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Full text of "Nouvelle géographie universelle; la terre et les hommes"

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The  Branner  Geological  Library 


NOUVELLE 


GÉOGRAPHIE 


UNIVERSELLE 


NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE 


Tome  I"  :  L'EUROPE  MÉRIDIONALE 

Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée 


(GRÈCE,  TDRQUIE,  PATS  DES  BULGARES,  ROOMAMIC,  SERBIE 
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GEOGRAPHIE    DE    L'EUROPE 
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Tome  111  :  L'EUROPE  CENTRALE 

(suisse,   AUSTRO-nONGRIE,  EMPIRE  d'aLLEMAGNE) 

contenant  10  cartes  en  couleur,  220  cartes  dans  le  texie 


I 


cl  78  vues  et  types  gravés  sur  bois,  30  fr. 

Tome  IV  ;  L'EUROPE  SEPTENTRIONALE 
(NORD-OUEST  :  beixsique,  noLLAKDE,  îles  britaihuques) 

contenant  7  cartes  en  couleur,  210  caries  dans  le  texic 
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GEOGRAPHIE    DE    L'ASIE 
Complète  en  i  volumes 


Tome  VI  :  L'ASIE  RUSSE 

(CAUCASIE,   TURUSTAN   ET  SIB€rIE} 

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et  88  vues  et  types  gravés  sur  bois,  30  fr. 

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et  8i  vues  et  types  gravés  sur  bois,  30  fr. 

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(AFGHANISTAN,  BALOUCHISTAN,  PERSE,  TURQUIE  d'aSIE 

ARABIE) 

contenant  5  caries  en  couleur,  166  cartes  dans  le  texte 
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GÉOGRAPHIE   DE  L'AFRIQUE 
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ToMB  X  :  L'AFRIQUE  SEPTENTRIONALE 

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SOUDAN  EGYPTIEN,  ÉTUIOPIK,   NUBIE,  ÉGYPTE) 

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et  57  vues  et  types  gravés  sur  bois,  20  fr. 

ToMB  XI  :  L'AFRIQUE  SEPTENTRIONALE 
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ALGÉRIE,   MAROC,   SABARA) 

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et  83  vues  et  types  gravés  sur  bois,  30  fr. 


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contenant  3  cartes  eu  couleur,  126  cartes  dans  le  texte 
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Tome  XllI  :  L'AFRIQUE  MÉRIDIONALE 

(ÎLES    DE    l'atlantique    AUSTRAL,   GABONIE ,   ANGOLA 
CAP,   ZAMBÈIE,   ZANZIBAR,   CÔTE   DE  SOMAL) 

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GÉOGRAPHIE    DE    L'OCÉANIE 
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Tomb  XIV  :  L'OCÉAN  ET  LES  TERRES  OCÉANIQUES 

tLBS  DE  l'océan  INDIEN,  INSUUHDE,   PHILIPPINES,  MICRONiSIB,    NOUVELLE-GUINÉE,  MJfLANÉSIE,    NOUVELLE-CALEDONIE,  AUSTRALIE 

POLYNÉSIE) 

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GÉOGRAPHIE    DE    L'AMÉRIQUE 
Complète  en  5  volumes 


Tome  XV  :  L'ABCÉRIQUE  BORÉALE 

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TERRE-NEUVE) 

contenant  i  cartes  en  couleur,  163  cartes  dans  le  texte 
et  56  vues  ou  types  gravés  sur  bois,  ^  fr. 

Tomb  XVI  :  LES  ÉTATS-UNIS 

contenant  une  graude  carte  des  États-Unis,  i  cartes 

en  couleur,  194  cartes  intercalées  dans  le  texte 
et   65  vues    ou    types   gravés   sur   bois,  25  fr. 


Tome  XVII  :  LES  INDES  OCCIDENTALES 

(MEXIQUE,  ISTHMES  AMÉRICAINS,  ANTILLES) 

contenant  i  cartes  en  couleur,  191  cartes  dans  le  texte 
et  74  vues  et  types  gravés  sur  bois,  30  tr. 

Tome  XVIII  :  L'AMÉRIQUE  DU  SUD 
(LES  RÉGIONS  AKDINES  :  trinidad,  Venezuela,  Colombie, 

ECUADOR,  PÉROU,   BOUVIE  ET  CUILl) 

contenant  i  cartes  en  couleur,  157  cartes  intercalées  dans 
le  texte  et  64  vues  ou  types  gravés  sur  bois,  25  fr. 


26319.  —  Paris.  Imprimerie  Lahube,  rue  de  Fleunis,  9. 


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NOUVELLE 


GÉOGRAPHIE 


UNIVERSELLE 


LA    TERRE    ET    LES    HOMMES 


PAR 


ELISEE    RECLUS 

y 

XIX 

AMÉRIQUE  DU  SUD 

L'AMAZONIE    ET    LA    PLATA 

CUTANES,    BRÉSIL,     PARAGUAY,    URUGUAY,     RÉPUBLIQUE     ARGENTINE 

COHTBIIAÏIT 

5  CARTES  EN  COULEUR  TIRÉES  A  PART 
!«•    aABTSB   laTSKOALÉSB    DAMS    tB    TBZTB 

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PARIS 

LIBRAIRIE    HACHETTE    ET    C" 

79,   BOULEVARD    SALNT-iîERIf AIN ,    79 

1894 

DraiU  à»  traioAioa  al  d«  rvpraductioa  HMrW» 


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NOUVELLE 


GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE 


LIVRE  XIX  ET  DERNIER 


L'AMAZONIE   ET  LA  PLATA 


CHAPITRE  PREMIER 


LES  GUYANES 


I 


VUE     GENERALE 


Le  sens  géographique  du  mot  Guyane  s'est  modifié  diversement  pendant 
les  trois  derniers  siècles.  Lorsque  les  premiers  voyageurs,  espagnols, 
anglais,  hollandais,  visitèrent  les  bords  de  TOrénoque,  ils  se  trouvèrent  en 
contact  avec  des  Indiens  Guayanos,  Guayanas  ou  Guayanazes,  dont  le  nom 
fut  employé,  d'une  manière  vague,  pour  tout  le  territoire  occupé  au  sud 
du  gi^and  fleuve.  D'ailleurs,  ce  mot  se  reproduit  sous  différentes  formes, 
appliquées  soit  à  des  tribus  indigènes,  soit  à  des  cours  d'eau,  en  plusieurs 
régions  du  continent  :  les  Ouaraoun  ou  Guaraunos  du  delta  de  l'Oré- 
noque  ne  seraient-ils  pas  des  Guayanos,  les  Roucouyennes  ne  se  disaient- 
ils  pas  des  Ouayana,  et  cette  appellation  n'est-elle  pas  aussi  celle  d'un 
grand  arbre,  protecteur  mythique  de  la  tribu*?  Enfin,  le  haut  rio  Negro, 

*  Henri  A.  GHidreau,  NoUi  manuscriiet, 

xn.  1      4 


2  NOUVELLE  GËOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

dans  la  partie  supérieure  de  son  cours,  à  la  descente  des  contreforts 
andins,  n'est-il  pas  connu  sous  le  nom  de  Guainia,  vocable  indien  iden- 
tique à  celui  de  Guyane?  Une  des  coulées  du  littoral,  entre  TEssequibo 
et  le  delta  de  TOrénoque,  est  aussi  dite  Waini  ou  Guainia. 

Dans  son  acception  première,  la  dénomination  de  Guayana  ne  compre- 
nait point  les  régions  du  littoral  atlantique  auxquelles  on  donne  aujour- 
d'hui spécialement  le  nom  de  Guyane.  Cori*espondant  à  la  région  dite 
aujourd'hui  Guayana  Yenezolana,  la  Guyane  ne  s'étendait  pas  au  delà  du 
vaste  hémicycle  formé  par  le.  haut  Orénoque;  mais  peu  à  peu,  dans  la 
terminologie  géographique,  le  mot  prit  une  plus  grande  extension,  pour 
embrasser  d'abord  les  terres  brésiliennes  que  longent  au  sud  le  rio  Negro 
et  l'Amazone,  puis  les  versants  orientaux  des  montagnes  connues  jadis 
d'une  manière  générale  comme  la  Serra  de  Parima  et  désignées  d'abord 
sur  les  cartes  sous  le  nom  de  Caribane,  c'est-à-dire  «  pays  des  Caraïbes  ». 
Ainsi  comprise,  la  Guyane  constitue  une  part  bien  déterminée  de  l'Amé- 
rique du  Sud  :  tout  l'espace  ovalaire,  d'une  superficie  d'environ  2  millions 
de  kilomètres  carrés,  que  le  cours  de  l'Orénoque,  ceux  du  Cassiquiare,  du 
rio  Negro  et  du  bas  Amazone  séparent  de  la  masse  continentale.  On  a 
donné  le  nom  d'ile  à  cette  grande  province  de  l'Amérique  méridionale; 
mais  il  ne  s'agit  point  ici  d'une  «  ile  »  véritable,  dont  les  navires  puissent 
faire  le  tour  par  escales  régulières.  Elle  le  deviendra  probablement  un 
jour,  grâce  aux  canaux  creusés  par  l'homme;  actuellement,  les  rapides 
fameux  d'Aitures  et  de  Maipures  sur  l'Orénoque,  ceux  du  Cassiquiare  et 
du  haut  rio  Negro,  obligent  les  bateliers  à  débarquer  leurs  marchandises, 
et  l'humble  trafic  de  la  région  des  seuils  se  fait  par  les  portages.  En 
usant  des  moyens  de  communication  les  plus  rapides,  le  voyageur  favo- 
risé par  les  circonstances  emploierait  actuellement  au  moins  trois  ou 
quatre  mois  pour  faire  la  circumnavigation  de  la  Guyane*.  Au  point  de 
vue  géologique,  cette  Guyane  est  aussi  une  île,  un  massif  distinct  de 
granit  et  autres  roches  éruptives,  émergé  depuis  l'époque  des  trias'. 

L'ovale  insulaire  se  diviserait  naturellement  en  quatre  parties  à  peu  près 
égales,  par  deux  lignes  se  coupant  à  angle  droit,  celle  des  arêtes  de 
montagnes  presque  parallèles  à  l'équateur  qui  se  dirigent  du  seuil  de 
partage,  près  du  Cassiquiare,  vers  le  musoir  septentrional  de  l'estuaire 
amazonien,  et  la  dépression  transversale,  où  coulent  d'un  côté  l'Esse- 
quibo,  de  l'autre   le  rio  Branco.    Mais  les  puissances  conquérantes  du 


*  Richard  Schomburgk,  ReUen  in  BritUch  Guiana  ;  —  Henri  A.  Coudreau,  îioUê  manutcrites. 

*  Ch.  Vélain,  Bulletin  de  la  Société  Géologique  de  France,  Séance  du  5  mars  1879. 


-J!.. 


ILG  DES  GCTANES.  3 

continent  américain  ne  pouvaient  tenir  compte  de  cette  s^mealation 
naturelle  du  territoire,  les  colons  européens  n'ayant  eu  d'accès  facile 
que  sur  le  littoral  et  les  rives  des  grands  lleuves.  Déjà  h  quelques  kilo- 
mètres des  côtes,  les  terres  de  la  Guyane  restaient  inconnues;  des 
aventuriers  pénétrèrent  au  loin  dans  les  forêts  et  les  savanes,  mais  sans 
en  rapporter  de  documents  précis  :  des  régions  montagneuses  du  cen- 
tre on  ne  sut  rien  que  des  mythes.  Là  aussi,  comme  en  tant  d'autres 
endroits  de  l'Amérique,  était  censé  vivre  un  roi  «  Doré  »,  el  Dorado,  se 


baignant  dans  l'or  liquide,  vivant  dans  un  palais  d'émeraudes  et  de 
rubis  :  on  tenta  maintes  fois  d'aller  à  sa  découverte  pour  conquérir 
ses  trésors,  mais  l'exploration  sérieuse  n'a  commencé  que  pendant  le  siècle 
présent.  Le  partage  s'est  donc  fait  du  pourtour  vers  l'intérieur.  L'Espa- 
gne, à  laquelle  a  succédé  la  république  du  Venezuela,  s'empara  de  toute 
la  Guyane  du  nord  et  de  l'ouest,  le  long  du  croissant  de  l'Orénoque;  le 
Portugal,  dont  hérite  le  Brésil,  s'attribua  la  partie  des  Guyanes  situées 
sur  le  versant  de  l'Amazone  :  il  ne  resta  pour  les  autres  puissances 
européennes  'que  le  littoral  maritime  compris  entre  les  deux  régions 
des  embouchures,   delta   de  l'Orénoque  et  estuaire  de  l'Amazone.  Aux 


4  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

établissements  de  la  côte,  les  Anglais,  Hollandais  et  Français,  qui  s'étaient 
déclarés  maîtres  et  conquérants,  ajoutèrent  jusqu'aux  arêtes  inconnues 
des  monts  tous  les  bassins  fluviaux  dont  ils  possédaient  les  embouchures, 
et  ces  trois  domaines  coloniaux  constituent  le  territoire  désigné  d'une 
manière  spéciale  sous  le  nom  de  Guyane. 

Toutefois  les  frontières  en  sont  encore  flottantes.  Au  sud,  les  faites  de 
partage  n'ont  pas  été  reconnus  dans  leur  longueur  et  toute  leur  com- 
plexité; en  outre,  les  voyages  qui  ont  eu  lieu  ne  se  sont  jamais  faits  sous  la 
direction  d'arbitres  chargés  de  la  délimitation  précise  des  territoires  entre 
les  États.  A  l'ouest  et  à  l'est,  les  incertitudes  sont  d'autre  nature  :  là 
des  districts  d'étendue  considérable  restent  encore  terre  débattue.  La 
Grande-Bretagne  prétend  avoir  droit,  non  seulement  à  tout  le  versant  de 
l'Essequibo,  mais  en  outre  à  une  partie  du  bassin  supérieur  du  rio  Branco, 
que  réclame  aussi  le  Brésil.  A  l'égard  du  Venezuela,  elle  se  montre  plus 
exigeante.  Ayant  déjà  poussé  les  frontières  de  sa  colonie  jusqu'à  la  lèvre 
méridionale  d'une  des  grandes  bouches  de  TOrénoque,  par  la  coulée  de 
TAmacuru,  elle  s'est  également  emparée  d'une  partie  fort  riche  en 
alluvions  aurifères  de  ,1a  vallée  du  Cuyuni  :  l'ensemble  du  territoire 
débattu,  qu'ont  parfois  ensanglanté  les  conflits  des  nationaux  respectifs, 
comprend  une  superfîcie  supérieure  à  celle  du  domaine  attribué  sans 
contestations  à  l'Angleterre.  A  l'autre  extrémité  des  Guyanes,  la  France 
dispute  au  Brésil  une  région  évaluée  en  étendue  à  la  moitié  de  la  super- 
ficie du  territoire  français  :  c'est  une  longue  bande  du  versant  atlantique 
amazonien,  comprise  entre  l'Araguari  et  le  rio  Branco.  Les  pays  contestés, 
à  l'ouest,  à  l'est  et  au  sud,  forment  autant  de  domaines  politiques  distincts 
dans  l'ensemble  de  Tile  guyanaise'. 


Les  diverses  Guyanes  ont  une  grande  ressemblance,  une  physionomie 
générale  commune  par  la  nature  et  l'étagement  des  roches,  l'orientation  et 
le  régime  des  cours  d'eau,  les  apports  et  érosions  du  littoral,  la  direction 
des  courants  maritimes,  les  phénomènes  du  climat,  la  répartition  des 


*  Superficie  des  diverses  Guyanes  : 

Guyane  contestée  entre  Venezuela  et  Grande-Bretagne.  130000  kîL  carrés. 

Guyane  anglaise,  y  compris  le  «  contesté  »  brésilien.  120  000  » 

Guyane  hollandaise 120  000  » 

Guyane  française 81  000  » 

Guyane  contestée  entre  Brésil  et  France 260  000  » 

Ensemble  (d*après  H.  Coudreau) 711  000  kil.  carrés. 


EXPLORATION  DES  GUYANES.  5 

espèces  végétales  et  animales,  le  groupement  des  tribus  indiennes.  C'est 
à  l'intervention  de  Thomme  que  sont  dus  les  principaux  contrastes  des 
divers  États  coloniaux  soumis  par  l'action  des  gouvernements  d'outre-mer 
à  des  conditions  économiques  et  sociales  différentes.  De  nombreux  voya- 
geurs, volontaires  ou  bien  envoyés  par  la  mère  patrie,  ont  étudié  spécia- 
lement telle  ou  telle  vallée,  tel  district  de  culture  ou  de  mines,  et 
raccordé  leurs  itinéraii*es  à  ceux  des  explorateurs  qui  ont  traversé  la  con- 
trée de  l'un  à  l'autre  versant  ou  des  bords  de  l'Orénoque  à  ceux  de 
l'Amazone.  Grâce  à  ces  travaux  collectifs,  on  peut  déjà  tracer  un  tableau 
général  de  la  nature  des  Guyanes. 

La  première  connaissance  du  littoral  fut  acquise  au  commencement  du 
seizième  siècle,  en  1500,  par  le  navigateur  espagnol  Vicente  Yanez  Pinzon, 
le  compagnon  de  Christophe  Colomb  dans  la  découverte  du  Nouveau 
Monde.  Ayant  abordé  les  côtes  du  Brésil,  à  l'est  de  l'Amazone,  il  traversa 
la  <c  mer  douce  »  de  l'estuaire  et  longea  les  côtes  basses  des  Guyanes  jus- 
qu'à l'Orénoque.  Diego  de  Lepe  et  autres  marins  cinglèrent  dans  la 
même  partie  de  l'Océan,,  mais  près  d'un  siècle  se  passa  sans  que  des 
voyageurs  ou  colons  européens  pénétrassent  dans  l'intérieur  des  terres 
depuis  longtemps  aperçues  du  large.  Sans  doute  quelques  Espagnols 
débarquèrent  sur  les  côtes  voisines  de  l'Orénoque,  puis  des  Hollandais 
leur  succédèrent  et,  dès  1581,  cherchèrent  à  s'établir  solidement  aux 
bords  du  Demerara  pour  traiter  avec  les  indigènes.  Le  goût  des  aventures 
et  l'espoir  de  découvrir  les  trésors  de  l'Homme  Doré  attirèrent  aussi  les 
voyageurs  blancs,  car,  en  1596,  l'Anglais  Keymis,  reprenant  la  tentative 
de  son  compatriote  Raleigh  dans  1'  ce  empire  de  Guaya  »,  la  Guyane 
espagnole,  essaya  de  découvrir  le  grand  lac  Manoa,  que  la  carie  de  Raleigh 
représentait  comme  ayant  à  son  extrémité  orientale  «  la  plus  vaste  cité  du 
monde*  ».  Mais  il  prit  une  autre  route  :  au  lieu  de  suivre  la  voie  de  l'Oré- 
noque, il  remonta  la  rivière  Oyapok,  dans  la  contrée  qui  est  devenue 
la  Guyane  française.  En  1688,  la  Motte  Aigron  remonta  TOyapok,  à  «  cin- 
quante lieues  »  de  la  mer,  dans  l'espoir  déçu  de  gagner  les  rives  de 
l'Amazone  et  peut-être  de  trouver  en  route  la  fameuse  région  de  l'or. 
Encore  en  1739,  Nicolas  Hortsmann,  suivant  un  autre  chemin,  celui  de 
TEssequibo,  pénétra  fort  loin  dans  Tintérieur,  sollicité  par  le  mirage  de 
la  ville  aux  toits  de  métal  précieux.  Mais  les  origines  de  la  colonisation 
se  firent  par  le  commerce.  Une  fois  campés  sur  le  littoral  guyanais, 
les  traitants  de  diverses  nations  se  disputèrent  les  domaines  conquis, 

'  Geographical  Journal,  Fcbniary  1890. 


I 


6  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

et  les  gouvernements  d'Europe  se  mêlèrent  à  ces  rivalités  par  des  entre- 
prises de  guerre  et  de  pillage  :  peu  à  peu  on  apprit  à  connaître  quelques 
lieux  privilégiés  du  littoral;  le  tracé  géographique  des  côtes,  des  estuaires 
et  des  cours  d'eau,  jusqu'aux  premiers  rapides,  prit  forme  graduellement, 
et  Ton  acquit  de  vagues  notions  sur  les  pays  de  l'intérieur,  grâce  aux 
rapports  des  Indiens  et  des  nègres  marrons.  Des  missionnaires  contri- 
buèrent aussi  pour  une  certaine  part  à  l'exploration  de  la  contrée,  les 
Jésuites  en  avant-garde  des  li*aitants  finançais,  et  les  Frères  Moraves  dans 
les  colonies  hollandaises. 

En  1672,  une  grande  découverte  dans  la  physique  du  globe  se  fit  à 
Cayenne  :  Richer  y  prouva  l'aplatissement  polaire  de  la  planète  par  les 
observations  du  pendule,  qu'il  fallut  diminuer  d'un  352*  pour  lui  faire 
battre  les  secondes  comme  à  Paris*.  Deux  années  plus  tard,  des  physi- 
ciens, les  jésuites  Grillet  et  Béchamel,  furent  envoyés  à  Cayenne  pour  faiœ 
l'étude  géographique  de  la  contrée,  et  pénétrèrent  chez  les  Indiens 
Nouragues  et  Acoqua  ;  mais  ils  succombèrent  bientôt  aux  fatigues  du 
voyage  dans  l'intérieur,  et  l'exploration  sérieuse  des  Guyanes  ne  commença 
qu'au  siècle  suivant,  en  1743  et  en  1744,  avec  le  passage  de  La  Conda- 
mine,  revenu  de  sa  mémorable  exploration  des  Andes  équaloriales,  et 
l'arrivée  du  médecin  Barrère.  Vingt  ans  après,  Simon  Mentelle  débar- 
quait à  Cayenne  :  pendant  trente-six  années  de  séjour,  dans  les  con- 
ditions les  plus  difficiles,  il  visita  comme  ingénieur  tout  le  littoral  de  la 
Guyane  française,  et  si  ses  conseils  avaient  été  écoutés,  mainte  entreprise 
funeste  eût  été  évitée.  Le  botaniste  Fusée  Aublet,  dont  l'ouvrage  sur  les 
Plantes  de  Guyane  est  resté  classique,  parcourut  la  contrée  de  1762  à 
1764.  En  1769,  un  de  ses  confrères,  Patris,  remontait  l'Oyapok 
et  son  affluent  le  Camopi.  Un  autre  naturaliste,  qui  était  aussi  un 
homme  de  pensée  et  d'initiative,  Leblond,  suivit  presque  le  même  itiné- 
raire en  1787,  et  revint  par  le  Sinnamari;  pendant  plusieurs  années  il 
parcourut  une  grande  partie  du  territoire,  étudiant  toutes  les  plantes 
utiles,  cherchant  surtout  le  quinquina,  qu'il  ne  trouva  point,  observant 
les  Indiens  et  faisant  des  projets  pour  le  peuplement  du  haut  pays. 
L'ingénieur  Guisan  creusa  de  nombreux  canaux  d'égouttement  et  de  navi- 
gation dans  les  deux  Guyanes,  hollandaise  et  française,  et  profita  de  ces 
travaux  pour  faire  des  recherches  sur  le  sol,  le  climat,  les  productions 
locales.  Un  capitaine  anglais  de  l'armée  néerlandaise,  Stedman,  utilisa  un 
séjour  de  cinq  années  dans  l'intérieur  de  la  colonie  de  Suriname,  de  1772 

*  La  Condamine,  Relation  abrégée  d*un  voyage,,.;  —  Malte-Brun,  Géographie  Universelle, 


EXPLORATION  DES  GUYANES.  7 

h  1777,  en  écrivant  une  relatioD  de  ses  voyages  et  de  ses  observations 
sur  la  contrée.  Plus  lard,  les  convois  d'exilés  qui  se  succédèrent  dans 
la  Guyane  française  contribuèrent  à  faire  connaître  ce  pays,  mais  en  lui 
donnant  une  horrible  renommée,'  celle  d'une  contrée  de  pestilence  et 
de  mort.  Parmi  les  hommes  instruits  qui  échappèrent  aux  contagions  mor- 
telles, aucun  ne  put  ou  ne  sut  employer  les  années  d'exil  à  la  rédaction 
d'une  œuvre  durable  consacrée  à  l'étude  du  pays  de  bannissement. 
Après  les  guerres  de  la  Révolution  et  de  l'Empire,  les  premières  explo- 


^' 


rations  guyanaises  de  découverte  qui  prirent  pour  modèles  les  mémorables 
voyages  accomplis  dans  le  Nouveau  Monde  par  Humboldt  et  fionpland, 
furent  les  expéditions  des  frères  Schomburgk,  de  1835  h  1859.  Non  seule- 
ment ils  étudièrent  la  Guyane  anglaise  dans  presque  toute  son  étendue, 
mais,  franchissant  les  montagnes,  ils  rattachèrent  leurs  itinéraires  à  ceux  de 
Humboldt  et  d'autres  voyageurs  dans  le  bassin  de  l'Orénoque.  Déjà, 
dans  la  Guyane  française,  Adam  de  Bauve  avait  en  1850  traversé  le  faîte  de 
partage  entre  l'Oyapok,  le  Yari  et  l'Araguari.  Leprieur  avait  parcouru  les 
mêmes  régions  et  descendu  le  Yari  sur  une  longueur  de  «  plus  de  cinquante 
lieues  ».  Gaticr  reconnut  jusqu'aux  sources  le  cours  de  la  Mana.  Pendant 
vingt  années,  1849  à  1868,  Appun,  devenu  le  compagnon  des  Indiens  de 


8  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

la  forêt,  étudia  surtout  les  plantes  et  les  animaux  de  lexubérante  nature 
tropicale  dans  les  Guyanes  anglaise  et  vénézolane  ;  les  géologues  Brown  et 
Sawkins  continuèrent  sur  les  terres  continentales,  jusqu'aux  montagnes 
de  Pacaraima,  les  recherches  commencées  dans  Tile  Trinidad;  Idenburg 
«'occupa  de  la  climatologie  et  de  la  nosographie  de  la  Guyane  hollandaise; 
Crevaux,  en  1876,  et  Coudreau,  en  1883,  reprirent  sur  d'autres  points 
plus  rapprochés  de  l'Amazone  l'œuvre  des  Schomburgk  pour  relier  les 
itinéraires  du  littoral  à  ceux  des  versants  brésiliens  de  l'intérieur,  dans 
le  bassin  du  rio  Branco  et  du  rio  Negro.  EnGn,  depuis  l'année  1883, 
Everard  im  Thum  inaugura  des  travaux  cartographiques  précis  dans  le 
territoire  contesté  du  nord-ouest  que  s'est  adjugé  la  Grande-Bretagne. 
Des  triangulations  manquent  encore  pour  des  cartes  définitives,  mais 
on  possède  déjà  les  éléments  nécessaires  pour  donner  le  tracé  à  peu  près 
exact  des  ramures  fluviales  et  des  reliefs  montagneux  en  les  raccordant 
au  levé  plus  rigoureux  du  littoral  et  des  estuaires.  En  outre,  la  littérature 
géographique  des  Guyanes,  qui  traite  des  populations,  des  mœurs,  de 
l'administration,  de  la  politique,  comprend  de  nombreux  ouvrages,  tels 
ceux  de  Kappler,  d'Anthony  TroUope,  de  Giflbrd  Palgrave. 


Entre  le  Venezuela  et  la  Guyane  anglaise,  le  nœud  principal  de  mon- 
tagnes, limite  naturelle  de  deux  régions,  est  le  puissant  Roraima 
(2286  mètres),  bloc  quadrangulaire  de  grès  rose,  d'où  s'épanchent  les 
cascades,  déchirées  par  le  vent  en  écharpes  de  poussière.  L'ensemble  des 
saillies,  désigné  sous  le  nom  de  monts  Pacaraima,  présente  ses  plus 
grandes  altitudes  à  l'ouest  et  au  sud-ouest,  dans  le  haut  bassin  du  rio 
Branco  ;  à  l'est,  dans  la  Guyane  anglaise,  les  terrasses  et  les  pitons  n'attei- 
gnent qu'en  de  rares  endroits  la  hauteur  de  1000  mètres.  Toutefois  ces 
montagnes  oflrent  un  aspect  grandiose,  grâce  aux  parois  de  grès,  se  dres- 
sant verticalement  à  plusieui^s  centaines  de  mètres,  et  contrastant  par 
leur  blancheur  et  leur  nudité  avec  les  forêts  qui  recouvrent  les  talus  de  la 
base.  Le  Roraima  se  prolonge  au  nord-est  vers  la  rivière  Mazaruni  par 
d'autres  massifs  quadrangulaires,  semblables  à  des  citadelles  érigées  par 
la  main  de  l'homme.  La  régularité  des  assises  supérieures,  horizontales 
comme  la  nappe  d'eau  marine  qui  les  déposa  jadis,  rappelle  l'époque  où 
la  contrée,  si  fortement  ravinée  de  nos  jours  par  les  eaux  courantes, 
s'étendait  en  une  vaste  plaine  sans  ondulations'.  Découpés  par  les  rivières 

'  Charles  Barrington  Brown  and  J.  G.  Sawkins,  Geology  of  Bril'nh  Guiana. 


MONTS  DES  GUYANES.  i\ 

en  chaînons  distincts,  qui  s'orientent  pour  la  plupart  du  nord-ouest  au 
sud-est,  les  monts  de  Pacaraima  ou  des  «  Corbeilles  »,  dont  les  strates 
de  grès,  sans  fossiles,  sont  percées  ça  et  là  de  masses  dioritiques,  se 
rétrécissent  graduellement  dans  la  direction  de  Test  et  se  terminent  en 
promontoire  aux  bords  de  TEssequibo  par  le  morne  de  Camuti,  haut  pilier 
de  diorite  ayant  la  forme  d'une  calebasse  indienne  :  c'est  là  ce  que 
signifie  son  nom.  Parfois  on  entend  dans  la  forêt  un  bruit  formidable, 
pareil  à  celui  d'un  long  tonnerre  :  ce  fracas  est  probablement  causé  par 
la  chute  d'une  paroi  de  grès*. 

Au  sud  de  ces  montagnes,  les  plus  hautes  de  tout  le  versant  guyanais, 
d'autres  massifs,  de  moindre  élévation,  se  dressent  au  milieu  des  savanes 
qui  paraissent  avoir  formé  une  vaste  mer  intérieure  parallèlement  à  la 
mer.  Ces  groupes  de  sommets,  hauts  de  600  mètres  en  moyenne,  les  monts 
Canucu,  Cumucumu,  Coratamung,  furent  autrefois  des  îles  de  schistes 
cristallins  et  de  gneiss,  orientées  dans  le  même  sens  que  les  Pacaraima; 
plus  au  sud,  d'autres  saillies  de  même  formation  s'alignent  de  l'ouest  à 
l'est,  entre  l'un  des  grands  affluents  du  rio  Branco,  le  Takutu,  et  l'Ësse- 
quibo,  plongeant  également  leurs  racines  en  des  terres  d'alluvions  que 
recouvrirent  des  eaux  lacustres.  Le  seuil  de  partage  entre  les  eaux  atlan- 
tiques et  le  versant  amazonien  se  présente  en  maints  endroits  sans  aucun 
renflement  perceptible  :  d'après  Brown,  l'altitude  de  la  plaine  d'aigue- 
verse  serait  de  106  à  107  mètres  seulement  :  un  petit  lac,  l'Amuku, 
s'étend  dans  la  zone  indécise  qui  sépare  les  deux  pentes,  entre  le  Pirara, 
sous-affluent  du  Takutu,  et  le  Rupununi,  tributaire  de  l'Essequibo. 
Dans  cette  région  de  savanes  le  passage  de  l'un  à  l'autre  versant  est  donc 
singulièrement  facile,  et  de  tout  temps  les  tribus  indiennes  suivirent  cette 
voie  historique  dans  leurs  migrations.  L'absence  de  frontières  naturelles 
entre  l'Essequibo  et  l'Amazone  explique  les  empiétements  de  la  Grande- 
Bretagne  sur  les  territoires  brésiliens  du  rio  Branco.  Du  sommet  des  mon- 
tagnes qui  bordent  le  haut  bassin  on  voit  très  bien  s'ouvrir  cette  «  porte 
d'invasion  »  entre  les  contreforts  du  Caïrrit  et  ceux  du  Roraima'.  On 
donne  quelquefois  à  l'ensemble  du  seuil  le  même  nom  qu'à  la  rivière, 
Pirara,  mot  d'origine  macusi  qui,  d'après  Schomburgk,  indique  la  nature 
du  terrain,  un  conglomérat  ferrugineux'.  Une  colonne  de  trapp,  pilier 
naturel  que  les  Macusi  tiennent  pour  sacré,  se  dresse  dans  la  plaine  du 
faite. 

*  Charles  Barrington  Brown,  Canœ  and  Camp  Life  in  Briliêh  Guiana. 

*  Henri  A.  Coudreau,  Noies  mantucrites, 

*  Reisen  in  BrUisch  Guyana. 


12  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Quelques  autres  massifs  insulaires  se  succèdent  au  sud  jusque  vers  les 
sources  de  l'Essequibo,  jaillissant  à  l'altitude  d'environ  250  mètres,  entre 
des  montagnes  qui  ne  s'arrondissent  pas  en  amphithéâtre  continu,  et 
que  l'on  aperçoit  rarement  de  la  rive,  à  travers  les  arbres  touffus  de  la 
forêt  vierge.  Les  chaînes  sont  des  cordillères  distinctes,  formées  de  mon- 
tagnes nettement  séparées  par  des  gorges  transversales  :  autant  de  «  blocs 
énormes,  dont  quelques-uns  ont  jusqu'à  cinquante  kilomètres  de  lon- 
gueur et  qui  surgissent  d'un  soubassement  de  plateaux  peu  élevés*  », 
D'après  Coudreau,  la  montagne  la  plus  haute  de  ces  régions  serait  le 
Caïrrit  ou  Caïrrid  Dekeuou',  le  «  Mont  de  la  Lune  »,  vers  les  sources 
de  Takutu  :  elle  atteindrait  1500  mètres  d'altitude.  La  chaîne,  d'environ 
1000  mètres  en  moyenne,  que  domine  ce  pilon,  se  développe  en  une 
vaste  courbe  au  sud,  puis  à  l'est  jusqu'à  l'Aourriaoua,  où  naissent  les 
eaux  de  l'Essequibo;  au  delà  se  profilent  les  hauteurs  du  Couroucouri 
entrevues  par  Coudreau.  Ici,  le  faîte  de  partage  coïncide  exactement  avec 
la  saillie  montagneuse  :  d'un  côté  coulent  les  eaux  qui  descendent  à 
l'Essequibo,  de  l'autre  les  affluents  amazoniens  du  Trombetas. 

La  sierra  s'abaisse  dans  la  direction  de  l'est,  où  elle  constitue  la  limitée 
naturelle  entre  la  Guyane  hollandaise  et  le  Brésil  :  d'après  Brown,  les 
mornes  les  plus  élevés  n'auraient  pas  même  une  centaine  de  mètres  en 
hauteur  au-dessus  des  sources  du  Corentyne,  rivière  qui  sépare  les  deux 
Guyanes,  anglaise  et  néerlandaise.  Au  delà,  les  saillies  se  relèvent  pour 
constituer  la  chaîne  Tumuc-Humac,  d'étymologie  inconnue,  où  prend 
naissance  le  Maroni,  fleuve  principal  de  la  Guyane  française.  Le  sommet 
le  plus  élevé,  d'après  Coudreau,  serait  le  Timotakem,  situé  dans  les 
Tumuc-Humac  de  l'ouest  :  il  atteint  800  mètres.  Peu  de  voyageurs  ont 
traversé  celte  région  montagneuse  en  précisant  la  direction  suivie; 
Coudreau  a  donné  la  seule  carte  qui  ne  flgure  pas  la  chaîne  au  hasard.  Il 
est  d'autant  plus  difficile  de  reconnaître  la  forme  et  l'orientation  du 
Tumuc-Humac  qu'une  forêt  continue  recouvre  les  montagnes  aussi  bien 
que  les  vallées  intermédiaires.  L'altitude  des  sommets  n'est  pas  suffisante 
pour  dépasser  la  zone  de  végétation  tropicale  :  on  y  trouve  les  mêmes 
espèces  que  dans  les  plaines  basses  et  la  traversée  du  fourré  y  est  aussi 
pénible'.  Pendant  l'hivernage,  les  brouillards  qui  rampent  sur  les  hauteurs 
rendent  les  obsenations  presque  impossibles.  Sur  deux  cents  pitons  qu'es- 
calada Coudreau,  trois  seulement  se  dressent  en  dehors  de  la  végétation 

*  Ilenn  A   Coudreau,  la  France  Équinoxtak 
«  Nom  déforme  par  Brown  en  Acaraï. 
'  Jules  Crevaux,  De  Cayenne  aux  Andes. 


H0NT8  DES  GUÏANES,  TUHUC-HUMAC.  13 

forestière,  permettant  ainsi  de  prendre  un  tour  complet  d'horizon  et  de 
suivre  du  regard  les  alignemeots  des  hauteurs.  Le  plus  beau  de  ces  obser- 
vatoires parait  être  le  Mitaraca,  mont  de  580  mètres  terminé  par  un  cône 
de  granit  où  l'on  ne  trouve  pas  même  une  touffe  d'herbe  pour  s'aider  à 
grimper  et  oh  les  glissades  pourraient  être  fort  dangereuses.  Mais  aussi, 
pareille  escalade  et  l'incomparable  vue  du  sommet  valent,  dit  Coudreau, 
<'  le  voyage  de  Paris  aux  Guyanes'  ». 
Dans  son  ensemble,  le  système  des  Tumuc-Humac  s'oriente  dans  la 


direction  de  l'est-sud-est,  parallèlement  à  la  côte  comprise  entre  l'estuaire 
du  Maroni  et  celui  de  l'Oyapolc.  Dans  la  région  occidentale  les  monts  s'ali- 
gnent en  deux  chaînes  distantes  d'une  quarantaine  de  kilomètres.  C'est 
dans  la  chaîne  du  nord  que  s'élève  le  belvédère  du  Mitaraca,  cl  dans  celle 
du  sud  que  pointent  les  sommets  les  plus  fiers,  le  Timotakem  et  le 
Temomaïrem.  A  l'est,  les  deux  chaînes  se  rojoif,ment  par  des  contreforts 
et  projettent  au  nord  des  ramifications  qui  limitent  le  bassin  du  Maroni 
et  le  séparent  du  versant  de  l'Oyapok.  Au  delà,  les  Tumuc-llumac  orien- 
tales se  prolongent  dans  la  direction  de  l'est,  mais  sans  former  de 
faite  continu  pour  le  partage  des  eaux.  Leur  extrémité  lerminale  diverge  en 

'  Élude  de  la  chaîne  de*  mont*  Tumue-Humac,  mémoirt^  manuscril. 


14  NOUVELLE  GËOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

éventail,  vers  le  nord-est,  Test,  le  sud-est,  n'apparaissant  plus  qu'en  ren- 
flements distincts  au-dessus  des  marais.  Aux  sources  de  TOyapok,  entre 
les  montagnes,  les  seuils  de  partage  sont  tellement  incertains,  que  pen- 
dant la  saison  des  pluies  les  étangs  et  laguets  intermédiaires  rattachent  en 
lignes  d'eau  continues,  mais  inaccessibles  même  aux  pirogues  indiennes, 
les  cours  de  l'Oyapok,  du  Cachipour,  de  l'Araguari  et  du  Yari,  affluent  de 
l'Amazone. 

La  partie  des  Guyanes  comprise  entre  les  massifs  méridionaux  et  le 
littoral  n'a  point  de  montagnes  ou  de  collines  s'alignant  en  longues 
chaînes;  les  hauteurs,  découpées  par  les  vallées  fluviales,  se  profilent  en 
courtes  saillies  :  ainsi  la  a  montagne  Française  »,  sur  la  rive  droite  du 
Maroni;  la  montagne  Magnétique  (218  mètres),  au  sud-est,  entre  l'Inini  et 
le  Mana;  le  mont  granitique  de  Leblond  (406  mètres),  vers  les  sources  du 
Sinnamari.  Près  du  littoral,  les  hauteurs  sont  pour  la  plupart  des  massifs 
insulaires  de  gneiss,  de  schistes  ou  de  grès,  s'élevant  à  une  altitude 
variable  de  100  à  220  mètres*.  Des  terres  d'alluvion  les  entourent,  comme 
les  baigna  jadis  le  flot  marin  :  cordon  littoral  après  cordon  littoral  se 
déposa  le  long  des  côtes,  enfermant  les  iles  anciennes  et  les  archipels  dans 
l'intérieur  du  continent.  En  Guyane  française  seulement  quelques  saillies 
de  rochers  se  montrent  sur  le  littoral  même  ou  au  voisinage  des  côtes.  Au 
nord-ouest  de  Cayenne,  des  mornes  s'élèvent  près  de  Mana,  d'Iracoubo, 
de  Sinnamari,  de  Kourou  ;  au  sud-est  du  chef-lieu  se  profîlent  les  monts 
de  Caux,  —  dont  l'orthographe  française  du  dernier  siècle  a  été  changée 
en  la  forme  anglaise  de  Kaw\  —  Une  des  cimes  de  cette  arête  côtière, 
point  culminant  du  littoral,  atteint  255  mètres  :  le  mont  de  Matouri,  dans 
le  «  Tour  de  l'Ile  »  au  sud  de  Cayenne.  La  montagne  d'Argent,  repère  des 
marins  à  la  bouche  de  l'Oyapok,  n'est  qu'un  morne  de  90  mètres.  La 
terre  dite  impmprement  île  de  Cayenne,  car  elle  ne  reste  séparée  du  con- 
tinent que  par  des  coulées  marécageuses,  se  hérisse  aussi  de  quelques 
pitons,  anciens  ilôts  réunis  par  des  apports  de  vase,  tels  le  Cabassou, 
dominant  la  capitale,  et  à  l'est  les  «  montagnes  »  de  Remire,  que  l'on 
qualifiait  autrefois  de  «  volcans  »  :  les  dépressions  d'où  s'épanchent 
les  sources  qui  alimentent  Cayenne  étaient  considérées  comme  d'anciens 
«  cratères'  ».  Quelques  îles  rocheuses  parsèment  la  mer  au  devant  de 
la  côte  :  à  l'ouest,  les  îles  du  Salut,  l'archipel  le  plus  important  grâce 
à  son  mouillage  profond;  à  Test,  l'Enfant  Perdu  et  la  chaîne,  parallèle 

*  Charles  Barrington  Brown»  Geology  of  BritUh  Guiana, 

*  Leblond,  Voyage  aux  AntilUê;  —  Henri  A.  Coudreau»  Noies  mantucriles. 
'  J.  Mourié»  la  Guyane  Française, 


MONTS,  ILES,  RIVIÈRES  DES  GUYANES,  ESSEQUIBO.  15 

au  rivage,  du  Malingre,  du  Père,  de  la  Mère,  .des  Mamelles;  enfin,  au 
large,  vis-à-vis  de  l'Approuague,  les  deux  Connétables,  pointes  émergées 
d'un  plateau  sous-marin. 


Le  plus  grand  fleuve  des  Guyanes,  TËssequibo  (Essequebo)  coule  en 
entier  dans  le  territoire  anglais;  mais  par  un  des  affluents,  le  Cuyuni,  son 
versant  appartient  partiellement  au  Venezuela.  Son  nom,  comme  celui  de 
tous  les  autres  cours  d'eau  guyanais,  semble  être  de  provenance  indi- 
gène, du  moins  par  sa  terminaison  60,  qui  dans  les  langues  galibi  indique 
la  direction  :  —  Ëssequibo,  «  vere  TEssequi*  ».  —  Cependant  Schom- 
burgk  rapporte  une  légende  qui  attribue  l'origine  de  ce  mot  à  un  des 
compagnons  de  Diego  Colomb,  don  Juan  EssequibeP  ou  Jaizquibel  :  la 
rivière  guyanaise  aurait  la  même  appellation  que  la  montagne  basque.  Le 
grand  cours  d'eau  était  jadis  diversement  nommé  par  les  populations  de 
ses  bords  :  dans  la  région  du  littoral,  où  il  s'ouvre  en  un  large  estuaire, 
les  riverains  l'avaient  nommé  Aranauma;  la  branche  maîtresse  est  dési- 
gnée par  les  Wapisiana  et  leurs  voisins  sous  le  nom  de  Chip  Ouâ  ou 
«  rivière  »  Chip.  Une  coulée  à  double  pente,  l'Âpini,  la  mettrait  en  com- 
munication avec  le  haut  Trombetas,  affluent  de  l'Amazone.  Un  peu  moins 
long  que  ne  le  représentent  les  cartes  anglaises  de  Schomburgk  et  de 
Brown,  l'Essequibo,  naissant  dans  la  montagne  d'Aouarrioua,  coule 
d'abord  au  nord-est  à  travers  les  forêts  qu'habitent  quelques  familles 
d'Indiens  Chiriou  et  Taruma,  puis  s'unit  à  une  rivière  venue  de  l'ouest, 
le  Yaore,  qui  serpente  à  travers  la  complète  solitude  voisine  des  savanes  : 
une  figure  humaine  taillée  dans  la  pierre,  près  d'une  cascade  du  Yaore, 
serait,  disent  les  canotiers  indiens,  le  portrait  de  Schomburgk,  sculpté 
par  l'explorateur  lui-même,  dont  le  nom  reste  célèbre  parmi  les  indigènes. 
Le  dessin  est  trop  grossier  pour  qu'on  puisse  admettre  cette  légende^. 

En  aval  du  confluent,  l'Essequibo  se  recourbe  graduellement  dans  la 
direction  du  nord.  Son  lit  n'est  pas  encore  égalisé  :  le  fleuve,  interrompu 
par  des  barrages  de  rochers,  descend  d'étage  en  étage  par  une  succession 
de  cataractes.  Celle  qui  porte  le  nom  loyaliste,  mais  grotesque,  de  King 
William's  the  Fourlh  FalU  inconnu  des  indigènes,  fut  longtemps  la  bar- 
rière des  traitants  à  la  remontée  du  fleuve;  les  seuls  qui  l'eussent  franchie 
étaient  les  voleurs  d'hommes,   en  quête  d'Indiens  à  capturer  et  à  vendre 

>  Henri  A.  Coudreau,  fioles  manuscrites, 

*  Robert  A.  Schomburgk,  Description  ofBritish  Guiana,  —  Hakluyt  appelle  la  rivière  Dessekehe, 

'  Henri  A.  Coudreau,  Notes  manuscrites. 


