanésiennes
emploient les armes à feu; même pour la pèche, les insulaires des Salo-
nion se servent de dynamite, tandis ([ue dans l'intérieur des îles les
naturels en sont encore à l'âge de la pierre. La langue commerciale est
l'anglais.
Les femmes sont tenues pour très inférieures à l'homme dans les tribus
mélanésiennes : presque partout il leur est interdit d'entrer dans la case
publi(jue du village; elles n'ont aucune part aux cérémonies religieuses
et s'éloignent (piand le père ou le mari prend son repas. Elles sont la pro-
|iri(''l(' (lu maître; dans l'Ile de San-Ci'istobal et les terres voisines, elles
appaitienn(Mit même pour un temps à la commune entière. Mais elles doi-
vent bdélilé absolue à l'époux collectif, à moins qu'elles n'aient été, ce
qui se présente quelquefois, l'objet d'un troc avec un(^ commune voisine.
Dans les deux îles de Birara et de Tombara, les jeunes tilles destinées aux
chefs sont enfermées, sous la direction d'une matrone, dans une case d'où
elles ne sortent ipie pour suivre les acheteurs qui s'emparent d'elles avec
simulacre d'enlèvement; chez quelques tribus ce n'est pas une case, c'est
une cage qu'elles liabilent, et le réduit est trop bas pour leur permettre de
se tenir debout. Ue leur côté, les fds subissent une période d'initiation dans
la forêt, où, pendant quelques mois, il leur est permis de goûter à certains
mets qui plus lard seront labonés strictement. On retrouve dans l'île de
Birara la coutume étrange des Zoulou, d'a])rès lacpielle il est interdit au
gendre de parler à sa belle-mère, de la voir même : quand elle va passer,
il se cache derrière un buisson \ Dans cette île, de même que dans les
autres terres de l'archipel Bismarck, les unions se font toujours suivant
le mode exogamique : la société est divisée en deux castes, et l'homme doit
* Moseley, E.tpédiiion du « Cliallenf;pr ii , 1875.
' MiU'ukho-MaW'aï, niéiridire cité.
'' lii'own. Piipiiniis (111(1 Polfiiicsiaiis.
MELANESIENS. 669
loiijoiirs acliek'r son ('pouse dans le clan qui lui est étranger. Les enfants
appartiennent à la famille de la mère, et par conséquent une rotation in-
cessante se fait de génération en génération entre l'une et l'autre caste. De
même que chez la plupart des trihus africaines et océaniennes, il existe
des sociétés à rites secrets, qui doivent une grande puissance aux mystères
de leurs cérémonies et à leur solidarité : dans les îles de la Mélanésie,
ces francs-maçons redoutés sont désignés d'ordinaire par le nom de duk-
duk. L'île York est, dit-on, le centre de la confrérie dans le groupe de Bis-
marck'. Le grand-maître, inconnu du vulgaire, s'haMlle de feuilles dans
les grandes circonstances; tout homme condamné [lar lui au ehàlimeiil ou
à la mort peut être sûr que la sentence sera promptement exécutée.
Malgré les meurtres de hlancs et les festins qui les ont suivis, des mis-
sionnaires catholiques et protestants se sont aventurés en divers points
des archipels. Une mission qui s'était fondée à San-Cristobal dut être
transférée dans l'île Woodlark apiès un massacre; mais les prêtres eurent
encore à s'enfuir de cette terre, et maintenant ils se sont établis dans
l'île Rook, à l'extrémité sud-occidentale de Birara, près du détroit de Dam-
pier; les naturels de cette île abhorrent l'anthropophagie. Dans l'en-
semble, l'influence des missionnaires, plus ou moins modifiée par celle
des traitants et des marins, n'a pas été considérable : les Mélanésiens
n'ont que le culte des bons et des mauvais esprits et celui des grands
phénomènes de la nature; ils vénèrent les animaux dont ils ont [)eur :
ici on adore le crocodile, ailleurs le requin. (luppy raconte que dans
l'île d'Ulaua, au nord de San-Cristobal, l'homme qui a pu échapper aux
dents d'un requin est rejeté dans la mer pour servir de proie au dévoreur
sacré. On s'occupe peu des malades; dans la plupart des îles, on les
abandonne même à leur destin dès qu'on n'a plus espoir de les sauver :
on les porte dans la case funèbre, puis on met à côté de leur natte une
noix de coco et on les laisse mourir seuls; on se sent impuissant à com-
battre le mauvais esprit qui s'acharne sur la victime. Les natifs d'Ugi
croient que les âmes des morts se changent en lucioles'.
L'organisation politique diffère complètement suivant les îles : dans les
archipels de l'Amirauté et de Bismarck les tribus n'ont point de chefs, ou
plutôt ceux qui portent ce nom ne le doivent qu'aux traitants étrangers ;
personne ne se permet de donner des ordres à son semblable : tous les
membres de la tribu sont égaux et délibèrent sans maître sur les intérêts
Wilfred Powoll, lfanrfc)/«f/s iii Nnu-Dritniii.
Guppy, ouvrage cité.
07n NOUVELLE (;ÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
communs. Mais ihins la pluiiarL des îles Salunion If })Oiivoir ili'S chefs
héréditaires s'est fortement constitué. D'ordinaire les royaumes ne
sont pas considérables : autant de villages, autant d'Etats; toutefois il
existe quelques domaines royaux qui s'étendent sur un essaim d'îlots
et même sur de vastes espaces dans les grandes îles. C'est ainsi que le
chef de l'île Shortland, dans le détroit de Bougainville, commande à tous
les insulaires du passage, de même qu'aux tribus les plus rapprochées
dans les îles Bougainville et Choiseul. Ce sont généralement les chefs de
petites îles qui réussissent à constituer les dynasties les plus puissantes :
ils le doivent à leurs marins, plus mobiles, plus audacieux que les agri-
culteurs des grandes terres voisines. L'action du gouvernement germa-
nique s'emploie à consolider le pouvoir des chefs principaux et à les trans-
former sraduellement en fonctionnaires.
Il n'y a |ioinl encore de villes dans la Mélanésie allemande. La « colo-
nie « de Port-Breton, fondée en 1870 sur la côte méridionale de Tombara,
au pied de monts ravinés et dans la région la |ilus aride de l'île, n'a plus
un seul de ses immigrants français, auxquels on avait promis merveille
et (pii n'ont trouvé dans la « Nouvelle France» que la maladie et la faim :
Port-Breton n'est plus qu'un hangar abritant quelques marchandises. Le
chef-lieu politique et commercial des archipels germaniques, y compris
les Salomon, est situé dans une position tout à fait centrale, entre la
Papouasie et l'archipel Bismarck. La première station fut Mioko, dans
les eaux tranquilles qui s'étendent au sud d(> l'île York ou Neu-Lauenburg;
mais les écucils voisins, qui se découvrent à marée basse, répandent une
mauvaise odeur. On lit alors choix, pour résidence, de l'île très popu-
leuse de Matiqii, située |ilus à l'ouesl, cl (|ui est elle-même un cralère
avant surgi dans l'ancien cratère de la baie Blanche; mais une vague de
IremblemenI j)ro(Iuile par éruption démolit à demi le village, et le centre
de l'adminislration, de nouveau déplacé, fut porté, au sud-ouest de
Mioko, dans l'îlot de Kerawara, devant lequel peuvent mouiller les plus
grands navires : l'exportation annuelle du koprah ne dépasse guère un
millier de tonnes. D'ailleurs, les employés de la compagnie commerciale,
qui représentent la puissance allemande dans ces parages, n'ont eu jus-
qu'à maintenant d'autre mission que de protéger les comptoirs établis sur
divers points des archipels et de surveiller l'émigration ou plutôt l'expor-
tation des naturels envoyés sur les plantations des blancs. Les marchés
d'esclaves ont été remplacés par des maichés de i' Iravailleurs libres »,
MlliT-liKETON, AlloKd. MATUl'l, KERAWAFtA.
(J71
mais la (lini'rciicc eiilre li's n|H''i'MlioMs de tous ces négriers n'est liiièro
([lie nominale, et des centaines, des milliers d'engagés, emmenés loin de
lenr patrie, se sont laissés mourii- de désespoir. Des publicistes allemands
]I,K XKl-LAUCN'BlRIi
proposent d'établir dans les possessions mélanésiennes un lieu de (i(''p(ir-
tation pour les ciiminels. Finsch désigne les îles du détroit de Dampier,
occupant une situation centrale entre la côte de la Nouvelle-Guinée et les
archipels du nord comme les endroits oîi il conviendrait le mieux de l'on-
der ces colonies pénitentiaires'.
Finsch, Sanioiifaliricn.
672
NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE
Le tableau suivant donne la lislc des îles principales de la Mélanésie, en
dehors des îles dépendantes de la Nouvelle-Guinée, avee leur superficie,
calculée approximativement, et leur population, évaluée par Belnu et
Wagner et les vovaseurs récents.
XO.MS DES CnOrPES ET DES ILES.
sui'erucie
E\ KU.. C.VIl.
POPI'LATION PKÉsfjn';!;.
Iles de r.Vmirnulé
1952
2 000
lie Matthias . . .
660
Autres îles occiilent
651
70 000
l
1 476
12 1)51)
Tombara (New-L'eland, Neu-Mecklenburgl.
Archipel Bisinaicli. ■,
Biraia (New-Brltain, Neu-Pommern). . .
2'p'.)00
100 000 (Bridge).
Neu-Lauenburg, York-island)
58
\
Iles « Françaises n <
1 578
il)(l
UO '
100
20 000
Giipiel.
1
Autres iles
180
Ile RiKik. . .
705
600
520
10 000
Ile Dampier (Kaikai-
Iles viiisines. . .
450
,
Bougainvillc (Bouka) et iles voisines.
10 210
j
Choiseul (San-Marcos)
5 850
l
New-Georgia et iles voisines
5 220
Iles S.ilomon . .
Yzabel et iles voisines
Giiadalcanar et Savo
5 90(1
6 560
175 00(1
j
Malaita (Ranios), Meraïuasiki, el-. .
6 580
1
Sau-Cristobal (Arossi. Baura)
5 115
Iles voisines
2 697
MELA.NESIE. 673
II
ARCHII'liL DE SANT\-(;nUZ, N OU VE L L E S- Il KB R I DE S.
Ces deux traînées d'ilos mélanésiennes Ibnl évidemment partie du même
système de plissement terrestre que les îles Salomon, mais elles n'en for-
ment pas la continuation précise et s'orientent dans un sens un peu dif-
férent ; leur axe se dirige du nord-nord-ouest au sud-snd-est. Les deux
archipels com[)reniient une cinquanlaine d'îles et d'îlots, sans comptei'
d'innombrahles récifs; en outre, quelques terres sont parsemées dans les
mers orientales sur les voies maritimes qui mènent aux îles Fidji et
Samoa. Ensemble, l'archipel de Santa-Cruz, les Nouvelles-Hébrides et les
îles des parages orientaux, Tikopia el Anuda, auraient une superficie de
lôOOO à 14 000 kilomètres carrés. La population totale de ces groupes
mélanésiens serait d'environ 70 001) habilanls. d'après les évaluations
approximatives.
L'archi|)('l de Sania-Cruz lut découvert en 1505 par Alonzo de iMendana,
qui cherchait alors, mais sans y réussir, à retrouver les îles Salomon,
visitées par lui vingt-huit années auparavant. Queiros, le compagnon
de Mendana, explorant en 160(3 les mêmes parages, vit le premier les
Nouvelles-Hébrides et jeta l'ancre dans une baie de l'île d'Espiritu-Santo.
11 crut avoir trouvé le continent austi'al : aussi donna-t-il à celte madré
de tcnitas iskts le nom d'Australie, appliqué plus tard à la partie du
monde que Terres, le second de Queiros, dut sans doute apercevoir lors-
qu'il franchit le délroil qui perle sou nom. C'est dans cette île d'Es[iirilu-
Sanlo, ou Merena, que Queiros fonda la « Nouvelle-Jérusalem > , la ville
d'(u'i la foi devait se répandre sur tous les rivages de l'océan Paciiique.
Jlais il ne revit pas les terres découvertes par lui, et plus d'un siècle et
demi se })assa avant (ju'un nouvel explorateur, Bougainville, a]qiarùl
devant ces îles : d'ailleurs, le nom même ipi'il leur donna, celui de
« Grandes-Cyclades >■, prouve ipi'il n'en releva |)oint méthodiquement les
cijles, puisipie dans leur ensemble elles sont disposées en rangées et non
jwint eu cercle. Eu 1774, six ans après Bougainville, Cook visila le même
archipel, qu'il étudia plus en détail et auquel il donna, en souvenir des
îles écossaises, le nom maintenu depuis dans la nomenclature géogra-
phique. Après Cook, il restait à préciser les contours des îles centrales et
à découvrir quelques terres écartées. En 17<S9, Dligh, expulsé de son
navire pai' l'éiiuipage révolté, et forcé de tiaveiseï' dans sa largeur plus
674 NOUVELLE r.EOr.nAI'IllE l'M VERSELLE.
de la moitié du Pacifique, eut la cliauce de leucoutrer dans son périlleux
voyage l'essaim des îles de Banks, au nord des A'ouvelles-Hébrides. L'année
précédente, Lapérouse avait, parcouru les mêmes parties de l'Océan, mais
il ne devait point raconter son voyage. Son navire vint se briser sur un
écueil de l'île de Vanikoro, la terre la j)lus méridionale de l'archipel Santa-
Cruz, et ce n'est que trente-neuf années après le naufrage que l'Anglais
Dilloii découvrit l'endroit où le vaillant explorateur et ses compagnons
avaient péri : le fatal rocher se trouve à l'occident de l'île, dans une des
passes de la ceinture de récifs.
Maintenant bien connues par les marins, exploitées par les traitants
qui viennent y prendre des « engagés « pour les [tlantations d'autres îles,
et par les missionnaires qui cherchent à recruter des fidèles pour leurs
églises respectives, les îles de Santa-Cruz et les Nouvelles-Hébrides ne font
partie d'aucun empire colonial européen. Le groupe du nord se trouve,
il est vrai, dans la " zone d'inlluence » attribuée spécialement aux « inté-
rêts britanniques » en vertu du traité conclu avec l'Allemagne, mais les
Nouvelles-Hébrides, qui semblaient aussi destinées à devenir possession
anglaise, ont été disputées par la France à l'Angleterre, et même de petites
garnisons françaises ont occupé temporairement quebpies îles. Mission-
naires catholiques et missionnaires protestants, en cherche d' « âmes à
sauver », planteurs de la Nouvelle-Calédonie et planteurs des îles Fidji en
quête de travailleurs pour leurs champs, ne manquèrent pas de faire
intervenir leurs gouvernements respectifs en faveur de leurs intérêts par-
ticuliers, et pendant quelques années le sort politique de l'archipel fut en
suspens. Un traité récent prolonge cette situation indécise en [)laçant
l'archipel sous le protectorat commun de la Fiance et de l'Angleterre : il
est probable que cette double surveillance aura tôt ou tard pour résultat
le partage des Nouvelles-Hébrides entre les puissances rivales.
Les deux archipels sont d'origine volcanique, comme les autres aligne-
ments d'îles dans le Pacifique occidental : dans presque tontes ces terres
mélanésiennes on voit se dresser des cônes de forme régulière, aux flancs
recouverts de cendres et de laves. D'après Dana, c'est à l'activité des forces
ignées qu'il faudrait attribuer le manque pres(jue absolu de récifs coral-
liens dans les archipels de ces parages; quoique situées entre la Nouvelle-
Calédonie et les îles Fidji, si riches en coraux, Santa-Cruz et les Hébrides
n'ont point d'atoll, et le seul anneau coralligène achevé qui s'y trouve est
celui dont s'est entourée l'île de Vanikoro. Un des îlots septentrionaux de
Santa-Cruz, le Tinakoro, est toujours en éruption. Au nord des Nouvelles-
Hébrides, dans le groupe dit archipel de Banks et de Torres, un volcan de
ILES SANTA-CRUZ, NOUVELLES-HÉBRIDES. «75
l'îlo, Uroparapnnu liaiil de 505 mèlrcs. oiiviv nu iiord-esl son cratère
effondré, ol la mer oniplil rancieii fond du bassin. J^rès de là, dans l'île
de Vanua-Lava ou « Grande-Terre », des sources thermales jaillissent en
aliondance au bord de la mer. Au centre de l'archipel, l'île d'Ambrym
(1067 mètres) et le mont escarpé de Lo[)evi, le plus élevé de l'archipel
(15'2'i' mètres), sont aussi des volcans on activité; enfin, au sud, dans
^^o^cf/-it:/^i^^^
1 ■. 575 000
l'ilc^ de Tanna Aiperi ou simplement Tanna, c'est-à-dire « Terre », le
moni boisé de Yasova est toujours en travail; par intervalles de six à huit
minutes, surtout de janvier en mars', on voit s'élancer de la cime les
vapeurs, les cendres et les boulets de lave; un excellent havre de cette
île, l'orl-liesolulion, a été comblé en 1S78 par un tremblement de terre.
Des éruptions sous-marines ont eu lieu fréquemment dans ces parages, et
les navires se sont fi'ayé- péniblement leur voie à travers les couches de
pierre ponce. Outre les volcans encore actifs, nombre d'autres monls insu-
lîreni'lilcy. .So»//; .S'ivy isliiints.
fi70
NOUVELLE GEOGRAPUIE UMVERISELLE.
.NOUVLLLLS-imliniIlIiS.
laii'os de l'arcliipol versèrent autrefois des fleuves de feu. En beaucoup
d'endroits on ix'mar(jue des traces d'exhaussements modernes : des racines
de j)alétuviers garnies de co-
quillages se trouvent à 12 mè-
tres au-dessus du niveau de
la mer ' .
Le climat diffère notablo
ment dans les diverses parties
des archipels, puisque ceux-ci
se prolongent sur un espace
dépassant 12 degrés en lati-
ude : le 10* degré au sud de
l'équateur traverse les parages
de l'archipel de Santa- Cruz,
et l'îlot Matlhew. dans les
Nouvelles-Hébrides, se trouve
au sud du 22'" degré. La diffé-
rence de température moyenne
est donc de 2 à 5 degrés centi-
grades entre les di-ux extrémi-
tés de la rangée des îles. Néan-
moins le l'égime des vents et
des pluies est le même dans
toutes ces mers : le vent alizé
du sud-est souffle régulière-
ment pendant l'été de l'hémi-
sphère septentrional, de mai
en octobre, tandis que dans
l'autre moitié de l'année, de
novembre en avril, les vents
p'erro" irréguliers alternent avec l'ali-
zé ; le vent d'ouest l'emporte
'^'^'^ souvent, amenant avec lui les
pluies, les orages et même des
cyclones. En moyenne, l'hu-
midité est très abondante, et par conséquent la végétation est touffue:
les montagnes sont couvertes de forêts. Pour les Européens, le climat des
F^of^orjc^ecjrs
1 : 9 MO 000
' Ormières. Dullelin de la Sociclc de GéoyrapUie commerciale de Paris. 1887-1888, n° C.
ILES SANTA-CRIZ, NOUVELLES-HÉBRIDES. C77
NouvolIes-IIébrides, surtout du côté occidental qui est celui dos pluies,
est des plus insalubres : il l'est également devenu pour les naturels,
maintenant décimés par la phtisie.
l^a llore de ces archipels, nouri'ie par un sol des plus féconds, com-
prend un f;rand nombre d'espèces qu'on ne trouve point ailleurs, entre
autres un arbre de la famille des myrtes, qui répand un parfum péné-
trant et qui s'élève à plus de 12 mètres; une variété de cèdre, à feuilles
d'olivier, atteint une hauteur beaucoup plus considérable et pourrait four-
nir de grands mâts pour les vaisseaux. Presque tous les arbres des
Nouvelles-Hébrides sont très résineux, et la substance blanche et trans-
parente qui en découle est fort ap|>réciée par les rares industriels ayant
pu en faire usage; le bois des Nouvelles-Hébrides le plus recherché pour
l'exportation est le bois de sandal. Les plantes nourricières de ces archi-
pels sont pour la plupart d'origine occidentale : l'aire indienne de végéta-
lion se continue jusque dans ces îles lointaines' ; mais par cent espèces de
fougères, par le dammara et l'araucaria, les Nouvelles-Hébrides appar-
tiennent aussi au domaine néo-zélandais. Sauf quelques variétés, les aibres
à fruit sont ceux que possèdent les autres îles océaniennes : cocotiers,
sagouliers, arbres à pain, bananiers. La plante par excellence est l'igname :
ce tubercule constitue le principal aliment des habitants. Ceux-ci comp-
tent les années par les récoltes : quand les pourvoyeurs d'hommes en-
lèvent les insulaires pour les amener comme « engagés » dans les
plantations de Queensland, des îles Fidji ou de la Nouvelle-Calédonie,
le temps du service obligatoire est évalué dans le contrat, non pas en
années, mais en « ignames ». Quant à la faune indigène, elle est très
pauvre en mammifères : des chauves-souris et des rats, telles sont les
espèces primitives. Les cochons ont été importés; récemment encore les
naturels de Tanna et de Mallicolo virent avec étonnement les premiers
chiens, amenés des îles de la Société. On trouve aussi à Tanna le pigeon
des muscadiers.
Les deux archipels de Santa-Cruz et des Nouvelles-Hébrides occupent la
zone de transition entre le monde mélanésien et la Polynésie, et leurs
populations offrent par conséquent une grande variété de types, suivant le
mélange ou la juxtaposition des races. Chaque île présente un contraste
avec sa voisine; même sur une seule terre, des peuplades diffèrent gran-
dement les unes des autres par l'aspect, les mœurs et le dialecte. Ainsi
que dans les Salomon et l'archipel Bismarck, les riverains et les gens
' MoiniciiL', Zcilschriji dcr Gescllsditifl fiir Erdkundc. n. t)2, j,", 1874.
078 NOUVELLE GEOCFÏ AI'IIIH INIVERSELLE.
lU' l'inh'iii'iii IVirment des groupos de liihiis liieii Iraiichés, généralemonl
désignés, dnns l'anglais jargonné de ces parages, sous les noms de man-
sahwater et de man-hmh, « homme de l'eau salée « et <c homme de la
hrousse «. Mais, dans l'ensemble, c'csl le lype mélanésien qui prévaut,
même dans les îles méridionales, Yalé, Erromango, Tanna '. Les navigateurs
ont remarqué que les naturels des îles du sud sont en général plus forts,
plus grands et mieux bâtis que ceux des îles septentrionales. Mais jtris en
masse, et considérés d'après nos règles ordinaires d'esthétique, ils ne sont
point beaux : leur front est bas el fuyant, leur face élargie par deux pom-
mettes saillaules, leur nez aplati et leur bouche épaisse; en diverses îles,
les mères ont l'habitude de déformer le crâne de leurs enfants au moyen
de planchettes, qui allongent l'encéphale de l'avant à l'ai'iièie, le rétré-
cissent et l'abaissent^ : c'est jtrobablemenl à cette déformation artiticielle
que les indigènes de Yanikoro et de Mallicolo doivent d'être, d'Sprès Flower,
les |)lus dolichocéphales des hommes. La chevelure et la barbe sont lai-
neuses; les Néo-Hébridais ont la peau presque noire et souvent détériorée
par les maladies. Ils cherchent à s'embellir en se perçant des trous dans
les oreilles et la cloison du nez, en se faisant des entailles sur les bras
et sur la poitrine, en s'ornant la tète de coquillages, de feuilles, de touffes
d'herbes, en s'enluminant de peintures tracées sur le corps au moyen
d'ocre rouge, de chaux et de pigments divers ; mais le tatouage propre-
ment dit est assez rare : dans les îles du sud il est même complètement
ignoré. Un grand nombrt^ d'insulaires emploient de la cendre de bois
pour donner à leur crinière une belle couleur dorée. A Tanna le suprême
bon Ion consiste à la diviser en une multitude de petites touffes liées par
des libres végétales près de la racine des cheveux : il ne faut pas moins
de trois à ([uafre années, dit-on, pour compléter celte partie de la toilette
d'un beau guerrier". Lors de l'arrivée des Européens dans les îles, les
naturels marchaient nus ou n'avaient d'autre vêtement que des pagnes
d'écorce battue, de feuilles ou de libres de cocotier. Des insulaires que
décrit Cook se serraient tellement la taille avec une ceinture de cordes,
qu'ils ressemblaient à de « grosses fourmis ». De nos jours, la plupart des
Aéo-IIébridais emploient des étoffes européennes pour tout ou partie de
leur costume. Ils ne bâtissent point l(>urs demeures sur pilotis comme
les Papoua et les Mélanésiens de l'ouest : ce sont |)resque toujours de
simples toits en feuilles de palmier posés sur quatre uieux.
* Otto Finsch, Aiitliropologische Eryàbnissc eincr licisc iii iUt Siklsee.
- Roberjiit, Bulletin de la Société de Gùotjrdphie. \" trimestre 1885.
" CL M;irkli;iin. Cruise of tlie « liosarin « iiiiidiifi llic A'cic Hébrides.
, M:^ ^^-4-^ \f^''^ ATt/ ^V ' V/V//Vf,
_\0U VKLLES-HKBniUES, li R 0 C P F. » INDIGENE?;,
Uti^siii )li> I,:iclliit-r, iriipl'è^ !|i|i' |ilu.lo^T;i|.Iiiii rumiiliiiiiipTcn par M. r,oUo:m.
ILES SA.\ÏA-CKUZ, MOL VELLES-llÉBRIDES. Ii81
Si la jirando majorité des naturels est évidemment mélanésienne dans
les deux archipels, la belle race polynésienne est représentée presque à l'état
pur dans le voisinage des îles Santa-tlruz. L'ilot d'Anuda ou Cherry-
island, celui de Tukopia ou Barwell, situés bien à l'est de la rangée des
grandes îles, dans les mers orientales, son! certainement habités par des
Polynésiens : on les reconnaît à la forte cai'rure, à la taille élancée, à
la longue chevelure, à la figure souriante. Les gens deFutuna et d'Aniwa,
la « Madère » des Nouvelles-Hébrides, vers l'extrémité méridionale de l'ai-
chipel, sont aussi des Polynésiens, et les noms mêmes ([u'ils ont donnés à
leurs îles sont empruntés à des terres voisines des Tonga '. Il est très pro-
bable, d'après la description donnée par (jueiros, que les habitants des
îlots Taumaco ou Duff, an nord-est de Santa-Cruz, aj)partiennent aussi
à la même race. Peut-être les insulaires de Nukapu, l'une des îles de
l'essaim principal de Sanla-Cruz, sont-ils issus d'un croisement des deux
éléments ethniques, car leur dialecte, d'origine maori, est essentiellement
polynésien, tandis que leurs mœui's les rattachent aux peuplades de la
Mélanésie.
Les femmes, achetées par les maris, sont en général fort malheureuses :
toutes les grosses besognes leur sont imposées et souvent on les accable de
coups; dans quelques îles, notamment à Mallicolo, on leur casse les deux
incisives supérieures ; dans Anatom elles devaient suivre leurs époux dans
la fosse ; au jour même du mariage, on leur mettait la corde au cou : il
ne restait plus qu'à la serrer pour la cérémonie funéraire. Presque tous
monogames, à l'exception des chefs, les Néo-IIébridais sont fort jaloux et
veillent de près à la conduite de leurs épouses : une foule de choses per-
mises à l'homme sont défendues à la femme; c'est pour elle surtout
que le tabou est prononcé par les chefs et les prêtres. Ceux-ci sont des
magiciens (jui commandent au vent et à la pluie, qui évoquent et chassent
les maladies et les esprits, qui parlent aux ancêtres, les dieux de la tribu,
et transmettent leurs volontés aux vivants. Ils présidaient aux festins de
chair humaine, car l'anthropophagie, naguère plus commune dans la
Mélanésie orientale que dans toutes les autres terres océaniques, avait un
caractère religieux : on dévorait les prisonniers de guerre et les cadavres
des ennemis tombés, pour se nourrir de leur force et de leur courage; mais
le goût de la chair humaine avait aussi porté les naturels à manger les
morts de leur propre tribu ou à les échanger contre ceux de peuplades
amies.
' Meinlcko, iiiéiuoire clk'.
08^ MOUVELLK GÉOCUAi'lIlK LM VEHSE LLE.
Ces mœurs de cannibales ne pouvaient que donner aux indigènes de
Sanla-Cruz et des Nouvelles-Hébiides une réputation de scélératesse et de
férocité; cependant il est certain que, dans les relations mutuelles entre
Mélanésiens et blancs, ceux-ci (tnl été de beaucoup les plus faux et les
j)lus cruels. (Jue de fois ils ont assailli des villages pour en capturer les
défenseurs et les vendre comme «engagés )i sur les plantations lointaines!
(Jue de fois ils ont massacré de sang-froid des femmes, des enfants, des
vieillards, et brûlé des récoltes pour affamer ceux que les balles de leurs
fusils n'avaient pu atteindre! Parfois les « noirs » ont réussi à se venger
de leurs assaillants ou à s'emparer de quelque blanc naufragé, et quoi
d'étonnant qu'ils se soient alors rués sur leur proie pour la dévorer! Mais
il est rare que des navigateurs et des missionnaires les trailant avec justice
et bienveillance aient eu à se plaindre d'eux. Si l'évèque Patteson fut tué
dans l'Ile de Nukapu, en 1871, c'est par la main d'un père auquel on
venait d'enlever ses enfants. D'après Markham,les indigènes d'EiTomango,
qui tuèrent Williams, auti'o missionnaire, ne se servent de fusils que
contre les blancs, dans lesquels ils ne voient que des voleurs d'bommes;
dans leurs guerres locales, entre frères de race, ils tiendraient pour Ikui-
teux d'employer les armes nouvelles.
L'anthropophagie ne s'est inainlenue que dans uu petit nombre d'Iles;
dans les terres du sud, les plus fréquentées par les blancs, elle n'est qu'un
souvenir. En réalité, jilusieurs des Nouvelies-llélirides, quoique non an-
nexées ofliciellement par quelque puissance eui'opéenne, n'eu ap|iarlien-
nent pas moins à des blancs, qui gouvernent la population, la font tra-
vailler à leur profit, et en transfoi'meni l'élal social, (jui rappelle de jilus
en plus celui des prolétaires d'Euro|)e. I/île d'Anatom (Aneïliinu), la plus
rapprochée de la Nouvelle-Calédonie, n'est peuplée que de «iinverlis,
sachant tous lire et écrire. En d'autres îles, les communautés clirélieunes
l'emportent en nombre sur les jieuplades restées païennes. La terre la
plus considérable des INouvelles-liébrides, Espiritu-Sanlo ou simplement
Sanlo, dont le dt'couvreur (Jueiros vantait avec raison le climat et la ri-
chesse et (|u"il jtroclamail devoir être la future rivale des « provinces du
Chili, du Pérou, <lu Mexique, des Philippines », est précisément une des
îles qui ont été le moins visitées par les Européens et (|ui u'out encore
qu'une bien faible valeur économique. Son vasl(' « port ■, ou plutôt la
baie parfaitement abi'itée de la Yera-Cruz, dans laquelle < quatre mille
navires tiendraient à l'aise », est resté presque dései'l, el nul planteur
ne s'est établi sui' les bords du « Jourdain >i.
En 1828, la découverte du bois de saiidal dausl'ile irijriimaugd donna
ILES SANTA-CRUZ. NOUVELLES-HÉBRIDES. «80
linii M un trafic secret avec la Chine, qui cessa peu à peu avec la dcstruc-
lioii (les forêts. Les traitants ajoutaient à leur trafic de bois de sandal ce-
lui du « bois d'ébène » vivant, surtout des femmes. Le centre commer-
cial de l'archipel des Nouvelles-Hébrides est l'ile de Vaté ou Efal, plus
souvent désignée par son nom anglais d'île Sandwich. Des colons européens
se sont établis près de Porl-Havannah et en d'autres endroits de celte île,
renommée pour la fécondité de ses terres et la richesse de sa végétation,
mais des plus insalubres, et y font cultiver le maïs, le riz, le cotonnier, le
tabac, le cafier : en 1882 ses plantations comprenaient une centaine de
raille de ces derniers arbustes; on fume les cultures avec des aslérides
retirées des mers voisines. Les planteurs des Nouvelles-Hébrides expédient
des grains, des fruits, des porcs et des volailles à Nouméa, capitale de la
Nouvelle-Calédonie. Une partie considérable des terres des Nouvelles-
Hébrides appartient à une compagnie néo-calédonienne.
Le tableau suivant montre combien la population de ces archipels est
minime en comparaison de leur superficie :
ILES.
SUPERFICIE
ES KIl. C.tR.
P0PrLATIO\.
/ Santa-Ci'iiz
ÔOO
Arcliippl ilo Siinla-Craz . ! Vnnikoi-n. . . . .
KU ' .MIDII 1
' Aulres îles clo l'airlii|icl
-2\i
4 500
20 000
'8 000
5 000
5000
2 000
10 000
1 280
15 000
958
926
4 857
2 268
644
5i8
1041
380
160
5 259
/ Espiritu-Santo. .
1 Ambrym. . . . .
V „„..•, ] Vaté (Samlwicli)
Nnuvplles-IIi'brules .,..<„
1 Anatom
Aulres îles
Ensemble
15 227
66
62 280
650
Iles de l'est, Tiknpia. Anuila, etc. ...
684 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
III
MKLANÉSIE FRANÇAISE, NOUVELLE-CALÉDONIE ET ILES LOÏAUTÉ.
La grande île néo-calédonienne est, à l'orient de l'Australie, une des
terres les plus considérables du Pacifique. Elle occupe une superficie égale
à celle de trois départements français', et doit en outre une iin])orlance
exceptionnelle à sa position sur la grande ligne de navigation de Sydney à
San-Francisco. Mais, quelle que soit actuellement et dans l'avenir la
valeur économique de la Nouvelle-Calédonie, son nom dans l'histoire lui
vient surtout du rôle qui lui est échu comme lieu de transporlation depuis
1864, et surtout après les événements de la Commune. Si petite est désor-
mais la Terre, que nul événement ne peut s'accomplir sans avoir son
contre-coup jusqu'aux antipodes. Après avoir été un lieu de haiinisse-
menl pour des milliers de Français entraînés dans les tempêtes poli-
tiques et sociales, l'île mélanésienne est devenue la prison d'autres mil-
liers de Français condamnés par les lois et soumis à l'expérience d'une
pénalité nouvelle. La terre néo-calédonienne est moins une colonie,
comme il est convenu de l'appeler, qu'un lieu d'expériences, où philan-
thropes et criminalisles essayent leurs systèmes respectifs, les uns ])onr
améliorer, les autres pour punir les condamnés.
La destinée politique de la Nouvelle-Calédonie est une de celles qui pré-
sentent l'équilibre le plus instable. Annexée à reni|)ire colonial français
en 1855, à la suite d'un naufrage de marins qu'avaient dévorés les indi-
gènes, eelte terre océanienne est, pour ainsi dire, sans point d'appui qui
en facilile le maintien comme possession française. Elle se trouve à })lus
de 70t)0 kilomètres de la Cochinchine, à 4775 kilomètres de Taïti, la prin-
cipale des îles françaises du Pacifique oriental, et de toutes parts elle est
entourée de colonies ou de terres anglaises : au nord-ouest la Nouvelle-
Guinée péninsulaire, au nord les îles méridionales de l'archipel des Salo-
mon, à l'est le groupe des îles Fidji, au sud-est la Nouvelle-Zélande,
enfin à l'ouest le continent australien, avec ses populations ambitieuses,
exaltées par le succès. En réalité la Nouvelle-Calédonie esl une dépendance
' Superficie ilc l.i Nouvelle-Calédonie et de ses dépendances :
Nouvelle-Calédonie 16 712 kilomètres carrés.
Iles adjacentes 'itIS i .i
lies Loyauté 2 7 i.j •>
Ensemble 19 665 kilomètres carrés.
NOUVELLK-nALÉDOME. 685
gôographiqiio du (jiieeiisland, ot les immenses progrès de l'AusIralie en
puissance politique ne permoltenl guère de douler que la force de gravi-
talion naturelle ne fasse entrer tôt ou tard la Nouvelle-Calédonie dans
l'orbite du continent voisin. Déjà la plupart des entreprises industrielles et
commerciales de l'île française sont préparées par des spéculateurs an-
glais, et le jargon bichlamar, qui sert aux indigènes et aux étrangers pour
trafiquer de la « biche de mer » et se mettre en relations mutuelles, est
très fortement mélangé de termes britanniques.
Assez éloignée au sud de la voie maritime que suivaient les galions
espagnols des Philippines au Mexique, la Nouvelle-Calédonie est, malgré
ses dimensions considérables, une des terres océaniennes qui ont été le
plus tardivement découvertes. C'est on 1774 seulement que Cook, dans
son deuxième voyage, aperçut les collines de la grande île, près de son
extrémité septentrionale, puis longea toute la côte de l'est, et reconnut
au sud-est l'île Kunié, à laquelle il donna le nom d'île des Pins. Seize an-
nées après, d'Entrecastcaux suivait les rivages de la Nouvelle-Calédonie
par la côte occidentale et relevait les contours du récif à plus de 250 kilo-
mètres au nord de l'île. L'archipel des Loyauté, qui se développe parallè-
lement au massif de la Nouvelle-Calédonie, n'était pas encore connu,
et l'Anglais Butler, qui le découvrit en 1800, — ou en 1805, — ne fit
qu'en signaler l'existence : la véritable exploration de ces îles et de la
Nouvelle-Calédonie elle-même n'eut lieu qu'en 1827, grâce à Dumont-
d'Urville; cependant il restait encore beaucoup à faire avant qu'on pût
tracer les linéaments précis des rivages et de leur bordure de récifs, car
la Nouvelle-Calédonie était déjà déclarée terre française, que l'on ignorait
l'existence de la belle rade de Nouméa, devenue le centre commercial de
la colonie. Ce havre ne fut découvert qu'en l'année 1854, par Tardy
de Monlravel. Actuellement l'île est une des mieux connues du monde
océanique.
La Nouvelle-Calédonie et la rangée parallèle des îles Loyauté constituent
évidemment un ensemble géographique, bien que leurs parties superfi-
cielles soient formées de roches différentes. Exactement orientées dans le
même sens, du nord-ouest au sud-est, elles sont en réalité deux chaînes
de montagnes, dont l'une, celle de l'ouest, est complètement émergée en
une masse continue, tandis que l'autre, celle de l'est, n'a pu atteindre la
surface de l'eau par les pointes de ses rocs et n'est arrivée à former des îles
que par la superstructure des bancs coralligènes. Des récifs et des écueils
cachés, reposant également sur un socle de roches primitives ou volcani-
ques, continuent les deux rangées, que sépare une profonde vallée mari-
686 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
timp : la sonde, jetée à 720 mètres dans cette fosse inlermédiaii'e, n'a
point trouvé le fond. Relativement à l'ensemble des terres océaniennes,
le système orographique de la Nouvelle-Calédonie se conforme à l'ali-
gnement général des saillies émergées : c'est un plissement parallèle à
celui qui a fait surgir les iles Salomon.
Le corps de la grande île, non compris les récifs et les îlots voisins, a la
disposition régulière d'un ovale très allongé, ayant ofl^ kilomètres de lon-
gueur et 45 kilomètres seulement de largeur moyenne. Presque tout
cet espace est couvert de collines et de montagnes, très inégales de
forme et d'altitude. Les hauteurs de l'extrémité sud-orientale sont
même de véritables massifs insulaires, séparés par des plaines en partie
marécageuses et semés de petits lacs dont les eaux s'épanchent de divers
côtés. Ces plaines sont d'une horizontalité parfaite, et le pied des monta-
gnes y est aussi nettement délimité que s'il plongeait dans l'eau. Le sol
est une argile dure et ferrugineuse, parsemée de globules de fer rouge et
noir, et complètement aride sur une grande partie de son étendue; ailleurs
quelques herbes y poussent en maigres touffes, et çà et là des bois épais,
ayant trouvé un terrain plus favorable, apparaissent au milieu de la steppe
nue comme des îles de verdure'.
Le massif de Humboldt (1054 mètres), que l'on crut pendant plusieurs
années être le plus élevé de l'île, se dresse plus au nord, près de la côte
orientale de la Nouvelle-Calédonie, qui, dans son enscMnble, est un peu
plus haute que la côte occidentale; néanmoins, aune vingtaine de kilo-
mètres à l'ouest, près d'une baie ramifiée en plusieurs criques, la Dent de
Saint-Vincent (1445 mètres) est presque la rivale du pic de Humboldt.
Vus de la mer, les divers sommets qui se succèdent vers le nord-ouest, le
long de chaque rivage, s'alignent de manière à donner l'apparence d'une
chaîne côtière : on a pu se figurer ainsi, d'après les cartes marines, que
le système montagneux de la Nouvelle-Calédonie se composait de deux ran-
gées littorales parallèles, séparées par une cnvollc médiane. En certains
endroits, notamment aux deux extrémités de l'île, on constate celte dispo-
sition du relief; mais, dans presque toutes les autres parties du massif
insulaire, des monts et des plateaux s'élèvent, épars ou en chaînes, entre
les deux versants. Au nord du Humboldt et de la Dent de Saint-Vincent,
les monts occupent toute la iargeui- de l'île, mais en s'abaissant graduelle-
ment dans la direction du nord-ouest : il est dans cette région peu de
sommets qui dépassent 1000 mètres. C'est vers l'extrémité de la Nouvelle-
' Chiimbeyrfpii, liiillclin tli' In Sock'lé de Gco(iyfi/iliic, juin 1875.
MONT.Vr.N'ES DE LA .\Ul VELLE-CALÉDOME.
C89
C;il(''(l(iiii(\ h long de la cùlo nord-oiiontalc, que les monts prennent le
mieux les allnres d'iiin» chaîne et qu'ils atteignent la plus grande liaii-
leui'. j.e [)iton de Panié s'élève à l()i'2 mètres: une autre eime, plus au
noi'd, s'arrondit en forme de voussure à 1700 mètres d'altitude.
Les roches dominantes dans le relief de la Nouvelle-Calédonie sont les
syénites, les serpentines, les diorites, les schistes métamorphiques et les
Irachyles; même des piei'res ponces, qui se présentent en galets rejelés
VIJ.l.E-l.-.U.lillOMl
Est.de p.
EstdeGneenw.ch
C Pc
1 ; 5000 000
par les eaux, témoignent de l'existence d'anciens foyers d'éruption'. La
grande ressemblance géologique des monts calédoniens et des chaînes de
l'Australie orientale avait fait augurei' aux chercheurs d'or un succès ra-
pide dans l'exploitation des veines aurifères de l'île; mais les résultats
financiers de ces entreprises minières ont été jjeu encourageants. Les mé-
taux que la Nouvelle-Calédonie possède en abondance, et qui contribueront
peut-être à en faire un pays industriel important, appartiennent au groupe
' (l;iniicr, iSoiii'cUi's Annules ilfs Y<iii(i<ics, i\ércii)\\\i' \H{\'.
87
690 NOUVELLE GEOnRAl'HIE UNIVERSELLE.
(lu l'or, chi'omo, nickel, robalt, iiiilinininc. Le cuivro csl égalemonl t'X|iloili''
et Ton a reconnu des lorrains liouillcrs, d'ailleurs sans importance éco-
nomique, au pied des roches serpentineuses du littoral.
Le récif qui horde les côtes de la Nouvelle-Calédonie et la prolonge,
au noi'd-ouest et au sud-est, la douhle au moins en étendue. C'est à
tort que Darwin et Dana nient l'existence de récifs « en frange » et de récifs
« en harrière » le long de la côte orientale de la Nouvelle-Calédonie : les
recherches hydrographiques de Chambeyron et d'autres explorateurs ne
laissent aucun doute à cet égard. Seulement, vers son extrémité méridio-
nale, l'anneau de récifs s'enfonce sous l'eau, d'abord de quelques mètres,
puis jusqu'à 55 ou 40 mètres, en formant au nord de la passe centrale,
près de l'île des Pins, un mur continu, portant de distance en distance des
chapeaux de corail, émergents ou encore noyés. Dans sa partie moyenne
et du nord, la harrière de récifs, dite « grand récif» par M. Chambeyron,
affleure partout en une masse unie de 200 à 1000 mètres de largeur, inter-
rompue seulement par quelques passes qui no s'ouvrent point, à l'excep-
tion do l'une d'elles, en face de l'embouchure do rivières, et qui, par con-
sé(juent, n'ont pas eu pour cause, comme tant d'autres brèches des murs
coralligènes, le mélange d'eaux douces et d'eaux salées impropre à la vie
des animaux constructeurs. La nappe maritime comprise entre la mer du
grand récif et la côte ferme offre aux navires une voie largo et profonde
en eau tranquille : de rive à rive, la distance est d'environ 10 kilomètres,
et vers le milieu du chenal, où s'amassent les débris des polypiers, l'épais-
seur atteint 50 et 60 mètres; quelques écueils cachés, alignés sur le bord
de la fosse, rendent la navigation périlleuse. Du côte extérieur, où la mer
vient briser en vagues formidables, renversant d'énormes blocs do corail et
les roulant devant elles, le grand récif abaisse rapidement sa corniche, puis,
à la dislaiicc moyenne de 400 mètres, plonge brusquement vers les fonds
dits « insondables » de plus de 700 mètres; en certains endroits le mur
vertical de calcaire polypier commence à une centaine de mètres du rivage,
et les eaux de la mer jtrennent une teinte d'un noir mat, qui, d'a|irès
Chambeyron, est « duo à l'absorption des rayons du soleil par l'immense
muraille à pic ». Nulle part l'hypothèse de Darwin relative à l'immersion
graduelle des terres dont se forment les enceintes coralligènes ne semble
plus justifiée. La croissance des coraux sur les récifs néo-calédoniens se
fait avec une rapidité extraordinaire. Des astrées dépassent parfois 50 mè-
tres de tour dans les parties de la barrière constamment battues par la
vague. Au nord do la Nouvelle-Calédonie les deux branches du grand récif
côlier ne se rejoignent pas : elles s'écartent au contraire l'une do l'autre
NOUVKLLE-C.VLEDOMK, ILES LUVALTÉ. 6'.n
el se prolongent sur '270 kilomètres de longueur, pour se refermer au noi'd
des îles Iluon, Fal)re, Leieizour, Surprise, atoll parfait dont la véritable
forme n'est connue que depuis une époque récenle'. Le groupe de Bélep,
comprenant les îles d'Art et de Polt, s'élève au milieu du lagon dans
l'axe de la Nouvelle-Calédonie; de rares pécheurs d'holothui'ies se hasardent
dans ces mers périlleuses, semées d'écueils et parcourues par de violents
fleuves marins fpii se portent au nord-ouest, dans la même direction que
le vent alizé.
La chaîne des îles Loyauté, composée de polypiers, présente en résumé
toute l'histoire des îles coralliennes. Les récifs de Pétrie et ceux de l'Astro-
labe, au nord, sont de dangereux écueils, situés à fleur d'eau et disposés
en atoll. L'Ile d'Uvea, qui succède à ces récifs, est un plateau de corail
semi-circulaire, parfaitement horizontal, dont l'altitude moyenne est de
15 à 18 mètres et qui se complète à l'ouest et au nord par des baies
immergées : le lagon enfermé dans l'île a 18 mètres de profondeur. Lifou,
la |)lus grande des Loyauté, appelée Chabrol par Dumont d'Urville, est
aussi un ancien atoll, mais soulevé par poussées successives, jusqu'à la
hauteur de 90 mètres : on distingue nettement les trois terrasses d'ex-
haussement, cou[iées en accores brusques comme la falaise extérieure
plongeant actuellement dans les eaux. Plus haute encore, puisqu'elle s'é-
lève jusipi'à une centaine de mètres, la ([uatrième île. Mare on Xengoné,
se compose de cinq étages horizontaux, indi(|uant autant de changements
de niveau relatifs entre la teri'e et la mer. Emergée depuis un temps plus
considérable que les autres îles, Mare est aussi plus fertile, plus boisée,
plus peuplée en proportion de son étendue. Une bosse de roches inégales
s'élève au centre de l'île au-dessus des terrasses régulières : ce serait
probablement un noyau de terrains éruptifs autour du({uel se sont dépo-
sés les calcaires coralliens. A en juger par les nombreuses coquilles des
espèces actuelles (|ue l'on trouve au-dessus du niveau de la mer el qui ont
encore en partie leurs couleurs, le dernier exhaussement du sol serait
d'une date géologifjue récente. Des fissures nombreuses s'ouvrent dans les
falaises du pourtour insulaire : à Lifou, c'est dans ces déchirures de la
roche que l'on déposait les cadavres, graduellement momifiés à l'air marin.
Aliondammenl arrosée par les pluies, puisque la chute moyenne repré-
sente une épaisseur d'eau d'un mètre environ, la Nouvelle-Calédonie a de
nombreuses rivières, de quelques kilomètres à peine, qui s'écoulent des
' firimdemann, Peietiiuinii's Mitllieihuujcn, 1870, Ucl'l X; — Cluimbcyron, Bulleliii do la So-
ciclé de Géoyraphie, dcctiiibio 1875.
692 NOUVELLE GÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
versants de l'csl et tie l'ouest. Un seul de ces courants est assez abondant
pour mériter le nom de lleuve (|ue lui donnent les colons : c'est le Diahol,
qui naît au pied du Panié, dans ie massif le plus élevé et coule dans
une vallée longitudinale, parallèle à la côte de l'est, pour se déverser
dans la baie d'Harcourt, entre les deux coines nord-occidentales de l'île.
Avec tous ses détours, le Diahol a plus d'une centaine de kilomètres en
longueur, et dans sa partie inférieure, là où le flot de marée soutient son
coui'ant, il porte des embarcations d'un tirant d'eau de 2 à 5 mètres. C'est
la seule voie navigable; les autres rivières ne sont remarquables que par
les sites de leurs bords, leurs cascades ou leurs rapides. Une des plus
curieuses est la Toutouta, qui se jette, au nord-ouest de iS'ouméa, dans
la baie de Saint-Vincent. Son cours est en grande partie souterrain,
comme celui de plusieurs ruisseaux de cette région : on les entend bruire
sous le sol, mais ils ne se montrent pas à la surface. La Toutouta jaillit
d'une fente du mont llumboldt en une puissante cascade, à 1200 mètres
d'altitude. En aval, une partie de son lit, sur un kilomètre de longueur,
est à sec pendant plus de la moitié de l'année : les eaux s'écoulent par
une galerie souterraine, ([ui |iMsse d'abord à gauche, |iuis à droite du lit
superficiel'. Ouelqucs ruisseaux de l'île sont alimentés jiar des sources
thermales, à en juger par la haute température de leurs eaux : sur la côte
nord-orientale, deux cascades tombant à côté l'une de l'autre roulent une
eau différente, tiède ici et froide plus loin. D'après les indigènes, une
source, dont l'eau proviendrait des pluies de la grande terre, jaillit sur
un des pàlés du récif extérieui". Quant aux îles Loyauté, n'ayant pas de
monlagiH's qui arrêtent les |)luies, elles ne sont point arrosées de ruis-
seaux permanents. Un peu d'bamidité s'amasse dans les cavités du cal-
caire, mais ce liquide est bientôt chargé d'impuretés, et les indigènes
préfèrent boire la liqueur des noix de coco; pour augmenter leur jietile
provisidu d'eau de pluie, ils taillent des gouttières le long des cocotiers
jusqu'à un trou creusé à la base des arbres''.
Traversée dans son milieu par le 21'' degré de latitude méridionale, la
Nouvelle-dalédonie est située en entier dans la zone torride et la tempéra-
ture moyenne y est fort élevée; néanmoins les écarts entre l'hiver et l'été
sont assez considérables, malgré l'infUience modéi'atrice de l'Océan dans
lequel baigne la grande île : la ceinture de récifs qui l'entoure l'isole
un peu de la haute mer. L'été, qui correspond à l'hiver de l'hémisphère
' Cliainboynin. même recueil, juin 1875.
- Teui|H'ratuie moyenne de Nouméa ('i'i" 16' t-i'' do latitude sud) : 25 degrés centigrades.
^ Glaumonl, Butlclin de la Société de Géograpliic commerciale de Paris, l" octobre 1888.
RIVIKRF-S, CMMAT DE LA NOIiVELLE-CALl'; DON'IE. 095
seplnilrional, osl la saison des pluies, dos vents varial)k'S el dos ouragans.
C'est pondant los mois do janvier et do lévrier que les sautes de vent sont
les jdus fréquentes, et parfois les tempêtes prennent le caractère de véri-
tables ouragans ; mais il est rare que ces météores se fassent sentir dans
la partie septentrionale de l'Ile, car les alizés, qui dans cette saison remon-
tent vers le nord, avec tout leur cortège de phénomènes météorologiques
réguliers, soufllent encore sur les côtes i\(} la Nouvelle-Calédonie les plus
ra[)prochées de l'équateur; pendant certaines années les vents généraux du
sud-est prévalent sans interruption sur les rivages néo-calédoniens du
nord. Par sa |)osilion sur la limite dos deux zones météorologiques, l'ile
n'a pas toujours sa part régulière de pluies : en moyenne, elle en reçoit
1 mètre par année; mais il arrive parfois, surtout dans les districts du
nord, que des sécheresses prolongées tarissent les sources et les rivières.
Un fait des plus remarquables est la salubrilé de la Néo-Calédonie.
Alors (juo, sous la mémo zone équalorialo, lant d'auli'os lies ont un climal
rodouiablo, surtout pour los colons européens, des laboureurs et dos ter-
rassiers blancs |)euvonl travailler le sol, parfois même dans los endroits
marécageux, sans que leur santé ail à en soultiir. On ne [loul s'expli-
quer l'oxcolbMico de ce climat ni par l'inlluenco do l'alizé et dos brises
do mer, ni |)ar la nature poreuse des rives d'origine corallienne, car les
autres terres océaniennes des régions ti'opicales ont les mêmes avantages.
Tous les coraux qui entourent l'ile sont des « coraux vifs >', tandis que
ceux des Nouvelles-Hébrides, ces terres si dangei'ousos pour les colons,
sont au contraire des coraux morts : los débris qui s'y trouvent pour-
rissent au lieu d'entrer inimédiatoment dans la circulation vitale'. Mais,
d'api'ès les indigènes et les colons, la vérilable cause de l'oxcollonco du
climal néo-calédonien est la |)i'ésenco d'un arbre bienfaisant, le niduuli ou
mclaleum l('iir(nlciidro}),(\u\ se plait aussi bien sur les pentes arides que
dans les foriaiiis marécageux : il serait pour la Nouvollo-Calédonio ce
que l'eucalyplus est pour l'Australie voisine; los insalubres Nouvelles-
Hébrides seraient, dit-on, dépourvues t\c niaouli". Colle myriacée, qui
ressemble au bouleau par son écorce blanche, ses rameaux grêles et ses
petites feuilles, fournit à l'industrie du parfumeur l'huile volatile du
cajoput, de même que l'autre espèce de mclaleuca, commune à Boeroe,
l'une des Moluquos.
Suivant la nature des terrains, la flore néo-calédonienne diffère singu-
' cil. Leniire, Vofiaye à pied en Nouvelle-Calédonie.
^ Balansa, BuUelin de la Société de Géoifraphie, féviiur 1873
6M NOUVKLLE GEOGRAI'UIE LMVERSELLK.
lièremenl ; mais elle ost d'une richesse exlraordinaiie par rapport à la
faible étendue relativi^ de l'île. Brongniart énunière loOO espèces végé-
tales, dont 1 100 dicotylédones, dans la Nouvelle-Calédonie : c'est là un fait
qui permet de considérer l'île comme un fi'agment considérable d'une
grande lern,' disparue. Dans les régions occupées par les teri'ainséruptifs,
qui comprennent une partie des districts méridionaux, les myrtacées, les
casuarinées, les conifères sont représentés par })lusieurs espèces particu-
lières à la Nouvelle-Calédonie; mais sur ces terres les plantes qui con-
stituent les pâturages, graminées, papillonacées, composées, manquent
presque complètement, et par conséquent l'élève du bétail y est tout à fait
impossible : c'est par de longs détours à travers des terrains non éruptifs
que l'on conduit les bestiaux de l'une à l'autre partie de l'île ; on ne peut
même établir de jardins sur ces roches infécoiules. Les terrains sédimen-
laires, qui dominent dans les régions septentrionales, ont une autre flore,
forestière et herbacée, d'une très grande variété; mais les incendies et
les défrichements l'ont déjà modifiée et l'ont partiellement remplacée par
des plantes sociales, s'avançant par masses profondes à la conquête du
pays. Parmi ces plantes envahissantes se trouve une graminée, andropogon
allionii, dont les graines ne gênent nullement les bœufs et les chevaux,
mais sont funestes aux brebis : elles pénètrent dans la toison, irritent la
peau et provoquent de continuels abcès qui épuisent l'animal. Tant que
cette plante, actuellement si commune dans le pays, n'aura pas été exter-
minée, l'élève du mouton, qui a tant contribué à la richesse du continent
voisin, ne saurait être tentée avec espoir de succès. Biais parmi les plantes
naturalisées il en est de très utiles, et si les forêts ont disparu, des pâtu-
rages, des jardins, des vergers ont maintenant une certaine valeur écono-
mique pour la Nouvelle-Calédonie. La principale ressource forestière que
l'île possédait autrefois, celle du bois de sandal, est désormais à peu près
perdue. Les jilus beaux arbres des forêts sont les dammara ou kauri, les
ai'aucaria et \c diospyros ou ébénier.
Comme dans les autres îles océaniennes, la faune est d'une grande pau-
vreté dans la Nouvelle-Calédonie. Les seuls mammifères vivant à l'état
libre sont une grande espèce de chauve-souris et un rat. De même,
depuis l'arrivée des Français, des lièvres et des cerfs ont été introduits
dans quelques rares |)ropriétés. La Nouvelle-Calédonie n'a de reptiles
(ju'un serpent des marais, très commun', et les seuls petits animaux
nuisibles sont une espèce de scorpion, un cenli])ède et une araignée.
' Emile Giriaull, .\o/('« inainiuritcs.
FLORK, FAU.MÎ, HABITANTS DK LA iN(JL' VELLK -CALÉDOMf;. (lO.')
Parmi les 107 ospôccs d'oiscau\ que les naluralisles ont découvertes dans
l'île, plusieurs la ratlachenl aux aires de la Nouvelle-Zélande, à l'Australie
et même aux îles de la Sonde; mais quelques-unes de ces espèces ont une
physionomie originale : tel est le kagou (rhliioclidas jnbntus), ipii rappelle
certains hérons par sa crête, son plumage, la longueur de ses pattes, et
se rapproche au contraire des grues par le sternum. Naguère cet oiseau
était fort commun, et le matin, lorsque les kagou se réunissaient par
bandes sur le bord de la mer ou le long des torrents, ils faisaient, par une
sorte d'aboiement, presque autant de bruit qu'une meute de chiens; mais,
volant d'une aile lourde, l'oiseau est condamné d'avance à la dis|)arilion,
comme le dronte et l'aptéryx, si l'homme ne le prend sous sa protection et
ne s'en fait un aide contre les insectes, car c'est un grand destructeur de
bestioles et vermisseaux : en 1879, il en existait un seul à Nouméa et on
allait le voir pai' curiosité. Jadis les forêts de la Nouvelle-Calédonie étaient
tristes avant qu'on introduisît d'Australie et de la Malaisie des oiseaux
chanteurs. Presque tous les oiseaux volent dans le voisinage de la côte,
et ceux qui restent dans l'intérieur sont de petits insectivores silencieux.
La découverte de haches en jade poli dans les terrains quaternaires delà
Nouvelle-Calédonie prouve que l'homme vit dans ces régions océaniennes
depuis des tem[)s reculés, et l'on a même essayé de reconnaître, parmi les
diverses tribus, celles qui descendraient des populations aborigènes. Quoi
qu'il en soit, les Kanakes ou les « Hommes », — c'est le nom indigène que
les Frani-ais ont maintenu aux indigènes néo-calédoniens et à ceux des
archipels voisins, — appartiennent bien en majorité à la race mélané-
sienne. La nuance de la peau est presque noire ou du moins d'un brun
très foncé; les pommettes des joues font une forte saillie, et les traits
sont vigoureusement accusés; la chevelure est crépue et sa couleur natu-
relle est noire : mais l'ancienne mode de se jaunir ou blanchir les cheveux
avec de la chaux s'est conservée dans plusieurs districts. Les Kanakes
ont aussi l'habitude de se percer le lobe de l'oreille et d'y introduire une
rondelle de bois ; dès que l'enfant est né, la mère lui serre fortement le
nez ])our lui donner la forme (|ui lui parait le plus esthéti(pie; en outre,
elle pétrit la tête, essayant irallouger la face du garçon, d'arrondir celle de
la fille*. Le tatouage est devenu rare et ne se pratique guère que chez
les femmes : elles se font des piqûres aux bras et à la poiti'ine au moyen
' yUmUvui'wv, Diillcliii (le Ici Société d'Anthrupoloçjic, 1870.
60G
^'OUVELLE GEOGRAl'IllE IMVERSELLE.
d'horbos poinluos, puis elles mellent le feu à ces Itriiulilles et la lnùlure
qui se propage sous la peau y laisse de petites taches lileuàlies. L'usage de
s'enduire le corps d'eau de suie était général, mais il diminue à mesure
FEJIJIi: IIE MABE, IIANS L AnClllI'I:!, DES LOÏVl'TE.
Gravure du Tliirial, .^al.ri•^ une iiliolopiaplii.' .!,■ MM. liiilly .-1 Pcaco
que l'emploi du vêlement l'emporte sui' les costumes rudimentaires do la
génération kanake antérieure.
L'épouse est la propiit'U- du mari, cl celui-ci la surveille jalousement.
Le droit patriarcal prévaut dans les triijus néo-calédoniennes : tout avoir,
tout pouvoir sont héréditaires du père au llls aîné, de naissance ou
d'adoption ; mais, si liien reconnue (jue soil la propri(''té, les mo'urs exi-
gent (]ue les prodiiils sdieni parlai;(''s IValernellemenl entre li's menducs
KANAKES NÉU-CALÉDOME.NS.
G 9 7
de lii Irilni; quand la peuplade a des vivres en abondance, Ions en ont leur
pari, même lesmorls; on aliat |t()ur eux des (èles de cocoliers et l'on saiune
les ))iay<H'é ou arlires à [lain. L'émiyianl rapporte tout ce qu'il a gagné au
XATcnEL DE MMiK. PANS 1. Ai\c:iiiri:i. m-; u.wiii-.
Gravure Je TliiruU, •V:>\m-^ mu- |.liulu^'r;i|.liie .le M. Alhiu lluplian.
chef de sa tribu, pour (pi'il le restitue à la communauté. Entre les diverses
peuplades il n'y a guère de solidarité politique : autant de clans, autant de
nations, tantôt alliées, tantôt ennemies, et parlant des dialectes différents,
quoique de même origine; cependant les tribus s'associent généralement
pour la guerre en deux confédéi'ations, les ()l et les Wawap'. Chaque gi'oupe
MiirilidilziiM', niriiKiilv fité.
698 NOUVELLK (lEOr.IiAIMlll' l'MVKRSELLE.
s'est constilué sous une forme moiiiurlii([ue, avec un chef ilonl la personne
est sacrée et auquel tous les sujets doivent non seulement le respect,
mais aussi les corvées pour les cultures, les constructions, la pèche, le
transport des vivres. Au milieu des grandes ruches où demeurent les
indigènes, la maison du chef se reconnaît aussitôt par ses dimensions et
par son cône pointu t»M'miné au sommet par de petites boites de paille et
des tillil ou banderoles d'écorce. La case d'un grand chef est encore plus
ornée : à la cime se montrent la « main », c'est-à-dire une sorte de
peigne décoré de coquilles, et 1'» oiseau », qui n'est en réalité qu'un
morceau de bois découpé en étoile. Le chef est le « soleil » de sa tribu :
quand il meurt, on dit de lui (pie « l'astre se couche ». 11 est tenu de
convoquer le conseil des anciens dans toutes les circonstances importantes
de la vie communale, pour les enquêtes judiciaires et les condamnations,
les déclarations de guerre et les traités de paix, l'organisation des pilou-
pilou, fêtes nationales suivies de festins. Chaque village kanake possède
un tabou par excellence, image sacrée sculptée dans un bois dur que l'on
orne de peaux de chauves-souris et que l'on fixe au sommet d'une longue
perche, la face tournée vers l'orient. D'apiès MM. de Rochas et Bourgarel,
les chefs et les nobles seraient pour la plupart d'origine polynésienne et
se distingueraient, par le type et la j)hysionomie, de leurs sujets méla-
nésiens : ils auraient non seulement le teint j)lus clair, mais aussi le front
plus haut et plus large, le nez plus droit, les lèvres moins fortes, la taille
plus élevée, la démarche plus fière. C'est naturellement du côté de l'orient,
tourné vers les régions océaniennes, que l'élément polynésien est le plus
follement représenté dans la population.
Les Kanakes de la Nouvelle-Calédonie sont au nombre des Océaniens
qui diminuent et meurent. « Nous ne sommes pas comme nos ancêtres,
(lisait un chef kanake à Brenchley : ils étaient nombreux et sages, et nous
ne sommes ni l'un ni l'autre'. » L(>s voyageurs évaluaient à une soixan-
taine de mille les indigènes qui vivaient dans l'ile vers le milieu du siècle;
en 1886, ils n'étaient plus que 25 000. 11 est vrai qu'une part de cette
diminution doit être attribuée à des massacres, suivis de festins de chair
humaine : les ennemis tombés étaient toujours dévorés; leurs corps étaient
équilablement répartis entre les guerriers, et ceux-ci en distribuaient les
morceaux dans leurs familles, « comme chez nous, dit M. de Rochas, on
distribue le pain bénit ». Lors de l'arrivé-e des premiers marins d'Europe,
les indigènes, n'ayant jamais vu d'autre viande que celle de leurs sem-
' llioiiclilcy, Suiilli Soi isliinds.
t
'é'W
rOPlLATION Ï)K LA NOlVElLn-CALÉDOME. TOI
liliihlos. s'iiniiuiniiicnl (jiie le lin'iit' (lislrilun'' aux iiiali'ldls ('lail la cliair
d'hoiiimos ^iuaiilt'sqiios'. Kii 1S7<S, une insiiri-cclKiii îles iiaUuels, (|ui
coula la vie à ^UO colons ou soldais, fut violcnimciil irprinice : on lua
un millier de Kanakes, et en outre 1200 d'enirc eux l'urenl déporlés dans
l'ile des Fins et en d'aulres iles. Toulel'ois la dé|)erdilion d'iioniines cau-
sée par la guerre est peu de chose en comparaison des perles qu'il faul
allribuei- à des causes chroniques, surtout à la phtisie, apportée par les
Européens. L'ivrognerie fait aussi beaucoup de victimes de|)uis l'invasion
des marchands de ■< talia )S les Néo-Calédoniens ne huvaieni (pie de l'eau
lors de l'arrivée des hiancs '. Les alliances entre les Européens, condam-
nés, soldats ou colons, et les femmes ou « popinées » kanakes sont rares,
car les Calédoniens nié|)riseiil fort les tdijo ciirabuKs ou « gt'iis de la
prison », et fré(|uemment des femmes indigènes ont été tuées par leurs
parents pour s'èlre données à ces blancs tenns ponr indignes". On ne pent
donc espérei' que la race métissée absorbe peu à peu. jiar de nouvelles
unions, toule la [)opulation néo-calé<lonienne. C'est par la niorl conq)lèto
de la race que se lera sans doute la dis|)aiitioii des Kanakes; ilans
l'espace de quel(|ues générations ils n'existei'ont [)lus comme population
distincte, et l'on ne verra d'aulres traces de leur séjour que les beaux
travaux d'irrigation faits par eux sur le flanc des collines. Presque tons
les métis de la Nouvelle-Calédonie, rattachés à l'Eglise calholi(|ue par les
missionnaires maristes, deviennent étrangers anx mœurs et aux cou-
tumes de leurs ancêtres; mais ils ne paraissent nullement déchus au
point de vue intellectuel.
Pour la culture des piaules industi-ielles les projiiiélaires terriens ont
ch(M'ché à employer les bras des indigènes, mais sans grand succès. Les
Kanakes, groupés en tribus, possèdent eux-mêmes des réserves, dont la
jouissance collective leur est garantie j)ar l'Etal ; ils aiment mieux cultiver
poui' leur pro|)re compte maïs, mani(jc ou laro et jouer d'une espèce de
flûte dont la musique, disent-ils, encourage les phir.'es à germer et les
fruits à mùiii ', (jue peiner dans les gramles plantations des blancs
produisant le tabac, la canne à sucre ou le cafier. De là ces accusations
de paresse invétérée contre les indigènes, et l'on cherche à les remplacer
par des « engagés » que l'on importe d'aulres iles et que l'on retient
dans une sorte de servitude par des avances difficiles à rembourser, exi-
' J. tîamier, ouvrage citt'.
'' n|iif;oz, Biillelin de la Société de Gcoiirrijiliie, ."= triiiH'^lic I8SI1.
' fimiie Giffaiill, I\'oles iiiaiiuscritcs
' Miinci'loii, Mcldiicsic friviç.nkc.
702 NOUVELLE r.ÉOCrRAl'lllE UNIVEIISELLE.
goant lo labeur de plusieurs années. Plus de 2000 élrangei's oui élé
introduits ainsi en Nouvelle-Calédonie, surtout des Mélanésiens des îles
Loyauté et des Nouvelles-Hébrides; l'île reçoit aussi des Africains, des
couli de l'Inde, même quelques Chinois. Les blancs condamnés fournissent
également des bras à la grande culture.
Les déportés politiques, amenés en 'IS?^ au nombre de 4500 environ,
ont presque tous quitté le pays : quelques-uns d'entre eux, qui s'étaient
créé à Nouméa des industries lucratives, ont été les seuls à ne pas pro-
fiter, en 1880, de leur droit de rentrer en France. La population des
transportés pour crimes ou récidive se compose actuellement d'environ
12 000 individus, dont le plus grand nombre est employé aux travaux
publics; douze cents transportés en cours de peine ont été cédés à des
compagnies d'exploitations minières ou industrielles, et six cents environ
jouissent d'une liberté relative dans les pénitenciers agricoles, où ils
cultivent leurs concessions'. De catégorie en catégorie, ces condamnés
finissent par appartenir à celle des citoyens libres. Cette dernière classe,
encore très inférieure en nombre aux transportés et à leurs gardiens,
geôliers et soldats, ne peut manquer de prévaloir bientôt, parla descen-
dance même des condamnés qui rentrent dans la société civile; mais la
plupart des fiimilles doivent s'éteindre, puisqu'un très petit nombre de
femmes seulement sont envoyées en Nouvelle-Calédonie : parmi les relé-
gués on ne compte guère que 150 femmes. Cependant quelques lamillcs
se constituent, et de même que les fils des coiiricts australiens ont obligé
la mère pairie à cesser de leur envoyer des condamnés pour le peuplement
de la colonie, de même les enl'anls des Iransporlés proleslent contre
l'envoi d'autres immigrants forcés dans les campemeuls de la Nouvelle-
Calédonie.
L'immigration libre est encore bien faible : la " colonie " a moins
de colons que de fonctionnaires. 11 est vrai que le gouvernemeni offre
à tout immigrant laboureur une concession gralu'l'' <^l'' terrain, com-
' Population de la Nouvello-CaK'donie el des Loyaiité on 1887 : GÔ87G.
Population libre '2 (itiT
Fonctionnaires et leuis familles 5 476
Soldais et surveillants 2 918
Relégués H24 j
Transportés 7477 ' Il 110
Libérés 'J 51 û }
IndiKèncs néo-calédoniens 22 371 | ,, ,,,,.
r • I 80" -^'^''
bngagcs 1 02 J \
Indigènes des Lojanlé 19 505
NKO-CALEnONIENS, NOUMKA. 700
pivnant 4 hectaros do sol cultivable cl 20 licctarcs de pâturages, à charge
pour le colon de résider pendant quelques années sur son domaine et de le
mellre en valeur ; mais les tentatives de colonisation ont été si malheu-
reuses, qu'on a du à diverses reprises rapatiùer les malheureux agriculteurs
attirés dans ce lointain pays par l'espoir de l'aisance : la concurrence de la
main-d'œuvre pénitentiaire enlève au petit cultivateur toute chance de
succès. Les colons qui se présentent en plus grand nombre sont des
Australiens : en qualité de voisins connaissant le climat, les cultures, les
gens, les conditions économiques du milieu, ceux-ci peuvent se mettre
au travail avec beaucoup plus d'assurance ; quebjues centaines se sont
établis dans les régions cultivables de l'ile, où ils se livrent surtout à
l'élève du bétail. Quant aux industries diverses, elles sont pour la plupart
entre les mains d'ouvriers habiles appartenant à la classe des libérés.
Des compagnies se sont constituées pour l'exploitation des richesses
minérales de la Nouvelle-Calédonie, principalement le nickel, le cuivre et
le cobalt' : c'est en faveur de ces sociétés que se ferait la transformation de
la monnaie française de cuivre en monnaie de nickel. La grande propriété
existe déjà dans l'île : dès l'année 1880, un concessionnaire possédait
17 000 hectares en un seul tenant. Kéanmoins l'élève du bétail, seule
industrie de ces puissants tenanciers, n'a qu'une faible importance relative.
La Nouvelle-Calédonie n'a pas même 100000 bêtes à cornes, à peine
20 000 moulons et quelques centaines de chevaux, importés de l'île
Norfolk. Une superficie totale de 20 000 hectares est réservée à l'ensemble
des pénitenciers agricoles.
Nouméa, qui fut appelée Port-de-France pendant les premières années
delà colonisation, est le chef-lieu et la ville unique de l'île et de ses dépen-
dances : elle contient à elle seule 4000 personnes, près de la moitié des
Européens résidents, civils et militaires. Fondée en 1854, après la sou-
mission de la tribu de son nom, Nguéa ou « Nouméa » occupe une
belle position commerciale vers l'extrémité méridionale de l'île, sur la côte
tournée vers l'Australie. Elle est située sur une péninsule montagneuse,
découpée de baies et de cri(jues et entourée d'îles et d'îlots ; une grande
brèche ouvei'le dans la barrière extérieure des récifs communique avec
plusieurs rades, toutes parfaitement abritées; la principale, qui s'ouvre
au nord-ouest entre l'île Non et la presqu'île Ducos, pourrait recevoir une
' l'iddiiclliin annuelle des mines néo-caléiloniennes Je nickel : 12 000 tonnes.
701 NOUVELLE GÉOGRAPHIE r.MVERSELLE.
flollo. Tdiil li^ commerce de la Nouvelle-Calédonie se concentre dans ce
porC. En voie de formation, Nouméa offre un ensemble encore j)eu régu-
lier, où les maisonnettes en hois s'entremêlent aux grands édifices civils et
militaires. Une butte qui géin;it le développement de la ville a été rasée, et
■Esl de Far
Pro^o^cfeur^^
I).- 0 ■! 10" Dl- 10 à
1 ISfl
De 2j- ul ;iu-iiei;i
(les eaux en abondance ont été amenées d'une dislance de lô kilomètres;
des arbres ombragent les ])i'incijiales avenues, un beau jardin entoure le
palais du gouvernement; des sentiers de promenade s'élèvent en serpen-
tant sur les pentes des montagnes environnantes et redescendent au bord
des criipu's sur la plage orientale de la pres(pi'ile. Une route mailresse
Viilt'Ui- ili's rcliaiigos à Ndiiméa en 1881 : 10 277 200 francs.
.Mi)iiVL'mi'n( liiliil (II' la iia\iL'ali n 1887) : '277 iiaviivs, iloiil 87 français.
NOUMI'A. nOIRAIL. 705
part (le Nouméa pour so rainilicr, au sorlii' de la iH'iiiusule. sur divers
poiiils de la grande terre.
Nouméa est entourée de [R^nilenciers. A l'ouest, l'île de Nuu, (|ui eaeho
aux habitants de la ville le tableau de la grande mer, renferme le prin-
cipal dépôt des condamnés et ses dépendances : c'est là que sont enfermés
les forçais insoumis, les ouvriers d'art, les malades et autres, au nombre
de 3000. De l'autre côté de la lade, au noid-ouest de Nouméa, se pro-
filent les côtes dentelées de la presqu'île Ducos, où 800 communalistes,
condamnés à la déportation dans une enceinte fortifiée, subissaient leur
peine, et dont le camp est occupé aujourd'hui par des « libérés « de
diverses catégories. Au nord-est de celte l'ade se montre, dominé pai-
un coteau, le camp de Monlravel, où sont internés les condamnés mili-
taires et où se fait le classement des transportés à leur arrivée de France.
Des groupes de condamnés ti'availlent en outre sur tous les chantiers
publics de Nouméa, sur les routes, dans les plantations, les mines et les
forêts. Les missionnaires maristes, les plus riches propriétaires de l'Ile,
emploient un grand nombre de transportés dans leurs jardins et leurs
champs de Saint-Louis, à l'est de Nouméa; près de là, d'autres détenus
ont été envoyés aux mines de nickel et de cobalt du mont d'Or, et ce sont
aussi des transportés qui exploitent les forêts de l'Etat au boid de la baie
du Prony, à l'extrémité sud-orientale de la Nouvelle-Calédonie.
Au nord-ouest de Nouméa, quelques postes militaires et centres de peu-
plement se succèdent sur la côte occidentale : Bouloupari, situé près de la
baie de Sainl-Yincent et de sa poussinièic d'îlots; la Foa et Teremba
ou Uraï, lieux de marché pour les fermes de la plaine environnante,
qu'arrose une rivière à marée; Bourail, où se trouvent un grand pénilen-
cier et un couvent de femmes condamnées, (j'est l'endroit de la Nouv(^lle-
Calédonie qui a le plus d'importance au point de vue agricole; toutes les
vallées de la rivière Nera et de ses afllueiils ont été distribuées en con-
cessions à des condamnés qui, pour la plu|)arl, ont épousé des femmes
libérées; de belles routes parcourent les plantations et rattachent la ville
naissante au port de Gouaro. Au delà de Bourail, les établissements du
littoral sont rares et peu considérables. A Gomen, sur la rive d'une baie
large et sûre, on a établi un saladero pour rabaltnge du bétail et la
fabrication des conserves de viande.
La région minière la plus riche de la Nouvelle-t^ah'donie est la moyenne
vallée du Diahot, vers l'extrémité nord-orientale de l'île. La montagne de
Balade est traversée dans tous les sens de veines métallifères : or, cuivre.
pyrites, nickel. Lors des premières découvertes de minerai, en IST'i. les
!uv. 89
706 NOUVELLE GEOGRAPUIE LMVERSELLE.
Australiens accoiii'ui't'iil, des hameaux naquireiU au milieu des solitudes et
des soeiétés d'exploitation seconsliluèrenl. La contrée prenait l'aspect d'un
canton du (Jueensland, lorsqu'une faillite de financiers vint ruiner les
entreprises. Depuis, une compagnie minièi'e ayant ohleuu ra|)pui direct
du gouvernement par un prêt de trois cents condamnés, pour une j)é-
riode de vingt années, toute compétiti(m est devenue impossible; les
mineurs se sont retirés; il ne reste plus, à Ouégda, (ju'un seul groupe
minier, flanqué de casernes pour la surveillance des ouviiers. Le princi-
pal lieu d'embarquement du mineiai est au (Caillou, le port de marée do
la rivière Diahol : la route qui de ce port s'élève aux mines les plus pi'o-
ductives traverse la montagne et redescend au village historique de Balade,
le premier que vit Cook lors de la découverte, en 177i, celui où les
Fran(;ais vinrent, en 1855, prendre possession de la IN'ouvelle-Calédonie.
Pourtant Balade est de beaucoup dépassé en importance par d'autres vil-
lages du littoral de l'est : Hicnguène, Ouagap, Houaïlou, Kanala, Thio.
Fondé en 1859, Kanala peut être considéré comme le chef-lieu de la
côte orientale. Ce village est situé dans le voisinage d'une baie profonde el
jiarfaitement abritée par une })resqu'ile montueuse. Kanala est un centre
|iénitenliaii'e et agricole, comme la Foa el Teremba, auxquels l'unira bien-
tôt une loute carrossable ; c'est aussi un centre minier. Le nickel de Houaï-
lou, de Kanala, de Thio, ex|)loité presque exclusivement par des mineurs
australiens, qui enseignent leur langue aux indigènes, est le plus riche et le
plus |)ur (pie l'on ail di'couverl jusqu'à ce jour. Les divers établissements
fondés |iar les blancs sur le littoral néo-iali'ddiiien ne sont pas encore tous
A'eliés par de bonnes roules, (|U(ii(]ue radiiiiuislralidu dispose- d'une armée
de plus de dix mille travailleurs. Le plan de viabilité, qui consiste à con-
struire deux roules maîtresses chacune sur un côté de l'île et à les ratta-
cher par des échelons transversaux entre deux baies opposées, est loin de
sa réalisation. Ouelques petites voies de fer parcourent les districts miniers.
Pour franchir les distances considérables d'un poiiil à un autre de la
Nouvelle-Calédonie, les employés et les colons em[)loient presque toujours
le bateau à vapeur ipii l'ait le tour de l'ile, en desservant les postes du
littoral.
Les îles habitées qui dépendent de la grande terre. Art et Polt, dans le
lagon du nord, l'île des Pins à l'extrémité méridionale des récifs, ne
possèdent ni grands villages, ni ports fréquentés. Comme la Nouvelle-
Calédonie, File des Pins ou Kuiiié a en son rôle dans l'histoire de la dé-
portation. Trois mille condamnés de la Commune, divisés en cinq groupes
administratifs, y vivaient dans les clairit-res des jiiiis : ils sont rem|)lacés
NOU VK I.LK-CA LEUOML. H A UI T A T I O X D i: L II I. F kANAKL.
De»i:i de G, Viullior, d';i|U'ès une i'hutugi';i]iliic cummuuiquûo par M. Cutlcitu.
ILE DES PINS, ATOLL llK CIIESTERFIELII.
709
mainlonaiil par des exilés kanakes, des IVutmIs infirmes ou âgés et les
«relégués », récidivisles condamnés à l'exil j)erpétuel. Les indigènes, aux-
quels on a enlevé les terres pour les donner aux établissements péniten-
tiaires, sont fort à l'étroit dans leur ancien patrimoine.
Le poste militaire et le chel-lieii adminislralil' des lies Loyauté sont éta-
lln. II.K 1I1.S l'I.N
D après 'a carLe de la Mar-nefrançaise
Pro /^or7c7'sur-^
ûeOa/f}'" ,yc/û^ôO"' a'::.5û<rstsu.c^/à
IjHs devant le mouillage deChépénéhé, dans l'île Lil'ou; cette rade est assez
fréquentée par les traitants de Sydney.
A jilus de 500 kilomètres à l'ouest de la pointe septentrionale de la
Nouvelle-Calédonie, un grand atoll, au-dessus duquel quelques îlots, Ches-
terlield, Bam|ilon, Avon, s'élèvent de dislance en distance, occupe le milieu
de la mer qui sépare le récif néo-calédonien de la « Grande Barrière », au
710 .NOUVELLE GÉOCHAl'Ill E IMVEliSELLE.
sud (le la mer (1(; Corail. En 1S78, la France a pris possession de cet atoll,
quoiqu'il ail été découvert en 1795 ])ai' des navires anglais el ipie l'étude
hydrographique en ait été faite éf^alenienl par des marins de la nièm<!
nation. Aussi la Grande-Bretagne el l'Australie onl-elles protesté contre
celte acquisition politique de la France. Des industriels l'ont ex|)loiter le
guano (1(^ Cheslerlield el des Ilots voisins, qui furent jadis un des princi-
paux lieux de pèche pour les baleiniers '.
Jusqu'en l(S60,la Nouvelle-Calédonie fut considérée comme une annexe
des étahlissemenls français de l'Océanie, dont le centre était Taïti ; main-
tenant l'Ile mélanésienne et ses dépendances sont administrées par un gou-
verneur, assisté d'un const'il colonial, où deux notahles siègent à côté des
principaux chefs d'administration et auxcpiels on adjoint (jueli|ues délé-
gués des municipes pour discuter les (pieslidiis liudgV'Iaii'es. Nouméa est
la seule commune qui ait son conseil iiiuni(i|ial ; les coluns du reste d(^
l'île sont représentés par un coum'II colonial élu, et en France par
un délégué spécial au conseil des colonies. L'ap|iareil judiciaire est le
même qu'en France : Nouméa possède un Irihunal tle première instance,
un tribunal sujiéricur, qui est tout à la t'ois cour d'appel cl cour d'assises,
et un tribunal de commerce. Des juges de paix se déplacent périodiquement
dans les divers districts; (|uant aux chefs indigènes, ils font oflice de ma-
gistrats |iour les délits commis dans la Iriliu. Ce sont aussi de jeunes
Kanakes (jui font le service de la |iidice à Nouméa et dans le reste de l'ile.
La Nouvelle-Calédonie proprement dite se divise en cini| circonscri|)-
lions : Nouméa, Kanala, Dourail, Oubache et le Nord. Le budget annuel
oscille entre deux et li'ois millions de francs'. Depuis la prise de pos-
session, « la France a jelé deux cents millions en Nouvelle-Calédonie" ».
' Tliii'i'crlin, Juiinidl il'uii liiilciiiier.
■'- Budget in(Hn.|i(ilit;iin dr \:> Nniivrllc-CiiUnlonif en 1887: 7 017 240 francs.
1) 'local .1 )i l'M 1887: 2 228 9110 »
* Edmond Turque^, Scrvicx colonial, raiiporl n" 2UJj, session de 1887.
CHAPITRE VIII
AUSTRALIE ET TASMANIE
VUE D ENSEMBLE.
Par son nom mémo, rAusti'alic rappelle les nombreux voyages qui, jus-
qu'à l'expédilion décisive de Cook, ont été entrepris à la recherche d'une
lerrc i'aisanl équilibre aux vastes étendues émergées de l'hémisphère septen-
trional. Réduit aux dimensions réelles que reconnut le grand explorateur,
le K continent austral » ne peut plus être considéré comme le contrepoids
des terres du nord, mais il est assez vaste pour qu'on y voie une
partie du monde correspimdaiil à l'Afrique el à l'Amérique du Sud :
c'est un des trois continents méi'idionaux qui se rattachent à ceux du nord
par isilimcs dii Iraînées d'îles. Les terres qui réunissent l'Australie aux
péninsules asiatiques appartiennent pour une part considérable à l'aire
australienne par leur climat et leurs productions; en outre, un socle
sous-marin bordé de récifs accroît notablement les dimensions réelles du
couliuent austral. La surface de l'Australie, sans les îles adjacentes, ne
dépasse guère les trois (juarts de la superllcie du confinent d'Lurope,
qui se trouve à l'autre extrémité de la diagonale de l'Ancien Monde. Avec
les terres réunies à la masse cenirale sous le nom commun d'Australasie,
de la Nouvelle-Guinée à la Xduvelle-Zélamle, la surface émergée dans
cette pai'lie de l'océan I*aciii(|ue n'est (pie très faiblement inférieure à
celle de riùirope.
Mais à d'autres égards combien les deux continents différent! Compara-
tivement à son étendue, rEuro|)e est la partie du monde la plus peuplée;
l'Ausli'alie est la moins babitét-: la deiisilé de la population en Europe est
712 NOUVKLLE r.KOr.RAPIIIE l'M\ EliSELLE.
c-ciilupir (i(M"cllo qu'olïïc aciuellonieiit l'AusIralie. Il csl vrai que co con-
tinent du sud estrncore aux commencements de son évolution dans l'ère de
la civilisation solidaire des peuples : tard venus dans le concert des na-
tions, les Australiens progressent raj)idement en nombre et en inihience;
toutefois la contrite qu'ils habitent est loin d'avoir les avantages de relief,
de configuration générale, de climat qui font de l'Europe une partie du
monde privilégiée. Les montagnes nourricières de fleuves, les vastes bas-
sins où ruissellent ])arlout les eaux courantes, les plaines d'alhivions fer-
tiles, les golfes profonds qui pénètrent au loin dans la masse continentale
et Ini donnent l'aspect d'un corps organisé, manquent à l'Australie : com-
parée à l'Europe, sa forme est lourde et fruste, celle d'un bloc à peine dé-
grossi ' .
Néanmoins, l'homme sait par la science et l'industrie se rendre de plus
en plus indépendant des inconvénients de son milieu et en utiliser plus
habilement les ressources. Les eaux cachées sont appelées à la surface; les
cultures remplacent les brousses; des chemins artificiels subviennent au
manque de voies navigables; sons l'élreinle de l'homme la terre se fait
petite, et les régions habitables, jadis entourées par le désert, deviennent
accessibles. C'esl ainsi que le continent ansiralien a pris dans l'économie
du inonde une imporlance (|u'il n'aurait jamais pu acquérir avant l'âge des
chemins de fer. A maints égards, l'Australie est la première des colonies
anglaises, et au point de vue politi(|ue, même en l'absence de flottes et
d'armées, elle contiibue beaucoup à consolider reni|)iri' colonial de la
Grande-Bretagne. La ligne de navigation qui se dirige de l'Angletei're vers
ses immenses possessions des Indes, par la .Méditerranée et le canal de
Suez, se continue vers le sud-est à travers l'Océan, et là une distance égale
rencontre une autre terre anglaise, le continent australien. Le chemin
maritime plus long qui contourne l'Africjue, de Londres à Melbourne et à
Sydney, a pour étape intermédiaiie la colonie britannique du Cap : dans
son long voyage de plus de 2(5 000 kilomètres, sur la moitié de la circonfé-
rence terrestre, l'Anglais ne visite que des tei'res anglaises; partout il voit
pratiquer ses mœurs et entend parli'r sa langue : il n'a point changé de
patrie en changeant d'hémisphère, l'our bien apprécier à sa valeur l'in-
fluence qui revient, sinon à l'Auiileterre, du moins à l'élément anglais
dans l'histoii'e de riiumaniti'', il faut ajouter les Etats-Unis à la Grande-
Bretagne, à ses colonies et à ses vastes possessions. Avec celle p;irt con-
' Superficie et iiopiikiliou île l'Aiistnilie et de l;i Tiisnwiiie :
7 095 7-20 kilomètres ciirrés; 2 'JIH Ô'M lialntimts au TA ili'e. 1887; 0,4 liab. par kil. eané.
CONTINENT AUSTHALIEN.
715
sidéniblo de la surrace lerroslir, habitée |)ai' plus do rout millions de ses
frères, l'Ani^lais prut envisager l'avenir, |)lein de conlianee dans la des-
tinée de sa laee. An monde conlinental russe qui com[)rend la moitié de
l'Europe et la moitié de l'Asie s'oppose le monde océanique anglais qui
s'étend sur tout le pourtour tle la |ilanèti'.
On sait que les premiers voyages de découverte poussés par les Portu-
gais dans les mers auslralasiennes restèrent ignorés ou, tout au plus, ne
N° m. SUPERFICIE DE L'aUSTR\L1E COJIPARÉE A CELLE DE lANCLETERnE.
Est de R
F- H. r.r...nw;c»-
1 : 40 nno iino
laissèrent après eux que de vagues rumeurs, dont quelques documents ear-
tograpliiques portent la trace indiscutal)le. Cette île de ^ Jave la (irande )>,
(| ne l'un représente sur les cartes dès la première moitié du seizième siècle',
olIVe des contours assez pi"écis pour qu'on ne puisse douter du passage des
marins portugais dans ces parages; mais leurs noms se sont perdus.
