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The Branner Geological Library
NOUVELLE
GÉOGRAPHIE
UNIVERSELLE
NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE
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Tome VI : L'ASIE RUSSE
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contenant 5 caries en couleur, 166 cartes dans le texte
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GÉOGRAPHIE DE L'AFRIQUE
Complète en i volumes
ToMB X : L'AFRIQUE SEPTENTRIONALE
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ToMB XI : L'AFRIQUE SEPTENTRIONALE
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TERRE-NEUVE)
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NOUVELLE
GÉOGRAPHIE
UNIVERSELLE
LA TERRE ET LES HOMMES
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y
XIX
AMÉRIQUE DU SUD
L'AMAZONIE ET LA PLATA
CUTANES, BRÉSIL, PARAGUAY, URUGUAY, RÉPUBLIQUE ARGENTINE
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NOUVELLE
GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE
LIVRE XIX ET DERNIER
L'AMAZONIE ET LA PLATA
CHAPITRE PREMIER
LES GUYANES
I
VUE GENERALE
Le sens géographique du mot Guyane s'est modifié diversement pendant
les trois derniers siècles. Lorsque les premiers voyageurs, espagnols,
anglais, hollandais, visitèrent les bords de TOrénoque, ils se trouvèrent en
contact avec des Indiens Guayanos, Guayanas ou Guayanazes, dont le nom
fut employé, d'une manière vague, pour tout le territoire occupé au sud
du gi^and fleuve. D'ailleurs, ce mot se reproduit sous différentes formes,
appliquées soit à des tribus indigènes, soit à des cours d'eau, en plusieurs
régions du continent : les Ouaraoun ou Guaraunos du delta de l'Oré-
noque ne seraient-ils pas des Guayanos, les Roucouyennes ne se disaient-
ils pas des Ouayana, et cette appellation n'est-elle pas aussi celle d'un
grand arbre, protecteur mythique de la tribu*? Enfin, le haut rio Negro,
* Henri A. GHidreau, NoUi manuscriiet,
xn. 1 4
2 NOUVELLE GËOGRAPHIE UNIVERSELLE.
dans la partie supérieure de son cours, à la descente des contreforts
andins, n'est-il pas connu sous le nom de Guainia, vocable indien iden-
tique à celui de Guyane? Une des coulées du littoral, entre TEssequibo
et le delta de TOrénoque, est aussi dite Waini ou Guainia.
Dans son acception première, la dénomination de Guayana ne compre-
nait point les régions du littoral atlantique auxquelles on donne aujour-
d'hui spécialement le nom de Guyane. Cori*espondant à la région dite
aujourd'hui Guayana Yenezolana, la Guyane ne s'étendait pas au delà du
vaste hémicycle formé par le. haut Orénoque; mais peu à peu, dans la
terminologie géographique, le mot prit une plus grande extension, pour
embrasser d'abord les terres brésiliennes que longent au sud le rio Negro
et l'Amazone, puis les versants orientaux des montagnes connues jadis
d'une manière générale comme la Serra de Parima et désignées d'abord
sur les cartes sous le nom de Caribane, c'est-à-dire « pays des Caraïbes ».
Ainsi comprise, la Guyane constitue une part bien déterminée de l'Amé-
rique du Sud : tout l'espace ovalaire, d'une superficie d'environ 2 millions
de kilomètres carrés, que le cours de l'Orénoque, ceux du Cassiquiare, du
rio Negro et du bas Amazone séparent de la masse continentale. On a
donné le nom d'ile à cette grande province de l'Amérique méridionale;
mais il ne s'agit point ici d'une « ile » véritable, dont les navires puissent
faire le tour par escales régulières. Elle le deviendra probablement un
jour, grâce aux canaux creusés par l'homme; actuellement, les rapides
fameux d'Aitures et de Maipures sur l'Orénoque, ceux du Cassiquiare et
du haut rio Negro, obligent les bateliers à débarquer leurs marchandises,
et l'humble trafic de la région des seuils se fait par les portages. En
usant des moyens de communication les plus rapides, le voyageur favo-
risé par les circonstances emploierait actuellement au moins trois ou
quatre mois pour faire la circumnavigation de la Guyane*. Au point de
vue géologique, cette Guyane est aussi une île, un massif distinct de
granit et autres roches éruptives, émergé depuis l'époque des trias'.
L'ovale insulaire se diviserait naturellement en quatre parties à peu près
égales, par deux lignes se coupant à angle droit, celle des arêtes de
montagnes presque parallèles à l'équateur qui se dirigent du seuil de
partage, près du Cassiquiare, vers le musoir septentrional de l'estuaire
amazonien, et la dépression transversale, où coulent d'un côté l'Esse-
quibo, de l'autre le rio Branco. Mais les puissances conquérantes du
* Richard Schomburgk, ReUen in BritUch Guiana ; — Henri A. Coudreau, îioUê manutcrites.
* Ch. Vélain, Bulletin de la Société Géologique de France, Séance du 5 mars 1879.
-J!..
ILG DES GCTANES. 3
continent américain ne pouvaient tenir compte de cette s^mealation
naturelle du territoire, les colons européens n'ayant eu d'accès facile
que sur le littoral et les rives des grands lleuves. Déjà h quelques kilo-
mètres des côtes, les terres de la Guyane restaient inconnues; des
aventuriers pénétrèrent au loin dans les forêts et les savanes, mais sans
en rapporter de documents précis : des régions montagneuses du cen-
tre on ne sut rien que des mythes. Là aussi, comme en tant d'autres
endroits de l'Amérique, était censé vivre un roi « Doré », el Dorado, se
baignant dans l'or liquide, vivant dans un palais d'émeraudes et de
rubis : on tenta maintes fois d'aller à sa découverte pour conquérir
ses trésors, mais l'exploration sérieuse n'a commencé que pendant le siècle
présent. Le partage s'est donc fait du pourtour vers l'intérieur. L'Espa-
gne, à laquelle a succédé la république du Venezuela, s'empara de toute
la Guyane du nord et de l'ouest, le long du croissant de l'Orénoque; le
Portugal, dont hérite le Brésil, s'attribua la partie des Guyanes situées
sur le versant de l'Amazone : il ne resta pour les autres puissances
européennes 'que le littoral maritime compris entre les deux régions
des embouchures, delta de l'Orénoque et estuaire de l'Amazone. Aux
4 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
établissements de la côte, les Anglais, Hollandais et Français, qui s'étaient
déclarés maîtres et conquérants, ajoutèrent jusqu'aux arêtes inconnues
des monts tous les bassins fluviaux dont ils possédaient les embouchures,
et ces trois domaines coloniaux constituent le territoire désigné d'une
manière spéciale sous le nom de Guyane.
Toutefois les frontières en sont encore flottantes. Au sud, les faites de
partage n'ont pas été reconnus dans leur longueur et toute leur com-
plexité; en outre, les voyages qui ont eu lieu ne se sont jamais faits sous la
direction d'arbitres chargés de la délimitation précise des territoires entre
les États. A l'ouest et à l'est, les incertitudes sont d'autre nature : là
des districts d'étendue considérable restent encore terre débattue. La
Grande-Bretagne prétend avoir droit, non seulement à tout le versant de
l'Essequibo, mais en outre à une partie du bassin supérieur du rio Branco,
que réclame aussi le Brésil. A l'égard du Venezuela, elle se montre plus
exigeante. Ayant déjà poussé les frontières de sa colonie jusqu'à la lèvre
méridionale d'une des grandes bouches de TOrénoque, par la coulée de
TAmacuru, elle s'est également emparée d'une partie fort riche en
alluvions aurifères de ,1a vallée du Cuyuni : l'ensemble du territoire
débattu, qu'ont parfois ensanglanté les conflits des nationaux respectifs,
comprend une superfîcie supérieure à celle du domaine attribué sans
contestations à l'Angleterre. A l'autre extrémité des Guyanes, la France
dispute au Brésil une région évaluée en étendue à la moitié de la super-
ficie du territoire français : c'est une longue bande du versant atlantique
amazonien, comprise entre l'Araguari et le rio Branco. Les pays contestés,
à l'ouest, à l'est et au sud, forment autant de domaines politiques distincts
dans l'ensemble de Tile guyanaise'.
Les diverses Guyanes ont une grande ressemblance, une physionomie
générale commune par la nature et l'étagement des roches, l'orientation et
le régime des cours d'eau, les apports et érosions du littoral, la direction
des courants maritimes, les phénomènes du climat, la répartition des
* Superficie des diverses Guyanes :
Guyane contestée entre Venezuela et Grande-Bretagne. 130000 kîL carrés.
Guyane anglaise, y compris le « contesté » brésilien. 120 000 »
Guyane hollandaise 120 000 »
Guyane française 81 000 »
Guyane contestée entre Brésil et France 260 000 »
Ensemble (d*après H. Coudreau) 711 000 kil. carrés.
EXPLORATION DES GUYANES. 5
espèces végétales et animales, le groupement des tribus indiennes. C'est
à l'intervention de Thomme que sont dus les principaux contrastes des
divers États coloniaux soumis par l'action des gouvernements d'outre-mer
à des conditions économiques et sociales différentes. De nombreux voya-
geurs, volontaires ou bien envoyés par la mère patrie, ont étudié spécia-
lement telle ou telle vallée, tel district de culture ou de mines, et
raccordé leurs itinéraii*es à ceux des explorateurs qui ont traversé la con-
trée de l'un à l'autre versant ou des bords de l'Orénoque à ceux de
l'Amazone. Grâce à ces travaux collectifs, on peut déjà tracer un tableau
général de la nature des Guyanes.
La première connaissance du littoral fut acquise au commencement du
seizième siècle, en 1500, par le navigateur espagnol Vicente Yanez Pinzon,
le compagnon de Christophe Colomb dans la découverte du Nouveau
Monde. Ayant abordé les côtes du Brésil, à l'est de l'Amazone, il traversa
la <c mer douce » de l'estuaire et longea les côtes basses des Guyanes jus-
qu'à l'Orénoque. Diego de Lepe et autres marins cinglèrent dans la
même partie de l'Océan,, mais près d'un siècle se passa sans que des
voyageurs ou colons européens pénétrassent dans l'intérieur des terres
depuis longtemps aperçues du large. Sans doute quelques Espagnols
débarquèrent sur les côtes voisines de l'Orénoque, puis des Hollandais
leur succédèrent et, dès 1581, cherchèrent à s'établir solidement aux
bords du Demerara pour traiter avec les indigènes. Le goût des aventures
et l'espoir de découvrir les trésors de l'Homme Doré attirèrent aussi les
voyageurs blancs, car, en 1596, l'Anglais Keymis, reprenant la tentative
de son compatriote Raleigh dans 1' ce empire de Guaya », la Guyane
espagnole, essaya de découvrir le grand lac Manoa, que la carie de Raleigh
représentait comme ayant à son extrémité orientale « la plus vaste cité du
monde* ». Mais il prit une autre route : au lieu de suivre la voie de l'Oré-
noque, il remonta la rivière Oyapok, dans la contrée qui est devenue
la Guyane française. En 1688, la Motte Aigron remonta TOyapok, à « cin-
quante lieues » de la mer, dans l'espoir déçu de gagner les rives de
l'Amazone et peut-être de trouver en route la fameuse région de l'or.
Encore en 1739, Nicolas Hortsmann, suivant un autre chemin, celui de
TEssequibo, pénétra fort loin dans Tintérieur, sollicité par le mirage de
la ville aux toits de métal précieux. Mais les origines de la colonisation
se firent par le commerce. Une fois campés sur le littoral guyanais,
les traitants de diverses nations se disputèrent les domaines conquis,
' Geographical Journal, Fcbniary 1890.
I
6 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
et les gouvernements d'Europe se mêlèrent à ces rivalités par des entre-
prises de guerre et de pillage : peu à peu on apprit à connaître quelques
lieux privilégiés du littoral; le tracé géographique des côtes, des estuaires
et des cours d'eau, jusqu'aux premiers rapides, prit forme graduellement,
et Ton acquit de vagues notions sur les pays de l'intérieur, grâce aux
rapports des Indiens et des nègres marrons. Des missionnaires contri-
buèrent aussi pour une certaine part à l'exploration de la contrée, les
Jésuites en avant-garde des li*aitants finançais, et les Frères Moraves dans
les colonies hollandaises.
En 1672, une grande découverte dans la physique du globe se fit à
Cayenne : Richer y prouva l'aplatissement polaire de la planète par les
observations du pendule, qu'il fallut diminuer d'un 352* pour lui faire
battre les secondes comme à Paris*. Deux années plus tard, des physi-
ciens, les jésuites Grillet et Béchamel, furent envoyés à Cayenne pour faiœ
l'étude géographique de la contrée, et pénétrèrent chez les Indiens
Nouragues et Acoqua ; mais ils succombèrent bientôt aux fatigues du
voyage dans l'intérieur, et l'exploration sérieuse des Guyanes ne commença
qu'au siècle suivant, en 1743 et en 1744, avec le passage de La Conda-
mine, revenu de sa mémorable exploration des Andes équaloriales, et
l'arrivée du médecin Barrère. Vingt ans après, Simon Mentelle débar-
quait à Cayenne : pendant trente-six années de séjour, dans les con-
ditions les plus difficiles, il visita comme ingénieur tout le littoral de la
Guyane française, et si ses conseils avaient été écoutés, mainte entreprise
funeste eût été évitée. Le botaniste Fusée Aublet, dont l'ouvrage sur les
Plantes de Guyane est resté classique, parcourut la contrée de 1762 à
1764. En 1769, un de ses confrères, Patris, remontait l'Oyapok
et son affluent le Camopi. Un autre naturaliste, qui était aussi un
homme de pensée et d'initiative, Leblond, suivit presque le même itiné-
raire en 1787, et revint par le Sinnamari; pendant plusieurs années il
parcourut une grande partie du territoire, étudiant toutes les plantes
utiles, cherchant surtout le quinquina, qu'il ne trouva point, observant
les Indiens et faisant des projets pour le peuplement du haut pays.
L'ingénieur Guisan creusa de nombreux canaux d'égouttement et de navi-
gation dans les deux Guyanes, hollandaise et française, et profita de ces
travaux pour faire des recherches sur le sol, le climat, les productions
locales. Un capitaine anglais de l'armée néerlandaise, Stedman, utilisa un
séjour de cinq années dans l'intérieur de la colonie de Suriname, de 1772
* La Condamine, Relation abrégée d*un voyage,,.; — Malte-Brun, Géographie Universelle,
EXPLORATION DES GUYANES. 7
h 1777, en écrivant une relatioD de ses voyages et de ses observations
sur la contrée. Plus lard, les convois d'exilés qui se succédèrent dans
la Guyane française contribuèrent à faire connaître ce pays, mais en lui
donnant une horrible renommée,' celle d'une contrée de pestilence et
de mort. Parmi les hommes instruits qui échappèrent aux contagions mor-
telles, aucun ne put ou ne sut employer les années d'exil à la rédaction
d'une œuvre durable consacrée à l'étude du pays de bannissement.
Après les guerres de la Révolution et de l'Empire, les premières explo-
^'
rations guyanaises de découverte qui prirent pour modèles les mémorables
voyages accomplis dans le Nouveau Monde par Humboldt et fionpland,
furent les expéditions des frères Schomburgk, de 1835 h 1859. Non seule-
ment ils étudièrent la Guyane anglaise dans presque toute son étendue,
mais, franchissant les montagnes, ils rattachèrent leurs itinéraires à ceux de
Humboldt et d'autres voyageurs dans le bassin de l'Orénoque. Déjà,
dans la Guyane française, Adam de Bauve avait en 1850 traversé le faîte de
partage entre l'Oyapok, le Yari et l'Araguari. Leprieur avait parcouru les
mêmes régions et descendu le Yari sur une longueur de « plus de cinquante
lieues ». Gaticr reconnut jusqu'aux sources le cours de la Mana. Pendant
vingt années, 1849 à 1868, Appun, devenu le compagnon des Indiens de
8 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
la forêt, étudia surtout les plantes et les animaux de lexubérante nature
tropicale dans les Guyanes anglaise et vénézolane ; les géologues Brown et
Sawkins continuèrent sur les terres continentales, jusqu'aux montagnes
de Pacaraima, les recherches commencées dans Tile Trinidad; Idenburg
«'occupa de la climatologie et de la nosographie de la Guyane hollandaise;
Crevaux, en 1876, et Coudreau, en 1883, reprirent sur d'autres points
plus rapprochés de l'Amazone l'œuvre des Schomburgk pour relier les
itinéraires du littoral à ceux des versants brésiliens de l'intérieur, dans
le bassin du rio Branco et du rio Negro. EnGn, depuis l'année 1883,
Everard im Thum inaugura des travaux cartographiques précis dans le
territoire contesté du nord-ouest que s'est adjugé la Grande-Bretagne.
Des triangulations manquent encore pour des cartes définitives, mais
on possède déjà les éléments nécessaires pour donner le tracé à peu près
exact des ramures fluviales et des reliefs montagneux en les raccordant
au levé plus rigoureux du littoral et des estuaires. En outre, la littérature
géographique des Guyanes, qui traite des populations, des mœurs, de
l'administration, de la politique, comprend de nombreux ouvrages, tels
ceux de Kappler, d'Anthony TroUope, de Giflbrd Palgrave.
Entre le Venezuela et la Guyane anglaise, le nœud principal de mon-
tagnes, limite naturelle de deux régions, est le puissant Roraima
(2286 mètres), bloc quadrangulaire de grès rose, d'où s'épanchent les
cascades, déchirées par le vent en écharpes de poussière. L'ensemble des
saillies, désigné sous le nom de monts Pacaraima, présente ses plus
grandes altitudes à l'ouest et au sud-ouest, dans le haut bassin du rio
Branco ; à l'est, dans la Guyane anglaise, les terrasses et les pitons n'attei-
gnent qu'en de rares endroits la hauteur de 1000 mètres. Toutefois ces
montagnes oflrent un aspect grandiose, grâce aux parois de grès, se dres-
sant verticalement à plusieui^s centaines de mètres, et contrastant par
leur blancheur et leur nudité avec les forêts qui recouvrent les talus de la
base. Le Roraima se prolonge au nord-est vers la rivière Mazaruni par
d'autres massifs quadrangulaires, semblables à des citadelles érigées par
la main de l'homme. La régularité des assises supérieures, horizontales
comme la nappe d'eau marine qui les déposa jadis, rappelle l'époque où
la contrée, si fortement ravinée de nos jours par les eaux courantes,
s'étendait en une vaste plaine sans ondulations'. Découpés par les rivières
' Charles Barrington Brown and J. G. Sawkins, Geology of Bril'nh Guiana.
MONTS DES GUYANES. i\
en chaînons distincts, qui s'orientent pour la plupart du nord-ouest au
sud-est, les monts de Pacaraima ou des « Corbeilles », dont les strates
de grès, sans fossiles, sont percées ça et là de masses dioritiques, se
rétrécissent graduellement dans la direction de Test et se terminent en
promontoire aux bords de TEssequibo par le morne de Camuti, haut pilier
de diorite ayant la forme d'une calebasse indienne : c'est là ce que
signifie son nom. Parfois on entend dans la forêt un bruit formidable,
pareil à celui d'un long tonnerre : ce fracas est probablement causé par
la chute d'une paroi de grès*.
Au sud de ces montagnes, les plus hautes de tout le versant guyanais,
d'autres massifs, de moindre élévation, se dressent au milieu des savanes
qui paraissent avoir formé une vaste mer intérieure parallèlement à la
mer. Ces groupes de sommets, hauts de 600 mètres en moyenne, les monts
Canucu, Cumucumu, Coratamung, furent autrefois des îles de schistes
cristallins et de gneiss, orientées dans le même sens que les Pacaraima;
plus au sud, d'autres saillies de même formation s'alignent de l'ouest à
l'est, entre l'un des grands affluents du rio Branco, le Takutu, et l'Ësse-
quibo, plongeant également leurs racines en des terres d'alluvions que
recouvrirent des eaux lacustres. Le seuil de partage entre les eaux atlan-
tiques et le versant amazonien se présente en maints endroits sans aucun
renflement perceptible : d'après Brown, l'altitude de la plaine d'aigue-
verse serait de 106 à 107 mètres seulement : un petit lac, l'Amuku,
s'étend dans la zone indécise qui sépare les deux pentes, entre le Pirara,
sous-affluent du Takutu, et le Rupununi, tributaire de l'Essequibo.
Dans cette région de savanes le passage de l'un à l'autre versant est donc
singulièrement facile, et de tout temps les tribus indiennes suivirent cette
voie historique dans leurs migrations. L'absence de frontières naturelles
entre l'Essequibo et l'Amazone explique les empiétements de la Grande-
Bretagne sur les territoires brésiliens du rio Branco. Du sommet des mon-
tagnes qui bordent le haut bassin on voit très bien s'ouvrir cette « porte
d'invasion » entre les contreforts du Caïrrit et ceux du Roraima'. On
donne quelquefois à l'ensemble du seuil le même nom qu'à la rivière,
Pirara, mot d'origine macusi qui, d'après Schomburgk, indique la nature
du terrain, un conglomérat ferrugineux'. Une colonne de trapp, pilier
naturel que les Macusi tiennent pour sacré, se dresse dans la plaine du
faite.
* Charles Barrington Brown, Canœ and Camp Life in Briliêh Guiana.
* Henri A. Coudreau, Noies mantucrites,
* Reisen in BrUisch Guyana.
12 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Quelques autres massifs insulaires se succèdent au sud jusque vers les
sources de l'Essequibo, jaillissant à l'altitude d'environ 250 mètres, entre
des montagnes qui ne s'arrondissent pas en amphithéâtre continu, et
que l'on aperçoit rarement de la rive, à travers les arbres touffus de la
forêt vierge. Les chaînes sont des cordillères distinctes, formées de mon-
tagnes nettement séparées par des gorges transversales : autant de « blocs
énormes, dont quelques-uns ont jusqu'à cinquante kilomètres de lon-
gueur et qui surgissent d'un soubassement de plateaux peu élevés* »,
D'après Coudreau, la montagne la plus haute de ces régions serait le
Caïrrit ou Caïrrid Dekeuou', le « Mont de la Lune », vers les sources
de Takutu : elle atteindrait 1500 mètres d'altitude. La chaîne, d'environ
1000 mètres en moyenne, que domine ce pilon, se développe en une
vaste courbe au sud, puis à l'est jusqu'à l'Aourriaoua, où naissent les
eaux de l'Essequibo; au delà se profilent les hauteurs du Couroucouri
entrevues par Coudreau. Ici, le faîte de partage coïncide exactement avec
la saillie montagneuse : d'un côté coulent les eaux qui descendent à
l'Essequibo, de l'autre les affluents amazoniens du Trombetas.
La sierra s'abaisse dans la direction de l'est, où elle constitue la limitée
naturelle entre la Guyane hollandaise et le Brésil : d'après Brown, les
mornes les plus élevés n'auraient pas même une centaine de mètres en
hauteur au-dessus des sources du Corentyne, rivière qui sépare les deux
Guyanes, anglaise et néerlandaise. Au delà, les saillies se relèvent pour
constituer la chaîne Tumuc-Humac, d'étymologie inconnue, où prend
naissance le Maroni, fleuve principal de la Guyane française. Le sommet
le plus élevé, d'après Coudreau, serait le Timotakem, situé dans les
Tumuc-Humac de l'ouest : il atteint 800 mètres. Peu de voyageurs ont
traversé celte région montagneuse en précisant la direction suivie;
Coudreau a donné la seule carte qui ne flgure pas la chaîne au hasard. Il
est d'autant plus difficile de reconnaître la forme et l'orientation du
Tumuc-Humac qu'une forêt continue recouvre les montagnes aussi bien
que les vallées intermédiaires. L'altitude des sommets n'est pas suffisante
pour dépasser la zone de végétation tropicale : on y trouve les mêmes
espèces que dans les plaines basses et la traversée du fourré y est aussi
pénible'. Pendant l'hivernage, les brouillards qui rampent sur les hauteurs
rendent les obsenations presque impossibles. Sur deux cents pitons qu'es-
calada Coudreau, trois seulement se dressent en dehors de la végétation
* Ilenn A Coudreau, la France Équinoxtak
« Nom déforme par Brown en Acaraï.
' Jules Crevaux, De Cayenne aux Andes.
H0NT8 DES GUÏANES, TUHUC-HUMAC. 13
forestière, permettant ainsi de prendre un tour complet d'horizon et de
suivre du regard les alignemeots des hauteurs. Le plus beau de ces obser-
vatoires parait être le Mitaraca, mont de 580 mètres terminé par un cône
de granit où l'on ne trouve pas même une touffe d'herbe pour s'aider à
grimper et oh les glissades pourraient être fort dangereuses. Mais aussi,
pareille escalade et l'incomparable vue du sommet valent, dit Coudreau,
<' le voyage de Paris aux Guyanes' ».
Dans son ensemble, le système des Tumuc-Humac s'oriente dans la
direction de l'est-sud-est, parallèlement à la côte comprise entre l'estuaire
du Maroni et celui de l'Oyapolc. Dans la région occidentale les monts s'ali-
gnent en deux chaînes distantes d'une quarantaine de kilomètres. C'est
dans la chaîne du nord que s'élève le belvédère du Mitaraca, cl dans celle
du sud que pointent les sommets les plus fiers, le Timotakem et le
Temomaïrem. A l'est, les deux chaînes se rojoif,ment par des contreforts
et projettent au nord des ramifications qui limitent le bassin du Maroni
et le séparent du versant de l'Oyapok. Au delà, les Tumuc-llumac orien-
tales se prolongent dans la direction de l'est, mais sans former de
faite continu pour le partage des eaux. Leur extrémité lerminale diverge en
' Élude de la chaîne de* mont* Tumue-Humac, mémoirt^ manuscril.
14 NOUVELLE GËOGRAPHIE UNIVERSELLE.
éventail, vers le nord-est, Test, le sud-est, n'apparaissant plus qu'en ren-
flements distincts au-dessus des marais. Aux sources de TOyapok, entre
les montagnes, les seuils de partage sont tellement incertains, que pen-
dant la saison des pluies les étangs et laguets intermédiaires rattachent en
lignes d'eau continues, mais inaccessibles même aux pirogues indiennes,
les cours de l'Oyapok, du Cachipour, de l'Araguari et du Yari, affluent de
l'Amazone.
La partie des Guyanes comprise entre les massifs méridionaux et le
littoral n'a point de montagnes ou de collines s'alignant en longues
chaînes; les hauteurs, découpées par les vallées fluviales, se profilent en
courtes saillies : ainsi la a montagne Française », sur la rive droite du
Maroni; la montagne Magnétique (218 mètres), au sud-est, entre l'Inini et
le Mana; le mont granitique de Leblond (406 mètres), vers les sources du
Sinnamari. Près du littoral, les hauteurs sont pour la plupart des massifs
insulaires de gneiss, de schistes ou de grès, s'élevant à une altitude
variable de 100 à 220 mètres*. Des terres d'alluvion les entourent, comme
les baigna jadis le flot marin : cordon littoral après cordon littoral se
déposa le long des côtes, enfermant les iles anciennes et les archipels dans
l'intérieur du continent. En Guyane française seulement quelques saillies
de rochers se montrent sur le littoral même ou au voisinage des côtes. Au
nord-ouest de Cayenne, des mornes s'élèvent près de Mana, d'Iracoubo,
de Sinnamari, de Kourou ; au sud-est du chef-lieu se profîlent les monts
de Caux, — dont l'orthographe française du dernier siècle a été changée
en la forme anglaise de Kaw\ — Une des cimes de cette arête côtière,
point culminant du littoral, atteint 255 mètres : le mont de Matouri, dans
le « Tour de l'Ile » au sud de Cayenne. La montagne d'Argent, repère des
marins à la bouche de l'Oyapok, n'est qu'un morne de 90 mètres. La
terre dite impmprement île de Cayenne, car elle ne reste séparée du con-
tinent que par des coulées marécageuses, se hérisse aussi de quelques
pitons, anciens ilôts réunis par des apports de vase, tels le Cabassou,
dominant la capitale, et à l'est les « montagnes » de Remire, que l'on
qualifiait autrefois de « volcans » : les dépressions d'où s'épanchent
les sources qui alimentent Cayenne étaient considérées comme d'anciens
« cratères' ». Quelques îles rocheuses parsèment la mer au devant de
la côte : à l'ouest, les îles du Salut, l'archipel le plus important grâce
à son mouillage profond; à Test, l'Enfant Perdu et la chaîne, parallèle
* Charles Barrington Brown» Geology of BritUh Guiana,
* Leblond, Voyage aux AntilUê; — Henri A. Coudreau» Noies mantucriles.
' J. Mourié» la Guyane Française,
MONTS, ILES, RIVIÈRES DES GUYANES, ESSEQUIBO. 15
au rivage, du Malingre, du Père, de la Mère, .des Mamelles; enfin, au
large, vis-à-vis de l'Approuague, les deux Connétables, pointes émergées
d'un plateau sous-marin.
Le plus grand fleuve des Guyanes, TËssequibo (Essequebo) coule en
entier dans le territoire anglais; mais par un des affluents, le Cuyuni, son
versant appartient partiellement au Venezuela. Son nom, comme celui de
tous les autres cours d'eau guyanais, semble être de provenance indi-
gène, du moins par sa terminaison 60, qui dans les langues galibi indique
la direction : — Ëssequibo, « vere TEssequi* ». — Cependant Schom-
burgk rapporte une légende qui attribue l'origine de ce mot à un des
compagnons de Diego Colomb, don Juan EssequibeP ou Jaizquibel : la
rivière guyanaise aurait la même appellation que la montagne basque. Le
grand cours d'eau était jadis diversement nommé par les populations de
ses bords : dans la région du littoral, où il s'ouvre en un large estuaire,
les riverains l'avaient nommé Aranauma; la branche maîtresse est dési-
gnée par les Wapisiana et leurs voisins sous le nom de Chip Ouâ ou
« rivière » Chip. Une coulée à double pente, l'Âpini, la mettrait en com-
munication avec le haut Trombetas, affluent de l'Amazone. Un peu moins
long que ne le représentent les cartes anglaises de Schomburgk et de
Brown, l'Essequibo, naissant dans la montagne d'Aouarrioua, coule
d'abord au nord-est à travers les forêts qu'habitent quelques familles
d'Indiens Chiriou et Taruma, puis s'unit à une rivière venue de l'ouest,
le Yaore, qui serpente à travers la complète solitude voisine des savanes :
une figure humaine taillée dans la pierre, près d'une cascade du Yaore,
serait, disent les canotiers indiens, le portrait de Schomburgk, sculpté
par l'explorateur lui-même, dont le nom reste célèbre parmi les indigènes.
Le dessin est trop grossier pour qu'on puisse admettre cette légende^.
En aval du confluent, l'Essequibo se recourbe graduellement dans la
direction du nord. Son lit n'est pas encore égalisé : le fleuve, interrompu
par des barrages de rochers, descend d'étage en étage par une succession
de cataractes. Celle qui porte le nom loyaliste, mais grotesque, de King
William's the Fourlh FalU inconnu des indigènes, fut longtemps la bar-
rière des traitants à la remontée du fleuve; les seuls qui l'eussent franchie
étaient les voleurs d'hommes, en quête d'Indiens à capturer et à vendre
> Henri A. Coudreau, fioles manuscrites,
* Robert A. Schomburgk, Description ofBritish Guiana, — Hakluyt appelle la rivière Dessekehe,
' Henri A. Coudreau, Notes manuscrites.
16 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
comme esclaves aux planteurs du littoral * . De nombreux affluents se suc-
cèdent sur la rive gauche de TEssequibo, car le fleuve longe de près les
limites orientales de son bassin; de ce côté il ne reçoit que de faibles
ruisseaux. Le Cuyuv^ini lui apporte les eaux des savanes occidentales;
puis vient le Rupunini, gonflé lui-môme par un grand affluent, le Rev^a :
ses eaux blanchâtres, qui se mêlent à Teau noire de TEssequibo, offrent
vers l'ouest le chemin navigable que prennent les bateliers pour entrer
dans le bassin de l'Amazone par le lac Amuku et le Pirara, sans autre
interruption que celle d'un portage, réduit à 800 mètres de long pen-
dant la saison des pluies : alors des eaux s'épanchent môme à' droite et à
gauche, d'un côté sur le versant du Rupununi, de l'autre sur celui du rio
Branco. Les savanes qui occupent une grande partie de la contrée seraient
le reste d'un lac jadis fort étendu qui fut probablement la mer intérieure,
célébrée par la légende comme le lac Parima où vivait le roi Doré* : les
indigènes disent que le petit lac, presque la mare d'Amuku, est « toute
pavée d'or' ».
Plus bas, les rivières de Burroburro et de Potaro se déversent dans le
fleuve, venues toutes les deux des contreforts du Pacaraima et rachetant
la diflerence de niveau par de nombreuses cascades. La chute de Kaïeteur,
formée par les eaux du Potaro, vers le milieu de son cours, est une des
plus belles qui existent dans les Guyanes et môme dans le monde. Pour-
tant elle était absolument inconnue des Européens, il y a peu d'années
encore, et lorsque le voyageur Brown l'aperçut pour la première fois en
1868, il ne s'attendait nullement à l'admirable tableau qui se montra
soudain, encadré par l'immense forôt sombre, qui tend au-dessus de l'eau
ses longs branchages drapés de lianes. La rivière, large d'une centaine de
mètres et roulant dans la saison des pluies 500 mètres cubes à la seconde,
descend en un jet d'une hauteur de 226 mètres, entre deux parois
perpendiculaires de roches grises et rouges, puis, au-dessous de l'immense
bouillonnement de la chute, glisse comme une coulée de lait en un rapide
de 25 mètres de pente sur 155 mètres de longueur. Plus bas, le Potaro
descend encore, comme de marche en marche, par une succession de
cascades. Jadis, la grande chute, alors haute de plus de 300 mètres, se
trouvait à 25 kilomètres en aval ; mais, excavant sans cesse le plateau de
grès d'où elle s'élance dans la plaine, elle a graduellement reculé en
diminuant d'élévation. La corniche de rochers du haut de laquelle
* Charles Barrington Brown, ouvrage cité.
* Robert Schomburgk, Brilish Guiana.
Gustavo da Suckow, Geographical Journal^ March 1803.
II. Wolwr, d'après H. C. B, Brown, Cauot and Cnmp Ltfr i« BrilUh G«u
BASSIN DE L'ESSEQUIBO. IS
s'écroute la masse liquide, se compose d'un dur conglomérat reposani
sur un grès plus friable. Les eaux bouillonnanles du bassin de chute
efliitent constamment ce grès, en détachent les blocs et le creusent en
caverne au-dessous du rebord surplombant. Derrière la nappe plongeante,
le regard se perd dans la cavité ténébreuse. Le soir, des myriades d'hiron-
delles, s'envolant de la forêt avec un bruissement de Qèches, rasent le
précipice, descendent avec la vitesse du vertige dans la brume de la
cataracte, puis remontent vers la grotte. Telle est la rapidité de leur vol,
âO NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
que Ton se sent comme entraîné et qu'on se retire prudemment, de peur
de suivre ces nuées d'oiseaux au fond du gouffre.
La rivière Mazaruni, à laquelle s'unit le Cuyuni, à 15 kilomètres en
amont de Tembouchure commune dans l'Ëssequibo, apporte une masse
liquide à peu près égale à celle du fleuve principal. Le Mazaruni, né dans
la partie la plus haute des monts Pacaraima, puisque sa branche maîtresse
reçoit les cascades tombées du Roraima, est, de tous les cours d'eau guya-
nais, le plus coupé de cataractes, et ses chutes se succèdent surtout dans
la partie inférieure du cours fluvial : le Mazaruni se trouve ainsi presque
entièrement fermé à la navigation. Aux cataractes de Chichi — ou du
« Soleil », dans l'idiome des Macusi, — l'altitude du lit fluvial descend
de 420 à 150 mètres sur un espace de 13 kilomètres. Les derniers
seuils précipitent le courant à 24 kilomètres en amont de la jonction du
Mazaruni-Cuyuni, à l'étroit dit Monkey Jump ou « Saut du Singe ». Au-
dessous l'Ëssequibo s'élargit en estuaire, et à l'endroit où il se déverse
dans la mer, il atteint une largeur de 24 kilomètres ; mais des îles allon-
gées dans le sens du flux et du reflux interrompent la nappe d'eau et la
divisent en trois voies principales de navigation. L'énormité de la masse
liquide que roule l'Ëssequibo, et que l'on reconnaît jusqu'à une vingtaine
de kilomètres en mer, s'explique par l'étendue considérable du bassin,
l'abondance des pluies, la nature imperméable du sol. Pendant la saison
d'hivernage, les eaux fluviales, refoulées au-dessus des barrages de rochers,
s'étalent en maints endroits, reconstituant les lacs qui se succédaient
autrefois dans le bassin.
Le Demerara (Demerari), — jadis Lemdrare, — développe son cours à
l'est de l'Ëssequibo avec une régularité parfaite : on pourrait croire que
c'est une ancienne coulée latérale par laquelle s'épanchèrent à une époque
antérieure les eaux débordées de quelque fleuve à dimensions amazo-
niennes. Le Demerara, né dans les avant-monts du faîte, traverse les
mêmes régions que l'Ëssequibo, des massifs granitiques, puis des grès
percés de diorites, et, vers les côtes, des nappes de terres alluviales,
où s'élèvent çà et là des dunes, hautes de 15 à 20 mètres. Des bayous
d'eaux traînantes se ramifient à l'est et rattachent le Demerara à une
rivière de même aspect, mais de moindre volume, le Mahaica.
Le Berbice, le Corentyne (Corentijn), qui se succèdent à l'orient, pré-
sentent un parallélisme aussi strict que le Demerara et l'Ëssequibo : ils
ont les mêmes courbes, les mêmes brusques arrêts suivis de cascades, au
passage de' barrières rocheuses, granits, diorites ou grès. Mais la longueur
du cours difl^re : le Berbice naît à une grande distance des montagnes
RIVIÈRES DES GUYANES. Si
faîtières, tandis que le Corentyne prend son origine dans les monts Courou-
couri : il est déjà fleuve puissant au passage des rochers où naît son
compagnon occidental, le Berbice. En cet endroit, deux cours d'eau
considérables s'unissent en un labyrinthe de rameaux et descendent par
une série de degrés en chutes imposantes, auxquelles Robert Schomburgk,
sujet loyal, a donné le nom de King Frederick William the Fourth
comme à la cataracte de l'Ëssequibo, située sous la même latitude et
présentant au milieu de roches granitiques un ensemble de tableaux
analogues. Le Corentyne forme encore d'autres cascades grandioses aux
roches également cristallines de Wonotobo : trois ou quatre bras, se
subdivisant en canaux, tombent d'un ressaut d'environ 50 mètres dans un
lac de plus de 1500 mètres en largeur, d'où ils sortent en un courant
unique, d'environ 300 mètres entre les rives et de 27 mètres de profon-
deur. En aval, le Corentyne, encore à 275 kilomètres de la mer, n'a plus
un seul rapide; mais, s'ouvrant en un large estuaire, parsemé d'îles,
d'îlots et de bancs, il n'offre qu'une entrée difGcile : les navires d'un
tirant supérieur à 3 mètres ne peuvent s'y aventurer.
La rivière Nickerie, qui se déverse à l'est dans l'estuaire du Corentyne,
est un type des cours d'eau côtiers de la Guyane hollandaise, se dévelop-
pant en un chenal irrégulier, mais continu, de l'ouest à l'est de la contrée.
Des rivières, qui naissent dans l'intérieur sur l'un des gradins avancés du
faite de partage, descendent vers TÂtlantique, et, rencontrant dans leur
course ces eaux du littoral, en gonflent le courant et les rejettent à droite
ou à gauche, suivant l'importance de la masse liquide et la déclivité du
sol. Ainsi le haut Nickerie et le haut Coppename, qui vont rejoindre la
coulée du littoral, se prolongent en sens inverse Tun de l'autre par leurs
bouches maritimes, tandis qu'entre les deux serpente un bayou, dont le
flot se porte alternativement deci et delà, suivant le courant d'amont qui
les entraîne. Le Coesewijne et le Saramacca ne communiquent pas directe-
ment avec le Coppename et ses marigots, mais ils se jettent dans le même
estuaire. Par son cours inférieur, le Saramacca, coulant de l'est à l'ouest,
découpe nettement un cordon littoral, en partie marécageux, qu'un ancien
bayou, transformé par les ingénieurs hollandais en un canal régulier,
isole complètement du côté de l'est jusqu'à l'estuaire du fleuve Suriname.
A l'orient de ce cours d'eau, dont la barre laisse entrer à marée basse des
navires calant 5 mètres, une région côtière de forêts et de marécages
présente du coté de la mer une longue plage basse à courbe à peine
infléchie et du côté des terres une ligne serpentine de fleuves et de mari-
gots à courants alternatifs, changés çà et là par les travaux de l'homme
2S NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
en canaux régularisés de navigation pour les barques des planteurs : le
Commewijne, le Cottica, le Coermoeribo — Cormontibo, — et la Ouana
ou Wane creck, se succèdent ainsi de l'ouest à Test, entre le cours du
Suriname et celui du Maroni.
L'inflexion de tous les courants de cette région guyanaise suivant une
direction parallèle au littoral maritime et le dépôt de grasses couches
d'alluvions entre ces eaux fluviales et le rivage actuel de la mer ne s'ex-
pliquent point simplement par les crues : l'Océan a plus de part que les
rivières à cette formation des côtes. Les masses liquides déversées par
l'Amazone et le Tocantins dans la « mer douce » du golfe ne s'allègent
point de tous leurs troubles dans ces parages : entraînées par le coui^nt
littoral, elles longent la côte des Guyanes jusqu'à l'Orénoque, puis s'en-
gouflrent en partie dans la mer de Paria par la Bouche du Serpent.
Retardé dans le voisinage du bord, le courant s'y décharge d'alluvions,
appliquant ainsi successivement plage après plage sur le pourtour conti-
nental. La plupart de ces cordonnets littoraux se confondent : des marigots
intermédiaires en montrent la succession régulière, et les eaux fluviales de
l'intérieur, heurtées par le flot contraire du courant maritime, se rejettent
incessamment vers l'ouest, pour couler parallèlement au flot marin , les
péninsules alluviales s'allongent ainsi à de grandes distances, jusqu'à ce
qu'une tempête ou une forte inondation rompe soudain la flèche en
quelque point faible de son parcours. Tout l'appareil côtier de la Guyane
hollandaise s'est ainsi formé avec son double rivage bien distinct, du
Corentyne au Maroni. Bien plus nettement dessinées se présentent ces
terres d'origine océanique dans la partie des Guyanes contestées située
immédiatement à Test des bouches de l'Orénoque. La rivière Pomerun,
qui se termine au cap Nassau, la Waini ou Guainia, la Barima, l'Amacuru
découpent autant de tranches du littoral qui se sont déposées en dehors
de l'ancienne côte irrégulière du continent.
Le Maroni, — le Maroweijn des Hollandais, — a le premier rang parmi
les fleuves secondaires des Guyanes d'entre Orénoque et Amazone : le che-
velu de ses hautes branches occupe près de 300 kilomètres en largeur
sur le versant septentrional des monts Tumuc-Humac, entre les deux
bassins du Corentyne à l'ouest et de l'Oyapok à l'est ; actuellement la plus
forte moitié du territoire d'écoulement appartient à la Hollande, tout
l'entre-deux compris entre les deux rivières maîtresses de l'Aoua (Lawa) et
du Tapanahoni ayant été attribué à la Guyane hollandaise par arbitrage du
tsar, en 1891. L'Aoua, branche orientale, qui sert maintenant de limite
entre les possessions coloniales, est réputé le plus abondant des deux
RIVIÈRES DES GUYANES. 25
cours, mais le Tapanahoni roule plus d'eau en hivernage. Crevaux, Cou-
dreau ont pu remonter en barque TAoua, sur plus de 500 kilomètres :
à l'endroit où s'arrêta Coudreau, sur l'Itani, — branche qui sert de fron-
tière internationale et dont la jonction avec le Marouini, plus oriental,
forme l'Aoua, — le lit du gave présente encore une largeur de 20 mètres ;
immédiatement au delà commencent les ondulations et les brusques res-
sauts des monts Tumuc-Humac. A cette grande distance de la mer, le
courant fluvial ne se trouve qu'à 200 mètres d'altitude au-dessus de
l'Océan; aussi le cours d'eau, descendant par degrés successifs, n'est
point interrompu par de hautes cascades : les barrages de rochers, qui
de distance en distance retiennent les eaux en biefs presque sans mouve-
ment, ont été rongés par le flot de manière à former des écluses natu-
relles où le courant plonge en nappes écumeuses, en cascatelles, en
chutes peu élevées. Le dernier « saut » du Maroni, celui d'Hermina, —
Aramina ou « Gymnote* », — à 80 kilomètres de la mer, oflre une déni-
vellation totale de quatre à cinq mètres sur une longueur de 800 mètres*.
En aval, le fleuve, accessible aux navires à vapeur, s'étale entre deux rives
boisées jusqu'à 1000 et 1500 mètres de large, puis s'unit à l'Atlantique
en s'écoulant sur une barre de 5 mètres au-dessous du flot de basse marée.
Les rivières de la Guyane française qui succèdent au Maroni dans la
direction de l'est ne prennent point leur origine sur l'aigueverse amazo-
nienne, mais à mi-chemin du faite, en quelques massifs isolés. La Mana,
le Sinnamari, l'Approuague sont les principaux de ces cours d'eau, ayant
chacun un développement d'environ 500 kilomètres, baignant de rares
campements avec leurs « dégrads » ou lieux d'embarquement, et descen-
dant perpendiculairement au littoral, qui se recourbe de l'ouest vers le
sud-est. Puis vient l'Oyapok, dont le nom, appliqué à beaucoup d'autres
rivières, et dérivé des mots indiens ouya pucu, « rivière longue », con-
viendrait à l'Amazone beaucoup plus qu'à tous autres cours d'eau de
l'Amérique méridionale'. L'Oyapok, comme le Maroni, naît, sous le
nom de Souanre, dans les monts Tumuc-Humac, au pic Ouatagnampa,
et forme la limite orientale du territoire français incontesté, dont le
Maroni constitue la limite occidentale; les deux fleuves rapprochent dans
la région des sources leurs hautes « criques », — nom que l'on donne
dans la Guyane française aux ruisseaux des montagnes. — Le régime de
* Henri A. Coudreau, Chez nos Indiens.
' Jules Crevaux» Voyage d'exploration dan* Vintérieur des Guyanes ; — Henri A. Goudrcau,
Bulletin de la Société de Géographie, 4* trimestre 1891.
' Henri A. Coudreau, Note^ manuscrites.
U NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
l'un et lie l'autre cours d'eau diflêre peu : l'Oyapok, que les voyageurs
prirent le plus souvent pour chemin des Guyanes brésiliennes, descend
aussi de bief en bief par une série de rapides et de chutes, plus nom-
breuses et plus hautes que celles du Maroni. Coudreau en cite deux qui
plongent de 20 mètres; celle des Trois Sauts est probablement la plus
belle de toute la Guyane française. La dernière cascade, le saut Robinson,
se trouve à 80 kilomètres de la mer.
A l'est du cap d'Orange, longue pointe d'alluvions apportées par
l'Oyapok, tout l'espace triangulaire compris entre ce cours d'eau et le
fleuve Araguari appartient à la même zone d'écoulement. Oyapok et
Araguari naissent également dans les entre-collines marécageuses des
Tumuc-Humac; de même la rivière Cachipour, dont le cours a pris la
forme d'un arc; enlin tous les autres courants de la contrée, le Cou-
nani, le Carsevenne, le Mapa Grande (Amapa des Brésiliens), le Frechal,
le Tartarugal, divergent comme des branches d'éventail en partant d'un
même faite d'écoulement. L'Araguari indique par son estuaire la fm des
cèles guyanaiscs : immédiatement au delà commencent les eaux et les îles
amazoniennes. Le dernier fleuve des Guyanes limite bien par son courant
majestueux et son large estuaire cette région nord-orientale du continent.
RIVIÈRES DES GUYANES. 35
si riche en eaux courantes qu'alimentent des averses prolongées et que
retient un sol difTicilement perméable.
Comme sur l'autre côté des montagnes faîtières, dans les Guyanes
E3
vénézolane et brésilienne, les rivières varient par la nuance de leui-s eaux :
les unes, surtout celles des savanes, roulent un liquide louche et blan-
châtre; les autres, issues des régions forestières, paraissent noires ou
noii-âtres et cependant restent transparentes; dans le bassin de l'Essequibo
26 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
on attribue la nuance de ces rivières noires aux racines et aux branches de
Tarbre ouallaba, baignant dans le flot. Quoique la plupart des rivières
guyanaises traversent une forêt continue, de la montagne à la mer, elles ne
sont pourtant pas aussi fréquemment obstruées d'arbres tombés que beau-
coup d'autres cours d'eau des régions tropicales; la cause en est au grand
poids spécifique de presque toutes les essences arborescentes qui crois-
sent sur les rives fluviales de la Guyane : au lieu de flotter, les bois que
l'érosion ou la tempête jettent dans le courant tom))ent au fond du lit et
pourrissent sur place'. Mais dans les hauts des rivières, étroites et sans
profondeur, les branches entrecroisées et les réseaux de lianes gênent les
bateliers, qui ne peuvent s'ouvrir la voie qu'à coups de sabre; les arbres
s'entassent en barrages, dits takouba par les Indiens de l'Ëssequibo et
barrancoi par les réfugiés brésiliens du territoire contesté; d'autres
« embarras » consistent en amas de plantes aquatiques : les pirogues ont
souvent à s'arrêter devant ces obstacles comme devant les sauts et les
rapides. Dans presque toutes les rivières, les rochers, grès, granits ou
diorites, qui font saillie au-dessus du flot, sont revêtus, comme d'une
couche de goudron, par une pellicule composée d'oxydes de fer et de
manganèse : de même que sur l'Orénoque, les roches les plus dures se
recouvrent de l'enduit le plus noir, exhalant sous les pluies des odeurs
pernicieuses*.
En aval des rochers et des rapides, les fleuves, larges, profonds,
remués par la marée qui en repousse le courant, roulent une eau jau-
nâtre, souvent cachée par les herbes flottantes, et se perdent en des
marécages riverains, môme en des lacs et des étangs : les colons de la
Guyane française ont donné à ces eaux de reflux le nom de pripris. Dans
les parties déjà bien cultivées du littoral anglais et hollandais, des
digues et canaux ont réglé la direction et l'écoulement du flot sura-
bondant : des vannes arrêtent le flux de marée dans les plantations, et
des rigoles ou kokers rejettent les eaux de suintement à marée basse.
Jusqu'à une grande distance au large, à 10 ou 12 kilomètres, l'eau douce
des rivières guyanaises surnage l'onde salée.
Grâce à la pente égale du sol des Guyanes, les anciens lacs qui parse-
maient la contrée, et dont plusieurs ont encore leurs contours reproduits
par ceux des savanes, se sont presque tous vidés : la région qui a le mieux
conservé ses nappes d'eau lacustre est celle du territoire contesté franco-
* Charles Barrington Brown, Reports on the Geology of British Guiana.
' A. de Uumboidt, Tableaiut de la Nature; — R. Schomburgk, ouvrage cité.
RIVIÈRES, LACS DES GUYANES. Sf
brésilien, entre les rivières Mapa Grande et Araguari; les pointes basses
qui forment la péninsule dite Cap de Nord et Tîle non moins basse de
Maraca masquent le pays des lacs. Â une époque relativement récente»
cette zone des eaux douces se prolongeait beaucoup plus au nord, jusqu'à
rOyapok, et des bateliers pouvaient faire un voyage de plus de trois cents
kilomètres, constamment par les lacs, les rivières et les bayous, entre
l'Amazonie et la Guyane française. D'après les officiers du fort français de
Mapa, qui subsista de 1836 à 1841, des embarcations de 40 tonnes auraient
encore suivi ce chemin vers le milieu du siècle. Au sud du Mapa Grande,
un premier lac n'est plus que le reste d'une nappe jadis beaucoup plus
considérable, dont une île renfermait un petit fort français évacué en 1841
et rétabli à leur profit par les Brésiliens en 1890*. D'autres lacs s'alignent
au sud et au sud-est dans la péninsule du cap de Nord : l'un d'eux, le
Jac, voisin du détroit de Carapaporis, entre le continent et l'île Maraca,
aurait encore la forme d'une large baie, mais sans abri ; exposé aux tem-
pêtes du large, il serait difficilement navigable pour les pirogues. Le lac
méridional de la traînée, le Lago Novo, voisin de l' Araguari, ressemble
aussi à une baie maritime, car il donne asile aux lamentins, qui broutent
ses prairies d'herbes aquatiques; mais les barques s'y hasardent, grâce
à des archipels formant autant de brise-lames transversaux : des pro-
fondeurs de 10 et de 12 mètres pourraient faire de ce bassin un magni-
fique port de refuge pour des flottes entières, si l'on approfondissait le
canal de sortie jusqu'à l' Araguari sur une longueur de quelques kilo-
mètres et si l'on draguait l'estuaire qui s'envase, ne présentant en certains
endroits que 1 mètre de fond'.
L'amoindrissement des lacs, leur dessèchement complet paraissent
* Henri A. Coudreau, Notes manuscrites,
* Rivières principales des Guyanes entre i*0rénoque et TAmazone, avec évaluations approximatives
de la longueur du bassin, du débit et du cours navigable pour petits bateaux à vapeur :
Essequibo. .
Demcrara. . .
Longueur du cours.
Kilomètres.
1000
280
Superficie du bassin.
KiloBiètreN carrés.
170 000
8 000
Débit moyen.
Met. c. par sec.
2 000?
150?
Navigabilité.
Kilomètres.
65
149
Berbice. . .
. . 560
35 000
500?
265
Corentijn . . .
Surinarae . . ,
725
480
60000
35000
1 000?
500?
110
150
Muroni . . . .
625
60 000
1 100?
75
Approuaguc . .
Oyapok. . . .
Gachipour. . .
Gounani. . . .
310
485
520?
280?
10000
40000
20 000 ?
10000?
180?
750?
400?
150?
60
75
80
70
Araguari. . . .
500?
25 000 ?
400?
200
S8 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
s'accomplir très rapidement. Les roseaux et autres plantes se flétrissent en
été et leurs débris se déposent en une couche de terreau flottant où
diverses espèces végétales, même des arbustes, prennent racine. Parfois les
tempêtes déchirent ces tapis de verdure et les transportent vers les rivages
opposés ; ils reforment bientôt leur feutrage, s'épaississent, se consolident,
et le lac se comble peu à peu ou se change en prairie tremblante, ferme à
la surface, boueuse dans les profondeurs : il ne reste de l'étang que le
chenal de navigation, Vigarapé ou « chemin des pirogues ». Coudreau
hasarde même l'hypothèse que les lacs se vident par un mouvement de
bascule du littoral* : en plusieurs fonds lacustres on trouve quantité
d'énormes troncs dont on ne s'explique pas l'origine, à moins que la terre
ferme n'ait existé jadis en ces endroits et qu'elle se soit engouflrée par
suite d'un eflbndrement ou de quelque rapide dénivellation du sol. Mais
la forme et l'orientation du littoral suggèrent une autre explication du
phénomène. Les pointes d'alluvions, à l'Approuague, à l'Oyapok, au Cachi-
pour, s'allongent dans la direction du nord, et, dans leur cours inférieur,
ces rivières suivent toutes la même inflexion, évidemment sous l'influence
du courant côtier qui projette latéralement ses dépôts vaseux. N'est-il pas
à supposer que, soumis au contact de ce courant, l'Araguari se recourba
également vers le nord et que les lacs alignés qui se succèdent dans ce
sens sont les restes de l'ancien cours fluvial? Le détroit de Maraca ou
l'estuaire de Carapaporis, ce bras de mer projeté entre l'île de Maraca et
le continent et qui se distingue si nettement par sa profondeur de toutes
les basses eaux environnantes, serait l'ancienne bouche de l'Araguari, à
peine déformée depuis le temps où le fleuve se rejeta vers l'est. S'il
en est ainsi, rien d'étonnant que le puissant cours d'eau, charriant des
arbres comme l'Amazone, les ait déposés dans ses méandres, devenus
maintenant des lacs réunis par de tortueux bayous. De même, le courant
littoral apporte des troncs qui s'enfouissent dans les vases du lit et
que recouvrent ensuite les alluvions des terres de formation nouvelle.
Des amas ligneux ont été trouvés à 23 mètres de profondeur'.
Quoi qu'il en soit, de grands changements se produisent pendant
l'époque contemporaine. A la simple vue de la carte on reconnaît que le
littoral du territoire contesté franco-brésilien, entre l'Araguari et le Cachi-
pour, diffère singulièrement de la côte orientée de l'est à l'ouest, entre
Cayenne et le Corentyne. Cette dernière partie du rivage est tracée avec
t La France Équinoxiale, Voyage à travers les Guyanes et V Amazonie,
* Villiers Stuart, Adventures among the equatorial foresls.
LACS ET COTES DES GDYANES. 29
régularité suivant une courbe convexe, indiquant le dépôt normal des
apports : tandis que les plages du sud ont été fortement érodées par le
flot, une partie de l'ancien littoral a été emportée, et le cap de Nord, l'île
de Maraca sont autant de témoins de l'ancienne rive continentale. Sur
toute la longueur de la côte hollandaise, à l'est et à l'ouest de Paramaribo,
on constate l'existence d'anciennes plages, marquées par des cordons litto-
raux d'arbres qu'amena le flot marin.
Le contraste se montre aussi dans le régime des eaux riveraines. Au
large de la Guyane hollandaise, les vases molles qui recouvrent les
fonds cèdent comme un tapis mobile sous la pression des hautes lames
et en diminuent ainsi l'agitation; de proche en proche les vagues
s'afiaissent et la surface de la mer s'aplanit. Aussi les navires peuvent-ils
souvent mouiller en sûreté près du rivage, en dedans du courant côtier,
et reposer dans une eau tranquille, alors que la tempête bouleverse au
loin les flots. Au contraire, sur les plages du cap de Nord et de Maraca
les marées se ruent sur la côte avec une extrême violence : nulle part,
même dans l'estuaire amazonien, le mascaret ou pororoca ne déroule
plus brusquement et à plus grande hauteur ses vagues successives : dès
1743, La Condamine avait désigné ces parages de l'Araguari comme des
plus redoutables pour les navigateurs. La marée, comprimée dans le
golfe étroit sur les fonds graduellement relevés, s'élève dans l'espace de
quelques minutes au tiers de sa hauteur totale : on l'a vue monter sou-
dain à 4 et même 8 mètres au-dessus de la nappe de basse mer*. L'inon-
dation s'étend au loin sur les terres basses du littoral, et dans les
syzygies, où l'eau se gonfle à 12 et 13 mètres, on a vu le flot arracher
des rivages entiers composés de palétuviers entremêlés; ces îles flottantes
de verdure cinglent avec le courant pour aborder plus au nord vers la
bouche du Cachipour ou de rOyapok. Lors des mortes eaux, l'écart du flux
et du reflux est encore d'environ 3 mètres dans ces parages. Au large, à
une distance variable de 25 à 80 kilomètres des côtes, passe le grand cou-
rant littoral qui se porte du cap Sao Roque vers Trinidad : son axe se
prolonge en moyenne à 220 kilomètres du continent, et la largeur totale
de la masse liquide en mouvement peut être évaluée de 380 à 400 kilo-
mètres. Sa vitesse varie avec les vents; parfois elle dépasse 150 kilo-
mètres par jour; d'autres fois, quand le vent alizé en retarde la marche,
le courant ne se meut guère que d'un à deux kilomètres par heure
et s'épanche latéralement en contre-courants et en remous : le flot
Lartigue» Instruction nautique sur les côtes de la Guyane française.
30 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
ralenti s'élève alors dans les ports comme un courant fluvial en amont
des écluses.
Les Guyanes se trouvent en entier dans le domaine des vents alizés du
nord-est; cependant elles sont assez rapprochées de l'équateur pour que les
vents généraux du sud-est s'y fassent aussi sentir pendant une partie de
Tannée. A Cayenne, pris comme point médian des côtes guyanaises» le
vent normal, dont la direction moyenne est celle de Test-nord-est, souffle
régulièrement dès les premiers jours de décembre et prend sa plus grande
force en janvier et en février. A Téquinoxe de mars, l'alizé faiblit un peu,
puis vient la période des calmes, interrompus de grains, et pendant le
mois de juillet des brises du sud-est, de plus en plus fréquentes, indi-
quent le mouvement de translation générale du système des vents vers
'l'hémisphère du nord. Cependant ces vents du sud-est, ou plus souvent
de l'est-sud-est, ne soufflent pas en un courant continu : ils tombent
d'ordinaire pendant la nuit et sont remplacés par la brise de terre. Jamais
la spirale des cyclones ne se déroule au-dessus des cotes guyanaises.
La saison pendant laquelle domine le vent alizé du nord-est correspond
à l'hivernage. Les pluies commencent d'ordinaire à tomber dès que le
courant atmosphérique normal s'établit sur la côte; elles se continuent
jusqu'à la péiiodc des vents irréguliers et des vents secs du sud-est. Le
mois de mars est, pendant Thivcrnage, celui où les pluies tombent avec
le moins d'abondance : de là le nom d' « été de mars w que l'on applique
dans la Guyane française à cet assèchement de l'air. Au mois de mai les
nuages versent l'eau du ciel en cataractes : on donne à ces grandes pluies
le nom de « Pluies de la Poussinière ». La tranche liquide dépasse en
moyenne 2 mètres et demi sur le littoral guyanais, et même en certaines
années les udomètres enregistrent une pluie supérieure à 4 mètres\
On a vu des abats d'eau de 33 centimètres en douze heures'. Les pluies
sont extrêmement inégales suivant les années : à Georgetown, elles ont
varié du simple au double, de 1",60 en 1885 à 3 mètres en 1890.
Pendant l'hivernage, la température est légèrement plus basse que pen-
dant l'été; mais elle n'oscille jamais que d'un petit nombre de degrés
autour de la normale, soit 27 de TécheUe centigrade. Dans l'intérieur,
les températures ne varient que faiblement, car le relief du sol ne pré-
sente de saillie considérable que dans les montagnes de Pacaraima ; mais
* Pluies tombées à Cayenne en 1874 : 4", 19 (Maurel et Hardy).
> Everard F. im Thurn, Journal ofihe Colonial Insiiiutey Session 1892-1895.
LITTORAL, CLIMAT DES GUYANES. 31
on constate les plus grandes oscillations dans leur abondance relative :
tandis que les nuages pressés contre les sommets se fondent en averses,
ailleurs ils cheminent au-dessus des plaines sans rencontrer d'obstacles
et ne laissent tomber qu'une faible part d'humidité. L'air contient presque
toujours une forte quantité de vapeur d'eau. Le soir, les brouillards s'éten-
dent comme un immense tapis jsur la forêt, souvent dépassés par les grands
arbres dont surgissent les cimes, semblables à des rochers au milieu de
la mer. Les champs, les caps, tout est recouvert par cette nappe humide, à
laquelle se mêlent les miasmes du sol. Sur les Tumuc-Humac, où pendant
plus de cinq mois Coudreau fit plus de quinze cents observations, l'humi-
dité est moindre que sur la côte : « les brouillards y sont plus secs »
et la température de la nuit y descend à 16 degrés*.
Les différences frappantes que présente la flore guyanaise doivent être
attribuées d'une manière générale à l'inégale répartition des pluies : le
territoire se partage en deux zones distinctes, les savanes, — campos
des Brésiliens, — et la forêt vierge. Cependant il faut aussi tenir grand
compte de la pauvreté de quelques terrains sableux, dépourvus de toute
substance humique, et de l'humidité d'autres terrains où les roseaux
pressés ne laissent pas germer les végétaux arborescents. Les régions sans
arbres s'étendent pour la plupart à l'aval des collines ou des montagnes
dont le côté d'amont ruisselle de pluies. Ainsi, dans la Guyane anglaise,
le haut bassin du Takutu, que les prolongements orientaux des monts
Pacaraima abritent contre les vents pluvieux, appartient en entier à la
région des savanes. Mais, dans le voisinage même de la côte atlantique,
des plaines qui, par la position géographique et le manque de relief,
ressemblent tout à fait à d'autres plaines boisées, sont pourtant com-
plètement dépourvues d'essences forestières. Ainsi, dans le territoire
contesté franco-brésilien, des savanes, interrompues seulement par les
lisières d'arbres riveraines des fleuves, se prolongent parallèlement à la
côte, du cap d'Orange à l'Amazone, et la basse vallée de l'Araguari presque
tout entière se développe en un vaste campo. Dans la Guyane anglaise et
hollandaise, les savanes forment une bande étroite de clairières des bords
I
Conditions météorologiques de la Guyane cotière :
Température Température Température
moyenne. maxima. mmima.
Georgetown.. . . 27o,2 32o,2 • 25o,9
Paramaribo . . . 26o,i 35o,5 21M
Cavenne , 27o,04 35o,5 22
Jours
de pluie.
Pluies.
170
2-.95
177
5*,6
160
.'>-.32
5S KOUVELLE GEOGRAPHIE UKIYERSELLE.
du Demerara h ceux du Suriname. C'est h un des remous locaux des
vents pluvieux et à la nature du sol, jadis lacustre, qu'est due l'eiis-
tence de ces zones sans arbres entre les palétuviers du littoral et tes forêts
de l'intérieur.
De même que les llanos du Venezuela, les savanes de la Guyane pré-
sentent toute la série des transitions entre la surface boisée et la surface
herbeuse. En quelques sites la limite est précise comme celte de la terre
et de l'Océan aux coupures des falaises ; au sortir do Ui forèl vierge, enche-
vêtrée de lianes et d'épiphytcs, on se trouve brusquement dans la mor
des herbes où le regard parcourt en lil)crté l'immense horizon jusqu'au
profil lointain des montagnes. Ailleurs la forêt s'elîrangc; elle se parsème
de clairières, puis espace ses arbres, tes abaisse, éparpillant autour d'elle
des îlots forestiers. De même les savanes diffèrent : quelques-unes, notam-
ment dans le voisinage du faîte de partage entre les Guyanes anglaise et
brésilienne, sont complètement dépourvues de végétation arborescente; les
Brésiliens leur donnent le' nom de campos Uinpos, « savanes propres ».
Mais dans la plupart des prairies guyanaises se montrent quelques arbres
SAVANES ET FORÊTS. 33
épai*s ou alignés : chaque rivière qui serpente est bordée d'une lisière de
forêt, chaque ruisseau, chaque ravin a son rideau de palmiers bâches
(mauritia)j colonnes régulières, « surmontées de dix à douze éventails
retombants qui forment chapiteau », et où les perroquets vivent en
tribus. Là où les cours d'eau se ramiûent en une multitude de lits, les
savanes se divisent en autant de prairies secondaires, séparées par des
rideaux de palmiers bâches et autres arbres : c'est ainsi que les prés,
dans la vallée de la Loire, sont divisés par des alignements de peupliers.
L'aspect et la végétation des savanes changent suivant l'humidité ou la
sécheresse du sol. Dans le voisinage de la côte et de ses bayous, certains
pripris ou marécages tiennent déjà de la savane : ils se dessèchent en été
et produisent alors une herbe rare, prolongeant vers la mer la surface
des prairies sèches de l'intérieur; la plupart de ces marais sont des « pino-
tières », ainsi nommées des palmiers pinots (euterpe edulh) qui en bor-
dent les rivages. En s'exhaussant, du littoral vers l'intérieur des terres,
le sol des savanes se revêt de diverses graminées et légumineuses ana-
logues à celles des prairies européennes ; mais en général les plantes, peu
élevées et peu touffues, d'espèces grossières et rugueuses, sont de crois--
sance beaucoup plus inégale dans ces régions torrides que dans la zoiie
tempérée. D'un vert pâle pendant l'hivernage, rousse ou jaunissante pen-
dant l'été, la savane n'a que peu de fleurs : nulle part elle ne se diapré
de couleurs éclatantes et n'exhale de parfums comme les prés de l'Eu-
rope occidentale. Ce qui lui manque, c'est la collaboration de l'homme
pour le choix des plantes nourricières; d'après les rares clairières où le
travail agricole intervient par les semis et l'irrigation des espèces four-
ragères, on devine quelle pourrait être l'exubérante production de ces
régions guyanaises.
Sauf de rares exceptions, les habitants ne contribuent à modifier la
végétation des savanes que d'une manière tout à fait indirecte, par l'inci-
nération des herbes sèches pendant la saison d'été. Ramasser quelques
tortues au milieu des cendres, tel est le but des brûleurs : ils ne s'occu-
pent point d'améliorer les pâturages, et du reste, dans les savanes hautes,
dépourvues d'alluvions et revêtues d'une herbe maigre, l'incendie a souvent
dévoré plantes et racines jusqu'au ras du sable : quelques monticules
arides, recouvrant des galeries souterraines habitées par de gros lézards,
forment déjà çà et là comme des espèces de dunes. Le feu, poussé par
les vents, se propage quelquefois avec une grande rapidité, mais d'or-
' Henri A. Coudreau, la France Equinoxiale,
XIX. 5
34 iNOUYELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
dinaire il est beaucoup plus lent que dans les prairies du Grand Ouest
nord-américain ou les brousses algériennes : les plantes, contenant une
plus forte part d'humidité, n'y fournissent pas un combustible aussi faci-
lement inflammable. L'incendie s'arrête à la lisière des grandes forêts,
après avoir carbonisé quelques arbres des plus exposés ; il respecte même
dans la savane les îlots verdoyants qui se sont formés autour des sources
et qui servent d'abri aux bestiaux pendant les ardeurs de l'été.
Les forêts de la Guyane, qui, sur le versant oriental, recouvrent de
beaucoup la plus grande étendue du territoire, appartiennent à l'aire
végétale de l'Amazonie. Presque toutes les espèces de la selve sont repré-
sentées dans la forêt des Guyanes, qui pourtant n'occupe qu'une partie
relativement peu considérable du continent : au lieu de forêts mono-
tones n'ayant qu'une seule essence ou bien un petit nombre de plantes
associées comme les pinières et sapinières, les chênaies et hêtraies de
l'Europe ou de l'Amérique du Nord, la Guyane possède un monde végétal
prodigieux par la variété de ses espèces : le seul territoire appartenant
à la France n'a pas moins de 260 essences forestières, dix fois plus qu'on
n'en trouve dans la France elle-même. Le courant côtier qui longe les
côtes guyanaises, après avoir suivi celles du Brésil depuis le cap Sâo Roque,
contribue certainement à l'égalisation des flores par les graines, les fruits,
les branchages qu'il entraîne. Mais on ne sait pas, même approximative-
ment, quelles sont toutes les richesses végétales de la Guyane, puisque
certaines régions n'ont pas encore été parcourues; cependant les itiné-
raires suivis par les botanistes forment déjà dans l'intérieur un réseau
très serré. En 1872, Grisebach évaluait à 3500 le nombre des espèces
guyanaises déjà décrites. Les familles prédominantes sont les légumi-
neuses, qui représentent environ la neuvième partie des végétaux de la
contrée, puis viennent les fougères et les orchidées*. Les palmiers, dont
on compte une trentaine dans la seule Guyane française, constituent à
peu près le centième de la flore, mais la majesté d'aspect, qui les signale
de loin, leur donne une importance apparente de beaucoup supérieure.
Les familles de l'aire vénézolane et colombienne qui manquent aux
Guyanes sont les plantes de montagnes vivant dans les Andes à des alti-
tudes plus grandes que les sommets des Pacaraima et du Caïrrit. Au moins
200 espèces de fougères arborescentes croissent sur les pentes, à des
hauteurs de plus de 900 mètres; Richard Schomburgk découvrit en
quelques jours 93 espèces de cette famille dans le massif du Roraima,
^ A. Grisebach, la Végélalion du Globe, traduction par P. de Tchihatchef.
FLORE DE LA GUYANE. S5
r » Eldorado des bolaoistes » : la moindre différence du relief, de Tex-
position, du sol, y est indiquée par des plantes nouvelles. La befaria ou
« rose andinc » et un genre voisin du chinchona se trouvent aussi repré-
sentés sur les escarpements du Roraima. Sur les bords de l'Essequibo,
des Indiens se servent de (lèches taillées dans le bois de bambous véné-
neux, produisant le même effet que le curare'.
Les fleurs splendides de la Victoria regia, découvertes en 1857 dans
la rivière guyanaise de Berbice, et retrouvées depuis en maints autres cours
d'eau de la région amazonienne, témoignent de la merveilleuse beauté
que peuvent atteindre les formes florales sous le climat de l'équateur
américain : en quelques endroits, l'eau des lacs dispai'aît presque sous
les tapis de feuilles énormes et sous les touffes de blancs pétales, entre-
mêlées d'autres fleurs bleues, roses, jaunes, et de graminées frémissantes.
A la faveur de certaines conditions atmosphériques, les fleurs d'une
nymphéacée de ces eaux douces luisent d'une lumière tranquille de veil-
leuse, bien moins vive que celle des fulgores porte-lanterne et autres
< C. B. Brovn, Canoë and Camp Life in Bnlitk Gaiaiui.
56 NOUVELLE GËOGRÂPUfE UNIVERSELLE.
insectes lumineux, mais plus claire que celle des bois pourris ^ En plantes
alimentaires, la contrée possède, comme les pays voisins, le cacaoyer
sylvestre, diverses espèces de passiflore, les ananas sauvages, les régimes
et les sèves de plusieurs palmiers, les 'marantacées d'où l'on extrait
Tarrow-root, les douze variétés du manioc, l'euphorbiacée qui sert à pré-
parer la cassa ve, le coac et la boisson dite paiourai, les prunes du caram-
bolier (averrhoa carambole) y \e touka {bertholelia ex^e&a), dont les
fruits, semblables à des boulets de canon, renferment les excellentes
ce amandes » ou « châtaignes » du Brésil. V « arbre du voyageur » de
Madagascar est représenté en Guyane par la ravenala gtiianensn. La
région côtière a les espèces oléagineuses, médicinales, résineuses, aroma-
tiques de l'Amazonie et pourrait recevoir toutes celles de l'Afrique équa-
toriale^ Un de ses palmiers, l'aouara (atlalea $peciosa)j donne une huile
égale en valeur à celle de l'élaïs de Guinée, que du reste on introduisit
en Guyane dès l'année 1806; d'autres arbres, tel le carapa guyanemuj
dont la teneur en huile s'élève jusqu'à 70 pour 100 du poids des amandes,
l'arbre à cire (virola sabifera), et le ouapa (tamarindm indica)y au bois
incorruptible, sont aussi des ressources industrielles à peine utilisées,
non plus que la plupart des cent cinquante espèces médicinales efHcaces
par leur bois, sève, racine, feuilles, fleurs ou fruits. Parmi les caDutchoucs
et les gommes analogues à la gutta-percha, on recueille notamment celle
du balata (achras ou mimmops balala)j à la fois élastique et ductile; le
pays a, comme l'Arabie, son arbre à encens {icica heptaphylla), que l'on
brûle dans les églises de la côte. Les indigènes ont indiqué aux blancs
de nombreuses espèces tinctoriales, telles que le roucou et le génipa, ou
abondantes en tannin, et savaient fabriquer des tissus de mille formes,
pour les usages les plus divers, avec les fibres de végétaux par centaines,
du palmier à l'ananas. La région lient en réserve un prodigieux labora-
toire de matières premières utilisables pour l'industrie.
Quant aux bois de construction et d'ébénisterie, la Guyane en surabonde,
mais l'on peut craindre l'arrivée de ces spéculateurs barbares qui ont
déjà dévasté tant de contrées. La mora excelsaj légumineuse qui dépasse
en hauteur les autres arbres de la forêt, se dressant d'un jet à 40 mètres,
l'emporte sur le chêne, même sur le bois de leck, par son élasticité et
sa force de résistance : nulle essence n'est préférable pour la char-
pente des navires. L'ébène vert {nectandra Rodixi) ne lui est guère infé-
rieur. C'est par dizaines que l'on compte les espèces de bois ayant plus
* Âugust Kappler, HoUândisch-Guiana.
FLORE, FAUNE DE LA GUYANE. 37
de solidité que le chêne, mais la plupart sont d*un poids spécifique égal
ou même supérieur à celui de Teau; au siècle dernier quelques-uns
de ces bois lourds étaient employés à la fabrication de mortiers et
d'affûts de canon. Les espèces propres à Tébénisterie se distinguent
par l'éclat de leurs teintes, noir, gris, jaune, vert, pourpre, par leurs
satinures, mouchetures et marbrures. Un arbre dont la coupe est d'un
beau brun tacheté, a pris le nom de « bois de tigre » ; un autre est le
« bois de lettres » {brosimum Aubletu)j à cause de sa nuance foncée
sur laquelle se dessinent des figures noires comparables à des hiéro-
glyphes*.
Par sa faune comme par sa flore, la Guyane est un pays de transition
entre l'aire amazonienne et celles du littoral vénézolan et des Antilles.
Aucune espèce de mammifère, de saurien, de reptile, ne lui appartient
exclusivement, et si telle forme d'oiseaux, d'insectes ou de moindres orga-
nismes n'a été découverte qu'en Guyane par les naturalistes, on a de fortes
présomptions pour croire que ces formes se rencontrent aussi dans les
régions limitrophes ayant même sol, même végétation et même climat.
Les espèces que l'on cite d'ordinaire comme particulièrement guyanaises
sont celles que les naturalistes ont observées dans ce pays pour la première
fois, telles la biche des palétuviers {cervus palustris)^ qui court dans la
^ase des marécages, le crabier {cancrophagus major) y qui se nourrit de
crabes et fait son nid dans les berges des bayous, la grue cendrée {grm
fenivora)j vorace comme l'autruche et de taille presque aussi élevée. Les
oiseaux aquatiques, canards, flamants, hérons, ibis, se montrent en
variétés nombreuses : on en voit des vols composés d'oiseaux par milliers.
L'oiseau le plus commun {lyrannus sulphureus)^ dont la voix s'entend
dans chaque arbre, a reçu d'après son cri le nom bizarre de « Qu'est-ce
qu'il dit », contracté en kiskadi; dans les forêts on entend souvent
retentir comme un son de cloche la voix du campanero {chasmarhynchm
carunculatus) . Le grand caïman n'habite que certaines rivières de la
Guyane anglaise, le haut Essequibo et le haut Bcrbice; il manque dans
le Cuyuni, le Mazaruni, le Demerara, ainsi que dans tous les cours d'eau
des Guyanes hollandaise et française; on le retrouve dans le Contesté
franco-brésilien*; seulement deux petites espèces de sauriens habitent
les eaux des Guyanes hollandaise et française". Presque tous les serpents
sont inoffensifs pour l'homme; on n'en compte qu'un petit nombre de
< Richard Schomburgk, ReUen in Britisch-Guiana,
* C. Barrington Brown, ouvrage cite; — Henri A. Coudreau, Notes manuscrites.
' August Kappler, Ausland, 1885.
38 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
venimeux, tous désignés à Cayenne sous le nom de « grages* >i; souvent
ils sont comme engourdis. Des boas atteignent des dimensions énormes,
surtout les serpents d'eau {eunectes murinm) : d'après Kappler, on en
aurait tué un de plus de 13 mètres en longueur sur le haut Suriname.
Un poisson très apprécié de TEssequibo, le lau-lau, espèce de silure,
dépasse 5 mètres et pèse une centaine de kilogrammes. Le pirai, dont
rhomme redoute à bon droit les morsures, attaque môme Talligator pour
en emporter un lambeau. D'un coup de dents il enlève les pattes des
canards et la queue de l'iguane. Un autre poisson fait entendre une plainte
musicale comme le grondin*.
Les Indiens de la Guyane ont un rare talent pour élever les animaux
sauvages, poules, agamis {psophia crepitans), grues, hoccos {crax alector)^
perruches, aras flamboyants, chiens, singes, sarigues, chevreuils, et jusqu'à
des jaguars. L'étranger qui arrive brusquement près d'une cabane est
attaqué par ces bandes d'animaux privés, et si les maîtres ne viennent
imposer silence, il a grand'peine à pénétrer dans la demeure sans acci-
dent. Des deux espèces de chiens sauvages qui vivent dans la Guyane bri-
tannique, l'une, connue par les Indiens sous le nom de maïkang^ fait de
grands dégâts dans les plantations. Ces carnassiers s'y introduisent la
nuit en fortes bandes et font massacre de poulets, perroquets et autres
animaux domestiques, dans le plus grand silence : on ne s'aperçoit ordi-
nairement de leur visite que le lendemain matin, à la vue du désastre. Le
croisement du maïkang avec l'espèce ordinaire produit une race excellente
pour la chasse, payée fort cher par les amateurs de Georgetown.
Tous les Indiens de la Guyane sont confondus par les Anglais sous le
nom méprisant de bucksj sous celui de bocks par les Hollandais" : cette
appellation les assimile aux bétes de la forêt, quels que soient d'ailleurs
les services que leur aient demandés les colonisateurs. Dans les premiers
temps, les Européens, ignorant la langue et les mœurs de ces indigènes, se
laissaient aller facilement à considérer les diverses tribus comme autant de
nations distinctes : Barrère, en 1743, mentionne plus de quarante peu-
plades dans la seule Guyane française, sans essayer de les grouper par
ordre de parenté. Mais peu à peu on a reconnu la ressemblance des
éléments ethniques, et, grâce aux études des missionnaires et des lin-
< Moufflet, Revue Scientifique, 8 févr. 1890.
^ C. Barrington Brown, ouvrage cité; — Boddam Whetham, Roraima and British Guiana,
* Ciirl Ferdinand Appun, Unter den Tropen,
FAUNE, POPULATIONS DE LA GUYANE. 39
guistes, on est arrivé à classer les habitants primitifs des Guyanes en trois
familles, Ârawak, Caraïbes, Tupi, qui se rapprochent d'ailleurs beaucoup
au point de vue de l'apparence, de la physionomie, des mœurs, mais qui
présentent de notables différences par leurs idiomes.
Les tribus les plus anciennes, constituant le groupe aborigène par
excellence, paraissent être celles des Arawak (Araouaques, Araouages),
mot qu'une étymologie tupi fort improbable traduit par « Fariniers ».
Tous les indigènes, aussi bien que les créoles, se nourrissent de manioc :
ce n'est donc pas leur alimentation qui distingue les Arawak. On les ren-
contre sous ce nom dans les régions littorales de la Guyane britannique,
et sous différents autres dans les districts de Tintérieur; d'ordinaire, ils
se disent eux-mêmes lesLokono (Lukkunu), c'est-à-dire les « Hommes* ».
Les Wapisiana (Ouapichianes), les Taruma (Taroumans), les Atorai (Ator-
radi) du haut Essequibo et du Takutu, les Palicour de la Guyane con-
testée appartiennent à ces populations primitives. Lors du voyage de
Schomburgk, la tribu des Amaripa, jadis voisine des Wapisiana, n'était
plus représentée que par une vieille de soixante ans. Les Arawak du
littoral, vivant au milieu des policés, blancs, noirs et jaunes, auxquels
un anglais plus ou moins jargonné sert de langue commune, sont tous
anglicisés et se confondent peu à peu avec les travailleurs cosmopolites des
plantations. Du temps des Hollandais, les Arawak étaient exemples de la
servitude, à laquelle on avait soumis ce de droit » tous les autres Indiens.
Les Arawak de la Moruka, au nord de l'estuaire d'Essequibo, ne sont
point d'origine pure. Lors de la guerre d'indépendance vénézolane, des
Indiens de l'Orénoque appartenant on ne sait à quelle tribu, mais déjà
fortement hispaniCés par les mœurs, s'enfuirent dans la Guyane anglaise
pour échapper aux réquisitions et aux massacres. On leur assigna comme
domaine le territoire accidenté où naît la rivière Moruka. Ils s'y établirent,
cultivèrent le sol et, se mariant à des femmes arawak, firent retour vers
le type indien. Des Portugais immigrés se mélangèrent avec ces Indiens
déjà si fortement croisés, et la découverte des gisements aurifères les
mit en contact avec la population cosmopolite des pays de l'or*. Jusqu'à
une époque récente, les Arawak qui campent sur les bords de l'Aruka,
affluent occidental de la Barima, vécurent complètement à l'écart des
blancs, et, seuls parmi les indigènes, ils ne comprennent pas l'anglais.
On remarque chez eux, comme chez les Caraïbes des Antilles, quelques
' W. H. Brett, The Indian Tribes of Guiana; — Daniel Brinton, The Arawack Language of
Guiana; — Ten Kate, Revtie d* Anthropologie, 15 janv. 1887.
* Everard F. ira Thurn, Proceedings oflhe R, Geographical Society, Oclober 1892.
40 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
traces de deux langues, l'une masculine, l'autre féminine*, ce qui ne
peut s'expliquer que par un croisement de races à la suite d'une conquête.
Les Arawak ont gardé mainte coutume de l'ancien temps, entre autres
celle des épreuves d'endurance ; c'est à qui supportera le mieux les
coups de fouet dont ils se cinglent les mollets en faisant jaillir le sang;
pendant ces fêtes cruelles, la bonne humeur des Indiens reste invariable.
Ces Arawak paraissent avoir été de beaucoup les plus civilisés des Guya-
nais, car ils possèdent des vases de forme très variée, avec des orne-
ments et des figures grotesques d'hommes et d'animaux en haut relief.
Les autres poteries guyanaises sont très simples et sans autre décoration
que de grêles dessins linéaires. Est-ce aux Arawak qu'il faut attribuer
les « pierres à écuelles » que l'on rencontre en plusieurs endroits des
Guyanes, le cercle de piliers que Brown vit dans les montagnes de Paca-
raima et les pierres écrites ou timehri du Berbice, du Gorentyne et du
Maroni, couvertes de figures d'hommes et d'animaux, de grenouilles sur-
tout, et d'autres glyphes bizarrement entremêlés?
Wapisiana et Alorai, que les voyageurs anglais ou autres visitent rare-
ment dans la région des faîtes, ont encore gardé leur type originel. Les
Atorai perdront peut-être aux unions avec les autres races, car leurs
femmes ont une remarquable perfection de formes et une grande noblesse
de visage. Tous ont le profil peu diflerent de l'européen et le teint presque
blanc : d'après Henri Coudreau, nombre d'Atorai ne sont pas plus foncés
que des Andalous, des Siciliens ou des paysans de la France méridionale.
Les Wapisiana sont de couleur plus brune ; ils ont moins de régularité dans
les traits et d'élégance dans l'attitude, et, comme les Atorai, ont à peine
quelques poils rares, courts et durs, sur la lèvre supérieure et au men-
ton; mais leur chevelure est très abondante. Ils ne manquent jamais,
hommes et femmes, de se passer au moins deux épingles dans la lèvre
inférieure et se traversent la cloison nasale d'une épingle à laquelle ils
suspendent une pièce de métal : ce fut, paraît-il, le signe distinctif de la
tribu. Les jeunes filles wapisiana avaient aussi l'obligation de s'arracher
les deux incisives supérieures, mais cette tradition ne s'est pas main-
tenue. Ces indigènes n'ont d'autre costume que le calembé, — le pagne
des nègres, — mais ils sont passionnés pour la parure et s'ornent de
toutes les pièces de monnaie, de toutes les perles qu'ils peuvent trouver.
La culture du maïs ne sert qu'à la fabrication du cachiri, espèce de
bière qui jette les buveurs dans une ivresse joyeuse : c'est pendant
^ R. Scbomburgk, ouvrage cité.
42 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
lignes opposées, armés de boucliers faits avec les nervures du mauritia,
puis, s'excitant par les danses et les cris, se heurtent, se pressent de
toutes leurs forces. Ceux qui renversent les autres ont gagné l'objet en
litige*. Toutes les femmes warrau ont, dit Richard Schomburgk, « une
physionomie profondément mélancolique et infiniment douce ».
Le groupe des Caribes ou Caraïbes est représenté dans toutes les parties
des Guyanes, et même en temtoire britannique; quelques-unes de leurs
tribus portent le nom générique de la famille. Une de leurs peuplades
existe notamment à Warramuri, à Touest de la bouche de la Moruka, à
côté d'un amas énorme de coquillages et autres débris de cuisine, témoi-
gnant d'un séjour de mangeurs, prolongé pendant plusieurs siècles.
Everard im Thurn donne à ces indigènes le nom de « Vrais Caraïbes » ,
dans la pensée qu'ils débarquèrent en cet endroit à leur arrivée des
Antilles, patrie présumée de leur race : des légendes les disent en
effet venus du nord, tandis que les Caraïbes eux-mêmes racontent être
« descendusr du ciel par un trou* ». Il parait probable à la plupart des
ethnologistes américains que les régions centrales du Brésil furent les
foyers des émigrations caraïbes, et, dans ce cas, les tribus de l'intérieur
des Guyanes mériteraient mieux que celles du littoral le nom de « Vrais
Caraïbes ». Les Galibi de la Guyane française, qui sont aussi de race
pure et qui portent la même appellation, différant à peine par une plus
grande mollesse de la prononciation, vivent depuis au moins deux siècles
et demi dans la zone du littoral à l'ouest de Cayenne : en 1652, on y
comptait une vingtaine de leurs villages; maintenant on trouve de leurs
établissements sur le Sinnamari, sur l'iracoubo, et principalement sur la
rive gauche du Maroni. Une autre tribu caraïbe, celle des Câlina, reste
d'une grande nation, s'est maintenue sur les bords du Suriname. Les
fameux Roucouyennes de l'intérieur, ainsi nommés par les créoles à cause
du roucou dont ils se peignent le corps, mais se donnant à eux-mêmes
le nom de Ouayana, — peut-être reproduit dans le mot de Guyane, —
sont aussi des Caraïbes*. Les beaux Âkawoi (Waika) ou Kapohn des districts
montagneux que traverse le Mazaruni dans la Guyane anglaise, les Par-
tamona du Potaro, les Arecuna redoutés, qui vivent dans les hautes
vallées autour du Roraima, les Ouayeoué du haut Essequibo, les Taira
de la Guyane française, enfin les Macusi des versants supérieurs du rio
Branco, appartiennent également à la souche caraïbe et parlent des
' \V. IL Brelt, ouvrage cité; — Everard F. im Thurn, mémoire cité.
* Âdolph Bastian, Ethnologische Forschungen.
' Henri A. Coudreau, la France Èquinoxiale.
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INDIENS DE LA GUYANE, CARAÏBES. 45
langues congénères, ou plutôt des dialectes d'un même langage. De même
que le yrapisiana dans les régions de partage entre TEssequibo et le rio
firanco, le galibi était devenu sur la côte une sorte de parler général
pour toutes les tribus. Le vocabulaire français a reçu plusieurs mots
du galibi, tels que caïmany toucan^ pirogue, hamac\
En général, les Caraïbes guyanais sont moins beaux que les Arawak,
surtout si Ton prend chez ceux-ci les Atorai comme type de race. Les
Galibi sont petits, grêles; une figure ronde et molle, manquant de barbe,
leur donne un air féminin. Les Macusi ont le visage moins glabre, mais
ils ont les formes plus lourdes, la taille plus massive. Les Roucouyennes,
comme la plupart des Indiens, paraissent plus grands qu'ils ne le sont,
grâce à la longueur et à la largeur du buste, qui contraste avec le faible
développement des membres. Ils semblent avoir un gros ventre par l'effet
des ceintures plusieurs fois enroulées dont ils s'enveloppent, par règle
d'hygiène. Ils ont les doigts des mains très courts, et les pieds larges
et plats. La paupière est légèrement oblique, comme chez les Chinois.
Ils ont l'habitude de s'arracher les cils, « pour mieux voir », disent-ils;
mais il s'agit probablement d'une offrande au soleil'. Quelques tribus de
Galibi suivent aussi la mode wapisiana de se percer la lèvre inférieure
avec un os ou une épingle, qu'ils remuent constamment avec la langue,
et de se gonfler les mollets par de larges jarretières fortement serrées
au-dessous du genou.
La troisième famille ethnique des Guyanes est celle des Tupi, la
nation brésilienne par excellence, représentée par des centaines de
tribus entre le Maroni et le rio de la Plata. Les deux principales tribus
tupi du territoire guyanais sont les Oyampi des Tumuc-Humac, sur le haut
Oyapok, et les Émerillons, qui vivent plus à l'ouest, entre l'Approuague el
les affluents du Maroni. Grands agriculteurs, ils fournissent de manioc
les chercheurs d'or et commencent à se créoliser par le costume et le
langage \ Mais parmi les tribus de ces régions de l'intérieur il en est
encore plusieurs dont on ne connaît pas la langue et qu'on ne sait
encore rattacher à aucune souche ethnique. Tels sont les Oyaricoulets
qui habiteraient dans la vallée de l'Itani, un des sous-affluents du Maroni
par TAoua. D'après la légende, — car aucun voyageur ne les a décrits
que par ouï-dire, — ils auraient la peau blanche, les yeux bleus et la
barbe blonde : on n'était pas éloigné d'y voir des blancs résolus à se
t Julek CreTaux, Voyage ^exploration dam Viniérieur des Guyanes.
* Ëlie Reclus. îioies maniucrites.
' Henri A. Coudreau, Chez nos Indiens et Piotes manusa'itcs.
46 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
tenir à l'écart de leurs frères venus d'Europe ; toutefois les Roucouyennes
dirent à Coudreau que ces Indiens sont « comme les autres ». Dans la
Guyane anglaise vivraient aussi les fabuleux Didi, gens velus que tous les
autres Indiens redoutent sans les avoir jamais vus. D'ailleurs, quand le
sauvage a peur d'apercevoir un être redouté, ou même un rocher à forme
bizarre, qu'il croit être un démon ennemi, il se frotte les yeux de poivre :
cessant de voir, il s'imagine qu'on ne le voit plus'.
Quelles que soient les familles ethniques auxquelles ils appartiennent,
les Indiens guyanais se ressemblent beaacoup par les mœurs : s'il s'agissait
de classer les tribus d'après le genre de vie, maintes peuplades différant
par l'idiome se trouveraient juxtaposées : ainsi, pour la couvade, les Galibi
prendraient place à côté des Wapisiana, des Oyampi, des Émerillons.
L'analogie du milieu et des conditions économiques a rapproché les popu-
lations. En aucun groupe l'autorité ne s'est constituée solidement sur le
modèle apporté par les colons d'Europe. Que tel ou tel personnage porte
un titre quelconque plus ou moins honoriQque, il n'est point un véri-
table « chef » pour cela ; ses qualités personnelles peuvent lui assurer
une grande influence, mais il ne s'ingère point à donner des ordres.
Chaque individu reste complètement libre de ses mouvements et de ses
actes. Les enfants mêmes sont respectés; jamais on ne les punit : « On
ne bat que les chiens », dit un proverbe macusi. Cependant les épreuves
de la puberté étaient jadis terribles : ainsi la mère fustigeait ses filles
pendant le sommeil du père et des frères, et malheur à elles si leurs cris
réveillaient les dormeurs'! Chez les Roucouyennes, la fête de l'initiation
consiste à soumettre les garçons et les jeunes filles à la piqûre des guêpes
et des fourmis : les malheureux défaillent de douleur, mais ils ne pous-
sent pas une plainte'.
Quant aux médecins-sorciers, les piaii {puyaiy pearlzariy peai-man),
désignés par les Espagnols et les firésiliens sous le nom de pioché et de
ce pagets », ils doivent à leur science curative et divinatrice une autorité
morale plus grande que celle des chefs, mais eux non plus ne se per-
mettraient pas de commander. Peut-être la vénération témoignée aux
pagets tenait-elle jadis pour une bonne part à la difficulté des examens
qu'ils étaient obligés de subir avant d'être reconnus dignes par leurs
confrères d'entrer dans la docte corporation*. Plus d'un candidat succom-
* G. Barrington Brown ; — Evcrard F. im Thurn, ouvrages cités.
* Richard Schomburgk, ouvrage cité.
' Henri A. Coudreau, Société de Géographie f séance du 15 juin 1891.
* Jules Crevaui» ouvrage cité.
INDIENS DE LA GUYANE, ROUCOUYENNES. 47
bail aux épreuves imposées pendant les dures années du noviciat ; mais
de nos jours l'apprentissage est beaucoup plus sommaire. Le grand instru-
ment du culte est le maraca, petite calebasse de la grosseur du poing,
renfermant quelques cailloux sonores. <c Le maraca sert à chasser le
diable et au besoin à l'évoquer* », surtout quand il s'agit de susciter un
vengeur ou kenaima pour le sang versé. Possédé par la fureur du talion,
l'homme qui s'est voué au meurtre ne connaît plus personne : il n'a plus
ni clan, ni famille; il disparait dans les bois et ne se montre de nouveau
dans la société de ses semblables qu'après avoir égorgé ou empoisonné
ou même torturé sa victime*. D'ordinaire les maladies sont attribuées aux
maléfices d'un kenaima, et souvent pour les écarter on barra leur route
présumée par des abattis d'arbres.
En quelques tribus, notamment chez les Roucouyennes, on brûle encore
parfois les cadavres des morts et l'on jette dans leur bûcher tous les
objets qui leur avaient appartenu. D'après le témoignage unanime des
voyageurs, l'anthropophagie aurait jadis existé ; mais les principales tribus
qui pratiquaient cette horrible coutume ont disparu, tels les Noura-
gues des bords de TApprouague, les Âcoqua du Tumuc-Humac : on cite
parmi les Gis des cannibales les Taira et les Oyampi. Ceux-ci chantaient
encore en 1830 des refrains célébrant leurs anciennes mœurs : « Autre-
fois nous étions des hommes, nous mangions nos ennemis; nous n'avions
pas le manioc pour nourriture comme des femmes M » Le nom même
d'Oyampi aurait eu le sens de « Mangeurs d'hommes »; mais on peut
affirmer que depuis la fin du dix-huitième siècle, le cannibalisme a com-
plètement cessé chez les tribus connues*. Les Caraïbes brûlaient le cœur
de l'ennemi vaincu et en mêlaient la cendre à leur boisson ^ La diminu-
tion graduelle de la population indigène a porté surtout sur les tribus
guerrières, celles qui sont le moins croisées d'éléments étrangers. Plus de
la moitié des peuplades citées par les anciens auteurs a disparu ; cepen-
dant il reste un nombre de naturels très supérieur à celui qu'on admet
d'ordinaire : les voyageurs qui remontent les rivières ignorent souvent
les groupes campés dans les écarts de la forêt. La population indienne
des Guyanes côtières, non compris le versant amazonien, atteindrait encore
8000 individus.
' Henri A. Coudreau, les Caraîheê.
^ W. H. Brett ; Everard F. im Thurn, ouvrages cités.
' Adam de Bauve, Bulletin de la Société de Géographie.
^ Henri A. Goudreau, Note» manuscrites,
^ Richard Schomburgk, ouTrage cité.
AS NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
La traite des noirs a introduit dans les Guyanes, principalement par la
voie des Antilles, une population africaine qui, avec les gens de sang mêlé,
dépasse de beaucoup le nombre des aborigènes. Répartis d'abord dans les
plantations du littoral, puis ramenés dans les villes comme domestiques
par leurs maîtres rentiers ou fonctionnaires, les nègres se sont graduelle-
ment substitués, dans toute la région de la côte, aux aborigènes, que les
progrès de la culture refoulaient vers les grands bois. L'abolition de
Tesclavage, proclamée une première fois dans la Guyane française en 1794,
puis effectuée d'une manière définitive en 1858 dans la Guyane britan-
nique et successivement dans les autres colonies, mit un terme à l'im-
portation des travailleurs noirs sur les côtes guyanaises; cependant l'excé-
dent de la population d'origine africaine à Barbadoes s'est déversé en partie
sur les Guyanes, continuant ainsi le mouvement d'immigration noire par
des éléments nouveaux. Des milliers de nègres Krou, venus librement de
Libéria, travaillent aussi dans les chantiers de bois, servent comme mate-
lots dans les bâtiments de cabotage, puis, après avoir gagné par un travail
acharné une somme suffisante pour acheter plusieurs femmes, rentrent
dans leur patrie \
Les noirs guyanais se divisent naturellement en deux groupes : les
descendants des esclaves qui, mêlés aux immigrants pacifiques, sont restés
constamment en contact avec les blancs de la côte, et les noirs indépendants
vivant à l'intérieur des terres. Ces descendants des nègres marrons, deve-
nus maintenant des citoyens pacifiques, réconciliés avec les fils de leurs
anciens maîtres, sont universellement connus sous le nom de Bush-
negroes, Bosch Negers; — en créole français : Nègres Boch, ou « Nègres
des Bois ». Cependant ils n'errent point comme le gibier au milieu des
broussailles : paisibles agriculteurs, ils habitent, au bord de l'eau courante,
des villages permanents, entourés de cultures. Des républiques de nègres
se sont fondées dans les trois Guyanes côtières, anglaise, hollandaise et
française, mais c'est dans les bassins des rivières Suriname et Maroni que
se sont établis leurs groupes les plus nombreux. Les premières migra-
tions eurent lieu dès le milieu du dix-septième siècle, en 1663, lorsque les
Juifs portugais des bords du Suriname renvoyèrent leurs nègres dans les
forêts, pour éviter l'impôt de capitation; ils espéraient que les esclaves
reviendraient après le passage des percepteurs de l'impôt, mais les fugi-
tifs, ayant pris goût à la liberté, restèrent dans leurs campements*. Une
* Cari Ferdinand Appun, ouvrage cité.
* Âugust Kappler. ouvrage cité : — Roland Bonaparte, les Habitants de Suriname,
NOIRS DES GUYANES, NÈGRES BOCH. 49
cinquantaine d'années après, en 1712, des maraudeurs français ayant
envahi les plantations riveraines du Suriname et du Gommcwjine, les
propriétaires s'enfermèrent dans la capitale, laissant leurs esclaves se tirer
d'affaire comme ils l'entendraient. La plupart aidèrent les Français à
piller les résidences abandonnées, puis, quand leurs anciens maîtres
revinrent, se réfugièrent dans les forêts voisines, pour commencer contre
les blancs une guerre incessante d'embûches et de pillage. Le nombre
des maraudeurs s'accrut d'année en année, et soudain, en 1750, une
insurrection formidable éclata sur le haut Suriname, dans les plantations
mêmes du gouvernement. La lutte dura près de vingt années, avec des
succès divers, et l'on dut à la fin reconnaître aux nègres insurgés la
dignité de belligérants et d'hommes libres ; ensuite il fallut conclure la
paix et respecter les limites du territoire indépendant. De nouvelles insur-
rections eurent lieu en 1757 : un chef, d'origine probablement maho-
métane, Arabi, humilia à son tour les propriétaires hollandais et, en
1761, leur arracha le traité d'Auca, d'après lequel la principale répu-
blique prit son nom des « nègres Aucans (Auca, Djoeka, Youka) ». L'année
suivante, une nouvelle communauté, celle des marrons de Saramacca,
conquit aussi son droit comme nation indépendante. D'autres clans se
constituèrent plus tard : tels ceux des Poligoudoux (Poregoedoe) , qui
possèdent des trophées de canons', et des Paramacca, sur le hautMaroni,
les Koffi, Becoes, Matrocanes ou Moesinga. En 1772, Boni, le héros légen-
daire des nègres marrons, amena ses bandes jusque dans le voisinage
de Paramaribo. Il fallut soutenir contre lui une guerre régulière, appeler
d'Europe une armée de 1200 hommes, dont l'un des principaux officiers,
Stedman, est fort connu par son ouvrage sur la Guyane. La guerre dura
plusieurs années et coûta la vie à presque tous les soldats de l'expédi-
tion : à peine en revint-il vingt en parfaite santé*. Enfin Boni fut rejeté
vers la base des Tumuc-Humac, grâce à l'alliance des Aucuns avec les
Hollandais. On peut dire d'une manière générale que les nèj^n es de l'in-
térieur revendiquèrent avec succès leur indépendance, tandis que les
esclaves voisins de Paramaribo et des forts du littoral furent écrasés par
les garnisons disciplinées. Les nègres marrons des Antilles, même ceux
de la gi'ande Jamaïque, ne pouvaient triompher de troupes procédant
méthodiquement a l'occupation générale du pays par la construction de
forts et de routes stratégiques; mais les Bosch-Negers avaient l'espace :
* Aiijîiist Kappler, ouvrage cité.
3 Stedman, Voyage à Surinainc,
m.
50 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
toujours libres de pousser plus avant dans Tintérieur, ils lassèrent leurs
anciens maîtres*.
On évalue diversement le nombre de ces nègres, naguère tout à fait indé-
pendants, mais entraînés de plus en plus dans la zone d'attraction du
régime administratif fonctionnant dans les capitales : les diverses sta-
tistiques varient d'une huitaine à une vingtaine de mille. Dans ce mé-
lange de races produit par l'esclavage, les migrations et la guerre, tout
souvenir des nations d'origine a disparu : la provenance africaine presque
pure des Boch est le seul fait, d'ailleurs évident, qui soit connu. Les
plus beaux et les mieux policés de ces nègres sont les Âucans; ceux que
l'isolement et la pauvreté ont le plus dégradés appartiennent aux commu-
nautés des Matrocanes. Mais, d'après GifTord Palgrave, les uns et les
autres offrent encore un type parfaitement africain, avec la peau très
noire, tailladée comme celle de leurs ancêtres, des cheveux crépus et des
traits qui ne ressemblent en rien à ceux des aborigènes du Nouveau Monde :
on ne remarquerait dans leurs traits aucune assimilation au type abori-
gène. Toutefois Paul Lévy, qui a vécu parmi eux dans les régions auri-
fères, et Cari Âppun, qui séjourna de longues années dans la Guyane
anglaise, affirment que les modifications ont été sensibles : la couleur de
la peau serait moins noire, la chevelure plus longue et moins laineuse.
A nuance égale d'épiderme, les mieux portants sont ceux dont le noir est
le plus brillant*. Les Carbougres (Karboegers) du Coppename sont nés de
pères nègres et de mères indiennes. Quelques mots des dialectes nègres
ou bantou se seraient, dit-on, conservés dans la langue des marrons; mais
elle se compose surtout d'un fond de mots anglais, auxquels se mêlent
des termes portugais fort nombreux, puis des expressions hollandaises et
françaises, le tout uni par une syntaxe des plus simples et adouci par
la câline prononciation créole. Peu à peu les langues policées, anglais,
hollandais, français, portugais, se substituent à ce jargon primitif.
Fils des noirs rebelles qui conquirent leur indépendance au cri de
tous les esclaves : « Terre et Liberté! », les Boch sont restés agriculteurs.
Us récoltent assez de vivres pour leur propre subsistance et produisent
en outre du riz, dont ils approvisionnent les villes et les plantations du
littoral; mais leurs bénéfices principaux proviennent de la coupe des
bois : ce sont eux qui abattent les grands arbres de la forêt pour la
construction et l'ébénistcrie, et les transportent à Paramaiibo par les
< W. G. Palgrave, Dutch Guiana.
* Jules Crevaux ; Ucnri Coudreau, divers inémoircs.
rivières et les canaux. Ils possèdenl le monopole de cette industrie et ne
risquent point de le perdre, grâce à leurs habitudes de sobriété ; à cet
égard, ils se distinguent heureusement des aborigènes; toutefois la démo-
ralisation produite par l'exploitation des mines d'or les gagne aussi.
- Indispensables comme canotiers sur les hauts des rivières, ils montrent
une singulière adresse dans la manœuvre de leurs coriaU ou couriaré
m ^
et de leurs pirogues, désignées par les Anglais sous le nom de wood-skiiis,
« peaux de bois » : ce sont de simples canots fails avec l'écorce du
eopaifera publifiora ou de Vhymxnea courbant, comme les pirogues des
Hurons en écorce de bouleau'.
Depuis l'année 1759, les missionnaires moravcs ont fondé des stations
religieuses au milieu des Boch, mais sans grand succès, sauf dans le
groupe des Moesinga. Tout en professant, par un vague souvenir des ensei-
gnements reçus en temps d'esclavage, qu'il existe un bon Dieu créateur
' J. Creraui, Mémoire» de la SocUU d'Anthropologie, 1883.
52 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
des hommes, des singes et du manioc, donl la femme s'appelle Maria el le
fils Jest Kisti', la plupart des Boch ont gardé leur culte naturiste et
« croient ce que croyaient leurs mères » ; mais la ferveur parait avoir
beaucoup diminué dans leurs villages : les fétiches, images des ani-
maux protecteurs ou gadou^, ont disparu dans le voisinage des blancs.
L'objet de la vénération publique est le ceîba ou « fromager », l'arbre
superbe, aux racines saillantes, au tronc lisse et droit, au vaste bran-
chage étalé, qui s'élève isolé près du campement, comme un mystique
protecteur de la communauté. On l'arrose de libations, on parsème le
sol autour de lui de fruits, d'ignames et autres offrandes. Parfois on fait
aussi des sacrifices de propitiation autour du hiari, arbre au suc véné-
neux, habité, dit-on, par un démon. Les Boch de l'intérieur se couvrent
d*obia ou amulettes, os, plumes ou coquillages; ils en pendent même au
cou de leurs chiens pour leur donner du flair à la chasse. Quand un
Boch meurt en voyage, ses compagnons rapportent sa chevelure dans la
patrie et l'enterrent avec honneur'.
Les communautés vivent en paix, sans que des ambitions rivales se
disputent le pouvoir : égaux en bien-être, tous les nègres de brousse
sont égaux en droit. Cependant chaque village a son chef titulaire,
presque toujours élu dans une même famille et se distinguant de ses
concitoyens, non par l'autorité, mais par le privilège de parader les jours
de fête, en portant un uniforme et en manœuvrant une canne à pomme
dorée. Les chefs par excellence, ceux des Âucans et des Saramacca, ont
reçu le nom de Gramman^ en anglais Grand Man ou « Grand Homme ».
La dynastie se continue, non de père en fils, mais par la voie mater-
nelle, dans la famille de la grand-mamaj les traditions du matriarcat
s'étant maintenues depuis les temps antérieurs à l'esclavage. Le Grand
Homme est reconnu, même par le gouverneur hollandais, comme une
sorte de président des républiques nègres; mais on a pris soin de lui
donner un surveillant, le posthoudsTy qui jadis était un simple délégué
des blancs et qui a fini par devenir le magistrat principal des tribus
pour le règlement des procès entre les individus, de même qu'entre les
villages. Le « Grand Homme » des Boni, dans la Guyane française, n'est
guère plus qu'un fonctionnaire, jouissant d'un traitement régulier.
Non compris les immigrants de Trinidad, de Barbadoes et de la Marti-
nique, les noirs, de même que les Indiens, sont en voie de diminution,
* Ch. B. Brown, ouvrage cité.
* Fournercau, Archives des Missions Scientifiques, tome X.
' August Kapplcr» ouvrage cite.
xNÈGRES BOCH, IMMIGRANTS HINDOUS. 55
quoique le climat des Guyanes paraisse leur convenir parfaitement» tout
défavorable qu'il soit aux Européens. Le métissage avec les éléments
d'autres races explique dans une faible mesure cet amoindrissement
numérique; mais il est certain que, dans les communautés où les nègres
vivent à l'écart, aussi bien que dans les villes du littoral à population
cosmopolite, le nombre de leurs décès, sauf chez les Aucas', dépasse celui
des naissances. Au siècle dernier, on croyait que les Africains ne pour-
raient jamais multiplier en Guyane, car les planteurs sauvaient rarement
un négrillon; les enfants mouraient presque tous de convulsions pendant
les neuf premiers jours*. La cause de la forte mortalité serait, d'après
Palgrave, l'amour aveugle des mères pour leurs nourrissons, qu'elles
tuent à force de les gaver; mais, cette cause se retrouvant en d'autres
contrées que la Guyane, ces nombreuses morts doivent s'expliquer d'une
manière différente : l'acclimatement des noirs ne serait pas encore com-
plet; la lèpre ou boasie, l'éléphantiasis, le pian, les « boutons indiens »,
les framboises », le béribéri, la variole, la syphilis font parmi eux de
grands ravages. Vivant dans la brousse, le « grand bois », comme disent
les créoles, ils ont aussi à craindre l'insecte qui dépose ses lances dans
les narines ou les oreilles de l'homme, la lucilia hominivora.
Après l'abolition de la servitude, la plupart des anciens esclaves ayant
cibandonné les plantations pour émigrer dans les villes ou cultiver leurs
propres jardins, les propriétaires des vastes domaines durent importer
d'autres travailleurs. Les deux Guyanes, française et hollandaise, n'éUiient
pas assez riches pour recruter un grand nombre d'étrangers, mais la
Guyane britannique, où l'étendue des terrains cultivés est beaucoup plus
considérable et à laquelle le gouvernement anglais avait ouvert ses bureaux
de recrutement dans les Indes, a pu, depuis 1845, louer plus de
170000 coulis asiatiques, et les survivants de cette immigration payée
représentent actuellement le tiers de la population dans le territoire
anglais; les plus appréciés, dits les hill-coolieSj viennent des collines qui
s'élèvent au sud de la grande courbe du Gange. Des bureaux d'émigra-
tion fonctionnent à Calcutta et à Madras pour le service des planteurs de
Demerara. En outre, ceux-ci ont importé quelques milliei-s de Chinois;
les propriétaires de Suriname ont aussi fait venir des coulis javanais; avec
les Français sont arrivés des Arabes, des Annamites, des Sénégalais;
enfin on a fait appel au travail des blancs, mais des blancs le mieux
* Henri A. Goudreau, IHx Ans de Guyane ; Chez nos Indiens.
* Pierre Barrère, Nouvelle Relation de la France Équinoxiale.
54 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
acclimatés au climat des tropiques : les insulaires de Madère et des
Âçores. Ces immigrants, généralement désignés sous le nom de « Portu-
gais », sont les colons de race européenne, mais fort mélangée, qui pro-
mettent de devenir les véritables Guyanais : on leur doit le peuplement qui
se fait en dehors de la zone des plantations si péniblement conquise sur
les forêts et les marécages, pendant deux siècles et demi de labeur, par
les Français, les Hollandais et les Anglais. Même les blancs qui réussirent
le mieux dans la Guyane hollandaise, des Juifs, étaient aussi de provenance
portugaise pour la plupart : leur principal groupe, formé de planteurs
expulsés du Brésil, arriva en 1665 : à leur influence est dû le grand
nombre de mots portugais contenus dans le langage créole des nègres
marrons.
Toutes les tentatives de colonisation faites avec des travailleurs blancs
importés à grands frais ont abouti à des catastrophes. Si l'acclimatement
individuel est possible quand toutes les règles de Thygiène sont pru-
demment observées, raccommodement de familles et de groupes commu-
naux à ce milieu si difierent de celui de TEurope est certainement
beaucoup plus périlleux à tenter qu'au Canada ou dans les États-Unis du
Nord, surtout quand les sujets choisis pour cette redoutable expérience
sont privés de confort ou même de l'alimentation nécessaire. La phtisie
est presque inconnue sur la côte, mais les fièvres paludéennes, très dange-
reuses à l'époque où les marais se dessèchent sous l'ardeur du soleil,
déciment rapidement les nouveaux venus, et depuis l'année 1855 la fièvre
jaune a fait de nombreuses apparitions dans la contrée. Aussi les Euro-
péens, quoique les maîtres du pays en tant que fonctionnaires et plan-
teurs, sont-ils restés des étrangers au milieu de la foule bariolée que
composent tant d'éléments ethniques et où la part des métissés augmente
d'année en année ^ Sauf dans quelques années favorables, la mortalité
l'emporte régulièrement sur la natalité. Avec les gens de race croisée,
' Population par races des Guyanes, suivant une évaluation approximative de Goudrcau, en 1893 :
Guyane Guyane Guyane Contesté
anglaise. hollandaise. française. cdlier. Ensemble.
Indiens policés 1000 200 400 2000 3 600
Indigènes de l'intérieur . 7 000 2500 1000 300 10 800
Noirs des brousses. . . . 200 16 000 1000 » 17 200
Autres noirs et mulâtres. 130 000 55000 21 700 600 207 300
Hindous, Chinois, Javanais. 135 000 3600 4 000 » 142 600
a Portugais )) et Brésiliens. 14 000 500 300 100 14 900
Européens 4 800 750 100 100 5 750
Autres blancs, troupes, etc. 1 000 1 450 5 700 ») 8 1 50
Ensemble 292 200 80 000 34 200 3100 410 300
POPULATION DES CUTANES, GUYANE ANGLAISE. 55
rouges et noirs, ceux qui gagnent peu à peu sur les Européens propre-
ments dits sont, au nord les insulaires des îles portugaises, au sud les
Brésiliens, également de langue portugaise, à l'ouest les Vénézolans espa-
gnols, tous colons de langue et de civilisation latines*.
II
GUYANE ANGLAISE.
Cette partie de la grande île des Guyanes, à frontières encore indéter-
minées, est de beaucoup la plus importante par le nombre des habitants et
l'activité du commerce. On admet d'ordinaire, sans se donner la peine de
chercher plus avant, que cette remarquable supériorité de la Guyane bri-
tannique comme domaine d'exploitation a pour cause primordiale le
« génie administrateur » des Anglais; mais, si l'une des raisons de cette
prospérité relative doit être attribuée à la non-intervention du gouverne-
ment dans les affaires locales, à la rareté relative des fonctionnaires et à
Tesprit de suite maintenu dans l'administration, il n'en est pas moins
vrai que la Guyane anglaise a joui de privilèges considérables, tant
naturels que d'ordre politique. D'abord le plus grand bassin fluvial lui
appartient, et ses plantations principales, que les Hollandais avaient
depuis longtemps mises en valeur lors de la conquête anglaise, sont
les plus accessibles pour les navires venus de l'Europe et des Antilles;
la zone cultivable, bien drainée du côté de la mer, borde le littoral, et les
villes, les villages, les plantations ont pu se presser au bord du flot, sur la
lisière étroite qui sépare les vagues des eaux dormantes de l'intérieur,
tandis que dans la Guyane hollandaise et dans la plus grande partie de
la Guyane française la zone marécageuse, masquée par des rideaux de
palétuviers, occupe la région bordière*.
Il était facile de commencer la culture sur ces côtes découvertes,
et, grâce à la proximité des Antilles, les premiers planteurs, Écossais en
majorité, purent recruter sans difficulté les travailleurs dont ils avaient
besoin. Depuis 1802, époque à laquelle la Grande-Bretagne devint maî-
tresse de la Guyane du nord, qui lui fut officiellement cédée en 1814,
les dominateurs de la contrée ont largement profilé du voisinage des
colonies antiliennes en favorisant l'immigration des noirs de Barbadoes,
l'île surpeuplée, et de la grande île de Trinidad dans leurs terres conti-
> Gifford Palgrave, Dutch Guiana.
56 iNOUYELLE GËOGRÂPHIE UNIVERSELLE.
nentales. Puis lorsque rémancipation eut privé les propriétaires fonciers
des esclaves qui exploitaient leurs domaines, le gouvernement des Indes
ouvrit les portes de ses marchés de coulis aux riches usiniers de Deme-
rara. Autant de raisons qui assurèrent à la Guyane britannique une très
forte avance sur les contrées limitrophes, et cette avance même lui donna
par contre-coup une meilleure situation commerciale, des ressources
industrielles, des relations plus nombreuses et beaucoup plus actives.
Tout progrès antérieur devient une cause de progrès nouveau. Si la
Guyane anglaise n'est pas plus une colonie, dans le sens propre du mot,
que les deux autres Guyanes sous domination européenne, du moins
est-elle devenue un lieu de peuplement spontané pour les émigrants
des Antilles et des Açores. Dans le langage courant, les Anglais classent
encore leurs possessions de Demerara et de Berbice comme faisant partie
des Indes Occidentales {West Indies).
Jusqu'à une époque récente, la zone de grande culture agricole dans la
Guyane britannique était limitée à la partie du littoral comprise entre le
Pomerun et le Berbice. La région du nord-ouest, dont la possession est
contestée à TAnglcterre par le Venezuela, restait inhabitée. Quelques Hol-
landais s'étaient établis sur les bords du Pomerun dès les premiers temps
de la colonisation, en 1580, mais ne l'avaient point dépassé dans la direc-
tion de l'ouest, vers l'Orénoque*; même leurs plantations furent successi-
vement abandonnées, et au milieu du dix-neuvième siècle les bords du
Pomerun n'avaient d'autres habitants que des Indiens et des nègres mé-
tissés campés dans les clairières; ceux-ci descendent de marrons réfugiés
en 1758, qu'on n'osa pas poursuivre, mais qui, de leur côté, n'eurent pas
l'audace de rester dans le voisinage des blancs et s'unirent aux tribus
indiennes*. La colonisation sérieuse commença, vers 1870, grâce à quel-
ques Portugais entreprenants, et depuis cette époque les progrès de la
culture ont été incessants et rapides. L'obstacle capital provenait de l'in-
terruption des communications pendant la saison sèche : Vitabbo ou fossé
qui réunit le courant de la Moruka à celui du Waini durant les hautes
eaux se trouve complètement à sec une moitié de l'année, et même alors
le manque de consistance dans les terrains d'alluvion ne permet pas aux
piétons de se hasarder dans les forêts entre les deux bassins. Actuellement,
des bateaux à vapeur qui vont et viennent entre Georgetown et le delta de
rOrénoque ont mis tout le « district du Nord-Ouest » en relations faciles
< Brett, ouvrage cité.
* Rich. Schomburgk, ouvrage cité.
6UÏANE ANGLAISE. 57
avec le reste de la colonie. Trois groupes principaux de défricheurs et de
marchands ont pris possession du nouveau domaine que leur ouvre la
navigation : l'un, le plus rapproché des plantations du Pomerun, au car-
refour des eaux formé par la lagune de fiaramanni sur la rivière Waini;
un autre, à rafVuenl du Horawhanna, qui rattache le Barima au Waini;
un troisième enûn, à l'embouchure du Barima dans l'Oiénoque. Le chef-
làSOT ^SOTtMiMJ
lieu naturel du district est le village central, sur le Moratthaniia. Le
gouvernement anglais y a fait établir un ensemble d'édifices publics,
tribunal, caserne, hôpital, témoignant ainsi du peu de cas qu'il fait des
revendications du Venezuela sur ce territoire'.
Le bassin du fleuve Essequibo, malgré sa vaste étendue et le développe-
ment de sa ramure, n'a reçu qu'une faible partie de la population guya-
naise : là ne se trouve pas encore le centre de l'exploitiition curopéi;nne.
La région des sources est occupée par les Indiens Taruma, au milieu
' ETerard F- im Tliurn, Proceedingt of Ihe R. Geographieal Society, Oclobi'r 1802.
58 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
desquels n'apparaissent que de rares voyageurs et qui ne sont en rela-
tions avec la colonie que par l'intermédiaire de traitants clairsemés. Les
groupes de paillettes se succèdent à de grandes distances le long du fleuve,
surtout aux lieux de portage, où les piroguiers ont à contourner les
cascades. Presque nul en amont de la bouche du Rupununi, aflluenl que
suit la route naturelle entre TÂtlantique et l'Amazone par le seuil de
Pimra, le mouvement des barques s'accroît au-dessous du confluent; mais
les escales sont encore fort éloignées les unes des autres et naguère leur
population se composait seulement d'Indiens et de métis, avec quelques
marchands noirs ou portugais, aventurés loin du littoral. Toutefois il n'est
pas douteux que la large « voie des migrations » ouverte entre le littoral
et l'Amazonie ne prenne tôt ou tard une grande importance commer-
ciale. Actuellement la principale agglomération de paillettes dans le voisi-
nage du seuil est l'humble village de Quatata, où se rencontrent Wapi-
siana, Taruma, Macusi, Ouayeoué et traitants européens pour faire le troc
de couteaux, de colliers, de râpes à manioc, de chiens, contre des hamacs,
des sarbacanes et autres objets de fabrication indienne*. Les mission-
naires protestants de Demerara et catholiques de Manaos se sont disputé la
région, et près de Quatata se voient les restes du fortin de New Guinea,
élevé par les Anglais pour assurer en cet endroit de si grande valeur
stratégique les prétentions de la Grande-Bretagne. Des métis brésiliens
immigrent chaque année dans cette région de savanes pour s'y livrer à
l'élève du bétaiP.
Le carrefour des eaux où, déjà dans le voisinage de l'estuaire, le
Mazaruni, gonflé du Cuyuni, vient rejoindre le fleuve, a trop d'importance
hydrographique pour qu'une ville n'y ait pas pris naissance : là se trouve
la bifurcation naturelle des deux grandes routes, l'une par l'Essequibo vers
l'Amazone et le Brésil, l'autre par le Cuyuni vers TOréneque et le Vene-
zuela. La petite ville Bartica Grove, — ou simplement Bartica, — presque
enfouie sous le branchage des manguiers, s'allonge au pied d'une colline
qui commande au sud le confluent des fleuves, sur la rive gauche de
l'Essequibo. Elle fut autrefois le centre des missions indiennes, mais il n'y
reste plus qu'un petit nombre d'indigènes convertis : les familles qu'on y
avait attirées ont repris le chemin des forêts, remplacées par des Portu-
gais, des nègres et des métis qui font le commerce des bois de construc-
tion et entreposent des approvisionnements de toute sorte pour les mines
' Everard F. ira Thurn, The Indians of Guiana,
^ («h. Daniel Dance, Recollectiom of Venezuela; — Henri A. Goudreau, France Équinoxiale.
GUYANE ANGLAISE, BARTICA, GEORGETOWN. 59
d'or espacées à Fouest sur les rives du Barima. Depuis 1887 Bartica
s'accroît rapidement et tend à devenir le vrai centre commercial de la
colonie : Chinois et Portugais se sont empressés d'y ouvrir boutique*. A
quelques kilomètres à l'ouest, sur une colline qui se dresse au-dessus
de la rive gauche du Mazaruni-Guyuni, à peu de distance en amont du
confluent, se montrent les vastes constructions de la colonie pénitentiaire
{pénal tettlement) établie en 1843 et renfermant environ trois cents
forçats. Autour des prisons, où ne sont point enfermés d'Anglais, de
peur que le prestige des dominateurs n'en soit affaibli, s'étend un parc
magniGque formé des plus beaux arbres, d'espèces rares : le palais du
gouverneur général, les maisons des dignitaires et des employés, toutes
les constructions sont environnés d'ombrages. Les condamnés travaillent
pour la plupart à l'exploitation de carrières voisines, qui fournissent à
Georgetown le granit nécessaire pour ses édifices et ses quais ; d'autres,
jouissant d'une demi-liberté, reçoivent l'autorisation de prendre service
comme meuniers, bûcherons ou jardiniers. Un bateau à vapeur fait des
voyages réguliers entre Georgetown et l'établissement pénal, mais la
principale escale se trouve à Bartica.
En aval du confluent, le fleuve élargit son estuaire, d'abord en un seul
lit de plusieurs kilomètres entre les rives, puis forme de nombreux che-
naux dans un archipel d'iles, presque toutes habitées. L'une d'elles,
située à 5 kilomètres de la mer, porte encore les ruines imposantes du
fort Zeelandia, que les Hollandais avaient fondé en 1743 et qui fut le
centre du commerce et le chef-lieu de leur colonie. Chaque îlot s'arrondit
en un dôme superbe de végétation, et un cercle de verdure limite la vue.'
Des plantations entourées de grands arbres occupent les îles principales,
et les cultures bordent l'estuaire, au nord-ouest vers le Pomerun, au nord-
est vers la capitale actuelle, Georgetown, et l'embouchure du Demerara.
L'ancienne ville hollandaise de Stabroekqui, en 1774, succéda à Port
Zeelandia conwne résidence du gouverneur, a pris de l'importance depuis
qu'elle est devenue, sous le nom de Georgetown, la capitale de la Guyane
britannique. Cité la plus populeuse de toute la contrée comprise entre
rOrénoque et l'Amazone, elle renferme à elle seule deux fois plus d'habi-
tonts que toute la Guyane française. Pourtant, vue du large, elle échappe
presque au regard : on dirait une forêt touffue dominée par les hampes
des cocotiers et des orcodoxa; il faut se rapprocher pour voir les navires
qui se pressent dans le large estuaire du Demerara et les élégantes mai-
1 Verschuur, Tour du Mondey juillet 1 893.
«0 NOUVELLE GEOGRAPHIE UMVERSEILE.
8011S blanches qui bordent la rive droite du fleuve. Georgetown, peuplée
surtout du noii's et de gens de couleur, se prolonge à plus de 2 jkilomètres
sur la ber^ fluviale, entre le fort William Frederick, érigé à l'embou-
chure, et les groupes de villas parsemés au loin dans la campagne. Même
dans le voisinage des rues les plus affairées et des quais où s'entreposent
presque toutes les marchandises des Guyanes, les maisons, entourées de
vnrandes fleuries, se cachent dans les jardins, et chacune possède une
m^
^m
citerne pour l'irrigation des arbres et des plates-bandes. Des puits arté-
siens nombreux, creusés à une centaine de mètres, fournissent à Geor-
getown une eau légèrement minérale. Un des faubourgs, Ilopetown,
était habité naguère presque exclusivement par des Chinois. Autour de ta
ville, la région du littoral et les bords du fleuve, cultivés avec soin jusqu'à
une grande distance, se divisent en plantations riches cl populeuses. Le
chemin de fer qui se dirige à l'est vers Mahaica, sur la rivière du même
nom, subvient à un mouvement très actif de voyageurs et de deni-ées.
GUYANE ANGLAISE. 6i
Cette voie ferrée de 57 kilomètres, la première qui ait été construite
dans l'Amérique méridionale, dès Tannée 1850, est encore la seule que
possède la Guyane britannique : elle doit se prolonger vers Berbice. C'est à
Mahaica que ^ trouve la léproserie de la Guyane britannique, contenant
environ 200 malades.
Dans son district oriental, le territoire n'a qu'une ville, occupant une
situation analogue à celle de Georgetown. New Amsterdam, appelée aussi
Berbice comme la rivière sur la rive droite de laquelle s'alignent ses
maisons, est également d'origine hollandaise, ainsi qu'en témoignent les
nombreux canaux découpant ses quartiers : les premières constructions s'y
élevèrent en 1796, et le commerce local n'a pas encore détruit l'aspect
primitif de la ville, avec ses canaux mystérieux, ses places ombreuses, ses
maisonnettes cachées dans la verdure \
De même que dans tous les autres pays cultivés par des mains esclaves,
le travail, accompli par des hommes sans initiative, surveillé par des
commandeurs armés du fouet ou du bâton, ne comportait pas dans la
Guyane britannique la culture de plantes variées : il fallait procéder par
de simples méthodes à routine constante. Les produits de la canne à
sucre, cassonade, rhum, mélasse, le coton et le café, tels étaient les seuls
objets d'exportation. De nos jours encore, malgré l'abolition de l'esclavage,
on observe les anciens errements agricoles, car la forme de la propriété,
toujours divisée en grands domaines, n'a point changé, et les escouades
de noirs asservis sont remplacées par des Hindous engagés, auxquels on ne
laisse d'ailleurs aucune liberté dans le travail : un seul domaine, sur
la rive gauche du Demerara, comprend 2234 hectares et produit 5500
tonnes de sucre, dues au travail de 5730 coulies et nègres; cependant
on a compris qu'il serait imprudent de répartir le reste du territoire à de
grands concessionnaires, et pour attirer les cultivateurs on essaye de
constituer la petite propriété en n'accordant plus que des lots de 20 hec-
tares aux nouveaux colons*.
Comme aux temps de l'esclavage, la canne à sucre est la récolte par
excellence, occupant la moitié des terrains cultivés et représentant en
* Superficie et population de la Guyane britannique évaluées approximativement en 1895 :
250000 kilomètres carrés; 292 000 habitants; 1,2 hab. par kil. carré.
Villes avec leur population approximative en 1895 :
Georgetown et ses faubourgs 56000 habitants.
New Amsterdam 9 000 »
Bartica 2 000 »
« Verschuur, recueil cité.
63 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
moyenne plus des neuf dixièmes des produits exportés. La fertilité du
sol, les facilités de culture et d'exploitation, Texcellence des sucres, ont
permis aux planteurs démérariens de soutenir la concurrence des sucriers
européens. Mais pour maintenir leur situation privilégiée ils ne reculent
devant aucune dépense. Utilisant la zone côtière primitivement émergée,
ils ont empiété sur la mer par la construction de digues fort coûteuses,
qui servent en même temps de chemins; ils ont découpé le terrain par
un réseau de canaux et de fossés pour le transport des cannes et pour
Tégouttement du sol ; des engrais chimiques renouvellent la force des
terres, et les usines, éclairées à Télectricité, renferment des appareils
d'un fonctionnement savant et délicat pour la cristallation du jus de
canne : la plante, contenant en moyenne 17 pour 100 de sucre*, ils en
retirent jusqu'à 16 pour 100, tandis qu'autrefois, suivant les anciennes
méthodes de broyage, ils en extrayaient au plus la moitié. Les Demerara
cryslals atteignent sur les marchés anglais des prix très supérieurs à ceux •
de tous les autres sucres de canne. En outre, on les expédie dans les
colonies anglaises, dans la Nouvelle-Ecosse, à Terre-Neuve, et, malgré
les droits protecteurs, ils disputent aux sucres de la Louisiane et de
Cuba les marchés des États-Unis. Le rhum de Demerara, de qualité
très inférieure à celui de la Jamaïque, s'exporte surtout dans la Grande-
Bretagne, et les mélasses de Georgetown sont fort appréciées dans les
Antilles françaises.
Les caféteries de Berbice, qui produisaient jadis une variété renom-
mée, ont été remplacées presque toutes par des sucreries, et l'on ne
trouve plus guère de cafiers que dans les jardins et les petites exploita-
tions des nègres. Après le sucre, la principale production de la Guyane
britannique est le bois de charpente, que des Parlamona et des Câlina,
frères des Galibi du Maroni, coupent sur les bords de l'Essequibo, en
amont de Bartica, et sur les autres fleuves de la colonie, au sud des plan-
tations. Le commerce des fruits, noix de coco et bananes, a pris une cer-
taine importance, et, malgré l'éloignement, pourrait rivaliser avec celui qui
se fait entre l'Amérique Centrale et les États-Unis; les fruits guyanais, sur-
* Étendue des terrains à sucre de la Guyane britannique, en 1890 : 32000 hectares, soit la
800* partie du territoire et 96 pour 100 dos cultures.
Nombre des sucreries en 1890 95
Récolte du sucre )) 117 204 hogshcads ou 105 485 tonnes.
Valeur en 1891 : 41 518 525 francs.
Fabrication du rhum )) 0 674 150 )>
)) des mélasses )) 1106 725 n
Valeur totale des produits sucriers en 1891.. » 49 349 400 »
GUYANE ANGLAISE 55
tout les bananes, ayant une finesse de goût au moins égale à celle des fruits
des Antilles, du Costa Rica et du Guatemala. Dans l'ensemble, la Guyane
britannique exporte une moyenne d'environ 200 millions de francs, en
sucre et autres produits de la canne, en bois et en fruits, et depuis quel-
ques années en pépites, poudi*e d'or et petits diamants, que l'on recueille
sur les bords du Barima, du Cuyuni et dans les alluvions des rivières litto-
rales du Nord-Ouest*. Le pays importe des vivres, des machines et appa-
reils, des étofles et des objets manufacturés, fournis en premier lieu par
l'Angleterre, puis par les États-Unis*. Des paquebots à service régulier
rattachent Georgetown à la Grande-Brctagn,e, aux Antilles, au Canada.
Jusqu'en Tannée 1851,Demerara et Berbice constituaient deux gouverne-
ments coloniaux distincts, comme sous le régime hollandais. La plupart
clés lois et anciens règlements furent maintenus : il en reste des traces
nombreuses. Le pouvoir politique se trouve presque entièrement enti'e les
mains du gouverneur, représentant de la reine. Il est aidé dans ses
fonctions par une « cour politique », court of policy, composée des cinq
principaux fonctionnaires de la colonie et de cinq membres choisis par la
cour sur les deux personnes que présentent les notables, — 2046 en 1893,
— constitués en collèges électoraux. La législation et le pouvoir exécutif
appartiennent également au gouverneur et à sa cour politique; mais pour
la fixation des impôts le gouverneur doit s'adjoindre six représentants
financiers, formant avec les autres membres du gouvernement une « cour
combinée ». La loi civile hollandaise, modifiée par divers décrets et ordon-
nances, régit toujours la colonie, mais la loi criminelle, sans bénéfice
du jury, est d'importation anglaise. L'usage des poids et mesures « rhé-
nans », abandonnés même en Hollande, est encore légal sur les bords
* Production de Tor déclarée dans la Guyane britannique :
1884 250 onces, soit 22 000 fr.mcs.
1892 150000 )) » 1U85 000 o
* Commerce de la Guyane britannique en 1891 :
Importation V2 694 250 francs.
Exportation 05 51 «î 850 ))
Ensemble 106 008 100 francs.
Exportation du sucre : 49 549400 francs, dont 50 512 950 en Angleterre.
Mouvement total de la navigation en 1891 : 646 566 tonnes.
Flotte commerciale de la Guyane britannique en 1887 :
141 embarcations, d*une capacité de 6 625 tonnes.
XIX. 9
66 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
du Demerara. La police comprend quelques centaines d'hommes, et la
garnison militaire se compose d'environ 500 soldats, fournis par les
« régiments noirs » de l'Inde occidentale. L'Église nationale, Church of
Englandy formant un évêché, subdivisé en rectorats et en cures, possède
un budget fourni par le gouvernement anglais, comme ceux de l'Église
presbytérienne et de l'Ëglise catholique. En 1891, la population scolaire
de la colonie s'élevait à 58 067 enfants, environ la neuvième du nombre
des habitants. Le budget annuel se maintient en équilibre*.
La colonie se divise en quatre districts administratifs ou comtés : Nord-
Ouest, Essequibo, Demerara et Berbice.
III
GUYANE HOLLANDAISE.
Les premiers colon isateui^s de la Guyane anglaise cultivèrent leui*s
beaux domaines au profit de leurs rivaux. Ce qu'ils ont gardé de leurs pos-
sessions anciennes est bien moindre en valeur que ce qu'ils ont perdu.
Suriname, — tel est le nom que les Hollandais donnent à leur Guyane,
— n'a guère que le sixième de la population qui se groupe actuellement
autour de Demerara, dans les possessions anglaises, et son commerce
représente à peine le cinquième des échanges faits par sa voisine. La crise
économique produite par l'abolition de l'esclavage, en 1865, entraîna
la ruine de plantations nombreuses; dévastes étendues cultivées firent
retour à la solitude des forêts et des savanes. La population même dimi-
nua par l'émigration. Un lent progrès ne recommença qu'après plusieurs
années de décadence. Actuellement le nombre des habitants s'accroît,
grâce à l'arrivée de quelques coulis hindous. Les planteurs reprennent
possession du sol, mais en général par d'autres cultures que celles de
leurs prédécesseurs.
De môme que dans la Guyane britannique, la zone habitée ne constitue
qu'une très faible partie du territoire : elle comprend la région littorale
entre la rangée extérieure des palétuviers et les savanes de l'intérieur;
mais cette lisière cultivée présente de nombreuses lacunes, occupées par
des brousses et des marécages. Le district le plus occidental, celui de
Nickerie, situé h Test du Corcntyne et de son estuaire, n'a qu'une popu-
Budgel de la Guyane britannique en 1890. ... 12 100000 francs.
Dette » H . . . 5 000 000 »
6UYANES ANGLAISE ET HOLLANDAISE. 67
lation clairsemée. Au commencement du siècle des planteurs et des com-
merçants établirent une colonie sur le promontoire qui domine le con-
fluent du Corentyne et de son affluent, la coulée de Nickerie. L'endroit
semblait propice et le bourg se développa d'une manière rapide ; mais en
moins de deux générations le terrain sur lequel les quais et les édifices
avaient été construits fut dévoré par les vagues ; les habitants, découragés,
obligés de reculer sans cesse vers l'intérieur, unirent par se disperser : il
ne reste plus sur la pointe qu'un petit groupe de maisonnettes. D'après
Palgrave, la mer empiète rapidement sur ces rivages, non point, comme
le supposent les résidents, parce qu'un changement dans la direction
des vents et des courants a donné plus de violence à la houle, mais
parce que le terrain s'aflaisse.
Une autre colonie, à laquelle ses fondateurs avaient attaché de grandes
espérances, a moins encore réussi que Nickerie : celle de Groningen, établie
en 1843 près de l'estuaire de la Saramacca et peuplée de Frisons choisis
avec soin pour inaugurer la culture ce à bras blancs » dans ces régions
équatoriales. L'entreprise eut le sort de toutes les tentatives de même
genre : des 384 colons, environ la moitié moururent dans les six mois, et
la plupart de ceux qui restaient durent émigrer dans les plantations voi-
sines ; plusieurs ont prospéré comme artisans et jardiniers à Paramaribo.
Batavia, située au sud-ouest, sur la rive du Coppename, renferme une
centaine de lépreux, retenus loin de leurs amis et de leurs familles.
Hais ce village parait encore trop rapproché de la zone populeuse du
littoral : on doit établir un nouveau lazaret sur le haut Suriname, dans
une péninsule déserte de la rive droite dite du Grand Chûtillon, que l'on
séparera de la terre ferme par un fossé. La Guyane hollandaise est celle
où le fléau de la lèpre ou « boasie » sévit le plus cruellement, surtout
sur les nègres et les gens de couleur : le nombre des lépreux s'y élèverait
à près d'un millier*.
Paramaribo, le chef-lieu de la Guyane hollandaise, ne borde point la
mer comme Georgetown et New Amsterdam. La forme du littoral, diffé-
rente de celle que présente la côte du territoire britannique, a déterminé
la naissance des villes et l'établissement des plantations dans la zone rela-
tivement sèche que traversent les coulées parallèles a la lisière maritime
des palétuviers. Paramaribo, de fondation française, date de 1640 : a cette
époque, des fugitifs de Cayenne bâtirent un fortin à l'endroit où s'élève
aujourd'hui le fort de Zeelandia; dix années plus tard, l'anglais Willoughby
• 6. Verschuur, Tùur du Monde, imWei 1895.
68 NOUVELLE GËOGRAPUIE UNIVERSELLE.
of Pasham y résida, et, peu de lemps après, les Hollandais en firent la
capitale de leurs domaines de Suripame. La ville, ombragée de manguiers
et d'autres arbres touffus, occupe, sur la rive gauche du lleuve, déployé
en croissant, une terrasse de. sable et de gravier mêlés de coraux et de
coquilles brisées. Sous le climat équatorial, Paramaribo se présente comme
une autre Amsterdam, et, malgré la diiïérence des matériaux, ses maisons
en bois peintes de gris rappellent les massives constructions en briques de
la cité hollandaise. Quelques édifices, palais du gouvernement, synago-
gues, églises, donnent un grand air h la cité, d'aspect un peu vieilli. Fort
proprement tenue, elle n'est point insalubre, quoique l'atmosphère, non
renouvelée par la brise marine, soit un peu celle que l'on respire dans une
serre de plantes tropicales. Un chemin de fer unira prochainement la
capitale aux districts fertiles de la rivière Saramacca. I-e fort de Nieuw
Amsterdam occupe une position stratégique d'importance capitale au con-
GUYANE HOLLANDAISE. 69
fluent du Sunname et du Commewijne, en face de l'estuaire rectiligne que
forme le chenal maritime à l'entrée du fleuve.
A Test de Paramaribo, les bords du Cottica et du Commewijne étaient
occupés autrefois par une succession non interrompue de plantations et
de jardins, en partie abandonnés de nos jours et pour la plupart ayant
changé de propriétaires : des noirs, fils d'anciens esclaves, sont devenus
les possesseurs de maint domaine dépendant jadis de quelque grand fief
hollandais. Le village de Sommelsdijk, que domine un fort pentagonal,
au confluent des deux rivières, et qui commande toute la région des
bayous, rappelle le nom d'un gouverneur hollandais, qui à lui seul pos-
séda un tiers des plantations de la colonie. Sur la rivière Suriname, à
80 kilomètres en amont de Paramaribo, les ruines d'une synagogue et les
quelques cabanes de Joeden Savane, la « Savane des Juifs », font penser
aux Israélites portugais et livournais qui vinrent, en 1644, s'établir sur
les bords du fleuve après leur exil de Pernambuco. La population blanche
se compose encore pour une bonne part de Sémites : ce sont eux qui
manient les aflaires d'argent à Paramaribo et donnent à la colonie la
plupart des médecins, des juges et des avocats. Au siècle dernier, ces
Juifs avaient leur propre administration de la justice, du moins en pre-
mière instance; pendant leurs fêtes religieuses, ils échappaient à toute
poursuite légale'.
La rive gauche ou hollandaise du Maroni est très faiblement habitée :
les groupes de paillottes y appartiennent presque tous à des Indiens Galibi
et aux descendants des nègres marrons. Quelques Bovianders, gens nés
de pères hollandais et de mères indiennes, habitent sur les rivières de
l'ouest*.
Aux temps de l'esclavage, la principale récolte de Suriname était celle
du sucre comme dans la Guyane anglaise, mais les planteurs, n'ayant pu
résister à la crise, abandonnèrent la plupart de leui's grandes exploita-
tions, et la colonie ne possède plus qu'un petit nombre de sucreries,
appartenant à de riches capitalistes pourvus d'un outillage aussi complet
que celui des usines de Georgetown; une seule propriété occupe une
* G. P. II. Zimmennann, Bulletin de la Société de Géographie, 1880.
* Superficie et population probable de la Guyane hollandaise en 1893 :
120000 kilomètres carrés; 80000 habitants, y compris les Boch; 0,66 hab. par kilom. carré
Paramaribo 28800 habitants.
70 NOUVELLE GÉOGRAPHIE «DIVERSELLE.
population de 1580 personnes, Arricains, Hindous, Javanais et Chinois. La
culture du caGer, jadis fort importante et fournissant environ 6000 tonnes
h l'exportation annuelle, fut tellement délaissée, que la colonie dut impor-
ter le café nécessaire à sa consommation. Cependant, depuis 1885, l'in-
troduction du caiier de Libéria, qui réussit fort bien dans les terres de
Suriname, même mieux qu'à Java, a ranimé cette industrie, et quelques
planteurs en attendent le relèvement de leur fortune'. On s'adonne,
vu. — un cEinrti n
SI
LU
dans la région nord-occidenlale, à l'extraction de la balata, la gutta-
percha guyanaise. I^e cotonnier n'est plus cultivé. Le cacao, la denrée par
excellence, demande peu de soins : les arbres ne produisent qu'après
huit ou dix ans, mais donnent une récolte sûre et régulière'. Les grandes
plantations dont les produits alimentent le commerce étranger enri-
chissent moins le pays que les petites cultures dans lesquelles les nègres
■ G. Verscbuur, recueil cilé.
* PUnlations de ta Guyane hoUanduise en 1887 :
Autres grandes pbntations . .
Bananeraies
Autres plantaliODS de vivres .
GUYANE HOLLANDAISE. 71
el paysans de races diverses s'adonnent à la production des « vivres » et
surtout de la banane. Une plantation, Onverwacht, est la propriété
oommune d'une colonie de trois cents nègres, cultivateurs et bûcherons.
L'industrie aurifère a pris quelque importance dans la Guyane hollan-
daise. L'or était déjà exploité depuis une vingtaine d'années dans les
possessions françaises lorsque le gouvernement néerlandais fit explorer
les vallées tributaires du Maroni, et que le « prospecteur » Aima y
découvrit le métal précieux, en 1874. Depuis, on a fait de nouvelles
trouvailles dans les hauts de tous les fleuves, principalement sur les
bords de l'Aoua, la rivière récemment attribuée aux Hollandais, et la
production annuelle de l'or s'est régulièrement accrue, sans avoir atteint
la valeur de 4 millions de francs*. On n'exploita d'abord que les sables
aurifères, mais les mineurs ont remonté les vallées jusqu'aux roches qui
M^nferment les veines de métal et commencé l'attaque de ces parois. Ainsi
la production minière est devenue en peu de temps l'une des branches
importantes de l'industrie coloniale, encore limitée à un petit nombre
ci'articles'. En vue de l'exploitation des mines, on a ouvert entre le Suri-
name et le Haroni un chemin de 79 kilomètres.
Le gouvernement colonial dispose d'un pouvoir absolu, en dépit de
quelques formes parlementaires. Le gouverneur nommé par la Couronne
€st en môme temps le président de la « maison d'Assemblée », composée
de treize membres, dont quatre désignés par lui. Les neuf autres manda-
taires, élus pour six années, doivent leur nomination à des notables
ayant un revenu d'au moins 40 florins. Le gouverneur propose, et, s'il lui
convient, dispose. Son avis n'est-il pas accueilli, il donne par écrit les
raisons de son dissentiment et les membres de la majorité doivent se le
tenir pour dit. L'instruction est obligatoire pour tous les enfants de sept
à douze ans et Ton comptait en 1887 près de 5400 élèves dans les
48 écoles. Le budget annuel s'élève à 2 millions et demi de francs.
• Production de l'or dans la Guvane hollandaise en 1891 :
1 232 kilogrammes. Valeur : 5 588 000 francs.
a
Mouveinenl commercial de la Guvane hollandaise en 1893 :
Ex|K)rlalion 9 000000 francs
Importation 12 000 000 »
Ensemble 2 1 000 000 francs.
^louvement de la navigation en 1890, à Tentrée et à la sortie :
454 navires, portant 185 000 tonnes.
72 NOIYELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Le pays se divise en seize districts politiques aux circonscriptions
variables; mais toute décentralisation administrative ne peut être qu'un
leurre dans un pays dont la capitale contient à elle sente plus de la moitié
de la population totale,' non compris les nègres Boch, qui échappent au
recensement. On a prêté au gouvernement germanique l'idée d'acheter la
Guyane hollandaise pour en faire une colonie pénale à l'instar de Cayenne.
IV
GUYANE FRA.NÇAISE.
Accrue du territoire contesté qui la prolonge au sud jusqu'à la bouche
de l'Araguari, la Guyane française égalerait en surface le territoire de la
Guyane britannique; mais pour la population, l'industrie, le commei*ce, la
vie politique et sociale, il n'y a point de comparaison possible. De toutes
les possessions d'outre-mer (jue la France s'attribue, nulle ne prospère
moins que sa part des Guyanes : on ne peut en raconter l'histoire sans
humiliation. L'exemple de la Guyane est celui que l'on choisit d'ordi-
naire pour démontrer l'incapacité des Finançais en fait de colonisation,
comme si jamais ce littoral avait été une colonie, dans le vrai sens du mot.
Depuis que, au seizième et au dix-septième siècle, des flibustiers fran-
çais, errant sur la mer, établirent des ports de refuge et de course aux
endroits favorables de la côte, jamais immigration vraiment spontanée
ne se dirigea de France vers la Guyane. Tous ceux qui, pendant deux
siècles et demi, débanjuèrent sur ces rivages, entre le Maroni et l'Oyapok,
y vinrent amenés comme fonctionnaires ou soldats, en troupeaux d'es-
claves, d'engagés, de colons officiels, ou même en chiourmes de trans-
portés et de galériens. Jamais la colonisation libre n'a vivifié la contrée.
Souvent les emplacements des villages étaient désignés d'avance par des
administrateurs qui n'avaient jamais vu le pays. Des ordres inapplicables
venus de Paris s'exécutaient au hasard. Aucun préparatif n'avait été fait
sur le terrain pour accueillir les nouveaux venus : on les vit périr par
milliers, sans abri, sans nourriture, campés au bord des criques maréca-
geuses. Même ceux que le sort avait favorisés et qui avaient trouvé un gîte
et des vivres, linissaienl par succomber : « se sentant abandonnés du
monde entier, ils mouraient, faute d'avoir la volonté de vivre*. »
Les essais de colonisation forcée ayant tous échoué, il sembla naturel de
1 Jules Hier, Notes gtalisliques gur la Guyane française.
GUYANE FRANÇAISE. 73
faire choix de la Guyane comme lieu de déportation pour les ennemis poli-
tiques et comme établissement spécial pour les condamnés de droit com-
mun. Plus d'une fois, des terres notoirement insalubres furent assi-
gnées aux exilés : le pouvoir, écartant la responsabilité de prononcer la
mort, ne l'en avait pas moins pour complice. La « guillotine sèche », tel
Alt le nom populaire donné à « Cayenne ». Pareille appellation explique
le sentiment d'aversion qu'éprouve un homme libre pour ce lieu de séjour,
q^ui pourtant n'a point le redoutable climat attribué par la légende à la
fiuyane française depuis que les déportations en masse y jetèrent tant de
alheureux. L'insuccès même des efforts que l'on fit à diverses reprises
our coloniser la contrée eut pour conséquence une grande incertitude
ans les projets du gouvernement central et dans les entreprises des admi-
snistrateurs locaux. Rarement fonctionnaire s'installe à Cayenne sans désir
^e retour dans la mère patrie : voyageur de passage, il ne prend qu'un
Knédiocre intérêt à une contrée qu'il espère quitter bientôt, il ne s'attache
^oint au sol, mais peut-être cherchera-t-il à se distinguer par quelque
"\aste entreprise en désaccord avec celles de ses devanciers et destinée à le
signaler en haut lieu. Aucun esprit de suite ne préside à la gérance de
cette possession coloniale : depuis le milieu du siècle, trente-quatre gou-
verneurs se sont succédé à Cayenne. Aussi tous les progrès réels qui
s'accomplissent dans la Guyane française, soit par l'accroissement de
la population, soit par l'exploitation des richesses du sol, doivent-ils
être attribués, non à l'action gouvernementale, mais au lent travail qui
se produit spontanément dans la masse indigène, à laquelle viennent se
joindre quelques immigrants de la Martinique, dos nègres marrons de
Suriname, des Portugais, et des Brésiliens des régions limitrophes. L'im-
portation de coulis hindous se fit sans méthode et sans humanité : de
8572 engagés dans la force de Tâgc, 4522, — plus de la moitié, — sont
morts en vingt-deux années, de 1856 à 1878: 675 seulement ont été
rapatriés*.
Le bassin de la puissante rivière du Maroni, qui sépare les Guyanes
hollandaise et française, n'a pour habitants dans toute la partie haute et
moyenne de son cours que des Indiens, des nègres, et quelques orpail-
leurs, fort clairsemés. Les premiers établissements des blancs se voient à
une soixantaine de kilomètres de l'estuaire : encore appartiennent-ils
* Alglave, les Coolies indiens et les Nègres à la Guyane,
7^ NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
presque tous aux péiiitenciei's; la colonisation libre y est représentée par
quelques plantations concédées à des Arabes sortis du bagne. L'établisse-
ment d*aniont, Saint-Jean, qu'un chemin de fer unit au chef-lieu de la
colonie pénale, groupe ses cases dans une région marécageuse et insalu-
bre. Saint-Laurent, où résident les directeurs du pénitencier, est mieux
situé, et les cabanes des condamnés, nègres, arabes, annamites, se décou-
pent en lumière sur les masses sombres d'un parc touffu : près de là
s'étend le cimetière aux tombes ombragées de dracénas. En face de Saint-
Laurent, sur la rive gauche du Maroni, se montre le village d'Âlbina, la
seule colonie que les Hollandais aient fondée sur le grand fleuve'. Plus
haut, dans l'île Portai, se trouve la plus imporlante plantation de la
Guyane française, utilisée pour la production du roucou.
La rivière Mana, qui succède du côté de l'est au Maroni, possède sa petite
commune, dite Mana comme le coui-s d'eau, mais les autres coulées du
littoral, Organebo, Iracoubo, Counamano, traversent des régions presque
inhabitées. Mana rappelle les tentatives de colonisation qui furent dirigées
avec le plus d'énergie et de persévérance : une religieuse, Mme Javouhey,
entreprit et accomplit cette œuvre avec une singulière force de volonté,
presque sans contrôle du gouvernement, mais soutenue par lui. Aidée
des sœurs de sa communauté, d'un certain nombre d'engagés et de plu-
sieurs centaines d'esclaves, elle fonda divei^s établissements, plantations,
asiles, écoles, hôpital, léproserie. Le village actuel, considéré comme
l'un des plus salubres de la Guyane, était autrefois le « grenier à riz » de
la colonie.
Le village de Sinnamari, bourg de fondation hollandaise, situé près de
la bouche d'une rivière de même nom, est devenu fameux comme lieu
d'exil. En 1797 et 1798, après la conspiration royaliste de fructidor,
plus de cinq cents suspects furent transportés h Sinnamari : un navire,
la Charente^ avait emmené de France 329 individus, dont 171, soit plus
de la moitié, succombèrent rapidement aux fatigues, au découragement
et aux maladies. Bien autrement meurtrière encore avait été en 1763 la
tentative de colonisation qui débarqua environ treize mille émigrants
d'Alsace, de Lorraine, de Saintonge sur les bords de la rivière Kourou,
d une cinquantaine de kilomètres a l'est du Sinnamari. La France venait
de perdre le Canada. Choiseul et son cousin de Praslin, qui gouvernaient
« Transportés à Sainl-Laurenl au 1" juillet 1892 1105
Relégués à Saint-Jean » 1 257
Morts à Saint-Jean de juin ISSO'à juillet 1892 (soit 32 pur 100). . . i 365
(Verscliuur.)
UUVANE FRANÇAISE. « 75
alors la monarchie, décidèrent qu'on remplacerait le territoire perdu, et,
baplisant la Guyane du nom de « France Équinoxiale », y envoyèrent
successivement des flottes entières chargées de colons. On expédia jusqu'à
des comédiens pour charmer les loisirs des futurs Guyanais. En souvenir
du Canada, on leur donna des patins, mais on oublia de les approvi-
sionner de vivres et de préparer des lieux de débarquement et des
cabanes. Le chevalier de Turgol, nommé chef de l'expédition, avait négligé
de la suivre. A bord même des navires, In contagion décima les malhcu-
76 NOUVEI^E GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
reux, et sur les bords du Kourou la famine vint s'sijouter au typhus.
Quel fut le nombre des morts? Certainement plus de dix mille. Quelques
centaines d'individus, échappés au désastre, obtinrent enfin de se faire
ramènera Saint-Jean d'Angely, d'où ils étaient partis*. Quelques mots de
critique sur le génie des colonisateurs avaient valu à Fréron six mois de
séjour à la Bastille. Une cafétcrie, appartenant au gouvernement, marque
l'endroit où périrent la plupart des infortunés.
A l'est, les terres de l'embouchure du Kourou ont aussi donné lieu à
des tentatives de colonisation : un petit groupe de condamnés les cultivent
maintenant, mais le pénitenlier de Kourou est une simple annexe des trois
îles du Salut, propriété de l'administration pénitentiaire, qui se montrent
en face. Saint-Joseph et l'île Royale constituent le « bagne » proprement
dit, où l'on enferme les condamnés réputés dangereux ou soumis à une
surveillance particulière. Les navires d'un fort tirant d'eau mouillent à
l'abri des îles du Salut'.
Cayenne, dont le nom parait être celui d'un ancien chef, est un des plus
anciens établissements de la contrée, car dès l'année 1604 quelques Fran-
çais, sous la conduite du gentihommc normand La Ravardière, commis-
sionné par une compagnie commerciale de Rouen, débarquaient dans File
et en prenaient possession. Mais l'emplacement de la ville actuelle n'était
pas encore fixé : les premiers immigrants et ceux qui leur succédèrent,
notamment des juifs hollandais, s'étaient établis plus à l'est, au pied des
collines de Remire. Cayenne, où s'élevait le fortin de Saint-Louis, ne
devint chef-lieu définitif qu'en 1877. La ville, relativement fort glande,
puisqu'elle contient le tiers de la population totale du territoire fran-
çais, soil environ 10 000 habitants, étale le damier de ses rues et de
ses places ombreuses sur un. espace péninsulaire situé à l'ouest de l'île,
à la base du monticule verdoyant du Céperou. Les édifices administra-
tifs et gouvernementaux, hôtels, casernes et prisons, occupent une grande
partie de la superficie urbaine, qu'entourent des parcs et de magni-
fiques avenues de palmiers. Bien exposée à la brise, Cayenne jouirait natu-
rellement d'un climat salubre, si les canaux des environs n'étaient
souvent engorgés; des conduites amènent d'une hauteur voisine l'eau
nécessaire qu'alimente le luisseau du Rorola. La population, noire en très
grande majorité, et composée principalement des familles d'affranchis
qui accoururent dans la ville après Témancipation de 1848, comprend
1 J. Mourié, la Guyane Française,
* Détenus dans les îles du Salut en 1891 : 085-
s représentants de toutes les races de la colonie : la plupart des domes-
ues sont des créoles de la Martinique, des Annamites fournissent les
Oueat de Ereei-^ieh 5g'
irchés de poisson, et des Chinois tiennent les échoppes. Le port de
^enne, accessible aux navires d'un tirant d'eau de 4 mètres 25, n'est
4 entièrement sûr, et des raz de marée l'onl parfois dévasté. Un phare,
gé au nord, sur le roc de l'Enfant Perdu, en éclaire l'entrée.
SO NOUVELLE GËOGRAPQIE CMVERSELLE.
Les cultures, les plantations étaient jadis nombreuses aux alentours île
Cayenne, notamment le long des canaux et à l'est de l'île, au pied de
la colline de Remire, où les Jésuites possédaient de riches caféteries; la
plantation de la Gabrielle, sur la terre ferme, au sud-est. de Cayenne,
eut même une certaine renommée pour la production des épices; les
girofliers de ce domaine donnèrent au commencement de la Restauration
un revenu de 400000 francs en certaines années. Actuellement, presque
toutes les anciennes cultures sont recouvertes par la brousse; on retrouve
seulement çà et là des caOers, des cacaoyers redevenus sauvages. Quelques
routes carrossables traversent l'ile; une, longue de 18 kilomètres, va
' rejoindre le « dégrad » des Cflunes et communique avec la chaloupe à
vapeur de la rivière Mahuri, qui remonte jusqu'au bourg de Roura, entouré
d'une petite clairière de jardins. Au delà, toujours au vent de Cayenne,
coule la rivière de Kaw, qui possède aussi son village, puis l'Approuaguc,
fameuse par des alluvions aurifères. C'est dans ta vallée d'un de ses
affluents occidentaux, l'Arataï, que le Brésilien Paulino découvrit l'or en
1855, et la région de l'Approuaguc, avec celle du haut Maroni, donna
toujours aux mineurs une grande quantité de métal.
A l'est, en suivant la côte, la butte do 80 mètres, dite la montagne
d'Argent, rappelle aussi d'anciens travaux miniers : une caféterie y a
GUYANE FRANÇAISE. 81
remplacé un pénilencier insalubi'e qu'il fallut abandonner. La montagne
d'Argent sert d'amer aux marins qui veulent entrer dans l'Oyapok,
puissante rivière déjà bien explorée, mais n'ayant que de rares pailtoltes
sur ses bords.
On trouve dans ta Guyane française toutes les denrées de In zone tropi-
^tOâSrrtMm
<^le, mais aucune en quantité sufTisanLe pour alimenter une exportation
sérieuse. .\près un demi-siècle de régression agricole, on ne comptait
plus, en 1890, que 5834 hectares en culture, dont les deux tiers con-
sacrésaux productions à consommer sur place : ensemble le sucre, le café,
le cacao ne représentent pas une récolte de iOO tonnes. Les « haltes »
83 NOUVELLE GËOCRAPHIE UNIVERSELLE.
OU u ménageries », c'est-^-diœ les parcs à bestiaux, ne renferment qu'un
très petit nombre de bétes : en 1890, il n'existait dans la colonie que
218 chevaux, assez malingres et mal venus; les bœufs et les vaches, qui
réussissent mieux, comprenaient 6199 têtes, et les porcs à peu près le
même chiffre, sans compter ceux qui errent h l'élat sauvage dans les forêts.
Quelques centaines de moulons, chèvres, ânes et mulets complétaient le
)'.iprt* H. Coudreau. In Tbiim, eli.
cheptel. Quant à l'industrie proprement dite, encore rudimentaire, elle se
réduit à quelques distilleries de ta&a, à des chanlicrs de bois et autres
petites installations. Les travaux industriels les plus considérables sont
ceux que nécessite le broyage des quartz aurifères, mais la récolte de
l'or a gi-adueitement diminué depuis 1875. En celle année, la production
enregisiréc du mêlai s'éleva ;i 1996 kilogrammes, d'une valeur totale de
3 689 '200 francs, et l'on doit peut-être compter une moilié eu sus pour
l'or volé sur les chantiei-s cl tiandesliucmcnl eiporlé '. Quant au minerai
n Mi'J : I û9T kilogrammes. Valeur :
GUYANE FRANÇAISE S5
de fer, extrêmement abondant dans les « roches à ravets », on ne Ta
jamais exploité.
Quoi qu'on ait dit» le commerce de la Guyane française, avant la Révo-
lution française, n'égalait pas celui qui se fait de nos jours : en moyenne,
l'ensemble des échanges entre ce pays et le reste du monde oscille entre
13 et 18 millions de francs. Les importations dépassent de beaucoup les
exportations, la plupart des marchandises et denrées venues de l'extérieur
étant destinées aux pénitenciers et aux garnisons'. Le mouvement de la
navigation n'atteint pas 100 000 tonnes par an, mais s'accroît avec régula-
rité, grâce aux facilités de communication que donne la vapeur. Une ligne
de paquebots rattache Cayenne à la Martinique et à la France par Suri-
Yiame et Demerara ; des chaloupes à vapeur font le service côtier pour les
B)esoins de la colonie. Une ligne télégraphique de 288 kilomètres réunit
Cayenne au Maroni.
Bien que la Guyane possède un conseil général élu de seize membres
— dont sept pour Cayenne — et qu'elle nomme un député au Parlement,
eJle est trop faiblement peuplée et son armée de fonctionnaires trop
fortement organisée pour que l'initiative civique puisse contrebalancer le
pouvoir absolu du gouverneur. Celui-ci a sous ses ordres le commandant
Unilitaire, le chef des forces navales, l'ordonnateur de la marine, le direc-
teur de l'intérieur, le procureur général, le chef du service pénitentiaire,
et tous ces fonctionnaires constituent son conseil privé, auquel il adjoint
pour la forme trois habitants choisis par lui et dont le vote lui sera
toujours acquis. D'ailleurs, tous seraient-ils d'un avis contraire, il peut
passer outre, et même pratiquer des virements budgétaires, voire expulser
les particuliers qui lui font opposition. Sauf en temps d'élections, le
Moniteur Officiel, publié chaque semaine, est l'unique journal de la
colonie. On peut dire que le régime du pénitencier sert de modèle à la
société civile.
La transportation, raison d'être actuelle de la domination française
en Guyane, a été réglée par décret, après le coup d'État de 1851 ; le
premier convoi de condamnés arriva aux îles du Salut en mai 1852,
' Mouvement commercial de la Guyane française en 1889 :
Importations 8 950 450 francs.
Exportations 4 271925 »
Ensemble 15 222 570 francs.
84 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
et jusqu'en 1867 plus de 18 000 transportés furent envoyés dans les
divers pénitenciers successivement choisis sur le territoire de la Guyane.
Remplacée par la Nouvelle-Calédonie comme principale colonie pénale,
la terre du Nouveau Monde ne reçoit qu'une partie des récidivistes, les
condamnés européens ayant à subir plus de huit ans de peine, et tous
les condamnés arabes, annamites et noirs. Les quatre pénitenciers, de
Cayenne, des îles du Salut, de Kourou et du Maroni, renferment en
moyenne de trois à quatre mille individus, utilisés en majorité pour les
travaux publics. L'administration pénitentiaire n'emploie pas tous les
transportés dans ses chantiers; elle les prête aussi, à titre gi*atuit, ou
moyennant une faible rémunération, à la ville de Cayenne, au gouverne-
ment de la colonie, aux particuliers : quoique le plein tarif évalue à
2 francs par jour le travail d'un transporté, tous accessoires compris, le
salaire varie communément de 16 à 40 centimes*. Mais aussi, quelle est
la valeur réelle du travail forcé, comparée à celle du labeur de l'ouvrier
libre? A en juger par l'état des routes sur lesquelles se sont établis les
chantiers de forçats, on reconnaît que leur travail n'a jamais été en
Guyane, malgré le nombre des bras, qu'un infime appoint : en éloignant
le travail libre, il nuit au progrès matériel plus qu'il ne l'aide.
Le budget annuel de 1m transportation est de 5 millions. Celui de la
colonie, tenu à part, balance à près de 2 millions ses recettes et ses
dépenses, employées presque en entier au payement des fonctionnaires*.
Le territoire de la Guyane française a été divisé en treize communes de
plein exercice, ayant une organisation analogue à celles des communes de
la métropole et des autres colonies. Cependant les prérogatives munici-
pales furent suspendues pendant trois années et n'ont été rétablies qu'en
1892, sous la réserve de l'intervention du gouverneur pour le choix de
certains employés communaux. La ville de Cayenne reste seule commune
de plein exercice. Les treize districts, auxquels il faut ajouter celui des
pénitentiers du Maroni, ne comprennent guère que le huitième du terri-
toire, soit 15687 hectares. L'intérieur reste indivis \
* Économiête Français , 31 déc. 1892.
> Budget local de la Guyane française en 1892 : 1 844 779 francs.
3 Districts ou communes de la Guyane française, de Touest à Test :
Communes de 1'' classe : Mana, Sinnamary, Macouria, liemire, Roura, Approuaguc.
Conununes de 2* classe : Iracoubo, Kourou, Monsinery, Tonnégrande, Mathoury, Kaw, Oyapok.
Commune pénitentiaire, Alaroni ou Saint-Laurent.
r
GUYANE CONTESTÉE FRANCO-BRÉSILIENNE. 85
TERRITOIRE COIVTESTé FRANCO-BRÉSILIE?!.
Officiellement le territoire en litige entre la France et le Brésil com-
prendrait un espace d'au moins 260 000 kilomètres carrés : la région
ciébattue forme une longue bande s'étendant de l'Atlantique au rio Branco,
limitée au nord par le cours de FOyapok, les monts Tumuc-Humac et
leurs prolongements occidentaux, le cours de TAraguari et la ligne équalo-
lîale. Toutefois le débat n'a d'importance réelle que pour le « contesté »
<le la côte, entre l'Oyapok et l'Araguari. A l'ouest, toute la vallée du rio
Branco est devenue incontestablement brésilienne par la langue, les
mœurs, les relations politiques et commerciales. Quant aux régions inter-
médiaires, que parcoururent Crevaux et Coudreau, Barbosa Rodrigues,
elles sont habitées par des populations indiennes complètement indépen-
dantes, évaluées par Coudreau à 12 700 individus. Le territoire réellement
contesté entre la France et le Brésil comprend une superficie évaluée
approximativement à celle de quinze départements français et n'ayant
pas plus de 3000 habitants policés, un seul sur 50 kilomètres carrés.
Au dix-septième siècle déjà, ces régions étaient également revendiquées
par la France et le Portugal, mais la limite méridionale du domaine
ne pouvait donner lieu à aucune équivoque : c'était le grand fleuve des
Amazones. Le fort de Macapd, au bord même de l'estuaire, près de la
ligne équaloriale, avait été bâti en 1688 par les Portugais, puis occupé
par les Français en 1797, et repris par les Portugais la même année. Le
traité d'Utrecht, conclu en 1713, devait à jamais régler le diflerend; mais
il le compliqua, en fixant pour limite aux possessions respectives des deux
nations une rivière que personne ne connaissait, dont nul marin n'avait
exploré l'embouchure. Quel est ce fleuve Yapok ou Vincent Pinzon que
les diplomates d'Utrecht, ignorants des choses d'Amérique, voulurent
indiquer sur leurs cartes rudimentaires? D'un côté, les Portugais dési-
gnaient, parmi tant de (c Yapok » ou « Grandes Rivières » du littoral,
celle dont l'estuaire s'ouvre entre la montagne d'Argent et le cap Orange;
(le l'autre, les Français pouvaient expliquer que la vraie « Grande
Rivière », la « mer douce » de Vincent Pinzon, est certainement
l'Amazone elle-même, et qu'à défaut de ce fleuve, il fallait choisir pour
limite le cours d'eau le plus considérable de la région, l'Araguari. On
emplirait les bibliothèques de mémoires et documents diplomatiques
86 ' NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
publiés sur celte insoluble question. Diverses commissions se sont occu-
pées d'interpréter le sens du traité d'Utrecht ou de trancher le problème
par une décision définitive, mais leui's conventions ont été successivement
écartées. Le Brésil, héritier du Portugal, formule les mêmes revendica-
tions, demandani aussi la frontière de TOyapok; cependant il a propo^ de
trancher le différend en prenant le Carsevenne pour limite.
Mais l'histoire ne se décrète point : elle se fait, ignorant les traités et les
conventions. En 1856, les Français établirent un poste au centre du ter-
ritoire contesté, dans le lac de Mapa, et, quatre années après, les Brésiliens
fondèrent la colonie militaire de dom Pedro Scgundo, sur la rive gauche de
l'Araguari. Une convention décida que les puissances rivales évacueraient
le pays en litige, et la France abandonna en effet son poste de Mapa; mais
le Brésil maintint la zone de territoire occupée et même, en 1860, fit acte
de domination politique au nord de l'Araguari, jusqu'au Tartarugal. La
contrée, naguère déserte, se peuple peu à peu ; quelques villages s'y for-
ment, et les habitants, en majeure partie déserteurs et fugitifs brésiliens
auxquels Tindépendance devrait suffire, cherchent à sortir de leur état
d'indivision politique. A plusieurs reprises, ils demandèrent d'être annexés
à la Guyane française, notamment en 1883, lors d'une visite de l'explo-
rateur Coudreau. Enfin en 1886, les résidents de Counani, le principal
village du Contesté septentrional, se décidèrent à proclamer leur auto-
nomie politique; mais il leur fallait un président français, et Paris
s'égaya de l'histoire d'un honorable géographe de Vanves soudain trans-
formé en chef d'un État au nom naguère inconnu, et qui s'entoura
aussitôt d'une cour, constitua son ministère et fonda un ordre national,
VÉtoile de Counani, avec plus de commandeurs, grand-croix, officiers
et chevaliers que ne contenait d'habitants la capitale de la république.
Mais ce gouvernement dura peu : une année ne s'était pas écoulée que le
ministre destituait le président de la nouvelle communaulé politique.
L'État indépendant de Counani avait disparu.
Quelles que soient les conventions à intervenir entre chargés d'affaires
ou les décisions à prendre par les intéressés, la solution approche,
car le pays, naguère solitude sans valeur appréciable, est désormais
connu, grâce aux explorations de Coudreau, et ses ressources éveillent
les appétits des voisins du nord et du sud. La population, évaluée à
1500 lors de la proclamation de l'éphémère indépendance, s'élevait au
double six années après, et déjà le commerce annuel atteint un million
et demi de francs. Les bateaux à vapeur côtiers qui font le service sur tout
le littoral sud-américain, d'escale en escale, sont encore inconnus entre
GDTASE CONTESTfiE FRANCO-BRËSILIENNE. 87
remboucbure de l'Oyapok et celle du Hapa ' ; cependant une navigation
asseï active se fait par goélettes, dites « tapouyes », du nom des
Indiens. Ces embarcations, de 5 à 15 tonneaux, sont même de construc-
lion indigène : à cet égard les Guyanais indépendants sont plus indus-
Crienx que les habitants de la Guyane française. Leurs petits havres
g^Sé/O-r
fioviaux, fermés de barres, ne livrent accès qu'à des navires d'un faible
loonage, mais la nature leur a donné le meilleur mouillage de la côte
«Dire rOrénoque et l'Amazone : le bassin profond du Carapaporis qui
s'ouvre à l'est de l'île Maraca et qui fut probablement à iine époque peu
éloignée la bouche de l'Araguari. Ce lieu de refuge, ouvert dans les mers
dangereuses oii gronde la pororoca, peut devenir l'une des rades les plus
rrétjuenlées de l'Atlantique.
\
< inupa datu le* documenU lii'étilitfns.
88 NOL'VELLË GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Les Counaniens n*expioitent point les alluvions aurifères des vallées,
mais leurs grandes savanes leur permettent de posséder de vastes
« ménageries » ou troupeaux de bétail ; d'après Coudreau, on compterait
18 000 bœufs entre l'Oyapok et TAraguari : l'élevage s'étend même en
dehors du continent, dans Tile deMaraca, naguère complètement déserte.
La pèche est très fructueuse : les lacs sont riches en pirarucûs, que Ton
sèche pour les vendre sur les marchés de Cayenne et de Pard. Les pêcheurs
harponnent aussi les lamentins et les tortues, ils tuent les machoirans
pour en extraire la colle de poisson, et les gens des bois recueillent le
caoutchouc et autres gommes précieuses.
La population, d'origine brésilienne pour les deux tiers environ, parle
généralement ridiome portugais; toutefois le créole français de Cayenne,
mélangé de termes indiens, est connu de tous. Des Portugais, des Hartinî-
cais et des créoles français constituent l'autre tiers avec les métis indiens
qui naguère peuplaient seuls la contrée. Ceux-ci sont connus sous le
nom collectif de Tapuyos ou Tapouyes, mot qui dans la « langue géné-
rale » ou tupi du Brésil a le sens d' « étranger », d' « ennemi », et qui
a fmi par s'appliquer indistinctement à tous les Indiens sédentaires des
bords de l'Amazone, même aux métis de toute race que trahit la cou-
leur de la peau ^ La pression politique se fait sentir surtout du côté
du Brésil, le poste de Pedro II servant de point d'appui à une prise de
possession graduelle du territoire; même le district de TApurema, avec
ses grandes savanes et ses ménageries qui s'étendent au nord de TAra-
guari, autour du Lago Novo, est devenu une simple dépendance adminis-
trative de Macapa. Les Brésiliens se sont avancés plus loin vers le Mapa,
où ils ont fondé la colonie de Ferreira Gomes. Au contraire, du côté de
la Guyane française, les terres en partie noyées que traversent l'Ouassa
et le Cachipour, sont parmi les plus désertes du territoire contesté. Cepen-
dant le commerce de Counani et de Mapa se porte beaucoup plus vers
Cayenne que vers Para : la cause en est a la plus grande proximité de ce
marché et au moindre danger qu'offrent les abords. De l'autre côté
s'ouvre le golfe dangereux de la « mer douce », avec ses îles, ses cou-
rants, ses raz de marée et ses mascarets.
Les trois villages du nord, Hocaoua, Couripi et Ouassa, dans le bassin du
même nom, ne sont que de pauvres groupes de paillettes, autour des-
([uelles errent les Indiens Palicour et Aroua; Cachipour n'abrite sous ses
ranchos qu'une dizaine de familles. Les deux bourgs proprement dits
' Batcs; — Agassiz; — Spix und Martius; — Kellcr-Leuzingcr ; — II. Coudrcau, etc.
Gl'VANE CONTESTEE FRANGO-BRËSELIENNE. 89
se montrent plus au sud : Gounani, qui donna son nom à la république
indépendante et en fut la capitale ; Mapa, près duquel les Fi-ançais avaien t
bâti leur fortin en i836, et qui est l'établissement le moins éloigné du
mouillage de Carapaporis. Quelques maisons de bois et de briques élèvent
I. — NmKKi poLingiiE
leur faîte au-dessus des cases couvertes en feuilles de palmier, mais
chacune des deux localités a son école et l'état intellectuel et moral de
\a population n'y diflère point de celui qu'on observe dans les contrées
\oisines. En 1890, un service de bateaux à vapeur avait été établi entre
Para et l'embouchure du Mapa, ayant pour escale l'île Bailique. à l'entrée
du golfe amazonien.
90 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Tous ces petits centres de peuplement se sont constitués administrative-
ment en « capitaineries », ayant leur premier capitaine, leur capitaine en
second et leur brigadier, préposés (ju'on écoute « lorsqu'ils ont une
valeur personnelle », mais dont les ordres n'ont aucun effet quand ils
déplaisent aux citoyens. On peut dire que dans ces communautés minus-
cules l'unanimité seule a force de loi. Les fonctionnaires sont nommés par
acclamation dans les assemblées publiques et destitués de même*.
* Henri A. Coudrcau» France ÊquinoxiaU.
CHAPITRE II
ÉTATS-UNIS DU BRESIL
I
VUE GENERALE.
Le premier rang dans rAmérique latine appartient incontestablement au
Brésil*, inférieur seulement à trois grands États du monde, la Russie,
la Chine, les États-Unis, et rivalisant en étendue avec la Puissance du
Canada. Par la superflcie il égale presque l'ensemble des territoires
hispano-américains du continent méridional et ne leur cède guère par
le nombre des habitants; même en tenant compte des populations
du Mexique, de TAmérique Centrale et des Antilles espagnoles et fran-
çaises, le Brésil représente un tiers de tous les « latinisés » du Nouveau
Monde. Mais par le domaine que les Brésiliens occupent, aussi bien que
par leur origine et leur langage, ils contrastent avec leurs rivaux de
provenance castillane. Le Brésil offre dans sa forme et son relief une
opposition très nette avec les contrées andines qui se développent autour
de lui en un demi-cercle immense. Les plateaux et les crêtes des hautes
parties du Brésil font partie d'un système orographicjue tout différent de
' Superficie comparée des grands Étals du monde en 1895, non compris les empires coloniaux,
d'après Wagner, Supan et autres :
Russie d'Europe et d'Asie, sans les mers intérieures, Cas-
pienne et Aral, avec les iles et archipels 21125 000 kil. carrés.
Chine, arec la Mongolie, sans le Tibet ni la Corée. ... 9 915 000 » n
États-Unis, avec Alaska 9 551 500 » )»
Puissance du Canada, avec tout le Labrador et les archi-
pels polaires 8 191 000 > »»
Brésil 8 075 000 » »
92 iNOUVËLLE GËOGRAPUIE UNIVERSELLE.
celui des Cordillères, et même composent par leur ensemble comme un
autre continent, enchâssé dans le premier. Entre les deux se ramifient
les eaux des grands fleuves, l'Amazone et le Parana, aux sources entre-
mêlées. En aucune autre partie du monde vaste contrée n'a pareil réseau
de courants pour zone de pourtour.
Traversé par la ligne équatoriale, le Brésil diflere des États andins
par sa température plus élevée, sa nature plus tropicale. La pointe méri-
dionale du territoire pénètre seule dans la zone tempérée du sud : en
superficie ce n'est que la treizième partie de la surface totale. L'altitude
générale du Brésil étant très inférieure à celle des pays andins, le climat
y est plus chaud en proportion, et toutes les conditions de la flore, de la
faune, des populations sont autres. Le nom « Confederaçào do Equador »
pris en 1824 par Pernambuco et les États voisins, au climat brûlant, à
la riche végétation tropicale, aux habitants très mêlés d'Africains, était
beaucoup plus justifié que celui d'Ecuador attribué à la république des
hauts plateaux couronnés de glaciers; quoique l'équateur traverse ce
pays entre Quito et Ibarra, il n'est pas moins dans ses régions peuplées
une terre de vent et de froidure.
Un autre contraste du Brésil et des républiques hispano-américaines
provient de sa proximité relative avec l'Ancien Monde. La ligne la plus
courte entre la pointe extrême de l'Europe, au cap Sâo Vicente, et l'Amé-
rique du Sud aboutit au cap Sâo Boque, le promontoire oriental du Brésil.
Pernambuco est moins éloigné de Cadiz que ne l'est la Guaira ou tout
autre port avancé du Venezuela, sans toutefois que la diflerence soit
considérable; par le musoir occidental du continent africain les deux
mondes se rapprochent beaucoup plus. On sait que des navires à grande
vitesse pourraient franchir cette partie de l'Océan en moins de trois
jours et que le chemin de fer d'Alger à Saint-Louis et à Dakar aurait
pour prolongement naturel, dans l'autre continent, la voie de Pernam-
buco à Montevideo. Naguère, les négriers brésiliens reconnurent bien
l'avantage que présentait pour leur commerce cette proximité de la Guinée
et du Brésil : s'ils réussissaient à éviter les croiseurs anglais à leur sortie
des criques africaines, ils avaient toutes chances d'atteindre en une
semaine la plage convenue où les acheteurs assemblés les débarrassaient
aussitôt de leur marchandise vivante. Ce trafic n'existe plus, et pendant
longtemps toutes relations cessèrent entre les populations des deux rivages
opposés : elles reprennent entre le Brésil, le Congo et les colonies por-
tugaises de la Guinée méridionale; par un phénomène historique compa-
rable au rebondissement d'un corps lancé sur une paroi, on voit la civi-
BXPLORITIOH DU BRSSIL. SS
lîsaUon apportée d'Europe an Brésil se répercuter sur les terres qui lui
font face de l'autre câté de l'Atlantique. Des lois parallèles gouvernent la
pbjsiqne et l'histoire.
l'n document attribue la découverte du Brésil à un certain ioSo Ramalho,
lui mourut à Sào Paulo en 1580, après un séjour prétendu de qualre-
ïitigt-dii ans dans le pays*. Quoi qu'il en soit, l'histoire oublia ce prédéces-
seur de Colomb; mais on sait que, grâce au voisinage relatif de l'Europe,
le littoral brésilien fut découvert au moins huit années après le voyage de
' Luciano Conlciro, F Amérique et le* Porlugaû.
94 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Christophe Colomb, par une expédition qui ne se dirigeait pas même
vers le Nouveau Monde. Tandis que Vicente Pinzon et Diego de Lcpe,
poursuivant au sud les explorations commencées dans la mer des Antilles,
atteignaient la « mer douce » dans laquelle s'étalent les eaux jaunes de
TAmazone, Pedr' Alvarez Cabrai, cinglant au large pour contourner le
continent africain, en évitant la zone des calmes et prendre la route des
Indes Orientales, rencontrait une terre inattendue qu'il crut être une île.
Une colline, le monte Paschoal, signalait au loin le rivage; un port, qui a
gardé son appellation première, Porto Seguro, s'ouvrait à ses navires. Il
en prit possession au nom du Portugal, y laissa comme représentants de
sa nation deux condamnés qui devaient apprendre la langue du pays pour
devenir interprètes, et, sur une croix plantée près du port, fit graver
les armes de son souverain. Ignorant ce qu'était 1' « île » de la Vraie
Croix, fragment minuscule de la masse continentale dont Colomb, Hojeda,
Amerigo Vespucci, Pinzon, Lope avaient déjà reconnu les rivages sur une
longue étendue, l'Espagne ne revendiqua point ce petit domaine perdu
dans l'immensité de l'Océan et qui se trouvait d'ailleurs dans la moitié
du monde accordée au Portugal par la bulle d'Alexandre VI. Mais il
grandit avec les découvertes subséquentes et dépassa bientôt la limite
idéale tracée en 1494 par le traité de Tordesillas entre les deux hémi-
sphères, portugais et espagnol. Le nom de Vera Cruz, donné à la terne
découverte par Cabrai et changé peu après en celui de Santa Cruz, ne
se maintint que pour une rivière et une ville du voisinage : l'appellation
populaire de Brasil, appliquée jadis à une île ou région mystérieuse
dans laquelle croissaient les arbres de teinture et qui flottait dans
l'Atlantique devant l'imagination des marins, lînit par s'attacher à la
contrée nouvelle. Elle fut retrouvée Tannée suivante p.ar Andréa Gon-
çalvez Amerigo Vespucci à la baie de Todos os Santos, au bord de laquelle
s'élève la moderne Bahia.
Une fois connu, ce littoral reçut la visite de nombreux marins, parmi
lesquels de Gonneville et autres Dieppois : des 1505, les Normands y
avaient fait plusieurs voyages*, ^^ surtout pour y acquérir le braisil, qui
est du bois à teindre en rouge ». En 1509, toute la côte du Brésil
était explorée jusqu'à l'estuaire de la Plata : Vicente Pinzon et Diaz de
Sols y pénétraient. Les étrangers d'Europe occupèrent quelques lieux
de troc avec les sauvages, et en 1552 Martim Afl'onso de Souza fondait
deux colonies, Sâo Vicente et Piratiniriga, dans la province actuelle deSâo
« D'Avpzac, Nouvelles Annaleg des Voyages, 1869; — (iaffarel. Histoire dit Brésil français.
:l
PEUPLEMENT, HISTOIRE DU BRÉSIL. 97
Paulo, non loin de la cité moderne de Santos. D'autres groupes de Por-
tugais s'établirent à divers intervalles le long de la côte, et dès 1534
l'immense domaine royal était partagé en vastes capitaineries héréditaires,
concédées à des seigneurs auxquels on conférait des pouvoirs quasi royaux,
à la condition d'introduire des colons dans le pays et d'entretenir un
commerce des denrées locales avec la mère patrie. Mais ces grands feuda-
taires, indépendants les uns des autres, montraient aussi des velléités
d'insubordination à l'égard du souverain dont les séparait l'océan
équatorial, et pour consolider son pouvoir, le roi dom Jouo III établit
en 1549 un gouvernement général du Brésil dont le siège fut la cité de
Salvador, la Bahia actuelle, ainsi nommée de la grande ^ baie )> de Todos
os Santos.
La colonisation se Gt de proche en proche, moins par des alliances avec
les indigènes que par des conquêtes à main armée. Pourtant, dès l'année
où l'on fondait Bahia, les missionnaires jésuites pénétraient dans l'in-
térieur pour catéchiser les naturels et commençaient le réseau d'explo-
rations qui devait les mener jusque dans le Paraguay, chez les Gua-
rani, et vers les sources du Madeira, chez les Mojos et Chiquitos. Mais si
les Jésuites, protecteurs naturels des Indiens, appliquaient leurs efforts
à défendre leurs missions et à garder leurs catéchumènes disciplinés,
d'autre part les habitants de Sao Paulo et des autres capitaineries du
sud, les mamelucoz {membyruca)^ métis de blancs et d'Indiennes, qui
constituaient le gros de la population portugaise, ne voyaient dans les
indigènes que des esclaves à capturer et les pourchassaient comme du
gibier. De même, au nord de Bahia, des expéditions armées faisaient
le vide devant elles pour aller à la conquête des vastes régions qui
s'étendaient vers l'Amazone. A la fin du seizième siècle, le Sergipe,
le Parahyba du Nord, Natal et le cap Sâo Roque étaient annexés aux
colonies brésiliennes. Puis les Portugais s'emparaient de Cearâ en 1610,
et, poussant toujours plus avant, atteignaient en 1616 Para, la porte de
l'Amazonie.
En même temps que les colons portugais procédaient par la violence
à la prise de possession d'un territoire qu'ils eussent pu acquérir par de
libres contrats, ils avaient à se défendre contre des rivaux étrangers qui
leur Disputaient le riche domaine brésilien. C'est ainsi qu'en 1567 ils
reprirent aux Français la baie de Rio de Janeiro, où ils fondèrent la cité
qui devint plus tard la capitale des États-Unis du Brésil. En 1615,
encore sur les Français, ils reconquirent l'île de Maranhâo, à l'est du
golfe amazonien. Il leur fallut aussi repousser mainte attaque des cor-
XIX. 13
98 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
saires français et anglais, et pendant trente années, de 1624 à 1654, ils
virent se constituer à côté d'eux une autre colonie, celle des Hollandais,
qui, après avoir capturé temporairement la capitale du Brésil, Salvador,
établirent leur pouvoir sur toute la partie du littoral comprise entre le
rio Sao Francisco et le rio Grande do Norte, avec Pernambuco pour
chef-lieu, et possédèrent même pendant quelques années le Gearà et le
Maranhâo. Les armées portugaises étant impuissantes à récupérer le
territoire perdu, l'indépendance fut reconquise par les populations
elles-mêmes, blancs. Indiens et noirs, qui se révoltèrent contre les Hol-
landais et les expulsèrent de Pernambuco, après neuf années d'une
guerre incessante. En 1661, le Portugal et la Hollande célébrèrent la
paix, et depuis cette époque le Brésil n'a plus eu à combattre d'invasion
étrangère, les deux expéditions françaises, de Duclerc en 1710 et de
Duguay-Trouin en 1711, dans la baie de Rio de Janeiro, n'ayant été
que de simples courses de pillage. Duguay-Trouin prit la ville, qui dut
payer une forte rançon.
Pendant le cours du dix-huitième siècle, les Paulistas ou gens de Sâo
Paulo, les plus aventureux de tous les Brésiliens, continuèrent leurs ban-
deiras plus avant dans le Grand Ouest, à la recherche de terres nouvelles.
Ils en rapportaient de l'or, des diamants, des essences précieuses, et, pour
revenir facilement sur leurs pas, ils laissaient des postes d'attente à la
traversée des collines, à l'issue des vallées, au confluent des rivières. C'est
ainsi que le Goyaz et le Malto Grosso se trouvèrent graduellement annexés
au Brésil oriental. Bien plus, les Paulistas, rivaux des Jésuites pour la
possession des Indiens, envahirent aussi le territoire espagnol, dans les
<c Missions » du Paranà, au Paraguay, et par delà le Mamoré, jusqu'en
Bolivie et sur les avant-monts du Pérou, accroissant d'année en année le
domaine revendiqué par les gens de langue portugaise. La zone mysté-
rieuse qui séparait les montagnes brésiliennes des contreforts andins se
rétrécissait peu à peu au profit des sertanejos brésiliens. Ceux-ci avaient
appris à connaître, sinon tout le cours des fleuves qui descendent à
l'Amazone, du moins la région des sources; l'ensemble de la contrée,
jadis indéterminée, sans limites, commençait à présenter une certaine
unité géographique. A la veille des révolutions qui devaient lui donner
son indépendance nationale, le Brésil se révélait dans son immense
étendue.
L'intervention des « Indépendants » de Pernambuco contre les domina-
teurs hollandais avait été, dès le milieu du dix-septième siècle, le
premier indice de la formation d'une nationalité. Elle s'était alors révélée
HISTOIRE DU BRÉSIL. 99
contre des étrangers d'origine, de langue et de religion, mai^ pendant
les cent cinquante années qui suivirent, elle eut mainte occasion de se
tnanifester contre les Portugais eux-mêmes, qualifiés de a forains » ou
forasteirot. Au commencement du dii-huitième siècle, des insurrections
de natifs se produisirent, avec des succès divers, dans les provinces de
unnK:nita DrnmKn potinoon et FitomiB£s m
Sâo Paulo, de Minas Geraes, de Pernambuco. Après la proclamation de
l'indépendance nord-américnine, les mouvements nationaux devinrent
plus sérieux, et cette même année 1789, qui de l'autre côté de l'Océan
vit naître la Révolution française, marqua au Brésil l'écrasement de la
première conjuration républicaine, déjà préparée quelques années aupa-
ravant par les étudiants brésiliens qui résidaient en France. Un des
conspirateurs, Joaquim José de Silva Xavier, surnommé Tiradentes,
100 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
subit la peine du gibet en 1792. Les Brésiliens ont choisi cette date
comme le point de départ de leur nouvelle ère nationale \
Cependant le régime portugais se maintint encore pendant plusieurs
années, grâce aux conjonctures nouvelles que produisirent les guerres
napoléoniennes. Fuyant le Portugal, le prince régent dom Joâo dut
émigrer au Brésil et faire de Rio de Janeiro le cbef-lieu de sa mo-
narchie : le Brésil prit le titre de royaume et Ton commença de consi-
dérer le Portugal lointain comme la dépendance de son ancienne colonie.
Aussi Forgueil de la nation se trouva vivement froissé quand le gouver-
nement royal voulut rétablir l'ancien ordre de choses. En 1817, une
insurrection républicaine éclata dans Pernambuco, la ville patriotique par
excellence. Puis, en 1821, les cartes brésiliennes, s'opposant au départ
de dom Joao YI, furent dispersées par la force des baïonnettes; mais.
Tannée suivante, le régent dom Pedro eut à choisir entre le retour au
Portugal et le trône impérial du Brésil indépendant : il prit le trône.
Ainsi s'accomplit, presque sans conflit, la rupture définitive : la vaste
colonie se détacha de la métropole, près de cent fois moins étendue,
qui pendant trois siècles lui avait donné sa population, sa langue et ses
mœurs. Phénomène analogue à celui qui se présenta dans le monde
antique, lorsque la puissante Carthage se fit indépendante de Tyr, et que
les colonies de la Sicile, de la Grande Grèce, des Gaules et de ribérie
s'émancipèrent de la tutelle hellénique.
Devenu maître de ses destinées, le Brésil se montra dans son indivi-
dualité précise, contrastant avec celle des républiques espagnoles. Une
première opposition provenait du régime politique, dont les diflérences
étaient d'ailleurs plus apparentes que réelles ; car si la rupture violente et
des guerres acharnées avaient amené successivement tous les États amé-
ricains de langue espagnole à se donner des constitutions républicaines,
tandis que le Brésil s'érigeait en empire, ces États n'en étaient pas
moins des communautés à mœurs monarchiques, obéissant à des dicta-
tures militaires. Un contraste plus sérieux provenait des éléments ethni-
ques dont se composait la population mélangée des deux moitiés du con-
tinent sud-américain. Le Brésil, comme les États andins, a par centaines
des tribus indépendantes d'origine peu connue et croisées à l'infini, qui
vivent dans les solitudes; mais par ses populations indiennes, mélangées
avec les immigrants européens, il présente plus d'unité que les répu-
bliques espagnoles du pourtour continental. La plupart des nations abo-
> Ail. de Varnhagen, Historia gérai do Brazil.
HISTOIRE DU BRÉSIL. lOI
gènes du territoire brésilien, qu'elles appartiennent à une même ou à
nsieurs souches ethniques, ont pu s'ailier assez intimement, de l'Ama-
ne au Parand, pour qu'une « langue générale » les ait groupées en
le seule famille. A combien de peuples distincts par la provenance
a* ». — mÎMO. IT POITDGAL.
l'idiome, Arawak et Caraïbes, Muysca et Panches, Quichua, Aymani,
raucans, ont dû au contraire s'associer les Espagnols, qui représentent
inflnie diversité dans l'économie sud-américaine, de môme que leur pays
varié, de montagnes, de plateaux et de vallées!
Différant déjà notablement par les alliances de races faites avec les indi-
gnes, rAmérIque luî^itaniennc et l'Amérique espagnole contrastent plus
102 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
encore par la part de rélément africain qui entre dans leur population.
Sans doute, les Hispano-Américains se sont croises de noirs, principale^
ment sur les côtes de la mer des Antilles et des mers équatoriales, mais ce
mélange n'a guère d'importance en comparaison de celui qui s'est opéré
au Brésil entre Portugais et Guinéens. La proximité des deux cotes
presque parallèles a produit ce phénomène, capital dans l'histoire de la
fusion des races. Les esclaves noirs ont été importés dans les plantations
brésiliennes par millions, et quoique les cargaisons de chair humaine ne
comprissent d'ordinaire qu'un petit nombre de femmes, moins utiles que
les hommes pour le dur travail des champs, des familles se constituèrent,
les naissances égalisèrent les sexes, et les croisements de race à race
devinrent fréquents. On peut dire que la nation brésilienne, prise dans
son ensemble, est de sang mêlé, quoique la majorité se dise blanche
d'origine. Les sentiments de vanilé expliquent suffisamment que les
familles se réclament de leurs ancêtres libres et non de ceux qui furent
esclaves. Aussi toute statistique basée sur la déclaration des citoyens
serait-elle mensongère. Mais il importe peu. Quelle que soit la propor-
tion des croisements, l'égalisation se fait par la naissance même. Les
employés, de peau plus ou moins ombrée, ne font aucune difficulté de
reconnaître comme blancs tous ceux qui veulent se dire tels, et leur
délivrent les papiers qui établissent légalement la pureté de leur origine.
D'ailleurs le Brésilien libre, fût-il même du plus beau noir et n'eût-il
que des Guinéens parmi ses aïeux, n'en est pas moins considéré par ses
compatriotes blancs comme un égal.
Pourtant le Brésil, parmi les pays à civilisation européenne, maintint le
plus longtemps l'esclavage des Africains. Après avoir proclamé leur indé-
pendance nationale, les Brésiliens pratiquaient encore légalement la
traite des nègres : il fallut, en 1826, la pression menaçante du gouverne-
ment anglais pour que ce commerce fût officiellement aboli. Mais la con-
vention ne fut pas observée, et la traite continua en dépit des croisières
britanniques. Malgré radoption au Parlement anglais, en 1845, du « bill
Aberdeen », par lequel les marins de la Grande-Bretagne s'arrogeaient
le droit de pourchasser les négriers dans les eaux brésiliennes et même
de forcer Tentiée des ports, le trafic des esclaves continua presque sans
diminution jusqu'au milieu du siècle. La certitude de recevoir sur les
marchés brésiliens la somme de 400 francs pour chaque « paire de bras »
nègres, achetée 100 francs sur la côte de Guinée, avivait le commerce des
négriers, et l'on importait tous les ans de 50 000 à 80 000 esclaves : on
évalue à plus de 1 million et demi les noirs importés au Brésil de 1826
HISTOIRE DU BRÉSIL i03
à 1851 en violation des traités. Mais le gouvernement lui-même, poussé
par la volonté nationale, dut sévir à la Gn, en assimilant l'importation
des nègres à la piraterie. Dès ce moment, la fin prochaine de l'esclavage
ne pouvait faire l'objet d'un doute, car le nombre des assei'vis diminuait
d'année en année, tandis que la proportion des hommes libres s'accrois-
sait par l'excès des naissances et par l'immigration. La mortalité frappait
exceptionnellement les travailleurs noirs. En 1851, on évaluait à
2 200 000 individus la population servile de l'empire : elle n'était plus
que 1 500 000 en 1871 ; en vingt années, elle aurait diminué de 700 000,
soit un tiers environ *.
L'affranchissement entrait pour une certaine part dans la réduction du
chiffre des esclaves. Certes, quoi qu'on en ait dit, la servitude était au
firésil ce qu'elle fut dans toutes les possessions coloniales : les hommes
livrés au caprice d'autres hommes ont toujours à craindre des actes d'in-
justice et de cruauté; leur condition même les corrompt et les avilit. Les
fouets, les chaînes et menottes, les colliers de force et divers instruments
de supplice se trouvaient sur toutes les plantations; suivant le hasard
des héritages, des faillites et des ventes, on séparait la femme et le mari,
Mes parents et les enfants. Néanmoins, les planteurs brésiliens, d'un carac-
^re moins âpre que les propriétaires nord-américains, ne s'évertuaient
jpoint, comme ceux-ci, à justifier l'asservissement des noirs par des argu-
ments tirés de la Bible ou des cours d'anthropologie ; ils ne reprochaient
point au nègre le crime de sa peau ni la tache du péché attribué à
Cham, et n'érigeaient point en système la distinction des races. Ils n'inter-
disaient point l'instruction au nègre et n'avaient point promulgué de lois
pour rendre impossible toute émancipation. Sous la pression de l'opinion
publique, nationale et étrangère, les affranchissements devenaient de
plus en plus nombreux; en 1866, les couvents bénédictins libéraient
leurs seize cents esclaves; les hôpitaux et diverses administrations les
imitaient. D'autre part, les provinces du Nord et du Sud se débarras-
saient presque complètement de leurs « nègres de champ » par l'expor-
tation dans les caféteries des hommes encore asservis : l'institution
n'existait plus comme fait important que dans les districts du Centre.
Enûn, en 1871, année climalérique dans l'histoire des nations, fut
promulguée la loi d'émancipation progressive qui devait amener l'cxtinc-
lion de la servitude dans l'espace d'une génération. On proclamait la
« liberté du ventre », c'est-à-dire que tous les enfants à naître étaient
* Augustin Gochin, Revue des Deux Mondes, 1871.
i04 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
déclarés libres, mais sous la tutelle de leurs maîtres, qui pouvaient utiliser
les services de l'affranchi jusqu'à vingt et un ans, ou le céder à TÉtat
moyennant 1800 francs. Par la même loi on libérait tous les esclaves de
l'État, ceux de la Couronne et des successions tombées en déshérence. On
créait un fonds d'émancipation spécial et l'on facilitait les affranchisse-
ments. Fortement atteint par toutes ces mesures de transition, l'ancien
régime ne pouvait se maintenir dans un milieu économique nouveau, et,
malgré la résistance des planteurs, le Parlement abolit déûnitivement la
servitude, en 1888. Tel fut l'ébranlement causé par cette mesure, que du
même coup la forme politique du Brésil se modifia : d'empire unitaire
il se constitua en république fédérale, presque sans effusion de sang. A
de nouvelles conditions sociales devait correspondre un nouveau décor
gouvernemental. L'émancipation proclamée s'appliquait à 740000 indi-
vidus : ainsi, dans vingt années, le nombre des esclaves avait décru de
moitié. Mais si la servitude des noirs a disparu, le régime de la grande
propriété existe encore : ce fait domine la politique actuelle du Brésil,
donnant à l'immigration et à l'importation des travailleurs un mouvement
de recrudescence extraordinaire.
A maints égards, le Brésil, — « États-Unis du Sud », — peut se com-
parer aux États-Unis du Nord. Au point de vue géographique, les deux
pays offrent une curieuse ressemblance. D'une étendue énorme, ils occu-
pent tous les deux la partie centrale de continents symétriques ; ils sont
arrosés chacun par des fleuves d'un développement gigantesque, et, bordés
à l'est par d'étroites rangées de montagnes parallèles au rivage, ils s'ap-
puient à l'ouest sur la puissante épine dorsale du Nouveau Monde. Leur
histoire présente aussi une saisissante analogie malgré le contraste pro-
duit par la différence des origines, latine d'un côté et de l'autre anglo-
saxonne. Considérablement inférieurs aux Américains du Nord par le nom-
bre, l'industrie, la richesse, l'instruction moyenne, les Brésiliens n'en
passent pas moins par des évolutions parallèles à celles de la puissante
république du continent septentrional. Dans les deux contrées, le blanc
s'est trouvé d'abord en contact avec l'indigène, et l'a cruellement refoulé
dans rintérieur. Au Brésil comme aux États-Unis, il a importé le noir
esclave pour lui faire défricher le sol ; dans le continent du Sud comme
dans celui du Nord, s'est formée une aristocratie de planteurs dont le
pouvoir repose sur l'exploitation, presque le monopole, d'un petit nombre
de denrées. Sous la pression des mêmes causes, la féodalité brésilienne,
fortement ébranlée par l'abolition de l'esclavage, a dû, comme les États
mississippiens, s'accommoder h des situations économiques nouvelles;
HISTOIRE DU BRÉSIL 105
comme eux, elle cherche à maintenir ses privilèges en s'associant aux
banques urbaines et en utilisant les bras des immigrants de toute race.
De même que le Brésil, plus éloigné du monde européen, foyer primitif
de sa vie, a suivi de loin les colonies du Nord dans la déclaration d*indé-
pendance politique, de même il n'a passé que longtemps après elles
par la crise de l'émancipation des noirs et de l'invasion en masse des
colons étrangers. Mais le mouvement d'égalisation qui se produit d'un
iiout du monde à l'autre hâte les événements : un demi-siècle s'était
écoulé depuis la séparation des États-Unis d'avec la Grande-Bretagne
lorsque le Brésil commença de vivre également de son existence propre ;
une période moindre de moitié a suffi pour que l'abolition de la servitude
aux États-Unis fût suivie au Brésil d'un événement correspondant et de la
proclamation du régime fédéral républicain.
Les deux grandes puissances du Nord et du Sud ont eu également leurs
guerres de frontières. La république anglo-américaine, jadis privée de
libres communications avec l'océan Pacifique, et cherchant en outre des
territoires supplémentaires pour y introduire son « institution particu-
lière », l'esclavage, eut sa guerre contre le Mexique, qu'elle dépouilla de
la moitié de ses domaines. Le Brésil se trouva aussi entraîné à combattre
des voisins du Sud. Au nord, à l'ouest, les conflits sérieux eussent été
impossibles : de ces côtés les États hispano-américains se trouvent séparés
du Brésil par d'immenses espaces en partie inconnus, très difficiles à
traverser, déserts ou peuplés seulement d'Indiens sauvages. Le manque
de contact matériel entre les populations les empêchait d'avoir recours à
la force, et les discussions diplomatiques, à propos de frontières idéales,
s'assoupissaient par l'éloignement; mais au sud il n'en était pas ainsi :
la limite naturelle dans le corps continental est indiquée d'une manière
précise par l'estuaire de la Plata et le confluent de l'Uruguay. Toute autre
frontière est relativement artificielle. Aussi les conflits ont-ils été fré-
quents : la rivalité des intérêts mit les populations limitrophes souvent aux
prises et maintenant même (1895) le Brésil et l'Argentine, représentés à
Washington par leurs diplomates, revendiquent de part et d'autre un lam-
beau de ce territoire.