16  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

comme  esclaves  aux  planteurs  du  littoral  * .  De  nombreux  affluents  se  suc- 
cèdent sur  la  rive  gauche  de  TEssequibo,  car  le  fleuve  longe  de  près  les 
limites  orientales  de  son  bassin;  de  ce  côté  il  ne  reçoit  que  de  faibles 
ruisseaux.  Le  Cuyuv^ini  lui  apporte  les  eaux  des  savanes  occidentales; 
puis  vient  le  Rupunini,  gonflé  lui-môme  par  un  grand  affluent,  le  Rev^a  : 
ses  eaux  blanchâtres,  qui  se  mêlent  à  Teau  noire  de  TEssequibo,  offrent 
vers  l'ouest  le  chemin  navigable  que  prennent  les  bateliers  pour  entrer 
dans  le  bassin  de  l'Amazone  par  le  lac  Amuku  et  le  Pirara,  sans  autre 
interruption  que  celle  d'un  portage,  réduit  à  800  mètres  de  long  pen- 
dant la  saison  des  pluies  :  alors  des  eaux  s'épanchent  môme  à'  droite  et  à 
gauche,  d'un  côté  sur  le  versant  du  Rupununi,  de  l'autre  sur  celui  du  rio 
Branco.  Les  savanes  qui  occupent  une  grande  partie  de  la  contrée  seraient 
le  reste  d'un  lac  jadis  fort  étendu  qui  fut  probablement  la  mer  intérieure, 
célébrée  par  la  légende  comme  le  lac  Parima  où  vivait  le  roi  Doré*  :  les 
indigènes  disent  que  le  petit  lac,  presque  la  mare  d'Amuku,  est  «  toute 
pavée  d'or'  ». 

Plus  bas,  les  rivières  de  Burroburro  et  de  Potaro  se  déversent  dans  le 
fleuve,  venues  toutes  les  deux  des  contreforts  du  Pacaraima  et  rachetant 
la  diflerence  de  niveau  par  de  nombreuses  cascades.  La  chute  de  Kaïeteur, 
formée  par  les  eaux  du  Potaro,  vers  le  milieu  de  son  cours,  est  une  des 
plus  belles  qui  existent  dans  les  Guyanes  et  môme  dans  le  monde.  Pour- 
tant elle  était  absolument  inconnue  des  Européens,  il  y  a  peu  d'années 
encore,  et  lorsque  le  voyageur  Brown  l'aperçut  pour  la  première  fois  en 
1868,  il  ne  s'attendait  nullement  à  l'admirable  tableau  qui  se  montra 
soudain,  encadré  par  l'immense  forôt  sombre,  qui  tend  au-dessus  de  l'eau 
ses  longs  branchages  drapés  de  lianes.  La  rivière,  large  d'une  centaine  de 
mètres  et  roulant  dans  la  saison  des  pluies  500  mètres  cubes  à  la  seconde, 
descend  en  un  jet  d'une  hauteur  de  226  mètres,  entre  deux  parois 
perpendiculaires  de  roches  grises  et  rouges,  puis,  au-dessous  de  l'immense 
bouillonnement  de  la  chute,  glisse  comme  une  coulée  de  lait  en  un  rapide 
de  25  mètres  de  pente  sur  155  mètres  de  longueur.  Plus  bas,  le  Potaro 
descend  encore,  comme  de  marche  en  marche,  par  une  succession  de 
cascades.  Jadis,  la  grande  chute,  alors  haute  de  plus  de  300  mètres,  se 
trouvait  à  25  kilomètres  en  aval  ;  mais,  excavant  sans  cesse  le  plateau  de 
grès  d'où  elle  s'élance  dans  la  plaine,  elle  a  graduellement  reculé  en 
diminuant   d'élévation.    La   corniche  de   rochers  du  haut  de  laquelle 


*  Charles  Barrington  Brown,  ouvrage  cité. 

*  Robert  Schomburgk,  Brilish  Guiana. 


Gustavo  da  Suckow,  Geographical  Journal^  March  1803. 


II.  Wolwr,  d'après  H.  C.  B,  Brown,  Cauot  and  Cnmp  Ltfr  i«  BrilUh  G«u 


BASSIN  DE  L'ESSEQUIBO.  IS 

s'écroute  la  masse  liquide,  se  compose  d'un  dur  conglomérat  reposani 
sur  un  grès  plus  friable.  Les  eaux  bouillonnanles  du  bassin  de  chute 
efliitent  constamment  ce  grès,  en  détachent  les  blocs  et  le  creusent  en 


caverne  au-dessous  du  rebord  surplombant.  Derrière  la  nappe  plongeante, 
le  regard  se  perd  dans  la  cavité  ténébreuse.  Le  soir,  des  myriades  d'hiron- 
delles, s'envolant  de  la  forêt  avec  un  bruissement  de  Qèches,  rasent  le 
précipice,  descendent  avec  la  vitesse  du  vertige  dans  la  brume  de  la 
cataracte,  puis  remontent  vers  la  grotte.  Telle  est  la  rapidité  de  leur  vol, 


âO  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

que  Ton  se  sent  comme  entraîné  et  qu'on  se  retire  prudemment,  de  peur 
de  suivre  ces  nuées  d'oiseaux  au  fond  du  gouffre. 

La  rivière  Mazaruni,  à  laquelle  s'unit  le  Cuyuni,  à  15  kilomètres  en 
amont  de  Tembouchure  commune  dans  l'Ëssequibo,  apporte  une  masse 
liquide  à  peu  près  égale  à  celle  du  fleuve  principal.  Le  Mazaruni,  né  dans 
la  partie  la  plus  haute  des  monts  Pacaraima,  puisque  sa  branche  maîtresse 
reçoit  les  cascades  tombées  du  Roraima,  est,  de  tous  les  cours  d'eau  guya- 
nais,  le  plus  coupé  de  cataractes,  et  ses  chutes  se  succèdent  surtout  dans 
la  partie  inférieure  du  cours  fluvial  :  le  Mazaruni  se  trouve  ainsi  presque 
entièrement  fermé  à  la  navigation.  Aux  cataractes  de  Chichi  —  ou  du 
«  Soleil  »,  dans  l'idiome  des  Macusi,  —  l'altitude  du  lit  fluvial  descend 
de  420  à  150  mètres  sur  un  espace  de  13  kilomètres.  Les  derniers 
seuils  précipitent  le  courant  à  24  kilomètres  en  amont  de  la  jonction  du 
Mazaruni-Cuyuni,  à  l'étroit  dit  Monkey  Jump  ou  «  Saut  du  Singe  ».  Au- 
dessous  l'Ëssequibo  s'élargit  en  estuaire,  et  à  l'endroit  où  il  se  déverse 
dans  la  mer,  il  atteint  une  largeur  de  24  kilomètres  ;  mais  des  îles  allon- 
gées dans  le  sens  du  flux  et  du  reflux  interrompent  la  nappe  d'eau  et  la 
divisent  en  trois  voies  principales  de  navigation.  L'énormité  de  la  masse 
liquide  que  roule  l'Ëssequibo,  et  que  l'on  reconnaît  jusqu'à  une  vingtaine 
de  kilomètres  en  mer,  s'explique  par  l'étendue  considérable  du  bassin, 
l'abondance  des  pluies,  la  nature  imperméable  du  sol.  Pendant  la  saison 
d'hivernage,  les  eaux  fluviales,  refoulées  au-dessus  des  barrages  de  rochers, 
s'étalent  en  maints  endroits,  reconstituant  les  lacs  qui  se  succédaient 
autrefois  dans  le  bassin. 

Le  Demerara  (Demerari),  —  jadis  Lemdrare,  —  développe  son  cours  à 
l'est  de  l'Ëssequibo  avec  une  régularité  parfaite  :  on  pourrait  croire  que 
c'est  une  ancienne  coulée  latérale  par  laquelle  s'épanchèrent  à  une  époque 
antérieure  les  eaux  débordées  de  quelque  fleuve  à  dimensions  amazo- 
niennes. Le  Demerara,  né  dans  les  avant-monts  du  faîte,  traverse  les 
mêmes  régions  que  l'Ëssequibo,  des  massifs  granitiques,  puis  des  grès 
percés  de  diorites,  et,  vers  les  côtes,  des  nappes  de  terres  alluviales, 
où  s'élèvent  çà  et  là  des  dunes,  hautes  de  15  à  20  mètres.  Des  bayous 
d'eaux  traînantes  se  ramifient  à  l'est  et  rattachent  le  Demerara  à  une 
rivière  de  même  aspect,  mais  de  moindre  volume,  le  Mahaica. 

Le  Berbice,  le  Corentyne  (Corentijn),  qui  se  succèdent  à  l'orient,  pré- 
sentent un  parallélisme  aussi  strict  que  le  Demerara  et  l'Ëssequibo  :  ils 
ont  les  mêmes  courbes,  les  mêmes  brusques  arrêts  suivis  de  cascades,  au 
passage  de'  barrières  rocheuses,  granits,  diorites  ou  grès.  Mais  la  longueur 
du  cours  difl^re  :  le  Berbice  naît  à  une  grande  distance  des  montagnes 


RIVIÈRES  DES  GUYANES.  Si 

faîtières,  tandis  que  le  Corentyne  prend  son  origine  dans  les  monts  Courou- 
couri  :  il  est  déjà  fleuve  puissant  au  passage  des  rochers  où  naît  son 
compagnon  occidental,  le  Berbice.  En  cet  endroit,  deux  cours  d'eau 
considérables  s'unissent  en  un  labyrinthe  de  rameaux  et  descendent  par 
une  série  de  degrés  en  chutes  imposantes,  auxquelles  Robert  Schomburgk, 
sujet  loyal,  a  donné  le  nom  de  King  Frederick  William  the  Fourth 
comme  à  la  cataracte  de  l'Ëssequibo,  située  sous  la  même  latitude  et 
présentant  au  milieu  de  roches  granitiques  un  ensemble  de  tableaux 
analogues.  Le  Corentyne  forme  encore  d'autres  cascades  grandioses  aux 
roches  également  cristallines  de  Wonotobo  :  trois  ou  quatre  bras,  se 
subdivisant  en  canaux,  tombent  d'un  ressaut  d'environ  50  mètres  dans  un 
lac  de  plus  de  1500  mètres  en  largeur,  d'où  ils  sortent  en  un  courant 
unique,  d'environ  300  mètres  entre  les  rives  et  de  27  mètres  de  profon- 
deur. En  aval,  le  Corentyne,  encore  à  275  kilomètres  de  la  mer,  n'a  plus 
un  seul  rapide;  mais,  s'ouvrant  en  un  large  estuaire,  parsemé  d'îles, 
d'îlots  et  de  bancs,  il  n'offre  qu'une  entrée  difGcile  :  les  navires  d'un 
tirant  supérieur  à  3  mètres  ne  peuvent  s'y  aventurer. 

La  rivière  Nickerie,  qui  se  déverse  à  l'est  dans  l'estuaire  du  Corentyne, 
est  un  type  des  cours  d'eau  côtiers  de  la  Guyane  hollandaise,  se  dévelop- 
pant en  un  chenal  irrégulier,  mais  continu,  de  l'ouest  à  l'est  de  la  contrée. 
Des  rivières,  qui  naissent  dans  l'intérieur  sur  l'un  des  gradins  avancés  du 
faite  de  partage,  descendent  vers  TÂtlantique,  et,  rencontrant  dans  leur 
course  ces  eaux  du  littoral,  en  gonflent  le  courant  et  les  rejettent  à  droite 
ou  à  gauche,  suivant  l'importance  de  la  masse  liquide  et  la  déclivité  du 
sol.  Ainsi  le  haut  Nickerie  et  le  haut  Coppename,  qui  vont  rejoindre  la 
coulée  du  littoral,  se  prolongent  en  sens  inverse  Tun  de  l'autre  par  leurs 
bouches  maritimes,  tandis  qu'entre  les  deux  serpente  un  bayou,  dont  le 
flot  se  porte  alternativement  deci  et  delà,  suivant  le  courant  d'amont  qui 
les  entraîne.  Le  Coesewijne  et  le  Saramacca  ne  communiquent  pas  directe- 
ment avec  le  Coppename  et  ses  marigots,  mais  ils  se  jettent  dans  le  même 
estuaire.  Par  son  cours  inférieur,  le  Saramacca,  coulant  de  l'est  à  l'ouest, 
découpe  nettement  un  cordon  littoral,  en  partie  marécageux,  qu'un  ancien 
bayou,  transformé  par  les  ingénieurs  hollandais  en  un  canal  régulier, 
isole  complètement  du  côté  de  l'est  jusqu'à  l'estuaire  du  fleuve  Suriname. 
A  l'orient  de  ce  cours  d'eau,  dont  la  barre  laisse  entrer  à  marée  basse  des 
navires  calant  5  mètres,  une  région  côtière  de  forêts  et  de  marécages 
présente  du  coté  de  la  mer  une  longue  plage  basse  à  courbe  à  peine 
infléchie  et  du  côté  des  terres  une  ligne  serpentine  de  fleuves  et  de  mari- 
gots à  courants  alternatifs,  changés  çà  et  là  par  les  travaux  de  l'homme 


2S  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

en  canaux  régularisés  de  navigation  pour  les  barques  des  planteurs  :  le 
Commewijne,  le  Cottica,  le  Coermoeribo  —  Cormontibo,  —  et  la  Ouana 
ou  Wane  creck,  se  succèdent  ainsi  de  l'ouest  à  Test,  entre  le  cours  du 
Suriname  et  celui  du  Maroni. 

L'inflexion  de  tous  les  courants  de  cette  région  guyanaise  suivant  une 
direction  parallèle  au  littoral  maritime  et  le  dépôt  de  grasses  couches 
d'alluvions  entre  ces  eaux  fluviales  et  le  rivage  actuel  de  la  mer  ne  s'ex- 
pliquent point  simplement  par  les  crues  :  l'Océan  a  plus  de  part  que  les 
rivières  à  cette  formation  des  côtes.  Les  masses  liquides  déversées  par 
l'Amazone  et  le  Tocantins  dans  la  «  mer  douce  »  du  golfe  ne  s'allègent 
point  de  tous  leurs  troubles  dans  ces  parages  :  entraînées  par  le  coui^nt 
littoral,  elles  longent  la  côte  des  Guyanes  jusqu'à  l'Orénoque,  puis  s'en- 
gouflrent  en  partie  dans  la  mer  de  Paria  par  la  Bouche  du  Serpent. 
Retardé  dans  le  voisinage  du  bord,  le  courant  s'y  décharge  d'alluvions, 
appliquant  ainsi  successivement  plage  après  plage  sur  le  pourtour  conti- 
nental. La  plupart  de  ces  cordonnets  littoraux  se  confondent  :  des  marigots 
intermédiaires  en  montrent  la  succession  régulière,  et  les  eaux  fluviales  de 
l'intérieur,  heurtées  par  le  flot  contraire  du  courant  maritime,  se  rejettent 
incessamment  vers  l'ouest,  pour  couler  parallèlement  au  flot  marin ,  les 
péninsules  alluviales  s'allongent  ainsi  à  de  grandes  distances,  jusqu'à  ce 
qu'une  tempête  ou  une  forte  inondation  rompe  soudain  la  flèche  en 
quelque  point  faible  de  son  parcours.  Tout  l'appareil  côtier  de  la  Guyane 
hollandaise  s'est  ainsi  formé  avec  son  double  rivage  bien  distinct,  du 
Corentyne  au  Maroni.  Bien  plus  nettement  dessinées  se  présentent  ces 
terres  d'origine  océanique  dans  la  partie  des  Guyanes  contestées  située 
immédiatement  à  Test  des  bouches  de  l'Orénoque.  La  rivière  Pomerun, 
qui  se  termine  au  cap  Nassau,  la  Waini  ou  Guainia,  la  Barima,  l'Amacuru 
découpent  autant  de  tranches  du  littoral  qui  se  sont  déposées  en  dehors 
de  l'ancienne  côte  irrégulière  du  continent. 

Le  Maroni,  —  le  Maroweijn  des  Hollandais,  —  a  le  premier  rang  parmi 
les  fleuves  secondaires  des  Guyanes  d'entre  Orénoque  et  Amazone  :  le  che- 
velu de  ses  hautes  branches  occupe  près  de  300  kilomètres  en  largeur 
sur  le  versant  septentrional  des  monts  Tumuc-Humac,  entre  les  deux 
bassins  du  Corentyne  à  l'ouest  et  de  l'Oyapok  à  l'est  ;  actuellement  la  plus 
forte  moitié  du  territoire  d'écoulement  appartient  à  la  Hollande,  tout 
l'entre-deux  compris  entre  les  deux  rivières  maîtresses  de  l'Aoua  (Lawa)  et 
du  Tapanahoni  ayant  été  attribué  à  la  Guyane  hollandaise  par  arbitrage  du 
tsar,  en  1891.  L'Aoua,  branche  orientale,  qui  sert  maintenant  de  limite 
entre  les  possessions  coloniales,  est  réputé  le  plus  abondant  des  deux 


RIVIÈRES  DES  GUYANES.  25 

cours,  mais  le  Tapanahoni  roule  plus  d'eau  en  hivernage.  Crevaux,  Cou- 
dreau  ont  pu  remonter  en  barque  TAoua,  sur  plus  de  500  kilomètres  : 
à  l'endroit  où  s'arrêta  Coudreau,  sur  l'Itani,  —  branche  qui  sert  de  fron- 
tière internationale  et  dont  la  jonction  avec  le  Marouini,  plus  oriental, 
forme  l'Aoua,  —  le  lit  du  gave  présente  encore  une  largeur  de  20  mètres  ; 
immédiatement  au  delà  commencent  les  ondulations  et  les  brusques  res- 
sauts des  monts  Tumuc-Humac.  A  cette  grande  distance  de  la  mer,  le 
courant  fluvial  ne  se  trouve  qu'à  200  mètres  d'altitude  au-dessus  de 
l'Océan;  aussi  le  cours  d'eau,  descendant  par  degrés  successifs,  n'est 
point  interrompu  par  de  hautes  cascades  :  les  barrages  de  rochers,  qui 
de  distance  en  distance  retiennent  les  eaux  en  biefs  presque  sans  mouve- 
ment, ont  été  rongés  par  le  flot  de  manière  à  former  des  écluses  natu- 
relles où  le  courant  plonge  en  nappes  écumeuses,  en  cascatelles,  en 
chutes  peu  élevées.  Le  dernier  «  saut  »  du  Maroni,  celui  d'Hermina,  — 
Aramina  ou  «  Gymnote*  »,  —  à  80  kilomètres  de  la  mer,  oflre  une  déni- 
vellation totale  de  quatre  à  cinq  mètres  sur  une  longueur  de  800  mètres*. 
En  aval,  le  fleuve,  accessible  aux  navires  à  vapeur,  s'étale  entre  deux  rives 
boisées  jusqu'à  1000  et  1500  mètres  de  large,  puis  s'unit  à  l'Atlantique 
en  s'écoulant  sur  une  barre  de  5  mètres  au-dessous  du  flot  de  basse  marée. 
Les  rivières  de  la  Guyane  française  qui  succèdent  au  Maroni  dans  la 
direction  de  l'est  ne  prennent  point  leur  origine  sur  l'aigueverse  amazo- 
nienne, mais  à  mi-chemin  du  faite,  en  quelques  massifs  isolés.  La  Mana, 
le  Sinnamari,  l'Approuague  sont  les  principaux  de  ces  cours  d'eau,  ayant 
chacun  un  développement  d'environ  500  kilomètres,  baignant  de  rares 
campements  avec  leurs  «  dégrads  »  ou  lieux  d'embarquement,  et  descen- 
dant perpendiculairement  au  littoral,  qui  se  recourbe  de  l'ouest  vers  le 
sud-est.  Puis  vient  l'Oyapok,  dont  le  nom,  appliqué  à  beaucoup  d'autres 
rivières,  et  dérivé  des  mots  indiens  ouya  pucu,  «  rivière  longue  »,  con- 
viendrait à  l'Amazone  beaucoup  plus  qu'à  tous  autres  cours  d'eau  de 
l'Amérique  méridionale'.  L'Oyapok,  comme  le  Maroni,  naît,  sous  le 
nom  de  Souanre,  dans  les  monts  Tumuc-Humac,  au  pic  Ouatagnampa, 
et  forme  la  limite  orientale  du  territoire  français  incontesté,  dont  le 
Maroni  constitue  la  limite  occidentale;  les  deux  fleuves  rapprochent  dans 
la  région  des  sources  leurs  hautes  «  criques  »,  —  nom  que  l'on  donne 
dans  la  Guyane  française  aux  ruisseaux  des  montagnes.  —  Le  régime  de 

*  Henri  A.  Coudreau,  Chez  nos  Indiens. 

'  Jules  Crevaux»  Voyage  d'exploration  dan*  Vintérieur  des  Guyanes  ;  —  Henri  A.  Goudrcau, 
Bulletin  de  la  Société  de  Géographie,  4*  trimestre  1891. 
'  Henri  A.  Coudreau,  Note^  manuscrites. 


U  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

l'un  et  lie  l'autre  cours  d'eau  diflêre  peu  :  l'Oyapok,  que  les  voyageurs 
prirent  le  plus  souvent  pour  chemin  des  Guyanes  brésiliennes,  descend 
aussi  de  bief  en  bief  par  une  série  de  rapides  et  de  chutes,  plus  nom- 
breuses et  plus  hautes  que  celles  du  Maroni.  Coudreau  en  cite  deux  qui 
plongent  de  20  mètres;  celle  des  Trois  Sauts  est  probablement  la  plus 
belle  de  toute  la  Guyane  française.  La  dernière  cascade,  le  saut  Robinson, 
se  trouve  à  80  kilomètres  de  la  mer. 
A  l'est  du  cap  d'Orange,   longue   pointe  d'alluvions   apportées  par 


l'Oyapok,  tout  l'espace  triangulaire  compris  entre  ce  cours  d'eau  et  le 
fleuve  Araguari  appartient  à  la  même  zone  d'écoulement.  Oyapok  et 
Araguari  naissent  également  dans  les  entre-collines  marécageuses  des 
Tumuc-Humac;  de  même  la  rivière  Cachipour,  dont  le  cours  a  pris  la 
forme  d'un  arc;  enlin  tous  les  autres  courants  de  la  contrée,  le  Cou- 
nani,  le  Carsevenne,  le  Mapa  Grande  (Amapa  des  Brésiliens),  le  Frechal, 
le  Tartarugal,  divergent  comme  des  branches  d'éventail  en  partant  d'un 
même  faite  d'écoulement.  L'Araguari  indique  par  son  estuaire  la  fm  des 
cèles  guyanaiscs  :  immédiatement  au  delà  commencent  les  eaux  et  les  îles 
amazoniennes.  Le  dernier  fleuve  des  Guyanes  limite  bien  par  son  courant 
majestueux  et  son  large  estuaire  cette  région  nord-orientale  du  continent. 


RIVIÈRES  DES  GUYANES.  35 

si  riche  en  eaux  courantes  qu'alimentent  des  averses  prolongées  et  que 
retient  un  sol  difTicilement  perméable. 
Comme  sur  l'autre  côté  des  montagnes  faîtières,  dans  les  Guyanes 


E3 


vénézolane  et  brésilienne,  les  rivières  varient  par  la  nuance  de  leui-s  eaux  : 
les  unes,  surtout  celles  des  savanes,  roulent  un  liquide  louche  et  blan- 
châtre; les  autres,  issues  des  régions  forestières,  paraissent  noires  ou 
noii-âtres  et  cependant  restent  transparentes;  dans  le  bassin  de  l'Essequibo 


26  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

on  attribue  la  nuance  de  ces  rivières  noires  aux  racines  et  aux  branches  de 
Tarbre  ouallaba,  baignant  dans  le  flot.  Quoique  la  plupart  des  rivières 
guyanaises  traversent  une  forêt  continue,  de  la  montagne  à  la  mer,  elles  ne 
sont  pourtant  pas  aussi  fréquemment  obstruées  d'arbres  tombés  que  beau- 
coup d'autres  cours  d'eau  des  régions  tropicales;  la  cause  en  est  au  grand 
poids  spécifique  de  presque  toutes  les  essences  arborescentes  qui  crois- 
sent sur  les  rives  fluviales  de  la  Guyane  :  au  lieu  de  flotter,  les  bois  que 
l'érosion  ou  la  tempête  jettent  dans  le  courant  tom))ent  au  fond  du  lit  et 
pourrissent  sur  place'.  Mais  dans  les  hauts  des  rivières,  étroites  et  sans 
profondeur,  les  branches  entrecroisées  et  les  réseaux  de  lianes  gênent  les 
bateliers,  qui  ne  peuvent  s'ouvrir  la  voie  qu'à  coups  de  sabre;  les  arbres 
s'entassent  en  barrages,  dits  takouba  par  les  Indiens  de  l'Ëssequibo  et 
barrancoi  par  les  réfugiés  brésiliens  du  territoire  contesté;  d'autres 
«  embarras  »  consistent  en  amas  de  plantes  aquatiques  :  les  pirogues  ont 
souvent  à  s'arrêter  devant  ces  obstacles  comme  devant  les  sauts  et  les 
rapides.  Dans  presque  toutes  les  rivières,  les  rochers,  grès,  granits  ou 
diorites,  qui  font  saillie  au-dessus  du  flot,  sont  revêtus,  comme  d'une 
couche  de  goudron,  par  une  pellicule  composée  d'oxydes  de  fer  et  de 
manganèse  :  de  même  que  sur  l'Orénoque,  les  roches  les  plus  dures  se 
recouvrent  de  l'enduit  le  plus  noir,  exhalant  sous  les  pluies  des  odeurs 
pernicieuses*. 

En  aval  des  rochers  et  des  rapides,  les  fleuves,  larges,  profonds, 
remués  par  la  marée  qui  en  repousse  le  courant,  roulent  une  eau  jau- 
nâtre, souvent  cachée  par  les  herbes  flottantes,  et  se  perdent  en  des 
marécages  riverains,  môme  en  des  lacs  et  des  étangs  :  les  colons  de  la 
Guyane  française  ont  donné  à  ces  eaux  de  reflux  le  nom  de  pripris.  Dans 
les  parties  déjà  bien  cultivées  du  littoral  anglais  et  hollandais,  des 
digues  et  canaux  ont  réglé  la  direction  et  l'écoulement  du  flot  sura- 
bondant :  des  vannes  arrêtent  le  flux  de  marée  dans  les  plantations,  et 
des  rigoles  ou  kokers  rejettent  les  eaux  de  suintement  à  marée  basse. 
Jusqu'à  une  grande  distance  au  large,  à  10  ou  12  kilomètres,  l'eau  douce 
des  rivières  guyanaises  surnage  l'onde  salée. 

Grâce  à  la  pente  égale  du  sol  des  Guyanes,  les  anciens  lacs  qui  parse- 
maient la  contrée,  et  dont  plusieurs  ont  encore  leurs  contours  reproduits 
par  ceux  des  savanes,  se  sont  presque  tous  vidés  :  la  région  qui  a  le  mieux 
conservé  ses  nappes  d'eau  lacustre  est  celle  du  territoire  contesté  franco- 

*  Charles  Barrington  Brown,  Reports  on  the  Geology  of  British  Guiana. 
'  A.  de  Uumboidt,  Tableaiut  de  la  Nature;  —  R.  Schomburgk,  ouvrage  cité. 


RIVIÈRES,  LACS  DES  GUYANES.  Sf 

brésilien,  entre  les  rivières  Mapa  Grande  et  Araguari;  les  pointes  basses 
qui  forment  la  péninsule  dite  Cap  de  Nord  et  Tîle  non  moins  basse  de 
Maraca  masquent  le  pays  des  lacs.  Â  une  époque  relativement  récente» 
cette  zone  des  eaux  douces  se  prolongeait  beaucoup  plus  au  nord,  jusqu'à 
rOyapok,  et  des  bateliers  pouvaient  faire  un  voyage  de  plus  de  trois  cents 
kilomètres,  constamment  par  les  lacs,  les  rivières  et  les  bayous,  entre 
l'Amazonie  et  la  Guyane  française.  D'après  les  officiers  du  fort  français  de 
Mapa,  qui  subsista  de  1836  à  1841,  des  embarcations  de  40  tonnes  auraient 
encore  suivi  ce  chemin  vers  le  milieu  du  siècle.  Au  sud  du  Mapa  Grande, 
un  premier  lac  n'est  plus  que  le  reste  d'une  nappe  jadis  beaucoup  plus 
considérable,  dont  une  île  renfermait  un  petit  fort  français  évacué  en  1841 
et  rétabli  à  leur  profit  par  les  Brésiliens  en  1890*.  D'autres  lacs  s'alignent 
au  sud  et  au  sud-est  dans  la  péninsule  du  cap  de  Nord  :  l'un  d'eux,  le 
Jac,  voisin  du  détroit  de  Carapaporis,  entre  le  continent  et  l'île  Maraca, 
aurait  encore  la  forme  d'une  large  baie,  mais  sans  abri  ;  exposé  aux  tem- 
pêtes du  large,  il  serait  difficilement  navigable  pour  les  pirogues.  Le  lac 
méridional  de  la  traînée,  le  Lago  Novo,  voisin  de  l' Araguari,  ressemble 
aussi  à  une  baie  maritime,  car  il  donne  asile  aux  lamentins,  qui  broutent 
ses  prairies  d'herbes  aquatiques;  mais  les  barques  s'y  hasardent,  grâce 
à  des  archipels  formant  autant  de  brise-lames  transversaux  :  des  pro- 
fondeurs de  10  et  de  12  mètres  pourraient  faire  de  ce  bassin  un  magni- 
fique port  de  refuge  pour  des  flottes  entières,  si  l'on  approfondissait  le 
canal  de  sortie  jusqu'à  l' Araguari  sur  une  longueur  de  quelques  kilo- 
mètres et  si  l'on  draguait  l'estuaire  qui  s'envase,  ne  présentant  en  certains 
endroits  que  1  mètre  de  fond'. 
L'amoindrissement  des    lacs,    leur  dessèchement   complet  paraissent 


*  Henri  A.  Coudreau,  Notes  manuscrites, 

*  Rivières  principales  des  Guyanes  entre  i*0rénoque  et  TAmazone,  avec  évaluations  approximatives 
de  la  longueur  du  bassin,  du  débit  et  du  cours  navigable  pour  petits  bateaux  à  vapeur  : 


Essequibo.    . 
Demcrara.    .    . 

Longueur  du  cours. 
Kilomètres. 

1000 

280 

Superficie  du  bassin. 
KiloBiètreN  carrés. 

170  000 
8  000 

Débit  moyen. 
Met.  c.  par  sec. 

2  000? 
150? 

Navigabilité. 
Kilomètres. 

65 
149 

Berbice.   .    . 

.    .           560 

35  000 

500? 

265 

Corentijn .    .    . 
Surinarae .    .    , 

725 

480 

60000 
35000 

1  000? 
500? 

110 
150 

Muroni .    .    .    . 

625 

60  000 

1  100? 

75 

Approuaguc .    . 
Oyapok.  .    .    . 
Gachipour.   .    . 
Gounani.  .    .    . 

310 
485 
520? 
280? 

10000 
40000 
20  000  ? 
10000? 

180? 
750? 
400? 
150? 

60 
75 
80 
70 

Araguari. .    .    . 

500? 

25  000  ? 

400? 

200 

S8  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

s'accomplir  très  rapidement.  Les  roseaux  et  autres  plantes  se  flétrissent  en 
été  et  leurs  débris  se  déposent  en  une  couche  de  terreau  flottant  où 
diverses  espèces  végétales,  même  des  arbustes,  prennent  racine.  Parfois  les 
tempêtes  déchirent  ces  tapis  de  verdure  et  les  transportent  vers  les  rivages 
opposés  ;  ils  reforment  bientôt  leur  feutrage,  s'épaississent,  se  consolident, 
et  le  lac  se  comble  peu  à  peu  ou  se  change  en  prairie  tremblante,  ferme  à 
la  surface,  boueuse  dans  les  profondeurs  :  il  ne  reste  de  l'étang  que  le 
chenal  de  navigation,  Vigarapé  ou  «  chemin  des  pirogues  ».  Coudreau 
hasarde  même  l'hypothèse  que  les  lacs  se  vident  par  un  mouvement  de 
bascule  du  littoral*  :  en  plusieurs  fonds  lacustres  on  trouve  quantité 
d'énormes  troncs  dont  on  ne  s'explique  pas  l'origine,  à  moins  que  la  terre 
ferme  n'ait  existé  jadis  en  ces  endroits  et  qu'elle  se  soit  engouflrée  par 
suite  d'un  eflbndrement  ou  de  quelque  rapide  dénivellation  du  sol.  Mais 
la  forme  et  l'orientation  du  littoral  suggèrent  une  autre  explication  du 
phénomène.  Les  pointes  d'alluvions,  à  l'Approuague,  à  l'Oyapok,  au  Cachi- 
pour,  s'allongent  dans  la  direction  du  nord,  et,  dans  leur  cours  inférieur, 
ces  rivières  suivent  toutes  la  même  inflexion,  évidemment  sous  l'influence 
du  courant  côtier  qui  projette  latéralement  ses  dépôts  vaseux.  N'est-il  pas 
à  supposer  que,  soumis  au  contact  de  ce  courant,  l'Araguari  se  recourba 
également  vers  le  nord  et  que  les  lacs  alignés  qui  se  succèdent  dans  ce 
sens  sont  les  restes  de  l'ancien  cours  fluvial?  Le  détroit  de  Maraca  ou 
l'estuaire  de  Carapaporis,  ce  bras  de  mer  projeté  entre  l'île  de  Maraca  et 
le  continent  et  qui  se  distingue  si  nettement  par  sa  profondeur  de  toutes 
les  basses  eaux  environnantes,  serait  l'ancienne  bouche  de  l'Araguari,  à 
peine  déformée  depuis  le  temps  où  le  fleuve  se  rejeta  vers  l'est.  S'il 
en  est  ainsi,  rien  d'étonnant  que  le  puissant  cours  d'eau,  charriant  des 
arbres  comme  l'Amazone,  les  ait  déposés  dans  ses  méandres,  devenus 
maintenant  des  lacs  réunis  par  de  tortueux  bayous.  De  même,  le  courant 
littoral  apporte  des  troncs  qui  s'enfouissent  dans  les  vases  du  lit  et 
que  recouvrent  ensuite  les  alluvions  des  terres  de  formation  nouvelle. 
Des  amas  ligneux  ont  été  trouvés  à  23  mètres  de  profondeur'. 

Quoi  qu'il  en  soit,  de  grands  changements  se  produisent  pendant 
l'époque  contemporaine.  A  la  simple  vue  de  la  carte  on  reconnaît  que  le 
littoral  du  territoire  contesté  franco-brésilien,  entre  l'Araguari  et  le  Cachi- 
pour,  diffère  singulièrement  de  la  côte  orientée  de  l'est  à  l'ouest,  entre 
Cayenne  et  le  Corentyne.  Cette  dernière  partie  du  rivage  est  tracée  avec 


t  La  France  Équinoxiale,  Voyage  à  travers  les  Guyanes  et  V Amazonie, 
*  Villiers  Stuart,  Adventures  among  the  equatorial  foresls. 


LACS  ET  COTES  DES  GDYANES.  29 

régularité  suivant  une  courbe  convexe,  indiquant  le  dépôt  normal  des 
apports  :  tandis  que  les  plages  du  sud  ont  été  fortement  érodées  par  le 
flot,  une  partie  de  l'ancien  littoral  a  été  emportée,  et  le  cap  de  Nord,  l'île 
de  Maraca  sont  autant  de  témoins  de  l'ancienne  rive  continentale.  Sur 
toute  la  longueur  de  la  côte  hollandaise,  à  l'est  et  à  l'ouest  de  Paramaribo, 
on  constate  l'existence  d'anciennes  plages,  marquées  par  des  cordons  litto- 
raux d'arbres  qu'amena  le  flot  marin. 

Le  contraste  se  montre  aussi  dans  le  régime  des  eaux  riveraines.  Au 
large  de  la  Guyane  hollandaise,  les  vases  molles  qui  recouvrent  les 
fonds  cèdent  comme  un  tapis  mobile  sous  la  pression  des  hautes  lames 
et  en  diminuent  ainsi  l'agitation;  de  proche  en  proche  les  vagues 
s'afiaissent  et  la  surface  de  la  mer  s'aplanit.  Aussi  les  navires  peuvent-ils 
souvent  mouiller  en  sûreté  près  du  rivage,  en  dedans  du  courant  côtier, 
et  reposer  dans  une  eau  tranquille,  alors  que  la  tempête  bouleverse  au 
loin  les  flots.  Au  contraire,  sur  les  plages  du  cap  de  Nord  et  de  Maraca 
les  marées  se  ruent  sur  la  côte  avec  une  extrême  violence  :  nulle  part, 
même  dans  l'estuaire  amazonien,  le  mascaret  ou  pororoca  ne  déroule 
plus  brusquement  et  à  plus  grande  hauteur  ses  vagues  successives  :  dès 
1743,  La  Condamine  avait  désigné  ces  parages  de  l'Araguari  comme  des 
plus  redoutables  pour  les  navigateurs.  La  marée,  comprimée  dans  le 
golfe  étroit  sur  les  fonds  graduellement  relevés,  s'élève  dans  l'espace  de 
quelques  minutes  au  tiers  de  sa  hauteur  totale  :  on  l'a  vue  monter  sou- 
dain à  4  et  même  8  mètres  au-dessus  de  la  nappe  de  basse  mer*.  L'inon- 
dation s'étend  au  loin  sur  les  terres  basses  du  littoral,  et  dans  les 
syzygies,  où  l'eau  se  gonfle  à  12  et  13  mètres,  on  a  vu  le  flot  arracher 
des  rivages  entiers  composés  de  palétuviers  entremêlés;  ces  îles  flottantes 
de  verdure  cinglent  avec  le  courant  pour  aborder  plus  au  nord  vers  la 
bouche  du  Cachipour  ou  de  rOyapok.  Lors  des  mortes  eaux,  l'écart  du  flux 
et  du  reflux  est  encore  d'environ  3  mètres  dans  ces  parages.  Au  large,  à 
une  distance  variable  de  25  à  80  kilomètres  des  côtes,  passe  le  grand  cou- 
rant littoral  qui  se  porte  du  cap  Sao  Roque  vers  Trinidad  :  son  axe  se 
prolonge  en  moyenne  à  220  kilomètres  du  continent,  et  la  largeur  totale 
de  la  masse  liquide  en  mouvement  peut  être  évaluée  de  380  à  400  kilo- 
mètres. Sa  vitesse  varie  avec  les  vents;  parfois  elle  dépasse  150  kilo- 
mètres par  jour;  d'autres  fois,  quand  le  vent  alizé  en  retarde  la  marche, 
le  courant  ne  se  meut  guère  que  d'un  à  deux  kilomètres  par  heure 
et  s'épanche  latéralement  en  contre-courants  et   en  remous  :  le    flot 


Lartigue»  Instruction  nautique  sur  les  côtes  de  la  Guyane  française. 


30  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

ralenti  s'élève  alors  dans  les  ports  comme  un  courant  fluvial  en  amont 
des  écluses. 


Les  Guyanes  se  trouvent  en  entier  dans  le  domaine  des  vents  alizés  du 
nord-est;  cependant  elles  sont  assez  rapprochées  de  l'équateur  pour  que  les 
vents  généraux  du  sud-est  s'y  fassent  aussi  sentir  pendant  une  partie  de 
Tannée.  A  Cayenne,  pris  comme  point  médian  des  côtes  guyanaises»  le 
vent  normal,  dont  la  direction  moyenne  est  celle  de  Test-nord-est,  souffle 
régulièrement  dès  les  premiers  jours  de  décembre  et  prend  sa  plus  grande 
force  en  janvier  et  en  février.  A  Téquinoxe  de  mars,  l'alizé  faiblit  un  peu, 
puis  vient  la  période  des  calmes,  interrompus  de  grains,  et  pendant  le 
mois  de  juillet  des  brises  du  sud-est,  de  plus  en  plus  fréquentes,  indi- 
quent le  mouvement  de  translation  générale  du  système  des  vents  vers 
'l'hémisphère  du  nord.  Cependant  ces  vents  du  sud-est,  ou  plus  souvent 
de  l'est-sud-est,  ne  soufflent  pas  en  un  courant  continu  :  ils  tombent 
d'ordinaire  pendant  la  nuit  et  sont  remplacés  par  la  brise  de  terre.  Jamais 
la  spirale  des  cyclones  ne  se  déroule  au-dessus  des  cotes  guyanaises. 

La  saison  pendant  laquelle  domine  le  vent  alizé  du  nord-est  correspond 
à  l'hivernage.  Les  pluies  commencent  d'ordinaire  à  tomber  dès  que  le 
courant  atmosphérique  normal  s'établit  sur  la  côte;  elles  se  continuent 
jusqu'à  la  péiiodc  des  vents  irréguliers  et  des  vents  secs  du  sud-est.  Le 
mois  de  mars  est,  pendant  Thivcrnage,  celui  où  les  pluies  tombent  avec 
le  moins  d'abondance  :  de  là  le  nom  d'  «  été  de  mars  w  que  l'on  applique 
dans  la  Guyane  française  à  cet  assèchement  de  l'air.  Au  mois  de  mai  les 
nuages  versent  l'eau  du  ciel  en  cataractes  :  on  donne  à  ces  grandes  pluies 
le  nom  de  «  Pluies  de  la  Poussinière  ».  La  tranche  liquide  dépasse  en 
moyenne  2  mètres  et  demi  sur  le  littoral  guyanais,  et  même  en  certaines 
années  les  udomètres  enregistrent  une  pluie  supérieure  à  4  mètres\ 
On  a  vu  des  abats  d'eau  de  33  centimètres  en  douze  heures'.  Les  pluies 
sont  extrêmement  inégales  suivant  les  années  :  à  Georgetown,  elles  ont 
varié  du  simple  au  double,  de  1",60  en  1885  à  3  mètres  en  1890. 
Pendant  l'hivernage,  la  température  est  légèrement  plus  basse  que  pen- 
dant l'été;  mais  elle  n'oscille  jamais  que  d'un  petit  nombre  de  degrés 
autour  de  la  normale,  soit  27  de  TécheUe  centigrade.  Dans  l'intérieur, 
les  températures  ne  varient  que  faiblement,  car  le  relief  du  sol  ne  pré- 
sente de  saillie  considérable  que  dans  les  montagnes  de  Pacaraima  ;  mais 

*  Pluies  tombées  à  Cayenne  en  1874  :  4",  19  (Maurel  et  Hardy). 

>  Everard  F.  im  Thurn,  Journal  ofihe  Colonial  Insiiiutey  Session  1892-1895. 


LITTORAL,  CLIMAT  DES  GUYANES.  31 

on  constate  les  plus  grandes  oscillations  dans  leur  abondance  relative  : 
tandis  que  les  nuages  pressés  contre  les  sommets  se  fondent  en  averses, 
ailleurs  ils  cheminent  au-dessus  des  plaines  sans  rencontrer  d'obstacles 
et  ne  laissent  tomber  qu'une  faible  part  d'humidité.  L'air  contient  presque 
toujours  une  forte  quantité  de  vapeur  d'eau.  Le  soir,  les  brouillards  s'éten- 
dent comme  un  immense  tapis  jsur  la  forêt,  souvent  dépassés  par  les  grands 
arbres  dont  surgissent  les  cimes,  semblables  à  des  rochers  au  milieu  de 
la  mer.  Les  champs,  les  caps,  tout  est  recouvert  par  cette  nappe  humide,  à 
laquelle  se  mêlent  les  miasmes  du  sol.  Sur  les  Tumuc-Humac,  où  pendant 
plus  de  cinq  mois  Coudreau  fit  plus  de  quinze  cents  observations,  l'humi- 
dité est  moindre  que  sur  la  côte  :  «  les  brouillards  y  sont  plus  secs  » 
et  la  température  de  la  nuit  y  descend  à  16  degrés*. 


Les  différences  frappantes  que  présente  la  flore  guyanaise  doivent  être 
attribuées  d'une  manière  générale  à  l'inégale  répartition  des  pluies  :  le 
territoire  se  partage  en  deux  zones  distinctes,  les  savanes,  —  campos 
des  Brésiliens,  —  et  la  forêt  vierge.  Cependant  il  faut  aussi  tenir  grand 
compte  de  la  pauvreté  de  quelques  terrains  sableux,  dépourvus  de  toute 
substance  humique,  et  de  l'humidité  d'autres  terrains  où  les  roseaux 
pressés  ne  laissent  pas  germer  les  végétaux  arborescents.  Les  régions  sans 
arbres  s'étendent  pour  la  plupart  à  l'aval  des  collines  ou  des  montagnes 
dont  le  côté  d'amont  ruisselle  de  pluies.  Ainsi,  dans  la  Guyane  anglaise, 
le  haut  bassin  du  Takutu,  que  les  prolongements  orientaux  des  monts 
Pacaraima  abritent  contre  les  vents  pluvieux,  appartient  en  entier  à  la 
région  des  savanes.  Mais,  dans  le  voisinage  même  de  la  côte  atlantique, 
des  plaines  qui,  par  la  position  géographique  et  le  manque  de  relief, 
ressemblent  tout  à  fait  à  d'autres  plaines  boisées,  sont  pourtant  com- 
plètement dépourvues  d'essences  forestières.  Ainsi,  dans  le  territoire 
contesté  franco-brésilien,  des  savanes,  interrompues  seulement  par  les 
lisières  d'arbres  riveraines  des  fleuves,  se  prolongent  parallèlement  à  la 
côte,  du  cap  d'Orange  à  l'Amazone,  et  la  basse  vallée  de  l'Araguari  presque 
tout  entière  se  développe  en  un  vaste  campo.  Dans  la  Guyane  anglaise  et 
hollandaise,  les  savanes  forment  une  bande  étroite  de  clairières  des  bords 


I 


Conditions  météorologiques  de  la  Guyane  cotière  : 

Température         Température  Température 

moyenne.                maxima.  mmima. 