On oublia même le voyage accompli par Torres en 100(5 à travers le
détroit semé de récifs qui sépare la Papouasie de l'Australie, et sans les
recherches de l'érudil [(alrym|)le peut-être serait-il encore ignoré. C'est
' R. U. Jliijor, Earlij Vdijoycs lo lerra Aiistridis. iiow ciilled Aiislialia.
XIV.
90
7U NOUVELLE GEOCRAI'IIIE UNIVERSELLE.
aux naviuiili'iirs hullaiiiUiis qu'est due la connaissance précise des rivages
du conlincMl auslralii'u, cl h nom de ÎN'ouvelle-lIollantlc donné ])ar ses
découvreurs à la coutiée se niaiiilint longtemps à bon droit. Lorsque
cette appellation prévalul ilans la nomenclature géographique, vers le
milieu du dix-septième siècle, une grande partie des côtes avait été déjà
explorée. Le navire Dmjfkcn, expédié par les Hollandais à la recherche des
terres nouvelles, avait probablement touché en lOOG les rives orientales
du golfe de Carpentaria et suivi le littoral jusqu'au cap Keer-weer ou du
<( Retour ». En 161(3, VErmlracld longeait à l'ouest le littoral extrême
du continent, et récemment encore le nom de ce navire se maintenait sur
les cartes. Trois ans après, Edel découvrail la pointe sud-occidentale de
l'Australie, puis le capitaine de la l,eew?i;m cl l'eter Nuyis naviguaient suc-
cessivement le long des côtes méridionales, tandis qu'au nord-ouest et au
nord d'autres marins hollandais apercevaient les ternes auxquelles ils
donnèreni les noms tl'Arnhem cl de Will. lui lOii, Alici Tasman vint
compléter la découverte de toute la moitié occidentale du continent : deux
années auparavant il avait déjà cinglé autour de l'Ile Yan-Diemen, qui porte
, acluellemenl son nom, Tasmanie; mais il n'avait pu reconnaître si elle
appartenait à la grande terre voisine.
Il élail réservé à (look d'aborder le pi'emier la côte orientale de l'Aus-
Iralie et de démontrer la justesse des prévisions laites pai' Desbrosses dans
la carte dont il avait accompagné son Histoire dca Marif/dliom aux Terres
(tiistralcs. En 177(1, il découvrit Holaiiy-bay, remonla veis le nord, puis,
apri's avoir louvoyé entre la terre l'erme et la >< giande Barrière » de corail,
pénétra dans le détroit de Torres, mettant eidin hors de doute la disjonc-
lion delà .Nouvelle-Guinée et de l'Australie. .Mais on igiioiail encore si la
Tasmanie élail le promontoire sud-oriental du conlinenl, cl de nombreux
navigaleuis \i--ilerenl celle lie el mouillèrenl dans ses poris avant que
Bass pénéliàl tians le détroit qui |iorle son nom. (.i'était en 1798, dix ans
après la l'ondalion de la premièi(> colonie anglaise sur les côtes de la
Nouvelle-t^ialles du Sud. Déjà l'ex|iloralion de l'inlérieur du continent
avait connnencé par de petites excuisioiis cuire le lilloral el le versant des
Montagnes Bleues; mais cet obslacle ne fut sur nié qu'en 1<SI3, par des
éleveurs de bélail, (ju'uiie longue séciieresse avail poussés à la découverle
de nouveaux pâturages.
La recherche des terrains heibeux, puis, après la Irouvaille de l'or en
'l85i, la ruée soudaine des mineurs vers les plaines alluviales et les val-
lées rocheuses encore inconnues, ont fait beaucoup pour la connaissance de
l'Auslralie intérieure; mais les expéditions désintéressées de voyageurs
EXPLORATION DE L'AUSTRALIE. 715
qui u'iiésiloiil pas à hasarder leur vie pour atteindre le l)ut désiré, ont fait
bien plus encore. L'œuvre do l'exploralion australienne a col'ité en effet
beaucoup d'existences humaines : le botaniste Cunningham, le savant
Leichhardt, Gray, Burke, \Yills et de nombreux compagnons ont suc-
combé, les uns tués par les naturels, les autres épuisés par la fatigue, la
soif ou la faim. Et parmi les hardis conquérants de la Terre qui ont pu
s" l'.2. — PRIXCIPAUS VOYAGES II EXI'LOnATIOX EN AUSTRALIE.
E tdet-
raener à bonne fin l'expédition commencée, combien se sont montrés
de véritables héros en exerçant toute l'énergie, toute la patience et la force
d'âme dont l'homme est capable ! Pendant des journées et des semaines
entières il leur fallait étudier le sol et l'hori/on à la recherche d'une
mare, d'un ruisselel ou d'une goutte d'eau ; les amis avaient à se séparer
au milieu du désert pour chercher, ihacun de son côté, l'eau désirée, et se
désigner au loin pour lieu de rendez-vous quelque rocher dont un mirage
ou l'hallucination de la soif pouvait facilement les éloigner. Et les marches
à travers les dunes, sur les plaines de cailloux, dans les mares salines ou les
716 NOUVELLE GEOliHAl'UlE UNIVERSELLE.
brousses épineuses! les écarts à la jKuirsuite des chevaux éj^arés! les cha-
leurs intolérables auxquelles succède le froid des nuits! L'histoire des
explorations australiennes est de celles qui donnent la plus haute idée de
la firaiidrur de l'homme.
Le voyage décisif dans la série des tentatives qui se succédaient d'année
en année est celui que ht Mac Douall Sluart en lîSG'i, après deux essais
inlVuctueux, dont les itinéraires, à droite et à liauchc rap|iellent les
mouvements des antennes chez les insectes. Le prenticr il réussit à
traverser le continent australien dans sa plus grande larucur, du golfe de
Saint-Vincent à la côte septentrionale, en face de l'île Melville. L'Australie
se trouvait ainsi partagée en deux par une voie transversale, sur laquelle
on établit di's stations de dislance en distance, aulaiil de lieux de dépai'l
et de ravitaillement pour les voyageurs. De ces points li\es, (jui diminuaient
de moitié l'espace à parcourir, on put s'aventurer ilans les solitudes de l'est,
et en '1<S7Ô Warburlon atteignit enlin la cote occidentale : le réseau des
itinéraires s'étendait désormais dans toute l'Australie, de l'est à l'ouest
aussi bien qu(^ du sud au mird. On jieut dire que l'exploialion première
du continent est terminée : les régions de l'intéiieiir sdut connues dans
leurs traits principaux, et les mailles du blet de roules jelé sur l'Australie
st' ressei'reront peu à peu. grâce aux ex()l()rali(ins partielles nécessitées
pour la pose des télégraphes ou la iccherche des soul•(•e^ et d(;s pâturages.
Cependant il reste de vastes espaces, surlnul dau^ l'Australie occidentale,
où le pied de l'Européen ne s'est pas encore posé : telle partie du con-
tinent laissée en blanc sur les cai'tes, entre les itinéraires de Giles. de
Fori'esl, (le \\arl)urtou. reprt'seule une (''tendue de sept à liiiil cent mille
kilomJ'tres carrés, dépassant la siiperlicie de la France.
Les explorations sous-marines faites dans ces dernieis temps jiar le
ChftlU'}iiicr et d'autres na\ires oui assez neltenieiil liiiiil('' le socle qui
porte l'Australie et (jue l'on |)eiit considérer, au poinl de vue géologique,
connue formant une seule masse continentale parliellenient émergée. Au
nord, la Papouasie et tous les groupes et traînées d'îles adjacentes, telles
que la Louisiade et les Aroe, s'élèvent sur le piédestal commun, unies à
l'AiisIralie. plul(M ((ue sépan'-es p.ir les récifs du détroit de Torivs. Le golfe
de Carpentaria et les mers nord-occidentales, jusqu(^ dans le voisinage de
Timor, appartiennent également à l'aire australienne. Au sud, les eaux
basses boi'dent aussi le littoral sur uiu- tri's grande largeur, et au sud-est
une longue péninsule sous-mai'ine, sur laquelle se dicsse la Tasmanie,
s'avance à plus de 1500 kilomètres dans les mers pr(d'(pn(les. A l'est, des
abîmes de })lus de iOOO mètres longent les ccites de ,\e\v South "Wales,
laiidis que les rivages du ii(H'(
n;irii("'i(' » (le récits, se r;il-
Ijiclu'iil, par un seuil de ""
1111 (in s de '2000 mèlirs en
proroiideiir, à l'île Norfolk
el à la péninsule du nord-
ouesl de la Nouvelle-
Zélande. Celle lign(^ de
jnnelion enlre le conlinenl
el les dé|)ondances austra-
liennes les plus éloignées
oITre, dans la direclion du
siid-esl, la inèine orienlalion
(pie la Néo-Calédonie, les
lies Loyauté, les Nouvelles-
Hébrides et d'autres terres
émergées dans ces parages
du Pacilique.
11 est à remarquer que,
dans l'ensemble des terres
ausiralasiennes, la masse
coiilinenlale est précisément
celle qui olTre le moindre
relief. Les chaînes les plus
élevées de l'Australie sont
(i'im|)ortance secondaire en
comparaison des hautes
montagnes de la Nouvelle-
Guinée et de la Nouvelle-
Zélande; même les îles Sa-
lonion ont des inonls d'al-
litnde supérieure. Ce fait
fiîmoigne en faveur de l'hy-
|iolhèse qui unit l'Australie
avec les terres du nord et de
l'esl en un tout géologique.
La l'apouasie, la Nouvelle-
Zélande ne seraient autre chose q
lasieii, dont plus d'une moitié cï
EXl'LoliATION IIK I/AISTHALIE. 717
est, bordés au large par la « grande
1*3. VOÏ.IGES DE PU.NETRATION TAU JLiC BOUALL STUART.
Est de Ps
X
20 mai ,' I.
lljulllet \"-{i ^ 15 J"'"
,r: -AO'/ 20 mai
/juillet,^ f ,;■ ^yff^yfs/>I>uy~/c.;
Est de Greenw.dl
I : G 000 000
ne les bords du grand continent auslra-
^t mainlenant recouverle par les eaux, et
718 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
comme le relief terrestre en olIVe de très nombreux exemples, dans l'Amé-
rique du Sud, en Afrique, et d'une manière générale autour du grand
bassin de l'Océan, du cap de Bonne-Espérance au cap Iloorn, c'est préci-
sément le long du littoral que se dressent les plus hauts sommets, immé-
diatement au-dessus des pai'ages où se creusent les eaux profondes'.
De même que l'ensemble australasien, la grande terre présente ses plus
hautes saillies dans le voisinage de la côte et sur la face qui regarde le
profond l'acilique. Les arêtes principales du confinent sont disposées de
manière à former un croissant extérieur, delà péninsule ir\oik au pro-
montoire de Wilson. Au delà de cet ourlet, le terrain s'abaisse tellement
que les premiers voyageurs crurent à l'existence d'une « Caspienne «
située dans l'intérieur de l'Australie et recevant toutes les eaux courantes.
Au lieu de celle mer centrale imaginaire il existe seulement quehjues
petits bassins sans écoulement, et presque toutes les rivières importantes
descendent directement à la mer : mais les plaines qu'elles parcourent ont
un très faible relief; grâce à cet aliaissement du sol, le littoral s'est creusé
fort avant, au nord et au sud, pour former le golfe de Carpenlaria et celui
de Saint-Vincent; entre ces deux échancrures, les plus fortes de la côte, le
niveau des campagnes se maintient presque partout à moins de 150 mètres.
A l'ouest de cette dépression, les terres se relèvent de nouveau, et veis le
centre du continent des massifs de rochers dépassent 1000 mètres d'alti-
tude par plusieurs de leurs pointes.
La chaîn<' principale a reçu le nom d'Alpes Australiennes {Aii^ttralidn
Alps), en souvenir des Alpes de l'Europe. Dominant le musoir sud-oiienlal
du continent, elle comnu^nce à l'est de Melbourne, dans Victoria et, pré-
sentant sa convexité vers le sud-est, s'arrondit en demi-cercle pour se
prolonger par d'autres chaînes dans la direction du iu)rd. La rivière Vass,
afllueul du Meuve Murray, est considérée comme la limite septentrionale du
système des Alpes Australiennes, dont la longueur développée esl d'environ
400 kilomètres. Ces montagnes méritent le nom d'Alpes moins par leur
altitude que par le nombre considérable de leurs massifs, de leurs con-
Ireforls et des chaînons latéraux ou parallèles. D'ailleurs, les Alpes Austra-
liennes sont d'un accès facile : les escarpements les plus raides se trouvent
pour la plupart à mi-hauteur des monts; mais au-dessus les pentes sont
assez douces et de vastes plateaux herbeux ou faiblement boisés forment le
socle sur lequel s'élJ'vent les dômes et les croupes, que l'on peut gravir
même à cheval. La cime culminante, la pointe de Townshend, dans le
* Ed. Suobb, Dus AiUtit:, ilcr Erdc.
MONTACNIÎS DE L'AUSTRALIE.
719
groupe (les monts Kosciuszko, iillciiil '2241 mèlres : elle se dresse, dans
New Soulh Wales, précisément sur la lussectrite de l'angle formé par la
partie sud-orientale du continent, au promontoire de Howe. En mainte
vallée des Alpes, les neiges séjournent pendant toute l'année, et dui'anl
l'hiver, de mai en novembre, les plateaux eux-mêmes portent leur far-
N» IW. — AlPES AUSTRALIENNES.
^7 '/ -f '
Profon^yec^ r-s
deau de frimas. Quelques névés se forment dans les hautes ravines des
monts Kosciuszko, et les traces d'anciens glaciers se voient en diverses
parties de la chaîne. Dans les monts de Bogong (1904 mètres), situés à
l'ouest des hautes sources du Muiray, une moraine frontale barre une
petite vallée à la cote de 899 mètres'.
Les roches qui composent les Alpes Australiennes ont une grande
' Von Lendonfckl, Erçianuiiuislicfl, ii" ti7. ;» l'ficiiiiiiiiii's Milleihinyeii.
720 NOUVELLE OÉOGR APIllE UNIVERSELLE.
aiilif|uilé : ce sont des <;i;iiiils cl tics masses siluriennes, enlreni(Més de
juirplivies, de diorites, de basallcs; çà et là des formations Icriiaires em-
plissent les vallées, mais toujours en couches horizontales, tandis que les
terrains environnants sont toidus et disloqués. La nature géologique des
monts alpins d'Australie se retrouve, malgré les dépressions intermédiaires,
dans les montagnes occidentales de Victoria et même celles de laTasmanie,
qui appartiennent pour une ])onne part aux mêmes âges de la planète.
Les Pyrénées, qui s'élèvent parallclemenl à la mer, au nord-ouest de
Melhourne, et les Grampians, dont les masses irrégulières se dressent plus
à l'oiiesl, sont aussi des montagnes siluriennes, moins élevées d'ailleurs
que les Alpes, car le plus haut sommet, le mount William, dans les (Iram-
pians, atteint seulemenl 1700 mètres. Mais nulle part en Austialie les
formations volcaniques ne sont plus développées. C'est par centaines que
l'on voit les cônes des volcans dans la partie occidentale de Victoria, les
uns simples huttes d'éruption, les autres véritahles monts de (300 mètres
d'élévation, ajjpartenant à toutes les périodes successives, des temps
paléo/.oï(pies à l'époque tertiaire. Plusieurs des cratères, coupes de forme
paifaite, renferment des lacs d'une grande profondeur : l'un d'eux, le
Bine Jiake, qui occupe la cavité su[iérieure de l'un des volcans du groupe
de Gamhier, dans South Australia, n'a pas moins de 200 mètres d'eau.
D'autres ci'atères sont devenus des cinpies lierheux ou hoisés; ils ver-
sèrent autrefois des fleuves de laves qui recouvrent de très vastes étendues
de |)ays. Un seul des anciens volcans, le Tower-hill, |)ivs de Warriiamhool,
s'élève en pleine mer'.
Les monts de la Tasraanie sont, comme les Aljies d'Australie, formés de
granits el d'assises siluriennes, et des roches éru[ilives ont en maints en-
droits dressé des barrages transversaux d'où les eaux des vallées s'élancent
en cascades; toutefois les géologues n'ont [)()inl constaté en Tasmanie
l'existence de volcans jjroprement diis. (juoiipie l'ile prestjue entière soit
hérissée de montagnes, la partie la plus élevée est celle du nord-ouest,
el c'est vers cet angle de la Tasmanie ipie se dresse le sommet le plus haut,
le Cradie-mountain (1515 mètres); plusieurs autres cimes dépassent 1400
mètres; mais vers le sud-est le terrain s'abaisse et des fjords profonds
décou|)enl le littoral. Dans son eiisemhle, la Tasmanie a la forme d'une
moitié d'ovale, érodée au nord, du côté de la .Nouvelle-Hollande, suivant
une courbe concave régulière. Le délroil fut cerlainement autrefois rem-
placé |iar un isthme (|ui unissait les deux leii(^s el dont (pielques îlots gra-
< Si'lwyii ;iMil llricli. .Yo/c.s un llir l'Inisiriil Crtiijnijihii uf Virhirifi.
91
MONTAGNES, PLAINES DE L'AUSTRALIE. 723
ililiques sont les restes; mais immédialemeiU à l'est les abîmes de
l'Océan descendent à plus de 5000 mètres. Au point de vue géologique,
le promontoire de Wilson, la jjoinle la plus méridionale du continent
australien, est une île comme celles du détroit de Dass. Si le continent
s'abaissait de moins de 100 mètres, les deux baies de l'ouest el de l'est se
rejoindraient en un deuxième déiroil.
Au nord des Al[)es Australiennes l'ourlet montagneux du littoral, divisé
en plusieurs chaînes parallèles, prolile sa crête principale à la distance
moyenne de 75 kilomètres de l'Océan. Chacune de ces chaînes, chacune
des arêtes transversales a son nom; parfois aussi on désigne l'ensemble
du système sous l'appellation commune de BlueMounlains, qui apj)artient
plus spécialemeni aux montagnes situées à l'ouest de Sydney, et pen-
dant si longtemps considérées ])ar les colons comme un infranchissable
obstacle. Les pics les plus élevés, entre autres le Sea-view, qui se dresse à
l'ouest de Port-Macquarie, dans la partie septentrionale de New South
Wales, atteignent 1800 mètres, mais la plupart des cimes ne dépassent
pas 1500 mètres; en maints endroits pourtant les érosions y ont évidé des
cirques aux parois perpendiculaires d'un aspect grandiose. La pente l'apide
des monts regarde la mer; de l'autre côté, la saillie montagneuse offre en
beaucou]) tl'endroils l'aspect d'un |)lateau faiblement incliné, et le sol
s'affaisse vers les plaines du Muri'ay par une longue contre-pente. De
vastes cavités, dont le pourtour ébréché laisse maintenant passer les ruis-
seaux, paraissent avoir été des lacs : telles sont entre autres, sur le ver-
sant occidental des monts, les « plaines de Liverpool » {hiver pool-plaim),
parsemées d'îlots basaltiques. 1/Australie eut aussi, comme les contrées du
nord de l'Europe, sa période lacustre, succédant à la période glaciaire.
Dans la partie seplenirionale de îS'ew South Wales, la chaîne de partage
s'abaisse peu à peu, et plus au nord, dans la colonie de (Jueensland, il est
peu de cimes qui atteignent (300 mi'tres; même en certains endroits le
relief montagneux est complètement interrompu : des seuils à peine indi-
qués constituent le faîte entre les deux versants. Les hautes saillies,
dépassant 1000 mètres en hauteur, reprennent au nord du tropique du
Capricorne pai- une arête de granit qui longe le littoral et se poursuit au
nord-ouest jusqu'à la racine de la péninsule d'\ork, où s'élève une petite
chaîne faîtière, haute de quelques centaines de mètres. Entre les Alpes
Australiennes el les monts granitiques du Oueensland septentrional, les
roches dominantes sont des formations carbonifères de différents âges,
paléozoiques et mésozoïques : il s'y trouve aussi des granils, des porphyres,
et, sur le versant occidental, quelques volcans et des champs de laves. C'est
724 NOUVELLE GEOGRAPUIE UNIVERSELLE.
dans celte zone des monts australiens et sur les pentes septentrionales
des montagnes de Victoria que sont épars ces gisements aurifères qui ont
fait la richesse de l'Australie : ils appartiennent tous à divers étages des
terrains tertiaires et reposent sur un « fond >> ou lit rocheux des forma-
tions siluriennes dont ils sont dérivés. La plupart des gisements emplis-
sent d'anciens lits fluviaux, auxquels on donne le nom de « gouttières x>;
en certains endroits ils ont plus de 100 et même jusqu'à 180 mètres de
puissance.
A l'ouest de réj)ine dorsale de l'Australie, la dépression compi'ise entre
le golfe de Carpentaria et la bouche du Murray est en grande partie occu-
pée par des formations crétacées. Ces terrains mésozoïques et les vastes
plaines d'origine tertiaire prouvent que l'Australie, jadis considérée
comme le continent « vieux » par excellence, eut aussi ses oscillations, ses
alternatives d'immersion et d'émersion comme les autres parties du
monde. Au delà commencent les terres peu connues, traversées par des
itinéraires éloignés les uns des autres. Mais on sait que l'Australie du
sud, des deux côtés du golfe de Spencer, sur les bords des lacs salés de
l'intérieur, a des roches granitiques et j)rimitivcs; de même les i)éninsules
septentrionales, en face de l'ile Melville, ont leurs granits et leurs roches
métamorphiques: enfin l'Australie sud-occidentale est constituée dans une
part considérable de son étendue par des plateaux de granit d'une faible
élévation, portant çà et là quelques arêtes de montagnes, hautes de cinq à
six cents mètres. Ces divers massifs sont tous désignés par des noms
d'explorateurs ou d'hommes fameux dans la politique contemporaine. Un
de ces groupes, celui de Mac-Douall. à l'est du télégrajihe transcontinen-
tal, est riche en « rubis » et autres pierres fines.
Le « désert des grès », comprenant plus d'un tiers de l'Australie, est
probablement d'origine postérieure à tous les massifs montagneux du con-
tinent ; mais il est impossible d'en indiquer l'âge précis, car dans la plus
grande partie de son étendue on ne trouve point de fossiles : c'est aux
temps pliocènes que la |)lupart des géologues font remonter l'émergence
des plateaux, des collines et des plaines de ce désert australien ; dans le
Queensland seplenlrional il recouvre les formations crétacées. Les dépres-
sions qu'on y rencontre soni |)r(»duiles par les agents météoriques, la
chaleur et le froid, le vent et la pluie; en divers endroits on reconnaît
que le niveau du sol s'est abaissé de dizaines, même de centaines de
mètres, laissant çà et là des masses résistantes qui témoignent de la posi-
tion première des couches disparues. Dans la partie nord-occidentale
de l'Australie se trouve une région à laquelle Grey a donné le nom de
IlOCUES 1)K I/AUSTRALIK. 7'25
<t pays des Piliers », à cause des colonnes île gi'ès qui se dressent pai-
myriades sur le sol inégalement excave et tout fleuri de plantes, enguirlandé
de verdure; des ruisseaux en partie souterrains continuent l'œuvre d'éro-
sion. La saillie que l'on considère comme la « borne centrale » du conti-
nenl, la « pile de Ghambers », est aussi un de ces « témoins » géolo-
giques. 11 n'existe guèi'c sur la planète de colonne plus régulièremenl
formée que ce pilier, admirable point de repère souvent utilisé par les
voyageurs pour leurs rendez-vous et leurs caches de provisions. Haut d'en-
viron 45 mèfi-es et rose à l'extrémité supérieure, il se dresse sur un pié-
destal de grès blanc, monticule d'une trentaine de mètres qu'entourent
des blocs épars, fragments de l'ancienne montagne désagrégée, dont il ne
reste plus en place (pie le pilier solitaire.
Le désert australien a, comme celui du Sahara, sa région des dunes, à
l'ouest du télégraphe transcontinental, sui' le versant du nord-ouest. Les
rangées de monticules sableux s'y succèdent avec une régularité parfaite,
se déroulant, comme les vagues de la mer, dans le sens de l'est à l'ouest,
sur un espace de 600 kilomètres en longueur. En entier composées de
sable rouge, sans une herbe qui en diminue le violent éclat, ces dunes
ont une apparence « terrible » et l'homme ne les traverse pas sans effroi'.
En dehors de cette région, quelques oasis de verdure et de fleurs se mon-
trent çà et là dans la redoutable solitude. D'ailleurs l'aspect du désert
change suivant les saisons, d'humidité ou de sécheresse, et pour un même
endroit les récits des voyageurs diffèrent singulièrement.
Les observations que les géologues ont faites sur le pourtour continental
donnent une grande probabilité à l'hypothèse d'un soulèvement général de
la côte australienne : les rivages, après avoir été rongés par la mer, qui a
fini j)ar recouvrir une moitié de l'ancien continent, gagnent de nouveau
peu à peu sur la nappe des eaux. Le littoral est bordé de plages émergées
que p;irsèment des bancs de coquilles pareilles à celles de la mer voisine;
de nombreux lacs, naguère golfes de l'Océan, ont gardé leur faune péla-
gique, tandis que tl'autres se sont vidés de l'eau salée qui les emplissait,
pour se changer en nappes d'eau douce ou même s'évaporer complètement;
des écueils, cachés jadis par le flot, montrent maintenant leurs roches
noires au-dessus du niveau marin. Enfin, l'ingénieur Babbage, construc-
teur du chemin de fer d'Adélaïde à la mer, dans l'Australie du Sud, a
constaté qu'entre deux opérations de nivellement le sol s'était élevé de
quelques décimètres. En étudiant toute la région qui s'étend au nord du
' Sluil, Joiirncii iti llie Ceiilri' of Auslrrilia.
72(i
NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
golfe de Spencer, on ne peuL iloiiter que ce pays lui un archipel aux îles
nombreuses, séparées par des chenaux sans prol'oudeur. Le détroit de
Bass, qui limite au sud l'Australie proprement dite, deviendrait terre
ferme s'il se ])roduisait un soulèvement moindre de 50 mètres. La Tas-
manie, que l'on crut si longtemps être une })artie du continent voisin,
lui appartient en effet au point de vue géologique. Il est d'ailleurs |»robable
que la présence des glaciers a dû contribuer à maintenir la forme piimilive
N" 145. IJtIROIT EE BASS.
Est d
c/e 20350"" c/eSOa. 200 '^c/e 900 "'et au- cfs/â
1 : s iSSS 000
du littoral lasmanien : toute la partie méiidionale de l'ile est découpée en
baies cl en criques, anciens fjords qui ont gardé leiii' prcd'oiideur.
iJne mer semblable à celle qui existait aiiticfois à la place de l'Australie
méridionale est le détroit qui sépare actuellement le continent australien et
la Nouvelle-Guinée. Du cap York au mont Cornwallis, dans la partie la
moins large du détioit de Torres, la profondeur extrême n'atteint pas
22 mètres; en moyenne, elle est de 14 à 15 mètres seulement, et déjà, de
1842 à 1847, les explorations détaillées des navires F/y et Brambic ont
MERS PE L'AUSTRALIE.
72t»
(lémonlrc qu'on Miivaiit los sinuosités du chenal le [ilus prolVind, un
navire calant plus de 10 mètres ne pourrait passer que par une mer par-
faitement unie. Les îles rocheuses qui pointent, isolées ou en archipels,
au-dessus de l'eau bleue du détroit, consistent uniformément en poi'phyre
ou en syénite, comme les roches de la péninsule terminale de Queensland,
et en continuent évidemment la chaiiu'. A l'est de ces collines émergées,
entourées de récifs, qui laissent entre eux des passages libres de tout écuelil,
s'étend la vraie « mer de Corail >>, qui n'a |ioinl d'Iles rocheuses, mais
141'.. riKTRdiT II], TfiRnE?.
Est de Par, s
Daprès l'Amirauté angla
/^^•o/o/7a^ei'fS
1 ; 7 VSO 000
seulement un périlleux labyrinthe de masses coralligènes, et que l'on peut
comparer dans son ensemble à une longue plage sous-marine s'abaissant
graduellement vers l'est jusqu'à la piofondeur moyenne de 40 mètro'-. L-i
est le vrai rivage du continent australien, et comme il arrive sur lanl
d'autres littoraux émergés ou immergés, une chaîne volcanique marque la
limite de séparation entre le plateau continental et les gouffres de la grantle
mer. Il est vrai que ces volcans de la mer de Corail, éteints dans la période
actuelle, sont de bien faibles dimensions. Le principal est l'île de Murray,
située à une petite distance en dedans de la .c Grande Barrière ». Quoique
si rapprochée du continent australien et en faisant géologiquement par-
XIV. 92
730 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Ile, cetlp îli' se distingue de la grande terre par sa végétation. Les rivages
et même les pentes inférieures des collines qui s'élèvent jusqu'à 200 mè-
tres sont revêtus d'une forêt continue de cocotiers, arbres qui, au dire
de tous les voyageurs, manquaient en Australie avant l'arrivée des immi-
grants européens'.
Le mur de récifs qui forme le rivage extérieur de Oueensland et qui rat-
tache l'Australie à la Nouvelle-Guinée, se prolonge sur un espace encore
beaucoup plus considérable que le « grand récif» de la ■Nouvelle-Calédonie;
son développement total, sans compter les petites indentations, est d'envi-
ron 2500 kilomètres. 11 commence au cap Sandy, corne du littoral austra-
lien qui s'avance en pleine mer au large de la convexité de la côte orientale,
et, d'aboril interrompu par de larges détroits, rapproche bientôt ses îlots,
puis les unit en une paroi continue, n'offrant que de rares brèches où puis-
sent se hasarder les navires. Les premiers explorateurs longeaient avec
anxiété la ligne des brisants pendant le jour, et vers le soir cheichaient
à prendre le large pour s'éloigner de leur mugissement éternel ; néanmoins
les naufrages ont été fort nombreux. Maintenant tous les passages de la
Grande Barrière son! connus, et les bâtiments pratiquent les chenaux de
l'intérieur pour naviguer à l'abri de la houle. Avant que la force de la
vapeur fût appli(|uée à la propulsion des navires, les portes de la Grande
Barrière et le détroit de Torres offi'aient, malgré les dangers des récifs,
l'itinéraire obligé des navires qui se rendaient de l'océan Pacifique dans
la mer des Indes. En effet, le veni alizé du sud-est y souffle réguliè-
rement pendant presque toute l'année, tandis (ju'au sud de l'Australie les
vents soufflent |)res(pie toujours de l'ouest et du sud-ouest, et fréquem-
ment en tempête. D'ailleurs la houle n'est point dangereuse en dedans de
la Grande Barrière, et les mouillages ordinaires protégés par un îlot y con-
sliluent de véritables' ])orls. La pureté d<' l'air et l'extrême transparence de
l'eau sont la sauvegarde des marins qui naviguent dans ces mers : <à la dis-
tance de 1(S00 mètres, le matelot posté sur le mât du navire distingue
déjà l'existence de bas-fonds à 9 mètres au-dessous de la surface, grâce au
contraste que présentent les nuances verdàtres de l'eau peu profonde avec
le bleu des cavités voisines.
Très inférieure aux autres continents pour la hauteur des massifs de
montagnes, l'Australie l'est aussi pour la ramure et l'abondance des cours
d'eau. Parmi ses fleuves atteignant la mer, il n'en est qu'un seul qui soif
considéi'able par l'élendue du bassin : c'est le Murray ou Goohva, décou-
' Rei'le Jukos, Siiri'cijiini Voiiagc of tlir o Fly ».
GRANDE BARRIÈRK. FLEUVES IlE 1/AUSTRALIE. 77.1
vert en 1824 par Hume et Ilovell. Les Grampians, les Pyrénées de Victoria,
les Alpes et les montagnes cùtières tle New South Wales lui envoient tous
LV tiRANDE BVRRIERK.
l ; 1 1 KftOftIlil
0 5hO kll.
les ruisseaux, toutes les rivières de leur versant intérieur. De la source
la plus éloignée du système fluvial, la Condamine de Queensland, jusqu'à
l'embouchure dans son estuaire de South-Australia, la distance est d'au
752 >'OUVELLE GÊOGRAPUIE UNIVERSELLE.
moins 2000 kilomètres ; ensemble, toute la surface d'écoulement dont
l'eau trouve une issue par la bouche du Murray comprend une étentlue de
plus d'un million de kilomètres carrés : ce bassin dépasse ceux du Tigre
et de l'Euphrate réunis; il est plus grand que celui du Danube, plus que
celui du Saint-Laurent; il égale le bassin du Gange: mais quelle différence
dans la masse liquide ! Le débit annuel du fleuve australien est seulement
de 550 mètres cubes par seconde : c'est moins que la portée de la Seine'.
C'est à peine si le Murray offre assez d'eau pour que de petits bateaux
à vapeur puissent en remonter le courant inférieur durant la saison des
crues; en dix années, de l!S77 à iSiSG, le Darling n'a pu servi i' à un
faible trafic que pendant cinquante-sept mois", et ses affluents sont inna-
vigables, si ce n'est pour de simples barques. L'apj)ellation fluviale a été
justement appliquée, non à la plus longue branche de la ramure, mais à
celle qui, grâce à la direction de son cours, parallèle à l'axe des montagnes
de Victoria, reçoit la plus grande (juantité d'eau. Le Murray naît sur les
frontières de Victoria et de New South Wales, dans les Alpes Austra-
liennes, et court à l'ouest, en s'unissant, du côté t\o sa rive gauche, aux
torrents que lui envoient les montagnes de Victoria : c'est ainsi que son
flot se maintient et grossit peu à peu. Les affluents du nord, le Lachian
uni au Morrumbidgee, et surtout le Darling, ont une longueur de cours
beaucou|i plus considérable, mais ils roulent une moindre quantité d'eau,
et parmi les sous-tributaires, il en est beaucoup dont le flot épuisé se
perd dans les mares avant d'avoir pu atteindre le lit du courant majeur.
Tous ces cours d'eau s'é[)anchent sur le sol en nappes temporaires ; ils ne
sont pas formés de fonds réguliers avec lits de sables ou de graviers, et
méritent à peine le nom de rivières '\
Sur le versant oriental des montagnes côtières de New South Wales et de
(Jueensland, les fleuves ont une abondance relative, grâce à la lVé(|uence
des pluies et à rim[)erinéabilité des loches du bassin ; mais ils n'ont
jtas assez d'espace poui- développer leur ramure, et leur flot, à peine issu
des montagnes, se perd dans l'Océan. Sui' ce versant, les fleuves les plus
considérables sont le F'itzroy et le Burdekin, qui, par les brèches ouvertes
entre les monts, reçoivcnl une partie de l'eau tombée sur les pentes
opposées. Sur le revers occidental de Queensland, le golfe de Carpentaria
est frangé de bassins fluviaux, Mitchell, Gilbert, Norman, Flinders, Leich-
linnll, Albert, Roper, n'a|>porlaiil en leni])s oi'dinaire qu'une faible quan-
' Wills, Scullish Gcoçjraphkal Muyminc, k\m\ 1887.
- Uussell. Journal of ihc R. Society of New Soulli Wales.
' W. E. Aliljotl. iiK'mo recueil.
FLEUVES DE I/AISTR.VLIE. 1",
lilé (IVaii, mais témoignant, |i;ir leurs cluses creusées à de grandes pro-
londeiirs dans les rochers, de l'action puissante exercée jadis par leurs
courants. Plus pauvre en rivières, la côte du nord-ouest n'en a guère qui
puissent se comparer en importance à celles de la chaîne côlière orientale;
l'une d'elles, qui se déverse dans le Queen's channel, a reçu des «loyaux»
explorateurs de la région le nom de Victoria. Au delà vient le Filzroy,
puis sur la côte occidentale se succèdent plusieui's bassins fluviaux de
même valeur, ceux du Grey, de l'Ashhurton, du Gascoyne, du Murchison;
mais dans presque toutes les saisons de l'année les lits de ces fleuves
sont des chaînes de mares à demi desséchées. Ouant aux grèves de la côte
méridionale, sur la longue courbe rentrante de !200U kilomètres qui se
dévelop[)e du musoir sud-occidcnlal de l'Australie au golfe de Spencer,
elles ne sont pas même coupées par une seule embouchure : les quelques
ruisseaux qui se forment dans l'intérieur ne parviennent pas jusqu'à la
mer. Les pluies violentes forment des rivières temporaires dans les
régions arides de l'Australie, et l'on comprend combien l'apparition
d'un véritable courant dans un lit ordinairement desséché ravit les rares
spectateurs qui en sont les témoins. Longtemps avant que se montre le
flot, on entend le sourd mugissement de l'eau qui descend en brisant
les arbres ou les arbustes et qui les roule dans son lit ; le bruit devient de
plus en plus fort, puis on voit un filet d'eau serpentant dans les sinuo-
sités du ravin comme pour chercher sa voie, et soudain arrive avec
fracas la grande cataracte, emplissant bientôt jusqu'aux bords la tortueuse
vallée ' .
Parmi ,es cours d'eau qui s'arrêtent en route dans les dépressions do
l'intérieur, il en est un qui, du moins par l'étendue de son bassin, peut
être considéré comme un véritable fleuve : c'est le Cooper's creek, connu
d'ailleurs sous d'autres noms dans les diverses régions qu'il parcourt : une
de ses sources maîtresses porte cette appellation banale de Victoria dont
les Anglais ont pris à tâche de recouvrir le monde. Sur un espace d'en-
viron 600 kilomètres du sud-est au nord-ouest s'étend, à travers les pâtu-
rages du Queensland, la zone des hautes sources du Cooper's creek. Les
tributaires supérieurs se réunissent pour s'écouler vers le sud-ouest, paral-
lèlement au Darling, puis, après s'être égaré çà et là dans les marécages des
terres basses, le fleuve va se perdre dans la dépression du lac Eyre, où
se déversent aussi d'autres courants venus des solitudes de l'Australie
centrale : la longueur développée du Cooper's creek doit être d'au moins
• Milcliell, Tropical Australia.
734 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
2000 kilomètres; toutefois le cours du fleuve n'est pas continu pen-
dant toutes les saisons de l'année: souvent il n'est indiqué que par des
mares et des marais. Les lacs changent aussi de dimensions et de forme
suivant la durée et les proportions relatives de réva]ioration et des pluies.
Tantôt ce sont des mers intérieures dont les Ilots battent le rivage et qui
s'étendent à perte de vue, sans îles ni bancs visibles; tantôt des fanges
sur lesquelles reluit le mirage, ou des argiles, blanches d'efflorescences
salines. Pendant les sécheresses, on peut sans peine traverser à cheval
ces prétendus lacs; ce sont les baies du pourtour (jui d'ordinaire con-
servent le plus longtemps les vases trompeuses où l'on risque de s'en-
lizer' : la cause en est aux eaux profondes (|ui suintent de l'intérieur des
terres vers les criques latérales. 1/orienfation et les contours du lac Eyre
et du lac Torrens, qui le continue au sud, comme pour aller rejoindre
le golfe de Spencer, portent à croire que ces lacs, maintenant distincts,
furent autrefois des étendues marines, en libre communication avec
l'Océan; la dépression terminale, qui est certainement la jtarlie la plus
creuse du continent australien, est encore à 21 mètres au-dessus du ni-
veau de la mer. Le lac Gairdner et d'autres, de moindres dimensions, par-
sèment les régions désertes à l'ouest de celte dépression médiane du lac
Torrens. Au centre du conliuenl, l'Amedeus, lac, mare ou saline déserte,
occupe encore une dépression du sol; enfin, il existe dans l'aride Aus-
tralie occidentale plusieurs cavités du même genre, habituellement dési-
gnées du nom de lacs.
Dans les bassins bien explorés, connue celui du Darliiig, le débit des
rivières est tellement faible en comparaison des jiluies tombées, que des
auteurs ont cru pouvoir l'expliquer par l'existence de fleuves souterrains
coulant au-dessous des argiles superlicielles et emportant vers la mer ou
vers un lac caché la plus forte partie des eaux*. Toutefois il est une part
de l'humidité pluviale qui, sans descendre par les rivières, séjourne sur
le sol en des sortes de vasques, que l'on désigne dans les pâturages du
Darling sous le nom de fjilfjicx. Dans ces plaines horizontales où l'eau tom-
bée par averses s'étale en nappes dépoiu'vues de tout courant, sans puis-
sance érosive pour se creuser un lit fluvial, les seules dépressions où l'eau
puisse s'amasser sont les crevasses qui se sont ouvertes avant les pluies
dans le sol desséché. Sous l'action de l'humidité, les parois mitoyennes de
ces lézardes s'affaissent et se nivellent; le fond des cavités s'égalise peu à
< Goyiler, Pctcrmaiiii's Mitlliciliiiiiicii. ISG,', llcll VIU.
* Russell; — Atiliull, Joiintal ufllic R. Societij of ^ew Soidli Wnics, 1881.
CLIMAT m: l.-.VrSTRALIE.
735
])(Mi ; dos ciTux (l'un inèlic ou d'un nièd'c ol demi en prolondeur, cl de
dimensions diverses, de quelques mètres à 100 mèlres de tour, se forment
graduellement. Il est aussi des gilgies que les indigènes ont agrandies et
transformées en eiternes, [umr y amasser des quantités d'eau eonsidéraMes.
Le climat de l'Australie est écrit à la surface du sol. A la vue de ces ro-
ches dénudées, de ces plaines sans arbres, de ces dépressions sans eau qui
occupent la plus grande partie du continent, on constate les traits domi-
nants de la météorologie australienne. Bien (^l'environnée d'eau, l'Aus-
isoTiitiïMKS ni: 1,
tralie est de forme trop massive pour que sou climat soit insulaire comme
celui de l'Europe : par la sécheresse de l'air, due aux contours des rivages
et au relief du sol, c'est une terre essentiellement continentale.
Situé pour une moitié dans la zone tropicale, pour une autre moitié dans
la zone tempérée du sud, l'ensemble du lerritoir»^ offre, de la péninsule
d'\oik à la pointe de Tasmanie, une longue succession de degrés isolher-
miques : à l'extrémité septentrionale, la température moyenne atteint
26 degrés centigrades; au promontoire du sud, elle est de 12 degrés seu-
lement; mais ce n'est pas avec une régularité conforme à la latitude que
756 NOUVELLE GÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
se sucmleiil ces diverses tempéralures; les vents, les courants et les mon-
tagnes modifient singulièrement les moyennes normales, les élevant sur un
point, les abaissant sur un autre. C'est ainsi que le reflux du courant
équatorial et le courant polairt', (jui se rencontrent sur les eûtes de
Queensland et de New South Wales, en inlluencent diversement la tempé-
rature. Le conliaste est toujours grand d'un versant à l'autre des monts.
Dans les déserts de l'intérieur, comme dans le Sahara d'Afrique, les
extrêmes du froid au chaud offrent un énorme écart, de — 9 à 50 degrés
centigrades, même plus encore, d'après l'explorateur Slurt'.
Le vent normal de l'Australie est l'alizé du sud-est : il souffle dans la
partie inférieure de l'atmosphère, tandis que dans les couches d'en haut
passe le contre-alizé du nord-ouest. Toutefois le grand foyer d'ajipel que
forment les solitudes arides de l'intérieur change la direction régulière
des courants atmosphériques : l'alizé, infléchi vers la côte, se transforme
en vent d'est ou même en vent de nord-est ; de tous les côtés des brises
marines se portent vers les terres. Au nord-ouest, les vents de l'Insulinde,
qui soufflent en hiver, ne sont aulrr chose que l'alizé du nord-est qui se
dirige de l'hémisphère septentrional dans celui du sud et change de direc-
tion en changeant de zone; entre ces deux aires, des alizés du sud-est et
(les muuNSons du nord-ouest, la région neutre (jui se lialance de l'est à
l'ouest et du nord au sud, suivant les saisons, correspond d'une manière
générale avec la péninsule d'York\ Mais au sud de l'Australie les grands
vents d'ouest, (|ui soufflent fréquemment avec force et même en tempête,
trouvent le chemin libre devant eux, de la mer des Indes à l'océan Paci-
liquc, cl ne se détournent que rarement de leur route. Sur le continent
même d'Australie, les changements de vents, surtout en été, sont géné-
ralement accompagnés de convulsions soudaines, désignées sous le nom de
huniers ou k éclats » : le baromètre baisse rapidement, le vent soulève des
nuages de poussière, puis l'orage s'amasse, la foudre gronde et les pluies
s'aballcnl sur le sol; à Melbourne, on donne à ces vents soudains de
l'intérieur le nom ûc })rit:ldajicrs on « briqueliers », h cause des tourbil-
' (^limal cil- diverses villes de l'Australie :
Villes et leurs latitudes. Tcm
liOratuir ]
Somerset (N. E.), \ùo& S.
2Ô»,;):
Brishane (E.), 27" 28' S. . .
21»,2
Sydney (E.), 53» 52' S. . . .
18"
Mell)oiiriie(S.),57»49' S.. .
14"
Adélaïde (S.). 54''57' S. . .
\-".:>
l'ertli (S. 0.), 51«57' S. . .
17". 7
(Uatli-ay)
- Alex. WMiiiy. JoiniKil of ilie R. Gcoifriipliiiat i^oclctij, 1868.
2"',20
56",2
+ 5»
55n.2
I".33
40».2
4-2»
58»,2
t°,20
450,7
— 20,8
46»,5
t'",60
45»
+ 1".2
4.50.8
O^.ôj
440,6
- 0".4
45»
O^.Si
CLIMAT DE LVrSTliALIK.
737
PLUIES m; i.'vrsTRALii: iinii:\TM.i
Ions lie sable qu'ils eiiliniiienl. il iie se passe pas d'été que des vents
chauds, analogues par les effets au seiroeeo d'Afrique, ne se fassent sentir
plusieurs fois dans les régions cultivées du littoral australien. La tempé-
rature s'élève brusque-
ment, les animaux et les
liommes se sentent épui-
sés, les plantes s'incli-
nenl, et si le vent chaud
dure trop longtemps,
toutes les feuilles se flé-
trissent et se dessèchent
comme par la gelée.
La proportion des
pluies diminue rapide-
ment du littoral vers
l'intérieur : de l'un à
l'autre versant des mon-
tagnes côlières, la préci-
pitation de l'humidité se
réduit de UKutii'-; de |)lus
d'un mèli'e à Sydnev,
elle n'est pas même de
40 centimètres dans les
plaines occidentales de
New South Wales, et cer-
tainement elle est bien
inférieure encore dans
les régions centrales de
l'Australie, oîi les vents
n'arrivent que privés de
leurs vapeurs. Au centre
du continent, la |)luie
qui tombe annuellement
à la station de tvbarlolte- < "'" — 1
Waters (8»29' de latitude
méridionale) est seulement de 1 1 i millimètres, et parfois toute une année
se passe sans une seule averse. La plus grande partie du continent est
trop aride pour que l'Européen puisse s'y établir et en cultivei' ou faire
cultiver le sol. Du moins le colon a-t-il l'immense avantagede trouver un
XIV. ■ 93
De 0.
738 NOIVELLE (iÉOGRAPUIK UNIVERSELLE.
climat sain dans toutes les contrées australiciinos où il a l)àti ses villes
et poussé son bétail. La salultrilé, lel est, aux yeux des immigrants euro-
péens, le privilège de l'Australie : malgré les changements ([n'impose
une vie nouvelle, les Anglais ne soulTrent ])oinl de leur migration vers
l'autre côté du monde, et même la durée moyenne de l'existence serait
plus forte dans la deuxième pairie que dans la première. Il est passé en
proverbe parmi les Australiens que les vieillards ont un renouveau de jeu-
nesse en débarquant sur leurs plages.
La flore australienne offre un caiactère très original : il n'est guère de
provinces végétales mieux délimiU'es que Faire néo-hollandaise; elle
contraste d'une manière étonnante avec celle de la Nouvelle-Guinée,
dont elle n'est séparée que par une manche sans profondeur. Cette
originalité de la flore d'Australie s'ex[)lique par la longue durée des
âges écoulés depuis la séparation du continent méridional ; mais on s'é-
tonne qu'une terre si peu variée en comparaison de l'Europe, et d'ailleurs
occupant une moindre surface, |)0ssède un plus grand nombre de plan-
tes : c'est à 12 250 que l'on évalue les espèces végétales du continent aus-
tralien', et sur ce nombre on compte 75MI piaules (jui se trouvent seu-
lement en Australie : la pointe méiùdionale de l'.Vfiique et la Nouvelle-
Calédonie sont les seules parties de la Terre qui, en j)roj)ortion, aient une
part plus forte de végétaux. Dans ces trois contrées, cette population si
pressée d'espèces distinctes doit avoir une même cause : l'amoindrisse-
ment graduel d'une aire jadis beaucoup plus étendue; à mesure que l'es-
pace diminuait, s'accroissait la densité kilométrique des espèces florales^.
El, phénomèru' remarquable, ce n'est point à la partie tropicale, c'est au
contraire à la zone tempérée qu'appartient la plus forte |iroporlion d'es-
pèces, et, dans la zone tempérée, ce n'est pas la région pittoresque et
variée de l'orient, c'est l'aride et triste Australie occidentale qui offre le
plus de variété dans ses formes végétales : de ce côté, par conséquent, les
pertes de territoire auraient été le plus considérables.
Sinon le nombre des espèces, du moins l'éclat et la magnificence delà
végétation, dépend surtout de l'abondance des pluies. C'est ainsi que la
belle famille des palmiers, que l'on croirait devoir trouver seulement dans
la partie tropicale de l'Australie, semble pres(jue indépendante de la lati-
' EiT(l. vnii Miiellcr, Pctcriiiiiiin's Miltciliiifjcn. 188Ô, Itell Vit.
* Daltoii lluolier, On llir Flnvo ojAiisiratiii.
FLORK DE L'AUSTRALIi:. 739
tilde et suit le bord de la mer Lien au sud de la liiiiie du tropique. Il ji'y a
point de palmiers sur la côte aride de l'occident ; on ne les voit que dans
une étroite lisière, le long des rivages du nord et sur ceux de l'est, jusque
dans New South Wales, où des lIclMona de 25 mètres en hauteur
ombragent encore les pentes des collines, au sud de Sydney, sous le
55° degré de latitude. Par sa llore de palmiers, comme à tant d'autres
égards, l'Australie ressemble à l'AIVifiue méridionale'. Les paiidanus s'a-
vancent moins au sud que les palmiers el, le long de la côte du Queens-
land, ne dépassent pas Moreton-bay. Dans son ensemble, la flore tro[»icale
d'Australie est moins originale que la llore tempérée : elle possède un
grand nombre de plantes indiennes et malaises, qui lui donnent en
maints endroits un caractère indonésien ; mais on y trouve aussi quel-
ques formes toutes spéciales, n'occupant qu'une aire très faible : tels sont,
près de la baie de Hanover, au nord-ouest du continent, ces remarijualdes
capporis (pii croissent à une hauteur considérable et dont les branches,
portant des fruits aussi gros que des noix de coco, se reploient gracieu-
sement en une vaste ombelle ; le tronc est toujours ventru, en forme de
navet, ce qui donne à l'arbre un aspect maladif : les fruits de ce cap-
paris sont excellents, et la gomme blanche, qui découle des blessures faites
à son écorce, ressemble au macaroni, à la fois de couleur et de gowt'.
Parmi les plantes australiennes cantonnées dans un étroit espace, les bota-
nistes ont aussi retrouvé, sur tes montagnes de New South Wales, des
formes appartenant aux contrées septentrionales de l'Europe. Hooker énu-
mère 38 de ces espèces, renoncules, gentianes, myosotis, séneçons, dont
les deux patries sont aux antipodes l'une de l'autre. Depuis l'arrivée des
Européens, la végétation s'est modifiée d'une manière remarquable : c'est
ainsi que le chiendent a envahi l'Anstialie et de Va s'est répandu dans
la Nouvelle-Calédonie et autres lies. D'apiès Hooker, on Irouve actuelle-
ment dans les campagnes qui entourent Sydney plus de 200 plantes euro-
péennes parfaitement acclimatées, c'est-à-dire se reproduisant de leur
graine sans l'intervention de l'homme.
Parmi les 950 espèces d'arbres qui atteignent au moins 9 mètres de
hauteur, les plus communs en Australie sont ceux dont les feuilles
sont petites, finement découpées, n'ayant qu'une faible évaporation et
n'offrant que peu d'ombrage. Le genre acacia est représenté par 520
espèces. Les casuarinées, qui n'oni pas de feuilles, mais plutôt des
« Oscar Dnulc, Pclcniiaiiirs MiUliciliiiiiicii, 1S7S, Ucft 1.
* George Grey, Two E.rpeditions in Novtli-Wesl niid Wcslern Aiislialia.
740 NOL'VKLLK (;i'; OGKAPUII' INIVERSELLE.
filaments, sont aussi l'iul iionilircuses, de môme que les « arhres à herbe »
ou (jrass-lrees {.raiilhin-rlned) dont l'ombelle ressemble en effet à une
énorme touffe d'herbe, du centre de laquelle se dresse un grand roseau,
couvert d'étoiles blanches dans la saison des fleurs; une autre curio-
sité des forêts, dans le Queensland, es! une sterculiacée dite butlle-tree
ou « arbre à bouteille ", à cause de sa forme. L'arbre australien
par excellence est l'eucalyptus : enviimi cent vingt espèces de celte
essence peuplent l'Australie, et l'une d'elles est ce fameux eucahjptus glu-
hihiK, aucjuel on attribue tant de qualités curatives et qui dépasse tous les
autres arbres en hauteur moyenne, si ce n'est peut-être le icelUiigtonia de
rOregon et de la Californie : un tronc renversé dans une forêt de Victoria,
à l'est de Melbourne, n'avait pas moins de 140 mètres en longueur. Les
eucalyptus de l'25 mètres ne sont pas rares dans les ravins de Victoria et
de la Tasmanie; mais plus au nord on n'en trouve guère qui dépassent
60 mètres : on ignore quelle est la raison de ce contraste. Les eucalyptus
qui croissent dans les gorges de la Tasmanie poussent droit comme des
bambous, et les premières branches ne se séparent du fût qu'à la hau-
teur de 15 ou "20 mètres : quand le vent souffle dans les défilés, les lanières
d'écoi'ce qui pendent du tronc se froissent et se heurtent avec un étrange
bruit de grincements et de plaintes. Les grands eucalyptus ne se montrent
que sur les pentes, et de loin on ne se rend poiiil compte de leui's prodi-
gieuses dimensions'.
L'Australie n'a guère de forêts épaisses, enchevêtrées de ramures cl de
lianes, comme celles des régions tropicales, ni même de futaies aux troncs
pressés comme les pinières et les sapinières tlu nord. D'ordinaire les
arbres sont fort espacés, comme ctuixdes parcs anglais, et sous leur ombre
s'étend un sol gazonné où paissaient autrefois par bandes les kangourous,
remplacés maintenant |iar les moutons. Ces forêls clairsemées recou-
vraient naguère la plus grande partie du versant occidental des monts de
New South Wales et de Queensland ; mais plus à l'ouest, vers le centre de
l'Australie, ils font place à la brousse ou scrub, composée généralement de
plantes associées, telles que des acacias et des eucalyptus nains, ou des
s[)\niÎG\ [triodia irritans). An nord du tiS'' degré de latitude, là où celle
brousse domine, entremêlant ses aiguilles, il est souvent impossible à
homme ou bêle de se frayer un chemin, et de nomlneux voyageurs ont
dû changer d'ilinéiairc ou retourner sur leurs pas, n'ayant pu forcer le
passage à travers le spiniléx. Les fourrés d'eucalyptus dnmosa , dits maliie
> Jinirnal iif thi- R. Sorirlii of New Soitlli M'aies.
FLORE DE L'AUSTRALIE. 743
par les indigènes, sont également nn grand obstacle aux explorations, mais
(in peut y pénétrer : ils ont l'aspect de roseaux, croissant à 5 et 4 mètres
de hauteur avant de se ramifier en branches; on ne distingue nulle part
le sol sous le feuillage uniforme de la mer de verdure dans laquelle dis-
paraît le voyageur cherchant à s'ouvrir un passage. (Juand on perce une
route dans les fourrés de mallie, la tranchée est aussi nette que celle
d'un chemin bordé de murs'. La brousse la plus facile à traverser est celle
qui se compose de jne/«7('Mrfl, arbustes qui ressemblent au myrte et qui
laissent des espaces libres entre leurs touffes. Les indigènes des régions
désertes connaissent une plante, le pitchouri (r/Hèo/.s/r/ lioim-oodli), don[ les
feuilles réduites en poussière les soutiennent pendant les longues marches
et retardent la faim ; dans les combats ils mâchent constammciil le pilcliouri
et leur fureur guerrière s'en accroît jusqu'à la folie.
Le déboisement de l'Australie a depuis longtemps commencé. Vers 1860,
quelques éleveurs eurent l'idée d'étendre les terrains de pâture en tuant
les arbres clairsem.és des forêts qui recouvraient le versant des monts. Il
eût été trop long et lro|) coûteux d'abattre les eucalyptus et autres grands
arbres, et on se contenta de les « ceinturei' « en enlevant une bande cir-
culaire d'écorce. Cette pratique se répandit promptement dans la contrée,
et en 1880 au moins les trois quarts des forêts qui se trouvaient dans le
bassin du Hunter étaient détruites ' : avant longtemps il n'y aura plus
un arbre dans les immenses pâtis de l'intérieur. La disparition des forêts
a transformé le jilus charmant pays en un espace monotone et triste; mais,
par un phénomène des plus remarquables, la quantité des j)luies n'a pas
diminué par le déboisement. L'abondance de l'herbe s'est tellement accrue,
qu'en certains endroits mille moutons trouvent à pâturer là où les éleveurs
ne pouvaient en garder qu'une centaine. Les eucaly|)tus et les autres
arbres dont les racines se ramifiaient au loin pour aller chercher riiuuii-
dité nécessaii-e n'en laissaient plus aux herbes, qui naissaient lors de la
chute des pluies et périssaient dès la première sécheresse : maintenant
tout ce qui suinte dans le sous-sol leur est réservé, et quand de fortes
averses tombent sur la terre, les mille tigelles des plantes en retien-
nent l'eau et s'en nourrissent".
De même que la flore, la faune de l'Australie est d'une physionomie ca-
ractéristique, témoignant de la longue durée des âges pendant lesquels ce
continent du sud est resté séparé de l'Asie. Parmi les 160 espèces de mam-
' \Y;ilkce, Auslraldsiii.
« W. E. Abbotl. Journal ,jf the R. Sorictii af ycw South II'»/<-s. 1880, vol. XIV.
' Von Leiiilenfi'Ul. l'cti'nnaun's Mitleiluiif/cn. 1888. ii. H.
7il .NOrVELLK GÉOGnAI'llli: IM VKRSKLLf;.
niil'ères que possède l'AusIr.iIic, on ne rclcdiivc (ju'iiii lii's |)clil uoiubi'e de
formes nippelant celles de rhéniisphère sepleiitrioiial : des rais, des sou-
ris et uu chien à demi sauva<>e, le dingo, qui l'ut pi'obajjlement le compa-
i;non des premiers immigrants humains du continent et dont on trouve
les débris dans les cavernes à ossements, (els sont les genres qui se raj)-
prochent d'animaux asiatiques et européens. Mais on ne trouve en Aus-
tralie ni éléphants, ni rhinocéros, ni singes, ni félins d'aucune sorte. Les
espèces re])résentatives dans cette partie du monde sont |)rincipalement
les marsupiaux, qui manquent partout ailleurs, si ce n'est en Amérique,
où vivent diverses espèces de sarigues. Les fossiles recueillis dans les
dépôts quaternaires de l'Australie montrent qu'à une période déjà loin-
laine la faune du continent ressemblait à celle de nos jours, mais par
des animaux de dimensions beaucoup plus grandes. Vmdiprotodon, espèce
alliée à celle des kangourous, était à peine inférieure à l'éléphant; d'autres
avaient la laille du rhinocéros; un ])halanger Carnivore était aussi puis-
sant qu'un lion, et des oiseaux de la famille des émus dépassaient les
autruches.
De tous les mammifères australiens, les kangourous et les animaux de
familles rapprochées sont de beaucoup les ]»lus nombreux. On compte une
cinquantaine d'espèces distinctes de ces marsupiaux, dont l'un, le grand
kangourou rouge, a plus d'un mètre et demi de hauteur, et pèse jusqu'à
l(M) kilogrammes, tandis que d'autres ont seulement la laille du lièvre ou
même celle du rat. Les jiéramélides ou « l'als-lapins >-, ([ui ont une poche
marsupiale comme le kangourou, mais courent à la façon des autres qua-
drupèdes, au lieu de sauter sur les deux pattes de derrière; les phalangers,
qui vivent sur les arbres et se nourrissent de feuilles; le phascolomys, qui
se terre dans le sol et mange des racines; les dasyures carnivores, qui s'at-
laquent aux souris, aux oiseaux, même au menu bétail; enfin les
ornilhorhyiupu^s, au bec de canard, que l'on classait autrefois parmi les
oise^uix, mais qui sont des mammifères ovipares ou monoirèmes, alliés
aux marsupiaux, telles sont les autres bêles caractéristiques de la faune
ausiralieune. (Juant aux oiseaux, forl nombreux, puisque l'omis com-
prend 650 espèces, 150 de jilus (]ue la faune européenne, ils ne pré-
scnlent pas, dans leur ensemble, des caraclères distinctifs aussi tranchés
que les mammifères. Sans doule l'AusIralie a ses émus, ses casoars et di-
verses espèces de nu'i/alopodlus qui ne couvent pas leurs œufs et se bor-
nent à les recouvrir de broussailles; mais la plupart des oiseaux qui
vivent dans ce contincnl du >ud apparlicnneul aussi aux aires insulin-
dienne et asiati(]ue, grâce à l'aile qui les poite au-dessus des bras de mer.
FAUNE DE L'AUSTRALIE. 745
Les espèces à la forme élégante, au iihiniage riclieinenl coloré, sont à
peine moins nombreuses en Australie que dans la Nouvelle-Guinée et les
Mokujues : celles qui vivent du nectar et du miel des fleurs sont propor-
tionnellement mieux représentées que les auti'cs, car l'Australie est très
riche en arlires et en plantes basses qui se couvrent de fleurs'. Toutefois
d'autres familles d'oiseaux, qui se trouvent partout ailleurs, telles que les
vautours, les faisans, les pies, manquent à l'Australie. Le crocodile ne se
voit que sur les côtes du continent tournées vers l'archipel malais. Parmi
les ophidiens d'Australie, les espèces venimeuses sont très communes. Los
autres groupes zoologiques, poissons, insectes, mollusques, offrent aussi
des faunes spéciales d'une grande richesse de formes, mais déjà grande-
ment modiiiik's dans leur distriliulion par l'arrivée d'es[ièces euro[)éennes;
même les foi'èis et les brousses, [)res(jue silencieuses jadis, se sont ani-
mées de chants d'oiseaux nouveaux venus. Plantes et bêtes indigènes sont
refoulées dans l'intérieur par les espèces colonisatrices, comme l'Australien
lui-même par l'étranger de race blanche. Non seulement les Anglais
ont introduit dans le continent austral tous les animaux domestiques de
l'Europe, ils ont aussi, depuis iîSiO, lait venir des chameaux d'Asie, avec
leurs conducteurs afghans et baloulches, et, grâce à ces immigrants,
hommes et bêles, habitués à la traversée du désert, on a pu entre[)rendre
en Australie des ex[)éditions qui sans eux eussent été im|)ossibles.
Par conjecture, on évalue à 150 OOU ou à ^00 000 le nombre des indi-
gènes qui habitaient le continent avant (pie des colons européens y fon-
dassent leurs premiers établissements. La population eut-elle été deux ou
trois fois plus considérable, il n'en est pas moins vrai que l'Australie était
alors presque déserte en comparaison de son étendue. Mais les li'ibus claii--
semées sur l'immense surface offraient de grandes ressemblances par le
type et le langage, et la plujiart des anthropologistes s'accordent à voir dans
les Australiens des hommes d'une seule et même race, constituant un grou])e
bien distinct dans l'ensemble de l'humanité. Il est probable toutefois
qu'avant l'immigration européenne, des gens d'origines diverses, jetés par
la tempête ou suivant un itinéraire maritime depuis longtemps connu,
avaient pénétré en Australie et s'étaient mêlés à la population primitive.
Dans son voyage d'exploration à travers les régions nord-occidentales du
continent, George Grey remarqua dans chaf[ue tribu la présence d'hommes
' Alfred |{. W^illace, Àustralasia.
XIV 94
746 NOUVELLE GEOGRAPHIE IMVERSELLE.
au Icint relativement clair qui .semljJaicnl disposer d'une certaine autorité
sur leurs compagnons : d'après lui, ces guerriers représentaient un élé-
ment de provenance insulindienne parmi les aborigènes de l'Australie,
et leuis chiens, tout différents du dingo d'Australie, ressemblaient aux
chiens malais de Timor'. D'autre part, il existe dans les îles du détroit de
Torres des gens à chevelure abondante et frisée qui sont probablement
de même provenance que les Papoua\ Maer ou Murray-island est peuplée
de noirs qui ne diffèrent point des Néo-Calédoniens.
Ouelle que soit l'origine de ces contrastes parmi les indigènes, diffé-
rence de race ou diversité des milieux et du genre de vie, le type ordi-
naire des Australiens non encore avilis jiar une existence de mendicilé et
d'opprobre chez les colons, est celui d'hommes de belle taille et de foite
musculature, ayant le front bas, mais ample, le nez épaté, la bouche large,
la mâchoire solide, les yeux bruns et vifs, abrités par des arcades sour-
cilières très saillantes; chez les Australiens occidentaux, l'évèque Rude-
sindo Salvado a vu quatre aveugles, mais pas un sourd, ni un muel,ni un
idiol. Les Australiens sont noirs comme les Africains de Kigrilie, mais ils
n'ont pas la chevelure laineuse; leur barbe est beaucoup plus fournie
ipie celle des nègres, et leurs lèvres ne sont pas bouffies. Leur mollet est
peu développé, leurs jambes sont grêles et les pieds fort petits et |)lats.
Kn moyenne, ils le cèdent probablement aux Européens en force physique,
el si l'on en croyait les voyageurs ipii les ont vus seulement dans des
tanières misérables aux abords des grandes villes, ou les chasseurs qui
les ont poursuivis comme gibier, ces naturels seraient des êtres de forme
grot(>s(]ue et d'aspect repoussant : on les décrit volontiers comme s'ils
étaient des animaux médiaires entre l'homme et le singe et plus rap-
prochés de ce dernier, car on se laisse facilement entraîner à dire du
mal de ceux auxquels on a fait tort. D'autre part, ces indigènes décriés
ont trouvé d'enthousiastes défenseurs. .Mitchcll, qui avait pris pour guide
dans l'Australie tropicale le noir Yui'anigli, (ju'il appelle « son compagnon,
son conseiller et son ami «, déclare expressément que les Australiens
de son escorte étaient i( sui)érieurs en pénéti'ation et en jugement » à
ses aides blancs, dont il n'avait pourtant pas à se |ilaindre. Au point de
vue |)hvsique, la supériorité de \uranigh lui paraissait évidente : >< Comme
simple écliantillon d'histoire naturelle, (|uel animal civilisé eût pu se
com|)arer à l'indigène par la beauté des dents, la ])uissance de la diges-
' Journal of Iwo E.rpeditions ofdiscoi'cnj in jSoiili Wcslein and Western Auslralin.
^ Juliii Jardin. JûM/vm/ ofthe R.Geo(jrapliira} Society of London 1806.- —Mac Gillivray. loi/Of/c
of tlie lîaUtesiialvo : — Topinard. BnUctiii de la Société d\\ntliroj)oto(iic. tS7'2.
INDIGENES AUSTRALIENS. 747
lion, la perfection des organes de la vne, de l'onïe, du flair, du goùl,
dn tacl, la forée à la marche, à la course, à l'escalade des arbres, la
libre el fière santé, l'intensité de l'existence' »? En moyenne, les tribus
supérieures ont le teint plutôt cuivré que noir. Les crânes australiens
sont presque tous dolichocé[)hales. La partie de l'Australie oîi les indigènes
paraissent être le plus dégradés physiquement est l'aride région cen-
trale, oîi l'homme, amaigri, rabougri par la faim et la soif, passe son
existence à fouiller le sol pour y trouver des racines et quelque veine
d'eau. Il existerait même des tribus accoutumées, ainsi que leurs chiens,
à laper l'eau de mer". Les plus beaux des Australiens étaient ceux de la
côte orientale, oii la nature clémente leur fournissait en abondance l'eau
et la nourriture nécessaires, y compris d'ailleurs des mets qui étonnent
l'Européen : c'est ainsi que le mont Bogong tire son nom des chenilles
que les indigènes y ramassaient par milliards pour leurs repas".
C'est par centaines que l'on énumèreles tribus de cette race australienne,
elle-même composée seulement de quelques milliers d'individus. En certains
districts on compte autant de langages qu'il y a de peuplades ou de groupes
de fiimilles épars. En d'autres régions, au contraire, les dialectes des indi-
gènes se ressemblent sur une assez grande étendue. Des bords du Ilaw-
kesbury à ceux de Moreton-bay, sur un espace d'environ GOO kilomètres
du sud au nord, les Australiens se comj)renaient sans trop de difllcullé*.
De même, les habitants de la côte sud-occidentale, entre la baie de liame-
lin et King George-sound, n'ont pas de différences notables dans leurs
dialectes ^ On cite aussi comme formant une seule aire glossologique toute
la région comprise entre le Cooper's creek et le Darling moyen , sur un espace
de plus de lOtlOOO kilomètres carrés, et l'on attribue l'étonnante ressem-
blance des parlers à ce fait que l'extrême sécheresse de la contrée oblige
les indigènes à se grouper en été autour des points d'eau, à suspendre
toutes hostilités et à former temporairement comme une grande nation.
D'autre part, les tribus du bas Darling, habitant une contrée où l'eau et la
végétation ne manquent jamais, ont pu se tenir à l'écart les unes des
autres depuis un temps fort long, et leurs langages se sont par conséquent
très diversifiés. On peut en juger par les noms que ])orteiit les peuplades
de cette région et qui tous signifient exactement la même chose. Ce sont
' Tropical Atislialia.
- Do Fivycinot: — Stokes; — Tniiinanl, Ruces indiyèues de t'Austialie.
5 Von Lcndenl'cld, Deutsche Rundschau fur Géographie, nov. 1888
* Dawson, The Présent stnte of Australia, 1850.
•^ George Groy, Journal of two Expéditions.
748 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
les Boiii-a-Boura, les Baraha-BaraLa, les Ouati-Ouali. Ouaïki-Ouaïki,
Litchi-Lilchi. Darli-Darli, Yari-Vari, ethniques dont le sens est celui de
« Kon-A'on ' " : c'est par un mode de penser analogue que la France
s'est trouvée divisée en Langue d'Oui et Langue d'Oc. Ce qui contribue à
diflérencier i-apidement les dialectes, c'est que le respect dû aux morts
oblige les survivants à tabouer pour un temps ou pour toujours un grand
nombre de mots qui se rapportaient audéfuni ou qui, par une assonance
quelconque, paraissaient s'y rapporter".
Quelles que soient les différences entre lesparlers australiens, ils se res-
semblent tous à maints égards. Ils sont polysyllabiques et agglutinants au
moyen de suffixes très riches en voyelles et harmonieux. Les aspirations
sont j)eu marquées et les sifflantes manquent complètement; l'accent
tombe ordinaii'ement sui- l'avanl-dernière syllabe. Les onomatopées sont
très communes et tous les objets perçus par les sens sont désignés par
un grand nombre de termes synonymes ou ilu moins passant pour tels
chez les étrangers qui interrogent les naturels. Mais si lu langue abonde en
mots descriptifs, elle est d'une extrême pauvreté en expressions abstraites
et les noms de nombre manquent : on a dit de certaines tribus austra-
liennes qu'elles comptaient seulement jusqu'à trois, au plus jusqu'à cinq.
En l'absence d'une conna issance ])récise des langages d'Australie, on a
essayé de les classer d'après quelques indices ou points de détail; mais
ces tentatives ont donné des résultats différant beaucoup les uns des
autres. En tout cas, les idiomes lasmaniens, dont il reset un vocabulaire,
étaient considérés comme formant un groupe distinct. Au j)oint de vue des
traits et de l'aHure, les Tasmaniens semblaient se rapprocher des Mélané-
siens plus que les tribus du continenl.
Aux grandes diversités physiques des indigènes australiens correspon-
dent (le non moindres différences morales; aussi les voyageurs ont-ils pu.
suivant les populations qu'ils ont visitées, en fiiire des tableaux complète-
ment distincts, vrais les uns et les autres, mais que l'on aurait tort de
considérer comme représentant rens(Mnble de la race. Les uns vantent
leur fierté native, leur courage, li'ui- respect de la parole donnée; les
autres parlent d'eux comme de lâches, de menteurs et de traîtres. Une
des accusations que l'on porte le plus fréquemment contre les Australiens
est qu'ils maltraitent leurs femmes et les accablenl de tiavail. et dans
la phipaLl des familles cette accusation n'est que trop fondée. 11 n'est
' PcliT Bevcrigdi-, Journal of llic R. Society o( iScw Soulli Walcs. \S8Ô.
* A. Biislian Bcsiicli in San Salvador: — Léun Melcimiluiv, Notes manuscrites.
INDIGÈNES AUSTRALIENS. 749
pas sans exemple que des femmes aient conquis un certain ascendant
moral dans leurs tribus, mais d'ordinaire elles sont traitées en esclaves;
non seulement elles ne peuvent pas manger devant les hommes et
mainte noui'rilure leur est interdite, mais elles sont tenues à témoigner
dans leur langage et leur attitude une sorte d'adoration, et le moindre
manquement est cruellement [)uni : le mari peut tuer, même brûler
sa femme, sans que parents ou amis aient le droit d'intervenir; il
peut en jeter le cadavre à ses chiens, car l'épouse est sa chose, une pro-
priété de laquelle il a le droit d'user et d'abuser à son caprice. Et cepen-
dant un constate en xVustralie des traces d'un ancien état matriarcal : c'est
le plus souvent par les mères que se transmettent le nom, la parenté, le
rang et la fortune.
La polygamie est générale dans les peuplades australiennes, et l'on a vu,
dans la partie nord-occidentale du continent, des riches acquérir jusqu'à
dix femmes. Dans quelques tribus l'exogamie est de rigueur et tout ma-
riage contracté avec une femme du même clan est considéré comme un
inceste; en d'autres, au contraire, l'union entre proches parents est hono-
rable'. Ici les mariages se font par un enlèvement vrai ou simulé, ailleurs
il n'y a d'autre formalité que le payement. La chasteté n'est pas une vertu
australienne. Les iîlles ne sont point surveillées et les époux font sou-
vent hommage de leurs femmes à des amis ou à des voyageurs; s'ils
punissent l'adultère par des coups ou par la mort, c'est comme atteinte à
leur droit de propriété; le complice de la femme est simplement tenu
pour un voleur, et comme tel, il doit, protégé d'un bouclier, se tenir
à distance du mari et servir de cible à ses projectiles pendant quelques mi-
nutes; d'ordinaire il subit cette épreuve sans recevoir de blessure.
L'achat des femmes par les riches a pour conséquence d'en priver les pau-
vres et les jeunes gens : ce sont des hommes faits et des vieillards qui pos-
sèdent presque toutes les femmes de la tribu ; les autres doivent rester
célibataires ou se contenter de vieilles divorcées. La pénurie d'épousées est
d'autant plus grande dans la plupart des peuplades australiennes que le
nombre des femmes est de beaucoup inférieur à celui des hommes, non,
comme on l'a dit, parce que les naissances féminines sont plus rares,
mais parce que les femmes ont beaucoup plus de dangers à courir dans
leur courte existence, accouchements précoces, travaux excessifs, mauvais
traitements, attaques nocturnes, redoutables surtout pour les faibles et les
désarmés. Chez de nombreuses tribus l'infanticide est commun, et d'ordi-
' Loiiin(.'r Fison and A. "\V. llowill. KamiUiroi iiiid Kiiriidi, Grovp Miirricujc, elc.
750 NOUVELLE fiÉOGRAPUlE U?(IVERSELLE.
naire ce sont les filles que l'on tne, en les enterrant vives aussilôl après
leur naissance'.
Les enfants qui survivent sont ti'aités avec beaucoup de douceui' : jamais
on ne les frappe ; ils grandissent librement, suivant leurs aînés à la chasse
et à la guerre. Cependant on leur impose des épreuves ou burn avant de
les admettre au nombre des égaux. En un grand nombre de trilnis on leur
arrache ou on leur casse deux incisives de la mâchoire supérieure; la plu-
part des jennes gens subissent la circoncision ou même diverses espèces de
mutilations très douloureuses; eulin, ils ont à forcer un kaiigoui'ou à la
course, à rester seuls et sans nourriture dans la forêt pendant plu-
sieurs jours au risque de leur vie, à se laisser torturer sans se plaindre;
chez les Kurnaï de l'Australie méridionale, les épreuves se terminent par
un sommeil magnétique, au sortir duquel les jeunes gens se réveillent
« hommes » ; c'est alors seulement qu'on les revêt de la ceinture, des bra-
celets, du bandeau frontal et d'autres ornements qui témoignent de la viri-
lité*. D'ordinaire les cérémonies d'initiation précèdent les corrobori,
réunions qui se tiennent aux jours de pirine lune et qui sont à la fois des
assises de justice, des parlements, des cérémonies d'alliance entre tribus,
et se terminent par des représentations théâtrales, des fêtes et des orgies.
Une fois initié, le jeune homme peut prendre part aux chants, aux tour-
nois oratoires, aux danses; comme membre du clan, il reçoit sur la poi-
trine ou sur la cuisse les entailles du kubuHij, c'est-à-dire l'emblème na-
tional, plante ou animal, pareil au totem des Peaux-Rouges d'Amérique;
mais son blason est parfois bien modeste : un insecte, une simple fourmi,
une araignée. 11 doit désormais témoigner de sa vénération pour le talis-
man qui symbolise le groupement des familles, et se tenir pour soli-
daire de tous ceux qui le portent comme lui, de tous les objets de la na-
ture qui sont associés à son kobong; ainsi, lors des obsèques, il faut veiller
à ce que le cadavre soit couché sous un arbre considéré comme étant du
même clan ''. Souvent le kobong est le seul tatouage des indigènes, mais
il y a des tribus qui, au moyen de coquillages, se couvrent le corps de
cicatrices symétriques d'un dessin grossier. Sur les côtes du nord-est, les
indigènes suivent aussi la mode })a|)oua de se perforer la cloison du nez
et d'y introduire un morceau de bois ou un os de kangourou, qui gène
leur respiration et les oblige à tenir la houehe ouverte. Suivant les cir-
constances diverses, guerres, fêtes ou deuils, ils se peignent le corps et la
' Gerland (Wallz), Anthropologie (1er ISahirvdIl.cr.
^ W. Uowitt, Journal of ihe Antliropologicdl histiliile, 1884.
' llowill; Viiou'^h $m\lh;Élie Hcdui^, Pa't'tie (rAnllinij)olo(iie, I j juin 1S87.
INDIGENES AUSTRALIENS.
751
figure de couleurs eu couche éj)aisse, l'ouge, jaune, lilanche ou noire :
le rouge est la couleur sacrée (|ui indique les grandes circonstances de
la vie.
Avant l'arrivée des Européens, les naturels de l'Australie étaient nus ou
portaient seulement quelques chiffons ou des ceintures de fdnes, du
moins dans la région tropicale; dans les contrés plus froides du sud, les
N 150. POPULATIOXS ET LANGUES DE I. AUSTRALIE AD MrLlEU IIU DfX-NEUVIEME SIECLE.
Est de Par.s
Le poilltilli'! ill(lit|lie li'S rë^L^n^ un ic wuuiinriun^ 11 Li.iii !■.■:> i 11 1
iilarquciU l(>s limiles île queicpies ilialecte:
lliOO kil.
le iKuimeraiip n'i'tait pas en usage; les autres gris
femmes s'habillaient d'une tunique en peau de kangourou. Dans l'Aus-
tralie du nord, les naturels se peignent la figure et le corps de diverses
couleurs; près du port Darwin, les bariolages blancs tracés sur le fond
noii" de la figure lui donnent de loin l'aspect d'une tète de mort. Il en est
du vêtement et de la toilette comme des habitations, qui varient à l'infini :
ici grottes ou pierres d'abri, ailleurs ajoupas, clayonnages, huttes ou
même constructions en pierre. Quant aux armes, elles sont aussi fort
752 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
diverses ; mais on ne connaissait l'arc cl la llèche que sur une faible
étendue du littoral de l'est. Les lances, les massues, les javelots, sont les
arniej ordinaires, et pour donner à leurs dards légers, pointe de silex ou
arête de poisson, une portée et une sûreté plus grandes, les naturels en
augmentent le poids au moyen d'un bâton attaché à la baguette de jet ; en
certains endroits les indigènes se servent encore de haches en pierre non
polie. Mais l'arme curieuse, celle que si peu d'Européens ont réussi h ma-
nier, est le houmcrançj, cette palette courbe qui tourbillonne par un mou-
vemenl d'li('licc dans ladircclion du but, puis, après avoir frappé, revient
vers celui qui l'a lancée. Le génie inventif qui a permis à l'Australien de
trouver cette arme merveilleuse lui a fait découvrir aussi des procédés
fort ingénieux pour la chasse, la pèche, la navigation; cependant les Tas-
maniens ne connaissaient ni le bâton de jet, ni le boumerang, ni même
les barques, quoique vivant dans une île entourée d'ilôts. Les populations
riveraines du détroit de Torres et de la mer d'Arafoura, chez lesquelles
les élémenls papoua paraissent en certains endroits avoir la jirépondé-
rance, ignorent le boumerang. La forme de cette arme bizarn» varie beau-
coup suivant les tribus.
La propriété des clans est parfaitement délimitée, et souvent chaque
individu possède dans ce domaine collectif un espace que nul ne lui dis-
pute. On ne peut pénétrer chez lui qu'avec son autorisation expresse, après
s'être présenté comme suppliant, sans armes, et en tenant dans sa main
des branches vertes. D'ailleurs, l'Australien, le dernier parmi les peuples
cultivateurs, ne sait utiliser son champ (pie |»our la culture des ignames,
de même qu'il n'a su associer à sa vie qu'un seul animal, le cliieu dingo.
L'industrie est assez développée dans cerlaines tribus pour (ju'elles éprou-
vent le besoin d'échanger leiiis pnidiiils. vêlements de peau, fdets de
fibres végétales, têtes de javelots, pigments de couleurs diverses. Les inter-
médiaires de ce commerce sont des hérauts (lujaUa uuatô] élus solennelle-
meiil, (|ui leprésenlenl leurs conipalriules auprès des Iribus voisines dont
ils parlent les dialectes; grâce à des mois, à des signes de passe, à des
« bâtons écrits »', ils peuvent se présenter jiartout avec confiance; même
en lem|)s de guerre, leur personne est sacrée '.
Le développement remarquable de certaines tribus australiennes se
manifeste surtout par leur connaissance des cieux étoiles. Ils donnent aux
diverses conslellalions les noms de héros légendaires et savent exactement
liroiif;h Siiiylli, ouvrage cité.
Peler Iievcrici|.'c, momoire cité.
95
INDIGKNES AUSTRALIENS. 7^5
décrire leur position ii';ij)rès les huit poiiils diviscuis de |;i s|ilièic;
la marche ilc la lune et des étoiles leur permet de cecouuaître les heures
avec une <>rande précision : c'est dire que la pauvreté de leur langage en
noms de nombre ne les empêche nullement d'avoir le sens exact de la me-
sure et de combiner leurs éléments })rimitil's avec assez d'habileté poui-
arriver à une géométrie rudimentaire. Ils apprennent les langues avec une
extrême facilité, et sur les bancs des écoles où leurs lils sont assis à
côté des blancs, ceux-ci ne sont j)as toujours les premiers. I.a facilité lin-
guistique des Australiens tient })robablemenl à rexlrême iinesse de leui-
ouïe. Ils n'ont point d'instruments de musique, si ce n'est de grossiers
landjours, tendus en peau de kangourou, et dans quelques tribus du sud
une espèce de flûte dont ils jouent avec le nez' ; mais ils chantent fréquem-
ment, dans la joie ou la tristesse, dans la passion guerrière ou poui'
tromper la faim; ils chantent aussi pour se remémorer les événements qui
les intéressent. Comme les Bushmen de l'Afrique méridionale, auxquels on
les a si souvent comparés, ils aimaient à l'eprésentei' des ligures humaines
et des formes d'animaux, sur les vêtements de peau, les écorces d'arbres,
les parois de rochers. Les peintures vues par Grey au nord-ouest de l'Aus-
tralie, sur les bords du Glenelg, sont polychromes, noires, rouges, jaunes,
blanches, bleues, enduites d'une gomme qui rclJ'vc l'éclat des couleurs,
tout en les protégeant contre les intempéries. Dans la partie centrale
du continent on remarqui^ surtout des images de serjienls, charbonnées
ou peintes av(>c de l'ocre. Telle ligure l'cpi'oduite par Gr(>y rappelle
celles d'apôtres byzantins entourés de leur nimbe di^ lumière. Le voyageui'
remarqua aussi une tète en relief, fort bien scul|ilée sur un rocher de
grès. Enfin, quelques signes tracés au-dessus d'un personnage vêtu d'une
longue robe rouge ressemblaient tellement à des caractères d'écriture, qu'on
ne pouvait s'empêcher d'y voir une inscription. 11 semblerait naturel d'at-
tribuer ces dessins à des visiteurs venus de l'insulinde voisine, si préci-
sément les œuvres les moins grossièrement exécutées n'étaient pas celles
que l'on a découvertes à distance de la côte*. D'ailleurs on a trouvé aussi
des figures gravées sur les roches des monts orientaux, dans le (jueensland
et le New South Wales.
Les funérailles varient singulièrement selon les tribus. Ici on brûle les
morts, ailleurs on les enterre ou on les expose sur des pierres ou des bian-
ches d'arbres. Dans l'Australie du Sud, on les ensevelit en tournant leur
J. I,. Stolîes, Disc<ii'eiies in Aiistrutia.
George Gi'ev, ouvrage cité.
756 AOIVELLE (;É Of;RAI'IIIE IMYERSELLE.
tôte M'i'S II' soleil Icvanl. cl on allume un feu près de la tombe jtour chas-
ser les mauvais esprils; dans la pres(|u'ile de Caipenlaiia on les place sui-
des promonloires. A l'exlrémité même du cap Yock, un îlol escarpé, d'une
centaine de mètres en hauteur, se dressant comme uneseulinelle des mers,
porte sur une de ses terrasses, entourée de [)récipiees, un énorme monceau
de crânes, retenu sur le pourtour par un cercle de pierres et surmonté
d'une tige de bambou : nul site plus solennel et témoignant d'un plus
grand sentiment poétique n'aurait pu être choisi pour l'ossuaire de la
communauté'. En de nombreuses jieuplades, notamment au nord du con-
tinent, la mère se coupe un doigt lors de la mort de chafjue enfant. Chez
quelques tribus les funérailles sont accompagnées de scènes d'antliro|(oplia-
gie. Ouand un homme périt dans la jeunesse ou dans la force de l'âge, ses
proches parents et ses amis se croient tenus de le manger pour lui témoi-
gner leur affection. Dans l'Australie du Sud, l'enfant qui meurt malade
est dévoré par eux : c'est la mère qui mange la tète, dans l'espérance qu'elle
fera ainsi renaître celui qu'elle a perdu, et les enfants de la famille ont
chacun leur part du funèbre repas*; en d'autres tribus, la mère doit garder
le cadavre de l'enfant pendant des mois entiers '". Un usage général est
aussi de manger les cadavres des ennemis tués, afin de s'approprier leur
force et leurs vertus et de rendre la vengeance impossible à leurs mânes.
Mais, pour atteindre ce but, il sul'lil en certains districts de manger la
graisse des reins, que l'on considère comme le siège de l'àme*. Ailleurs
on se contente des yeux, dans lesquels brillait la fureur du combat '.
Les Australiens croient aux sorts, aux envoûtements, aux évocations,
aux miracles. Il n'est pas de maladie que n'ait suscitée un sorcier ennemi,
pas de guérison que n'ait obtenue un magicien bienveillant. Le monde est
empli d'esprits et de génies, les uns errant en peine et cherchant un corps
pour y rentrer, les autres animant les arbres ou les rochers, le ciel lui-
même, la tempête, les nuages et les astres". Une parait pas que les Austra-
liens aient des itioles projjrement dites, mais ton! leur est idole; en ton!
objet ils voient un être redoutable ou secourable qu'il leur faut invoquer
pour détourner son courroux ou jtoui- avoir son aide. Le dieu Lune sur-
tout paraît être une divinité puissante; plus puissant que la déesse Soleil,
il renaît tous les mois pour engendrer les étoiles, les arbres, les animaux
' llcclc Jiilics, ouvrage cité.
' Philosoplikal Society of Adclaidc, Soiilli Aiislniliii, 1878. 1871'.
'• E. Cuit, ouviagc cilé.
* Ciorlanil, ouvrage cilé.
"• Jlac (lillivray. Wjiinf/f iif llic Riilllesnake.
'■ Élic !iec-lii>, ftrvue if AnllirnpoliMiie. I88(i cl 1887.
INDKW'NES AISTRALIENS. TÔT
et les hommes. Viw le Init des missioiniaiics, les divers myllies (iiit iini
par prendre une certaine apparence biblique, et quelques auteurs s'in-
génient à y trouver une ressemblance lointaine avec les récils de la (Jenèse.
l'eu (le tribus australiennes (ilTrent dans leur oiganisaiion un rudiment
d'Etat. On cite, entre autres, celle des iNarrinyery du Murray, (pii (Uil des
rois électifs, assistés par un conseil des anciens'; mais de pareilles ccnsli-
tulions sont rares : chaque chef de famille est le maître à peu près absolu
de la destinée des siens'. Il est vrai que les btih/d on sorciers exercent nue
grande influence, et que cette influence, ajoutée à l'ascendant de l'âge, leur
assure pai'Ibis un réel pouvoir polili(|ue; mais ce s(ml là des e.\ce[)tions.
1/hérédité du commandement du père au lils ou au neveu est un phé-
nomène plus exceptionnel encore, et les voyageurs n'en citent (pie de
rares exemples. La règle est l'égalité de droits pour chaque famille, chaque
tribu. En temps de paix, toutes étaient considérées comme ayant égale
valeur; mais peu à peu, par une sorte de pondéi'ation, chaque groupe
avait pris une spécialité de travail qui le rendait nécessaire aux autres.
Telle peuplade trouvait sur son territoire d'excellente pierre dont elle
savait fabriquer les plus belles haches; telle auti'c^ fournissait les meilleurs
boumerang ou les peaux de kang(mrou les mieux ouvrées.