Au dix-septième siècle déjà, en 1680, les Portugais avaient fondé la
ville de Sacramento sur la rive droite de la Plata, à l'endroit où se Irouve
aujourd'hui Colonia, l'ancienne « colonie » portugaise. Durant près d'un
siècle les deux puissances rivales se disputèrent ce point si important du
littoral, qui finit par rester aux Espagnols. La période de transition qui
suivit la révolution de Buenos Aires, le soulèvement des populations
xn. u
106 NOUVELLE GEOGRAPHIE UMVEHSELLE.
créoles, permit à l'armée portugaise de reconquérir la Banda Oriental,
territoire qui est devenu la république de l'Uruguay, et pendant quelques
années le Brésil se trouva complété par la possession de toute la province
« Cis-Plaline ». 11 ne put jouir longtemps de sa conquête. Bientôt les
Cis-Platéens, presque espagnols par l'origine et la langue, s'insurgèrent
contre la domination des Lusitaniens du Nord, et, après une guerre de
trois années, dans laquelle les « Trans-Platéens » de Buenos Aires devin-
rent leure alliés contre Rio de Janeiro, ils réussirent à faire reconnaître
leur indépendance, en 1828. Depuis, l'Uruguay a gardé son existence
distincte, qui s'explique par l'antagonisme naturel des deux grands Ëtats
entre lesquels il resie enserré, au nord le Brésil, au sud et à l'ouesi
la Uépiiblique Argentine. Mais, comprimé par ces deux puissants voisins,
le faible Uruguay est condamné politiquement h la neutralité ou à la
complicité.
Au sud-ouest, les Brésiliens livrèrent d'autres combats, non pour
s'emparer de la limite naturelle que formerait le confluent du Paraguay et
HISTOIRE DU BRÉSIL. 107
du Paranà, mais pour assurer leurs frontières présentes et pour empêcher
la prépondérance de l'État militaire qui, sous la dictature de Solano
Lopez, risquait de détruire complètement l'équilibre des puissances dans
les régions de la Plata. La guerre, qui dura cinq années, de 1865 à 1870,
et dans laquelle on vit les armées des deux États platéens, Argentine el
Uruguay, se coaliser avec les forces brésiliennes de terre et de mer, fut
Tune des plus meurtrières du siècle, pourtant si fertile en conflits san-
glants. Il fallut assiéger le pays comme une place forte, Tentourer d'un
cercle de fer et de feu, graduellement resserré, et livrer bataille sur
bataille en affamant les populations : ce fut la destruction presque entière
d*un peuple^ un de ces désastres comme en raconte Thisloire des
siècles anciens.
Non seulement les guerres extérieures, mais aussi les révoltes intestines
témoignent des difCcultés qu'éprouve le Brésil à constituer définitivement
son assiette politique dans les districts méridionaux, voisins de la Plata.
Maintes fois la province de Rio Grande do Sul, limitée au nord par le haut
Uruguay et rattachée au reste du Brésil par une étroite zone côlière de
pays habités, se mit en rébellion ouverte, et même se constitua en répu-
blique indépendante. De 1855 à 1840, l'autorité de la capitale n'y était
point reconnue. Le nombre des habitants d'origine espagnole y est plus
grand que dans les autres parties de la contrée, et les mœurs, les relations
U)mmerciales donnent au Rio Grande, dans les cites platéennes, des
î€nlres d'attraction qui contrebalancent en partie celle des villes brési-
iennes du nord, Sao Paulo et Rio de Janeiro. Ce sont là des phénomènes
analogues à ceux qui se produisent dans le monde planétaire. Il est vrai
jue, d'après la législation actuelle, la république s'est constituée officielle-
Hfient en groupe fédératif d'États ; mais les déclarations de principes faites
2n haut lieu ne touchent point au fond des choses, et, malgré les résolu-
Lions et les discours, la lutte continue entre le régime de centralisation,
lel qu'il existait sous l'empire, et les exigences des populations qui récla-
ment leur autonomie administrative et politique.
D'ailleurs, l'unité géographique, et par contre-coup l'union morale des
provinces les plus éloignées du centre, ne peut que s'accroître par l'amoin-
drissement des distances et le peuplement des régions désertes naguère. Le
temps est proche où les éventails locaux des voies ferrées seront réunis en
un vaste réseau, des bouches de l'Amazone à la Lagôa Mirim, el déjà les
bateaux à vapeur rattachent port à port sur tout le pourtour océanique el
fluvial de l'immense territoire brésilien. Les villages, les villes se créent
sur les voies de communication nouvelles, el le fond, plus ou moins
108 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
c< trimétissé », d'origine lusitanienne gagne partout la prépondérance,
réduisant peu à peu les éléments étrangers dans la masse de la nation.
Toutefois rimmigration s'est accrue si rapidement en ces dernières années,
qu'elle a pris une importance de premier ordre et que, dans certaines
provinces, la race môme se trouvera fortement modifiée.
Sous le régime colonial, les immigrants portugais étaient seuls admis
dans les capitaineries, mais non sans une rigoureuse suiTeillance. La
colonisation ne paraissait bonne qu'à la condition d'être strictement con-
trôlée. Longtemps le gouvernement ne vit guère dans son vaste domaine
qu'une colonie de déportés : il y envoyait les d^gradado% ou condam-
nés privés de tous droits et ne tolérait qu'à demi l'émigration libre.
Après 1720, il rendit passible des peines les plus sévères tous les hommes
coupables de tentative d'émigration sans passeport spécial. Même on
voulut cantonner comme en un lieu d'exil ceux qui s'étaient rendus dans
le Nouveau Monde : tout déplacement devait faire Tobjet d'une supplique
adressée au ministère de Lisbonne. Néanmoins la population blanche et
croisée d'éléments européens s'accrut d'année en année, grâce à la salu-
brité des avant-monts côliers et des régions intérieures du Brésil, grftce
aussi à l'audace rebelle des Paulislas de l'intérieur qui s'établissaient libre-
ment partout où il leur plaisait, en méprisant les lois : c'est à eux surtout
que la nation brésilienne doit de s'être constituée. Lorsque le régime colo-
nial prit fin, après deux siècles et demi de dépendance administrative,
on comptait dans le Portugal du Nouveau Monde deux millions d'hommes
libres, les deux tiers de la population que renfermait alors le Portugal
de l'ancien continent, et tous ces Brésiliens voyaient leur mère patrie
dans ce même étroit littoral de la péninsule Ibérique.
Jusqu'à une époque récente, le Portugal garda, non par ses livres, son
industrie, son commerce, mais par ses travailleurs immigrés, le rôle pré-
pondérant dans son ancienne colonie : chaque année, quelques milliers
d'individus, presque tous dans la force de l'âge, venaient, des bords du
Douro et du Minho, de Madère et des Açores, renforcer l'élément lusitanien
dans les cités et les campagnes du Brésil ; on donne aux insulaires immi-
grés le nom A'Angico$y d'après Angra, jadis la capitale des Açores, et
peut-être est-ce d'après eux que sont désignés nombre de lieux brésiliens,
Angical, Arraïal dos Angicos. Quoique la séparation politique des deux
États et leur évolution autonome eussent fini par établir un contraste
bien net entre Brésiliens et Portugais, ceux-ci, grâce à la communauté
des origines, à la presque identité du langage, à la ressemblance des
mœurs, s'accommodaient au milieu nouveau et se confondaient rapi-
HISTOIRE DU BRËSIL. 111
dément avec l'ensemble de la nation qui les accueillait. Après les Portu-
gais, les Allemands furent les principaux colons du Brésil : en premier
lieu comme « engagés », puis comme immigrants libres. Terribk fut
la mortalité sur les malheureux faméliques importés par des compagnies
de spéculateurs sur les bords de l'Amazone ou dans la vallée du Mucury,
rivière de la zone tropicale qui descend des plateaux de Minas Geraes
pour séparer dans son cours inférieur les provinces d'Espirito Santo et de
Bahia; mais l'immigration allemande qui se porta vers les régions
tempérées du sud, dans Santa Catharina et Rio Grande do Sul, fut beau-
coup plus heureuse, et même prospéra si bien, que des patriotes ambi-
tieux purent croire à la naissance d'une « Allemagne nouvelle » entre
rUruguay et le Brésil, destinée à servir un jour d'arbitre entre les États
du Nouveau Monde. Il est vrai que les communautés germaniques de la
région du Rio Grande située à l'ouest de Porto Alegre étaient devenues
nombreuses et riches, ayant en même temps assez bien gardé leur grou-
pement national pour constituer presque un petit État dans l'État ; mais
leur force de cohésion est désormais rompue par l'invasion d'immigrants
d'une autre race, les Italiens, qui se précipitent en exode dans toutes
Jes parties du Brésil, et principalement dans les provinces du sud. Ce
nouvel élément, de langue latine comme les Brésiliens, et bien plus souple
que les Allemands dans l'adaptation au milieu, l'emporte de beaucoup
par le nombre sur tous les autres arrivants : ce sont incontestablement
les Italiens qui, par leurs croisements, contribueront le plus à modifier
la nation brésilienne, déjà si nettement caractérisée par le mélange des
sangs entre Portugais et Africains. Quant à l'influence des blancs de pro-
venances diverses, Français, Anglais, Américains du Nord, que le com-
merce et l'industrie ont appelés dans les cités du Brésil, elle s'exerce
surtout par un travail d'initiation aux connaissances, aux procédés, aux
conventions de la société moderne : après la guerre de Sécession, nombre
de « Sudistes » ruinés vinrent chercher fortune dans le pays, qui avait
le mérite à leurs yeux de maintenir l'esclavage des noirs. Toutes les races
sont représentées dans les Étals-Unis brésiliens. Déjà sous la domination
hollandaise les Juifs étaient puissants à Pemambuco, et si, plus tard,
l'Inquisition les poursuivit et les brûla par centaines, la plupart avaient
abjuré et s'étaient mêlés au reste de la population ; maintenant ils revien-
nent plus nombreux qu'autrefois, surtout d'Allemagne et de Russie. Les
Tziganes, descendants de ceux que le Portugal déporta au Brésil* au milieu
* F. Ad. de Varnhagen, Historia gérai do BraziL
112 NOUVELLE GËOGRAPIIIE UNIVERSELLE.
du dix-huitième siècle, errent un peu partout sur les plateaux; et les
Chinois commencent à se montrer dans les villes et les plantations.
Sous l'action de ce milieu, les Brésiliens se distinguent par un carac-
tère original. Physiquement ils ne sont point dégénérés, et sur les pla-
teaux ils se distinguent par la haute taille, la vigueur et l'adresse. On dit
les Lusitaniens d'Amérique patients, résignés, longanimes, persévérants,
doux et pacifiques, malgré les guerres fréquentes dans lesquelles ils ont
été entraînés. Leur génie naturel est peu ambitieux, mais ils ont une
remarquable souplesse d'intelligence, une rare facilité d'élocution :
comme les Hispano-Américains, ils sont un « peuple d'orateurs ». La
littérature brésilienne, disposant d'une langue qui ajoute au portugais un
nombreux vocabulaire et quelques tournures locales, témoigne d'une
imagination rapide et d'un sens très vif de l'harmonie. Avant la période de
l'Indépendance le Brésil avait déjà donné au Portugal un grand nombre
d'écrivains, entre autres Antonio José de Silva, qui fut brûlé à Lisbonne
par l'Inquisition, en 1739. La première conspiration républicaine, celle de
1789, coûta également la vie aux plus célèbres écrivains du Brésil, l'un
s'étant suicidé en prison, et deux de ses amis ayant succombé en exil.
José de Lacerda, le voyageur fameux qui traversa l'Afrique en 1798, était
un Brésilien, de môme que Gusmao, qui le premier parmi les physiciens
modernes, en 1709, fit monter un aérostat*.
Une ère de progrès matériel illimité s'ouvre pour le Brésil. Qu'il égale
seulement sa mère patrie, le Portugal, en densité de population, et déjà
quatre cents millions d'hommes en occuperont le sol; qu'il soit peuplé
comme les lies Britanniques, il aura un milliard d'habitants. Et certes, le
Brésil a tous les avantages naturels de la terre, du climat, des produits,
pour qu'il puisse suffire amplement aux besoins des foules qui viendront
s'y presser un jour. Grâce aux diflîôrences du relief et des latitudes, les
gens de toute origine y trouvent le milieu parfait (jui convient à leur plein
développement. Sauf les régions arctiques, les Etats-Unis du Brésil résu-
ment la surface entière de la planète, toutes les formes végétales de la
zone torride et des zones tempérées y prospèrent. A la flore brésilienne,
déjà si prodigieusement riche, s'ajoutent par racclimalement les flores de
tout le reste du monde. Pour les hommes comme pour les plantes, le
Brésil est une terre promise, et déjà plus qu'en aucune autre contrée de la
* Eduardo Prado, dans le Brésil par E. Levasseur.
GRANDES DIVISIONS DO BRESIL. 115
'erre l'homanité, représentée par blancs, rouges et noirs, s'y est connue
L fraternellement réconciliée.
Si vaste est le Brésil, qu'il se divise naturellement en grandes régions
istinctes, malgré l'unité géographique de l'ensemble, caractérisé par un
lassif presque insulaire de monts cristallins et archéens, à grande ossa-
(kfa rie Cr^.n^ ^t,
ire médiane prolongée du nord au sud, îi pentes rapides du côté de la
,er et à laides plateaux de séparation entre les versants fluviaux. Les
lyageurs qui, par leurs itinéraires et leurs études, ont mérité qu'on n'ou-
ie point leurs noms, ont dû presque tous se borner à l'exploration d'une
ule région ou seulement d'une de ses parties, d'un seul cours d'eau
ir exemple, tant la connaissance, même sommaire, du territoire immense
]
tu NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
exige de travail. Il convient donc de partager la description du Brésil en
chapitres distincts, où seront résumés les traits caractéristiques signalés par
les voyageurs et les géographes sur le relief, la ramure fluviale, la flore,
la faune et les habitants de chaque contrée. Les régions naturelles ne
confondent nullement leurs limites avec celles des anciennes « provin-
ces », les États qui constituent actuellement la république fédérative. Les
provinces eurent en effet pour la plupart une origine tout à fait arti-
ficielle : le caprice royal ou ministériel les découpa dans la région du
littoral et les prolongea dans Tintérieur sans même connaître les formes
de la contrée. Ces anciennes « capitaineries », dont le nombre et l'éten-
due varièrent suivant les incidents desquels dépendait la décision du
souverain, sont devenues les divisions politiques et administratives du
Brésil oriental, et plus tard on ajouta comme provinces nouvelles les
territoires occidentaux qui s'étendaient au loin dans les régions incon-
nues habitées par les sauvages. Là aussi, comme sur le littoral, on traça
sur la carte des frontières fictives, bien avant d'en connaître de réelles.
Si les questions de limites ne perdaient journellement de leur impor-
tance, si les tracés conventionnels n'étaient pas d'avance eflacés par le
mouvement d'égalisation qui donne aux hommes mêmes aspirations,
mêmes mœurs, mêmes intérêts, il serait nécessaire de changer entière-
ment les contours des États et de grouper ces divisions à nouveau pour
rattacher les districts à leurs centres d'attraction. Quant aux provinces
naturelles, elles n'ont guère de limites précises, et contrastent par de
larges traits avec les zones de transition d'une grande étendue où s'entre-
mêlent les caractères du sol, du climat, de la flore et les phénomènes
du développement historique.
Parmi ces diverses régions, l'Amazonie comprend à elle seule la moitié
de la République; elle serait même deux fois plus grande si l'on y ajoutait
toutes les parties du Venezuela, de la Colombie, de l'Ecuador, du Pérou,
de la Bolivie, qui appartiennent à son bassin, sur le versant intérieur des
arêtes andines. L'immense rivière qui forme l'axe central de l'Amazonie lui
donne une vie indépendante : la contrée constitue un monde distinct par
sa nature, ses produits, ses populations, et possède une issue directe, n'ap-
partenant qu'à elle, vers l'Europe et l'Amérique du Nord. Elle n'est encore
en relations avec le reste du Brésil que par les chemins de la mer. Au
sud, par les voies de terre, toutes communications, si ce n'est au sud-est,
sont empêchées par l'immensité des forêts qu'habitent des tribus sauvages :
un voyage en droite ligne de Manaos, chef-lieu de l'Amazonie, à Rio de
Janeiro, la capitale du Brésil, serait, sur une bonne moitié de sa longueur,
GRANDES DIVISIONS DU BRËSIL. 115
ane périlleuse exploration. Une escadre ennemie mouillée devant l'estuaire
de TAmazone suffirait pour couper le Brésil en deux moitiés presque
aussi distinctes que la France Test de T Algérie. Aussi n'est-il pas étonnant
que les populations, civilisées qui vivent sur les bords du grand fleuve
aient toujours subi la domination de Rio de Janeiro avec une certaine
impatience.
£n dehors de TAmazonie, ce qui reste du Brésil se divise en provinces
naturelles moins nettement délimitées, quoique oflrant aussi des contrastes
marqués. Le grand espace ovalaire dans lequel se développent les deux
Heuves jumeaux Araguaya et Tocantins et qui répond à peu près à l'État de
Ck>yaz, constitue une de ces régions géographiques, s'appuyant à Test sur la
chaîne épinière du Brésil central, qui se proGledu nord au sud jusqu'au
centre principal de diramation des eaux fluviales.
Le musoir de Pernambuco sert de borne à une autre région. Ces
terres avancées qui brisent les eaux du grand courant équatorial et le
partagent en deux fleuves maritimes s'écoulant en sens inverse, séparent
le versant des rivières qui vont se jeter dans le golfe amazonien et le
bassin du Sâo Francisco. Les États de Maranhâo, Piauhy, Cearâ, Rio
Grande do Norte, Parahyba, Pernambuco, Alagôas, très rapprochés de la
iigne équatoriale, et cependant réputés pour la salubrité de leur climat,
da moins dans les campagnes bien exposées au vent de mer, sont des con-
trées à faible relief, aux vastes plateaux ou sertàos peu boisés, aux
ooUines mouchetées d'arbustes et de broussailles, habitées par des
éleveurs de bestiaux que des sécheresses prolongées condamnent pério-
diquement à la misère ou à l'émigration. De larges plateaux en demi-
CMrcle, surmontés par une saillie de montagnes, tournant leur convexité
"Vers le sud et dressant quelques-unes de leurs croupes à plus de
^000 mètres, séparent le versant côtier, notamment celui de la rivière
I^amahyba, et les bassins du Tocantins et du Sao Francisco.
L'entre-deux des montagnes et des hautes terres dont les eaux s'écou-
lent vers l'artère médiane du Sâo Francisco, parallèle au rivage de l'Océan
en amont de ses déûlés de sortie, constitue une autre province naturelle,
appartenant aux deux États de Bahia et de Minas Geraes, celui-ci le plus
populeux de la République, son véritable centre par le climat, la flore,
les habitants, aussi bien que par la position géographique. Les États de
la zone côtière, qui se succèdent au sud du Sao Francisco, Sergipe,
Bahia, Espirito Santo, Rio de Janeiro, constituent le versant extérieur du
bassin parcouru par le Sâo Francisco et possèdent tous ses débouchés
naturels par les cols des monts et les gorges des rivières. Cette zone rive-
116 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE
raine présente une inclinaison plus rapide vers la mer que celle des
sertâos du nord; les montagnes y sont plus hautes et plus rapprochées
de la côte, les fleuves plus rapides et d*un flot plus abondant; la flore,
alimentée par les pluies régulières qu'apportent les alizés, y est beaucoup
plus riche et plus variée. Le climat y parait moins salubre; là cependant
s'élève Tune des deux plus grandes cités du Brésil, Bahia, Fancienne
capitale, d'ailleurs séparée des régions populeuses du sud par un littoral
relativement peu habité, vers le milieu duquel se trouve le port où com-
mença l'histoire du Brésil par le débarquement d'Alvarez Cabrai.
Rio de Janeiro, la capitule moderne, occupe une zone distincte, bien
limitée au nord par la profonde vallée du Parahyba et formant une bande
étroite de littoral autrement orienté que le reste de la côte. Par la pente
naturelle du sol et la direction des rivières, cette partie du Brésil se ratta-
che aux plateaux de Sâo Paulo, mais une forte part de sa population a
essaimé vers le haut bassin du Sâo Francisco, qui constitue pourtant une
autre province naturelle.
A l'ouest de Minas Geraes et de Goyaz, TÉtat de Matto Grosso, où
s'élèvent les faîtes de partage entre les fleuves amazoniens et ceux qui
descendent à l'estuaire de la Plata, forme aussi une région à caractère
distinct, contrastant par ses bouquets d'arbres, ses forêts éparses, ses
rideaux de verdure le long des rivières, avec les selves immenses de
l'Amazonie et les plaines herbeuses des régions platéennes. Dans ce Grand
Ouest brésilien, les populations aborigènes, graduellement refoulées,
luttent encore contre la prépondérance des immigrants européens et
métissés.
Le Brésil méridional, au contraire, que parcourent le Paranâ, l'Uruguay
et leurs affluents, n'a plus guère d'Indiens parmi ses habitants, et même
les Européens de sang pur, accrus par une immigration très rapide, y
sont beaucoup plus nombreux en proportion que dans toute autre partie
de la République. Mais, dans ce Brésil du midi, l'État de Rio Grande do
Sul, souvent déchiré par les partis, constitue un ensemble géographique
distinct, presque une île : l'Uruguay à l'ouest et au nord lui donne
une limite dos plus précises, et si le territoire des anciennes Missions que
la République Argentine dispute au Brésil est enlevé à ce dernier, Rio
Grande ne tiendra plus aux autres États que par une sorte de pédoncule.
Cette région forme une zone médiane entre le Brésil proprement dit et
* Superficie et population probables du Brésil, non compris le « contesté » britannique et celui
de TAraguary :
8 075 000 kilomètres carrés; 16 000 000 habitants; 2 habitants par kilomètre carré.
GRANDES DIYISIONS DU BRSSIL, AMAZONIE. 117
les contrées platéennes, mais diffère pourtant beaucoup des pampas
ai^ntines par les inégalités de son relief, sa végétation arborescente et
les mœurs de sa population agricole .
Dans la nomenclature géographique des lieux et des villes, les appella-
tions d'origine indienne, et spécialement tupi, ne sont guère moins nom-
breuses que les noms de provenance portugaise : du moins ont^-ils Favan-
fage d*avoir presque tous un sens très clair, exprimant quelque fait de la
nature, la couleur des eaux courantes, la hauteur, la forme ou Taspect des
rochers, la végétation ou Taridité de la contrée'. Il se produisit même un
csertain mouvement national en faveur du remplacement des vocables por-
tugais par des mots tupi, et le dernier changement politique eut pour
.oonséquence de donner aux cartes une physionomie plus indienne. Ces
noms d'Imperatriz, de Principe Impérial et tant d'autres dus à la flatterie
ont fait place à des mots tupi, de forme moins familière aux yeux euro-
péens, mais d'un réel intérêt géographique. D'ailleurs Thomonymie des
termes, aussi bien tupi que portugais, est extrêmement fréquente. Chaque
ï!tat a son Iguassû et son Parani Hirim, sa Chapada Grande, son Bom
Jardin et sa Bda Yista ; sur la côte orientale du Brésil on ne compte pas
moins de trente-neuf villes ou villages du nom • de SSo Jo3o, et dans
l'intérieur des terres combien d'autres encore' I On désigne d'ordinaire les
filages sous le nom de povoaçao : le terme d'aldeia, que l'on emploie
au Portugal, n'est appliqué dans la république brésilienne qu'aux villages
dlndiens. Dans les Minas Geraes on se sert du mot arraial ou « cam-
pement», dû aux anciens chercheurs d'or, qui s*établissaient temporaire-
ment h proximité de leurs chantiers'.
II
AMAZONIE.
Mtats d*aiiaionab et de para.
Ce nom, même appliqué h la seule partie du bassin fluvial que reven-
dique le Brésil et sans le versant du Tocantins, considéré parfois comme
appartenant au système hydrographique de l'Amazone, désigne un espace
territorial sept fois plus grand que la France, mais n'ayant, malgré son
peuplement rapide, guère plus d'un demi-million d'habitants, tant sau-
•
* Ph. Ton Martius, Nùmina aliqitot locorum in lingua tupi,
• J. C. Fremont et R. H. Orr, The Eoêt Coast of South America.
> De Rio Braiico,iVote« manwtcritei.
118 NOUVELLE 6Ë0GRAPH1E UNIVERSELLE.
vages que civil isés^ Au point de vue administratif, l*Amazonie forme les
deux États d*Amazonas et de Para, quoique ce dernier se trouve partiel-
lement en dehors de la région amazonienne, et que la capitale, Belem
ou Para, porte commerciale des innombrables avenues de navigation,
soit située à Test du bassin, sur un détroit latéral.
Le fleuve des Amazones, le cours d'eau le plus abondant de rAmérique
du Sud et du monde entier, est déjà l'un des grands cours d'eau du
continent à Tendroit où il pénètre dans le territoire du Brésil, au pied des
hautes berges de Tabatinga. Depuis les Andes de Huanuco, il a parcouru
Tespace de 2400 kilomètres, d'abord dans sa haute vallée des monts,
parallèle au littoral du Pacifique, puis dans les défilés ou pongos par
lesquels il échappe aux régions andines, et dans les plaines des Maînas
où son flot se déroule de méandre en méandre. Il a déjà recueilli le Chin-
chipe, le Paule, le Morona, le Pastaza, le Iluallaga, l'une des voies maî-
tresses du Pérou oriental, le large Ucayali qui lui apporte les eaux du
Pérou méridional et qui est le véritable fleuve par la richesse de sa ramure
et la longueur de son cours; il a reçu également le Napo, qui porta les
barques de Gonzalo Pizarro et d'Orellana, premier navigateur de l'Ama-
zone; enfin, il s'unit au Javary, dont le lit constitue la limite politique
entre le Pérou et le Brésil. Là, sa masse liquide dépasse celle du plus
grand fleuve d'Europe, et pourtant il lui reste à traverser les deux tiers
de la largeur du continent, à se mêler à d'autres mers en mouvement,
comme le Japura, le Purûs, le rioNegro, le Madeira, le Tapajoz, le Xingii,
puis à s'élargir en un prodigieux estuaire, qui est encore le fleuve et
déjà l'Océan. Dans son long parcours, le courant, dont le chenal a toujours
au moins 50 mètres de profondeur, change trois fois de nom, comme si
les riverains n'avaient pas la force d'embrasser son ensemble fluvial. Dans
les limites du Pérou on l'appelle Maraiion ; de Tabatinga au confluent du
rio Negro, il devient le Solimôes ou Alto Amazonas, et seulement son
cours inférieur est désigné spécialement comme rio de las Amazonas.
Les Indiens de ses bords voyaient en lui le Parana Tinga ou a Fleuve
Blanc », le Parana Guassu ou « Fleuve Grand )>, et le disaient aussi sim-
plement Para « ou « Fleuve » par excellence, nom (juc s'est approprïé
une des coulées latérales qui se rattachent à l'Amazone ; enfin, les Brési-
' Bassin de TAinazonic, avec le Tocantins, d'après Chichko : 6 ^450 000 kilomètres carrés.
)) » sans ^ft )) i) 1) 5 50 i 000 » »
Amazonie brésilienne '. ô 020 000 )> »
Étatd'Amazonas. . . . IT'JOOOOkil. 90 000 bahitanls. O.O:» liai), par kil. carré.
» de Para 1070 000 » 450 000 » 0,0i » » »
: I
FLEUVE DES AMAZONES. 121
liens ont appliqué à leur majestueux courant le surnom poétique de Rio-
Mar ou « Fleuve-Mer ». Les missionnaires de diverses dénominations se
disputaient aussi le droit de baptiser le fleuve : on l'appela San Francisco
de Quito, San Ignacio de Quito, San Domingo de Quito*. Avant que la
vapeur en fit un grand chemin du monde, FAmazone était rarement visité.
Le missionnaire Fritz en donna la première carte en 1690 et La Con-
damine la rectiûa après son voyage de 1749; puis, dans ce siècle, se
succédèrent les beaux voyages des explorateurs Spix et Martius, de Castel-
nau, Hemdon, Gibbon, Orton, Myers, Spruce, Wallace, Bâtes, de la
Espada, Agassiz, Hartt, Barbosa Rodrigues. José da Costa Azevedo a
dressé la carte du fleuve jusqu'à la frontière péruvienne. Une autre carte
hydrographique, par Tardy de Montravel, figure le cours du bas fleuve.
A son entrée dans le territoire du Brésil, la puissante rivière, dont le
niveau moyen se trouve à 82 mètres seulement au-dessus des eaux de
TAtlantique ' et qui n'a plus qu'à s'écouler d'un mouvement égal vers
son estuaire, a déjà près de 3 kilomètres de rive à rive et présente l'aspect
d'ampleur et de force qu'elle garde jusqu'à la mer. Successivement, chacun
des tributaires vient mêler son flot à celui du fleuve majeur, tantôt à tra-
vers un dédale d'iles boisées qui masquent le confluent, tantôt par une
large embouchure s'ouvrant jusqu'à l'horizon. Ici les eaux des deux cou-
rants ont la même nuance, contenant la même part de troubles enlevés aux
berges; ailleurs, les ondes différent, et des masses liquides, plus vaseuses
ou plus claires, plus blanches ou plus rougeâtres, ou bien noires, quoi-
que transparentes, viennent se heurter au rempart mobile de l'Amazone
jaunâtre, et soudain rejetées en aval, puis comprimées le long de leur
berge, se rétrécissent graduellement pour disparaître dans le courant plus
puissant qui les fait tourbillonner sous sa pression latérale et les engloutit
enfin en un dernier remous. Ainsi chaque affluent, se perdant au sein du
fleuve, raconte un peu de son histoire géologique par sa nuance et sa
teneur alluviale.
Les affluents septentrionaux de l'Amazone s'écoulent d'une bande de
territoire deux fois moindre en largeur que les affluents méridionaux, et
par conséquent, si abondants qu'ils soient, n'apportent qu'une masse
liquide beaucoup moins forte. Toute proportion gardée, ce doit être ccpen-
* Marcos Jimenez de la Espada, Bolelin de laSociedad Geogrâfica de Madrid, 1891.
' José da Costa Azevedo, Mappa do rio Amazonas. Le niveau du fleuve à Tabatinga, d*apràs
Orton, serait de 77 mètres; de 80 mètres, d'après Agassiz. Les premici^ observateurs, trompés jiar
les irrégularités de leurs baromètres, avaient trouvé des hauteurs beaucoup plus considérables :
300 mètres d*après Spix et Martius; 97 mètres d*après Castelnau.
m. 16
122 NOUVELLE GËOGRAPUIE UNIVERSELLE.
dant un tributaire du nord, Tlça, — le Putumayo des Colombiens, — qui
roule la plus forte quantité d'eau, car ses hautes sources, nées au nord
et au sud de la ligne équatoriale, descendent du versant oriental des
montagnes de Quito, qui reçoivent tant d'averses pendant toutes les
saisons de l'année et où l'atmosphère est si constamment obscurcie par
pluies ou brouillards qu'il faut toujours se diriger à la boussole*. Le
Putumayo est une de ces rivières qui par leur prodigieux ^travail d'éro-
sion ont déblayé en grande partie le système des Andes et l'ont réduit
dans l'Ecuador h un pédoncule étroit entre les masses beaucoup plus
larges de la Colombie et du Pérou. Le fleuve naît dans une partie plus
large des Andes, où elles s'épanouissent en éventail pour embrasser le
bassin du rio Magdalena : le Guames ou Guamues, l'une de ses sources
maîtresses, sort du Cocha ou « Lac » par excellence, qui réfléchit dans ses
eaux le cône du volcan colombien. Le Guames n'est pas navigable, mais
de fortes rivières, accourant de toutes parts, ont bientôt grossi le Putu-
mayo, et dès la sortie des avant-monts il porte des bateaux d'une calaison
de 2 mètres. Le flot, se dirigeant au sud-est, suivant un angle très aigu
avec le fleuve des Amazones, n'a qu'une faible pente pour un cours déve-
loppé très considérable, et le flot glisse d'un mouvement égal sans cas-^
cades ni rapides, comme font les tributaires supérieurs de l'Amazone.
' Les voyages des Jésuites, celui de Juan de Sosa en 1609, sur le Putumayo,
ont été oubliés, et l'on connaît seulement le fait de la descente du
général Obando, poursuivi par les troupes du gouvernement colombien.
Le mérite de la première exploration connue revient à Rafaël Reyes,
qui, en 1874, se laissa porter par le courant du Putumayo dans toute
sa longueur, de son affluent le Guineo jusqu'à son embouchure. Depuis
cette époque le commerce des écorces de chinchona a rendu les voyages
assez fréquents. Simson en 1876, et Crevaux en 1879, ont aussi navigué
sur l'Iça-Putumayo et en ont décrit le cours. On mentionne souvent cette
rivière dans les protocoles des diplomates sud-américains, ?e bassin
supérieur en étant débattu entre l'Ecuador et la Colombie, tandis que
ce dernier État réclame la possession de la rive gauche jusqu'à l'embou-
chure. LeRrésil a fixé sa frontière au Mrari, à 355 kilomètres en amont
du confluent de l'AmSzone, et une commission hydrographique a dressé la
carte de toute cette partie d'aval. En territoire brésilien, le fleuve n'est
plus désigné que sous le nom d'Iça, donné par les Omaguas. De même
que le Napo, le Japurâ et les autres fleuves amazoniens nés dans l'Ecuador
* Edw. Whymper, TraveU amongêt the great Andes ofthe Equator.
FLEUVE DES AMAZONES, IÇA, JAPURÂ. 195
et en Colombie, Flça apporte des traînées de ponces arrachées aux pentes
des volcans, et Ton retrouve ces pierres en amas dans toutes les berges
argileuses de l'Amazone, En 1698, une éruption terrible du Carihuairazo
changea le Pastaza et le Solimôes en « fleuves de boue », dit le mission-
naire Samuel Fritz, et les Indiens s'imaginèrent que cette couleur de Teau
devait être attribuée à la colère des dieux*.
Le Japura (Hyapura) nait dans les Andes colombiennes à une faible dis-
tance au nord du Putumayo, et l'un des principaux explorateurs de cette
rivière, Crevaux, a pu franchir à travers les forêts le faîte peu élevé qui
sépare les hauts affluents des deux bassins. Les cours des deux grandes
rivières sont à peu près parallèles, si ce n'est que le bas Japurà se reploie
pour couler directement à l'est, comme entraîné dans le même sens que
TÂmazone, auquel le rattache tout un labyrinthe de canaux. Mais le
Japura n'a pas encore égalisé sa pente comme le Putumayo. Vers le tiers
de son cours, en aval de la sortie des Andes, il atteint le rebord d'un
plateau de grès qu'il entame profondément. Les deux falaises coupées en
murailles blanches, aux puissantes assises, resserrent le courant à droite
et à gauche; la masse liquide, large de sept à huit cents mètres en amont,
se resserre à une soixantaine de mètres, puis, échappant à ce premier
déGIé, plonge en un violent rapide. Plus bas, les terrains du plateau
gréyeux se rapprochent en une nouvelle cluse entre des berges « si hautes
que les aras y font leurs nids » : d'où le nom d'Araracoara donné à ce
deuxième rapide, suivi d'une cascade de 50 mètres; c'est jusque-là que
Spix et Martius, Silva Coutinho et d'autres ont remonté le fleuve ; peu de
iroyageurs ont poussé plus loin. Avant d'entrer dans les plaines amazo-
niennes, le Japura franchit encore, par un petit saut, le dernier gradin
de grès qu'au sud-ouest l'Iça doit traverser aussi, au « Pas des Thermo-
pyles », mais sans y perdre la placidité de son courant'. La rivière Apa-
puris, qui rejoint le Japura en aval des rapides, est considérée par les
Brésiliens comme la limite politique entre leur Amazonie et le terri-
toire colombien, tandis que les diplomates de la république hispano-
américaine revendiquent comme frontière le furo d'Avali Paranà qui
sort du Solimôes et descend au Japura par des terrains noyés. Dans
cette partie de son cours, l'Amazone est donc le tributaire du Japura, qui,
200 kilomètres plus bas, lui rapporte par de nombreux canaux son énorme
masse liquide. Même par delà le confluent, sur un espace non encore
* Marcos Jimenez de la Espada, Boletin de la Sociedad Geogrdpca dé Madrid, 1880.
* Jules Crevaux, Tour du Monde, \" semestre 1881.
134 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
mesuré, que l'on peut évaluer au moins à une centaine de mille kilo-
mètres carrés, jusqu'au rio Negro, l'entre-deux des grands courants
fluviaux est occupé par un dédale de lacs et de rivières qui changent
de forme suivant les crues, sous la pression alternante des eaux du Soli-
môes et de celles du Japurâ. Si le bassin de l'Amazone fut jadis une mer
intérieure, ainsi que tout semble l'indiquer, la région à demi lacustre,
à demi émergée, qui sépare le bas Japuni du Solimôes, est celle qui rap-
pelle le mieux l'ancien aspect. En cet endroit, le cours fluvial n'est pas
encore parfaitement achevé.
Entre l'Iça et le Japurâ, le Solimôes a reçu du versant méridional plu-
sieurs rivières, entre autres le Jutahy (Hyutaï) et le Juruâ, qui, dans toute
autre région que l'Amazonie, seraient tenus pour des fleuves puissants; au
Brésil ce sont des courants de troisième ordre, dont les bassins n'ont
d'ailleurs pas encore été reconnus en entier : Chandiess remonta le Juruâ
en 1867 sur un espace de 1814 kilomètres, y compris toutes les sinuo-
sités du lit'; à l'endroit où il dût commencer la descente, pour éviter les
attaques des Indiens Nauas, la rivière avait encore une dizaine de mètres
en profondeur et 120 mètres de large. Une autre rivière du sud, le Teffé
ou « Profond », rejoint le Solimôes à une petite distance en aval des
bouches du Japurâ. Puis vient le Coary, aux eaux noires, et, toujours sur
■ Journal oflhe R. Geograpliicat Society, ■
JAPURÀ, PURÛS. 125
ia même rive, le Purûs s'unit au fleuve principal par plusieurs bras,
enfermant des forêts insulaires. Cette grande rivière, dont le débit annuel
dépasse probablement celui du Japura, naît à la base des Andes péru-
viennes, mais sans recevoir de gaves descendus des montagnes comme les
hauts affluents du Putumayo et du Japura. Le Purûs, de même que le
Jutahy, le Jurué, le Tefle, le Coary, est un fleuve de plaines : son énorme
masse liquide lui est donnée par la pluie, non par les neiges. Ses plus
hautes sources se trouveraient entre 320 et 550 mètres* : TUcayali à
l'ouest, le Madeira au sud, l'enveloppent de leurs bassins supérieurs dans
les vallées des Andes. Avant le milieu du siècle, un certain Joâo Cometa,
puis, en 1852, un Brésilien de Pernambuco, Serafim, explorèrent le
Purûs pour le gouvernement brésilien, l'un à 1200, l'autre à 2100 kilo-
mètres du confluent; mais la première expédition vraiment sérieuse,
en 1860, fut dirigée par le mulâtre Manoel Urbano, et ce voyageur fut
aussi le principal informateur de William Chandless, qui, en 1864 et
1865, suivit le cours fluvial et^son affluent l'Aquiry en fixant les points
astronomiques et en dressant la carte : un des affluents gauches du Purûs
a reçu le nom de Chandless. Depuis, Brown et Lidstone, Ehrenreich,
Labre, ont aussi étudié avec soin tout le cours inférieur du Purûs.
Le premier bateau à vapeur qui en 1862 remonta le fleuve jusqu'à
1300 kilomètres de Tembouchure, portait le botaniste Wallis.
Extrêmement tortueux, le Purûs, dont le développement total dépasse
3000 kilomètres, déroule ses anneaux en une infinité de petits méandres,
composant eux-mêmes dans leur ensemble des circuits de plus grande
amplitude, arcs dont les flèches pointent alternativement vers le sud-est et
le nord-ouest. La direction générale du courant, parallèle à tous les autres
affluents méridionaux, est celle du sud-ouest au nord-est : les divers tri-
butaires, Aracà, Hyuacu, Aquiry, Pauynim, Mucuim, Tapaua et autres,
s'unissent presque tous au Purûs vers la convexité de Tune des grandes
serpentines du fleuve. Bien plus encore que Tlça, le Purûs peut être
considéré comme un type de courant des plaines : il coule en entier
dans l'ancienne dépression au centre de la méditerranée amazonienne.
Dans toute son étendue le cours est déblayé d'obstacles : il n'a point de
rapides; les îles même y sont rares. Le lit sinueux, qui ne présente
d'autre différence, de Tamont à l'aval, que sa largeur croissante, et où
le batelier se reconnaît par des indices qui échappent au voyageur pas-
sager, offre en son mouvement uniforme une succession de « cingles i) et
» W. Chandless, Journal ofthe R, Geographical Society, 1866.
126 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
de « baltures », de falaises érodées et de plages. D'année en année, les
méandres se déplacent par Técroulement des berges et raccroissement des
grèves. En.de rares endroits, les bords du Purûs consistent en « terre
ferme », c'est-à-dire en promontoires d'argile rouge élevés au-dessus du
niveau des inondations. La masse dans laquelle le courant ronge ses berges
est dite varzea et comprend des sables et des argiles multicolores^ puis
au-dessous vient ïigapô^ la terre des battures que recouvrent les moin-
dres crues. Les oscillations de niveau causées par les pluies sont indiquées
sur le pourtour des bancs de sable par la végétation des saules et autres
arbustes, s'étageant à des hauteurs diverses au-dessus du flot de maigre.
L'amplitude des crues, même à peu de distance en amont du confluent
de l'Amazone, n'est pas moindre de 18 mètres. Au plus haut de son
courant le Purûs emplit toute sa vallée entre les faites latéraux; de bord
à bord, il n'a plus un kilomètre, mais vingt, et même trente : les eaux
tamisent leurs troubles dans l'immense crible formé par les arbres de la
forêt. Dans celte saison, des bras latéraux s'ouvrent vers l'Amazone, mais il
ne parait pas probable que les furos de communication tracés sur d'an-
ciennes cartes entre le Purûs et le Madeira existent réellement.
Entre ces deux affluents majeurs, le rio Negro, la « rivière Noire »
— le Guiari ou Paranâ Pixuna — s'unit au Solimôes pour former avec
lui le courant des Amazones. Parmi tant de cours d'eau qui portent le
même nom, le rio Negro roule la plus forte masse liquide; c'est aussi le
plus connu et nul ne mérite mieux cette appellation. Tous les voyageurs
qui, après les explorateurs et missionnaires espagnols et portugais, ont
visité le rio Negro, Humboldt, Wallace, Agassiz, Spix, Martius, Coudreau,
ont été frappés du contraste que présentent les rivières blanches du
bassin, travei'sant des régions argileuses, et les rivières noires, moins
chargées de troubles, mais contenant par l'eifet de la décomposition des
plantes plus de substances humiques; d'autres rivières du bassin roulent
un flot bleu. L'eau du rio Negro est limpide et transparente, malgré sa
nuance jaunâtre sous une faible épaisseur, brune, puis noire en couche
profonde ; d'ailleurs fort désagréable à boire, elle serait même malsaine.
Le contraste le plus net des deux eaux se présente au confluent du rio
Negro et du rio Branco, « rivière Blanche », presque laiteuse, qui descend
des savanes limitrophes de la Guyane anglaise. Les deux courants se
longent comme deux fleuves distincts dans le même lit d'aval ; pendant la
crue de novembre, alors que le rio Branco roule par exception plus d'eau
que le rio Negro, on en reconnaît distinctement le flot jusqu'à plus de
50 kilomètres en aval, et même on peut en discerner quelques traces à
PUROS, RIO NEGRO, UAUPÈS. 127
une faible distance au nord de Manaos. Au confluent du Solimôes et du
rio Negro, celui-ci, à Tonde noire un peu pâlie par les eaux blanches du
rio Branco, se mêle plus promptement au courant du violent Amazone
qui s'empare du flot de Taffluerit par de vastes remous. Les moustiques
ne tourbillonnent pas en essaims au-dessus des rivières noires; celles-ci
sont aussi beaucoup moins poissonneuses et quelques-unes d'entre clle^
n'hébergent point de crocodiles, tandis que ces animaux pullulent dans
les eaux blanches voisines. Le rio Negro n'est point au nombre des fleuves
évités par les sauriens.
Les eaux courantes et les portages faciles qui rattachent le bas cours de
rOrénoque et celui du rio Negro ont fait chercher les sources de ce dernier
fleuve dans le voisinage de l'isthme d'Atabapo. Mais la rivière Guainia, qui
nait à l'ouest dans les plaines que dominent les Andes colombiennes,
aurait plus de droit à être considérée comme le vrai rio Negro, et plus
encore le rio Uaupès, — ou Ucuyaris, — qui prend ses sources dans les
vallées mêmes des hautes montagnes, au sud du Guaviare, l'Orénoque
occidental. Le cours du rio Uaupès se continue avec la même orientation
par celui du rio Negro entre San Joaquim et Barcellos; le lit des deux
cours d'eau présente aussi les mêmes caractères géologiques, et l'un et
l'autre ont une échelle de cascades et de rapides sur des seuils de granit;
en amont de la plus haute cataracte, celle de Jurupari, le fleuve, aussi
<c blanc » que le Solimôes et peuplé des mêmes poissons, parcourt des
plaines unies, dépourvues d'arbres au pied des Andes*. Depuis 1854,
époque à laquelle Jesuino Cordeiro remonta le Uaupès jusqu'à ses sources,
quelques voyageurs, Wallace, Stradelli, Coudreau, en ont visité le cours
inférieur et ont pu constater que son débit moyen dépasse de beaucoup
celui du haut rio Negro. Un bayou latéral, l'Ira Paranà, rattache pendant
l'hivernage un affluent du Uaupès avec l'Apapuris, tributaire du Japurà';
mais en été les marais se dessèchent entre les deux versants. Au siècle
dernier plusieurs voyageurs, officiers et traitants, suivirent cette voie de
l'un à l'autre fleuve.
En amont de la jonction avec le Uaupès, le rio Negro proprement dit
reçoit, on le sait, la rivière Cassiquiare que lui envoie TOrénoque, et
qui s'est accrue des deux tiers environ, dans son coursa travers le territoire
vénézolan. Une autre bifurcation, moins connue et moins importante dans
le régime hydrographique de la contrée, se produit plus au sud : la rivière
* Alfred Russell Wallace, Nanation of Travels on the Amazon and Rio Negro.
' Spix und Blartius, ouvrage cité ; — Henri A. Coudreau, la France Êquinoxiale^ atlas.
138 NOUVELLE GËOGRAPDIE UNIVERSELLE.
Baria se divise en deux branches, dont l'une va rejoindre nu nord le bas
Cassi({uiare, tandis que l'autre descend directement au rio Negro sous le
nom de rio Canabury. Une ligne d'eau continue, presque parallèle au rio
Negro supérieur, se développe ainsi à l'est sur une longueur d'environ
500 kilomètres, n'ofFranl d'ailleurs, au faîte de séparation, aucune utilité
pour la navigation de canotage. Augmenté du Cassiquiare, le rio Negro
pénètre en territoire brésilien à la base d'un rocher de 500 mëlres,
- COKTLDEXT DD triUpte E
la « pierre de Cucuhy », superbe borne de granit qu'on aperçoit de
loin dominant les plaines, et serpente dans la direction du sud jusqu'au
confluent du Uaupès, ob il se reploic vers l'est, suivant l'orientation
donnée par la rivière maîtresse. lÀ se dressent, à droite et à gauche du
courant fluvial, des collines, des montagnes de granit qui constituent la
vraie ligne de séparation entre les deux versants de la mer septentrio-
nale et de la mer orientale. Le seuil rocheux qui, se prolongeant au nord-
est, va rejoindre les massifs de Parima, a été percé en cet endroit par les ■
eaux descendues des i-égions du nord à pente indécise; au point de vue
géologique, le faite de partage n'est pas à la bifurcation du Cassiquiare,
RIO NEGRO, RIO BRAMCO. 189
mais à Touverture que se sont creusée les eaux par les cinquante cata-
x^ctes du Uaupès et les vingt-cinq du rio Negro, cataractes que leurs
vochers, leurs remous et traînées d'écume rendent fort pittoresques,
quoique la chute soit peu considérable; sur le rio Negro, l'escalier de
l'apides, d'une soixantaine de kilomètres en longueur, n'a que 15 mètres
4e haut. Le Guricuriari, le morne dominateur de la région, atteindrait la
hauteur de 1000 mètres, d'après les relevés d'une commission brésilienne
d'exploration. Il se dresse au sud du fleuve, dont le flot se repose, en
aval des rapides. Plus bas, les collines s'abaissent graduellement : les
dernières iXKshes qui se montrent sur les bords du rio Negro émergent
des alluvions, au lieu dit jadis la Pedreira ou la ce Perrièœ », près du
hameau de Moura, sur la rive droite du fleuve et à peu de distance en
aval des embouchures du rio Branco. Sur ces couches de gneiss, très
décomposées à la surface, Âgassiz chercha vainement à reconnaître les
traces d'anciens glaciers \
Le rio Branco, qui promet d'avoir une si grande importance comme
^oie de communication directe entre la Guyane anglaise et l'Amazonie
c^entrale, de Georgetown à Manaos, et qui eut toujours dans l'histoire des
nations indiennes une valeur capitale comme chemin des migrations, a
^té remonté souvent par des Portugais; au siècle dernier, Santos visita
le seuil dePirara, etGama d'Âlmeida en dressa une carte que les explo-
rations modernes ont peu modiflée. Récemment une commission des
frontières venezolo-brésilienne en étudia les hautes vallées pendant quatre
ans, mais elle dut laisser son œuvre inachevée à cause de l'hostilité des
populations. De même que la rivière Noire, la rivière Blanche, ancien
rio Parima, a pour source maîtresse un affluent beaucoup plus long que
le cours d'eau considéré comme le principal, parce qu'il suit l'axe de la
vallée et parcourt la région de passage entre les deux versants. L'Urari-
coera, vrai rio Branco par la masse liquide et par la longueur du lit, naît
dans une haute vallée granitique de la serra Parima, au sud du piton de
Machiati, et, coulant de l'ouest à Test, rejoint, après un cours d'au moins
600 kilomètres, la rivière bien moins abondante de Takutu, qui reçoit
les gaves du Roraima, ceux du Gaïrrit et la fameuse coulée de Pirara,
continuée vers l'Essequibo par le portage du Rupunini, dans la Guyane
anglaise. Le Mahû, appelé aussi Ireng, affluent du Takutu, est renommé
par ses cascades : une de ses chutes, la Corona, haute de 50 mètres, est
dite, avec les parois du Roraima et la chute de Kaieteur, Tune des
* J. M. da Silva Coutinho, Bulletin de la Société de Géographie , octobre 1867.
XIX. 17
0..9t J, ?.rh
t50 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
« trois merveilles » de la Guyane britannique'. S'unissant sous le nom de
rio Branco, les eaux s'écoulent directement au sud-ouest h travers les
savanes, puis s'enga-
gent dans les défilés
de la chaîne de gra-
nit à massifs inégaux
que le Uaupès el le
rio Negio ont à fran-
chir dans la région de
leur confluent. Le rio
Branco descend aussi
par un escalier de ca-
choeiras , empêchant
toute communication
par bateaux entre le
basetle haut du fleuve.
Le sommet le plus
élevé de la contrée, le
Carauma, se dressant
près de la rive gauche,
atteindrait 1150 mè-
tres '. En aval des bar-
rages de rochers, le rio
Branco coule à la ren-
contre du rio Negro
par un lit presque dé-
pourvu de méandres,
mais bordé d'un grand
nombre de lacs et de
fausses rivières, té-
moignant des change-
ments considérables
survenus dans la di-
rection du Ûot d'écou-
lement. Le Jauapiry,
du rio Branco, parait être le reste
qui s'unit au fleuve majeur en {
> Everard F. im Thum, Proceeding» of Iht R. Geographkal Society, 1893.
• Henri A Coudreau, la Fratwt Equijutxiale.
I
MANAOS ET LA CROISJ
NouTClle GAiBraphifl Univenelle. T. XIX. PI. I.
l^rmiM^r-^lttmire, A i-« „AhtiBrll$ Omgr^hie IJtipmrtmOt 'M
'LEUVES AMAZONIENS
. RIO iNEGRO, MADEIRA. iSi
d'une de ces anciennes coulées. D'après les indigènes, plusieurs des
rivières du bassin communiqueraient par des furos navigables en temps
d'hivernage.
Dans son cours inférieur, le rio Negro forme, comme les fleuves cana-
diens, plutôt une succession de lacs qu'une véritable rivière : il a jusqu'il
50 kilomètres de large, bien plus que l'Amazone en certains endroits;
mais aussi descend-il avec lenteur : parfois le courant est à peine percep-
tible, et vers l'embouchure l'Amazone reflue souvent dans le lit de la
rivière Noire. La ligne de séparation des eaux constitue cette « barre »
qui a valu à Manaos son ancien nom de Barra do Rio Negro. Les crues
fluviales, moins hautes que celles du Purûs, oscillent entre 9 et 10 mètres.
Lors de la décrue, les profondeurs ordinaires sont encore très consi-
dérables, de 30 et même de 50 mètres; cependant les seuils qui inter-
rompent le lit en rendent la navigation difficile pendant les périodes de
maigres. Les petits bateaux à vapeur calant 1 mètre 52 remontent le
fleuve jusqu'à Santa Izabel, à 726 kilomètres en amont du confluent,
mais il arrive, lors des baisses exceptionnelles, et pendant un ou deux
mois de l'année, que le service doive être abandonné. De même que
la plupart des fleuves dont la vallée n'est pas déjà tracée par une cas-
sure des montagnes ou par un plissement des terres, le rio Negro
empiète graduellement sur sa rive droite, qui est la rive haute, celle
des berges, où des groupes de maisonnettes ont pu s'établir de distance
en distance.
Avec le rio Negro, le Madeira ou fleuve du « Bois », le Cayari ou
ce Fleuve Blanc » des Indiens, marque la grande dépression transversale
de la cuvette amazonienne : le rio Negro naît dans les plaines du Vene-
zuela et reçoit des eaux affluentes venues des Andes colombiennes; le
Madeira a ses premières sources dans les montagnes de la Bolivie et sur
les terres basses au versant indécis qui s'inclinent au sud vers la Plata. La
rivière maîtresse du bassin, aussi bien par la masse liquide que par
l'origine, est le rio Béni (Veni), qui reçut l'effluent du lac de Titicaca,
beaucoup plus vaste autrefois, mais qui en reste séparé par des seuils
de débris depuis que le climat s'est asséché et que les rivières se sont
appauvries. Uni à la puissante Madré de Dios, Mayu-Tata ou Amaru-Mayo,
« rivière des Serpents », le fleuve bolivien Béni rejoint un autre cou-
rant majestueux, le Mamoré, accru lui-même du Guaporé, rivière qui
coule en entier sur territoire brésilien, contournant les hautes terres
occidentales du plateau de Matto Grosso. Le Mamoré, la « Mère des Hom-
mes », appelé rio Grande ou Guapay dans son cours supérieur, prend son
132 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
origine à plus de 4000 mètres d'altitude, dans les Andes de Goehabamba,
et, décrivant une grande courbe régulière autour de ces montagnes,
parallèle au rivage du continent sur le Pacifique, se grossit de plusieurs
rivières nées dans Tentre-deux de plaines basses qui séparent le système
orographique de la Bolivie et celui du Brésil. Toute cette ramure de cou-
rants se développe en directions gracieusement convergentes dans le fond
de Tancienne mer qui occupait jadis la dépression médiane du conti-
nent. Un barrage de rochers, formé de gneiss métamorphique redressé
en falaises, ferme à demi la porte de communication ouverte entre les
plaines du sud et celles du nord ; il obstrue les courants et les force à
s'unir en un seul flot, qui descend par brusques sauts de seuil en seuil.
Ce fleuve unique, formé par Tunion du Béni et du Mamoré, fut nommé
Madeira, à cause de ses longues processions de bois flottants, par son
premier explorateur Francisco Palheta, en 1725. Depuis cette époque, il a
servi de grand chemin à tous les voyageurs entre les plateaux de la Bolivie
et les plaines de l'Amazone. D'Orbigny, Church, Keller-Leuzinger sont,
parmi les modernes, ceux qui l'ont le plus soigneusement étudié. La carte
hydrographique en a été dressée à l'échelle du 100000% d'après les obser-
vations de Selfridge, en 1878.
En amont du confluent, le Béni et le Mamoré ont déjà leurs cascades,
que l'on propose de contourner par route et chemin de fer. De la chute
d'amont ou Guajara Guassu, sur le Mamoré, à la dernière cascade, la
cachoeii*a de Santo Antonio, la dénivellation totale est de GO mètres environ,
répartie sur un développement de 380 kilomètres. La plus haute chute,
celle de Ribeirâo, à une vingtaine de kilomètres en aval du Béni, plonge
de 12 mètres; les quarante-cinq autres varient de 10 mètres à quelques
décimètres et se compliquent des mille phénomènes que présentent les
rapides, les remous, les tournants : pour remonter le fleuve par les biefs
et les portages, les plus vigoureux bateliers doivent passer de deux à
trois mois dans la zone des cascades. Les rameurs indiens distinguent
dans chaque rapide « la léle, le corps et la queue », cabeça^ corpOy
rabo; ils voient dans l'ensemble de la chute comme un être vivant,
comme un dragon qui les engloutirait volontiers. Au-dessous du saut
de Saint-Antoine, à 61 mètres d'altitude seulement, Tonde, calmée, coule
désormais au nord-est, parallèlement au Purùs, d'un mouvement égal
quoique rapide, entre des berges et des plages monotones, se succédant
par une sorte de rythme dans l'interminable foret. La moindre profon-
deur du courant dépasse 5 mètres en eaux basses; en certains endroits la
sonde ne touche le fond (ju'à 150 mètres; la masse liquide représente
HADEIRA, TROMBETAS. 133
dans les crues un débit de plus de 59 000 mètres cubes par secondes
quarante Loires ou Girondes. Plus jaune encore que l'Amazone, le Madeira
s'unit au grand fleuve par des canaux obstrués d'iles; une de ses
branches, le Paranâ Mirim ou « Fleuve Petit », se détache pour aller
rejoindre l'Amazone à près de 300 kilomètres en aval, enfermant l'île
très vaste de Tupinambaramas, découpée en îlots. De nombreuses rivières,
telles le Canuma, l'Abacaxis, le Mauhé Assu, ont un régime analogue.
Sur une centaine de kilomètres ou davantage, chacun de ces rios est un
lac sinueux, sans courant perceptible, analogue à un fjord ou à un
estuaire marin. Quoique abondants, ces bayous ne sont alimentés en
amont, dans la région des cascades et des rapides, que par de petits
cours d'eau, et à leur embouchure même ils se déversent dans le Paranâ
Mirim par un étroit canal. Une barre d'alluvions, apportée par les eaux
blanches du Madeira, ferme à demi, comme une sorte de clapet, l'issue
par laquelle s'épanchent lentement leurs eaux noires.
Plus bas, l'Amazone n'a pas d'affluents qui puissent se comparer au
Bladeira par la masse liquide. Ceux du nord, s'écoulant d'un versant rela-
tivement étroit, que dominent les montagnes de Cairrit et les Tumuc-
Humac, n'ont qu'un développement de quelques centaines de kilomètres.
Le Trombetas, le plus abondant, dont les hauts affluents naissent dans
les savanes, s'unit avec l'Amazone après avoir formé un lac ramifié ayant
certainement pour origine la flèche d'alluvions que l'Amazone dépose sur
ses rives et qui retient en barrage les eaux affluentes. En amont, l'Urubu,
le Uatumâ, le Yamundâ ou Neamundâ (Cumery), explorés avec soin par
l'hydrographe Barbosa Rodrigues, présentent le même phénomène; en
outre, un redoutable tourbillon, un « chaudron », caldeirào, formé par
le conflit des eaux, oblige les navires à contourner au sud la bouche
du Yamundà. En aval, le Paru et le Jary, qui descendent des Tumuc-
Humac, ont un cours plus régulier, plus libre d'eaux dormantes, grâce
à la résistance de leur courant, coupé de distance en distance par des
rapides et même de hautes cascades. Crevaux descendit le Jary et le
Paru en 1877 et 1879, au grand péril de sa vie : il donna h Tune des cas-
cades le nom de « Chute du Désespoir ». En 1697, Férolles avait aussi
parcouru la vallée du Paru à la tête d'une force armée, pour s'emparer
du poste de Macapa sur l'Amazone.
Le Tapajoz, le grand affluent du versant méridional, qui s'unit à
l'Amazone en aval du Trombetas, reproduit dans son cours les traits hydro-
' Kellcr-Leuzinger, ouvrage cité.
134 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
graphiques du Madeira; il n'en cfiffère que par le manque de tributaires
andins, semblables au Béni et au Madré de Dios; son nom lui vient des
Indiens Tapajocos ou « Plongeurs », que les Portugais ont complètement
exterminés*. De même que le Guaporé et le Mamoré, TArinos et le Juniena,
les deux rivières maîtresses qui constituent le Tapajoz naissent dans les
régions faîtières du Matto Grosso, entremêlant le chevelu de leurs filets
nourriciers avec ceux du Paraguay, sur le versant platéen; cette région,
dite des Pareai, dont l'altitude est d'environ 600 mètres, offre des
seuils très accessibles entre les deux aigueverses, et tôt ou lard des
canaux remplaceront les coulées incertaines qui, pendant les saisons de
fortes pluies, font communiquer les deux bassins par des eaux continues
superficielles ou souterraines : un des ruisseaux de ce pays des seuils
porte le nom de Sumidouro, — « Aven » ou « Entonnoir », — qui
témoigne de la nature calcaire des roches, percées de galeries souter-
raines*.
En s'unissant, TArinos et le Juruena, dont les noms appartenaient jadis
à des tribus d'Indiens, reçoivent l'appellation de Tapajoz et le fleuve,
coulant au nord-est, parallèlement au Madeira, présente comme lui un
cours de pente égale, soudain interrompu, sur le rebord du plateau, par
une série de chutes. Seize cataractes se succèdent; puis, en aval, le
Tapajoz, s'étalant largement entre ses rives boisées, serpente en un
long bief navigable d'environ 500 kilomètres. Mais un nouveau barrage
de rochers arrête son courant, qui plonge en une cascade infranchissable
aux embarcations. Brown et Lidstone, qui exploraient le fleuve en 1873,
après Castro, Langsdorfi*, deCastelnau, William Chandless, durent s'arrêter
devant cet obstacle, le Salto Auguslo, le seul qu'il soit impossible de fran-
chir en toute saison '. Le bief inférieur de navigation n'a que 350 kilo-
mètres de cours, mais, dans cette partie, le Tapajoz, encore plus « mort »
que le rio Negro et presque aussi noir que lui, — d'où son appellation
vulgaire de rio Preto, — s'élargit graduellement en un lac, où le courant
cesse d'être perceptible. De même que le Trombetas, les tributaires du
Parana Mirim et tant d'autres affluents ou sous-affluents de l'Amazone, le
Tapajoz est à demi fermé à son embouchure par une flèche d'alluvions
déposée par le courant fluvial; dans ces derniers temps, l'ouverture,
jadis trois fois plus large, s'est rétrécie à 1200 mètres. Le grand lac de
Villafranca, qui se prolonge en amont, parallèlement au fleuve majeur
' Spix und Martius, ouvrage cité.
* De Castclnau, Expédition dans les parties centrales de F Amérique du Sud.
s Barbosa Rodrigues, Rio Tapajoz.
TAPAJOZ, XINGC. 135
sur près d'une centaine de kilomètres, doit son existence à ce refoule-
ment des eaux. Le Tapajoz offre le chemin le plus court entre l'estuaire de
TÂmazone et celui de la Plata, et sera certainement très fréquenté quand
des voies de communication auront permis de tourner ses cataractes\
Le Xingiiy dernier grand affluent de TAmazone proprement dit, prend
son origine dans le même plateau du Matto Grosso, mais parait mieux
limité du côté du sud et séparé des eaux paraguayennes par une saillie
plus élevée. Un large éventail de rivières lui donne une masse liquide
abondante dès la partie supérieure de son cours, mais pas plus que le
Tapajoz.il ne peut servir à une navigation continue du sud au nord : des
chaînes de collines, qu'il doit franchir à peu près sous les mêmes latitudes
que le Tapajoz, interrompent son lit par des successions de cascades et de
rapides insurmontables aux barques. Le cours du Xingû, que visita au
siècle dernier le missionnaire jésuite Hundertpfund et dont Âdalbert de
Prusse remonta le cours inférieur en 1842, était naguère tellement ignoré,
cjue ses affluents méridionaux étaient représentés sur mainte carte comme
les tributaires du Tapajoz. Enfîn, les recherches de von den Steinen, en
d884 et en 1887, permirent de le figurer avec précision sur les cartes.
Son lit est un des plus accidentés que présentent les rivières brésiliennes,
le relief inégal de la contrée forçant les eaux à de brusques détours. En
aval de sa plus violente cataracte, il modifie son cours normal, dirigé dans
le sens du sud au nord, et se rejette vei*s le sud-est pour contourner un
massif de rochers h une centaine de kilomètres à Test. A son embou-
chure, le Xingû, déjà sous l'influence de la marée océanique, s'étale en
un lac vaste comme celui du Tapajoz; le cordon littoral qui le sépare
de l'Amazone est divisé par les bayous en un archipel de forêts insulaires,
tandis qu'un labyrinthe d'autres canaux se développe en amont du con-
fluent, le long de la rive méridionale du grand fleuve.
Ce prodigieux courant des Amazones, dans lequel d'autres courants
comme ceux du Xingû, du Tapajoz, du Madeira disparaissent inaperçus,
se ressemble dans son énorme développement de 5500 kilomètres, deTaba-
tinga à Macapà. Sa largeur est beaucoup plus égale que celle du rio Negro
ou du Tapajoz. Si l'on ne considère pas ses furoî latéraux, ses labyrinthes
à'igarapés et de paranas comme faisant partie du corps fluvial, l'Amazone
est presque partout assez étroit pour que du milieu le voyageur voie à la
fois les deux rives, indiquées au moins par un liséré de verdure, qu'em-
brume l'éloignement. L'étroit par excellence, désigné quelquefois comme
* R. L. Tarares, 0 rio Tapajoz.
136 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
le « défilé » d'Obidos et situé en aval de Tembouchure du Trombetas,
présente à Tépoque des crues, en juin, une largeur de 1520 mètres, —
d après Ferreira Penna 1892 mètres*, — une profondeur moyenne de
76 mètres et coule à raison de 7600 mètres par heure. On peut inférer
de ces chiffres que le fleuve des Amazones débite dans cette saison au
moins 100000 mètres cubes d'eau par seconde, avant d'avoir reçu le
Tapajoz, le Xingû et d'autres affluents*. Lors des grandes inondations,
le flot d'excédent va se perdre au sud même d'Obidos, dans un vaste
réservoir, le Lago Grande de Villa Franca, long de 56 kilomètres, sur
7 h 16 kilomètres de largeur; des milliards et des milliards de mèti*es
cubes d'eau sont ainsi enlevés au courant et à la mer'. Spix et Martius,
et plus tard Wallace, évaluant la portée du fleuve au même détroit, mais
à la saison sèche et sans avoir sondé jusqu'au fond, ont trouvé un débit
de 15000 mètres seulement, pas même le dixième de la portée d'inon-
dation. La quantité d'eau qui tombe dans le bassin, prodigieuse sur les
versants orientaux des Andes et d'au moins 2 mètres dans la grande
étendue des selves amazoniennes, mais peu abondante dans les savanes,
sous le vent des montagnes guyanaises, ne saurait être évaluée à moins
de 2 mètres et demi, et si elle s'écoulait en entier, d'un flot toujours
égal, le débit fluvial ne serait pas inférieur à 500000 mètres cubes d'eau
par seconde. En aval des saltos et des cachoeiras, dans les vallées de tous
les affluents du nord et du sud, les eaux s'étendent à droite et à gauche
en d'énormes réservoirs d'évaporation qui diminuent en de fortes propor-
tions, non encore mesurées, la masse déjà si puissante du courant fluvial.
La colline d'Obidos, haute seulement d'une trentaine de mètres, fait
partie d'une chaîne rocheuse, très découpée par les érosions, mais cepen-
dant reconnaissable. A l'est, elle se continue par les collines d'Erere, que
le voyageur, las de voir défiler l'interminable forêt sur les bords de l'Ama-
zone, aperçoit avec ravissement, profilant leurs terrasses verdoyantes au
nord de Monte Alegre; ces tables peuvent être considérées comme le type
de toutes les hauteurs qui limitent au nord et au sud la plaine de basses
alluvions dans laquelle s'étale le fleuve. Coupées en falaises ou en escar-
pements rapides que recouvre la végétation, les collines reposent sur des
couches de schiste argileux et sont formées d'un grès de dureté variable,
contenant à mi-hauteur un banc de lahaiinga, argile jaune ou rose, qui
retient les eaux et les force a jaillir latéralement en sources. La partie
» A Regiào occidental da Provincia de Para.
» Lewis Herndon, Valley of the Amazon.
' Henry W. Baies, A ISaturalist on the river Amazons.
FLEUVE DES AMAZONES, COLLINES D'ERERE, MARAJÔ. 157
supérieure est disposée en forme de terrasse avec des cuvettes d'érosion
plus ou moins profondément creusées par les intempéries, et du haut
dune de ces tables de grès, d'où Ton voit serpenter au loin l'immense
Amazone bordé de lacs, on aperçoit aussi à l'est et à l'ouest la rangée des
« tables » se proGler jusqu'à l'hoiizon sans autres brèches que des
combes de verdure. Elle se prolonge à l'est par les collines nues de Para-
nécoara, de Velha Pobre et par la serra d'Almeirim, boisée au contraire
de beaux arbres jusqu'à la cime ; ces dernières plates-formes, gravies par
Martius, atteignent 240 mètres. Dans toute la vallée amazonienne, des
contreforts andins aux rivages de l'Atlantique, au nord, au sud, on a
retrouvé de ces grès tabulaires ayant plus ou moins résisté au travail
destructif du temps; mais, tandis que dans la partie centrale de la
dépression amazonienne les deux terrasses du sud et du nord sont à
la distance de huit à neuf cents kilomètres, elles se rapprochent par le
Lravers d'Obidos et de Monte Alegre, puisque entre ces deux villettes,
mais sur la rive gauche, Santarem s'élève à l'extrémité d'un débris de
la même formation rocheuse. Jusque sur les bords et dans les iles de
l'estuaire, et par delà le golfe amazonien, le littoral qui se prolonge au
sud-est vers le Piauhy et le Gearé présente des rochers de nature identique.
La grande ile Marajô fait partie de cette zone rocheuse dans la plus
forte part de son étendue, mais elle ne dépasse le niveau marin, de cinq à
dix mètres, que par ses côtes orientales, tournées vers la haute mer, et
là quelques dunes se promènent sur le fond de rochers ; à l'ouest, vers
le fleuve, l'ile est en maints endroits recouverte par les marées de syzygic :
le flot élargit les estuaires et deux fois par jour transforme les ruisseaux
en fleuves. Sa plus grande rivière, l'Anajas, a jusqu'à 60 mètres de pro-
fondeur dans son lit incessamment balayé par le flux et le reflux. Les deux
iles de Mexiana et de Caviana, situées au nord de Mai^jo, dans la bouche
de l'Amazone proprement dit, sont, comme leur grande voisine, des frag-
ments d'une ancienne terre continentale; mais les alluvions fluviales en
ont redressé le pourtour, signalé de loin par une ceinture de palmiers et
autres arbres : a l'extérieur s'étendent des marais et des lacs parsemés de
bouquets de verdure. On connaît ces massifs sous le nom à'ilhaSy et elles
forment en eflet des îles pendant la période d'inondation*.
Quelle est l'origine des couches de grès, disposées si régulièrement sur
une si prodigieuse étendue sans que leur horizontalité première ait élc
troublée depuis les âges lointains où elles se sont formées? Agassiz, qui
« Alfi-ed R. Wallacc, ouvrage citû.
XIX. 18
138 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE,
cherchaîr les traces des anciens glaciers même dans les plaines de l'Ama-
zonie, expliquait la formation de ces roches par le dépôt de débris gla-
ciaires arrachés aux moraines du pourtour, dans les Andes, les Parima
guyanais et les monts brésiliens, jadis beaucoup plus élevés qu'ils ne sont
aujourd'hui; mais d'autres géologues, explorant soigneusement les collines
d'Erere et leurs prolongements, ont reconnu que les assises basses appar-
>
1° M. — DfFHEMIOI AMAXKItl'niI ET lOMl tXTfUUU Ul
tiennent aux formations paléoïoïques, notamment au carbonifère'. D'ail-
leurs, quels que soient les phénomènes qui donnèrent naissance au cirque
ovalaire de gi-ès et d'argiles qui se développe comme une immense arène
dans l'intérieur de l'amphithéillrc plus vaste des monls et des plateaux,
on ne saurait douter que des eaux n'aient recouvert autrefois la plaine
et n'y aient dépassé les tables régulières des grès supérieurs : ce furent
les fonds d'un lac immense ou de plusieurs lacs, formant une médiler-
ranée américaine, plus vaste que la méditerninéc de l'Ancien Monde,
' Orvillc A.DiTbï. Eiquùa
e carie géoUnjiqnf du Brésil.
BERGES, CRUES DE L*AMAZONE. 139
«
beaucoup plus grande aussi que le groupe des lacs canadiens d'où sort
le Saint-Laurent. Dans les berges de Pebas, sur le Maranon péruvien,
Orlon a découvert au milieu des couches d'argile multicolore une assise de
coquillages marins comprenant dix-sept espèces, toutes éteintes, ayant
appartenu à la fin de l'époque tertiaire*. A cette époque, le Maranon, issu
des gorges de Manseriche, formait dans la mer intérieure un delta, qui
s'avança graduellement vers l'est et combla peu à peu la plaine*. Peut-
Ure les eaux s'épanchaient-elles au nord-est, vers la mer des Antilles, par
a dépression que parcourent aujourd'hui le rio Negro, le Cassiquiare,
'Orénoque, car les coquilles du haut Amazone ressemblent à des types de
a mer antilienne. Il se peut que l'issue ne fût pas encore ouverte du côté
Le Test : les promontoires de Monte Alegre, les hauteurs de Santarem,
es autres collines qui s'approchent des rives de l'Amazone, vers sa porte
le sortie, sont les restes de la digue qui fermait autrefois le bassin de la
ner intérieure et des lacs étages sur les Andes jusqu'au lac Titicaca.
Les crues annuelles de l'Amazone représentent déjà en altitude une
<)rte part de l'accroissement qui serait nécessaire pour reconstituer l'an-
sienne nappe à l'intérieur du continent. Régulier dans ses allures comme
.eNil, le fleuve des Amazones élève et abaisse alternativement ses eaux
-suivant les saisons, par une suite de « flux » et de <( reflux », où les indi-
gènes voient une sorte de marée et qu'ils désignent par des noms corres-
|K)ndants, Venchente et le vasante. A son entrée dans le Brésil, il com-
mence à croître dans le mois de février, alors que le soleil, dans sa
marche vers le nord, fond les neiges des Andes de la Bolivie et du Pérou
et ramène au-dessus du bassin de l'Amazone la zone des nuages et des
pluies qui l'accompagnent. Sous l'îiction combinée de la fonte des neiges
et des pluies torrentielles, la crue s'élève gi'aduellement jusqu'à 12, même
jusqu'à 15 et 16 mètres, et tout à fait exceptionnellement jusqu'à 17 mètres
au-dessus des maigres, se propage de l'amont à l'aval, et n'atteint le bas
Amazone qu'en avril, diversement influencée par les crues spéciales de
chacun des affluents. Le Madeira, issu des Andes de l'hémisphère méri-
dional comme le Huallaga et l'Ucayali, les deux rivières maîtresses du
Maranon, ressemble à ce fleuve par le régime de ses crues, et c'est aussi
en avril qu'il grossit le plus; puis après juin il descend rapidement,
pour se trouver au plus bas pendant les mois de septembre et d'octobre.
Mais les grands affluents du nord, le Japura, le rio Negro, dont les maigres
> James Orton, The Andes and ihe Amazon.
" W. SieTers, Venezuela,
140 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
correspondent aux mois de février et mars, puis qui remontent lentement
pendant tout le printemps et l'été, se trouvent au plus haut vers le mois
de septembre. Ainsi s'établit une compensation dans le lit inférieur du
fleuve entre les eaux qui viennent du nord et celles qui affluent du sud :
à la crue des uns correspondent les maigres des autres et le flot des
Amazones dépasse toujours le bas niveau que lui donneraient les maigres
du Maraiion. Toutes les oscillations des tributaires se retrouvent atténuées
dans les crues, décrues et recrues ou repiquetes du fleuve majeur.
En temps de crue les îles basses disparaissent, le rivage est inondé, les
lagunes éparses s'unissent au fleuve et se ramifient en vastes mers inté-
rieures; les animaux cherchent un refuge dans les arbres, et les Indiens
de la rive campent sur des radeaux. Puis, quand le fleuve commence à
baisser, l'eau, rentrant dans son lit, ruine en dessous ses bords longtemps
détrempés, les ronge lentement, et tout à coup des masses de terre s'écrou-
lenl dans le flot, par centaines ou par milliers de mètres cubes, entraî-
nant avec elles arbres et animaux. Les iles mêmes sont exposées à une
destruction soudaine : quand les rangées de troncs échoués qui leur ser-
vaient de brise-lames viennent à céder sous la violence du courant, il
suffit de quelques heures ou même de quelques minutes pour qu'elles
disparaissent, rongées par le ressac; elles fondent à vue d'oeil, et les
Indiens qui recueillaient des œufs de tortue ou séchaient le produit de
leur pèche, sont obligés de s'enfuir précipitamment dans leurs canots.
Alors passent au fil du coumnt ces longs i*adeaux de troncs entrelacés
qui se nouent, se dénouent, s'accumulent autour des promontoires,
s'étagent le long des rives, portant souvent toute une flore d'espèces her-
beuses accrochées h leurs troncs et à leur ramure, toute une faune
d'oiseaux perchés et de reptiles roulés sur les branches. Autour de ces
processions d'arbres, qui oscillent et plongent lourdement sous le poids
du courant, comme des monstres marins ou comme des carènes ren-
versées, flottent de vastes étendues d'herbe cannaranaj qui font ressem-
bler la nappe liquide h d'immenses prairies. A la descente du fleuve,
quand le vent est contraire, les bateliers tapuyos amarrent leur canot à un
tronc d'arbre charrié par les eaux et descendent ainsi sans employer les
rames. Que le vent fmîchisse et que les hautes vagues menacent d'en-
gloutir l'esquif, les Indiens introduisent leur barque dans une traînée
d'herbes, qui atténue la force des lames et en régularise le mouvement;
remorqués par le tronc de dérive et protégés par l'épaisse couche des gazons
accrochés au rivage, ils continuent tran(|uillement leur route.
La marée atlantique vient au-devant du courant de l'Amazone jusqu'à
>\" ■•
\
GRUES DE L'AMAZONE, POROROGA. 143
Saniarem, à 1000 kilomètres du cap de Nord, considéré comme la borne
Lerminale de l'embouchure; mais Teau salée ne pénètre point dans le
fleuve; le flux n'a d'autre effet que de ralentir le courant de l'Amazone
^t d'en accroître la hauteur. Même autour de l'ile Mexiana, en plein golfe,
l'eau est complètement douce, et les marins en boivent pendant toute
l'année; cependant il se peut que le flot salé, plus lourd, glisse sur le
ibnd du lit au-dessous des couches liquides plus légères apportées par le
fleuve*. Le grand choc entre la masse d'eau fluviale et celle de la mer se
fait dans la partie déjà large de l'estuaire, oii l'Amazone, ayant perdu
de sa profondeur, s'étale sur des bancs littoraux. Là, les vagues, poussées
par le courant côtier et par la houle dans la direction de l'est à l'ouest
et surtout du sud-est au nord-ouest, rencontrent les eaux fluviales sur
un fond qui se relève, rapidement. C'est la pororocay mot qui, dans un
idiome local, sous la forme de poroc poroCy aurait, d'après Barbosa
Rodrigues, le sens de « destructeur ». Le mascaret qui se forme à ces
iignes de rencontre, entre les masses opposées, dépasse en hauteur tous
ceux de la Seine, du Gange et du Yangtze. A 8, à 10 kilomètres on
entend le grondement terrible de la pororoca qui s'avance. Un premier
rouleau se précipite comme une mer nouvelle et tempétueuse sur la mer
f>aisible d'en bas; une deuxième, puis une troisième, et parfois une
«quatrième lame se suivent, renversant, détruisant les objets qui résistent.
Jlies flots successifs, dont le premier a parfois jusqu'à trois mètres de
Itiaut, forment à travers l'embouchure une barre complète de rive à rive
^t sont accompagnés de remous, de déversements latéraux, de courants
STormidables qui couleraient les embarcations légères et causeraient même
«le graves avaries aux gros navires. En prévision du redoutable choc,
Mes bâtiments se mettent à l'abri dans les « espères » ou criques du lit-
toral. Macapà, sur la rive septentrionale de l'estuaire, est un des lieux
Tnenacés, mais les plages où les vagues de la pororoca s'écroulent avec
le plus de violence sont celles du cap de Nord, vers les bouches de FAra-
guary et les détroits de l'île Maraca*. Suivant les érosions et les dépôts,
le régime du mascaret varie de marée à marée.
L'embouchure de l'Amazone, que traverse la ligne équatoriale, s'élargit
en un bras de mer entre File de Marajo et la côte des Guyanes, puis, après
avoir baigné tout un archipel d'îles et d'îlots groupés autour de Caviana,
constitue cette « mer douce » qui étonna Pinzon et après lui tous les autres
* Alfred Russell Wallace, ouvrage cité.
* Henri A. Coudreau, France Équinoxiale.
144 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
navigateurs. Quand on vogue dans l'estuaire de l'embouchure, sur les eaux
grises roulant rapidement vers l'Atlantique, « on se surprend à demander,
dit Âvé-Lallemant*, si la mer elle-même ne doit pas son existence à ce
fleuve qui lui apporte incessamment le tribut de ses flots? La différence de
roulis produite par le mouvement des vagues ou par la pression du cou-
rant peut seule indiquer sur quel domaine on se trouve, celui des eaux
douces ou celui des eaux salées ». Exactement au nord de l'embouchure,
où le courant s'est reployé le long des côtes guyanaises, mais à 500 kilo-
mètres déjà de l'estuaire proprement dit, Sabine a vu la ligne de sépara-
tion entre l'eau bleue, non mélangée, de l'Océan, et l'eau troublée par le
courant du grand fleuve : il constatait une diflerence d'un cinquième envi-
ron dans la salinité des masses liquides ^
A l'ouest, au sud de l'île Marajô, l'estuaire des Amazones se ramifie en
un labyrinthe de rivières et de canaux qui vont rejoindre un autre estuaire,
celui du rio Tocantins. Quelques-unes de ces routes navigables s'ouvrent
largement aux navires ; d'autres, fort étroites, paraissent plutôt des gale-
ries de verdure : les bateaux qui s'y aventurent passent sous les branches
entre-croisées; en maints endroits, on a dû, pour éviter les abordages,
réserver un bayou pour la montée, un autre pour la descente. Il semble, à
la vue de la carte, que tout cet ensemble d'eaux fluviales appartienne au
système amazonien ; mais les courants de l'Amazone et du Tocantins ne se
mêlent point, ou du moins, s'il y a mélange, ne s'unissent que pour une
part infinitésimale de leur masse liquide. Cependant les bayous occiden-
taux qui font communiquer le rio Amazonas avec le Para sont emplis
par les eaux du grand fleuve : ainsi une petite partie du courant majeur
rejoindrait directement le courant du Tocantins, et la rivière de Pard
pourrait, dans une certaine mesure, passer pour une des bouches de
l'Amazone. Le bras oriental, le plus rapproché de l'île Marajo, ne reçoit
point l'eau du grand courant, mais se trouve sous l'influence directe de
la marée, qui le remonte avec force en venant de l'estuaire du Tocan-
tins'. En sondant un de ces canaux, Couto de Magalhaes a découvert un
lit de tourbe épaisse qui s'étend au loin sous les alluvions vaseuses.
Dans l'intérieur des terres, les grès amazoniens se délitent sous le vent,
le soleil, la pluie, le travail des racines; mais sur le rivage de l'Océan
* Reise durch Nord-Brasilien im Jahre 1859.
2 Salinité de l'eau pure de la mer. . . . 5r),672 pour 1000
» mélangée 20,7)15 »
(Edw. Sabine, Experitnenls to détermine ihe figure of ihe Earlh.)
^ Henry Walter Baies, ouvrage cité.
ESTI'AIRE DE L'AHAZOlfE. 145
et dans les lies de t'estuaire, ils ont à subir un aulre assaul, celui des
vagues envahissantes. Bien différent de la plupart des autres fleuves et sur-
tout du Mississippi, auquel on l'a souvent comparé, le courant des Ama-
zones n'a pas de delta d'alluvions s'avançant au loin dans la mer, en
«iehors de la ligne normale des rivages : il ouvre un estuaire énorme,
s'élargissent en « mer douce », et la géologie aussi bien que l'histoire
contomporaine prouvent que cette mer gagne peu h peu sur le littoral,
engloutissant les îlots, rongeant le pourtour des îles cl dos péninsules. La
mémoire s'est conservée de terres nombreuses qui ont disparu, dévorées
par le flot. La côte de Macapâ, sur la rive septentrionale de l'estuaire, »
notablement reculé depuis le commencement du siècle; la pointe de Sali-
nas, à l'est du rio Para, s'amoindrit, de même que l'île Santa Anna, a l'est
de MaranhSo. L'île Caviana, dans l'arcbipel que traverse la ligne équal'o-
146 NOUVELLE GËOGRÂPHIE UxNIYERSELLE.
riale au nord de Marajo, a été coupée par un détroit qu'a formé l'élar-
gissement graduel de deux bayous des rivages opposés. Cet envahissement
constant des eaux océaniques sur le littoral semble provenir d'un affaisse-
ment général des côtes. Les phénomènes observés dans la Néerlande, que
Ton peut considérer comme le delta commun du Rhin, de la Meuse, de
l'Escaut, s'accomplissent en grand dans les terres alluviales de l'Amazone
et du bas Tocantins; mais ici il n'y a point encore de populations qui
acceptent, comme l'ont fait les Bataves, la lutte avec l'Océan et qui défen-
dent leurs terres contre l'assaut des vagues par un ensemble de digues
et de contre-digues, « aussi coûteuses que si elles étaient construites en
argent pur ». D'ailleurs, le travail d'érosion est bien autrement actif dans
l'Amazonie, et l'on ne saurait y expliquer l'affaissement du sol comme en
Hollande et en d'autres « pays bas » par un tassement naturel des terres de
dépôts, car sur les bords du grand fleuve ce ne sont pas seulement
les couches d'alluvions qui cèdent sous les pas de l'homme, ce sont les
roches qui s'engouflrent et sur lesquelles gagne l'Atlantique par un mou-
vement séculaire.
Mais, puisque l'estuaire se creuse d'année en année plus avant, que
deviennent les prodigieuses quantités de troubles qu'apporte le courant
des Amazones et qui se dégagent de l'eau douce au contact de l'eau salée?
En admettant que les matières en suspension contenues dans l'onde ama-
zonienne soient d'un l rois-millième seulement, ne représentent-elles pas
déjà une masse de 40 mètres cubes par seconde, soit par jour un cube de
150 mètres de côté? Réparties dans le vaste estuaire et dans la mer qui
s'étend au large jusqu'à 500 kilomètres du rivage, ces alluvions élèveraient
rapidement le fond marin et viendraient affleurer çà et là en bancs de
vase si la masse mouvante du grand courant équatorial ne les reprenait
et ne les emportait avec lui ou ne les faisait glisser sur le fond dans la
direction du nord-ouest. Une part de ces matières ténues, rejetée latérale-
ment, se dépose sur les côtes de Guyane, mais non toujours pour y rester,
car maint rivage, érodé par les flots, se désagrège et reprend son voyage
vers le nord-ouest sous forme d'alluvions marines. Le cheminement se
continue de proche en proche, dans les eaux et sur le fond, dans la mer
des Caraïbes, dans le golfe du Mexique, le long des petites Antilles et des
iles Bahama, sur tous les chemins océaniques suivis par le courant. En ce
parcours, nombreux sont les bancs de sable et les cordons littoraux que
les matériaux apportés du golfe amazonien contribuent à élever au-dessus
des flots; mais le champ de dépôt par excellence paraît être, à l'ouest du
courant Golfier, le littoral de la Géorgie et des Carolines, si remarquable
FLEUVE DES AMAZONES. 147
par ses immenses plaines de sédiments et ses flèches côlières se recour-
l3ant de pointe en pointe. Les fleuves courts du versant appalachien ne
sauraient expliquer la naissance de ces plages contemporaines, de propor-
t.ions plus grandes que toute formation analogue en aucune autre partie
du monde : là serait le véritable delta de TAmazone, là se déposeraient
^n une large zone continentale les débris arrachés incessamment par les
pluies aux Andes écuadoriennes.
En comparaison de la part considérable qui revient à TAmazonc dans
l'histoire de la Terre, son rôle dans l'histoire de l'homme peut sembler
insigniûant. D'ailleurs, il nous est encore inconnu pour ainsi dire : on ne
peut que présumer son influence de premier ordre dans la distribution des
races et des tribus pendant la période de peuplement, et même depuis la
découverte du Nouveau Monde. Jusqu'au milieu de ce siècle, le fleuve des
Amazones n'avait guère été considéré par les civilisés que comme une mer-
veille de la nature; on en parlait avec une admiration mêlée d'efiroi,
mais on ne l'utilisait point. Les navires ne dépassaient guère les portes
d'entrée de cette mer en mouvement. Avant l'introduction des bateaux à
vapeur, une embarcation mettait cinq mois entiers pour remonter les
csinaux et le fleuve des Amazones, dé" la ville de Para jusqu'à la « barre »
du rio Negro; il lui fallait cinq autres mois pour atteindre la frontière du
érou en luttant contre la force du courant. Un voyage autour de la Terre,
les flots de la mer que soulèvent tour à tour des vents venus de tous
Icîs points de l'horizon, était alors plus court que la montée de l'Amazone,
^^t^eprise à la faveur du vent alizé qui souffle régulièrement dans la
irection de l'ouest*. La vapeur, aidée depuis 1867 par l'ouverture du
Cleuve à tous les pavillons, a fait dans le monde amazonien une révolution
* statistique de 1* Amazone et de ses principaux afllucnts brésiliens :
Bas»iii. Débit.
Longueur Surface Mètres cubes
en KÏl. en kil. cnrr. par !»ec.
>braJkNi 2^0 1000 000 20 000
Iça 1645 112 400 2 000
^« . . )Japurà 2 800 510 000 5 000
-AnlucnlS du nord. < „. «, . ^...^ ni- aaa Jifinnn
Rio Negro.. . . 1700 7IoOOO 10 000
Trombelas. . . . 570 125 500 1500
Javary 945 91000 1200
JuUhy 650 38 500 500
Juniâ' 2 000 240 000 2 500
-^^uentsdusud. .-^ Punis 5 650 587 000 4 000
Madeira 5 000 1244 500 16000
Tapajoz.. . . . 1950 430 500 6 000
Xingi 2 100 595 000 4 000
^cnre des Amazones 5 800 5 594 000 120 000
NavigaL
Vapeui*s.
lilité.
barques.
1450
1800
1480
1600
1 560
2 500
726
1 100
450
500
800
900
500
600
1500
1825
1 800
2 500
1060
1700
350
1400
120
1500
5200
5 650
i48 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
dont les conséquences se multiplient d*année en année. La région du
haut Amazone, qui se trouvait si éloignée des centres de commerce dans
l'intérieur du continent, a été pour ainsi dire reportée sur le littoral
océanique, dont les rives du fleuve et celles de ses chenaux latéraux, de
ses affluents et sous-affluents, sur plus de 50000 kilomètres, sont deve-
nues le prolongement. En considérant le Brésil entier comme une île
entourée par des eaux océaniques et fluviales, son pourtour est d'environ
22500 kilomètres, dont 5250 kilomètres, — soit un quart environ, —
représentent la partie des eaux amazoniennes, depuis les sources du
Guaporé.
Le climat de 1 Amazonie se révèle par le régime même du fleuve, par les
vents qui en retardent le flot, par les oscillations périodiques de son
débit, par les alternances de crues et de décrues dans ses affluents.
« Equateur visible », comme on Ta souvent désigné à cause de l'orientation
de son cours, parallèlement à la ligne équatoriale, qui passe au-dessus de
son bassin, des Andes h son estuaire, le courant des Amazones ne sort
pas de la zone où les vents alizés du nord-est et ceux du sud-est luttent
pour la suprématie, déterminant par leur conflit un climat où se suc-
cèdent les phénomènes de l'un et l'autre hémisphère. Que les alizés
soufflent du nord-est ou du sud-est dans leur balancement annuel à
travers les régions équatorialcs, ils prennent toujours le caractère de vent
d'aval pour remonter le fleuve en sens inverse du courant, et se font ainsi
sentir jusqu'à des centaines de kilomètres dans l'intérieur des terres.
D'ordinaire la brise régulière ne pénètre pas au delà de Manaos dans le
Solimôes et le rio Negro; plus loin, les vents présentent moins de régu-
larité, détournés de leur voie normale par les foyers d'appel qui se pro-
duisent à droite et à gauche, surtout dans les llanos du Venezuela et
dans les plaines de la Bolivie et du Malto Grosso, où les prairies alter-
nent avec les bois. La rencontre du léger courant d'air qui suit les
eaux de l'Amazone et de la brise alizée qui passe au-dessus rafraîchit
l'atmosphère et contribue a donner u\ux régions amazoniennes une salu-
brité relative, très supérieure à celle de plusieurs contrées tropicales;
les rives des affluents que ne purifie pas le souffle des alizés, sont presque
toutes baignées par la malaria. On a constaté que les vents « généraux »
ou alizés du sud-est subissent un certain trouble dans l'estuaire. En avril,
au commencement de mai, ces vents prévalent du cap Sâo Roque à
Maranhîio et se propagent rapidement le long de la côte, h la suite du
CLIMAT DE L*AMâZONIE. 149
leil qui remonte vers le tropique septentrional. Mais, arrivés à l'embou-
ture du fleuve puissant, ils s*arrétent pour un temps ou du moins se
lenlissent beaucoup. Peut-être ce délai dans les progrès du vent alizé
'ovient-il de Tobstacle que lui oppose le courant atmosphérique, super-
isé, pour ainsi dire, au courant fluvial et se prolongeant en mer jusqu'à
>0 ou 300 kilomètres au large de l'Amazone. Mais dès qu'ils ont franchi
5 mur transversal de la brise amazonienne, les vents « généraux » s'éta-
iissent aussitôt sur toutes les côtes de la Guyane*. Quelquefois trois mois
i passent avant que l'alizé du sud-est ait progressé du cap Sao Roque
isqu'à rOrénoque.
Dans le rythme annuel des saisons, la prédominance régulière des vents
lizés correspond à la période des sécheresses, de septembre en janvier,
ndis que les calmes coïncident surtout avec les pluies, de février en juil-
t et en août. La précipitation aqueuse est très considérable et dépasse
obablement 2 mètres dans l'ensemble du bassin: les puissantes averses
te les nuées épanchent sur le versant oriental des Andes compensent la
reté des pluies dans les régions des savanes qu'un écran de montagnes
fend contre les nues. Souvent des brouillards troublent l'atmosphère
indant la saison des sécheresses. Le soleil se lève dans un ciel pur, mais
i voile léger se tend sur l'horizon ; il s'épaissit dans l'après-midi et
Slève graduellement vers le zénith; puis il cache le soleil et se maintient
îndant une ou deux heures de nuit ; quelquefois, au commencement de
vrier, il persiste même durant plusieurs jours sans se dissiper aux froids
a matin', présageant un changement prochain du temps. Du reste, on
bscrve de grandes diflcrences de climat entre les villes du bas Amazone
l celles du rio Negro, du Solimôes et du Maranon. Celles-ci, moins expo-
ses aux brises fraîches de la mer, ont une température plus inégale, aux
ilrèmes plus écartés; sur le rio Negro, les bateliers ont fréquemment à
3uflrir des violents orages dits trovôados : pluies et beau temps s'y suc-
^dent sans grande régularité pendant toute l'année. A Para, les saisons
mt beaucoup plus tranchées, et cependant les oscillations de iempéralure
ont qu'un très faible jeu de mois en mois, tandis que sous les climats de
Europe occidentale elles comportent un écart très considérable'.
Les terres amazoniennes, chaudes et humides, rivalisent |)ar l'immensité
* Lartigue, înslruclion nautique sur les côtes de la Guyane française.
' Condilions météorologiques de Para, dans rAmazonic hrésilicmic :
• ^ ^Températures f.,^,,,^
latitude. maximale. minimale. moyenne. de |iluic.
Para 1«,28S. 55o 22«,8 27^22 5-
' Alfred R. Wallacc, ouvrage cité.
150
NOUVELLE GËOGRAPHIE UNIVERSELLE.
de leurs forêts avec les plaines que traverse le Congo, el même les dépas^
sent. La « scive », interrompue seulement par les cours des rivières et par
de rares défrichements, occupe un espace évalué à cinq millions de kil
mètres carrés, étendue égale à dix fois la superflcie de la France. Embra
N* St. — TEMPéBATUIlES DIURNES DE PARJ(, COUPABLES A CELLES DE LONDABS.
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C Perron
sant au nord-qst les bois du littoral guyanais, la forêt se développe en
une large zone entre le courant des Amazones et les savanes qu^abritent
du vent de mer les Tumuc-IIumac, le Çaïrrit, le Pacairama, le Roraima;
cependant sur le bas Amazone et dans le voisinage de l'Océan, elle se
trouve, comme dans la Guyane côlière, interrompue par de vastes étendues
herbeuses : lel l'immense campo d'Alemquer' ; la partie nord-orientale de
* Henry Wallcr Baies, ouvrage cilé.
FLORE DE L'AMAZOiNIE. 151
'lie Marajô est aussi occupée par des savanes. A Touest, la selvc
^agrandit à travers le bassin du haut Orénoque et de ses affluents andins.
■es versants orientaux de la Colombie méridionale, de l'Ecuador, du
^érou, de la Bolivie appartiennent aussi à cette mer de végétation arbo-
"cscente, ainsi que les terres basses parcourues par tous les affluents
néridionaux de l'Amazone en aval de leurs cascades, même à une certaine
listance en amont, vers les plateaux brésiliens; les grands arbres bordent
le courant en rideaux épais, puis les pentes, de part et d'autre, sont
recouvertes de prairies, et les hautes terres latérales n'ont d'autre végé-
tation que des arbustes clairsemés \ Le fond de la vallée du Tocantins
se rattache également par la continuité des forêts à l'ancien lac où se
Tamifient les eaux de l'Amazone. Telle région de la selve n'est encore
connue du civilisé que par les chemins naturels des rivières et des
bayous : le colon ne s'est point encore hasardé sur les pistes des indi-
fènes et des animaux sauvages.
Cependant ce n'est pas du bord des rivières que l'on peut le mieux voir
L conr^prendre la forêt. Les voyageurs qui remontent l'Amazone n'aper-
DÎvcni guère qu'une muraille uniforme de troncs pressés, enchevêtrés de
lanes, surmontés d'une masse verdoyante continue, dressant en palissade,
es deux côtés du fleuve, ses fûts rapprochés et droits comme des joncs,
ngloutis par la base dans l'obscurité, tandis que le feuillage épanoui
les cimes s'étale à la lumière. Des bateaux qui voguent au milieu du cou-
rant on ne peut distinguer aucune forme précise dans ce rempart de
végétation ; pour se faire une idée de l'immense variété des arbres et des
irbustes que gonfle la sève intarisable de la nature tropicale, il faut péné-
trer dans un des igarapé tortueux qui se ramifient entre les îlots des
mille archipels semés sur l'Amazone. Penchés au-dessus de la rive se
succèdent les arbixîs les plus divers, dressant leurs panaches, déployant
leurs éventails, développant leurs ombelles de feuilles, balançant au-
dessus des flots leurs guirlandes de lianes fleuries.
Dans son ensemble, la flore amazonienne est très distincte de celle du
Brésil proprement dit. Sans doute l'une et l'autre possèdent beaucoup
d'espèces en commun, mais les contrastes sont nombreux; malgré le
large estuaire de l'Amazone et le labyrinthe de marécages qui le pro-
longe au nord, Para et Cayenne ofl*rent pour leur flore et leur faune de
si grandes ressemblances, qu'on peut les considérer comme constituant
une même aire naturelle, bien distincte de l'aire brésilienne méridionale.
* Otto Clauss, Yerhandlungen des fUnflen Geographeniages zu Hamhurg, 1885.
152 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Ce fait remarquable parait confirmer Thypothèse des géologues qui admel-
ient Texistence antérieure d'un verrou transversal aux eaux de rAmazone,
retenues jadis en une vaste mer intérieure : les espèces provenant des
montagnes guyanaises et de leurs pentes se seraient propagées du nord
au sud par les terres de Marajô et autres îles qui font aujourd'hui partie
d*un archipel et de là auraient pénétré dans TAmazonie méridionale.
Des formes andines, descendant le long des fleuves, se sont entremâéés
avec celles qui provenaient des monts guyanais\
Ce monde floral de si vaste étendue présente d'inflnies diversités locales
suivant la nature du sol, alluvial ou rocheux, de sable ou d'argile, sec ou
inondé. Ainsi les berges fluviales de TAmazone, du Purûs, du Madeira et
autres affluents montrent par la difliérence de leurs végétaux le degré
d'ancienneté des apports. Les plages ou igapôs les plus modernes, dont
la hauteur ne dépasse pas quatre ou cinq mètres au-dessus du niveau
des maigres et qui occupent en maints endroits des fonds lacustres de
plusieurs milliers de kilomètres carrés, se recouvrent de hautes herbes,
de saules et de charmantes cecropiaSi « arbres à trompettes », aux éven-
tails de feuilles découpées dressées en candélabres. La zone des igapôs
anciens se fait reconnaître de loin par d'autres arbres, dont l'un est le
caoutchouquier, siphonia elastica. Plus haut, la bande des argiles et des
hautes alluvions, varzea ou vargem, inondée seulement loi's des fortes
crues, se dislingue par des fourrés d'espèces nombreuses, parmi les-
quelles divers palmiers. Puis vient la « terre ferme », ancien lit argileux
des mers intérieures qui se vidèrent pendant la période moderne : c'est
là que croissent la plupart de ces grands arbres dont le bois dépasse
en durée et en beauté celui des premières essences d'Europe*. De même,
la végétation des terres défrichées, puis rendues à la nature, contraste
toujours avec celles de la forêt vierge.
Les arbres qui se dressent en un mur frémissant au bord de l'Amazone
surprennent le voyageur par leur faible hauteur, car, nés sur des rives de
formation nouvelle, ils n'ont pas encore eu le temps de grandir comme
les géants séculaires de la foret croissant depuis des siècles. Sur les terres
non remaniées par les courants on ne rencontre point, il est vrai, d'ar-
bres atteignant ou même dépassant une centaine de mètres comme en
Australie et dans les vallées californiennes, mais on voit des fûts de 50 et
de 60 mètres, étalant leur branchage au-dessus de la forêt inférieure.
• Von Marlius: — H. Walter Batt*s, ouvrages cités.
* Keller-Leuzinger» vom Amazonas und Madeira; — Bâtes, ouvrage cité, etc.
" I
ïï -s
; 5
FLORE DE L-AHAZONIE. 155
»)mme dans un autre monde ». Tels sonl le moiratinga, 1' « arbre
ne » ou r « arbre-roi », probablement une variété du mora exceha
Guyanes; le samauma (eriodendron samauma) et le massaranduba ou
rbre à lait », dont on boit la liqueur, mêlée au café, mais qu'il pour-
. être dangereux de prendre en grande quantité. Le branchage d'un fro-
^r géant, découvert par Wallis sur les bords du rio Branco, présentait
! circonférence de 158 mètres, recouvrant un espace d'environ deui
lares et demi, où vingt-cinq mille individus trouveraient place, en se
ssant il est vrai. Une autre espèce de bombax, le monguha, que l'on
isit souvent comme arbre d'avenue dans les villes riveraines de l'Ama-
□ E33 Q
c. se distingue de la plupart des essences tropicales par la perle
iplète de ses feuilles avant le bourgeonnement nouveau. Par les jours
brouillard, ces arbres aux branches nues, s' élevant au-dessus de cho-
is jonchés de feuilles jaunies, éveillent dans l'Européen du nord le
venir de la patrie lointaine. Un des traits les plus caractéristiques de
plupart des grands arbres de la selve consiste dans les puissants con-
Porls extérieurs qui soutiennent le tronc, vrais murs de bois divergeant
our de la tige et formant des réduits où plusieurs personnes pour-
int tenir à l'aise. Outre les multitudes de plantes qui croissent à
nbre entre les piliers massifs, d'innombrables espèces s'attachent en
'asites à l'écorce pour monter jusqu'à la lumière, ou croissent sur les
inches, projetant vers le sol de longues racines aériennes qui se balan-
156 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
cent et s'entremêlent avec les lianes montantes, tendant leur réseau infln
à travers la forêt sans bornes.
Les palmiers, étudiés surtout par Martius, « leur ami », et pa
Barbosa Rodrigues, constituent une forte proportion des espèces arbores —
centes, — plusieurs centaines, — et même en quelques districts sableui^
et sur le bord des savanes ils composent toute la forêt. En maints endroits
une seule forme domine : la gracieuse euterpe oleraceay Tassai des Brési-
liens, abrite toutes les cabanes autour de Para ; sur les bords du Japuroà
et de riça, un des palmiers les plus communs est le paxiuba (iriarteat
exhoryza), haut monté sur ses racines divergentes comme -des fusils en
faisceaux, et dont la chevelure fournit une des matières textiles les plus
appréciées pour les étofies et les cordages; sur le haut Amazone, le
barrigolo (iriartea venlricosa) dresse son gros tronc ventru. Le piassaba,
qui croît en abondance dans le bassin du rio Negix), fournit des fibres
très appréciées par les Anglais pour la fabrication des câbles, et celles du
palmier tucum (astrocaryum vulgare), sur le Purùs et le Juruâ, s'em-
ploient pour des liens moins grossiers. Les formes diflèrcnt singulièrement
suivant les espèces : les bactris ressemblent plutôt à des joncs, et, quoique
s'élevant à 4 ou 5 mètres, ont des tigelles qui ne dépassent pas la gros-
seur d'un doigt. Un autre palmier se change même en une plante grim-
pante : c'est le desmoncuSy aux pampres armés de petits crocs qui
s'attachent à l'écorcc des arbres. Il n'est pas de famille florale qui n*ait
des lianes parmi ses représentants. Quant aux fougères arborescentes,
il n'en existe pas dans les régions basses de l'Amazonie : on n'en voit
que sur les pentes andines ou parimicnnes.
La selve étonne le voyageur européen par le manque de fleurs écla-
tantes. Les orchidées à la somptueuse floraison sont rares dan» les forêts
amazoniennes; pour les trouver, il faut remonter les pentes des mon-
tagnes dans l'Ecuador et la Colombie. Les riches guirlandes de fleurs aux
larges corolles, aux couleurs flamboyantes, au pénétrant parfum, ne se
rencontrent guère que sur les lisières des forêts, sur les arbres épars au
milieu des campos ou sur la pelouse des savanes. Certaines parties de la
selve manquent aussi de fruits, tandis qu'en d'autres endroits l'Indien
égaré les recueille en abondance. Les berges sablonneuses des rivières,
bien exposées au soleil, sont garnies de cajous {anacardium occi-
dentale) dont le fruit casqué, bizarrement désigné par les Français des
Antilles sous le nom de « pomme d'acajou », passe pour fort délicat :
c'est par le souvenir des récolles annuelles que l'indigène compte ses pro-
pres années. Le guajerù (chrysobalanus icaco) des plages maritimes
FLORE, FAUNE DE L*AMAZONIE. 157
donne ses baies, et Tananas sauvage {bromelia abacaxi) ses pommes
de pin panachées. Vùiga lucida^ qui croît dans la lisière des forêts, offre
ses gousses, et plus loin, dans l'épaisseur des bois, les diverses passiflores
se couvrent de grenadilles*. Suivant les espèces, on demande au palmier
sa ligelle, ses fruits, pèches ou baies, la sève de son tronc. Un des plus
grands arbres de la selve, le lecythis ollaria^ a des fruits énormes, vases
naturels remplis d'amandes, qui lors de la maturité se détachent de leur
couvercle et tombent sur le sol avec fracas, dispersant leur trésor dont
profitent les animaux sauvages. Un autre arbre de la môme famille, le
châtaignier du Brésil {berthollelia ectceUajy laisse tomber ses fruits
entiers. Quand ces lourds boulets se détachent de leur rameau, plongeant
d'une hauteur de trente mètres, on entend au loin le fracas des branches
qui se brisent sous le poids. Les accidents causés par ces chutes soudaines
jsont fréquents parmi les Indiens, quoiqu'ils aient la précaution de se con-
struire des abris, sortes de casemates ayant une toiture épaisse et très
mnclinée : ainsi bloqués, ils attendent la chute des fruits, dont ils extraient
les châtaignes.
Quant aux autres produits de la forêt, bois précieux, caoutchouc, gom-
snes diverses, résines et substances camphrées, plantes médicinales, fibres
<t teintures, les botanistes les ont signalés par milliers et Tindustrie
4ipprend à les connaître et à les utiliser de mieux en mieux.
Un silence de mort règne en maintes étendues de la foret et Ton pour-
rait croire que la faune y est mal représentée : toutefois, si les individus
sont peu nombreux, les espèces elles-mêmes présentent une singulière
variété. Pendant ses explorations de onze années dans TAmazonie, le natu-
raliste Bâtes collectionna 14712 espèces animales, dont huit mille com-
plètement nouvelles pour la science. La vie fourmille jusque dans les par-
ties de la forêt désertes en apparence : l'ombre du sous-bois reste presque
abandonnée, tandis que dans les branchages baignés par la lumière
s'agite toute une population d'insectes et d'oiseaux, même de mammi-
fères. En cette région où les arbres et les lianes font effort pour monter,
les bêtes cherchent aussi à s'élever vers ces zones supérieures du soleil et
du vent.
La plupart des quadrupèdes amazoniens ont si bien modifié leur nature
afin de s'accommoder à un nouveau milieu, qu'ils cheminent avec
' Yod Bkirtius, Zur Etimographie Amerika*s, zumal Brasilien's,
158 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
facilité d'arbre en arbre. Les mammifères terrestres de l'Amazonie sont
peu nombreux et presque tous de petites dimensions : le tapir, le plus
gros de tous, est pourtant inférieur à l'orignal et au bison de l'Amérique
septentrionale. En revanche, on compte 58 espèces de singes amazoniens,
tous grimpeurs, tous à queue préhensile. Un ours, le cercolepte^j est aussi
exclusivement arboricole. Des quatre espèces de fourmiliers {myrmeco-
phdga) qu*étudia Bâtes dans les forets de l'Amazone, trois vivent sur les
arbres; la famille dont fit autrefois partie le colossal mégathérium, celle
des paresseux, n'a plus dans l'Amazonie que des représentants chemi-
nant sur les branches. Outre ces animaux et les diverses espèces d'écu-
reuils, nombre de serpents et de reptiles font aussi leur demeure sur
les troncs d'arbres et les rameaux.
Dans Taire immense de la faune amazonienne, les fleuves séparent
d'une rive à l'autre, mais ils relient de l'amont h l'aval. Ainsi l'on obsen'C
maint contraste de faune locale entre la rive droite et la rive gauche de
l'Amazone, et le coure du Madeira, ceux du rio Negro et du Tocantins,
constituent les limites naturelles de sous-provinces zoologiques : trois
espèces d'agouti sont ainsi complètement séparées par des rivièit^s' ; il en
est de même pour trois espèces de singes. D'autre part, la présence des
mômes espèces sur les pentes andines et dans les archipels de l'estuaire
s'explique par l'action de la mer en mouvement qui unit ces deux régions
distinctes. C'est aussi grâce au courant fluvial que les mouettes et les
oiseaux frégates de l'Atlantique pénètrent jusque dans les plaines du
Pérou, à 4000 kilomètres de la mer, et que le lamcntin et les dauphins
se jouent dans les eaux jus(ju'au pied des cataractes à la sortie des vallées
andines. Toutefois les diverses espèces de cétacés ont pris des formes
exclusivement fluviatiles : on les entend presque toujoure surgir ou
plonger, surtout pendant les nuits, et, plus que Téloignement des rives,
ces apparitions et disparitions soudaines de monstres marins donnent au
voyageur l'impression de la solitude dans l'immensité d'eau douce. La
vague ressemblance que les botos ou dauphins (inia Geoffroy!) ont avec
rhomme, et le plaisir évident qu'ils prennent à bondir autour des embar-
cations en marche, a fait croire aux indigènes, auxquels sans doute on
a transmis les traditions de l'Ancien Monde, que ces animaux ont une
double nature et que, la nuit, ils peuvent se changer en pereonnes
humaines : on raconte qu'ils se déguisent sous l'apparence du « chré-
tien )) dont ils veulent tromper la femme, et celle-ci ne reconnaît son
* AliVed R. Wallace, ouvra'ic cité.
à
FAUNE DE LAMAZONIE. 159
erreur qu'en voyant Tépoux prétendu se diriger vers le fleuve avec les
pieds tournés en arrière, et se précipiter dans Teau en poussant un
grand cri. Les pécheurs et les riverains ont aussi la crainte superstitieuse
du boa fluviatile ou sucurujû {eunecte$ murinm), qui parfois attaque
l^homme : dans le bassin du Napo, on lui donne le nom de maniayacUy
<c mère de l'eau », et Ton explique la hausse et la baisse du courant
par l'entrée et la sortie de l'énorme animal*. Dans le lac des Crocodiles
^Lagarto-cocha), situé en aval du confluent de Curarai et Napo, Osculati
vu de ces monstrueux serpents d'eaii dont il évaluait la longueur de 16
20 mètres.
Les tortues, que la récolte exterminatrice des œufs a déjà presque chas-
sées de l'Amazone pour les refouler dans ses affluents, et le grand cro-
^îodile — jacaré uassû^ — sont aussi l'objet de nombreuses légendes.
Jlartt a publié un ouvrage sur les c< mythes de la tortue amazonienne x,
comparés aux fables analogues de l'Ancien Monde. On raconte que le
jacaré se laisse toujours dévorer par le jaguar, sans tenter la moindre
résistance, et que même, après avoir été happé, il n'essaye pas de s'en-
Aiir*. Quand un jaguar veut traverser un cours d'eau peuplé de crocodiles,
il pousse quelques grognements de la rive, et tous les sauriens se cachent
^11 fond de l'eau. Tortues et crocodiles s'éloignent du fleuve pendant la
^«lisoD des pluies pour remonter dans les affluents et dans les lacs; ils
**^viennent pendant la saison des sécheresses, à moins qu'ils ne s'enfouis-
sent dans la boue pour y passer les mois d'estivation. Les mômes pois-
les mêmes sauriens sont de couleur claire ou de nuances som-
»res, suivant qu'ils habitent les eaux grises de l'Amazone ou le flot
Loirâtre du rio Negro'.
Certains poissons, tel le pirarucù ou « poisson-roucou «, — poisson-
K'ouge, — {sudis gigais), dont la chair forme avec le manioc la principale
nourriture des riverains, peuplent les eaux de toute la partie profonde du
fleuve; mais on peut dire, d'une manière générale, que leurs espèces sont
localisées en aires très étroites. De nombreuses sous-faunes ichtyolo-
giques se succèdent de l'amont à l'aval de l'Amazone et de ses tributaires.
Dans son voyage mémorable, Louis Agassiz vit avec étonnement de petites
nappes d'eau séparées par des isthmes bas, et pourtant habitées de pois-
sons appartenant à des espèces diflerentes, cl l'on ne sait ce qu'il faut plus
admirer, la prodigieuse variété des espèces ou la beauté et Tétrangelé des
( Kelicr-Leuzinger, Vont Amazonas und Madeira,
^ Alfred R. Wallace, ouvrage ci le.
' Wallis Auêland,n''A» 1877: — Report ofthe Madcira Commission,
160 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
formes, Téclal des couleurs, la finesse des nuances. Spix, émerveillé de
cette richesse animale, évaluait à six ou sept cents espèces le nombre
total des poissons du Brésil, et son collaborateur Agassiz, visitant l'Ama-
zone une quarantaine d'années plus tard, constate que le fleuve possède
à lui seul près de deux mille poissons diflerents, deux fois plus que la
Méditerranée, même plus que l'océan Atlantique en entier. A l'ouest du
confluent formé par le Solimôes et le rio Negro, le laguet de Hyanuary a
plus de deux cents espèces, plus que tous les fleuves et lacs de l'Europe
réunis. Même en plein courant, des poissons se trouvent strictement
limités : d'après da Silva Coutinho, trois espèces d'arias ne dépassent
point l'aire, de <( deux lieues h peine », où s'opère le mélange des boues
soulevées par le conflit de la mer et du fleuve. Les poissons piranhas
(tetragonoplerm) sont d'une extrême férocité : quoique petits, ils mordent
l'homme avec fureur; souvent les chevaux, les chiens qui s'abreuvent ont
les lèvres emportées.
Tandis que la faune amazonienne est remarquablement pauvre en
certaines tribus, — ainsi les colibris parmi les oiseaux, et les scarabées
aquatiques et patineurs parmi les insectes, — elle se montre pour d'au-
tres groupes aussi prodigieusement riche que pour les poissons. A lui
seul, Wallace recueillit en Amazonie plus de 500 espèces d'oiseaux. On
ne trouve pas moins de sept cents espèces de papillons dans un rayon
d'une heure de marche autour de Para*, tandis que les Iles Britan-
niques en possèdent seulement 66 et l'Europe entière 390. C'est grâce
h l'extrême variété des lépidoptères que le naturaliste Bâtes a pu faire
ces études comparées sur le transformisme et le mimétisme qui ont
contribué pour une si forte part à munir d'arguments l'auteur de
VOrigine des Espèces et à consolider son hypothèse. Parmi les insectes,
il en est dont le pullulement a de grandes conséquences économiques.
Ainsi les moustiques de nuit et les mouches pium de jour rendent les
bords du Punis complètement inhabitables en certains districts : plus d'un
million de ces moucherons tournoient en un mètre cube d'air^; nombre
de gens sont couverts d'abcès que produisent piqûres sur piqûres et
restent perclus. La fourmi sauba (œcodoma œplialotes)^ si connue des
naturalistes par ses récoltes do feuilles qu'elle découpe pour calfeutrer
ses galeries souterraines, rend en maints endroits toute culture impos-
sible; des caféteries établies à grands frais ont été détruites par ses
» Spix ol Louis Agassiz, Pisccs brasilicnses.
* Henry Waltor Baies, ouvrage cité.
' William Chandless» Journal of the R. Gcoyraphical Society, 18G6, 1808.
FAUNE, POPULATIONS DE L'AMAZONIE. 161
c^olonnes d'invasion. Les terriers des saubas, qui s'étendent à cinquante
^t même à soixante-cinq mètres de distance, occupent toute une popu-
M. ation de mineurs, pourvus d'un œil frontal comme les cyclopes de la
:Cable ou les bouilleurs modernes armés de leur lampe Davy. Un ser-
^^nt en forme de lombric, Tamphisbœna, que les indigènes disent être
«< à deux têtes » et dont ils redoutent beaucoup la morsure, à tort
Téputée venimeuse, habite aussi ces galeries à fourmis : on l'appelle la
« mère des saubàs. » Une autre fourmi, plus redoutée que la sauba,
la formiga do fogo ou « fourmi de feu » (myrmica rubra)^ a mis des
populations en fuite'. Diverses tribus d'Indiens font provision de
/burmis, qu'ils échaudent par milliers pour les mêler à leur farine de
manioc'.
Les anciennes populations de l'Amazonie n'ont laissé que de rares
L^moignages de leur séjour : en une pareille contrée, au sol meuble pério-
cS^iquement inondé et couvert de grands arbres qui en élaborent constam-
K^nent les sucs, les traces du passage de l'homme ont rapidement disparu
^t celles qui existent encore restent cachées dans la profondeur des forêts.
^>pendant on a découvert, non loin de Manaos, à côté des ruines du fort
"^portugais de la Barra, une nécropole, d'origine évidemment très antique,
^ou des centaines de grandes jarres d'argile, d'un dessin fort élégant, enfer-
maient des corps accroupis : on ne sait à quelle nation, certainement
très supérieure aux Indiens actuels de l'Amazonie, attribuer ce mode de
sépulture. Au contraire, ce serait à une époque récente qu'appartien-
draient les c( huitrièi*es », sambaqui ou mhms de sernambij amas de coquil-
lages formés par les débris d'alimentation, qui s'élèvent aux environs de
Para, dans l'île Marajo et près de Sanlarem; les nombreux fragments
de l'industrie humaine qu'on a recueillis dans ces collines artificielles
paraissent avoir été déposés par les ancêtres des riverains actuels : on
y a trouvé des crânes qui ne diffèrent point de ceux des Tapuyos'. Il
semble que ces tombelles ont été souvent remaniées pour senir de
buttes funéraires, et dans Marajo on en voit un si grand nombre qu'on a
pu donner à l'île le nom de « Terre des Morts >) ; cependant quelques-uns
de ces monticules étaient tout simplement des lieux de refuge pour les
indigènes en temps d'inondation. Un de ces monuments s'élève au milieu
* F. von Martius, Ethnographie Brasilienn,
* Barbosa Rodrigues, Rio Tapajoz,
^ Couto de Magalhâcs, 0 Homem no Brazil.
wx. 21
162 NOUVELLE. GËOGRAPJIIE UNIVERSELLE.
même du grand lac Arary. D*autres ont la foi*me d'animaux gigantesques,
d*un caïman par exemple, comme les tertres à formes animales élevés
par les Pcaux-Rougcs de TOhio et du Mississippi; ils représentaient Valem
de la tribu et prenaient un caractère sacré : on les utilisait aussi comme
lieux de campement'. Quant aux haches de jade, ou « pierres divines »,
que Ton a vues çà et là dans les mains des pagets indiens et dont la valeur
dépassait celle de Tor, on ignore leur origine. La plupart des voyageui's
signalent la région du haut Branco comme le lieu prob«ible de prove-
nance; Spix et Martius croient que ces pierres viendraient plutôt des
plateaux du Pérou. Une sculpture en jade trouvée par Barbosa Rodrigues
représente un jaguar dévorant une tortue : le style de cette figurine rap-
pelle celui des objets muyscas. En maints endroits, sur le rio Negro,
sur le Tapajoz, sur le Madeira, on signale des « pierres écrites ».
L'Amazone, le premier parmi les fleuves, n'en était pas moins à une
époque encore récente presque nul dans l'histoire de l'homme. Trois
siècles après le mémorable voyage du traître Orellana et de ses cinquante
compagnons, on ne retrouvait plus qu'un petit nombre des villages que les
Espagnols avaient vus sur chaque haute berge ; les cent cinquante tribus
distinctes qui les peuplaient avaient disparu; l'homme blanc semblait
n'avoir passé sur ces eaux que pour faire la solitude. Les chasseurs
d'Indiens ramenaient leurs captifs aux marchés du littoral; un millier
d'esclaves rouges se trouvaient à la fois en vente dans les barracons de
Para*. Fort rares sont les Indiens de race pure que l'on rencontre encore
sur les bords de TAmazone. Les indigènes riverains, qui s'étaient jadis
groupés en communautés sous la direction des missionnaires jésuites, se
trouvent maintenant confondus en une population homogène parlant la
imrjua gérai j qu'on leur avait enseignée avec le catéchisme, et remplaçant
peu à pou cet idiome par le portugais des traitants. On leur donne le
nom général de Tapuyos, qui paraît avoir appartenu jadis h une peuplade
de Tupinamba, émigrée du Brésil oriental au seizième siècle vers les bords
de l'Amazone^: mais cette tribu primitive a depuis longtemps dispaini
ou du moins s'est fondue dans la foule anonyme des populations hybrides :
le nom (jue portent les Tapuyos, — dits aussi Caboclos, — n'implique
aucune idée de provenance spéciale, bien qu'ils se i*altachent probable-
ment pour la plupart a la souche tupi, dont les divers dialectes ressem-
blaient à cehii qu'avaient transcrit méthodi(|uement les jésuites. L'idiome
* Spix und Martius, ouvrage cité; — Élie Heclus, idoles manuscrilcs.
■* Spix iind Martius, ouvrage cité.
- Acuûa, Descuhrimicnlo dcl gran rio de las Àmazonas.
RIVERAINS DE L'AMAZONE, TAPUYOS. 163
tini parail être plus pur que le parler des Tupi. C'est au sud, dans le
in du Paraguay, qu'il faut probablement chercher Torigine de ces
i de l'Amazone qui, tout en disparaissant eux-mêmes comme nation
note, ont si étonnamment propagé leur langue parmi les peuplades du
il septentrional jusqu'aux montagnes de Parima. Depuis les <( col-
es » rapportés par Jean de Léry et la première grammaire tupi
liée par Anchieta en 1595, nombreux sont les ouvrages de linguis-
e publiés sur ce curieux idiome. Il possède une véritable littéra-
9 que les Brésiliens patriotes revendiquent comme une partie pré-
se de leur avoir national, et c'est au tupi qu'ils empruntent les mots
manquent au vocabulaire portugais pour désigner la nature du pays
eurs mœurs nouvelles'. Plusieurs termes tupi, désignant surtout des
tes, des fruits, des animaux, sont aussi entrés dans la langue fran-
^ Le plus curieux emprunt est celui de boucan^ boucaner ^ boucanier y
ré detnofiiem, la (( cuisson ».
is croisements font entrer de plus en plus les Tapuyos dans la race
mgée de blanc, rouge et noir, où l'on essayerait vainement de recou-
re les éléments originaires. Cependant on désigne d'ordinaire les métis
*appelIation de mamelucoSy réservée d'abord aux fils de blancs et d'In-
nés. Parfois aussi le type est si bien caractérisé, qu'on le signale à
lière vue : tel le cafuzoy ou fils de nègre et d'Indienne, qui se dis-
18 par une énorme chevelure noire hérissée, à crins raides et non lai-
:. Chez les métis indo-nègres, le type africain semble s'atténuer le
lier : le caractère plus souple du noir ne peut lutter avec celui du
ce Indien*. Dans l'ensemble, on peut dire que la population croisée
Amazoniens a gagné en beauté physique, en grâce, en élégance natu-
, aussi bien qu'en intelligence. Réservés et taciturnes, mais doux,
>, hospitaliers, les Tapuyos aiment à se tenir à l'écart; ils s'éloignent
villes au lieu de les rechercher; toutefois ils essayent en vain de se
traire à l'invasion européenne : ils ont dû accepter des chefs ou
auày — mot que l'on croit dérivé d'un terme hollandais qui signifie
rveillant ». — Citoyens et électeurs, le temps n'est pas éloigné pour
de se dire « Brésiliens », comme les fils des anciens envahisseurs,
lefois, en 1835, tandis que certaines tribus de l'intérieur concluaient
traités d'alliance avec les Portugais, des Tapuyos s'alliaient aux
aves noirs révoltés et les aidaient h s'emparer de Para, de Santarem
lonçalvez Diaz, Couto de Magalh2cs, etc. — Braz da Costa Rubim, Yocahulario hrazileiro para
r de complemento aos diccionarios da lingua porlugueza.
jOuis et Mme Agassiz, Voyage au Brésil,
i
164 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
et autres villes de la province, où ils se mainlinrent longtemps contre des
forces considérables. Cette période critique dans Thistoire de TÂmazonie
est dite du cabanagem et les insurgés reçurent le nom de cabana ou
cabaneiros.
Les Tapuyos cultivent un peu le sol autour de leurs cabanes, et par leurs
bateaux ou barques de tonnage divers, coberla$^ bàtelàos^ montarioij
ubdx, igara$ ou igaritéSy étaient, avant l'introduction de la vapeur sur
l'Amazone, les intermédiaires de tout le commerce local, les convoyeurs
de tous les passagers. Mariniers d'une adresse incomparable, ils se hasar-
dent au milieu des flots et du courant et savent toujours maintenir de la
pagaye ou de l'aviron l'équilibre incertain de leur esquif : ils se sentenl
dans leur élément, et quand ils n'ont pas à porter quelque fier étranger
ou quelque fonctionnaire redouté, ils chantent tout joyeux, rythmant leurs
paroles par la cadence des rames. Pourtant on se plaint de l'extrême
paresse des Tapuyos, et jadis l'Américain Ilerndon, avec cette cruauté
méprisante de langage si commune chez les esclavagistes, citait avec com-
plaisance « l'opinion d'hommes intelligents qui voient dans la pendaison
le moyen le plus simple d'en finir avec les Indiens, incapables de devenir
citoyens ou esclaves et ne valant pas même la place qu'ils occupent* ».
Mais aussi de quelle manière s'y prenait-on pour en faire des civilisés?
En maints districts ils étaient ou même ils sont encore obligés de s'engager
comme trabalhadores pour un temps plus ou moins long : on les divise
en escouades, on les passe en revue comme des soldats, on les cantonne
dans les campements, sous peine d'être envoyés à l'armée ou à la prison.
Les traitants ou regatôes les encouragent à l'ivrognerie pour les tromper
plus facilement en leur achetant à prix dérisoire le travail de plusieurs
années. Aussi les Indiens qui échappent aux réquisitions du gouverne-
ment ou aux exactions des traitants jouissent-ils avec volupté de leur
droit de ne rien faire; et sur les bords de l'Amazone ils peuvent « vivre
de paresse ». Le palmier donne ses noix, sa tige nutritive, sa liqueur
délicieuse; le cacaoyer fournit ses graines, le manioc ses racines; dans la
forêt l'Indien trouve le gibier, dans les eaux le poisson, et les œufs de
tortue sur les plages. Quelques troncs d'arbres abattus suffisent pour la
construction d'une cabane; une seule feuille de palmier btmn sert de
porte; dix feuilles imbriquées font h la demeure un toit impénétrable à
l'orage pendant vingt années. Pourtant, si le Tapuyo veut couvrir ses
enfants de verroteries, s'il veut donner a sa femme des vêtements de soie
* Valley of the Amazon.
POPULATIONS DE L*AMÂZ0N1E. 105
43l des bijoux, s'il a quelques besoins de luxe, l'engrenage du travail
i ncessant finit par le saisir.
En dehors des Tapuyos, aux cent tribus confondues, et des mamelucos,
s'unissant avec les blancs en une race grandissante, se maintiennent
toujours, loin du fleuve majeur, mais sur les bords des affluents, de
fort nombreuses peuplades aborigènes, encore sans mélange de sang
^(ran^er, et n'ayant presque aucun rapport avec les fils de l'Ancien Monde,
Jbiancs ou noirs. C'est à grand'peine que les voyageurs ont pu visiter leurs
campements, recueillir quelques mots de leurs deux cent cinquante voca-
biilaires, étudier leurs mythes et leurs coutumes. Aussi une grande obscu-
r^ité continue de régner sur les origines et les alliances ethniques de ces
d iverses tribus ; cependant les recherches d'Alcide d'Orbigny et de Mar-
t.ius, contrôlées et corrigées par les travaux de Hartt, Crevaux, Coudreau,
^^-on den Steinen, Ehrenreich, Adam, Couto de Magalhâes et autres savants
iDrésiliens, permettent de classer les aborigènes de l'Amazonie en un petit
miombre de familles caractérisées par l'analogie des langages. Les Arawak,
les Caraïbes dispersés dans les Guyanes et dans le Venezuela ont aussi de
nombreux représentants dans les populations amazoniennes; les Tupi,
^ui ont également des Guyanais parmi leurs parents de race et de langue,
constituent le principal élément ethnique dans la partie méridionale de
Timmense bassin. Sur le versant septentrional, et notamment dans les
régions que parcourent l'Iça et le Japura, la prédominance appartient aux
tfiranhas, nom générique donné par Ehrenreich à diverses peuplades
vivant isolées les unes des autres. Enfin les Caraya du Xingû et de l'Ara-
^aya forment une cinquième race amazonienne, se distinguant d*une
rnanière précise, non seulement par la langue, mais aussi par l'aspect
physique et par les mœurs. Dans la population totale de KAmazonie, éva-
luée h 90 000 individus, la part des Indiens sauvages comprendrait
cînviron la moitié. Ceux d'entre eux qui vivent dans les savanes, sous
la vaste rondeur des cieux, le jour à la pleine lumière du soleil, la nuit
à l'éclat scintillant des milliers d'étoiles, ont Tintelligence plus claire,
l'esprit plus ferme, l'accueil plus bienveillant que les chasseurs ou les
fuyards cachés dans la sombreur des forêts, obligés de regarder sans
cesse autour d'eux, par crainte des embûches*.
Les populations du haut Solimôes, à la sortie du territoire péruvien,
sont déjà bien mélangées, quoiqu'elles n'aient pas encore entièrement
perdu leur division en peuplades et ne se soient pas confondues en une
* Ph. Von Uarlius, Ethnographie Brasilien's,
166 NOl'VELLE.GËOGRAPHIE UNIVERSELLE.
masse aux aïeux ignorés, comme les Tapuyos du bas Amazone. On recon-
naît quelques Omaguas à leur figure ronde et molle, des Yahuas à leur
noble démarche, des Ticunas circoncis à leurs robes peintes. Les Iribus
des bords de Flça et du Japura, rarement visitées par les traitants brési-
liens et portugais, se sont maintenues dans leur état primitif. Tels les
Mii*anlias, dont le nom infligé par leurs voisins^ aurait le sens de
u Vagabonds », peut-être parce que leurs ancêtres vinrent d'un pays
éloigné et qu'ils changèrent souvent de place, à la suite de luttes fré-
quentes avec les populations limitrophes. Les Miranhas, d'humeur très
belliqueuse, ont pour aime principale une latte de bois dur et se ser-
vent d*uue espèce de tambour creusé dans un morceau de bois et tendu
d'une peau percée de deux trous, qu'ils frappent avec des baguettes de
gomme élastique. Les sons lugubres de l'instrument se font entendre,
dit-on, f( à deux lieues de distance », portant de village en village
soit les appels de guerre, soit les signaux de fêle ou les nouvelles impor-
tantes. Comme les nègres Doualla, du Kameroun, et comme mainte autre
peuplade indienne d'autrefois, les Miranhas amazoniens connaîtraient la
i' langue du tambour ». Quoique vivant sur les bords de rivières pois-
sonneuses, ils ne pèchent point, et se bornent a chasser, mais autrement
que leui-s voisins. Ils tendent d'arbre en arbre, comme les anciens Qui-
chua, des filets d*un tissu grossier, dans lesquels ils poussent, à force de
cris et de gestes, les bêtes effarouchées*. Les femmes qui accouchent
doivent se cacher au plus épais des forêts, pour éviter que les rayons de la
■
lune, <^ source de tout mal ». ne frappent leur nouveau-né*.
A coté dos iMiranhas et autres peuplades appartenant au même groupe
ethnique vivent diverses tribus d'origine différente, que les poussées de
guerre et de migration ont amenées dans celle région nord-occidentale de
la grande selve amazonienne. Ainsi les Carijonas et les Ouitoto ou « Enne-
mis », que Crevaux a trouvés sur le haut Japuni, en dehors du territoire
brésilien, sont de purs Caraïbes, frères des Uoucouyennes de la Guyane',
tandis que les Passé du bas Iça sont de la même souche que les Arawak. Ces
indigènes ont le privilège de la grâce et do la boaulé, comme les Yahuas
dos confins du Pérou; aussi leurs femmes sonl-i^lios fort recherchées pour
servir do iiourrici^s dans les familles do Manaos; de même, on apprécie
beaucoup les hommes comme doinosliciuos, à cause do leur inlelligence,
do jour douceur ol do leur adresse au travail; n]ais que de fois furent-ils
* Alf'onso Lomonaco, Siille Razze indigène del Brasile
- IMi. \on Mai'liiis, ouvra^^c citô.
' Jiil«'< (Irrvaiix, De Cafienne aux Andes,
IV-Jn clo J. Ijïïi-, J'après une |iln>loar.i|iliii>
.1 iliMM.IIi.''<| lu Uii'.
MIRâNHâS, passé» UAUPES. 169
capturés comme des fauves et traités en esclaves! Les Passé restés à
l'état sauvage et leurs voisins les Uainuma ont l'habitude de se noircir
presque toute la figure en se frottant du suc de génipa : aussi leur donne-
l-on souvent le nom de Juri Pixuna« « Bouches noires » (Bocapreitos). Le
jeune homme doit conquérir sa fiancée après un combat contre ses rivaux ;
mais si précieux que soit le trophée, la femme est toujours considérée
comme inférieure à l'homme, et n'assiste jamais, même de loin, aux
cérémonies religieuses auxquelles les hommes sont appelés à son de
trompe. Un voyageur qui visita le Brésil vers l'époque de la proclamation
d'indépendance raconte que les magiciens des Passé professaient dans
leur système du monde la révolution de la Terre autour du Soleil ; ils
expliquaient par le mouvement de la Terre l'écoulement des eaux An-
nales et la succession des récoltes'. Cette peuplade si remarquable des
Passé est très menacée dans ses derniers restes par une maladie de
langueur, le defluxo, qui les attaque d'ordinaire après le passage d'un
Uanc dans leurs villages et qui se termine par la phtisie. Quand un canot
de marchand approche d'eux, leur première question est toujours celle-
ci : ce Nous apportez-vous le defluxo*? »
Les Uaupès, qui vivent sur les bords de la rivière du même nom,
branche maîtresse du rio Negro, appartiennent-ils à la souche ethnique
des Ârav?ak, à celle des Miranhas, des Caraïbes ou des Tupi? Le nom de
« Caribane » donné jadis à la région péninsulaire comprise entre le rio
Negro et le Solimôes, prouve que la' dernière famille eut au moins la pré-
pondérance'. D'après Coudreau, récent explorateur de la contrée, les
21 tribus des Uaupès, parlant 15 dialectes diflercnts, sont d'origine mul-
tiple. Quelques-unes des peuplades sont incontestablement caraïbes, tels
les Tariana, qui ont une certaine prééminence et dont le village principal
était considéré comme une sorte de métropole : à la fois tribu guerrière
et tribu sacerdotale, les Tariana disposaient du grand tambour de guerre,
semblable à celui des Miranhas. D'autre part, les Macû, qui errent dans
les forêts, des Andes à Manaos, évitant presque toujours les rivières,
fuyards méprisés que les autres Indiens traitent en esclaves, seraient les
frères des Ouitoto du haut Japura, que l'on a aussi reconnus comme de
véritables Caraïbes. Une des tribus, celle des Omaua, pratique la circonci-
sion et s'adonne à la fabrication du curare. Une autre peuplade prépare du
sel en traitant par l'eau bouillante les cendres d'une plante «crasse. Malgré
* Ribeiro de Sampaio, Diario de Viagem, Lisboa, 1825; — von Marlius, Ethnographie Brasilien'it,
* Henry Waller Bâtes, ouvrage cité.
^ De Pagan, Relation historique et géographique de la grande rivière des Amazones.
XIX. 22
i
\
170 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
les unions de race à race, toujours exogamiques, la variété des origines
uaupès se manifeste par la différence des costumes, des ornements et des
mœui*s. Les uns sont complètement nus, d*autres s'habillent presque à
l'européenne, comme les mamelucos des bords de l'Amazone; les plumes,
les os, les épines, la peinture de génipa ou de roucou ornent les Uaupès
de la manière la plus diverse. Telle tribu fait encore subir des épreuves
dures aux jeunes gens à l'époque de la puberté; dans telle autre, la femme
doit accoucher dans la foret sans le secours de personne; ailleurs, on
enterre les morts dans leurs cabanes, et l'on essaye d'en écarter ou même
de tuer à coups de flèches le génie qui causa le trépas du défunt. Les
mariages ne sont durables qu'à la condition de n'être pas inféconds. Le
ravisseur ne prend une femme qu'à l'essai ; si elle n'a point d'enfant un
an après l'enlèvement, il la ramène dans la cabane maternelle'.
La religion est le lien commun des Uaupès. Malgré la présence de mis-
sionnaires catholiques qu'ils écoutent avec docilité, ces Indiens gardent
fidèlement un culte national dans lequel se mêlent des cérémonies païennes
et chrétiennes, celles-ci dérivées de l'enseignement des jésuites de Quito
au siècle dernier : quelques mots espagnols rappellent ces anciens maîtres.
Tupan, grand voyageur auquel on attribue les nombreux dessins gravés
sur le granit des cataractes, représente le Dieu des chrétiens; le dieu des
indigènes, Jurupari, « né d'une vierge Santa Maria », est un génie ter-
rible et mauvais, qui voit avec plaisir chez son peuple l'ivrognerie, la
débauche et le meurtre'; des initiations successives révèlent les mystères
de son culte. On célèbre en son honneur de glandes fêtes, danses, fla-
gellations et orgies, mais on lui offre aussi un culte secret, duquel les
femmes sont rigoureusement exclues. Malheur à celle qui verrait les
paxiubas ou trompes de la prière et le macacaraua, robe noire tissée en
poil de singe et en cheveux de femme! Ce serait la mort immédiate.
D'après Coudreau, plusieurs expressions cultuelles et diverses légendes
témoigneraient que les femmes uaupès, aujourd'hui rejetées hors de la
communauté religieuse, détenaient autrefois le pouvoir : elles auraient été
ces « amazones » dont la légende a valu son nom ordinaire au « Fleuve-
Roi ». Mais combien diminués en nombre sont les Uaupès depuis qu'ils
émigrèrent dans le bassin du rio Negro! Ensemble, policés et sauvages
auraient encore été huit mille en 1884; ils fondent rapidement par l'effet
des guerres intestines, orgies, avortements, infanticides, empoisonnements
< E. Stradelli, Bolletlino délia Socielà Geografica Italiana, 1890.
2 Uenri Â. Coudreau, La France Équinoxiale.
UAUPÈS, MAGUSI. 171
» infirmes et souvent aussi des mères n'ayant pas donné naissance à
^ garçons. Dans l'intérieuis les guerriers mangent encore la chair des
ptifs pour s*assimiler les qualités du vaincu.
Les tribus indiennes que Ton retrouve dans le haut bassin du rio
'anco, affluent principal du rio Negro, sont les mêmes que celles du
ut Essequibo, les Wapisiana et les Alorai. Dans les Montagnes de la Lune
sar le versant méridional domine la nation des Macusi, qui compren-
ait près de quatre mille individus. Elle parait s'être beaucoup accrue
puis la fin du siècle dernier, époque à laquelle les Wapisiana, fort dimi-
és maintenant, avaient la prépondérance numérique. Les Macusi, dont
nom aurait le sens d' ce Aborigènes » et qui appartiennent probablement
a souche tupi, se divisent en deux groupes, Tun à l'est sur le Mahû et le
kiitu, près du seuil de partage entre le rio Branco et l'Essequibo, l'autre
'ouest vers le haut bassin de l'Uraricuera ; les bords de cette rivière,
tre les deux groupes, se peuplent graduellement d'autres Macusi et de
ipisiana, menacés en certains endroits par les anthropophages Maracana
s versants méridionaux du Pacaraima. Les Macusi étaient eux-mêmes
^s redoutés autrefois à cause de leurs flèches empoisonnées, mais ils
andonnent la préparation du curare et se servent de fusils. Habitant
i savanes oii passe la voie naturelle entre l'Amazone et le bas Essequibo,
s Macusi commencent à s'adonner au commerce et à jargonner un peu
inglais.
Après ces aborigènes, les Ouayéoué, qui vivent au sud-est, sur le haut
ipouerro, — affluent de l'Amazone sous le nom d'Urubu, — consti-
ent la plus forte nation de la contrée. Leur appellation, qui a le sens de
Blancs », est presque méritée : ce sont probablement des Caraïbes purs,
ns superbes, aux belles formes, aux traits nobles, très industrieux,
lis qui ne se hasardant guère en barque sur les rivières de leur pays.
le peuplade de la même provenance, les Japii, sont « les plus beaux
diens » qu'ait vus Coudreau durant ses dix ans de voyages dans les
^ons guyanaises. On remarque avec étonnement des cheveux blonds, des
ux bleus chez quelques Japii, et l'on se demanderait s'ils appartiennent
aiment à une tribu du Nouveau Monde. Pourtant ils sont complètement
iberbes, tandis que, par un singulier contraste, leurs voisins immédiats
nord, les Toucanes, ont des moustaches, des pommettes saillantes et les
ux obliques du MogoP. Les Ouayéoué ont un naturel heureux : rarement
rencontre-t-on un dans les sentiers de la forêt qui ne joue de sa flûte,
' Henri A. Coudre )U, ouvrage cité.
in NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
percée dans un tibia de biche ; il en lire des sons dont le timbi^e sonore
et la gaieté étonnent le voyageur habitué aux mélopées vagues et tristes
de la musique indienne.
Sauf les Macusi, les Ouayéoué, les Pianogoto, toutes les tribus indépen-
dantes du rio Branco, de l'Urubu, du Yamundà, du Trombetas paraissent
avoir diminué; plusieurs même ont disparu, tels les Paravilbsana ou les
(c Archers », très puissants au siècle dernier. Des vingt-deux peuplades
énumérées en 1787, il n'en existe plus que neuf, et celles-ci, en guerre
les unes avec les autres, s'amoindrissent constamment. L'une d'elles,
celle de Crichanét sur le Jauapery, en état constant de lutte contre les
blancs, était menacée de disparaître à son tour, lorsque Barbosa Rodrigues,
qui parle leur langue, intervint auprès d'eux et finit par amener la conci-
liation entre les races. En proportion, les albinos sont très nombreux chez
les Crichanà, au moins un sur cinquante individus. Le mode d'enterre-
ment que l'on pratique dans cette tribu est des plus curieux : on fait choix
d'un tronc d'arbre creux, étouffé par l'étreinte d'une liane cltma^ et c*est
dans cette gaine vivante aux multiples replis que l'on dépose le cadavre'.
Toutes les tribus indiennes sont refoulées dans les bassins des rivières
au nord des cascades, et les Tapuyos, nègres et Brésiliens, d'ailleurs fort
clairsemés, qui occupent les bords inférieurs des cours d'eau, commen-
cent à se montrer dans les bassins d'amont, à côté des Indiens sauvages.
On désigne sous le nom de mucambos ces petites républiques, composées
principalement de fugitifs nègres, soldats déserteurs et anciens esclaves.
C'est grâce aux mucambos que l'usage du portugais se répand pour se
substituer un jour aux langues indigènes : quant à la lingua gérai, elle
n'a jamais pénétré dans ces régions éloignées de l'Amazone, où Ton
cherche encore la tribu des « Amazones », ces Icamiaba contre lesquels
eurent à combattre les blancs lors de leur première navigation sur la
grande rivière. D'après Wallace', Orellana et ses compagnons, aperce-
vant de loin les jeunes guerriers indiens, avec leurs longues chevelures,
le peigne dressé au sommet de la télé, leurs colliers et leurs bracelets de
baies, les auraient pris facilement pour des femmes : d'où l'origine du
mythe des Amazones, suggéré par des réminiscences classiques. Barbosa
Rodrigues, d'accord avec Coudreau, a cru retrouver les descendants de
la tribu des prétendues guerrières chez les Uaupès, dont les tuchauà se
distinguent par la possession de « pierres divines », quartz, jaspes ou
* Relalorio sobre o Rio Yamundà.
» Amazon and rio Negro.
CRICHANA, « AMAZONES >. 173
Jades, qu'ils savent percer en y employant le travail de plusieurs années,
^t qui sont en même temps des amulettes et le signe de leur pouvoir. Sur
le haut Yamundâ se voit un lac jadis consacré à la << Mère » Lune, oîi les
amazones jetaient leurs muiràkilan, pierres sacrées, représentant des
dinimauz, des poissons ou autres objets symboliques.
Les tribus restées libres, sans rapports constants avec les blancs, sont
iKaacoup plus nombreuses sur le versant méridional de la vallée amazo-
t^iennc : on les compte par ccnlnincs, ayant toutes leurs caractères distinc-
tifs et leur dialecte particulier, quoique se rattachant à une grande famille
glossologique. Sur le Javary, le fleuve qui sépare le Pérou du Bcésil, les
peuplades appartiennent pour la plupart au groupe des Panos, qui parais-
sent avoir eu jadis une civilisation très avancée, mais que les guerres et les
épidémies ont ramenés à la barbarie, en réduisant singulièrement leur
nombre. Sur le Jurui, les diverses tribus seraient de souche arawak, de
même que les peuplades du Purûs, divisées en une multitude de groupes
et de sous-groupes ayant chacun une appellation dislincle. Les Ipurinn
sont parmi les plus beaux Indiens par les formes et la prestance : ils se
1
174 NOUVELLE GËOGRAPHIE UNIVERSELLE.
peignent de dessins noirs, sur fond écarlate. Ardents à la lutte, ils s
s
battent souvent sans haine, par plaisir, et la plupart ont des cicatrices si ir
le corps, souvenirs de combats dont ils sont très fiers. Un de leurs jei:^Hi^cii
favoris est de prendre un tronc d'arbre pour ennemi supposé et de It. — z — ù
lancer une flèche, après avoir fait tout un simulacre de préparatifs : quan^^ ^^^ d
le dard a traversé le bois, ils se précipitent contre lui en poussant d^
cris aigus : I-pu-ri-na ! I-pu-ri-na ! — d'où le nom qui leur a été donni^
— Les jeunes gens aiment aussi un genre d'exercice dangereux, celui
de s'élancer l'un contre l'autre en se heurtant de l'épaule; parfois le choc
est si violent, que les deux tombent a la renverse. Ils empoisonnent leurs
flèches, mais ne connaissent pas le curare, que l'on ne trouve chez
aucune tribu du versant méridional de l'Amazone, quoique les plantes
nécessaires à la préparation de cette substance n'y manquent point* : pour
apprécier leur poison, ils l'essayent d'abord sur des singes. Les Ipurina
prisent en abondance le tabac, qu'ils aspirent en le plaçant dans le creux
de la main droite, et font grand cas de leurs tabatières, coquillages
percés de trous étroits, d'où ils font tomber le tabac par petits coups.
Tant de guerriers périssent dans les combats que le nombre des femmes
dépasse de beaucoup celui des hommes : aussi la polygamie est-elle
commune. Très fidèles envers les morts, les Ipurina leur apportent des
aliments, du tabac et du roucou; quand ils jugent que la chair est
détachée du corps, ils déterrent les ossements en cérémonie et les gar-
dent comme lares domestiques.
Les Catauixi et les Paumari du bas Purûs sont également des nations
arawak, et vivent d'une manière analogue; cependant les Catauixi ont une
coutume peut-être empruntée des Quichua à la suite de quelque ancienne
migration : ils enterrent leurs morts dans la cabane mortuaire, accroupis
en de grandes jarres'. Les Paumari — ou Pama-ouri, « Mangeurs de
Baies » — paraissent être les descendants des anciens Purûs, qui ont
laissé leur nom h la rivière : ils soufl*rent fréquemment d'une maladie
de peau qui leur a valu de la part de leurs voisins portugais le sobriquet
de Foveiros ou « Galeux ; » peut-être faut-il attribuer cette afiection à
l'habitude qu'ils ont de se frotter avec de la graisse de crocodile. Ils sont
doux et pacifiques : rarement, dit Chandless, on entend parler de violences
et de morts d'hommes en pays paumari. Les Mura, qui vaguent le long
du fleuve des Amazones en fugitifs, vers les bouches du Purûs et du
* Keller-Leuzingcr, Vont Amazonas uml Madeira.
• Von Martius. Ethnographie Brasiliens.
I PURINA, MURA. 175
ladeiiTi, ne sont plus que les tristes restes d'une nation jadis puissante,
.étroite presque en entier par les Mundurucu vers la fin du dix-huitième
iècle : en maints endroits se montrent des taperaSy c'est-à-dire les
mplacements de leurs anciens villages. D'ailleurs les Mura ne sont plus
le race pure. Un grand nombre de nègres fuyards partagent leur vie
rrante : les Mura que l'on voit dans les villages amazoniens ne sont
;uère moins africains qu'américains*. On les dit d'une indolence extrême :
c Paresseux comme un Mura dormant sur trois ficelles » est un proverbe
3ien connu qui les accuse d'être trop nonchalants pour se tisser des
[lamacs convenables. Bâtes pense qu'ils appartiennent à la race tupi et
que leurs plus proches parents sont les Munduracû, leurs exterminateurs;
cependant ils parlent un idiome tout à fait diflerent. La vie nomade
que mènent les Mura leur a fait perdre toute notion de l'agriculture* mais
ils sont très habiles pécheurs et prendraient même les tortues à la nage :
ils plongent et, se glissant entre deux eaux, saisissent les animaux par la
patte*.
Les inhalations de la parica, tirée des semences d'une légumineuse
rborescente, l'inga, ont un grand rôle dans la religion des Mura. Lors de
surs fêtes, dites quarentenat par les Brésiliens, ils terminent les orgies
e boisson en se prenant deux par deux et en s'insufflant mutuellement
ans le nez au moyen d'un roseau une forte dose de parica. Parfois l'im-
pression est si forte que les individus tombent évanouis; on en a même vu
nourir sur le coup. D'ordinaire l'inhalation produit une frénésie momen-
anée qui' se traduit par un flux de paroles, des cris et des sauts. Â celte
excitation furieuse succède la prostration et, pour se réveiller de la stupeur,
1 faut encore respirer la paricd. Des pratiques semblables accompagnent
kes fêtes de la puberté chez les jeunes hommes et Jes jeunes filles. Tous
les Mura se réunissent par couples, homme et femme, et se fouettent
jusqu'au sang. Puis ils boivent, ils chantent pendant plusieurs jours,
mais la fustigation se répète et l'inhalation de la parica transforme la fête
en furieuses saturnales'. On retrouve ou l'on retrouvait les mêmes orgies
chez d'autres Indiens, notamment les Omaguas et les Mauhé, mais nulle
part aussi violentes d'aspect. En outre, la plupart des tribus ont rem-
placé la parica par le tabac. Pour guérir leurs malades, les pagets ou
magiciens se servent de tabac en bâtonnets longs de deux pieds, dont ils
enfument leurs patients : ce sont probablement les premiers modèles des
* Von Schtktz, Amazonas,
* Henry Walter Bâtes, ouvrage cité.
' Von Martius; Bâtes; ouvrages cités.
17G NOUVELLE GËOGRAPHIE UNIVERSELLE.
cigares que l'on fume aujourd'hui d'une extrémité du monde à l'autre.
Après la combustion de l'énorme cigare, les prêtres soumettent leur vic-
time au massage le plus énergique pour attirer la maladie vers les doigta
des pieds et des mains; puis, d*un geste subtil, ils saisissent le mal, 1^
jettent dans leur bouche et Tengloutissent. Le malade est guéri ou censé
l'ôlre*.
Les diverses rivières qui se réunissent pour former le Madeira parcou-
rent, on le sait, les territoires, en grande partie boliviens, qu'habitent les
sauvages Antisiens ou Chunchos des avant-monts, les Mosetenes, les
Yuracaré, et les Indiens policés des plaines, Chiriguanos, Chiquitos, Gua-
rayos et Mojos. Ces derniers, bateliers incomparables, sont devenus les
intermédiaires d'une grande partie du commerce du Madeira, et on les
rencontre dans tous les postes de la rivière : à Manaos même, la ville cen-
trale de l'Amazonie, ils constituent une colonie assez considérable. Avant
ces migrations, leurs voisins du nord étaient les Caripuna, ou « Hommes
de l'Eau », campés dans le voisinage des cascades et rapides du Madeira. Ce
sont les frères d'autres Caripuna de la famille des Panos, qui habitent la
vallée de l'Ucayali. Sur la rive droite du Madeira et dans les forêts qui
s'étendent à l'est, vers le Tapajoz, les Parentintin succèdent aux Caripuna.
Ce sont des Tupi de race pure, qui paraissent avoir émigré du sud et qui
sont constamment en guerre avec leurs voisins, les Mundurucû de Test;
aussi diminuent-ils rapidement. Les blancs qui remontent le Madeira ont,
comme les Mundurucû, pris part à l'extermination de ces indigènes, leurs
frères de race et de langue, accusés sinon convaincus d'anthropophagie.
Les Parentintin se rendent hideux en allongeant leurs lèvres et leurs
oreilles.
Bien différents sont lesParexi, qui, avec diverses tribus de même ori-
gine, c'est-à-dire arawak, les Cabixi, les Cachinili, les Yaimaré, peuplent
les campos ou plateaux faîliers entre les sources du Guaporé, du Tapajoz
et du Paraguay. Ce sont des populations inoffensives et indolentes qui, en
relations fréquentes avec les blancs, demandent le baptême pour se parer
d'un nom chrétien et se faire donner des cadeaux. Tous se servent d'in-
struments en fer pour la culture du sol et ont remplacé par des fusils les
flèches et les massues d'autrefois. Fort habiles de leurs mains, ils fabri-
(juent des paniers, des cribles, tissent des hamacs et des étoffes, qu'ils
vendent aux blancs en échange de produits européens. Ils se policent rapi-
dement comme les Tapuyos de l'Amazonie, mais en gardant quelques-unes
' KclItM'-Leuzinger, ouvrage cité.
PARENTINTIN, PAREXI, MUNDDRUCO. 177
surs anciennes mœurs et de leui*s cérémonies religieuses. Ils enterrent
norts dans la cabane même, sous le hamac du parent le plus proche,
éposent dans la fosse la nourriture nécessaire pour un voyage de six
5, temps qu*il faut employer pour atteindre le ciel. Le septième jour,
unis peuvent se réjouir : le défunt est arrivé dans sa nouvelle patrie\
Martius considérait les Parexi comme formant une famille distincte
ni les Indiens du Brésil.
î cours moyen du Tapajoz appartient à des indigènes de race tupi,
Âpiaci, les Mundurucù, les Mauhé. Les premiers, appelés aussi
iba, c'est-à-dire « Hommes' », formaient autrefois une nation très
iidérable, fort amoindrie de nos joui*s et se transformant graduelle-
(i en population policée : les voyageurs recrutent parmi eux leurs
les, porteurs et bateliers. Cependant ces indigènes pacifiques sont
libales à l'occasion; ceux que trois barres horizontales de tatouage sur
sue ont classés parmi les hommes, mangent la chair des prisonniers
^erre : les enfants qu'ils ont capturés dans leurs incursions sont
îrvés pour les festins sacrés, mais on les épargne jusqu'à l'âge de
ze ans, et c'est alors seulement qu'on les dévore. Les Âpiacà pra-
lent la bigamie, même les chefs prennent jusqu'à trois épouses; ils
3rcent souvent ou se débarrassent de leurs femmes par le meurtre
ind ils ne peuvent pas les céder avec avantage. Les bateliers parlent
si d'une tribu mystérieuse, celle des Jacaréuara, race d'albinos, qui
agerait seulement de nuit : on les appelle d'ordinaire Morcegos ou
Ihauves-Souris' ».
[)e toutes les nations indigènes du Brésil la plus puissante est celle des
ndunicû, que Couto de Magalhâes regarde comme le type par excellence
\ naturels; d'après Bâtes, ils seraient au nombre d'une vingtaine de
Ile. Leurs villages se succèdent sur les bords du Tapajoz et dans les clai-
res de la forêt; d'après eux toute la contrée est désignée sous le nom
Hunducuriana. Grands, forts, solidement musclés, de teint assez clair,
se reconnaissaient naguère par un tatouage qui variait suivant les
bus et les classes, et qui avait à leurs yeux une si grande importance,
'un conseil de famille s'assemblait pour en arrêter le plan : l'exéculion
durait parfois dix années*. Mais ce blasonnage se perd, quoique les
mes témoignent encore un grand respect aux vieillards tatoués. Les
Von den Steinen, Durch Cenlral-Brasilien.
Von Martius, Ethnographie Brasilien*s,
Barbosa Rodrigues, Rio Tapajoz,
Henr\ Walter Bâtes, ouvrage cité.
m. 23
178 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Mundurucû se distinguent par leur fidélité à la parole, donnée, par leur
noblesse et leur fierté : ce sont des << gentilshommes » bien supérieurs à
maint traitant. Habiles agriculteurs, ils sont aussi des ouvriers fort adroits
et savent fabriquer de très beaux ouvi*ages en plumes, qu'ils consentent
rarement à céder aux étrangers. Très jaloux de leur indépendance et jadis
très belliqueux, les Mundurucû ont une savante organisation militaire.
Môme en temps de paix ils préparent la lutte par une sorte de recrutement:
des messagers vont rappeler aux guerriers valides l'obligation de se pré-
senter au premier ronflement du tambour; dès qu'une expédition guer-
rière a été décidée, les hommes se casernent en de vastes cabanes d'où les
femmes sont exclues. Ils attaquent l'ennemi toujours en pleine lumière,
suivis par le tambour, dont les roulements indiquent les directions à
prendre, les manœuvres à faire. Tous les villages des Mundurucû sont
mis à l'abri d'un coup de main par de solides estacades. Dans la bataille,
les guerriers n'épargnent personne ; mais après la victoire ils prennent
soin des femmes et des enfants, et ceux-ci, adoptés par la tribu victo-
rieuse, servent à remplacer les vides faits par la mort. C'est un grand
honneur d'avoir tué un ennemi et le Vciinqueur garde toujours comme
un talisman et un précieux trophée la tête du vaincu, décorée de plumes,
pourvue d'yeux et do dents en cire. Mais, en dehors de la guerre, les
Mundurucû ont des mœurs très douces, et s'ils tuent les malades réputés
incurables, c'est par compassion*.
Les Mauhé du bas Tapcajoz et des rives amazoniennes, qui ont donné leur
nom à tout un ensemble do coulées sur la rive méridionale du grand fleuve
paraissent appartenir à la même souche que les Mundurucû, quoiqu'ils se
soient depuis longtemps séparés d'eux et parlent une langue toute diflë-
rente. A l'est, à l'ouest, ils ont pour voisins des Indiens de race caraïbe,
les Ai^ara ou Yuma, guerriers dangereux qui attaquent toujours de nuit
et dans lesquels leurs superstitieux voisins voient plutôt des démons que
des hommes. Environnés d'ennemis, les Mauhé sont fort méfiants, rusés
et souvent perfides; ils se tiennent à l'écart et peine de mort est pro-
noncée contre toute femme de la nation qui s'unirait avec un étranger;
cependant ils se fondent peu à peu avec les populations mélangées
des Tapuyos. Aussi industrieux que les Mundurucû, ils étaient naguère
les seuls Indiens qui préparassent la guarana, décoction qu'on obtient
avec les fèves d'une espèce do liane, paitllinia sorbilis, et que Ton
emploie dans tout le Brésil, et jusqu'en Bolivie, contre la dysenterie et
I Von Martius, ouvrage cité.
MUNDURUCC, MÀUHË, BÀKAlRI. 179
«S fièvres intermittentes. Avant les combats, les Mauhé prennent aussi
e la guarana pour se donner de la vigueur et se rendre insensibles
blessures. Dans les transactions locales, les fèves du paullinia servent
«de monnaie. Les Mauhé, comme diverses autres nations américaines,
<roient fermement que la gestation chez la femme est accompagnée
chez l'homme d'une maladie latente, le padrejorij correspondant au
madrejon : les deux époux se traitent par un même jeûne rigoureux, ne
mangeant guère que des fourmis et des champignons, et buvant quelques
gorgées de guarana.
A Test du Tapajoz, le bassin du Xingû était encore inconnu au point de
me ethnologique lors du premier voyage de Karl von den Steinen,
en i884; mais cette exploration, bientôt suivie d'une seconde par le
ntiéme savant, dirigea tout à coup l'attention vers cette partie jadis ignorée
du Brésil et signalée maintenant comme le centre de dispersion d'une des
grandes races américaines : de là seraient sorties successivement les diverses
t.m4bus caraïbes, qui, sous tant de dénominations variées, se sont répandues
sm.u nord-ouest jusqu'à la baie des Andes, au nord jusque dans les
uyanes, le Venezuela, les Antilles, et dont on cherchait autrefois
'origine dans les grandes iles et sur le continent de l'Amérique septen-
rionale. Les fiakaîri, et leurs voisins du nord les Nahuqua, sont les plus
^urs des Caraïbes, à en juger par leur idiome, celui de la famille qui est
le moins modifié, par les éléments étrangers*. Ils vivent au milieu de-Tupi
«t gens d'autres races, mais tellement à l'écart que récemment encore
ils se trouvaient dans un état rudimentaire de civilisation, ne connais-
saient point les métaux et n'avaient point le chien comme animal domes-
tique : non seulement ils appartenaient à l'âge de pierre, mais les Bakaïri
restés indépendants sont encore dans Tâge « pré-bananique », ignorant
ce fruit que Tomas de Berlanga introduisit au Pérou*. Nombre d'autres
plantes comestibles, appréciées pourtant par la plupart des tribus
indiennes, leur sont inconnues; ils ne fument point le tabac et ne savent
pas préparer de boissons fermentées. Leurs poteries sont bien inférieures
par la forme, la décoration, le coloris à celles de leurs frères de race,
les Roucouyennes des Guyanes. Von den Steinen en conclut qu'ils sont,
parmi les Caraïbes, les plus rapprochés du lieu d'origine et du type
primitif. IjCs légendes nationales parlent de mouvements d'émigration
qui ^accomplirent du sud au nord, et des exodes de ce genre ont eu lieu
* Karl von den Steinen, Durch Cenlral-Brasilien ; — Paul Ehrenreich, Pelermann's Mitteilun-
gen, 1891, lien IV.
* Marcos Jimenei de la Espada, Boletin de la Sociedad Geografica de Madrid, 1891.
>
180 NOUVELLE GËOGRAPUIE UNIVERSELLE.
pendant la période contemporaine. Les Arara ou Yuma épars sur la rive
méridionale de TAmazone ont le môme tatouage que les Bakairi, une
ligne bleue qui traverse la joue pour réunir l'angle extérieur de la pau- ^.
pière à la commissure de la lèvre.
Quelques-uns de ces Caraïbes primitifs, convertis au christianisme vers ^s^-*^- rs
1820, ont pris au moins les dehors de la culture, et leur chef, revêtu d'un ^^x: .cjin
costume ofQciel, est devenu capitaine brésilien; mais il reste cncoi-e des ^.^^ j^
groupes de Bakaïri indépendants, d'ailleurs très doux et pacifiques. Ils ^ M Mlh
aiment beaucoup la musique et jouent volontiers d'une grosse flûte, de la ws, W la
hauteur d'un mètre environ, dans laquelle ils soufflent assis, en Tappuyant J M'm:^nl
sur le sol. Leurs cabanes en chaume, n'ayant qu'une étroite ouverture, ^ ^^^^xe,
ressemblent à de grandes ruches d'abeilles. Leur industrie étant fort peu .MLv^t^^*eu
développée, ils sont obligés de se procurer plusieurs objets fabriqués chez^K ^^^ -«lez
leurs voisins les Suya, qui vivent plus en aval, sur la rive droite du Xingii; ^ fc^M'ii;
cependant ce sont les Bakaïri qui avaient enseigné aux Suya Tari de tisse
les hamacs. Parmi les nombreuses peuplades du haut Xingù, les Suyà
distinguent par leur haute stature, leur vigueur physique, leur énergi
manifeste, leur habileté de main comme potiers et vanniers. Hommes
femmes ont le corps entièrement nu et rasé, mais ils se peignent en
noir et en rouge, se couronnent de plumes, se percent le lobe inférieur de
l'oreille et y passent un rouleau en feuilles de palmier. Enfin les hommes
faits -s'introduisent dans la lèvre inférieure un disque de bois rouge, sem-
blable au botoquey qui a fait donner aux Indiens du Mucui'y le nom de
Botocudos. Ceux-ci et les Suya appartiennent probablement à la même
famille ethnique.
Sur le bas Xingù la tribu principale est celle des Yuruna, indigènes d&
la race tupi (jui furent anthropophages, mais que l'on vante aujourd'hui
pour leur douceur et leurs vertus hospitalières. Cependant ils ont « fui la
civilisation » et son cortège de corvées et d'impôts : habitant jadis le voisi-
nage de l'Amazone, ils ont remonté le Xingù de quelques centaines de
kilomètres pour éviter les blancs*. Leur costume ressemble déjà à celui
des Indiens policés de la basse Amazonie, mais ils s'ornent encore de
colliers, de ceintures, de pendelo(jues en i-assade et se frottent d'huile
pour se ganinlir d(»s morsures d'insectes : ils portent toute leur cheve-
lure et la tressent en une longue ((ueue. Nulle population ne les dépasse
pour le taliMit de se faire aimer des animaux : chaque village est une
ménagerie. La jibiparl des bêles, depuis le tapir jusqu'à la petite per-
* Karl von «Ion Steinen, ouvrage ci lé
Me
lia
Kl*
le
ii
le
e
183 NÛUVELLK CfiOGRAPHIE UNIVERSELLE.
manient encore la hache de pierre et façoonent de la belle poterm-*
Mais l'indigène délaisse de plus en plus la grande rivière et se réfu^^
vers le haut cours et vers les affluents, où la chasse et la pèche rest^^
plus Taciles, et où il est mieux protégé contre les tracasseries et I^
empiétements des blancs'. De Tunanlins à l'escale de Fonl£ Bda <]h
« Font-Bonne ", se succèdent des Hes dont les « plages roples re=
visitées jadis par des millions de tortues, roumissaient des milliers d»
pliDlograpbie de J. Ctctii
quintaux d'huile aux traitants portugais. Pourchassés à outrance, les
chéloniens ont abandonné ces rives.
Teiïé, l'ancienne Egn, qui doit son nom moderne à la rivière aux bords
de laquelle elle est située, a pris rang comme cité majeure parmi les
villes du Solimdes, quoiqu'elle n'ait pas môme un millier d'habitants. Le
missionnaire Samuel Frilz en bâtit les premières maisonnettes en i668,
el la peupla d'Indiens, qui ont perdu leur nom de tribus et se sont
fondus avec les auiresTapuyos. En 1781, la commission hispano-portugaise
chargée de délimiter les possessions des deux puissances établit son
quartier général à Ega, cL de 1850 à 1859 le naluralisle Baies fit choix
de celte villelte comme centre de ses excursions dans la haute Amazonie.
■ Crevaux, Tour du Monde, 1881, livra
TEFFË, COÀRY, lABREA 185
iCTé jouit de grands avantages naturels : la salubrité du climat, une
imunilé de moustiques presque complète, la fécondité du sol et la
chesse de la v^étation, l'excellente position commerciale au centre d'un
■ co:m.DHn un J>mJ.
^
E2i
Jseau de voies navigables, l'ampleur du port formé par le lac profond dans
!qucl se déverse la riviîirc TcITé avant de s'unira l'Amazone. En outre, la
iUe est un charmant lieu de séjour : chaque maison a son orangerie et sa
maneraie, son réservoir à tortues. En face, sur la rive occidentale du lac.
184 NOUVELLE GËOGRAPHIE UNIVERSELLE.
se montre le village de Nogueira, fameux dans toute rAmazonie par ses
poteries décorées de dessins géométriques. Sauf aux grands jours de fête,
TefTé n'a jamais toute sa population complète : au moins le quart des
habitants vivent dans les sitios des alentours, où ils s'occupent de l'élevé
du bétail, de la récolte des œufs de tortue, de la fabrication des conserves
de lamentin ou peixe boy y de la recherche des plantes industrielles et
médicinales. Les villages situés en aval, Coary ou Âlvellos, sur la rive
droite, h la bouche de la rivière Coary, et Codajaz, sur l'une des coulées
qui font communiquer le bas Japurà avec le Solimôes, pratiquent les
mêmes industries, mais en moindres proportions.
Naguère, la grande rivière Purùs, plus longue que le Danube, n'avait ^ ji
pas une seule cabane de blanc sur ses bords, et les changements inces-
sants qui se produisent dans le régime du fleuve, Tinsalubrité de la plu-
part des campagnes riveraines et le fléau des moustiques avaient même
fait prédire par l'explorateur William Chandless que des siècles se passe-
raient avant le peuplement des rives du Purûs par des habitants civi-
lisés'. Cependant les recherches mêmes de ce voyageur, révélant l'ex-
trême richesse des forêts en caoutchouc et autres essences précieuses, ont
singulièrement excité les ambitions, et le commerce a fait dans la contrée
une invasion presque soudaine. En 1862, le premier bateau à vapeur se
hasarda sur le Purùs; en 1869, une flottille de quinze navires commen-
çait un service régulier de l'Amazone jusqu'aux premiers campements
des serwgueiros. Deux années plus tard, ceux-ci n'étaient encore qu'au
nombre de deux mille, et en 1890 l'on comptait au moins cinquante
mille individus, presque tous nomades, dans la vallée du Punis, en
dehors des Indiens. Les émigrants de Ceara, chassés de leur pays par
des sécheresses prolongées, sont venus en foule, les uns pour exploiter
les richesses de la contrée pendant la saison favorable, les autres pour s'y
installer à demeure. Le Imitant Labre, qui est en même temps le plus
actif explorateur du haut bassin, a fondé en 1871 un poste qui a pris
son nom, Labrea. Devenue capitale de district, la ville nouvelle s'élève
en « terre ferme » sur la rive du Purùs, vers le point de convergence
des routes suivies par les chercheurs de caoutchouc, non seulement dans
la haute région fluviale du Purùs et de l'Âquiry, mais aussi dans les
contrées lointaines que parcourent le Béni et le Madeira* : en dépit des
frontières idéales tracées en ligne droite a travers les forêts, les marchands
* Journal of ihe R. Geographical Society, 186G.
* Ëx|)ortation annuelle du caoutchouc dans le bassin du Puiiis :
2 950 tonnes. Valeur : 22 500 000 francs.
t
îS
^S
CATARACTES DU MADEIRA. 185
l>i'ésiliens exploitent à leur gré les richesses de la Bolivie. De même que
[ans tous les pays envahis par les spéculateurs, Labrea et les campements
la contrée environnante doivent acheter à des prix exorbitants les
^-îvres et les objets manufacturés : les habitants n'ont d'autres professions
mxidustrielles que les plus indispensables, et quelques défrichements à
line indiquent les commencements de l'agriculture, dont les produits
servent guère qu'à la préparation de boissons fermentées. Avec Tou-
^^crture de chemins faciles vers les savanes du Piémont bolivien, l'exten-
âsion des bananeraies et des champs constituerait la véritable richesse de
Hiabrea. Le port du Purûs où s'arrête actuellement la navigation à vapeur
^36 trouve situé à plusieurs centaines de kilomètres en amont de Labrea :
«;e n'est qu'un groupe de maisonnettes, Hyutanaham.
Au point de vue économique, le rio Madeira peut être considéré comme
faisant partie du même domaine que le Purùs, mais seulement en aval
<ies cataractes, car plus haut les régions du Guaporé, qui jadis formaient
un bassin lacustre indépendant, appartiennent à un autre État, le Matto
Grosso, ayant une nature différente et d'autres centres d'attraction. Le bas
Madeira parcourt des terrains analogues à ceux du Purûs, il modifie ses
rives de la même manière et fournit aux traitants des productions sem-
blables. On a d'ailleurs projeté d'unir les deux bassins du Madeira et du
Purûs par une route ou même une voie ferrée, qui, se détachant du pre-
mier fleuve en amont des cataractes, traverserait le. Béni, puis irait
rejoindre l'Aquiry à la tête de navigation par barques. Mais les travaux de
viabilité déjà commencés comportaient une autre solution. Il s'agissait de
suppléer au lit du Madeira, dans la région des cataractes, par un chemin
de fer latéral contournant tous les obstacles en passant sur le territoire
brésilien, le long de la rive droite. Depuis 1867, des spéculateurs s'occu-
paient de cette entreprise et, d'après le projet des ingénieurs Keller, il eût
été possible de construire cetteligne, d'environ 290 kilomètres, moyennant
une dépense de 15 millions. Des conflits diplomatiques, des procès. Tin-
cohérence des travaux, abandonnés, puis repris, l'insalubrité des fonds
marécageux et des eaux qui tournoient autour des cataractes*, mais sur-
tout les énormes dépenses occasionnées par une gérance très éloignée des
chantiers, ont ruiné la compagnie concessionnaire; et les rails de la voie
partiellement construite ont disparu sous une forêt nouvelle, au grand
regret des commerçants boliviens. Cependant un certain trafic se ftiit
toujours entre les deux biefs de navigation du Madeira, malgré les fatigues
* C. B. Brown and W. Lidstone, Ft/I^en Ihoiuand miles on Ihe Amazon and ils tributaries.
XIX. Ci
186 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
et les dépenses causées par les décbai^ements et les rechargements, les
halages et les portages.
Santo Antonio, sur la rive droite du fleuve à 63 mètres d'altitude, garde
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bE- a^,,t3^G-t."-rch Ë5"
le pied des ealaractes, cl les liatcliei-s s'y reposent avant de commencer
ou après avoir terminé le pcnible voyage. Sào Antào a de l'importance
comme lien d'cnlrejiôt et centre des pèclieries de tortues : plus bas on
recueille surtout les œufs sur la plage de Tamanduâ ou du « Grand
Fourmilier ». En aval, trois ou ipialre villages seulement, des hameaux.
188 NOUVELLE GËOGRAPHIE UNIVERSELLE.
à la fois les soldats, les fonctionnaires et une partie de la population civile.
Le rio Branco, qui débouche en aval, fut, comme le rio Negro, bordé de
villages populeux, Santa Maria, Carmo, Pesqueira Real, dont les habitants
possédaient de grands troupeaux de bétail. Il ne reste plus rien de ces
anciens établissements, et même on ne saurait en indiquer la place.
Actuellement le pays se repeuple. Malgré l'obstacle que les cachoeiras du
fleuve opposent à la navigation, des éleveurs entreprenants ont introduit
du bétail dans les savanes qui confinent h la Guyane britannique, sur les
bords de TUraricoera et du Takutu, et la gracieuse villette de Bôa Visia s'est
élevée sur la rive gauche du rio Branco, en aval du fortin de Sâo Joaquim,
bicoque de paille et de boue, dont la garnison, composée de cinq hommes,
passe la plus grande partie de son temps dans une fazenda voisine, où
on l'héberge par pitié*. En 1885, les diverses « ménageries » du haut rio
Branco comprenaient quatre mille chevaux et vingt mille bétes à cornes.
Manaos, Tancienne ville dite Barra ou Fortaleza da Barra do Rio Negro,
devait son ancien nom à la << barre » ou conflit des eaux qui se produit à
la jonction du rio Negro et de l'Amazone ; son appellation actuelle provient
d'une tribu d'Indiens Tupi, jadis puissante, qui résista vaillamment aux
attaques des Portugais : c'est d'après eux que l'on désigna la cité mythique
du lac Parima, habitée par Yel Dorculo^ l'Homme Doré. Manaos fait
exception parmi les groupes urbains des bords du rio Negro : elle est
située sur la rive gauche du fleuve. La ville occupe un vaste espace de
<( terre ferme », au-dessus du niveau des plus hautes crues, et présente
même quelques monticules : la grande avenue qui la traverse, parallèle-
ment au rio Negro, h 16 kilomètres en amont du confluent, offre
une succession de montées et de descentes, et les rues qui la coupent à
angle droit vont se perdre à l'est dans la forêt; il reste quelques débris
de l'ancien fort. Deux ruisseaux serpentent dans Manaos, s'ouvrant au
fleuve par de larges bouches qui servent de lieux d'ancrage aux petites
embarcations. A une petite distance, un de ces ruisseaux tombe d'un
rebord de grès rouge par une chute de 5 mètres environ : c'est la « Grande
Cascade », le principal but de promenade et charmant lieu de bains
pour les visiteurs de Manaos. Lorsque les Indiens de l'Amazonie étaient
pour la plupart encore indépendants, la Barra servait de poste central
aux troupes dites de « rachat » {resgaiào), qui faisaient la chasse à
l'homme pour fournir des esclaves aux plantations du littoral. Puis la
ville devint graduellement une place de commerce, et, capitale de la nou-
^ Ilcnri A. Coudi'oau, la France Êquinoxiale
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ITACOiTURA, PABINTISS. t9t
telle province d'Amazonie depuis 1850, elle centralise tous les échanges
du haut Amazone et de ses affluents, dans l'immense demi-cercle formé
par leur ramure, des montagnes de Parima aui Andes boliviennes. La
posilion privilégiée de Manaos, à la croisée des grandes voies navigables,
Solim^s et Amazone, rio Negro et rio Madeira, lui assure le rôle d'en-
trepôt pour les produits d'une moitié du Brésil'. En outre, port accessible
aux grands navires, elle commerce directement, depuis 1876, avec les
nations étrangères. Aussi sa population est-elle fort considérable pour
une contrée dont les habi-
tants sont clairsemés sur de
si vastes étendues; de nom-
breuses familles y vivent dans
une cité flottante debateaux.
Un mouvement incessant d'é-
migr-ation amenait jadis à
Manaos des bateliers mojos el
"léiïie des Indiens des hautes
terres de la Bolivie, des Ma-
•"«ï-é et des Itonama, qui
'uyaient le péonage ou le
^rvice militaire et se con-
**i>€laienl peu à peu avec la
masse des Tapuyos. Depuis
^ Substitution de la naviga-
**'* «t vapeur au Latelagc
*^^ indigènes ne dépassent
P *^*5 Sanlo Antonio sur le
'"**^ïra : a peme voit-on
*^ot-c à Mnnaos quelques-uns de leurs vieillards. .Mois celte première
'^iigi'ation a été remplacée par une autre, bien autrement importante,
' '<i des Ccarenses, dont Manaos est le grand cnlrepôt el le point de ravi-
**'^menl pour leurs voyages dans l'Amazonie. Des nègres, des muhUres,
^^«^ métis, entrent pour leur bonne part dans cette po|>ulation que la
' y*^^^nce de quelques cafouzes rend plus bigarrée encore. Manaos est la
^^^■^ence de la plupart des traitants étrangers, notamment des Anglais,
} *^ ont presque monopolisé le commerce du Purûs, e[ dos Français,
* *•** et chrétiens, qui exploitent surtout les seringales du Juruâ*. Aux ,
Valeur moyenne dos éch;inpes a Manaos : 50000000 francs.
Henri A. Coudreau, la France Êquinoxiale.
[le»iD de I. LHëc. d'après i
193 KOUVELLE GËOGRAPHIE UNIVERSELLE.
progrès énormes de Manaos en population répondenl ceux de l'agricultut-e:^
dans les campagnes de la banlieue, où l'on recolle surtout le café, 1^^
cacao, le maïs. D'après Barbosa Rodrigues, Manaos aurait maintenant plu*^ j
de la moitié des habitants que renferme son immense province. L'industrie j
de la borraciia ou caoutchouc a eu pour conséquence économique de mobi-^
liser, pour ainsi dire, toute la population et de dépeupler tous les village^^
OITIjUu et Q>:iFLirE1T DD UDEIU.
au profit de leur capitale, devenue un grand centre de négoce, une ruche ■
toujours active dont les abeilles vont butiner au loin dans la forêt sans
bornes. Parmi ses établissements d'instruction publique Manaos possédait
naguère un musée des plantes, malheureusement dispersé depuis que le
botaniste Barbosa Rodrigues a été appelé à Rio de Janeiro.
Itacoaliâra ou « Pierre à Dessins >-, l'ancienne Serpa, est située sur une
haute berge de la rive septentrionale do l'Amazone, formée d'argile
rougeàlre ou tabatinga, — d'où pi-obablement le nom de la ville', quoi-
1 \\. BatC!, ouTrage cité.
194 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UN[VERSELLE.
rapidemenl, mais les chèvres el les moutons n'onl pu s'acclimater. Nulle
partie des régions amazoniennes n'est plus salubre et ne promet de con- .
tribuer plus activement au travail de la nation brésilienne. Les villages - — .
naissent sur les bords du fleuve, et des maisonncUes ou tnaromatj drcs- .,^^
sées sur pilotis, élargies de varandes, plongent dans l'eau les piles de s^^ _^
leurs débarcadères, où s'amarrent des batclets à l'ombre des cacaoyers. _ j— - .
Entre Manaos, la ville centrale de l'Amazonie, et Para, la gardienne dc^--^ ^-,
l'csluairc, le premier rang apparliont à Santarcm, située à l'embouchure
du Tapajoz, sur la déclivité mourante d'une longue colline, couverte
d'orangei's; en amont s'étend le vaste lac aux eaux presque sans mou-
vement dans Iccjuel se déverse le Tapajoz avant de rejoindre l'Amazone par
la passe de Santincm. Fondée en 1758, la ville ne grandit que lentement,
malgré les avantages que lui donnent ses voies de navigation : les bâtiments
du plus fort tirant d'eau peuvent mouiller dans son |iort après s'être fait
porter pai- la marée et pousser par le vent alizé, qui souffle pendant la
moitié de l'année presque sitns iiitt^iruplion ; du golfe amazonien à San-
ALEHQUER. SAMAREH.
I, le fleuve est ii peu près rccliligne, permettant ainsi aux voiliers
îmonler le courant sans changer leurs amures. îji navigation h vapeui-
core accru les facilités de Santarem pour le commerce, mais les cata-
es du Tapajoz, en amont du bourg d'Itaituba, h 445 kilomètres de
Santai-em, barrent toujours le |)assage aux bateaux : le eopalm, la vanille,
le caoutchouc, les chiïtaigncs du herlhollelia ne sont apportés des hauts de
la vallée que par des barques traînées péniblement de bief en bief: te
lonka ou tonga, arbre superbe, identi(|ue au sarrapia des boids de l'Oré-
noque {dipteryx odorata), eroil en abondance autoui- de Simtarem e1
fournil un prwieux aromate. Rn face, sur la rive orridenUile ilu lac Ibi'mé
196 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UlflYERSELLE.
par le Tapajoz, se montre la villette de Villafranca, iprès de laquelle
rÉtat brésilien possède une vaste cacaoyëre, léguée par les Jésuites. En
amont, sur la même rive du fleuve, des Américains venus des bords du
Mississippi ont fondé après la guerre de Sécession une colonie agricole,
peuplée maintenant en grande partie de Brésiliens.
La côte méridionale du fleuve qui se prolonge à Test en aval de Santarem,
est la plus populeuse des bords amazoniens, en dehors des agglomérations
urbaines ; les maisonnettes entourées de cultures se succèdent en un long
village de 50 kilomètres, au pied et sur les berges d'un plateau de grès
qui accompagne le fleuve à une dizaine de kilomètres dans l'intérieur : c'est
ce qu'on appelle la montanhaj quoiqu'elle s*élève seulement de i 30 à
i50 mètres. De nombreuses ruines et « minettes », taperai et taperinhoi^
de même que des rester de routes, se voient dans cette région jadis très
peuplée d'Indiefis*. Plus loin, apparaît au-dessus de la rive gauche la ville
de Monte Âlegre, qui mérite bien son nom, « Mont Joyeux ». Unique parmi
les colonies amazoniennes, elle s'élève, non sur une berge, mais sur une
véritable colline revêtue de cactus, et de ses terrasses on aperçoit les longs
méandres du fleuve, les lacs riverains et leur réseau de bayous, tous sépa-
rés par la zone serpentine des forêts et des prairies. Une rivière abondante
longe le coteau, et plus loin, au bord du fleuve, se groupent les maisons
et les entrepôts du village d'escale avec sa flottille de barques et de navires.
Au delà, quelques moindres agglomérations urbaines se succèdent sur
le grand bras de l'Amazone : Almeirim, peuplée d'Indiens Aracajû, groupe
ses demeures à rembouchure du Paru, à rouest duquel s'élevait jadis
un fort hollandais; Porto de Mpz commande, au milieu d*un archipel, le
labyrinthe des eaux qui unit le Xingû au fleuve principal, et réunit les
bateaux à vapeur qui remontent au sud jusqu'à Souzel, en aval de la der-
nière cataracte du Xingû ; Guinipà, située au nord-est, sur un autre carre-
four de voies fluviales, domine le chenal le plus fréquenté : les Hollandais
s'y étaient insUillés, et après eux on y plaça la douane d'entrée pour
tout le bassin de l'Amazone. La ville a pris son nom d'une tribu tupi
qui n'existe plus. Les diverses îles qui s'alignent au nord dans l'estuaire
et le divisent en plusieurs voies parallèles sont aussi connues par l'appel-
lation d'archipel des Gurupas.
Macapa, que les Portugais élevèrent on 1744 sur la rive septentrionale
de l'estuaire, à 2 minutes seulement, soit 3 à 4 kilomètres, au nord de
l'équateur, devait être le boulevard de l'Amazonie; une puissante forte-
* Herbert H. Sinilh, Brazil, Uie Aviazons and the Coast.
198 ^OUTELLE GËOGRAPHIE UNIVERSELLE.
cette partie de la vaste nappe d'eau, dite le Guajaru, se ramifie dans
l'intérieur de ta ville, où elle reçoit la rivière Gapim; d'autres canaux
naturels rayonnent dans toutes les directions. Dépourvue de collines, de
rcnllemenis du sol où les édifices s'élèveniicnt en amphithéâtre, le roc
ne fîiisant une légère saillie qu'à l'cxtrémilé méridionale, Para se montre
seulenieni en façade, et n'étonne ni par le piltoresquo ni par la majesté
de son aspect; mais elle a des quarlîei-s charmants, dont les mai-sons
BOUCHES DE L'AI
NouToIle ËéograpUie Uniiersellc. T. X]\. M. II.
PARi. SOI
rnées de galeries, re\êtues de faïences, sont ombragées de grands arbres :
elle avenue se compose de fromagers, telle autre d'arbres à pain, une
uire de palmiers ; des jardins d'orangers s'entremêlent aux maisons dans
es faubourgs de la cité, et d'innombrables villas, éparses sur la lisière
u dans les défrichements de la forêt, disputent leurs enclos à la végé-
ition spontanée. Mais dans la partie de la ville voisine du port les
iiariiers ont déjà la physionomie commerciale, et une population affairée
y presse pendant le jour; car Para est devenue une grande cité de trafic,
i cinquième de la république brésilienne*
Fondée en 1615, Para s'accinit lentement jusqu'à la séparation du Brésil
L de la métropole. Mais alors la ville amazonienne, la plus portugaise de
mie la colonie, garda longtemps le pouvoir impérial, et pendant plusieurs
nnées se succédèrent des révolutions et contre-révolutions. A la fin,
n 1855, éclata la guerre du « Cabanagem », guerre sociale, mais des
>lus confuses, dans laquelle agissaient diversement, croisant leurs effets,
es haines des Indiens et des noirs contre les blancs, des Brésiliens contre
es Portugais, des esclaves contre les maîtres, des pauvres contre les
•iches, des catholiques contre les francs-maçons. A la suite do ces con-
lits, la ville se trouva presque ruinée : sa population, qui en 1819, sous
e régime portugais, s'élevait à 24 500 habitants, n'en comptait plus que
15000 en 1848. En 1830, la fièvre jaune fit sa première apparition,
es trois quarts des habitants tombèrent malades et les autres s'enfuirent :
Dut commerce cessa. Depuis, Para s'est développée d'une manière éton-
anle : en moins d'un demi-siècle, la population a plus que sextuplé et
î numvement des échanges a plus que décuplé. Des représentants de
mies les races se rencontrent à Para, où les Portugais dominent. Prin-
paux entrepositaires du trafic, ils ont un grand esprit de solidarité, se
•éditent et s'entr'aident à l'occasion; une partie du commerce interna-
onal et toute la vente au détail sont entre leurs mains. Le monopole de
lusieurs métiers appartient aussi à des immigrants de Porto, et, comme
ans les villes d'Espagne, des Gallegossont les porteurs d'eau. De nombreux
é[K)rtés, Anibes et Français, évadés de Cayonne, se sont réfugiés à Para.
Quoique situé à plus de cent kilomètres de la mer, le chenal de Pani offre
me profondeur de 7 mètres, et i\o grands navires apport(*nt des objets
nanufacturés d'Europe, des conserves, des farines, pour prendre en
•change du caoutchouc, le plus apprécié du monde, du cacao, des cuirs,
les denrées pharmaceutiques, et parmi de rares produits industriels, les
.hapeaux de paille du Pérou. La i)lus grosse part des échanges se fait avec
es Étals-Unis; l'Angleterre et la France suivent par ordre d'activité. L'in-
X1S. 36
90i NOUYELLE GfiOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Quence morale» exercée par la littérature» les idées et les modes, vient sur-
tout de Paris. Le commerce que fait Pari avec l'intérieur de TAnuiionie,-
égale le mouvement du trafic avec Tétranger*. Des seringneiros on cher^
cheurs de caoutchouc par dizaines de milliers émigrent périodiquranent
dans les forêts amazoniennes pour le compte des négociants de Belem.
De nombreuses petites villes gravitent autour de Pari et entretiennent
avec elles des relations constantes. Yigia, à l'entrée du fleuve, signale les
arrivages; Salinas, sur une falaise blanche qui regarde la haute mer, sert
d'avant-port pour les bateaux pilotes; Dragança, située plus à Test, domine
les plages que fréquentent les baigneurs de Paré, dont elle devient une
sorte de faubourg» grâce à son nouveau chemin de fer. La villette de
Cametà» sur une haute berge à l'ouest du Tocantins, large de 8 kilomètres,
occupe le centre de la région la plus populeuse de l'État* : les habitants,
tous mamelucos descendant par les mères des Indiens Gamuti, ont autant
d'intelligence et d'initiative que les Portugais; ils ont le même esprit
d'industrie» mais les dépassent en bonne grâce et en bonté. Gametâ est^
un des paradis du Brésil par la beauté de ses palmeraies, de ses tles».
de ses cultures» aussi bien que par le charme de la vie sociale. Elle méri-
terait un proverbe louangeur comme celui que répètent avec complaisance
les Paraenses et que certains étrangers répètent avec ironie : Quem vai
para Para para^ « Qui entre à Para reste à Para ».
III
VERSANT DU TOCANTINS.
ÉTAT DE GOTAZ.
Le système hydrographique du Tocantins se rattache étroitement à celui
des Amazones. S'il est vrai, comme tout semble l'indiquer» que, par suite
> Valeur du commeixe de Para en 1796 1 575 000 francs.
)) )) en 1852 10 000 000 »
)) des exportations par année moyenne, de 1880 à 1891. 86 250 000 n
Exportation du caoutchouc en 1892, 18 800 tonnes ; valeur, ^ 120 000 p
Receltes de la douane de Para 25 685 000 »
« Villes principales de TAinazonas et de Pai*à, avec leur population approximative, d*aprè» Barbosa
Rodrigues, en 1895 :
AMAZOJtAS. PARX.
Manaos (Barra do Rio Negro). . 50 000 hab. Para (Belem) 110 000 hab.
Teffé (Ega) 1 000 » Cametâ 10 000 »
Santarem 2 000 »
Mac^apô 1000 »
BASSINS DE L'AMAZONE ET DU TOCANTINS. 205
raffaissements continus du lit marin, les eaux de l'Atlantique aient envahi
es terres occupées actuellement par le golfe amazonien, il fut un temps
m le Tocantins, communiquant aujourd'hui avec le « Fleuve-Mer w par
les bayous de marée, unissait directement son courant au sien par un con-
luenl situé à Test de l'île Marajo : il était alors un simple tributaire de
Amazone. D'ailleurs il s'écoule du même versant que les autres affluents
léridionaux du grand fleuve, le Xingû, le Tapajoz, et son cours se déve-
>ppe parallèlement au leur. Mais par la région des sources, le Tocantins,
aissant au centre même du massif orographique brésilien, confine à
'autres provinces naturelles, les deux bassins du Sâo Francisco et du
aranà. Aussi le Brésil, reconstitué sous forme de république fédérale,
-t-il eu l'idée de se donner un nouveau chef-lieu, situé précisément dans
ette région faîtière, près du lieu de divergence de trois fleuves princi-
paux. Au point de vue purement géométrique, le site choisi coïncide
rien avec le centre du territoire; mais, si l'on avait voulu prendre le véri-
able milieu, c'est-a-dire l'endroit du Brésil autour duquel les popula-
ions s'équilibrent numériquement, il aurait fallu le chercher beaucoup
plus à Test, dans l'État de Minas Geraes. On a pensé que dans l'avenir le
centre, se déplaçant graduellement vers le Grand Ouest, finirait par
9ccuper le site préparé pour la capitale future. C'est ainsi qu'aux États-
Unis du Nord le lieu d'équilibre pour tous les habitants du pays n'a cessé
le cheminer de l'est a l'ouest, avec le flot d'immigration, des cités du
littoral aux solitudes de l'intérieur.
Il n'y a point coïncidence entre les limites du Goyaz et celles du bassin
dont le Tocantins porte les eaux au golfe de Para. L'État de Goyaz, dont la
superficie est très diversement évaluée, occupe au sud du faîte des monts
Pyreneos une partie du versant méridional incliné vers le Parana, et du
côté de l'ouest il n'embrasse qu'une moitié de la vallée de l'Araguaya; sa
frontière est formée par le fleuve lui-même*. Quant aux contours du bassin
d'écoulement, ils sont d'une remarquable précision. Un cirque de forme
ovalaire se développe autour des deux branches maîtresses, le Tocantins et
l'Araguaya, et se ferme au nord par les seuils de rochers d'où plongent les
dernières cataractes du fleuve; sinon des chaînes de montagnes, du moins
les escarpements d'un plateau, les renflements du sol, constituent les
* Superficie ci population du Goyaz :
Superficie approximative, d'après Wagner cl Supan. 747 511 kilomètres carrés.
Population recensée en 1872 180 000 habitants.
)) probable en 1897 250 000 ))
Densité kilométrique 0,55 liabitants par kil. carré.
204 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
parois extérieures de ce grand amphithéâtre. A l'est surtout, le boi^
du bassin se redresse en escarpements d'un vigoureux relief auxquels oh
donne le nom de serraSy d'après l'apparence qu'ils offrent vus de E
vallée : serra das Mangabeiras, serra do Douro, serra da Tabatinga, sera
do Paranan. En réalité, les hauteurs consistent en chapadôe$y fragment
d'un plateau de grès, étendues monotones, ayant une élévation moyen»
de 400 mètres, auxquelles se superposent de distance en distance de
masses cubiques, plus hautes de 80 mètres, et où se creusent quelque
dépressions d'égale profondeur. Toute la contrée fut une plaine uniforme
dont les inégalités actuelles sont dues au travail érosif des eaux*. Seule
ment par une faible partie de son cours inférieur le Tocantins entre dan
la plaine alluviale] qui prolonge à l'est celle de l'Amazonie. Les régions
complètement inconnues de ce bassin occupent encore une très grande
s.uperficie, car les explorateurs, parmi lesquels on doit citer Francis do
Castclnau, Couto de Magalhacs, Hassler, Ehrenreich, ne se sont guère
écartés du fleuve ou de son voisinage immédiat. Pohl et Natterer ont aussi
visité le Goyaz. Au siècle dernier quelques voyages de découvertes avaient
eu lieu également, quoique le gouvernement portugais les eût interdits er
haine de tout changement. Tavares Lisbao, coupable d'avoir descendu le
Tocantins jusqu'à Para, fut incarcéré avec ses compagnons et n'échapp?
qu'avec peine à la mort*.
Deux rivières, égales par la longueur du cours et peu différentes pai
l'abondance des eaux, s'unissent pour former fe fleuve inférieur, le
Tocantins proprement dit, et TAraguaya : en France, la Loire et l'Alliei
présentent un exemple analogue. Entre les deux cours d'eau brésiliens,
comme entre les deux rivières françaises, se profilent des hauteurs assez
élevées pour prendre en certains endroits un aspect de montagnes et
constituant une île géologi([ue distincte : dans le Goyaz, cette île se com-
pose de roches métamorphiques entourées de grès. Les premières eaux
qui alimentent la rivière orientale ou Toc«mtins, s'échappent d'une vallée
d'angle formée par l'arête transversale des Pyreneos et s'assemblent dans
un lac paisible, le Formosa, dont l'effluent, coulant d'abord au nord-ouest
sous le nom de Maranhào, se reploie ensuite à angle droit vere le nord-est.
Uni au gave des Montes Claros, il prend l'appellation de Tocantins, qu'il
gardera jusqu'à la mer, et se mêle à une rivière de force égale, le Parauci
ou Parana-Tinga, « Fleuve Blanc », qui recueille tous les ruisseaux descendus
* Ollo Clauss, Verhandlungen des fUnften Geographentayat zu Hamhurg, 1885; — Orvillc
A. Derby» A Geographia physica do BraziL
* Fr. de Castclnau» Expéditions dans les parties centrales de IWmérique du Sud.
BASSIN DU TOCANTINS. 305
du versant occidental des monts de Faranan et de TaLiitinga. Le courant
f>roduit par toute cette ramure de rivières abondantes roulerait assez
d'eau, dans un lit asseï profond, [mur la grande navigation par bateaui h
vapeur,si desseuilsdc rochers ne l'interrompaient de dislaut-e en distance.
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linSuu : Humboldl (IMtt).
IVtau : HbMoiuiIo {17131 ; H' Rwlin (l'SiO.
Caa-!la|» : Cnuula l-iiarrodÛUIi; Teirira |t<S'i: Frill
(lliM); l'illiiiri'ncio (IK5H).
BiulbRi : Haw llHfJ); Hrnuinn (IHUi.
l'cajili .'CioIflDiii |Igtl>)',r.ilil>an(l)Ûii).
Jinrr : BlU'k H lliwnhollt (1HT4|.
hiliiâu]ro-lra : liiui il( Snu {16UU); Rp)» (ISTlj; Siui-
•00 (I876j:*>™ui IIHTtlI.
Jiicul ; OuMlIrM ilW7).
Ck|DHM^niii ; S|>ii <4 Miirliui {isai}; Silvn Ik.ulinlu.
PinAa : l'riaiw ()«»,; Ui:uullr». (IRfîtj; LaliK (llW7i:
Elirroreirh (tlM9).
Im NrKro-l'auK-'-Bnin") ; ^n"» (UTOI; IIiiiiiIk.IJi
llimi); N|ui et Uanii» (IIMO}; ili' Baiiv«- (IHÂM;
H. Si'lioiriLiirKk (IMSIti; WalbcR (IWil): ïlrmlplli (tNHIj;
(Jiiiilri'gu riKNSi.
(IKIS); lù'Ilpr-LriiiiiicprItNIÎ); S>-irrtil|ir i IKiS).
rnniikMi» ; Ibrlnu Hoclriuiu- riNnï); IJimlmiu (HMi).
: Laii|mlorir|l)«7); <:ir4<Uiuii (IHUK ■■
(IWil:
i»tiij;j,
Xiiii.'ù : Ailalld'n ilr l'ru-^ i lHli| ; «
IHK7).
J.rï : Cmuui (UrS-TSI).
AtiiBiflBP'M>n-lluu(lSII)l;Tinpir:iill>S7|:KHIi|inHI|:
c:aiHl*Diinr 11711); S|hi H Haniiit (DMIj; MMiInv.-l
(IN(6); Anirdn (IWi); A||iiMit, llnrli (IMiSi.
Tui'anliii' : Ca^IRlniii IIKIII : r^Hii.i d,' )l,i).nlhli'- (IWii ;
llayilrr (IMM); Kliniin-Uli (IKKHi.
mdtWl-
Divers affluents eonsidénibles se succèdent, venus presque tous du vei--
sanl oriental, et l'un d'eux, le rio do Somno, jirovieiit d'un f:iile d'aigue-
verse (652 mètres) dtml les eaux sV-[)anfbeiit des deux côtés à la fois;
même la carte d'Homem de Mello, publiée en 18X5, attribue au latçuet
formant la vasque suprême un triple é|)anchemenl, vers le Tocaiilins par
le Somninho et [)ar le Novo, et vers le Siïo Fnmciseo par le Siipào. Après
Î206 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
la jonction du Manoel Alves Grande, le Tocanlins s'ouvre un passcige a
travers des barrières de rochers. C'est la partie héroïque de son cours par
ses brusques changements de direction, ses rapides et ses chutes. Enfin,
trouvant au nord un seuil infranchissable, il doit se rejeter à l'ouest et
s'unir à l'Araguaya, qui, par l'axe de sa vallée aussi bien que par un débit
légèrement supérieur, paraît être la plus importante des rivières jumelles.
L'Araguaya naît plus au sud que le Tocantins. Sous le nom de rio
Grande, si commun dans la nomenclature américaine, il s'épanche de la
serra Cayapé, non loin d'autres sources qui descendent à l'ouest vers le
Paraguay. Gonflé par le rio Claro et d'autres affluents considérables, il est
déjà de navigation facile avant de recevoir, du côté de l'ouest, son tributaire
le plus abondant, le rio das Mortes, appelé Roncador dans son cours supé-
rieur, sur un plateau sans faîte marqué, où les eaux hésitantes serpentent
d'un côté vers le bassin du Tocantins, de l'autre vers celui du Paraguay. A
l'endroit où le rio das Mortes s'unit à l'Araguaya, ce fleuve s'est déjà
dédoublé pour embrasser entre ses deux lits l'Ile allongée dite du Bananal,
qui comprend une superficie évaluée à vingt mille kilomètres carrés.
Cette île des « Bananeraies », qui n'a pas moins de 400 kilomètres du
sud au nord, — 510 kilomètres avec les sinuosités de la rive occidentale,
— paraît être une nappe d'alluvions lîicustres : elle a gardé sa parfaite
horizontalité, et dans sa partie septentrionale se trouve encore parsemée
de marais; même elle est occupée, dit-on, par une vaste nappe d'eau dont
l'effluent se déverse dans le bras oriental de l'Araguaya, généralement
désigné sous le nom de Braço Menor, à cause de la moindre abondance de
sa masse liquide. Au nord de l'île Bananal, deux autres îles, qui comblèrent
également des bassins de l'ancienne mi'v intérieure, se succèdent jusque
vers le 8** degré de latitude, longeant la serra dos Cayapos, qui se rap-
proche peu à peu et projette des travessôes (entapaivas) ou saillies de rocs
éruplifs ou de frneiss à travers le courant. Ce sont les arêtes d'où le fleuve
s'épanche eu rapides ou en cascades : là commence la descente des pla-
t(»aux intérieurs vers les campagnes amazoniennes. Les premières éclusées
ne sont point dangereuses pour la navigation, mais le courant devient
plus rapide et plus accidenté de* cataracti^s et de remous sur une longueur
d'environ 29 kilomètres jus(|u'à la Carreira C()m[)rida; dans cet espace
TAra^uava lonibe d'une hauteur totale de 25 mètres et demi, soit d'en-
vii'on 1 mèln* pai* kilomètre. Ici W fltMive tourne au nord-est, formant de
moindres bouillons; j)uis, tri's profond, très rapides resserré à 150 mètres,
il passe dans un étranglement de rochers, percés de puits et couverts de
sculptures indiennes, dans les(|uelles les bateliers brésiliens ont cru
«connaître Timage du supplice de Jésus-Christ : d'où le nom de Mar-
-jrios donné à ce passage'. La masse liquide est entraînée dans l'étroit
e la Cacboeira Grande ou de la « Grande Cataracte », dont la déclivité
Sgale à peu près celle de la Carreira Comprida, soit 16 mètres sur une
ongueur de 19 kilomètres. Ehrcnreich descendit ces rapides dans l'espace
^'une heure, tandis que pour en remonter le courant les grandes barques
emploient quinze jours et les petites de six à huit. Au delà, les eaux
reprennent leur tranquillité, jusqu'à l'endroit où la rivière, se heurtant
<ontre un obstacle de rochers, se rejette brusquement vers le nord-
ouest, et par de nouveaux rapides va rejoindre l'autre grande rivière, le
Tocantins : celle-ci, malgré la moindre abondance de sa masse liquide,
impose son nom aux courants unis*. Le confluent a pris le nom de « Duas
Barras » ou des « Deux Barres », synonyme de « Bec d'Ambez ».