Georgetown..    .   .        27o,2               32o,2  •  25o,9 

Paramaribo  .    .    .         26o,i               35o,5  21M 

Cavenne ,  27o,04             35o,5  22 


Jours 
de  pluie. 

Pluies. 

170 

2-.95 

177 

5*,6 

160 

.'>-.32 

5S  KOUVELLE  GEOGRAPHIE  UKIYERSELLE. 

du  Demerara  h  ceux  du  Suriname.  C'est  h  un  des  remous  locaux  des 
vents  pluvieux  et  à  la  nature  du  sol,  jadis  lacustre,  qu'est  due  l'eiis- 
tence  de  ces  zones  sans  arbres  entre  les  palétuviers  du  littoral  et  tes  forêts 
de  l'intérieur. 

De  même  que  les  llanos  du  Venezuela,  les  savanes  de  la  Guyane  pré- 
sentent toute  la  série  des  transitions  entre  la  surface  boisée  et  la  surface 
herbeuse.  En  quelques  sites  la  limite  est  précise  comme  celte  de  la  terre 


et  de  l'Océan  aux  coupures  des  falaises  ;  au  sortir  do  Ui  forèl  vierge,  enche- 
vêtrée de  lianes  et  d'épiphytcs,  on  se  trouve  brusquement  dans  la  mor 
des  herbes  où  le  regard  parcourt  en  lil)crté  l'immense  horizon  jusqu'au 
profil  lointain  des  montagnes.  Ailleurs  la  forêt  s'elîrangc;  elle  se  parsème 
de  clairières,  puis  espace  ses  arbres,  tes  abaisse,  éparpillant  autour  d'elle 
des  îlots  forestiers.  De  même  les  savanes  diffèrent  :  quelques-unes,  notam- 
ment dans  le  voisinage  du  faîte  de  partage  entre  les  Guyanes  anglaise  et 
brésilienne,  sont  complètement  dépourvues  de  végétation  arborescente;  les 
Brésiliens  leur  donnent  le' nom  de  campos  Uinpos,  «  savanes  propres  ». 
Mais  dans  la  plupart  des  prairies  guyanaises  se  montrent  quelques  arbres 


SAVANES  ET  FORÊTS.  33 

épai*s  ou  alignés  :  chaque  rivière  qui  serpente  est  bordée  d'une  lisière  de 
forêt,  chaque  ruisseau,  chaque  ravin  a  son  rideau  de  palmiers  bâches 
(mauritia)j  colonnes  régulières,  «  surmontées  de  dix  à  douze  éventails 
retombants  qui  forment  chapiteau  »,  et  où  les  perroquets  vivent  en 
tribus.  Là  où  les  cours  d'eau  se  ramiûent  en  une  multitude  de  lits,  les 
savanes  se  divisent  en  autant  de  prairies  secondaires,  séparées  par  des 
rideaux  de  palmiers  bâches  et  autres  arbres  :  c'est  ainsi  que  les  prés, 
dans  la  vallée  de  la  Loire,  sont  divisés  par  des  alignements  de  peupliers. 

L'aspect  et  la  végétation  des  savanes  changent  suivant  l'humidité  ou  la 
sécheresse  du  sol.  Dans  le  voisinage  de  la  côte  et  de  ses  bayous,  certains 
pripris  ou  marécages  tiennent  déjà  de  la  savane  :  ils  se  dessèchent  en  été 
et  produisent  alors  une  herbe  rare,  prolongeant  vers  la  mer  la  surface 
des  prairies  sèches  de  l'intérieur;  la  plupart  de  ces  marais  sont  des  «  pino- 
tières  »,  ainsi  nommées  des  palmiers  pinots  (euterpe  edulh)  qui  en  bor- 
dent les  rivages.  En  s'exhaussant,  du  littoral  vers  l'intérieur  des  terres, 
le  sol  des  savanes  se  revêt  de  diverses  graminées  et  légumineuses  ana- 
logues à  celles  des  prairies  européennes  ;  mais  en  général  les  plantes,  peu 
élevées  et  peu  touffues,  d'espèces  grossières  et  rugueuses,  sont  de  crois-- 
sance  beaucoup  plus  inégale  dans  ces  régions  torrides  que  dans  la  zoiie 
tempérée.  D'un  vert  pâle  pendant  l'hivernage,  rousse  ou  jaunissante  pen- 
dant l'été,  la  savane  n'a  que  peu  de  fleurs  :  nulle  part  elle  ne  se  diapré 
de  couleurs  éclatantes  et  n'exhale  de  parfums  comme  les  prés  de  l'Eu- 
rope occidentale.  Ce  qui  lui  manque,  c'est  la  collaboration  de  l'homme 
pour  le  choix  des  plantes  nourricières;  d'après  les  rares  clairières  où  le 
travail  agricole  intervient  par  les  semis  et  l'irrigation  des  espèces  four- 
ragères, on  devine  quelle  pourrait  être  l'exubérante  production  de  ces 
régions  guyanaises. 

Sauf  de  rares  exceptions,  les  habitants  ne  contribuent  à  modifier  la 
végétation  des  savanes  que  d'une  manière  tout  à  fait  indirecte,  par  l'inci- 
nération des  herbes  sèches  pendant  la  saison  d'été.  Ramasser  quelques 
tortues  au  milieu  des  cendres,  tel  est  le  but  des  brûleurs  :  ils  ne  s'occu- 
pent point  d'améliorer  les  pâturages,  et  du  reste,  dans  les  savanes  hautes, 
dépourvues  d'alluvions  et  revêtues  d'une  herbe  maigre,  l'incendie  a  souvent 
dévoré  plantes  et  racines  jusqu'au  ras  du  sable  :  quelques  monticules 
arides,  recouvrant  des  galeries  souterraines  habitées  par  de  gros  lézards, 
forment  déjà  çà  et  là  comme  des  espèces  de  dunes.  Le  feu,  poussé  par 
les  vents,  se  propage  quelquefois  avec  une  grande  rapidité,  mais  d'or- 

'  Henri  A.  Coudreau,  la  France  Equinoxiale, 

XIX.  5 


34  iNOUYELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

dinaire  il  est  beaucoup  plus  lent  que  dans  les  prairies  du  Grand  Ouest 
nord-américain  ou  les  brousses  algériennes  :  les  plantes,  contenant  une 
plus  forte  part  d'humidité,  n'y  fournissent  pas  un  combustible  aussi  faci- 
lement inflammable.  L'incendie  s'arrête  à  la  lisière  des  grandes  forêts, 
après  avoir  carbonisé  quelques  arbres  des  plus  exposés  ;  il  respecte  même 
dans  la  savane  les  îlots  verdoyants  qui  se  sont  formés  autour  des  sources 
et  qui  servent  d'abri  aux  bestiaux  pendant  les  ardeurs  de  l'été. 

Les  forêts  de  la  Guyane,  qui,  sur  le  versant  oriental,  recouvrent  de 
beaucoup  la  plus  grande  étendue  du  territoire,  appartiennent  à  l'aire 
végétale  de  l'Amazonie.  Presque  toutes  les  espèces  de  la  selve  sont  repré- 
sentées dans  la  forêt  des  Guyanes,  qui  pourtant  n'occupe  qu'une  partie 
relativement  peu  considérable  du  continent  :  au  lieu  de  forêts  mono- 
tones n'ayant  qu'une  seule  essence  ou  bien  un  petit  nombre  de  plantes 
associées  comme  les  pinières  et  sapinières,  les  chênaies  et  hêtraies  de 
l'Europe  ou  de  l'Amérique  du  Nord,  la  Guyane  possède  un  monde  végétal 
prodigieux  par  la  variété  de  ses  espèces  :  le  seul  territoire  appartenant 
à  la  France  n'a  pas  moins  de  260  essences  forestières,  dix  fois  plus  qu'on 
n'en  trouve  dans  la  France  elle-même.  Le  courant  côtier  qui  longe  les 
côtes  guyanaises,  après  avoir  suivi  celles  du  Brésil  depuis  le  cap  Sâo  Roque, 
contribue  certainement  à  l'égalisation  des  flores  par  les  graines,  les  fruits, 
les  branchages  qu'il  entraîne.  Mais  on  ne  sait  pas,  même  approximative- 
ment, quelles  sont  toutes  les  richesses  végétales  de  la  Guyane,  puisque 
certaines  régions  n'ont  pas  encore  été  parcourues;  cependant  les  itiné- 
raires suivis  par  les  botanistes  forment  déjà  dans  l'intérieur  un  réseau 
très  serré.  En  1872,  Grisebach  évaluait  à  3500  le  nombre  des  espèces 
guyanaises  déjà  décrites.  Les  familles  prédominantes  sont  les  légumi- 
neuses, qui  représentent  environ  la  neuvième  partie  des  végétaux  de  la 
contrée,  puis  viennent  les  fougères  et  les  orchidées*.  Les  palmiers,  dont 
on  compte  une  trentaine  dans  la  seule  Guyane  française,  constituent  à 
peu  près  le  centième  de  la  flore,  mais  la  majesté  d'aspect,  qui  les  signale 
de  loin,  leur  donne  une  importance  apparente  de  beaucoup  supérieure. 
Les  familles  de  l'aire  vénézolane  et  colombienne  qui  manquent  aux 
Guyanes  sont  les  plantes  de  montagnes  vivant  dans  les  Andes  à  des  alti- 
tudes plus  grandes  que  les  sommets  des  Pacaraima  et  du  Caïrrit.  Au  moins 
200  espèces  de  fougères  arborescentes  croissent  sur  les  pentes,  à  des 
hauteurs  de  plus  de  900  mètres;  Richard  Schomburgk  découvrit  en 
quelques  jours  93  espèces  de  cette  famille  dans  le  massif  du  Roraima, 

^  A.  Grisebach,  la  Végélalion  du  Globe,  traduction  par  P.  de  Tchihatchef. 


FLORE  DE  LA  GUYANE.  S5 

r  »  Eldorado  des  bolaoistes  »  :  la  moindre  différence  du  relief,  de  Tex- 
position,  du  sol,  y  est  indiquée  par  des  plantes  nouvelles.  La  befaria  ou 
«  rose  andinc  »  et  un  genre  voisin  du  chinchona  se  trouvent  aussi  repré- 
sentés sur  les  escarpements  du  Roraima.  Sur  les  bords  de  l'Essequibo, 
des  Indiens  se  servent  de  (lèches  taillées  dans  le  bois  de  bambous  véné- 
neux, produisant  le  même  effet  que  le  curare'. 

Les  fleurs  splendides  de  la  Victoria  regia,  découvertes  en  1857  dans 


la  rivière  guyanaise  de  Berbice,  et  retrouvées  depuis  en  maints  autres  cours 
d'eau  de  la  région  amazonienne,  témoignent  de  la  merveilleuse  beauté 
que  peuvent  atteindre  les  formes  florales  sous  le  climat  de  l'équateur 
américain  :  en  quelques  endroits,  l'eau  des  lacs  dispai'aît  presque  sous 
les  tapis  de  feuilles  énormes  et  sous  les  touffes  de  blancs  pétales,  entre- 
mêlées d'autres  fleurs  bleues,  roses,  jaunes,  et  de  graminées  frémissantes. 
A  la  faveur  de  certaines  conditions  atmosphériques,  les  fleurs  d'une 
nymphéacée  de  ces  eaux  douces  luisent  d'une  lumière  tranquille  de  veil- 
leuse, bien  moins  vive  que  celle  des  fulgores  porte-lanterne  et  autres 


<  C.  B.  Brovn,  Canoë  and  Camp  Life  in  Bnlitk  Gaiaiui. 


56  NOUVELLE  GËOGRÂPUfE  UNIVERSELLE. 

insectes  lumineux,  mais  plus  claire  que  celle  des  bois  pourris  ^  En  plantes 
alimentaires,  la  contrée  possède,  comme  les  pays  voisins,  le  cacaoyer 
sylvestre,  diverses  espèces  de  passiflore,  les  ananas  sauvages,  les  régimes 
et  les  sèves  de  plusieurs  palmiers,  les  'marantacées  d'où  l'on  extrait 
Tarrow-root,  les  douze  variétés  du  manioc,  l'euphorbiacée  qui  sert  à  pré- 
parer la  cassa ve,  le  coac  et  la  boisson  dite  paiourai,  les  prunes  du  caram- 
bolier  (averrhoa  carambole) y  \e  touka  {bertholelia  ex^e&a),  dont  les 
fruits,  semblables  à  des  boulets  de  canon,  renferment  les  excellentes 
ce  amandes  »  ou  «  châtaignes  »  du  Brésil.  V  «  arbre  du  voyageur  »  de 
Madagascar  est  représenté  en  Guyane  par  la  ravenala  gtiianensn.  La 
région  côtière  a  les  espèces  oléagineuses,  médicinales,  résineuses,  aroma- 
tiques de  l'Amazonie  et  pourrait  recevoir  toutes  celles  de  l'Afrique  équa- 
toriale^  Un  de  ses  palmiers,  l'aouara  (atlalea  $peciosa)j  donne  une  huile 
égale  en  valeur  à  celle  de  l'élaïs  de  Guinée,  que  du  reste  on  introduisit 
en  Guyane  dès  l'année  1806;  d'autres  arbres,  tel  le  carapa  guyanemuj 
dont  la  teneur  en  huile  s'élève  jusqu'à  70  pour  100  du  poids  des  amandes, 
l'arbre  à  cire  (virola  sabifera),  et  le  ouapa  (tamarindm  indica)y  au  bois 
incorruptible,  sont  aussi  des  ressources  industrielles  à  peine  utilisées, 
non  plus  que  la  plupart  des  cent  cinquante  espèces  médicinales  efHcaces 
par  leur  bois,  sève,  racine,  feuilles,  fleurs  ou  fruits.  Parmi  les  caDutchoucs 
et  les  gommes  analogues  à  la  gutta-percha,  on  recueille  notamment  celle 
du  balata  (achras  ou  mimmops  balala)j  à  la  fois  élastique  et  ductile;  le 
pays  a,  comme  l'Arabie,  son  arbre  à  encens  {icica  heptaphylla),  que  l'on 
brûle  dans  les  églises  de  la  côte.  Les  indigènes  ont  indiqué  aux  blancs 
de  nombreuses  espèces  tinctoriales,  telles  que  le  roucou  et  le  génipa,  ou 
abondantes  en  tannin,  et  savaient  fabriquer  des  tissus  de  mille  formes, 
pour  les  usages  les  plus  divers,  avec  les  fibres  de  végétaux  par  centaines, 
du  palmier  à  l'ananas.  La  région  lient  en  réserve  un  prodigieux  labora- 
toire de  matières  premières  utilisables  pour  l'industrie. 

Quant  aux  bois  de  construction  et  d'ébénisterie,  la  Guyane  en  surabonde, 
mais  l'on  peut  craindre  l'arrivée  de  ces  spéculateurs  barbares  qui  ont 
déjà  dévasté  tant  de  contrées.  La  mora  excelsaj  légumineuse  qui  dépasse 
en  hauteur  les  autres  arbres  de  la  forêt,  se  dressant  d'un  jet  à  40  mètres, 
l'emporte  sur  le  chêne,  même  sur  le  bois  de  leck,  par  son  élasticité  et 
sa  force  de  résistance  :  nulle  essence  n'est  préférable  pour  la  char- 
pente des  navires.  L'ébène  vert  {nectandra  Rodixi)  ne  lui  est  guère  infé- 
rieur. C'est  par  dizaines  que  l'on  compte  les  espèces  de  bois  ayant  plus 

*  Âugust  Kappler,  HoUândisch-Guiana. 


FLORE,  FAUNE  DE  LA  GUYANE.  37 

de  solidité  que  le  chêne,  mais  la  plupart  sont  d*un  poids  spécifique  égal 
ou  même  supérieur  à  celui  de  Teau;  au  siècle  dernier  quelques-uns 
de  ces  bois  lourds  étaient  employés  à  la  fabrication  de  mortiers  et 
d'affûts  de  canon.  Les  espèces  propres  à  Tébénisterie  se  distinguent 
par  l'éclat  de  leurs  teintes,  noir,  gris,  jaune,  vert,  pourpre,  par  leurs 
satinures,  mouchetures  et  marbrures.  Un  arbre  dont  la  coupe  est  d'un 
beau  brun  tacheté,  a  pris  le  nom  de  «  bois  de  tigre  »  ;  un  autre  est  le 
«  bois  de  lettres  »  {brosimum  Aubletu)j  à  cause  de  sa  nuance  foncée 
sur  laquelle  se  dessinent  des  figures  noires  comparables  à  des  hiéro- 
glyphes*. 

Par  sa  faune  comme  par  sa  flore,  la  Guyane  est  un  pays  de  transition 
entre   l'aire  amazonienne  et  celles  du  littoral  vénézolan  et  des  Antilles. 
Aucune  espèce  de  mammifère,  de  saurien,  de  reptile,  ne  lui  appartient 
exclusivement,  et  si  telle  forme  d'oiseaux,  d'insectes  ou  de  moindres  orga- 
nismes n'a  été  découverte  qu'en  Guyane  par  les  naturalistes,  on  a  de  fortes 
présomptions  pour  croire  que  ces  formes  se  rencontrent  aussi  dans  les 
régions  limitrophes  ayant  même  sol,  même  végétation  et  même  climat. 
Les  espèces  que  l'on  cite  d'ordinaire  comme  particulièrement  guyanaises 
sont  celles  que  les  naturalistes  ont  observées  dans  ce  pays  pour  la  première 
fois,  telles  la  biche  des  palétuviers  {cervus  palustris)^  qui  court  dans  la 
^ase  des  marécages,  le  crabier  {cancrophagus  major)  y  qui  se  nourrit  de 
crabes  et  fait  son  nid  dans  les  berges  des  bayous,  la  grue  cendrée  {grm 
fenivora)j  vorace  comme  l'autruche  et  de  taille  presque  aussi  élevée.  Les 
oiseaux   aquatiques,  canards,   flamants,    hérons,   ibis,    se  montrent   en 
variétés  nombreuses  :  on  en  voit  des  vols  composés  d'oiseaux  par  milliers. 
L'oiseau  le  plus  commun  {lyrannus  sulphureus)^  dont  la  voix  s'entend 
dans  chaque  arbre,  a  reçu  d'après  son  cri  le  nom  bizarre  de  «  Qu'est-ce 
qu'il  dit  »,   contracté  en   kiskadi;   dans   les   forêts   on   entend   souvent 
retentir  comme  un  son  de  cloche  la  voix  du  campanero  {chasmarhynchm 
carunculatus) .  Le  grand  caïman   n'habite  que  certaines  rivières  de   la 
Guyane  anglaise,  le  haut  Essequibo  et  le  haut  Bcrbice;  il  manque  dans 
le  Cuyuni,  le  Mazaruni,  le  Demerara,  ainsi  que  dans  tous  les  cours  d'eau 
des  Guyanes  hollandaise  et  française;  on  le  retrouve  dans  le  Contesté 
franco-brésilien*;  seulement  deux   petites   espèces  de  sauriens  habitent 
les  eaux  des  Guyanes  hollandaise  et  française".  Presque  tous  les  serpents 
sont  inoffensifs  pour  l'homme;  on  n'en  compte  qu'un  petit  nombre  de 

<  Richard  Schomburgk,  ReUen  in  Britisch-Guiana, 

*  C.  Barrington  Brown,  ouvrage  cite;  —  Henri  A.  Coudreau,  Notes  manuscrites. 

'  August  Kappler,  Ausland,  1885. 


38  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

venimeux,  tous  désignés  à  Cayenne  sous  le  nom  de  «  grages*  >i;  souvent 
ils  sont  comme  engourdis.  Des  boas  atteignent  des  dimensions  énormes, 
surtout  les  serpents  d'eau  {eunectes  murinm)  :  d'après  Kappler,  on  en 
aurait  tué  un  de  plus  de  13  mètres  en  longueur  sur  le  haut  Suriname. 
Un  poisson  très  apprécié  de  TEssequibo,  le  lau-lau,  espèce  de  silure, 
dépasse  5  mètres  et  pèse  une  centaine  de  kilogrammes.  Le  pirai,  dont 
rhomme  redoute  à  bon  droit  les  morsures,  attaque  môme  Talligator  pour 
en  emporter  un  lambeau.  D'un  coup  de  dents  il  enlève  les  pattes  des 
canards  et  la  queue  de  l'iguane.  Un  autre  poisson  fait  entendre  une  plainte 
musicale  comme  le  grondin*. 

Les  Indiens  de  la  Guyane  ont  un  rare  talent  pour  élever  les  animaux 
sauvages,  poules,  agamis  {psophia  crepitans),  grues,  hoccos  {crax  alector)^ 
perruches,  aras  flamboyants,  chiens,  singes,  sarigues,  chevreuils,  et  jusqu'à 
des  jaguars.  L'étranger  qui  arrive  brusquement  près  d'une  cabane  est 
attaqué  par  ces  bandes  d'animaux  privés,  et  si  les  maîtres  ne  viennent 
imposer  silence,  il  a  grand'peine  à  pénétrer  dans  la  demeure  sans  acci- 
dent. Des  deux  espèces  de  chiens  sauvages  qui  vivent  dans  la  Guyane  bri- 
tannique, l'une,  connue  par  les  Indiens  sous  le  nom  de  maïkang^  fait  de 
grands  dégâts  dans  les  plantations.  Ces  carnassiers  s'y  introduisent  la 
nuit  en  fortes  bandes  et  font  massacre  de  poulets,  perroquets  et  autres 
animaux  domestiques,  dans  le  plus  grand  silence  :  on  ne  s'aperçoit  ordi- 
nairement de  leur  visite  que  le  lendemain  matin,  à  la  vue  du  désastre.  Le 
croisement  du  maïkang  avec  l'espèce  ordinaire  produit  une  race  excellente 
pour  la  chasse,  payée  fort  cher  par  les  amateurs  de  Georgetown. 


Tous  les  Indiens  de  la  Guyane  sont  confondus  par  les  Anglais  sous  le 
nom  méprisant  de  bucksj  sous  celui  de  bocks  par  les  Hollandais"  :  cette 
appellation  les  assimile  aux  bétes  de  la  forêt,  quels  que  soient  d'ailleurs 
les  services  que  leur  aient  demandés  les  colonisateurs.  Dans  les  premiers 
temps,  les  Européens,  ignorant  la  langue  et  les  mœurs  de  ces  indigènes,  se 
laissaient  aller  facilement  à  considérer  les  diverses  tribus  comme  autant  de 
nations  distinctes  :  Barrère,  en  1743,  mentionne  plus  de  quarante  peu- 
plades dans  la  seule  Guyane  française,  sans  essayer  de  les  grouper  par 
ordre  de  parenté.  Mais  peu  à  peu  on  a  reconnu  la  ressemblance  des 
éléments  ethniques,  et,  grâce  aux  études  des  missionnaires  et  des  lin- 

<  Moufflet,  Revue  Scientifique,  8  févr.  1890. 

^  C.  Barrington  Brown,  ouvrage  cité;  —  Boddam  Whetham,  Roraima  and  British  Guiana, 

*  Ciirl  Ferdinand  Appun,  Unter  den  Tropen, 


FAUNE,  POPULATIONS  DE  LA  GUYANE.  39 

guistes,  on  est  arrivé  à  classer  les  habitants  primitifs  des  Guyanes  en  trois 
familles,  Ârawak,  Caraïbes,  Tupi,  qui  se  rapprochent  d'ailleurs  beaucoup 
au  point  de  vue  de  l'apparence,  de  la  physionomie,  des  mœurs,  mais  qui 
présentent  de  notables  différences  par  leurs  idiomes. 

Les  tribus  les  plus  anciennes,  constituant  le  groupe   aborigène    par 
excellence,  paraissent  être  celles  des  Arawak  (Araouaques,  Araouages), 
mot  qu'une  étymologie  tupi  fort  improbable  traduit  par  «  Fariniers  ». 
Tous  les  indigènes,  aussi  bien  que  les  créoles,  se  nourrissent  de  manioc  : 
ce  n'est  donc  pas  leur  alimentation  qui  distingue  les  Arawak.  On  les  ren- 
contre sous  ce  nom  dans  les  régions  littorales  de  la  Guyane  britannique, 
et  sous  différents  autres  dans  les  districts  de  Tintérieur;  d'ordinaire,  ils 
se  disent  eux-mêmes  lesLokono  (Lukkunu),  c'est-à-dire  les  «  Hommes*  ». 
Les  Wapisiana  (Ouapichianes),  les  Taruma  (Taroumans),  les  Atorai  (Ator- 
radi)  du  haut  Essequibo  et  du   Takutu,  les  Palicour  de  la  Guyane  con- 
testée appartiennent  à  ces  populations  primitives.  Lors  du  voyage  de 
Schomburgk,  la  tribu  des  Amaripa,  jadis  voisine  des  Wapisiana,  n'était 
plus  représentée  que  par  une  vieille  de  soixante  ans.  Les  Arawak  du 
littoral,  vivant  au  milieu  des  policés,  blancs,  noirs  et  jaunes,  auxquels 
un  anglais  plus  ou  moins  jargonné  sert  de  langue  commune,  sont  tous 
anglicisés  et  se  confondent  peu  à  peu  avec  les  travailleurs  cosmopolites  des 
plantations.  Du  temps  des  Hollandais,  les  Arawak  étaient  exemples  de  la 
servitude,  à  laquelle  on  avait  soumis  ce  de  droit  »  tous  les  autres  Indiens. 
Les  Arawak  de  la  Moruka,  au  nord  de  l'estuaire  d'Essequibo,  ne  sont 
point  d'origine  pure.  Lors  de  la  guerre  d'indépendance  vénézolane,  des 
Indiens  de  l'Orénoque  appartenant  on  ne  sait  à  quelle  tribu,  mais  déjà 
fortement  hispaniCés  par  les  mœurs,  s'enfuirent  dans  la  Guyane  anglaise 
pour  échapper  aux  réquisitions  et  aux  massacres.  On  leur  assigna  comme 
domaine  le  territoire  accidenté  où  naît  la  rivière  Moruka.  Ils  s'y  établirent, 
cultivèrent  le  sol  et,  se  mariant  à  des  femmes  arawak,  firent  retour  vers 
le  type  indien.  Des  Portugais  immigrés  se  mélangèrent  avec  ces  Indiens 
déjà  si  fortement  croisés,  et  la  découverte  des   gisements  aurifères  les 
mit  en  contact  avec  la  population  cosmopolite  des  pays  de  l'or*.  Jusqu'à 
une  époque  récente,  les  Arawak  qui  campent  sur  les  bords  de  l'Aruka, 
affluent  occidental  de  la  Barima,  vécurent  complètement  à  l'écart  des 
blancs,  et,  seuls  parmi  les  indigènes,  ils  ne  comprennent  pas  l'anglais. 
On  remarque  chez  eux,  comme  chez  les  Caraïbes  des  Antilles,  quelques 

'  W.  H.  Brett,  The  Indian  Tribes  of  Guiana;  —  Daniel  Brinton,  The  Arawack  Language  of 
Guiana;  —  Ten  Kate,  Revtie  d* Anthropologie,  15  janv.  1887. 
*  Everard  F.  ira  Thurn,  Proceedings  oflhe  R,  Geographical  Society,  Oclober  1892. 


40  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

traces  de  deux  langues,  l'une  masculine,  l'autre  féminine*,  ce  qui  ne 
peut  s'expliquer  que  par  un  croisement  de  races  à  la  suite  d'une  conquête. 
Les  Arawak  ont  gardé  mainte  coutume  de  l'ancien  temps,  entre  autres 
celle  des  épreuves  d'endurance  ;  c'est  à  qui  supportera  le  mieux  les 
coups  de  fouet  dont  ils  se  cinglent  les  mollets  en  faisant  jaillir  le  sang; 
pendant  ces  fêtes  cruelles,  la  bonne  humeur  des  Indiens  reste  invariable. 
Ces  Arawak  paraissent  avoir  été  de  beaucoup  les  plus  civilisés  des  Guya- 
nais,  car  ils  possèdent  des  vases  de  forme  très  variée,  avec  des  orne- 
ments et  des  figures  grotesques  d'hommes  et  d'animaux  en  haut  relief. 
Les  autres  poteries  guyanaises  sont  très  simples  et  sans  autre  décoration 
que  de  grêles  dessins  linéaires.  Est-ce  aux  Arawak  qu'il  faut  attribuer 
les  «  pierres  à  écuelles  »  que  l'on  rencontre  en  plusieurs  endroits  des 
Guyanes,  le  cercle  de  piliers  que  Brown  vit  dans  les  montagnes  de  Paca- 
raima  et  les  pierres  écrites  ou  timehri  du  Berbice,  du  Gorentyne  et  du 
Maroni,  couvertes  de  figures  d'hommes  et  d'animaux,  de  grenouilles  sur- 
tout, et  d'autres  glyphes  bizarrement  entremêlés? 

Wapisiana  et  Alorai,  que  les  voyageurs  anglais  ou  autres  visitent  rare- 
ment dans  la  région  des  faîtes,  ont  encore  gardé  leur  type  originel.  Les 
Atorai  perdront  peut-être  aux  unions  avec  les  autres  races,  car  leurs 
femmes  ont  une  remarquable  perfection  de  formes  et  une  grande  noblesse 
de  visage.  Tous  ont  le  profil  peu  diflerent  de  l'européen  et  le  teint  presque 
blanc  :  d'après  Henri  Coudreau,  nombre  d'Atorai  ne  sont  pas  plus  foncés 
que  des  Andalous,  des  Siciliens  ou  des  paysans  de  la  France  méridionale. 
Les  Wapisiana  sont  de  couleur  plus  brune  ;  ils  ont  moins  de  régularité  dans 
les  traits  et  d'élégance  dans  l'attitude,  et,  comme  les  Atorai,  ont  à  peine 
quelques  poils  rares,  courts  et  durs,  sur  la  lèvre  supérieure  et  au  men- 
ton; mais  leur  chevelure  est  très  abondante.  Ils  ne  manquent  jamais, 
hommes  et  femmes,  de  se  passer  au  moins  deux  épingles  dans  la  lèvre 
inférieure  et  se  traversent  la  cloison  nasale  d'une  épingle  à  laquelle  ils 
suspendent  une  pièce  de  métal  :  ce  fut,  paraît-il,  le  signe  distinctif  de  la 
tribu.  Les  jeunes  filles  wapisiana  avaient  aussi  l'obligation  de  s'arracher 
les  deux  incisives  supérieures,  mais  cette  tradition  ne  s'est  pas  main- 
tenue. Ces  indigènes  n'ont  d'autre  costume  que  le  calembé,  —  le  pagne 
des  nègres,  —  mais  ils  sont  passionnés  pour  la  parure  et  s'ornent  de 
toutes  les  pièces  de  monnaie,  de  toutes  les  perles  qu'ils  peuvent  trouver. 
La  culture  du  maïs  ne  sert  qu'à  la  fabrication  du  cachiri,  espèce  de 
bière   qui  jette  les  buveurs  dans  une   ivresse  joyeuse  :  c'est   pendant 

^  R.  Scbomburgk,  ouvrage  cité. 


42  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

lignes  opposées,  armés  de  boucliers  faits  avec  les  nervures  du  mauritia, 
puis,  s'excitant  par  les  danses  et  les  cris,  se  heurtent,  se  pressent  de 
toutes  leurs  forces.  Ceux  qui  renversent  les  autres  ont  gagné  l'objet  en 
litige*.  Toutes  les  femmes  warrau  ont,  dit  Richard  Schomburgk,  «  une 
physionomie  profondément  mélancolique  et  infiniment  douce  ». 

Le  groupe  des  Caribes  ou  Caraïbes  est  représenté  dans  toutes  les  parties 
des  Guyanes,  et  même  en  temtoire  britannique;  quelques-unes  de  leurs 
tribus  portent  le  nom  générique  de  la  famille.  Une  de  leurs  peuplades 
existe  notamment  à  Warramuri,  à  Touest  de  la  bouche  de  la  Moruka,  à 
côté  d'un  amas  énorme  de  coquillages  et  autres  débris  de  cuisine,  témoi- 
gnant d'un  séjour  de  mangeurs,  prolongé  pendant  plusieurs  siècles. 
Everard  im  Thurn  donne  à  ces  indigènes  le  nom  de  «  Vrais  Caraïbes  » , 
dans  la  pensée  qu'ils  débarquèrent  en  cet  endroit  à  leur  arrivée  des 
Antilles,  patrie  présumée  de  leur  race  :  des  légendes  les  disent  en 
effet  venus  du  nord,  tandis  que  les  Caraïbes  eux-mêmes  racontent  être 
«  descendusr  du  ciel  par  un  trou*  ».  Il  parait  probable  à  la  plupart  des 
ethnologistes  américains  que  les  régions  centrales  du  Brésil  furent  les 
foyers  des  émigrations  caraïbes,  et,  dans  ce  cas,  les  tribus  de  l'intérieur 
des  Guyanes  mériteraient  mieux  que  celles  du  littoral  le  nom  de  «  Vrais 
Caraïbes  ».  Les  Galibi  de  la  Guyane  française,  qui  sont  aussi  de  race 
pure  et  qui  portent  la  même  appellation,  différant  à  peine  par  une  plus 
grande  mollesse  de  la  prononciation,  vivent  depuis  au  moins  deux  siècles 
et  demi  dans  la  zone  du  littoral  à  l'ouest  de  Cayenne  :  en  1652,  on  y 
comptait  une  vingtaine  de  leurs  villages;  maintenant  on  trouve  de  leurs 
établissements  sur  le  Sinnamari,  sur  l'iracoubo,  et  principalement  sur  la 
rive  gauche  du  Maroni.  Une  autre  tribu  caraïbe,  celle  des  Câlina,  reste 
d'une  grande  nation,  s'est  maintenue  sur  les  bords  du  Suriname.  Les 
fameux  Roucouyennes  de  l'intérieur,  ainsi  nommés  par  les  créoles  à  cause 
du  roucou  dont  ils  se  peignent  le  corps,  mais  se  donnant  à  eux-mêmes 
le  nom  de  Ouayana,  —  peut-être  reproduit  dans  le  mot  de  Guyane,  — 
sont  aussi  des  Caraïbes*.  Les  beaux  Âkawoi  (Waika)  ou  Kapohn  des  districts 
montagneux  que  traverse  le  Mazaruni  dans  la  Guyane  anglaise,  les  Par- 
tamona  du  Potaro,  les  Arecuna  redoutés,  qui  vivent  dans  les  hautes 
vallées  autour  du  Roraima,  les  Ouayeoué  du  haut  Essequibo,  les  Taira 
de  la  Guyane  française,  enfin  les  Macusi  des  versants  supérieurs  du  rio 
Branco,  appartiennent  également   à   la   souche  caraïbe  et  parlent   des 

'  \V.  IL  Brelt,  ouvrage  cité;  — Everard  F.  im  Thurn,  mémoire  cité. 
*  Âdolph  Bastian,  Ethnologische  Forschungen. 
'  Henri  A.  Coudreau,  la  France  Èquinoxiale. 


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INDIENS  DE  LA  GUYANE,  CARAÏBES.  45 

langues  congénères,  ou  plutôt  des  dialectes  d'un  même  langage.  De  même 
que  le  yrapisiana  dans  les  régions  de  partage  entre  TEssequibo  et  le  rio 
firanco,  le  galibi  était  devenu  sur  la  côte  une  sorte  de  parler  général 
pour  toutes  les  tribus.  Le  vocabulaire  français  a  reçu  plusieurs  mots 
du  galibi,  tels  que  caïmany  toucan^  pirogue,  hamac\ 

En  général,  les  Caraïbes  guyanais  sont  moins  beaux  que  les  Arawak, 
surtout  si  Ton  prend  chez  ceux-ci  les  Atorai  comme  type  de  race.  Les 
Galibi  sont  petits,  grêles;  une  figure  ronde  et  molle,  manquant  de  barbe, 
leur  donne  un  air  féminin.  Les  Macusi  ont  le  visage  moins  glabre,  mais 
ils  ont  les  formes  plus  lourdes,  la  taille  plus  massive.  Les  Roucouyennes, 
comme  la  plupart  des  Indiens,  paraissent  plus  grands  qu'ils  ne  le  sont, 
grâce  à  la  longueur  et  à  la  largeur  du  buste,  qui  contraste  avec  le  faible 
développement  des  membres.  Ils  semblent  avoir  un  gros  ventre  par  l'effet 
des  ceintures  plusieurs  fois  enroulées  dont  ils  s'enveloppent,  par  règle 
d'hygiène.  Ils  ont  les  doigts  des  mains  très  courts,  et  les  pieds  larges 
et  plats.  La  paupière  est  légèrement  oblique,  comme  chez  les  Chinois. 
Ils  ont  l'habitude  de  s'arracher  les  cils,  «  pour  mieux  voir  »,  disent-ils; 
mais  il  s'agit  probablement  d'une  offrande  au  soleil'.  Quelques  tribus  de 
Galibi  suivent  aussi  la  mode  wapisiana  de  se  percer  la  lèvre  inférieure 
avec  un  os  ou  une  épingle,  qu'ils  remuent  constamment  avec  la  langue, 
et  de  se  gonfler  les  mollets  par  de  larges  jarretières  fortement  serrées 
au-dessous  du  genou. 

La  troisième  famille  ethnique  des  Guyanes  est  celle  des  Tupi,  la 
nation  brésilienne  par  excellence,  représentée  par  des  centaines  de 
tribus  entre  le  Maroni  et  le  rio  de  la  Plata.  Les  deux  principales  tribus 
tupi  du  territoire  guyanais  sont  les  Oyampi  des  Tumuc-Humac,  sur  le  haut 
Oyapok,  et  les  Émerillons,  qui  vivent  plus  à  l'ouest,  entre  l'Approuague  el 
les  affluents  du  Maroni.  Grands  agriculteurs,  ils  fournissent  de  manioc 
les  chercheurs  d'or  et  commencent  à  se  créoliser  par  le  costume  et  le 
langage  \  Mais  parmi  les  tribus  de  ces  régions  de  l'intérieur  il  en  est 
encore  plusieurs  dont  on  ne  connaît  pas  la  langue  et  qu'on  ne  sait 
encore  rattacher  à  aucune  souche  ethnique.  Tels  sont  les  Oyaricoulets 
qui  habiteraient  dans  la  vallée  de  l'Itani,  un  des  sous-affluents  du  Maroni 
par  TAoua.  D'après  la  légende,  —  car  aucun  voyageur  ne  les  a  décrits 
que  par  ouï-dire,  —  ils  auraient  la  peau  blanche,  les  yeux  bleus  et  la 
barbe  blonde  :  on  n'était  pas  éloigné  d'y  voir  des  blancs  résolus  à  se 

t  Julek  CreTaux,  Voyage  ^exploration  dam  Viniérieur  des  Guyanes. 

*  Ëlie  Reclus.  îioies  maniucrites. 

'  Henri  A.  Coudreau,  Chez  nos  Indiens  et  Piotes  manusa'itcs. 


46  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

tenir  à  l'écart  de  leurs  frères  venus  d'Europe  ;  toutefois  les  Roucouyennes 
dirent  à  Coudreau  que  ces  Indiens  sont  «  comme  les  autres  ».  Dans  la 
Guyane  anglaise  vivraient  aussi  les  fabuleux  Didi,  gens  velus  que  tous  les 
autres  Indiens  redoutent  sans  les  avoir  jamais  vus.  D'ailleurs,  quand  le 
sauvage  a  peur  d'apercevoir  un  être  redouté,  ou  même  un  rocher  à  forme 
bizarre,  qu'il  croit  être  un  démon  ennemi,  il  se  frotte  les  yeux  de  poivre  : 
cessant  de  voir,  il  s'imagine  qu'on  ne  le  voit  plus'. 

Quelles  que  soient  les  familles  ethniques  auxquelles  ils  appartiennent, 
les  Indiens  guyanais  se  ressemblent  beaacoup  par  les  mœurs  :  s'il  s'agissait 
de  classer  les  tribus  d'après  le  genre  de  vie,  maintes  peuplades  différant 
par  l'idiome  se  trouveraient  juxtaposées  :  ainsi,  pour  la  couvade,  les  Galibi 
prendraient  place  à  côté  des  Wapisiana,  des  Oyampi,  des  Émerillons. 
L'analogie  du  milieu  et  des  conditions  économiques  a  rapproché  les  popu- 
lations. En  aucun  groupe  l'autorité  ne  s'est  constituée  solidement  sur  le 
modèle  apporté  par  les  colons  d'Europe.  Que  tel  ou  tel  personnage  porte 
un  titre  quelconque  plus  ou  moins  honoriQque,  il  n'est  point  un  véri- 
table «  chef  »  pour  cela  ;  ses  qualités  personnelles  peuvent  lui  assurer 
une  grande  influence,  mais  il  ne  s'ingère  point  à  donner  des  ordres. 
Chaque  individu  reste  complètement  libre  de  ses  mouvements  et  de  ses 
actes.  Les  enfants  mêmes  sont  respectés;  jamais  on  ne  les  punit  :  «  On 
ne  bat  que  les  chiens  »,  dit  un  proverbe  macusi.  Cependant  les  épreuves 
de  la  puberté  étaient  jadis  terribles  :  ainsi  la  mère  fustigeait  ses  filles 
pendant  le  sommeil  du  père  et  des  frères,  et  malheur  à  elles  si  leurs  cris 
réveillaient  les  dormeurs'!  Chez  les  Roucouyennes,  la  fête  de  l'initiation 
consiste  à  soumettre  les  garçons  et  les  jeunes  filles  à  la  piqûre  des  guêpes 
et  des  fourmis  :  les  malheureux  défaillent  de  douleur,  mais  ils  ne  pous- 
sent pas  une  plainte'. 

Quant  aux  médecins-sorciers,  les  piaii  {puyaiy  pearlzariy  peai-man), 
désignés  par  les  Espagnols  et  les  firésiliens  sous  le  nom  de  pioché  et  de 
ce  pagets  »,  ils  doivent  à  leur  science  curative  et  divinatrice  une  autorité 
morale  plus  grande  que  celle  des  chefs,  mais  eux  non  plus  ne  se  per- 
mettraient pas  de  commander.  Peut-être  la  vénération  témoignée  aux 
pagets  tenait-elle  jadis  pour  une  bonne  part  à  la  difficulté  des  examens 
qu'ils  étaient  obligés  de  subir  avant  d'être  reconnus  dignes  par  leurs 
confrères  d'entrer  dans  la  docte  corporation*.  Plus  d'un  candidat  succom- 

*  G.  Barrington  Brown  ;  —  Evcrard  F.  im  Thurn,  ouvrages  cités. 

*  Richard  Schomburgk,  ouvrage  cité. 

'  Henri  A.  Coudreau,  Société  de  Géographie f  séance  du  15  juin  1891. 

*  Jules  Crevaui»  ouvrage  cité. 


INDIENS  DE  LA  GUYANE,  ROUCOUYENNES.  47 

bail  aux  épreuves  imposées  pendant  les  dures  années  du  noviciat  ;  mais 
de  nos  jours  l'apprentissage  est  beaucoup  plus  sommaire.  Le  grand  instru- 
ment du  culte  est  le  maraca,  petite  calebasse  de  la  grosseur  du  poing, 
renfermant  quelques  cailloux  sonores.  <c  Le  maraca  sert  à  chasser  le 
diable  et  au  besoin  à  l'évoquer*  »,  surtout  quand  il  s'agit  de  susciter  un 
vengeur  ou  kenaima  pour  le  sang  versé.  Possédé  par  la  fureur  du  talion, 
l'homme  qui  s'est  voué  au  meurtre  ne  connaît  plus  personne  :  il  n'a  plus 
ni  clan,  ni  famille;  il  disparait  dans  les  bois  et  ne  se  montre  de  nouveau 
dans  la  société  de  ses  semblables  qu'après  avoir  égorgé  ou  empoisonné 
ou  même  torturé  sa  victime*.  D'ordinaire  les  maladies  sont  attribuées  aux 
maléfices  d'un  kenaima,  et  souvent  pour  les  écarter  on  barra  leur  route 
présumée  par  des  abattis  d'arbres. 

En  quelques  tribus,  notamment  chez  les  Roucouyennes,  on  brûle  encore 
parfois  les  cadavres  des  morts  et  l'on  jette  dans  leur  bûcher  tous  les 
objets  qui  leur  avaient  appartenu.  D'après  le  témoignage  unanime  des 
voyageurs,  l'anthropophagie  aurait  jadis  existé  ;  mais  les  principales  tribus 
qui  pratiquaient  cette  horrible  coutume  ont  disparu,  tels  les  Noura- 
gues  des  bords  de  TApprouague,  les  Âcoqua  du  Tumuc-Humac  :  on  cite 
parmi  les  Gis  des  cannibales  les  Taira  et  les  Oyampi.  Ceux-ci  chantaient 
encore  en  1830  des  refrains  célébrant  leurs  anciennes  mœurs  :  «  Autre- 
fois nous  étions  des  hommes,  nous  mangions  nos  ennemis;  nous  n'avions 
pas  le  manioc  pour  nourriture  comme  des  femmes  M  »  Le  nom  même 
d'Oyampi  aurait  eu  le  sens  de  «  Mangeurs  d'hommes  »;  mais  on  peut 
affirmer  que  depuis  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  le  cannibalisme  a  com- 
plètement cessé  chez  les  tribus  connues*.  Les  Caraïbes  brûlaient  le  cœur 
de  l'ennemi  vaincu  et  en  mêlaient  la  cendre  à  leur  boisson  ^  La  diminu- 
tion graduelle  de  la  population  indigène  a  porté  surtout  sur  les  tribus 
guerrières,  celles  qui  sont  le  moins  croisées  d'éléments  étrangers.  Plus  de 
la  moitié  des  peuplades  citées  par  les  anciens  auteurs  a  disparu  ;  cepen- 
dant il  reste  un  nombre  de  naturels  très  supérieur  à  celui  qu'on  admet 
d'ordinaire  :  les  voyageurs  qui  remontent  les  rivières  ignorent  souvent 
les  groupes  campés  dans  les  écarts  de  la  forêt.  La  population  indienne 
des  Guyanes  côtières,  non  compris  le  versant  amazonien,  atteindrait  encore 
8000  individus. 