Mais dans presque tout le monde auslralasieii l'histoire des aborigènes
n'est plus qu'une chose du passé. La race diminue constamment, elle
dépéi'it et se meurt : le peu qui en reste se transforme rapidement par
le métissage et la domesticité. On sait que les maladies apportées par les
Européens, et surtout la petite vérole, dont l'invasion coïncida avec le dé-
barquement des convicls à Boiany-bay, et qui régna juscpi'en l(SiO, oui
détruit en maints districts |)lus de la moitié des haliitanls. Il est aussi
d'autres causes à cette disparition du peu[»le australien, et dans le nombre
il en est que l'on trouve dans les tribus elles-mêmes. Ainsi l'accaparement
des femmes par les vieux et les riches, l'infanticide et les avortements,
contribuent à dépeupler certaines contrées de leurs habitants piimitifs;
mais la grande raison est le refoulement graduel de la population par
les colons étrangers, ces « hommes blancs » que les Australiens croyaient
reconnaître, les prenant pour des frères revenus du monde des esjtrils '.
Repoussés vers le désert, les indigènes, auxquels leurs teriains de chasse
et de cueillette fournissaient des aliments en abondance, ne trouvent plus à
vivre, et uombi-e d'enlri' eux, sachant quelle est leiu' destinée, se laissent
' Taiiliii, FolUore, Manners, Cusioms anil Laïupiagcs af llir Ai(.fli-(ilian Aboi-ifiincs.
2 liroufjli Sinylli, The Aborifiines of Viclorin.
^ Edward M. Cuit, The AKslidlitin Itiue.
7J8 M3LVELLK GÉOGRAPHIE LMIVERSELLK.
mourir avant le temps ou ilu moins se refusent à |H'i'|iéluer leur race.
l*ourrail-il en «Mre autrement quand des magistrats colonianx « déclarent
maraudeurs, braconniers, et dignes d'èlre traités comme tels »,tous les fds
du sol qui persistent à rester sur le patrimoine de leurs ancêtres''.' L'a})[)a-
rition du bétail européen est déjà un arrêt de mort pour les indigènes,
car les kangourous sont aussitôt exterminés par les blancs ou fuient de
leurs pâturages, et les chasseurs noirs, ne trouvant plus de gibier, sont
obligés de s'enfuir à sa suite ou de mourir de faim; en seize mois,
'220000 kangourous ont été tués dans le seul district ([ueenslandais de
Warwick. Mais on ne supprime pas seulement le gibier de l'Autralien, on
fait aussi la chasse à sa personne. Autour demain! domaine, notamment
dans la région du Queensland qui s'étend sur les conlins du désert, les
parcs à brebis sont gardés par des gens de police à cheval. Australiens,
Mélanésiens ou Cafres, chargés de tirer sur les noirs encore libres et de
débarrasser les paisibles colons de ces rôdeurs gênants'.
L'Ile de Tasnianie, la première parmi les colonies ausiralasiennes, a été
complètement « nettoyée )> — c'est le terme anglais — jtar la destruction
systématique de sa population primitive, que l'on estima à 7000 individus
envii'on loi's de l'ari'ivée des blancs, et que l'on dit avoir été des [ilns re-
marquables par sa douceur et sa bontés Le 28 décembie 1854, les derniers
indigènes, traqués comme des bêles fauves, furent capturés à l'extrémité
d'un promontoire, et cet événement fut célébré comme un triomphe.
L'heureux chasseur, Robinson, reçut en récompense du gouvernemenl
une propriété de iOO hectai'es et une somme considérable; en outre, une
souscription publique lui valu! environ 200000 francs*. On promena
d'abord les captifs d'ilot en ilôt, puis on emprisonna tous les Tasmanicns,
;ni nombre de deux centaines, dans un vallon marécageux de l'ile Flin-
deis, ([n'entourent les eaux souvent bouleversées du détroit de Bass. On
leui' donna des vivres et quel(|ucs leçons de catéchisme ; leur communauté
fui même citée en exemple des progrès de la civilisation chrétienne;
mais, après dix années de séjour dans le lieu de bannissement, plus
des trois quarts des déportés étaient morts. Alors on eut pitié d'eux.
Les douze hommes, les vingt-deux femmes et les dix enfants, presque tous
mélis, furent ramenés dans le voisinage de Hobart, mais encore dans une
péninsuh^ étroite, Oysler-cove, et sous la surveillance de quelques gar-
' .1. 11. \\<iu,U, l^liilosophirnl Sorirhi of Ailrliiiilr. Smilh \inlinliii. 1878-1879.
- Kiiilesiiido Salvado, Mémoires hisluriqiic.s sur l'Ai(slriilic; — E. (iuir, ouvi'a;;e cite.
■■' ICEntrt'caslcaux, Voijmie autour ilu Monde.
* .laines Bonwick. The Ltisl af llie Ttisuiiiniiiiis.
INDIGÈNES ATSTRALIEXS.
759
(liens qui sVniith iront à leurs dépens. En 1860 il n'y avait plus que
seize Tasnianiens; en 1869 s'éteignit le dernier homme de la nation, et
en 1876 la dernière femme, la « reine» Truganina, nommée Lalla Rookh
par les Anglais, suivit son peu|ile dans la tombe. Cependant il existait
encore quelques métis : une « Tasmanienne » obtenait en 1884 une con-
cession de terres, votée par le parlement de llobart.
De même, dans le continent australien, la plupart des tribus du littoral
LVLL.V BnOKir, LA DERMKHK TASMANIENNE.
1-e il," Th.ri.H .l'niMvs une iihulo-mpliic de M. B:iily
ont disparu : il ne reste plus un homme des peuplades de Botany-bay, qui
comprenaient 1500 personnes en 1788. Dans les districts anglais où vivent
encore quelques individus, tout groupement de clan s'est effacé. Lors du
recensement de 1881, le nombre total des aborigènes dans le territoire
colonisé était recensé ou évalué, suivant les Etats, à une trentaine de
mille individus : raccroissemcnl apparent (pie l'on constate dans quel-
ques-unes des colonies provient de ce (|ue leur territoire s'est augmenté,
embrassant des centaines de tribus naguère indépendantes ; cependant des
stalisti(pu's récentes permettent de croire qu'il y a eu quebjues accrois-
76(1 NOrVKl.lJ- GKOGRAPUIE r.M\ EllSEl-LE .
somonls réels do jK)|iiilatioii, pure ou mélissi», ilans corlains lerrituires
lie <■<■ réserve » où les indifiènes sont traités avec mansuétude'. En dehors
des contrées (|u'liabitent les blancs, dans les régions arides de l'intérieur,
la population aborigène est probablement encore moins considérable
(jne dans le voisinage des côtes. Le mélange des blancs et des indigènes
australiens produit une race intermédiaire, de belles proportions et de
traits agréables".
Actuellement les colons d'origine européenne, devenus les maîtres du
continent, sont au moins cin(iuante fois plus nombreux que les Austra-
liens de race. Mais les commencements furent humbles, et tandis qu'en
d'autres pays les habitants aiment à célébrer leurs ancêtres et prédécesseurs
comme des hommes exceptionnels, presque comme des héros, les citoyens
actuels des Etats d'Australie ne se glorifient point de descendre des pre-
miers colons : presque tous cherchent à établir leui' filiation d'immigrants
tard venus. Les l'ondaleurs des communautés australiennes furent, on
le sait, des condamnés et leurs geôliers. L'immigration libre ne connnen(;a
qu'en l'année 1820; di^à quarante-deux années auparavaiil, en janvier
177(S, un convoi maritime avait porté 787 convirts à Bolany-bay et, de
celle baie, aux côtes méridionales de Port-Jackson. La ct)lonie jjénitentian'e
n'avait point prospéié ; les condamnés, traités avec une rigueur impla-
cable, surtout sous le gouvernement de Bligh, de mémoire exécrée',
n'avaient d'autre pensée que de s'enfuir, et des milliers d'entre eux
périrent dans leurs leulalivcs de révollc ou de fuite. Un grand nombre
réussirent à s'écliappei' vers les tribus i\v l'inlérieur ou à gagner les iles
de la Polynésie : tandis (pie les uns élaient mangés j)ar les naturels,
d'autres devenaient notables ou chefs, et quelques-uns eurent un rôle
bislori(pie comme conquéranls d'archipels. Jusqu'en I8'2(J. l'Australie
reçut de la mère patrie 25 878 condamnés, parmi lesquels on ne com|)-
lait que .")(i()l Iciniiies ' : les naissances n'excédèrent pas loOO, et loin
' Ahori^jèiii's de l'AusIiiilic
' culiiiiiséo :
A iV'puque lie la colonisation.
1S71
1S81.
1887 (nvoc métis).
New Soutli Wiili's .
1 lii.-;
5 402
Victoria
.j 1)00 en 182-4.
859
708
20 585
Queenslaïul . . .
Soulli-Austiulia . .
, . l'.'OOO en \1i')6
Ô569
0546
Mesl-Ausiialia . .
2 346
Ensemble ... 51 088
Bulletin tic la Société dWntliropoluiiic . avili 1875.
rUidi'stndo Salvado, ouvrage rite.
Noirdiir lulal des lians|nirlés, de 1788 en 1872 : I.moOO.
PEUPLEMENT DE L'AUSTRALIE. 7lil
(le pouvoii' se nourrir de leurs produits, les immigrants involontaires
coûtaient annuellement une quinzaine de millions à la Grande-Bretagne.
Mais (lès que des colons libn^s se furent (établis en Australie, ils protes-
tèrent én(M"giquement contre la continuation du système de déportation,
eten iSiO ils finirent par avoir gain de cause, du moins sur la càie
orientale de l'Australie, car en 1853 la Tasmanie, et en 1868 Wesi-
Australia recevaient encore des condamnés anglais. Maintenant l'élément
primitif des convicts est complètement fondu dans le reste de la population.
C'est après la découverte de l'or que le nombre des habitants, croissant
suivant une proportion modérée, augmenta soudain avec une étonnante
rapidité. Depuis le milieu du siècle, la population austi'alienne a décuplé :
de 500000 elle s'est élevée à trois millions d'individus. L'immigration des
mineurs ne comprenait guère que des hommes faits, et tous les autres
chercheurs de fortune, agriculteurs, industriels ou commerçants, arrivent
en grand nombre sans famille. L'écart entre les sexes est d'autant ))lus
considérable que le mouvement de l'immigration est plus fort : c'est
dans le Queensland, la colonie qui reçoit le plus d'étrangers, que les
femmes sont le moins nombreuses, tandis que dans Soulh-Australia,
vers laquelle les immigrants ne se dirigent plus guère, l'éipiilibre est
presque rétabli entre les sexes'. D'année en année, l'écart diminue, car
l'excédent des naissances sur les morts, très élevé en proportion de celui
que l'on constate dans la plupart des autres pays civilisés', a pris plus
d'importance par l'accroissement des habitants : il est désormais supérieur
au nombre des immigrants", et c'est ainsi que se rétablissent peu à peu les
conditions normales. Par un phénomène remarquable, la mort épargne
beaucoup plus les femmes que les hommes'. Il est probable qu'à la fin
du siècle la population d'Australie offrira, comme celles de l'Europe et de
l'AuK'riquc, une li^gère priMlominance de fennnes.
• Proportion (tes sexes en 1886 :
Soutti-Auslralia 91,9 femmes [jour 100 liommes.
Queensland 70,5 » »
Ensemble de l'Australie et de la Tasmanie. 82,5 » »
^ Natalité dans les colonies australiennes en 1880 : ôô pour 100.
Mortalité » n !■ Iti n
' Accroissement de la population blanche australienne en 1887 :
Par Texcédent des naissances sur les morts. . . 7"2 i87
)) de rimniijri'ation sur l'éminralion. 04 806
Ensemble 137 295
* Naissances en 1885 : Garçons. . 58585 Filles. . . 55885 Ensemble. . 114 266
Morts: Hommes. . 28 654 Femmes. . 19 951 « 48585
Excédent: i) 29 729 » 55 952 d 65 681
XIV. 96
762
NOUVELLE GEOGRAPHIE INIVERSELLE.
La jiart dos Anglais, Écossais et Irlandais dans l'immipratidn vers
l'Australie est tellement prépondérante, que tous les autres éléments
ethniques s'y sont perdus : langue, institutions, mœurs, tout est anglais,
et même à certains égards plus anglais qu'en Angleterre'. Nombre d'Aus-
151. — BENSITE DE LA ruPCI.ATlUX ATSTRALIENNE.
Es-ldePar.s
ILiMtiiiits par kiloniètrp carré.
Di' 0 à 1. 1)1- 1 à 2. Di' î à i. riiis Ji- i.
Chaque carré rcjirésciili! une iiojmlatioii de 2(100 liahilauls,
. Villes tic |>lus lie 5OO0O haliitarits.
tralicns mettent une certaine vanité à ne pas se laisser entraîner dans le
mouvement des idées modernes qui emporte la mère patrie, quoique le
milieu nouveau dans lequel ils se trouvent les oblige à suivre une voie
différente et qu'ils s'éloignent graduellement de leurs concitoyens de la
vieille Eui'ope pour se rap|iroclier ([uelque peu des Américains du Nord :
' Fronde, Oicaiin; — Aiilliuin T](illii|ii', Aiislriilid /nul AVic ZcaUinil.
POPILATION DE L'AISTRALIK.
152. -^ ACCROISSEMENT !IE LA POPULATION AUSTRALIE
ils leur ressemblenl [lar la (aille, Faltiludc, même j)ar les traits. Les colons
alleinaiuls, assez nombreux en Australie, ne sont groupés nulle part avec
une cohésion sufiisante pour qu'ils puissent vivre à part des Anglais; ils
•levieniHMit promptement Australiens. Quant aux Chinois, que le grands
propriétaires introduisaient, jadis en foule pour l'exploitation de leurs
terres et de leurs mines, ils avaient fini |)ar constituer une classe puissante,
qui menaçait les travailleurs
blancs de les priver de tout
gagne-pain :1e « péril jaune »,
tel est le nom que l'on don-
nait à celte invasion graduelle
des Chinois en Australie. Les
haines de race, suscitées par
cette opposition des intérêts,
ont fini jiar rendre le séjour
de Oueensland et des autres
colonies australiennes presque
intenable aux Chinois : des
milliers d'entre eux ont dû
quitter le pays, et des lois
récentes, votées contrairement
aux traités conclus avec la
Chine, empêchent les ■( Cé-
lestes » lie débarquer, si ce
n'est en payant un droit d'en-
trée fort élevé, et les sou-
mettent à toutes sortes de
vexations légales'. Désormais
ce sont les blancs et non plus les jaunes qui élèvent des « murailles de
Chine » autour d'eux.
Comme dans toutes les colonies modernes à type industriel, la popu-
lation des immigrants s'est en grande partie concentrée dans les villes,
si bien que deux cités, Sydney et Melbourne, ont à elles seules près du
tiers de la population australienne. Cependant l'agiiculture ou plutôt l'ex-
ploitation du sol fournit ses principales richesses aux colons de ce monde
nouveau. Une statistique très détaillée permet de comparer à cet égard
les diverses contrées australiennes et démontre combien s-rande est
/
/
25O000O
;CBODO0
i
500000
/ ■ '
^--'^
fiiiiliiiil
' Chinois il'AusIialio en I8S8 : 10 (U'i.
T64 NOi:Viai,E CKOCRAI'IIIF: IMVEIiSKLLE.
(l('jà leur importance éc(iiionii(jii(' dans rcnscmblo cki monde civilisé. Il
est vrai que l'immense domaine apparlenanl à la « Couronne » n'est
utilisable que dans une faible étendue relative; cej)endant une surface de
plus de 45 millions d'hectares, vendue à des particuliers jusqu'à la lin
de 1(S86, est employée, soit directement pour la culture, soit pour l'élève
du bétail, et principalement pour celle des brebis; des puits artésiens,
creusés en maintes réfiions de l'intérieur, ont suscité les eaux cachées et
transformé des espaces arides en terrains de pâture ; on s'occupe aussi de
retenir les eaux au moyen de barrages. L'Australie est le premier pays du
monde pour la production des laines : elle vient avant les Étals-Unis,
l'Argentine et la Russie', et la laine de ses quatre-vingts millions de brebis,
de la qualité la plus tine et placée an premier rang sur tous les marchés,
représente une valeur annuelle d'environ un demi-milliard de francs.
Les fermiers possèdent aussi de grands troupeaux de bœufs, d'excel-
lents chevaux, des cochons, et le commerce australien exporte en quantité
des peaux, de la graisse, du suif, des viandes conservées', et depuis 1882
des animaux congelés''. Le dingo des Australiens est très redouté par les
beigers; non seulement il dévore les brebis, mais encore il tue celles qu'il
ne peut emporter : des parcs entiers ont été détruits par ce chien, qui
d'ailleurs disparaîtra bienl(»t avec ses maîtres. Le renard est aussi devenu
dangei'eux; mais le plus grand fléau de l'élève du bétail en xUistralie est
le lapin, également importé d'Euro|)e : nulle contrée ne convient mieux
à ce rongeur que les plaines ondulées et fleuries parcourues autrefois par
le kangourou. 11 s'est multiplié d'une manière prodigieuse, et quoique
les bergers et leurs chiens en tuent au moins cinquante millions chaque
année, il envahit de plus en plus le territoire, ([u'il tond aux dépens des
brebis. Pour arriver à le détruire, on s'occupe surtout d'enclore les ler-
' Production de la laine dans le monde en 1885, d'après Neumann-Spallait : 889 000 tonnes,
l'art de l'Australie en 188.") : 157 000 tonnes, soit, le sixième do la [iroduetion totale.
Il I) en 1887 : 247 000 ii , plus du quart n »
* Cheptel des États australiens :
Ch.'vaux.
Uwuh.
Moulons.
Porcs M886J
iN'ew South Wales (,-,1 déc. 1887).
~M 000
1 575 487
46 905 152
208 097
Victoria » »
315 000
1 303 205
10 023 985
239 857
(Jueensland ii »
.J05 805
4 071565
12 920 158
55 843
South-Austi-alia(188D).
170 000
389 720
7 254 000
103 807
m'st-Austialia (51 déc. 1887). . .
41 100
88 254
1 909 940
24 280
Tasmanie » » . .
29 528
148 005
5147242
07 595
Ensemhle. . 12.52 102 7 570 900 84 820 477 759 859
' Moutons congelés exportés d'Australie en 1880 : 722 SOO.
Cl'LTlRES, BÉTAIL DE L'AISTRALIE. 707
rains de pâturage, afin d'arriver méthodiquement à l'extermination suc-
cessive des tribus de lapins : on procède aussi dans l'ile de Rodd, près
de Sydney, à des expériences sui" le « choléra des poules » et sur une
autre peste animale, la « maladie de Tinlinallogy ». On espère que les
lapins deviendront eux-mêmes porteurs de la contagion qui détruira leur
race, mais on a peur que de proche en proche l'infection ne se propage
aux animaux domestiques.
(juant aux terres soumises au labour et qui comprenaient en 1886 une
surface collective de 5 572 000 hectares', les produits, fort considérables en
proportion de la surface cultivée, sont en grande partie consommés dans
les colonies elles-mêmes. Mais l'Australie commence aussi à prendre rang
parmi les pays exportateurs de vin, de sucre, de tabac. Quelques-uns de
ses crus, à Victoria et dans New South Wales, ont déjà une certaine
réputation : bourgogne, bordeaux, Champagne, moselle, porto, rien ne
manquerait aux producteurs australiens, disent leurs invités étrangers;
mais le phylloxéra ravage aussi le vignoble australien. La culture des cé-
réales et autres denrées d'alimentation se fait surtout sur les domaines
relativement peu étendus qui constituent la propriété moyenne; les champs
de cannes à sucre de Queensland, et bien plus encore les enclos de pâtu-
rage du Darling et autres terres situées au delà des chaînes côtières de
l'est, appartiennent pour la plupart à de grands propriétaires. Malgré les lois
qui limitent la superficie des terrains qu'un seul individu peut acheter ou
louer, pour 7, 14 ou 21 ans, l'Australie tend à présenter le même régime
agricole que la mère patrie, celui de la répartition du sol en vastes do-
maines : le moindre lot que l'on puisse acheter à la campagne est de
16 hectares (New South Wales); mais dans certaines colonies on peut faire
l'acquisition de 1025 hectares en un seul tenant, et des syndicats s'asso-
cient pour l'achat ou la location d'étendues beaucoup plus considérables.
T(>lle |)ropriélé désignée sous le nom de slieep-run ou sheepwalk a dans sa
partie centrale un parc, des jardins, une résidence superbe avec tou-
relles, galeries et serres, et le squatter, \& berger « accroupi », est l'aris-
tocrate australien, un riche personnage qui possède les moutons par cen-
taines de mille, fait gérer ses terres par des régisseurs et réside dans les
' Priiuipales cultures australiennes en 1880 :
Surfat'e des champs. Produîls.
Fnmient 1370 000 heet. 12 190 000 lieelol.
Autres céréales .... 1 24 730 d 2 409 000 »
Pommes de terre ... 59125 » 5.i7 297 tonnes.
Foin 441415 » 1267 512 »
Sucre, en 1888 40 000 x
768 NOUVELLE GÉOGRAPHIE INIVERSELLE.
villes (lu littoral ou niriiie à Londros ou à Piuis'. Sur trnt Australiens, six
seulement sont au nombre des propriétaires terriens.
Les mines d'or qui ont, plus que tout autre produit, contribué au peu-
plement de l'Australie, lui donnent encore une partie notable de ses reve-
MINHS II tm DE I. \rSTRALIl-: Srn-ORlENT-VI-E
nus. Victoria surtout, la colonie (jui dut à ses mines sa suprématie tempo-
raire sur New South Wa les, en population et en industrie, possède des gise-
ments d'une grande richesse ; mais le travail y est de moins en moins
rémunérateur, à mesure que les métaux précieux diminuent en valeur
relative. Dej)uis l'année 1851 , époque de la découverte des ii champs d'or »
Froiiile. Oceana.
iliiiii
MINES D'OR DE L'AISTRALIE. 77!
jusqu'en 1887, le lulal de l'or déclaré par les mineurs s'élève à la somme
énorme de 8 milliards de francs; c'est environ deux cents millions par
année. Les mines d'étain, que l'on exploite principalement dans Queens-
land, et celles de cuivre, très productives dans Soulh-.Vustralia, ont égale-
ment assez d'importance pour alimenter le commerce de l'Australie; enfin,
les mines de charbon de Ntnv South Wales ne le cèdent maintenant en
production qu'à celles de l'Kurope occidentale, des Étals-Unis et de la
Ilussie : elles gagnent à mesure (jue perdent les mines d'or' ; ce sont elles
qui, avec les pairs à brebis, ont rendu à New South Wales le premier
rang parmi les colonies australasiennes. Les mines d'argent n'ont qu'une
faible valeur économique. Quant aux lacs salins de l'Australie, ils ne sont
guère exploités et ils ne donnent que des matières im|)ures.
L'industrie manufacturière de l'Australie ne diffère point de celle de la
rirande-Brelagne par la matière et les procédés, mais elle n'a pas encore
assez d'inijtortance pour donner lieu à une exportation notable vers les
îles des mers environnantes. Le commerce n'expédie guère (|ue des pro-
duits agricoles et miniers eu échange de produits industriels, venus
presque exclusivement de l'Angleteri-e, et des thés importés de Chine.
L'ensemble de ce mouvement est énorme en proportion de la faible popu-
lation relative du continent. L'Australie est au premier rang pour la valeur,
|)ar habitant, de ses ventes et de ses achats. Il est vrai que les. échanges
entre colonies sont considérés comme trafic extérieur; les droits de
douane diffèrent de l'un à l'autre Etat et sont même établis de manière
à protéger les industries spéciales contre la concurrence des voisins. Pour
desservir ce commerce, des milliers de navires vont et viennent incessam-
ment le long des cotes austialiennes et sur les voies maritimes qui
rayonnent autour du continent'. Trois lignes de navigation à vapeur,
subventionnées par le gouvernement britannique, desservent les j)orts de
grand commerce entre la (Jrande-Brelagne et l'Australie; en outre, des
' Production miriiiMf (II' l'Australie et de la Tasnianie en I88(i. sans compter le fer, l'anti-
moine, etc. :
Or Valeur: 102 Slllî 450 francs.
ÉUiin ,) ."ÎO 000 050 n
Cuivre M 10 4I0.'.")0 i>
Argent „ O.') 10 025 t,
Charijon de terre ... 5 009 220 tonnes. i> 34 874 525 >■
En>endde 185 002 000 francs.
- Importation de l'Australie et de la Tasnianie en 1887 : 1 453 005 900 francs.
Exportation i. » „ 1 204 468 000 «
Ensemble du connnerce » >, 2 098 1.35 900 francs.
772 NOrVHLLK CÉOGR AI'lllE UNIVERSELLE.
bateaux à vapL'ur ('■Iraiijicrs, les Messageries Marilimes el la Coi)i|)a<iiiie
Germanique, louchent aux ports austi'aliens prinei|iaux'. (iiàce au service
combiné des bateaux à vapeur et des chemins de l'er, tles lettres ont été
transmises de Londres à Adelaide en l'espace de vinj^l-sept jours. Par les
navires enregistrés dans ses ports, l'Australie contribue pour une certaine
part au commerce du monde, car sa flotte mercantile, déjà considé-
rable, égale celle de contrées européennes comme l'AusIro-Hongrie el la
(îrèce'.
A l'intérieur du contineut, des communications par voies ferrées sont
établies entre toutes les grandes villes de l'Australie orientale : il ne
manque en 1K8S (jue le viaduc de la rivière Ilawkesbury pour compléter
le chemin de l'er d'Adelaide à Brisbane, dont la longueur totale est de
'2907 kilomètres, autant (|ue de Paris à Moscou. West-Ausiralia. à l'angle
sud-occidental du conlinenl, possède aussi quelques petites lignes de fer, et
vient de commencer l'énorme entrepi'ise d'une voie côlièie rattachant le
King George-sound au léseau de l'Australie du Sud; de son côté, le gou-
vernement de cette dernière colonie poursuit la construction d'un chemin
de fer transcontinental, (|ui rejoindra les deux villes d'Adelaide et de Pal-
merslon. Enlin, la Tasmanie ajcuite (|uel(|ues emhranchemenls à sa ligne
maîtresse de baunceslon à llidiarr'. A l'exceplion de Ironcoiis industriels,
tous les chemins de fer de l'Australie ap|iartiennent aux Etais dont ils tra-
versent le territoire. Quant aux télégraphes*, qui sont aussi payés |iar le
budget national, ils unissenl loules les colonies les unes aux autres el
' Miiiivi'iiiciil ili' l;i nii\ij;;ili(Mi de l'AiisIralie et de la Tasmanie en 1885 :
Eiilires. . . 7 (i(i8 navires, jaugeant 5 685 -4i8 tonnes.
Sorties ... 7058 » o 5691 851 »
Ensemble. 15 520 navires, jaugeant 11 575 299 tonnes.
- Eldllc niairliande de l'Aiisliiilic el de la Tasmanie en 1887 :
1540 voiliers jaiigeanl 185 7-48 tonnes.
799 bateaux à va]ieur . . n 75 510 d
Ensemble : 2545 navires jaugeant 259 258 tonnes.
"' Chemins de fer de l'Australie et de la Tasmanie an 51 décembre 1887 : 1 1 596 kilomètres.
Capital d'établissement : 1 9U5 700 000 francs.
Recettes de l'année 1885 172 529 825 francs.
Dépenses » 110 410 575 »
Bénéfices de l'année. ... 01 915250 francs.
' Réseau télégraphique au 51 décembre 1887 : 55 854 kilomètres.
Dépêches télégraphiques en 1886 0 471050
.Mouvement postal : Lettres, cartes el mandais . . 99 429 510
il I .lournaux 07 199 928
,) ,, l'a.pK'ls 12 942 180
RI-SEAU TÉLKr.R.M'UIOrE, ÉCOLES DE 1/ AUSTIiALlE. 770
l'AusIralie l\ la Noiivellc-Zélantlo el à Java. Deux càlilcs scronl prouliaiiic-
menl déposés dans la mer, de Ceyian à l'AusIralie oecidenlale, et de
l'île de Vancouver, sur la côte américaine du Dominion, à Sydney.
Ainsi sera complété le circuit électrique des colonies anglaises sur la
rondeur terrestre.
L'éducation étant oblif^atoire et {gratuite, du moins dans les écoles de
S° 15'>. CJIE.MI.VS DE FER DE l'ACSrR.tLlE A LA FIS DE 1887.
Est de Par
Chemins de fer conslniils.
Voies ui.iîtresses en con>li'uetion.
1 : 40 non non
l'Etat, tous les enfants passent quel([ues années dans les établissements
d'instruction publique : la moyenne des connaissances est plus élevée en
Australie qu'en Angleterre; en proportion, les filles suivent les cours plus
longtemps que les garçons, et les institutrices sont jilus nombreuses que
les instituteurs. Le budget de l'instruction ])ublique est fort élevé : en
1885, il était de 124 francs par écolier'. La presse ausii'alienne comprend
environ huit cents journaux et autres publications périodiijues.
' Écoles piiljliqucs d'Australie el île Tasnianie en ISSO :
i)r)'21, IVé(|iientées par MO 08.j élèves.
77i NOIVELLE GEOGRAl'UIE IMVERSELLE.
Actuelk'inciil, les colons d'Australie se son! conslilués en cinq Etats,
six avec la Tasmanie. Suivant les épo(|ues de leur fondation, leurs intér(Ms
économiques et l'inlluenee des politiciens qui les dirigeaient, ces divers
États se sont donné des constitutions dilïérentes, mais tous doivent faire
ratilier leurs décisions par le gouvernement britannique et recevoir comme
gouverneur ou vice-roi un représentant direct du souverain; cependant un
conflit récent entre Queensland et la métropole pour la nomination du gou-
verneur s'est terminé à l'avantage de la colonie. En deux Etats, Victoria et
la Tasmanie, les institutions sont démocratiques, et le suffrage universel,
a|i[iliqué de manière à donner aux minorités une représentation propor-
tionnelle, nomme les deux chambres; à Xew South Maies et dans les
autres États, la chambre haute est en entier ou parliellemeni à la nomi-
nation de la « (iouronne ».
En grandissant et en rapprochant leurs essaims, les colonies austra-
liennes ont senti la nécessité de s'unir plus étroitement. Une fédération,
autorisée d'avance par le Parlement britannique, se constitue pour resser-
rer les liens d'amitié sous la suzeraineté de l'Anglelei'i'e et pour veiller
aux intérêts communs dans le continent et les îles du Pacifique; mais
certaines questions de rivalité et de préséance ont empêché jusqu'à main-
lenanl la constitution déHnitive de ce futur Etat fédéral d'AusIralasie, dont
la capitale est tléjà indiquée : ce serait Albury, sur le Mnriay, à peu piès à
moitié chemin de Sydney à Melbourne, à la frontière commune des deux
Etats, New Soulh \Vales et Victoria : on lui donne en prévision de son rang
futur le nom de « Fédéral City »; mais il est fort possible (pie cette and)i-
tion soit déçue au [)rofit d'une autre ville. Lors de la ])remière conférence
tenue à Hobart en 1886, New South AVales, l'Australie du Sud et la
Nouvelle-Zélande n'avaient pas envoyé de délégués; mais les îles Fidji y
avaient leurs représentants. En 1888, une nouvelle conférence, à laquelle
assistaient les délégués de tous les États auslralasiens, a discuté la
fondation de tribunaux suprêmes pour l'ensemble des colonies; enfin
Soulh-Australia, hostile jusqu'alors au |ii'ojet de fédération, l'a récem-
ment accepté. L'ambition des Australiens est de faire entrer un joui-
dans leur confédération la Nouvelle-Guinée britannique, ainsi que toutes
lés îles de l'Océanie acquises par la Grande-Bretagne, et de pouvoir exercer
dans l'hémisphère méridional une hégémonie incontestée. En mainte
circonstance déjà, notamment dans les conflits avec la France au sujet
des Nouvelles-Hébrides et de la transportation des récidivistes dans la
Nouvelle-Calédonie, on a pu s'apercevoir que les Australiens espèrent être
bientôt de foice à se dire les maîtres dans l'hémisphère du sud, et jiro-
KTATS AISTRALIKNS. 77:.
clainci- coinmc les Amt'iicaiiis leur ■< (locliiiic de Monroe » : le mkiikIc
Océaniquo aux Océaniens.
Comme puissance militaire, l'AusIralasic sérail déjà bien ditïicile à
attai|uer, car sa |u)pulalion valide, de vingt à quarante ans, dépasse un
demi-million d'hommes et s'est fortement organisée par des corps de
volontaires que le l'éseau des chemins de fer côtiers peut transporter sur
tous les points menacés ; en outre, Irois positions stratégicjues ont clé l'or-
Ki.'i. — l;l \TS Al'STRVMKN
Est de Paris
' A U s ,T~R-A L
^A,.^J. S T^R A L I A : .'■C^'^!^^ \s^Jl ^'-''-''^i^^
tiliées : le King C.eorge-sound, à l'angle sud-occidental du continent,
quelques îles du détroit de Torrcs, et l'entrée de Port-Jackson, devant
Sydney. Une llottille de canonnières, de torpilleurs et de croiseurs rapides
défend les approches des ports, et des conventions récentes avec l'Angleterre
permettent d'acci'oitre rapidement le nombre des vaisseaux de guerre.
On a voté en 1<S88 plus de vingt millions de francs pour l'armement des
côtes et la construction des forts.
Financièrement, l'Australie est très <d)érée. La possession des mines d'or
a rendu les Auslialiens prodigues, et leurs dettes actuelles sont, en pro-
770
NOUVELLE GEOflRAPUlE UNIVERSELLE.
portion des habitants, plus élevées encore que celles de la France',
mais ce poids est moins lourd à porter, grâce à l'accroissement rapide de
la population (»t des produits en Australie. L'aujimeutalion annuelle des
KIMl GKdRflE-StirMt.
Est de Pa
1 : ïoO OflO
habitants dépasse un trentième; celle de la richesse publique est ])lus ra-
])ide encore : cependant l'Australie a aussi son paupérisme.
Le tableau suivant ddiiiic la liste des Etals australiens, avec leur super-
ficie et leur population. Les subdivisions administratives diffèrent dans
diverses colonies et même dansclia(|ue Klat, suivant la densité de la popu-
lation et les intérêts économiques et politiques. Leurs jioms officiels sont
■ liuilgcl lies Élals Australions en 18S7. d'après liaytei- :
Recettes Ot 9 980 400 francs
Dépenses 655 871 025 »
Déficit 45 881 .525 «
Dette totale. 5 938 465 52a »
soit 15()0 fiants jiai- lèlc.
AUSTRALIE OCCIDENTALE.
ceux (II- cnmlés. boanh. sliin-x, imiiiiLi|)es, bouj-gs, divisions électorales et
|);i>h)i'iil('^.
1 1 VI~-
^À
en kiluinëlrt'S i'.inv':s.
rOl'U.VTlUN
FIN DE 1887.
^ S
CAP1TAI,I>.
>Vw Sniilli Wules.
1788
799 139
104-2 919
1,05
Sydney.
Vicinii;..
1851
•J29 078
10.56 119
4,5
Melbourne.
IJUd'Iishiiil.
1859
1 7.-II7-JI
506 940
0.2
Brisbane.
1. -3 1 Siiuili Au>tr:ili:i.
18.')li
985 7-JO )
.Welaidc.
',-J5ll 011
517 440
0.14
/. = '^ Nuithei n Teniloi y.
I8G5
1 555 891 )
Palmeislon
West-Ausliali;!.
1829
'2 5-27 585
42 488
0.02
Perib.
T;isiiiani;i.
Ensemble
I85i
07 894
142 478
2,1
Ilobail.
7 (i96 020 kil. cariés.
2 948 590
0,55
l'o[)iihitiiin [ii'obable ;i la
Tiu de 1888, avec les aborigènes :
5 100 00
) liabitanls. suit 0.4 par kil. carré.
AlSTn.\I.IE OCCIDK.M.\I,F, | W EST-.\ USTR A I, I a1 .
Celle colonie, la première lerre australienne dont les navires venant
d'Europe aperçoivent les rives, est le moins populeux et le moins inipor-
lant de tous les États australasicns, quoique son territoire comprenne
environ le tiers de la surfoce continentale. Elle a été fondée il y a plus
d'un demi-siècle, en IS^O, et pourtant ses résidents d'origine européenne
ont à peine dépassé le nombre de (juarante mille, et peut-être les indi-
gènes, dont les tribus sont en force dans la partie nord-occidentale de l'Aus-
tralie, n'ont-ils pas cessé d'avoir la majorité numérique de ce pays. En
1850, la colonie n'ayant encore que 5000 habitants, le gouvernement en
Ot un lieu de transportalion pénale, et près de dix mille condamnés furent
introduits dans Wesl-Australia jusqu'en l'année 180S; mais, en dépit
de ces apports continuels de colons malgré eux, la population ne s'accrois-
sait qu'avec lenteur. Elle ne prit un mouvement d'augmentation sensible
qu'après la découverte de gisements auriftM'es dans la partie du territoire
située entre les rivières Irvvin et Murcliison. Le peu d'empressement des
colons à se porter vers l'Australie occidentale s'ex|ilique par la sécheresse
XIV. 98
778 NOUVELLK GEOGRAPUIE UNIVERSELLE.
(lu climnt, rtiridité du sol, la salinité des eaux, la pauvrolé des pâturages,
parsemés en divers endroits de plantes vénéneuses. Même la plus grande
partie du territoire de l'État, limité à l'est, de côte h côte, par le 129" degré
de latitude orientale (Greenwich), est encore inconnue; la région de colo-
nisation ne comprend que le musoir péninsulaire placé à l'angle du sud-
ouest et les vallées inférieures des rivières qui se succèdent au nord de
Perth sur le littoral. L'Australie de l'Ouest est un monde isolé des autres
colonies australasiennes; elle n'a de communications avec elles que par
mer : risquer le voyage direct à travers les solitudes est encore un de ces
rares exploits qui s'enregistrent dans les annales de la géographie.
Le centre de la colonie est la ville de Perth, bâtie à 19 kilomètres de la
mer, sur les bords de la « rivière des Cygnes » (Swan-river), qui en cet
endroit s'élargit en forme de lac. Une roule et un chemin de fer unissent
cette humble capitale à son havre maritime, la ville de Fremantle, située
à l'emliouchure du cours d'eau, sur sa rive méridionale; elle n'a qu'une
rade peu sûre, exposée aux vents du nord et du nord-ouest, et parfois les
navires doivent se réfugier au sud, à l'abri de la longue île basse appelée
Garden-island. Néanmoins Fremantle est le lieu d'exportation le plus actif
de la colonie, et c'est de là surtout que l'on expédie les laines, qui sont la
principale richesse de l'AusIialie occidentale. L'ile de Rottnest, qui couvre
la rade de Fremantle du côté de l'ouest, est bordée de salines que des con-
damnés et des indigènes exploitent pour le compte du gouvernement. Les
trois jiorts de Rockingham, Bunhury et Busselton, qui s'ouvrent au luird
de Fremantle, sont les plus importants de la côte occidentale pour l'expor-
tation du bois de jarra {cncalijptm marginata), essence fort appréciée des
constructeurs et des mai'ins pour sa durée et sa résistance au ti'avail des
termites et des tarels.
Au nord-est, le chemin de 1er de Perth se continue dans la vallée de la
rivière des Cygnes vers (iuildford et vers York et Beverley, marchés agri-
coles actifs, entourés de pâturages et de brousses, jadis riches en bois de
sandal. Une route carrossable de 420 kilomètres, qui se dirige au sud-est à
travers des espaces en grande partie déserts, met la ville de Perth en com-
munication aA'ec le port maritime de la côte méridionale, Albany. Le
manque de terrains cultivables dans les alentours de cette petite ville l'em-
pêche de prendre le développement rapide que sembleraient devoir lui
assurer son excellent port, le King George-sound, et sa position à l'angle
sud-occidental du continent. Albany est une escale des paquebots entre
l'Angleterre et Melbourne et le point de West-Australia qui rattache au
reste du monde le réseau local des lignes télégraphiques. Le gouvernenicnl
AISTRALIE Oi:CII)E.NT.U,E.
779
anglais et les colonies australiennes s'occupent à frais communs de con-
struire des fortillcalions autour de ce point stratégi(jue du littoral. Dès
l'année liS20, le gouverneur de New Soulli Wales l'avait fait occuper par
une petite garnison pour empêcher les Français de s'y étahlir. à la suite
15'. PEBTH ET SES E>T1R0S5.
Est de Par
II5°30
Esf de Greenwch
Il5"30-
D'ap.les cartes de l'Amirauté anglaise et d
C ?e
de rex|)ioration mélhodicjue du littoral faite par Baudin et Freycinet : c'est
la partie du littoral australien oîi l'on remarque le plus de noms français.
Au delà, vers l'ouest, il n'existe qu'une escale désignée du nom de port,
quoique presque inhabitée : Eucla (Yircla ou Yergalla), c'est-à-dire « Etoile
du Matin » dans le langage des indigènes. Eucla est sur la frontière des
deux colonies West-.Vustralia et South-Ausiralia.
780 NOIYELLE GEOGRAl'llIK UNIVERSELLE.
Au nord do Freniantle, l;i cote est pres(jue dôsertc sur un espace d'en-
viron ."00 kilomètres : c'est dans cette direction que, sur un point du lit-
toral, se trouve la mission de la Nouvelle-Nursie, fameuse par les études
ethnographiques de lUidesindo Salvado. L'œuvre de la colonisation n'a
pris une certaine im])orlance que dans le district de Tictoria, ari'osé par
la rivi(M"e Greenoufili, liordée des champs de Idé. Des chemins de 1er qui
parcourent ce disirici a|)p(trtenl les ]>i()(luils de la contrée au port de
Geraldton, situé au hord de la baie du (diampion : dos Ilots et des récifs,
les Houtman's Abrolhos, limilent à l'ouest le chenal côlier. Le district de
Victoria est la région minière de l'Australie occidentale : on y trouve sur-
tout du plomb, du cuivre et de l'or. Au delà, les bords de la baie du Requin
(Shark's bay) et la côle nord-occidentale sont visités annuellement par une
centaine d'emharcalions de pèche, qui recueillent les perles et la nacre:
leur principal dépôt est le village de Roehourne, situé à la bouche de la
rivière Sherlock, (l'est une des régions de l'Australie oli les indigènes, assi-
milés à des esclaves en vertu d'un acte « d'assignation », ont eu le plus à
souffrir de la féroce avidité des blancs. La production annuelle de la pèche
dépasse en valeur 500 000 francs.
Toute la |)artie du littoral australien qui s'étend plus loin vers le
nord-esl était naguère inhabitée des blancs, lorsque, en 1S69, des cher-
cheurs d'or découvrirent le métal précieux dans le territoire montueux que
limite au sud le cours du Filzroy. La foide des mineurs se précipita vers
ces contrées : des villages, des purls se fondèrent sur les rivières et sur les
golfes du lilloral. En 1886, quand les mines furent placées sous la sur-
veillance de l'administralion, plusieurs milliers d'individus occupaient
déjà ce district, dit de Kimberley; sa capilale. Derby, s'élève sur la rive
orientale d'un estuaire dans le((uel débouche le lleuve Fitzroy. Le j)euple-
mcnl di> celUr partie de l' Aiisiralie, d(''signi''(' dt'jà \mv (ïeorge (ii'ey, il y a
plus d'un demi-siècle, comme l'une des plus riches de promesses, est un
fait ca])ilal dans l'histoire de la colonisation, car la région est l'une des
moins infertiles et des moins pauvnMuent arrosées; mais les colons
anglais n'osaient s'y aventurer à cause de la chaleur du climat. Ce district,
situé en ])lein<' zone trojticale, en face di>s iles néerlandaises, dont le sépare
seulement l'étroite mer d'Arafoura, est bien placé ])our devenir le lieu
des échanges et du va-et-vient des populations entre l'Insulinib» et l'Aus-
tralie, actuellement presque étrangères l'une à l'an tic. La mari'c s'élève
dans quelques estuaires de cette côle à la hauteur de 1 1 à 1"2 mèlies'.
' (1. (iivv, (iiiviuïc ciU;.
AISTRALIK nu SUD 781
Soûle entiT les colonies du coulincnl, Wcsl-Australia est encore ratta-
chée à la Grande-Bretagne par des liens administratifs directs. Le gouver-
neur el le conseil exécutif sont nommés par la « Couronne »; même le
conseil législatif est en partie à la nomination du gouvernement; toutefois
la majorité de cette assemblée est élue par les citoyens parmi les notables
ayant une propriété d'au moins 25 000 francs; les électeurs eux-mêmes
doivent posséder une terre de 2500 francs, ou payer annuellement
250 francs de loyer. En 1(S80, le pays était divisé en quatorze districts
élecloi'aux. La force armée se composait en 1887 de 590 volontaires'.
III
SOUTH-AIISI'RALIA.
Le nom de cet Etat n'est point justifié, car le territoire de la colonie
n'occupe pas la partie la pins méi'idiunale du continent, el se prolonge au
noid jns(|u'à la mer dePapouasie. L'espace attribué à Soulh-Australia com-
prend toute la zone médiaiu' de la Nouvelle-Hollande, du côté de l'ouest
jus(|u'au 129'' degré de lalitude orientale (Greenwich), et du côté de l'est
jusqu'à d'autres degrés de longitude, le loX'' sur le versant du gulfe de
(larpentaria el le 141" sur le versant de l'Océan du sud. Plus dn (piait du
lerriloire continental apparlientà Soulh-Australia : sur le liltoraldu niud,
la péninsule située à l'ouest du golfe de Carpenlaria en fait partie; sur les
côtes du sud, les golfes de Spencer el de Saint-Vincent en sont les échan-
crures principales.
La colonisation de l'Australie du Sud a commencé sur les bords de ces
baies en l'année 1834, et vers la fin de 1856 la proclamation officielle du
nouvel Etat se fit près du porl de Glenelg, sous un grand eucalyptus, dont
le tronc, aujourd'hui sans vie, porte une inscription commémoralive; aux
jours anniversaires de la fondation, les habitants s'y rendent en foule pour
célébrer la fête nationale. Seuls les colons libres ont contribué h la fon-
dation de la communauté sud-australienne, aucun condamné n'y fut dé-
l)ar(iué : néanmoins le peuplement de la colonie se fit avec une grande len-
teur, jusqu'en 1846, année delà découverte de riches mines de cuivre, qui
attirèrent aussitôt la foule des spéculateurs et des industriels. L'Australie
' liiKJfjct (le Wcsl-Aiislniliii en 1880 :
licccllcs : i) 714 000 fr;iiu-s ; Dépenses: '.» 800 880 IVaiics.
Dette puljli(iue : ."2 150 000 francs.
78'i ^(iivKLLE (;éo(;rai'1J1e universelle.
(lu Sud est rosi ("■(■ Iir'ii inCériouro (M1 population, en richesse el en commerce
aux trois colonies orientales, Victoria, Ps'ew South Wales et Oueensland ;
et même (t(> 1885 à 1886 elle a présenté ce phénomène uni(|ue en Aus-
tralie, un recul temporaire dans le nombre des habitants, réniijfration
vers les mines de West-Ausiralia et vers d'autres régions ayant dépassé
l'immifiration et l'excédent naturel des naissances sur les morts. Ouoitjue
le climat de l'Australie du Sud soit des plus salubres pour les blancs, il est
redout('' à cause de ses chaleurs et du manque de brises marines, la conca-
vité de la côte, tournée vers les déserts, faisant prédominer les vents des-
séchants de l'inlérieur. La mortalité est forte sur les enfants et l'acclima-
lemenl de la race n'est j)as aussi facile cjue dans le reste du continent : la
phtisie, la maladie australienne par excellence, y est encore j)lus commune
que dans les autres États. Par suite du balancement des climats, la
col()ni(» se trouve parfois soumise à une période de sécheresse. Une grande
l»artie du sol est aride, impropre aux cultures, et même, sur de vastes éten-
dues, saline et sans herbe. Quant au territoire septentrional de la colonie,
son climat torride y rend racclimatement des cultivateurs européens très
diflicile. et le gouvernement suzerain a dû y tolérer l'entrée des colons
malais cl chinois. Presque toute la |)opulation sud-australienne se trouve
donc grou|i(r dans la région méii(li((nale, entre le cours inférieur du
Murray et la rive orientale du golfe de Spencer. C'est de là aussi que vien-
nent Ions les ])roduils qui donnent de l'importance à l'Australie du Sud
dans le monde colonial di^ l'AngleleriT, les cuivres, les laines et le fro-
ment'; pour celle céréale, Soutli-Australia dépasse toutes les autres colo-
nies australiennes. Quelques éleveurs de South-Australia possèdent des
aulruchei'ies. La cultur(>de la vigne s'est notablement accrue dans les der-
nières aniK'cs', el fournil une liqueur ([ue les Australiens comparent, sui-
\aiit les leiroirs, au |)(irlo, au xi'u'ès et aux vins du Uhin. La colonie
exporte aussi îles fruits et des conserves.
La capitale de Soulh-Australia, Adélaïde, « la Cité Modèle », est par sa
[topulalion la troisième ville de l'Australie : plus de 130000 habitants se
pressent dans le quartier central et ses faubourgs. Elle est située dans une
plaine voisine de la mer, près des premières pentes de la chaîne des monts
jjofly qui s'élèvent à l'orient, el sur les boiils de la rivière Torrens, sou-
' Sii|icrlicie di's cIi;imi|i> ilr liii- ilaiis S(Milli-Aiislriili;i en 18«(> :
81o8'20 hectares. Production : 5 315 055 hectolitres.
- Supcilicic des \i{;nes dans Soulh-Austialia en 1886:
I '.liiT hectares, l'ioduclioii : '.'L'IO hectolitres.
AUSTRALIE DU SUD, ADELAIDK. 78.-;
\('iit à soc; SOS largos rues, (jrioiik'os suivant los jxjiiils canliiiaux, déouii-
peiit la ville en carrés réguliers. Menacée de manquei' d'eau, Adélaïde a
dépensé des millions pour creuser, dans los montagnes voisines, de vastes
réservoirs d'alimentation ; elle possède aussi des promenades nombreuses,
des parcs étendus, un jardin botanique très bien ontielenu. L'inivorsilé
CD
Pro ^o^t^e^^fs
.. Phares
de l'Australie du Sud, l'Institut et autres sociétés savantes siègent dans
la capitale de la colonie : c'est là que se centralisent tous les efforts scien-
tifiques et littéraires des habitants. En dehors d'Adelaido, qui contient à
elle seule plus du tiers de la population coloniale, avec ses faubourgs,
Ilindmarsh, Norwood, Kensington, il n'y a que des bourgs et des villages
exclusivement agricoles, commerçants ou miniers.
784 NOUVELLE GÉOGRAPllII- UNIVERSELLE.
Adelaiile a [ilusieiirs porls. Le principal, ipii a reçu le nom tic la capitale,
l'(ii-l-A(lclai(lc, se Irouvo à une douzaine de kilomètres au nord-ouest, pvh
d'une cri(pie ap|ii-oli)nilie |iar l'art cl fi'anf.;ée d'cmljarcadèrcs; Gleiiel^, ;'i
N" lj9. AIILr. \lnK, GIILFLS l»L SI'ENCER KT IH: ? VINT-VINCENT.
de Pa
anglaise
Pro^onc/eurs
c/e/OéPS" oie PS à 50" c^eôO'" etau-de/à
1 ; 5300 000
l'oucsl d'Adelaide, et presque rattache à la cité par des l'anbour^ts et des
groupes de villas, est aussi un port, et les paquebots vieniunit y déposer et
prendre les dépèches; Yictor-harhour, situé au sud-est, au bord de l'Océan
austral, (>t réuni à la capitale par un chemin de fer, est également une
des escales avancées d'Adelaide; enfui, une voie ferrée qui se dirige au
AisTiiAi.iK ur sri». 78:.
iioi'd-osi vl qui v;i icjoiinlrc le llinivc Murrny à Murg;iii, au coudu priu-
cipal (k- son cours inlVrii'ur, mcl Adcliiidc on communicalion avir hi sculi'
lifjno de navigation intérieure fjue possède le continent australien : une
quaraiilaine de lialeaux à va|ienr vont et viennent en anionl du ini'andre où
aboutit la ligne d'Adelaide. Le petit port fluvial de (loolwa, situé à 12 kilo-
mèlres on amont do la liouolie du Murray, sur le lac terminal d'Alexan-
drina, fait un certain Iralic jioiir l'expoilalion de> laines. Au delà du
fleuve, jirès de la frontière do Victoria, la ville de Mouiit-liamliiei' ou
Gambieilon, situi'c à la base méridionale du \(d(aii du mémo nom el
alimentée d'eau par le lac du cratèic, est le centre commercial le plus
actif dos districts méridionaux : un chemin de fer la rattache à la
ca|iilale.
D'autres voies ferrées so dirigent d'Adelaide vers les districts miniers
du nord. Les houigs de Gavvlor. Iva|)unda et Kooi'inga ont surtout do
l'imporlauce |iar les mines docui\re de leui' voi^-inago; les gisemenls d(^
Bnrra-Durra, près de Ivooringa, sont con.x (jui ont l'ail de South-Ausiralia
une colonie prospère : de 1846 à 1877 on en iclira du minerai pour une
valeur de plus de cent millions do francs. Au nonl-esl. près des fron-
tières de Victoiia, Toolulpa s'enrichit par ses mines d'or. Les niino do
Wallaroo, de Moonta, de Kadina, près de la racine de \ork-peninsida,
sur la rive orientale du golfe do SpoiU'or, ne s(mt pas moins riclios
fpie celles do Burra-Dui-ra. Mais au ufu-d le chemin de fer, qui so pour-
suit à li'a\oi's les pàiurages, les dt'serls <■! les saline^, a liienli'il dé|)assé'
les r(''gi(>ns industrielli's et ne sert (|n'au Iranspoil des laines el de quel-
(jues denrées agricoles. Lu jour, celte ligiu', devenue Iransconliiienlalo,
.sei'a la voie choisie pai' la plupart dos visiteurs qu'amèneront les paque-
bots de la Gi'ando-Brelagne vers les régions peuplées de l'Australie orien-
tale et sud-oiientalo. Deux câbles sous-marins rejoignent l'extrémité do
ce chemin de fer à Banjoevvangi, dans l'ilo do Java : on 1888, ils ont
été rompus en eau profonde par une explosion volcanii|no.
l'almerslon, située à l'extrémité seplenirionale de cetlo ligne non encore
aclicM''e. se |)r(''pare à ses destinées par un commerce (h'jà ciuisidi'rable'.
Depiii-- l'aiini'e |S7.'), le jiort Darwin, sur la ri\(' (irienlale du(|uel se
« Mniiv.'iiiriU ilu t'(Hi-ll;ii\\in. m l'iilMici-tiiii, cm ISSIi :
iinpiirlalions 7 .jK) ."".M) Iraiio.
Ex|)orl:iliims 2 58ô 07^) ■
Ensciiihli- .... y 75-2 D'ij Ihiiio.
Tonnage des navires, eiitiées el sorties :
207853 tonnes, dont 20Ô 92-4 sous iiavillun anglais.
780
NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE
bàlissf'iil les consiruclions de Palmerston. est ouverl au coniineice île
loutes les nations : c'est un des plus vastes, des plus commodes et des
mieux abrités que fréquentent les marins dans les mers orientales. La
population totale de ces régions septentriojuiles, le Northern Territory,
Siilile» q
n'avait encore que 4550 habitants lors du recensement de 1881 ; depuis,
elle s'est accrue. Plus des quatre cinquièmes des résidents sont des
• diinois, qui déchargent les navires, défrichent le sol pour les plantations,
empierrent les routes et vont exploiter au sud les mines d'tir de lUirrundie
et d autres endroits. Les négociants de ce district s'iqiposenl énergique-
AISTRALIE DU SID, NORTUERN TERRITORV. 787
nient aux lois rcsliiclives de riinmif;r<Ttii)ii diiiioise : ne |ionv:nil déposer
d'ouvriers blancs, ils cherchent à recruter des travailleurs orientaux.
Un petit mouvement d'échanges s'est établi entre Palmerston et la
ville javanaise de Soerabaja, sur le chemin futur du grand commerce
intercontinental d'Australie eu Euroj)e. La tentative de colonisation qui
avait été faite dès 1824 sur le détroit d'ApsIey, entre les îles Melville et
Bathurst, puis d'autres essais du même genre qui eurent lieu plus à l'est.
sur la péninsule de Cobourg, ne réussirent ]»oinl. à cause de l'isolement
(les immigrants anglais, sous un climat lr(ip biMlant pour eux, sur un sol
trop infécond, recouvert il'une latérite presque feriugineuse. Le campe-
ment de Victoria, bâti sur le beau port d'Essington, n'a jamais pu s'élever
non plus MU rang de ville'.
La colonie sud-australienne est autonome. Le gouverueui-, nommé par
la reine, a six ministres responsables, choisis dans le Parlement, qui lui-
même se compose de membres élus par les citoyens. Le conseil législalif
ou « chambre haute » comprend 2i membres, et la « chambre basse »,
liousc of asaembly, est foi-mée de ^1 députés, élus pour trois ans. Les
etecleurs du conseil, tenus à cerlairu's conditions de cens comme pro-
priétaires ou feimieis, ne constituent [tas tout à l'ail les deux cinquièmes
<le la population mâle, tandis que pour l'élection de l'Assemblée tous les
citoyens établis depuis six mois dans le pays ont droit au suffrage. Une
trentaine de municipalités jouissent des privilèges de l'autonomie commu-
nale. La force armée se compose d'un [leii plus de ."jtMlO v(dontaires et
de r(''(juipag(' d'un petit navire de guerre".
' Villes (!,■ l'.ViisIralio (lu Sii,l ;.mmiI pins ,],: 'idIMI liiil,ihiiils ni I8SI. plus de ÔOOO en 1888:
Aileliiide (1888) Ijll UOO liah. nvec sesfaulmirgs.
Tecliilpa (1887) 5Ô0II » en 1881.
l'oil Adelaiile 5 '28(1 n »
Moonla 5 000 ). «
(iawler 7,000 >, »
fileuel^ ,-)000 1. »
Kapunda 2 290 i' ii
Kodiinga (Rurra-Runa) 2 760 » "
Moniit Gaiiiliiei- 2 400 » i»
^ Riiditel de Sonlli-Auslialia :
Recettes de l'année fiscale 1887-1 88S : (!0 047 2ô0 francs.
Dépenses » » ,, 07 270 000 »
Dette publique au 1" juillet 1880 : 484 907 .^OO fiaiics.
788 MU Vi;i.|.E OÉOiiliAPIIlE LN'1\ ERSELI.E.
IV
H lîE^SLAMI.
Co nom ni(''ino csl un indice ilu |)(M1 d^incicniu^é de iclle colonie. J^a
" Terre île la Reine » faisait jadis parlie de New South Wales, et c'est
en ISÔO seulement qu'elle a pris une existence politique distincte; mais,
quoique postérieure en date aux deux Etats australiens de l'ouest et du
sud, elle les d(''|»asse en p(q)nlation et en commerce; il est vrai que dès
l'année 1824 des criminels avaient été départes sur les bords de la baie
de Moi'eton, et que le territoire avait été ouvert à la colonisation libre en
184'2. L(>s habitants de la partie seplenli'iomile de Queensland, dont les
intérêts économiques ne son! ]>as toujours d'accord avec ceux des colons
de la régi(jn méridionale, demandent la constitution d'un nouvel Etat,
qui comprendrait les bords du gollé de Carpentaria, la péninsule d'York,
les iles du ili'troil de Torres et la Nouvelle-lininéi^ brilanniqni^; au point
de \ne admiiiisiralir, le pays se partage en trois k divisions >■. du nord, du
milieu et tlu sud, (|ue l'on considèic comme devant formel' un jour trois
Etals politi(|iies dislincis.
l'iiis du tiers de la piqmlation est encore massé dans l'angle sud-
oriental de (Jueensland, l'ancien district de Morelon-bav ; mais en dehors
de celle région les centres de peuplement sont di'jà fori nombreux, grâce
à la diversité' des culluri's et des industries, (jueensland a, comme la
Nouvelle-lialles, de vastes terrains de pâture, principalement sur le ver-
sant occideiilal des monts; elle es! ('galcmeiil 1res riche en gisements auri-
fères, ipii sont <''pars dans toute la conlri'e, des iVontiJ'res de New South
Wales à la jiéninsule d'York et aux vallées qui s'iindinenl vers le golfe de
(iarjientaria. Ses gisements de ciil\re, d'i'lain, de houille ont aussi alliré
des colonic^s de s|t('iciilateurs el d'oinriers sur divers points du territoire;
enfin la ciillure des piailles aliinenlaires, ijiii ne réussissent jias sous le
même climat, froment, maïs, canne à sucre, arbuste à ihé, ananas, ont
eu pour conséquence de créer dans le Queensland plusieurs foyers
distincts de c(donisatioii. On sail que, pour les cultures tnqiicales, les
planteurs ont eu recours aux services d'engagés polynésiens, compris
sous le nom générique de Karnakies (Kanakes), et que cette importation
d'étrangers, amenés dans les luhour-vesseU et temporairement asservis, a
été souvent accompagnée de crimes contre la liberté et la dignité hu-
maines. C'est aussi dans le Queensland que la présence des (Chinois a
nCEENSLAMI, DRlSnA>'i:.
789
(IdiuK' lieu ;iii\ |iliis ciiicllcs iiijuslices de lii |i;irl do ■< rt'|)r('<ciilaiils
(le l;i civilisnlidii sii|i(''ri<'iir(' ». Des cxpnlilioiis de vcdciirs (riinmiiics se
Dapres les ^drics de lA,.
anglaise et di.e.-s di,cu.),c.
i r -no 000
soiiL l'n''(]iicininciU (irgjiiiisées dans le Queenslaiid |ioiir ravager les îles de
la M(''laii('sie el de la INdviiésie.
liiisijaiie, la eapitale el la ville la plus ancienne de (Jueensland, es!
située sur la rivièi-e de son nom, à l'endroil où elle s'ouvre eu esluaire
pour s'unir à la liaie doMoreton, à une quarantaine de kilomètres en aval;
les navires d'un tonnage moyeu remontent jusqu'à la ville, au-dessous
d'un pont de TiM) nièires cpii traverse le llenve. Le port de Brisbane, le
7 ilO N U U V E L L E G É ( ) (i R X P 11 1 E U N 1 \ E H S E L L E .
jiliis frtMjiu'iiU'' (Ir Queensland', est précédé à l'est jmi' la rade adiiiiralde
de Moreton-bay, protégée par une longue chaîne d'îles basses; deux che-
mins de fer unissent Brisbane aux bords de celte rade, l'un qui se dirige
(In nord-est vers Sandgate, lien de villégialure et de bains, l'anlre qui va
rejoindre au sud-est l'entrée méridionale de la baie, accessible seulement
a nx bateaux. Brisbane est alimentée d'eau en abondance et, comme les
antres grandes villes australiennes, elle a nn beau parc botanique.
Ipswich, bâtie à une soixantaine de kilomètres en amont de Brisbane.
sur un affluent méridional du ilenve, se trouve à la tète de navigation,
et les bateaux apportent directement à ses entrepôts les marchandises
(|ui de là sont expédiées vers les diverses stations de l'intérieni'. Ipswich
• '--t nn ceJitre de répartition pour le ()neensland dn sud. C'est là qne le
chemin de fer commence l'ascension de la chaîne de partage, pour redes-
cendre à Warwick dans la haute vallée de la (iondamine, la branche maî-
tresse du Darliut;. Taudis (|ue la \oie |iriiici|pale continue de se (lirig(>i'
vers l'ouest par les villes de Toowoumba, Dalby, Boma, un embi'anche-
inent va rejoindre au sud les lignes de Sydney et de Melbourne; un autre
gagnera un jour les bords du golfe de Carpentaria, à Poinl-Parker.
La ville de Maryborough occupe, à !27'2 kilomèli'es au nord, une posiliuii
analogue à celle de Brisbane. Elle se trouve aussi au bord d'un lleiive
navigable, le Mary, qui s'élargit en golfe et débouche dans un bras de
mer défendu à l'est par l'île allongée dite (ireat Sandy-island. Un pont
d'eiivii'on r>(IO mètres traverse le Ilenve à Maryhorougli. La |)riu(ipale
industrie des planteurs environnants est la culture de la canne à sucre,
et ce district possède de nom])reuses usines. Au sud, dans une vallée
tributaire, est la ville aux maisons é|)arses de ('iym|)ie, fameuse |»ar ses
miiu's d'oi', découvertes en 1807 : elles avaient d('jà produit en ISSO pour
une valeur de |)lus de 50 millions de francs. Au nord on a découveit. à
liurruin. de puissantes couches d'excellent charbon, et au nord-ouest on
exploite de riches mines de cuivre dans le district de Mount-Perry, ratta-
ché par une voie feia'ée au |torl de Buiulabeig, à l'embouchure du Buriietl.
Un autre |»ort de l'iviî're, Bockhampton, est la ville la plus consi<lé-
rable du Oueensland après Brisbaiu'. Sa position est fort belle, dans une
riche campagne, en vue de coteaux hoisé> au bord d'un large fleuve, le
Fitzroy, qne remontent les gros navires, et à proximité de mines produc-
tives, or, argent et cuivre. Bockhampton. comme Brisbane, est la lèle de
' Mouvement des poi'ls du Queensland en 18S(i : \ii'Jo uaxlres, jau;,'eanl ) l'.'O KiO lonnes.
Valeur des éclianscs : 252 520 G50 francs.
OUEENSLAM). . 791
ligne d'un clioniin de 1er (|iii jK-nèlic mu loin ihin^ l'iniéiieur, vers les
plaines centrales, el (jui se inmilie de dioile et de gauelie vei's les dislricls
miniers. Au delà, sui' un lilloral profundénienl découpi', se succèdent, le
port de ilackay, d'où l'on exporte des tabacs, des sucres, des cafés et
autres denrées tropicales, Bowen ou Port-Denison, dont l'accès est moins
dangereux que celui des autres havres protégés par la << Grande Barrière»,
et Townsville, (jui doit son inipoilance aux mines d'or de la vallée du
Burdekin et de ses alfluents. liavenswood et Charters Towers sont les
princi[)aux bourgs miniers : le mélid e\|iédié annuellement de Charters
Towers est d'une valeur d'environ 0 millions de francs.
Sur le littoral du Pacifique, le dernier port que les navires fi'équentent
en nombre est celui de Cooktowii, ville fondée en 1875 el devenue rapide-
ment fort active, gi'àee au voisinage des mines d'or de Palmer-river. Cook-
town est le marché et le lieu d»; ravitaillement des établissements anglais
et allemands de la Nouvelle-Ciuinée el des îles mélanésiennes. La colonie
de Somerset, ijue l'on fonda à la pointe même de York-peninsula, dans
l'espoir d'en faire une autre Singap(nir', n'est qu'un pauvre village peu
salubre; mais une île voisine, Thursday-island, est une escale constam-
ment visitée, grâce à sa position sur l'itinéraire des navires qui traversenl
le détroit ; en outre, elle est de|iuis i<S77 le centre de l'industrie perlière
dans les mers de Torres : j)lus de deux cents bateaux, montés par loOO
hommes, sont employés à la pèche des perles, de la nacre, de l'écaillé de
tortue, des holothuries dans les parages environnants \ Une autre île, située
dans la partie orientale du détroit, Erub ou Daridey-island, possède le
séminaire central des missionnaires ])rotestants de la Société de Londres.
Sur le versant du golfe de Carpentaria, les deux établissements de Nor-
mantown et de Burketown n'i'laient r(''cemnit^nt que de ])etils lieux de
marché où venaient s'approvisionner les bergers des alentours", et Burke-
lovvn était même ])resque entièrement abandonné, à cause de l'insalubrité
des marais environnants. La découverte des gisements aurifèi-es de Croy-
don, sur le niènK; versant, faite l'U IX(S5, a aussit()l précipité vers la
' Ale\. lU\tr.i\. Joiiniiil iiflhf fl. I^eminiiihiciil S,„iclij. 1808.
2 lialtsuix lin iiéclu' do Tliuiscl.i\-|vl:in(l l'ii I88i : 'Jl'J.
Proiliiitde la pècho : 702 tomics ilr lunic, A\\w \Arny ilr 'i .'.n.') IMKI liaiirs.
5 Villes de Queensland ayant plus de ÔODO liatiilaiils en I88(i :
lirisbane, 52 507 haliilanls; ô.'iOOO halntants en 1888; 7.j 04U avce les iMnlMinri-s en 1880.
Hoeklianiplon 10 795 liali. 1 Ipswicli e( faulioiH'i.'s 0 fiOS liab.
Maryl)(ii(in;;li '.)-281 'i Tdurisville 7 800 »
(jjnipie el rauljiiui'y Il 807 ) ! Tnowedmlja 6 270 »
Crovdon (18871 .") 000 lialnlanls.
79-i NOrVKI.LE GÉOGRAI'UIK IMM- fSSEl.I.K.
cdiilitV tle^ millici's de s|)LTiilateurs et (k- coluiis'. Le |)ojl tlioi^i (loiir
foKi' coiilrée est Point-Parkoi-, abrité au lariio par le iiroii[)o des îles Ben-
tinck et Moniiuyloii.
Queensland n'a pas encore rompu les liens adaiini>lralirs qui la ratta-
chent au gouvernement britannique. Le gouverneur et le conseil législatil',
la chambre haute du parlement, sont à la nomination de la (louronne. Les
meniluTs de ce conseil, au uomlire de 36, sont nommés à vie. Oiiant à
l'assemblée législative, elle est élue |mi' le sulïrage n^iv('r^(■l. <■! la dorée
(lu mandat est de cinq années; les délégués ne louchent aucun traite-
ment". La force armée se compose d'une tron])e permanente de 165(1
hommes, d'environ 600 volontaii'es et de 150 cadets. Une cauouuièi'e et
quelques marins sont censés détendre les 5000 kilomètres de ci"iles.
m:w soiTii wai. es inoi vei.i.k-callks lie sud).
(À'Itc ciliduie, la preuiièrc eu dalc du coiilincul. iiuisqu'cllc a di'ià un
siècle d'existence, p^rlc un udui (|ui rappelle sa dépendance de l'Aiigie-
leri'e et qui d'ailleurs manque ((puiplèleuienl d'en|du)nie. Au>>i a-l-il éd'
IVéquemmeut (|ue-^li(iii de changer rappellalion oriicielle de la conlriV, e(
Von a même proposé de la remplacer simplemeni par celle d'Australie,
à l'exeniple des Etats-Unis, qui revendi(|uenl |Mnir eux seuls le nom
d' f< Améiique )i. Toulelnis les autres Liais ausiraliens proleslenl contre
celle prélenlion de New Soulli Wales de prendre» |ioui-elle seule le nom de
l(ms, el l'ancieune désignalion esl mainlenne. Il lui un lenqis dû New
South ^VMles élail en elTel l'ensemble des c(d(inies européennes de
l'Australie; mais quand Wesl-Ausiralia eul élé consliluée, puis ipie Victoria
el (jiieenshind eurent |)ris une exislence |irop)'e en il(''laclianl au sud el au
miid de vastes tei'riloires de la colonie mère, celle-ci ne représenla plus en
surface (uriin peu plus du dixième du continent, espace encore énorme
pdur su faillie pii|(ulali(Mi relalive, puis(|u'il égaie une lois el demie la
> N.ilcia- ilr Tor cxliail (k's mines ilr Cnivdoii en 1887 : .' 108 (KKI IViiiK^.
- I!u(l-i-t (lu Oiii'riKJiini! (l;ms l'iinnéc- fiscak' 1887- 1888 :
liiT.'llr. 8.") 7'i."( 011(1 fiani>.
llé|icnsrv 81.1 m 87;> 11
\k'\W iiiil.lii|iio au TiO juiu 1888 : ()75 59'-' lUO IVauo.
NOUVELLE-GALLES DU SUD. T'JÔ
supcriicio de la France : au sud, du côlé de Yicloiia, la iVoulière, sur le
versant du Pacifique, est une ligne droite, tracée à travers monis et vaux,
entre le promontoire sud-oriental, dit cap Howe, et le mont Pilot, sur la
chaîne maîtresse; mais au delà on a pris pour limite commune un haut
affluent du Murray. puis cette rivière même, jusqu'au 141" degré de lati-
tude orientale (Greenwich). Du côté de Oueensland un chaînon de mon-
tagnes qui commence à la pointe Danger, puis, sur le versant du Darling,
le cours de diverses rivières constituent la partie orientale de la limite.
Au delà, le 29* degré de latitude méridionale est une frontière fictive
tracée dans la plaine immense.
(Juoique, à la suite de la fîl'Vi'c de lOr qui lanra la fuulc a\ide vers
la colonie de Yichiria. celle-ci ail ac(juis temporairemenl la supériorité en
population et en importance commerciale, le premier rang est revenu à
New South Wales. Elle est moins riche en or. il est vrai, mais la produc-
tion de ce métal perd de sa valeur relative dans l'économie générale de la
contrée, et c'est la Nouvelle-Galles qui fournit en plus grande ahondance
la laine, denrée qui plus que toute autre a contrihué à faire la fortune
de l'Australie. Pour l'exploitation des mines de houille, c'est la même
colonie qui est de heaucoup la plus active, ainsi (|ue pour d'autres
industries de moindre valeur. En outre, rancienneté même de New South
Wales comme colonie hritannique l'aide à prendre l'hégémonie parmi les
Etats australasiens : c'est elle qui en grande partie a fondé Victoria, Oueens-
land. la Tasmanie, la Nouvelle-Zélande, par ses essaims de colons. C'est à
rendroil désigné par Cook sur le pourtour du continent que se trouve le
véritable centre du monde colonial de l'Australa^ic
L'emplacement choisi en 178S jiour recevoir la première colonie péni-
tentiaire aux antipodes de la (irande-Bretagne ne porte point encore de
ville. Biitany-bay, dont le nom a été longtemps ap[)liqué à l'ensemble des
possessions anglaises en Australie, n'a sur ses bords que des villages de
bains et des villas éparses appartenant désormais à la banlieue de Sydney.
L'entrée du port est signalée au sud par le monument de Cook, qui décou-
vrit cette baie, en 1770; et au nord par celui de Lapérouse, qui en 1788
partit de ce point de relâche pour le voyage d'où il ne devait plus revenir;
les noms de Banks et de Solander laissés aux deux caps qui se font face,
des deux cotés du chenal, rappellent aussi la mémoire de savants qui
conlribuèrent à l'u-uvre de découverte australienne. Si la baie vantée par
ces premiers explorateurs est abandonnée par le commerce, ce n'est point
qu'elle ne présente aux navires des eaux profondes et un abri suffisant,
c'est que dans le voisinage immédiat, au nord, s'ouvre le merveilleux
XIV. 100
79i
NOrVI'.LI.E GKUfiKAPlilK IM VERSKILK.
eiiscmljlc lie |)oils (|u'oii appelle Porl-Jacksoii, et qui n'a guère de [jareils
sur la Terre jwur l'éleiulue, la sûreté et les avantages nautiques: seule-
ment le ehenal d'entrée entre le> eaps ou heads n'est pas tout à fait assez
profond. La surface d'anerage du port est de 23 kilomètres carrés, et le
pourtour du littoral intéiieur. a\ec ses liaies et ses criques secondaires,
atteint 87 kilomètres.
Sydney, bàlie sur les rives méridionales de ce pori magiiititjue. est la
!CS. — HiTïM-m
D après lA,
P/~o/o^^e^''-s
I . IGOUOD
e/eSûàSOÛ'" c/i^POÛ^etau-^/e/d
plus ancienne cil('' de l'AusIralie. car un siècle esl un long espace de
tenqis dans l'histoire des Europc'en^ de l'héinisplière du sud. D'ahord
simple pénilencier, puis chef-lieu de piisons é|)arses dans le territoire envi-
l'onnatii, Syiliu'V ne fui dans les premières décades (|u'un humhle village,
construit dans une clairière de forèl, à l'extrémité d'un ])romontoire:
inaintenani c'est une grande capilale. ipii dispute à Melbourne le |iremier
rang dans le niuiule océanique. Ses habitants lui donnent le nom de Qaeeit
of Ihc South, « Reine du Sud ». Grâce aux nombreuses sinuosités du
rivage et au relief inégal des lei'i'ains. Svdnev n'a point celle monotonie
Nouvelle Géographie Universelle. T. XIV. PI. lU.
SYDNEY ET pqRT-JACKSON
Uachelle el C'. Paris.
t.lVM101iV;V''«--''n,'Jo«<<c/ic(,V;;,/-,y./ut/-/,«.,^,,c//i,,rf</^</rt-.. cU,c,^n,siiL,
J^oOmdciurs
IZ5 ^ î^ \m.
D^oàs-r d^iàwr- d^inur.o'T- de so'^^uau.M^l
i : ti/ÔIJd
Oio>;j,n,£i-haia. !'•'!''
SYDNEY.
797
banale de la plupart des villes auslraliennes el américaines : ce n'est point
un damier de structures dont tous les carrés ont les mêmes dimensions.
elle a des rues qui serpentent dans les vallons et à la montée des col-
lines; des criques, des bras de mer, des rochers, interrompent le plan
irrégnlier et partagent la cilé cm villes distinctes. Au centre est le vieux
1C3. — SYDNEY EN 181)2.
Est de Par.s
T^
/ ri-
\
( I / 1
quartier, en forme de main ouverte, allongeaul ses promontoires dans la
rade; au sud se croisent les belles aveimes de Woolomoloo; au nord, les
bacs à vapeur vont et viennent incessamment entre les anciens quaitiers,
la ville nouvelle de Nortli Shore et les bains de Manly, à la double plage,
l'une sur la mer intérieure, l'autre sur l'Océan. Chaque lue présente des
perspectives différentes sur les collines, la rade et ses criques, les jardins
798 NOrVELLE (lEOGRAPUIE UNIVERSELLE.
cl les bois. Et peu île capilales sont aussi largement pourvues que Sydney
lie parcs et île pelouses : un des espaces réservés pour la promenade, le
Moor-park, situé au sud-est de la cité, n'a pas moins de 240 hectares; un
autre, au centime même de la ville, commande le tableau grandiose des
ports et des passes. On s'occupe d'amener à Sydney l'eau du lac George,
situé au sud-ouest dans les Alpes Australiennes; toutefois il est arrivé,
dans les années de sécheresse, que ce réservoir lacustre se trouva presque
sans eau.
Comme cité commerçante, Sydney est le centre principal des lignes de
navigation à vapeur dans l'océan Pacifique et du mouvement de cabotage
sur les côtes de l'Australie'. En outre, le port est si vaste, qu'entre les nom-
breux embarcadères de ses bords s'est développé un grand trafic intérieur
pour le transport des voyageurs et la répartition des denrées et des mar-
chandises : des forts érigés sur les promontoires de l'entrée défendent la
rade, qui d'ailleurs n'a jamais été menacée par aucun ennemi. Entre les
deux cités qui se disputent le premier rang dans le continent australien,
Melbourne et Sydney, celle-ci, avec son port merveilleux, a l'avantage
d'occuper une posilioii jilus (■ciilralc relativement à l'eusemble des Etats
de l'AusIralasie et de si' trouver plus rapprochée des terres océaniennes
et de l'Amérique : elle regarde \cis le monde habité, et non pas, comme
McllMiuiiie. vers les terres glacées de l'Antarctide. Sydney a tenu à honneur
d'être une ville de science et d'art : elle a des musées, la liclie Université
de New South Wales. des soci(''l<''s savantes et un vaste jardin botanique
entretenu avec soin. Une station /.dologicpie a été l'ondée sur' une baie
voisine de la cité par Mikl'ukho-Maklay.
Sydney se rattache pai' des (InMiiitis de fera toutes les \illes el bour-
gades imporlanlcs de la cohMiic et des j'^tats voisins, Queensland el Vic-
toria, l'aramalla, la ville la |)lus rap|tr()chée, peut être considérée comme
une dépendance naturelle de Syliiey, puisfju'elle es! silm'e à l'exirémité
occidentale de la même baie, à l'endroit où vient se jeter la livière de son
nom : ses canij)agnes sont vantées comme le verger de Sydney et possèdent
les plus belles (irangeries du (■(intineul.
' M.iini'iMi'nl ili' l;i inni^'olioii (l:iiis les |iiiils de' Nrw Sniilli Walps en 1881) :
IJihri's 'J(iSl ,i;ivlirs,jauge:in( 2 1141118 iDiiiics.
Sni-lics 2 7.M » n -2\\7,'.mi )>
Eiisoiiiljte .... .^iû'J navires, jaugeant 4 258 (iU4 toniii'.'i.
Valeui- (les échanges : Impnrlalions 524 5.j8 700 francs
lixpoilalions 582 905 52.5 u
Ensenilile S07 244 025 fiflncs.
SYDNEY, NEWCASTLK.
Au nord de l'ort-Jacksoii, le bassin de la rivière llawkcsbury n'a poini
de villes proprement dites, mais au delà le Hunier parcourt la région la
plus populeuse de New >Soulh Wales après les alentours de Sydney. La
ville (le Newcaslle
i sarde l'enliée du fleuve, en se recourbant sur
qui g:
une pointe Iriaiigulaire au sud e( au sud-esl du clieual, esl la deuxième
Est ^e Pans
Oaprès l'Amiraote an|lai^e
/^/-O^O^'c/cw^
t ; 123 0(10
c/e SO"~fi-t ju ofe/j
ville de l'Etal, el à une trentaine de kilomètres au nord-ouest se trouve
une autre ville aninn'e, Mailland, composée de deux communes juxta-
posées sur les bords du llunter, navigable jusqu'en cet endroit. Newcastle,
de même qu'un bourg voisin, Wallsend, doit sou nom à la ricliesse des
mines de houille qu'on exploite sur les bords du Hunier et qui rappellent
par la puissance des couches et la qualité du combustible les charbon-
800 NOUVELLE GÉOGRAPHIE .UNIVERSELLE.
nages de rAngieterre. L'exportalion des houilles, qui représente environ
les deux tiers de la jiroduetion totale de l'Auslralasie en combustible
minéral, attire chaque année à Mewcastle plus d'un millier de bateaux
chargeurs'; par l'importance de son trafic, celle ville née d'hier dépasse
déjà des cités européennes comme Nantes et Cadiz. A côté des puits de
mine se sont fondées diverses manufactures.
Les autres ports qui se succèdent au nord dans la direction de Queens-
land, Porl-Stephens, Port-Macquarie, la bouche de la rivière Clarence, sont
peu fréquentés. Dans la zone du versant côtier, Grafton est la seule ville
de quelque importance, grâce aux cultures environnantes et à ses mines
d'or, de cuivre, d'antimoine, et surtout d'élain : les gisements de Vege-
table Creek ou Emmaville sont les plus productifs. Le versant opposé de
la chaîne de partage, dans la région pastorale dite New England ou « Nou-
velle Angleterre », a quelques petites villes éparses. Tamworth est la prin-
cipale station intermédiaire du chemin de fer qui rejoint Sydney à Bris-
bane. Bathurst, sur une autre voie ferrée, celle qui se dirige au nord-
ouest, de Sydney vers le cours du Darling, est un centi-e de commerce
encore plus actif. Située à 7(1(1 nièlres d'altitude, dans une haute vallée des
Montagnes Bleues, qui s'incline à l'ouest vers le Darling par le bassin de
la livière Macquarie, Balhursl a l'aspect d'une ville agricole anglaise,
entourée de champs, de pâturages et de bouquets d'arbi'es. Au delà, la
voie principale se continue à travers les pâturages et les champs de
céréales par Orange, AVellingtoii, Duhbo, et se termine à la ville deBourke,
bâtie sur le Darling, à l'endroit où commence la navigation pendant la
période des crues : cette rivière est connue sous le nom de Biverina ou
« Mésopotamie australienne ». D'autres chemins de fer (jui se détachent
du tronc principal de Sydney aux Montagnes Bleues vont couper les aflluents
du Murray, et le Murray lui-même, aux villes les mieux situées comme
centres de cultures, de mines, ou comme escales de navigation. Forbes
sur le Lachian, Gundagai et Wagga-Wagga sur le Morrumhidgee, Albury
sur le Murray, sont les plus im[)ortantes parmi ces villes de fondation
nouvelle. Albury surtout s'est rapidement développée comme station de
mi-voie entre Sydney et Melbourne : elle est entourée de champs de
tabac et de vignobles produisant un cru renommé. Un pont fianchil le
• Exportai Ion de la liouillo ilo Nowcastlc en 1880 .•
2 178 11(5 tonnes, d'une vaieia- de .j7 ôOO 000 francs.
Mouvement du port en 188('), à l'entrée et à la soilio :
2(i88 navir'cs, jaugeant i! 194 Ui.") tonnes.
GOULlîOlFiN. ILK >OHFGLK. 801
Miirray dcvaiil Albui'x '. A l'esl, par delà les cours du Darliiiy, se tiduvcnl
les mines d'argent et de plomb de Silverlon, fré(jnemmenl désij^nées du
nom de AVilcannia, d'après une ville située au boid du fleuve.
Au sud de Sydney, les ports de Wollongong, de Kiama, de Nowra ou
Shonlliaven font (|iu_^l(|ue commerce de denrées agricoles et de charbon;
mais le centre industriel et commercial de celte |»arlie de New South
Wales se trouve à l'intérieur, dans une valb'e des nionlagnes : c'est
Goulburn, située à ë49 mètres, sur un haut altlnent du Hawkesbury;
son district est, avec certaines régions de la Nouvelle-Anglet(>rr(\ le mieux
cultivé et le plus [)roduclif de New South Wales. Une partie du lilloral,
entre Sydney et Wollongong, a été désignée en 1880 comme devant appar-
tenir collectivement aux citoyens d'Australie. C'est le « parc national »
de Porl-IIacking, d'une superficie de li 800 hectares, avec collines,
forêts, rivières na\igables et baies poissonneuses.
Les îles de Loi'd Howe et de Norfolk, avec les Ilots (jui en di'pendenl.
sont rattachées administrativement à New South Wales, qiioi([ue la forme
du relief sous-marin les attribue géographi(|uement à la Nonvelle-Zélande,
et (|ue par leur flore et leur faune elles constituent de petits mondes indé-
pendants. L'île principale de Lord Howe, haute de 865 mètres, est peuplée
depuis 1840 de quelques familles, qui pourvoient à leur subsistance en
fournissant des vivres aux navires de passage, mais qui ne prospèrent
point, si l'on en juge ])ar l'émigration qui, de trois cents, a réduit le
nombre des habitants à une quarantaine. L'île Norfolk, cinq fois ])lus
grande, est plus peuplée en proportion. Lorsque Cook la découviil,
en 1774, elle était déserte; le gouvernement anglais y établit une colonie
pénitentiaire pour les ((Hiitcts les plus redoutés, que l'on traita dans les
|)remières années avec une effroyable sévérité : des malheureux furent
fusillés jusque dans réglise\ Plus tard, on fil à Norfolk de nombreuses
expériences, ]ilus ou moins heureuses, sur le « relèvement des crimi-
1 Villes de New Simili NV;iles :iy;mt [iliis de odIlO l^diilmils ;ui rcceiiseiiiciil de 1881 :
Sydney (déc. 1887), l.'i'2 84r) Iwl). 548 84(i linh. -.nrr les (induiiii-j;?.
Neweaslle (1887) 20 00(1 n «
I^aramall:i (1887) 12 000 » »
Cdullnnn (18811 ij 000 n »
Wdll.injiïmg .) 8 000 « d
M;iill;iiiil 1, 7 500 » ,»
lliilluiisl « 7 221 )) »
- Waller Coole, Ocniii PmifKjKr orriilenliil.
XIV. 101
802
NOUVELLE (;ÉOi;UAPUlE UNIVERSELLE.
nels »; mais en 1S42 l'étaiilissement fut abandonné, et l'île était de
nouveau sans habitants bjis(jue, en 18ÔG, les insulaires de Pilcairn,
descendants de matelots anglais révoltés qui s'étaient mariés à des femmes
polynésiennes, et trop à l'étroit sur leur tei-re natale, demandèrent au
prouvernement la concession de IN'orlbld qui leur fut accordée. Au nombre
Estdc^ar,.
(l'un peu plus de six cents, ces indigènes se gouvernent eux-mêmes, sous
la présidence d'un magistral élu, mais sous la direction réelle des mis-
sionnaires anglicans, qui ont fondé une école d'environ deux cents jeunes
gens, amenés de la Mélanésie. Isolés, surv(>illés et protégés à outrance,
les habitants de l'île Norfolk ont peu d'initiative; quémandeurs et hypo-
crites, ils n'ont aucune industrie et leur agriculture n'est pas florissante :
en 1855, leurs champs ne comprenaient que 00 hectaies en étendue. Ils
ILK NOKFOLK, VICTORIA. 80r.
s'oiinuieiil, oublient même de se marier. En 1884, le iKunbre des époux
comprenait seulement le cinquième des adulles'.
De même que sa lille, Queensland, la colonie de New South Wales relève
(le la i' Couronne » pour la nomination du j^iouverneur et d'un conseil
législatif de 21 personnes, nommées à vie; mais elle choisit par le sulTrage
universel les membres de l'assemblée législative, actuellement au nombre
(le 124, deux \y.w disirici électoral; lors de chaque recensement oriiciel,
l'assemblée aiignienle en |iro[)orlioii de l'accroissement des électeurs. La
force armée, réguliers et volontaires, comprend près de 7000 hommes. Le
budget de New South Wales est beaucoup plus élevé par tète d'habilant
que celui de la (irande-Biclagne ou de la France'.
Yl
Cette colonie, la plus petite du continent australien, est la plus |)opu-
leuse en ])roportion de la surface : ce qui d'ailleurs ne lui permet |)as de se
comparer avec les contrées de l'Europe occidentale, piiis(|uc le nimibrc de
ses habitants est seulement de 4 à h par kilomètre carré. Elle ne le cède en
population totale qu'à New South Wales, dont elle s'est politiquement dé-
lachée en I8M; même elle occu|ia le premier rang pendant la grande
pi'ospérité des chercheurs d'or. A celle cause d'attraction spéciale, l'or,
la c(donie de Victoria ajoute un avantage de premier ordre pour les
immigrants anglais, son climat, moins chaud que celui des autres Etats de
l'Auslraiie et plus analogue par ses oscillations à celui de la Grande-
iirelagne. Telle est la raison ipii l'avait l'ail appeler Australia Félix avant
que le besoin de ilatter leur reine portât les mineurs australiens à inscrire
une fois de plus le nom de Victoria sur la carte du monde.
Lors de la constitution de la colonie en Etat distinct, Melbourne, la capi-
tale, était déjà fondée depuis seize ans ; mais, comparée à Sydney, ce n'était
' lli' Uuljiier, A Travers l'Eini/irc hyilinitiiipie: — Wilkiiisim. Piijifr.s n-lating lo //. M'a Pos-
«pssiutis. 1883, 1884. 1885.
- Récoltes lie >V\v Sniilli Wales en 188(> . . . I8U 807 025 fiancs.
Dépenses 'i-2() 97 1725 n
Défuil :,- 114 200 »
Dette publique 1 025 850 225 »
S04 NOUVEMK GKOCR.U'IIIE UNI VERSE LLK.