En aval du confluent, le fleuve n'a pas encore fini de traverser la zone
rocheuse. De nombreuses travessôes barrent le courant de rive à rive. Au
passage des rochers de Tauiry, les eaux descendent de plusieurs mètres
par une succession de gradins, que les banpies, même faiblement char-
gées, ne peuvent franchir sans accident, sauf dans la période des crues, en
rnars et en avril ; pendant le reste de l'année, il faut vider les bateaux et
l^s haler de la rive pour surmonter les rapides. Plus loin, d'autres sauts,
sxyant près de 2 mètres en hauteur totale, interrompent encore le cours
fluvial : ce sont les chutes d'Itaboca, les dernières dénivellations brusques
c3u Tocantins. Mais plus bas le chenal reste obstrué par des fonds de
»x)che, et la navigation ordinaire s'arrête devant le fort ruiné d'Alcobaça,
^DÙ le fleuve n'a plus, en eau basse, que 1 mètre 10 de profondeur.
Un cet endroit on ne se trouve plus qu'à 210 kilomètres du carrefour de
^'oies navigables où se joignent le Tocantins et l'estuaire de Para. Ainsi
le fleuve n'oflre à la grande batelleiMe que la dixième partie de son cours
total'. Le Goyaz est donc dépoui*vu de toute communication naturelle avec
le littoral, et c'est par des moyens artificiels, canaux et chemins de fer,
qu'il lui faudra transformer en routes de commerce ses deux puissants
cours d'eau, le Tocantins et l'Araguaya. De même (|u'à l'ouest, dans les
> Francis de Castelnau, ouvrage cité.
« Paul Ehrenreich, ZeiUchrift der Gescllschaft fur Erdkundc zu Berlin, 1891.
' Système hydrographique des deux rivières :
Tocantins . . . .
Longueur du cour»
en kiloniùlre».
2 500
Sui»crlicie du bassin
on kil. carres.
475 000
Débit
en nièt. cubes par a
9
•
Araguaya . . . ,
Fleuves réunis .
. . 2 000
2 800
407 750
8S2 750
y
1 0 000 (?)
208 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
régions que parcourent les ciffluenls de l'Amazone, les civilisés brésiliens
ne connaissent que le bord immédiat des fleuves : les plateaux intermé-
diaires sont c( terre ignorée » dans presque toute leur étendue.
L'orientation du Tocantins, dans le sens du sud au nord et sur une pente
fortement inclinée, donne au Goyaz une grande variété de climat. Des
sources de l'Araguaya a l'estuaire de Para les eaux parcourent dans l'hé-
misphère méridional 17 degrés de latitude, et l'ensemble de la déclivité
comporte environ 800 mètres, entre les seuils les plus bas du plateau et
les alluvionsdc la côte; il dépasse 1200 mètres si l'on prend comme point
de départ les rebords abrupts du cirque de montagnes dans la serra Goyana.
Tandis que la partie inférieure du bassin reste comprise dans la zone ama-
zonienne et jouit par conséquent d'un climat maritime, chaud et humide,
mais avec de très faibles oscillations diurnes et saisonnières, la région
des hauts, formant une espèce de cinjue au centre même du continent,
[)résente du froid au chaud des variations beaucoup plus considérables. Les
froidures, amenées surtout pendant le mois d'août par les vents du sud,
soit l'alizé normal du sud-est, soit le vent du sud-ouest, descendent par-
fois à plusieurs degrés au-dessous du point de congélation ; d'autixî part,
les ardeurs de l'été atteignent et dépassent même 40 degrés centigrades.
L'amplitude des oscillations, très forte d'une saison à l'autre, l'est aussi du
jour à la nuit, <juand le vent saute brusquement d'un point h l'autre de
l'horizon; en moins de vingt-cjualre heures on peut observer des éc^irts de
20, même de 24 degrés. D'ailleurs, les saisons sont rythmées comme
dans les partiels moins élevées de la zone tropicale du sud; les pluies, qui
commencent à tomber en sc^plembre, inaugurent l'été, qui est en même
temps l'hivernage de l'hémisphère méridional. La quantité d'eau que
ivçoivent les hautes vallé^^s du Tocantins ne paraît avoir été mesurée jus-
(|u';i maintenant en aucune station du Goyaz \ On l'évalue à près d'un
Uiètre par an. Pendant la saison sèche les [)luies sont remplacées par des
rosées très abondantes, cjui suffisent pour entretenir les sources.
La flore, la faune, présentent des variations correspondantes h celh»s du
climat dans la région déclive (|ui s'étend du plateau central aux plaines
liasses de l'estuaire amazonien. De ce c()té, la selve se dévelo[)pe en une
mer continue, sans autre interru|)tion ([ue les rivières et les coulées,
tandis ([n'en amont, sur les hautes terres, les forets se font rares: presque
' H. Morizi', Ksboço de nma climatalof/ia fin lirazil.
CLIMAT; FLORE ET FAUNE DU GOYAZ, INDIENS GAYAPÔ. 209
'tx)ute la contrée s'élale en campot étages, dont la végétation arborescente
:m'est représentée que par des touffes isolées, et en catingas ou bois aux
Tiombreuses clairières* : dans les terrains les plus fertiles, ces catingas
Tessemblent à des parcs de plaisance; ailleurs elles présentent un aspect
misérable et les blancs trouvent qu'elles rappellent de loin des vergers
abandonnés. Les pentes qui descendent des plateaux maigrement boisés à
la forêt touffue se recouvrent d'une végétation de grandes herbes*. Cer-
taines espèces du midi indiquent déjà la transition entre les deux ver-
sants de TAmazone et de la Plata. Au sud des hautes croupes ou chapadôes
Igs plateaux sont recouverts par diverses formes d'une plante très pitto-
fesque, h canella de ema {velloiia maritimajy monocotylédone aux rameaux
rêtus d'écaillés et aux belles fleurs blanches terminales, que protègent
es fibres tombantes comme les feuilles de saules pleureurs. Des caïmans
e trois espèces différentes, ainsi que des dauphins, peuplent les eaux du
euve, et dans ses hauts affluents vivrait, d'après Auguste de Saint-Hilaire,
ne espèce prodigieuse de lepidoxircriy le minhoceOy qui ressemble à un
ver et qui noierait les grosses bêtes en les saisissant par-dessous le
■entre. Les « autruches » de l'Argentine pénètrent jusque dans le sud du
loyaz.
Les Indiens Goyazes ou Guayazes, dont le nom se perpétue dans celui
<lu pays, se sont éteints comme nation distincte et leurs descendants
se sont fondus avec des tribus d'origine diflerenle. Actuellement, le
groupe indigène le plus considérable est celui des Cayapé, que l'on connaît
par d'autres appellations en dehors du Goyaz, dans le Matto Grosso et l'État
de SSo Paulo. Ils seraient au nombre de 12 000 individus, vivant l\
l'écart des villes dans les montagnes, principalement à l'ouest du Goyaz,
entre l'Araguaya et le Xingù, et au nord-est sur les confins du Maranhâo.
Leur langue, leurs mœurs les ont fait classer dans la grande famille
ethnique des Gès, ainsi nommés par Martius h cause de la terminaison
des noms appliqués à la plupart des peuplades; cependant ce voyageur
classait précisément les Cayapo dans un groupe différent de celui auquel
on les a rattachés depuis. Ils sembleraient, par la forme de leur crâne,
devoir constituer une famille a part, car ils se distinguent de tous les
autres Gès par une très forte brachycéphalie : en outre, peu dlndiens
* Du tupi caa-4inga ou « bois blanc », ainsi nommé sans doute parce que les arbres de ces
brousses perdent pour la plupart leurs feuilles pendant une partie de Tannée. (Auguste de Saint -
llilaire. Voyage aux sources du rio San Francisco et dans la vrovince de Goyaz.)
* Otto Clauss, mémoire cité.
XIX. 27
210 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
prosentent un type mongoloïde aussi frappant. Frères des Botocudos, les
Gayapo restés indépendants portent le disque de bois ou botoque dans leur
lèvre inférieure; ils ignorent l'usage du hamac et ne se servent point de
bateaux pour la traversée des rivières; toutefois ils sont beaucoup plus
industrieux cpie les Bolocudos et se montrent fort habiles pour la fabri-
cation de divers petits objets, armes, instruments et parures. Très
belliqueux, ils ont souvent guerroyé contre les envahisseurs blancs; mais
quelques-unes de leurs tribus, « civilisées » de force et campées en des
villages sous la surveillance immédiate des vainqueurs, ont graduellement
dépéri. Le gros de la nation, resté libre, presque ignoré des Brésiliens,
ne pourra se soustraire longtemps aux recherches des voyageurs.
D'autres Indiens de même l'ace, connus par les Brésiliens sous les noms
de Chavantes, vivent dans le bassin de TAraguaya, surtout dans les régions
que traverse le rio das Mortes : ils se désignent eux-mêmes par Tappella-
tion d'Akué. Les Ghikriabîi des faîtes de partage entre le Paranatinga et le
Paranahyba, les Akroa et les Cherentes du rio de Somno et du Tocantins
en amont des « Deux Barres w, les Apinagés, sauvages complètement
nus qui vivent dans la région des collines entre TAraguaya ci le
Tocantins, doivent être considérés comme appartenant également à cette
famille. Ce sont des hommes de belle stature, fort bien proportionnés,
mais de ligure un peu mongole, avec pommettes saillantes, nez aplati,
paupières obli(|ues. Ils vivent de pêche et de chasse. Les pacifiques Che-
rentes du rio de Somno maintiennent de bonnes relations avec les blancs
et même ont envoyé plusieurs fois des mandataires h Rio de Janeiro;
mais c'est en vain que l'on a essayé d'apprivoiser les Chavantes de TAra-
guaya. Ceux d'entre cnix qui habitaient 1(\^ rives de ce fleuve ont disparu,
et la colonie que Gouto Magalhaes, le savant auteur de V « Homme
Sauvage », avait mis tous ses soins l\ fonder, en 1865, pour en faire un
centre <ragricultureet de commerce, ne dura pas longtemps. Les Chavantes
se sont cantonnés sur les bords du rio das Mortes, et en 1887 ils ont
assailli une troupt» brésilienne «|ui avait tenté l'exploration de la vallée.
Couto de Magalhaes affirme, mais sans l'avoii* constaté d'une manière
positive, qu<* les Chavantes mangent leurs enfants morts, pour se les
assimihM' de nouveau; c'est aussi pour resttT unis avec leurs parents
défunts (ju'ils les ent(MTenl dans la cabane habitée : ils attendent la nuit
rap[)arition de ceux qu'ils ont aimés. Dans leurs gu(»rres ccmtre les blancs,
Chavantes (*t Ciherentes ont été souvent très dangereux. Castelnau vit à
Goyaz un prisonnier ch<Mvnte qui portait sur sa poitrine près de deux
cents cicatrirt^s indiquant le nombre des hommes qu'il avait tués et man-
liNDlENS DU GOYAZ. 215
^és : celles du côté droit rappelaient les « chrétiens », celles du côté gauche
les indigènes. Ensemble, les Chavantes, Cherentes et autres tribus voisines
seraient environ 10000.
Les Caraya, que Ton rencontre aussi sur la rive droite du Xingû, ont
leurs principales tribus sur le versant occidental de la vallée de TAra-
^uaya, dans Tile du Bananal, et, à Test du Tocantins, sur les confins des
iprovinces de Para et de Maranhâo. On considère ces indigènes comme issus
d'une souche ethnique différente de celle desGès, des Tupi, des Caraïbes :
leur dialecte, articulé d'une manière très confuse, est encombré de mots
f>olysyllabiques difficiles à prononcer. On ne lui connaît pas de langues
similaires dans l'Amérique du Sud; il offrirait, comme l'ancien caraïbe
^es Antilles, les traces d'un double parler, dont l'un réser\'é aux femmes,
mais ce dernier parait être une forme primitive du langage des hommes.
la plupait des Garaya ont des crânes très étroits, des nez fortement recour-
bés, des yeux petits, un peu obliques, et la chevelure beaucoup plus fine
que celle des autres Indiens. Parmi les nombreuses tribus Garaya, comptant
ensemble quatre mille « arcs », celle des Ghamboa est probablement la
moins pure, par suite des nombreux croisements avec des femmes
Gayapô et de la fréquente adoption d'enfants captifs. Les Garaya sont peut-
être les artisans les plus habiles de tous les indigènes brésiliens; pourtant
ils ne tissent point de hamacs : à cet égard ils ressemblent aux Gès,
niais en différent par leur singulière dextérité à la manœuvre des canots :
Ce sont probablement des Garaya que les voyageurs du Brésil occidental
désignaient autrefois par le nom de Canoeiros. Au point de vue moral,
<^^lles des tribus Garaya qui restent indépendantes se distinguent hono-
rablement des autres peuplades et de leurs visiteurs blancs. Ils ne boivent
f^as de liqueurs alcooliques et ne s'abaissent pas à ruser et à mentir.
1?rès rigides observateurs de la fidélité conjugale, ils iraient jusqu'à brûler
Les femmes adultères. Pour maintenir l'ordre dans les familles, ils ont
^ïnême fondé une institution spéciale, unique dans le monde : ils nomment
Xin mari des veuves, entretenu aux frais de la communauté et dispensé
^e tous les travaux, de toutes les fatigues, des guerres et des expéditions
^auxquels ses compagnons prennent part*. Leur manière d'enterrer les
morts est peut-être sans exemple : ils ne placent pas le corps horizontale-
ment, mais debout, et la tète fait saillie au-dessus du sol, en sorte qu'on
peut mettre dans la bouche même du cadavre les bananes et autres ali-
ments qui doivent le soutenir*.
* Couto de MagalhSes; — Alfonso Loinonaco, ouvraçes cités.
* Fr. de Castelnau, ouvrage cité.
314 NOUVELLE GfiOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Dans le Goyaz méridional la population noire fut jadis très considérable
en proportion des blancs. Les planteurs ayant introduit des travailleurs
africains, avec une telle cruauté qu'ils négligèrent même d'acheter des
femmes, les nègres importés périrent sans descendance; on ne comptait
plus que 4000 esclaves dans la camarca de Goyaz, où il en avait existé,
dit-on, plus de cent mille au commencement du siècle*. Mais si la pari
de sang africain est relativement minime parmi les gens du Goyaz,
ceux-ci n'en sont pas moins tous métissés par les unions qui, de pères en
fils, se sont faites avec les Indiennes de races diverses, Gayapé, Gherentes,
Chavantes, Caraya. Les ancêtres blancs dont descendent ces Brésiliens
métis furent des aventuriers paulistas, qui ne paraissent pas avoir transmis
leur énergie en héritage aux fils. Les mines d'or et la démoralisation
rapide qui en accompagna l'exploitation, finirent par appauvrir la contrée
en faisant abandonner l'agriculture. Lorsque Auguste de Saint-Hilaire
parcourut le Goyaz, en 1819, il ne voyait autour de lui qu'une « triste
décadence et des ruines » ; Francis de Gastelnau constatait que le pays
retombait « dans un état complet de barbarie » . Le goitre est très fréquent
parmi les habitants du Goyaz dans toutes les régions dont les eaux sont
magnésifères'.
Les habitants du haut Tocantins s'attendent à voir surgir la capitale
des États-Unis du Brésil dans leur territoire, vers les sources du MaranhSo :
en vertu d'un article de la constitution républicaine, le futur municipe
fédéral doit s'élever sur ces plateaux, et dès raiiiiée 1892 une commission
scientifique, dirigée par l'astronome Cruls, a délimité dans cette région
« pyrénéenne » un espace de 14400 kilomètres carrés destiné à devenir la
propriété commune de la nation. Les explorations, à l'appui desquelles
paraîtra bientôt une carte détaillée (1895), prouvent que la contrée jouit
d'un excellent climat et possède en surabondance des eaux claires et
salubres pour l'alimentation de la grande cité future et l'entretien de son
industrie. Les communications sont aussi beaucoup plus faciles qu'on ne
se l'imaginait, car les Pyreneos ne sont que des massifs de rochers peu
élevés, dépassant de deux ou trois cents mètres Ji peine les croupes des
chapadas environnantes, et des passages faciles séparent les mornes
rocheux. Ces montagnes « Pyrénées », dont le nom, prononcé Perineo*
* Raymundo José de Cunha Mattos, Chorographia historien da provincia de Goyaz.
• Fr. de Castclnau, ouvi-a^e ciU*.
GOYAZ, TERRITOIRE FÉDÉRAL. 215
d'il pi-ès Auguste Sainl-Hilaire, serait d'origine indienne et devrait par con-
sécjuent s'orthographier d'une manière différente, étaient tenues naguère
poui' des rivales des sommets franco-ibériques; mais on a reconnu que
l'Œ^ltitudede 2752 mètres donnée au piton suprême provenait de l'eri-eur
d*mjn missionnaire : le plus haut piton n'a que 1585 mètres, et même une
cliskpada située plus à l'est, sur le prolongement de cette chaîne, non loin
d*2 I*'onnosa, la chapada dos Veadeiros, atteint une élévation plus grande,
1 Ô V S mètres, la cité des Pyrénées pourra disposer d'une grande variété
49' Uuest de GreenwJL;h
.e prc/isoirG de LouisCruls
de
'"t'ches pour sa construction, grès flexibles de l'ilacolumile, quartz el
^'listes, enfin « pierres de fer », dont la décomposition donne « une lerro
^i>^ » d'une grande fertililé; enfin des eaux Ihcrmales jaillissent de la
'^'^ des montagnes'.
''ï^is de longues années s'écoulei'ont sans doute avani que le réseau des
' "^n>ins de fer du Brésil converge vers ce domaine national : en 1895, les
' l'ïlflijls ne sont pas assez nombreux pour que la population réunie de
^*^t pût même emplir une ville de deuxième ordre ; les doux agglo-
'"^lions urbaines de cette région, l'ancienne villa dos Couros, la For-
'*'*** moderne située près du lac de même nom, el Meia-Ponte, dont
il Cruls, Commiitao Exploradora do Plnnallo CenIrnI.
Si6 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
le nom a été récemment changé en celui de Pyrenopolis, comprennent
seulement chacune deux ou trois milliers d'individus. Maia-Ponte, qui
date déjà de la première moitié du dix-huitième siècle, occupe à
740 mètres, dans le haut bassin du rio das Aimas, le milieu d'une plaine
qui rappelle TEurope et que Ton pourrait cultiver entièrement en céréales
et en vignes. Mais, sauf ses jardins et ses vergers, .Pyrenopolis n'a guère
de cultures : la contrée, surtout vers le sud-est, où des seuils bas
mettent le versant du Tocantins en communication avec celui du Paranil
par le Gorumbà et le Paranahyba, est couverte de pftturages que parcou-
rent des bestiaux par centaines de mille. Les lavages d'or et de diamants
qui attirèrent dans le pays les aventuriers de Sio Paulo et de Minas
Geraes ne donnent plus qu'un faible rendement, les Goyanos méprisant
un travail que faisaient jadis les esclaves.
Sur le fleuve proprement dit se succèdent quelques bourgs, destinés à
devenir des centres de commerce dès que les voies ferrées viendront y
croiser leur réseau : San Félix, Porto Nacional, Pedro Âffonso, celuî-ci
fort bien situé au confluent du Tocantins et du rio do Somno par lequel
passera un chemin de fer se dirigeant vers la ville de Barra, sur le l^o
Francisco. Les deux fleuves se rejoindront ainsi dans une partie navigable
de leur cours, mais en amont des cataractes. Actuellement l'État de Goyaz
est, pour ainsi dire, fermé du côté du nord, sauf pour des explorateurs
aventureux : on ne l'aborde que par son extrémité méridionale, où il con-
fine au bassin du Parand.
La capitale de TÉtat, Goyaz, eippelée jadis Villa Boa ou « Ville Bonne »,
en mémoire de Bueno, le premier explorateur de la région, est située dans
la haute vallée de l'Araguaya, la rivière jumelle du Tocantins, tout
près d'un seuil où s'entremêlent les sources des deux cours d'eau : il
est même question de détourner la rivière Uruhû, tributaire du Tocantins,
pour la jeter dans le Vermelho, la rivière de Goyaz, et la rendre ainsi
navigable. La ville, dominée au sud par les escarpements de la serra
Dourada, eut au siècle dernier plus d'habitants que de nos jours, quand
des milliers de nègres esclaves exploitaient les mines d'or et de diamant
découvertes dans les environs. Une grande forêt, dite matto gro$iOy mais
bien amoindrie de nos jours, recouvre les pentes des montagnes au nord-
est de Goyaz vers Pyrenopolis, et la population agricole se porte vers ce
district fertile, où pousse l'herbe jaragua, très appréciée par le bétaiP.
Dans le voisinage de la ville on cultive la vigne, qui donne deux récoltes
* Louis Cmls, JVo/e» manuêcritex.
GOYAZ, ÉTATS DE LA COTE ÉQUATORIALE. 217
»ar an, le raisin de la saison sèche {uva da secca) et le raisin des pluies
^^iva da$ agua$)y ce dernier utilisé seulement pour la fabrication du
-%rinaigre. Le vin de Goyaz était, dit-on, fort apprécié jadis; quant au tabac,
B.e fumo pkado^ il est, disent les Goyanos, « le meilleur du monde », et
ssur le marché de Bahia on le paye au prix le plus élevé.
En aval de Goyaz, à 80 kilomètres, la colonie militaire de Jurupensen
«constitue une escale importante. Puis vient Leopoldina, village situé à la
jonction du Vermelho et de TAraguaya, connu dans cette partie de son
<iours sous le nom de rio Grande. D'autres hameaux se suivent à de longs
intervalles dans les solitudes riveraines de TAraguaya, que la peur des
incursions indiennes empêche encore de se peupler. Dans la partie septen-
trionale de la vallée, au nord de Tîle Bananal, un deuxième presidio ou
camp de condamnés militaires a groupé quelques habitants civils : les
bateaux'qui ont à franchir les rapides d'aval s'y ravitaillent pour le dan-
gereux passage, et les bateaux à vapeur s'y arrêtent, après avoir descendu
d'environ 1000 kilomètres le cours de l'Araguaya, au-dessous du Ver-
melho. Le village situé près des « deux barres », au confluent du Tocan-
tins, Sao Joâo das duas Barras ou de Araguaya, n'a pu devenir poste d'escale
important, la navigation étant, en amont et en aval, interrompue par des
i"apides et des cataractes. A l'endroit où les eaux se calment, au pied des
crhutes dltaboca, on est déjà dans la province de Para et dans les plaines
le l'Amazonie'.
IV
COTE ÉQUATORIALE.
ÉTATS DE MARAXUXO, PIAUUT, CEAK.Î, IllO GRANDE 1)0 .NOIITE, PARAUYBA,
PERNAMDUCO, ALAGÔAS.
De l'estuaire du Pam à la bouche du rio Sao Francisco se prolonge, du
nord-ouest au sud-est, une zone côtière divisée en de nombreux bassins
fluviaux qui se ressemblent par l'inclinaison générale, le sol, le climat,
les produits. Cette région présente un caractère do transition entre l'Ama-
zonie et les contrées populeuses du Brésil, et, sur une grande partie de son
étendue, au sud, elle est limitée par des solitudes montagneuses. Les habi-
* Villes principales du Goyaz, avec leur population approximative en 1893 :
Goyaz (cidade) 8 000 habitants.
Formosa (villa) 3 000 »
Pyrenopolis » 2 500 »
xu. 28
218 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
lants de cette zone du littoral atlantique ne sont pas encore assez nom-
breux pour rattacher solidement l'Amazonie au reste de la République.
Les voies de communication déjà tracées ne servent guère qu'à relier les
villes de Tintérieur au port le plus rapproché; mais, parallèlement à
la côte, il n'existe que des tronçons sans importance de routes carros-
sables ou ferrées. £n dehors du lien moi*al, qu'une volonté commune, la
mémo langue, les origines, l'histoire et les aspirations donnent à l'ensem-
ble de la nation brésilienne, la seule ligne de jonction entre Recife et Para
est le sillage que tracent les bateaux à vapeur d'escale en escale sur une
longueur de plus de 1500 kilomètres.
Mais il est probable qu'en peu d'années l'unité matérielle sera faite.
Prenant pour points de départ les deux grandes villes de Belem, dans
l'État de Para, et de Recife, dans l'État de Pernambuco, le progrès en
population et en industrie se propage sur la ligne intermédiaire. Dans les
années normales, quand les pluies ont tombé en suffisance, le nombre
des habitants s'accroît* ; mais les années défavorables contribuent aussi,
quoique indirectement, au progrès général, puisque les aventureux émi- i-
grants cearenses se dirigent alors en foule vers l'Amazonie, nouant ainsi M^^i
des relations plus intimes entre des provinces éloignées. La connaissance ^^-ze
de l'intérieur, naguère très incomplète, s'accroît rapidement, grâce aux :3k: x
travaux des ingénieurs qui parcourent le pays à la recherche de mines, de ^e^ Je
carrières ou de sources, et qui comparent les tracés de routes futures. Dès ^^ ^
l'année 1594, l'exploitation de la contrée avait commencé, par l'arrivée de «^i^e
Jacques Briffault, dans l'île oii s'élève de nos jours la ville de San Luiz do
Maranhao. Les missionnaires Yves d'Évrcux, Claude d'Abbeville, nous ont
raconté les mœurs et la vie des sauvages avec lesquels ils vécurent dans
ces premiers temps de la découverte, et plus tard, lors de l'occupation
hollandaise de Pernambuco, de 1630 à 1654, Johannes de Laet, Rarlaeus,
Nieuhof, décrivirent une autre partie do la contrée. Des expéditions dans*
le sertào pour la capture^ des esclaves révélèrent peu à peu la direction des^
vallées et des chaînes de montagnes; cependant de toutes les régions^
» Superficie et population dos Étiits littoraux entie le Tocantins et le Sâo Francisco ;
Maranhao 459 88 i kilom. carrés; 500 000 hah. 1 hab. par kil. car.
Pianhy 501797 )) » 500 000 » 1 » » »
Cearâ 104 250 )> .» 1000 000 w 10 » » »
Rio Grande do Norlo . 57 485 » >> 320 000 w 5,6 » » »
Parahyba 74 751 )> » 500 000 » 6,8 » » ' »
Pernambuco. ... 128395 » » 1150000 » 9 » » »
Alagôas 58 491 » )) 550 000 » 9,5 w » »
Ensemble.. . . I 185 055 kiloni. carrés; 4 520 000 hab. 5,8 hab. par kil. C4ir.
ÉTATS DE LA COTE ÉQUATORIALE. 219
^brésiliennes, aucune n'a été moins fréquemment visitée par les natura-
listes et les géographes de profession. En 1809 et pendant les années
suivantes, Henry Koster parcourut la région du littoral entre Recife et
Jfaranhâo, pénétrant çà et là dans l'intérieur*. En 1875, l'Anglais Wells,
partant du bourg de Carolina, sur le rio Tocantins, traversa la zone
montagneuse pour redescendre à Maranhao par la vallée du rio de Grajahû*,
et déjà un enfant du pays, le poète Gonçalvez Diaz, avait exploré et décrit
ces provinces du nord. EnGn, la côte a été admirablement étudiée,
d'abord par Vital d'OIiveira', puis par Mouchez*, dont les cartes côtières
servent de points d'appui pour toutes les figurations cartographiques,
encore si défectueuses, de l'intérieur.
Les montagnes de la contrée littorale qui sépare le Tocantins du Sao Fran-
cisco ne constituent point de chaînes précises avec des lignes de faîte
r^ulières : ce sont évidemment les restes de hautes plaines érodées et
laissées à l'état de ruines par le travail séculaire des eaux : seulement des
£irétes, s'alignant ou se succédant en échelons, permettent aux géologues
de soupçonner l'ancienne architecture des plateaux ravinés*. Les crêtes les
plus hautes paraissent être la serra do Piauhy et la serra dois Irmâos, qui
dominent au nord-ouest le cours du Sao Francisco. Formant une ligne de
faite, elles se développent du sud-ouest au nord-est, comme si elles se
dirigeaient vers l'angle oriental du Brésil pour séparer du golfe amazonien
€^lui de l'Atlantique austral. Ces arêtes peuvent être considérées comme
le rebord d'un plateau, dont un autre rebord, au sud-ouest, est formé par
les serras Mangabeiras et Gurgueia : les rivières Grande, affluent du Sao
Francisco, et do Somno, tributaire du Tocantins, limitent en dehors,
comme un fossé de circonvallation, le flanc de l'immense massif insulaire.
On n'en connaît pas l'altitude moyenne, mais quelques cimes dépassent
un millier de mètres. Le piton le plus haut qu'ait mesuré Wells au pas-
sage du faîte entre le Tocantins et les affluents du golfe de Maranhao,
pointe à 640 mètres.
Dans les limites indiquées par les arêtes extérieures du plateau, et plus
à l'est vers l'extrémité orientale du continent, s'élèvent d'innombrables
mornes, monticules et renflements ayant chacun son appellation distincte,
mais inconnus en grande partie quant à la nature de leurs roches. On
* Henry Koster, Travels in Brazil.
* Journal ofthe Geographical Society of London^ 1878; — Threc thousand miles through
BraùL
' Roteiro da Costa do BraziL
* Instructions nautiques sur les côtes du Brésil,
* Herbert Smith, Brazil, the Amazons and the Coast,
SSO NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
sait pourtant que les escarpements inclinés vers le rio SSo Francisco se
composent de masses d'origine archéenne, analogues à celles du Canada.
Les hauteurs qui forment le musoir oriental du continent, de TÉtat de
Gcarà à celui d'Àlagâas, appartiennent à la même formation, mais à Touest,
ces roches primitives sont revêtues d'assises calcaires appartenant aui
âges crétacés. Toute la haute vallée du Parnahyba est occupée par des ter-
rains de cette origine. Plus au nord, parallèlement au rivage, se succèdent
des terrasses de grès, semblables à celles qui bordent au nord et au sud la
vallée alluviale de TAmazone, et provenant sans doute d'une même
période géologique, pendant laquelle une vaste méditerranée d'eau douce
recevait sur ses fonds des couches égales de dépôts arénacés : le golfe ama-
zonien était alors occupé par la terre ferme. Les montagnes côtières de
Pernambuco sont revêtues partiellement de calcaires, identiques à ceux
qui de nos jours se forment au fond de l'Océan par la chute des myriades
d*infusoires.
La destruction du littoral tourné vers le golfe amazonien se continue de
nos jours. Du Para au Maranhâo, sur un développement cdtier d'environ
500 kilomètres, la ten*e et la mer se disputent une bande assex large,
dédale de baies et de bayous, d'îles et d*iIots, de canaux et de lacs, s'en-
tremêlant h l'infini et changeant avec chaque marée. Le mascaret y pénètre
avec une violence extrême, parfois avec la vitesse de 10 kilomètres à
l'heure, vraie cataracte mobile qui déchire les rives par lambeaux et à
laquelle nulle embarcation ne saurait résister. Alors les étroites coulées
se changent en larges rivières, les péninsules, les îles disparaissent sous
le flot montant pour se montrer à nouveau quand s*abaisse la mer.
Mais dans cet incessant conflit l'Octnin l'emporte : sur les plages, les tes-
tacés marins se superposent aux couches de coquilles lacustres, les palé-
tuviers poussent à la place des espèces terrestres, projetant leurs colonies
le long de chaque coulée fluviale, de chaque bras marécageux, entre-
mêlant leurs racines en un sol jadis ferme et devenu boueux. Çh et \h
quelque palmier dresse sa hampe flexible sur un îlot de grès, mais,
assiégé de toutes parts, il finit par s'incliner et se flétrir, puis une
marée exceptionnelle le déracine et l'emporte avec son piédestal de roche
délayée*.
De nombreux cours d'eau descendent des collines et des plateaux du
faîte vers TAtlantique, mais aucune rivière, même le Parucihyba, n'égîile
les grands affluents de l'Amazone par la longueur du cours. Le Gurupy,
* J. M. da Silva Coutiuho, Bulletin de ta Société de Géographie^ octobre \HCû.
ÉTATS DE LA COTE EQUATORIALE. 221
dont le lit sépare les deux États de Para et de Maranhâo, n'est guère
connvi que comme fleuve limite. Plus abondant, le Grajahû, gonflé du
Jfea 1*11X1 à droite et du Pindaré à gauche, s'ouvre très largement à la
mef par Testuaire dans lequel se trouve Tîle Sâo Luiz de Maranhâo; la
rivièi*e d'Itapicurû, qui se déverse à l'orient de Tîle, contribue à faire
de Isi baie de Maranhâo comme une miniature du golfe amazonien avec
ses d^ux grands fleuves et son archipel intermédiaire. L'Itapicurù, ainsi
nomi:né des montagnes où naît une de ses principales sources, est le plus
fort Ciours d'eau du Maranhâo, et les bateaux à vapeur d'un faible tirant,
qui oint heureusement franchi la barre et fui les vagues du mascaret,
pouiArc?!nt remonter le courant jusqu'à Caxias, à 550 kilomètres de l'cm-
boviciliure; des barques vont même au delà, au pied des cascades. Les
grain. c3es inégalités du climat font beaucoup varier les extrêmes du débit
flux'iistl : tantôt les rivières sont réduites à de minces filets d'eau serpen-
tant dans les sables, tantôt elles débordent au loin dans les plaines, for-
'•^^ i:iL ». des étangs ou des marais. Quelques lacs permanents, dans lesquels
5i éc^<z^iile le flot d'inondation, sont alternativement de vastes réservoirs et
^^ simples mares sans profondeur.
1— ^Panjahyba ou le « Fleuve Mauvais », — si telle est la véritable éty-
'^^^^l^iDgie, — doit peut-être ce nom à l'insalubrité de sa vallée, mais plus
P^^^iiBablement à la faible épaisseur de ses eaux : les embarcations qui
^ ^ ^^montent risquent fort de s'engraver malgré leur faible tirant. Pour-
le fleuve dépasse en longueur et en aire d'écoulement tous les cours
^^^^^u de l'Europe occidentale : sur plus de 600 kilomètres en largeur,
^ ^^>eçoit toutes les eaux qui descendent du versant septentrional des
^^s, Mangabeiras, Gurgueia, Piauhy, Dois Irmâos. Le Parnahyba cou-
rte avec l'Amazone, le Tocantins et les fleuves de Maranhâo par le
ime de son cours inférieur. Au lieu de se terminer en estuaire, s'ou-
int largement vers les flots de l'Océan, il partage ses eaux blanchâtres
plusieurs rameaux et projette dans la mer la saillie d'un delta à mul-
^V^les embouchures*. L'existence de ces terrains d'alluvion déposés au loin
^«^ns les eaux marines semble prouver qu'en cet endroit la terre ferme
^*est pas en voie d'aflaissement comme sur le littoral situé plus à l'ouest.
La rivière Jaguaribe, qui porte à la mer presque toutes les eaux du
vlearsî, est beaucoup moins abondante que le Parnahyba, et, malgré la
ï^mure de ses affluents, ne roule assez d'eau pour porter des embarca-
» Rivière Parnahyba :
Longueur du cours fluvial . . 1 500 kilomètres.
Superficie du bassin 540 000 kilomètres carrés.
m HODVBLLE OÈOCRAPHIE imiVERSEtl,K.
tions quedaDsU partie biissu dn snii cuui-s, longue df 'J5 kilomêtn-s :
en 1815( sa bam fut complMement ferinôe par le vent de mer cl les
navires s'y trouvèrent pris commr dos poissons dans une nnsi^e'. Cependant
elle empiète sur la mer, comme le Parnahylia, par ses apports d'alluvions.
Les riviferes qui coulent phis îi l'est, jusqu'au cap Sào Hoque. cl sur la côle
orientale du Brésil jusqu'au l'iu S;ui Fmneiscu, mil un volume d'eau trop
faible pour modifier par leui-s sables el leurs argiles en suspension le tracé
primitif du rivage ; mais 11k d"aulres agents h l'œuvre ont donné îi h cdle
une physionomie toute paniculi&re.
De la bouche du Pamahyba à celle du rio S9o Francisco, le littoral, se
développant en une longue courbe sans brusques saillies, ext Iwrdé exté-
rieurement par un récif on jiar des chaînes de r<5ci!s en échelons encore
plus réguliers. Quelques-unes de ces roches côtières sonl d'origine coral-
ligène; d'autres, et notamment le célèbre r(!-clf de Pernambuco, sonl de
provenance différente. D n'existe probablement pas dans le monde une
formation qui ait plus l'apparence d'avoir été construite de main
d'homme*. La lai^ur mojcnne du récif varie de SO h 60 mètres, et la
plate-forme du sommet, parfaitement unie, reste à sec i> marée basse,
tandis qu'à marée haute le (lot, montant pui' la penlu douce tournée vers
la mer, déferle sur l'écueil et s'élance en fusées pour retomber en nappes
de lait dans l'eau calme du porl. La roche se compose d'un grès com-
pacte, dans lequel il est difficile de distinguer les couches et qui fut
probablement une rangée de dunes déposée par le flol. Des substances cal-
caires l'ont consolide et le tout s'est recouvert d'une patine extrêmement
dure, formée en entier de serpules, de nulllpores et autres organismes
végétaux et animaux. Les vagues qui se brisent incessamment sur ce mur
de pierre ne l'ont pas entamé, et les plus vieux pilotes lie remarquent
aucun changement dans son ensemble; cependant les oursins y creusent
des cavités qui donnent passage à la mer et font crouler des pans entiers de
la roche : il importe de veiller à la conservation de cette dune devenue
roche, car tout change, el ce que la nature a fait elle peut aussi le défaire.
Diverses étaient les théories des géologues au sujet de cette digue exté-
rieure. On l'avait prise d'abord pour un mur de coraux, mais elle n'en
offre point la texture ni les restes organiques : Âgassiz y vit ta moraine
frontale d'un ancien glacier, théorie que nul autre savant n'a reprise après
lui. C'est un cordon littoral, comme on en voit le long de tant de plages,
■ Henri Kosler, Travelt in Braùt.
* Chartes Darwin, Voyaget d'un Naluratiite autour du Monde.
RIVIÈRES, COTES DU BRÉSIL iNORD-ORIENTAL. 223
artout où les vagues, poussées directement contre la côte, trouvent des
^i>âd)les à soulever; peut-être les restes d'un ancien rivage ont-ils facilité
5 dépôt de ces matières arénacées que la mer a maçonnées depuis. En
uelques endroits ces murs du récif, de hauteurs différentes suivant la
illie primitive de la levée de sable ou suivant les diverses oscillations du
, sont assez élevés pour protéger contre la houle les eaux de la rade
intérieure, et de distance en distance s'ouvrent des graus qui permettent
âiux barques ou même aux forts navires de chercher un refuge contre la
liaute mer. Ces coupures de la digue correspondent presque partout aux
bouches des rivières. Des sondages faits en terre ferme ont permis de
constater au-dessous des alluvions fluviatiles l'existence de récifs cachés,
analogues à ceux de la mer*. Plusieurs récifs des environs de Pernambuco
portent le nom de tabayacû, mot qui paraît dérivé du tupi i-taboiassû,
« grand serpent de pierre », expression qui convient à merveille aux
brise-lames naturels de la côte, très régulièrement orientés, mais avec
de faibles sinuosités.
L'extrémité orientale du continent, marquée par le cap bien peu saillant
du Sao Roque, se prolonge à une grande distance en mer par un ce plateau
des sondes ». 11 faut s'éloigner au large de 55 à 56 kilomètres avant de
trouver le rebord du piédestal sous-marin qui porte l'Amérique du Sud :
^e 60 à 80 mètres, le fond s'incline rapidement jusqu'à trois et quatre
nille mètres. Au sud, le bord immergé se recourbe graduellement vers le
sud-ouest en se rapprochant de la côte, mais sans se redresser en saillies
insulaires. Les roches et îlots qui s'élèvent au-dessus du niveau marin
ont leurs bases dans les abîmes océaniques, sur le prolongement du
viusoir de Sâo Roque. La première terre visible dans cette direction est
l'enceinte annulaire de las Rocas, véritable atoll corallien comme ceux de
l'océan des Indes, enfermant un lagon d'environ 10 kilomètres en circon-
férence.
A 175 kilomètres -plus à l'est, s'allonge du sud-ouest au nord-est l'île
volcanique de Fernando ou Fernao de Noronha, dont les péninsules se
continuent par quelques écueils et que des profondeurs de 5000 mètres
séparent du continent. Cette terre, à laquelle on a donné le nom du
marin qui la découvrit en 1503, n'occupe qu'un espace de 15 kilomètres
carrés, mais dans cette faible étendue on voit les paysages les plus divers,
* Ch. F. Uartt, Relatorio dos Trabalhos da Commissào geologica na provincia de Pernambuco ;
— E. Liais, Espace Céleste.
• Victor Fournie, Bijbladen van het Tijdschrifl van het Aardrijkskundig Genootschap te Ams-
terdam, n'8, 1881.
Si NOrYEI.T,E RÉOGRAPHIE rSIVERSBLLK.
cri(|iii's d iiorls, collines et (ilaities, même des pitons d'un aspect hart
l'ensenilile du profil présente une ligne très dentelée se terminant à Ton
par un morue abi-upl de 50â mètres que surmonte une cidonne
phonolithe en forme de phare gigantesque. Le gouverneur de l'Ile inter
aux natunilisles du Challenger l'exploration de file, mais depuis ce
épiKpie elle a été étudiée par le géologue Branner et par li- zoologi
Rîdlej : celte roche oeéaniqui; est désormais l'une des mieux connues. I
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D'opré) In cari» miriiics iDglaitM e( tnnçaiwi.
Siir In diveraei cartra I» uonu de Ueui dilRrenl niiiant la ni
basaltesdonll'ileest en grande partie formée sont d'origine ancienne,
depuis la découverte aucune éruption ne s'est produite : les épancheme
de matière fondue datent d'une époque où l'Ue se trouvait immet^
d'environ 150 mètres, ainsi que le prouvent des pâtés de coraux qui ci
fent les colonnades basaltiques à cette hauteur au-dessus de la mer.
certains endroits, la rive se compose de sables durcis, anciennes du:
consolidées par la percolation des substances calcaires et présentant i
formation analogue à celles des récifs de Pernamhuco.
Quant aux îles et îlots situés au milieu de l'Atlantique, sur le même .
RÉCIFS DU LITTORAL, ILE FERNANDO NORONHA. 225
Fernando de Noronha, ce sont des roches de serpentine* déchi-
tées, mouchetées de blanc par le guano, et presque inabordables : les
^ns et les poissons fourmillent dans les eaux noires au pied des brus-
s falaises. Le Penedo de Sào Pedro, la plus haute de ces crêtes
rgées, situé près du parcours des paquebots qui se rendent de Per-
buco à Dakar ou à Saint-Vincent, est une rangée de piliers dressés
t^^i^ MT^ de la mer profonde. Dans ces parages on a fréquemment ressenti
A^^sr^ tremblements de mer.
Ljà température moyenne est d'une remarquable égalité en ces climats
j)icaux : l'écart entre les deux saisons, de la sécheresse et de l'humi-
ne comporte qu'un degré et demi à Pernambuco; la température
jenne la plus faible, celle de juillet, et la plus forte, en février, ne
erent que de 3 degrés environ*.
I^e vent normal sur la côte nord-orientale du Brésil est l'alizé du
st, désigné ordinairement sous le nom de « vent général ». Venant
parages froids de l'Atlantique circumpolaire, il tempère la chaleur, du
s sur la côte, qui se trouve d'ailleurs soumise au jeu alternatif des
*-^^îses de terre et de mer. Ce vent, qui domine du solstice de décembre
^^ ^^«lui de juin, amène aussi les pluies, et pendant les années ordinaires
quantité d'eau qu'il déverse suffit à développer une végétation des
riches. En certains endroits, comme à Maranhâo, où des remous
*^^ciuaux produisent un conflit de nuées, les orages électriques éclatent
**^<luemment et de violentes averses succèdent à ces décharges. L'île
^^**tiando de Noronha est aussi très souvent environnée de nuages et reçoit
^^^^ pluies en abondance. A Pernambuco, les pluies sont très violentes,
*^^«*is on passe des années sans entendre le tonnerre*. Le régime des
^^niîs n'est pas toujours régulier. Rasant la côte au lieu de souffler
^*ï*ectement vers l'intérieur, le vent alizé n'apporte pas tous les ans
"Umidité désirée. Souvent les pluies sont en retard et cessent de tomber
*^^'^*^t la fin normale de la période; parfois elles ne durent pas même la
^*^ïtié des six mois attendue par les agriculteurs. A ce fléau des séche-
^^2=>€:*s qui sévit dans l'intérieur, s'associe un grand écart dans la tempéra-
^'*^^«, très élevée au soleil et dans l'air poussiéreux, relativement froide
'^*'^^aiil les nuits claires, j)ar suite du rayonnement dans le ciel. A cet
-• ^îo Branner, Geologia de Fernando de Noronha.
Kmilc Béi'inger, Recherches sur le climat et la mortalité de Recife.
Emmanuel Liais, Climats^ GéologiCf Faune et Géographie botanique du Brétsil.
XIX. 5211
tt6 NOUVELLE GCOGRAPHIE UNIVERSELLE.
égard, la.diflërence est très grande entre le climat de la oôte, 4^ sur Iraia
jours on compte deui jours pluTÎeux, et celui de Tintérieurt oh h pn^r*
tion est renversée ^
Les grandes sécheresses n*ont pas une périodicité régulière bien éta-
blie, quoique les gens du pays prévoient d'ordinaire un retour du
désastre tous les dix ans. Parfois la période sèche ne dure qu'une année;
d'autres fois deux ou trois saisons se suivent sans que la terre avide
reçoive la quantité d'eau nécessaire aux plantes. Ainsi Fortaleia, ville de la
côte où tombe en moyenne un mètre et demi d'eau, et 3 mètres dans les
années les plus favorables, n'en reçut successivement qu'un tiers de mètre
en 1877, et un demi-mètre pendant les deux années 1878 à 1879; dans
le sertSo, la chute d'eau fut bien moindre encore : même les rares averses
disparaissaient immédiatement dans les profondeurs du sol poreux; la
terre restait absolument aride. Les sources tarissent, les grosses rivières se
changent en flaques espacées dans les cailloux grisfttres, le gaion devient j j
poussière, les arbres meurent. I^es oiseaux émigrent en vols immenses ^m
vers les montagnes du Piauhy ; il faut mener les bestiaux dans quelques
hautes vallées des monts privilégiés, les nourrir des feuilles de rameaux
coupés avant la sécheresse; puis, quand cet aliment fait défaut, il g^
faut fuir encore, à moins qu'il ne soit trop tard, et que les animaux
ne meurent sur la terre durcie. Une sévère économie des eaux de sources
dans les combes supérieures des montagnes pourra peut-être éviter à
la contrée ces désastres périodiques, mais les travaux indispensables
d'aménagement ne sont pas encore faits et même ne sont projetés que
pour les abords des villes. L'émigration des gens de l'intérieur est tou-
jours un événement attendu dans l'histoire économique de ces provinces
du nord-est*.
La végétation correspond au climat. Très riche et présentant les mêmesa^
espèces que l'Amazonie dans les régions côtières bien arrosées, elle s'ap
pauvrit graduellement vers rinlérieur des terres. Li grande forêt, dite l
matta, borde le littoral sur une largeur variable suivant les échancrure
des vallées et les saillies du relief. A cette zone forestière succède un ter
ritoire moins boisé, la calinga, qui ressemble si la brousse, à la garrigue^
' Coiiti'astc météorologique entre la côte et le sertâo :
Tcmpératurcfi
Lititudc. iiinxiniale. inininialc. inoyeuni*. Ecart. Pluie».
Côte. . Rocifc. . . 805' 51^7 18M 25»,7 13»,4 2-,95
Sorlâo. . Santa IzaM. 8^6' W 15«,5 24^ 20«,5 l-,00
* Ifennquc d(» IJcîiurcjKiirc-Rohan, Coimâcraçôea ocerca dou melhoratnentoê en relaçâo tu
êcccas do ?iorte do BvaiiL
r
ci
CLIMAT, FAUNE, FLORE DU BRÉSIL NORD-ORIENTAL. 227
^u rxmaquis des contrées riveraines de la Méditerranée; elle se continue sur
fes Inauteurs par Yagreste, le pays « agreste » où arbres et arbustes sont
^nc^ore plus rares et se composent d'espèces perdant leur feuillage pen-
dais t leté; enlin, les régions hautes, arides, constituent le sertàOj la terre
P^ ^J. "^rement herbeuse, où Ton ne peut avoir d'autre industrie que l'élève
^^^ lélail, sauf dans les combes à sources, les brejos^ souvent maréca-
^^'•-^•^ :aï, formant autant d'oasis au milieu des solitudes. Les familles végé-
*^1^^^ le mieux représentées dans ces régions de l'intérieur, où prévaut
^^^^^^"^ent un climat sec, sont les arbres qui produisent les essences rares,
^*^ gommes précieuses, les sèves odorantes. Dans ces régions, qui par-
semblent être un fragment du Sahara se prolongeant en Amérique par
9 l'Océan, les insectes et les oiseaux estivent au lieu d'hiverner. De
me les arbres perdent leurs feuilles l'été. Le palmier caractéristique
la contrée est le cirier carnaùba {copernicia cerifera), un de ces
rbres nourriciers » dont les produits donnent à l'homme vivant sous
r ombrage la nourriture, la boisson, la lumière, le vêtement et la
meure : le cirier résiste aux plus fortes sécheresses.
Plus pauvre que les autres contrées du Brésil littoral en espèces végé-
les, le Cearà et les États voisins possèdent également moins d'espèces
^imales. On sait pourtant que la faune fut autrefois très riche. Au com-
encement du dix-septième siècle, lors du séjour d'Yves d'Évreux dans
île de Maranhâo, des autruches parcouraient encore le littoral voisin,
ans les cavernes qui se ramiûent à travers les nombreuses montagnes
^:^lcaires des États de Maranhâo, Piauhy, Ceara, et dans lesquelles les
^^ampires et autres chauves-souris dorment la nuit par milliards, on a
trouvé les ossements de puissants mammifères disparus, mastodontes et
mégathériums. L'île Fernando de Noronha avait sa faune spéciale, d'ail-
leurs représentée par un très petit nombre de formes. Les premiers navi-
gateurs n'y virent d'autres mammifères qu'une « grosse espèce de rat » ;
oiseaux, lézards, serpents, insectes et coquillages de l'île prouvent qu'elle
est séparée du continent depuis la fin de l'époque mésozoïquc'.
Une des grottes de la vallée du Quixeramobim, affluent du Jaguaribc,
contenait aussi une portion de crâne humain*. Appartenait-elle à l'un
des ancêtres des races indigènes dominant dans le pays, les Tupi, Tupi-
> II. von Ihering, Die Iruel Fernando de Noronha.
* A. dcLacerda et R. ^ehoio^ContribttiçÔe* para o estudo anthropotogico das raças indigenax.
228 NOUVELLE «ËOGRAPHIE UNIVERSELLE.
namba ou Topinamboulx, — « Vaillants Hommes », — et les Tabajar
— « Seigneurs du Village* », — avec lesquels les premiers colons eur
péens, les Français de Maranhâo, entrèrent en rapports de bonne amil
pendant le cours du seizième siècle? On ne sait, et l'on ne sait guè
plus quels étaient les Indiens qui Grent alliance avec les immigran
français, car ils sont depuis longtemps fondus par les croisements av
le reste de la population. Les Guajajara de la vallée du Pindaré ont i
exterminés par les chercheurs d'or, mais on en voit encore vers les seu
du haut Grajahû : ce sont des hommes vigoureux à type mongolique
dans le voisinage, la tribu des « Indiens blancs » est en effet remarquai
par la blancheur de la peau. Plus à Test, dans la partie haute des plateau
subsistent encore quelques restes de tribus distinctes : tels les Âkroa
Cayapo, qui vivent entre le Tocanlins et le Grajahû, dans la serra da Cinta
la serra do Negro. Ces indigènes paraissent appartenir à la famille ethniq
des Gès : sous le nom de Timbira et de Gamellas, ou « gens à Gamelles
c'est-a-dire à disques labiaux, ils s'avancent dans le Maranhâo occident
jusqu'à une petite distance des campagnes côtières. Sur les confins <
Piauhy et du Pernambuco, errent encore en bandes peu nombreuses d
Indiens Pimenteiras, que certains mots de leur vocabulaire ont fait class
parmi les Caraïbes ou du moins parmi les tribus ayant vécu dans le v<
sinage de cette grande race; mais on n'en sait pas davantage. Dès
seizième siècle, les Caethé des environs de Pernambuco entraient par d
unions dans la population civilisée, que tri-métissèrent ensuite les crois
ments avec les nègres importés d'Afrique. Les auteurs du temps no
disent aussi que les fils de Français étaient fort nombreux dans les camp
ments des Tupinamba. Encore au commencement du siècle, les mé
christianisés de la contrée pratiquaient en secret leurs rites païens*.
Dès leur arrivée dans le pays, les capitaines concessionnaires avaic
introduit des esclaves noirs, plus forts et plus laborieux que les Indien
Au commencement du dix-septième siècle, une révolte éclata parmi 1
asservis, et une quarantaine d'entre eux, s'étanl procuré des armes à fe
se jetèrent dans la brousse pour aller s'établir loin des maîtres,
établirent leurs villages ou quilombos au sud du rio Una ou riviè
« Noire », qui se déverse dans la mer à une centaine de kilomètres
Pernambuco. Le groupe principal des nègres marrons s'établit encore pi
loin, dans le territoire devenu depuis l'État d'Alagôas, et bientôt de no
• Adolpho de Varnhagen, Historia gcral do Hrnzil.
» AVells, Mémoire et ouvrage cités.
' Robert Southey, History of Brazil,
M» NOVYELl/E GËOGnAPHIB t5!«IV£HSELLI!.
Ij'Ëtatde-Ibnuiliùu n'a qu'un {ictît nombre do villes ou eiilades. Une
première, TutJbkù, »e montre pK>s (jt> In rivièi-e du méinc nom, au bord
d'une crique lal^itlo de tu mer, qui duns ces parugt^N empiète gnulueU
lement sur la tene ferme et découpe le littoral en un labyrinthe d'ilôts.
Le port expédie du sucre et autres denrées agricoles, des cuira de bœuf,
des chevaux, de In vaisselle grossière et des hamacs d'un grand pni, Ira-
vailles avec soin. Au sud-ouest, entre les ^ivi^^es Gunipy et Maracassumé,
s'élève le petit groupe des Montes Àureos, dont le nom mâme dit hi
richesse : cependant on n'exploite guère les filons de métal que renfer-
ment jeun quarli et les sables de leurs ruisseaux; les veines de ciiivri-
que les géologues ont signalées dans les montagnes de l'Ëtat, des confins
du Pati BU Peniiimbuco, restent légalement sans valeur. Turyassû est
l'escale la {dus iictive du Mar^nhâo occidenUiI. Plus loin, sur la cdte
orientale, se succèdent Cururupii et Guimaràes, lieu d'expédition fort
important pour les sucres. Les usines se pressent en amont, sur les bords
d'une rivière et des lacs qui l'alimentent.
SSo Luiz deHaranhào, ou simplement SAo Luiz, est la plus grande cité
du littoral entre Para et Pernambuco. Elle se trouve encore sur l'emplace-
ment choisi parla Itevardière en 11310, et porte toujours le nom qui lui
fut donné en l'honneur de Louis XIU; même quelques édifices minés de
cette première époque française ont été pieusement rebâtis par les Brési-
liens'; Située sur la côte occident<ile d'une île peu élevt'^c, que le bayou
Moscpiîto sépare du eonlinent, elle ni'cupe l'ettrémilé d'une péninsule
hasse, entre deux estuaires qui rejoignent à l'ouest la baie de ^o Marcos,
accessible aux navires d'un fort tirant d'eau. Quelques-unes des rues prin-
cipales sont ombragées par des rangées d'arbres majestueux. Quoique gra-
duellement envasé, le port de Sâo Luiz a pris de l'importance pour l'expé-
dition dés sucres, des cafés, des cuirs, et tous les paquebots à vapeur de
Para y font escale*. En outre, des bateaux de petites dimensions remontent
les rivières tributaires de la bâte : Pindaré, Grajahû, Hearim, Itapicurâ.
Nombreuses sont les villes et bourgades qui gravitent autour de Sio Luix.
De l'autre cdté de la baie, au nord-ouest, se montre Alcantara, fameuse par
ses cacaos ; Vianna s'élève au bord d'un lac qui s'écoule dans le Pindaïé;
plus haut, sur la même rivière, Monçào est devenu un lieu de marché très
• Ferdinand Dents, Inlroduclion au Voyage dan* le nord du Brétil, par Wes d'£rreui,
* MnuïFincnl îles échanges à Sio Luiz en 1888 :
Importations 9 546 125 francs.
EjiKirlations lU 531 500 »
Knsemlile 20 077 42& francs.
SlO LUIZ DE HARàNBXO, CASIAS. 333
actif pour les bestiaux qu'on amène des serlâos et même de la vallée du
Tocantins. Depuis longtemps on parle de la construction d'une voie ferrée
^i, partant de la baie continentale la plus rapprochée de Sâo Luiz, se
dirigerait au sud-ouest par la vallée du Grajabû, et gagnerait les bords du
Tocantins près du bourg de Carolina, à la bouche du Manoel Alvez Grande.
Sur la rivière Itapucurù, qui traverse la partie orientale de l'État, Caxias,
I BE vnRiiralo.
tieûaS-elrea g'rSÀ'OT itelOiSS"' <yeSS'"eHiu
»alrie de Gonçalvez Dias, a le premier rang comme cité : la campagne
iiïvironnante, où l'on cultive le cotonnier et autres plantes tropicales, est
i^ssi l'une dos plus riches en bétail. La ville d'Itapucurii Mirim, située,
^mme Cixias, sur la rive droile du fleuve, mais à l'endroit que peuvent
atteindre facilement les baleaui à vapeur, éUiit jadis connue sous le nom
de Feira ou « Foire i>, à cause des grandes quantités de bestiaux que
viennent y vendre les sertanejos. Itapucurù Mirim ou la « Petite » Itapu-
curù a dépassé « Itapucurù Grande », la moderne Rosario, sise à l'enlrée
de l'estuaire ou baie de Sao José, qui sé|Kire l'île MaranhSo de la côle
orieiiUilc. Plus h l'est, un auln; |i()i't, Bnn>iriuha!4, s'ouvnmt miu luin Hv la
mer, sur le rio IVeguii-i:is, ii [iris i|u<-li|uo nclivité |Kiur In l'abriniliur) dt-s
eaux-de-vio.
Le (leuve Parnahyba, ijui sé\mvL' 1rs doux Étals de MaiiiuUHoeldcPiauhy,
n'ftiTose dans si [larlie supt-rieurc t|ue dos l'égîoiis Irts faihlemeiit ppu-
pl<>(>s. UaiK en aval du bec de la Gur^ieii*» les haliilnnls se pi'CSSi'ill
davantage. Les deux bourgs de Mangii se funl fa»; de l'une h l'autre rive;
puis immédiatoinenl au-dessous d'un autre confluent, celui du PÎHuhy,
deux villes. ;i l'ouesl S3o Fimiciscx), à l'est Amai-ante, se regitident par-des-
SUS le fleuve. En amont de la bouche du Poty, la capitale de l'État de
Piauhy, Therezina, se complète également par un faubourg, Flores, —
jadis Cajazeiras, — qui appartient à l'État de MaranhBo, et qu'uD chemiD
de fer doit prochainement relier à Caxias, dans la vallée de l'Itapucnrû.
Villeneuve, fondée en 1852, Therezina a j-apidement grandi, tandis que
l'ancien chef-lieu, Oeiras, situé au sud-esl d'Amaninte, dans la vallée du
Ominde, a perdu la plupart de ses habitants, depuis que les corps élus et
l'administration lui ont enlevé son importance factice.
En aval de Therezina, plusieurs bourgs commej-çants se succèdent :
d'ahin-d à droite, Uniào, puis à gauche, Curralinho et S3o Bernardo. Vers
TllEREZINA, SOBRAL, FORTALEZA DE CEARA.
235
embouchure du fleuve, rÉUii de Piauhy, très bizarrement délimité, ne
imprend guère que la moitié orientale du delta du Parnahyba, tandis que
ms l'intérieur son territoire s'étend jusqu'à 500 kilomètres de l'ouest à
ïst. Dans l'étroit goulot d'entrée se trouve le port fluvial, Parnahyba. Les
aisons s'élèvent sur la rive droite d'une branche du delta dite Iguai*assù,
ns une terre d'alluvions grasse et humide, où l'îicclimatement ne se fait
int sans danger. La ville a pour avant-port Àmarraçao, sur l'estuaire
V* u. — cearX.
dliprcs Mouchez
C. Perron
Pro^ru/eur^s
c^ û^ ^*rfê£rY^s
<ibSà/û'^
I : 800 001
àk/Û'Ttftauc/c/jk
u
:h> kil.
tvial, immédiatement en dedans de la barre : les paquebots a vapeur
font escale.
Un aulre port, situé plus à l'est, dans l'État de Ceara, Camocim, à la
uche de la rivière Coreahu, exporte des cuirs et des denrées agricoles
puis qu'un chemin de fer le met en communication avec la ville do
anja, qui se trouve en amont, sur la même rivière, et avec Sobral, bâtie
ns un autre bassin fluvial, celui de l'Acaracû, dont quelques vallons
butaires roulent des paillettes d'or. Cependant l'industrie minière n'a
int prospéré : cette partie du Ceara ne s'adonne guère qu'à l'élève du
tail.
Fortaleza, la capitale de l'État, n'est pas située comme la plupart des
236 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
cités brésiliennes sur le cours ou à l'embouchure d'un fleuve, mais sur
l'anse recourbée d'une baie marine : une petite rivière, le Ceara, d'après
laquelle a été dénommé l'État, se déverse dans l'Océan à une douzaine de
kilomètres à l'ouest : on donne aussi quelquefois à la ville le nom du
cours d'eau. La péninsule de Mucuripe protège la rade à l'est, mais un
récif parallèle au rivage barre l'accès aux grands navires, qui mouillent
dans la rade extérieure et débarquent leurs marchandises par le moyen
de jangadas ou radeaux pourvus de voiles : des jetées et des bassins
de construction moderne permettent aux embarcations d'un faible tonnage
d'accoster les quais. La ville est propre, percée de belles avenues, mais
des campagnes sablonneuses l'entourent, et pour combattre les efifets de
la sécheresse qui brûle souvent les cultures, on a creusé des puits
artésiens ; en outre, des ingénieurs, notamment l'hydrographe Revy, ont
projeté le creusement de grandes citernes où seraient emmagasinées les
eaux de pluie. Aux époques où la perte des récoltes et la mort du bétail
obligent les paysans et les pâtres à se réfugier dans les villes, Fortaleza
a quelquefois dans ses murs une population double du nombre ordinaire
des résidents. En 1878, la foule des habitants qui s'y trouvaient réunis
s'éleva soudain h près de soixante mille, dont 25 230 moururent en
l'espace de deux mois, emportés par la petite vérole et plus encore par
les privations et la faim. C'est afin de donner de l'ouvrage à ces faméliques
retirantes ou fugitifs que l'on fil construire en dix-huit mois le chemin
de fer sinueux qui mon le de la douane à la ville par une très forte rampe,
puis tmvcrse les collines rocheuses et se dirige a une centaine de kilo-
mètres au sud vers la ville de Baturilé; il projette a l'ouest un embran-
chement h Maranguapé, entourée depuis quelques années de vasies
orangeries dont on exporte les produits par quantités énormes en Angle-
terre*. Le commerce de Fortaleza, très variable suivant les bonnes ou
les mauvaises récoltes, comprend surtout les cotons, la cire du palmier
carnaûba, le vin de cajù préparé avec la « pomme d'acajou », les peaux
de chèvre et les cuirs de bœuf. La population de Cearà eut la gloire
d'être la première a se débarrasser de l'esclavage : la province dut abolir
officiellement la servitude parce que les habitants libéraient les esclaves
de force, les cachaient et dévastaient les plantations.
Le bassin du fleuve Jaç^uaribe, embrassant toute la partie méridionale et
orientale de l'Etat, possède la plupart des villes et des bourgs, entre autres
Crato, Jardim et Lavras, situés dans la réfrioii des montagnes, sur de
* AlhoiM Morsiii^, Edradu do Ferra do Baturilé.
238 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNITERSELLE.
rouesi du cap Sâo Roque se dirige .lussi partiellement vers le port de
Mossorô (Santa Luzia), dans l'État voisin, Rio Grande do Norte. Cette ville,
située sur la rive gauche de la rivière du même nom, à 50 kilomètres de
rOcéan, reçoit par son estuaire de gros navires de cabotage, qui vienneni
y chercher du sucre, du coton, et surtout des courinhos ou « petits cuirs»
c'est-a-dire des peaux de cabris d'une qualité exceptionnelle.
La riche vallée du rio das Piranhas, qui succède à l'est à celle du Hos-
sorô, traverse dans leur partie centrale les deux États de Parahyba et d<
Rio Grande do Norte, et contient plusieurs villes industrieuses : Cajazeiras
Souza, Pombal, Jardim, Caicô, — l'ancienne Principe, — Angicos-Assû
qui donne son nom au cours inférieur du fleuve. Le port de l'embou-
chure, Macâu, fait un commerce analogue à celui de Mossoro, mais d'im
portance moindre; en outre, les plages du littoral voisin, aménagées ei
salines, fournissent un chargement d'une centaine de navires. Macau fu
en 1836 le théâtre d'un remarquable phénomène cosmique, une pluie d<
pierres variant d'un poids de quelques grammes à celui de 40 kilo
grammes et présentant pour la plupart la grosseur d'un œuf de pigeon
Ces météorites tombèrent dans la vallée inférieure de l'Assû, sur un espace
évalué h « dix lieues » de diamètre. Jusqu'à la distance de quarante lieues
on aperçut dans le ciel une masse de feu très brillante, traversant l'espaci
avec un bruit formidable*.
La capitale de l'État Rio Grande do Norte, Natal ou « Noël », la ville 1;
plus rapprochée du musoir angulaire que forme le continent au cap Sâ(
Roque, est en même temps son principal entrepôt. Petite ville de médiocn
apparence, elle s'élève à la pointe d'une péninsule dominant au sud 1;
bouche de la rivière peu abondante que Ton désigne bizarrement par i
nom de rio Grande, quoique dans l'État même elle soit dépassée pa
plusieurs cours d'eau. La barre et les écueils qui obstruent l'entrée di
port ne permettent pas aux gros navires de pénétrer dans le rio Grande
ils mouillent en dehors de la passe. Le sucre, premier élément du com
merce de Natal, provient surtout de la riche vallée où se trouve Cear
Mirim, la « Petite Ceara », environnée d'usines sucrières. Une voie ferrée
s'éloignant de Natal dans la direction du sud, passe successivement su
des plateaux sablonneux, arides, et dans les fertiles vallées intermé
diaires cultivées en cotonniers, en cannes a sucre et autres plantes d
grand rapport. Chaque vallée a ses bourgades populeuses et son port
Sao José do Mipibù s'élève au bord de la rivière Trahiry; Goyaninha est 1
* Oi'villi» A. Dorbv. Meteoritos Hnmleirox.
NACiU, NATAL. S3S
«>^KXlre populeux de la viillée du Jacû, et plus au sud, dans la vallée du
^vKS'iinatahu, les villes de Ganguaretama et de Nova Giuz ont le marché
^^ Penha pour Heu d'expédition maritime.
Tlus au sud, dans l'État de Panihyba du Norte, le pui't de Mamanguapé,
^ ^ ^
**Xir la lîvière du même nom, a gardé une coilaino activité comme escale de
•^^boleurs, quoique la ville de Fai-nhylia ait tiîché d'atlir-er loul le commerce
Vocal par la construction d'un chemin de t'i'i' à [;ninde courbe, pénétrant
<ians la vallée du Mamanguapé au hourp d'Independencia, et recevant les
denrées de la serra voisine, parsemée de villes : Bananeiras, Brejo d'Areia,
Alagda Grande. Quant aux cités et bourgades du sud de l'ËUil, Sâo
StO .fOUVElLB GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Joào de Cariry, Campinn Gnmde, Inga, Pilar, leur débouché naturel, par — ^
la rivière Parahyba do Norte, est bien l'estuaire au bord duquel, sur la -^rs-~.
rive droite, s'élève l'nncïenne ville de Parahyba. Elle se partage en ^^wi -^_
quartiers distincts : sur la hauteur, la cida.de veika, fondée il y a plus^% _-
de ti-ois siècles en 1579, groupe de couvents presque déserts; en bas Iti^ j
/^v^ft^tfr'J
varadouro ou la « marine », centre des allairos. Cependant le lieu d'an-
tiTige des grands navlivs se trouve à «ne tnmtjiine de kilomètres au nord,
à l'enlm.' de l'cstuairp, que domine, sur la péninsule terminale, le forl
de Caliedelo, défendu de la houle du large par une ehaîne de récifs. Au
sud de Pandiyba, l'ancienno ville de Goyana, déjà pn)S]H^rc du lemps des
Hollandais, occupe une situation analogue, sur la boucle d'une rivière
qui s'élargit en estuaire vei's reinhonchiire, mais qui est aussi à demi
PERNAMBUCO. 243
barrée au large par le rempart échancré des écueils. Groyana se trouve
déjà dans TËtat de Pernambuco, ainsi nommé, — Parand-mbuk ou
«Bras de Mer », — d'après le canal semi-annulaire qui entoure Tîle
d'Itamaracâ, au nord de Recife, et dans lequel les traitants français et por-
tugais se rencontrèrent dès le commencement du seizième siècle avec les
indigènes Tupinamba*. Itamaraca est une des régions les plus populeuses
du Brésil et produit beaucoup de sucre, ainsi que les « meilleurs fruits
du littoral », et des vivres en abondance. Dès Tannée 1630 on y comptait
23 usines sucrières. Les Hollandais eurent un moment l'idée de transférer
Je siège de leur empire brésilien dans Tîle d'Itamaracà*.
La capitale de l'État de Pernambuco, d'ordinaire désignée sous le même
nom par les marins étrangers, mais appelée ofGciellement Recife, d*après
le brise-lames naturel qui protège son port, est une des villes historiques
ciu Nouveau Monde et l'une des cités de commerce qui paraissent destinées
SLU plus grand avenir. Fondée au milieu du seizième siècle, en 1505, par
le concessionnaire Duarte Coelho, Pernambuco ou Fernambouc devint
près d'un siècle plus tard le siège de la puissance des Hollandais, à
l'époque où ils possédaient la partie nord-orientale du Brésil ; on voit
encore quelques restes de leurs constructions à Recife et dans l'île d'An-
tonio Vaz au quartier de Sâo Antonio, l'ancienne Mauricea (Mauritsstad) ,
nommée en l'honneur de Maurice de Nassau. Pernambuco, si l'on com-
prend sous ce nom toutes les villes rapprochées qui constituent l'agglo-
mération urbaine, ne se présente point en une cité cohérente. Olinda, la
ci-devant capitale, occupe le sommet d'une élévation qui s'avance en saillie
au nord de la rade; mais, trop éloignée du centre commercial, qui se
trouve à 7 kilomètres au sud, elle n'est plus guère qu'une triste ruine
de palais et de couvents; l'isthme de sable qui la rattache au reste de la
cité, entre un marigot et la mer, est trop bas et trop étroit pour se recou-
vrir de maisons et d'usines, mais, sur le sol ferme de l'intérieur, des
maisons de campagne, des fermes et les jardins de Campo Grande relient
l'ancienne ville à la nouvelle. La cité de Recife proprement dite emplit
^e ses édifices commerciaux et administratifs, de ses magasins et de ses
entrepôts l'île la plus rapprochée du récif extérieur et se relie par des
ponts à une autre île, celle d'Antonio Vaz, centre de la « Venise brési-
lienne ». D'autres viaducs unissent ce quartier du milieu à celui de
Uôa Vista, qui s'élève à l'ouest sur la terre ferme et se continue au loin
• F. Adolpho de Varnhagen, Historio gérai do Brazil
* Robert Southey, History of Brazil.
244 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
par des faubourgs. Des villas s'égrènent au nord-ouest sur les bord
du Beberibe, à Touest dans la vallée de la sinueuse rivière Capibaribe
sur les coteaux voisins. Le haut prix des terrains dans le voisinage du^
port a poussé les constructeurs à empiéter sur les eaux marines, su
les criques et les marais de l'intérieur : l'aspect général de la ville sé.
rapidement changé pendant les dernières décades, par les érosions et les
envasements aussi bien que par le travail de l'homme. Les anciens forts
hollandais, maintenant presque inutiles pour la défense, existent encore.
Les pierres, taillées, en furent apportées d'Europe.
La grande rade, dans laquelle mouillent les paquebots, en dehors du
récif, n'offre pas une bonne tenue et souvent les embarcations y ont beau-
coup à souffrir de l'agitation des vagues, poussées contre les écueils
par les vents du sud ou de l'est; cependant les fortes tempêtes y sont telle-
ment rares, que les revêtements de maçonnerie appliqués sur le récif
par les ingénieurs hollandais, il y a deux cent cinquante ans, n'ont pas
été détruits. A mer basse le chenal livre entrée aux navires calant 4",40 :
en attendant le moment du plein, ils auront toujours au-dessus du seuil
au moins 5"", 95 de profondeur. Ils pénètrent d'abord dans le Poço
ou « Puits », qui est la partie profonde du port; puis, à la faveur de
la marée, ils se distribuent dans le bassin naturel, si bien abrité, du
Mosqueiro. Toutefois l'accès du port est difficile pour les embarcations
ordinaires, surtout quand soufflent les vents du sud-est et que la houle
se déploie jusque dans le Poço : il serait nécessaire de protéger l'entrée
par des brise-lames en eau profonde. L'ingénieur Fournie, dont le projet
est approuvé depuis longtemps, sans que la ville, manquant des fonds
nécessaires, ait pu le réaliser, propose d'enraciner une jelée au sud de la
passe et de la prolonger vers l'est à 720 mètres jusqu'à la profondeur
de 10 mètres au-dessous de la basse mer : les grands paquebots pour-
raient ainsi se mettre à l'abri pour débarquer passagers et colis en tout
état de marée et sans interruption. Ce travail urgent devrait être complété
par le dragage, le creusement des bassins et la rectification des canaux,
ainsi que par des brise-lames extérieurs, enfermant des avant-ports en
dehors du récif*. Le projet de Hawkshawr, analogue au précédent, indique
une jelée de même orientation, mais plus longue et de forme plus recour-
bée. Grâce à rexéculion de l'un ou l'autre projet, le port deviendrait
un des meilleurs du Brésil; mais déjà l'excellence du havre, parfaitement
• Bijhladen van hel Tijdschrifl van het Aardrijakundig GenooUchap te Amsterdam, n^H, 1881 ;
- Alfrcdo Lisboa, Memoria do Projedo de Melhoramento do porto de Recife,
PERNAMBUCO. S45
situé prfes de l'angle nord-orienUii du continent, a fait de Recife le
point d'attraction principal pour les navires venus de l'Amérique du Nord,
de l'Europe, de l'Afrique : de ce côté cinglent les bâtiments pour recon-
naître la terre ferme, après avoir dépassé Fernando de Noronha ou las
E3 ma
**^^as. Nul rivage du Brésil n'a [)lus d'importance stratégique : c'est le
^^'^ïslc avancé de la République et de tout le Nouveau Monde latino-
'^^ïxéricain; dans un avenir peu éloigné, quand des voies de commu-
***calion directe permettront de prendre la ligne la plus courte pour le
^*nfic, Pcmambuco sera le lieu d'abordage le plus fréquenté de toule '
246 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
l'Amérique du Sud. En prévision de celte activité, on propose de con-
struire un chemin de fer côtier entre Pernambuco et Rio de Janeiro, que
doublera tôt ou tard une autre voie maîtresse suivant la vallée de S3o
Francisco. On projette aussi une ligne ferrée transcontinentale se dirigeant
vers Valparaiso par les sertôes de l'intérieur.
Trois câbles transatlantiques partent de Recife, douze compagnies de
navigation l'ont choisi pour escale de leui*s bateaux à vapeur à service
régulier, et des centaines d'autres navires viennent y débarquer les mar-
chandises d'Europe ou de l'Amérique du Nord, et charger du sucre, du
coton, du café, du tabac, des cuirs, « petits cuirs », des bois de teinture,
jadis spécialement connus sous le nom de « pernamboucs », les objets
d'histoire naturelle, oiseaux, papillons, coquillages, plantes et autres pro-
duits. La Grande-Rretagne a la première part dans ce trafic; la France
vient en second lieu, puis l'Allemagne et les États-Unis*. La pêche se fait,
comme à Ccara, par de hardis marins montant, comme leurs ancêtres
indiens, des jangadas, radeaux de bois sur lesquels ils amarrent une ancre,
quelques instruments et une calebasse d'eau douce : de loin on n'aperçoit
que la voile blanche, flottant comme une mouette au-dessus de la vague.
Recife n'est pas uniquement un entrepôt de commerce : elle a des jardins
publics, des bibliothèques, des sociétés savantes, entre autres un institut
géographique, et possède une des deux facultés brésiliennes de droit.
Héritiers d'un passé de luttes et de revendications politiques contre les
cités capitales, Rahia et Rio de Janeiro, les Pernambucains ont un certain
esprit d'initiative, rare dans le Rrésil, et tiennent à honneur d'agir par
eux-mêmes.
La banlieue de Pernambuco est fort peuplée et toute une guirlande de
villes secondaires entoure la cité : de nombreuses routes carrossables et
trois voies ferrées divergent de Recife comme les rayons d'un cercle. Au
nord s'élève Iguarassû ou — la « Grande Pirogue », — qui possède un
petit port déjà fréquenté par les Français au dix-septième siècle; au nord-
ouest, Pâo d'Alho, r « Arbre d'Ail », commande la bifurcation des che-
mins de fer qui se dirigent l'un vers Nazareth, l'autre vers Limoeiro,
deux villes très commerçantes, environnées d'usines sucrières. Limoeiro
est la principale agglomération urbaine de la vallée de Capibaribe, où
se trouvent aussi Rom Jardim, Taquaretinga et, dans une combe bien
* Valeur moyenne des échanges à Recife : 200 millions de francs.
Exportation du'sucre en 1892 : 391 104 sacs ou 23 472 tonnes.
Receltes de la douane en 1888 : 10 738 240 milreis.
Mouvement de la navigation à Recife : 1 600 000 à 2 000 000 tonnes.
RECIFE ET SA. BAMrEUE. Si7
arrosée des montagnes, Brejo da Madré de Deus. la voie ferrée qui se
dirige à l'ouest de Recife, vers la haute vallée de l'Ipojuca, passe d'abord
h JaboatSo, le lieu de villégiature le plus D'équenlé par les habitants de
^ H ^ ^B
AjeàKXfr etÊ/OOmmOr tA^CCàax/Û' atraXXPrWmtkS
l'cmamhuco, puis à Victoria, Gravatâ, Bezerros, Caruarû, onlrepôt com-
mercial très achalandé, la ville la plus prospère de l'iiilérieur. Au sud-
oueet, la station principale sur le chemin de Ter du SSo Francisco est la
ville de Cabo, qui a reçu son nom du promontoire voisin, le caho Sanio
Agostinho, où s'élevait autrefois un fort que Hollandais et Portugais se
âl8 NOUVELLE GËOGRAPIIIE UMVEItSELLE.
disputèrent avec acharoemcnt pendant la première moilié du dix-septièn. ■
siècle. Au delà de Cabo, sur la même ligne ferrée, se succèdent, toujour-
dans l'État de Pernambuco, les deux villes de Palmarès et Garanhun^
celle-ci située à 845 mètres d'altitude, dans la haute vallée du Mundahi^
affluent de l'estuaire de Maceià. Ville salubre, où des phtisiques viennei^
deÛà/Ométnta i/s/Û?W£0'. i^cCÛCa^jua^J-
thcrchcr la santé, Garanhuns a dépassé la zone de la canne à sucre!^^_
principale culture du littoral de Pernambuco; on y i-écolte surtout le café ^^
le colon, le IîiIkic, les céi-éalcs.
La partie occidentale de l'État de Pernambuco, constituant à peu près li*- ^
moilié du territoire, appartient au vei-sant du Sào Francisco, do même qui^ -*
presfjue tout l'Élat d'Alagôas ou des " Lagunes ». Cependant la capitale d^
ce territoire, Maceiô, occuim; une péninsule, entre la mer et un der
étangs qui ont valu son nom à l'Étiit : cette nappe d'eau, dite do Norte '
«çoit la rivière Mundahù, tandis que plus au sud un lac parallèle, celui
le Hanguaba, est alimenté par une des nombreuses rivières portant
'appellation générique de Parafayba. Hacelû, cité gracieuse, ombrage ses
idifices sous la verdure : dans tes avenues et les bosquets qui l'entoui'ent,
e dattier d'Afrique se mêle aux cocotiers de l'Inde. Tout le mouvement
ommercial de Maceiô s'est porté au bas de la colline vers le fauboui-g
<s& ûéS/nètrea
ab/Û^eiaue^J
e Jui-aguâ, jadis séparé de la ville : là si; Irouvont les magasins et les
nlrepôts. Malheureusement le port, défendu des vents de l'est et du
oi-d, est trop exposé aux tempêtes du sud, et pendant l'hivernage les
avires doivent se réfugier dans la rade de l'ajussarâ, située plus à l'est,
l'abri de la Fonta Vcrde et d'une chaîne d'écueïls. Le vin de cajù esl,
près 11! sucre, le coton et autres denrées de grande cullui-e, un des
irincîpaux aiticles d'exportation. Maceiô n'^oil une bonne part de ses
ipprovisionnements par le chemin de fer qui remonte au nord-ouest dans
250
NOUVELLE GËOGRAPUIE UNIVERSELLE.
la vallée du Mundahû vers UniSo, une de ces nombreuses localités d
Brésil auxquelles la flatterie avait donné le nom d'Imperatriz : c'est prc
de là que se trouvait le centre principal de la république des n
marrons, le quilombo dos Palmarès. La vallée du Parahyba, qui descen
au sud-est, parallèlement à celle du Mundahû et se rattachant à elle pa
un embranchement de rails, est très riche en plantations sucrières dans
les municipes de Victoria, de Villa Viçosa, — l'ancienne Âssemblea, —
d'Atalaia, de Pilar, d*Alagôas. Cette dernière ville, capitale de la pro-
vince jusqu'en l'année 1839, s'élève près de l'extrémité méridionale de
Yalagéa de Manguaba, dans une plaine basse, beaucoup moins bien
située pour le commerce que Maceiô, le chef-lieu moderne. Des bateaux
h vapeur vont et viennent par les bayous et le lac Manguaba, entre Maceio
et Pilar, où ils prennent les chargements de coton*.
L'île Fernando Noronha, qui fait partie administrativement de l'Étal
de Pernambuco, est une dépendance naturelle des terres nord-orientales
du Brésil. Elle n'a point de ville, le gouvernement général l'ayant affectée
au service pénitentiaire*. On s'occupait aussi en 1893 d'y établir un
lazaret de quarantaine et un poste sémaphoriijuc. Un paquebot de ravi-
taillement aborde tous les mois à un petit port de la côte septentrionale.
Les gisements de phosphates que possède l'ile ne sont pas encore exploités
^
i^
r
' Villes principales du versant atlantique brésilien entre la bouche du Gurupy et celle du rîo Slo
Francisco, avec leur population approximative :
>^jO
MARAimlO.
Sâo Luiz.
Yianna .
Gaxias. .
Alcantara
45 000 hab.
il 000 ))
10 000 »
5 000 ))
PlAUHY.
Pamahyba 12 000 hab.
Thereiina 40 000 »
Amarraçao 5 000 »
Oeiras 2 000 »
Cearâ.
ForUleza 30 000 hab.
Aracaty 16 000 »
Maranguapé 12 000 »
Sobral 10 500 »
Balurilé 10 000 »
Rio Gràrdb do Noan.
Natal. . .
Macàu. . .
Gcarâ Mirim
Blossoré. .
6000 hab.
5000 9
4000 »
3000 »
Parahtba do Nortb.
Parahyba 40000 hab.
Mamanguapé 10000 »
Pernambcco.
Rccifc, Olinda et faubourgs. .
Nazareth
Govana
Palmarès
Caruarû
Alagôas.
Maceio et Jaraguâ 15000 hab.
120000 hab.
15000 »
10000
5000
3000
»
Alagôas
5000 »
* Popuktion de Tile au 1*' janvier 1889 :
Condamnés 1 275
Employés, suidais et familles des condamnés. . . . 688
«. <.
Ensemble 1 963
FERNANDO NORONUA, fiASSIN DU SÂO FRANCISCO. 251
industriellement, mais on a recueilli du guano sur quelques ilôts côtiers.
Actuellement la culture de Tile est difficile, à cause de la multitude des
mts et souris qui infestent la campagne et que ni chats ni chiens ne dai-
gnent plus poursuivre : déjà ce fléau avait, au dix-septième siècle, empêché
les Hollandais de se maintenir dans Noronha. Suivant les saisons, les
condamnés sont tenus, chaque mois ou chaque semaine, de se livrer un
jour à la chasse des rats, et parfois ils en massacrent aloi^ jusqu'à vingt
<:nille\
IV
BASSI?( DU RIO SÂO FRA5ICISC0 ET VERSANT ORIENTAL DES PLATEAUX.
ÉTATS DE MI.XAS GERAES, BAHIA, 8BR6IPE, ESPIRITO SAXTO.
La moitié de celte vaste région est occupée par le bassin du rio S3o
Francisco, grande dépression de forme ovalaire analogue à celle des deux
fleuves jumeaux Araguaya et Tocantins et de grandeur à peu près égale.
Seulement le S3o Francisco ne maintient point sa direction régulière dans
le sens du sud au nord et se reploie vers Test pour se jeter dans TAtlan-
Uque, à l'endroit où le continent commence à se rétrécir, au sud du
niusoir de Pernambuco. Appartenant par la partie supérieure de son
cours à la zone des hauts plateaux, le rio SSo Francisco traverse la chaîne
entière pour s'échapper par le versant oriental : il réunit les deux pro-
vinces naturelles. Plus au sud, des arêtes forment une limite précise
entre le grand bassin fluvial et les pentes tournées vers l'Atlantique ; mais,
dans l'ensemble, on peut considérer les pays côtiers comme une simple
escarpe des plateaux arrosés par le Sao Francisco. La demi-circonférence
décrite par les montagnes d'où découlent les affluents du fleuve, et qui par
^n chaînon latéral vont rejoindre la côte au nord de la rivière Parahyba,
découpe donc une partie distincte du Brésil. Mais les frontières des États
ne coïncident que partiellement avec leurs limites naturelles. Au sud
VÉlat de Minas Geraes empiète largement sur le vei'sant du Parana, et,
commandant les cols par où Ton descend au sud, a pris pour marche-
pied les degrés qui s'échelonnent dans l'État de Rio de Janeiro, versant
distinct de celui d'Espirito Santo.
Prise dans ses limites naturelles ou dans celles que lui ont données ses
frontières artificielles, la région du Sâo Francisco, unie à celle des penles
• Ridley, Journal of the Linnean Society ^ 1890; — H. von Ihering, mémoire cilé.
S52 NOUVELLE GËOGRAPHIE UNIVERSELLE.
atlantiques, est la plus importante de la république brésilienne. L^nn des
quatre États qui la constituent, Minas Geraes ou les « Mines Générales »,
c< beau pays qui pourrait se passer du monde entier », dit Auguste de
Saint-Hilaire, est, sinon le plus grand, du moins de beaucoup le plus
populeux du Brésil, quoique ses villes principales soient très inférieures
aux puissantes cités de la région côtière. A bien meilleur litre que la
Pennsylvanie, dans les États-Unis du Nord, il pourrait revendiquer le sur-
nom d'État (c Clef de Voûte ». Les plus hauts plateaux du Brésil y élèvent
leurs croupes et l'un des fleuves les plus abondants y prend ses sources.
Au sud, il commande par ses versants les abords de la capitale, Rio
de Janeiro; à l'est, au nord-est, des rivières nées dans son territoire
descendent vers les Étals du littoral, d'Espirito Santo à Pemambuco;
à l'ouest, il touche par ses faîtes aux contrées encore presque désertes
de Goyaz, tandis qu'au sud-ouest il se prolonge vers le Sâo Paulo par les
rivières paraniennes. Même au point de vue historique. Minas Geraes peut
être considéré comme au premier rang, car, après avoir été le plus actif
à enrichir le trésor portugais, après avoir fourni l'or qui fit construire
l'aqueduc de Lisbonne et le couvent de Mafra, il fut le premier à tenter,
trente ans avant le succès définitif, la conquête de son indépendance.
A plusieurs reprises on a proposé de diviser en deux ou plusieurs pro-
vinces ou États le territoire de Minas : la partie septentrionale de la
contrée deviendrait l'État de Sâo Francisco.
L'État de Bahia, qui comprend, avec une partie de Pernambuco, d'Ala-
gôas et de Sergipe, plus de la moitié du territoire parcouru par le S3o
Francisco, n'a pas l'importance du Minas Geraes, mais il occupe dans
la République la deuxième place par la population, et sa capitale n'est
dépassée que par Rio de Janeiro pour le commerce et le nombre des
habitants. L'État de Sergipe, de très faibles dimensions comparé aux
deux autres, est plus peuplé proportionnellement à son étendue et prend
plus que sa part du commerce général*. Quant h l'État d'Espirito Santo,
formé par une zone forestière d'accès difficile, il est certainement le der-
nier parmi tous les États orientaux, mais ses progrès sont rapides,
* États du Sâo Francisco et du versant oriental :
Suj)crficio Habitants
en kil. canvs. Hubilnnls en 1893. par kil. cairé.
Minas G(Mnos 574 855 3000 000 5.2
Bahia 420 427 2 000 000 4,7
Sergipe 59 090 570 000 9,5
Espirito Santo 44 859 200 000 4,4
Ensemble . . 1085 211 5 570 000 5,1
BASSIN DU RIO SlO FRANCISCO. 253
grâce à Finflux des immigrants européens et au reflux des populations
fjui se portent autour de Rio de Janeiro depuis Touverture des voies de
communication divergentes.
La vaste baie de Todos os Santos, aux bords de laquelle s'élève mainte-
riant la cité de Bahia, fut déjà signalée par Christovâo Jaques, en 1505,
t.rois années après la découverte des côtes brésiliennes; le fameux Amerigo
^^espucci était pilote de cette expédition. La colonie proprement dite se
développa rapidement dans la deuxième moitié du siècle, lorsque Bahia
ut été choisie pour chef-lieu de toutes les capitaineries brésiliennes,
t les excursions dans l'intérieur firent bientôt connaître d'une manière
générale le relief du pays jusqu'à une distance considérable de la côte.
^Cependant la chaîne bordière des monts, revêtue de forêts épaisses sur le
versant maritime, resta longtemps une barrière insurmontable. Dès la fin
<iu seizième siècle, des voyages de découverte vers les contrées inconnues
que traverse le haut Sao Francisco furent successivement entrepris, mais
sans grand résultat. En 1650, Marcos de Azevedo en rapporta des éme-
raudes et des lingots d'argent; puis, une vingtaine d'années plus tard,
d'intrépides Paulistas, sous la direction de Fernando Dias Paes Leme,
gagnèrent les pays du nord que la légende disait surabonder en pierres
précieuses. Us pénétrèi'ent jusque vers les sources du rio Dôce, dans
Une région devenue fameuse depuis par ses mines; mais ne réussirent
pas à découvrir ces trésors.
D'autres Paulistas furent plus heureux, à la fin du dix-septième siècle
et au commencement du dix-huitième, et la nouvelle de leur fortune fit
accourir les chercheurs. De son côté, le gouvernement portugais intenint
énergiquement pour assurer ses revenus miniers, et en 1720 il découpait
dans l'immense territoire de l'ouest une capitainerie de Minas Geraes,
dont les limites étaient à peu près celles qui aujourd'hui bornent l'État.
CUhacun des nouveaux centres miniers devint un point de départ pour des
explorations plus complètes, et lorsque l'ère moderne des voyages inau-
gurée par Humboldt eut commencé, les savants partis de Rio de Janeiro
pour la visite des plateaux dirigèrent presque tous leurs études vers les
siégions minières du haut Sao Francisco : les itinéraires de von Eschwege,
d'Auguste de Saint-Hilaire, de Spix et Martius s'entrecroisent dans ces
contrées avec ceux de Pohl, de Natlerer, Mawe, Gardner, Spruce, Burton,
Liais, Halfeld, Wells, Manoel de Macedo. Dès les années 1815 à 1817,
Maximilien de Wied se hasardait au milieu des Botocudos et les décrivait
avec soin, suivi dans ces recherches par de nombreux ethnologistes et
contrôlé récemment par Ehrenreich. Lund se retirait loin du monde dans
iU NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
un village écarté des plateaux et pendant de longues années s'y occupaiL
de l'ancienne faune des cavernes. Enfin des mineurs, des ingénieurs, des
géologues, ont par centaines, avec Gorceix, Ilartt, Ferrand, Orville Derby»
étudié dans les Minas l'allure des roches et le gisement des métaux, et.
l'on a commencé le levé d'une carte topographique au cent-millième qui
se rattachera aux travaux de même nature qui se font dans l'État de Sâo
Paulo.
Le pays montueux dans lequel le rio Sâo Francisco prend naissance,
tandis qu'au sud s'écoulent les affluents platéens, est parfois désigné sous,
le nom de campoi; — mais ces « plaines » ou « champs » ne sont
point des étendues uniformes comme les llanos du Venezuela, les pampas
de la République Argentine, les savanes et les prairies de l'Amérique du
Nord. Le sol est partout inégal et bossue de collines s'élevant à 100 ou
200 mètres au-dessus du piédestal immense que forme l'ensemble du
plateau ; même l'une des plus hautes montagnes de Minas est dite Ilabira
do Campo, par opposition avec une autre montagne, d'ailleurs moins
élevée, qu'on appelle Itabira da Serra ou do Matto Dentro, parce qu'elle
se trouve dans les régions montagneuses et boisées de Test. Des ravins
tortueux, des marécages, des rivières varient l'aspect générai de la con-
trée. L'altitude moyenne de ces hautes terres, qui constituent le faîte
central du Brésil et qui s'inclinent de toutes parts, est d'un millier de
mètres, et les croupes culminantes, entre Queluz et Barbacena, dépassent
1200 mètres. C'est à partir de cette gibbosité centrale que divergent les
divei^ses chaînes de hauteurs, superposant leur masse au socle que forme
le plateau, et presque partout s'abaissant avec lui.
Vers l'ouest, une saillie, çii et là redressée en arête montagneuse, sépare
les versants du SSo Francisco et ceux du Paranà, puis va se confondre avec
un deuxième faîte, d'où partent la serra da Canastra et tout un rameau
d'autres élévations se mmifiant vers le nord. Au sud-ouest du nœud de
Barbacena, une arête, aux pentes extérieures très escarpées, se développe
parallèlement au littoral de Rio de Janeiro : c'est la serra de Mantiqueira.
Au nord-est un prolongement de cette même arête se continue sous
divers noms et en s'infléchissant de manière à suivre les changements
d'orientation que présente le pourtour continental. Enfin, au nord se
profile la chaîne principale, h laquelle Eschwege a donné le nom de serra
do Espinhaço : c'est 1' « Épine dorsale » du Brésil. Cependant les pitons
qui se dressent au-dessus de cette chaîne majeure n'ont qu'une faible
élévation relative : le plus haut n'atteint que le quart de la hauteur à
laquelle pointent les géants des Andes, et même, ainsi que les récentes
^
BASSIN DU RIO SÀO FRANCISCO. 255
explorations permettent de TafOrmer, la plus fiëre montagne du Brésil
ne s*élève pas dans cette chaîne : elle appartient à la serra da Man-
/iqueira. Le sommet dominateur de la rangée dorsale, le pic de Caraça ou
du « DéOlé* », qu'on aperçoit au nord-est du centre de diromation des
£ireles, n'a que 1955 mètres d'après Liais. Plus au sud, la montagne de
I^iedadc (1783 mètres), située en dehors de la chaîne, au-dessus de la
^vallée du rio das Velhas, commande les autres montagnes de sa large
pyramide émoussée, coupée d'un côté par un brusque précipice. Enfin,
^^lus près du nœud de croisement, s'élève la cime qui passa longtemps
ur la plus haute du Brésil et qui en est restée la plus fameuse, grâce
voisinage de la cité capitale de Minas, Ouro Preto, située à sa base
^^tentrionale : c'est l'Itacolumi ou la « Pierre du Fils », ainsi nommée
^'un piton latéral posé sur un piédestal de débris, et présentant, suivant
la position du spectateur, les formes les plus bizarres, d'un écureuil ou
^'un crapaud gigantesque; la pyramide suprême se trouve à 1759 mètres
d'après Gerber. Dans la terminologie géologique, l'Itacolumi a donné son
nom à un grès jaunâtre qui recouvre une grande partie du Brésil central,
mais qui, d'après Burton, ne constituerait pas la montagne elle-même'
ou du moins n'en serait pas la masse principale : l'Itacolumi se compose
de quartzite, comme le Caraça\
Au nord du piton de Caraça, la serra do Espinhaço se continue sur une
longueur d'environ 250 kilomètres, sans présenter de croupes ou de
pitons bien saillants : on signale surtout un mont ferrugineux, l'Itabira
cla Serra ou du Matto Dentro, et plus loin, dans la région diamantifère
clu Serro de Frio ou « Mont du Froid », un piton d'origine ignée, l'Ilambé,
C£ui fut aussi proclamé le point culminant du Brésil; son altitude ne
dépasse pas 1516 mètres, d'après Spix et Martius, qui l'escaladèrent
^n 1818. A l'ouest du rio das Velhas, à l'étroit dans ses gorges, s'élève
'^in rival de l'Itacolumi, l'Itabira do Campo, montagne à double pointe,
en (c bonnet d'âne », — très difficile à gravir et composée presque
iniquement, comme le Piedade et l'autre Itabira ou « Pierre Brillante »,
rfun minerai ferrugineux, 1' « itabirite* », contenant 60 pour 100 de
métal pur. On a pu en mesurer exactement l'altitude, 1529 mètres*. Dans
cette même région, diverses cartes indiquent le nom d'une prétendue
* Auguste de Saint-Uilaire, Voyages dans les provinces de Rio de Janeiro et de Minas Garaes.
* The Highlands of Brazil.
* Orville A. Derbv, 0 Picos altos do Brazil.
* Von Eschwege, Beilrâge zur Gebirgskunde Brasiliens.
' E. Gauthier, Kotes manuscrites.
256 NOUVELLE GËOGRAPUIE UNIVERSELLE.
montagne de Boas, d'une hauteur de 2500 mètres; mais ce nom est
complètement inconnu dans le pays : nulle cime ne s'élève en de pareilles
proportions au-dessus de la mer presque uniforme des croupes qui se
déroulent comme des vagues; la confusion provient sans doute des
croupes pénibles à franchir qui, sous le nom de Boas Mortes, séparent le
haut bassin du rio das Yelhas et celui du Paraopeba\ Les saillies les plus
fortes se montrent à peine au-dessus des ondulations de la région mon-
tueuse* A sa base même on ne voit point la montagne Itabira; pour la
distinguer, il faut s'élever sur les pentes des collines environnantes.
En dehors de TËspinhaço, les chaînes de hauteurs ne sont pas encore
assez connues pour que leurs pics soient désignés habituellement comme
des individualités distinctes : d'ordinaire on se borne à énumérer les
saillies principales et souvent en exagérant les altitudes et la vigueur du
relief. Au delà du seuil de Diamantina, où naissent les sources du Jequi-
tinhonha, se développe le rempart sinueux de Tltacambira, prolongé au
nord par la chaîne du Grao Mogol, puis par la serra das Aimas, qui va se
perdre dans l'État de Bahia en de vastes plateaux, où les serras ne sont
en réalité que les rebords escarpés des hautes lerres, entaillées à la base par
des eaux courantes. Une chaîne mieux marquée est la serra dos Aimores,
ainsi nommée d'après ses anciens habitants aborigènes, et qui se profile
parallèlement au littoral d'Espirito Santo, coupée en de nombreux frag-
ments par les rivières qui découlent des pentes orientales de l'Espinhaço.
Près de la racine de cette chaîne, dans le massif dit de Capazao*, formé de
gneiss quartzeux, le bolaniste Schwacke a récemment gravi une cime de
2200 mètres, restée inconnue jusqu'à ces dernières années à cause des
tribus indiennes qui l'entouraient".
A l'ouest du l'io Sào Francisco d'autres faîtes allongés présentent aussi
l'aspect de montagnes : tels ceux qui à l'est séparent les États de Minas
Geraos et de Goyaz, et que l'on appelle quelquefois pour cette raison
serra das Divisées. Mais au nord toute trace de monts disparaît : ce ne
sont plus que des plateaux déserts, de redoutables travessian sans eau et
sans végétation, et en maints endroits couvertes de sel; les voyageurs
metlent des journées à les fmnchir. Enfin, dans la vallée même du Sào
Francisco s'élèvent de nombreux massifs et chaînons, les uns parallèles
au cours fluvial, d'autres se dirigeant transversalement à son coui*s et
donnant lieu par leurs barrages de rochers à des rapides ou à des cas-
• James \V. Wolls, ouvrage cilé.
- (iai);!^^ sur la carie de ChnK'kall de Sa.
' Orville A. Derby, Revista da Socicdadc de Geographia do Rio de Janeiro f 1889.
MONTAGNES DE MINAS. 257
cades. Le plus fameux de ces groupes est celui de Lagôa Santa ou
de la « Sainte Lagune », bien connu dans l*histoire géologique et préhis-
/orique du Brésil. Ce pays calcaire est percé d'innombrables cavernes,
les unes simples Assures, les autres vastes galeries, voûtes énormes,
avenues tortueuses, se i^miûant en un dédale infmi. Les croupes de
C5CS l'oches perforées en tous sens semblent montrer que les assises
£Hirent d'abord brisées par quelque puissante pression latérale, et que
J^^ eaux évidèrent ensuite leurs lits souterrains. Des concrétions cal-
c:^aires pendent aux voûtes des grottes et s'élèvent du sol en piliere. Des
:=:ouchcs argileuses, d'épaisseur diverses, recouvrent les fonds contenant
es coquilles terrestres et fluviatiles, identiques avec les espèces con-
emporaines : c'est dans ces couches que l'on a trouvé des ossements en
quantités énormes, étudiés d'abord par Claussen, puis avec plus de succès
neore par Lund.
La chaîne Épinière, à l'orient de la vallée de Sao Francisco, se com-
^|)ose surtout de gneiss, passant en certains endroits au granit, au syénite,
siu micaschiste. Les croupes en sont partout bien arrondies, et même les
masses coniques escarpées qui se dressent çà et là au-dessus des rangées
présentent toujours un profil recourbé. Les roches cristallines qui les con-
stituent sont d'une matière grenue avec de grands cristaux de feldspath,
très faciles à désagréger, et formant les couches arénacées et rougeâtres
étendues en longues pentes au pied des hauteurs : cette couche décom-
posée, recouverte de sol végétal, présente en certains endroits 275 mètres
d'épaisseur*. Nulle part on ne voit de dépôts sédimentaires au-dessus
des amas de gravier produits par la désintégration des montagnes, restes
de saillies qui furent autrefois d'une hauteur prodigieuse, « dépassant
probablement par leurs sommets les crêtes les plus élevées du monde
î^ctueP. » Les plateaux dans lesquels le Parana et ses affluents ont érodé
leurs vallées supérieures sont formés jusqu'à une profondeur considérable,
rnais non encore déterminée, par les fragments menuisés de Tanlique
Himalaya brésilien ; les plaines du Paraguay, du Gran Chaco, les pampas
de l'Argentine, les bancs de sable de l'estuaire platéen n'ont pas autre
origine. Dans ce laboratoire, les roches ont changé de forme et de place :
de montagnes cristallines, elles sont devenues plaines stratifiées.
L'épaisse couche rougeâlre, mêlée de grains siliceux et de quartz en
cristaux, qui recouvre presque tous les plateaux de l'intérieur, est assez
' U. Charles Dent, A Year in Brazil,
' John Bail, Notes of a Naturalist in South America.
XIX. 33
M» NOUVELLE CÉOGBAPHIE UNIVERSELLE,
compacte pour ne pas se di^sugirgcr fHciIcmPiit sous l'nction de l'aii- ;
toutefois les tourbillons de wible, l'un des ficanx de l'Afrique et de
l'Asie, ne sont pas inconnus dans celte région de l'Amérique : les trains
des voies ferrées passent dans une nuée de poussière. Le terrain, d'une
grande fertilité naturelle, se pi-élc à toutes sortes de cultures et conlienl
en réserve d'immenses Irésoi-s agricoles. Le sol renferme aussi de la
poudre d'or on abondance, de même que le minerai de fer et en certains
cndroils les diamants : on exploite surtout les mines revêtues de ranga,
conglomérat moderne formé par les débris des montagnes et cimenlé |Mir
des cauï ferrugineuses. On donne le nom de cascalho au gravier sous
lequel se découvre le diamant'.
Le rio SSo Francisco, la grande artère de Minas Geraes et de fiahia,
esploréc surtout par lialfeld de ÏHh'l a 185i, [uir Liais en 186â, était
connu des aventuriers paulistas dans sa vallée supérieure avant qu'on sAl
oii déboucbait ce fleuve cl s'il était bien le mùme e^ur's d'enu déjà visita
à son entrée et baptisé Sào Francisco en l'an loOl . Comme tant d'autres
courants fluviaux du Brésil, celui-ci était désigné sous le nom de Para,
« Fleuve " ou n Mer «. Par son cours supérieur, il ap]>artien( encore
au vei'sant amazonien, comme l'Araguaya et le Tocanlins, car il com-
mence à couler du sud au nord, parallèlement à ces deui fleuves, qui
de leur côté suivent la même direction que le Xingù, le Tapajoz, le
Madeiia, les puissants triliuliiiies do l'Amazone. Mais, apiès avoir fourni
la moitié de son cours, te Sào Francisco, cessant de s'épancher vers le
nord, se reploie vers le nord-est, puis vers l'est, et, tombant des plateaui
de l'intérieur par la superbe cataracte de Paulo AiTonso, s'incline même
vers le sud-esl avant de s'unir à l'Océan. Dans l'ensemble de sa vallée,
le rio S3o Francisco développe une courbe très sensiblement parallèle ï
celle du littoral atlantique'.
La source à laquelle une convention de pure mnémolechnie conserve le
nom du fleuve jusqu'à son jaillissement de la roche, naît au sud-ouest du
bassin, dans la serra da Canaslra : d'un cirque de murailles à pic, fissurées
au sommet, s'élance une colonne d'eau qui, dans la vasque d'en bas, bouil-
lonne on écume et se brise en vapeurs. C'est la cascade à laquelle
,\uguste de Saint-Hilaire a donné par erreur', en la confondant avec une
* Gorccii, Revue de Géologie, 1874 et I87ô.
■ Emmanuel Liais, Hydrographie du haut rio San Fianciw.
* Urvillu A. Derby, Dolelim da Sociedade de Geographia do Hio de Janeiro, ItUIÔ.
RIO SÂO FRANCISCO. 259
Titre chute, le nom de Casca d'An ta ou « Écorce du Tapir », d'après un
rbre (drynm granatemis) h vertus médicinales. Le lilet d'eau, grossi
pidement par de petits gaves latéraux, descend dans la vallée par une
uccession d'escadinhas ou « gradins » et devient rivière, puis un fleuve
ù déjà des embarcations se hasardent entre deux rapides. Un premier
affluent, venu de la droite, a gardé le nom de Para, qui appartint
adis à tout le cours d'eau; ensuite le Sao Francisco se mêle à un autre
io beaucoup plus abondant, le Paraopeba ou « rivière Plate », qui
cueille les eaux dans la partie sud-orientale de la vallée. Au confluent,
ies courants unis représentent une masse liquide dépassant déjà
^00 mètres cubes à la seconde, et les crues d'hivernage élèvent le niveau
:fluvial de 8 à 12 mètres suivant les années : il en résulte la formation
^e nombreux marécages temporaires qui rendent le climat fort dangereux.
C'est à la violence des fièvres locales qu'il faudrait attribuer la rareté des
liabitants riverains dans toute la vallée du haut rio Sao Francisco ; même les
porcs souDrent de la fièvre après l'inondation.
Le rio das Yelhas, — Guaicuhy ou « rivière des Vieilles », — le jumeau
du Sao Francisco, prend son origine dans la région minière, au nœud de
Queluz, ajoutant en moyenne plus de 200 mètres cubes d'eau par seconde
aux 450 mètres cubes du courant majeur et en faisant une rivière plus
puissante que la Garonne ou la Loire. Des ruisseaux souterrains, issus des
oavernes de la roche calcaire, alimentent partiellement le rio das Yelhas
clans son cours supérieur. Des lagunes, appartenant au même système
Hydrographique, dorment dans les cavités des montagnes : telles sont la
Lagôa Santa et les Sete Lagôas. Une de ces mares fameuses, dite Lagôa de
Sumidouro parce que ses eaux se perdent dans les grottes, est un réser-
^''oir alternativement empli et desséché suivant les pluies et les séche-
resses : des fissures naturelles, dites mngradouros, unissent au lit du rio
le labyrinthe des cavernes, riche en déhris préhistoriques. Plus égal dans
55on cours, moins coupé de cachoeirai et traversant une région beaucoup
plus salubre et plus peuplée, le rio das Yelhas est aussi, en attendant
le prolongement prochain de la voie ferrée, plus utile au transport des
denrées et des métaux que le Siïo Francisco.
En aval du confluent, le fleuve coule dans un lit large. et profond,
portant en toute saison des embarcations d'un assez fort tonnage, mais
surtout des ajôjos ou radeaux*. Il reçoit de puissants tributaires, également
nïivigables dans la partie inférieure de leur cours : à l'ouest, le Paracatù
* Dumnd, Bulletin de la Société de Géographie, 1874, VIL
am NOUVELLE GËOCRAPHIE UNIVERSELLE.
OU « rivière Blanche », l'Urucuia ou « Terre Fertile », le CariahaDha;
l'est, le rio Vcrde. Mais de tous les aFfluents le plus considérable porte
nom de rio Grande et rejoint le fleuve majeur à l'endroit où la valK
change de direction pour s'infléchir vers le nord-est. Le rio Grande, on
sait, est le courant qui, par son affluent le rio Preto, son sous-afflue
le Sapào, un lac de faîte à double versant et le rio Somno, présente ta.
ligne d'eau continue avec le Tocanlins, et par conséquent avec l'Amazon^
I/ingénieur Moracs a proposé de creuser un canal pour jeter les eaux di
rio Preto dans un des hauts affluents de la rivière Parnahyba et de veni
ainsi en aide aux Cearenses pendant les périodes de sécheresse.
Au-dessous du rio Grande, le bassin du Sào Francisco, gradnellemen
rétréci entre les bords des plateaux riverains, ne reçoit plus que de
rivières de faible longueur : il lui reste à descendre 394 mètres avati
d'atteindre la mer, mais l'inclinaison du lit est d'abord assez égale et seu
lement quelques petits rapides se succèdent tant que le fieuve garde s
direction vei-s le nord-est. Des saillies de rochers le forcent à se replie
■ James W. Wella, Three Ihoiuand milft throagk Braiil.
CHUTE DE PAULO AFFONSO. 201
vers l'est, en de brusques détours, et le lit s'abaisse par une succession
de gradins périlleux, étages supérieurs de la grande chute, « merveille
du JBrésil ». En amont de la cataracte, le SSo Francisco glisse en rapides
au milieu d'un tel dédale d'iles, d'ilôts, d'écueils et de pierres isolées
que, pendant la saison des eaux basses, un sauteur hardi pourrait s'élancer
de roche en roche et passer d'une rive à l'autre, quoique le fleuve
roule alors plus de 1000 mètres cubes à la seconde*. En hautes eaux, le
débit fluvial est probablement quintuple, car en cet endroit le Sao Fran-
cisco, à 100 kilomètres seulement de la mer, a déjà reçu tous ses grands
affluents.
A. l'approche de la cascade le fleuve se divise en plusieurs canaux entre
tix>is îles allongées et des îlots adjacents, formés d'une roche compacte de
gneiss. A l'extrémité des îles les divers courants, plus ou moins nombreux
suivant l'abondance des eaux, atteignent le rebord du plateau et plongent
dans l'abîme à 85 mètres de profondeur. Sauf en temps de grande crue,
la chute ne se fait pas d'un seul jet : l'eau s'abat sur une première saillie
^ ^O mètres du rebord, puis, prenant un second élan, tombe à 15 mètres
au-Klessous, et le troisième bond seulement l'entraîne au fond du goufire,
niais ce que la masse plongeante perd en majesté elle le gagne en imprévu
^^ en puissance de vertige par les colonnes d'eau qui s'cntreheurtent et
l'ebondissent en paraboles dans l'air, dardant au loin leurs fusées d'écume
insée. La plus forte masse d'eau, contenant le fleuve presque entier,
quoiqu'elle n'ait guère plus de 16 mètres de largeur moyenne*, s'échappe
^u lit le plus rapproché de la rive droite; l'eau des autres cataractes
^'lent, par un canal étroit qui longe la base de la muraille, se réunir à
onde tourbillonnante et s'enfuit avec elle dans une garganta, formi-
dable cluse à parois verticales sciée dans la roche et où des saillies sur-
P*onnl)antes semblent indiquer l'existence d'anciens ponts naturels fran-
chissant jadis la gorge avec 80 ou 100 mètres de portée. Pour contempler
*^ c^ataracte sous son aspect le plus sauvage, on se place d'ordinaire
^ans une grotte que la désintégration graduelle de la falaise sous la
Poussière humide a fini par excaver. Lors des grandes" crues, les arbres
Pportés par le fleuve et tournoyant en procession se heurtent à Torée de
^a\erne : les paysans viennent alors les pécher et en font des amas
* ^ *ls brûlent pour tuer les vampires, ces chauves-souris si dangereuses
* *Ui* leur bétail, qui s'attachent par dizaines de milliers aux voûtes des
^ "richard Burton, Highlands of Brnzil.
"^vé-Lallemanl, Reise durch Nord-Brasilien.
963
NOUVELLE GËOGRAPRIE L'MVERSELLE.
galeries. 11 arrive aussi (]uc les grolles soient envahies par les eaux et
qu'en amont de la chute l'inondalion se répande au loin dans les cavités
du plateau rocheni.
M- M. — MTUUtTE M MDU> UtOUO. H n'cSt fUS dC CSS-
cade qui présente
une plus étonnante
variété d'aspects,
suivant les oscilla-
tions saistmnières
du flot. Naturelle-
ment les voyageurs
qui ont vu la ca-
choeira de Paulo
Affonso et d'autres
chutes d'eau fa-
meuses, ne peuvent
s'empêcherde com-
parer ces prodi-
gieux spectacles.
Du moins le Nia-
gara brésilien n'a-
t-il pas encore de
laide usine au bord
de ses précipices;
mais les arbres
toufTus, tels qu'on
s'attendrait à les
voir sous la zone
tropicale du Bré-
sil , n'ombragent
; n,i point les bords de
la cascade : on
n'aperçoit que des broussailles rabougries sur les âpres rochers des
falaises'.
Au sortir des poires, le Sào Francisco continue de descendre par une
sucression de oascades et de rapides infranchissables aux liarques. La navi-
gation ne peut reprendre qu'à Piranhas, où le fleuve se trouve à 18 mètres
, îiole* manuKrllet.
RIO SAO FRANCISCO. 965
ilement au-dessus du niveau marin. Large et coulant sans grandes sinuo-
és, le Sâo Francisco s'épanche dans la direction du sud-ouest et s'unit à
^««an par deux bouches entre des plages ombragées d'anacardiums,
manguiers et de cocotiers. A marée basse, la sonde touche la barre à
266 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
moins de trois mètres, et l'entrée est souvent dangereuse sur les brisa
du seuil, h 2 ou 5 kilomètres du rivage. Un chemin de fer contourne ^
nord les gorges et les chutes de Paulo Âflbnso, afin de rattacher la voie ^
navigation d'aval à celle d'amont; toutefois il reste beaucoup à faire po«—
que le commerce puisse utiliser la vallée fluviale d'une manièœ continu^:^
On a même proposé de détourner le trafic par le rio Grande, soit a ^
nord-ouest vers le Tocantins, soit au nord vers le ParnahybaV
Au sud du rio Sao Francisco, les fleuves côtiers, naissant sur le versant
oriental de la serra dos Aimores ou de ses prolongements, ont tous une^^
portée très inférieure. Le Vasa Barris, Tltapicurù n'ont pas de vallées suf- ^
fisantes pour ouvrir de larges voies vers les plateaux. Le Paraguassû,
grossi du Ja({uipe (Jacuhype), se déverse dans un estuaire latéral de la baie
Todos os Santos: mais à l'endroit môme où s'arrête le flot de marée une
cascade barre la navigation. Le rio de Contas est aussi interrompu par de
nombreuses chutes. Le rio Pardo, qui lui succède au sud, se rapproche
tellement de la bouche du Jequitinhonha, que l'on peut considérer les
deux fleuves comme appartenant au même système hydrographique;
un troisième cours d'eau, coulant au nord du Pardo, le Poxim, s'em-
branche avec eux par des marigots d'eau salée et des bayous d'eau douce ;
dans le delta commun qui tend h se former, le Jequitinhonha est, par
ses coulées, le tributaire du Pardo, quoique ce dernier lui soit très
inférieur par la longueur de cours et la masse liquide. Le Jequitin-
honha ou le « Vallon Fréquenté, » ainsi nommé peut-être des passages
faciles que ses hautes vallées présentent vers le rio das Velhas par le seuil
de Diamantina, est formé de deux branches maîtresses, nées près du
même seuil et coulant presque parallèlement. On lui donne souvent le
nom de « Petit Sào Francisco >>, à cause de la puissance de son courant
et des grandes cataractes qui en interrompent le cours inférieur, à la
traversée des montagnes côtières. Une de ces chutes est la cachoeira do
Inferno, la « cascade de TKnfer » ; l'autre, qui marque la frontière entre
les États de Minas Geraes et de Bahia, a reçu le nom de Salto Grande.
En basses eaux, le fleuve plonge d'un jet de 15 mètres entre deux
murailles de gneiss, puis s'enfuit en rapides dans une gorge inclinée;
mais en temps d'inondation il se répand à droite et à gauche au milieu
* Longueur du Sào Francisco 2 920 kilomètres.
Superficie du bassin, d'après Chichko . . 068 500 kilomètres carrés.
Cours navigable du fleuve en amont . . . 1 310 kilomètres.
)) )) en aval .... 225 »
Ensemble du coui"s navigable du bassin. 7 000 )>
Débit par seconde, d'après Liais 2 800 mètres cubes.
FLEUVES JEQUITI»U0NI1A, HL'CURV. DÔCE. 361
d-cs rochers, et ses coulées partielles, diversement entremêlées, se préci-
pitent vers l'aval par une multitude de cataractes inégales. Au-dessous de
«7£t[e grandiose chute et de son déûlé, le Jequitinhonha, désigné parfois
«Î.CÏUS le nom de rio Belmonte, d'après la ville de l'emhouchure, devient
u^Kn courant navigable, mais ne cummunique avec la mer que par une
t>arre des plus dangereuses, n'ayant que 2 mètres à marée haute.
Le rio Mucury, qui, par son cours inférieur, sépare l'État de fiahia et
<:;«lui d'Espirito Sanlo, pourrait, comme le Jequitinhonha, offrir, sinon par
*®s e-a vix coupées de cascades, du moins par ses rivages, un chemin favo-
rab|«» ^yj Minciros; la voie la plus naturelle serait, semblc-t-il, celle que
P'*^*^*~»le la vallée du rio Dôce, qui reçoit ses premières eanx du versant
"*** t-al de la région des mines d'or, dans les montagnes de l'Espinhaço,
P^*~*<lanl les grandes forêts, les âpres montagnes, les cluses et les cata-
^^ du fleuve, et naguère le voisinage i-edoulé des Indiens indépendants,
^*~npêché jusqu'à mainlenanl qu'un ouvre des chemins sur celte pente
*X**'un mouvement commercial se dirige de
, "^e ne mérite son nom de Dôce ou » Doux » ,..
^ ^^s Geraes, en aval des nombreuses chutes en gradins d'oh s'élance le
^ '^t^nl. Dans la partie de son cours comprise dans les plaines Itasses, V
coté vers la mer. Le
qu'au sortir de l'Etat de
268 NOUVELLE GËOGRAPUIE UNIVERSELLE.
Dôce, devenu navigable, est bordé à droite et à gauche de lacs et de maré-
cages dans lesquels se déversent les eaux d'inondation. Enfin, en appro-
chant de la mer, le fleuve, le premier que remontèrent les explorateurs
du Brésil, ressemble presque au bas Mississippi par la saillie que forme
son lit en dehors de la ligne normale des côtes*. En temps de cime, le rio
Dôce coule à un niveau plus élevé que les campagnes riveraines, à demi
inondées, terres à peine conquises sur l'Océan; des bayous latéraux vont
se perdre au loin dans les marais, et même un canal, qui parait être une
coulée longeant une ancienne plage, se développe parallèlement à la
mer sur un espace de plus de 120 kilomètres vers le nord, dans la
direction du Mucury; un cordon de dunes sépare la plage et les étangs
de l'intérieur. Une large ouverture dans la forêt indique l'entrée du rio
Dôce, dont le seuil ofl*re au moins 5 mètres à marée basse, plus de 4 mètres
à marée haute*.
Entre le Jequitinhonha et le Mucury quelques archipels de récifs coralli-
genes bordent le littoral à des distances variables : tels les Itacolumi, qui
parsèment la mer sous la même latitude que le mont Paschoal, aperçu de
loin par Alvarez Cabrai, le découvreur du Brésil. Les plus remarquables
parmi ces récifs côtiers sont ceux qui entourent les Abrolhos, — Abre
os Olhos, « Ouvre les Yeux i>, — trois îlots granitiques au sol aride
n^vêtu de cactus, dressant à une quarantaine de mètres leurs dômes
autour desquels tourbillonnent les oiseaux. L'atoll ou archipel annulaire
qui effleure la surface marine à quelques kilomètres à l'est des Abrolhos,
t»t (|ue l'on connaît sous le nom de Parcel, est redouté à bon droit par
les marins, car maint navire s'y brisa. En ces parages, occupant une
su[)erlicie d'environ 100 kilomètres carrés, les récifs de corail croissent
du fond de la mer en forme de colonnes; quelquefois même ils sur-
plombent par la partie haute et, suivant l'expression des pêcheurs, s'étalent
<»n u parasols ». Ces écueils columnaires, les chapeirôes ou « grands
chapeaux », baignent dans l'écume des vagues, tandis qu'à leur base on
trouve dix, ({uinze et même vingt mètres d'eau. Ils se composent
d'innombrables branches, ramilles et fleurs de corail multicolores, de la
' Fleuves principux du littoral, entre le rio Sâo Francisco et le I^amahyba, d*après Qiichko :
Utn^ueiir. Suporficic du bas»in.
Itiipicurii 520 kilomètres. 57 000 kilomètres carrés.
Parajçuassii ^480 )) U 200 »
Coulas MO 1) 54 500 o
Je(|uitiuhonha (avec Pardo). 810 » 105 500 »
IVtVe 700 )) 07 500 »
^ lui/ ir.Mencourt, Revin'^i du Sodedadc de Geographia do Rio de Janeiro^ 1890.
ABROLUOS ET LEURS RËCIFS. 969
iciture la plus délicate : des embarcations, échouant au milieu de ces fines
ramures, les brisent sans avoir à subir elles-mêmes de fortes avaries;
0UU)ur de la forêt écrasée des zoophytes, l'eau blanchit au loin comme
une mer de lait". Parfois des navires, heurtant violemment les piliers des
a^WT/tMOi/à
^^Vapeirôes, les ont renversés dans la mer et continué leur marche;
^i'aulres fois un bâtiment, passant entre deux écueils, s'est trouvé pris
^t suspendu au-dessus des eaux profondes, » comme une girouette nu
Sommet d'une tour' ». Naguère, les grands paquebots transatlantiques
' Mouchez, iTulrucliom natttiquf».
* Ch. Frcd. Ibrtt, Geologg and Phytical Geography ofBraùl.
\
270 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
passaient dans le canal qui sépare le continent et les iles; maintenant
ils cinglent au large.
Le groupe des Âbrolhos et les écueils des parages environnants ne sont
pas, sous ces altitudes atlantiques, les seules terres appartenant au Brésil :
à plus de mille kilomètres en mer surgit de l'Océan la tète rocheuse
de Trindade, pilier volcanique dont l'astronome Halley prit possession
en 1700, au nom de l'Angleterre, près de cent ans avant l'occupation bré-
silienne. A 50 kilomètres plus à l'est se montrent les trois ilôts de Hartim
Yaz, ainsi nommés du pilote portugais qui les découvrit au commence-
ment du seizième siècle, à peu près à l'époque où l'on aperçut Trin-
dade, car on voit celle-ci figurer depuis sur les cartes\ Ensemble, les
roches et les scories émergées de Martim Vaz, environnées d'oiseaux par
myriades, ont une superficie de 28 hectares.
La partie du Brésil dont le Sâo Francisco forme l'artère centrale se
trouve encore en entier dans la zone torride, et sur le littoral la tem-
pérature dépasse 20 degrés en toute saison : vers le milieu de la côte,
elle est de 22 degrés en moyenne pendant le mois de juillet, au milieu
de l'hiver, et de 26 degrés en janvier, au plus fort de l'été. Naturellement,
la température diminue dans l'intérieur en proportion de Faltitude, et
l'écart se fait de plus en plus grand entre les chaleurs estivales et les
froidures de l'hiver : de 10 degrés sur le littoral, cet écart s'élève à
50 degrés sur les plateaux. La température autour de laquelle se balancent
les extrêmes oscille au-dessus et au-dessous de 20 degrés dans la haute
région minière où le Sao Francisco prend sa source, tandis qu'elle est
d'environ 4 degrés plus élevée sur le point le plus rapproché du littoral.
La côte brésilienne entre Recife et Rio de Janeiro se trouve en entier
dans la zone des vents alizés méridionaux. D'avril en septembre, c'est-à-
dire pendant l'hiver, alors que le soleil chemine dans la partie de l'éclip-
tique située au nord de l'équalour, le courant atmosphérique maintient sa
direction normale : il souflle régulièrement du sud-est, poussant une forte
houle sui' les rivages. Les mois d'été amènent le vent du nord-est; mais, en
toute saison, des inégalités se produisent dans le va-et-vient des airs : des
calmes proviennent de la rencontre de deux courants opposés, et parfois
des remous aériens tournoient sur les cotes, accompagnés de violents
orages; mais les cyclones, si fréquents sur les rivages correspondants de
- D'Avozac, Ucs de f Afniiuc.
CLIMAT DU LITTORAL BRÉSILIEN. 271
I'A.s:k:m. brique septentrionale, sont ici fort rares. Dans Tintérieur, le mouvc-
de Fatmosphère, déplacé par les foyers de chaleur qui changent
samment suivant les saisons, les jours et les heures, est encore beau-
moins régulier que sur le littoral, et la quantité d'eau tombée varie
voportion. En quelques vallées profondes entourées de rochers, la
^rature estivale est quelquefois fort pénible. En seize années de
voys^ ^es au Brésil, Wells n'a souffert nulle part de la chaleur plus qu'aux
eWiL:a€.^s de Pirapôra, sur le Sao Francisco, près du confluent du rio das
Vc^l Irasïs: cependant la température maximale n'y dépassa pas 36°, 6.
en à tort les colonisateurs européens du Brésil ont donné aux sai-
la nomenclature officielle de « printemps, été, automne, hiver » :
l^^ ^^xile division naturelle de l'année dans cette région du continent sud-
^ï^ï^««:*icain avait été faite par les indigènes Guarani : ils ne connaissaient
^^^C3 là « saison du soleil » et la « saison de la pluie », — coarassy^ra
^^ ^Mr^timna-ara. — Sur le littoral, les pluies, qui tombent surtout en
ne, portées par le vent normal du sud-est, se déversent avec beau-
plus d'abondance que sur les plateaux, abrités par des montagnes
t «7^ le souffle humide de la mer ; en maints endroits, la quantité diminue
^^* ^iouble au simple sous la même latitude entre les rives de l'Océan et
^^ t^ords du Sao Francisco. Toutefois l'humidité de l'air est assez considé-
dans le haut bassin fluvial pour que des tourbières, analogues à
^**^^^ de l'Irlande, aient pu se former sur les pentes supérieures de la
^11^^^ brésilienne\ Plus au nord, où les calmes prévalent souvent, les
^^^ tc3s chapadas de Bahia ne reçoivent qu'une part d'humidité très insuffi-
, ^^^^ipour la culture, et certains causses présentent l'aspect de véritables
selve comparable à celle de l'Amazonie occupe toute la bande du
^^i^^al bien arrosée et les hautes vallées des avant-monts tournées vers les
^2S pluvieux de la mer. Les forets épaisses à travers lesquelles serpentent
^quitinhonha, le Mucury, le Dôce, ont protégé les tribus sauvages qui
^^_ ^t:ità leur ombre, tout en empêchant les immigrants de pénétrer dans
^^^rieur : si l'État d'Espirito Santo est un des plus pauvres et des moins
Ï^Valeux du Brésil, la cause en est aux forèls. Mais sur le versant occidental
chaîne Épinière les bois continus se font rares, et des rochers, des
_ ichard Burton, ouvrage cité.
^^^^ndilions météorologiques de la haute vallée du Sâo Francisco et des villes du littoral adjacent :
(Années Tcnipénilures Jours Hauteur
Q^^y.^ d'oli5.). Latitude. AlliUidc. maxiin. moyenne, niinim. Écart, de pluie, de pluie.
B^^J^^^nhas de Sabarâ. (25) 19«,47 695" 32«,>l \{)^H 1» 5lo,4 (?) l-XÔ?
^^ (5) 120,58 64- 310,5 26-,01 21» 10^,5 142 2"',500
572 NOrVEllE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
monls appai'aUsenl iius, Siiiil' de l»r()usBes ou d'un lji]iis de Heurs uu de
gazon. L'homme a contribué gtour bonne part nu déboisemcQt, surtout ani
environs des mines : dans telle galerie un ne se sort que de ]Miliss3ndra
pour élayer la rocbe, et souvent la pourriture du bois oblige les mineurs
^ recommencer le travail tous les rpiatre ans'. De maint promon Loire, on
ne voit de verdure que le long des ruisseaux et des fleuves : en haut, dos
bambous et des fougères sur les bonis inclinés des gaves; plus bas, dans
les plaines horizontales, les grands arbres touffus et les palmiers. Sur les
plateauï du nord, les forèls se réduisent, h dcwralingîis, bouquets d'ar-
bustes dépouillés de leur feuillage pendant les sécheresses. Plusieurs
des croupes du plateau, surtout dans la jwirtie méridionale de l'État de
Bahia, n'ont môme aucune végétation : ce sont des éli-ndues blanchies
par les efflorcscences salines.
La flore et la faune de la région ne difl'ferenl [mini dans leurs traits géné-
raux de celles des provinces limitrophes; cependant nombre d'espèces
i)yant une aire limitée ne se trouvent que là. C'est ainsi qu'en amont
de sa grande chute le S3o Francisco possède des formes particulières de
poissons, toutes différentes de celles qui vivent en aval : l'infranchissuble
précipice a sépaiv les deux faunes. De même, l'art'le de l'Ëspinhaço,
avec deux climats sur ses versants opposés, limite des multitudes de
plantes et d'animaux. Comme le Cearâ et le Piauhy. Minas Geraes et
Bahia eurent aussi, h une époque relativement moderne, une faune
beaucoup plus riche que celle d'aujourd'hui et caractérisée par de grands
quadrupèdes. Aux environs de Lagôa Santa, Lund et d'autres natura-
listes ont découvert en un millier de cavernes il5 espèces de mammi-
fères fossiles, tandis que la faune locale n'en comprend plus que 88.
Parmi les animaux disparus, Lund décrit un grand singe, un jaguar
énorme, deux fois supérieur en taille et en force au jaguar actuel du
Brésil, un câblai ayant les dimensions du tapir, un cheval qui ressemblait
beaucoup à notre cheval moderne, et un lama comme celui du Pérou*.
Les cavernes de Minas Geraes renferment aussi des ossements humains.
Lund trouva les restes fossilisés d'au moins trente individus de tout âge.
depuis des nouveau-nés jusqu'à des vieillards, et l'étude comparée à
laquelle il se livra lui permit d'affirmer que la race vivant dans cette
• Ë. Triana; —F. Robellaz, Notes manutcrila.
* Lund, Uimoireê de la Société de* Antiquaire» du Nord, 1845.
FLORE, FAUNE, HABITANTS DES MINAS. 275
partie du continent sud-américain était, par son type général, identique à
celle qui l'habitait au temps de sa découverte par les Européens. Le
caractère le plus frappant des crAnes de Lagôa Santa est Tétroilesse du
front fuyant, semblable à celui des figures sculptées par les Maya sur
les moHuments de Palenqué. Les os zygomatiques ont une saillie très pro-
nono€e; les dents incisives se terminent par une surface large et plane
camnie celle des dents molaires. A en juger par leur tiès petit cerveau,
les indigènes du haut Sao Francisco devaient être peu intelligents : à côté
des squelettes on n'a trouvé que des instruments très grossiers. Les haches
en pierre, appelées vulgairement coriscos^ ramassées fréquemment dans
le pays, ressemblent tout à fait par la forme et la matière aux outils de
naême espèce que possèdent les musées d'Europe*.
L<es indigènes du littoral avec lesquels les découvreurs eurent leurs pre-
mières relations de guerre ou d'amitié appartenaient à la famille que
Martîus a désignée par le mot de Gês, d'après la syllabe terminale des noms
applifjués à la plupart des tribus. Les Indiens Tupi, les plus civilisés des
aborigènes, donnaient aux riverains des côtes orientales une appellation
méprisante, celle de Tapuya, — « Étrangers », « Barbares », — qui, sous
une A>nne à peine différente, est devenue le terme générique par lequel on
embrasse maintenant toute la population d'origine indienne qui vit en paix
avec les Brésiliens. Les représentants les plus connus de la famille Gés
sont l^^s fameux Burung, généralement appelés Botocudos, à cause du
^toqt^^ ou disque de bois qu'ils s'introduisaient dans la lèvre inférieure
^^ri.:s les lobes des oreilles. On leur donne aussi le nom d'Aimores,
\^ ' Vi.sage a transmis aux arêtes de montagnes qui dominent leur terri-
'tî. Nombre d'auteurs les décrivent comme une famille spéciale.
^^ tribus errantes qui restent des anciens Aimores campent sur les
^^ du Mucury, du Dôce et des rivières affluentes, dans les foiéls du ver-
atlantique de Minas Geraes. Le premier voyageur qui, en 1816, les
^*^>^it après avoir séjourné parmi eux et les avoir soigneusement étudiés,
' ' ^^ïXiilian von Wied-Neuwied, n'évalue pas leur nombie. Une quinzaine
^ 5^^fêes plus tard, ils .luraient été environ quatorze mille, d'après Marlius.
^ *^ tenant la plupart de leurs tribus ont disparu, soit par les épidémies,
^ par la domestication et l'absorption graduelle parmi les habitants
^^Ssés. Physiquement les Botocudos sont d'assez forte stature, au puis-
^^ thorax et aux larges épaules, aux pieds et aux mains de petites
^^ Lundy Instituto HUtorico Geographico BrasUeiro: — A. tle LactM-da, Mémoires <h la Société
-^Mhropolagie,
XIX. ,);)
!274 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
dimensions avec des attaches délicates. Ils ont les yeux caves el peu
ouverts, quelquefois les paupières relevées obliquement, les pommettes
saillantes, la bouche très grande et la mâchoire forte; presque tous doli-
chocéphales, ils ont la forme de crâne que Lund observa sur les sque-
lettes de Lagôa Santa. Comme les autres Indiens du Brésil, les Boto-
endos se peignaient le corps, mais leurs ornements distinctifs étaient
les boto(jues, disques énormes en bois léger qui, par la distension de
la chair, déchiraient souvent les lèvres et les oreilles et faisaient de très
bonne heure tomber les incisives de la mâchoire inférieure. Ne pouvant
se senîr de leurs lèvres pour parler, ces Indiens émettaient les sons
surtout du fond de la gorge et du nez et n'articulaient pas diverses con-
sonnes. Ils avaient pour armes des javelots et des flèches barbelées,
qu'ils ne trempaient point dans le poison. Sans autre religion que la.
crainte, ils se défendaient par de grands feux contre les mauvais génie*?
et les revenants et protégeaient leurs morts en allumant un bûcher sur
la fosse.
Les Botocudos passaient pour le peuple ignorant et grossier par excel-
lence. Ils ne savaient pas même se construire de cabanes ni se tisser un
hamac pour l'attacher aux arbres et couchaient sur le sol nu; ils ignoraient
l'art de tresser les fibres végétales et d'assouplir le liber pour en faire des
étofles; les calebasses, les vases naturels fournis par les feuilles reployées
étaient leurs seuls ustensiles; ils ne connaissaient point l'agriculture et ne
vivaient que de la chasse; gîtant sur les bords des fleuves, ils ne s'étaient
pas encore ingéniés à construire des bateaux, et, fait peut-être unique
parmi les sauvages américains, ils n'avaient point appris à nager. On se
demande même si les sambaquis ou amas de coquilles que l'on trouve
sur le littoral le plus voisin de leurs campements sont dus à leurs ancêtres:
la pêche n'était guère possible à des gens ne sachant ni nager, ni ramer\
Mais, si pou développés dans les arts de la vie que fussent les Botocudos,
ils avaient du moins sur les envahisseurs blancs Tavantage d'être libres et
de vivre heureux au fond de leurs forêts. Dans les conflits qui amenèrent
leur destruction partielle, les torts furent toujours du côté des traitants
d'eau-de-vic et autres représentants de la race supérieure. Ce sont les
violences, les trahisons des blancs ([ni (uit l'ait disparaître les Camacan
du rio Pardo et les Pîitachos du Je(|uitinhonlia; l(»s Nac-ne-Nue, [)euplade
botocudo, s'enfuirent par la région d(»s montagnes jusque dans les forêts
riveraines du Parana. Aetuellonieul, les desccudîuits des Botocudos parlent
* l*;ml KhitMinMch, Pclcrmann's Mitteiluiujeny l8tM, llefl V.
BOTOCVDOS. HALALI. 375
tous portugais, et déjà vers 1870 on voyait rarement un indigène porter
le botoque. On les emploie comme maçons et charpentiers, mais ils ne
'rsivaiilent qu'avec méCance et s'échappent à la moindre alerte. I^es
/adîens Halali, Indiens d'origine et de langue diiîérentes, (jue la crainte
des* Sotocudos avait groupés à Pessanha, dans le voisinage des blancs, et
yui constituaient encore une tribu distincte lorsque Auguste de Saint-
ïlilairc traversa la contrée, en 1817, se sont fondus dans la masse des
■paysans caboclos. Un de leurs mets favoris était un gros ver blanc ren-
fermant un poison dangereux qui se développe dans l'inlérieur dos bam-
Iwus : le tube intestinal de ce ver a la pi-opriélé de jeler ceux qui le
mangent dans un sommeil extatique durant plusieurs jours'.
A moins que In légende relative à Ramalho, le colon de la baie de
' Ani^lc de Saint-llil»in>, Voyage dan» le* provtncft de Rio de Janeiro el de Minni Geracs.
976 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Sanlos, ne repose sur un fonds de vérité, les premiers immigrants blaacs
qui restèrent au Brésil furent les interprètes laissés par Alvarei Galîral sur
la côte de Santa Gruz et les aventuriers qui vécurent avec les Indiens sur
les boiHls du golfe de Todos os Santos. Ce dernier établissement prît une
importance considérable, d'abord comme capitale, puis comme deuxième
cité du Brésil ; mais Tendroit même où les compagnons de Cabrai avaient
pris pied est Tun des plus délaissés de l'immense territoire. La population
se porta principalement vers les plateaux des Minas et la baute vallée d
rio SSo Francisco, attirée d*abord par la richesse des mines, et retenues
ensuite par la fertilité du sol, Texcellence du climat, les facilités de la vie^
Dès la deuxième moitié du dix-septième siècle, les intrépides Paulistai
accoururent en foule dans la région des mines pour y ranuisser Tor et 1
pierres fines dites à tort « émeraudes »; mais ils ne furent pas seul
chercheurs : des gens du littoral venus de Rio de Janeiro et des aventu*
riers d'outre-mer voulurent avoir leur part de ces trésors; bientôt la
guerre éclata entre les Paulistas, qui se croyaient les légitimes proprié-
taires des terrains miniers conquis par eux sur les Indiens Gataguér, et
les emboabas ou « étrangers )>, c'est-à-dire les gens du dehors, les Por-
tugais ou Brésiliens venu^ d'autres provinces que la leur. Ceux-ci furent
presque exterminés en 1708 sur les bords du rio das Mortes; mais d'autres
bandes revinrent à la charge, et, après de nouveaux conflits, Paulistas et
Forasteiros durent se réconcilier sous un dur régime d'obéissance com-
mune imposé par le gouvernement. On introduisit les lois les plus sévères
pour la réglemen talion du travail dans les mines d'or, puis dans celles de
diamant, découvertes en 1728. Nulle part régime plus draconien ne fui
imposé aux producteurs, régime qui eut pour conséquence les tromperies,
les vols, les dois et toute la démoralisation causée par une autorité sans
IVein. Depuis cette époque, les conditions politiques ont changé, et les
mines, raison pivmière de cette législation féroce et de cette dégradation
morale, se sont partiellement épuisées. Les anciennes cités minières ont
déchu ; des bourgs jadis populeux sont tombés en ruine et il n'en reste
que des églises somptueuses, pareilles aux cathédrales des cités. Mais Tap-
pauvrissement de tel ou tel district n'empêche pas que l'ensemble du
pays se soit enrichi et que la population ait décuplé.
Les noirs amenés comme esclaves sur les plateaux miniers n'ont guère
laissé de descendance, les familles n'ayant pu se constituer à cause de la
larelé dos femmes sur les chantiers. Ce qui existait de l'élément nègre
s'est fondu dans la race métissée de l'intérieur. Mais nulle part au Brésil
les Africains ne sont mieux représentés (pie dans les districts du bas
POPULATION DE MINAS GERAES ET DE BAHIA. 277
Sîlo Francisco el dans la cité de Bahia. Là se trouvait autrefois le centre du
commerce des esclaves, les traitants n'ayant qu'à traverser TAtlantique en
ligne di*oite pour aller charger des noirs sur la côte de Guinée, entre
Loanda et Mossamedes. Des nègres Krou et d'autres Africains, compris sous
le nom générique de Minas, d'après une des nations qui vivent au sud du
Dahomey, étaient venus aussi à Bahia en qualité d'hommes libres comme
matelots et subrécargues. Les Minas esclaves réussissaient très souvent
à s'affranchir, soit par l'énergie avec laquelle ils revendiquaient leur
Jiberté, soit par les produits d'un travail qui leur permettait le rachat de
leur personne. Encore de nos jours, ils forment à Bahia une sorte de
corporation, dont les membres se distinguent par les qualités morales et
l'esprit de solidarité, autant que par la haute stature et la vigueur phy-
sique. Les nègres les plus vigoureux, les plus belles négresses sont des
JMinas. Leur vocabulaire comprend encore des mots nombreux hérités des
langues africaines : des termes d'origine yoriba et cabinda se trouvent par
^^entaines dans le parler brésilien*. A Bahia, les noirs chantent des refrains
^e l'Afrique en se servant du vieux langage pour leurs incantations de
^sorcellerie. Parallèlement avec la traite des esclaves, des relations de
<ximmerce pacifique s'étaient nouées entre les parents de race de Tune à
l'autre rive de l'Atlantique, et des familles de Bahia ont leurs branches
latérales au Dahomey. Le nom de Tabon, que l'on donne populairement au
Brésil en certains lieux de la côte africaine, témoigne de ces bons rapports
entre les habitants des deux rives opposées de l'Atlantique. Ce mot est la
corruption de l'expression familière de salutation : Sta bom? « Allez-vous
bien?..'
liCs Mineiros ou Geralist4is% c'est-à-dire les gens de Minas Geraes, des-
cendent en partie de Paulistas purs et métissés, en partie de Portugais
immigrés par la voie de Rio de Janeiro; les autres éléments d'origine euro-
péenne n'ont eu qu'une faible part au peuplement du pays. Outre les Por-
tugais, toutes les nations de l'Europe occidentale sont représentées à
Bahia et dans les autres villes du littoral, mais l'immigration méthodique
n'a commencé que depuis le milieu du siècle. Les premières tentatives
de colonisation agricole, tentées surtout dans la province d'Espirito Santo,
ne réussirent point. Des spéculateurs avaient eu l'idée d'établir de distance
en distance dans les vallées du Mucury et du rio Dôcc des groupes de
colons qui eussent seni de points d'appui à des routes de commerce
• De Boaurcpairc-Rohan, Diccionario de vocabulog brazileiros.
« Richard Burlon, To the Gold Coast for GoUL
' StItio Dinarto (fl*Escragno!le-Taunay), Innocencin.
278 NOUVELLE GËOGRAPHIE UNIVERSELLE.
entre les plateaux et la mer. Des agents recruteurs partirent pour l'Eu-
rope, d'où ils ramenèrent des milliers d'Allemands, de Hollandais, de
Suisses, d'Alsaciens. Mais rien n'était préparé pour les recevoir. Le désastre
fut grand : la plupart des étrangers périrent par le typhus ou la
faim. Longtemps les colonies du Mucury furent désignées sous le nom
d' « abattoir » ou carnificina\ Depuis cette époque, l'immigration a
repris avec plus de succès, et les postes de colons se succèdent sur le^
routes de la mer à la montagne, la plupart sous la direction de quelques
vétérans agiiculteui's déjà venus lors des premiers essais de peuplement.
Des Italiens, travailleurs plus sobres, plus résistants, plus faciles à accli-
mater que les gens du Nord, forment maintenant le gros des immigrants
et le pays leur offre plus de ressources qu'il n'en présentait à leurs pré-
décesseurs. Grâce à eux, l'État d'Espirito Santo, jadis le plus délaissé,
se peuple rapidement.
Quoique la moitié la plus importante de Minas Geraes appartienne
au versant du Sao Francisco, les villes les plus considérables se trouvent
en d'autres bassins : Barbacena, Sao Joilo del Rey et Tiradentes, dans
celui du Parana; Juiz de Fora sur un affluent du Parahyba; Ouro
Preto, Marianna, Serro, dans les hautes vallées tributaires du rio Dôce;
Diamantina, Minas Novas, dans les combes supérieures du Jequitinho-
nha. C'est vers le sud-est de l'État que se sont élevées les plus fortes
agglomérations urbaines, obéissant à raltraction de la capitale, Rio de
Janeiro.
Qucluz,la cité du versant sao-franciscain la plus rapprochée de ce centre
d'appel, s'élève à un millier de mètres, près des sources du Paraopeba et
du faîte de diramation des eaux. Ancien arraial d'Indiens fondé au milieu
du dix-huitième siècle, Queluz a passé par les mêmes vicissitudes que les
autres villes de la contrée : rendue prospère par le travail des mines, puis
ruinée, elle s'est enrichie à nouveau par la culture et l'élève du bétail.
La station voisine, Lafayclte, est un point d'arrêt forcé pour voyageurs et
marchandises, la voie étroite du Sao Francisco y succédant à la voie large
construite dans la direction de Rio do Janeiro. Les cotons de Queluz, de
même que ceux de Bomfim, de Tamandua, de Pitanguy, villes situées
plus à l'ouest dans les vallées du Paraopeba et du Sao Francisco, servent h
fabriquer des étoffes très appréciées, que l'on préfère aux produits simi-
•
• R. Avé-Lallcinant, Reise in SUd-Brasilien.
COLONIES nr iiTTonAL. ouRo PSETO. m
/.■iii-<»s de [inm-nancfl europépnne. L« village dit CoBgonfaas de Cunpo,
(iVii»rès un arbusle sauvage qui ressemble, à In yefia maté da Paraguay, est
un rfes [irinripiiux lieux de pèlerinage du Brésil.
Lsi slatiiiii de Miguel Bmiiier. i.îi rombianchement d'Ouro Pretô se
déUic^he de la gninde ligne. ..iru|ie ;i peu piés te centre dé la régiwi
nuzMxère, centre politique et économique de l'Ëtat des Minas. A l'ouest
s'élève II serra do Ouro, — la « montagne de l'Or» , — et vers le nord-oaefet
un autre ^atnon porte le nom signiBcatif de serra da Hoeda, — « serre
de 1«K Mooiitie ». A l'est, le boui^ d'Ouro Braoco, — « Or Blanc », — '
"'^Ipe un haut vallon, à moitié chemin de la cité d'Ouro Preto, — « Or
***"• », — capitale actuelle de l'Élal, l'ancienne Villa Bica, que domine
^ Sud-est la pittoresque montagne d'Itacolumi, à la double cime. Ouro
'^'o appartient, il est vrai, au versant du Dôce, mais de ce côté elle n'a
P****!! encore de libres communications avec la mer, et son histoire, son
**Ustrie, son commerce la placent réellement à l'origine du bassin que
P*''<ioiirt le rîo S3o Francisco. La ville se développe en constructions iné-
^'*« dans un ravin sinueux, coupé de mornes et de précipices : son as|i€ct
Son histoire. Ouro Preto, qui doit sa fondation aux gisements auritères
^^Xiverts en 1698, est entièrement bâiie sur d'anciennes galeries, cata-
^oes où s'amasse l'eau potable utilisée par les habitants; les rues
Î80 NOUVEtlB CfiOCBAPHIE ÏNIVEHSEILE.
lie sunl auli-e chose (jue d'ancienne» Inincliées d'cx[)luiliiliuu ; (■iiciri:
(iQ 1875 on relimit le rainerai d'un trou sous un faubourg'.
Malgré l'ombi-anchement de voie leiTée ([ui ratljiohe Ouro Pieio à Uit>
de Janeii-o par-dessus un seuil de l'Espinhaço, la \'i]le soutTre du la
diffiuulté des eommimicatinns et reste quelque peu en dehors de la tÎi»-
géndiTilo. Aussi les habitants de Minas Geraes, premier État de la liépu—
blii|ue par l'importiuice et ht popnlalioii, liendraienl-ils à honneur d'avoir
un autre chcl'-lieu, occupant un site plus favorable pour la cousiruelion de
beaux édifices et rétablissement de relations i'aeiles. On montre à Oui-o
Preto l'emplacement de la maison du l'évolution na ire Tiradenics, maison
que le roi ordonna de démolir, pour en labourer la terre ef y cerner du
sel. Près de Ifi, dans le Palais du Trésor, un sombre réduit fut le cachot
où mourut un autre des conjurés, Manoel da Costa, probablement par
l'eiïct du poison. L'école des mines d'Ouro Preto, ensemble disparate de
constructions que l'on doit bientôt remplacer par un édifice monumeQUl,
• )l. i;cir
il. Bulletin de h Société de Géographir, '
e du IK 00(0111% 1S7G.
Il
'. %
■ l
OURO PRETO» DIAMANTINA. 285
i-enferme dans son musée une collection merveilleuse de minerais, pépites,
diamants et cristaux.
A l'est d'Ouro Preto, et à la base de la même montagne dltacolumi,
s'étagent les mines d'cTr de Passagem et se prolonge la ville déchue de
Harianna, fondée un an après la capitale, puis enrichie comme elle par
l'exploitation de Tor et ruinée de la même manière : la cité somptueuse
que le roi JoSo V appelait jadis son « épouse bien aimée », n'est plus
qu'une réunion d'églises et de séminaires. Un autre boulevard du catho-
licisme au Brésil est le grand collège que possèdent les Jésuites sur le
flanc de la montagne de Caraça, a moitié chemin entre Ouro Preto et
Santa Barbara. Le chemin de fer du versant oriental de l'Espinhaço
remonte au nord dans la région minière par Inficionado, Catlas Âltas,
Santa Barbara, Itabira do Matto Dentro, Conceiçao, Serro, toutes villes
occupant de hautes vallées qu'arrosent des gaves, affluents ou sous-affluenls
du rio Dôce. Serro, ainsi nommée d'après le pic d'Itambé, qui s'élève à
une vingtaine de kilomètres au nord-est, a cessé d'être prospère, quoi-
qu'elle possède encore des mines d'or et de diamants; mais les campagnes
environnantes se sont peuplées d'agriculteurs. L'épuisement des gîtes a
eu le résultat contraire pour Diamantina ; les malheureux des alentours,
cubasses par la ruine des galeries, se sont réfugiés dans la ville. Située dans
la haute vallée du Jequitinhonha, Diamantina, l'ancienne Tijuco, a comme
Ouro Preto ses relations commerciales avec Rio de Janeiro non par la mer,
mais par le bassin du rio Sâo Francisco. Haut placée sur une terrasse,
que des falaises coupent de deux côtés, elle commande un panorama très
étendu. Ses mines de diamants, qui produisaient pour une valeur de 3 à
4 millions par an, donnent maintenant beaucoup moins, pas même un
million ; mais quelques industries, entre autres la préparation des cuirs,
ont en partie compensé l'appauvrissement des mines. Au nord, sur le
même versant du Jequitinhonha, le bourg, jadis prospère, du GrSo Mogol
est presque abandonné.
La vallée du rio das Velhas, voisine du chef-lieu de l'Ëtat, Ouro Preto,
constitue l'axe commercial du bassin du Sâo Francisco : les villes et les
bourgs se pressent dans sa partie supérieure. Sabard, la métropole du
district, située à 695 mètres d'altitude, sur la rive droite et à la tête de
navigation du rio, n'a pas perdu son industrie aurifère comme la plupart
de ses anciennes rivales des Minas; des compagnies anglaises fort riches
font exploiter dans les environs des mines très productives, notamment
Morro Velho, au sud-ouest, près de Villa Nova de Lima, le bourg très
connu des minéralogistes sous son ancien nom de Congonhas de Sahara.
28i NOUVELLE GËOGRÂPUIE UNIVERSELLE.
Cette mine de la « Vieille Montagne » ramifie ses allées profondes dans
les flancs d'une montagne nue, entourée d'autres cimes plus hautes.
Les veines métallifères, jadis exploitées au hasard, étaient abandonnées
lorsque, en 1849, des mineurs britanniques en reprirent l'exploitation,
suivant une méthode rationnelle et avec de puissants capitaux. Les pro-
duits furent très rémunérateurs, surtout en 1860 et 1861; mais la perte
du filon principal, puis l'eflbndrement d'une partie de la mine et l'in-
cendie des étais interrompirent le travail. Il a repris, et les 1500 ou
2000 ouvriers employés extraient en moyenne du minerai pour une valeur
annuelle de 2 millions, dont le profit revient en entier aux actionnaires
anglais : deux puits jumeaux, creusés a 800 mètres de profondeur,
ont retrouvé le filon majeur que l'on avait perdu. En plein rapport, la
mine pourrait donner 6 kilogrammes par jour, soit plus de 7 millions par
an. Grâce au séjour de nombreux savants, ingénieurs, mineurs, natura-
listes, Sahara est devenu le centre d'exploration le plus important dans
l'intérieur du Brésil pour la géographie physique, la géologie, la météoro-
logie et la préhistoire. C'est à 13 kilomètres de la voie ferrée, à l'ouest de
Sahara, que se trouve le plateau salubre de Bello Horisonte, l'un des sites
proposés pour l'emplacement de la future capitale de Minas Geraes. Les
eaux pures de l'espace étudié suffiraient à la consommation d'une ville de
450000 habitants*. Le village minier de Caethé, riche en asbeste, occupe
une étroite vallée de l'autre côté de Sahara, à la base de la célèbre montagne
de Piedade, que couronne un ermitage depuis la fin du siècle dernier.
La ville de Santa Luzia, qui succède à Sahara sur le cours du rio das
Velhas, a également son nom dans les annales de la science, car c'est dans
le voisinage, a Lagôa Sanla, que Lund résida pendant de longues années,
explorant les curieuses grottes des alentours. Santa Luzia eut aussi sa
période de célébrité comme ville révolutionnaire, et en 1842 bataille y fut
livrée entre les troupes impériales et les défenseurs de l'autonomie locale
ou luzistas, ainsi nommés de la ville (ju'ils avaient soulevée. Les bancs de
jaspe facile à sculpter (jue l'on trouve dans les environs ont donné h Santa
Luzia une industrie spéciale, la fabrication de statuettes et autres objets
religieux ou d'art industriel. Plus loin, Paraùna, — « Eau Noire )>, — sur
la rivière du mémo nom et près de la rive droite du fleuve, a été signalée
avec Bello Horisonte» connue un emplacement favorable |)()ur la future
capitale de TElat, doni (*lle occu|)(» ii peu près h* centre géométritpie*.
• Sîimuel (îomrz Pcivira, (^ommissào d'Estudo das hcalidades para a nova Capital.
- Lniz Martinho di» Montes, iiumuc recueil.
280 iNOUYELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
commerce y est fort considérable et son port s*emplit d'embarcations qui
apportent du caoutchouc, des gommes, du minerai et viennent prendre
le sel recueilli près de là sur les bords du rio Salitre. En face, à Tendroit
où doit aboutir un jour le pont-viaduc du fleuve, dans l'État de Pernam-
buco, se montre le village de Pétrolina, ou jaillissent en eflîet des sources
de pétrole. Bôa Yista, autre station riveraine, deviendra, comme Joazeiro,
un entrepôt fluvial en amont des escaliers de cataractes : une voie ferrée
doit la rattacher h Pernambuco par Cabrobo, Aguas Bellas et Garanhuns.
De ces divers projets pour le contournement des cataractes, un seul est
achevé, le chemin de fer tracé sur le territoire de Pernambuco et d'Alagôas,
entre le bourg de Jatoba et celui de Piranhas, tête de la navigation sur le
bas Sâo Francisco.
En aval, le commerce a fait surgir deux villes très animées, Propria,
dans rÉtat de Sergipe, et Penedo, dans celui d'Alagôas. Cette dernière
ville, qui doit son nom, — le « Roc » — au massif de rochers sur lequel
s'élèvent ses constructions, est l'une des anciennes colonies du Brésil :
fondée en 1620, h cause de l'importance stratégique de sa position, elle
fut capturée par les Hollandais, qui dressèrent un château fort, dont on
voit quelques restes. Tous les navires qui franchissent la barre du Sîo
Francisco remontent au port de Penedo pour y porter des marchandises
européennes et y charger du coton, des peaux, du riz ou autres denrées.
Piassabussu, l'avant-port de Penedo, situé également sur la rive gauche
du fleuve, dans l'État d'Alagôas, au milieu de plantations de cannes,
fabrique d'excellents tafias.
La population assez dense du Sergipe, le plus petit État et le « paradis
de l'Union brésilienne », se groupe dans la région que traverse la rivièi^e
du même nom, affluent du Cotinguiba : elle descend en grande partie
desTupinaes et Abacatuara, de race tupi*. La capitale actuelle, Aracajû,
située sur la rive méridionale de ce fleuve, h 12 kilomètres de l'embou-
chure, fait un commerce très actif, quoique les navires exilant plus de
2 mètres aient quelques dangers à courir en traversant la barre. Aracajû
est le deuxième port du Brésil pour l'exportation des sucres*. Des embar-
cations a très faible tirant d'eau vont chercher le sucre, le coton, les
oaux-de-vie dans les rivières d'amont, à Maroim, h Larangeiras, et des
chemins de fer poussent dans l'intérieur, au nord, jusqu'à Capella, à
l'ouest jusqu'à Simao Diaz, futur centre do voies ferrées convergentes. SSo
' Alfonso Lonionaco, Sulle razze indigène del Braxile.
* Sucre exporté d'Aracajùen 1892 : 188 660 sacs ou 11 520 tonnes.
PENEDO. ARACAJO. ^ S87
ChrislovSo, l'ancien chef-lieu du lerritoire qui était alors la province de
Sergipe, a moins d'avantages qu'Aracajû : l'estuaire du Yasa Barris, qui
borde ses plages, communique avec la mer par une barre assez profonde,
H" t. — UHm bO MO Uo rUNCUCU.
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— plus de 5 mètres et demi —, mais il est obstrué de bancs et de
vasières, et l'on ne peut se rendre qu'en barque à S3o Christovâo. Enlin,
à l'extrémité sud de l'État s'ouvre un troisième estuaire, celui du rio
Real, vers lequel convergent plusieurs cours d'eau, entre aulivs le Piauhv.
288 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE
qui passe près de la ville d*Estancia, un des principaux centres de cuit
dans la zone cotiëre.
Sur le littoral de Bahia, quelques ports se succèdent, visités par d
caboteurs et des jangadas ; mais le mouvement des étrangers tend à
concentrer en entier dans le havre, San Salvador de Bahia ou simple
ment Bahia, à l'entrée de la baie ou mer intérieure de Todos os Santos^
La ville, la deuxième du Brésil par le nombre des habitants, occu
l'extrémité du promontoire qui protège à Test un golfe magnifique dév
loppant ses rivages à perte de vue. Le cap qui porte Bahia est la parties»
la plus élevée de l'immense pourtour et la haute ville domine de 40 S
50 mètres la rade, ses navires et les îles lointaines. En bas, les rue
du commerce se prolongent parallèlement au rivage, dans l'étroit espace
compris entre la mer et les escarpements de la colline. Une zone inter^
médiaire, où les rares constructions sont entourées de jardins, sépare le
deux villes de sa bande verte, et de toutes parts on voit s'élancer I
hampes des palmiers, s'arrondir les branchages touffus des manguie
contrastant avec les clochers et les dômes. De loin, les deux cités para
lèles, qu'unissent des rampes, un ascenseur vertical, deux « plans incl»~ h
nés » avec locomotives, et dont les rues se poursuivent à 6 et même à
8 kilomètres de la pointe, présentent un aspect imposant : la nuit, deuL x
lignes parallèles de lumière indiquent la position des deux cités. Un jardi .rz — i
public de faible étendue sépare Bahia proprement dite du faubourg élé
gant de Victoria, qui s'étend au sud jusqu'aux collinettes du promontoire
boisé et couronné d'églises. Le phare de San Antonio dresse sa haute
colonne sur la dernière saillie du granit.
Bahia est l'une des vieilles cités du Brésil, quoique les Portugais
n'aient pas fondé de colonie sur les bords de la baie aussitôt après sa
découverte par Christovao Jaques et Amerigo Vespucci : suivant les chro-
niciues, un traiUmt, Diogo Alvares, connu par les indigènes sous le nom
de Caramurû, s'y serait établi en l'année 1510; une vingtaine d'années
plus tard, quelques colons vinrent le rejoindre, mais une ville ne sur-
git sur la colline du Salvador qu'en 1549, lorsque Thomé de Souza,
gouverneur des capitaineries, y construisit sa résidence. Bahia, visitée
régulièrement par les navires de l'Inde, qui venaient s'y ravitailler avant
de se diriger vers le cap de Bonne-Espérance, garda son titre de capitale
jusqu'en 1765, pendant plus de deux siècles, et resta longtemps sans
rivale pour le nombre dos habitants et l'importance commerciale :
en 1585, d'après une « information » du missionnaire jésuite Anchieta,
près de la moitié des blancs domiciliés au Brésil, soit 12000 sur 25000,
!nt fiahia. Les noirs étaient alors beaucoup plus nombreux à Per-
so, mais Bahia monopolisa bientôt la traite d'Afri({ue et jusqu'au
du dix-neuvième siècle ses commerçants furent, en dépit des
s grands
de M- ». — uau.
reurs
bëne : en
!S années,
portèrent
; mille es-
La sup-
a de la
africaine
t ruiner la
I grand'-
lle se re-
I désastre
xpédition
luits agri-
U popu-
e couleur
ine en-
Bahia : la
Mulata ,
le Mu là'
i>, tel est
nom po-
de la
ahia, où
t établis
uiles lors
ondation,
son rang
rapole re-
: du Bré- , ■ •°°~ ,
;s de cent
et chapelles, dont, il est vrai, plusieurs sont en ruines, élèvent
roix au-dessus de l'amphilhéàlre des maisons, fiahia a souvenance
été au dix-septième siècle le centre intellectuel du Portugal amé-
mais elle a déchu : i>a bihliotliè(|ue, ses musées et ses sociétés
vm
290 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
savantes n'ont pas Timportance à laquelle on s'attendrait dans une cité s
peuplée; cependant elle possède Tune des deux écoles brésiliennes d<
médecine. Les fiahianais se distinguent parmi les Brésiliens par leui
prestance, leur beau langage, et ils ont toujours eu dans le gouverne-
ment de la nation une part considérable. Bahia est plus « brésilienne ->
que Bio : elle n'a point le caractère cosmopolite de la capitale, et sei
maisons, en grand nombre revêtues de faïences vernissées, ressemblem
plus à celles de Lisbonne. Une des églises a été construite avec des
pierres venues toutes taillées du Portugal.
Le port de Bahia, défendu contre les vents de l'est et du sud-est pai
la masse péninsulaire ou s'élève la ville, est exposé à la houle du suc
qui pénètre dans la baie par la large entrée; cependant quelques bancs,
des roches et un écueil, sur lequel se dresse le fort do Mar ou Sao Marcello,
rompent la force des vagues : les grands navires mouillent à distance du
rivage. On n'a pas encore donné suite au projet qui enclavera, devant les
quais, un espace maritime de plus de 100 hectares en vue d'établir un
port fermé au moyen de deux brise-lames, l'un de 2 kilomètres, partant
de l'extrémité septentrionale de Bahia pour aller rejoindre le fort de Sao
Marcello, l'autre s'enracinant au quartier méridional où se trouvent
l'arsenal et la douane, pour se terminer en un musoir correspondant au
fort. Des cales sèches, creusées dans le granit noir ou coraçào de negrOf
compléteront le port futur. Le sucre, le t^bac, le café, le coton, le bétail,
les cuirs alimentent le trafic de Bahia', admirablement approvisionnée des
produits du sol : le marché est une merveille par l'abondance et la variété
des fruits, non moins que par la diversité des types blancs, noirs e
croisés à Tinfini, qu'on rencontre en groupes pittoresques. Quelques navire-
baleiniers poursuivent dans les parages environnants les cétacés, doni
l'huile était naguère utilisée pour Téclairage de la cité et que l'on expédi-
actuellement en Europe; par les vents du sud, les baleines entrent fre
quemment dans la baie, et des barques se mettent à leur poursuite, u
harponneur se tenant à l'avant, l'arme en arrêt : on capture en moyeniw
une cinquantaine de cétacés par an'. Une fonderie de spermaceti s'élèw
* Valeur des échan'^es à Bahia en movenne .
Imporlalioii 50 000 000 francs.
Ex|)ortati(.n 4 i 000 000 »
Ensemble 94 000 000 francs.
Mouvement de la navigation en moyenne : 5000 navires portant I 700 000 tonnes.
Rendement de la douane en ISDO : 1 1 t>l 4 000 milreis, environ 2-2 000 000 francs.
* Antonio Alves Camara, Bohtim du Sociedade de Geoyraphia do Rio de Janeiro, 1889.
BAHIA, REGONGAVO. 291
dawM^ la ville; il en existait d'autres dans I*ile d^Itaparica, où, vers 1815»
la j>lupart des clôtures, autour des jardins et des cours, étaient faites en os
de fcaleine*. On a trouvé quelques gisements de charbon dans celle île,
lon^^:ie terre dont une ville occupe Textrémité septentrionale. D'une très
gra.irBcle fertilité, elle est fameuse par Texcellence de ses produits, aussi
bioT^ que par son doux climat : on lui donne le surnom d' « Europe
des pauvres », parce que beaucoup de Bahianais, petits artisans et
bouac^^eois, y vont en villégiature. Lors de la guerre d'indépendance, la
GrTBK-i de-Bretagne, dont le Portugal était débiteur, s'offrit à prendre l'île
d^I tsi paricd en payement de la dette. C'eût été livrer la clef du Brésil
au^t A^nglais. Le Portugal rejeta Tinsidieuse proposition.
Suir le revers océanique de la péninsule, Bahia se complète par des fau-
bouir^s de villas, entre autres Rio Yermelho, aux maisonnettes éparses sur
l^s c^oteaux gazonnés et dans les verdoyairts ravins : au nord, des groupes
d^ irrt^isons élégantes se prolongent sur les collines et dans la presqu'île
^^ ficjmfim, d'où l'on contemple le magnifique panorama de la ville, du
et de deux ports, au sud Bahia. au nord Itapagipe; l'église élevée
les pentes orientales du coteau boisé est, dit-on, la plus riche du
1; la statue de la Vierge y disparaît sous les diamants. Tout le pour-
tovuT» de la « Baie », le Reconcavo ou la « Conque », se borde d'agglomé-
is commerçantes, qui communiquent avec Bahia par de petits bateaux
►eur côtiers, évalués à plus de mille.
nto Amaro, sur la rivière de même nom qui débouche à l'extrémité
-entrionale de la baie, est une jolie petite ville, entourée de champs de
*~^iies et autres cultures, traversée par un chemin de fer: en aval, la
agricole de l'État borde la rive gauche de l'estuaire. Sur le Para-
ssû ou « Grand Fleuve », qui se déverse dans la partie occidentale
la baie, Cachoeira, la cité principale, a pris son nom des chutes qui
■^ Corrompent le courant : elle est l'entrepôt nécessaire de toutes les
^«"ées qui viennent de l'intérieur dans la direction de Bahia et complète
capitale comme tête de pont sur la rive du continent. Le tabac, le
^'^^^Iviit le plus estimé du pays, le café, les fruits sont expédiés de
^^hoeira ou de son avant-port Maragogipe, très connu par les planteurs
<^ofiers pour sa variété de baie jaunâtre; quant au bétail des serlôes
^o la vallée du Sao Francisco, il a pour marché principal une ville
^éc au nord, la Feira ou « Foire » de Santa Anna. La force d'appel du
^^merce qui se dirige vers le bas Paraguassû se fait sentir au nord
^ï^xirailien de Wied-Neiiwied, Voyage au Brésil^ traduction par J. B. B. Eyriès.
29fi NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
jusque dans le Piauby, à Touest et au sud-ouest jusque dans le Goyaz.
Un pont-viaduc, composé de quatre travées apnt chacune 92 mètres,
et qui est encore (1893) le plus remarquable de tout le Brésil, unit
Cachoeira et son faubourg de la rive droite, Sao Félix, point de départ
d'un chemin de fer qui remonte la vallée du Paraguassû vers Lençôes,
dans une région diamantifère. Les trésors que Ton y découvrit en 1845
attirèrent aussitôt des milliers de mineurs et Ton recueillit dans les gra-
viers une quantité de diamants évaluée dans la première année à
66000 francs par jour*. Les gisements de Lençôes et de la Chapada Dia-
mantina, qui dominent à Touest la vallée du Paraguassû, sont les princi-
paux pour fournir ces « carbonades » ou diamants noirâtres et amorphes
que l'on emploie au percement des tunnels'; cependant le pays n'a plus
guère d'autre importance que ses cultures et ses pâturages. Le chemin de
Cachoeira aux sources du Paraguassû devra se continuer à travers les
plateaux jusqu'au rio Sao Francisco.
La ville de Nazareth, située à la tête de navigation de Festuaire du
Jaguaripe, qui s'ouvre directement au sud de l'île llaparica, est, comme
Cachoeira, un entrepôt continental de Bahia; elle alimente de manioc les
habitants de la capitale, et possède également un chemin de fer qui lui
apporte les denrées de l'intérieur. Bahia s'approvisionne de vivres par
une voie ferrée qui remonte directement au nord, vers la ville d'Ala-
goinhas, oîi elle se bifurque : d'un côté pour longer le littoral à dis-
tance à travers les plantations de cannes et de tabac jusqu'à Timbô, près
de l'Itapicurû; de l'autre pour se diriger au nord-ouest vers Villa Nova d
Bainha, d'où elle gagnera la ville de Joazeiro en amont des chutes du Sa
Francisco. C'est a l'est de cette voie ferrée, près de la ville de Mont^^^ irna: *i
Santo, que l'on a découvert en 1784 le fameux météorite de Bendego, bIoc^<=^ M^ ^
de 5545 kilogrammes, transporté depuis à grands frais de son gisemen^tf':«'^^J€
dans le serlao jusqu'au musée de Rio de Janeiro.
Au sud de la baie de Tous les Saints les villes se succèdent sur le littoral t m:^ — ^
assez rappiochéos : Valen(,%a, qui fabricjue des tissus de coton dits les meilf i f^EsmeW-
leurs du Brésil; Taperoa, cachée par un cordon d'îles et d'îlots; Camamufr ^ ^^^
marché de denrées agricoles très fréquenté et possédant dans le voisf ^r-^ -^«si-
nage le port d'Acarahy, le plus profond, le plus vaste et le mieux abriP^ i — ^^^
do ces parages après le [)oil do Bahia; Contas ou Barra do rio do Contar .^^f^-^»
dont le neuve descend d'une richc^ région diamantifère; llheos, — S. - ^^^
• Rovhaml; — Hicli.inl liiirlou, ouvraiie cité.
* G. K, Blot, N()iQ8 manuscYïicfi,
LENÇOES, NAZARETH, ILHEOS, GANAYIEIRAS. ^95
Jorge dos Ilheos, — ainsi nommé des ilôts qui protègent sa rade. Yillette
peu animée, n'ayant d'autre commerce que l'expédition des bois, Ilheos
a pourtant une histoire : elle se fonda dès Tan 1530, dix-neuf ans avant
Bahia, et devint importante lorsque les Jésuites en firent le centre de leurs
missions dans le pays des Àimores. L'exploitation des mines d*or dans
les montagnes voisines lui donna un trafic considérable; mais ces mines
^appauvrirent, et les Indiens sauvages ont fermé les chemins de l'inté-
i*ieur : le vide s'est fait dans l'ancienne colonie, tandis que la vie se repor-
t-ait vers d'autres points du littoral. On essaye de faire renaître Ilheos par
l 'envoi de colons agriculteurs et artisans qui tracent des routes à travers les
forêts et utilisent pour l'industrie les forces des torrents.
Dans le labyrinthe des eaux qui unissent les embouchures du Poxim,
<lu Pardo et du Jequitinhonha, Canavieiras, ancien lieu de déportation
^politique, prospère malgré l'humidité des terres; à 2 kilomètres de la
mer, elle ne donne accès qu'aux bateaux calant moins d*un mètre et
demi ; cependant elle exporte du cacao, de la résine de copal, des fibres de
piassava et des bois de palissandre ou ce jacaranda » : un village voisin en
a reçu le nom. En amont, sur le Pardo, des milliers de chercheurs
/buillèrent de 1882 à 1886 les graviers de Salobro pour y trouver des
diamants; mais une terrible épidémie de variole dépeupla la ville nais-
sante, et maintenant les mines sont presque complètement abandonnées^
Au sud de Canavieiras, des groupes de cocotiers cachent le port de Bel-
Qrionte, qui a donné son nom au bas Jequitinhonha, et qui par ce fleuve
^ïîtretient un certain commerce avec les districts orientaux de Minas
raes. C'est dans les hautes vallées du bassin que se trouve la fameuse
ilé minière Minas Novas, fondée par des mineurs paulistas dans le pays
es Indiens Macussi, aux premières années du dix-huitième siècle : elle
rospéra rapidement, mais déchut aussi vite, à la suite des règlements
"•--racassiers par lesquels on prétendait en haut lieu protéger l'extraction
^es métaux. Les topazes jaunes, les aigue-marines de Minas Novas enri-
^^hissent les musées.
Un chemin de fer, partant du port de Caravellas, à l'extrémité méri-
^iionale de l'État de Bahia, pénètre dans les hautes vallées aurifères en
passant par la ville de Philadelphia, — Theophilo Ottoni, — centre de
colonies agricoles fondées sur les bords du Mucury. Cette voie ferrée, qui
doit aboutir au port de Guaicuhy, à la jonction des deux fleuves Sao
Francisco et rio das Velhas, donne la prépondérance à Caravellas parmi
* G. R. Blot, Cannavieiras, Rapport sur les mines de Diamant, 1892.
9M MOUTBLLE GfiOGRAPHIE DlflTERSEUB.
tous les porte du Bahia méridional ; quelques navires s'y livrant k la pAche
de la baleine dans les archipels des Abrolhos. Au commencement du
siècle une petite colonie de Chinois que le gouvernement avait fait venir k
Rio de Janeiro pour la culture du thé, fut transférée h Caravsllas, ob elle
s'éteignit promptement*. L'immigration se porte vers cette ville, tandis
Jiéo^ fmceurrvtft éKOurrenf
que le havre de Porto Seguro, près duquel commença l'histoire du
Brésil par l'arrivée d'AIvnrez Cabrai, n'est guère fréquenté que des bateaux
de pèche allant à la rechpi"che d'une espèce de saumon, le garupâ,
au milieu des éciicils voisins, les llncolumi et los Abrolhos. Le petit
archipel forme en pleine mer un esccllenl petit porl « où les navires de
commerce n'ont ni droits « payer ni contrariétés de douane à craindre' ».
• Haxiiniliun ilc Wieil-Ni-uwieJ, <
■ E. Houchci, ouvrage cite.
CARAYELLÂS, PORTO SEGIRO, VICTORIA. 395
Sâo MatheuSy dans la partie septentrionale de TÉtat d*Espirito Santo,
s*enloure de caféteries et de champs de manioc, dont les produits s'expé-
dient par le port dit officiellement Conceiçao da Barra ; mais, comme la
plupart des ports de rivières, on le désigne simplement par le nom
de « Barra », auquel on ajoute le nom du cours d'eau dont il occupe
rembouchurc. Un autre village s'élève à la barre du rio Dôcc, mais sans
importance commerciale à cause des difficultés du chenal, surtout quand
souffle le vent du sud : les navires calant plus d'un mètre et demi sont
£i1ors en danger. Dans l'intérieur du fleuve, la navigation n'est sûre que
pour les embarcations ayant au plus soixante centimètres de quille. Ccpen-
diinl le rio, presque sans valeur économique dans sa partie inférieure,
liMrdée de marécages, à demi fermée par un seuil élevé, arrose dans sa
partie haute une des régions les plus riches de Minas Geraes, celle ou se
•.rouve la capitale, Ouro Preto, presque entièrement privée de commu-
icalions avec le littoral. On s'occupe maintenant avec activité de con-
uérir ces débouchés par la construction de chemins de fer. Le futur
éseau de voies ferrées dans la partie orientale de l'État est tracé d'avance
^e manière à faire converger ses lignes vers la ville de Pessanha, située
^ur un afQuent septentrional du rio Dôce. Le gouvernement y avait réuni
3iaguèi*e les restes de tribus indiennes '. Les cotons de Pessanha sont d'une
<iualité supérieure.
Au sud du rio Dôce, quelques petits ports, Riacho, Santa Cruz, Almeida,
se succèdent jusqu'à la large baie d'Espirito Santo, qui a donné son nom
à l'État et où se trouve Victoria, la capitale, mieux connue sous l'ancien
nom de Capitania. Celle-ci s'élève à l'extrémité sud-occidentale de l'île
autour de laquelle se déroulent les eaux de la baie en un étroit chenal, le
Maruypé, traversé à son étranglement par un pont de bois; en face, sur le
rivage du continent, se montrent les restes de l'ancien chef-lieu, Villa
Velha, dominé par les masses imposantes de couvents et d'églises; à l'est
se dressent, isolés dans la plaine et commandant l'entrée de l'estuaire, la
Penha (150 mètres) et le mont Moreno (210 mètres), portant l'une son
église et l'autre son phare. Au nord, par delà le Frade Leopardo, une
autre montagne plus haute, le Mestre-Alvarez, dit généralement par abré-
viation Mestialvé, élève trois pointes égales à 980 mètres. C'est, d'après
Mouchez*, un ancien volcan, depuis longtemps éteint, et Ton y trouve des
gisements de soufre. Par sa masse, son isolement et sa proximité de la
* Aug. de Saint-Hilaire, Voyage dans les provinces de Rio de Janeiro et de Minas Geraes.
* E. Blouchcz, ouvrage cité.
396 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
côie, le MesLiaIvé est un point de repère les plus remarquables de touUs
ta cdle du Brésil. Il y a quelques années, Victoria, encore privée de traCc,
ne recevait guère que des goélettes; des travaux d'aménagement dans le -
chenal du port, qui n'a pas moins de 5 à 6 mètres sur le seuil de la barre, .
permettent l'accès aux grands navires venus d'Europe. Son commerce^
s'accroît rapidement et les immigrants y débarquent par milliers : désor —
la Uaniie fnmraJK. C. Pem»i.
Prarondeun :
mi cm cj
De s à 10 mcln». De lOmètmcl au-delj. Buicsdcublc.
mais l'Espirito Santo est devenu indépendant de Rio de Janeiro pour
les relations d'outre-mer.
Les colons. Allemand!), Polonais, Suisses, Tirolicns, Portugais, Italiens,
cens-ci en très grande majorité, au nombre d'environ 50000, s'établis-
sent surtout dans la partie méridionale de l'État, près d'Anchieta, —
l'ancienne Benevcnte, — autour d'Alfrcdo Chavez, d'Ilapemirim et de
Cachociro. Anchiela a reçu son nom eu l'honneur du missionnaire jésuite
qui avait groupé autour de lui 12000 Indiens des forêts environnantes.
Aussi longtemps que durèrent ces " réductions », les pi-étres en écartèrent
los blancs avec rigueur, et même, lors de leur expulsion du Brésil, ils
lii-ent stipuler qu'on laissât autour du village de leurs catéchumènes un
espace « inaliénable » de six lieues carrées; mais à peine étaient-ils partis,
que l'enclave était envahie. Quelques-unes des colonies actuelles, encore
suus la tutelle gouvernementale, reçoivent un subside annuel avec la
ËSPIRITO SANTO, RIO DE JANEIRO.
297
semence et le bétail, mais la plupart des groupes de colons sont déjà
« émancipés «, c'esl-h-dire livrés à leurs propres forces, et travaillent
à leurs risques et périls sur des domaines divisés en petites propriétés.
La onlture principale est celle du cafier, dont la récolte était évaluée
en J. 892 h 20 millions de kilogrammes; mais on s'occupe aussi dans
ies c^olonies de produire le manioc, le riz, les haricots et autres vivres
pouiï* le marché des cités voisines'.
VI
BASSIN DU PARAHTBA.
ÉTAT DE RIO DE JANEIRO ET MUNICIPE NEUTRE.
*£lat dans lequel se trouve la capitale de la République occupe une
zort^ de transition. La côte océanique y change brusquement de direction à
'^ I>c>inte du cap Frio. A l'orientation qui, d'une manière générale, s'était
^^ix^tenue, à partir du cap Sao Roque, dans le sens du nord-est au sud-
oiac^^t ou du nord au sud, succède un littoral qui se reploie directement
^^■^*^^ l'ouest pour reprendre son allure normale après avoir décrit une
pf^^^x^de courbe régulière. La ligne du tropique passe au sud de l'État
"•^ I\io de Janeiro, et coïncide ainsi avec le mouvement de la côte. La
rix^m«re Parahyba, qui naît sur les plateaux de Sao Paulo, au même seuil
1^^^3 les hauts affluents du Parana, coule au nord-est dans une pro-
^^*^ de coupure, comme pour limiter nettement la masse angulaire que
ic>i:^rr:ie l'État. Par ses pentes supérieures il appartient a la zone des
^ iiJes principales appartenant
wt^iOFi approximative :
/\,, _ Misas Gkraes.
ï^«^mamina
^'^'•'^ Vclho
Cabro». Pernambuco.
Pft|v^ . ÂLAGÔAS.
'^^^^<io
Ara** . SeRGIPE.
^arislovâo
^Pt^ia
XIX.
au bassin du Sao Francisco et au littoral adjacent, avec leur popu-
20 000 hab.
14 000 ))
10 000 ))
7 000 ))
5 000 ))
5 000 ))
3 000 )>
5 000 hab.
5 000 hab.
15 000 hab.
5 000 »
5 000 »
Bahia.
Bahia
Cachoeira et Sao Félix. . . .
Nazareth
Sanlo Ainaro
Ilaparicà
Barra do Hio Grande
Carinhanha
Canavieiras
Caravellas
Philadelphia
Ilheos
Porto Seguro
EspiRiTO Samo.
Victoria
200 000 hab
20 000 »
8 000 ))
7 000 ))
6 000 ))
G 000 ))
3 000 »
o 000 ))
0 000 ))
2 000 ))
1 500 »
1 000 ))
20 000 hab
38
SQ8 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
plateaux tempérés, et à la zone tropicale par ses plaines basses,
marais, le delta du Parahyba. Presque tous les voyageurs connus qui explo-
rèrent le Brésil ont visité Rio de Janeiro, et dès les premiers temps de
rhistoire du Nouveau Monde les bords de cette baie prirent une impor-
tance capitale, grftce à Tappel qu'elle exerça sur les commerçants et les
marins et aux descriptions de Jean de Léry et d'André Thevet. Depuis œ^
ftges héroïques où Portugais et Français se disputèrent la possession di
Nictheroy, des milliers de visiteurs ont contribué h faire connaître c;
pays sous tous ses aspects; cependant il ne possède pas encore (189S
de carte détaillée offrant une précision approximative. Du moins la ciH
et le municipe neutre qui en dépend, la partie la plus populeuse dJ
Brésil, auront-ils bientôt, grftce à une triangulation précise, d*exoellen~
documents à utiliser*.
Le rempart de montagnes qui domine au nord-ouest la vallée du Vnn
byba serait la limite naturelle de TÉtat, mais la ligne de frontière tantél
suit la crête, tantôt les eaux d'un affluent ou du Parahyba lui-même. Cepen-
dant le massif le plus élevé de la serra Mantiqueira se trouve dam
TËtat de Rio de Janeiro, précisément à son angle sud-occidental, confi-
nant avec TÉlat de S3o Paulo. C'est là que se dresse l'Itatiaya ou « Rodu
Flambante », le mont le plus fier de tout le Brésil et celui qui présenti
directement au-dessus de sa base la plus forte pente; tandis que le
monts de Minas Geraes ont pour socle le plateau central, le fossé qw
parcourt le Parahyba se creuse au pied de la Mantiqueira et de si
cime culminante. Diversement évaluée, raltitudc de Tltatiaya n'est pra
bablement guère inférieure à 5000 mètres' : parfois, pendant l'hiver, aprèi
les longues pluies, on y remarque des stries de neige, et la températun
s'y abaisse au-dessous du point de glace. L'Itiataya, de formation volca-
nique, doit peut-être sa grande élévation relative à une origine relative-
ment récente : il a surgi à travers le rebord usé du plateau'; des eau)
sulfureuses jaillissent de sa base*. Le lieu du Brésil où des familles rési-
dent le plus haut pendant toute Tannée se trouve sur les pentes d<
ritatiaya. Le botaniste Glaziou gravit le premier la montagne, en 1871.
* Superficie et population pro1)al)le de TÉtat de Rio de Janeiro et du municipe neutre :
Rio de Janeiro. . . 40 5% kil. carrés; 1 500 000 hab. ; 52 hab. par kil. carré.
Municipe neutre . . i 594 » » 550 000 » 595 » » »
Ensemble. . il 790 kil. carrés; 1 850 000 hab.; 44 bab. par kil. carré.
« Altitude de Tllatiava, d'après Glaziou : 2712 mètres.
5 Orville D. Derby, Oê Picos allos do Brnzil,
^ José Franklin da Silva, Revisla do Inslilulo Hislorico, 1882.
HâNTIQUEIRA, ITATUYA. âOO
Ea se prolongeanl au nord-est, la serra Mantiqueira s'abaisse graduelle-
ment et présente des brèches, dont l'une a été utilisée au seuil de JoSo
Ayres (1115 métras) ponr le tronc du chemin de fer qui se ramifie à l'ouest
àans l'intérieur de Hinas Geraos. Maïs, tout en amoindrissant son relief, la
chaîne projette des contreforts latéraux qui en maints endroits prennent
''aspect el le nom de « serres ». De l'autre côté de la dépression profonde
«ans laquelle coule le Parahyba une arête assez régulière se développe
Parallèlement à la serra Mantiqueira : c'est la chaîne à laquelle dans le
\
MO pnulo on donne le nom de serra do Mar ou « rangée Cùlière ». Dans
*^*-i»t de Rio de Janeiro elle perd celle appellation pour en prcndie suc-
^**î\ement plusieurs autres, selon les contiaslcs de hauteur, de direction
'i'aspect. Parmi ces divers fragments do la chaîne du littoral, le plus
' _'^oiix est celui qui se profile au nord-est de Hio de Janeiro, el <iue l'on
^<jîne, d'une manière un peu exagéaV, comme la sorni dus Orgàos ou
•' vhaîne des Orgues » d'après la forme de ses escarpements colum-
**»i-i»s, peut-être aussi à cause des bandes alternées de lichens noii's et
**rit;s que présentent les pmis de rochers suintant l'humidilé. Près de
^^«'«zopolis, une aiguille isolée, laissée debout par l'érosion des roches
^"**iiiinantes, a reçu le nom de « Doigt de Dieu » : en forme d'index, elle
\>oimç ^.pj^ |p pjgi Iji (.[jjjç ]j, pjyg jjjiQip d^.s Orgues, la Pedra Assù ou
RIVIÈRE PARAHTBÂ. 305
l'est plus qu'à 70 mètres au-dessus de la mer : il en sort navigable et
ierpente en de grasses plaines d'ailuvions jusqu'à la zone marécageuse
le son delta. Les troubles apportés par les eaux brunes du courant se
déposent en mer par une saillie de forme triangulaire et par des bancs
âe sable très étendus qui se déplacent fréquemment pendant les inon-
dations et les tempêtes; seuls les caboteurs de 2 mètres peuvent franchir
la barre. On discute encore sur le sens du mot Parahyba. La couleur de
If t7. — ummu. «CE
UminM ito.
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0.
,.,J,p.,i.
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V
rron
tK^èSOmUm
t^lÛOrtHÊ,aMi
ses eaux ne permet pas d'accepter l'ctymologic donnée par Milliet :
« rivière Claire ». Celle de Burton, « rivière Mauvaise », se justifie par
les arêtes parallèles de rochers qui traversent le fleuve et par les bas-
fonds marécageux qui l'accompagnent. D'après Auguste de Saint-llilaire,
le cours d'eau a reçu ce nom des forêts de paraibo qui croissent sur ses
Ktrds'.
■ Rio Panhvba do Sut :
Longueur du cours 950 kilontèlres.
Superficie du baïisin G4 000 kilomèlres carrét.
Lnnpieur du cours navigable ... 80 kilomùlm.
Ib^bil moTen probable par i^econHc. 1 J30 mèlres cube;.
su HODTKLLE GËOGRAHriE
levwsant ext^eur drs chaînes côtières est irop élroit puur (|np des
rinères «bonduites en descendent; une des plus longues, le Macneû, qui |
se déverse an oord-ouesl duns lu Iwiie de Rio de Janeiro, n'a pas même une ]
centaine de kilomètres : simjile coulée ijui se pi-rd dans le inngnilique^
bassin auqnel Gonçahes. donna le nom de Rio ou « Fleuve >'. eroyani h^
l'existence d'nn courant lluvial di^ne de l'admiralde enliiM?. Mais si l^i
irttoral maiMjae de puissants eours d'eau, les nappes stagnantes cl le^
M MUMM n Utils t1
baies à demi fermées y sont nombreuses. Au sud du bas Parabyba une
ancienne baie marine, la Lagda Feia ou « Laide », maintenant séparée
de la mer par un cordon littoral, s'étend sur une superficie moyenne
d'environ 420 kilomètres carrés cl se relie par des bayous à nombre
d'autres étants parsemés dans les terres basses : au nord, elle com-
muniijue pendant la période des crues avec le Pai-ahjba; à l'est, elle se
rattache aux marigots en chaîne qui, des deux côtés du cap de Sâo Tbomé,
bordent le littoral, séparé de la haute mer par un cordon de sable que
dépose la houle et que les tempêtes modifient fréquemment; au sud-ouest,
un canal, ou plutôt un large fossé, traversant plusieurs autres lagunes.
BAS PARiHYBA, CAP FRIO. SOS
rte au Macahé l'excédent du flot que les gaves des montagnes ont
rs^ dans la Lagàa Feia. A l'ouest de l'archipel d'îles et de promontoii'es
nïnsulaires que termine le cap Frio, plusieurs nappes se succèdent
long de la plage, comprimées entre la mer et la base des montagnes,
plus grande de ces lagunes, celle d'Araruama, reste en communication
ist^nle avec l'Océan par un grau qui s'ouvre au nord des collines du
* Wno, laissant pénétrer la mai'ce librement; mais les autres étangs
«>nt fermés et les riverains doivent les ouvrir, après les pluies prolon-
gées, en pratiquant des coupures dans les flèches du littoral. Il serait
acile d'exploiter ces étangs en salines, et en eflct on les a fréquemment
ïtilisés, même sous le régime portugais, quoique des ordonnances royales
le 1690 et 1691 eussent interdit d'en extraire du sel et de faire concur-
rence aux sauniers du Sclubal.
La baie merveilleuse qui a donné son nom portugais à la cité principale
du Brésil, Rio de Janeiro, ou « fleuve de Janvier », et qui jadis était bien
mieux nommée par ses riverains Tupi, Nictherôy, « E^u cachée », ou
306 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Guanabara, mot dont Tétymologie est incertaine ^ appartient par son
extrémité septentrionale au type des étangs riverains : c'est à la fois un
golfe et une lagune. A Tentrée elle ressemble à un détroit. Les roches gra-
nitiques se rapprochent, ne laissant entre elles qu'une passe de 1500 mè-
tres avec 30 mètres d'eau sur le seuil. Puis les deux côtes opposées, à l'est
et à l'ouest, se creusent de baies en hémicycle, dont les promontoires
intermédiaires se prolongent par des îles et des îlots. Par delà le dédale
de ces terres rocheuses et verdoyantes, s'arrondit le vaste lac intérieur,
bordé de rives indécises que couvre et découvre le flot rythmé des marées.
Sauf dans le chenal d'entrée, le cercle de collines et de montagnes semble
se développer autour de la baie et de son labyrinthe d'îles : on se croirait
perdu au milieu du continent si les voiles, points blancs sur les eaux
bleues, ne rappelaient la mer. Des milliers d'embarcations reposent à
l'ancre ou cinglent dans la baie, et pourtant il y reste de vastes espaces
presque déserts. Avec ses trois cents îles, la nappe d'eau recouvre une
superficie de 429 kilomètres carrés, dont plus du tiers avec une pro-
fondeur suffisante pour les plus forts vaisseaux; l'endroit le plus creux
se trouve à l'est des hauteurs qui portent la ville et dont les escarpe-
ments plongent dans la baie de Rio. La côte, profondément découpée, pré-
sente une succession de criques ramiOées ofl^rant aux flottes une surface
de mouillage illimitée et s'ouvrant vers la mer par de très larges portes.
Cependant certaines parties de la baie s'envasent peu à peu et d'anciens
lieux d'ancrage ont dû être abandonnés par les navires.
En dehors du rivage intérieur formé par le golfe, le littoral régulier est
indiqué à l'ouest du massif de Rio par une flèche de sable, la rextinga de
Marambaia, se déployant en une plage presque rectiligne entre un pro-
montoire et un îlot. Plus loin, le cône de l'ilha Grande, haut d'un millier
de mètres, se profile sur le même alignement, projetant ses pointes dans
la direction d'un musoir péninsulaire, encore plus élevé, qui sépare d
la haute mer le golfe de Paraty. Au devant de ces îles et presqu'îles la-
mer reste profonde.
Montagne, vallée, littoral, la région ofl^re dans un espace restreint des
zones parallèles se distinguant par leur climat; les deux orientations de
la côte, l'une du nord au sud, l'autre de l'est à l'ouest, ajoutent le régime
des brises alternantes au contraste dans les variations de la température;
* Emile AUain» Rio de Janeiro,
LITTORAL, BAIE DE RIO. 307
rhumidité relative est toujours très élevée*, et les valeurs extrêmes s'en
écartent peu pendant Tannée entière. Elle est plus forte pendant les mois
d*été et c'est aussi dans la même saison que se produisent la plupart des
orages, amenés généralement par les vents de l'ouest et du nord-nord-
ouest. La direction la plus commune des vents est celle de l'alizé méri-
dional, qui souffle en moyenne du sud-sud-est. Rio de Janeiro ne subit
pas de grandes perturbations atmosphériques : les oscillations du baro-
mètre y sont en général peu prononcées, n'excédant pas 5 à 10 millimètres
dans l'intervalle de quelques heures. Les baisses, si minimes qu'elles
soient, sont l'indice ordinaire des pampeiroSy les forts vents du sud-ouest
quiy sous le nom espagnol de pamperos^ traversent les plaines de la Plala.
Pris dans son ensemble, l'État de Rio de Janeiro, avec le « municipe
neutre » qu'il enclave, n'est pas une des contrées salubres du Rrésil ; de
nombreux marécages et les bords vaseux des ruisseaux dans la partie
^voisine du littoral sont dangereux en toute saison, surtout pour les étran-
gers; les fièvres endémiques en défendent les abords et pendant les années
cS'épidémie la fièvre jaune interdit le séjour aux blancs. Mais les pentes
dles montagnes, les sommets bien exposés aux vents du *• large, oflrent des
sanatoires où l'Européen recouvre la vigueur et la santé, amoindries ou
|)erdues dans les plaines inférieures'. On dit que le climat de Rio s'est
modiûé depuis la destruction des grandes forêts : les pluies et les orages
auraient beaucoup moins de régularité qu'autrefois.
La flore, la faune de la contrée, analogues à celles de l'État voisin, Espi-
rito Santo, ont été déjà très fortement modifiées autour de la capitale et
dans les districts environnants : la forêt vierge ne s'est maintenue que
dans les endroits malsains de la plaine ou sur les escarpements peu
accessibles. Quant aux animaux sauvages, la plupart des grandes espèces
ont disparu : on ne voit plus de tapirs, et rarement le chasseur rencontre
un jaguar dans les gorges les plus écartées de la serra; les troupeaux de
pécaris et autres porcos do matto ne sont plus représentés que par des
bandes de fuyards bien éclaircies; même les espèces d'oiseaux ont diminué
en nombre; maison compte toujours 800 espèces de papillons, plus de
2000 formes d'insectes dans un cercle étroit autour de la baie'.
I Moyenne de rhumidité relative à Rio de Janeiro, de 1881 à 1890 : 78,40 pour 100 (L. Cnils
0 Clima do Rio de Janeiro).
* Conditions météorologiques de Rio :
Années Températures Jours Hauteur
d'olis. Latitude. Altitude, maxim. moyeime. miDim. Écart, de pluie, de pluie.
s
Rio ... . 40 2'2«,54' 66 met. ,W 22«,92 10o,2 28»,8 127 1-,091
Ueusser und Claraz, Petermann's Mittheilungen, 1860, llcft VII
308 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Le monde de l'homine présente le même phénomène que celui des
plantes et des animaux. Il n'existe plus d'aborigènes dans les limites de
l'État et l'on ne reconnaît même pas les métis ou descendants de métis
qui perpétuent l'ancienne race native des Tamoyos, « Tamoï ou Aïam »,
amis des premiers colons français ou « Maïr ». Comme tels, ils étaient
ennemis des Portugais, uniformément connus par les populations indiennes
du Brésil sous le nom de « Perô* ». Ceux-ci cherchèrent pour alliés, dans
l'Espirito Santo, les Indiens Mbarancaya ou les « Chats », et grâce à cetle
alliance parvinrent à triompher des Français et des aborigènes riverains
de la baie. La plupart des Tamoyos furent exterminés, les autres s'en-
fuirent, et, d'après la légende, ce seraient les fugitifs qui, sous le nom de
Jupinamba ou de Tupinambaranas, « premiers Maîtres du Pays», auraient
fini, après une longue migration, par s'établir dans la gi-ande île de ce
nom, en aval de la bouche du Madeira. Les chasseurs paulistes, courant
h la poursuite du gibier humain, pour alimenter d'esclaves les mines et
les plantations, contribuèrent aussi a la destruction de la race des Tamoyos.
Ces Indiens, que connurent les premiers voyageurs européens, étaient
des Tupi de race pure; ils parlaient cette langue « générale » qui est
l'idiome commun à la plupart des aborigènes de l'Amazone à la Plata, et
le vocabulaire recueilli par Jean de Léry coïncide presque avec les mots
de la langue oyampi, usitée maintenant dans la Guyane française*.
Les premiers voyageurs européens, Hans Staden, Jean de Léry, Magalhanes
de Gandavo, s'accordent en décrivant les mœurs des Tupi du littoral, et
leurs récits coïncident presque avec ceux que font Yves d'Évreux et Claude
d'Abbeville des Indiens du Maranhâo, appartenant au même groupe de
nations. Ces Indiens se peignaient le corps en rouge avec le roucou, en
noir avec le génipa et, bien plus que ne le faisaient naguère les Bolocudos,
se défiguraient par l'introduction d'objets étrangers dans la peau du
visage. Ils perçaient la lèvre inférieure des enfants, agrandissant peu à
peu l'ouverture, de manière a y passer une pierre ou un disque de bois;
ils se trouaient aussi les joues pour y insérer des morceaux de cristal,
et mettaient leur vanité à se recouvrir la figure de protubérances artifi-
cielles, à se coller des épines et des plumes sur le corps; mais presque
tous étaient sains et vigoureux : « il n'y a presque point de boiteux,
borgnes, contrefaits ni maléficiés entre eux. » Ils habitaient de grandes
cabanes ayant jusqu'à 50 mètres de longueur, avec autant de foyers qu'il
* Candûlo Mendes de Almcida, Revista do InstHido HistoricOy 1878.
* lîonri Coudroau, la France tiquinoxiale ; — fsoles manuscrites.
ANCIENS HABITANTS DU LITTORAL. 309
21 avait de ménages séparés. A chacun son hamac, le long du corridor
commun : le vaste dortoir ressemblait à l'entrepont d'une galère. Ils
vivaient en paix : Tami de l'un était l'ami de tous, et celui qui avait de
quoi manger, si peu que ce fût, partageait avec ceux qui l'entouraient*.
Le mariage était strictement endogame et les Tamoyos épousaient de
droit leurs nièces, filles de frères ou de sœurs. D'après Gandavo, quelques
/emmes, dédaignant les occupations de leur sexe, s'habillaient, s'ornaient
comme les hommes, portaient l'arc et les flèches pour chasser avec eux
de compagnie; chacune prenait à son service une autre Indienne, qu'elle
dis£iit sa femme. Lorsqu'un étranger se présentait dans un village, les
jewMMiGs filles se précipitaient au-devant de lui, échevelées et pleurantes,
faisant mine de s'apitoyer sur les fatigues et les soufl*rances qu'il avait
sul3Î^s dans son voyage. Les épreuves d'endurance étîiient fort en honneur
ch^z les Tupinamba. Le chef, passant dans les cabanes, faisait aux gar-
çoï^s des entailles à la jambe avec une dent de poisson très aiguë, afin
^^*il s apprissent à soufi*rir sans se plaindre et à mériter le nom d'hommes
et d^ guerriers. Pendant les batailles, les combattants s'insultaient et se
^"^^^ îeînt de camp à camp des malédictions : « Que tous les malheurs fon-
^^'^t. sur toi! Aujourd'hui je te mangerai! » Et le vainqueur mangeait en
^**^t. la chair du vaincu. Telle était la gloire attachée à cet exploit, qu'à
P^ï*t,ii' de ce jour-là l'Indien changeait de nom et en donnait un autre a
^^ femme, d'oiseau, de poisson, de fleur ou de fruit*.
Les Ouateca ou Goytacazes, les « Coureurs », dont le nom s'applique
^ï^oore aux régions basses, « Campos dos Goytacazes », que parcourt le
*^^T"îiliyba à la sortie des montagnes, n'appartenaient point à la race tupi
^^ vivaient à part; c'étaient des Tapuyas, frères des Aimores', et consti-
*^^unt une sorte d'enclave au milieu des populations d'origine difl'érente.
*^^ritîmis de tous leurs voisins et même se disputant entre eux, les Oua-
^^oa , vrais « diablotins » dit Jean de Léry, étaient les plus sauvages de
^^Us les Indiens du littoral et la frayeur qu'ils inspiraient les ftûsail
^Pp^raître d'une taille gigantesque et d'une force extraordinaire. Habitant
^'^ I^sys tout autre que celui des autres Indiens, ils contrastaient aussi avec
^^^ par les habitudes. Au milieu de leurs plaines rases, ils combattaient à
^^Oxivert; les lacs, les étangs, les rivières en avaient fait des êtres h demi
"^F^liibies, se jetant à l'eau et plongeant comme des loutres; leurs huttes,
P^i^ci liées sur un pieu au-dessus de la terre fangeuse, ressemblaient à
^agalhanes de Gandavo, Histoire de la province de Santa-Cruz, collection Henri Ternaux.
Hans Staden : Description d'un pays habité par des hommes sauvages, collection Ternaux.
Gandavo, ouvrage cité.
510 NOUVELLE GËOGRAPUIE UNIVERSELLE.
certains colombiers; pour les pointes de leurs armes, ils employaient les
dents aiguës du requin. Près de leurs campements, ils amoncelaient en
ilôts les ossements des ennemis vaincus. Pendant près d'un siècle ils
résistèrent à toutes les attaques des Portugais; mais, en 1630, ils durent
enfin céder. Plusieurs périrent dans la lutte, d'autres se laissèrent parquer
dans une colonie agricole, et les plus heureux s'enfuirent dans les forêts,
sur les confins de Minas Gcraes. Quittant les libres savanes pour les
fourrés épais, ils coupèrent leurs longues chevelures et se rasèrent au
sommet de la tête; d'où le nom de Coroados ou « Couronnés » que leur
donnèrent les Portugais conime à tant d*autres tribus indiennes qui se
coiffent de la même manière*.
Si l'élément aborigène, très mélangé, ne se retrouve maintenant qu'en
de rares endroits du littoral et des forêts dans la population de l'État et du
district où s'est bâtie la capitale, l'Ancien Monde s'y voit représenté par
des Africains et les émigrants de toutes les contrées européennes. En
aucune partie du Brésil la race n'est plus cosmopolite dans ses origines,
et le grand mouvement d'affaires que la capitale entretient avec les pays
d'outre-mer lui donne dans l'ensemble de la République un caractère
presque étranger; en outre, quelques colonies fondées à l'intérieur par
des immigrants venus d'Allemagne et de Suisse ont encore un reste de
leur physionomie européenne.
Telle est l'importance de la cité prépondérante en comparaison des
autres agglomérations du district cl de l'État, que c«lles-ci peuvent être
considérées comme de simples dépendances de Rio, à l'exception des
villes qui se succèdent dans le fond de la vallée du Parahyba et qu'un
rempart de hautes montagnes sépare de la baie. Lieux de marchés locaux
pour l'approvisionnement des caféteries environnantes, elles doivent leur
prospérité à la récolte brésilienne par excellence : chaque hausse, chaque
baisse du café, se révèle aussitôt dans leur aspect. Elles se succèdent nom-
breuses le long du fleuve : Rezende, que commandent les massifs les plus
élevés de la Mantiqueira; Barra Mansa, où les rapides sont assez faciles
h franchir, ainsi que l'indique le nom même de la localité; Barra do
Pirahy, h la bouche de la rivière du même nom; Parahyba do Sul, dési-
gnée d'après le fleuve qui en lave la berge; Entrerios, au confluent du
» Anchieta; — Max. de Wicd-Neuwiod, ouvrage cité; — Auguste de Saint-llilairc, Voyage dan*
le district des Diamants.
HABITANTS b[] LITTORAL, VILLES DU PARAHYBA. 311
Parahyba et du Parahybuna. Barra do Pirahy et Entrerios ont pris une
importance exceptionnelle comme points de diramation des voies ferrées ;
Barra do Pirahy est même une sorte de faubourg avancé de Rio sur les
deux routes de S3o Paulo et des Minas, et possède les principaux ateliers
cie la voie : on y internait jadis les immigrants étrangers, pour les sous-
t.x*aire aux atteintes de la ûèvre jaune.