'  Henri  A.  Coudreau,  les  Caraîheê. 

^  W.  H.  Brett  ;  Everard  F.  im  Thurn,  ouvrages  cités. 

'  Adam  de  Bauve,  Bulletin  de  la  Société  de  Géographie. 

^  Henri  A.  Goudreau,  Note»  manuscrites, 

^  Richard  Schomburgk,  ouTrage  cité. 


AS  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

La  traite  des  noirs  a  introduit  dans  les  Guyanes,  principalement  par  la 
voie  des  Antilles,  une  population  africaine  qui,  avec  les  gens  de  sang  mêlé, 
dépasse  de  beaucoup  le  nombre  des  aborigènes.  Répartis  d'abord  dans  les 
plantations  du  littoral,  puis  ramenés  dans  les  villes  comme  domestiques 
par  leurs  maîtres  rentiers  ou  fonctionnaires,  les  nègres  se  sont  graduelle- 
ment substitués,  dans  toute  la  région  de  la  côte,  aux  aborigènes,  que  les 
progrès  de  la  culture  refoulaient  vers  les  grands  bois.  L'abolition  de 
Tesclavage,  proclamée  une  première  fois  dans  la  Guyane  française  en  1794, 
puis  effectuée  d'une  manière  définitive  en  1858  dans  la  Guyane  britan- 
nique et  successivement  dans  les  autres  colonies,  mit  un  terme  à  l'im- 
portation des  travailleurs  noirs  sur  les  côtes  guyanaises;  cependant  l'excé- 
dent de  la  population  d'origine  africaine  à  Barbadoes  s'est  déversé  en  partie 
sur  les  Guyanes,  continuant  ainsi  le  mouvement  d'immigration  noire  par 
des  éléments  nouveaux.  Des  milliers  de  nègres  Krou,  venus  librement  de 
Libéria,  travaillent  aussi  dans  les  chantiers  de  bois,  servent  comme  mate- 
lots dans  les  bâtiments  de  cabotage,  puis,  après  avoir  gagné  par  un  travail 
acharné  une  somme  suffisante  pour  acheter  plusieurs  femmes,  rentrent 
dans  leur  patrie  \ 

Les  noirs  guyanais  se  divisent  naturellement  en  deux  groupes  :  les 
descendants  des  esclaves  qui,  mêlés  aux  immigrants  pacifiques,  sont  restés 
constamment  en  contact  avec  les  blancs  de  la  côte,  et  les  noirs  indépendants 
vivant  à  l'intérieur  des  terres.  Ces  descendants  des  nègres  marrons,  deve- 
nus maintenant  des  citoyens  pacifiques,  réconciliés  avec  les  fils  de  leurs 
anciens  maîtres,  sont  universellement  connus  sous  le  nom  de  Bush- 
negroes,  Bosch  Negers;  —  en  créole  français  :  Nègres  Boch,  ou  «  Nègres 
des  Bois  ».  Cependant  ils  n'errent  point  comme  le  gibier  au  milieu  des 
broussailles  :  paisibles  agriculteurs,  ils  habitent,  au  bord  de  l'eau  courante, 
des  villages  permanents,  entourés  de  cultures.  Des  républiques  de  nègres 
se  sont  fondées  dans  les  trois  Guyanes  côtières,  anglaise,  hollandaise  et 
française,  mais  c'est  dans  les  bassins  des  rivières  Suriname  et  Maroni  que 
se  sont  établis  leurs  groupes  les  plus  nombreux.  Les  premières  migra- 
tions eurent  lieu  dès  le  milieu  du  dix-septième  siècle,  en  1663,  lorsque  les 
Juifs  portugais  des  bords  du  Suriname  renvoyèrent  leurs  nègres  dans  les 
forêts,  pour  éviter  l'impôt  de  capitation;  ils  espéraient  que  les  esclaves 
reviendraient  après  le  passage  des  percepteurs  de  l'impôt,  mais  les  fugi- 
tifs, ayant  pris  goût  à  la  liberté,  restèrent  dans  leurs  campements*.  Une 

*  Cari  Ferdinand  Appun,  ouvrage  cité. 

*  Âugust  Kappler.  ouvrage  cité  :  —  Roland  Bonaparte,  les  Habitants  de  Suriname, 


NOIRS  DES  GUYANES,  NÈGRES  BOCH.  49 

cinquantaine  d'années  après,  en  1712,  des  maraudeurs  français  ayant 
envahi  les  plantations  riveraines  du  Suriname  et  du  Gommcwjine,  les 
propriétaires  s'enfermèrent  dans  la  capitale,  laissant  leurs  esclaves  se  tirer 
d'affaire  comme  ils  l'entendraient.  La  plupart  aidèrent  les  Français  à 
piller  les  résidences  abandonnées,  puis,  quand  leurs  anciens  maîtres 
revinrent,  se  réfugièrent  dans  les  forêts  voisines,  pour  commencer  contre 
les  blancs  une  guerre  incessante  d'embûches  et  de  pillage.  Le  nombre 
des  maraudeurs  s'accrut  d'année  en  année,  et  soudain,  en  1750,  une 
insurrection  formidable  éclata  sur  le  haut  Suriname,  dans  les  plantations 
mêmes  du  gouvernement.  La  lutte  dura  près  de  vingt  années,  avec  des 
succès  divers,  et  l'on  dut  à  la  fin  reconnaître  aux  nègres  insurgés  la 
dignité  de  belligérants  et  d'hommes  libres  ;  ensuite  il  fallut  conclure  la 
paix  et  respecter  les  limites  du  territoire  indépendant.  De  nouvelles  insur- 
rections eurent  lieu  en  1757  :  un  chef,  d'origine  probablement  maho- 
métane,  Arabi,  humilia  à  son  tour  les  propriétaires  hollandais  et,  en 
1761,  leur  arracha  le  traité  d'Auca,  d'après  lequel  la  principale  répu- 
blique prit  son  nom  des  «  nègres  Aucans  (Auca,  Djoeka,  Youka)  ».  L'année 
suivante,  une  nouvelle  communauté,  celle  des  marrons  de  Saramacca, 
conquit  aussi  son  droit  comme  nation  indépendante.  D'autres  clans  se 
constituèrent  plus  tard  :  tels  ceux  des  Poligoudoux  (Poregoedoe) ,  qui 
possèdent  des  trophées  de  canons',  et  des  Paramacca,  sur  le  hautMaroni, 
les  Koffi,  Becoes,  Matrocanes  ou  Moesinga.  En  1772,  Boni,  le  héros  légen- 
daire des  nègres  marrons,  amena  ses  bandes  jusque  dans  le  voisinage 
de  Paramaribo.  Il  fallut  soutenir  contre  lui  une  guerre  régulière,  appeler 
d'Europe  une  armée  de  1200  hommes,  dont  l'un  des  principaux  officiers, 
Stedman,  est  fort  connu  par  son  ouvrage  sur  la  Guyane.  La  guerre  dura 
plusieurs  années  et  coûta  la  vie  à  presque  tous  les  soldats  de  l'expédi- 
tion :  à  peine  en  revint-il  vingt  en  parfaite  santé*.  Enfin  Boni  fut  rejeté 
vers  la  base  des  Tumuc-Humac,  grâce  à  l'alliance  des  Aucuns  avec  les 
Hollandais.  On  peut  dire  d'une  manière  générale  que  les  nèj^n  es  de  l'in- 
térieur revendiquèrent  avec  succès  leur  indépendance,  tandis  que  les 
esclaves  voisins  de  Paramaribo  et  des  forts  du  littoral  furent  écrasés  par 
les  garnisons  disciplinées.  Les  nègres  marrons  des  Antilles,  même  ceux 
de  la  gi'ande  Jamaïque,  ne  pouvaient  triompher  de  troupes  procédant 
méthodiquement  a  l'occupation  générale  du  pays  par  la  construction  de 
forts  et  de  routes  stratégiques;  mais  les  Bosch-Negers  avaient  l'espace  : 


*  Aiijîiist  Kappler,  ouvrage  cité. 
3  Stedman,  Voyage  à  Surinainc, 

m. 


50  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

toujours  libres  de  pousser  plus  avant  dans  Tintérieur,  ils  lassèrent  leurs 
anciens  maîtres*. 

On  évalue  diversement  le  nombre  de  ces  nègres,  naguère  tout  à  fait  indé- 
pendants, mais  entraînés  de  plus  en  plus  dans  la  zone  d'attraction  du 
régime  administratif  fonctionnant  dans  les  capitales  :  les  diverses  sta- 
tistiques varient  d'une  huitaine  à  une  vingtaine  de  mille.  Dans  ce  mé- 
lange de  races  produit  par  l'esclavage,  les  migrations  et  la  guerre,  tout 
souvenir  des  nations  d'origine  a  disparu  :  la  provenance  africaine  presque 
pure  des  Boch  est  le  seul  fait,  d'ailleurs  évident,  qui  soit  connu.  Les 
plus  beaux  et  les  mieux  policés  de  ces  nègres  sont  les  Âucans;  ceux  que 
l'isolement  et  la  pauvreté  ont  le  plus  dégradés  appartiennent  aux  commu- 
nautés des  Matrocanes.  Mais,  d'après  GifTord  Palgrave,  les  uns  et  les 
autres  offrent  encore  un  type  parfaitement  africain,  avec  la  peau  très 
noire,  tailladée  comme  celle  de  leurs  ancêtres,  des  cheveux  crépus  et  des 
traits  qui  ne  ressemblent  en  rien  à  ceux  des  aborigènes  du  Nouveau  Monde  : 
on  ne  remarquerait  dans  leurs  traits  aucune  assimilation  au  type  abori- 
gène. Toutefois  Paul  Lévy,  qui  a  vécu  parmi  eux  dans  les  régions  auri- 
fères, et  Cari  Âppun,  qui  séjourna  de  longues  années  dans  la  Guyane 
anglaise,  affirment  que  les  modifications  ont  été  sensibles  :  la  couleur  de 
la  peau  serait  moins  noire,  la  chevelure  plus  longue  et  moins  laineuse. 
A  nuance  égale  d'épiderme,  les  mieux  portants  sont  ceux  dont  le  noir  est 
le  plus  brillant*.  Les  Carbougres  (Karboegers)  du  Coppename  sont  nés  de 
pères  nègres  et  de  mères  indiennes.  Quelques  mots  des  dialectes  nègres 
ou  bantou  se  seraient,  dit-on,  conservés  dans  la  langue  des  marrons;  mais 
elle  se  compose  surtout  d'un  fond  de  mots  anglais,  auxquels  se  mêlent 
des  termes  portugais  fort  nombreux,  puis  des  expressions  hollandaises  et 
françaises,  le  tout  uni  par  une  syntaxe  des  plus  simples  et  adouci  par 
la  câline  prononciation  créole.  Peu  à  peu  les  langues  policées,  anglais, 
hollandais,  français,  portugais,  se  substituent  à  ce  jargon  primitif. 

Fils  des  noirs  rebelles  qui  conquirent  leur  indépendance  au  cri  de 
tous  les  esclaves  :  «  Terre  et  Liberté!  »,  les  Boch  sont  restés  agriculteurs. 
Us  récoltent  assez  de  vivres  pour  leur  propre  subsistance  et  produisent 
en  outre  du  riz,  dont  ils  approvisionnent  les  villes  et  les  plantations  du 
littoral;  mais  leurs  bénéfices  principaux  proviennent  de  la  coupe  des 
bois  :  ce  sont  eux  qui  abattent  les  grands  arbres  de  la  forêt  pour  la 
construction   et  l'ébénistcrie,  et  les  transportent  à  Paramaiibo  par  les 


<  W.  G.  Palgrave,  Dutch  Guiana. 

*  Jules  Crevaux  ;  Ucnri  Coudreau,  divers  inémoircs. 


rivières  et  les  canaux.  Ils  possèdenl  le  monopole  de  cette  industrie  et  ne 
risquent  point  de  le  perdre,  grâce  à  leurs  habitudes  de  sobriété  ;  à  cet 
égard,  ils  se  distinguent  heureusement  des  aborigènes;  toutefois  la  démo- 
ralisation produite  par  l'exploitation  des  mines  d'or  les  gagne  aussi. 
-  Indispensables  comme  canotiers  sur  les  hauts  des  rivières,  ils  montrent 
une  singulière  adresse  dans  la  manœuvre  de  leurs  coriaU  ou  couriaré 


m  ^ 


et  de  leurs  pirogues,  désignées  par  les  Anglais  sous  le  nom  de  wood-skiiis, 
«  peaux  de  bois  »  :  ce  sont  de  simples  canots  fails  avec  l'écorce  du 
eopaifera  publifiora  ou  de  Vhymxnea  courbant,  comme  les  pirogues  des 
Hurons  en  écorce  de  bouleau'. 

Depuis  l'année  1759,  les  missionnaires  moravcs  ont  fondé  des  stations 
religieuses  au  milieu  des  Boch,  mais  sans  grand  succès,  sauf  dans  le 
groupe  des  Moesinga.  Tout  en  professant,  par  un  vague  souvenir  des  ensei- 
gnements reçus  en  temps  d'esclavage,  qu'il  existe  un  bon  Dieu  créateur 


'  J.  Creraui,  Mémoire»  de  la  SocUU  d'Anthropologie,  1883. 


52  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

des  hommes,  des  singes  et  du  manioc,  donl  la  femme  s'appelle  Maria  el  le 
fils  Jest  Kisti',  la  plupart  des  Boch  ont  gardé  leur  culte  naturiste  et 
«  croient  ce  que  croyaient  leurs  mères  »  ;  mais  la  ferveur  parait  avoir 
beaucoup  diminué  dans  leurs  villages  :  les  fétiches,  images  des  ani- 
maux protecteurs  ou  gadou^,  ont  disparu  dans  le  voisinage  des  blancs. 
L'objet  de  la  vénération  publique  est  le  ceîba  ou  «  fromager  »,  l'arbre 
superbe,  aux  racines  saillantes,  au  tronc  lisse  et  droit,  au  vaste  bran- 
chage étalé,  qui  s'élève  isolé  près  du  campement,  comme  un  mystique 
protecteur  de  la  communauté.  On  l'arrose  de  libations,  on  parsème  le 
sol  autour  de  lui  de  fruits,  d'ignames  et  autres  offrandes.  Parfois  on  fait 
aussi  des  sacrifices  de  propitiation  autour  du  hiari,  arbre  au  suc  véné- 
neux, habité,  dit-on,  par  un  démon.  Les  Boch  de  l'intérieur  se  couvrent 
d*obia  ou  amulettes,  os,  plumes  ou  coquillages;  ils  en  pendent  même  au 
cou  de  leurs  chiens  pour  leur  donner  du  flair  à  la  chasse.  Quand  un 
Boch  meurt  en  voyage,  ses  compagnons  rapportent  sa  chevelure  dans  la 
patrie  et  l'enterrent  avec  honneur'. 

Les  communautés  vivent  en  paix,  sans  que  des  ambitions  rivales  se 
disputent  le  pouvoir  :  égaux  en  bien-être,  tous  les  nègres  de  brousse 
sont  égaux  en  droit.  Cependant  chaque  village  a  son  chef  titulaire, 
presque  toujours  élu  dans  une  même  famille  et  se  distinguant  de  ses 
concitoyens,  non  par  l'autorité,  mais  par  le  privilège  de  parader  les  jours 
de  fête,  en  portant  un  uniforme  et  en  manœuvrant  une  canne  à  pomme 
dorée.  Les  chefs  par  excellence,  ceux  des  Âucans  et  des  Saramacca,  ont 
reçu  le  nom  de  Gramman^  en  anglais  Grand  Man  ou  «  Grand  Homme  ». 
La  dynastie  se  continue,  non  de  père  en  fils,  mais  par  la  voie  mater- 
nelle, dans  la  famille  de  la  grand-mamaj  les  traditions  du  matriarcat 
s'étant  maintenues  depuis  les  temps  antérieurs  à  l'esclavage.  Le  Grand 
Homme  est  reconnu,  même  par  le  gouverneur  hollandais,  comme  une 
sorte  de  président  des  républiques  nègres;  mais  on  a  pris  soin  de  lui 
donner  un  surveillant,  le  posthoudsTy  qui  jadis  était  un  simple  délégué 
des  blancs  et  qui  a  fini  par  devenir  le  magistrat  principal  des  tribus 
pour  le  règlement  des  procès  entre  les  individus,  de  même  qu'entre  les 
villages.  Le  «  Grand  Homme  »  des  Boni,  dans  la  Guyane  française,  n'est 
guère  plus  qu'un  fonctionnaire,  jouissant  d'un  traitement  régulier. 

Non  compris  les  immigrants  de  Trinidad,  de  Barbadoes  et  de  la  Marti- 
nique, les  noirs,  de  même  que  les  Indiens,  sont  en  voie  de  diminution, 

*  Ch.  B.  Brown,  ouvrage  cité. 

*  Fournercau,  Archives  des  Missions  Scientifiques,  tome  X. 
'  August  Kapplcr»  ouvrage  cite. 


xNÈGRES  BOCH,  IMMIGRANTS  HINDOUS.  55 

quoique  le  climat  des  Guyanes  paraisse  leur  convenir  parfaitement»  tout 
défavorable  qu'il  soit  aux  Européens.  Le  métissage  avec  les  éléments 
d'autres  races  explique  dans  une  faible  mesure  cet  amoindrissement 
numérique;  mais  il  est  certain  que,  dans  les  communautés  où  les  nègres 
vivent  à  l'écart,  aussi  bien  que  dans  les  villes  du  littoral  à  population 
cosmopolite,  le  nombre  de  leurs  décès,  sauf  chez  les  Aucas',  dépasse  celui 
des  naissances.  Au  siècle  dernier,  on  croyait  que  les  Africains  ne  pour- 
raient jamais  multiplier  en  Guyane,  car  les  planteurs  sauvaient  rarement 
un  négrillon;  les  enfants  mouraient  presque  tous  de  convulsions  pendant 
les  neuf  premiers  jours*.  La  cause  de  la  forte  mortalité  serait,  d'après 
Palgrave,  l'amour  aveugle  des  mères  pour  leurs  nourrissons,  qu'elles 
tuent  à  force  de  les  gaver;  mais,  cette  cause  se  retrouvant  en  d'autres 
contrées  que  la  Guyane,  ces  nombreuses  morts  doivent  s'expliquer  d'une 
manière  différente  :  l'acclimatement  des  noirs  ne  serait  pas  encore  com- 
plet; la  lèpre  ou  boasie,  l'éléphantiasis,  le  pian,  les  «  boutons  indiens  », 
les  framboises  »,  le  béribéri,  la  variole,  la  syphilis  font  parmi  eux  de 
grands  ravages.  Vivant  dans  la  brousse,  le  «  grand  bois  »,  comme  disent 
les  créoles,  ils  ont  aussi  à  craindre  l'insecte  qui  dépose  ses  lances  dans 
les  narines  ou  les  oreilles  de  l'homme,  la  lucilia  hominivora. 

Après  l'abolition  de  la  servitude,  la  plupart  des  anciens  esclaves  ayant 
cibandonné  les  plantations  pour  émigrer  dans  les  villes  ou  cultiver  leurs 
propres  jardins,  les  propriétaires  des  vastes  domaines  durent  importer 
d'autres  travailleurs.  Les  deux  Guyanes,  française  et  hollandaise,  n'éUiient 
pas  assez  riches  pour  recruter  un  grand  nombre  d'étrangers,  mais  la 
Guyane  britannique,  où  l'étendue  des  terrains  cultivés  est  beaucoup  plus 
considérable  et  à  laquelle  le  gouvernement  anglais  avait  ouvert  ses  bureaux 
de  recrutement  dans  les  Indes,  a  pu,  depuis  1845,  louer  plus  de 
170000  coulis  asiatiques,  et  les  survivants  de  cette  immigration  payée 
représentent  actuellement  le  tiers  de  la  population  dans  le  territoire 
anglais;  les  plus  appréciés,  dits  les  hill-coolieSj  viennent  des  collines  qui 
s'élèvent  au  sud  de  la  grande  courbe  du  Gange.  Des  bureaux  d'émigra- 
tion fonctionnent  à  Calcutta  et  à  Madras  pour  le  service  des  planteurs  de 
Demerara.  En  outre,  ceux-ci  ont  importé  quelques  milliei-s  de  Chinois; 
les  propriétaires  de  Suriname  ont  aussi  fait  venir  des  coulis  javanais;  avec 
les  Français  sont  arrivés  des  Arabes,  des  Annamites,  des  Sénégalais; 
enfin  on  a  fait  appel  au  travail  des  blancs,  mais  des  blancs  le  mieux 


*  Henri  A.  Goudreau,  IHx  Ans  de  Guyane  ;  Chez  nos  Indiens. 

*  Pierre  Barrère,  Nouvelle  Relation  de  la  France  Équinoxiale. 


54  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

acclimatés  au  climat  des  tropiques  :  les  insulaires  de  Madère  et  des 
Âçores.  Ces  immigrants,  généralement  désignés  sous  le  nom  de  «  Portu- 
gais »,  sont  les  colons  de  race  européenne,  mais  fort  mélangée,  qui  pro- 
mettent de  devenir  les  véritables  Guyanais  :  on  leur  doit  le  peuplement  qui 
se  fait  en  dehors  de  la  zone  des  plantations  si  péniblement  conquise  sur 
les  forêts  et  les  marécages,  pendant  deux  siècles  et  demi  de  labeur,  par 
les  Français,  les  Hollandais  et  les  Anglais.  Même  les  blancs  qui  réussirent 
le  mieux  dans  la  Guyane  hollandaise,  des  Juifs,  étaient  aussi  de  provenance 
portugaise  pour  la  plupart  :  leur  principal  groupe,  formé  de  planteurs 
expulsés  du  Brésil,  arriva  en  1665  :  à  leur  influence  est  dû  le  grand 
nombre  de  mots  portugais  contenus  dans  le  langage  créole  des  nègres 
marrons. 

Toutes  les  tentatives  de  colonisation  faites  avec  des  travailleurs  blancs 
importés  à  grands  frais  ont  abouti  à  des  catastrophes.  Si  l'acclimatement 
individuel  est  possible  quand  toutes  les  règles  de  Thygiène  sont  pru- 
demment observées,  raccommodement  de  familles  et  de  groupes  commu- 
naux à  ce  milieu  si  difierent  de  celui  de  TEurope  est  certainement 
beaucoup  plus  périlleux  à  tenter  qu'au  Canada  ou  dans  les  États-Unis  du 
Nord,  surtout  quand  les  sujets  choisis  pour  cette  redoutable  expérience 
sont  privés  de  confort  ou  même  de  l'alimentation  nécessaire.  La  phtisie 
est  presque  inconnue  sur  la  côte,  mais  les  fièvres  paludéennes,  très  dange- 
reuses à  l'époque  où  les  marais  se  dessèchent  sous  l'ardeur  du  soleil, 
déciment  rapidement  les  nouveaux  venus,  et  depuis  l'année  1855  la  fièvre 
jaune  a  fait  de  nombreuses  apparitions  dans  la  contrée.  Aussi  les  Euro- 
péens, quoique  les  maîtres  du  pays  en  tant  que  fonctionnaires  et  plan- 
teurs, sont-ils  restés  des  étrangers  au  milieu  de  la  foule  bariolée  que 
composent  tant  d'éléments  ethniques  et  où  la  part  des  métissés  augmente 
d'année  en  année  ^  Sauf  dans  quelques  années  favorables,  la  mortalité 
l'emporte  régulièrement  sur  la  natalité.  Avec  les  gens  de  race  croisée, 

'  Population  par  races  des  Guyanes,  suivant  une  évaluation  approximative  de  Goudrcau,  en  1893  : 

Guyane  Guyane  Guyane  Contesté 

anglaise.         hollandaise.         française.  cdlier.        Ensemble. 

Indiens  policés 1000  200  400  2000  3  600 

Indigènes  de  l'intérieur  .  7  000  2500  1000  300  10  800 

Noirs  des  brousses. .    .   .  200  16  000  1000  »  17  200 

Autres  noirs  et  mulâtres.  130  000  55000  21  700  600  207  300 

Hindous,  Chinois,  Javanais.  135  000  3600  4  000  »  142  600 

a  Portugais  ))  et  Brésiliens.  14  000  500  300  100  14  900 

Européens 4  800  750  100  100  5  750 

Autres  blancs,  troupes,  etc.  1  000  1  450  5  700  »)  8  1 50 

Ensemble 292  200  80  000  34  200  3100       410  300 


POPULATION  DES  CUTANES,  GUYANE  ANGLAISE.  55 

rouges  et  noirs,  ceux  qui  gagnent  peu  à  peu  sur  les  Européens  propre- 
ments  dits  sont,  au  nord  les  insulaires  des  îles  portugaises,  au  sud  les 
Brésiliens,  également  de  langue  portugaise,  à  l'ouest  les  Vénézolans  espa- 
gnols, tous  colons  de  langue  et  de  civilisation  latines*. 


II 

GUYANE    ANGLAISE. 

Cette  partie  de  la  grande  île  des  Guyanes,  à  frontières  encore  indéter- 
minées, est  de  beaucoup  la  plus  importante  par  le  nombre  des  habitants  et 
l'activité  du  commerce.  On  admet  d'ordinaire,  sans  se  donner  la  peine  de 
chercher  plus  avant,  que  cette  remarquable  supériorité  de  la  Guyane  bri- 
tannique comme  domaine  d'exploitation  a   pour  cause  primordiale   le 
«  génie  administrateur  »  des  Anglais;  mais,  si  l'une  des  raisons  de  cette 
prospérité  relative  doit  être  attribuée  à  la  non-intervention  du  gouverne- 
ment dans  les  affaires  locales,  à  la  rareté  relative  des  fonctionnaires  et  à 
Tesprit  de  suite  maintenu  dans  l'administration,  il  n'en  est  pas  moins 
vrai  que  la   Guyane  anglaise  a  joui  de  privilèges  considérables,  tant 
naturels  que  d'ordre  politique.  D'abord  le  plus  grand  bassin  fluvial  lui 
appartient,  et  ses  plantations   principales,   que   les    Hollandais  avaient 
depuis  longtemps  mises  en  valeur  lors  de   la  conquête  anglaise,  sont 
les  plus  accessibles  pour  les  navires  venus  de  l'Europe  et  des  Antilles; 
la  zone  cultivable,  bien  drainée  du  côté  de  la  mer,  borde  le  littoral,  et  les 
villes,  les  villages,  les  plantations  ont  pu  se  presser  au  bord  du  flot,  sur  la 
lisière  étroite  qui  sépare  les  vagues  des  eaux  dormantes  de  l'intérieur, 
tandis  que  dans  la  Guyane  hollandaise  et  dans  la  plus  grande  partie  de 
la  Guyane   française  la  zone  marécageuse,  masquée  par  des  rideaux  de 
palétuviers,  occupe  la  région  bordière*. 

Il  était  facile  de  commencer  la  culture  sur  ces  côtes  découvertes, 
et,  grâce  à  la  proximité  des  Antilles,  les  premiers  planteurs,  Écossais  en 
majorité,  purent  recruter  sans  difficulté  les  travailleurs  dont  ils  avaient 
besoin.  Depuis  1802,  époque  à  laquelle  la  Grande-Bretagne  devint  maî- 
tresse de  la  Guyane  du  nord,  qui  lui  fut  officiellement  cédée  en  1814, 
les  dominateurs  de  la  contrée  ont  largement  profilé  du  voisinage  des 
colonies  antiliennes  en  favorisant  l'immigration  des  noirs  de  Barbadoes, 
l'île  surpeuplée,  et  de  la  grande  île  de  Trinidad  dans  leurs  terres  conti- 

>  Gifford  Palgrave,  Dutch  Guiana. 


56  iNOUYELLE  GËOGRÂPHIE  UNIVERSELLE. 

nentales.  Puis  lorsque  rémancipation  eut  privé  les  propriétaires  fonciers 
des  esclaves  qui  exploitaient  leurs  domaines,  le  gouvernement  des  Indes 
ouvrit  les  portes  de  ses  marchés  de  coulis  aux  riches  usiniers  de  Deme- 
rara.  Autant  de  raisons  qui  assurèrent  à  la  Guyane  britannique  une  très 
forte  avance  sur  les  contrées  limitrophes,  et  cette  avance  même  lui  donna 
par  contre-coup  une  meilleure  situation  commerciale,  des  ressources 
industrielles,  des  relations  plus  nombreuses  et  beaucoup  plus  actives. 
Tout  progrès  antérieur  devient  une  cause  de  progrès  nouveau.  Si  la 
Guyane  anglaise  n'est  pas  plus  une  colonie,  dans  le  sens  propre  du  mot, 
que  les  deux  autres  Guyanes  sous  domination  européenne,  du  moins 
est-elle  devenue  un  lieu  de  peuplement  spontané  pour  les  émigrants 
des  Antilles  et  des  Açores.  Dans  le  langage  courant,  les  Anglais  classent 
encore  leurs  possessions  de  Demerara  et  de  Berbice  comme  faisant  partie 
des  Indes  Occidentales  {West  Indies). 

Jusqu'à  une  époque  récente,  la  zone  de  grande  culture  agricole  dans  la 
Guyane  britannique  était  limitée  à  la  partie  du  littoral  comprise  entre  le 
Pomerun  et  le  Berbice.  La  région  du  nord-ouest,  dont  la  possession  est 
contestée  à  TAnglcterre  par  le  Venezuela,  restait  inhabitée.  Quelques  Hol- 
landais s'étaient  établis  sur  les  bords  du  Pomerun  dès  les  premiers  temps 
de  la  colonisation,  en  1580,  mais  ne  l'avaient  point  dépassé  dans  la  direc- 
tion de  l'ouest,  vers  l'Orénoque*;  même  leurs  plantations  furent  successi- 
vement abandonnées,  et  au  milieu  du  dix-neuvième  siècle  les  bords  du 
Pomerun  n'avaient  d'autres  habitants  que  des  Indiens  et  des  nègres  mé- 
tissés campés  dans  les  clairières;  ceux-ci  descendent  de  marrons  réfugiés 
en  1758,  qu'on  n'osa  pas  poursuivre,  mais  qui,  de  leur  côté,  n'eurent  pas 
l'audace  de  rester  dans  le  voisinage  des  blancs  et  s'unirent  aux  tribus 
indiennes*.  La  colonisation  sérieuse  commença,  vers  1870,  grâce  à  quel- 
ques Portugais  entreprenants,  et  depuis  cette  époque  les  progrès  de  la 
culture  ont  été  incessants  et  rapides.  L'obstacle  capital  provenait  de  l'in- 
terruption des  communications  pendant  la  saison  sèche  :  Vitabbo  ou  fossé 
qui  réunit  le  courant  de  la  Moruka  à  celui  du  Waini  durant  les  hautes 
eaux  se  trouve  complètement  à  sec  une  moitié  de  l'année,  et  même  alors 
le  manque  de  consistance  dans  les  terrains  d'alluvion  ne  permet  pas  aux 
piétons  de  se  hasarder  dans  les  forêts  entre  les  deux  bassins.  Actuellement, 
des  bateaux  à  vapeur  qui  vont  et  viennent  entre  Georgetown  et  le  delta  de 
rOrénoque  ont  mis  tout  le  «  district  du  Nord-Ouest  »  en  relations  faciles 


<  Brett,  ouvrage  cité. 

*  Rich.  Schomburgk,  ouvrage  cité. 


6UÏANE  ANGLAISE.  57 

avec  le  reste  de  la  colonie.  Trois  groupes  principaux  de  défricheurs  et  de 
marchands  ont  pris  possession  du  nouveau  domaine  que  leur  ouvre  la 
navigation  :  l'un,  le  plus  rapproché  des  plantations  du  Pomerun,  au  car- 
refour des  eaux  formé  par  la  lagune  de  fiaramanni  sur  la  rivière  Waini; 
un  autre,  à  rafVuenl  du  Horawhanna,  qui  rattache  le  Barima  au  Waini; 
un  troisième  enûn,  à  l'embouchure  du  Barima  dans  l'Oiénoque.  Le  chef- 


làSOT  ^SOTtMiMJ 


lieu  naturel  du  district  est  le  village  central,  sur  le  Moratthaniia.  Le 
gouvernement  anglais  y  a  fait  établir  un  ensemble  d'édifices  publics, 
tribunal,  caserne,  hôpital,  témoignant  ainsi  du  peu  de  cas  qu'il  fait  des 
revendications  du  Venezuela  sur  ce  territoire'. 

Le  bassin  du  fleuve  Essequibo,  malgré  sa  vaste  étendue  et  le  développe- 
ment de  sa  ramure,  n'a  reçu  qu'une  faible  partie  de  la  population  guya- 
naise  :  là  ne  se  trouve  pas  encore  le  centre  de  l'exploitiition  curopéi;nne. 
La  région  des  sources  est  occupée  par  les  Indiens  Taruma,  au  milieu 


'  ETerard  F-  im  Tliurn,  Proceedingt  of  Ihe  R.  Geographieal  Society,  Oclobi'r  1802. 


58  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

desquels  n'apparaissent  que  de  rares  voyageurs  et  qui  ne  sont  en  rela- 
tions avec  la  colonie  que  par  l'intermédiaire  de  traitants  clairsemés.  Les 
groupes  de  paillettes  se  succèdent  à  de  grandes  distances  le  long  du  fleuve, 
surtout  aux  lieux  de  portage,  où  les  piroguiers  ont  à  contourner  les 
cascades.  Presque  nul  en  amont  de  la  bouche  du  Rupununi,  aflluenl  que 
suit  la  route  naturelle  entre  TÂtlantique  et  l'Amazone  par  le  seuil  de 
Pimra,  le  mouvement  des  barques  s'accroît  au-dessous  du  confluent;  mais 
les  escales  sont  encore  fort  éloignées  les  unes  des  autres  et  naguère  leur 
population  se  composait  seulement  d'Indiens  et  de  métis,  avec  quelques 
marchands  noirs  ou  portugais,  aventurés  loin  du  littoral.  Toutefois  il  n'est 
pas  douteux  que  la  large  «  voie  des  migrations  »  ouverte  entre  le  littoral 
et  l'Amazonie  ne  prenne  tôt  ou  tard  une  grande  importance  commer- 
ciale. Actuellement  la  principale  agglomération  de  paillettes  dans  le  voisi- 
nage du  seuil  est  l'humble  village  de  Quatata,  où  se  rencontrent  Wapi- 
siana,  Taruma,  Macusi,  Ouayeoué  et  traitants  européens  pour  faire  le  troc 
de  couteaux,  de  colliers,  de  râpes  à  manioc,  de  chiens,  contre  des  hamacs, 
des  sarbacanes  et  autres  objets  de  fabrication  indienne*.  Les  mission- 
naires protestants  de  Demerara  et  catholiques  de  Manaos  se  sont  disputé  la 
région,  et  près  de  Quatata  se  voient  les  restes  du  fortin  de  New  Guinea, 
élevé  par  les  Anglais  pour  assurer  en  cet  endroit  de  si  grande  valeur 
stratégique  les  prétentions  de  la  Grande-Bretagne.  Des  métis  brésiliens 
immigrent  chaque  année  dans  cette  région  de  savanes  pour  s'y  livrer  à 
l'élève  du  bétaiP. 

Le  carrefour  des  eaux  où,  déjà  dans  le  voisinage  de  l'estuaire,  le 
Mazaruni,  gonflé  du  Cuyuni,  vient  rejoindre  le  fleuve,  a  trop  d'importance 
hydrographique  pour  qu'une  ville  n'y  ait  pas  pris  naissance  :  là  se  trouve 
la  bifurcation  naturelle  des  deux  grandes  routes,  l'une  par  l'Essequibo  vers 
l'Amazone  et  le  Brésil,  l'autre  par  le  Cuyuni  vers  TOréneque  et  le  Vene- 
zuela. La  petite  ville  Bartica  Grove,  —  ou  simplement  Bartica,  —  presque 
enfouie  sous  le  branchage  des  manguiers,  s'allonge  au  pied  d'une  colline 
qui  commande  au  sud  le  confluent  des  fleuves,  sur  la  rive  gauche  de 
l'Essequibo.  Elle  fut  autrefois  le  centre  des  missions  indiennes,  mais  il  n'y 
reste  plus  qu'un  petit  nombre  d'indigènes  convertis  :  les  familles  qu'on  y 
avait  attirées  ont  repris  le  chemin  des  forêts,  remplacées  par  des  Portu- 
gais, des  nègres  et  des  métis  qui  font  le  commerce  des  bois  de  construc- 
tion et  entreposent  des  approvisionnements  de  toute  sorte  pour  les  mines 


'  Everard  F.  ira  Thurn,  The  Indians  of  Guiana, 

^  («h.  Daniel  Dance,  Recollectiom  of  Venezuela;  —  Henri  A.  Goudreau,  France  Équinoxiale. 


GUYANE  ANGLAISE,  BARTICA,  GEORGETOWN.  59 

d'or  espacées  à  Fouest  sur  les  rives  du  Barima.  Depuis  1887  Bartica 
s'accroît  rapidement  et  tend  à  devenir  le  vrai  centre  commercial  de  la 
colonie  :  Chinois  et  Portugais  se  sont  empressés  d'y  ouvrir  boutique*.  A 
quelques  kilomètres  à  l'ouest,  sur  une  colline  qui  se  dresse  au-dessus 
de  la  rive  gauche  du  Mazaruni-Guyuni,  à  peu  de  distance  en  amont  du 
confluent,  se  montrent  les  vastes  constructions  de  la  colonie  pénitentiaire 
{pénal  tettlement)  établie  en  1843  et  renfermant  environ  trois  cents 
forçats.  Autour  des  prisons,  où  ne  sont  point  enfermés  d'Anglais,  de 
peur  que  le  prestige  des  dominateurs  n'en  soit  affaibli,  s'étend  un  parc 
magniGque  formé  des  plus  beaux  arbres,  d'espèces  rares  :  le  palais  du 
gouverneur  général,  les  maisons  des  dignitaires  et  des  employés,  toutes 
les  constructions  sont  environnés  d'ombrages.  Les  condamnés  travaillent 
pour  la  plupart  à  l'exploitation  de  carrières  voisines,  qui  fournissent  à 
Georgetown  le  granit  nécessaire  pour  ses  édifices  et  ses  quais  ;  d'autres, 
jouissant  d'une  demi-liberté,  reçoivent  l'autorisation  de  prendre  service 
comme  meuniers,  bûcherons  ou  jardiniers.  Un  bateau  à  vapeur  fait  des 
voyages  réguliers  entre  Georgetown  et  l'établissement  pénal,  mais  la 
principale  escale  se  trouve  à  Bartica. 

En  aval  du  confluent,  le  fleuve  élargit  son  estuaire,  d'abord  en  un  seul 
lit  de  plusieurs  kilomètres  entre  les  rives,  puis  forme  de  nombreux  che- 
naux dans  un  archipel  d'iles,  presque  toutes  habitées.  L'une  d'elles, 
située  à  5  kilomètres  de  la  mer,  porte  encore  les  ruines  imposantes  du 
fort  Zeelandia,  que  les  Hollandais  avaient  fondé  en  1743  et  qui  fut  le 
centre  du  commerce  et  le  chef-lieu  de  leur  colonie.  Chaque  îlot  s'arrondit 
en  un  dôme  superbe  de  végétation,  et  un  cercle  de  verdure  limite  la  vue.' 
Des  plantations  entourées  de  grands  arbres  occupent  les  îles  principales, 
et  les  cultures  bordent  l'estuaire,  au  nord-ouest  vers  le  Pomerun,  au  nord- 
est  vers  la  capitale  actuelle,  Georgetown,  et  l'embouchure  du  Demerara. 

L'ancienne  ville  hollandaise  de  Stabroekqui,  en  1774,  succéda  à  Port 
Zeelandia  conwne  résidence  du  gouverneur,  a  pris  de  l'importance  depuis 
qu'elle  est  devenue,  sous  le  nom  de  Georgetown,  la  capitale  de  la  Guyane 
britannique.  Cité  la  plus  populeuse  de  toute  la  contrée  comprise  entre 
rOrénoque  et  l'Amazone,  elle  renferme  à  elle  seule  deux  fois  plus  d'habi- 
tonts  que  toute  la  Guyane  française.  Pourtant,  vue  du  large,  elle  échappe 
presque  au  regard  :  on  dirait  une  forêt  touffue  dominée  par  les  hampes 
des  cocotiers  et  des  orcodoxa;  il  faut  se  rapprocher  pour  voir  les  navires 
qui  se  pressent  dans  le  large  estuaire  du  Demerara  et  les  élégantes  mai- 

1  Verschuur,  Tour  du  Mondey  juillet  1 893. 


«0  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UMVERSEILE. 

8011S  blanches  qui  bordent  la  rive  droite  du  fleuve.  Georgetown,  peuplée 
surtout  du  noii's  et  de  gens  de  couleur,  se  prolonge  à  plus  de  2  jkilomètres 
sur  la  ber^  fluviale,  entre  le  fort  William  Frederick,  érigé  à  l'embou- 
chure, et  les  groupes  de  villas  parsemés  au  loin  dans  la  campagne.  Même 
dans  le  voisinage  des  rues  les  plus  affairées  et  des  quais  où  s'entreposent 
presque  toutes  les  marchandises  des  Guyanes,  les  maisons,  entourées  de 
vnrandes  fleuries,  se  cachent  dans  les  jardins,  et  chacune  possède  une 


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^m 


citerne  pour  l'irrigation  des  arbres  et  des  plates-bandes.  Des  puits  arté- 
siens nombreux,  creusés  à  une  centaine  de  mètres,  fournissent  à  Geor- 
getown une  eau  légèrement  minérale.  Un  des  faubourgs,  Ilopetown, 
était  habité  naguère  presque  exclusivement  par  des  Chinois.  Autour  de  ta 
ville,  la  région  du  littoral  et  les  bords  du  fleuve,  cultivés  avec  soin  jusqu'à 
une  grande  distance,  se  divisent  en  plantations  riches  cl  populeuses.  Le 
chemin  de  fer  qui  se  dirige  à  l'est  vers  Mahaica,  sur  la  rivière  du  même 
nom,  subvient  à  un  mouvement  très  actif  de  voyageurs  et  de  deni-ées. 


GUYANE  ANGLAISE.  6i 

Cette  voie  ferrée  de  57  kilomètres,  la  première  qui  ait  été  construite 
dans  l'Amérique  méridionale,  dès  Tannée  1850,  est  encore  la  seule  que 
possède  la  Guyane  britannique  :  elle  doit  se  prolonger  vers  Berbice.  C'est  à 
Mahaica  que  ^  trouve  la  léproserie  de  la  Guyane  britannique,  contenant 
environ  200  malades. 

Dans  son  district  oriental,  le  territoire  n'a  qu'une  ville,  occupant  une 
situation  analogue  à  celle  de  Georgetown.  New  Amsterdam,  appelée  aussi 
Berbice  comme  la  rivière  sur  la  rive  droite  de  laquelle  s'alignent  ses 
maisons,  est  également  d'origine  hollandaise,  ainsi  qu'en  témoignent  les 
nombreux  canaux  découpant  ses  quartiers  :  les  premières  constructions  s'y 
élevèrent  en  1796,  et  le  commerce  local  n'a  pas  encore  détruit  l'aspect 
primitif  de  la  ville,  avec  ses  canaux  mystérieux,  ses  places  ombreuses,  ses 
maisonnettes  cachées  dans  la  verdure  \ 

De  même  que  dans  tous  les  autres  pays  cultivés  par  des  mains  esclaves, 
le  travail,  accompli  par  des  hommes  sans  initiative,  surveillé  par  des 
commandeurs  armés  du  fouet  ou  du  bâton,  ne  comportait  pas  dans  la 
Guyane  britannique  la  culture  de  plantes  variées  :  il  fallait  procéder  par 
de  simples  méthodes  à  routine  constante.  Les  produits  de  la  canne  à 
sucre,  cassonade,  rhum,  mélasse,  le  coton  et  le  café,  tels  étaient  les  seuls 
objets  d'exportation.  De  nos  jours  encore,  malgré  l'abolition  de  l'esclavage, 
on  observe  les  anciens  errements  agricoles,  car  la  forme  de  la  propriété, 
toujours  divisée  en  grands  domaines,  n'a  point  changé,  et  les  escouades 
de  noirs  asservis  sont  remplacées  par  des  Hindous  engagés,  auxquels  on  ne 
laisse  d'ailleurs  aucune  liberté  dans  le  travail  :  un  seul  domaine,  sur 
la  rive  gauche  du  Demerara,  comprend  2234  hectares  et  produit  5500 
tonnes  de  sucre,  dues  au  travail  de  5730  coulies  et  nègres;  cependant 
on  a  compris  qu'il  serait  imprudent  de  répartir  le  reste  du  territoire  à  de 
grands  concessionnaires,  et  pour  attirer  les  cultivateurs  on  essaye  de 
constituer  la  petite  propriété  en  n'accordant  plus  que  des  lots  de  20  hec- 
tares aux  nouveaux  colons*. 

Comme  aux  temps  de  l'esclavage,  la  canne  à  sucre  est  la  récolte  par 
excellence,  occupant  la  moitié  des  terrains  cultivés  et  représentant  en 

*  Superficie  et  population  de  la  Guyane  britannique  évaluées  approximativement  en  1895  : 

250000  kilomètres  carrés;  292  000  habitants;  1,2  hab.  par  kil.  carré. 

Villes  avec  leur  population  approximative  en  1895  : 

Georgetown  et  ses  faubourgs 56000  habitants. 

New  Amsterdam 9  000        » 

Bartica 2  000        » 

«  Verschuur,  recueil  cité. 