(|iriiii(' ville sjiiis iniporliuice, cl les iiiimi;^riiMls ne s'y [irécipilèrent en
foule qii';i|iiès lii ilécoiiverte de l'or. Mainteiuint c'est l'une des grandes
cités de l'empire colonial brilanniciue, la iiKKjnificent Melbourne. De
même que Rome, elle se dit bàlie sur sepi collines : elle a aussi un
modeste Tibre aux eaux jaunàli'es, le Yarra-Yarra; quoique dans l'inté-
rieur des terres, elle s'est rapidement agrandie pour adeindre la mer, et
maintenant elle borde le rivage de quais et de façades monumentales. Ses
nombreux faubourgs, ayant chacun hôlel de ville et munici|)alilé, et for-
mant un damiei' de rues et de places distinct du jiaiallélogramme central,
s'étendent au loin dans toules les directions. L'ensemble des quartiers ren-
ferme environ 400 000 babitants, un peu plus du tiers de la popu-
lation de tout l'Etal. Beaucoup plus régulièrement construite et plus uni-
forme que Sydney, grâce à l'égalilé du s(d, elle se vante aussi de posséder
des monuments superbes, pour lesquels aucune dépense de luxe n'a été
épargnée, jialais du parlement et du gouverneur, université, musées,
églises et banques. Les bibliothè(jues rivalis(>nt déjà en importance avec
les collections secondaires de l'Europe, et l'observatoire, établi à l'est de
la ville, au milieu de vastes jardins, est ])ourvu des instruuKMits les plus
coûteux, dus aux premiers constructeurs. D'ailleurs, les savants de
Melbourne ont contribué pour une bonne part à l'étude du ciel austral,
ainsi qu'à l'exploration géologique de la contrée. C'est à Melbourne qu'on
a projeté et ])réparé celte expédition de découverte dans les mers de l'An-
tarctide que les bésitations du gouvernement central ont empêché jusqu'à
maintenant de mener à bonne fin. La société géographique d'Australasie
s'est constituée dans la capitale de Victoria.
Le port de Melbourne, plus spiVialemenl désigné sous le nom de
Ilobson's l)ay et découvert j)ar Muiray en 1802, est empli de navires à
l'ancre, entre lesquels |)assent par centaines les bateaux à vapeur qui
voguent d'un côté à l'autre de la rade. Les grands paquebots s'arrêtent à
12 kilomètres de la ville proj)rement dite, près des (|uais de Sandridge ou
Port-Melbourne et dans les docks de Williamstown, situés à l'extrémité
d'une langue de terre, qui se pr-olonge au-devant de la baie'. On pourrait
considérer aussi comme appartenant à l'organisme commercial de la
capitale les \illes qui se succèdent sur les lives de ce vaste golfe de forme
triangulaire, le I'oit-lMiilli|>. dont le sommet est le port de Melbourne. La
' MoiivciiicMil i\f la ii:niuiili(Mi à Mrlliijiiijir .■( dans les aiilics pDils de Vicloria un 18SG :
4 031 naviii's, jaugoani ."75dr)87 tonnes.
Valcui' des éclianj{es :
7o8 147 iOO IVancs, dont 405 204375 francs à rini|ioitali(in.
VICTORIA, MELBOURNE. 807
ville de Geeloiig, siliiéo à l'angle sud-occidenlnl de la mer inlérieure,
est un de ces satellites de la capitale, surtout comme ville d'entrepôts et
ÏIELBOLRNE ET iiODSON S-DAV.
d'usines, tanneries, lilatures, fabriques de conserves; ses fondateurs espé-
raient qne, plus rapprochée de la mer, elle distancerait bientôt Melbourne
comme cité commerciale, Queenscliff, sur la falaise occidentale qui com-
mande le détroit ou Rip, à l'entrée houleuse du Port-Phillip, est aussi une
808 NOUVELLE CÉOfil! Al'UIE LMVERSELLE.
dc'pendance de Melbourne, son posie de guet et sa principale forteresse
en vue de la grande mer; à l'est du goulet, la pointe Nepean porte les
édifices de la Quarantaine. Les petites villes de bains bâties sur les plages
du golfe et du littoral maritime doivent également leur prospérité à leurs
visiteurs de la cité voisine. Enlin, les douze chemins de fer fjui i-ayonnent
autour de Melbourne rattachenl à la ville d'innombrables villas et hameaux
de plaisance. A 51 kilomètres au nord-est se trouve le lac arliliciel de
Yan-Yean, d'environ 5(30 hectares, formé par la rivière l'ienty, affluent
du Yarra-Yarra : il renferme pour l'alimentation de la ville "2X8 millions
d'hectolitres d'eau, assez pour loule une année, au taux de ^Od iilics par
jour et par habitant.
A l'orient de Melbourne, dans la partie montueuse du lerrildire, la
population est peu considérable et les villages sont clairsemés : les bourgs
les plus importants sont ceux de Sale, dans la région agricole du littoral,
dite Gipp's land. et Beechvvoilli, au centre d'un district aurifère très pro-
ductif, voisin des sources du Murray. En dehors de Melbourne, la })artie
de la contrée oii les habitants se sont portés en plus grand nombre est la
région qui occupe les deux versants de la chaîne de partage dans un
espace de 100 à 150 kilomètres au nord-ouest de la capitale : c'est là
que l'on découvrit les mines d'or en 1X51. Là se trouve Ballarat (Bai-
laarat), la deuxième ville/le Yictoi-ia, bâtie sur un sol « dont chaque
miette a été passée au crible du mineur » et qui a su depuis, comme
Melbourne, s'entourer de villas, de bosquets, de jardins, de cultures, et
créer dans le voisinage un lac artificiel. D'autres villes prospères, Smythes-
dale, Cresvvick, Chines, Daylesford, Kyneton, Castlemaine, parsèment la
contrée, puis la riche Sandhursl ou Bendigo, rivale de Ballarat, et la lière
Eaglchawkse montrent à l'extrémité septentrionale d'un chaînon de mon-
tagnes, à l'entrée des plaines (|ue parcoui-ent le Bendigo et [le Campaspe,
affluents du Murray. Trois chemins de fer se ramifient à Sandhurst. L'un
d'eux traverse le Murray, sur un pont de 580 mètres qui passe devant
Echuca, poste ])rincipal de iiavigalion siii- le fleuve, situé sur une pénin-
sule au confluent du (Campaspe. La \oic ^(■ continue au nord dans New
South Wales jus(|u'à la ville grandissante de Deniliquin.
La partie occidentale de Yictoria, sans être aussi faiblement peuplée (|ue
le fiijjp's land, n'a pourtant que des bourgades clairsemées. ^Varrnamhool,
ijellast, Portiand sont de |ielits poi'ls C()tiers : mais il est pnd)abl(' que ce
havre |)rendra une certaine importance commei'ciale quand on aura fini de
construire un brise-lames |iour défendre la rade contre la boule et les
vents du sud-est. A l'intéiieur, les agghuni'rations les plus piijiuleuses
MCTORIA. TASMANIE.
809
sont celles d'Arariil el de Slawell, l'iiiie et l'iuilre foiulées par des mineurs.
C'est à Stawell et à Saiidlnirst que l'on exploite les mines d'or les plus
profondes de Victoria : l'une d'elles, à Sandliurst, avait, en 1888, 750 mè-
tres de prolondcur '.
Victoria o^l (('Ile des colonies autraliennes qui dépend le moins du fiou-
vernement central : celui-ci n'est représenté dans l'Etat (jue par la per-
sonne du gouverneur. Le conseil législatif, ou >< chambre haute j, est élu
au scrutin secret |iar des censitaires, chacune des quatorze provinces nom-
mant trois de ces délégués pour une période de six années, avec rotation
de deux ans en deux ans. La « chambre basse ->^ ou assembb'e législative,
nommée par le suffrage universel, se compose de 94 membres, qui reçoi-
vent un traitement annuel de 7500 francs, tandis que les membres du
conseil, choisis parmi les propriétaires, ne touchent aucuin- indemnité'.
La force armée comprend environ 4000 hommes de terre et 500 mai'ins
Vil
TASMAME.
La moindre des colonies australasiennes par l'étendue de son territoire,
l'île de Tasmanie, dite autrefois de Van Diemen, a pourtant une popula-
tion plus considéi'able que l'Australie occidentale, avec son domaine im-
mense et partiellement iiu'vploré; elle est même, en pro[iortioii de sa
surface, plus peujdée (|ue toutes les autres colonies australiennes, à l'ex-
ception de Victoria. Dès l'année 1804 elle recevait des colons, mais des
colons malgré eux, les concictii des prisons d'Angleterre, et jusqu'en 1855,
année (|ui pr(''céda l'entrée de la Tasmanie dans le concert des nations aus-
tralasiennes, le gouvernement central y envoya des condamnés. Détachée
(Ir \i.:l(i
' Villes |,|-|llri|.;il
MclimurÈic l'I r:inlKiiirj;s .
liallaial
Siiiulliiirst iHfiidifjiH
(;c('loiif;
K:ii:lrlKi«k
- liiiil.url ,1,' \i,l,,ii;i ,1
Kccelles
Dépenses
I(.;[lc |iiiljlii|iic, le .'(I juin 1887 : 8-J7y7'J 1(10 Iran
Icin- |iipj)iilaliiin ri'ct'nsùc i.mi 1881
V.li;).iC. U:
.■(i 5.5 I
'J8 W)-2
•il 1Ô7
7 li.5l)
(1887)
(1880)
(1881)
(1887)
le 1887
Castleinaine .
Warrnaniljool
Stawell . . .
ELlui,-a. .
(IhuiL'S. . .
sliniée (Ml 188'
1)000 hall.
O-'Ûl n
4980 «
4500 .1
4 220 «
(1880)
(1881)
(1881)
(1887)
(1887)
190 800 000 IVancs
184 950 000 1.
102
810 NOUVELLE (JÉOCIi AI'IIIE I NI VERSELLE.
(lu leriiloirc [loliliijue de ^l'^v Smilli Wnlcs, elle ;i reçu de crllc colouie la
plupart de ses immigiants libres. Lors de la découverledes mines d'or, les
Tasmaniens se ruèrent aussi vers l'Eldorado, et la prospérité de l'ile dimi-
nua an profit du continent voisin. Elle a repris de nouveau et la popula-
tion ne cesse de s'accroître régulièi'ement. La Tasmanie offre aux Anglais
le climat de l'hémisphère austral qui ressemble le plus à celui de leur
mère patrie et, pendant le brûlant été australien, de nombreux visiteurs
temporaires de Victoria et de la Nouvelle-Galles du Sud viennent y jouir
des tVaiches brises marines. (]omme les autres colonies aulralasiennes, la
Tasmanie exporte surtout des laines; elle possède aussi des gisements
miniers, d'élain, d'argent et d'or: une de ses richesses consiste en l'ruits
excellents et les vergers les produisent en telle surabondance, que la plus
grande partie pourrit sur le sol. .■ La Tasmanie, dit Trollope, devrait
taire des conserves de tVuils pour le rest(> du monde. »
L'île n'a que deux cités, bâties aux deux extrémités de la dépression
qui réunit les deux fjords les plus longs et les plus sinueux, au nord
et au sud. Une magnilii|ue roule, coiislruile par les convicts, et un
chemin de Ter réunisseni les deux xilles. (]elle du nord, Launceston,
jilus importante que la ville de la (ioniouaille anglaise dont elle a ))ris
le nom, est le jtosie principal de connnerce; avec son a\atil-port, (ieor-
getown, situé à l'entrée du Ijord, elle l'ail |n'es(jue tons les ('changes d(^
la Tasmanie avec Melbourne, don! elle n'est sé|)arée (pie par une jour-
née de navigation à vapeur. La cité mér-idiomde, Ilobarl-town, jilus com-
muiu'ment désign(''e sous la forme abr(''g(''edelIobarl, a, comme Launceston,
un port accessihie aux naviics de lonnage moyen, e( nu a\ant-port où
vienm'ut mouiller les plus grands vaisseaux. (Capitale de l'île, elle possède
l(^s plus beaux édifices et les j)rincipales institutions de la Tasmanie; son
admii'able parc s'étend sur plus de 400 hectares et commande le tableau
presque sans égal en Auslralie (pi(> présentent à l'ouest le mont Welling-
lon, souvent couvert de neige, les aulres nnuilagnes et les collines bois(''es,
les promontoires av(^c leur denii-cercle de brisants, les détroits ser-
pentins et le golfe « des Tempèles >■, ou Slorm-bay, se confondant au loin
avec la mer australe. A l'e^l du iioli'e la pres(|u'ile, dite Tasuian-peninsula,
ne se rallaclie ;i la (erre ferme (|iie p:ir un ('lidit pédoncule de l'ocliers, et
d'autres péninsules la frangenl à leur lnui'. (J'esl l'une de ces forlei'esses
iiaiurellt^s, Port-Arthur, (pie l'on a\ait choisie pour en faire la prison des
convicts les plus nxloutés : (jiiiiize molosses enchaînés sur l'isthme ro-
cheux aidaient les sentinelles à garder les captifs. Des « souflleurs » d'où
les vagues s'élancent t-n écume, et des arcades de rochers, des cavernes
I 1
TASMAMI-;.
815
tonnantes l'ont de Port-Arlluir un îles sites les plus pittoresques du litto-
ral'. A l'extréniité méridioniile de la péninsule, la pointe même fju'(Uit à
iC7. — IIUUAHl Kl 1-V RIMKIU- UhRWF-NT.
Eet ér P.
D'après les carres de I A
aL-le anglaise et d ai^tres documer
É : 1 «.".O OflO
c/e /OO '"ei é>iy .y^/À
doubler tons les navires pour mlier dans la haie des Tempêtes et dans
l'estuaire de Hobart, se dressent les roches basaltiques du cap Raoul,
prismes inégaux et noirs que la vague entoure de son écume. La eri<|ue
' Villes (lu la Tasiiianie avec leur po|iulaliuii :
llohait. . 28 648 habitanls (on 188 J); Launeeslon. . 19 ô.m lialiilants (en 1887).
814 NOUVELLE (lÉOfiR APIIIE I NIVERSELLE.
dite Oysler-cove, près de laquelle nioiirureiit les ilerniers iiuli^jèiies tas-
maniens, a été récemment aménagée pour l'élève des huîtres, suivant la
méthode française des fascines et des houchols.
Les contrées occidentales de la Tasnianie. (iccupi'es pai' d'àpro mon-
tagnes, sont presque inhahilées, et même inliahitahles daus la parlie la
plus considérable de leur étendue. Les roches nues ou recouvertes d'ar-
bustes bas et tellement enchevêtrés qu'on doit se frayer un chemin à la
hache, n'ont aucune herbe pour les bestiaux, et pendant huit mois de l'an-
née la neige blanchit les hauteurs; l'homme ne peut s'établir qu'à l'issue
de quelques vallées, sous le vent presque toujours tempétueux et humide.
C'est dans cette région peu hos|)italière que se trouvent les gisements
miniers ex])loilés' d'or, d'étain, de hismulh et d'antimoine.
La conslilnlidii pi)lili(nie de la Tasnianie ne diffère de celle de Aicloria
que par le iiomhrc des membres qui coniposiMit les deux assemblées'.
' ['riMliicli Ir rrhilii ni T;iMii;iiiir l'ii 1880 : 8 959 (iT.J fiiincs.
ilr l'nr „ « 57 500 000 1,
- i!ihl;;rl (!.• \:< V.<-,u:m\r en I !S8(i :
lirccllc^ U'i-J5 100 francs.
Ii.'pnivr. . 14 018 875 »
n.ih- |iiiIi1li|m.' 100 008 000 »
CHAPITRE IX
NOUVELLE-ZELANDE ET ARCHIPELS VOISINS
L'arciii|M'l des Mnnii. i|iil ^':i\;iiici' .111 sud vers les mers iinl.ii'c-
li(|uos, ;i Liindi' r;i|i|ii'll;iliiiii (|iic lui (liiiiii;i siiu di'Ciiuvi'eur lidlliiinhiis :
i|iiui(|ut' la plus aujiljiisc des ccduuios, cl souvcnl désignée comiiu' la
" Giaudc-Brelagne des antipodes », colle lerre l'appelle loujours, jiar son
nom même, le souvenir du grand navigateur Abel Tasman, ((ui en vil les
côtes occidentales en ltH"2; jl l'avait appelée d'abord '< Terre des Etals j»
(Staaten land), dans la peiisi-e (|u'eile rejoignail penl-èlre l'autre terre
des Etats située au sud de l'Amérique. .V la suite d'une sanglante ren-
contre avec les indigènes dans la Laie du Massacre, située à l'épaule nord-
occidentale de l'ile du sud, il continua sa coui'se vers le iM)rd jus(|u'au
cap extrême de la Nouvelle-Zélande sans avoir pu constater l'insularité des
terres découvertes par lui. Cent vingt-sept années se passèrent avant qu'un
nuire navigateur, James Cook, aiicrcùl les rivages néo-zt'landais. Il aborda,
sur la (('lie orientale de l'ile du nord, dans une clique ;i laquelle il donna
le nom de Poverlv-bav, déinenli de nos jours par les superbes troupeaux
ijui ])aissenl dans les prairies des alentours; puis il longea le lilloral dans
la direction du sud el lit le pi'iiple de l'archipel, d(''inonlraiit ainsi que
ces terres n'apparteiiaieiil pas au c(Uilinenl austral don! il avait espéré
r(^connaitre les C(jles. Dans ses deux autres \(ivages d'exploralion, (jook
visita la Nouvelle-Zélande : en loiil il iie passa pas iiKiins de .l^T jours à
('•ludier l'ai'chipel, et la carie qu'il eu a laissée esl, mèiiK^ dans les détails,
d'une ét(mnante exactitude. Itésorinais il ne reslail jdus qu'à jiréciser le
tracé du rivage el à parcourir l'inlérieur d(>s ile^. l/aiiiii'e même où (]ook
les décoiivrail ii nouveau, le navigateur Irançais Sui'ville déban|uail
dans l'île du nord, puis trois ans ajirès, Marion et (irozet en exploraient
aussi des c(jles : l'un de ces vovageiirs, Marion, \ trouva la inoil, massacré
8IG NOUVELI.K CÉOGRAl'Ull'; UNIVERSELLE.
});ii' !(•> iiuligriios, avec (iiialiirzc des siens. Dès celle époque, les navires
baleiniers commencèrent à Aisiler les [laragcs de la Nouvelle-Zélande,
mais sans fonder d'établissements jiennanenls sur la côte.
C'est par l'entremise d'immigrants australiens que se fil la première
tentative de colonisation de rarchi])el néo-zélandais : une station de mis-
sionnaires groupait ses cabanes à l*ahia, sur les bords de la baie des Iles
{bay of Islanch), près de l'extrénilh' seplenirionale de la grande île du
m»rd, et bientôt après un autre village, de pécheurs et de traitants, s'éta-
blissait en face de la station à Kororaiika, el se peuplait de l)lancs et de
métis. Un magistrat résideni lut nommé par le gouvernement anglais pour
surveiller les Européens de la colonie naissante, mais sans assumer d'au-
lorité sur les indigènes, considérés comme nation souveraine. La coloni-
sation proprement dite, avec prise de possession oflicielle du sol, ne com-
mença qu'en 1840 par la fondation de la ?\ew-Zcttland Company, qui
acheta des terres aux indigènes et iil choix d'un emplacement sur le porl
Nicholson, crique de la côte méridionale <le l'île dn nord, pour en faire le
chef-lieu de ses domaines et le point inilial du |ieuplement de l'aichipel.
La même année, un navire français, apparlenaul à hi Compagnie Nanlo-
Bordelaise, abordait à la baie d'Akaroa, à l'extiémité de la péninsule moii-
lueuse de Banks, dans l'île méridionale. Mais lors(jue les Français débar-
quèrenl, des officiers anglais venaient d'y passer, et le sol avait été acheté
par eux. C'est en qualité de sujels de la Grande-Bretagne (pu^ dnreni
s'élablir les colons français sur leur domaine de l'2 00U hectares. La petite
colonie s'est graduellement fondue dans le monde anglais qui l'environne.
Cette tentative d'annexion coloniale faite au nom de la France bâta l'ac-
tion dn gonvernemeut anglais et des compagnies terriennes. Celles-ci, sans
atlendre même l'approbation oflicielle, s'empressèrent de fonder des villages
sur plusieurs points du litt(nal et d'y d(''bar(|uer par centaines des familles
d'immigranis. En 1841, la Nouvelle-Zélande, cessant d'être considérée
connue une dé|)endauce politique de New South Wales, |irit le tilre de colo-
nie distincte, el douze années plus tard, alors (|ue sa p(i|iulali(in blanche
s'élevait déjà à une trentaine de mille peisonnes, elle prit j)lace au ncnnbre
des Élats constitutionnels de l'empii'e colonial anglais. Bienlôl après, eu
1857, ou déconvrit les mines il'or (|ui ont fait la fortune de la Nouvelle-
Zélande : les chercheurs de métal accmnni-enl en foule, el le pays se ])eupla
rapidement'. L'archipel du Pacili(|n<' austral est rnaintenaut une des prin-
' SuiH'ifieii; (le la N'uuvellf-Zélaiiile cl poimlalinn (\ ciiniiii-is les Mami). au 51 ilé/oiiiliiv 1887 :
275 550 Icilomèlros canr>: 048 0(1(1 liaMlaiils.
KM'I.lIliATKiN HE I, A NOI V KI.LK-Z.KLA MlE. 817
cipalcs foldiiics ausli'jiliisiciiiics, une des (pIiis jM'ii|ilr('s m |)r(i|)iirli(Mi de
son ('(oiuluc.
On comprend <jiie les deux glandes iles de l'ai'clii|)el soieni eniLi'asséos
d'ordinaire sons le nom eoileelit' de .Nouvelle-Zélande, car ces denx terres,
((uoiqne séparées jiar le délroil de Cook, n'en forment en réalité qu'une
seule, par l'orientation, l'allure générale et le socle sur lequel elles se dres-
sent. I/ile du Nord, la « France Ansli'ale » de Marion. est la moins
grande : on la désigne parfois sous Me nom maori de Ika na Maui, le
«Poisson de Maui », en souvenir d'une légende héroïque; elle est dite
aussi Aolea-roa, c'est-à-dire la ^ (Irande ('lendue >., — ■ >' le Soleil écla-
tant ", d'après Kerry Nicliolls. — L'Ile du Sud, la plus considéralde, porte
l'appellation indigiMie de Tevalii l'aiiamu, dont le sens, expli(jué de
diverses manières', est projjalilement « pays du Jade' » . Un détroit,
Foveaux-strait, sépai'e de cette île une terre de faibles dimensions, mais
ahrnpie el liante de 90(1 mètres, Stewart-island, ([ui autrefois fui aussi
nommée « île du Sud », comme s'il était possible de la comparer aux deux
terres du nord : c'est le Raki-rua ou la « Terre aride » des Maori. Enfin,
l'archipel se tei-mine au sud par le pic isolé des Snares, entouré di^ quel-
ques îlots rocheux, signalés pour la première fois en 1791 par Vancouver.
Wetlstein et d'autres géographes ont constaté que l'ensemlile de la
Nouvelle-Zélande ressemhle singulièrement par sa foi'me exléi'ieni'e à la
péninsule italienne, mais en sens inverse : sa pointe nord-occidentale
correspond à la presipi'ile des (]alal)res, tandis (|ue son exlr(''milé nord-
orientale rappelle le « talon » d'Otrante. Toutefois le l'elief des deux terres
anti|)odales ne présente guère d'analogie.
Le corps de la Nouvelle-Zélande est orienii'' dans le sens du sud-ouest
au nord-est, el l'exploration sous-marini^ du Pacifique a (h'-monlré que
dans celte partie de l'Océan lesanii'es lei-i-es sont disposées suivant le même
axe d'orientaticni. Au sud, divers(\s îles, découvertes au commencement de
ce siècle, le petil archipel d'Auckland, les îles volcaniques de Cam|)ljell et de
Mac(|uaiMe, Emerald-island el les îlots (jiii les accompagnent, alignent éga-
lement leurs socles el leurs saillies dans la direction du sud-ouest au nord-
est. Au nord de la Nouvelle-Zélande, la chaîne des terres émergées se conti-
nue, mais en se recourlianl un |ieu, par les iles Kermadec et par l'archipel
de Tonga; enfin, à l'c'sl, les îles (>halhani, le gi'ou|ie des qualorze îles
de Bounty el celui des Anli|)odes affectenl une disposition parallèle à
l'axe de la Nouvelle-Z(''landi\ (les ilols des Antipodes, mieux nommés des
' 1'. A. Lrsson, Ir.t i^o/i/H(".s(C)iN, leur iiiiiiiiic. leurs iiiiiiniliiiiis cl leur hniti/Kjc.
- A. S. Tliomsnn. Netv-Zerildiifl.
XIV. 103
818 >()IVr,I.LK IIKOCKAI'IIIK U.M\ K HSK I.I.K.
l'éiiiiiilipudcs par WalcrliDiisc, (|iii les (l('couviil en IS(M), ne mi'iilciit pas
complMenifiit Itnir nom ; pas plus que lo Coutiiieiit Austral, jadis appch'
Auti-Chllionie ou « Contre-Terre », elles ne s(> trouvent sui' la l'ondeur
planétaire à l'opposé précis de l'observatoire de Greenvvieh, au(piel les
rapportait i'exploi'ateur anglais. Leur position (49°, 42 de latitude méri-
dionale et 178°, 45' à l'est de Greenwich) correspond exactement à celle
de la pointe de Barfleur, sur la face opposée du globe, à '20(1 kilo-
mètres au sud-ouest du centre astronomi(|ue des marins anglais. Les îles
Antipodes sont des roches de granit inabordables, percées de grottes el
d'arcades où les vagues passent en mugissant. Le pic le plus élevé de la
graiule île, le mont Gallavvay, s'élève à 400 mètres'.
A l'ouest, les terres émergées delà Nouvelle-Zélande se conlinueiil au-
dessous de la mer pai' des seuils élevés, (|ui se dirigent au nord-ouest : l'un
d'eux, qui se termine par les îles pyramidales de Howe, s'ari'ète au large
(lu golfe australien de Morelon-bay ; l'aiihc, prdldiigemciil de la p('Miiusuli'
nord-occidentale de la Aouvelle-Zélaiulc, se redresse pour former l'ile de
INortollv. va rejoindre les récifs de (Iheslerfield, à l'ouest de la Nouvelle-
Cal(''<loiiie, puis s'unit au piédestal (pii porle la (îraiide lîariière. Ces
parties relativement peu profondes de l'Océan, où la sonde louche le lit
marin à moins de ISOO mJ'Ires de la surface, indi(|ueraienl, d'après (juel-
ques géologues, le giseiiicnl d'anciennes terres ipii reliaient la Nouvelle-
Zélande à l'AusIralie. en un i^rand continent faisant éipiilibi'c à l'Afrique
et à rAm(''ri(|ne in('Tidionale. Les hautes montagnes néo-zélandaises seraient
à l'orient la cliaîm' bordière de C(^ massif continental* ; cependant elles ne
s'c'lèvent pas. comme la plupart des autres saillies côlières, au-dessus des
abîuM's oc('Mniqnes les jihis prolonds : la mer est beaucouji plus ci'ense
à l'csl des Alpes autraliennes qu'au pied des Alpes néo-zélandaises.
La chain(> alj)ine ([ui fait lessembler d'une manière si remarquable l'ile
méiiilionale de la Nouvelle-Zélan<le aux régions montueuses delà Scandina-
vie, commence en mer par le groupe volcanique des Snares, autour duquel
tourbillonnent les oiseaux, et pai' SiewaLt-island, fragment de |)laleau mon-
lueux, analogue à d'autres massifs de la grande tern>, granits et roches
sédimentaires d'ancienne formation. Dans son ensemble, l'épine dorsale de
l'ile du Sud suit la C(')te occidentale; le veisant de l'ouest est très escai'pc'
el plonge en maints endroits du c(Ué de la mer par des parois abruptes. Le
versant oriental, au contraire, est relativement peu incliné, mais la |)ente
' }ie))(irt tif Ihc Marine departeiiienl, lS<'H'-/.i'iihiiiil. IS8(!
- i;.!. Siirss. I)(is Aiillil: (Ici- A'iy/c.
--i,.|
a
Rf
tàM ièmûum\im,immimf4
l'iKI.IEF riE LA NOLlVELLE-ZÉLAÎSrtE. S'Jl
L'>t iiilriioiii|uif |iiir des cliiVînoiis parallèles à l'artMc principale cl com-
posés priiicipalcnit'iil de (h'Iii'is que (raiicieniics nioiaiiies ont jioiissés
au-tk'vant des vallées. Dans la partie méridionale, l'ossatun! de l'île n'a
pas ras[)ect d'une chaîne : c'est plutôt un plateau de 1000 à 1:200 mètres
d'élévation, parsemé de pyramides de (juel(|ues centaines de mètres.
Mais ce plateau se rétrécit peu à peu cl, piès du Milford-sound, il se
réduit à une arête (|ue domine le mont, en rorme de |(mr, dit le Caslle-
mountain ou « mont (]hàteau » ("2140 mètres). Au delà, la chaîne se
dresse encon' |)ius haut, et pic neigeux succède à pic neigeux jusqu'aux
monts Earnslaw ("2705 mèti'es) et Aspiring (oO'2.~ mètics), que l'on peut
considérer comme les horin's méridionales des Aljtes néo-zélandaises jtro-
prement dites. Cependant cette chaîne est interrom])ue soudain par une
cluse comme d'aulics grands systèmes montagneux n'en oITrent point
d'exemple : en remontant un délilé que parcourt un gave rapide cou-
lant au sud-est. on atteint un seuil composé de débris et d'une hauteur
d'environ 5 mètres; après avoir dépassé ce barrage, on se trouve dans une
étroite plaine, d'où l'on descend par une pente insensible sur le versant
occidental, dans le bassin de la rivière llaast. Ce passage, car on ne saurait
lui donner le nom de col, est à l'altitude de 491 mètres seulement :
on l'a désigné d'aprJ's l'explorateur et géologue llaast, celui de tous les
géographes (|ui a le mieux é'tudié la sliucture des monts néo-zélandais.
Au nord de la lissure transversale, les monts s'élèvent encore, et c'est
dans celte partie de l'île, à peu près vers le milieu de la saillie de partage,
que se dresse le géant de la Nouvelle-Zélande, le mont Cook, dont l'appel-
lation maori est Ahravaïgi ou ^ Perçant le Ciel >> ; il atteint o70N mètres
d'altitude et l'obélisque blanc de] sa crête dépasse de haut tous les autres
sommets, désignés pour la plupart sous les noms de savants fameux, lloch-
stetter, Lyell, Darwin, Élie de BeaumonI, Malte-Brun. Au delà, les Alpes se
maintiennent à })lus de "2500 mèti'es, et sans échancrures profondes, sni'
un espace d'environ "200 kilomètres jusqu'au Harper's pass, ouvert à
1067 mètres entre les deux versants : c'est là que finit la ciête alpine;
mais quelques grands massifs se présentent encore sur l'axe de la chaîne,
notamment le mont Franklin, d'environ 3000 mètres; au delà, les
chaînons se ramifient dans tous les sens, et la bianche la j)lus haute con-
tinue de longer la côte occidentale. A cette extrémité de la saillie monta-
gneuse le dernier grand pic est le mont Arthur, haut de I 76S mètres.
Un de ses rameaux se déploie en amphithéâtre autour de la baie du Mas-
sacre jusqu'au cap Farewell ou « Adieu », pointe nord-occidenlale de l'île.
C'est dans les montagnes de l'île méridionale que les Maori trouvaient la
Si'J. iNUlVELLK GK UGliAl'llIK IM VKKSELLE.
iiéphiite qui leur servait à fabriquer les ornements el les armes auxquels
les chefs attachaient un si grand prix.
Les Alpes de la Nouvelle-Zélande dépassent de beaucoup la limite infé-
rieure des neiges persistantes, qui est en moyenne de '2 iOO à ^iMt mf'ti'es.
Les névés s'étendent sur des milliers de kilomètres carrés autour du monl
Cook, et de ces nappes blanches, que dominent les pyramides étincelanles,
s'épanchent des glaciers sur les deux versants des montagnes. Du c()té de
l'est descendent de magnifiques fleuves de glace, entre autres le Tasinan,
dominé à l'est par la pyramide isolée du Malte-Brun, dont la foi me ra|>-
pelle vaguement celle du Cervin'. Pour les dimensions le Tasnian |ieul
se comparer aux plus vastes glaciers des Alpes : il a 19 kilomètres de
long et près de 5 kilomètres à son extrémité inférieure, située à 71o mètres
au-dessus de la mer; mais la plus grande partie de ce courant de glace
reste cachée sous des amas de pierrailles el de boue. Sur la pente occiden-
tale, les glaciers, alimentés par une neige plus abondante, qu'apportent les
venis humides de l'ouest, descendent plus bas : c(dui du mont (look ne
s'airèle qu'à ^iO mètres d'altitude", mais les vallées sont trop courtes
pour que les fleuves de glace puissent |ireiulre le même développement
(jue sui' le versant opposé. D'ailleurs, à l'est comme à l'ouest, les glaciers
étaient jadis beaucoup plus étendus : des moraines, des polis et des lacs
témoignent de leur ancienne extension. D'apiès (Ireen, les glaciei's de la
.Nouvelle-Zélande seraient actuellement dans une période de croissance.
Encore dans l'époque glaciaire par ses montagnes, la Nouvelle-Zélande,
et sui'lout la grande île méridionale, appartient à la période lacustre pai'
ses plaines. Les lits des fleuves de glace disparus sont en partii' eui|)lis
parades lacs que d'anciennes moraines frontales retiennent à l'aval el qui
se comblent peu à peu du côté d'amont par les sédiments qu'apportent les
gaves des montagnes. Sans compter de nonibi'eux étangs de moins de deux
kilomètres carrés en superlicie, luillanl au milieu des roches ou des
glaces, l'ile du Sud ou Tevahi Dunamu n'a pas moins d'une soixantaine
de lacs, dont plusieurs s'étendant sur un esjiace de plus de 100 kilomètres
carrés cl remplissant des cavités de [iliis de 100 mètres en profondeur.
Presque tous ces grands réservoirs se IrouNcnl dans la partie méridionale
de l'île et sur le versant oriental des nionls. Les Alpes néo-zélandaises,
se dressant brusquement le long de la rive occidentale, ont de ce côté une
|)ente trop raj)ide pour que les eaux aient pu s'y amasser en bassins consi-
' liiccii, Tlic liifili Alps of Ncw-Zealund.
* Cox, Report on tlie Westent tlislric'.
Md.NTACM'S KT CLACIKIIS Dl' LA NUI V|;LLI; -ZKL AMlK. fi^'T,
ilrrahlcs. .Mais la coiiIrc-iM'iilc (ourin'c vers l'oririit et h^s phiiiics rayées de
inoraiiies (|iii riiilerronijteiil juscju'à la mer offrent (l(>s inégalilés nom-
l)n'iises oîi les lacs ont pu siiceédei aux glaces : c'esl dans la régiou inler-
médiaiiT. de la montagne à la plaine, que se sonl formés la pluparl de ees
riUriFR l>E T\:
t :i:i:>>
,^'i^-^ ,./
li ^-
l'éservoirs lacustres; une ligne droite menée à travers les principaux lacs,
du nord-est au sud-ouest, sur une longueur de S^O kilomî'lres, seiail
parallèle à la chaîne des Alpes néo-zélandaises cl se confondrai! avec l'axe
même de l'île du Sud.
i,i's lacs (pii conslilueiil le Lifoopc scplcnti-ional. à l'est ukmiic du massif
82i NOrVEI.LE CEOdliAI'IIIF, lIMVEnSELLi:.
If |ilus élevé (les Alpos, piiraissciil n'èlrc que le resie (1*1111 dédale d'eaux
ialéi'ioures ayant occupé les \asles plaines de Mackenzie, découpées en
d'innomhiables cavités secondaires ])ai' les moraines, les amas de blocs
erratiques, les barrages et lits de sédiments. Ces lacs. Te Kapo, Pukaki,
Ohau, jadis beaucoup plus profonds, se comblent rapidement, comme se
sont déjà comblés ceux que traversait plus au nord la rivière Waïmakariri,
et l'on prévoit le jour où la rivière Waitaki, sortant maintenant en cristal
transpanMil des bassins où se purifie l'eau glaciaire, ne recevra plus qu'un
flot troublé. Ouoique son cours dévebqjpé ne dépasse guère 200 kilomètres,
c'est pourtant un grand fleuve, el même un auteur le dit « cinq fois aussi
abondant que la Tamise' », mais sans donner déchiffres à l'appui de son
assertion. Plus au sud, la (llutlia, qui rei-oil le trop-plein du groupe cen-
tral des lacs, est beaucoup plus considérable, et le même auteur la com-
pare au Nil : par la longueur du couis aussi bien que par le volume liquide,
c'est le premier fleuve néo-zélandais. C'est aussi celui dont le bassin' a été
le mieux exploré, grâce à ses mines d'or, qui. dès l'année ISfi^, ont attiré
des milliers il'exjtlorateurs dans la région des sources. Un des lacs du
versant, le Wakatipu, n'a pas moins de (SO kilomètres en longueur,
mais sa largeur varie de 2 à T» kilomètres seulement; il a l'aspect d'un
fleuve tortueux, mais sans courant visible el sa profondeur, sans exemple
dans un cours d'eau, dépasse 42.') ini'lres à l'endroil le plus creux :
en moyenne l'épaisseur d'eau es! de 3(i5 mètres; <le pari el d'autre,
les versants des montagnes riveraines plongent sous les eaux eu abiiiples
falaises.
Le plus vaste de l(Uis les lacs U(''o-Z(''laiidais, Te Anau, est en dehors
du bassin delà Clulha, à l'oiigiue d'une rivière qui se déverse sur la côte
méridionale : il emplit une longue vallée et tous ses vallons tributaires sur
un espace de 510 kilomètres carn»; à l'endroit le plus |(rofond, la sonde
a mesuié 28(^) mètres. Un islhme de quelques kilomètres sépare le Te
Anau d'un autre grand lac, le Maiiapoui'i, que l'on croit être également
très profond el cjui se ramilie eu de nombreuses criques, autoui' d'Iles el
de j)romontoires escarpés. Les Maori qui parcouraient ces conliées, de
nos jours encore presque désertes, ne s'aventuraient qu'avec crainte aux
bords de ce lac aux eaux somhi'es, rellélaut des UKuits noirs de fui'èts. Le
nom de .Manapouri ou « Co'ur attristé » témoigne peul-èlre ihi seuliment
que leur inspirait le dieu caché dans ce lac silencieux.
' W. N. llliilr, Snjlli.tli CriHiiiiphiiiil Mmjd-Jiic. iiin, 1887.
- Sn|.rili(ic(lii Imssiii ,1,- lii (;iulli;i. il'j|iivs llhiir : 'l\:,K> Kiloiiièln
104
FJORDS IlE LA NOll VELLE-ZÉLA>Di:.
8-27
Si le versant oriental du plateau méridional des Alpes néo-zélandaises a
ses lacs, le versant occidental a ses fjords. De part et d'autre la formation
est analogue : les vallées se correspondent des deux côtés des monts; seule-
ment celles (le l'est sont emplies d'eau douce; celles de l'ouest, en com-
mun irai ion avec la mer, sont des liassins d'eau salée. Le contraste
N° 169. — FJORDS SUD-OCCIDENT.VUS I)K LA NOCVELI.E-Ztl.AXDE.
Est de Par,
Est de Green^ich
I : 2 800 000
entre les ramures de vallées opposées est le même dans cette partie de la
Nouvelle-Zélande que dans la péninsule Scandinave; à la Suède lacustre
répond la Norvège découpée de fosses marines. Comme dans les contrées
lioréales, les fjords néo-zélandais n'existent qu'à l'issue et aux points
de rencontre où des glaciers ont empli des vallées primitives, les pro-
li'geanl contre les dépôts de débris qui se faisaient aux alentours,
82S
NO r VK I. L F, i; K ( II. i; a imi i i; im ve use l i, i:.
parloul où les couches de j^lace ne recouvraient pas le sol ; ni moraine»
ni alliivions ne travaillaient à comliler ces dépressions profondes, que le
fleuve congelé conservait dans leui' forme |)remière. Mais, dès que les gla-
ciers se sont retirés au-dessus du niveau de la mer et que leur partie infé-
rieure s'est graduellement fondue, l^euvre de comblement a commencé :
éboulis, avalanches, lori'enls, vagues marines ont collaboré au remplis-
sage des bassins, transformés d'abord en chaînes de lacs, puis en plaines
i;iu:aksi:a-soii.M) ut bv<h
Pro^na/eurs
c/e/00à200^.
1 non 000
de 200 "^et â^-del^
marécageuses et en campaj^nes fciiilcs. Déjà tous les Ijords (|ui existaient
au nord du 44" degré ont él('' oblitérés : il n'en rciste qu'à l'angle sud-
occidental de l'île du Sud, sur une longueur il'environ 125 kilomètres. Les
plus grands sont ceux qui s'ouvrent |)récisément à l'extrémité méridionale
de la côte : le Preservation-inlet, la baie du Dark Cloud ou « Nuage
Sombre », et le Dusky-souiid ou k baie Fumeuse»; ce derniei' n'a pas
moins de 207 kilomètres car i(''s en su|)erficie. Le fjord le plus septentrio-
nal de la Nouvelle-Zélande el de Joules les terres de l'hémisphère austral est
leMilford-sound, admirable nappe d'eau dans laquelle se réilètent les monts
neigeux, les cirques éliiicelants de glace et les promontoires vcM'doyants;
FJOliliS, MdNT.Wi.NKS llK 1,.\ Ndll VKLLK-ZKL.VMlK. 821)
(les parois abnuilcs de plusieurs centaines ou même d'un millier île mètres
se dressent hors de l'eau et de leurs fissures s'élancent des cascades'.
Tous les fjords néo-zélandais se ressemblent par la longueur, l'étroitesse
et la f>rande ])rofoiideur de leur fosse, faiblement ramifiée; cependant il en
est plusieurs qui s'unissent par des bras latéraux et découpent ainsi le
littoi'al en îles de forme régulière. Le creux des fjords, dans la partie mé-
diane, dépasse 'i'iO mètres en moyenne; le Milford-sound, le plus pro-
fond de tous, recouvre son lit d'unes é|iaisseur d'eau de 3(30 mètres. Sans
exce|)(ion, les fjords ont un seuil à l'entrée, un « pont » de débris comme
les fjords norvégiens, et les parages maritimes qui bordent la côte sont
recouverts d'une assez mince couche liquide. Avant de trouver dans
l'Océan la même profondeur d'eau que dans les fjords, il faut cingler au
large jusqu'à une distance d'au moins 100 kilomètres. Cette faible épais-
seur des eaux néo-zélandaises a-t-elle pour cause les énormes quantités
de débris apportées jadis par les glaciers de l'intérieur? ces hauts-fonds
sont-ils des montagnes détruites, puis déposées de nouveau en couches
régulières? ou bien faut-il voir dans ce phénomène l'effet d'agents géolo-
giques plus puissants que les glaciers? La forme générale 'de la côte,
coupée régulii'rement suivant une courbe convexe entre les étroites portes
des fjords, semble témoigner de l'action d'un grand courant qui l'aurait
érodée pour en étaler au loin les débris. Du côté de l'est, le littoral a em-
piété au contraire sur les eaux marines, les fleuves ont étalé en mer de
vastes plaines alluviales, protégées en deux endroits contre les érosions par
des musoirs volcaniques. L'un de ces promontoires est le cap Saunders,
à l'abri duquel s'est ouvert le port d'Otago; l'autre, la péninsule de Banks.
dont la masse su|ierbe, complèlemeul isolée, est découj)ée de baies et de
caranques où mouillent les navires : telles sont Port-Akaroa, Pigeon-bay,
Port-Levy, Port-(]ooper. Un cordeau de sables marins unit la côte méri-
dionale de cette presqu'île de laves à la terre ferme en enfermant un ma-
rigot vaseux. Banks-peninsula ressemble d'une manière étonnante au
monte Argentaro de la côte italienne. Non compris toutes les indentalions
et les sinuosités du littoral, le développement des côtes néo-zélandaises est
évalué par Tlionison à plus de 5(10(1 kiloinJ'tres.
.\lalgi('' la |ir(ii'()M(le coupure que forme le détroit de (Jook, les chaînons
orientaux de l'île du Sud se continuent de l'autre côté de la brèche, dans
l'île se})tentrionale. Des crêtes parallèles, mais de faible élévation, s'ali-
gnent dans le même sens que les montagnes di' l'autre île, c'est-à-dire
' \,iii [..■.KlriilfM. Dnilsrhr lliiiHl.frliini fiir Gcnfiniiiliir iinil SI,it,.'<liL \|.iH 1SS8.
850
NorVELLK GÉOGRAl'IllE IM VERSEl.l.K.
dans la direction du sud-ouest au nord-est; mais, tandis que dans l'ile du
Sud les Alpes néo-zélandaises bordent le littoral de l'ouest, ici c'est le
71. — DETROIT IIE
E.- d« P:
1 : 5 nno oiiii
a'e2ûO '"et au c^£'/à
lon^r de la cote occidentale, ou du moins à um- dislance d'au plus 80 kilo-
mètres, (jue se développent ces rangées de montagnes. Le socle qui les
porte constitue une terre presque distincte, long quadrilatère'se lerïni-
nanl au sud-ouest et au nord-est par des péninsules znassives et se
\ULCA.\S 1>K LA >OL\KLLH-Z£LA.MiE. 831
laKacliaiil au reste de l'île par de vastes plaines et des seuils uiontueux,
ayant près de 1000 mètres au sud du lac Taupo. La plus haute montagne
de cette région orientale est le Ilikurang (1688 mètres), situé non loin de
l'East-cape ou cap Oriental. Vers le centre de l'île, le court chaînon de Kai-
mawana, qui dresse au-dessus des plaines ses escarpements boisés et sou-
vent neigeux à la cime, appartient au même système orographique par son
orientation et par la nature de ses roches anciennes, ardoises, grès et
quartz, injectées de veines dioritiques; les sommets du Kaimavvana adei-
gnent 1800 mètres.
A l'ouest de ces monts, le reste de l'île est occupé par des massifs volca-
niques, disposés pour la |)lupart sans ordre apparent et séparés les uns
des autres par des lacs et de profondes vallées. Le mont Ruapehu, le
plus élevé de l'île septentrionale, forme à lui seul tout un groupe de cônes,
dont la base commune, reposant sur un plateau d'un millier de mètres
en hauteur, n'a pas moins de 100 kilomètres de tour; les deux pointes
neigeuses de la pyramide suprême, haute tle 2700 mètres, commandent
un immense horizon sur l'île presque entière jusqu'aux promontoires de
l'est; de belles forêts recouvrent les pentes occidentales de l'ancien volcan,
tandis que de l'autre côté s'étend une plaine inhabitée, le désert d'Onetapu
ou du « Sable Sacré », formé en effet de cendres et de scories que vo-
mirent les cratères du Ruapehu à une époque inconnue. Mais là aussi
le sol était revêtu de forêts; car sous les débris on retrouve les troncs
carbonisés des grands arbres ' .
Un espace uni d'environ 8 kilomètres sépare la base du Ruapehu de
celle d'un volcan encore actif, qui se dresse plus au nord, le Tongariro.
Le socle qui le porte est à l'altitude d'environ 900 mètres, mais il se creuse
en vasque autour de la montagne : j)eut-être existail-il en cet endroit un
cratère duquel s'est élevé graduellement le cône du Tongariro, mont de
cendres et de scories d'une régularité parfaite, dont le cratère terminal est
maintenant, d'après Nicholls, à 2248 mètres. Le volcan, presque toujours
en état d'éruption, était naguère strictement taboue par les indigènes ; ce-
pendant il a été gravi: on a pu contempler le spectacle admirable du grand
cratère et des petites coupes latérales d'où s'élancent en tourbillonnant des
vapeurs sulfureuses; à travers le nuage que fait flotter le vent, on aperçoit
quelques mares d'eau bleue qui remplissent les dépi'essions terminales de
volcans parasites; plus loin vers le nord, la montagne Kelotahi émet aussi
do fumées en abondance, tandis oue le cône réiiulier du Pihaiiga, domi-
' .1. 11. kiTiv-.Mcholls. Tlic Kimj Counlnj.
85'2 NOUVELLE (;ÉOGK AI'IIIE IMVEliSELLE.
iKUil la pallie méridionale ^du grand lac Taupo, est depuis longtemps
éleinl. Les Maori lui donnent le nom de u femme du Tongariro )' ; quant
au mot de Tongariro, il indique simplement la position de la montagne au
sud du Pihanga. Un chef maori vient de léguer en mourant les massifs
volcaniques du Ruapehu et du Tongariro à la nation néo-zélandaise, pour
(|u'elle en fasse un « parc national », protégé contre les empièleineiils el
les enlaidissements de la pro[)riélé priv(''e.
Le Taupo, qui occupe à peu |iivs le milieu géographique de l'ile du
Nord, appartient aussi au système volcanique de la Nouvelle-Zélande : on
a même émis l'hypothèse que ce fut un prodigieux cratère. La forme iii(''-
gulière du bassin ne justifie point celte snp|)()silion. mais il est horde de
volcans d'où se sont écoulées des laves el (|ui ont laiUM' des ])ierres |)onces
el des cendres en quanlités énormes. Il est pr(diahle que les premières
éruptions de cette contrée se fireni au-dessous de la mer el que les amas
de débris rejetés finirent par séparer de l'Océan un golfe, Iransformé gra-
duellemenl en lac par de nouveaux appiuls, puis en lac d'eau douce par
les pluies, les neiges el le courani de sortie : c'esl une remarquable coïn-
cidence que le nom du Tau|)() ail le sens de « Rocher jadis couvei'l
d'eau )^ comme si les Maori avaient uue lra<lili()ti raconlant l'exliausse-
menl graduel de la conirée '. Toule la pai'lie nu'diane de l'île, à l'ouest
des roches anciennes de l'ossalure piimilive, est composée de couches de
pierre ponce, d'une puissance de plusieurs centaines de mètres, recou-
vertes d'un humus formé en partie de trachyle désagrégé. Les mon-
tagnes à l'est, les volcans à l'ouest, el dans l'espace intermédiaire les
cendres et les scories ont limité le réservoir ci'ulral et en ont ainsi relevé
le niveau jusqu'à la convexité du |)lateaii en forme de boucliei' (|ui
occupe la partie moyenne de l'ile. Jadis le lac Taupo était même plus
élevé, ainsi qu'en témoignent les plages marquées sur les jH'ntcs des mon-
lagnes environnantes; mais la livièi'e (jui s'en échappe l'a vidé en partie
en ravinant les amas de pierre ponce qui limitent au nord le bassin
lacustre. Actuellement le niveau du lac est à 558 mètres d'altitude, et son
étendue dépasse 775 kilomètres cairés; eu quel(|ues eiidi'nits il est sans
profondeur, mais la partie centrale est 1res creuse, de « plusieurs centaines
de mètres », disent trop vaguement les géologues anglais. Dix-sept rivières
se jettent dans le Taupo; la plus considéi'able est le Waikato, qui passe à
la base du Pihanga el gagne peu à peu par ses alluvions sui- la |iartie mé-
ridionale du lac. Celle rivière, dont le nom signifie simplement « Eau cou-
LAC TAUPO, RIVIKRE WAIKAÏO. 853
raiite », naîl diiiis les hautes neiges du Ruapehu h côté d'une autre rivière
qui descend vers le détroit de Cook; les deux vallées à pente contraire
coupent l'île en deux moitiés. La rivière qui sort du lac Taupo, et qu'on
appelle Waikato comme le cours d'eau supérieur, a sa légende, et de même
que le Rhône, elle est censée traverser le lac sans y mêler ses eaux. Comme
leRhône, elle s'enfonce aussi en des gorges profondes, non entre des parois
IT2. — LVC TACI'C
Est de Par,
175° 30
Est de Greenvv ch
aprts J(erry-Nicholls
rocheuses, mais entre des assises de pierres puiico, superposées en ter-
rasses avec une régularité parfaite. En plusieurs endroits, la base de ces
falaises croulantes est bordée de fumerolles, qni de loin ressemblent à des
feux de pêcheurs. L'eau du Waikato est d'une admirable couleur d'opale,
provenant, dit-on, de la silice qu'elle contient en abondance. A 10 kilo-
mètres à peine en aval de la sortie du lac, la rivière, arrêtée par un roc
transversal de trachyle, ])longe de 15 mètres du fond de l'étroite gorge et
XIV. 105
854 NOUVELLE GEOfiRAPUIE UNIVERSELLE.
lombt! dans un large bassin où lournoicnt ses eaux, jinis clic ivçoil de son
versant occidental un large ruisseau thci'rnal, descendu du cirque de Wai-
rakei, où de toutes parts des geysir entourés de margelles siliceuses jail-
lissent au milieu de la forèl; çà el là des arbi'cs tombés se reconnaissent
encore sous l'incruslalion cristalline (jui les recouvre peu à peu. Du pied
d'une colline, un jet de vapeurs brûlantes, d'une température de 122 de-
grés centigrades, s'élance en déchirant l'air d'un sifllement continu. On
le distingue parfois de 80 kilomètres à la ronde, el les Maori (jui naviguent
sur le lac Taupo en étudient les alternatives |iour se rendre compte des va-
riations du temps'. En aval de son confluent avec le ruisseau thermal,
le Waikato décrit une grande courbe vers l'est à travers le plateau de pierres
ponces, puis il se replie vers le nord-ouest et se nuMe aux eaux marines
par un large estuaire ouvert au sud de la péninsule d'Auckland.
Entre la vallée du Waikato et le goll'e dit liay ot Plenly, (|ui limite au
nord-est le grand corps insulaire, le plateau de pierres ponces est occupé
j)ai' un antre groupe de volcans et de lacs, anciens cratères ou réservoirs
formés par des barrages de débris. La plus vaste napj)e d'eau de cette région,
le Roto-rua ou le « Deuxième Lac », est située à l'ouest des autres bassins,
à la base oi'ientale du mont Ngongotaha (77(S mètres). Le lac, d'une super-
ficie d'environ (SO kilomJ'Ires carrés, est charmant à voir avec sa |)etite île,
les collines el les promontoires de ses bords, les bosijuets el les l'oi-èls des
rivages; mais ce qui fait de cette régitin un lieu de merveilles, ce sont les
sources variées à l'infini pai' la forme, la périodicité, la composition chi-
miijue, (|ui jaillisseni du sol au sud-ouest du lac; l'espace sans cesse
vibrant occupe une Z(ine de Ti à (i kiloniJ'tres au bord de l'eau et de
1600 mètres dans l'intérieur. Fontaines inlermiltenles, jels errants, qui
s'élancent d'un point, puis disparaissent |)our se montrer plus loin,
vasques tranquilles où l'eau pure est à peiin» troublée par (juel(|ues bulles,
sources froides, tièdes, chaudes ou brûlantes. suHuicuscs, salines ou
acidulés, solfatares, fumerolles, geysir, la vallée du Uoto-ina montre
à côté les uns des autres tous ces phénomènes. Un des geysir jaillit à
20 mètres de liaiil d'un cùiie siliceux île 1,'» mi-lrts :'la vapeur s'échappe
en sifflant cl ICau qu'elle soulève hruil cdunne le tonneric. Lt>s eaux
thermales et niini'rales avaient alliié de Idules jiarls les malades maori ;
maintenant les blancs néo-zélainlais, même des Europi'ens. s'y rendeni à
leur tour; un sanatoire s'élève sui' les bords du lac.
A l'est du Roto-rua se succi'deni d'auli'es bassins lacustres, le Ruto-iti
' Keny-.XiLholls, ouviage cit«.
WAIKATO. LACS ROTO-IU'A ET TARAWERA.
835
ou <( K'iil Lar », le Uolo-ehu ou « lac Vasciiv •>, In Rolo-iiia ou « lac
Blanc », (lonl les courts efflueuls desceiulenl au uoni vers la baie d'Alion-
dance. Plus au sud, à 300 mètres d'altitude moyenne, se groupent d'autres
lacs, dont le plus grand est le Tarawera, dominé à l'est par la montagne
du même nom ou le « lioe Iirùl('' ». cône lr(Mi(|nr d'as|iec( formidable dont
les talus rouges et noirs se redressent à r>(IO uii'lres au-dessus du lac. On
croyait ce volcan ('leinl, mais il n'élail (|u'assoupi, et en 18S0, pendant
HKGKJN Ul:s Mt:i\VKIl.l.l>.
Est de Par-
/f'
=t de Lreenvv ch
-"L, Kolo-iiiahaiia avaiil le III juin I8SK.
une nuit d'hiver, il se réveilla soudain. Un tremblement secoua toute la
contrée, des crevasses s'ouvrirent et le sommet de la montagne, réduit en
cendres, fut lancé dans les airs, une colonne de vapeurs et de scories en-
tlammées, que l'on aperçut à plus de 250 kilomètres, s'éleva dans le ciel à
6000 mètres de hauteur et retomba en pluie sur les alentours ; des villages
s'effondrèrent sous le poids des cendres sèches ou transformées en boue
par l'orage qui s'était amassé autour de la montagne en éruption. Lors-
qu'on put se hasarder de nouveau dans le voisinage du Tarawera, on
836 NOUVELLE GEOGRAPUIE UNIVERSELLE.
s'aperçut (|ii(i l'aspect de la coiilrée avait changé : des sites curieux avaient
disparu sous la couche unifoniie de poussière, et l'on ne voyait plus traces
de la X merveille des merveilles », la fameuse source incruslaule de Te-
Tarata (jui n'avait pas d'égale sur la Terre : à la place s'était ouvert un cra-
tère houeux, plus bas de 150 mètres que le niveau de l'ancien lac. Avant
l'explosion, les eaux qui s'épanchaient dans le Roto-mahana ou " lac
Chaud », jaillissaient par intermittence, à 25 mètres au-dessus du lac,
dans une vasque d'environ 200 mètres de tour; après avoir empli ce
cratère aux ourlets de silice translucide, semblable à l'albâtre, elles
s'écoulaient en minces nappes d'azur pour tomber de bassin en bassin,
tous développant leurs margelles blanches en hémicycle parfait, grâce à
l'ondulation régulière de l'eau qui déroulait ses vaguelettes circulaires
autour de la cascatelle ; en diminuant de température, l'eau, saturée de
silice et de substances sulfureuses, changeait graduellement de couleur :
de la nuance du saphir dans le bassin de jaillissement, elle prenait plus
bas les reflets de la tur(|uoise, et à son entrée dans le lac elle n'était
plus que très légèrement azurée. Un talus de cendres couvre maintenant
ces « terrasses blanches » et, près de là, les « terrasses roses »; mais la
force cachée se fait jour eu d'autres points, et si d'odieux s|)éculateurs
ne réussissent pas à discipliner les sources pour en faire des objets
d'exhibition, en les entourant de barrières et en les défendant par des
tarifs, les phénomènes de cette région volcanique seront toujours parmi
les plus curieux de la nalui'e en travail.
L'effluent des lacs, dit la « rivière des Dieux » (Awa o te Atua), descend
au nord-est, puis, après avoir contourné le volcan éteint de Putauaki,
s'unit au Rangitaiki, le principal cours d'eau de ce versant, et coule
dans la baie d'Abondance (bay of Plenty). Mais dans les eaux mêmes on se
trouve en pleine région volcanique. Au milieu du golfe s'élève le cône de
l'Ile Blanche ou Whakari, haut de 260 mètres seulement, mais lançant
parfois des vapeurs sulfureuses sur un immense espace. Le cratère, incliné
d'un côté de la montagne, a 2 kilomètres et demi en circonférence, et
l'intérieur de la vaste' enceinte est complètement rempli par des fume-
rolles, solfatares, jets de vapeurs, fontaines sifflantes. Le Whakari peut
être considéré comme l'extrémité septentrionale de l'axe volcanique dont
l'autre extrémité est, au sud-ouest, le superbe massif du Ruapehu. D'après
la légende maori, une galerie souterraine unirait le cratère du Whakari
à celui du Tongariro : c'est par ce passage que les messagers des dieux
ont porté le feu sacré au volcan central de l'île.
La Nouvelle-Zélande n'a pas d'autres montagnes brûlant encore, mais
VOLCANS ET TREMBLEMENTS DE TERRE. 839
j)arini ses jiiicii'iis voIcmms il en est de superbes. Le Taranaki, dit mouiit
Egniont par les Anglais, ioi'ine à lui seul toule une iiéninsule à l'angle
sud-occidental de l'île du Nord: ce l'ut jadis une île, dont la base, exhaussée
par les cendres, s'est rattachée à la grande terre; sa pyramide suprême,
haute de 2521 mètres, ne le cède qu'au Ruapehu parmi les montagnes de
l'île. D'autres volcans, dont quelques-uns dépassent 1000 mètres, s'ali-
gnent en chaînons au nord-ouest du lac Taupo, et non loin de la mer, au
sud de la bouche du Waikato, le Perongia (959 mètres) a laissé couler vers
l'ouest d'énormes tiaînées de lave (jui se sont avancées dans les eaux en
longs promontoires; enlermant des golfes profonds. Enfin, dans la pénin-
sule d'Auckland, projetée au nord-ouest comme une épée de narval, les
volcans soni |)cu élevés, mais ils sont fort nombrcMix : c'est par dizaines
qu'ils sont parsemés dans la parlie la plus étroite de la presqu'île, les uns
élevant leurs buttes à une centaine demèlres au-dessus du sol, les autres
ouvrani leurs cratères au ras de l'eau et fornianl de petits havres d'une
régularité ])arfaite. Au large d'Auckland, dans la mer orienlale, la masse
ovale du fier Rangiloto, le « Ciel Sanglant », semble fermer l'entrée du
porl. Plus au nord, la longue corne péninsulaire de l'île est découpée par
(le nombreuses baies sans grande j)rofondeur, qui paraissent être les restes
de fjords à demi comblés. L'une d'elles, sur la rive orientale, est la « baie
des lies » [bay of Islands) , parsemée en effet d'îles et d'îlots d'aspect pyra-
midal. L'un d'eux est le « Vieux Chapeau » [Old Hat), ainsi nommé de sa
forme : avec son cône tronqué et la roche argileuse de son pourtour, usée
par le flot, cet îlot ressemble à un feutre gigantesque flottant sur la
mer'. La Ijaie des lies a sur ses bords quelques sources thermales et sul-
fureuses.
Les tremhlemenis de terre sont fréquents dans toutes les parties de la
Nouvelle-Zélande et l'on a observé en maints endroits des changements de
tracé dans les rivages. Des géologues ont même émis l'hypothèse que,
dans son ensemble, l'archipel serait animé d'un mouvement de bascule
analogue à celui de la péninsule Scandinave. Tandis que la parlie septen-
trionale de l'île du Nord s'affaisserait lentement, le reste de la contrée se
serait élevé d'une manière parfaitement appréciable, même pendant la
courte période de la colonisation britannique. De brusques exhaussements,
causés par les agilalions volcani(|ues du sol, ex|)li(pient les retraits de la
mer en cei'lains endroits, notamment dans le port de Wellington, au bord
du détroit de Cook; mais ailleurs le mouvement se serait accompli avec
' li:iii;i, Vnilcd Sliilcx E.rpluriiKi E.iiii'ililiiiii,
840 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
lenteur, sans secousses perceptibles ; des couches de pierres ponces, laissées
sur les côtes à différents niveaux, lémoignent de cette poussée du sol ou de
ce retrait des mers. En 1847, on découvrit dans l'île du Sud, à près de
200 mètres de la mer et bien au-dessus du niveau des hautes marées, la
carcasse d'un navire dans lequel on crut reconnaître Y Active, naufragé
trente-trois années auparavant, en 1814; un arbre croissait à travers les
ouvertures de la carène'.
Le climat de la Nouvelle-Zélande est assimilé à celui de l'Angleterre,
quoique la température moyenne des contrées néo-zélandaises occupées
par les immigrants anglais soit notablement supérieure à celle de leur
mère patrie. Du reste, les ^ contrastes climatiques sont grands entre les
parties extrêmes de l'archipel, situées sur la rondeur terrestre à 14 degrés,
soit à 1550 kilomètres de distance l'une de l'autre; tandis que la pénin-
sule du nord a le climat italien, les ivgions du sud rappellent l'Ecosse,
et l'île Stewart est orcadienne". Mais partout les changemeuls sont brus-
ques; les sautes de vent sont rapides dans ces terres océaniques, et par
suite les changements du fi-oid au chaud et du sec à l'humide. En
moyenne, la température <'st plus égiilc mii' les côtes occidentales tour-
nées vers les vents marins, qui soiiftlciil le plus fréquemment; les écarts
sont très forts au contraire dans ccrlaines parties de la côte orientale,
notamment dans les plaini's voisines de la |)éninsnl(' de Banks; cepen-
dant le versant abrité des nionls, itii r(''carl annuel du tVoid au chaud
est beaucoup plus élevé, offre un clinial pins agréable (pic la côte venteuse
de l'ouest, où l'année n'a (las un jour de calnic. (l'est aussi à la jiré-
dominance des venis d'onesl qnc les (•('îles lumiiées vers l'occident
doivent leur plus l'oiic jiail (riiiiniidilt', |ilni(> dans les plaines et sur
les pentes inférieures des montagnes, neige sur les sommets. Parmi
ces vents occidentaux, celui (jui provient du nord-ouest et qui jmsse
par-dessus les monts pour sonl'llci- ^\w le versant micnlal ressenilile au
scirocco par les phénomènes (pii l'aii-onipagnenl. Sur le versant des
Alpes néo-zélandaises, qu'il lia|i|ic directement en venani du large,
il apporle des pluies en abondance, landis (|iie snr la penle orientale
, ' Ricliard Tajior. Te Iha ii Muni ; — \hmw\U. .hmniiil ,if Ihr II. Cnniraiihinil Snciftii. IS7i;
— Thomson, New Zealand.
- (!liinal des principales villes rie la -Nonvelle-Zélanilr :
T,M„|,or.
Meus. I.alilmif. liioyi>iii»\ .Vhis
Auckland 56» 50'
Wellington M" 16'
(Ihristchurcli. . . . 43" 52' S.
Dnnedin 45" .52'
14", 5
29"
t'2».4
28"
ll»,5
55"
Ht".7
2'.l"
Éca.l.
l'Iuif.
26n,2
0'",85
25"
f»,58
41"
0»,6o
:,\Y
n-,85
CLIMAT ItK LA NOUVELLE-ZÉLANDE. S4l
il t'sl devenu sec; quand il souille, le ciel qui recouvre ces disUicls de la
Nouvelle-Zélande prend une couleur d'un bleu Ibncé, les amas de nuages
qui pesaient sur l'horizon disparaissent comme par enchanlemenl, et les
torrents qu'alimente la fonte des glaciers se gonflent soudain'.
La « Nouvelle-Angleterre » du Pacifique a l'avantage de ne pas ressem-
bler par les brouillards à l'Angleleri'e atlantique: elle jouit d'un ciel franc,
où l'azur et les nuages pluvieux se succèdent sans ces longs intermèdes de
temps incertains qui rendent parfois si pénible le séjour dans la Grande-
Bretagne. C'est principalement à celle absence de brouillards que les mé-
decins attribuent la remarquable salubrité du climat néo-zélandais, salu-
briU' (jui, avec la beauté des sites et l'abondance des eaux minérales de
toute esitèce, promet de faire de la contrée un vaste sanatoire. Mais la
[jureté du ciel est achetée par la fréquence et l'àpreté des vents. Sur les
bords des deux passages qui divisent l'archipel, le détroit de Cook et le
détroit de Foveaux, les airs soufflent en tempête pendant une grande
partie de l'année. En 1886, les gros temps se succédèrent cin(iuaiile-se[il
lois aux approches du port de Wellington.
La flore néo-zélandaise varie avec le climat, de la zone tempérée du nord
à la région froide du sud ; mais dans l'ensemble elle offre bien le même
caractère, d'une extrémité à l'autre de l'archipel. Isolée dans l'Océan,
à des centaines de kilomètres de toute autre grande terre, la Nouvelle-
Zélande possède une flore très distincte de celle des autres contrées de
l'hémisphère méridional : les deux tiers de ses végétaux ne se voient point
ailleurs, et près d'une trentaine de genres n'ont de représentants nulle
jiarl. La flore néo-zélandaise a ses analogies les plus intimes avec
celle des continents les plus rapprochés à l'ouest et à l'est, l'Aus-
tralie et l'Amérique du Sud, et, phénomène remarquable, c'est peut-être
avec celle-ci, qui est pourtant la masse continentale la plus éloignée,
que les ressemblances seraient le plus nombreuses. Les arbres carac-
léristicjues de l'Australie, l'eucalyptus et l'acacia, manquent à la Nouvelle-
Zélande, fait capital qui ne permet guère d'admettre, avec nombre de
géologues, que, pendant les âges récents de la Terre, des seuils émergés
aient réuni le continent australien à l'archipel oriental*. La Nouvelle-
Zélande parait avoir été un centre distinct comme aire de végétation ; les
espèces se sont propagées de ce milieu vers les îles des alentours.
L'isolement de l'archipel devait avoir pour conséquence la pauvreté
' Julius llaasl, Juunuil uf Ihe R. Gewjruph'wal Suciety, 1S70.
« Alfred R. Wallace, The Island Life.
XIV. 106
842 NOUVELLE (iÉOCHAPUIE UNIVERSELLE.
leliilivo ik' la llore, composée de 960 espèces indigènes'. Les forèls ne con-
lieiineiil qu'un pelil nombre d'espèces, et ces espèces n'ont pour la plu-
part que des fleurs ternes el peu apjiarentes. L'aspect des fourrés est
triste et monotone, en comparaisdii des belles forêts fleuries de la Tas-
manie et du Cap; elles soni uniriics sinhiul à cause du maiii|U(' de vie
animale : on n'y entend ])as nuMue un cliaul d'oiseau. Ouand, après avoir
cheminé sous ces épais feuillajics, on revient aux espaces découverts et
lumineux, on se sent connue alléjié d'un poids de terreur'. Les piaules
caractéristiques sont les 150 espèces de fougères arborescentes et autres,
qui, en mainte région, occupent à elles seules de vastes étendues. La
Nouvelle-Zélande a aussi ses espèces particulières de jmiis, entre aulres le
kauri {dammaro austrolis), qui de nos jours ne croit plus que dans l'ile
septentrionale : son fût su|icrlic atteint (id mètres de hauteur, et sa résine
est fort recherchée pour la fabrication des vernis. Mais on l'exploite à
outrance, surtout à cause de son excellent bois de construction ; pour bâtir
les villes on a détruit des forêts entières el, avant qu'(in s'occupât de l'amé-
nagement des plantations nouvelles, on a pu craindre que l'espèce même
ne fût lùentôt exterminée. Le clinial ]iaiail avoir contribué aussi à dimi-
nuer l'aire de crtiissauce de cet arbre. Sur les boi'ds de la rivière Molyneux,
au sud de l'ile inéridimiale. le sol renl'eiine de nombreux blocs de résine
kauri, qu(ii(|ue de nos jours l'aibre de cette espèce se retrouve seulement
à 10 degrés plus au nord. La substance fossile résineuse que l'on
recueille dans les régions méridionales de la Nouvelle-Zélande est tout
aussi fraîche d'aspect que la résine récemment gemmée, el néanmoins,
depuis qu'elle a coulé, assez de siècles ont passé pour que la zone de
l'arbre ait reculé vers le nord de près d'un millier de kilomètres". La gomme
ancienne, plus compacte, est beaucoup plus appréciée que celle des arbres
encore debout*, et des compagnies commerciales se sont constituées pour
l'exploitation de cette précieuse résine, dont les habiles chercheurs con-
naissent les gisements \
La faune néo-zélandaise, très originale connue la tlore, ne comprenait,
pensent les zoologistes, qu'un seul (iuadru|)ède, une espèce de loutre, dont
l'explorateur Haast a vu les traces el que d'autres voyageurs ont poursuivi
sans pouvoir l'atteindre. Quant au rat maori, exterminé jusqu'au dernier
' Fcid. von Muelter, Die Flora von Amtralicn.
■ Ferdinand von Hochslctter, Neii-Scchind .
' Rich. Tavlor, Te Ika a Maui; — Uoworih. Jouninl of the R. Geoynipliical Society. 187-4.
* Raoul, Notes manuscrites.
' Exportation de la gomme de kauri néo-zélandaise en 1887 :
6 791 tonnes, d'une valeur de 9 061 225 francs.
FLilIiK I;T FAI' ne DE LA NOUVELLE-ZELANDE. S43
par le rai venu (rKiii(i|M', les iiidioèncs disent l'avoir appurlé avec eux
dans leurs caïKils : il m ('lail de inèine du cliieu, (jiii d'ailleurs n'avait
jamais quitté l'iionune jxiur vivre à l'état sauvage dans les forêts. H n'v a
point de serpents ni de tortues dans l'archipel, et la famille des grenouilles
n'est représentée que par une espèce, vivant en un seul endroit du
littoral, dans l'île du Nord ; mais les lézards sont nombreux. On en compte
une dousiine d'espèces qui ne se retrouvent point en d'autres pays; l'une
d'elles, halteria punrtatft, désormais cantonnée dans un îlot de la baie
il'Abondance, est une forme médiaire entre les lézards ordinaires et les cro-
codiles : elle inspirait une certaine crainte superstitieuse aux Maori, bien
qu'elle fût inotïensive. Naguère, avant l'introduction d'espèces européennes,
les cours d'eau néo-zélandais étaient presque dépourvus de poissons;
cependant on y voit des espèces curieuses par la vaste extension de leur
domaine, entre autres une anguille ([ui vit aussi en Chine, en Europe, aux
Indes occidentales, et une linile que Ton l'cnconti-e également dans les
l'uisseaux de la Tasmaiiie et dans ceux île l'Amérique du Sud. Une des
grandes curiosités de la faune et de la floie néo-zélaïuiaise est l'espèce de
chenille {splixrla Robertsi) qui se creuse un trou au pied d'un arbre; et dans
laquelle naît un long champignon, qui se développe à l'air libre.
La classe la plus remarquable de la faune néo-zélandaise est celle des
oiseaux. Elle est fort riche, puisqu'elle se compose d'environ 150 espèces,
dont plus d'un tiers appartenant en propre à l'archipel et constituant 17
ou 18 genres absolument distincts. Pai'mi ces oiseaux il en est de fort
curieux : tel le huia, espèce d'étourneau, dont le mâle et la femelle dif-
fèrent absolument par la forme du bec; mais l'oiseau caractéristique par
excellence est le kiwi, ce fameux aptrrijx ou « sans-ailes », dont il
existe encore trois ou quatre espèces indigènes : en effet, dépourvu d'ailes
et de queue, couvert de poils au lieu de plumes et de la taille d'une poule
ordinair(\ le kiwi est sans di'l'ensi' conlii' le chien, cl s'il en reste encore
dans les ilislricts écartés, c'est giàce à ses habitudes nocturnes. Mais il
disparaîtra bientôt, comme ont disparu les espèces analogues dans les
Mascareignes, et comme, dans la Nouvelle-Zélande même, ont péri les
quinze espèces de moa ou dinornis\ oiseaux de la famille des autruches,
de différentes dimensions : l'un d'eux avait plus d(^ 5 mètres en hauteur.
Les restes fossiles des moa ont été découverls dans les tourbières, sous
les couches d'alluvions et dans les grolt(>s, encroûtés de stalagmites ; mais
on a aussi retrouvé de leurs squelettes, un œuf |irodigieux, Nuig de
' Hi(li;inl Ow.'il. Mi-inoii- un II,,' K.rlnirl Wimilrss Ilinis o/ AVh' Znil,ni,l.
844 NOUVELLE GEOfiRAPFJIE UNIVERSELLE.
25 centimètres, et même des fragments de peau et des plumes dnns les
tombeaux des Maori et parmi les débris de cuisine : il est donc certain que
les indigènes ont chassé ces oiseaux, voués par leur manque d'ailes à une
destruction rapide : d'après la tradition maori, les raoa étaient couverts
d'un plumage éclatant'. Parmi les types en voie d'extinction ou même
ayant déj<à disparu, on compte le notornis ou moho, le coturnix, sorte de
caille qui était dans l'archipel le seul représentant autochthone de l'ordre
des gallinacés, V anarhyncims , petit échassier qui se faisait remarquer par
la courbure latéralede son bec, le thinoniis, autre oiseau du même groupe.
Le nestor ou kea, espèce de peri'(K|U('l-cluiuelte, est encore très commun
dans les vallées des avant-monts : il est fort redouté des patres depuis
qu'il a pris l'habitude de saigner à vif les brebis et les agneaux.
Il est vrai que, depuis l'arrivée des colons anglais, les vides faits
dans la faune locale sont graduellement comblés par de nouvelles espèces,
sauvages et domestiques. Des chasseuis onl introduit dans l'archipel le
cerf et le chevreuil, le lièvre et le lapin, funestes présents, ce dernier
surtout, dans l'œuvre d'aménagement du sol. Les porcs sont redevenus
sauvages en quelqnes districts, et c'esl par milliers ((u'on les abal aunucl-
lement dans les fourrés. Les eaux ont été aussi peuplées, surtout de sau-
mons, de truites, et d'auti'es espèces de la mère patrie. Quant à l'omis,
elle s'est accrue jKir le foisonnement de certaines espèces locales, luitam-
ment celle de niartins-pècheurs ((^?/(7/o/( rdijaits): mais c'est de l'Australie
voisine, de l'Europe et des deux conliiietits américains que viennent en
gi'ande majorité les successeui's des espèces dis|iarni>s. Ainsi les cailles
indigènes sont remplacées par la caille de Californie, (|ui a prospéré
d'uiu^ manière étonnante, et par d'autres gallinacés, la perdrix grise et
le faisan de Chine; le faisan ordinaire avait aussi parfaitement réussi
dans la Nouvelle-Zélande, mais les éleveurs se sont trop hâtés de le mettre
en liberté, car, après s'être multi])liédans les forêts, il a été bientôt exter-
miné par les chasseurs. Étourneaux, moineaux, fauvettes, merles, grives,
corneilles, alouettes, pinsons, importés d'Angleterre à grands frais, se
sont acclimatés et peuvent faire croire au colon qu'il n'a point changé
de ])atrie. 11 revoit des champs, des bois, des édifices semblables à ceux
qu'il a laissés de l'autre côté du monde; il rencontre les mêmes animaux
domestiques et sauvages, il entend jaser les mêmes oiseaux. Non content
de voir disparaître naturellement tout ce (|ui donnait à la Nouvelle-Zélande
sa physionomie spéciale, le cha^senr anglais en hâte la destruction, aidé par
' A. S, Tlionifoii, ouvrage cité.
FAUNE, POPULATIONS DE LA NOIlVELLE-ZÉLANnE. 845
le chat domestique, redevenu sauvage dans les forêts. Bientôt l'œuvre
d'extermination sera aussi complète que l'homme peut la faire.
Les insulaires que les blancs ont trouvés dans l'archipel comparent
leur destinée à celle des plantes et des animaux indigènes et se croient
destinés à périr comme eux : « Notre rat, disent-ils, est mangé par le
rat d'Europe, notre mouche fuit devant la vôtre, et nous-mêmes nous
serons remplacés par vous. » Pourtant ces Maori qui prévoient ainsi leur
mort ('laient parmi les nations polynésiennes une des plus intelligentes,
des plus nobles et des plus civilisées. Si leur disparition devait s'accomplir,
ce serait une des infortunes de notre humanité.
Les Maori, c'est-à-dire « la Lignée, la Descendance », dans le sens
d' « Indigènes », sont sans aucun doute les frères de race des insulaires de
la Polynésie orientale. Leurs légendes, très précises et très détaillées, sont
unanimes dans le récit de leur migration dans l'archipel, et permettent
même d'évaluer approximativement l'époque de cet événement. Les éduca-
teurs des enfants devaient leur enseigner avec soin toutes les traditions
orales de la race, leur faire apprendre l'histoire et la généalogie des héros,
leur marquer, au moyen de planchettes entaillées, la succession des évé-
nements et des âges. Ces enseignements, recueillis par Grey et jiar d'autres
savants, nous apprennent qu'il y a quatre ou cinq siècles le Maori Te
Kupe aborda le premier dans Aotea-roa, l'Ile septentrionale de la Nouvelle-
Zélande, et qu'émerveillé de sa découverte, il s'en retourna dans sa terre
natale d'Havaiki pour chercher ses compatriotes. Il revint en effet avec
une flottille de sept canots de guerre, contenant chacun une centaine
de combattants, des prêtres, les idoles de pierre et les armes sacrées, ainsi
que (les plantes et des animaux du pays. A cette Iradilion de l'immigration
des Maori, leurs descendants ajoutent des légendes de faits merveilleux, le
partage d'Aotea-roa en deux îles, l'apparition d'îlots et de rochers, le jaillis-
sement des sources et des flammes. Des crânes de Néo-Zélandais, offrant
tous les caractères des crânes papoua, indiqueraient, d'après Huxley et
Quatrefages, l'existence antérieure d'une race indigène qu'auraient exter-
minée les Maori.
On ne sait quelle est cette ile tle Ilavaïki d'où viureut Te Kupe et ses
compagnons. La similitude des noms fait penser à l'île de Savaii, dans
l'archipel de Samoa ou des Navigateurs, et c'est de cette même île de
Savaii que d'autres frères des Maori auraient colonisé Havaii, dans l'ar-
chipel des Sandwich. La ressemblance des populations, des langues, des
846 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
mœurs cl dos légendes entre la Nonvelle-Zélande et la l'dlvm'sic, mcl m
effet hors de doute que des niigialious oui eu lieu il'uue jiailie quelconque
de la Polynésie équatoriale vers les groupes épars ; loulcfois rien, si ce
n'est une vague analogie de noms, ne permet d'idenlilier l'île des Samoa
avec le berceau légendaire de la race des Maori. 11 semble plus probable
que la patrie des immigrants d'Aotea-roa se trouvait dans l'archipel
des Tonga, c'est-à-dire dans le groupe d'Iles le j)lus rapproché de la
Nouvelle-Zélande : la dislance entre les deux terres ne dépasse pas 2000
kilomèlres, et c'esl pn-cisémenl dans le sens de la Nouvelle-Zélande que
porte le courant. La parenté des idiomes, longa el maori, est si grande,
que les habitants des deux contrées arrivent en peu de temps à se com-
prendre. Le mot tonga se retrouve fré(ju(>nimenl dans le langage maori
et dans la nomenclature géographique de la Nouvelle-Zélande'.
Les Mori-ori des îles Chatham, réduits à un petit nombie de familles
et métissés avec des Maori, sont ecrlainciiiciil des Polynésiens tic mèmt>
origine, venus du Nord vei's le quinzième siècle, d'après leurs traditions. Ce
sont des hommes moins grands, mais plus trapus ei plus forts (|ue les
Maori, ayant des traits accusés et le nez a(|uiliii du ,luil'. Petit peuple de
chanteurs et de conteurs, ils vivaient heureux dans leur ile de Warekauri,
lorsque, en 1852 ou en 1855, un matelot néo-zélandais de Taranaki, ser-
vant à bord d'un navire anglais, eut l'occasion de visiter un de leurs vil-
lages. De retour dans sa patiie, il parla à ses amis de ces insulaires «paci-
fiques el bous à manger», el liienl(~il une expédition de guerriers débar-
qua dans l'île des Mori-ori. Les malheureux, attaqués à l'improvisle, furent
capturés et les vainqueui's firent aussitôt le choix de ceux qu'ils man-
geraient : les victimes enreni à |ioiter elles-mêmes le bois et à préparer
le feu sur lequel on allait les rôtir*. La |iopiilation mori-ori était d'en-
viron 1500 individus à répo(|ue de la conquête; en 188(3, ils n'étaient
plus que trente-six, esclaves de fait, malgi('' les décrets (rt'mancipation :
leurs pr(qjri(''tés réservées conq)renaient un espace de 2i2 hectai'es seu-
lement.
Les Maori sont parmi les plus beaux insulaires de rOcé-anie. (Juelques-
uns sont très grands, la ])lupai't sont de haute taille, forts et hien bâtis,
très larges de |ioiti'ine, mais ayant en |M'o|iorlion le buste plus long et les
jambes plus courtes que rKiiropéen. Les traits sont en général assez régu-
liers, les pommettes ont une légère saillie, le front est élevé, le regard
• Keny-Nicliols, ouvrage cili'.
« H. Hamitiei'slpy Travers. I>elcrmiiiiit's Millnlinuini. ISKIi, II, 'Il II,
M.\(»HI.
8i7
jiLMiétiaiil L'I lifi'. Jadiï? Ifs liiiinincs s'r|iilai('iil mm'u soin |Kiiir éleiidre
la surl'ace à l'ecoinrir |iai- les ornements du laloiia^,^e ; les jeunes filles
se faisaient tatouer les lèvres; d'où le nom de Blue-lips, (^ Lèvres-Bleues »,
que leur donnaient les Anolais. Aueiine nalioii polynésienne n'égala les
Maori dans ce! arl (rcmliellir la l'urine Inimaiiic iiar des traits liarino-
CHEF MAORI TATOLI..
.io Tiii.lal. .WxpvH uni' i.holographio ooniuiuniqué..' par M. Haoul.
nieux qui suivent les contours du corps, en font valoir le relief et les
proportions. L'artiste maori savait varier à l'infini les courbes de la gra-
vure : tout était calculé de manière à produire une heureuse flexion des
lignes ; les rides naturelles, les mouvements du visage, le jeu des muscles,
devaient aider au charme du dessin, et certes c'était un beau spectacle
que celui d'un jeune hdoinie sain, dans sa iière nudité, n'avaiit d'autre
848 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
vêlement que ce fin réseau de lignes bleues sur sa peau d'uu ruujie brun.
Celui qui ne se soumettait pas aux longues tortures du tatouage, lors des
principaux événements de sa vie', était considéré comme un homme qui
d'avance consentait à devenir esclave. L'homme tatoué ne pouvait jamais
être asservi. « La liberté ou la mort ! » telle était sa devise.
Très fiers, mais fort habiles à mesurer leurs paroles, les Maori ont toujours
su se faire traiter en égaux par les Anglais, etdans les conférences politiques
ils ont eu fréquemment le dessus par la logique et l'éloquence, de même que
dans les jeux, le cricket par exemple, ils dépassent les envahisseurs en
force et en adresse; dans les écoles, ils sont au moins leurs égaux. D'ail-
leurs, quand ils ont dû en venir aux mains pour défendre leur terre et ne
pas se laisser refouler dans les vallées neigeuses des montagnes, ils ont
montré qu'ils ne le cédaient point en bravoure aux pakeha, les immigrants
étrangers. Entre la ville de Tauranga et la « région des Merveilles », une
ferme et des champs en culture occupent l'emplacement du grand pa ou
forteresse de terre et de palissades que le général Cameron, à la ((Me de
4000 Anglais, essaya vainement de réduire et qui vit la déroule el le
massacre de la plupart des assaillants. D'ailleurs cette vaillance guerrière
était, comme de coutume, accompagnée de pratiques féroces, entre
autres l'anthropophagie. Les Maori mangeaient le cœur et les yeux de leurs
ennemis tombés dans le combat, aliii d'acquérir leur sagacité et leur cou-
rage. Dans les anciens débris de cuisine ou trouve des ossemenis d'hommes
entaillés par la hache et grattés par le racloir. à côté d'ossements de
chiens et d'oiseaux. Les traditions parlent de mille guerriers qui auraient
été mangés après une bataille victorieuse.
L'iiuluslrie des Néo-Zélandais ne s'appliquait qu'à un petit nombre de
travaux, mais dans chacun de ces métiers ils étaient devenus d'une habileté
l'emarquable. Le séjour sur une terre moins généreuse que leurs îles na-
tales, sous un climat plus àjire, la raielé des |»lanles et des fruits comes-
tibles, les avaient obligés à s'ingénier pour trouver leur nourriture : ils
s'étaient faits agriculteurs, et leurs jardins étaient fort soigneusement en-
tretenus. Comme sculpteurs et décorateurs, ils étaient sans rivaux parmi
les insulaires du monde océanique, el les peintures des rochers, les figures
taillées dont ils ornaient leurs demeures, leurs bateaux, les pieux sacrés
placés à l'entrée de leurs villages, de leurs forteresses, el (jue l'on con-
serve avec soin dans les musées néo-zélandais ou dans les endroits encore
taboues par les Maori, sont des plus remarquables par l'originalité du
* A. liasliaii, Bcsuili in Sun-iiuh'iHluy.
MAUFil. l'AVS nr lUil. 849
dessin et la porleetion du travail. (Jii(ii(jii(' déchus, les Maori ((iiilem-
porains sont toujours ti'ès adroits à pi'éparer la libre du pliormitim
tenax-ei à la tresser en nattes, qu'ils teignent de couleurs éclatantes el
durables; ils savent aussi tanner les peaux de chien et IVibriijuer de super-
bes manteaux avec des crins de kiwi et des plumes d'autres oiseaux ; enfin,
ils pratiquent maintenant avec succès les diverses industries des blancs.
Leur religion, comme celle des autres Polynésiens, était celle des forces
de la nature, toujours associées dans leur esprit aux âmes des aïeux. La
UK-moiie des ancêtres se mêlait tellement à leur vie, (|ue les amis, en se
rencontrant, ne se saluaient point par des signes de tendresse ou des cris
de joie, mais commençaient par gémir et pleurer en souvenir de ceux qui
n'étaient plus là pour jouir de l'amitié. Devenus tous cliiéliens, du moins
de nom, les Maori n'ont [ilus les idoles de j)ierre (|u'ils avaient apj)orlées
avec eux lors de leur exode dellavaïki. Une de ces effigies a été donnée pai'
les indigènes eux-mêmes au gouverneur Grey ; l'autre, (|ui avait été enfouie
dans l'ile de Mokoia, au milieu du lac sacré de Roto-rua, était en 1884
l'objet d'un procès entre deux tribus'. Mais ce n'est pas sans lutte que les
Maori ont accepté les enseignements des missionnaires el. pendant la guei-re
d'indépendance qui éclata en I8(J4, les indigènes, ne voulant plus avoir
rien de commun avec les Anglais, abjurèrent le christianisme poui' fonder
une religion nouvelle dans laquelle la mythologie chrélienne et le culte des
ancêtres se mêlaient é'trangement : ce culte, a[»[)elé des llau-hau, d'aijrès
les cris «de douleur, de tendresse ou d'extase' » que pou>isaient les fidèles
dans leurs prières publiques, n'est pas tombé complèlenieiil en désuétude.
Quebjues pratiquants hau-hau, ennemis des Anglais, se sonl maintenus en
groupes dans le « pays du Roi >■.
Ce pays du Roi (Kim/s coutitnj), d'une su[)erlicie iTenviron "2ÔO0O kilo-
mètres carrés, embrasse une partie considérable de File du Nord, à l'ouest
du lac Taupo. Les deux hautes montagnes Ruapehu el Toiigariro étaient
naguère comprises dans ce domaine, ainsi que tout le littoral qui s'étend
entre la baie d'Aotea et la base seplentrionale du mont Taianaki. Effrayés
des continuels empiétements de l'agriculteur pakeli;i. les Maori se réu-
nirent en congrès et décidèrent que désormais ils ue vendraieni de ter-
rains à aucun prix et ne laisseraient plus même de blancs y pénétrer : une
hache passa de main en main chez les tribus, symbole de mort pour
celui qui trahirait sa parole. C'élail en 1854. Depuis cette épo(jue, des
' KiTi-y-.Nicholls. iiuviane cilé.
"■' Servant, Aiiiifih-s ilc hi I^i-(ip/t(iiilioii iIc In Fui.