D'autres villes et bourgades, telles que Rio Claro, Vassouras, Valença,
ntagallo, sans ôtre situées dans la vallée proprement dite, font partie
€ la même zone agricole et n'ont qu'une importance locale, tandis que
etropolis, Therezopolis et Nova Friburgo, quoique situées sur le versant
u Parahyba, appartiennent à Rio de Janeiro, faubourgs avancés et sana-
boires dans l'air pur des montagnes. D'ailleurs, les sites occupés ne sont
jpas toujours ceux où des agglomérations urbaines seraient nées spontané-
snent. La vallée jadis si féconde du Parahyba, qui pourrait alimenter une
population considérable de petits cultivateurs, a été accaparée par quelques
grands propriétaires, planteurs de cannes et de cafiers, qui ont désigné
l'emplacement des marchés et dicté aux ingénieurs la direction des routes
et chemins de fer'. Chose plus grave, leur mode de culture a détérioré
la terre, et dans cette vallée du Parahyba que, par une ironie involontaire,
les Mineiros continuent d'appeler la Matla ou la « Forêt », presque tous
les bois sont abattus et les collines chauves s'élèvent au-dessus des maigres
campagnes'. Sao Fidelis garde la sortie des gorges au-dessous du confluent
des Dous Rios. Ce fut autrefois un village peuplé d'Indiens, Coroados et
Puri. Ceux-ci, dont le nom, donné par leurs voisins, avait le sens de
<< Brigands », existaient encore en tribus au commencement du siècle ; ils
étonnaient par la petitesse de leur taille et leur physionomie mongole'.
La cité de Campos, qui borde la rive méridionale du Parahyba, à une
Soixantaine de kilomètres de l'Océan, dans le pays des anciens Ouataca
ou Guaytacazes, ne doit point son existence au caprice : aussi a-t-elle
pris un développement rapide. Située dans une plaine d'une extrême
fécondité, à la tête de la navigation fluviale et en aval de tous les affluents,
non loin d'un promontoire, le cabo Sao Thomé, qui est l'une des saillies
majeures de la côte brésilienne, Campos occupe un lieu indiqué pour la
naissance d'une grande ville; là s'élevèrent les entrepôts pour l'appro-
visionnement de la vallée et pour la réception des denrées, puis les
planteurs y construisirent leurs palais, les ingénieurs y flrent converger les
> James Wells, Three Thotuand miles through Brazil.
* Americo Werneck, Prohlemas Fluminenses»
s Jfnximilien de WicJ-Ncu^ied, ouvrage cité.
313 NOUVELLE GfiOGRiPHIE UNIVERSELLE.
roules et les chemins de fer, et jelèrenl un beau ^-iaduc sur le fleuve,
rcmpltiçant l'ancienne barca-pendula. L'industrie locale, celle du sucre,
est ccnlrdliscc en quelques puissantes usines ou engenkm^ appartenant
les unes à des particuliers, les autres Ji des compagnies subventionnées
par l'Etat, et broyant par année cinquante ou soixante mille tonnes de
cannes. La plus importante, celle de Quissaman, possède une vaste étendue
de terres au sud de la Ln^'ôa Foia. Pour son commerce eitérieur, Campos
ne dispose que de mauvais ports : Sào Jôno da Barra, située près de la
liuuclie du rio Panihyl»), cl beaucoup plus au sud Imbetîba, fauboui^
de Macnhé, ville qui gai'de l'cmboucliure de la rivière de m4me nom et
qui communique avec Campos par une série de luiyous et de lagunes for-
mant un canal continu de !)0 kilomètres'. Un village indien existait déjà
en cet endroit au milieu du seizième siècle, et Jean de Léry parle d'un
rocher inaccessible qui s'élevait comme une tour sur la côte voisine,
Eiporlalioi
iiiiiii:i-<'ial .!<' Mnralic en 1K02 : 'JOO 000 lonncs.
I sucri' dt! Campos un ISO^ : ISO 075 sacs ou 10 858 lonnns
MâGAHË, GABO FRIO, RIO. 315
répandant aux rayons du soleil un tel éclat, qu'on pouvait le prendre pour
une émeraude*. Quel était ce rocher? Peut-être la superbe montagne
dite le Frade de Macahé, qui pyramide à Touest sur un massif de la serra
do Mar.
Cabo Frio, le promontoire insulaire oii se fait brusquement, à 100 kilo-
mètres à Test de la capitale, la saute d'orientation dans les allures du
rivage maritime, a donné son appellation à une ville située au bord
l*une profonde crique, à l'issue du grau d'Itamarica. De même que les
mutres ports de Serra Abaixo ou du « Piémont » brésilien, Cabo Frio
iîxporte du sucre, de la mélasse, des eaux-de-vie de canne; elle expédie
sussi d'autres denrées, notamment des vivres pour la consommation jour-
nalière de Rîb; en outre, elle est devenue un centre industriel pour la
Fabrication de l'huile de ricin, pour la préparation des conserves de cre-
vettes, de homards, de sardines et la pulvérisation des coquillages trans-
formés en une chaux qu'apprécient fort les architectes de la capitale.
3lême après que les Français eurent été expulsés de la baie de Rio de
Janeiro, le district écarté du Cabo Frio continua d'être visité par eux :
grâce à leurs amis les Tamoyos, ils venaient y charger du bois de brésil et
autres produits du pays. Philippe II ordonna la construction de la ville en
1575 pour empêcher cette « contrebande ».
Deux cités, qui se font face à l'entrée de la baie de Rio, sont l'une et
l'autre désignées d'après cette admirable nappe d'eau : à l'est Nictheroy',
le chef-lieu actuel de l'État, à l'ouest Rio de Janeiro, la métropole de la
République; l'une porte le nom indien, l'autre l'appellation portugaise,
mais les deux, malgré les différences du régime administratif et politique,
constituent un même organisme urbain, vivant de la même vie. C'est au
bord de la rive occidentale, à la base des montagnes qui dressent à l'ouest
de la baie leurs pyramides émoussées, que bat le cœur de la cité jumelle.
L'aspect de Rio de Janeiro est saisissant. Quand on approche de la baie
après avoir doublé le formidable rocher du cap Frio, on voit se succéder
les îlots de granit, presque tous de forme ronde ou ovalaire, coupés de
falaises sur le pourtour, recouverts d'un gazon court avec quelques bou-
quets de cocotiers dans les creux abrités. Sur la côte, un pic superbe
frappe la Mie : c'est le morne d'Itaipû, appelé aussi Pico de Fora on a V\c
* Jean de Léry, Histoire d'un Voyage fait en la terre du Brésil.
• Nitherohy, Nitheroy : c*est riteronnc de Hans Stadon.
Si« NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
du Dehors », parce qu'il se trouve à Torient de la baie; du côté de la mer,
la paroi s'incline d'une pente égale comme si toute la face de la mon-
tagne s'était écroulée en bloc, du sommet de l'aiguille aux brisants du
littoral, et des îlots, le Pai, le Mai, le Henino, se groupent en « petite
famille » à ses pieds. Hais bientôt on a dépassé ce colosse, et de l'autre
côté de la dépression qui marque l'entrée du port, les sommets des mon-
tagnes de Rio se redressent graduellement. Ce massif, limité à l'ouest par
la baie de Harambaia, est un monde de croupes, de pitons et d'aiguilles.
De loin, on cherche à identifier les diverses montagnes que signale la
carte, Gàvia, Tijuca, Gorcovado : on en reconnaît les terrasses, les saillies,
les précipices ; mais à ces traits remarquables s'en joignent tant d'autres,
l'ensemble présente une si prodigieuse variété de crêtes, d^ pitons et de
cimes, que les formes individuelles se perdent dans le chaos des roches.
Par un beau temps, lorsqu'une lumière abondante contrastée par les
ombres éclaire diversement, mais par nuances fondues, les escarpements
de roches, les gazons, les forêts, et que les plans successifs azurés -par
Féloignement se projettent sur l'horizon bleu des montagnes de l'inté-
rieur, sur la serra da Estrella et les obélisques alignés de la chaîne des
Orgues, le massif de Rio offre un tableau gracieux par le charme du
coloris et l'inGnie diversité des aspects changeants. Mais quand un ciel
bas et gris isole le groupe des monts avancés et que les strates de nuages*
ou les stries d'averses cachent ou montrent tour à tour les pyramides
aiguës, les murailles à pic, les ravins sombres, le paysage prend une
apparence polaire : on croirait approcher d'une île de Désolation, comme
dans les archipels groenlandais ou dans la Terre de Feu, et l'on se
demande avec étonnement comment les hommes ont pu fonder en pareil
lieu une grande cité, pourtant Tune des plus charmantes de l'univers.
On dépasse Tilha de Cotuntuba, dernière roche insulaire, et la masse
puissante du Pîo d'Assucar se dresse à l'ouest, dominant l'entrée. Déjà
depuis longtemps on en discernait la pointe grandissante et les marins la
signalaient de loin comme le pied du « géant couché » que représente le
profil vaguement bourbonien des montagnes de Rio. La pyramide grani-
ti(jue du Pao d'Assucar, le « Pot de Beurre » des premiers navigateurs
français, rappelle seulement du coté de Test la forme « pain de sucre »
que lui attribue son nom vulgaire : au sud, il ressemble plutôt, avec les
croupes qui le prolongent et les renflements de sa base, à un lion ou à
un sphinx cambrant ses reins et posant ses pattes énormes au bord de la
mer. Autrefois les gravisseurs se hasardaient rarement à tenter la montée
du formidable monolithe, haut de 585 mètres; maintenant des barres
RIO ET SA BAIE. 317
d'appui scellées dans la roche en rendent Tescalade facile. Une péninsule,
yui se détache de la base du PSo d'Assucar, porte le fort de Sâo Joâo, qui
^ f>o\irsuit en mer par un îlot rocheux, Lage ou la « Pierre », occupé par
wn outre fortin. L'entrée de 1500 mètres se trouve ainsi décomposée en
deLi3c passes, celle de l'ouest, peu utilisée par les embarcations, celle de
1 est, chenal de 900 mètres en largeur, dans laquelle pénètrent facilement
les navires. La presqu'île orientale, Santa Cruz, longue terrasse plate
don.t les murs extérieurs, percés d'embrasures, se confondent avec la
rocl^cî, a été transformée en forteresse : c'est le principal ouvrage défen-
sif de Rio. Un fort et diverses batteries, s'alignant sur l'étroite aréle du
« F^îci » auquel s'appuie la plate-forme de Santa Cruz, complètent les
for* t,îfîca tiens du côté du large. Puis, dans l'intérieur de la baie, d'autres
l>at. taries arment les promontoires des deux rives, tandis qu'en avant de la
vill^ proprement dite l'îlot allongé de Villegagnon, également fortifié,
^■^t: fie caserne aux soldats de marine et de poste avancé a l'arsenal,
sit^_aé à un kilomètre environ sur la pointe de terre ferme la plus rappro-
cha^ ^ C'est au nord de Villegagnon que les paquebots jettent l'ancre,
en t:c> virés aussitôt par une flottille de petits vapeurs.
^^illegagnon, qui se nommait jadis Serigipe ou Sergipe, comme un des
^'^^t.s de l'Union, fut le point initial de la cité. C'est là que l'aventurier
"^&Xienot fonda en 1555 le chef-lieu de la « France antarctique », défendu
P^*^ le fort Coligny et destiné à devenir un jour la ville principale de
•^^^^rnense Brésil, Quelques années plus tard, le Portugais Estacio de Sa
^^^l^lit ses troupes victorieuses en terre ferme, près du Pao do Assucar;
•P^^^Ei^ sa mort, on transféra ce poste militaire sur le promontoire dit
^-^^^«^0 do Caslello, et dans la conque ouverte à sa base septentrionale se
^ ^^^^pèrent les premières maisons de Sao Sebastiao do Rio de Janeiro,
' '_ I^^^lé aussi dans quelques documents Sebastianopolis. Pour les Brésiliens,
^^ -»► et officiellement a Capital Fédéral, sont les noms le plus fréquem-
*^ *^^ t employés. Le noyau de la cité, qui s'est formé par degrés au der-
^^^^ siècle dans l'hémicycle ovalaire limité au sud par les morros do
^'^«Uo et de Santo Antonio, au nord par une autre arête de coteaux,
^-^ Bento et Conceiç;ao, occupe de Test a l'ouest un espace d'environ
*^ilomètres carrés. C'est peu pour une capitale, mais le terrain a été
^^"^^^ employé. Étroites sont les places en ce quartier, et les rues, qui pré-
'^ t^ ent dans leur ensemble un quadrillé presque régulier, ne laissent
^^ ^ grand'peine pénétrer les voitures; cependant la plupart ont des lignes
^ 'ï^ils. Les maisons, mesquines et sans aucun style, ne reçoivent que
^^^ment la lumière du soleil et l'obscurité règne dans les profonds ma-
318 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
gasins. Pourtant une de ces pauvres avenues, mal pavée, ouvrant ses
bouches d*égout au milieu de la chaussée, la rua do Ouvidor ou « rue
de TAudiencier », est le rendez-vous par excellence des marchands, des
promeneurs, des oisifs, à la fois Tarière du commerce et Tallée de la
conversation. A certaines heures de la journée, les messieurs élégants
groupés au seuil des magasins saluent les dames qui passent : on se croi-
rait dans une ville d'eaux plutôt que dans une cité d'affaires. A Textré-
mité de la rue, sur la place de Sio Francisco de Paulo, les beaux équi-
pages, alignés en une double rangée, attendent que les maîtres aient fini
leur tour de promenade.
L'ancienne SSo Sebasli3o dont la rue do Ouvidor forme Taxe, quoiqu'elle
n'occupe pas exactement le milieu du quartier, ne constitue plus qu'une
partie fort minime du Rio actuel. La ville a débordé de toutes parts au
delà de l'enceinte naturelle marquée par les collines autour de la SSo
Sebasti3o primitive. Comme un fleuve qui monte, elle a d'abord rempli
le col bas ouvert entre le morro do Castello et celui de Santo Antonio,
puis elle s'est répandue par delà cette barrière le long des plages et
dans les vallées tribulaires, annexant successivement les villages, groupes
d'habitations rurales et villas de plaisance qui se trouvaient sur son
parcours.
Graduellement, les collines rapprochées de la mer ont été entourées
comme des îles par la marée montante des maisons, tandis que les mornes
plus élevés de l'intérieur s'avancent comme des péninsules dans le demi-
cercle des faubourgs. Les rues sinueuses pénètrent de plus en plus loin
le long de la mer et dans les vallées maîtresses pour se ramifier dans les
vallons. C'est ainsi que se sont formés les quartiers de Lapa, sur la crique
de même nom, au pied des morros de Santa Thereza; de Flamengo, plus
au sud, sur une autre plage gracieusement infléchie; de Larangeiras ou
des « Orangeries », entre les escarpements de Carioca et ceux du Corco-
vado; de Botafogo ou « Boute-feu », sur une baie circulaire que Ton croi-
rait être un lac et qu'entourent en une pittoresque enceinte le P3o d'As-
sucar et autres masses de granit; plus loin la chaîne des faubourgs se
continue sur le bord de la mer par la plage de Capocabana, et au sud du
Corcovado par divers quartiers qui se succèdent, jusque par delà la lagune
de Rodrigues de Freitas, au jardin Botanique et à Gavia. Pareil phénomène
d'accroissement graduel se produit des autres côtés : au nord, où l'étroite
lisière de terrain comprise entre la base des collines et le port de com-
merce s'est couverte de maisons et d'entrepôts, et où la longue baie en
hémicycle de Sao Christovao se borde de toute une ville groupée autour de
RIO ET SA BAIE. 51»
'ancien palais impérial ; à l'ouest, où, franchissant le vaste jardin public
oit Largo da Republica (Praça da ÂcclamaçSo, l'ancien campo de Santa
Anna «u do Honor), la cité se développe en faubourgs serpeiilins jusqu'au
boni des ruisseaux qui descendent des vallées de la Tijuca. Dans son
ensemble, Rio peut être comparée à une pieuvre immense dont le corps
fl*-^?rr&rj„ai./j
^^■«rait ta ville primitive et qui projellorait en divers sens ses lenlacules
"^^rbelées. De l'une à l'autre extrémilé, en passant p:tr le centre, la dis-
^.ance est aussi grande que dans les plus vastes métropoles : Londres, par
exemple. Des dernières maisons de Gâvia, sur l'océan Allanlique, ii celles
^e Cajû, dans la baie de Rio, ou de Cascadura, dans l'intérieur, on ne
«omple pas moins de 28 kilomètres par les voies les plus directes, et
plus loin se forment de nouveaux ganglions, que des lignes continues
SM HODTtLLE ceoCRAPUIE UNITEHSELLK.
de ooDStractions ratUchpront bicnlùl an noyau central. Ainsi l'ensemlile
urinin qui s'est gradiw-llcmenl dévi'l«p[)é aiiUitir de Villegagnnn et du
morro do Gasiello oecuiie une suiioriit-ie (jue ne dépasse aucune anlrc
capitale; mais il s'en faut ([uc cet esimce soit entièrement couvert d«
maisoDS : des ixxdiers aux penles inaccessibles, même des escarpements
revêtus de forêts sans aucun clit-min, prennent une grande part du terri-
toire. Vus de la baie, la plupart des faubourgs de Rio ressemblent moins k
une ville qu'à une côte parsemée de villas comme la « Hivïtre » de Gênes.
Les ties de la baie, couvertes de bâtisses militaires ou de maisons
privées, appartiennent aussi h l'agglomération de Rio, de même que
Nictfaeroy, la capitale d« l'Ëlat, sîtvi^c sur la rive onentale de la baie
entre deux péninsules. Celte ville. <|u'on appelait autrefois Praya Grande,
s'étend, comme sa métropole, par des faubourgs qui se prolongent sur les
contours des plages et diuin les vallons environnants : Ir^rnhy, Jurujubii,
SSo Lourenço. Ce dernier faubourg, situé au nord de Nictheroy, fui jadis
Valdeia des Indiens qui uviiient aidé les Portugais dans leurs guerres
contre les Frangais. Le Jésuite Ancbiela y interna des Ouatcca convertis.
Au commencement du siècle on i-econ naissait encore le caraclère métissé
de ta population de SSo Lourenço*.
Les Fluminentet ou •< Fluviaux », c'est-à-dire les liabilanls de llio;
exagèrent fréquemment la population de leur cité, et n'admettent pas
volontiers que Buenos-Airos soit pour le nombre des résidenis la première
ville de l'Amérique Méridionale. On park' couramment du « million v
d'hommes qui peupleraient Rio et sa banlieue; mais le recensement, s.
imparfait qu'il soit, offre cependant une approximation sufGsante poui
infirmer ces dires. La ville ne peut guère avoir, en 1895, plus d'un demi.
million d'habitants, ainsi que le prouvent du reste les chiffres de l'étai
civil, publiés chaque jour. Le nombre des morts, qui varie, suivant le:
années, de 10000 h 15000, répondrait à une population résidente d.
550000 à 500000 personnes, si l'on évaluait la proportion des décë
à 30 pour 1000, comme dans les cités d'Europe à mortalité moyenne
mais non tout à fait insalubres, comme Naples, Florence ou Budapest'
Le recensement officiel du municipe de Rio lui donnait, à la fin J
l'année 1890, 48576 maisons et 71 607 familles, soit presque exactemoB
500000 habitants, à 7 personnes par famille'. Comme tant d'autres caf»
laies, Rio de Janeiro dévore ses habilants ; elle se dépeuplerait par degn
■ Maiimilien de Viied-Neunied, ouvrage cité.
* Morlalilc de Rio de Janeiro en 1875 : 15 S83; m 1886 : 12 299.
' i ornai do Commercio, 5 julho 1803.
RIO ET SA BAIE. Sil
si une constante immigration de la campagne et des autres États brésiliens,
sur-eout de Ceara, de Pernambuco, de Bahia, et l'arrivée d'Européens, par
oiilliors et dizaines de milliers, ne compensaient les perles annuelles,
^rûi^Sû"' at-3û'"r
*^ en détruisant l'équilibre nnlurol entre les sexes, car dan? le municipe
ttio le nombre des hommes dépasse celui des femmes d'au moins
**anle mille, l^es Italiens, les Portugais constituent le gros de l'immi-
^^Vion des hommes de peine et petits trafiquants, tandis que les pro-
on
NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
fessions libérales sont représentées principalement par des Anglais el
Américains du Nord, des Français, des Allemands, des Suisses. Tel est
le caractère cosmopolite de Timmigration, que chaque bateau d'Europe
amène un ou deux « Turcs », marchands maronites, qui s*adonnenl au
commerce des étoffes, et par leur habileté au négoce, leur intime solida-
rité, arrivent à détenir une part notable du colportage et du commerce
de détail à Rio et sur les plateaux.
Les habitants de la capitale sont d'origine trop diverse et, en majorité,
de race trop mêlée pour. qu'on puisse les considérer comme les vrais
représentants de la nation brésilienne. Les mœurs se modèlent sur celles
de toutes les grandes villes et les types sont en général assez effacés. En
quelques districts bas, notamment au nord, dans les fonds marécageux
qui séparent Sâo Ghristovâo de la cité proprement dite, et au sud, dans
le voisinage de la lagune Rodrigues de Freitas, régnent les fièvres palu-
déennes, dont on remarque les effets sur les flgures hâves, aux yeux
ardents, aux traits étirés. La mortalité des enfants est très considérable,
et chaque année la tuberculose fait des milliers de victimes. On sait
que, depuis 1849, Rio de Janeiro est aussi visitée fréquemment pendant
les mois d'été et quelquefois même en hiver par la fièvre jaune el que
la terrible maladie y a fait d'épouvantables ravages, surtout dans le quar-
tier du commerce, désigné par une ironie inconsciente sous le nom de
Saûde ou « Santé » ; elle serait même devenue endémique*. Pour échapper
au fléau, ceux auxquels leur fortune et leurs occupations le permettent
vont s'établir dans les faubourgs salubres, sur les promontoires élevés, ou
même dans quelque ville de plaisance de la montagne, Petropolis ou Nova
Friburgo, au-dessus de la zone d'altitude que ne dépasse pas le redoutable
microbe. Évidemment le meilleur moyen de combattre la maladie serait
de nettoyer les rues, dont le système d'égouts est très incomplet, et qui
même en certains endroits sont dépavées, coupées de fondrières; mais le
budget municipal n'est pas toujours employé aux choses les plus utiles,
et l'on craint de remuer le sol de la ville basse, d'où s'échappent des
exhalaisons dangereuses. Un canal nauséabond, creusé en 1858 pour
dessécher des terrains marécageux à l'ouest de la gare centrale, reste
ouvert h l'air libre, empestant le quartier par ses vases noirâtres.
Le rideau de montagnes (jui défend Rio de Janeiro contre le vent de mer
' Mortalité moyenne causée parla fièvre jaune de 1873 à 1886 : H39.
Plus gi*and« mortalité, en 1875 3 604
Moindre D en 1881 38
RIO-DE-JANEI
NouTBlle GéoRTiphie L'niïemHe. T. XIX. PI. lU.
:S ENVIRONS
llachelle et C*. Paris.
^.-
?l i.
Xi^sr dtSO-'-ttMii^t'M
RIO. 323
empêche la libre aération. Quoique dans le voisinage immédiat de TOcéan,
arbres et arbustes poussent droits dans les avenues et les jardins, les
larges feuilles des bananiers ondulent sous des souffles aOaiblis et ne se
déchirent pas en lanières comme au vent du large. L'air qui pèse sur
la ville et sur la vaste serre chaude des alentours ne se renouvelle pas
assez fréquemment. Les habitants tâchent d'y suppléer par la construction
de demeures où la moindre brise du dehors passe librement : au lieu
d'éviter les « courants d'air », ils les sollicitent. Les magasins sont géné-
ralement disposés en longs corridors où ne pénètrent pas les rayons du
soleil et que traverse un vent léger et rafraîchissant. Dans les villas des
faubourgs, \os vastes salles, aux baies largement ouvertes sur la cam-
pagne, semblent elles-mêmes, avec leurs fleurs, leurs feuillages, leurs
parfums, un prolongement des jardins. L'eau coule en abondance dans
tous les quartiers : on évalue à 200 litres environ l'approvisionnement
d'eau par habitant, mais il varie de l'une à l'autre saison*. Actuellement
on s'occupe de capter de nouvelles sources pour la ville grandissante ;
déjà depuis longtemps Rio ne dépend plus pour son alimentation jour-
nalière de la seule source de Carioca, qui naît dans les montagnes au
nord du Corcovado et qui pénètre dans la ville, franchissant une vallée
par un bel aqueduc. On donne souvent aux Fluminenses le surnom de
Carioca, d'après l'eau pure dont ils aiment à vanter l'excellence et que
buvaient autrefois les improvisateurs indiens. Les forêts des environs, pro-
tectrices naturelles des sources, sont devenues propriété de l'État, qui
en interdit l'exploitation ; mais on y a tracé des chemins, entre autres
les merveilleuses allées de la Tijuca, d'où l'on voit le panorama de la cité
dans toute sa splendeur. Des réservoirs ou caixas d'agua^ bien entretenus
et entourés d'arbustes et de fleurs, s'espacent de distance en distance
sur le parcours des canaux souterrains. Le plus remarquable est celui
de Pedregulho, près de Sao Christovâo, au nord-ouest de la ville. Il peut
contenir 40 millions de litres et reçoit son eau de la rivière de Ouro, qui
coule à une cinquantaine de kilomètres au nord. Un chemin de fer spécial
réunit la prise d'eau à l'un des quartiers extérieurs.
Rio n'est pas une cité de monuments. Les églises, en style jésuite,
sont des copies de copies, et, sauf quelques-uns, les édifices de construc-
tion récente ressemblent pour la plupart à de grandes casernes : ceux
auxquels on a cherché à donner un aspect élégant pèchent par leur
* Approvisionnement d'eau de la cité de Rio en 189^2 :
125400 mètres cubes par jour pendant la saison humide; 94285 pendant la saison sèche.
r
OU
NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
ornementation vulgaire. Le Fiscal, palais non encore utilisé, qui dresse
ses tourelles dans Tile dite anciennement dos Ratos, en face du port de
la douane, est un charmant édicule de granit dur, admirablement taillé,
fouillé même en sculptures. Dans la ville, le Cabinet de Lecture portugais
est construit en matériaux apportés de la mère patrie et décoré exté-
rieurement de statues qui rappellent les œuvres du couvent de Balalha.
Enfin un palais commercial inachevé, mais déjà majestueux et splendide,
s*élcve dans le quartier des banques entre la rue de Ouvidor et la
douane. Quand aux maisons proprement dites, les plus intéressantes sont
encore les lourdes bâtisses que Ton doit aux premiers constructeui*s por-
tugais; mais les parements de faïence, qui décorent presque toutes les
maisons de Lisbonne, manquent à Rio : ils seraient pourtant fort utiles
pour lui donner un aspect de propreté. Dans les faubourgs de plaisance,
de nombreuses demeures, bien adaptées aux conditions du climat, son
fort jolies à voir, quoique souvent chamarrées de plâtres, simili-marb
et dorures. Nulle cité n'a d*avenues au caractère plus monumental qu
les allées de palmiers oreodoxas, fûts de colonnes sans défaut, qui se di'es
sent dans tous les jardins, hauts de 20 mètres ou davantage; mais ce
merveilleuses propylées d'arbres ne donnent point accès à des édifi
dignes de leur magnificence.
Partant du centre de la ville, Tinduslrie, le commerce gagnent peu â
peu les faubourgs, et déjà maint groupe, jadis ombreux, de paisibles
villas se transforme en un bruyant quartier de trafic. Rio de Janeiro a
toutes les industries d'une grande cité, mais elle n'a point de spécia-
lité manufacturière d'importance capitale. Elle possède des filatures de
coton et dos fabriques de tissus, des fonderies, des ateliers de menuiserie
et de manpieterie, des chantiers de construction. Plusieurs bassins de
carénatjre ont été creusés dans le roc vif des collines de Saude, au nord de
la ville, et de l'ile de Cobras, des deux côtés de l'arsenal de marine. Rio
exporte surtout des cafés, dont les magasins occupent presque tout le
quartier commerçant du nord*. Les articles manufacturés viennent encore
du dehors pour une très forte part. Rio do Janeiro importe non seulement
les denrées et les marchandises nécessaires à sa propre consommation
et à celle dos provinces dont elle est le havro, elle sert d'entrepôt ii
d'autres ports brésiliens qui vieimonl s'y approvisionner par la voie du
cal)Ota<re; toutefois ce genre de commerce diminue depuis que les lignes
-e
* Ë]Lporlatiun du café de Rio en 189^2 :
3 950 Gli sacs, mûI '230 137 tonnes. Valeur : '2UU millions do francs.
«4«
RIO. 327
c/e bateaux à vapeur, commerçant directement avec l'Europe, touchen!
^ujc principaux ports du Brésil*. Le premier rang dans le mouvement
de^ échanges avec Rio appartient à la Grande-Bretagne, puis viennent par
ord m^^3 d'importance les Etats-Unis, la France et l'Allemagne. Parmi les
na ^%r i m^es au long cours qui entrèrent en 1892 dans le port de Rio, 507 étaient
an^rl^aiis; la marine française, la plus fortement représentée après celle
de 1 ^-Angleterre, comprenait 152 navires; puis venaient les Allemands, avec
11 "^ lâtiments. Les Brésiliens suivaient les Norvégiens, avec 40 navires*.
Le ^a^ JTOS de l'importation anglaise consiste en charbon'. Outre les objets
m£^:MrM ^«ifacturés, Rio achète des vivres, farines de froment, riz, viandes des-
sé€:^lrm.«es, morues, vins; sa grande exportation consiste en cafés, expédiés
su ■:•«-. ^iDut aux États-Unis du Nord. Le trafic avec l'intérieur se fait presque
ex^i^M mjisivement par les voies ferrées*; cependant on voit encore quelques
ca «r^s^^^anes de mules descendre des hauteurs environnantes sur les chemins
po'^^^^^iireux. L'oirtillage des chemins qui dessert la capitale reste très incom-
pl^*- — Les deux voies principales de l'intérieur, celles de Sao Paulo et de
MmM:m.fflfcs Geraes, n'ont qu'un seul tronc, d'un parcours de 108 kilomètres,
se Iti^ifurquant dans la vallée du Parahyba, à Barra doPirahy, et le chemin
d€^ tfer de ceinture, qui doit réunir autour de la baie toutes les lignes
di^'^rgenles, n'est pas même en voie d'achèvement.
^Em revanche, Rio de Janeiro peut être dite une ville modèle pour la
f^^^îJîté des communications entre le noyau de la cité et ses faubourgs.
P^ii de mes qui ne soient sillonnées de rails pour le passage des omnibus
^ ^i"^ction de mules ou à force électrique; sur les avenues principales.
f -«-1-
•M
^ «^'cMir des échanges du port de Rio de Janeiro en 1890 :
tion 167 221881 milreis, soit, à 2 fr. 50 le milreis, 418 000 000 francs.
tiion 158 571133 » » » 346 000 000 »
»nble du commerce. . 505 596 514 milreis, soit, à 2 fr. 50 le milrcis, 7()4 000 000 francs.
^ douanières en 1892. 01 500 155 milreis, soit, à 1 fr. 50 le milreis, 1 19 000 000 francs.
Tement de la navigation dans le port de Rio de Janeiro, y compris le cabotage, en 1892 :
Entrées.. . . 2 726 navires, jaugeant 2 745 604 tonnes.
Sorties. . . . 2 626 » )) 2 867 050 »
X
Ensemble. . 5 552 navires, jaugeant 5 612 65 i tonnes.
Part du long cours . . 2 566 navires et 5 894 894 tonnes.
Part de la vapeur. . . 2 786 » 4 660 027 »
pMrtation du charbon de terre à Rio de Janeiro en 1892 :
De l'Angleterre 446 722 tonnes.
Des États-Unis 7 891 »
* ^>nnage du chemin de fer Central à la gare de Rio en 1892 : 524 110 tonnes.
598 NOTTELLE RÊOGRAPRIE rSIVERSEllB.
les voilures se. suivent picsque sans inicrvallc et chaque anvl de véhicule
condamne à l'altente loule la procession qui suil. Néanmoins les voyages
se font i-upidemcnl : les mules sont agiles, les cocliei-s actifs; en moyenne,
le chemin prcouru esl, de 10 kilomètres h l'heure. Grâce aux avanlngos cl
au bus prix de ce mode de locomotion, la populnlion des Fluminenses
est extrêmement mobile : on saute sur un siège de la voilure en marche
pour se faire li-ansporler îi irois, quatre îlels de distance: le lirésilien
s'iîlonne presque de voir un de ses amis aller h pied. La révolution pro-
duite par l'usage des omnibus a même contribué singulièrement h niodî-
lier les mœurs : jadis les dames, respectant les anciennes coutumes de la
mère patrie, sorluienl peu de leurs demeures, sinon pour aller faire des
visites en grande cérémonie. L'omnihus les a émancipées de celte con-
Lrainfc, en même temps qu'il a démocnilisé la population en plai;;inl le
noir à colé du blanc, le fils de l'esclave à côté du fils de l'ancien maître '.
D'introduction britannique, l'omnibus de IJio a gardé un nom anglais :
on l'appelle bond, d'après les bondi ou ■• obligations » qu'émit la Compa-
gnie lors de sa fondation. De même, les bacs S vBjwur qui servent d'om-
nibus marilimes entre Rio, Niclhei'oy et les auln's escales de la baie sont
toujours désignés par le nom anglais defnrij, que l'on emploie au sin-
gulier',
Capitale du Brésil depuis 1765, Rio possède les musées et les insli-
tulions principales de la République. Une des écoles les plus importantes
du Nouveau Monde est la Faculté de Médecine, située dans un endroit
écarté et cependant tout à fait central, à la base occidentale du morro do
Castello, sur I9 péninsule même où naquit la cité, mais en dehors des
grandes artères du trafic. Elle présente un ensemble de constructions
distinctes et sans architecture, que Ton remplacera par un édifice^ dmi
encore achevé (1893), bâti près de la crique de Botafogo, entre un hospice
et l'école militaire. A côté de l'école de médecine actuelle se trouve le
très vaste hôpital da Hisericordia, bâti sur ia plage même oh débarqua
Magellan, avant la découverte du détroit. Ce bel édifice, que l'on dit
admirablement tenu et qui peut contenir 1200 malades, en reçoit environ
12000 chaque année, étrangers en majorité. Il appartient à une imtan-
dade ou « confrérie » fort riche, qui possède en outre, en divers quar-
tiers de la ville ou des alentours, des hôpitaux destinés au traitement de
' E. Albin, Rio de Janeiro; — Ch. Morirl, l'Empire da Brétil.
» Langueur des voies ferrées dans la tille de Rio el ses alentours. ... 350 kilomèlrcs.
Cavalerie des omnibus 7 000 roules.
Voyageurs Iransponés en 1892 par les omnibus de Rio el les bacs à wpeur : 60 000000.
f
RIO. 329
la j^litisie et des maladies contagieuses. Chacune des nations représentées
à jR.io de Janeiro a fondé également des hôpitaux et dispensaires.
i-**' -École polytechnique, qui forme des ingénieurs, est considérée comme
Un^ des fondations remarquables de TAmérique. Académie des beaux-arts,
coxB t^^rvatoire de musique, collèges de garçons et de filles, instituts pour
Jes ^B^veugles et les sourds-muets, Rio possède les établissements divers
qti.*e»:Bi s'attend à trouver en toute capitale. L'école de la marine occupe,
^^^ t près du port de commerce, Tilha das Enchadas, qui, entre tous les
°*^vi mresj parait elle-même comme un navire à l'ancre. Le musée d'histoire
"* •'^^.^■^ Telle, transféré dans l'ancien palais impérial de Boa Vista ou Sâo Chris-
to^'SS: ^3^ jm jiQpj jg \^ ç\i^^ contient des objets fort curieux, malgré le désordre
^^ î^^s collections. La principale bibliothèque, riche de 200000 volumes,
°^^^^^^ trop étroite pour ses trésors, date des premières années du siècle, le
"^S^^ Mit ayant transporté avec lui les livres du palais d'Ajuda, très riche
^'^ ^i^cumenls rares : on y trouve, comme dans les bibliothèques d'Europe,
^^ incunables, des manuscrits, des collections de dessins originaux, et
■^ * — la série des ouvrages relatifs au Brésil ; elle édite de précieuses
la. En outre, des associations particulières et les diverses sociétés
»les, parmi lesquelles l'Institut historico-géographique et la Société
^-^^^éographie, ont fondé d'importantes bibliothèques spéciales. L'observa-
*^^^, qui publie chaque année de savants mémoires, occupe le sommet
%iorro do Castello, dressant ses guérites et ses dômes sur les ruines
j, *-^:3resques d'une ancienne église inachevée des jésuites. Prochainement
. *^^ervatoire doit être transféré sur un pic de la serra do Mar, à
lO '■^— , . . .
^ "^ ^ mètres d'altitude, non loin de Petropolis.
5a splendide flore brésilienne a permis h Rio de se donner d'incompa-
ï. es jardins, entre autres le Passeio Publico, au bord de la mer, le
;o de Conslituçao, près duquel s'élèvent les principaux théâtres, et le
_ _jo da Republica, entre Tancienne ville et les nouveaux quartiers qui
(ndent à l'ouest : le naturaliste qui disposa cette promenade y a
•oduit avec un rare talent d'observation -les groupes rocheux de la
V^^^^^^. Une autre merveille de Rio est le Jardin Botanique, situé non loin
ï^ a lagune Rodrigues de Freitas, à la base des escarpements de la Gàvia,
~ cime tabulaire. Le domaine appartenant au jardin comprend une
ïace énorme, plus de six cents hectares; mais les neuf dixièm(*s de
« vaste étendue sont encore recouverts d'une brousse impénétrable. Le
lin proprement dit, déjà fort considérable, embrasse une soixantaine
^^ctares, et s'accroît chaque année aux dépens de la forêt vierge, dont
^^ arbres remarquables sont respectés. Récemment le Jardin Botanique
XIX. A2
NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
n'était guère qu'un endroit de promenade : c'est maintenant aussi un
lieu d'étude, contenant environ 2000 espèces de plantes régulièrement
classées; des eaux captées dans les montagnes voisines ruissellent sous
les ombrages. Au milieu d'un fourré de verdure se montre un oreodoxa de
50 mètres, apporté de Cayenne par des fugitifs portugais et planté par
Joao YI, en 1806 : de ce premier palmier qu'ait possédé le Brésil descen-
dent tous ceux qui existent dans le pays. On projette d'établir sur la plage
voisine une ville balnéaire, désignée d'avance sous le nom de Gàvia : les
plans lui donnent 4 kilomètres de façade sur l'Océan.
Outre ses jardins, le chef-lieu du Brésil a les admirables points de vue
que présentent les collines et les montagnes surgissant du sol de la cité
comme les îles du milieu de la baie. Rio n'est pas, comme Rome ou
Byzance, une « cité des sept collines »; elle en a bien davantage, et l'on
ne saurait même en indiquer le nombre, car tel renflement du sol peut
être considéré comme une butte isolée ou comme un simple promon-
toire, et d'ailleurs plus d'une saillie de roc, entamée par les carriers, est
en voie de disparaître : la solide pierre de granit, rose ou grise à grains
noirs, fournit d'excellents matériaux pour la construction des édifices.
On a déjà rasé plus de la moitié du morro de S3o Diogo, au nord de la
ville; en outre, certaines collines ont été déblayées pour donnera Rio une
meilleure ventilation et pour combler des marais côtiers ou des criques
de la baie : c'est ainsi qu'on abat maintenant (1893) le morro do Senado,
presque au centre de la cité; les déblais serviront à supprimer la baie dite
Praia Formosa, rattacheront h la terre ferme les deux anciennes îles dos
Melôes et das Moças, combleront même tout l'espace maritime de 328 hec-
tares, d'environ 5 mètres cmi profondeur moyenne, qui s'étend de la plage
de Saùde à la pointe de Cajù, sur une longueur de plus de 4 kilomètres.
Le quartier commerçant trouvera là un vaste champ d'expansion. Au
devant du quai extéiieur et dans le dock de 13 hectares qu'il protégera,
Toau n'aura pas moins de 9 mètres au-dessus de la mer moyenne*. Un
autre projet consisleiait à enfermer par une digue semi-circulaire tout
Tespace. compris à Test de la ville entre l'île Fiscal et l'arsenal militaire.
On a proposé aussi de raser les deux morros de Santo Antonio et do
Caslello; mais, à supposer que ce travail gigantesque s'accomplisse, il res-
tera encore des mornes nombreux et de telles dimensions qu'on écornera
seulement leurs saillies avancées. De toutes parts, on voit l'horizon limité
par ces hauteurs, les unes couvertes d'arbres, les autres se dressant en
' Alfred IjsIkki. Mnlr.s inanuscnlcs.
I
I
oches lisses, revêtues de lichens noirâtres. Quelques-unes s'arrondissent
:Tec une telle régularité, qu'elles ressemblent à des cloches de bronze
•osées sur le sol; la plupart se développent en gibbosités inégales. Des
naisons s'accrochent aui pentes ou se posent sur les terrasses ; des che-
nins, des aqueducs rayent les parois de leurs coupures droites ou légère-
nent inclinées. Pas une colline qui n'offre d'admirables panoramas de la
fille et de la baie : mais cet élément d'incomparable beauté qu'envierait
ouïe autre cité, est presque entièrement perdu, les sommets des mornes
tant pour la plupart des propriétés privées ou des terrains vagues encom-
irés d'immondices.
Heureusement, le sommet principal qui commande la cité au sud-ouest,
B roc du Corcorado ou du « Bossu » (710 mètres), est d'accès facile. La
ime de ce roc, formée de blocs énormes aux contours arrondis, repose
or une paroi cannelée de 500 mètres en hauteur, au pied de laquelle
'étendent des croupes boisées. Une route de voitures aui nombreux
icets et un chemin de fer à crémaillère, long de 4 kilomètres, montent
u fauboui^ de Larangeiras jusqu'au somme! du rocher en traversant
îs bois ; ia voie ferrée, dont les rampes atteignent 50 degrés d'inclinaison
irës du sommet, traverse successivement trois vallons sur des viaducs
n fer, à la hauteur des branchages de la forêt touffue qui s'élance des
m MOQTBLLB GÉOGRAPHIE U.XIVERSEUE.
profondeun; pub* an tteli d'un col où se Irouve une stulion intermédiaire.
il Goatoarne au botd même du imher la corniche qui surplomtie le
goiifiy« an fimd dni|iiel l'étend le Jardin Uotunique. De la cime, on voil
d'nn eonp d'uni drcalaire 'ensemble prodigieux que pré.seQtc la ciié, avec
ses places, ses cIoch«« et sos dômes, la nappe bleue de la baie et ses
navires, et par delà les tles oL les monUgnes. La marctie du »ulcil. des
brumes et des nnées change incessammenl le merveilleux lableau.
De même que les collines de la tcri'e ferme, le^ îles do la biiie, qui font
partie des mtoies chaînes, oITreiU des sites cbarmanLs; mais plusieurs,
appartenant à la douane, à l'administration milllati'e, à la marine ou aux
hôpitaux, ne sont pas accessibles aux visiteurs. La plus gi-ande, dite du
Govemador, d'après un personnage qui en fut le propriétaire, occupe la
partie médiane de la baie, au nord de la capitale : le fondateur de Rio,
Estacio de Si, y fut mortellement blessé dans un combat contre le5 Indiens
alliés des Français. On y a trouvé de nombreux ossements et autres objets
des tempe préhistoriques; ses habitants ont des tuileries et des fabriques
de chaux pour les conatmcleurs de Hio. Plus au nord-est, se prolonge l'île
diarmante de I^queti, la plus ornée de villas et de jardins, la plus fré-
quentée par les visiteurs; les insulaires fournissent Rio de poissons ut de
légumes. Pannî les diversee tles qui parsèment la baie, il en est une qui
pendant les trois derniers sïètries a été plus d'une fois rattachée à la cdte
orientale par un isthme de salile : c'est la colline de Boa Viagem ou « Bon
Voyage », ainsi nommée d'une chapelle, lieu de pèlerinage que les marins
saluent en mettant à la voile. Elle occupe l'extrémité de la péninsule qui
sépare Nictheroy et son faubourg d'icarahy. La petite ilha das Flores, très
rapprochée de la côte, entre Nictheroy et Sâo Gonfle, porte l'hôtellerie
des immigrants, marché du travail où tes planteurs viennent louer la
« main-d'œuvre »; près de quatre mille travailleurs nouvellement débar-
qués s'y sont trouvés réunis ', mais elle ne peut en contenir commodément
qu'un peu plus de mille*.
Telles villes, éloignées de Rio, doivent en être considérées comme de
simples dépendances : Santa Cruz, par exemple, qui se trouve à une
soixantaine de kilomètres h l'ouest, sur un embranchement du chemin de
' lleiirii]utt RaOàrd, Inttitulo Hulortco. tome LV, 1893.
- Lninigration il Rio de Janeiro en 1S9S :
527 navires porUnt 54 507 inuDigianU, dont 58 82
I frais du gouTemement
RIO ET SA BAIE, PETROPOLIS. 555
fer Cenlral : c'est là que l'administra lion « Quminense » a établi ses abat-
toii~s. Deux autres villes populeuses font partie du municipe neutre, et
se rattachent ainsi directement à la capitale : Jacarépagua, dont les mes
emplissent, à l'ouest des montagnes deRio^ une longue vallée tributaire
de la lagune de Camorim, et Guaratiba, qui occupe une position analogue
en des campagnes penchées au sud-ouest vers l'estuaire de Marambaia.
Bfaîs la plaine broussailleuse ou couverte de bois d'une seconde venue qui
^ étend au nord de Rio, jusqu'à la base des montagnes, n'est qu'une vaste
* ■■ *- "*ide. Autrefois elle fut beaucoup plus peuplée : les jésuites et de
^^^**~*-<ls personnages y possédaient de vastes concessions, qu'ils faisaient
* *- ^.ver par des esclaves et des engagés. Pour rendre ces espaces à la
*-~«ire, il faudrait d'abord régulariser le cours des ruisseaux et dessé-
• les marais, qui se sont répandus dans la plaine en foyers de pesti-
:. On redoute surtout les fièvres du Macacû'.
*- etropolis, quoique située en dehors du municipe neutre, sur le versant
S^^ '^entrional de la serra dos Org3os, incliné vers le bassin du Parahyba,
%:rouve aussi dans la zone d'attraction de Rio : elle en est le Versailles.
^^- deux milliers de Radois et de Ravarois que le gouvernement brési-
Antonio Hartios de Aievedo Pimentel, Sabtidiot para o Etiudo da Hygiène do Rio de Janeiro.
534 iNOUYELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
lien y établit en 1845, près de la résidence impériale, eurent le priviU
de se voir assigner pour demeure une région très salubre, et ils dur
en outre à la proximité du château d'été des faveurs qu'on ne ûl pc
aux colons introduits dans les autres parties de la contrée. On leur li
des terres à bas prix, ou avec des avances de sommes considérables,
pour faciliter le transport des denrées on leur construisit une belle n*
qui contourne superbement les corniches des monts et qu'on a longter
désignée sous le nom de « Simplon » de l'Amérique; elle se continue
lacets vers Juiz de Fora, dans l'État de Minas Geraes. Depuis, un chei
de fer, dont une partie, celle qui escalade la pente méridionale de la ni<
tagne, par une rampe de 15 centimètres sur 100, et qui franchit le sei
à 835 mètres d'altitude, est établie en crémaillère, unit Petropolis à
baie et à la capitale. L'ancienne population allemande, fondue maintena
avec les éléments J3résiliens, a légué aux habitants une instruction pi
substantielle que celle des communes environnantes; plusieurs collèges
pensionnats, où les familles fluminenses et étrangères envoient lei
enfants, et dont l'un occupe l'ancien château impérial, donnent à Peti
polis un rôle considérable dans l'enseignement. La ville a changé d'
pect : ce n'est plus une colonie agricole, mais un ensemble de pah
de résidences et de maisonnettes d'agrément : les riches négociants
Rio, les étrangers y ont leur demeure, et maints diplomates sont cen
y remplir, hors des atteintes de la fièvre jaune, leurs fonctions auprès
gouvernement brésilien. Des brasseries, héritage des colons alleman
constituent la spécialité industrielle de Petropolis. Une importante filati
utilise les eaux de la Piabanha, en aval d'une belle cascade, et sur
monts des alentours se voient des plantations de chinchonas (mccirubr
Nova Friburgo, qui se trouve dans une position géographique analo|
a celle de Petropolis, sur le versant septentrional des monts côtiers, coni
dans cette partie de leur parcours sous le nom de serra da Boa Viî
prit aussi son origine comme colonie. Elle date de 1819. A cette époq
deux années avant que le Brésil se détachât du Portugal, arrivèrent p
de dix-sept cents paysans suisses du canton de Fribourg, raccolés
des agents d'immigration. Le gouvernement leur fit de grands avantag
et la proximité de la cité maritime assura la vente de leurs produ
Cependant, dix ans après l'arrivée des colons, leur effectif avait dimii
déjà de plus d'un tiers par la mort et par la désertion : dès le milieu
siècle. Nova Friburgo était une ville complètement brésilienne, comme
localités voisines, et ne renfermait plus qu'un petit nombre de famil
f ri bourgeoises. Les habitants cultivent des légumes, élèvent des bestiî
PETROPOLIS, NOVA FRIBURGO, ANGRA DOS REIS. 335
et des volailles, dont ils approvisionnent Rio par le chemin de fer en plan
incliné qui descend de leurs montagnes à Niclheroy. La cité de Therezo-
polis^ dont la législature de l'État a fait choix pour y établir le chef-lieu
à tsk place de Nictheroy, n'a pas encore l'importance de Petropolis et de
iVova Friburgo : elle n'a point (1893) de voie ferrée qui la mette en com-
munication avec la baie et Rio de Janeiro.
J3os ports, presque aussi favorisés que Rio pour la profondeur et l'abri,
se succèdent sur la côte occidentale, au delà au municipe neutre. Jadis
itfangaratiba était destiné à devenir le havre d'exportation pour la haute
vallée du Parahyba, et Ton construisit, en vue des charriages futurs, une
route magnifique, un « Simplon », qui contournait le flanc des monts. Elle
est presque abandonnée depuis l'inauguration du chemin de fer de Rio el,
après l'abolition de l'esclavage, les plantations des alentours furent pour
la plupart rendues à la brousse. Aussi longtemps que dura la traite des
esclaves, le port de Mangaratiba, les criques et les plages voisines,
masc^uées par la flèche de Marambaia, étaient des lieux de rendez-vous
pouï- les négriers et leurs clients les planteurs. Angra dos Reis, située au
bord d'un golfe parfaitement abrité que couvre au large la haute ilha
Grande, est une des anciennes villes du Brésil : dès 1552, la baie, visitée
P^^ Aflonso de Souza, avait reçu son nom. L'eau, suffisamment profonde
^aos l^s rades protégées par l'ilha Grande, reçoit les navires à destina-
'^o de Rio condamnés à la quarantaine'. Plus à l'ouest, une autre ville
^'"^••ime occupe l'extrémité d'un golfe au sud duquel se recourbe un
1^ ^'^^c^ntoire très élevé, plus haut que l'ilha Grande et faisant partie de
'^•^^me chaîne, prolongement des montagnes de Rio de Janeiro. Cette
,, ^ ^Oiaritime, Paraty, fait un petit commerce de vivres, de poissons et
*^^^ eau-de-vie fameuse, distillée du suc de canne*.
^^%aveinent de la quarantaine à ilha Grande en 1892 (du 25 juillet au 51 décembre) :
navires jaugeant 545 502 tonnes, avec 55 296 passagers et 1 1 84 1 hommes d'équipage.
^^les importantes de TËtat de Rio de Janeiro avec la population approximative ou recensée
a municipe » en 1892, d*après Favilla Nunes :
Janeiro 515 000 hab
'oy, cidade 56 050 »
j » 26 950 »
» 20 950 »
» 18 200 ))
» 15 750 »
» 14 550 ))
Barra Mansa, cidade 12 250 hab.
Petropolis » .... 12 110 »
Pirahy » 12 050 »
Sâo Pedro d'Aldeia, villa . . . . 11870 »
Macacù » ... 1 1 280 »
Sumidouro » ... 10 550 »
Vassouras, cidade 9 400 »
tes les autres « cités » ou « villes » de l'État, soit, par ordre d'importance, Paraty, Cabo Frio,
do Parahy, Parahyba do Sul, Nova Friburgo, Valença, Mage, Cantagallo, Macjihé. Angra dos
'^ Therezopolis, ont moins de 10000 habitants dans leur municipe.
336 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
VII
VERSANT DU PARAmX ET CONTRE-YERBÀNT OCÉAlflQUE.
ÉTATS DE SÀO PAULO, DB PARAXi, DE SANTA CATHARI9A.
La région naturelle qui s'incline au sud-ouest vers leParanâ prése]
ensemble d'une remarquable unité, quoique le territoire ait été
en plusieui^ Ëtats, et que la zone des sources soit inégalement dist
entre les Minas Geraes, le Goyaz, le Matto Grosso. C'est un fragm*
plateau disposé suivant une grande courbe entre les deux lignes par
du littoral océanique et de la coulièredu Paranà. Les autres limites
au nord, le rio Grande, l'une des branches maîtresses du haut F
et au sud la vallée supérieure de l'Uruguay. A l'angle sud-occi
de la contrée, dans l'étroite langue de terre comprise entre le Pan
l'Uruguay, la limite reste indécise entre le Brésil et l'Argentine, n
colonisation entame à peine l'espace débattu. En réalité la province
relie que constituent les trois Ëtats est moins large qu'elle ne le
sur la carte. Même dans TÉtat de Sào Paulo, de beaucoup le plus
leux des trois, s'étendent de vastes « terres inconnues », que les
affluents du Paranà découpent en bandes parallèles. Ces terres, on
d'après les rapports des chercheurs d'aventures, sont en grande
fertiles, et destinées sans nul doute à entretenir un jour de nom
habitants : de proche en proche, chaque année, chaque semaine, t
le travail de peuplement.
Les Brésiliens de Sao Paulo se distinguent entre toutes les populati<
la Bépublique par leur esprit d'initiative : on peut dire qu'à C€
égards se trouve là le véritable centre de l'Amérique portugais
serait-il pas plus simple de placer en cet endroit, où l'activité nat
se manifeste avec le plus d'énergie spontanée, la capitale que l'or
cupe de créer au centre hydrographique de la contrée? Déjà, lo
premiers temps de la découverte, un colon, Jo3o Bamalho, allié d'
"avec les Indiens, s'était hardiment installé loin de la mer, sur le
teaux de l'iniérieur. Un bourg fortifié s'éleva dès 1552 à Piratinin
« Poisson Sec », non loin de l'emplacement où se construisit dep
cité de Sao Paulo, et des métis parlant portugais commencèrent à pi
le pays, en se groupant autour des blancs. En 1552, les mission
jésuites vinrent à leur tour résider au milieu des indigènes et bîl
les premières constructions de Sao Paulo, rivale heureuse de la c
SAO PAULO ET LES PAULISTES. 537
devancière, Santo Andrès de Pii*alininga. Mais entre les deux éléments
étrangers, les colons libres et les prêtres, le conflit éclata bientôt. Les
premiers, avides de richesses, asservissaient les Indiens pour leur faire
cultiver la terre ou chercher de Tor, tandis que les seconds, tout en em-
ployant les Indiens à leur service, les protégeaient contre les violences
des colons et Tesclavage : après les avoir convertis à la foi catholique, ils
n'entendaient pas que ces fidèles, les plus dociles de leur église, fussent
molestés par tous les aventuriers. D'autre part, quand des missions eurent
été fondées sur territoire espagnol aussi bien que sur territoire portugais,
ies jésuites des deux États restèrent solidaires de chaque côté des limites
coloniales, et, sauf pendant la période où toute la péninsule Ibérique se
trouva réunie sous le pouvoir du roi d'Espagne, on put facilement pro-
fiter^ de cette alliance internationale des missionnaires pour les accuser de
trahison quand ils essayaient d'empêcher ou de punir les incursions des
^aTMsfearantei paulistes dans les missions du Paraguay et des plaines de
Bolivie. 11 en résulta des luttes constantes, où les jésuites finirent par
suooomber, quoique souvent soutenus par le pouvoir central et toujours
P^ï* l*autoritédu souverain pontife. Les chasseurs d'Indiens eurent toute
'*i>ert,ë, et, dans leurs expéditions de traite, on les vit franchissant les
fl^iAv^s et les montagnes, poussant leurs itinéraires jusqu'à l'Amazone, et
par delà le grand fleuve, jusque sur les pentes des Andes équa-
€s. Muiiitori évalue à deux millions le nombre d'Indiens capturés par
l^s I^aiulistes dans l'espace de cent trente années.
C^tle indomptable énergie, que les Paulistes déployaient à pourchasser
1 howxime, ils l'appliquent maintenant au travail, et vraiment, depuis le
^^*lî^u du siècle, ils se distinguent à cet égard parmi tous les autres Bré-
^*'*^»^s. lisse sont adonnés à la plantation du caficravec une sorte d'em-
poi-t^rnent, et c'est à eux surtout que le Brésil doit sa prépondérance
Pî^rxTii les nations comme groupe producteur de café. Les premiers dans
|ag^i*îculture, ils sont aussi les premiers dans Taménagement industriel :
'^ possèdent le plus ample réseau de voies ferrées, et même ils ont
^^^^cié les Minas Geraeset Rio de Janeiro par la préparation d'une carte
P^-^Sï^phique à l'échelle du cent-millième, qui se raccordera bientôt avec
^ï^vaux analogues dans l'Etal de Minas. Bien plus, une expédition
Incisée uniquement de Brésiliens, explorant l'un des grands chemins
^^^^Is qui rattacheront un jour leur pays aux régions plaléennes, a
^^^ au cinquante-millième une carte de tout le cours de l'itapiringa
^^^^^^ Paranapanema, carte qui l'emporte certainement sur celles du
genre qu'ont données de Castelnau pour le Tapajoz et l'Araguaya,
XIX. 45
mè
. -._ >
mt RODVILII gSorraphie vniverselle. I
&Ifdd pour le rio Sio Francisco, et Liais pour le rio das Vullia^.
D'aillean, ces tniTOai cartographiques ne sonl que la partie eilérieure I
et visible des recherches approfondies poursuivies par les explorateurs i
dans Fensemble de l'histoire naturelle. !
La r^(Hi la moins connue est celle des hauts versants parâiiiens. Mai- !
gré l'excellence de son climai, la fécondité de ses terrains, la facilité que ;
présentent ses campagnes pour la consiruction des routes et le développe- '
ment coaùdérable des eaux navigables de son bassin supérieur, celte
région du Parani brésilien n'a pas été esplorée avec le même soin que ;
celles de l'Amazonei du Sio Francisi-o et du Paraguay. La plujiart des
documents que l'on possède sur cède contrée d'un si grand avenir sont i
dus aux anciens explorateurs [)oi'ln<;ais et aux liandeii-anles qui allaient à
la découverte des mines d'or. Depuis le milieu du siècle, les iagéatean
chai^ de tracer les voies ferrées et d'étudier la narigal^ilé deO cours
d'eau OQi recourert le pays d'un réseau d'itinéraires ; mais letura wp^oêi
ayant un but spécial, n'ont que -peu contribué k la conoaissaaoe géa^'i
raie du pays et de ses immenses ressources agricoles. Les trannz sérma
d'étude géographique ont commencé tout réconment, depuis qnà lai
groupes de savants réunis au musée de S3o Paulo et i l'éoide des MaîaMi
d'OuroPretoont inauguré et coordonné leurs recherches. . .
A lui seul, l'Ëtat de Sâo Paulo représente près de la ountié du territoîn
paranien du Brésil, et sa population est de beaucoup supériewe k calfe
des deux autres États réunis*. Santa Gatharina, le plus petit des tinSi
mais non le moins peuplé à égalité de surface, menace d'être encore
réduit, car c'est dans la partie occidentale de son territoire que se trouve
l'espace revendiqué par ta République Argentine. Ce pays débattu reste
indivis et presque désert depuis que les Espagnols et les Portugais s'avan-
cent dans l'intérieur, les premiers par la voie du bas Paranâ, les seconds
par celle du littoral. Après un premier traité de i750, une commission
mixte s'occupa de la délimitation des deux « zones d'influence », mais
ses travaux restèrent inachevés, et l'on ne put même identifier les rivières .
que de part et d'autre on réclamait comme limites. En 1777, le traité é
de San lldefonso décida que la ligne de partage suivrait le faite entrée
> Superficie et population, den trois Ëtals paraoIeDï, en j cnmpreiunl le territoire des llission^s.
reven(li((ué par l'Argentine :
SioPuuIn . . . SaOgTti kil. carr. 1500 000 hab. 5,3 hab. parkil. carr.
Paranâ .... 331319 n 320000 n 1,45 >
Santa Catlianna . 74 156 » 350 000 » :;.5 »
Ensemble. . . 5S0 55I kil. carr. 2 070000 hab. 3,5 hab. par kil. i
S40 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
des c< Missions » d'entre Parana el Uruguay, il est trop faible pour qu'
lui soit possible de revendiquer plus à Test le terrain débattu, el
procès se trouve restreint entre l'Argentine et le Brésil. En vertu d*i
accord conclu en 1887, le président des Ëtats-Unis, choisi comme arbitr
décidera en faveur de Tune ou de Tautre des parties en conflit, ms
sans qu'il puisse adopter le moyen terme de partager par moitié les lerr
disputées, comprenant un espace évalué à 50018 kilomètres carrés (1892
Les Brésiliens se sont avancés le plus loin dans cette région de (ori
épaisses, au Campo Ere, au delà du Chapecô, dit Piquiri Guazû par 1
diplomates espagnols. En 1890, la population totale de la région neut
s'élevait à près de deux mille individus, possédant plus de 40000 têtes <
gros bétail.
Les roches qui donnent son relief à l'État de Rio de Janeiro se con
nuent dans les États méridionaux de la République, mais avec de notabi
dilTérences dans l'altitude et Torientation. Malgré son nom, la serra
Mar ou « chaîne Côtière » n'est point une arôte de montagnes, du moi
au sud-ouest du massif de Bocaina. Après avoir escaladé le versant tour
vers la mer et la légère saillie que forme le rebord du plateau, le voyage
qui vient de Santos se trouve dans une plaine n'ayant pour bornes apj
rentes que de lointaines croupes. L'aspect de la végétation a chan
brusquement : d'un côté les arbres somptueux et touilus de Taire tro|
cale, de l'autre des plantes rabougries qui rappellent en maints endro
les landes de l'Allemagne du Nord, et sur les terrasses les araucari
superbes et réguliers laissant passer la lumière entre leurs branche!
L'obstacle aux communications entre le littoral et les terres doucemc
ondulées de l'intérieur provient moins de l'àpreté des escarpemei
que de l'épaisseur des fourrés : les pionniers qui frayent à coups
sabre les sinueuses picadas sur les promontoires du versant ont
travailler pendant des journées et des semaines avant d'arriver sur
terrasses du plateau. Quoique les rides bordières se continuent régulièi
ment le long du haut pays, on les connaît sous des noms différents,
les désignant d'ordinaire d'après les villes ou villages de leur base. A
dessus du port d'Ubalûba, les montagnes sont dites serra d'Ubatûl
entre Santos et Sao Paulo, on les appelle serra de Cubatao, d'après
hameau perdu dans la brousse marécageuse, au bord d'un bayou qui c(
' John Bail, Notes of a Naturalist in South America,
ÉTATS PARANIENS ET LEURS MONTAGNES. 345
tourne l'île de Santos. La hauteur de la crête, vue du liltoral, est à peu
près uniforme. Les monts, composés de gneiss et de granit, et traversés
par des masses éruptives de mélaphyres, s'élèvent à un millier de mètres
environ. Cependant la serra dos Itatins, dont les aiguilles dominent le
littoral entre Santos et Iguapé, atteint 1330 mètres, d'après Mouchez;
plus loin, celle de Guarahû présente la même altitude, et dans l'État de
raranâ la serra Graciosa, à la crête fort dentelée, a probablement, suivant*
'opinion d'Orville Derby, des hauteurs de 1500 mètres. La voie ferrée de
Santos à S5o Paulo franchit la serra do Mar à 799 mètres, et celle de Para-
ï^agua à Curitibà, plus élevée, passe en souterrain à 955 mètres. Dans
iËtat. cie Santa Catharina, elle se trouve interrompue par la profonde
vallée cJe Tltajahy, puis elle reprend au sud pour former les magniCques
terrs^^^^g dites Campos de Boa Vista et les pittoresques montagnes graniti-
que^ de TubarSo, souvent comparées à la chaîne des Orgues. Des grès et
des ti^lcaires paléozoïques s'appuient à l'ouest sur les roches cristallines de
la s%î^p3 Jq ji(3p^ ^i jg vastes grottes à stalactites, parcoumes par des eaux
^^^^^^ntes, traversent la contrée. Les gisements aurifères de la région, très
'^^^^t.ueusement exploités au siècle dernier, ont été abandonnés.
"5ins l'État de Sao Paulo, la serra Mantiqueira se continue, comme dans
^ ïVio de Janeiro, et se développe dans l'intérieur parallèlement à la serra
^ îilar, mais n'offre pas de saillies aussi considérables. Après avoir formé
^ tnassif d'Itatiaya, le plus puissant du Brésil, elle s'abaisse de plus d'un
^^Ulier de mètres; cependant au nord de Pindamonhangaba le vaste pla-
^^u connu sous le nom de Campos do Jordao présente des croupes et des
^ics aux altitudes diverses de 1500 à 1800 mètres; une des pointes a
1782 mètres de hauteur. Au morro do Lopo, sur la limite commune des
ïîlats de Minas et de Sao Paulo, la chaîne s'élève à 1655 mètres seule-
ment, mais elle gagne en largeur ce qu'elle perd en saillie, et de nom-
breux massifs latéraux se développent dans la direction du nord. Les pics
qui se dressent dans le voisinage de la ville thermale dite Poços de Caldas,
et dont les pointes atteindraient 1600 mètres, tandis que le chemin de
fer se glisse par un seuil de 1200 mètres, commandent un immense
horizon de montagnes : on dirait une mer aux énormes vagues soudaine-
ment figées*. Les monts de Caldas appartiennent à la même formation
que le massif d'Itatiaya : a côté des granits et des gneiss on y trouve
aussi des phonolithes et des tufs qui témoignent d'anciennes éruptions
volcaniques.
* Onrille A. Derbv. Notet manvscrileê.
344 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
La serra Manliqueira change de nom en s'abaissant et en se divisant
par massifs elliptiques de granit, dominant de quelques centaines de
mètres les étendues des platefiux. Au nord du chef-lieu, la chaîne s*ap-
pelle serra da Cantareira : elle s'abaisse en un seuil dont profite le chemin
de fer du nord, puis forme Ja serra de Jaragua, d'après un de ses pitons
(1100 mètres), dont le profil, en forme de visage aux traits fortement
marqués, se découpe sur l'horizon, à l'ouest de la voie ferrée. Au delà,
vers l'ouest et le sud-ouest, la chaîne, coupée par la profonde et large
vallée du Tiefcé, se confond d'une part avec les plateaux, de l'autre avec
les saillies qui appartiennent au système de la serra do Mar. La croupe
principale, la serra de Paranapiacaba, ou « Vue de l'Océan », composée
de schistes métamorphiques et de granits, s'abaisse vers le nord par de
longues pentes dans lesquelles les rivières du système paranien ont
creusé leurs vallées serpentines : de distance en distance, des croupes
onduleuses, désignées sous le nom de serras^ comme si elles étaient de
véritables montagnes, se déroulent, couvertes de grands bois, entre les
bassins des eaux courantes : leurs dos culminent à un ou deux cents
mètres au-dessus des fonds. Ça et là des roches à parois verticales,
pareilles à des forteresses, hérissent le sommet des mornes : ce sont les
restes de coulées éruptives qui ont résisté aux agents météoriques; mais
à l'extérieur, dans presque toute leur étendue, les masses rejetées se sont
transformées en cette fameuse « terre rouge », terra roxa^ qui donne de
si magnifiques récoltes aux planteurs de cafiers; en maints endroits
d'ailleurs, celte terre a dû être remaniée par les eaux, car on y trouve
des coquillages et des débris de plantes\ La couleur de cette roche,
qui présente en certains endroits une épaisseur de vingt, trente et même
(|uarantc mètres*, est d'un rouge plus sombre que celui de la ierra
vermelha ou massapé que l'on trouve en beaucoup d'autres parties
du Brésil et qui provient de granits décomposés. Les agriculteurs con-
naissent bien les nuances de ces divers terrains, et, d'après elles, règlent
le prix des ventes.
Sur le versant paranien une grande partie des hauteurs sont assez unies
pour mériter le nom de campos. D'ailleurs, ils se distinguent moins par
le relief que par la flore; cependant jamais les âpres terrains très acci-
dentés ne sont désijj^nés sous ce nom. Les campos sont des espaces herbeux
ou à végétation basse contrastant avec les étendues couvertes de forêts
* Glaziou, Noies fhan user îles.
* Fr. Leile Guimaraes, Noies mn miser iles.
MONTAGNES, FLEUVES DES ÉTATS PARANIENS. 345
vierges ou de capœiraSy c'est-à-dire de fourrés d'une seconde venue. Ainsi
les incendies augmentent la superficie des campos, et nombre d'auteurs
émettent Topinion, probablement erronée, que les campos brésiliens, de
même que les prairies mississippiennes, doivent leur unique origine à
l'action du feu\ Il est certain que ces régions déboisées reçoivent une
quantité de pluie suffisante pour la croissance des arbres, car tous ceux
qu'y plantent les rares cultivateui*s à demi nomades y naissent facilement
et continuent de prospérer après le départ des colons..
Les déclivités orientales de la serra do Mar, quoique recevant l'eau
fluviale en grande abondance, ne versent à la mer que de faibles cou-
rants, descendant en de courtes vallées. Entre l'Étal de Rio de Janeiro
et celui de Rio Grande do Sul le principal cours d'eau du littoral atlan-
tique est la Ribeira de Iguapé, dont les hauts affluents, nés sur les pla-
teaux de l'intérieur, coupent par de profondes vallées la saillie de la
serra do Mar. Dans son cours inférieur, l'Iguapé se rapproche beaucoup de
la côte et détache même un canal de 5 kilomètres qui va se réunir au
marigot de Gananea ; mais le courant principal se reploie vers le nord-est,
pour se jeter dans la mer à un endroit où la côte est franche, libre d'ilôts.
De petits bateaux à vapeur remontent la basse Ribeira d'Iguapé et mémo
ses deux affluents, le Juquia et le Jacupiranga*. L'Itajahy, la principale
rivière de Santa Catharina, n'égale pas l'Iguapé; mais, traversant les colo-
nies allemandes, qu'ont souvent visitées des savants d'Europe, il doit à
ce fait d'avoir été mieux étudié que les autres rivières du versant.
Connue d'ordinaire sous le nom de Serra-abaixo, ou « Pied-mont »,
par contraste avec la Serra-acima ou « Haut-mont » des plateaux, l'étroite
bande de terres basses qui sépare le pied de la serra do Mar et l'Océan est
en entier formée de dépôts marins, çà et là recouverts d'eaux maréca-
geuses et traversés de coulées. Les grès d'origine océanique sur lesquels
se déroulent les sables des dunes renferment des restes de troncs et de
racines oflrant une grande ressemblance avec ceux des manguiers actuels.
Ces dépôts ont été cerlainement recouverts par les eaux marines à une
époque récente, et l'on croit même que des immersions et émersions
successives ont eu lieu dans cette partie du littoral, car les berges qui
contiennent des restes végétaux ofl^rent huit ou dix strates diflérentes.
* Alberto Loefgren, ContribuiçÔes para a boianica paulUla
* Superficie du bassin de la Ribeira d'Iguapé, d'après H. Bauer : 28 900 kilomètres carrés.
xn. 44
%
50l'VELLE ceoCRAPHlE iniVEItSEtLE.
bmtes horizdiilalos l't d'une C'puisseur variable, l/uiie d'elles, qui se com-
pow d'iiii W'v limonitc presque pur, s'esl formée en des eaui maréca-
geuses'. U'aprùs Karl Halli, luule la i;âle du Urésil méridiuuiil s'élfevcrait
actuellement, de Itio de Joiieira li llio Grande do Siil. I^s anciens tombeaux
iodiens el les tainbiiqui ou monticules deciKjuilliiges que l'on roucontrtï en
grand nombre le long du littoral sont tous à un niveau de 12 à 25 raùlres
e/fOmJOmétnt
l^fOmMetHItAià
supéneur aux affleurements du flot, quoique ces amas, provenant de la
pêche, aient été jadis déposés au bord de la mer.
D'ailleurs on constate sur toute la cdte méridionale du Bi'ésil, à partir
de Sanlos, que de fréquentes modifications ont eu lieu dans la forme du
littoral; d'un coté la mer pénètre dans le continent par des baies et des
bayous, tandis que la terre ferme se frange de bancs de vase, de flèches
sableuses et de cordons littoraux. Des invasions marines el des empiéte-
ll>!DrLquu E, Bauer, Beiichte det nalurwitseiurhafllû'hen Vereins in Regeiuburg, 1890.
348 NOUVELLE GfiOCRAPHIE UNIVERSELLE.
alluvions moderaes, telles les collines de Sanlos et de Santo Amaro, àaaW
les anciens délroils ae sont plus marqués que par des coulées sans profon —
deur. La vaste baie de Paranaguâ, qui ressemble beaucoup à celle de Riczx
de Janeiro, et qui, d'après les étymologistes, en aurait aussi rancier~i
nom retourné — Guanabarâ ou « Baie », « Sac de mer », — est, <
R* N. — MU H ruuuuonl-
iftSi/OV
^/Brti»i</.'/j
le golfe de Santos, bordée de lerres man'-cageuses dépassant à peine la
surface de l'eau. La grande île de S3o Francisco, au devant des estuaires
de Joinville, a gardé son caractère insulaire, et un chenal libre la
sépare em-ore du littoral, quoique le rivage extérieur, tourné vers la mer,
continue exactement la rive continentale. 1/ilc granitique de Santa
Cntharina se trouve dans des conditions analogues : un soulèvement do
> Yarnlingcn, HUIoria gérai do Branl.
HAUT PARANA et SES AFFLUENTS, 349
deu^ OU trois mètres Tunirait au continent par un pédoncule projeté
enti^e les deux manches du nord et du sud.
la pente rapide du territoire tournée vers TA tlan tique répond une
e conti*e-pente s'inclinant au loin vers le Parand. Les pluies y sont
moins abondantes, mais la zone d'écoulement y occupe une étendue beau-
coiap plus considérable, et de grands fleuves y serpentent pour s'unir dans
la vaste ramure dont le tronc est formé par l'estuaire de la Plata. Même
une partie de la déclivité se tourne vers le nord, comme si à son origine
le Jbassin hydrographique cherchait à se rattacher au système amazonien :
plusieurs des fortes rivières de l'État de Sao Paulo, le Tieté, le Mogy
guassu , coulent dans la direction du nord. Mais les hauteurs du faite
central rejettent définitivement les eaux vers le sud et vers le sud-ouest,
à la r-cî «contre du Paraguay.
Par la masse du courant fluvial, le système hydrographique de la Plata
appartient beaucoup plus au Brésil qu'aux territoires hispano-américains,
Arg-einttine et Paraguay. Si l'artère maîtresse, par l'orientation du courant
^^ I>a.ï* la jonction dans les terres basses avec les affluents de l'Amazone,
t^icn la rivière Paraguay, le Paranâ brésilien apporte le plus grand
le liquide. Bien qu'il ne suive pas l'axe de la vallée majeure, il reçoit
faites voisins de J'Atlantique les affluents les plus abondants et les
nombreux et se développe sur une longueur de cours notablement
considérable que celle du Paraguay : à cet égai-d, le Parana correspond
Missouri, dans l'Amérique septentrionale; dans le double système
i\ du sud, le Paraguay serait l'analogue du Mississippi.
source principale du Parana ou « Fleuve » n'est pas connue sous le
que le courant prend en aval et l'on ne sauvait pas même indiquer,
li les branches maîtresses, celle qui a droit au premier rang, le
mbà, le San Marcos ou le Paranahyba*. Ce dernier naît dans la partie
issin la plus éloignée de l'axe fluvial, et commence h couler dans la
îlion du nord, en formant éventail îivec le Sao Francisco. Encore faible,
replie vers le nord-ouest, puis vers l'ouest, et s'unit au San Marcos
du nord. Au delà, le courant tortueux va rejoindre, à 200 kilomètres
bas, la forte rivière du Gorumba, issue des ravins pierreux que domi-
t les Pyreneos ; le rio da Meia Ponte et le rio dos Bois, descendus du
\e faîte avec de nombreux affluents, contribuent à grossir le courant,
^is que de l'autre côté une rivière dite rio das Velhas, comme le
rs d'eau plus connu appartenant au bassin du Sao Francisco, amène
OrriUe A. Derby, Conlribuiçào para o estudo da Geographia phyuica do valle do rio Grande
350 NOUVELLE GËOGRAPHIE UNIVERSELLE.
le produit des sources de la Canastra et de la Matta de Corda. Le fleu^
Paranà est déjà constitué à la rencontre de l'abondante rivière dite ri:^
Grande, qui naît sur les plateaux de Minas Gcracs, au principal nœud dE:
diramation fluviale à Torient du Brésil.
Le rio Grande, plus abondant que chacune des autres branches du haï
Parana, s'en distingue par la nature montagneuse de son haut bassina
La source principale nait dans le massif de Tltatiaya, à plus dV«
2500 mètres d'altitude. Le rio das Mortes, le Sapucahy, ses tributair^cs
du nord, coulent aussi en des pays accidentés de roches et de collines; :
mais le rio Pardo, arrosant au sud les hautes terres de S3o Paulo, présente
un cours plus régulier. Ayant à parcourir une région très inclinée,
le rio Grande n'est point navigable dans son cours supérieur ou du
moins n'ofire que des biefs peu considérables au libre pai*cours des
barques; de nombreuses cascades interrompent son courant, et parmi
ces chutes plusieurs ont un aspect grandiose : tel le saut de Maribondo,
en aval de la jonction du rio Pardo ; en cet endroit, la masse liquide, déjà
très abondante, plonge d'une hauteur de 20 mètres. D'autres cascades ont
été graduellement déblayées par la destruction des roches qui barraient
le flot : c'est ainsi qu'au sud d'Uberaba les masses schisteuses qui
obstruaient le fleuve ont été peu à peu rongées; il n'en reste que des
blocs de quartz solide formant ilôts au travers du courant ; les ingénieurs
ont pu construire sur le rio Grande un pont d'environ 400 mètres, dont
les vingt-cinq piles reposent toutes sur des saillies émergées.
Le Pardo et son affluent le Mogy guassù, de même que la rivière Tielé,
coulant plus au sud, parallèlement au rio Grande, ofl'rent à la navigation
une longueur de courant supérieure, grâce aux moindres accidents du sol
qu'ils parcourent et aux travaux de régularisation. Le Mogy guassû, qui
serpente dans la région la plus prospère des caféteries paulistes, présente,
en une ligne continue de 250 kilomètres, un chenal navigable, à peine
interrompu de rapides dont on a su prolonger et adoucir la déclivité
par des jetées latérales de pierres perdues. Le Tieté, de tous les affluents
paraniens, est celui qui naît le plus près de l'Atlantique : telle haute
source jaillit à une douzaine de kilomètres seulement du rivage de la
mer, mais a mille mètres au-dessus. Les ruisseaux supérieurs, unis dans
un ancien lac ramifié que renvahissement de la végétation a graduelle-
ment changé en tourbière, forment une rivière imposante déjà sous le
ce Grand Pont » de Sao Paulo. Le cours du Tieté, rattaché par les chemins
de fer au port de Santos, comme le Mogy guassû, permet au trafic, mais
à un moindre degré, de pénétrer dans les régions, désertes naguère, des
HAUT PARANÀ ET SES AFFLUENTS. 351
camfos du Paranà; toutefois deux hautes cascades, Avanhandava et Itapura,
se succèdent dans la partie inférieure du fleuve. A la chute d'Àvanhadava,
un :rocher traverse obliquement le Tielé, large d'environ 150 mètres, et
Ja «allasse liquide, précédée d'un rapide, suivie d'un autre plan incliné,
tomlDC de 13 mètres en une nappe d'écume; au salto d'itapira, situé à
peu de distance en amont du confluent, les eaux plongent de 20 mètres
en ;^:^lusieurs nappes entre des piliers inégaux qu'ombragent des massifs
d'aiT'SBucarias. A quelques kilomètres au-dessus du confluent, le Paranâ
lui— «:même a formé la grande chute du « Vautour », — Urubupunga.
El in aval du Tieté, le Paranâ s'accroît de nombreuses rivières, dont les
plu^ abondantes proviennent du versant oriental, celui qui s'incline en
P^ii^ te douce. Sur le versant occidental, la déclivité, plus brusque, est
par'c5^c)urue de cours d'eau déjà considérables, mais de beaucoup inférieurs
^^ Mr\o Grande et au Tieté : le Sucuryû, le rio Verde, le rio Pardo,
* Ivîa:iheima. Ce dernier affluent s'unit au Paranâ à une petite distance en
^^^1 d'un tributaire presque égal au rio Grande, le Paranapanema, dont les
^'^l^^cnts supérieurs naissent dans le voisinage de l'Atlantique, sur le
ï*ev^i-s occidental des gradins qui descendent vers l'Océan. Environ la
''^^•^l-ié du bassin fluvial dont le Paranapanema inférieur constitue l'émis-
^*^^& commun reste terre inconnue, et quoique le Sao Paulo soit, à cer-
^**^s égards, TÉtat par excellence, grâce à ses avantages naturels, aussi
*^Ol que par la connaissance géographique que l'on a de son territoire,
^^ ^spce triangulaire d'environ 75000 kilomètres carrés, compris entre
^ ^ieléet le Paranapanema, porte sur les cartes la désignation de Zona
-*-*eî Paranapanema, c'est-à-dire, d'après quelques étymologisles, la
*"^^îère Inutile », mérite ce nom par ses rapides, ses barrages de pierres.
cascades, qui l'interrompent aux points de croisement de toutes les
s rocheuses. Une très haute chute, le salto ou la eachoeira Grande,
jpc son lit en aval du rio Pardo, limite actuelle de la colonisation :
^ ^^ei endroit, le fleuve, qui débite une trentaine de mètres cubes à la
^^^Onde, plonge d'une dizaine de mètres dans une chaudière bouillonnante
^^-•^ l'eau s'échappe par une étroite fissure. D'autres saltos succèdent à
^^ ^s^lto Grande et la navigation ne peut commencer qu'en aval de la
^^^^^re Tibagy. Dès maintenant on pourrait utiliser cette voie navigable
F^-*r communiquer entre les États du littoral et le Matlo Grosso. Les em-
*^^^^lions descendent le Paranapanema jusqu'à sa jonction avec le Paranâ,
à >2^8 mètres d'altitude, puis se laissent porter par le courant du fleuve
j^^u'à la bouche de Tlvinheima, qu'elles remontent jusqu'au voisinage de
353 KOVVELIE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Mirdndn, sur le versant du Fai-aguay. L'ensemble de cette navigalioiM. s
développe sur une longueur de 707 kilomètres.
L'Ivahy, le Piquiry, coulant parallèlement au Paranapanema, rejoigiM.«i
en aval le courant majeur qui, par ses berges rocheuses, ses cluses, s
rapides, appartient encore au plateau. Mais une porte s'ouvre dans ]
montagnes, jtar laquelle il va descendre dans la plaine. La serra de If
cajii (Mbaracayû), sen-ant de limite entre le Brésil et le Paraguay,
jette SCS chaînons avancés dans la dircctitm de l'ouest à l'est et ré
le lit, qui h l'amont s'élale en un lac large de plusieurs kïlom
entourant une grande île de ses deux hras. Airivé au bord du roch
forme barrage, le Paranâ s'abat sur une paroi très rapide, mais no
licale, en plusieurs chutes de 15 à IS mètres de hauteur, di
toutes par le cadre de rochei's et de véf;ét!ilinn, aussi bien que
i
PARANA et IGUAZO. 555
nnasse et Tépaisseur d'eau. Le nom populaire de ces chutes est Sete
G^^^^^dat (en espagnol Siete Caidaa), mais il ne faut voir dans cette appel-
lation de « Sept Chutes » aucune énumération précise, car dans les
liasses eaux le fleuve se partage en de nombreux courants partiels, quel-
cjuefois plus d'une vingtaine, tandis que lors des grandes crues la puis-
sante masse liquide, recouvrant toutes les saillies de la roche, plonge
^n une seule nappe entre les deux rives. Les troncs d'arbres flottés,
€]ue l'on aperçoit à diverses hauteurs dans les anfractuosités des berges,
indiquent de saison en saison les niveaux successifs de la chute. Des
groupes d'araucarias, s'élevant au-dessus de la cascade, dans l'île et ses
flots, se montrent ça et là sur le demi-cercle que forme l'ensemble des
c^aux plongeantes. En 1631, lorsque les jésuites du haut Parana furent
oUigés d'évacuer leurs missions de la Guayra, ils perdirent dans ces
p^^rages, en amont et en aval des chutes, [plus de trois cents de leurs
Tnbarcations. Depuis cette époque on donne aussi aux Sete Quedas le
om de chutes de la Guayra.
Au-dessous des Sept Chutes le fleuve glisse encore en rapides, qui
■r^^ndent le canotage très difficile à la remonte, puis il se calme peu à
u. Dans cette partie de son cours il reçoit son dernier grand tributaire,
it autrefois le rio Grande de Curitiba, mais plus connu sous le nom
arani d'Iguazû (Y-guassû). Parallèle au Paranapanema, au Tieté et
utres forts affluents brésiliens du Parana, l'Iguazû est également coupé
^e cascades aux gradins correspondants et finit son cours au saut de Vic-
toria, ofirant comme les Sept Chutes un vaste hémicycle de cascades avec
leur décor de rochers et d'araucarias : la plus haute colonne d'eau a
60 mètres d'élévation. Les navigateurs qui remontent ou descendent le
Parana, à 8 kilomètres de distance, entendent le grondement continuel
de la cascade. C'est là que le gouvernement du Brésil a installé sa colonie
militaire et son arsenal pour commander la navigation de tout le cours
inférieur du Parana jusque dans les eaux argentines. Dès l'année 1542, le
fameux conquistador Alvar Nunez « Tête de Vache » avait suivi cette route
dans son voyage aventureux du Brésil au Paraguay*.
En aval de l'Iguazû, le Parana, désormais sans cascades ni dangereux
rapides, passe en d'étroites cluses : tel le défilé d'Ilanguaymi, où le cou-
rant, ample en certains endroits de quatre et cinq mille mètres, se
rétrécit- à moins de 140 mètres*. Plus bas, le fleuve s'élargit définitive-
' Theodoro Sampaio, ConsideraçÔes geographicas e economicas sobre o rio Paranapanema.
• Domingo Patifto, Bulletin de la Société de Géographie , août i8G8.
m !TOUTELLI GËOGRAPHIE UKtVERSELLE.
ment et, cessant de coaler pnrnllèiomeiii au liiioml océaoiquc du Bivait,
comme s'il devait emprunter le cours iiirc-rîour de l'Uruguay, se rejcUe
Ters l'ouest et déroale son Ilot jaunâtre autour d'îles basses, entre des
b«^ marécageuses. A l'endroit où il nuicontrc lu {leuvr axial du Itassin,
le Par^iuay. il roule une cjuaulité d'eau souvent dix fois supérieure b
celle de son rival.
oral
I
' IjC climat de SSo Paulo, du Purand, de Sauta Cnlharina, reliions h Hltorm^'
océanique étroit et à vastes jiiateaux accidentés s'inclinanl doucement vers
l'intérieur, ressemble d'une uianièce gL-nénilc ù celui des Minas, avec cette
différence essentielle, que ces contrées, se développant partiellement au
sud en dehors de la zone tropicale, présentent un contraste saisonnier plus
tranché, suivant la position du soleil au zénith. Les hivers de Sào Paulo, et
surtout ceux des deux Ëlats situés plus au sud, sont de véritables hivci-s,
caractérisés par un abaissement notable de température, par d'âpres
vents froids d'origine polain\ par la chute du thermomcti-e au-dessous du
point de glace, et quelquefois même par des neiges. Mais le priocipal con-
traste n'est pas celui du nord au sud : l'opposition tranchée se montre de
l'est k l'ouest, suivant les altitudes. La zone du littoral, au pied des inimls,
appartient encore en partie à la région torride, et se continue vers le sud
par des contrées subtropicales qui rappellent l'Italie auKsi bien par le
climat que par les découpures et les hauteurs verdoyantes des côtes. Une
autre zone parallèle, celle de la « Serra » ou de la montagne, diffère de la
zone des rivages par sa température plus basse, mais elle se trouve encora
sous l'influence directe de la mer, qui lui envoie ses brises et ses averses :
presque journellement pendant l'été, on ressent à Sào Paulo un vent du
sud-est, causé par l'appel du plateau sur l'air plus chaud du littoral.
La zone de l'intérieur ou des campos, beaucoup plus lai^, présente les
conditions normales du climat continental avec ses extrêmes de tempéra-
ture : dans l'année, les écarts, très considérables, comportent de 50 k
40 degrés. A l'ouest des ondulations qui continuent la serra Mantiqueira,
les chaleurs de l'été, les froidures de l'hiver sont plus fortes que dans
les deux zones orientales; les brumes, très communes sur les hauteurs
qui dominent la région côtière, deviennent rares dans ces contrées occi-
dentales, si ce n'est au-dessus des marécages et des rivières.
Sur les campos, que conquiert graduellement l'agriculture, les gelées
sont fort redoutables : on voit souvent les champs couverts de givre, et à
ces froidures de la nuit succMent des chaleurs diurnes qui atteignent ou
CLIMAT DES ÉTATS PARAMENS. 357
dépassent 30 degrés. Des observations faites en 1886, à Itapeti-
nÂtrm ^^y dans le haut bassin du Pai^anapanema, ont constaté 14 apparitions
M ^x gelée pendant les mois d'hiver, de mai en septembre. Les gelées se
luisent surtout après les pluies abondantes, lorsque le ciel, très clair,
ite le rayonnement; mais on a constaté qu'elles sont peu à craindre
les parties les plus élevées du plateau. Dans les creux où repose une
^sphère tranquille, les planteurs de cafiers sont exposés à perdre leurs
Ites par la gelée, tandis qu'à trois et quatre cents mètres plus haut,
les hautes croupes de Batataes et de Franca, situées à un millier de
en altitude, leurs cultures sont épargnées*.
influence du relief et de l'exposition du sol sur la chute des pluies
est Ii^ien clairement démontrée par les mesures udométriques faites dans la
P^^c:^ "grince de S3o Paulo. Tandis qu'à Santos la quantité d'eau recueillie,
d«^ ;j:3resque 3 mètres en 1867, dépassait 4 mètres sur la crête des mon-
^^Ç'BT^es voisines, elle n'atteignait pas même 1 mètre à Sao Paulo, sur
*^ "^r^rsant opposé. Toutefois, dans les années ordinaires, le contraste
®^^ _S)eaucoup moins marqué. La saillie d'abri n'est pas assez haute pour
^^^^^ S3o Paulo soit ordinairement privé de pluies. Loin de là, on y
pte dans Tannée de 150 à 190 jours pluvieux, auxquels il faut ajouter
0 à 127 jours de brumes*. Quant à la direction moyenne des vents,
reste sensiblement la même : la nuit et le malin, le vent dominant
"^ ^ celui du sud-est, la brise de mer, et le soir celui du nord-ouest, la
* '^ c de terre. Ainsi Sao Paulo, quoique sur le plateau, jouit d'un climat
i-maritime : à quelques kilomètres au delà, les conditions ont déjà
*igé'. La ligne d'égale déclinaison magnétique passe dans l'État de Sao
lo, en se portant graduellement vers Touest; en 1885, elle atteignait le
rai au-dessus d'Iguapé, à une petite distance à l'ouest de Santos.
uand on parcourt les campos pendant les mois d'hiver, juin, juillet,
•, les squelettes d'arbres, les herbes sèches ou non fleuries donnent
triste aspect aux cam[)agnes; mais dès les premières pluies la nature
ransforme, et comme par enchantement apparaissent les pointes vertes
)lanles nouvelles, même des corolles éclatantes. Suivant les saisons
-■"heodoro Sampaio, ouvrage cité.
-Alberto Loefgrcn, Dados climalologicos do anno de 1890.
^Gonditions météorologiques de quelques villes des Klots paraniens :
Tcinpérnlurfi Jours
Lititiuio. Altitude. iiutyciiiic. Pluie. ))Iuvi(>ux.
Sâo Paulo (5 années) 25« Ô.V 740 niêl. 18<\?i (ril^; — 0«,7) 1"',r)8 1.V2
Campinas 2t>« 58' OlU) » m8 («mM ; — 2«,5) i"*,-!:) 171
lUipetininga . . . . 25» 5.V Oi7 » I8« (5t><»,5; — l«,0o) l'",370 ?
Bluinenau (7 années) t>G« 5:/ 50 » 21",0 l'-.lOS 115
d
ell
358 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
s'épanouissent des fleurs diflerentes, et prédominent d'autres coulei:»rs,
le bleu, le jaune ou le rouge*. Loefgren évalue à deux mille le notn^^
des végétaux qui croissent dans les campos de Sâo Paulo. Comme slvM^^^
forestier, ïaraticaria paranensis commence à se montrer sur les h^ "*
teurs qui séparent le bassin du Parahyba et celui du Tieté. Il se préseï^ '^
d'abord en arbre d'avant-garde, et prospère grâce à quelque circonslanl^*
favorable, l'excellence du sol ou celle de l'exposition; il devient de plil^
en plus commun avec la prédominance du climat tempéré, et déjà dans le
Sao Paulo méridional, sur les plateaux onduleux, il caractérise le paysage :
de toutes parts on aperçoit les magnifiques candélabres se dressant au-
dessus de la ligne uniforme des forèls.
Dans les États paraniens s'entremêlent les deux grandes aires de rAmé-
rique du Sud, la selve tropicale et le campo platéen. La forêt touffue des
arbres se prolonge sur tout le littoral et sur la pente maritime des monts;
elle déborde par delà les hauteurs côtières et se continue dans les vallées,
sur les bords des cours d'eau qui descendent au Paranâ; elle forme
même des îles de verdure, ppposant aux colons une barrière difficile à
franchir. Cependant on l'attaque par la hache et par le feu, car les meil-
leurs terrains sont ceux que recouvre la forêt la plus haute et la plus
épaisse, et les planteurs ont hàle de remplacer par des cafiers ces essences
forestières, qui auraient une valeur si grande en tout autre pays. En
maints endroits pourtant, on s'est trop pressé d'abattre la forêt : les
terrains mal défrichés ont été abandonnés après une culture nidimen-
taire, et une nouvelle forêt, composée d'autres espèces, croît à la place de
la selve primitive : la capoeirUy moins belle, moins pittoresque que la
forêt vierge, mais plus difficile à parcourir. Ces fourrés, obstrués de
ronces, sont impénétrables à tous autres qu'au tapir et au chasseur qui
le poursuit.
L'aire des forêts se ramifie du littoral vers l'intérieur; c'est au contraire
de l'intérieur vers la côte que s'avancent en zones parallèles les régions
herbeuses des campos, peu différentes par l'aspect et la végétation des
pampas argentines. Les campos paraniens sont pour la plupart parsemés
d'arbres peu élevés et perdant leurs feuilles pendant la saison sèche. De
vastes étendues sont complètement privées de végétation arborescente,
soit parce que l'herbe épaisse n'a pas laissé pointer les tiges ligneuses,
soit parce que les incendies périodiques les ont brûlées. Mais les plantes
basses offrent une grande variété d'espèces, ressemblant par leur aspect
* Alberto Loefgren, ContribuiçÔes para a botanica paulista.
CLIMAT, POPULATION DES ÉTATS PARANIENS. 359
général à celle de la pampa platéenne, et même à la flore des punas
andines * .
La faune présente des contrastes analogues à ceux de la flore. Dans le
Sao Paulo et le Paranà on voit encore des singes, des coatis, des sarigues,
des capivaras, des paresseux, des fourmiliers, des tapirs; les rivières ont
aussi leurs tortues et leurs crocodiles; les oiseaux-mouches, les papillons
brillants se jouent au milieu des fleurs. Le nandû, Tautruche platéenne,
qui a disparu du Brésil septentrional, se retrouve en bandes assez nom-
breuses dans les campos paraniens; mais combien longtemps échappei^-
t-il à la dent du chien et au fusil du chasseur? Bientôt sans doute Tau-
truche américaine ne sera plus qu'un oiseau mythique comme tant d'autres
espèces actuellement disparues. Elle s'associera aux animaux monstrueux
créés par l'imagination populaire. C'est ainsi que, d'après le témoignage
unanime des indigènes, il existerait dans la région de faite qui sépare les
sources du Paranà et de l'Uruguay un c< ver » de dimensions énormes, un
serpenf sans doute, qui, se glissant dans la terre marécageuse, serait assez
fort pour déraciner les arbres'. La légende dénote un reste de ce culte
des serpents que l'on retrouve à l'origine de toutes les sociétés.
Le littoral des États du Sud est très riche en débris préhistoriques d'ori-
gine indienne : on y a trouvé par centaines des monticules de coquillages
analogues à ceux du littoral européen et renfermant aussi des pierres
travaillées et autres produits de l'industrie primitive. Ces amas, que les
pécheurs d'aujourd'hui s'imaginent provenir du déluge, sont connus par
les Brésiliens sous un nom guarani qui signifie « huîtrières », — tam"
baquij — transformé d'ordinaire en sambaqui. Ces buttes artificielles
se composent en eflet pour la plupart de coquilles, surtout de barbigôes
{tellina anlediluviana). Les squelettes qu'on y a découverts, et qui
d'ailleurs appartiennent à des types très difierents, ont été trouvés assis,
et près d'eux sont déposés les objets qui avaient ser\'i à l'homme vivant,
armes, vases, ornements et outils. La matière varie : presque tous les
instruments de pierre sont en basalte, mais il en est aussi de porphyre,
de quartz, de fer météorique. Les sambaqui datent certainement d'une
époque reculée, car plusieurs disparaissent sous les débris apportés par
d'anciens courants, et les grands arbres de la foret vierge y ont inséré
* Alberto Loefgren, mémoire cité.
« Fritz MiiUer, Nature, 21 feb. 1878.
r
560 NOUVELLE GtOGRAPHlE UNIVERSELLE.
leurs racines. La [somme de travail que représentent ces amas est Yraimen
prodigieuse, puisqu'on en trouve ayant 100 mètres de large et 15
de haut; les ouvriers des fours à chaux mettent des années à les déblayer
On juge de l'énorme accuinulation en pensant que depuis deux ou troi
siècles des cités comme Rio de Janeiro, Angra dos Reis, Santos, Para— >.
naguà, et même des villes situées jusqu'à vingt lieues dans rinlérieur
s'alimentent de chaux à ces sambaqui et qu'il en reste pourtant
nombre encore assez considérable. Sur les plateaux s'élèvent aussi d
nombreux monticules funéraires, connus dans le pays sous le nom
approprié de sepulturas velhas (vieilles sépultures) ; la terre dont ils se
formés diffère toujours du sol primitif. D'autres sont bâtis en pierres,
dans ce cas les matériaux ont été extraits d'une caverne éloignée.
La forme de la plupart des crânes trouvés dans les anciens tombeaux
les objets qu'on y a recueillis permettent de croire que les aborigènes p:
historiques appartenaient à la môme race que les Tupi et Guarani con
porains; cependant le naturaliste Lœfgren a recueilli dans un tambaq^v
situé à 9 kilomètres à l'ouest de S3o Vicente un crâne analogue à ce
qu'étudia Lund dans les grottes de la Lagôa Santa. Lorsque les premie^^^^:3
Européens arrivèrent dans le pays, la nation dominante, celle des
moyos, était fort puissante et prit l'initiative d'une alliance avec tou
les tribus du littoral pour résister aux Portugais. Ceux-ci auraient
probablement exterminés si les missionnaires jésuites Nobrega et Anchi
ne s'étaient dévoués pour aller demander la paix aux guerriers indiens
géant en conseil dans un village de la côte, près de la ville actuelle d'
tuba. liCs autres indigènes de la région du littoral, Goyanazes, Itatic^
Pituruna, Guanhanari, Carijos, se sont fondus avec le reste de la popuB
tion, qui maintenant se mélange très rapidement îivec les éléments T
plus divers. Les Italiens arrivent en foule dans le Sao Paulo, et en mainA<s-
dislricts de la campagne constituent déjà le principal élément ethnique. —
Avec eux viennent des représentants de toules les nations d'Europe, y
compris les Tsiganes, les Juifs orientaux et les Maronites de Syrie. Les
émigranls de Minas Geraes se portent par bandes vers les régions des
caféteries du Sao Paulo. Dans l'ensemble, le type pauliste passe pour être
le plus beau du Brésil. Un proverbe dit qu'il faut admirer : à Bahia, elles
nào ellas; à Pernambouc, ellas nào elles; à Sao Paulo, clla$ e elles*.
Divisés en tribus fuyardes, les indigènes des États paraniens n'ont
plus aucune solidarité dans leurs luttes contre les blancs et succombent
* Spix und Martins, ouvrage ciU'.
POPULATION DES ÉTATS PARANIENS. 361
/«^ol^menl. Ceux que les jésuites avaient groupés dans la mission de la
GmjM^^Ê.^v?L pour les catéchiser et en faire des serviteurs soumis, disparurent
/t^^^ jjremiers. En vain leurs pasteurs essayèrent de les défendre contre les
et^^m^seurs d'hommes. Ceux-ci, s'attaquant à des tribus paisibles qui avaient
p^M^^iiu toute initiative et qui étaient plus habituées à chanter des hymnes
eL ^m. réciter des prières qu'à repousser les attaques de l'ennemi, reve-
nsmm^^nt presque toujours dans les marchés de l'est, chargés de butin et
trsm S: snant des centaines ou des milliers de captifs : les premières incursions
ei:«.m:^^3nt lieu en 1628 et en dix années des paroisses entières furent suppri-
ïïM^^^^s d'un coup. Les jésuites durent s'enfuir et, en 1641, le père Montoya
e^î^-siî^ ya de transporter tout ce qui restait de sa nation de catéchumènes sur
l^^ rives du bas Parana, dans le territoire dit actuellement des « Mis-
si^i^*::iLS ». Le terrible exode coûta la vie à plus de la moitié de ses fidèles :
^t^^^^^s les massacres, les fatigues et les noyades ils n'étaient plus que
^^^'•^M 26 millet Depuis quelques années un certain mouvement de reflux se
P^^<^^uit dans les populations indigènes. Refoulés par la marée montante
"-^ Ï3 colonisation argentine, des Indiens Guarani venus du Sud ont repris
*^ ^lihemin du haut Parana : quelques familles, immigrées du Paraguay,
^■^'^^^Bt dans les forets occidentales de l'État de Sao Paulo et rendent de
^Kids services pour le canotage et le transport de denrées sur la rivière;
îs elles ne se groupent pas en villages sous la direction des blancs
tiennent également à l'écart des autres indigènes.
ï— ^s sauvages restés dans ces régions des forêts et des campos sont géné-
ment désignés par les Brésiliens sous l'appellation collective de Bugres
'^^^xigres), dont les premiers visiteurs français du littoral avaient flétri les
^^^^iigènes. Ils appartiennent à trois familles distinctes, les Chavantes,
^^ Cayùa ou Cayova et les Coroados. On ignore si les Chavantes sont les
^"^^K:*es de race de leurs homonymes qui vivent sur les bords de l'Araguaya
^*- ^iuTocantins : leurs voisins Coroados les appellent aussi Curuton, c'est-
ire les « Sans Robes », les « Nus »*. Fort laids, presque noirs, ils
ïient une existence des plus misérables, n'ayant ni cabanes ni lentes :
^^^ ^ contentent d'ajoupas formés de palmes a la pointe aiguë qu'ils
^^^'■^oduisent dans le sol et dont ils lient les extrémités; le tout s'appuie
oi>liquement sur une branche d'arbre et peut donner abri à deux per-
soï^nes. Les Chavantes du Sao Paulo ne cultivent point la terre et se nour-
n^î^nl de plantes, de racines, de lézards et de rats; pendant la saison
Simio de Vasconccllos, Chronica da Companhia de Jésus no Estado do Brasil; — Muratori,
f^Taguai; — Alfredo Lomonaco, Al Brasile.
' R. Ewerton Quadras. Instiluto Hisiorico, tome LV, 1892.
xa. 46
362 NOUVELLE GËOGRAPUIE UNIVERSELLE.
sèche ils brûlent les savanes et tuent avec des branches les besliole^ï^'
qui cherchent à fuir Tincendie; ils passent parfois des journées entières -^
creuser le sol pour y chercher le miel d'une petite abeille, et à cet effi
ils emploient des morceaux de fer qu'ils ont volés aux colons.
Les Cayûa, qui vivent au nombre d'environ irois mille dans le bassii
du Paranapanema, sur les deux territoires de Sao Paulo et de Parana
sont très certainement d'origine tupi : leur dialecte abanheenga diffère
très peu de la liiigua gérai. Plusieurs familles de cette tribu se sont as
ciées aux blancs et participent à leurs travaux, mais on dit les Cayù;'
très ombrageux, et les colons ont à se tenir sur la réserve pour ne pa
les offenser. Ces Indiens restés libres sont d'admirables bateliers, d
nageurs intrépides, et franchissent les cataractes avec une incomparabi
adresse. Ils tissent avec soin la fibre d'ortie et en fabriquent des couver-
tures très appréciées. Enfin ils sont habiles potiers et cultivent le mskh
entre autres une variété inconnue des blancs. Leur système de numératio
est septennal*. Beaux hommes pour la plupart, ils ont un teint pi
clair que les autres Indiens; encore de nos jours, un article d'orneme
nécessaire à tout Cayùa qui se respecte est le tembetdj appelé ausi
cherimbitdy bâton d'une espèce de résine que Ton introduit dans la lèv re
inférieure, et qui de loin ressemble h une longue épine. On sait que d ^^^^Hes
objets du même genre, mais en quartz transparent ou autres pierres dnn- — -^^
ornent encore ou jadis ornèrent les lèvres indiennes en divers endroits ^^^^^^^du
Brésil, et l'on peut supposer que l'usage de se percer ainsi la lèvre et- -ail
beaucoup plus général, et peut-être universel, parmi les tribus de l'ii
mense domaine qui s'étend des bords de l'Amazone à ceux du Paran:
Les Cayûa pratiquent la couvade.
Le nom de Coroados ou « Couronnés w que l'on donne à la troisiè:
peuplade indigène du Sâo Paulo s'applique à des Indiens d'une ori(
dilTérente de celle d'autres Coroados, notamment ceux qui vivaient d^
l'État de Santa Catharina et qui ont laissé des appellations tupi à tous
cours d'eau de la contrée'. Ce terme de Coroados indique seulement
chez les Indiens ainsi désignés les cheveux sont disposés en forme de c-
ronne autour d'une tonsure. Les « Couronnés » du Paranapanema s
des hommes trapus et vigoureux, à larges épaules, à grosse tête, avec
puissiintes mâchoires et de petits yeux. Tandis que les Tupi ont souV'
• R. Ewerton Quadras, ouvi-age cité.
* Theodoro Sainjmio, Consideraçoes geographicas e economicas sobre o valle do rio
ncma; — Keller Louzinger, ouvrage cité.
' De Capancina, Jornal do Commercio. fevereiro 1893.
POPULATION DES ÉTATS PARANIENS. 363
un profil d*aigle qui rappelle les traits des Peaux-Rouges de rAmérique
septentrionale, les Coroados de Sao Paulo présentent un type analogue à
ceJuî des Asiatiques mongols. Ni Cayûa ni Chavantes ne comprennent la
langue des Coroados. Ceux-ci posséderaient ou auraient possédé, dit-on,
un genre de figuration symbolique, dont l'interprétation n'est pas encore
connue des blancs et qui se perdra peut-être avant que les signes en
aient élé déchifirés. En parcourant les forêts limitées en forme de quadrila-
tère par les rivières Paranapanema, Parana, Ivahy et Tibagy, on rencontre
souvent, dans le voisinage de huttes abandonnées, des cordages de lianes
tendus intentionnellement et décorés de bizarres appendices, morceaux
de l>ois, plumes, ossements, griffes d'oiseaux, mâchoires de singes et de
poros sauvages. Ces divers objets composent évidemment par leur juxtapo-
sition tout un récit ou un message à l'adresse de tribus alliées. Parfois les
Coroaiclos se servent de cette écriture mystérieuse pour menacer les blancs :
des s^rmes plantées dans le sol, des ailes d'aras, pareilles à celles dont
'Is empennent les flèches, sont des sjinboles sur le sens desquels on ne
P^^it, se méprendre.
voies ferrées ont changé les attractions. Grâce à elles^ les popula-
*'*^*^s^ du haut Sâo Francisco et leurs cités principales, Ouro Preto, Sabard,
"t^a:rmguy, gravitent vers Rio de Janeiro, malgré la pente naturelle du sol
^T*^*^ ^n ferait les satellites de Bahia. A plus forte raison les villes mineiras
sitva.^^g au sud-est, dans le bassin du Parahyba, et celles du sud-ouest, par-
^^^ ^^Ties par les hauts affluents du Paran.i, se trouvent dans la dépendance
^^^^ ^•^^ omique de Rio et de Sao Paulo. Plusieurs ont déjà pris de Timpor-
^•^c comme centres secondaires et dépassent par leur commerce et leur
bîté industrielle la cité d'Ouro Preto, qui garde encore (1893) le rôle
^^pitale, mais qui reste à l'écart des grandes voies, dans une étroite
^^^«e tributaire du Rio Dôce.
^ur le versant du Parahyba, l'agglomération urbaine qui a le plus rapi-
^^rueni progressé porte le nom bizarre de Juiz de Fora ou « Juge du
^^liors », en mémoire d'un fonctionnaire qui y résidait. La ville est située
^ 700 mètres d'altitude environ sur la rive droite du Parahybuna, encore
^^mple ruisseau, dans un cirque naguère marécageux qu'entourent des
^llines à pente douce. Quelques maisonnettes à peine se groupaient au
Wd de la rivière, lorsque la construction de la route carrossable Uniao
et Industria rattacha Juiz de Fora h Petropolis et l'engloba dans le cercle
d'attraction de Rio de Janeiro. Une colonie de paysans allemands vint
36i NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
s'établir dans le voisinage el noua des relations de commerce avec les
cités naissantes de la vallée de Parahyba; puis le chemin de fer centraM. en
fit un de ses enlropôts. Maintenant Juiz de Fora, principale slation du
versant parahybien en amont de Campes, est le centre agricole le f.> -^"*
actif de l'Etat de Minas et devient même une cité industrielle pour*
fabrication de la bière, c^^^^*^-
■• M. — «B M ïfaA. dç tissus el le travail du boi. -^%
Ses rues grandissantes, au- ^^^^'
maisons basses, ont déjà ié^^ ^V
passé les bords de la plaine el^ ' ^
montent à l'assaut des collines ^
environnantes, iuiz de Fora a *^
pris rang parmi les cités am- — *"*^
bilieuses qui briguent l'héri- — *"^
tagcd'OuroPretocommefuturc s»"^* ^
capitale de l'Ëlat de Minas.
D'autres villes de la contrée c»^^"
s'accroissent aussi en popula- — ^^-^
lion cl en industrie : Para- — M^ — -
bybuoa, aux petites maisons ^ .cr^ ■
blanches el roses s'alignant auMLW.^^'
bord du fleuve du même nom,«. xr^rx
h la base du superbe rocbera ^e^ ^'
rayé de lichens blancs et noir^^^ ^'
qu'on appelle la Forlaleza? M^r~^
Mar de Ilcspanba, qui s'élève» "^ ^^
sur «ne terrasse couverte dt»-B— ** ^
cîiféteiies au nord du Parahyba : -*^* *'^
Loopoldina, qui a donné sor"* *r»-o
l - !. 1^,1 nom à tout un réseau de voies "^"^^^ *'*^
ferrées ayant pour [winl dc^ t»o
dépari Niclliciov. sur la l)air do llio de Janeiro, cl se ramifiant en bran ' *^,''"
c\u'> nomlucuM'r* dans rLsjiiiito Siinlo cl le Minas. L'bâ, ainsi nomméc:^^^^*''''*
d'une siirlo de firamiiiét! foit commune appelée aussi canna brava, s'élève? '^^ ^
au milieu des cafétcries sur les [iciiles méridionales de la serra de Sào *^
Cii'raldo, (jin' traverse un (licniiii de Ici' par des rampes sinueuses et ur»
s,.,Ml J,. 7.-,-> m.M,v.. ,
Sur le versant paianien de Mina>. Iicraes, llarlmecna occupe un rang /
analof^ue à celui de .lui/, de Kéra sur U' vcrsuil du Parahyba. Situé-e à la I
J1IIZ DE FORA, BARBACENA. 365
forte altitude moyenne de 1120 mètres, non loin du faite de partage
<]uî constitue le nœud majeur du Brésil, elle commande l'aigueverse de
quatre grands fleuves, le Parahjba do Sul, le Rio Dôce, le Sâo Francisco et
le Parand : on peut donc la considérer comme la cité centrale du Brésil,
comme le point autour du-
quel s'équilibre la population
de l'immense territoire. Aussi
Barbacena prétend-elle com-
me Juiz de Fàra au titre de
capitale et même a-t-elle déjà
désigné un de sesédiGces pour
servir de palais au futur con-
grès. Du reste, elle présente
un fort bel aspect, déployée
en demi-cercle sur ta croupe
d'une longue colline couverte
de bananiers et d'orangers,
qui prospèrent malgré l'alti-
tude. Sa principale industrie
est la céramique. Plusieurs
vallées des environs sont fré-
quentées par les Fluminenses
comme sanatoîres pendant la
saison chaude.
Le rio das Mortes, qui rap-
pelle les batailles sanglantes
livrées autrefois par les Pau-
lisles aux mineurs des autres
provinces, naît sur les hau-
teurs voisines de Barbacena
et coule à l'ouest, dans une
Vallée oîi se succèdent les
deux villes de Tiradcntes — . — <
l'ancienne Sào José del Rey
- — et Sào Joào del Rey. Les cilés jumelles, élevées par les Pauiistes dans
la deuxième moitié du dix-septième siècle, n'oni plus d'importance comme
centres miniers, quoique la poussière même des routes y soit aurifère,
mais sont devenues des marchés agricoles, et des colons étrangers, alle-
mands, belges, italiens, s'y livrent à la culture des céréales cl du labac,
«3 i&'< Q>.f5' df C tenwch
Mt HOUTSUI CfiOGKAPBlI îiNIVERSELLE.
k l'élèro du bélail, à la préparation des frninngos. La vigne y prospère,
moins poartant que dans le monicipe indiisiricux de l)atii|mnlia, siiué
au 8ad-«aesl, dans nne autre^ vallée tnlmiiiire du rîo r>i-aude.'Sào Juâo
del Rey est aussi l'une des villes de Himts ([ui pmiendctil au litre de
« cité fédérale » : la commission d'études uoninitt; poui- la icchercbc
de l'endroit le plus farorable h l'établissenu-nt de la cilé future a replis
w m. — la noa m. mt n tauu m uapo.
4G'«" Ouest de Fa 3
A6'i*-
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' '^nK3^^*^^i~^
îi;
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1
44"2;' Uucil, it Erctim.ch
l'idée di) marquis de Pombal, qui voulait faire de S3o Paulo la capi-
tale du Brésil'; elle a recommandé en premier lieu Varzea do Marçal,
une belle vallée à pentes douces qui s'étend h l'est de S3o Joào, de
l'autre côlé du rio das Morles. Quoique resserrée dans une gorge, entre
deux escarpements qui empêehenl une bonne ventilation, et à côté
d'un profond puisard où s'amatisaienl autrefois les eaux des mines envi-
ronnanles, Sào JoDo est une ville saine; son prolongement oriental, Varzea
' B. Walsh, Sotices ofBrasil.
SAO JÔAO DEL REY, CAXAHBÛ. 367
thrçal, sur des terrasses bien aérées, arrosées d'une eau crislal-
, faciles à drainer par un système d'égouts, serait encore bien plus
risé par le climat et s'agrandirait facilement dans la direction de
dentés'.
itte région méridionale de Minas Geraes, s'avançant en pointe entre
<lUts de Rio de Janeiro et de Sào Paulo, est ta plus riche du Brésil en
; diennales, et les malades de Rio y trouvent sans peine, sous un
lat salubre, des sources analo);ues à celles que chaque année des
jtincs d'entre eux vont chercher en Europe. Les collines qui s'élèvent
sud de Campanha porleni le nom de serra das Aguas Virtuosai ou
•rre des Eaux Efficaces » cl l'ôgiise qu'on y u bâtie est consacrée
>tre-Dame da Saiide ou de la « Santé ». Les eaux de Lambary, qui
issent dans le voisinajro. près du rio de même nom, attirent déjà les
ngers, moins loulefois que celles de Caxambû, autre ville thermale,
ée à 6 kilomètres au sud-ouest de Baependy, au pied d'une montagne
ié de Carvalho Almeida. Relalorio da Commiuào d'Etludo.
m HODTBLLB StOeUPaU rMVEItSELLE.
«1 fonne de coupole. Gaxambû est par.exeollcnro In \illo d'eaux du Orésil :
ses six principales sources, gueuses et «l
son, sont assimilera à celles de Gontrrai'
minérale coulent dans une vallée voisina, u
300 kilomètres à l'ouest, dans une région lié
se déversent au rio Grande par le Sapucahy, Ctildi
l'ancienne ùaio Fino, occupe le centre d'miu autre
de Caldas groupe ses villas et ses élablis^emenls au boi-d d'un ruisseau
qu'alimentent quatre 'sources sulfureuse»^. Celle région de Minas enta*
déjà dans la zone d'attraction de S8o Padlo : on s'y rend par les siatinn;
de Gampinas et de Hogy Uirim, sur l'une des voies ferrées qui appartien
nent au réseau de cet Ëtat.
Toute la partie ocddentale de Minas Griaes (pii
entre les deux branches maltresses du Pai-ami. le
Grande, a reçu la désignation de Trianguttj Mineîrn ou '< Triangle Minier >-
C'est aussi une contrée gét^raphiqnement dl^ti^cle du ivsi£ de l'Ëtat. e
m^e pour leurs relations officielles avec Ouro Preto, les hiiliilunts du pays
sont obligés de faire un grand détour pai'
de Fora, Barbacena. Le chef-lieu naturel
alincs, (|u'oii ulillse en bui^
itic. D'aulres ruisseaiis d'eau
à Cnntendas. Enfin, ïi près de
montagneuse dont les cauJt
les << Chaudes »,
:ion thermale. Poços
s'avance en péninsule
'- Paranahyliii et le rio
s stations de Sào l'aulo, Juiz
ce district, l'heraha, situé
dans tes campos au nord du rio Grande, [)rès de terrains mouillés ei
inporlanle du « Grand-Ouest "
aient été élevées en 1807, au
insalubres, est actuellement la cité la plus ii
brésilien, quoique ses premières maisons :
milieu des Indiens Cayapos. Elle expédie au (loyaz ol au Matto Grosso les
marchandises que lui apporte le chemin de fer, et en échange envoie du
bétail et quelques denrées agricoles aux ports du littoral. Dans cette ville
se préparèrent, en 1865, l'invasion du Paraguay et, en 1893, l'explora-
tion scientifique des plateaux de Goyaz pour la détermination du municipc
neutre. A l'ouest d'Uberaba, le chemin de fer doit se continuer dans la
vallée du rio Grande par la ville prospère de Fructal jusqu'à la cascade
de Maribondo, oîi commence la navigation fluviale. Le Triangle Minier fut
autrefois l'un des plus riches du Brésil pour la production diamanti-
fère : près de Bagagem, dans tes cailloux d'un ruisseau qui descend au
Paranahyba, fut trouvé, en 1854, le plus gros diamant du Nouveau
Monde, le CruKciro do Sul ou « Étoile du Sud ».
Dans la vallée du Pai'ahyba, qu'emprunte la voie maîtresse de Rio de
Janeiro à Sào Paulo et oii viennent s'embrancher les autres lignes, se
succèdent des cités importantes : Caçapava, Taubaté, Pindamonhangâba,
Guaratinguetâ, Lorena, Cruzeiro. Au point de vue historique, Taubaté,
l'ancienne Itaboaté des Guayana, occupe le premier rang. Les indigènes
GAXAHBfi, CALDAS, UBATUBA. TACBATg.
369
gui peuplaient la contrée au seizième siècle, quand arrivèrent les pre-
aii^r-^ colons portugais, étaient en lutte avec les gens de Piratininga, la
coloK-a îe qui donoa naissance à SSo Paulo, et les rivalités d'Indiens à Indiens
se t.r-shnsmireDt à leurs descendants métissés. Des conflits eurent souvent
lieu. «ntre les mineurs de S3o Paulo et ceux de Taubaté, et au com-
m^r&<:=«ment du dix-huiliëme siècle, lors de la guerre des Emboabas, qui
exi^^aLnglanta les bords du rio das Mortes, les enfants des deux villes com-
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battaient dans les camps ennemis. Maintenant Taubaté est largement
distaimcée par S3o Paulo, bien qu'elle ail aussi beaucoup grandi et se
^'t- entourée d'usines et de plantations. Elle n'exploile plus ses gisements
"*''•■ mais possède des mines de bitume qui lui fournissent l'huile mine-
nt le gaz pour sa consommation. Prochainement, une voie ferrée,
î détache de la ligne mère, fera de Taubalé un entrepôt des cafés
raie
qui
l
do S3o Paulo oriental. Cet embranchement, qui passe à Parahybuna,
sir «« Parahyba naissant, traverse ensuite le chaînon côtier et descend
P*^ «3e fortes rampes au port d'Ubatûba. Sans importance aujourd'hui,
^'^•Kré sa profondeur et l'excellent abri que lui donne à l'est le promon-
570 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
loire de Ponla Grossa, cette indentation des côtes deviendra certainement
l'un des principaux havres du littoral, et une cité considérable surgira
sur ses bords, lorsqu'elle sera, grâce au chemin de fer de Taubaté, pro-
longée au nord vers Campinas, la rivale de Santos pour l'exportation des^f^^^s
cafés qui descendent des plateaux.
A l'ouest du haut bassin de la rivière Parahyba, le chemin de fer de Rie
de Janeiro à Sao Paulo franchit un seuil de partage h 800 mètres d'altitude
environ. La région mon tueuse, boisée naguère, se défriche maintenan
autour des nombreuses maisonnettes de colons italiens. Les terrains fer--^
tiles des pentes se peuplent rapidement, mais les grandes plaines jadi m
lacustres, où serpente à l'ouest le Tieté naissant, restent encore déserU
sur de vastes étendues : de colline à colline on voit serpenter comme u;
bras de mer le détroit des prairies herbeuses oii se montrent çà et là, sei
blables à des pointes de rochers, les nids bâtis par les termites. Aujoui
d'hui village sans importance, Mogy das Cruzes, chef-lieu de cette régie
de plaines, est destiné à devenir le point de croisement d'un chemin
fer qui allégera, comme celui de Taubaté, l'énorme trafic monopolis
actuellement par le chemin de Santos. De Mogy das Cruzes la voie nouvelle
remontera la vîillée du Tieté et franchira la serra do Mar pour redescendis^
à la ville de Sao Sebastiao, située sur un détroit, en face de l'île du méni<
nom. Ce port, parfaitement abrité, où l'on trouve de 20 à 30 mètres de-
fond à une demi-encablure de la plage, pourrait facilement recevoir toute
la flotte commerciale du Brésil, mais le manque de communications n'a
pas encore permis de l'utiliser. Les habitants ne font qu'un petit com-
merce de cabotage, pour approvisionner en légumes le marché de Santos.
Sao Paulo, la capitale de l'État le plus commerçant et le plus indus-
trieux de la République, annonce déjà par son aspect la prospérité de la
contrée. Vue de la gare, dite do Norte, quoique située directement à l'est,
la ville, que ses fils appellent Paulicéa en langage poétique, prolonge sur
une colline le profil imposant de ses maisons blanches dominées de tours
et de coupoles. Les premières constructions, fondées en 1560 par les
jésuites, après l'abandon de l'ancienne bourgade Santo André de Pirati-
ninga, près du vil'lage actuel de Santo Amaro, occupent encore le centre
de la cité, sur une haute berge au pied de laquelle serpente le Taman-
duatehy ou « ruisseau du Tamanoir ». Le noyau primitif de Sâo Paulo
recouvrit d'abord le promontoire triangulaire que limite à l'est le Taman-
dualehy, à l'ouest le Saracuro, puis il s'unit par des rampes rapides aux
quartiers extérieurs qui naquirent de tous les côtés. Dans une étendue
d'au moins 25 kilomètres carrés la ville présente un certain imprévu
^
HOGY DAS GRDZES, SlO PAULO. STl
S la disposition de ses quartiers, qui se sont formés distinctement et
se prolongent au loin dans les campagnes par des avenues divergentes
iées de villas et de fermes. La partie la plus régulière, aux rues d'égale
leur, se coupant en angles droits, se développe au nord-ouest vers des
aux à pente douce. Un pont-viaduc superbe, Jeté par-dessus le vallon
Saracuro avec ses olivettes et ses cultures maraîchères, unit ce nouveau
rtier à la cité primitive. A l'est un autre quartier, peuplé surtout
aliens, s'étend au loin dans la plaine basse et contraste par ses usines,
rues malpropres, ses égouts vaseux, avec les constructions élégantes
es villas des quartiers occidentaux. Il serait urgent de drainer le sol el
ménager de vastes espaces en parcs et en jardins; mais les construc-
is empiètent incessamment sur les terres marécageuses et pourries
nmondices, oii se rejoignent les ruisseaui pour aller se déverser
nord dans la rivière Tieté. Quoique située à 750 mètres d'altitude
fenne, sur le haut plateau que la serra do Mar sépare de l'Océan,
pioique alimentée d'eau pure en abondance, par l'aqueduc de la serra
37S NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Cantareira, S3o Paulo n'est pas complètement saine, et dans ces dernier
années, la fièvre jaune, partant du foyer de Sanlos, y a fait quelqu^^^^^s
apparitions. Un beau jardin public s'étend au nord de la ville, près i^E=^^ de
la gare « anglaise », et l'on travaille à la création d'un jardin botaniqigi^r— ^ue
à côté du musée d'histoire naturelle.
L'ancien collège des jésuites a été transformé en palais du gouvern*^
ment, et la maison qu'ils avaient bâtie pour Tebycira, le cacique d
Indiens soumis, a été remplacée par le couvent de Sâo Bento. Dans le v
sinage de ces deux édifices s'élèvent les principaux monuments, égli
hôtel des postes, banques, école de droit, « nid d'aigles » d'où sortent ^
nombre les futurs politiciens du Brésil; déjà comme étudiants, ils p
nent une part considérable aux événements. Malgré son importa
comme cité dirigeante, Sâo Paulo n'a pas d'écoles supérieures pour 1'
seignement des sciences, et son musée d'histoire naturelle est encore
voie de formation. Du moins donne-t-il asile à un groupe d'homir
d'élite qui étudient la contrée avec méthode et dont les mémoires cons
tuent déjà une précieuse bibliothèque. Grandissant d'une manière presc^
vertigineuse, puisque sa population a peut-être triplé dans les dix derniè^
années, Sâo Paulo n'a pas eu le temps de s'accommoder à ses destiae»
futures, et sa population n'a pu se fondre encore en une société urbair
ayant conscience de sa vie commune. Près de la moitié des habitants
Sâo Paulo sont des Italiens, qui se sentent encore étrangers dans ce miiie»
du Nouveau Monde.
L'industrie pauliste comprend déjà toutes les manufactures et les usines
qui produisent les objets de consommation et d'usage ordinaire. Quelque^^
colonies, Sâo Bernardo, SâoCaetano, Sant'Anna, dites nucleoSj « noyaux m,^
parce qu'elles servent de centres de groupement aux cultivateurs immi — '
grés, fournissent de légumes et de fruits les marchés de la ville, et dans^^
la zone montagneuse qui au nord domine la cité, les nombreux établis
menls de Cayeiras, peuplés de 4000 ouvriers, taillent les pierres, fabri
quent les tuiles, préparent les argiles, les terres et autres matériaux
construction qui scnenl à élever les quartiei's nouveaux. Sâo Paulo cher — ^•
che même à conquérir l'industrie du verre : des couches siliceuses consti — ^
tuent le fond des anciens lacs où se ramifient les eaux du Tieté et d
ses affluents; les usines peuvent s'y fournir en abondance de la matièr
première et utiliser comme combustible les tourbes qui ont graduellemen
empli les lacs et les marais de la plaine. Depuis longtemps les miner
d'or de Jaragua sont abandonnées.
Cité capitale, Sâo Paulo se complète par des lieux de plaisir aussi hier
es
es
374 TtOrVELlE CEOCRAPHIE IIMVERSELL&.
jauiip qiip Siinlos, en proportion du nombre des linbilanls ; ihins lys
grande?) L'pidémics, tous \cs truvuui étaient interrompu» par la mort
ou la fuîlc des ouvriers; on a vu des navires flotter sans éfpiipagcs, |
inertes sur les eaux de la Laie. Dès que la mauvaise !;aison s'annonce, la i
ville se dépeuple pour le plateau et les plages de bains. L'n de ces villages 4
d'été, fort luxueux, Balncai'ia, est né dans le voisinage même de Santos, <
sur un ilôt sableux proche de l'ile Santo Amaro. Quelques sanatoires 4
s'élèvent sur les terrasses des montagnes avoisinantes.
Malgré la fitvre, Santos centralise un trî-s grand commerce. Jadis elle m
exptrlait les produits de Minas Gcracs et mt^me de Mattn Grosso; mainte
naut, elle ne dessert plus que l'État de Sûo Paul», mais elle doit subvenir -■
Il un mouvement de marchandises qui s'accroît d'année en année. On j
travaille à l'aménagement du port en vue du tralic croissant, et un mur-^
verticjil permettra bientôt aux plus forts navires de charger et de déchar — ■
ger à quai'. Vingt lignes régulières de navigation à vapeur ont Santos pour — '
escale. Les Anglais, puis les Non'égicn.s font la plus grosse part du com-
merce. Une seule voie ferrée apporte de Sao Paulo les cafés que Santos
entrepose et lui rapporte les marchandises et le charbon d'Europe et des
États-Unis, le riz de l'Inde et la morue de Terre-Neuve : ce beau chemin
de fer, de construction anglaise, traverse la fonît vierge de Gubalâo, puis,
arrivé i) la ■■ Racine de la Montaigne », — Raiz da Serra, — monte h
l'escalade des hauteurs par quatre plans inclinés successifs, d'une pente
de 101 millimMrcs par mètre, où les trains sont remorqués par les
machines fixes. La rampe, partie de 19 mètres et gagnant le rebord dn
plateau à 799 mètres d'altitude, est une des merveilles du Brésil, grAce
à la beauté du cii-que boisé que l'on voit se dérouler et grandir au pied
de la montagne; mais comme voie de transport elle se montre tout à
fait insuffisante : les machines ont une force limitée, et les trains, si
nombreux qu'on les fasse, doivent se décomposer pour monter ou des-
cendre par groupes de deux ou trois; le tonnage journalier reste ioférienr
' Houvement commercial annuel à Santos, pendanl la dernière décade :
Importation 75 000 000 francs.
Eiportalion 300 000 000 u
Valeur des échanges 375 000 000 francs.
Houvcnienl de U navigation, h l'enlrée, en. 1892, sans le cabolage :
1034 navires, portant 337 000 lonnes.
EiportatioQ du café : 2 300 000 sacs, ou 150 OOO lonncs, i-aleur 190 000 000 franco
Iteceticj dl^ h dniiane de Santos, en 1892 ;
•24 no «73 milreis, ou, à 1 fr. 30 le milreis, 51 422 265 francs.
~i
s s
nécessités du traûc. Les retards dans les transports entraînent de
lireuses avaries et forcent le commerce à prendre les déloui's les plus
«ux : des caféteries ne reçoivent les machines commandées que plus
"h^^^^s^^-^^
- sa ia ■
le année après leur arrivée dans le port. Aussi deux compagnies pau-
!S, l'une h l'ouesl, l'autre à l'est, sonl-clles en instance pour disputer
Société anglaise le droit de Taire descendre des lignes de rails aux
is de Sanlos, en pénétrant dans la zone de terrain concédée des deux
s au chemin de fer actuel. En outre, des compagnies indépendantes
>
578 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
se constituent pour créer d'autres débouchés sur le littoral : Ubatûba,
Sebasliâo, peut-être Iguapé et Cananea, deviendront des rivales de San
dont les entrepositaires n'auront plus le monopole des cafés.
Ce tronc unique de Santos à Sao Paulo se ramifie au nord en de no
breux embranchements qui pénètrent dans toute la région des caf(
le Nord de l'État, qualifié d'ordinaire de « Grand Ouest », comme 1
régions agricoles des États-Unis. La voie principale, indépendante
versant naturel, traverse le Tieté au sortir de Sao Paulo et s'engage da
les montagnes de Cantareira pour en dépasser le faîte à l'est du pic
Jaragua. Une des premières stations, gare terminale du chemin de
appartenant à la compagnie anglaise, est dominée par la ville de Jundiah
qui se prolonge sur un coteau au-dessus des bananeraies et des jardii75
Au delà se montre Campinas, centre principal du commerce au nord
Sao Paulo. La gare, entourée de nombreux entrepôts, ateliers et usines
diverses, rappelle par son animation les gares de Belgique et d'Angle-
terre. Fort grande, régulièrement bâtie, Campinas occupe malheureu-
sement une plaine basse exposée à des chaleurs lorrides et dépourvue de
ventilation. Tandis que Jundiahy, réputée ville salubre, reçoit sur sa
colline des étrangers en villégiature, les fièvres et l'épidémie visitent sou-
vent Campinas : en 1892 près de trois mille personnes, soit la sixième
partie de la population, y succombaient de la fièvre jaune, qui du foyer
de Santos avait gagné l'intérieur, en franchissant la serra do Mar. Malgré
son insalubrité, qui l'empêche de rivaliser avec Sao Paulo, Campinas* se
gère en capitale. Depuis 1817 la municipalité a dépensé plusieurs millions
pour se construire une église, n'ayant d'ailleurs rien de remarquable;
mais la nef et la chapelle sont ornées de boiseries sculptées par un artiste
de Minas qui, à l'exemple de ses devanciers du moyen âge, consacra sa
vie à cette œuvre d'amour : c'est même pour abriter ce bel ensemble de
sculptures que l'église a été bâtie. Campinas se vante d'être la patrie du
compositeur Carlos Gomez. Dans les derniers temps de l'Empire, Campinas
était un centre de propagande républicaine. Le bourg voisin de Santa
Barbara reçut pour colons des planteurs venus des États-Unis, que l'on dit
avoir traité leurs esclaves avec une extrême dureté.
Naguère la contrée avait pour principale industrie agricole la production
du sucre; maintenant le travail qui prime tous les autres est la culture du
cafier, qui prospère merveilleusement dans la « terre rouge » constituant
une grande partie du territoire au nord et a l'est de l'État. L'école d'agri-
culture établie dans le voisinage de Campinas sert principalement aux
expériences des planteurs de café, et les chemins de fer dont la ramure
À
M irODVILLI 6t06lli)>HIE UNIVERSELir.
le cfaernin de fer s'élève sur le plateau d'environ 1000 mètres d';iliiiii(lt>
où se trotrrent les villes de Batataes et de Francn, pour redescendre dans ^
la vallée du rio Grande, qu'il travene pm- un viaduc de 400 mètres. On i
trouve des diamants près de Fnmca, viile qui pcut-ùtre a pris ce nom j
comme lieu de refuge pour les bannis des provinces du littoral ' .
Un autre chemin, parlant aussi de Campinas, passe à Limeira pour se s
bifurquer, d'un cdté, vers Araras et l'irassununga et se continuer ensuite^
par la navigation du M<^' guassû, de l'auti-e cdlé vers Rio Claro, la « Prin —
cesse de l'Ouest ». C'est la ville brésilienne qui ressemble le plus Ji unc=
cité de l'Amérique du Nord; elle a UK^me poussé l'esprit d'imitation jus —
qu'i numéroter ses mes, au lieu de les nommer, comme on le fait dan^
le reste du Brésil; elle fut aussi la première de l'Ëtal à s'éclairer pai —
rélectiicité*. La ramure de voies ferrées qui se prolonge au nord de Kîr^
Qaro s'avance jusque dans la région des campos, à Jaboticabal.
La vallée du Tieté, également rattachée par des rails a JunJiahy ot a Sâo
Paulo, possède ai^ quelques villes grandissantes. Itû, la « très fidèle ».
se glorifie de son ancienneté : dès 1610, les missionnaires jésuites y avaient
fondé une colonie de catéchumènes indiens. Centre du catholicisme dan»
l'Étal, elle a plus d'alises que toute autre ville en proportion de ses
habitants et son édifice principal est un collège des jésuites, fréquenté
par quatre cents élèves. La vie commerciale se développe, non dans la cité
proprement dite, mais au bas de sa terrasse, à l'endroit où la rivière Tieté
plonge en une superbe cascade : d'importantes usines et des maisons
d'ouvriers, bordant la rive gauche, constituent un gros village nommé
par pléonasme Salto d'itû, car en guarani te mot Itiî a lui-même le sens
de u cataracte ». C'est à ta force motrice fournie par sa cascade que
Piracicaba, située au nord-ouest d'Itû, sur un aflluent du Tieté, doit aussi
sa filature de coton et son usine à sucre. La navigation commence sur la
rivière de Piracicaba, immédiatement au-dessous de la ville, tandis que le
rio Tieté ne porte bateaux qu'en aval de Porto Feliz, à une cinquantaine
de kilomètres à l'ouest de Salto d'Itû. Les bateaux à vapeur du Tieté et
du Piracicaba vont charger du café dans les plantations de l'Ouest, au
delà des régions desservies par les chemins de fer. Les deux colonies
militaires fondées en aval, sur les cataractes d'Avanhandava et d'ilapura,
n'ont point réussi : pendant longtemps, dit un rapport de l'Ëlat, elles ne
lurent que des « expressions officielles »,
' Rcv'ula do Irutilulo Hitlorico, i
■ Alfonso lomonaco, Al Bratile.
383 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
vallée el va se jeter dans le Sorocaba, est fameux en minéralogie par^^^
collines de minerai ferrugineux qui fournit de 70 à 80 pour 100 de méfr^
pur, d'une excellente qualité. Même sans attaquer la roche, il suflirar -^
d'en ramasser les fragments désagrégés, épars sur le sol, pour aliment
pendant des années les plus grandes usines métallurgiques; cependa
l'établissement qu'on y a fondé en 1811, et que Ton a depuis transforma
plusieurs fois sous la tutelle directe du gouvernement, n'a point réussi ^
exemple remarquable de l'incapacité de l'État quand il entre en concur
rence avec l'industrie privée. Tous les travaux coûtent plus cher qu'il
ne rapportent, et la butte ferrugineuse d'Araçoyaba (970 mètres), dit
communément o morro do ferrOj reste presque sans emploi.
Actuellement (1893), Botucatû, dans une région montueuse que born
le Tielé du côté du nord, est la dernière ville importante de la régie
peuplée. Au delà des-caféteries qui l'entourent et où Ton cultive surtout^
des plants aux baies jaunâtres, commencent les vastes solitudes inex —
plorées comprises entre le bas Tieté et le Paranapanema. Depuis le dix —
septième siècle, un grand recul s'est fait dans ces contrées. Plus de cenP
mille Indiens policés se groupaient autour de missionnaires, et des villes
telle Sâo Ignacio Mayor, s'élevaient au bord du Paranapanema; une autr^^
mission se trouvait sur le fleuve Paranâ, à quelques kilomètres en amonP
de la grande cascade. Mais les chasses à l'homme dépeuplèrent le pays- -
L'exploration confiée à la commission géographique de Sâo Paulo par — '
mettra de recommencer presque à coup sûr l'œuvre de colonisation^
On connaît parfaitement la rivière, avec ses chutes, ses rapides, ses dor
manls, ses ports naturels, et les terrains favorables sont désignés, soit pou
la culture, soit pour l'élève du bétail. Les colons s'y établissent et déjà de:
embryons de villes se dessinent en aval des cascades et aux confluent
des rivières. En 1890, on évaluait à cent mille têtes la productio
annuelle du bétail dans ces régions découvertes à nouveau, et on avaiK
fait quelques tentatives de plantations, en cannes, cafiers, cotonniers e^
tabac*.
La partie méridionale de l'État, non encore réunie à Sao Paulo par route
carrossable ou voie ferrée, constitue avec les districts limitrophes du
Parana un tout géographique distinct. Ce territoire est encore faiblement
peuplé et ses chefs-lieux ne sont que des villages : Apiahy, qu'ont aban-
donnée les chercheurs d'or; Xiririca, dont les beaux marbres blancs restent
* Theutioro Sampaio, ConsideraçÔes (jeographicas e economicas sobre o valle de rio Parana^
BOTUCATÛ, GANANEA, GURITIBA. 583
jn^ jtploités ; Iguapé et Cananea, deux ports que visitent seulement des
goélettes de cabotage. Iguapé, située près de Temboucbure du RibeirSo,
communique aussi par un canal navigable avec le marigot dit Mar Pequeno,
qui Icnge la côte sur plus d*une centaine de kilomètres. Si les appix)ches
du. port d'Iguapé étaient rendues plus faciles et qu'un chemin de fer la
rat.t.£i.chât à la ligne de Sorocaba, ce point du littoral acquerrait prompte-
m^rm t^ de l'importance pour l'exportation des cafés du plateau, du riz et du
mirm^rai de fer des montagnes voisines. Cananea, bâtie dans une ile au
bor-d du Mar Pequeno ou marigot d'Iguapé, offre plus d'avantages nanti-
qu^^, et les grands navires peuvent à marée haute mouiller devant sa
pistée : l'ilot de Bom Âbrigo, éclairé d'un phare, donne aux bateaux le
« l3on abri » que promet son nom. Cananea est une des villes historiques
dii Brésil. Christovao Jacques et Amerigo Vespucci y mouillèrent en 1503,
^^ cle là partit la première bandeira pour la recherche de l'or dans les
''^SÎons de l'intérieur : des quatre-vingts aventuriers qui la composaient
un seul ne revint. Cananea reprendra rang si l'on donne suite aux
«ts qui en font le havre terminal d'un chemin de fer tracé directement
le Matto Grosso par les vallées du Paranapanema et de l'Ivinheima.
da
population se distribue de la même manière dans l'État de Parana que
celui de Sâo Paulo, et les villes, moins nombreuses et moins peu-
9 y occupent des positions analogues. La cité capitale, Curitibâ
2^ ^^^*ilybé, Corityba), c'est-à-dire la ville des curi ou araucarias*, s'élève,
Sâo Paulo, sur un plateau bordé à l'est par la serra do Mar, el
ttache de la même manière à son port du littoral, un autre Sanlos,
également au bord d'un golfe semé d'îles et d'îlots. Les deux villes
*^ serra-dcima et de la beira-mar, des « hauts » et de la << marine »,
^^Xàent un seul organisme urbain.
^xiritiba s'étale largement dans une plaine, jadis couverte de forêts et
în tenant presque déboisée : un jardin public, des avenues d'arbres rem-
^^^cent pauvrement les ombrages d'autrefois. Située à 889 mètres d'alti-
^^de, sous un climat qui rappelle celui de l'Europe occidentale, Curitibâ
^^t une ville à demi européenne, où des colons d'Europe viennent vendre
^^r le marché des fruits et des légumes introduits de l'Ancien Monde.
vie même que Sao Paulo, Curitibâ n'a grandi que pendant les dernières
«Xnnées; au commencement du siècle ce n'était qu'un humble village,
■ Adolpho de Varnhagen, Hutoria gérai do Brazil.
)
38t NOUVELLE GfiOGRAPIUE UNIVERSELLE.
moins pci)|ilti (|iic l*uranaguâ, sa ville maritime, et le rang de capitxale
no lui ap|iai-ticnt qu<t depuis 1854, é|)oque à laquelle le tcnûtoire de
Pai-ana se détacha comme |irovinco distincte de celle de S3o Paulo.
Une route carrossable, encore utilisée par des convois muletiers, desce xid
de Guritibâ vers la mer, ou passant, sur le versant de la serra, par la vî]l«
de (iraciosn, justement nommée. Le chemin de fer n'est construit rjix'^
depuis l'aniu'Hi 1885. Contournant la superbe monli^ne de Horumt^^
(I iôU mètres) dont les rochers nus cunli'astcnlavec la sombre verdure de ^
talus extérieurs, la voie descend par une succession de tranchées, de tuD""""^
tf m. — nE cvMTiti A ruiuuni.
nels et de viaducs aux leriains Ikis du littoral, oii d'autres travaux d"art,
remblais et ponts à pilotis, ont été nécessaires. A la descente, la vue est
plus l)elle encore et [)lus étendue que sur les plans inclinés de Sanlos :
les montajiues. plus hautes et d'un proiil plus lier, la vallée, plus lar-
fiemenl ouvert*- siu- des jilaines plus vastes et sur un golfe plus varié.
(Iiiiiiient au paysa}î{! un aspect étonnant de magnificence et de grandeur.
Les plus Toiles raui|)es soni de Ti cenliniètres. déclivité trop forte poul-
ie Iran-^pi.il laiile dfs mai-chandises; ceiiendaiil le liieniin de fer de
Cui'ililià riMn|»ii1f à ei'l énni^d suc celui de Saiitos : les locomotives y
reiuonpieut les liaiiis einiiposés de S \vagt)ns à la vitesse de 'ill kilomètres
à rii(;uie. Le point ruliniiiant de la voie se trouve \ OÔIi mètres d'alti-
tude, à l'enlive truii luiiiiel.
La ville Ji? Morretes est située ii la racine de la monlugiie où s'arrêtaient
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A.NTONI.f A, PAnANAGUi. 5S7
trieurs de maté avani la construclîon de la roale et du chemin du
es barques venaienl y prendre la précieuse denrée pour la transporter
rt de Paranagud par la rivière Nhundiaquâra et le chemin du golfe:
e possède encore des établissements pour la préparation de ce thé
uayen. Un euibranchément ■ partant de Morretes se dirige au nord-
vers le port d'Antoninat moins profond que celui de Paranaguë,
suffisant pour des navires calant de 4 à 5 mètres; pendant les
des d'inondation, alors que les rivières débordées menacent de couper
emin principal entre Morretes et Paranaguâ, sur la rive méridionale
ilfe, l'embranchement d'Antonina laisse au commerce de Curilibâ une
voie d'exportation.
cité maritime de Paranaguâ, bâtie sur un estuaire du golfe, à la
le de la rivière Ituberé, ne donne plus accès aux navire? d'un fort
t d'eau : son port s'étanl envasé, ils doivent s'arrêter à deux kilo-
îs au nord-ouest, dans une rade que défend à l'est l'île monliieuee
•»'■» -
I
888 NOUVELLE GÉOGRAPHIE DNIVEBSELLE.
de Gotinga : la ville se déplace, alignant ses maisons le long do natm*
port. Le commerce de Paranagué, bien différent de celui de Santos,
consiste guère qu*en produits forestierst le bois d'araucaria et la f«>i
maté, provenant d'une espèce particulière, ikx corîfybmftff, oongénèr»
celle du Paraguay; les denrées obtenues par la culture, le sucre et
céréales, ne représentent qu'une très faible partie de l'exportation*. I^^^
' ruines de l'ancien collège des Jésuites, centre des missions du Paranét i^^^
voient encore dans la ville. Diverses colonies agricoles sont éparses du^^^
les clairières des forêts entre Paranaguà et Morretes. La principale est cdle
d'Alexandra, où des Italiens s'occupent principalement de cultures alimen-
taires ; ils possèdent aussi quelques plantations de cannes et de cafiers.
Dans l'intérieur des terres, à l'ouest de Gurilibà, le peuplement se fidt
d'une façon méthodique par l'établissement de colonies, dont quelques-
unes, très bien situées, se sont assez développées pour devenir des vtHes :
telles Gampo Largo, au sud-ouest de Guritibé ; Palmeira, à l'ouest ; Ponta
Grossa, plus au nord, dans les hautes phiines que parcourt le Tibagy.
L'histoire du Parané, comme celle de l'État de SSo Paulo, est rhistoire de
la colonisation ; mais ici elle prend un caractère particulier par suite de
la division naturelle qui s'opère dans les courants d'immigration. Naguère»
les colons allemands se dirigeaient presque tous vers Santa Catharina
et Rio Grande do Sul ; les Italiens se portent maintenant en foule vers
Sio Paulo, tandis que le Parand reçoit principalement des Polonais. Ce
peuplement avait pourtant commencé d'une manière désastreuse en 1878.
Les agents d'émigration introduisirent alors 1366 paysans slaves, pour
lesquels ils n'avaient fait aucun préparatif de colonisation, et les malheu-
reux se trouvèrent abandonnes sans ressources sur la place de Palmeira.
Beaucoup moururent, d*autres réussirent à se faire rapatrier par la voie
de Hambourg, et le reste finit par se faire transporter aux États-Unis*.
Cependant quelques-uns tinrent bon et devinrent le noyau de colonies
nouvelles, qui gagnèrent peu à peu sur les solitudes dans les hauts campos
que parcourt l'Iguazù. Presque tous ces immigrants polonais, connus géné-
ralement dans le pays sous le nom collectif de « Russes », viennent de la
Pologne prussienne et autrichienne; ceux que les persécutions religieuses
ont chassés de la Lilhuanie et des régions de la Vistule n'ont suivi que
dans les dernières années le mouvement de migration vei's le Parana. Il
* Mouvement cointnerciul de Paranaguâ, à rentrée, en 1892 : 376 navires à vapeur et à voiles.
Exportation du nialé en 189*2 : 19 551 tonnes.
Valeur : (5 000 000 milreis. soit, à l fr. 50 le iniireis, 7 800 000 francs.
• De Taunav. Revista do Instituio Uistorico, 1890.
CURITIBÀ, COLOiNIES DU PARANA. 2^9
s*y joint maintenant des Slaves qui se trouvaient dans les colonies alle-
fnandes du Rio Grande do Sul et qu'un attrait de sympathie mène vers
leurs compatriotes : pas un seul Juif ne se mêle à cette société purement
^ave. La ville de Curitiba s*entoure, sur un espace de 50 kilomètres en
moyenne, de colonies exclusivement polonaises et môme désignées ofiî-
^iellement sous le nom de « Nouvelle Pologne ». Les Polonais environnent
âiussi Palmeira, et leurs colonies occupent sans interruption toute la rive
droite de Tlguazù jusqu'à la station nouvelle dite Porto Uniâo. Aux jours
de foire, Curitiba et Palmeira rappellent, à s'y méprendre, de petites villes
galiciennes. Loin de la capitale, un autre groupe colonial s'est formé
au sud de l'Ëtat, sur le rio Negro et le rio Vermelho, aux confins de
Santa Gatharina. On évalue approximativement à une centaine de mille,
soit à près d'un tiers de la population totale, les colons polonais du Parana,
et, la mortalité étant très faible parmi eux, l'accroissement annuel, par
l'excédent des naissances sur les morts, est estimé à 4 pour 100 en
moyenne, proportion tout à fait exceptionnelle parmi les nations. Les
Polonais de Parana conservent leur langue, leurs costumes, leurs mœurs :
ils ont leurs églises, leurs écoles, même un journal. Presque tous agri-
culteurs, ils ont acquis le monopole de la production des céréales et des
légumes et commencent même à refouler vers Sâo Paulo les colons
'autres nationalités*. Il existe cependant quelques groupes résistants
'immigrants non Slaves, notamment une colonie de communistes, presque
ous Italiens, qui s'est fondée à La Cecilia, près de Palmeira.
La Slavie du Parana possède des gisements métallifères, de Tor à Campo
rgo, du mercure à Palmeira; mais ces richesses ne sont point exploitées.
j^ pays est plus célèbre par ses curiosités naturelles que par ses mines.
une trentaine de kilomètres à l'orient de Ponta Grossa s'ouvrent dans lo
sol argileux trois étonnants Iruracos ou puisards, dont l'un, large de
80 mètres à l'ouverture, n'a pas moins de 170 mètres en profondeur;
une eau lente, qui passe dans le fond, s'écoule de gouflre en gouffre vers
une lagune tributaire du Tibagy; des corbeaux et des espèces d'ibis
nichent dans les anfractuosités des parois. Plus à l'est, une roche de vieux
grès rouge se décompose en blocs, en pyramides, en amas bizarres, qui
lui ont valu le nom de Villa Velha ou « Vieille Ville' ».
Curitiba n'a pas encore, comme son modèle Sao Paulo, toute une
ramure de voies ferrées qui pénètrent dans les zones cultivables de Toc-
I JosefSiemiradzki, Notes manvscrilcjt.
< De Taunav, mémoire cite.
390 .NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
cidenl; elle ne possède (1893) qu*une ligne de rails se dirigeant vers
les frontières de TËtat de Santa Catharina, par la ville de Lapa, entourée
de roches et de grottes. La rivière dlguazû, que ce chemin de fer traverse,
devient navigable à une centaine de kilomètres à Touest de Guritiba, au m^^ .m^u
lieu dit Porto do Amazonas, mais do nombreuses chutes inteiTompent le ^^ jr le
cours de ce fleuve à 200 kilomètres plus bas. Par suite du manque de <^ Mz^ de
routes, presque toute la région occidentale de TËtat, si fertile et destinée ^»^^ m^ée
par son heureux climat à devenir la patrie de millions d'hommes, n'esta «s^ ^^ est
guère qu'une immense solitude; à peine quelques bandes de Coroados j^- ^^s y
campent aux bords des rivières. Le voyageur y trouve les ruines informes^ ^:^ .«raes
de villes bâties autrefois par les missionnaires jésuites; une « Villa Rica to^^ -^^ »
s'élevait vers le milieu de la vallée du Rio Ivahy, et sur le bord du fleuvt
Parana, à l'embouchure du Piquiry, se dressait la maison maîtresse de h
Guayra, chef-lieu de l'immense empire théocratique des Missions qu'il
fallut abandonner aux incursions des Paulistes. Actuellement le poinV
initial de la reconquête agricole du pays est la cité naissante de Guara-
puava, située à près de 1200 mètres d'altitude dans une région montueuse:^
de forôts qu'entourent les campos, déjà sur le versant de llguazû, maû
non loin des sources de l'Ivahy, qui forme une magnifique cascade di
75 mètres en hauteur ^ Une colonie de Français, établie au nord de Gua-
rapuava, dans la haute vallée de l'Ivahy, région perdue sans voies de::
communication, a dû se disperser après des efforts désespérés.
Tandis que la colonisation se propage lentement dans Tintérieur
travers une contrée sans routes, le flot de l'immigration pénètre par un<
autre voie, celle du fleuve Parana, sur la frontière Argentine. En 1889,
le gouvernement brésilien fondait un village au confluent du Parani el
de riguazû, en aval de l'admirable « Niagara » que forme ce demiei
courant. Établie comme colonie militaire, Foz de Iguazû constitue main-
tenant une commune libre, comprenant en 1893 une population d^^^^
700 individus, Brésiliens, Paraguayens et Français du Midi, amenés par less «^^^
bateaux à vapeur de l'Argentine et s'adonnant surtout à la cueillette du
maté et à la production du maïs et des c^néales. Le plan de la future cité
s'étend sur un espace de 25 kilomètres carrés et le territoire concédé com-
prend une supcrflcie cent fois plus grande. Foz d'Iguazû, très important
au point de vue stratégique comme poste frontière du Paraguay et de l'Ar-
gentine, possède un commencement d'arsenal et de flottille. Une grande
cité naîtra certainement à Foz d'Iguazù, soit \\ quelque ciulre confluent
" Do Taiinav, nioitioire cilr.
PARANA, SANTA CATHARINA. 391
"oisin, au point de croisement de la vallée du Paranâ et de la ligne la plus
Miurte entre le littoral atlantique et le Matlo Grosso, centre du cou-
inent'.
L'État de Santa Catharina, ainsi nommé de Tile allongée, le Jurû Mirim
les Indiens, qui se prolonge parallèlement au continent, au devant de la
mrtie la plus saillante de la côte, est la contrée du Brésil qui a le plus
argement proGté de la colonisation dirigée ofTiciellement, et dont la
K>pulation comprend le plus de natifs étrangers et (ils d*étrangers. Les
«triotes allemands voyaient avec bonheur naître la Germanie future du
(ouveau Monde dans Santa Catharina et le Rio Grande do Sul. Du moins
eur langue prévaut en maint district, et, grâce à l'éducation plus com-
»réhensiye et plus approfondie donnée par leurs compatriotes, Santa
alharina, encore si faiblement peuplée, a pris dans la confédération bré-
Jienne une part d'influence que n'ont pas acquise de grands États.
En 1849, une société commerciale de Hambourg y importa des culti-
iteurs allemands, qui s'établirent aux bords de la rivière Cachoeira. Le
liage naissant reçut le nom de Joinville, en l'honneur du prince français
iqnel un territoire d'environ 152000 kilomètres carrés avait été con-
^é, comme douaire de doua Francisca, sœur de l'empereur du Brésil,
es colons, plus favorisés que ne le furent beaucoup d'autres, reçurent des
»ts bien choisis, accessibles par de bonnes routes, et bientôt le pays prit
aspect d'une riche campagne allemande, avec des cultures soignées
t>mme celles de la mère patrie; la ville, aux rues droites, larges, bien
mbragées, aux maisonnettes entourées de jardinets et fleuries de plantes
rimpantes, semble s'être donné pour modèle, mais en l'embellissant, le
ype d'une ville rhénane. Sur 19000 habitants du municipe, plus de
4000 sont d'origine allemande ou polonaise. Des brasseries, distilleries,
harronneries et autres fabriques sont nées autour de Joinville, et des
ihariots par centaines transportent au port de Sao Francisco le maté, le
abac, le maïs, le tapioca, le beurre et autres denrées agricoles. Une route
arrossable, s'élevant sur les pentes de la serra do Mar, monte au nord-
>uest vers Sao Bento et d'autres colonies situées sur Ja frontière du
^ranà, et se rattache à Rio Negro au chemin de fer de Curitiba. Le port
le Sâo Francisco, où vient se concentrer le commerce local, est un des
neilleurs de la côte et pourrait accommoder de grandes flottes. La rade,
* Mai. Emerich, PeUrmann's Miltheilungen, 1870, Heft IX.
Xn NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
pi-ofondc de a mètres, qui sépare la terre ferme el l'ile de S3o FranùsC' — ^k.
Xavier, ouvre aux navires quiviennent mouiller devant la rive insulaii
un chenal abrité de tous les vents.
Le centre colonial de Blumenau, au sud-ouesl de Joinvîlle, sur les boi-d^Ei:
de rilajahy, se développa péniblement. Fondé en 1852, aux risques ^£=^
périls de l'Allemand dont il porte le nom, il eut beaucoup à soulTrifc- ^^^
dans les premières années cl ne se releva que grAce aux subsides du gon — ■ *
vcrncmcnl. Émancijié maintenant de toute tutelle, il prospère, et leîSs^ "
roules rayonnent aux alentoui-s, dans une riche campagne parsemée dc^^
394
NOUVELLE G'ÊOGRAPHIE UNIVERSELLE.
^
dans la manche par la voie du nord, trouvent encore de 8 à 10 mètres
d*eau à une petite distance; mais dans Tétroit de 550 mètres qui s'ouL^ve
au sud, entre la pointe de Desterro et celle de Piedade, sur le contin^ïBt,
le seuil, formé de vase molle, se relève jusqu*à 1 mètre et demi de la sij&r'
face : il faudrait creuser un canal entre les deux « langues de mer » ^^
nord et du sud pour permettre à la grande navigation de faire le périple ^
Tile. D'ailleurs les bons lieux d'ancrage sont nombreux dans ce bras ^^
mer, long de 60 kilomètres, qui s'étend de la Barra do Norte à la Barra C^^
Sul. Sur la rive continentale, deux havres principaux sont visités par 1
embarcations : Biguassû, près de l'embouchure d'une rivière de mômt^
nom, et Sao José, située presque en face de Desterro, sur une crique de
la manche méridionale. L'ile Santa Catharina, jadis couverte de caféteries
très productives, n'a plus qu'un sol épuisé et ses collines se sont revêtues
de broussailles*.
Les plaines qu'arrose la rivière Tubarâo ont pris dans ces dernières
années une certaine importance, grâce aux gisements de houille qu'on
a découverts dans les hauts de la rivière, sur les pentes de la serra Gérai.
Le charbon, qui du reste n'est pas d'une qualité comparable à celle des
bons combustibles anglais, se présente par affleurements très faciles à
exploiter, et les couches déjà reconnues représentent une masse d'au
moins 50 millions de tonnes. Lne voie ferrée de 111 kilomètres, construite
spécialement pour le transport des houilles, parcourt la vallée du Tuba-
lilo, puis traverse un marigot littoral sur le pont-viaduc das Larangeiras,
long de 1430 mètres : c'est le plus important travail de ce genre que pos*
sède l'Amérique du Sud. Au delà le chemin se bifurque pour atteindre les
deux ports d'Imbituba au nord et de Laguna au sud. On avait espéré
que rexportation pourrait se faire par ce dernier port, situé à l'extrémité
d'une péninsule sableuse, qui limite à Test une lagune sans profondeur:
les danjîers de la barre et le manque de fond ont obligé la compagnie
à faire choix du port d'Imbituba, plus accessible et mieux abrité, mais
menacé aussi [)ar les dunes qui, sous la pression des vents du sud, che-
minent lentement vers le nord. Les marées de Laguna sont extrêmement -3
irrégulières, par suite de rinlerférence de deux vagues de flot : n'attei
gnant pas même 1 mètre de hauteur, elles semblent dépendre surtout de -^^
la direction des vents, et fré(|uemment Toscillation complète dos marées^'^^
ne se fait qu'une fois en un joui*. La ilèehe de Laguna est, à l'ouest de Lxcr^ f
Àt
J
^^È.
h
' Hugo Zollor. ouvrago ciU'
fielutorio apmentadn polos EiKienheiros.
TIBARÂO, LAGUNA, LAGES.
395
ville, recouverte presque en entier par un énorme tambaqui, dépôt préhis-
torique de coquillages.
Dans rÉtat de Santa Catharina, la zone littorale de Serra Abaixo ou du
<^< Pied-mont » a beaucoup plus de largeur que dans les Ëtats plus sep-
tentrionaux de Parana et de S3o Paulo et les conditions du climat y sont
nieilleures : aussi presque toute la population s'y trouve concentrée et la
région des plateaux n'a pas, comme dans les États voisins, de ville con-
«%idérable formant un seul organisme urbain avec une cité du littoral,
s, la principale agglomération des campos, est surtout un centre
élevage et son bétail s'expédie par les routes de terre dans la direction
e Sorocaba. On évalue à trois cent mille les bêtes à cornes que possèdent
es propriétaires de Lages dans les pâturages de l'État, s'étendant au loin
ers les savanes de l'ouest, revendiquées par l'Argentine'.
VIII
VERSANT DE L URUGUAY ET LITTORAL ADJACENT.
(ÉTAT DE SXO PEDRO OD RIO GRANDE DO 8UL.)
Bien faible partie du Brésil par son étendue, l'État dit Bio Grande do Sul,
'après un estuaire que les premiers navigateurs prirent pour un fleuve
^comme ils l'avaient fait pour la baie de Bio de Janeiro, est une des
^contrées qui par leur richesse naturelle pourraient le plus facilement se
suffire et constituer un pays autonome. Et souvent en eflet, cette région
* Principales Tilles brésiliennes du versant paranien et du littoral adjacent, avec leur population
ipproximative :
MixAs Geraes.
^uiz de Fora 15
^berabà 12
JoaodelRev 8
000 hab.
000 ))
000 ))
Barbacena
Tiradentes (Sâo José) . .
Gaxainbû
^2o Paulo 100
Campinas 18
Santos 15
Taubaté 15
Pindamonbang&ba 15
Lorena 11
Guaratinguetâ 10
Coritibâ
Desterro.
Blamenau
6
15
5
SXo Paulo.
000 hab. RioCIaro. . .
000 )) KiberâoPrelu
000 )) Itù
000 )) Faxina ....
000 » Jundiahv. . .
000 )) Piracicàba. .
000 )) Sorocaba. . .
ParanX.
000 hab . I Paranaguâ . .
Santa Gatharina.
000 hab.
000 ))
Laguna .
Joinville .
6 000 hab .
5 000 ))
5 000 ))
8 000 hab.
8 000 »
0 000 ))
« 000 ))
5 000 ))
5 000 ))
4 000 ))
5 000 hab.
5 000 hab.
2 500 ))
396 NOUVELLE 6Ë0GRAPU1E UNIVERSELLE.
médiane entre les terres platéennes et le Brésil se développa d'une maniè~
indépendante. Sous le gouvernement portugais, le territoire de Rio Granc
était soumis directement au pouvoir royal et ne fut jamais concédé en fi
comme les autres parties du Brésil. Région de frontière du côté des po-
sessions espagnoles, ce pays avait trop d'importance politique pour qc
l'État ne se chargeât pas lui-même de le défendre et, s'il était possibi»
de l'agrandir. Les Rio Grandenses accueillirent avec enthousiasme la prt
clamation de l'Indépendance ; mais, ayant eu à souffrir des exigences c
Rio, comme autrefois des ordres de Lisbonne, ils tentèrent de conquér
leur liberté, et la guerre sévit dans leur pays pendant neuf années, c
1835 à 1844, entre les farrapo$ ou républicains et les caramurûi c
monarchistes. Ce fut l'époque héroïque de l'histoire du Rio Grande,
Ton vit Garibaldi, commençant son épopée légendaire, arriver à l'impr
viste devant les impériaux avec sa légion de centaures, apparaissant tant
aux bords de l'Uruguay, tantôt dans le voisinage de la mer, pour enlev
les postes ennemis : à grand'peine l'armée du vaste Brésil put-elle reco
quérir sur une poignée d'aventuriers la petite république du Rio Grand
Depuis, par sa situation même, cette province méridionale eut plus
souffrir que les autres des guerres contre l'Argentine et contre le Par
guay et y prit une part plus active. Enfin, depuis la proclamation de
république Brésilienne, le Rio Grande, que ses traditions politiques po
tent au fédéralisme, lutte avec acharnement pour le maintien de se
autonomie locale : en cet État commença contre la dictature militai)
la révolution qui de proche en proche a gagné tout le Brésil.
Du côté de l'Argentine, le Rio Grande est nettement limité par ui
frontière naturelle, le cours de TUruguay; mais au sud, sur les confins (
la Banda Oriental, les vicissitudes de la guerre ont fait adopter une ligi
de séparation toute conventionnelle. Sur le littoral, le petit ruisseau (
Chuy sert de borne internationale, puis la ligne divisoirc suit le milieu (
la Lagôa Mirim jusqu'à la bouche du JaguarSo. Ce fleuve constitue la froi
tière jusqu'au ruisseau Alto da Mina, et là commence un tracé sinuei
se dirigeant au nord-ouest de colline en colline jusqu'au faîte de parta{
des deux rivières Ibicuy Grande et Tacuarembo. Au delà, le cours du R
Quaraim sépare les deux États. Autrefois, lorsque les régions de Tint
rieur se trouvaient encore indivises, les Espagnols avaient pénétré jusqu
la zone du faîte vers les sources de l'Uruguay : là, deux territoir
forestiers se font face, le Malto Caslelhano et le Malto Portuguez, sépar
par une lisière de savanes, le Campo do Meio ou « Champ du Milieu
Le territoire de Rio Grande do Sul forme un quadrilatère, ayant à pt
RIO GRANDE DO SUL. 597
près 500 kilomètres de côté, que les explorateui*s ont parcouru dans tous
les sens, si ce n'est dans les campos septentrionaux, mais qui ne pos-
sède pas encore de carte définitive et n'a pas même, comme Sâo Paulo et
Afinas, procédé aux levés préparatoires. Ses habitants s'accroissent à la
fois par l'immigration et par un excédent de natalité considérable, qui
témoigne de la parfaite salubrité du pays*.
Lia population d'origine étrangère a fait en partie l'histoire du Rio
Grande. Les premiers colons ne furent point des Portugais continentaux
comme dans la plupart des autres provinces, mais des Açoriens chassés
de leur archipel par la famine; les deux villes de Rio Grande et de Porto
A.leg're leur durent naissance en 1737 et en 1742. Les immigrants allemands
vinrent dès les premières années de l'indépendance brésilienne : en 1824,
plus de cent vingt s'établissaient sur un domaine impérial, près de len-
droit où s'élève la ville de S5o Leopoldo, et recevaient des lots de cul-
ture ; puis des soldats mercenaires se retiraient dans la même contrée,
cl vers le milieu du siècle on y comptait déjà plus de 7000 colons alle-
Wiancis*. Les révolutions européennes eurent leur contrecoup dans cet
Etat par l'immigration de plus d'un millier de Brummer ou soldats volon-
^«•es enrôlés à Hambourg par le Rrésil dans sa guerre contre le dictateur
Wosa.s, mais ayant pour la plupart pris part aux soulèvements révolution-
^***^s de l'Allemagne en 1848. Plusieurs hommes éminents qui se trou-
^*^*^t parmi ces nouveaux citoyens du Rio Grande ont illustré la contrée
/^^ï^i talière et fourni le levain d'instruction qui a donné à l'État un rang
^*^vé dans l'Union brésilienne. Rien que les anciennes colonies agri-
*^^ siient perdu l'organisation que leur avait imposée le gouvernement
1 ou provincial et que légalement tous les immigrants et lils d'im-
*^*"^*^iits soient devenus des Rrésiliens, l'élément germanique n'est pas
p. ^'-^ï^^ complètement assimilé, et la cohésion que donnent la langue,
j ^*-ï:^ction, les mœurs, se maintient en divers endroits; mais cet « Étal
j '•^ l'État », constitué par des étrangers pensant autrement que les gens
fs, diminue en proportion de raccroissement rapide des autres
^nts ethniques. Italiens, Espagnols, Slaves, hommes de toute race
^^î)és dans la nation brésilienne. Les esclaves v étaient plus de 90 000
^ ^75 : avant le décret définitif d'émancipation, le Rio Grande do Snl
•^^^iperficie el populat.on du Rio Grande do Std en i888 :
256 555 kil. carrés; 968 951 habitants; 4,1 hab. par kil. carn»
l^opulation probable en 1895 ; 1 050000 habitants
Hermann von Iherin^, Rio Grande do Sut*
k
398 NOl VELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
en avait libéré plus de la moitié; en 1885, la province fêta le jour anni-
versaire de rindépendance par dix mille affranchissements.
^
Le quadrilatère du Rio Grande do Sul se divise naturellement en quatre
régions, indiquées par le relief général. Comme dans les États voisins,
un ic pied-mont » de terres basses longe le littoral atlantique, et une
« montagne » d*un millier de mètres sépare la zone côtiëre des hautes
terres s'inelinant d'une pente égale vers l'Uruguay. Mais ces deux régions,
la basse et la haute, sont elles-mêmes partagées par une dépression pro-
fonde, dans laquelle serpentent, du côté oriental, la rivière Vacacahy,
continuée par le Jacuhy, et du côté occidental, Tlbicny Grande, tributaire
de rUruguay. Les monUignes du nord-est gardent le nom de serra do
Mar qu'on leur donne jusque dans TËtat de Rio de Janeiro, mais au sud
du Jacuhy elles prennent successivement d'autres noms. Entre le Jacuhy
et le Camacuam la montagne côtière s'appelle serra do Herval; au sud,^
entre le Camacuam et le Jaguarâo, on la dit serra dos Tapes, et rJirrr ^ n
chaînons portent d'autres dénominations. De même que la serra do Mar jr m ii
proprement dite, les serras du sud se composent de roches cristallines *"^ es
de gneiss et de granit.
La dépression transversale creusée entre la mer et l'Uruguay a lais!
debout, comme la berge d'un fleuve, le rebord du plateau septentrional, ei
ce versant rapide, chaîne de montagne par une de ses faces, est générale
ment qualiiié de Serra. 11 se décompose en plusieurs massifs, de moin
en moins escarpés dans la direction de l'ouest. Tandis que dans le voisinag*
(l(î la mer la Serra dresse de pittoresques rochers coupés de précipû
on ne voit guère au-d(*ssus dos campes inclinés vers l'Uruguay que de
collines aux pentes très adoucies, ou même de simples renflements comrn*
ceux d'une mer faiblement ondulée. Les chaînons qui se délîichent de \^
serra majeure, de même (jue les élévations des terres du sud, voisines di
la Banda Oriental, sont connus sous le nom de « coxilhm » {cuchillas) -
terme d'ailleurs détourné de sa signification primitive. Les coxilhasde cette
partie de rAméri<|ue ne sont pas des arêtes aiguës comme le ti'anchant
d'un ce couteau », mais au contraire des croupes aux longues déclivités,
les collines d'un c< pays d'Arcadie )^.
Des couches terliain^s de sable recouvrent en maints endroits les roches
de «granit (|ui l'ornient Tossatui'e de la contrée, mais les formations rela-
tivement récentes sont représentées surtout par des masses éruptives, des
trapps, (|ui se déconiposent à Tair, prennent une écorce brune ou jaune I
RIO GRANDE DO SUL. 599
l*ocre et se changent en cette argile rougeâtre qui revôt presque toutes
es campagnes. On trouve aussi dans le Rio Grande do Sul de véritables
basaltes columnaires. La variété de ces masses volcaniques érodées par
es agents météoriques ajoute au pittoresque des paysages : les rochers en
orme de cloches, de coffres, de pyramides, de sarcophages, de propylées,
[ue Ton aperçoit de loin sur les collines, sont les restes des anciennes
oulées d'éruption. Dans certaines régions centrales les trapps occupent
presque toute la superficie du sol, mais ils diminuent peu à peu dans
a direction de l'ouest, vers le fleuve d'Uruguay. Les géologues ratta-
hent d'ordinaire à l'apparition des masses éruptives la transformation de
Qatiëres argileuses en agates, calcédoines, jaspes, améthystes, que l'on
rouve en quantités extraordinaires dans certains gisements du Rio Grande
lo Sul. On explique par une soudaine inondation de laves, par des chutes
e cendres ou des écroulements de terre, interrompant brusquement toute
Dmmunication avec l'air extérieur, la transformation des méduses et
utres organismes marins en corps siliceux et transparents, renfermant
Qcore des bulles d'air et des gouttes d'eau'. Ces pierres réellement
récieuses, que l'on exporte en quantité dans les polisseries allemandes
e la Nahe, ne sont pas les seules richesses minières de la contrée : le
lio Grande do Sul offre, pour ainsi dire, un résumé des richesses de
i Terre : or, argent, cuivre, étain, plomb, fer, kaolin, charbon.
La longue plage qui se développe en courbes élégantes sur tout le littoral
tlantique du Rio Grande est entièrement de formation océanique : les
agues ont apporté ce cordon de sable et le modifient à chaque marée par
le nouveaux apports et par des érosions. Divers indices font croire que
e niveau relatif de la terre et de la mer se modifie et que les plages
émergent graduellement. La formation d'un cordon littoral a séparé de
a mer de vastes étendues qui se sont changées en lagunes et dont la
nasse liquide, sans cesse renouvelée par les rivières, devient saumâtre ou
néme tout à fait douce. La chaîne d'étangs commence déjà dans rËtat
le Santa Catharina, à la lagune de Tubarâo. Des flaques de toute gran-
leur se succèdent à une faible distance de la côte, les unes complètement
ermées, les autres unies par des bayous et se déversant dans la mer par
les graus, qui s'ouvrent pendant la saison des pluies et se ferment pen-
lant la saison sèche. Derrière cette première rangée d'éUings littoraux une
seconde s'est formée, plus irrégulière, qui se rattache par le Capivary à
me mer intérieure, d'environ 9000 kilomètres carrés de superflcie, qu'on
* Durand-Savovat. Noies manuscrites.
MO flOtIVELLE GÉOGRAPHIE UNIYEItSELLC.
appelle Lagôa dos Palos ou « lagune des Canards », non à cause des jn
ou <• canards » qui s'abattent sur ses eaui, mais en souvenir des Indi
F^ El ^
l'iihis qui Cil (l(''l'('ii(lii'cnl los ii|iproclies Loiilre les Europôoiis'. Dan;
partie inéiidioiiale de l'Ëlal se [iniUinj-'C un aiiUe lac séparé do la n
la l.a<;('ia Mii'îiii, — e'e^^-i^-dil■e en guarani la lagune ■.<. Pelile >■. — i
LAGÔA DOS PATOS ET LiGÛA HIRIH.
t grande aussi, n'a reçu ce nom que par comparaison avec la Lagôa dos
tos. Elle se développe du nord-csi au sud-ouest, entre les deux ËUits, le
) Grande do Sul et l'Uruguay, sur une longueur d'environ 200 kilomètres.
Toute une ramure fluviale appartient à la Lagôa dus Patos et à M)ii
Luaire de sortie, le Rio Grande. Le principal affluent, connu sons divers
ms, se forme au centre de l'Élal par la jonction du Vacacahy cl du Jacuhy,
dernier étant considéré comme la branche maîtresse. En aval d'une
ande chute ou cachoeira, la rivière devient navigable cl grossit rapide-
402 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
ment par des tributaires venus surtout du nord : le Taquary, le Cahy.» le
rio dos Sinos descendent de ces hautes terres septentrionales. Mais cS^^ja
le fleuve se change en estuaire ; le Jacuhy prend le nom de Guah. '^rba
et va se réunir par un détroit à la Lagôa dos Patos. De son côté, la La^. ^^da
Mirim reçoit la rivière uruguayenne de Cebolaty et celle de Jaguarao, «=3ui
constitue la frontière des deux États, puis dirige l'excédent des eaux ^^^rs
son extrémité nord-orientale et s'écoule dans la Lagôa dos Patos ps^x:-^ ]e
canal du Sangradouro (ou « Saignée »), dit aussi de S3o Gonçalo, et gc^vr^flé
dans son cours par la rivière Piratinim ; des travaux d'art ont rectifié et
approfondi l'émissaire, qu'utilisent les bateaux à vapeur pour le servjice
commercial des deux lacs. Une autre rivière, le Camacuam, se jette dir^E3c-
tement dans la Lagôa dos Patos. Toute cette masse fluviale a cherché ^m^on
issue vers la mer et trouvé le point faible de la plage à l'extrémité mé- ^•i-
•
dionale de la Lagôa dos Patos, où s'ouvre le courant de sortie dit ^«"^o
Grande do Sul. Une barre très périlleuse, souvent bordée de navi]
échoués, s'arrondit au devant de l'entrée. Jusqu'à présent on n'a poi
réussi à flxer les pointes de sable entre lesquelles s'épanche le fleuve.
Au nord-est et au nord-ouest, sur deux faces de son vaste pourtour, .
province de Rio Grande do Sul est exactement limitée par le cours
l'Uruguay. Ce fleuve, — dont le nom guarani, signifiant, suivant h
divers élymologistes, « Queue de Poule » ou « rivière de l'Oiseau multi
colore », s'applique aussi à une république indépendante, — appartiei
au Brésil par les régions des sources et, dans la plus grande parti
de son développement, traverse ou baigne des terres brésiliennes. 7
nait dans la serra do Mar, h une cinquantaine de kilomètres de Tocéaj
Atlantique, et sous diverses appellations parcourt la région des campo?
Ceux du Rio Grande lui versent l'Uruguay Mirim ou « Petit Uruguay
et l'Ëtat de Santa Catharina lui envoie de nombreux affluents, notai
ment les deux cours d'eau Chapecô et Pepiry Guassû, — la « Gran(
Rivière couleur de paille », — qui ont donné et donnent lieu à tant
discussions entre historiens et diplomates pour la question des limit
entre le Brésil et l'Argentine. En aval du Pepiry Guassû, l'Uruguay,
coulait dans la direction de l'ouest, plonge brusquement par le Sa!
Grande et prend la direction normale du sud-ouest, qu'il doit conseï
dans toute la partie de son cours limitant les deux républiques. Son pi
gros affluent dans cette région médiane est le rio Ibicuy Grande, na*
gable pour les petites embarcations sur plusieurs centaines de kilomèti
L'Uruguay porte également des bateaux, mais des rapides interromp^^^^ à
son lit de distance en distance et la navigation franche ne commence «l^^^""
LACS, RIVIERES. CLIMAT, FLORE DU RIO GRANDE DO SUL. 405
ien au sud du territoire brésilien, au-dessous du rapide de Salto, ville
e la Banda Oriental,
Le Rio Grande do Sul, le plus méridional des États du Brésil, est aussi
^lui qui par sa température ressemble le plus à l'Europe occidentale. Le
intraste des saisons y est parfaitement marqué : le pays a son été brûlant
. son froid hiver, et les extrêmes de température peuvent y atteindre un
îart dépassant 40 degrés : en janvier et en février on a observé des cha-
!urs de 58 et de 39 degrés centigrades, et en hiver, notamment au mois
B juillet de 1870, une nappe de neige recouvrit la contrée. Dans la région
es collines le thermomètre descend jusqu'à 8 degrés; mais pareilles
lûtes de température ne se produisent que rarement et d'ordinaire les
hangements de saison se font par gradations régulières : la variation
loyenne entre le mois le plus chaud et le mois le plus froid ne comporte
[u'une douzaine de degrés. Les écarts les plus brusques ont lieu lorsque
oufflent les vents d'ouest ou de sud-ouest, le minuano, descendu des
ilateaux froids des Andes, ou le pampeirOj qui vient de balayer les pam-
ms argentines. Les pluies annuelles sont fort inégales. Normalement elles
ombent en hiver; mais les pluies d'été, plus courtes, plus violentes aussi,
^ersent une quantité d'eau à peine moins considérable. La tranche d'eau
iluviale est évaluée à 1 mètre environ*.
De même que dans les États voisins jusqu'à Sâo Paulo, les forêts con-
*astent avec les campos dans le Rio Grande do Sul. L'opposition entre les
eux paysages se montre parfois brusquement et la mer d'herbes succède à
i mer d'arbres. Ailleurs, la transition est ménagée : la forêt se continue
ar des archipels, puis par des îlots d'arbres, et des catingas ou demi-bois
anoncent la proximité des campos. En plusieurs régions, herbeuses des
almiers nains {butid rasteira) sont épars au milieu des herbes. La grande
>rêt, continuant la selve du nord, occupe la serra do Mar et se prolonge
ur le' rebord des monts qui dominent au nord la dépression du Jacuhy.
lU nord et au nord-ouest de l'État, les régions que borde le cours de
'Uruguay forment aussi de vastes étendues forestières, les plus riches
>ar la variété des espèces et celles qui, par la fertilité du sol, promettent de
* Cimditions climatiques du Rio Grande do Sul, sur la côte et dans Tintérieur :
Latitude. Température. Pluies. Jours de pluie.
Santa Cruz. . . . • 29o,45' 19o,2 (35o— (K>) (?) 107
Pelotas 310,46' i7o,2 (37o,5'— 0o,5') i-,066 83
Rio Grande (6 années). 32o.7' 18«,8 (32o,4; !<>) 0-,9l2 80
404 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
devenir la partie la plus populeuse de l'Ëlat. Au sud du Jacuhy, les hautes
saillies des serras do Herval et dos Tapes portent aussi leurs forêts vierges;
mais presque toute la région centrale et occidentale de Rio Grande do Sul
appartient à la zone des campos. Au sud, ces étendues, presque complè-
tement sans arbres, prennent le caractère de pampas : déjà commence
Taire de TArgentine. Si Ton devait choisir une limite naturelle, au point
de vue de la végétation, enire les deux grandes régions dont Tune a
pour axe TAmazone et l'autre les pampas argentines pour centre, il fau-
drait prendre le rebord des hautes terres, qui coupe diamétralement le
Rio Grande do Sul, au nord de la dépression où coulent Tlbicuy Grande et
le Jacuhy.
De nombreuses espèces d'arbres et d'arbustes représentent dans le Rio
Grande do Sul la flore argentine et se mêlent à la flore brésilienne : cer-
tains types végétaux entrecroisent dans cette région tempérée les aires de
l'Amazone et de la Patagonie'. On ne voit plus dans cette province végétale
qu'une dizaine de palmiers : le cocotier a disparu, mais il reste encore une
espèce voisine, le jeriva (cocos coronata)^ dont les feuilles, enveloppant j
des épis de mais, sont la nourriture préférée du cheval. Les pignons*^
(pinhôes) des araucarias attirent des bandes de perroquets sur les arbres^
et engraissent les troupeaux de porcs. La flore locale comprend aussif .^^
diverses espèces de bambous et la broméliacée cravata (caraguata), qu
ressemble à l'ananas. Certains bois précieux, tel le jacaranda, manquen
aux forets du Rio Grande; mais les essences propres à Fébénisterie ou
la construction dépassent largement la centaine.
L'extrémité méridionale du Brésil fait encore partie du monde amaz
nien, non seulement pour la flore, mais aussi pour la faune. Le Rio Grand
do Sul a des singes et des vampires, des jaguars et des pumas ou « lions >>
— quoique ceux-ci soient devenus fort rares, — des crocodiles jacarés..
des iguanes et des lorlues. Cependant on se trouve dans le voisinages 7^-5^ ^^
d'une frontière zoologique. Le pécari, le culia, le tapir, qui habitent ^* ""^
encore les forèls du Rio Grande do Sul, ne se sont pas avancés dans Isr^- ^
Bande Orienlale. De même, la viseacha {lagostorims trkhodaciylus) y. que^ ^
Ton rencontre sur la rive droite de TUruguay, dans l'Argentine, esP
inconnue dans le territoire de la rive gauche. Le fleuve sert de limites
\\ d'autres espèces animales : le tamanoir ou fourmilier, le coati [nam
sncialis) ne vivent (jiTà l'est du courant fluvial*.
' II. \()n Ihciiiii;, As Arvorcs (h Rio Cvdinîv do Sul
- II. von Ihcriiiuf. nuMiioirp citt'.
-Si
FLORE, FAUNE, HABITANTS DU RIO GRANDE DO SUL. 405
L'exploration des tambaqui du littoral a révélé Texistence préhistorique
ndigènes ayant un type analogue à celui des Aimores ou Botocudos, mais
^c un caractère presque bestial. Un crâne découvert près de la côte
unique, au sud-est de Porto Alegre, a les sourcils proéminents, la
ichoire inférieure très avancée : l'ensemble de la physionomie devait
>ir une expression féroce*. La population que trouvèrent les conqué-
lis était en entier d'origine guarani et se composait de tribus nom-
îuses, Carijô, Patos, Minuanos, Tapes, Charmas, ayant pour la plupart
ssé leurs noms à montagnes, lacs ou autres traits de la contrée. Mais
race pure a presque disparu, et le sang des Indiens ne coule guère
e dans les veines de la population blanche métissée. Au plus un millier
indigènes, désignés par l'appellation banale de Coroados ou de Bugrcs,
rent encore au nord de l'État, autour de la colonie militaire de
seros. Ce sont de prétendus « chrétiens » n'ayant plus aucun sou-
nir de leurs aïeux et vivant à la mode des gauchos. La race afiî-
ine, qui au temps de l'esclavage était maintenue par les institutions ou
s mœurs en dehors des autres habitants, se résorbe à son tour. On
imptait alors environ cent mille noirs dans la province de Rio Grande;
\ nos jours la statistique en donnerait un nombre beaucoup moins
nsidérable.
De même, les autres éléments ethniques se fondent graduellement
ns la population portugaise rio-grandense. Les Allemands, — ainsi
signés comme formant une nation distincte, — constituèrent la sixième
la septième partie des habitants; actuellement ils s'élèveraient tout au
js au huitième, et seulement au dixième si on considère comme appar-
iant à la race ceux qui parlent habituellement la langue des aïeux, mais
possèdent le quart de la fortune publique et la moitié de l'industrie
îale. Ceux qui présentent la plus forte cohésion, les colons de la serra
Costa, — c'est-à-dire l'ensemble des terrains montagneux, — pro-
essent le moins à tous points de vue : ils n'ont pas encore appris à
irler le portugais, gardent leurs anciennes pratiques agricoles et s'ha-
Ilent à la vieille mode, tandis que leurs fils domiciliés dans les villes
! distinguent par la connaissance des langues, l'initiative et l'esprit
idustriel : presque toutes les usines et les maisons d'exportation sont
ître leurs mains. Quant aux immigrants italiens, portugais, gallegos,
ni sont arrivés dans ces dernières années, dix fois plus nombreux que
is Allemands et constituant le gros de la population étrangère, ils sont,
* S. Carlos von Koseritz, Nature, 21 Aug. 1884,
J
>
.NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
grâce à leurs mœurs et à leur parler latin, bien plus rapidement entraÎTV^
dans le torrent de la circulation nationale'.
La proximité de l'Argentine se révèle au Rio Grande do Sul dans ~\e&
travail! et le caractère des habilanls. L'industrie de la « viande » prévaK:
dans le Rio Grande do Sul comme dans l'Uruguay et les pampas. D'if:
menses troupeaux parcourent les pâturages et les grands établissement
• Nombre des immigrants danii le Rio Grande do Sul, en 1S90 : 12 03i.
» » 1891 : 24 325.
RIO-GRANDENSES, PORTO ALEGRE. 407
urbains sont des abattoirs. Le type caractéristique du campagnard rio-
grandense ressemble à celui du gaucho argentin : c'est aussi un cavalier
infatigable, un homme de force et d'adresse peu communes, prompt à
1 aventure, audacieux et rusé, et ne se laissant point émouvoir par la vue
du sang. Dans les guerres du Brésil, civiles ou étrangères, la cavalerie
rio-grandense prit une part décisive dans les batailles.
La capitale actuelle du Rio Grande do Sul, Porto Alegre, est située au
Tai centre géographique de la contrée, à l'endroit où le Jacuhy, réuni à
eus ses affluents, s'élargit soudain pour former l'estuaire de Guahyba :
es routes de terre et les voies de la navigation maritime viennent s'y
•encontrer. Elle occupe sur la rive orientale de l'estuaire un promontoire
pittoresque situé immédiatement h l'aval de tout un archipel d'iles boisées,
3t projette au nord et au sud entre les jardins ses élégants faubourgs :
un de ces quartiers extérieurs, à l'extrémité septentrionale, a pour
habitants les marins ou navegantes. Le sol sur lequel on a construit la ville
est assez ondulé pour que les édifices s'élèvent en amphithéâtre, et vers
Test des collines boisées, parsemées de maisonnettes, donnent une physio-
nomie riante à l'ensemble du paysage. Porto Âlegre n'a pas une antique
origine : quelques familles açoriennes établies dans la contrée y possé-
daient en 1742 une escale de bateaux : ce fut le commencement d'un
village qui, en 1773, prit le nom de Porto Alegre. Sa prospérité ne date
que de l'époque où les colonies allemandes de la serra da Costa en firent
un entrepôt de denrées agricoles; devenue maintenant cité d'industrie,
elle possède des fabriques de cigares, des brasseries, des chantiers de
construction. Le gouvernement brésilien y a placé une école militaire,
centre stratégique des États méridionaux. Au point de vue littéraire et
dentifique, Porto Alegre peut être considérée comme une sorte de capi-
grâce à ses écoles, à ses collèges, à ses journaux. A une petite
di^^ce vers l'ouest, près de la rive méridionale du Jacuhy, se trouvent
les houillères de Sao Jeronymo, qui fournissent environ 2000 tonnes
ibustible par an; elles se trouvent sur le parcours d'une bande
lifère qui se prolonge du nord-est au sud-ouest, parallèlement au
kl, des gisements de Tubarâo à ceux de Jaguarao.
voie commerciale naturelle du fleuve, complétée en amont de
TaHiry par un chemin de fer qui pénètre à l'ouest dans le bassin de
ll^py Grande en traversant les villes industrielles de Rio Pardo et de
îira, lui apporte les denrées des campagnes occidentales, et une
voie ferrée, poussant dans la direction du nord, à Sâo Leopoldo et
Nova Hamburgo (Hamburger Bcrg), relie les colonies allemandes à leur
Mitis les dangers de la Larre maritime empêchant Porto Alegre de dév
lopper son commerce extérieur, ses habitants ont songé à lui donner ui
autre issue vers la mer en utilisant la chaîne de lacs qui, de la Lagôa d
Patos, se dirige au nord-est vers la lagune de TubarSo. Le canal comme
ccrait à la baie de Capivary, et vers le milieu de son parcours, à la fro
TORRES, JAGUARiO, PELOTAS. M9
lière des deux États Rio Grande et Santa Catharina, toucherait au port de
Santo Domingos das Torres — ou simplement Torres — ainsi nommé
de trois saillies granitiques se dressant hors des sables en forme de
n tours ». Hais ce port lui-même est esposé à tous les vents et il serait
nécessaire de le protéger par une ceinture de jetées et de brise^lames.
Ce sont là des travaux fort considérables, que le budget de Rio Grande do
Sul n'a pas encore permis d'entreprendre: Les ingénieurs ont aussi fait la
proposition de couper directement l'isthme qui défend à l'est la Lagôa dos
Patos et de créer un port artificiel à l'extrémité de cette coupure.
-A. l'autre bout du bassin fluvial, la ville de Jaguarào, la « Tigrière »,
^"*nsi nommée soit à cause des animaux qui rôdaient autrefois dans ces
forges, soit à cause des dangers du passage, s'appuie à une colline élevée
'^'oii l'on contemple un panorama très étendu. Fondée en 1765 par des
^~^lons de Madère, Jaguarào a pris part aux guerres et aux révolutions
locales, et fait quelque commerce avec la république voisine, par son fau-
bourg uruguayen d'Artigas dont elle n'est séparée que par le cours de la
rivière; mais la contrée a pour marché principal la cité de Pelotas, bâiie
sur la rive gauche du Rio S3o Gonçalo, non loin de son issue dans la
Lagôa dos Patos. De toutes les villes brésiliennes. Pelotas prépare dans
ses usines à viande la plus grande quantité de carne secca : on tue chaque
année dans ses abattoirs plus de 300000 bœufs, — même 400000 en
1890, — pour en envoyer les chairs desséchées dans les villes du nord,
110 NOL'YELLE ceoCRAPRIE irMVERSELLE.
Rio, riiiliia, Pernambucd. Ce commerce rv|iri;seiite une valeur moyenne
de trente millions de francs; en outre, les di^chuls sont iililisés (tour les
MivoEiiicrios, les fatiriijuos de bouges et d'engriiis.
Deux villes se sont élevées en fac« l'une de l'jiulrc sur les b<ii-ds du
oournnt qui emiinrle il lu mer l'eicédent liquide de la Lagôa dos Patos :
h l'est Sao José do Norte, à l'ouest Rio Grande do Sul, les mots Norte et
Sul se trouvant ici en désaccord avec l'orientation réelle des deux localités. ,
Rio Grande, qui fut la capitale de la province et lui donna son nom, ■
içâ
^■wai! jicA4> tid ^'j^S-nre^^s ^fi.f'"ae,n/ahtt
aurait l'aspect gracieui, mais des forts, des murailles, des constniction: '^
militaires l'enlaidissent, emplissant l'exti-émité d'une péninsule étroite
entre deux lagunes. Le courant lacustre laisse cette péninsule à distance e *
rase de près la cote de Sào José do Norte. Aussi les navires de commerce
doivent-ils éviter les batlures de Rio Grande et mouiller près de Sào José.-
sur la rive opposée. Un inconvénient du port, bien autrement grave, con —
siste dans les sables de la barre, qu'il a été impossible jusqu'à mainlenan»"
de fixer et dont le seuil varie, suivant les marées et les tempêtes, d^
2 mètres et demi à près de 4 mètres en profondeur : la barre n'avait
Y >"'
RIO GRA!tDE DO 8UL.
11 pieds, — 3 mètres 55 centimètres, — lorsque, en 1885, un
■ean chenal s'ouvrit plus au sud, à 4 mètres et demi, s'approfondissant
lèvent du nord-est, se relevant avec le vent du sud-est. Le projet
élioralion du poil comporte la construcUon de deux jetées paiallèles.
nçant jusqu'aux Tonds de 6 mètres, et le dragage entre ces jetées
chenal de 400 mètres avec tirant d'eau de 8 mètres. Mais, en attendant
alisation de ces projeter, le commerce de Rio Grande do Sul, qui con-
414
NOUVELLE (ifiOGRAPHIE UNIVERSELLE.
sisle presque exclusivement dans l'exportation des viandes, a diminué
le trafic cherche les voies terrestres pour éviter le dangereux passage
Les habitants de Sao José n'ont d'autre culture que celle des oignon
seule plante qui prospère dans le sol sablonneux*.
Le chemin de fer qui unit Rio Grande do Sul à Pelotas se continue
l'ouest, le long de la frontière uruguayenne, jusqu'à la ville de Bagé, situS
près de Taneienne Santa Tecla, déjà sur le versant du Rio Negro, do
presque tout le cours se déroule dans le territoire de la république v
sine. Par son industrie d'élevage, de même que par ses relations comme
cialcs, Bagé appartient à la même zone que les villes espagnoles du sui
et des deux côtés de la frontière la population est très mélangée. Bar
et, plus à l'ouest, Santa Anna do Livramento sont pendant les gue
civiles les lieux de refuge des Uruguayens vaincus et les quartiers gé
raux où se reforment les bandes pour tenter des incursions nouvelles. I
montagnes voisines abondent en métaux, plomb, cuivre et or : près
bourg de Lavras ou des « Mines » on exploite ce dernier métal depuis 18
En certains endroits le chemin de fer de Bagé à Pelotas traverse des couc
de houille, d'ailleurs de mauvaise qualité, dont on s'est servi pour la
struction des remblais'.
La région septentrionale des campos du Rio Grande n'a pas en
une population suffisante pour que des villes proprement dites aient
naître dans le haut bassin de TUruguay. La première bourgade du fle
supérieur est la fameuse Sao Borja, ancienne mission des Jésuites, aut
de laquelle s'étaient groupés les Indiens Guarani : Aimé de Bonpla
l'ami de Humboldt et son compagnon dans « les régions équinoxiales
ensevelit sa vie après avoir échappé au dictateur Francia. Plus bas, pressez
en face de la bouche de TAguapey, s'élève la ville d'Itaquy, où le gou^^
ncment brésilien a installé son arsenal sur la frontière de l'Argenti
Déjà Itaquy commerce directement avec Montevideo pendant les ci
mais le marché principal, qui sert de port à la ville d'Alegrete, chef-^
du bassin de Tlbicny, est Uruguayana, bâtie en face de Restauracion :
gué où passent les cavaliers, dit Paso de los Libres, réunit les deux vi 1
et les deux États. Fondée par des exilés argentins, Uruguayana, poin^
départ des bateaux, à l'angle extrême du territoire brésilien, de^^''^
* Valeur du commerce de Rio Grande en 1891 :
42 000 000 milreis, ^it, à 1 fr. 00 le niilreis, 67 200 000 francs.
Mouvement de la navigation à Rio Grande en 1891 : 52G 000 tonnes.
* II. V. Ihering, PeiermanrCs MiUeilungeny 1887. Ileft X.
' II. V. Ihering. mémoire cité.
-::ore
pu
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ur
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men
un
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de
int
RIO GRANDE DO SUL, MATTO GROSSO. 415
^lèbre pendant la guerre du Paraguay. Les cinq mille ennemis qui s'y
talent aventurés, en 1865, durent se rendre, après avoir subi le siège
n règle des trois armées alliées que commandait l'empereur dom Pedro.
•oint de ville brésilienne qui, en souvenir de ce fait d'armes, n'ait rue,
tolace ou promenade dite d'Uruguayana\
IX
MATTO GROSSO
La très vaste région du Matto Grosso ou de la « Grande Forêt », d'une
superficie égale à trois ou quatre fois la France, n'est, sauf une étroite
lone médiane, qu'une immense solitude aux limites indécises, sinon incon-
nue, du moins encore abandonnée aux Indiens et aux bétes sauvages, ne
se rattachant au reste du Brésil que par les pistes des chasseurs et le
30urs des rivières navigables qui y prennent leurs sources. D'ailleurs, ce
nom de Matto Grosso n'a pas même la valeur d'une « expression géogra-
phique », car il s'applique à des contrées fort distinctes, n'appartenant que
par de faibles étendues à la selve de la dépression amazonienne : la plus
grande partie du territoire est comprise dans la zone des saillies qui sépa-
rent les deux versants du nord et du sud et que recouvrent des brousses
rabougries ; une autre part consiste en fonds partiellement desséchés d'une
ancienne mer dont les rivages sont parsemés de maigres bois. L'ensemble
de la population policée, qui réside dans les rares colonies du Matto
Grosso, n'égale même pas celle d'un faubourg de Rio, le chef-lieu de la
Ilépublique, et cependant nulle autre contrée ne dépasse en fécondité cer-
taines parties de ces déserts brésiliens, situés au centre même du conti-
nent, sur les faîtes de partage des rivières amazoniennes et platéenncs. Il
7 a largement place dans le Matto Grosso pour cent millions d'hommes^
Sauf a son extrémité méridionale et à l'occident, le Matto Grosso ne fut
* Villes principales et historiques du Rio Grande do Sul, avec leur population approximative :
Porto Alegre 52 000 hah.
Pelotas 55000 ))
Rio Grande et SSo José .... 25 000 »
Bagé 22 000 ))
SJoLeopoldo 8 000 »
Uruguavana 8 000 »
* Superficie et population approximatives du Matto Grosso :
1390000 kilomètres carrés; 85 000 hab. policés: 0,06 hab. par kil. carré,
100000 )) avec Indiens; 0,07 »
SanUiCruz G 000 bal).
Santa Anna de Livramento . . 5 000 ;)
Ja^îuarào 5 000 »
Alogi'ctc 4 000 ))
lUiquy 4 000 »
Sào Borja 2 500 »
416 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
point touché par les itinéraires des conquérants espagnols. Genx-d,
avoir découvert les trésors miniers du haut Pérou et colonisé, de Vexé
côté du continent, les bords de Testuaire de la Plata, se bornèrent
rattacher les deux parties de ce prodigieux donuiine par Texploratio]
du haut Paraguay et des plaines de la Bolivie. Les Paulisles,
d'hommes, furent les premiers blancs qui pénétrèrent dans la a
Forêt ». Vers 1680, un certain Manoel de Campos avait déjà visité 1
campements des Indiens Bororé, sur le versant méridional des plateai
et d*autres traitants le suivirent. La découverte de Tor accrut soudain 1
nombre des voyageurs paulistes et, chaque année, des caravanes, do:
quelques-unes, composées de centaines de bandeiranteif partirent pou:^
celte ce Terre de Promission » ou, suivant le bruit public, on ramai
les pépites par arrobes. Mais, pour se guider sûrement dans leurs
ou expéditions annuelles, les aventuriers de Sio Paulo n'avaient point d
routes tracées. Exposés aux attaques des Indiens ennemis, n'ayant d'autres
vivres que le produit de leur chasse et de leur pêche ou des alimente
volés dans les campements d'indigènes, ils avaient à se construire des
barques et des radeaux, à éviter les naufrages, les fièvres, les blessures.
On ne pouvait s'arrêter pour soigner les malades : blessés, fiévreux, famé-
liques, tous ceux qui ne pouvaient suivre le convoi étaient abandonnés
dans la brousse, à la merci des fauves. Des expéditions disparurent sans
qu'un seul en réchappât'. Dans ces régions presque désertes, sans routes,
rayées de pistes sinueuses, les distances sont peu connues, et dans leurs
estimations les voyageurs peuvent se tromper du simple au double, où
même davantage : comme autrefois dans tout le Brésil, on n'y compte les
marches que par « lieues » d'une moyenne de 6 à 8 kilomètres, mais
comportant un écart beaucoup plus grand, de la legôa grande à la legôa
pequena et à la legôa de imda ou « lieue de rien* ».
Pour gagner les mines de Cuyaba, où se trouve maintenant la capitale
de TËtat, territoire détaché de l'ancienne capitainerie de Sâo Paulo,
les chercheurs d'or se laissaient d*abord porter par le courant du rio
Tieté, puis descendaient le Parana jusqu'au confluent du rio Pardo, dont
ils remontaient le cours inférieur, pour atteindre, par son affluent
l'Anhambuhy, la serra de Santa Barbara et les campos de Vaccaria, d'oîi
la rivière Miranda, le rio Paraguay, le Cuyabà les menaient au but après
un voyafîc de longs mois. A leur tour, les Mineiros, rivaux des Paulistes,
* Barbosa dv Sa, Relaçao dan Povoaçôes; — Severianoda Fonseca, Viagem ao redor do Brazil,
• llenrv Koster, Traveh in Brazil
MATTO GROSSO. 417
af^J>rirent le chemin du Malto Grosso et, traversant le Goyaz, suivirent la
vo΀ directe qui conduit à Cuyaba, par la vallée du rio das Mortes. Mais
less mines d'or, aussi mal exploitées que dans le reste du Brésil, perdirent
g^ii^stduellement leur force d'attraction, et le Matto Grosso était presque
fe tombé dans l'oubli lorsque, avec l'indépendance brésilienne, commença
V^re des explorations scientifiques. D'Orbigny, de Castelnau, d'Alincourt,
erger surtout, contribuèrent à faire connaître la nature de la con-
î ; puis, lorsque la guerre du Paraguay eut démontré que le Matto
se trouvait encore matériellement en dehors de l'empire, de
ï^oinbreuses commissions explorèrent le pays les unes après les autres.
Ceintes, .on ne pourrait comprendre que le Matto Grosso soit resté une
dépendance politique du Brésil, si l'insignifiance numérique delà popu-
lation blanche, perdue au milieu de tribus indiennes, n'en donnait la
*^isoii. Une colonie puissante eût voulu conquérir son autonomie et y fût
^^ï^tainement arrivée, puisque l'absence totale de voies praticables à des
troupes aurait empêché toute incursion du dehors. Même dans leur état
de débilité politique extrême, les habitants de Cuyaba ont essayé à plu-
sieiirs reprises, notamment en 1834, de se constituer en Etat libre; mais
l^s représentants du pouvoir central l'emportèrent. Toutefois, aux débuts
^^ la guerre du Paraguay, le gouvernement brésilien dut assister, impuis-
^^ni, à l'invasion du Matto Grosso et à la capture de ses postes avancés:
^ est par l'estuaire de la Plata, et avec l'aide des républiques Argentine
^t Orientale, qu'il eut à reconquérir le territoire perdu.