63  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

moyenne  plus  des  neuf  dixièmes  des  produits  exportés.  La  fertilité  du 
sol,  les  facilités  de  culture  et  d'exploitation,  Texcellence  des  sucres,  ont 
permis  aux  planteurs  démérariens  de  soutenir  la  concurrence  des  sucriers 
européens.  Mais  pour  maintenir  leur  situation  privilégiée  ils  ne  reculent 
devant  aucune  dépense.  Utilisant  la  zone  côtière  primitivement  émergée, 
ils  ont  empiété  sur  la  mer  par  la  construction  de  digues  fort  coûteuses, 
qui  servent  en  même  temps  de  chemins;  ils  ont  découpé  le  terrain  par 
un  réseau  de  canaux  et  de  fossés  pour  le  transport  des  cannes  et  pour 
Tégouttement  du  sol  ;  des  engrais  chimiques  renouvellent  la  force  des 
terres,  et  les  usines,  éclairées  à  Télectricité,  renferment  des  appareils 
d'un  fonctionnement  savant  et  délicat  pour  la  cristallation  du  jus  de 
canne  :  la  plante,  contenant  en  moyenne  17  pour  100  de  sucre*,  ils  en 
retirent  jusqu'à  16  pour  100,  tandis  qu'autrefois,  suivant  les  anciennes 
méthodes  de  broyage,  ils  en  extrayaient  au  plus  la  moitié.  Les  Demerara 
cryslals  atteignent  sur  les  marchés  anglais  des  prix  très  supérieurs  à  ceux  • 
de  tous  les  autres  sucres  de  canne.  En  outre,  on  les  expédie  dans  les 
colonies  anglaises,  dans  la  Nouvelle-Ecosse,  à  Terre-Neuve,  et,  malgré 
les  droits  protecteurs,  ils  disputent  aux  sucres  de  la  Louisiane  et  de 
Cuba  les  marchés  des  États-Unis.  Le  rhum  de  Demerara,  de  qualité 
très  inférieure  à  celui  de  la  Jamaïque,  s'exporte  surtout  dans  la  Grande- 
Bretagne,  et  les  mélasses  de  Georgetown  sont  fort  appréciées  dans  les 
Antilles  françaises. 

Les  caféteries  de  Berbice,  qui  produisaient  jadis  une  variété  renom- 
mée, ont  été  remplacées  presque  toutes  par  des  sucreries,  et  l'on  ne 
trouve  plus  guère  de  cafiers  que  dans  les  jardins  et  les  petites  exploita- 
tions des  nègres.  Après  le  sucre,  la  principale  production  de  la  Guyane 
britannique  est  le  bois  de  charpente,  que  des  Parlamona  et  des  Câlina, 
frères  des  Galibi  du  Maroni,  coupent  sur  les  bords  de  l'Essequibo,  en 
amont  de  Bartica,  et  sur  les  autres  fleuves  de  la  colonie,  au  sud  des  plan- 
tations. Le  commerce  des  fruits,  noix  de  coco  et  bananes,  a  pris  une  cer- 
taine importance,  et,  malgré  l'éloignement,  pourrait  rivaliser  avec  celui  qui 
se  fait  entre  l'Amérique  Centrale  et  les  États-Unis;  les  fruits  guyanais,  sur- 

*  Étendue  des  terrains  à  sucre  de  la  Guyane  britannique,  en  1890  :  32000  hectares,  soit  la 
800*  partie  du  territoire  et  96  pour  100  dos  cultures. 

Nombre  des  sucreries  en  1890 95 

Récolte  du  sucre  ))         117  204  hogshcads  ou  105  485  tonnes. 

Valeur  en  1891  :  41  518  525  francs. 

Fabrication  du  rhum ))  0  674  150      )> 

))  des  mélasses ))  1106  725       n 

Valeur  totale  des  produits  sucriers  en  1891..  »  49  349  400      » 


GUYANE  ANGLAISE  55 

tout  les  bananes,  ayant  une  finesse  de  goût  au  moins  égale  à  celle  des  fruits 
des  Antilles,  du  Costa  Rica  et  du  Guatemala.  Dans  l'ensemble,  la  Guyane 
britannique  exporte  une  moyenne  d'environ  200  millions  de  francs,  en 
sucre  et  autres  produits  de  la  canne,  en  bois  et  en  fruits,  et  depuis  quel- 
ques années  en  pépites,  poudi*e  d'or  et  petits  diamants,  que  l'on  recueille 
sur  les  bords  du  Barima,  du  Cuyuni  et  dans  les  alluvions  des  rivières  litto- 
rales du  Nord-Ouest*.  Le  pays  importe  des  vivres,  des  machines  et  appa- 
reils, des  étofles  et  des  objets  manufacturés,  fournis  en  premier  lieu  par 
l'Angleterre,  puis  par  les  États-Unis*.  Des  paquebots  à  service  régulier 
rattachent  Georgetown  à  la  Grande-Brctagn,e,  aux  Antilles,  au  Canada. 


Jusqu'en  Tannée  1851,Demerara  et  Berbice  constituaient  deux  gouverne- 
ments coloniaux  distincts,  comme  sous  le  régime  hollandais.  La  plupart 
clés  lois  et  anciens  règlements  furent  maintenus  :  il  en  reste  des  traces 
nombreuses.  Le  pouvoir  politique  se  trouve  presque  entièrement  enti'e  les 
mains  du  gouverneur,  représentant  de  la  reine.  Il  est  aidé  dans  ses 
fonctions  par  une  «  cour  politique  »,  court  of  policy,  composée  des  cinq 
principaux  fonctionnaires  de  la  colonie  et  de  cinq  membres  choisis  par  la 
cour  sur  les  deux  personnes  que  présentent  les  notables, —  2046  en  1893, 
—  constitués  en  collèges  électoraux.  La  législation  et  le  pouvoir  exécutif 
appartiennent  également  au  gouverneur  et  à  sa  cour  politique;  mais  pour 
la  fixation  des  impôts  le  gouverneur  doit  s'adjoindre  six  représentants 
financiers,  formant  avec  les  autres  membres  du  gouvernement  une  «  cour 
combinée  ».  La  loi  civile  hollandaise,  modifiée  par  divers  décrets  et  ordon- 
nances, régit  toujours  la  colonie,  mais  la  loi  criminelle,  sans  bénéfice 
du  jury,  est  d'importation  anglaise.  L'usage  des  poids  et  mesures  «  rhé- 
nans »,  abandonnés  même  en  Hollande,  est  encore  légal  sur  les  bords 


*  Production  de  Tor  déclarée  dans  la  Guyane  britannique  : 

1884 250  onces,  soit  22  000  fr.mcs. 

1892 150000     ))         »      1U85  000      o 

*  Commerce  de  la  Guyane  britannique  en  1891  : 

Importation V2  694  250  francs. 

Exportation 05  51  «î  850       )) 

Ensemble 106  008  100  francs. 

Exportation  du  sucre  :  49  549400  francs,  dont  50  512  950  en  Angleterre. 
Mouvement  total  de  la  navigation  en  1891  :  646  566  tonnes. 
Flotte  commerciale  de  la  Guyane  britannique  en  1887  : 

141  embarcations,  d*une  capacité  de  6  625  tonnes. 
XIX.  9 


66  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

du  Demerara.  La  police  comprend  quelques  centaines  d'hommes,  et  la 
garnison  militaire  se  compose  d'environ  500  soldats,  fournis  par  les 
«  régiments  noirs  »  de  l'Inde  occidentale.  L'Église  nationale,  Church  of 
Englandy  formant  un  évêché,  subdivisé  en  rectorats  et  en  cures,  possède 
un  budget  fourni  par  le  gouvernement  anglais,  comme  ceux  de  l'Église 
presbytérienne  et  de  l'Ëglise  catholique.  En  1891,  la  population  scolaire 
de  la  colonie  s'élevait  à  58  067  enfants,  environ  la  neuvième  du  nombre 
des  habitants.  Le  budget  annuel  se  maintient  en  équilibre*. 

La  colonie  se  divise  en  quatre  districts  administratifs  ou  comtés  :  Nord- 
Ouest,  Essequibo,  Demerara  et  Berbice. 


III 

GUYANE    HOLLANDAISE. 

Les  premiers  colon isateui^s  de  la  Guyane  anglaise  cultivèrent  leui*s 
beaux  domaines  au  profit  de  leurs  rivaux.  Ce  qu'ils  ont  gardé  de  leurs  pos- 
sessions anciennes  est  bien  moindre  en  valeur  que  ce  qu'ils  ont  perdu. 
Suriname,  —  tel  est  le  nom  que  les  Hollandais  donnent  à  leur  Guyane, 
—  n'a  guère  que  le  sixième  de  la  population  qui  se  groupe  actuellement 
autour  de  Demerara,  dans  les  possessions  anglaises,  et  son  commerce 
représente  à  peine  le  cinquième  des  échanges  faits  par  sa  voisine.  La  crise 
économique  produite  par  l'abolition  de  l'esclavage,  en  1865,  entraîna 
la  ruine  de  plantations  nombreuses;  dévastes  étendues  cultivées  firent 
retour  à  la  solitude  des  forêts  et  des  savanes.  La  population  même  dimi- 
nua par  l'émigration.  Un  lent  progrès  ne  recommença  qu'après  plusieurs 
années  de  décadence.  Actuellement  le  nombre  des  habitants  s'accroît, 
grâce  à  l'arrivée  de  quelques  coulis  hindous.  Les  planteurs  reprennent 
possession  du  sol,  mais  en  général  par  d'autres  cultures  que  celles  de 
leurs  prédécesseurs. 

De  môme  que  dans  la  Guyane  britannique,  la  zone  habitée  ne  constitue 
qu'une  très  faible  partie  du  territoire  :  elle  comprend  la  région  littorale 
entre  la  rangée  extérieure  des  palétuviers  et  les  savanes  de  l'intérieur; 
mais  cette  lisière  cultivée  présente  de  nombreuses  lacunes,  occupées  par 
des  brousses  et  des  marécages.  Le  district  le  plus  occidental,  celui  de 
Nickerie,  situé  h  Test  du  Corcntyne  et  de  son  estuaire,  n'a  qu'une  popu- 


Budgel  de  la  Guyane  britannique  en  1890.    ...      12  100000  francs. 
Dette  »  H         .    .    .       5  000  000      » 


6UYANES  ANGLAISE  ET  HOLLANDAISE.  67 

lation  clairsemée.  Au  commencement  du  siècle  des  planteurs  et  des  com- 
merçants établirent  une  colonie  sur  le  promontoire  qui  domine  le  con- 
fluent du  Corentyne  et  de  son  affluent,  la  coulée  de  Nickerie.  L'endroit 
semblait  propice  et  le  bourg  se  développa  d'une  manière  rapide  ;  mais  en 
moins  de  deux  générations  le  terrain  sur  lequel  les  quais  et  les  édifices 
avaient  été  construits  fut  dévoré  par  les  vagues  ;  les  habitants,  découragés, 
obligés  de  reculer  sans  cesse  vers  l'intérieur,  unirent  par  se  disperser  :  il 
ne  reste  plus  sur  la  pointe  qu'un  petit  groupe  de  maisonnettes.  D'après 
Palgrave,  la  mer  empiète  rapidement  sur  ces  rivages,  non  point,  comme 
le  supposent  les  résidents,  parce  qu'un  changement  dans  la  direction 
des  vents  et  des  courants  a  donné  plus  de  violence  à  la  houle,  mais 
parce  que  le  terrain  s'aflaisse. 

Une  autre  colonie,  à  laquelle  ses  fondateurs  avaient  attaché  de  grandes 
espérances,  a  moins  encore  réussi  que  Nickerie  :  celle  de  Groningen,  établie 
en  1843  près  de  l'estuaire  de  la  Saramacca  et  peuplée  de  Frisons  choisis 
avec  soin  pour  inaugurer  la  culture  ce  à  bras  blancs  »  dans  ces  régions 
équatoriales.  L'entreprise  eut  le  sort  de  toutes  les  tentatives  de  même 
genre  :  des  384  colons,  environ  la  moitié  moururent  dans  les  six  mois,  et 
la  plupart  de  ceux  qui  restaient  durent  émigrer  dans  les  plantations  voi- 
sines ;  plusieurs  ont  prospéré  comme  artisans  et  jardiniers  à  Paramaribo. 
Batavia,  située  au  sud-ouest,  sur  la  rive  du  Coppename,  renferme  une 
centaine  de  lépreux,  retenus  loin  de  leurs  amis  et  de  leurs  familles. 
Hais  ce  village  parait  encore  trop  rapproché  de  la  zone  populeuse  du 
littoral  :  on  doit  établir  un  nouveau  lazaret  sur  le  haut  Suriname,  dans 
une  péninsule  déserte  de  la  rive  droite  dite  du  Grand  Chûtillon,  que  l'on 
séparera  de  la  terre  ferme  par  un  fossé.  La  Guyane  hollandaise  est  celle 
où  le  fléau  de  la  lèpre  ou  «  boasie  »  sévit  le  plus  cruellement,  surtout 
sur  les  nègres  et  les  gens  de  couleur  :  le  nombre  des  lépreux  s'y  élèverait 
à  près  d'un  millier*. 

Paramaribo,  le  chef-lieu  de  la  Guyane  hollandaise,  ne  borde  point  la 
mer  comme  Georgetown  et  New  Amsterdam.  La  forme  du  littoral,  diffé- 
rente de  celle  que  présente  la  côte  du  territoire  britannique,  a  déterminé 
la  naissance  des  villes  et  l'établissement  des  plantations  dans  la  zone  rela- 
tivement sèche  que  traversent  les  coulées  parallèles  a  la  lisière  maritime 
des  palétuviers.  Paramaribo,  de  fondation  française,  date  de  1640  :  a  cette 
époque,  des  fugitifs  de  Cayenne  bâtirent  un  fortin  à  l'endroit  où  s'élève 
aujourd'hui  le  fort  de  Zeelandia;  dix  années  plus  tard,  l'anglais  Willoughby 

•  6.  Verschuur,  Tùur  du  Monde,  imWei  1895. 


68  NOUVELLE  GËOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

of  Pasham  y  résida,  et,  peu  de  lemps  après,  les  Hollandais  en  firent  la 
capitale  de  leurs  domaines  de  Suripame.  La  ville,  ombragée  de  manguiers 
et  d'autres  arbres  touffus,  occupe,  sur  la  rive  gauche  du  lleuve,  déployé 
en  croissant,  une  terrasse  de.  sable  et  de  gravier  mêlés  de  coraux  et  de 
coquilles  brisées.  Sous  le  climat  équatorial,  Paramaribo  se  présente  comme 
une  autre  Amsterdam,  et,  malgré  la  diiïérence  des  matériaux,  ses  maisons 


en  bois  peintes  de  gris  rappellent  les  massives  constructions  en  briques  de 
la  cité  hollandaise.  Quelques  édifices,  palais  du  gouvernement,  synago- 
gues, églises,  donnent  un  grand  air  h  la  cité,  d'aspect  un  peu  vieilli.  Fort 
proprement  tenue,  elle  n'est  point  insalubre,  quoique  l'atmosphère,  non 
renouvelée  par  la  brise  marine,  soit  un  peu  celle  que  l'on  respire  dans  une 
serre  de  plantes  tropicales.  Un  chemin  de  fer  unira  prochainement  la 
capitale  aux  districts  fertiles  de  la  rivière  Saramacca.  I-e  fort  de  Nieuw 
Amsterdam  occupe  une  position  stratégique  d'importance  capitale  au  con- 


GUYANE  HOLLANDAISE.  69 

fluent  du  Sunname  et  du  Commewijne,  en  face  de  l'estuaire  rectiligne  que 
forme  le  chenal  maritime  à  l'entrée  du  fleuve. 

A  Test  de  Paramaribo,  les  bords  du  Cottica  et  du  Commewijne  étaient 
occupés  autrefois  par  une  succession  non  interrompue  de  plantations  et 
de  jardins,  en  partie  abandonnés  de  nos  jours  et  pour  la  plupart  ayant 
changé  de  propriétaires  :  des  noirs,  fils  d'anciens  esclaves,  sont  devenus 
les  possesseurs  de  maint  domaine  dépendant  jadis  de  quelque  grand  fief 
hollandais.  Le  village  de  Sommelsdijk,  que  domine  un  fort  pentagonal, 
au  confluent  des  deux  rivières,  et  qui  commande  toute  la  région  des 
bayous,  rappelle  le  nom  d'un  gouverneur  hollandais,  qui  à  lui  seul  pos- 
séda un  tiers  des  plantations  de  la  colonie.  Sur  la  rivière  Suriname,  à 
80  kilomètres  en  amont  de  Paramaribo,  les  ruines  d'une  synagogue  et  les 
quelques  cabanes  de  Joeden  Savane,  la  «  Savane  des  Juifs  »,  font  penser 
aux  Israélites  portugais  et  livournais  qui  vinrent,  en  1644,  s'établir  sur 
les  bords  du  fleuve  après  leur  exil  de  Pernambuco.  La  population  blanche 
se  compose  encore  pour  une  bonne  part  de  Sémites  :  ce  sont  eux  qui 
manient  les  aflaires  d'argent  à  Paramaribo  et  donnent  à  la  colonie  la 
plupart  des  médecins,  des  juges  et  des  avocats.  Au  siècle  dernier,  ces 
Juifs  avaient  leur  propre  administration  de  la  justice,  du  moins  en  pre- 
mière instance;  pendant  leurs  fêtes  religieuses,  ils  échappaient  à  toute 
poursuite  légale'. 

La  rive  gauche  ou  hollandaise  du  Maroni  est  très  faiblement  habitée  : 
les  groupes  de  paillottes  y  appartiennent  presque  tous  à  des  Indiens  Galibi 
et  aux  descendants  des  nègres  marrons.  Quelques  Bovianders,  gens  nés 
de  pères  hollandais  et  de  mères  indiennes,  habitent  sur  les  rivières  de 
l'ouest*. 


Aux  temps  de  l'esclavage,  la  principale  récolte  de  Suriname  était  celle 
du  sucre  comme  dans  la  Guyane  anglaise,  mais  les  planteurs,  n'ayant  pu 
résister  à  la  crise,  abandonnèrent  la  plupart  de  leui's  grandes  exploita- 
tions, et  la  colonie  ne  possède  plus  qu'un  petit  nombre  de  sucreries, 
appartenant  à  de  riches  capitalistes  pourvus  d'un  outillage  aussi  complet 
que  celui  des  usines  de  Georgetown;  une  seule  propriété  occupe  une 


*  G.  P.  II.  Zimmennann,  Bulletin  de  la  Société  de  Géographie,  1880. 

*  Superficie  et  population  probable  de  la  Guyane  hollandaise  en  1893  : 

120000  kilomètres  carrés;  80000  habitants,  y  compris  les  Boch;  0,66  hab.  par  kilom.  carré 

Paramaribo 28800  habitants. 


70  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  «DIVERSELLE. 

population  de  1580  personnes,  Arricains,  Hindous,  Javanais  et  Chinois.  La 
culture  du  caGer,  jadis  fort  importante  et  fournissant  environ  6000  tonnes 
h  l'exportation  annuelle,  fut  tellement  délaissée,  que  la  colonie  dut  impor- 
ter le  café  nécessaire  à  sa  consommation.  Cependant,  depuis  1885,  l'in- 
troduction du  caiier  de  Libéria,  qui  réussit  fort  bien  dans  les  terres  de 
Suriname,  même  mieux  qu'à  Java,  a  ranimé  cette  industrie,  et  quelques 
planteurs  en  attendent  le  relèvement  de  leur  fortune'.  On  s'adonne, 


vu.  —  un  cEinrti  n 


SI 


LU 


dans  la  région  nord-occidenlale,  à  l'extraction  de  la  balata,  la  gutta- 
percha  guyanaise.  I^e  cotonnier  n'est  plus  cultivé.  Le  cacao,  la  denrée  par 
excellence,  demande  peu  de  soins  :  les  arbres  ne  produisent  qu'après 
huit  ou  dix  ans,  mais  donnent  une  récolte  sûre  et  régulière'.  Les  grandes 
plantations  dont  les  produits  alimentent  le  commerce  étranger  enri- 
chissent moins  le  pays  que  les  petites  cultures  dans  lesquelles  les  nègres 


■  G.  Verscbuur,  recueil  cilé. 

*  PUnlations  de  ta  Guyane  hoUanduise  en  1887  : 

Autres  grandes  pbntations    .    . 

Bananeraies 

Autres  plantaliODS  de  vivres  . 


GUYANE  HOLLANDAISE.  71 

el  paysans  de  races  diverses  s'adonnent  à  la  production  des  «  vivres  »  et 
surtout  de  la  banane.  Une  plantation,  Onverwacht,  est  la  propriété 
oommune  d'une  colonie  de  trois  cents  nègres,  cultivateurs  et  bûcherons. 
L'industrie  aurifère  a  pris  quelque  importance  dans  la  Guyane  hollan- 
daise. L'or  était  déjà  exploité  depuis  une  vingtaine  d'années  dans  les 
possessions  françaises  lorsque  le  gouvernement  néerlandais  fit  explorer 
les  vallées  tributaires  du  Maroni,  et  que  le  «  prospecteur  »  Aima  y 
découvrit  le  métal  précieux,  en  1874.  Depuis,  on  a  fait  de  nouvelles 
trouvailles  dans  les  hauts  de  tous  les  fleuves,  principalement  sur  les 
bords  de  l'Aoua,  la  rivière  récemment  attribuée  aux  Hollandais,  et  la 
production  annuelle  de  l'or  s'est  régulièrement  accrue,  sans  avoir  atteint 
la  valeur  de  4  millions  de  francs*.  On  n'exploita  d'abord  que  les  sables 
aurifères,  mais  les  mineurs  ont  remonté  les  vallées  jusqu'aux  roches  qui 
M^nferment  les  veines  de  métal  et  commencé  l'attaque  de  ces  parois.  Ainsi 
la  production  minière  est  devenue  en  peu  de  temps  l'une  des  branches 
importantes  de  l'industrie  coloniale,  encore  limitée  à  un  petit  nombre 
ci'articles'.  En  vue  de  l'exploitation  des  mines,  on  a  ouvert  entre  le  Suri- 
name  et  le  Haroni  un  chemin  de  79  kilomètres. 


Le  gouvernement  colonial  dispose  d'un  pouvoir  absolu,  en  dépit  de 
quelques  formes  parlementaires.  Le  gouverneur  nommé  par  la  Couronne 
€st  en  môme  temps  le  président  de  la  «  maison  d'Assemblée  »,  composée 
de  treize  membres,  dont  quatre  désignés  par  lui.  Les  neuf  autres  manda- 
taires, élus  pour  six  années,  doivent  leur  nomination  à  des  notables 
ayant  un  revenu  d'au  moins  40  florins.  Le  gouverneur  propose,  et,  s'il  lui 
convient,  dispose.  Son  avis  n'est-il  pas  accueilli,  il  donne  par  écrit  les 
raisons  de  son  dissentiment  et  les  membres  de  la  majorité  doivent  se  le 
tenir  pour  dit.  L'instruction  est  obligatoire  pour  tous  les  enfants  de  sept 
à  douze  ans  et  Ton  comptait  en  1887  près  de  5400  élèves  dans  les 
48  écoles.  Le  budget  annuel  s'élève  à  2  millions  et  demi  de  francs. 

•  Production  de  l'or  dans  la  Guvane  hollandaise  en  1891  : 

1  232  kilogrammes.  Valeur  :  5  588  000  francs. 


a 


Mouveinenl  commercial  de  la  Guvane  hollandaise  en  1893  : 

Ex|K)rlalion 9  000000  francs 

Importation 12  000  000     » 

Ensemble 2 1  000  000  francs. 

^louvement  de  la  navigation  en  1890,  à  Tentrée  et  à  la  sortie  : 

454  navires,  portant  185  000  tonnes. 


72  NOIYELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Le  pays  se  divise  en  seize  districts  politiques  aux  circonscriptions 
variables;  mais  toute  décentralisation  administrative  ne  peut  être  qu'un 
leurre  dans  un  pays  dont  la  capitale  contient  à  elle  sente  plus  de  la  moitié 
de  la  population  totale,'  non  compris  les  nègres  Boch,  qui  échappent  au 
recensement.  On  a  prêté  au  gouvernement  germanique  l'idée  d'acheter  la 
Guyane  hollandaise  pour  en  faire  une  colonie  pénale  à  l'instar  de  Cayenne. 


IV 

GUYANE     FRA.NÇAISE. 

Accrue  du  territoire  contesté  qui  la  prolonge  au  sud  jusqu'à  la  bouche 
de  l'Araguari,  la  Guyane  française  égalerait  en  surface  le  territoire  de  la 
Guyane  britannique;  mais  pour  la  population,  l'industrie,  le  commei*ce,  la 
vie  politique  et  sociale,  il  n'y  a  point  de  comparaison  possible.  De  toutes 
les  possessions  d'outre-mer  (jue  la  France  s'attribue,  nulle  ne  prospère 
moins  que  sa  part  des  Guyanes  :  on  ne  peut  en  raconter  l'histoire  sans 
humiliation.  L'exemple  de  la  Guyane  est  celui  que  l'on  choisit  d'ordi- 
naire pour  démontrer  l'incapacité  des  Finançais  en  fait  de  colonisation, 
comme  si  jamais  ce  littoral  avait  été  une  colonie,  dans  le  vrai  sens  du  mot. 
Depuis  que,  au  seizième  et  au  dix-septième  siècle,  des  flibustiers  fran- 
çais, errant  sur  la  mer,  établirent  des  ports  de  refuge  et  de  course  aux 
endroits  favorables  de  la  côte,  jamais  immigration  vraiment  spontanée 
ne  se  dirigea  de  France  vers  la  Guyane.  Tous  ceux  qui,  pendant  deux 
siècles  et  demi,  débanjuèrent  sur  ces  rivages,  entre  le  Maroni  et  l'Oyapok, 
y  vinrent  amenés  comme  fonctionnaires  ou  soldats,  en  troupeaux  d'es- 
claves, d'engagés,  de  colons  officiels,  ou  même  en  chiourmes  de  trans- 
portés et  de  galériens.  Jamais  la  colonisation  libre  n'a  vivifié  la  contrée. 
Souvent  les  emplacements  des  villages  étaient  désignés  d'avance  par  des 
administrateurs  qui  n'avaient  jamais  vu  le  pays.  Des  ordres  inapplicables 
venus  de  Paris  s'exécutaient  au  hasard.  Aucun  préparatif  n'avait  été  fait 
sur  le  terrain  pour  accueillir  les  nouveaux  venus  :  on  les  vit  périr  par 
milliers,  sans  abri,  sans  nourriture,  campés  au  bord  des  criques  maréca- 
geuses. Même  ceux  que  le  sort  avait  favorisés  et  qui  avaient  trouvé  un  gîte 
et  des  vivres,  linissaienl  par  succomber  :  «  se  sentant  abandonnés  du 
monde  entier,  ils  mouraient,  faute  d'avoir  la  volonté  de  vivre*.  » 

Les  essais  de  colonisation  forcée  ayant  tous  échoué,  il  sembla  naturel  de 

1  Jules  Hier,  Notes  gtalisliques  gur  la  Guyane  française. 


GUYANE  FRANÇAISE.  73 

faire  choix  de  la  Guyane  comme  lieu  de  déportation  pour  les  ennemis  poli- 
tiques et  comme  établissement  spécial  pour  les  condamnés  de  droit  com- 
mun. Plus  d'une  fois,  des  terres   notoirement  insalubres    furent  assi- 
gnées aux  exilés  :  le  pouvoir,  écartant  la  responsabilité  de  prononcer  la 
mort,  ne  l'en  avait  pas  moins  pour  complice.  La  «  guillotine  sèche  »,  tel 
Alt  le  nom  populaire  donné  à  «  Cayenne  ».  Pareille  appellation  explique 
le  sentiment  d'aversion  qu'éprouve  un  homme  libre  pour  ce  lieu  de  séjour, 
q^ui  pourtant  n'a  point  le  redoutable  climat  attribué  par  la  légende  à  la 
fiuyane  française  depuis  que  les  déportations  en  masse  y  jetèrent  tant  de 
alheureux.  L'insuccès  même  des  efforts  que  l'on  fit  à  diverses  reprises 
our  coloniser  la  contrée  eut  pour  conséquence  une  grande  incertitude 
ans  les  projets  du  gouvernement  central  et  dans  les  entreprises  des  admi- 
snistrateurs  locaux.  Rarement  fonctionnaire  s'installe  à  Cayenne  sans  désir 
^e  retour  dans  la  mère  patrie  :  voyageur  de  passage,  il  ne  prend  qu'un 
Knédiocre  intérêt  à  une  contrée  qu'il  espère  quitter  bientôt,  il  ne  s'attache 
^oint  au  sol,  mais  peut-être  cherchera-t-il  à  se  distinguer  par  quelque 
"\aste  entreprise  en  désaccord  avec  celles  de  ses  devanciers  et  destinée  à  le 
signaler  en  haut  lieu.  Aucun  esprit  de  suite  ne  préside  à  la  gérance  de 
cette  possession  coloniale  :  depuis  le  milieu  du  siècle,  trente-quatre  gou- 
verneurs se  sont  succédé  à  Cayenne.  Aussi  tous  les  progrès  réels  qui 
s'accomplissent  dans  la  Guyane  française,   soit    par  l'accroissement  de 
la  population,  soit   par  l'exploitation  des   richesses  du  sol,  doivent-ils 
être  attribués,  non  à  l'action  gouvernementale,  mais  au  lent  travail  qui 
se  produit  spontanément  dans  la  masse  indigène,  à  laquelle  viennent  se 
joindre  quelques  immigrants  de  la  Martinique,  dos  nègres  marrons  de 
Suriname,  des  Portugais,  et  des  Brésiliens  des  régions  limitrophes.  L'im- 
portation de  coulis  hindous  se  fit  sans  méthode  et  sans  humanité  :  de 
8572  engagés  dans  la  force  de  Tâgc,  4522,  —  plus  de  la  moitié,  —  sont 
morts  en  vingt-deux  années,  de  1856  à  1878:  675  seulement  ont  été 
rapatriés*. 


Le  bassin  de  la  puissante  rivière  du  Maroni,  qui  sépare  les  Guyanes 
hollandaise  et  française,  n'a  pour  habitants  dans  toute  la  partie  haute  et 
moyenne  de  son  cours  que  des  Indiens,  des  nègres,  et  quelques  orpail- 
leurs,  fort  clairsemés.  Les  premiers  établissements  des  blancs  se  voient  à 
une  soixantaine  de   kilomètres  de  l'estuaire  :  encore  appartiennent-ils 

*  Alglave,  les  Coolies  indiens  et  les  Nègres  à  la  Guyane, 


7^  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

presque  tous  aux  péiiitenciei's;  la  colonisation  libre  y  est  représentée  par 
quelques  plantations  concédées  à  des  Arabes  sortis  du  bagne.  L'établisse- 
ment d*aniont,  Saint-Jean,  qu'un  chemin  de  fer  unit  au  chef-lieu  de  la 
colonie  pénale,  groupe  ses  cases  dans  une  région  marécageuse  et  insalu- 
bre. Saint-Laurent,  où  résident  les  directeurs  du  pénitencier,  est  mieux 
situé,  et  les  cabanes  des  condamnés,  nègres,  arabes,  annamites,  se  décou- 
pent en  lumière  sur  les  masses  sombres  d'un  parc  touffu  :  près  de  là 
s'étend  le  cimetière  aux  tombes  ombragées  de  dracénas.  En  face  de  Saint- 
Laurent,  sur  la  rive  gauche  du  Maroni,  se  montre  le  village  d'Âlbina,  la 
seule  colonie  que  les  Hollandais  aient  fondée  sur  le  grand  fleuve'.  Plus 
haut,  dans  l'île  Portai,  se  trouve  la  plus  imporlante  plantation  de  la 
Guyane  française,  utilisée  pour  la  production  du  roucou. 

La  rivière  Mana,  qui  succède  du  côté  de  l'est  au  Maroni,  possède  sa  petite 
commune,  dite  Mana  comme  le  coui-s  d'eau,  mais  les  autres  coulées  du 
littoral,  Organebo,  Iracoubo,  Counamano,  traversent  des  régions  presque 
inhabitées.  Mana  rappelle  les  tentatives  de  colonisation  qui  furent  dirigées 
avec  le  plus  d'énergie  et  de  persévérance  :  une  religieuse,  Mme  Javouhey, 
entreprit  et  accomplit  cette  œuvre  avec  une  singulière  force  de  volonté, 
presque  sans  contrôle  du  gouvernement,  mais  soutenue  par  lui.  Aidée 
des  sœurs  de  sa  communauté,  d'un  certain  nombre  d'engagés  et  de  plu- 
sieurs centaines  d'esclaves,  elle  fonda  divei^s  établissements,  plantations, 
asiles,  écoles,  hôpital,  léproserie.  Le  village  actuel,  considéré  comme 
l'un  des  plus  salubres  de  la  Guyane,  était  autrefois  le  «  grenier  à  riz  »  de 
la  colonie. 

Le  village  de  Sinnamari,  bourg  de  fondation  hollandaise,  situé  près  de 
la  bouche  d'une  rivière  de  même  nom,  est  devenu  fameux  comme  lieu 
d'exil.  En  1797  et  1798,  après  la  conspiration  royaliste  de  fructidor, 
plus  de  cinq  cents  suspects  furent  transportés  h  Sinnamari  :  un  navire, 
la  Charente^  avait  emmené  de  France  329  individus,  dont  171,  soit  plus 
de  la  moitié,  succombèrent  rapidement  aux  fatigues,  au  découragement 
et  aux  maladies.  Bien  autrement  meurtrière  encore  avait  été  en  1763  la 
tentative  de  colonisation  qui  débarqua  environ  treize  mille  émigrants 
d'Alsace,  de  Lorraine,  de  Saintonge  sur  les  bords  de  la  rivière  Kourou, 
d  une  cinquantaine  de  kilomètres  a  l'est  du  Sinnamari.  La  France  venait 
de  perdre  le  Canada.  Choiseul  et  son  cousin  de  Praslin,  qui  gouvernaient 

«  Transportés  à  Sainl-Laurenl  au  1"  juillet  1892 1105 

Relégués  à  Saint-Jean  »  1 257 

Morts  à  Saint-Jean  de  juin  ISSO'à  juillet  1892  (soit  32  pur  100).   .    .       i  365 

(Verscliuur.) 


UUVANE  FRANÇAISE.  «  75 

alors  la  monarchie,  décidèrent  qu'on  remplacerait  le  territoire  perdu,  et, 
baplisant  la  Guyane  du  nom  de  «  France  Équinoxiale  »,  y  envoyèrent 
successivement  des  flottes  entières  chargées  de  colons.  On  expédia  jusqu'à 


des  comédiens  pour  charmer  les  loisirs  des  futurs  Guyanais.  En  souvenir 
du  Canada,  on  leur  donna  des  patins,  mais  on  oublia  de  les  approvi- 
sionner de  vivres  et  de  préparer  des  lieux  de  débarquement  et  des 
cabanes.  Le  chevalier  de  Turgol,  nommé  chef  de  l'expédition,  avait  négligé 
de  la  suivre.  A  bord  même  des  navires,  In  contagion  décima  les  malhcu- 


76  NOUVEI^E  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

reux,  et  sur  les  bords  du  Kourou  la  famine  vint  s'sijouter  au  typhus. 
Quel  fut  le  nombre  des  morts?  Certainement  plus  de  dix  mille.  Quelques 
centaines  d'individus,  échappés  au  désastre,  obtinrent  enfin  de  se  faire 
ramènera  Saint-Jean  d'Angely,  d'où  ils  étaient  partis*.  Quelques  mots  de 
critique  sur  le  génie  des  colonisateurs  avaient  valu  à  Fréron  six  mois  de 
séjour  à  la  Bastille.  Une  cafétcrie,  appartenant  au  gouvernement,  marque 
l'endroit  où  périrent  la  plupart  des  infortunés. 

A  l'est,  les  terres  de  l'embouchure  du  Kourou  ont  aussi  donné  lieu  à 
des  tentatives  de  colonisation  :  un  petit  groupe  de  condamnés  les  cultivent 
maintenant,  mais  le  pénitenlier  de  Kourou  est  une  simple  annexe  des  trois 
îles  du  Salut,  propriété  de  l'administration  pénitentiaire,  qui  se  montrent 
en  face.  Saint-Joseph  et  l'île  Royale  constituent  le  «  bagne  »  proprement 
dit,  où  l'on  enferme  les  condamnés  réputés  dangereux  ou  soumis  à  une 
surveillance  particulière.  Les  navires  d'un  fort  tirant  d'eau  mouillent  à 
l'abri  des  îles  du  Salut'. 

Cayenne,  dont  le  nom  parait  être  celui  d'un  ancien  chef,  est  un  des  plus 
anciens  établissements  de  la  contrée,  car  dès  l'année  1604  quelques  Fran- 
çais, sous  la  conduite  du  gentihommc  normand  La  Ravardière,  commis- 
sionné  par  une  compagnie  commerciale  de  Rouen,  débarquaient  dans  File 
et  en  prenaient  possession.  Mais  l'emplacement  de  la  ville  actuelle  n'était 
pas  encore  fixé  :  les  premiers  immigrants  et  ceux  qui  leur  succédèrent, 
notamment  des  juifs  hollandais,  s'étaient  établis  plus  à  l'est,  au  pied  des 
collines  de  Remire.  Cayenne,  où  s'élevait  le  fortin  de  Saint-Louis,  ne 
devint  chef-lieu  définitif  qu'en  1877.  La  ville,  relativement  fort  glande, 
puisqu'elle  contient  le  tiers  de  la  population  totale  du  territoire  fran- 
çais, soil  environ  10  000  habitants,  étale  le  damier  de  ses  rues  et  de 
ses  places  ombreuses  sur  un.  espace  péninsulaire  situé  à  l'ouest  de  l'île, 
à  la  base  du  monticule  verdoyant  du  Céperou.  Les  édifices  administra- 
tifs et  gouvernementaux,  hôtels,  casernes  et  prisons,  occupent  une  grande 
partie  de  la  superficie  urbaine,  qu'entourent  des  parcs  et  de  magni- 
fiques avenues  de  palmiers.  Bien  exposée  à  la  brise,  Cayenne  jouirait  natu- 
rellement d'un  climat  salubre,  si  les  canaux  des  environs  n'étaient 
souvent  engorgés;  des  conduites  amènent  d'une  hauteur  voisine  l'eau 
nécessaire  qu'alimente  le  luisseau  du  Rorola.  La  population,  noire  en  très 
grande  majorité,  et  composée  principalement  des  familles  d'affranchis 
qui  accoururent  dans  la  ville  après  Témancipation  de  1848,  comprend 


1  J.  Mourié,  la  Guyane  Française, 

*  Détenus  dans  les  îles  du  Salut  en  1891  :  085- 


s  représentants  de  toutes  les  races  de  la  colonie  :  la  plupart  des  domes- 
ues  sont  des  créoles  de  la  Martinique,  des  Annamites  fournissent  les 


Oueat  de  Ereei-^ieh  5g' 


irchés  de  poisson,  et  des  Chinois  tiennent  les  échoppes.  Le  port  de 
^enne,  accessible  aux  navires  d'un  tirant  d'eau  de  4  mètres  25,  n'est 
4  entièrement  sûr,  et  des  raz  de  marée  l'onl  parfois  dévasté.  Un  phare, 
gé  au  nord,  sur  le  roc  de  l'Enfant  Perdu,  en  éclaire  l'entrée. 


SO  NOUVELLE  GËOGRAPQIE   CMVERSELLE. 

Les  cultures,  les  plantations  étaient  jadis  nombreuses  aux  alentours  île 
Cayenne,  notamment  le  long  des  canaux  et  à  l'est  de  l'île,  au  pied  de 
la  colline  de  Remire,  où  les  Jésuites  possédaient  de  riches  caféteries;  la 
plantation  de  la  Gabrielle,  sur  la  terre  ferme,  au  sud-est.  de  Cayenne, 
eut  même  une  certaine  renommée  pour  la  production  des  épices;  les 
girofliers  de  ce  domaine  donnèrent  au  commencement  de  la  Restauration 
un  revenu  de  400000  francs  en  certaines  années.  Actuellement,  presque 
toutes  les  anciennes  cultures  sont  recouvertes  par  la  brousse;  on  retrouve 
seulement  çà  et  là  des  caOers,  des  cacaoyers  redevenus  sauvages.  Quelques 


routes  carrossables  traversent  l'ile;  une,  longue  de  18  kilomètres,  va 
'  rejoindre  le  «  dégrad  »  des  Cflunes  et  communique  avec  la  chaloupe  à 
vapeur  de  la  rivière  Mahuri,  qui  remonte  jusqu'au  bourg  de  Roura,  entouré 
d'une  petite  clairière  de  jardins.  Au  delà,  toujours  au  vent  de  Cayenne, 
coule  la  rivière  de  Kaw,  qui  possède  aussi  son  village,  puis  l'Approuaguc, 
fameuse  par  des  alluvions  aurifères.  C'est  dans  ta  vallée  d'un  de  ses 
affluents  occidentaux,  l'Arataï,  que  le  Brésilien  Paulino  découvrit  l'or  en 
1855,  et  la  région  de  l'Approuaguc,  avec  celle  du  haut  Maroni,  donna 
toujours  aux  mineurs  une  grande  quantité  de  métal. 

A  l'est,  en  suivant  la  côte,  la  butte  do  80  mètres,  dite  la  montagne 
d'Argent,  rappelle  aussi  d'anciens  travaux  miniers  :  une  caféterie  y  a 


GUYANE  FRANÇAISE.  81 

remplacé  un  pénilencier  insalubi'e  qu'il  fallut  abandonner.  La  montagne 
d'Argent  sert  d'amer  aux  marins  qui  veulent  entrer  dans  l'Oyapok, 
puissante  rivière  déjà  bien  explorée,  mais  n'ayant  que  de  rares  pailtoltes 
sur  ses  bords. 


On  trouve  dans  ta  Guyane  française  toutes  les  denrées  de  In  zone  tropi- 


^tOâSrrtMm 


<^le,  mais  aucune  en  quantité  sufTisanLe  pour  alimenter  une  exportation 
sérieuse.  .\près  un  demi-siècle  de  régression  agricole,  on  ne  comptait 
plus,  en  1890,  que  5834  hectares  en  culture,  dont  les  deux  tiers  con- 
sacrésaux  productions  à  consommer  sur  place  :  ensemble  le  sucre,  le  café, 
le  cacao  ne  représentent  pas  une  récolte  de  iOO  tonnes.  Les  «  haltes  » 


83  NOUVELLE  GËOCRAPHIE  UNIVERSELLE. 

OU  u  ménageries  »,  c'est-^-diœ  les  parcs  à  bestiaux,  ne  renferment  qu'un 
très  petit  nombre  de  bétes  :  en  1890,  il  n'existait  dans  la  colonie  que 
218  chevaux,  assez  malingres  et  mal  venus;  les  bœufs  et  les  vaches,  qui 
réussissent  mieux,  comprenaient  6199  têtes,  et  les  porcs  à  peu  près  le 
même  chiffre,  sans  compter  ceux  qui  errent  h  l'élat  sauvage  dans  les  forêts. 
Quelques  centaines  de  moulons,  chèvres,  ânes  et  mulets  complétaient  le 


)'.iprt*  H.  Coudreau.  In  Tbiim,  eli. 


cheptel.  Quant  à  l'industrie  proprement  dite,  encore  rudimentaire,  elle  se 
réduit  à  quelques  distilleries  de  ta&a,  à  des  chanlicrs  de  bois  et  autres 
petites  installations.  Les  travaux  industriels  les  plus  considérables  sont 
ceux  que  nécessite  le  broyage  des  quartz  aurifères,  mais  la  récolte  de 
l'or  a  gi-adueitement  diminué  depuis  1875.  En  celle  année,  la  production 
enregisiréc  du  mêlai  s'éleva  ;i  1996  kilogrammes,  d'une  valeur  totale  de 
3  689 '200  francs,  et  l'on  doit  peut-être  compter  une  moilié  eu  sus  pour 
l'or  volé  sur  les  chantiei-s  cl  tiandesliucmcnl  eiporlé  '.  Quant  au  minerai 


n  Mi'J  :  I  û9T  kilogrammes.  Valeur  : 


GUYANE  FRANÇAISE  S5 

de  fer,  extrêmement  abondant  dans  les  «  roches  à  ravets  »,  on  ne  Ta 
jamais  exploité. 

Quoi  qu'on  ait  dit»  le  commerce  de  la  Guyane  française,  avant  la  Révo- 
lution française,  n'égalait  pas  celui  qui  se  fait  de  nos  jours  :  en  moyenne, 
l'ensemble  des  échanges  entre  ce  pays  et  le  reste  du  monde  oscille  entre 
13  et  18  millions  de  francs.  Les  importations  dépassent  de  beaucoup  les 
exportations,  la  plupart  des  marchandises  et  denrées  venues  de  l'extérieur 
étant  destinées  aux  pénitenciers  et  aux  garnisons'.  Le  mouvement  de  la 
navigation  n'atteint  pas  100  000  tonnes  par  an,  mais  s'accroît  avec  régula- 
rité, grâce  aux  facilités  de  communication  que  donne  la  vapeur.  Une  ligne 
de  paquebots  rattache  Cayenne  à  la  Martinique  et  à  la  France  par  Suri- 
Yiame  et  Demerara  ;  des  chaloupes  à  vapeur  font  le  service  côtier  pour  les 
B)esoins  de  la  colonie.  Une  ligne  télégraphique  de  288  kilomètres  réunit 
Cayenne  au  Maroni. 


Bien  que  la  Guyane  possède  un  conseil  général  élu  de  seize  membres 
—  dont  sept  pour  Cayenne  —  et  qu'elle  nomme  un  député  au  Parlement, 
eJle  est  trop  faiblement  peuplée  et  son  armée  de  fonctionnaires  trop 
fortement  organisée  pour  que  l'initiative  civique  puisse  contrebalancer  le 
pouvoir  absolu  du  gouverneur.  Celui-ci  a  sous  ses  ordres  le  commandant 
Unilitaire,  le  chef  des  forces  navales,  l'ordonnateur  de  la  marine,  le  direc- 
teur de  l'intérieur,  le  procureur  général,  le  chef  du  service  pénitentiaire, 
et  tous  ces  fonctionnaires  constituent  son  conseil  privé,  auquel  il  adjoint 
pour  la  forme  trois  habitants  choisis   par  lui  et  dont   le  vote  lui  sera 
toujours  acquis.  D'ailleurs,  tous  seraient-ils  d'un  avis  contraire,  il  peut 
passer  outre,  et  même  pratiquer  des  virements  budgétaires,  voire  expulser 
les  particuliers   qui  lui  font  opposition.  Sauf  en  temps  d'élections,  le 
Moniteur  Officiel,  publié  chaque  semaine,    est   l'unique   journal  de  la 
colonie.  On  peut  dire  que  le  régime  du  pénitencier  sert  de  modèle  à  la 
société  civile. 