XIV. 107
S30 NOUVELLE GEOGRAPUIE UNIVERSELLE.
conflits ont eu lieu; en 1(S65 et 18(34 des troupes anglaises envaliiienl
le royaume et des laniheanx de lerrilnire fuiciil enlevés; cepeiidaiil
le pays que se sont réservé les Maori constitue encore un espace bien déli-
mité et naguère It^ voyageurs n'y entraient que |iar des marches rapides à
travers les districts iiihaMl(''s ou liien grâce à des sauf-conduits obtenus
par voie diplomali(|ue. Les tribus, jadis sans cohésion les unes avec les
tîrx d Pa
^ TDKANU
»ota À ^J>
^---\\iJjy\ ^ L-^A)^/y ^ ^^
hst de breenw ct^
K» y N ho
/'ro^onaeiJr
I : sono 000
autres, se^soiit groupées eu communauté |iolili(|ue et se sont choisi un
roi, d'où le nom de Kiitrj's nitnilnj donné à leur territoire de parcours.
C'est en vain t[ue le gouxerneiiieni colonial a clierehé à l'aire de ce idi
uu fonctionnaire, en lui pa\anl une forte somme annuelle et en lui
conférant au nom de la reine une grande aulorilé adminislralixe. Mais,
resjionsahle envers un peuple fier et palrioti(jue, il n'a point encore con-
senti à échanger son indépendance contre une servitude dorée et il s'en
lient au traité signé, [irès de la baie des lies, à AVaitangi, — F c Kau des
MAOlil, niMICHATlON UliS liLANCS. 8M
Pleurs )', — Irailé d'iiinès K'iiiiel les Anglais s'engagèrent, en 1840, à res-
peelcr l'anldiiomic et la |ir((|(i'iélé des indigènes. Toutefois les jours du
jieuplc sont comptés. Cha([ue année la foule des blancs augmente d'au
moins vingt mille indidivus cl leur inlluence sui' la partie de l'île qui ne
leur appartient pas encore s'acci'oit en jtroporlioii. D'autre part, les Maori
s'affaiblissent en nombie, en force physique el en ('■neigie morale.
Il sciail impossible de dresser une slatisti(jue de la populalion maori,
puisque les « tribus du roi >> ne se laissent point i-ecenser ofliciellement;
cependant l'opinion générale est que les évaluations sommaires faites à
diverses époques onl une valeui- sul'lisanle pour mcllre hors de doute la
décroissance constanle de la race. Les Maori auraieiil été au moins une
cenlainede mille lors de l'arrivée des blancs dans le pays; au milieu du
siècle, ils avaient déjà diminué d'un tiers; en 1874, on en comptai! 45 740,
et d'après le recensement de 1880 ils auraient perdu encore trois mille
des leurs. Le fail le plus grave, bien ccuislah' dans les distiicts où les
indigènes vivent à côté des blancs, est que précisément les femmes, j»ar
lesquelles la race pourrait se reconstituer et s'accroître de nouveau, sont
le plus IVappi'es par la mort'. Les jeunes Maori n'ont plus la vigueur de
leurs aînés, et la phtisie en emporte la moitié; ce|)endant le déjîérissemenl
du peuple paraît être relardt", et en certains districts, notamment dans
celui de Kaïpara, au nord d'Auckland, il y a eu, gràci» aux métis, (|uel-
ques excédents de naissances sur les morts.
(Juaul à la |iopulalion blancli(\ on sait avec(iuelle ra|)idité elle s'accroît,
non seulement par l'immigralion, mais surtout |)ar l'excédent des naissauc^'s
sur les morts. De ce chef, l'auguien talion annuelle est presque sans exemple
en d'autres pays : il naîl [H'csque trois fois plus d'enfants dans la Nouvelle-
Zélande qu'il n'y a de décès'". En outre, les gains et les pertes s'équilibiM^Jil
toujours de manière à augmenier le nombre propoi'lionnel des femmes et
à coml)ler ainsi l'écjut ])rovenant de l'immigralion beaucoup plus consi-
» Maori do la Nnuvfllo-Zrhmdr i-ii ISSIi :
Ile du Nord 'Jl (ii'J homnu's; 18 Ittl femmes.
Ile du Sud 1 OOi » 894 n
Iles Stewart et Challiam. . . 1(J8 i> 142 »
Ensemble. . . . 22 821 hommes; lil 947 femuies. Total : 42 708
Avec les métis 2r. 918 » 20 974 » » 44 922
* Etat civil de la iiopulaliou iiro-z'laiulaise eu 18SG :
Naissances. . . 9872 gardons ; 9427 lillcs. KnseinWe : 19299
Morts 5,")I6 hommes; 2010 lei l's. » 6126
Excédent. . O.j.oO hommes; 0817 femmes. » 15173
852 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
dérable des hommes'. Déjà plus de la moitié des habitants de la Xouvelle-
Zélande sont des natifs de la contrée; presque tons les colons sont venus
des lies Britanni(|ues, et parmi ceux-ci les Anglais et les Ecossais sont en
grande majorité sur les Irlandais. Les Allemands sont au nombre d'envi-
ron cinq mille, et des essaims de Scandinaves, Norvégiens et Danois, se
sont établis dans l'île du Nord. Les industriels ont aussi importé quel-
ques milliers de Chinois; mais, suivant l'usage barbare pratiqué dans l'im-
portation de ces travailleurs, on n'a pas introduit de lémmes avec eux : en
18S6 on ne comptait que neuf Chinoises dans la Nouvelle-Zélande. La con-
currence des travailleurs blancs a fait {)rondre par le Parlement des me-
sures prohibitives contre l'immigration chinoise, analogues à celles (ju'oiit
votées les chambres australiennes\
Dans les premières années de la colonisation, les concessionnaires ne
voulurent rien laisser au hasard et procédèrent avec méthode pour faire
de la société nouvelle qu'ils dirigeaient une copie aussi parfaite que
possible de la société britanni(jue, considérée comme un idéal. Il s'agis-
sait pour eux de reproduire dans les terres des Antipodes une image de la
mère pairie, avec son puissant clergé, son aristoci'atie terrienne, sa bour-
geoisie commerçante et son peuple de travailleurs soumis et religieux.
Conformément à ce programme, les ca|)itaiisles qui, dans l'île du Nord,
s'étaient l'ail livrer le sol par les Maori, sous la protection et la suze-
l'ainelé de la (Irande-Bretagne, ne le mettaient en vente qu'à des prix ina-
bordables pour de petits cultivateurs, et les sommes ainsi oljlenues étaient
i'raploy(''i's à introduire sur les domaines des manœuvres et des ouvriers,
foulcfois des dil'ticultés llnancières et des conflits avec le gouvernement
einp(~'(lièrciil la i(''alisati(m complète de ce plan social. Les projets d'autres
compagnies qui obtinrent la concession de vastes territoires dans l'île
méridionale eurent une meilleure réussite. La pi'ovince de Canterbury,
ainsi nomm(':e par de zélés anglicans d'après la cité primatiale, se constitua
inmuMlialement sous la direction spirituelle, et en partie temporelle,
(['('■vèques et de prêtres anglicans et se divisa en paroisses et en « trou-
peaux ». D'autre |)art, les émigrants écossais de la Frce Kirk, qui s'éta-
blirent dans la partie méridionale de l'île et qui donnèrent à leur capitale
le nom (•elli(jue de Dunedin, sxuonyme d'Ijlinburgh, avaient aussi leur
conslitutinn religieuse, destinée à les maintenir en communauté distincte%
■ l'(i].iil;ill.iii lie la Nduvc'llc-Zélandf, avec les Maori, !,■ ."il ili'tL'iulji'o 188U:
.îil 594 lioinmes ; 2'Jl 778 ffinmcs. Tolal : (555572.
- Cliinois ilal)lis iliins la Nouvelle-Zélande en 1888 : 4 688.
s Jiilius Vogel, Officiai Handbook of New-Zealuiul.
HABITANTS, AGRICULTURE DE LA NOUVELLE-ZÉLAN'nE. 85."
Mais les décoiivcrles, qui firent aflliiei' soiulaiu les ciiereheurs d'or par
milliers chez les austères presbytériens, eurent bientôt rom[)u l'étroile
orpinisatioii de eelte église coloniale, et la Nouvelle-Zélande ne diflere plus
des autres colonies anglaises au |)oint de vue social et religieux. Les sectes
de toute dénomination y sont fort nombreuses ; toutefois la majoi'ilé des
fidèles appartient encore à l'Eglise anglicane'.
Comme aux premières années de la colonisation, avant la décoiiverle
des mines d'or, la principale industrie des Néo-Zélandais est l'agriculture.
Depuis le commencement des ventes jus(]u'à la lin de mars 1888, les
cultivateurs ont fait acipiisition d'un espace de 7(540 000 hectares, pour
une somme totale de o2U millions de francs, accaparée en très grande
partie par des individus isolés : sejit propriétaires possèdent cliacnn plus
de 40000 hectares; deux cent cinquante-neuf personnes ont des domaines
dépassant 4000 hectares chacun'. Les régions encore utilisables de l'ar-
chipel occupent une étendue au moins égale, mais les pays de mon-
tagnes, surtout dans l'île méridionale, ne peuvent guère être exploites que
])our leurs forêts et leurs pâturages. L'île du Nord est la plus fertile, grâce
à ses tufs volcaniques décomposés, et son climat est plus doux : aussi la
population maori se pressait-elle dans cette île, qui d'ailleurs est inoindre
en surface, et les blancs y ont à leur disposition une superficie de terres
très inférieure à C(>lle de l'île du Sud. Les 33400 fermes qui existaient
en avril 1887 dans toute la Nouvelle-Zélande se livraient précisément
aux mêmes cultures que celles de la Grande-Bretagne : de la métropole
du nord à ses colonies du sud on ne voit d'autres changements que celui
de quelques arbres fruitiers, dans les jardins de l'île septenfrionale : là les
fruits de l'Italie mûrissent à côté de ceux de l'Angleterre'. La Nouvelle-
Zélande n'offre pas les mêmes avantages que l'Australie pour l'élève des
bestiaux ; cependant le cheptel est très considérable et la valeur des laines
exporlées s'élève annuellement à plus de 80 millions de francs^La conser-
' D('iioinbreiiient des cultes do la Nuuvelle-Zélande en 1880:
Anglicans , 229 757 1 Cafhnlif)iies romains 79020
l'ieshylciicns. ... lôOlMô | Aulrcs dénoiiiinalions 1230"p0
Sans ivligidn on ayant refuse de répondre . . . 20908
'' Canlerburij Press, April 7, 4885.
^ TeiTcs en culture en avril 1887 : î)55 7bO hcelares.
Production des céréales. . .... 200000 liectidilres.
* Terrains d'élève et pâturages : 4 456 650 hectares.
Chevaux, en 1887 187 582
Bètes à cornes « 855558
Brebis, en 1888 I504080t
8W NOUVELLE (lEUCIi APIIIE LNIVERSELLE.
valioli (les viinidcs est une des iiidusIiiVs |ii'(ispèr('sdo la Noiivcllc-Zr'l.indc',
et maintenant un s'occupe de la fabricaliou du heurie |iuur le niareli('' de la
Grande-Bretagne.
Les îles sont riches en gisements miniers; mais on n'y exploite avec
>I1\S DK FKR IIP; I.\ NUUVELl-K-ZKLANDE.
Est de Par;
activilé rjne les mines d'iji' : en 18<S7, près de douze mille personnes,
dont un (juarl de Chinois, Iravaillaieul à tamiser les sahles aurifères ou à
briser les roches dequarlz poui' en exiraire le métal*; depuis 1857, année
' MdiiUms ^iIkiMus cl expoWés, snit cniifjclrs, soil rniisiMVrs, m 1887 : 1 525 057.
- Produclioii (le Loi- nro-zélaiidiiis on 1887 : '.'0'.''J7 ."idd IVaiK-s.
INDlSTIilES [)K LA .NOUVELLE-ZELANDE. 857
(Ir la découvortp, jusqu'en l<S(S7, l'ensemble de la production s'esl élevé à
jilus (le 1100 millions ; en une seule année, 18S6, le produit des mines
atteignit G9 6S8 000 francs. Il est probable (ju'à la décroissance de l'expor-
tation de l'or correspondra l'augmentation du travail dans les mines de
houille : |diis d'un millier d'ouvrieis exploitent déjtà les houillères, cl
l'ensemble de la [noduction annuelle di'passe un demi-million de tonnes'.
La Nouvelle-Zélande a di^jà de grandes nianulaclui'es comme l'Angleterre et
fabrique ses propres navires, ses locomotives et ses vagons.
L'archipel a son réseau de routes et de voies ferrées, et prochainemeni
on pourra se l'endre par chemin de fer d'une extrémité à l'autre de
chacune des deux terres. La plupart des lignes de la colonie ont élé con-
struites par le gouvernement et lui appartiennent, à l'exception de (jucl-
ques embranchements provinciaux'. Des bateaux à vapeur naviguent de
port à port autour des îles et les unissent à l'Amérique et à l'Europe". Le
commerce extérieur est plus considérable en proportion que celui des na-
tions européennes, puisqu'il dépasse j50 francs par tète d'habitant, blanc
et maori'. De même le Néo-Zélandais écrit plus que le Français'' et
jouit piuir l(>s prcmicics é'Iudes de facilités d'instruction supérieures.
Deux cents journaux, dont nn en langue maoï'i, sont puldiés dans les
deux îles.
' l'rodiiclidii (les liouilloifs nni-zi'hindaisi's en 1887 : ."j^S 020 lonnos.
- Cliomiiis (le I'lt noo-zélaiulais au 31 di'i-('iiil)i-o 1887 : 2 927 kilomètivs.
Capital d'établissfiiioiit .302067 775 francs.
Voyageurs ." 426 40.j
.Mari-handises transpoi'lik's I 747 754 lonnos.
"> KIollc cdunuorcialo de la .Nouvelle-Zélande en 1887 : 2628 kilomètres.
50.") navires à voile, jaugeant 55059 tonnes.
168 Ijnleanx à vapeur » 38 5.")7 »
Erisendile : 671 navires, Jaugi'ant 94196 tonnes.
■» Coniniei-ce de la Nouvelle-Zélande en IS87 :
Iniporlalions 156 1.'Î7 875 fjanes.
Exportations 171654 225 >)
Eusenilile. . . . .■:;27 792 1 60 francs.
Mouvement de la navigation :
Entrées 725 navires, jaugeant 502 572 tonnes.
Sorties 707 » n 488551 ii
Ensenilile. . 1452 navires, jaugeant 990905 tonnes.
" Mouvement postal en 1886 :
Lettres et cartes 59518479
Livres et journaux 17 791742
Télégrammes 1836266
XIV. 108
858
NOUVELLE nÉOGRAPIllE UNIVERSELLE.
Auckland est une des vieilles cilés de la Xuuvelle-Zélande, |)nis(ju'elle
a été fondée en 1840, quelques années après la station de Kawa-Kawa ou
Russell, sur la baie des Iles. Elle fui clidisie |hiui' capitale de tout rar<-hi-
□
Profo/^i^eurs
r^à^cs t/^f cou^r-ent et c/ecou^^eni /?e Oc:l /û '
c^e/û'^eeéie^ e^e/à
pel, cl (jii(ii(|ue cette di^iiili' lui ail (''l('' ravie, elle est restée la mIIc la plus
populeuse, n'ayant pas moins de (iOOOO habitants, avec ses l'aubourfis.
et |)ossède la princi|»ale école universitaire de la Nouvejle-Zr'lainle. Elle
doit son importance à son admirable |i(isilion sur la rive nK'i'idioiiale de
Ar(:KL.\>r», tu a mi: s, Wellington. 850
rcxcolleiil j)t)i'l. |i;n rMiicmciil Mbrili', de Wailemala, à l'eiulroil le |)lus
('Iroil (le l'isllimc (jiii rriinil au ciiips insulaire la péninsule du nurd. A
12 kilomèlres au sud, un de ses faubourgs, Onehunga, est assis au Lord
du jiolfe de Manukau, (>nsenilile de ports également ouverts à la naviga-
lion. Grâce à ces avantages nauti(jues, à la densité de la population dans
les alentours et à la richesse des campagnes, Auckland dépasse les aulics
(ilés néo-zélandaises en activité commerciale' : c'est de là qu'on ex|)orle
exclusivement le bois de kauri et la précieuse gomme de cet arbre. Envi-
ronnée de petits volcans éleints. Auckland est au c(>nlre d'une des régions
les |)lus curieuses de la Terre | • l'élude des pliiMiomènes pbysi(|ues :
aux alentours, soixanle monts jadis lumants prolilent leurs cônes, modèles
parfaits de formation régulière.
Au nord d'Auckland, les seuls bourgs commercanls sont ceux de la baie
des lies et les villages liverains de la baie de kaïpara, projetant au loin
ses bras de méduse cjilre les l'oréls et les plantations récentes : lvaï[)ara
est r «Édcn de la jNouvelle-Zé'Iande ». Les villes secondaires de la province
s(uit les deux cités jum(dles de Grahamslown et de Shoi'lland, unies main-
lenaiil sous le nom de Tliames, et situées au sud-esl d'Aucklaïul, sur la
rive orientale du golfe impioprement nommé Firtli of the Thames. l'ius
au sud, Tauranga est le havre de débarquement pour les voyageurs qui se
rendent au lac Tarawrra et au « Pays des Merveilles ». Sui' la côte oiien-
tale, (jisborne a (|uel(jue animation comme havre de la baie de Pauvreté
(Poverty-bay) ; mais c'est plus au sud, vers le milieu' de la côte, que se
Irouxe la seule ville du littoral, Napier, le chef-lieu de la province de
llawke's-bay. Elle est fort bien située sui' une p(''ninsule, entre un estuaire
tortueux et une baie demi-circulaii'e, (|ue l'fui a comparée, comme tant
d'autres, au golfe de iNaples; mais le port de ÎNapier, dont le vrai nom est
Ahui'iri, est d'une enliée difficile pour les grands navires. Cependant
l'exportation, laines, \ian(les et b(''lail sur pied, di'passe 20 millions de
francs chaque aiUK'e.
La capitale de la Nou\elle-Z(''lande. Wellington, date de 1840, et sa fon-
dation précéda même celle d'Auckland. Elle occupe une position centrale,
an bord du détroit de Cook, et de ses jeté'es, sur \o port Nicholson, à celles
' Mouvement du |iifiI d'AucIdaml en 1886, à l'entivc et ;i t:i MUlie :
170 navires, jaugeant 556 690 t(jnriiaux.
Valeui- lies éelianges : Importations. . . . -LâOSSiTo fiancs.
Exportations. . . . !2j02,')22.^ «
Ensemlile. . 68 U 17 700 francs.
NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
(le BIciiheim, sur la rive opposée, les coinmunicalioiis sont fréquenles.
lue autre ville de la même province fait un commerce assez aciit', Wan-
i;anui, située à la liouche de la rivière navigable du même nom. an sud
E,td=Pa.
c/e /û'"r(su tye'À
dn .' pays du Roi », encore réservé anx Maori. Au nord-ouest de \\an-
ganiii, le chemin de fer du littoral pénètre dans l'intérieur pour contour-
ner le cône péninsulaire de l'Ef-nionl on Taranaki, et gagne le bourg de
iNeM-IMymoulb, destiné probablement à devenir une ville populeuse quand
le brise-lames de Moturoa, dans le voisinage, aura été construit et que les
BLEMIi:iM, NELSON', ClIKlSTCliriiCII. 861
navires pourront y charger les denrées du « jardin de la Nouvelle-
Zélande ».
Dans l'île du Sud, la ville de lileiihcini, (jui l'ail faee à Wellinj^hui, est
encore peu considérable, quoiqu'elle ail ranj^ de chef-lieu et ([ue deux
voies fei'rées viennent s'y réunir. La cité la plus commerçante bâtie sur
la rive méridionale du détroit de Cook est une autre capitale de province,
Nelson, située au bord d'une crique qu'entoure un amphiihéàire de hautes
collines. Au delà, il n'y a |)lus sur la côte du nord que des villages et
des hameaux; mais de petites villes sont nées sur le littoral de l'ouest,
grâce aux mines d'or et de houille. La prospère Westport, défendue
par le ca]i Foui Wind ou « Vent Mauvais », a l'avantage de posséder un
havre sûr et piofond. Plus au sud, la ville de rtreymouth et celle de
llokitika, capitale de la province de Westland, étaient au contraire assez
difficiles d'accès avant qu'on eut construit des jetées d'abri et creusé des
passes et des bassins. Greymouth, jadis rendez-vous des chercheurs d'oi-,
est maintenant la et Newcastle néo-zélandaise)); en J88(3, elle a exporté
120000 tonnes de houille. Hokitika a gardé quelque im[)ortance comme
centre de gisements aurifères : en 18(36, l'année qui suivit les découvertes
d'or, la récolte de métal dépassa 55 millions de francs. Bokilika est la
ville la plus rap|)rochée de la région des névés et des glaciers.
Le versant oriental de l'île du Sud, qui est le plus doucement incliné, est
celui qui a le plus de terrains cultivables et féconds, la population la moins
clairsemée et la zone littorale la plus commerçante : c'est là ([ue se trou-
vent les deux principales cités de l'île, Christchurch et Dunedin. Christ-
church, chef-lieu de la province de Canterbury, n'est pas située au liord
de la mer, mais dans une vaste plaine que parcourt la rivière Avon, et à
15 kilomètres de son port, Lytteltoii, l'ancien Port-Cooper. C'est la plus
anglaise d'aspect parmi les villes de la Nouvelle-Zélande et celle qui, en
(jualité de cité primatiale, a construit les édifices religieux les plus riches.
Son musée contient une collection très remanjuable de squelettes d'oi-
seaux disparus. 'Avec les faubourgs environnants, Christchurch est la
deuxième ville de la Nouvelle-Zélande et son ])ort est celui qui possède la
flotte de commerce la plus nombreuse'; toutefois le mouvement de la navi-
gation n'égale point celui des ports d'Auckland". La montagne de Banks-
jteninsula et la crique d'Akaroa, où l'on voit encore quelques descendants
décelons français venus en ISi^, sont des lieux de villégiature pour les
' Tonnage du iimt dr l.ylli'lton en 4887 : 31-178 lonnoaux.
* Mouvement du port de Ljtteltnn en 1880 : 1 535 navii'cs, jaugeant : 500 047 tonnes.
Valeur des échanges ■ 74 302 825 francs.
N( Il \ F, L I. E i; I-; (h; Il a l' il i )•: l' n i v f. m s k i, i, F.
liiiLiliiiils (If (llirislcluii'cli. Un rlicmiii de fer. (|iii rruiiil l;i villo cl ^(Hi
|iorl, passe en iiii l(in^ (iiiincl dans une couh'c de laves : c'c-l le |diis
licaii liavail d'art de la X(iu\cll('-Z(''laiid('.
Au sud de Clirisli-luircli. l(ini(Uirs sur la (l'ilr (ii-icntalc. se succèd(Mil les
N" I7S. — fjrrmsri iiuRru kt i.a rKNivsri.K n ak.'
EstdePa^.s
xilii's ciiinuicii-aiilcs de Tiiiiani cl d'Oamaru, |Miis la riche Duuciliu, la
uir'li(i|iidc (lu sud. >iliu''c sur la rive uecidculalc de l'esluairc d'Olnuo.
(|ii'aliiilc à ruriciil uuc [(('iiinsulc \(ilcaini|uc. i,cs liàliiuciils d'un louua^e
uu)yen peuvent leniuiiter jus(|u'à la ville depuis (|U(> des liavau.v (l(^ dia-
jiaji;e ont appr()f(Ui(]i le chenal; mais les navires d'un fort liranl d'eau
s'arivlciil à rciilr(''c de resluaiic au poil Clialniers. à li kilouièlrcs au
CIlIilSTCiiniCII. IIIM- hlN.
Sflf)
ii(iiil-es( (le la cilr '. Ldis de la t;iaiiilf ]iros|)<'iité (1rs mines d'or dans lo
disirict d'Otago, Diuu'diii, <|iii de |i('lil xilla^c avail ('h' soudainement
(l'ansformé en \ille populeuse, élail le eenlre ectnimeicial le plus actif de la
Nouvelle-Zélande; actuellement il est au deuxième lan"'. C'est de Dune-
N" 179. nUNEDIN KT POUT CIULMKRS.
Est de Pans
Est de Greenwlch 170'
CIZl
diii que ])arlenl jiénéraleinent les voyageurs pour aller visiter la région de-'
lacs dans les Alpes néo-zélandaises.
Sur la rive méridionale de l'ile, que baigne la mer Anlaicli(jue, la ville
prospère, vers laquelle se dirigent les routes el les chemins de fer de l'inté-
' Flotte cominorciale de Dunediii en 1887 : 27 658 tonnes.
- Mouvement du port de Dunedin, à l'entrée et à la sortie, en 1886:
178 navires, jau^'eaiit 16ô83t> tonnes.
864 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
lieiir, esl la jeune Invercargill, située sur un estuaire île l'aible iirot'oiideur,
mais pourvue d'un avant-port, comme Dunedin et Christehurch ; c'est à
Cam[)l)elltown, à l'entrée du golfe, que touchent les pa({ueljols à vapeur.
Un chemin de fer se dirige d'Invercargill vers Kingston, la ville charmante
située à l'extrémité méridionale du lac Wakatipu. Queenstown, sur la rive
orientale du même lac, à la base du Ben-Lomond, est une ville j)lus gra-
cieuse encore, fondée par des mineurs et devenue pour les Xéo-Zélandais
un lieu de villégiature fré(jueiité. Invercargill est le lieu (r('nihar(iue-
ment des rares voyageurs ([ui se rendent dans l'île de Stewarl, presque
inhabitée'.
Les petites îles du littoral, (|ui ne se trouvent pas dans le (bnnaine
administratif des comtés, ont une surface collective de 29Ô6 kilo-
mètres carrés et leur population ot d'environ six cents personnes. Le chef-
lieu (If l'archipel Chalham ou Warekauri, la plus vaste des dépendanc(>s
de la Nouvelle-Zélande, est le village de Waitangi, situé sur la baie de
Petre, échancrure de la côte sud-orientale : c'est là que se sont éta-
blis les Maoïi, envahisseurs des îles. Les forêts de Warekauri ont été en
partie détruites et l'on ne voit pas dans la grande île d'arbres élevés
comme ceux dont on retrouve les débris dans les tourbières, amas
de végétation carl)onisée (jui biùlent l'u maints endroits, même jusqu à
10 mètres de profondeur'. L'ilc de l'itl ou Bufaritari, au sud de l'ile
majeure, est une table basaltique de 180 mètres en hauteur, oflVant
encore une espèce de palmier sur le rivage, mais presque en entier cou-
verlc d'arbustes bas et à peine habilée. (Juanl aux îles Bounly, des
Antipodes, Auckland, Campbell. Macquarie, elles n'ont jamais eu d'autres
habilanls que des visiteurs temporaiivs, naufragés ou pécheurs de baleine;
maintenant ceux-ci sont peu nombreux. En lS7i, l'île Campbell a été la
' Mlles (le lu Nniivi'llo-ZélamlL' ay.iiil une |i(i|iiil;itl(iii .le plus do 5000 liab. eu I88f) el en 1887:
Aucld;vu(l (1887) ,"»."Uil liiiliil;ints, 57 OàO avec les faubourgs.
\Vellin<.'ton (1880) 25945 » 27 850 »
Duueilin « 2524.) n 45000 »
■ Chiistctiureh » 15265 » 50650 »
Tliamos (Giahamstown et Sliorlland). . 7900 »
.\apicr (1886) 7680 o
Nelson » 7 515 n Kl 900 n
Oamaru « 5550 »
Invercargill (1886) 5210 ). 8940 ,i
Wan^-auni 5000 »
= H. Il;ui]]]ierslev Travers, Petcnnanns MiUfihnujn,, 1880, UefI 11.
"1.
ino
ILE CAMPBELL, A IC KLANK. K EIIM ADEC,
8G7
Station choisie j)ar les astroiiomfs français pour l'observation dn passade de
Vénnssnrlesoieil. [/expédition alleinandes'élait installée dans le:^Anekland,
181. — ]l.K CirATIUM.
Ouestde Pans ,179
d'après les cartes de l'Amirauté a^JI.
/-'/^^ /^'yne^ecy ^^
1 ; 9O0 000
dont tonte la population |iernianenle consistait en une famille de bergers.
Les îles Kerniadec, (pii se groupent à un millier de kilomètres au nord-
osl de la Nouvelle-Zélande, sur le seuil sous-marin qui rejoint ce grand
archipel à celui des îles Tonga, ont été formellement anm-xées à TAustra-
868 NOUVKM.K OKOGRAPIIIE UNIVERSELLE.
lasie et à l'empire colonial Liilannique en 1887. Déjà tléeouvertes au siècle
dernier par AYatts et d'Enlrecasteaux, elles étaient inhabitées à cette épo-
que et l'ont presque toujours été depuis. Maintenant la grande île, dite
Raoul ou Sunday-island, possède un petit village à la base de son cône vol-
canique boisé, haut de 485 mètres; le gouvernement anglais vient d'y éta-
blir un déjiôt de vivres pour les naufragés. Les deux autres îles, plus
petites, sont d'origine également éruptive. Ensemble elles offrent une
superficie d'environ h2 kilomètres carrés. Il est probable que les îles
Kermadec furent jadis un lieu d'étape pour les émigrants polynésiens,
de même qu'elles sonl aujourd'hui une station médiaire entre les colonies
britanniques de la Nouvelle-Zélande et des îles Fidji. Par la flore elles
appartieniienl encore à l'aire néo-zélandaise.
Depuis l'année 18jÔ, la Nouvelle-Zélande a cessé d'èlre une colonie de
la « Couronne » et se gouverne elle-tnèni(> par un parlement de deux
chambres et un ministère, que préside le gouverneur, représentant du
souverain. Le conseil législatif, qui est la chambre supérieure, se compose
(le 47 mcndires, nomniés |)ai- lu reine <(ininie le gouverneur; deux Maori
sont au nombre des légishileuis elmisis. La chambre des représentants
com|)iend 91 membres élus, dont i Maori; sont électeurs et éligibles tous
les citoyens résidents, de vingt et un ans et au-dessus. Les membres du
parlement ont droit à un Irailement de 5000 francs pour frais de voyage.
Des conseils cantonaux ('lus. ddiil les allribulions ont i''té réduites, déli-
bèrent sur les intérêts provinciaux.
Le département de rinstrucli(Hi publi(|ue est un des plus richenietit
dotés. D'apri's la loi de 1877, l'éducation, obligatoire, gratuite et laïque,
embrasse les rudimenis des sciences et en outre le dessin, la musique vo-
cale, rc'conomie domolicjue, les exercices militaires'. L'instruction secon-
daire el universitaire est départie dans un grand nombre de collèges, dont
trois sonl affiliés à l'Université, ceux d'Auckland, Christchurch elDunediu ;
des centaines de milliers d'Iierlares conslilueut les dotations de ces hautes
écoles. Le coi-iis d'examinateurs, (|iii porte le nom d'Université, confère
les mêmes lilre-- que (liunhridge el Oxford. Malgré les sommes très considé-
« Élal lit- l'iii>lriRli(Mi |iiililii|ih> CM ISSO :
Sarli;ml llir ri riiiiv. . . 'J.ïOlir,! Iiominos : 191 92i fcmnios. Tolal : 421 9b5
Sactiatitlirr scuirniciil . . l.'>.ïl)y » U080 » » 27389
IgQoranls 61 7ô8 » 59066 » » 120804
Nombre des enfants à l'écolo au 31 décembre 1886 : 106 328.
(iOl VFJOKMK.NT l»K LA NOr\KLLK-ZÉ LA.MiK. 869
i-;ililês voli'cs pour rin^liucliiin. le iKinibre dos Nôo-Zôlniiihiis i|ui ne ^iivpiil
ni lirr ni l'rrirc r('i)r(''siMilc cncdic le (■in(|uii'nic de hi jiopiilation.
I,'armi'i' ne ciinsish' (|u'l'ii viil(iiil;m-cs. au Udinlu'c de 8:255 en IS86;
en (Uilre, un cnrits de cadets (-(impi-end IIIOT hommes. Une seelion de
181. — l'IlOVINCES IIK LA NOrVELLE-ZKLANDK.
Est de Greenw.ch
In flotte auslrnlienne, composée de deux navires et de quelques torpilles,
protè<>(' les cotes, et des fortifications ont été élevées aux abords des
quatre ville-- priu(i|ialc< de la colonie, Auckland. ^Yellillgton, Clirislchurch
el Dunedin.
Le budget de la .Nouvelle-Zélande est énorme en comparaison du
nombre des liabilanl». el la dette publi(|ue di'pa'-se celle de loiil autre
870
NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
pays du nioiulo, y compris la France'. Le gouvernement se charge des
assurances sur la vie, de l'administration des domaines et de la gérance
des intérêts privés.
Le tableau suivant 'énumèi'e les anciennes provinces, jadis petits Étals
autonomes et confédérés, et maintenant simples districts électoraux et
adminisliiilirs :
SUPERFICIE
en kil. rair.
m 10 ili'ri-iiihir 1886.
-z [ AiiL-kland.
^ \ lln\vko's-l,ay.
= I Wdlingli.n."
é, f Taianaki. 1
. ,' Nelson. ',
I l Ma]-ll»M-oMj:l,. f
= ■ (:aMt(Mliuiv. (
118510.
152 709 hah.
25127 1)
7 7 556 i>
18 442 I)
( 255 814 ' 2
l'OI'UL. KIL.
j. / W,.sllaii(l.
~ , Ola^o.
Autres îles.
EnsciiiLli- .
50 205
" \
11 115
"
150 880
121 400
16 128
ll'J I5i
1) I 527
iHI8
2,2 11
6 540
600
0
0.08 1.
275 550
582 412
liajjilaiils.
2.1 hal).
Amklaii.l.
>a|iii'r.
Ni'w-I'lyiiioiith.
Wcilin^'lon.
^.■ls(in.
Rldilit'iin.
CIiiisIchuiTli.
Iliikitika.
iHincdiii.
Wellincilnn.
Population proliablc à la fin de 1888.
Maori : 680 000 habilants
♦ Rcictli-s de Tannée fiscale 1886-1887 : 07 060 (i75 fianes.
I>qi''"^''s " » i> 100 514 925 ..
Ilelle puliliiiue le 51 mars 1888 018960925 fraues.
1) avec les délies des villes. . . . 1 060000000 >)
(Soit 1425 francs par li'le il'jiaiiilaiil, y cniii|iris les Maori.)
CHAPITRE X
ILES FIDJI
Ce f;rim(l aiilii|)('l de la zone éiiuatorialc du sud n'est pas même désigne
ofriciellemeiil ilii nom ({ue lui donnent ses propi'es habitants : appelées
Fidji par des navigateurs de Tonga, qui reproduisaient infidèlement la
prononciation des indigènes, les îles Vili ont perdu jusqu'à leur langue ei
au droit de se nommer, tout eu entrant, par une fiction constitutionnelle^
au nombre des États auslralasieiis indépendants. En réalité ce grou]»'
insulaire est une simple possession polili(|ue de l'AusIralasie, apparleuaul
à un [letit nombre de planteurs qui t'ont cultiver leurs terres par des
travailleurs impoi'tés des îles environnantes et même de la péninsule
Hindoue, tandis que les naturels dépérissent dans les villages de l'inté-
rieur. Toutefois l'archipel fidjien occupe une surface considérable, et
ses terres fécondes sont assez favorisées par le climat pour ([ue deux
millions d'hommes pussent y trouver facilement leur imurriture.
Tasman le ])remier découvrit la partie orientale des Fidji, dénommée
pai- lui d'une manière géiu''rale « îles du prince Willem ». Cook ne vit en
1774 que l'ilol Yaloa ou des Tortues, situé au sud-est du groupe propre-
ment dit, et Bligli traversa les parages des Fidji en 17S9, lors(|ue, aban-
donné d'une grande partie di' son équipage, presque mourant de faim et de
soif, il fuyait vers l'Insulinde. Après lui, et Wilson ([ui visita l'archipel en
I7!*7, de nombreux navires de commerce allèrent trafiquer avec les insu-
laires fidjiens et leur acheter du trépang et du bois de sandal; mais l'explo-
ration scientifi(jue ne commença qu'en 18'27, lors de la première expédition
lie Duinont-d'Urville; en 1858, le même savant poursuivit l'étude de l'ar-
clii[)el fidjien, puis, en 1840, l'Américain Wilkes, accompagné de Dana et
d'autres hommes de science, parcourut cette région du Pacifique. Ensuite
vinrent les missionnaires et les voyageurs isolés. Les Fidji étaient déjà
872 NOUVELLE (iÉOGRAPIIIE UNIVERSELLE.
parmi les îles les mieux comuies de rOc-éaiiic. lois(|iie, en 1874, la
Grande-Bretagne annexa cet ai'chi|)el à son ('m|iii'e colonial. Le relevé
hydrographique des côtes, commencé par Dumonl-d'Urville et Wilkes,
continué par Denham et Hosken, a été complété dans tous ses détails
par Moore, qui, pendant sa mission de trois années, longea le pourtour
entier des îles. Le cadastre des terres cultivables, entrepris dès les })rc-
mières années de l'occupation anglaise, ne se poursuit que lentement, à
cause de l'insuffisance des allocations annuelles et de la difficulté des opé-
rations en un pays montagneux, couvert dans toute son étendue de forêts
et de broussailles.
L'île principale, Yiti-Levu ou « Vili la Grande », est de forme ovalaire,
orientant son grand axe dans la direction de l'ouest à l'est. C'est l'une des
teri'es les plus vastes de la Polynésie équatoriale : son étendue dépasse
d'un tiers celle delà Corse. Elle est entièrement montagneuse, et les vol-
cans éteints, maintenant recouverts de végétation juscju'au sommet, ont
plus de 1200 mètres en hauli'ur : (|uelques cimes atteignent même
ir)00 mètres; le sol, argileux, jaune (Ui d'un rouge sombre, consiste en
cendres décomposées, qui devicMinenl très [iidduclives partout où elles
reçoivent les pluies en abondance. D'ailleurs les camjtagnes sont naturelle-
ment arrosées par des centaines de ruisseaux et de rivières, et (juelciues-
unes de celles-ci roulent une assez grande (|nantité d'eau pour que les
bateaux a vapeur puissent pénétrer à une 'cei'laine dislance dans l'inté-
rieur. Un de ces fleuves, le Waï-Levu ou « Grande Eau », appelé d'ordi-
naire Rewa-Rewa, embrasse dans son bassin plus du tiers de l'île; il se
déverse dans la mer à son extrémité sud-oiienlale, el les terres extrêmes,
empiétant graduellement sur les Ilots, sont formées par les alluvions de
son delta; la marée y remonte à \~) kllouièlies el les barques voguent
à 80 kilomètres plus loin.
La deuxième île en étendue, Yanua-Levu ou <c lie (ii'.inde », se prolonge
au nord-est de Yiti-Levu, enfermant entre ses deux péninsules orientales
la vasie baie de Nateva, appelée aussi k mer Moi'le » par les indigt'ues, à
cause de la tranquillité des eaux. Cetli' île es! également volcanicjue, el
de sa chaîne de montagnes, dont le versani le moins incliné penche au
nord-ouest tandis que l'escarpement rapide plonge vers les criques du sud
sourdent de nombreuses fontaines thermales. Yanua-Levu et Yiti-Levu soni
unies l'une à l'autre par des^barrières de récifs (jui indiquent peut-être un
ancien littoral, et sur lesquelles se succèdent plusieurs îles. Le grand récif
extérieur, dont la longue courbe convexe esl percée d'une large brèche an
nord-ouest, porte sur sa crête les peliN archipels de Yasava el de Mama-
II.KS I-IDJI.
87:.
iinlha; lorécil' iiilciicur (jui iiiiil hi côlo oriciihilc de Vili aux pdinlcs
méridionales (le Vatua, comprend i'ilol de Mlian cl la terre nn peu pins
grande d'Ovalau, eélèJsres dans l'Iiistdire des Fidji conmie ayanl élé à
diverses époques les eenires poliliiiiics de rarelii|)el.
Outre les deux grandes îles, le gi'(in|)e en conipreiHl deux antres, de
moyenne surfaee : an snd-onesl, la voleani(|ue Kandavn, fort imporianie
eomme la pins ra|ipiochée de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie, et se
ILES Fiari.
Lst de*raris
c/^SW,s2000T
1 , 1 (î nno (100
afe£0OO'"stâ:j «tè-ZJ
continuant an nord par une longue enceinte de récifs; au nord-est, l'île de
Tavinni, presque aussi haute et dominée au centre par un volcan (700 mè-
tres), dont le cratère est empli d'eau. L'élroit et pittoresque détroit de
Somo-Somo sépare la masse quadrilatérale de Taviuni et les péninsules
dentelées de Vanna-Levu. Parmi les autr(^s Iles de l'archipel, il n'en est
pas une seule ([ui atteigne 150 kilomètres carrés en siipei'ficie : la plupart,
ne'sont que des fragments d'atoll ou des monticules hordes d'une frange
de corail. La chaîne jtrincipale des îles se rccourhc à l'orient de rarelii[)(d,
XIV. 110
874 NOUVELLE GEOr.RAPIlIE UNIVERSELLE.
tlaiis la (lirtrliun du iiurd au sud. CclU' Iraini'C d'ik's, désiguée sous le
nom général de Lan, complète un vaste hémicycle de terres que l'on peu!
comparei' à une coupe volcani(jue ouverte * la mer jiar son bord méridio-
nal. Oiielques îles, ayant toutes une ceinture de récits, sont éparses dans
l'intérieur de ce cratère immense'. Ensemble, les terres émergées des
Fidji sont au nombre de 255, dont une centaine habitées.
Les deux côtés de chaque île, au vent et sous le vent, diflerent singu-
lièrement d'aspect. Les alizés du sud-est, qui soufflent pres(|ue constam-
ment, apportent l'humidité nécessaire, et, sous la |)luie bienfaisante, les
versants de l'est et du midi se recouvrent d'une t'orèt continue, tandis
que, sous le vent, les pentes, moins bien arrosées, n'offrent que des sava-
nes, où poussent çà et là quelques pandanus odorants : c'est là que
les colons trouvent les terrains les plus fiivorables. déjà prêts pour la cul-
ture el l'élève du bétail. Mais là même où les forêts sont le plus épaisses,
elles xHit d'origine récente, car il n'est pas un seul Cdin de terre qui n'ait
été défriché, puis abandonné apri-s qnel(|ues années d'usage: un système
barbare de rotation a été appliqué à l'ensemble de la contrée, les champs
épuisés étant remplacés anssilôt jiar un sid donl la fertilité s'est recon-
stituée pendant des siècles de repos'.
La température moyeniunles îles Fidji est un |ieu moins élevée (|ue celle
des terres continentales situées sous la même lalilude : giàce aux brises
marines, les extrêmes de chaleur son! niddéri's; cepeiulant les Européens
se plaignent de l'ardeur du soleil dans les planlations éloignées du lil-
loral. L'année se divise naturellement en deux saisons : la saison relative-
ment fraîche de mai en octobre, |)endant l'hiver de l'hémisphèie méri-
dional, et la saison chaude, (rocldlnc en mai. aldis que le soleil revient
vers le tropique du sud avec son corlège de nuages '. Aussi appelle-t-on
cette |)(''riiiiii' de l'année « saison des pluies ». ipioique chacjue mois ait à
peu |)rè> le même numbic de jouiiu''!-. plinieu'-es: il est vrai (|ne les
(•oinmi>Miiii ;iu:;liii>
•20 808 kiL
Ngau. .
r.wu.. .
Ov;ihiu..
Aulios ile
' Sii|icilii-ic ;i|i|iiiixiiPi;ili\r ilrs ilc> tiilji, il'^lir
Vili-Li'vu 10 645 kiL i-aiT.
Vamia-Li'vii 6 473 »
Taviuni 553 »
KandaMi 335 f
- Beilliold Si'ciiiann, .4 Missim lo Vili.
'• Clinial (les îli-s Fidji, irapiès VauiLthaii cl HhIimi s :
T.'ii]|«i:iliin; Teni|iér.ilure Jours
Moy.-mip. la (.lu- liaulr. la plus basse. de pluie,
Suwa (Viti-Lcvu) en 1886. 25o,7 5i'\ l.ir2ùiév.8'2) 15",55(7aoùl84) lit!
Delanasau (Vamia-Levii). . 26", 'i U>i>
1411 kiL
l'-'T '
124 1
2 200 )
Ouanlili-
,1e l.lu.e.
2M5
CLIMAT. KLORi:, FAINK DES FIDJI. 875
aversos sont beaucoup plus forics pendant la saison chaude; en mars
surtoul, alors (|ue le soleil est au zénith des îles Fidji, les chutes de
|)luie sont redoutables et quebiuelois accompagiu''es de véritables oura-
j^ans. Dans l'île d'Ovalau, le déboisenieni aurait eu pour résultat, non
d'augmenter les pluies, mais de les répartir autrement, en diminuant le
nombre des jours pluvieux et en accroissant la violence des averses. En
1871, Mbua reçut en un seul jour l'énorme abat d'eau de 58 centimètres,
plus que l'Australie du sud pendant une année.
La })hysion(»mie générale des piaules fidjiennes est tropicale. Au-dessus
de la ceinture de cocotiers qui borde le littoral, interrompue çà et là.
dans les rares endroits marécageux, par des enchevêtrements de palétu-
viers, on voit des fougères arborescentes, des palmiers de diverses espèces,
des scilaminées et autres plantes de la zone équatoriale, revêtus en partie
d'orchidées parasites. Cependant quelques districts offrent une végétation
d'un caractère essentiellement australien : des casuarinées, des acacias,
diverses espèces à mince feuillage feraient croire qu'on se trouve sur les
bords du golfe de Car|)entaria. Yei's l'altitude de (500 mètres, les formes
végétales du littoral sont rem|)lacées par d'autres piaules, mais on n'a
rencontré sur aucune cime de florule alpine. Le botaniste Home, (jui
a découvert plus de 300 espèces nouvelles, évalue l'ensemble de la flore
iidjienne à iOSIj phanérogames et à 24d fougères et piaules alliées.
Comme toutes les autres îles du l'acilbiue, les terres iîdjiennes sont
d'une extrême pauvrelf- en espèces de la faune snp(''rieure : un rai, des
chauves-souris, et des cétacés dans les mers voisines, tels sont les seuls
mammifères de l'archipel; mais tous les animaux domestiques euict-
péens ont été introduits, ci |;i plupart ont prospéré : des cochons sau-
vages errent dans les forêts; les chats rôdent par milliers autour des
liabitatiims. Berthold Seemann a compté 46 espèces d'oiseaux; les reptiles,
seipenisel lézards sont plus nombreux encore; quelques espèces de gre-
nouilles sont, dans la direction de l'est, les dei'uiers re[)résentanls des
batraciens dans le monde océanique. Les mers avoisinantes sont habitées
|iar 120 ou 125 espèces de poissons, dont plusieurs sont venimeux ou dont
la chair est vénéneuse. Les requins peuplent les eaux fidjiennes, et parmi
ces redoutables animaux il en est qui vivent exclusivement dans les rivières.
Les Fidjiens ressemblent l\ la fois aux Mélanésiens de l'ouest et aux
Polynésiens de l'est : il est certain que par les croisements ils descendent
des deux races; toutefois la majorité d'entre eux se rapproche beaucoup
870 NOUVKLLE GKOGRAIMIIE UMVElîSE LLE .
plus du lype occidental (juo du type orienlal. Ils sont grands et forts, très
hruns ou cuivrés, même presque noirs de peau, pourvus d'une abondante
loison qui lienl le milieu entre le cheveu et la laiiu'' ; les mélis sont nom-
breux, et par la régularité des traits plusieurs ont des ligures presque
européennes. Naguère à peu près nus, les Fidjiens n'avaient d'autre vête-
ment que le pagne ou le jupon en fibres végétales; ils s'oignaient le
corps d'huile et se rougissaient les cheveux avec de la chaux; les femmes
-se perçaient le lobe de l'oreille pour y passer uiu- rondelle de bois ou
(l'écorce. Pies(|ue toujours l'homme s'apj)uyait fièrement sur une lourde
massue. Maintenant les naturels sont vêtus de chemises, robes ou blouses,
et drapés de couvertures : de plus en plus ils prémunit l'apparence de
prolétaires velus de la (b'Iioque de maîtres européens. Leur intelligence
naturelle est 1res ^ive : fl'ajirès Williams, les Fidjiens seraient remar-
(juables par la logique de leur esprit; tout sauvages qu'ils sont, on peut
entretenir avec eux une conversation raisonnée. Ils sont fort généreux,
ainsi qu'en liMUoigne \('uv langue. 1res liche en mots qui signifient don-
ner, mais n'ayant pas un terme jionr désigner le prêt ou l'emprunt. Com-
|)arés à leurs voisins de la Polynésie, ils se distinguent aussi par une
grande rései've : leurs danses ou inrhr, très di'cenles el toujours gra-
cieuses, représenleni de |)elils drames cham|ièlres ou maritimes, les
semailles, la récolte, la pêche, jusqu'aux luttes di' la marée montante
et des roclieis\
Nominalenienl, Ions les habilauls de rarilii|)el soni chi'éiiens : en 185Î),
les premiers niissionnaii'es s'i'lablncnl dan-^ le gidupe oriental des iles, à
Lekemba, puis, à mesure (|ue graiulil leur iniluencc. ils fondJ'rent d'au-
tres stations, et ])eu à |)eu ])arlagèr(>iit le |)ouv(iir avec les chefs; l'histoiri-
des Fidji pendant les cin([nante dei'nières années est celle des rivalités et
des alliances entre niissionnaiies et pianleui's. désormais associés sous la
protection du gonvertu-meiil anglais. La religion doniinante, comprenant
pins de cent mille fidèles, est celle des Wesleyens; quel([ues milliers de
Fidjiens sont devenus catholi(|ues, et l'Fglise épiscopale anglaise, disjiosani
d'un bndget considérable, accroît annnellenient le nombre de ses jiarois-
siens. Lors des commencements de la piopagande religieuse, un des plus
grands obstacles à la réussite des missionmiires fut que. dans leur igno-
rance de la langue, ils ne surent pas désigner leur dieu sous le nom de
Ndegeï, celui de l'être mystérieux qui, sous la forme d'un grand serpent.
' Joiinial (les Muséum Godeffioij.
Miss Gordon Cumming, Al Home in Fiji.
\ /v > "t •■" i~( /, ;„^f"7„
^^ ïi-__ -ts
^•hifitr,
ILFS FIIUI. — 1. V FVMII.I.L noVALE.
Dessin de lionjal, il'.-ii.ri'^ une |.lioiu^iM|ihic .li' M, liul'i
KUIJIKNS. 870
caché dans les grollos profondes, a créé el conserve le monde; ils em-
ployèrent le mot de kalou, que les Fidjiens appliquent seulement aux
dieux secondaires, aux patrons des classes, des familles et des métiers.
Les ancêtres étaient élevés au rang des dieux, et quelques-uns d'entre
eux, célèbres pendant leur vie, étaient devenus de puissantes divinités
invoquées par le peuple entier. De même que dans la plupart des îles
polyiu'isiennes, on indiijuait dans les îles Fidji le lieu précis où se ren-
daient les morts pour entreprendre leur grand voyage vers le monde
inconnu de l'éternité, qui se trouve au loin dans les régions oiî se couche
le soleil; ce point de départ, le « Finisterre» de Vanua-Levu, est le pro-
montoire extrême de la pointe occidentale, Naïkobokobo : souvent les
indigènes s'y rendaient en pèlerinage. Les indigènes avaient des jirètres
ledoutés qui savaient se mettre en communication avec les âmes des morts,
de même qu'avec les dieux, et qui les faisaient parler devant la foule
assemblée; ils interrogeaient aussi tout ce qui vit, car chez les Fidjiens
loul possède une âme, non seulement les hommes, les animaux et les
plantes, mais aussi les maisons, les canots, les armes et les instruments
de ha\ail. Les temples étaient placés pour la plupart sur des terrasses
naturelles ou artificielles et se composaient en général d'une cabane ordi-
naire se dressant sur un socle carré ou sur une pyramide en maçonnerie.
Un bâton magique, destiné peut-être à détourner les mauvaises influences,
était jiosé horizontalement au-dessus du toit de feuilles.
On sait ((ue le cannibalisme faisait partie de la religion des Fidjiens. Les
noms de certains de leurs dieux, tels que le « Dieu du massacre » et le
« Dieu mangeur de cervelles humaines », témoignent assez du caractère
effroyable des cérémonies célébrées en leur honneur. La religion ensei-
gnait que toute bienveillance naturelle était une impiété, que les dieux
aiment le sang, et qu'il serait coupable, criminel de ne pas le verser
devant eux : après leur mort, les hommes innocents qui n'avaient
jamais tué étaient jetés aux requins. Les enfants à sacrifier pour les
festins étaient livrés à des enfants de leur âge, (|ui faisaient ainsi leur
a|)prentissage de bourreaux el de cuisiniers. Les femmes du chef de-
vaient le suivre dans la mort et, dans certaines circonstances, les fils se
laissaient enterrer vifs dans la tombe de leur père, « victimes très
heureuses et agréables aux dieux y< : lonle ]irotestation eût semblé
offensante; on raconte qu'une femme, sauvée par des missionnaires,
s'échappa pendant la nuit pour ailer.se livrer à ses bourreaux'. Souvent
' Ersliiiii'. Wrslcni Pticifw.
880 NOUVELLE GÉOGRAPHIE IM VEliSi: LLE.
les vieillards ft les malades demaiiflaieiit iiu'oii les achevai cl se faisaieiil
enterrer à demi, puis t''liaii^lei'. Les i('|i;is de la cliair de rhiiiiinn' ou du
«grand porc >' étaient une cérémonie sainte, à laquelle les i'emmes et les
enfants ne pouvaient ])rendre part, et tandis que les hommes se servaient
de leurs doigts ])our jirendre toute aulre iKuu'iitnre, ils n'axaietit le droit
de toucher la \iande sacrée qu'au moyen de l'ourchettes en liois dur, con-
servées avec un respect religieux; de même, les fours dans lesquels on
faisait cuire les cadavres ne devaient jamais servir à aucun aulre usage.
Les mères fidjiennes iVotlaient la chair de l'ennemi mort sur les lèvres
de leurs enfants. D'ailleurs manger un euiu'mi étail lui rendre hommage :
on cuisait un adversaire méprisé, mais on ne le mangeait pas.
Bien que la chair humaine fût réservée aux chefs et que même, en ipiel-
ques districis, elle fût tahouée jtour tous autres, les viclimes ('■laieiit ikmu-
hi'euses et l'on inonlrail en divers endroits des centaines de |iieries com-
raémoralives rap|)elan( le même nomhre de sacrifices. Dans l'intérieur
de Viti-Levu, près de Namosi, se li'onvail le domaine d'une liilm, les >'a-
loca, qui, ayani déplu à \in tui ou roilelel des envinuis, fui condamnée
à l'evlerminalion mé'lhodii|ue. Chaipie année, les halnlanls d'une maison.
une seule, devaient mourii' et fournir le repas du maître. AprJ's le ferlin.
on mettait le feu à la cahaiu-, puis on plantait à la place des laro el des
houlures de sahiniiiii aiitln-opoplidijinn, destinés au futur assais(uinenu'nt
d'une autre ianiille. La fuile eùl ('li' immédiatement |)unie île mort, el les
malheureux reslaieni à (('ilé du champ falal. donl ils voyaient avec lerreiu'
les plantes verdii', puis fleuril', puis mùrii'. Au jour de la i(''C(ille. les ser-
vants venaient prépaivr la tahic du hanquet, couper les laro, chaulTer la
gi'aiide marmite, et. se saisissant des victimes par les luas et les j^inhes.
ils se lançaient à la course, et leur brisaient le ci'àne contre une pierre
sacrée. Le soir une autre cabaiu' était incendiée, un autre chanij) de laro
était planté, et c'est ainsi (|ue d'année en anné'e le \illage s'amoindrissait
d'une case et d'une famille. Cepeiulant le roi daigna pardonner aux der-
niers snrvi\anls, et la seule personne cpii restât de la Iriltu. une \ieille
femme, mourut de sa mort naturelle en ISOO.
I/anlhro]iophagie, d'abord céri'nionie purement religieuse, devait avoii'
pour consécpience de rendre les mo'urs plus féi'oces, el la colère, un
simple caprice ou même l'appélit d'un roi sufiisaieni piuu- faire condamner
les sujets ou les captifs au four ou à la chaudièr(\ Le roi Thakumban, (jui
jdus lard de\:nl se >■ convertir j'.dexcnir >< (din'lien f( r\enl '. et passer
' l)iiiiioiit-:rrivill(', VoijiKji' (tu Poli' Sud (i (lima rikciiiiic.
FIDJIKNS KT 'FONT, ANS. .S,S1
niix yoiix dos Anclnis pour li^ " l'oi h'jiiliinc » (1(^ loul l'arfliipol, so plaisiiil
Il (l(''si<incr di' sii inassuc celui ipi'il lui ((inviciidiiul de maiij^ci' à son repas
du soir; si un malhcuipux imploniit sa grâce, il lui faisait arracher la
langue et la dévorait crue, saignante encore : il avait trouvé plaisant d'avoir
dans son paradis un « arhre dn IVuil (hieiidn ", au(|uel étaient susj)cndns
des membres humains, tous morceaux de choix réservés à la table royab^'.
Et pourtant, lorsque les missionnaires et les résidents anglais insisièreni
auprès des chefs pour ([ue le cannibalisme cessât d'être pratiqué, les
soutiens des vieux usages défendirent énergiquement leurs anciennes
« institutions », prétendant que c'est un devoir envers la société de
maintenir la terreur dans les basses classes. Ces conservateurs à outrance
ont Uni par céder : lorsque l'arc hi|iel entra dans l'empire colonial anglais,
les sacrilices humains avaient enlièrement cessé, de même que l'usage
affreux de lancer des embaicalioiis de guerre en les faisant glisser sur
des corps de captifs.
Une des l'aisons qui ont le plus contribué à faire accepter aux chefs
lidjiens la souveraineté des Anglais est la crainte que leur inspiraient les
immigrants de Tonga : ils redoutaient que leur archipel ne fût envahi [)ar
eux, ciinnne les îles Tonga l'avaient été jadis par les immigrants de Samoa,
ancèlres des Tongans^. Autrefois les insulaires de Tonga n'osaient abor-
der sur les côtes des grandes îles Fidji sans autorisation spéciale : même
lorsque la tempête les avait jetés sur la rive et 'qu'ils se présentaient
en suppliants, ils étaient saisis et mangés''. Mais les nécessités du com-
merce les protégèrent en diverses îles de l'archipel, surtout dans les teri'es
coralligènes de l'orient les plus rappi'ochées de Tonga : ils apportaient des
nalles, des étoffes peintes, et demandaient en échange des bois de construc-
lloii poui' leurs flottilles. Ils s'y inslallèreiil même en colonies pour gréer
leurs embarcations sur place, cl bieiil(~it ils furent assez nombreux dans
(|uel(|ues-unes des îles de l'archipel sud-oriental, et notamment à La-
kemba, la terre majeure, pour y vivre en communautés indépendantes.
Audacieux et fiers, conscients de leur supériorilé guerrière sur les indi-
gÎMies lidjiens, ils en vinrent bientôt à l'agi'ession, et l'un des chefs les
plus puissants des îles Tonga, amenant avec lui de nombreux merce-
naires, s'empressa de [)roliter des cir((uistances jjour s'établir dans
l'archipel oriental comme arbitre entre les chefs lidjiens et « redresseur
de torts ». A la suite de chaque nouvelle décision, toujours appuyée par
• Jiilius liicndiley, Julliiifis tliiriiKj llic niti.ic iif llif Curaçod innoiui llie Suulh .Sert IstdiiiLs.
- Hciiiiold Scoinaim, ouvr:ig;e cilé.
'• .liiliii ('alviirl, Fiji nnd tlip Fijiaiis.
XIV. III
R82 NOUVELLE fifiOGRAPHIE UNIVERSELLE.
les armes, son royaume s'accroissait de territoires conquis et quel(|ues
milliers de fidèles s'ajoutaient au lotoit di' l'huile, c'est-à-dire à l'église
wesleyenne, dont les ministres étaient |)ayés en huile de coco. Convertis-
seurs armés, les Tongans avaient pris les missionnaires pour alliés dans
leur guerre de conquête, et chaque tiaité de paix dicté par eux portail,
comme premier article, que les vaincus brûleraient leurs temples et se
rattacheraient au lotou. En l<Sr)0, le chel' victorieux, qui se donnait comme
simple lieutenant du roi de l'archipel Tonga, commandait à une armée
régulière de 3000 hommes accoutumés à la victoire : toutes les trilius des
îles orientales et de Yanua-Levu lui étaient soumises et il se préparait
à la conquête deYiti-Levu, lorsque le consul Pritchard intervint à son
tour, au nom de la Grande-Bretagne, et força les envahisseurs tongans à se
désister désormais de tonte inicivcnlidii militaire ou politi(jue dans les
affaires de l'archipel.
Après le danger de l'invasion tongane vint pour les insulaires des
Fidji un autre péril, celni de l'extei'mination par les blancs, américains'
ou australiens. (Juehjues marins des Klals-Unis, ayant à se plaindre du
« roi» Thakumbau. lui n'-clamaicnl ({'('iioimes dommages-intérêts, (ju'il on!
été incapable de payer si une compagnie de spéculateurs austialiens ne lui
avait avancé la somme en échange d'un domaine cultivable de 80 000 hec-
tares, pris dans les contiées les jilus leililes de l'aichipcl. I)(''s((iinais les
])lanteiirs blancs devenaient les niaili'cs, et ceux des indigènes (|ui ne
se |diaient pas à travailler les champs de l'étranger, à côté des coulis im-
portés des Nouvelles-Hébrides, des Sannta, de l'Inde, n'avaient })lus
qu'à se retirer dans les vallées écarté-esde rinl(''rii'iir. D'ailleurs, les débuts
du gouvernement des blancs furent des plus malheureux. Une dépntation
de notables indigènes s'étant l'endue en Australie, en lS7o, ces délé-
gués rapportèrent dans leui' pays une épidémie de rougeole, et le fléau,
mortel pour la phqiarl de-' iiisnlaiics (|ui eu ('laieiil atteints, se pro|)agea
dans tout l'archijjel, et surtout à \iti-LevM, d'une manière effrayante :
en quelques semaines, plus de trente mille Fidjiens avaient péri, et l'opi-
nion généi'ale parmi ceux (|ui reslaieiil ('lait ([ue les planteurs avaient
laissé s'étendre la nudadie alin de se débarrasser des propriétaii-es et de
s'emparer des terres abandonnées ; même des blancs ont cru que l'horrible
soupçon était fondé'.
La dépopulation conliniie. Il es! M;ii (|u"ou ignore quel était le nombiN^
précis des insulaires avanl l'arri\(''e des blancs dans le pays, mais les
' SIdiii'Iii'wlt Cuiiricr-, Tlic Cuiol Liiiiils.
IMllSTIUli IlliS Klll.lli;.NS. 8SJ
\illiij;('s (k'Iiiiils, les iirs (h'scrlcs léiiioigiiciil de l,i (limimiliiMi des lialii-
l;mls, ('( (l('|iuis (in'dii I'miI îles rccciisciiicnls plus (iii uKiiiis i(''iiuli('rs, le
tlcjtci'issi'incnl de la riici' ii'csl plus ddutciix. Dans les dcruiJ'ics aniircs,
les blancs (mix-uk'iucs soiiI devenus nmins nnnihreux, par suile des
llnclnalions dii coinnieree. I n indice des Irisles condilious sociales (|ui
pi'{''\alenl dans les îles l'idji esl (pie les i'enioies y sont on niinorilé,
aussi liien dans la [lopulaliou ludiLii'ue (|ue |iai'nii les ('(rangers venus
v(ilonlairenienl ou iniroduils coiinno travail leurs'. Clia(|nc anniv, les morls
l'cniporteiU de beaucoup sni' les naissances \
l.es cullures si;nt 1res xariirs dans l'archipel. Une espèce d'ijinanie
lournil aux iudiiiÎMies la pi'incipale nonrrilui'e, el l'on cultive aussi le laro
on dalo, celle aroïdée qui a lant d'iniporlauce poni' l'aliuienlaliiin de
riioninie daus une jurande partie du monde éipialoiial, des montagnes de
Kanieroun aux iles Mar(|uisV's. Mais les Fidjiens n'ont plus de pi'odiiils
qu'ils puissent vendre aux étrangers en échaiifie des marchandises d'En-
i'(qie : le bois de sandal, (jue les traitants venaient y chercher au commen-
cenienl du siècle, est pres(| ne épuisé; on ne ti'ouve plus l'arbre que dans
les jai'dins. Le dakua on pin de Fidji [dammura vitiemis), espèce ra|i-
|)rochée des kauii ou dammara de la Nouvelle-Zélande et de la Nouvelle-
Calédonie, est devenu également 1res rare, el l'on n'exporte plus (|u"uue
l'aible quantité de résine. Les cocotiers bordent les plages par centaines de
milliers, mais ils n'a])par(i(Minent pas aux naturels, et ce sont maitilenani
les planteurs qui en expédient en Europe et en Australie l'huile et le
koprah. Quant aux produits de l'industrie locale, ils ne servent qu'aux
indigènes. Un des arbres les plus utilisés par eux est le malo {broiissonclid
pttptjnfcra), (huit le liber, mai'telé par les femmes, se transforme eu une
étoffe solide et souple : on l'emploie soit comme pagne, soit comme toge,
et naguère les chefs la portaient en long manteau traînant au loin derrièi'e
eux ; on en fait aussi du papier de choix. Cette étoffe est d'un blanc pur,
mais on sait la teindre de dessins variés par une méthode qui ressemble
' Popidiillon lies ilos Fidji, sans Ilolunia, au 31 déceinbiL' 1884:
Hommes. IViiiin.'.. Kiim'i,,!,!,.
Blancs 2 586 \m .'.".i.'.
Gens de sang («(jlé .'>'.)'.) .192 7111
luiinigranls asiali(|m's ol oci'aïuiMis. . . 0 'J"> 1 6.3'i 8 ôCii
Fidjiens lil) 8(l'2 54 089 114 891
Eiiseiulile 70 7-iO 57 040 127 760
Pdpnhilion ;ni l"ji(illi'l 1887 : tllaais : 2 105. .\iilivs, avec lluliniiii : 122 500.
- Él.il ti\il L's iles Fidji en 1881 :
978 niarijf^ts; 4840 naio»auLt.^ ; 8592 nioits.
mi isnrvKLi.K cKociiAi'iiiK iMVKitsi:i,i,i;.
;i cellt' lie riin|iiiiiicii(\ ;ui UKiNcii de [lelits riayiiiciils de liiiiulHiii liiilli's
jncc soin cl clKirjii's de C(iiil('iir.
La llorc iialufelle ou acclimalée des îles Fiflji esl tcllcinciil lielie en
plantes préeieiises |»ai' leui's Iruils ou leurs racines cunieslililes, par lenr's
drofiues, épiées, libres, eouleuis, jiouimes ou graisses, que les plaiileurs
oui l'embarras du elioix jiour leurs cultures. Si les sjiéeulalions ont
peu l'éussi ins(|u'à uiaiuteuauf, la cause en est moins anx ouracans, qui
ont parfois di'xasli' les planlalions, qu'aux déplorables eoudilions du travail
aeeompli pai' des mains asservies. Dans les premières années de la eobmi-
sation. la j:iierre anuM'icaine de sécession, qui donna une si grande impor-
tance à la culture du cotonnier dans tous les pays de production,
enrichit ra|iidement les |)lanteurs lidjiens; mais depuis cette époque la
main-d'ieuxre est devenue trop chère jinur que celle indusirie agricole ait
pu se mainlenii', et les iles Fidji exportent à peine quelques halles de coton.
On a également inti'oduit dans l'archipel l'arhusle à thé, mais sans
grand succJ's, loujours ;t cause de la chérit' du lra\ail ; giàce à Seemann,
les Fidjieiis onl appris à eviraire la moelle noui'ricièi'e de leurs palmiers îi
sagou. i.e lahac esj culliNt'-, mais pres([ia' exclusivement pai' les naturels,
qui vendent la l'euille [lour le payement de leurs imp('>ls. .Maintenant la
piincipale culture induslrielle. après celle du cocotiei', (|ui l'ournit le
ko[)rah', est celle de la canne à sucre. L'ensemble des terres vendues
aux planteurs s'élevait en [S^'2 à plus de 1 12 000 hectares. L'année 1885
l'ut celle du jilus grand commerce'; mais depuis cette é|)oque il a régu-
lièremenl diminué', en prcqiortion de l'exode des blancs. Le trafic se
trouve pour la plus gi'osse part enli'e les mains des .Anglais el des Anglo-
Australiens, mais les négociants de Hambourg sont aussi l'eprésenlés
par des traitants dans les îles Fidji et se sont emparés de plusieurs
articles d'evpoitatiim.
Si'ulemenl (|ueli|ues ports des Fidji prennent pari au mouvement inler-
national îles ('clianges"'. L'ancienne capitale, Levuka, est située au bord
' Récolte (lo I88Ô : 26 944 500 iioiv de cocd, |iroiliiisan( 4899 luiiiLe> de tioinali.
- MouvL'nii'iit <los iVlianiçcs dan> l'aictiipcl de Fidji en 1883 :
linportalioii 'il) 064 820 francs.
Kspnrtation il 264 S6â »
tii>eiiiL]|e. . . . .")i 529 685 flancs.
■ Mouvciiient de la navigation en 1883, sans les Ijanjues indigènes, à l'entrée et à la sortie :
90 bateaux , à \a|ii'ur, jaiiijrani 72 584 tonnes,
306 voilieis ■. 64 172 »
Liisendile. 3'.M) navires. jaLi^eanl 137 056 limncs.
l.OMMKliCK IIKS II.KS Klll.ll
d'une cri(|U(' ni-icrilalc de l'ilc d'Ûviilaii; miiis le déjihircnifiil du centre
pnliliqiie el adminislialif de l'aicliiiM'l liail devenu nécessaire à cause de
K" 185. SnV.V ET LEVniiA.
Est de Par s .I7r o
Est de Greenvv,ch I
O
^ro ^o^a'e^r^
l'incommodité du site de Levuka, rangée de maisonnettes longeant la plage
à la base d'escarpements difficiles à gravir. Suva, le chef-lieu nouveau,
récemment bâti dans la grande île Viti-Levu, |irès de son extrémité sud-
oi'iental(>, est beaucoup mieux placé' que Levuka, sur un sol doucement
888 NOUVELIK GKnf.R AIMIIK UNIVERSELLE.
incliiifi vors la mer, entre les deltas des deux plus alioiidnnls cours d'eau
de Yiti-Lpvu, et dans le voisinage du village le plus peuplé de rinléi-ii'ur,
Rewa, appelé par les Anglais la " Venise fidjienne » : autour de ses
cabanes les eaux du Rewa-Rewa se lamifienl en de nomlireux canaux.
(]ependant le point d'allache des grands paquebots est dans la baie de
Ngalao, au sud de l'ile de Kandava : dansées parages, l'eau est |ilus pro-
l'onde, moins ]>arseniée d'éeueils.
Au sud de Vanua-Levu, la baie de Savu-Savu est fréquent(''e [»ar des
caboteurs ; jji'ès du port, des sources tbermales abondantes jaillissent sur
le rivage. Les villages des Fidjiens présentent quelque ressemblance avec
ceux de l'intérieur de Sumatra : les cabanes se terminent aux deux extré-
miti's par des pignons à corne, (bipassant le toit d'au moins un mètre et
recouverts de coquillages.
Comme |ieu|il('. les Fidjiens n'ont aucune part au gouvernement de
rarcbip(d; les Maucs ne leur en ont rien laissi'. La coliuiie est une dépen-
dance de la .1 Couronne >■ : gou\ernenr el conseil cxé'cutil' sont nommés
pai' le souverain de la Grande-Rretagne, et les lois sont préparc'es |iar un
conseil législatif de treize membres, sept mnnmés eu vertu de leurs
l'oiictions et six cboisis parle gouverneur. L'arcbi|)el a été divisi' en diuize
districts, sous l'administration de cbel's indigènes salariés, descendants
des anciens /»/, qui doivent appliquer les lois de l'Angleterre et les cou-
tumes ou Ifila a|iprouvé'es par le gouvernement anglais; la plus |)récieuse
pour eux est celle qui assure aux propri('laires le travail des pauvres, assi-
milés à des serfs. Jadis les l'amilles ou (/(ili étaient git)up(''es en communautés
analogues à la zadnuKja seibe : elles étaient propriélaiics en commun; mais
l'avidité des cliet's, aidée ]iar la législation britanui(|ue, a peu à peu trans-
l'ormé le clief en maître absolu de la terre : c'est un plu'uonu'ne analogue
à celui qu'a présenté raccajiaremenl des comtés pai' les lainh écossais'.
Le budget annuel a dimiiuK- en même temps que la population blancbe,
el la dette publiipie s'accroil d'ann(''e en aniiée\ La prospérité des îles
l'idji est loin de répomire aux espérances de ses premiers colonisateurs
lilancs, et le [lelit Etat insulaiic n'est guère digne défigurer à côté de ses
' KIscm: — de IliiliiiiT. Hciuir des Doux Momies. 15 (Ire. 1885.
- liiiil-cl ili's iles Fidji on 1886 :
Recettes 1 614 ôjO fnincs.
Dépenses I 95.Ï 535 ji
Délie |iiitili(iue 7 500 000 »
liOTIMA. MKRimi'N llF. PARTACK. 889
('i)nft''(I(''iV's"(lo l'Atisli'iilasio; aussi los néfiociaiits lidjicns niil-ils pliisieiiis
rui> (Icmar.di' au Pailcnit'iil do Viclon'a de prendre en main l'adminislraliou
de leur lerritoire, lro|i coûteux à iiérer ()our eux seuls.
Ku 1881, l'île de Rotuma, terre volcanique située à 500 kilomètres au
iKuil de l'anjile noi'il-occidental des îles Fidji, a t''t('' rurmellement annex(''e
par l'Angleterre à sa ((iloiiie iidiienne. Klle occupe un espace évaluf' seu-
lement à .")(» kilomètres carrés, et tout l'intérieur, dont les sommets s'éji'-
\ent à 200 et '2MI mètres, est inhabité. On l'a transformé en un grand
enclos pour les [)orcs saiivaiics, (pii C(iu>litaenl la principale richesse de
l'île. La zone du pourtour où se succèdent les villajics et que suit une i-onle
( irculaire, est fort bien cultivée : c'est une palmeraie de àO kilomètres en
lonfïueur, interrompue par des claii'ières de jardins.
Les Rotumans, très hardis marins et très appréciés comme matelots
par les capitaines de passade, ont, comme les Fidjieiis, subi rinflneiK-e
des jiens de Toufia, (|ui, même avant l'ari'ivée des missioniuiires anglais,
avaient converli la plupart d(^s insulaires au jirotestantisme wesleven. De
leur c(Mé, les catli(di(|ui's uiil loiiili' nue missidu à liiiluma. et dans celle
ile, comme dans pres(jue Idiiles ci'lles de !'( Jct'aiiii', le> deux relif;itnis
se ti'ouvenl en piM'seiice. De nu'iiie (|ui' leurs Noisius, les Roluinans
son! frappé's de (li'|ii'risseuie!ir.
Le LSir deuré de latitude à l'es! on à l'onesl de (ireenwich passe à tra-
vers les îles orientales de l'arclii|)el des Fidji : c'est la lii;ne conveiilionnello
i|iii s('pai'e en tlenx miiili(> r(ic('aii l'aciliipie el qui en consé'quence est
aibqiti'e par les marins poui' limite des dates journalières. A l'uui'sl de
celle liiiiii', (Ui cdinple les heures en avance des hoi'lof;('s de l'Europe occi-
dentale; il l'esl. (ui les C(un|)le en retard : sur ce deui'i' nu-ridicu de
l'Océan, minuit it'piuid à la fuis au midi de Liuidre-- pour le juur suivant,
dans le sens d'nrieiit m i)c<M(leiil, el pour le jour pri'ci'deiil. dans le sens
d'occident enoiienl. De chaque côté de cette lijine de division, le même jour
s'a|(p(dle de noms différenls : les marins venus de l'est sautent un jour
de la semaine quand ils la fi aiicliisseiil ; ils le reibuiblent ipiand ils
' Khil <ivil ,1c lliiliiiun cil 1887 : 07 n:ii>siMccv ; |(I7 hkh-I-..
I'<>|iiil:ilicn <lr Itnliii ii I88r>:
jl.-.li Imiiiiih's: l.^ll rciiiiiic.. KiiMMiiMc : L'iMI.
MV. II-.
890 NOUVEI.LK i;Én(;i{ APillF UNIVERSELLE.
voguent en sens inverse. Suivant les changements politiques, cette ligne
(le partage pour le calendiier s'est avanci'r ou reculée. Manille, fjue les ga-
lions Taisaient communiquer avec le monde européen par la voie du port
mexicain d'Acapulco, était considérée comme étant à l'ouest de Gadiz.
([uoique par celte voie elle se trouve aux deux tiers de la ciiconférence
lerrestre, tandis que Macassar, située sui- le même méridien que Manille,
mais en rapport avec l'Europe par la voie du cap de Boiine-Es|)érance,
comptait ses heures comme se IrouvanI à l'est de l'Europe. D'autre part, la
péninsule d'Alaska se réglait d'après l'élershourg pour son calendrier. 11
n'en est plus ainsi actuellement. Les Philippines, les Carolines ont désor-
mais la même numération de jours que l'Australie et la Nouvelle-Zélande;
de son côté, l'Alaska règle ses jours comme le reste du continent améri-
cain. Toutefois on peut se demander si le méridien de partage ne devrait
pas être quelque peu déplacé, d'environ dix degrés vers l'est, afin de mieux
séparer les deux mondes l'un de l'autre. 11 est évident que la ligne méri-
dienne la plus commode pour former limite entre les deux hémisphères est
celle qui passe par le détroit de Bei'ing, sé|)arant l'Asie de l'Amérique, et
les régions australasiennes des parages relativement déserts du Pacil'Kjne
oi'iental".
' 1!. (li'fti'aiiiiii)iil, iiic'iiKiires divers; — HolIctliiKi (Iflla fioriclà CcoyrdfwaiUiUanii. niaj;glo 1888.
CHAPITRE XI
POLYNESIE ÉQUATORIALE
Ia' nom dv l'ulyiu'sie est un do ces lormes au sens indécis qui, suiv;inl
les géographes, s'appli({uen( à un ensemble d'îles océaniennes plus ou
moins étendu. Au point de vue juiirmenl géogra|thi(jue, ces « Iles nom-
breuses » sont les (erres de laibles dimensions (jui parsèment les mers à
r(uicnl (les grandes masses insulaires ou continentales des Phili|>|iines,
de la Nouvelle-Guinée, de l'Australie. Au point de vue ethnographique,
la Polynésie se compose des archipels orientaux de l'Océanie (jue peuj)le
la race à teint clair, apparentée aux Malais par le langage, mais 1res
dilTérenle de ces derniers par les li'adilions el Jes mœurs, l'ai- leurs
hahilaiits, les iles_ néo-zélandaises, dans l'hémisphère an(arcli([ue, el,
d'autre paît, l'archipel des Sandwich, dans l'hémisphère du nord, ap[mr-
liennent donc à la Polynésie'; toutefois ces terres éloignées de ré(|ualeur
se dislinguenl d'une manière si nette des autres îles polynésiennes jiar le
climat et la nature géologi(|ue du sol, (ju'elles doivent être étudiées à
|tart. L'archipel des Ellice, dont la |)opulalion est également polynésienne,
appartient à la même rangée insnhiiic (|ue les Marshall et les tiilherl.
Dans ses limites l'cslreinles. I;i Pdlyni'sie proprement dite, comprise
presque en enlier eiilre la ligne ('■qiialoriale cl le lid|)ique du >ud, oITre
encore une étendue livs coiisidi'iaiilr. Siii' un espace océanique (r<'n\iron
."> millions (le kilomèlres carré's ^onl ('■[laises. en (Uize gi'oupes principaux,
l't cà cl là pai- deux ou par Irois, ou même compicicmciil isolées, des îles
de toule forme ayant ensemble une superficie évaluée à près de 10000 kilo-
mètres carrés. Quel est le nombre de ces îles? On en compte environ
!2'20 alteignant au moin-' un kilomètre de surface, mais il serait iinpos-
' .1. A. Mm'iviiliiiiil. Yviiiific (iti.v ih's dit Ciaiiil Occiiit,
8'J2 NOUVKLLK (,K(H, 1!.\ l'Il I K I .M\ KliSKMj:.
sil)k' (If (IriKimliivr les iiiillirrs d'ildls cl di' nVil's ilistiiicis ([iii s'iiiiis-
soiil pour Itiriiiei- les iiiiiicaux des ;il(tll vi (|ui |i;iraissi'iil cl (lis|i;iiiiisst'iil
lour à lour, dccdiivcrls |)iir le rellux, iv<(iii\eils |>;n- le llitl.
Les îles de la l'olyiK'sie oiieiitale sdiil. cdin la |plu|iaii des aiilres
lerrcs océaniennes, dis|)osées suivaiil des ali^iieiin'iils lépulieis. A I e\-
ceplioii des îles Toni;a, (|ni a|>|iailieiiiienl à la cliaiiie de la Nouvelle-
Zélande el (|iii se rallaehetil à cel areliipel |iar le groupe de Keiiiiadec, les
aulres îles |iolvnésienne4 sonl orieiilées dans le sens du nord-onesl au
sud-esl el disposées en chaînons parallèles, doni la vraie forme se révèle
\:kms m> 1I.I-S I'
1 on 0110 000
suiloul par celle des piédeslaux cachés (ju'a révélés la soinle. Six princi-
pales arêtes, sans compter des saillies de Faillies dimensions, se succèdenl
ainsi en échelons du (irou|>e de Mue ou hini à l'archipel des Mar(|uises,
toutes séparées les nues des auli'cs jiar des fosses itrofondes, où la masse
li(|uide ofl'ri" en moyenne une épaisseur de iOOO mètres. La |M'emière de
ces arêtes, la plus l'aihicmeni mar(piéc, est celle ipii se ivlie à l'anjile
nord-oriental de l'aichipel di's Tonga, immédiatenieiiL à l'est de l'ahîme le
plus profond des mers de l'hémisphère méridional, creusé à 8(101 mètres'.
L'île de N'iue est la seule terre iiahitahle (pie |irésente cette première
• Soii.la"Os ik' XtMerm en 1888 : V^''"^' l;il. S.; 17^<'8' K. ttr (iiiriiwicli.
l'iii.^ NKsii; i;ni AKUii Ai.i:. S'Jô
ili;iiiic ircininui ,"(1(10 IvilninJ-Ircs imi IdiijiUfiii-; les ;ni(ii's sjiillics iil'
sont que des roches, des récils ou des banes de sable; l'écueil de .Maria-
Tberesa, (]u'eii(oureiit de toutes parts des eaux profondes, termine la
rhaine sous-inariiu' du cùlé des mers anlar(lii|ues. La deuxième ran[;éc
des terres polynésiennes est manjuée au contraire par un grand nombre
de massifs émergés : elle commence au nord-ouest par les îles Samoa,
dont l'une es! la |)!us giande de la Polynésie; le petit groupe des Pal-
merslon, puis les iles de (iook, lui succèdent au sud-est, suivis pai-
les îlots plu^ cliiii'semés de l'archipel Tubuai. Moins régulière dans son
orientation, mais encore parfaitement reconnaissable, grâce aux explora-
lions sous-marines, la troisième rangée a son point de départ aux îles
Tokelau, puis se continue par les îlots de ['uka[)uka, de Suvorov et
les iles de la Société; au delà, quelnues îlots, attribués d'ordinaire aux
Tuamotou, peuvent être considérés aussi comme appartenant à l'aligne-
ment de Taïli. A l'autre exlii'milé de la chaîne, dans le voisinage de
r/'ipialeui', les iles Phœnix, ([uoique bien isoli'cs par des abîmes océani-
ipic^. les fonds de Hilgard à l'ouest et les fomls de Miller à l'est, s'ali-
gnent aussi dans le môme sens que les îles de la Société; de même les
autres groupes situés au sud des fonds de Miller; enlin les îles Penrhyn ou
Manahiki forment l'extrémité nord-occidentale de la quatrième rangée des
îles polynésiennes, qui se poursuit au sud-est par la principale traînée des
Tuamotou, puis se recourbe légèrement en |irésen(ant sa concavité à l'équa-
leur. et redresse ses pointes de dislance en dislance au-dessus de l'eau,
l/îie Pitcairn et l'île de Pà(|ues, enlin Sala \ (iomez, font [)artie de celle
chaîne d'îles, cpii se maintient sur une loninueiir de OÔOO kilomètres.
L'île de Sala y Gomez est, dans la directicm de l'est, la dernière ile de la
l'olynésie, la borne terminale de ce monde océanique raltaclu' à \'\siv
par une série continue de terres. A l'est, vers l'Amérique, la mer est
déserte d'îles sur un espace d'environ '2700 kilomètres; il est \rai (pie
les îles de Juan-Fernandez, Mas a Fuera el Mas a Denlro se trouvent vur
le même alignement que les îles Tuanioloii cl l'île de Pâques; mais le
voisinage relatif des côtes du Chili permet de considérer ces terres comme
les dépendances géographiques du confinent sud-américain.
Au nord de l'axe médian des îles polynésiennes, deux auti'es rangées se
succèdent : l'une, peu considérable, comprend l'île Malden, la Caroline et
la traînée septentrionale des îles Basses; l'auli'e, plus riche en pointes émer-
gées, commence au nord de l'équaleur par les îles Samaiang, Xevv York,
Christmas, Fanning, souvent grou])ées sous le nom d'America-islands, puis
va former, au nord desTuamolou. l'essaim isolédes Maiiiuises. De cel arclii-
s'.ti NuiVLLLt: (iKU(;i;Ai'iiii-; i mnhiiskli.i;.
|)('l cxlivinc (le la l'olynôsie équalorialc à la Icric coiiliiiriilalt' la |ihi^ ia|i-
liroclu'c. c'csl-à-dire vers lo rap Saii-l>iK'as, au IkiiiI dr la |i(''iiiiiMilf de
(ialironiif, la ilislance à paiToiirir dans riimiii'iisc déscil li<|iiid(' c^l de
iilOO kildinèlres. Des Marquises à l'archipel d'IIavaïi riiilcrvallc est
moindre : il esl de ."."iOO kilonièlrcs.
De même (|ue les autres |>()|iulaliiins (leéaniennes, celles de la INdyuésie
éqiiatdriale n'ont pu écliappei' à la domination di's missionnaires et des
traitants européens, el le conllil des intérêts et des passions entre hiaiics
de nationalité el de culte dilTéreiils a amené rintervenlion des puis-
sances et l'ait |iroclanier l'annexion ol'licielle de la plupart des archipels de
ces parajics. Cependant le parlaj^e de l'Océanie entre les divers empires
coloniaux n'est |ias encore achevé, non point à cause de la résistaïu-e des
insulaires, trop peu mimbren\ el Irop rlaii-semés pour être redoutables,
mais par suite de la rivalitt' des pri'lenlions entiv les puissances euro-
péennes, qui n'ont pu se mettre il'accord pour la répai'tition définitive de
la région, l/ascendant hritaniii(|ue domine dans la partie occidentale de la
Polynésie; les îles Touf^a et Tokelau se trouvent dans la zone d'attraction
|iolitii|ue de la cou lédi'ra lion auslralieiine ; mais le uroiqie des Samoa, si
im|iortaiit comme centi'e de navifiatioii dans l'océan I'acili(|ue, est un enjeu
Inq) ])récieux |)our (|u'on ne l'ait pas disputé à l'An^letei'ie : la ré|iuhlique
des Elals-Unis s'est même présentée au nombre des rivaux, et l'on eut le
projet de coiisliliier l'archipel des Samoa en un ■ lerrilolre ■ polili(|iu'
des Etals-Unis el de le l'aire repi'(''seiiter au (lonjiiJ's par un d(''l(''j;u('' s|iécial.
Actuellement, l'inlluence de l'Aufileleire et celle de la ré|)uliliqne améri-
caine sont contre-l)alanc(''es à Samoa jtar celle de l'empii'e j;('rmani(|ue. el les
,mierres civiles (jui se livrenl dans l'archipel entre les roitelets soni en
réalité suscitées par des cmillils (lipl(unati(|ues entre les re|))'ésenlants des
trois puissances rivales. Plus au nord, les petits archipels voisins de l'équa-
leur, les Iles l'Inenix, celles île Faiininu. d'Kiiderbury, de Maldex et autres
terres à f>uano n'<mt pas la même valeur slralé<;i(pu^ et commerciale
i|iie l'archipel des Samoa; aussi ne sonl-ils puiiil dispiilé's entre les puis-
sances, et li^s j'jats-llnis n'en mil-ils point revendiqiW' la possessi(Mi elt'ec-
li\e. (|Uoi(Hi'elle leur ail ele souvent allribiiée. Oiiant aux liioupes
orientaux de la Polviii-sie. Iles de la S<ici(''ti''. îles Basses et .Mar(|uises, iN
sont désormais reconnus cmume appartenant à la France, quoique le
prolecloral de Tahiti ail donné lieu, il y a pi'ès d'un demi-siècle, à de
très graves difficultés entre les deux gouverneinenls de la France el de la
Grande-Bretagne.
Par les forniatimis péologi(Hies, les régions polynésiennes propreinenl
I'iii.ynksif; i:nrAT(irii\i.r.
S9r.
dites ne dilTi'iviil |iimil de la Micronésie. Ces îles (iiil aii-->i leurs volcans,
mais les foyers vifs ne se trouvent que dans les archipels occidentaux, les
Toni^a et les Samoa ; dans toutes les iles orientales, les montajines de laves
se sont éteintes. Les îles Tonga, qui |)rolon<;('iil au nord l'axe volcanique de-
là Nouvelle-Zélande, se composent en réalité de deux chaînes, l'une, de
heauconp la plus importante par la superficie des terres et le nombi'e des
liabilaiils : c'esl la chaîne orienlale ; l'aulre n'olTranl (ju'uu pelil noinhre
d'îles SI' (ti'essant superbement au-dessus de la mer : ce sont les pointes de
volcans ayant oradnellemenf surgi du sein des flots et formé, à l'occident de
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rarcliipel. une crête aux pilims clairsemé's. \\\ de ces pilons, le Tofna, qni
fit explosion en ISSÔel dont le cratère fume toujours, s'élève fi 854 mètres;
plus au nord, le Kao, la plus haute montagne de l'archipel, atteint
1524 mètres; il eut fré(|uemmenl des éi'U|)lions |iendanl la période histo-
l'ique. Laté, moins élevée et située à l'ouest du groupe de Yavao, brûlait
en 1854, et son voisin septentrional, Fonualaï, a])pelé souxent du nom
espagnol d'Aniargura, n'est plus (pTun déhiis depuis X^'i'o. 1)(> violents
li'emblements du sol ayant averti les habilanls, ceux-ci s'enfuirent dans
les îles voisines. Mais les cullui'es d'autres iles furent endommagées par
la chute de la cendre. On entendit la détonation à |dus de 21^0 kilomf'fre^
de distance, et la mer fut recouverte de scories llottanles jusipi'à 1(10 kilo-
iHi'Iro : (luaud (»u re\iiil dans l'Ile, ou \\ \ lrou\a (lue des niur'> de hnc
f*!»'! NOrVRI.I.F fIKOCKAl'IllK CM VKHSI- l.l.i:.
l'iiviiK'S Cl (les amas do salilo r»u'^c on luiir. liiic aulrc ilc solilairo.
mais silmV sur le proloiigemenl tic la clKiiiic v(ilcani(|iic, csl |)os«V sur
la mer comme une couronne : c'est INiua tu, île ovale d'une remar-
quable régularité, enfermant un lac de même tonne dans ramphithéàlrc
1 . 70(1(10(1
lie sdii \asle crali'i'e. La li'aiiit'e (irienlalf des Tniiga conlrasie avec les viil-
cans isolés de la cliaine occidentale par ses Icrres basses; même la plus
grande île, Tonga-tabou, n'est (|u'une plaine unie de sable coi-allicn, sur
hupiellc re|)ose niu- é|)aisse conclie d'humus d'une exirème fertilité : l'Ile
enli(Mc n'r-t i|u'uii jardin, où les cabanes se cachent sous l'ombrage des
arhres à pain, dans les palmei'aics nu les loufles de bananiers. (IcpendanI
.KS T(iN(, A. Ml K. SAMOA.