Jusqu'à cette époque, le Matto Grosso, découvert par les Paulistes, était
^^sté dans la zone commerciale du port de Sanlos, le pays de ses anciens
découvreurs, mais le trafic qui suivait cette route longue et coûteuse ne
^'^présentait que des sommes insignifiantes. Les difficultés des communi-
^^tions étaient si grandes, que, pour répondre à la déclaration de guerre
*^iie par le Paraguay, il fut impossible aux troupes rassemblées dans les
P**^vinces du littoral d'aller secourir directement leurs compatriotes du
*^t.io Grosso. Le corps expéditionnaire, parti de Rio de Janeiro en avril
^^o, ne put s'organiser à Uberaba, dans le bassin supérieur du Parana,
I^ ^u mois de juillet; fort de 3000 hommes, il se mil en marche h tra-
■^^ les solitudes, mais de campement en campement perdit plus du
^^^ de son efieclif par les fièvres et le béribéri : deux ans presque
^^^ors s'étaient écoulés lorsque les soldats arrivèrent enfin à la bour-
^^^^ de Miranda, près de la frontière paraguayenne. En franchissant
'^ ^'VvièreApa, en avril 1867, la petite troupe comprenait 1680 hommes
^^ combat; mais, ne trouvant pas à se ravitailler comme elle l'avait espéré,
MX. 53
k
418 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
elle duf. opérer sa retraite, constamment poursuivie par un infatigal
ennemi, qui lui disputait les passages des rivières et cherchait à Tenfemn
dans les savanes par un cercle d'incendies. Le choléra se joignit ai
persécuteurs et il fallut abandonner les malades en pleine forêt, à
faim, aux ennemis, aux vautours. Quand les Brésiliens atteignirent
poste de ravitaillement inattaquable à Tennemi, il ne restait plus c:
sept cents hommes : les autres avaient succombé aux privations, ^
maladies, au feu et aux balles \
Le triomphe du Brésil sur le Paraguay lui ouvrit toutes gi*andes les por
d'accès : par la pente naturelle du sol et Técoulement des eaux, le Ma
Grosso se rattache au bassin de la Plata, et, grâce à la liberté de navigali
des fleuves, assurée par la victoire, des services réguliers de bateaux
vapeur s'établirent de Rio de Janeiro à Cuyaba par Buenos Aires. Mais, Irn
longue et trop coûteuse, cette voie ne peut guère senir qu'aux gens rich
et aux fonctionnaires* : on ne peut la parcourir en moins de 51 jour
Quant à l'autre roule fluviale, celle du Guaporé, du Madeira et de l'Ams
zone, on l'utilise moins qu'au siècle dernier, après l'exploration condui*
en 1742 par Manoel de Lima. Avec cinq compagnons, il descendit e
pirogue du Malto Grosso à l'Océan et son exemple trouva de nombreii
imitateurs; mais le grand obstacle à une navigation régulière, l'escalie
des rapides du Madeira, n'a pas encore été tourné, le projet de voî
ferrée n'ayant pas abouti, à cause du manque de fonds et du conflit de
intérêts. Les rares voyageurs qui se hasardent en barque sur les eaux d
Guaporé doivent se soumettre à la fatigue des longs portages avant d'al
teindre l'escale de Santo Antonio, tôte de la navigation à vapeur sur 1
Madeira. La voie directe de la cité de Malto Grosso vers l'Amazone et Par
franchit le faîte directement au nord et redescend le Juruena et le Tapajo2
mais cette voie, explorée à grand'peine par quelques voyageurs depu
Francis de Casteinau, est beaucoup trop pénible pour que le commen
puisse l'utiliser. On ne l'emploie, comme celle du Madeira, que pour l'in
porlalion des fèves du guaranâ (paullinia sorbilis), recueillies par h
Mauhé sur les bords de l'Amazone : la poudre de guarana, mêlée à Teai
fournil la boisson préférée des habitants du Matto Grosso.
Cependant l'amoindrissement graduel des distances rapproche le Mail
Grosso des Étals du littoral, el bientôt celle contrée, isolée jadis, se ratU
chera malériellement au reste du Biésil. Une ligne télégraphique reL
* A. d'Escragnolle-Taunay, La Relraile de Laguna,
* Distance en droite ligne de Rio de Janeiro à Cuyabâ. . . 1 4^20 kilomètres.
)) par Buenos Aires » » ... 0 200 »
déjà Rio de Janeiro et Cuyaba, et le chemin de fer, décrivant un vaste
détour par Saio Paulo, a poussé jusqu'au delà du rio Grande, à plus du
tiefs de la distance totale qui sépare Cuyaba du lilloral. Des voies de
prolongement se préparent sur toutes les lignes du front d'attaque, et
Toin travaille à des routes mixtes comprenant des courants navigables par
bal^^iiux à vapeur et des chemins de passage entre les rivières. Ainsi les
dem:ax rios Ivahy et Paranapanema, dans les États de Paranâ et Sao Paulo,
se c^ontinueraient au delà du Paranâ par la remontée de l'Ivinheima et du
81*11 hante jusqu'aux montagnes voisines de Miranda, dans le Matlo Grosso
dt» sud. Toutefois ces chemins ne suffisent pas pour qu'une forte immi-
gr^^sHion se porte vers ces magnifiques régions des faîtes et des versants
par-aguayens et amazoniens, qui promettent d'être dans un avenir prochain
u"^ g^rand centre de peuplement. La colonisation se fera sans doute par
la^ voie du sud, du côté du Paraguay et de l'Argentine. Si faible que
so» t la population actuelle du Matlo Grosso, on constate que, des deux exlré-
ïï^*t-es du territoire, celle du versant méridional contient la très grande
orité des habitants : en dehors d'une bourgade et de sa banlieue,
rue tout le versant amazonien reste désert.
Matto Grosso est une des parties les moins saillantes du continent
l--américain et l'on n'y voit point de hauteurs qui constituent de vraies
^^^ontagnes, quoique les gens du pays énumèrent les « serras » par
"^^aînes. Les hautes terres du Brésil, dont les points culminants se trou-
t dans les chaînes orientales, dans la Manliqueira, les Aimores et l'arête
l*Espinhaço, s'abaissent graduellement à l'ouest du Goyaz méridional,
®^ <l*autre part les hautes masses andines inclinent vers l'est leurs conlre-
^**^s et leurs terrasses. Entre les deux systèmes orographiques serpente en
^*""'^^e de vallée la plaine intermédiaire qui fut jadis un détroit maritime,
rant les deux grandes îles, Brésil orientul et Andes. Des eaux fluviales
lent dans la dépression où passaient autrefois les eaux marines, et leurs
^-^xions emplissent maintenant la plaine. Le seuil de partage qui sépare
sources du Guaporé et les rivières maîtresses du Paraguay n'atteint ou
*^ ^i^épasse guère 500 mètres d'altitude : il ne paraît exister qu'un isthme
^ étroit de roches anciennes, unissant les hautes terres brésiliennes
^^elles du pays des Chiquitos*. Là, entre les deux chefs-lieux de
^ ^ Francis de Casteinau, Exploration dans les parties centrales de V Amérique du Sud; —
•^le A. Derby, Geolofjia e Paleonlologia de Matto Grosso.
130 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
l'État, Matto Grosso et Cuyaba, se trouve le véritable centre de l'Ainéri^-^xv.
du Sud.
L'ignorance de la contrée fait confondre parfois les aigue-verses a^^-e
les serras, et sur les cartes on dessine une chaîne de montagnes conlir^vie
entre les bassins du Madeîra et du Tapajoz, puis entre les sources ^y
Tapajoz et du Paraguay, enfin entre le Tapajoz et l'Araguaya. Cependan-^j^ \\
est certain que cette saillie semi-circulaire n'existe que par fragments. ^^ ^^
hauteurs qui dominent les plaines du haut Paraguay et de ses aniu^^s^ig
sont en réalité le rebord d'un plateau à strates horizontales ou très fai "^i^ie-
\
ment inclinées, érodées par les rivières qui descendent vers l'Amaw».^'*-
ce sont des taboleirot et non des montagnes, ou du moins celles-ci" **
se redressent que sur quelques rebords du plateau, atteignant çà et là
millier de mètres en altitude, tandis que le rempart lui-même a seulcm^^^^
500 mètres d'élévation moyenne. Ainsi l'ensemble orographique ^^^^
faîtes du Matto Grosso, que l'on désigne indifféremment sous le no, «
de cordilheira ou de campos dos Paresi, d'après les familles indienn^^^^.
qui les parcourent, ne présente un aspect montagneux que du côté d
sud : sur cette face escarpée, la roche est taillée en parois, décou]
en aiguilles: mais de l'autre côté, vers le Tapajoz et le Xingû, s'éten
une longue contre-pente, se confondant graduellement avec les plai
de r.Vmazone. Couto de Magalhàes, et après lui la plupart des géc
graphes qui se sont occupés du Matto Grosso, donnent à ces bords élevé
MONTAGNES ET PLATEAUX DU MATTO GROSSO. 431
du plateau qui blanchissent aux premiers rayons du soleil l'appellation
d'Araxà^ mot guarani qui indique les points culminants baignés de
i vmière et d*air pur.
Déjà d'Orbigny avait reconnu dans les hauteurs du Matlo Grosso septen-
L j^ional Texistence de couches appartenant à l'âge carbonifère et corres-
ondant aux roches de même nature qui, de l'autre côté de la région, se
ontrent dans les avant-monts boliviens de Santa Cruz de la Sierra. Après
'Orbigny, Hartt et Derby ont constaté que les parties méridionales de
Araxâ datent probablement des âges paléozoïques, et que les couches carbo-
iferes, dévoniennes et siluriennes y sont représentées : des lits fossilifères
rouvés par le géologue Smith au-dessous des collines de Chapada, àcin-
uante kilomètres à l'est de Cuyaba, ont mis ces faits hors de doute. Plus
u nord, dans la zone de rochers que traversent en cataractes le Madeira,
-e Tapajoz, le Xingu, le Tocantins et leurs affluents, les parois mises à
u par l'érosion sont toutes de formation cristalline, granits, gneiss,
rphyres et quartzites.
Les hauteurs qui se développent dans la direction du sud entre les
ources du Paraguay et celles de l'Araguaya, puis entre le premier fleuve
t le Parand, ne présentent pas le même caractère que les plateaux du
ord. Ceux-ci n'ont été déblayés par les eaux que sur leur face méridio-
ale, tandis que les saillies du Matto Grosso oriental ont été ravinées des
eux côtés, à l'est et à l'ouest, et, rétrécies par ces affouillements laté-
ux, prennent en certains endroits l'aspect de véritables chaînes de mon-
gnes. Ainsi se profilent du nord au sud la serra de Sao Jeronymo, celles
e Maracajû et d'Anhambahy : le tracé futur du chemin de fer de Curitiba
Miranda traverse cette dernière chaîne à la hauteur de 618 mètres. Des
oehes éruptives, dites basalte dans le pays, mais probablement porphy-
aritiques, ont percé les couches de grès qui composent les montagnes et
^paraissent avoir formé par leur désagrégation des « terres rouges » ana-
logues à celles qui donnent aux planteurs de Sao Paulo de si belles récoltes
^e café'. Dans l'espèce de cirque délimité par le demi-cercle des hau-
teurs s'élèvent des massifs isolés, roches dont les strates, visibles de loin,
ont une régularité parfaite. Les mornes eux-mêmes ont pour la plupart
^es formes géométriques : on dirait que de vastes pans se sont écroulés,
laissant des parois lisses pareilles aux flancs d'une pyramide. Les sommets,
horizontaux comme si la pointe en avait été coupée par un inslniment
tranchant, correspondent à d'autres sommets, et Ton voit qu'ils faisaient
* Orville A. Derby, Nota sobre a Gcologia e Paleontologia do Matto Grosso.
499 HOUVELLB GEOGRAPHIE UNIVERS8LLE.
iiiilicrois [ijirlic «l'iiiir m^mc Icrrasse. Les lignes U'iil'fli^iircment des stratef^ai
sur II! pourtour dos mornes semblent indiquer le plan suivant lequel st^?=
conliniieronl les plitnomènes de destruction. D'après de Taunay, qui par
(H)urul le piiys et y résida pendant plusieurs années, ces massifs de giv^^
auK assises horizontales cl régulièr'cmenl superposées sont formés de-^
sédiments lacustres que tamisa la mer d'eau douce recouvrant jadis \imm.
contree'.
Les débris entraînés des parois et des escarpements ont aussi contribu&
h changer la physionomie du paysage- Les talus de décombres, repris.
pur les rivii^rcs et les (leuves, ont, sur de grandes épaisseurs, revêtu le sof
de couches nouvelles. Mainte saillie de rocher a disparu sous les restes
menuisés des montagnes, et d'autres ne montrent plus que leur pointe
au-dessus des terrains de formation plus récente. Des massifs qui se ratta-
chaient aux plateauï et aux chaînes de l'intérieur en sont maintenant
séparés, parce que leurs bases sont enfouies et se dressent abrupteinent
hors du sol, sans talus de transition. Ces mornes distincts, auxquels on
donne le nom d'itambé, comme à la grande montagne de la serra d'Es- J
pinbaço, près de Diamantina, érigent leurs pointes ou leurs dômes au-
dessus de la mer d'arbres, comparables à des édifices gigantesques élevés
de main d'homme. A l'est du Matto Grosso méridional, ils s'alignent en
rangées, se groupent en archipels, puis, de moins en moins hauts et
moins nombreux dans ta direction de l'ouest, ou complètement solitaires
dans le cercle de l'horizon, ils se montrent jusqu'aux bords du Paraguay,
ou même par delà le fleuve, au-dessus de la rive gaucho. Les hauteurs chi-
quitéennes, ainsi que te disait déjà d'Orbigny', appartiennent plulùt au
système brésilien qu'à celui de la Bolivie.
Le haut Guaporé, l'Itenez des Boliviens, quoique compris dans le bassin
de l'Amazone comme affluent du Madeira par le Mamoré, appartient spécia-
lement au Mallo Grosso, puisque ta ville de ce nom a été fondée sur ses
bords et que la population presque entière de l'État s'est groupée dans la
dépression dont ce fleuve parcourt la moitié occidentale : il doit son nom
de Guaporé à une tribu éteinte depuis longtemps. Sa principale source,
très ferrugineuse, jaillit dans une grotte ou eorixa, qui s'ouvre au bord
de l'Araxâ, et coule d'abord dans la ^direction du sud, prallèlemenl à
d'autres rivières qui descendent au Paraguay; mais à l'issue des dernières
collines le ruisseau se recourbe vers l'ouest, puis vers le nord-ouest et,
' Scertn* île Viagem.
' Voyage dans l'Aiiiénqiie méridionale.
iU NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
servit autrefois de ligne divisoire entre les possessions espagnoles et les
colonies portugaises, se rapproche assez du Guaporé pour qu'il fût facile
de rejeter, par un canal, les eaux de la rivière occidentale dans un aHlnenl
du Jaurû. Un autre tributaire du môme cours d'eau, l'Aguapehy, n'est,
séparé de la rivière Alegre, qui descend vers la ville de Matto Grosso, quc«
par un isthme étroit et d'un faible relief, n'ayant, d'après Levei^r, que a
2400 « brasses », soit 5280 mètres. Dès l'année 1772, un capitame=:
CU.t de Orte«w.tt. sr
général essayait de creuser un canal à travers ce seuil de partage et, grâcC
à des pluies abondantes, réussissait à fiiirc passer d'un bassin dans l'autre^
un grand canot do charge à six rames de chaque bord'. Deux années après,
un autre gouverneur tentait l'œuvre du creusement dans un autre endroit
de l'isthme, où le canal, d'environ 10 kilomètres de longueur, aurait
trouvé un sol plus facile à travailler. Celle œuvre n'a pas été menée à
bonne lin, vu le manque de commerce; mais, dans un avenir prochain, des
voies ferrées suppléeront à l'absence du canal, qui réunirait Montevideo et
I'ai-â par une voie continenlale navigable de 8500 kilomètres*. S'il ne
> A. d'Orliigny, nuvra^c cil^.
' Barloloineo Bossi, Viagio pinloretco por lot rio-^ Paraguay, Parand, elc.
BASSIN FLUVIAL DU PARAGUAY. 425
sVt^îfssait que d'unir par une fosse à double versant les eaux qui courent
d'mj.wrM côté vers TAmazone, de l'autre vers le Paraguay, il serait facile de
(roix^ver plus à Test, sur les bords du plateau, de nombreux endroits où
ur^^ «simple coupure de quelques mètres en profondeur suffirait à trans-
for^MTTM. cr en Me le .Brésil oriental. On signale, surtout depuis CasteLnau, les
deu.3c: ruisseaux Estivado et Tombador, le premier descendant au Tapajoz
pskwr \ 'Arinos et le second au Cuyaba : un espace de 100 mètres seulement
Ig^^ s^cSpare*.
aval des hautes sources, le Paraguay coule dans un terrain maréca-
, à la base du plateau : ses nappe*^ d'eau claire forment autant de
la^xi ines entre les herbes aquatiques. Des collines rétrécissent ça et là son
c^o^-i.r'^, mais bientôt commence la vaste plaine qui, dans les temps anciens,
Pva t, m:» n lac et qui en a partiellement gardé le caractère. Lors des crues, qui
t'oins t monter de 10 ou 11 mètres le niveau du Paraguay et de ses affluents,
*» iin.asse surabondante, où flottent des îles et des archipels d'herbes
% se déverse à droite et à gauche, formant une mer temporaire qui
nd à perte de vue et qui se continue sur les terrains plus élevés par
Ijanhados ou « terres noyées », desquelles surgissent les bouquets
^ hcîK^bes et les arbustes et où se dressent en certains endroits des monti-
^^^ïcisi artificiels, lieux de refuge des indigènes d'autrefois pendant les
^^^^^s*. Les premiers voyageurs espagnols qui parcoururent la contrée
^^ri i:^èrent le nom de lac Xarayes à cette étendue de terres basses où s'éta-
^'^t: les eaux presque dormantes des branches maîtresses du Paraguay. Ce
^^ s'étend sur une longueur d'environ 600 kilomètres du sud au nord,
^'^'-ï'ci les bouches du Jaurù et les collines dites Fecho dos Morros, et en
^^t^tî^ins endroits atteint 250 kilomètres de largeur; il n'est point per-
^^*^*^^CBnt, ainsi qu'on se l'imaginait jadis, mais en tout temps il en reste
^^ J>arties désignées par les indigènes sous le nom très juslifié de bahias,
^^ oe sont les « baies » d'une ancienne mer asséchée à demi pendant la
**iode contemporaine. La plupart de ces nappes d'eau restent en com-
plication constante avec le Paraguay, soit par des bayous latéraux, soit
'* de larges détroits : tels sont le lac d'Uberaba, le Gaiba, le Mandioré,
j ^ — /iceres, où pullulent les crocodiles jacaré pnr « cenlaines de mil-
d
». Parmi ces lacs secondaires, les uns ne contiennent que de Teau
^^^^e apportée par l'inondation fluviale; les autres, anciennes cavités
^^ remplissait l'eau de mer, ont gardé au fond de leur lit des couches
. José de Moraes, Navegaçào interior do Hiasii,
luto de Hagalhâes, 0 Homem no Brasil
XIX. 54
4:26 NOrVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
salines qui donneni au liquide un goûl saumâlre. Ce contraste dans* la
nature des eaux, douces ou sidines, se retrouve dans les terrains de h
plaine. Des campagnes étendues, que recouvrent de riches alluvions, oi?/
donné naissance à des forets touflues, et le planteur peut y obtenir fk
merveilleuses récoltes; d'autres terres, revêtues de sables stériles, nont
que des herbes rares ou des bouquets d'arbrisseaux; celles où fleurissent
les cristaux salins sont de redoutables déserts sans herho et sans eau.
En certains districts inhabités, la marche est des plus pénibles; une
mince croûte cache les fondrières de boues salines dans lesquelles on ris-
que d'enfoncer*.
Vers le centre de la cuvette d'inondation, le Paraguay s'unit au Guyabâ,
qui lui-même est grossi par les eaux du rio Sao Lourenço, appelé aussi
rio dos Porrudos, en souvenir d'Indiens qui se couvraient d'une espèce de
sac pour échapper à la morsure des vonices poissons piranhas pendant la
traversée des rivières. L'horizontalité du sol empêche le confluent de se
maintenir dans un lit régulier; les eaux, s'épanchant diversement îi droite
et h gauche, se ramifient en un labyrinthe de rivières et fausses rivières,
au milieu desquelles s'élève le dôme régulier et uniformément boisé du
morne de Caracara. Les branches latérales se continuent entre les zones
marécageuses jusqu'au confluent des rivières Taquary et Miranda qui des-
cendent des montagnes de l'est. Le Taquary reçoit dans la région supé-
rieure un affluent, le Coxim, reconnu par les voyageurs comme Tune
des plus pittoresques rivières du Brésil : en certains endroits, elle se
trouve rélrécie entre d(»s parois verlicales do hO mètres de hauteur; les
barques glissent comme au fond d'une Irancliée sur un courant rapide,
large de 10 à l'2 mèlres seulement. Le Miranda est aussi une charmante
rivière, ainsi (jue son tribulaiiv TAquidauana ou Mond(*go, que les Para-
guayens revendiquèrent comme limile sephMilrionale de leur lerriloire :
descendue des mornes de rAmambahy, elle serpente en longs méandres
tMitre des berges boisées et va s'unir au Miranda, h l'entrée des plaines
marécageuses (|ui furent la mer intérieure de Xarayes.
A l'oui^st (lu lleuve, dans la région des Chiquitos, les coui's d'eau sont
l'aies : un seul, ohstiué par les canialotes ou traînées d'herbes, si
épai^x's (|ue les hateaux à va|)eur 1rs écartent à grand'|)eine, atteint le
eouraiil du Paraguay, (l'e^t la rivière de Tucahaea ou Oliden, (lui reçoit
un toireni d'eau llieiiuale, nirlé au San llal'aid, |)uis se rainilit» en lagu-
nes, loni m uiaiiileiiaut un iMuns eouliiiu jusiju'à reniboueliurt». l)'Orlii-
* llf T,iiifl:i\. S'i'iiiis ih- ]i(Hii'in.
_ r
PARAGUAY, OTjUUUlS, CLIMAT DU MATTO GROSSO. 429
gny 9 qui constata la navigabilité de rOtuquis dans son cours d*ani6nt, parle
de l'iirnportance qu'aurait cette voie de communication entre la Bolivie et
les régions platéennes. En 1854, Page, sur le Water Witch, remonta cette
rîvîfer"^ à 56 kilomètres, et là dut rebrousser chemin, non à cause du
nfiancjtie de fond, mais pour n'avoir pu se fi'ayer un passage h travers les
camaloles. En 1886, un autre marin, Fernandez, pénétra de 45 kilomètres
plus avant dans l'Otuquis, et redescendit pour le même motif. Il est pro-
bable ? mais non encore certain, que l'Otuquis, aménagé, débarrassé de ses
herl3^s, pourrait devenir une voie d'issue pour la Bolivie. Au sud du con-
fluent, dit Bahia Negra, le territoire paraguayen du Gran Chaco com-
menoe sur la rive droite du fleuve, tandis que sur la rive gauche la
fron lière du Brésil n'est marquée qu'à 250 kilomètres plus au sud, au con-
flue nt de la rivière Apa.
régions habitées du Matto Grosso, situées au centre même du con-
tinenl., dans une sorte de corridor ouvert entre la cordillère des Andes et
'es hautes terres du Brésil central, se distinguent par un régime climatique
partioulier. La température moyenne est très élevée, bien plus que sur le
"tt.oi:'ul : le faible relief du sol au-dessus du niveau de la mer, sous ces
'ail tu^gg jg 15 ^ |g degrés, laisse toute sa force à la chaleur solaire, que
'^uéc: laissent en outre les escarpements blanchâtres des hauteurs voisines.
i^es aiT'deurs de l'été sont plus élevées que sur les bords mêmes de l'Ama-
%>no^ sous la ligne équatoriale; mais les oscillations du thermomètre n'y
oHn^^^ t pas la même régularité d'allures. Les changements se font parfois
veo ^ne soudaineté sans exemple dans les autres régions tropicales du
'^^i 1 : on a vu dans l'espace de douze heures des écarts de 15 et même
^ ^ S degrés dans la colonne thermométrique. Ces brusques variations
"^^^^^^nnent de la saute des vents qui se portent du nord-ouest au sud-est
* ^^n sens inverse, du sud-est au nord-ouest. Le mouvement des airs
*^ éterminé par la forme du couloir dans lequel ils sont entraînés :
"vents tièdes qui proviennent de la région des sclves amazoniennes
, ^^^dent, en hiver, des vents qui soufflent de la froide pampa. Sur les
^ ^^urs du cirque de plateaux et de montagnes qui entoure la plaine du
* ^Grosso les fj'oidures descendent au-dessous du ])oint de glace, et sou-
des voyageurs ont péri dans la traversée de TAraxa; en mars I8!22,
t:-à-dire à la lin de Télé, une ciiravane venue de Rio Janeiro perdit
^^TX
c^
\
A.'Quijarro, Navegabilidad del rio Oluquis.
430 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Température
Pluie
Jours
moyenne.
maximale.
minimale.
Écarts.
tomlN^e.
«le pluie.
*2G»,t25
-il»
7«,5
550,5
1M6G
85
5 S<»veriaiio da Fonsec4i, ouvrage cilé.
* Revistn do Insdtuto Hisiorico, 1874.
"» Karl von don Steiiioii, Durch Ccntral-BrasiUcn.
\
plus de vingt nègres, tués par le froid dans la vallée du Manso, à Test de
Gu^bà'.
Les pluies abondantes amenées par les remous des vents» qui oontonr-
nent le plateau central du Brésil et viennent se heurter aux premiras
contreforts des Andes» tombent asseaE régulièrement en été; elles sont
aussi très souvent accompagnées d'orages. La chute d'eau annuelle n*a pts
encore été mesurée» mais» d'après Severiano da Fonseca, elle serait an
moins de 3 mètres; on a compté cent trente-cinq jours de pluie par année
moyenne dans la cité de Cupba. Pris dans son ensemble, le climat dn
Matto Grosso est un de ceux qui présentent de grands dangers à l'Eun>-
péen, du moins dans les plaines basses et humides*. Les plateaux, rela-
tivement salubres, ne comptent pas encore comme pays de peuplement,
et presque tous les étrangers ont à subir l'épreuve de l'accoutumanoe
dans les plaines torrides et pluvieuses que parcourt le haut Paraguay. j
Des épidémies terribles» au siècle dernier la rougeole» et depuis cette j
époque d'autres fléaux» tels que la variole et la fièvre jaune» ont passé sur \
la région et» en certaines années» la population provinciale a diminué
malgré les nombreuses naissances. On a constaté dans le Matto Grosso, à
diverses reprises» que les grandes épidémies ont sévi sur les animaux a^ec
la même intensité que sur les hommes. La rougeole de 1789, la variole
de 1867 frappèrent les volailles et les bétes à cornes et» dans les savanies,
dans les forêts» au bord des fleuves» gisaient les cadavres des cerfs, des
tapirs et des jaguars'. En 1857» une épizootie» importée des savanes boli-
viennes» (létruisil presque tous les chevaux et les mulets du Matto Grosso
méridional, entre Miranda et Cuyaba\ Le manque de chevaux empêche
de garder les troupeaux de gros bétail, que Ton évalue divei'sement de
six cent mille à un million de tôles, et les animaux, à demi sauvages» se
dispersent dans les campagnes*.
Sur le seuil de partage entre les deux grands bassins du Brésil, le Matto
Grosso unit les flores et les faunes de Taire amazonienne et de la région
argentine. Toutefois la flore tropicale, avec son inflnie variété de formes
végétales, prédomine dans toutes les régions boisées, c'est-à-<lire au
* Liiiz d'Alincourl. Annaes da biblioiheca nacional do Rio do Janeiro,
- Conditions niéléorologiquos de Cuyabâ, d'après S. da Fonseca et Americo de VascoDcelios :
CLIMAT, FLORE, FAUNE, HABITANTS DU MATTO GROSSO. 431
bord des rivières, et, parmi les espèces fameuses des bords du Fleuve-
Mer, il en est peu qui ne soient représentées sur le haut Guaporé ou
dont on ne trouve au moins des parents. Nulle part les palmiers ram-
pants ne prennent un développement plus remarquable : en 1875, la
commission des limites découvrit un de ces palmiers urubamba {calamus
procumbens) ayant plus de 200 mètres en longueur, avec une épaisseur
d'un centimètre seulement*. Le cotonnier croît spontanément dans les
plaines. L'ipécacuana, dit poaya dans le pays, est aussi une plante spé-
ciale au Hatto Grosso : on la récolte surtout dans les forets du haut Jaurù
et des rivières voisines. Dans la partie méridionale du territoire, entre
Miranda et la rivière Apa, croît le maté, la plus remarquable des plantes
de Faire méridionale. L'autruche, venue des campos ou des pampas, a
pénétré dans les plaines bordières du haut Paraguay. La nature du sol,
humide et basse, a facilité le développement des ophidiens, représentés
par d'énormes boas terrestres et aquatiques.
Dans le Matto Grosso, les populations aborigènes ont diminué beaucoup
plus rapidement que ne se sont accrus les blancs, supplanteurs de la
race primitive. Lors de l'arrivée des Européens, les Indiens couvraient le
pays de leurs tribus : ils sont maintenant épars et très réduits en nombre;
on traverse de vastes contrées sans en rencontrer un seul. Suivant les
appréciations ordinaires, ils ne seraient guère qu'une vingtaine de mil-
liers, 25000 au plus, et cependant on énumère par dizaines les noms des
peuplades distinctes. Les Parexi ou Parecis, d'après lesquels on a dénommé
les hautes terres où naissent le Tapajoz et ses hauts affluents, compren-
nent déjà au moins quatre de ces tribus à dénominations différentes.
Encore récemment on parlait de « millions » d'Indiens vivant sur les pla-
teaux et dans les plaines du Matto Grosso*.
Les Parexi sont considérés par Ehrenreich comme appartenant à la
souche des peuplades arawnk, tandis que d'Orbigny voyait en eux des
parents des Pampéens méridionaux, et que Martius en faisait une race à
part. Depuis l'arrivée des mineurs, ils sont en relations pacidcjues avec
les gens de langue portugaise, et par le métissage ils sont partiellement
devenus Brésiliens : déj«a le baptême en avait fait des a chrétiens ». Les
chercheurs d'or et de diamants les employaient comme garhnpeiros a|)ros
• Alfred Marc, Le Brésil, Excursion à travers ses vingt provinces.
* kvikèàèe Moure, Nouvelles Annales des Voyages, avril, juin, juillot 18G2.
45-2 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
la découverte des gisements; maintenant on les envoie dans les forêts po\&r
y recueillir Tipécacuana et autres plantes médicinales. Habiles vanni
et tisserands, ils fabriquent des corbeilles, des paniers, des étoffes,
hamacs et divers objets qu'ils vendent dans les villes de la plaine.
Les Bororo, habitant jadis les hautes vallées du Jaurù et du Caba^:»!^
au nord des colonies peuplées de blancs, sont maintenant cantonnés t^n
partie dans la colonie de Thereza Christina sur les bords du S9o I^ourerm
tributaire du Cuyaba. Ces aborigènes contrastent avec les Indiens poli
par leur aspect farouche, que rendent plus étrange encore des lèvres fen-
dues et les peintures rouges tracées symétriquement sur leur viscigo.
Pour avoir droit à prendre femme, le jeune homme doit au moins avoir
tué un jaguar. Quand un malade a été déclaré incurable, on le lue ; le
père serre la corde autour du cou de l'enfant que la mère tient encore
sur son sein. A la mort de sa femme, le mari brûle tout ce qui lui
appartenait et tous les objets du ménage commun; il lui coupe aussi In
chevelure, dont il se fait une ceinture et un bracelet pour se protéger le
poignet contre la vibration de l'arc. Les Bororo croient fermement à l^
métempsycose : se disant les frères des perroquets, jamais ils ne luc^^^*-
ces oiseaux; les vautours, disent-ils, sont habités par les âmes des nègres ^^^
et les grands sorcière transmigrent dans les corps des poissons aux co
leurs vives. Les étoiles filantes indiquent la mort prochaine d'un hom
de la tribu * .
Les Guato vivent dans la partie centrale du Matto Grosso, au pied d
plateaux, et dans les hautes vallées quelques-unes de leurs familles so
encore restées à Vélixi sauvage. Ce sont de beaux hommes, se rapprocha
plus du type européen que les autres indigènes. Jadis ils ornaient leu
lèvre inférieure d'un disque à la façon des Bolocudos, et portent encore
des colliers en dents de jaguar et de crocodile. Ils ramassent leur chev
lure de manière à former une sorle de casque, et restent complèlemen
nus, sîuif dans le voisinage des blancs. Canotiers incomparables, les
Guato, dont le nom même aurait le sens de « Gens des Eaux », passent
une grande partie de leur existence sur les rivières et les lacs et tuenf
les poissons à coups de flèches; leur principale nourriture, mêlée au ris
sauvage qu'ils recueillent dans les marais, est la chair du jacaré, 1
crocodile de leurs rivières, et on attribue a celte alimentation l'odeur d
musc qu'ils répandent. Ils sont très braves et combattent le « tigre
corps à corps : après l'avoir agacé par des coups de flèches, ils l'attende
0
%
• Karl von Stcinen, ouvrage cité.
BORORÛ, GUATÔ, GUANÉ. 433
de pied ferme et rabattent d'un coup d'épieu à la pointe formée d'un os
de c5i-ocodiIe ou d'un morceau de fer acheté aux Brésiliens. Ils vendent
aux Jb>Iancs des peaux de bêtes, ainsi que des animaux apprivoisés, oiseaux
ou cjxiadrupèdes : ils réussissent si admirablement k domestiquer les
fauvcîs, qu'ils semblent les charmer. Les Guato sont très jaloux, et leurs
feiriMnnes ne doivent converser avec des étrangers que les cheveux dénoués
et l^s yeux tournés dans la direction du mari*. Ils sont aussi observateurs
fldèl^s de la foi jurée et de l'hospitalité : pendant l'invasion du Matto
Grosso par les Paraguayens, ils ne trahirent jamais par parole, par regard
ouL f>£ir geste le lieu de refuge des Brésiliens. Quoique chrétiens, les Guato
se iT'éuniraient encore en des lieux sacrés, notamment sur le sommet de
la s^i:ra de Dourados et dans les îles du lac Uberaba.
^e^aucoup moins fiers d'allures que les Guatô, les Guané, qui vivent plus
ail si^ud dans les plaines que parcourent le Taquary et le Miranda, parais-
sein t. d'origine méridionale. Peut-être seraient-ils les frères des Guay-
car'ii ^ quoique différents par le langage. Dépourvus de toute initiative, ils
nô sont guère que les serfs des envahisseurs blancs, pour lesquels ils
reovE^illent des plantes médicinales, construisent des barques, planton
'® ïXïanioc, les haricots, les bananiers, la canne à sucre, préparent l'eau-
^^^vîe et tissent des étoffes : leurs pannôes sont des pièces de cotonnade
d environ 3 mètres de long sur 2 de large, d'un tissu si serré que les
pI^΀is les plus violentes ne peuvent les traverser; la chaîne de ces
^^flRes disparaît, entièrement cachée par la trame*. Les Guané ont cessé
"^ se peindre la peau, de se mutiler le nez et les oreilles, mais il
P^^^îtque pendant la première moitié du siècle ces modes n'avaient pas
encore été abandonnées. A cette époque, les Laianos, sous-tribu qui vit
"^ns le voisinage de Miranda, se couvraient le corps de peintures blan-
^nes ^ rouges ou noires, tracées avec une remarquable finesse. Quelques-
'^Oîsi (Je ees peintures représentaient des animaux auxquels ils voulaient
^•^i^er une apparence féroce'. Ils adoraient les Pléiades. Leur langue
^*^ ^*une extrême douceur, mais sans aucune énergie, et chacune de leurs
"^**^s$es se termine d'ordinaire par un son prolongé qui ressemble à un
^ ^^issement. Ce n'est point là le parler d'un peuple libre.
'*-*^ns la partie méridionale du Matto Grosso, voisine de la république
*^«raguay, habitent diverses tribus auxquelles on avait donné le nom
'^^^rique de Guaycurù, que l'on dit avoir ou le sens do « Coureurs >>
ftuto de MagalhSes, ouvrage cité.
* •^rcules Florence; — Alfredo de Taunav, Revista do InslHuto Historico. ISVr».
^ »^ncis de Castelnau, ouvrage cit*^.
XIX. r>ri
454
NOUVELLE CfÉOGRÂPHIE UNIVERSELLE.
OU Rîipidcs^ » : ce sont les mêmes Indiens que les Guarani appelaicnl
d'ordinaire Mbaya, « Terribles » ou <c Mauvais ». Les Espagnols les dési-
gnèrent aussi par le terme de Lengoas ou « Langues », à cause de la pny^
Irusion de leur lèvre inférieure, sorte de seconde langue, distendue pai'
un disque de bois. Leurs tribus constituaient une des nations les pln<^
nombreuses de TAmérique méridionale, et maintenant encore ils dépas-
sent de beaucoup en importance numérique les autres Indiens des bords
du Paraguay, a l'exception des Guarani : d'après Severiano da Fonseca,
ils seraient au nombre de 1600, désignés d'ordinaire sous le nom de
(ladiuéos ou Beaquéos. Peu d'années après la déclaration d'indépendance
on comptait 4000 guerriers guaycurû. A cette époque, ils se tatouaient et
se peignaient de couleurs vives avec le roucou et le génipa; ils s'arra-
chaient les cils et les sourcils et se tonsuraient largement, comme les
Indiens Coroados des provinces orientales; les femmes avaient la coquet-
terie de placer sous leur lèvre inférieure une chique de tabac, visible sur
les dents : ainsi l'exigeait la mode*. De même que les Guané, ils obéis-
saient h la coutume qui obligeait jusqu'à trente ans les femmes enceintes
à se faire avorter : c'était disait-on, afin de ne pas encourir un jour
le mépris des enfants, humiliés d'être nés de parents trop jeunes'. Les
femmes emploient dans la conversation un grand nombre de mots qui
ne se retrouvent pas dans le langage des hommes; il çst probable que c^-s
diuible parler provient de ce ([ue les épouses ont été obtenues par capture. -
Les Guaycurû portent aussi le nom de <f Cavaliers » {CaballeroSj Caval
leiros)j bien mérité depuis trois siècles. Dès que les conquérants espagnol!=^
eurent introduit le cheval dans les pampas, les Indiens se transformèrenP^
en centaures. Ils domptent les étalons avec autant de vigueur et de succès^
que les gauchos argc^ntins; mais, plus prudents, ils ne les dressent qu^
dans les étangs ou les rivièi'es p(»u profondes, afin d'éviter les accidents
Le coursier vaincu dcîvient la propriété personnelle du cavalier, qui
maniui» sur le corps un chiffn^ corrc^spondanl à celui qu'il a « étampé j
sur l'aniniîil. Lois des migrations, de campement en campement, le
femmes montent sur des chevaux de charge, perchées sur les fardeau
On redoutait les Guaycurû à cause de leur modcî de combat, analogue
celui des Bédouins. On les voyait tout à coup débucher de quelque pli d
terrain ou d'un houcjuet d'arbustes; avant qu'on ne fût pivparé a
défense, ils avaient déjà fait leur attaque, saisi des femmes et des enfant
* s. A. Lafoiio y Qiievcih», Rcvisia del Mmeo de La Pht^a^ vol. t, 1800-01.
* Fi'ancis dr Cii'itcliiau, uiiYn^ro cité.
'' AlfoiiM» LoiiHniaco, Razzc Indigène del UrasUe.
S
11
je
s.
»
Si
>
4ta
GUAYCURÛ. 457
puis ils disparaissaient dans une nuée de poussière. Sur les fleuves, ils
étaient aussi de dangereux combattants; leurs rames se terminent par des
pointes de lances : le même instrument sert à poursuivre l'ennemi, à le
frapper et à s'enfuir. Les annales du Matto Grosso racontent plusieurs
combats dans lesquels les Européens périrent par centaines: les femmes,
qui depuis trois siècles ont été enlevées aux familles des colons, ont con-
tribué dans une large mesure à modifier la race. De nombreux Guaycurû,
notamment aux alentours de Corumba et d'Albuquerque, se sont alliés
aux blancs et finissent par se confondre avec la population brésilienne.
C^est avec un tranquille orgueil que les Guaycurû se croyaient la pre-
niièfe nation du monde. Ils n'admettaient de relations avec les étrangers
que pour recevoir leur tribut et leur hommage de vassalité ; tous les autres
fadiens vivant dans leur territoire avaient été asservis, et si les Guané,
'nfécxies aux blancs, subissent une sorte d'esclavage, c'est pour échapper à
la tyi^sinnie de leurs frères de race. Mais la société guaycurû ne se compose
P^s irïrâéme d'égaux : constituée sur la force, elle se divise en trois classes
^^^trk tranchées, les nobles ou joagày les plébéiens et les esclaves. L'exis-
teticî.^ de l'Indien a été sti'ictement réglée par cette division en castes irré-
el — . .
^^^^^ïfcles. Ainsi le noble ne peut épouser qu'une femme bien « née »,
née par le terme de donay quoiqu'il lui soit permis de prendre des
^tabines dans les castes inférieures; quant h l'esclave, au fils de captif,
^^^a pouvait être affranchi*. Les tentes, que les Guaycurû emportent dans
^^-^ *^^ migrations, sont disposées suivant les règles de la préséance. Lors
^ 1 ^]^ mort d'un noble, ils lui rendent de grands hommages et déposent
^^^^^ sa tombe l'arc, les flèches, la massue, la lance et les ornements de
^*^Te, puis tuent à côté de lui le cheval qu'il aimait.
*^*^^ population brésilienne de Matto Grosso est, comme celle du Goyaz et
inas Geraes, composée en grande partie de gens d'origine pauliste,
uels se sont mêlés les métis graduellement assimilés des tribus
nnes. Quant à l'immigration proprement dite, elJe reste presque
€, mais s'accroîtra par l'ouverture des rivières qui font communiquer
entrée avec l'estuaire platéen. Dans le Matto Grosso, monde presque
é naguère, les anciennes mœurs portugaises se sont conservées mieux
dans les autres provinces : les familles y ont encore leur gynécée;
te présente rarement sa femme et sa fille aux visiteurs, et ceux-ci
tiennent par discrétion de les mentionner dans leurs discours*.
Fr. Rodrigues do Prado, Revisia do InslUulOt n'* 1, 1839.
Sjlvio Dinarte (de Taunay), înnocencia.
4H HODTELLE GCOGRiPBIl DRITnSELLE.
L'andeime capitale, qui porte actnellemeiit le nom ,de l'Alto V^fnlaBemt
Tilla fiella aux temps de la prospérité minière : les pramien habîInC^^,
en 1737, avaient établi k quelque distance le camp de Porto AlegrafBt -S<a.
rivière qui débouche dans le Guaporé, à 3 kilomètres et demi en amo^cml
de Ibtlo GroKo, a gardé cette appellation d'Alegre on « Jojenie »'< S^l
ville proprement dite n'existe que depuis 1753. Hatto Grosso eut jnaqi^L'^k
7000 habitants, mais l'abandon des gisements miniers l'a minée :
n'est plus aujourd'hui qu'un des plus 'pauvres villages du Brénl, et 1
des plus mal situés, quoique le site, dominé à l'ouest par les, sapa*k
montagnes de Bicardo Franco, ait un aspect grandiose : des terres i
cageuses, souvent inondées, entourent les cabanes et les édifices i
tes fièvres paludéennes et d'autres maladies déciment les habitants. C^*- ~
telnau parle de Matto Grosso comme d'une « >ille pestiférée » ; Severiî»:^'-"^
da Fonseca la dit « cité maudite ». Le gouvernement ajoute à ce mauv£^*~
renom en en faisant un lieu d'exil pour les fonctionnaires disgraci*^^
Matto Grosso est certainement la seule boui^de du Brésil oh il n'y e'rf^^
en 1878, ni boulangerie, ni boucherie, ni café, ni bureau de tabac,
dont la population ne comprît pas un seul Portugais et seulement '*■ —
Italien. La pauvre cité est pour ainsi dire suspendue dans le vide, X^J^'^
de toute ville active, et sans commerce. Si le gouvernement ne la ma>-
tenait comme poste militaire, la population civile l'abandonnerait, la vt^^—'
dant à la solitude des « gi-ands bois ». On comprend qu'en un pai"*^^^
pjiys les projets de citiiaux pour ta navigation de l'Amazone à la PI» -*
soient renvoyés à de meilleurs joui's.
Les villages miniei-s fondés jadis dans le haut bassin du Tapajoz w* *"
MATTO GROSSO, MAMANTINO, SÂO LUIZ DE GAGERES. -159
aru. Ce ne sont plus que destaperas^ indiquées soit par des cabanes
■ses, soit par des clairières de bois ou des arbres fruitiers redevenus
Bges; même on ignore remplacement de quelques mines jadis
suses. Le gouvernement hâta Tœuvre de dépopulation en interdisant
colons libres Feutrée des districts oii Ton avait trouvé des diamants.
L réservant jalousement le monopole, il voulait être seul à diriger, à
reiller les recherches, faisant le désert autour de trésors dont il ne
lit pas profiter. Maintenant les gisements de Diamantino, de Burityzal
lutres villages encore existants ou désertés sont abandonnés à tout ve-
t : quelques chercheurs, munis de cordes et de paniers, plongent
ore dans les vasques profondes des rivières pour rapporter du sable
n extraire les cailloux précieux. On espère que l'exploitation des forêts
aoutchouquiers rendra sa prospérité au pays.
a cité de Villa Maria a également changé de nom : c'est aujourd'hui
I-»uiz de Ct4ceres. Très heureusement située sur la rive gauche du
g^ay, à l'endroit où ce fleuve a déjà reçu le Sepotuba et le Cabaçal
^ bientôt s'unir au Jaurû, cette ville occupe un centre naturel pour la
'urgence des routes, et les vastes pâturages qui l'entourent nourrissent
Oncnses quantités de bétail : des fazendeiros possèdent des char-
*<ias pour la préparation des viandes. Les gisements de fer qui consti-
^t les mornes et le sol des alentours ne sont pas exploités; mais, quand
>5iys se peuplera, ils fourniront à l'industrie locale une matière pre-
ï*e inépuisable. Un îlot de la lagune Uberdba, que travei'sc la ligne de
^lière entre le Brésil et la Bolivie, contient une si grande proportion
sulfure de fer, que les travailleurs ne peuvent allumer de feu sur le
pierreux : la chaleur fait éclater les cailloux, en les projetant dans tous
^ sens'.
Cuyabâ, la capitale, s'élève dans un cirque de plaines parsemé de
ornes et entouré par un amphithéâtre de collines s'ouvrant du côté de
uesl ; ses premiers habitants, les Indiens Cuyaba, furent chassés au
mmencement du dix-huitième siècle par les orpailleurs, qui bouleversè-
il le sol, alors très riche en paillettes et en pépites; encore de nos jours,
enfants de la ville s'amusent après les grands orages qui ont lessivé
terre à chercher de l'or dans les sables entraînés*. La ville minière,
X sables appauvris, succéda comme chef-lieu à la Villa Bella do Matto
osso, en 1820, à la veille de l'indépendance brésilienne. Choisie à cause
Severiano da Fonseca, ouvrage cité
Francis de Casteinau, ouvrage cité.
4M HODVBLLB GfiOGBAPHIR DHITIRSILLI.
de la salubrité de son climat, elle a justifié les espérances de wt nouvm
fondateurs, et la population n'a pas i sonfirir des fièvres t
tandis que Hatto Grosso déchoit, Gujabi s'agrandit et peut Mre c
parmi les cités brésiliennes de troisième ordre. Toutefois elle n'« gui
de commerce ni d'industrie; elle n'exploite plus ses mines et n'a.]
I* M». — eniMl
la même richesse en bétail que les villes du Malto Grosso méridional.
Quelques bourgs populeux se sont groupés dans le voisinage de Cuyabà, an
nord Rûsario, au sud Sant'Anlonio; au sud-ouest, sur un affluent latéral,
une petite ville, Poconé, s'élève au milieu d'un cercle de marécages, et
au sud-est, sur le Sào Lourenço, une colonie militaire défend les fazen-
dciros (le la plaine contre les incursions des Indiens.
Gorumbâ, fondée en 1788 sous le nom d'Albuquerque, qui appartient
maintenant à un poste situé plus bas, en aval de la bouche dn rio Miranda,
k
CUYâBA, CORUNBA 441
est construite sur une haute berge calcaire dominant la rive droite du
Aira^uay et son confluent avec la baie ou lagune de Gàceres. En 1865,
c'était une bourgade sans importance, d'environ 1500 habitants, que pro-
tégeait une petite garnison brésilienne. Les soldats paraguayens lui don-
nëi^ent l'assaut et pendant deux années s'y maintinrent sans que les Im-
péi^iaux vinssent les inquiéter. Mais, aussitôt après la guerre, le gouver-
nement du Brésil, comprenant l'importance stratégique de cette place,
résolxit d'en faire le boulevard de sa puissance, non contre la république
du Paraguay, désormais trop afiaiblic, mais contre l'envahissante Argentine.
Lsi trille est fortifiée et plusieurs batteries se succèdent aux tournants du
fie 1:1 ^ve ; en outre, l'arsenal de Ladario, construit en aval de la cité, renferme
de t. res grands magasins, des chantiers de construction, des cales sèches
<^t t.out un outillage de navigiition; mais cet établissement militaire a été
c* t**€5pris sur un plan si vaste, que, vingt-cinq ans après la guerre, il reste
^'^csorc à terminer. Gorumba est aussi le principal port du Matto Grosso
^ ^on. entrée méridionale : les plus gros navires peuvent remonter à son
•l'^si^i pendant une moitié de l'année, et les négociants, presque tous
^^'■^^'B^x^gers, y font un grand commerce de bétail, de sel, de chaux; dans
* ^^'^^^*::iir ils pourront utiliser aussi les gisements de fer très riches de la
^^^■^*.x*ée. En 1876, lorsque la garnison brésilienne évacua la cité d'Asun-
pour se replier sur Gorumba, des fournisseurs et serviteurs para-
ns émigrèrent par bandes avec la troupe et doublèrent du coup la
lation de la ville ; en outre, nombre de jeunes Paraguayennes s'em-
^sent de saisir toutes les occasions favorables pour aller à Gorumba,
hances de mariage y étant beaucoup plus nombreuses que dans le
^uay même, ou le sexe féminin présente un excédent considérable*.
immigrants européens connaissent aussi la route de Gorumba, et
^ÏBoliviens de Santa Gruz de la Sierra y expédient quelques denrées à
les solitudes.
s rivières Taquary et Miranda, qui se déversent dans le Paraguay, la
ière en amont, la seconde en aval d'Albuquerque, ont chacune de
tes colonies destinées à devenir un jour des villes populeuses. Les
pagnes du Taquary ont pour chef-lieu Herculaneo, plus connue sous
'fcom de Goxim, d'après la rivière de ce nom. Sur le Miranda, qui tra-
une région moins déserte, deux villes se sont fondées, Nioac ou
ergera et M!randa. Gette dernière existe depuis 1778. Nioac et les
situés sur les bords du Paraguay en aval du confluent furent
^ Kaii Ton Steinen, Durch Central Branlien,
m. 50
1
P^-
l^
4» NOIIVELIK GfiOGHAPNIR UNIVERSELLE.
owupés |Hii' l('s soldais d« Lopcz {leiidiiiU la guerre, (loiiiiln-d. >ur uno ^
haule terrasse de la rive droite du fleuve, h l'issue d'uue des route»
les plus faciles qui se dlrigeul vers la Holivio, fui la posUien le plus
vivement disputée. A 2 kiliimMres au nord, dans les rochcK de mn^lii-
mérat (jui forment le massif insulaire de Coimbr», s'ouvre une « grotte
d'Enfer ». aux vastes salles réunies |Hir d'éli-oifes galeries. Du fort
Olimpo — lîorhon sous le régime espagnol, — qu"indii|uent encore
toutes les cartes, il ne reste qu'une mine sur le liane d'une colline
basse; depuis la guerre du Paraguay on n'y entretient plus de garnison.
Les deux petits massifs qui, plus bas, se font face des deux eâtés du
Meuve, à l'est le Piio de Assuciir, îl l'ouesl le Fecho dos Hornts ou le
« Verrou des Mornes .-, sont également sans ouvrages militaires, quoi-
qu'une commission d'ingénieurs ait dressé le plan des furlîfîcations h
construire ; l'insalubrité de la contrée a fait renoncer provisoii-emenl
ît ce projet. D'après les indications de la carte, le Fecho dos Morros
devrait ap|Kirtenir fi la Bolivie; mais les diplomates brésiliens, ne [lou-
vant laisser h d'autres un poste stratt^icpie rie cette importance, ont
décidé que ces collines de la rive occidentale appartiennent au Brésil,
puisque le fleuve, déboi-dant dans ses inond.Tli(>ns périodiques, en fait
une île et les rejette ainsi vers l'est'.
ÉTAT HATéilIEL BT SOCIAL DB LA POPIJLATIO?) B H g SI LI Bit RE.
Quoiqu'il ail été jusqu'à présent impossible de dresser une slati»*
tique à peu près exacte de la population brésilienne, on sait par des calculs
approximatifs que le nombre des habitants n'a cessé de s'accroître en des
proportions très rapides. Vers 1780, les Brésiliens, alors sujets du Por-
tugal, formaient un ensemble de deux millions d'hommes, et depuis cette
époque, en un siècle et quelques années, le chiffre s'est au moins septuplé;
peut-être même a-t-il octuplé. Le doublement numérique de la nation se
ferait dans l'espace de vingt-huit à trente années. Si le progrès continue
avec la même vitesse, — et l'immigration aidant, le mouvement ne peut
' VilliKi <)u Halto Grosso, avec leur population approiinalive :
Cupbi ISOOO hab. | Sant'Anlonio 4 000.hal».
Corumbà et LadaL-iu 7000 « Rosario. . . 3 000 »
Sio t.mi [le Cicores 4 500 » | MatloGrasso 1 400 u
Diain.intino 1 000 hab.
COINBRA, POPULATION DU BRÉSIL. 443
àquer de s'accroître, — le Brésil comprendra autant de citoyens que la
tkce bien avant le milieu du vingtième siècle \
aucune tentative d'énumération ne peut réussir complètement au
«il. Une grande partie de la population se méfie de tous interrogatoires
les recenseurs n'ont aucun moyen d'action pour forcer les citoyens
nscrire ou laisser inscrire leurs noms et ceux de leurs proches. La der-
.^re opération de cens, qui devait avoir lieu en 1890 et qui n'a été faite
e deux années plus tard ou même négligée en certains États, comprenait
long questionnaire où se trouvaient des colonnes relatives aux « défauts
^siques » et à l'état de fortune ; aussi les principaux personnages, des
islateurs même, donnèrent-ils l'exemple d'un refus de réponse. Par-
t les nombres signalés par les recenseurs ont été moindres que les
flres réels. A Bahia, le chef de la statistique évalue à plus d'un hui-
ne l'écart de proportion entre la statistique officielle et la réalité. Des
"Disses entières ont échappé au recensement : dans le seul État de Bio
Janeiro, un tiers des habitants* aurait été oublié*. On procéda à une
ivelle énumération à la fin de l'année 1890, mais les résultats en furent
is doute très incertains, puisqu'on négligea même d'en instruire le
blic; enfin en 1892, M. Favilla Nunes fut chargé de la direction d'un
isième recensement, auquel six districts se refusèrent malgré tous
efforts. Tandis que la population recensée dépassait quelque peu
50 000 individus, elle devait être d'après lui' d'au moins 1400000,
ultat considéré également comme fort douteux par d'autres statisticiens.
n qu'il en soit, de très grosses erreurs ont certainement eu lieu dans
îens de ces États côtiers, oîi le contrôle serait pourtant beaucoup plus
île que dans les régions de l'intérieur; à quels résultats s'attendre en
districts oîi tels employés chargés de l'opération ne savent pas même
I ni écrire? En mainte occasion, les statisticiens qui étudient une
vince préfèrent évaluer la population plutôt que d'accepter les chiffres
\ officiels, mais évidemment erronés.
iOlonisé par des habitants d'origine européenne et africaine, de beau-
PopulatioD du Brésil estimée ou recensée :
177$ 1 900 000 habitants.
1819 3 617 000 )) (recensement).
1872 9 930 000 )> »
1883 12 600 000 »
1893 15 750 000 »
Fafilla Nunes, Populaçào, territorio e representaçào nacional do Brazil; — A. A. Fcrreira da
I, Eêtudos de demographia sanitaria,
J. P. Favilla Nunes, Recenseamento do Estado do Rio de Janeiro,
444
NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
coup supérieurs en nombre aux indigènes américains, le Brésil est
inégalement peuplé : les immigrants ont dA se grouper sur le litto
autour des ports, qui forment autant de centres d'attraction; mais da.
ce peuplement de la zone côtiëre on constate que les blancs se sont dir^
surtout vei*s les régions du sud, dont le climat correspond à celui de le
pays d*origine, et que les noirs, introduits pourtant comme csclaTer
ont été importés en grande majorité dans les contrées chaudes à tem
rature africaine. Quant au monde amazonien, le pays brésilien le pi
rapproché de TEurope, mais aussi le plus différent par sa nature, il rester
pour ainsi dire, en dehors du cercle de la colonisation. La densité kilo
métrique des habitants varie singulièrement suivant les régions : tandis
<[ue dans certains quartiers urbains, la population se pi*esse comme dans
les cités européennes, plus d*une moitié du territoire n*a pas rnèm»
un habitant par 10 kilomètres carrés. Pris dans son ensemble, le Brésil
est encore 56 fois moins peuplé que la France, 109 fois moins que Is.
Belgique.
Des statisticiens essayent encore de classer les habitants du Brésil pa
races et sous-races, blancs, noii's, rouges et jaunes, suivant leurs diven
colorations. Ainsi, d*après le cens provincial de SSo Paulo, en 1886, il
aurait eu, sur 1000 Paulistes, 677 blancs, 135 pardos ou gens de couleu
104 pretos ou noirs, 84 caboclos ou (ils dlndiens. Mais si le cens prop
ment dit ne saurait être obtenu avec quelque approximation, à bien pi
forte raison ne saurait-on indiquer d*une manière précise la part d
croisements qui se sont opérés : c'est ainsi que dans le Matto Grosso et 1
autres provinces de l'intérieur on distingue entre « blancs » et ce blancs
les uns, les Portugais, sont les brancos verdadeirox^ les « vrais blancs
les autres les brancos du terra^ les ce blancs natifs* ». Un fait certai
est que la population blanche ou tenue pour telle doit s'accroître sa
cesse, puisque Timmigration introduit constamment des éléments eu
péens dans les familles brésiliennes; beaucoup d'immigrants portugais
italiens se marient avec des négresses.
On a pu douter longtemps que des gens immigrés d'Europe réussissecrv
à s'acclimater au Brésil. L'expérience a prononcé d'une manière évidenC^^
dans les provinces méridionales, de S5o Paulo à Rio Grande do Su/, ^ ^ *
ainsi que sur les hautes terres de Minas Geracs. Même les immigrant^ ^* _
venus du nord de l'Europe pros[)èrent matériellement dans leur patrie
nouvelle mieux que dans leur patrie d'origine. On y a vu des femmes
v??^
.i
Ri
le
* Francis de Castelnau. ouvrage c'Hô.
I>OPULATION DU BRÉSIL. M5
éprendre une seconde jeunesse, et la natnlité dépasser trois, quatre, cinq
m^me six fois la mortalité annuelle'. La migration en masse de colons
■"opéens dans les provinces tropicales est au coniraire accompagnée de
n^ers; cependant la proportion des blancs purs qui se sont perpétués
f i«t. — DEiniri DE 1.1 rariLATiow in nfsiL.
____________
— +^ ^
:: -' ■i!'i.,t!--.- ■,,'■■¥'■':;
C T'-F-' i-î'P--*-
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Oi*qii*ctiTiBpr^nUuitp(i)xi:*ti[i»deiaOOOIiib'' ■ Villes dt piui de IDO.OOOh*
dans les États amazoniens prouve que là aussi la race peut s'acclimater.
Les régions du littoral, de Maranhào à Bahia, sont peuplées de quatre
millions d'hommes, sur lesquels plus d'un million appartiennent à la
race blanche, sans évidence de métissage. Ces blancs sont venus des
Açores, de la Galice, des bords du Minho et du Douro. Des Basques, des
Ton Ihering, Rio Grandr rfo Sw/.
446 NOLYELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Espagnols, des Provençaux s'acclimatent également et leurs qualités d'él ^'
gance, de force et d*agilité se retrouvent chez leurs descendants\ l^
régions les plus saines paraissent être les plateaux de Bahia et des Hinav
les campos de Parana et les campagnes élevées du Rio Grande do Sul.
bourg de Santa Anna de Contendas, dans les sertôes qui dominent
Torient le rio San Francisco, en aval du confluent du rio das Yelhas,
un lieu devenu fameux au Brésil par Texcellence du climat et Taccroiss
ment rapide des familles. Sans immigration, le nombre des familles
rapidement décuplé, puis centuplé dans le district, depuis la fin
siècle dernier. Les aïeules pouvant réunir autour de leur table des cei
taines de descendants n'y sont pas rares' : dans certaines années on
comptait que deux morts pour quarante naissances.
On sait que les Européens nouvellement débarqués dans les villes
littoral brésilien craignent surtout la fièvre jaune, et avec raison. Depu.
la fin du dix-septième siècle, ce fléau n'avait pas ravagé le Brésil, lorsqu<
au milieu du siècle, plusieurs de ce^ épidémies ont sévi d'une manièi
terrible dans les villes de la côte, notamment à Rio de Janeiro et h Santos-
Mais à une certaine élévation au-dessus du niveau de la mer la fiè^
jaune n'a plus de prise sur l'organisme, les nouveaux venus sont parfail
ment à l'abri quand ils vont s'établir à huit ou neuf cents mètres d'ail
tude, derrière l'écran formé par la saillie de la serra do Mar. De mém»^ -
les plateaux de Minas Geraes, du Goyaz n'ont point à redouter les visita- ^
de la terrible fièvre, dont une école médicale de Rio dit avoir découve
le microbe et pratique le traitement depuis une dizaine d'années,
choléra, qui s'acharne sur les nègres, ne se laisse pas arrêter, comme
fièvre jaune, par des limites de hauteur ou de climat : il va chercher
victimes sur les hauts plateaux aussi bien que dans la plaine, et quoiqi
en général il suive surtout les routes fréquentées et s'attaque aux hab :iS
tants des grandes villes, il n'est guère de bourgades, si écartées qu'ell^^ -
soient, qui échappent à ses ravages. Les visites du choléra sont heureui^ —
sèment peu fréquentes, et les hygiénistes ont acquis quelque habileté à ^
le combattre : ce fléau fait certainement beaucoup moins de victimes au
Brésil que la phtisie et le béribéri. Dans les provinces de l'intérieur, le
goitre est commun; sur le littoral, on constate des cas nombreux d'élé-
phantiasis et d'autres maladies analogues. On peut dire d'une manière
générale que, sauf dans certaines villes de la côte, les blancs, même
' H. Cbudreau, Notes mantucrites,
• Spix und Martius, Auguste de Saint-IIilaire, ouvrages cités.
DËMOGRAPUIE BRÉSILIENNE. 447
/in jxiigi'és d'Europe, sont moins souvent malades et ont une vie moyenne
n/ufts longue que les Indiens et les noirs. Les blessures et les amputations
se ^miérissent bien plus facilement sous ces climats que dans l'Europe
(occidentale. Comparé aux hôpitaux de Paris, celui do Pernambuco, où
d'si, i. 1 leurs la plupart des malades vivent comme en plein air, parait aux
médecins un lieu de guérisons miraculeuses.
t.* importance de l'immigration européenne varie suivant les années;
ULS^i^ elle est devenue, depuis le milieu du siècle, assez considérable
pomJLH* influer d*une manière sensible sur l'accroissement de la popu-
lation brésilienne : en 1891, le nombre des immigrants égala peut-être
le ccroit naturel provenant de l'excédent des naissances sur les morts.
krv^skMjt la proclamation de l'indépendance, les Portugais seuls avaient Tau-
tov^isation, d'ailleurs restreinte par des règlements de toute espèce, d'im-
migrer dans la partie du Nouveau Monde qui appartenait à leur souverain.
L^s étrangers qui se domiciliaient au Brésil devaient tous au hasard ou à
^» iaiveur leur permission de séjour : c'étaient des naufragés, des marins,
prisonniers, surtout des soldats mercenaires qu*il eût été difficile de
twier et auxquels on donnait des terres. Cependant le gouvernement
P^^r**.xxgais introduisit aussi directement des « insulaires », c'est-à-dire des
A.Çox*iens, lorsque les colons lui manquaient au Brésil même, pour occuper
istncts ayant une certaine importance stratégique,
colonisation proprement dite commença en 1820, lorsque le roi
YI établit des paysans suisses catholiques dans les terres de Nova
marge. Quatre années après se fondait, dans le Rio Grande do Sul, la
:H~iie allemande de Sao Leopoldo, qui devint le noyau de plusieurs
'^s 'communautés du même genre et qui est encore au Brésil le centre
^ I^l' us important de la colonisation étrangère. Des colonies privées s'ajou-
^*^^^*ità celles qui s'étaient formées sous les auspices directs du gouver-
ent, et nombre de grands propriétaires, que l'abolition de la traite
échait de recruter leurs ateliers et qui prévoyaient Tabolition prochaine
col
^ *- ^esclavage, songèrent à substituer des ouvriers libres aux noirs de leurs
" ^^*^tations. Mais, trop souvent, ils ne se souciaient que de remplacer des
^^^^ves par d'autres esclaves, et plusieurs de ces colonies prétendues
^^res », surtout celles qu'on fonda au bord des rivières marécageuses,
s les terres brûlantes du Bahia méridional et d'Espirilo Santo, abou-
^^^^nt à une misérable fin : les colons succombèrent par centaines et par
^^^ïliers. On peut dire d'une manière générale que les essais de colo-
^^îilion réussirent dans la proportion exacte de la liberté laissée aux
^^Xiveaux venus; les colonies prospérèrent là où Tétranger devenait le
/
448 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
possesseur incontesté d'un lot de terrain bien à lui; elles cessaient bier*^^^
d'exister là où les laboureurs n'étaient pas leurs propres maîtres. Qii^^
aux Portugais, qui, jusque vers 1870, constituèrent à peu près lesd^
tiers de l'immigration, ils arrivaient de leur propre initiative, soit isol
soit en familles, et, sans préjugé pour le choix du travail, cherchai
une besogne quelconque sans s'adresser au gouvernement, aux gran
compagnies fînancières ou à quelque syndicat de planteurs; aussi ré
sissaient-ils presque tous : surveillants d'esclaves, artisans, portefai
revendeurs, marchands en gros, ils avaient dans l'ensemble de Tactivi
brésilienne une part proportionnelle bien supérieure à celle des autr
colons et nombre d'entre eux revenaient dans la Terrinha ou « peti
terre » d'Europe se constiniire des palais fastueux sur l'emplacement de
chaumière paternelle*.
La statistique de l'immigration, plus défectueuse encore que le recei
sèment général, n'énumère comme immigrants que les {)assagers
troisième classe débanjués par les navires, et cette énumération ne se C
pas dans tous les ports ; on ne tient pas compte non plus du mouveme
des départs. Les chiffres publiés n'ont donc qu'une valeur très relatir^
mais ils suffisent à montrer le rapide accroissement des arrivées
Pendant les vingt années qui suivirent le milieu du siècle, on comptait u
moyenne de 7 à 10000 immigrants par an. Le nombre en doubla
les dix années suivantes, puis il quintupla; il décupla pendant la d
nièrc décade : en l'année 1891, près de 219000 colons européens prir
pied dans les trois ports de Rio, de Santos, de Desterro; et Victo
Bahia, Pernambuco, Para reçurent aussi leur part de travailleurs*. Dî
cette immigration en masse, le premier rang de beaucoup appartient
Italiens : ils arrivèrent plus de 100000 en 1892 et dans tout le Brésil
sont au nombre d'au moins 600000, sans compter leur descendance'
colonie qu'ils constituent dans ce pays dépasse en force celle qu'ils
fondée en Argentine et aux États-Unis. Ils l'emportent de plus du dou
peut-être même du tiers, sur les résidents allemands et de race
manique concentrés dans le Rio Grande do Sul et dans l'État de Sa
jn-
de
ail
ni
e,
es.
ne
m
^ux
1 Onésimc Reclus, Nouvelles Géographiques, 4 novembre 1893.
3 Nombre offîciel des immigranU de 1804 à 189!2 : i 327 021.
Première période : de 1808 à 1854
Deuxième période : de 1855 à 1885
Troisième période : de 188G à 1892
140 000, soit 3 000 par an.
498 115, soit 16 066 par an.
688 906, soit 98 415 par an.
(Onésime Reclus, mémoire cité.)
3 (Colonie italienne du Brésil au 1*' janvier 1893 : 554 000.
(Bodio, Annuaria Slatiêtica ItaUanaf 1895.)
IMMIGRATION.
arîna : on compte aetuellemeiit parmi les déban|ués dix Italiens pour
allemand. Les Espagnols, qiii naguère n'émigraient point, arrivent
itenant fort nombreux; les Polonais, souvent désignés comme Alle-
rs, parce qu'ils sont pour la plupart natifs de ia province de Pozna-
Cf^rensca ÂUfrurn/s
', fournissent un nouvel élément, auquel se mêlent des Lithuaniens et
Russes; enfin des Orientaux, généralement désignés sons le nom
H Turcs », mais en réalité Syriens maronites, débaniuenl à Rio.
Toutefois il faut dire que la plus forte part de celle immigration
tt pas spontanée, et si l'on ne devait compter comme vrais immi-
iosef Siemiraduki, Utiitt maniiicnlFi.
450 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
grants que les gens partis de leur plein gré, sans aucune sollicitation
de la part d'agents intéressés, le premier rang continuerait d'appartenir
à l'élément ibérique : Espagnols, Portugais, Galiciens. De 1847 à 1875, le
gouvernement impérial avait conclu 35 contrats avec des colonies d'immi-
gration, d'après lesquels un demi-million de travailleurs auraient dû éti^
introduits dans le pays, et dépensa à cet effet plus de 140 millions de
francs, dont plus des deux tiers donnés certainement en pure perte : J^^
148 groupes coloniaux fondés pendant cette période, il n'en subsi^^^
qu'une cinquantaine; les autres se sont dispei*sés. Depuis, l'immigratic
suit une méthode plus régulière et plus sûre. I^e recrutement des coloi
italiens, russes et polonais* se fait par les soins du gouvernement centra ■
et, dans une moindre mesure, grâce aux fonds votés par les États de SS^^^
Paulp et de Minas, les plus intéressés, dans la personne des grands pn ^--^
priéUiires, à se procurer la « main-d'œuvre » en abondance*. Les immi
grants qui acceptent les propositions des embaucheurs voyagent
tuitement ou a prix réduits et, débarqués à Rio ou à Santos, reçoiver
l'hospitalité en un camvansérail ou se tient la « foire » aux terrassiers
cultivateurs'. On ne compte pas comme immigrants les travailleurs cur
])éons refluant de l'Argentine.
L'étendue des terrains cultivés ne représente qu'une part très minin'
de la surface. Dans maintes parties du Brésil, le moindre défrichemei
* Nationalitt'i des 191 151 inimigranls (U'harquos à Rio en 1891 :
Scandinaves ,
Anglais. . .
Français. . .
« Turcs ) . .
Belges
Suisses i
Italiens 1 Ift 000
Portugais 50 071
Espagnols 18 «08
Polonais et Russes 11598
Allemands i517
Autrichiens H 885
Autres 459
Distribution des immigrants dans les divers flUits :
S3o Paulo 117 39G
Rio de Janeiro et nmnicipe .... 19 686
Rio(;randedo Sul 17 74^2
Paranà 10 78l>
Autres 560
- Immigrants entrés à Sâo Paulo en 1891 : 8t» (h}\.
Intriuluits jKir le g()uvi'rn<*ment général 85 257
» » (le Sâo Paulo . . . 565
V<Mius s(N)ntanémeiit 2 î>54
' Immi^rant^: n'çns ihusVhofipetinrin d«» Sîïo P;mIo i\o 1881 à 1891 : 550 595.
Santa Catharina
Espirito Santo i
Para
Amazones
IMMIGRATION, AGRICULTURE. 453
attire l'attention, tant on est habitué à voir des deux côtés du sentier les
forêts succéder aux forêts, ou les landes aux landes. Il serait d'ailleurs
ertrèmement difficile de tenter une statistique des cultures, car le laboureur
brésilien est à demi nomade. Le sol ne manque pas et des qu'une terre
lui pai-aît épuisée, dès que les récoltes s'appauvrissent, il abandonne son
channp pour s'en tailler un autre dans la forêt. Dans ce pays si fécond, la
chal^îur et l'humidité suffisent pour revêtir d'une belle végétation les sols
naturellement les plus ingrats; la roche même, en se décomposant, se
recouvre de terre végétale; des pierres, qui dans les contrées de l'Europe
n'a i:t riaient pour toute parure que le tiipis gris ou jaunâtre des mousses,
son L ici cachées par la ramure enguirlandée des forêts vierges. L'agriculteur
dédaigne tous les terrains qui ne lui semblent pas excellents et, s'atta-^
quant à la plus belle forêt de gayac, de bois de fer ou de palissandre,
Tal^attra sans regrets et livrera les bois morts à l'incendie pour y planter
ses haricots ou son maïs. L'appauvrissement de la terre, cause de nou-
veaux défrichements, se révèle par l'envahissement de certaines plantes:
lelle, dans la province de Sâo Paulo, le polypodium incanumy dit samam-
ottia. • Dans la partie méridionale des Minas et dans les provinces du sud,
la <c plante de la graisse », capim gordura ou melado {trhtegis ghitinosa
^^ f^anicum melini$)y ainsi nommée de ses feuilles gluantes, suit partout
le ^^altivateur et s'empare aussitôt des abords de son habitation et des
champs qu'il laisse en friche*. On reconnaît de loin les terres fatiguées à
■^ viae des gorduràes ou capinzàeSy nappes blanchâtres et onduleuses de
^ &>'ià minée envahissante. Parfois la forêt repousse immédiatement a la
piaoc* de celle qu'on avait détruite; mais cette forêt nouvelle difl^ëre com-
pte l^^^^rj^jj^ pgp gQjj aspect de la selve primitive, et nul Brésilien accoutumé
* *^ v^i^ en pleine nature ne saurait s'y tromper. Les bois nouveaux ont un
^*^ Ci liage moins entremêlé de lianes, mais tous les intervalles entre
^ïr'oncs sont obstrués de broussailles épineuses; moins beaux, moins
.^^^^*iels, sans fûts majestueux ni coupoles de verdure, ils sont plus
f ^ * grâce h l'étonnante variété de leurs fleurs éclatantes et de leurs
P ^^^'"'^^ multicolores. Mais ces ciipoeiras ou forêts de seconde croissance
^^^ent par ressembler aux grands bois primitifs, et leur bel éclat de
^^ ^îsse disparait avec l'âge*.
« ^^ ^gi'iculture courante, en dehors des gi-jinds domaines utilisés pour
liantes industrielles, est un tnivail tout rudimentaire, imité des
Auguste de Saint-Uilaire, Voyage dans le dûttricl des Diamants,
Hichard Burton, The Highlands of firazil.
i
454 NOUVELLE GÉOGRAPUIE UNIVERSELLE.
anciens Tupi; il faut y voir le pillage du sol plutôl qu'une indusU
régulière. On peut juger de la culture dans le Grand Ouest par ce fi
que tel paysan des bords du Paranapanema porte au marché cinquai
têtes de palmistes, détruisant ainsi cinquante arbres*. Cependant cbaq
cultivateur obtient en abondance, par la simple routine des travaux ag
coles, les denrées nécessaires à son alimentation, le manioc, les harici
noirs, le riz, le mais, les bananes, les patates, les ignames. Le plat fc
damental des tables brésiliennes, la feijoada^ peu différente de la noi
riturê habituelle des Portugais continentaux, comprend le.s trois premi<
ingrédients, auxquels on ajoute ordinairement de la viande sèche, cai
secca^ importée du Rio Grande do Su! ou des régions platéennes. On sa
depuis Ilumboldt, Ténorme quantité de substance alimentaire que prod
une bananeraie de peu d'étendue : un hectare, comprenant 320 pieds
2 régimes par pied, donne en moyenne plus de 58 tonnes de banane
Le gibier, abondant encore dans les premières années de ce siècle, et s£
lequel on ne pouvait s'expliquer les expéditions des mamelucos à trav
tout le continent, a beaucoup diminué.
Après la culture des vivres, naturellement la plus importante et d«
nant lieu au commerce intérieur le plus actif, le produit par excellei
du Brésil est le café. Le premier caiier, provenant de Cayenne, fut int
duit à Belem de Para en 1727 et de Ik se [iropagea dans la colonie por
gaise; mais pendant un siècle cette culture n'eut aucune valeur écoi
mique. On dit qu'en 1800 la production totale ne dépassa pas 750 kîJ
grammes : elle ne prit une réelle importance que loi*sque le pays e
recon({uis son autonomie; mais alors les progrès furent tels, que, malg
les crises financières et les révolutions, malgré les maladies de la planl
le Brésil l'emporta sur Java et sur tous les autres pays pi'oducteurs,
fournit maintenant au monde plus d'une moitié de sa consommation. (
peut cultiver le cîifier dans toutes les provinces, sauf sur quelques p!
teaux trop froids, — les terrains dits de Noruega ou de « Norvège* »,
et dans les endroits non abrités du Rio Grande do Sul. Cependant Tai
de grande culture se limite aux régions qui ont Rio de Janeiro po
centre, d'Espirito Santo au Parana. L'État de Rio de Janeiro était nagui
le principal producteur, et la l'écolte s'expédie encore pour une moi
par le port de Rio; mais actuellement l'État où se trouvent les plus vasi
pIant;\tions, produisant les haies de café en plus grande abondance
* Valle du rio Paranapanema, Bollelim ila Commmào Cco(jraphica de Sào Paulo^ 18tM).
* Jornal do Comercioy 24 «le seteiiibi*u de 181)5.
' A. de Taunav, Notes manuscrites.
456 NOIIYËLLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
tricl pour le nettoyage, la décortication et rensachement du csifé. Non loi
de Thabitation, sur des terrains en pente douce, s*étendent les séchoirs o^
des wagonnets versent la récolte, que l'on étale au soleil en min
couches. Des ciinaux, dont Feau réglée par des vannes se ramifie ckl -^ — n
embranchements dans les aires du séchoir, reçoivent les baies; Thumidit
pourrit Tcnveloppe, puis les graines, entraînées de réservoir en réservoi
entrent sous les rouleaux du moulin, où la friction les débarrasse de leu
pulpe. Prises dans Tengrenage de l'usine, les baies malaxées, frottée*
polies, finissent par entrer dans un tambour à tamis circulaires, où elU?» ^ ^=>tf
se classent, suivant leurs diverses formes, en « moka », « martinique >2=r — . j,
c< guayra » et autres « sortes >> commerciales, et retombent enfin daiK ai.s
les sacs ouverts, prêts pour le convoi qui attend au portail des atelien
Dans les grandes plantations, l'espace nécessaire pour le parcours du cafi
depuis son entrée sur le terreiro jusqu'à la sortie de la plantatioi ■ •
embrasse une superficie de plusieurs hectares, avec les moulins, nnin ^—
pots, écuries, remises de machines. Le personnel employé aux travai
agricoles et industriels du domaine comprend des centaines de famille:
vivant en des villages dont l'aspect vulgaire rappelle les mauvais jours
l'esdavage. D'ordinaire sans jardinets, les maisonnettes, d'ailleurs
propres, s'alignent sur une seule rangée ou sur deux rangs, en équerrc^
comme des soldats à la revue, et d'un coup d'œil l'économe peut en sum'-
veiller les abords.
La statistique de la production du café, dressée par des maisons d'ex-
portation rivales, manque de précision et quelques données partielles en
sont contradictoires. Cependant il est certain que la récolte totale a nota-
blement augmenté dans les dernières années*, malgré Tabolition de
l'esclavage. L'accroissement des récolles se fait presque en entier au
profit des grands propriétaires : la petite culture n'a qu'une très faible
part dans ccîtte production. Dans la région des « terres rouges » de Sào
Paulo, on peut traverser des propriétés de dix mille et de vingt mille
hectares, et toile im[)ortante station de voie ferrée n'a été fondée que pour
Production du café brésilien à divci*sos épuquos :
1820
1840
1870
5 085 tonnes .
1880
08 000 ))
i890
152 500 ))
1892
550 GIN) tonnes.
490 000 »
\U 000 M
Rang du Brésil dans la production du café en 1890 :
Brésil 490 000 tonnes. | Cuba et Puerto Rico 55 000 tonnes.
Amérique centrale et Mexique. 80 000 )) ' Inde anglaise 50 000 »
Java et Sumatra 00 000 n | Afrique occidentale 20 000 »
Haïti et Santo Domin-ro . . . i.l 000 » \ Autres 100 000 m
des^^i*vir une seule plantation. Une caféterie, appartenant en un seul
ien^m à une compagnie linaneière, qui dispose d'un capital évalué à
8500 contos, — 10 millions de francs au cours de 1893, — comprend,
d'après le rapport officiel, environ six millions de pieds, et emploie
4200 personnes, presque toutes d'origine italienne, réparties en 26 vil-
lages et hameaui : dans les bonnes années, les plants de la fazenda peuvent
dormir jusqu'à 6000 tonnes de café. Certes l'industrie du café au Brésil,
et notamment dans l'État de SSo Paulo, où l'on compte plus d'un milliard
de j>lants, est une merveille de l'agriculture et fait l'étonnement des
économistes; mais on peut se demander, sans parti pris contre le régime
de la grande propriété, s'il n'y a pas danger à sacrifier toutes les produc-
tions à une seule, tant fructueuse qu'elle soit : la population, rapidement
croissante, se trouverait exposée à un appauvrissement soudain si quelque
phénomène économique ou un désastre naturel venait à tarir tout à coup
la source de cette étonnante richesse.
Il fut aussi un temps où le Brésil fournissait au monde la plus grande
q[iiantité de sucre ; mais depuis un siècle et demi il perdit son rang au
proGt des Antilles, qui l'ont gardé depuis; le district de Sao Viconte, où
Martini Affonso de Souza introduisit la canne de Madère dans la première
moitié du seizième siècle, n'a plus qu'une culture sans importance.
Actuellement l'industrie sucrière est surtout représentée à Pernambuco,
à Bahia et dans les provinces voisines ; le district de Campos, dans l'État de
Rio de Janeiro, se livre spécialement à la culture de la canne, et nulle
V^^t on ne voit d'usines mieux aménagées pour la production des casso-
nades et des sucres. Malheureusement les grands planteurs brésiliens ont
^*>toiiu du gouvernement qu'il protégeât leur industrie par l'établissement
^^ usines centrales » avec garantie de 7 pour 100 d'intérêt aux capitaux
S^Kés. Comme on pouvait s'y attendre, ce sont précisément ces fabriques
*^ve?ntionnées, mais dirigées avec mollesse ainsi que toutes les entre-
'^ ^^5^ officielles, qui ont le moins bien réussi. Une forte proportion de la
^^ à sucre pîisse à la fabrication de la cachaça^ eau-de-vie qui ne
. ^Xie dans aucune maison brésilienne, mais (|ue n'apprécient guère les
^^ cotonnier est aussi une des cultures industrielles du Brésil, not<am-
^*' dans le Ceara et les autres États du nord; la guerre do Sécession avait
^ ^^^mpanhia agricola Fazenda Dumont^ Relatoiio de 180:2.
***oduction du sucre au Brésil, en moyenne :
200 000 tonnes, d une valeur de 80 000 000 fi-ancs.
■^u-de-vio de canne : 100 000 heilnliires, d'une valeur de i 000 000 francs.
XIX. 58
458 iNOI VELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
donné un grand élan à cotte culture, qui a diminué depuis, mais qui s'ac-
croît de; nouveau par refletd(»s lois presque prohibitives frappant les impor-
tations de colonnades étrangères. Les laliacs du Brésil sont très estimés,
notamment ceux de Bahia et les fumas du Goyaz; plus des cinq sixièmes
de l'exportation, qui se dirige surtout vers TÂllemagne et la France, se
font par Bahia, en feuilles, réimportées ensuite sous forme de cigares
ou cigarettes. On peut évaluer la [)roduction annuelle du tabac à 40 ou
50000 tonnes, d'une valeur de 25 à 50 millions. Les cacaoyers prospè-
rent dans l'Amazonie et sur les côtes méridionales de TËtat de Bahia,
notamment dans les alentours de Canavieiras, gnlce aux colons étrangei^s
qui se sont adonnés à cette culture, représentant environ 6000 tonnes
par an, soit le dixième de la production mondiale du cacao. Le thé a
parfaitement réussi sur les i)lateaux de Sao Paulo et de Minas Geraes, et
cependant on ne le voit plus guère dans les jardins, cette plante n'ayant
pu soutenir la concurrence avec les produits similaires de la Chine et de
rinde; ce que l'on appelle « thé du Brésil » est le maté, provenant de la
province de Parauîi, (|ui en ex[)édie, année moyenne, 14000 tonnes pour
une valeur de 8 millions de francs : la Belgique fait les princip<iux achats.
L'oranger, dont le Brésil possède de nombreuses variétés, et de si exquises,
pousse à son gré sans (ju'on s'occupe de le tailler ou de le greffer, et
l'on expédie « en vrac » les oranges pour la Plata sans aucune manu-
tention soigneuse : seule, la |>rovince de Santa Catharina s'adonne à la
fabrication des vins d'orange. La vigne paraît avoir un plus grand avenir,
surtout dans le Minas GcM'aes, on les eéj)ag(*s américains croissent admira-
blement*. QueicpiesvilieulUMirs (Mil déjà obtenu des vins fort estimés, qu'ils
comparent aux <( tokai ^s aux ^ chanipagnes », aux « bordeaux ». Dans le
Sao Paulo, oh cette indus! li*» a ])ris domicile, il faut paver le sol autour
des ce[)s pour empêcher le layoufiement tiop rapide pendant les nuits.
La première vendange lu* se fait (ju'à la cinquième année; mais, si élevés
([ue soi(Mit les frais, ils sofil largement compensés par la valeur de pro-
duits payés jus(]u'îi dix fois le |)!'ix <)u'on leur attribuerait en F'ranct».
D'aulies cultuic^s (forigine (Hiro|)éenne, celle du froment par exemple,
n'ont guère poui' les agionoines brésiliens (ju'un intérêt de curiosité,
saut* clans le Rio (iraiide do Siil; mais, dans ce jKiys même, la u rouille )^
atla(|u<' le iVoiiieiil, (|n'(m abaïubmiie de [)lus en ])lus 'j)our Télève du
bétail. Onant au liz, <|ui esl absoliiiiK^nt indis[)ensable aux Brésiliens,
])uis(|n'il eiiti'e dans b'ui' aliinenlalicm journalièi'e, et (|u'il serait si facile
' Pituliiclioii lin \in «biis le Miii;is TuMaos. vu \X\\^2 : \)i^A) hovUAiivos.
AGRICULTUKK BHËSlLfEINNK. fô9
iltîver dans tous les tei'niiiis bas, on l'impurle pi-esquc en unltcr du
oChine anglaise. La fourmi, qui naguère rendait luute culture impos-
en certains districts et qu'on avait surnommée le « roi du Brésil »,
- plus à redouter : des « formicides » introduits dans les fourmilières
Tnpoisonnent les habitants; on voit la l'umée de l'explosion jaillir de
f,/t,flf*f„t^ni,-3}
,es les tissures du soi. Pour se débarrasser des rats, nombre de jardi-
"s et cultivateurs ont à leur service un serpent gibota, petit boa de 5 à
lèires de long, qui dort toute la journée et chasse la nuit. Très attaché
demeure, le giboia s'échappe pour la retrouver quand on le transporte
ïors.
ïiys de grandes foi'èts, le Brésil a toujours une importance capitale
«0 KOl'VKLtE CÉOfiHAPHIE HîflTERSEUE. 1
coniiiii^ |iavs tk' ciieillelli;. Puur i'cx|M)i-tiilioii du caoutulitiui: iiuhsi bien
que [loiir celle du caM, il n pris le premier rang : comme cnlrepdl de kb
borracha — nom doiiiKî au caoutchouc — la ville de Para jtossMe le<
monopole'; la môme place expédie presque soûle les « noix ■■ ou « chi-
tai^cs » du Bréiiil, Fruils du bertkollelia, destint%s surtout au mairbé de
Pétersbourg. L'Amnzonie ei|»arle aussi les fcves de (piaranâ, pret^qne indt»^
pcnsvaldes aux iiabilants du Malto Gro.s»o, et vend en quanlili'i les drogndl
médicinales, tandis que Cearâ et les côtes voisines jusqu'au Sci^pe fouin
nisscnl la cire du carnnûba, [mlinier qui, outre du vin, donne une gnmnsl
semblable au sagou, une moelle qui remplace le lii^-go, dos fniils cnnuM
tibles, des feuilles dont les filii'es senenl il faire des tissus : lu cira qm ^
recouvre les feuilles sous forme do poudre gltitinense et que l'on élirait
au moyen du feu, s'exporte en Europe, oii on l'emploie à divers usages,
notamment a \n coloration du |>apier, à la fabrication de bougies et de
vernis'. Les libres du palmier piassava {atalea fnnifera) ou <•- jonc noir i-
de l'Amazonie, de liahia et d'Espirito Sanlo sont acbetées par l'Anfrielern^
pour la fabrication des balais et des brosses. Le chinchona a été depuis
plusieuiï années introduit dans les montagnes de Thereni[»olis, mais ne
donne pas encore lieu à une production d'importanc£ économique. Enfin,
tous les Etats du littoral sont ricbes en bois d'ébénisteric, de couslruc-
lion. de teinture, qu'on utilise dans l'industrie ; c'est à un arbre, Vechif-
nala cxtalpinia, que le Llrésii doit son nom. Un autie. le jaciiraiida,
la libre si belle, qu'on l'appelle le « liuis saint », palo $aiito, — (
français « palissandre ».
Pour le bétail, chevaux et bûtes à cornes, le Brésil reste inférienr à h
République Ai^entine, quoique, sur les plateaux du centre et dans les
campos du Sud, il possède des terrains de pâture en superficie presque
égale. Un de ces États, le Rio Grande do Sul, poursuit l'élève avec U
même activité que les contrées platéennes et rournit à Rio et aux autres
villes de la région tropicale de petites mules infatigables à la course et
d'une merveilleuse force' d'endurance. Le Goyaz, le Matto Grosso* le Minas
envoient au littoral leurs boiadat ou tmupeaui de boeufs, cheminant par
courtes étapes et paissant dans la brousse, des deux côtés de la piste
< froduïlion ilu caoulthoui' :
IRIO iOO tonnes.
1860 2 500 «
IS9I 30 000 u
De 185!) à 1891 : 3tJU-J0r. I un nus, .l'une viili-ui' .le I 44A 000 000 fraDCS.
* A. Biiguct, Bulletin de la Société de Géographie ifAneen, 188G-87.
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I
AGRICULTURE BRÉSILIENNE. 465
ccoutumée. Dans les régions centrales du Brésil ces animaux appartien-
ent à deux races très différenles el reconnaissables surtout par la
imension des cornes; elles peuvent atteindre jusqu'à deux mètres d'en-
îi^re chez les bœufs de Minas Geraes*. La vache de Jersey, le zébu
e rinde et d'autres animaux contribuent maintenant à l'ennoblissement
e la race. Sur les côtes équatoriales, le Ceara, le Piauhy ont aussi leurs
roupeaux de chevaux, de bœufs et de moutons, mais les ont souvent
^rdus presque eq entier à la suite de sécheresses prolongées. Dans l'État
e Minas Geraes l'industrie fromagère a pris la plus forte activité : sur
outes les tables on trouve du fromage de Minas.
Les traditions de l'ancien Brésil monarchique se sont perpétuées pour la
livision du sol. Les rois avaient d'abord partagé la terre en grands fiefs ou
lapitaineries, et plus tard, quand la propriété directe de toute la contrée
evint au pouvoir royal, celui-ci distribua les propriétés conformément à
;on caprice, en concédant des sesmarias ou « parcelles », généralement
brt étendues : la nation ne possède que très peu de terres libres, tandis
{u'un petit nombre de seigneurs détiennent d'immenses étendues dont ils
le connaissent pas même les limites. Certains domaines, même dans les
i^mpagnes où se presse la population, occupent des lieues carrées de sur-
face, et les propriétaires, qui ne peuvent trouver les bras nécessaires
pour exploiter ces vastes territoires, se plaignent toujours du manque
ie a main-d'œuvre ». Peut-être le travail se ferait-il mieux si ces régions
fécondes, détenues par un seul, étaient réparties entre les matvtos ou
petits cultivateurs. Après l'abolition de l'esclavage, lorsque les planteurs
dirent s'enfuir presque tous les nègres de leurs ateliers, ils accusaient
ie paresse ces esclaves d'hier; mais ceux-ci, las de travailler pour un
naître, s'étaient retirés dans quelques clairières de la forêt, où ils vivent
Lvec leur famille et quelques animaux domestiques, cultivant leur petit
^hamp de bananiers, de haricots et de manioc, sans négliger les fleurs
lu jardin '. Cependant nombre d'anciens esclaves sont revenus depuis sur
es plantations natales.
Quoi qu'on en dise, ce sont les noirs, les flls des anciens esclaves, qui
Fournissent la plus grande partie du travail agricole dans les régions où
les colons italiens, allemands et autres ne sont pas encore venus à leur
aide. Les blancs qui n'ont aucune part à la propriété du sol, ceux qu'on
appellerait « petits blancs » en Louisiane et dans les Antilles, préféraient
* Bétes à cornes au Brésil, d*après une évaluation approximative : 18 millions.
* James W. Wells, Three thomand Miles fhrough BraziL
46i >orVEr,I.E KÉOGRAPHIE lINtVKnSELLE.
vivre en agir/jaih». l'rsl-ît-dire on |iiinisilL's sur le domaine du soîgncHr
lel jiruprit'laire en aviiU dos c(!iilaiin'S dans sa fazcnda. A rott-asiwn, il
pouvaient ifndtf quolquos scfvires: s'ils avaicnl un peu de Wlail, ils 1
laissiiient vaguer confondus avec les tronpeaux du maîti-e, cl pmsaici
oux-mOmes dans les greniers Jùen remplis quand ils manquaient des ali
mcnts nécessaires. Les mœui-s faciles et bienveillantes de lu popujalio
s'accommmlaienl de cet élat de choses, d'aulanl plus que les agi-egado!
ru prenant le seigneur pour parntiii de leurs enfants, devenaient nini
ses « comp^res », lien cunsidt^ré comme presque sacré; mais les cluingc
nienls politiques el sociaux qui se sont accomplis modificu! les rapport
enliii les gi-ands propriétaires el les hatiilaiils non fortunés. On peut s
débarrasser de la plu[)ail de ces petits blancs par les mille fonetiun
bureaucratiques des Elats, des comarau el des municipcs; toutefois 1<
problème de la propriété n'en reste ]>as moins entier pour tous les habi
tanls des cam[tagnes, noii-s, [JCtils blancs ou colons d'origine étrangère
Grâce îi leur fmgalilé, les AfricJiins ont pu se contenter do lopins A
lerrc obtenus çA et Ih sur les conlins des domaines seigneuriaux ou dan
les régions appartenant à l'Ëlat; mais les travailleurs étrangers sont plo
exigeants, et les lots qu'on leur a découpés, soit en de grjndes propriété
morcelées, soit dans 1rs doumiiies nationaux, ne satisfont qu'à une laibli
partie des demandes; quand au régime de la parceria ou du « métayage >
il est mal accueilli par des cultivateurs venus de l'Ancien Monde dan:
l'espérance d'être propriétaires.
Là est la grande question pour l'avenir immédiat du Brésil : les tra-
vailleurs réclament la terre, ils la prennent même en certains endroits
el la cultivent de foi-ce, les détenteurs ou les Lilulaires In refusent on
cherchent à la reprendre. Ceux-ci, désireux de continuer sous une autre
forme les anciennes pratiques de l'esclavage, ont fait voler par la législa-
ture l'introduction de coulis chinois dans leurs plantations, el lors d'uir
congrès spécial, réuni à Juiz de Fora, se sont engagés pécuniairement ai
transport de c*s engagés, tenus au service pendant un certain nombrt
d'années, de trois à cinq, moyennant le logement, la nourriture el un
salaire d'au plus 55 milreis, soit 45 francs par mois, au cours moyen de
1892. Mais celle immigration des <c Célestes », depuis longtemps votée, m
se fait point encore et ne paiinl pas devoir se faire, au moins en des pro-
portions considérables. Le gouvernement de Pékin ne se prête pas volon-
tiers aux vœux des planteurs cl les compagnies de ti-ansport ne sont pa;
encore en mesure de «faire grand », (]uoique des spéculateurs se soient déji
présetilés en foule pour demander l'entreprise. Itares sont les Chinois dan;
iGO NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
des deux côtés de la chaine Ëpinière et dans les vallées tributairas du i
das Yelhas. Du massif d*Ouro Branco à la Cidade do Serre, on marcb
presque constamment sur des monceaux de graviers qui ont passé,
souvent plusieurs fois, dans la bâtée de Torpailleur. De la route, entr^
Ouro Prelo et Sabarà, on aperçoit sur les collines une falaise qui se pour-^
suit sur une longueur de plusieui^s kilomètres : on dirait une paroi pro—
venant du glissement des roches; mais c'est une tranchée à ciel ouvert,
creusée par les mineurs l\ plus de 40 mètres en profondeur'. Au-dessus di»
Passagem, village minier voisin d'Ouro Preto, la colline est découpée
tou]*s et en murailles que Ton croirait formées par des éruptions de lave
ce sont les restes de travaux faits par les anciens chercheurs. Penda
la période de prospérité, les potentats des Minas Geraes vivaient avec c —
faste insolent qui de tout temps distingua les parvenus enrichis soudai
Des propriétaires se faisaient bâtir des palais où tous les jours la tablf
éUiit somptueusement servie pour les amis et les passants. Lorsque W
capitaine général visitait un de ces riches mineurs, on lui offrait d'ord
naire un plat de ca/^<///fl, où les gi-ains de maïs étaient remplacés par d
pépites. Pour la translation du Saint-Sacrement d'une église à Taut
on employait des chevaux aux sabots en or; les plaideurs appuyaie
leurs suppli^iues en offrant des bananes pleines d'or à leure juges.
On a évalué diversement la quantité de métal pur extraite des min
brésiliennes depuis les premières découvertes des Paulisles. D'ap
Gorceix, la seule province de Minas (îeraes aurait livré au commerce
de 1700 h 1888, près de 600 000 kilogrammes d'or, correspondant à u
valeur d'environ 1 850 000 000 de francs. La production totale pour Te
semble du Brésil paraît n'avoir été guère inférieure à 3 milliards. Le re
deinenl actuel est évalué de 4 l\ 8 millions par an. La plupart des conips^
«iiiies (jui ox[)l()ilenl le fninerai sont constituées en Angleterre, et leu
opérations se liiniltMil h la ré^non des Minas située au nord du nœud
Queluz, et se |uol()nfreant des deux eôlés de la chaîne Épinière, eut
Ouro Preto cl Sabanî. Elles ne font plus exploiter les alluvions des rivièref
mais alta(jnent les roches mêmes, en poursuivant les veines pyrileusesj
(ju'îi de «.nandes distantes et à plusieurs centaines de mètres en profo
(l(Mir. Des chemins de ïrv, d(»s plans inclinés transportent le minf
jusipraux bocai'ds oii \\\\n des rivières et des canaux permet le lava
et la lévif^alion de la |)ieire concassée. La dimiiuition du reruleme*'
el le |)rix cioissinl de la niain-d'oMivre ont graduellement ralenti V
' II. (joivoix, liiilU'tiu (le lu Socirté de Gèoyvapliir, M'aiitr du 18 octobre 187<î,
.ju-
rai
à
HI>ES n-On ET [>E DIAMANTS 4C7
aui; cependant l'industrie réinunèi'e toujours les capitnus étrangers.
B recherche des diamants q donné lieu à beaucoup de mécomptes, In
ouverte des mines de l'Afrique méridionale ayant soudain ruiné l'in-
trie brésilienne. Les premiers explorateurs des Minas ne cherchaient
des « pierres vertes », et ceux qui découvrirent le diamant, dont le^^
loux transparents servaient de jouets aux enfants indiens, ne con-
ssaient pas la valeur de ces cristaux. Un fonctionnaire qui avait habité
D lUMBE DD IKfUt.
s'aperçut le premier que des jetons employés pour marquer les
;ux étaient des diamants beaux comme ceux de l'Inde, et donna l'éveil
partant pour le Portugal apri-s avoir fait collection de ces graviers
|>risés'. En 1735, le gouvernement était officiellement informé de la
Duvertc faitQ dans son domaine, et, fidèle à son principe de ne voir
s le Brésil que sa vacca de leite ou « vache à lait », il se déclai'a le seul
priétnire des terrains diamantiferos et ût tracer autour de Diamantina
! circonférence de 42 lieues indiquant les limites du territoire interdit ;
ense de creuser les fondations d'une maison, si un huissier et (rois
Au^ïle lie Saint-Hibirp, Yoijnge <fnn* Ir diihiel lien Diamiinl*.
*fîJ! NOUVELIE CÉOGRAPllIE rHITERSELLE.
aulri's em|iluyés n'éUiient témoins de ce travail'. Soûls certains privité;
reçurent It. droit il'oxptoiter les ruisseaux à dtarnaots, moyonunul un in
diï capilation pyé sur liî nombre des travailleurs employa'». Ensuite
loua les gisements à des fermiers généraux, et linalem«nt ie roi de |
lugal Cl Inivailior les mines pour son propre compte'. Sous le n%
actuel, la rucWrclie du cristal pst devenue libre. Le nom de calai
présentent les cartes en plusieurs endroits du Brésil a le sens d' « e:
valions » et se rapporte aux anciennes mines d'or ou de diamants.
IjCS garimpeiroi ou chercheurs de diamants ont découvert la pii
précieuse non seulement dans les Minas, mais aussi dans le Matto Gross
récemment, en 1K45, dans la Cliapada Diamantina du Bahia occiden
Leurs exploitations se font pour la plupart sans Iteuucuup de méthoi
ils détournent les torrents et les ruisselets presque taris pendant
sécheresses, puis tamisent les gravieis aussi longtemps cjue dure ia sai
favorable; dès ({ue les pluies s'annoncent, les ateliers disparaissent,
diamants se renconlrenl à côté dos autres cailloux dans les conglooié
anciens d'origine paléozoTiiue, ainsi que dans les niches plus moden
formées des fragments menuisés des strates primitives; mais nulle |
on ne les a vus en des formations pluloniennes'. Parmi les pierres célèl
recueillies au Brésil, on cite le brillant d'Ahaété, qui pesait 144 car
et " l'Ëtoile du Sud >i, que ramassa une négresse en 18o5 : il pesait a^
la taille plus de 2r)4 carats. On évalue à 12 millions de carats, soit à |
lie 2 tonnes et demie, représentant un demi-milliard de francs, le I
des diamants livrés par le Brésil au commerce du monde. La produci
diminua rapidement dès que la concurrence de l'Afrique méridionale
abaissé les prix. En 1867, elle fut encore de 57 kilogrammes, d*
valeur de 7 millions de francs; en 1880, de 16 kilogrammes envii
et maintenant on l'évalue à 7 ou 8 kilogrammes, représentant 1 millioi
francs. Les diamants de l'Afrique sont moins beaux, mais le total de I
vente est déjà de beaucoup supérieur à l'ensemble du commerce
diamants brésiliens pendant un siècle et demi. La formation diamaDti
du Brésil se complète par un grand nombre d'autres cristaux, greo
topazes, corindons, béryls, améthystes; mais il n'y existe pas de vérita!
émeraudes : les « pierres vertes >< que l'on prit pour telles étaient |
bablement des tourmalines'.
' Mawe; Auguslc de Saint-llilaii'c ; Richard Burlon, ouvi-ages ciliés.
■ li. Ilorcei^, Aêiociation Scientifique, février lt(K3.
i Orrille A. Derb;. Conlributiont tn Ihe Sludy of Ihe Gfoloqy af Brazil.
* Au((. dp Sainl-llilaiiv, ouvKipn rîlô. ■ ■
GITES DE DIAMANTS, MINES DE FER.
Les gites métallifères autres que tes mines d'or ne sont guère exploités
malgré leur richesse, cl même, dans la plupart des Ëlats,on se borne à les
signaler, sans même se rendre compte de leur teneur en métal. Rio Grande
do Sul possède les seules mines de cuivre utilisées. Minas fournit aussi du
'Omb, et ses deux montagnes de fer, Itabira do Campo et Itabii-a do Matto
'^ntro, donnent aux fondeurs, ainsi qu'Ipanema, dans le SSo Pnulo,
L**elques minerais tirés de masses inépuisables. Des météorites exploitées
^ns l'île de Sao Francisco, à 5 kilomètres de la ville, ont passé eu entier
*tl feu de la foi^e. Les gisements de houille que l'on n reconnus dans
470 ^U[:V[!:LLE <1Ë0i;RAPHIB rMVERSKLLE.
los Étnis lie Siiiilii Calliîiiiiia H de Rin fii-amle do Siil alimcntenl ur^L'
fiiiblu iiidiisti'it! louilr. Minns (îenios possède près de Mamiina, à Sfïo
(liieliiiio, (les {risenienls d'cxi-elleiil kaolin. Dans le SSo Paulo on cxploîie
aussi (les cnnclies de liffniU' et l'on a entamé çà el là les lits de la tour/je
<]tii a comblé les ant^iens Inrs. Qnant an sel, que le pays pourrait demander
. D.iniint. ■ A-^nt U
à ses inirii^s, à ses rivièivs salines ol à ses maniis livei-ains en quantités^^
éiiiirnies, il en inipm'U; encore d'Knrope, cliai'<:é comme lest par les-^
nuviivs anglais.
l'iTsipn- toutes les industries nuninfaclnriôn's sont n^presenliJes au
Brésil : la inîtlièiv |in.'nii('re. niélanx, Iiois, gommes, sèves lincloriales,
liln-es, rnii-s, sui-iibonde, fXploiU'-e par des hommes du métier, ingé-
nieurs, (tislillalcurs, onvriei's. innnignint en nomhiT cliaqnw année. De
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INDUSTRIES DU BRÉSIL. 475
son côté, le gouvernement a imposé des droits très élevés sur la plupart
des produits de l'industrie étrangère. Il est rationnel qu'on cherche à
oblenir directement les objets qu'on avait Thabitude d'importer; mais
il y a perte évidente dans l'ensemble du travail humain, car le prix de
fabrication s'élève beaucoup plus haut au Brésil que dans les pays indus-
triels de l'Europe, et l'écart doit être compensé par des droits « protec-
teurs » très onéreux. Les filatures et les fabriques de tissus tiennent le
pitMiiier rang parmi les établissements qu'a fait surgir la nécessité de
suppléer aux marchandises étrangères trop enchéries par le fisc. Chacune
les grandes villes brésiliennes a plusieurs manufactures et il s'en élève
Jans les districts les plus reculés de l'intérieur. La suppression ou seu-
ement la diminution des droits de douane ferait abandonner la moitié de
es usines.
Mais, en dehors de ces fondations dues au système protecteur, le Brésil
'es nombreuses industries nécessaires à l'entretien des cités, briquete-
es, fabriques de chaux et de ciment, ateliers de meubles et de char-
-iles, carrosseries et charronneries, brasseries et distilleries, chantiers
^ construction. Il lui faut aussi tout le magnifique outillage qu'exigent
'^ I>i*incipales cultures, le cafîer et la canne à sucre; enfin l'immensité
* ^^fritoire demande un nombre croissant de locomotives, de wagons, de
^^^lax à vapeur. Le réseau des voies de communication s'accroît et par-
^^ l'activité nationale augmente en proportion. On peut juger de ce
^ ^lle était sous le régime colonial par ce fait que rapporte Auguste do
*'^*-— Hilaire : sur la route maîtresse de Rio l\ Minas, remplacée mainte-
'^*- par le chemin de fer Central, qui transporte sept millions de per-
^^^«is, pas un seul voyageur ne traversa la frontière des provinces du
xrier au 28 mai 1819. D'Ouro Preto à Rio de Janeiro, le voyage des
^ •'^ tiers, cheminant presque toujours par lotos ou groupes de sept hommes
pt animaux, durait un mois en moyenne. Une compagnie anglaise
proposé la construction d'une route, il lui fut répondu, comme on
rait actuellement à Madagascar, que des chemins pourraient faciliter
Conquête du pays par une jmissance étrangère'.
liepuis la fin du régime colonial, le commerce brésilien a certainement
^^^^uplé, car, si gênants que soient les tarifs des douanes, du moins les
^'^^banges avec l'étranger ne sont pas interdits, comme ils le furent jus-
Î.Vi'à l'année 1808. Pendant longtemps une compagnie financière posséda
^^ monopole du trafic avec le Brésil et disposa d'une flotte de guerre
' Friedrich von Wecch, Brasiliens gegenwârliyer Zusiand und Cohnialsyslem.
4T4
iiioiilt-t! |>;ii' iti's Dinlassiiis et des arlillimrs. Muts les richosst-M du pays, €tr\
diamants, denrées coloniales, buis de teinture, forçaient quand même Ie«^
étrangers h recourir aux nûgocianls de Lisbonne, el l'on dit qu'au coa-
meuccni<nit du siide ce commerce, muniqiolitîi'! par le Portiig:al, s'élevall '
Il pr<>s de 150 millions de francs'. Au milieu du sÎÈcle, ïl altcigitHit
ÙOO millions. Vers 1880, l'cnsemblf* des échanges avait déjà dépassé ua
milliard, et, depuis, TnccruisMiment a cuutinué malgré les révolutions el
la guerre civile, malgré les spéculations effi'énées, malgré le jeu cl les
malvcrsiitions de toute sortie : oii a vu des sociétés à capital nominal,
constituées coup sur coup, demander en quinze joui's uti ou même deulc
milliards. Eu 1891, les diverses enireprises mises en actions i-opréseD-^
IjiienI, onze fois la fortune totale du Brésil.
L'importation consiste principalement en objets manufacturés, mtii
elle comprend aussi des articles que le pays pourrait très bien fournir s
des briques, des carRMUï el des tuiles, des farines et des viandes, surloi
le riz de la Barmanie el la carne lecca on xarqne des Ëtals plaléens; Q
n'est pas de boutique du détail, dans la plus pauvre bourgade de l'intériearj
oii l'on ne trouve des biscuits anglais, des sardines de Nantes et des i>ou^
teilles de pale-ale. L'esporlalion, plus considérable en moyenne que l'ini'
porlaliou, se compose, pour les quati-c cinquièmes ou même davantage,
de café, la denrée brésilienne qui gouverne les marebés du mond«'. Aji
le café, le pays exporlc du caoutchouc pour une valeur de 155 millions',
du sucre, du coton, du tabac, et, pour une valeur bien moindre, do
cacao, les « noir i> ou « châtaignes » du bertholletia, de -4000 h 20 000
tonnes de maté suivant les années, l'or et les diamants\
Grâce à des tarifs spéciaux, l'Amérique du Nord occupe le pi-emiur- rang
dans le commerce avec le Brésil. Une forte part de la récolte du cjifé se
dirige toujours vers les Étals-Unis. En 18!)2, plus de 2 400000 sacs v
onl élé expédiés de Rio, el le reste du monde n'a reçu du méinu iiuri
qu*une quantité de café brésilien inférieure à un million de sacs, Santos.
' Adotpbo de Vambagen, Hitloria gérai do Bratil.
* EiporUtion du caoulchouc du Para en 1891 : 135 540 000 francs.
1 Cuinniercc ilu Bi'(-sil avuu IV'Iraii^r en 1890 :
Importation : SGO 100000 ms, suit h i fr. SO le miWU 5732S0U00 francs.
Ekpurlatiun 1 317 8SS 000 reis soit n » 690308400 u
Ensunible I Ï71 128 iOtt II".!!»!».
Kxpoi'btioii (lu cafO iUOOOO tonnes.
Valuur niujenne du café brÙ!^tlie^ eu IH'J'i : 100 fi-jiics lu sac, suit à 1 fr. 66 le kilograuimc.
COMMERCE DU BRÉSIL 475
*^ ^^Onirairet envoie surtout ses cafés aux ports d'Europe, Brème, Havre,
"^^rs, Triesle; New York ne reçoit qu'un quart de la récolte de Sâo
^^îo*. La Grande-Bretagne, qui, par ses bateaux à vapeur, s'est fait le
'^^^cipal intermédiaire du commerce brésilien, vient après les États-Unis
P^tir l'importance des échanges directs. La France arrive en troisième
^&ïe, suivie de près par l'Allemagne, à laquelle les colonies germaniques
^U Rio Grande do Sul et de Santa Catharina assurent des relations crois-
antes. Le commerce avec l'Italie augmente aussi d'année en année depuis
que l'immigration a rapproché Gênes et Naples des ports brésiliens.
La mère patrie, qui avait autrefois accaparé le monopole des échanges,
se trouve reléguée au cinquième rang, malgré la parenté des habitants
et la communauté du langage; mais la majorité des négociants appar-
tient aux immigrés lusitaniens : h Rio même on compte parmi les
industriels et les marchands quatre fois plus de Portugais que de Bré-
siliens. L'ancienne colonie est toujours le meilleur client du Portugal
pour les vins*. Tandis que le commerce avec l'étranger s'accroissait rapi-
dement, le mouvement du cabotage entre les ports brésiliens diminuait
par reflet de la navigation à vapeur, qui, se dirigeant d'Europe vers tous
les points de la côte, rendait inutiles les grands entrepôts concentrés
autrefois à Rio de Janeiro.
Au Brésil comme aux États-Unis, les nécessités du commerce ont obligé
les habitants à se construire des voies ferrées avant qu'ils pussent remplacer
leurs pistes par de bonnes routes carrossables. Le chemin de Rio à Petro-
polis et la prolongation du beau chemin de montagnes par un autre, qui
descend à Entrerios dans la vallée du Parahyba pour remonter ensuite à
Juiz de Fora, telles étaient, avec quelques autres routes dans le voisinage
des cités, les voies magistrales lorsque le pays entreprit la construction
des chemins à vapeur. Les prétendues « grandes routes » qui réunissent
Rio aux Minas, au Goyaz, au Matto Grosso ne sont que de larges rubans de
roche ou de terre, serpentant dans les fonds et sur les collines, rayés
' Arri?ages du café dans la saison de 1892-93 :
A Rio, à Santos et à Victoria 5 422 000 sacs, soit 312 300 tonnos.
Exporté aux ports nord-arnciicains . . . 2 382 000 n 142 920 »
» )) d'Europe 2 452 000 » 147120 »
Non exporté 416 WMî » 25 240 lonne^^.
* Importation des vins portugais au Brésil en 1892 :
280627 hectolitres. d*nne valeur de 10145 000 fmnc^.
476 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
d'ornières profondes dans les régions humides et se divisant en
latérales aux endroits escarpés. Sur ces routes poudreuses, boueus
rocailleuses, six, huit, dix paires de bœufs traînent lentement leurs
aux roues chantantes; pour des transports considérables de denré
de mincirais, les fazendeiros organisent des convois se prolongeai
plusieurs centaines de mètres ou un kilomètre de distance. C'est
ment en troupes que Ton fait voyager les mulets de charge sur les
Vciis sentiers des marais ou des montagnes; un vieux cheval, la madi
sans fardeau, mais portant une cloche et des sonnailles, souvent eus
plumes, des étoffes de couleur, marche en tête de la caravane*.
Lorsque le Brésil inaugura sa première voie ferrée, en 1856, l'Ami
espagnole en possédait déjà quelques-unes. La ligne initiale, desti
rejoindre Petropolis à la capitale, s'arrêtait encore au pied de la
tagne côtière. De même pour le chemin de fer que l'on ouvrit dei
plus tard, dans la direction du haut Parahyba. Partant de Rio, les
s'étaient dirigés vers le nord-ouest à travers la plaine marécagei
boisée jusqu'à la station de Belem, située à la base de la serra d<
C'était peu, et dès le début les hommes de Tart se trouvaient er
sence d'un obstacle des plus sérieux. Ils en triomphèrent, en surmi
par de fortes rampes et seize tunnels la chaîne de montagnes qui les
rait de la vallée de Parahyba : désormais ils possédaient le tronc
sur lequel viennent s'embrancher les autres lignes maîtresses com
quant avec la capitale. Depuis cette époque les ingénieurs ont coi
des voies ferrées qui pour l'importance des travaux d'art peuvent se
parer à celles de l'Europe. Ils ont déjà franchi le rempart côtier
serra do Mar sur cinq points, dont trois dans le voisinage de Rio de Ja
et se préparent à escalader d'autres passages. Us ont également tr
les chaînes majeures, la serra de Mantiqueira, la serra do Espinha<
ces grands obstacles surmontés, ils n'ont pîus qu'à pousser plus avai
les pentes adoucies des plateaux. L'altitude la plus considérable à la
s'élèvent les rails se trouve sur l'embranchement d'Ouro Preto, qui
en tranchée à 1362 mètres, presque à la hauteur des pitons vois
100 mètres plus haut que la percée de Modnne ; mais quelques ram
la voie sont encore plus remarquables par leurs travaux d'art : t
montée de Joâo Aires (1115 mètres), qui se développe par de non
lacets semi-circulaires sur les flancs des collines herbeuses. Les le
tives ne se sont guère avancées dans la région des grands fleuves: <
• Franri» de Castelnati, oiivrape cïU\
VOIES FERRÉES DU BRÉSIL. 477
danl elles ont (léj<h quelques viaducs imposants, notamment celui qui tra-
verse le Paraguassû, entre Cachoeii'a et Sao Félix, le pont du rio Grande,
sur le chemin de fer d'Uberaba, et le viaduc de plus d'un kilomètre où
passent les houilles de Tubarào.
Le Brésil ne possède encore que deux réseaux proprement dits de voies
ferrées, ayant pour points de départ Tun Rio de Janeiro, l'autre Sanlos :
d'ailleurs ces deux systèmes sont rattachés par une ligne de 596 kilo-
mètres qui remonte la vallée du Parahyba et redescend à Sâo Paulo. Le
réseau, de Rio pénètre au loin dans les Minas Geraes et chaque année se
prolonge d'une ou deux étapes dans la vallée du Rio das Velhas, où com-
mence la navigation de la ramure du Sao Francisco. Les progrès de la via-
bilité sont encore beaucoup plus rapides dans le Sâo Paolo, où les voies,
traversant la région du café, onl atteint déjà les cours navigables du rio
Grande, du Pardo, du Mogy guassû, du Tieté, du Piracicaba. Dans les
autres régions, il n'y a encore que des lignes isolées ou des chemins
•^yonnant en éventail, comme ceux de Recife et du golfe de Bahia. Une
pï^^ncie voie maîtresse qui unirait toutes ces lignes isolées, du nord au
^*'d^ est une entreprise h la hauteur de laquelle ne se trouvent pas encore
les finances brésiliennes. Les projets qu'il serait nécessaire d'exécuter
*^ plus tôt pour donner au pays une assiette politique plus solide sont
^^'^^^c qui rattacheraient Rio de Janeiro et les Minas Geraes au versant
^^ 2fatto Grosso, et l'État de Sâo Paulo à l'extrémité méridionale de la
^^*^ Clique. Actuellement le Rio Grande do Sul se trouve par ses voies de
munication dans la dépendance économique des États platéens. Pour
Telations avec l'Europe, le Brésil devrait aussi se donner une voie litto-
^'^^^ de Campos à Recife, le premier port d'arrivée des paquebots trans-
^^'^^^ntiques.
îs chemins de fer brésiliens n'ont pas été construits suivant un plan
forme, et sur telle ligne, notamment sur le Central, axe commercial
Minas Geraes, la voie étroite succède à la voie large : sur la plupart des
^veaux chemins l'écartement des rails ne dépasse pas un mètre. Le gou-
'^emenl ne possède qu'un petit nombre de chemins. La plupart des lignes
^^partiennent à des compagnies privées, nationales ou étrangères, dont
^^^elques-unes n'ont demandé ni subvention, ni terrains, ni garantie
^^ intérêts; mais les principales sociétés se sont fait donner, outre la con-
"^ssion, des bandes latérales de terres et onl obtenu du gouvernement des
aranties de recette ou des subsides suffisants pour que l'entreprise ne
Y^résente aucun risque: de plus, elles ont stipulé (|ue nulle société rivale
ti*auraît le droit de constniire de ligne parallèle ou convergente dans une
478 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UKIVERSELLE.
zone délei'mini*c. Ainsi se conslituentgi'aducllcmentdes monopoles, comcne
celui du chemin de fer de Sanlos h Jundiahy, qui, ne pouvant satisfaire
aux transports commerciaux de la région, prétend interdire aux prod «Ac-
teurs d'expédier leurs denrées par d'autres voies. Dans les districts écar-t^s
il existe des entreprises qui tâchent de se faire oublier : un convoi par m
semaine entre deux stations désertes, cela suffit pour qu'à la On d» J
l'année les propriétaires touchent leurs dividendes, dûment sen'is par 1»-
Irésor de l'Étal'.
' Chnitiins <1r fev bn^ilions au 1" jantior j8t)S, d'après Alfredo LisIxKi :
Clirinin!. appartenant i l'État 3 556 kiiomMiU""'
i> àdci^riimpagiiipsqui jouis<iFnldeIagaranlicit'inléré1. 3840 n
» Il sans garaiilie d'inlprét 5 257 »
Enwmlili- <i<s viups frirùes 10 fl.\1 kilnm6lri>«.
VOIKS FERRÉES, RIVIÈRES NAVIGABLES DU BRÉSIL. 179
ans leur ensemble» les voies ferrées du Brésil, d'une longueur un jieu
□dreque le réseau argentin, lui sont inférieures par le mamjue d'unilé
^phique. Cependant elles consliluent déjà un élément primordial de la
esse nationale et modilient d'année en année l'assiette de la contrée
ïhangeant la direction des voies suivies par le commerce. Au Brésil
me dans les autres pays du monde nivelés par les routes, les versants
nitifs perdent de leur signification. Déjà le chemin dos hauts affluents
'Ajnazone n'emprunte plus le courant fluvial ; de même Rio de Janeiro,
i versant de rivière, limité de tous cdtés par d'âpres montagnes, est
înu le débouché de la vallée de l'arahyba, des hautes rivières du bassin
mien et même des contrées que parcourt le Sâo Francisco supérieur.
I plus, le jour viendra où le Paraguay, le Mallo Grosso, même une
tic du Chili, l'Argentine du noi-d, trouveront aussi dans celte direction
: voie la plus courte vei's l'Europe'.
!ncorc dépourvue de chemins de fer, sauf autour de Para, la région
izonienne doit uniquement aux batcaui à vapeur d'être en relations
: le reste du monde. Une compagnie anglaise, subventionnée par le
Cbeuiins du fer brceîlicns en 18113 :
Lignes ouierles au Irafic IHHW kilomètres
Réseau cutiixdé déliniliTeinenl le i" juiivitu- INlIô. . . '29 119 »
Codl d'éUblissciiieDl des voies ouvertes m U^c ... 1 &35 OOU UOU francs.
480 NOIVËLLE GÉOGRAPHIE UISIYEHSËLLE.
gouvernement brésilien, dessert régulièrement toutes les escales de TÂma-
zone entre la cité de Belem et Iquitos, dans le Pérou; des bateaux qui se
rattachent à la grande ligne remontent les rivières de la région du caout-
chouc, le Jutahy, le Jurûa, le Purûs et son affluent TAquiri; ils visitent
aussi les escales des quatre grands tributaires, rio Negro,Madeiniy Tapajoz,
Xingû, et pénètrent dans le Tocantins jusqu'aux cataractes. Dans le reste
du Brésil, la navigation fluviale n*a ([u*une moindre importance relative :
les États du nord, où les chaleurs de Tété tarissent souvent les eaux, n'ont
pas de fleuve à profondeur constante, et les États orientaux n'offrent dans
la partie inférieure de leurs rivières, limitée en amont par des cas-
cades, que des espaces de faible longueur : le plus fort courant, le rio Sio
Francisco, n'a pas de canal qui contourne ses catamctes entre le bief supé-
rieur et le bief d'aval. Quant aux rivières brésiliennes du bassin paranien,
elles sont découpées, pour ainsi dire, en plusieui's fragments et la navi-
gation doit se diviser en petites lignes, rattachées les unes aux autres par
des routes de terre.
Les côtes maritimes, jadis desservies par la seule navigation à voile,
sont frangées sur tout leur pourtour par des lignes de bateaux à vapeur,
([ui bientôt auront remplacé les voiliers du littoral, à Texception des
embarcations de pêche et des jangadas, léguées par les Tupis aux fils des
Africains. On compte une cinquantaine de petits ports où abordent
les vapeurs du cabotage régulier, tandis qu'une douzaine de havres
majeurs. Para, Sâo Luiz de Maranhao, Fortaleza, Pernambuco, Maceio,
Bahia, Victoria, Rio, Santos, Paranagua, Desterro, Rio Grande do Sul,
reçoivent les paquebots et les grands pyroscaphes, appartenant aux dix-
sept compagnies étrangères, anglaises en majorité, qui trafiquent directe-
ment avec le Brésil*. D'après une loi récente, le caboLige n'est plus auto-
risé que pour les navires à pavillon brésilien, montés par un équipage
national en majorité. Les marins étant relativement rares parmi les Brési-
liens natifs, cette loi ne pourrait guère s'appliquer si la naturalisation ne
fournissait incessamment au pays les matelots dont il a besoin'.
En temps ordinaire, dix paquebots par semaine mouillent dans les
' Muuveiuciit de la nuvigatiun dans les jx)rU du Brésil en 18U0 :
13 900 navires, d'un port de 0 millions de tonnes.
* Flotte commerciale du Brésil en 1891 :
588 navires à voiles, jaugeant 8 555 tonnes.
136 )) à vapeur. » 81698 »
Ensemble. . . 524 navires, jaugeant . . . 167 249 tonnes.
: I
COMMUiMGATIOISS POSTALES ET TÉLÉGRAPHIQUES.
483
ds ports brésiliens. Onze jours» telle est la durée' moyenne d'un
ce de l'Europe au Brésil, de Lisbonne à Pernambuco : entre les côtes
lus rapprochées des deux continents, de TAfrique à rAmérique, des
.V lit. — voies NAVIGABLES DU BRESIL.
•Ouest de Paris
C Perron
Grande ntvi^tion
Petite navi^ion
1 : 45000000
I-
u
I
lOOO kil.
aux a très grande vitesse, comme les transatlantiques de New-York,
rraient accomplir le trajet en deux jours et demu Los communica-
s télégraphiques se font directement de Pernambuco en Europe et
États-Unis par des câbles sous-marins : un fil de 6000 kilomètres
je toute la côte brésilienne, de Testuaire amazonien à celui de la Plata*.
«ongueur des lignes télégraphiques au Brésil au 1'' janvier 1895 : 14 781 kilomùtres.
Nombre des stations : 235.
Nombre des dépêches télégraphiques expédiées en 1892 : 1 551 689, dont 999 568 privées.
fombré des lettres expédiées au Brésil en 1892 : 58 695 806, soit 2,4 lettres par personm*.
484 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Les pro{i:rès de rinslniclion publique n'ont pu êire i^apides en un pays
dont les Iravailleurs étaient encore en grande majorité esclaves il y a moins
d'une génération. Cependant quelques écoles et des collèges avaient él^
fondés par les missionnaires jésuites sous le régime colonial, et pcndai^^
la deuxième moitié du dix-huitième siècle le marquis de Pombal avn*^
fait ouvrir des établissements « royaux » d'instruction publique; loulefo^^
la masse de la population restait ignorante. En 1834, sept années après ^^
promulgation de la première loi relative à l'enseignement, il n'y avait dar" ^^
toute la province de Rio de J.ineiro que trente écoles, avec 1369 élèvi^=ïs
des deux sexes. Les proportions ont heureusement changé; cependant "le
manque de stiitistiques scolaires dans la plupart des Ëtats témoigne JHlu
peu d'empressement qu'on apporte a la diffusion de l'enseignement, ^{
celles que font publier les assemblées locales dans les provinces les pl^aiis
avancées prouvent qu'une grande partie de la jeunesse reste encore g='n
dehors des écoles. Lors du recensement de 1872, on évalua ceux q in
savaient lire à 25 hommes et à 13 femmes sur 100: en outre, on comptc^'^it
1 nègre sur 1000 connaissant l'alphabet. Vingt ans après, on estimait q'v.ie
plus des trois quarts de la population, hommes et femmes, blancs, catho-
des et noirs, ignoraient encore les premiers rudiments'. En laissant ^e
côté les enfants en bas âge, on constate que le nombre des BrésilicMis
sachant lire n'égale pas encore la moitié des habitants. Mais de nombre '■jl
jeunes gens ont fait leur propre éducation. Il n'est peut-être pas de villes
où l'on ne rencontre des individus ayant! appris sans maîtres, par la seu-lc
lecture, une langue étrangère ou même quelque profession : dans lo-s
Étals du centre, Minas Geraes, Goyaz, Malto Grosso, la plupart des curtM^"^'^''
deiros ou « guérisseurs », souvent très heureux dans leurs cures, se scz^"*^^
formés tout seuls, par l'élude des simples et des livres. Les nègres, cj; "«-J^
Ton dit supérieurs aux blancs pour le sentiment musical, se groupent ^-:^^^
milliers dans les orphéons.
Les haut(^s écoles sont entretenues par l'État, à l'exception de div^^^E?rs
établissements fondés par les jésuites à l'écart des grandes cités : telsci^-^^ — ^^^
d'flû dans le Sào Paulo, et le collège de Garaça dans les Minas Geraes* ^
* iNombre présumé des écoles au Brésil on 1893 : 8 000.
Écoles en I88G :
G IGI écoles, dont 5 151 publiques et i 010 particulières, avec 274 914 élèves.
G5 écoles secondaires, avec 9 482 »
Total : G2'2i écoles, et, soit 2 pour 100 de la [K>pulation 284 396 élèves.
(Pires de Alnieida. Instruction publique au Bréml,)
INSTRUCTION PUBLIQUE AU BRÉSIL, ÉGLISE. 485
lupart des établissements d'instruction supérieure se trouvent réunis à
io : Faculté de médecine, École de pharmacie, École normale, École des
eaux-arts. Conservatoire de musique, Lycée des arts et métiers, École de
larine. École militaire. École supérieure de guerre, mais sans former
orps d'Université. Recife, Bahia, Sao Paulo, Ouro Preto, ont aussi leurs
Aîoles supérieures de médecine, de droit ou des mines*. Dans toutes ces
autes écoles le français est, pour une part très notable, la langue de
enseignement : dans les bibliothèques publiques, le nombre des lecteurs
ui demandaient des ouvrages français dépassait naguère la proportion de
eux qui prenaient des livres portugais; maintenant la langue du pays a
épris la prééminence, sauf dans les bibliothèques des Écoles supérieures,
il les neuf dixièmes des œuvres scientifiques sont en langue française.
La première imprimerie du Brésil, fondée en 1744, ne dura que trois
ns : elle fut détruite par ordre du gouvernement central, et c'est en 1808
eulement que le roi, fugitif du Portugal, apporta une presse pour publier
es décrets. Les journaux eurent grand'peine à vivre jusqu'Ji la période
le l'indépendance, et l'histoire de leurs premières années raconte l'exil,
'emprisonnement, l'exécution même de leurs rédacteurs. En 1828, on
omptait déjà 31 journaux; en 1876, ils étaient au nombre de 271, et dix
nnées après ils avaient plus que doublé*.
L'Église fut autrefois toute-puissante au Brésil. L'Inquisition j instituée
n 1702, poursuivit les hérétiques avec fureur; cependant l'hérésie con-
istait, pour la plupart des accusés, non dans la profession d'idées hé-
érodoxes, mais dans le fait d'avoir du sang juif dans les veines^. Après la
iéclaration d'indépendance, la religion catholique, apostolique et romaine
e maintint comme culte national, et tout exercice public d'autres céré-
nonies religieuses fut sévèrement interdit. La révolution qui renversa
'empire sépara aussi l'Église de l'État, tout en continuant de pc^ycr les
raitements des prêtres en fonctions. Toutefois il y eut maints conflits
le pouvoir, et même en 1892 la suppression légale des crucifix dans
les cours de justice donna lieu a de violentes démonstrations contre les
libres penseurs. La très grande majorité de la population se réclame
le la foi catholique romaine. Dans TÉtat de Rio de Janeiro, moins d'un
entième des habitants recensés en 1892 ont déclaré appartenir à un autre
ulte ou ne professer aucune religion. Mais l'indifférence habituelle en
* Écoles supérieures au lirésil : 2'».
Nombre des élèves en 1890 : 5 48.*».
* De Rio Branco, dans le Brésil^ par E. Lovasseur.
^ Adolphe de Varnhaffen, Historin qernl do lirazil.
486 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
matière religieuse est grande, et malgré les admonestations tombées de
la chaire, la franc-maçonnerie acquiert ses adhérents par multitudes dans
toutes les cités. Le clergé se recrute difficilement parmi les nationaux,
blancs ou noirs, et doit se compléter chaque année par des prêtres étran-
gers, presque tous Italiens. De nombreux ménages se dispensent du sacre-
ment ou de la cérémonie civile. Dans le Rio de Janeiro, où cependant
les unions légales sont plus en honneur qu'en d'autres États, la pro-
portion des naissances en dehors du mariage s'élève à près de 30 pour 100*.
Par la remarquable organisation de leurs établissements de solidarité,
les Brésiliens peuvent être donnés en exemple aux autres peuples.
Leurs hôpitaux, leurs hospices, ne dépendent point de l'État : ils sont dus
à Tassociation libre. Un appel constant, adressé au « nom de tous nos
frères qui souffrent », produit chaque année et dans chaque ville des
ressources suffisantes pour que les établissements hospitaliers soient
amplement pourvus. Les formes des irrnandades ou « confréries » sont
encore religieuses, et dans les cérémonies officielles les « frères » se
revêtent de la cagoule; mais chaque société s'organise à son gré, et
l'œuvre, disposant à Rio d'un budget de plusieurs millions, reste indé-
pendante de l'État ou de l'Église.
>
XI
GOUVERNEMENT ET ADMINISTRATION.
Suivant les formules habituelles des constitutions, tous les Brésiliens
sont reconnus égaux devant hi loi et nul ne peut être obligé à faire ou a
ne pas faire quoi (|uo ce soil, sinon en vertu du code. Le droit d'associa-
tion, la pleine liberté de la paiole et de la presse sont reconnus, sauf
en cas d'anonymat. La coiicspondanc^» est inviolable. Chaque citoyen peut
avoir a(!cès à toute profession. La Républicjue ignore les anciens privilèges
de noblesse, su[)prime tous les ordres et honneurs institués par la mo-
narchie, abolit tous les titres nobiliaires; néanmoins, en peu de contrées
rencontre-t-on plus de barons, de vicomtes et de marquis, sans compter
les conseillei's et les docteurs. I/aiicien légime était prodigue de blasons
envers les amis sincères, plus encore, dit-on, envers les advei'saires
récouciliables, et depuis la chute de Tenipiie les uns et les autres ont
^'^ai'dé, sinon ralléficauee aux [)i'inees tombés, du moins les qualifica-
* .1. I*. F;«vill;i Nimrs, Rccc use (i ment n dn Kslndo do Rin de Janeiro.
GOUVERNEMENT BRÉSILIEN, 487
lions sonores qu'ils devaient à leur faveur. L'abolition otiicielle des titres
de noblesse se complète par l'interdiction aux citoyens de se laisser
anoblir ou décorer par une puissance étrangère, sous peine d'être déchu
des droits politiques.
Sont tenus pour citoyens, avec les Brésiliens natifs, tous les fils de
Brésiliens et tous les fils illégitimes de mères brésiliennes, nés à l'étranger,
quand ils établissent leur domicile sur le territoire de la République, ou
bien cjvand ils la servent dans un autre pays. En outre, les étrangers qui
possèdent des immeubles dans la contrée, .ceux qui sont mariés à des
firesiliennes ou qui ont des enfants au Brésil, acquièrent de droit la
natioi:ïalité, à moins qu'ils ne manifestent formellement l'intention con-
traire- Un des premiers actes de la révolution fut de déclarer Brésiliens
tous les habitants d'origine étrangère qui, dans l'espace de six mois,
^ ^*ii.*smient pas revendiqué en termes précis leur nationalité première.
ti ét^if;, la solution du conflit qui, à propos de l'immigration, avait durant
tant <l'années entre-heurté les partis politiques. Rien n'était plus contra-
'^*^^>iwe, en effet, que la situation faite aux étrangers encore après le
™*'*^madu siècle : on les invitait par de pressants appels, on payait leur
^^y^S'c, on leur donnait des lots de terre, parfois môme on leur faisait
^^ ^^^ tances en argent et en cheptel, mais on leur refusait la citoyenneté
ienne; conviés comme l'espoir du pays, ils en restaient à certains
Is les parias* : avant 1863, le mariage leur était interdit; en 1881
»^^ —11 n'avait encore siégé dans les assemblées provinciales, môme dans le
^^ Crande do Sul, dont ils dirigeaient le commerce et l'industrie.
^ électeurs pour les législatures de chaque État et pour celles de la Répu-
^^que sont tous les citoyens âgés de vingt et un ans, à condition toutefois
^^'ils ne vivent pas de mendicité, qu'ils sachent lire et écrire, et n'cxer-
^nt pas un métier incompatible avec la liberté d'opinion : ainsi les
^t:)Jdats sont privés du droit de vole, à l'exception des élèves militaires
^'enseignement supérieur; de même les religieux appartenant à des com-
munautés sujettes au vœu d'obéissance perdent le suffrage. Tous ceux
C|ui allèguent un motif de foi pour s'exempter de quelque charge imposée
jiar la loi aux autres citoyens se déclarent par cela même inaptes
aux droits civiques. Malgré l'importance capitale que la constitution
attache à l'exercice du suffrage, origine oHicielle des pouvoirs publics,
rhabitude de voter n'entre pas dans les mœurs : l'abstention des comices
est presque générale ; à Rio on a vu quelcjnes milliers d'individus
1 A. d'EscragiioUe-Taunay, .4 Nacionalisaçào,
ê
488 NOUVELLE GKOliRAPHIK UNIVERSELLE.
prendre part au vote, tandis que près de cent mille élecieui's auraient pu
se presser devant les urnes,
La République fédéralive a été proclamée, et cepend^uit, par une bizarre
inconséquence, le peuple n'a pas été consulté pour savoir quels devaient
être les groupes constituant la fédération. On se borna à changer les noms
des circonscriptions de l'empire : de provinces elles devinrent États, * ^^ J
quoique les divisions soient défectueuses à tous égards et ne correspondent J mm -
nullement à celles qui se seraient formées par la volonté spontanée des «*^:#J
populations. Sans parler de l'Amazonie et du Matto Grosso, qui sont en jtk^i^
réalité non des Etats, mais des territoires de peuplement futur, Ténorme ^
Bahia a pour voisines les deux anciennes provinces d'Alagdaset de Scrgipe,
de dimensions sept et onze fois moins considérables. Autre anomalie : =
Minas Geraes, FÉtat le plus populeux de la République, est un de ceux 3
qui n'ont pas d'issue naturelle vers l'Océan ; les fleuves qui y prennent -^
naissance sont tous interrom|ms de cataractes séparant le cours navigable î>1^
d'en haut et celui d'en bas, dans les États limitrophes, D'ailleui's on ^*
peut supposer que les frontières interprovinciales, encore flottantes en ^*
maints endroits, seront modifiées. Peut-être même de nouveaux groupes ^^^
se constitueront-ils en changeant Técpiilibre politique actuel. Mais il psirait
étonnant que dans une nation unie par le lien fédéral, on interroge les
anciennes décisions royales, et non le vœu des habitants, pour répartir
les populations en corps distincts et autonomes.
Chacun des vingt États a ses deux chambres et son président; chacun
édicté des lois spéciales, subordonnées aux principes de la constitution des
États-Unis du Brésil. Les mines et les terres non concédées appartiennent
a la nation, excoplé celles qui seraient indis[)ensables à l'Union pour la
défense des frontioivs ou la construction de roules stratégiques et de
li^ioes ferrées d'inléivl «iénérnl. Deux Etats limitrophes peuvent conclure
entre eux des conventions particulières n'ayant aucun caractère politique:
mais il leui* est interdit de faire la guerre contre^ d'autres Étiits, de refuser
la monnaie ou le papiei-nionnaie i*eeonnu par l'Union, de repousser les
actes lé<»islatifs, administratifs ou judiciaires [iroclamés pour l'ensemble
dt; la Ué[)ul)li(jue. Vis-à-vis des nations étrangères, les vingt États n'en
font ([u'un seul.
\a\ Chanihi'e des députés, cpii s(^ l'éunit actu(»llenient à Rio de Janeiro, -^ ^ ''
en allendant la fondation de la capitale futui'e, désignée sur les plateaux
(In (lova/, se compose de rt*j)rés(Mitanls du [uuiple, élus au nombre d'au
moins (pialre |)ar chacun des |]lals et parle inunicipe ncuitre de la Répu-
hli(pie : soixante-dix mille liahilants, tel est le chilfre de la populaticu
f
GOUVERNEMENT BRÉSILIEN.
48t)
a
IJ
uel correspond un élu du suHrage populaire. De même qu'aux Élats-
sde rAmérique du Nord, qui ont servi de modèle aux législateurs des
€s-Unis du Brésil, la Chambre des députés correspond numéricpiement
force respective des États, mesurée par la population, tandis que le
at représente les Etats comme égaux en droit, sans égard au nombre
M* lis. — DIVISIONS POLITIQUES DU BRKSII..
.70' _ Ooest de Paria ^r_
^ \ ^\'' \l G U Y A N E s ^^^^^^pr^-'^^^.r^^E^h}
Para
r 0 s s 0
^•' u u- '• '. Ce a raV' _^
...M.r.nK,.^ .■fc.lV,,iÎMsrti
Ptrnambuco/ -'
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B a K i a
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'^ z'' :.io Grande \x^~ ."~ '-.jîZr' -
l^M-:-">t de breenwicH
-7 ^ : Ju
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C. Perron
"TcrriLjircù contestes
■ •jr-r
tûircs fédérj,>y
1 i5(XMM)<>U
I-
O
1
i MKI kll.
^^^ habitants. Ainsi le Sénat se compose de 07) membres, soit T) pour
'"^^juc État et pour le muniripe neutre. Comme dans la Ué|)ubli(|ue du
, il se renouvelle par fractions. Sa durée légale étant de neuf années,
tiers de ce corps électif achève son mandat a|)rés trois ans d'exercice et
^ ïiouveaux élus le remplacent; à la lin de la sixième année, des élections
^^ lieu pour le deuxième tiers des sénateurs.
I.
\1X.
Oti
490 NOLVRLLË GËOGRAPHIK UNIVERSELLE.
Quoique le présideut et le vice-président de la République aient élfe^^^
élevés au pouvoir à la suite d'une révolution de caserne, la constitution^^Hi
donne aux chefs do Texécutif une origine élective et populaire. Président:^ A
et vice-président sont nommés au sufl'rage direct, à la majorité absolue^^ e
des voix; si, parmi les candidats, nul n'a obtenu la majorité, le Congrè^^-— s
décide. Quatre années est la durée iixée pour Texercice du pouvoir prési — «-
denliel, qui ne peut être brigué par le même pei'sonnage pour le term^^e
suivant. Le présidiMit désigne et renvoie à son gré les ministres d*Ëtat
commando Tarméo de terre et de mer, nomme aux charges civiles dépen-
dantes de la fédération, choisit les membres du tribunal suprême, le
ambassadeurs et consuls, déclare la guerre et conclut la paix. II approuv
et publie les lois votées par le Congrès, mais il possède le droit de ve
obligeant ainsi les chambres l\ discuter les questions à nouveau et à 1
trancher, non a la simple majorité, mais par une proportion des deiM i
tiers. De son côté, le Sénat possède le droit presque illusoire de juger ■. e
président de la République sur la proposition de la Chambre des député^^-
En fait, celui-ci est armé de pouvoirs monarchiques bien supérieurs à ceu^
que s'arrogeait le souverain. Le corps judiciaire, qu'une fiction légaL
considère comme égal en influence au pouvoir législatif et au pouvo
exécutif, se trouve on réalité entre les mains de celui qui en nomme 1
membres.
Fait curieux, l'école positiviste d'Auguste Comte a pris une part consE:
dorablo dans la révolution hrésilioiino (jui renversa l'Empire. La doctri
avait fait do grands [)n)gros, surloul dans los instituts militaires, ot e'er-
à la foivour do (|U(»l(|uos positivistes ongîigos dans le mouvement révoli
tionnairo, (|uo doiviMit olro attriluios phisioui's doorots promulgués ponda
h»s pnunioros semaines do la ro[)ul)li(juo : séparation do l'Église et de l'Éta
institution do la l\Mo nationale du 14 juillet, coïncidant avec celle de
Franco, adoption dos d(»visos Ordre et Profjrès sur les drapeaux, Salut
Fraternité dans les conospondancos oriicic^llos*. Toutefois cette vaii
liguration no change rien aux uKours p()liti(|uos. La constitution broj
lionno, pour avoii' imite |)ros(iuo servilement colle des États-Unis du Nor
110 donnera |)oiiit aux Hrosilions ros])ril anfilo-saxon : chaque article (
la rharlo s(Ma iiilcrprélé (ra|)ros le hkkIc de penser, les traditions, 1(
UKours (*t |)a>sioiis des Porlu;:ais sud-ainérioains.
(Test ainsi (jue los pouvoir^ royaux donnes au [)rosidonl dos Étals-lni
ot par imitation ;i celui du Hrésil, ont ra|)ideniont mené le ^ouvornoint
' Miguel lA'tiios, ApasIdUit pftsilivislc an Ihi'sil.
HaranhSo et k Latliiri
d'un faible toQuapi'.
La ga^re du Parajriuiy a cdiMi' ;ni Hivsil un miliianl cl di-ini, winmi^^ •*
qui représente i pt'u |iiî-s It^ IoIrI arliicl ili- 1» detlu imlioimlc, en ralcubtii «^^
la monnaie fiduciaire liiésiliennc au t<iiix du change, qui. piir sim »vilis»«c — '^^'-
œent graduel, a diininué do plus àt' moitié les créances; toutefois le ser — '^■■-
nce des emprunts cimlnicU^s à rélnuiger esl payiiblo en m-, el lo DrésiK m. -il
a toujours rempli ses eiiiiçapements a» lemps voulu, ({uoi([uc son hudpol» -^ej;!
se solde d'ordinaire en dclicil'. Lu plus forle puil dos rerettes hudgétairessrs-^}s
provient des taxe^ de la douane, i|ul augmeulciit do 110 pour 10(1 etwm n
mojenne la valeur des olijets d'iinporlalion, et les plus fortes dépense*^* -rs
sont consacrées à l'aiinéc ul à la flolU', sanscomplcr les ressources extraor -"-
dînaires employée» en dehors dos prévisions du budget*. Pnr suite de ln«^sin
nouvelle répartition dos impOls douaniersS dont «ne certaine pari, atlii — m-
buée jadis au gouvernemenl centml, iipparlienl utiiintonanl aux ËihI^^ a<.
particuliers, plusieui*» de ceux-ci disposent de finances tri>^ pritspi're^. ■^^,
On peut citer eu exemple l'État central du Brésil, les Minas Gt^raes. Ses-^s^l
-recettes ont triplé dans les vingt dernières années, mais les déiKuses n^ mu 1
se sont point accrues dans les mêmes proportiiins'. Les linances de l'ËLi .^rsii
de Rio de Janeiro présentaient un spectacle analogue, |iar suite de h M]3
majoration des tarifs douaniers'. Même des Él«ls presque déserts uni d» Mi
* Bndgel de l'année t8tl^ ;
Recettes en niilms 301 G64 000 ^, ï 1 fr. 50 le milreis 363 163 300 f
Dépenses u 333S4S000|f u n 389 703 400
Déficit 21184 000 rf:. à 1 fr. 501e milreis 27 539 600 fni
Dette inliïrieui'c au 31 décemlirc 1891 541 674 500 tf u u 704178 850 >
Il citérieurc ii 736 337 500 i
Ensemble 1 4405t4350fn«cr=»«
* Dépenses militaires en 1893 ;
Guerre 64 551 059 milreis.
Marine 53775029 »
Ensemble 87 501 858 milreis.
Soit, à 1 fr. 30 le milrcis, 115406289 francs.
I Revenu des douanes en 1802 : 195 000 000 francs.
* Budget .le Itlal de Jllniis :
Recettes itc l'année fisealc 1851-1852,srtilà3 fr. » lerailrcis. . 303 708)? OIHÎSta"*
» i> 1891-1892. » 1 fr.SO i> . . 19 199 890 d' 24960000 »«<-
Dépenses i, „ i, „ „ 13776959 tf 17 906000 ^**
Surplus j, „ Il „ „ 5 422 931 # 7 060 000 * **
» Receltes de l'année fisealel8itl-1892, 16 358 437) #, à 1 fr. 30 lemïlreis. 24 537 649 (hncs»«^
Ilêpenses >< ,i 10091132^ i> » 16036698 u
Surplus ,1 II :.r.r.7 30i# « i. 8r>O0 95i «
i
GOUVERNEMENT BRÉSILIEN. 493
un accroissement d'exi»ortations des rccclles imprévues. Ainsi la jilus-
alue des perceptions douanièi'es de l'Élal d'Amazonas s'est élevée à plus
ie 5 millions de milreis en 1892, el le trésor de Manaos, loin d'avoir des
nlérêU de dettes à payer, possède un excédent considénilde'. D'autre
«n, certains Étais, tels ipie Goyaz, Piauhy, Parahyba, Incapables de
ubvenir à leurs dépenses, ont été obligés d'avoir recours au Congrès
our des subventions nationales. Pres(|uc tous demandent une partie de
DpMin d« Bouili
urs ressources budgétaires h la folie du jeu, qui hanle la plupart dos
résiliens : le tirage des loteries d'État est la principale préoccupation
our des millions d'hommes. A Rio de Janeiro et dans les autres grandes
Iles des kiosques s'élèvent à cha([ue coin de rue pour la vente des
illets.
La plus petite division du territoire a gardé sa dénomination religieuse :
'est la fretfuezia, qui a pour sons originaire « réunion des fidèles »:
n 1887, on comptait dans tout l'emjiire 1886 de ces paroisses, quelqucs-
ines formant un simple ipiartior de viilc, d'autres embrassant un lerri-
oirc immense ; en moyenne, ollos occupent une superficie de 4220 kilo-
nètres carrés, los deux tiers d'un déparlomont français. Au point de vue
• Budget du rÉtat d'Amaionas en Wn :
Rptelle» fi 807 «60 m
Dépenses 4 135 3-28
EïrMenI SfiRi.'i.ï'i
â 1 fr 50 le milrris » 849 958 (nncs.
i> I) 5 360 5-J6 »
Il II 31H9fi3l i>
NOUVELLE GËOGRAPiKi; UNIVERSELLE.
^
religieux, le Brésil se divise en douze diocèses, deux archevêchés, Bahia. eV
Rio de Janeiro, 19 vicariats généraux et 253 comarcas ecclésiastiques. -A.M
point de vue civil, une ou plusieurs freguezias sont groupées en tetwm.^i
qui correspondent pour la plupart aux municipio$; cependant guelg» "a.^r
termos se divisent en « municipes », le corps politique correspondanL u
mieux, malgré son étendue considérable, à la « commune » français .^aj^
Dans les statistiques brésiliennes, la population s'énumère par municif^^^ç,^
D.,«=t d= Par,3 44- 1
l ixA I /
^ -L y . -Sespibiio santo Isi-I
^ \ ^ ■llfv.Kliii^ ^
Chef lieu de pmnicTjn
Cheriioudcdwtriel
et la plupart des ouvrages géographiques mentionnent les villes avecs- _
nombre d'habitants compris dans l'espncc de plusieurs milliers de ^^*
mètres carrés. La population agglomérée dans la localité centrale, (^tf
lifiée de « cité » {cidade) ou de « ville » (villa), ne repi-ésente souvent ■*?
le dixième du chilTie indiqué, ou moins encore. En 1887 on comptai"*-
Brésil 910 municipcs, soit 258 cités et 652 villes. Le groupement **
municipes constitue la comarca.
Les ÉtiUs se groupent diversement pour l'administration militaire '^
navale. Pour le commerce, le Brésil se partage en cinq préfectures ; d^**'
GOUVERNEMENT BRÉSILIEN.
495
Linazonas et Matio Grosso, et trois maritimes, du nord, du centre
eau suivant donne la liste des États, avec leur superficie
tive, leur population recensée à l'époque la plus récente, évaluée
3t leurs chefs-lieux.
ETATS.
Amazonas
'<Parâ
.jGojaz
HaranhSo
Piauhy
iCearâ
alc.<Rio Grande do Norte.
IParahyba
Pernambuco. . . .
\AIagôas
[ Minas Geraes. . . .
0 etiBahia
ital.jScrgipe
[Espirito Santo. . .
Rio de Janeiro. . .
'ij
Sul.
District fédéral . .
(Sâo Paulo
.jparanà
Santa Catharina . .
Rio Grande do Sul.
Matto Grosso ....
w
1 720 000
1 070 000
747 511
459 884
301 797
104 250
57 485
74 751
128 595
58 491
574 855
426 427
59 090
44 859
68 928
1594
290 876
221 519
74 156
256 555
I 590 000
51 S
P o « g
s
ï^ s > s*
8 090 781
80 654 (88)
407 550 »
211721 ))
488 445 »
266 955 ))
952 625 ))
508 852 »
496 618 »
1110 851 »
459 571 ))
5 018 804 ))
1 870 099 (90)
252 640 (88)
121562 ))
1055 817(92)
515 559(90)
1 506 272 (88)
500 891 (90)
256 546 (88)
965 951 ))
79 750 »
14485060
2
90 000
450 000
250 000
500 000
500 000
1 000 000
520 000
500 000
1 150 000
550 000
5 200 000
2 000 000
570 000
200 000
1 500 000
550 000
1 500 000
520 000
250 000
1 050 000
100 000
15 950 000
Ë B
ad S
CHEFS-LIEUX.
0,05
0,4
0,55
1
1
10
5,6
6,8
9
9,5
5,2
4,7
9,5
4,4
52
595
5,2
1,45
5,5
4,1
Manaos.
Para.
Govaz.
Sâo Luiz.
Therezina.
Fortaleza.
Natal.
Parahyba.
Recife.
Maceiô.
Ouro Preto.
Uahia.
Aracajû.
Victoria.
Nictherov.
Rio de Janeiro
Sâo Paulo.
Curitibâ.
Desterro.
Porto Alegrc.
Cuvabâ.
1,98
r
CHAPITRE 111
PARAGUAY
I
Parmi les ÉLnls de rAmérique méridionale, très inégalement distribués,
la Bolivie et le Paraguay restent séparés de 'la mer. A bien des égaixls,
ces deux républiques hispano-américaines contrastent fortement : Tune
occupe le sommet d'un plateau de 4000 mètres et les versants de mon-
tagnes abruptes, tandis que l'autre, située entre deux larges fleuves, est
une région de plaines et de basses collines: mais les deux contrées se
ressemblent par leur développement historique. De part et d'autre, la
nalion se constitua isolément, en Bolivie dans les îles et sur les rivages
du lac Titicaca, au Paraguay dans les clairières de la grande foret sub-
tropicale; les populations se groupèrent comme se développe la chair
fj'un fruit autour du noyau. Ainsi l'on s'explique pourquoi la Bolivie
perdit le lambeau de terre que ses voisines de la côte du Pacifique lui
avaient d'abord laissé sur le versant océanique des Andes : ce territoire
n'était qu'une sorte d'appendice accordé au pays par une pure conven-
tion ; une autre convention l'en a privé. Quant au Paraguay, il reste entouré
de ses forêts, les populations du littoral ayant ' gravité autour d'autres
centres d'attraction.
Après le caractère des indigènes, l'élément principal dans l'histoire du
Paraguay fut la domination des Jésuites, bien qu'ils aient été maîtres
absolus seulement dans la partie méridionale de la contrée. Leur rêve
d'empire universel ne pouvait être qu'une utopie dans l'Ancien Monde,
où ils se trouvaient en lutte avec un esprit de renouveau tout difierent
de leur idéal. Cependant ils ne désespérèrent pas de triompher, et l'on
sait combien grande fut leur influence dans les destinées de l'Europe ;
XIX. 65
0
498 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
plus d'une fois ils purent croire qu'ils étaient à la veille de conquéii
le gouvernement des nations, et qu'ils pourraient dresser rhumanit^^
conformément à la discipline qu'ils avaient imaginée. Ne réussissant pa —
dans les pays qu'agitait le ferment de la pensée libre, ils voulurent pétri — ^^
k leur gré au moins les dociles sauvages de l'Amérique méridionale e* V
constituer là-bas, loin des regards jaloux d'une société pervertie, ui
monde nouveau, obéissant placidement à la règle qu'ils apportaient. Leu:
plan embrassait le continent. Postés d'abord sur la lisière du plateai
brésilien, dans leur collège de Sâo Paulo, ils firent peu à peu, par d»^ e
nombreux missionnaires recrutés en toutes nations, la conquête de :^s
immenses contrées de l'intérieur, jusqu'au pied des Andes et à l'entré ^=^ ^
des plaines amazoniennes. Mais ils n'étaient pas venus seuls sur ces terre ^ s
nouvelles et bientôt ils se trouvèrent gênés par des voisins laïques. Lf ^
aventuriers portugais, débarqués avant eux, avaient une autre ambitio
que de créer un empire modèle, et ne songeaient qu'à s'enrichir e
capturant des esclaves ou en ramassant de l'or. De là d'incessants coi
flits, et les Jésuites furent graduellement refoulés dans la partie A
continent dont la république du Paraguay occupe le milieu. Ils y séjoui
nèrent longtemps et trouvèrent enfin les sujets pieux et dociles doi
l'existence se réglait au son des cloches : le peuple entier "était devenu
troupeau de fidèles égrenant le rosaire et s'agenouillant devant Taute?
Mais l'esprit moderne continuait de les poursuivre et il leur fallut abai
donner ces Missions du Paraguay, comme ils avaient dû s'enfuir de cell
de Guayra. Toutefois leur empreinte resta sur la population qu'i
avaient assouplie, même sur les habitants du pays restés en dehors
leur domination. En constituant ces communautés fermées, sans rappoi
avec le monde profane, ils avaient par cela même préparé l'inévital
conflit. Une fraction de l'humanité ne peut se maintenir distincte d-
autres hommes, et plus est considérable l'écart produit par l'éducatii
et les mœurs, phis le choc devient inévitable. Souvent des sociél
religieuses ont voulu se fonder à part du monde ambiant et toutes (^
violemment péri. Un exemple récent est celui des Mormons de VAirm^
rique du Nord, qui fuyaient de solitude en solitude devant l'envahissem&J^*'^
des colons du « Grand Ouest ». A la fin ils s'étaient établis dans un bassfl^^
fermé de hautes montagnes et défendu par des terres salines, d'âpr^^^^
défilés, des ravins sans eau. Les « Saints des derniers jours » avaien^^»
eux aussi, créé ce monde parfait de leur rêve, modèle de la Jérusaleiw^
céleste, lorsque les « Gentils », acharnés à la poursuite, vinrent déchire
leurs lois et profaner leurs temples.
HISTOIRE DU PARAGUAY. 499
Même après Texpulsion des Jésuites, la colonie espagnole du Pai*aguay
2 maintint à l'écart du gouvernement de Buenos Aires, dont elle était
ne dépendance officielle, et lorsque les provinces hispano-américaines
î détachèrent de la mère patrie, la ville d'Asunsion, qui s'était révoltée
;olément en 1811, refusa de se grouper avec les autres provinces pla-
^ennes sous l'hégémonie de son ancienne capitale. Bien plus, après
oelques années d'agitation, pendant lesquelles l'indépendance conquise
ar la nouvelle République ne fut point menacée, le Paraguay se soumit
la dictature d'un maître qui parvint à fermer son pays aussi herméti-
uement que la Chine et le Japon, alors interdits à l'entrée des « diables
ccidentaux ». Ce maître, Caspar Francia, réussit dans son entreprise et
endant vingt-six années, de 1814 à 1840, le Paraguay fut un pays inabor-
able. Cet homme étrange. Français par son père*, par sa mère métis
réole, théologien et juriste par ses études, prenant Robespierre pour
lodèle, ne se laissa pas détourner un seul jour de la ligne de con-
uite qu'il s'était tracée : patriote ardent, mais d'un patriotisme
xclusif, il fit du Paraguay un monde à part ; il voulait que son peuple
§cût en paix, et progressât matériellement dans l'ignorance absolue des
évolutions étrangères; malgré son vif désir de voir les communautés
ispano-américaines s'affranchir de la domination espagnole, il ne permit
is à un seul Paraguayen d'aller prendre part à la guerre d'émanci-
ilion et refusa d'envoyer des mandataires aux divers congrès qui se
unirent pendant les quinze années de luttes. D'un désintéressement
tsolu, il n'avait souci que d'accroître la fortune publique et constitua un
onopole strict pour la vente des bois, du maté et de toutes les denrées ;
grand que fût son amour du pouvoir, il dédaignait d'en tirer orgueil
ir des relations et des échanges de civilités avec les puissances étran-
îres : il lui convenait de rester ignoré de tous. Il rompit même avec
Saint-Siège, se déclara le chef de l'Église paraguayenne, abolit ce qui
tstait du tribunal de l'Inquisition, supprima les quatre monastères qui
listaient encore, modifia à son gré la hiérarchie religieuse, même le
tuel du culte, et nomma les desser\ants des paroisses : adversaire des
îsuites, mais leur continuateur en politique, il était dictateur à la fois
1 temporel et au spirituel, et jamais souverain ne fut mieux obéi. Telle
ait la frayeur, mêlée d'admiration et de respect, qu'inspirait le vieillard
ilitaire, sans amour et sans amitié, dont ce l'oreille ét^ut dans cha(|ue
lur », que nul Paraguayen ne se serait permis de prononcer son nom,
* Rengger et Longcbamp, Emoà historique sur la révolution au Paraguay.
I
i
.M>t1VELI.K GËllCKAPHIE (JMVERSELI.I':.
On m- l'apiieliiit (jiie el Sttpremo, ou iin^ine, comme s'il eût clé immortel,
el Perpctm. Après sa inurl. on le di^signa comme cl Difunlo, k' « Défunt »
par excellence, et pendant longtemps on n'osa s'entretenir lilircnienl Au
personnage niiguste : en le iiienlionniinl, c;li.'iriin rclonrnail ta tète, de
peur (ju'un a|;enl secret ne filt encore là, guettant les jinipos.
A ce dictateur en succédèrent d'autres : le premier Lojieï el son ûh
Francisco Solimo. Mhïn les circonstances avaient chiiiigé. L-i pii]mi.ition
s'était accrue avec une rapidité dont aucun autre j>ays ne donnait -
l'exemple; de l'autre côté du Paninii, les deux provinces mésopota-
mienncs de l'Argentine, leCorrienles el l'Entre-llios. s'étaient peuplées»
et comme territoires de colonisation étaient en rapports directs avec Im
civilisation européenne. Il devenait im|>ossihlc uux Ëtuts limitrophes, Pnrn—
yuay et Argentine, de ne pas se mettre en contact, soit par le comnierciï
pcifiipie et, l'échange des idées, soit par les violences de la gueri-e.
Paraguay ne pouvait rester dans son isolement primitif : il lui fallnit ur
débouché vers la mer, accjuis par une libre entente avec la mésopotamîi
Argentine, ou par la confjuète. Allié avec t'I'ruguay, ijui, pris eoti
la répu!)lii|ue plittéenne et le Brésil, avait des intért'ts identiques, li
président du l'aniguay se crut assez fort pour entrer en lutte avec h
deux puissants Ëtats de l'Amérique méndiunate. Il avait l'uvance sui
ses adversaires, grâce à une armée bien organisée, à des arsenau;
remplis, à des finances libres de toute dette, et, pour aller au secoui
de rUiniguay menacé, il envahit les lerritoir-es du Brésil et de la repu
blique Argentine. Mais il n'eut point le temps d'arriver jusqu'à la mer c '
de porter aide aux Uruguayens; ceux-ci même, à la suite d'une révoluliom
intestine, changèrent d'alliance, et leurs troupes, unies ans Brésilien?^
et aux Argentins, se portèrent à la rencontre de l'armée panTguayenn^
d'invasion. Le siège de la petite République, que les fleuves Paraguay er -^
Paranâ défendaient comme un fossé de circonvallation, dura plus de cinO
années; pendant cette guerre terrible, le Paraguay sacrifia tous ses homme^^
valides; de retranchement en retranchement, d'Humaïta à l'Aquidaban.
l'armée, sans cesse réduite en nombre, mais animée d'un patriotisai^
dont le monde moderne n'offre aucun autre exemple, résistait aux forces'
supérieures, puis, battant en retraite vers un nouveau poste de défense ^
bravait encore ses advei'saires. Sur les champs de bataille, les Ai^entin? ■
ou Brésiliens vainqueurs ne trouvaient guère de cadavres. Les survivante: -
tàchaieni de les enlever, et nombi'c de combattants avaient soin de s'at-
tacher par le milieu du coi'ps à un luzo el d'en fixer l'autre extrémité ^
l'ai'c.uui de la selle : s'ils tonibaicnl morts lui grièvement blessés, leu ^
/
= I
:i
HISTOIRE, FRONTIÈRES DU PARAGUAY. 503
les ramenait auprès des leurs, fût-ce en lambeaux, « précaution
he, mais non sans grandeur* ». Les blessés prisonniers arrachaient
bandages; les vaincus cherchaient à mourir; la nation tout entière
tomber comme étaient tombées Numance et Saragosse*.
fin, la nation virile tout entière avait presque disparu par la guerre,
1, le choléra : il ne restait plus que des invalides, des infirmes,
fants et des femmes. Réduits à une simple bande armée, les Para-
is, acculés dans un ravin des montagnes, succombèrent avec le
mr en un dernier combat. Depuis des siècles, qui ont vu pourtant
îflrayants carnages, l'humanité n'avait pas souffert d'une lutte aussi
lée, d'une destruction aussi atroce. L'isolement dans lequel la
paraguayenne était maintenue depuis ses origines et l'éducation
:ive de soumission absolue qu'elle avait reçue de ses maîtres spiri-
et temporels, telles furent les causes premières de l'écrasement de
pie, l'un des meilleurs et des plus doux qui aient vécu,
frontières actuelles du Paraguay ont été dictées par les vainqueurs,
rtie orientale, qui constitue le Paraguay proprement dit, est stricte-
limitée entre des bornes naturelles. La rivière Apa, aux claires eaux
it sur des bancs de roches blanches, sépare la République hispano-
li de l'État brésilien du Matto Grosso : c'est le cours d'eau que les
iens avaient constamment revendiqué comme frontière avant la
î. Aux sources de cette rivière, la chaîne faîtière d'entre Paraguay et
î, orientée à peu près dans la direction du nord au sud, forme la
le partage entre les deux États jusqu'au chaînon latéral de Maracajû,
rejoindre directement à l'est la vallée du Paranâ. Tout le cours infé-
de ce fleuve, dans sa grande courbe jusqu'au confluent du Paraguay,
e limite à la République sur ses deux côtés de l'est et du sud. Sur la
occidentale du Paraguay, les solitudes du Chaco étaient réclamées
Lier par l'Argentine, qui, ayant enlevé à l'État vaincu tout le terri-
des Missions cisparaniennes, voulait lui arracher aussi les étendues
aguayennes du désert. Toutefois le Brésil, dont l'intérêt évident
protéger le Paraguay, en le maintenant sous sa dépendance, et de
ervir comme d'un tampon pour se défendre contre un envahissant
, ne favorisa point l'Argentine dans ses revendications, et le gou-
Tient des États-Unis du Nord, choisi comme arbitre, se prononça en
• du Paraguay. La rivière Pilcomayo devint la ligne de séparation
d'EscragnoUe-Taunay, la Retraite de Laguna,
Gifford Palgrave, Ulysses or Scènes and Stndies in Many Lands,
ê
51U NOrVELLE CÈOGRArniE TSIVERSELIE.
el tiiiil II' li'iriUnn- (i'rrilcft-flru'vcs. ili- la droite du Panifîiiav h la ri
gauelii! du Parnoil. fut dtîclaré domaine paniguaycn. Celte addition ^^i*
territoire a valu au Paraguay de ne [)as être la plus [lelild n^publi^iie ^^
il I ^|TlTljtt'tfî J>t1 Al&nrliiA enw* 1*1 Ti-timiiii' nh. ^^1
rAmérique méridionale ;
lui rosto Irî'S inférieur en populatinn ii
nporte en étendue sur l'Urupiay,
n^
neri qu en imporlanee •"'^^^
««î,
mercialc*. Du reste, l'un el l'autœ ne vivent que grâce à la rivalité jaloi
du Brésil et de l'Argentine. Le Paraguay surtout serait actuellement à
merci des gouvernements de Rio ou de Buenos Aires s'ils s'enlendaii
pour le partage, La région peuplée du Paraguay ne forme qu'une étroi
enclave au bord du fleuve entre le désert et la forêt. Considérée cornu
ceiili-e, Asuncion s'entoure d'un groupe semi-ovalaire de cultures, d'ui
superficie d'euviion 5000 kilomètres carrés : c'est là tout le vrai Par
< Su|H'i'firio cl |Ni|>iiLition probabk du PumguaT en 1KÏ>5 :
2rilHI00 kjl. carn-t:; ;)5IHHin Imliilants ; 3,5 hab. par kil. c.
FRONTIÈRES, EXPLORATION DU PARAGUAY. 505
lusty - Une bourgade et quelques clairières habitées, tels sont les seules
rsiœs de Thomme sur les bords du Paranà. Et cette étroite contrée
e jouit que d'une indépendance fictive : en cas de conflit, comment
ourrait-elle se redresser en face des vainqueurs?
les premiers temps de l'occupation espagnole, le Paraguay avait
les explorateurs, et même la ville d'Asuncion fut fondée anté-
liment à l'occupation déflnitive de Buenos Aires : les conquérants
^tallaient au centre même du continent. La colonie paraguayenne
déjà constituée en 1556, sous Juan de Ayolas, et presque tout l'espace
pé actuellement par la république Argentine, Tucuman, Côrdoba,
Aires, était gouverné par Asuncion. On reconnut d'abord la
s^xnure navigable des fleuves jusque dans la région brésilienne dite Matto
et l'on rattacha le fleuve aux vallées des Andes par des itiné-
frayés dans les plaines de la Bolivie. Mais, outre les noms des
filtrées parcourues et les renseignements les plus généraux sur le
-lief du pays, l'Espagne ne communiqua rien h l'Europe au sujet de ses
^ss^ssions centrales du continent : tout ce que l'on eu sut vint des mis-
^**ïii aires franciscains et jésuites qui vivaient au milieu des Indiens. La
^•'"•iï^e du pays ne fut révélée qu'à la fin du dix-huitième siècle, grâce aux
^I^lorations d'Azara, qui pendant vingt années parcourut le bassin de la
et ses divers affluents : il fut pour la partie méridionale de l'Amé-
du sud ce que Humboldt devait être quelques années plus tard dans
*^^.ssin de l'Orénoque, l'initiateur des études scientifiques. Vers 1821,
^^^^é Bonpland, enlevé par les soldats du docteur Francia, fut obligé bien
^^\gré lui de continuer dans l'intérieur pendant neuf années ses recherches
'^^^niques, complétées depuis la guerre par Balansa. Bengger et Long-
^^^mp firent aussi un séjour forcé de plusieurs années dans le Paraguay
^^ en profitèrent pour étudier le pays. Plus tard, des marins et quelques
^plomates reçurent l'autorisation de remonter ou de descendre le cours
du Paraguay et publièrent le résultat de leurs explorations.
Leverger, Français devenu Brésilien sous le nom de baron de Melgaço,
commença d'étudier le fleuve en 1846 et en dressa les cartes, de la région
des sources jusqu'à son confluent avec le Parana. En 1853, le gouverne-
ment des États-Unis obtint aussi que le Paraguay fût ouvert à un de ses
navires, et le Water Witchy commandé par Thomas Page, pénétra dans le
fleuve et dans ses affluents du Chaco, le Bermejo, le Pilcomayo, TOtuquis.
Six années plus tard. Mouchez remontait aussi le Paraguay, continuant son
grand voyage de circumnavigation autour de la partie orientale du con-
tinent. Mais le problème capital, celui de savoir si les comnmnications
:m)6
NOLVELLE GËOGRAPIIIE UNIVERSl^LE.
fluviale> piir le IMIcomayo étaient possiltles cnti*e la Bolivie et le Paragimu^\
i-e>tait encore :i résoudre, et maintenant encore il n'est qu'à demi résolui.
On sait que le voyage peut se Taire, mais au prix de grandes difTieult^^^ et
de dangei's. Aucune des très nombreuses entreprises tentées pour l'eiph
tion du Pilcomayo n*a pleinement réussi, mais elles suflisent à prouv<
qui^ cet affluent du Paraguay ne peut servir, ssms travaux de cori'ectio*!,
à Faciliter les communications entre le pied des Andes et Testuaire
la Plata. Toutefois les rapports de peuple h peuple ne manqueront pas
devenir tivs faciles à travers ces plaines basses, grâce aux progrès qui
font il la fois de tmis côtés, en Bolivie par le peuplement des haut
vallées, dans TAi^gentine par la mise en culture des plaines du Chaco,
Paraguay par les campements de bûcherons et rétablissement de parcs a
liestiaux. Les ilinéraiitîs des explorateurs, quoicpie publiés par fragmea '•s»
et difficiles a coordonner, sont de précieux documents pour lacar«.c>
futuiv de la Républi({ue. Actuellement, siiuf le tnicé du fleuve majeu ik*^
ceux du Jejuy et aulivs rivières explorées par de Boui*gade, et les levés cfl*?
la fi-ontièi-e septentrionale, on ne possède que des figurations appmxim ^m —
lives de la géogi'aphie paraguayenne.
.>•■
'>'
v\
II
Li ivpublique du Paraguay, prolongement méridional de l'État brésili
du Malto lîn>sso, est tniversé<» dnns sa région médiane par une chaîne
hauteui's qui continue le faîte détaché du plateau des Parexi. Aux sourc
do rAjKi, cette saillie de partage entre les affluents du Paraguay et ceu
du hiranà ptuie génénilement le nom d(» sierra Amambay. I/un de se
chaînons* celui dont les rm^hes avancées, arrêtant les eaux du Parana, 1er
font plonger au s;uil dt» (luayra, a reyu le nom de sierra Mlmracayû (Mara-—
caju». iV^ civte<, qui servent de frontière p()liti({ue entre le Bi'ésil et h
ivi»uMique hi^iKUhv-guanmi, ne sont nulle part assez élevées [K)ur empè
cher K'N chavHHH's et les y^rbalero^ de passer de l'un a l'autre vei'sint ^
Suidalio S»>;t et do Bourgîide les ont franchies à Test des sources du Jejuy;?
i ^»(vUa!ioM do coithllera de los Montes ou « chaîne des FoixHs », qu'onr
Wu\ dontio dan^ le lang;ige courant, prouve cpie le grand obstacle «n Tei
•.•À»i «iïoa (wvxionl non des rochers, mais des fourrés trop épais. On n'i
:^>4;^ v^KOio tuosuiv les ciuies de l'Amambay et du Maracajù, mais il n'es
SIX (»i\»;\«Mo v|u'oIIon atteignent l'altitude de 1000 mètres.
y.i Miù vie la duamation du Maracajù, le faite de partage se continu*::?
r •
9
.^n
EXPLORATION, MONTAGNES DU PARAGUAY 507
dans riulérieur, non par une chaîne régulièn», mais par une succession de
croupes el d'ondulations, (lualifiées avec exagération de sierras et cordil-
lères. Quelques lomas ou collines el des cerritosj mornes isolés, précisent
en quelques endroits les bornes de Thorizon, mais Tensemble de la
contrée s'incline en pente douce dans la direction du sud : une dernière
saillie forme à travers le courant du Paranâ les rapides d'Apipe. Vers
lang^le sud-occidental du pays, les terres élevées s'abaissent brusquement
en falaises et en promontoires, limités par les rivages d'une ancienne mer
Çue m-^mplîicent des lagunes, des marécages et des terres herbeuses, dépas-
sante ^ peine la surface liquide. Dans son ensemble, le Paraguay est un
P^T^ ïTiouvementé, oîi des coteaux modérés abritent de grîicieux vallons,
®" le* s fortMs alternent avec les bosquets et les pâturages. Des grès con-
sliti^c^^t la plupart des montagnes, et les plaines sont formées de couches
"^**S^*les et de pierres sableuses appartenant à l'époque tertiaire. Des
cott^^ volcaniques se sont fait jour en quelques endroits du territoire :
^* 1^ cerro Tacumbu, immédiatement au sud d'Asuncion*. Plus à l'est,
^^'^^ les sources du Mbuarapey, affluent du Tibicuary, s'élèvent d'autres
**^**^ BT^ets d'origine ignée, la sierra d'Acay ou du «Brûlant », hauts de
'"■ mètres environ. Ils sont d'accès difficile, à cause de leurs escarpe-
"^^^•^ ts, de leurs fourrés, des nids de guêpes qui se cachent dans toutes les
^'^^-^li^s; cependant on a gravi le morne principal, terminé, dit-on, par un
^^-îire non encore oblitéré. Des tremblements ont souvent secoué la contrée
^^e nombreuses sources minérales jaillissent aux alentours*.
ï^e vastes étendues sont recouvertes d'une terre rouge qui atteint par-
^^^^ plusieurs mètres d'épaisseur, et qui se ravine profondément dans le
^^^sinage des cours d'eau. Quelques-unes des terres si fécondes qui avoi-
^ lient Asuncion appartiennent à cette formation : on reconnaît dans
amasse profonde une multitude de petits canaux ramifiés, semblables à
^^«ux que laisseraient des racines et remplis d'un carbonate de chaux
finement cristallisé; c'esl l'aspecl que présenlent les fameuses « terres
''faunes » de la Chine centi-ale, étudiées avec tant de soin par F. de
^ichthofen : on y trouve de petits coquillages très bien conservés qu(» les
pluies mettent à nu et (|ui restent épars sur le sol. De même (jue dans
le SSo Paulo, les terres rouges sont au Paraguay d'une extrême richesse
et les tabsics y réussissent d'une manière reman|uable. Les alluvions noires
déposées par les inondations sont égîilement très fertiles en (pielques
lieux privilégiés, mais en divers endroits elles se comjïosent de couch(»s
* E. âe Bourgade la Dardye, le Paragumj,
* W. Giflbrd Palfjravo, oiivranp c'\\(\
argileuses qui, en se desséduBt, devienneni très dures et fornimt un
aousfKit impénétrable à la charrue. Enlin quelques disiricis sont rocou-
vèrts d'uD sable fin provenant de la déconi position des roches quar-
taeases : ceUe arène ne produit que des touffes d'une herhe nue. lV;iuiivs
sables, de couleur rouge, furent autrefois des '^il'a qui '^e déliléient smis
l'action du soleil. Dans les monts du l'araguay, les minerais srait nree,
k l'exception du fer et du sel.
«
Le Qeuve Parani n'appartient à la République que par une de ses rim,
entre les gradins principaux de son lit, an saut des a Sept Chutes », et mm
confluent avec l'autre fleuve. Celui-ci, le Pan^;uay, traverse dans son oonva
inférieur l'Ëtat auquel il a donné son nom. Lai^ de 350 mètres e.n moyenne,
il s'écoule d'un flot lent, en longues sinuosités, mais en mninlenanl sn
direction générale dans le sens du nord au sud. Le courant, alimenta; pm-
les pluies abondantes qui tombent pendant U saison des chnleurs, aug-
mente de plusieurs mètres dans les crues; même immédiatement en nmoot
du confluent avec le Paranà, le fleuve s'est élevé de plus de ii mètres en
tempe d'inondation. Les eaux s'étalent alors dans les plaines iRtérales et
refoulent les rivières aifluentes, mais ne forment pas de lacs comparables
à ceux du Hatto Grosso, si ce n'est dans les terres basses qui bordent au
nord la région du confluent. On constate que le versant oriental a boauro(i|i
plus d'eaux courantes descendant au fleuve que le versant occidental.
Il faut en attribuer la cause à l'horizontalité du sol dans le Chaco : les
pluies qu'y versent les nuages, et qui d'ailleurs sont moins abondantes que
celles du Paraguay proprement dit, ne trouvent pas de pente d'écoulement
et séjournent sur la terre en vastes plaques d'évaporation'.
Au sud de l'Apa, que les Brésiliens ont imposée comme frontière à
leur voisine, la première rivière abondante est celle de l'Aquidaban, à la
pittoresque vallée, où périrent en 1870 les derniers défenseurs de l'indé-
|>endance nationale. Dans cette partie de son cours, le Paraguay est lui-
même une charmante rivière aux brusques détours, aux sites imprévus,
ici bordée de sable, ailleurs glissant sous le feuillage des arbres penchés,
plus loin lavant des falaises de marbi'es, creusées de grottes, festonnées
de lianes et de fougèies'. L'Iiiané, puis le Jejny s'unissent au Paraguay.
Ce dernier affluent, à la double embouchure, porte les barques sur presque
tout son cours, qu'interrompt un seul rapide el que limite à l'est, au
' Marlin de Moussj, Description de la Confédéralioa Aigriiline.
* E. de Bourgadt la Dardve, ouvrage tilr.
510 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
En 1882, (iievaux, qui dans srs périlloux voyages sur les rivières de li
Guyane et sur les Heuves du versant amazonien, avait déjà fait de si Btaki
découvertes, voulut tenter Texploration du Pilcomayo, en descendant k
cours fluvial ; mais à moitié route il fut massacré avec presque tous n
compagnons par les Toba, ces redoutables Indiens qui avaient dé^ tmk.
Patino à la retraite et tué Castaîiares. Ce malheureux événement fitanfr
de nombreux émules, cherchant a continuer son œuvre et à vmger •
mort. Fontana, délégué par le gouvernement argentin, fit une reoODiHih
sance sur le Pilcomayo moyen dans h» pays des Tolxi; Feilberg remmilik
courant sur un espace de 255 kilomètres jusqu^à des rapides qu'il neprt
forcer; Tliouar et Campos refirent le voyage de Crevaux et dépassèMl
le point qu*avait atteint leur devancier, puis gagnèrent le Paraguay ci
traversant la plaine; en 1885, en 1880, Thouar entreprit de nouveau
voyages, mais sans réussir à suivre le cours fluvial par une navigatifli
continue. John Page, fils de l'explorateur du Paraguay, mourut à la peiae
en 1890, après neuf mois de voyage sur le Pilcomayo, et dans la mèflM
année Olaf Storm, fraiu hissant les rapides à la montée du courant, finit
par s'égarer au milieu d'une mer d'herlu^s flottantes. A la sortie de h
Bolivie, le fleuve roule assez d'eau pour porter des eml>arcations de com-
merce; les navires [)énètrent également clans son lit inférieur, maisven
le milieu de son cours il s'étale dans la plaine horizontale, impuissant ï
se creuser un lit ou déplaçant ses coulées de saison en saison. En 1844,
l'expédition de Margaiinos dut s'arrêter dans une campagne sablonneuse
où le courant, endigué par des amas de troncs d'arbres qu'il n'avait pn
déblayer, se divisait en une soixantaine de coulées à la pente incer-
taine; en suivant à pied une de ces nappes d'écoulement, il la vit même
se perdre dans h» sol : en cet endroit le fleuve avait disparu. D'autres
voyageurs, venus après Margarinos, décrivent autrement les diramations
du Pilcomayo : chaque crue, clia(|ue apport de troncs d'arbres modifie
le courant et le nombre de ses rameaux. Lors des crues, toute celle
région est un immense banado, une terre « noyée », où flott^mt des îles
d'herbes (»t de feuillag(*s. Kn aval, la ptMile devient plus sensible, et de
distance en distance l'eau glisse en j)lan incliné, non sur des bancs
de rocb(M*s, mais sur des couches de tosca, argile blanche d'une grande
cohésion, |»robabl(»nicnl salines, carie Pilcomayo verse au Paraguay des
eaux saumàtres.
On a cru longtemps ijue ses bouches avaient fré(juemment changé, mais
il se peut que des coulé(»s latérales, des fausses rivières et des bayous
aient été considérés à lorl comme des bras du Pilcomayo. La bouche
M4 Î(01JVKI.LE GÉOGRAPHIE BRIVKBSKLIE,
encore, sur sa rivo droite, la rivière, plalécnne Bermejo, dont les eam
rouges coutoiU lougliMnjis à uûlé du llol lilnucliAtrc Mins se tn^dangcr, puis
il se déploie eu deux grands nu^andres, doni J'un, wlui d'IIiiniail^, longe
la berge, haule de fî mètres, où so dressaient naguère les ronnidables
batteries porn^iayennes ; ou 1858, une inondation, passant par-dessus les
remparts, renversa une partie des canons dans la vase. De li^gères ondu-
lations du sol fixent eu c<!l endroit le t'ourant fluvial, qui va s'unir ti celui
du Parand par tmis passes, — lus Très Bocat, — de forme changeante
et de largeur inégale. A l'époque de la guerre, la principale voie, celle
du milieu, d'environ 250 mètres, ne semblait i^lre qu'un rail)le affluent
du Paranîl, vrai lac ayant 6 kilomètres de rive <^ rive. La bouche orien-
tale, étroit biiyou, rejoignait le Paranâ en amont, près du passîige histo-
rique dit jadis paso de] Rey et maintenant paso de la Patria. La troisième
bouche, celle de l'ouesl, entoure une longue île, del Alajo. que signale
de loin un cerrito ou morne de 16 mètres en hauteur, et qui dès avant
la guerre a[)parlena!t à lu répuhlitjuc Argentine. D'ailleurs, sous le ré-
gime colonial, toutes les terres basses qui s'étendent au pied des col-
lines du Paraguay dépendaient de la ville de Corrientes, comme région
vague où les pasleui"» pouvaient inlraduire des bestiaux pendant la saison
sèche, mais sans établir aucune habitation permanente. La zone de plus
de 200 kilomètres en largeur qui se prolonge des deux côtes du Paranâ et
oii s'entremêlent les eaux de marais sans profondeur, fut certainement la
cuvette d'une mer intérieure vil -s'unissaitnl les deui grands ûeuves,
s'épanchant alors au sud par un double vei'sant, le bas Paranâ et
l'Uruguay, dans l'estuaire de la Plala. Après le dessèchement de celte
mer, les fleuves vaguèrent longtemps à la recherche d'un Ht définitif, et
certains marécages de la « mésopotamle « inférieure du Paraguay ont
encore la forme serpentine de courants débordés.
La ligne du tropique méridional travei'se la République dans la partie
presque inhabitée du territoire : le Paraguay populeux se trouve en
entier dans la zone tempérée, où les alternances des saisons se font déjà
sentir comme dans l'Europe occidentale: cependant les indigènes ne con-
naissent guère que le contraste de l'hiver et de l'été. La Innsilion est
brusque et le printemps se remarque .'i peine, |>arce que la plupart des
arbres gardent leur verdure en hiver : la sécheresse, beaucouji plus que le
froid, fait lomber les feuilles; en hiver mûrissent les oranges, fruit par
excellence des jardins du Paraguay. Les extrêmes de la température vont
FLEUVES, CLIMAT DU PARAGUAY. 515
des chaleurs torrides au point de glace ; on voit parfois de la gelée blanche
diamanter la pointe des herbes, surtout dans les régions voisines du Chaco
et dans les savanes méridionales, où le rayonnement nocturne se produit
avec intensité; dans les districts boisés, noUimment autour de Yilla Rica,
les gelées sont plus rares; d'ailleui's elles ne font nulle part beaucoup
de mal, si ce n'est à la canne à sucre, dont les tissus sont désorganisés
par le brusque dégel dès que le soleil paraît au-dessus de l'horizon.
Les vents, qui soufflent généralement dans la direction du fleuve, soit
du nord au sud ou du sud au nord, se succèdent en un brusque con-
traste : ces écarts soudains sont le principal inconvénient du climat,
surtout pour les immigrants. Le courant atmosj^ériquc le plus commun
descend des plaines du nord par le Matto Grosso; c'est une espèce de
iirocco qui en été rend l'air presque irrespirable, même pendant les
nuits; il irrite les gens nerveux, tandis que le vent du sud, qui se con-
fond parfois avec le pamperOy apporte les maladies de poitrine ; sa froidure
arrête brusquement la végétation et parfois détioiit les récoltes. Les vents
d'est, fort agréables, légères brises qui modèrent les froids et les cha-
leurs, ne soufflent que rarement. Les pluies, beaucoup plus abondantes
dans la région voisine de la mer que dans les plaines de l'ouest, par-
courues par l'incertain Pilcomayo, tombent d'ordinaire à la période des
équinoxes, au commencement et à la fin de l'hiver, et sont fréquemment
accompagnées d'orages et de vents très forts ou ventarrones. On se plaint
plus souvent des sécheresses que de la surabondance d'humidité*.
Par sa flore, le Paraguay appartient plutôt à l'aire brésilienne qu'à
celle de l'Argentine, et même les rivières se bordent de forêts toufiiies
qui ressemblent aux maltas du Brésil. Les arbres, d'espèces très
variées, ont pour la plupart la fibre très dense et ne flottent pas natu-
rellement : pour en faire des radeaux, il faut les alléger au moyen de
joncs et de bois a moelle épaisse. La plupart des essences brûlent diffi-
cilement, mais fournissent un excellent charbon : dans un pays d'in-
dustrie, elles fourniraient des bois exceptionnels pour la construction,
l'ébénisterie, la teinture; le caraguala, espèce de broméliacée, donne un
fil d'une finesse et d'une résistance bien supérieures à celles du chanvre,
* Conditions météorologiques d'Asuucion, d'uprès Mangcls (7 années d^obser va lions) :
^^, _Te"iP«^raturcs_ ^ j^,^^ p,^^
Latitude. Altitude. iniuiiiiale. inoveunc. maximale. pluvieux. tombée.
*i5M6' 100- —60,9 24«,27 58M 79 1-,64G
NOUVELLE GË06RAPHIE UNIV8R8ELM!.
mais encore peu connu en dehore de hi l'iata. Los palmiers, enlre aulri'is
le caninday, s'enlremêlent avec l'araucaria, d'origine exolique dans cer-
laines parties du pays; les missionnaires jisuiles en [)ortaient les semenMS
avec eux parloul où ils fondaient une « riiductJon >• ; de ià le nom : arbol
f HT. — aïGIONS BU TOKtTS £T DE» UafOn.
l
Uucstde&ri
OuestdeGreenwich
D'ajHV) de Bour^'ailc,
(le las Misione$. (/est à la flore aiborescenlc spontanée ipie les habitants
doivent leur principale richesse d'exportalion, le yerha malé. Outre les
forêts, qui recouvrent la plus grande partie du Paraguay, à l'est du fleuve,
des savanes s'clendenl çà cl là, presque toutes occupées par les na|)pes
onduleuses de la graminée macega, qui s'élève à hauteur d'homme et dont
FLORE, FAUNE, HABITANTS DU PARAGUAY. 517
tige dure et les arêtes coupantes rendent la marche très pénible, même
ingereuse pour les voyageurs qui ont la moindre blessure.
Pour la faune de même que pour la flore, le Paraguay est une province
résilienne : il a trois espèces de singes, les vampires qui sucent le sang
es bestiaux, le jaguar et le puma, le tapir, les sarigues, le capyvara, le
oa, le crocodile, les termites, les fourmis et leur ennemi le tamanoir,
'autiniche iiandu vit dans les campos, beaucoup plus rare que dans
Argentine. Le fleuve est une limite pour certaines espèces, et depuis
époque où l'homme blanc a établi sur la rive gauche une lisière presque
mtinue de villes et de bourgades, tandis qu'il se hasarde à peine sur
rive opposée, un grand contraste de la faune s'est fait de part et d'autre.
'après Garcilaso de la Yega, le mot Chaco signifie en guarani « champ
î chasse », et en effet ces plaines sont parcourues par des multitudes
animaux, que poursuivent les Indiens sauvages. Il faut dire toutefois
ue cette étymologie du mot Chaco est contestée. Habité par des Guarani et
on par des Quichua, ce nom ne serait-il pas guarani, et dans ce cas
*aurait-il pas le sens de banado ou « marécage »*?
III
La nation paraguayenne par excellence, celle à laquelle appartient la
ace métissée des villes et des districts populeux, est la nation guarani. Leur
ivilisation devait, même avant l'arrivée des Jésuites, avoir conquis un
ertain ascendant, puisque leur langue était assez répandue pour avoir été
idoptée comme un parler commun, lengua gérai, entre les populations de
liverse origine, des bords de l'Oyapok à ceux du Paraguay : ce n'est point
lans le monastère jésuite de Porto Seguro, comme le dit Martius, c'est
lans les marchés indiens, de peuplade en peuplade, que naquit le « lan-
gage général ». Dans les forêts orientales du pays ^e maintiennent encore
[uelques familles pacifiques de Coagua ou Coyagua et autres Indiens, qui
e tiennent à l'écart, non sans avoir conscience de leur parenté avec
es autres Guarani, et qui les imitent grossièrement dans leurs céré-
nonies religieuses, legs des missionnaires jésuites. Les Apitare ou « Gens
e l'Intérieur », tribus de potiers et de tisserands', qui vivent entre les
ources du Jejuy et le saut de Guayra, appartiennent aussi à la même race.
* Luis L. Dominguez, Boletin delînslilulo Geogràfico ArgentinOy 1889.
* Sandalio Sosa et dcHourgade, Proceedings ofthe R. Geographical Society y 1888.
518 NOUVELLE CËOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Les (junraiii sont au nombre des indigènes américains qui se rapproehenl
par le type de celui des Asiatiques orientaux : presque tous petits, de 1",27
en moyt^nne, gros et trapus, larges de poitrine et d'épaules, ils ont la
figure d'un jaune brun, ronde sous un front bas et étroit, entourée de
gros cheveux plats et noirs, avec des pommettes saillantes et des pau-
pières légèremenl obliques.
Les Payagua, dont le nom, d'après Bonpland, serait devenu, sous une
forme légèrement modifiée, celui du fleuve Paraguay, habitaient les lM»ds
du coui*s d'eau en amont d'Âsuncion, qu'ils approvisionnaient de poisson»
de bois et de fourrage pour les bestiaux. Hommes vigoureux, de taille plus
élevée, de ligure moins large, d'attaches plus délicates que les Guanmi,
ils se défendirent avec vaillance contre les Espagnols et périi'ent presque
Ions en ces guerres continuelles. Les survivants durent se soumettre, et mi
les amena dans la banlieue de la capitale pour leur imposer les trannix
d'alimentation de la cité, comme pécheurs, bûcherons, éleveurs de bétail.
Sous le gouvernement de Francia, ils étaient chargés de la police jdu
fleuve pour emi)écher l'arrivée d(»s étrangers et prévenir tout commerce
interlope*. Avant la guerre ils étaient environ cinq cents, mais presque
tous succombèrent dans les batailles, sous le commandement d*of&ciers
paraguayens : en 1878, il n'en restait plus que dix-sept. On ne peut
sans tristesse voir leurs ligures douces et mélancoliques. Avec eux dispa-
raissent les plus artistes des Indiens de la plaine : ils tissaient des nattes,
des corbeilles, des étuis de jonc re<îouverts de dessins et d'arabesques,
tournaient des vases élégants et même sculpt4)ieut dans Targile ou le
bois des statuettes ollrant une expression de vie très remai*({uable*. Leur
langue, très diflérente du guarani, élait d'une extrême difQculté de pro-
noncialion : aucun Paraguayen n'avait pu l'apprendre. Certains mots res-
semblaient à de profonds gémissements.
Les Lenguas et les Mbaya ou « Méchants », qui appartenaient jadis à la
nation des (luaycun'i, n'ont i)as complètement disparu comme les Paya-
gua : on en voit encore (iuel({ues-uns dans le Chaco, en face de Villa Con-
cejxion, non loin d(»s Angailes, qui, au nombre de 1500 environ, vivent un
peu plus au nord, vis-à-vis du confluent de TApa, [)rès de la frontière bré-
silienne"'. Ce sont les restes des peuplades guerrières qui, au début delà
colonisation, env<»loppèrent la pelile bande armée d'xVyolas et la nuissa-
crèrent en entier. Mais ces tribus s'éteignent peu a peu. Dans la foule
• AllVod Dciiiersay, llkloire du Paraguay.
'^ Luis h)v»{\ Fontaiia, El Gran Chaco.
' Albcrl Ilaiis, Noies manuscrilcs.
■. I
I ";•
INDIENS DU PARAGUAY. 521
métissée des Indiens de langue espagnole qui habitent le Paraguay, on se
demande quels sont les descendants des Guayeurù et ceux des fameux
Abipon, au milieu desquels résida vingt ans le missionnaire DobrizhofTer.
Cantonnés dans la partie méridionale de la contrée, près du territoire des
Missions, ils étaient naguère représentés par quelques familles, près de
Santa Fé. Même à Tétat libre, ils étaient un peu hispanifiés par le sang,
puisque dans leurs incui*sions ils épargnaient toujours les femmes et les
enfants, les ramenaient avec eux et les adoptaient dans leur nation.
Encore au milieu du siècle dernier, les Âbipon occupaient un terri-
toire immense dans le sud du Paraguay actuel et de l'autre côté du Paranà,
aussi bien qu'à l'ouest, dans les étendues du Chaco. Ils étaient néanmoins
peu nombreux, à peine un millier de combattants; mais vers 1640, quand
ils eurent appris à dompter le cheval, que les Espagnols avaient introduit
dans la pampa, ils prirent l'habitude de parcourir le pays, à des centaines
et môme à plus d'un millier de kilomètres, pour se ruer à l'attaque et à
la dévastation des colonies d'envahisseurs. Des villes construites à cette
époque furent détruites et n'ont pas été rebâties. On évalue à plus de
cent mille chevaux le nombre de bêtes que les Abipon, alliés aux Mocovi,
capturèrent sur les Espagnols en cinquante années. En vain les mission-
naires leur reprochaient ces habitudes de pillage : « La terre est à nous,
disaient-ils, et tout ce qu'elle produit nous appartient ! » Ces terribles
hommes de guerre n'avaient point de chefs proprement dits. Celui qui
les conduisait au combat était un de leurs égaux, dont la force, l'énergie
ou l'adresse leur inspirait confiance, mais qui ne jouissait d'aucun privi-
lège après les combats et qu'ils remplaçaient à la première occasion. Ils
vivaient au grand air, s'abrilant à peine de quelques branches, et tour-
naient en dérision les Espagnols, « confinés dans leurs maisons comme
des escargots dans leurs coquilles ». Leur vertu première était le courage
et ils chassaient volontiers le tigre, dont ils mangeaient la chair afin de s'en
«assimiler la force; mais ils dédaignaient la viande des animaux pacifiques,
volailles, moutons, tortues. Ils croyaient fermement à la métempsycose
et disaient que les âmes des méchants et des lâches passent dans le
corps des bêtes venimeuses et rampantes \ Quant h eux, ils devenaient les
compagnons des sarcelles qu'ils voyaient planer en bandes dans le ciel et
qui le soir les appelaient de leurs cris. Les échos lointains, le murmure
du feuillage dans la forêt leur semblaient les voix des aïeux. Leur grand-
père, affirmaient-ils, était la constellation des Pléiades : ils s'attristaient
* Charlevoix, V Histoire du Paraguay,
XIX. 66
^22 KOUTEI-IE nÉflf.IlAPIIie UNIVERSELLE,
([iijtmi un niLif-fi passait dcvanl ces éloiles. ol sp tvjoinssaietil (jimiid elles
r'.iyonniiienl -i nniivenu ; leur tvie nnlioimlt' iroïiicidiiit awv. h. iiHour
aiimii'l clt' res iisln-s sur l'hHnziiii. Si lii-aves contre les hommes, les
Alji|H)ii cniif;ii.iienL fort les mauvais génies et cherch aient h nisor avec
eux. Quand ils avaient lue tm ennomi par surprise, îIh ne manifuaient J
jamais de lui ouvrir lo vontrc et d"y enfoncer la main du i-Jidavi-e pour 1
dérouler les esprits et leur faire croire à un suicide. Ils an-achaient la j
langue et le cœur aux morts dn leur nation cl les doimaienl îi man^r |
aux chiens, afin di» faire périr le meurtrier présumé. C'est aussi par J
crainte des influences mauvaises que les femmes des Aliipon se gnnlaienl j
avec horreur d'allaiter les enfants d'autres mti-cs. tandis qu'elles n'avaicnl 1
aucune répugnance h donner le sein aux petits animaux. Mt'^me après {
leur conversion, les fiers Ahipnn gardaient devant les missitmnairefi J
jésuites leur altitude d'hnnimos lihrc^ : avant de mourir ils se faisaient J
n'vi>tir de leur costume guerrier pour entrer iii'i*ement dans )'autre4^
monde, et les survivants se refusaient h enternT les défunts dans \efti
églises : il leur fallait l'air lihre, même aprfes la mort. On dit tjue la J
natitui des Ahipon, convertie vers le milieu du dix-huitième siècle, s"acci*ul J
rapidement par ta suppression des piiitiiiues d'avui'tement et d'infanticide,
ainsi ([ue [lar la cessation des guerres'; mais, soit par les croisements, soil-'
par maladies ou autres cjiuses, la nation n'existe plus.
Les anciens alliés des Ahipon, et peut-èti-e leurs parents, les Toba,
suhsisleiil encore et sont même une nation puissante, rpii, loin d'avoir été
refoulée par les blancs, a ganlé l'offensive. Maintes fois les Toba ont
attaqué les colonies paraguayennes et argentines du Chaco, et l'on 'sait,
par le désastre d'expéditions nombreuses, entre autres celle de Crevaux,
combien il est dangereux de s'aventurer sur leur territoire. Ils parcourent
dans le Chaco les deux bords du Pilcomayo, jusqu'à une grande distance
au nord et au sud de ce fleuve, et de l'est à l'ouest on les a rencontrés du
pied des avant-monts andins jusqu'au fleuve Paraguay. Les Toba sont de
grande taille, de i",65 à l-.SS, d'après Fontana. Ils ont la peau très
dure, « comme celle d'un taureau' ", et ne prennent de sandales que pour
marcher dans les épines; môme ils s'en passent h l'occasion, tant la plante
de leui's pieds a pris une consistance cornée, La natui'e marécageuse du
sol leur a donné une démarche hizarrc : ils lèvent le pied verticalement
jus<|u':< la hauteur du genou avant de le porter en avant; ils ont gardé
I tkil)rizlinfrcr, Hinloria île Abipnnibus
* Cortcs, Bolitia.
53* NOUVELLE CÉOCHAPIÏIE TNIVERSELIE.
iilin que le soleil levant eu tVlaire la planle et leur apprenne à marclier
dans le droit sentier, c«r I "astre-dieu donne toute vertu par ses rayons.
Les Toha ne sont point p»ly^inics, les fi-mmes, l'orl jalouses, n'admetlnnl
pas de partage. Au moindre signe de rivalil<^, elles se battent en duel, ol
souvent jusiju'h ce (jue mort s'ensuive. Nues jusqu'à la ceinture, les
hanches ceintes d'une peau de jagnar, elles s'arment les poignets d'un os
de cbfevre ou de quelque autre pointe tranchante et cherchent à entailler
la poitrine ou le corps de l'ennemie. Les hommes assistent impassibles
h ce comliul souvent mortel '.
Pour ri^duire les Indiens du Paraguay et du Chaco, les priîtres ont plus:
Tait ipie les soldats; mais ces prfitres furent les Jésuites, qui arrivaient
dans le Nouveau Monde avec la ferveur d'une jeune ambition, résidus
à faire de grandes choses cl dévoués à leur idée jusqu'à la mort. Pendant
deux siècles ils travaillèrent à l'établissement de leur société théocra"
lique avec une persévérance inébranlable et une parfaite sùrelé de
méthode : les missionnaires, qui se succédèrent par centaines dans Itmtes
les parties du continent, étaient tous animés de la même foi et de la
même volonté. PourlanI les obstacles étaient nombreux et finirent par
être insurmontables. Les difficultés de l'acclimatement, les maladies,
les flèches des Indiens, le péril des voyages dans les forêts et sur les
rapides, la fatigue, la faim, la soif, étaient peu de chose pour des hommes
dévoués h leur œuvre; mais ceux-ci avaient surtout à redouter les gens de
leur propre race et mi^me de leur religion, colons civils, soldats, moines
d'autres ordres et prêtres séculiers, venus d'Europe par amour des aven-
tures, de la gloire, de la fortune ou par simple obéissance à des chefs.
Le mobile même de leur conduite mettait les Jésuites en lutte avec tous
les autres immigrants. Car ils voulaient convertir les Indiens, fonder
avec ces peuplades méprisées une société modèle qui servirait d'eiemple
aux sociétés du vieux monde. Et ces hommes qu'ils essayaient d'assouplir,
n'étaient considérés par les autres que comme un gibier. Il est vrai
qu'en 1537 le pape Paul III avait officiellement proclamé que les Indiens
étaient de « vrais hommes, capables de comprendre la foi catholique et de
recevoir les sacrements >•. Néanmoins on leur refusait la communion dans
la plujiart des églises, en alléguant leur stupidité native, leur ignorance et
leur méchanceté*. Les traitants s'organisaient en l)andes pour capturer
des tribus entières, tuant les vieillards, les malades, et poussant devant
' Uobi'iihoQt;]', 01
I
INDIENS DU PARAGUAY, RÉDUCTIONS DES JÉSUITES. 525
eux les hommes valides, la lance dans les reins. Les Jésuites qui grou-
paient des communautés d'indigènes passaient donc pour des accapareurs
de la fortune publique et Ton cherchait à leur reprendre ce cheptel de
bétail humain. On les haïssait aussi comme ce étrangers », et parleur orga-
nisation même ils s'exposaient à cette accusation; car, citoyens d'une
patrie plus vaste que les étroites contrées d'Europe, ils appartenaient
avant tout à l'Église catholique, c'est-à-dire « universelle » ; Espagnols
ou Portugais, Français ou Italiens, Allemands ou Slaves, ils ignoraient
les divisions politiques introduites dans le Nouveau Monde, et peu leur
importait de savoir si leurs communautés indiennes étaient censées
appartenir au roi « très chrétien » ou à Sa Majesté « très fidèle ». Dans
maintes insurrections locales, ils eurent à souffrir aussi de la jalousie
d'autres religieux, dominicains, franciscains, mercenarios ou « frères de
la Merci », et dans les villes on les chassa de leurs églises, on expulsa
leurs fidèles, que l'on réduisit en servitude. Enfin, lorsque, malgré les
persécutions, ils eurent réussi à fonder leur théocratie, on s'imagina
que le travail des néophytes leur avait valu de grandes quantités d'or,
et de toutes parts s'éleva contre eux un cri de haine : on en voulait à
leurs richesses, parmi lesquelles on comptait les indigènes eux-mêmes,
autant de futurs esclaves au service des pillards! La fortune des mission-
naires en cultures et en bétail était réelle', mais elle n'avait de valeur
que parla continuité du travail.
Arrivés à Bahia en 1549, avec les fondateurs civils de la colonie, les
Jésuites s'établirent aussitôt dans le voisinage de la côte parmi les Indiens
les plus rapprochés. Leurs missions se propagèrent du nord au sud, sur
les bords du Sâo Francisco, à Porto Seguro, dans la capitainerie d'Espirito
Santo, àPiratininga et à Sao Paulo. Partout leurs communautés réussirent,
et dans quelques endroits même la prospérité matérielle de cette époque ne
s'est pas retrouvée depuis. Le grand théâtre de leurs triomphes s'étendait
plus à l'ouest, des deux côtés du haut Paranà, à cheval sur les limites
présumées des possessions portugaises et espagnoles. Grâce à leur isole-
ment, ils purent détourner de la vie sauvage et policer plus de cent
mille indigènes ; mais sur leurs traces vinrent les chasseurs d'hommes,
et l'on dit qu'en trois années, de 1628 à 1631, les aventuriers paulistes,
eux-mêmes presque tous Indiens par leurs mères et faisant partie de la
classe des mamelucos, capturèrent soixante mille individus sur le lerri-
* Cheptel des Jésuites du Paraguay, avant leur expulsion, en 1767 :
Bœufs, 771 840; Chevaux, mulets et ânes, 120490; Brebis et chèvres, 251 000.
9!iR NOUVRI.LR GfiOGRAPHIE IINIVRRSELLR.
luire des Missions'. Les tuteurs dt's Iribiis de Guayra rompiireiil qu'ils
(levaient puusser plus avant dans l'inlérieur et mettru entre eus ut 1^
perséculcui'S de plus vastes forôts et de plus nombreuses cataractes. Dans
le terrible exode, ils pei-dircnl plus de ta moitié de leurs fidèles par le»
l'alii^ues, lus accidents, les épidémies, maïs réussirent enlin â Inmver
un refuge en des terres inconnues sur les bords de l'Uruguay et du
Parand, loin des lieux babités par les colons espagnols et portugais.