La  transportation,  raison  d'être  actuelle  de  la  domination  française 
en  Guyane,  a  été  réglée  par  décret,  après  le  coup  d'État  de  1851  ;  le 
premier  convoi  de   condamnés  arriva  aux  îles   du   Salut  en  mai  1852, 

'  Mouvement  commercial  de  la  Guyane  française  en  1889  : 

Importations 8  950  450  francs. 

Exportations 4  271925       » 

Ensemble 15  222  570  francs. 


84  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

et  jusqu'en  1867  plus  de  18  000  transportés  furent  envoyés  dans  les 
divers  pénitenciers  successivement  choisis  sur  le  territoire  de  la  Guyane. 
Remplacée  par  la  Nouvelle-Calédonie  comme  principale  colonie  pénale, 
la  terre  du  Nouveau  Monde  ne  reçoit  qu'une  partie  des  récidivistes,  les 
condamnés  européens  ayant  à  subir  plus  de  huit  ans  de  peine,  et  tous 
les  condamnés  arabes,  annamites  et  noirs.  Les  quatre  pénitenciers,  de 
Cayenne,  des  îles  du  Salut,  de  Kourou  et  du  Maroni,  renferment  en 
moyenne  de  trois  à  quatre  mille  individus,  utilisés  en  majorité  pour  les 
travaux  publics.  L'administration  pénitentiaire  n'emploie  pas  tous  les 
transportés  dans  ses  chantiers;  elle  les  prête  aussi,  à  titre  gi*atuit,  ou 
moyennant  une  faible  rémunération,  à  la  ville  de  Cayenne,  au  gouverne- 
ment de  la  colonie,  aux  particuliers  :  quoique  le  plein  tarif  évalue  à 
2  francs  par  jour  le  travail  d'un  transporté,  tous  accessoires  compris,  le 
salaire  varie  communément  de  16  à  40  centimes*.  Mais  aussi,  quelle  est 
la  valeur  réelle  du  travail  forcé,  comparée  à  celle  du  labeur  de  l'ouvrier 
libre?  A  en  juger  par  l'état  des  routes  sur  lesquelles  se  sont  établis  les 
chantiers  de  forçats,  on  reconnaît  que  leur  travail  n'a  jamais  été  en 
Guyane,  malgré  le  nombre  des  bras,  qu'un  infime  appoint  :  en  éloignant 
le  travail  libre,  il  nuit  au  progrès  matériel  plus  qu'il  ne  l'aide. 

Le  budget  annuel  de  1m  transportation  est  de  5  millions.  Celui  de  la 
colonie,  tenu  à  part,  balance  à  près  de  2  millions  ses  recettes  et  ses 
dépenses,  employées  presque  en  entier  au  payement  des  fonctionnaires*. 

Le  territoire  de  la  Guyane  française  a  été  divisé  en  treize  communes  de 
plein  exercice,  ayant  une  organisation  analogue  à  celles  des  communes  de 
la  métropole  et  des  autres  colonies.  Cependant  les  prérogatives  munici- 
pales furent  suspendues  pendant  trois  années  et  n'ont  été  rétablies  qu'en 
1892,  sous  la  réserve  de  l'intervention  du  gouverneur  pour  le  choix  de 
certains  employés  communaux.  La  ville  de  Cayenne  reste  seule  commune 
de  plein  exercice.  Les  treize  districts,  auxquels  il  faut  ajouter  celui  des 
pénitentiers  du  Maroni,  ne  comprennent  guère  que  le  huitième  du  terri- 
toire, soit  15687  hectares.  L'intérieur  reste  indivis \ 


*  Économiête  Français ,  31  déc.  1892. 

>  Budget  local  de  la  Guyane  française  en  1892  :  1  844  779  francs. 

3  Districts  ou  communes  de  la  Guyane  française,  de  Touest  à  Test  : 

Communes  de  1''  classe  :  Mana,  Sinnamary,  Macouria,  liemire,  Roura,  Approuaguc. 
Conununes  de  2*  classe  :  Iracoubo,  Kourou,  Monsinery,  Tonnégrande,  Mathoury,  Kaw,  Oyapok. 
Commune  pénitentiaire,  Alaroni  ou  Saint-Laurent. 


r 


GUYANE  CONTESTÉE  FRANCO-BRÉSILIENNE.  85 


TERRITOIRE    COIVTESTé    FRANCO-BRÉSILIE?!. 

Officiellement  le  territoire  en  litige  entre  la  France  et  le  Brésil  com- 
prendrait un  espace  d'au  moins   260  000  kilomètres  carrés  :  la  région 
ciébattue  forme  une  longue  bande  s'étendant  de  l'Atlantique  au  rio  Branco, 
limitée  au  nord  par  le  cours  de  FOyapok,  les  monts  Tumuc-Humac  et 
leurs  prolongements  occidentaux,  le  cours  de  TAraguari  et  la  ligne  équalo- 
lîale.  Toutefois  le  débat  n'a  d'importance  réelle  que  pour  le  «  contesté  » 
<le  la  côte,  entre  l'Oyapok  et  l'Araguari.  A  l'ouest,  toute  la  vallée  du  rio 
Branco   est  devenue  incontestablement   brésilienne   par  la  langue,  les 
mœurs,  les  relations  politiques  et  commerciales.  Quant  aux  régions  inter- 
médiaires, que  parcoururent  Crevaux  et  Coudreau,  Barbosa  Rodrigues, 
elles  sont  habitées  par  des  populations  indiennes  complètement  indépen- 
dantes, évaluées  par  Coudreau  à  12  700  individus.  Le  territoire  réellement 
contesté  entre  la  France  et  le  Brésil  comprend  une  superficie   évaluée 
approximativement  à  celle  de  quinze  départements  français  et    n'ayant 
pas  plus  de  3000  habitants  policés,  un  seul  sur  50  kilomètres  carrés. 

Au  dix-septième  siècle  déjà,  ces  régions  étaient  également  revendiquées 
par  la  France  et  le  Portugal,   mais  la  limite  méridionale  du  domaine 
ne  pouvait  donner  lieu  à  aucune  équivoque  :  c'était  le  grand  fleuve  des 
Amazones.  Le  fort  de  Macapd,  au  bord   même  de   l'estuaire,  près  de  la 
ligne  équaloriale,  avait  été  bâti  en  1688  par  les  Portugais,  puis  occupé 
par  les  Français  en  1797,  et  repris  par  les  Portugais  la  même  année.  Le 
traité  d'Utrecht,  conclu  en  1713,  devait  à  jamais  régler  le  diflerend;  mais 
il  le  compliqua,  en  fixant  pour  limite  aux  possessions  respectives  des  deux 
nations  une  rivière  que  personne  ne  connaissait,  dont  nul  marin  n'avait 
exploré  l'embouchure.  Quel  est  ce  fleuve  Yapok  ou  Vincent  Pinzon  que 
les  diplomates  d'Utrecht,   ignorants  des   choses  d'Amérique,   voulurent 
indiquer  sur  leurs  cartes  rudimentaires?  D'un  côté,  les  Portugais  dési- 
gnaient, parmi  tant  de  (c  Yapok  »  ou  «  Grandes  Rivières  »  du  littoral, 
celle  dont  l'estuaire  s'ouvre  entre  la  montagne  d'Argent  et  le  cap  Orange; 
(le   l'autre,    les  Français    pouvaient  expliquer  que    la   vraie    «   Grande 
Rivière   »,   la   «   mer   douce    »   de   Vincent    Pinzon,    est    certainement 
l'Amazone  elle-même,  et  qu'à  défaut  de  ce  fleuve,  il  fallait  choisir  pour 
limite  le  cours  d'eau  le  plus  considérable  de  la  région,  l'Araguari.  On 
emplirait  les  bibliothèques    de   mémoires  et  documents  diplomatiques 


86        '  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

publiés  sur  celte  insoluble  question.  Diverses  commissions  se  sont  occu- 
pées d'interpréter  le  sens  du  traité  d'Utrecht  ou  de  trancher  le  problème 
par  une  décision  définitive,  mais  leui's  conventions  ont  été  successivement 
écartées.  Le  Brésil,  héritier  du  Portugal,  formule  les  mêmes  revendica- 
tions, demandani  aussi  la  frontière  de  TOyapok;  cependant  il  a  propo^  de 
trancher  le  différend  en  prenant  le  Carsevenne  pour  limite. 

Mais  l'histoire  ne  se  décrète  point  :  elle  se  fait,  ignorant  les  traités  et  les 
conventions.  En  1856,  les  Français  établirent  un  poste  au  centre  du  ter- 
ritoire contesté,  dans  le  lac  de  Mapa,  et,  quatre  années  après,  les  Brésiliens 
fondèrent  la  colonie  militaire  de  dom  Pedro  Scgundo,  sur  la  rive  gauche  de 
l'Araguari.  Une  convention  décida  que  les  puissances  rivales  évacueraient 
le  pays  en  litige,  et  la  France  abandonna  en  effet  son  poste  de  Mapa;  mais 
le  Brésil  maintint  la  zone  de  territoire  occupée  et  même,  en  1860,  fit  acte 
de  domination  politique  au  nord  de  l'Araguari,  jusqu'au  Tartarugal.  La 
contrée,  naguère  déserte,  se  peuple  peu  à  peu  ;  quelques  villages  s'y  for- 
ment, et  les  habitants,  en  majeure  partie  déserteurs  et  fugitifs  brésiliens 
auxquels  Tindépendance  devrait  suffire,  cherchent  à  sortir  de  leur  état 
d'indivision  politique.  A  plusieurs  reprises,  ils  demandèrent  d'être  annexés 
à  la  Guyane  française,  notamment  en  1883,  lors  d'une  visite  de  l'explo- 
rateur Coudreau.  Enfin  en  1886,  les  résidents  de  Counani,  le  principal 
village  du  Contesté  septentrional,  se  décidèrent  à  proclamer  leur  auto- 
nomie politique;  mais  il  leur  fallait  un  président  français,  et  Paris 
s'égaya  de  l'histoire  d'un  honorable  géographe  de  Vanves  soudain  trans- 
formé en  chef  d'un  État  au  nom  naguère  inconnu,  et  qui  s'entoura 
aussitôt  d'une  cour,  constitua  son  ministère  et  fonda  un  ordre  national, 
VÉtoile  de  Counani,  avec  plus  de  commandeurs,  grand-croix,  officiers 
et  chevaliers  que  ne  contenait  d'habitants  la  capitale  de  la  république. 
Mais  ce  gouvernement  dura  peu  :  une  année  ne  s'était  pas  écoulée  que  le 
ministre  destituait  le  président  de  la  nouvelle  communaulé  politique. 
L'État  indépendant  de  Counani  avait  disparu. 

Quelles  que  soient  les  conventions  à  intervenir  entre  chargés  d'affaires 
ou  les  décisions  à  prendre  par  les  intéressés,  la  solution  approche, 
car  le  pays,  naguère  solitude  sans  valeur  appréciable,  est  désormais 
connu,  grâce  aux  explorations  de  Coudreau,  et  ses  ressources  éveillent 
les  appétits  des  voisins  du  nord  et  du  sud.  La  population,  évaluée  à 
1500  lors  de  la  proclamation  de  l'éphémère  indépendance,  s'élevait  au 
double  six  années  après,  et  déjà  le  commerce  annuel  atteint  un  million 
et  demi  de  francs.  Les  bateaux  à  vapeur  côtiers  qui  font  le  service  sur  tout 
le  littoral  sud-américain,  d'escale  en  escale,  sont  encore  inconnus  entre 


GDTASE  CONTESTfiE  FRANCO-BRËSILIENNE.  87 

remboucbure  de  l'Oyapok  et  celle  du  Hapa  '  ;  cependant  une  navigation 
asseï  active  se  fait  par  goélettes,  dites  «  tapouyes  »,  du  nom  des 
Indiens.  Ces  embarcations,  de  5  à  15  tonneaux,  sont  même  de  construc- 
lion  indigène  :  à  cet  égard  les  Guyanais  indépendants  sont  plus  indus- 
Crienx  que  les  habitants  de  la  Guyane    française.  Leurs  petits  havres 


g^Sé/O-r 


fioviaux,  fermés  de  barres,  ne  livrent  accès  qu'à  des  navires  d'un  faible 
loonage,  mais  la  nature  leur  a  donné  le  meilleur  mouillage  de  la  côte 
«Dire  rOrénoque  et  l'Amazone  :  le  bassin  profond  du  Carapaporis  qui 
s'ouvre  à  l'est  de  l'île  Maraca  et  qui  fut  probablement  à  iine  époque  peu 
éloignée  la  bouche  de  l'Araguari.  Ce  lieu  de  refuge,  ouvert  dans  les  mers 
dangereuses  oii  gronde  la  pororoca,  peut  devenir  l'une  des  rades  les  plus 
rrétjuenlées  de  l'Atlantique. 


\ 


<  inupa  datu  le*  documenU  lii'étilitfns. 


88  NOL'VELLË  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Les  Counaniens  n*expioitent  point  les  alluvions  aurifères  des  vallées, 
mais  leurs  grandes  savanes  leur  permettent  de  posséder  de  vastes 
«  ménageries  »  ou  troupeaux  de  bétail  ;  d'après  Coudreau,  on  compterait 
18  000  bœufs  entre  l'Oyapok  et  TAraguari  :  l'élevage  s'étend  même  en 
dehors  du  continent,  dans  Tile  deMaraca,  naguère  complètement  déserte. 
La  pèche  est  très  fructueuse  :  les  lacs  sont  riches  en  pirarucûs,  que  Ton 
sèche  pour  les  vendre  sur  les  marchés  de  Cayenne  et  de  Pard.  Les  pêcheurs 
harponnent  aussi  les  lamentins  et  les  tortues,  ils  tuent  les  machoirans 
pour  en  extraire  la  colle  de  poisson,  et  les  gens  des  bois  recueillent  le 
caoutchouc  et  autres  gommes  précieuses. 

La  population,  d'origine  brésilienne  pour  les  deux  tiers  environ,  parle 
généralement  ridiome  portugais;  toutefois  le  créole  français  de  Cayenne, 
mélangé  de  termes  indiens,  est  connu  de  tous.  Des  Portugais,  des  Hartinî- 
cais  et  des  créoles  français  constituent  l'autre  tiers  avec  les  métis  indiens 
qui  naguère  peuplaient  seuls  la  contrée.  Ceux-ci  sont  connus  sous  le 
nom  collectif  de  Tapuyos  ou  Tapouyes,  mot  qui  dans  la  «  langue  géné- 
rale »  ou  tupi  du  Brésil  a  le  sens  d'  «  étranger  »,  d'  «  ennemi  »,  et  qui 
a  fmi  par  s'appliquer  indistinctement  à  tous  les  Indiens  sédentaires  des 
bords  de  l'Amazone,  même  aux  métis  de  toute  race  que  trahit  la  cou- 
leur de  la  peau  ^  La  pression  politique  se  fait  sentir  surtout  du  côté 
du  Brésil,  le  poste  de  Pedro  II  servant  de  point  d'appui  à  une  prise  de 
possession  graduelle  du  territoire;  même  le  district  de  TApurema,  avec 
ses  grandes  savanes  et  ses  ménageries  qui  s'étendent  au  nord  de  TAra- 
guari,  autour  du  Lago  Novo,  est  devenu  une  simple  dépendance  adminis- 
trative de  Macapa.  Les  Brésiliens  se  sont  avancés  plus  loin  vers  le  Mapa, 
où  ils  ont  fondé  la  colonie  de  Ferreira  Gomes.  Au  contraire,  du  côté  de 
la  Guyane  française,  les  terres  en  partie  noyées  que  traversent  l'Ouassa 
et  le  Cachipour,  sont  parmi  les  plus  désertes  du  territoire  contesté.  Cepen- 
dant le  commerce  de  Counani  et  de  Mapa  se  porte  beaucoup  plus  vers 
Cayenne  que  vers  Para  :  la  cause  en  est  a  la  plus  grande  proximité  de  ce 
marché  et  au  moindre  danger  qu'offrent  les  abords.  De  l'autre  côté 
s'ouvre  le  golfe  dangereux  de  la  «  mer  douce  »,  avec  ses  îles,  ses  cou- 
rants, ses  raz  de  marée  et  ses  mascarets. 

Les  trois  villages  du  nord,  Hocaoua,  Couripi  et  Ouassa,  dans  le  bassin  du 
même  nom,  ne  sont  que  de  pauvres  groupes  de  paillettes,  autour  des- 
([uelles  errent  les  Indiens  Palicour  et  Aroua;  Cachipour  n'abrite  sous  ses 
ranchos   qu'une  dizaine  de   familles.   Les  deux  bourgs  proprement  dits 

'  Batcs;  —  Agassiz;  —  Spix  und  Martius;  —  Kellcr-Leuzingcr  ;  —  II.  Coudrcau,  etc. 


Gl'VANE  CONTESTEE  FRANGO-BRËSELIENNE.  89 

se  montrent  plus  au  sud  :  Gounani,  qui  donna  son  nom  à  la  république 
indépendante  et  en  fut  la  capitale  ;  Mapa,  près  duquel  les  Fi-ançais  avaien  t 
bâti  leur  fortin  en  i836,  et  qui  est  l'établissement  le  moins  éloigné  du 
mouillage  de  Carapaporis.  Quelques  maisons  de  bois  et  de  briques  élèvent 


I.  —  NmKKi  poLingiiE 


leur  faîte  au-dessus  des  cases  couvertes  en  feuilles  de  palmier,  mais 
chacune  des  deux  localités  a  son  école  et  l'état  intellectuel  et  moral  de 
\a  population  n'y  diflère  point  de  celui  qu'on  observe  dans  les  contrées 
\oisines.  En  1890,  un  service  de  bateaux  à  vapeur  avait  été  établi  entre 
Para  et  l'embouchure  du  Mapa,  ayant  pour  escale  l'île  Bailique.  à  l'entrée 
du  golfe  amazonien. 


90  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Tous  ces  petits  centres  de  peuplement  se  sont  constitués  administrative- 
ment  en  «  capitaineries  »,  ayant  leur  premier  capitaine,  leur  capitaine  en 
second  et  leur  brigadier,  préposés  (ju'on  écoute  «  lorsqu'ils  ont  une 
valeur  personnelle  »,  mais  dont  les  ordres  n'ont  aucun  effet  quand  ils 
déplaisent  aux  citoyens.  On  peut  dire  que  dans  ces  communautés  minus- 
cules l'unanimité  seule  a  force  de  loi.  Les  fonctionnaires  sont  nommés  par 
acclamation  dans  les  assemblées  publiques  et  destitués  de  même*. 

*  Henri  A.  Coudrcau»  France  ÊquinoxiaU. 


CHAPITRE   II 


ÉTATS-UNIS  DU   BRESIL 


I 


VUE     GENERALE. 


Le  premier  rang  dans  rAmérique  latine  appartient  incontestablement  au 
Brésil*,  inférieur  seulement  à  trois  grands  États  du  monde,  la  Russie, 
la  Chine,  les  États-Unis,  et  rivalisant  en  étendue  avec  la  Puissance  du 
Canada.  Par  la  superflcie  il  égale  presque  l'ensemble  des  territoires 
hispano-américains  du  continent  méridional  et  ne  leur  cède  guère  par 
le  nombre  des  habitants;  même  en  tenant  compte  des  populations 
du  Mexique,  de  TAmérique  Centrale  et  des  Antilles  espagnoles  et  fran- 
çaises, le  Brésil  représente  un  tiers  de  tous  les  «  latinisés  »  du  Nouveau 
Monde.  Mais  par  le  domaine  que  les  Brésiliens  occupent,  aussi  bien  que 
par  leur  origine  et  leur  langage,  ils  contrastent  avec  leurs  rivaux  de 
provenance  castillane.  Le  Brésil  offre  dans  sa  forme  et  son  relief  une 
opposition  très  nette  avec  les  contrées  andines  qui  se  développent  autour 
de  lui  en  un  demi-cercle  immense.  Les  plateaux  et  les  crêtes  des  hautes 
parties  du  Brésil  font  partie  d'un  système  orographicjue  tout  différent  de 

'  Superficie  comparée  des  grands  Étals  du  monde  en  1895,  non  compris  les  empires  coloniaux, 
d'après  Wagner,  Supan  et  autres  : 

Russie  d'Europe  et  d'Asie,  sans  les  mers  intérieures,  Cas- 
pienne et  Aral,  avec  les  iles  et  archipels 21125  000  kil.  carrés. 

Chine,  arec  la  Mongolie,  sans  le  Tibet  ni  la  Corée.    ...  9  915  000  »  n 

États-Unis,  avec  Alaska 9  551  500  »  )» 

Puissance  du  Canada,  avec  tout  le  Labrador  et  les  archi- 
pels polaires 8  191  000  >  »» 

Brésil 8  075  000  »  » 


92  iNOUVËLLE  GËOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

celui  des  Cordillères,  et  même  composent  par  leur  ensemble  comme  un 
autre  continent,  enchâssé  dans  le  premier.  Entre  les  deux  se  ramifient 
les  eaux  des  grands  fleuves,  l'Amazone  et  le  Parana,  aux  sources  entre- 
mêlées. En  aucune  autre  partie  du  monde  vaste  contrée  n'a  pareil  réseau 
de  courants  pour  zone  de  pourtour. 

Traversé  par  la  ligne  équatoriale,  le  Brésil  diflere  des  États  andins 
par  sa  température  plus  élevée,  sa  nature  plus  tropicale.  La  pointe  méri- 
dionale du  territoire  pénètre  seule  dans  la  zone  tempérée  du  sud  :  en 
superficie  ce  n'est  que  la  treizième  partie  de  la  surface  totale.  L'altitude 
générale  du  Brésil  étant  très  inférieure  à  celle  des  pays  andins,  le  climat 
y  est  plus  chaud  en  proportion,  et  toutes  les  conditions  de  la  flore,  de  la 
faune,  des  populations  sont  autres.  Le  nom  «  Confederaçào  do  Equador  » 
pris  en  1824  par  Pernambuco  et  les  États  voisins,  au  climat  brûlant,  à 
la  riche  végétation  tropicale,  aux  habitants  très  mêlés  d'Africains,  était 
beaucoup  plus  justifié  que  celui  d'Ecuador  attribué  à  la  république  des 
hauts  plateaux  couronnés  de  glaciers;  quoique  l'équateur  traverse  ce 
pays  entre  Quito  et  Ibarra,  il  n'est  pas  moins  dans  ses  régions  peuplées 
une  terre  de  vent  et  de  froidure. 

Un  autre  contraste  du  Brésil  et  des  républiques  hispano-américaines 
provient  de  sa  proximité  relative  avec  l'Ancien  Monde.  La  ligne  la  plus 
courte  entre  la  pointe  extrême  de  l'Europe,  au  cap  Sâo  Vicente,  et  l'Amé- 
rique du  Sud  aboutit  au  cap  Sâo  Boque,  le  promontoire  oriental  du  Brésil. 
Pernambuco  est  moins  éloigné  de  Cadiz  que  ne  l'est  la  Guaira  ou  tout 
autre  port  avancé  du  Venezuela,  sans  toutefois  que  la  diflerence  soit 
considérable;  par  le  musoir  occidental  du  continent  africain  les  deux 
mondes  se  rapprochent  beaucoup  plus.  On  sait  que  des  navires  à  grande 
vitesse  pourraient  franchir  cette  partie  de  l'Océan  en  moins  de  trois 
jours  et  que  le  chemin  de  fer  d'Alger  à  Saint-Louis  et  à  Dakar  aurait 
pour  prolongement  naturel,  dans  l'autre  continent,  la  voie  de  Pernam- 
buco à  Montevideo.  Naguère,  les  négriers  brésiliens  reconnurent  bien 
l'avantage  que  présentait  pour  leur  commerce  cette  proximité  de  la  Guinée 
et  du  Brésil  :  s'ils  réussissaient  à  éviter  les  croiseurs  anglais  à  leur  sortie 
des  criques  africaines,  ils  avaient  toutes  chances  d'atteindre  en  une 
semaine  la  plage  convenue  où  les  acheteurs  assemblés  les  débarrassaient 
aussitôt  de  leur  marchandise  vivante.  Ce  trafic  n'existe  plus,  et  pendant 
longtemps  toutes  relations  cessèrent  entre  les  populations  des  deux  rivages 
opposés  :  elles  reprennent  entre  le  Brésil,  le  Congo  et  les  colonies  por- 
tugaises de  la  Guinée  méridionale;  par  un  phénomène  historique  compa- 
rable au  rebondissement  d'un  corps  lancé  sur  une  paroi,  on  voit  la  civi- 


BXPLORITIOH  DU  BRSSIL.  SS 

lîsaUon  apportée  d'Europe  an  Brésil  se  répercuter  sur  les  terres  qui  lui 
font  face  de  l'autre  câté  de  l'Atlantique.  Des  lois  parallèles  gouvernent  la 
pbjsiqne  et  l'histoire. 

l'n  document  attribue  la  découverte  du  Brésil  à  un  certain  ioSo  Ramalho, 


lui  mourut  à  Sào  Paulo  en  1580,  après  un  séjour  prétendu  de  qualre- 
ïitigt-dii  ans  dans  le  pays*.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'histoire  oublia  ce  prédéces- 
seur de  Colomb;  mais  on  sait  que,  grâce  au  voisinage  relatif  de  l'Europe, 
le  littoral  brésilien  fut  découvert  au  moins  huit  années  après  le  voyage  de 

'  Luciano  Conlciro,  F  Amérique  et  le*  Porlugaû. 


94  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Christophe  Colomb,  par  une  expédition  qui  ne  se  dirigeait  pas  même 
vers  le  Nouveau  Monde.  Tandis  que  Vicente  Pinzon  et  Diego  de  Lcpe, 
poursuivant  au  sud  les  explorations  commencées  dans  la  mer  des  Antilles, 
atteignaient  la  «  mer  douce  »  dans  laquelle  s'étalent  les  eaux  jaunes  de 
TAmazone,  Pedr' Alvarez  Cabrai,  cinglant  au  large  pour  contourner  le 
continent  africain,  en  évitant  la  zone  des  calmes  et  prendre  la  route  des 
Indes  Orientales,  rencontrait  une  terre  inattendue  qu'il  crut  être  une  île. 
Une  colline,  le  monte  Paschoal,  signalait  au  loin  le  rivage;  un  port,  qui  a 
gardé  son  appellation  première,  Porto  Seguro,  s'ouvrait  à  ses  navires.  Il 
en  prit  possession  au  nom  du  Portugal,  y  laissa  comme  représentants  de 
sa  nation  deux  condamnés  qui  devaient  apprendre  la  langue  du  pays  pour 
devenir  interprètes,  et,  sur  une  croix  plantée  près  du  port,  fit  graver 
les  armes  de  son  souverain.  Ignorant  ce  qu'était  1'  «  île  »  de  la  Vraie 
Croix,  fragment  minuscule  de  la  masse  continentale  dont  Colomb,  Hojeda, 
Amerigo  Vespucci,  Pinzon,  Lope  avaient  déjà  reconnu  les  rivages  sur  une 
longue  étendue,  l'Espagne  ne  revendiqua  point  ce  petit  domaine  perdu 
dans  l'immensité  de  l'Océan  et  qui  se  trouvait  d'ailleurs  dans  la  moitié 
du  monde  accordée  au  Portugal  par  la  bulle  d'Alexandre  VI.  Mais  il 
grandit  avec  les  découvertes  subséquentes  et  dépassa  bientôt  la  limite 
idéale  tracée  en  1494  par  le  traité  de  Tordesillas  entre  les  deux  hémi- 
sphères, portugais  et  espagnol.  Le  nom  de  Vera  Cruz,  donné  à  la  terne 
découverte  par  Cabrai  et  changé  peu  après  en  celui  de  Santa  Cruz,  ne 
se  maintint  que  pour  une  rivière  et  une  ville  du  voisinage  :  l'appellation 
populaire  de  Brasil,  appliquée  jadis  à  une  île  ou  région  mystérieuse 
dans  laquelle  croissaient  les  arbres  de  teinture  et  qui  flottait  dans 
l'Atlantique  devant  l'imagination  des  marins,  lînit  par  s'attacher  à  la 
contrée  nouvelle.  Elle  fut  retrouvée  Tannée  suivante  p.ar  Andréa  Gon- 
çalvez  Amerigo  Vespucci  à  la  baie  de  Todos  os  Santos,  au  bord  de  laquelle 
s'élève  la  moderne  Bahia. 

Une  fois  connu,  ce  littoral  reçut  la  visite  de  nombreux  marins,  parmi 
lesquels  de  Gonneville  et  autres  Dieppois  :  des  1505,  les  Normands  y 
avaient  fait  plusieurs  voyages*,  ^^  surtout  pour  y  acquérir  le  braisil,  qui 
est  du  bois  à  teindre  en  rouge  ».  En  1509,  toute  la  côte  du  Brésil 
était  explorée  jusqu'à  l'estuaire  de  la  Plata  :  Vicente  Pinzon  et  Diaz  de 
Sols  y  pénétraient.  Les  étrangers  d'Europe  occupèrent  quelques  lieux 
de  troc  avec  les  sauvages,  et  en  1552  Martim  Afl'onso  de  Souza  fondait 
deux  colonies,  Sâo  Vicente  et  Piratiniriga,  dans  la  province  actuelle  deSâo 

«  D'Avpzac,  Nouvelles  Annaleg  des  Voyages,  1869;  —  (iaffarel.  Histoire  dit  Brésil  français. 


:l 


PEUPLEMENT,  HISTOIRE  DU  BRÉSIL.  97 

Paulo,  non  loin  de  la  cité  moderne  de  Santos.  D'autres  groupes  de  Por- 
tugais s'établirent  à  divers  intervalles  le  long  de  la  côte,  et  dès  1534 
l'immense  domaine  royal  était  partagé  en  vastes  capitaineries  héréditaires, 
concédées  à  des  seigneurs  auxquels  on  conférait  des  pouvoirs  quasi  royaux, 
à  la  condition  d'introduire  des  colons  dans  le  pays  et  d'entretenir  un 
commerce  des  denrées  locales  avec  la  mère  patrie.  Mais  ces  grands  feuda- 
taires,  indépendants  les  uns  des  autres,  montraient  aussi  des  velléités 
d'insubordination  à  l'égard  du  souverain  dont  les  séparait  l'océan 
équatorial,  et  pour  consolider  son  pouvoir,  le  roi  dom  Jouo  III  établit 
en  1549  un  gouvernement  général  du  Brésil  dont  le  siège  fut  la  cité  de 
Salvador,  la  Bahia  actuelle,  ainsi  nommée  de  la  grande  ^  baie  )>  de  Todos 
os  Santos. 

La  colonisation  se  Gt  de  proche  en  proche,  moins  par  des  alliances  avec 
les  indigènes  que  par  des  conquêtes  à  main  armée.  Pourtant,  dès  l'année 
où  l'on  fondait  Bahia,  les  missionnaires  jésuites  pénétraient  dans  l'in- 
térieur pour  catéchiser  les  naturels  et  commençaient  le  réseau  d'explo- 
rations qui  devait  les  mener  jusque  dans  le  Paraguay,  chez  les  Gua- 
rani, et  vers  les  sources  du  Madeira,  chez  les  Mojos  et  Chiquitos.  Mais  si 
les  Jésuites,  protecteurs  naturels  des  Indiens,  appliquaient  leurs  efforts 
à  défendre  leurs  missions  et  à  garder  leurs  catéchumènes  disciplinés, 
d'autre  part  les  habitants  de  Sao  Paulo  et  des  autres  capitaineries  du 
sud,  les  mamelucoz  {membyruca)^  métis  de  blancs  et  d'Indiennes,  qui 
constituaient  le  gros  de  la  population  portugaise,  ne  voyaient  dans  les 
indigènes  que  des  esclaves  à  capturer  et  les  pourchassaient  comme  du 
gibier.  De  même,  au  nord  de  Bahia,  des  expéditions  armées  faisaient 
le  vide  devant  elles  pour  aller  à  la  conquête  des  vastes  régions  qui 
s'étendaient  vers  l'Amazone.  A  la  fin  du  seizième  siècle,  le  Sergipe, 
le  Parahyba  du  Nord,  Natal  et  le  cap  Sâo  Roque  étaient  annexés  aux 
colonies  brésiliennes.  Puis  les  Portugais  s'emparaient  de  Cearâ  en  1610, 
et,  poussant  toujours  plus  avant,  atteignaient  en  1616  Para,  la  porte  de 
l'Amazonie. 

En  même  temps  que  les  colons  portugais  procédaient  par  la  violence 
à  la  prise  de  possession  d'un  territoire  qu'ils  eussent  pu  acquérir  par  de 
libres  contrats,  ils  avaient  à  se  défendre  contre  des  rivaux  étrangers  qui 
leur  Disputaient  le  riche  domaine  brésilien.  C'est  ainsi  qu'en  1567  ils 
reprirent  aux  Français  la  baie  de  Rio  de  Janeiro,  où  ils  fondèrent  la  cité 
qui  devint  plus  tard  la  capitale  des  États-Unis  du  Brésil.  En  1615, 
encore  sur  les  Français,  ils  reconquirent  l'île  de  Maranhâo,  à  l'est  du 
golfe  amazonien.  Il  leur  fallut  aussi  repousser  mainte  attaque  des  cor- 

XIX.  13 


98  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

saires  français  et  anglais,  et  pendant  trente  années,  de  1624  à  1654,  ils 
virent  se  constituer  à  côté  d'eux  une  autre  colonie,  celle  des  Hollandais, 
qui,  après  avoir  capturé  temporairement  la  capitale  du  Brésil,  Salvador, 
établirent  leur  pouvoir  sur  toute  la  partie  du  littoral  comprise  entre  le 
rio  Sao  Francisco  et  le  rio  Grande  do  Norte,  avec  Pernambuco  pour 
chef-lieu,  et  possédèrent  même  pendant  quelques  années  le  Gearà  et  le 
Maranhâo.  Les  armées  portugaises  étant  impuissantes  à  récupérer  le 
territoire  perdu,  l'indépendance  fut  reconquise  par  les  populations 
elles-mêmes,  blancs.  Indiens  et  noirs,  qui  se  révoltèrent  contre  les  Hol- 
landais et  les  expulsèrent  de  Pernambuco,  après  neuf  années  d'une 
guerre  incessante.  En  1661,  le  Portugal  et  la  Hollande  célébrèrent  la 
paix,  et  depuis  cette  époque  le  Brésil  n'a  plus  eu  à  combattre  d'invasion 
étrangère,  les  deux  expéditions  françaises,  de  Duclerc  en  1710  et  de 
Duguay-Trouin  en  1711,  dans  la  baie  de  Rio  de  Janeiro,  n'ayant  été 
que  de  simples  courses  de  pillage.  Duguay-Trouin  prit  la  ville,  qui  dut 
payer  une  forte  rançon. 

Pendant  le  cours  du  dix-huitième  siècle,  les  Paulistas  ou  gens  de  Sâo 
Paulo,  les  plus  aventureux  de  tous  les  Brésiliens,  continuèrent  leurs  ban- 
deiras  plus  avant  dans  le  Grand  Ouest,  à  la  recherche  de  terres  nouvelles. 
Ils  en  rapportaient  de  l'or,  des  diamants,  des  essences  précieuses,  et,  pour 
revenir  facilement  sur  leurs  pas,  ils  laissaient  des  postes  d'attente  à  la 
traversée  des  collines,  à  l'issue  des  vallées,  au  confluent  des  rivières.  C'est 
ainsi  que  le  Goyaz  et  le  Malto  Grosso  se  trouvèrent  graduellement  annexés 
au  Brésil  oriental.  Bien  plus,  les  Paulistas,  rivaux  des  Jésuites  pour  la 
possession  des  Indiens,  envahirent  aussi  le  territoire  espagnol,  dans  les 
<c  Missions  »  du  Paranà,  au  Paraguay,  et  par  delà  le  Mamoré,  jusqu'en 
Bolivie  et  sur  les  avant-monts  du  Pérou,  accroissant  d'année  en  année  le 
domaine  revendiqué  par  les  gens  de  langue  portugaise.  La  zone  mysté- 
rieuse qui  séparait  les  montagnes  brésiliennes  des  contreforts  andins  se 
rétrécissait  peu  à  peu  au  profit  des  sertanejos  brésiliens.  Ceux-ci  avaient 
appris  à  connaître,  sinon  tout  le  cours  des  fleuves  qui  descendent  à 
l'Amazone,  du  moins  la  région  des  sources;  l'ensemble  de  la  contrée, 
jadis  indéterminée,  sans  limites,  commençait  à  présenter  une  certaine 
unité  géographique.  A  la  veille  des  révolutions  qui  devaient  lui  donner 
son  indépendance  nationale,  le  Brésil  se  révélait  dans  son  immense 
étendue. 

L'intervention  des  «  Indépendants  »  de  Pernambuco  contre  les  domina- 
teurs hollandais  avait  été,  dès  le  milieu  du  dix-septième  siècle,  le 
premier  indice  de  la  formation  d'une  nationalité.  Elle  s'était  alors  révélée 


HISTOIRE  DU  BRÉSIL.  99 

contre  des  étrangers  d'origine,  de  langue  et  de  religion,  mai^  pendant 
les  cent  cinquante  années  qui  suivirent,  elle  eut  mainte  occasion  de  se 
tnanifester  contre  les  Portugais  eux-mêmes,  qualifiés  de  a  forains  »  ou 
forasteirot.  Au  commencement  du  dii-huitième  siècle,  des  insurrections 
de  natifs  se  produisirent,  avec  des  succès  divers,  dans  les  provinces  de 


unnK:nita  DrnmKn  potinoon  et  FitomiB£s  m 


Sâo  Paulo,  de  Minas  Geraes,  de  Pernambuco.  Après  la  proclamation  de 
l'indépendance  nord-américnine,  les  mouvements  nationaux  devinrent 
plus  sérieux,  et  cette  même  année  1789,  qui  de  l'autre  côté  de  l'Océan 
vit  naître  la  Révolution  française,  marqua  au  Brésil  l'écrasement  de  la 
première  conjuration  républicaine,  déjà  préparée  quelques  années  aupa- 
ravant par  les  étudiants  brésiliens  qui  résidaient  en  France.  Un  des 
conspirateurs,    Joaquim    José  de    Silva  Xavier,    surnommé  Tiradentes, 


100  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

subit  la  peine  du  gibet  en  1792.  Les  Brésiliens  ont  choisi  cette  date 
comme  le  point  de  départ  de  leur  nouvelle  ère  nationale  \ 

Cependant  le  régime  portugais  se  maintint  encore  pendant  plusieurs 
années,  grâce  aux  conjonctures  nouvelles  que  produisirent  les  guerres 
napoléoniennes.  Fuyant  le  Portugal,  le  prince  régent  dom  Joâo  dut 
émigrer  au  Brésil  et  faire  de  Rio  de  Janeiro  le  cbef-lieu  de  sa  mo- 
narchie :  le  Brésil  prit  le  titre  de  royaume  et  Ton  commença  de  consi- 
dérer le  Portugal  lointain  comme  la  dépendance  de  son  ancienne  colonie. 
Aussi  Forgueil  de  la  nation  se  trouva  vivement  froissé  quand  le  gouver- 
nement royal  voulut  rétablir  l'ancien  ordre  de  choses.  En  1817,  une 
insurrection  républicaine  éclata  dans  Pernambuco,  la  ville  patriotique  par 
excellence.  Puis,  en  1821,  les  cartes  brésiliennes,  s'opposant  au  départ 
de  dom  Joao  YI,  furent  dispersées  par  la  force  des  baïonnettes;  mais. 
Tannée  suivante,  le  régent  dom  Pedro  eut  à  choisir  entre  le  retour  au 
Portugal  et  le  trône  impérial  du  Brésil  indépendant  :  il  prit  le  trône. 
Ainsi  s'accomplit,  presque  sans  conflit,  la  rupture  définitive  :  la  vaste 
colonie  se  détacha  de  la  métropole,  près  de  cent  fois  moins  étendue, 
qui  pendant  trois  siècles  lui  avait  donné  sa  population,  sa  langue  et  ses 
mœurs.  Phénomène  analogue  à  celui  qui  se  présenta  dans  le  monde 
antique,  lorsque  la  puissante  Carthage  se  fit  indépendante  de  Tyr,  et  que 
les  colonies  de  la  Sicile,  de  la  Grande  Grèce,  des  Gaules  et  de  ribérie 
s'émancipèrent  de  la  tutelle  hellénique. 

Devenu  maître  de  ses  destinées,  le  Brésil  se  montra  dans  son  indivi- 
dualité précise,  contrastant  avec  celle  des  républiques  espagnoles.  Une 
première  opposition  provenait  du  régime  politique,  dont  les  diflérences 
étaient  d'ailleurs  plus  apparentes  que  réelles  ;  car  si  la  rupture  violente  et 
des  guerres  acharnées  avaient  amené  successivement  tous  les  États  amé- 
ricains de  langue  espagnole  à  se  donner  des  constitutions  républicaines, 
tandis  que  le  Brésil  s'érigeait  en  empire,  ces  États  n'en  étaient  pas 
moins  des  communautés  à  mœurs  monarchiques,  obéissant  à  des  dicta- 
tures militaires.  Un  contraste  plus  sérieux  provenait  des  éléments  ethni- 
ques dont  se  composait  la  population  mélangée  des  deux  moitiés  du  con- 
tinent sud-américain.  Le  Brésil,  comme  les  États  andins,  a  par  centaines 
des  tribus  indépendantes  d'origine  peu  connue  et  croisées  à  l'infini,  qui 
vivent  dans  les  solitudes;  mais  par  ses  populations  indiennes,  mélangées 
avec  les  immigrants  européens,  il  présente  plus  d'unité  que  les  répu- 
bliques espagnoles  du  pourtour  continental.  La  plupart  des  nations  abo- 

>  Ail.  de  Varnhagen,  Historia  gérai  do  Brazil. 


HISTOIRE  DU  BRÉSIL.  lOI 

gènes  du  territoire  brésilien,  qu'elles  appartiennent  à  une  même  ou  à 
nsieurs  souches  ethniques,  ont  pu  s'ailier  assez  intimement,  de  l'Ama- 
ne  au  Parand,  pour  qu'une  «  langue  générale  »  les  ait  groupées  en 
le  seule  famille.  A  combien  de  peuples  distincts  par  la  provenance 


a*  ».    —    mÎMO.   IT    POITDGAL. 


l'idiome,  Arawak  et  Caraïbes,  Muysca  et  Panches,  Quichua,  Aymani, 
raucans,  ont  dû  au  contraire  s'associer  les  Espagnols,  qui  représentent 
inflnie  diversité  dans  l'économie  sud-américaine,  de  môme  que  leur  pays 

varié,  de  montagnes,  de  plateaux  et  de  vallées! 

Différant  déjà  notablement  par  les  alliances  de  races  faites  avec  les  indi- 
gnes, rAmérIque  luî^itaniennc  et  l'Amérique  espagnole  contrastent  plus 


102  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

encore  par  la  part  de  rélément  africain  qui  entre  dans  leur  population. 
Sans  doute,  les  Hispano-Américains  se  sont  croises  de  noirs,  principale^ 
ment  sur  les  côtes  de  la  mer  des  Antilles  et  des  mers  équatoriales,  mais  ce 
mélange  n'a  guère  d'importance  en  comparaison  de  celui  qui  s'est  opéré 
au  Brésil  entre  Portugais  et  Guinéens.  La  proximité  des  deux  cotes 
presque  parallèles  a  produit  ce  phénomène,  capital  dans  l'histoire  de  la 
fusion  des  races.  Les  esclaves  noirs  ont  été  importés  dans  les  plantations 
brésiliennes  par  millions,  et  quoique  les  cargaisons  de  chair  humaine  ne 
comprissent  d'ordinaire  qu'un  petit  nombre  de  femmes,  moins  utiles  que 
les  hommes  pour  le  dur  travail  des  champs,  des  familles  se  constituèrent, 
les  naissances  égalisèrent  les  sexes,  et  les  croisements  de  race  à  race 
devinrent  fréquents.  On  peut  dire  que  la  nation  brésilienne,  prise  dans 
son  ensemble,  est  de  sang  mêlé,  quoique  la  majorité  se  dise  blanche 
d'origine.  Les  sentiments  de  vanilé  expliquent  suffisamment  que  les 
familles  se  réclament  de  leurs  ancêtres  libres  et  non  de  ceux  qui  furent 
esclaves.  Aussi  toute  statistique  basée  sur  la  déclaration  des  citoyens 
serait-elle  mensongère.  Mais  il  importe  peu.  Quelle  que  soit  la  propor- 
tion des  croisements,  l'égalisation  se  fait  par  la  naissance  même.  Les 
employés,  de  peau  plus  ou  moins  ombrée,  ne  font  aucune  difficulté  de 
reconnaître  comme  blancs  tous  ceux  qui  veulent  se  dire  tels,  et  leur 
délivrent  les  papiers  qui  établissent  légalement  la  pureté  de  leur  origine. 
D'ailleurs  le  Brésilien  libre,  fût-il  même  du  plus  beau  noir  et  n'eût-il 
que  des  Guinéens  parmi  ses  aïeux,  n'en  est  pas  moins  considéré  par  ses 
compatriotes  blancs  comme  un  égal. 