8it7
([uelques îles, coiiipost'fs t'oiilcmciit dv roches coralligt'iies, ont été sou-
levées aune certaine h.Tutciii' aii-dcssus de la mer : tel, au nord des Tonga,
le pelit archipel de Aa\ao, avec ses brusques falaises percées de grottes,
ses gracieux coteaux et ses vallons ombreux. La superficie de toules les îles
est plus (|iie doublée par les récifs qui les entourent e( rà et là les unissent
par un socle comnuiii, mais sans former d'atoll régulier. A l'est de l'ar-
chipel Aavao, l'île. Niue oulnui, est également un banc de corail exhaussé.
I1.ES SAMOA
^^ O^SOOO'" afeSCOOé. 4000'"i^s SOOÛ^'stâoy-c/s/Â
Les îles Samoa, disiiosées réiiulièrement en une longue rangée, sont de
nature volcanique ; on n'y voit d'autres roches que le basalte, soit en masses
compactes, soit en tufs ou eu cendres. Mais elles diffèrent par l'âge et,
tandis (jue certaines roches, complètement usées à la surface, révèlent
an seul gi'ologue leur origine ignée, d'autres apparaissent encore telles
(pi 'au jour on les courants de lave s'épanchaient de la fournaise. D'après
Dana', c'est du sud-est an nord-ouest que s'est graduellement éteint le
foyer volcanicpie situé au-dessous de la crevasse de Samoa. L'île deTutnila,
la plus orientale des trois grandes terres, n'a pas de cime centrale ayant
conservé sa Iiouche (r('riipliiin : le- cônes ont été oblitérés par les intempé-
Umli'â Stales Explorinij E.iprditiim.
113
898 NOIVELLE GÉOGRAPHIK L'MVKIÏSKLLK.
ries, et des vallées profondes se sont ouvertes daus les montagnes, dont
la forme première n'est plus reconnaissable. Upolu, qui vient plus à
l'ouest, présente en partie le même aspect que Tutuila : mais en quelques
districts les volcans ont gardé leurs pentes régulières, leurs cheires de
laves scoriacées aux limites précises : un des nombreux cratères est une
coupe circulaire enfermant un lac. Enfin File occidentale, la grande Savaii,
n'est qu'une seule montagne volcaniciue, un Etna au cratère central, aux
douces inclinaisons des versants, aux nombreux cônes parasites parse-
mant comme des pustules le corps du géant ; une forêt continue recouvre
le sommet central et la zone des pitons secondaires ; il n'est pas un cra-
lèie qui ne soit empli de verdure. Le volcan de Savaii est en repos; ce-
pendant les indigènes ont la tradition de flammes jaillissant autrefois de
la montagne, et l'on montre tout spécialement une cheire très distincte
comme ayant été vue par les ancêtres. Savaii est, de toutes les îles Samoa,
celle qui est entourée de la plus étroite corniche de corail : ce «lu'il fiiuf
attribuer, d'après Dana, à la faible durt'c iviative du temps pendant lequel
ont pu travailler les zoopbytes, depuis que la mer fut bouleversée pai-
les éruptions. Upolu, depuis plus longtemps éteinte, offre sur son pour-
loui' une plus large bordure de roches coralligènes. Les îles orientales
|trésentent des bancs de même origine. |ilns vastes encore en proportion
de la terre émergée; enfin le dernier îlol de la chaîne, l'île Rose, n'est
qu'un atoll, pi'obablement déposé par les animaux constructeurs au sommet
d'un piton volcani(|ue; mais sur les récifs se voient çà et là des fragmenis
de basalle. que Dana pense avoir élé lai^-si'-s en cet endroit par des troncs
d'arbres flottants ou jetés par quelipie embarcation comme lest inutile. Des
éruptions sous-marines ont eu lieu dans ces parages : on a vu parfois
des ((donnes de vapeurs s'élever des eanx'.
Les divers archipels qui, au sud-est des Samoa, en conlinuent la raugi'e
vers les mers antarctiques, sont égalemeiil formés de volcans ou de roches
coralligènes élevées au-dessus de la mer : les atoll y sont rares. L'archipel
de Cook a plusieurs sommets volcani(|ues dépassant le niveau marin d'une
cenlaine de mètres, mais un seul volcan d'une ini|»osante majesté, le Rara-
tonga, haut de L'tOO mètres environ : il esl d'accl's 1res difficile, une cein-
ture de récifs s'étant formée sur tout le |)ourt(inr de l'île depuis que le
volcan a cessé de rejeter des laves et des cendres. Les îles Australes on
Tubuaï. sur le prolongement de la rangée, sont aussi des >*ommets de
volcans ent(Uirés de polypiers.
' Stonehewer Cooper, Coial Liiiiih.
ILES SAMOA, TIlUiAl. M();()HEA. TAITI. 899
Les plus hautes iiionta^ncs volcaniques de la Polynésie éijualoriale sont
celles des îles (le la Société. Un jireniier volcan, Maupili, se dresse à une
centaine de mètres au milieu d'un atoll, puis vient la haute Bora-bora,
élevant à plus de 700 mètres la double tète de son morne de basalte
et ceinte à la base d'un 'port circulaire, qu'une barrière de corail dé-
fend contre la [houle. Les deux îles jumelles de Taliaa et Raiatea
(400 mètres), celle de Huahine (360 mètres), continuent l'archipel volca-
nique dans la diiection du sud et du sud-est, puis une petite butte
d'éruption, le Tapamanoa, leur succède au milieu des Ilots avant que le
marin voie surgir devant lui les monts superbes du groupe de Taïti. L'île
Moorea ou Eimeo, qui se montre la ])remière, est doiniiu'e |)ai' le fier
Tohivea (1218 mètres); mais de|)uis ré[»oque où les basaltes sont sor-
tis des cratères en coulée, que de changements se sont accomplis!
L'île a été ravinée dans tous les sens, découpée en montagnes distinctes,
échancrée par des golfes profonds ; ses laves décomposées sont devenues
terre végétale et l'on ne voit l'escarpement des i-oches qu'à travers le
feuillage épais des arbres. Même à côté de la mei'veilleuse Taïli. Moorea
est une terre merveilleuse par la grandeur et le charme des sites.
Taïti a, mieux ((ue sa voisine Moorea, gardé la forme régulière 'd'un
massif v(dcanique. L'île principale, Taïti Nui ou « Taïli la (irande », est
presque ronde et le pic dominateur occupe à peu près le milieu de la vaste
circonférence du littoral; mais vers la j)artie sud-orientale du pourtour
un mince pédoncule de terres basses, formé probablement lors de quelque
éruption, latlache à la gi-ande île une île ovalaire de moindre étendue,
Taïli Iti ou « Taïti la Petite ». Les deux terres jumelles soni montueuses
l'une et l'autre et çà et là poussent leurs promontoii'es en dehors de la
ligne régulière des rivages; mais la hauteur des saillies est en proportion
des dimensions de leur piédestal. Le sommet le plus élevé de Taïti la
Petite, le Komo, atteint H 30 mètres, tandis que le mont Orohena ou « Sol
des Dieux », qui se dresse au centre de Taïti la Grande, a 2237 mètres :
il n'a pas encore été escaladé, l'arête suprême se terminant par un faisceau
vertical de piliers basaltiques'; mais, non loin de lui, l'Aoraï, à peine
moins haut, a été gravi pour la première fois en 1882. Plusieurs autres
cimes qui font cortège à ces deux montagnes ont une altitude de 1500
mètres : vues du littoral, que les mornes dominent à une distance
moyenne d'une dizaine de kilomètres, elles paraissent très escarpées, et
en maints endroits elles se redressent en parois verticales; des murs
' H;ioiil, Piolfs munuxnid's.
900' >iOUVELLE GÉOGU.Vl'llIE UNIVERSELLE.
(le lave, qui ont résisté aux iiil('in|it''ri('s, alors (|ue les roches environ-
nantes se délitaient et tombaient en ruines, ressemhleiil à des édifices
gigantesques. Une crèle, découpée en aiguilles, a reçu le nom de
« Diadème », que lui ont valu ras|)ect superbe de ses roches posées sur
le front des montagnes el ses reilels étincelants aux rayons du soleil. Les
cascades de cent cinquante ruisseaux ou rivières plongent du haut des
degrés basaltiques et porleiit au bord de la mer les débris des volcans
réduits en minces galets el en sable. Ainsi s'est formée la zone de jilaines
étroites, d'un à trois kilomètres, qui entoure l'ile de sa guirlande de ver-
dure; toutefois les alluvions se seraient perdues au loin dans les llols si Taïli
n'avait sa barrière extérieure de récifs. Tous les fragments menuisés de la
roche se sont arrêtés dans les eaux Irancjuilles du canal circulaire et l'ont à
demi comblé'. Seulement une faible partie des alluvions s'enfuit vers la
mer par les brèches qui s'ouvrent dans le récif au devant des rivières les |)lus
abondaules : les impuretés de l'eau empêchent la formation des polypiers.
Les lies Manahiki, parseuK'es au nord-oiu^sl de Taïli, sont des îles
i< basses » comme celles du grand ar<liip{'l s|i('Tialemeiit désigné sous ce
nom. Celles-ci, que l'on appelait jadis Pomolou ou les « îles de la Nuit ",
les terres « Mystéi'ienses' », et que l'on nomme actuellement d'un terme
moins poétique Tuamolou, c'esl-à-dire les « îles Eloignées », mérileni
aussi l'appellation d' « archipel Dangereux », donnée par Bougainville.
Presque toutes les terres émergées sont des aloll ou de simples j»ointes
de récifs, au milieu desquels il laul louvover avec prudence, car elles ne
sont pas toujours révélées par un cercle de brisanis; d'une courte distance
au large les îles boisées el |ieupl(''es ne soni visibles que par la ceinture
d'arbres apparaissant au-dessus de l'oui'lel blanc des vagues. Jadis, avant
l'introduclion du cocolier. la faible couidie de terre qui s'est formée sur
la ceinture des atoll n'avail d'aulre M'i^cMalion arborescente (|ue des jian-
daiius et une espèce de buis dile miliimiki. Des 78 îles qui composeni
l'archipel proprement dit, 74 oui, d'après Dana, moins de 4 mètres
au-dessus du niveau moyen des mers; celles ipii alleigneni à une (|ua-
l'anlaine de mètres d'altitude (uil l'aspecl de V(''iilables monlagnes; les
navires s'en éloignent pai'ce (ju'eiles n'onl pas de la^dn où ils puissent jeter
l'ancre dans les eaux trancjuilles. JjCs aloll ri'guliei's, qui soûl de beau-
coup les plus communs, oui la foi'ine d'un o\ale orienlé dans le même
sens que l'archii^el, c'esl-à-dire daii-i la direclion du noi'd-ouest au sud-
' Ihina, (iim:if;e l'ilé.
* Mocrenliout, Voyoyc aux îles du Grand Oiriin. — l'uiiiolou m' (ludiiit aussi par « Iles Soumises, i
ARCHIPEL [)E GAMRIER.
903
est; la mer intérieure enfermée par la ceinture de récifs a jns(ju';i 100
et 150 kilomètres de tour dans les ^n-ands atoll des îles Basses.
Au sud-est de cet archipel, la grande île de Mangarcva conslilue avec
(|uelques îlots élevés un groupe spécial, d'origine volcanique, l'archipel
de Gambier. Dans l'histoire de la géographie ce groupe est un des plus
\° 188. \nCHlPEL IlE nAMniER.
Oi-est de G-een^.cK 'i55°
(■(innus, grâce aux observations de Darwin : c'est là qu'il crut avoir décou-
vert le mystère des oscillations de la croûte terrestre. L'archipel tout entier
c'^l enveloppé d'un récif de corail qui semble indiquer l'ancien pourtour
des massifs submergés. D'après l'illustre explorateur, ces îles se Irouve-
raienl dans une aii-e d'affaissement : jad>s une grande terre aurait, occupé
tout l'espace limité'actuellenient par le récif extérieur; mais elle se sérail
904 NOUVELLE GEOliHAl'IllE UMVEUSELLE.
a'Imissée par degrés, et en même temps les polypiers du pourtour se seraient
élevés, grâce au travail des animalcules constructeurs : l'exhaussement
graduel du mur extérieur de corail pourrait être mesuré par la profondeui-
des abîmes qui entourent les escarpements sous-marins du récif. Onoi ipi'il
en soit, il est certain que l'ossature des Gambier se compose d'un noyau
volcanique autour duquel les madrépores ont élevé leurs cousiruclions.
La montagne centrale, le Dutï (580 mètres), est un volcan éteint, de
même que les autres montagnes épaises dans l'enceinte de corail.
Au nord-est, la dernière rangée de la Polynésie équatoriale contraste par
ses mcuitagnes avec les terres basses des Tuamotou. A part quelques atoll
et des bancs de corail, les Marquises sont des îles montueuses, anciens
Yolcans ou groupes de volcans proliahlement en repos depuis des âges très
lointains, car on n'y retrouve nulle |)arl la l'orme régulière des cônes avec
cratères terminaux et manteaux de laves. Nouka-hiva, la plus grande des
îles, ne présente à l'ouest que des roches abruptes et des plateaux pier-
reux presque dé|iourvus de végélalion. mais la partie ihi ccnlrc. où naît le
principal cours d'eau, est enlouré(' par un cercle de monts dont l'un est
le pic dominateur, haut de 1178 mètres; une échancrure, au sud-est du
(■ir(|ue el de l'ilc eJlc-nKMnc. s'oinre sur l'une des nombreuses baies
du lilloial. lliva-oa, que Mendaua aviiil. appcIcM' Domenica, a mieux gartlé'
son arcliileclure |irimili\i' (|uc s;i ii\;de. N(ud\a-hi\a. In amphithéâtre
de monts volcaniques, d(ml l'un, haut de l'2(jll mèlies, est le plus élevé
de toutes les Marquises, s'y prolile eu l'orme de demi-cratère, el deux
petites îles situées au sud, Tauala el Motane, semblent être, avec l'île
majeure, des fragments d'un volcan de dimensions énormes. Enfin, à l'ex-
Irérailé orientale de la Polynésie, la solilaire île de Pàipu's est un
énorme bloc de lave se termiiiaiil par un volcan ébréché aux trois pointes
de sa masse triangulaire. La plus haute, qui dresse abruplement sou
cône hors des flots jusqu'à t)00 nu''tres, est à l'angle nord-occidenlal de
l'île : à peine voit-on de ses pentes quelque verdure conirasicr avec les
scories arides de la surface inégale des terres.
Un sait que les îles de la Polynésie équatoriale sont comprises presque
toutes dans la zone des vents alizés du sud-est, mais que les vents du nord-
est prévalent dans ceux des grou|(es qui se trouvent au nord de l'éMpialenr :
pendant l'été du sud, ces alizés de l'hémisphère septentrional se reploient
au midi de la ligne en vents du nord-ouest et en courants irréguliers.
Les îles montueuses troublent aussi le mouvement normal des courants
aériens en s'entourant d'une frange de brises alternantes. Un balancement
du nord au sud se produit pour les courants océaniques comme pour ceux
(, AMIidCfi, MAIIQUISES. (|,1M\T |ii: I.A l'IlLVNKSIK
nor.
tic ratiiiuspluTc. Dans ces parages, \f- uurauaiis .suiil rares; cepciulaiil ils
sounieiit parfois avec une exirème xiulcnce el sont des plus daiigeroiix
N° 189. MAllil
Ouest de Par
Ouest de Greenwich
dans les îles basses, où l'on a vu les values »■ di^rouler de la rive de
l'Océan jnsqu'aux lagons de i'inlérieni-, lasanl les arbres et les cabanes,
ne laissant |)lus aucune trace du séjour des hommes. C'est ainsi qu'en
1S78 un cyclone passa sur les îles Tnanioloii ' : le chef-lieu de l'archipel,
E:ii)loi(iti()ii, jiiillc l I ST'.I.
114
906 NOUVELLE GÉOGRM'HIE IMVERSELLE.
Anaa, fut entièrement détruit, et dans l'île de Kaukuia plus de cent
personnes se noyèrent en essayant de fuir dans leurs embarcations '.
La zone médiaire des calmes, des brises et des vents tournoyants qui
s'interpose dans les régions équaloriales entre les aires des deux alizés,
correspond à une zone d'eaux sous-jacentes, qui, au lieu de se porter
constamment de l'est à l'ouest, avec le grand courant équatorial, demeu-
rent relativement immobiles, ou sont parcourues de risées transversales,
même renversées ; parfois ces eaux s'écoulent en masse vers l'est, con-
trairement à la marche normale du courant ; c'est pendant les mois de
juin à octobre, quand le soleil descend sur l'écliptique, vers le tropique
méridional, que ce contre-courant a le plus de force. Par suite de ces
grands mouvements maritimes qui se tiennent diversement en équi-
libre, les marées n'offrent j)as dans ces parages le même i-ythnie (jue
sur la |)hipart des rivages continentaux. C'est ainsi qu'à Taïti quatre flux
animés de vitesses différentes et n'atteignant pas leur plein à la même
heure viennent se rencontrer des divers points de l'espace : il en résulte
(|ue dans son ensemble la marée est prescpie entièrement neutralisée; sa
hauteur movenne ne dépasse guère un tiers de mètre et seulement une fois
|iar jour. Suivant les oscillations annuelles produites par les courants, les
îles basses bordées par des bancs de sable changent de saison en saison.
L'îlot de Baker, situé sous la ligiu^ écpiatoriale, au nord de l'archipel
l'hœnix, est un exemple de ces alternatives. En été, quand souffle le
Aeiit du sud-est, le banc littoral se déploie directement à l'ouest; en hiver.
(|uand le courant atmosphérique dominant est celui du nord-est, le banc
se rejette vers le sud : l'écart d'oscillation ipi'offre la pointe de sable n'est
jias moindre de 200 mètres entre l'un et l'autre alizé.
Les pluies sont fort abondantes dans les îles montagneuses situées sur
le parcours des vents alizés : Nouka-hiva. Taïti. Raratonga, Upolu, Savaii
reçoivent une grande quantité d'eau, du moins sur leurs pentes tournées
vers le vent: mais les îles basses, qui n'arrêtent point les courants atmo-
s|)hériques, sont arrosées par de moindres pluies, et parfois des anné(>s
se passent sans qu'il tombe une seule averse. Par un remarquable con-
traste, c'est précisément dans le voisinage de l'équaleur, sons celte zone
(le calmes où le conflit des vents amène en d'autres parages des pluies si
abondantes, que les nuages déversent rarement leur humidité; il arrive
même que les vapeurs se dissolvent dans le ciel au-dessus de certaines îles
« Dana, Maiiual of Geoloyij : — «'.seniy, Die WiikinKjcn (1er Wiiide <nif die Cestnltuiifi der
Erde, Ergânzungsheft zu Pclermaim's Mitteiliiniti'ii.
CLIMAT, FLORE, FAUNE DE LA POLYNÉSIE. C07
coralligènes. La cause en est à la haute tempéralure ilc ces bancs de co-
rail on de sable presque dépourvus de végétation; en passant dans l'air
chaud qui s'élève des îles, les nuages disparaissent et laissent voirie bleu
du ciel, puis ils se reforment au delà : les contours de l'île se des-
sinent dans l'espace aérien par une île d'azur. Ces terres siius j»luie«
étaient naguère recouvertes d'épaisses couches de guano, et niaintrnant
encore, malgré l'exploitation très active commencée depuis le milieu du
siècle par des industriels américains, les ouvriers y travaillent avec pro-
fit. L'île Baker, celle de Ilowlands, située dans le voisinage, et, plus à
l'est, Jarvis et Malden sont au nombre de ces îles à guano. Les oiseaux
peuplent par millions les récifs émergés; ils se pressent tellement, (jn'en
maints endroits la surface des terrains en preml une teinte uniforme,
celle de leur plume, sur des étendues de plusieurs hectares. Dans How-
lands, où croissent quelques arbustes, toujours chargés de volatiles, ces
perchoirs blanchis semblent tout à fait morts : ils végètent cependant,
la vie se maintient près des racines. La seule plante prospère est le pour-
pier, qui germe et lleurit en plein guano.
Au point de vue de sa flore et de sa faune, la Polynésie équatorial<>, n'est
qu'un prolongement des terres mélanésiennes, et ce fait même, le mnnque
d'organismes qui appartiennent en propre aux îles de l'Océanie, suffit à
prouver que ces archipels ne sont point le reste d'un continent submergé.
C'est de l'ouest qu'ils ont re(;u presque tontes leui's plantes et leuis ani-
maux, quoique les formes américaines y soient aussi représentées. La
belle végétation tropicale qui couvre quelques atoll pourrait faire croise au
premier abord que la variété des plantes spontanées est considér;(ble;
pourtant le botaniste Gray n'a compté dans tout l'archipel des île^
Basses que '28 ou 50 espèces de végétaux, non compris celles que
l'homme a introduites, entre autres le cocotier. Même dans l'île de lîapa,
située au sud du 27*" degré, sous la même latitude que Brisbane, on trouve
des palmeraies; mais, battus par les âpres vents d'ouest et de sud-ouest,
(|ui luttent incessamment dans ces j)arages, les cocotiers ne portent point
de fruit'. La première [)lante qui s'empare des récifs est le )>oui pier,
puis viennent une herbe rampante à fleur jaune, la triumphelta piocum-
iem', une espèce de bourrache velue et une plante grasse qui se plaisent
au bord du flot salé. Mais, si pauvre que soit la végétation par le n^nnbre
des espèces, les fourrés de pandanus et de prionia qui se sont emparés
du sol émergé n'en donnent pas moins à certaines îles une ap(»arence.
' R:ioiil, yoles iiiaiiv.sciilfs.
'J08 NOUVKI.I.K CKUl.liAl'HIK liNIVERSKI.l.K.
do richesse exubéiaiile; lliieiiake nu lloiulén, l'iiiie îles Tuaniutou. esi
une forêt luxuriante. Lorsque Dana visita cette île gracieuse, elle n'étais
habitée <jue d'oiseaux ; non encoi'e effrayés par la vue de l'homme, « ils so
laissaient cueillir sur les branches des arbres comme s'ils avaient été des
fleurs «; on leur arrachait nicnic les |i]iMiies de la (|ueue sans (|u"ils
essayassent de s'envider. Le chien était indigène dans (jneltjues îles': un
seul mammifère, le rat. élail connuun à toutes les terres polynésiennes,
avant l'arrivée des Européens, accompagnés des animaux domestiques,
et maintenant il a disjiaru de quelques endroits, notamment de Taïti.
D'après Dumont-d'lrville-, le r,it ('11111 à demi doine^liqui' dans le groupe,
de Mangareva; les naturels se jilaisaient à le nourrir. Un centipède. long
d'une quinzaine de centimètres, est le seul animal venimeux de la Poly-
nésie orientale.
l'ar ses populations humaines, la Polynésie est un domaine distinct dans
le monde océanique; cepeinlant la race ne paraît pas y èlre absolument sans
mélangï' d'idénients étrangers. Même des vestiges de civilisations difté-
fentes de celles des Polynésiens actuels prouvent que des révolutions uni
eu lieu dans ces archipels et (pic les effets en ont été rtssez consid(''iables
pour sulisliluer nue race à une autre. Les curieux nnuMunenls de l'ilc i\i'
l'ài[ncs, qui du reste ^onl incduiparablenient inférieurs en valeur artis-
tique aux sculplui'es des h;ile:iu\ de lîirara (Ui des cases de la N(unelle-
Zélande, sont j)eut-élre les léuKiignages d'uiK> ancienne culture. Tout
souvenir, toute légende se rapportant aux Ages oij furent taillés ces monu-
nuMits ont complèlemeni disparu chez les indigt-nes coiilemp(n'ains r on
se demande, avecllamv. s'il ne l'anl pas les attribuer à des inilurels de la
race pap(Uia, car des ciiines iroines dans les tombeaux de l'île de Pâques
ne diffèrent vn rien île ceiiv de la Nouvelle-Guinée par leurs caractères
essentiels. Les «statues» sont des effigies en basalte d'énormes dimensions,
— l'une n'a pas moins de 7 nn'lres, — ipii représentent la tète et le buste
de personnages ayant unifornK'nient le front bas, les arcades sourcilières
|)i'oéminenles, le nez long et aux foites narines, la bouche grande aux
livres minces et une physiononiie sévèie : d'après (ilemeuls Maikham. ces
ligures se rapprocheraient plii'- du type aymara ipie du tv|te polvné-
sien; toutes ont le haut et le deiiiJic du crâne a])lati; de. chaque côté de
' A. I\. 'Walhce, Tlie InlandLifi-; — .Imi.ih. Ihxinhiilii)ii (icoipdpliHjUir lo» m.i4'4iUT. en Océnnic
- Viiijdiic nu P61e sud et dans rOirann-.
FAl'.NK, l'Ol'ULATlUNS llK l.A l'OI,\ NKSIK. y(i;i
la (èlo la pierre est laillée de manière à simuler de luiii;iies baiidelelles se
eoiifundani avec l'uieille. La pluiiarl de ees liuslcs, idoles ou statues l'uné-
raires, sont éri<^és sur des eornielies de basalte dans l'inlér'ieur d'un cra-
tère; il en est même un qui n'a pas encore été complètement déjiagé de la
roche primitive par les carriers; des instrnmenls d'obsidienne, grattoirs et
couteaux, gisent sur le sol environnant : ce sont iirobablemenl les outils
(iwi servirent aux sculnleurs de la race éleinle. On voit aussi dans l'ile
N" 190. ILt: UE PAQUl-:
Obies-t de Paris
de l'ài|ues des allées pavé'cs de tlalles régulières et îles murs ornés de.
jietits obélisques; enfin on a fait dans celte île la trouvaille unique de
<' bois parlants », planchettes en bois de toivjinro, acacia à fd)re dure,
sur lesquelles sont représentés avec beaucoup de soin et en lignes régu-
lières des objets de diverses espèces, poissons, torlu(3s, serpents, plantes.
co(|uillages, ainsi (|ue des hommes et leurs armes : ce sont de véritables
hiéroglyphes'. 11 n'est pas encore certain que les bois parlants, conservés
pour' la plupart au niusé'e chilien de Santiago, aient été déchiffrés, comme
M|iliniise l'iniu-l. Tour ilii Mande
IS'fi; — li;iMul. ^'l,l,'s nuDiimcnlc
010 ÎNOUVELLE GEOr.RAPIllK U!N1\ EltSELLE
on l'a prcloiulu : d'après de Lapelin, un chef, mort vers le milieu du
siècle, savait lire et écrire au moyen de ces signes*. Les vestiges de civili-
sation antique trouvés à l'ouest de l'île de Pâques et en d'autres terres
polynésiennes, notamment dans l'île Malden, l'une des « sporades 5> de
l'archipel Fanning, et dans Râpa, l'une des îles Tuhuaï, ne consistent
guère qu'en voies pavées et en constructions dites cyclopéennes. A Tonga-
tabou on voit une sorte de porte triomphale.
Les Polynésiens proprement dits, que l'on appelle également Maori, du
nom réservé d'ordinaire aux seuls naturels de la Nouveile-Zc'-iande, et
qui se disent Kanakes, c'est-à-dire « Hommes », sont des gens à peau
brune et cuivrée, qui, par la taille moyenne, égalent ou même dépassent
les Européens du nord. Les premiers voyageurs, et nombre des explo-
rateurs modernes qui pourtant n'ont devant eux que des représentants
dégénérés de l'ancienne race polynésienne, n'hésitent pas à reconnaître
la supériorité physique des insulaires de la Polynésie sur leurs visiteurs,
les matelots des navires européens\ Dans les îles Tonga et Samoa presque
tous les hommes sont des athlètes de belle taille et de prestance admi-
rable : ils ont le regard lier, la tète haute et large, la chevelure noire, légè-
rement ondulée, souvent couronnée de ileurs. L'obésité est assez commune,
surtout chez les chefs. La nuance de la peau n'est point en rapport avec
la latitude des îles : les Polynésiens qui vivent dans le voisinage de l'équa-
leur, Tongans, Samoans, gens des Ellice, sont précisément ceux qui
ont la peau la plus claire, tandis que les Maori de la Nouvelle-Zélande
et les Kanakes havaïiens ont le teint beaucoup plus foncé". Les Polyné-
siens rient volontiers, ils aiment la musicpie et la danse, les chants
et les récits : on compte par centaines les livres de vovages qui les
décrivent comme la race joyeuse et poéti(|ue par excellence, et (juand
on lit ces ouvrages, on serait tenté de croire (|ue. récemment, les Polyné-
siens vivaient dans l'âge d'or; du moins |)eut-on dire que, de tous les
peuples, les insulaires de quelques terres polynésiennes, non visitées par
la guerre, étaient les plus heureux. Lors(jue Dumont-d'Urville demanda
aux habitants de Tukopia s'ils croyaient à une vie future, avec récompense
pour les bons et punition pour les méchants : « Il n'y a pas de méchants
parmi nous, » répondirent-ils.
Les divers langages de l'Océanie orientale, dérivés delà même souche
' Revue Mariliinc et Coloniale, \81'2.
- G. de Lapéiouse, Yoijage autour du Monde, vcil. IV, p. 189; — George Cain|ili(!ll, Loij-Leiters
oftlte Challenger; — Pembroke aiid Kiru'sley, South-Sea llubbtes, bij the Earl and llte Doctor.
' Haie, U. S. Exploring Expédition; — Léon Melclinikov, Notes manuscrites.
POLVNKSIEKS. 911
primitive, sont encore 1res ra|)[)r(icliés les uns des autres par la structure
et le vocabulaire. Lointainenient alliés aux langues malaises, ils représcn-
lenl une période plus ancienne de développement et semblent indiquer
chez ceux qui les parlent une plus grande pureté' de race. Les dialectes
polynésiens, assez pauvres en sons, puisque leur alphabet se compose seu-
lement de treize à dix-sept caractères, suivant les peuples, se distinguent
par la douceur et l'harmonie : aucune syllabe ne se termine par une con-
sonne et les voyelles prédominent [dans tous les mots. Naguère ces lan-
gues, très rapprochées les unes des autres, de la Nouvelle-Zélande aux îles
Sandwich, n'offraient presque pas d'inflexions dans ,1a formation de leurs
termes; les radicaux restaient immuables et tous les cliangements de
temps, de nombre, de cas étaient indiqués au moyen de jiariicules sépa-
rées. Les modifications du langage avaient naguère une cause majeure, la
suppression ou la suspension tem])oraire de mots taboues, qu'il fallait rem-
placer par d'autres. Actuellement les divers dialectes, remaniés par des
missionnaires qui, pour la plupart, sont ignorants du génie intime des
langues manipulées par eux, se modifient très rapidement et se mé-
langent d'expressions et de tournures anglaises.
On sait que l'une des pratiques générales parmi les nations polyné-
siennes était celle du tatouage. Les dessins (|ui recouvraient le corps des
insulaires constituaient leur vêtement'; mais ce costume disparaît à son
tour, remplacé parles cotonnades (ju'ont apportées les missionnaires. Pour
les femmes, élément conservateui' jtar excellence. roj)ération du tatouage,
qui fut autrefois un acte religieux « exigé par les dieux » % se maintient plus
longtemps que pour les hommes; en plusieurs archipels ceux-ci ne se
faisaient plus tatouer que pour s'embellir, tandis (jue les femmes étaient
obligées de se conformer strictement à la tradition, sous peine de ne
pouvoir trouver un mari; aux Mar(piises, tout repas (|ui n'aurait pas
été préparé par des mains tatouées eut été considéré comme im[nir. En
d'auti'es archipels, au contraire, l'homme seul avait le droit de poiler sur
la peau tous ces dessins (|ui U' rangeaient parmi les nobles et qui lui ])er-
mettaient de faire enlemii-e sa voix dans les assemblées^; quant à la femme,
elle était jugée indigue de ce blason. Dans certaines îles. ro|)éralion com-
plète du tatouage était si longue, (ju'il fallait commencer à y soumettre les
enfants dès la quatrième ou cin(|uième année, tandis qu'en d'autres îles
Gei'laml (Waitz), Anlhropoloij'ic (1er N(iliiri'dll,rr.
G. de Lapéiouse. ouvrage cité.
Srliniclfz, Klciihincj iiiiil Scliiinicl, dcf Eiiujcborfiicn lU's Slilli'iis Océans.
yi2 MOIIVKLLE (iÉOl.liAlMlIK L M\ KliSKI.LK.
on se lioi'iiail à moiiclieli'r le corps de poiiils plus rlairs en y faisan!, dt's
ampoules'. Une forte pari d'iniltalive était laissée au géiiîe des tatoueurs,
hommes ou femmes, mais des motifs traditionnels so retrouvaient'dans. les
ornements de chaque tribu, et d'ordinaire il était facile de reconnaître, au
tracé des courbes, des parallèles el des losanges, (juelle était; la pairie des
insulaires fjue l'on rencontrait; les artistes tatoueurs se groupent par
écoles, comme les peintres de l'Eui'ope. L'opi^ration du tatouage polynésien
se fait, non par entailles comme dans là jilupart des iles de la Mélanésio,.
mais par piqûres obtenues au moyen d'un petit instrument, de la forme
d'un peigne, que l'on frappe à légers coups de maillet : elle est fort doulou-
reuse, surtout quand elle s'applique aux lèvres, bien que dans cette partie
délicate du visage les Iraits à marquer soient peu nombreux. Les chairs
tuméfiées se gonflent alors en fluxions énormes, et très fréquemment
des accidents cérébraux se déclarent chez le |iatient. Les. raies parallèles
qui circonscrivent l'angle de la niik'lKiiic cl celles i|ui.sont li'acées sur les
faces latérales des doigts meltent aussi quelquefois les Uiloués en danger''.
Le pigment employé pour l'opération était en généralde charbon très IIji
(| ne donne la noiv d(^ \'iilcii.rili's (lilolxi, la plante oléagineuse utilisée égar
lement pour l'éclaiiage (hnis loule la INilynésie orientale. C'est entre les
.Maoï'i de la Xouvclle-Z(''laiide cl les Man|uisicMs (|u'on (ibscrve les plus
glandes ressemblances dans les dessins, d(! même (pie ilans l'aspect géné-
lal du corps : les deux groupes ethniques sont très i-approchés l'un de
l'antre'".
En géui'iral, les insulaires sont d'autant plus vêtus: que leur ])eau esl
moins foncée : la co(|uelteric du vêlement se dével6|i[)e chez les hommes
en proporliiin de leur blancheur. La phiparl des l'diyrK'sleus portai(Mit le
pagne et la jupe du lihi'c végétale ou d'(''C()rce el se drapaient en outre
d'étoffes légères jetées sur l'épaule'. Les chefs surtout tenaient à honneur
de revêtir des toges et des manteaux. Les Taïtiens, Jes plus soucieux de
leur costume parmi tous les habitants de la Polynésie; s'enroulaient une
large ceinlure, le niani ou liliiirr. autour du corps, et s'attachaient aux
l'eins un pureo aux couleurs éclatantes qui leur tombait jusqu'aux |)ieds;
aux heures de repos, ils se ceignaient la poitrine d'une écharpe Hottanle
ou oint bini ou même se re\êtaient i\u hjiiitd, manteau de la forme du
poncho mexicain et pei'<'é ('galenienl d'un trou jioui' le |)assage de, bl têt(^
' Williams, iSnrffilives of MissidiKinj EiUcipfiir.
' Beiction, Tiitouaçies ait.r îles Mnrquises, Ilmiic irAMllir(i|i(ilcij^ic, IStil.
' Dumont-d'llrvillo, ouvr:i<;(' riti'; — Raoul, Notes iiiniiiisi-rilcx.
* <_War PcscIk'I, Viill.rriniiulc; — Sdiiiieltz. iiii' iiv ril.'.
TATOLAGE, COSÏUMi; DES |M)L VNESIENS.
913
Aux îles Tonga, à Wallis et dans la [iliipart des archipels voisins, les
femmes fabriquent aussi des tapa d'une extrême finesse, non moins belles
que les étoffes des Mélanésiennes. Pour les vêtements, le tatouage et même
ll.I,S MAUnllSKS. WTIHI.L TATOUi;.
de Thirial, d'apri-s une pholOLMapliie rc.in]iiuiiii]iiéc; par M. Colleau.
pour les armes, les liansitions se l'on! graduellement de l'un et l'autre
archipel. On a dit, il est vrai, que les Polynésiens ne connaissaient ni
l'arc ni les flèches; c'est une erreur : ils s'en servaient pour les comhat^
dans les îles Tonga et Samoa, et dans les archipels orientaux ils employaienl
XIT. 115
ou NOUVELLE (.ÉOGKAPUIE LNIVERSELLE.
encore ces armes lors des fêtes civiles ou religieuses, ou )iar simple diver-
tissement, comme le l'ont encore nos archers de foire'.
Si ce n'est dans les îles où les cérémonies d'origine mytliiciue compren-
nent l'anthropophagie, les Polynésiens n'ont d'autre nourriture animale
que le poisson, les coquillages et la chair du porc : encore ces mets
étaient-ils généralement défendus aux femmes, parfois même sous peine
de mort. Dans la plupart des archipels, les fruits, les graines, les ra-
cines et les feuilles alimentaires, souvent mêlées et fermentées de manière
à foimer une pâle, étaient amplement suffisantes à nourrir les indigè-
nes, et ceux-ci n'avaient point à violenter la terre par un âpre labeur de
culture. En (juelques îles favorisées, leur seul travail était d'avoir à ramas-
ser les fruits tombés des arbres nourriciers, tels que le cocotier et l'arbre
à pain : les disettes ne pouvaient être causées que par l'imprévoyance;
farine, eau, lait, substances fermentées et enivrantes, la planteleur don-
nait tout, et ils y trouvaient en outre le liber pour en faire des étoffes par
le martelage, la libre pour en lisser, la filasse pour fabi'i(juer des nattes,
des cordages, des voiles, enfin du bois pour construire cabanes et banfues.
Les diverses espèces d'ignames, de patates, de taro s'ajoutaient aux
fruits pour varier les repas et nulle part ne manquait la liijueur aimée, le
kava, préparée avec les racines, au goût légèrement jtimenté, du piper
iiietliijstirunt, que l'on cultive dans les jardins. Les jeunes filles mâchent
les fibres delà plante, qu'elles rejettent dans un vase, mêlée à leur salive;
après fermentation, la liqueur est devenue claire, agréable au goût et très
rafraîchissante; elle enivre peu, mais on dit que, bue en grande quantité,
l'Ile finit par amener une faiblesse générale et des maladies de peau. Défen-
due par les missioniuiires, elle a été presque parldul remplacée par une
boisson plus dangereuse, Feau-de-vie fabriquée avec le jus d'orange'.
Les insulaires de Samoa, qui d'ailleurs ne sont pas des Polynésiens de
race pure, étaient respectueux des femmes, et même chaque village se choi-
sissait une patronne, généralement la fille du chef, qui devait représenter
la communauté dans les fêtes civiles et religieuses, recevoir les étrangers
et les présenter à la tribu, attirer le bonheur sur tons par sa bonne grâce et
sa beauté. Mais, dans la plupart des autres îles polynésiennes, l(>s femmes,
quoi(jue d'ordinaire fort bien traitées, étaient considérées comme très
inférieures aux hommes. Dans les cérémonies religieuses, les hommes
existaient seuls on face de la divinité et se distinguaient par l'épithète
' Ellis, Polijnesiaii Reseanlics.
- Peiiibroke and Kin<i;sl<"y, ouvrage ( ilr
>..l,3,^.
jtsP'ri'^"
FKMMES DKS 11. K S S.V-MOA-
Dessin de A. Sjnjiiy, iI:i|,its m,,- |ilioln;;ropliip .oiiiumniiiuiiu [«ir M. Colle
MAlilACKS, INFANTICIDES KN PÛL YiNÉSIi;. 1117
(lo m OU « sacirs », liiiidis (|ue les iVinmes ôtaienl désignées avec nn'juis
jiar le tenue de non ou « proi'aues «. C'est contre les femmes surhnil (jn'é-
taient lancées les interdictions du tabou : rien de ce qui était olieit aux
dieux ne pouvait être touché par les « profanes « sous peine de mort.
Jamais elles ne participaient au repas du père, du mari ou du fils, jamais
elles ne mangeaient à la même place, jamais elles ne préparaient leurs
mets au même foyer. Dans les maisons des chefs, les femmes appar-
tenaient d'une manière absolue à leur famille : on les mariait d'avance,
dès leurs [)lus jeunes années, et parfois même elles étaient promises avant
de naître. En certaines îles, la fille devenait prisonnière dès (|ue la pro-
messe de mariage avait été faite par les parents : on lui construisait
dans la cabane paternelle une espèce de galetas, d'où elle ne pouvait
descendre sans l'aide d'autrui,et dans les grandes occasions, quand on la
laissait sortir, on l'accompagnait toujours, pour qu'il n'arrivât pas d'ac-
cident à la propriété du futur mari. Suivant les îles, les cérémonies du
mariage variaient singulièrement ; mais quand il s'agissait de l'union
d'un chef, on ne manquait pas de la sanctionner ])ar des rites solennels.
Assis au milieu du sanctuaire sur le drap blanc nuptial, les fiancés
tenaient dans leurs mains les crânes de leurs ancêtres, et les deux
mères, de l'homme et de la femme, se déchiraient la figure pour mêler
leur sang, en asperger les futurs époux et témoigner ainsi que les deux
familles en formaient désormais une seule. Malgré l'imposant cérémonial
de ces unions, elles étaient rarement durables. La polygamie était la
règle dans la plupart des maisons royales; sans que le chef se donnât la
peine de répudier son épouse, et tout en lui laissant son rang, il lui rendait
volontiers sa liberté. A cet égard, les mojurs étaient fort tolérantes.
Lorsque les Européens se présentèrent pour la première fois dans les
Iles polynésiennes, l'horiùble pratique de l'infanticide prévalait dans cer-
tains archipels, notamment dans celui de la Société. D'a|)rès les mission-
naires Ellis et Williams, les deux tiers des nouveau-nés étaient détruits,
souvent même avant d'avoir poussé leur premier vagissement. A peine le
|ière avait-il saisi l'enfant qu'il l'élouffait et, creusant le sol de la cabane
ou du jardin, il faisait disparaître le petit corps, qu'il recouvrait ensuite
truii peu de terre et de feuilles vertes. Mais si le père lardait un instant
dans son œuvre de meurtre, l'enfant avait droit à la vie, on le soi-
gnait toujours avec affection, et les tendresses de la mère ne dif-
féraient point de celles que partout ailleurs les mères prodiguent à
leurs nourrissons. La cause première de ces effroyables pratiques ne doit
point être cherchée dans la crainte de la misère, car dans ces îles heu-
918 NOUVELLK GKÛGRAPUIK U.M\ EHSK LLK.
reusos lu nature fournit amplement tout ce qui e!<t nécessaire à la vie, et
il eût suffi aux naturels d'ajouter quelques heures à leur labeur jour-
nalier pour accroîti'e leurs ressources en surabondance. C'est la vanité,
l'orgueil de race, dit-on, qui poussèrent d'abord les chefs, c'est-à-dire
précisément les plus riches, à se débarrasser de leurs enfants. Quand
ils se mariaient à une femme du commun, c'est par un sacrilice qu'elle
devait acheter la noblesse. Chaque meurtre d'enfant la faisait monter
dans la hiérarchie sociale : après trois ou quatre infanticides, elle pouvait
désormais se considérer comme étant de fsan<i royal et sa progéniture
ne déshonorait point la race*. D'après Gerland^on luail aussi les enfants
jK»ur en faire des anges gardiens de la famille auprès des génies du ciel :
afin de plaire aux dieux cruels, il fallait èlre cruel soi-même, se donnei'
« des entrailles de dieux ». Ceux qui n'avaient pas d'enfanls à sacrifier
devaient du moins offrir leur sang, se déchirer le visage, se couper une
ou deux phalanges. Aux premières causes d'infanticide, d'origine religieuse
ou de caste, l'habitude de répandre le sang finit par en ajouter d'autres :
ini se débarrassait des enfants uniquement pour n'avoir pas la peine
de les élever : les filles surtout étaient en grand danger de mort à leur
naissance; on tuait moins fiéquemment les garçons, destinés à défendre
la tribu en temps de guerre. En certaines îles, disent les premiers mis-
sionnaires, le nombre îles lionnues l'enqioilail ilc ipiatrc à ciiKi fois sur
celui des femmes.
Il existait même à faïli cl m d'anlics ar)lii|iels une caste particulière
chez laquelle l'infanticide l'Iait cdiisiilt'ii- cduiine un devoir. C(>tte asso-
ciation, connue à Taïti et dans les iies voisines sons le innn d'Arioï, et
peu différente de la classe îles Iriioï dans les lies Marshall, >e lecrutait
comme une franc-maçonnerie : elle avait ses épreuves d'initiation, ses
mots de passe, ses mystères, sa hiérarchie, composée de sept degrés.
Les Ai'ioi de la première cla>se. les « voyants de la nnil ». devaient avoii-
une attitude grave, une conduite sévère, comme il sied à des ju'ophètes; les
autres étaient à la fois prêtres, acteurs, hommes du monde. Ils donnaient
des représentations ihéàlrale^^. m- livraient à des danses et à des jeux,
exhortaient le peuple et ])riaient les dieux dans les cérémonies publi([ues.
Respectés par tous, grâce à leur science vraie on prétendue, ils avaient le
droit de vivre du travail des autres ; partout où ils se présentaient, on
les accueillait en maîtres. Il est probable que les premiers statuts de
' W. Kllis, ouvrage eilé.
'' Anthropotoyie (1er Naturvulhe
VIŒliHS DES l'dLVNKSIKNS. 'J19
l'ordre loiii' eiijoigiiaieiiL de se considéi'er comme l'oim;int une seule l'a-
mille et leur inlerdisaient d'en fonder une nouvelle par le mariage; tou-
tefois ces hommes infaillibles, devant les(|nels tous s'inclinaient, devaient
Unir par se faire une morale particulière, tout autre que celle du simple
|)euple : des femmes, dépendantesde l'ordre, étaient communes aux Arioï,
mais tout enfant né de cette promiscuité était dévoué à la mort. La mère
«jui ne pouvait se résoudre à laisser péril- son fruit était expulsée de la
corporation. On l'appelait avec mépris : « la femme qui sauve son enfant'. »
Ce sont probablement les pratiques de l'infanticide qui, par réaction,
ont fait naître dans la Polynésie orientale l'habitude presque générale de
l'adoption d'enfants étrangers. A Taïti et en d'autres îles la ]dupart des
parents cèdent leurs lîls ou leurs filles à des amis. Après cinq ou six
mois d'allaitement, le nourrisson est remis à sa deuxième famille, eu
échange de quelques présents. Il est rare que les enfants retournent chez
leurs parents naturels; quand on les interroge, ils donnent toujouis
comme leur famille celle dans laquelle ils ont vécu. De là d'extrêmes dif-
ficultés pour l'établissement authentique de l'état civil, auquel ont voulu
procéder les fonctionnaires européens, à Taïti et ailleurs; de là aussi des
complications de toute sorte pour les héritages et la constitution de la
propriété ; car, toujours dirigés par la routine administrative apprise en
Europe, les employés français cherchent à simplifier leur besogne en
répartissant la terre par domaines privés, conformément au droit romain.
Naguère les parcelles du sol n'étaient jamais concédées à titre définitif;
tout cultivateur restait maître de son champ aussi longtenqis qu'il le
labourait de ses mains; dès qu'il l'abandonnait, les terres étaient distri-
buées à nouveau, suivant l'organisation sociale des insulaires, soit par le
chef de la tribu, soit par les notables, siégeant dans la case publique. Dans
ces sociétés, si peu )U)mbreuses, qui jadis consliluaient, à elles seules,
toute une humanité, on comprenait les guerres, les violences, les assas-
sinats, mais la passion de l'intérêt privé n'allait pas jusqu'à ravir aux
faibles le moyen d'entretenir leur vie.
Dans les îles polynésiennes, le gouvernement était presque partout entre
les mains de chefs puissants, dont les ordres ne pouvaient être discutés.
Une hiérarchie rigoureuse séparait les classes les unes des autres et
soumettait les simples propriétaires aux chefs, les pauvres aux riches et
les femmes aux hommes; mais au-dessus de tous régnait la coutume.
•Juoique s'élant développée peu à peu de manière à favoriser les intérêts
' J. Cook, Voijnyc autour ilu Monde.
920 NOUVELLE (.ÉOr.lîAPUlE INIVERSELLE.
et les jia>sions des grands, elle était aussi devenue tyranniijue pour eux :
cette loi du tabou, qui gouvernait tous les mouvements, tous les actes de
la vie, était souvent gênante pour ceux'mèmes qui la promulgaient. Les
lerribles peines qu'elle prononçait contre les violateurs avaient contribué à
rendre la population féroce : on ne connaissait guère qu'une punition chez
les Océaniens, la mort. La grande cérémonie religieuse était de sacrifier
des hommes en l'honneur des dieux; en certaines îles on allait jihis loin :
les corps des victimes étaient cuits sur l'autel, et leur chair, enveloppée de
feuilles de taro, était distribuée entre les guerriers. A Taïti, le souverain
mangeait les yeux des victimes. Dans les îles Samoa, le vaincu devait s'in-
cliner devint le vainqueur avec un morceau de bois et des feuilles sèches
sur la tète, comme pour lui dire : « Allume du feu, si cela te convient, tue
et cuis-moi comme tu cuis un porc poui- ta noui'ritnre. •
Quoique la vie humaine parut avoir bien peu de valeur chi'z des popu-
lations (jiii pratiquaient l'inlanlicide, les sacrifices humains, el même,
en quelques terres polynésiennes. le cannibalisme, la mort des hommes
faits et des parents donnait lieu à de grandes lamentations, à des cris, à
des scènes de désespoir apparent, ^iillc pari le soin des niorls n'élail
poussé plus loin; on adorait presque vvu\ nièmes qu'on avait mi''prisé's
ou haïs pendantleur vie; en se mariant, la l'cniinc prenait di'jàle collier de
griffes qui devait lui servir à se déchirer au jour de son deuil. Dans quel-
ques îles de la Polynésie, de même (|ue chez des tribus papouasiennes,
nit''!an(''sii'nnes, indonésienne^, les femmes devaient rester dans une même
cabane avec le cadavre du mari pendant des semaines et des mois, oindre
le cor|)s d'huile de coco, recueillir soigneusement le liquide infect écha|ipé
lies chairs en décomposition, transformer peu à peu la masse putréfiée en
une momie sèche et de bonne odeur, et durant toute cette période de hah-n-
pahaa s'abstenir de se laver elles-mêmes, s'imprégner, pour ainsi dire, de la
substance du mort. C'est même à celle préparation des cadavres que l'on
a attribué en partie la dé[)opulalion des Marquises', bien que cette pra-
lique existe aussi en des îles où le nombre des habitants s'accroît, el (pie
l'abandon du hakapahaa, depuis la conversion des indigènes de INouka-hiva
au catholicisme, n'ait point diminué la mortalité. La vénération qui
s'attachait aux morts n'était point un vain cérémonial, car les ancêtres
s'élevaient aux rang des dieux : ils prenaient place à côté de ceux qui
lançaient le tonnerre et soulevaient les vagues, et souvent même ils finis-
saient par se confondre avec eux. Tel roi puissant qui avait i;agné de.-
' Joiiaii. Revue Coloniale. ;niil 1888: — liiTclon, lliillelin île In Sneiété ti'Àiilhropoknjie.
MŒURS IlES l'dLYNÉSIKNS 921
lialaillcs clail (levciiii apiès sa mort le dieu de la guerre eL l'on »!ssayai(
de se le concilier par des invocations. Ouant aux pauvres, aux ca[)tit's, aux
gens du commun, ils étaient « sans âme », et cependant presque tous
les objets de la nature étaient censés en avoir une.
L'apothéose des chefs avait fini |iar transformer les cimetières en tem-
ples : en maints endroits, il n'y avait point de différence entre les tomhes
et les lieux sacrés. Ces inaraé étaient rarement construits à la manière
des cases, avec colonnades en bois et toitures en feuilles de palmier : c'é-
taii'iil ]ilu(ô[ des autels en blocs de lave ou de corail, reposant sur d'autres
blocs quadiangulairesqui formaient des quatre côtés un escalier monu-
mental. Qu('l([ues-uns de ces maraé, élevés au sommet [de buttes natu-
relles ou arlilicielles, avaient l'aspect de pyramides et se profilaient dans
le ciel au-dessus de la ceinture des cocotiers, et telles étaient les dimen-
sions de leurs dalles qu'on se demandait comment les naturels avaient pu
les détacher du récif ou du rocher et les transj)orter à distance. On voit
encore en quelques îles des restes de ces tem|)les envahis par les arlnistes,
mais toujours regardés avec vénération par les indigènes, ([uoiqu'ils ne
viennent plus y fiiire leurs sacrifices et leurs évocations. Whitmee raconte
({ue, lors de l'appai'ition d'un navire dans le voisinage des côtes, les insu-
laires des Ellice se précipitaient toujours vers leurs maraé. « Serez-vous
les plus forts, disaient-ils à leurs dieux, ou nous livrerez-vous aux dieux
étrangers? »
Depuis un demi-siècle déjà la question est résolue. Quoiipie les maladies
apportées par les Eunqiéens, coïncidant avec l'introduction du christia-
nisme, aient été attribuées à la méchanceté des dieux nouveaux, la reli-
gion des blancs n'en a pas moins triom[ihé; les diverses sectes protestantes
et l'église catholique se partagent les laibles restes de la population poly-
nésienne. Tandisque dans la Mélanésie quebpies populations gardent encore
leurs anciens dieux, les insulaires de l'Océanie orientale, trop clairsemés
pour résister à l'influence étrangère, ont tous accepté les religions des vain-
(jueurs. Dès l'année 1797, les missionnaires prolestants se présentèrent à
Taïti, et peu à peu ils répandiriMit leur foi dans tous les archipels jiolyné-
siens. Les prêtres catholiques vinrent à leur lour. et, (juoi(|ue moins nom-
breux et disposant d'un moindre budget, ils ont fait des prosélytes dans
toutes les îles; même ils ont lini par l'emporter dans quelques-uns des
archi|)els, surtout dans les terrains français, où ils étaient soutenus par le
pouvoir civil ; d'ailleurs la pompe de leur culte, la confession et le dogme
de la rémission des péchés leur donnent plus de prise sur les iiuli-
gènes que n'en ont les protestants anglais avec leurs rigoureuses pra-
XIV. 110
!fJ2 >01\I:LL1' (W'OCllAl'IllE U M \ KliSKLLK.
liqiu's'. Le inormoni>-ine l'iit ;iiissi (|iu'l(]iics rciitiiiiics d'adlKMents. Des
guerres civiles ont souvent éclalé dans les archipels j)olynésiens pai' suilir
de la rivalité des religions. Dans les îles où le pouvoir des i)rètres pul
s'établir sans conteste, des gouvernements théocraticjues se constituè-
rent. C'est ainsi que dans l'archipel Gamhier un missionnaire catholique
essaya de transfoi'mer Mangareva en un vaste couvent; de même dans les
îles de Cook. et même pendant quelque temps à Taïli, les proleslanîs
>° 101. — RiaiCIONS DE I/OCKAMK.
lOO'Mér.d.en de Par
^^
lOO' Mer.dieride Gree.'.v.cU
isa'
C. Porioîi.
A B M C P
Animâtes. Bralimanislfs. Maliona-l;uis. CalliolicjUL'S. IVolcslanls.
CP P.C
C.ilholiqii.- |ilii- noMiliivMV i|ui- les prolcslanls. Prol.'slaiiN plus ii..iiiliriMii qui' li'- i-alli(ilM|ui>.
anglais enlevaieiil luus dnilN (ixii^^ el piilili(|ues aux non-communiants,
réglaient les cosluiue-s, les alliludes. les sahilalious el Ions les actes delà
vie. Plus lihrcs di-soimais, les indigi'ues h'-nuiignenl en général d'une
grande indifi'i'i-eiice i-eligieuse.
Il est certain (|ue par di's li'ails nombreux de leur genre de vie, aussi
bien que par leurs iuslilnlions, leius mythes et leurs pratiques religieuses,
l((s PoIyiu''siens ressemblent de diverses manières à leurs voisins occiden-
taux de lonle race, Papiiua, liiddrK'siens, Malais, .lapioiais même: ils offrent
' .1, I!li'nclilc\. ciiiMJue citr.
WK.IIAIIUNS l'dl.VNKSIK-WKS. '.fi")
aussi (le nomhieusrs aiialoj^ios avec les naturels de l'Ainérique du Sud
el du Mord, et l'on a })u, en néf>ligeanl les contrastes et les différences.
|)lace)- à côté les uns des auties comme frères de race les Polynésiens et les
Araucans. D'ailleurs, les insulaires de l'Océanie orientale ne sont jioiulun
groupe ethnique sans mélange d'autres éléments; parmi les croisements
qui se sont opérés dans les îles de l'Océan équalorial il est possible que les
Américains aient eu leur part, d'autant plus que les vents et les courants
réguliers portent dans la direction de l'est à l'ouest. Des faits historiques
récents prouvent que les migrations des continents aux lies et d'archipel
en archipel peuvent s'être accomj)lies fréquemment par divers concours de
circonstances. C'est ainsi qu'en 18o!2 une jonque japonaise, montée par
neuf pécheurs, fut saisie par un typhon sur les côtes méridionales de l'ar-
chipel, puis entraînée parle courant du Kouro-Sivo, ballottée sur les mers
inconnues pendant plus de dix mois et finalement poussée sur la côte
fl'Oahu, dans les Sandwich : grâce à leur chargement de poisson et à l'eau
de rosée, quatre marins avaient survécu. Vers la nuMue époipie, un autre
bâtiment japonais échouait sur la côte d'Amérique; d'autre part, des troncs
de conifères venus des côtes de l'Orégon ou de l'île Vancouver ont été
plusieurs fois recueillis sur les plages de l'archipel havaïien'. De même,
dans le Pacifique occidental, on a vu souvent des voyages involontaires
s'accomplir autour de l'archipel Caroliu entre les Philippines et les Mar-
shall, en sens inverse de la voie qu'auraient voulu suivre les rameurs. Les
in-sulaires de ïaïti et les navigateurs (jui ont visité les îles Basses racon-
tent aussi de nombreux exemples de migrations qui se sont produites à
c(mtre-sens du vent normal*. Les mélanges de race ont donc pu se faire
à diverses reprises dans l'immense bassin océanique et modifier de proche
en proche ou même à de grandes distances toutes les populations insu-
laires. D'ailleurs, nombre de traditions témoignent que les migrations se
sont faites en mainte occasion, non par le fait des orages ou du renver-
sement des vents, mais de propos délibéré, soit par amour des conijuêtes
ou recherche des aventures, soil pai- nécessité, quand des tribus vaincues
étaient condamnées au bannissemi'iit, ou bien (piand l'île habitée se trou-
vait trop petite pour les populations qu'elle contenait et qu'il fallait aller
en quête de nouvelles terres. Alors on consultait les devins, on jetait les
sorts et, lorsque les conjonctures des vents et des courants semblaient
propices, on mettait à la voile et l'on cinglait vers le monde inconnu. Par-
Jules K.-mj, K,i MûoHo Hainii.
I>e Qnalrcfages, Les Polijiicxicn.t l'I li'ins iiiifinilitniK
924 MIUVKMK CEIMIIi AI'HIE IMVERSELLE.
fois les divinités étaient favoraliles; les émigrants découvraient les îles
cherchées par delà l'horizon et même (jiielques-uns d'entre eux revenaient
pour raconter leurs découvertes. Tous les indigènes des archipels j)olyné-
siens ont, soit par la tradition, soit par des relations directes, connais-
sance d'autres îles que les leurs, aussi hien au vent que sous le vent.
C'est à des milliers de kilomètres autour de leur étroite patrie que
s'étendait, même avant l'arrivée des Euro])éens, le monde connu ou deviné
des Carolins, des Tongans, des insulaires de Taïti.
Toutefois, et hien que dans les conditions exceptionnelles d'une saute
ou de l'irrégularité des vents, les migrations puissent se faire dans tous les
sens, il est certain que l'ensemhle des faits, langues, ressemhlances ethni-
ques, mœurs, traditions, désignent les terres] occidentales, voisines de
l'Asie, comme le principal lieu d'origine des populations polynésiennes :
c'est en sens inverse du mouvement général des eaux et des airs que s'est
fait le mouvement des nartons. Le reflux qui se produit dans le courant
éipintorial et fait ordinairement mouvoir les eaux dans la direction de l'est
a prohahlement eu une importance de premier ordre comme voie naturelle
(le transport pour les émigrants; cependant ce cuntif-cduraiil se meul
piesque exclusivement au nord de l'équateur, en des parages océaniques
DÛ les tcrres.sont rares : il passe entre la Nouvelle-Guinée et les Carolines,
emprunte le large détroit ouvert entre l'archipel des Marshall et celui (le>
(iilhert et ne rencontre dans sa marche d'autres îles appartenant à la
Polynésie proprement dite que celles de l'archipel Fanning. Pour alteimiic
la plupai't des îles polynésiennes, éparses au sud de l'éipiateur, les liateaux
des émigrants libres ou forcés ont dû faire de grands détours jiour ren-
trer par des remous latéraux dans la zone du ((nirant normal et des \ents
alizés. S'il eût été possible de faire la traversée en ligne droite, jamais les
navigateurs n'auraient eu plus d'un millier de kilomètres à francliii';
mais on sait par des récits authentiques de voyages involontaires accom-
plis pendant les trois derniers siècles (|ue maintes fois les traversées ont
I lé au moins doubles ou triples en longueur-. Et de ces voyages aventureux
ninibien ont dû se terminer par un désastre! Combien de malheureux sont
rnoils de faim, de soif, d'épuisement avant d'atteindre la terre désirée! Le
destin jette les hommes à la surface de la Terre comme la semence des
plantes, emportée par le vent et des milliers de grains périssent avant
qu'un seul puisse germer dans un terrain favorable.
Les savants ne se sont pas bornés à remonter les âges pour suivre juscpi'à
leur ancienne patrie insulindienne les ancêtres des Polynésiens actuels,
ils ont pu établir en outre que les migrations se sont faites à une époque
JlKiliAïKlNS IMILVNESIENSES.
025
tU'jà i'tii'l loiiihiino, alors (jiie les indigènes des terres voisines de l'Asie
n'avaient pas encore snbi l'influence hindoue el que la civilisation
malaise ne s'était pas constituée, refoulant les habitants piiniitifs dans
iïi2. ÏIII.n\l!IINS l'iH,V.S
Méridceride Pa
-^
<S. Cr-/fitoh3/j
^ O f! T Coa/iA/VT 0£ i. T -T T Jf LOOCST
,Jt ^frûÀ/'f. ■ ^.
ati"'' j/i,,;./„,vÀ;,„r^„/,/,.^/?:s/,*:.VK .
'. XX£r/itrri/.;^/ai'y!,iVa,0,X.a,mm!l ^.
•<■:■
Mend.cndeGrecnw.c.'l (80-
Daprès Léon Metchnlkov
l'inlérieur des îles. Aucune trace de sanscrit ne se tiouve dans les langues
|)oIynésiennes' : les insulaires de l'Océanie orientale descendent donc
d'aïeux qui n'ont pas connu les religions hindoues; d'après M. Hamy,
leurs plus proches parents doivent être cherclK's parmi ces 'Indonésiens
di" haute taille que l'on rencontre en diverses îles de l'insulinde, rejetés,
• iHiiiiont-d't rvillc, nimagc cilt': — Kf ni ; — VVIiiimee; — llaiiiv, elc.
'.t-2(j NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNI VERSELLi;.
tlaiis i'inlérieur par les immigrants malais et confondus, sous le nom
commun d'Alfourou, avec des gens d'origine papoua ou negrito. Proba-
blemenl le grand exode des Polynésiens vers l'est se fit à l'époijue où ce
qui reste des tribus indonésiennes dut quitter le littoral des iles poui'
s'enfuir dans les montagnes. Ces temps sont très éloignés de nous: ils
durent même être antérieurs à l'invention de la poterie dans les îles
malaises, car jusqu'à l'invasion européenne les Polynésiens ne se ser-
vaient que de })ierres brûlantes pour cuire leur nourriture'.
On a cherché à préciser davantage le lieu d'origine des insulaires de
l'Océanie. Une tradition des Samoans parle d'une île Pulolu (Burotu, Bou-
rotou), située dans l'ouest, comme étant la patrie de leurs ancêtres. D'après
une hypothèse, ce nom, où se trouve le mot malais yjo«/o, n'aurait d'autre
sens que celui d'« île sacrée* ». Mais on a imaginé aussi que l'île chei-
chée serait la terre de Boeroe, située entre Celêbès et Ceram"'; pourlautcelle
île, très peu productive et fort peu|»lée en comparaison de son étendue, n'a
rien île particulier qui puisse la faire considérer comme un ceutie de peu-
plemenl, et pi'écisément les Alfourou de cette île sont ceux qui, loin d'avoir
le goût de la navigation, s'interdisent au contraire le voisinage du litto-
ral, de peur que le veut ne leur apporte le hiuit lugubre^ des brisants.
M. <jup|»y propose une autre solution : d'après lui, la terre d'origine des
Polynésiens serait le Baura de l'archijjel des Salomcui, l'île (|ue les Espa-
gnols ont appelée Sau-(li'islobal. Il est en effet prcdiablt^ qnt^ dans leur
exode d'occident eu oi'ieiil les aucèli'es des Oeéauit'ns (ini passé ])ai" ce
lieu d'étape, (pii d'ailleui's. sauf son nom, n'a lieu (pii paiaisse le ralla-
cher aux traditions |i(ilyuésiennes.
Quoiqu'il en soit, on ne peut affirmeiavec assurance, el d'une manière
toute générale, que la provenance insulindienne des Océaniens orientaux;
mais on discute de plus près la position de leurs points de départ à l'entrée
du monde polynésien. Les traditions des Maori de la Nouvelle-Zélande,
celles des insulaires havaïiens, des gens de Raiatonga, de Taïti. des Mar-
quises, des Tuamolou, désignent uniformément une île de Savaïki, Havaïi,
Avaïki. Havaï, Havaïki comme la terre des ancêtres, — d'où le nom de
Savaïori, proposé pour les Polynésiens', — et l'on a recueilli des tradi-
tions qui racontent le voyage de peuplement entre cette île et les divers
groupes océaniens. Savaïi, la plus giandedes Samoa, est considérée par la
• Oscar PcsL-h.'L Volhcrkuiidr.
- H. A. Keane, méimiiic <i(r.
•"• Hall', Ethnoqraphii nnil ['hih)tu<iii nf Hw V. S. E.rplorinii E.ijialilidii.
* Keaiie; — Whilmci'.
MiciiATin.Ns p(tl,vM■:sl^;^Nl•;s.
927
|ilii|)iirt des o(liiiolo;^isli's comme ('•(anl la Savaïki des épo|)ées polvné-
sieiiiies, el la ressemblance des noms donne une certaine valeur à celle
hypothèse; toutefois les dénominations géographiques se sont fréquem-
ment déplacées et parmi les îles de ces parages il s'en trouve au moins
deux, Upolu, la voisine de Savaii, et Tonga-tabou, qui dépassent la
ijrande île relativement aride de Savaïi, comme centres de culture el
l'iH'iîr.AiioNs m-: lim.kvmi-:
lOO'Met d en de Par ^
Malais Australiens,
Imionûsiens.
Papoua Micronésions. Polyiié
Baura.
1 r^rnooDOrto
(le population; enlin, dans rarchijiel même, Savaïi passe pour avoir été
colonisée par des immigrants des îles orientales'. D'ailleurs les traditions
polynésiennes s'appliquent probablement à toutes les îles de ces parages,
embrassées dans une même aire de navigation, plutôt qu'à une terre
isolée : celle-ci aura gardé le nom qui appartenait à tout un archipel.
D'après quelques auteurs, Ilavaïki n'anrait d'autre sens que celui de
•< Feu » : les émigranis seraient tout simplement des colons venus d'une
terre brûlante'. D'autres hypothèses ne se rapportent qu'an monde
' Turiici-, Siiiiwa; — l'iikliaitl, Memoir of tlie Antliropologicril Londoii Societji, \mI. I
- Bnilfi'r(, Orhjinr et rlispniitinii île /« rocc polipiésifiinf
928
NOUVELLE CÉOCHAPUIE UNIVERSELLE.
mythicjuo : Havaïki, dit le ini^isioiinaire Wyalt Gill, est le nom de l'enfei-
pour les insulaires de Hervey. Pour M. Leston, c'est le « sol nourricier ».
A l'orient de l'île mystérieuse, les Polynésiens se sont propagés d'escale
en escale, s'arrètant pendant un temps plus ou moins long dans les
centres de dispersion secondaires, tels que Raratonga et Taïti. Depuis
Tupaïa, l'insulaire de Taïti auquel Banks et Cook firent dresser une carte
des îles de la Société et des terres environnantes, on a essayé de dessiner
les diverses migrations à travers l'Océanie ; mais les traditions sont trop
vagues et présentent trop de lacunes pour qu'il soit possible de tracer
d'après elles des itinéraires précis, et maintenant il est bien lard pour
Qo^
^"^Ç;^
cO^'-'*'"'
Oyoutcu
cntrepri^-ndrc une pareille anivre : déjà la carie de Tupaïa, très exaclc
pour Taïti et les îles voisines, entre lesquelles se faisaient des voyages
lï'équenls, n'a probablement pour toute la jiartie occidentale qu'une valeur
mytbi(|ue, dont le sens réel s'est perdu : le grand corps insulaire de
l'ouest, ce « père des autres îles » signalé par lui, indique sans doute que
la direction présumée du lieu d'origine de la lace; c'est ainsi que sur les
cartes du moyen âge, on voit repi-ésenfés les « îles des Bienheureux », les
« Champs Elysées », les « paradis », où les hommes se rendent après leur
mort. Maintenant les indigènes, eux-mêmes croisés avec les blancs, ont
également mêlé leurs légendes aux mythes chrétiens et la trame originale
de leurs récits est de plus en plus difficile à reconnaître. Les blancs ont
suivi les Polynésiens dans tous les archipels, dans toutes les îles où se
fait quelque trafic. Ils sont les maîtres désormais; ils sont aussi les exter-
riKl-KUPLEMENT DE LA IMILYNÉSII-. 92
minaleiirs, et li^s Iradilioiis (icéaiiifiiiics uicuri'iil en nirnu' U'ni|)s que
la race.
Les pxonipk's de ce dépéi'issemenl des iiidij^èiies, de celle niurlalilé
coUeclive des insulaires, soni Ineii connus'. Sans parler des évalualions
sommaires ([ui ont élé l'ailes ]mr les j)remiers iiavifialeurs, et d'après
lesquelles la populaliou de lel ou lel groupe d'iles aurait, dépassé celle
que possède actuellemenl loule la Polynésie, les recc^nsemenls précis fails
à diverses époques |)endanl le cours de ce siècle ne permettent jias de
mettre en doute le dépeuplement général des tei'res océaniques. En 177i,
lors de l'arrivée de (jook à Taïli, c'est par un calcul de |irol)aljilil('' sur
l'équipage des pirogues voguant aulourde ses vaisseaux (pie l'illustre navi-
gateur estima le nombre des haliilants de File à 240 000; Furster s'ar-
rêtait au total de 150 000 individus, et pour l'cnsemljle de la l'olynésie il
évaluait la population à OùOOOO personnes', six fois le nombre actuel.
On ne saurait essayer de mesurer le taux séculaire de dépérissement
d'après ces évaluations premières; on ne peut que constater, d'une
manière générale, la rapide diminution des insulaires océaniens. Cepen-
dant les antbropologisles constatent ce l'ait remar({uableque, tout en subis-
sant l'assaut de maladies terribles et en se réduisant en nombre, les indi-
gènes sont restés les " plus beaux bommes de la Terie ->, |iar la prestance
et la haute taille ".
Les causes du dépeuplement des îles sont multi|des, sans compter la
plus brutale, rexterminaiion à coups de fusil, dont l'bisloire de la Polv-
nésie offre de nombreux exemples. Souvent aussi le recrutement des
plantations s'est fait par l'enlèvement de tous les habitants mâles d'une
île : c'est ainsi que des arcbi|)els entiers ont été dépeuplés par des trai-
tants péruviens qui, sous prétexte de commerce légitime en noix de coco
ou en écailles de tortue, venaient capturer des travailleurs pour les plan-
talions de canne à sucre sur les bords américains du Pacifique. Avec plus
de foi'mes légales et un respect apparent de l'humanité, les marchands qui
vont engager des travailleurs dans les Nouvelles-Hébrides, les Salomon, les
Marshall ou d'autres îles pour les cultures industrielles de Queensland, de
la Nouvelle-Calédonie ou des Samoa, arrêtent aussi le mouvement de la
population et préparent la dis|iarilion de la race, puisqu'ils séparent les
sexes, n'emmenant avec leurs k engagê's )>, tous hommes dans la force de
' Meinicke, liisctii îles Slillcii Oreiins; - (Iciininl (Wnilzl. Ànlkniiiuhiiiic dcr ^iilKirulkcr.
- Voijnge round tlie WoiUl.
^ \Vci>li;i(li, KiiyjK'iiiii'.ssiiniicii ficlxr dcr Novain ; — Clavrl, ].cs Maniidsii'iis, Arclilves iIl'
Mrdrciiii' n;nalr. LSSlel ISS.'..
XIV. 117
ilJO
NOUVELLE CÉOCliAI'IHE UNI VEUSELLE.
l'àg'O, (ju'iiiK^ lirs faible |)r(i|i()ili()ii de reimncs. Des f;ons foujialilcs do
pareils .actes sont mal venus à pai'ler comme ils le i'oiil de la « destinée
manifeste » qui condamne les Polynésiens cuivrés à disparaître devant
les Européens blancs : ce sont eux qui, par la violence et la ruse, sont les
agents du désastre dont ils accusent le sort.
Il est aussi d'autres causes de mortalité (pii ddivent être atlribnées à
la présence des blancs. On sait quels sont la plupart des Européens qui
portent anx indigènes les « bienfaits de la civilisation )^. Des convicts
19V. — M(il\lMI.\r lit LA rOrULATION OCEAXIENNK.
^^--'"''^iiiiiiii
100* Wér.d.en de Greenw.cK
^V
/£
llllil '^'"''™^* •'<•"' '" populalion s'accroît.
La populnlion s'.Tcci'oil ccalcnicnt dans les îles polynésiennes ilont les noms sont portés snr la carte.
Dans les autres îles elle diniinne.
échappi's lie leur prison d'Australie, des matelots fiiyaiil leur navire, des
marchands de li(|iiciirs fortes, des voleurs d'hommes, tels sont les blancs
qui ont le plus contribué;! l'éducation des insulaires. La grande cause de
la moi'talité des indigènes, sui'toiit dans les îles on les étrangers viennent
en grand nombre, comme Taïli et llavaïi, est rinreclidii produite par les
maladies qu'ont propagées les matelots européens; les oiganismes sains.
non accoutumés au poison, résistent moins énergiqnement aux dange-
reux virus que les corps accdiituiiK's à la lutte coiiliv le mal par de fré-
quentes épidémies. Dès raniu'e 177(S, aiissil('il après la visite des vais-
seaux de Cook dans l'archijjel de Sandwich, le Ib'an dtVinie les naturels.
DKI'KUM.KMKNT HK I, \ l'OLnKSIl';. 951
'( Voilà le iidullVc (It'Vdi'iinl, le Idinlicau de Ilavaïi ! viiilà ce (jiii abiiDc le
cor[)s, co (|iii alVaililit les ciilaiils, Vdilà ce (|iii iciul les cliciiiiiis ilcserLs! »
s'ûci'ieiil David Malo cl ses fullal)oralours de l'Iiisloiie Iiavaïieniie rédigée
en 185(S el Iradiiilc |iai' Jules Remy. Ce que disent les indii^ènes de 11a-
vaii, loiis leurs lïères polynésiens le répèlenl : ce sonl les Européens
qu'ils accusenl.de leur avoir apporté la maladie el la mort.
H n'est |ias jiis(pi'au\ missionnaires qui, dans leur empressement à
dresser des calécliumènes exemplaires, n'aient contribué à l'appauvris-
sement physique de la race en obligeant leurs lidèles à se vèlir à l'eu-
ropéenne, et en augmentant ainsi la sensibilité de leurs organes aux
changements de températuiv : les Polynésiens ont a|)pris à connaître les
rhumes, les bronchites, et fmalement la phtisie est devenue le Iléau destruc-
teur. Plus Fatale encore que le changement de costume, de domicile,
d'habitudes a été en mainte station de missionnaires la suppression des
amusements bruyants, des l'êtes et des danses. Les indigènes s'ennuieni;
bien [)lus : pris entre leurs traditions nationales et les 'enseignements
des instituteurs étrangers, cherchant à se recoiimiitie cniie deux morales
dillérentes, entre deux conce[itions générales des choses, les Polynésiens
se laissent aller à la dérive, incapables de reprendre avec confiance
la direction de leur vie. La populalion des îles de l'Océanie se meurt,
parce qu'elle n'a plus un ensemble d'idées rectrices de ses actions, une
commune mesure pour juger de ce qui est bien ou mal. En ])résence des
Européens, missiimnaires, marchands ou malelols, eux-mêmes si dilTé-
rents les uns des autres [lar le caracièi'e et les nueiirs, les Océaniens per-
dent lout é(piililire de conscience el de jugement moral, ils laissent aller
leur vie au hasard, sans but, sans volonté. Le ressort est brisé, telle est la
cause de leur décadence el de leur langueur mortelle.
Toutefois, si le di'périssement des insulaires océaniens est le l'ait
général, il n'est pas sans exceplion. Parmi les îles polynésiennes il en est
(juelques-unes, tout spécialement favorisées, dont les habilanls ont pu
traverser heureusement la période de transition sans que leur nombre
diminuai. Telles sont les îles de Lukunor dans les (larolines, de Fnluna
dans rarc!ii|iel Wallis, de Mue au nord des Tonga; depuis le milieu du
siècle, les recensements périodiques dressés par les missionnaires ont
élahli ipiela populalion de ces (pielques îles s'accroît régulièrement par l'ex-
cédenl des naissances. C'est là un phénomène capital, qui permet d'es|)érer
le relèvement futur des Polynésiens, quand ils se seront gi'aduellement
accommodés au nouvel ordre de choses. Néanmoins on ne saurait doutei'
(pi'ils soient à la veille de tlisparaître comme élément ellini((ue distinct :
952 MirVKLLK i; KOtll A l'Il I K I MVKIiSiaLK.
la race se ini'IaiiLic de plus cii phis ; des iiiimi,i;faiils de hniLc iialioii se
croisent avec la [iO[)iilali(in prirnilivc. cl |)rcs(|iie |iarl(Kil où le iiomlire des
hahilanls augmeiilc de nouveau, ajirès a\oir ]onj;lem[is ilimiiiué, à Taïli
par exomple, c'est à des étrangers et à des métis (ju'est dû cet accroisse-
ment. L'ère moderne a commencé pour la Polynésie : ces îles do l'Océan
.sont annexées commercialement à l'Europe, qui y a déjà choisi ses escales
de naviaalion et de li'alic.
L'archipel des Tonga est un peu en dehors des lignes majeures de com-
munication entre le Nouveau Monde et l'Australie, car son ilc principale,
Tonga-taliou, se trouve à |dus de 700 kilomètres à l'est-sud-est des terres
de l'archipel Viti. qui sont les points d'arrêt natuiels sur la roule de San-
Francisco et des iles Havaïi à Sydney et h Melhourne. Mais, quoique situées
en dehors de l'axe commercial du l'aiilique, les iles Tonga d(uvent à leurs
immenses palmeraies d'èlre \isili''es |iai' un grand nombre de navires, alle-
mands en majorité, ipii \ienneiil \ chercher le ko|»rah desséché pour les
huilei'ies européennes. La capitale du peli! rdvaumedes Tonga, et en même
lemps le jiort le plus fréquenté de ces jiarages, esl la ville de Nukualofa,
hàtie sur la côte se|ilenlrioiuile de Toiiga-lali(Ui, au hord dune rade hien
dél'endue pai' les récifs. Le palais à tourelles du sou\erain et quehpies
maisons de négociants dominent les huttes des indigènes, dispersées le
long de rues tiroiles et ri'gulières el toutes enloui'ées (riiu jardinet. La
cam|iagne environnante est aussi un jardin parsemé de cocotiers, d'arhres
touffus, de |danles lleuries et Iraveisc' de helles routes cari'ossahles. Dans la
parlic (iri(>ulMl(' de l'ile, sur la ri\e d'une haie |ires(|ue eulilTcmeul (■(un-
hh'c par les n'cifs à Heur d'eau, se trouve la priiiri|iale slaliou calho-
hque de rarchipel. Mua. silu(''e à c()l(' de l'ancieuMc l't'sidence des sou-
verains et près de la n('cr(q)ole l'oyale, gros hlocs de corail supei'[>osés en
forme d'escalier.
Moins imporlanis (jue .Nidvualofa, l.einka dans le groupe des iles
llaahaï, et Nina lu dans la plus grande des iles Yavao, sont aussi des en tre-
piils de koprah, fré(juemment visités par les cahoteurs allemands. Dans ces
deux villes résident des lieutcnanls du ini. Le port de Niua lu esl un des
meilleurs de l'ocf'an Pacilique : reuli(''i' loilueuse en est un |)eu dillicile.
mais, après avoir suivi le lahyi'inlhe du clienal. lesua\ires ain-reul, pai'
40 el 50 mètres de profondeur, dans un \asle bassin défendu de Ions c('ilé--
contre les vents par un ain|)hithéà[re de terres élevées.
A l'orienl des longa, l'Ile pres(jue isolée à laquelle s(Ui découvieur, Cook.
ILES TOX.A. \lli:. WAI.I.IS. SAMOA. 955
donna le nom de Siiviiuoisliind, ;i ciuisc du in;iii\;iis mciicil i|iii' lui liicnt
les hahiliuiN, u repris son a|i|iellali(iii iireniière dcNine (Inni). l)'a[)rès une
convenlion signée en 18S() entre l'Aniilelerre el l'Allemagne, elle a été
déclarée terre neutre; ee|iendant l'inllueiice ani^laise y domine. C'est une
des iles les plus l'erliles de la Polynésie, liien que l'eau de pluie disparaisse
presque en entier par les fissures de la roche ( iMallienne, exlianssée en
moyenneà unecentaine de mètres au-dessu>du niveau de la mei'. L'idiome
de Nine est lonfran ; suivant la tradition des indigènes, leui's ancêtres
auraient traversé à la nafic le larjie liras de mer ([111 sépare Tcui^a-laliou de
leur patrie'.
Les lies peu nomlireuses ipii s'(''lèveiil dans l'dci'an au nord-ouest des
Tonj;a et au nord-ouest des Fidji, siuit di'sigiK'es ordiiiairemenl s(Uis le
nom d'archipel de Wallis, d'après le navigateur qui les découvrit en 17(37 :
elles sont disposées sur une ligne qui, par l'île anglaise de Rotuma, réuni-
rait les Samoa aux deux terres extrêmes lialpil(''es par des Polynésiens, du
côté de roccideiil, Aiiuda et Tukopia. Les insulaires de Wallis sont pro-
hablemeiil venus de Tonga-lahou', ijuoi(|irmi iiioriie de l'iiilé'rieur dans
Uvea, l'ile Wallis proprement dite, soit désigné par les naturels comme le
lieu d'origine de la race. I/ile de Fuluna, table régiiliJ'ie que l'on xoit à
l'ouest lie la monliieuse l vea, est une des terres poIxiK'siennes que les
mœurs des habitants tirent jadis redouter des marins : les anthrop(qihages
de Fuluna dévorèrent jusqu'au dernier les dix-huit cents habitants d'un
ilôt voisin. Aloli ou .■ lerre de r.\iiiour '■ ; lui racoiile (pie l'iin des chefs
futuuais mangi^a jusiju'à >-a propre mi're. Les iles Wallis, (o'i des mission-
naires catholiipies a\aienl loudé nue slalion dès l'aunéc; iNi."), ont été
annexées en 18<S7 aux possessions françaises de l'Océanie. On sait que ce
petit archipel est une des l'ares contrées polynésiennes oi!i la population
s'accroît.
Les Samoa méi'itent encore le nom d'archipel des ■' Navigateurs » que
leur donna Ijougainville ; mais ce lie son! plus les indigi'iies (pii transpor-
tent les denrées d'île eu île, ou du iiioiiis leur- bar(pie^ ne déliassent jias
les parages des aleiilours : ce sont des navires allemands, anglais, amé-
ricains, (pii vieiiiieiil chercher les produits des plantations établies par
les Eurojiéeiis dans les iles de rarchi|H'l, notamment dans Upolu, la
plus populeuse, (pioiipie la seconde seulement en étendue. Le port prin-
cipal de l'archipel, Apia, est aussi dans cette île, sur la rive septentrionale,
' ïiiiiii'i-, i\'iiiiipfii Yi'iiis in l'iiliiiicsiii.
- I!al;iilluii. AiintiU's de la l'io/Jdfiiiliuil de hi fui. 18S4.
'Jôi
NorvEi.i.K (,i;(ii,i!Ai'iiiK iMvi;r;si;i.i.i:
iiu Itoi'd d'une liaie scini-cii'ciihui'c, i|U(' ilt^rciid ;i l^jiicsl nue |i(MiinMiie lioi-
si'r cl liordôe de récifs. La ville, qui fut jadis un rendez-vous de balei-
niers, alors que les grands cétacés étaient encore nombreux dans les eaux
du Pacifique, n'est guère fréquentée aujourd'bui cjue jiai' les cbaigeurs de
Est de Pan.
Est de Grecnwi
Pr-o/'oric/ewS
/?oc/?&s^i^f Ci?£yi'r'i?rrt ûcûÀ^O^
Ivopi'ali ; (III a planh' aussi dans Tilc des coloiiiiicrs, des ealicrs, du labac
cl la |ilu|iail des aibics liui(iei> européens; mais une guerre de succes-
sion, qui sévit depuis plusieurs années, a compiomis ou même ruiné
les industries agricoles : les champs el les jardins ont été ravagés jusque
dans la banlieue d'Apia et la ville même a beaucoup souffert. Les pro-
grès en commerce et en popiilalion qui faisaieiil de l'ile d'Upolu une des
ILKS SAMOA, IIAIIATOM.A, IIAI'A. '.).">
terres les plus romar(|ii;ilil<'s de la i'(ilyii(''sie, oui rU'- intorrompiis'. Le
pori (le Pango-Pniigo, ([iii pénèti'C comme un fjord dans la côle méridio-
nale de Tutiiila, el que l'on croit avoir été une crevasse d'eliondrement
dans les flancs d'une monlaunc v(ilcani(pu\ |Miurrail remplacer Apia
comme centre du commerce, s'il n'avait le désavantage de s'ouvrir dans
une ile écartée. Tutuila est la })lus gracieuse des îles Samoa, el Pango-
Pango est un des sites que les voyageurs signalent entre l(iii-~ pour la
grâce el la grandeur de ses paysages. Sur la côle opposée de l'Ile, le navi-
gateur de Langle et trois autres compagnons de La|iérouse furent massa-
cri's par les naturels, en 1787, au bord de la baie de Funga-sa.
Deux |(etites îles du groupe Samoa, situées entre Upolu et Savaïi, sont
en |)roportion beaucnu]! plus riches cl pnjiiileuses que les autres (erres de
l'ai'chipel. Apolima ou le « Creux de la main » est un cône volcanicjue aux
versants érodés ])ar la vague et coupés en falaises : la nature en a fait une
forteresse où les indigènes des îles voisines se réfugient en temps de
danger. Manono, plus grande, mais aussi très facile à défendre, est un
vaste jardin : |)lus de 3000 habitants s'y pressaient naguère sous le bran-
chage des palmiers. Ces insulaires sont, dit (ihurclnvard, les marins les
plus renommés de ces paragt^s.
A l'exception de Tau. l'Ile orientale du gniupe, les îles Samoa forment
un Etat, dit conslitutionnel, dont la charte est copiée sur celle de l'An-
gleterre, avec roi, chambre des seigneurs et chambre des députés. La ca-
pitale est le petit liourg de Mulinuu. dans l'île d'Upolu. Mais Apia est eu
dehors du royaume et forme un municipe spécial, gouverné par un
triumvirat des consuls, allemand, anglais et américain. Les Américains
onl fait choix de ce port comme station navale et dépôt de charbon. Le
royaume de Tau a des coutumes encore païennes. Le chef est sti'ictement
surveillé par ses sujets, de peur (ju'il ne boive de l'eau ou ne se baigne
dans la mer, événements qui causeraient le désastre de la communauté'.
Les archipels qui continuent au sud-est la rangée des Samoa sont très
faiblement peuph's ; mais ils eureiil une grande iinporlauee liisl(iri(|ue
comme lieux d'étape et d'émigration. L'île de Raratouga (Uorotonga), dans
l'ai'cliipel des Ib'ivey ou Cook, est citée par les insulaires de plusieurs
archipels comme la leire d'où vinii'iil leurs ancêtres. Les Raratongans
contemporains smil au iioiiibic de-» Polyni'siens qui onl fini par s'assou-
plir complèlemeiil au n'-giine sévère iin|)orté par les missiomiaiies anglais :
' Vali'ur amiufllc (1rs odiimnes .'i A|iiii : .j (HKI (lUO (nuu->.
- I^liuicln\;ii(l. Sniiioti.
956 Ndl'VKLLI': CÉOGIiAI'IIII'] li.MVKIISKI.I.i; .
ils ont des écoles, des Ijibliolhèqiies, et [mlilieiil inèinc un journal en
leur langue. Les Anglais, en prévision de l'étahlissemenl |iio(liain d'une
ligne de navigalion à vapeur en Ire l'Amérlcjne centrale e( la Xouvellc-
Zélande, ont choisi Raralonga pour en faire une escale de commerce et
d'approvisionnement; mai^ la rade de liaraloiiga n'esl pas sûre. Plus à
l'est, dans le groupe des J'uliiaï. ([uc la France a ii''ccnHnenl annexé
comme dé-pendance de Taïli, l'ilc la |ihis imporlanle, (]uoi(pie à peine
habitée, est IJapa, la plus australe des (erres polynésiennes ])ro|)rement
dites. On espère que Râpa sera un jour la rivale de Raralonga comme
piiinl d'allache des ligues de navigalion Iranspaciliques; les Itàlimenls y
tiou\eul un meilleur aliri : la vague s'y déroule en longues ondulalions,
mais sans y hriser. Dancieiines fortifications se j)rofilenl sur li's mon-
tagnes de Râpa.