C'est là, et plus à l'ouest, dans les campagnes aujourd'hui boliviennes
où vivaient les Mojos et les Cbiquitos, que les missionnaires curent enfin
la joie de pouvoir réaliser ce " royaume de Dieu parmi les Hommes >•,
l'idéal pour lequel ils avaient tant combattu et tant souffert.
Le nom de « réductions » qu'ils donnaient à leurs groupements
d'Indiens explique le but qu'ils poursuivaient. Ils voulaient « ramener »
' Cliarluioi», lliiloire du Paraguaij.
52H NOUVELLE GÉOCnAPHTE USIVERSELLE.
élait représenté auprès des sociélt's de néophytes par iin corref/idor espa-
gnol; mais les prèlres ohllnreiil de lo remplacer pur un Indien, diivenant
ainsi complJîleinent maîtres de leurs « républiques chréliennes ». —
■c la plus précieuse portion du ti-oupeau de Jésus-Clirist », disait Charle-
ïoii. Parfois aussi les missionnaires prêtèrent leurs Indiens au goiivei*-
nemenl pour certains travaux de coi-vèe : en 1726. ils envoyèrent à
Montevideo deux mille hommes travailler gratuitement ans fortilications
de la cité. Les prêtres qui les surveillaient logeaient en des cabanes dfi
peaux, tandis que les ouvriers guarani couchaient en plein air'.
Une Tois assouplis au régime, les catéchumènes suivaient strictement
la règle. Chaque malin, avant le lever du soleil, les enfants se rendaient i
h l'église pour les exercices de chants et de prièriîs, et toute la popu- fl
lation assistait h la messe. Le soir, les enfants retournaient au caté-
chisme, puis tous prenaient part à la prière, et la journée se terminait
par la récitation du chapelet. Le dimanche, les cérémonies étaient plus
nombreuses, et les fidèles avaient même à répéter la table des nombres.
Ceux qui avaient une bonne mémoire devaient réciter les sermons par
cœur. Le travail élait strictement réglementé. Chaque famille recevait son
lot de terre et la quantité de grain nécessaire à la semence, ainsi qu'une
paire de bœufs pour labourer son champ ; mais elle répondait aussi du bon
état des animaux et des cultures, dont elle ne jouissait qu'en usufruit. La
partie du territoire cultivée en commun restait sous la sui'veillance des
prêlres : c'était le Tupambae ou la « Propriété de Dieu », dont la récolte
s'engrangeait en prévision des mauvaises années et pour l'entretien des
inGrmes, des orphelins, des artisans. L'excédent était transporté à
Buenos Aires par la voie des fleuves, et on l'échangeait contre des
objets de luxe fabriqués en Europe et destinés à l'ornementation des
églises. Sur les côtés de la place centrale s'alignaient les ateliers des arti-
sans, charpentiers, maçons, serruriers, tisserands, fondeurs, fabricants de
violons et de flûtes, sculpteurs, architectes, doreurs, graveurs et même
peintres, qui devaient considérer leur travail comme un acte de foi et
mettre leur amour à l'embellissement des églises. Toute faute constatée
par les surveillants, rapportée par des fidèles ou révélée par la confession
publique ou privée, entraînait pénitence. Le coupable avait à comparaître
dans l'église, devant les fidèles assemblés, et à recevoir des coups de
verge, en remerciant Dieu et les bons pères du châtiment qui lui était
infligé.
' Muralori, Paraguai.
RÉDUCTIONS DES JÉSUITES. 529
Ltcs missionnaires veillaient surtout à la séparation des sexes. Les
Âonnines étaient obligés de couper leur chevelure, afin que de loin on pût
déjâi. les distinguer des femmes; eux seuls avaient le droit de danser, et
seixleinent dans les cérémonies religieuses, tandis, que les chrétiennes
de-vfiiient toujours rester modestement à l'écart. Les mariages se faisaient
par* ordre, immédiatement après la puberté, dès l'âge de dix ans pour
ies jeunes filles et de treize ans pour les garçons*. Les puits, les fontaines,
les lavoirs, lieux publics oîi hommes et femmes avaient accès, étaient
plaoés dans un endroit découvert, facile à surveiller de loin, et des vieil-
lards, armés d'une baguette, punissaient incontinent la moindre atteinte
à lai décence. Des « zélateurs », chargés de rapporter tout acte blâmable,
se troiavaient dans les groupes, a la promenade, au repas, au travail.
Telles étaient les mœurs de cette « république » modèle, où l'obéissance
^wx ncâissionnaires était absolue et d'où' toute initiative restait interdite.
«^IgT^é cette discipline rigide, les Jésuites répugnaient à confier des
armes à leurs catéchumènes, même pour la défense des Missions.
'^PerKlant l'urgente nécessité les avait obligés plusieurs fois à la résis-
^ii<iô active contre les « Mammelus » % c'est-à-dire contre les Paulistes,
P^**** la plupart mame/ucos ou « métis ». De 1638 a 1661 ils remportèrent
^^^^îc"« victoires contre les agresseurs; mais après chaque triomphe ils
^Pï^^xiaient les espingoles aux vainqueurs, craignant l'influence des
^''^ devenus populaires dans les combats. Décidés à ne plus armer
*^^ fidèles, il ne leur resta qu'à se soumettre, et quand les Jésuites
^■^cnt l'ordre de quitter le pays, pas une goutte de sang ne fut répandue.
'^-■^s réductions n'ayant aucune vie propre, les indigènes périrent rapi-
des qu'ils ne furent plus soutenus par la main qui les avait
^^-^s. On essaya pourtant de les sauver : ici des missionnaires d'autres
^^^s, ailleurs les autorités civiles, tentèrent de maintenir les commu-
^ -Js; mais la plupart des Indiens s'enfuirent, préférant la liberté dans
^ VK)is. En 1801, on ne comptait plus que 14000 Indiens dans le lerri-
des Missions. Des bandits de l'Uruguay envahirent les villages,
fouillant les églises, emmenant les bestiaux"', puis les blancs s'intro-
duisirent comme traitants ou fermiers : en 1814, près de 1000 étrangers,
'^^^entins ou Orientaux, s'étaient mêlés à 8000 Indiens dans le ter-
^toire des Missions. Enfin, en 1848, un décret présidentiel déclara les
^«miers indigènes des réductions « citoyens de la Réi)ublique » et les soumit
• A. d'Orbigny, ouvrage cité.
* Cbarlevoix, ouvrage cité.
' Martin de Moussy, ouvrage cité.
xn. 67
S90 KOOTELLE GCOGRÂPHIE UNIVERSELLE.
an droit commun '. Actuellement il ne reste plus rien de l'organisition
établie par les Jésuites, et ceux des anciens villages qui subsistait ne
diffèrent point des autres a^lomérations paraguayennes par les insti-
tutions ni par les mœurs. Cependant l'éducation qu'ont reçue les Guarani,
celle que plus tard imposa un demi-siècle de dictature, ont cerlainemeDt
agi sur eux. Ils ont les qualités extérieures, la douceur, la politesse, le
maintien, mais le grand ressort de la volonté leur manque. Quoiqu'ils
ne possèdent, dit-on, aucun terme dans leur langue pour demander
avec politesse ou pour remercier, ils accueillent l'étranger avec une
déférence parfaite; en s'approchant d'une maison dont la porte est
fermée, le visiteur s'annonce du dehors par une salutation : Ave Maria,
pnis attend la réponse : Sin pecado concetndal avant d'entrer dans la
demeure, ob l'on ne manque jamais de l'inviter à prendre place. Hais
qu'un maître pénètre brutalement chez eux en donnant des ordres, ils
obéiront, sans même protester. Les cas d'improbité envers l'Ëtat étaient
naguère inconnus. Aucun peuple n'a pris part à une guerre sans merci
plus docilement que le peuple guarani, et maintenant il se laisse ravir
ses terres sans protester. La nourriture des Paraguayens, si différente de
celle des Ai^ntins, doit contribuer aussi à leur donner un caractère de
mansuétude : beaucoup parmi eux ne mangent point de viande; le manioc
et les oranges constituent leur principale alimentation. La femme, qui
travaille la terre, dirige aussi le ménage et la famille. C'est elle qui com-
mande, et lorsque les unions, pour la plupart dépourvues de sanction
légale, viennent :i se rompre, les enfants suivent toujours la mère.
Les Paraguayens des villes sont fortement hispaniûés, el d'aspect nv
(liflèrent point des Correnlins, descendant comme eux d'Espagnols et de
Guarani : ils parlent les deux langues et quelques journaux contiennent
des articles et des poésies dans l'idiome indigène. L'élément basque paraît
avoir été très fort au Paraguay depuis les premiers temps de la eolonisa-
tion ; Irala, qui fut le gouverneur de la contrée, avant et après Alvarez
Nunez, était un Euskarien. Palgrave* donne au sang basque une si grande
part dans la nation paraguayenne qu'il l'appelle même « vasco-guai-ani »,
et d'après lui les gens à cheveux blonds, que l'on rencontre fréquemment
ail Panigiiay, seraient les descendants de Basques à cheveux clairs comme
on en rencontre souvent dans les PyiV'nées Occidcnlales. Martin de Moussy
croit au contraire que les Hispano-Guarani grands el blonds qui consli-
' Alfred Dpmprsay. Histoire pliijuiiiiie. âronniniqur fl poUlK/iie rf« Pnragiiny.
' VUjue» or Scènes and SIndîes in Miiiiij himU.
533 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
l'entrepôt de leurs missions méridionales, et plus lard, sous la diclitair
de Frnncia, Itapuâ s'cntr'ouvrit au trafic du Paraguay avec l'étranger.
Les Guarani y amenaient leurs convois de mules, apportaient leurtabw
et leur maté, tandis que les Brésiliens du Rio Grande vendaient leurs
cafés, leurs sucres, ainsi que des marchandises européennes. Tous les
échanges se faisaient directement par troc, le Supremo ayant interdit l'ei-
portation des monnaies d'or el d'argent'. Actuellement le commercf
est en grandt- partie détourné d'Ilai)^! par les bateaux à vapeur qui
vonl el viennent sur le l'araguay et sur le Paranâ; mais des projets do
chemins de fer, traversant une partie du lerriloii-e des yerbales, abou-
tissent à ce porl : en face, sur la rive de Coi'rieutes, se montre la ville de
l'osjidas, qui doit olle-mi'me se rattacher au cours du bas Uruguay par
Monte Gasei'os.
Encarnacion se trouve déjà en dehors de la zoneoù craît la yerlia maté:
mais les anciennes missions situées un peu plus au nord, en des territoires
accidentés que parcourent de petilsaffluents du l'aranâ, possèdent encore
is ilf Ciistdiia
uïrago .
VILLES DU PARAGUAY. 533
de \astes yerbales. I^ population indienne qui constituait autrefois les
paroisses des missionnaires s'est maintenue dans la contrée, quoique en
nombre très diminué. Les villages subsistent : Trinidad, Jésus, San Pedro,
Santiago, Santa Rosa, Santa Maria, San Ignacio Guazû, se composant de
huttes basses dominées par des restes de constructions massives et de
lourdes églises. La plus riche de ces « missions », consacrée à la patronne
des Guarani, Santa Rosa, était visitée chaque année par des milliers de
pèlerins qui ne venaient jamais les mains vides : aussi l'église, qui existe
encore, était-elle fort riche en objets d'or et d'argent ; un fossé la défen-
dait autrefois contre les pillards'. Entre Santa Maria et Santa Rosa, la
plantation de Cerrito rappelle le séjour d'Aimé Bonpland, qui y fut
interné pendant neuf années par ordre du dictateur Francia. En aval
d'Encarnacion.on dépasse une ancienne mission, San Juan, et les villages
du Carmen et de San Cosmc, puis, après avoir franchi le dernier rapide
' A. Baguel, Rio Grande do Sut et le Paraguay.
h7,\ NOUVELLE GËOGRAPHIE UMVERSELI.E.
du l'anind, rA|)i|)o, il ne rosie qu'à se laisser porter entre les campa-
gnes basses des tieui rives Jiisi|n';in (roiiflnenl des fleuves, en Jiniont de
la cité de Corrienlos.
A snn entrée dans le lerriloire |>iiraguuyen, le cours d'cHU qui ii donné
son nom à la jx-tite r('[ml>li(]ue tia)|;ne d'abord une ruine, l'ancien fort de
Onnilucncia. De même la plupart des villages qui se succédaient en aval
sur les méandres du Paragimy, au pied deN coteaux Iwisés, n'ont laissé
que des amas de décombres; cependant le pays commence îl se repeupler
cl des caréleries s'établissent h l'issue des vallées. Après San Salvador
ou Divino Salvador, pi-emîer groupe d'habitations, vient Conoepcion, qui
l'ut iiulri-luis un des grands entrepôts de maté. San Pedro, à une certaine
distance du fleuve, sur le bord du Ji'juy, est une jolie villctte, dont la
rue principale est Iwrdée d'arcades h la mode espagnole'; les vallées dont
elle est le marché sont riches en fiiriHs et en [dtuniges, cl, d'après
le dire des indigèuKs, on Irouverail de l'or dans la l'égion des sourciss.
Plus au sud se montrent des ruines de In guerre; mais on approche
d'Asuncion et quelques essais de culture se font sur les deux rives. A
l'ouest, dans les campagnes basses que parcourent le rio Confuso aux
ondes salées et divers tiulres bayous voisins du Pilcomayo, se montre U
colonie de Villa Ilayes, ainsi nommée en l'honneur du président de la
lépubliinie nord-américaine qui, en 18711, trancha au profit du Paraguay
la (]iit's(i(iri dclialtue avi^c l'Argentine au sujet du Cliaco siqilentrional.
Celle cidiinic, dile aussi Villa Occidenlal, élail connue autrefois sous le
nom de Nueva Burdeos, ayant reçu pour habitants, sous le gouverne-
ment du premier Lopez, des immigrants de Bordeaux. Isolés dans cette
plaine marécageuse, ils furent décimés par les fièvres et souffrirent
plus encore de la nostalgie : il fallut rapatrier presque tous ces malheu-
reux. Depuis la paix, la colonie a reçu de nouveaux hôtes, pour la plupart
Italiens, qui s'occupent peu d'agriculture, mais possèdent de grands
troupeaux el coupent des bois de construction et d'ébénisterie pour les
marchés d'Asuncion et de Buenos Aires. La colonie Crevaux, fondée en
1885 sur le haut Pilcomayo, non loin de LIpantipncû, l'endroit où périt
le voyageur, n'eut jamais (ju'une existence fictive.
Asuncion, la cii|)ilale du Paiaguay, se présente supei'bemeul par une
tentasse qui domine d'envinm 15 mèlies la rive gauche du fleuve. Comme
)nesi[ue toutes les villes américaines d'origine espagnole, elle a élé
construite en damier, et ses rues poudreuses se prolongent au loin dans
' Alberl ll;ins, yotet maniucrUvn.
I
SAN' PEDRO, VILLA HAYES, ASUNCIOK. 535
S campagnes. Bien que se repeuplant assez vite, elle reste inférieure à ce
l'elle fut jadis : les herbes, les arbustes ont envahi ïes rues éloignées
I centre, et quelques places sont des fragments de sa^'anes où serpentent
étroits sentiers. Les palais qui devaient faire d'Âsuncion la cité la plus
mptueuse de l'Amérique méridionale tombaient naguère en ruine : res>
urés maintenant, ils contribuent à donner à la cité un aspect grandiose,
X moins si on la compare aux villes du Matto Grosso. L'arsenal, fondé
rant la guerre et jadis très animé, possède des chantiers de construction
û l'on a lancé plusieurs bateaux à vapeur. Le port, en communica-
I directe avec l'estuaire de la Plala et avec l'Océan, reçoit les grands
îiirs de Montevideo et de Buenos Aires, tandis qu'en amont ne passent
les navires d'un faible tirant d'eau. Comme la plupart des villes du
'■«au Monde, elle a dans presque toutes ses l'ues des lignes de rails où
■>t un mouvement de voyageurs très actif. Asuncion n'est guèif
■^ entrepôt de commerce et ne possède d'autre industrie que celle
* fabrication des bagues et autres petits objets en or. Les femmes
Oxisionnent très largement le marché de fruits et de légumes,
f^ chemin de fer, aclucllement (1893) l'unique du Paraguay, se dirige
■^^S-est à travers les orangeries et les bananeraies, parsemées de maisons
556 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
de plaisance. Au delà de la charmante ville de Luquc, qui fut la capilale
d'un jour, vers la fin de la guerre, quand Lopez eut donné Tordre
d'évacuer Asuncion, la voie longe la rive occidentale du gracieux he
d'Ipacaray, et passe au pied de la colline de Cerro Léon, où se troomt
le quartier général au début de la grande guerre. Aregua, Itagua, Piitji
sont les principales stations de la vallée lacustre. Plus loin la ville de P^ !
raguari, connue pour ses tabacs, qu'on exporte aux marchés eurbpéeis,
s'élève à câté de la voie, au-dessous d'un morne imposant percé degroUes:
saint Thomas y évangélisa les Guarani \ dit une légende d'origine probalâe-
ment jésuite, car Paraguari fut une des missions fondées par la Compagiiia
de Jésus, qui y possédait d'immenses troupeaux. Maintenant la contrée, ol
se pressent les petites villes et les villages, est surtout un pays d'agriod-
ture; ses habitants se livrent même à quelque industrie, fabrication dei
huiles, préparation des cigares, extraction de l'amidon. Les femmes de quel*
ques villages sont de fort habiles dentelières; les gens d'Ita tournent des
poteries qu'on expédie à Buenos Ayres, et ceux de Yaguaron extraient Tes»
sence des fleurs d'oranger. La plus importante colonie fondée par le
gouvernement, San Bernardino, a élé établie au nord du lac, sur
les pentes et dans les vallons de la cordillera de Altos. La plupart des
colons, d'origine allemande, s'adonnent à l'élève du bétail, fabriquent do
beurre et du fromage, ou vendent leur lait pour le marché d'Asundoià
la station du chemin de fer la plus rapprochée*. Cependant un grand
nombre des premiers colons de San Bernardino ont abandonné leurs lob
à cause du manque de communications faciles. Ils ont été remplacés et
le noyau de la colonie se tranforme graduellement en villette rurale.
Yilla Rica, autre fondation des Jésuites, le chef-lieu de la région inté-
rieure, est située sur les déclivités mourantes de la cordillère centitle,
dans ime région des plus fertiles qu'arrosent le « grand » et le « peA >
Tibicuary. Les champs de manioc et de tabac bordent les rivières» iAÎ^
trastant avec les forêts épaisses qui recouvrent les pentçs des oolfiMiir
De petites lanches à vapeur remontent le fleuve sinueux jusque OÊft
Yilla Rica, destinée à devenir un centre de convergence pour 1m ciRr
mins de fer du Paraguay. Sur la ligne d'Asuncion viendront prodiaiÉft-
ment s'embrancher deux voies pour rejoindre le Parané, Tune h VesA
par la vallée du Monday, l'autre au sud vers Itapua ou Encamaciôn.
Parmi les immigrants (fui se préparent à coloniser les terres du Paraguay,
* Alfred Demei^say, ouvrage cité; — E. van Bruyssel, République du Paraguay.
* E. de Bourgade La Dardye, le Paraguay,
ite des Australiens, auiquels le gouvernement a fait la concession
: superficie de 576 kilomètres carrés, sur les bords de la rivière
uary. La société cessionnaire sera tenue d'y établir en 1893 et
plusieurs centaines de familles australiennes, qui partageront
ellement le produit du travail de la communauté et s'administreront
ommant, à la majorité des voix adultes, femmes et hommes, les
teurs de la commune. Le souvenir des anciennes missions pa*ra-
ennes, où chaque famille était assurée d'avoir le nécessaire, aurait
pour quelque chose dans ce plan d'oi^anisation, dont les débuis ne
aissent pas avoir été heureux.
Lu sortir d'Asuncion les voyageurs qui descendent le Paraguay ont
ntât perdu de vue la cilé, cachée par la haute colline de Lambaré, se
ssant à une centaine de mètres au-dessus de la rive droite : la tra-
on veut que !e cône ait reçu ce nom en l'honneur d'un chef indien
s'y défendit avec courage contre les premiers envahisseurs espagnols,
1528 : Sébastien Cabot, quoique vainqueur des Indiens, n'aurait pas
pousser plus avant. Toutefois Schmidel, racontant la conquête du
aguay, — Parabol, comme il l'appelle, — parle déjà de la montagne
540 ^OUVELLE GËOGTIAPHIE UNIVERSELLK.
(le " Liinhni'i ». Om'l(|ui?s iuIUdos, qui ccmlii'niiont des couches de sel,
cnmini; Lamban-, se succèdenl le long de la rive gauche et forment ud
petit m;tssir au-dessus de la gmcieuse Villela, qu'entourent des palme-
raies el des orangeries : à l'arrivée des bateaux à vapeur, les femmes
velues de blanc aci-iiurent, poi'taut sur leurs têtes des corbeilles de fruits,
lie groupe de eol)in«s se termine au smi jiar un promontoire qui rélrécil
le "lleuve : c'est le fameux " "Étroit », VAngoslura, où le lit n'a pîis plus
de SO métros en laideur. Los Indiens essayèrcjit de le défendre coutiv les
envahisseurs espagnols, et trois siècles plus tard les Paraguayens tentèrent
d'y ari-éter la marche des alliés par de puissantes fortifications qn'avail
élevées l'ingénieur anglais Thompson; mais l'armée brésilienne, au risque
d'être surprise et noyée par une brusque inondation du Paraguay,
tourna lu position en passant à l'ouest, à travers les solitudes du Clinco,
et reparut au bord du fleuve en amont d'Angostura'.
En aval do ce défilé où les Paraguayens avaient vainement espéré de
conjurer leur destin, il n'y a point de bourgs imporlantsau bord du fleuve :
Oliva el Villa Franca sont les derniers villages qui se trouvent sur des
renilemenls de collines se iiitlachant aux terres accidentées de l'intérieur.
Au sud, le Tibicuary s'épanche entre des marécages, anciennes l)aies
de In mer qui recouvrait autrefois tout le sud de la contrée. Villa del
Pilar, qu'on ap|>elle d'or(lin»irc Nembucû, autre [letil groupe de pail-
lottes, occupe une situation escellenle en apparence, entre les deux
confluents du Tibicuary l'I du Rermejo, au point de croisement de deux
grandes voies naturelles; mais en pays désert ce sont là de chimériques
avantages. Ln coulée du rio Nembucû, se dévei-sant dans le Paraguay à
Villa del Pilar, est un des bayous qui suintent des marais de t'inté-
i-ieur : ce fut évidemment un des anciens lits du Paranâ, et quand on vou-
dm dessécher le pays, il sera nécessaire de creuser un canal suivant la
diivcliun du cours primitif. Sous la dictature de Francia, Pilar fut pen-
dant un temps ouvert au commerce étranger : les traitants y appor-
taient leurs marchandises, mais il leur était interdit d'aller plus avant.
Nombre d'émigi-anls de Corrientes se sont établis dans cette ville d'avenir,
qui se trouve jiresque en face de la ville argentine dite Puerto Bermejo ;
tou-s les progrès de l'une dos villes pnilitcront à l'aulic.
Out'lqui's pans de mur. des ruines de muniilles, des cabanes, sur les
beiges qui dominent le méaiuliv d'ilumaîla, à mi-distance de la bouche
du Iteruiejn à celle du Paranâ, rappellent la Troie paraguayenne qui résista
ANGOSTITRA, HUHAITA. 541
pendant deux années, de i866 à 1868, aux armées et à In marine des
puissances alliées. Tout l'espace qui sépare l'ancienne forteresse de t'em-
fcoucliure du Parani est teint de sang. Sur ce fleuve, le poste d'Itapirû
le f>ut être acheté par les Brésiliens qu'au prix d'une terrible bataille;
^^ siTnont, sur la rive gauche du Paraguay, Guruzu était armée de haltè-
res c]ui arrêtèrent longtemps la flotte brésilienne: plus haut s'élevaient les
forts de Curupaily, que les forces alliées essayèrent en v:nn de prendre
d'assaut, et que plus tard la flotte réussit à dépasser, à demi désemparée.
Dans l'intérieur, les cainps de Tuyuti et de Tuyucué, ainsi nommés du
radical tuyu qui signifie « bouc », les passages du gi-and marais ou
ettero Bellaco et, sur les bords du Paranà, les berges du paso de la Palria,
furent aussi le théâtre do combats acharnés; puis l'invasion du choléra
fit de la région un itnmensc cimetière. Quant à la forteresse d'Humaita,
elle ne fut point prise de vive force : les eaux du fleuve, gonflées par les
pluies estivales, s'étant élevées à une hauteur inaccoutumée, la puissante
^19 NOUVELLE GÉOGRAPHIE IMVERSELLE.
chaîne i|Lii fermait le passage se trouva submergée à plus de 5 mètres, et,
par une nuit brumeuse et sans étoiles, quatre des sept navires cuirassés
qui composaient la flotte brésilienne franchirent la passe. Les dùfenseui-s
d'Hnmaila, pris entre deux feux, d'un côté par les navires, de l'autre
par les troupes échelonnées sur une ligne de rirconvallation de
40 kilomètres, construite d'Itapirii sur le Paranâ à Tayi sur le Para-
guay, durent évacuer ta place pour aller au nord chercher un autre point
de résistance'.
Des postes militaires érigés sur pilotis ou sur des monticules artiticiels
gardaient autrefois le confluent, entre le Paranâ de nuance vert sale et le
Paraguay à l'eau d'un brun jaunâtre; mais aucune ville, aucun village ne
se sont élevés sur le terrain boucui. D'après Félix de Azara, le Paraguay
ne roulerait pendant la saison des basses eaux qu'un flot de 300 à 220 mè-
tres cubes.
' ViilcR princi|inlcs o
Asuncioii
Villa Rica
San Peilro
Paraguari
liistDri(|UCS du Paraguay
:i5 000 lialiilunL"
vcc leur population approxiinalivo
Coiiccpi:ion 'J (
Villola 2t
Villa dcl Pilar . .
3 000
âODO
t500
POPULATION DU PARAGUAy. 543
V
Le premier recensement du Paraguay date de la fin du siècle dernier :
d'après Âzara, la population totale de la province, y compris les Indiens
des Missions, aurait été de 97 480 mdividus. Depuis cette époque jusqu'au
commencement de la guerre, le pays se maintint dans une paix parfaite,
■nême lors du changement politique produit par le mouvement d'indé-
pendance, et l'accroissement des Paraguayens, dont les familles sont
très fécondes, fut certainement très considérable. Si l'on en croit un
document publié en 1867 par ordre du dictateur Solano Lopez, le nombre
des Paraguayens aurait été alors de 1337 439; malheureusement les
chiffres de détail relatifs à ce recensement n'ont jamais été rendus
publics : aussi plusieurs écrivains ont mis en doute la possibilité d'une
augmentation aussi considérable, sans appoint d'une immigration sem-
blable à celle des États-Unis. En effet, depuis la fin du dix-huitième siècle
la période de doublement pour la population aurait été moindre de douze
années, phénomène dont on a vu des exemples en quelques endroits privi-
légiés, mais qui parait extraordinaire pour un pays de grande étendue
comme le Paraguay. Toutefois, si le nombre de résidents avait été réelle-
ment moins élevé, on ne saurait comprendre qu'un si petit peuple ait
pu, pendant sa guerre de cinq années contre les trois puissances,
réaliser de pareils prodiges. Non seulement les forces organisées com-
prenaient dès le début de la guerre plus de 50000 hommes, mais le
pays, étant complètement bloqué et n'ayant aucune communication
possible avec l'extérieur, des milliers de Paraguayens eurent encore,
tout en formant une réserve de bataille, à construire les batteries flot-
tantes et les bateaux à vapeur, à réparer les vaisseaux endommagés, à
fondre les canons, à fabriquer les armes, les munitions de guerre et les
uniformes; enfin, quelque sobres que soient les descendants des Guarani,
il fallait vivre, et ceux qui n'étaient pas enrôlés ou employés 'directement
aux travaux militaires devaient cultiver le sol et transporter les produits.
Tandis que les Alliés disposaient par leurs emprunts des capitaux de
l'Europe et de toutes les ressources que donne le commerce, le Paraguay
avait à trouver en lui-même tous ses moyens de défense.
En 1887, dix-huit années après la guerre, on procéda à un nouveau
dénombrement, et cette fois on ne trouva que 239 774 habitants : d'après
ces chiffres, la guerre aurait coûté plus d'un million d'hommes, les quatre
5li NMI]VEr,I.K r.ÉOGllAl'niE CNIVERSELIE,
i-inquiémes àt; l« populîitioii! Mais Jl i'épofjue nii se fit ce ivcoiisemonl le
régime du pays avait chang»;, cl ii^s liiibitiiiils répondaient moins volon-
tiers aux fonctionnaires : les évaluations officiellos ^urlèrcnl le chiffre pro-
Iwble à îîjOOOO individus. D'apnV iraulres autorités', raccmisspraent
normal, de îî pour 100 par année depuis la guerre, permet d'estimer à
rit)0O00 les fai'Hgunyetis polirés qui en 1890 peuplaient le territoire de h
llépuliliiiue. Il faut y ajouter les Indiens, au nombre présumé de trente
mille, i|ui habitent les plaines du Chaco, entre le Pilcomayo et le Para-
[Tuay. l/immigitition eontrihne maintenant pour une certaine part il
peupler la conti-ée. Déjà le i-ecensemcnt incomplet de 1887 comptait
7896 étrangers, et, depuis, les arrivées ont été à peu près d'un millier
par an, même de 2595 en 1890. I^s Argentins sont de beaucoup les
phis nombreux parmi res nouvcaui venus, grâce à la facilité des voyages;
d'antre part, quelques Birsilicns sont descendus des hauts par l'Ignazû;
parmi les éti'angers on Irouve aussi des représentants de toutes les
nations du Nouveau Monde et de l'Eurofte, surtout des Italiens. On a
constaté dans les recensements partiels, aussi bien que dans les registres
d'état civil et les actes de bapt^>me, que les filles naissent en plus grand
nombre que les garçons. Ce phénomène, qui se retrouve dans la démo-
graphie du Ja|>on, est fort rare dans toutes les contrées où se font des sty-
listiques sérieuses. Cependant A/ara avait déjà signalé le fait à la Un du
siècle dernier et fiiait même la projiortion des sexes : 14 femmes pour
15 hommes. I.a plupart des voyafïcurs qui ont parcouru le Parafruay ont
fait des obsenations analogues.
Très en retard sur les autres peuples policés, les Parag\iayens se
trouvent dans une période économi{[ue comjiarable à celle des mamelucos
de l'Amazone et des Indiens de l'intérieur du Brésil. Leur travail le
plus lucratif n'est ni la culture du sol ni, moins encore, la mise en œuvre
industrielle des matières premières, mais la cueillette dans les forêts;
au Cbaco, à l'ouest du fleuve, la seule industrie est celle des ohratjes ou
l'abatage des bois; les forêts de caoutchoïKiuiers qui existent, dit-on,
sur les fiTiritières du Brésil, ne sont pas encore exploitées. Le Paraguay
est considéré d'ordinaire comme ayant le monopole de la yerha maté
{tlex paraguai-iensis) , quoique h^s États méridionaux du Bi'ésil possî^
dent également la plante et fassent une exportation considérable de
ses produits; mais il faut dire que la yerha du Matio Grosso brésilien
passe par le Paraguay el que dans le commerce on la livre comme
' E. de D.iurpiiio h llanijp. ouvnige ,-\ti:
PRODUCTIONS DU PARAGUAY. 545
venant de ce dernier pays, afin de lui donner plus de vajeui- marehande.
C'est dans le territoire des Hissions que les Jésuites apprirent des Indiens
l'usage de la boisson du maté, el grâce à leurs récits le goût s'en propagea
dans la partie méridionale du continent. Le cad des Guarani, la « plante »
par excellence, — mot que les Espagnols ont traduit par le terme
de yerba, — n'est point une herbe, mais un arbuste, un arbre même,
de la taille d'un oranger, quoique de ramure plus délicate; sur les bords
de l'Ygatimi, affluent du Paranâ, on trouve des caâ d'un mètre de circon-
férence sur une hauteur de 8 mètres'. D'après Bonpiaod il en existe trois
espèces au Paraguay, dilTérarit peu les unes des autres et ressemblant aux
congonhat des plateaux brésiliens. L'aire de la plante comprend tout
l'espace qui s'étend des Minas méridionales aux frontières du Rio
Grande do Sul el de la mer au (leuve Paraguay. On l'aurait aussi décou-
verte, par delà le Chaco, dans les parties septentrionales de l'Argentine,
mais ces contrées n'en font aucun trafic : la meilleure yerba est celle du
Paraguay, surtout celle que l'on cueille dans les forêts du Maracajû.
Sous la direction des Jésuites, les Guarani cultivaient le maté : chaque
mission avait son yerbal, produisant du caâ mini, récolte de meilleure
qualité que le caâ nana- Il y aurait eu recul dans les arts agricoles,
■ Albert Hiiu, NiAet manutcrile*.
546 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
car le Paraguay ne possède plus que des matés sauvages, épars ou
groupés dans les forêts, et, loin d'établir des plantations de yerba, on abat
même les arbres pour récolter plus aisément les feuilles*. Les exploita-
tions principales se trouvent loin des villes, et les yerbaterot ont de
longs voyages à faire à travers les solitudes avant d'avoir récollé leur
moisson de feuilles et de ramilles', qu'ils soumettent d'abord à un
feu doux pour les dessécher et les crisper, et qu'ils réduisent ensuite en
poudre avant de les livrer au commerce. La boisson que donne la décoc-
tion du maté parait être à la fois un stimulant et un aliment d'épar-
gne, relardant la dénutrition. La production du maté paraguayen se
partage à peu près par moitiés pour la consommation locale et pour
l'exportation'.
La deuxième récolte du Paraguay par ordre d'importance est celle des
oranges. Le voyageur de Bourgade attribue une origine américaine à l'es-
pèce d'oranger-date, apepûy qui produit un fruit d'un goût aigrelet tout
particulier. On la rencontre en pleine forêt, loin de toutes les habita-
tions humaines, raison sérieuse en faveur de la provenance locale du
végétal*; d'ailleurs le nom qu'il porte est de pur langage guarani, tandis
que les arbres, légumes et animaux importés d'Europe ont des appella-
tions légèrement modifiées de l'espagnol. Quoi qu'il en soit, les divei'ses
variétés introduites par les colons ont merveilleusement réussi : en
aucun pays l'orange n'a meilleur goût qu'au Paraguay. Chaque village
s'entoure d'orangeries, chaque maisonnette a la sienne. Il suffit qu*une
feuille soit entraînée par le vent sur un terrain légèrement humide pour
que des radicelles adventives se détachent du pédoncule et donnent nais-
sance à un arbrisseau; pendant les crues on a vu les rivières charrier les
fruits d'or par millions. Le commerce d'exportation des oranges, qui se fait
presque en entier par les ports de l'Asuncion et de Villeta, ne représente
qu'une très faible partie de la production, le manque de communications
faciles ne permettant pas de porter à quai les fruits des vergers éloignés*.
Presque toutes les oranges se perdent, et l'industrie commence à peine à
1 De Bourgade ; Albert Uans, ^iotes manuscriieg.
» J. P. and \V. P. Robertson, Lelters on Paraguay.
' Exportation du mate en 1887 6 415 tonnes.
Consommation locale » 5 030 n
Ensemble 11 443 tonnes.
Valeur de la production totale 11 000 000 francs
* E. de Bourgade la Dardye, ou>Tage cité.
* Exportation des oranges du Pai^aguay en 1886 : 50 000 000.
PRODUCTIONS DU PARAGUAY. 547
les utiliser sur place pour la fabrication des vins et eaux-de-vie. On prépare
aussi des essences avec la feuille et la fleur.
On a calculé que la superficie des terrains cultivés était seulement de
65000 hectares, soit environ la 400* partie de la surface du Paraguay : à
peine a-t-on égratigné le sol. Les femmes, auxquelles incombe presque
tout ce travail, s'occupent surtout de la culture du maïs; la consomma-
lion du manioc diminue à mesure que s'étendent les champs de céréales.
De rares champs de froment se montrent dans les plantations, et quoiqu'il
y ait de nombreuses rizières autour d'Asuncion, et à l'est vers Altos*, des
chargements de riz, de même que du blé, arrivent de l'étranger. Des
treilles ornent les varandes, mais on ne voit pas de vignobles proprement
dits au Paraguay. Chaque paysan a son champ de cannes, mais n'utilise le
jus que pour en extraire une cassonnade grossière ou en distiller un rhum
impur; le cafier donne de belles récoltes, de même que les arachides,
mais les spéculateurs portent leur préférence sur les tabacs, que l'on
s'accorde à regarder comme de qualité supérieure et d'un arôme ana-
logue à ceux de la Havane*. Nulle part peut-être la consommation des
cigares n'est plus forte par habitant : elle dépasse 11 kilos, tandis qu'en
France elle ne s'élève qu'à 758 grammes*. Peut-être cette énorme con-
sommation de tabac serait-elle pour quelque chose dans la patience à
toute épreuve des Guarani.
On estimait avant la guerre que les Paraguayens possédaient 2 mil-
lions de têtes de bétail. Après la dévastation générale du territoire il n'en
restait plus que 15000. Le nombre des animaux, importés du Corrientes
et du Matto Grosso, augmente rapidement, mais sans être comparable
à celui des temps prospères. Les bêtes pâturent à l'état libre, et, sauf
dans la colonie allemande de San Bernardine, on ne sait pas employer le
lait, soit pour l'alimentation directe, soit pour la préparation du beurre
et du fromage. En 1889, le Paraguay ne possédait pas encore d'usines à
viandes comme les républiques voisines. On élève quelques chevaux, très
peu de moutons, de chèvres et de porcs* : une herbe vénéneuse, le
* Albert Hans, Notes manuscrites,
« Production du tihac au Paraguay en 1886. 10 497 tonnes.
Exportation » » ». 4 784 »
> E. de Bourgade la Dardye, ouvrage cité.
* Cheptel du Paraguay en 1891 :
Bétes à cornes. ... 861 050
Équidés 104 220
Oyidés 76 000
548 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
mio-mioy rendrait impossible, dit-on, l'élevage en grand des troupeaux
d'ovidés*. Dans le Chaco paraguayen, chevaux, mulets et ânes meurenl
rapidement sous l'influence d'une maladie infectieuse dite mal decadeira\
Les anciennes pratiques de travail en commun ont été abandonnées,
mais la propriété n'a pas été attribuée à celui qui la cultive. Sous le gou-
vernement des Jésuites, le sol était censé appartenir à tous et les produits
se distribuaient partiellement aux associés; plus tard les dictateurs devin-
rent, au nom de l'État, les véritables propriétaires du territoire, mais
chaque paysan avait sa cabane et ses cultures. Âpres la guerre, presque
toute la superficie du Paraguay, ayant cessé d'être occupée, constituait
un domaine public. Maître de l'immense propriété nationale, le gouver-
nement la mit en vente à tant la « lieue carrée », suivant la valeur d^
terres et la proximité des marchés. Les spéculateurs argentins, anglais,
américains du nord, se ruèrent sur la proie, sans même respecter les
petites enclaves où les familles guarani cultivaient le sol de génération en
génération, n'ayant jamais eu besoin de faire constater leurs titres de
propriété ; des syndicats de marchands achetèrent les terrains par dizaines,
par centaines de mille hectares, afin de les revendre au décuple et au
vingtuple de leur valeur : un seul concessionnaire accapara plusieurs
milliers de kilomètres carrés. En peu d'années, les vastes solitudes furent
adjugées à des propriétaires absents, et désormais nul paysan paraguayen
ne pourra bêcher le sol de la patrie sans payer de rente aux banquiers
de New York, de Londres ou d'Amsterdam. Peut-être les fils des Guarani,
après avoir été soumis au régime des Jésuites et à celui des dictateurs,
qui se termina du moins par des années d'héroïsme, auront-ils à subir
un troisième esclavage, plus dur encore, car il en fera des prolétaires
dégradés.
Sauf dans les chantiers d'Asuncion, il n'y a point d'industrie propre-
ment dite au Paraguay ; quelques distilleries, des tuileries, des savon-
neries et des minoteries, voilà ou à peu près tout ce que possède la
nation autour de la capitale et de ses bourgs. Mais le Guarani est d'une
singulière adresse, et les Jésuites avaient su lui enseigner divers métiers;
les femmes tissent des étofies de toutes espèces, entre autres des nanduti
ou (( toiles d'araignée », qui sont d'une extrême finesse. Lorsque l'ère
industrielle aura commencé, le Paraguay ne manquera pas d'ouvriers
habiles a tous les travaux. Les usines se distribueront au pied des cas-
* \V. Giflbrd Palgrave, ouvrage cité.
• Albert Ilans, Notes manuscrites.
COMMERCE DU PARAGUAY. 551
id^s, le long des chemins qui, tôl ou tard, parcourront le territoire. Les
3SS0urces minières de la contrée, à l'exception du fer, sont peu de chose;
lacune rivière n'est devenue fameuse par ses lavages d'or.
Avant que les États plateens eussent commencé leur réseau, le Para-
uay possédait déjà une voie ferrée, d'Asuncion à Paraguari. Bien plus,
B pays était traversé par des routes praticables aux chars, qui réunissaient
es deux fleuves. Un chemin ouvert à travers les forêts longeait la rive
;aiiche du Paraguay jusqu'en face du territoire argentin ; une autre voie
naitresse atteignait le Paranâ au port d'Encarnacion, et de Yilla Rica
artaient d'autres chemins. Après la guerre, toutes ces roules, coupées
e fondrières, disparurent sous la végétation ; mais on les a frayées à nou-
eau et des pistes font communiquer les yerbales des forêts aux ports
uviaux. En outre, plusieurs rivières, sans compter les deux fleuves,
orient des bateaux pendant la récolte du maté et même des vapeurs
avîguent sur le bas Jejuy et sur la rivière Tibicuary. Les grands
aquebots de Buenos Aires remontent le Paranà jusqu'à Encarnacion,
^ plus haut des embarcations moindres ont à lutter contre les i*apides et
® i*emous jusqu'à Tacuru-Pucù et Goycacheas. Bien plus active est la
^Wgation sur le fleuve Paraguay, surtout aux approches d'Asuncion, qui
^ttoentre devant ses quais presque tout le commerce de la République*.
^*-^ellement (1893), le Paraguay n'a pour son mouvement d'échanges
^^Ki le monde extérieur qu'une seule porte de sortie, désignée d'ordinaire
'^^ l'expression abajOj c'est-à-dire « en bas » ou « en aval ». Le chemin
'^ fer de Yilla Rica à Encarnacion lui donnera une seconde issue, et
^t ou tard, lorsqu'une grande ligne se dirigera vei's l'est pour gagner
'^u des ports les plus rapprochés sur la côte océanique, Paranaguâ par
exemple, une troisième issue, et la plus directe, facilitera le traflc avec
la petite République naguère enfermée entre ses deux fleuves. Cette
^oie, brésilienne sur les deux tiers du parcours, évitera aux passagers
et aux marchandises un détour de 2500 kilomètres par l'estuaire de
la Plata'.
Dans l'intérieur et le long du fleuve les chemins de fer sont pré-
cédés par les lignes télégraphiques. Dépêches et envois postaux' se sont
* MouTement commercial du Paraguay en i891 : 26825000 francs.
MouTement de la navigation dans les ports du Paraguay :
2354 navires et embarcations, jaugeant 500 995 tonnes.
* Chemin de fer du Paraguay, d'Asuncion à Villa Rica : 150 kilomètres.
3 Nombre des lettres expédiées par la poste au Paraguay, en 1891. . i 124000
» dépêches » » » . . 32 475
552 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
notablement accrus depuis que le Paraguay fait partie de TUnion postale
et qu'arrivent les immigrants. Les écoles se sont rouvertes depuis la tem-
pête qui ferma les églises^ supprima les cérémonies du mariage et les
unions légales, balaya toutes les institutions publiques \ Avant la période
de rindépendance, renseignement était dirigé entièrement par les prêtres,
et la plupart des enfants savaient sinon lire du moins réciter leurs prières;
ils aimaient aussi beaucoup à chanter, car les Guarani ont le génie delà
musique*. La plupart des ecclésiastiques ayant été destitués ou chassés par
le dictateur Francia, le régime des écoles fut modifié et se transforma
en éducation presque militaire : dans tous les villages les enfants étaieil
convoqués au roulement du tambour, et, sous peine de réprimande ou
de châtiment, Talcalde était tenu de faire suivre les cours par tous les
garçons. Avant le commencement de la guerre, presque tous les Para-
guayens avaient appris, par ordre, c>lire et à écrire'. Seulement ils ne
lisaient ni n'écrivaient guère. Les imprimeries étaient rares. Les Jésuites
en avaient possédé, mais, après eux, la première presse ne fut im-
portée qu'en 1844. Le chef du pouvoir envoyait verbalement ses ordres,
toujours obéis. Plus tard, quand parut le journal officiel, le représentant
(le l'autorité réunissait les habitants de chaque village et leur lisait solen-
nellement les décrets du gouvernement écoutés dans un religieux -silence.
VI
La Constitution actuelle date du lendemain de la guerre et fut copiée
sur celle des républiques voisines. Dans ce petit Ëtat, comme dans tes
autres communautés américaines, la fiction politique suppose trois pou-
voirs en équilibre parfait : législatif, exécutif et judiciaire. Le groupement
communal constitue des partidoSy noyaux administratifs et judiciaires,
premières circonscriptions politiques rattachées directement au pouvoir
central par l'intermédiaire de magistrats élus. Les étrangers aussi bien
que les nationaux ont droit de vote dans les élections municipales; ils
sont même éligibles et la loi les oblige à se soumettre au vœu popu-
laire. Un je fe politico y sorte de préfet, représente le pouvoir exécutif dans
chaque commune et le ministre de la justice y délègue un juge de
» Nombre des écoles en 1891 292
)) des élèves » i8 950
- E. de Bourgade la Dardye, ouvrage cité.
3 Rengger et Longchamp, Robcrtson, ouvrages cités.
GOUVERiNEMENT DU PARAGUAY. hbZ
paix. Deux chambres, nommées directement par le suffrage universel , dis-
cutent au même titre toutes les lois, à l'exception du budget, que la cham-
bre des députés vote seule et d'une manière définitive. Une cour suprême
de trois membres, assistés de plusieurs juges, constitué le pouvoir judi-
ciaire; un président, nommé pour quatre années comme les députés,
exerce le pouvoir exécutif et choisit cinq ministres, responsables devant
tes chambres. Le catholicisme reste religion d'État, comme au temps
des Jésuites et des Lopez, mais la liberté des cultes est reconnue. Quant
à la navigation des fleuves, l'une des causes de la guerre, la nation vaincue
ne pourrait la refuser à ses puissants voisins : le Paraguay, le Paranà
sont ouverts aux navires du Brésil et de la république Argentine; les
étrangers entrent sans passeport par tous les points de la frontière.
Les ressources étaient nulles à la fin de la guerre, et nul le crédit.
D fallait emprunter pour reconstituer l'administration avec toute sa hié-
rarchie de fonctionnaires, et l'Angleterre seule consentit à avancer de
l'argent à de gros intérêts. Les capitalistes de Londres voulurent bien
prêter en deux fois une somme de 1 438 500 livres sterling: mais, par un
de ces mystères financiers dont l'histoire de l'Amérique offre tant d'exem-
ples, les caisses de l'État ne reçurent pas même la septième partie de la
somme empruntée, au plus 200000 livres. On négocia pour diminuer le
capital de cette énorme dette, et les banquiers se laissèrent persuader,
en échange d'un cadeau de « cinq cents lieues carrées », soit plus de
300 000 hectares. Ensuite le gouvernement vendit, toujours h des spécu-
lateurs anglais, le chemin de fer d'Asuncion à Yilla Rica, et grâce à l'ac-
croissement de la colonisation et à l'augmentation correspondante de la
valeur du sol, il fut possible de livrer au marché des terrains culti-
vables en très grandes étendues. Les progrès annuels du commerce ont
alimenté les douanes, qui fournissent les cinq sixièmes des ressources
budgétaires, mais en quantités très insuffisantes : il a fallu avoir recours
au papier-monnaie et déprécier ainsi de plus en plus la valeur de l'argent :
l'escompte de l'or s'est élevé jusqu'à 600 pour 100. Quant h la partie de
la dette contractée envers le Brésil et l'Argentine sous le pied du vain-
queur, il est convenu que le Paraguay attendra pour l'acquitter l'époque
cil il pourra le faire sans danger de ruine immédiate*. Mais cette Ion-
* Budget du Pai*aguay en 1 89 1 :
Recettes 665 000 francs.
Dépenses 3 !28T 000 «
Déficit 2 6'22 000 »
Dette 50 000 000 »
m. 70
&54 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
ganimité des deux grandes puissances voisines se paye forcément par la
sujétion politique. I/armée, purement nominale, se compose de 600 à
650 hommes.
Jje Paraguay se divise en 23 districts électoraux, dont trois pour la capi-
tale : ceux-ci nomment 4 députés et 2 sénateurs; les districts de la cam-
pagne envoient 32 députés et 16 sénateui*s au Congrès. Le Chaco constitue
une division spéciale.
CHAPITRE IV
URUGUAY
I
L'Uruguay, la plus petite république sud-américaine, est souvent dési-
gné sous le nom de « Banda Oriental », qui témoigne déjà de l'état de
dépendance historique où il se trouve relativement à l'Argentine : cette
expression de Bande Orientale n'est vraie que pour les habitants de « la
Bande Occidentale », c'est-à-dire pour les gens de Buenos Aires et de la
mésopotamie Argentine. Sous le régime colonial, le territoire qui devint
l'État de l'Uruguay faisait en effet partie des possessions espagnoles, et
même après que l'indépendance eut été proclamée, jusqu'en 1815, il fut
Tune des provinces de la confédération platéenne. Mais si les riverains de
la rive droite de la Plata regardaient la « Bande » de la rive gauche
comme appartenant à la même région naturelle et devant constituer un
même État, d'autre part les Portugais, et leurs héritiers les Brésiliens,
voyaient aussi dans cette région péninsulaire que limitent l'Océan, l'es-
tuaire de la Plata et le fleuve Uruguay, l'appendice nécessaire de leur
domaine immense. Aussi le poste de Colonia, situé en face de Buenos
Aires, fut-il énergiquement disputé à la fin du dix-septième et au dix-
huitième siècle entre les deux voisins, et c'est afin de pouvoir prendre
les Portugais à revers que les Espagnols fondèrent en 1724 la ville de
Montevideo, devenue depuis la capitale de l'Uruguay.
Mais en 1821 les Brésiliens, profitant des troubles de la république
platéenne, réussirent à s'annexer l'Uruguay, dont ils firent la province
Cisplatine, et pendant six années ils restèrent maîtres de la contrée, pos-
sesseurs de tout le littoral entre l'Amazone et la Plata, les deux grands
fleuves du continent. Pendant une nouvelle période de trois années, l'Uru-
556 NOUVELLE GÉOGRAPHIE INIVERSELLE.
guay flt encore partie de la confédération Argentine, et quand il se fui
affranchi de nouveau, il devint le théâtre de la « grande guerre », qui dura
seize années, de 1856 à 1852, et après laquelle le pays dévasté n'était plus
qu'une vaste solitude. Durant la lutte des alliés contrôle Pamguay, le petit
État de l'estuaire ne garda son autonomie que par une fiction iiolitique,
puisqu'il dut recevoir le président que lui amenaient les Brésiliens vain-
queurs. S'il reste constitué en république indépendante, il le doit à la
rivalité des grands États voisins ; chaque événement qui s'accomplit de
l'autre côté des frontières se répercute aussitôt dans le pays intermé-
diaire. L'Uruguay a dû malgré lui prendre part, activement ou passi-
vement, à toutes les guerres civiles qui secouent la république Argentine
et le Rio Grande do Sul. Cependant, malgré cet équilibre instable, le
pays a beaucoup progressé depuis la grande guerre. La population a plus
que décuplé pendant ce siècle, tandis que la valeur totale des produits
s'accroissait dans une proportion plus forte encore, car peu de contrées
sont plus favorisées par la nature : elle a tous les avantages du sol, du
climat, de la position commerciale.
Regardant de trois côtés sur les eaux, mer, estuaire et fleuve, l'Uruguay
est bien délimité par les traités sur sa frontière septentrionale, à l'est par
la petite rivière Chuy, la Lagôa Mirim et le Jaguarao, à l'ouest parla
rivière Quaraim. Enfermé dans ces limites, le pays serait facile à explorer
dans son entier, et on le connaît en effet d'une manière générale, puisque
des plantations et des villages se sont établis dans toutes les parties du
territoire: mais le relief du sol et les positions respectives des lieux n'ont
pas encore été étudiés avec une précision suffisante. Les champs ont été
mesurés de l'une à l'autre extrémité de la République, toutefois la
contrée n'a pas encore une carte digne de ce nom *.
Les hauteurs de la Rande Orientale, qui ne s'élèvent nulle part à plus
de 600 mètres d'altitude, appartiennent au même système montagneux
que celles du Rio Grande do Sul. On en désigne aussi les crêtes sous le
nom de cuchillaSy quoiqu'elles n'offrent pas d'arêtes aiguës, mais de
longues croupes aux pentes adoucies. Les ondulations du sol occupent la
plus grande partie du territoire et se décomposent en centaines de
massifs distincts entre les rivières et les ruisseaux. Des campoi, des
• Superficie et populution de ITrugiiay en 1895 :
186 9^0 kil. C4irrés; 750 000 habitants; 4 hab. par kil. carré.
URUGUAY. 557
ilaines irrégulières s'étendent au pied de ces collines, qui paraissent
tautes par le contraste et dont les pentes supérieures s'élèvent, grises et
lues, au-dessus de la zone verdoyante. Quelques rangées se développent en
3ngues chaînes entre les bassins fluviaux : telles la cuchilla de Haedo, qui
e prolonge au sud-ouest vers Paysandû,etla Cuchilla Grande, qui, s'abais-
ant par degrés dans la direction du nord au sud, projette dans la mer
[uelques promontoires rocheux; entre Montevideo et Maldonado le dernier
;hainon s'appelle sierra de las Animas, « montagne des Ames ». Dans la
lariie septentrionale de l'Ëtat, les roches consistent principalement en
pranits et gneiss, et des couches de matières éruptives se sont épandues
lu-dessus des autres formations. En ces régions du nord se trouvent les
^semants aurifères, le plomb, le cuivre et ces agates, ces améthystes
|ui alimentent les tailleries de pierres précieuses : toutes les pierrailles
m graviers qu'on appelle piedra china ou « pierre chinoise » sur les rives
\e l'Uruguay, sont d'anciens corps organisés transformés en silice, renfer-
nant souvent des gouttes d'eau, et quelques-uns conservent leur couleur
primitive*; on y trouve aussi des cocos de mina^ géodes remplies de cris-
aux qui font parfois explosion : les indigènes disent alors de ces « fruits
e terre » qu'ils sont arrivés à maturité*. Le sol des plaines est recouvert
e couches argileuses qui se changent en boue sous l'action des pluies,
l dans lesquelles on a trouvé en abondance des ossements de méga-
bériums et autres animaux préhistoriques.
Le courant qui a donné son nom à la République, l'Uruguay, est un
missant fleuve déjà devant la ville de Salto, où il vient de plonger en
me cascade qui arrête, sauf en temps de fortes crues, la navigation des
râteaux à vapeur. Cependant il n'a pas encore complètement égalisé son
it et quelques écueils, les Corralitos ou « petits Coraux », rendent
a navigation difficile aux gros navires ; pendant les basses eaux le flot
l'a qu'une épaisseur de 5 mètres au-dessus de l'Hervidero ou « Bouil-
ani » ; d'après les projets de correction fluviale, on approfondirait à
) mètres et demi le chenal de navigation, entre le Salto Grande et l'île de
lartin Garcia, et l'on ferait des emprises le long des rives basses où l'on
lébarque maintenant les marchandises au moyen de charrettes aux roues
jnormes. En aval, le fleuve garde l'aspect pittoresque de ses rives hautes,
le ses collines couvertes de bosquets, de ses brusques détours, aux chan-
geants paysages; mais la profondeur de son chenal en fait déjà un détroit.
• 0. Durant Savoyat, Un peu de Géologie et de Paléontologie.
* Dobrizhoficr, ouvrage cité.
558 NOUVELLE r.P.OCRAPHIE rSIVKBBKI.LK.
Aii-dpssous de, la ville de Paysandû, nù sa largeur n'atlfint pas 600 mèires.
il prend le camctère d'un esliiaire par l'écarlement de ses rives, qui
se dt^veloppent paitill élément, a plusieurs kilomètres de distanec. Les
deux rivages contrastent nettement dans cette pai'tie du cours : c*lui de
l'ouest, terre argentine, est bas, en certains endroits marécageux, et se
poursuit sans la moindre saillie jusqu'à l'extrême horizon ; te rivage de
l'est au contraire s'étage en terrasses et en collines de formes variées.
Évidemment l'Uruguay allait autrefois rejoindre le Paranâ à travers la
plaine unie, puis il a graduellement gagné dans la direction de l'est,
rongeant sans cesse la base des promontoires pour en rejeter les débris
le long de sa rive droite : exemple de ce phénomène d'érosion noiinale
i[ui, conformément à la " loi de Baer », fait empiéter les fleuves de
l'hémii^phère méridional à gauche de leur omrant, tandis que dans
l'hémisphère du nord ils gagnent sur la droite.
Un autre contraste des deux versants est celui que présentent les rivières
affluentes, dont le flot roule beaucoup plu« abondant du calé de la Bande
Orientale. Le rio Negro, le plus fort de ces tributaires, comprend dans
son bassin une moitié du territoire de la République ; i) a reçu son
appellation, non à cause de la couleur •< noire i> de son eau, comme ses
homonymes du bassin de l'Amazone, mais parce qu'il reflète nettement
les ombres ; clair et limpide, il diffère des rivières diversement limo-
ncnses appelées rio Verde, ri(t Colorado, rio Vermejo'. Le rio Negro de
l'Uruguay, gonflé du Tacuarembo et de la rivière Yi, coule dans la direc-
tion normale du nord-est au sud-ouest; mais, arrivé près du fleuve dans
lequel il va se perdre, il se iTJetle au sud et limite avec l'Uruguay une
longue péninsule, dite Rincon de las Gallinas, ou « Recoin des Poules ».
C'est un enclos naturel que dès les premiers temps de la colonisation
les éleveurs apprécièrent pour y parquer leurs bestiaux. En aval du
confluent, l'Uruguay a presque cessé d'être fleuve ; il s'étale en un lac
où le courant se fait sentir à peine et que remontent facilement les voiliei-s,
grftce à la brise marine; au passage le plus étroit, devant Higneritas,
son lit a 2 kilomètres de largeur. La haute rive orientale donne une appa-
rence pittoresque à cet estuaire, dans lequel refluent les eaux du Paranâ
pendant les grandes crues; les petites rivièi"es latérales s'y ouvrent en
larges baies oii peuvent pénélrci' les navires. Dans le bas cours du
fleuve, en amont de t'ilot Martin Garcia, le Paranâ mêle déjà, même durant
la saison des séclieresses, son cours à celui de l'Uruguay. Le Paranâ con-
* Miirllii (li; Huussv, Description de la Confédiralion Argentine.
nnUGUAY, RIO NEGRO. 559
lue le véritable afQuenl par ses ramures latérales, quoique, pris dans
1 ensemble, il roule une ma&se liquide trois fois plus considérable,
l ou tard, dans Thistoire hydrologique de la Terre, lorsque les
UTÎons apportées des montagnes et de la plaine auront comblé l'estuaire
la Plata, l'Uruguay ne sera plus qu'une rivière affluente du Paranâ;
lintenanl il conser\'e une demi-indépendance; dans les temps géolo-
}ues antérieurs il fut un fleuve cumplèlcment distinct. £n dehors de
Iruguay, la Bande Orientale n'a que des ruisseaux côliers et quelques
'ières qui, par la lagôa Mirim et le Sâo Gonçalo, appartiennent au ver-
ni brésilien du Rio Grande. Toutes ces rivières, le Gebollali, le Tacuarî,
le Yaguaron (Jaguarâo) qui forme la frontière, sont bordées de maré-
ges dans leur cours inférieur et, suivant les saisons des sécheresses
560 NOUVELLK CÉOGRAPaiK IlSIVERSELLS.
(lu des pluies, sl> prolongent iliuis le lac nmoindri ou s'étalent largenienl
dans les terres inondées.
Presque entourée d'eau, la Uandt- Orieiilale jonil d'un climat maritime
en romparaison de la région des pampas; cependant les extrêmes yolTrenl
encore un écart eoiisidérable, plus de 40 degrés à Montevideo. Cette
ville, se trouvant à une latitude (|ui correspond à peu près à celle d'Alger,
dans l'Ancien Monde, présente déjà l'alternance normale, printemps,
été, automne et hiver; toutefois celui-ci est tellement doux, que les halti-
lants font seulement la différence enti-e la moitié chaude de l'année, qui
commence en octohre, et la moitié fraîche, de mai à septembre. II arrive
parfois, mais d'une manière tout à fait exceptionnelle, que le thcrniu-
mèlre descend au-dessous du point de glace, par l'effet du rayonuement
qui se produit sous un ciel clair. Le mois le plus froid, celui de juillet,
correspond pour la température au mois d'avril sous le climat de Paris'.
Dans l'intérieur des terres les chaleurs de l'été paraissent quelquefois
presque intolérables, mais parce que des incendies dévorent la brousse,
répandant au loin leur voile de fumée. Le plus grand inconvénient de
la température uruguayenne provient de la différence qui se manifesli.'
entre la fi'aîeheurdu matin et la chaleur de la journée. Cette différence
ne dépasse pas 6 degrés en moyenne, mais on l'a vue s'élever à 15 et
h 18 degrés : pareil écart dans l'espace de 8 heures peut être fort
dangereux pour les nouveaux venus. C'est surtout au printemps, — sep-
tembre et octobre, — que les écarls du matin et du midi sont le plus
forlset que soufflent les vents les plus âpres.
Dans la vallée de l'Uruguay, la marche des courants atmosphériques,
déterminée par la forme du litdans lequel ils se meuvent, se fait généra-
lemenl du nord au sud ou dans la direction inverse. Mais sur la partie du
littoral tournée franchement vers la mer le vent du sud-esl, qui dans ces
parages est l'alizé normal, souffle presque constamment pendant la saison
chaude; il domine aussi durant la saison fraîche, mais alors fréquem-
ment interrompu, soit [wir les vents du noi-d, soit par le pampero, qui
provient dn sud-ouest. Ce vent, le plus dangereux, mais celui qui renou-
velle le mieux l'atmosphère, le " vivificaleur par excellence », nelloîe
le ciel de toutes les vapeurs qu'avaient amassées les vents de terre,
emporte les poussières et les brouillai'ds, sèche le sol humide, et, par les
petites gelées ipii le suivent de tem[)s à autre, tue les insectes nuisibles à
la végétation. Parfois aussi le venl alizé souffle en tempête comme le
' Martin Je Moussy, oun'3f;(; citù; — Fti'is, Archivct de mâdtdiie navale
9
CLIMAT, FLORE, FAUNE DE L'URUGUAY. 561
lampero : on lui donne alors le nom de 9Vre$t(ida. De grandes pluies
'accompagnent toujours, très souvent des tonnerres et des éclairs con-
inus.
Sur le littoral uruguayen, l'air est généralement humide, de 0,87 en
noyenne. Aussi les rosées sont-elles fort abondantes, et dès le coucher
lu soleil la vapeur d'eau qui se trouve en excès se résout en une petite
îluie excessivement fine, sorte de brouillard invisible dont la présence
\e révèle bientôt par une couche d'humidité sur les vêtements comme
mr le sol. Souvent aussi les pluies tombent en averses. Quoique les
ours pluvieux soient très inférieurs en nombre à ceux de l'Europe occi-
ientale, la chute annuelle d'eau dépasse 1 mètre dans l'Uruguay ; mais
i'une année à l'autre on observe de grandes différences, presque du
simple au double. Il n'existe pas de saisons pluvieuses bien marquées :
on s'attend aux pluies dans les périodes de transition entre les chaleurs et
les froidures. Sur le littoral, la plupart des pluies arrivent en orages, pres-
|ue toujours très violents, et quelquefois mêlés de grêle*.
L'Uruguay n'a plus la richesse de flore qui persiste dans les parties
néridionales du Brésil , du moins jusqu'à la dépression que parcourt le
facuhy. Les palmiers sauvages, notamment le yataï {coco% yatai), se voient
mcore sur les rives et dans les îles de l'Uruguay, à côté des taquaras
>u bambous brésiliens, mais ils ne se montrent plus au sud du Rincon
ie las Gallinas; la grande forêt se fait rare dans l'intérieur, et ne pré-
sente plus cette merveilleuse variété d'essences que l'on remarque dans
les telvas et les mattas du Brésil; les lianes ne s'enguirlandent plus aux
arbres, l'araucaria des campos a même disparu. Vers le sud s'étendent
des plaines rases, sans végétation arborescente, ou dominées, sur quelque
renflement du sol, par un ombû solitaire, l'arbre de la pampa platéenne.
La faune de l'Uruguay cesse également d'être brésilienne, pour se
rapprocher de la faune argentine. Le singe hurleur, que l'on rencontre
encore dans les forêts du haut fleuve, ne se voit plus dans les districts
riverains du bas fleuve ; le caïman ne se montre pas davantage dans les
estuaires: des serpents à sonnettes vivent jusque dans les vallons rocheux
de Minas et de Maldonado. L'autruche sauvage est très rare, mais depuis
1874 on l'a domestiquée en de nombreuses fermes. Les eaux platéennes
qui baignent les côtes de la Bande Orientale sont très poissonneuses, et
4
1
* Conditions météorologiques de Montevideo, d*après Martin de Moussy :
Années . - Température _ ^^ j^^^ Hauteur
d'obserr. Latitude. maximale. moyenne. minimale. de pluie. de pluie.
10 54054' 41® 1608' 00 36 Ira. 106
XIX. 71
562 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
pendant le blocus de neuf années que subit Montevideo, de 1843 à l&Si,
les habitants eurent pour nourriture principale le produit de leur pêche,
limitée pourtant à l'étroit espace enfermé par l'escadre ennemie*. Dans les
environs de Maldonado, un crabe terrestre, analogue au cancer ruricok
de la Jamaïque, se creuse des trous dans le sable sec, loin de la mer
et des lagunes.
Lors de l'arrivée des Espagnols dans le bassin de la Plata, la région
péninsulaire baignée au sud par le golfe était peuplée de diverses tribus
indiennes, que les nouveaux venus voulurent aussitôt dompter pour en faire
des esclaves. Ils réussirent auprès de certaines peuplades, peut-être d'ori-
gine guarani, qui vivaient sur la rive gauche de l'Uruguay et dans ses
îles. Les Yaro, les Bohan, les Ghana, se soumirent aux envahisseurs et
disparurent bientôt, soit par les croisements, soit par des luttes qu'ils
eurent à subir contre les Indiens restés libres. Ceux-ci, les Charma, étaient
parmi les plus beaux des indigènes : plus grands de taille que les Euro-
péens, sobres, agiles et forts, remarquables par la finesse de Touîe et
de la vue, toujours graves et d'un sang-froid parfait, ne « se plaignant
jamais, même quand on les tuait* », ils étaient aussi d'une superbe vail-
lance, et les Espagnols ne purent conquérir leur domaine que pas il
pas; en lutte avec un pareil ennemi, les étrangers ne se hasardèrent à
coloniser le territoire qu'en s'établissant en des campements fortifiés. Les
Charma combattirent d'abord avec la flèche et la massue, puis, lorsque
les chevaux se furent propagés dans le pays, ils apprirent vite l'usage de
la lance et du lazo, comme les tribus de la pampa. Au milieu du dii-
huitième siècle, ils étaient refoulés au nord du rio Negro, mais ils rece-
vaient un renfort, celui des Indiens Minuan, qui, n'ayant pu se main-
tenir sur les deux rives du Parana, venaient de franchir l'Umguay. « Les
Charma sont quatre cents guerriers, disait Azai^, et ils ont coûté plus de
sang à l'Espagnol que les nombreuses armées de l'Inca et de Montezuma. >'
Ils furent définitivement vaincus et faits prisonniers en 1831 : on eut Tin-
dignité d'en vendre quelques-uns à un entrepreneur de cirque ambulant,
et le dernier de ces malheureux mourut dans un hôpital de Paris'. Nul
doute que le sang des Charma, comme celui des autres Indiens de la
contrée, ne soit entré dans les veines des « Orientaux » de la Plala : le
* Marlin de Moussy, ouvrage cité.
* Félix de Azara, Voyages dans V Amérique méridionale,
' Emile Daircauxy Revue des Deux Mondes, 1" nov. 1870.
HABITANTS DE L'URUGUAY, SALTO, PAYSANDÛ. I 565
mélange des races s'est fait dans l'Uruguay, d'abord entre les soldats espa-
gnols et les femmes indigènes, puis entre \euvs descendants métissés et
les immigrants de toutes nations qui, pendant les années de commerce
actif, arrivent par milliers dans le port de Montevideo. Parmi les Hispano-
Américains, le type « oriental » est un des plus beaux.
II
Au sortir du Brésil, l'Uiiiguay baigne le village de Santa Rosa, devant
lequel un viaduc de chemin de fer doit prochainement traverser le fleuve
pour rejoindre la ville opposée de Monte Caseros. La rive orientale est
faiblement peuplée jusqu'à la ville de Salto ou du (c Saut », ainsi nommée
de la chute de l'Uruguay. Cette ville, la troisième de la République en popu-
lation, occupe un lieu indiqué d'avance comme entrepôt et centre de com-
merce, puisque les bateaux à vapeur du bas fleuve doivent forcément s'y
arrêter, sauf pendant la période des hautes eaux, et y déposer passagers
5t marchandises'. Bâtie sur plusieurs collines et s'étageant en amphi-
théâtre sur une longue berge fluviale, Salto présente un aspect grandiose,
ît pourtant ce ne fut qu'un humble village jusqu'au milieu du siècle; ses
premières maisonnettes datent de l'année 1817. En réalité, Salto ne
forme qu'une seule ville avec Concordia, qui se montre en face sur la
rive argentine de l'Entre-Rios : entre les deux cités, le fleuve a un kilo-
mètre de largeur. Au sud s'ouvre la vallée de la rivière Dayman, bordée
de plantations appartenant pour la plupart à des propriétaires anglais :
elle porte le nom de l'un d'entre eux.
Paysandû, située sur la même rive de l'Uruguay, est d'origine plus
ancienne que Salto : un prêtre, le « père » Sandû, la fonda en 1772 et
groupa quelques familles autour de lui. Elle occupe une situation analogue
à celle de Salto, sur une haute berge de la rive, vers l'issue d'une vallée
bordée de cultures et d'enclos d'élevage, presque en face de Colon, qui
appartient, de même que Concordia, à l'Entre-Rios. Paysandû, la deuxième
cité de la Bande Orientale, se vante d'être la ville du progrès* dans le
petit État uruguayen, mais cette ambition lui a valu de fréquentes infor-
* Mouvement de la navigation bi Salto en 1891 :
1 626 navires, jaugeant 405 022 tonnes.
* Mouvement de la navigation à Paysandû en 1891 :
2 867 navires, jaugeant 740505 tonnes.
5G6 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
La ville de San José, hAlie sur la rivière du même nom, au nord-ouesl
de Montevideo, peut être considérée comme appartenant à la grande ban-
lieue de la capitale; des Asturiens la fondèrent à la fin du siècle
dernier. Les républicains en avaient fait leur capitale en 1825 pendant
leur guerre avec le Brésil, et depuis cette époque elle a été Tobjectif de
toutes les guerres civiles; cependant elle a prospéré, de même que
Florida, située dans le môme bassin fluvial, au bord de rÂiroyo Pintado^
que traverse un beau viaduc de la voie ferrée du nord ; les jardins, les
bosquets, les maisonnettes entourées de fleurs ont mérité à cette ville le
nom de « La Fleurie ». Près de la, sur les bords de la rivière Santa Lacia,
le village dltuzaingo rappelle la victoire décisive que les Argentins rem-
portèrent en 1827 sur les impériaux du Brésil.
Montevideo, la capitale deTUruguay, n'en est pas la plus ancienne ville:
un gouverneur de Buenos Aires, Zabala, bâtit les premières maisons
pour prendre possession du rivage oriental de l'estuaire et devancer les
envahisseurs portugais ; mais pendant quelques années la nouvelle fonda-
tion ne fut qu'un poste de soldats : les premiers colons arrivèrent de
Galice et des Canaries en 1726 et se groupèrent autour du fortin : chaque
bâtiment chargé dc^ vins et autres denrées ne pouvait décharger sa nuwr-
chandise s'il ne débarquait en même temps quelques familles de colons'.
L'abolition du monopole commercial de Cadiz en 1778 et rouvertnre
du port de Montevideo au commerce libre attirèrent presque soudain ks
étrangers, et à la fin du siècle la ville nouvelle occupait le premier rang
parmi les cités maritimes de l'Amérique du Sud; la valeur de ses
échanges était estimée à trente-cinq millions de francs. Puis vinrent les
temps difficiles de la Révolution et de l'Indépendance : Montevideo fut de
toutes les cités platéennes celle qui eut le plus à soufli'ir, mais elle se
tira noblement de l'épreu-NC. Pendant neuf années, de 1842 à 1851,
les Colorados ou « Rouges », avec les Italiens.de Garibaldi et les Basques
français, défendirent vaillamment la « Nouvelle Troie ». Le général Oribe,
lieutenant de Rosas, leva le siège après le désastre que subit son chef ï
Monte Caseros, et les Platécns eurent à proclamer le principe de la « liberté
des fleuves » que défendait la capitale de l'Uniguay contre Buenos Aires.
Depuis ce triomphe, Montevideo a grandi, sans égaler toutefois la cité
de la rive opposée, chef-lieu politi(juo d'une contrée plus étendue et
centre d'un commerce plus considérable. D'après les évaluations
approximatives, Montevideo serait, par ordre de population, Ja quatrième
• Muratori, Paratjuai,
ri
t
*
SAN JOSË, HONTEVIDEO. 569
iUe de l'Aménque méridionale; dans la première année du siècle, elle
'avail que 5300 habitants.
Elle est fort bien située, sur une péninsule élevée qui s'avance dans la
irection de l'ouest; au nord s'arrondit une baie en demi-cercle, qui se
^rmine, en face de Montevideo, par un promontoire où se dresse, à
48 mètres d'altitude, le Cerro, le « Morne » par excellence, signalant
ux navires l'entrée du port. Exposée aux fraîches brises de la mer et
ominant un bel horizon de rivages, Montevideo est une des cités améri-
lines les plus gracieuses d'aspect. Bâtie en pente sur le flanc de la col-
ne péninsulaire, elle étage en amphithéâtre ses maisons, toutes couvertes
a terrasse, d'où l'on voit le port, la baie, la rade éloignée : les demeures
Dmptueuses portent des miradores abritant les spectateurs du soleil ou
e la pluie. Les constructions, que ne menacent pas les tremblements
570 NODVELLE fiÉOGflAPHIK rîdVERSELLE.
lie LoiTL' cotnim; au Chili, oui [)u se dresser u une plus giiiiiitc liauU-iir
([IIP celles (le Viilparaiso, mais en largeur on a dil économiser l'espace :
la populalion s'y presse en paliers superposi'-s ; à cet éfianl, Montevideo
n l'apparence presque européenne. Les t'enélres des rez-de-chausséo sont
défendues extérieuremcnl par des grilles remplaçant les anciennes baies
on saillie comme dans les maisons d'Espagne, et la cour intérieure ou
patio verdoie d'arbustes humectés par l'eau grésillante des fontaines.
Quelques beaux èdîQcos, des biinques, des théâtres, la Bourse, s'éièveiil
dans la partie basse du promontoire urbain, au milieu de l'espace enfermé
naguère par les restes des fortiQcations espagnoles : on ne voit plus les
restes de l'ancienne forteresse. La capitale de l'Uruguay possède tous
les grands établissements d'une cité de premier ordre, entre auliTs
une université, dont les cours sont fréquentés surtout par les étudiant);
en droit, politiciens et législateurs futurs. Les rues sont aussi animées
que celles des cités européennes; par le mouvement de ses omnibus
sur rails, qui constituent l'unique moyen de locomotion ^ ]mn tnarchê.
Montevideo rivalise avec Rio et dépasse de beaucoup Paris'.
Le port de Honlevideo paraît s'élre notablement détérioré depuis que
les Espagnids s'établirent sur ses bords; les alluvions vaseuses ont recou-
vert les fonds tout autour di? la baie ; tandis que le tonnage oixlinairc des
navires s'accroissait, l'épaisseur des eaux diminuait, et ce port que van-
taient les anciens marins est aujourd'hui redouté. Les plans de la ville
publiés à diverses époques témoignent des changements considérables qui
se sont accomplis. On a fait, il est vrai, quelques travaux d'amélioration,
on a élevé des quais, construit des brise-lames, fixé la grève par des
murs verticaux qui servent de promenades, creusé des bassins au pied dn
Cerro; mais la houle du sud entre librement dans le port, et l'on n'a
pas encore trouvé les millions nécessaires pour jeter au large une digue
d'abri. Les navires de 3 à 4 mètres entrent seuls dans le port que
protège la péninsule urbaine, et les paquebots transatlantiques doivent
rester en dehors, dans une mer presque toujours agitée. Malgré les incon-
vénients de la rade, le commerce a gardé son point d'attache à Montevideo,
dont la position géographique, à la perle d'entrée des rt-gions plaléennes,
olfre tant d'avanlages : \ingt grandes lignes do bateaux à vapeur y onl
leur escale, des bassins de carénage élabMs autour du pori el on face de
' Oiiinilius sur mils ili' Mimlovidco i>ii IHI'II i
Longueur dis i^ails en kiloiiu'livs 171
CIioï;iu\c-I 11U1I.S :>«!)(
Vojiigpurs li-an'^liorti'* 2OÔOO011O
MONTEVIDEO. 571
fontevideoy à la base de la colline, permettent aux armateurs de réparer
es grosses avaries. La station de quarantaine, jadis établie dans le port
néme, à Tîle de las Ratas, a été reportée en mer, dans l'île de Flores,
située à une vingtaine de kilomètres à l'est Ml a été question de construire
m grand port en eau profonde, dans la baie de Buceo, à une dizaine de
dlomètresà l'est de Montevideo, quoique en dehors de la rade; mais les
projets de l'ingénieur anglais sont trop coûteux pour qu*on ait pu encore y
lonner suite et sont ardemment combattus par les négociants intéressés au
maintien du centre commercial à l'extrémité de la péninsule.
L'industrie locale, multiple comme celle de toutes les grandes cités,
comprend de vastes saladeroSj placés sur les pentes du Cerro, d'où l'odeur
du sang et des viandes abattues se répand souvent sur la ville. La plupart
des fabriques appartiennent à des étrangers, et les Basques français ont le
plus développé les travaux du jardinage : ils cultivent aux environs d'admi-
rables pépinières. Mais les constructions empiètent sur les jardins, et les
faubourgs se groupent autour des villas éparses, les transformant en quar-
tiers urbains. Aux jours de fête, la foule se porte à Paso Molino, Union et
mires lieux de plaisance : un des endroits les plus fréquentés, le Cerrito,
commande le magnifique panorama de la cité, de ses promenades, du
port, de la rade. En été, les baigneurs se dirigent en multitudes sur les
stations de bains, Playa Ramirez et Pocitos, situées à l'est sur la rive
océanique. Les chemins de fer qui rayonnent autour de Montevideo la
mettent en relations avec tous les lieux importants du littoral maritime
et fluvial. Quelques-unes de ces villes, situées dans le département de
Ganelones, qui entoure celui de Montevideo au nord et à l'est, Piedras,
Ganelones, Sauce, Pando, servent de résidence aux nombreux négociants
de la cité. L'eau pure qui alimente la capitale provient de la rivière de
Santa Lucia, coulant dans un lit granitique, ù 53 kilomètres au nord :
le réservoir, établi à Piedras, à 30 mètres au-dessus du niveau de la
grand'place, contient de 12 à 15 millions de litres.
1 Mouvement commercial de Montevideo en 1890 :
ImporUtion ... 28 700 000 fi ou 154 900 000 francs.
Exportation ... 16 600 000 i^ ou 89 640 000 »
Ensemble.. . 45 500 000 ^ ou 244 540 000 francs.
Mouvement de la navigation d*outre-mcr à Montevideo en 1892 :
2 156 navires, jaugeant 2 840448 tonnes.
Part de la vapeur, 1 584 navires, jaugeant 2 577 592 tonnes.
Cabotage 4 470 navires, jaugeant 2 609 298 »
Recettes de la douane : j^ 8 598 560 ou 46 450 000 francs.
572 NOUVELLE CÊOGHAPIIIE LNIVERSELLE.
Mnldoiiniin, liàlie an bord d'uin' Iiaic semi-circiilaire qui resseniMo à
celle do Monlovidco el que di^fcnd à l'esl la pointe la plus méridionale de
toute la côle uruguayenne, nlTrc un meilleur ancrage que celui de la Câ[)i-
lale, mais il est Irop lUuigiié de l'eiilril^e du rio de la Plata et les navires ne
s'y arrêtent que rarcmeiil, sauf quand une révolution rend le séjour à
Montevideo dangereux. La petite ville a été fondée par dos Espagnols de
Hio Grande qu'avaient expulsés les Portugais, et souvent des chercheurs
d'or et de pierres précieuses y ont débarqué, espérant s'enrichir dans les
vallées mètnlliferes qui ont Minas pour chef-lieu, de l'autre côté des col-
lines qui limitent au nord le vei'saut de Maldonado; mais l'Eldorado n'a
point encore livi-é ses trésors. Plusieurs phares éclairent la côte voisini',
formant l'angle du continent entre l'estuaire et l'Atlantique ; il sérail néces-
saire aussi de rallumer un ancien fanal sur l'île Lobosou des « Phoques »,
située au large du cap de Maldonado; mais le propriétaire des pêcheries,
craignant que la lumière n'effrayAt les cétacés, a obtenu du gouverne-
ment qu'on éteignît la tour îi feu'. On capture des phoques sur toute la
partie de la côle comprise entre Maldonado et le cap Sanla Maria. Muralori
raconte que les « loups de mer » abordaient autrefois les navires, exami-
nant les hommes avec la plus gninde attention, en grinçant des dents
comme les singes.
La principale ville de la côte océanique, Itoeha, n'est pas construite sur
le littoral, mais près d'un étang qu'une flëchc de sables a séparé de la mer.
Les plus fortes agglomérations du versant se trouvent dans le bassin
d'écoulement de la laguna Mirim : Treinta y Très, ainsi nommée en l'hon-
neur des « trente-trois » héros qui franchirent l'Uruguayen 1823, après
avoir prêté le serment de chasser le Brésilien; Nico Perez, station ter-
minale en 1895 du chemin de fer qui reliera directement Montevideo et
Rio Grande do Su!; Melo ou Cerro Largo, que l'on croit être une ville de
grand avenir pour l'exploitation des granits, des porphyres, des mines de
plomb et de cuivre et les gisements de houille ; Artigas, qui constitue une
seule ville avec la brésilienne JaguarSo, située sur la rive opposée du
lleuvc de même nom, Jaguarào ou Yaguaron*.
' M. r.. nnil E. T. Mulli;iH. lUimlbook of llie litn- PUtle.
* Villw! |iiiiici|i;Lli'4 di' l;i Biindr Oiii'iiliilc. awc li'Lir po[iul;.tir)n a|i]Hoxiin;iliïc ;
lliitileïi.k'*! 200 001) liab. Ceri-o Largo [Mcio) fi OUO hiib.
Païsamiii 20000 " Rwtia li 000 «
Salin 1-2000 n &irla Lutia r>000 »
M«i-ce.lcs 0 000 ■> Fraï Itcrlos ,'1 000 »
SanJos.' 7 000 j> Minas t)000 «
POPULATION DE L'URUGUAY. 575
III
La statistique de l'Uruguay, relativement facile à faire, gi'âce à la faible
étendue de la contrée, est peut-être, dans toute rAmérique du Sud, celle
dont les résultats méritent le plus de confiance. Après le recenseur Vail-
lant, qui dirigea longtemps avec zèle les travaux statistiques du pays,
TcBuvre a été continuée dans le même esprit et suivant la même méthode :
chaque année, se publient des recueils très détaillés.
La population s'accrut très rapidement, malgré le long siège de Monte-
i^ideo et les guerres civiles qui ont fréquemment ravagé les campagnes :
la période de doublement, flottant de décade en décade suivant les troubles
politiques, les épidémies, les flux et reflux de l'immigration, est de 18 à
49 ans*. L'excédent de la natalité sur les morts n'entre que pour une
moitié dans cette augmentation si considérable* : l'immigration a fait
l'autre moitié. Le peuplement se produirait même en des proportions
beaucoup plus fortes si les Européens débarqués restaient tous dans le
pays; mais un grand nombre ne voient dans Montevideo que l'avant-
port de l'Argentine : après y avoir passé quelque temps, ils continuent
leur route vers Buenos Aires'. Les expatriés de l'Ancien Monde étant
hommes pour la plupart, le sexe féminin est en minorité dans la popu-
lation de l'Uruguay*. De même qu'au Brésil et dans l'Argentine, les
Italiens ont le premier rang parmi les immigrants, qui représentent envi-
ron les deux cinquièmes des habitants; les Italiens, à eux seuls, en
constituent le septième; puis viennent les Espagnols, les Brésiliens, les
Argentins et les Français. Ce classement par pays d'origine déguise
* Population de la Bande Orientale à diverses périodes :
1860 221 300 hab.
1885 476 000 »
1891 701 800 »
1796 50 685 hab.
1829 74 000 »
1852 151900 »
> NaUlité et mortalité delà Bande Orientale de 1889 à 1891 :
Naissances : 85576; Morts : 41 202; Excédent : 42574.
' Nombre des immigrants débarqués à Montevideo :
1855 à 1852 56 000
1855 à 1872 171000
1875 à 1890 224 000
1855 à 1890 451000
Nombre des hommes dans l'Uruguay . . . 598 000, soit 56,7 pour 100
)) femmes » . 505 800, soit 45,5 »
l
514 «OUVELLE GgOGRAPHlE ÛKIVERS&LLE.
l'iraportancc ijuc tlepuis l'année 1856 [n-t^soute l'itiimigrnliun cuskiirii-nm'
dans lii Bande Orientait*. Les Basqncs n'ont pas élé recensés à jjarl, mais
ils comiirenncnl iirubablomcnt plus de la moitié des 98 000 Espagnols el
Fran^'ais qui peuplent l'Unigiiay. Nulle pari eu dohoi-s de leur pujs les
Eiiskariens, entraînant après eus une forte immigniUon de Béarnais, ne
sont groupés d'une manii're plus iolime, sans maiolonir pourliinl le lieji
national. Peu à peu les Elchegaray, les Etchebarne, les Ilarispe se fondent
dans la masse liispauiliée.
L'agriculture et l'industrie pastorale constituent les richesses de la
Bande Orientale, et, grâce à l'augmentation des habitants, les ebamp^^
et les jardin» empiètent sur les terrains de pAture. On évaluait en 1891 la
surface du sol cultivé en fi-oraent, maïs et autivs denrées à 460000 hec-
tares, soit à lu (juarantitme partie de la République; sept années
auparavant, elle était moindre de moitié'. La récolte de froment et
autres céréales dépasse les nécessités de la consommation locale, La vigne,
traitée par les méthodes françaises, mais envahie déjJi par le fléau du
phylloxéra, se dévelop|)e surtout dans les environs de Salto. Quant au
bétail, les troupeaux en sont vraiment prodigieux, comparés à ceux des na-
tions européennes; mais les bœufs, les chevaux ont diminué' : les moutons
seuls se sont accrus dans la période récente, et l'on dit que dans les deus
années écoulées de 1891 à 1895 leur nombre se sei'ait augmente de plut
de 2 millions ; la superScie moyenne des domaines s'élanl réduite, quoique
de très vastes estancias appartiennent encore à des propriétaires isolés ou à
des syndicats financiers, il était naturel que les animaux de petite taille
prissent la place du gros bétail errant à demi sauvage. Mulhall évalue le
rendement annuel du bétail dans l'Uniguay à 185 millions de francs par an
et celui de la culture à 60 millions ; la plus grosse part de ce revenu appar-
tient à des propriétaires nés en dehors de la Bande Orientale. Les hypo-
thèques, évaluées à plus de 100 millions de francs, pèsent lourdement sur
la propriété foncière. Le territoire de la République comprend 20000 pro-
priétés urbaines et 25;000 propriétés rurales, soit 45000 cotes supé-
rieures à 600 piastres ou 3000 francs, et par conséquent sujettes à l'impâl.
En tenant com|)le des familles, on voit que près de la moitié des Uruguayens
se composent de piopriélaires. D'après les statistiques de la richesse lerri-
I M. C. Mil ¥.. T. MulliHll. ouvrage cil.'.
' ai.-]ilul do rUru-uai :
tKOO IHSl iim
Ciif vuux . . . 740 000 CTO 000 TiGOOOO
Bœufs. . . . 5-j-iOooo tisrtonon ;>-J80ooo
Muulons ... -2 J90 000 10 540 000 l.~ TCO 000
INDUSTRIE DE L'URUGUAY. 575
»riale» des étrangers, en majorité Basques et Italiens, possèdent plus de
i moitié du territoire de la République : sur les frontières du Rio Grande,
js plus riches propriétaires sont des Brésiliens. A Montevideo, les deux
ers des immeubles appartiennent à des natifs d'outre-mer*.
Les industries de l'Uruguay sont naturellement celles de l'Europe,
uisque tous les corps de métier, toutes les professions sont représentés
ar des immigrants dans la force de l'âge et l'audace de la volonté. L'in-
ustrie prépondérante, celle que l'Uruguay partage avec l'Argentine et le
io Grande do Sul, est celle de la viande : en proportion du territoire et
es habitants, la Bande Orientale dépasse même ses voisins par l'activité
es abattoirs. Naguère, lorsque les bestiaux parcouraient librement
is pâturages, le travail le plus pénible des estancias était de réunir des
aimaux dans l'espace étroit d'un rodeo^ où les peones ou bouviers, armés
a lazOy tournaient au galop autour des bêtes et les capturaient successi-
ement pour les marquer au fer chaud des initiales du propriétaire et les
rier pour la vente, l'abatage ou la reproduction. Mais ces anciennes
néthodes ne sont plus pratiquées que dans les départements du nord;
tans les régions du sud, où la terre a plus de valeur, on ne laisse plus
îrrer le bétail à perte de vue dans les savanes : on le parque en des
îoclos, on surveille de plus près son entretien, on le maintient à l'état
lomestique; l'accroissement de sa valeur marchande fait qu'on le soigne
avantage. Chaque année l'on tue plus d'un million d'animaux, soit pour
I consommation locale, que l'on peut évaluer à un bœuf par habitant,
Dit pour l'exportation des chairs, des cuirs et autres produits.
On a fait de nombreux essais pour transporter directement la viande
raîche aux pays étrangers en employant des appareils frigorifiques ; mais
es diverses tentatives n'ont encore réussi qu'incomplètement, la congéla-
ion ayant pour effet de rendre la chair moins savoureuse*. On continue de
raiter presque toute la viande abattue dans les saladeros comme aux
)remiers temps des tueries primitives. Mais aujourd'hui le travail se fait
Tune façon plus méthodique. Une savante division du travail et un outil-
age parfait règlent le massacre : les animaux entrent dans le parvis de
l'abattoir et sur chacun d'eux successivement s'abat le lazo fatal, dont
* statistique de la propriété en 1891 :
Orientaux. . 22 774 propriétaires; $ 119 240000 valeur totale; $ 5 200 par tète.
Étrangers. . 25 OiS » $157160000 » $5 500 »
Ensemble. 47 792 propriétaires; $ 256400000 valeur totale; $ 5 300 par tête.
• Simonnet, Nota manuscrites.
^
576 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
rextrémité est prise dans un étau à vapeur ; le bœuf, entraîné dans nf
passage étroit, s'engage sous la traverse où se tient le boucher; sa lêlc^
s'arrête un moment contre le bois, et le coup s'abat, tranchant la moelle
épinière. La masse pantelante tombe sur un chariot de fer qui roule pai."*
élans successifs devant les ouvriers, coupeurs de têtes, écorcheurs, sai —
gneurs, découpeurs, et bientôt la chair, encore frémissante, pend aurr
crochets de l'usine, à moins qu'on ne la plonge dans les chaudières où
fait la séparation de la graisse et des os ; des opérations chimiques plu
délicates séparent et dosent les divers ingrédients qui servent à la fabrica
tion de l'extrait de viande. Tout s'utilise dans les grands saladeros : 1
cuirs, les suifs, les os et les débris de toute nature, transformés en guano
Le commerce extérieur de la Bande Orientale, dont les quatre cin
quièmes consistent, à l'exportation, en produits des saladeros et d
troupeaux*, s'accroît de décade en décade, quoique les révolutions, le-
épidémies, les crises financières occasionnent de brusques reflux* : o
peut en juger par les oscillations de la valeur officielle des terres, cotées et
1889 à deux fois la somme qu'elles représentaient commercialement Tann
suivante'. L'Uruguay a pour principal client la Grande-Bretagne, sui^'^ -^^^ ^
de près par la France, qui achète les laines, concurremment avec ^^^
Belgique; en 1890, le Brésil, la Belgique, les Ëtats-Unis venaient ensu
par ordre d'importance. Le port de Montevideo concentre plus des de^-^
tiers du trafic et presque les trois quarts de la navigation*.
« Exportation de la viande, des cuirs et des laines en 1890 :
25 KhSS 000 ^ ou 1:26 576 000 francs.
* Ensemble de la fortune publique de l'Uruguay, évaluée à la fin de 1892 :
2 727 000 000 francs, soit 5 840 francs pr personne.
3 Commerce de l'iruguay en 1890 :
Importation. . . . 52 400 000 j^ ou 174960000 francs.
Exportation. . . . 29 100 000 # ou 157 140000 »
Ensemble. . . . 61 500 000 i^ ou 552100000 francs
Commerce en 1891 :
Importation. . . . 18 900 000 k^ ou 102060 000 francs.
Exprlation . . . . 26 900 000 # ou 1 45 260 000 »
Ensemble.. . . 45 800 000 # ou 247 520 000 francs.
♦ Mouvement de la navigation dans les ports de la Bande Orientale en 1892 :
Navires au long coui*s et caboteurs :
Entrées 12 785 navires, jaugeant 4 270045 tonnes.
Sorties 12 689 » » 4 976905 d
Ensemble. . . 25 474 navires, jaugeant 9 246948 tonnes.
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i.
COMMERCE, GOUVERNEMENT DE L'URUGUAY. 579
En comparaison de l'énorme tonnage flottant, celui des marchandises
transportées par terre sur les rails des voies ferrées est bien modeste. Les
chemins de fer, dont le premier tronçon fut inauguré en 1869, ne con-
stituent pas encore un réseau entre les diverses parties de la République, et
même ne forment pas un éventail complet relativement à Montevideo;
cependant ils atteignent la frontière brésilienne*. Il n'existe pas de voie
tranversale, unissant les bords de l'Uruguay au littoral océanique ou à la
lagune Mirim, et de l'un à l'autre rivage il faut toujours faire le grand
détour par Montevideo. Les télégraphes se développent sur une longueur
triple des chemins de fer. Proportionnellement à sa population, la Bande
Orientale occupe un bon rang pour les correspondances télégraphiques et
postales parmi les États de l'Amérique du Sud; par le nombre des lettres,
elle dépasse même plusieurs nations européennes*. Quant à l'instruction
publique, l'Uruguay l'emporte de beaucoup sur ses deux voisins, le Brésil
et l'Argentine'; près d'un dixième de la population visite les écoles. Dans
le voisinage de la frontière rio-grandense, oh les immigrants de langue
portugaise sont nombreux, les instituteurs ont ordre d'enseigner en
espagnol, l'idiome national. Le gros de la population se compose de
catholiques, mais la liberté religieuse est complète. En 1889, lors du
recensement de Montevideo, 3521 habitants se déclarèrent « libres-pen-
seurs » et 6955 se dirent « sans religion ».
IV
Le gouvernement de l'Uiniguay se modèle sur un type commun aux
républiques hispano-américaines : suflrage universel, deux chambres et
• Chemins de fer de l'Uruguay au 1*' janvier 1891 :
Longueur totale des lignes 1612 kilomètres.
Coût d'établissement 262 500 000 francs.
Nombre de voyageurs transportés dans l'année . . . . 630 000
Marchandises expédiées » ... 510 000 tonnes.
< Lignes télégraphiques de lafiande Orientale au l'^Janvier 1891 : 5 036 kilomètres.
Télégrammes envoyés dans l'année 232 000
Lettres expédiées 6 588 000
Journaux et autres 14 942 000
Envois postaux 21530 000
' Ecoles publiques en 1890 470, (rcquentéos par 58 747 élèves.
» privées » 407 » 21 410 »
Écoles de TUruguay en 1890 . . . 877, fréquentées piu* 60 157 élèves
5W NOUVELLE GÉOGRAPHIE URITERSBLLE.
pouvoir présidentiel. Comme dans les autres Ëtats, la CoDStitulioD Qaété
qu'un document à mettre aux archives, un prétexte à serments qui oe
seront point tenus ; la force, la ruse, la finance, parfois l'appui de l'étran-
ger ont décidé du succès des partis. Souvent les rcssourees considéra^ ^'^
que procurent les tarifs de douanes oui été employées autrement que p^*"""
le bien public, les recettes futures ont élé escomptées par des cmpiu^^'^'
chargeant le pays de dettes dont il n'a pu payer les intérêts'. En moyen "*'
de 1880 à 1890, les recettes annuelles ont été de 57 millions de fra -^^
< Uuilget de l'Uruguay :
Reefitlos En 1890, 87 000 000 Jrancs; c
Detli-, lu l- jainiiT 18112, 502 500 000 frams.
1891, 45 275 000 fmc».
GOUVERNEMENT DE L'URUGUAY.
581
3t les dépenses de 85 millions. La douane fournit en moyenne la moitié
les ressources budgétaires. L'armée, qui coûte chaque année de 15 à
20 millions, se compose d'environ 4000 hommes.
L'Uruguay est divisé en 19 départements, dont les noms sont indi-
qués dans le tableau suivant, avec la superficie et la population recensée
en 1891 :
DENSITÉ
DENSITÉ
DiPABTBMKRT
SUPKRnCIS
*• en kil.
carrés.
HABITANTS.
KILO-
MÉTRIQUE.
(Hab. par
kil. carré).
DÉPARTKHEN1
SUPERnCIR
• en kilom.
carrés.
HABITANTS.
IILO-
MÉTRIQUE.
(Uab. par
kil. carré).
Montevideo.
664
254 000
555
Soriano . .
9 224
27 500
2,9
Salto.. . .
. 12 602
52 000
2,5
Colonia. . .
5 682
58 200
6,7
Ârtigas. . .
. 11 580
17 800
1,5
San José . .
6 962
21100
3,05
Pnysandû. .
. . 15 252
28 400
2,1
Caneloncs.
. . 4 752
75 800
15
RiTera. . ,
9 821
19 000
1,9
Maldonado .
4106
20 600
5,01
Tacuarembc
). . 21 022
22 400
1,06
Rocha. . .
. . 11089
17 500
1,6
Durazno.
. . 14 515
24 200
1,6
Minas . .
. . 12 495
22 500
1,8
1 Florida. .
. . 12107
29 500
2,4
Treinta y Ti
•es. 9 550
15 700
1,6
Flores. .
. . 4 519
15 500
3,4
CeiTO Largo
. . 14 904
28 000
1,9
RioNegro.
8 471
14 500
1,7
En
Lsemble. . 186 915 kil
. carrés; 7
01 800 hab. ;
5,79 hab. pai
r kil. carré.
1
CHAPITRE V
ARGENTINE
I
Par l'étendue du territoire aussi bien que par le nombre des habitants,
la république Argentine est un des États principaux de TAmérique méri-
<lionale. Le Brésil la dépasse pour la superficie; pour la population, elle le
cède au même Brésil et peut-être à la Colombie ; toutefois cette dernière
république sera probablement distancée dans un avenir prochain, car,
malgré les oscillations diverses de flux et de reflux, le mouvement d'im-
migration favorise le peuplement rapide des régions platéennes. Le fait
géographique capital au point de vue des progrès de l'Argentine est sa
[Proximité relative du continent européen. En dépit des apparences et du
'émoignage même de la carte, les rives de la Plata sont la partie des côtes
>ud-américaines qui, en exerçant la plus forte attraction sur l'Europe,
in appelant ses navires et ses émigrants, se trouve de fait plus rapprochée
[ue les rivages du nord, situés à une distance kilométrique moindre de
noitié. Tout naturellement les Européens se dirigent surtout vers la région
lu continent sud-américain qui correspond à leur contrée d'origine par
es degrés de latitude, les conditions moyennes du climat, la végétation
il le genre de vie*.
Les premiers Européens n'abordèrent dans les régions platéennes que
îix-sept années après la découverte du Nouveau Monde par Christophe
Colomb; en 1509, Vicente Pinzon et Diaz de Solis entraient dans l'estuaire
de la Plata, et en 1521 Magalhaes, accompagné de Pigafetta, Thistorio-
* Superficie, d'après Latzina et population approximative de la République Argentine en 1895 :
2 894 257 kilomètres carres; 4020000 habitants; 1,4 hab. par kil. c^irrc.
584 NOUVELLE fiKOCaAPBIE UNIVERSEllE. I
f!rii[ilie de la circuiniiiivigalion, (larcourait, entre la péninsule U-rmiiiale du J
continent el la Terre de Feu, le détroit qui porte son nom. Lesluaii'c et W^
détroit suffisaient pour (pie les carloginphes pussent d('-jà se représenler 1» J
véritable forme de Ih eôlc orientale du coiitincnl. Mais les Hpi-vs rivasetfl
dt' la Fuégie et de la Patagonie étaient trop pou hospitaliers pour cju'dvI
s' occupât alors d'en explorer l'intérieur. Seulement les marins tentaientM
IcN golfes, le« passages et les détroits pour faciliter la traversée de l'uafl
ù l'autre Océan. Ainsi Francisco de Hoccs poussa en 1527 jusque daiwl
le voisinage de la « Fin des Terres », mais nulle colonie ne s'établîlfl
dans ces régions, tandis que les Fspagnols cherchaient k s'établir &o!i(lft-fl
ment dans les contrées qu'arrose le fleuve dit alors rio de Solis, d'aprèSH
son découvreur. Diaz de Solis y était revenu en loi 6. mais pourfl
ti-ouver la mort sur les bords d'un ruisseau de la Bande Orientale J
Sébastien Cahot, en 1528, pénétra beaucoup plus avant dans l'inlêripurfl
des terres, jusque dans le Paraguay, el fonda même un fort h l 'endroïtM
où s'élfcve le bourg appelé, de son nom italien, Gaboto, au confluent àjl^Ê
Psi-anti et du Carcaraiia. Le premier il reconnut que l'estuaire de Sollfl
et l'un des deux grands fleuves qui s'y déversent pourraient devenir Q^H
excellent chemin d'accès pour los régions de 1' « Argent ", c'est-à-didlH
la Bolivie et le Pérou : de \h cette appellation hiiiarre de la Platu donttji^B
h une contrée qui ne se distingue nullement par l'importance de M^|
gisements argentifères. Ce sont les Andes du Pérou et de la Bolivie QQ^I
constituent la véritable " Argentine ». V
Mais la colonie fondée par Cabot ne put se maintenir; quelques années J
après, l'Espagnol Mendoza s'établissait sur la côle méridionale de l'estuairet 1
à l'endroit oi'i s'élève aujourd'hui Buenos Aires. Les Indiens l'ayant forcé I
d'abandonner son campement, il transféra sa petite troupe au fortin da>|
Carcaraiia, d'oii ses lieutenants firent de nombreuses excursions dans les I
alentoui-s. L'un d'eux, Ayolas, fonda sur la rive gauche du Paraguay Is I
poste d'Asuncion, qui devint capitale de République, puis il remonta le J
fleuve jusque dans le Matlo Grosso, et, s'enfonçant audacieusement dans lesl
savanes de la plaine, les yungas dos avant-monts et les forêts des Andes,'
il atteignit enfin le Pérou, le premier de tous les conquérants qui, par
terre, eût traversé le continent dans toute sa largeur. C'était en 1Ô57, el,
sept années après, Irala accomplissait le môme voyage : l'Espagne lenaït
désormais la voie de jonction entre les deux rivages de son immense
domaine sud-américain. En 1542, Alvar Nuiiez Tête-de-Vache avait fait
un voyage non moins hardi en se rendant directement de la cote brési-
lienne au Paraguay par la voie des i-ivières et des portages.
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EXPLORATION DE L'ARGENTINE. 587
En 1573, Juan deGaray relevait Buenos Aires, où il réussissait à se main-
tenir, et le peuplement commençait, précédé par des explorations. En
1579, le pilote Sarmiento, un des hommes de mer les plus remarquables
qai aient vécu, avait fixé le véritable dessin des côtes magellaniques. Pen-
dant les deux siècles qui suivirent, on arriva à connaître toute la région
comprise entre les rives platéennes et la muraille des Andes, mais au
nord et au sud des Indiens sauvages arrêtèrent et maintes fois refoulèrent
les voyageurs et les colons : d'un côté, dans le Chaco, les Abipon, les
Hocovi, les Guaycurû, de l'autre dans la Patagonie, les tribus pampéennes
défendaient leur indépendance avec une admirable énergie. Cependant
les missionnaires jésuites avaient réussi à vivre en paix avec les indigènes,
restés ennemis des traitants et des colons, et gouvernèrent le territoire
des « Missions », qu'après leur départ il fallut découvrir à nouveau. Un
Jésuite, Falkner, après avoir vécu plusieurs années au pied de la Sierra
del Vulcan, parmi des Indiens de la race patagone, décrivit le premier
rintérieur des terres dans la partie méridionale des pampas, et son
ouvrage, de même que, en 1772, les études de Forster, le compagnon de
Cook, éveillant l'attention du gouvernement espagnol, fît reprendre les
voyages d'exploration interrompus depuis près de deux siècles. En
1778, quatre ans après la publication du livre de Falkner, Juan de la
Piedra visita la grande baie tempétueuse de San Matias, appelée aussi
Bahia sin Fonde ou « Baie sans Fond », et y découvrit le vaste port de San
José. De 1779 à 1784, les frères Viedma, et quelques années plus tard
Malaspina, visitèrent ensuite, golfe par golfe, tout le littoral des côtes
méridionales, mais leurs rapports restèrent enfouis dans les archives
royales*. Des excursions dans l'intérieur avaient complété le relevé des
côtes, et même, en 1782, Villarino avait remonté le cours du rio Negro
jusqu'à la base des Andes; pendant la même année, Antonio de Viedma
découvrit le lac qui porte son nom.
L'étude scientifique des régions platéennes eut pour initiateur Félix de
Azara qui, chargé officiellement de la délimitation des frontières entre les
possessions espagnoles et portugaises sur les hauts fleuves, Uruguay,
Parana, Paraguay, ne se borna pas aux travaux de géodésie, mais s'occupa
aussi de la nature des contrées et de leur histoire naturelle. D'autres
officiers au service de l'Espagne, de Souillac et de la Cruz, franchissaient
des cols de la cordillère des Andes et en fixaient la position. Mais déjà
se préparait la guerre de l'Indépendance et ni les Espagnols de la mère
^ Woodbine Parish, Buenos Ayres and the provinces of the Rio de la Plata,
SHK NOUVELLE GËOGRA?RIG ItMVERSKLLB.
jjaLrie ni ceux du Nouveau MiiihIc, inililiiiuiiuicnl ôiiiamûpés, no prin-iil
uin? iiiirl tri's Hcrioust- aux uxplora lions (.'(l'-ograiihiquos. Désonnais. gi*âcp »
l'abolition du régime colonial, des (Hrargers pouvaient collaborer avec les
nalionanx. Ainsi d'Orhigny s'établit en 1826 à Carmen de l'utagoiies. puis
dans 1(! Corrienliis, jHiur y ctinlitiuer ses recherches sur 1' « Homme
Américain », et en 1853 se fit la mémorable expédition du ikatjle cl
de \' Advcnlure, racontée par Darwin dans un livi-o ipii fuit épo<|u»'
dans l'bistoirc des sciences. Un autre zoologiste anglais. Dalton Hooker.
accompagnant l'expédition des navires Erebm et Terror, étudia rbisinirc
niitui-elie d*'. la Fuégie et décinvit la " Ibire antarctique ».
La géogmpbie do l'Argontino proprement dite est maintenant connue
dans ses grands traits : on n'a plus (ju'Ji en étudier les détails. Ce travail
etlmplémentairc se fait tous les jours, grâce aux mineurs ijui vont exploiter
tiïs gisements des montagnes, aux ingénieurs qui tracent les voies ferrées
et régularisent le cours des rivières, aux géomètres arp<mteurs qui divi-
sent le sol en parcelles et mesurent la superficie des champs. Maïs sur la
zone des fnmliL'res il reste encore des territoires presque ignorés, soit
pnrœ que des Indiens hostiles eu défendent les abords, soit parce que la
contrée est pénible on dangereuse à parcourir. Ainsi la région du Cbaco.
où veillent les Toba, .montre encore des espaces blancs d'itinéraires et ceux
qu'on y a dessinés ne s'accordent pas sur tous les points. Au nordniut^st,
oîi s'arrondissent les longues croupes des plateaux andius, surmontées
de cônes neigeux, le réseau des cols et des passages pi*ésente des doutes
que les cai'tographes ne résolvent pas tous de la même manière. ËnGn
l'élude du long triangle de la Palagonie a coûté de très grands efforts, et le
fragment des Andes qui sépare le versant Atlantique des fjords occidentaux
reste presque inconnu sur une partie considérable de son développement.
C'est par dizaines que l'on peut énumérer les voyageurs, naturalistes,
géologues, et même simples curieux, qui ont contribué à l'exploration de
la Patagonie. Les colonies chiliennes, séparées des plaines argentines par
l'épaisseur des Andes, ont été le point de départ de nombreux chercheurs
qui, à la suite des anciens missionnaires, ont tenté les seuils de passage
entre les deux versants. Punta Arenas, le poste chilien du détroit de
Magellan, a été un autre centre d'excursions et de voyages, et sur la côte
orientale, les Argenliiis ont fondé divers établissements, agricoles, pasto-
raux et militaires, d'où sont partis les tracés d'itinéraires nouveaux,
Dcscidzi, (;ox,Cardiner, Moreno, Musiers, Ramon Lista, Moyano, Fonlana,
Rogei-s, Popper, Vinciguerra, Amegliino, Roncagli, Carlos Burmeister,
et lanl d'autres, sans parler des soldais envoyés contre les Indiens, ont
EXPLORATION DE L'ARGENTINE. 589
lit de la Patagonie un territoire complètement argentin. Les paléontolo-
istes et les géologues étudient méthodiquement les terrains pour le
lusée de La Plata et d'autres collections, les éleveurs de bétail et les
prospecteurs » de mines visitent lès fonds herbeux et les gisements
létallifëres. L'ère de la géographie précise commence pour la Patagonie
)mme pour le reste de la république Argentine*.
L'abondance des matériaux recueillis sur le relief et la géologie de l'Ar-
sntine, ainsi que sur son histoire naturelle et ses habitants, a déjà valu à
i littérature géographique plusieurs ouvrages de valeur, sans compter
îs innombrables publications dues à la réclame intéressée pour attirer
îs immigrants et faciliter les spéculations de terrains. Hermann Burmeister
L Martin de Moussy furent les premiers en date dans ces travaux de géogra-
hie générale. Quelques centres d'études, l'institut de Buenos Aires, le
lusée de La Plata, l'université de Cordoba, groupent les efforts individuels
ans une œuvre commune. Cependant la république Argentine ne possède
as encore de carte topographique analogue aux travaux de précision que
îs diverses contrées de l'Europe occidentale ont déjà menés à bonne fin et
ue les États-Unis du Nord, le Mexique, le Sao Paulo et le Minas brési-
ens ont commencés. En 1882, la Société de Géographie buenos-airienne
écida la construction d'une carte générale de la République, par Ëtats et
Tritoires, qui depuis a paru en entier, mais à des époques différentes et
* Principaux Toyages faits en Patagonie, depuis la guerre d'Indépendance, par ordre chronologique :
1827. Stokes (Santa Cruz).
1852 et suiv. Fitz Roy et Darwin (Santa Cruz, Ghubut, rio Negro et Sierra Ventana).
1833. Dcscalzi (rio Negro).
1854 et suiv. Jones (Ghubut).
1856. Fonck, Hess (Nahuel-Huapi).
1857. Bravard (sierra Yentana).
1862 et suiv. Guillermo Gox (cols andins).
1867. Gardiner (Santa Gruz, laco Argentino).
1869. Musters (base des Andes, rio Negro).
1872. Guerrico (rio Negro).
1874 et suiv. Moreno (rio Negro, Santa Cruz, Ghubut, lac Argentino. etc.).
1876 et suiv. Moyano (rio Ghico, laco Buenos Aires, Ghubut).
1877. Rogers et Ibar (lac Argentino, cols andins); — Bcerbohm (San Julian, Gallegos).
1878 et suiv. Ramon Lisla.
1879 et suiv. Wysoski (Ghubut, rio Negro); — Lorentz (Neuquen).
1882. Roncagli (Gallegos, Santa Gruz).
1883. Rohde (Nahuel-Huapi, col de Bariloche); — Zeballos (rio Colorado, rio Negro).
1885 et suiv. Fontana (haut Ghubut).
1886 et suiv. Gârlos Burmeister (Gliubut, Santa Gruz); — Popper (Terre de Feu).
1887. Asahel Bell (haut Ghubut).
1891. Siemiradzki (Golorado, Negro, Limay, Nahuel-Huapi); — Bodenbender (Neuquon).
1892. Ifachon et Roth (valh^es andines, Songuel, Ghubut).
â
590 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
seulement pour une faible pRrtie d'api'ès un levé dirccl des lerraios : du
moins c^l atlas, dit de Seelstrang, d'après le compilateur principil,
conlicnt-il une cartographie précieuse des documents publiés à celte
époque. En 1889, le gouvernement ai^nlin ûl exposer à Paris an [dao-
roliof du territoire de la République ii récbellc; du 500000', et 1^
travaux qui scn'irenl do base à la liguralion dece grand fragment de !;■
splièrc, d'une suporfuie de 72 mèlros carrés, ont été utilisés depui: •
pour la construction d'uuo carU' au millionième'. On a pris pout '
point de déjiart de la topograpliio argculinc l'obscrvaloire astronomiqu»
Luis Ilrackcbusi'li. Napa de la Repûblii
'f propria* obtrrvacionf t. 1891.
( Ari/i-nlina contlruitla lobre lot tiatot exàlenlf^
EXPLORATION, FRONTIÈRES DE L'ARGENTINE. 501
de Gôrdobaf dont la position exacte a été déterminée avec le plus grand
soin S et l'on a pu s'appuyer, en outre, sur des points fixés avec rigueur
par des recherches géodésiqucs : Rosario, Rio Cuarto, Mendoza, Santa Fé,
La Paz, Goya, Corrientes, San Luis, Yilla Mercedes, Villa Maria, Tucuman,
Salta, San Juan. D'année en année, de nouvelles études permettront de
préciser le travail et de procéder à la réunion en une carte unique des
nombreux documents locaux que possèdent chaque province et chaque cité
de l'Argentine. Mais, dans les districts écartés, combien de points encore
obscurs! On peut en juger par un exemple : la position de Tarija, que,
depuis d'Orbigny, en 1839, on fixe diversement sur les cartes avec des
écarts de 48 minutes en latitude et de 1 degré 43 minutes en longi-
tude.
Le manque de cartes précises et le conilit des cartes juridiques et des
traditions n'ont pas encore permis de fixer les limites entre toutes les pro-
vinces de la République. De même, le tracé extérieur du territoire natio-
nal n'est pas définitivement fixé, et cette question des frontières politiques,
si peu importante dans un pays qui possède des terres incultes en surabon-
dance pour une population encore très clairsemée, passionne cependant
les Argentins et maintes fois leur a mis la menace à la bouche ou l'épée
à la main. Dans l'estuaire même, Tilot de Martin Garcia, d'une si grande
importance stratégique par sa position à l'entrée des deux fleuves qui se
versent dans l'estuaire de la Plata, est attribué à la république Argentine,
quoique géographiquement il fasse partie de la Rande Orientale; aussi
a-t-on souvent combattu pour la possession de cette étroite roche sans
valeur agricole ou industrielle. Du côté du Paraguay, la force a décidé,
et le territoire des « Missions », qui se prolonge en enclave entre les
deux fleuves Paranâ et Uruguay, a été attribué aux Argentins. Mais s'ils ont
le droit de se substituer aux Paraguayens comme possesseurs de cet
ancien domaine des Jésuites, ne sont-ils pas aussi les héritiers de
Francia et des Lopez dans les revendications des autres missions de la
Compagnie, annexées par le Rrésil à l'État de Santa Catharina? Ils deman-
dent donc ce lambeau de pays, d'une superficie d'environ 30 000 kilo-
mètres carrés, et leur requête, adressée au président des États-Unis
du Nord, attend une solution prochaine. De l'autre côté du Paraguay,
une autre décision, en 1875, ordonna la remise du Ghaco d'outre-
Pilcomayo aux Paraguayens vaincus; mais, au nord extrême, les caries
* Coordonnées géographiques de l'observa toi te de C6rdol)a :
Latitude méridionale, SI» 25', 15« 4"; longitude oucstde Greenwich, 64» 12' 3".
(L. Brackebusch, Petermanns Mitteilungen, 1892, Heft VIII.)
5Si NOUVELLE GËOGRAPHIE UNIVERSELLE.
ai^ntines tracent encore, comme « limite de droit », la frontière sepVen-
trionale de la province de Tarija, qui, par décret royal, avait été ^attaché(^
\
à la juridiction d'une ville argentine, Salta, mais qui, de son plein ^'^'
en 1825, s'était annexée à la Bolivie.
A l'ouest, l;i frontière commune entre le Chili et l'Argentine a été réff^^
d'une manière générale par le traité de 1881, d'après lequel « la ligD» *"
ARGENTINE ET ARGENTINS. 593
3 se développe sur les plus hauts sommets qui marquent le faîte des
ts ». Ce texte implique une certaine contradiction, puisque la ligne
qui réunit les cimes ne coïncide pas exactement avec les sinuosités
gue-verse. Les dissentiments sont donc inévitables, surtout quand
ra de régler les limites dans les Andes patagoniennes, où les chaînes
iterrompues par des brèches nombreuses et où le dédale des fjords,
rnant les chaînes, vient baigner les plaines à l'orient de la cordil-
nais le traité prévoit un arbitrage pour toutes les questions dispu-
Quant aux terres de la Fuégie, l'acte de partage entre les deux
nces ne laisse prise à aucune interprétation douteuse. Il semble donc
le puisse y avoir prétexte à discussions; néanmoins une certaine
5 des deux États limitrophes s'est fréquemment manifestée, don-
ieu à de violentes discussions dans la presse et dans les parlements
tifs. Forts de leurs guerres toujours heureuses et de leur organisation
ire à l'allemande, les Chiliens se croient invincibles, et, de leur
les Argentins, plus nombreux, possesseurs d'un territoire sinon
iche, du moins plus vaste, ne seraient point disposés à admettre
pour la puissance, ils soient au second rang parmi les républiques
loles de l'Amérique du Sud.
tout cas, leur force, comparée à celle du Chili, est singulièrement
drie par le manque d'unité politique. Sauf la guerre causée par la
ire de Balmaceda, le Chili a presque toujours eu, quoique divisé
X classes ennemies, l'apparence de la paix civile, tandis que l'Ar-
e a vu se succéder d'innombrables révolutions locales, et parfois des
s acharnées, embrassant tout le territoire de la République. Depuis
iu régime colonial, pendant lequel ils n'étaient point heureux, quoi-
fussent sans histoire, les Argentins n'ont eu, pour ainsi dire, que
mistices, et pendant des années la guerre a sévi en permanence.
s sont les causes de cette combativité des Argentins, qui l'emporte
sur celle des Vénézolans et des Mexicains? Faut-il y voir, dans une
le mesure, un phénomène d'hérédité? Quoique certaines peuplades
;ènes, toujours en guerre, aient, pour la plupart, cessé d'exister
oupes indépendants, elles se sont perpétuées par les traditions et
œurs dans la race métissée, et sous l'impulsion des rivalités poli-
les vieux instincts de haine se réveillent facilement. Les mœurs
ores de la population doivent être aussi pour quelque chose dans
ïence des passions et l'indifférence au sang versé. Mais ce ne peuvent
à que des causes secondaires. La raison majeure de ce manque
ilibre politique et de ces oscillations brusques doit être cherchée dans
XIX. 75
59i >OtrVELI.E BÊOGRAPBIE rftlTERSElLE. 1
lu [jci-sislaiH-e du conllit l'iilre lii^ux principes op|Hîsés, vcUû de l'niitanoniiel
localo, et iiii(! ccntrulisfitiori envahissante, héritage de l'ancien gouvcp-l
iieiiieiil. D'ailleurs la diff^reiu-o esl-fllle si grandi' entre le?» révolulioDB,.!
de l'Argentine ut lï*tal formidiiblc de païi armée sous lequel la vieilleJ
Europe menace de succomber? I
Les Argentins ont l'inlfilligence faeile, mencilleusemwnt réceptive dol
l'Espagnol; ils ont l'audace et le courage, et. comparés à Icui-s voisins du i
Brésil, un caractère plus décidé, une volonté plus netlc, une force d'eié- 1
cution plus nipide et plus éiieipfgiie, \\s se donnent aussi à de grands i
enthousiasmes collectifs sous l'impulsion de nobles idées, et rarement I
fite égala en joie et en grandeur celle que pntvoqua l'abolition de
l'esclavage au Brésil. Tous étaient heureux de voir disparaître cette
lâche de l'histoire américaine et st? senlaienl les frJ'res de ces Brésiliens
qu'ils avaient si souvent qualifiés, par habitude, d' « ennemis héréditaires >•
Pleins d'ambition, ils voudraient << faire grand », et réellement ils ont su,
pendant les jours de prospérilé, développer Icui-s ressources malénelles |
avec un si merveilleux entrain, que même les Américains du Noi-d étaient
éblouis. Leur industrie faisait surgir des villes au milieu des solitudes;
tel campement habile hier par des sauvages recevait aujoui-d'hui des
machines h va[M;ur, des téléphiums cl des journaux. Non seulement les
grandes cités plaléeniii-'s pouvaient , a maints égards, s'égaler aux capt-
lales de l'Europe, elles cherchaient à les dépasser. L'Argentine aimait h
comparer son rAle dans l'histoire du monde & celui des Ltats-llnis du Nord,
et en réalité, malgré les contrastes produits par la différence numé-
rique des habitants, il y avait une certaine analogie entre le développe-
ment des dcni nations. Pour l'immigration notamment, les phénomèDes
étaient identiques.
Hais les mauvais jours sont venus. Les grandes entreprises, lancées avec
des capitaux étrangers, sans souci du lendemain, n'ont pas toutes réussi, et
celles qui ont donné des revenus n'ont favorisé que des spéculateurs, sur-
tout étrangers, et les grands propriétaires de l'Argentine; l'enrichissement
rapide de quelques-uns et l'appauvrissement des autres ont eu la démora-
lisation publique pour conséquence, el, tandis que les spéculateurs se
livraionl au jeu des actions, les politiciens se ruaient à la curée des places.
Puis la réaction se fil brusquement et des banqueroutes plus ou moins
déguisées par des artifices budgétaires arrêtèrent presque toutes les entre-
prises sérieuses. On a pu constater une fois de plus combien instable est
l'équilibre d'un pays où la richesse publique ne repose pas sur le labeur
du paysan propriétaire, et dont les progrès industriels, simples décors
MONTAGNES DE L'ARGENTINE. 595
d'importation étrangère, ne sont pas dus à l'instruction et à l'initiative du
peuple même.
Cependant les avantages naturels que présente le pays dans l'économie
générale du genre humain sont tels, que les crises, si longues et si profondes
qu'elles soient, peuvent retarder mais non empêcher les progrès de T Ar-
gentine. Sa population s'accroît quand même, l'immigration s'y porte de
nouveau, la superficie des terrains utilisés augmente, et l'on commence à
pénétrer dans les deux parties du territoire qui ont le plus de richesses en
réserve: au nord-est le pays des «Missions », à l'ouest les vallées andines
où les fleuves Colorado et Negro prennent leurs sources. Dans ces régions
au sol fertile, à l'air pur, au climat délicieux, alternant en saisons qui
conviennent au tempérament de l'immigrant d'Europe, il y a place pour
des millions d'hommes.
II
Pris dans son ensemble, le sol de la république Argentine s'incline
légèrement en pente régulière de la crête des Andes vers les plages de
l'Atlantique. Mais ce plan présente des ressauts et des inégalités qui
rompent la monotonie du paysage; même quelques massifs de montagnes
isolées se dressent à distance des Andes dans le long triangle de terres
jui termine le continent sud-américain.
La puissante masse andine, qui occupe une si grande largeur du tern-
aire dans le Chili septentrional et la Bolivie, s'étend aussi dans l'Argentine
lu nord-ouest, entre les versants du Pilcomayo, du Bermejo, du Jura-
mento. Sur l'énorme piédestal de 4500 mètres en altitude moyenne,
s'élèvent, suivant un alignement régulier du nord au sud, des sommets
qui dépassent 5500 mètres et que recouvrent les neiges, même pendant
toute Tannée. Le cerro de las Granadas est un de ces pics superbes, com-
mandant les mornes solitudes de la puna, à l'angle nord-occidental de la
frontière argentine. Interrompu au sud par un grand cinjue d'érosion
dans lequel coule le rio de las Burras, le plateau s'abaisse à moins de
4000 mètres, mais il reprend pour former d'autres nevados ou dômes nei-
geux, tels le Pasto Grande, TAcay, le Cachi. A l'est, d'autres vallées d'éro-
sion se continuent par les seuils du plateau entre les vallées tributaires
du Pilcomayo et celles qui descendent au Bermejo et au Juramento; mais le
plateau, découpé en franges, en promontoires, en chaînes de montagnes,
présente encore des sommets grandioses dépassant 4500 mètres de
hauteur et portant des neiges pendant une partie de l'année. La sierra
590 NOUVELLE GËOGRAPUIE UNIVERSELLE.
(jui domine à rouesl la vallée de Jujuy dresse deux pitons à plus de
5500 mètres, le nevado de Chani et les Très Cruces. Au nord de Jujuy,
dans le coude aigu que forme le haut Juramenlo, la chaîne de Zenta se
détache aussi du plateau en un long promontoire*. K Tabra ou « col»
de Zenta, où passe le sentier d'Oran à Humahuaca, le seuil se Irouye à
l'altitude de 4515 mètres. D'autres croupes de la chaîne s'élèvent à prèsde
5000 mètres; cependant la neige qui les recouvre parfois se fond presque
aussitôt. Sous cette latitude et ce climat sec, la limite inférieure de la
ligne des neiges persistantes doit passer probablement entre 5500 et
6000 mètres.
Toutes ces montagnes, toutes ces pentes de plateaux offrent les traces
du champ de glace qui descendait au loin dans les plaines. Cette région
de l'intérieur eut donc sa période glaciaire ou peut-être même ses périodes
successives de glaciation. Les escarpements morainiques se ravinèrent en
laissant entre eux des fosses énormes, séparées par des obélisques de
cailloux et des colonnes « coiffées »; partout la base des montagnes est
flanquée de termsses, hautes de quelques centaines de mètres, oii les
graviers s'entremêlent avec des couches de sable. Ce sont là des phéno-
mènes qu'on ne saurait expliquer par la simple action de l'eau et le dépôt
des alluvions*.
A l'ouest de Saltà, les chaînes de montagnes qui frangent le plateau se
suivent en retrait, diminuant de largeur et d'altitude h mesure qu'elles se
prolongent vers le sud, déchiquetées par les torrents d'érosion. Une crête
élevée a même été complètement détachée des hautes terres andines par
des espaces arides qui furent autrefois nivelés par les glaces et les eaux.
Cette chaîne devenue distincte et se développant en une ligne sinueuse du
4
nord au sud, à l'ouest des campagnes de Tucuman, est la sierra d'Acon-
(juija. Avec ses prolongements et ses promontoires extrêmes, de la grande
courbe du Juramento aux débuts de la Rioja, elle n'a pas moins de
450 kilomètres; mais la crête proprement dite, inclinée du nord-cslau
sud-ouest, n'a guère que le dixième de cette longueur. L'Aconquija, au
•
cœur de granit, est très brusquement coupé sur sa face occidentale, qui
regarde les Andes, tandis que ses déclivités de l'est sont plus douceSt
flanquées d'avant-monts ça et là boisés. On donne le nom de Clatijo
ou de « Cheville » au massif central d'où les ramures de montagnes rayon-
nent en diverses directions : au nord, les Cumbres de Calchaqui;à l'ouest,
la sierra del Atajo ; au sud, la rangée d'Ambato; au sud-est, celle de les
• Martin de Moussy, Description de la Confédération Argentine.
• Luthvig Brackebuscli, Peierniann's Mitteilungen, 1895. Hcfl VU.
MONTAGNES DE L'ARGENTINE. 597
tos, conlinuée pnr les monts d'Ancaste. Pendant l'hiver de 1895,
géologue Rodolfo Hauthal a le premier gravi la cime la plus élevée de
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^conquija, donl il évalue l'allilude à 5400 mètres. Avant de tenter le
ne suprême, il avait passé deui jours, à 4500 mètres de hauteur, dans
le fissure de rocher, pour s'abriter d'un vent furieux. Quoique situé
598 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
dans la zone tempérée, TAconquija n'a pas de glaciers, mais on dislingue
parfaitement les traces d'anciens fleuves cristallins et, à la cote de
4700 mètres, Hauthal vit deux petits lacs, d'origine évidemment glaciaire,
retenus par un barrage de moraines frontales*.
Le ncvado de Famatina, qui s'élève à plus de 200 kilomètres au sud-
ouest de l'Aconquija, ressemble à ce massif par son aspect imposant, vu
surtout de ses pentes méridionales; mais il n'est pas, comme rAconquija,
complètement détaché du plateau des Andes : par un pédoncule de hautes
terres, qui suit l'axe du système, il se rattache aux masses andines. U
Famatina, plus haut que l'Aconquija, puisque le sommet central attein-
drait 6294 mètres, d'après Naranjo, qui Ta gravi, semble encore beaucoup
plus grand par son élévation relative au-dessus des plaines de sa base,
situées à l'altitude de 1000 à 1500 mètres. Des granits et des porphyres
constituent le noyau de la chaîne, et les roches latérales se composent
de schistes métamorphiques aux couleurs variées, blancs, rouges, noirs.
Au sud, la sierra se continue directement par une chaîne graduellement
abaissée, qui va se perdre dans la région des salines ; on peut la considérer
comme appartenant au même système des rangées de montagnettes cl de
collines qui se succèdent en échelons, parallèlement aux crêtes majeures
des cordillères. Tels sont la sierra de Chaves et le massif non moins
isolé de Pié de Palo, qui domine à l'est la cité de San Juan.
A l'ouest du ncvado de Famatina, le plateau rétréci des Andes se décoin-
pose en deux cordillères parallèles, d'altitude à peu près égale et cd<^'
Irastant par la nature de leurs roches. La cordillère occidentale consliti
la ligne de faîte entre les versants et en même temps la frontière entre
Chili et l'Argentine. La cordillère orientale, appartenant en entier à
république platéenne, est décomposée en fragments par les vallées d<
torrents qui la traversent de distance en distance et en emportent 1-
débris dans la plaine. Tandis que la cordillère chiléno-argentine, de beai
coup la plus jeune, se compose de formations mésozoïques ayant çà et
livré passage à des masses éruptives plus récentes, la chaîne plus ancien]
de l'est, la « pré-cordillère », appelée aussi « an té-cordillère » et suiv-
d'une contre-cordillère', consiste en granits, porphyres et strates palé^^^
zoïques. Cette deuxième chaîne fut évidemment l'arête primitive d'os*
ture, et sa démolition était déjîi commencée par le temps lorsque s'éh
le rempart continu de la chaîne occidentale : il y aurait eu là une exte=^fl*
• Bclelin cîel Instituto Geogrdfico Argentino, 1893, cuadernos 1, 2, 5 y 4.
• H. Burincistcr, Description physique de la République Argentine,
MONTAGNES DE L'ARGENTINE. 599
sion considérable du continent sur sa face tournée vers le Pacifique. Cette
partie de la double Cordillère offre une certaine ressemblance avec les
Andes équatoriales, qui se divisent aussi en deux chaînes parallèles, dont
l'une, celle de l'ouest, est presque continue, tandis que la rangée orien-
tale, coupée en sept endroits par des rivières du système amazonien, a
presque entièrement perdu le caractère de chaîne : on pourrait presque,
avec Whymper*, y voir une succession de massifs sans cohésion naturelle.
k l'endroit où la chaîne de Famatina s'enracine dans le plateau des
Andes, les deux cordillères ne se dessinent pas encore : les grands som-
mets neigeux, le Bonete, le Veladero, la Gallina Muerta, dressent isolé-
ment leurs cônes de 1000 à 1500 mètres d'altitude relative, sur le large
socle qui sépare les deux versants du Chili et de l'Argentine. La haute
plaine qui porte ces monts solitaires s'étend elle-même à la hauteur
moyenne de 4000 à 4500 mètres au-dessus du niveau de la mer et se
prolonge d'un horizon à l'autre en molles ondulations parsemées de névés
qui changent la terre en boue. Des chaos de pierres indiquent çà et là
l'emplacement des montagnes démolies. Sur ces âpres étendues le vent
souffle souvent avec fureur, accompagné d'orages qui emplissent l'espace
de tourbillons neigeux. Dans cette région de la puna, le voyage, toujours
dangereux, ne rencontre point d'obstacle naturel : le plateau dans son
entier se présente comme un seuil de passage où se ramifient en réseau les
sentiers suivis par les muletiers argentins qui se rendent à Copiapo, pous-
sant devant eux des troupeaux. Les chemins de cette zone des Andes sont
désignés sous le nom de pircas.
Dans la partie du plateau qui porte le Bonete et que traversent les
pistes muletières entre les hautes vallées de la Rioja et celle de Copiapô,
les rivières du versant argentin coupent la cordillère orientale en quatre
fragments bien distincts. Une première arête, dont quelques pitons dépas-
sent 500 mètres, est séparée de la cordillère argentino-chilienne par la
profonde vallée dans laquelle serpente le rio Blanco, l'une des branches
maîtresses du rio de Jachal. Une deuxième chaîne, plus rapprochée de
la frontière, aligne de nombreux sommets qui dépassent 5500 mètres,
entre autres le pico del Salto. Le troisième rempart de montagnes appar-
tenant à la cordillère orientale s'élargit en un puissant massif dont les
cimes, Mainrique et Totora, dépassent également 5500 mètres, limite
inférieure des neiges persistantes. Enfin, le quatrième fragment, dit la
cordillera del Tigre (5015 mètres), se rattache au colosse Aconcagua,
• Travels amongst the great Andes of the Equator.
'■1
«W ><>IÏELLE •iÉM'iBAPHIE TSITERSELLE.
iluminanl la valli'-i- •ian'' laqudlf [tasse la roate majeure de Ba«M> in
à Sanlia;:» de <!hiU- [Mr li:- pax) «Je la Cunibre. Tous les st-^nlicniivfai.
rhis<**nl If* Antl«;-. entre cv col rn>i|Ufnté el les pîrcas de Copiapi. hmC
lent l»> vallé»"^ Je* rivit-n-- p«»ur contourner les barrières tnusiH^
de lii L-ordillt.-reAr^'entine: mais (.■e> passages ne sont giim utilààbt
pour l'imftortatiun dr- muM- an^ntias dans les campt^nes du (Otih
dfs seuiU M-nil (lourtanl. en 1817. à toute une année, le vA de M
ou di? vallellt-rmoso. qui -'ouvri- à ÔJ65 mètres entre le massif de TJ
caguu t't ci-lui df la Kamada : les trou|tes républicaines de San I
If ti~rfver-><-rent |Hiur aller livrer liataille aux Espagnols. D'aiilm«É
de la ^'rande crête, suivis par les muletiers, dépassent 4d(HI
altitude : tel le C"I d'Agua NeL'ra tiu de la Laguna (4652 mùlres),
le chemin direct de Jachal à CoquimlM.
Ouln- les deux coi-dillcre- à pitons neigeux. l'Argeiitine a. offlrirt^
ChUi. sa cliaiiie d'avant-munlo. si ■■- {tetite Cordillère >', se d^TefaniM
liamllèlement à l'aie des Andes pntpivment dites et cou(hh.' de diAM
en distance [»ar les eluses ou les vallée* dans lesquelles passent lesriTJfta
A l'ouest de la plaine oii se trouvent les deux villes de San Juan «t il
Mendoza, cette chaîne des avant-monts constitue le massif déjà fier^
l'aramillo, dont un sommet, le cent) Pelado. atteint 3457 mMres. &
montagnes, maintenant sans neige>. eurent aussi leurs glaciers. eVJHBtt
dans la [daine voisine. au\ environs de Mendoza, on voit tes sillons irUb ]
par les anciens fleuves de glace. Les petites buttes aux sommets amtfe ]
que l'on a[i|ielle ferri7/o5 sont évidemment des restes de moraines, fnwfrfe '
pourlapluiwrt. Klles s'élèvent à ta hauteur moyenne de 00 à lOOmètrH.
alignées eu chaînons, el se coiuposenl de hlocs trachytiques, fn|iDnll
angulaires ou lîiilileinent émoussés, tjue les glaces ont entraînés josqn'm
pieds des avant-mouts'.
La coupure de la cordillère, manpiée par la roule de la Gumbre et pv
les travaux du chemin de fer transandiii, coïncide à peu près avec unedin-
sion naturelle du système oropra|diique, car c'est à une petite distance»
sud de l'énorme et neigeux Tiipungato (6178 mèti-es), lui-même d'oripoe
éruptivc, que s'ouvrent les cratères de nombreux volcans, éteints ou eocort
actifs. Là aussi la cordillèi'e argentinu-chilicnne se double à l'est d'une
chaîne complètement argentine, se développant parallèlemcn l h la pn'-
inière, mais de KtUO mètres plus basse en moyenne. Le volcan éteiul
d'Overo (i7iO mètres), qui relie cette crête des monts orienlaui à la
' Rodolfo Itautiiiil, lîeruta dfl Uuteo de la Plalii, tome IV, 1895.
ANDES ARGENTINO-CHILIENiNES. 605
1ère majeure, non loin du Maipo, s'entoure d'un glacier*, un de ceux
>n peut le mieux obsei'ver la formation de la nief>e pénitente ou
je des pénitents », ainsi nommée de la désagrégation de sa masse en
lettes inégales, ressemblant à des moines coi&és de la cagoule : les
ités de fusion dans l'air sec des hauteurs on roduit ces allées
es par lesquelles s'écoulent les ruisselets de glace fondue,
sud de rOvero, la chaîne argentine s'interrompt pour laisser passer
ère du Diamante, qui prend sa source dans Tentre-deux des chaînes
e domine le beau cône basaltique du môme nom; puis au delà
anent d'autres arêtes parallèles à la cordillère majeure. Une cou-
dans laquelle nait la rivière Atuel, mène au passage du Planchon
i mètres), un des plus fréquentés des Andes argentine-chiliennes, et
le ceux qui semblent destinés à desseiTir un grand trafic, grâce au
ce d'une voie ferrée. Plus loin, vers* le sud, le système orographique
git : la chaîne argentine des volcans du Malargûe (Malalhué), contras-
tée les assises jurassiques de la grande chaîne, se développe à 'est de
>fonde vallée longitudinale dans laquelle coule le rio Grande ou Colo-
aaissant; une autre chaîne moins haute lui sert de rempart avancé,
k une centaine de kilomètres encore plus à l'est, par delà une haute
a où s'étendent les eaux d'un lac sans écoulement, reste d'une mer
eure, se dresse une chaîne neigeuse, le nevado de San Rafaël
i mètres), fragment presque isolé de montagnes qui paraissent avoir
dis beaucoup plus puissantes. Plus au sud, un autre massif, le cerro
I, certainement un ancien Etna de laves et de cendres, domine la
t où s'unissent le rio Grande et le rio de las Barrancas pour former
lorado; trois puissantes cheires de laves superposées, comme trois
irs épanchés 1 un sur l'autre, se montrent sur l'un des flancs de la
agne. Près du col de Buta-c6, qui traverse à 1520 mètres la chaîne de
gùe, se voit une énorme masse de grès tombée d'une paroi voisine au
u du sentier : c'est le Cura Cokalio, la « pierre divine » des Araucans*.
ipée successivement par deux défilés, ceux des rios Grande et Bar-
s, la pré-cordillère orientale, elle-même fort élevée, se développe
élément à la grande crête : le Chos malal ou Bum mahuida, le « mont
Nuit », n'aurait pas moins de 5000 mètres, d'après Host. C'est un
1 volcan, entouré sur tout son pourtour de coulées et de nappes
ption, laves, cendres, pierrailles. On croit que toute la pré-cordillère
région se compose de ces roches volcaniques, ayant cherché une
il Gûssfeldt, ReUe in denAnden von Chile und Argentinien.
Host, Boletin del Instituto Geogràfico Argentino, tome H, 1881.
I
usue à dt'iix é|ioc[iii's ditri'ioiitos : \t's laves [iriinitiveN sont dt'fi tnich]r~
1 noirs, jiiisi|ucls oui succédé des hasalles'. Va seuil de 2318 mètres b^-jb
file volcan d^ Ih chaîne orcidentalo «t divise les eaux qui descendeul d'^~'u
CÔI^ vers le Culurado. de l'autre vei's le rio Negro par le N*'ui|ucu.
Andes onl peu de sites aussi grandioses que ce col de la Suisse argenti
dominant int immense Korizim de pAturages et de forêts, limites au m
est (Kir la masse colossale du ceiro Payeii el au noixl-imest par le >
du Camjianario (pu' leimine un diadème de lin'liers en forme de I
ruinées. An sud, la vue s'élend sur un chaiis de montagnes, (jui, jtar
liil'i Gcogvàl'i'ii Aiijeiiliii
ANDES ARGENTINO-CUILIEiNNES. 605
e lac Tromen, occupe Tespace compris entre Tarêle de la frontière el
e cours du Neuquen : même à l'est de cette rivière, d'autres massifs
Rabaissent vers la pampa rocheuse de la Patagonie.
A Test du volcan de Lonquimai et des autres monts ignivomes, LIaimn,
dinihue, Quetrupillan, qui se succèdent au sud sur la crête principale ou
dans le voisinage, la cordillère argentine reprend son allure régulière, à
une altitude sufQsante pour que les cimes se recouvrent de neiges en hiver :
le Chapel-c6 s'élève à 2440 mètres, et la partie de la chaîne dite cordillère
de los Cipreses se maintient à 2000 mètres. Mais de profondes brèches s'ou-
vrent dans cette arête. Un seuil où se confondent les versants du Biobio
chilien et du Limay patagon, n'a qu'un millier de mètres, et les charrettes
venues de l'ouest peuvent y remonter; plus au sud, une colline en pente
douce sépare un affluent du Limay et le lac chilien Picaullû (Lacar,
Lajara), situé à 700 ou 800 mètres de hauteur; un troisième passage,
h l'extrémité occidentale du Nahuel-Huapi, n'a que 838 mètres : c'est le
hoqueté de Ferez Rosalez. Une deuxième cordillère argentine, se dévelop-
pant parallèlement à la première, est moins échancrée, mais aussi moins
haute : ses pitons, dans les sierras de Catalin et de las Angosturas, s'élèvent
h 1500 mètres. Cette partie du système orographique eut ses volcans actifs
comme la grande chaîne située plus à l'ouest : le volcan d'Alumine, le
volcan de la Mesa, le cerro Chapel-cô sont des cônes d'andésite, et
d'autres pitons par vingtaines se dressent des deux côtés de la rivière
CoUon-cura, ouvrant largement leurs cratères où croissent les hêtres et les
myrtes*. Une de ces montagnes, près des sources du Biobio, a recouvert
de cendres tout le territoire des alentours. Les traces des éruptions et
celles des anciens glaciers se superposent : au-dessous des pierrailles vol-
caniques s'étendent les lits de boue glaciaire.
Au sud du Tronador, aux avalanches « tonnantes » qu'on voit pyramider
entre le bassin du Nahuel-Huapi et le versant chilien, les montagnes
s'abaissent, et, d'après Rohde, on pourrait se rendre des bords du Limay au
Qord étroit et profond de Reloncavi sans traverser de chaîne proprement
dite, mais seulement de petits plateaux coupés de ravins et de vallées : les
seuls obstacles sur ce seuil, qui est peut-être l'ancien passage de Bari-
loche, suivi par les missionnaires jésuites, proviendraient de l'exubérance
de la végétation; à l'endroit où le chemin descend aux eaux du Paci-
fique, il longe la rivière Puelo, entre le mont Ballena (1488 mètres) au
nord et le mont Castillo (1304 mètres) au sud*.
* Josef Sicmiradzki, Peiennann^s MUteilungerif 1892, Hcft m.
• Jorge Rohde, Boletin del Inslitulo Geogrdfico ArgenlinOj 1882.
G06 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Au delà, le long des profonds détroits qui séparent la terre ferme de Cbiloe
cl des archipels magetlaniques, la chaîne de partage n'est guère connue
que de loin el les marins ont dû presque partout se borner à en dessiner
le profil, dominé par les cimes de volcans éteints ou encore actifs, k
Yatc ou Yebcan, le Minchin mahuida, le Corcovado, te Mellimoya, donl la
hauteur varie de 1600 à 2400 mètres. Mais les quelques excursions que
des voyageurs, des bûcherons el des pêcheurs ont faites dans les vallées
tributaires du Pacifique, permettent de croire que la cordillère se décom-
pose en massifs isolés par des brèches profondes où pénètrent des rivières
nées à l'est des montagnes, sur les plateaux de la Palagonie. La rivière
Pulena, qui passe au sud du volcan Corcovado et qui, d'après la légende,
MONTAGNES DE LA PATAGONIE ET DE LA MAGELLANIE. 607
nnerait accès à la cité merveilleuse des « Césars », l'Eldorado méri-
tai du continent, coule dans une de ces brèches, de même que
rio Corcovado*, les rivières Aysen et Huemules, à la latitude plus
strale*. En cet endroit les Andes se décomposent pour former un archi-
l terrestre analogue à celui qui se présente sur le littoral voisin, frag-
dnté en de nombreux massifs'. La chaîne se reconstitue par le travers
! la péninsule de Taytao, où s'élève le plus fier sommet, le San Valen-
1.(3876 mètres). Sous la même latitude, Moyano a mesuré dans la cor-
Hère latérale argentine le pic Zeballos, d'une hauteur de 1675 mètres,
constaté l'existence d'une autre chaîne qui se détache des Andes vers
5 sources du Deseado pour s'orienter dans la direction du sud-est et
iner le musoir du cap Blanco, au sud du golfe de San Jorge. Quelle
ia hauteur de cette chaîne transversale? On ne sait, mais les Indiens
lisent très pénible à traverser, à cause des rochers, des précipices,
pierres roulantes, du manque de sources. Pour se rendre de l'un
aiutre point du littoral, ils la contournent à l'ouest par la région des
larages*.
^ansla Magellanie, le continent rétréci n'offre plus qu'une bande étroite
;|plaines en dehors des Andes, et dès le rivage de l'Atlantique on aper-
• les cimes qui se dressent dans le voisinage de l'autre Océan. Mais dans
Le région péninsulaire qui termine le continent, les zones parallèles des
nations orographiques se présentent avec une étonnante régularité,
chaîne des Andes proprement dites, où s'élève le mont Chalten, mont
perbe en forme de tour que Moreno désigne aussi sous le nom de Fitz-
\*(2100 mètres), se profile presque exactement suivant la ligne du méri-
n, jusqu'à la brèche où pénètrent les eaux des grands fjords magella-
ues. A cette rangée succède à Test une pré-cordillère, à laquelle Moyano
me l'appellation de cordillère de los Baguales ou des « Chevaux sau-
es » et qui se poursuit du nord au sud sur une longueur de plusieurs
laines de kilomètres, sans beaucoup s'éloigner de la direction précise
méridien. Le mont Stokes, drapé de neiges, le mont Payné, presque
si haut, appartiennent à cette pré-cordillère, dont les cimes s'élèvent de
}0 à plus de 2000 mètres. Une troisième chaîne, moins égale et moins
ite (1500 mètres), n'atteint pas la limite des neiges persistantes, mais
>asse les autres en sites pittoresques, grâce à ses tours, à ses obélisques
Funtana, Boletin del Insiiiuto Geogràfico ArgentinOf 1886-87.
Scrrano, Simpson, Anuario hidrogrdfico de la marina de Chile, 1875, 1886.
Rodgers, Moyano, J9o/^/in del Instituto Geogràfico Argentino, 1888.
Carlos M. Moyano, Boletin del Institulo Geogràfico Argentino, 1881.
nos ?!ODVELLE GÉOGRAPHIE UîflYERSELLE.
(le scorie:^, à ses masses de lavos en rclrail, semblables h des temples ; u'esl
la chaîne éruptive où se dressent ie vrai Chnilcn cl. aulresvolcans éteints ou
actifs. I.a cordillère de Latorii-, signalée de lnïn |mr les mornes des Très
Sabios ou des «Trois Savants », l'hilippi, Gay, Domeyko, faiL partie de celle
région des laves : on y voit un eratt'i'e d'apparence très récente'. Sur h
zone qui s'incline h l'est vers l'Âtlanliqiie s'étend le manteau des scories cl
des cendres* tjue percent de dislance en dislance, isolés ou alignés, d'an-
ciens cônes d'éruplion. Un morne calcaire, le monte Léon (500 mètres),
percé de grottes oh se cachent les pumas et portant h sa pointe les nids
des condors, signale de loin l'embouchure du Santa Cruz'.
Au sud des Andes proprement dites, la côte se découpe en mille inden-
lations. et les monts prennent, grilce aux baies et ans lacs environnants,
un asirect insulaire. Entre le Skyriiig Waler el le grand méandre du
détroit de Magellan. In ciiainc se réduit à uti seuil de quelques mttrcs
à peine. Elle pointe de nouveau avec les formidables parois du cap
Froward, el de l'autre côté du détroit élève encore des monts supct'tH.'S
à ceinture de glaciers, le Sannienio, le Darwin, le Français, puis. *o
développant suivant une grande courbe dans le sens de l'ouest à l'eM, va
finir par la longue île des États, où culminent des sommets d'un millier
de mètres. Avee cette île, territoire argentin, se termine le long hémi-
cycle dos montagnes andincs, commençant avec Trinidad, dans la mer des
Caraïbes.
D'autres massifs, maintenant séparés des Andes, mais qui probablement
en firent partie jadis, s'élèvent isolés dans l'immense territoire de l'Argen-
line. Un premier groupe de montagnes, dit fort justement sierra de los
LIanos, parce que des plaines l'entourent, entre des salines et autres terres
basses et désertes, presque à moitié chemin entre la Rioja el San Luis, fut
une île orientée dans le sens du nord au sud. Très usée par le temps,
cette sierra n'a point de morne qui se dégage fièrement des croupes infé-
rieures ; elle ne présente que de longues croupes d'origine cristalline et
métamorphii|ue, ne dépassant guère un millier de mèlres par leurs masses
culniinanles. Plus au nord, la sieira Brava. i|iii n'atteint pas même
iOOO mètres, offre un aspect analogue el fit sans doute partie du même
système oriigraphiquc : ce n'esl qu'un Jlol dans l'ancienne nier. Quelques
' Itngers unci IJwr, Peleniwna's Geographitehe Mitleilungeii. 1880, lloft li.
' Fntifois I'. Moronn. Viaje d la Palagonia auttral.
MONTAGNES CENTRALES DE L'ARGENTINE. 609
ntles isolées, qui percent çà et là les couches alluviales de la plaine, ont
eçu des indigènes le nom pittoresque de reventazones de la sierra ou
rejets de la montagne * » .
Le système Central, qui occupe un espace de plus de 500 kilomètres du
ord au sud, parallèlement à la grande Cordillère, se compose de plusieurs
haines distinctes, toutes disposées suivant la même orientation normale,
lais également situées sur un socle de plaines ayant plus de 500 mètres
n hauteur. Dans l'ensemble, ces montagnes, de formation cristalline,
résentent, comme le système andin, leur face abrupte du côté de Touest:
ar leur versant oriental, de même qu'aux deux extrémités du nord et du
ad, elles s'inclinent doucement vers la pampa. Un premier chaînon, que
raversent les rivières descendues du système Central, se développe sur la
ice de Test, n'atteignant un millier de mètres que par de rares sommets :
I cime Ia^plus haute, la cumbre de la Cal, au nord-ouest du Côrdoba,
élève à 1570 mètres. La chaîne centrale, l'axe du système cordovais,
épasse 2500 mètres par son morne culminant, le Champaqui : ce n'est
u'un simple cône posé sur des plateaux pierreux, enfermant quelques
liions de pâturages. Au nord-ouest, le système s'élargit en un plateau qui
il face à la sierra de los Llanos. Ce plateau se distingue des monts cordo-
lis par une ligne d'anciens volcans, qui se dirige de l'est à l'ouest et se
rmine brusquement au-dessus des plaines occidentales par le cerro
achytique de Yerba Buena (1645 mètres). Il n'a point de cratère appa-
nt et, de mémoire d'homme, n'a lancé de vapeurs ni vomi de laves; mais
ins les alentours on ressent quelquefois de légers tremble-terre; on aurait
issi entendu des grondements souterrains au pied de ces montagnes.
La sierra de San Luis, appelée aussi de la Punta, d'après son promon-
ire sud-occidental, peut être considérée comme faisant partie du système
mirai ou cordovais et date du même âge planétaire ; mais elle en est assez
îttement séparée par une longue dépression dans laquelle coule la rivière
mlara, qui va se perdre au nord dans les salines. Les hauteurs de San
lis ont l'aspect de fières montagnes sur leur pourtour de l'ouest et du
)rd', côtés par lesquels elles se présentent de la base au sommet; mais ce
îbord cache un plateau mamelonné ayant en maints endroits l'aspect
une véritable plaine. L'une des plus hautes cimes, le Monigole (1966
êtres), est un de ces mornes du rempart extérieur; de même le Gigan-
llo, « petit Géant », qui fait face, par delà la profonde dépression de la
mada, au Gigante de l'extrême chaînon des Andes. Les gneiss de la sierra
* Martin de Moussy, ouvrage cité.
xn. 77
610 NorvEr.LE GÉOGRAPHIE ckiversellf:.
se dislin^iiont de ceux dti système cordovais par leur estrâme abondance
en (juartz el en mica. Les niisseam de la plaine semblent couler sur des
pailletles d'argent, et les masses de quartz pur se dressent au sommet des
collines comme des propylées de marbre. A l'est du Monigote une petite
rangée de mornes volcaniques s'aligne transversalement à i'axe du système
comme dans les montagnes cordovaises : un de ces mornes est le Tomn-
lasla, sommet culminant du plateau et de tout le massif (2H7 mètres);
I
des gisements aurifères lui ont fait donner le nom de cerro de las Minas.
En dehors des montagnes de San Luis, le cerro Morro, au nord de Villa
Mercedes, constitue un autre massif insulaire, dépassant 1500 mètres, et
le promontoire de la Punta se continue au sud, vers les déserts de Pala-
gonie, par une succession d'ilôts, ancienne chaîne dont les vallées et. les
brèches sont comblées par les alluvions et les poussières, ne laissant surgir
(pie les pointes rocheuses.
De i'auti'e côté du Parand, entre ce fleuve el l'Uruguay, dans la mésopo-
lamie argentine, il n'y a que de légères ondulations ou des berges fluviales,
désignées parfois sous le nom de collines à cause du contraste que présen-
tent avec ces hauteurs les marécages el les fleuves; mais dans le territoire
des Missions, qui se continue à l'est dans l'État brésilien de Santa Catfaa-
SIERKAS DE SAN LUIS, DEL IMAN, DE LA YENTANA. 611
la, une véritable chaîne se redresse en croupes de 300 ou 400 mètres
-dessus des campos. . Dans Tisthme formé par le rapprochement des
ux fleuves, au sud-est de Posadas, une première rangée d'élévations
dessine du sud-ouest au nord-est : c'est la sierra dei Iman ou de
TAimant », ainsi nommée sans doute par les Jésuites, qui avaient
)uvé du fer magnétique dans ses assises. Plus loin, vers Je nord et Test,
s couches de grès et les roches primitives, qui vont se rattacher au système
ésilien, se relèvent par degrés dans la direction de la serra do Mar.
Des chaînes distinctes s'élèvent aussi à l'est des Andes patagones, dans
province de Buenos Aires et les territoires du sud. Un premier aligne-
ent de crêtes se profile du nord-ouest au sud-est parallèlement au bas
iranâ, continué par le rio de la Plata, et se termine aux pointes du cap
>rrientes. Les mornes les plus élevés de cette crête, décomposée en plu-
eurs fragments, atteignent 340 mètres dans la sierra de Tandil ; plus
lin, au sud-est, la sierra de! Yulcan se dresse abruptement, quoique à une
lible élévation (275 mètres) : comme les autres massifs de la contrée,
le est formée de gi^nits, gneiss, de roches archaïques, non de laves,
nsi que pourrait le faire supposer cette appellation de Vulcan, mot d'ori-
ine pampéenne qui aurait le sens de « brèche » et qui s'appliquerait au
rge passage ouvert entre cette chaîne et la sierra de TandiP.
Plus au sud, les divers massifs qui s'élèvent au nord de Bahia Blanea,
. que l'on désigne d'ordinaire sous le nom de montagnes de la Yentana,
^ décomposent en chaînons parallèles, d'une direction analogue à celle
a Tandil et des volcans. Les sommets les plus fiers, situés dans la
laîne proprement dite de la Yentana, dépassent l'altitude de 1160 mètres* ;
lais ils atteignirent autrefois à des hauteurs beaucoup plus grandes.
oehes de quartzites blanchâtres, rayées de rouge en maints endroits par
js oxydes ferrugineux, ces montagnes appartiennent aux âges les plus
nciens de la Terre : elles existaient bien avant l'apparition des Andes, et
robablement furent alors parmi les colosses du continent; ce sont les
ragments de masses énormes presque entièrement désagrégées par les
ttétéores. La vallée du ruisseau Sauce Grande, qui sépare la chaîne de
a Yentana et celle du Pillahuinco, fut jadis emplie par les glaces : des
•oches moutonnées indiquent le passage de l'ancien fleuve cristallin';
ictuellement la Yentana se revêt d'un peu de neige tous les ans. La sierra
l'est que très faiblement boisée, et de plusieurs endroits parait com-
' Martin de Moussy, ouvrage cité.
* 1350 mètres, d*après Âguirre.
' Rodolfo Hauthal, Revista del Muteo de La Plata, tome VIII, 1892.
OIS NOUVELLE CËOGRAPHIE UNIVERSELLE.
plètemenl nue. Son nom, Venlana ou « Fenêtre», lui vient d'une ouTerture
qui se montre près de la cime, laissant voir un coin du ciel bleu.
L'intérieur de la Patagonie, dans la région que traversent les riosColi)-
rado et Negro, se hérisse de crêtes rocheuses, granits et porphyres roses,
qui semblent des vapeurs légères au soleil du matin. Ces diverses cbaines,
connues sous le nom générique de maJiuida, qui signifie « montagne »
dans la langue des indigènes, ont une hauteur moyenne de 400 à 500 mètres,
et presque toutes sont orientées dans le sens du nord-ouest au sud^*^
comme les chaînes de collines situées enire Buenos Aires et Bahia BlaC^*^
Entre leurs arêtes, le sol est recouvert d'une crau de cailloux arron^^
granits, gneiss, porphyres, déposés en couches horizontales alten»^
avec des dunes. Les plaines d'origine tertiaire qui constituent touU
socle de la Patagonie à l'est de la cordillère andine, et dans lesquelles
trouvent des fossiles en surabondance, ont pour manteau ces lits ^
graviers roulés. Darwin estimait la prodigieuse masse des galets p0^
goniens .'i une longueur d'un millier de kilomètres du nord au sud»
une largeur moyenne de 320 kilomètres et h 15 mètres d'épaisseur; d*'
HAUTEURS, PLATEAUX DE LA PATAGONÏE. 615
montagnes, des chaînes entières ont dû être triturées pour fournir un
cailloutis de cette puissance et de cette étendue. Encore faudrait-il y
ajouter tous les débris de même nature que recouvrent maintenant les
eaux de la mer : tels les porphyres roulés que les sondages des marins
ont retrouvés dans les parages des îles Falkland, loin de tout massif
insulaire contenant des roches analogues'.
Ces cailloux proviennent évidemment des Andes et des montagnes plus
anciennes qui s'élevaient dans les régions centrales et orientales de la
contrée et dont il ne reste plus actuellement que les noyaux. Des morai-
nes, poussées par les glaces, ont certainement livré les premiers maté-
riaux que les eaux marines ont distribués en lits horizontaux ou très faible-
ment inclinés. Puis s'est produit le phénomène d'émersion, provenant soit
de l'exhaussement du sol, soit du retrait de la mer, et les anciens
fonds, les anciennes grèves sont devenus les craus desséchées de la
Patagonie, oii se montrent en quantités si prodigieuses les huîtres géantes,
de 30 à 50 centimètres de tour, qui caractérisent de si vastes étendues du
sol patagonien. La forme même du relief, dans l'intérieur des terres et sur
le littoral, montre avec une netteté parfaite ce travail d'émersions succes-
sives : en maints endroits, le plateau pierreux finit brusquement dans
le voisinage des fleuves ou des coulées et se découpe comme une côte
maritime en golfes et en baies, contrastant avec les massifs rocheux par
leurs herbages et leurs bosquets* : ces dépressions, les seuls lieux habi-
tables de la contrée, sont d'anciennes plages où la mer venait se heurter
aux falaises. La côte actuelle se présente aussi dans presque toute son
étendue en une brusque muraille que sape le flot; mais sur le pourtour
des hauteurs se montrent les différentes terrasses qui indiquent les niveaux
successifs du socle continental : dans le voisinage du Chubut, ces gradins
se poursuivent à 25, <^ 60 et à 105 mètres d'élévation; à la bouche
du rio Santa Cruz, on voit des paliers de formation maritime h une hau-
teur plus grande encore. Près de Possession Bay, à l'entrée orientale du
détroit de Magellan, de Pourtalès a découvert un étang situé à 50 mètres
d'altitude et contenant des coquilles toutes identiques à celles de la mer
voisine. Ce mouvement d'émersion se fit-il par de brusques poussées,
correspondant à chacune des terrasses, ou, ce qui est plus probable, se
fit-il avec lenteur, mais suivant un certain rythme d'oscillations? Les
géologues le diront un jour.
* Francisco P. Moreno, Viaje à la Patagonia Austral,
« Josef Siemiradzki, PetermaniCs Mitteilungen, 1893, Hcft III.
.NOUVELLE GÉOCRAPlllE tlKIVERSBLLE.
Peiidniil la période contemporaine, d'autres foiinations se superposent
.111 lit de eailloui roulés de lit Patagoiiie, iiiis argiles de l'Ar^fenline cen-
Inile. Sur de vastes éiendues, des sables couvrent le sot, se déroulant en
dunes analogues h celles (jui se forment en maint pays au bord de la mer,
sous le souffle des vents du large. Mais dans les régions platéennes ces
monticules changeants ne sont pas d'origine océanique : ils proviennent
de la région des avant-monts oîi se trouvent en masses énormes les débris
morainiques abandonnés à l'entrée des plaines par les anciens glaciei"s.
Les matières ténues que le vent soulève en poussière sont portées au loin
et se déposent en couches de sable un analogue aui » terres jaunes » de
la Chine centrale; mais les sables plus grossiers constituent de véritables
dunes, vagues terrestres qui se forment et se déforment sous la pression
des courants atmosphériques : c'est principalement dans la région du
Colorado et du rio Negro qu'ils occupent des espaces considérables, pres-
que sur toute la largeur du continent. Présentant les mêmes phénomènes
que les dunes de formation maritime, ils s'arrêtent sous l'action des pluies
et reprennent leur lente progression pendant les périodes de sécheresse.
Des plantes, aux longues radicelles rampantes cl aux coulants en réseaux,
les consolident fréquemment et les transforment en coltines qui se recou-
vrent peu à peu de terre végétale. Certaines espèces d'arbres aux puissantes
racines continuent de croître dans les dunes mouvantes qui les surpren-
nent : tels les algarrobot, que le voyageur s'étonne de voir prospérer en
plein sable'.
Les cratères éruptifs de la cordillère des Andes contribuent aussi à
changer l'aspect du sol patagonien. Toute la région du Chubut, toute
celle du Santa Cruz sont recouvertes de cendres multicolores, déposées
en couches régulières, évidemment des poussières d'origine éruptive qui
furent i-ejetées par les volcans de la cordillère andine et transportées par
le vent d'ouest ou de nord-ouest. Ces phénomènes, qui ont dû se renouveler
des milliers de fois, se continuent dans les âges contemporains. En 1886,
une poussière s'abattit dans toute la vallée du Santa Cruz, sur les hauteurs
environnantes et jusqu'à Punta Arcnas. Sur les côtes de l'Atlantique la
pluie pulvérulente fut à peine sensible ; mais à quelques journées de mar-
che dans rintérieur on n'apercevait pas les objets à dis mètres de distance
et on respirait très difficilement. Nombre d'animaux périrent à cause du
manque d'eau et de fourrage : tes sources, les herbes disparaissaient sous
la nappe do cendres. De quel volcan était sorti ce nuage de matière ténue,
■ Luii-nig lli-aekfliusdl, iiu'jiioir,! cil.-.
' VOLCANS DE LA PATAGONIE, PAMPAS ARGENTINES. 615
'ojetée à une distance d'au moins 200 ou 250 kilomètres? On ne sait ;
ais il devait se trouver vers les sources du rio Santa. Cruz ou de ses
luts affluents, car le fleuve cessa de couler pendant quelque temps,
lis ses eaux s'élevèrent soudain à une grande hauteur, quoique à cette
ison, en mai, les courants patagoniens ne se trouvent pas en crue.
(puis cet événement, dit-on, le débit fluvial aurait été moindre qu'avant
(mptioa. Sans doute, des amas de cendres avaient retenu le fleuve et
rmé un lac qui, lors de l'inondation, rompit partiellement sa digue ^
1 1895, une éruption du Calbuco, volcan chilien que l'on croyait éteint,
^ojeta ses poussières jusqu'à l'embouchure du Chubut et au golfo Nuevo.
mtes les pfantes semblaient recouvertes de neige. Les nuées de cendres
aient mis peu de temps à parcourir l'immense espace aérien, car elles
aient encore chaudes*.
Les plaines parfaitement unies ne se trouvent guère que dans l'Argon-
ne proprement dite, au nord du Colorado. Ces étendues horizontales
'xupent difierents niveaux au-dessus de l'estuaire de la Plata, et présen-
nt d'autres contrastes provenant de la nature du sol et du climat. Aussi ne
s embrassa-t-on point sous le même nom géographique. La région du
ard, comprise entre les avant-monts et la ligne d'eau du Paraguay et du
iranà, constitue le Chaco, dont la moitié septentrionale appartient à la
(publique paraguayenne et qui doit son aspect particulier à des brousses
mineuses, à des palmeraies, à des bois clairsemés ou toufius. D^autres
aines, situées plus au sud dans l'intérieur, des deux côtés du massif de
irdoba, sont au contraire complètement nues et des nappes salines y
incellent sous les rayons solaires : anciens bassins lacustres ou lits de
vières desséchées, elles oflrent des phénomènes qui rattachent leur
stoire à l'hydrologie. Enfin les savanes qui s'étendent des montagnes
trdovaises au bas Parand et de l'estuaire de la Plata aux avant-monts de
Patagonie sont désignées sous le nom de pampaSy emprunté à la langue
5S dominateurs quichua et servant sur les hauts plateaux et dans les Andes
1 Pérou et de la Bolivie à indiquer les espaces plainiers, terrasses ou fonds
3 bassins. Puis au sud, dans la Patagonie, la région des herbes se modifie
ir degrés pour se transformer en steppe rocheuse recouverte de brousse'.
Les pampas sont, de toute la république Argentine, la région la plus
équemment décrite, parce qu'elle commence immédiatement au sortir
es grandes villes, Buenos Aires, Rosario, Santa Fé, que la plupart des
* Carlos Y. Burmeister, Reviêta del Mtueo de la Plata ^ tomo U, 1891.
• F. Machon, Bibliothèque Universelle, nov. 1893.
» W. H. Hudson, The Katuralist in la Plata. * -
616 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
colons s'y sont établis et qu'il faut les traverser pour se l'endre dans les
provinces de l'intérieur. D'ailleurs la pampa ne se montre pas uniforme;
elle se compose en réalité d'une terrasse qui s'incline doucement de
1000 à 200 mètres entre la base des montagnes cordovaises et le rio
Salado de Buenos Aires, et d'une plaine basse, s'abaissant de 80 à
40 mètres, qui forme une zone en hémicycle le long du Paranà et de
l'estuaire platéen jusqu'à la mer. La terrasse d'en haut est la steppe, la
pampa centrale, qui resta toujours au-dessus du niveau des grandes inon-
dations; la plaine d'en bas fut jadis recouverte par les crues fluviales :
il faut y voir une nappe d'alluvions qu'apporta la large mer mouvante du
Parana, et que les vents ont graduellement desséchée en y déposant une
couche de poussière analogue au lœss, aux « terres jaunes » de la Chine.
Aucune pierre ne se môle à ces lits superficiels de la pampa. Le foncl
rocheux qui se trouve au-dessous consiste en un grès très fin, d'origiae
miocène comme les assises tertiaires de la Patagonie\
i]
III
Le système fluvial de la Plata, le plus vaste du Nouveau Monde apr^^s
celui de l'Amazone, appartient à la fois à la Bolivie, au Brésil, au Pai
guay, îi l'Uruguay et à la république qui a i^eçu de l'estuaire ses noi
d'Argentine ou la Plata. Ce dernier État possède à peu près la moitié t
bassin, mais les États limitrophes fournissent de beaucoup la plus gix)ss
part de la masse liquide. Au confluent des deux grands fleuves, Paragu;
et Parana, où les eaux unies, cessant de baigner une rive paraguayenne
pénètrent dans une région appartenant sur les deux bords à TArgentini
le débit fluvial représente déjà une quantité plus considérable qu'à l'issi
de son delta dans l'estuaire : en aval, les faibles apports des tributaires
suffisent pas à compenser l'évaporation*.
Aux Très Bocas, nom du delta intérieur que les deux fleuves forme.^ "^^
en s'unissant, le rio Bermejo, — Vermejo ou le c< Rouge », — le plus f(^ ^^"^
tributaire coulant en territoire argentin, a déjà rejoint l'axe fluvial. Ce!
rivière, remarquablement parallèle au Pilcomayo, grâce à l'inclinaii
uniforme des plaines traversées, naît dans les massifs andins qui basti(
nent à Test le plateau de Jujuy : une des branches maîtresses, le Berm
» Ch. Dai^win, ouvrage cité; — Josef Siemiradzki, PetermanrCs Mitteilungen, Heft III.
« J. J. Revy, Hydraulics of the Great Rivera,
PLAINES. FLEUVES DE L'ARGENTINE. 617
tpremenl dit, coule dans la rallée bolivienne de Tarija et, déjà fleuve
s abondant, rejoint en aval d'Oran un cours d'eau de puissance
de, le San Francisco, qui lui apporte les eaux de la province de Jujuy.
-dessus du confluent, — en espagnol las Juntas, — les deux courants
it également navigables, et plus bas jusqu'à l'embouchure dans le Para-
ay, de nombreux voyageurs ont suivi l'exempte du prélrc Horillo qui,
1780, descendit le cours entier du fleuve; mais te voyage comporte
it de dangers d'écbouage, sans compter le péril d'attaques à main
née, que les expériences heureuses n'ont suscité aucune entreprise
![ulière de navigation : des bateaux à fond plat, transportant quelques
irchandises et mettant des mois entiers à faire le voyage d'aller et retour,
peuvent entrer en concurrence commerciale avec le chemin de fer qui
618 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
pénètre de Buenos Aires dans la province de Jujuy par une ligne continue
de rails.
En échappant aux montagnes pour descendre au sud-est par la pente
naturelle de la plaine vers le Paraguay, le Bermejo se trouve j^resque
brusquement arrêté par le manque de déclivité. Il se bifurque, se (di^
en nombreux rameaux à droite et à gauche, cherche à se creuser un lit, à
se frayer une voie normale, et s'épand çà et là en bassins d'évaporation.
Sur la largeur d'une centaine de kilomètres, on constate l'existence de
tout un écheveau de rivières vives ou mortes, ici des eaux courantes
encore, ailleurs des lacs, des marécages, des fosses d'eau stagnante. En
presque toute cette étendue, les anciennes forêts ont disparu, tuées par
la surabondance des eaux d'inondation'. Encore au milieu du siècle, h
fosse la plus méridionale, conservant le nom de Bermejo, ramassait ces
coulées en un courant unique pour les porter au Paraguay; mais la
formation d'un barrage d'arbres et autres débris fit refluer le flot vers le
nord, et maintenant le fleuve continu, qui se développe parallèlement à
l'ancien cours, à une vingtaine de kilomètres en moyenne, est le Teuco on
Teuchtach, — mot de langue mataco qui signifie le « Coulant »*. — Depuis
la formation du nouveau lit régulier, les inondations latérales ont diminué
de part et d'autre, et les alluvions déposées dans les fausses rivières les
colmatent peu à peu; Tancien lit du Bermejo est même presque à sec, sauf
dans sa partie inférieure, remplie maintenant d'une eau saumâtre. Peut-
être en un petit nombre d'années ou de décades le Bermejo aura-t-il repris
sa continuité normale, comme le Pilcomayo actuel qui, lui aussi, eut ses
balancements h la recherche de la pente la plus favorable; toutefois on a
employé des centaines de Matacos pendant plusieurs mois pour régler le
courant actuel. Dans son cours inférieur, le fleuve, barré de distance en
distance par des bancs d'argile blanche, comme ceux du Pilcomayo, auquel
son régime ressemble d'une manière si remarquable, roule les eaux rou-
geâtres qui lui ont valu son nom. La longueur totale de son cours, en y
comprenant les méandres, dépasse 1800 kilomètres, dont près de 1500
navigables pendant six mois de l'année.
La rivière dite del Juramento n'a pas d'affluents boliviens comme le
Bermejo : ses premières eaux viennent des nevados de Cachi, à l'ouest de
montagnes de Salta. Forcée à de brusques détours par les remparts des
sierras qu'il lui faut trjiverser, elle change de nom en même temps que de
* Ani<i(]oo Bnidrich, Bolelin dellnslituto Geogràpco Argenthw, 1884.
* Giovanni Pcllcsclii, Olto Mcsi nel Cran Ciaco,
• ■■■1
I I
JURAHENTO. 62i
direction : on l'appelle rio Guachipas, puis rio del Pasaje, à l'endroit où
la franchit la grande route de Tucuman à Salta; en aval, elle prend la
dénomination de Juramento, en souvenir du serment que jura l'armée de
Belgrano, en remontant vers le haut Pérou, de conquérir la liberté des
nations américaines. Une fois sorti des monts, le Juramento n'a plus qu'à
traverser le Gran Chaco, d'abord dans la direction du nord au sud, puis du
nord-ouest au sud-est. Mais, sur ce sol presque horizontal, il a peine à
creuser son lit. Sous la latitude de Tucuman, il s'étale en bafiddoSy marais,
ce noues )) ou « noyelles », aux lits fluviaux incertains, à demi obstrués par
la végétation. Par le travers de Santiago del Estero, le fleuve se reforme,
pour se perdre encore en de nouveaux banados, datant, dit la chronique,
de l'année 1760. Les eaux se réunissent une deuxième fois, mais lentes
et sans profondeur ; pendant les crues, elles débordent au loin sur les
deux rives. Alors elles sont presque douces, mais, lors des sécheresses,
elles deviennent légèrement salines, et c'est à bon droit que, dans son cours
inférieur, le fleuve reçoit le nom de Salado. De même que le Nil égyptien,
les rivières lentes et sinueuses du Chaco, Pilcomayo, Bermejo, Juramento,
perdent leur flot à mesure qu'elles s'éloignent des monts : l'évaporation
et l'épanchement des eaux de crue appauvrissent le courant. Pendant la
saison pluvieuse, le Juramento, qui reçoit des montagnes une masse liquide
très considérable, la déverse à droite et à gauche dans la pampa, d'un
côté vers le Parand, en un labyrinthe de bayous, de l'autre vers le
reste du lac appelé mar Chiquita. La reconnaissance du Juramento, faite
en 1855 par l'Américain Page, sur le Water Witch, et depuis par de
nombreux explorateurs, a mis hors de doute que le fleuve est navigable
dans toute la partie continue de son courant, et qu'il serait facile de
creuser un canal dans le sol meuble des banados ; mais les colons préfè-
rent expédier leurs produits par la voie ferrée tracée directement à travers
la plaine, de Rosario à Tucuman.
A l'exception d'une seule, les rivières qui parcourent la pampa, au sud
du Juramento, n'apportent pas leurs eaux au Paranâ, car elles tarissent en
route; cependant on doit les considérer comme appartenant au système
paranien, puisqu'elles se déversèrent autrefois dans le grand fleuve et
qu'elles dirigent leur cours vers sa vallée, avançant ou reculant suivant les
pluies et les sécheresses. Le rio Dulce est une de ces rivières inachevées.
Née dans les hautes montagnes de Salta, elle coule du nord au sud, rece-
vant par sa rive droite les gaves nombreux que lui verse la sierra d'Acon-
quija, puis elle décrit une grande courbe au sud-est pour contourner la
sierra de Guazayan, et se développe parallèlement au Juramento, mais en
eaâ >0[JVELLE GÉOGHAPIIIS UNIVERSELLE.
hésilaiil dans son coui"» îi travers les plaines presque liorizontiles. Arrivé
uu nord des priimonloircN Heplcnlricmniii de la sii^rra curdovuîsi!, I<r rio
Uuice, tliyà salin malgré son nom, commence à se ramifier, h s'effilocher
dans la campagne presque déserte : on constate l'itiislence d'au moins
sii lit^ difîérenls, tous emplis pendant les crues, servant ou ayant servi
en diverses époqnps ii récoultimcnt do la rivière principale pendant ta
saison des séchcivsscs. Avant 1825, le lit majeur, le plus oriental, arro-
ndit les plantations de I^}relo, d'Aluniisqui, de Sataviiiu; um! libsil'uelion
rejeta le cnuranl vers l'ouest, dans une série de lagunes dite le Saladillo,
dont les eaux sont tellement saturées de set, que les nageurs y flollent
comme dans la mer Morte ou le lac d'Ourmiah. Sans nul doute, les vastes
salines qui se prolongent au sud-ouest entre le massif cordovais et la
sierra de los LIanos, et dont la cuvette terminale sert encore d'égoultoir à
toute la dépression d'entre-montagnes, reçurent îi une époque antérieure
les appoi'ls aqueux du rio Dulce; maintenant, le Saladillo se rejette vers
l'est pour rejoindre le lit d'avant 1825, puis, graduellement afTaibli, va se
perdre dans un marais dit de los Porrongos ou des « Citrouilles » d'apris
les cucurbitaoécs sauvages qui croissent sur ses bords. Des laguets d'eau
libre, mais trfes sjiléiN — environ 6 centièmes, — s'ouvrent ^-à cl là dans
te marécage, qui se termine au sud, à 82 mètres d'altitude, par un
véritable lac, la mar Chiquila ou ta « Petite Mer », diversement dessinée
sur tes cartes et changeant en effet de forme suivant la quantité d'eau
que lui apporte l'affluent. On ne peut guère y accéder que par ses rives
du nord et de l'est que forment des dunes consolidées; h l'ouest, on se
perdrait en des vasicres avant d'arriver à la nappe d'eau continue'. Sa plus
grande profondeur, sur un lit d'argile dure, est de 54 mètres'.
Les rivières qui s'écoulent du massif de Côrdoba pour descendre à l'est
dans la pampa ont été désignées par des numéros d'ordre. Le rio Primero
ou le « Premier », qu'un résenoir transforme en lac au-dessus de Côr-
doba, tarit déjà presque en entier à son entrée dans la pampa; cepen-
dant, après les grandes pluies, son flot jaunâtre finit par atteindre In mar
Chiquita. Le rio Segundo, qui coule au sud, parallèlement au Primero,
disparait aussi en flaques bues par le soleil. Plus abondant, le rio Tercero
mainliont son cours à travers la pampa, mais en se transformant de gave
d'eau pure en riviôre salée. Vers le milieu du cours, il se trouve déjà for-
tomonl diminué lorsqu'il re<,'i>it le flot d'un de ces égoufs s;ilins qui por-
' Dodcnlieiider, Petermains Mitteitvngen, 18!)ô,lltri XI.
» Jorge II. de Gruinbkow, Boktin del histUuio Gfogrdtico Aiyentino, 1890.
HAR GHiQUITA, LES CINQ FLEUVES. 623
ent le nom de Saladillo, si fréquents dans la géographie argentine. Cette
: salinette » parait être le résidu des eaux qui suintent dans le sol en
val des canaux d'irrigation formés par le rio Guailo ou la « Quatrième »
ivière du massif cordovais. Avant d'atteindre le Parana, le rio Tercero,
onnu dans cette partie de son cours sous le nom de Carcarana ou Car-
arafial, d'après la tribu d'Indiens Guarani qu'y rencontra Gaboto*, reçoit
in autre ruisseau, l'arroyo de las Tortugas, qui peut-être fut le déversoir
le la mar Chiquita et de toute la ramure de rivières qui s'y déversent. On a
ait souvent des essais de navigation sur le Garcarana, mais ils n'ont réussi
Ti'avec des bateaux ayant au plus 70 centimètres de tirant.
Le rio Quinto, — le « Cinquième », — ne naît pas dans le massif de
ôrdoba, mais plus à l'ouest dans les montagnes de San Luis, et les ruis-
eaux qui découlent des hauteurs cordovaises n'.atteignent pas son cours,
descend au sud-est, mais, épuiâé déjà à 500 kilomètres de ses sources,
se perd dans l'Âmarga, la lagune « Amère », dont le flot salé se heurte
u pied d'anciennes dunes consolidées. Son apport liquide s'évapore-t-il
n entier dans ce bassin, ou bien, comme le croient les indigènes, l'eau
iltrerait-elle dans les sables pour reparaître dans les nombreuses lagunes
parses au sud-ouest de la province de Buenos Aires? Donne-t-elle nais-
ance à un Salado et à un Saladillo, tributaires unis de la baie de Sam-
orombon, au sud de l'estuaire platéen'? On ne sait, et le problème ne
ourra se résoudre tant qu'on n'aura pas mesuré le débit et l'évaporation
es rivières pampéennes. Ges espaces marécageux, où se perd le rio
fuinto, sont fort dangereux pour le voyageur, à cause des « blouses » ou
uadales dans lesquelles un faux pas peut précipiter cheval et cavalier :
3 sable cède et le malheureux qui s'enlize se débat en vain ; il disparait
ientôt. On raconte que, pendant les guerres de frontières entre les Indiens
t les blancs, ceux-ci ont été fréquemment entraînés vers les guadales et
ngloutis, tandis que les sauvages, connaissant parfaitement la topographie
>cale, chevauchaient à leur aise, sur les étroites rasirilladdSy au milieu du
larais'. Ges terrains mouvants, ainsi que la zone environnante des forêts,
Ht longtemps protégé les Indiens Ranqueles contre les envahisseurs.
Sur sa rive gauche, du côté de la mésopotamie argentine, le Paranà ne
Bçoit que de courts affluents, le versant n'ayant pas une largeur suffisante
our donner un grand développement aux cours d'eau. D'ailleurs, comme
ans la pampa, le sol conserve en certains endroits une telle horizontalité,
* Félix de Azara, ouvrage cité.
* Martin de Moussy, ouvrage cité.
* Emile Daireaux, Buenos Aires, la Pampa et la Patagonie,
024 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
que les eaux, sans pente, s'étalent en marécages : un lac, libéra, —
<c Eau Brillante », — marque peut-être la coulière de Tancien Parana,
dont le cours était alors parallèle à celui de TUruguay. Le sol est si égal
dans cette partie de Tentre-fleuves platéen, que l'on a pu essayer de vider
partiellement la lagune Ibera, du côté d'amont, par le creusement de
fosses emportant le trop-plein dans le Parana supérieur, et, du côté d'aval,
par l'approfondissement et la canalisation des rivières Batel et Corrientes,
où se déverse, par de lentes coulées, l'excédent du bassin lacustre. La
lagune se développe sur une longueur de plus de 40 kilomètres, affleurant
la rive occidentale, mais limitée nettement à l'est par des berges et des
monticules qui s'élèvent de 10 à 15 mètres au-dessus du flot. La nappe
se compose d'une succession d'esteroSy dont la plupart sont envahis par
les joncs, tandis que d'autres ont assez de profondeur pour les bateaui;
mais on ne s'y hasarde guère, à cause des cousins tournoyant en nuages'.
On dit que dans ces dernières années ces lagunes du Corrientes ont envahi
les terres avoisinantes.
Au sud du rio Corrientes, qui égoutte les baies méridionales de l'Ilera,
se succèdent quelques petites rivières dont les apports ne compensent pas
la masse liquide que perd le Parana par l'évaporation. Le plus grand rio
de la région d'Entre-Rios ou « Entre les Eaux », le Gualeguay, serpente
sur une longueur développée d'environ 400 kilomètres, parallèlement aa
bas Uruguay : il se déverse non dans le Parana, mais dans le Pavon, une
des coulées latérales qui l'accompagnent, un de ces lits que Je couraiK^
prend, délaisse, puis reprend encore, et qui tantôt sont parcourus par d^^
rivières et tantôt parsemés d'étangs. l)u confluent de Très Bocas à se^'^'^
embouchures dans la Plata, le courant majeur du Parana se décuple e^^
largeur de tout un cortège d'autres rivières serpentant dans la vaste dé-^^
pression fluviale. Même des cours d'eau qui coulent maintenant dans 1î
pampa, tout à fait en dehors du labyrinthe des courants paraniens, furent -
autrefois des rameaux du Parana : telles sont, dans la province de Santa Fé,
les deux coulées d'environ 400 kilomètres en longueur qui suivent à
distance les eaux du fleuve majeur, le Saladillo Dulce et le Saladillo
Amargo, ainsi nommés du contraste que présente leur salinité, et depuis
assez longtemps détachés du courant principal pour en différer par la
masse liquide. Ces courants latéraux limitent à l'ouest d'anciennes éten-
dues lacustres que les alluvions fluviales ont graduellement comblées :
il n'en reste que des bayous et des îles marécageuses.
* Juan Qucirel, Comptes rendus des séances de la Société de Géographie, 1895, p. 565.
AFFLUENTS, DELTA DU PARANA.
Le delta proprement dit du Paranâ commence en aval du promontoîi'e
B Diamantc, à l'endroit où le fleuve, se reployant vers le sud-est, prend
1 direction de l'estuaire. C'était autrefois la tdte du golfe maritime, ^e
rolongeanl sur un espace de 600 kilomètres. Toute la partie supérieure
e cette coupure dans la masse continentale a été colmatée par les
lluvions sur une longueur de 570 kilomètres, et les îles allongées qui
ccupent la large zone des terrains meubles entre les berges latérales ont
626 >01IVELLE GÉOGRAPHIE TIXIVERSEI.LK.
t'îlé disposées par le fleuve. Dans ce grand dellR comblé, le courant princi|ial
dti Paranà longe lit rive droile, celle de la pampa, jusqu'en amont de 1r
ville de San Pedro, où presque toute la masse fluviale se trouve rétink-
en un seul Ut : au passage le plus rapproché il'Obligado, le lit majeur ii
650 mètres seulement, avec 50 mètres de profondeur. Les rivières lal^*-
rales qui longent la côte de l'Enlre-Rios prennent différents noms : Vic-
toria, Paranacilo, Pavon, Ihicuy' ; mais loi-s des grandes crues, comme
en 1858 et en 1868, tout se contond d'un bord à l'autre de l'ancien
estuaire, les îles intermédiaires disparaissent sous la nappe continuv qui
sépare les deux rives; les bateaux à vapeur cinglent directement de Vic-
toria à Rosario à travers l'énorme détroit de 60 kilomètres.
En aval de San Pedro, le grand Paranâ. on Parant Guazû, cesse de longer
la rive occidentale et se porte vers la rive opposée, celle de l'Eutre-Rios,
laissant du calé de Ruenos Aires une petite coulée, le Baradero, que sui-
vent d'ordinaire les goélettes pour éviter les vents et la lioule du courant
principal. Une auti'e hrancbe, le rio de las Palmas, se détache du Paranâ
(Juazii, roulant moins d'eau, mais se maintenant avec la même largeur
jusqu'à l'estuaire, tandis que le Guazû se ramifie en de nombreuses rivières
latérales, dont quelques-unes, se dirigeant vers l'est et le nord-est,
vont même se déverser dans l'Uruguay. La bouche pnncipale, d'environ
800 mètres, s'ouvre au nord du delta, non dans l'axe de l'estuaire pla-
léen, mais dans la partie du golfe où vient déboucher l'Uruguay, immé-
diatement en aval du détroit d'Iligueritiis. Le front du delta, sur tes
deux fleuves, présente une longueur de 60 kilomètres à vol d'oiseau,
percée en 1860 de onze gmus; mais le nombre de ces ouvertures flu-
viales varie suivant les oscillations de la masse d'eau et les progrès du
delta.
Le flot qui se déverse dans l'estuaii'c est déjà soutenu par l'eau de mer
aux embouchures, car la marée remonte de part et d'autre dans le Paranâ
et l'Uruguay à plus de 150 kilomètres; il a fallu calculer le débit du fleuve
en amont du delta, aux endroits où le courant d'eau douce passe en un
seul lit. A cet égard les deux fleuves contrastent : même aux plus basses
eaux, le Paranâ se mainlionl puissant et majestueux; à son éllage il
roub' iiiilaiit d'eau que le Mississippi à sa portée moyenne et représente
le volume de trente ou quarante fuis la Seine à Rouen. Alimenté par des
rivières qui viennent de conirées soumises à diiïéroTits climats, il com-
pense les perles d'un bassin partiel |>ar les excédents d'un autre; en
DELTAS DU PARANA ET DE L'URUGUAY. 627
outre, les lacs et les marais qui bordent une grande partie de son cours,
ainsi que le Paraguay, le Pilcomayo, le Bermejo, contribuent à régulariser
son régime, recevant le trop-plein en temps de crue et le rendant en
temps de sécheresse. Le volume d'étiage du Pai*ana n'est jamais inférieur
que de moitié au volume moyen*. En comparaison, l'Uruguay présente de
très grands écarts : lors de ses fortes crues, il égale presque le Paranîi;
dans la saison des maigres, ce n'est plus qu'un cours d'eau secondaire, ne
roulant plus que la soixantième partie de son flot d'inondation. On
s'explique ces oscillations par la région à climat uniforme qu'il traverse
et par le manque de réservoirs compensateurs sur ses rivages".
A l'eau contenue dans les lits du Parana et de l'Uruguay, il faut
ajouter les nappes souterraines qui s'écoulent lentement dans les profon-
deurs et qui proviennent aussi des pluies tombées dans le bassin fluvial.
Au-dessous des couches supérieures s'étend un lit de sables fluides mêlés
à une nappe d'eau douce et renfermant de petits coquillages fluviatiles.
Cette mer souterraine, que la sonde a découverte dans le sous-sol de
Buenos Aires h la profondeur d'au moins 25 mètres, se trouve en com-
munication directe avec le courant du Parana entre Rosario et San Pedro,
et se renouvelle non seulement par les apports directs du fleuve, mais
aussi par les suintements du sol : pratiquement on peut la considérer
comme inépuisable ^
Le delta visible du Parana et de l'Uruguay se continue en mer par un
delta sous-marin qui finira par émerger si le niveau relatif de la terre et
de la mer se maintient sans changement dans ces parages. Des bancs,
séparés par des fosses profondes, s'avancent en dehors des îles d'allu-
vions, rattachant au continent l'îlot de Martin Garcia. Les alluvions d'ori-
gine fluviale, qui ont déjà fait émerger des plaines en si vastes étendues,
travaillent activement à combler le vaste estuaire de la Plata. Le Parana,
l'Uruguay apportent sans cesse des troubles qui se déposent en bancs et
qui, à marée basse, changent l'ensemble du golfe en un labyrinthe de
* J. J. Revy, ouvrage cité.
* Comparaison du Parani et de TUruguay, d*après Aguirre, Revy et Batcman :
Parani. Uruguay.
Étendue du bassin 2 850000 kil. carrés; 588 500 kil. carrés.
Longueur du cours principal .
Débit minimal par seconde. .
» moyen )>
» extrême m
Part des alluvions dans les deux fleuves : i sur iOOOO.
Ecoulement : O'^GO d*eau sur toute la superficie des deux bassins.
' Emilie Godoy, Boletin del Iruliluto Geogrdfico Argentino, tome V, 1884.
4 700 kilomètres; i 500 kilomètres.
imO met. cubes; 550 met. cubes.
!2 055 » 4 000 ))
46945 )) 13 955 n
G28 NOUVELLE GËOGRÂPHIE UNIVERSELLE.
chenaux, où les navires s'aventurent avec précaution. I^a profondeur
moyenne de l'estuaire, mesurée entre Montevideo et Punta de las Piedras,
— ligne qui indique la véritable entrée, — atteint seulement 4 mètres;
elle doit avoir beaucoup diminué depuis une époque géologiquement
récente, puisque de grandes baleines s'échouaient autrefois en amont de
Buenos Aires, en des parages où elles auraient actuellement trop peu
d'eau pour Qotter*. L'épaisseur moyenne des eaux dans Testuairc propre-
ment dit ne dépasse pas 6 mètres, et les creux les plus profonds dans le
chenal atteignent le double environ. Naguère, lorsqu'on n'avait pas
encore excavé de ports artificiels ni dragué les chenaux, tous les navires se
tenaient au large des rives et le débarquement des passagers et des mar-
chandises devait se faire par des lanches à fond plat qui s'avançaient au
loin vers le mouillage, et, par un temps calme, au moyen de charrettes
qui roulaient sur le sol ferme du fond en ayant de l'eau jusqu'aux essieux.
Malgré les phares et les bouées, le long entonnoir de la Plata est fort
dangereux pour la navigation : les vagues courtes et chaînées de sable,
les courants rapides et changeants, les vents furieux, à brusques écarts,
ont souvent jeté les embarcations sur les bancs, l'Ortiz, l'Anglais, l'Archi-
mède, ou telle île en voie de formation. La superficie totale de l'espace
triangulaire recouvert par les eaux de l'estuaire proprement dit, entre
Montevideo et la Punta Piedras, est évaluée h 13 000 kilomètres carrés:
l'ouverture présente 98 kilomètres de rive à rive. Le large golfe d'entrée,
que limitent au nord le cap de Maldonado, au sud le cap San Antonio, et
qui sert de parvis au rio de la Plata, occupe une étendue plus considérable.
D'après les observations de température marine faites à bord de la Gazelk^
les eaux platéennes descendent au sud jusqu'au cap Corrientes, où eWes
s'unissent avec deux autres masses liquides, l'une venant des parages
tropicaux et l'autre du Grand Océan, par le détour du cap Hoorn*.
Du Juramento-Salado au rio Colorado des fix)ntières de Patagonie, aucune
des rivières nées entre le versant oriental des Andes et le massif de
Cordoba n'atteint l'Océan par l'estuaire platéen. Les cuvettes sans écou-
•
lement que comprend cette région nord-occidentale de l'Argentine, et qui
sont presque toutes orientées dans le sens du nord au sud, suivant l'aie de
la cordillère elle-même, paraissent de formation glaciaire : leur fond
est parsemé de blocs anguleux, qui n'ont pas été entraînés au loin,
•
mais que l'action des vents chargés de sable a légèrement usés et qui
* H. Burnieister, ouvrage cité.
• Annalen der Hydrographie , n" IX, i87C.
ESTUAIRE DE LA PLATA, BASSINS FERMES. 6211
n'ont pas gardé leurs stries primitives. Quelques petits cours d'eau, issue
des cirques environnants, déposent à leur sortie une couche de débris,
et si leur flot ne tarit pas en entier, il forme au centre de la cuvette un
étang salin presque toujours intermittent. Le vent enlève les poussières du
fond et les accumule en hautes dunes aux endroits abrités. Le sel qui
se dépose dans les dépressions des plaines provient sans aucun doute des
couches salifères contenues dans les formations mésozoïques d'origine
marine que renferme la cordillère occidentale, sur la frontière commune
de TArgentine et du Chili. Quant aux salines désignées sous le nom de
salitraleSy elles sont improprement nommées, car elles ne contiennent
point de salpêtre : les efflorescences qu'on y trouve à côté du sel marin
consistent en gypse et sulfate de potasse*. Elles disparaissent sous l'action
des pluies et se recouvrent alors d'une épaisse végétation, formée surtout
des toufles du jument de la famille des salicornes; mais après l'évapo-
ration de l'humidité, les sels blanchissent de nouveau à la surface du
salitral.
A une époque géologique récente, toutes les eaux qui descendent des
montagnes andines à l'ouest et au sud de l'Aconquija durent s'écouler
dans l'Atlantique par le lit du Colorado, dont le bassin était beaucoup
plus étendu qu'il ne l'est de nos jours : à la vue des terrains, rien de
plus facile que de reconstituer par la pensée l'ancienne ramure du grand
fleuve maintenant décomposé en bassins fragmentaires. Les rivières les
plus septentrionales de l'immense bassin a demi desséché ne fournissent
pas un cours bien considérable : le Chaschuil, uni au Fiambala, puis à
d'autres coulées issues des hauteurs du plateau, se perd à demi dans une
plaine de sables salins qui fut autrefois un lac, puis, se reformant en
rivière, pénètre par un défilé dans les plaines de la Rioja, où le flot tarit
complètement. De ce point jusqu'à la jonction de sa vallée première
avec celle du San Juan, la distance en ligne droite est d'environ 450 kilo-
mètres du nord au sud; mais la plaine sinueuse s'étend librement au
sud, et si le fleuve recommençait à couler, nul obstacle n'arrêterait son
courant ; les affluents qui se déversaient dans le cours d'eau majeur cou-
lent encore jusqu'à l'issue des montagnes, puis disparaissent, indiqués à
l'endroit où ils tarissent par une petite nappe de verdure. Le rio Vermejo
(de la Rioja) et le JachaU qui descendent à l'ouest du massif de Famatina
et qui sont plus rapprochés de la cordillère neigeuse, ont assez d'apports
latéraux pour maintenir leur courant vif sur une plus grande longueur
* Ludwig Brackebosch, PetermanrCs Miiteilungen, 1895, Heft VU.
650 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
que le fleuve oriental; saignés à droite et à gauche par des canaux d'irri-
gation, ils n'arrivent pas toujours à se rejoindre, et leur cours inférieur,
te Zanjon, s*allonge ou décroit suivant les saisons, sans jamais atteindre k
bassin marécageux dans lequel il pourrait s'unir anx eaux du San Juan.
Ce dernier cours d'eau, à la ramure de gaves très étendue, sort des
montagnes en un courant furieux, capté par des canaux d'arrosement (jui
se ramifient en tous sons. Cependant la masse liquide restée dans le lil
majeur suffit h former une petite rivière navigable, que rejoignent plus
bas les égouts des terres irriguées et qui s'épanche dans un ensemble
changeant de lagunes marécageuses, le Huanacache. Une autre rivièfe,
celle du rio de Mendoza, descendue du seuil de la Cumbre et portant dans
son flot la neige fondue de l'Aconcagua et du Tupungato, déverse dans h
même dépression le restant de son eau, et, grâce à cet apport, un faible
couinant se produit de lagune en lagune à travers les joncs. Un canal de
(c vidange », le Desaguadero, presque à sec pendant une partie de Tannée,
emporte le trop-plein de ces lagunes salines et descend au sud-est, proje-
tant un bras latéral vers un autre lac, leBebedero, « boit-tout », où venait
aboutir autrefois le grand fleuve alimenté par les neiges de rAconqoija.
Du haut des collines qui dominent le Bebedero, à l'est et à l'ouest, on voit
dans la plaine le large lit ou canada par lequel s'épanchaient les eaai
venues du nord*. Suivant les années, le lac tantôt se réduit à un faible
bassin, tantôt s'étale largement, projetant au loin ses vastes bafiados. L'eau
du Bebedero, très salée, laisse pendant les années sèches des bancs de sel
sur les rivages et les gens des alentours viennent s'y approvisionner. Dans
l'ensemble, il paraît que le bassin se dessèche : il finira par se changer
en une saline, semblable aux dépressions situées plus au nord sur le
parcours de la canada. Des fontaines d'eau douce jaillissent dans le voisi-
nage immédiat de sources salées. Le Bebedero reçoit à la fois des affluents
saturés de sels et des ruisseaux de l'eau la plus pure. Il est même arrivé
qu'en perçant au-dessous d'un banc d'argiles salifères, des estancieros oni
fait surgir des jets d'eau excellente : une strate de quelques mètres en
épaisseur sépare les deux nappes. Ces faits s'expliquent par la ramure
sbuteri*aine des ruisseaux qui descendent des monts environnants et qui
s'épanchent avec lenteur après avoir disparu dans le sable. Ces petits
affluents apportent de l'eau douce, tandis que le courant principal des
profondeurs est formé d'une eau saline. Les éleveurs de bétail sont
habiles à reconnaître, surtout aux confluents de vallées, les points bas où
1 G. Avc-Lallcinant, Boletin del InslUuto Geogrdfico ArgentinOy tomo V, 1884
H
:i
BASSINS FERMES DE L'ARGENTINE. 655
ont chance de trouver des lits souterrains d'eau douce; ils y creusent
s yagiiales pour abreuver leurs troupeaux*.
Au delà du Bebcdcro, un bras du Desaguadero, gonRé par la rivière
inuyan, continue de couler vers le sud, mais dans cette plaine presque
lie, où le vent promène le sable, de fortes dunes barrent fréquemment
déplacent le courant. La rivière, qui prend ici le nom bien justifié de
' Martin du Houssj, ouvrage cih!.
«31 NOUVELLE GËOGRiPHIE UNIVERSELLE.
Salado, erre, pour ainsi dire, sous la pression des vents. Le Diamante, (pii
vient le rejoindre et que l'on dit partielleraent navigable, s'est ^Iwnent
déplacé pouries mêmes causes : autrefois il se déversait dans une rivière
iHeX^SOr ^SÛâSO-r assort
plus méridionale, i'Atuel; mais, des monticules de sabic l'ayant rejeté v^
l'est, il coule directement vers le Salado :* ainsi se forme une grande' ^ —
triangulaire ayant pour côtés le Diamante, le Salado, I'Atuel. En aval *^
ce dernier affluent, issu des montagnes neigeuses, le fleuve,' graduell*^
RIOS COLORADO ET NEGRO. «35
maigri, incertain dans son cours, se trouve arrêté par une rangée de
et s'étale en un grand bassin d'évaporation, rUire-Lafquen ou la-
Lmai^, ainsi nommé de ses eaux « amères », mais poissonneuses.
à on dislingue encore le lit, dit Cura-cà, par lequel le courant des-
'. au Colorado. On peut se demander si, daas les oscillations du
luvial, les eaux de l'an-
ourant n'ont pas dé-
I dans le lai^e estuaire
ia Blanca, qui présente
t d'une embouchure
! et que des lacs, des
.ges, des bassins des-
semblent rattacher à
Lafquen
leuve mamtenint se
le tout son bassin du
le sept a huit fois plus
irable, est d une sin
uniformité en dehors
ntrées andines ou se
it s<,s branches supe
, le no Grande et le
Barnncas Au sortir
mts il n 1 plus d af
et creusant un sillon
icaissé, descend dans
;lion du nord-ouest au
. Quoique traversant
ntrée où des années se
L sans qu'il tombe de ■ ■
' 0 M ki[.
le rio Colorado' reçoit
mtagnes une eau suflisantc pour se montrer, du moins pendant
e des neiges, ileuve imposant, à la fois profond et rapide, avec
rgeur de 500 à 400 mètres; mais en hiver ce n'est plus qu'une
rivière, facile à franchir : les Chiliens marchands de bestiaux qui
lent |ïar la vallée rectilignc du Colorado, empruntent souvent le
Longueur du Colorado
Superficie de son bassin
Supcriicie de l'ancien l>assin d'écoulement.
1600 kilomètres.
45500 kilomètres c
557 7«i . »
fi50 îiOllVELLE GÉOGRAPHIE DMVERSEtLE.
lit sableux délaissé par le courant. Co|)rtidanl la nviùre « Rouge », ainsi
nommce d(!s molécules d'argilo qu'eiilrainu tfi flot, atteint la mer cri tonte
siison et même so divise en un delta, dont les deux liranches sont acces-
sibles aux petites embarcations.
Le rio Negro, le plus grand fleuve de la Patagonie et ligne de divisinii
=^^^3 1
entre deux régions naturelles, deux flores et deux faunes, coule paral-
lèlement au rio Colorado dans toute si partie orientale, dépoun'ue
d'affluents; mais par son haut bassin il emln'asse une zone de montagnes
beaucoup plus considémble ; toutes les eaux du versant orientai des Andes,
entre le 30' et le -41' degré de latitude méridionale, se déversent dans le
Neu(pien et le Limay, ses deux branches maîtœsses qui limilcnl une vaslc
If
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I :
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M-
1-!
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NAHUEL-HUAPI, LIMAY. 639
due triangulaire des avant-monts et de la pampa. Le Neuquen, né
loin du volcan de Chiilan, dans le laguet de Malbarco, à 2131 mètres
îtude, reçoit des affluents nombreux avant de s'engager par un défilé
la chaîne des avant-monts, dont il suit la base orientale jusqu'au
uent avec TAgrio, son principal tributaire, issu d'une vallée longitu-
le entre deux cordillères parallèles. A une petite distance en aval
tissent presque tous les sentiers descendus des seuils de la mon-
B, entre l'Antuco et le Quetrupillan : là était le gué principal, le
> de los IndioSy gardé maintenant par un fort. En aval, le Neuquen,
ournant le plateau, n'a plus de tributaires.
3 nombreux torrents qui naissent dans la cordillère du faîte argentino-
en, sur un espace de 300 kilomètres environ du nord au sud, for-
t le Limay, la deuxième branche supérieure du rio Negro. Plusieurs
, emplissant d'anciennes vallées glaciaires, déversent leurs gaves dans
pétueux Limay, issu lui-même d'un lac fameux, le Nahuel-Huapi,
imé « Ile du Tigre », d'après une longue terre couverte de roseaux
cecupc le milieu du bassin. Le Nahuel-Huapi, emplissant une dépres-
des Andes, très importante comme futur passage d'une voie trans-
ânentale entre Valdivia et Bahia Blanca, est connu depuis plus de deux
les : dès 1670 les missionnaires jésuites s'y établirent au milieu des
cns Araucans, et au commencement du dix-huitième siècle y fondèrent
village, près de l'endroit où commence le Limay. Mais une incursion
^iens hostiles détruisit la station, et quoiqu'elle ait été visitée par
itres missionnaires, la reconnaissance définitive du Nahuel-Huapi ne
ît qu'en 1855. Depuis cette époque, de nombreux voyageurs ont vu
bords de ce beau lac et, depuis une quinzaine d'années, les soldats ar-
lins en ont pris possession. Cependant la forme n'en est pas bien fixée
es explorateurs la dessinent diversement. D'après Siemiradzki, cette
• alpine, beaucoup moins grande qu'on ne la représentait d'ordinaire*,
irait que 45 kilomètres de long, au lieu de 80 que lui donnaient les
igeurs précédents, et sa plus grande largeur serait de 15 kilomètres
lement. Mais, quelles que soient ses dimensions, tous vantent l'admi-
le bassin d'eau cristalline, reflétant ici des parois de trachyte, ailleurs
escarpements de granit, revêtus de hêtres et de pins, et dominés
s l'éloignement par des pyramides neigeuses. L'altitude du lac est
uée par les divers explorateurs de 537 à 620 mètres. ....
peine sorti du Nahuel-Huapi, le Limay se rejette brusquement au
PeUrmanns Mitteilungen, 1895, Ucft 111.