Pourtant  le  Brésil,  parmi  les  pays  à  civilisation  européenne,  maintint  le 
plus  longtemps  l'esclavage  des  Africains.  Après  avoir  proclamé  leur  indé- 
pendance nationale,  les  Brésiliens  pratiquaient  encore  légalement  la 
traite  des  nègres  :  il  fallut,  en  1826,  la  pression  menaçante  du  gouverne- 
ment anglais  pour  que  ce  commerce  fût  officiellement  aboli.  Mais  la  con- 
vention ne  fut  pas  observée,  et  la  traite  continua  en  dépit  des  croisières 
britanniques.  Malgré  radoption  au  Parlement  anglais,  en  1845,  du  «  bill 
Aberdeen  »,  par  lequel  les  marins  de  la  Grande-Bretagne  s'arrogeaient 
le  droit  de  pourchasser  les  négriers  dans  les  eaux  brésiliennes  et  même 
de  forcer  Tentiée  des  ports,  le  trafic  des  esclaves  continua  presque  sans 
diminution  jusqu'au  milieu  du  siècle.  La  certitude  de  recevoir  sur  les 
marchés  brésiliens  la  somme  de  400  francs  pour  chaque  «  paire  de  bras  » 
nègres,  achetée  100  francs  sur  la  côte  de  Guinée,  avivait  le  commerce  des 
négriers,  et  l'on  importait  tous  les  ans  de  50  000  à  80  000  esclaves  :  on 
évalue  à  plus  de  1  million  et  demi  les  noirs  importés  au  Brésil  de  1826 


HISTOIRE  DU  BRÉSIL  i03 

à  1851  en  violation  des  traités.  Mais  le  gouvernement  lui-même,  poussé 
par  la  volonté  nationale,  dut  sévir  à  la  Gn,  en  assimilant  l'importation 
des  nègres  à  la  piraterie.  Dès  ce  moment,  la  fin  prochaine  de  l'esclavage 
ne  pouvait  faire  l'objet  d'un  doute,  car  le  nombre  des  assei'vis  diminuait 
d'année  en  année,  tandis  que  la  proportion  des  hommes  libres  s'accrois- 
sait par  l'excès  des  naissances  et  par  l'immigration.  La  mortalité  frappait 
exceptionnellement  les  travailleurs  noirs.  En  1851,  on  évaluait  à 
2  200  000  individus  la  population  servile  de  l'empire  :  elle  n'était  plus 
que  1  500  000  en  1871  ;  en  vingt  années,  elle  aurait  diminué  de  700  000, 
soit  un  tiers  environ  *. 

L'affranchissement  entrait  pour  une  certaine  part  dans  la  réduction  du 
chiffre  des  esclaves.  Certes,  quoi  qu'on  en  ait  dit,  la  servitude  était  au 
firésil  ce  qu'elle  fut  dans  toutes  les  possessions  coloniales  :  les  hommes 
livrés  au  caprice  d'autres  hommes  ont  toujours  à  craindre  des  actes  d'in- 
justice et  de  cruauté;  leur  condition  même  les  corrompt  et  les  avilit.  Les 
fouets,  les  chaînes  et  menottes,  les  colliers  de  force  et  divers  instruments 
de   supplice  se  trouvaient  sur  toutes  les  plantations;  suivant  le  hasard 
des  héritages,  des  faillites  et  des  ventes,  on  séparait  la  femme  et  le  mari, 
Mes  parents  et  les  enfants.  Néanmoins,  les  planteurs  brésiliens,  d'un  carac- 
^re  moins  âpre  que  les  propriétaires  nord-américains,  ne  s'évertuaient 
jpoint,  comme  ceux-ci,  à  justifier  l'asservissement  des  noirs  par  des  argu- 
ments tirés  de  la  Bible  ou  des  cours  d'anthropologie  ;  ils  ne  reprochaient 
point  au  nègre  le  crime  de  sa  peau  ni   la  tache  du  péché  attribué  à 
Cham,  et  n'érigeaient  point  en  système  la  distinction  des  races.  Ils  n'inter- 
disaient point  l'instruction  au  nègre  et  n'avaient  point  promulgué  de  lois 
pour  rendre  impossible  toute  émancipation.  Sous  la  pression  de  l'opinion 
publique,  nationale  et   étrangère,   les  affranchissements  devenaient   de 
plus  en  plus  nombreux;  en   1866,  les  couvents  bénédictins  libéraient 
leurs  seize  cents  esclaves;  les  hôpitaux  et  diverses   administrations  les 
imitaient.  D'autre  part,  les  provinces  du  Nord  et  du  Sud  se  débarras- 
saient presque  complètement  de  leurs  «  nègres  de  champ  »  par  l'expor- 
tation dans  les  caféteries  des   hommes   encore   asservis   :   l'institution 
n'existait  plus  comme  fait  important  que  dans  les  districts  du  Centre. 

Enûn,  en  1871,  année  climalérique  dans  l'histoire  des  nations,  fut 
promulguée  la  loi  d'émancipation  progressive  qui  devait  amener  l'cxtinc- 
lion  de  la  servitude  dans  l'espace  d'une  génération.  On  proclamait  la 
«  liberté  du  ventre  »,  c'est-à-dire  que  tous  les  enfants  à  naître  étaient 

*  Augustin  Gochin,  Revue  des  Deux  Mondes,  1871. 


i04  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

déclarés  libres,  mais  sous  la  tutelle  de  leurs  maîtres,  qui  pouvaient  utiliser 
les  services  de  l'affranchi  jusqu'à  vingt  et  un  ans,  ou  le  céder  à  TÉtat 
moyennant  1800  francs.  Par  la  même  loi  on  libérait  tous  les  esclaves  de 
l'État,  ceux  de  la  Couronne  et  des  successions  tombées  en  déshérence.  On 
créait  un  fonds  d'émancipation  spécial  et  l'on  facilitait  les  affranchisse- 
ments. Fortement  atteint  par  toutes  ces  mesures  de  transition,  l'ancien 
régime  ne  pouvait  se  maintenir  dans  un  milieu  économique  nouveau,  et, 
malgré  la  résistance  des  planteurs,  le  Parlement  abolit  déûnitivement  la 
servitude,  en  1888.  Tel  fut  l'ébranlement  causé  par  cette  mesure,  que  du 
même  coup  la  forme  politique  du  Brésil  se  modifia  :  d'empire  unitaire 
il  se  constitua  en  république  fédérale,  presque  sans  effusion  de  sang.  A 
de  nouvelles  conditions  sociales  devait  correspondre  un  nouveau  décor 
gouvernemental.  L'émancipation  proclamée  s'appliquait  à  740000  indi- 
vidus :  ainsi,  dans  vingt  années,  le  nombre  des  esclaves  avait  décru  de 
moitié.  Mais  si  la  servitude  des  noirs  a  disparu,  le  régime  de  la  grande 
propriété  existe  encore  :  ce  fait  domine  la  politique  actuelle  du  Brésil, 
donnant  à  l'immigration  et  à  l'importation  des  travailleurs  un  mouvement 
de  recrudescence  extraordinaire. 

A  maints  égards,  le  Brésil,  —  «  États-Unis  du  Sud  »,  —  peut  se  com- 
parer aux  États-Unis  du  Nord.  Au  point  de  vue  géographique,  les  deux 
pays  offrent  une  curieuse  ressemblance.  D'une  étendue  énorme,  ils  occu- 
pent tous  les  deux  la  partie  centrale  de  continents  symétriques  ;  ils  sont 
arrosés  chacun  par  des  fleuves  d'un  développement  gigantesque,  et,  bordés 
à  l'est  par  d'étroites  rangées  de  montagnes  parallèles  au  rivage,  ils  s'ap- 
puient à  l'ouest  sur  la  puissante  épine  dorsale  du  Nouveau  Monde.  Leur 
histoire  présente  aussi  une  saisissante  analogie  malgré  le  contraste  pro- 
duit par  la  différence  des  origines,  latine  d'un  côté  et  de  l'autre  anglo- 
saxonne.  Considérablement  inférieurs  aux  Américains  du  Nord  par  le  nom- 
bre, l'industrie,  la  richesse,  l'instruction  moyenne,  les  Brésiliens  n'en 
passent  pas  moins  par  des  évolutions  parallèles  à  celles  de  la  puissante 
république  du  continent  septentrional.  Dans  les  deux  contrées,  le  blanc 
s'est  trouvé  d'abord  en  contact  avec  l'indigène,  et  l'a  cruellement  refoulé 
dans  rintérieur.  Au  Brésil  comme  aux  États-Unis,  il  a  importé  le  noir 
esclave  pour  lui  faire  défricher  le  sol  ;  dans  le  continent  du  Sud  comme 
dans  celui  du  Nord,  s'est  formée  une  aristocratie  de  planteurs  dont  le 
pouvoir  repose  sur  l'exploitation,  presque  le  monopole,  d'un  petit  nombre 
de  denrées.  Sous  la  pression  des  mêmes  causes,  la  féodalité  brésilienne, 
fortement  ébranlée  par  l'abolition  de  l'esclavage,  a  dû,  comme  les  États 
mississippiens,  s'accommoder  h  des  situations  économiques    nouvelles; 


HISTOIRE  DU  BRÉSIL  105 

comme  eux,  elle  cherche  à  maintenir  ses  privilèges  en  s'associant  aux 

banques  urbaines  et  en  utilisant  les  bras  des  immigrants  de  toute  race. 

De  même  que  le  Brésil,  plus  éloigné  du  monde  européen,  foyer  primitif 

de  sa  vie,  a  suivi  de  loin  les  colonies  du  Nord  dans  la  déclaration  d*indé- 

pendance  politique,  de  même  il   n'a  passé  que  longtemps  après  elles 

par  la  crise  de  l'émancipation  des  noirs  et  de  l'invasion  en  masse  des 

colons  étrangers.  Mais  le  mouvement  d'égalisation  qui  se  produit  d'un 

iiout  du  monde  à  l'autre  hâte   les  événements  :  un  demi-siècle  s'était 

écoulé  depuis  la    séparation  des  États-Unis  d'avec  la  Grande-Bretagne 

lorsque  le  Brésil  commença  de  vivre  également  de  son  existence  propre  ; 

une  période  moindre  de  moitié  a  suffi  pour  que  l'abolition  de  la  servitude 

aux  États-Unis  fût  suivie  au  Brésil  d'un  événement  correspondant  et  de  la 

proclamation  du  régime  fédéral  républicain. 

Les  deux  grandes  puissances  du  Nord  et  du  Sud  ont  eu  également  leurs 
guerres  de  frontières.  La  république  anglo-américaine,  jadis  privée  de 
libres  communications  avec  l'océan  Pacifique,  et  cherchant  en  outre  des 
territoires  supplémentaires  pour  y  introduire  son  «  institution  particu- 
lière »,  l'esclavage,  eut  sa  guerre  contre  le  Mexique,  qu'elle  dépouilla  de 
la  moitié  de  ses  domaines.  Le  Brésil  se  trouva  aussi  entraîné  à  combattre 
des  voisins  du  Sud.  Au  nord,  à  l'ouest,  les  conflits  sérieux  eussent  été 
impossibles  :  de  ces  côtés  les  États  hispano-américains  se  trouvent  séparés 
du  Brésil  par  d'immenses  espaces  en  partie  inconnus,  très  difficiles  à 
traverser,  déserts  ou  peuplés  seulement  d'Indiens  sauvages.  Le  manque 
de  contact  matériel  entre  les  populations  les  empêchait  d'avoir  recours  à 
la  force,  et  les  discussions  diplomatiques,  à  propos  de  frontières  idéales, 
s'assoupissaient  par  l'éloignement;  mais  au  sud  il  n'en  était  pas  ainsi  : 
la  limite  naturelle  dans  le  corps  continental  est  indiquée  d'une  manière 
précise  par  l'estuaire  de  la  Plata  et  le  confluent  de  l'Uruguay.  Toute  autre 
frontière  est  relativement  artificielle.  Aussi  les  conflits  ont-ils  été  fré- 
quents :  la  rivalité  des  intérêts  mit  les  populations  limitrophes  souvent  aux 
prises  et  maintenant  même  (1895)  le  Brésil  et  l'Argentine,  représentés  à 
Washington  par  leurs  diplomates,  revendiquent  de  part  et  d'autre  un  lam- 
beau de  ce  territoire. 

Au  dix-septième  siècle  déjà,  en  1680,  les  Portugais  avaient  fondé  la 
ville  de  Sacramento  sur  la  rive  droite  de  la  Plata,  à  l'endroit  où  se  Irouve 
aujourd'hui  Colonia,  l'ancienne  «  colonie  »  portugaise.  Durant  près  d'un 
siècle  les  deux  puissances  rivales  se  disputèrent  ce  point  si  important  du 
littoral,  qui  finit  par  rester  aux  Espagnols.  La  période  de  transition  qui 
suivit  la  révolution  de  Buenos  Aires,  le  soulèvement    des   populations 

xn.  u 


106  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UMVEHSELLE. 

créoles,  permit  à  l'armée  portugaise  de  reconquérir  la  Banda  Oriental, 
territoire  qui  est  devenu  la  république  de  l'Uruguay,  et  pendant  quelques 
années  le  Brésil  se  trouva  complété  par  la  possession  de  toute  la  province 
«  Cis-Plaline  ».  11  ne  put  jouir  longtemps  de  sa  conquête.  Bientôt  les 
Cis-Platéens,  presque  espagnols  par  l'origine  et  la  langue,  s'insurgèrent 
contre  la  domination  des  Lusitaniens  du  Nord,  et,  après  une  guerre  de 
trois  années,  dans  laquelle  les  «  Trans-Platéens  »  de  Buenos  Aires  devin- 


rent leure  alliés  contre  Rio  de  Janeiro,  ils  réussirent  à  faire  reconnaître 
leur  indépendance,  en  1828.  Depuis,  l'Uruguay  a  gardé  son  existence 
distincte,  qui  s'explique  par  l'antagonisme  naturel  des  deux  grands  Ëtats 
entre  lesquels  il  resie  enserré,  au  nord  le  Brésil,  au  sud  et  à  l'ouesi 
la  Uépiiblique  Argentine.  Mais,  comprimé  par  ces  deux  puissants  voisins, 
le  faible  Uruguay  est  condamné  politiquement  h  la  neutralité  ou  à  la 
complicité. 

Au    sud-ouest,    les   Brésiliens    livrèrent  d'autres  combats,  non   pour 
s'emparer  de  la  limite  naturelle  que  formerait  le  confluent  du  Paraguay  et 


HISTOIRE  DU  BRÉSIL.  107 

du  Paranà,  mais  pour  assurer  leurs  frontières  présentes  et  pour  empêcher 
la  prépondérance  de  l'État  militaire  qui,  sous  la  dictature  de  Solano 
Lopez,  risquait  de  détruire  complètement  l'équilibre  des  puissances  dans 
les  régions  de  la  Plata.  La  guerre,  qui  dura  cinq  années,  de  1865  à  1870, 
et  dans  laquelle  on  vit  les  armées  des  deux  États  platéens,  Argentine  el 
Uruguay,  se  coaliser  avec  les  forces  brésiliennes  de  terre  et  de  mer,  fut 
Tune  des  plus  meurtrières  du  siècle,  pourtant  si  fertile  en  conflits  san- 
glants. Il  fallut  assiéger  le  pays  comme  une  place  forte,  Tentourer  d'un 
cercle  de  fer  et  de  feu,  graduellement  resserré,  et  livrer  bataille  sur 
bataille  en  affamant  les  populations  :  ce  fut  la  destruction  presque  entière 
d*un  peuple^  un  de  ces  désastres  comme  en  raconte  Thisloire  des 
siècles  anciens. 

Non  seulement  les  guerres  extérieures,  mais  aussi  les  révoltes  intestines 
témoignent  des  difCcultés  qu'éprouve  le  Brésil  à  constituer  définitivement 
son  assiette  politique  dans  les  districts  méridionaux,  voisins  de  la  Plata. 
Maintes  fois  la  province  de  Rio  Grande  do  Sul,  limitée  au  nord  par  le  haut 
Uruguay  et  rattachée  au  reste  du  Brésil  par  une  étroite  zone  côlière  de 
pays  habités,  se  mit  en  rébellion  ouverte,  et  même  se  constitua  en  répu- 
blique indépendante.  De  1855  à  1840,  l'autorité  de  la  capitale  n'y  était 
point  reconnue.  Le  nombre  des  habitants  d'origine  espagnole  y  est  plus 
grand  que  dans  les  autres  parties  de  la  contrée,  et  les  mœurs,  les  relations 
U)mmerciales  donnent  au  Rio  Grande,  dans  les  cites  platéennes,  des 
î€nlres  d'attraction  qui  contrebalancent  en  partie  celle  des  villes  brési- 
iennes  du  nord,  Sao  Paulo  et  Rio  de  Janeiro.  Ce  sont  là  des  phénomènes 
analogues  à  ceux  qui  se  produisent  dans  le  monde  planétaire.  Il  est  vrai 
jue,  d'après  la  législation  actuelle,  la  république  s'est  constituée  officielle- 
Hfient  en  groupe  fédératif  d'États  ;  mais  les  déclarations  de  principes  faites 
2n  haut  lieu  ne  touchent  point  au  fond  des  choses,  et,  malgré  les  résolu- 
Lions  et  les  discours,  la  lutte  continue  entre  le  régime  de  centralisation, 
lel  qu'il  existait  sous  l'empire,  et  les  exigences  des  populations  qui  récla- 
ment leur  autonomie  administrative  et  politique. 

D'ailleurs,  l'unité  géographique,  et  par  contre-coup  l'union  morale  des 
provinces  les  plus  éloignées  du  centre,  ne  peut  que  s'accroître  par  l'amoin- 
drissement des  distances  et  le  peuplement  des  régions  désertes  naguère.  Le 
temps  est  proche  où  les  éventails  locaux  des  voies  ferrées  seront  réunis  en 
un  vaste  réseau,  des  bouches  de  l'Amazone  à  la  Lagôa  Mirim,  el  déjà  les 
bateaux  à  vapeur  rattachent  port  à  port  sur  tout  le  pourtour  océanique  el 
fluvial  de  l'immense  territoire  brésilien.  Les  villages,  les  villes  se  créent 
sur  les  voies  de  communication  nouvelles,  el  le  fond,   plus  ou  moins 


108  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

c<  trimétissé  »,  d'origine  lusitanienne  gagne  partout  la  prépondérance, 
réduisant  peu  à  peu  les  éléments  étrangers  dans  la  masse  de  la  nation. 
Toutefois  rimmigration  s'est  accrue  si  rapidement  en  ces  dernières  années, 
qu'elle  a  pris  une  importance  de  premier  ordre  et  que,  dans  certaines 
provinces,  la  race  môme  se  trouvera  fortement  modifiée. 

Sous  le  régime  colonial,  les  immigrants  portugais  étaient  seuls  admis 
dans  les  capitaineries,  mais  non  sans  une  rigoureuse  suiTeillance.  La 
colonisation  ne  paraissait  bonne  qu'à  la  condition  d'être  strictement  con- 
trôlée. Longtemps  le  gouvernement  ne  vit  guère  dans  son  vaste  domaine 
qu'une  colonie  de  déportés  :  il  y  envoyait  les  d^gradado%  ou  condam- 
nés privés  de  tous  droits  et  ne  tolérait  qu'à  demi  l'émigration  libre. 
Après  1720,  il  rendit  passible  des  peines  les  plus  sévères  tous  les  hommes 
coupables  de  tentative  d'émigration  sans  passeport  spécial.  Même  on 
voulut  cantonner  comme  en  un  lieu  d'exil  ceux  qui  s'étaient  rendus  dans 
le  Nouveau  Monde  :  tout  déplacement  devait  faire  Tobjet  d'une  supplique 
adressée  au  ministère  de  Lisbonne.  Néanmoins  la  population  blanche  et 
croisée  d'éléments  européens  s'accrut  d'année  en  année,  grâce  à  la  salu- 
brité des  avant-monts  côliers  et  des  régions  intérieures  du  Brésil,  grftce 
aussi  à  l'audace  rebelle  des  Paulislas  de  l'intérieur  qui  s'établissaient  libre- 
ment partout  où  il  leur  plaisait,  en  méprisant  les  lois  :  c'est  à  eux  surtout 
que  la  nation  brésilienne  doit  de  s'être  constituée.  Lorsque  le  régime  colo- 
nial prit  fin,  après  deux  siècles  et  demi  de  dépendance  administrative, 
on  comptait  dans  le  Portugal  du  Nouveau  Monde  deux  millions  d'hommes 
libres,  les  deux  tiers  de  la  population  que  renfermait  alors  le  Portugal 
de  l'ancien  continent,  et  tous  ces  Brésiliens  voyaient  leur  mère  patrie 
dans  ce  même  étroit  littoral  de  la  péninsule  Ibérique. 

Jusqu'à  une  époque  récente,  le  Portugal  garda,  non  par  ses  livres,  son 
industrie,  son  commerce,  mais  par  ses  travailleurs  immigrés,  le  rôle  pré- 
pondérant dans  son  ancienne  colonie  :  chaque  année,  quelques  milliers 
d'individus,  presque  tous  dans  la  force  de  l'âge,  venaient,  des  bords  du 
Douro  et  du  Minho,  de  Madère  et  des  Açores,  renforcer  l'élément  lusitanien 
dans  les  cités  et  les  campagnes  du  Brésil  ;  on  donne  aux  insulaires  immi- 
grés le  nom  A'Angico$y  d'après  Angra,  jadis  la  capitale  des  Açores,  et 
peut-être  est-ce  d'après  eux  que  sont  désignés  nombre  de  lieux  brésiliens, 
Angical,  Arraïal  dos  Angicos.  Quoique  la  séparation  politique  des  deux 
États  et  leur  évolution  autonome  eussent  fini  par  établir  un  contraste 
bien  net  entre  Brésiliens  et  Portugais,  ceux-ci,  grâce  à  la  communauté 
des  origines,  à  la  presque  identité  du  langage,  à  la  ressemblance  des 
mœurs,  s'accommodaient  au   milieu   nouveau   et  se  confondaient  rapi- 


HISTOIRE  DU  BRËSIL.  111 

dément  avec  l'ensemble  de  la  nation  qui  les  accueillait.  Après  les  Portu- 
gais,  les  Allemands  furent  les  principaux  colons  du  Brésil  :  en  premier 
lieu  comme  «  engagés  »,  puis  comme  immigrants  libres.  Terribk  fut 
la  mortalité  sur  les  malheureux  faméliques  importés  par  des  compagnies 
de  spéculateurs  sur  les  bords  de  l'Amazone  ou  dans  la  vallée  du  Mucury, 
rivière  de  la  zone  tropicale  qui  descend  des  plateaux  de  Minas  Geraes 
pour  séparer  dans  son  cours  inférieur  les  provinces  d'Espirito  Santo  et  de 
Bahia;   mais  l'immigration  allemande  qui    se   porta   vers    les    régions 
tempérées  du  sud,  dans  Santa  Catharina  et  Rio  Grande  do  Sul,  fut  beau- 
coup plus  heureuse,  et  même  prospéra  si  bien,  que  des  patriotes  ambi- 
tieux purent  croire  à  la  naissance  d'une  «  Allemagne  nouvelle  »  entre 
rUruguay  et  le  Brésil,  destinée  à  servir  un  jour  d'arbitre  entre  les  États 
du  Nouveau  Monde.  Il  est  vrai  que  les  communautés  germaniques  de  la 
région  du  Rio  Grande  située  à  l'ouest  de  Porto  Alegre  étaient  devenues 
nombreuses  et  riches,  ayant  en  même  temps  assez  bien  gardé  leur  grou- 
pement national  pour  constituer  presque  un  petit  État  dans  l'État  ;  mais 
leur  force  de  cohésion  est  désormais  rompue  par  l'invasion  d'immigrants 
d'une  autre  race,  les  Italiens,  qui  se  précipitent  en  exode  dans  toutes 
Jes  parties  du  Brésil,  et  principalement  dans  les  provinces  du  sud.  Ce 
nouvel  élément,  de  langue  latine  comme  les  Brésiliens,  et  bien  plus  souple 
que  les  Allemands  dans  l'adaptation  au  milieu,   l'emporte  de  beaucoup 
par  le  nombre  sur  tous  les  autres  arrivants  :  ce  sont  incontestablement 
les  Italiens  qui,  par  leurs  croisements,  contribueront  le  plus  à  modifier 
la  nation  brésilienne,  déjà  si  nettement  caractérisée  par  le  mélange  des 
sangs  entre  Portugais  et  Africains.  Quant  à  l'influence  des  blancs  de  pro- 
venances diverses,  Français,  Anglais,  Américains  du  Nord,  que  le  com- 
merce et  l'industrie  ont  appelés  dans  les  cités  du  Brésil,  elle  s'exerce 
surtout  par  un  travail  d'initiation  aux  connaissances,  aux  procédés,  aux 
conventions  de  la  société  moderne  :  après  la  guerre  de  Sécession,  nombre 
de  «  Sudistes  »  ruinés  vinrent  chercher  fortune  dans  le  pays,  qui  avait 
le  mérite  à  leurs  yeux  de  maintenir  l'esclavage  des  noirs.  Toutes  les  races 
sont  représentées  dans  les  Étals-Unis  brésiliens.  Déjà  sous  la  domination 
hollandaise  les  Juifs  étaient   puissants  à  Pemambuco,  et  si,  plus  tard, 
l'Inquisition  les  poursuivit  et  les  brûla  par  centaines,  la  plupart  avaient 
abjuré  et  s'étaient  mêlés  au  reste  de  la  population  ;  maintenant  ils  revien- 
nent plus  nombreux  qu'autrefois,  surtout  d'Allemagne  et  de  Russie.  Les 
Tziganes,  descendants  de  ceux  que  le  Portugal  déporta  au  Brésil*  au  milieu 

*  F.  Ad.  de  Varnhagen,  Historia  gérai  do  BraziL 


112  NOUVELLE  GËOGRAPIIIE  UNIVERSELLE. 

du  dix-huitième  siècle,  errent  un  peu  partout  sur  les  plateaux;  et  les 
Chinois  commencent  à  se  montrer  dans  les  villes  et  les  plantations. 

Sous  l'action  de  ce  milieu,  les  Brésiliens  se  distinguent  par  un  carac- 
tère original.  Physiquement  ils  ne  sont  point  dégénérés,  et  sur  les  pla- 
teaux ils  se  distinguent  par  la  haute  taille,  la  vigueur  et  l'adresse.  On  dit 
les  Lusitaniens  d'Amérique  patients,  résignés,  longanimes,  persévérants, 
doux  et  pacifiques,  malgré  les  guerres  fréquentes  dans  lesquelles  ils  ont 
été  entraînés.  Leur  génie  naturel  est  peu  ambitieux,  mais  ils  ont  une 
remarquable  souplesse  d'intelligence,  une  rare  facilité  d'élocution  : 
comme  les  Hispano-Américains,  ils  sont  un  «  peuple  d'orateurs  ».  La 
littérature  brésilienne,  disposant  d'une  langue  qui  ajoute  au  portugais  un 
nombreux  vocabulaire  et  quelques  tournures  locales,  témoigne  d'une 
imagination  rapide  et  d'un  sens  très  vif  de  l'harmonie.  Avant  la  période  de 
l'Indépendance  le  Brésil  avait  déjà  donné  au  Portugal  un  grand  nombre 
d'écrivains,  entre  autres  Antonio  José  de  Silva,  qui  fut  brûlé  à  Lisbonne 
par  l'Inquisition,  en  1739.  La  première  conspiration  républicaine,  celle  de 
1789,  coûta  également  la  vie  aux  plus  célèbres  écrivains  du  Brésil,  l'un 
s'étant  suicidé  en  prison,  et  deux  de  ses  amis  ayant  succombé  en  exil. 
José  de  Lacerda,  le  voyageur  fameux  qui  traversa  l'Afrique  en  1798,  était 
un  Brésilien,  de  môme  que  Gusmao,  qui  le  premier  parmi  les  physiciens 
modernes,  en  1709,  fit  monter  un  aérostat*. 


Une  ère  de  progrès  matériel  illimité  s'ouvre  pour  le  Brésil.  Qu'il  égale 
seulement  sa  mère  patrie,  le  Portugal,  en  densité  de  population,  et  déjà 
quatre  cents  millions  d'hommes  en  occuperont  le  sol;  qu'il  soit  peuplé 
comme  les  lies  Britanniques,  il  aura  un  milliard  d'habitants.  Et  certes,  le 
Brésil  a  tous  les  avantages  naturels  de  la  terre,  du  climat,  des  produits, 
pour  qu'il  puisse  suffire  amplement  aux  besoins  des  foules  qui  viendront 
s'y  presser  un  jour.  Grâce  aux  diflîôrences  du  relief  et  des  latitudes,  les 
gens  de  toute  origine  y  trouvent  le  milieu  parfait  (jui  convient  à  leur  plein 
développement.  Sauf  les  régions  arctiques,  les  Etats-Unis  du  Brésil  résu- 
ment la  surface  entière  de  la  planète,  toutes  les  formes  végétales  de  la 
zone  torride  et  des  zones  tempérées  y  prospèrent.  A  la  flore  brésilienne, 
déjà  si  prodigieusement  riche,  s'ajoutent  par  racclimalement  les  flores  de 
tout  le  reste  du  monde.  Pour  les  hommes  comme  pour  les  plantes,  le 
Brésil  est  une  terre  promise,  et  déjà  plus  qu'en  aucune  autre  contrée  de  la 

*  Eduardo  Prado,  dans  le  Brésil  par  E.  Levasseur. 


GRANDES  DIVISIONS  DO  BRESIL.  115 

'erre  l'homanité,  représentée  par  blancs,  rouges  et  noirs,  s'y  est  connue 
L  fraternellement  réconciliée. 

Si  vaste  est  le  Brésil,  qu'il  se  divise  naturellement  en  grandes  régions 
istinctes,  malgré  l'unité  géographique  de  l'ensemble,  caractérisé  par  un 
lassif  presque  insulaire  de  monts  cristallins  et  archéens,  à  grande  ossa- 


(kfa  rie  Cr^.n^  ^t, 


ire  médiane  prolongée  du  nord  au  sud,  îi  pentes  rapides  du  côté  de  la 
,er  et  à  laides  plateaux  de  séparation  entre  les  versants  fluviaux.  Les 
lyageurs  qui,  par  leurs  itinéraires  et  leurs  études,  ont  mérité  qu'on  n'ou- 
ie  point  leurs  noms,  ont  dû  presque  tous  se  borner  à  l'exploration  d'une 
ule  région  ou  seulement  d'une  de  ses  parties,  d'un  seul  cours  d'eau 
ir  exemple,  tant  la  connaissance,  même  sommaire,  du  territoire  immense 


] 


tu  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

exige  de  travail.  Il  convient  donc  de  partager  la  description  du  Brésil  en 
chapitres  distincts,  où  seront  résumés  les  traits  caractéristiques  signalés  par 
les  voyageurs  et  les  géographes  sur  le  relief,  la  ramure  fluviale,  la  flore, 
la  faune  et  les  habitants  de  chaque  contrée.  Les  régions  naturelles  ne 
confondent  nullement  leurs  limites  avec  celles  des  anciennes  «  provin- 
ces »,  les  États  qui  constituent  actuellement  la  république  fédérative.  Les 
provinces  eurent  en  effet  pour  la  plupart  une  origine  tout  à  fait  arti- 
ficielle :  le  caprice  royal  ou  ministériel  les  découpa  dans  la  région  du 
littoral  et  les  prolongea  dans  Tintérieur  sans  même  connaître  les  formes 
de  la  contrée.  Ces  anciennes  «  capitaineries  »,  dont  le  nombre  et  l'éten- 
due varièrent  suivant  les  incidents  desquels  dépendait  la  décision  du 
souverain,  sont  devenues  les  divisions  politiques  et  administratives  du 
Brésil  oriental,  et  plus  tard  on  ajouta  comme  provinces  nouvelles  les 
territoires  occidentaux  qui  s'étendaient  au  loin  dans  les  régions  incon- 
nues habitées  par  les  sauvages.  Là  aussi,  comme  sur  le  littoral,  on  traça 
sur  la  carte  des  frontières  fictives,  bien  avant  d'en  connaître  de  réelles. 
Si  les  questions  de  limites  ne  perdaient  journellement  de  leur  impor- 
tance, si  les  tracés  conventionnels  n'étaient  pas  d'avance  eflacés  par  le 
mouvement  d'égalisation  qui  donne  aux  hommes  mêmes  aspirations, 
mêmes  mœurs,  mêmes  intérêts,  il  serait  nécessaire  de  changer  entière- 
ment les  contours  des  États  et  de  grouper  ces  divisions  à  nouveau  pour 
rattacher  les  districts  à  leurs  centres  d'attraction.  Quant  aux  provinces 
naturelles,  elles  n'ont  guère  de  limites  précises,  et  contrastent  par  de 
larges  traits  avec  les  zones  de  transition  d'une  grande  étendue  où  s'entre- 
mêlent les  caractères  du  sol,  du  climat,  de  la  flore  et  les  phénomènes 
du  développement  historique. 

Parmi  ces  diverses  régions,  l'Amazonie  comprend  à  elle  seule  la  moitié 
de  la  République;  elle  serait  même  deux  fois  plus  grande  si  l'on  y  ajoutait 
toutes  les  parties  du  Venezuela,  de  la  Colombie,  de  l'Ecuador,  du  Pérou, 
de  la  Bolivie,  qui  appartiennent  à  son  bassin,  sur  le  versant  intérieur  des 
arêtes  andines.  L'immense  rivière  qui  forme  l'axe  central  de  l'Amazonie  lui 
donne  une  vie  indépendante  :  la  contrée  constitue  un  monde  distinct  par 
sa  nature,  ses  produits,  ses  populations,  et  possède  une  issue  directe,  n'ap- 
partenant qu'à  elle,  vers  l'Europe  et  l'Amérique  du  Nord.  Elle  n'est  encore 
en  relations  avec  le  reste  du  Brésil  que  par  les  chemins  de  la  mer.  Au 
sud,  par  les  voies  de  terre,  toutes  communications,  si  ce  n'est  au  sud-est, 
sont  empêchées  par  l'immensité  des  forêts  qu'habitent  des  tribus  sauvages  : 
un  voyage  en  droite  ligne  de  Manaos,  chef-lieu  de  l'Amazonie,  à  Rio  de 
Janeiro,  la  capitale  du  Brésil,  serait,  sur  une  bonne  moitié  de  sa  longueur, 


GRANDES  DIVISIONS  DU  BRËSIL.  115 

ane  périlleuse  exploration.  Une  escadre  ennemie  mouillée  devant  l'estuaire 
de  TAmazone  suffirait  pour  couper  le  Brésil  en  deux  moitiés  presque 
aussi  distinctes  que  la  France  Test  de  T Algérie.  Aussi  n'est-il  pas  étonnant 
que  les  populations,  civilisées  qui  vivent  sur  les  bords  du  grand  fleuve 
aient  toujours  subi  la  domination  de  Rio  de  Janeiro  avec  une  certaine 
impatience. 

£n  dehors  de  TAmazonie,  ce  qui  reste  du  Brésil  se  divise  en  provinces 
naturelles  moins  nettement  délimitées,  quoique  oflrant  aussi  des  contrastes 
marqués.  Le  grand  espace  ovalaire  dans  lequel  se  développent  les  deux 
Heuves  jumeaux  Araguaya  et  Tocantins  et  qui  répond  à  peu  près  à  l'État  de 
Ck>yaz,  constitue  une  de  ces  régions  géographiques,  s'appuyant  à  Test  sur  la 
chaîne  épinière  du  Brésil  central,  qui  se  proGledu  nord  au  sud  jusqu'au 
centre  principal  de  diramation  des  eaux  fluviales. 

Le  musoir  de  Pernambuco  sert   de  borne  à  une  autre   région.  Ces 
terres  avancées  qui  brisent  les  eaux  du  grand  courant  équatorial  et  le 
partagent  en  deux  fleuves  maritimes  s'écoulant  en  sens  inverse,  séparent 
le  versant  des  rivières  qui  vont  se  jeter  dans  le  golfe  amazonien  et  le 
bassin   du  Sâo  Francisco.  Les   États  de  Maranhâo,  Piauhy,  Cearâ,   Rio 
Grande  do  Norte,  Parahyba,  Pernambuco,  Alagôas,  très  rapprochés  de  la 
iigne  équatoriale,  et  cependant  réputés  pour  la  salubrité  de  leur  climat, 
da  moins  dans  les  campagnes  bien  exposées  au  vent  de  mer,  sont  des  con- 
trées à  faible  relief,  aux  vastes    plateaux   ou   sertàos  peu  boisés,  aux 
ooUines  mouchetées  d'arbustes    et   de  broussailles,    habitées    par    des 
éleveurs  de  bestiaux  que  des  sécheresses  prolongées  condamnent  pério- 
diquement à  la  misère  ou  à  l'émigration.  De  larges  plateaux  en  demi- 
CMrcle,  surmontés  par  une  saillie  de  montagnes,  tournant  leur  convexité 
"Vers  le   sud  et  dressant  quelques-unes  de   leurs    croupes   à   plus   de 
^000  mètres,  séparent  le  versant  côtier,  notamment  celui  de  la  rivière 
I^amahyba,  et  les  bassins  du  Tocantins  et  du  Sao  Francisco. 

L'entre-deux  des  montagnes  et  des  hautes  terres  dont  les  eaux  s'écou- 
lent vers  l'artère  médiane  du  Sâo  Francisco,  parallèle  au  rivage  de  l'Océan 
en  amont  de  ses  déûlés  de  sortie,  constitue  une  autre  province  naturelle, 
appartenant  aux  deux  États  de  Bahia  et  de  Minas  Geraes,  celui-ci  le  plus 
populeux  de  la  République,  son  véritable  centre  par  le  climat,  la  flore, 
les  habitants,  aussi  bien  que  par  la  position  géographique.  Les  États  de 
la  zone   côtière,  qui  se  succèdent  au  sud  du  Sao  Francisco,  Sergipe, 
Bahia,  Espirito  Santo,  Rio  de  Janeiro,  constituent  le  versant  extérieur  du 
bassin  parcouru    par  le   Sâo  Francisco  et  possèdent  tous  ses  débouchés 
naturels  par  les  cols  des  monts  et  les  gorges  des  rivières.  Cette  zone  rive- 


116  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE 

raine  présente  une  inclinaison  plus  rapide  vers  la  mer  que  celle  des 
sertâos  du  nord;  les  montagnes  y  sont  plus  hautes  et  plus  rapprochées 
de  la  côte,  les  fleuves  plus  rapides  et  d*un  flot  plus  abondant;  la  flore, 
alimentée  par  les  pluies  régulières  qu'apportent  les  alizés,  y  est  beaucoup 
plus  riche  et  plus  variée.  Le  climat  y  parait  moins  salubre;  là  cependant 
s'élève  Tune  des  deux  plus  grandes  cités  du  Brésil,  Bahia,  Fancienne 
capitale,  d'ailleurs  séparée  des  régions  populeuses  du  sud  par  un  littoral 
relativement  peu  habité,  vers  le  milieu  duquel  se  trouve  le  port  où  com- 
mença l'histoire  du  Brésil  par  le  débarquement  d'Alvarez  Cabrai. 

Rio  de  Janeiro,  la  capitule  moderne,  occupe  une  zone  distincte,  bien 
limitée  au  nord  par  la  profonde  vallée  du  Parahyba  et  formant  une  bande 
étroite  de  littoral  autrement  orienté  que  le  reste  de  la  côte.  Par  la  pente 
naturelle  du  sol  et  la  direction  des  rivières,  cette  partie  du  Brésil  se  ratta- 
che aux  plateaux  de  Sâo  Paulo,  mais  une  forte  part  de  sa  population  a 
essaimé  vers  le  haut  bassin  du  Sâo  Francisco,  qui  constitue  pourtant  une 
autre  province  naturelle. 

A  l'ouest  de  Minas  Geraes  et  de  Goyaz,  TÉtat  de  Matto  Grosso,  où 
s'élèvent  les  faîtes  de  partage  entre  les  fleuves  amazoniens  et  ceux  qui 
descendent  à  l'estuaire  de  la  Plata,  forme  aussi  une  région  à  caractère 
distinct,  contrastant  par  ses  bouquets  d'arbres,  ses  forêts  éparses,  ses 
rideaux  de  verdure  le  long  des  rivières,  avec  les  selves  immenses  de 
l'Amazonie  et  les  plaines  herbeuses  des  régions  platéennes.  Dans  ce  Grand 
Ouest  brésilien,  les  populations  aborigènes,  graduellement  refoulées, 
luttent  encore  contre  la  prépondérance  des  immigrants  européens  et 
métissés. 

Le  Brésil  méridional,  au  contraire,  que  parcourent  le  Paranâ,  l'Uruguay 
et  leurs  affluents,  n'a  plus  guère  d'Indiens  parmi  ses  habitants,  et  même 
les  Européens  de  sang  pur,  accrus  par  une  immigration  très  rapide,  y 
sont  beaucoup  plus  nombreux  en  proportion  que  dans  toute  autre  partie 
de  la  République.  Mais,  dans  ce  Brésil  du  midi,  l'État  de  Rio  Grande  do 
Sul,  souvent  déchiré  par  les  partis,  constitue  un  ensemble  géographique 
distinct,  presque  une  île  :  l'Uruguay  à  l'ouest  et  au  nord  lui  donne 
une  limite  dos  plus  précises,  et  si  le  territoire  des  anciennes  Missions  que 
la  République  Argentine  dispute  au  Brésil  est  enlevé  à  ce  dernier,  Rio 
Grande  ne  tiendra  plus  aux  autres  États  que  par  une  sorte  de  pédoncule. 
Cette  région  forme  une  zone  médiane  entre  le  Brésil  proprement  dit  et 

*  Superficie  et  population  probables  du  Brésil,  non  compris  le  «  contesté  »  britannique  et  celui 
de  TAraguary  : 

8  075  000  kilomètres  carrés;  16  000  000  habitants;  2  habitants  par  kilomètre  carré. 


GRANDES  DIYISIONS  DU  BRSSIL,  AMAZONIE.  117 

les  contrées  platéennes,  mais  diffère  pourtant  beaucoup  des  pampas 
ai^ntines  par  les  inégalités  de  son  relief,  sa  végétation  arborescente  et 
les  mœurs  de  sa  population  agricole . 

Dans  la  nomenclature  géographique  des  lieux  et  des  villes,  les  appella- 
tions d'origine  indienne,  et  spécialement  tupi,  ne  sont  guère  moins  nom- 
breuses que  les  noms  de  provenance  portugaise  :  du  moins  ont^-ils  Favan- 
fage  d*avoir  presque  tous  un  sens  très  clair,  exprimant  quelque  fait  de  la 
nature,  la  couleur  des  eaux  courantes,  la  hauteur,  la  forme  ou  Taspect  des 
rochers,  la  végétation  ou  Taridité  de  la  contrée'.  Il  se  produisit  même  un 
csertain  mouvement  national  en  faveur  du  remplacement  des  vocables  por- 
tugais par  des  mots  tupi,  et  le  dernier  changement  politique  eut  pour 
.oonséquence  de  donner  aux  cartes  une  physionomie  plus  indienne.  Ces 
noms  d'Imperatriz,  de  Principe  Impérial  et  tant  d'autres  dus  à  la  flatterie 
ont  fait  place  à  des  mots  tupi,  de  forme  moins  familière  aux  yeux  euro- 
péens, mais  d'un  réel  intérêt  géographique.  D'ailleurs  Thomonymie  des 
termes,  aussi  bien  tupi  que  portugais,  est  extrêmement  fréquente.  Chaque 
ï!tat  a  son  Iguassû  et  son  Parani  Hirim,  sa  Chapada  Grande,  son  Bom 
Jardin  et  sa  Bda  Yista  ;  sur  la  côte  orientale  du  Brésil  on  ne  compte  pas 
moins  de  trente-neuf  villes  ou  villages  du  nom  •  de  SSo  Jo3o,  et  dans 
l'intérieur  des  terres  combien  d'autres  encore'  I  On  désigne  d'ordinaire  les 
filages  sous  le  nom  de  povoaçao  :  le  terme  d'aldeia,  que  l'on  emploie 
au  Portugal,  n'est  appliqué  dans  la  république  brésilienne  qu'aux  villages 
dlndiens.  Dans  les  Minas  Geraes  on  se  sert  du  mot  arraial  ou  «  cam- 
pement», dû  aux  anciens  chercheurs  d'or,  qui  s*établissaient  temporaire- 
ment  h  proximité  de  leurs  chantiers'. 


II 


AMAZONIE. 
Mtats  d*aiiaionab  et  de  para. 


Ce  nom,  même  appliqué  h  la  seule  partie  du  bassin  fluvial  que  reven- 
dique le  Brésil  et  sans  le  versant  du  Tocantins,  considéré  parfois  comme 
appartenant  au  système  hydrographique  de  l'Amazone,  désigne  un  espace 
territorial  sept  fois  plus  grand  que  la  France,  mais  n'ayant,  malgré  son 

peuplement  rapide,  guère  plus  d'un  demi-million  d'habitants,  tant  sau- 

• 

*  Ph.  Ton  Martius,  Nùmina  aliqitot  locorum  in  lingua  tupi, 

•  J.  C.  Fremont  et  R.  H.  Orr,  The  Eoêt  Coast  of  South  America. 
>  De  Rio  Braiico,iVote«  manwtcritei. 


118  NOUVELLE  6Ë0GRAPH1E  UNIVERSELLE. 

vages  que  civil isés^  Au  point  de  vue  administratif,  l*Amazonie  forme  les 
deux  États  d*Amazonas  et  de  Para,  quoique  ce  dernier  se  trouve  partiel- 
lement en  dehors  de  la  région  amazonienne,  et  que  la  capitale,  Belem 
ou  Para,  porte  commerciale  des  innombrables  avenues  de  navigation, 
soit  située  à  Test  du  bassin,  sur  un  détroit  latéral. 