Les îles de la Société sont beaucoup plus éloignées (|ue les archipels
Tonga et Samoa de la gi'ande voie ii-ansveisale du l'acillcpie ; mais quand
le détroit de Panama aura ('h' perce'-, elles se lrou\eroul piN'cisémenl à
moitié chemin de la grande écluse améiicaine et du continent australien :
elles prendront alors une importance de premier ordre comme étape de
commerce. D'ailleurs, elles oui d(''jà quelque valeur é((uiomi(iiie par leurs
productions, et si minime que soit le nombre de leui's liabilanis, il est fort
considérable relalivemeni à celui des muIics archipels de la Polynésie
orientale. Taïli, — ou mieux Taliili. — esl resh'c le cliel-lieu naturel de
toute la Polynésie oiientale.
l'apeelé. la résidence du repi'ésenlant de la France dans les îles de la
Société, est une gracieuse bourgade, entourée, comme toutes les villes
océaniennes, de jardins et de palmeraies, où résonnent souvent les liiméné,
c'es|-;i-dire les mélodies (pie les jeunes hommes et les jeunes fdles chan-
leiil d'une \oi\ harmonieuse eu clio'ur ;i plusieurs parties. Des ruisselels
siuiieul enli'e les luaisounelles, sous les hiauclies enh'ein("'l('es, d'où le
nom de Papeeté, .< Pelile Eau «. Souveul le clKi-lieM de Taïli esl célébré
comme un pai'adis lericslre; poui'iani le rempart des haules montagnes
ai'rèle le veul alizé du sud-esl et les hahilanls oui à subir une lempérature
étouffante, si ce n'esl quand souille la brise maiine, ajiporlani la rumeur
des brisants. Le port de Papeeté, protégé par nue ligne de récifs, dans
laquelle s'ou\rent Irois (heuaux, est largi> et profond, mais encore peu
fréquenté : le commerce (|ui s'y fait est en giande |iailie eiilre les mains
de négociants étrangers, anglais et américains ; l'idiome que counaissenl
TAITI. IMI'KETK.
9:. 7
le mieux les iii(li;iî'iies, i\yvt"^ li-iii- l.iiiaiio maternelle, est l'im^lais, le
iiMiler (les miuins el de leurs [iicmiers missionnaires'. Quelques peliles
escales sur le lilloral sont parfois visitées par des chaloupes américaines
qui viennent v chercher des oranges pour San-Francisco. L'oranger, a[)|)orlé
par (](iiik, est en elïet la princi[iMle cullui'e de Taïli: quant au goyavier,
introduit en 1(S1j, il s'ol |iropai;('' nu |)(iinl de devenir un lléau : sur les
pentes des montagnes il iDime une iinpén('lra]de brousse. Des plantations
N" 190. TAill Et MOOrttA
Ouest de Par.
O^est de Green-.ich 149°
tdai^tres documents
ûeO^^'OOO'.' ai-SWÛ"'etaucfs/Â
avaient été fondées sur les plages du pourtour do l'île, notamment au
nord-ouest, dans le district d'Alimaono, pour la culture du cotonnier,
du calier, de la canne à sucre et (raulre-» plantes tropicales; mais les
45U0 « engagés » chinois (pii les travaillaient pour des capitalistes étran-
gers sont presque tous dispersés; il en reste moins d'un millier, devenus
petits marchands ou jardiniers.
' Monvenipnl conimoriial di' Taiti en 18S.") :
Importation. . . . .j 023 706 frano». ilnnt I ."lôô 5Cli finncs par Ins navires français.
Exportation .... k C>i 2S'J » » 1 .42-2 540 « « 11
Ensemble . . 9 iliO 0f?8 fiancs. ilont 2 730 100 francs par les navires français.
Mouvement de la navigation, à l'entrée rt à la sortie ; 200 navires, jaugeant Ali^iâ tonnes.
XIV. 118
'■ir,s NUI vi;i,i.i: i;k(I(;i!\|'||||-: imvi:i;si:i.i.k.
<lii l'Viiliii' :i [iliis (le •2(10(10 licciMirs, sdil iiii ciniiui^iiir de l'ih'. I;i
suporruii.' dos terrains qu'il scniit ]Missil(if ilo soiinirllrc à la jirando
ciilliiir sur le pourtour de ïaïti'. Toutes ees terres, situées en bordure
sur le littoral et sur les premières pentes des monts, sont facilement
accessibles par la route de 191 kilomètres qui se développe en un double
anneau autour des deux iles jumelles, tracée çà et là en corniche au-dessus
des ilôts; mais à l'extrémité sud-orientale de la « petite Taïti » elle est
S° 197. — rAPEKlf;.
Estd.Pa
st de Ta'S
151 "55
Est oeL-'et' .. _r
>^o^'û^ec*^.5
I - 55 non (irai
inlerr(im|iiie par des précipices, et les voyageurs doivent se confier à une
b,iri|iic cl passeï' au milieu des vagues que le vent alizé pousse en cet endroit
à travers une large brèche de récifs. Une voie ferrée s'ajoutera pro-
chainement à la route dans la partie occidentale de la grande île, entre
Pàpeeté et les plantations. Un fortin est placé sur l'isthme de Taravao, à
l'endroit où viennent presque s'aflleurer les deux routes côtières et où
serait la véritable place de la capitale de Taïti : en effet, le havre méri-
dional entre les deux îles, le Porl-Phaéton, est beaucoup plus vaste et
' Sujierlicio des terrains cultivés à Taili el à Moorea en 1884 : 3255 hectares.
ILliS llK I.A SilCIKTh:, TLAMniiM . M\l;n||SES. 'M
inioiix aliiilt' que relui de l'iipcch'. \]\\ imiIic, i;i |i()si[i(iii serait plus
lieurt'use au point de vue slraléuique, gi'àco à l'isthme qui permet de com-
mander les deux rives à la fois. I.es tei'res l'erliies du littoral sont plus
rapproeliées de Porl-l'liai'toii (|ue de Fapeeli' el la lenipéralure, modérée
pai- l'alizé, vol beaucoup moins pénilde' : r'e^l au nord-ouest de ce
pori (pie se Iroiive la vallée d'erfondremeni où des ('lidulis de scories ont
l'elenu les eaux et l'ormé le cliarmaui lac de \aliiiia. l.e l'oilin de Tara\ao
est la seule rorlilication de rar(dii|iel, mais des piihlicisles, disposanl
d'avance des iinlli(iiis de la mèi'c pairie, [larleiil d'enlourer l'apeeté de
défenses, de garnir le [lorl de lor|iilles, de l'emiser une Motte dans les eaux
de la Société et des archipels voisins, afin de « pouvoir bai'rer le chemin
à liuile armée navale eiirop(''eiiiie se dii'igeant vers l'AusIralie ou l'Asie' ».
iJoorea. au Inoi-d-ouest de la grande île, n'en est qu'une dépendance
agricole el les barques vont et viennent incessamment entre Papeelé et les
brèches ouvertes dans la ceiiiUire de ses [(''cils. Mais l'une des îles occi-
dentales ou " sous le vent >' esi nue rivale de Taïli par raiiimalion de son
trafic. Raïalea. enl'ermi'e ainsi ipieïaliaa dans l'enceinle d'iin récii' ovalaire.
a l'avantage de posséder un des meilleurs havres du Pacifique, et le com-
merce, presque entièrement eiilre les mains d'ex[ior[ateurs allemands, y
est moins entravé par les règlemenls ipi'à Papeelé. Pa ville de Teavarua,
située sur la côte sud-orientale de iiaialea, en face île l'Ile de Tahaa, occupe
le centre du petit archipel. P\aïatea fut autrefois le centre religieux des iles
de la Société, le siège de la l'ranc-maroiinerie des Arioï : de hnili's les
iles voisines. « lilocs IdinlH's du ciel ■■, nn^'ine de la sainte iîora-bora
et do Huahine la guerrière, on Ncnail à lîaïalea prendre pari aux grandes
|)rocessioiis célélirées en riionneiir des dieux.
A 800 kilomètres einiron au nord de Taïli se Iroine la petite ilc de la
Caroline, où des asiroiiomes fraii(;ais oui l'ail en 1883 de remarquables
études sur la consliliilioii du sideil.
Les iles orienlales, les Tuamolou. Mangareva et les Marquises, appelées
en 1791 " iles de la lîévolulioii " jiar l'exploraleur Marchand, ont aussi
d'excellents jiorts oii pourraient s'aliriler des Hottes; mais les deux chefs-
lieux de ces groupes insulaires, Taio-haé, sur la cijle méridionale de Nouka-
hiva et Rikilea. dans l'ile de Mangareva, ne sont (jue d'humbles villages.
' liuijul, yulci iiKiillHiriili'S.
- Ue LaiiL'ssan, rE.vptnisivii culuniale de In France.
1)12
Mil vi;iJj-; i;f:(ii,i;.\i'iiii: i .Mvi;i;si;i.i,K.
Dmiis 1c> TuiimuUui, le clifl-lieii n ('■l('' liaiisléit' d'AiiMa à liildll plus scp-
Iciiliidiial (le FakaiavM. Le iiiaii(|iif de iiopiilatiori, la dispersidii des lares
lialtilaiils sur un esj)ace de plus d'un million de kilomèlies carrés, rendenl
toute industrie, tout développement commercial presque impossibles.
Ces archipels lointains, qu'un espace de 6000 kilomètres sépare de la
côte la plus rapprochée de l'Américpie. n'auiont tôt ou tard d'auli'es
richesses que leurs jiahiieraies ', à moins qu'on ne s'occupe d'y rétaldir,
108. — xoi'K v-mv.i
Ouest de Pan
'Ouest de G
"5727
sui\aiil une melhode scienliliipie, re\|iloilaliiMi des nacres cl des jicilcs,
hien compromise aujoui'd'hui. Les londs marins oiïreul dans ces lies des
conditions très lavorahles à la propagation des huitres perlières ; mais dans
presque tous les lagons les pécheurs ont procédé avidement aux l'écidles à
outrance cl par consé(pient à l'exlerminalion d(^ la race. Dans les iles où
l'administration est intervenue pour proléger la pèche, elle s'est htunee,
comme les prêtres d'autrefois, à « tahoucr " pendant plusieurs années
l'alii]fr:iifs (1rs Tuiiiiiulmi un lb!7ô: 10 iiiillidiis (If tuculiors.
lLX|ioiliiliuii : 7> (JOO luiiiii's (If k(i|ii';iii. V;iloiir : 7 .'jUII 1100 Iniiics
ll.KS MAIIUIIISKS. TIAMdTill . IMTCAI li I . lltri
\t'^ l.iUOMs (''iMiisi's ; iiiiiis lii où les liiiilrcs, liop r;ii('s, ik; |>('iiv('IiI se i;i(i-
pi'oclicr, les liiiiics ne se rocoiisliliiciil pas cl riii(liislri(^ reslc riiimV.
Pour lii irliiMir, il osl iudispoiisaMo, dit M. lîoiiciioii-Bi'aiulolv, de semer
les lacions, et d'élever luiilicielleinent le naissain, comme on le fail sur les
côtes de France. Les indigènes des Tuamolou, moins heanx, moins gra-
cieux et moins aimables que ceux àrs iles de la Socit'h', sont en revanciie
|)lus laborieux : sui' les bancs de coiaux des Tuamolou, des immigranisde
Taïti seraient bientôt moris de i'aim.
Dès l'année 1815, un Américain, i'orler, s'était emparé des îles Mai-
quises au nom de son gouvernement, qui ne ratifia point la prise de pos-
session. En 1855. un aventurier français, Thieirv, déjà << souverain (l(> la
Nouvelle-Zélande », se donna le lilre de ( roi de Nouka-biva ", puis des
missionnaires catholiques français s'établirent dans l'arcbipel : ce l'ut le
commencement de l'annexion à la France, qui se lit par degrés. Dans le
groupe taïtien, les indigènes ont eu |iendan( la période du " prolecloi'at »
une j)art dir(>cle à la gérance de leurs inli'réls : uTie assembl(''e nationale,
coiuposi'e de {b'putés élus pour lidis ann(''cs |iar le suffrage universel,
siégeait à Papeeté; elle est remplac(''(! par un conseil général, (ju'élisenl l<>s
citoyens parlant français. Depuis 188(1, Taïli et les îles voisines onl été
déclarées possessions françaises. Dans les îles Marquises, le pouvoir est
exercé d'une manière absolue par le résident français, qui fait afficher ses
ordonnances sui' les arbres aux abords des bameaux ou poi'ter aux chefs,
devenus ses agents. A Mangareva, les prêtres catholiques régnaient encore
récemment au nom de la France, sur les îles presque dépeuplées; les
fennnes y étaient strictemeni séparées des hommes'.
La dernière île habitée à l'exlréniilé snd-orienlale des Tuamolou esl la
fameuse Pitcairn, dans laquelle s'établirent, avec des femmes taïliennes, les
matelots anglais qui s'étaient révollés en 1789 contre l'impitoyable Bligh
et l'avaient déposé' en pleine mer dans une chaloupe avec (|uel(pies com-
pagnons. Les rebelles s'étaient d'aboi'd rendus dans l'île de Tubuaï, mais,
api'ès de nombreuses aventures, ra|)ts. meurtres, guerres, ceux qui res-
taient firent choix de i'ilnl inhabile de Pilcairn, où ils constituèrent une
petite république ignorée du monde. Quand on lii la découverte de cette
communauté mi-anglaise, mi-taïtienne, où l'on parlait les deux langues,
et dans bnpielle s'étail c(mservée parliellemeni la cullure eui'(q)é'enne, une
' f';iiil Desciinnol, li'f: Inléirlu fiiinrais ilniis t'orciiii }'<iiifujuc.
044
MirVKI.I.H CKdCl; M'IIIF, TM VI- liSKI.I.i;,
curiosité syni|Mliii(|uc s"rvcill,i en Aii^lrlriiv : le ciiiiii' ilc ivliolliou dos
insiilaiios de Pilcairii lui oulilir; on ne vil plus on eux (juc dos compa-
triolos. ot les dons alTluôicnt. Ou sait que le gouveruomeut britannique
leur lit même cadeau d'une île fertile, Norfolk, comme champ tie migra-
tion : la plupart des Pitcairnicns acce|)tèreut (h'Iiniliveinenl rorfre(jui leur
avail ('U' faite; mais quebpies familles, n'ayaiil nu s'haliiluei' à leur nou-
velle patrie, sont revenue> à i'ilcairu.
I.'île de Pâques, ou Pià|ia nui, c'est-à-dire la ■' grande Uapa >>, l'ile
de lave (u'i l'on a trouvé les i< bois parlants » et les idoles dressées dans
iiivr^KiN-; poi.nii.irFs df, f
AIlL-iiin^MH- l'oilu-al rials-n
les rarin ou cratères des voh'ans, l'ut ainsi nommée ])ar son découvreur
liidlaudais lîoggeveen. Elle est comme perdue en jileine mer. à ■20110 kilo-
mètres à l'est de Pilcairu; aussi, (luoiqu'elle ait été de loin en loin en rela-
tions avec les autres îles polynésiennes, est-elle restée longtemps sans do-
minaleni's européens. Des ininiigrauls laïliens, auKMU's pai' un Fran(;'ais
qui l'esta plusieurs années dans l'île, ont peiniis à la France de reven-
diquer longtemps cette île comme faisant virtuellement |iartie de ses pos-
sessions océani(pies; elle est désoianais allribuée an (iliili. d(nil la Hotte
commande dans ces parages di'jii voisins de rAnn'riqne du Sud.
•juanl au\ îles situées dans le \oisinage même de l'i'ipiali'iir et même au
II.ES l'irCAllil. HAl'A. CIIRISTMAS. 'J45
11(11(1 (le lu liyiic, elles sdiil considéfées comme des terres anglaises, quoique
(les indiisliiels améficaiiis aient ét('' les uniques ex[)loiteui's des îles à
jiuano qui s'y trouvent et aient intime donn(5 à l'un des groupes le nom
d'Ainerica-islands : c'est le plus rapproché de l'archipel Havaïien, et l'une
de ses îles, Clirislmas-islaiid, est parmi les plus vastes de la Polynésie.
Le tableau suivant donne la liste des principales îles de la Polynésie
é([uatoriale, avec leur superficie, leur population, celles des groupes dont
elles font partie et leur juridiction [)olilique.
AlUJirl'LL- ou lERnES ISOLlîliS
SOUVERAIXEIÉS
OIT PPOTECTORATS.
ILES.
jn'EUFICIE
en kilom.
carres.
IHIPÏÏLATIOX.
Tonga (archi|iel îles Amis).
Archipel de Wallis.
.Niue. Inni ou Savage-island.
Samoa (archipel des Na\iga-
teurs).
Tokolau (Union)
Cook (Hervev).
Tubuai (iles Ausiralesl.
Allemagne et '
Angleterre.
Kraiiee.
Allem.; Angl.
Allemagne,
Angleterre,
États-Unis.
Angleterre.
France.
Tonga-laboii.
Ella.
Vavao.
Tofoa.
Autres îles.
Ensemble.. .
Futuiia (Hooriil.
Uvea (Wallis).
Autres îles.
Ensemble . . .
Savaii et îlo(s.
Upolu et îlots.
Tutnila.
Tau
Autres îles.
Eiisemlile. . .
liaratiinga.
1 .Maiigia.
1 Autres îles.
t Ensemble . . .
l'iibiiai.
l Ravaiva (VaviUio).
\ Mapa (O|iaro).
' A Mires iles.
1 Klls.MMble. . .
4'i2
171
145 }
55
.393
50 000 bail.
H86
50 0(10 hab.
115
96
90
2 500 hab.
5 500 »
2 260 11
501
8 260 hab.
94
5 124 hab.
1707
881
1.59
51
9
12550 hab. (1874)
16 568 »
5 746 »
2787
34 265 hab.
14
520 hab.
81
67
220
3 500 hab.
5 000 )i
3 000 )i
368
11 500 hall.
103
66
42
75
345 hall.
550 »
150 »
550 ).
286
1 .595 hall.
119
NOUVELLE GEOCiliAl'IlIE IM VEliSELLK
.uicri[i'iii,s ou TEimES is(
,,É.s.
SOUVERAINETÉS
DU PIIOTECTORATS.
II.ES.
SUPERFICIE
Cil kiloni.
l'Ol'ULATIO.N.
Raialea.
19.i
1 400 bail.
Taliaa.
82
700 »
\ S.
.■ Vl'Ml
Ta|iaiuariiia.
7."
1 653 11
]
Huahini'.
34
200 ,.
IIps <le 1;, Sucirirf
Vnuu:.. l
Boi-a-Boia.
24
800 »
Autres îles.
04
400 .,
(
Moorea (Einie(i).
\:,i
1427 ). (1880)
) Au
VCMI.
Taili.
1012
9 74:1 »
l'illl'llix.
Mmiuliiki.
Autres îles.
Ensemble. . .
llangiroa (Raiioa).
iiir.n
16 557 hab.
i2
011 bah.
1.-.7
1 600 bail.
00
Nalupe (Clermont-
TiKiriKildii ( l'oiiuilciii
, iirs
\
Tonneii-e).
lia,,.
40
50
4 000 bab.
l
liasses).
haiRc.
1
Anaa.
Autres îles.
Mangareva ((iani-
20
799
1
1
Lier).
24
1 500 '1
Wailni ( l{ii|iii nul ,
le (If
l'ileaiin.
Ensenilile. . .
•"•
96 1.(1881)
978
5 596 hab.
lis
600 bab.
IVuiucs).
Clilll.
Salu y Goiiiez.
Cliiisiniav.
4
2:>o
Kiiiiriiiig (AinriitM-isI
nuls).
.\Mjrl,.,ir.
F ling.
40
200 liali.( 1880)
Aulies îles.
17
Enseniltle. , .
' Nonka-hiva.
.j07 I 1)
482
1
Hiva-oa (Doniinieai
400
1
lliaou.
05
1
) Koa (Laiiou).
87)
)liin|uiscs.
Fruiice.
\ lauka
1 Fatu-hiva.
Taou-ata (Crislina).
Autres îles.
Ensemble . . .
Où
77
70
52
5 754 bail.
1274
3 754 bail.
KrisoiMlilc .1.'
la l'olyiK'sir iirit'Mlalr.
. . D'i-K) Kil. caiT
^s; 111 21
1 baliilHiils.
CHAPITRE XIT
ARCHIPEL HAVAIIEN
Les îles havaïiennes, jiliis coniuies sous le nom d'îles Saïuhvich, (Ioiiik'
par Cook en 1778, forment, dans la région nord-orientale du Pacifique, la
limite des terres océaniennes. Disposée en une ligne droite d'une lon-
liueur lolalf de 580IJ kilomètres, la chaîne des îles, des ri'cifs et des bas-
fonils se développe de l'ouest-nord-ouest à l'est-sud-i^st, parallèlement aux
archipels polynésiens du sud : au delà, vers le nord-est, on ne voit plus une
seule terre émerger des fonds jusqu'à la C(jle américaine; seulement,
près de l'extrémité occidentale de la chaîne des Sandwich, un écueil, le
Mellish-bank, se profile sous les eaux dans le même sens que le sillon prin-
cipal. Mais si les îles havaïiennes tei'minent nettement au nord-est le
monde polynésien, puis<pie des abîmes de 2000 et même de 4000 mètres
longent les écueils immédiatement au nord, elles sont bien séparées des autres
terres océaniennes, car au sud de l'archipel s'ouvrent des gouffres dési-
gnés par les dénominations de « fonds de Belknap » et « fonds d'Ammen »,
oîi les profondeurs dépassent 5500 mètres, line très faible partie du
sillon qui se relève entre les fosses du nord et celles du sud constitue l'ar-
chipel proprement dit, formé par l'extrémité sud-oiientale de la chaîne.
L'importance géographique de ce groupe est capitale, puisque les Sandwich
sont, du côté des Etats-Unis, le poste avancé de tout le monde océanien;
cependant aucun grand centre de population n'y a ])iis naissance : les
naturels, (jui diminuent en nombre, n'ont été encore (pie partiellement
remplacés [)ai' les immigrants'.
On sait que les îles havaïiennes avaient été vues |iar des navigateurs
' Siipeilicie et pu|iiil;ilii)ii ili's îles Sandwidi en 1S84 :
l(i y 16 kiloiuétrcs canes; 80578 habitants, suit h liahilanls pai' kiloniétre carré.
'.(48 NdlVELLE (lEOOHAPUIE UNIVERSELLE.
européens au moins deux siècles avant l'expédition de Gook. Dans leurs
voyages annuels du Mexique aux Philippines et leurs traversées de retour,
les galions espagnols suivaient des voies différentes, la première dans
le courant équatorial, la deuxième dans le contre-courant boréal , et
quoiipie leur itinéraire fût ordinairement des plus réguliers, des sautes de
vents des courants latéraux, des orages soudains, peut-être même la curio-
sité géographiipie d'un capitaine, peuvent avoir fait dévier les galions de leui-
route banale, et dans un de ces voyages les marins aperçurent les hautes
montagnes de l'archipel d'Havaïi, visibles par nn beau temps à 500 kilo-
mètres en mer. Toutefois le gouvernement espagnol garda par devers lui
la connaissance de ces îles, où des pirates auraient pu guetter au passage
les navires chargés d'or : ayant voulu être seul à s'attribuer le produit de
la découverte, il en a longleni])* perdu l'honneur. Cej)endant des cartes
antérieures à Gook mentionnaient déjà dans ces parages l'existence de
terres émergées; l'une d'elles, prise par Anson sur un navire espagnol,
montre sous la latitude des Sandwich, (juoique beaucoup trop à l'est, un
groupe d'îles appelées la Mesa, los Majos (Monjes) la Desgraciada'. D'autre
part, les insulaires ont de nombreuses traditions relatives aux visites de
navigateurs anciens. Un des étrangers, venu « dix-huit générations » avant
Kamehameha, (jui vivait au commencement de ce siècle, apportait avec
lui « une petite id(de » (pii fut admise dans le panthéon kanaque et pour
laquelle on bàlil un temple. D'autres blancs étaient des chefs, portant
l'épée, qui se couvrirent de gloire dans les guerres havaïiennes; d'autres
encore, jetés à la côte par un naufrage, se présentèrent en supidiants.
mais ils furent également bien accueillis et se marièrent à des femmes du
pays : des indigènes se réclament de leur descendance, et l'on dit qu'ils se
distinguent par un teint plus clair, des cheveux moins foncés que ceux des
autres naturels. Trente-sept ans avant l'ariivée de Gook, un navire esjia-
gnol, le galion Nuestra Seilora de CocadotH/o , échoua sur une des côtes de
l'archipel. Les morceaux de fer que Gook trouva dans les Sandwich avaient
été apportés par ces étrangers. Le nom que les Kanakes donnent aux
navires des blancs, moku, « île », date de l'époque lointaine où ils virent
pour la première fois ces masses énormes llottant à l'horizon.
Mais sans l'exploration de Gook, en 1778, les savants ne se seraient
point occupés de rechercher les traces des découvertes anciennes : c'est
à lui que revient en entier, du moins quant aux résultats, la gloire
' lli'oriii" Ansoii, Retntiiiit ; — G. île LapiTouse, Ynijdgc aiitniir ilii Monili\ — )lni'ili;iniL
Vofiafir fh( (I Soliilr i, niiloiir ilii Mande: — Jules R.-my, Kn Maoli'ln Hinniii. de.
DKCOUVKIiTE 1)1-: l/AliCIIII'KI, i(AVAÏIK>'. 1)4',»
(rnrraclicr les îles Havaïi à l'inconnu, de les avoir l'ail ciilrci- dans la
luinièi'c (le l'hisloire. (Jnand les navires anglais apparurent dans la haie
de Waimca, l'une des éclianciaues méridionales de l'Ile Kauaï, les indi-
gènes, saisis d'admiration à la vue de ces « forêts qui marchaient dans la
mer », ne négligèrent pourtant pas l'occasion de se [)rocui'er du fer par
le troc ou par le vol, et dès le premier jour un conflit eut lieu entre les
Kanakes et les étrangers. Heureusement (pie les navires de Cook mirent à
la voile presque aussitôt après pour la côte américaine. Dans ce premier
voyage l'exp^u'ateur n'avait vu ipie les trois iles occidentales de l'archipel
proprement dit, Niihau,Kaiiaï et Oahu; mais a[)rèsson départ la renommée
delà merveilleuse apparition d'une forêt flottante ou d'une « baleine ailée' «
se'propagea dans les grandes îles du sud-est, jusqu'à Havaïi, et quand, à
la fin de la même année 1778, les naturels de Maui aperçurent un beau
malin les deux navires anglais, ils comprirent aussitôt qu'un « dieu »
allait se montrer à eux. Hs le reçurent en effet comme un dieu, et même
les prêlres l'econnurent en lui l'une des divinités les plus redoutables de
leur panthéon, Lono ou Orono. Dès qu'il eut mouillé dans la baie de
Kealakeakua, vers le milieu delà côle occidentale de Havaïi, un j)rètre vint
sacrifier un cochon, en récitant des prières; puis, quand le capitaine
anglais débarqua, précédé par des hérauts, quinze mille hommes, que
trois mille canots, dit Ledyard, avaient apportés de toutes les [larties de
rarchi[)el, gisaient prosternés. Le dieu Lono, suivi de la foule qui mar-
chait à quatre pattes, gravit lentement les ïlegrés du temple et, ajirès
avoir été présenté à ses frères les autres dieux, qu'il embrassa, il se
laissa oindre par les prêtres d'huiles odoriféranles et reçut l'adoration
de ses nouveaux fidèles. D'après les récits de ses propres officiers, il
semblerait que le grand navigateur, enivré par les merveilleux succès de
sa carrière, ait complaisamment accueilli ces hommages, ces prières qui
moulaient vers lui. Plusieurs fois, pendant un mois de séjour, les scènes
d'apothéose se renouvelèrent, et jamais il ne tenta de s'y soustraire. H
en profita même pour Icvci- les labou qui le gênaient dans rex|)loration
de l'île et pour se faire apporter gratuitement des vivres et des offi'andes
de toutes sortes. Mais ses exigences dépassèrent la mesure et la violation
des sanctuaires souleva l'indignation générale; enfin l'enterrement d'un
marin révéla aux indigènes que les Anglais, eux aussi, sont mortels, et,
pendant une bagarre causée par le vol d'un canot, Cook, frappé par mé-
garde, poussa un cri : on com|irit qu'il n'était pas un dieu et un coup
Thmiismi. IScir Znilaitil ; — lliihillliMi. \nii(ili's ,li- la l'nipiifinlioii ilc lu Foi. I.Si|.
n;.o
NOI'VKLLR CI'OCUAPIIIE liMVEHSELLK.
(le ]i()i^iKir(l ri'lt'iidil iiiuil sui' la pla^e. Cependant la croyance en sa divi-
nilé |ieisista chez qneliines-uns, el ses ossemenls, conservés dans un tem|jle.
l'nreni longtemps adorés.
Après le voyage de Cook, Lapé'rouse, puis Vanconver visiièreni l'airhipel
Havaïien, et, dès l'année 1794, Brown Ironvail et ex|)l(nail le port de
Hoiioliiln, deviMin depnis le centre commercial des îles; de même (jue
(ioiik. il cul à payer sa d(''(0iiverte de la vie. Dès le commencement, du
dix-neuvième siècle, les diles de Saîidwich étaient connues, el les halei-
niers de diverses nali(nis, j)rincipalenieul américains, l'aisaienl du port de
Honolulu leur lieu de rendez-vous dans le Fa(;ilique boréal. Des mar-
chands, des missionnaires, des savants, s'étahlii'enl à demeure dans les
îles, et les indigènes eux-mêmes, prenant part aux recherches des Euro-
péens, contribuèrent bientôt à la descriptiim géographique de leur pays et
à la publication de leur histoire. Actuellement, l'arcbijiel havaïien est de
beaucoup le mieux exploré de toutes les terres de la Polynésie : la biblio-
graphie des îles Sandwich comprend des milliers de livres, de brochures
el autres documents scientifiques.
Aiii:iiiri:i, iia\\iik,n kt sks volcans. ii.m
IJiK' l(''j;rii(l(' kaii;i(|U(' qui l'ail iiailic raicin|icl d'iiii u'iil' iininciisc, ('•cla-
lant soudain au milipii de la mer', se ra]i|ioil(' probablement aux ancien-
nes éruptions de laves (jui ont réellement l'ait surgir les îles au-dessus des
flots. La rangée volcanique des Sandwich repi'oduit, mais en sens inverse et
en proportions beaucoup plus grandes, la formation des iles Samoa. Dans
la chaîne des iles septentrionales, connue dans celledes terres équatoriales,
le plus haut massif montagneux est >itiié à l'extrémité de l'archipel, et à
partir de celle borne angulaire énorme les iles "diminuent en dimensions
vers l'autre extrémité, jusqu'à n'être plus que de simples récifs à peine
émergés. L'énergie des foyers volcanicjues s'amoindrit dans le même sens.
car c'est dans l'île majeure, Havaïi, (|ue se dressent les plus hauts vol-
cans et que s'ouvrent les chaudières de lave bouillonnante. Les autres îles
sont également hérissées de pilons à ci'atères, mais les phénomènes d'in-
candescence y sont très faildes ou même ne se révèlent plus que par des
eaux thermales; les volcans on! perdu leur force primitive, sous l'ac-
tion de l'air et des pluies; dans les dernières îles, vers le nord-ouest,
les cratères et les coulées de laves sont devenus tout à fait indistincts, et les
scories, changées en terre végétale, se recouvrent d'une végétation magni-
fique. Évidemment ces foyers occidentaux sont éteints depuis des âges
très anciens. Pour la même raison, les récifs coralligènes sont beaucoup
plus nombreux sur le pourlour des iles du nord-ouest que sur les côtes
de Havaii, oili des gaz délétères, jaillissant du sol, empêchent le dévelop-
pement des polypiers.
IjCs trois faces de la gi-ande île méridionale diffèrent de forme et d'as-
pect. La côte occidentale, celle que visitèrent les navires de Cook, s'élève
par une pente très rapide, mais assez régulière, jusqu'au socle qui poite
les volcans de l'île. La côte méridionale, d'un versant doucement incliné,
permet de gagner sans trop de [teine les plateaux de l'intérieur, tandis <pie
le littoral tourné vers le nord-est est coupé par de bi'usques falaises (pie les
eaux des torrents interrompent de distance en distance par d'étroites
gorges. C'est la seule partie de l'île où se soient formés des cours d'eau :
partout ailleurs, l'humidité disparaît sons les amas de cendres qu'ont
rejetés les cratères des montagnes.
Le volcan du sud, appelé Mauna-Loa ou la i< Grande Montagne », élève
son d()me régulier à 4145 mètres de hauteur, soit à un millier de mètres
lui-dessns de la zone de végétation. Ainsi le volcan de Sandwich dé|)asse de
plus de 400 mètres le superbe pic de Teyde, dans les Canaries, souvent cité
' Williams, iS(in-iilii'c' o( Missuiiininij lùilcri>risi'.i in Ihe Sonlli xcd in/aiids.
flo'J
NOUVELLE (;ÉOi;iï\l'IIIE LNl VEKSELLE.
(■(iinmt! le géant des mers. Le cnitère ou |)lut(U le groujM' de cialères
désigné spécialement sous le nom de Mokuaveoveo s'ouvre au sommcl
même de la montagne, de manière à former une excavation syméti'i(|ue,
disposée dans la direction du sud au nord. Au centre se creuse le gi-ind
cratère primitif, dont le diamètre moyen est d'environ deux kilomètres et
demi, tandis que la profondeur dépasse 500 mètres. C'est encore le cratère
le plus actif, et des buttes de scories, les unes en ignition, les autres
éteintes, s'élèvent du fond de cet aLîine. Au nord cl au sud de ce gouffre,
deux terrasses en hémicvcle. plus hautes de l.")»» mètres, figurent deux
tiic:s hi: maina-i.i, i i:t m. km. vil v
ÛL^estd-
^ii,
moiti(''s de cratère, inscrites, pour ainsi dire, sur le pourtour de l'orilice
cenlial. iLulin, aux extrémités de l'axe d'éru|)tion, deux coupes moins pro-
fondément creusées dans le dôme de lave terminent régulièrement la
rangée des cratères. Des coulées se sont épanchées des bords mêmes du
gouffre de Mauna-Loa : ainsi en l(S43 un flot se dirigea vers le nord-
est, pour se bifurquer à la base du Mauna-kea en deux courants secon-
daires, qui s'arrêtèrent l'un et l'autre sur les plateaux. En 1880, une autre
coulée s'échappa du même point, épanchant dans l'esjiace de six jours un
Ilot brûlant d'environ 700 millions de mJ'tres cubes.
En 1852, une autre cheire recouvrit le versant oriental jusque dans les
légions cultivées de la côte et rasa quehpies villages à 400 mètres d'alti-
tude. Mais ce sont pour la plupart des oiilices qui s'ouvrent à une grande
VOLCANS llK II \ \ \ïl. U5:,
(lisliiiicc lui-ilcssdiis (lu (l(~ini(' sn|)(''rii'iii- du noIcim i|iii (Icviciiiiciil les
émissaires du l'oyor souleriain. C'esl airiNi (jii'iiii llciivc de. lave suruil
en ISoo des \ersants du nord-esl e( liiiil par allcindic la plaint! de Hilo
à une faible distance de la mer. après avdir i-eeouverl de ses nappes
fissnrées un temloire de 7^0 kilomèlres cairés'. Trois ans plus tard, une
autre bouche s'ouvrit à 10 kilomètres au nord du grand cratère, et la
COULEE DE LAVES DU KILAUEA.
jlrsvii, ,ic \. Slom, d':ipn-s uni' |>h..ln^inpl]i,-.
double ciiuli'c (pii en sorlil se reploya à l'dueNl poui' combler à demi la
baie de Kiliolo.
Sur les lianes orientaux du Mauna-Loa s'ouvre l'immense cuve laté-
rale du Kilauea. dont les bords sont à 1210 mètres d'altitude. Le Kilauea.
(|ue l'on croyail être la demeure de la formidable di'esse Peb', est un
abinie pres(jue circulaire d'environ 1") kilomètres de tour et d'une pro-
fondeur variable, suivant le mouvemeni des laves qui bouillonnent
dans le fond. D'ordinaire, une parlic de la cliaudière seulement est en
Itidh'lin (le In Snrirli- ,lr Crniiviiiihio roiiniidrialr dr B'irilraii.r. 1881.
XIV. l'iO
0;.4 NOIiVELLK <;(• 0(;M A l'Illl- rMVKIiSKI.U:.
(■Iiiillilioii cl les niveaux successifs auxquels atteignit la lave sont disposés
.sur le pourtour de la fournaise en terrasses noires de largeur inégale, rocs
tiges qu'une nouvelle ascension de la fonte basaltique liquéfie encore el
ti'unsforme en lacs de feu. Il n'y a point d'exemple, pendant ce siècle, que
des laves fluides se soient é|)anchées directement de la chaudière du
Kilauea ou des autres puils de feu qui la prolongent vers l'est; toujours
la chaleur souterraine a fondu les roches profondes, et c'est à une grande
distance au-dessous que s'est fa il jour le fleuve hrûlanl. L'un (l'cux, (|uc
l'on croit être issu du Kilauea par des galeries cachées, s'esl écouli', en
1868, à près d'une centaine de kilomètres au sud-ouest, puis, arrivant au
bord de la falaise, est tombé en cascade de feu dans la mer: une pyramide
de laves, que de imuveaux apports ont rattachée à la terre, a l'ormé ainsi
en pleine mer la pointe de Ka-lai'. Ttana évalue à plus de cinq milliards
de mètres cubes le torrent de lave (jui s'écoula dans l'un de ces débor-
d<'ments. Les matières fondues de ces volcans sont d'ordinaire d'une
extrême fluidité et descendeni snr les |ienles sans que dans les villes du
pourlour insulaire on entende le moindre hniil. n'ajirès Dana, on ne ver-
rail pas ti'ace de l'aclion des eaux sah'cs dans les suhslaïu'es chimiques
d(''p()sé'es dans les cheires : les inlillralions d'emi douce sufliraienl donc à
expli(|uer l'écoulement des laves.
Au noid-ouesl de la " (irande Monlagne '.don! la masse recouvre un
espace de près de 5000 kilomètres cm i(''s, un autre mont, beaucoup moins
élevé, verse parfois des laves dans la nu'r occidentale : c'est le Mauna-
llualalaï (2522 mètres). Les autres sommets de Havaïi n'ont plus de bou-
ches fumantes. Le principal est celui du nord-est, qui se dresse à une
bailleur plus grande encore que le Mauna-Loa : son nom même, Mauna-Kea
ou la « Montagne Blanche », décrit l'aspect de la cime, qui pendant plu-
sieurs mois de l'année reste drapée ou striée de neige. D'après les nivelle-
ineiils officiels, l'altitude du pic suprême est de 4208 mètres : sur la Terre
il est peu de sommets que l'on puisse apercevoir de la mer se dressant
ainsi à plus de 4 kilomètres dans le ciel. Du port de Hilo, à la base orien-
tale du volcan éteint, on distingue parfaitement les bords dentelés du
cratère, se prolongeant du nord au sud sur un espace de plusieurs kilo-
mètres : si les talus de la montagne se continuaient régulièrement jus-
qu'au sommet, le Mauna-Kea dépasserait la hauteur de 6000 mètres. Le
Kohala, cône d'un millier de mètres, est situé à l'extrémité septentrionale
de l'ile, sur le prolongement exact dn Mauna-Kea : son cratère est
depuis longtemps oblitéré.
Havaïi se continue an nord-onesl pai(juatre iies nioiiliieuses etquelques
VOLCANS DE IIAVAII.
1)57
ilnis (|iii fdiisliliiciil (hiiis l'ensemble (If l'aieluiH'l un ;ii(lii|)ei secondiiice.
Cliacuiie (le ees leires a ses voleans, j)ro|)ortionnels en hanlenr à la yiaii-
cleuf (le l'île; le nionl U'. plus ('levtî est eeini qui rempli! de sa masse
éditique (510!) mi^'lres) la parlie nK'i'idionale de l'ile ifaiii, le Ilalealiala ou
« Maisini du S(deil )■ ; son eralt-re esl immense, l'un des plus grands (uii
OceQ-td^ Pan:
C Perron
se soieni mainleniis avee leur prolil ivgulier : l'ouilel e\l(^'iieur n'a pas
inoins de 25 kilomètres en eiironiï'rence et la jirtd'ondeur du gourfre
dépasse 600 mètres. Les récils n'ont guère pu se former sur le pourlour
de cette montagne, sans doute à cause des émanations sulfureuses des vol-
cans, landis (jue la jparlie sepienlrionale deMaui, massif pi'es(|ue dislincl.
UbS MUM-.I.I.K l,l-(l(,ll.\l'IIIK l.M\KliSKLIj:.
csl oiiviruiincc de |ioly[ii('rs '. L;i huijiuo de !>iiljle qui réiinil lo deux
moitiés de Maiii n'a que 2 mètres à l'endroit le plus élevé : c'est une
simple plage qui se détruit et se reconstruit sans cesse. Le vent alizé ([ui
passe sur le versant nord-oriental de l'isthme en emporte les sables en
nuages blancs, pour les laisser retomber au delà, sur le versant du sud
ou même dans la mer; des embarcations qui passent au loin, ou voit
constamment la nuée poussée par les rafales. Et malgré cette action
continuelle du vent et le déplacement incessant des sables, l'isthme garde
sa forme primitive : d'un côté, la mer apporte assez de matériaux poui'
reconstruire la plage; de l'autre elle en emporte assez [lour que la terre
n'empiète pas sur les eaux du golfe.
L'île d'Oahu, qui succède au groupe de Maui. occupe une superficie
moindre, mais elle est parsemée de buttes volcaiiirpu's dont les couj)es
terminales sont encore faciles à reconnaître. Enlin, Kauai, Mihau cl
Kaula, qui achèvent au nord-ouest la rangée des grandes îles, ont aussi
leurs volcans, dont l'un n'a pas moins de 1800 mètres en hauteur. Au
delà, les îlots qui se prolongent, eu traînés à plus de 5000 kilomètres
dans la direction du Japon, sont probablement aussi des volcans; mais on
n'a pu reconnaître de laves que sur un petit nombre de ces terres émer-
gées. Dans le dernier massif insulaire de grande surface, Kauaï, une
i-angéede dunes qui longe la rive au sud-ouest sur un espace de deux kilo-
mètres et demi, est composée de sables sonores, pareils à ceux que les gra-
visseurs du Sinaï entendent chanter sous leurs pas : quand on se laisse
glisser du haut en bas des talus, les vibrations musicales de la dune
retentissent comme celles d'un orgue puissant. Les traces de l'exhaus-
sement des îles sont nombreuses : çà et là on rencontre d'anciennes plages
situées à différents niveaux sur les pentes des montagnes. Dans une des
îles du grou|)e de Maui un banc de corail, moderne en apparence, se
développe sur une assez grande longueur à loO mètres au-dessus de la
mer; à Kauaï, une autre berge coralligène, moins distincte, (puiique
reconnaissable, contourne le grand volcan à l'altitude de 1200 mi'Ires.
Depuis l'année 1794, on a constaté (pie les écueils du pori de Honolulu se
soiit exhaussés de plus d'un mètre, au grand désavantage de la navigation.
L'archipel Sandwich ne dépasse la ligne tropicale du noid que par ses
récifs occidentaux; toutes les îles qui consliluent le groupe propicnieni
dit sont encore sous la zone torride, dans celte partie de l'Océan que l'uii
appelle « mer du Sud >', avec le sens de " uier des chaleurs ». llavaii
' DiiiiH, Uiiid-dStiitr.'i E.ipU,n,ni E.ipcHilioit.
Vm.CA.NS, CLIMAT llK l.'A IICII I l'KI. IIAVAIIKN. '.)M
osl traversée par le 20" degré de lalitude. Ouoique la lenipéraliue soil
moins élevée sur les côtes des Sandwich que dans les îles Fidji et Samoa,
elle est pourtant très forte dans les -parties bien abritées du littoral, dont
'air n'est pas renouvelé par les alizés du uord-ouesl. La temjtérature
moyenne est de 21 degrés centigrades à Honoluln; pendant douze années,
la plus grande chaleur n'a pas déj)assé 52 degrés, tandis (jue les pires
iVoids ont été seulement de 11", 5 : ainsi l'écart entre les extrêmes est
d'environ 20 degrés. Naturellement les températures sont beaucoup moin-
dres sur les plateaux de l'intérieur: le climat de ces hantes régions res-
semble à celui de l'Europe occidentale.
Les pluies sont abondantes dans l'archipel havaïien, d'un mètre et demi
à deux mètres, sans que pourtant on puisse les comparer à celles de
rinsulinde. Les vents alizés du nord-est, qui soufflent avec une grande
régularité les trois quarts de l'année, ajtportent de temps en temps avec
eux des averses bienfaisantes; mais peiulanl l'hivei', alors que fout le
système des vents est ramené vers le sud j)ar la marche du soleil, il
arrive que les contre-alizés descendent du haut de l'espace et viennent
frapper les pentes sud-occidentales des îles. Ces vents, chargés de vapeurs
puisées dans la région des calmes tropicaux, sont fréquemment accom-
pagnés d'orages : on dit que les indigènes n'ont pas de mot dans leur
langue pour désigner le mauvais temps, mais les kona ou ruptures d'écjui-
libre des vents alizés n'en sont pas moins de violents troubles atmosphé-
riques. Dans l'ensemble, le climat général d(!s îles Sandwich est l'un des plus
agi-éables et des plus salubres de la Terre, et, malgré la distance, 'nombre
de malades d'Europe et des Etats-Unis sont allés y restaurer leur santé.
Bien que les kona apportent soudain de fortes quantités de pluie, ce
sont pourtant les vents réguliers qui, à la fin de l'année, ont déversé
la plus forte part d'humidité, et, en conséquence, les deux côtés des îles
présentent dans leur aspect une différence considérable, due à celle des
pluies tombées; les rivages de l'ouest, notamment dans Havaïi, ont
gardé leurs aspérités premières, tandis que les côtes orientales, abon-
damment arrosées, ont une épaisse couche de terre végétale à la surface
de leurs scories. En certains endroits de la montagne, dans l'île d'Oahu,
on a mesuré près de sept mètres de pluies annuelles ^
Les courants océaniques des parages havaïiens varient avec les vents qui
les poussent. Le mouvement général des eaux se porte au sud des îles
Sandwich dans la direction de l'est à l'ouest avec le grand courant équa-
' I!. (,ii|i|.s, ri,c Snloiiioii ixlnnds.
yen n'oiveij.e oéographie universelle.
toiial; ;ui iionl des îles, l;i iKijipe marine est entraînée en sens inverse.
L'archipel est done ])laeé dans la zone médiaire entre les denx eonrants;
il en résnlte qn'il sulTit d'nne faible oscillation dans un sens ou dans
un autre pour moditier la direction de l'eau et que les îles se trouvent
sur l'une ou l'autre des voies naturelles de l'Océan : ainsi s'expliquent
les voyages d'épaves ou de bateaux désemparés qui viennent, les uns des
îles japonaises, les autres des côtes américaines ou des archipels polyné-
siens. Quant aux marées, d'ailleurs assez faibles, puisque leur ampli-
tude ne dépasse guère un mètre en moyenne, elles ont longtemps déroulé
tons les observateurs. Leur marche paraît régulière pendant quelipie
temps, puis elles changent d'allure, tantôt rapprochant, tantôt diminuant
leurs intervalles. Ces anomalies apparentes sont désormais expliquées.
Quand la lune traverse la ligne équinoxiale, deux marées à peu prJ's
égales se suivent dans les vingt-quatre heures; mais à mesure que la lune
s'éloigne vers le nord ou vers le sud, l'une de ces marées devient beau-
coup plus forte que l'autre, jusqu'au moment de la déclinaison extrême,
oii il n'y a qu'une seule marée appréciable : en déclinaison boréale, la pre-
mière marée est la plus forte; en déclinaison australe, c'est la seconde.
La flore naturelle des îles Sandwich n'est pas aussi riche que ])Ourrait
le faire espérer la haute température moyenne de la contrée et la fertilité
du sol. AvanI l'arrivée des Européens, elle était très pauvre en com-
paraison de celle des continents jouissant des mêmes conditions clima-
ti(|ues, el sur une grande partie de leur pourtour les îles ont encore un
aspect de nudité. Dans l'étroite zone du littoral, on voit seulement des
groupes de cocotiers et de deux autres espèces de jialmiers, des arbres à
pain, dont les fruits sont très inférieurs en qualité à ceux des îles Marquises
et de Taïti, et quelques autres arbres indigènes, entre autres Valcurites ou
Inikni, dont les branches, pleines d'une substance oléagineuse, [servaient
jadis, et servent encore, aux Sandwich comme dans les autres îles orien-
tales de la Polynésie, à l'éclairage des maisons : les indigènes n'ont pas
d'autre mot que le nom de cet arbre pour désigner une lampe. Plu-
sieurs plantes exotiques, venues avec les étrangei's, envahissent peu à peu
la zone du littoral et en égayent l'aspect : telles sont les ricins, les daturas,
le xanthium, l'indigotier. Dans les vallées profondes el bien arrosées qui
s'ouvrent entre les montagnes à quelque distance du littoral, la végétation
naturelle est beaucoup plus abondante et les cultures sont plus variées :
c'est là que l'on rencontre le halapepe (brenchleya), asparaginée gigan-
tesque, d'un port superbe, dont le feuillage ressemble à. celui des pan-
danns : les indigènes adoraient autrefois celle piaule. D'une manière
CLIMAT. FIJIHK, FATM-: llK I.' A IICII I l'KL IIAVAIIKN. U(il
générale on peut dire ([ue la flore des îles possède plus d'espèces ligneuses
que d'herbes; plusieui's genres qui, dans les clinials tempérés d'Europe,
ne sont représentés que par des lormes annuelles, sont arborescents dans
les Sandwich: c'est ainsi (|u'un chenopodium devient un arbre véritable'.
La zone forestière, qui s'étend sur les pentes des monts jusiju'à 2000 mè-
tres d'altitude, est caractérisée, comme celle du littoral, par de nom-
breuses essences ligneuses, myrtacécs et autres; on y voit aussi un rumex
géant, dont les tiges se développent en lianes à la hauteur des plus grands
arbres. La zone montagneuse, que l'on atteint an-dessus de 2000 mètres
dans les îles élevées de Maui et de Ilavaïi, n'a guère que des arbustes, et la
zone alpine, celle des sommets, n'offre que des graminées et des lichens.
La faune spontanée est très pauvre en mammifères : comme toutes les
îles éloignées des continents, l'archipel Sandwich n'a qu'un petit nombre
d'espèces endémiques. Avant l'arrivée de Cook, les habitants n'avaient
(|ue le chien, le cochon et la poule pour animaux domestiqués, et très
jirobablement ces bêles avaient été introduites par des colons peu de siècles
auparavant; la souris et une espèce de chauve-souris, telle était la faune
supérieure des îles. Les reptiles n'y étaient représentés que par trois petites
espèces de lézards. Les oiseaux indigènes ne sont évalués qu'à une qua-
rantaine de formes aquatiques ou aériennes, et dans le nombre il n'est
pas une seule espèce de chanteur. Le plus aiqirécié de ces oiseaux est le
(Irepanis pacifica, l'oo des indigènes, que l'on trouve çà et là dans la
région i'orestièi'e, et qui porte près des épaules, au milieu de sa r(d)e du
plus beau noir, quelques petites plumes jaunes, fort recherchées jadis
|)our la parure des chefs : le manteau de Kamehameha I", auquel on avait
travaillé pendant neuf générations successives, était entièrement fait de
ces plumes d'oo, fixées sur un filet à mailles serrées^ M. Remy dit que le
pou et la mouche ont accompagné le Kanake dans l'archipel, tandis que] la
puce, le moustique, le scorpion, le centipède, sont d'introduction relative-
ment récente. Les ruisseaux des îles étaient |)i'es(jue sans poissons ; mais
les mollusijues y vivaient en mullitudes, cl le genre achatinelle, dont
ipHd(pH^s espèces, à charmante coquille, pullulent sur les feuilles des
arbres, tandis que d'autres p{''nètrent dans la terre, n'a pas moins de trois
cents variétés dans l'archipel : nul autre endroit du monde n'est aussi
riche en mollusques de ce genre. Les mers voisines abondent eu cétacés,
en poissons et autres organismes.
< Jules Remy. Kn Mmilrh, lUiniii.
- .1.' Jaclison .tii'vi's, llixlurii nf Un' ll<nriiii(iii m- Sinulirich-islanilx
9(52 NOrVELLE C ElKi li A l'IllE INI VERSELLE.
Les Havaïions oui doiiuis l<iiigleni|is jicidu leurs mœurs unlionales, qui
rossemblaieni à celles de leurs frères de race, les Maori de la Nouvelle-
Zélande et les Polynésiens équatoriaux. Il y a déjà plus d'un demi-siècle
(jue les cérémonies religieuses sont aliaiKloiiiK'os : les indigènes regardent
les ruines de leurs sanctuaires d'autrefois avec autant d'indifférence
religieuse que les Gaulois de nos jours se promenant entre les jtierres
de Karnak. En IcS'iO. i|uand les premiers missionnaires proleslanls
se présentèrent devant Ilavaïi, la plupart des indigènes, subissant l'in-
lluence des matelots et autres visiteurs étrangers, avaient déy,\ cessé
de croire à leurs dieux nationaux et des guerres religieuses avaient
éclaté. Puis, lorsque les missionnaires eurent converli officiellement les
chefs des insulaires, tous les sujets durent suivre la loi des maîtres, et les
lois les plus sévères, basées strictement sur le Décalogue, furent édictées
contre tous ceux qui ne se conformeraient pas aux prescriptions nouvelles,
surldul contre les « Ijlaspbémaleui's » et les « violaleurs du sabbat ».
Toute la population bavaïienne fût devenue une grande communauté
méthodiste, si des prêtres anglicans et des catholiques français n'étaient
venus disputer le pouvoir aux premiers missionnaires. Les rivalités reli-
gieuses, suivies de révolutions locales et de l'intervention des puissances
étrangères, troublèrent pendant longtemps les populations de l'archipel;
mais la paix est aujourd'hui rétablie entre les fidèles des différents cultes,
et même une troisième l'eligion, le bouddhisme, a pénétré dans les îles
Sailli wicli. Les Mornioiis (iiit essayé également de recruter des jiai'tisans
dans l'archipel, mais sans gi'and succès.
De même que dans la plupart des îles polynésiennes la |i(ipulali(in indi-
gène décroît d'une manière constante dans les îles Sandwich. Il est vi'ai
que les évalualioMs de Cook sur le nombre des naturels qui se ])ressaient
autour de lui étaient exagérées : à celte époque l'archipel n'avail point
400 000, ni peut-être même 500 000 bal)itants; mais en 1790, alors
que le mouvement de dépopulation était déjà très rapide, il est certain
que les îles avaient encore plus de 200 000 individus. Depuis loi-s,
chaque recensement indique une diminution des Kanakes', et ce qui
prouve que la race elle-même est frappée, c'est' que les femmes' suc-
coniliciil les premières. Tandis qu'elles dépassent les hommes en nombre
fK'ciYiissMTioiil ;;riiilM('l des Kiiiiiikos, do 1778 :\ IS8i:
1778 riOflOOO
■1790 20(1(100
1852 . 1.-)0 51."j
IS.'B 10S7.V.)
I8Ô0. . 84 1(55
18(iO 07 084
1878 «098
1881 iOOli
l'KI'l I.ATIll.NS UE i; AKCIIII'KI, Il A \ AIIK.N. !J(k)
dans la jilii|iai'l dos (•(inli-irs de la TcriT. elles 'ne les égalt'ul pas ilaus les
iles Sandwich. Jusqu'à une é[Joque réceale, le flot des iuimii^iaiils ne
compeusail pas les perles causées par la disparilioii des indigènes. Mainlc-
nanl h; vide commence à se coiiihlcr, par raiiiv(''r de plus en plus considé-
rable des étrangers, et déjà les Kanakes sont en niinoiilé dans le pays de
leurs ancêtres; il n'est pas douteux que, dans un avenii' [jrochain, ce qui
reste de la race originaire aui-a disparu, par suile du mélange des sangs
avec les iinmigranls de loule nalioiialilé. Aux divei'ses raisons (|ui l'ont
diminuer dans la jiluparl des îles les nalurels polynésiens s'est ajoutée
depuis l.SlS, une maladie terrilile que l'on dit avoir été importée par ceux
des immigi'anls qui seront sans doute les principaux remplaeanls de la
nation mourante. Ce Iléaii est la lèpre, connut! dans le pays sous le nnin
de mai pake ou « maladie chinoise ». C'est par centaines (jue les indigènes
ont été atteints de l'inguérissable mal. Dès que les premières alleiiites (\i'.
l'infection sont constatées, le malade est transporté dans l'île de Molokaï,
à moins ([u'il ne réussisse à s'enfuir vers les États-Unis. Itans la vasle
prison insulaire vivent huit cenis de ces malheureux, se promenant
eu toute liberté et pourvus des conforts de l'existence, mais condamnés à
ne jamais sortir de l'île, dans la(|uelle des missionnaires caUndiques se
sont enfermés avec eux : une expérience horrible, l'aile récemment sur un
condamné à mort, a établi d'une manière concluante la contagion du
Iléau. Parmi les Kanakes sains et de sang pur il en est encore qui donnent
une idée de ce (pie fut autrefois la nation, (juaiid les sauvages parcouraient
librement les plages dans leur lière beauté. Tous les voyageurs parlent avec
admiration de ces courses de chevaux, aujourd'hui interdites, oîi le prix
était disputé par de hardies écuyères kanakes, à la robe et à la chevelure
llottantes.
Ce n'est pas en colons libres, c'est en « engagés » que sont \enus les
Chinois, qui nniintemint sont propoitionnellement si nombreux dans les
îles Sandwich. Les grands feudataii'os terriens du royaume les ont impor-
tés pour cnlliver leurs champs de canne à sucreel leurs autres plantations,
et, de même que dans les autres archipels, ils les ont fait venir seuls, sans
famille. Arrivés dans les terres hava'iiennes, quelques-uns d'entre eux
réussissent à trouver des femmes kanakes et créent ainsi une race mélisse,
celle des Hapa-Paké ou « T)emi-Chinois .1. (pii, jinr l'asiiecl physique,
ressemblent en général beaucoup [dus au pi're (pi'à la mère. D'après
1 usage, les lîUes issues de ces unions suivent la destinée de leur mère,
tandis que les ganjons sont élevés comme de vrais Chinois; lorsque le
pèi'e l'enlre dans sa pairie, il prend loiijoiirs le lils avec lui, aliamloii-
U(i6 iNOTl VELI.E MIKOi; IIA l'Il I V. UN I VERSELLI-;.
luiiil la jiailic téminiiic de l;i l'amillc. Mais un liraïul nonilirc d(?s engagés
chinois qui onl_ fini le service de cin(( années stipulé par leur contrai
restent dans le pays, délaissant presque tous l'agriculture pour aller
s'établir dans les villes on les villages, comme artisans ou liouliquiers.
Des Japonais, des Polynésiens de diverses îles sont également engagés
pour les plantations des Sandwich; mais, parmi ces immigrants, les plus
nombreux, après les Chinois, sont des insulaires que l'on ne s'attendrait
point à trouver si loin de leur mère, patrie, des Portugais açoriens. Mieux
que tous autres, ces paysans lusitaniens peuvent s'accommoder à leur nou-
veau milieu : vivant sous une latitude différente d'une dizaine de degrés
seulement de celle des Sandwich, habitués aux saisons d'un climat ana-
logue, retrouvant à Ilavaïi le s(d et les plantes de leur pays, ils changent
à peine de patrie en quillant l'Allantique pour le Pacifique. D'année en
année leur nombre s'accroît, et des services réguliers de bateaux ])0ur les
émigrants sont établis entre les Açores et les Sandwich'. De même que
les Chinois, les Portugais contribuent à créer la classe des artisans à
Ilonolulu et dans les autres villes. L'augmentation annuelle de la popu-
lation est de plusieurs milliers par an, les arrivées d'étrangers dépas-
sant de beaucoup les départs'. Mais plus les immigrants affluent, plus
diminue la proportion des femmes : ensemble elles ne dépassent guère
le tiers de la pojmlation totale', et l'on comprend quelles funestes con-
séquences a celle différence des sexes pour la moralité.
C'est princi|ialcmeiit à la culture du'sucre, comme denrée d'exportation,
et du riz, comme denrée de consommation, que sont employés les bras des
engagés étrangers. Grâce à la libre entrée du sucre havaïieii aux Etals-
Unis, la culture de la canne, introduite dans l'archipel par des convicts
australiens, s'esl prodigieusement accrue : la récolte jotale des cent plan-
tations établies dans les deux grandes îles du sud dépasse en moyenne
50 000 tonnes; à cet égard l'archipel des Sandwich j)récède la Réunion,
la Guadeloupe, la Martinique, Natal, Saint-Domingue et d'autres colonies
sucrières depuis longtemps cultivées'. Les iles havaïiennes produisent
' l'iiiHihilioii ilrs iles Sniiilwicli Cil t8S4 : 80 .'l'S habitants.
Portugais 9.577 liai).
Ainéi'icains 2 006 »
Autres t'tiaiiKers 6 96i »
Kanakes 40 014 hali.
Demi-caste 4 218 »
Chinois 1 7 959 »
= Arrivées de 188Ô à 1880 : 27 98r);'(lé|)ails : 12470. Surplus des arrivées : 15515.
' Proprolion des sexes dans les îles Sandwich en 1884 :
5t 559 lioinines ; 29 059, femmes.
* Exportation du sucre des îles Sandwich en 1885 : 77 021 tonnes, d'une valeur de 50 186000 fr.
l'on i,ATiiiNs. cDMMr.iici: iii: i/ai!<;iiii'i:l iiavaïif.n. %7
iuissi (lu cfilV', tlii coton, ilii tahnc, mais en faible quantité, et le taro.
jadis la nourriture par excellence, est en grande partie remplacé |(ar le
froment, (pi'on importe de l'Amériipie du Xord. La pèche de la baleine
et du cachalot, si importante pendant bi première moitié de ce siècle, a
cessé d'être fructueuse; mais l'élevage du bétail prospère. Les quelques ani-
maux domestiques laissés par Vancouver ont peuplé les îles, et même une
partie de leur descendance est redevenue sauvage. On chasse les sangliers
et les chèvres dans l'île Havaïi; ailleurs on élève des troupeaux de
brebis et de bêtes à cornes ; partout où le sol est déboisé, une herbe
envahissante, lemenercia, s'empare du sol et forme d'excellents pâturages.
Kauaï est le « jardin » de l'archipel. L'île Mihau n'est guère qu'un vaste
parc de bétail appartenant à une riche famille étrangère.
En vertu d'un traité de réciprocité commerciale, le commerce est pres-
que exclusivement entre les mains de négociants de l'Amérique septen-
trionale'; même avec l'Eui'ope, les échaiiges se font surtout parla voie
des États-Unis : grâce au chemin de fer transcontinental de New-York à
San-Francisco, le voyage de Paris àHonolulu ne dure que vingt-cinq jours.
Un mouvement considérable de cabotage, par chaloupes et petits bateaux
à vapeur, se fait entre les îles^; en outre, les planteurs disposent dans les
îles Havaïi et Maui de quelques lignes de chemins de fer' pour le trans-
port de leurs denrées. Service postal, télégraphes, téléphones, les insu-
laires des Sandwich possèdent tous ces avantages matériels de la civilisa-
tion moderne dans une plus large mesure que la plupart des populations
euro|iéennes. Il n'y a pas un seul indigène au-dessus de sept ans, homme
ou femme, qui ne sache lire, écrire et calculer. Le jury de l'Exposition
universelle de Paris, en 1S7(S, a doiuK- à Havaïi le grand prix pour le dé-
veloppement de l'instruction primaire. La race est « curieuse de savoir », dit
Jules Piemy. Elle est iière aussi, amoureuse de son indépendance. « L'air
du pays est libre », suivant le proverbe havaïien.
La plus grande île. Havaïi, n'est pas celle où se trouve la cité la
plus p(qiuleuse. Hilo, le chef-lieu, est situé sur la côte nord-orientale,
au bon! d'une baie largement ouverte vers l'alizé du nord-est et partielle-
' Expoi-lalimis en 1886 : 54 80.j 000 fiaiics. doiil .j1 808 000 francs de sucre.
Importations ii 25 852 000 »
Enseinl)le des échanges en 188t) : 80 657000 fiaiics. dont 74 897 000 avec les États-Unis.
- Mouvement de la navigation de l'archipel havaïien en 1886, à l'entrée et à la sortie:
620 navires, jaugeant 444 750 tonnes.
Flolle connneniali' de l'archipel :
58 navires, jaugeant l.ï 529 tonnes.
5 i:iieuiius de fer ile^; îles Sandwich en 1887 : 51 kilomètres.
IKiS
XOrVEM.K IIKOCIIAIMIIK l'M VKRSEI.I.K.
nient comltléo par les alluvions; les jihuilalions sucriî'rcs tics alonfours
ont ôlé plus d'une fois menacées par les coulées de laves qui s'épanchent
des veisanls du Mauna Loa. La capitale de Maui, Lahaina. a plus d'avan-
tages nautiques, grâce à sa position sur le rivage d'un détroit (pie protè-
gent au large les îles Lanaï et Kahulaui : c'est le port réservé aux halei-
niers, devenus rares désormais, et en outre il s'y fail un commei-ce consi-
dérable de denrées agricoles, notamment de sucre et de raisins exquis.
IIUMII.ULU.
0.,es-t de Pf
[^
et dfu t^e/à.
Fréquemment des assemMé(^s politiques se sont réunies dans celle ville
centrale de l'archipel.
ITonoluhi. la capitale d'Oahu cl de loiiles les îles Sandwich, a son
]»oil hien abrité des vents réguliers par ramj)hithéàlre des monts envi-
idiinanls, et des courants variables du laige par une double ligne de
i'écil's : découvert en 1794 j)ar un miviie américain, il est devenu le centre
de l'archipel, et l'ancienne capitale, Kailua, située sur la côte occidentale
de llavaïi, au nord de la baie où fut massacré Ojok, a été abandonnée. La
ville, aux maisons éparses dans les jardins sur un espace de plusieurs
kilomètres carrés, se voit à peine. Du large on ne dislingue que les mas-
'122
iliNdI.ll.l. ;t7I
sifs dos grands arbres, les bosqiicis d'orangors. et rà et là des clochors
d'églises et des façades de palais. A l'est, un ancien volcan, le Dianiond-
head, domine fièrement la rade; en arrière de la ville, on aperçoit un
autre volcan, au cône parfaitement régulier, au cratère hémisphéritjue :
c'est le Punrh-boirl ou le <c Bol de l'unch « des Anglais. Au delà se
montre le col où passe en serpentant la roule de la côte opposée, et vers
l'ouest une brèche du récif laisse entrer à marée haute les eaux de la mer
dans une ])laine lacustre : ces lacs « des Ferles » sont d'anciens cra-
tères d'éruption et de geysir, devenus maintenant de petits bassins d'eau sau-
màtre et fermés à la bourlie \y,\v des nasses à poissons. Honolulu est le
siège des principales écoles, des sociétés savantes de l'archipel, et c'est
là qu'on publie presque tous les journaux des îles, anglais et kanakes.
Le pori, prin(i|iai(' Nlalion des navires américains (lan> le l'acilique, reçoit
à (juai les navires calant moins de6 mètres'.
D'après la conslilulidn de 1<SS7, (pii succède à iieaueoup d'autres, le
gouvernement liavaïien est une monarchie conslituti(mnelle. Les deux
chambres, des nobles et des représentants, sont également nommées par
les citoyens d'origine kanake ou étrangère; mais, tandis que pour la pre-
mière les propriétaires ont seuls le droit de vote, tous ceux qui savent lire
et écrire peuvent voter pour la seconde. Les nobles sont élus pour six ans,
les représentants pour deux années seulement. Les deux chambres, com-
prenant chacune 24 membres, siègent en commun, sous le nom d'as-
semblée législative et discutent en présence du ministère royal, formé
de quatre conseillers que nomme le loi. La force armée se compose de
250 hommes recrutés par conscription et de 250 volontaires '.
La langue officielle est encore le kanake, mais elle est graduellement
remplacée par l'anglais. Les écoles sont constituées sur le modèle des éta-
blissements américains ; les livres qu'on donne aux enfants sont des livres
américains; les mesures, les monnaies sont les mesures et les monnaies
américaines. En réalité les îles Sandwich sont une province de la républiipie
' Ville-; ili's ilcs Sandwich iium- Iimii' |ii.|Mil;ili(in ni 1^81) :
llonoluln. .... ....... -h) 187 lialiilanls.
Uilo .5 000 »
Lahaiiia 3 580 n
- Biuliîi'l (le l'areliipel liavaïien en ISSIî :
lieeetles 17 iS'J 000 francs.
Dépenses 17 ii:)000 ).
nette iml)lii|ne . 11771 000 »
072
NOUVELLE r.ÉOGRAPIllE UNIVERSELLE.
voisine. Si elles n'ont pas été annexées depuis longtera[)s par les Étals-
Lnis, c'est que jadis, quand cette nation n'était pas encore la puissance de
premier ordre (pi'elle est aujourd'hui, ses diplomates et ses missionnaires
ne purent triompher de la résistance de la firande-Bretagne et de la
France. Maintenant cet obstacle n'existe ])his ; mais les Américains, inat-
laipiables dans leur immense domaine, évitent de se donner des points vul-
nérables au dehors', et l'établissement d'une station maritime pour ses
grandes lignes de paquebots suffit à lui assurer les avantages commer-
ciaux qu'elle réclamait : d'ailleurs les imtables des îles Sandwich, quoique
presque tous Américains, ont des intérêts opposés à ceux de leurs com-
patriotes. Tandis que la rivalité des ouvriers blancs a fait expulser les
Chinois de Californie, les gros propriétaires de Ilavaïi veulent continuer de
se pourvoir librement de « bras » dans le Céleste-Empire. Dans la répu-
blique démocratique, les artisans veulent commander le marché des sa-
laires ; dans l'archipel féodal, la classe dirigeante veut disposer sinon d'es-
claves, du moins d'ouvriers disciplinés. Telle est la raison du maintien
de ce que l'on appelle, par une fiction légale, l'indépendance politique
de l'archipel Havaïien.
Le tableau suivant donne la liste des îles bavaïiennes, avec leur super-
ficie, d'après Behm et Wagner, et leur population respective. L'archipel est
divisé en quatre provinces.
1'I1CJVINCE<.
ILES.
scpEnnciE.
POPUIATIUN E\ lS8i.
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U'S.
» C. (le Vaiigny, Revue polili(i>n- ci lillémiir. .10 juillet 1887.
En lorminaat ce quatorzii'Miie volume, avec lequel s'achève la descriplinn des terres qui appar-
tiennent géographiqucment à l'Ancien Momie, je ptiisc aux auiis el compagnons de labeur que j'ai
laissés sur ma route : je pense à Léon iMetchnikov, (|ui m'aida dans mon travail pendant plusieurs
bonnes années de fraternité scientifique; je pense à S. E. W. Roorda van Eysiuga, qui me donna
tant de précieux documents et de bons conseils. Ils nous ont été enlevés tous les deux, et c'est à
leurs familles que je dois reporter le témoignage (le reconnaissance dont j'ai le coeur empli.
Après ces deux collaborateurs, auxquels je dois plus qu'à tous autres pour la préparation de ce
volume, je suis heureux de nommer les bienveillants auteurs qui ont bien voulu m'aidcr par leurs
lettres, leurs récits ou leurs annotations. (Ju'ils reçoivent l'hommage de ma gratitude : M. Emile
Trouette, qui a relu les épreuves de mon chapitre sur les Mascareignes ; M. Bliuk, qui a suivi
avec soin mes pages sur l'iusulinde ; M. Jimeno Agius, qui m'a fourni de nombreux documents sur
les Philippines ; M. Emile Giffault, qui a revu ii fond les chapitres relatifs aux Nouvelles-Hébrides et
à la Nouvelle-Calédonie; M. Raoul, auquel j'ai pu soumettre les chapitres relatifs à la Nouvelle-
Zélande et à la Polynésie; MM. van Kol, Rartbes et (iordon, à l'obligeance desquels j'ai eu recours
pour mes études; M. Cotteau, qui a bien voulu rassembler, dans un de ses derniers voyages, une.
grande partie des photographies nécessaires pour l'illustration de ce volume; MM. Marche, Mon-
tano, Verschuur, qui ont mis il ma disposition leurs photographies, .le remercie aussi mon collabo-
rateur intime, M. Perron, qui a dessiné toute ; les cartes du volume, MM. les artistes dessinateurs et
graveurs, qui m'ont continué leiu' bon concours, M. Polguère, qui s'est astreint au pénible travail
de revoir les épreuves. Enfin, je n'oublierai jamais que le dévouement infatigable de M. Charles
Schiffer; son concours journalier dans les mille difficultés de la publication périodique, m'out
rendu facile une œuvre qui sans lui eût été au-dessus de mes forces.
INDEX ALPHABÉTIQUE
Ai):ifi^ (volcan), -411.
AI)d-el-Kouii, 61.
Aboc (volcan), i6().
Ahoeiigers, 248.
Al.ong-.\l)ong, 218.
Aciipulco, 890.
Adélaïde, 750, *785. 787.
Adélie, 17.
Adi (île), 643.
Aelas, Ahelas, Atas, lias, ou
Ncqritos, 537, 538 et suiv.
Agafia, 587.
Agno (fleuve), 532.
Agno Grande, 564.
Agoeng (goeuGug) (Java), 330.
Agoeng (goenong) (Bail), 411.
Agi-igan, 583, *587.
.\guijan, 583, *587.
Agusan ou Butuan, *532, 534.
Ahravaïgi (mont), 821.
Ahuiiri (golfe), 859.
Ailuk, 615.
Ajang (monts), 343.
Ajer Bangis, 257.
Akaroa (baie), 816, *861.
Alabat (îlot), 567.
Alamagan, 583, *587.
Alaotra, 75.
Alas, 239.
Alas (mont), 450.
Alaska, 888.
Albany, 778.
.\lbay (ville), *567, 573.
Alliay (volcan et golfe), 522.
Albert (monts), 626.
Albuiv, 800.
Aldabïa (île), 135.
Alexandre (terre d'), 18.
Alexandrina (lac), 783.
Alfourou, 214, 449, 450, 405,
468, 477, '484, 502, *505.
Alingina;, 015.
Alivancia (volcan), 519.
Alivouroti [Alfourou), 644.
Allor (archipel), 428, *451.
Al.di (île), 933.
Alpes Australiennes, *718.
Alpes Néo-Zélandaises, 821.
Amahaï, 494.
Amandit (rivière), 306.
Amargura (volcan), 895.
Ambalii ou Farafanga, 111.
Ambarawa, 595.
Ambenou (principauté d'), 441.
Amberbakcn, 041.
Amberno ouMambcran, 627.
Ambinivini, 72.
Anddauw, 480,*481.
Arabodimadiro, 104, *1 1 7.
Ambohimanga, *H0, 111,119,
122, 123.
Ambohipeno, 111.
Ambointiis, 485.
Amboine (ilc), 206, 212, 449,
*480, 481, 483, 484, 487,
480, 513.
Amboine, Amboîna ou Ambon
(ville), *490, 491.
Ambre (cap d'), *73, 76, *llo,
110.
Ambre (ile d'), 152, *158.
Ambrym (île), 675, *685.
Amedeus (lac), 734.
America-islands, 893.
Américains, 923.
Amirautés, 135.
Amirauté (îles de 1'), 654, 656,
662, 663, 068, 669, 672.
Ammen (fonds d"), 941.
Amocntaï, *506, 311
Amoerang, 468.
Ampanan, 423.
Amphitrite (baie d'), 232, 266.
Amsterdam (ile), 8, 42, *183.
Anaa, 906, 94 .
Anambas (îlot), 276.
Analagan, *583, 587.
Anatom (Aneilimn), *680, 683.
Andjer, 250.
Andonaré (ile), 430, *431.
Andovoranto, "IH, 119.
Ângkce (rivière), 588.
Angoutsi ou Ngoutsi, 114.
Annva, 679.
Anjcr, 585.
Anjouan (Johaima, Xsouani), 73,
125, 126, 127, •135.
Ankaratra, *71, 72, 79.
Ankili (péninsule), 116.
' Les mmicnis précèdes d'un astci'isipie indicpient la page où bO
cumplète des lieux, des populations ou des sujets désignés.
trouve la descriplion la plus
07(1
l.\DK.\ ALl'IlAliETlUl t.
Ansoes, Oi'i.
Aiit (Aiulciiiol. liUO.
Aiit'Minord. '.!.").
AiU'A'i.sdka, 'J'.t.
Aiit'Alolch nu Anl'Alaolni .
*H(), 128, ir.i.
Aid'Anala. 'Oo, HI-'.
AnfAitiIroi. 'J2.
AiiCAnl.ai, 9l'i.
Ail l'Ankara. 'M.
AiifAiiossi. "Jd, lUO. loi.
Anlaictkle. *ld. 50.
Aiiti-Boiieiii. Ul.
Aiili'Clilhuiiii', 818.
Aiili-Filicrniana. Kl.
Anti-Mahara, Ul.
.4«(i-J/(i/iî7«/.a,yl.
1«/|-J/CH«. 1)1.
AnlipoJt'S (îlfs), 801.
Antique, 509.
Anton-Gil (Anli)ngil) (l)iiie), 00,
68,73, *1U.
.\ntonorou, 1 10.
Anl Sikanaliri, 90.
.Vii(sii-inii,'H4, 119.
Anuda ou Cliern-iskiiul, 070,
955.
Aoraï (nionl), 899.
Aotea-roa (île), 817, 815, 819.
Apaiang, 01 G.
.Vpanauia, 610.
Apari'i, 504.
Api (Banda), 48'i.
Api (Ci'lébès), 450.
Api (Flores), 429.
A|ii (yoenong) ou iSraïKlcinl ci-
lan.l, 524.
Api(llos<luSud-Onesl),4iO.
Api (Loml)ok), 422.
Apia, 955, 950.
.\pô (volcan), 520.
Apolinia, 055.
Apsicy (détroit d"), 787.
Aralbura (nier), 450.
Aranuka, lilO.
Araral,S09.
Aiduriiiis, 925.
Arayal ou Sinocoan |nionl),529.
Anijoeno (volcan). 559.
Arfak (monts), 025.
Arlak, 641.
Argoeni (baie), 624, 625,
Argopocra (volcan), 515.
Arhno (ile), *600, 014,*015.
Aringay (bourg), 564.
Aringay ou Santo-Toinas, 529.
Ar/oi, 918, 911.
Aris (ilôt d'),655.
Aroe (arcbipel), 619, *628,'0l5,
652,
Aroe llassa (vulcani, 126.
Aropcn [Waropin], 042.
Ari'ocifes, 590.
Art (île), 091, *706.
Aj'lhur (nmnl), 821.
Asahan (fleuve), 251.
.Vshburton, 755.
Aspiring (mont), 821.
Astrolabe (baie de ri,055, "651
Asuncion, *585, 5S7.
.\tali, 955.
.\la|ii)epoe, 414.
Alchiiiois, *258, 249, *254.
Aliniaono, 95 .
Atjeh, 202, '254, 209, .t02.
Atlantique, 3.
Atoeli Koepaug, 441.
Alti-Aiti, 045.
Auckland (îles), 817, *8G4.
Auckland (péninside), 859.
Auckland (ville), 851, *858,
809.
Auckland (province), 870.
Aurh, 015.
Australes ou Tubuai (îles), 893.
Australie. 4, 5, 10, 22, 45,
49, 52.620,675, 685, *il4.
Ausiraliens, '744, 748.
Avadii, voir llavaiki.
Avon (rivière), 861.
Awa 0 le .Vtua. 856.
lialibcr on l!;iba. i 18.
Dabi ou Siinaloe (ile), 255,
254.
lîabuyan Clai'o (volcan), 5^
liabuyancs (îles), 550, 5()-i
Bacolor, *562, 575.
Badjoa, 472.
Baclocï, 554.
Badoeng (îlot), 412.
liadoeng (principauté), 411
liagana (muni), 656.
Bagclen (province), 409.
Balian ou -Negara (rivière),
Bahoe Solo (rivière), 460.
Ilahot, Jriiui. 209.
l'.akaia, 2li.
Baker (ilul), 907.
Bakocngan (volcan), 410.
Balabac (détroit), 516.
Balabac (ile), 550, *575.
Balade (mont et village), '
Balambangan (île), 319,
Balanga, 562.
210.
iO.
505
Bailli (uioul), 050.
Bali,2(l8,2l5, 544,*4I0. 451,
512, 515.
Balik Pijqian (nionl). 281.
Baliiiais. *412, 422, 425.
Ballarat (Ballaarat), *808, 809
Balleny (archipel). 15.
lialueian (volcan), 545.
Banda (archipel), 480, *482,
487, 488.
Banda (mer), 479.
Banda Keira, 482, 485.
Banda ou Keira (ville), *496,
497.
Bander-Saleh(Samneh), 61 .
lîandjermassin ou Bandjer. 206,
210, 278. 284, '505, 510,
511.
Ilasilan (ile), 572, '580.
Bass (détroit de), 714, *72M,
Basses (îles), 10, 47, 48, 894,
907. Voir Tuamotou.
Ilattir, 575,
Batanes (îles), 550, '564, 579.
Batangas, *564, 573.
Batanfa, 625.
Batavia (Jakatra), 204, 206.227.
.560, 505, 575, 580, '585.
405, 408.
Batavia (province), 409.
Bathurst (île), 787, 800.
Batjau, 212, 465, 499, 500,
502, '504, 505,
Batoe Boendang (mont), 285.
Batoe haoe ou pic de Tabanan,
410.
Ilaloi' Badjah (nionl), 283.
Bal,,.' Tcbàiig. 282.
Baloer (volcan), *4I1. 119.
lidtta ou Balldk, 214, '259,
250, 269.
Balugudé, 440.
Baiira (San-Crislobal), 920.
Bavoutabé, 117.
Bawean (ile), *522, .552, 401.
Bav ou la Laguna (lac), *329.
502.
Bav oFlslands, ou baie des Ile-,
816,8.59,850,
Bay (village), 562.
BeechworUi, 808.
Bi'linsi, 97.
Bekasi, 588.
lielang, 474.
Belfast, 808.
Belknap (fonds de), 945.
BeloïKiis, 441.
Bendigo (Sandhurst), 808.
Bendigo (riv.), 808.
Beneawang, 250.
INDKX ALPUABKTIQUE.
977
[î(-nf.k:ilis (ile), 253. *2f)(j.
lîcii^koelon ou Bangkahoulou,
*'J(10, 269.
Bonyuet (cirquo), 552.
licnguet (province), 519.
Ben Lomond (montagne) , 864.
Berau (péninsnle et golfe), 623.
Berouw (État de), 510.
BesagI, 225.
Besoeki (ppovincel, 556, 104,
*409.
Belanimena, 95.
Betsiboka, 76.
Betsileo. 89, *92.
Betsimisaïuhd, 'i)h, 115, 116.
Beverley, 778.
Bezanozano, 96.
Biak (ile), 628.
Bibiluto (mont). ^157.
BigBen (moni), 19 i.
Bikar, 615.
Bandjir (canal), 595.
Bandong, 590.
Bandong (plaine), *551, 347.
Bangaai, *45o. 475.
Bangka (île), 210, 254, *272.
515.
Bangkalan, 404.
Bangkara (île), 249.
Bangli (principauté), 419.
Banjak (îles), 249.
Banjoemas (province), 597,*409.
Banjoewangi, 206, '405.
Banjoewangi (province), 377.
Banks (cap), 795.
Banks (îles de), 674.
Banks (péninsule), '829, 861,
840.
Banos, 502.
Bantam (ville), 385.
Bantam (province), 352, 361,
372, 577, *409.
Banlek, 474.
Baobeltaob (île), 588, *590.
Bara, *92, 98, 111.
Bamha-Baraba , 748.
Barayan, 564.
Barisan (monts), *2I8, 225.
Barito ou Banjor (lleuve), 279,
*287, 290, 506.
Baros, 257.
Basey, 568.
Bikini, 615.
Billiton ou Blitong (Ile), 275.
Bima (baie de), 424, 425, 428.
Bima (viUe), 427.
Binangonan, 564.
Binintiang (volcans), 527.
Bintang (île), 270, 271.
Bintoeni, 645.
Birara ou Xeu-Pomniern, 655,
*656, 662, 067, 608, 672.
Bislig, 571.
Bismarck (arcbipol), *655, 659,
669, 672.
Blainbangan, 405.
Blancbc (baie). 650.
Blanche ou Wbakai-i (ile), 836.
Blenheim, 861. 870.
Blue Lake, 720.
Blue-tips, 847.
Blue .Mountains, 723, 800.
Bodjonegoro, 400.
Boekit-Batoc, 266.
Boelangan (État de), 310.
Boeleleng, 415, '416.
lioeleleng (province), 419.
Boeloekomba, 472.
Boengoeren ou Groot .\atùena,
276.
Boerangrang (mont), 331 .
Boeroe, 479, '480, 483, 485,
495, 494, 695, 926.
Boeroe-Boedhoer, 596.
Boetak (volcan), 359.
Boeton (ile), *455, 459, 465.
Bogong (monts), 747.
Boliol (île), 518, *580.
Bonibetok ( Amponibitokana )
(baie de).
Bombon (lac), 527, 528.
Bonerate, 458. '
Bonfire-beacb, 19i.
Bongon, 519.
Boni (rovaume), 466, 472.
Bonoa, 481.
Bontbaïn ou Bantaeng (pic),
458, 462, '472, 477.
Bora-Bora, '899, 941.
Bornéens, 295.
Bornéo, 22, 28, 51. 195, 190,
202, 204, 210, '277, 512.
515.
Bornéo Hollandais, 502.
Borongan, 568.
Botany-bay, 714, 760, *795.
Bouajang, 571.
Bougainville (île), 655, '650,
Bougainville (détroit), 656.
•658, 661, 665,672.
Boughi, 215.
Bouiji, 502, 509, 456, *466.
Bouloupari, 705.
Bounty (îles), 817, 864.
Buuia-Boura , 748.
Bourail, 705.
Boui'bon ou La Réunion, 67,
'160.
Bourke, 800.
Bouroton (ile), 926
Bowcn (Port-Denison), 791.
Ilrambanan, 599.
Brandewijn (baie), 259.
Brantasou Kediri-rivier (fleuve),
'548, 400, 405, 404.
Bras-Panon, 175.
Brass (ile oupoelo), 218.
Bratus (mo:it), 284.
Breng-breng, 529.
Bril (fort de), 504.
Brisbane, 777, *789.
British Norlli -Bornéo, 279,
280.
Bromo (volcan), 540, *543.
Bruncï ou Bornéo (rivière), 282,
•287. S90.
Bruncï (sultanat de), 202, 204,
'277, '279, 280, 512.
Brunci (ville), 515.
Buffle (piton du), 448.
Buhi (lac), 525.
Bijitenzorî, 205, 206, 5511,
580, *589.
Bulacan, '561, 575.
BiiU'-Dupis, 517.
Bulusan (volcan), '522, 567.
Bunbury, 778.
Bundaberg, 790.
Burdekin, 791.
Burnett, 790.
Burias (île), 518, '579.
Burketown, 791.
Burotu, 926.
Burra-Burra, 785.
Burrum, 790.
Busselton, 778.
liutaritari, ou Pitt-island, 864.
Buluan, 571.
Cabusao, 567.
Cafres (plaine des), 169, 176.
Cagavan, Tajo ou rio Grande,
♦552, 564.
Cagsaua (Daraga), 507.
Cagud (volcan), 529.
Caillou (le), 706.
Calamiaî^cb (îles), 544.
Calapan, 567.
Calunipit, *562, 575.
(jamalig, 567.
Camarines (péninsule), 556,553,
567.
Caminguin (îlot), 520.
Caniinguin (volcan), 530.
(lanipaspe, 808.
123
'm
INDEX ALPUAliKTIOri:.
Oampbell (îles), "817, 804.
Campbelltown, 81)4.
(^anterbury (province), 870.
(lapiz, *569, 573.
Caraballo (inonls), 518.
Caragas, 544.
CargadosouGarayos (ilôts), 159.
Caroline (iles), iiô, *59S, 890,
925, 924. 931.
Caroline (île), Microncsie, 895.
Caroline (île), Polynésie. 959.
Caioliiis, 601.
Carpentaria (golfe), *788, 875.
Casilemaiiie, 808, 809.
Caslle-mounlain. 821.
Calalangaiies, 546.
(]atbalongan, 568.
Cavile (ville, anse), *56l, 578.
Cebù (lie), *5I8, *5I9, 557,
544,550, 570. 580, 581.
Cebi'i (ville), *570, 573, 576,
579.
Celèbès, 22, 52,195,190,202.
209, 211. 215, 214, 280,
•454, 485. 501. 507, 512,
513, 926.
Celêbicns, 406.
Ceram ou Serang, 479, 480,
*482, 494, 926.
Ceram-Laoet, 480.
Chalmers (port el ville), 862.
Chamoiros, 584.
Cbanipion (baie), 780.
Chailes-Louis (monts), 625.
ChailoKc-Walcis, 737.
Cbarler Towers, 791.
Challiani ou Waiekauri, 817.
804, 807.
Cheiibon (mont et golfe), 531.
Clieiibon (province), 379,590,
'409.
^heribon (ville), 590.
Chesterliekl (îles et récifs).
818.
Cbina-straits, 02(i.
Chinois, 274. 276. 302. 305,
362, 549, 852.
Choa ou Mainoutzou (pointe de),
135.
Cboiseul (lie), 653, *65C, 658,
•672.
Christchurch, 840, *86l, 802,
868, 869, 870.
Chiistmas (île), *182,235, 893.
Christmas (île), Polynésie, 945.
Cluistnias-barbour, 1 94.
Cilaos (cirque), 163, 176.
(iiniandef (mont), 161.
Clarence (rio), 800.
Clermont-Tonnerre,voir.\atupc.
Clunes, 808, 809.
Cluny, 142.
Clutlïa (fleuve). 824.
Cobourg (péninsule). 78
Coelivy (il(il). 141).
Coin <lc Mire (île), 152.
Colasi (sierra), 520.
Comores, 4, 5, 42, 92, '
Concepcion, 509.
Condamine. 731.
Cook (détroit), 829. 83!
Cook (îles), 895, *898, i
Cook (mont), 821.
Cooktown, 652, 79i.
Cooper's ereek, 755, 74
Corail (mer de), 729.
Corregidor (île), *529, L
Cosmoledo (iles), 134.
Coltabato, 571.
Courrier (baie), 115.
Cradle-mountain, 720.
Creswick, 808.
Croydon, 791.