M
640 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
nord dans une vallée longitudinale qui sépare la grande cordillère de la
chaîne parallèle appelée cordillera de los Cipreses, puis, après avoir reçu
l'effluenl du lac Treful, il perce ce rempart pour aller rejoindre une
autre rivière, le Collon-Cijra, non moins abondante et plus longne, qui
descend d'environ 250 kilomètres plus au nord en serpentant dans une
vallée ouverte entre la deuxième et la troisième cordillère. Un des
lacs qui alimentent le torrent, la laguna Alumine, est situé près du
faîte de partage entre le bassin du Biobio et celui du rio Negro, et peut-
être les eaux du seuil à peine perceptible se divisent-elles pour s'épan-
cher d'un côté vers le Pacifique, de l'autre vers l'Atlantique.
Gonflé de tous les gaves andins, le Limay coule rapidement dans la
direction du nord-est, bordé çà et là de falaises rougeâtres et s'étalant
ailleurs en de larges bassins, pai'semés de lagunes qui furent autrefois
des méandres du fleuve et que peuplent des oiseaux aquatiques volant
par nuées. Le courant, très incliné, est partout violent, mais sans rapides:
un bateau à vapeur à forte machine pourrait le remonter jusqu'au lac
Nahuel-Huapi et pénétrer même dans l'affluent latéi*al, le Collon-Cura.
A la jonction, les deux cours d'eau, Neuquen et Limay, sont presque
égaux par la masse liquide annuelle, mais le Neuquen, traversant une
région plus sèche, présente des écarts beaucoup plus considérables dans
ses maigres et ses crues; le Limay, réglé à ses multiples origines par des
réservoirs lacustres, maintient son flot sensiblement égal. Par la forme de
sa vallée, il semble être la branche maîtresse du Cura Leofii ou rio
Negro. Les eaux unies du Neuquen et du Limay ne forment pourtant pas
une « rivière noire » comme le puissant affluent de l'Amazone : peut-
être cette appellation lui a-t-elle été donnée par les Indiens non pour la
nuance des eaux, mais Ix cause de ses rapides et du danger de sa navi-
gation. Ne coulant pendant presque toute l'année que sur des lits de
cailloux et des seuils de rocher, le fleuve est d'une pureté cristalline.
Après les grandes crues seulement, quand les eaux gonflées du Neuquen
ont érodé les bords et raviné les plaines, le courant tient en suspension
des matières argileuses, mais cette coloration dure au plus deux ou
trois jours*.
Courant dans sa large vallée d'une inclinaison régulière, orientée d'abord
vers l'est, puis vers le sud-est, le rio Negro ne reçoit plus un seul tribu-
taire : sous ce climat sec, il diminue peu à peu en descendant vers la mer:
cependant sa profondeur moyenne dépasse 4 mètres. A moitié chemin il
' W. II. Hudson, Idle Days in Paiagonia,
RIO NEGRO, GHUBUT. U\
se divise en deux bras, qui se ramifient en formant diverses iles, consi-
dérées comme une seule terre aux limites changeantes : c'est le Choele
Ghoel, bien connu dans l'histoire de la Patagonie comme lieu de traversée
des guerriers qui se raaient au pillage des colonies argentines. Le Choele
Ghoel, long d'une centaine de kilomètres sur une dizaine de kilomètres en
largeur moyenne, se compose de terres alluviales, parfaitement unies,
couvertes d'herbes et de brousses. A droite et à gauche s'étendent des
plaines basses, que limitent les escarpements du plateau, hauts de
250 mètres en moyenne, et souvent recouverts par les eaux de crue
qu'apporte le Neuquen, en été lors de la fonte des neiges, en hiver lors
de la chute des pluies. Le rio Negro se jette dans la mer par une
embouchure unique sans modifier là courbe du littoral*.
Le rio Chubut, encore inconnu en 1833, à moins qu'il ne faille l'iden-
tifier avec le rio Camerones des anciennes cartes*, roule beaucoup moins
d'eau que le rio Negro. Les premiers affluents naissent dans la cordil-
lère au sud du Nahuel-Huapi, et la rivière, une fois formée, coule sans
grandes inflexions à travers un « pays maudit m de rochers et de
cailloux, où les affluents sont rares, même nuls du côté septentrional. Son
principal tributaire, qui lui vient du sud-ouest, le Senguer (Singerr,
Senguel), prend son origine, comme le courant majeur, dans la partie
des Andes voisine du Pacifique, près des sources de l'Aysen, et, d'après
le dire des indigènes, que rapporte Moreno, constituerait même avec cette
rivière une ligne d'eau continue de l'Atlantique au Pacifique, à travers
tout le continent. Il traverse d'abord une admirable région de forêts et de
pâturages, une oasis de la Patagonie ; puis, rejeté vers le nord-est par un
barrage de rochers et rencontrant de nouveaux obstacles, il s'étale, déjà
chargé d'argile, en un vaste bassin d'évaporation, qui change en étendue
suivant les saisons et dont l'altitude moyenne serait de 310 mètres,
d'après Fontana. Ce bassin, composé de deux lacs, le Colhué et le Musters,
que sépare presque complètement une chaîne méridienne de pitons volca-
niques", est bordé au sud de terres marécageuses où s'épanchent les eaux
d'écoulement. Diminué d'un tiers dans son volume*, le Senger se reforme
k l'ouest du marécage et va rejoindre le Chubut, mais sans lui porter
• Longueur du rio Nogro, du Nahuel-Huapi à la mer. . 925 kiloinèlres.
Superficie du bassin fluvial 122 000 kil. carrés.
Débit probable du fleuve, d'après Guerrico ..... 395 niêl. cub. à la sec.
• Francisco P. Moreno, Viaje à la Patagonia Austral,
» L. J. Fontana, Boletin del Imtituto Geogràfico Argentino, 1886-87.
• Càrlos M. Moyano, Boletin del InstUuto Geogràfico Argentino, tomo II, 1881.
ifx. ' 81
I
PU2 NOUVELLE CÊ0CRAPB1E rNIVERSELLE,
iisseï (i'onu iiour en faiii; un fleuve considérable : aulrefoîs la mas^e
liquirfp, plus altiindante, se déversait a» nord enlre des panns abniples,
dans un aiilre lit où se voiont enconî de dislancc en dislance des étangs
salins, restes de l'aneiou courant'. Les bateaux ne peuvent entrer (|u'à
marée montante, et ne trouvent qu'un îi deux mètres de fond, sauf
pendant la fonte des neiges. I.e Chubut i-oiige ses rivages du cùlé scik
tciilrional et déjujse ses alUivions sur bi rive méridionale : de ce cillé !a
plaine basse a plus de 30 kilomfclres en largeur'.
Le Deseado, que découvrit Cavendisb en l.'iSfi, se dévei-se dans l'estuaire
du même nom, »u sud du golfe de San JorRc; il roule encore moins d'eau
que le tibubut, quoiqu'il traverse aussi pres(]ue toute In largeur de la
péninsule patagonienne. Le lac Buenos Aïi'es, (pii fut probablement te
bassin d'alimentation du Deseado, a jierdu tout canal de sortie et dort
au fond de sa cavité ciixubiire, eomiunuble & un cralfcre de volcan; dan:^
ces régions de la Patagonie, qui fut autrefois beaucoup plus humide, lef*
voyageurs ont remarqué beaucoup d'autres bassins, vidés maintenant «
mais ayant été jadis emplis par les eaui et renfermant des couches dtr
dépôts lacustres. A son embouchure, le Deseado n'est d'ordinaii-c qu'ur»
ruisseau, roulant parfois moins de 2ôO litres h h seconde, mais, après lej
pluies, un vrai fleuve. Il se déverse dans un golfe allongé de forme ti-èi
pittoresque, qui se développe sur un espace d'environ 57 kilomètres »
l'ouest à l'est, en présentant une ligne de rivages très variés, avec îles eVm
îlots, écueils et promontoires, baies, ravins et vallons : toutes ce< butle«« *
sont des volcans éteints, ayant brûlé probablement pendant l'époque plio-
cène, vei-s la fin de la période glaciaire' : les rocbes du littoral sont der*
trachytes et des tufs. Le port Deseado, le « Désiré », reçoit dans w»
partie orienlale les navires de forte calaison, et pendant les marées, hautes
de 4 à 6 mètres, les bâtiments moyens peuvent remonter jusque vers If?
fond du golfe; mais les coui-anls y sont très forts et l'entrée est parfois
périlleuse en hiver, lors des vents contraires.
Deux faibles cours d'eau, qui se déversent au sud du Deseado, paraissent-
aussi avoir traversé toute la région patagonienne depuis les avant-mont>*
andins, en se développant suivant un cours parallèle : les ex]>lorateurs lo^
désignent sous dinéieiils noms; mais une de ces appellations, i-io Sidado^
appliipiée au lU'uve méridional, prouve que la masse liquide n'est pa-^
iis<K'y. alxindanle pour se mainlcnii' |)uru' et ([ue réva|ioralion v coiicenlr-e?;
1 W. M. IIijiIm.ii, umn-,' M:
« Ariliijiiii Hiii'lii, ll'iU'lin ilel Institufo Geoijin/i'-o Ariii-iiliiio. lomn V, ISR.l
' y\u>h'i^, Joiinuil tifllii" II, Gen(iraplikal Sociply,iH~i\.
RIO DESEADO, LACS SAN MARTIN ET YIEDMA. 643
les particules salines*. Le bassin fluvial qui succède à ces courants dans
l'espace rétréci de la Patagonie méridionale, celui du rio Santa Cruz,
roule une masse liquide proportionnellement très forte, grâce à la largeur
de son haut bassin dans le sens du nord au sud, et à l'abondance des
pluies tombées dans ces régions. Dans sa partie supérieure, quatre lacs
considérables longent la base orientale des Andes sur un espace d'environ
200 kilomètres, comme pour correspondre aui fjords du versant opposé.
Un premier lac, découvert par Moreno en 1877 et nommé par lui San
Martin en mémoire du vainqueur de Chacabuco, se développe en ovale
irrégulier entre de fières montagnes, d'origine volcanique, d'où tombent
les glaces et les avalanches : à l'est de ce bassin, des mares et des
laguets occupent le fond d'une avenue profonde, que dominent d'autres
volcans, notamment le Kochait ou 1' c< Oiseau », à la pyramide aiguë. La
force volcîinique agite encore cette région lacustre des Andes; Moreno vit
même une colonne d'eau s'élancer en vapeur du lac San Martin, et ce phé-
nomène lui parut être le jaillissement d'un geysir*. Du côté de l'ouest, un
courant emporte le trop-plein des eaux lacustres où flottent constamment
des glaçons, et l'épanché dans un autre lac, encore inexploré, qui s'ouvre
à la base orientale du volcan Fitzroy et s'écoule à son tour dans le lac
\iedma, nommé d'après Antonio de Viedma qui, le premier, en 1872,
atteignit ses grèves.
Ce lac, le plus grand de tous dans ces régions sous-andines, déve-
loppe ses rivages en forme d'ovale sur une longueur d'environ 80 kilo-
mètres, dans la direction du nord-ouest au sud-est. Le vent furieux, qui
i'ordinaire descend des montagnes de l'ouest en suivant l'axe du bassin
acustre, soulève des vagues énormes comme celles de l'Océan. Un puis-
4int fleuve de glace, s'épanchant sur la rive occidentale, laisse tomber des
»locs cristallins, qui flottent en longues processions comme un convoi de
lavires et viennent s'échouer sur la rive orientale, où ils fondent en dépo-
ant sables et pierres sur le lit du glacier. Des blocs erratiques sont épars
ur les grèves et même une de ces roches se dresse au milieu du lac
m un superbe îlot. Des traces d'anciennes plages, sur le pourtour des
*ochers, prouvent que le niveau du lac était autrefois notablement supé-
rieur. Il a pu s'abaisser, grâce à la rivière Orr ou Leona qui serpente
dans la direction du nord au sud dans une cluse de montagnes, puis va
i'unir au lac Argentino vers son extrémité orientale. A l'est du bassin,
* Cirlos Ameghino, Boletin del Instituto Geogràfico Argentino, tomo XI, 1890.
* Yiaje à la Patagonia Austral.
644 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
un lit, resté à sec, portait autrefois les eaux du rio Leona directement dans
le rio Santa-Cruz'.
Le lac « Argentin », que Gardiner' découvrit en i868 et que Feilberg
visita cinq années plus tard, suivi en i878 par Moreno, le premier oïTigi-
teur du réser\'oir andin, occupe cette i-égion à laquelle Fitzroy et Dante "^
sondant l'espace dans la direction de l'ouest, donnèrent le nom de « Plai^
Mystérieuse » : ils baptisèrent même deux des montagnes qui baigna
dans le flot les rachers de leur base, Hobler Hill et Castle Hill. L'a»
tude actuelle du lac est de 550 mètres d'après Carlos Burmeisler; ma^
- Cirlos Burine bicr. HeBÙta del Muteo de La Plala. I
* Bolelin <lel Inilituto Geogràfico Argentin
LAC ARGENTINO, RIO SANTA CRUZ. 645
Dinme le Viedma, il fut autrefois beaucoup plus élevé, et sur le pour-
)ur du bassin on distingue nettement deux anciennes rives : la plus
aute, rocheuse et couverte de blocs erratiques ; l'autre, bordée de
unes, que le vent d'ouest éleva en poussant le sable des plages. De
léme que les lacs des Alpes suisses, ceux des Alpes argentines, cuvettes
e plissement parallèles aux crêtes voisines, paraissent d'une grande pro-
andeur. Moreno, disposant d'une sonde de 57 mètres, ne trouva pas le
9nd du lac Argentino à 3 kilomètres de la rive occidentale, la moins
brupte du pourtour. De même que dans les fjords, — et ces lacs furent
>eut-être des fjords comme ceux du versant opposé des Andes, — l'extré-
tiité tournée vers la haute mer est la moins profonde et les abîmes se
reusent vers la base des monts, à l'endroit où le bassin lacustre se
amifîe en canaux tortueux entourant des roches péninsulaires. La, chaque
tranche du lac reçoit son affluent de glaces, dont les débris flottent
entement vers la sortie du fleuve.
Le rio Santa Cruz, émissaire de la chaîne des lacs qui commence au
iedma, s'échappe de la baie orientale du lac Argentino, à quelques kilo-
lètres de la bouche du rio Leona : les deux cours d'eau se continuent
omme les moitiés d'une même rivière. Le courant est interrompu de
apides que les embarcations ne peuvent franchir à la montée, à moins
l'être traînées à la cordelle et soulevées à bras d'hommes; à la descente,
ors des crues, les esquifs sont emportés par-dessus les obstacles avec
ine vitesse de 2.0, même de 25 kilomètres à l'heure; la masse liquide
[ui s'épanche par ce canal représente, d'après Moyano, l'énorme débit de
535 mètres cubes par seconde : certainement le Santa Cruz est le plus
ibondant des fleuves de Patagonie. En admettant que la chute d'eau
noyenne dans le haut bassin de Santa Cruz représente une couche de
Î75 millimètres par an, — chifl're qui paraît très rapproché de la vérité,
— la surface de terrain nécessaire à la formation d'une rivière de
îette force dépasse 33 000 kilomètres carrés; telle doit être au moins
'étendue du bassin qui alimente les lacs Viedma et Argentine. L'eau
lu Santa Cruz, moins froide que l'air ambiant, provient certainement de
'égions plus chaudes, notablement plus rapprochées de Téquateur. Toute
'eau que roule le fleuve s'échappe des lacs : déjà Fitzroy avait reconnu
\ sa transparence parfaite qu'elle devait sortir de grands réservoirs lacus-
res; les rares pluies qui tombent à l'est dans le bassin fluvial se per-
lent dans les cendres volcaniques. Le fond du lit, de même que les
ives et les terrasses des roches latérales, est recouvert de blocs errati-
[ues, masses énormes ayant jusqu'à 500 mètres cubes. La profonde vallée
Ue SOCVELLE GÉOCR.APaiE rUlVEBSKlLE.
du rio Sanla Cniz fut autrefois le (léverst)ir di'S roches andiiies, soit paiw
qu'iiii glacier les (loussail vers la mer, soit parce qu'elles dftsc-endaïeiit
sur les eaux d'un fjord, poussées par le veut li'oucst. Des masses hasaU
liiiucs, couvertes de scories, rétrécissent le cours fluvial. A sou extrémité
orientale, la vallée du lleuve, dominée pur des hauteurs de 30 à
120 niMres, a tout h fait l'aspect d'un ancien détroit marin, et Darwin
suggéra l'idée' que cette cou|iuiv iln [ilaliMu aiiiail été un passage eniri'
i
les deux Océans, un autre détroit de Magellan. Toutefois l'aspect des
monts, à l'ouest du lac Ai^entino, ne justifie pas celle hypothèse'.
Dans l'estuaire d'cnti'ée un autre fleuve que l'on considère souvent
comme un affluent du Sanla Cruz, vient mêler ses eaux à celles de hi
nunée montante: c'est le rlo Chico, ex|d(iré par Musteis dans sim cours
inférieur, et par Moyano jus(iue dans la répioii des S(mi'tes. De nième-
qui" le Sanla Cruz, il coule dans un fossé profond, taillé dans le |»laleau
basaltique, mais il n'a pas assez d'eau |)our servir à la navigation : lors
•i»= i\. y[.n
10, lioleliii (M liistiluto Gemjràtkf, AnjatUiin. IK'H.
RIO SANTA CRUZ, RIO CUICO.
647
natgres, ce n'est guère qu'un ruisseau de 40 mètres, que l'on
rse facilemenl en se moiiillnnt jusqu'à la ceinture. Dans la pitlo-
le conlrée des avant-monts se voit au fond d*un vaste bassin un
lac ovale,» misérable reste de la mer intérieure qui l'emplissait jadis'»,
issi se montrent
Smoignages d'un
chement du cli-
Le débit actuel
hico n'ajoute que
le chose à celui
ianta Cruz pro-
lent dit : ensem-
s roulent un llol
80 mètres cubes
econde, mais que
ces quantités
I en comparaison
•\\e que la marée
se dans l'estuaire
nun? A marée
, la sonde ne
e pas 3 mètres
1 barre; à l'heure
IX, la profondeur
it 16 ou même
êtres, suivant les
es. Les courants
us et de jusant
d'une grande
ice dans l'es-
lac Argenlino se
nue au sud par
euxième qui, d'après les uns, aurait la même altilude, — soil une
ine de mètres, — d'après les autres, dépasserait de quelques mètres
ne le niveau de la mer. Kxisle-l-il une communication par détroit,
de ou rapides entre les deux lacs?Moyano le croit, mais sans pouvoir
emonl and Orr, The Eail Coail of South Americn.
FLEUVES, RIVAGES, CLIMAT DE L'ARGENTINE. 649
16 étroit, recourbant sa masse à droite et à gauche en forme de
pour enfermer deux baies latérales. Au sud du grand hémicycle
en golfe de San Jorge, le Deseado descend, de même que le rio
et le rio Negro, non vers l'anse qui l'invite, mais au milieu d'un
iasulaire.
irts sont rares sur cette côte patagonienne exposée aux grands
bires. Dans les parages méridionaux, les marins préfèrent ceux de
m et de Santa Cruz^ l'un et l'autre fermés à marée basse par
es où l'on ne trouve que 2 à 3 mètres d'eau; mais le flux, qui
Hr ces rivages à 10 et même à 15 mètres, permet l'entrée aux
s navires presque à toute heure. On redoute surtout les appro-
la côte dans le golfe de San Matias, près de la péninsule de Yaldes :
», entreheurtces, se croisent avec violence et les courants s'y ren-
en décrivant des remous dangereux; on ne peut même jeter la
ins ces tourbillons qui font dévier le plomb'.
IV
publique Argentine n'a qu'une petite bande de territoire dans
tropicale. Une seule de ses villes, et l'une des moindres, Oran,
e dans cette zone, dont l'altitude compense en partie la position
lique relativement à l'équateur. On peut dire que l'Argentine
nd pour le climat aux régions tempérées de l'Europe occidentale,
agne aux Orkney et aux Ferôer. Mais du 22* au 55® degré de
méridionale, lignes entre lesquelles se trouve compris le territoire
, quelle succession de climats, entremêlés par les vents! Aux
ns qui s'opèrent du nord au sud s'ajoutent celles qui se présen-
'est à l'ouest, à mesure qu'on s'éloigne de la mer pour se rap-
des montagnes. La diversité des climats locaux est donc infinie,
s ont pour caractère de présenter des écarts considérables et des
5 sauts dans la température. Le relief orographique, des plaines
) aux îlots rocheux de la Fuégie, laisse le champ libre aux vents
jui soufflent du nord équatorial, aux vents froids qui refluent du
ire : aucun écrîin de montagnes n'arrête au passage ces courants
qui portent ou l'atmosphère embrasée de l'équateur ou le froid
îs antarctiques.
)co P. Moreno, Viaje à la Patagonia AusiraL
IX. 82
NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
affirmer. Plus au sud, une loniiui' manche d'cnii douce, a demi lleuve,
il demi fjurd, se développe à la bus» dos monts comme pour se i-éunir
aux fjords glaciaires (jiii contournent la cordillèi'e nndinc et forment tes
jfolfe» nimiDé!< de Skyring VVutei'.
Au sud de l'estuaire de Sanla Cruz, la côle présente d'autres brèches en
furine de fjords h demi comblés, recevant de petiles rïvièi'es descendues
non de la cordillt>rc andiiie, mais du versant orienUii de la chaîne volca-
nique : aussi sonl-elles presque sans eau. Le (ioy Inlel, une de ces décou-
pures du rivage d^ns lequel Dai-win voyait le reste d'un ancien détroit
comme celui de Magellan, ne reçoit qu'un ruissieau, — nommé Goyle par
corruption du nom anglais de l'estuaiie' — . Il était à sec loi-squc Mtircno
le visita; mais, plus au sud. le rlo Gallegos, né dans les fertiles plaines
dites Llanura* de Diana, mule entre des murs de lave, hérissés de cônes
volcaniques, un flol permanent, navigable pendant quelques semaines
de l'année. Les eaux courantes de la Palagonie estrémc déposent des pail-
lettes d'or dans les sables de leur lit.
Les eûtes de la Patugonie et de la Fuégie ne présentent pas dans leur
profil un caracti-re d'unité. De Buenos Aires à Babia Blanca, le ciinlour
semi-circulaire du littoral se développe suivant une courbe rythmique oii
l'on reconnaît une action géologique lente et continue; de même, à la pointe
du continent, le laillanl de cimeterre qui se dessine de l'île des Étals au
Hoy Inlet, et qu'interrompent les deux détroits de Lemaire et de Magellan,
témoigne d'un mouvement égal dans la formation dos rivages. Mais l'espace
intermédiaire, de Bahia Blanca à l'estuaire de Santa Cruz, se découpe
d'une façon très irrégulière. Au sud de fiabia Blanca, estuaire en entonnoir
qui pénètre au loin dans le corps continental, plusieurs indentalions
parallèles se succédant sur la côle paraissent indiquer l'existence d'un
ancien delta, mais le fleuve qu'on s'altcndi-ait .^ voir déboucher au fond de
ce golfe a cessé d'exister. Par un singulier contraste, le rio Coloi-ado et le
rio Ncgro, au lieu de s'écouler par des vallées prolongeant des golfes ou
des éebancruros du littoral, suivent un faite du sol et se déversent dans
l'Océan à l'exlrème convexllé d'une lene avancée. Immédtalemoiit au
sud, le golfe de San Malias pénèln' si piofondémi'nt dans l'intérieur,
qu'on lui donna le nom de Bahia Siii Fondu ou <.< Baie Sans Fond >>, tandis
qu'au sud la péninsule Valdos ou San José se latliicbe au contineni par
' Ciilos M. M,y.m,. ttoklii, ,lcl Imtiliilo Gei«j\ûf„-o Arijeiitiiio, 1S«7.
650 .NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Dans la région mésopotamienne, et d'une manière générale dans toute
ia partie du nord argentin, les vents normaux s'orientent dans la même
direction que les montagnes et les fleuves, c'est-à-dire dans le sens du
nord au sud ou dans celui du sud au nord, parallèlement aux Andes et à ses
avant-monts, Famatina et Âconquija, parallèlement aussi à l'Uruguay et au
Parana. Mais on observe un certain balancement entre les régions fluviales
de Test et les régions andines de l'ouest. Dans les premières le vent du
nord a une forte prépondérance, tandis qu'à la base des Andes le vent
(lu sud remporte. Un autre contraste consiste dans la déviation du venl
du nord, qui descend fréquemment du haut des montagnes dans la plaine:
c'est la zonda redoutée, qui souffle en tempête, surtout pendant les
mois d'hiver, de juillet en septembre. Vent du nord et zonda apportent
une température élevée, et plus d'une fois on a vu le thermomètre
dépasser 40 degrés. Qu'une saule des airs se produise alors et la diflerence
de chaleur peut comporter dans une journée plus de 50 degrés centigrades.
En hiver et sous l'action prolongée des vents du sud qui nettoient Tatmo-
sphère et facilitent le rayonnement, la température tombe au-dessous du
point de glace, et les rivières de la Patagonie, h partir du Cbubut, gèlent
brusquement. On dit qu'à San Juan, au pied des Andes, la transparence
de l'air permet de voir les étoiles à l'œil nu en plein jour, même dans le
voisinage du soleil.
Le littoral de Buenos Aires, sur l'estuaire de la Plata et le long de
l'Atlantique, se distingue, au point de vue du climat, par des traits parti-
culiers. Les riverains jouissent de l'alternance des brises ou virasonet^ les
brises de terre qui soufflent pendant le jour, et les brises de mer qui
refluent pendant la nuit. En outre, les vents généraux, c'est-à-dire les
alizés du sud-est, prévalent sur cette partie de la côte, non seulement en
été, mais aussi durant une grande partie de l'hiver; parfois même des
troubles atmosphériques, surtout en mai et en octobre, font régner Falizé
en tempête : sous le nom de su-estaday il bouleverse l'estuaire, refoule et
fait déborder les eaux de l'Uruguay et du Parana; la plupart des naufrages
dans la rade de Buenos Aires sont dus à ces coups de vent du sud-est,
pres(jue toujours accompagnés de fortes pluies. Un autre courant aérien,
qui souffle avec non moins de violence, mais que sa direction rend beau-
coup moins dangereux pour la rade, caractérise le climat du littoral pla-
téen : c'est le pampero, ou « vent de la pampa », qui traverse les plaines
de la pampa centrale dans le sens du sud-ouest au nord-est et longe la
côte de l'Uruguay et du Brésil méridional, parfois jusqu'au delà de Santos
et du cap Frio. Ce vent, très sec, très pur, très salubre, souffle en
CLIMAT DE L'ARGENTINE. 653
noyenne seize fois par an*, tantôt pour durer quelques heures seulement,
antôt pour sévir avec violence pendant plusieurs jours. Malgré ces brus-
[ues changements de l'atmosphère, le climat du littoral a moins d'am-
ditude dans ses écarts : la température est plus égale et Ton ne souflre
fuère des chaleurs intolérables qui se font sentir, surtout par un temps
aime, dans les « saharas » de l'intérieur.
L'aire des vents alizés du sud-est a des limites incertaines et flottantes
iur les côtes de l'Atlantique ; mais dans le conflit entre les courants d'ori-
jine polaire et les courants opposés, ceux-ci l'emportent presque toujours
lans la Patagonie proprement dite. Les vents du nord-ouest y prédo-
ninent pendant une partie du printemps et pendant tout l'été. La cause
m est due au contraste des températures à l'ouest et à l'est du triangle
erminal de la Patagonie. Dans les parages des archipels magellaniques
loulent les froides eaux polaires, tandis que dans l'Atlantique, le courant
16 porte en sens inverse, dirigeant vers le pôle les effluves de la chaleur
ropicale. Il se produit de l'un à l'autre littoral un écart moyen de 6 degrés
^ntigrades sous la même latitude, et cet écart considérable exerce un
ippel continu de la zone relativement chaude de l'est sur l'atmosphère
)lus froide de la zone occidentale. D'une extrême violence, les vents pata-
^oniens du nord-ouest empêchent parfois les voyageurs de se tenir à
îheval : il leur faut descendre de monture et s'abriter dans quelque
ravin, à l'abri du formidable souffle qui rase la plaine. Une végétation
irborescente, assez toufl*ue en quelques endroits, peut se maintenir dans
les creux ou cauadoneSj mais partout ailleurs la terre, desséchée par le
vent furieux, ne produit que des plantes basses et des broussailles. On
constate que cette couche aérienne est de mince épaisseur : à une faible
distance au-dessus du sol on voit souvent des nuages marcher en sens
inverse du courant inférieur. La brise violente commence d'ordinaire avec
le lever du soleil, pour atteindre sa plus grande force vers une heure de
l'après-midi, puis elle diminue et pendant la nuit le calme est souvent
absolu'. Plus au sud, dans la Terre de Feu, les vents ont beaucoup moins
de régularité dans le dédale des fjords, des baies et des canaux étroits.
Ainsi que le navigateur Anson l'a constaté, il y a un siècle el demi, le
beau temps n'a jamais qu'une courte durée sous ces latitudes méri-
dionales, et la pureté même du ciel présage la tempête.
D'une manière générale, les pluies diminuent graduellement du nord
* Martin de Moussy, ouvrage cité.
* Carlos V. Bunneister, Revista del Museo de La Plata, tome U, 1891.
654 NOUVELLE GËOfiRAPfllE UNIVERSELLE.
au sud dans l'Argentine, des régions sub-tropîcales vers les péninsules et
les archipels sub-polaircs. Dans la plaine de Tucuman la part d'bumidilé
versée par l'air est plus forte que dans la mésopolamie platéenne, dms
celle-ci plus forte qg'à
■<• »t - usiiM FEufs tiE L .MfTLXE Bucnos Aircs, et dans
celte \ille bien supé-
rieure à la part de la
Patagonie. On conslale
aussi une diminulion
dans la quantité des
pluies à mesure qu'on
s'éloigne de l'estuaire
vers la base des Andes.
La sécheresse s'accroît
loin de la mer, et en
même temps changeiKl
les phénomènes q«Ji
accompagnent la cbu *^
de l'humidité, kia ^*
sur le littoral la ros^^
est abondante, et sûl-^*
vent il tombe de peUt^^*
pluies fines comme e '
Europe ; dans l'inti^^
rieur de l'Argenline;^^
au contraire, à Sai^
Juan notamment, lec"^
brouillards sont près— ^
que inconnus et do^ '
années se passent sanss -
qu'on en obsci've uir*
^ ^"^ seul ; mais l'eau tomber
l ;^^,i SOUS forme d'averses- -
parfois accompagnées ■
d'orapes cl même de grêle. La pluie, toujoui-s très violente, paraît un évé — ^
nemont anormal dû au conflit dos aii-s; à Buenos Aires, ta neige es -*
d'unr exlrôme rareté : cependant Hermann Burmeister en vit tombei^
quelques Doeons on 1871.
L'Argentine, prise dans son ensemble, n'a pas, même dans le voisinag^^^
CLIMAT DE L-ARCENTINE. 655
ia litloral, l'humidilé nécessaire pour son agricullure. On se rappelle
encore à Buenos Aires la lon^e sécheresse de 1827 à 1851, connue sous
le nom de gran leca : pendant ces trois années, à peine quelques pluies
passagères tombèrent sur les campagnes. Les pâturages se changèrent en
désert; les bêles sauvages, réunies aux animaux domestiques, errant
ensemble à la recherche de l'herbe et de l'eau, périssaient dans tes
mêmes fondrières'. Dans les provinces de l'intérieur, les sécheresses
durent encore plus longtemps que sur le littoral; mais on n'y compte
pas sur les pluies du ciel : les l'écoltes dépendent des neiges de la mon-
tagne, qui alimentent les réseaux d'irrigation. On a dû creuser des yagûeles
à l'issue des vallées, et plus loin dans la plaine, forer en maints endroits
des puits artésiens, à 100 mèti-es de profondeur et davantage pour
recueillir toute l'eau qui descend des sommets. Toutefois on se demande
ti le climat n'est pas devenu plus sec et si les neiges tombent en aussi
p^nde abondance qu'à une époque encore récente. Ainsi l'on dit qu'au
nilieu du siècle la quebrada descendue de la Sierra de Velasco pouvait
iiTOser autour de la Rioja une superficie de jardins et de vignobles cinq
Tois supérieure à celle qui profite actuellement de l'irrigation. L'accrois-
aenieot du nombre des habitants, et, par suite, de la consommation d'eau,
ne sufût pas à expliquer cette diminution des cultures. C'est le manque
d'humidité, sous forme de neiges ou de pluies, qui tarit tant de rivières
dans les plaines du nord et en Patagonie. Dans les « (erres maudites »
que traversent les rios Colorado et Negro, simples fossés sans un seul
afOuent, les pluies sont extrêmement rares, et parfois des années se pas-
sent sans qu'il tombe une goutte d'eau ; un peu d'humidité ne so l'ait sentir
qu'en hiver. Les stations des chemins de fer qui parcourent les solitudes
>n sud de Buenos Aires reçoivent à chaque train leur approvisionnement
l'eau. Les voyageurs doivent s'habituer à boire le liquide saumùlre qui
!n maints endroits suinte du sol : on apprend h considérer comme « eau
louce » des breuvages amers que partout ailleurs bétes et gens refuse-
aient; dans ces régions les pumas meurent de soif et les moulons de
iiin'. La végétation ne peut subsister que grâce à la rosée d" matin*.
l'après Moreno, la zone la plus aride de la Patagonie est celle qui com-
irend le bassin du Deseado, longue rivière née dans ta région des neiges
ndines et réduite à l'état de maigre filet quand elle aboulil à son vaste
jord. Mais si les plaines et les plateaux du versant altanliquc sont
■ Emile Daircaui, Revue de* Deux Monde», 13 arril 1877.
* Machon, Bibliothèque Vnivertelle, dt-ccmbre 1S93.
' JoseT Siemiradiki, Pelermann's Mitteilungen, 1893, HeH m.
tm NOUVELLE (iîOGRAPUlB tlMTEIlSELLE.
déiiourvHs àii pluies, les Andes les reçoivenl en abondance. Les veiUs
du nordniuest «jui soufflent avec une si grande violence, jetant leucs
avei-ses sur le côté du Pacifique, trouvent de nombreuses brèches leur
permettant de passer sur les pentes opposées et d'épancher dans le voisi-
nage des monts une large part d'humidité. Les autres courants tilmusphé-
rlques, urriUi-s au passage, laissent aussi lomber leur fardeau de pluies
ou de neiges, l'orniant !;à et lli fjueliiues glaciers. Une chaîne de lacs
longe le pied (les monts du cùlé argentin, et de nombretix Iwissins, dont
l'eau s»'cs1 évaporée', paraissent avoir formé jadis une ligne d'eau presque
eonlinue, du Nabuol-Huapi au déli-oil de Magellan. La Fuégie est sufli-
samment arrosée, même dans ses plaines orientales*.
La forêt des essences tropicales, analogue à la seive du Urésil cl à cer-
taines parties des forêts paraguayennes, ne se préscnlc que dans la zone
étroite de l'Argentine oii le climat offre une chaleur et une humidité
suffisantes. Ces conditions ne se trouvent remplies que dans les provinces
de Salta, de Jujuy, de Tucuman, à la base des montagnes bordières du
plateau et dans le Chaco, le long des fleuves nourriciers, Pilcomayo et Ber-
mejo. Sur son pourtour cette région foreslifere se change par transitions
graduelles en parcs naluivls oii les bois, s'entremêlant aux prairies,
constituent l'aire la plus belle cl la plus fertile de l'Argentine. Toutes
' Fi'ancisco P. Moreiio, ouvi-age citL'.
* Conditions inctùorologiqucsdc dlvci-ses villes de l'Ai^cnlin'
Années
I
d-ob..
LatiluJf.
A]UtuJr>.
iiiDiiiiiak.
'îïî!ïyépncr''
liiniiiulc.
Écrt.
Pluip.
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1200-
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20» 50-
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45"
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La Rioja ..'...
1,
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Côrd.ili;.
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(■^)
i?l
FLORE DE L'ARGENTINE 657
ssences de la forêt se retrouvent parmi les bouquets d'abres, où Ton
en outre de nombreuses espèces auxquelles la lumière et la crois-
I à l'air libre sont nécessaires*. Bois et bosquets occupent une assez
le étendue dans la partie septentrionale de la République, mais Tex-
ice même des matériaux de construction, d'ébénisterie et de teinture
es botanistes y ont signalés et la pauvreté du reste de la contrée en
sses sylvaines font craindre que le déboisement h outrance ne ruine
ôt ce « paradis » de TArgentine. Déjà, dans le voisinage des villes,
vastation a commencé.
manque d'humidité et d'humus végétal, de même que la présence de
:ules salines dans le sol, donne à la végétation un aspect particu-
Sous ce climat et sur ces terrains ne peuvent vivre que des arbres
;és, à feuilles minces, à aiguilles ou à épines, ne répandant qu'une
e rare. Les botanistes sous-di visent, suivant les espèces dominantes,
aire des forêts maigres, qui ressemblent aux catingas du Brésil ; c'est
que sur les pentes des montagnes bordières de Catamarca et de San-
del Estero se rencontrent le cabil, espèce d'acacia, très utile pour
nnage des cuirs, et le quebracho Colorado (loxopterygium Lorentzii)y
ment riche en tannin et très apprécié par les constructeurs de voies
îs pour sa force de résistance et son élasticité. Sur les dunes et,
î manière générale, dans les terrains sjibleux, l'arbre le plus com-
est l'algarrobo {prosopis) ou caroubier, à l'élégante ombelle de minces
es découpées; ailleurs, sur les terrains tressées, s'élèvent les colonnes
ictus ligneux et les disques ramifiés des figuiers de Barbarie. Le Chaco
être également considéré comme appartenant à cette aire des bois
emés, du moins dans les paities éloignées des cours d'eau. Certains
s épineux, entre autres la gleditschia amorphoides, entremêlent telle-
leurs pointes, qu'un animal pris dans leur trappe peut y trouver la
'. Des jasmins y embaument l'air de leui's parfums. C'est dans le
» que les palmeraies, composées principalement du copernicia ceri-
occupent le plus d'espace. Dans la direction du sud, elles diminuent
sndue et ne constituent plus que de faibles groupes, formés surtout
ithindx campestris. Le yatai [cocos yatai) appartient spécialement à
isopotamie argentine, c'est-à-dire aux provinces de Corrientes et
re-Rios. On compte une dizaine de palmiers dans la flore platéenne,
quatre dans cette région d'entre-fleuves que l'on peut considérer
G. Lorentz, Die Argentinische Repuhlik^ von Richard Napp.
dwig Brackebusch, Petennann's Mitteilungen, 1893, Ueft VIL
IX. 83
658 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
comme une aire florale distincte, grâce à ses forêts et à la variété de ses
espèces.
A l'ouest du Parana la végétation arborescente présente de rorient ^
l'occident un contraste remarquable. Les montagnes les plus rapprochées^
de la mer ont des arbres sur leurs pentes inférieures, du moins dansli
régions que la hache n'a pas encore dévastées, alors que les contrefoi
des Andes, dépourvus de l'humidité nécessaire, ont leurs flancs absoli
ment dénudés et que sur les plateaux élevés, même là où le sol sei
favorable, on ne trouve que des lichens et la llareta {azerolamadreporiea]
collée sur des pierres comme une moisissure. Les plaines présentent ii~ _ .
phénomène contraire à celui des monts. Celles de Touest sont en part^^
couvertes de brousses et même de forêts, bien diO<êrentes en cela
pampas absolument nues que limite a l'orient le cours du Parana. Cepei
danl celles-ci reçoivent une quantité de pluie de beaucoup supérieure ^
celle qui tombe sur les plaines occidentales*. Correspondant aux praiiie^
de l'hémisphère septentrional, le sol des pampas contient aussi l'eau indi^.
pensable au développement de la végétation arborescente, et pourtant ne
produit spontanément que des herbes. Il est probable que le contraste des
forêts et des savanes correspond h Tancienne distribution des eaux dor-
mantes. Les surfaces naguère inondées sont celles oii, toutes choses égales
d'ailleurs, prédominent les herbes; les terres émergées depuis de longues
époques paraissent plus propres à devenir des régions forestières.
La forêt ne s'arrête pas brusquement aux limites de la pampa. Des
péninsules et des îlots d'arbres se projettent en dehoi's de la lisière du
bois, et, d'autre part, des clairières herbeuses se montrent au milieu des
arbres. Aux herbes diverses qui composaient la flore des pampas se mêlent,
depuis Tarrivée des Européens, de nombreuses plantes apportées de
l'Ancien Monde, qui se sont rapidement propagées du littoi*al jusqu'au pied
des Andes en modifiant la physionomie de la contrée : ainsi plusieurs
chardons ont envahi la plaine et pendant les sécheresses se presseal en
impénétrable fourré. Il paraît que ces espèces européennes ont contribué
à l'amélioration du pâturage par l'accroissement du patto blando ou
pasto tiemOy bon pour les brebis, aux dépens du pasto durOy que paissent
surtout les chevaux'. L\ flore des pampas ne comprend, en proportion
des autres aires végétales, qu'un petit nombre d'espèces, mais rema^
quables par le nombre prodigieux des individus associés : graminées,
• Griescbach, Végétation der Erde; — Lorentz, mémoire cité.
• P. G. Lorentz, mémoire cilé.
I )
■lililIllllÉIIÉI II
r
P
t.
[i
]
n
I
i f
K- •
FLORE DES PAHPAS. 661
composites, papilionacées. Le gynerium argenteum, que l'on appelle en
Europe « herbe des pampas », manque précisément dans la pamp pro-
prement dite : on ne le voit que sur les pentes des montagnes, loin de
ta plaine, et dans les barrnnques humides, sur les confms de la Palagonie.
(Jue)ques parties de la pmpa, d'un sol légèrement satin, et que recher-
chent les bestiaux pour en lécher les suintements, piwluisent des espèces
particulièi'es et forment la transition avec les salines, où croissent prin-
cipalement les chénopodiées. La vraie pampa n'a pas un seul arbre, et
tous ceux qu'on y voit, eucalyptus, peupliers, pêchers, même loin des
habitations, ont été plantés par l'homme. Parmi ces apports de l'homme,
on remarque surtout, au milieu de la plaine sans bornes, faiblement
ondulée, l'ombù {phytolacca ou pircunia dioica), h l'énorme tronc spon-
gieux, aux noueuses racines rampant sur le sol, au feuillage sombre
disposé en forme de boule. Les navigateurs du Paranâ qui l'aperçoivent
de loin l'utilisent comme point de repère, et c'est toujours à côté que
passent les chemins et les sentiers frayés à travers la campagne, tous les
6A9 iSOtlVELLU: r.P.Or.RAPHIE 1ÎKIVERSEUK.
voyageurs le prenant pour signal a travers les soUlude», L(*s e.il)aiiea du
rancho s'élèvent dans le voisinage et les troupeaux se mettent h l'omtirc
sous son épaisse rEimure.
La flore pampéeniie, limitée au nord par It! rio Salado. h l'ouest par la
mar Chiipiita el par les premières parties du massif de Côi-diiba, s'élargit
graduellement vers le sud, et jadis eomprenail loule la pi-ovïnce de Buenos
Aires, maintenant con([uise en grande partie par tes cultures. Au «lud, elle
ne dépasse guère Bahia Blanca, mais se montre encore en amont, dans la
vallée du Colorado, que l'on peut considérer d'une manière générale
comme la limite de la flore patagonienne, eiirnctérîsiJe par les broussailles ;
des enclaves de pampas apparaissent dans les creux humides. Le gazon pro-
prement (lit manque complètement dans l'aire palagoniennc, mais quel-
tjues loiifTes d'herbes, graminées el synanlhéi-ées, croissent entre les troncs
des arbustes épineux et tortus; en 1884, Lorentz et Niederlein n'énumè-
renl que 500 espèces comme appartenant h la flore de l'immense FatA-
gonic'. Des cactus aux fortes pointes barrent en maints endroits le pas-
!sage aux hommes et aux ehevaux. Des ravins sont remplis dL- totorales,
groupes de gynei'ium et autres plantes superbes î» la tige flexible, à la
toufl'e éclatante et d'un blanc soyeux. Dans la région pat<igonienne du
rio Negro, le seul grand arbre est une espèce de saule (salix humbold-
liana), qui peut-être serait d'origine européenne'. Mais bicntdt il n'en
restera plus que de faibles rejetons, car les riverains n'ont pas d'autre bois
de construction, et ils remontent toujoni-s plus haut dans la vallée pour y
couper les arbres de belle venue el les attacher en radeaux de flottage.
Sur les terrasses qui dominent la vallée, l'arbre le plus commun, simple
broiissaille en apparence, est le chaîiar {(jourltxa decorlicans), qui se
revêt en octobre de bouquets jaunes ressemblant aux fleurs du genêt. En
certaines régions désertes, on voyage pendant des journées entières sans
voir un seul arbre : ceux que l'on rencontre enfin sont tenus pour des gua-
Uchû, les " génies du lieu »". Parmi les plantes patagoniennes, quelques-
unes ont trouvé leur emploi dans l'industrie ou l'alimentation ; telles
1'" encens » épineux {duvaiui magellanica), qui produit une excellcnle
résine, et le « thé » de Santa Cruz [micromeria Darwinii), très petit
arbuste aux fortes nicines, que l'on emploie avec les feuilles pour obtenir
par infusion un thé très aromatique à goCil de menthe. Le calafate {berbe-
rn Inixifolia) revêt en si grande abondance certaines dunes de l'intéi'ieur
' Informe oficial ih la Comiiion rienlificn de Ut Expedkio» al rîo ^egra.
' \\. 11. Iluilsun, Iitle Uaijs in Paliigonia.
* Fr. Hiichon, itii'moire cilii.
4
FLORE, FAUNE DE L'ARGENTINE. 653
qu'où en remarque la couleur bleuâtre à des kilomètres de distance :
lorsque les Indiens vont couper du bois dans la montagne pour soutenir
leurs tentes, ils se nourrissent uniquement des baies du berberis à défaut
de la chair du huanaco^ Une espèce de genièvre leur fournit le maken,
résine qu'ils malaxent et traitent par l'eau pour en faire une gomme
dentifrice qui enlève le besoin de fumer, nettoie les dents et leur donne
un brillant remarquable. Tous les Patagons chiquent le maken. Les fucus
macrocystes bordent les rochers de la côte de la Fuégie au Deseado.
La flore du versant arrosé des Andes contraste pour la végétation
comme pour le climat avec les étendues arides des plateaux et des plaines
de Patagonie. Les pentes des montagnes où jaillissent les sources du haut
Santa Cruz sont recouvertes de « hêtres antarctiques » en forêt continue,
entremêlant leurs branchages au-dessus des ravins où se cachent les che-
vaux sauvages*. Plus au nord, les « chênes », les « cyprès » recouvrent
les pentes des montagnes, et les vallées où les gaves du rio Negro pren-
nent leur source étaient naguère le rendez-vous pour des milliers de Pata-
gons pendant la saison des fruits. Les Espagnols avaient fait aux Araucans
un présent involontaire : le passage des missionnaires jésuites dans les
régions andines valut aux guerriers indiens un fruit excellent, la pomme,
grâce à l'acclimatation rapide des plants comme arbres forestiers.
VI
A une époque géologiquement récente, c'est-à-dire pendant les âges
tertiaires et même dans la période quaternaire, les régions méridionales
de l'Amérique avaient une faune de grands animaux beaucoup plus riche
que de nos joui's. Le gisement de mammifères fossiles que Darwin décou-
vritprès de Bahia Blanc a était contenu dans une couche de gravier stratifié
et de boue rougeâtre, semblable aux dépôts que la mer pourrait former
actuellement sur une côte peu profonde; les coquillages qu'on y trouva
appartenaient en majorité à des espèces récentes ou contemporaines'. La
plupart des glyptodons ou gigantesques armadillos que les fouilles ont
mis au jour dans la formation pampéenne, immédiatement au-dessous de
la terre végétale, se montrent non moins complets que les squelettes des
bœufs et des chevaux tombés dans la pampa. Les conditions du monde
* Francisco P. Uorcno , Yiaje à la Patagonia Austral.
* W. H. Uudson, ouvrage cité.
' Ch. Darwin, Voyage d'un Naturaliste autour du Monde^ traduit par: Ed. Barbier.
iiiiimal L^taienl donc h celle é|M»[ii(' re qu'elles sitnl aiijdiinriiiii : la
pampti n'ii pus de grands carnassiers ijui brisent les squelettes el en di>i-
[lei-senl les fragments, niais si'iilemeni des vautours et autres uiseaui
voraces qni dévoivnl les chairs et nettoient les os des charognes'. D'après
le naturaliste Aineghino, l'homme aiiniit vécu à l'éjjoquc où se formèrent
les terrains de la (lampa et il nniail en (lour demeure le sol creusé au-
dessous de la carapace des glyplodons. litith a trouvai un squelelle d'iKunnie
sous un de ces toits nutui'cls. D'après les Indiens, le glyptndon aiirail vécu
h «ne période très récente.
Les natumlisteii qui nnl mis h dHCouvert les ossements de l'ancienne
l'aune tertiaire platéenne et palagonlenne s'étonnent de l'abondance et
de la variété des esjièces trouvées dans un étroit, espace. L'ossuaire de
llahia Blanea. couvrant une superfleie d'envii-on 200 mèlros ean-és, con^
tenait : des cnlnes de mégathérium; un mégalonyx; un squelelle presque
complet de seéUdothérium, quadrupîtde de la même famille, se rappro-
chant du fourmilier par certains caractères el de l'armadillo par d'autres ;
trois espfcces gigantesques appartenant au groupe des édcntés; un cheval;
uue dent de macrauchénia, parent du chameau et du lama : enlin le
losodon, étrange animal qui se rapprochait de l'éléphant par la taille, du
rat pai' ses dents de rongeur, du Inmenlin pai- ses mœurs aquatii[ues:
sauf ta taille, il ressemblait au capivara paranien. Sur les liords du rio
Santa Cruz et autres rivières de la Patagonie méridionale, les chereheui-s
ont Imuvé des ossements ti-î^s nombreux de mammifères inconnus jus<]u'à
présent et non tous encore parfaitement classés. Parmi ces découvertes,
une des plus précieuses est celle d'oiseaux gigantesques, plus grands que
les dinornis de la Nouvelle-Zélande. Les gisements de la faune pntago-
nienne égalent en nombre cl en valeur ceux des Mauvaises Terres du
Grand Ouest nord-américain et ont fait du musée de La Plata le lieu par
excellence pour l'étude de l'ancienne faune australe*. Des animaux de tant
d'espèces et de si grande taille font supposer que la pointe terminale de
l'Amérique sciait le reste d'un continent très vaste, qui comprenait les
îles actuellement éparses de l'Atlantique méridional. L'énorme accumu-
lation d'ossements que l'on trouve sous les tufs volcaniques permet de
supposer qu'à cette époque le monde animal était représenté par des my-
riades d'individus' : de nos joui's, si une catastrophe engloutissait soudain
toutes les bêles de la plaine, les squelettes en seraient très clairsemés,
■ Carlos M. Muyniio. Boletin ilel Institalo Geoijràfico Argentino, 1888.
' Francîticij P. Morcno, RevUla del .Vmeo île La Plnta.
■ JosefSicinii-artzki, Pelermaim't I^ilteitumjen. IS95, lleft III.
■^
FAUNE DES PAMPAS ET DE LA PATAGONIE. 665
^uf pour les animaux associés qui vivent en troupeaux. Quoi qu'il en soit.
In remarque de Bufibn, que la taille des animaux correspond dans une
certaine mesure aux dimensions des continents qu'ils habitent, ne parait
pas justifiée par l'ancienne faune tertiaire de la Patagonie; si grande
qu'elle fût, cette péninsule n'était probablement pas une autre Afrique.
Même dans la période géologique contemporaine, la plupart des genres,
espèce pour espèce, ont des représentants de plus fortes proportions dans
le Nouveau Monde que dans l'Ancien*.
Par un remarquable phénomène de correspondance, la faune actuelle
de^ régions tempérées de l'Amérique méridionale ressemble a celle de
l'Amérique du Nord. L'Argentine et la Patagonie l'appellent les États voi-
sins des grands lacs canadiens, sinon par leurs espèces, du moins par
leurs genres : on dimit en certains endroits que tous les types sont iden-
tiques. Mais on constate pour les invertébrés de la faune maritime que
les formes animales correspondantes se montrent sur les rivages de l'Amé-
rique méridionale à une distance de l'équateur beaucoup plus considérable
que sur le littoral nord-américain. Ainsi les olives et les volutes, que l'on
ne rencontre aux États-Unis que jusqu'au trentième degré de latitude, se
voient en abondance à Bahia Blanca, sous le trente-neuvième degré; même
la volute est commune dans le détroit de Magellan, à 1600 kilomètres plus
au sud, phénomène analogue à celui que présente la faune marine sur les
rivages méridionaux du continent africain*.
Le rio Negro constitue à peu près la limite entre les deux aires de l'Ar-
gentine et de la Patagonie: certaines espèces ne le franchissent pas pour
entrer dans le domaine qui commence h l'autre rive. L'autruche fiandu,
rhea americana, fait place à une espèce plus petite, rliea Darwinii. De
même le jaguar de Patagonie est de dimensions beaucoup moindres que
celui du Chaco\ La muraille des Andes détermine une autre division des
faunes : d'un côté le versant chilien avec ses espèces particulières, de
l'autre le versant argentin. Cependant quelques animaux ignorent ces
frontières. Le puma (felis concolor) parcourt la Patagonie jusqu'au détroit
de Magellan; deux espèces de chats sauvages, des chiens, une moufette,
un petit armadillo [dasyptis minutus), et des souris, plus nombreuses
qu'en aucune autre partie de la Terre*, vivent aussi dans la péninsule
terminale. Le condor, qui dans TEcuador ne descend même pas sur les
* Félix de Azara, Essai sur Vhisioire naturelle des quadrupèfies du Paraguay.
* Hcnrv A. Ward, Hevista del Museo de La Plata, tonio I, 1890-1891.
' Joscf Sieiniradzki, Petermann's Miiteilunijen, 1893, llefl III.
* Ch. Darwin, ouvrage cité.
xix H4
G66 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
avant-monts des Andes, abaisse son vol en Patagonie jusqu'aux plages de
l'Atlantique. Les reptiles sont rares vers la péninsule terminale du con-
tinent, et plus rares encore en proportion les mollusques terrestres ^l.
lacustres. Quant aux formes maritimes, oiseaux, cétacés, poissons, orgrs^—
nismes inférieurs, elles foisonrifnt, surtout dans l'archipel magellaniqii ^ »
mais riiomme menace déjà de destruction certaines espèces : les pi w^ —
gouins, que Ton rencontrait autrefois par milliards, alignés comme 1
soldats sur les corniches de rochers, sans même fuir le bâton du chasscii. m*
ont déjà disparu de maint archipel*.
Les limites des espèces animales appartenant à la zone tropicale sèc
s'échelonnent dans la partie septentrionale de l'Argentine. Des singes,
trois familles différentes, se rencontrent encore dans les régions forestières
des Missions et de Corrientes, voisines du Brésil, et près de la frontiè
bolivienne, sur les pentes des montagnes de Jujuy et de Salla. Les chauve
souris sont beaucoup plus rares dans les contrées platéennes que dans 1
provinces du Brésil, et le phyllostome vampire, d'ailleurs moins dangerei-«-X
que sous les tropiques, ne se voit plus au sud du Tucuman*. Les fauv*3S
carnivores sont représentés par de nombreuses espèces au nord de la Pata-
gonie, mais les grands félins, tels le jaguar et l'ocelot, disparaisse» X
refoulés par les cultivateurs et les bergei-s. Le puma, habitant la régic::»^
des montagnes, est moins menacé: dans les régions platéennes, il n'a^^-^
taque jamais l'homme et, quand le berger l'atteint, pleure même sa^M»^
oser se défendre. Le tapir, habitant les forêts humides et chaudes, et le
pécari, qui appartient à la même aire géologique, ne dépassent pas aus^^^d
les provinces de Corrientes et de Santiago del Estero. Le paresseux, q ue
les Argentins apj)ellent ironiquement perico ligero ou c< saute-paillasse »»
ne descend pas vers le pôle au delà du Chaco, et le fourmilier, très cokz m-
mun dans les solitudes du nord, est rare dans les provinces argentin»^ es.
Quant au genre tatou, il a de nombreux représentants, au moins h_^-iU/l
espèces dans la Plata : ce sont les armadillofi des Argentins. Toutei^so/s
le tatou géant, celui qui rappelle le mieux l'ancien gljptodon, avec &?
carapace d'un mètre de longueur, se fait déjà fort rare dans le i^avs
des Toba, au nord du Bermejo. Un tatou nain ou quirquinclio, que 1 on
trouve dans la province de Mendoza, a les dimensions d'une taupe. LV-
madillo velu (dasypm villoma) s'accommode au nouveau milieu que ki
fait la culture du sol en devenant un animal nocturne'.
* Ed. >Vliyni|KT, Travels amongnt the greal Andes of the Equalor.
"* Vinciguorra, Bollctino délia Socieià Geografica Italiana^ ocl. 1884.
' H. \N'. lludson, The NaturaUst in la Plala.
FAUNE DE LA PATAGONIE ET DES MONTAGNES. «67
L'habitant des pampas par excellence est la viscacha (lagostomus tricha-
daciylm), qui rappelle le « chien des prairies » du continent septentrional,
et, comme lui, se creuse des cités souterraines dans le sol sablonneux. Ce
rongeur ressemble à la marmotte, mais n'a pas de sommeil hibernal. Ses
terriers, larges de 2 a 20 mètres, suivant Timportance de la famille, sont
disposés en spirale et s'élargissent avec la profondeur. Le jour, on recon-
naît les vmacheras d'assez loin, l'herbe étant rongée h ras de terre vers
l'entrée, tandis qu'au-dessus du terrier elle croît en hautes touffes; mais
la nuit, le cavalier doit prendre garde, de peur que sa monture, passant
sur une voûte des galeries cachées, ne se brise les jambes en tombant
dans l'édifice effondré*; mais le cheval indien, accoutumé aux expédi-
tions nocturnes, garde sa tête penchée, flairant le sol comme un chien
de chasse, et son instinct l'avertit toujours à temps du danger*. Comme
dans les prairies des États-Unis, les hiboux et autres oiseaux nocturnes
«e tiennent fréquemment en sentinelle à l'ouverture des terriers. Les
vipères, les couleuvres, les araignées venimeuses se glissent dans ces
retraites sûres; aussi les voyageurs qui traversent les régions oîi les visca-
chas vivent en grand nombre, ne manquent-ils jamais de se munir d'ail,
afin d'écarter les serpents par une odeur que tous les Argentins s'accor-
dent à regarder comme un préservatif absolu. D'ailleurs les caravanes ont
intérêt à camper à côté des viscacheras, grâce à l'habitude qu'ont les
petits animaux d'orner le devant de leurs portes; on y trouve des osse-
ments blanchis, des objets égarés dans la pampa, pièces de vêtement,
courroies, souliers et, chose plus importante pour le voyageur, des bran-
ches sèches et des racines. Ce sont des fagots tout faits, et le passant
n'a qu'à se donner la peiné de les allumer pour cuire son repas. Entre le
rio Colorado et le rio Nogro, l'animal le plus commun est le marra ou
« lièvre de Patagonie » {dolichotis patagonica) ; en traversant la brousse,
on les voit détaler par vingtaines à droite et h gauche de la piste'. Dans
les régions cultivées de la pampa, le gibier, au lieu de diminuer, comme
on aurait pu s'y attendre, a beaucoup augmenté, grâce h la cessation des
incendies qui détruisaient autrefois les petits et les nichées*.
Les montagnes ont aussi leur faune. Le chinchilla (callomys), que
sa belle fourrure expose a une extermination prochaine, n'habite ni
les plaines ni les sommets neigeux et ne descend pas des Andes dans les
* Martin de Moussy, ouvrage cité.
■ W. H. Uudson, The Naturalist in la Plata,
•*• Carlos Burmeister, Anales del Museo de Buenos Aires.
* Alexis Peyrct, Une Visite aux colonies de la République Argentine.
608 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
régions patagoniennes. Le huanaco se rencontre au contraire dans les
hautes Andes argentines, et, sous les latitudes australes, descend dans
les étendues pierreuses de la Patagonie jusqu'au bord de l'Atlanlique.
Les chasseurs ont exterminé le huanaco dans une grande partie des
avant-monts argentins. On ne le trouve plus que très rarement dans
les pré-cordillères de la Rioja et de Catamai*ca; mais dans la province de
Jujuy, où la population des campagnes se compose encore de Quichua,
huanacos et vigognes sont respectés par les indigènes et parfois c'esl par
centaines que le voyageur les voit paître autour de soi*. Comme le
chameau, son congénère de l'Ancien Monde, le huanaco peut rester long-
temps sans boire et même s'accommode au besoin d'eau salée*. Dans la
Patagonie méridionale, entre le lac Argentino et la cordillère Lalon'C,
s'étend une plaine où Rogers et Ibar virent plus de cinq mille bêles e\
qui reçut d'eux le nom de valle de los Huanacos. Ils évaluaient le nombre
de ces animaux dans la région à 1 200 000 : les Tehuel-che en luenl
300 000 par an, sans qu'on s'aperçoive de la moindre diminution dans
les troupeaux'. Les huanacos mâles, solitaires et très agiles à la course,
sont difficiles à tirer, tandis que les femelles, plus rapidement fatiguées
et toujoure groupées, offrent aux chasseurs une proie moins incertaine
Dans la Patagonie méridionale, sur les bords du Gallegos et du Sanla
Cruz, les huanacos blessés ou mourants se traînent vers une brousse
écartée, où ils finissent en paix : des milliers de squelettes recouvrent ces
ossuaires de la tribu*. Les peaux de jeunes huanacos, cousues avec des
tendons d'autruche, fournissent des manteaux très appréciés et qui se
vendent fort cher sur le marché de Buenos Aires. On emploie la laine de
l'animal pour en tisser des ponchos et des couvertures. Vers l'extrémité
du continent, il a pour congénère le huemul ou cervm chilenm, qui
appartient aussi à la faune des Andes péruviennes. Dans la Fuégie, les
renards {canis magellanicm) sont assez communs, mais très menacés
par les chasseurs a cause de leurs fourrures. Des myriades d'individus
représentent les tribus des rongeurs, et l'une des espèces, la tuco-tuco
(ctenomys magellanica) ou le « caché » (oculto) pullule au point de rendre
l'agriculture des plaines presque impossible, le sol étant en quelques
endroits miné dans tous les sens*.
• Luis Brackebusch, Boletin del Instiluio Geogrà/ico ArgeniinOj tome IV, 1882.
» Fr. Machon^ recueil cité.
» Petermann's Miiieilungeny 1880, Hefl II.
* Cil. Darwin, W. Iludson, ouvrages cités.
•■* Pelermanns Milieilungen^ 1887, Hefl I.
FAUNE DE L'ARGENTINE. 669
L'ornis argentine est très variée, depuis les puissants vautoui^s jusqu'à
l'oiseau-mouche, « fleur volante >^. Presque tous les échassiers que pos-
sèdent le Brésil tropical et les Guyanes pénètrent dans les régions méri-
dionales jusqu'au Tucuman et au Corrientes. De nombreuses espèces
de perruches et de perroquets, entre autres le perroquet amazone, l'oiseau
parleur par excellence, font aussi partie de la faune argentine. Une variété
particulière de colibri (trochilm) vit dans la sierra de Côrdoba*, et d'autres
se voient jusque dans la Magellanie. L'oiseau-mouche antarctique, origi-
naire de la Bolivie et du Chili, oii il revient tous les hivers, visite en
été les rives de la Terre de Feu : on l'a vu butiner dans les fleurs de
fuchsia pendant une tetnpéte de neige*.
Le condor, le géant des oiseaux du Nouveau Monde, est très commun
dans les sierras de San Luis et de Cordoba, posées comme d'énormes
tours de guet au milieu des plaines parsemées de troupeaux. Quant à
l'autruche ou iiandu, coureuse des plaines, elle habitait jadis toute la
pampa et les régions herbeuses de la Patagonie; mais le cultivateur la
refoule et le chasseur la détruit avant que l'éleveur l'ait transformée en
animal de basse-cour. Les oiseaux auxquels la venue du blanc a été le
moins funeste sont les espèces aquatiques des marais, des estuaires, des
brisants. Les archipels magellaniques ont encore leurs nuées d'oiseaux
volant au-dessus des rochers. Parmi tous ces palmipèdes, le plus grand
est un canard que les marins anglais appelaient le race horse duck h
cause de la rapidité de sa marche, à la fois natation, course et vol : on
lui donne plus communément le nom de steamer tlucky tant le mouvement
alternatif de ses ailes ressemble à celui des aubes d'un bateau à vapeur.
Sa course sur l'eau est d'une vitesse considérable, et derrière lui se creuse
un long sillage. Ses ailes, à pennes raides, fouettent le flot avec une
singulière vigueur et contribuent plus que le choc des pattes au mouve-
ment de propulsion. Quelques-uns des canards mâles ont plus d'un mètre
en longueur du bec h la queue; ils se nourrissent surtout de moules et
paissent les prairies d'algues sous-marines \
Comme les autres divisions de la faune, le monde des reptiles témoigne
d'un afiaiblissement de J'énergie vitale au sud de la zone torrido. Les
diverses tortues argentines sont plus petites que leurs congénères brési-
liennes; les crocodiles jacarés, qui pullulent dans les marécages et lacs
du Corrientes, n'ont en moyenne que 2 mètres en longueur et rarement
^ Martin de Moussy, ouvrage cite.
* Alfred R. Wallace, Humming'birds, Fortnightiy Review, 1*' déc. 1877.
* King; — D. R. O'Sullivan, Forinightly Review, January 1893.
070 NOUVELLE CÉOfiHAPHtE lîIflVERSEll.E,
alteignoiil 7i inl'livs : ou no les voit jiliis au sud de Saiila Fi''. l,rs Imus ne
(IrpiiKsenl |ius vers les ]mni[)ns la ré^noii d» Sanliugu del E»tcru, une
lies timiies gt'!otugii[U(>s les raÎRUx iiidic[u«os, et le serpent h s<innette!i no
s*; mcintiv plus par delil le massif de CùnlcjljH. Les oaiix de l'Argentine,
marines, lai-iislres cl lluviales, sont presque toutes riches un poissons,
l't l'fsfuiiire do la Plata, !iu flot môlimp!' juwju'en amont de Montevideo,
posîtftde des espèces propres, outre celles de lii mer ot des tleuves. Une
Imite dp forte taille et d'eK-ellenl goill peuple aussi !)ien l'eau doure
que l'eau salée; on la rencontre dans le Bebedero et hi liigune de ilua-
natuiehij aussi ]mn que dans l« rio San Juan, descendu des glaciers. Les
ci^'lacés, grands ou petits, étaient autrefois tr^s nombreux dans ces mei-s :
une espèce de phoque ou lobo a donné son nom h une île de l'estuaire
jdatéen, et sur les côtes de la P«laf;oni(! les chasseurs poursuivent h
outrance les » lions de mer », les « éléphants marins » et autres iih»M|ues
dont on utilise l'huile et le cuir. Les haleines, prestjue détruites dan»
les eaux tempérées de l'Atlantique méiidional, ne se voient [dus guère
que dans le voisinage de la Fuéjiie et dan^ les mors ausiniles m'i llottenl
les glafons.
VU
l,n préhistoire du l'Argentine sera Irts difficile k déchifli-er, il cause
même de la variété des types humains et des objets de toute espèce que
consenent les hypogées. Ainsi l'on trouve dans les pampas de Buenos
Aires des poteries impossibles à distinguer des vases recueillis dans les
nécropoles azti^ques. Ont-elles été apportées du continent seplentrionol, ou
bien un développement parallèle des civilisations locales a-l-ii fait naître
de part et d'autre une industrie analogue? Sur les rives du rio Dulce,
pri's de Santiago del Estero, on a retire du sol des urnes contenant des
restes humains mêlés à des coquilles d'espèces qui vivent actuellement
dans l'océan Pacifique. Les contours des rivages ont-ils changé depuis
celte époque, ou le mouvement des navigations se faisait-il de l'Océan
occidental vois l'Atlantique? Bien plus, certaines masses de pierir ou de
bois sont absolument identiques à celles (pie maniaient les Maoïi de la
Nouvello-ZOlande et les Kanakes des Nouvelles-Hébrides'. Y eiit-il des
relations de commerce et d'amilié entre les populations australiennes el
colles de l'Amérique méridionale?
' ^V.m^■i^^o i'. Moicim. Rcrisla (M Musco itc lu l'Iida. li-mo I, 1890-itl.
1
J
PRÉUISTOIRE DE L'ARGENTINE. 671
Dans toute la partie montagneuse de l'Argentine nord-occidentale, de la
province de Jujuy a celle de Mendoza, on remarque sur les promontoires
et dans les vallées des ruines nombreuses, remparts, forteresses et villes.
Quelques-uns de ces débris se montrent jusqu'à plus de 4000 mètres en
altitude, parfois sur des pitons abrupts ou même des parois verticales.
Nombre de ces anciennes fortifications ressemblent à celles des « Falai-
siers w de TArizona et du Nouveau-Mexique. La plupart n'ont point d'ou-
vertures extérieures qui communiquent avec les réduits de la forteresse :
il fallait y pénétrer au moyen d'échelles, et les murs, très épais, offraient
une espèce de trottoir quadrilatéral, d'où l'on descendait dans la cour,
bordée d'habitations en forme de grottes. Ce genre de bâtisses témoigne de
rélat d'inquiétude et de guerre dans lequel vivaient les populations ; mais
elles avaient hérité de peuples ayant pu se développer à une époque anté-
rieure en de vastes communautés, car leur civilisation industrielle était
as$ez avancée. El le chemin, dit des « Incas », que l'on suit sur des cen-
taines de lieues à l'est des Andes et qui parcourt les plaines en ligne
directe, lançant à droite et à gauche des rameaux vers les lieux habités
jadis, et se dirigeant vers la brèche d'Uspallata pour traverser les Andes,
quels en furent les constructeurs? Moreno croit que, malgré son nom, il
est d'origine « pré-incasique » : à celte époque coulaient de grands cours
d'eau et s'étalaient de vastes bassins lacustres qui ont maintenant disparu*.
Le nom traditionnel de celle voie maîtresse semblerait indiquer qu'elle
est due aux.Quichua, serviteurs des Incas; mais les roches « écrites », les
pierres à glyphes qui se succèdent en grand nombre le long de celle
route ou dans le voisinage ne sont pas les mêmes que celles du haut
Pérou : elles paraissent appartenir à une civilisation différente. Dans ces
îontrées aujourd'hui désertes, des fossés qui furent des canaux d'irrigation
contournent des montagnes dont les ravins sont maintenant à sec. Des
issus, des instruments de pierre, de cuivre, de bronze et d'argent, des
)0leries peintes racontent le haut degré de culture qu'avaient atteint ces
copulations disparues. Des guerres antérieures à l'histoire, mais certainc-
oent aussi le dessèchement général de la contrée, ont supprimé ces
nciens représentants de la culture américaine. C'est ainsi que dans l'Ancien
londe se sont éteints tant de peuples puissants de l'Asie intérieure.
Jusque dans la Patagonie, le pays semble avoir été jadis très populeux. Il
'est presque pas d'endroits, si peu hospitaliers qu'ils paraissent main-
3nant, où l'archéologue ne retrouve les traces du passage ou du séjour de
* Francisco P. Moreno, Notes manuscrites.
rhoniiiii'. Kl Cl' si'^jour iluni htiij^trinjis, uar corlaitios coui-lu's ilc icitiiiri.
li;nlt.'iueiil ilt'|K)S»5cs, renferment des restes de l'induslnc humaine sur de
Fortes éfiaisseni's : îi In Knsenada, un a rocunillî dt-s li'agment» de p(iU'ri(*s
à phiN de Miixutilc miMros de la snrfnce. Kn outre, les grandes différences
que présentent les crânes, les iiislruments, les iQscrî[itîoiiK des routiers,
proiivcnl «nie ces populations apparlenaienl il des souches diverses. I^
continent qui se termine en une hin^uct pénintiuli' formait comtnt; unt>
surlc de nasse dans laquelle les peuple» refoulés des contrées du non)
venaient se prendre les nns après les autres, «t souvent s'enlre-exlermiiior.
l/Ar^'cntine est uiu? vaste nticropole de races perdues'. Peut-tHi-e les
Yahgan, les .\lakalouf de la Fuégie sont-ils les misérahles restes de popu-
lations jîradiiellemcnl poussées vei's les régions du Sud et jadis beaucoup
plus avancées en civilisation. Dnns le Iwissin du Sanihommbon, au sud-est
de Dncnos Aiii's, le iiatunilisie Qu'les a découvert, prÈs d'un mé^alliérium,
un squelette humain tr^s remarviuidile à treiic vertiMires dorsales'.
Les iges successifs de la préhisluirc sout bien représentés dans l'Arffen-
tine, mais les Indiens n'étaient pas encore arrivés h fabriquer des instru-
ments en fer lorsque les cavaliers européens débarquèrent sur leurs riva-
Ii{es ; ils ne connaissaient que l'usage du cuivre, et encore les nations
policées du nord-miest avaicntH^lles été les seules à faire celte conquête : b
plupart des tribus en étaient restées ans ossements, aiii coquillages et aux
pierres. Les sites les plus riches en fi'jignicnts archéologiques sont dési-
gnés sons le nom de paradera» : Morenoen a trouvé un tri-s gniiid nombre
dans la vallée du rîo Negro. Les archéologues y recueillent des têtes de
flèches appartenant ans deux époques, paléolithique et néolithique, dont
la dernière persista jusqu'à l'arrivée des Européens. Rarement tes objets
se trouvent entremêlés. Les armes des âges anciens ne se rencontrent que
sur les pentes supérieures des hantes berges et sur les terrasses, tandis
que les flèches néolithiques, de beaucoup plus abondantes, parsèment le
fond de la vallée. On distingue nettement dans l'état d'avancement des
flèches non terminées que les artisans pi-éhistoriques du rio Negro prati-
quaient la division du travail et que certains recherchaient la beauté des
matériaux et Unissaient leur œuvie avec amour. Non loin de Carmen, le
niiliii'ali'-li' lliid-^on a déconvei'l un aleliei' renfermant seulement des téle^
<le llè(■llL■^ loiijiiies d'un à deux ceutiiiièlivs, et toutes fabi'iqiiéos en pierres
(lui'es li-iin-ipiireiites ou Iranshiciiles, cristaux de roclie, a^'ates ou eiu'na-
■ l'iiiiitjoniii. icstn llr un antiyiio
PRÉHISTOIRE, POPULATIONS INDIGÈNES DE L'ARGENTINE. 675
mes • Il semble que les chasseurs indigènes aient voulu chasser les petits
aux couleurs gaies avec des flèches ayant le coloris et la beauté de
victimes ^
commencement du seizième siècle, lors de l'arrivée des conquérants
, la vaste contrée qui constitue aujourd'hui la république Argen-
des plateaux de la Bolivie à l'océan Austral, était peuplée d'une
*^^Vt.itude de tribus se désignant elles-mêmes et désignées par d'autres
difliérents noms, mais ne formant en réalité qu'un petit nombre de
pes ethniques. La région nord-occidentale appartenait aux Calchaqui,
^^^ociés à la civilisation des Quichua, parlant la même langue et proba-
^Vement de même origine. La mésopotamie d'entre Parana et Uruguay était
^^rre des Guarani, et les nations de cette race, prépondérante dans toute la
^5irtie orientale du continent, débordaient au delà de ces fleuves dans les
^^ampas : au sud de Campana, Estanislao Zeballos a trouvé un vaste
Cumulus guarani, contenant 27 squelettes. Les noms de lieux prouvent que
Oes populations guarani vécurent sur le bas Parana et mémo au sud de
^'estuaire jusqu'au rio Salado et à la baie de Samborombon : il est même
probable que les Querandi, qui firent subir une désastreuse défaite aux
Espagnols près de l'endroit oii se trouve aujourd'hui Buenos Aires, étaient
^'origine guarani, car leur nom paraît le même que celui de caranday,
mot purement guarani donné au palmier qui domine dans la mésopotamie
platéenne*. Cependant des écrivains, Moreno entre autres, pensent que
les Querandi pourraient être les ancêtres des Puel-che, refoulés depuis
dans l'intérieur de la pampa. Entre les Calchaqui policés et les Guarani,
auxquels la communauté de langue donnait une certaine cohésion, des
peuplades éparses parcourant librement les plaines ne présentaient aucun
caractère d'unité, mais se ressemblaient par les mœurs guerrières, le
genre de vie, et plusieurs de ces tribus étaient certainement parentes par
le langage et par la communauté d'origine. En l'absence d'une déno-
mination générique, on pourrait les désigner d'après la nation la plus
puissante qui les représente aujourd'hui, celle des Toba. Au sud de ces
tribus la péninsule terminale de l'Amérique était occupée par les Arau-
cans et les Patagons, qui constituent une sous-race bien distincte des
Indiens du nord; enfin, une partie de la Fuégie appartenait à des naturels
refoulés du continent et représentés encore de nos jours par quelques
individus.
1 IdU Daijë in Patagoniu,
* Estanislao S. Zeballos, Boletin del InMuto Geoyràfico Aryeniino, 1879.
XIX. 85
NOUVELLE G£OGHiPHi& UltlVEHSELLE.
l)»'s l'jinivi'c tli's Kiiio|iLTas le* massacres comini'iicéii-iil. t-l l'on \n:\i\
(lire ([ll'il^ s»' conliiiuenl loiijniirs, ii(!» |irélexU'R()U des raisons fuliles don-
iiiiiil lieu .'i mniiitps ^['iTes d'cxleniiiiiiiliuii. Ainsi dispiiiiiiviil iioml)ix>
do [KMiplitdos déli-uiles par le fer et par k* feu; le régime auquel les cou —
i|uèrants soumirent les viiinctis el les allït'-s alimitil fréiiuemmenl au mèmi-ss
résultat, ^\^n•s au piin, les Kspaguol» se imrtagùreut les indigènes en
eHComiendas, sous promesse de vaquer au salut des ûmes qu'ils se distri-
buaient, les uns comme purs eseliives, leii autn>s comme mitay(>$ on
« métayers •■. Sous celle dure autorité, quulUiée de tutelle, maïnlt^u
peuplade indienne péril d'épuisement, suit nu travail des mines, soit h^l
celui du laliour; quant iiux indigènes que les Jésuites groupèrent ilan."^^
leurs réductions, ils s'accrurent en nombre pendant les périodes de pai]^^
et [Mandant les années salubivs, mais pour suecomtier par eomnuiuauté^^
entières aux attaques des mamelucos et à l'iuvasion des épidémies. I^i^M
plupart des missions ont disparu, peuplades aussi bien que villages, ■
Hais trois siècles du coliuhilatiou ont gmduellement modifié la nce, eCi— ^
telle population qui par ses ascendants se rattache certuiuenieril à dc-«^
ancêtres américaînti se dit maintenant d'urigine espagnole ; la langue, lesi^^
mœurs, la vie politique l'ont peu îi peu assimilée aux antres Ai^entins.
D'auti-e jiait, les Indiens sauvages, qui n'ont cessé de voler des femme* -
et des enfants à leurs voisins les blanc», appartiennent pour une boiiue -
part, du moins [)ar le sang, <^ la race des eiivabisseui's. Chez les Quichua,
les Calchaqui du nnrd-ouesl de l'Argentine, les Guarani de Cornentcs, la >
fusion paraît définitive. Elle l'est aussi chez les Indiens agriculteui's de -
Tucuman, de Santiago dcl Estero, de San Luis, de Gôrdoba. Les Coma-
cbigoncs de cette province centrale, de même que les Micbilengues de ■
San Luis, les Giyones et les Calingasta de Mendoza, ayant perdu leui-s
noms indiens, se croient de pure race espagnole; mais la lutte etbnique,
même brutale et sanglante, dure entre les Argentins et les races guer-
rières du nord, les Toba. Au sud, la diminution rapide des Parapéens a
mis un terme à la guerre ; mais récemment encore elle était sans merci.
Peut-être même l'influence espagnole avait-elle rendu ces indigènes
plus sauvages qu'ils ne l'étaient, en asscrvissant les tribus policées (jui
sivaicnt inilier les nomades à la culture, et en dévi'loj)|)anl b-s instinets
lie pilhige p;ir l'iuliiiduetioii du elieval et des ai'iiU'> il feu.
Les deseendants des Quicbuii qui iiahilent la province de Jujuy soni
généialomenl désignés sous le nom de Coyos ou Coyas. Ils oui conservé
leur idiome, quoiqu'ils satbeiit Ions parler espagnol et tienneiil ii leui's
babiliides avec une singulière lénacilé. Presque senis |iai'nii les Indiens de
INDIGÈNES DE L'ARGENTINE, QUICHUA, CALCHAQCI. 675
'Argentine, ils n'ont point appris à monter le cheval, et, quoique très
royageurs, cheminent pédestrement h côté de leurs bourriquots. Ils
•migrent volontiers, pour commercer dans les villes de la plaine, mais
oujours avec esprit de retour, et plusieurs pratiquent la même industrie
jue les Collahuayas boliviens d'Apolobamba : ils vendent des pierres aiman-
ées, des amulettes, des remèdes, et guérissent les maladies. Les Coyas
restés dans leurs montagnes se méfient des étrangers, et a bon droit :
lès qu'ils aperçoivent un voyageur blanc, ils se hâtent de quitter leurs
[nasures. A grand'peine peut-on les rejoindre et faire avec eux quelque
ffiarché; ils se refusent à guider les visiteurs vers les sommets : « la mon-
tagne se fâcherait et se voilerait de nuages* ». Comme les Indiens du
Pérou et de la Bolivie, ils ont le culte des « hauts lieux » et dressent sur
les cols des tas de pierres, des apachelaSy consacrés à Pachacamac, le
K créateur du monde » ; en sacrifice ils lui offrent leur acullico ou chiffue
de coca.
Les Galchaqui, constitués en une nation puissante, habitaient l'espace
compris entre la frontière actuelle du Chili septentrional et les montagnes
deCôrdoba; mais dans la plus grande étendue de ce territoire ils n'ont
^ère laissé d'autres traces de leur séjour que des poteries de toutes
formes, noires ou rouges, avec des dessins géométriques en lignes droites,
aauf les urnes funéraires où des courbes s'entremêlaient avec des figures
symboliques et des représentations d'animaux : plats, vases, jarres, pipes,
amulettes, poupées, idoles, toutes ces poteries calchaqui jonchaient la terre
par myriades. Pendant plus d'un siècle ces Indiens résistèrent avec succès
aux bandes espagnoles; ils essayèrent même de restaurer la dynastie des
Incas et acclamèrent comme leur souverain un aventurier qui se disait
a fils du Soleil » ; mais, en 1664, ils succombèrent et la plupart des com-
battants préférèrent périr plutôt que de se rendre : on dit que pour éviter
la servitude aux enfants ils leur brisaient la tête contre des rochers. Les
Calchaqui capturés dans la guerre, les Quilmes, furent transportés en 1677
près de Buenos Aires, à l'endroit suburbain qui porte aujourd'hui leur
nom et où le dernier individu de leur race mourut en 1869. Mais la
descendance métissée des Calchaqui constitue le fond de la population
laborieuse dans les provinces de Jujuy, Salta, Catamarca, la Rioja, et la
plupart des noms de villes et de villages, surtout dans les hautes vallées,
sont ceux des tribus assimilées : Andalgala, Tolombon, Cafayate, Fiambala,
Tinogasta, Famatina; Tucuman, sous une forme modifiée, porte aussi une
* Luis Brackebusch, Bolelin del Insiituto Geogràpco Argeniino, tomo IV, 188'i.
676 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
appellation calchaqui. Les Indiens Lulé, qui vivaient autrefois dans la
contrée et d'après le^iquels on désigne encore un village, — Lules, —
allèrent, dit une légende que rapporte Garcilaso de la Vega, s'offrir comme
sujets à rinca Huiracocha. Leur nom, qui a le sens de ce Dentus », semble
indiquer que leurs dents, comme celles des Botocudos, étaient mises à nu
par l'usage du barbote*.
Dans quelques hautes vallées, la race est encore presque pure et l'usage
du quichua n'a pas tout à fait disparu devant le langage des vainqueurs.
Mainte coutume rappelle à Tethnologiste la survivance de Tantique m-
lisation. Les natifs regardent avec un certain orgueil les ruines des forl^
i*ésses que dressèrent leurs aïeux ou peut-^tre même quelque natioD plus
ancienne ; ils vénèrent aussi les huaca% ou nécropoles, desquelles les Aet-
cheurs profanes extraient des jarres remplies de restes humains. Les
squelettes appartenant presque tous à des enfants, il faudrait j voir,
d'après Lafone Quevedo, des victimes propitiatoires, sacrifiées pour le
bonheur de la tribu et la prospérité des moissons. Cette superatilioo
parait s'être maintenue jusqu'à un certain point, car les paysins de
Salta et de Jujuy voient avec déplaisir la profanation de ces anciens daie-
tières : ils croient que la destruction des huacas aura pour conséquence
des gelées tardives*.
Les Guarani de race incontestée occupent encore toute la partie septen-
trionale de la mésopotamie argentine, mais les noms de peuplades ont
disparu et partout la population est métissée. Au milieu du siècle,
Tusage de la langue guarani, qui prédominait au Paraguay etdanslool
le Brésil central jusqu'aux bords de l'Amazone, était encore général; mais
autour de chaciue ville, centre propagateur de la civilisation nouvelle,
l'idiome des conquérants agrandit incessamment son domaine. D'autres
(Juarani, restés à l'état presque pur, parcourent le Chaco et se louent
comme travailleurs dans les planl^Uions sucrières des vallées du Bennej^
et du Juramonlo. Ce sont les Chirihuana ou Chiriguanos, essaim de 1^
nation considérable (jui vit en Bolivie dans la province de Tarija, surto**^^^
dans les plaines d't^ntre Pilcomayo et Bermejo. Ces Indiens, appelés aus?-**
Cambes par les Boliviens, sont restés indépendants des deux côtés de "^
frontière : bien |)eu nombreux furent ceux qui se laissèrent catéchiser |>'^^^'
les Jésuites; ec^pendant tous h»s Chiriguanos ont appris à répéter, ^^'
proche en proche», (|ueh{ue chose de cet enseignement. Dits « StUivafres- ''
* l'ablo (iroussac, Memoria historica y dcscripliva de la provincia de Tucuman.
* J. A. Lafone Quevedo. Hevisla del Museo de La Plata, toino UI, 1892.
GUARANI, CUIRIGUANOS. n7T
par le fait même de leur indépendance, ces Guarani de l'ouest n'en sont
pas moins parmi les plus civilisés de l'Ai^entine. Ils vivent presque Dus
— h l'exception des femmes, velues d'une toge lileUO, — ol rp percent
encore la lèvre inféi'ieure, non pour y mettre le barbote ou disque de
bois, comme leurs ancêtres, mais pour y insérer un boulon de verre : cela
l
nn NOIIVELIE GÉOGBAI'niE ITNIVERRELLE.
siil'lil |nnir (|iip cips ^eris " tic raisnn •>, ayanl dans les veim's \c >• siiiip
bleu ■> ili^s t'^)ii({ur'raiits, considf'pt'nl les Chiri^uiinos rommc n'iMant [ws
même des hommes; tuutofnis ils l'emporlent sur la |)liipnrl des Argeiilins
par 1h parfaite propret»^ du corps, par la suhrit-ti'-, te f,'oiH du li-avail,
l'inteltigcncc dans U^ lakrur : ils excellent aux lifs<)|rries qui demandftil
de rinitialive. et de l'adresse. lis sont fort soigneux aftriculteurs et ("'leveiirs
de iK'Iail; mtîine tnin lies lilancs ils possèdent des jardins lijen cul-
tivés où ils uni introduit des plantes d'origine eumpéennc, et se construi-
sent des villages proprement tenus, pour\-us d'une place centrale (|iii ferait
honle h celles de la plupart des cités argentines. Ils pratiquent aussi dîvei-s
niÉtiers et savent préparer des manteaux en cuir tanné avec lesquels ic
voyageur s'engage sans crainte dans la brousse épineuse. Sans nul doute,
le travail régulier des Cliiriguanos dans les plantations des Argentins,
de Tarija jusqu'à Tucuman, finira par les nssirniter au reste de la
population et leur fera perdre l'indépendance politique, d'autant plus
qu'ils se lisent au sul, et que leurs femmes. Indiennes lielles et gracieuses,
sont fort rcclicrchées par les blancs. La plupart des Chiriguanos parlent
espagnol et leur guiirani difR?rt> assez peu de celui du Paraguay et du
(lorrientes pour que l'on se comprenne de part et d'autre.
Les Matacos ou Malaguayos, — ce dernier nom est surtout réservé aux
indiens de la nation restés libres, — travaillent h côté des ChirigUiinos
dans les plantations des chrétiens ou siffUeloi, et, comme leurs frères de
rïice, liMidenl à se transformer en prolétaires. Ils parais^^enl appnrleiiir
au groupe ethnique des Toba, et même quelques-unes de leurs tiibus, sur
les boi-ds du Bermejo, se sont associées à ces Indiens redoutés. Les Mata-
cos, que Baldrich dit être environ 14000, contrastent d'oi-dinaire avec
leurs camarades Chiriguanos par les traits et le caractère : plus petits,
plus trapus, plus forts, mais inférieurs en adresse, plus dociles, mais
d'initiative moindre, ils se tiennent moins proprement et gîtent en des
cabanes immondes. La plupart sont toujours restés en paix avec les Espa-
gnols et môme les ont eus pour alliés dans les gueiTes avec d'autres
Indiens : de là le nom de Mamos, — « Doux » ou « Domestiqués », —
par lequel on les désigna longtemps et que l'on emploierait aussi, disent
ipietques élymologisles, pour ceux des terres riveniines du haut Pilco-
mayo, les IJanus de los Mansos; crperulaiU le vrai nom est Llatios de
Manzo, d'apiès un voyngeui' du deiiiiei" siètle qui y trouva la mort.
Naguère, les ouvriers matacos que l'on embauchait dans leurs brousses
natales ne Iravaillalent aux sucieries que pendant la culture et la roulai-
son. Ils revenaient passer l'été au pays; maintenant pour nombre de
MATACOS, ABIPOxN. 079
ramilles l'émigration esl devenue déOniiive. Chaque Mataco s;mvage porte
suspendu à l'épaule un sachet dans lequel se trouvent beaucoup de petits
objets, cheveux, pointes de flèches, écailles de poisson, plumes d'oiseaux,
feuilles sèches, chiffons souillés de sang, qui composent son « histoire » :
chacun de ces brimborions lui rappelle un événement de sa vie, et il le
garde jusqu'à sa mort comme une partie de soi-même*. Comme les autres
peuples naturistes, les Matacos attribuent les maladies à l'invasion d'ahots
ou esprits mauvais ; mais, pour les chasser, ils ne se contentent pas des
incantations du sorcier : au magicien se joignent les amis du malade, qui
poussent des cris pour effrayer l'ahot. Les Matacos pratiquent la couvade*.
Les Âbipon, qui guerroyèrent des deux côtés du Paranà et qui, après
avoir fait si longtemps trembler les Espagnols, finirent par s'entre-déchirer
avec d'autres guerriers indiens, ne sont plus représentés que par un petit
nombre de familles métissées et parlant espagnol, confondues maintenant
avec les campagnards argentins de Santa Fé. Les Mocovi ou Mbocovi,
frères des Abipon du Paraguay, et tantôt leurs alliés, tantôt leurs
ennemis acharnés, existent encore à l'état de tribu distincte, quoique bien
réduits en nombre, peut-être par la variole plus encore que par la guerre;
mais ils ont reciiité des gens de toute race, voleurs de chevaux, bri-
gands, meurtriers, obligés de fuir les contrées habitées par les blancs. En
lutte avec la plupart de leurs voisins, surtout avec les Toba, ils furent
également redoutables pour les colons de Tucuman et des provinces
voisines : ils rasèrent plusieurs villages, détruisirent des plantations et
fermèrent aux blancs les passages du Chaco. On les désignait en général
sous le nom d*Indios Montaraces ou « Indiens des Bois ». Leur langue,
c( nasale et gutturale », est un dialecte de l'abipon, lui-môme « rameau
de la grande famille caribe », dit Lafone y Quevedo, qui en a rédigé la
grammaire^. Ainsi cette race puissante que les premiers navigateurs euro-
péens trouvèrent dans les Antilles, et dont la vraie patrie serait le Brésil
central, aurait aussi ses représentants au pied des Andes argentines.
Au sud des provinces colonisées dans lesquelles tout élément indigène
est devenu indistinct, les régions méridionales de la pampa et toute la
Patagonie appartenaient encore récemment à l'Indien libre. Pampas ou
« Pampéens », Araucans et Patagons, tels étaient les noms collectifs
donnés à ces populations peu connues. Après les premiers conflits d(»s
Espagnols avec les indigènes qui leur barraient la route du Pérou, les
* Amadeo Baldrich, Boletin del Instiiulo Geogràfico ArgenlinOj tomo X, 1889.
• Giovanni Pelleschi, Otto mesi nel Gran Ciaco.
5 lievuta del Musco de La Plata, 1890-91 .
680 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
naturels refoulés vers le sud restèrent longtemps en paix avec les blancs.
Ils ne possédaient ni métaux précieux ni produits agricoles d'une grande
valeur : on les laissa tranquilles dans leurs solitudes d'herbes ou Ae
rochers. D'autre part, les Indiens avaient reçu des nouveaux venus un allÂé
des plus utiles, le cheval : à leur gibier ordinaire, autruches, huanaco'S,
armadillos, ils ajoutaient comme nourriture le sang et la chair de la
jument. Ils savaient apprécier la valeur du cheval pour les transportas,
la vitesse du déplacement pendant la guerre : peut-être même étaient— îls
arrivés à dépasser les blancs comme hardis cavaliers. Pendant leurs voya^^
et leurs expéditions guerrières, les Ranqueles, Pampéens du voisinai «^
de Buenos Aires, ne descendaient jamais de leur bête. Quand ils étai^ni
accablés de fatigue, ils s'étendaient sur l'animal comme sur un lit; leocy
servait de coussin et leurs jambes se croisaient sur la croupe : ils dor-
maient des heures entières dans celle position sans que la conscience de
l'équilibre les abandonnât un instant. Même en plein délire de l'ivresse,
l'Indien restait allongé sur sa monture sans danger de chute : d'ailleurs
le cheval était assez intelligent pour accorder ses mouvements avec c^ux
du corps inerte dont il était chargé, et, marchant avec précaution, se
rapprochait de la tente, où la famille le débarrassait du fardeau. Souvenl
pendant les guerres dp frontières, les soldats argentins ont capturé des
chevaux sur lesquels se tenaient encore des cadavres d'Indiens embrassant
de leurs mains crispées le cou de l'animal \
Devenus riches en chevaux sauvages, les indigènes de la pampa et des
plateaux palagoniens apprirent à faire le commerce avec les Chiliens du
versant opposé; ils amenaient des convois de bêtes à travei*s la mon-
tagne, demandant en échange des instruments et des armes. Quand h
ne possédaient pas de troupeaux assez nombreux, ils allaient en chercher
chez les blancs, prenant des animaux à ceux qui avaient pris la terre. D^
là ces incursions, — malon ou maloca, — que les colons de la frontière
redoutaient à bon droit et qui se renouvelaient chaque année pendant
toute la première moitié de ce siècle, sur un ou plusieurs points du froï^^
des colonies entre Buenos Aires et Mendoza. Peu à peu ces expédili^*"^^
de pillage amenèrent une guerre sans merci : blancs et rouges se poursi^^'
vaient comme gibier. Dans un village, dans un campement surpris, on m^-^'
sacrait lous les hommes, parfois même on les torturait; les femmes avaie^^
la vie sauve comme esclaves ou concubines; les enfants étaient passés ^•^
couteau, à moins qu'il ne parût utile de les garder comme serviteu
» VV. li. liudson, The Naturalist in la Plaia
INDIENS DE LA PAHPA. 681
a comme recrues futures. Pour amoindrir le danger des incureions
ndiennes, it fallut tracer successivement diverees lignes de frontières,
étendues par des campements et des forteresses. A la fin du siècle der-
ier, la limite du territoire de colonisation était marquée au sud de
70* Oi.Fatd'ii^r.a
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[uenos Aires par la vallée du rio Salado et se prolongeait vers l'ouest, à
■eu près suivant le 54* degré de latitude, jusqu'à San Rafaël, au pied
les Andes. Mais les Indiens profilèrent de la guerre d'Indépendance entre
espagnols et créoles pour franchir la frontière. En i833, un retour offen-
if des troupes argentines rejeta les Indiens au sud du rio Ncgro, dans la
682
NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Patagonic proprement dite, et plusieurs tribus implorèrent la paix. Hais
les guerres civiles donnèrent aux Pampéens un nouveau répit et leur
permirent même de renouveler leurs incursions comme alliés de Tun
ou Tautre des partis en lutte : c'est ainsi qu'ils entrèrent plusieurs
fois dans la ville de San Luis et coupèrent la grande route du Chili entre
Buenos Aires et Mendoza.
Le retour de la paix intérieure devait avoir pour conséquence de refouler
à nouveau les Indiens vers le sud, d'autant plus que ceux-ci diminuaiesl
rapidement en nombre, à mesure que croissaient les Argentins. La lig-vne
K* 1^7. — LIGNES DES FORTS CONTRE LES INDIENS.
Uueat Je lan
7b'
Uuestde breenwicn
60'
d après divers documents
C. Pfîrro<'i
I : 17000 OCO
— I
600 kil.
de frontière, gardée par des fortins, était alors fort sinueuse : partant du
rio Colorado, au sud de Bahia Blanca sur l'Atlantique, elle se dirigeait ^^
nord de manière à couvrir les régions cultivées de la province de Bueï^^^
Aires, puis, de poste en poste, elle gagnait au nord-ouest la ville de S^*^^
Luis, qui restait presque en vue des plaines menacées, et se recourbait ^"
sud-ouest vers San Rafaël et le col del Planchon. Cette frontière était divî^^*^
en neuf secteurs, défendus chacun au centre par un camp fortifié qu'oc^^^"
pait une garnison assez nombreuse pour détacher des troupes xolao*-^^
vers tous les points menacés. Les fortins intermédiaires surveillaient J^
limite, indiquée même en certains endroits par des fossés et des cheval'
de frise : à la moindre alerte, le canon, avertissant et répondant de V^^
PAMPÉENS ET PATAGONS. 685
à l'autre poste, désignait le point attaqué ; souvent les Indiens passaient,
allant saccager quelque ferme, mais, au retour, se heurtaient contre l'en-
nemi. Cependant ils ne se décourageaient point, et chaque année faisaient
de nouvelles tentatives. En 4876, un mouvement offensif des Argentins
sur tout le front des postes reporta la ligne plus avant, de manière à
supprimer ses courbes et à la diminuer notablement en longueur, tout en
annexant les points d'eau et les régions de pâture où les Indiens prépa-
raient leurs expéditions. Par d'autres opérations militaires ils occupèrent
successivement, sur le versant oriental des Andes, les chemins suivis de
tout temps au débouché des cols dans les vallées fertiles. Cette nouvelle
chaîne de forts rendait toute résistance, tout ravitaillement impossibles
aux indigènes : il ne leur restait plus qu'à se soumettre*. Mais combien
sont-ils encore? Les Pampéens ont péri; les Patagons, c'est-à-dire les
indigènes de races diverses qui peuplaient la longue péninsule de Pata-
gonie, sont aussi en voie de disparition. On les évaluait à une trentaine de
mille avant que ne commençât la colonisation ; actuellement ils ne dépas-
seraient pas deux mille individus, même en comptant ceux qui vivent
dans le voisinage immédiat et la dépendance des blancs.
Le classement ethnique et géographique des diverses tribus du sud
argentin n'a donc qu'un intérêt d'histoire. Les Ranqueles ou Ranqual-
che étaient les plus rapprochés des colons de Buenos Aires ; puis venaient
les Puel-che du Colorado. Plus à l'ouest, dans la province de Mendoza,
vivaient des Araucans, les Pehuen-che ou « Gens des Araucarias », les
Huilli-che ou « Gens du Sud » et diverses autres peuplades ou « che » :
l^ayu-che, Tami-che, Pilma-che, Teghul-che, se succédaient le long de la
cubaine des Andes. Les Molu-che parcouraient les régions centrales, tan-
cîis que les Tehuel-che, c'est-à-dire les « Gens de l'Est », habitaient le
littoral atlantique, du détroit de Magellan au rio Chubut; les Ona de la
I^'^uégie sont également des Tehucl-che. Toutes ces peuplades avaient
Cionservé un langage différent et les traditions d'une origine distincte.
Les Tehuel-che descendent probablement des Patagons décrits par Piga-
fetta. Ce sont encore les plus nombreux et ils maintiennent leur cohésion
c^mme tribu distincte. Le nom de Patagones ou « Pattus » que Magellan
leur donna, est un terme malheureux, car ces hommes de si grande taille
ont les pieds petits, soit en moyenne de 27 centimètres pour une stature
cJe 1 mètre 90, et chez la femme de 26 centimètres pour une taille à
* Estanislao Zeballos, La Conquista de Quince Mil Léguas ; — Benj. V. Markenne, La Conquista
del Rio Negro; — Olascoaga, La conquête de la Pampa ^ Irad. par Simonnet.
C8i NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
peine inférieure*. Lorsqu'il fait très froid, les Paiagons meilcnt volontiers
par-dessus leurs bottes des guêtres en peau de huanaco; probablemeDt
celte double cbaussure donna naissance à la légende des grands pieds*:
du reste, Pigafetta, le compagnon de Magellan, semble le d\ve : « I^ peau
du buanaco donnait l\ leurs pieds l'apparence de pattes d*ours ». Mais
les premiei's voyageurs ne se sont point trompés en parlant de h
haute taille de ces Indiens, quoiqu'ils l'aient singulièrement exagérée : ces
géants de « dix ou douze pieds » qu'auraient vus Byron et Sannieiito
n'étaient probablement pas plus grands que les Patagons de nos joua
A Carmen de Palagones, où les Tehuel-che, déjà croisés avec des Pam-
péens, n'atteignent pas la stature normale de leur race, d'Orbigny conslati
que les hommes avaient en moyenne 1 mètœ 73. Depuis cette époque,
pres(jue tous les voyageurs qui ont parcouru le pays ou seulement visité
son littoral ont également soumis les Patagons a des mensurations r^
lieres, et les chiffres comparés prouvent que les Indiens purs de l'inté-
rieur sont les plus grands : 1 mètre 95 dans la vallée du haut rio
Chico. Les femmes ont aussi la taille très élevée, et la robe en peau
de huaniico qui constitue le vêtement ordinaire des Patagons contribue à
leur donner un aspect majestueux. Les Tehuel-che sont également remar-
quables par la largeur des épaules, la beauté des muscles pectoraux, la
vigueur des membres, la noble attitude du corps. Ils ont les yeux petits,
le nez court, la ligure ronde, la physionomie ordinairement sympathique^
En général, leur crAne est arrondi ; dans les tombeaux anciens explorés
par Moreno, les s(juelettes de cette race offrent en majorité des têtes
déformées par une com[)ression artificielle. Le travail incombe surtout
aux jeunes filles, les matrones se faisant servir et passant quelquefois des
journées entières sous la tente, mollem(»nt étendues et gsirdées par des
CHScoSj chiens qui ja[)penl pour les avertir de l'approche des visiteui's.
La langue tehuel-che est très dure, gutturale, et fort difficile à repro-
duire par des lettres européennes, ainsi que le prouvent les différences
extraordinaires présentées par les recueils de mots dus aux voyageurs;
elle change aussi très vite par l'obligation que les mœurs imposent aux
amis d'un Teliuel-che défunt d'abandonner les termes qui rappelaient son
nom et a les remplacer par des expressions nouvelles. Les trois dia-
lectes patagoniens, tehuel-che, araucan et pampéen, diffèrent tellement,
que les frères de race n'arrivent pas à se comprendre; cependant les uns
* Luis Jorj,'o Fontana, El Gran Chaco,
* F. Mîiilioii, ïtibliothèquc Universelle, ocloLre 1893.
' Floivnco Dixio, Across Patagonia.
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TEHUEL-GHE. C87
et les auti'es possèdent un système de numération décimale, simple et très
complet, parfaitement identique dans les divers langages. Ce trait rattache
le parler des Patagons aux langues de souche péruvienne. Ne faut-il pas
en attribuer la cause à Tinfluence civilisatrice que les Quichua exerçaient
jadis bien au delà des frontières politiques de l'empire Inca'? Du reste, ils
n'ont point de traditions historiques : ils ne peuvent s'imaginer que leurs
ancêtres aient vécu sans chevaux.
La guerre a contribué pour une grande part à l'amoindrissement des
Patagons, quoiqu'ils se soient presque toujours maintenus en dehors des
luttes qui ont amené l'extermination des Pampéens; parfaitement soumis
depuis plusieurs années, ils sont même censés chrétiens et se font bap-
tiser. Malgré leur force apparente, les maladies les déciment ; les sources
mêmes de la vie semblent atteintes. Ils sont d'ordinaire très sobres, et
quand on leur confie un message, ils chevauchent quelquefois deux et
même trois jours sans manger* ; mais dans les fêtes ils boivent sans mesure;
l'ivrognerie complète l'œuvre commencée par les balles des Argentins.
Quand arrive la saison des pommes et baies sauvages et que les Indiens
Auca-che, qui vendent l'eau-de-vie chilienne, ont fait leur tournée dans
les campements, on ne songe qu'aux buveries. Sous prétexte de se concilier
les faveurs des « bons esprits », on donne à boire et à manger aux
pierres sacrées, on verse de la boisson sur les victimes, taureaux, juments,
poulains et brebis ; mais on a bientôt oublié les génies d'en haut, et l'orgie
se déchaîne; elle dure parfois des semaines entières. Alors les étrangers
ont de sérieux dangers à courir s'ils se présentent devant ces gens en
délire, qui, pour un mot, saisissent leurs armes; souvent aussi ils se sont
rués sur des femmes pour les brûler comme sorcières'. Dans la plupart
des tribus, les épouses prudentes ramassent avant la fête tous les instru-
ments dangereux, couteaux, épieux, lazos, massues, et les cachent dans
quelque ravin écarté, où elles se réfugient avec les enfants.
Les Indiens de la Patagonie périssent pour la plupart sans passer par
la période de servitude : ce sont encore les hommes fiers, parcourant
librement les solitudes, de la montagne à la mer et du nord au midi. Ils
portent la chevelure touffue, soutenue par un large bandeau, semblable à
3elui qui, après la naissance, leur avait comprimé le crâne. Ils s'épilenl
soigneusement la barbe et se servaient naguère a cet effet de petites pinces
en argent, identiques à celles qu'on a trouvées dans les anciens tombeaux
* Francisco P. Moreno; — Carlos V. Burmeisler, Revisla del Museo de La Plata, tomo III, 1891.
* Cârios V. Burmeister, mémoire cité.
5 Musters, At Home wiih the Patagonians
I I
L.^: «ti«»;BAPHIE UNIVERSELLE.
m ^a m. ^ hWorniE.
»iuiiEu"T.i : ierenus pauvres maintenant, ils emploienl
iiiDiLr- -ît^eaoi, avec les({uels ils rasent leurs sour-
cils*. La guerre leur étant in-
terdite, ils ne portent plus de
lance, ni la cuirasse en pe^iu
de vache garnie de métal;
leur seule arme est la bola
perdida ou la <« boule per-
due », qu'ils recouvrent de
cuir et tiennent attachée au-
tour de leur taille\ Quelques
Patagons ont encore des clo-
chettes d'argent à la ceinture;
tous se peignent en rouge, en
blanc, en bleu noir, à la
fois par coquetterie et pour
se protéger contre l'aclion
du vent et des moustiques.
Leur seul instrument de mu-
sique est une sorte de flûte
fîiitc d'un os de huanaco.
L'ancien culte se maintient
sous le masque moderne d'in-
diflërence : le soleil, la lune
représentent toujours des gé-
nies favorables; des influences
funestes se dégageraient de
certains animaux, tels que le
lézard, et Ton n'a pas encore
cessé de le conjurer par le
sacrifice d'êtres vivants, sur-
tout de chevaux* : c'est |)ro-
bablement aussi par crainte
niak*lkvque plusieui-s tribus tehuel-che ne mangent point de
. lemines cachent des figurines, qui sont probablement de>
C. Perron
800 kJl-
•ïi«|i»
V Tiaje d la Paiagonia Austral.
*Twr.
^^^ lOf J^^ in Paiagottia.
TEHUEL-CHE. 689
amulettes ou des lares, et des sorciers médecins continuent d'exorciser les
maladies, d'appeler ou de chasser les démons.
Une antique croyance, appuyée sur mainte aventure interprétée au gré de
ces magiciens, — désignés sous le nom de payéy bien peu différent de
Tappellation usitée dans l'Amazonie et les Guyanes, — donne pour demeure
aux démons ou g^ialichû le corps des vieilles femmes : aussi chcaun
a le droit de tuer les matrones âgées, et naguère ce droit s'exerçait très
souvent. Afin de conjurer ce péril, la plupart des vieilles essayaient de
rendre des services comme diseuses de bonne aventure; mais malheur
h elles si leurs prophéties occasionnaient quelque événement fâcheux ! En
certains cas même, la coutume forçait le Tehuel-che à sacrifier une aïeule, ^
esclave ou maîtresse; quand une personne jeune mourait dans la lente ou
toldo, le chef de famille devait entraîner en secret, loin de la demeure,
la victime désignée et la dépêcher d'un coup de couteau. Ce devoir était
commandé surtout quand il s'agissait des belles-mères. Aussi, en prévi-
sion d'un meurtre possible, les parents de l'épousée prenaient grand soin
de vivre à part du gendre, ne le touchaient jamais, ne s'entretenaient
point avec lui. On sait que chez les Papoua, les Australiens et les Cafres
de l'Afrique méridionale se retrouvait la même coutume : quand la belle-
mère apercevait de loin son gendre, ou le gendre sa belle-mère, l'un ou
l'autre se cachait dans les broussailles. Les orphelins sont les pupilles de
toute la tribu et l'on gère leurs biens avec un dévouement parfait. Souvent
les époux qui n'ont pas d'enfant adoptent solennellement un petit chien
et lui constituent un douaire de chevaux comme ils l'eussent fait pour
leur fils*.
Les mariages, — toujours librement consentis sans intervention des
parents, — sont, comme les enterrements, prétextes à sacrifices : on abat
alors plusieurs juments et on en boit le sang au sortir de la blessure; mais
les sacrifices humains ne se font plus dans la génération contempo-
raine. L'homme en deuil de sa femme brûle tout ce qu'il possède*.
On enterre les morts, cousus en un poncho, soit dans la fissure d'une
caverne, soit sous une pyramide de pierres, cairn semblable à celui des
chefs gaulois. Les morts sont toujours assis, comme autrefois les momies
péruviennes et comme les corps des habitants préhistoriques de la Pata-
gonie*. Encore vers 1860 les Puel-che cousaient les cadavres dans un sac
de cuir frais; lorsque le mourant était un vieillard, on n'attendait
* Bail, Notes of a Naturalist,
■ Musters, ouvrage cité.
' Francisco P. Moreno, Bulletin de la Société d'Anthropologie ^ janvier !883.
xix. 87
■é
«ilO NOUVELLE GÉOGRAPHIE TSIVERSELLE.
point sa mort, dans la crainlc (]ul' In mitleiir des articulations m* rendil
l'opération impossible. Une vieille femme, chargée de rensevclisscmesl,
s'asseyait sur la poitrine du mallieureus, ramenait de force les jamiies sur
le tronc, au risiine de les briser, |Miis nltuchait les matns sur les tibias.
1,0 paquet, dûment ficelé, était ensuite exposé au soleil, puis, suffisam-
ment racorni, enfoui sous le sable de la dune. Telle était la force de la
tmdilion, transformée en devoir pions, iiuo, pour ensevelir les morts sui-
vant les formes voulues, on les tuait en leur brisant les os'.
Récemment l'Argentin des campagnes, « fils du pays » et certainemciil
descendant par les femmes des aborigènes américains, ne différait guhv
par les mœui"s de l'Indien qu'il avait combattu. Même physiquement, il lui
ressemblait par la haute taille, la vigueurdes membres, le teint histi-é, les
traits forts, les cheveux noirs et dui's. L'habitude dti cheval avait fini par
lui arquer les jambes, par lui faire tourner les pieds en dedans : il se
Itiilani-ait lourdement en marchant. Araucan par le genre de vie, le
ifaucho était, comme le sauvage, intrépide, d'une prodigieuse endurance,
indifférent à la mort ; il méprisait le travail physique, le laissant volon-
tiers aux femmes; s'il consentait h faire quelque labeur, il s'y prenait
il'une façon fière et méprisante, comme il convient h un gentilhomme; i\
s'arrangeait même h faire travailler son cheval à sa place : il utilisait
l'animal pour fouler le grain, pétrir l'argile, baratter le beurre; le cheval,
l,khé dans l'aire, sé|ïarail le hié de la paille, mêlait la terre et l'eat»',
^nus le choc répété de ses sabots, faisait cailler le lail en traînant l'outre^
rebondissante. Sale, habitant une case sordide, le gaucho aimait à faire
admirer des étrangers la richesse de son costume, mante en laine d<?
huanaco, pantalon brodé, bottes fines avec éperons d'argent, chapeau
emplumé; non moins superbement harnaché était son cheval, dont jwur—
ant il n'avait pas fait son ami, et qu'il allait peut-être perdre un instant
après, sur quelques coups de dés; les combats de coqs, les courses, le&
orgies de cabaret et la guerre, telles étaient ses passions. Aussi, dans la
lutte pour l'existence, est-il graduellement évincé. De même qu'il refoula
l'indien, le gringo, — c'csI-Ji-dirc l'immigrant qui parle « grec » (griego) -
— le li'availleur élranger le refoule à son tour. Les derniers purs gauchr»?^
luieiil les /,/«Hrï(fls lie la Ilioja, d'aimid clienls di' deux grandes familles*
l'nnemics, puis, dui-nit les guerres civiles de l'Argenline. Ions groupés
autour d'un terrible chef. Tacundo Ouii-oga. cl braiidissimt leur drapeau
redouté : ■- Iteligion .m Mort ! >-
, I
= -à.
:}
POPULATIONS DE L'ARGENTINE. 695
Déjà, lors des premières migrations, les envahisseurs blancs des régions
platéennes étaient de race fort mélangée, et maintenant les croisements
augmentent plus qu'en tout autre pays. Certains mots arabes qu'a perdus
l'espagnol se retrouvent dans le langage des Argentins et se rapportent
pour la plupart à la vie du désert : par exemple jaguel (puits sans margelle)
et guadal (fondrière). Quelques noms de famille dispainies, tel que celui
des Albarracin, qui n'existe plus en Espagne, se retrouvent dans les
plaines de l'Argentine. Il est probable qu'aux temps de la colonisation pre-
mière, les chrétiens convertis de race mauresque, fuyant les espions des
inquisiteurs, émigrèrent en plus grand nombre que les chrétiens de
vieille souche*. Quoi qu'il en soit, tout élément d'origine étrangère h
l'Espagne, à l'exception des nègres esclaves achetés aux traitants, fut
strictement exclu avant la guerre d'indépendance, et c'est en 1821 seule-
ment que le gouvernement argentin commença de favoriser l'immi-
gration : un traité avec l'Angleterre, conclu en 1825, proclama formel-
lement la libre admission des Européens non castillans.
Les premiers qui en profitèrent furent les Basques, ceux des Basses-
Pyrénées françaises, aussi bien que ceux des provinces Vascongades et de la
Navarre. A Montevideo, à Buenos Aires et dans toutes les villes de l'inté-
rieur situées sur les bords de l'Uruguay et du Parana, les Basques s'em-
ployèrent au chargement des navires, au jardinage, à la fabrication des
briques, à la surveillance des estanciaSj au service des abattoirs, à la salai-
son des peaux, h tous les travaux qui demandent de l'adresse, de la force
et de la persévérance. En maints endroits de l'Argentine, ils s'étaient
groupés en colonies assez compactes pour maintenir l'usage de leur langue;
mais l'activité industrielle du nouveau milieu a trop d'intensité et la popu-
lation argentine est trop mêlée pour qu'ils n'aient pas été entraînés rapi-
dement en dehors des coutumes antérieures et ne soient pas devenus
Argentins par les mœurs et le langage : du moins ont-ils conservé leur
jeu national de la paume. La multitude des noms de famille euskara que
l'on rencontre dans toutes les parties de l'Argentine, plus encore que dans
les autres républiques hispano-américaines, témoigne de l'importance
prise par cet élément ethnique dans la formation du peuple argentin.
Même des chefs indiens portent des noms basques : la légende raconte
encore les hauts faits du pampéen Baigorrita.
Les progrès de l'Argentine se mesurent à ceux de l'immigration. Pas
une nation, pas une race d'Europe qui n'ait ses représentants dans la vaste
* Alfred Ebelot, Revue de* Deux Mondes, 15 décembre 1877.
694 NOUVELLE GËOGRÂ HIE UNIVERSELLE.
Babel du Nouveau Monde. Français, Anglais, Allemands se sont rendus
surtout dans les gi*andes villes pour y diriger Tindustrie et prendre pari
aux spéculations diverses; les Italiens se sont emparés de la navigation
fluviale et, se pressant en foules de plus en plus nombreuses, se poussenl
aux premiers rangs dans toutes les branches de l'activité nationale; les
Irlandais, — courant d'immigration maintenant presque tari, — débar-
quèrent jadis par milliers et se mêlèrent plus intimement que les Anglais à
la population par le travail dans les champs et dans les chantiers. Les
colonies agricoles de Santa Fé ont été fondées principalement par des
Suisses, des Allemands, des Français, tandis que dans l'Entre-Rios, sur les
rives du Parana, la majorité des cultivateurs se compose de Russes et de
Germains russifiés. Les Gallois se sont groupés à part, sur les bords du
rio Chubut. Les Australiens eux-mêmes sont entraînés par le vertige de
l'émigration, et, poursuivant vers Test le voyage de circumnavigation
commencé par leurs ancêtres, quittent leur continent, qui ofire pourtant
de si grands avantages aux colons, et vont s'établir dans la république
Argentine. En 1893, des centaines d'Australiens ont obtenu des conces-
sions sur les bords du rio Negro. Enfin, depuis 1891, des milliers de
Juifs, expulsés ou réfugiés de Russie, émigrés de Syrie et de Palestine,
ont trouvé un asile sur les terres argentines, sans se mêler encore aux
autres éléments de la population. Les Chiliens émigrent en masse dans
les provinces occidentales, dites de Cuyo, et peuplent les nouveaux terri-
toires andins. Enflu, Boliviens, Paraguayens, Brésiliens entrent pour une
part considérable dans les communautés septentrionales et orientales.
On ne retrouve que rarement en Argentine des types indiquant par les
traits et la nuance de la peau la persistance du sang africain. En 1778,
les hommes de couleur représentaient environ le tiers de la population.
VIII
La république Argentine, pays de peuplement rapide et de grand com-
merce, se distingue, comme l'Australie et les États-Unis du Nord, par une
forte prépondéi'ance des agglomérations urbaines et par la concentration
des habitants dans les capitales. Le chef-lieu des régions platéennes con-
tient plus du huitième de la population du pays entier; mais, loin des port^^
d'arrivée, de vastes territoires dans l'intérieur sont encore presque déserts.
Dans le territoire des « Missions » argentines, les anciennes réductions
des Indiens convertis se sont transformées en villages de travailleurs aux
POPULATIONS, VILLES DE L*ARGENTINE. 695
maisonnettes éparses, et la plupart des églises ruinées ont servi à la con-
$»truction d'édifices modernes. Au passage des rivières on utilise encore
les pavés que les missionnaires avaient fait établir sur le lit fluvial pour
Faciliter la traction des charrettes. Des Brésiliens, qui sont numériquement
les principaux colons de la contrée, ont établi des usines à sucre et des
moulins pour la préparation du manioc et du maté. Sur la rive droite de
rUruguay, le bourg de Concepcion, où récemment encore les ruines des
missions couvraient un espace de 56 hectares planté de palmiers et
d'orangers, est devenu un centre agricole actif, et des champs de tabac
« noir » l'entourent d'une large ceinture. Plus loin, toujours sur la rive
argentine, une autre fondation des Jésuites, le village de Santo Tome,
exporte beaucoup de riz. San Martin, la Yapeyû des Guarani, où naquit
le héros de l'indépendance qui porte ce nom, n'est plus qu'un hameau :
ce fut pendant quelques années le chef-lieu des Missions, la « Rome »
de la grande république Chrétienne.
Libres — Paso de los Libres, l'ancienne Restauracion, — où les
« hommes libres » qui allaient affranchir leur pays de la tyrannie de
Rosas traversèrent iC fleuve, ne formerait qu'une seule ville avec celle
d'Uruguayana, sur la rive opposée de l'Uruguay, si l'une et l'autre n'ap-
partenaient à des États distincts, et si les deux douanes, les deux garni-
sons ne se surveillaient jalousement : près de là, sur territoire argentin et
plus au sud, se trouve l'ancienne mission de Santa Ana où Aimé Bonpland
passa les vingt dernières années de sa vie, dans une riche campagne dont
il avait fait un jardin d'acclimatation : il y mourut en 1857. Plus bas,
la ville uruguayenne de Santa Rosa a pour cité jumelle, sur la rive argen-
tine, Monte Caseros, important marché de bétail pour les acheteurs bré-
siliens. Le voisinage de deux États, le Brésil et l'Uruguay, en fait aussi un
poste stratégique. En cet endroit, le chemin de fer construit sur la rive
occidentale de l'Uruguay projette au nord-ouest un embranchement qui
doit atteindre bientôt Corrientes, la capitale de l'État de même nom, en pas-
sant par Mercedes, le chef-lieu des campagnes riveraines de la lagune Ibera.
Au sud, le long du fleuve, on voit se succéder quelques villettes mo-
dernes, Mocoreta, Libertad, fondée par des paysans tiroliens, Federacion,
Goncordia. Cette dernière fait face à la ville uruguayenne de Salto, beau-
coup plus populeuse, Tune des fortes agglomérations urbaines de l'Ar-
gentine et l'un de ses ports les plus animés. Cependant les grands bateaux
à vapeur ne peuvent y remonter que lors des hautes crues. Le port de
Colon, situé à plus d'une centaine de kilomètres au sud, sur la même
rive, ne présente pas non plus un accès fiicile pendant les basses eaux.
iNOrVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELIE.
iMiiiilf'i' i'!i IS05, c(>llp csciile l'îiit fiiro :i la l'ifé uruguayenne de PîiysanHiî.
et sert d'embareadi-R' à la colonie iigricole de Snn José, qui fut le \miai
(le d/'pnrt de la révolulinn pacifique nccomplie dan» la mésopolaniie argen-
tine par l'arrivtV des laboureui-s d'Kumpe. San José, établie on 1857 par
des Suisses et des Savoyards sur un coin de l'immense domaine aixaparé
par Urqniza, le potentat de l'Enlre-Rios, a magnifiquement prospéré, cl
de cette >< ruche-m&rc » sont sortis de nombreux essaims, qui ont \tm
i ]ieu trunstormé l'aspect de la contrée. La première culture fut celle
du froment, que l'on remplace gniduellemenl par des arbi-es fruitiei-s et
par des vignobles, qui donnent en abondance un vin grossier, mais infi-
niment préférable aux horribles mixtures vendues dans l'Argentine som
le nom de » bordeaux ». On ^'adonne aussi dans la colonie de San José
à l'éliive des poules, prolifiques pondeuses sous cet heureux climat*-
Les navires calant plus de 6 mètres s'arrêtent, en aval de Colon, au
débarciidèrt- de Concepcion del Uruguay. La ci-devant capitiile de la pro-
vince est située à quelque distance de la rive, sur un bras latéral du
fleuve; mais les trains du chemin de fer travers entia coulée et l'île inter-
médiaire, pour s'avancer jusque dans le lit principal par une large jetée,
où viennent accoster les bateaux chargeurs de bétail, A l'ouest de (x>n-
cepcion, près d'un palais enlouré de jardins cl de vergers qui fut la rési-
dence d'Urquiza, se trouve une des plus riches « colonies filles » de San
José, appelée Caseros en souvenir de la victoire gagnée en 1852 par
l'ancien propriétaire de la contrée.
Gualeguaychù est bâtie sur la rive droite d'une rivière de ce nom, dont
les eaux lentes arrivent de l'intérieur d'Entre-Rios. Le port n'a pas une
grande profondeur d'eau, mais de nombreuses goélettes viennent y charger
des denrées agricoles, surtout du l>étail, des viandes et des cuirs : les
habitants ont ])our industrie l'abalage des bœufs, comme les résidents de
Fray Bentos. la ville uruguayenne la plus iupprochéc. De vastes pâtu-
rages s'étendent entre l'Uruguay et le Paranâ, au nord de la région maré-
cageuse où se ramifient les coulées en un dédale connu des seuls chas-
seui-s et coupeurs de Imis. Fondée à la lin du dix-huitième siècle, sur le
premici' tenain ferme qui de ce côté du Paranâ se présente en amont de
ItneiKis Ailes, Gnaiegnaychû est devenue le troisième port de la llépubli-
i|ni' cl la cilé la plus [lopulcuse et la plus riche de la province d'HiiIre-
Itios'; clic a de beaucoup dépassé snn ancienne livale Gualeguay, (jui -.e
' Allais IViiol, l'ii/' rkite ou.r colonie» lie la République Aiijcnline.
• J|..uvciuriil il,- ,Vli;m-.-s ;. Ciwl.-jjiiiivchù en iiiovoimo : 1;. 000 000 francs.
« (Ir kl ]tUMj,-;>(ii)ii l'ii mVii: 5-iO OUO intinc-.
G.UALEGUAYCHÛ, POSADAS, CORRIENTES. 697
•ouve à une centaine de kilomètres plus à l'ouest, sur la rivière du même
om. Un chemin de fer rattache Gualeguay à Tala, station centrale de la
rovince, et à Villaguay, entourée de colonies très laborieuses où prédo-
linent les Belges. Un embranchement relie Nogoya, centre d'estancias à
étail, au port de Victoria, situé sur un des bayous latéraux du Parana.
Sur le Parana, en amont de Corrientes, les bourgs argentins sont pour
I plupart des villages que fondèrent les missionnaires. Candelaria fut
endant un temps la résidence des directeurs jésuites. Posadas, un do
îurs établissements, a succédé à Yapeyù comme capitale du toiritoire,
ésormais civil, des Missions. On lui donna jadis le nom dltapua, comme
la ville d'oulre-fleuve située sur la rive paraguayenne : un bac li vapeur
a et vient de l'un à l'autre bord. Posadas, qui fut à partir de 1822 et jus-
u'à la mort de Francia, la seule porte d'entrée du trafic paraguayen avec
Argentine, a développé son commerce, bien qu'elle n'en ait plus le
lonopole; les bateaux à vapeur du Parand y ont leur escale, la plus
nimée en amont des rapides d'Apipé et de Yacireta; là se trouvera
ientôt la principale station intermédiaire sur la voie ferrée d'Asuncion
u rio de la Plata. Presque toutes les stations qui se succèdent jusqu'au
influent du Paraguay rappellent des faits de guerre ou de brigandage.
a trafiquera ou « tranchée » de San Miguel, et plus bas colle de Loreto,
v^aient été creusées pour défendre le territoire des Jésuites contre les
icursions des Correntinos, et en 1822 Francia fit construire sur la pre-
lière de ces tranchées un fort, que vinrent occuper quatre cents cava-
ers paraguayens*. Non loin de la jonction des deux fleuves, le village
'Itati, l'un des établissements les plus anciens de l'Argentine, datant
es premières années du dix-septième siècle, se trouve près dos passages
ue les Paraguayens disputèrent aux Alliés avec tant d'acharnement. Itati
pour habitants des Guarani de race presque pure, mais à demi hispa-
ifiés par la langue, et pratiquant encore leurs industries traditionnelles
e poterie et de tissage.
Corrientes, capitale de la province du même nom, et la ville principale
atre Buenos Aires et Asuncion, peut être considérée géographiquement
3mme la cité du confluent fluvial, quoiqu'elle ait été construite à
4 kilomètres en aval de Très Bocas; elle doit son appellation de Cor-
entes, — San Juan de los Siete Corrientes, — aux remous qui se pro-
uisent sur la rive gauche du fleuve, devant les pointes rocheuses do
i berge : son ancien nom indien, Taragûy, signifie, dit-on, la ^c Lézar-
' Rcnggcr et Longchamp, Essai historique sur la révolution du Paraguay.
m. 88
SOS NOUVELLE GËOGRAPHIE UNIVERSELLE.
diëre ». On pourrait l'appeler la « cité des Orangers », taat elle possède
de ces arbres aux fruits d'or : naguère, avant que de hautes et somp-
tueuses maisons ne se fussent élevées en façade sur le quai, la ville dispa-
raissait presque en entier sous la verdure : le palais du gouverDemenlesl
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l'ancien collège des Jésuites. Fondée en 1588, Corrientcs est située ^ »
une berge de sept à huit mètres de hauteur au-dessus du flot moyen, à k
cole de (î6 mètres, d'aprfcs Gould. Quoique à 1339 kilomètres de Bueiics
Aires, les goélettes calant 5 mètres y ont accès, et pendant six mou
les bâtiments de 4 mètres peuvent s'amarrer aux quais. Les bateawi
à vapeur du Paraguay et du Paranâ en ont fait leur principal entrcpo'
CORRIENTES, FORMOSÂ. 699
et y possèdent des usines et des chantiers de construction. Pendant
la guerre du Paraguay, Corrientes, quartier général des Alliés, fut le
centre de leurs approvisionnements : une bataille navale acharnée, dite
du Riachuelo, avait dû être livrée en aval pour la conquête de la cité. Si
bien pourvue que soit Corrientes en communications fluviales, sa voie
ferrée ne la rattache pas encore (1893) aux villes méridionales de la
mésopotamie platéenne; pendant les pluies, elle se trouve presque blo-
quée par une ceinture de lacs et de marais qui la sépare de Caacati,
le bourg de l'intérieur le plus riche en bétail et en productions agri-
coles. En face de Corrientes, sur la rive droite du Parana, se montre
le village de San Fernando, qui remplace un ancien campement de Toba
et Guaycurû policés : tous les matins, ils apportaient aux Correntinos
rherbe, le bois et d'autres menues denrées. Maintenant, la forêt du Chaco
a reculé devant la hache du bûcheron, et des colonies agricoles se
succèdent le long du rivage.
Des deux territoires du Chaco, celui du nord, Formosa, longue bande
comprise entre le Pilcomayo et le Bermejo, reste presque désert : en 1892,
il n'avait que 5000 habitants d'origine européenne, en majorité Italiens
et Slaves, et 2000 hectares en culture; cependant tout le terrain qui se
trouve en bordure sur le Paraguay est déjà vendu à des planteurs de
cannes, à des éleveurs de bétail ou à des spéculateurs; on dit que la
canne à sucre de cette contrée donne des produits supérieurs à ceux de
Tucuman; en outre, elle présente le grand avantage de n'avoir pas besoin
d'irrigation : la rosée lui suffit'. Le chef-lieu, Formosa, qui existe depuis
1879, a été bâti sur une berge isolée, en face de la paraguayenne Villa
Franca : il remplace comme résidence administrative Villa Occidental,
que les Argentins durent évacuer après l'arbitrage des États-Unis qui res-
tituait le Chaco du nord à la république du Paraguay. Dans l'espérance
d'en faire une escale commerçante, on l'a placé exactement a moitié che-
min de Corrientes et d'Asuncion, à 225 kilomètres de Tune et de l'autre:
mais on a aussi fait choix de cet emplacement comme position straté-
gique : en cet endroit le fleuve est très profond et assez étroit; des canon^
commanderaient bien le passage.
Le Chaco méridional, plus grand et plus rapproché des centres de
commerce et de civilisation, se peuple beaucoup plus rapidement que le
Chaco du nord. Toutes ses terres riveraines ont été cédées ou vendues par
le gouvernement, et déjà quelques usines à sucre qui s'élèvent dans ce
* Alexis Peyret, ouTrage cité.
700 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
nouveau territoire sont au nombre des établissements les mieux améuagés.
Un village naissant, Timbo ou Puerto Bermejo, domine le confluent de
cette rivière avec le Paraguay et projette le long du Bermejo la roule qui
va rejoindre le poste ou « fort » Roca, à 200 kilomètres en amont. Une
colonie suédoise occupe au sud de Timbo les bords du rio de Oro, pelil
affluent du Paraguay, navigable pour des barques, et, plus bas, à moins
de 20 kilomètres au-dessous de Corrientes, la capitale du territoire, Resis-
tencia, ainsi nommée en souvenir d'un fait de guerre, a surgi en peu
d'années h la bouche du rio Negro ; la colonie agricole des alentours a été
fondée aux frais du gouvernement central et dirigée \^r ses fonctionnaires.
On n'a pas encore frayé a travers les solitudes de route directe entre
Rcsistencia et les campagnes de Salta.
En aval de Uesistencia, les villes se montrent à de longs intervalles sur
la rive orientale : Bella Vista, fondée en 1826 comme établissement pénal;
Goya, ainsi nommée d'une femme qui possédait un immense domaine dans
cette partie du Corrientes; Esquina ou le « Coin », au confluent du Paranâ
et de la rivière Corrientes; La Paz, l'ancien Cavallu-Cuatia, ou « Cheval
Peint », des Guarani, station médiane entre Asuncion et Buenos Aires el
l'une des escales les plus actives du fleuve*; Hernandarias, sur sa haute
berge boisée; Parana, que jadis on appelait simplement Bajada ou le
« Débarcadère ». Cette ville, la première qui se soit élevée dans l'Entre-
Bios, passa par de grandes vicissitudes : elle fut la capitale de l'État, puis,
de 1852 à 1861, celle de toute la république Argentine; découronné*
maintenant, elle a pourtant augmenté en population, tout en perdant d^
son impoi'tance relative. La cité proprement dite est bâtie sur la hau *^
berge, a 2 kilomètres du port, où se fait un commerce actif. Elle ^
pour industrie spéciale la fabrication de la chaux, des carreaux, dt
poteries ; mais les centres principaux de travail sont les diverses col
nies fondées dans le voisinage, surtout le long du fleuve. Villa Urquiza,
plus ancienne de ces colonies, est Tune des moins prospères; celle
Cerrito a mieux réussi. La plupart des colons sont italiens, mais on
trouve aussi des représentants de toutes les nations d'Europe, mên'-^
des Roumains, qui des bords du Danube ont amené leurs buffles*.
Une colonie dite « russe », qu'habitent des Allemands émigrés d_ ***
boids de la Volga, constitue un mir, commune à propriété collectives^ .'
les bois, les pâturages restent indivis et chaque famille tire au sort ^i
* Tonnage des bateaux de passage à La Paz : 555 000 tonnes.
* Alexis Peyrct, ouvrage cilé.
RESISTENCIA, LA PAZ, PARANA, SANTA FÉ. 701
part des terrains à labourer et à semer en commun; La première colonie
russo-allemande fondée au sud de Parana, non loin de Diamante, a formé
de nombreux essaims sur tout* le littoral du fleuve, au nombre d'environ
dix mille individus. Très unis, habiles agriculteurs, surtout pour la pro-
duction du blé, excellents éleveurs de chevaux, les émigrés de la Volga
prospèrent, et chaque année ils achètent de nouvelles terres pour étendre
leurs communes, administrées par l'assemblée générale de tous les chefs
de famille, y compris les femmes. Le gouvernement ayant voulu leur
imposer la même organisation que celle des autres colonies, ils se révol-
tèrent et on se résigna à les laisser s'administrer à leur guise. Quelques
groupes de colons positivistes et des disciples de Tolstoï se sont aussi
établis dans cette région de l'Entre-Rios pour essayer d'y vivre en sociétés
harmoniques.
Des berges de Paranâ, on aperçoit par les beaux soirs, à une vingtaine
de kilomètres, les tours et les coupoles de Santa Fé briller au soleil cou-
chant. Cette ville, trois fois séculaire, que Juan de Garay fonda en 1575
et que les Jésuites choisirent pour centre de leurs missions chez les Mocovi
et autres Indiens du Chaco, n'est pas située sur la rive même du Paranâ,
mais sur un bras latéral, le riacho de Santa Fé ou Coronda, qui s'élargit
en lagune et se ramifie en bayous; la rivière Salado vient s'y unir dans la
ville. Le port, auquel on accède par ce labyrinthe, peut recevoir des goé-
lettes calant 2 mètres, mais le grand trafic se fait par une voie ferrée de
12 kilomètres qui va rejoindre le fleuve à l'escale de Colastiné, où se
trouve un creux de 7 à 8 mètres lors des biasses eaux. Ville de couvents
et d'églises, métropole vénérable où s'assemblaient parfois les congrès
pour la discussion des intérêts communs de la République, Santa Fé fut
longtemps délaissée par le commerce et même déclina jusqu'à l'ouverture
des voies ferrées et l'arrivée des colons étrangers qui ont mis en culture
les campagnes environnantes. Elle se transforme rapidement en cité mo-
derne, grandit en commerce et en population ; cependant, malgré son
rang de capitale de la province, elle n'égale point la ville de Rosario,
mieux située pour le trafic.
Les colonies agricoles qui ont fait la richesse de Santa Fé ont pour chef-
lieu le bourg auquel on donna, en 1856, le nom modeste d'Esperanza
et qui se montre dans la plaine rase, à 30 kilomètres au nord-ouest de
Santa Fé. Les « espérances » ont été réalisées. Aux deux cents familles
suisses qui arrivèrent, sans trouver même une cabane*, se sont ajoutés
* Cari Beck Bernard, Die Argentinische RepubliL
702 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
des milliers et des milliers d'autres familles, françaises, allemandes, iu<
tiennes surtout; des villes, des villages, des moulins à vapeur, des usines
ont surgi de la pampa; les chemins de fer se ramifient dans tous les sens.
La gracieuse Esperanza, aux rues ombragées de paraisot, l'arbre du « pa-
radis » ou melia azedarach, porte sur son hôt«l de ville l'inscriplioD en
espagnol : « Subdivision de la Propriété ». Ce sont en effet la petite et la
moyenne propriété qui, sur ces terres, très inrérieui*es en fertilité natu-
relle à celles d'autres provinces appartenant h quelques grands proprîc-
laires, obtiennent des moissons cent fois supérieures. A quelques lieuw
au nord de Santa Fé, on montre encore les vesligcs du fossé creusé jadis
pour arrêter les cavaliers indiens ; les agrieultcure l'ont depuis longtemps
franchi; sur toutes les lignes ferrées, les colonies se fondent à chaque
station, et d'étape en étape transforment le désert en campagne culliïée;
ils rejoindront bientôt les plantations de Santiago dcl Estero.
En aval de Santa Fé et de Paranâ, Diamante occupe une position
superbe, à la tête du delta, sur une falaise de la rive gauche haute de
80 mètres et dominant un immense panorama d'eau courante, de marais
et de campagnes émergées. Le fleuve, rétréci en cet endroit, offre un
DIÂMÂNTE, ROSARIO. 703
passage plus facile qu'en amont et en aval; aussi, dans toutes les guerres
civiles les belligérants ont-ils cherché à s'emparer de ce poste : Urquiza
y fît passer à la nage son armée de vingt mille cavaliers. Diamante prépare
de la chaux, et, comme Parana, s'entoure de colonies « russes ». Plus bas,
sur un bayou latéral du Parana, en communication directe avec le grand
fleuve pendant les crues, se montre le bourg de Victoria, ainsi nommé
d'une « victoire » remportée en 1728 sur lesMinuan, qui furent obligés
de quitter l'entre-fleuve pour se réfugier de l'autre côté de l'Uruguay,
à côté de Charma. Ramon Lista a trouvé dans les environs des tombelles
remplies d'ossements de ces Indiens.
Rosario, la principale cité de la province de Santa Fé et la deuxième
a^lomération urbaine de la République, ne fut qu'un simple village pen-
dant le premier siècle de son existence; les caboteurs y avaient une
petite escale. Mais les dissensions civiles firent la fortune de Rosario :
Buenos Aires s'étant séparée du reste de l'Argentine en 1854, le gouver-
nement installé à Parana décréta l'établissement d'un chemin de fer de
Rosario à Cordoba, et, sans attendre que cette œuvre fût commencée,
accorda des exemptions de droits, — 18 pour 100, — aux navires étran-
gers qui remonteraient directement le fleuve Parana, sans avoir touché à
Buenos Aires ou à quelque autre port de la Plata. Rosario profita aussitôt
de cette faveur. En toute saison, les navires calant 5 mètres peuvent
y remonter et mouiller à proximité du rivage, tandis qu'à Ruenos Aires
les bâtiments devaient, il y a peu d'années, ancrer à une grande distance
au large; en outre, Rosario a l'avantage de se trouver au coude du
fleuve, à l'endroit où, cessant de couler du nord au sud, il descend au
sud-est, suivant Taxe de l'estuaire : c'est donc le lieu de débarquement
indiqué d'avance pour les voyages dans l'intérieur. Le commerce fluvial
y a son escale la plus active*. Le chemin de fer de Rosario à Cordoba,
tronc de la ramure qui se développe vers les extrémités de la République,
a fait de Rosario un port rival de Ruenos Aires pour le commerce direct
avec l'étranger, et même depuis que la capitale possède un chemin de
fer côtier l'unissant à toutes les cités de l'Argentine, une grande partie
de la navigation au long cours garde Rosario comme point d'attache;
quatorze lignes de vapeurs transatlantiques l'ont pris pour port d'arrivée
et viennent y charger du blé pour l'Europe, de l'alfalfa ou luzerne pour
les ports brésiliens, des métaux et des cuirs. L'aspect de la ville est
essentiellement commercial : jetées bordées de navires, quais sillonnés
« Commerce fluvial en 1892 : 562 295 600 fi-ancs.
701 TtOUVKLlK GEOGRAPHIE UNIVERSELLE,
(le voii's l'uiTLTs, magasins déhonliiiil dis marchandises, omnibus sur mils
dans chaque nie, rangées de poteaux lél^graphiijues el téléphonicjnes
aux réseaux enliti-croïsés. Plus encnre i(U*à Buenos Aires la population a
des origines cosmopolites'.
La voi)! ferrée di; Santa Vé à Côrdolia ayant élé construite par une corn-
|>agnie anglaise, celle-ci reçut gratuitement les terres bordant le clicmiu
Kur une largeur de cinq kilomètres, à la condition de les peupler de colons.
Kllc ne se hâta point de remplir ses engagements; cependant en 1S70
elle avait commencé la colonisation par l'établissement de vingt-cinq
ramilles. Bernstadt, Carcanina, Canada de Gomez, ïortugas, d'aulres
stations encore, se sont entourées de cultures, peuplées comme celles
d'Ksperanza de paysans italiens, français, suisses, allemands. La comi»-
gnic anglaise avait îi cœur de faire prospérer surtout la colonie Cafiada de
Gomez, où elle avait installé des compatriotes; mais ses protégés se dispci"- A
sèrent et des Européens du continent les ont remplacé».
San Nicolas, escale principale du Deuvc entre Rosario et Buenof> Aires,
est aussi l'une des grandes villes de la ltépubli(]ue el son port s'emplil
<le navires. Située à 4 ou 5 kilomètres en aval d'un ruisseau, l'arroyo 1
del Medio, qui forme la frontière Mitre les deux provinces de Bueiiua 1
Aires et de Santa Fé, San Nicolas fut proposée comme capitale de la Cottr i
fédéi'ation*. Plus bas se succèdent d'autres escales importantes : Oliligadii,
où, en 1845, le dictateur Rosas essaya de défendre le cours du Paranâ
contre une escadre franco-anglaise; San Pedro, qui possède un bon port,
l)assin naturel d'environ 120 hectares, formé par une lagune profonde,
latérale au fleuve, Baradero, qu'une colonie suisse, amvée en 1856, a
graduellement enrichie par la culture des pommes de terre et autres légu-
mes pour le marché de Buenos Aires; Zarate, centre des colonies du
delta paranicn, composé de centaines d'iles; des jardiniers italiens les
habitent en des maisonnettes haut perchées sur pilotis. Campana, l'un
des ports actifs du Paranâ de las Palmas, possède un très grand établisse-
ment pour la préparation et l'expédition des viandes congelées. L'ilol
rocheux de Martin Garcia, où se trouvent les établissements du lazaret et
de la quarantaine, garde en sentinelle l'entrée du delta, au delà duquel
■ M.mvcKi.'ni ciNuiimbl iii..y.>ii <!.■ Hi-saiio .le \mili ISM; -200 000 000 fi-ints.
EïjKirLiliiii. fil IB'J-2 : 7'.ir.«0 000 fi-aïu's.
Navigaliuii ù Kusariu ilu M^Sti ii IKO'i, jimi-e iiiiiu-iiiit' :
3 000 navires, j^ugt^ant 1 ÔOO 000 luniios.
' MouvtMiiunl lit' la navi^iiiliuii â San Mculas l'n 1Kt)~2 : i'iÔOOO tunncs.
Valmido l'ciporUlioii : StS'JJS'JO francs.
I >
PROVINCES DU PARANA ET DES PLATEAUX. 707
s'ouvre le large estuaire parcouru par le chenal sinueux qui n)ène à la
capitale de rArgentinc*.
Si le Parana est la grande voie fluviale qui met Buenos Aires et Tes-
tuaire platéen en communication avec Tintérieur du continent, la voie
terrestre par excellence est celle qui, sous le régime espagnol, rattachait
les deux littoraux du Pérou et de la Plata par les provinces argentines
du nord, Jujuy, Salta, Tucuman.
Dans la province de Jujuy, limitrophe de la Bolivie, la première ville
que Ton rencontre, en descendant de la Bépublique voisine par Tabra ou
« col » de Cortaderas (5952 mètres), est une antique cité quichua,
Humahuaca, construite à plus de 5000 mètres d'altitude sur le rio San
Francisco naissant, au milieu de maigres champs plantés en pommes de
terre, en orge, en quinoa; après la conquête, ses habitants, qui s'étaieni
1res courageusement défendus, furent transportés en masse dans la Rioja,
où ils perdirent toute individualité nationale, et remplacés par des Indiens
soumis amenés de Famatina. En aval d'Humahuaca, le sentier qui suit la
rive droite du courant, à la base des montagnes neigeuses de Chani, tra-
verse plusieurs rivières, puis dévale les pentes d'un énorme « volcan )>,
c'est-à-dire d'un talus d'éjection produit par une succession d'avalanches.
En bas, s'ouvre la large plaine (1250 mètres), abondamment arrosée, ou
s'étale la ville de Jujuy, chef-lieu de la province du même nom. Bâtir
par Velasco en 1592, et conservant encore son aspect de vieille cité espa-
gnole, elle s'entoure de jardins et de campagnes cultivées qui pénètrent
dans les vallées latérales parcourues par les gaves affluents du rio Grande,
l'une des branches maîtresses du Bermejo. Riche en productions agricoles
sub-tropicales et tempérées, Jujuy doit sa principale importance au transit
* Villes principales et historiques des territoires des Missions et du Chaco et des trois provinces
de Corrientcs, Entre-Rios et Santa Fé, avec leur population approximative en 1893 :
Territoire des Missions (Misio.nes).
Posadas 5 500 hab.
Territoire db Formosa.
Formosa 1 000 hab.
Territoire du Chaco.
Rcsislencia 3 500 hab .
PnOVINCK DE CORRIEXTES.
Corricntes 19 000 hab.
Goya 4 150 »
Caacati . . . • 5 500 »
Libres î2 500 n
Province d'Estre-Rios
Paranâ 20 000 hab.
Gualeguaychû 15 000 »
Concordia 11 500 ))
Gualcguay 11 000 »
Concepcion del Uruguay . . . . 10 000 »
Nogoya 8 000 «
I^oviNCE DE Santa Fé.
Rosario 75 000 hab.
Santa Fé 18 000 »
Es|)eranza (2652 hab. en 1 887) . 5 500 »
70S PJOIIVELIE GÉOGKAPHIE ('firVERSELLE.
vcis la Bolivie : olli" lui envoip, jinr des caraviiiies de nulles el de lamas, àf>
rniils. du iiiuis, do lu chichn et surtout du sel, cxtniit du liiuil lac dc6Ȏ-
clit-^ de Casabinda. Ses foii*es sont Irès fréqnealées, et nombre de Boliviens
s'y étnblisNcut (luur commercer avi'c U'urs compatriotes. Celt(> immigra-
tion conserve h la ville le nombre de ses habitants, di^cimc^s par les
pneumonies, les rhumatismes, les AHres on chucfiu el. aulrfrs maladies
que causent les vents froids en hiver, el en été les lîmaiiations de* canaux
ma! entretenus. Des sources lliei'males salines, dans un vallon rapprocht^.
la (juehrada de lo» Reyn, sont très fn'squenti'fes par les rhumallsiiiits. On
exploite aussi des puits de pétrole dans les environs.
Eu aval de Jujuy. lu rivière, très inclinée, eoupt'w de rapides, iic porte
point. ))ateau. Elle ne se calme qu'en aval de son grand coude, près de
Ledesma, bourgade enrieUie par la canne à sucre, comme son cbcf-Iicu.
la ville d'Oran, située à l'altitude de 510 mètres sui' un ^ve voisin du
ronllueiil où le Sun Kruncisco, uni au Tariju, Torme le Bermcjo. Dfl riches
plantations entourent la cité, celle de l'Argentine dont les campagn(»,
ombragées de jinlmiors, présentent t'asipcct le plus tr<qiical; mais immé-
diatement au-dessus s'ouvrent des vallons tempérés où croissent les plantes
de rE]ui'o|)e. et plus haut, sur les peiiles du Zenta, les pÂlurages s'élèvent
jusiju'ii la ligne des neiges. Les immigrants sont encore peu nombreux
rf Ifs |)l;mteurs emploient toujours, pour cultiver la canne et fabriquer le
sticre. des Indiens Matacos et Chirtguanos : en quelques usines, on les
cnm|ili' par eenlnines. La ville d'Oran dispose, pour le transport de
sc^ denrées jusqu'à Buenos Aires, d'une voie navigable de 5000 kilo-
mètres; néanmoins son trafic se fait par terre jusqu'à la ligne ferrée de
Jujuy, en attendant 'qu'elle possède un embranchement. Le bourg de Riva-
davia, situé au sud-est, sur le Teuco, au milieu du lacis des rivières
et fausses rivières du Bermejo, est peuplé de nombreux Boliviens auxquels
on a concédé des terrains — 500 hectares par propriétaire, — trop vastes
pour que l'agriculture proprement dite ait pu acquérir une importance
réelle : l'industrie est encore pastorale. Une route stratégique carrossable
relie Bivadavia au poste de Puerto Bermejo sur le Paraguay.
La ville de Salta, chef-lieu de la province de ce nom, s'étale dans l;i
plaine de Lerma, qu'arrosent la rivière Arias cl de nombreux tagarete$ :
c'est ainsi qu'on désigne les canaux d'irrigation. Située ïi 50 ou 40 mètres
au-dessous de Jujuy, mais plus au sud, Salta cultive les plantes de la
stone tempérée el ses champs présenicnt un aspect européen. De même
SALTA, TUCUMAN. 709
que Jujuy, Salla doit son activité au commerce avec le Chili, et nombre
de ses habitants, un dixième environ, sont d'origine bolivienne. Près
de la cité, Belgrano remporta en 1812 une première victoire sur les Espa-
gnols, et c'est en l'honneur de ce triomphe que le pays, voué à la
ïeir^g-c dans la principale église de Salta, prit les couleurs, blanc et bleu,
tiî ^'unissent dans le drapeau argentin. L'agriculture prospère dans la
►ntir^ëe, mais surtout à l'ouest et au sud, dans la haute vallée du Jura-
tuo, qu'habitent les Calchaqui christianisés, en maints endroits pres-
"purs de race. Plusieurs gros villages se succèdent du nord au sud;
î, d'après lequel on désigne les plateaux et les nevados voisins; San
Molinos, San Carlos, Cafayate, qui utilisent avec économie les eaux
s de leurs gaves et produisent d'excellents vins et des blés très appré-
-^ 9> el trigo de los Vallès. Les mules, les bêtes à cornes calchaqui ont
^e^ grande réputation en Argentine et au Chili, et les gens du pays en
commerce avec Copiapé par-dessus les plateaux andins.
i ville dite Rosario de la Frontera, sur un affluent du Juramento, est
tation principale du chemin de fer entre Salta et Tucuman. Elle a des
tations de cannes à sucre et de tabac et produit une espèce de fromage,
^fi, connu dans toute l'Argentine. Dans la saison d'été les malades
urent à Rosario, attirés par des sources minérales que l'on dit très
Icaces : leur température dépasse 75 degrés centigrades. Les eaux ther-
^^^îlles, sulfureuses et autres, abondent dans la contrée, mais les ïiabitants
^^ les utilisent encore que partiellement. D'après Brackebusch * , la chaleur
^^^s sources n'est point due à la volcanicité du sol, mais à l'action des
V^yrites de fer contenues en grande quantité dans les calcaires schisteux des
^^ontagnes environnantes et dégageant une très forte chaleur au contact
^e l'eau; en outre, ces formations sont imprégnées de pétrole qui se dis-
tille dans les profondeurs et dont les gaz inflammables peuvent expliquer
les tremblements de terre et même les jaillissements de flammes qui ont
eu lieu.
Tucuman, la métropole du Nord, qui garde sous une forme légèrement
modiûée l'ancien nom de Tucma donné à la province sous le régime des
Incas, a cependant une origine espagnole; elle date de 1585, époque à
laquelle les habitants d'une ville fondée à 50 kilomètres plus bas sur le Sali
vinrent choisir un emplacement moins exposé aux inondations. Fort bien
* Boletindel hisiiiuto Geogràfico Argcntino, 1881
710 NOUVELLE GEOGRAPHIE UKIYERSELLE.
située, à -iôO mètres d'nltilude, dans une campagne fertile et richement
cultivée ((ui dcscond en pente douce vers le Sali et se relève à l'ouest vas
les pics superbes de l'Aconquija, Tucuman est une des cités histori((iies
de l'Argentine : Belgrano y battit les Espagnols, el le Congrès national j
proclama, en 1816, l'indépendance de la contrée; on montre encore!)
salle du serment. Depuis, la ville eut aussi fréquemment son rôledsnsles
gueires civiles qui désolèrent le pays. Néanmoins elle a prospéré, et pir
sa population occupe le quatrième rang dans la République; une immi-
gration assez forte, comprenant des éti"angers de toutes les nations euro-
péennes, a développé son industrie. Tucuman est ie centre des planlatio"-
sucrières de l'Argentine; trente grandes usines s'élèvent dans sa banlieue'
La culture de la canne, importée du Pérou en 1824, a si bien réussii
qu'en 1890 on comptait dans le district sept mille travailleurs occupe*
à l'industrie sucrière et retirant d'une superficie de 8000 heclai***
20000 tonnes de sucre el 50000 hectolitres de rhum*. La campagnet
parsemée de fermes et de hameaux, produit aussi du café, du chanvrei*"
blé et autres denrées; le fromage tafi vient de la vallée de même non'»
■ M. G. imJ E. T. Mulliall, Handbook of Ihe river Plate.
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TUGUMAN, SANTIAGO DEL ESTERO. 713
qui appartenait aux Jésuites. Tucuman a quelque célébrité comme centre
intellectuel : un de ses collèges passe pour l'un des meilleurs parmi les
établissements scolaires de la République. Les deux bourgs les plus ani-
més de la province après Tucuman, Monteros et Médinas, également situés
sur des. affluents du rio Dulce, participent aux industries agricoles du
chef-lieu.
Santiago del Estero, « Saint-Jacques du Marais », fut le centre de Tan-
cienne province de Tucma ou Tucuman, qui se soumit au pouvoir des
Incas dès le commencement du quatorzième siècle. En cet endroit les con-
quérants espagnols établirent (1553) la première ville permanente de
leurs possessions platéennes, qui fut longtemps connue sous le nom de
Tucuman, transféré maintenant à une cité plus prospère. Bâtie sur la rive
droite du rio Dulce, dans une plaine d'environ 200 mètres en altitude,
Santiago est, comme l'indique le surnom del EsterOy environnée de lacs
et de marécages, lits encore humides que laissa le fleuve errant. En 1655,
une crue renversa la moitié des maisons; une partie de la population
émigra vers Tucuman; l'autre se dirigea vers Côrdoba. La ville délaissée,
souvent exposée aux attaques des Indiens, resta sous le gouvernement
des Jésuites, qui firent de la contrée un autre Paraguay pour la discipline
des indigènes policés, travailleurs de leurs propriétés. Les populations
se ressemblent beaucoup de part et d'autre : même propreté, même
alimentation presque exclusivement végétale, même usage du maté comme
boisson stimulante, même goût pour le jeu de la harpe, instrument
nationaP. Après la proclamation de l'indépendance argentine, Ibarra,
dictateur et maître absolu pendant trente années, fit tous ses eflbrts pour
maintenir son domaine en dehors des agitations, mais par cela même
en dehors du progi'ès ambiant. Santiago n'était plus guère qu'une ruine
aux maisonnettes d'adobes rongées par le salpêtre. Cependant la ville,
qu'un embranchement de voie ferrée rattache à la grande ligne de Cor-
doba à •Tucuman et qu'un autre chemin de fer relie directement aux
colonies de Santa Fé, a vu cesser son isolement et reprend quelque
activité par l'exportation de la luzerne, du froment el autres denrées;
elle s'adonne aussi h l'industrie sucrière, mais avec un moindre succès
que Tucuman.
Loreto, Atamisqui, Salavina, qui eurent, comme Santiago, à soufliir des
* Martin de Moussy, ouvrage cité.
m. UO
714 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
crues du rio Dulce et de ses changements de lit, sont d'autres centres
agricoles. Sur le Juramento, Matarà, également entourée de cultures,
près des lieux de gué choisis autrefois par les Mocovi et les Abipon pour
leurs incursions, se trouvait très exposée : c'était l'un des points faibles
du territoire de colonisation ^ Là commençait un chemin facile qui se
dirigeait vers Corrientes à travers les solitudes du Chaco, désignées vers le
milieu du parcours sous le nom de campo del Gielo ou « champ du
Ciel ». A une petite distance au nord de cette plaine fertile, ouverte main-
tenant à la colonisation, se trouve un bloc de fer météorique, célèbre dans
les annales de la science. Encore au milieu du siècle dernier on ne le con-
naissait que par les rapports des Indiens et de quelques blancs, chasseurs
ou chercheurs de miel sauvage. En 1788, le gouvernement de Buenos
Aires envoya une commission étudier ce bloc, qui avait alors une conte-
nance d'environ 7 mètres cubes et pesait 45 tonnes. Depuis on en a déta-
ché de nombreux fragments, notamment pour en fabriquer des fusils, au
commencement de la Révolution, et divers musées en possèdent des mor-
ceaux : les analyses chimiques y ont reconnu un dixième de nickel. D'autres
météorites de moindres dimensions parsemaient le sol aux alentours.
La province de Catamarca, au sud-ouest de Tucuman, se trouve déjà
dans le cœur des montagnes ; elle ne touche à la région basse que par ses
frontières du sud-ouest, où s'étendent les salines jadis parcourues par les
lits errants du rio Dulce : le rempart de TAconquija et ses prolongements
limitent à Test le reste de la province. Catamarca, le chef-lieu, est située à
572 mètres d'altitude, entre deux chaînes de montagnes, à l'est la sierra
de Ancastc, à l'ouest celle d'Ambato : un gave, le rio del Valle, la tra-
verse et se divise en canaux d'irrigation dans ses jardins. Loi'sque la ville
fut fondée, en 1680, elle eut tellement à souffrir des inondations, qu'il
fallut la reporter à quelques kilomètres en amont. Catamarca est faci-
lement accessible : une voie ferrée qui se dirige au sud-ouest, puis se
bifurque à Chumbicha, la met en communication, d'une part avec la
Rioja, Mendoza, la route du Chili, de l'autre avec Cordoba, Rosario,
Buenos Aires. Ces chemins expédient les oranges, les figues sèches et le
bétail des provinces environnantes.
Andalgalîi, ainsi nommée d'une vaillante peuplade de Calchaqui depuis
longtemps mélangée avec la population espagnole, s'appelle aussi le
« M. G. and E. T. Mulhall, Handbook of the river Plate.
CATAMARCA, ANDALGALA. 715
Fuerte, d'après un fort mainlenanl abandonné. La ville est située dans une
plaine unie, à 1010 mètres d'altitude, à ia base méridionale du massif
grandiose d'Aconquija. Cette colonie, perdue au milieu des montagnes,
doit toute son importance à ses mines d'argent, les plus productives
de la république Argentine. La plus riche, que les Cachalqui exploitaient
déjà avant la conquête, mais dont ils gardèrent l'existence cachée, fut
découverte h nouveau en 1849, grâce à la confidence d'un vieil Indien.
V* II*. — IKDtLGALl ET L'iCOniTUl-
Située à plus de 5000 mètres d'élévation, elle produit en moyenne par
mois 200 tonnes de minerai, contenant 55 tonnes de métal pur : trois
mille mules sont constamment employées aux transports entre les mines
et l'usine de Pilciaio, établissement remarquable, fourni des meilleures
machines anglaises. Très indusirieux, les habitants d'Andalgald exploi-
tent aussi du kaolin pour fabriquer des briques réfractaires; ils cultivent
des vignobles qui fournissent d'excellent vin, et des vei^ers riches en fruits,
qu'ils exportent à Tucuman ; ils envoient des mules et des iines au
Chili, et Càrdoba reçoit leurs cuirs et leurs étoQes en laine de huanaco.
710 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Des puits artésiens creusés dans la plaine suppléent à l'insuffisance des
torrents. Le col qui fait communiquer Andalgalà avec Tucuman et Gâta-
marca, entre la chaîne neigeuse de l'Aconquija au nord et celle de
Manchao au sud, est très fréquenté : des convois de mules chargées y
passent constamment, portant les vins, les cuirs, les fruits secs d'Andal-
galâ, ou le sucre, le tabac, le riz de Tucuman. Autrefois le mouTemenl
devait être beaucoup plus considérable, car la région des hauteurs,
presque dépeuplée de nos jours, était avant la conquête couverte de vil-
lages et de cultures : les anciens canaux d'irrigation, dont on voit partout
les traces, en sont le témoignage évident. Pucara, misérable hameau,
groupe ses cabanes sur le plateau du passage, où s'élevait jadis une
cité défendue par une véritable pucard ou « forteresse », dont les
remparts circulaires se développent encore sur une longueur de trois
kilomètres \
Encore plus avant dans les montagnes, les vallées occidentales du Cala-
marca sont peuplées de sobres et industrieux Calchaqui que la rigueur du
climat n'empêche pas de contribuer à la richesse de l'Argentine. L'antique
Belen et sa voisine Londres, sur un gave qui va se perdre dans les salines
d'un ancien lac, s'entourent de vignobles, de roseraies, de vergers; les
femmes y tissent des ponchos très appréciés jusqu'au Chili. Plus à l'ouest,
la vallée de Tinogasta, la dernière de l'Argentine à la base des grands
plateaux neigeux, fait avec Gopiapo un commerce de mules et de bêles
a cornes. Dans la haute vallée jaillissent les eaux thermales de Fiambala,
visitées pendant la belle saison.
La province de la Rioja, comme celle de Cat^imarca, est formée de
hautes vallées andines, s'inclinant au sud et au sud-ouest vers la zone de
plaines salées (juc limitent à Test les massifs de Côrdoba. Peuplée égale-
ment de laborieux Calchaqui, auxquels se sont joints des mineurs chi-
liens, elle ajoute les produits du tissage domestique aux ressources que
lui procurent l'élève du bétail et, dans les fonds, la culture des terrains
irrigables. La fertilité de la Rioja a passé en proverbe, et en aucune partie
(le l'Argentine on ne moissonne meilleur froment, on ne cueille meil-
leures oranges, on ne fabrique meilleur vin ; le sol poi'eux et léger des
champs arroses de la Rioja semble l'emporter sur les terres profondes
des bords du Parana pour donner un goût savoureux et délicat aux grains
* Gimardo Langc^ Anales del Museo de la Plata, 1892.
ANDALGALi, LA RIOIA, CHILECITO. 717
aux fruits'. Tout ce qui se peut irriguer dans les vallées et les plaines
, cultivé : pour accroître les terrains lie labour, il faudrait établir des
iervoirs dans les cirques supérieurs des vallées.
La ville de la Rioja, fondée en 1 591 à la base orientale des montagnes de
lasco, regarde du haut de sa terrasse, située à 510 mètres, la vaste éten-
e des plaines inclinées. Rattachée maintenant au réseau des chemins de
' ai^niins, elle n'a qu'un faible commerce, la population étant assez
lirsemée : où tarissent les ruisseaux, commence le désert. Le travail est
us actif dans la vallée qui s'ouvre plus à l'ouest, entre la sierra de
fiasco et les monts neigeux de Famalina. Le bourg qui donne son nom
^
mC-
0«,l dt Or«nv„r^ e. M
[ superbe massif, forme une rangée continue de maisonnettes et de
rdins se prolongeant sur une quinzaine de kilomètres, le long d'an
rrent, et s'arrêlant à l'endroit où s'épuisent tes eaux. Un autre gave,
îscendu du nevado de Famatina, fait surgir en aval un deuxième bourg,
lilecito ou Villa Argentine, plus important que le premier, et devenu le
rîlable chef-lieu industriel et commercial de la province : le nom qu'il
trte, — «Petit Chili», — dit les origines de sa population. C'est le centre
1 la région minière de la Rioja. Les deux versants de ta vallée, dans la
;rra de Velasco et dans celle de Famatina, renferment des gisements d'or,
argent, de cuivre, de fer, de nickel; tous les ruisseaux sont métallifères,
quelques-uns tellement chargés de métal, qu'on ne peut les utiliser
■ IbrliD de Moussy, ouvrage ciU'.
718 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
pour l'irrigation. En certains endroits se rencontrent des amas de scories
et les ruines de fours grossiers qui témoignent des exploitations de cuivre
faites jadis par les Calchaqui pour la fabrication d'armes et d'instruments
agricoles. Les premiers travaux sérieux des blancs datent de 1804; ils
furent maintes fois interrompus par la guerre civile ou par les malversa-
tions de quelque chef militaire.
Le grand minerai, c'est-à-dire la région minière par excellence,
occupe la partie méridionale de la sierra de Famatina ; les gisements les
plus riches se trouvent sur les crêtes mêmes qui avoisinent le piton
central, à 4000, 4500 et même 5000 mètres au-dessus du niveau delà
mer. Celles de la Mejicana furent découvertes, dit-on, par des Mexicains
qui suivirent jusqu'à sa source un ruisseau chargé d'ocre, puis elles furent
exploitées par des « Aragonais » dont la légende a fait des êtres à demi
mythiques. Outre les excavations suivies avec méthode par des compa-
gnies minières, il existe des milliers de trous, de puits, de galeries sur
tous les escarpements : des centaines de pilguineros ou mineurs errants,
accompagnés d'un chien et coupant à la hache leur nourriture gelée,
parcourent les crêtes neigeuses à la recherche des gisements de métal,
et dès qu'ils ont fini d'exploiter un filon superficiel, vont en découvrir un
nouveau. La roche calcaire qui compose ces montagnes est traversée d'in-
nombrables filons métalliques, pyrites de cuivre, argent et or, mêlées au
chlore, à l'iode, à l'arsenic, au soufre. De 1820 à 1860, le rendement
de ces mines, en or et en argent, s'éleva à 30 millions de francs, utilisé
en partie à la Rioja pour la frappe de la monnaie. Actuellement on
exploite aussi des minerais de cuivre ayant en métal pur la teneur d'un
sixième environ. La ville de Chilccito ou du « Petit Chili », à laquelle
viennent aboutir les périlleuses sentes de la montagne, se relie à Buenos
Aires et à toute l'Argentine par un embranchement de voie ferrée : Vin-
china lui sert d'étape pour les relations très actives qu'elle entretient par
la haute vallée du Vermejo avec le centre minier de Copiapo, sur l'autre
versant des montagnes argentino-chiliennes.
La province de San Juan, autre région minière, appartient en entier,
comme Caiamarca et la Rioja, au domaine des bassins fluviaux sans écou-
lement. San Juan, la capitale, est fort bien située à 650 mètres d'altitude,
dans une plaine fertile que la rivière du même nom arrose par mille
canaux divergents, mais cette eau se perd à peu de distance, au sud, dans
les marais de Huanacache. San Juan, fondée en 1561, à 6 kilomètres plus
CUILEGITO, SAN JUAN, JACHAL. 719
au nord, puis reportée à l'endroit qu'elle occupe aujourd'hui, s'entoure
d'un magnifique boulevard planté de peupliers et d'une zone de belles
cultures. Elle possède un jardin botanique. Dite San Juan de la Frontera
à cause du voisinage des Andes qui séparent l'Argentine du Chili, la ville
fait avec le versant du Pacifique un assez grand commerce de bétail, de
fruits secs et autres denrées agricoles. Le village de Zonda, qui s'élève h
l'ouest dans un vallon de plus d'un millier de mètres d'altitude, est un
lieu de plaisance et de bains très apprécié par les habitants de San Juan.
A Test, le bourg de Caucete — officiellement Independencia — , com-
mande un réseau de canaux d'irrigation creusés dans un désert reconquis
et bordés maintenant de riches campagnes. Quelques gisements métalli-
fères et des lignites que l'on trouve dans les montagnes environnantes
expliquent la fondation à San Juan d'une école des mines, d'ailleurs peu
fréquentée. Le bourg de Jachal, situé à 200 kilomètres au nord, sur une
rivière abondante, grossie d'un gave à chaque issue de vallée, concentre
le trafic de la province dans toute sa partie septentrionale et dirige de
nombreux convois muletiers vers les deux ports chiliens de Huasco et de
Coquimbo. Le district de Jachal abonde en mines et en eaux thermales.
La province de Mendoza, après celle de Tucuman la plus peuplée des
régions andines, doit son importance exceptionnelle à sa situation sur la
voie maîtresse de TAmérique du Sud, entre Buenos Aires et Valparaiso :
c'est entre les deux plus hauts colosses de la chaîne, l'Aconcagua et le
Tupungato, que s'ouvre le col de la Cumbre, choisi pour la route et
le futur chemin de fer. Au sud, des seuils plus bas interrompent la
cordillère; mais, se trouvant fort éloignés en dehors du chemin qui réunit
les deux points vitaux de l'Argentine et du Chili, ils restent encore
négligés par le commerce. Comme les autres provinces andines, Mendoza
possède des veines de métal assez riches, quoique faiblement exploitées
pendant ce siècle; mais elle doit ses principales ressources aux vignobles,
aux champs de céréales, aux luzernières (ju'arrosent les torrents descendus
des Andes : la sériciculture, essayée avec enthousiasme vers le milieu du
siècle, est maintenant abandonnée. Avec les provinces de San Juan et de
San Luis, Mendoza appartient à la région du Cuyo, jadis associée admi-
nistrativemenl au Chili, sous le régime colonial de l'Espagne.
Mendoza, la capitale, qui fut aussi chef-lieu de toute la vice-royauté
espagnole de la Plata, éleva ses premières maisons en 1560, dans une
plaine que parcourent des ruisseaux transformés en canaux d'irrigation.
'm KOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Mais la ville acluclte n'est pas celle que fondèrent les conquéranls : elte
se trouvait plus à l'est. La première Mendoza, presque aussi étradoe
<|iie la iiouYcllc, était britic de maisons plus hautes, édi6ées ea vM^
rinux [>lus luiiid^. Iji qiielijurs minutes elle fut renversée. C'£laiL>ia^
8(tl, le soir d'un morecredi des Cendres, à l'heure où presquet
[lopulalion de Mcndozn se proslernail dans les églises. Toutes les il
s'écroulèrent, à peine quelques pans de mur restèrent-ils dressés i
(le l'immense ruine. Sur moins de quinze mille habitants, treîte mille,
distant les uns, dix mille, disent les autres, gisaient écrasés sous les
décombres : le géologue Bravard, qui, d'après la légende, aurait prédit le .
I l'cmblc-tcrre à brève échéance, se trouvait parmi les morts. N'étant point
située dans un pays volcanique, et aucune montagne à cratère ne
s'élevant dans les Andes voisines, il n'est pas probable que Mendoia
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MENDOZA. 725
ail été secouée et renversée par le bouillonnement intérieur des
laves. Brackebusch explique l'événement par la combustion des couches
bitumineuses que recouvre le sol et par l'explosion des gaz. En reconstrui-
sant la ville» les habitants prirent pour rue centrale VAlameday avenue
de peupliers et d'ormes qui attirait la foule des promeneurs pendant
les belles soirées d'été. Gaiement peintes de couleurs vives, les maisons
nouvelles, élevées en adobes ou « loubes », qui vibrent élastiquement
sous le chocy s'alignent le long des arbres rangés au bord d'un canal
avec fontaines et cascatelles. Située sur la grand'route de Buenos Aires à
Yalparaiso, Mendoza est le principal lieu d'étape entre les deux républi-
ques. Gomme centre agricole, elle a aussi une importance de premier
ordre, et une école d'agriculture y a été fondée à bon droit. Les campa-
gnes environnantes, les mieux arrosées de l'Argentine, possèdent d'admi-
rables invemada$j prairies artificielles d'embouche dont les luzernes
s'exportent au Chili. La ville expédie sur l'autre versant des Andes des
cuirs, des laines et du bétail sur pied. En 1887, 48000 bêtes à cornes,
expédiées de Mendoza, traversèrent le col de la Cumbre. Les viticulteurs
de la contrée envoient leurs vins a Buenos Aires.
A l'ouest de Mendoza, la route et le chemin de fer, partis d'une altitude
de 805 mètres, se dirigent au sud-ouest pour s'engager dans une brèche
des avant-monts et gagnent les hauteurs en remontant la vallée du rio de
Mendoza. On contourne le massif de los Paramillos, ou se trouve, domi-
nant la ville, à une dizaine de kilomètres au nord-ouest, le bourg de
Ghallao, lieu de villégiature et de bains; puis on pénètre dans la haute
vallée d'Uspallata, bien disposée en apparence pour la fondation d'une
cité. Mais l'altitude, déjà élevée, — 1900 mètres environ, — effraye les
immigrants, et le poste d'Uspallata n'a d'importance que pour la douane,
comme bureau d'exportation ; les établissements miniers pour l'exploita-
tion du cuivre et autres métaux n'ont pas donné lieu à des travaux suivis.
Au dernier siècle, les mines du Paramillo, dont les galeries s'ouvrent à
des hauteurs diverses, de 2700 à 3184 mètres, étaient exploitées très
activement : les captifs araucans, qu'on y envoyait mourir par milliers, y
avaient fait d'énormes travaux d'excavation*. Le vent dit paramillero
souffle sur ces hautes terres, avec une terrible violence.
La voie ferrée dépasse Uspallata de 25 kilomètres et s'arrête provisoire-
ment (1893) à 2000 mètres, en aval de Punta Vacas, où commencent
les escarpements difficiles. Des camchas^ on cases de refuge contre les
* G. ÀTé-Lallemantr El Paramillo de Uspallata.
7^4 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE/
tourmentes et les avalanches, se succèdent de distance en dislance sur la
pente de la Cumbre : Tune d'elles se blottit au pied de la roche, non
loin du (c pont de Tlnca )>, arche naturelle de conglomérat cimenté par
les dépôts calcaires de sources thermales (36* centigrades) qui bouillon-
nent au fond d'une grotte et tombent en cascades dans le ruisseau de las
Cuevas. La superbe arcade du pont, dont un pied-droit laisse échapper
l'eau jaillissante, se développe au-dessus du l'avin à 20 mètres de hauteur,
et de la voûté, d'une portée de 30 mètres, pendent de longues stalactites.
Quoique la station n'ait pas encore d'établissement, quelques malades,
surtout des Chiliens, viennent en été se baigner aux sources de l'Inca, que
l'on dit efficaces dans les cas de rhumatismes et de maladies du sang.
Au sud de Mendoza, la route qui longe à distance la base des avant-
monts, traverse San Vicente, (jue l'on peut considérer comme un fau-
bourg de la capitale, puis franchit la rivière du Lujan, que borde la
ville, riche ciussi en eaux thermales fréquentées. Quelques plantations
d'oliviers et de vignobles contrastent avec les prairies environnantes. A
une centaine de kilomètres au sud, dans une vallée longitudinale que
domine à l'ouest la pré-cordillère et que la sierra de Tunuyan sépare à Test
des plaines basses, se montre San Carlos. Quoique fort bien située» cette
ville, principal lieu d'étape entre Mendoza et San Rafaël, s'accrott lente-
ment. En 1868, les Indiens de la montagne, contournant le poste de
San Rafaël, tombèrent à l'improviste sur San Carlos, en massacrèrent h
garnison, enlevèrent les femmes, pillèrent les maisons, puis disparurent.
La ville ne s'est pas relevée de ce coup, et les colons, presque tous Chiliens,
vivent en des maisons éparses au milieu des champs et des prairies*.
Quant au bourg de San Rafaël, placé à l'issue de la montagne, près des
rives du rio Diamante, il sera probablement, dans un avenir peu éloigné,
l'une des principales cités de l'Argentine, grâce à la fécondité de ses cam-
pagnes, a ses rivières, aux passages relativement faciles qui le font com-
muniquer avec le Chili. La plupart de ses fondateurs étaient des fugitifs
d'autres provinces, bannis ou criminels, que Ton connaissait sous le nom
à demi indien de guayquero% ou « chasseurs d'autruches », et qui semrenl
de guides aux expéditions militaires entreprises dans les Andes'. En 1872,
San Rafaël était assiégé, pour ainsi dire, par les Indiens. Les soldats
de la garnison n'osaient pas s'éloigner du fortin et gardaient leui's bes-
tiaux en deux enclos bien surveillés. Maintenant les prairies artificielles
* Carlos A. Villanuov.'i, Bolelin ilcl ïnstltato Geogràfi?.o Argenlino, loiiio V, 1884.
■ Francisco llost, Bolelin del ïmtiluto Geojràfico Argentino, tomo II, 1881
USPALLATA, SAN RAFAËL.
seleDdent loin de la ville et les convois de mulets, chaînés de
four-
rage pour les marchés du Chili, traversent les Andes aux cols Plan-
chon et Cruz de Piedra. La culture de la vigne a déjà commencé près de
San Rafaël.
A l'ouest, les avant-monts ai^enlins renferment des couches de charbon
qui appirtiennent cerlainement à la formation carbonifère, et non pas au
système Iriasique, comme les divers combustibles trouvés dans les districts
de San Juau et de Hendoza : seul de l'Argentine, le petit bassin du Reta-
mito, dans le San Juan, occupe un élngcment analogue. Un chasseur de
buanacos, parcourant les Andes, vers les sources du Diamanle, trouva
quelques morceaux de charbon qu'il remit à un spéculateur de Mendoza.
Une compagnie financière se forma aussitôt, et l'on fit appel aux géologues
et aux chimistes de Buenos Aires pour connaître la valeur de cette trou-
vaille. Le combustible de San Rafaël, vraie houille brûlant avec une
flamme pure, égale les charbons anglais de qualité moyenne. Les couches
explorées déjîi sont nombreuses et l'une d'elles, dans la mine « Eloisa »,
n'a pas moins de quatre mètres d'épaisseur. Tout semble indiquer que les
KOUVELLK GÉOGRAPHIE l'Ifl YEUSE ILE.
gisetncnls se poursuivent plus au sud justjuu dans le leniloire de Ncuquen,
au-dessous des ossises jurassiques. La même région oonlieiit des pétroles,
des albâtres el des calcaires exploitables; en nuire, les cendres du char-
bon fossile de San Rarael renferment une forte proportion de vanadium,
dont les sels sont les meilleurs mordants pour la teinture d'aniline'.
Mai;^ les belles uoucbes houillères se trouvent 'a une grande altitude, de
2500 Ji 5200 ml'lrcs, et pendant l'hiver des lits de neige recouvrent les
strules supérieures'. Il sérail donc bien dilïicile d'exploiter ces charbons
avee [)rofit et on les gai-de en réserve, en attendant que le rio Itiamanic
soil. rendu navigable et que des chemins do fer aient escaladé ces mon-
tagnes',
1,0 province de San Luis, séparée de celle de Wcndoza par le cours du
Desagnadero et du Salado, occupe une partie du massif centi-al el s'étend
au loin dans les déserts du sud, C'est une des l'égions les moins peuplées
de l'Argentine, quoi(|ue riche en gisements minier» et très fertile dans
tous ses terrains irrigables, La province a l'avantage de se trouver, entre
Côrdoba et Mendoza, sur le parcours de la voie maîtresse de l'Atlantique
au Pacifique: mais, de tous les Argentins, ceux de San Luis ont eu le plus
il souffrir de la guerre. Depuis la lin du seizième siècle jusqu'au milieu
du dis-neuvième, pendant plus de 2j0 années, la nlle fut le poste avancé
des Espagnols contre les Pampéons, et avec de pareils ennemis la tulle,
toute iremliilclii's cl ^i^^ sui'jiri-i's, t'Iiiil iiiccssanlc : plus d'une fois les
I
■ Juan Kylo. Refitla dd Mtueo de La Plala, 1895.
■ Rodolfo Uaulhal, mcnic n<cucil.
^ Villes et boui'gs historiques <k's provinces nord-occiJcnlalcs de l'Argentine, avec leur population
npproiimaliïc, d'après Lalïina ;
JirjVT.
Salta.
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Honlenis.
VTIACO &EL ESTETIO.
inrctn'"
5 000 hab.
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J H 1100 bah.
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SAN-LUIS, YILLÂ MERCEDES. 727
cavaliers indiens dépassèrent même San Luis dans leui*s incursions sur le
territoire colonisé; ils y pénétrèrent en conquérants ou en alliés de l'un
ou l'autre des partis aux prises dans les guerres civiles. Parmi les Hispano-
Américains, nulle population ne s'est jetée avec plus de passion dans les
conflits militaires et les révolutions locales, et dans ces batailles la jeu-
nesse a été plus que décimée. Aussi la proportion des femmes l'emporte
de beaucoup sur celle des hommes. Normalement, la proportion devrait
être renversée, puisque la province reçoit des colons étrangers, parmi
lesquels le sexe masculin se trouve toujours en majorité.
Fondée en 1597 par Martin de Loyola, un neveu du célèbre Ignace, San
Luis fut longtemps connue sous le nom de Punta de lo$ Venados ou
« Pointe des Chevreuils )s d'après le promontoire sur lequel se dressèrent
les premières constructions; de là cette appellation de Puntano$ que Ton
donne aux habitants. La ville est située à 762 mètres d'altitude sur les
pentes de la Punta, dont la cime se dresse à 7 kilomètres de distance :
de ce belvédère, on jouit sur les plaines et sur les montagnes d'une vue
circulaire très étendue, limitée à Touest, au delà des campagnes de Men-
doza, par les montagnes neigeuses que domine le Tupungato; l'Aconcagua
reste caché par un autre géant des Cordillères, le cerro de Plata*. Le ruis-
seau du Chorillo alimente en amont un vaste réservoir contenant 12 mil-
lions de mètres cubes, qui répartit ses eaux dans les vergers et les vignes
des alentours. Les lavages d'or que l'on exploite au nord, dans les ravins
les plus élevés de la montagne, près du pic de Tomolasta, ne donnent plus
qu'une faible quantité de métal .
Villa Mercedes, fondée en 1856, sous le nom de Fuerte Constitucional,
a pris une importance imprévue, grâce à sa position dans une plaine fer-
tile qu'arrose le rio Quinto, à l'endroit où le chemin de fer interocéanique
contourne au sud la sierra de Cordoba. Étape centrale entre le Parana et
les Andes, Villa Mercedes est heureusement placée comme futur point de
convergence pour les voies ferrées majeures de Cordoba, de Rosario, de
Buenos Aires, de Bahia Blanca, de San Rafaël, de Mendoza. Bâtie sur un
territoire récemment conquis sur les Indiens de la pampa, entourée de
luzernières, la ville grandit aux dépens des bourgs situés plus au nord,
sur l'ancienne « roule du Chili », Achiras et San José del Morro.
Rio Cuarto, autre station très active du réseau argentin, est située,
comme son nom l'indique, sur la « quatrième » des rivières qui descendent
du versant oriental des monts cordovais; elle appartient à la province de
^ Hermann Burmeister, Reise durch la Plaia,
728 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
Curdoba. De môme que San Luis, elle défendait conti'e les Pampéens
Textréme fronlicre de TArgenline colonisée; maintes fois elle futassi^:
les femmes et les enfants s'enfermaient dans l'église fortifiée, tandis
que les hommes combattaient dans les rues. La paix, qui a permis de
creuser des canaux d'irrigation, a fait de Rio Cuarto la deuxième cité
de la province. Les villes jumelles de Villa Maria et Villa Nueva, la pre-
mière sur la rive gauche, la seconde sur la rive droite du rio Tercero, que
traverse un pont de fer, constituent un autre centre de commerce pour
les colonies agricoles. La principale, dite Frayle Muerto, fondée par des
Anglais en 1868, ne réussit pas, et les premiers colons se dispersèrent.
Depuis, des cultivateurs d'autres nationalités y sont venus en grand
nombre, et la contrée qui entoure Bell-ville, nom actuel de Frayle Muerto,
est devenue une riche campagne où les prairies de luzerne alternent avec
les champs de blé.
Côrdoba, la capitale de la province et la deuxième cité de la République
a l'ouest du Parana, est une des villes anciennes de l'Amérique méridio-
nale. Cabrera la fonda en 1573, sept années avant que ne s'élevât Buenos
Aires. Située sur la rive droite du rio Primero, à 400 jnètres d'altitude
moyenne, elle occupe le fond d'une vallée d'érosion entre de hautes berges
latérales : à l'ouest, on aperçoit la brèche d'où s'échappent les eaux, entre
deux escarpements. Siège de la domination des Jésuites pendant deux
siècles, Gordoba avait encore à une époque récente la physionomie morose
d'une ville ecclésiastique; mais depuis 1870 elle se rattache au réseau des
chemins de fer, et, redevenue centre de commerce et d'industrie, rivalise
d'influence avec Buenos Aires pour le progrès scientifique. L'université,
qui s'était reconstituée après l'expulsion des Jésuites en 1767, et qui,
dépourvue de livres, d'instruments, de collections, de professeurs, n'en-
seignait plus guère que le latin rituel et la philosophie scolaslique, se
renouvela en 1870, grâce à l'introduction d'études sérieuses et à l'arrivée
de vrais savants, naturalistes allemands pour la plupart. Un obsenaloire
astronomique, fondé à la même époque, occupe un rang honorable
parmi les établissements analogues, et, par la publication d'une urano-
métric de l'hémisphère méridional, a déjà donné une œuvre capitale
Côrdoba possède aussi un institut météorologique et diverses autres insti-
tutions utiles; elle est en outre le siège d'une académie des sciences. La
carte dite de Scclslrang se prépare au bureau géographique de Côrdoba.
La ville était autrefois très exposée au ravage des torrents débordés. In
ruisseau latéral du Primero, issu d'un ravin presque toujours à sec, des-
cendait parfois en avalanche de boue; un mwalloUj construit en 1671,
BELL-VtLLE, CÔRDOBA. 73»
i-eticnt les eaux d'orjge. Récemment on avait fait un travail de même
natui-e, en proportions colossales, pour endiguer le rio Primero. Un bar-
ra^ construit à la sortie de la montagne, près de San Roque, arrêtait les
eaux en temps d'inondation et réglait l'alimentation de la cité et l'irri-
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64
gatioD des campagnes. En amont de la digue, qui n'a pas moins de
29 mètres et demi de largeur à la base, sur plus de 5 mètres au
sommet et 115 mètres de longueur, la masse liquide retenue aurait pu
former un lac navigable de 55 mètres en profondeur sur un espace de
159 kilomètres carrés, et sa contenance aurait été de 260 millions de
mètres cubes. C'était le plus grand lac artîilciel qu'il y eût au monde.
Mais, comme en tant d'autres endroits, les entrepreneurs avaient fait des
I
II
750
iNOlYELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
économies sur la qucilité du ciment de ces murs babyloniens, et des
Gssures menaçantes se produisirent : il fallut limiter le niveau lacustre
à 20 mètres, ce qui correspond à une quantité de 56 millions de mètres
cubes, suffisant à l'irrigation d'au moins 41000 hectares; en 1890, une
seule pluie de six heures versa les trois quarts de cette masse liquide';
par suite de la rupture d'un canal, la cité fut submergée et plusieurs
centaines de maisons détruites; la plupart des habitants avaient pu s'enfuir
avant le désastre.
Aux alentours, on visite le village de Pueblilo, habité par des Indiens
aujourd'hui métissés qui depuis la fondation sont toujoui*s restés sous la
dépendance immédiate de Cordoba. Plus haut, dans l'intérieur de la mon-
tagne, se trouve un autre village, Cosquin, fréquenté pendant la belle
saison par des valétudinaires, phtisiques et autres : c'est un lieu de villégia-
ture et de traitement. D'autres bourgades sont également réputées comme
sanatoires. Un chemin de fer qui, au sortir de Cordoba, remonte par San
Roque et Cosquin jusqu'aux sources du rio Primero, puis redescend à
l'ouest vers les salines de la ttioja, traverse une région minière jadis
importante, mais n'ayant plus qu'une valeur très amoindrie ; l'hôtel des
monnaies de Cordoba, où se frappaient les monnaies d'or avec le métal
des montagnes voisines, est depuis longtemps fermé. Même dans ce district
minier, la principale agglomération urbaine, formée par San Pedro et
Dolores, villes jumelles que sépare un ruisseau, dans le large détroit
ouvert entre les deux massifs de Cordoba et de San Luis, ne doit sa pros-
périté qu'à la culture des campagnes environnantes'.
La province de Buenos Aires, dans laquelle se trouve la capitale, ne
représente pas même la dixième partie du territoire de la République;
mais sa situation privilégiée lui donne une part de beaucoup supérieure
en population et en richesse. Pour rexcellence des terres et même
pour la bonté du climat, elle ne peut rivaliser avec d'autres provinces;
mais elle possède l'avantage par excellence, celui d'un facile accès au
•'T0
t V
* Ludwig Brackebusch, Pelermann's MUteilungen, 1893, Heft VU.
■ Villes princi[)alcs des provinces de San Luis et de Cordoba, avec leur population approximatiTe,
d'après Latzina :
San Luis.
Villa Mercedes 7 000 hab.
San Luis 0 000 »
C6:iDoiiA.
Cordoba (inuniiipe) en 1887. . 06 '247 hab.
Rio Cuarto
Bell-ville (Frayle Muerlo). . .
Villa Nueva et Villa Maria. . .
S;in Pedro et Dolores
12 000 hib.
5 000 0
4 000 u
5 300 »
CÔRDOBA, BUENOS AIRES. 731
commerce et à l'immigration. C'est par l'Europe que se fît l'Argen-
tine et qu'elle continue de se faire : tôt ou tard, quand la nation
sera devenue réellement indépendante, l'équilibre s'établira entre ses
diverses parties. D'ailleurs Buenos Aires, non satisfaite de sa prépondé-
rance économique, a longtemps essayé de s'attribuer la domination poli-
tique : en secouant l'autorité de Madrid, elle avait cru devenir son héri-
tière, et à son tour envoyait des ordres à la partie de l'empire colonial qui
s'était détachée de la mère patrie. Telle fut la cause des guerres civiles,
entre « unitaires » et « fédéralistes », qui ensanglantèrent le sol de l'Ar-
gentine et même, pendant un temps, la maintinrent divisée en deux États
distincts.
La cité à laquelle Mendoza, qui en désigna l'emplacement, donna le
nom de Puerto Santa Maria de Buenos Aires, n'est point un « port »
naturel, malgré son appellation et celle de Portenos ou ce Gens du Port »
qui désigne ses habitants. Les indentations profondes manquent sur la
longue plage basse de l'estuaire, et l'endroit choisi n'offrait aux nouveaux
venus qu'une berge de débarquement pour les canots des navires restés
au large. Même de nos jours, malgré le port artificiel, avec bassins,
musoirs et brise-lames, qu'elle s'est fait construire, Buenos Aires se
distingue a peine du pourtour uniforme de l'horizon : ses mâtures, ses
tours, ses fumées apparaissent comme au-dessus d'une île flottante. Sans
collines, sans renflements du sol s'élevant à plus de 19 mètres, Buenos
Aires ne peut avoir rien d'imposant dans l'aspect. Les rues, découpant
la ville en damier, se prolongent à perte de vue, sans rencontrer d'obsta-
cle qui change leur direction reclilignc : seulement, au sud, les berges
d'une terrasse qui descendent brusquement vers le « ruisseau » ou Ria-
chuelo, interrompent un peu la régularité du plan géométrique; en outre,
les gares, les édifices et les voies ferrées pointant dans toutes les direc-
tions ont introduit quelque variété dans le quadrillé des loies.
Buenos Aires n'est pas la ville la plus ancienne de la République, bien
que son emplacement ait été choisi l'un des premiers pour une colonie
espagnole. En 1555, huit années après la fondation du fort d'Espiritu
Santo, près de l'embouchure du Carcarana, Diego de Mendoza pénétra dans
le Riachuelo et construisit quelques chaumières sur la terrasse qui
domine ce ruisseau. Mais il ne sut pas rester l'ami des Indiens Querandi
et bientôt se trouva bloqué avec ses soldats et les colons dans l'étroit
campement. Des batailles, des assauts eurent lieu avec des succès divers;
toutefois la petite colonie espagnole ne parvint pas a se dégager com-
plètement, et, en 1542, Alvar Nufiez « Tète de Yache » donna l'ordre
I
SOltVELLE GÉOCRAPHIE l'NTVERSELr.K.
dV'Viicuci' Buenos Aires : le pnys iHail iviidu aux Indien». HupuusMjs di? va
vMé, les Européens ^e]lorl^l■cnt leurs forces vers les nv(!s du l'nrand el du
Paraguay où les indigènes sV^liiient soumis sans grande résislanct!, mais
leni*!) pr(lg^^s mêmes dans l'inlérieur l'endii'ent indispensiihle la fonJatiou
d'une cité commerciale sur les rives de l'estuaire. [I sembliiil témÛTaîre
de s'élablir dan» lo voisinage des betltquuux Clmrrun de In Bande Orientale,
et l'on décida la reconi|uéte de la position perdue sur le iliachuelo. En
1580, Juan de Gnray. uc<:ompagné de soixante soldats et d'une lrou|)0
d'Indien» auxiliaires, reprit possession de la berge de Buenos Aires,
d'où les Querandi s'étaient alors éloignés, et la répartition du terrain com-
mença.
La naissance d'un entrepôt commercial à la porte de l'immense bassin des
fleuves plalécns était un événement trop considéi'able pour «pie l'ancien
équilibre ne se trouvât pas changé. Les négociants de Séville cl diî Cadiz,
qui possédaient le mono|H)le du cummcrct! dans le Nouveau Monde par
la Nouvelle-Grenade et le Pérou, exigèrent du gouvernement cctlf mesure
absurde, que l'importiilion des objets d'Europe à la Plata se fit par la voie
du Pérou et du haut Paraguay'. Cependant Buenos Aires réussit h obtenir
quelques facilités de tralic, cl l'établissement d'une colonie portugaise à
Sacramento, en face même de la ville espagnole, développa rapidement
le commerce de contrebande. Buenos Aires et sa banlieue n'avaient encore
que 20 000 habitants en 1744, plus d'un siècle et demi api-ès sa fonda-
tion. La ville ne prit d'importance qu'en 1776, lorsque les terriloii-es
platéens se détachL'rent de la tutelle politique et commerciale du Pérou,
pour constituer la viee-royauté de la Plata et nouer des relations directes
avec la mère patrie. Dès le commencement du dix-neuvième siècle, Buenos
Aires devint une grande ville de 50 000 habitants; la campagne environ-
nante possédait un nombre égal de résidenis.
Avec la période de l'indépendance commencèrent les guerres et les
dissensions civiles; néanmoins Buenos Aires ne cessa de grandir, et,
depuis (jue le mouvement d'émigration européenne a pris le caractère
d'un exode, la capitale de la Plata, naguère inférieure à beaucoup
d'autres cités sud-américaines et aux deux cités principales de l'Austra-
la^-ie, a pris le premier ran;r comme crnlin' populeux dans tout l'hémisphère
inéi'idiimai'. Piirfois di-s révolutions locales, des épidémies, des crises
(rarpeiil ont occasioiiué un recul temporaire, mais le mouvemi'til iiiirmai
* l'i>|)uhititin ih Bueiius Aires, [e TA juilli'l 1811^
BUENOS AIRES. 755
comporte une augmentation annuelle de 10 à 14000 individus par l'excé-
dent des naissances sur les morts, et à cet accroissement vient s'ajouter
d'ordinaire une partie de l'immigration totale, évaluée à un cinquième
des passagers débarqués*. La ville, occupant une superficie très considé-
rable en proportion de ses habitants, se développe de Belgrano à Barracas
sur un espace d'environ seize kilomètres et demi le long du fleuve, et sur
une dislance à peu près égale de la rive vers les campagnes de l'inté-
rieur. Au nord-ouest, elle projette un long faubourg dans la direction
du Parand; à l'ouest, elle se continue par des quartiers avancés vers
San José de Flores; au sud, elle annexe par des rangées continues de
maisons les villes de la Boca et de Barracas, sur les bords du Riachuelo.
liC municipe s'étend sur un espace de 182 kilomètres carrés; toutefois la
superficie réellement couverte par les constructions est seulement de
45 kilomètres carrés, soit environ la moitié de la surface de Paris. Mais
Buenos Aires, de même que Rio, Montevideo et toutes les autres grandes
cités sud-américaines, est depuis 1870 très amplement pouiTue d'omnibus
sur rails, qui font un service proportionnellement beaucoup plus actif
que les véhicules des cités européennes*. En outre, il faut tenir compte
des six chemins de fer qui rayonnent des quais et qui desservent plusieurs
stations urbaines \
Avant que le commerce et la spéculation eussent fait naître de très
grosses fortunes, toutes les-rues, toutes les maisons de Buenos Aires se
ressemblaient. Réglées jadis par une loi formelle du conseil des Indes, les
rues avaient une largeur uniforme de 16 vares (15 mètres 76) et limi-
taient des îlets ou manzanas ayant 129 mètres de côté; des trottoirs d'un
mètre environ bordaient la chaussée. Le type normal de la demeure,
copié sur les maisons de Séville et de Cadiz, présente le long de la rue
un salon à deux fenêtres et un vestibule fermé d'une grille, à travers
laquelle on aperçoit les arbustes et les fleurs du patio, qu'entourent les
appartements intérieurs. Autrefois les maisons n'avaient qu'un étage ou
même un simple rez-de-chaussée. Mais la cherté croissante des terrains*,
* Nacion, Agoslo 28, 1895.
* Voies pour omnibus sur rails dans la ville de Buenos Aires en 1892 : 287 kilomèlres.
406 voitures, 3500 employés, 6227 chevaux et nmles.
Voyageur transportés : 60650000. (Prensa, I" janvier ISOô.)
' Mouvement commercial dos gares de Buenos Aires en 1891 :
Voyageurs * 6 550 000
Marchandises 1 370 000 tonnes.
* Valeur moyenne des terrains dans le municipe de Buenos Aires, en d890 : 142500 fnncs
en or par hectare; 14 fr. 25 par mètre carré.
m NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
qui, dans les quartiers du centre atteint les mêmes prix que dans les
capitales de l'Europe, incite les propriétaires h surélever les murs de leurs
immeubles, et les parties populeuses de la cité, à l'est dans le roisinage
du port, au nord près du parc de Palermo et des quartiers élégants de
Belgrano, se reconstruisent peu .H peu de maisoDs plus hautes, plus
somptueuses, et ne se modelant plus sur le type primitif des demeures
andalouses. Livrée aux architectes, Buenos Aires prend l'aspect compoùle
et banal de la plupart des autres capitales. Les banipies cherchent à se
distinguer par le luic des marbres et des métaux. Sauf la brique et le
sable, le sol de Buenos Aires ne fournit aucun des matériaux qui serveol à
sa construction et à son eml)ellissemcnt. Le granit, les schistes micacés
viennent de l'île Martin Garcia ; les marbres sont de provenance italienne;
les dalles des trottoirs et des cours sont apportées par les navires an^ais;
la chaux a été préparée sur les bords des fleuves Uruguay et Faranâ; les
bois ordinaires ont été coupés en Nor\'ège, au Ginada; le Brésil et le
Paraguay expédient les bois précieux d'ébénisterie ; la France envoie les
meubles, les bronzes, les cristaux.
Les principaux monuments se groupent non loin du rivage, à l'endroit
même où Juan de Garay éleva les premières constructions. Le palais du
gouvernement, la Casa fiosada, séparé de la douane par une promenade
et un chemin de fer, est l'ancien fort des vice-rois, souvent restauré,
puis entièrement reconstruit depuis la un du seizième siècle. A côté, suv
le pourtour de la place Mayo ou Victoria, se proûlent les principaux édi-
lices, palais du Congrès, hôtel de ville, Bourse, théâtre Colon et la cathé-
drale, précédée d'un gi-andiosc péristyle à colonnes corinthiennes. Pen-
dant le jour, la vie urbaine converge par ses lignes de véhicules vers tv
point central. Là commence le large boulevard de Mayo, non encore ter-
miné, qui doit se croiser au centre de la ville avec le boulevard Callaii
cl tracer une grande croix à travers tout Buenos Aires, C'est aussi dans
le voisinage immédiat de la place Mayo que se trouve la station où vien-
nent aboutir la plupart des trains du réseau platéen; la rue, d'ailleurs
aussi élniilc que les autres, où se porte la foule des |)romeneurs et des
oisifs, errant de magasin en magasin et de café en café, commence tout
près de la place pour se diriger au nord vers la plaza San Martin : ce
rendez-vous du « tout Buenos Aires », qui rappelle la rua do Ouvidor à
Rio, est la calle Florida.
Toutes les nalionalilés ont leui-s représentants ;i Buenos Aires, le grand
creuset où se triture et se forme la nation argentine. Dans cette Babel âc
i-aces et de langues, les nalifs s<inl loin d'avoir la majorité, et, même eu
BUENOS AIRES. 755
1892, ils ne constituaient pas la cinquième partie de la population : les
Italiens étaient deux fois plus nombreux ; en certains quartiers on n'en-
tend parler, pour ainsi dire, que le génois ou le napolitain*. Ce sont des
étrangers qui se pressent dans les convenlillos ou maisons renfermant un
grand nombre de petites chambres pauvrement meublées, manquant
d'espace et de lumière. D'ailleurs la ville, môme dans ses quartiers les
mieux construits, n'est pas salubre. La natalité y dépasse celle des grandes
cités d'Europe, mais sa mortalité prend aussi un des premiers rangs
parmi les fortes agglomérations urbaines*.
Le système des égouts n'avait pas encore été commmencé lors des deux
grandes épidémies de 1867 et de 1871, — choléra et lièvre jaune, —
qui firent la première 15 000, la deuxième 26 000 victimes. Des spécula-
lions divei'ses ont arrêté l'achèvement de l'œuvre, qui a déjà coûté plus
de 150 millions de fmncs a la cité; plus des quatre cinquièmes des
maisons ne sont pas encore rattachées a la canalisation souterraine,
dont le grand égout collecteur, long de 26 kilomètres, se déverse
dans l'estuaire h l'est de la cité, près du bourg de Quilmes. Quant a
l'eau pure, des machines la prennent de l'autre côté de Buenos Aires, à
1600 mètres de la côte de Belgrano, dans un parage de l'estuaire où
l'eau est tout à fait douce, mais chargée de sédiments. Un tunnel de
6 kilomètres environ porte cette eau aux bassins de la Recoleta, situés
immédiatement au nord de la ville; mais l'apport journalier, —
675000 hectolitres, — ne suffit pas, puisque 10000 maisons sur 40 000
sont encore dépourvues d'eau en 1893. Outre son aqueduc souterrain',
dérivé directement de l'estuaire, Buenos Aires possède des puits qu'ali-
mentent des nappes profondes. Yers 1860, on fit les premiers forages
artésiens, et l'on poussa môme jusqu'à la profondeur de 280 mètres;
mais l'eau fortement salée que fit surgir la sonde ne peut senir aux
usages domestiques*. Depuis celte époque on se borne à rechercher la nappe
d'eau en communication avec le Parana, qui se trouve de 25 à 29 mètres
Fi-ançjiis !25 000
Anglais 9 100
Allemands 7 500
1 Population de Buenos Aires, \ïi\v nationalités, en 1892 :
lUliens 224 800
Argentins 99 500
Espagnols 08 500
Divers ou sans nationalité inscrite 102 700
< État civil de Buenos Aires, 1891 :
Natalité 25591, soit 4fi,5 pour 1000.
Mortalité 15 OU » 24,3 »
' Débit journalier de Faqueduc en 1893 : 62 000 mètres cubes.
* Emilio Godoy, Boletin del Inslitulo Geogràfico Argenlino, tomo V, 1884.
73» NOUYIiLLE KËOGRAPHIE U.MVERSELLE.
de prorondcui' moyenne cl se mêle aux sables fluides sur uae é
de 35 mètres. En 188-i, il existait déjà 150 de ces puits d'eau semi-
jaillissanlc, dont les plus aliondnnts fournissaient 40 mètres cubes d'eiu
par heure et qui ne se nuisaient nullement les uns aux autres : la nappe
paraît inépuisable*.
Ville de commerce où passent les trois quarts du traQc de la hipjr
hlique, Buenos Aires a dû chercher à se donner un port. On t
d'abord repris l'embouchure du Riachucio dans laquelle Hendon anil
mouillé ses navires, et l'on a dragué le chenal d'entrée, en le prot^etnl
par des digues latérales. Une profondeur d'eau suffisante pour des
navires d'une calaison de 5 mètres a été ainsi obtenue, et l'approfonilis-
scmcnt projeté atteindra 6 mètres 40. Une autre œuvre plus coDsidé-
rahle, commencée en i8S7, consiste à creuser devant tout le front de la
cité quatre bassins de 7 mètres, défendus par un brise-lames en graflitel
pourvus de hangars, de grues, de voies ferrées. Cet ensemble de Iraraui,
qui a déjà coûté près de 200 millions, fci<n de Buenos Aires un port
incomparablement supérieur à celui de Montevideo, pourtant beaucoup
plus favorisé par la nature'. Au lieu de mouiller en plein estuaire,
à 26 kilomètres de la ville, amarrés à des bouées, la plupart des gros
navires entrent maintenant dans les trois bassins de Buenos Aires déjà
terminés (1895) ou dans le port du Riachuelo, dit de la Boea ou
» Embouchure », le «. Gênes » de la Plata, à en juger par l'origine et 1p
dialecte de la plupart des marins\ Au siècle dernier, le chenal a'tjuA
[)as encore été balisé, les navires ne voguaient que de jour, précédés par
< Miii»[>ii»<l.' Itiu-M.i!t AiiH'scnmars 189i 31370
i> Il rfli<<u!i à l'égout . ... 6370
■ Muiircincnl de lu ii.iTi|i;aliiH) dans lc)i ports cl b niifc de Buenos Aires en 1803 :
Enlrik^ . . . 5471 navires, jauguant 2306950 tminnt.