Ci'ozet (archipel). *190,
Crozier (mont), 191.
Curepipe, 158.
Curieuse (ile), 150.
Cyclope(inont), 020.
Cygnes ( rivière des ),
liver, 778.
Dadinga (baie), 508.
l)aet,'507.
Dalbv, 790.
Daniàr, 501, 502.
Danmia, 447, 448.
Dampier (détroit), 654.
Dampicr ou Kar-Kar (île"),
•672.
Danau, 282.
Danger (pointe), 793.
Daraga, 522, *567, 573.
Dark Cloud-sound, 828.
Darling (fleuve), *732 ,
747, 793.
Darnley-island. 791.
Darli-Darii, 748.
Darwin (sommet), 821.
Dasar, 340.
Data (volcan), 529.
Davao (ville et baie), 519, '
Dayak, 214, *294, 311,
317, 408.
Daylesford.808.
Dedica (écueils), 530.
125.
9, 801.
.122.
01.
655,
571.
515,
Deli (rivière), 268.
Dell (ville), 266.
Demak, 594.
Dempo (volcan), 224.
Deniliquin, 808.
Diadème (mont), 902.
Diahot (fleuve), *692, 703.
Diamant ou Djamboe-Ajer (cap),
218.
Diamond-head, 969.
Diego (cap), 114.
Diego-Suarez ou Aniomboka
(baie), 75, «114, 115.
Dieng (plateau), 532.
Dikbuik (mont), 458.
Dilli, 445.
Diudi (volcan), 426.
D,iadollo(Gilolo). 507, *511.
Djallan-Batoe, 285.
Djanibi (fleuve), *252, 260,
265.
Djambi (province), 265.
Djambi (ville), 252.
Djawana ou Joana, 395.
Djetma-Buciiu, 52 1 .
Djembrana (province). 4I(>,
•419.
Djokjokarla ou Djokjo (ville et
province), 570, 579, *397,
405, 407, 409.
Dobbo, 645.
Doeang (îlot de), 460.
Doela, 454.
Doewa Soedara (volcan), ifiO.
Dolok Simanaboem (volcan) ,
221.
Donda (moni) 459.
Doiulo (golfe', 475, 474.
Dongala, 475.
Doreï, 632, '640.
Dubbo, 800.
Ducos (presqu'île), 705.
Duff (mont), 904.
Duizend Eilanilen, 522.
Duinaran (ilutde), 519.
Dunedin, 801, 802, "8.52, 808,
870.
Dusky Sound, 828.
Diisiiii, 517.
Eaglehawk. 809, 808.
Earnslaw (mont), 821.
Ebon, 015.
Ecbii[uier(iles del'), 055, *G5B,
000.
INDEX ALPII.UIKTinrE.
979
Echuca, 808, 809.
Edi, 256.
Egmonl (iiKinls). 8.")9. 800.
Einieo ou Moorca. 899.
Elato (îles), UOII.
Ellice (îles). 10. *008, 01 P.
891, 9'21.
EliedeBeauinoiit(soniiiict), S'il .
Elmore, 615.
Elpupoeli, 49-i.
Ema-Davan, 441.
Ema-Velou, 441.
Emerald-island, 817.
Emiiiaville, 800.
Endeh ou Ambogaga, 429.
EnderbuiT (île). 47.
Enderby (terre d"), 29.
Engafli) (cap).
Eiigano (île), 233, *25").
Eniwctok ou Brown (îles), 014,
615.
Entrecasteaux (archipel d' ) ,
*627.
Entrecasteaux (îles d'), 049,
652.
Entre-Deux, 176.
Erebus, *18, 42.
Erikub, 615.
Ermite (îles del"), 656.
Erromango, 678, 082. *685.
Erub ou Murray (île), 791.
Espiritu-Santo ou Merena, 673.
Espiritu-Santo (île), *682, 685.
Essington (port), 787.
Eucla, 779.
Eyre (lac), 734.
Fak-Fak (isthme), 659.
Fakarava. 941.
Fanning (îles), 895, S9i. nUO.
924.
Farallon dos Pajaros, 585.
Farewell (cap), 821.
Farquhar (îles), 135.
Earroilep (Faraulep), 596. *000.
Fatu-hiva, 946.
Fénérife ou Fenoarivo, 113.
Fianarantsoa, *H0, 119, 122.
Fidji (îles), 15, 48, *87I.
Fidjiens. S75.
Filarang (province), 445.
Finisterre (monts), 626.
Finsch-hafen, 650.
Fitzroy (fleuve), 752, 780.
Flinders, 752.
Flores (île), 428.
Flores (cap), 450.
Flv (fleuve), 627.
Foa (la), 705.
Fomboni, 154.
Fonualai, 895.
Forbcs, 8011.
Fort-Dauphin, 00, 08, Mil.
Fort van der Capellcn, 258.
Foulepoinic (Mahavclo), 79,
•113.
Foui Wind, 801.
Foveaux-strait, *817, 841.
Françaises (îles), *056, 672.
Franklin (mont), 821 .
Frederik Ilendrik (île), 619,
620, *628.
Fremanlle, 778.
Friedrich WdIu'Imsbaren, 052.
Funga-sa (baie du .Massacre),
955.
Fuluna, '081, 931.
Gabriel (village), 180.
Gairdncr (lac), 734.
Galapagos (îles), 49.
Galega ou las Galegas (îles).
140.
Galela, 511.
Galets (rivière des), 105.
Gallaway (mont), 818.
(ialoengoeng (volcan), 550.
Gamakora, 501.
Gambier ou Mangareva, 904.
922, *927.
Gambierton, 785.
Gapan, *562, 573.
Garden-island, 778.
Garoet, 390.
Gascoyne, 735.
Gaspar Rico ou Cornvvallis-
island, 615.
Gautier ouTabi (mont), 620.
Gawler, 785, 787.
Gaya (baie de), 319.
Gaijoii, 239.
Gcbnr, 642.
(!edé (volcan), *325, 377, 589.
Geelong, *807, 809.
Geelvink (baie),*618, 023, OiO,
042.
Geliting, 429.
Gemicn (île), 038.
GenolTo (mont), 025.
George (lac). 798.
Georgetown, *805.
(îeraMion, 780.
Gilbert (fleuve), 752.
Gilbert (îles), *008, 013,
924.
(îili Hanta (volcan), 427.
(îilolo (Djailollo), 507, *51
Gipp's land, 808.
fiiquel (île), 672.
Gisborne. 859.
(îjanjar (pays de), 419.
Glenelg, 784, 787.
Glisong, 472.
Glorieuses (îles), 154.
Gloucester (cap), 656.
(îoa ou Gowa, 472.
Goenong Api, voir Api.
(ioeneng Siloli. 257.
Goenong-Teboer (Etat de),
Goentocr (goenong ou vul
330.
Gomanton (cavernes de), 5
Goolwa, 785.
(ioram, 479, 480, *482.
Goro (île), 874.
Gorontalo ou llolonlalo,
*47i.
Gorontalo (golfe), 459,
010,
18.
462.
Gouaro, 705.
(ioudherg, voir Selavva Djanlen.
Goulburn, 780, 801
Grafton, 800.
Graham (terre de), 18.
Grahamstown, 859.
Grampians, 720.
Grand-Brûlé (volcan),*16 1 , 162
Grande-Barrière, 729, 791 el
suiv.
Grande-Comore , *125, 120.
127, '154.
Grand Enclos, 161.
Grande Kei, 450, *454.
Grandière (îles de la), 627.
Grand Océan, 889,891.
Grand Sable (hameau), 107.
(îroat Sandy-island, 790.
(ireenough, 790.
(îregory, 752.
Gresik ou Grissee, 400.
Grey (fleuve), 732.
Greymouth, 861.
Gioot Atjeh (Kota Radja), *255.
liroot-Banda ou Lonlhoir, *482,
490.
Groote Dajak, 288.
Groot Natoena (Boengoeren),
276.
(iros Morne (colline), 165.
Guadah-anar (île), *058, 659,
072.
980
INDEX ALPHABÉTIQUE.
Guagua (la), 56"2.
Guam ou Guahan (ile), 581,
582, *587.
Guildforil, 77^.
Guimaras, 5(Î9.
Guimaras (ile et détroit), 509,
570.
Guinan, 568.
Guinobatan, 567.
Gundagai, 800.
Gynipie, 790, 791.
Huon(île), 691.
Huon (ile), 689.
Haast (rivière et imIi. 8-Jl.
Haggier (Haiijar), 59.
Ilaleahala, 950.
Halmaheia, 195. 2811. -199, *50 1 ,
505, 507, *5Û8.
Hanovre (baie), 759.
Hao, 940.
Haolai (îles). 952.
Uari (rivière), *252. 260.
Harper's pass, 82 1 .
Hatzfeldt, 652.
Havaii ou Sandwich, 42, 49,
165, 894, 926, 945 et suiv.
Havaïieiis, 962.
Havaïki, 845, *927.
Hawke's bay, 870.
Hawkesburv (rivière), 799.801.
Ueard (île)," 190, *194.
Hellville, MO.
Hervey (iirs), 956,
Hiaou, *946.
llieriguène, 706.
Ilikurang (monl). 851.
Hilo, 954, 968,971.
Hilgard (fond lie), 895.
llindmarsh, 785.
Hitoe (péninsule), 48 1 .
Hiva-oa, 904.
Hobart ouobart-town. 772, 777,
•810.
llobson's bay, 804.
Hoebsletter (Mjnnnel), 821.
llokitika. 861.
llonden (île), 908.
Honolulu, *908, 971,972.
llouadou, 707.
Houtman's Abrolhos, 780.
Hova, 65, 87, '97, 120.
Howamoel, 482.
Howe (cap), 795.
Howe (îles) (Lord Howe), 78
801,818.
Howlands(îlc), 907.
Hoya, 494.
Huahine, 899, 941.
lludson, 616.
lluenake ou llonden, 908.
Huîtres (rivière aux), 178.
liula (promontoire), 649.
llumboldt ou telokh Linljoe
(baie), 642.
Huraboldt (mont), 680.
Hunter, 799.
Huon (golfe), 651.
Iba. 56û.
Ibanag ou Cagayanes, o45.
Idaaii. 517.
Idjen (mont), 545.
Ifuyaos, 546, *54S.
Igorrole, 555.
Igorrotes, *546.
Ikana Maui, voir Nouvdli-Zé-
lande,
Ikiongo ou Ikongo, 95.
Ikopa (rivière), '76. 104, 100,
118.
Iles de l'océan Indien, 57.
Iles (baie des), bay of Islands,
voir Baie des lies.
Illana (bahia), 552.
lltanos (Lanon, Lainiii), *51'.l,
545.
Ilocos ou Ilocanos, *545, 554.
Hoen-bario (monl). 457.
Ilo-Ilo, *569, 575, 579.
Uongoies, 546.
Imérina, 70. 105.
Indan, 562.
Indien (oc'éan),5,0,*21, 28.55.
Indonésiens, *214, 548, 922,
925.
Indragiri ou Oembilien (fleuve ),
225, *251,266.
Indramajoe (cap), *547, 590.
ludrapoeri, 255.
Insulinde ou Indonésie, 4. 5. 7.
28. 48, 51.54, *I95.
Inui (île). Voir Mue.
Invercargill, 864.
Ipswich, *790, 791.
Iiaijas, 546.
Iriga ou Iraga (volcan), 525.
Irwin (rivière), 777.
Isabella, 575.
Itassi (lac). *75, 76.
Ivoliibé (monl), *71, 92.
Jaluil, 014, 615.
Japara, 594, '409.
Japonais, 922.
Jappen (île), 628.
Jaro, 569, 576.
Jarvis (ile), 907.
Java, 7, 10,22, 42, 195, 196,
198, 201, 202, 205, 207,
210, 213, 217, 257, 277,
295, *520, 512, 513, 552,
785.
Java-hoofd ou Java's Ooslhoek,
322, *325.
Javanais, 215, 270, 555, '554.
Jemo, 615.
Joào de Nova (ile), 155.
Jobi ou Joppen (île), 642.
Joinville (terre de), 19.
Jolo ou Sulu (archipel), 467,
517, 518, 519, 537, 545,
546, '572, 573, 580.
Jolô ou Sulu (ville), '575, 579.
Jnan-Fernandez (îles) (uias a
Fuera, mas a Dentro), 50,
893.
Kaba (volcan), 224
kabalaki (pic), 436.
Kabalelo (volcan), 429.
Kadina, 785.
Kadoe (province), 595, '409.
Kailijan, 313.
Kahajan (fleuve), 279, 28
'290.
Kailua, 968.
Kaimawana (baie). 851.
Kaïpara (baie et ville), 85
859, 860.
Kaiser Wilbehns-land, 650
Kajan (rivière), 290.
hajeli (baie), 480.
Kajeb (ville), '495,494.
Kajoa, 499, 500, 501, '505.
Ka-laé (pointe), 954.
Kalamantin ou Klematan. 27
Kaloeng-Koeng (province), 41
Kambing (ile), 446.
Kambing (ile de Samoe), 457
Kampar (fleuve), 251.
Kanakes, '695, 698, 788,91
voir Nouvelle-Calédonie
llavaii.
9.
INDEX ALPUABÉTlOLifi.
981
Kanala, 707.
Kandavu (ile), 875, 874. 886.
Rangeai! (archipel), 32-4.
Kao (mont), 8'J5.
Kapoeas (neuve), 279, *2S7, 288.
290, 503.
Kapunda, 785, 787.
Karang (volcan), 324.
Karang-.\sseni (Lombok), 425.
Karang-Assem (province), 419.
Karas (archipel), 645.
Karbaouen-gat, 258.
Karimata (îles), 277, 287, *505.
Karinion (ilols). 271.
Karimon-Java (iles), 522.
Karon, 641.
Kartal ou KaraJalla (volcan).
126.
Katau, 655.
Katingan (fleuve), 287, *290.
Kauai, 947, 958, 972.
Kaula (île), 955.
Kawa-Kawa ou Russell, 858.
Kawi (volcan), 559.
Kealakeakua, 947.
Kediri (province), 404, *409.
Kediri-rivier ou Branlas, 518.
Kedoe (province), 379.
Keeling (iles). *180, 226.
Kei (iles), 449, 450, *454.
Keisers Piek ou Tangkainoes,
255.
Kelaï (rivière), 290.
Kelang (ile), 481.
Keloet (volcan), 557.
Keina, 474, *477.
Kembangan (péninsule), 390.
Kemp (ile), 20.
Kendangan (district), 506.
Kendari (baie), 472.
Kensington, 785.
Keo ou Romba (volcan), 429.
Kerawara, 670.
Kerguelen (ile), 50, *190.
Kerikdjéé, 253.
Kerkan (volcan), 501.
Kermadec (iles), 817, 867, 892.
Ketolabi (mont), 851.
Kiama, 801.
Kiholo (baie), 951.
Kilauea, 954.
Kilwaroe (îlot), *494, 495.
Kimberley (district), 780.
Kimo, 96.
Kina-balou (mont), 208, *280.
292.
Kina-Batangan (rivière), *290,
517, 518.
King George sound (Albany),
775, 776, 778.
Kingo (volcan), 429.
Kinn's country, *S49.
Knigsniill-islands, 608.
Kingston, 864.
Kisser ou Kissa, *447, 448.
Kitoniho, 118.
Klabat (baie), 272.
Klaliat (volcan), 460.
Klapper-kust, 628.
Kloeang, 256.
Kock (fort), 258, 269.
Koedoes, 595.
Koekoesan (volcan), 545.
Koepang, 455, *445, 444.
Koetei (Ocuve), 279.
Koetei (rovaunie), 506.
Koewoe, 595.
Kohala, 957.
lioïiapu, 650.
Kolessea ou GoUonsir, 58, *01.
Konio (mont), 899.
Koinodo (archipel), 427.
Kooringa, 785, 787.
Koriniji ou Indrapoera (mont).
221.
Korinljierx, 248.
Koriicr, 588.
Kororarika, 816.
Korrido (île), 628.
Kosciuzko (monts), 719.
Kota Radja ou Groot Aljeb,
*255, 269.
Kotaringin (fleuve), 287.
Kouro-Sivo, 33, 925.
Koijari, 632, 647, *649.
Krakalau (ile), 42, 225, *226,
227, 324, 385.
Krawang (province^ 409.
Krowelang (pointe), 395.
Kucbing ou Sarawak, *514.
Kudat, 319.
Kuria, 616.
Kurnaï, 750.
Kwandang, 474.
Kvneton, 808.
babo ou Telas de Polantuna
526.
Laboean, 268.
Labnan (île), 279, *513.
Labnk, 319.
Laehlan, 800.
Lae (Lai, Brown), 615.
Laguna de Bay, 552.
Lahaina, 955, 957.
Laibobar (volcan), 450.
Lakahia (mont), 625.
Lakemba, 876, 881.
Laki-Laki (volcan), 429.
Lakoeroe (monts), 285.
Lakon (volcan), 460.
Lakor (ile), 448.
I.alld (Nueva-Segovia), 504.
Lamabalé (volcan), 451,
Lainandang ou mont de Toma-
hoe, 480.
baniaiisieri, 625.
I, aniline (volcan), 426.
I.anuiiigan (volcan), 545.
Laniourek ou .Nainourek, 596,
*600.
l.ampogero, 248.
Lainiiong. *248, 261, 209.
Landak, 303.
Landoe (îlot), 438.
Lang(île), 226, 227, *251.
Lanteh (volcan), 424.
Laoag, *564, 575.
Laoet Tawar, 259.
Larantoeka (ville), 451.
Laranloeka ou Ilimandiri (vol-
can),429, 451.
Larat, 450, *451.
Larrons (archipel des), voir Ma-
riannes.
Laté (volcan), 895.
Latimodjong ( monts ), 455,
*456.
Lau (archipel), 874.
Launceston, 772, *810. 815.
Lawajang, 452.
Lawoe (monts), 556.
Leeoe (mont), 456.
Lefuka, 951.
Legaspi, *567, 579.
Leichhardt, 750.
Lekendia, voir Lakemba.
Lelé (ilôt de), 607.
Lémurie, 4, 85.
Lepanto (monis), 519.
Lesson (ile), 655.
Letti (île), 447.
Levuka, 886,887.
Leyte (ile). 518, 520, 521,
568, 580.
Levtimor (péninsule), 481.
Libong, 567,
Lifan, 455.
Lifou (île), 691. 709.
Ligao, 567.
Likieb, 615.
Limbangaug (île), 458.
Limon (le), 180.
Line-islands, 608.
Lingayen, *565, 575.
'J82
Lingga (archipel), 254,*269.
Lingga liiiont), 270.
Litchi-Litchi, 748.
Liverpool-plaios, 723.
Liwong (fleuve), 588.
Lobetobi (volcan), 429.
LobetoUé (volcan), 431.
Loeang (île), 448.
Loesch, 218.
Loetoentoer (Loklilon Toeoor),
306.
Lofly (monts), 7(59.
I.omblen (ile), 451.
Lombok (délioil). 420, 421.
Lombok (ile\ 208, 215. *420.
512, Ô13.'
Lombok (pic), 422.
Longue (île), 072.
Lonlhoii' ou Grande liauila.*482.
485, 496.
Lopevi (moul), 673.
Los Martires. 000.
Louisbourg, 08, 114.
Louisiade (archipel de la), 049.
•652.
Louis-Philippe (terre de). 19.
20.
Louquez ou Lokia, 114.
Lovaulé (Lovaltv), 684, *683,
691, 709.'
Luar (lac), 287.
Lucban, 362, 373.
Lucipara (plateau sous-marin).
480.
Lukuuor (ile), 692, 931.
l.undu, 314.
Lupar (fleuve), 287, *290, 314.
Lupar (monts). 282.
Lnzon, 196, 513, 318, *32l,
*552, 536, 543, 554, 555,
574.
I.usençav (lagon), 627.
I.M'II (Munmct), 821.
Lmix. (116.
l.ytlelton (Port-Cooper). *861.
Mabiak, 652.
Macassar (Mangkassar), 456.
41)2. •470, 477, 690.
Macassar (province), 471.
Macaturin (volcan), 520.
Mtichicures, 92.
Mac Cluer ou de Uerau (golfe),
624.
Mac-Domdd (îlot), 190, *194.
INDEX ALPUABKTIQUE.
Mac-Douall, 724.
Mackay. 791.
Macquarie(île), 817, *864.
Mactan (îlot), 8. 570, *581.
Madagascar, 4, 5. 7. 49, 51
53, 55. *62. 126, 128, 158,
217.
.Madioen (province). 399, *409,
Madame (ile), 113, .320. *.322.
*345, *355, 373, 409. 512,
513.
Mndoernis, 355.
Mafate (cirque), *163, 176.
Mnfoiir ou y o four, 641.
Magalbâes (archipel), 588.
Magelang, 595.
Magellanie ou Philippines. 515.
Magindanao (lac), 552.
Mahafidi. 91, 92, «99. 118.
.Mahakkain ou Koeleï (fleuve),
*288, 290. 292.
Mahannro, 111.
Mahé (ile), 156, 157.
Mahéhourg, 159.
Mnhorri, 131.
Maiana, 616.
Maijang (île), 277.
Mainil (lac), 520.
Maitland, *799, 801.
Majang (ile), 287.
Majavjav (volcan), *627. 534.
Majoi, 499.
.Majuro. 615.
Makariki, 494.
Makin, 616.
Makjaii. 499, 500, *505.
Makiaï (côte), 618, *6.")5.
Ma-Kona, 116.
Malabar (volcan). *.329. 377.
Malal)o<'b (Analaboe), 257.
Malaboti, 561.
Malais, .54, 55, 198, 215, *21 4,
238, 270, 502, 555, 465,
502, 537, 558, *542, 631,
932.
Malaïla (ile), *657, 672.
Malakan, 594.
Malang (pays de), 404.
Malapi, 518.
Malarayat, 527.
Malaspina ou Canlonn (volcan),
520.
Marlborougb (lurt), 261).
MalHen (île), S95, 894. 910.
Maliiachcs, 85.
Malinao (volcan), 525.
Malindang (volcan), 520.
Malintang (mont). 221.
Mallicolo. 678, 679, *683.
Maloclab, 615.
Malle-liriin (mont), 821.
Malu (mont), 282.
Mamanuas, 558.
Mamanulha (archipel), 875.
Manafiafa ou Sainte-Luce (baie),
66.
Manahiki lîles), 895, *902, 946.
Mana|iouri (lac), 82i.
Manalulo, 446.
Manawoko, '482.
Manawoko (ile), 485.
Mandala-Wangi, 325.
Mandayas, 549.
.Mandhar (cap), 457.
Mandjiengan. 598.
.Mangaia, 945.
Mang-areva oU fiambier, *905.
*922, 941, 944. 945.
Mangei-aai, 432.
Mangkaraï (pays de), 427.
Mangkassar, 466.
Mangoka ou Saint-Vincent, 76.
Manille. 530, 552, 554, 54?.
552. 554. *557, 575, 576,
579.
Manindjoc ou Danau (lac), 222,
223.
Maningori. 75.
Manipa, 481.
Manito (source), 522.
Manly (bains), 797.
Mayiobos, 548.
Manoek (fleuve). 547.
Manoembing, 275.
Manono (ile), 955.
Mant.issa, 1 10.
Manukan, 859.
.1/aori, 468. *82l), 840.
Maquilinï, 527.
Mai-aki, *610, 616.
Marapok (mont), 510.
Maras, 272.
Mare on Nengoné, 691.
Mareh (îlot). 505.
Margasari, 506.
Marianncs ou iles des Larrons,
8. 25.42. *581.
Maria-Tberesa (écueil), 895.
Maribojoc, 571.
Marigondon. 564.
Marinduque, 545.
Marion (archipel). *189, 195.
Maiiveles (monts), 329.
Mai'iveles (ville), 565.
Marlhorough (prov.), 870.
Maros, 459, *471.
Marovo.Yi, 118, 119.
Marquises (iles), 10, 892, 894.
*895. 904, 926, 941, 946.
Mmijuisicns, 920.
l.NDKX ALl'U.USKTIOUE.
'J«3
Mars(ilol), 272.
Marshall (Iles), *6n8. 012, (115,
615, 923, 929.
Marsouins (rivière des), 175.
Marlapoera (rivière), 2SS, '504,
505.
Marlapoera (ville). *50i, 511.
Manid (iiioril), 282.
.Marudu (baie et rivière), 510.
Mary (fleuve), 779.
Maryborougli. 790, 791.
Mas a Dentro, .Mas a Fuera, voir
Juan Fernandez.
Masliate (ile), 518, *579.
Mascareignes, 51. 42, 49, 51.
09, 80. 127. *lil.
Masindrauo ou Tsiatosiki, 111.
Massacre (baie du), (Nouvelle-
Zélande), 809, 815, 821.
Massim ou Louisiade (aiibl|irl),
*620, 652.
Mât (rivière du), 163.
Malabello, *482. 494.
Matarara ou Djokjokaita, *597.
423.
Matitanana, 74.
Matseroka, 118.
Matthias (îles), 072.
Matupi (ile), 063, *670.
Mauban, 567.
Maubara, 44(i.
Maui (ile), 947, *957.958. 901.
907, 968,972.
Mauiia llualalaï, 954.
Mauna-Kea, *954, 957.
Mauna-Loa, 950.
Maupiti (volcan), 899.
Maurice ou île de France, 08,
69, 105, 158, 141, *142,
144, 146, 147, *152.
Mavatanana, 118.
Mayon (volcan), *322, 525, 567.
Mayotte (Maoulé). 70, 125, 126,
127, *131, 1.32.
Mazaraga (volcan), 525.
Mbau (îlot), 873.
Mbua (île), 875.
Mcdan, 268, 269.
Meester Cornelis, *587, 405.
Hélanësie, 5, 55, '053.
Mélanésiens, 660, 678.
Melbourne (mont), 18.
Melbourne (ville), 42, 730, 763,
777, 805, 809.
Mellish-bank, 945.
Melville (île), 787.
Mempakol, 319.
Menabé (pays de), 118.
Monade ou Manado, 462, 4C9,
*474, 477.
Meiiado Toewa, 474.
.Meuangkabao (royaume), 246.
Mengwi (province), 419.
Mentav\ej (archipel), 252.
Mentchikov, 615.
Mcrapi (Java central). *355. 598.
Merapi (Java oriental), 345.
Merapi (Sawah), 224.
Merapi (Sumatra), *222, 258.
Merbaboe (volcan). '335. 595.
Micronésie, 5, 55, *581, 895.
Mirronésicns. b^i, 392, '611.
Milaitd, 315.
Milloid-sounil, 821, S28.
Miller (fonds de), 893.
Milli(iles), 614,015.
Minabassa, '400, 462. '408,
469.
Miniiluissfiiis, 408.
Mindanao, 196,407, 515. 517,
'518, 520, 553, 558, 545,
540, 548, 571, 574.
Mindoro, '518, 536, 545, 567.
*579.
Mioko, 070.
Misamis, 571.
.Misool. 023.
Mitcbell(lleuve), 7.32.
V.OA (ile), 447.
Modjo-Kerlo. 403.
Modjo-l'ahil, 359, 404, '485.
Moeua,4o5.
Moerio ou Moerja (volcan). 3'24.
Moesi ou rivière de Palembans.
*2.32, 20 i.
Moewara-Baban ou Marabahan
(lîekompai). *3U6, 511.
Moewara lîliti, 265.
HoewaraDoea, 205.
Moewara Inini, 265.
Moewara Kompeh, 265.
Moewara Hupit. 205.
Mohchou Moah. 125, 120. 127,
*154.
Mojanga ou Madsant'a. *117,
119,122.
Mokko-Mokko, 200.
Mokoia (île), 849.
Mokuaveovco, 930.
Molokaï (île), 905.
Moluqnes, 7, 201, 197, 208,
212. 441, '479, '499.
Molvueux (rivière), 842.
Mo'iiii, 59.
Mono (Trcasury), 058, 065.
Montagnes Bleues , voir Blue
Mouulains.
Moniradrt, 283, 284, 303. '311.
Montravel (camp de), 705.
.Mont-Tonnerre, 178.
Moonta, 785, 787.
Moorea, 595, *899, 941.
Morandava, 118.
Moresby (archipel), 621).
Moreton (baie), 788, 818.
Morgan, 783.
Moii-Oii. 846.
Moron, 562.
Jloros. 544.
Morotaï, 499, 501, 502, *5I2
Morrunibidgee, 800.
Mortlock, 599.
Motane, 904.
Motir(ile), 499, 500.
Motii. 649.
Mouroni, 134.
.Mouyou(îlcs) ou Wondlark. (i27.
652.
.Msamoudou ou Anjouan, 153.
M'Sapéré, 133.
Mua, 920.
Mulinuu, 936.
Muntok,275.
Murchison, 777.
Murray ou Goolwa (fleuve),
723, *730, 785, 793, 800,
808.
Murray (île), 729, 740.
M II mit, 315.
N
.Xaga ou Nueva-Càccres, 567.
.\aikobokobo, 879.
Na-loca, 880.
.Namonuito, 600.
Namorek, 014.
.\amu (Namo), 613.
Nangamessi, *433.
Nannmca, 016.
•Napicr, 859, 870.
Narovo ou Eddyslonc-island,
658.
Sdyrinijcnj, 757.
.\atal, 257.
.\'ateva (baie), 872.
Natoena, 270.
Nattes (îles des), 113.
Natupe (Cleruiont- Tonnerre) ,
935.
Nazareth (bancs de), ISQ.
Negara (rivière), 288.
Negara (ville), *300, 511.
Ncgiilos, 54, *557, 641.
Negros (île), 518. .558, *569.
.\eison, 801,870.
Né()-(AiUdonicns ou Kanakes,
'095, 698.
984
INDEX ALPIlABÉTinrE.
Néo-Giiiucciix , voir Papotia .
631.
mo-HéhruUiis, 678.
.\cpe:m (poiiile), 808,
Nera (rivière), 705.
Neu-Hiinover (île), *655, 672,
voir Tombiira.
Neu-Lauenburg ou île York,
*653. 671.
Neu-Lauenlnirg (York), 672.
Neu-Mecklenburg, 655.
Neu-Pommern (New-Britain ou
Birara), 655.
Newcastle, 799.
New-England, 800.
New-Georgia. *658, 672.
New-l'lvmoulh, 860,870.
New SÔuth Wales, 719, 721,
723, 732, 736, 737, 759,
755, 761, 767, '792.
New-York (île). 893.
Ngadjoes, 505.
Ngalao (port et village), 886.
Ngau (île). 874.
Ngawi, 400.
Ngenges (volcan), 425.
Ngoli'ou Matalotes, '598, 600.
Ngongotaha, 834.
Niaour (Ngaour), 590.
Nias (île), 249.
Niassi, 250.
Nicholson, 816, *859.
Niihau, 947, '967, 972.
.^ira (ile), 447.
Niuafu. 896. 932.
Niua, Inui ou Savage-island,
892, '930 et suiv.
Pijavunçi, 294.
Noesakeli (mont), 482.
Noesa Kembangan, *349, 552.
Noesa Laoct, 481.
Noesa Penida ou Pandita, '•412.
Noinmli (principauté), 441.
Nokoinar, 604.
Nord (Saint-Paul). 186.
Norfolk (île), 50, *80d, 818,
943.
Nonnan (lleuve), 721.
Nornianlown, 71 1.
Norlh Bornéo, 316.
North Shore, 797.
.Ncirtbern Territory, 786.
Nossi-Bé, 69, 73,' 79, '116.
Nossi-Fali, 116.
Nossi-Komba, 69, 116.
Nossi-Mitsiou, 69, *116.
Nossi-Yé. '119, 122.
Non (île), '705.
Nouka-hiva, '904, 906, 941.
Nouméa, 685, 087, 692, '703.
Nouvelle - Bretagne (Birara),
654.
Nouvelle-Calédonie, 45, 49,
'684 et suiv., 929.
Nouvelle-Galles du Sud. voir
New Soutb ^Yales.
Nouvelle-Guinée ou Papouasie.
13, 22. 28, 483. *lil7. 711,
750. 92 i.
Nouvelle-Hollande, voir- Aus-
tralie el Tasmanie.
Nouvelle-Nursic, 780.
Nouvelles-Uébrides, 10, 41. 49,
'673. 676, 677, 682, 683,
693, 916, 929.
Nouvelle-Zélande, 5, 20, 41,
50.52,208, 711, 773, '815,
895.
Nowra, 801.
NuevaCâceres ou Naga, 576.
Nukapu (île), 679.
Nukualofa, 932.
Nukunor, 600.
Oalm (île), 958, 968,972.
Oamaru, 8(i2.
Oas, 567.
Obi, ObiOmbirab ou Obi Major,
•5 4, 499.
fledjoeng (lleuve), 354.
Oeliasser(îles), 480, '481,489,
495.
Oembilien ou Indragiri (fleuve~,
223, '251, 258.
Oengaran (volcan), '335, 394.
Ohau (lac), 824.
Okussé, *441. 445.
Old Hat (îlot), 839.
Oleh-leh. 255.
Oma ou llaroekoe, 481.
Ouibaaï (île), 431.
Onehunga, 859.
Onetapu (désert), 831.
Ongop-Ongop (volcan), 345.
Onibé (rivière), '74, 111.
Onin (péninsule), 624.
Ono Niha, 249.
Onrust (île), 588.
Onlaijsatioihn, 97.
Ontong-Java ou de la Candelai ia
(atoll), 658.
Oparo, voir Râpa.
Opliir ouPasaman (niont), 221.
Or (mont d'), 705.
Draluk, 600.
Oiaïui-liailjo. 472
Orancj-Bounluul, 295.
Orançi-Donqo, 427.
Orange, 800.
Orung-Gocnnntj, 274.
Oraiifi-KoKnta, 273.
Orany-Koubou, 249.
Oiang-Laoet, 472.
Oriiny-Louhou , 2i0.
OrrtHf/-Oi(/oH, 246.
Orciny-Sclidï ou Oniiiy Lnout,
Orang-Laoct, *273, 472.
Orany Serani, 487, '502.
Orkney (îles), 19.
Orohena (mont), 899.
0(,697.
Olago (port). 829, 862.
Otago (province), 87ti.
Ot-Danom, *294, 296, 299.
Ouagap, 706.
Oiiaiki-Oiinïk), 748.
Oiicdi-Omiti. 748.
Oulathi (îles), 600.
Ovalau (ile), 875, 887.
Owen Stanley (mont), 026.
Ovster-cove, 858.
l'abean, 416.
l'acitique, 3, 7. *22, '889, 891 ,
voir Grand Océan.
Padang, 206, 210, 222, 231,
233, 246, '257, 269, 462.
Padang (province), 269.
Padang-Pandjang, '258. 260.
Padang Sidempoean, 257.
Padjagalan (vallon), 531.
Pudri, 259.
Pagan, '583, 587.
Pasjeb (île), 253.
Pallia, 816.
l'aman, 260.
Paja-Kombo, 258.
Pajoeng (goenong), 325.
Pakaranian, Goewa Oepas, 333.
Pakoeodjo (volcan), 332.
Palaos (lies), 48, '588.
Palembang (ville et province),
206, 231, 252, 249, '201,
268, '269.
Palembang ou Moesi (rivière),
*232.
Palmerston, 777, 785.
P.Élmerston (îles), 895.
l'alos, '473, 477.
Paiiiauzi (llol), 133.
INDEX ALIMIAlîKïinii:-
985
Pamekasan, 4i0.
l'aiiipangaa (rio), *53i. 5()'J.
l'ampanijos, 543.
l'amplemousse, 158.
l'anali (ile des Princes), 525.
i'anama (isthme), UôU.
Panaroekan, 405.
Paiiay, 518, 550, *ô6!).
Pandan (volcan), 357.
J'andil (volcaQ), 345.
Pandita (ile), 421.
Pangaron, 305.
Pamjasinancs. 545.
Panggerango (volcan), 525.
Panghoe, 459.
Pango-Pango, 934.
Panié (piton), 089.
Pansipit ou Taal (fleuve), 532.
Pantar (ile) 451.
Papandajan (volcan), 529.
Papeefé, *930.
Papenberg (raonll, 490.
Papoiia, 54, 210, 400, 484,
'031,000,922.
Papouasie on Nouvelle-Gui-
née, 202, *017.
Pâques (Waihu Ou Râpa nui),
893, *904, 908, 943.
Paragua (la), 516. 519, *a50.
Paramatta, 798, 801.
Parece Vêla, 582.
Paiigi, 475.
Parry (iles), 588.
Pasainan ou Ophir, 22 1 .
Pasig (fleuve), *552, 557, 501,
502.
Pasig (village), 502.
Pasir, *3U0, 311.
Paso (village), 490.
Pasoeroean (ville et province^
556, 404, 405, 409.
Pasoumah, 248.
l'assan(lavafl)iiii'), 117.
l'ula-lima. 490.
Pala-sinui, 490.
Paternoster (ilols), 324.
Pateros. 502.
Patjitan, 398.
Patoeha (volcan), 329.
Patti, 595.
Pays des Piliers, 725.
Pekalongan, *390, 409.
Pekan-Baroe. 200.
Pelarang, 309.
Peling (île), 455, 408.
Pembocan (fleuve), 287.
Penaiiggoengan (volcan). 359.
Penrhyn (fond de), 895.
Pcnrhyn (iles). 893.
Pennsan (nionll. 283.
Peranipoean (volcan), 429.
Pernakan, *274, 302.
Perongia (mont), 839.
Perth, 735, *778.
Pertibi, 257.
Pescadores(islas dos),*008, 015.
Petites Moluques, 499.
l'eti-e (baie), 864.
Philippines, 5.
Philippines, 8. 41, 55, 190.
515, 920, 923.
Philippins, 537.
Pbillip (port), 797, 804.
Phoenix (îles), 893, 894, 900.
Pierre (île), 18.
PieterBoth (mont), 152.
Pigeon-bay, 829.
Pilianga (mont), 831.
Pile de Chambers, 725.
l'ilot (mont), 793.
Pins ou Kuuié (île des). 085,
•700.
Pitcairn (ile), 802, 893, 943,
944, 946.
Piton d'Enchein, 164.
Piton des Neiges, 101.
Piton du Milieu, 152.
Pitt (île) ou Butaritari, 804.
Plate (ile), *1 40, 152.
Pleasant (île), *ti09, 010.
Pleuty (bav of) ou baie d'Abon-
dance, 854, 836.
Plenty (rivière). 898.
Poe (mont), 283.
Poedal ou pie de Bacon, 522.
Poelasari (volcan) , 324.
Poelasi (îlot), 458.
Poelo Laoet, 277.
Poeloe Lawang ou Palalavang,
206.
Poeloe Petak, 287.
Poerwakarta, 590.
Poerworedjo, 397.
Poesoek Boekit (volcan), 221.
Pointe a Larrée, 114.
Pointe de l'Ermitage, 028.
Pointe des Galets, 173.
Point-Parker, 790, 792.
Polangui, 507.
PoliUo (isla del), *518, 551.
Polloc, 571.
Poloat(iles), 000.
Polynésie, 5. 23, 883.
Polynésie équatoriale, 885 et
suiv.
Polipiésicns , 079, '900, '908
et suiv.
l'oniotou, voii- Tnanialou.
Ponapé (Puiuipi't), 590, 600.
001. 006. *t.07.
Pontianak, 278,284, '302,310,
311.
Porcs (ile des), 190.
Porl-Adelaide, 784, 787.
Port-Akaroa, 829.
Port-Arthur, 810.
Port-Breton, 670.
Port-Cooper, 829.
Porl-Darwin, 751, 785.
Port-Denison, 791.
Port des Galets, 1 74.
Port-Hacking, 801.
Port-Jackson, 775, '794, 799.
Portiand, 808.
Port-Levy, 829.
Port-Louis, 142, *154.
Port-Macquarie, 800.
Port-Mathurin, 142, '178.
Port-Moresby, 045.
Port-Phaéton, 958.
Por(-Philipp,804.
Port-Resolution, 675.
Port-Stephens, 800.
Port-Victoria, 159.
Possession-island, 190.
Posso (lac), 408.
Pott (île de), '691, 706.
Pouce (le), 152.
Pounan, 294.
Poverty-bay, 800, 815.
Prahoe (volcan), 332.
Prasiin (île), 130.
Preang (régences de), Preanger,
555, 579, 409.
Preservation-inlet, 828.
Priaman, 257.
Priangan, 258.
Prince-Edouard (île du), 190.
Probolingo ou Banger, 556,*404,
409. "
Progo (fleuve), '348, 593.
Prony(baie), 704.
Providence (récits), 614.
l'uerto-Princesa, 573.
Pukaki (lac), 824.
Pukapuka(îlot), 893.
Putanaki (volcan), 836.
Pulotu, voir Havaïki.
Pvrénées, 720.
Oueenscliff, 807.
Queensland, 725, 750, 752,
730, 755, 758, '788, 929.
Queenstown, 804.
Uuille (la), 186.
IJuinali (rivière), 567.
124
986
l>'Di:X AU'UAIfKTIQUE.
Radja Bassa (volcan), 225.
Raiatca (ile), 8U9, 941.
Raki-rua, 817.
Ralik (îles), (JU9, 015.
Ranay (monlagtie), 276.
Rangiroa (Rairoa), 939.
Rangitaiki (rivière). iS.â6.
Rangitoto (moiil), S.")9.
Rangsang (ile). 253.
Rantau (ile), 233.
Ranti (volcan), 345.
Uaoea (volcan), *3ii, 405.
Raoul (cap), 813.
Raoul ou Suuilay-isl;irul. *(J7"2.
868.
Râpa (Oparo). 9117. 010. 955,
'9.36.
Rai-alonga, 898, 900, 935, 920,
928.
Rardlonijuns, 930.
RaUik(iles), *(i09, 613, 015.
Ravensvvonil, 791.
Rejang, 515.
Rcjang (rivière), *287. 290.
Redjanyers, 248.
Reniliang, 559, *400. 409.
Rendjani (volcan), 422.
Rei[uin (haie du), (Skark's bav),
780.
Réunion, 68, 09, 105, 141,
•142, 144, 147, M 60.
Rcwa, 888.
Rewa-Rewa (denve), 872. 888.
Ribon (torreni), 390.
Rikitca, 941.
Ringat, 266.
liinggit (volcan). 3ii.
Riouw (aichipcl), 234, '269.
271,513.
Rivcrina, 800.
Riviéi-e-Niiirc (luoulanne de la).
152.
Roa (LIapou), 910.
liockliamploii, *790.
Knckiiigliani. 778.
Kodd (ile), 767.
liodrigues, 141, 144, *178.
lioebourne, 780.
Rocii (ilol), 499.
Roepal (ile), 235.
Roeiockan, 477.
Roesa (île), 458.
Rokan (Qeuvc), *231.
Rokka (Oniboeoe Soi'o), 429.
Roma (ile) (Insulinde), 417, 448.
Roiua (Ausli-alic), 790.
Romblou (ile), *509, 579.
Ronde (ile), '145, 152.
Rougclap (Pescadores), 015.
Rongeiik, 615.
Rook (ile), 669, *672.
Roper, 732.
Rose (ile), 898.
Ross (mont), 191.
Rnla ou Sarpan, 585, *587.
Rola-nia, 835.
Rolo-ehu, 835.
Rolo-iti, 853.
Rolo-niahana, 836.
Rolo-rua (lac), 834.
Rolli (archipel), *455, 444.
Rnltnest (île), 778.
Roluina (ile), 889, 953.
liotumiiiis. 889.
Rozengaïn (îlot), 499.
Ruapehu (mont), 831,836, 849.
Uuk (archipel), 599, 600, 601.
Rungus (village et cn-(pie), 536.
Russell, 858.
Saliah ou Norlli-lîorneo. 30.
Sabine, 18.
Sabrina-Land, 16.
Sadang (rivière), 461.
Sago (volcan), 222.
Sagul, 319.
Saibai (ile), 645.
Sdïpiii ou Kicliim, 59.
Saint-Aignan, 627.
Saint-André (cap), 118.
Saint-licuoil, 142, 174, *175,
177.
Saint-Denis, 142, M70, 177.
Sainte-Marie (ile), 68, 79.
Sainle-Marie(Nossi-lioraha), 75,
*113.
Sainte-Rose, 175.
Saiut-ICIienne (rivière). 163.
Saint-Joseph, 1 75.
Saint-Leu. 168, *170, 174.
Saint-Louis, 177.
Saint-Paul (ile). 42, M85,â29.
Saint-Paul (ville), 142, 146,
170, *173, 177.
Saint-Philippe, 109, *I75.
Saint-Pierre, 168, *I74, 177.
Saint-Vincent (dent de), 686.
Saint-Vincent (golfe), 781.
,Srt/,«/rti'eA-, *90, 99, 100, 103.
116,118.
Sakatia, 116.
Sala (volcan), 325.
.Salak (volcan), 325.
Salatiga, 595.
Sala y Gomez. 893.
Salazes (massif des), 161.
Salazie (cirque),*! 65, 167, 176.
Salazie (village), 168, *176.
Sale, 808.
Saleijer, 455, *458, 465, 512.
Salomon (îles), 10, 13, 41, 48,
*655, 656, 660, 072, 068,
668,672, 718,926, 929.
Salwatie (île), *625, 659.
Samalanga (volcan), 218.
Samar (ile), 518, 580, *.508,
005.
Samarang(ile). 895.
Samarang, voir Seniarang.
Samarinda, *506, 511.
Samaté, 639.
Sambas, *303, 311.
Sambilioeng (État de), 310.
Sainbori (volcan), 426.
Samoa (îles), 42, 845, 895, 894.
*897, 910, 927, 929, *953,
936.
S/iiiionii.s. *9I 4, 926.
Samne (ile). *435. 457.
Sauipit (Heuv,'), 287.
Samsan, 639.
San-Barlolonieo (île), 608.
San-Bernardino (détroit), 555,
564.
San-Cristobal (volcan) . 527.
San-Cristobal (6aura), (ile) 058,
926.
Sandakaii (KIopiMa), *517.
Sandgalc, 790.
Sandhoi^ <iu lliMidigo, *804.
809.
Sandridge, 804.
Sandwich (pori), (Suuvelle^-
llébrides),083.
Sandwich, voir llavaii.
Sandy (cap), 730.
Sandy island, 790.
Sau-Fernando, 564.
Sanga-Sanga, 310.
Sangeang (rnoni), 426.
Sangi on Sangliir (îles), 455,
*460, 465, 477. 517, 518.
Sangil ou Sarangani (volcan),
519.
San-lsidro, 562.
San-José de Buenavisia, 509.
San-Jnanilo (déiroil), 568.
Sankolirang, 310.
San-Lucas (cap), 894.
Sau-.Miguel de Caniiling, 564.
Saula-Aua (ilôt), 658, 659,602,
664.
INDEX ai.pii.u;i:tiqif;.
987
Saiila-Ciuz (nicliipel), ^L'CT."),
076, 677, 683.
Siiiita-Cniz (ville), 562.
Santo-Tomas, 564, 577.
Sapai-oea (île et ville) , 481. 485,
•495.
Sa|ioeili (aieliipel). 524.
Sa|i(K'l;iii imiiiil). 459.
Saïaiifiani (xulcaii), 518.
Sarawak ou Kucliiti!; (ville et
principauté), SD'i,' 2U8. 210.
280, 285, 284. 292, *500,
*30!, 515, 514.
Sarawak (rivière), 287.
Saroea (île), 447.
Sasak, '422.
Sasan (mont), 422.
Salawal (Satoel), 600.
Satoan, 599, 600, 604.
Satoï (mont), 285.
Saunders (eap), 828.
Sava*:e-islanil, 952.
Savaii (île), 845, 89S, 904,
927, 955.
Savaîki, voir Ilavaiki.
Savaïoii, 920.
Savo ou Sesarga, 058.
Savu-Savu, 888.
Silvcrton, 800.
Sawah (volcan), 224.
Savvaï, 494.
Sawal (mont), 551.
Sawoe (îles), 455, *454.
SavadeMalha (bancs), 159.
Saypan, 583, *587.
Schouten (archipel), 619.
Sea-vievv, 725.
Sebesi (île), 225, 250.
Seboewang (rivière), 290.
Sebokoe (ile), 277.
Sebuku (tlcuve), 279.
Segama (rivière), 519.
Segara .4nak (lac), 422.
Segara Anakan (baie), 549.
Segli, 256.
Sekaar, 643.
Sekindjan, 225.
Selaparang ou Selaparan (Lom-
boh), 420.
Selaroe. 450.
Selawa Djanten (volcan) ,218.
Semarang ou Samarang, 501,
581, *590, 405, 408,^09.
Semeroe (volcan), 525, 559.
Sengarang (îlot). 272.
Sei'aja (volcan), 411.
Serajoe (fleuve), 348.
Serany, '585.
Serasan, 276.
SermaUa(ile), 448.
Serwalty (îles) mi du Sud-
Ouest, 446.
Sewoe (monts), 55R.
Sevchelles, 4, 5, *150, 144.
Shàrk's bay, 780.
Sbctland (îles), 19.
Sberlock (rivière). 780.
Sboalbaven, 801.
Shortiand, 859, 864.
Sliortland (ile), 670, 859.
Siak (fleuve), 251, 266.
Sibalon, 569, 575.
Sibogha, 257.
Sibu, 516.
Sibuko (mont), 516.
Sihanako, *96. 99, 101.
Silebar (baie), 260.
Silhouette (île). 156.
Silvertou (mines), 801.
Simaloe ou Babi (ile), 249.
Simangang, 514.
Sindang-Laja, 589.
Siiidoro (volcan), 334.
Singalong (volcan), 222.
Singapour, 270.
Singes ou Apcnberg (mont des).
258.
Sing karah (lac), 223.
Singkel. 257.
Singkep (île), 271.
Singosari, 404.
Sipirok, 257.
Siquijor ou Fuego (île), 520.
Sitoebondo, 350.
Sjauw(île), 489.
Sjauw (volcan), 460.
Slamat (volcan), 382.
Smythesdale, 808.
Snares(î]es), 818.
Société (îles de la), 895, 894.
899, '956.
Soedara (Doewa), 460.
Soekaboenii, 389.
Soekadana, 503.
Soela (archipel), 455.
Socla (îles), 465, 475, 507.
Soela Besi, 475.
Soela-Takomi, 501.
Soela Taliabo, 473.
Soemalata, 474.
Soemba, '432.
Soembawa (Sambava), '424.
Soembawa (province), 477.
Soembawa (golfe), 424, *425.
Soembawa (ville), *4'27.
Soembing (volcan), 534, 574.
Soenda, 353.
Soendanais, 553.
Soerabaja. 400 et sniv., 787.
Soei'abaja (province), 556.
Socrakarta ou Solo, '397, 405.
Soerakarta (province), 576,407,
409.
Soesang (rivière), 252.
Sogcre, 645.
SokotraOU Socotora,'57 et suiv.
Solander (cap), 795.
Soli), voir Soerakarta.
Solo (rivière), Bengawan ou
Sambaja), 55(i, 547, 397,
400.
.Solombo (îles), 522.
Solor (archipel), 428, '451.
Somerset, 736, 791.
Somo-Somo (détroit), 875.
Solide (détroit de la), 225.
Sonde (lies de la), voir Insulindc
195 et suiv.
Sonebait (Etat de), 415.
Sorol (iles), 600.
Soro Vandi (volcan), 426.
Sorsogon, 567.
Sorsogon (golfe), 522.
Soumadra, 217, '256.
Soiindanais, 213,521.
South-.\ustralia, 720, 755, 756,
764, *781 et suiv.
Soutb-cape, 649.
Souvorov ou Souwaiof (ilols),
895.
Spencer (golfe), 785.
Spermonde (archipel), 471.
Sriang (lac), 287, 292.
Stacey (île), 649.
Stawell, 809.
Stewart-island, 817, 818, 864.
Storra-bay, 810.
Suai, 565, 579.
Subig, 565.
Sud (île du), voir Kouvelle-
Zélande et Tevalii-l'anamu.
Sud-Est (ile du), Sudest-islaud,
'626. 649.
Sud-Occidentales (iles), « Zuid-
v\ester eilanden i) , 446.
Sud-Orientales (îles) (Tcnindiei-
et Kei), 449.
Sngut nu Cûttabato, 520.
Suikerbrood, 22 i.
Suk (Pulusufi), 600.
Sulu, voir Jolô.
Sumatra, 22, 42, 62, 156, 195.
201, 202, 207, 209, 215,
'216, 277, 295, 525, 550,
575, 515.
Sundav-island ou île Raoul,
868".
Surigao (détroit), 555.
Surigao (pointe), 519.
Surigao (ville), '571.
I>DEX ALPUABETIOUE.
Suva, 887.
Suvorov (Souvarolf), (ilôt), 895.
Swan-river ou rivière des Cy-
gnes, 778.
Sydney, 76Ô, 79i, 779, *80l.
Taal, 56i.
Taal (volcan), 527, 531.
Tabaco, 507.
Tabanan (province de), 419.
Tabello, 511.
Tabocan (ile), 225.
Taboenkoe (royaume de), i'iô.
Tabolongang (ilôt), 458.
Tacloban, 568, 579.
Tadjeni (mont), 275.
Tafelberg (Sumatra), 218,
Tafelberg (Soembawa), 424.
Tafelberg (llalmahcra), 501.
Tafoeli (lac de), 460.
Tai/fil ou Ta-G(it(i, 558, 555,
•543.
Tayhaiiuhoy, 573.
Tagbilaran, 571, 573.
Taliaa (ile), 899,941.
Taio-Ilaé, 941.
Taiti, 14, 47, 895, 898, 906,
918, 923, 926, 928, 929,
*956 et suiv.
Tfi'itiriin, 924.
Taiti lli, 899.
Taiti Nui, 899.
Takalar, 472.
TalangouSoelasi (volcan), *222,
258.
Talaoet (archipel), 455, 477.
Talaraquin, 519.
Tamarida, 19, *61.
Tamalave ou Toamasina. 68, 79,
105, «112, 119, 122.
Tarabelan (îlot), 276.
Tambockoe (mont), 345.
Tamil, 605.
Tamparang ou Tempe (lac),
401.
Tampat Toewan, 257.
Tampomas (volcan), 531.
Tdmpusuk (rivière), 319.
Tamworlh, 800.
Tanah-Djampea, 455, 458.
Tana keke (île), 471.
Tananarive ou Ant'.Vnanarivo,
79, 80, 98, M06, 119, 122.
Tandjang Datoe, 283.
Tandjang Pinang, 271.
Tandjong Boenga, 450.
Tandjong Pandang, 276.
Tandjong Priok, 388.
Tandoewi (fleuve), 348.
Tangarocng, 506,311.
Tangerang, 588.
Tangka (mont), 225.
Tangkamoes nu Keizers Piek
(moni), 225.
Tangkoeban Pialme (volcan),
531.
Tanna, 683.
Tanna Aipei'i, *075. Ii77, 078.
Taou-ata, 901.
Tapamanoa, 899.
Tapanoeli (baie), 257.
Tapanoeli (province), 257, 269.
Tarakan (volcan), 501.
Taranaki ou mount Egmont,
859, 8i9, 860.
Taranaki (province), 870.
Taravao (isthme), 938.
Tarawa, 016.
Taravvan (rivière), 519.
Tarawera (lac), 855.
Tarilari, 010.
Tarob (volcan), 515.
Taroen (fleuve), 547.
Tasman (glacier), 822.
Tagmanie, 13, 23, 714, 720,
7.35, 740, 758, 771, 772.
774, *809 et suiv,
Tasmaiiicns, 748, 758.
Tasman-peninsula, 810.
Tatas (île), 505.
Tau, 935.
Taui (île), 656.
Taumaco ou Duff, 079.
Tanpo (lac), 831,842, 849.
Tauranga, 848, 859.
Taviuni (île), 875.
Tayabas, *5()7, 575.
Tay-tay, 575.
Tchdqalnlcijdl, 252.
Tcbagos (archipel. Iwncs des),
22,87.
Te Anau (lac), 824.
Teavarua, 941.
Tehah, 225.
TebingTenggi, 263.
Teetulpa, 785.
Tcgal, 590.
Tegal (province de), 409.
Te Kapo (lac), 824.
Telaga liodas (lac), 551.
Telcn (rivière), 289.
Telerep (volcan), 554.
Telokh-Betong, 250, *261 , 209.
Teloeti, 494.
Tempiiigan, 585.
Tengger (volcan de), 559.
Tengteng ou Manonipa, 75.
Tenimber ou Tanah Iniber (ile),
*449 et suiv.
Tenoni (fleuve), 257.
Ternate (île et ville), 453, 485,
499, 500, 502, *505, *507,
508,
TeiTor (mont), 18, 42.
Te-ïarata (source de), 830.
Tevahi Panauiu,817, voir Nou-
velle-Zélande.
Thames, 859.
Thursday-island, 791.
Tibi,507.
Tibi (vallée de), 525.
Ticao, 518.
Tidar (colline), 555.
Tidoeng (État de), 510.
Tidore,''499, 500, 502, *505
Tierra Blanca ou Lupang Puh,
527.
Tifoeri, 499.
Tigre (îlot du), 655.
Timaru, 802.
Timboro ou Tambora (nioril),
424.
Timor, 201, 205, 200, 211.
581, *45i, 515.
Tiinoriens, 44 1 .
Tinior-Laoet, 449.
Tinakaro, 674.
Timjuianes, 546,. 585.
Tinian (île), 584, *587.
Tinlingue ou Teng-teng, 1 14.
Tjandjoer, 589.
Tjaringi, 230.
Tjempi (baie de), 424, 425.
Tjenrana (rivière de), 461.
Tjerimaï (mont), 551.
Tjerimaï (volcan), 590.
Tjibodas, 589.
Tjikao, 589.
Tjikoeraï (ninnl), 531.
Tjilatjap, 590.
Tjilongok, 589.
Tjimaljan, 590.
Tjiljalenka, 590.
Tjitjoeroeg (col de), 525.
Toba (plateau et lac de), 221.
239.
Toeban, 400,
Tofua (pic), 895.
Togean (archipel), 455, 473.
Tohivea (mont), 899.
Tokelau(iles), 895, 894.
Tolia ou Tullear, 79.
Toli-Toli, 408.
Tolu (volcan), 501.
Tolo ou Tomaïki (golfe), 473.
INDEX ALPUABETIQUi:.
<J8'i
Tombiira ou Nouvelle-Bretagne
(ile).G54, ()Do,656,fi64,60S.
072.
Tomini (bourg et golfe), 475.
Tondano (lac et cascade), *461.
463.
Tondano (ville et plateau), 477.
Tonga (îles), »5, 42,48, 817,
881, 892, 894. 895, 910,
'032. 936.
Tongarlio (volcan), 851, 836,
849.
Tonga-tabou, 896, 927, 952,
955.
Tonguiens. 468.
Tonloli ou Toli-Toli, 474.
Toowoomba, 790.
Topaiitnniiiisii, 468.
Toradja. 468.
Torrens (lac), 754.
Torrens (rivière), 782.
Torres (détroit), 14, 27,*G18,
619. 650, 714, '720, 775,
788, 791.
Tosari, 404.
Toutouta (cascade), 092.
Tower-liill, 72(1.
Townshend (uionl) (Kosciuszko),
718.
Townsville, 791.
Trechter (détroit), 348, 400.
Triton (baie du), 620.
Trobriand (îles), ou Kirvirau.
027, 652.
Tromelin ou ile au Sable, 1 41 .
Trou-Fanfaron (crique), voir
Port-Louis.
Tsiafa-Javona, 72.
Tsijobonina, 76.
Tuamotu (lies), (Pomotu, îles
Basses), 895,902, *905, 926.
*944, 945.
Tubuai (arcbipel), 893, 898,
930, 945.
Tuliaï (ile), 943, 945.
Tugiiagarao, 564, 575.
Tukopia ou Barwell, 679, 910.
TuUear, Tolia ou Ankatsaoka,
*H9.
Tupuselei, 620.
Tutuila (ile). 897,934.
Tiidiuj Djiiri, 521.
Ualan (Oualau), 596, 597.
liOO, 602, 005, '607.
Uaraï, 703.
Ugi (ile), 659, 602, 069.
Ujae, 015.
Ulaua (île), 669.
Uliea (Wolea, Oleaï). 600.
Upolu, 898, 904, 927. 955.952.
Uracas ou Mangas, 585.
Ureparapara, 675.
Utirik, 615.
Uvea (Wallis) ou Ouarail (Te-
remba), 691, 952, 933.
Vahiria (lac), 958.
Va-Ngasiyn. 151.
Vancouver (île), 925.
Vanikoro (île), *674, 675, 678,
683.
Vanua-Lava. 075.
Vanua-Levu, *872, 888, 879.
Varé ou Teste (île), 049.
Vaté ou Efat (île), 078, *e83.
Vatoa ou des Tortues (îlot),
871.
Vatoumandri. 111.
Vavao (îles), 895, 897.
Vavitao, 945.
Va-Zimha, 97.
Veda, 512.
Vegetable-Crci'k. 800.
Veïa la Velha. 057.
Vera-Cruz (baie de la), 080.
Verdate (ile), 452.
Vergara ou Davao. 571.
Verlaten (île). 226, 227, '250.
Fcio, 92, 101.
Vicol ou Birnl, 544, 555.
Vicol (fleuve), 5ti7.
Viclor-harbour, 784.
Victoria (colonie), 720, 767,
774, *803 et suiv.
Victoria (fleuve), 753.
Victoria (Port Kssington), 787.
Victoria (\Vesl- Australia), 780.
Victoria-land. 18.
Vieux Chapeau (Old Uat), 840.
Vigan, 564. 573.
Visayas (îles), 544, 569, 574.
Yisaiias {ISisaijas), *544, 555.
Viti, voir Fidji.
Viti-Levu, '872,880, 882, 888.
Vlaardigen ou Macassar, 470.
Vohemar, *M4.
Volcan (le), 482.
Volcan ou de Vulcain (ile), 655.
Volcano (îles), 588.
W
Wadjo, 400.
Wadjo (État de). 478.
Wagga-Wagga, 800.
Wahaî, 494.
Wai (poelo), 218.
^Vaigeoe, 625, *658.
Waibu (Râpa nui, île de Pâques),
955.
Waikato (rivière), 822.
Wailah, 257.
Waï-levu (Rewa-Rcwa, fleuve),
872.
^VaiInakariri, 824.
Wainiea (baie), 949.
Wairoer, 642.
Waitaki (rivière), 824.
Waitangi, 850, 864.
Waiteniata, 859.
Waiwiko, 4i5.
Waiwiko-Waibali (principauté
de), 435.
Wajang (volcan), 329.
Wakalipu (lac), 824.
Wakoholo (lac), 4tO.
Wallaroo, 785.
Wallis (archipel), 915, 951,
'933.
Wallsend, 799.
Wamma (îlot), 645.
Wandammen, 642.
Waiiganui, 860.
Waiigsit (volcan), 422.
Warekauri (île), 840, 8li4.
Warrnambool, 720, 809, 808.
VVarsai, 018.
Warwick, 758, 790.
Wmvap, 097.
Wellington, 800, 859, 841,
859, 861, 869, 870.
Wellington (mont), 812.
West-Australia, 772, 765, *777.
Westland (province), 861, 878.
Wesiport, 861.
Wetaiig(ile),448.
Wetter ou Wetta (Ile), 440,
*447, 448.
Whakari (volcan), 856.
Widei (rivière), 529.
Wilcannia, 801.
Wilheins (plaines), 158, 159.
Wilkes-land, 17.
William (mouni), 720.
Williarastown, 804.
Willaumez (ile), 672.
Willis (mont), .556.
990
I.NDKX ALPlIArSKTlOUK-
Wilson (in-omonloiie de
72Ô.
WisiM (inoiil), ."."'2.
WoUongoug, 801.
Woodlark ou Mouyou (ili
Woolonioloo, 797.
Wotje, 015.
Woltho (ile). 015.
Wvvillo-Thoiiison (monl
i'amdena (île). 450.
718.
■). 027.
Yaii-Yeaii (lac). 808.
Yap (Eap, Uap, (iuap), 588,
590. 000, 002, *605.
Yaii-Yfiii. 7 48.
Yalta- Van a. 808.
Yasava (ai-cliipel), 872.
Yasova (monl). 075.
York (cap), 778.
York (ile) ou Ncu-Lauenbuig.
•055, 009.
York (peninsula) ((Jueensland).
28, 725, *88, 791.
Yoi-k (ville), 70i.
Y'orke-]H>niiisula (Soulh-Austia-
lia), 785.
Y'oung-i?land, 15.
Ysai-og (volcan). 525.
Yule (ile), 049.
Yule (monl), 020.
Y'zabel (ile), 055. '(157,
004, 072.
(iOO,
Zaïiihdtcs, 545.
Zambales (montagnes), 529,
Zamboanga, 571.
Zaoudzi, 133.
Zuid-Wcster Eilandi-n ou
du Sud-Ouest. 4ili.
503.
TABLE DES CARTES
1 . Hémisphère du (îrand OctMii (partie occidentale) 2
2. Hémisphère du Grand Océan (partie orientale) 5
ô. Principaux voyages des explorateurs de l'océan Pacifique !)
4-. Les deux premiers voyages de circumnavigation de la Terre 14
5. Époques des principales décourerles faites dans rOcéanie Iti
6. Voyages circmiipolaires 17
7. Promontoire septentrional de l'Antarctide 19
8. Profondeurs des mers australes 21
9. Banquise suivie par Dumnnt-d'Lrville 50
10. Volcans du Pacifique 45
1 1 . Zone des îles coralligènes 45
-12. Sokotra 59
15. Angle sud-oriental de Madagascar 07
14. Itinéraires principaux des voyageurs a Madagascar 71
1 5. Marigots de la côte orientale de Madagascar 75
10. Érosion de la côte orientale et baie d'Anton-Gil 76
17. Zone circulaire des forêts de Madagascar 81
18. Populations de Madagascar 01
19. Tananarive et ses environs 109
20. Tamalave 112
21. Diego-Suarez 115
22. .Nossi-Bé 117
25. Côte nord-occidentale de Madagascar 119
24. Comorcs 127
25. Mayotte 152
20. Seychelles 157
27. Socles sous-marin-; de Madagascar et des Mascareignes 110
28. Maurice 155
29. Port-Louis J57
50. Le Grand-Brùlé 162
51. Les trois cirques d'érosion 104
PI. 1. Ile de la Réunion : Saint-Denis et le Port des Galets 174
52. Saint-Pierre 175
55. Rodrigues 179
54. Iles Keeling 181
55. Ile d'Amsterdam 184
OO'i T Ali LE DES CAUTES.
50. Sainl-Paul 186
57. Kei'guelen 191
58. Socle sous-marin des leires dans l'Insulinde 197
59. Superficies comparées de la Hollande et de l'Insulinde hollandaise 205
40. Ligne de séparation des faunes de l'Insulinde 209
•41. Populations de l'Insulinde 213
42. Chaîne volcanique du llerapi 225
45. Le Krakatau et les lies voisines, état antérieur à l'éruption 226
44. Le Krakatau et les îles voisines, état postérieur à l'éruption 227
45. Aire de dispersion des cendres du Krakatau 228
46. Plaines alluviales dans le hassin du Moesi 254
47. Lac de Toha et pays des Batta 245
48. Populations de Sumatra 247
49. Kota-Radja et port d'Olch-leh 256
50. Padang et ses environs 259
51. Montagnes à l'est de Padang 260
52. Palembang 262
55. Deli , 267
54. Archipel de Ixiouw 271
55. Bangka 275
50. Kina-balou 281
57. Delta du barito 289
58. Fleuves navigables et itinéraires principaux des voyageurs dans Bornéo 291
59. Bandjerinassin 504
60. Cours inférieur du Mahakkaiii 509
61. Brunci 512
02. Sarawak 515
65. Sandakan 518
64. Principauï volcans de J.iva 525
65. Volcan de Gedé 526
66. Dieng 555
67. Ooenoug Sewoe 557
08. Pentes sud-occidentales du Keloel 558
(iO. Tengger et Semeroe 540
70. Lamongan 544
71. Noesa Kemliangan 549
. 72. Populations de .lava 555
75. Accroissement de la population de Java, comparée à celle de la Hollande 501
74. Zones superposées des rizières humides, des rizières sèches et des caféteries. sur h>
pentes du Soembing 574
75. Forêts de tek entre Semaraug et Soebaraja 578
76. Chemins de fer de Java 580
77. Lignes de bateaux à vapeur dans l'Insulinde 581
78. Bata\ia en 1628 584
PI. II. Détroit de la Sonde 584
79. Batavia el poil de Taudjnng Priok 587
80. Semaraug 595
81. Magelaug el Boeroe-Boedhoer 396
82. Le Merapi et Djokjokarla 598
85. Patjitan 599
84. Soerabaja el le détroit de Madneia 405
85. Divisions administratives de Java 407
80. Bali 411
87. Détioit de Lnnibok 421
TABLK DES CAHTKS. S93
88. hirlie ciMiliale de Soeniljawa .i25
89. Ik'troit de Larantoeka 130
90. Timor et îles roisines 457
91. Koepang 414
92. Tenimber ioi
95. Régions explorées de Celêbès 457
94. Saleijer 458
95. Minahassa 4fil
96. Macassar et la pointe sud-occidentale de Celèbès i71
97. Divisions administratives de Celèbès 478
98. Boeioe i8l
99. Port d'Aniboine 493
100. Kilw.-iroe 493
101. Groupe de Banda 49ti
102. Empires de Ternate et de Tidoro 506
103. Ternate, Tidore et isthme de Dadinga 508
104. Densité de la population dans ITnsulinde Hollandaise 311
105. Divisions politiques de ITnsulinde Hollandaise 312
106. Les trois isthmes de ITnsulinde et des Philip[iines 517
107. Partie méridionale de Luzon 521
1 08. Partie centrale de Luzon 526
109. Taal et lac Bombon 528
110. Tremblement de 1880 551
111. Piincipales populations des Philippines 341
112. Manille 558
113. Environs de Manille 565
114. Samar et Leyte 308
115. llo-llo et délroit de Guimanis 570
116. Archipel de Jol<") 572
117. Densité de la population philippiue 575
118. Divisions principales de l'archipel des Philippines 578
119. Rangée des Mariannes 582
120. Archipel des Palaos 589
121. Archipel de Ruk 599
122. Yap 601
125. Ponapé 606
124. Ile d'Arhm. 610
125. Archipel de Mariliall 611
126. Principaux voyages sur les cotes et dans l'intérieur de la .Nouvelle-duinéc 619
127. Montagnes de la Nouvelle-Guinée 624
128. Golfe de Mac-Cluer 625
129. ^Vaigéoe, Batanla et Salwatie 639
130. Dorei 040
131. Port-Muresby 046
1.32. Baie de l'Astrolalje 651
135. Baie Blanche tio7
154. San-Cristobal 661
155. Ile Neu-Lauenburg 671
136. Vanikoro 675
137. Nouvelles-Hébrides 076
158. NouveHe-Calédonie 689
159. Nomiiéa 704
140. He des Pins 709
141. Superficie de l'Austialic comparée à celle de rAni;leterre 713
ii^ 125
994 TABLE DES CARTES.
14^. Principaux voyages (roxpluialidii en Australie 7IJ
145. Voyages de pénétratioa par Mac Douall Sluart 717
144. Alpes Australiennes 71'.t
143. Détroit de Bass • 72t>
146. Détroit de Torres 72'J
147. La Grande Barrière 751
148. Isothermes de l'Australie 755
149. Pluies de l'Australie orientale 757
150. Populations et langues de l'Australie au milieu (lu dix-neuvième siècle 751
151. Densité de la population australienne 762
152. Accroissement de la population australienne 765
155. Mines d'or de l'Australie sud-orientale 768
154. Chemins de fer de l'Australie à la lin de 1887 775
155. États australiens 775
156. King George-sound 776
157. Perth et ses environs 779
158. Adelaide 785
159. Adelaide, golfes de Spencer et de Saint-Vinceul 784
160. Port Darwin 786
161. Brisbane et Moreton-hay 789
162. Botany-Bay 794
165. Sydney en 1802 797
PI. 111. Sydney et Port-Jackson 792
164. >'e\vcastle 799
165. >orfolk 802
166. Melhourne el Uobsim's bay 807
167. Uobart et la rivière Derwcnl 815
168. Glacier de Tasman 825
169. Fjords sud-occidentaux de la Nouvc^lle-Zélande 828
170. Breaksea sound et Dusky sound 829
171. Détroit de Cook 85(1
172. Lac Taupo 855
175. Région des Merveillesi- 855
174. Pays du Roi 850
175. Chemins de fer de la Nouvelle-Zélande 854
176. .Uickland 858
177. Kaipara 861
178. Cbrislchurcli et la péninsule d'Akaroa 862
179. Duncdin et Porl-Chalmers 865
180. Ile Chatham 86'
181. Provinces de la Nomelle-Zélande 869
182. Iles Fidji 875
185. Suva et Levuka 887
184. Alignements des îles polynésiennes 892
185. Iles volcaniques de la Polynésie orientale 895
186. Touga-taboH 896
187. Iles Samoa «'■''
188. Archipel de Gambier 905
189. Marquises 905
190. Iles de Pâques 009
191. Religions de l'Océanie 9M
192. Migrations polynésiennes 91. >
193. Populations de l'Océanie 915
194. Mouvement delà population océanienne 918
TABLE DES CARTES. 905
193. A|iia 952
190. Taïti et Moioea 953
197. Pappelé 954
198. Noiika-hiva 937
199. Divisions politiques de l'Océaiiie • . 936
200. Archipel Havaïien 946
'201. Cratères (le Maiina-Lea et tk> Kilauea 948
•202. Ilavaii 955
205. Ilduohilu. 995
Carte générale. — Afriquiî jiéridionale kt Haiugascar.
il'.iMe carie p.nil l'-h'c pl.ir('i' à l.T (iii .lu i.mij.; XIII.)
TABLE DES GRAVI RES
I. — Vue prise à Tasman-peninsula. Dessin de Taylor, d'après une photographie com-
muniquée par M. Cotteau 1]
H. — Vue prise sur la côte méridionale de la Nouvelle-Guinée. — Port Moresby. Dessin
de Th. Weber, d'après une photographie de M. Lindt 29
III. — La Terre Louis-Philippe. — Vue prise du large. Dessin de Th. Weher, d'après
l'album du Voyage de Dumont-d'Urville 59
IV. — Mailagascar. — Vue prise sur la route d'Andovoranto ii Tananarivc. Dessin de
Taylor, d'après une photographie de MM. Lachenal et Favre 63
V. — Baie de Diego-Suarez. — Vue prise à Antsirana. Dessin de Taylor, d'après une
pliotographie communiquée par M. G. Révoil 77
VI. — Havoninahitraniorivo, ministre hova. D'après une photographie communiquée
|iar la Société de Géographie 88
VII. — Femme belsileo. D'après une photographie communiquée par la Société de
Géographie 89
Vlll. — Village malgache de Nossi-Bé. Dessin de Taylor, d'après une photographie
communiquée par la Société de Géographie 95
IX. — Tananarive. — Vue générale prise de l'ouest. Dessin de A S'om, d'après une pho-
tographie communiquée par la Société de Géographie 109
X. — Ambohimanga, ville sainte des llova. D'après une photographie communiquée
par la Société de Géographie ISS
XI. — Said Ali, sultan de la Grande Comore. — Princesse de la Grande Coraore. Gra-
vures de Thiriat. d'après des photographies communiquées par la Société de
Géographie 129
XII. — Port-Louis. — Place du débarcadèi-e et statue de La Bourdonnais. Dessin de
G. Vuillier, d'après une photographie 155
XIII. — Piton d'Enchein. Dessin de Taylor, d'après une photographie communiquée par
M. G. Révoil 165
XIV. — Saint-Denis. — Vue générale. Dessin de Taylor, d'après une photographie com-
muniquée par M. G. lîévoil 171
XV. — « Marine » de Saint-Denis. Dessin de A. Slom, d'après une photographie commu-
niquée par M. P. Miraijaud 175
908 ï Ali LE DES GRAVURES.
\VI. — Ile Saint-Paul. — Vue générale prise du noid-est. Dessin de Taylor, d'après
une aquarelle de M. Vélain 187
XVII. — Cote occidentale de Bornéo. — Habitation de Dajak-Kennyali sur la rive du
Rejang. Dessin de G. Vuillier. d'après une photographie commuuiipiée par
M. Cotteau 199
XVIII. — Sumatra. — Phare de Poclo Brass. Dessin de .i. Slom, d'après une photogra-
phie de M. Brau de Saint-Paul Lias, communiquée par la Société de Géogra-
phie 219
XIX. — Navire lancé par la vague de Krakatau dans les terres de Télokh-Bctong. Des-
sin de Th. Weber, d'après un croquis de M. Korthals '11'.)
XX. — Sumatra. — Les hautes herbes de la jongle. Vue prise dans le royaunu' de
Déli. Dessin de P. Langlois, d'après une photographie de M. Brau de Saint-
Paul Lias, communiquée par la Société de Géographie 235
XXI. — Orang-Batta. — Orang-Atjeh. Gravures de Barbant, d'après des photographies
de M. Brau de Saint-Paul Lias, communiquées par la Société de Géographie. 241
XXII. — Palenibang. — Vue prise près du Kraton, dans le bois sacré. Dessin de
P. Langlois, d'après une photographie de Meessens 1G7t
XXIII. — Paysage de Bornéo. — Vue prise près de Sarawak. Dessin de P. Langlois,
d'après une photographie coiiuuuuiquée par M. Cotteau 2S5
\XI\ . — liornco. — Types davak. Gravure de Thiriat. d'après une photographie conuuu-
niquée par M. Cotteau 295
\XV. — Bornéo. — Femmes dayak. Dessin de E. Itonjal, d'après une plKJlograpliie com-
muniquée par .M. Cotteau 297
XXVI. — Bornéo hollandais. — Vue prise sur la rivière Amandit, à Kendangan. Dessin
de Th. Weber. d'après une photographie de M. Meessens •'307
XXVII. — Paysage de Java. — Le Gedé, vue prise de Buitcnzorg. Dessin de A. Slom,
d'ajirès une photographie communiquée par M. Verschuur 327
XXVIII. — Le lironio. — Vue prise dans le Dasar. Dessin de Taylor, d'après une photo-
graphie communiquée par M. Cotteau 541
XXIX. — Java. — L'empereur et l'mipéralrice deSoerakarta. Gravure de Thiriat, d'après
une photographie communiquée par .M. Cotteau 337
XXX. — Plantation de café dans les régences de Proang. Dessin de A. Slom, d'après
une photographie communiquée par M. Verschuur 369
XXXI. — Batavia. — Vue prise dans une rue. Dessin de Taylor, d'après une photographie
communiquée par M. Cotteau 583
XXXII. — Village de Tjimatjan, près de Tjanjoer. Dessin de Taylor, d'après une photo-
graphie communiquée par M. Cotteau 591
XXXIII. — Soerabaja. — Vue prise du pont de Genting. Dessin de Taylor, d'après une
photographie comnmniquée par M. Cotteau 401
XXXIV. — Bali. — Vue prise devant le palais du sultan de Boelcleng. Dessin deTh. XVeber,
d'après une photographie il 7
XXXV. — Pavsage de Timor. — Vue prise dans une forêt voisine de Koepang. Des^ill de
G. Vuillier, d'après une photographie conuiumiquée par M. Cotteau. . . . 459
XXXVI. — Miuahassa. — Cascade du Tondano. Dessin de P. Langlois, d'après une pholo-
graphie de M. Cotteau *'|J
XXXVII. — Menado. — Vue générale. Dessin de Taylor, d'après une photographie de
M. Colteau -4^3
TAiii.i-; m; s cu.wi iii:s. '.m
WXVIII. — Amliniiio. — Vue j^énéialc de la rade. Dessin île Tailnr, d'après une pliolo-
graphie communiquée par M. Cotteau 401
XWIX. — Banda Mcia et Lnnllioir ou Groot-Banda. Dessin de Taylei , d'a|irès une photo-
graphie communiquée par M. Cotleau 4i)7
XL. — Vue prise à Ternate. Dessin de Th. AVeher, d'après une pliotographie counnu-
niquée par M. Cotteau 009
XLI. — Le Mavon. — Vue générale. Dessin de .V. Slom, d'a|irès une pholof!raphie de la
collection Marche, communiquée par le Musée d"Ethnograpliie 'o'iTt
XLII. — lies Philippines. — Groupe de negrilos. Dessin de E. Ronjal, d'après une
photographie de la collection Marche, eoniniimiqnée par le Musée d'Ethno-
graphie ."j.")'.*
XLIII. — Philippines. — Indien Ifugao. Gravure de Thiriat, d'après une photographie
connnuniquce par le Musée d'Ethnographie 547
XLIV. — Manille. — Vue générale du port. Dessin de A. Slom, d'après une photogra-
]diie delà collection Marche, communiquée par le Musée d'Ethnographie. . ûôD
XLV. — l'ucblo d'Indiens policés, dans la banlieue de Manille. Dessin de Th. XVeber, d'a-
près une photographie comnnmiquéc par le docteur Montano 50Ô
XLVI. — Paysage des îles Mariannes. — Village de Saypan. Dessin de A. Slom, d'après
une photographie de M. Marche 58ii
XLVII. — Iles Carolines. — l'alan, vue générale prise au large. Dessin de A. Slom. d'a-
près un croquis du Dépôt des caries de la Marine 597
XLVIll. — Paysage de la Nouvelle-Guinée. — Village lacustre de Tupuselei, dans le pays
des Motu. Dessin de Th. Weber, d'après une photographie de M. J.-W. Lindt,
v\Uahe de Pidid-esque New Giiiiicii C'il
XLIX. — Nouvelle-Guinée. — Groupe de chefs Kmaii. tribu de la Papouasie sud-
orientale. Gravure de Thiriat, d'après ime photographie de M. .I.-\V. Lindt,
extraite de Pidiiiesqiie iSew Guiiica <).">.")
I,. — Nouvelle-Guinée. — Habitation de montagnards Koyari, piès de Port-Moresby.
Dessin de G. Vuillier, d'après une ])bolographie de M. J.-\V. Lindt. extraite
if Picturcsqiw New GtiiiK'd 647
Ll. — Iles Salomon. — Case tainbou et groupe de naturels de Sanla-Ana. Dessin de
G. Vuillier, d'après une photographie de M. IL B. t^uppy. extraite de The
Soloinon Ishnids 065
LU. — Nouvelles-Hébrides. — Groupe d'indigènes. Dessin di' Laelhier, d'après une
photogiaphie comnmniquée par M. Cotteau 670
LUI. — Nouméa. — Vue générale de la rade, prise de la caserne d'artillerie. Dessin de
Th. XVeber, d'après une photographie communiquée par la Société de Géo-
graphie 687
LIV. — Femme de Mare, dans l'archipcd des Loyauté. Gravure de Thiriat, d'après une
photographie de MM. Dufty et Peace 696
LV. — Naturel de Mare, dans l'archipel des Loyauté. Gravure de Thirial, d'après une
photographie de M. Allan Ilughan 697
* LVI. — Nouvelle-Calédonie. — Homme el jeune 611e kanakes. Gravure de Thiriat. d'a-
]]rès une photographie de .M. Allan Ilughan 097
LVIl. — Nciuvelle-Calédonie. — Habitation de chef kanake. Dessin de G. Vuilliei-. d'a-
près une photographie communiquée par M. Cotteau 705
LVlll. — Australie. — Vue prise dans les Montagnes-Bleues. Dessin de Taylor, d'après
une photographie de M. Caiie 721
1000 TABLK DES GRAVURES.
LIN. — Fjord siiil-oiipiilal de la Tasmanic. — llobait, vue générale. Dessin de Taylor.
d'après une photographie communiquée par M. Cotleau 729
L\. — Paysage de Victoria. — Foret près de Fernshawe, au nord-est de Melbourne.
Dessin de P. Langlois, d'après une photographie de M. Caire 711
LXl. — Australie. — Groupe d'indigènes du Norlh-Queensland. Dessin de Laethier, d'a-
près des photographies conmiuniquées par M. Cotteau lh~<
LXII. — Lalla-Rookh, la dernière Tasmaiiienne. Gravure de Thirial. d'après uni' phnlo-
graphie de M. H. lîaily 75',l
LXIII. — Campement de défricheur auslraliru. Gravure de Ilildlhrand. d'après une pho-
tographie de M. Caire 765
LXIV. — Sandhurst ou Bendigo, ville de mineurs australiens (Victoria). — Vue géné-
rale. Dessin de Taylor, d'après une photographie de M. Caire 709
LXV. — Baie de Sydnev. — Vue prise h Middle-harbour. Dessin de Taylor, d'après
une photographie comnuuiiquée par M. Cotteau 795
LWl. — Melhourne. — Vue prise dans Bourke-Slreel. Dessin de Taylor, d'après une
photographie de M. Caire 805
LXVll. — Tasmanie. — Vue générale de Launceslon. Dessin de A. Sloni, d'après une
photographie communiquée par M. Cotteau 811
LXVIII. — Vue prise devant l'ile des Antipodes. Dessin de Taylor, d'après une plinlugraphie
de M. Dougall, eonmuiniquée jiar la Société de Géographie 819
LXIX. — Paysage de la Nouvelle-Zélande. — Sources de la Waimakariri. Dessin de
Taylor, d'après une photogi'aphie communiquée par la Société de Géogra-
phie 8-20
LXX. — Les « Terrasse Rose n du Itnlo-uialiaua. Vue prise en 1880. avant l'éruplion.
Dessin de Taylor. d'après une pliotogi-qihie communiquée par la Sociélé de
Géographie 857
LXXl. — Chef maori latoné. Gravure de ïliirial, d'après une plioliigraphie communiquée
par M. Raoul 847
LXXII. — Nouvelle-Zélande. — Troujieaux dans les enclos. Gravure de Ilildihrand, d'après
une pholographie coniimmiquée par la Société de Géographie 855
LXXlll. — Oueenslown et lac Wakatiiiu. — Vue générale. Dessin de G. Vuillier, d'après
une photographie connnuniquée par la Société de Géographie 805
LXXIV. — Iles Fidji. — Famille royale. Dessin de E. Ronjat, d'après une photographie cam-
muniquée par M. Cotleau 877
LXXV. — lies Fidji. — Levuka, vue générale. Dessin de Th. XVeber, d'après une photo-
graphie de MM. Dufty et Peace 803
LXXVI. — Paysage des îles Tuamotu. Dessin de P. Langlois, d'après une phologra|ihle
connnuniquée par M. Cotteau 905
LWVll. — Iles Marquises. — Naturel tatoué. Gravure de Thirlat, d'après une pholographie
communiquée par M. Cotteau 911
LXWIII. — Iles Samoa. — Groupe de femmes. Dessin de A. Sirouy, d'après une photogra-
phie de M. Dufty 000
LXXIX. — Moorea. — Vue prise devant le mont llutui. Dessin d'A. Slom, d'après une pho-
tographie communiquée par .M. Colteau 915
LXXX. — Coidée de laves du Kilauea. Dessin de A. Slom, d'après une photogra|ihie com-
muniquée par M. de Varigny 949
TABLK DES liKAMRES. lOOl
I.XXXI. — Iles Ilavaii. — Cralère du Kilauoa. Dessin de Tavlor. d'après une )]li(ilou'ia]iliie
communiquée par M. de Vaiigny • . . . 951
LWXll. — Paysage de l'archipel llavaiin. — Vue prise à Waiméa, dans l'ili' Kauai. Dessin
de G. Vuillier, d'après une photographie communiquée par M. Cotleau. . . 958
LXXXIU. — lliinolulii. — Vue générale. Dessin de A. Slom, d'après une photographie com-
muniquée par M. de Varigny 965
126
TAULE 1>ES MATIÈRES
(.HAPITHE
IjiAPiTi'.r
UÉMISPIIÈRE (ICKXMQIE
S iir. l'océan Indien .
Sokotra
Mailagasiur
Comores
Amiranlcs el Scyiliellcs
Mascareignes
I. — Vue d'ciiseiiilile
II. — Maurice . . .
III. — La Réunion .
IV. — Rodiiïiies . .
III.
IV.
V.
VI.
VII.
VIII.
I\.
X.
M.
Iles Keeling .
V. — .Vmslorilam et S;
VI. — Iles australes .
SCLIMIE
— A ue d'ensemble
— Sumatra et îles de la nier occidentale .
— Iles el ariliipels de la Sonde entre Sumat
liorneo
Sultanat du liruuei et liorneo anglais
Java et .Madoera.
— lia
I.undioU
Soemliav
Flores, arclii|iels de Solor l't d'.Mlor.
Soemba
Timor et arcbi|iel de Uriiii . . . .
0-2
125
141
Ul
152
IGO
178
180
185
18'J
l'J5
195
21G
2C9
277
312
520
HO
420
424
428
452
454
1004 TABLE DES MATIERES.
XII. — Iles du « Sud-Ouest » ou Zuid-West Eilanden US
XIII. — Iles « Sud-Orientales », aichipels de Tenimbcr et Koi UQ
XIV. — Celèbès et îles voisines të^
XV. — Moluques du Sud. — Breioe, Cerain, Amboiiie, banda 479
XVI. — Moluques du Nord. — Obi, al.jan. Tidore, Terualc, Ilalmahera.
Morotai ^99
Chapitre IV. — Puu.ippi\es "^'^
I. — Vue d'ensemble 5'5
C11APITP.E \. — MicBONÉsiE 381
I. — Mariannes ■ • 5°1
II. — Iles Palaos 388
III. — Caiolines. 595
IV. — Micronésie orientale, archipel de Maisliall, de Gilbert et d'Ellice. . G08
Chapitre VI. — Papulasie 617
Chapitre VII. — Mélaxésie . . ' 65ô
1. — Iles de rAmiraulé, archipel Bismarck, îles Salomou 655
II. — Archipel de Santa-Cruz, Nouvcllcs-Uébrides. 675
III. — Mélanésie française, Nouvelle-Calédonie cl iles Loyanlé U84
Chapitre VIII. — Aistraluî et Tasjiame 711
I. _ Vue d'ensemble 711
U. _ \ustralie occidendale (West-Auslralia) 777
III. — South-.Vusli-alia 781
IV. — Oueensland ''88
V. — New South Wales (Nouvelle Calles du Sud) 792
VI. — Victoria 805
VII. _ Tasmanie 809
Chapitre IX. — Nol'veli.e-Zélasde et archipels voisi.ss 813
Chapitre X. — Iles Fidji 871
Chapitre XI. — Polynésie ÉQUAToniALE 891
(JIAPITRE XII. — .Vrchipel hav.aïien 945
Note 973
Index alphabétique "'5
Table des cartes 991
Table des gravures ''97
Table des matières i"9û
Errata 1"05
ERRATA
De graves erreurs, doat je m'accuse, ont été laissées dans la juemiére feuille du volume.
Les lignes IS et suivantes de la page 10 doivent être corrigées ainsi : Queiros, en 1606, traversa
lo groupe des iles Basses, et longeant les côtes d'Espiritù Santo, dans l'archipel actuellement nommé
les Nouvelles-Hébrides, crut avoir devant lui le continent austral. La découverte en a été également
attribuée, mais à tort, par les uns au pilote portugais Godinho de Eredia, par les autres au pro-
vençal Guillamne le Testu.
Page 16. 11 faut supprimer dans la légende de la carte les noms Guillaume le Testu, Leeuwins
et Witts.
Page 654, 22' ligne. Au lieu de Tombara, lisez Birara.
Imprimerie A. Lalmre, rue de Fleurus, 9, à Paris
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