Sorlics. . . . 3691 » i> 1745 400 j)
Ensemble . {i16S navii-cii, jaugeant 5053350 tonm».
Valeur (les cdiangos en 1890:
linpnrlatinns 358 000 000 francs.
E^porlalions 323 000 000 ii
Knsemtilc 480 000 000 francs.
Eï|>orLi1i<in Ac Bui-nns Aires en 1K93 : 380 175000 fraiirs.
Laines 537 280 ball»^.
Fivnienl cl ini» C 41 1000 sacs.
Carcassi's di: moulons, . . 958 875
» M. G. ami E. T. Hulhatl. Hamibaok of thc rhcr Plate.
s I
BUENOS-AIRE!
N'ourelle GéognpKe Uniren«lle. T. XIX. PI. IV.
C.Pcmn. t/â^-it tt e^tif ^ itt „AeaaBlltOri!grafi/uclMùMr>i!lle"tt
TA ET L'ESTUAIRE
Uachelta et V. Parii.
PALERMO, BELGRANO, LA PLATA. 795
deux chaloupes de sondeurs c< comme des chiens de chasse courant devant
leur maître*? » Les importations ne servent pas uniquement à la consom-
mation de la cité et de l'arrière-pays : elles alimentent aussi une indus-
trie considérable, fonderies, minoteries, distilleries, tanneries et autres,
qu'a fait surgir un tarif de w protection », aux dépens des consom-
mateurs. L'exportation comprend surtout les laines, les viandes, le fro-
ment, le maïs.
Peu de villes sont mieux pourvues de théâtres, de salles de plaisir, de
mails, de jeux de paume que le chef-lieu de l'Argentine; mais, sans
compter quelques petits jardins, plusieurs promenades plantées d'arbres,
elle n'a qu'un seul parc, Palermo, situé au bord de la mer, près des quar-
tiers élégants, sur la route des villettes qui, même en dehors du municipe,
appartiennent réellement à la banlieue buenos-airienne : Belgrano, San
Isidro, San Fernando, las Couchas. Ce magnifique jardin public, que décore
une avenue de palmiers, possède de belles collections de plantes et d'ani-
maux. C'est l'un des rares lieux d'étude existant à Buenos Aires, avec
l'Université : celle-ci occupe l'emplacement de l'ancien collège des Jésuites.
Là se trouvent la Bibliothèque nationale, comprenant 60000 volumes,
et le musée que fonda Rivadavia, en 1823, et que dirigea longtemps le
naturaliste Hermann Burmeister : naguère les richesses n'étaient qu'en-
tassées dans un local trop exigu. On y remarque une très précieuse collec-
tion paléontologique, et, entre autres objets remarquables, un météorite
tombé en 1880 dans l'Entre-Rios et renfermant des matières charbon-
neuses*.
La Plata, chef-lieu de la province de Buenos Aires, n'est pas une cité
due à l'initiative individuelle. La loi ayant fédéralisé le municipe de Buenos
Aires, le siège de l'administration provinciale devait être reporté en dehors
de ses limites. On eût pu faire choix d'une agglomération déjà existante,
mais on préféra créer en pleine zone de pâture une ville dotée dès son
premier jour des avantages de confort, de luxe et d'hygiène indiqués par
les hommes de l'art. La décision fut heureuse, car la région est salubre
et près de là s'ouvre la « baie » ou ensenada de Barragan, la meilleure
de tout le littoral. Les Espagnols avaient utilisé ce mouillage pendant
deux siècles, et à diverses reprises on y flt des travaux d'aménagement
* Muratori, Paraguai.
^ Honry A. Ward, Revhla del Museo de la Plata, 1890-91.
KOUVELLK CEOGRAPHIE [JNIVKR6ELLE.
pour t;ic!liler l'alternssago des navires. Des voyageurs ont souvoni ilil que
la Piala avait stirf{i de terre comme une cité nord-américaine, en ajoutant
qu'aux États-Unis les villes ne naissent pas en vertu de lois ou de décrets.
CVst une erreur ; Wasiiinglon, Indianapolis, naquii-enl, comme La
Plata, par ordre du Congrt^s ou d'une législaluru d'Ëtat; qiianl aux
eitt'-s industrielles, Pullman, Middleshorough, Bii'mingham. que fonda
tel ou tel c;ipitalist(!, elles ne sont pus davantage le produit d*un groupe-
ment spontané des hommes. Le municipe dont I,a Plala occupe le centre,
el qui comprend une étendue de i."iO kilomî'trcs carrés, possédait déjà
deux bourgs : Tolosa, rentre d'ateliers pour les chemins de fer. et Ense-
nada, sur le port de Barragan; ensemble la population du municipe
atteignait près de 80(10 halutants.
La croissance de La Plata fut très rapide. Onen posa la première pieri-fl
en 1882, et, dix-huit mois ap^^s, les principales administintions provin-
ciales s'installaient en des palais resplendissants de boiseries, marbres et
dorures. Les recensements, se succédant d'année en année, indiquaient
un accroissement eilraoï-d inaire, quelquefois plus d'un millier d'habiUnts
par mois. Puis vint la période de réaclion ; après l'achèvement des con-
structions officielles, quand les escouades d'ouvriers, les entrepreneurs et
fournisseurs eurent à quitter les chantiers, et qu'une crise ûnaneière vinl
coïncider avec la cessation des travaux, on constatai que l'état économi-
que de l'Argentine ne comportait pas la coexistence de deux grandes cités
îi 50 kilomètres l'une de l'autre. Les fonctionnaires, tenus à la résidence
auprès de leurs ministères respectifs, regrettèrent la capitale voisine, où le
travail eût été plus facile et surtout plus agréable. Buenos Aires avec ses
théiUres, ses lieux de plaisir, sa vie politique et sociale, exerce une forte
attraction sur les habitants de la jeune cité, sans racines dans le sol, sans
attaches dans le passé. On préfi^re l'imprévu, l'animation commerciale,
la variété relative de Buenos Aires au carré géométrique de La Plata, à
ses rues uniformes de 18 mètres, à ses avenues de 50 mètres, à ses
allées diagonales, à son boulevard d'enceinte, à ses places quadrangulaires
se suivant à inteiTalles égaux, à cette immense épure reportée de la
planche deringénieur sur le terrain. Néanmoins, des industries locjiles ne
manqueront pas de naître, el la facilité croissante dos communications
liuira |)ai- faiie de Buenos Aires ri de La Plala une seule et même cité
ciinime un orbe ellip(ii|ue à deux foyers.
La Plala a pris une cerlaiiii' iin|>orlance par ses écoles. Les princt|)au\
monuments cnnsacics à la science cl à l'enseignement s'élèvent au milieu
des "mbrajri's dn pair nu dans les alentours : la Faculté d'agnmomie et
{
LA PLATA, ENSENADA. 741
d'art vélériuaire, l'École des arts et métiers, l'Obsei'vatoire, très riche
«n instruments de premier ordre, te Musée. Ce dernier établissement,
fondé en 1884 par le voyageur et naturaliste Francisco Moreno, hérita
tout d'abord des pi-écicuses collections et de la bibliothèque du fonda-
teur, et depuis s'enrichit avec une étonnante rapidité, grâce à l'enthou-
siasme d'une pléiade de chercheurs. Toute la série des formations géolo-
giques, les couches étagées si abondantes en fossiles, les nécropoles de
cent tribus diverses, ont fourni au Musée un ensemble d'objets rares et
méthodiquement classés, qui, pour certaines branches de la paléontologie
Dessin ds Boudier, d'agiWis
et de la préhistoire, mettent au premier rang l'établissement de La Plata.
I* sol même sur lequel se dresse la ville renfermait des squelettes d'indi-
gènes avec des pierres taillées cl des os aiguisés en javelots'.
Le port de La Plata, — l'ancienne Enscnada, — à 7500 mètres du centre
de la ville, a réalisé les espérances de ses fondateurs. Son principal bassin,
long de H45 mètres sur 140 mètres de largeur, a 6 mètres 40 de profon-
deur au-dessous des basses mers, et les plus grands navires, communiquant
avec les eaux profondes de l'estuaire par un chenal de 7 à 8 kilomètres,
entrent dans le port avec la marée pour débarquer à quai passagers et
marchandises; mais ce mouvement se fait presque en entier à destination
de Buenos Aires : à ce point de vue, Ensenada dépond Iwaucnup plus de la
' Fmnriico P. Moreno, le Mutée dr Ln Plnla.
74Ï NOUVELLE 6Ë0GRAPU1E UNIVERSELLE.
capilak' de l'Ëtat que du chef-lieu provincial. De plus en plus apprécié
par les eipéditeurs, ce port a doublé son commerce de i891 à i892. U
gouvernement possède à La Plata de grands établissements militaires, nnu
eale flottante et une escadrille de torpilleurs*. Le principal inconvéoienl du
port d'Ënsenada et de )a ville voisine provient des égouls de Buenos Aires,
qui se déversent dans la mer près de Quîlmes, à l'ouest et en amont, par
la direction normale du courant. Ces trente ou quarante mille mèlres
cubes d'eaux impures qui se mêlent chaque jour au flot de l'estuaire et
qui doubleront, tripleront par décade, menacent le port de leurs allanons
pestiférés et forcent les habitants à ne demander leur eau d'alimenUlioi
qu'à la nappe profonde des eaui mêlées aux sables du sous-sol.
' A l'est de I^a Flala, il n'y a plus de ville proprement dite dans le m»-
nage de l'estuaire : le bourg le plus important, Magdalena, se tnxm ii
5 kilomètres dans l'intérieur, au milieu des marais, et possède qodqDei
saladeros.sur le bord de la mer, à l'escale d'Alalaya. De ce cdté Bnesoc
Aires a de petites stations de bains; mais les malades, les oisifset les jouean
de ta capitale apprécient surtout les grèves de Mar del Plata, ntaées
pourtant à 400 kilomètres de distance par chemin de fer, près da eip
Corrientes. Le pays, âpre, montueux, sauvage, contraste avec les ^UMS
monotones des pampas platéennes, et l'air, renouvelé par les TCBts do
large, y est d'une pureté parfaite ; mais la mer, parcourae de eounis
trompeui-s, y roule de puissantes vagues et se meut en tourbillons. D'awlm
stations de bains se fondent sur le littoral, au nord, près de Mar Chîqiiîll,
et sur lii câlc méridionale, à l'embouchure de la rivière Quequen, où
s'élève le bourg de Necochea ; on y construit une ville pour les baigneurs—
Le chemin de fer qui rattache Mar del Plata à Buenos Aires traversa
Chascomus, ou « Ville des Lagunes », ainsi nommée des laguets environ ^
nants, puis Dolores, entourée de petits étangs et riche en bétail. Une voi^^
ferréo n'embranche à Maipu et passe h Tandil, ville pittoresque silu^^
à 198 mètres d'altitude, à l'enti'ée d'une large brèche dans la chaîne ^^
montagnes qui se dirige voi-s le cap Corrientes. Le passage de Tan^^
était la porte par laquelle les Indiens se ruaient au pillage sur les ea -^t,.
pagnes de Buenos Aires : aussi, dès 1822, construisil-on un fort sur ce
' Mnuvcment de iiavigalion du port de La VUtU en \SM :
iiÙ vapeurs, jaugpiiiil. . . 838 200 luiincs.
132 voiliors, » ... 130 150 )i
lOH iiavirps de t-alMl))!!' n ... I004S0 u
Ensemble, t! 223 navires, Juugcaiir. . . I lll'.K 880 Iniiiiis.
ViLleiirdf IVxprl.i[ion ; 2-'» 485 000 fiitirs.
LA PLATA, MAR 1)EL PLATA, TANUIL. Tfô
poiot stratégique. A quelques kilomètres de Tandil s'élève la fameuse
oiedra Tnovediza ou « roche branlante », bloc erratique de 270 tonnes,
ie touchant que par un seul point de sa très vaste base une paroi de gra-
nit très inclinée : le vent suftit à faire mouvoir cette pierre; cependant,
l'après la légende, trente bœufs accouplés n'auraient pu la renverser,
[iette pierre était sacrée pour leslndiens, elle l'est aussi pour les gauchos.
IjC 1" janvier 1875, une centaine de ces natifs s'y donnèrent rendez-vous
pour aller massacrer les Européens : ils en tuèrent une quarantaine.
Tandil fournit Buenos Aires de marbres et d'autres matériaux de con-
struction. Au nord, la ville d'Azul, — autrefois Calufû, mot indien qui
signilie également « bleu », — est la station de mi-voie entre Buenos Aires
et Babia Blanca; par sa population et son commerce elle a pris le pre-
mier rang parmi les agglomérations urbaines de l'intérieur. Toute l'éten-
due de la pampa, de l'estuaire plaléen à Bahia Blanca, est maintenant
divisée en domaines que séparent des barrières en fli de fer : partout le
sol a son possesseur; mais en deboi's des villes on ne rencontre que
de rares habitants : on ne voit que des troupeaux et des bergers, Gepen-
7U NOUVELLE GÉUGBAPHIK UNIVERSELLK.
dant Azul et sa voisine Olavarria, à l'ouest, sont entourées de colooies,
cultivées par des paysans de toute race, surtout par des Danois e( par des
mennonites russes.
Les districts de la province situés à l'ouest de Buenos Aires, dans letw-
sinage du Paranâ ou du chemin de fer interocéanique, sont les plus popu-
leux de la région des pâturages. Plusieurs villes importantes se succède*"
le long des voies ferrées : Lobos, Veinte y Cinco de Mayo, Mercedes, Cl»
vilcoy, Chacabuco, Junin, Pcrgamino, Arrecifes, où l'on recueillit en 17^5
les premiers ossements des grands animaux prébisloriques de la Plat^
un mogalbérium envoyé à Madrid et que Ciivier ne connut que par uxi'
description, peimit de classer cette espèce gigantesque dans la séB-/«;
animale'.
< Ëii:ilu t)airu3U], Bufno* Ayret, la Pampa et la Patagoni
AZUL, ARREGIFES, BAHIA BLANCA.
745
Au sud de Trenque Lauquen, qui fut jadis un des postes stratégiques
îs mieux fortifiés de la frontière indienne, et de la chaine des fortins
ui le rattachaient au fossé naturel formé par les lacs de Guamini, la
îgion des collines et des lagunes, qui constitue Taigue-verse entre le
alado et les rivières de Patagônie, n'a que des habitants encore très
lairsemés. La population se groupe en communautés plus denses aux
pproches de Bahia Blanca, cité de grand avenir. En 1828, un fort de
N* IB7. — U6NES DC8 LACS BT DES FORTS.
66"
6S'
Ouest de Kirii» ~
36*
30
«Fortin
♦Fbrtm
«Fortin
P a r
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♦Fortin
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^ a m i n i
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* ^ •v* «^ ♦Ft'Bmwo»
Uuest de breenwich
)rès SeeistrAn6 .
58'
50'
d'après SeeistTAng
C.Rsrron
f : 1400000
I
0
-I
80 ka.
a « Baie Blanche » s*éleva, non sur la plage sableuse, mais à une dizaine
le kilomètres, près du marais où se perd la rivière de Naposta. Les
)remiers qui se présentèrent, trois Suisses, arrivèrent en 1865, et bientôt
près vinrent des immigrants de toute nationalité ; mais avant 1882 aucun
►ateau à vapeur européen n'était entré dans le port, et à cette époque le
nouvement de la navigation par voiliers ne dépassait pas 6000 tonnes,
tahia Blanca jouit d'avantages exceptionnels. Situé à 7 kilomètres de la
il le et parfaitement abrité par une chaîne d'îlots, le havre donne aux
lavires 10 mètres de profondeur à marée basse : à l'embarcadère même,
94
XIX.
7t(l NOrVRLU efiOGRAPHIK UNIVERSELLE.
ri''(»iiissi'iic (i'i'au est d« I) inî;livs cl demi. Entniiréi! de vignobles qui
iiroduisent \f. vin trfts apprécié de chocoU, Baliia Blanca jouit d'un climal
analogue h crliii de l'Kurope oceidenUile et correspond pour la latitude
à la iwitio du Chili, entre Concepcion el Valdivin. uîi prospirenl le
niieui Ips plantes de la zone temiwiw in(''diaue. Rattachée à Butinos
Aires pur deux voies lerrées el un senice hebdomadaire de valeurs,
I
Bahia DIanca Iratiiiue directement avec les pays d'outre-mer et possède
les amorces du réseau qui la reliera aux vallées andines du haut
Colorado el au havre chilien de Valdivia. I>e mouvement du port s'accroît
chaque année', La ville s'alimente d'eau par un canal dérivé du rio
Najiosliî et pai' des puils artésiens creusés entie la ville et l'estuaire.
l'un il '2M. l'autre à tiflS inèti-es de iin)f(»ndeur. 1,'eau de eos puits,
quoique piilalile, arrive «harfrée d'une certaine quantité de sel, dont on
espère la déliarrasser en rendant les parois plus étanches. De vastes
' MuuM'.iiri.l <l.'];i iiavl-nlii>n ;i lUIiki Hliiii.M. m IW2 : ô'JO iiiivuTs |H.rl.iiil TtCr. I,.nrips.
I 1
' BAHIA BLANCA, PATAGONES. 749
marécages, notamment autour de Cuatrero, ont été drainés jusqu*à la
mer et les eaux vaseuses remplacées par le flot pur des canaux d'irri-
gation : des jardins, des cultures recouvrent maintenant ces étendues
naguère stériles. La grande division territoriale dite de la Pampa, que
traverse le Salado pour se perdre dans TUrre Lafquen avant d'atteindre le
Colorado, a le port de Bahia Blanca pour havre indispensable et pour
métropole naturelle. On lui a donné pour chef-lieu, au milieu des laguets
et des pâturages, un site dénommé General Acha, d'après un des chefs
militaires de l'Argentine.
Une diligence, qui traverse le Colorado au fort General Paz, parcourt le
désert entre Bahia Blanca et Carmen de Patagones, — ou simplement
Patagones, — que Viedma fonda en 1779 et qui fut pendant longtemps
le poste d'avant-garde dans les redoutables solitudes du Midi. Cette
ville est située sur la rive gauche du fleuve, à 34 kilomètres de la mer,
à la base des escarpements en falaise qui limitent le plateau. Un fort
construit au-dessus de la ville servait naguère de refuge, en cas d'alerte,
aux rares familles de colons qui s'étaient aventurées dans le pays des
Tehuel-che. Dans les premières années de l'indépendance, durant la
guerre qui sévit entre l'Argentine et le Brésil, trois navires montés
par des Impériaux se présentèrent devant la barre de Patagones. Les
hommes débarquèrent pour s'emparer du fortin, tandis que les vaisseaux
remontaient le fleuve. Mais un bâtiment s'échoua sur l'îlot de l'entrée,
un autre à moitié route, et quand 1q troisième arriva en vue du fort,
les cinq cents fantassins, mourant de soif et surpris par le choc d'un
millier de chevaux à demi sauvages que poussaient devant eux les
soixante-dix défenseurs de Carmen, avaient déjà demandé grâce. Le navire
se rendit à son tour, et les riverains s'empressèrent de le dépecer*. Depuis,
la ville s'est entourée de cultures, et les restes de la population tehuel-che,
soumise désormais, sont venus s'établir en face, près de Viedma, sur la
rive droite du fleuve. Des bateaux à vapeur de Buenos Aires touchent
régulièrement à l'escale de Patagones, malgré ses dangers. Heureusement
le port de San Blas, étudié en 1885 par une commission hydrographique,
s'ouvre à moitié dislance des deux embouchures, rio Negro et rio Colorado,
et parait devoir suppléer un jour à l'insuffisance nautique de ces entrées.
Si la contrée se peuple, San Blas deviendra le débouché naturel des deux
vallées : le chenal balisé du port a 7 mètres de profondeur a marée basse
et le flot y ajoute 1 mètre et demi à 4 mètres d'eau. Viedma, ainsi
* E. Agiiirre, Petermann's Mitteilungen^ Litleratur-Bericht, 1892.
750 NOUVELLE GÊOGRiPUIE UNlVERSELIft.
nommée en mémoire du fondateur de PaUgoncs, est aussi grande qne
Carmen et plus agréable n habiter : le gouvernement en a fait choix pour
capitale du territoire de Rio Negro. Entre les deux villes, le fleaTe,
rapide et dangereux, a 250 mètres de laideur'.
Le territoire du Neuquen, que le haut Colorado sépare de la prorincede
Meodoza et dans lequel le courant du rio Negro reçoit presque toute sa
masse liquide, ne peut guère se peupler que par les seuils chiliens de U
cordillère Andine; car du câté des plaines désertes les communications
sont trop longues et trop pénibles, tant que routes ou chemins de fer ne
seront pas construits du littoral aux montagnes. Pour aller de Buenos
Aires au Neuquen, il faut se rendre par chemin de fer jusqu'à Hendoza,
au pied des Andes, puis gagner San Rafaël par la diligence et cheminer on
chevaucher par monts, vallées, torrents et forêts, sur un espace d'environ
500 kilomètres. Ou bien, en quittant la station de Hucal, poste du désert
qui communique avec Bahia Blanca par voie ferrée, on s'engage dans les
solitudes pour rejoindre la vallée du rio Negro, jusqu'à ses affluents des
Andes. Quelques petits postes militaires fondés dans le haut bassin du
Neuquen ont servi de noyaux au peuplement, et des éleveurs de bestiaux
se sont établis dans les alentours. De même, dans le bassin du Limay,
la zone des pâturages a déjà ses habitants, et des ofliciers de l'expédition
militaire qui la première occupa le pays, en 1865, s'y sont fait concéder
de vastes domaines'. Le chef-lieu du territoire, Cbos-Malal, groupe ses
quelques maisonnettes au confluent du Neuquen et du Leubû, à l'endroit
où le gave commence à porter barques. A une trentaine de kilomètres au
sud-ouest, une autre villelte, Norquin, se montre sur les bords du rio
Agrio, issu d'un cratère échancré, et dans le voisinage immédiat les
sources thermales et minérales de Copahué jaillissent à 5000 mètres
d'altitude, avec une tcmpératui'e qui varie, suivant les sources, de 40 à
1^ Clata (Enscn.itla c
San Nicolas. . . .
Chivilcoy
Mercedes
Aiul
■•erKiiiiiiiiii . . .
■• Boletin ihl but.
palos d. b i>rovi
. . . 580000 liabitanLH.
o«r«e
Pbovisck db
Buenos Aires.
00 00(1 hab.
Dolnrt-s
7 700
1.^000 >•
7000
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ILibia Blanca
GSOO
10 000 p.
Tandil
6500
8 000 i>
Chascoinus
&40U
7 800 1.
Caniien du Palaf^uiiCf
2Ù0U
àfifo Argenlino^
uiuuVUI, IHNEJ.
AnIN de LOS ANDES, ROGA, GHUBUT. 751
97 degrés centigrades. Plus au sud, Junin de los Andes, la Huinca Melleu
des Indiens, a surgi à l'altitude de 680 mètres, dans la vallée du Chemen
Huin, en vue de magnifiques forêts, cyprès et hêtres, que les bûcherons
abattent, puis assemblent en radeaux pour les expédier à Carmen de Pata-
gones. Junin a l'avantage de se trouver en vue d'un seuil peu élevé de la
grande cordillère, d'où l'on peut redescendre directement à l'ouest vers
Valdivia, marché principal des colonies andines. Toute la région de San
Rafaël au Nahuel-Huapi est la Suisse de l'Argentine, à la fois par la
majesté de ses monts, l'éclat et la fraîcheur de sa végétation, la pureté de
ses eaux courantes. Près du volcan de Lonquimay, qui domine un des cols
fréquentés entre les bassins du Neuquen et du Biobio, un geysir d'eau
bleue, haut d'une quinzaine de mètres, s'élance hors d'un cratère, entouré,
sur la margelle du puits, par une frange de glaçons*.
En aval de ce haut bassin, on ne trouve sur le Limay et, plus bas, sur
le rio Negro proprement dit, jusque dans le voisinage de l'embouchure,
que des stations d'origine militaire : la colonisation libre n'a pu guère
s'y porter, à cause du manque de pluies. Le village de Roca, fondé en aval
du confluent, — Neuquen et Limay, — est situé dans une plaine alluviale,
très féconde dès qu'elle reçoit l'humidité suffisante ; mais les canaux d'ar-
rosage se dessèchent en été : on n'a pas encore pris dans le Neuquen une
veine d'eau assez abondante pour entretenir la végétation toute l'année,
et les sauterelles ravagent souvent les cultures*. Un bateau à vapeur,
partant de Patagones, remonte le fleuve jusqu'à Roca pendant la saison
des hautes eaux, de juillet en février.
La vallée du Chubut, qui succède à celle du rio Negro dans la direction
du sud, n'a guère d'habitants policés que près de son embouchure. Cepen-
dant, depuis 1888, quelques éleveurs de bétail. Anglais, Chiliens, Argen-
tins, se sont établis au pied des Andes dans la vallée du Corcovado,
près de laquelle se trouvent des gisements aurifères. La colonie qui lance
ses éclaireurs dans cette région presque déserte, quoique très fertile, de
la cordillère Andine, se trouve à l'autre extrémité du bassin fluvial, tout
près de l'Atlantique. En 1865, sur la foi d'un compatriote qui avait visité
la Patagonie, 132 Gallois débarquèrent dans le vaste bassin circulaire de
Golfo Nuevo, où se prolonge l'embarcadère de Port Madryn, puis, chemi-
nant à travers les solitudes, atteignirent les bords du Chubut. Ils se
mirent aussitôt à l'œufre, bâtissant des cabanes, défonçant le sol, semant
• Host, Boletin del ïmtituto Geogrdfico Argenlino, 1880-81.
« Josef Siemiradzki, Petermanns Mitte'dungen, 1895, Heft HI.
NOUVELLE fifiOCHAPHIE TNIVERSELlft.
le giain. Tmis t;tiiiciil caiTitirs oii mineur» de charlioii, i.'ncore inhabiles
aux Iravaux de la <:ampagiic. I>cs réculUis fiirml misérables; à [)i>ini^
tomhait-il quelques averses dansées l'égions patagonicntics, el parfois deux,
trois années se passaient sans (lu'iine goutte d'eau mouillîlt le sol. Henreu-
semeiit, ces travailleurs tenaces étaient aussi des hommes bons, et dès In
première rencontre avee les Tehuel-che ils li^renl amitié avec les Indiens,
qui les nourrirent, leur apportant du gibier, du poisson, les fruits de la
montagne, en échange de pain et de quelques petits objets de manufacture
anglaise'. Cependant la colonie galloise aurait fini par succomber, si
ijuelques-uns de ces agriculteurs inexpérimentés n'avaient eu l'idée de
harri'i' le couianl du Cliubtit, gmillé par la fonte des neiges, et de distri-
buer ci'ltn eau par des eanaux d'irrigation : la « Nouvelle Galles » était
sauvée, La [daine, formant un long triangle de Vi kilomètres de l'est à
riiui'sl et de S kilomèli'es en largeui' moyenne, eompreiul une superficie
, lUhliolliï-iiiie
COLOME I)U CUilBUT.
755
iron 40000 hectares, dont un tiers cultivé en froment : les con-
ins varient de 100 à 150 hectares en superficie. Le sol, composé
■ande partie de cendres volcaniques, où serpentent des canaux d'une
leur totale de
kilomètres ,
es par les
•iétairesrive-
pTOportion-
ment à l'é-
16 de leurs
ps, donne,
ré les cygnes
canards sau-
, d'admira-
•écoltes, sep-
s des an-
ics pour une
e étendue de
ultivé : elles
dissent les
« mille ha-
is de la colo-
L subviennent
e exportation
500 à 2000
is vers Liver-
Le froment
liubut est ré-
le meilleur
4mérii[ue du
Un chemin
er, long de ui'cfoi
kilomètres , ^ ^ ^^^_
les rives du
hubut en communication directe avec Port Madryn à Iravei-s le pla-
parsemé de dunes. Le cheptel, chevaux, vaches, moulons, comprend
\0 têtes. Composé d'émigranls faméliques à son départ d'Angleterre,
oupe expatrié des Gallois, qui comprend aujourd'hui plus de trois
pei-sonnes et que renforcent des Anglais, des Italiens et des « fils du
75i 50UYELLE GÉOGRAPHIE U.MVBRSELLE.
pays », n'a plus un seul malheureux ni un seul homme de police', el
trouve le loisir nécessaire pour étudier la vieille langue des Welàmm
et cultiver les arts : les recensements du Chubut énumèrent les pianos,
les harpes et les violons aussi bien que les charrues et les herses. Les
colons sont restés, comme dans la mère patrie, de fervents observaleurs
du a sabbat ». Chaque secte a son église.
iia capitale du territoire, la villettc de Rawson, située sur les deui
rives du Chubul, que travei-se un pont de bois, est très mal placée depuis
qu'on ne cherche plus à utiliser l'embouchure fluviale et qu'un chemin
de fer rattache la colonie au golfe Nuevo. Trelew, à une quinzaine de
kilomètres en amoni, entrepose les denrées de Rawson, et là se trooTe
le siège de la société coopérative qui groupe les Gallois de la colonie et
leur fournit les marchandises d'Europe presque au prix coûtant'. Le
long de la cote, jusqu'au détroit de Magellan, se succèdent quelque*
campements, noyaux de villes futures : San Julian, Santa Cruz, humble
chef-lieu de lerriloire, Gallegos, Cabo de las Vii'genes, avec ses gise-
ments aurifères. Puerto Deseado, qui ofl'rirait de très grands avanlages
à cause de son mouillage ot de sa position près d'une forle saillie du
littoral, à moilié chemin du Chubut et du détroit de Magellan, a fini
par lasser les col onisi leurs, tant le climat est défavorable et le sol
rebelle à la culture. Dès 1586, Cavendish y avait établi quelques familles
anglaises; en 1669, la Grande-Bretagne y envoya de nouveaux colims
et en fit le chef-lieu de la Patagonie, proclamée province brilannique.
A la 6n du siècle dernier Yiedma éleva un fort sur ses rivages au nom
du roi d'Espagne. Puis la république Argentine y transporta quelques
malheureux colons : on évalue à 573 000 francs la somme dépensée
par le trésor pour l'entretien de chaque famille domiciliée naguère
sur ces plages arides; il y restait encore en 1890 une famille fran-
çaise. Mais l'Argentine possède maintenant d'autres régions d'avenir sur
lesquelles elle ne comptait pas : le littoral des fjords qui se ramificnl
au sud de la cordillère de los Baguales vers les campagnes du baul
Gatiegos, riches on lignite*.
Un hameau de chercheurs d'or surgit dans la Fuégie, sur les bords
du golfe de San Sébastian, à l'entrée d'une région de pâturages, beaucoup
moins infertile qu'on ne le suppose d'ordinaire et facile à cultiver, malgré
les galeries que le tuco-Uico creuse dans le sol. Plus au sud, sur le canal
* Informe ofieial, BoMln del Infliluto Geogiàfico Argen
' Carlos BurmeiRler, Annnlei del Miueode Buenos .-lires
I Carlos Muvaiin, mémoire cité.
RAWSON, USHUIA.
Beagle, se montrent les «quelques maisonnettes d'Ushuia (Ouchouaya),
tre cbef-lieu de territoire, qui, d'après le dernier recensement, renferme
habitants, « tous fonctionnaires ». Cette « ville », la plus méridionale
la surface terrestre, est un triste séjour de pluie, de vent, d'orage et
nnui. I/île des Étals, crêle de montagnes (900 mètres) perdue au
lieu des vagues et des tempêtes, avait été concédée à un éleveur de
âil, mais l'entreprise a échoué. I/île n'a d'habitants que les gardiens du
are érigé sur le cap San Juan', à l'est; mais on prtile au gouvernement ■
itention d'en faire un giTind pénilcntier, un Sukhalin platéen.
Principaui groupes urbains des leri'ilaircs du kuiI :
ialma 1 500 habitants. 1 Roca 800 habîlanls.
awson 1000 « \ .Soi'quin 500 u
NOUVELLE CÉOeRAPHIE UNIVERSELLE.
IX
Depuis lii guerre de l'Indépendance la population de l'Ai^enliDe D'à
cessé do grandir, malgré les révolutions qui ont mis aux prises fédéra-
listes el centralistes, et malgré les conflits de brigandage, honorés du
nom de » guerres civiles », qui ont si longtemps désolé certaines proviocts
et ont tant de fois repris comme un feu mal éteint. A la fin du régime
espagnol, In vaste étendue do pays qui est devenue la république
Argentine n*avait probablement (las plus de 400000 habitants. Déjà le
premier recensement, celui de 1857, indi(|uait un nombre pi-is de trois fois
plus élevé, 1 161 000. En 1869, après un laps de douze années, une autre
énumération donna le total de I 857 500 individus, non compris une cen-
taine de mille Indiens. Depuis cette époque, il n'y a paseu de cens général,
mais les statistiques locales permettent d'évaluer à plus de i millions
d'hommes le nombre des Ai^entius'. C'est une population presque insigni-
fiante en comparaison de l'immense territoire. Sans doute les régions
très bailles des jdateaux andins, les salines des provinces centrales et les
crans aiides de la Patagonie ne peuvent recevoir que des habitants clair-
semés; mais ta mésopotamie paranâ-uruguayenne, les Missions, les vallées
el les jdaines du nord-ouest, te massif de Cûrdoba et les pâturages de la
pampa, enfin les hauts bassins de toutes les rivières qui s'écoulent
vers l'Athuilique, formant une longue bande de terrain parallèle à la
cordillère, constituent un domaine d'au moins un million de kilumèlre^
eiirrés, où une |»opulation de cent millions d'hommes sej'ail encore peu
de chose eu égard aux ressources de la contrée. Pai' le croît natui'el de*
familles, ce |(euplement normal mettrait au moins ([uatre siècles à s'ac-
coin|»lir, car, d'a]irès les données partielles de la démographie argentine. la
inorlalité moyenne s'élève aux deux tiers de ta natalité, et cet eicédenl
vaut à la Ilé]uit>lique une augmentation annuelle de 50 000 personnes.
Mais depuis le milieu du siècle l'immigiation conti'ibue on de fiirles
pro|>oi'(ions à augmenter l'accroissement : elle le double el le triple en dts
auiiées prospères. En 188!l, plus de 289000 immigrants ont déharqueb
Itucnos Aires el sur ce nombre 250000 sont restés dans le jwiys. Plu*
largement comprise qu'au Bresil, naguère pays d'esclavage, où les plan-
leurs ne voient dans l'arrivée do l'éti-angor qu'une augmentation de la
■s LiiKiiia {Etladitlka dd Comercio, 1895), 1 j51 000 habitants.
POPULATION DE L'ARGENTINE. 757
« main-d'œuvre », l'immigration est considérée dans l'Argentine, malgré
les jalousies locales, comme le recrutement de concitoyens futurs. Dès
Tannée 1811, un an avant que l'introduction d'esclaves fût prohibée h
Buenos Aires, Rivadavia parlait d'attirer Timmigration étrangère, « non
seulement comme addition de travailleurs, mais comme élément de civi-
lisation »*. Dans les premières décades, on ne compta pas le nombre
des étrangers qui débarquaient sur les rives platéennes pour s'y faire une
patrie nouvelle, mais depuis 1857 on énumère les immigrants entrés a
Buenos Aires, soit directement, soit par la voie de Montevideo. En défal-
quant le chiffre de l'émigration et la mortalité probable des nouveaux
venus non mariés, pendant les premières années de leur séjour*, on
constate que la République s*est enrichie d'un million d'habitants faisant
souche en Argentine. En outre, des milliers et des milliers de voyageurs
arrivés par voies coûteuses à bord des transatlantiques, et non classés
parmi les immigrants, se sont établis à demeure, et Ton ne devrait pas
non plus oublier les colons chiliens qui traversent les cols des Andes, pour
redescendre sur le versant oriental, et qui constituent la grande majorité
de la population cis-andine.
Tout en augmentant soudain le nombre des résidents, les étrangers
immigrés font par contre-coup baisser la natalité proportionnelle, les
hommes débarquant beaucoup plus nombreux que les femmes* : dans
Buenos Aires, Santa Fé, TEntre-Rios, on compte 20 pour 100 en plus
de population masculine. Mais ceux qui viennent en masses plus épaisses,
les Italiens, sont précisément ceux dont les familles multiplient plus que
toutes les autres : 60 pour 1000, tel serait le chiffre de leur natalité
dans les provinces platéennes, tandis qu'elle est de 40 pour 1000
seulement dans les familles françaises immigrées, et moindre encore chez
les Argentins. En certaines années, la mortalité de ces derniers dépasse-
rait même h Buenos Aires le chiffre des naissances*. Ainsi les « lîls du
pays » auraient déjà perdu de leur force virile, et l'accroissement annuel
de la nation serait compromis si le mélange avec le sang de l'étranger ne
• Alexis Peyrct, imvr.igc cité.
- Immigrants de 5' classe débarqués à Buenos Aires de 1857 à 1891. I 801 807
éini<;n'ants partis de » o . 420 000
Morts probables d'immigrants sans familles 400 000
Accroissement présumé des habitants [Ktr l'inmiigration i 000 000
' Proportion des hommes et des femmes pour les Oo (iôr) immigi*ants à Buenos Aires en 188(î :
Hommes 71,25 pour 100
Femmes 28,75 »
♦ Latzina; — M. G. and E. T. Mulhall, ouvrages cités.
é
368 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
renouvelait la race'. C'est un phénomène analogue à celui que l'ou obsem
dans la Nouvel le-Angleteri-e el les autres pays aocienneuient colonisés
des États-Unis. On dit que dans la république Argentine, comme dans
le Paraguay, les naissances féminines prévalent chez les familles créoles'.
De même qu'au Brésil, la nationalité dominante parmi les nouveani
venus est celle des Italiens : à eus seuls ils constituent le tiers de l'immi-
gralion. Puis viennent les Espagnols et les Français, sans que la statis-
tique dislingue rélémcnt basque ou euskarien, naguère te plus important.
Les Anglais, les Suisses, les Allemands, parmi lesquels beaucoup de
Slaves des provinces orientales, se suivent par ordre numérique. Les
premiers Juifs de Russie, d'Austi-o-Hongrie, de Palestine, importés par
bandes, arrivèrent en 1891 au nombre de 2850. La plupart des arrix-anls
parlant une langue d'origine latine, l'accoutumance au langage national
ne présente aucune difficulté. On a constaté également que plus des
neuf dixièmes des immigrants sont nés catholiques el qu'un tiers environ
ignorent la lecture et l'ccrilurc. Quant aux professions, les agriculteurs,
journaliers et ouvriers de toute espèce l'emportent de beaucoup sur les
gens sans métier défini, et In plupart des jeunes gens, venus dans le
vague espoir de faire fortune en vertu de parchemins ou de diplômes,
ont à se mettre bi-avemcnt au travail manuel pour obtenir un gagne-pain.
Naturellement la grande majorité des étrangers reste au lieu d'arrivée ou
dans les environs, à Huenos Aires, ù Rosario.'dans l'Entre-Rios ou le
Santa Fé : l'immigration se raréfie en s'éloignant de l'estuaire piatéen.
Mais dans presque toute l'étendue de la Uépublique les Européens tmu-
vent un climat qui leur convient el n'ont à éviter comme lieux de séjour
que des régions analogues à celles qui seraient dangereuses dans l'Ancien
Monde, telles les contrées marécageuses oii naissent les lièvres, et les pays
parcourus par des eaux malsaines, développant le goilre chez les riverains.
Le tétanos cause une grande mortalité. Le ver solitaire est 1res commun
dans l'Argentine : les paysans ayant pris l'habitude de mangei- la viande
crue ou à peine cuite, le parasite [)asse sans peine du quadrupède à
l'homme. A. cet égard il y a similitude parfaite entre l'hygiène et les
maladies sur les plateaux abyssins et dans les camjiagnes platécnnes'. Li
lèpre fait quelques rares victimes et Buenos Aires a reçu la visite de
la fièvre jaune, importée du Brésil; mais depuis plusieurs années celle
maladie ne se propage plus des navires dans la cilé, grâce à des précau-
■ Lalzin.-i; — AJberlo II. Hartincz, Boletiii tiet Initilulo Ceogrdfico Argentim, 1888.
* Erncsl van Bruyssol, la République Aryeiilinc.
' B. Du[)onl, Endcmia de If nia tolium en la irpûblica Argcnlina.
IMMIGRATION, AGRICULTURE DE L'ARGENTINE. 7^9
lions sanitaires très rigoureuses. Parmi les violentes épidémies, la variole
est la plus redoutable, comme jadis en Europe avant l'introduction de
layaccine, et la plus meurtrière des maladies lentes, la phtisie, fait autant
de ravages à Buenos Aires que dans les capitales de l'Europe. Mais on
cite des régions encore faiblement habitées où l'air, d'une pureté parfaite,
ne laisse pas développer les maladies de poitrine : tels sont les plateaux
dans l'État de San Juan et la vallée du Chubut. Un proverbe, qui n'a
peut-être son pareil dans aucune partie du monde, dit qu'en Patagonie
<( il meurt seulement un homme tous les cent ans\ »
L'agriculture proprement dite est d'origine récente dans l'Argentine.
Peu nombreux sur une terre d'immense étendue, où se multipliaient les
bestiaux par milliers et par millions, les habitants n'avaient qu'à vivre
de l'abatage des troupeaux. A cette époque, la culture du sol ne répon-
dait à aucun besoin. Les Argentins de la campagne, se nourrissant
presque exclusivement de viande, avaient en abondance tout leur néces-
saire. On abattait un bœuf pour en manger la langue, et l'on ne
se donnait môme pas la fatigue d'écorcher l'animal pour en vendre la
peau : tout au plus, afin d'éviter la puanteur, traînait-on la bête dans
quelque briqueterie pour en alimenter la flamme. L'entretien des estancms
était des plus simples. Les animaux restaient en plein air toute l'année et
les propriétaires se faisaient un revenu suffisant par la vente des peaux,
des viandes séchées ou tasajo et du noir animal, produit de la combustion
des os.
Après le cheval, que débarqua Solis sur les rives de la Plata, c'est par
la voie du Paraguay que le premier bétail fut importé dans le territoire
platéen. En 1550, un envoyé d'Irala, revenant du Pérou, amena des chè-
vres et des brebis et, trois années plus tard, les frères Gôes, partis de Sâo
Vicente, introduisirent au Paraguay un taureau et huit vaches. De ces
bétes, originaires du midi de l'Espagne, descendent les millions d'ani-
maux qui peuplent actuellement les savanes des républiques platéennes.
En devenant indigène, le bœuf européen n'a perdu aucune de ses qua-
lités natives et parait avoir à peine changé : son nouveau milieu lui con-
vient aussi bien que le sol et le climat d'origine; il se montre le même
au nord comme au sud de l'Argentine, sur un espace de 2000 kilomè-
tres, dans le Chaco septentrional et dans les campagnes de Bahia Blanca.
* W. n. Hudson, Idle Days in Patagonia,
7ft» NOUVKLLE GËOGRAPIIIE IIMVERSELLE.
]^ tnillc dépend iiniqucmniit de la qualité des pâturages : te bœnf est
plus petit, dans les chnmps secs et arides de (!)alamarca, plus grand dus
les riches prairies de l'Kntrc-Rios ' ; la plus belle rac« est celle 4e
Miranda. venue du Matto Grosso. Le terrain le plus apprécié est edni
qui comprond à la fois un campo ou pittura^e, un monte ou bosquet diu
Icciuol les animaux peuvent se mettre à l'abri, un bailado ou mania dm
lo<|uei ils puissent se rafraîchir'. Lâchées dans les plaines, les bAles II
cornes multipUèifint prodi<rieusemenl. On estime que dans les pampas
et la mésopotamic un troupeau bien aménagé double tous les trois us.
L'accroissement était plus rapide encore pour les troupeaux alzadoi on
vivant îi l'état sauvage dans la plaine libre. Les Indiens ne les chassaieal
pas pour s'en noun'ir. Ils ne s'occu|K)ient que du rhu%'al, qu'ils avaienl
prnmitlemciil appris à m(mter; ils sacritiaieni aussi des juments à leure
dieux et en man<reaient la chair; mais les Pcbuen-chc des Andes ne s'ha-
bituèrent, dit-oii, à se nourrir du Itœtif que vers le milieu de ce siècle.
Les Espafïnols de la pampa ne chassùont les ahados que pour leur cuir.
Ues cavaliers, tenant à la main une latte tormint'O par un croissant aigu,
poursuivaient les animaux au galop el leur tranchaient le jarret, puis,
après eu avoir aliaitu un certain nombre, les aclie^'aient pour enlcTH'
le cuir, qu'ils étendaient sur le sol en le retenant par des piquets, ht
peuplement de la contrée a supprimé cette industrie barbare : presque
tous les animaux, devenus domestiques, sont soumis aux pratiques de
t'élcvage R^uiiei'. fjà et là, dans les vallons écartés des montagnes on
dans les pniirios défendues par un cercle de marécages, se voient encore
((uelqiies bœufs sauvages Dn-nianl une " heureuse famille >• avec d'autres
bètes ayant fui l'aulorilé de l'homme. Près de l'emlioucbure du rio N^ro
se prolon(;e une ile Imssc couverte de roseaus, au milieu desquels glteol
des porcs sauvages : ces animaux, sans augmenter en nombre, se perpé-
lucnt el se maintiennent malgré les marves qui parfois recouvrent l'Ile
entière, et les oiseaux de pi-oie, loujoin's aux aguets sur les rochers voi-
sins. Pendant un temps ces porcs eurent comme protecteur contre tes
aigles une vache égarée, autour de laquelle se pressait la bande : les
gens des alentours l'appelaient la « mère aux coehons' ».
T>es chevaux sjuivagcs ou baguales sont encore beaucoup plus rares que
les breufs ahados, et l'on n'en voit guère i|ue dans la Palagonie méridionale,
où on ne les poui-suit guère que par amour de la chasse ; comme mon-
< Martin (te Hiiussy. ouvnigc l'ÎIi-.
' E. lii' Boiir(,'adL' I» Diinlii-, Le l'araguiiy.
' W. II. Iliulsoii, Idle Dag» in Ptitaijnnia.
■1
ÉLÈVE DU BÉTAIL EN ARGENTINE. 765
lure ils n'ont guère de valeur*. D'origine arabe par la variété d'Anda-
lousie, le cheval argentin est d'ordinaire fort docile, sobre, dur à la
fatigue; mais naguère on s'occupait peu de la beauté de ses formes : il
est de petite taille et sa tête est fort grosse. La vanité des cavaliers aidant,
Argentins et étrangers rivalisent maintenant d'ardeur pour l'embellisse-
ment de la race par un mélange avec le sang arabe. On élève aussi des
mules, surtout dans la province de Cordoba; autrefois ces animaux étaient
exportés au Pérou pour le service des mines; actuellement on en fait le
commerce avec la Bolivie et le Chili. Dans toute la région des montagnes
on se sert presque exclusivement du mulet, qui a le pas sûr et plus do
résistance que le cheval. Mais on s'est encore peu intéressé h l'amélioration
de l'animal par le choix des baudets. Les mules qu'on expédia de Buenos
Aires aux Mascareignes et aux Indes, et de l'autre côté vers les provinces
andines, sont élevées dans les contrées du littoral.
Le mouton constitue, avec le cheval et le bœuf, la principale richesse
animale de l'Argentine et tend même à prendre le premier rang. Sous
le régime colonial, la race s'était énormément accrue, quoique les ovidés,
tout en restant groupés autour de l'homme, n'eussent pour ainsi dire
aucune valeur marchande. Dans l'intérieur, quelques femmes calchaqui
recueillaient la laine pour en tisser de grossières étoffes; mais on ne
mangeait même pas la chair du mouton : des industriels sacrifiaient les
bêtes pour faire de la chaux avec leurs os, abandonnant la viande aux
chiens et aux vautours. L'Espagne jalouse avait interdit l'exportation
des mérinos dans ses possessions d'outre-mer : cette variété précieuse
ne fut introduite que longtemps après la déclaration d'indépendance.
Mais depuis 1850 un grand nombre d'éleveurs, parmi lesquels on
compte surtout des Anglais, ont amélioré les variétés indigènes et, par le
croisement avec les diverses races d'Europe, ont obtenu de nouveaux types
comme pour le bœuf et le cheval. Les meilleures laines sont celles des
brebis qui paissent le gazon court des provinces nord-occidentales : les
qualités supérieures proviennent de la puna de Jujuy, où le mouton se
mêle au lama, animal qu'on ne trouve en aucune autre partie de
l'Argentine. Nul berger, sauf le Quichua, ne réussirait à l'assouplir pour
le transport des fardeaux.
Toutes les autres espèces domestiques de l'Europe ont été introduites
et ont prospéré dans l'Argentine, même sans aucun soin : les chiens et
les chats, qui par milliers sont revenus a l'état sauvage, les porcs, les
* Rogers und Ibar, Petermann's Milteilungen, 1880, Hefl II.
764 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
chèvres, qui là aussi ne sont guère que le bétail du pauvre, les lapins, les
gallinacés de toute espèce. L'autruche indigène et celle de l'Afrique ont
réussi dans quelques fermes, mais ne donnent pas lieu à une grande exploi-
tation industrielle comme au cap de Bonne-Espérance. Le coq, d'une
grande beauté, combat dans les reftideros de tous les villages : on le
soigne avec amour; on croise les variétés pour obtenir les meilleurs
champions, avec la crête la plus audacieuse, l'œil le plus vif, le plumage
le plus éclatant, l'ergot le plus acéré, auquel on ajoute un tranchaDl
d'acier. Des oiseaux chanteurs, tels l'alouette, ont été lâchés dans les
campos. Les abeilles d'Europe ont réussi, notamment dans l'Enlre-Rios;
mais ne serait-il pas préférable d'utiliser les espèces indigènes? Diverses
mouches à jniel foisonnent dans le Chaco et dans la province de Santiago
del Estero, donnant encoi'e lieu à une industrie assez active : des chasseurs
ou meleros indiens font des voyages de plusieurs jours, et même de
plusieurs semaines, pour découvrir les gàteaui que les abeilles et les
bourdons mcllifères construisent en des trous ou attachent aui branches
des arbres. Ils abattent [hirfois dos bois entiers. Les précieux insectes,
pourchassés à outrance, dis{>araitront peut-être avant qu'on ait appris à
discipliner leur travail et à préparer des ruches.
Les progrès de l'Argentine, entraînant l'utilisation croissante du sol,
ont fait reculer l'élève du gros bétail devant celle des moutons, qui rasent
l'herbe de plus près. Les estancias de bêtes à cornes appartiennent surtout
à des Argentins qui suivent les anciennes pratiques, tandis que relève des
moutons a pris le caractère d'une industrie plus moderne, dirigée par
des étmngcrs et des novateurs. De même l'agriculture, succédant à la vie
pastorale, représente un nouveau progi'ès et refoule le mouton, suivie
à son tour par le jardinage ou culture intensive'. Cependant l'évolution
qui s'accomplit n'empêche pas que la niésopotamie argentine, «nie à la
province de Buenos Aires et à la république de l'Uruguay, soit la contrée
du monde qui possède le plus de bœufs et de chevaux en proportion du
< Qicplcldu l'Argentine! en 1888 :
Chcïimi *400000
Béli^ i conits 22 050 000
Moulons 70 450 000
Proportion des aiiimaui par 1000 habilanls en (890 :
Uruguay 10284 bœufs; 20252 brebis; t 081 cheTaui.ctc.
Enlre-Rio!^. . . . 10 8(î9 ii 18 110 )i 1449 ii
Buenos Aires. . . 9 029 )i 109 851 u 4 555 »
Australie 1 9r>5 » 19 702 » 280 »
AGRICULTURE DE L'ARGENTINE. 765
nombre des habitants; pour le nombre des brebis elle rivalise avec TAus-
Iralie.
Les débuts de ragriculture furent difficiles. C'est presque de force,
pour obéir à l'implacable volonté du tout-puissant Urquiza, que les
habitants de TEntre-Rios firent leurs premières plantations. Ces ordres
n'eurent pas grand effet; les indigènes profitaient des moindres trou-
bles politiques pour abandonner leurs champs, leui-s vergers, et
reprendre la vie nomade des pasteurs. Mais la révolution que la volonté
d'un seul n'avait pu réaliser, les nouvelles conditions économiques de
l'Europe et du Nouveau Monde l'accomplirent. Quand la chair des ani-
maux, devenue rare sur les marchés lointains, acquit de la valeur, môme
dans la mésopotamie argentine, on reconnut le prix du sol nourricier, on
le classa suivant ses produits, et l'agriculture, progressant autour des
villes, s'empara graduellement des meilleurs terrains de labour. L'arrivée
de cultivateurs étrangers, débarquant par milliers et dizaines de milliers,
coïncide avec les transformations économiques de l'Argentine et en pré-
cipite le mouvement.
La superficie des terres cultivées dans la république Argentine étail
évaluée par Brackebusch en 1891 à près de 50000 kilomètres carrés, un
peu plus de la centième partie du territoire. Les deux céréales, fro-
ment et mais, sont de beaucoup les principales cultures, et recouvrent
plus des deux tiers de l'espace soumis au labour; puis vient Talfalfa ou
luzerne, que l'on cultive surtout dans les terrains arrosés de l'ouest et
qui fournit au commerce une de ses plus fructueuses denrées d'expor-
tation. Les autres productions végétales obtenues par le travail de l'homme
n'occupent qu'une très faible partie du domaine agricole. La province de
Buenos Aires, qui nourrit la capitale, est la plus riche : elle contient
le tiers des terres cultivées dans toute la République*. La province de
Santa Fé, que se sont distribuée en grande partie les colons étrangers,
prend le deuxième rang pour la superficie des terrains labourés. Cor-
' Terres cultivées de la république Argentine en hectares (1891) :
ProTinccs.
Froment.
Mais.
Luierne.
Autres.
En<M>niMe.
Buenos kires . .
325 662
470 586
82 560
85 649
962 457
Santa Fé. . . .
528 023
57 073
20 772
50 419
656 287
Côrdoba. . . .
174 033
111683
188 466
49 886
524 068
Entre-Rios . .
129 780
48 912
25125
37 879
241 696
Mendoza ....
12 000
30 000
125 260
23 699
190 959
Autres. . . .
34 730
107 240
159 672
118 930
366 462
420 572
Ensemble. .
1 202 228
825 495
601 855
2 996 040
(Ludwig Brackebusch, PetermanrCs Mitteilungen, 1893.)
766 NOUVELLE CËOGRAPHIE UNIVERSELLE.
doba est la troisième dans la série, mais, sauf la pomme de terre, elle ne
cultive guère que le blé : il en résulte que, si cette récolle vient i man-
quer, la ruine est générale. Entre-Kîos, si admirablement située dansU
mésopotamie argentine, n'a que la quatrième place pour l'éteaduedes
champs cultivés, et l'autre province mésoputamienne, Corrientes, vieal
presque à la fin de la liste, après Mendoza, San Juan, Tucuman et San
Luis. Presque partout, sauf dans les Missions, les agriculteurs ont à
redouter la sauterelle volante, qui se présente parfois en bandes serrées
sur une largeur de cent kilomètres. Le rendement est beaucoup plus faible
que dans la plupart des autres pays agricoles : ainsi, dans la province de
Santa Fé, la plus fertile de la pampa, îl ne dépasse pas quatre ou cinq
hectolitres par hectare, récolte que l'on considérerait comme misérable
en France ou en Angleterre. L'Argentine donne beaucoup de froment, aoD
en raison de sa fertilité, mais en raison de son étendue'.
La première des cultures après les céréales, la canne à sucre, appartient
exclusivement à la zone sub-tropicale : on ne la voit que dans les fondsde
vallée, formant une bande étroite, d'Oran, près de la frontière bolivienne,
ù Tucuman et î\ Santiago del Kstero. La culture du cotonnier, qui don-
nait de bonnes récoltes, a été presque abandonnée ; mais dans cette même
zone on cultive la vigne, jusqu'à la hauteur de 2000 mètres. Les régions
principales des vignobles sont les environs de San Juan et de Mcndoia :
l'industrie viticole y a pris une véritable importance. La production
annuelle du vin est évaluée à 600000 hectolitres, quantité à peu près
égale à celle qu'on importe de l'étranger', mais représentant seulement
le cinquième des boissons de toute origine que l'on consomme sous le
nom de vin*. Les raisins servent aussi, de même que la canne, le mais
et autres produits du sol, à fabriquer des eaux-dc-vic. Los provinces à
vignobles possèdent également quelques olivettes, mais les Laies ne sen'enl
guère à la préparation de l'huile, que l'on retire plutôt des arachides,
autre culture de l'Argenlinc. Le Corrientes fournit des tabacs d'une qualité
analogue aux bonnes variélés du Paraguay. Un peu de quinoa, dans les
provinces du nord où s'était répandue la civilisation des Quichua, et des
pommes de terre, des légumes, des fruits d'Europe dans les colonies
modernes, telles sont les autres productions notables dans les champs
et les jardins. On a souvent fait de la série icul lu re, sans résultai fruclueui,
le travail des magnaneries paraissant trop méticuleux h des gens accou-
■ De Bourgade la Ilardj'c, Le Paraguay.
' Imporlalion des vins et liqueurs dans l'Argenline en 1892 : 510 000 heclotilrc«.
> ^aeion, 5 de scliemLrciS93.
AGRICULTURE DE L'ARGENTINE. 767
lûmes aux gros labeurs. Quant à rapiculture, on possède bien çà et \h
quelques ruches, mais en certaines provinces, l'introduction de Tabeille
aurait été prohibée comme nuisible aux arbres fruitiers*.
De même que les hommes d'origine européenne ont refoulé ou même
exterminé les indigènes, très clairsemés de nos jours, de même que le
bétail de l'Ancien Monde se substitue dans les pâturages aux bêtes pri-
mitives des pampas et de la montagne, de même les plantes cultivées
sont pour la plupart de provenance européenne : jusqu'au maïs, espèce
américaine, que représentent maintes variétés d'outre-mer. La flore arbo-
rescente exotique a déjà modifié la physionomie des campagnes : les
pêchers, les peupliers, les saules, les eucalyptus ont transformé les landes
rases, et des bordures d'arbres ont assaini les rivages des marais. Jusqu'en
Patagonie, sur les versants des Andes, la flore silvestre a changé d'aspect.
Les missionnaires jésuites qui s'étaient avancés au milieu des indigènes
bien avant les autres Européens, avaient apporté des instruments d'agri-
culture, des graines et les semences des principales espèces alimentaires
de l'Ancien Monde. Les pommiers qu'ils avaient plantés leur survécurent
et trouvèrent un milieu si favorable qu'ils se propagèrent spontanément,
couvrant de vastes étendues. Dans la saison, la région sous-andine des
« Manzanas » se peuple d'Indiens accourus des plaines environnantes :
ils trouvent la nourriture et la boisson, ayant appris à fabriquer une espèce
de cidre ou chicha. Cependant les forêts de pommiers n'existent que
dans le voisinage des routes indiennes, jamais au cœur des grandes
forêts primitives*.
La teneur de la propriété varie dans l'Argentine. Tandis qu'en certains
endroits l'ancien régime prévaut toujours, la propriété moyenne s'est
constituée dans les provinces de l'est, où affluent les colons étrangers;
elle existait déjà dans le Tucuman, où l'on comptait en 1882 plus de
7150 propriétaires chefs de famille sur une population totale de
120 000 habitants*. En certains districts éloignés de Buenos Aires, d'im-
menses domaines appartiennent collectivement aux membres dispersés
d'une seule et même famille, qui peuvent s'établir dans n'importe
quelle partie de la propriété commune et y faire paître leur bétail.
Ce maintien de l'indivision ne prouve pas, comme on pourrait le
croire, la cordiale union entre parents : il témoigne seulement des grandes
difficultés que l'esprit processif des associés oppose à un partage
I Ludwig Brackcbusch, mémoire cité.
* Josef Siemiradzki, Peiermann's Mitteilungen, 1893, Heft Df.
> Pablo Groussard, Tucuman.
7G8 >OUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
amiable'. Dans la pi'ovÎDCC de Jujuy se maintient un reste des mo-
mienda», c'est-à-dire, sous un autre nom, la servitude des Indiens.
Quelques familles de ces Coyas esclaves ont réussi, après de sut-
glanles rébellions, à reconquérir leurs terres et leur liberté, mais tous
ne se sont pas encore affranchis, et tel grand propriétaire peut se dire te
malice de domaines immenses embrassant les montagnes, les vallées e(
les habitants de l'un à l'autre horizon'. Souvent les prétendues révolutiom
politiques de l'intérieur ne sont autre chose que des conflits entre estas?
cieros qui lancent l'une contre l'autre leurs bandes de vassaux ou tn^
tinot; ces malheureux, tolérés sur les domaines, mais sans espoir d'en
obtenir un lopin en propriété personnelle, toujours endettés envers le
suzerain, vivent dans une extrême misère, à laquelle les hasards d'une
guerre civile font une diversion, quelquefois bienvenue.
Même dans les provinces orientales, notamment dans colle de Buenos
Aires, la plus grande partie du sol se partage en de très vastes propriétés,
ainsi qu'en témoignent les plans cadastraux, oCi se trouvent inscrits le»
noms dos diflercnts possesseurs. On évalue d'ordinaire ces étendues par
« lieues carrées », qui varient un peu suivant les provinces, mais
comprennent un espace moyen de 27 kilomètres carrés". Un seul acheteW^
s'est acquis d'un coup pour onze millions de francs un domaine A^
560000 hectares dans la pampa. Des propriétés de pareilles dimensio»^^
étaient trop grandes pour avoir des limites précises : les Iroupea'mJi
vaguaient à une certaine dislance de leui- qnerenda ou lieu de rci»-*>'
nocturne, mais à quelques hectomètres près le berger ne regardait pas a'M-J
bornes du terrain de pâture. Le libre parcours des bestiaux, le) fut I
grand obstacle à l'initiative agricole : les colons devaient veiller constainv
ment aux abords des cultures, et souvent n'arrivaient à chasser le bét-^^x
qu'après ta dévastation complète de leurs champs. De là de continuels *■
discussions, suivies parfois de luttes à main armée entre les estancieK~c
cl les colons. Ceux-ci ont iini par l'emporter; des clôtures en fil de ffïe
entourent les pAlurages.
Les premières colonies, très péniblement créées, ont été fondées par
des concessionnaires qui s'engageaient à peupler leur territoire dans un
■ Drackcbusch, Bolelin del Inttituto Geogrà^co Argentino, toiiio IV, J883.
* Prii inojen de la lieue carrée dans l'Argentine en 1892 :
Terres agritolcs 400 000 francs.
pâturages 72500 ii
Brouesea 5 750 » (Mulhall.)
» Ludwig Bi'ackcliuscli, Petermann'ê Milteilungen, 1892, Heft VtlI.
AGRICULTURE DE L'ARGEMENE. 769
S donné et moyennant certains avantages financiers ou autres. La
ullé des communications, l'inexpérience des cultivateurs, l'hostilité
leveui*», les jalousies
îscausèrentde nnm-
I insuccès, mais les
iites encouragèrent
lolons, et c'est par
lines maintenant que
compte les groupes
ituésen communes.
nouvelles colonies
enl tous les jours :
grand propriéUirc
irpenlcr une partie
n domaine, la divise
fis de vente, en fait
ler te plan dans les
■ et les gares, donne
lUage futur un nom
sonne bien », fonde
boutique pour ali-
er les travailleurs à
t pendant la pre-
î année, et les colons
irésenlent, s'enga-
, à payer leurs lots
innuités, d'un quart
bis. Une loi, dite de
Ionisation », volée
876, d'après le mo-
du homeslead-biU
■américain, divisait
trrains nationaux en
ins de 20 kilomètres i î — .
côté, comprenant
iots de 100 hcclares chacun ; les cent premiers colons de chaque
m, chefs de famille et agriculteurs, recevaient gratuitement chacun
ot, et le reste était vendu à raison de 2 piastres l'hectare; poui'
cher la constitution de la grande propriclé, on avait décidé que nul
Ha
CPerroo
770 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
ni; pourrait acheter plus de quatre lots. Des compagnies colonisatrices
devaient se charger du peuplement; mais après quelques essais, imllieu*
l'eus pour ta plupart, ce système a été abandonné. Dans la prorince de
Buenos Aires on constitue, depuis 1H87, des » centres agricoles » autour
des gares situées à 100 kilomètres au moins de la capitale, et l'on
applique la loi d'eipropriation, quand les propriétaii-es ne prennent
pas l'initiative de la colonie. En trois années, on a ainsi formé plus
■ de 250 villages, contenant une surface à cultiver de 2210000 heclares.
Lu province de Santa Fé, la plus riche en colons, en comptait à la fin
de 1888 plus de 190, embrassant plus de 2 600000 hecUres'. Dans
presijuo toutes ces colonies, la propriété est strictement personnelle;
chacun peut accaparer autant de lois ou chaerat que lui permet sa
fortune. La forme collective de propriété n'existe que chez les Allemands
« russifiés », mcnnoniles ou autres, de la rive orientale du Paranâ. Le
mir russe s'y est maintenu, et même aurait pris un caractère plus rap-
proché du communisme pur*.
La production des mines ne consliluc au pays de !*« Argent » qu'une
faible partie du revenu national; dans les meilleures années, elle ne
dépasse guère sept millions de francs, quoique certains gisements d'or,
d'argent, de cuivre, de plumh, soient fort riches; mais ils sont presque
lous situés en des montagnes d'accès difOeile; telle mine, dans les pru*
vinces andines du nord-ouest, est souvent bloquée par les neiges. Les
charijons de San Rafaël et des avant-monts voisins paraissent constituer
la principale richesse de la ité|»ublique, mais l'exploitation commence
à peine.
L'industrie platécnne, prise dans son ensemble, n'a qu'un bien faible
développement. Naguère les Argentins se contentaient des petits métiers
nécessaires aux travaux courants de l'alimentation, de la construction,
du vêlement et de l'entretien : pour tout le reste, ils s'adressaient ^
l'Kui-ope et aux États-Unis du Nord. Leur seule industrie importante déri-
vait de l'élève du bétail : le tniitement des viandes, des cuirs, des poils,
des sabots. L'utilisation des végétaux pour le tissage, par exemple, élai'
pres(iue nulle, et l'on peut dire que le travail des textiles avait rétrograde
depuis que les vieilles Indiennes avaient cessé de tisser leui's solide*
étoiles. Mais la |)aHvreté soudaine causée par les crises financières el
les banqueroutes a forcé les Argentins à créer nombre de manufactures
' Gabriel Can'asco; — Alexis Pu)
■ Thoinucliul, Notes m
? Yinite aux Coloa'm de la République Argealiiif-
^AGRICULTURE, INDUSTRIE, COMMERCE DE L'ARGENTINE. 771
qui leur 'étaient inutiles quand ils pouvaient acheter en Europe tout ce
qui leur était nécessaire : c'est ainsi qu'ont surgi récemment des bras-
series, des raffineries, des papeteries et d'autres usines, munies des
machines perfectionnées et servies par des ouvriers expérimentés.
Favorisé par la facilité des transports sur les plaines unies,, le com-
merce argentin s'est accru d'une manière étonnante dans les dernières
décades, mais non pas autant que le prétendent maintes statistiques « offi-
cielles », fixant des chiffres beaucoup trop élevés pour la valeur des
articles. D'ûprès Mulhall, le mouvement réel des échanges, dans les der-
nières années, marquées par une grande crise commerciale, aurait été
d'environ 800 millions de francs, et dans l'année la plus prospère,
1889, aurait atteint 950 millions' : par tête d'Argentin, les achats et les
ventes à l'étranger représentent une somme de 200 à 250 francs. Dans ce
commerce, la Grande-Bretagne a la plus grosse part, puis vient la France.
La Belgique occupait naguère le troisième rang avant l'Allemagne, mais
elle l'a perdu en 1892 ; le Brésil, acheteur des « viandes sèches », précède
les Étatç-Unis et l'Italie, qui a pourtant envoyé dans l'Argentine un si grand
nombre de ses enfants". Presque tous les objets d'exportation sont des pro-
duits animaux et des denrées agricoles'; quant aux importations, elles
consistent surtout en étoffes, en vins et substances alimentaires, en ma-
< Moyenne du commerce des cinq années 1887 ù 1891 :
Importations 414 000 000 francs.-
Exportations 395 500 000 »
Ensemble 807 500 000 francs.
Année du plus grand commerce, 1890 (chiffres officiels) : 1 312800000 francs.
Année 1892 (chiffres officiels) : 1 106200 000 francs.
• Commerce de TArgentine par ordre de pays :
MoyeuDC
de 1887 à 1891. 1892.
Grande-Bretagne 215 500 000 francs. 28,3 pour 100
France 158 000 000 » 21,5 »
' Belgique 115 500 000 » 10,13 »
Allemagne 88 000 000 » 11,7 »
Brésil 53 000 000 » 5,75 »
États-Unis 38 000 000 )> 5,2 »
' Valeur de l'exportation argentine en 1892 :
1891. 1892.
Produits du pâturage 336 000 000 francs. il 1 750000 fi-ancs.
)) dclaculturo 109 500 000 n U4 450 000 ))
.\utres 38 000 000 » 55620000
Ensemble 483 500 000 francs. 6 121 980000 francs.
772 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.
chines et quincaillerie, en charbons et pétroles. Buenos Aires à elle seule
accapare les deux tiers du commerce extérieur.
Le mouvement de la navigation avec l'étranger, y compris le cabotage
d'outrc-estuaire avec Montevideo, Paysandù et les autres ports de la Bande
Orientale, s'est très rapidement accru : il a presque quintuplé dans la der-
nière décade*, et il faut y ajouter le trafic considérable qui se fait le long
des rivages et sur les rivières*. La vapeur a eu de beaucoup la plus grosse
part dans ces accroissements. La Grande-Bretagne se présente la première
pour le nombre des navires comme pour le commerce dans les ports
argentins; le pavillon national suit par ordre d'importance : il couvre
surtout des embarcations a voile et à vapeur qui traversent non l'Océan,
mais l'estuaire, de Buenos Aires h Montevideo, et s'accroît rapidement,
nombre d'armateurs, anglais ou autres, hissant le drapeau argentin pour
éviter les frais de port qui pèsent sur les bâtiments étrangers. Le cours
de l'Uruguay lui-même, de Concordia à Salto, est considéré comme un
océan dans les fictions administratives. Du reste, grâce aux chemins de
fer. la rive orientale de l'Entre-Rios se trouve transformée en un immense
quai de commerce maritime. Une compagnie de navigation possède sur les
fleuves une flotte de 120 bateaux.
L'ère des voies ferrées commença dans l'Argentine en 1857 par la
construction d'une ligne de banlieue entre Buenos Aires et le faubourg
sud-occidental de Flores. Les progrès du nouveau mode de transport furent
' Mouvcinont de h navigation avec Tétrangor dans les poris de la république Argentine en 1S81
et en 189^2 :
1881. Entrées 1320 000 tonnes.
Sorties 1 170 000 ' »
Ensem])le 2 490 000 tonnes.
1892. Entrées 9948 naviixïs, jaugeant. . . 6 016 825 tonnes.
Sorties 9184 » » ... 5840025 »
Ensemble 19152 navires, jaugeant. . . i 1 880 850 tonnes.
' Mouvement du cabotage dans les ports de ta république Argentine en 1881 et 1892 :
1881. Entrées 1790 000 tonnes.
Sorties 1 770 000 »
Ensemble 5 560 000 tonnes.
1892. Entrées 24 758 navires, jaugeant. . . 2 827100 tonnes.
Sorties 24146 » »... 2549600 »
Ensemble 48 904 navires, jaugeant ... 5 576 000 tonnes.
774 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.
puisqu'il déplace plus de deux fois et demie toute la population'; mais le
coûl de la construction, d'environ 163000 francs par kitomèlre, semble
fort élevé pour une contrée où l'on n'a guère qu'à poser les rails sans rem-
lilais ni déblais. Les spéculations, tes emprunts onéreux, tes frais causés
par des conseils dirigeants qui fonctionnent à plus de dix mitte tùlomèlres
de leur entreprise, expliquent ces dépenses, couvertes d'ailleurs, pour un
tiers des voies ferrées, par des garanties de l'État. Dans la province de
Santa Vé, où le i>cupiement rapide et la mise en culture de la contrée
assuraient le rendement des voies, le gouvernement local a fait constmin'
les premiers chemins de fer sans dépenser un sou : il lui suffisait d'émettre
des bons remboursables sur les bénéfices futurs du transport. La largeur
de la voie diin>re suivant les compagnies : la plupart dus chemins ont des
rails écartés de 1 mètre 67, et ceux de Santa Fé d'un mètre seulement.
On a projeté le creusement d'un tunnel sous l'Uruguay et le Parana pour
< Longuitur ien chemins dir fci- argentins <'ti 1895 : 15 ibi kilomètres.
Oiùl <rélalili<'st<mcnl en lli93 : I 800000000 Tniirs.
Mouvement dts voyageurs e
ilSill..
11310 000
1810 000 lonucs
D-'-penscs
M 500 000 ,.
VOIES FERRÉES RE L'ARGENTllSE. 7T&
'établissement d'une voie ferrée entre Buenos Aires et Montevideo,
actuellement le Iravail d'art le plus considérable du réseau est un pont-
viaduc de plu^^dc 2000 mètres jclé sur ta rivière Saladu, au Molino defialas.
Le réseau télégraphique s'est accru dans une proportion plus rapide
uncore que celui des chemins*. De mémo pour le mouvement postal, l'Ar-
' Serrice des Iclégraphcs dans l'Ai^cnlinf :
1871 . 5 171 kiloTiièlrcs; 61 004) télégrammes Irtm^mis
i89l. 32 748 " 2 340 000 »
77(1 NOUVELLE GËO&RAPHIE PNIVERSELLR.
gcntiiiu marclie pivsqiu* cIp |i!iir avec les pays les plus commerçjmls de
l'Europe'; mais l'ensemble de la eorrespondauce se compose surtoul de
letttvs d'affaires et Ips étrHQgi'irR y oui utie pari proporiionnellc Loaucoup
plus gi'ande que le»: Argentins. La ville de Buenos Aires en a la innitic : I
en 1871, les deux tiers des correspondances partaient de cette capitale.
L'instruction publique, tout im ayant beaucoup progressé dans la dernière
décade, est encore loin d'embrasser toute la population enfantine'. La part
de l'Ëtat dans l'cnseigmiinfuil l'cprésente h jh-u prj^ los trois quarts des \
écoles et des professeurs'. Les désastres financiers qui se sont succédé j
depuis l'iinnée 1890 ont entraîné In fermeture de nombreux établisserae-nls .
et dans plusicui's provinces les instituteurs ont été licenciés par dizaines; j
du tiers des enfants en âge de suivre les cours, la [tropurlion des éco- I
liers s'est abaissée au quart. Chaque province a son coUtge national d ]
la capitjile en possède deux; en outre, il existe des éccples normales, deuj |
écoles d'agriculture et deux univei-silès, — Buenos Aires et Cûrdoba, — I
une école des mines à San Juan. La presse, non compris les feuilles que I
font naître les rivalités politiques et qui dis[>urHisscnl après les élections,
se composait en 1892 de 170 journaux, dont'ii quotidiens : de ceus-cH
15 paraissaient à Buenos Aires dans les cinq langues piintnpales du pays,
espagnol, italien, français, anglais et allemand.
La constitution de la république Argentine, votée depuis un tiers de
siècle par une Convention réunie à Santa Fé, donne à l'Ëtat une forme
représentative fédérale. Cbacune des quatorze provinces de la confédération
a son propre statut, comportant dans six communautés politiques l'exis-
tence de deux Cbambres, — députés et sénateurs, — et dans les huit
autres une législature unique; mais chaque province a son gouverneur
ou président, élu pour une certaine période et assisté suivant quelques
' Mouvement postal dans r,\i'H''nlinp en 18!M :
l'JtiJ5i 11(111 iMlics .'1 joiiMiiiiiv. s<iL( m Ji'IJL'I.-s pr linliilJiit
* Koiiilii-u Ji's >V-ulcs t'I <li's «'li'vos <l:i[is l'Ar^iditiiK^ :
I«8j. 1 7*(1 ôci.l.>s, rmiui!nl£-cs pr . . I2i ItlW .Hrvrs.
18!H. 5 255 » . . 2i9 7(H) j.
' Kciile!i|iiiljliijiu>'. . . . 21011; ;>r.'.i9 iimres<i>nrs; litnOO .■lùn-s.
ji iiiirliiiilifiTs.. , «."..ï I Iî:.)! )> Mfim I,
(M. (;. ami E. T. Jt.Jlli.tlI.)
GOUVERNEMENT DE L'ARGENTINE.
779
tes locales par un vice-gouverneur. Le droit de vote appartient à
les citoyens mâles pour l'élection des corps municipaux, des législa-
s provinciales et du Congrès. Les titres, les prérogatives de naissance
;nt abolis. Les étrangers non naturalisés sont admissibles aux fonc-
i du municipe el
ïsent de tous les
Is civils des na-
peuvent exercer
industrie et leur
èssion, se livrer
commerce , pos-
r des immeubles, -
acheter et les
ler, naviguer sur
fleuves, exercer
culte en liberté,
■r et se marier
ormément aux
: ils ne sont point
;és de se natio-
ier, ni de payer
ontributions for-
extraordinaires,
naturalisations
Liennent par deux
ies de séjour ou
tôt encore par
«rvices émincnts
lus à la Républi-
Quant aux fils
'angers, ils sont
s de choisir leur
inalilé à vingl et
ans, soit qu'ils
lient garder l'état politiqui
:ntins.
; Congrès national, siégeant à Buenos Aires, capitale officielle de ta
'édération, comprend deux corps élus. La Chambre dos députés se
pose de représentants nommés directement par le peuple des pro-
du père, soit qu'ils préfèrent devenir
780 NOUVELLE GÉOCitAPHIE UNIVERSELLE.
vinces et de la capitale, à raison d'un mandataire pour 20000 habitants on
d'une fraction supérieure à 10000. Faite d'après le recensement de 1869,
la répartition des sièges attribue 9 députés à la ville et à la pronncede
Buenos Aires; les 61 autres membres de la législature sont délégués
par les provinces; un nouveau cens augmenterait la proportion au profil
de ta capitale et de Santa Fé. Les députés, nommés pour quatre ans, sont
rééligiblcs et rétribués. Seuls ils ont l'initiative des lois relatives aoi
impôts et au recrutement des troupes; seuls ils ont, devant le Sénat
constitue en tribunal, le droit d'accusation contre le président, le vice-
président, les ministres et les membres de la Cour suprême. Le Séoil,
modelé sur celui des Ëtats-Unîs, se compose de deux sénateurs par pro-
vince et de deux sénateurs buenos-airiens, désignés pour neuf années el
rétribués. Dans les provinces, ces membres sont nommés par les légis-
latures à la majorité des suffrages ; à Buenos Aires, par une junte .d'élec-
teurs choisis au second degré. Le vice-président de la confédération est de
droit président du Sénat. Les sessions normales durent du 1" mai au
50 septembre. Il est rare que les élections soient l'expression sincère de
la volonté des citoyens : d'ordinaire les notables réunissent leurs clients,
leur distribuent des bulletins et les mènent en rang à la salle du vote'.
D'après les fictions constitutionnelles si fréquemment mises à néant par
les intrigues, les machinations politiques et tes révolutions, le président
et le vice-président de la République sont élus par une assemblée d'élec-
teui's choisis en nombre double des mandataires au Congrès, députés et
sénateurs. La majorité absolue des voix décide de l'élection, valable
pour six années. Le président, qui possède les mêmes pouvoirs royaui
([u'aux Étals-Unis, est assisté de cinq ministres, préposés à l'intérieur,
aux relations extérieures, aux finances, au culte et à l'instruction publique,
à la guerre et à la marine. Ces personnages peuvent assister aux débals
du Congrès, y prendre pari, mais sans émettre de votes.
Le pouvoir judiciaire de la Confédération s'exerce parune Cour suprême
de justice, composée de neuf juges et de deux procureurs fiscaux domi-
ciliés dans la capitale : en principe ils sont inamovibles, « sauf en cas
d'indignité constatée w.
Quoique tous les cultes soient libres, le gouvernement rétribue le clergé
l'I fait au nom de la nation profession de foi catholique : la hiéi-archic
ecclésiastique présente un caractère officiel. Le territoirede l'Argentine se
divise en cinq diocèses : l'archevêché de Buenos Aires, occupé par un
' Thomachot. Noies manuicritei.
GOUVERNEMENT DE I/ARGENTINE. 781
Argentin natif, et les évôchés du Littoral, — avec siège épiscopal à Parana,
— de Gordoba, du Cuyo, — avec San Juan pour chef-lieu, — et de Salta.
Le corps ecclésiastique se compose d'environ 650 prêtres, et de 200 moi-
nés de diverses dénominations, employés dans l'enseignement; les prêtres
ont le droit de se présenter aux suffrages des électeurs politiques.
L'armée, sur le pied de paix, se compose de huit à dix mille hommes
et de 1700 officiers; en 1893, on a décidé de constituer une force de
15600 soldats. Comparée à celle du Chili, puissance rivale, elle est
notablement plus forte, mais beaucoup moins bien encadrée, moins solide
pour TofiFensive; elle surabonde en officiers à fort traitement, tandis que
les sous-officiers et les soldats ont une paye très inférieure*. Mais la garde
nationale, dans laquelle les gouverneurs puisent librement en cas de
dissensions civiles, comprend plus de 400 000 hommes, c'est-à-dire
tous les citoyens valides de 17 à 45 ans; au delà de cet âge, jusqu'à
60 ans, on entre dans la réserve.
La flotte, d'environ 24450 tonnes, consiste en cuirassés, canonnières,
torpilleurs, avisos et transports, porlant 150 canons et montés par environ
1500 marins.
Les finances de la République sont en un triste état, les dépenses l'em-
portant régulièrement sur les recettes et le service des intérêts dus
représentant une somme déjà supérieure à celle des recettes annuelles*.
En conséquence la dette s'est vite accrue, et, proportionnellement au
nombre des habitants, atteint un chiflre très élevé; divers arrangements,
c'est-à-dire des banqueroutes partielles, des réductions d'intérêt, la
diminution des pensions et retraites, l'émission constante de bons du
* Officiers de Tai'mée ai^entine en 1893 :
Généraux de division et de brigade 42
Colonels et lieutenants-colonels 424
Majors et capitaines 635
Lieutenants, sous-lieutenants et enseignes 685
Ensemble 1784
* Budgets successifs de TArgentine, de 1866 à 1891 :
Recettes 2 945 000 000 francs
Dépenses 4 450 000 000 »
Déficit 1 505 000 000 francs.
Budget de l'Argentine en 1891 :
Recettes 271 800 000 francs.
Dépenses 447 230 000 »
Déficit 175 430 000 franc».
783 NOUVELLE GÉOGRAPSIE UNIVERSELLE.
trésor, n'empêchent pas le déficit de grandir d'année en année'. Ëo
outre, il faudrait y ajouter des obligations que l'on considère babitnelle-
ment comme faisant partie de la dette publique, les garanties des voies
ferrées et le papier-monnaie, le tout pour plus d'un milliard; on a tu le
gouvernement incapable pendant des mois de payer le gaz d'éclairage pour
le palais de la nation et ûnalemcnt menacé de la suppression des con-
duites. Quant aux finances provinciales, elles sont alourdies par ta dette,
et la plupart des grandes villes, à commencer par Buenos Aires, onl
aussi leurs ressources obéi'ées. L'Entre-Rios, qui devrait payer chaque
année M millions d'intérêts, n'a qu'une recette annuelle de 15 millions.
L'ensemble de la dette nationale, provinciale et municipale dépasse
trois milliards de francs*; les diverses entreprises dites nationales ssoat
également très endettées envers l'étranger; on évalue déjà à 90 pour
100, soit à 1700 millions de francs, la valeur totale des actions que
les Anglais possèdent sur les chemins de fer argentins. Mais il faut
compter à l'actif de l'Argentine les vastes étendues de territoire non
encore vendues.
Chacune des provinces se divise en déparlements et se subdivise en
partidos. Les « tcmtoires » sont censés appartenir à l'ensemble de la
nation. Les autorités provinciales sont directement élues sans intervention
du gouvernement fédéral; mais le président de ta République, d'accord
avec le Sénat, donne aux territoires un gouverneur pour trois années, et
celui-ci nomme les juges de paix dans les districts. Chacune de ces divi-
sions ayant plus de 1000 habitants a le droit d'élire son conseil munici-
pal; quand le territoire a 50 000 habitants, il élit sa législature; arrivé
à une population de 60000, il demande son entrée dans la République
à titre de « province argentine ».
■ Uetic Ac l'Argentine en 1803 :
Délie nalionate 610 500 000 fi-sincs.
Dollc cïlérîpurc 877500000 »
Ensemble 1518000000 francs.
• Dette nationale, avec le papier-nionnait!, les Iwns du
Irûsor et les garanties d'inlûrcts 2 500 000 000 francs.
Délie proWncialc 700 000 000 »
n municipale 220000000 ji
» de Buenos Aires 230 000 000 <>
Ensemble 3 050 000 000 francs.
G0UVER:4EIIE>'T de L'ARGEKTIIÏE. TS3
Le tableau suivant donne les provinces et territoires de l'Argenline, avec
leur superficie d'après Latzina, leur population estimée en i895 et le
nombre de leurs dôpademonts :
lERWiom.
Il
i
^^
on
nOVIKCE.
„..l..
S 3
il
h
CBIFS-LIIUI.
Territoire . .
Hisiones
53 954
16 000
0,18
6
Posadas
Province . .
Corrienles. . . .
81148
240 000
2,9
25
Corrienlcs.
u
Enlre-nia<. . . .
75 457
255 0«0
5.4
14
Parani.
Territoire , .
Forraosa
H5 671
6 000
0.05
Formosa.
)i
Chaco
134 834
40 000
0.5
Rcsialencin.
Province. . .
Sanla Fé
151 582
500 000
2,5
16
Santa F<i.
H
JuJ"!
45 286
70 000
1,5
13
Jujuj.
H
SalU
138 26(1
175 000
1,5
20
SalU.
»
TucuiDin
24199
210 000
8,6
g
Tucuman.
M
SinliagodelEsIcri).
102 555
215 000
2.1
14
|>
Catamarc» . . .
90 644
115000
1.5
15
Catamarca.
)l
URioji
89 050
100 000
l,t
16
La Rioja.
II
San Juan
97 805
100 000
1,02
15
San Juan.
1,
Mcndoia
160 815
160000
0,9
17
Nendou.
„
San luis
75917
105 000
1,4
8
San Luis.
1)
Cordoba
174 7G7
340000
1,9
24
Cordoba.
Dislr. féJériil.
Capitale
182
580 000
5187
Buenos Aii'cs.
Province. . .
Buenos Aii-cs . . .
511 162
900 000
2.9
86
La PUta.
Terriloirc . .
Pî-mpa
144 919
40 000
0,5
15
General Acha.
n
Nfuqueu
109 081
20 000
0,2
5
Chos Halal.
»
Rio Negro
212 105
25 000
0.1
7
Viedma.
»
Chubut
247 551
5 000
0,02
2
Rawson.
„
Sanb Crui. . . .
276 910
3 000
0.007
4
Santa Cniz.
"
TierradeIPucgo. .
SI 048
1000
0,04
L'shuia.
Ensemble . .
2 894257
4 030 000
1.4
CHAPITRE VI
ILES FALKLAND ET GEORGIE DU SUD
(falkland islands et SOUTH georgia)
Cet archipel, qui s'élève du fond de TAtlantique, à la distance de
550 kilomètres à Test du détroit de Magellan, porte un nom anglais, mais
non celui du marin qui le découvrit. Davis, le premier, aperçut les îles en
1592; deux années après, le pirate Hawkins y loucha dans son expédition
de pillage sur le littoral du Chili, et les baptisa Maiden hlandsy — « Iles
de la Vierge, )> — en l'honneur de la reine Elisabeth. Puis le Hollandais
Sebald de Wert, en 1598, leur donna son nom. Près d'un siècle plus tard,
en 1689, le navigateur Strong les dédia à son ami Falkland et cette
dénomination a fini par prévaloir, quoique l'appellation de Malouines, due
à un marin de Saint-Malo, ait longtemps figuré sur les cartes françaises et
espagnoles, et que les Argentins, revendiquant Tarchipel comme leur
domaine, gardent officiellement le nom de Malvinas.
En 1764, Bougainville fit les premières tentatives d'appropriation en
lâchant du bétail dans Tarchipel, mais ne fonda point de colonie propre-
ment dite. Comprenant alors la valeur de ces terres océaniques, le roi
d'Espagne voulut y établir une station militaire; mais la prise de posses-
sion ayant été accompagnée de voies de fait contre des sujets anglais, le
gouvernement britannique protesta aussitôt, et l'amiral Byron vint en
1765 formellement réinstaller ses compatriotes au nom de l'Angleterre,
sans contester du reste les droits supérieurs de l'Espagne; toutefois le
précédent était grave, le poste anglais d'Egmont ayant été construit sur la
baie du même nom. Après la guerre d'Indépendance, la république Argen-
tine, héritière de l'Espagne, profita de ce que le poste militaire des Anglais,
trop coûteux à entretenir, avait été abandonné, et en 1828 donna la con-
cession des îles F.alkland à un éleveur de bétail, Louis Vernet; celui-ci
XIX. 99
7R6
NOUVELLE GÉOGRAPHIE DNIVEBSELLE.
s'y maintint pendant trois années, jusqu'au jour uii, s'étanl permis de récla-
mer un droit fiscal c^ des navires baleiniers appartenant à l'Amérique du
Nord, il s'attira la visite d'une corvette qui bombarda son village et le
réduisit en cendres. Deux années plus tard, la Grande-Bretagne reprenait
possession définitive des îles Fatkland, et c'est en vain que l'Ai^enliDe
protesta contre cette annexion : quoique dépendance naturelle du conti-
nent sud-américain, l'aichipcl est devenu colonie anglaise, comme, à
l'autre cxti-émilé, une partie des Guyancs et les îles Trinidad et Tobago.
L'une des moins importantes dans l'immense empire colonial de l'An-
^leterit', cette possession des panigcs antarctiques a pourtant une valeur
i-oinme ferme à bestiaux; mais ses détenteurs l'apprécient surtout comme
poste commercial stratégique, surveillant la porte de communication entre
les deux Océans. Les iles Falkland, situées sous le 32° degré de latitude,
c'est-à-dire à la même dislance de l'équaleiir que l'Angleterre méri-
dionale et la Néerlandc, sembleraient par leur climat beaucoup plus
i-ippi-ochécs du pôle, et les montagnes, qui en occupent la partie septen-
ILES FALKLAND. 787
Irionale, et dont Tune, le mont Adam, atteint 706 mètres, ajoutent a
l'aspect polaire de ces terres océaniques. Par la découpure des côtes, par
les détroits profonds qui séparent les deux îles principales et les cent
îlots environnants, par les traces d'anciens glaciers, les Falkland sont
é>idemment le reste d'une côte découpée en fjords comme les terres
magellaniques, et l'alignement général consiste en arêtes orientées du
nord-ouest au sud-est. En hiver, les neiges qui séjournent sur la mon-
tagne et qui blanchissent les plaines pendant quelques heures accrois-
sent la ressemblance; mais les Falkland, exposées à des vents d'une
violence extrême, n'ont point de végétation arborescente comme les
monts de la Terre de Feu, entourés de forêts à leur base : on prétend
même que dans les jardins des colons le vent arracha parfois les légu-
mes du sol, les emportant comme des pailles. Les pluies sont fréquentes
et souvent des brouillards baignent l'archipel, surtout au printemps et en
automne, comme dans la mère patrie; mais ils se dissipent ordinairement
vers le milieu du jour. Le climat, essentiellement maritime, n'oflre pas
d'écarts très amples de la chaleur au froid, et, sauf la violence des vents,
n'a rien d'extraordinaire pour des colons venus de la Grande-Bretagne :
Port Stanley est encore plus humide que Londres*.
Après l'herbe savoureuse dite tussock {dactylis cespitosa) qui nourrit
les troupeaux, la végétation la plus abondante est celle des mousses et
des sphaignes : une grande partie de la contrée, même sur les pentes des
montagnes, se tapisse de tourbe au sol tremblant, où l'on a peine à
tracer le moindre sentier. Seuls quelques renard$ représentent le monde
des quadrupèdes. Les oiseaux aquatiques tourbillonnent en multitudes
autour des îlots, dans les baies et les étangs de l'intérieur des terres, et
parmi ces espèces plusieurs s'apprivoisent facilement : les pingouins
s'alignent comme des soldats sur les corniches de rochers, si nombreux
que le gouverneur de l'île est ironiquement désigné sous le nom de
c< roi des Pingouins » ; on les massacre chaque année par centaines de mille
pour en retirer de l'huile. Les pêcheurs capturent des espèces de saumons
et autres poissons, et naguère poursuivaient les baleines, maintenant deve-
nues rares.
Les animaux introduits dans l'archipel par Bougainville ont prospéré,
mais, par un étonnant contraste qui témoigne de l'influence du milieu
* Conditions météorologiques des Falkland et de la Géorgie du Sud, d'après MosthafT :
. Températures
Années . ' i^ . .
d'oh». Latituiie. maximale, moycnue. minimalo.
Port SUnley (Falkland). 5 SlMl' 24o,4 G» — 11«,2
Baie Royale (S. Georgia). 1 54» 31' i9«,7 1^,4 — i3o,2
788 NOUVELLE GEOGRAPHIE UBIVEnSELLE.
sur la Iransformalion graduelle des races, les chevaux sont de gcnéralioii
en généralion devenus plus petits, tandis qiie les bœufs oui grandi '. Tou-
tefois l'industrie pastorale néglige le gros bétail pour s'occuper de relève
des brebis. En 18r)2, un syndicat de propriétaires uruguayens ûl chiiii
d'une p<5niiisule de l'Ile orientale pour établir une eslancia et y iianjuer
une centaine de mille moutons. Le succès de la première enlreprisc en
lit naître de nouvelles, et en 1867 on introduisit les premiers troupeaux
dans l'île oicidentale, déserte jusque-là. En 1891, on évaluait à 676000
le nondire di^s moulons appartenant aux éleveurs des Falkland et la tonte
produisit plus de 1000 tonnes de laine, évaluées à 2675 000 fnincs;
en outre, les négociants de l'archipel entreposent les toisons importées
lie la Fuéi{ie. L'herbe des Falkland a des i|ualilés si nutritives, (pie
I. tisrw
ILES FALKLAND, GEORGIE DU SUD. 789
maint troupeau se compose de bêtes dont la toison pèse en moyenne
3 kilogrammes et demi, de laine assez grossière. Récemment on a com-
mencé d'expédier en Angleterre des viandes conservées par le procédé
frigorifique.
Port Stanley, le chef-lieu, possède un port « idéal >^ bassin naturel
abrité de tous les vents et bordé sur ses rivages par des couches d'herbes
marines qui amortissent le choc des navires. Nombre d'embarcations
éprouvées par le passage autour du cap Hoorn font relâche à Port Stanley
pour réparer leurs avaries et s'approvisionner de vivres frais*. Une anse
du port est remplie de bâtiments informes et démâtés, trop détériorés par
le naufrage pour qu'il vaille la peine de les radouber*.
L'administration de l'archipel est confiée à un gouverneur nommé direc-
tement par la reine et assisté de deux conseils, législatif et exécutif,
également au choix de la couronne. Les colons ont depuis l'année 1892
une faible part au gouvernement de leur île".
South Georgia, — la « Géorgie du Sud », — terre de 4060 kilomètres
carrés, appartient officiellement au domaine administratif des îles Falk-
land, quoiqu'elle ne soit pas habitée et que pécheurs et marins la visitent
rarement. On ne connaît même pas exactement la forme de tous ses
contours, bien que la statistique des possessions «inglaises en indique
la surface approximative : les marins anglais et russes qui ont relevé les
côtes n'ont pas pénétré jusqu'au fond des criques et en laissent le tracé
interrompu; le relief de l'intérieur était ignoré en 1882, lorsqu'une
expédition scientifique allemande vint s'établir dans la baie Royale., îi
l'extrémité orientale de l'île, pour prendre part aux études circumpolaires
entreprises alors par les principales puissances maritimes; mais ses
explorations ne dépassèrent pas les environs immédiats de la baie. L'île,
que dominent des sommets neigeux de 2000 à 2500 mètres, consiste
entièrement en roches anciennes dépourvues de fossiles, gneiss et schistes
argileux d'escalade très difficile, que les glaciers ont usés, creusant pro-
fondément les masses d'argiles sans consistance et laissant en saillie les
pitons et les promontoires de gneiss : des moraines, poussées autrefois
* Mouvement des échanges en 18111 : 4243 800 francs.
* Julio Popper, Boletin del Instituto Geogrâ/ico Argentino, tomo I, 1879.
' Superficie et population des îles Falkland en 1891 :
16 835 kilomètres carrés; 1 890 habitants; 0,11 hab. par kil. can*é.
Budget annuel : 235 000 fi*ancs.
790 KOUTELLE GËOGRAPUIE UNIVERSELLE.
par les glaces, se montrent à l'issue des vallées. Le glacier de Ross, dont
les fragments brisés flottent au loin dans la baie Royale, se forme dans un
bassin de réception d'au moins ioO kilomètres carrés. La limite infp-
rieure des neiges persistantes est d'environ 600 mètres,
Les brouillards rampent presque constamment sur les rochers et les
glaces de South Georgia, et même en février, le mois le plus chaud, k
neige tombe fréquemment. Aucun arbre ne croît dans l'île, et les natura-
listes allemands n'y ont recueilli que treize espèces de phanérogames,
dont dou/c se retrouvent dans l'archipel voisin et dans la Fuégie : h
treizième appartient à la flore do la Nouvelle-Zélande. Des mousses recou-
vrent les plateaux de j'intérieur et toutes les pentes tournées vers le soleil
du nord, tandis que les escarpements des roches regardant l'Antarctie
restent stériles. Otte partie de la flore insulaire, qui se rappi'oche des
formes arctiques, donne à South Georgia un caractère bien distinct des
autres terres sud-américaines'. La faune de l'île comprend, à côté di'
diverses espèces de pingouins, un oiseau chanteur de la famille des
alouettes.
■, Die IkuUrhptt Exprdilioiien uml ihie Ergebnutr.
GEORGIE DU SUD. 701
La Géorgie méridionale se trouve sous la même latitude que la Terre
de Feu, c'est-à-dire plus au sud que les îles Falkland et dans une posi-
tion beaucoup plus isolée au milieu de la vaste mer, loin de toutes les
grandes voies de la navigation, à 2000 kilomètres à l'est du détroit de
Magellan et sous l'action directe du courant polaire antarctique : la tem-
pérature moyenne y est de plusieurs degrés plus basse que celle d'Ushuia,
sur le canal de Beagle. Le climat, venteux et humide, mais assez égal,
conviendrait, pense-t-on, à l'élève des bêtes ovines, comme celui des
Falkland; l'herbe nourricière, le tussock, y croît jusqu'à l'altitude de
500 mètres. Toutefois qui n'hésiterait à demeurer, au milieu des pluies
et des orages, dans une prison rocheuse perdue à l'extrémité du monde?
Au delà, vers le pôle antarctique, les mers parsemées de glaces flot-
tantes recourbent leur surface sur l'immense rondeur planétaire, atten-
dant toujours les Scoresby et les Nansen qui diront les mystères de ces
étendues inexplorées.
DERNIER MOT
En achevant ce long travail, commencé au temps de ma jeunesse,
je me félicite de la chance heureuse qui m'a permis de ne pas
manquer une seule fois, dans le cours d'une vie pourtant mouve-
mentée, aux engagements de publication régulière que j'avais pris
envers mes lecteurs. Je reconnais toutefois que ma bonne volonté et
mon labeur consciencieux n'auraient pas suffi dans cette entreprise
si des collaborateurs dévoués ne m'avaient constamment soutenu de
leurs recherches et de leurs conseils.
Mon premier sentiment est donc celui de la gratitude. Je l'adresse
à tous les amis qui m'ont aidé directement ou indirectement, par
notes, lectures, correspondances, corrections, encouragements ou
critiques. Mais ce témoignage de ma reconnaissance, tous ceux
auxquels je la dois no l'entendront point! Regardant en arrière, je
vois le chemin marqué pour moi de distance en distance par le
souvenir des compagnons de travail que la mort a recueillis. C'est
vers eux surtout que se dirige ma pensée à la fin de mon œuvre.
Sur cette dernière feuille j'inscris le nom d'Emile Templier, qui pour
publier la Terre et les Hommes, depuis longtemps à l'étude, vint
me chercher sur les pontons de Brest.
Cette période de vingt années, longue relativement à la vie d'un
homme, n'est qu'un rien pour la Terre, mais qu'elle a été bien
remplie! Que de découvertes et d'explorations se sont succédé,
m. 100
7» DERNIER tlOT.
ajoutant à nos connaissances premières et nous forçant à modifie
notre exposition du monde ! Le mystère des pôles est encor
inconnu, mais Nansen a su accomplir son merveilleux voyage di
rive à rive à travers le glacier continu du Groenland. Dans Tinté
l'ieur de l'Asie, le * Sanctuaire Éternel » où réside le divin Dalaî-
Lama reste depuis la visite de Hue inaboitlable aux profanes Euro
j)éens, mais le cercle des itinéraires se resserre chaque anné
autour du lieu sacré. Dans le « Continent noir >, le problème di
Nil, ceux du Zambèzc, du Congo, du Niger sont résolus. Partout li
réseau des voyages couvre la planète comme un filet aux maille
rétrécies. On a même commencé d'explorer avec méthode le mondi
souterrain, des cavernes, des catavothres de la Grèce, aux avens f
aux puits de Vaucluse et des Gausses. La carte des profondeurs ma-
rines, avec leur température, leurs organismes vivants, leurs dépoli
géologiques, se poursuit et se complète comme celle des continents.
Par des connaissances nouvelles l'homme se transforme, poui
ainsi dire, renaissant chaque jour.
En même temps, le rapprochement entre les terres lointaines se
fait plus étroit. l<'Atlan tique, si large avant les vikings de Non^
et les marins génois, est devenu dans le langage des matelots un
simple « fossé b que l'on traverse eu cent heures. Chaque anmV.
se l'accourcit la durée du tour du Momie, devenu maintenanl pour
quelques blasés une fantaisie banale. Tellement rapetissée est la
planèle entre les mains de l'homme qu'elle se donne partout un
même outillage d'industrie, que par le réseau continu des senices
postaux et des télégraphes elle s'est enrichie d'un système nencuï
pour l'échange des pensées, qu'elle cherche un méridien commun,
une heure commune, et que de toutes parts surgissent les inven-
teurs d'un langage universel. Malgré les rancunes de la guerre,
malgré l'hérédité des haines, l'humanité se fiiit une. Que nui-
origines aient été multiples ou non, cette unité grandit, elK'
devient une réalité vivante.
Devant ce monde qui se modifie tous les jours et dont je ne puis
suivre les changements que de loin, j'ai cependant tâché de voir
DERNIER MOT. 795
clairement les terres décrites comme si je les avais réellement sous
les yeux et d'étudier les hommes comme si je me trouvais dans leur
société. J'ai voulu vivre mes récils, en montrant pour chaque pays
les traits qui le caractérisent, en signalant pour chaque groupe de
l'humanité le génie qui lui est propre. Partout, dirai-je, je me suis
trouvé chez moi, dans mon pays, chez des hommes mes frères. Je
ne crois point m'être laissé entraîner par un sentiment qui ne fût
pas celui de la sympathie et du respect pour tous les habitants de
la grande patrie. Sur cette boule qui tourne si vite dans l'espace,
grain de sable au milieu de l'immensité, vaudrait-il la peine de
s'entre-haïr?
Mais, en me plaçant à ce point de vue de la solidarité humaine,
il me semble que mon œuvre n'est pas achevée. Avant d'étudier
par le détail la surface planétaire et les peuples qui l'habitent, j'avais
essayé dans un ouvrage, la Terre, d'étudier la vie propre du globe
tel qu'il se présente isolément, préparé pour recevoir l'humanité
qui anime ce grand corps. C'était une sorte de préface à la série de
volumes que je termine aujourd'hui. Mais ne faut-il pas conclure?
L'Homme a ses lois comme la Terre.
Vue de haut et de loin, la diversité des traits qui s'entremêlent
à la surface du globe — crêtes et vallées, serpentines des eaux,
lignes des rivages, sommets et profondeurs, roches superposées —
présente une image qui n'est pas le chaos, mais au contraire, pour
celui qui comprend, un ensemble meneilleux de rythme et de
beauté. L'homme qui contemple et scrute cet univers assiste à
l'œuvre immense de la création incessante qui commence toujours
et ne finit jamais, et, participant lui-même par l'ampleur de la com-
préhension à l'éternité des choses, il peut arriver, comme Newton,
comme Darwin, à les résumer d'un mot.
Et si la Terre paraît logique et simple jdans l'infinie complexité
de ses formes, l'humanité qui l'habite ne serait-elle, comme on le
dit souvent, qu'une masse aveugle et chaotique, s'agitant au hasard,
sans but, «ans idéal réalisable, sans la conscience de son destin?
796 DEHMEn SOT.
Los niignitidtiw en sens divers, les peiiiiUmioiits et les oxoiics. la
ci'oissancc ol la diîcroissance des rialions. les civilisalions et les
décadences, la l'ormalion el le di^placemenl des ccnlres vitaux ne
sont-ils. comme il semble an premier abord, que des faits et encDrc
des faits juxtaposés dans \v. temps, sans qu'un l'Vtlime en règle les
oscillations infinies et leur donne un sens général exprimable par
une loi : c'est là ce qu'il iinporle de savoir. Le développement de
l'homme est-il en harmonie parfaite avec les lois de la Teriv?
Comment chaiige-l-il stins les mille înlluences du milieu changeant?
Les vibrations sonl-clles simultanées et de siècle en siècle modi-
lient-elles incessamment leurs accords'.'
l'eut-èlie le peu que nous savons dijà nous permetlra de viiir
plus avant dans les ténèbres de l'avenir et d'assister aux événements
qui ne sont pas encore. Peut-être arriverons-nous à contempler par
la pensée le spectacle de l'histoire humaine, jusque par delà les
temps mauvais de la lutte et de l'ijîinjrance. et y reh-onverons-rioiis
le tableau i\v ffi-atideur el île bcaulé que nous prf'seiile déjà la Tern\
("l'est là a' que je voudrais étudier dans la mesure de mes fm-ees.
Du million de l'ails que j'ai dû énumérer de chapitre en chapilrp,
je voudrais extraire une idée générale et justifier ainsi en iin court
volume, écrit à loisir, la longue série de livres sans conclusion
a|iparente que je viens de terminer.
ELISÉE RECLL'S.
Pour ce dix-neuvième et dernier volume de la Nouvelle Géographie Universelle j*ai eu le bon-
heur d^avoir, comme pour les précédents, de très nombreux collaborateurs. Mon ami Henri Goudreau
a eu la bonté de relire et d*annoter les épreuves du chapitre sur les Guyanes. Les éléments utilisés
pour le chapitre sur le Brésil m*ont été fournis avec cette obligeance et ce charme qui semblent
être le privilège de tous les citoyens appartenant k ce merveilleux pays. Je citerai surtout : M. Eduardo
Prado, qui a eu la gracieuseté de me piloter dans mon voyage sur le Mogy Guassû et dans les
cafezaleê de Sâo Paulo ; M. Botelho, qui nous accompagna dans cette exploration instructive ; M. Fran-
cisco Leite Guimarâes, qui nous fit étudier sa plantation en détail et me procura de très précieux
renseignements; M. de Taunay, qui m*accueiUit avec tant de grâce, m*ouvrit les trésors de son
expérience des hommes et des choses, et me permit même de consulter ses mémoires personnels ;
M. Charles Morel, l'éditeur de VÉtoile du Sud, qui connaît admirablement sa nouvelle patrie et me
mit en relations avec d'autres pei^sonnes de savoir. Un de mes amis personnels, M. Fleuret, me fit
étudier de près la vie de Rio. Je dois une reconnaissance toute spéciale au botaniste vétéran, M. Gla-
ziou, ainsi qu'aux membres de la Société de Géographie et de l'Institut historique, notamment à
MM. de Paranagua, Uomem de Mello, Rafiard, Barbosa Rodriguez. Â Paris. M. de Rio Branco a mis
à ma disposition les caries, les documents, les albums qu'il possédait. Pour l'Argentine pouvais-je
avoir de meilleur guide que M. Francisco Moreno qui a tant contribué, comme géographe et archéo-
logue, à l'étude approfondie de sa terre natale? M. Albert Hans a eu aussi la bonté de contrôler
efficacement mes épreuves relatives au Paraguay et M. Simonnet a revu celles de l'Uruguay et de la
république Argentine. Un ami de vieille date, M. Thomachot, m'avait envoyé d'amples descrip-
tions. M. de Bourgade la Dardye, auteur d'un excellent ouvrage sur le Paraguay, a bien voulu
aussi me signaler quelques erreurs et omissions de mon travail. M. Polguère a revu les épreuves
du dix-neuvième volume avec la même conscjence et la même sagacité que les dix-huit volumes
précédents. Enfin comment remercier M. Charles Schiffer du dévouement avec lequel il a colla-
boré à l'œuvre commune, y consaci'ant ses veilles, et faisant l'impossible poui* que nul accident
d'impression, de gravure ou autre n'arrêtât le cours régulier de la publication! A tous, carto-
graphes, dessinateurs, graveurs, compositeurs, correcteurs et imprimeurs, le témoignage de ma
gratitude profonde !
INDEX ALPHABÉTIQUE'
Abacaluaraf 28G.
Abacaxis (rio), 133.
Abaétc, 285.
Abipon, *521, 522, 587, 679,
714.
Abrolhos (récifs et aixhipels),
268, *269, 270, 294, 295.
Acaracù (rio), 235.
Acarahy (port), 292.
Acay, 507, 595.
Acha, *651.
Achiras, 727.
Aconcagua, 599, 600, 630,
719, 727.
Aconquija (mont), 596, 597,
598, 620, 621, 650, 710,
714 et suiv.
AcoquOf 47.
Adam (mont), 787.
Agrio (rio), 639.
Agua Negra (col d*), ou de la
Laguna, 600.
Aguapehy (rio), 424.
Agiiapcy (rio), 414.
Aguas Bcllas, 286.
Aguas \ii*tuosas (serra das),
367.
Aimores ou Dotocudoê, 309,
405.
Aimores (serra dos), 256, 266,
293, 419.
Akawoi, Waika ou Kapohu,
42.
Akroa, 210, 228.
Alagôa Grande, 239,
Alagôas (Ëtat), 115, 218, 248-
*251, 286, 488, 495.
Alagôas (ville), 250.
Albina, 74.
Albuquerquc, 437.
Alcantara, 230, 250.
Alegre (rivière), 424, 438.
Alegrete (ville), 414, 415.
Alemquer (campo et ville),
150, 193.
Alexandra, 388.
Alfredo Ghavez, 296.
Aimas (serra das), 256, 300.
Almeida, 295.
Almeirim (serra et ville), 137,
196.
Altos (cordillera de), 509, 536,
547, 597.
Alumine (volcan et lagune), 605,
640.
Amacuru (rio), 22.
Amambahy (morne), 426.
Amambay (sierra), 506.
Amarante, 234.
Amarga, 623.
Amaripaf 39.
Amari*açâo, 235, 250.
Amazonas, Amazonie, 114, 117-
202, 460, 488, 493, 495.
Amazone, Maraûon, Solimôes ou
Alto Amazonas, rio de las
Amazonas, 14, 16, 22, 118,
123, M47, 260, 418, 431.
Ambato (monts d*), 596, 714.
Amuku (lac), 11, 16.
Anajas (rio), 137.
Ancaste (monts), 597, 714.
Anchieta, Bcnevente, 296.
Andalgalâf 675.
Andalgala (Fuertc de), 714,
*715, 716, 726.
Andes (cordillère Andinc), 748,
751,767, *774.
Angaitcs, 518, 519.
Angicos-Assû, 238.
Anglais (banc des), 628.
Angostura, 540.
Angosturas (sierra de las), 605.
Angra dos Reis (ville), 335.
Anhambahy (serra de), 421.
Anhambuhy (rio), 416.
Animas (sierra de las), 557.
AntUiens ou Chunchos, 176.
Anton ina (port), 387.
Antonio Yaz (île), 243.
Antuco (mont), 639.
Aoua, Lawa (rio), 22, 23, 71.
Aourriaoua (mont), 12, 15.
Apa (rio), 417, 429, 503, 506,
508, 518.
Apapuris (rio), 123, 127.
Apiaca, ApiabOf 177.
Apiahy (mine), 382.
Apinagéê, 210.
* Les numéros précédés d*un astérisque indiquent la page où se trouve, la description la plus
complète des lieux ou des peuples désignés.
Appa (fBiiidu» d'), 507, D3i.
097.
Apitare, 517.
Approuttgiiu (rivière), 35, 97,
■i». 80.
ApprouRguc (ïilbga), S4.
ApureiDi (ville et dislricl), 88.
Aquiandana (rio), 430.
Aquidnlxin (no), 508.
Aquiri, Aquirj (rio), 135, 18*,
480.
knià (rio), 13.'>.
Aracajù, 19».
Aracajd (vUle), â8G, '207. 495.
Araealy, 257. 350.
Amuojaba, ri83.
Arjguari (fleuït). 14. 24, 37.
38, 71
Aniguav, Aranqiiaj-Guam (rio).
515.'
Aragiiaïu (rio Grande), 115,
tl>5,' 181. 304. 30(1. 307,
210, 3I«, 317, 351, 557.
Ai-.iiiiinii, llermina ou Siul du
Gjmnolo, 35.
Arara, ruma, 178. 180.
Araiiicmm (rapide), 135.
Aram (ville), 380.
Anry (lac), 109.
Aratal (rivière), 80.
Araucaïu. 675, 679, 685, 684,
600.
Arawak, Araouaiptei.Araoua-
gtt, Lûkono, Lukkunu, '50,
40, 165, 175, 176.
An\3 (pliiLcnu). 431, 433, 439.
Archimèdo (Ikidc), li^8.
Arecaiia, 42.
Aregua, 556.
Argeiiline, 505, 564, 353, 575,
585 et suiï.
Argrentlno, 645. '644, 645,
646. -647,668.
Ariiis (rio), 708.
Arinosfrio), 151, 435,
Aroaa, 88.
Anncifcs, 744.
An-oyo Pintado, S66.
A[-ti|^», 573, 581.
Arulia(riQ), 39.
Assni'uâ (serra ila). 285.
Asuncion, 499, 504. 503, 507 .
513, 515. 554, '553, 5:.".
jia, 546. 547, 348. 551.
381.
ALili!i]m liMliiiii.'), 127,
Al.ijo(i]i' ili'l). :iU,
ACnjo (viiTiii di']),5UG,
Alubij, ^50.
INtiKX ALPITABfiTIQUE.
Alnlava. 742.
AUrais-iui. 633, 713. 736.
Alùmi. Moiadi, 59. 40. 41.
170.
AtuoI (rio), 60S. 034.
Auea-ekf, 687.
Aueatu. Anea, Djofka, Youka,
49. 50. 53, 55.
AvanhaJKva. Atanlundava (eu-
Imcle), 551, 580.
AïBli Pai-ana (Airo). 123.
Av!«n(ria). 607, 641.
Aiid, CnluTû, 743. 744. 748.
IWpumlj- (ïitjo), 567.
ttagagom, 368.
liagii (ville), m, 415.
Bagiule» (curJilli-ni de los), 607.
Uahin (Ëlal). Hb. 3.S3, 373,
388-295.' 447, 458. 460,
488. 495.
Dahia (Sun Sdvjidnr de Baliîu),
94. 95. 97, 98, llfi, 255,
271. 377, *2S8, S8!J, 390.
391, 297. 360. 410, 441
446, 448, 457, 458. tëO.
485, 491. 494, 495,
Itahii Blaiicii (esiiiairo), 635,
659. e.'iO. 663, im. 664,
605, 743, 745, 746. 748,
773.
llnhi» .\<!gra (conOucnt de l'Olu-
quis). 429.
Baic'itojale, 787, 789, 790.
Bniliquc (Hv), 89.
UakaM. 179, 186.
Hiillcna (motil), 665.
Iblncitria, 574.
itaiiBnal (ile), SOC, 913.
B.inanGÎi'as, 239.
BanidyTO (rio), 626. 704.
Baramaniii (lagune), 57.
finrbaccna (ixcud de), 354.378,
564,565; — (tille), 595.
BaiTcllos 187.
Ibriii (i:uiiL.'Jr;i,.Llii), ai6, ^85,
393.
Itivr-n iln ^(nrte, 594.
\\-.\rn di. l'ii-iht.SlO. 511,527,
333.
Ilnna do Ki» fiiunde, 297.
Bi>i-ra do Sul. 594.
BaiTi Mansa, 510, 335.
Barracas, 755, 748.
Ilai-ragan. 759, 740.
BaiTincas (Hodc h»), 603, 655.
Barlica. Itartica Cruri', 58, 59.
61: - («enn). 557.
BataUt» (ville), 580.
BaUvia, 67.
Balcl (rio), 634.
Baluritù. 330, 350.
fieagle (canal de), 791.
BuWeru (iat), 630, '033. 670.
Bcberibc (nu). 344.
llKOf». 49.
Mon. Voir Para.
Bclon (Argenliiie), 716. 730.
IWgrano, 735. 735. 759.
Bclla Vislii. 700.
Bellaco (mai-jis). 511.
Kello Uorisonle, 384.
Bulmunte, 367, 395.
KentleRo. 393.
iii^ni, Vi^ni (liu), 131, 133,184.
Bcrliii-y (rio). 30. ât. 37. 35.
40, 63, 6.'..
Bcmiejo. .i05, 514, 540, .'tgri,
«10. 618, 631, 027, 656,
676. 678. 707, 708.
BerasUdl. 704.
BriomK, 247.
Kiguassù (Ho et rille), 594.
Biollio (rio), 60S, 640, 751.
BIanco(ri()).599.
BlancA (cap). 607.
Blumonau, 557, 593, 395, 595.
BoS Virgera, 532.
Boâ Visia (serra de), 188. 286.
354.
Bois Morlfs (serra), 95fi.
Boca (la), 755, 756.
Boeaina {serra). 500. 5iO.
Boch, yègret des Boia. Btah-
negroet, Botck Neg-ri, 4S.
50, 31. .■)3.
Bohan, 563.
Bois (rio dos), 5411.
Boin Alirigo (ijol). .Î85.
Bonifim (]iroçqu'ile|, 278. 29t.
Bom Jardim. 346.
ltotirU< (iiioal), :tW.
Buri)i, 186.
B<,ri>rô. 132, 455.
Uotoi-uilii», Buviing. Aimoret.
ISO, 210, 2:i5. 275. 274.
Boliicafù (ville), 582
Brfigaiiça. 202.
Ilr.ineo (rio Iliimco. ancien no
ÏNDEX ALPHABÉTIQUE
801
Parima), 16, 85, i5i6, lî27,
129, M30, 171, 17î2.
Bi-a va (sierra), 608.
Brazo da Madré de Deus, 247.
Brejo d*Areia, 239.
Brésil, 91-495, 500, 503, 504,
553, 555, 594, 756.
Brèves, 197.
Brilhante (rio), 419.
Buceo (baie), 571.
Buenos Aires (province), 662,
. 670, 748, 765, 767, 768,
770, 780, 783.
Buenos Aires, Puerto Santa Un-
ria de Buenos Aires), 418,
505, 528, 534, 535, 584,
587, 589, 615, 627, 650,
654, 655, 656, 675, 680,
693, 694,703, 730et8uiv.,
757, 763, 764, 772, 773,
776, 779, 780, 782, 783.
Buenos Aii*cs (lac), 642.
Bugres, Bougreê^ 361.
Buritvzal, 439.
Burras (rio de las), 595.
Burroburro (rio), 16.
Buta-cô (col), 603.
Caacati, 699, 707.
Cabaçal (rio), 432, 459.
Cabixi, 176.
Cabo, 247.
Cabo de las Virgincs, 754.
Cabi-obé, 286, 297.
Caçapava, 368.
Càcercs (lac, baie), 425, 441.
Cachi (nevados de), 595, 618.
Cachi (viUe), 709.
Cachinitif 176.
Cachipour (rivière), 14, 24,27,
28, 29, 88.
Cachocira (rio), 591; — (ville),
407.
Cachocira et Sâo Félix, 291,
297.-
Cachocira du ParaGuassû, 477.
Cachooiro, 296.
Caclhé, 228.
Cacthé (village), 284.
Cafayate, 675, 709.
Cahy (rio). 402.
Caicô Principe, 258.
Cairrit, Caïrrid Dekenou (mont),
M, 12;- (gave), 129.
Cajnzcinis, 258.
Cal (cumbre de la), 609.
Galbuco (volcan), 615.
Cakhaqm, 673, 674. *675,
688,709,714,715,716,718.
Galdas (Ouro Fine), 368.
Câlina, 62.
Calingasta, 674. '
CamacaUf 274.
Gamacuam (rio), 398, 402.
Camamû, 292.
Gamerones (rio), 641.
Cametâ, 202.
Camocim, 235.
Gampana, 704.
Campanario (mont), 604.
Campanha, 367.
Campina Grande, 240.
Campinas (viUe), 357, 370, 578,
*379, 380, 395.
Campo do Meio, 396.
Campo Grande, 193.
Campo Largo, 388, 389.
Cami)os de Boâ Vista, 343.
Caropos de Jordâo, 343.
Campos du Paraguay, 516.
Campos du Parahvba, 311,*312,
335, 477.
Campos (Rio de Janeiro), 547.
Camuia, 202.
Canabury (rio), 128.
Caflada (rio), 609, 633.
Caâada de Gomez, 704.
Cananea (port), 346, 578, 583.
Canastra (serra da), 254, 258;
— (rio de la), 350.
Ganavieiras, 293, 297, 458.
Candelaria, 697.
Canelones (ville et département),
571,581.
Canguaretama, 239.
Caninde (rio), 234.
Cantagallo (ville), 311,335.
Cantareira (serra), 344, 372.
378.
Canucù (monts), H.
Ganuma (rio), 133.
CapazSo (serra), 256.
Capella, 286.
Capibaribe (rio), 244, 246.
Capiguary (rio), 509.
Capim, 2, 198.
Capivary (rio), 399; —(baie),
408.
Caiaça,255, 283, 484.
Caracarâ (luorno), 426.
Carcaraùa (rio et fortin), 584,
704, 731.
Carapaporis (détroit et bassin),
28, 87, 89.
Carauma (mont), 130.
Caravellas, 293, 294, 297.
Caraya, 165, 181, 211, 213.
CarbougreSf KarboegerSf 50.
Garibana, 2.
Caribes Caraïbes, 42, 45, 47,
165, 166, 171, 179, 180,
679.
Carihuairazo (volcan), 123.
Canjo, 5, 360, 405.
CarijonaSf 166.
Carinhanha (rio), 260 ; — (ville),
260, 285, 297.
Gariôca (mont et source), 318,
523.
Caripnna, 176.
Carmelo(Las Yacas),565.
Carmen (Paraguay), 533.
Carmen de Patagones, 588, 672,
684, 747, 748, 751.
Carolina, 219, 233.
Carsevenne (rivière), 24.
Caruani, 247, 250.
Casa Branca (ville), 379.
Casabinda (ancien lac), 708.
Caseros, 405, 696.
Cassiquiarc (rio), 127, 128.
Castello (morro do), 329.
Castillo (mont), 605.
Castle HiU (mont), 644.
Catagvdr, 276.
Catalin (sierra de), 605.
Calamarca (province et ville),
656, 657, 668, 675, 688,
*714, 716, 726, 760, 783.
Calanixi, 174.
Cattas Allas, 283.
Caucete, Independencia, 719.
Caux, Kaw (monts), 14.
Caviana (île), 157, 143, 145,
197.
Caïambu (ville), 367, 368,
395.
Caxias, 221, 233, 234, 250.
Cayapô, 209, 210, 228, 368.
Cayapo (serra), 206.
Cayeiras, 372.
Cavenne, 6,31, 73, *76elsuiv.,
84, 151.
Cayua, Cayova, 361, 362.
Cearà (État), 115, 218, 227,
229, 235-238, 272, 457,
460, 463, 495.
Cearâ (ville), 97. Voir For talcza.
Cearâ (rio), 256.
Cearâ Miriin, 238, 250.
Cebolaty, CeboUali (rio), 402,
559.
Centi*al (système montagneux do
TArgentine), 609.
Cerrito (Enti-e-Uios), 700.
XIX.
101
802
Cerrilo (Monlevideo), 571.
Cerrilo (Paraguay). 533.
Cerro (le), de Montevideo, 569,
570, 571.
Cerro Largo, 581.
Cerro Léon, 556.
Chacabuco, TU.
Chaco (Gran) (leiritoirc), 357,
503, 505, 506, 308. 515,
517, 518, 531, 522, 523,
531, 544, 54S, 554, 587,
588, 591, 6i5, 691, 656,
657, 665. 676, 677, 679,
699. 707, 76*. 785.
ChalUn (bourg), 725.
Chalten, 607, 608.
Chamboa, 213.
Champaqui (mont). 609.
Chana. 562, 565.
Chanilless (rio), 125.
ChaDi (ncvarla de), 596, 707.
Cbapada, 421.
Chapada Diamanlina, 292.
Chopccô (rio), 340. 402.
Chs>pel-co (mont), 605.
Charma, 703.
CA<imM,405, "562, 565, 752.
Chaschuil (rio), 629.
Chascomufi, 742, 748.
Ckatantêt. Akui Curulon, SIO.
213. 361.
Chapes (sierra de), 598.
Chemen Uuin (rio). 751.
Ckerentet. 210, 213.
Chichi (ou Cataractes du Soleil),
23.
Chico (rio), -646, 647, 684.
Ckikriabé, 210.
Cbilecito, Villa Ai^enlina, 656.
"717,718, 726.
Cbillan (Tolcan), 639.
Chinchipo (rio), 118.
Chiquila, Mar Chiquita, 621,
622, «02, 742.
Chiquilot, 176, 526.
Chiquitos (pays des), 419, 426.
Chirihuana, Chiriguanoi, Cam-
bet, 176, *676 et suiv.
Ckin
, 15.
Chivilcoy. 744, 748.
Chocle Choel, 641.
Chorillo (ruisseau du), 727.
ChosHalal ouBum Hahuida, 603.
Chos-Malul (Tille). 748. 783.
Chubut (rio), *641, 642, 694,
•752.
Chubut (territoire du), la Nou-
Tclle-Galles, 613. 6U, 615,
650, '751, 752, 753, 754,
759, 773, 785,
INDEX ALPHABÉTIQUE.
Chumbicha, 714.
Chuy (rio), 396, 556.
Cielo (campo del), 714.
Cinta (serra da), 228.
Cipreses (cordillère de los), 605.
640.
Garo (rio), 206.
Claïijo, 596.
Coagua, Coyagua, 517.
Coarv (rio), 124, 155.
Coary, Alvellos, 184.
Cobras (Me). 324.
Codajai, 184.
Coermoeribo, Cormonlibo (ri-
vière), 22.
Coesswijne (rivière), 21.
Coimbra, 442.
Colastind, 701.
Colhué(lac), 641.
Collon-cura (rio), 603, "630.
640.
Colon, 563, 695, 6»6.
Colonia del Sacrameoto, 555,
565, 581.
Colorado (rio de l'Argentine),
558, 595, 604, 612, 614,
620, '628, 634. 635, 648,
649, 655. 662, 682, 683,
747, 748.
Comachigones, 674.
Commewijne (rivière), 23, 69.
Concoiïio, 283.
Concepcion (Paraguay), 534,
542.
Concepcion de l'Argeotine, 746.
Concepcion del Uruguay, 695,
■696. 707.
Conchas (las). 739.
Concordia de l'Uruguay, 565;
— de l'Argentine, 695, 707,
772.
Conflucncia, 534.
Confuso (rio), 513, 534.
Congonbas de Campo. 279.
Congonhas de Sabari, 271.
Conlara (rio), 609.
CoDias (rio de), 266, 268.
ConUs (Barra do rio do), 292.
Contendas (station thermale),
368.
Conlendas (Santa Anna de),
446.
Copahué. 748.
Coppename (rivière), 21, 67.
Coralilos, 557.
Coralamung (monts), li.
Corcovado du Brésil (rio cl
morne), 316, 318, 331.
Corcovado de l'Argentine (vol-
can), 606;— (rio) 007, 751.
Cordillèn; des Andes de l'ArgeD-
tine, 593 et suiv.
C6rdoba (massif de), '609, 615.
622, 63S, 663, 669, 716,
750.
Cordoba (tille et prorince), 5(tt.
589, 591. 656, 674, i04.
715, 715, '7S8, 7M, 7SS,
785, 776, -781. 785.
Coreahu (rio). 335.
CiMVDlyne, Corentijn (rÎTièie),
12, 20, 21, 27, 40.
Coroadot, Bugret, 310, 511.
"361, 562. 390, 405, 434.
Corona (chutes), 129.
Coronda. ou riacbo de Sanh
Fé. 701.
Corrienles (cap), GH. 628, 74!.
Corrienles (province), 500, 550.
547, 588, 591, 657. S66,
669, '697, 707, 766, 7S3.
Comentes (ville), 514. 695,
■697, 698, 699, 707, 785.
CorUderas (cid), 707.
Coniinbi(rio),349.
Coruinbi, Albuquerque, 437.
440, 441, 443.
Cosmopolila, 565.
Cosquin. 730.
Costa (sern da), 405, 407.
Cotinga (ile). 388.
Cotinguiba (rio), 286.
Cottica (riviùrc), 22, 69.
Ootuntuba (ilha de), 316.
Counani (rivière ot district). Si,
27. 86. 88.
CouHpi (village), 88.
Coiim (rio), 426, 441.
Coiim, Herculanco (ville), 441.
Coy Inlct, Govlc (estuaire), 64S.
Coyot. Coyà*. 674, 675, 768.
Crato, 187, 236.
Crevaui (colonie), 554.
Crichand. 172.
Crui de Pie-lra, 725.
Cruieiro, 368.
Cuarto (rin). 623.
Cualrero, 747.
Cubalio (port et serra), oK,
373, 374.
CuchiUa Grande, 557.
Cuevas (rui.tseau de M, 73i.
Cumbra (col de la), 600, 630,
719, 725. 724.
Cumbres de t Jkhaqui (monts).
596.
Cumucumu (monls), H.
CuAapii-û (rio), 564.
Cura-cô (rio), 635.
Cura Cokalio, 603.
Curicurian (morne). 129.
Curimatahù (rio), 3S9.
Corilibi, CuriUbp, CoritvU,
383. '384, 3&9, 391, 395,
iSl. 495.
Cumlinho, 334.
CurupaitT, 541.
Cururapû, 230.
Cunuù, &41.
Cuyabd, 439.
Cujabi (rio et mines), 41 6, 423,
4S&, 426, 433.
CujaU (ville), 417, 418, 419,
4S0, 430, 439, '440, 442,
495.
CuTO (région du), G94, 719,
781.
Cujuni (rio), 30, SB, 65.
Cuyuwioi (rio), 16.
Darwin (monl), 608.
Dajinan (rio), 563.
Detnitran, Demerari, Lemdrare
(Qeuve el disirici), 30, 27,
62, 65.
Desaguadero (canal), 630.
Dcsaguedero (rio), 726.
Dcseailo, Pucrlo I)escado (es-
tuaire et porl), 042, 754.
DesciAo (rio). 607, 642, 649,
655.
Dcsterro (Kossa Senhora de),
(détroit et ville), 393, 394,
395, 448, 480, 495.
l)eui Connétable» (île des), 15.
Uiamantc (rio). 503. 634, 701
702, 705, 724, 725, 726.
Diamantina, Tijuco (seuil), 256,
266, 278, 283, 297, 467,
■469.
Diamanlina, Chapada Diainan-
tina, 488.
Diamantino, 439.
Diana (Llanuras de), 648.
Didi, 46.
District fédéral (Brésil), 495.
District fédéral (Argentine),
783.
UivisSes (serra das). 256.
Dôce (rio), '267, 268, 271,
273, 277.
Doigt de Dieu (piton), 299.
Doislrmios (serra cl rio). 219,
221.
1, 730, 742, 748,
INDEX ALPHABÉTIQUE.
Domejko (morne), 608.
Dona Francisca (ville), 393.
Dourada (serra), 216.
Dourados (serra de), 433.
Douro (serra de). 204.
Dous Rios (rio Negro et rio
Grande), 300.
Dulce (rio), 621, 623, 670,
715, 714.
Duramo, 564, 581.
Emerillonê, 45, 46.
Encamacion, Itapui, 531,*532,
536, 542, 551.
Enchadas (ilha das), 399.
Enfant Perdu (Ilot), 14. 79.
Ensenada, 672, 7411.741.748.
Entre- Rios.mésopotamied'entre
Parani et Uniguaj, 310, 311,
475, 500, 624, 657, 673,
694, «96, 701. 707. 759,
757, 761. 764, 764, 766,
772, 782, 785.
Ere, Campo Ere, 340.
Erere (coUines), 138.
Esperania, 701, 702, 704. 707.
Espinhaço (serra do), 254. 255,
259, 272, 419, 466, 476.
Espirito Sanio (£lat), 115, 252,
295-297, 447, 460, 495,
525, 731.
Esquina, 700.
Essequibo, Essequebo, Aranau-
ma. Chip Oiu(riTière), 11,
19, M5, 20,27, 57,58.171.
Estancia. 288.
Estivado (ruisseau), 425.
Eslrella (serra da), 516.
ËUIs (ile des), 608, 648.
PalkUiid(lles),Malouines,Nal-
ïinas. 613, 785-789. 791.
Famalina (nevado de), 598, 509,
650, 675. 707, 717, 718;
— (ville). 717.
Faro, 193.
Faiina (ville), 381, 395.
Fecho dosHorros(le), 435, 443.
Federacion, 695.
Feira uu Foire de Santa Anna,
291.
Fernando ou Femlo ds Noronha
(ile), 923, -224, 225, 227.
250, 951.
Ferreira Gomes (cobnie), 88.
"■ ■ ■ 675.
(rio). 699.
Fiscal (île), 493.
Fitiroy (volcan), 607, 645.
Flores, Cajaieirai, 234.
~ de Uruguay, 581.
Flores (ilha das), 332, 451.
Flores (isUdas). 571.
Florida, 566, 581.
Fonte Boi, 182.
Formosi (lac), 204.
ForuMsa (territtHre et ville), 690,
707, 783.
Fonnosa, Villa dos Couros, 215.
217.
Forlaleia, Ceari(TiUe), 336, 335,
236. 950, 480, 495.
Foi de Iguaiû (colonie), 390.
Frade de Uacahé (mont), 300,
315.
Frade Lesparde (mont), 295.
Franca (ville), 380; — (serra).
557.
Français (monl), 608.
Fray Bentos (Independencia),
564, 572, 696.
Frajle Huerio, BeU-Ville, 728,
750.
Prêchai (rivière), 24.
Frio (cap), '505. 650 ; — (viUe),
315, 535.
Frovard (cap), 608.
Eructai, 368.
Forigto (Tierra del Fuego, ter-
ritoire), 754, 783, 788, 790.
Gaiba (lac), 425.
Galibi, 42, 43, 45, 46, «3.
•63, 69.
Gallegos (no), 648, 668,754.
Gallina HuerU. 599.
Camélias, 228.
Garanhuns, 248, 286.
Giivia (mont), 316, 529,330.
Gay (morne), 608
General Acha, 747. '749, 783.
General Pai, 747.
Georgctonn, 30, 31, 60, 61,
63, 65, 67, 69.
OeorglB du Snd. Voir South
QoorgiA.
€i«. ao9. sa», a-r..
tiiBariU' (monll. «OSI.
Gigunlillo (munt), tiUU.
Giyonet, 674.
GuiTo Nuctn, ei5, 7:>i, 7:>i.
Goja, sot, 70[>, 707.
GoMOii (M-i-ra). ÏOS, 34U. !ii3.
ho.
Goyaiuiieê, SQO.
riuy>ninhn, S5K,
fîu^K (Étal), SOS-917, il7,
43T, iiG, 4b8, 4tt0, 4115,
488. 495, 405.
Gupi. Villa Boa. 98, 316,317.
4»:>.
Goyaiei. Guayatet, 300.
fiuyr^icliLMi, 551,
(io]!C<K:tMi» (biiueau), 531.
(rraciom (mit*), 543.
UracÛM (ville), 58*.
Grajahù (ri»), 321. 338,330.
Granidus (curro df Uh), &9j.
Grandi] ou Kiu Cului'ado, au5.
635. 707.
Grande (cachorini], 351.
Grande, Ilha Grande, 30li, Ô35.
Grande. Rio Grande. 310, i23S,
280, 336. 550, 380, 477.
Grande dû Norte, Rio Graudc
(Étol). 115.218.
Grande do Sul, 11], IIG, 117.
làranja, 335.
GrSo Mogol (serra), 3&6, S83.
tiraiatt, 347.
Groningen, ti7.
Guachipas (rio), 631.
Gualijba (estuaire), 407.
Guïicuiij (port), 285, 2S)3.
Gunini» (rie). 22, 127.
Giitijiijnra, 338.
Giiiijarj Guj-su (dmle), 133.
Gualc?u-i (lio), 624, 690, 697,
707.
GualeguujcLû, 61)6, 707.
Gualcguajcliû (rio), 564.
Guames, GuBmnes (rio). 133.
Guané, 433. 434, 437.
Guanhanari, 360.
Guaporé. 432.
Cuaporé (rio llen'v), 131. 134,
17': !!■;. II'i. ■.-':. ',-Jl. 158.
Cil.:. ■■■■■ ■■ . .;:, ;>|8,
1)77, 6'.IT, 71)0.
GiiaraiJiLiiia (lilie), 5SI).
Giuraliba (tilk'), 3ri5.
Guaraliii^uelà (ville), 068, 3!I5.
Giinrauiioj, Wnrrau. I, H.
IDDEX ÀLPllABËTIQUE.
Guaraijot. 170.
Guaiâ. 432. 433.
Guatiare (rio), 137.
Guayaitot, Guayana», Guaya
.'.31.
Guayeurû, Mbaya, Ltngaa»,
Cadinéoi, Beaquéot, ('.abat-
lerof, CafalUivo*. 433, 43i,
435,437,521.587, 699.
Guajni, b2lt.
Gun<frB(ln), mitsion. 300.
Guayni (saut de], 500, M7.
Guauifan (aierra), 631.
Il«i.ri (rio). ISB.
tiuimariea, 330.
Guineo (rio), 133.
Gurgucia (serra), 310. 221.
Gurgucira (Lee). 334.
GufU|>i, lOU.
Carupï (rio), 220, 230.
Gujane anglaise. 4, 55-60.
Guvane tMwlesIée (franca-br^$î-
fienne), 4. 85.<JD.
Gujane française, 4, 72-1*1.
Guvatio tiolliinilaise, 4. Ii0>7:.'.
Ouyones. 1-9U.
llaedo (cuchilla de), 557.
llernaDdarias, S85.
UoTTal («em do), 308. 404.
Ilervidero, 557.
Uiguerilas, Kucta Palmim, 558,
505, 636.
lloUer llill (monl). OU.
llualluga (rie), 118, 139.
Uuanacache (lagunes), 030. 7 18,
670.
Iluanocos (ralle de k^), 668.
Hucal. 748.
Huemnies (rio), 607.
Huiliieke, 683.
Humahuaca, 506. 767. 730.
Humaila. 501, 514, 540, 54t.
"543.
Iljanuarr (laguet), 166.
Il,uacu (rie). I!.-,.
il]i]|»iiahnin, 1K5.
Ibera (lac), 634, 6115.
Ibicuy Grand» (rio). 390. .Ï98,
402, 407. iI4, 636.
lenmiaba, 172.
Iça-Puljrnaio (riu). 122, 123.
•147.165. 106. 181.
Ico. 237.
I^lù, 237.
Iguapit (pnri), S74, 383.
iguaiHÎ (Kibrira de), 545.
Ij^u.iraHhiï, 246.
Igiia>i), Rio Givndo de Curiribi,
3.^'». *353. 555, 588, S80,
300. 544.
lloRopl«, 70.
llheo«, Sio Jorge dos lllioo),
292, SOS. 397.
liiian, Sieira do l'Aimant, 611.
Imbetiita. 313.
Imbiluk (pi>rl), 391.
Ind<-|-'ndi.'nd:i, 23!).
lnrL-n]o(Liidio.'iradui. 206,267.
Uifidouiidu, 383.
luga. 316.
Ipararay (Uc). 556.
Ipuii- (lin), 508.
l|eni!nia(bi>uis(>triii),381,4C9.
I]iii~,iiiga, 373.
Ipoa (lapuiP). 509.
l,.,jno;, (rio). S47.
tpurina, 175. 174.
Iracuuba (rio). 42, 84.
lia, 550, 543.
lubira do Caini>a (monl). 460.
Ibbirti do Halto Dentro, 400.
Hah6ca.307, 217.
Ibborabj (ville), 33.Ï.
lUcoati&ra, Serpa. 193. 1S5.
Itncolumi (recirs), 355. 208;
— (moul), 38.'t, 294,
Ibgua, 556.
Ilaipû (Pico de Fora). 515, 516.
Ilailuba, 195.
llajahy (rio), 345. 545; — (tillf ).
592. 595.
Itamaraei (île), 245.
Ilamaricâ (grau). 515.
lUmbé (pilon), 356. 383.
Itambj d'Espinhaço (roorne),
422.
Itanguavmi (déRIé). 355.
Itani (mière), 33, 45.
Il:i|ki»ipc, 291.
\Uy:ivkù {M. 391, 293. 397-
. 296.
iMpiifurû (rio). 333. 354,
llllliuiuni Grande, liosa lio, 3
INDEX ALPHABÉTIQUE.
805
Itapucurû Mirim, 255.
lUipura (cataracte), 551, 580.
lUquy (Tille), 414,415.
Itati, 697.
Itatiaya (serra), 298, 299, 500,
545, 550.
Itatins.( serra dos), 545, 560.
Itû (ville), 580, 595, 484.
Ituberé (rio), 587.
lluzaingo, 566.
hahy (rio), 552, 590, 419.
Ivinheima (rio), 551, 585,419.
Jaboatâo, 247.
Jaboticabal (ville), 580.
Jac (lac), 27.
Jacarépagua (ville), 555.
Jacaréuara, Morcegoê, 177.
Jachal (rio de), 599, 600, 029,
719, 726.
Jacu (rio), 259.
Jacuhy,Guahyba(rio), 598, 401,
402, 405, 407, 561.
Jacupiranga (rio), 545.
Jaguarâo (ville), 409.
Jaguarâo (rio), 596, 598, 402,
572.
JaguarSo (mine), 407 ; — (ville),
415.
Jaguaribé (rio), 227, 256, 257.
Jaguaripe (rio), 292.
Januaria, Salgado, 285, 297.
JapiU 171.
Japuré, llyapura (rio), 118,
122, 125, *124, 127, 159,
147, 165, 166.
Jaquipa (rio), Jacuhype, 266.
Jaraguà (serra), 544; — (ville),
250; — (mines), 572, 578.
Jardim, 256, 258.
Jary (rio), 155.
Jatobi, 286.
Jauapiry (rio), 150, 172.
Jaurû (rio), 425, 424, 425,
451, 452, 459.
Javary (rio), 118, 147, 175.
Jejuv (rio), 508, 517, 554,
551.
Jequitinhonha (rio), le Petit Sâo
Francisco, Rio Belmonte, 256,
266,267,268,271,274,295.
Jésus, 555.
Joào Aires, Ayres (seuil), 299,
476.
Joazeiro, 285, 292.
Joeden Savane, 69.
Join^Ile (estuaire et ville), 548,
591, 595.
Juaurité, 187.
Juiz de Fora, 278, 565, 564,
595, 468, 475.
Jujuy (mont), 616.
Jujuy (province), 618, 650,
666, 674, 675, 677, *705,
707, 726, 765, 768, 785;
— (viUe), 707, 726.
Jujuy (rio), 596.
Jundiahy (ville), 578, 580,
595, 478.
Junin de los Andes, Uuinca Mel-
leu,744, 751.
Juntas (las), (confluent), 509,
617.
Juquia (rio), 545.
Juramento (rio), 595, 596,
618, 628, 676, 709, 714.
Jumâ (rio), 124, 125, M47,
175,480.
Juruena (rio), 154, 418.
JurûMirim (île), 591.
Jurupari (cataracte), 127.
Jurupensen, 217.
JuUhy, Hyutaï (rio), 124, 125,
M47, 181, 480.
Kaïeteur (chute), 16, 18, 129.
Kaw (village et rivière), 80, 84.
King William*s the Fourth Fall
(chute), 15, 21.
Kochait (volcan), 645.
Koffi, 49.
Kourou (nvière), 74, 76, 84.
Krou, 48.
Labrea, 184, 185.
La Cecilia (colonie), 589.
Ladario (arsenal), 441, 442,
492.
Lafayette, 278.
Lagarto Cocha, 159.
Lage (îlot et fortin), 517.
Lages, 595.
Lago Grande de Villa Franca,
156.
LagoNovo, 27, 88.
Lagôa de Sumidouro, 259.
Lagôa dos Patos, 400, 401, 402,
408, 409, 410.
Lagôa Feia, 504, 505.
Lagôa Mirim, 596, 400, 401,
402, 552, 559.
Lagôa Siinla, 257, 259, 272,
275, 284, 560.
Laguna (port), 594, 595.
Laguna Mirim, 572, 579.
Laianoêf 455.
Lambaré, Lambari (promon-
toire), 515, 559, 540.
Lambary (station thermale),
567.^
Lapa (Bom Jésus de), (ville),
285, 590.
La Paz, 591.
La Plata (ville), 589, 664, 759,
740, *741, 742, 748, 777,
785.
Larangeiras (pont-viaduc), 286,
594.
La Torre (cordillère), 608,668.
Lavras, 256, 414.
Leblond (mont), 14.
Ledesma (ville), 726.
Lemaire (détix)it de), 648.
Lençoes, 292.
Lenauas, 518.
Léon (monte), 608.
Leona (rio), 645.
Leopoldina, 217, 564.
Lerma (phine), 708.
Leubû, 748.
Libcrtad, 695.
Libres, Paso de los Libres, 695,
707.
Limay (rio), 605, 656, 659,
640, 748, 751.
Limeira (ville), 580.
Limoeiro, 246.
Llaima (volcan), 605.
LIanos (sierra de los), 608, 609,
622.
Llpantipucû, 554.
Lobos (île), 572; — (ville),
744.
Londres, de l'Argentine, 716.
Lonquimai (volcan), 605, 751.
Lopo (morro do), 545.
Lorena (ville), 568, 595.
Loreto, 622, 697, 715, 726.
Lujan (rio de), 724.
Lulé, 676.
Lules (village), 676.
Luque, 556, 542.
Macacû (rio et ville), 504, 555.
Macagtiajègf 181.
806
}brabt (rio et ville), 305,
51 S. 335.
Hacapi, 85, 88. 133,135,143,
145, 108, 107, 202.
MacaA, 33S, 250.
Haceio, 248, 340, 250, 480,405.
Hachiiili (piton). 120.
Macourira, 84.
Ilacû, 169.
Macusi, 11, 43, 45, 46, 58,
171,172,293.
HadeiD, Gayari.llS, 125. 136,
131, 153, 139, '147, 152.
162, 175, 176, 184, 185,
418,421, 422, 480.
MaJredeDios (rio), 131.
Nafra, 232.
Hagdalena, 742.
Hagé (ville), 535.
Magellan [détroit de), 048.
Mahaica (ville et riiiëre), 30.
60, 61.
Hahû, IraDg(rio), 130, 111.
Haburi (rivière), 80.
Hainas, 118.
Haiorique (mont), 599.
Haipo (mont), 603.
Haipu, 742.
Malali. 275.
MalargÛG, Halalhué ( volcans).
603.
Ualbarco (laguct), 639.
Maldonarlo (cap), 628.
Haldonado (ville), 557, 501,
562, 572. 581.
Mamanguapé (rio), 339. S50.
MaïQoi'é, Hio Gi'ande, Guupav,
131,133, 134,422.
Hana (riviâre), 33, 74. 84.
Manaos, Barra, Foriatezia da
Bam do Rio iNcgro, 131.
106, 176, 188, 189, 191.
193, 202, 493, 4^5.
Manchao (mont), 716.
Handiorii (bc), 425.
Maiiga. 334.
HaogaWiras (rio cl serra de),
204, 2)9, 231.
Han'.'araliba (port), 335.
Vanguaba (lac). 349.
Hanso (rio), 4,^.
Hansos, LIanus de Ins Mansos,
LIanos du Manzo. 678.
Uantiqueira, Surra do Mur, 254,
255. 298, 399. 339. 340, 343.
344.345,350,419,476.
Manianiis (région). 767.
Ma|ia(lacde). 86.
Mapa firand», Aniapa (rivière),
34, «7; — (rorli(j),89.
INDEX ALPHABÉTIQUE.
Hapouerra, Urubu (rio), 171.
Har. Serra do Mar, 570, SU,
391. 393, 40S, 403, 446,
476.
Har de llespanha, 364.
Har dcl Plata, 742.
ïar Pequeno (marigot), 383.
Haraci (Ile et détroit), 27, 28,
29. 87, 88, 143.
Haracajù, Serra de Hbaracayù,
353, 431, 503, 506,545.
Haracassumé (rio), 330.
Maracaua, 171.
Haragogipe, 291.
Harajo (Ile), 157, 151, 161.
Haranguapé, 236, 250.
Haranhio (Ëlat), 115, S18,
230-354, 495.
Haranhio (i)e), 97, 227, 465.
492.
, 470.
Maria nna. 2'
Haribondo (saut du), 550, 368.
Maroim, 286.
Maroni. Haroweiju, Saint-Lau-
rent (Oeuve). 13. 22, 37.
40, 43, 75, '75,84.
Harouini (rivière). 23.
Hartiin Vu (ilote). 370.
Martin Chicu (ruisseau). 565.
Martin Garcia (lie de), 557, 558,
565, 591, •392, 627, 704,
734.
Malaco», Mataguayot, Mantot,
618, 678, 679, 708.
MaUri, 714.
Matlieu» (pics), 300.
Mathoury, 84.
Halouri (mont), 14.
MalTocanet ou l/aiinga, 49,
50.
Halta de Corda (rio de la), 350.
Hatlo Custi'lhano, 50U.
Matto Grosso (État). 301, 415-
442, 460, 468, 4â8, 491,
495, 503, 508, 544, 541,
584.
Hatto Grosso (ville). 423, 434,
438, 440. 442.
Hatto Porluguei, 596.
Haulii, 175, 176. 177, 178.
179. 418.
Hauhé Assu (rio). 153.
Hauricea, MaurîUstad, 245.
Havu-Tala ou Amaru-Mavô.lSl.
Maiag-ao, 197.
Hjzaruni (rivière), 8, 30, 42.
58, 50.
Mbarancaya, 308.
lihaya, 518.
Mbuaraj^ï (rio). :,07,
Hearim (no), 931, 3».
Medioas. 713.
Medio (arroya del), 104.
Meia Ponte, Pyrenopolii, 315.
Heia Ponte (rio da), 349.
Nejicana, 718.
Mellimoya (vcdcan), 606.
Helo, Cérro l^rgo, 573.
Mendoia (rio de), 630.
Hendoia (province), 666, 685,
719, 726, 765, 766, 783.
Hendon (ville), 591, 600, fô6,
680, 682, 719, 720, 766,
•721, 725, 725, 726. 785.
Herodes, 565, 573, 695, 744,
748.
Hesa (volcan de la). C05.
Mcstre Alvarez, Mestialvé (aoBt),
395. 396.
Hexiana (Me), 137, 143, 197.
MichilengueM. 614.
Migue) Bumier, S19.
Uituu, 277.
Minas de l'Uruguay, 561, &11,
581.
Minas Geraes (ÊUt). 115, 351,
283, 356, S95, 437, 444,
446, 450, 453, 458, 460,
463, 463, 466, 461, 468-
469, 410, 471, 488, 493,
495.
Minas Novas, 318, 393.
Minchin Nahuida (volcan), 60S.
JftntMn, Uinuatw*, 405, 56Î,
703.
Hiranda (rio et bourgade), 351.
416. 417, 419. 431, 436,
455, 440. 441, 760.
Uiranhtu, 165, 166.
Misiones ( Territoire des His-
sions), 531, 505, 521.*5!6,
595, 610, 666, 694, 693,
697, 701, 766, 185.
Hilaraca (mont), 15.
Mocorel*. 695.
ilocovt, Ubocavi, 679, jVonbi-
rfltfM. 521, 581. 701,71*.
Moeda {serra dp), 379.
Moet'mga, SI.
Mogy das Cnucs, 570.
Hogy Guassù (rio). 549, 350.
380, 417.
Mogy Hirim (ville). 568.
jtfoJM, 176. 536.
Holino de Italas, 775.
Holinos, 109.
Molu-che, «83.
Uoncio, 250.
Monday (rio), 556.
MoDdego (rio). 436.
INDEX ALPHABÉTIQUE.
807
MoDigote (mont), 609.
Montagne d'Argent, 11, 80,81.
Montagne Française, 14
Montagne Magnétique, 14.
Mont Alegre, 159, 196.
Monte Caseros, 532, 565, 566.
695.
Monte Santo, 292.
Monteros, 715, 726.
Montes (Cordillera de los), 506.
Montes Aureos, 250.
Montes Claros das Formigas,
285.
Montevideo, 424,528, 555,555,
557, 560, 561, 562, 563,
*566, 567, 569, 570, 571,
572, 575, 575, 576, 579.
581, 628, 670, 693, 733,
* 736.
Morawhanna (rivière), 57.
Moreno (mont), 295.
Morona (rio), 118.
Morretes (viUe), 384, 385.
Morro, Cerro Morro, 610.
Morro Yelho, 285, 297.
Mortes (rio das), Roncador.
210, 276, 350, 365, 369,
417.
Moruka (rio), 39. 42, 56.
Monimby (mont), 384.
MoseteneSf 176.
Mossorô, Santa Luzia, 238, 250.
Moura (hameau), 129.
Mousinery, 84.
Mrari, 122.
Mucuim (rio), 125.
Mucuripe (péninsule), 236.
Mucm7 (rio), 111, 180, 267,
271, 273, 277, 278.
Mundahû (rio), 248, 249, 250.
Mundurucû, 175, 176, M77,
178.
Mura, 174, 175.
Musters (lac), 641.
Nac-nc-Nuc, 274.
Nahuel-Uuapi (lac), 605, 600,
639, 640, 656, 751.
Nahuqua, 179.
Napo (rio), 118, 122.
Napostâ (rio), 745, 746.
Nassau (cap), 22.
Natal, 258, 250, 495.
Nauas, 124.
Nazareth, 246, 250, 292, 297.
Necochea, 742.
Negro (rio), 118, 126, Mi?,
M28, 129, 131, 139, M47,
162, 186, 480.
Negro (rio) de TUruguay, 389,
414, 558, 564.
Negro (rio) de la Plala, 587,
595, 604, 612, 614, *636,
639, 640, 641, 648, 649,
655, 662, 663, 665, 672,
681, 694, 748, 751, 760.
Negro (serra do), 228.
Nembucû (rio), 540.
Kcmbucû (ville), 540.
Neuquen (rio), 604, 605, 636,
*637, 639, 640, 641, 726,
751.
Neuquen (territoire), 748, 783.
Nhundiaquàra (rio), 387.
Nickerie (rivière), 21, 66.
Nico Ferez, 572.
Nictheroy, 298, 305, 315, 320,
335, 495.
Nieuw Amsterdam, 61, 67, 68,
69.
Nioac, Lcvergera, 441.
Nogoya, 697, 707.
Nogueira, 184.
Norquin, 748, 755.
floruega, 454.
Ifouragues, 47.
Nova Cruz, 239.
Nova Friburgo, 311, 334, 335,
447.
Nova llamburgo, 407.
Nova Trenio, 393.
Nueva Bel ve lia, 565.
Obidos (défilé), 156, 193.
Obligado, 626, 704.
Oeiras, 234, 250.
Olavarria, 744.
Olimpo (fort), 442.
Olinda, 243, 250.
Oliva, 540.
Omaguas, 166, 175.
Omaua, 169*.
Ona, 683.
Onverwacht, 71.
Oran, 596, 617,649,708,726,
766.
Orange (cap d'), 24.
Orejones, 181, 182.
Orénoque (fleuve), 22, 26, 127.
Orgàos, 299, 300, *301.
Oro (riodc), 700.
Orr (rio), 643,644.
Ortiz (banc), 628.
Oluquis (rio), 429, 505.
Ouana, Wanc creck (rivière),
22.
Ouapichianes, Wapisiana, 39.
Ouaraoun, 1.
Ouassa (rivière et village), 88.
Ouatara, Oualeca, Goytacaze$,
309, 311, 320.
Ouayana, 1.
Ouayéoué, 42, 58, 171, 172.
Ouitolo, 166, 169.
Ouro (rio et serra do), 279, 323.
Ouro Branco (mont), 279, 466.
Ouro Preto (monts et ville),
278, 279, 280, 281, 283,
295, 297, 363, 465, 466,
476, 485. 495.
Overo (volcan), 600.
Oyampi, 45, 46, 47.
Oyapok (commune), 14, 23, 24.
27, 28, 29, 84.
Oyancouleiig, 45.
Pacaraima (monts), 8, 11, 16,
20, 30, 31, 40.
Palena (rio), 606.
Palicour, 59, 88.
Palmaires de Pernambuco (Qui-
lombo dos), 229, 248, 250.
Palmas (rio et lagune de las),
*619, 626.
Palmeira, 388, 389.
Pampa (territoire), 783.
Pampas, Pampéens, 679, 682,
683, 684, 687, 693, 726.
728.
Pando, 571.
Panoré, 187.
Panos, 175, 176.
Pâo d*Alho, 246.
Pâo d*Assucar (mont), 316, 317,
442.
Paquelà (île), 332.
Para (rio), 144.
Para (État), 117 et suiv., 194-
202, 474, 495.
Para, Santa Maria de Nazareth
de Belem, Belem, 97, 118.
149, 150, 151, 160. 162.
165, M97, 198, 199, 201,
202, 2! 8, 424, 448, 454,
460, 476, 480, 495.
INIIRX ALPIIAHÉTIOI'K.
f'nrui-nlil >.ii l'Irvoliï. ïiliO. 'ititi.
Paratilhana, 172.
PrnhB (monI), 205; -
»ilM.
p:,r^^ii«ii, MO, wi, :.;ii.
Pnrcrfl (rAciO. 208.
2:0;-(Herin.gt.).373.
P:ii'.iRii^».>ri.2i;<l, £«8.^111.477.
Panio. Rio riHo, 266. 268.
PripirT Guiii*il, 402.
hin>j;ii.iv tnniicr), ihi. i'iO.
274,305, 5^0,551, 410,477.
Prrei Rowlci, 605.
a:i7. s*'.), 4IH. 420. 4S3.
P.mi (région). 15*.
Pcrpunino. 7*4, 748.
425, 438, 459. 50(1. 505.
ParrnUntin, 170.
Pornsmboio (iiionl), 283
504, 505, ^OC, :>(18, 010.
Porwi, Pariait. 176. i77.
Pcrmunbireo (Ebil), 115
218,
ai5, 543, Ml, Om. 017.
451. 452.
3*5. 348. 386, 405.
618, R27.
P»wii ([.UlMu dw). 420, 506.
98,
PwfBgaay (Élal). 41l7-r):.l.
P;iriiii> (Uc), 16.
100. 115, 918. 225.
•31 1.
758. 7511.
Pnriina (wm). ta».
350. S60. 410. 447.
44S.
I'anihib»,ParjhïbuM(i-irpl.5ll9.
Purin lin», 193.
457. 477. 4K0. *SI.
*8r..
hnhjbii a» tbnguaba, 34tt.
Pamaluba {(leino). H5. 220,
491, 495.
Parabjb» do Bio rfc J»npiro,
221.232,334.
PvsMRbu, 27.<>, 9U5.
!tU7, ôll.
Pvnahiba [(port ilufi^l), 255.
Pulrolinn. 286.
l'arabïba lio N'ixle (£ui)> KS.
S50.
Pflropol'*- -^'l- '>'i^'
•355.
818. 259, 240, 493. 495.
Pailamona. 42, 69.
55*. 555. 475. 476.
Pambiltt do CioiUi (rio), 240,
Patcboul (moni), U4. 20K.
251,477,47».
P»o de h» Uhre» (Riu'l. 414.
l'hili|>|>i (monii'), 6I>K.
l'nmhïbj do >oilo (tUk-). 850.
pRSo ddRci, Pmo du la l'iilri».
l'iïbanlin (rio), 554.
ïlli. Ï50. 4H5.
514. 541.
l-niMb-ki ,lo .Sul {ri.i), 500.
pH«>Unli>in, 571.
IN»»>.il>o>sù. 280.
5(ll-:>or.. -SOI, 310.
Piiswgvin (mlnn), 285. 4(10.
I>ii.iiln (f.Ui), 115, 318
25*.
l^.rjbtl>:ia.)Siil(«iUH), 555.
/>ai>i5, 166. 169.
25.\ 272. 465, 163,
405.
pEinbjbuu.->(ri«i^iv),SO0,3G3;
Puslaia (rio). 118. 133.
40^.
- (ïille). 36*. 560,
Pnsto GnnAc (inoni), tm.
Piauhy (rio et wit» do).
3IS,
Paramacca, 49.
Palarhoi. 374.
221.334,287.
I>inuiuiribu,3l, 67,*68. 09.
Pioullu (lac), 605.
Panuiitllo(ina!eir), 000.
615, 610, 641, 653, G55,
Pié de Pub (moDt), 508.
Panmillos {miiMi do loo), T2S.
669. 065, 671, 682, 756.
l'iodi.de (wn-d de). 255.
18*1
l>arDni ([k>u>c>), 204. iK, 257,
750, 761, 707.
- {i«iiite), 594.
907, 540, 350, 351, Â5D,
PiiJras, 571.
582, 560, 41G, 600, 504,
070. 085, 0K5, 687, 088.
Pil.il. Arciid,.. 285.
&03. 50IS, 507, 508, 514.
689.
Pil-ir. 3*0. 350,
595, 59fl, 531, 543. 551.
Patoi, 400, 405.
Pilriuio, 715.
558, Ô59. 504. 565, 581,
r»tos (col de lo;), TiOO.
Pilfoiuiivo (i-iviAco), .'.03
505,
r)85, 015, 61<I. 621, 624.
Paulû Affonso (ciiiar«,Up), 258,
506, :m. 510, -515,
515,
625, 026, G27. 650, (iOI,
259. 261. •202.265. 260.
522. 551. 595. 616.
618.
707. 735, 773.
Paumari. Pamo-Ouri, 171.
619, 1121, 027. 6.-rfi.
«76,
Pamn (cnmpot; de), 446.
Pi.ute (.lo). 118.
Pill,iliiiii.™lcbiii..e), 611
hinini (ËUl), 036^595, 405,
Pi.oji.nai (Ho). 125.
Pilma-che. 085.
495.
Pavnn (rio). 624, 026.
Pimenifirat. 22l<.
l'nraoâ ou liajada, 700, 705,
Payagaa, 518.
Pina'jiAa. 172,
707, 781, 785.
Pavon[Mrro). 003, 601.
51.1.
{■amnà de bs Palmi-s (rio), 704.
Pujnù (mont), 607.
508. 595.
Parani Miiira, l.Vl, 195.
Pavwddù. 5.i7. 558, 565, 572.
Pind.,ir (rio). 231. 328.
25(1.
Panna.-ilo |rio). 026.
581, «96.
PijilM i:iii<i^ii|ri>-t. ri.~>9.
Paianiicjan, 157.
Piigii-rhc, 085.
Pi.jiiirv (riol. 5:.2. 7m.
\'ir.m.<-i„ù {W..\r d (M.,t), r.SÎ,
r,sK, :<\i:>. isii, r,r>i.
\':». Lu l'ai. 700.
l'rliii-, 1511.
PiiM,ir!.k.|riii..h-,-lvJll.|
5!)-,, 177.
r.sii.
l>,,r,..Ml,;I.M..iS.m M.ii.i.- (lii.l.
l'olni A-sù. 500.
l'Inili^ irio.'t iilU'),510,
555,
Vr:h-.- M\-\l~u, •2U).
\'\\\\n\\:\s (Itio tlii!), 2,Ï8.
362,
I'.'.lr.i S,.-hmli. |cuk.iii.'il.>).S(;,
■JSIl.
i4i!iri!i|>,iij"iiii<. r.:.':.":.:.!, :.;.-j,
BS.
Pini|«>i';i l.'bllU's), -271, âK.'>.
[',ii.iiià-l'i\uii:i iiiiil, 1-i(i.
t\'hii.:,-i-l,r. (iH5, TOI).
|VL„I„ inTn-t, IIIIU.
lvl..t,<~ imIIi'}, lO.'i, lu», ilMl.
p.ni"uiLii..;;.i(Mll), :m
'"'■
l'ai«<i|".'lM,l!:.ii, 2.".il. ;i7N.
iiii. iii, iir,.
l'in-liiiionii"). 1115.
Iiiirjlv(ïilk'). 55:1.
IVi , •2M. 297,
I'ii",iliriLii([o iSiiiil'i AiidLT
lifi,
Piirminii (ri"''! >ill''l. ^-iNl.
|'ni."l,i ilr S.1.1 |'r.lrii, 'J-jri,
!U. 556. 557. 575. ;.3r
INDEX ALPHABÉTIQUE.
809
Piimvu, 555, 556.
PiUinguy, 278, 297, 565.
PHurunaf 560.
Plaine Mystérieuse, 644.
•l^lanchon (passage du), 605,
682, 725.
Plata (Cerro de), 727.
Plata (estuaire de la), 555,
*559, 585, 6i5, 627, 628,
670.
Pocitos, 57 i.
Poconé (ville), 440.
Poços deCaldas (ville thermale),
545, 568.
Poligoudoux, Poregoedoe, 49.
Pombal, 258.
Pomerun (rivière), 22, 56.
Ponta Grossa (promontoire'.
570, 588, 589.
Porrongos (marais), 622.
Pormdosj 426.
PortMadryn, 751.
Port Stanley, 787, *788, 789.
Portai (île), 74.
Porto Alegre (ville), 597, 407,
*408, 415, 458, 495.
Porto de Moz, 196.
Porto do Amazonas, 590.
Porto Feliz, 580.
Porto Nacional, 216.
Porto Seguro, 94, 294, 297,
517, 525.
Porto Uniâo, 589.
Posadas, 552, 697, 707, 785.
Possession Bay, 615.
Potaro (rio), 16, 42.
Poty (rio), 254.
Poxim (rio), 266.
Preguicias (rio), 254.
Prelo, Rio Preto, 260, 500.
Primero, Rio Primero, 622,
729.
Propria, 286, 297.
Pucarâ (fort), 716.
Pueblito, 750.
Puei'Che, 675, 685, 689.
Puelo (rio), 605.
Puerto Bermejo, 540, 700,
708.
Punla, 609.
Piinta de las Piedras, 628.
Puntas Vacas, 725.
Puriy 511.
Purus (rio). 118, 125, 126.
151, M47, 152, 100, 175.
i84, 480.
Punis f Foveiros^ 174.
Pyreneos (monts), 20 i, 214,
215, 549.
Pyrenopolis, 217.
Quaraim (rio), 596. 556.
Quatata (village), 58.
Queluz (nœud de), 259; —
(viUe), 278, 279.
Quequen (rio), 742.
Qucrandi, 675, 751, 752.
Quetrupillan (volcan), 605,
659.
Quichua, 671, 675, 674, 676,
687, 707, 765, 766.
Quilmei, 675.
Quilmes, 755, 742.
Quinto, Rio Quinto, 625, 727.
Quissaman, 512.
Quixada, 257.
Quixeramobim (rio), 227; —
(ville), 257.
Ramada (massif), 600.
Ranqueleê, Ranqual-chCy 680,
685.
Ratas (lie de las), 571.
Rawson (ville), 656, 754, 755,
785.
Real, Rio Real, 287.
Recoleta (la), 755.
Reconcavo, 291.
Reloncavi (fjord), 605.
Remire, 84.
Rcsistencia, 700, 707, 785.
Restauracion (ville), 414.
Retamito, 725.
Rcwa (rio), 16.
Reyes (source thennale), 708.
Rezende (ville), 510, 555.
Riacho, 295.
Riachuelo, de Ruonos Aires,
751 , 752, 755, 756.
Riachuelo, de Conienles, 699.
Ribeiras (chute), 152; — (rio).
585.
Rihcrâo Preto (ville), 579, 595.
Hicardo Fi-anco (monts de),
458.
Rincon de las Gallinas, 558.
Riî^ihue (volcan), 605.
Rio Bonito (ville), 555.
Rio Claro (ville), 580, 595.
Rio Cuarto (boui-g), 591, 727,
728, 750.
Rio de Janeiro (État), 115,297-
555, 445, 454, 484, 485,
486, 494, 495.
Rio de Janeiro (ville), 97,
98, 100, 109, 115, 116.
298, 505, 506, 507, *515.
516, 517, 555, 410, 418,
419, 446, 448, 449, 450,
451, 454, 474, 475, 477,
479, 480, 485, 486, 488,
491, 495, 494, 495, 755.
Rio Grande do Norte (Étal).
258-259, 495.
Rio Grande do Sul (État),
591, 595-415, 448, 458,
460, 465, 469, 470, 475,
477, 487, 495, 575.
Rio Grande do Sul (ville), 597.
405, 408, 410, *411, 415,
414, 415, 480.
Rio Negro (département do TU-
ruguay), 581.
Rio Negro (territoire de l'Ar-
gentine), 785.
Rio Negro (ville). 591.
Rio Pardo (ville), 407.
Rioja (rio), 596, 599.
Rioja (province), 608, 675, 726,
785.
Rioja (ville). 629, 655, 656,
668, 690, 707, 716, 717,
726, 750, 785.
Rivadavia, 708, 726.
Rivera, 564, 581.
Roca, 700, 751, 755.
Rocaoua (village), 88.
Rocha, 572, 581 .
Roncador (rio), 206.
Roraima (mont), 8, 11, 55, 56;
(gave). 129.
Rosario, 565, 591, 615, 621,
627, 656, 701, 705, 704,
707, 775.
Rosario de la Frontera, 709.
Rosario du Matto Grosso, 440,
442.
Ross (glacier de), 790.
Roucouyennes, Ouayana^ 42,
45, 46, 47, 166, 179.
Roura, 84.
Rupununi (rivière). 11, 16, 58,
129.
Sahara, 285, 297, 565, 466.
Sacramento, 105, M06, 752.
Saint-Jean, 74.
Saint-Joseph, 76.
XIX.
102
Siinl-Lïurent, 74.
Saliidillo (liguncs du), 632.
625.
Siladilla (rio) de Samboron)-
bon, 625.
Saladillo Dulce et SaladJIlo
Anvtrgo, 634.
Salado (rio) de Buenos Aires.
ein.
S»lado(rio) de ripacaraï, 509.
SaUdo (rio) de Samboromban.
623. 634. 662. 675, 681,
lOi ; — de San Luis. T26,
745.747, 775.
Sabiïifla, 629. 713, 726.
Sali (rio), 709, 710.
Salinas, 202.
Salinas (pointe des), 145.
Satitre (rio), 386.
Salobro. 293.
Salla (monUdc), 621. 666.
SalU (pro.ince). 591, 502, 656.
675, 707, 726.783.
SalU (ïiUe), 656, 676, 708,
709. 726. 781.
Salle, Tille de la Banda Orien-
tal. 405. 563, 572, 575, 574,
577. 581. 695, 772.
Salto (pic), 599.
Sallo Auguslo (rapide), 154.
Salto d'ilù (cataracte et village),
580.
Sallu Grande (cascade) duJeqiii-
tinbonlia, 267. 268; — de
l'Urupiaj, 402, 557.
Salul (îles du). 14. 76,84.
Samborombon (baie). 623, 672,
673.
SaD Anlonio, affluent de l'Igua-
ni, 3.39.
SaD Antonio (cap). 628.
San Bernardine. .''i36,'547.
San Blas (port). 747.
San Carlos, 709, 724.
San Cusme, 553.
Sangradouro (canal). 402.
San Felix,216.
San Fernando, 699. 739.
San Francisco (rio), 446, 617,
707. 708.
San Ignacio Guaiû, 555.
San Isidro, 75!).
San lorge (golfe), 607. 64!).
San José (Uruguay), 566, 572.
581.
San José, port de l'Argcnline,
:.87, 6!)fi, 709.
San José de Flores, 733.
San Josi' de] Morre, 727.
San Juuu (ca|>). 755.
INDEX ALPHABÉTIQUE.
San Juan (rio), 629,630.
San Juan, mission dn hraguay,
555.
San Juan (Ai^ntine). 59). 598,
600, 650, 654. 656. 718.
726, 759, 766, 776. 781,
785.
San Jiitian (port), 649. 754.
San Luis (maasif), 610, 623,
727, 750.
San Luis (province), 719. 726
el suiï., 730, 766, 785.
San Luis (ville), 591, 608,
656. 674, 682, 750. 785.
San Hartin, 695.
San Martin (lac), 645.
San MaUas, 587, 648, 649.
San Miguel, 697.
San Nicolas. 704, 748.
San Pedro d'Argentine, 626,
627. 704, 730.
San Pedro (duJejuj), 535, 554,
542.
San Rafaël (nerado de), 603,
•604.
San Rafaël (rio de Rolivie), 426.
San Rafaël (ville), 525, 681,
682. 724, 726. 748. 751;
— (mines). 770.
San Roque. 729.
San Salvador de Paraguay, 534.
San Salvador (Uruguav). 585.
San Sébastian (galfe),'754, 755.
San Valentin (mont), 607.
San Viccnte, 724.
Sanla km (de Bonpiand), 693.
Santa Anna [!le) (estuaire de
l'Amaïone, 145.
Sanla Anna de Contendas, 440.
Santa AnnadoLivramcnto,4l4,
419, 564.
Sanla Rarbnra de Campinas
(bourg), 378: — serra, 416.
Santa Barbata de l'Espinhaço,
283.
SanU Calharina (Étal), 111,
336-395, 449, 458, 465,
470,475, 495, 591.
SanU Catliarina deDesterro(île).
593. 394.
Sanla Calharina de Paranagui
(itc), 548.
SanU Cruz(rio). 608, 013, 614,
615, 643, 644. 645, *646,
647, 665, 064, 668.
Santa Ciui (territoire et ville
de r Argentine), 649, 754,
785.
Santa Crut (ville, rivière, pres-
qu'île). 94, 517. 522, 533;
— ville du Rio GraiHle do
Sul, 403, 415.
Santa Fé (protince), 707. 757,
765, 766, 770, 7Ï4, M,
783.
Santa Fé(viUe), 581, 591. 613.
676, 679, «94, 701. rfOî.
707, 776, 783.
SanUliabel, 151,336.
SanU Lucia (rio de l'Umgoiy).
566. 571. 572.
SanU Luiia (ville dn Brésil).
284.
Sanla Maria de Panguaj, 553.
Sanla Maria (cap de l'UragnaT).
572.
Sant'Anna (ctdonie du ^>
Paulo), 372.
Sant'Antonia de GuyaU, 440.
Sant'Antonio du Hatto Grosw.
442.
Sanbrem (ville), 137. 139,
143, 163, 194, 195, 302.
Sanla Rosa de l'Argentine, 695.
Sanla Rosa de Paraguay, 553,
563.
SanU Rosa de l'Uruguav. 565.
SanU Tecla (ville), 414*.
Santiago del Estera (|>rovii>rr),
666. 726. 7S4, 785.
Santiago del Eslero (ville), 621,
656, 657, 670, 674, 70Î.
715, 730, 785.
Santiago de Paraguay, 535.
Sanlo igoslinho (cap), 347.
Sanlo Ainaro de Bahia, 291.
297.
Sanlo Amaro (village), 3Î0.
374.
Santo Antonio (chute du Xin-
coiv). 152.
Sanlo Anlonio (bourg), sur If
Hadeira, 186, 418.
Santo Tome, 695.
Sanlos. Todns os Saiitos. 5j7,
570. 575, 374, 375. 57Î,
378,595.417.446,448.400.
475. 477, 478, 480, 650,
Rio fiente, 59 t.
Sin Bcrnardo du hrnafaiba.
354.
Sào Bernardo de S9o Paulo. 37ï.
SSo Borja (ville), 414, 415.
Sào CaeUno, 372. 470.
Sïo Christovâo (ville et baif).
287.297,518,329.
Sîo Felii de Paraguassû, 477.
Sào Fidelia (gorge), 500, 311;
— (ville), 555.
Sâu Francisco ou Para (fteuvr).
INDEX ALPHABÉTIQUE.
8il
ii5, 216, 217, 234, *251,
256, 258, 260, 261, 262,
*265, 270, 271, 272, 277,
278, 279, 287,338, 477,
479, 480, 525.
Sio Francisco (île), 348, 469.
Sâo Francisco Xavier (île et
port), 391, 392.
Sâo Geraldo (serra), 364.
S2o Gonçalo (rio), 409, 559.
Sâo Ignacio Mayor, 382.
Sâo Jeronymo (mine) , 407 , 42 1 .
Sâo Joâo da Barra, 312, 317.
Sâo Joâo das duas Barras, 217.
Sâo Joâo de Gariry, 240.
Sâo Joâo del Rey, 278, 395.
Sâo José de Destero (ville), 394,
415.
Sâo José do Nipibu, 238.
Sâo José do Norte (ville), 410,
414.
Sâo Leopoldo (viUe), 397, 407,
415, 447.
SâoLourenço, 423, 426, 432,
440.
Sâo Luiz de Câceres, 439, 442.
Sâo Luiz de Maranhâo, 218,
221, 230, *233, 250, 480,
495.
Sâo Marcos (baie), 230.
Sâo Matheus, 295.
Sâo Paulo (État de), 336-395,
421, 444, 450, 453, 454,
456, 457, 458, 470, 495,
507, 525.
Sâo Paulo (ville), 97, 98, 336,
337, 357, 369, 370, *371,
372, 373, 378, 380, 395,
450, 477, 485, 495, 498.
Sâo Paulo de Olivença, 181.
Sâo Pedro d*Aldeia (ville), 335.
Sâo Roque (cap), 94, 223, 238.
Sâo Sebastiâo (ile), 347; —
(ville), 370, 374.
Sâo Simâo (viUe), 379.
SâoThomé (cap), 304, 311.
Sâo Yicente de Santos, 373.
Sâo Yicente de Sâo Paulo, 94,
457, 759.
Sapâo (i-io), 260. .
Sapucahy (rio), 350, 368.
Saracuro (rio), 370.
SaramaccOf 52.
Saramacca (rivière), 21, 67.
Sarmiento (mont), 608.
Sauce, 571.
Sauce Grande (ruisseau), 611.
Segundo (rio), 622.
Senguer, Singerr, Senguel (rio),
641.
Sepotuba (rio), 423, 439.
Sept-Chutes, 508.
Sergipe (État et rio), 115, 252,
286-288, 488, 495.
Sen-a Abaixo, 315, 345, 395.
Serra Acima, 345.
Serro (Gidadc do), 278, 283,
297, 466.
Serro de Frio, 255.
Sete Lagô;^s, 259.
Sete Quedas, 35.
Simâo l)iaz, 286.
Sionamari, Sinnamary (rivière),
23, 42 ; — (village), 74, 84
Sinos (rio dos), 402.
Skyring Water, 608, 648.
Sobnd, 235, 250.
Sonmielsdijk, 69.
Somno(riodo), 205, 210,216,
219, 260.
Soriano, 565, 581.
Sorocaba (rio et ville), 381,
395.
Soure, 197.
South Qeorgia, 789-791.
Souza, 238.
Souzel, 196.
Stabroek (ville), 59.
Stokes (mont), 607.
Sueur jû (rio), 351.
Sulina, 42.
Sumidouro (ville), 335.
Suriname (fleuve), 21, 27, 42,
69; -(ville), 53, 68.
Suyàj 180.
Tabajara, 228.
Tabatinga (ville), 118, 119,
121, 135, 181/
Tabatinga (serra de), 204.
Tacuarembo (rio), 396.
Tacuarembô (ville), 564, 581.
Tacuari (rio), 559.
Tacuru Pucû, 531, 551.
Taira, 42, 47.
Takutu (rivière), 12, 31, 32,
129, 171, 188.
Tala, 697.
Tamanduà, 278.
Tamanduatchy, 370.
Tami-che, 683.
TamoyoSf Tamoï, Alam, 308,
309, 315, 360.
Tandil (sierra de), 611.
Tandil (ville), 742, *743, 744,
748,
Tapanahoni (rivière), 22, 23.
Tapajocog, 134.
TapajozouRio Preto, 118, *133,
134, 135, M47, 162, 176,
177, 194, 337, 418, 420,
421, 425, 438, 439, 489.
Tapauà (rio), 125.
Taperoa, 292.
Tapes, 405.
Tapes (serra dos), 398, 404.
Tapuya, Tapouyos, Tapouyes,
88, M62, 163, 164, 166,
172,176,178,182,273,309.
Taquaretinga, 246.
Taquary (rio), 402, 407, 423,
426, 433, 441 .
Taragtty, 697, 698.
Taraquâ, 187.
Tariana, 169.
Tarija (rio), 708.
Tarija (viUe), 591, 592, 676,
678.
Tartarugal (rivière), 24.
Taruma, TaroumarUf 15, 39,
57, 58.
Taubaté, Itaboaté, 368, 369,
370, 395, 465.
Tayi, 542.
Taytao (péninsule), 607.
Teffé (rio), 124, 125.
TefiTé (viUe), 182, M83, 184,
202.
Teghul-che, 683.
Tehuel'Che, 668, 683, 684,
688, 689, 752.
Temo Maïrem (mont), 13.
Tercero (rio), 622, 623, 728.
Teuco (rio), 618, 708.
Thereza Christina, 432.
Therezina, 234, 250, 495.
Therezopolis, 299, 311, 335,
460.
Tibagy (rio), 351, 388, 589.
Tibicuary (rio), 507, 509, 515,
536, 539, 540, 551.
Ticunas, 166. 167, 181.
Tieté (rio) 344, 349, 350, 351.
370, 371, 378, 380, 381,
382, 416.
Tigre (cordillera del), 599.
Tijuca (mont), 316.
Timbira, 228.
Timbo, 700.
Timbô, de TlUpicurû, 292.
Timotakem (mont), 12, 13.
Tinguâ (serra), 300.
Tinogosla^ 675.
Tinogaste, 716, 726.
Tiradentes, 278, 365, 366, 507,
595.
813
Toba, Oregudo», Oreillarât,
Orejoneê, 509, 510, 533,
533, 534, 58S, CSG, 073.
67*. 678, 679, 609.
Tocantins (fleuve). 33, 115,
144, 151, 181, 107, 303,
304, 305, 306, 307, 308.
314, 316, 251, 260, 431,
480.
Todos os Santos (haie), 94, 353,
276. Voir Sanlos.
Totombon, 675.
Tolosa, 740. 7M.
Tombador (i-uisseau), 425.
Tomolaala, 610. 727.
Tonnegrande, 84.
Torres (porl), 409.
Tortugas, 704.
Totora (monl),599.
Toucanet, 171.
Trahiry (rîo). 338.
Trcrul(lac),640.
Treinla y Très, 573, 581.
Treiew, 754.
Treuqiie Lau(|uen, 745.
Trej Bocas (las). 514, 616,
•617, 634. 607.
Très Cruces (mont), 596.
Très Sabios. 608.
Trindade (pilier volcanique) ,
270.
Trinidad. 533.
Trois Sauts (cbule des). 24.
TrombeUs (rio). 15, 133, 134,
136,-147, 172.
Tromcn (tac), 605.
Tronador (monl), 605.
TubarSo (monis), 343; —(rio),
394; — (lagune), 399, 40N;
— (houillère), 407,477.
Tucabaca ou rio Olideu, 426.
Tucuman (province), 656, 707,
726, 766, 767, 785.
Tucuman, Tucina (ville), 505.
:i9l, 621, 654, 650, 666,
674, 675, 678. 679, 709.
'710, 7U, 713,715, 7W,
736, 783.
Tucumbi (cerro), 507.
Tumuc-Hum.-ii; (monis), 12, '13,
33, 31.
Tunanlins, Tunalî, 181.
TuDuvan jscri-a cl rio), 633,
724.
Tupi, 45, 165,165, 175,176,
179. 180, 308, 362, 454,
480.
Tupinae*, 286.
Tupinamba, Toginarnboulx,
Tupinambara, Tapimmba-
INDEX ALPHABÉTIQUE.
ranas, 238, 343, 308, 309.
Tupjnambaramas (Ile). 133.
Tupungalo (mont). 600, 630,
719, 737.
Turyassn (rio et ville), 230.
Tuyutict Tuyucué, 541.
Uainunui, Juri Pixuna, lioca
Preitos, 169.
Valumi (rio). 133.
L'aupès ou Icuyaris (rio), 137,
•138, 129, 169, 170, 171,
173, 187.
Ubà («ille). 364.
Ubalùba (mont et port), 340,
360, 309, 374.
Uberabâ (ville et la^nc), 368,
395, 417, 425, 435, 439,
477.
Lcayali (rin), 118, 135, 139,
176.
l'niio, 234, 250.
Union (Montevideo), 571.
Uraricuera, llraricoera (rio),
129, 171, 188.
Urré-Larqucn ou taguna Amar-
Urubii, 285.
Urubupungi, 35t.
Urucuia, rio de la Terre Fertile,
360.
UrusuBf (Ëlal), 500, 504,
529,555-581.
Uruguay (fleuve), 398-403. 514.
526, 555, 557, 558, 559,
564. '625, 626. 627, 050.
l'i-uguay ni ri m, 403.
Uruguayana (ville), 414. 415,
695.
Urubu (rio), 316.
Usbuia (ville). 056.
UspallaLi (brèche de), 671.
Vacacahy(rio). 398, 461.
Vaccaria (campoa de), 410.
Vaimanj, 176.
Valde. ou San José (péninsule).
648, 649.
Valdense, 565.
Valdivia, 639.
Valença, 392,311,355.
Valle(riodel), 714.
Vasa Barrii (rio). 260, 387.
Yasseuras, 511, 355.
Velidero (mont), 599.
Velasco (tiemi de). 655, 717.
YclbaPobre, 137.
Velhas (rio das), 255, 356. 359.
383, 338, 349, 446, 466,
477.
Ventana (mont de la), 611, '613.
Verde (no), du Brésil, 360.351 ;
— rio de l'Argentine, 558.
Vennejo (rio), 558. 629.
Vermelbo (rio), Bahîa, 316.
291.
Venneibo (rio), aux conSns de
SanU Calbarina, 389.
Viaana, 230. 350.
Victoria, 295, 247, 256, 395,
296, 297.
Victoria (chutes de), 355.
Victoria (rio), 636.
Victoria (Argentine), 697, 705.
Victoria (Brésil). 448. 475, 480,
495.
Viedraa (bc), 587, 643, 615.
Vigia, 302.
ViUa Bella do Matto Gn!.w.
458. 459.
Villa Conccpcion. 518.
Villa del Pilar, 543.
Villafranca (du Brésil), 196:
— du Paraguay. 540; — dr
l'Argentine, 099.
ViUarranca(bicde), 134.
ViUaguay, 697.
ViUa Haycs, 554.
Villa Maria, 591.
Villa Merreiles, 591.
Villa Son da Rainba, 292.
Villa Nova d« Lima. 283. i»i.
Villa Occidental. l>99.
Villa Rica, 515, 536, 542,5:>l,
555.
Villa Rica d'ivaliv, 390.
ViUa Urquiia. 700.
Villa Velba, 295.
Villa Velha (roche). 589.
Villa Vigosa, 250.
Villcgagnon (ilol), 317.
Villela. 540, 543, 546.
Vinchina, 718.
Vulcan (sierra del), 587. 61t.
Wapitiana, 40. 41, !:>. 40,
58, 171.
Warramuri, 42.
INDEX ALPHABÉTIQUE.
8i3
William Frederick (ville), 60.
Wonotobo (chutes), 21.
Xarayes (lac), 425, 426.
Xingù (rio), i35, M47, 165,
179, 180, 181, 196, 420,
421, 480.
Xiririca (marbrière), 582.
Yaciretâ (rapide), 697.
Yagueron (rio), 536, 556, 559,
Yamunda (rio), 172, 173.
Yapeyû, lia pua, 697.
Yaro, 562.
Yale ou Yebcan (volcan), 606.
Yerba Buena (cerro), 609.
Ygatimi (rio), 545.
Yi (rio), 564.
Ypacaray (lac), 509.
Zarate, 704.
Zaujon (rio), 630.
Zeballos (pic), 607.
Zeelandia, 67.
Zenta (col), 596, 708.
Zonda (station thermale), 971
TABLE DES CARTES
1. Ile des Guyanes * !.. 4
2. Itinéraires des principaux explorateurs de In Guyane 7
5. Monts Tumuc-Humac 13
4. Bassin de TEssequibo et du haut Rio Branco i9
5. Sources de TOyapok 24
6. Riyières de la zone littorale contestée entre la France et le Brésil . .... 25
7. Savanes de Takutu 32
8. Forêts et savanes guyanaises 55
9. Indiens des Guyanes 41
10. Populations de la Guyane 51
11. District du Nord-Ouest 57
12. Georgetown CO
13. Paramaribo et bouche du Suriname 68
14. Zone cultivée de la Guyane hollandaise 70
15. Établissements pénitentiaires du Maroni 75
16. De de Cayenne 79
17. Cayenne 80
18. Bouche de TOyapok 81
19. Mines d*or des Guyanes 82
20. Mapa et baie de Garapaporis 87
21 . Pivision politique des Guyanes 89
22. Terre de Yera Cruz, premier littoral brésilien découvert 93
23. Anciennes divisions politiques et frontières du Brésil 99
24. Brésil et Portugal . . 101
25. Colonia del Sacramento 106
26. Relief du territoire brésilien 113
27. Confluent du Solimôes et du Japurà 124
28. Confluent du Uaupès et cataractes du Rio Negro 128
29. Cours inférieur du Rio Branco 130
PI. I. Manaos et la croisée des fleuves amasoniens 130
30. Dépression amazonienne et zone extérieure des cataractes. . . . 138
31. Golfe amazonien 145
32. Températures diurnes de Para comparées à celles de Londres 150
33. Selve amazonienne 155
34. Populations indiennes de l'Amazonie 173
35. Teffé et le confluent du Japurâ 185
36. Chutes du Madeira et projet de voie lerrée 186
.ï7. Ibicoaliini cl conlîueiH liu Madeira. . . , i\)2
58. Oliidon , l!)i
59. Alnmquei', Banljiri'm . )li3
40. Pati et »a raili! . l'JM
PI. Il, Bouchas da l'AmaKono ftt du Too«ntln« ... i'M
M, l'rincipiinx tayngi^s irt'X|i]nnitiDii dans les bnssins de l'Annxnnic cl du luuntini. . . SOô
W. GojB» miridioniil pt futur lerriloire fiîdiSral du Brésil ît&
45. Fcrnnndo do Koronha . , . 2Î4
44. $io Luiï de Miiran)iait . . . i53
45. DeJla du Panuhjba . SS4
46. Ceai-4 .255
47. Cap SSo Roque S37
48. Ni.li.1 .... . . S39
49. Parabyba ei Calwdelo .340
50. Peiiwnibuco . a*.')
5). La côte dus rétih, ealrv l'iii'alivba ul lu liouchi: du ^io Fnincîsco . S4T
53. Oùlfi de l'AIngdu ' . 84«
53. Hnccii^ itt sa rode -. . . . .349
54. Spiiil du Sii[iSo el du Samnu S60
55. Cat.iniclâ du Paulo AITonao. . . S62
56. Bouche du S3o Fraiwiscu. . 365
87. Cuura iuforieurdu rio Dôoo .... ■ . . . . Î67
58. Alirollios S6ft
59. Aucieunes populutious indieiuies du llcé&d nricnlnl S75
liO. Nœud de Queliu et haiil bassin du rio Sic Fnnciwn. , ..... S79
Si. Ouro Prelo SSO
B2i Bassin du rio Sîo frandsco 387
65. Bahia 88S
64. Caravellas el les rôcifs 294
65. Tittoria 398
06. Chaîne de l'iUlLaya Mil
67. Littoral océanique de Itin . 30!
68. Bouche du Parahyha el cap Sîo ThomO. ... 30.(
69. Pointe du cap Frto 305
70. Carapos et bas Parahyba îilS
71. Rio de Janeiro 519
l'I. III. Rio de Janeiro et aea environa ...... 5'JO
72. Baie de Rio 33!
73. Rio de Janeiro, iMclheroj et leurs environ» Ô5I
7t. Petropolis 553
75. Territoire disputé eutre le liiéiil et l' Argent! m; 53','
76. Marigot de Cananea 340
77. Sào Sebastiio et son ile 347
78. Baie de Paranaguâ 348
79. Sauts du Paranapaneina à ton eutiùe dans la d i
80. Jui* de Kent
81. liiirbiicnia
S^. Silo Joândel Krj in \^uvi'ado .\|jivai. . . .
8."i. Rr-f;ioH des sourres llirTm;ilrs ilin-; l<-s Minii- lii
. De Santus ;
. Ri'(,'iori des
L-sau nord di- Sa
lies de l'er d'Ipaii
TABLE DES CARTES. 817
89. DeCuritibâ à Paranaguâ 584
90. Paranaguâ 387
91. De de Sâo Francisco 392
92. fle de Santa Catharina 393
93. Lagôa dos Patos 400
94. Lagôa Mirira 401
95. Colonies allemandes du Brésil méridional 406
96. Porto Alegre et le Guahyba 408
97. Canal projeté du Rio Capivary à Torres et à Laguna 409
98. Pelotas " 410
99. Rio Grande do Sul et sa barre 413
100. Région des faîtes entre le Tapajoz et le Paraguay 420
101. Sources de TAlegre et de rAguap«ihy 424
102. Matto Grosso et le haut Guaporé 438
103. Guyabâ et le Paraguay 440
104. Densité de la population au Brésil 445
105. Colonies principales d*immigrants au Brésil 449
106. Principales productions forestières ou agricoles du Brésil 459
107. Région aurifère au centre du Brésil 467
108. Limite d'interdit minier autour de Diamantina, au dix-huiticme siècle 469
109. Mines principales du Brésil 470
110. Chemins de fer au Brésil 478
111. Réseau des Yoies ferrées de Rio, Minas et Sâo Paulo 479
112. Voies navigables du Brésil 483
113. Divisions politiques du Brésil 489
114. Municipes de l'État de Rio de Janeiro 494
115. Anciennes limites reyendiquées et limites actuelles 504
116. Pilcomayo 513
117. Régions des forêts et des campoi 516
118. Missions des Jésuites 526
119. Encamacion 532
120. Asuncion 535
121. D'Asuncionà Villarica 539
122. Paraguay sud-occidental 541
123. Humaita 542
124. Région des yerbales dans le Paraguay et le Brésil 545
125. Estuaire de La Plata 559
126. Montevideo 569
127. Divisions politiques de l'IIruguay 580
128. Principaux itinéraires de découverte dans la Patagonie 590
129. Martin Garcia 592
130. Plateaux et nevados dans la partie nord-occidentale de l'Argentine 597
131. Nevado de San Rafaël 604
132. Montagnes voisines du Nahuel-Huapi 606
133. Sierra de San Luis 610
134. Pointe méridionale de la Yentana 612
135. Très Bocas en 1860 617
136. DelU du Paranâ et de l'Uruguay 625
137. Le Bebedero et la Caftada 633
138. Ancien bassin du Colorado 634
139. Urre-Lafquen 635
140. Bas rio Colorado et rio Negro 636
141. Lac Argentino, d'après Moreno 644
142. Bouches des rios Chico et Santa Cruz 646
XIX.
103
818 TABLE DES CARTES.
145. Du lac ArgentiDO aux Ijords du sud, d'après Moyano 6i7
144. Bauins fermés de l'Ai^entine 654
145. GoDtnistc de la lëgélatioD sur les plaleai» et dans les ravins 661
146. Populations indienoos du nord de t'Argentioe 681
147. Lignes des forte contre les Indiens 68S
148. Populations indiennes du sud de l' Argentine 688
149. Corriealcs et le confiuent des fleuves liOg
150. Santa Fé et ses premières colonies 70Î
151. Tucuraan 710
152. Andalgalà el l'Aconquija 715
155. Chilecilo et le Famatina 717
154. Mendoza. ... ! 7Î0
155. Cordohd 7Î9
PI. IV. Buenos Airas, La Flata et l'B«taalr« , . . . . 756
156. Montagne de Tandil au cap Corrienles 744
157. Lignes des lacs et des foris 7*5
158. Bahia Blanca 746
159. Colonie galloise du ChuLul 75i
160. Colonies anciennes el modernes de la Patagonie 753
161. Bahia San Sébastian 7M
16S. Terrains et cultures de l'Ai^cntinc 769
165. Tracé du chemin do fer Transaadin 774
164. Voies de communication 775
165. Divisions territoriales de l'Argentine 779
166. Archipel des Falkland. 786
167. Port Stanley 788
168. Géorgie du Sud 790
Cahie p'ensehble. — Amdriqu* du Sua 824
TABLE DES GRAVURES
1. — Mont Ronima. — Dessin de Taylor, d*a|irès un croqub de M. (L B. Browa,
extrait da Comte and Camp Life in Brititk Guiana 9
II. — Chale de Kaieteur. — Dessin de Th. Weber, d*j|vès M. C. B. Brown, Canoë
and Camp Life in Briiuk Guiana 17
in. — Homme et fenime gaUbi. — GraTure de Tbinal, d*apcès mie photogniihîe
oommnniqiiée par M. F. Lavean 43
lY. — Ilabitatioo dlndiens gaiibi sur les bords da Xarooi. — Dessin de A. Firis,
d*après mie photographie de M. Ganifet, oommoni<piée par h Société de
GéogTiphie 63
V. — Cayenne. Vue prise da Géperoa. — Dessin de Hu Weber, d*j|vès mie pho-
tographie de M. Fournerean, commamqoée par la Société de Géographie. . 77
YI. — Bahia. Tœ générale de h baie. — Dessin de TaHor, d*j|vès one photogra-
phie communiquée par M. de Rio-^ranco 95
Vn. — Entfée de la baie de Rio de Janeiro. — Dessin de Taylor, d'après one photo-
graphie 109
YIIL — Le Marailon à Tabatinga. — Dessin de Th. Weber, d*après one photogn|ihie
de M. Marcel Xonnier, communiquée parla Société de Géographie. .... 119
DL — RÎTes de FAmazone. Faiysage d*inoiidation. — Dessin de G. TuîDîer, d*j|vès
une photographie comnmniqoée par h Société de Géogn|)hie lil
1. — Paysage de la région amazonienne. Cachoeira, près de Manaos. — GraTure de
Rocher, d'après une photographie communiqoée par la Société de Géogra-
phie 155
XI. — Intérieur d'une hutte ticuna. — Dessin de J. Lavée, d*après une photographie
communiquée par h Bibliothèque du Muséum. . 167
m. — Cases dlndiens Orejones de F^. — Dessin de Riou, d'après une photographie
de J. CreTaux 182
un. — Manaos. Vue prise dans les faubourgs. — Dessin de Taylor, d'après une pho-
tographie communiquée par b Société de Géographie 189
XIV. — Cafusa. — Dessin de J. Lavée, daprès une photographie 191
XV. — Para. Vue prise sur le fleuTe. — Dessin de Taylor, d'apfès une photographie . 199
VI. — Indiens Caraya. — Gramre de Thiriat, d'après une photographie communiquée
par M. Coudreau. 211
K30 TABLE DES GRAVURES.
ÏVn, ~ Hmille dp la luinnc i sucre. — Itessin de G. Viiillicr. d'n|ir«s uae i>hi>lugra|ihie ij\
XYin. — Pemambiico. \w prao duns l'inlârieur île lu >ill(>, au l'ali^o do Terco. —
Dewin de Tïj'tot', d'aprâs uiiu pholograpliie du H. Undpnnann 341
XIX. — Chute de Psulo AfloasD. — D'apriM une pbotognphie de M. Manuier, uammu-
niquta par la Société do Géogmpbio S&>
XX. — Ouro PreUi. Vuv g^nindc. — Dc&sin àe Tatlor, d'upiis uae photographie . . 381
XXI, — Pics ds \» cliaïoe dus Orgues, près do Thercropolis. — Desïin de Buudier,
d'aprÈs uuo pliolo^traphie SOI
XXU. — Planliilion do caflri'ï. — Dessin de G. Yuillier, d'aprte une pbolognphie. . 313
SKIU. — Rio de Janeiro. Vue géni^ralu prise de l'Ile Colims. — Dessin de Taylor. d'aprJs
uno phalogrjpbie ZH^
XXIV. — Groupe d'ai-aucarias, dans le Sio l'aulo. — Dnssiu de Boudior. d'aprî^ uiir
pholDgraphie Ôfl
XXV. - Chutes d<! ri^aid. Le salto Victoria. — Dessin de Th. Webcr, d'aptvs uiil-
photogre|iliie de H, Slorm, coin mua iijiiéo par la Société de Gi'ogmphic . . . 353
XXVi. — Porl de Sanlo!, vue prise en 18111. — Grature de Bûcher, d'aprte une photo-
graphie 5T5
XXVU. — Chemin de fer de ParanaguA 1 Curitibi, Vue prise au Morro de llarumhj.
— Dessin de Th. Weber, d'aprfta une pheiographie coiriuiuniqu*<-' par la
Sotiéié de Géographie 385
XXVUI. — Rio Grande. Vue gÉniSrale. — Detsin de Tajkir, d'aprft* uno phologi-aphie . . 411
XXIX. — Paysage du Ma llo Grosso. Vue prise des hiirds de l'Aquidauana. — Dessin
de A. Slom, d'après un croquis communiqué par H. de Taiinar 437
XXX. — Indiens Lengoas en marche. — Gravure de Tliiriat, d'après une photographie
communiquée par H. Ch. Cadiol 435
XXXI. — ÊtahlissemenI des immigrants dans l'Ilha das Flores, baie de Rie. — Dessin de
A. Slom, d'après uae photo^phie ... 4ôl
XXXn. — Palmiers camaûba. — Gravure de Rocher, d'après une photographie. ... 4GI
XXXIII. — Uulels transportant du minerai. — Dessin de A. Piris, d'après une photo-
graphie 471
XXXIV. — Porl de Recife. Vue prise sur la digue. — Dessin de Th. Weber. d'après une
photographie communiquée par H. Fiiurnier 481
XXXV. — Palais de l'île Fiscal, dépendance de la douane, dans la baie de Rio. — Dessin
de Boudior, d'après une photographie 493
XXXVI. — Humaila. Vue prise des bords du Paraguay. — Dessin de G. Vuillior, d'après
une pholographie communiquée par H. Ch. Cadiol ùOI
XXXVII. — Vue prise sur le Pilconiayo. — Dessin de G. Vuillier, d*aprés une photogniphie
communiquée par SI. Ch. Cadiot 511
X^XVm. — Croupe d'Indiens Angailes dans lu Chaco soplenirional. — Gravure de Thiiial,
d'après uno photographie commmiiipiée par M. Ch. Cadiot ;>1',J
XXSIX. — Ancienne église des Jésuites de l'irayû. — Dessin de A. Slom. d'après une
XL. — Asunciou. Vue prise dans la Callc l'niinas. — Dessin de Tavlor, d'ai^rès une
photogniphie communiquée par .M. l^li, Cadiol J57
Xl.l. — Convoi de cliaiTOlles. — Dessin de A. l'ùris, d'j|uès une photographie cojninu-
niquée par M. tlli. Cadiot Mil
TABLE DES GRAVURES. 821
XLII. — Montevideo. Vue générale prise du Cerro. — Dessin de Taylor, d*après une
photographie 567
XLDI. — Vue prise dans un saladero, au Salto. — Dessin de A. Slom, d'après une photo-
graphie communiquée par M. Harriague 577
XUV. — Le rio Paranà. Vue prise à Hemandarias. — Dessin de Th. Webcr, d'après
une photographie 585
XLV. — Convoi de muletiers au pied de la Cordillère. -^ Gravure de Hocher, d*après
une photographie 601
XLVI. — Lagunes de las Palmas sur le bas Pilcomayo. Vue prise près de son embou-
chure. — Dessin de Th. Weber, d'après une photographie de M. Storm,
communiquée par la Société de Géographie 619
XLVn. — Paysage de TArgentine. Vue prise devant le Collon-Cura. — Dessin de Th. We-
ber, d'après une photographie de M. Sicmiradzki 631
XLVin. — Vue prise sur les bords du rio Neuquen. — Dessin de A. Pari?, d'après une
photographie de M. Siemiradzki 637
XLIX. — Vue prise dans la vallée d'Acha, Pampa centrale. — Dessin de A. Slom,
d'après une photographie de M. Siemiradzki 651
L. — Vue prise dans la Pampa. — Dessin de Y. PranishnikofiT, d*après une photographie. 659
LI. — Indiennes du Grand Chaco. — Gravure de Thiriat, d'après une photographie
conmiuniquée par M. Ch. Cadiot 677
LU. — Groupe de Patagons. — Gravure de Devos, d'après une photographie communi-
quée par la Société de Géographie 685
Lin. — Groupe de gauchos. — Dessin de A. Paris, d'après une photographie 691
liV. — Jujuy. Vue générale. — Gravure de Rocher, d'après une photographie. . . . 705
LV. — Tucuman. Vue prise sur la Grand'place. — Gravure de Privât, d'après une pho-
tographie 711
LVI. — Hendoza. Vue prise dans l'intérieur de la ville. — Gravure de Razin, d'après
une photographie 721
LVU. — Pont de l'Inca. — Dtssin de Gotorbe, d'après une photographie 725
LVni. — Duenos Aires. Vue prise devant le palais du Congrès. — Dessin de A. Slom,
d'après une photographie 737
liX. — Musée de la Plata. — Dessin de Roudier, d'après une photogi*aphie 741
LX. — Rocher de Tandil. — Dessin de Gotorbe, d'après une photographie 743
LXI. — General Acha. Vue prise dans une rue. — Dessin de A. Paris, d'après une
photographie de M. Siemiradzki 749
LXn. — Corral dans la province de Patagones. — Dessin de A. Paris, d'après une
photographie 761
LXIII. — La Plata. Vue panoramique. — Dessin de Taylor, d'après une photographie. . 777
k- -J ,'
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TABLE DES MATIÈRES
Chapitre I. — Les Gutanes 1
I. — Vue générale 1
n. — Guyane anglaise 55
III. — Guyane hollandaise 66
IV. — Guyane française 72
V. — Territoire contesté franco-brésilien 85
GHAnTRE II. — États-U.xis du Br]£sil
I. — Vue générale 91
II. — Amazonie. Ëtats d^Âmazonas et de Para 117
m. — Versant du Tocantins. État de Goyaz 202
IV. — Côte équatoriale. États de Maranhâo, Piauhy, Cearâ, Rio Grande do
Norte, Parahyba, Pernambuco, Alagôas 217
V. — Bassin du rio Sâo Francisco et versant oriental des plateaux. États de
Minas Geraes, Bahia, Sergipe, Espirito Santo 251
VI. — Bassin du Parabyba. État de Rio de Janeiro et municipe neutre . . . 297
Vn. — Versant du Paranâ et coutre-versant océanique. Ëtats de Sâo Paulo,
de Paranâ, de Santa Catbarina 336
VIII. — Versant de l'Uruguay et littoral adjacent. (État de Sâo Pedro ou Rio
Grande do Sul.) 395
IX. — Matto Grosso 415
X. — État matériel et social de la population brésilienne 442
XI. — GouTernement et administration 486
Chapitre III. — Paraguay 497
Chapitre IV. — Uruguay 555
Chapitre V. — Arobntiiib 583
Chapitre VI. — Iles Falklard et Géorgie du Sud 785
Dernier mot 793
Note 797
Index alpbabétiquc • 799
Table des cartes 815
Table des gravures 819
Errata 825
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