Le  fleuve  des  Amazones,  le  cours  d'eau  le  plus  abondant  de  rAmérique 
du  Sud  et  du  monde  entier,  est  déjà  l'un  des  grands  cours  d'eau  du 
continent  à  Tendroit  où  il  pénètre  dans  le  territoire  du  Brésil,  au  pied  des 
hautes  berges  de  Tabatinga.  Depuis  les  Andes  de  Huanuco,  il  a  parcouru 
Tespace  de  2400  kilomètres,  d'abord  dans  sa  haute  vallée  des  monts, 
parallèle  au  littoral  du  Pacifique,  puis  dans  les  défilés  ou  pongos  par 
lesquels  il  échappe  aux  régions  andines,  et  dans  les  plaines  des  Maînas 
où  son  flot  se  déroule  de  méandre  en  méandre.  Il  a  déjà  recueilli  le  Chin- 
chipe,  le  Paule,  le  Morona,  le  Pastaza,  le  Iluallaga,  l'une  des  voies  maî- 
tresses du  Pérou  oriental,  le  large  Ucayali  qui  lui  apporte  les  eaux  du 
Pérou  méridional  et  qui  est  le  véritable  fleuve  par  la  richesse  de  sa  ramure 
et  la  longueur  de  son  cours;  il  a  reçu  également  le  Napo,  qui  porta  les 
barques  de  Gonzalo  Pizarro  et  d'Orellana,  premier  navigateur  de  l'Ama- 
zone; enfin,  il  s'unit  au  Javary,  dont  le  lit  constitue  la  limite  politique 
entre  le  Pérou  et  le  Brésil.  Là,  sa  masse  liquide  dépasse  celle  du  plus 
grand  fleuve  d'Europe,  et  pourtant  il  lui  reste  à  traverser  les  deux  tiers 
de  la  largeur  du  continent,  à  se  mêler  à  d'autres  mers  en  mouvement, 
comme  le  Japura,  le  Purûs,  le  rioNegro,  le  Madeira,  le  Tapajoz,  le  Xingii, 
puis  à  s'élargir  en  un  prodigieux  estuaire,  qui  est  encore  le  fleuve  et 
déjà  l'Océan.  Dans  son  long  parcours,  le  courant,  dont  le  chenal  a  toujours 
au  moins  50  mètres  de  profondeur,  change  trois  fois  de  nom,  comme  si 
les  riverains  n'avaient  pas  la  force  d'embrasser  son  ensemble  fluvial.  Dans 
les  limites  du  Pérou  on  l'appelle  Maraiion  ;  de  Tabatinga  au  confluent  du 
rio  Negro,  il  devient  le  Solimôes  ou  Alto  Amazonas,  et  seulement  son 
cours  inférieur  est  désigné  spécialement  comme  rio  de  las  Amazonas. 
Les  Indiens  de  ses  bords  voyaient  en  lui  le  Parana  Tinga  ou  a  Fleuve 
Blanc  »,  le  Parana  Guassu  ou  «  Fleuve  Grand  )>,  et  le  disaient  aussi  sim- 
plement Para  «  ou  «  Fleuve  »  par  excellence,  nom  (juc  s'est  approprïé 
une  des  coulées  latérales  qui  se  rattachent  à  l'Amazone  ;  enfin,  les  Brési- 

'  Bassin  de  TAinazonic,  avec  le  Tocantins,  d'après  Chichko  :  6  ^450  000  kilomètres  carrés. 

))  »  sans  ^ft  ))  i)  1)  5  50  i  000         »  » 

Amazonie  brésilienne '. ô  020  000        )>  » 

Étatd'Amazonas.  .    .    .       IT'JOOOOkil.     90  000  bahitanls.     O.O:»  liai),  par  kil.  carré. 
»    de  Para 1070  000    »     450  000        »  0,0i    »       »  » 


:  I 


FLEUVE  DES  AMAZONES.  121 

liens  ont  appliqué  à  leur  majestueux  courant  le  surnom  poétique  de  Rio- 
Mar  ou  «  Fleuve-Mer  ».  Les  missionnaires  de  diverses  dénominations  se 
disputaient  aussi  le  droit  de  baptiser  le  fleuve  :  on  l'appela  San  Francisco 
de  Quito,  San  Ignacio  de  Quito,  San  Domingo  de  Quito*.  Avant  que  la 
vapeur  en  fit  un  grand  chemin  du  monde,  FAmazone  était  rarement  visité. 
Le  missionnaire  Fritz  en  donna  la  première  carte  en  1690  et  La  Con- 
damine  la  rectiûa  après  son  voyage  de  1749;  puis,  dans  ce  siècle,  se 
succédèrent  les  beaux  voyages  des  explorateurs  Spix  et  Martius,  de  Castel- 
nau,  Hemdon,  Gibbon,  Orton,  Myers,  Spruce,  Wallace,  Bâtes,  de  la 
Espada,  Agassiz,  Hartt,  Barbosa  Rodrigues.  José  da  Costa  Azevedo  a 
dressé  la  carte  du  fleuve  jusqu'à  la  frontière  péruvienne.  Une  autre  carte 
hydrographique,  par  Tardy  de  Montravel,  figure  le  cours  du  bas  fleuve. 

A  son  entrée  dans  le  territoire  du  Brésil,  la  puissante  rivière,  dont  le 
niveau  moyen  se  trouve  à  82  mètres  seulement  au-dessus  des  eaux  de 
TAtlantique  '  et  qui  n'a  plus  qu'à  s'écouler  d'un  mouvement  égal  vers 
son  estuaire,  a  déjà  près  de  3  kilomètres  de  rive  à  rive  et  présente  l'aspect 
d'ampleur  et  de  force  qu'elle  garde  jusqu'à  la  mer.  Successivement,  chacun 
des  tributaires  vient  mêler  son  flot  à  celui  du  fleuve  majeur,  tantôt  à  tra- 
vers un  dédale  d'iles  boisées  qui  masquent  le  confluent,  tantôt  par  une 
large  embouchure  s'ouvrant  jusqu'à  l'horizon.  Ici  les  eaux  des  deux  cou- 
rants ont  la  même  nuance,  contenant  la  même  part  de  troubles  enlevés  aux 
berges;  ailleurs,  les  ondes  différent,  et  des  masses  liquides,  plus  vaseuses 
ou  plus  claires,  plus  blanches  ou  plus  rougeâtres,  ou  bien  noires,  quoi- 
que transparentes,  viennent  se  heurter  au  rempart  mobile  de  l'Amazone 
jaunâtre,  et  soudain  rejetées  en  aval,  puis  comprimées  le  long  de  leur 
berge,  se  rétrécissent  graduellement  pour  disparaître  dans  le  courant  plus 
puissant  qui  les  fait  tourbillonner  sous  sa  pression  latérale  et  les  engloutit 
enfin  en  un  dernier  remous.  Ainsi  chaque  affluent,  se  perdant  au  sein  du 
fleuve,  raconte  un  peu  de  son  histoire  géologique  par  sa  nuance  et  sa 
teneur  alluviale. 

Les  affluents  septentrionaux  de  l'Amazone  s'écoulent  d'une  bande  de 
territoire  deux  fois  moindre  en  largeur  que  les  affluents  méridionaux,  et 
par  conséquent,  si  abondants  qu'ils  soient,  n'apportent  qu'une  masse 
liquide  beaucoup  moins  forte.  Toute  proportion  gardée,  ce  doit  être  ccpen- 


*  Marcos  Jimenez  de  la  Espada,  Bolelin  de  laSociedad  Geogrâfica  de  Madrid,  1891. 

'  José  da  Costa  Azevedo,  Mappa  do  rio  Amazonas.  Le  niveau  du  fleuve  à  Tabatinga,  d*apràs 
Orton,  serait  de  77  mètres;  de  80  mètres,  d'après  Agassiz.  Les  premici^  observateurs,  trompés  jiar 
les  irrégularités  de  leurs  baromètres,  avaient  trouvé  des  hauteurs  beaucoup  plus  considérables  : 
300  mètres  d*après  Spix  et  Martius;  97  mètres  d*après  Castelnau. 

m.  16 


122  NOUVELLE  GËOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

dant  un  tributaire  du  nord,  Tlça,  —  le  Putumayo  des  Colombiens,  —  qui 
roule  la  plus  forte  quantité  d'eau,  car  ses  hautes  sources,  nées  au  nord 
et  au  sud  de  la  ligne  équatoriale,  descendent  du  versant  oriental  des 
montagnes  de  Quito,  qui  reçoivent  tant  d'averses  pendant  toutes  les 
saisons  de  l'année  et  où  l'atmosphère  est  si  constamment  obscurcie  par 
pluies  ou  brouillards  qu'il  faut  toujours  se  diriger  à  la  boussole*.  Le 
Putumayo  est  une  de  ces  rivières  qui  par  leur  prodigieux  ^travail  d'éro- 
sion ont  déblayé  en  grande  partie  le  système  des  Andes  et  l'ont  réduit 
dans  l'Ecuador  h  un  pédoncule  étroit  entre  les  masses  beaucoup  plus 
larges  de  la  Colombie  et  du  Pérou.  Le  fleuve  naît  dans  une  partie  plus 
large  des  Andes,  où  elles  s'épanouissent  en  éventail  pour  embrasser  le 
bassin  du  rio  Magdalena  :  le  Guames  ou  Guamues,  l'une  de  ses  sources 
maîtresses,  sort  du  Cocha  ou  «  Lac  »  par  excellence,  qui  réfléchit  dans  ses 
eaux  le  cône  du  volcan  colombien.  Le  Guames  n'est  pas  navigable,  mais 
de  fortes  rivières,  accourant  de  toutes  parts,  ont  bientôt  grossi  le  Putu- 
mayo, et  dès  la  sortie  des  avant-monts  il  porte  des  bateaux  d'une  calaison 
de  2  mètres.  Le  flot,  se  dirigeant  au  sud-est,  suivant  un  angle  très  aigu 
avec  le  fleuve  des  Amazones,  n'a  qu'une  faible  pente  pour  un  cours  déve- 
loppé très  considérable,  et  le  flot  glisse  d'un  mouvement  égal  sans  cas-^ 
cades  ni  rapides,  comme  font  les  tributaires  supérieurs  de  l'Amazone. 
'  Les  voyages  des  Jésuites,  celui  de  Juan  de  Sosa  en  1609,  sur  le  Putumayo, 
ont  été  oubliés,  et  l'on  connaît  seulement  le  fait  de  la  descente  du 
général  Obando,  poursuivi  par  les  troupes  du  gouvernement  colombien. 
Le  mérite  de  la  première  exploration  connue  revient  à  Rafaël  Reyes, 
qui,  en  1874,  se  laissa  porter  par  le  courant  du  Putumayo  dans  toute 
sa  longueur,  de  son  affluent  le  Guineo  jusqu'à  son  embouchure.  Depuis 
cette  époque  le  commerce  des  écorces  de  chinchona  a  rendu  les  voyages 
assez  fréquents.  Simson  en  1876,  et  Crevaux  en  1879,  ont  aussi  navigué 
sur  l'Iça-Putumayo  et  en  ont  décrit  le  cours.  On  mentionne  souvent  cette 
rivière  dans  les  protocoles  des  diplomates  sud-américains,  ?e  bassin 
supérieur  en  étant  débattu  entre  l'Ecuador  et  la  Colombie,  tandis  que 
ce  dernier  État  réclame  la  possession  de  la  rive  gauche  jusqu'à  l'embou- 
chure. LeRrésil  a  fixé  sa  frontière  au  Mrari,  à  355  kilomètres  en  amont 
du  confluent  de  l'AmSzone,  et  une  commission  hydrographique  a  dressé  la 
carte  de  toute  cette  partie  d'aval.  En  territoire  brésilien,  le  fleuve  n'est 
plus  désigné  que  sous  le  nom  d'Iça,  donné  par  les  Omaguas.  De  même 
que  le  Napo,  le  Japurâ  et  les  autres  fleuves  amazoniens  nés  dans  l'Ecuador 

*  Edw.  Whymper,  TraveU  amongêt  the  great  Andes  ofthe  Equator. 


FLEUVE  DES  AMAZONES,  IÇA,  JAPURÂ.  195 

et  en  Colombie,  Flça  apporte  des  traînées  de  ponces  arrachées  aux  pentes 
des  volcans,  et  Ton  retrouve  ces  pierres  en  amas  dans  toutes  les  berges 
argileuses  de  l'Amazone,  En  1698,  une  éruption  terrible  du  Carihuairazo 
changea  le  Pastaza  et  le  Solimôes  en  «  fleuves  de  boue  »,  dit  le  mission- 
naire Samuel  Fritz,  et  les  Indiens  s'imaginèrent  que  cette  couleur  de  Teau 
devait  être  attribuée  à  la  colère  des  dieux*. 

Le  Japura  (Hyapura)  nait  dans  les  Andes  colombiennes  à  une  faible  dis- 
tance au  nord  du  Putumayo,  et  l'un  des  principaux  explorateurs  de  cette 
rivière,  Crevaux,  a  pu  franchir  à  travers  les  forêts  le  faîte  peu  élevé  qui 
sépare  les  hauts  affluents  des  deux  bassins.  Les  cours  des  deux  grandes 
rivières  sont  à  peu  près  parallèles,  si  ce  n'est  que  le  bas  Japurà  se  reploie 
pour  couler  directement  à  l'est,  comme  entraîné  dans  le  même  sens  que 
TÂmazone,  auquel  le  rattache  tout  un  labyrinthe   de  canaux.  Mais  le 
Japura  n'a  pas  encore  égalisé  sa  pente  comme  le  Putumayo.  Vers  le  tiers 
de  son  cours,  en  aval  de  la  sortie  des  Andes,  il  atteint  le  rebord  d'un 
plateau  de  grès  qu'il  entame  profondément.  Les  deux  falaises  coupées  en 
murailles  blanches,  aux  puissantes  assises,  resserrent  le  courant  à  droite 
et  à  gauche;  la  masse  liquide,  large  de  sept  à  huit  cents  mètres  en  amont, 
se  resserre  à  une  soixantaine  de  mètres,  puis,  échappant  à  ce  premier 
déGIé,  plonge  en  un  violent  rapide.  Plus   bas,  les  terrains  du  plateau 
gréyeux  se  rapprochent  en  une  nouvelle  cluse  entre  des  berges  «  si  hautes 
que  les  aras  y  font  leurs  nids  »  :  d'où  le  nom  d'Araracoara  donné  à  ce 
deuxième  rapide,  suivi  d'une  cascade  de  50  mètres;  c'est  jusque-là  que 
Spix  et  Martius,  Silva  Coutinho  et  d'autres  ont  remonté  le  fleuve  ;  peu  de 
iroyageurs  ont  poussé  plus  loin.  Avant  d'entrer  dans  les  plaines  amazo- 
niennes, le  Japura  franchit  encore,  par  un  petit  saut,  le  dernier  gradin 
de  grès  qu'au  sud-ouest  l'Iça  doit  traverser  aussi,  au  «  Pas  des  Thermo- 
pyles  »,  mais  sans  y  perdre  la  placidité  de  son  courant'.  La  rivière  Apa- 
puris,  qui  rejoint  le  Japura  en  aval  des  rapides,  est  considérée  par  les 
Brésiliens  comme  la  limite  politique  entre  leur  Amazonie  et    le  terri- 
toire colombien,  tandis  que  les  diplomates  de  la    république   hispano- 
américaine  revendiquent   comme  frontière   le  furo  d'Avali   Paranà   qui 
sort  du  Solimôes    et  descend  au  Japura  par  des  terrains  noyés.  Dans 
cette  partie  de  son  cours,  l'Amazone  est  donc  le  tributaire  du  Japura,  qui, 
200  kilomètres  plus  bas,  lui  rapporte  par  de  nombreux  canaux  son  énorme 
masse  liquide.  Même  par  delà  le  confluent,  sur  un  espace  non  encore 


*  Marcos  Jimenez  de  la  Espada,  Boletin  de  la  Sociedad  Geogrdpca  dé  Madrid,  1880. 

*  Jules  Crevaux,  Tour  du  Monde,  \"  semestre  1881. 


134  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

mesuré,  que  l'on  peut  évaluer  au  moins  à  une  centaine  de  mille  kilo- 
mètres carrés,  jusqu'au  rio  Negro,  l'entre-deux  des  grands  courants 
fluviaux  est  occupé  par  un  dédale  de  lacs  et  de  rivières  qui  changent 
de  forme  suivant  les  crues,  sous  la  pression  alternante  des  eaux  du  Soli- 
môes  et  de  celles  du  Japurâ.  Si  le  bassin  de  l'Amazone  fut  jadis  une  mer 
intérieure,  ainsi  que  tout  semble  l'indiquer,  la  région  à  demi  lacustre, 
à  demi  émergée,  qui  sépare  le  bas  Japuni  du  Solimôes,  est  celle  qui  rap- 
pelle le  mieux  l'ancien  aspect.  En  cet  endroit,  le  cours  fluvial  n'est  pas 
encore  parfaitement  achevé. 
Entre  l'Iça  et  le  Japurâ,  le  Solimôes  a  reçu  du  versant  méridional  plu- 


sieurs rivières,  entre  autres  le  Jutahy  (Hyutaï)  et  le  Juruâ,  qui,  dans  toute 
autre  région  que  l'Amazonie,  seraient  tenus  pour  des  fleuves  puissants;  au 
Brésil  ce  sont  des  courants  de  troisième  ordre,  dont  les  bassins  n'ont 
d'ailleurs  pas  encore  été  reconnus  en  entier  :  Chandiess  remonta  le  Juruâ 
en  1867  sur  un  espace  de  1814  kilomètres,  y  compris  toutes  les  sinuo- 
sités du  lit';  à  l'endroit  où  il  dût  commencer  la  descente,  pour  éviter  les 
attaques  des  Indiens  Nauas,  la  rivière  avait  encore  une  dizaine  de  mètres 
en  profondeur  et  120  mètres  de  large.  Une  autre  rivière  du  sud,  le  Teffé 
ou  «  Profond  »,  rejoint  le  Solimôes  à  une  petite  distance  en  aval  des 
bouches  du  Japurâ.  Puis  vient  le  Coary,  aux  eaux  noires,  et,  toujours  sur 


■  Journal  oflhe  R.  Geograpliicat  Society,  ■ 


JAPURÀ,  PURÛS.  125 

ia  même  rive,  le  Purûs  s'unit  au  fleuve  principal  par  plusieurs  bras, 
enfermant  des  forêts  insulaires.  Cette  grande  rivière,  dont  le  débit  annuel 
dépasse  probablement  celui  du  Japura,  naît  à  la  base  des  Andes  péru- 
viennes, mais  sans  recevoir  de  gaves  descendus  des  montagnes  comme  les 
hauts  affluents  du  Putumayo  et  du  Japura.  Le  Purûs,  de  même  que  le 
Jutahy,  le  Jurué,  le  Tefle,  le  Coary,  est  un  fleuve  de  plaines  :  son  énorme 
masse  liquide  lui  est  donnée  par  la  pluie,  non  par  les  neiges.  Ses  plus 
hautes  sources  se  trouveraient  entre  320  et  550  mètres*  :  TUcayali  à 
l'ouest,  le  Madeira  au  sud,  l'enveloppent  de  leurs  bassins  supérieurs  dans 
les  vallées  des  Andes.  Avant  le  milieu  du  siècle,  un  certain  Joâo  Cometa, 
puis,  en  1852,  un  Brésilien  de  Pernambuco,  Serafim,  explorèrent  le 
Purûs  pour  le  gouvernement  brésilien,  l'un  à  1200,  l'autre  à  2100  kilo- 
mètres du  confluent;  mais  la  première  expédition  vraiment  sérieuse, 
en  1860,  fut  dirigée  par  le  mulâtre  Manoel  Urbano,  et  ce  voyageur  fut 
aussi  le  principal  informateur  de  William  Chandless,  qui,  en  1864  et 
1865,  suivit  le  cours  fluvial  et^son  affluent  l'Aquiry  en  fixant  les  points 
astronomiques  et  en  dressant  la  carte  :  un  des  affluents  gauches  du  Purûs 
a  reçu  le  nom  de  Chandless.  Depuis,  Brown  et  Lidstone,  Ehrenreich, 
Labre,  ont  aussi  étudié  avec  soin  tout  le  cours  inférieur  du  Purûs. 
Le  premier  bateau  à  vapeur  qui  en  1862  remonta  le  fleuve  jusqu'à 
1300  kilomètres  de  Tembouchure,  portait  le  botaniste  Wallis. 

Extrêmement  tortueux,  le  Purûs,  dont  le  développement  total  dépasse 
3000  kilomètres,  déroule  ses  anneaux  en  une  infinité  de  petits  méandres, 
composant  eux-mêmes  dans  leur  ensemble  des  circuits  de  plus  grande 
amplitude,  arcs  dont  les  flèches  pointent  alternativement  vers  le  sud-est  et 
le  nord-ouest.  La  direction  générale  du  courant,  parallèle  à  tous  les  autres 
affluents  méridionaux,  est  celle  du  sud-ouest  au  nord-est  :  les  divers  tri- 
butaires, Aracà,  Hyuacu,  Aquiry,  Pauynim,  Mucuim,  Tapaua  et  autres, 
s'unissent  presque  tous  au  Purûs  vers  la  convexité  de  Tune  des  grandes 
serpentines  du  fleuve.  Bien  plus  encore  que  Tlça,  le  Purûs  peut  être 
considéré  comme  un  type  de  courant  des  plaines  :  il  coule  en  entier 
dans  l'ancienne  dépression  au  centre  de  la  méditerranée  amazonienne. 
Dans  toute  son  étendue  le  cours  est  déblayé  d'obstacles  :  il  n'a  point  de 
rapides;  les  îles  même  y  sont  rares.  Le  lit  sinueux,  qui  ne  présente 
d'autre  différence,  de  Tamont  à  l'aval,  que  sa  largeur  croissante,  et  où 
le  batelier  se  reconnaît  par  des  indices  qui  échappent  au  voyageur  pas- 
sager, offre  en  son  mouvement  uniforme  une  succession  de  «  cingles  i)  et 

»  W.  Chandless,  Journal  ofthe  R,  Geographical  Society,  1866. 


126  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

de  «  baltures  »,  de  falaises  érodées  et  de  plages.  D'année  en  année,  les 
méandres  se  déplacent  par  Técroulement  des  berges  et  raccroissement  des 
grèves.  En.de  rares  endroits,  les  bords  du  Purûs  consistent  en  «  terre 
ferme  »,  c'est-à-dire  en  promontoires  d'argile  rouge  élevés  au-dessus  du 
niveau  des  inondations.  La  masse  dans  laquelle  le  courant  ronge  ses  berges 
est  dite  varzea  et  comprend  des  sables  et  des  argiles  multicolores^  puis 
au-dessous  vient  ïigapô^  la  terre  des  battures  que  recouvrent  les  moin- 
dres crues.  Les  oscillations  de  niveau  causées  par  les  pluies  sont  indiquées 
sur  le  pourtour  des  bancs  de  sable  par  la  végétation  des  saules  et  autres 
arbustes,  s'étageant  à  des  hauteurs  diverses  au-dessus  du  flot  de  maigre. 
L'amplitude  des  crues,  même  à  peu  de  distance  en  amont  du  confluent 
de  l'Amazone,  n'est  pas  moindre  de  18  mètres.  Au  plus  haut  de  son 
courant  le  Purûs  emplit  toute  sa  vallée  entre  les  faites  latéraux;  de  bord 
à  bord,  il  n'a  plus  un  kilomètre,  mais  vingt,  et  même  trente  :  les  eaux 
tamisent  leurs  troubles  dans  l'immense  crible  formé  par  les  arbres  de  la 
forêt.  Dans  celte  saison,  des  bras  latéraux  s'ouvrent  vers  l'Amazone,  mais  il 
ne  parait  pas  probable  que  les  furos  de  communication  tracés  sur  d'an- 
ciennes cartes  entre  le  Purûs  et  le  Madeira  existent  réellement. 

Entre  ces  deux  affluents  majeurs,  le  rio  Negro,  la  «  rivière  Noire  » 
—  le  Guiari  ou  Paranâ  Pixuna  —  s'unit  au  Solimôes  pour  former  avec 
lui  le  courant  des  Amazones.  Parmi  tant  de  cours  d'eau  qui  portent  le 
même  nom,  le  rio  Negro  roule  la  plus  forte  masse  liquide;  c'est  aussi  le 
plus  connu  et  nul  ne  mérite  mieux  cette  appellation.  Tous  les  voyageurs 
qui,  après  les  explorateurs  et  missionnaires  espagnols  et  portugais,  ont 
visité  le  rio  Negro,  Humboldt,  Wallace,  Agassiz,  Spix,  Martius,  Coudreau, 
ont  été  frappés  du  contraste  que  présentent  les  rivières  blanches  du 
bassin,  travei'sant  des  régions  argileuses,  et  les  rivières  noires,  moins 
chargées  de  troubles,  mais  contenant  par  l'eifet  de  la  décomposition  des 
plantes  plus  de  substances  humiques;  d'autres  rivières  du  bassin  roulent 
un  flot  bleu.  L'eau  du  rio  Negro  est  limpide  et  transparente,  malgré  sa 
nuance  jaunâtre  sous  une  faible  épaisseur,  brune,  puis  noire  en  couche 
profonde  ;  d'ailleurs  fort  désagréable  à  boire,  elle  serait  même  malsaine. 
Le  contraste  le  plus  net  des  deux  eaux  se  présente  au  confluent  du  rio 
Negro  et  du  rio  Branco,  «  rivière  Blanche  »,  presque  laiteuse,  qui  descend 
des  savanes  limitrophes  de  la  Guyane  anglaise.  Les  deux  courants  se 
longent  comme  deux  fleuves  distincts  dans  le  même  lit  d'aval  ;  pendant  la 
crue  de  novembre,  alors  que  le  rio  Branco  roule  par  exception  plus  d'eau 
que  le  rio  Negro,  on  en  reconnaît  distinctement  le  flot  jusqu'à  plus  de 
50  kilomètres  en  aval,  et  même  on  peut  en  discerner  quelques  traces  à 


PUROS,  RIO  NEGRO,  UAUPÈS.  127 

une  faible  distance  au  nord  de  Manaos.  Au  confluent  du  Solimôes  et  du 
rio  Negro,  celui-ci,  à  Tonde  noire  un  peu  pâlie  par  les  eaux  blanches  du 
rio  Branco,  se  mêle  plus  promptement  au  courant  du  violent  Amazone 
qui  s'empare  du  flot  de  Taffluerit  par  de  vastes  remous.  Les  moustiques 
ne  tourbillonnent  pas  en  essaims  au-dessus  des  rivières  noires;  celles-ci 
sont  aussi  beaucoup  moins  poissonneuses  et  quelques-unes  d'entre  clle^ 
n'hébergent  point  de  crocodiles,  tandis  que  ces  animaux  pullulent  dans 
les  eaux  blanches  voisines.  Le  rio  Negro  n'est  point  au  nombre  des  fleuves 
évités  par  les  sauriens. 

Les  eaux  courantes  et  les  portages  faciles  qui  rattachent  le  bas  cours  de 

rOrénoque  et  celui  du  rio  Negro  ont  fait  chercher  les  sources  de  ce  dernier 

fleuve  dans  le  voisinage  de  l'isthme  d'Atabapo.  Mais  la  rivière  Guainia,  qui 

nait  à  l'ouest  dans  les  plaines  que  dominent  les  Andes  colombiennes, 

aurait  plus  de  droit  à  être  considérée  comme  le  vrai  rio  Negro,  et  plus 

encore  le  rio  Uaupès,  —  ou  Ucuyaris,  —  qui  prend  ses  sources  dans  les 

vallées  mêmes  des  hautes  montagnes,  au  sud  du  Guaviare,  l'Orénoque 

occidental.  Le  cours  du  rio  Uaupès  se  continue  avec  la  même  orientation 

par  celui  du  rio  Negro  entre  San  Joaquim  et  Barcellos;  le  lit  des  deux 

cours  d'eau  présente  aussi  les  mêmes  caractères  géologiques,  et  l'un  et 

l'autre  ont  une  échelle  de  cascades  et  de  rapides  sur  des  seuils  de  granit; 

en  amont  de  la  plus  haute  cataracte,  celle  de  Jurupari,  le  fleuve,  aussi 

<c  blanc  »  que  le  Solimôes  et  peuplé  des  mêmes  poissons,  parcourt  des 

plaines  unies,  dépourvues  d'arbres  au  pied  des  Andes*.  Depuis  1854, 

époque  à  laquelle  Jesuino  Cordeiro  remonta  le  Uaupès  jusqu'à  ses  sources, 

quelques  voyageurs,  Wallace,  Stradelli,  Coudreau,  en  ont  visité  le  cours 

inférieur  et  ont  pu  constater  que  son  débit  moyen  dépasse  de  beaucoup 

celui  du  haut  rio  Negro.  Un  bayou  latéral,  l'Ira  Paranà,  rattache  pendant 

l'hivernage  un  affluent  du  Uaupès  avec  l'Apapuris,  tributaire  du  Japurà'; 

mais  en  été  les  marais  se  dessèchent  entre  les  deux  versants.  Au  siècle 

dernier  plusieurs  voyageurs,  officiers  et  traitants,  suivirent  cette  voie  de 

l'un  à  l'autre  fleuve. 

En  amont  de  la  jonction  avec  le  Uaupès,  le  rio  Negro  proprement  dit 
reçoit,  on  le  sait,  la  rivière  Cassiquiare  que  lui  envoie  TOrénoque,  et 
qui  s'est  accrue  des  deux  tiers  environ,  dans  son  coursa  travers  le  territoire 
vénézolan.  Une  autre  bifurcation,  moins  connue  et  moins  importante  dans 
le  régime  hydrographique  de  la  contrée,  se  produit  plus  au  sud  :  la  rivière 


*  Alfred  Russell  Wallace,  Nanation  of  Travels  on  the  Amazon  and  Rio  Negro. 

'  Spix  und  Blartius,  ouvrage  cité  ;  —  Henri  A.  Coudreau,  la  France  Êquinoxiale^  atlas. 


138  NOUVELLE  GËOGRAPDIE  UNIVERSELLE. 

Baria  se  divise  en  deux  branches,  dont  l'une  va  rejoindre  nu  nord  le  bas 
Cassi({uiare,  tandis  que  l'autre  descend  directement  au  rio  Negro  sous  le 
nom  de  rio  Canabury.  Une  ligne  d'eau  continue,  presque  parallèle  au  rio 
Negro  supérieur,  se  développe  ainsi  à  l'est  sur  une  longueur  d'environ 
500  kilomètres,  n'ofFranl  d'ailleurs,  au  faîte  de  séparation,  aucune  utilité 
pour  la  navigation  de  canotage.  Augmenté  du  Cassiquiare,  le  rio  Negro 
pénètre  en  territoire  brésilien  à  la  base  d'un   rocher  de  500  mëlres, 


-  COKTLDEXT    DD    triUpte    E 


la  «  pierre  de  Cucuhy  »,  superbe  borne  de  granit  qu'on  aperçoit  de 
loin  dominant  les  plaines,  et  serpente  dans  la  direction  du  sud  jusqu'au 
confluent  du  Uaupès,  ob  il  se  reploic  vers  l'est,  suivant  l'orientation 
donnée  par  la  rivière  maîtresse.  lÀ  se  dressent,  à  droite  et  à  gauche  du 
courant  fluvial,  des  collines,  des  montagnes  de  granit  qui  constituent  la 
vraie  ligne  de  séparation  entre  les  deux  versants  de  la  mer  septentrio- 
nale et  de  la  mer  orientale.  Le  seuil  rocheux  qui,  se  prolongeant  au  nord- 
est,  va  rejoindre  les  massifs  de  Parima,  a  été  percé  en  cet  endroit  par  les  ■ 
eaux  descendues  des  i-égions  du  nord  à  pente  indécise;  au  point  de  vue 
géologique,  le  faite  de  partage  n'est  pas  à  la  bifurcation  du  Cassiquiare, 


RIO  NEGRO,  RIO  BRAMCO.  189 

mais  à  Touverture  que  se  sont  creusée  les  eaux  par  les  cinquante  cata- 

x^ctes  du  Uaupès  et  les  vingt-cinq  du  rio  Negro,  cataractes  que  leurs 

vochers,  leurs  remous  et   traînées   d'écume  rendent  fort  pittoresques, 

quoique  la  chute  soit  peu  considérable;   sur  le  rio  Negro,  l'escalier  de 

l'apides,  d'une  soixantaine  de  kilomètres  en  longueur,  n'a  que  15  mètres 

4e  haut.  Le  Guricuriari,  le  morne  dominateur  de  la  région,  atteindrait  la 

hauteur  de  1000  mètres,  d'après  les  relevés  d'une  commission  brésilienne 

d'exploration.  Il  se  dresse  au  sud  du  fleuve,  dont  le  flot  se  repose,  en 

aval  des  rapides.  Plus  bas,  les  collines  s'abaissent  graduellement  :  les 

dernières  iXKshes  qui  se  montrent  sur  les  bords  du  rio  Negro  émergent 

des  alluvions,  au  lieu  dit  jadis  la  Pedreira  ou  la  ce  Perrièœ  »,  près  du 

hameau  de  Moura,  sur  la  rive  droite  du  fleuve  et  à  peu  de  distance  en 

aval  des  embouchures  du  rio  Branco.  Sur  ces  couches  de  gneiss,  très 

décomposées  à  la  surface,  Âgassiz  chercha  vainement  à  reconnaître  les 

traces  d'anciens  glaciers  \ 

Le  rio  Branco,  qui  promet  d'avoir  une  si  grande  importance  comme 
^oie  de  communication  directe  entre  la  Guyane  anglaise  et  l'Amazonie 
c^entrale,  de  Georgetown  à  Manaos,  et  qui  eut  toujours  dans  l'histoire  des 
nations  indiennes  une  valeur  capitale  comme  chemin  des  migrations,  a 
^té  remonté  souvent  par  des  Portugais;  au  siècle  dernier,  Santos  visita 
le  seuil  dePirara,  etGama  d'Âlmeida  en  dressa  une  carte  que  les  explo- 
rations modernes   ont  peu   modiflée.  Récemment  une  commission  des 
frontières  venezolo-brésilienne  en  étudia  les  hautes  vallées  pendant  quatre 
ans,  mais  elle  dut  laisser  son  œuvre  inachevée  à  cause  de  l'hostilité  des 
populations.  De  même  que  la  rivière  Noire,  la  rivière  Blanche,  ancien 
rio  Parima,  a  pour  source  maîtresse  un  affluent  beaucoup  plus  long  que 
le  cours  d'eau  considéré  comme  le  principal,  parce  qu'il  suit  l'axe  de  la 
vallée  et  parcourt  la  région  de  passage  entre  les  deux  versants.  L'Urari- 
coera,  vrai  rio  Branco  par  la  masse  liquide  et  par  la  longueur  du  lit,  naît 
dans  une  haute  vallée  granitique  de  la  serra  Parima,  au  sud  du  piton  de 
Machiati,  et,  coulant  de  l'ouest  à  Test,  rejoint,  après  un  cours  d'au  moins 
600  kilomètres,  la  rivière  bien  moins  abondante  de  Takutu,  qui  reçoit 
les  gaves  du  Roraima,  ceux  du  Gaïrrit  et  la  fameuse  coulée  de  Pirara, 
continuée  vers  l'Essequibo  par  le  portage  du  Rupunini,  dans  la  Guyane 
anglaise.  Le  Mahû,  appelé  aussi  Ireng,  affluent  du  Takutu,  est  renommé 
par  ses  cascades  :  une  de  ses  chutes,  la  Corona,  haute  de  50  mètres,  est 
dite,  avec  les  parois  du  Roraima   et  la  chute  de    Kaieteur,   Tune  des 

*  J.  M.  da  Silva  Coutinho,  Bulletin  de  la  Société  de  Géographie ,  octobre  1867. 

XIX.  17 


0..9t  J,  ?.rh 


t50  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

«  trois  merveilles  »  de  la  Guyane  britannique'.  S'unissant  sous  le  nom  de 
rio  Branco,  les  eaux  s'écoulent  directement  au  sud-ouest  h  travers  les 

savanes,  puis  s'enga- 
gent dans  les  défilés 
de  la  chaîne  de  gra- 
nit à  massifs  inégaux 
que  le  Uaupès  el  le 
rio  Negio  ont  à  fran- 
chir dans  la  région  de 
leur  confluent.  Le  rio 
Branco  descend  aussi 
par  un  escalier  de  ca- 
choeiras ,  empêchant 
toute  communication 
par  bateaux  entre  le 
basetle  haut  du  fleuve. 
Le  sommet  le  plus 
élevé  de  la  contrée,  le 
Carauma,  se  dressant 
près  de  la  rive  gauche, 
atteindrait  1150  mè- 
tres '.  En  aval  des  bar- 
rages de  rochers,  le  rio 
Branco  coule  à  la  ren- 
contre du  rio  Negro 
par  un  lit  presque  dé- 
pourvu de  méandres, 
mais  bordé  d'un  grand 
nombre  de  lacs  et  de 
fausses  rivières,  té- 
moignant des  change- 
ments considérables 
survenus  dans  la  di- 
rection du  Ûot  d'écou- 
lement. Le  Jauapiry, 
du  rio  Branco,  parait  être  le  reste 


qui  s'unit  au  fleuve  majeur  en  { 


>  Everard  F.  im  Thum,  Proceeding»  of  Iht  R.  Geographkal  Society,  1893. 
•  Henri  A  Coudreau,  la  Fratwt  Equijutxiale. 


I 


MANAOS   ET  LA  CROISJ 


NouTClle  GAiBraphifl  Univenelle.  T.  XIX.  PI.  I. 


l^rmiM^r-^lttmire,  A  i-«  „AhtiBrll$  Omgr^hie IJtipmrtmOt 'M 


'LEUVES  AMAZONIENS 


.  RIO  iNEGRO,  MADEIRA.  iSi 

d'une  de  ces  anciennes  coulées.  D'après  les  indigènes,  plusieurs  des 
rivières  du  bassin  communiqueraient  par  des  furos  navigables  en  temps 
d'hivernage. 

Dans  son  cours  inférieur,  le  rio  Negro  forme,  comme  les  fleuves  cana- 
diens, plutôt  une  succession  de  lacs  qu'une  véritable  rivière  :  il  a  jusqu'il 
50  kilomètres  de  large,  bien  plus  que  l'Amazone  en  certains  endroits; 
mais  aussi  descend-il  avec  lenteur  :  parfois  le  courant  est  à  peine  percep- 
tible, et  vers  l'embouchure  l'Amazone  reflue  souvent  dans  le  lit  de  la 
rivière  Noire.  La  ligne  de  séparation  des  eaux  constitue  cette  «  barre  » 
qui  a  valu  à  Manaos  son  ancien  nom  de  Barra  do  Rio  Negro.  Les  crues 
fluviales,  moins  hautes  que  celles  du  Purûs,  oscillent  entre  9  et  10  mètres. 
Lors  de  la  décrue,  les  profondeurs  ordinaires  sont  encore  très  consi- 
dérables, de  30  et  même  de  50  mètres;  cependant  les  seuils  qui  inter- 
rompent le  lit  en  rendent  la  navigation  difficile  pendant  les  périodes  de 
maigres.  Les  petits  bateaux  à  vapeur  calant  1  mètre  52  remontent  le 
fleuve  jusqu'à  Santa  Izabel,  à  726  kilomètres  en  amont  du  confluent, 
mais  il  arrive,  lors  des  baisses  exceptionnelles,  et  pendant  un  ou  deux 
mois  de  l'année,  que  le  service  doive  être  abandonné.  De  même  que 
la  plupart  des  fleuves  dont  la  vallée  n'est  pas  déjà  tracée  par  une  cas- 
sure des  montagnes  ou  par  un  plissement  des  terres,  le  rio  Negro 
empiète  graduellement  sur  sa  rive  droite,  qui  est  la  rive  haute,  celle 
des  berges,  où  des  groupes  de  maisonnettes  ont  pu  s'établir  de  distance 
en  distance. 

Avec  le  rio  Negro,  le  Madeira  ou  fleuve  du  «  Bois  »,  le  Cayari  ou 
ce  Fleuve  Blanc  »  des  Indiens,  marque  la  grande  dépression  transversale 
de  la  cuvette  amazonienne  :  le  rio  Negro  naît  dans  les  plaines  du  Vene- 
zuela et  reçoit  des  eaux  affluentes  venues  des  Andes  colombiennes;  le 
Madeira  a  ses  premières  sources  dans  les  montagnes  de  la  Bolivie  et  sur 
les  terres  basses  au  versant  indécis  qui  s'inclinent  au  sud  vers  la  Plata.  La 
rivière  maîtresse  du  bassin,  aussi  bien  par  la  masse  liquide  que  par 
l'origine,  est  le  rio  Béni  (Veni),  qui  reçut  l'effluent  du  lac  de  Titicaca, 
beaucoup  plus  vaste  autrefois,  mais  qui  en  reste  séparé  par  des  seuils 
de  débris  depuis  que  le  climat  s'est  asséché  et  que  les  rivières  se  sont 
appauvries.  Uni  à  la  puissante  Madré  de  Dios,  Mayu-Tata  ou  Amaru-Mayo, 
«  rivière  des  Serpents  »,  le  fleuve  bolivien  Béni  rejoint  un  autre  cou- 
rant majestueux,  le  Mamoré,  accru  lui-même  du  Guaporé,  rivière  qui 
coule  en  entier  sur  territoire  brésilien,  contournant  les  hautes  terres 
occidentales  du  plateau  de  Matto  Grosso.  Le  Mamoré,  la  «  Mère  des  Hom- 
mes »,  appelé  rio  Grande  ou  Guapay  dans  son  cours  supérieur,  prend  son 


132  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

origine  à  plus  de  4000  mètres  d'altitude,  dans  les  Andes  de  Goehabamba, 
et,  décrivant  une  grande  courbe  régulière  autour  de  ces  montagnes, 
parallèle  au  rivage  du  continent  sur  le  Pacifique,  se  grossit  de  plusieurs 
rivières  nées  dans  Tentre-deux  de  plaines  basses  qui  séparent  le  système 
orographique  de  la  Bolivie  et  celui  du  Brésil.  Toute  cette  ramure  de  cou- 
rants se  développe  en  directions  gracieusement  convergentes  dans  le  fond 
de  Tancienne  mer  qui  occupait  jadis  la  dépression  médiane  du  conti- 
nent. Un  barrage  de  rochers,  formé  de  gneiss  métamorphique  redressé 
en  falaises,  ferme  à  demi  la  porte  de  communication  ouverte  entre  les 
plaines  du  sud  et  celles  du  nord  ;  il  obstrue  les  courants  et  les  force  à 
s'unir  en  un  seul  flot,  qui  descend  par  brusques  sauts  de  seuil  en  seuil. 
Ce  fleuve  unique,  formé  par  Tunion  du  Béni  et  du  Mamoré,  fut  nommé 
Madeira,  à  cause  de  ses  longues  processions  de  bois  flottants,  par  son 
premier  explorateur  Francisco  Palheta,  en  1725.  Depuis  cette  époque,  il  a 
servi  de  grand  chemin  à  tous  les  voyageurs  entre  les  plateaux  de  la  Bolivie 
et  les  plaines  de  l'Amazone.  D'Orbigny,  Church,  Keller-Leuzinger  sont, 
parmi  les  modernes,  ceux  qui  l'ont  le  plus  soigneusement  étudié.  La  carte 
hydrographique  en  a  été  dressée  à  l'échelle  du  100000%  d'après  les  obser- 
vations de  Selfridge,  en  1878. 

En  amont  du  confluent,  le  Béni  et  le  Mamoré  ont  déjà  leurs  cascades, 
que  l'on  propose  de  contourner  par  route  et  chemin  de  fer.  De  la  chute 
d'amont  ou  Guajara  Guassu,  sur  le  Mamoré,  à  la  dernière  cascade,  la 
cachoeii*a  de  Santo  Antonio,  la  dénivellation  totale  est  de  GO  mètres  environ, 
répartie  sur  un  développement  de  380  kilomètres.  La  plus  haute  chute, 
celle  de  Ribeirâo,  à  une  vingtaine  de  kilomètres  en  aval  du  Béni,  plonge 
de  12  mètres;  les  quarante-cinq  autres  varient  de  10  mètres  à  quelques 
décimètres  et  se  compliquent  des  mille  phénomènes  que  présentent  les 
rapides,  les  remous,  les  tournants  :  pour  remonter  le  fleuve  par  les  biefs 
et  les  portages,  les  plus  vigoureux  bateliers  doivent  passer  de  deux  à 
trois  mois  dans  la  zone  des  cascades.  Les  rameurs  indiens  distinguent 
dans  chaque  rapide  «  la  léle,  le  corps  et  la  queue  »,  cabeça^  corpOy 
rabo;  ils  voient  dans  l'ensemble  de  la  chute  comme  un  être  vivant, 
comme  un  dragon  qui  les  engloutirait  volontiers.  Au-dessous  du  saut 
de  Saint-Antoine,  à  61  mètres  d'altitude  seulement,  Tonde,  calmée,  coule 
désormais  au  nord-est,  parallèlement  au  Purùs,  d'un  mouvement  égal 
quoique  rapide,  entre  des  berges  et  des  plages  monotones,  se  succédant 
par  une  sorte  de  rythme  dans  l'interminable  foret.  La  moindre  profon- 
deur du  courant  dépasse  5  mètres  en  eaux  basses;  en  certains  endroits  la 
sonde  ne  touche  le  fond  (ju'à  150  mètres;  la  masse  liquide  représente 


HADEIRA,  TROMBETAS.  133 

dans  les  crues  un  débit  de  plus  de  59  000  mètres  cubes  par  secondes 

quarante  Loires  ou  Girondes.  Plus  jaune  encore  que  l'Amazone,  le  Madeira 

s'unit    au  grand  fleuve  par  des   canaux   obstrués  d'iles;  une  de  ses 

branches,  le  Paranâ  Mirim  ou  «  Fleuve  Petit  »,  se  détache  pour  aller 

rejoindre  l'Amazone  à  près  de  300  kilomètres  en  aval,  enfermant  l'île 

très  vaste  de  Tupinambaramas,  découpée  en  îlots.  De  nombreuses  rivières, 

telles  le  Canuma,  l'Abacaxis,  le  Mauhé  Assu,  ont  un  régime  analogue. 

Sur  une  centaine  de  kilomètres  ou  davantage,  chacun  de  ces  rios  est  un 

lac  sinueux,  sans   courant  perceptible,  analogue  à  un  fjord  ou   à  un 

estuaire  marin.  Quoique  abondants,  ces   bayous  ne  sont  alimentés  en 

amont,  dans  la   région  des  cascades  et  des  rapides,  que  par  de  petits 

cours  d'eau,  et  à  leur  embouchure  même  ils  se  déversent  dans  le  Paranâ 

Mirim  par  un  étroit  canal.  Une  barre  d'alluvions,  apportée  par  les  eaux 

blanches  du  Madeira,  ferme  à  demi,  comme  une  sorte  de  clapet,  l'issue 

par  laquelle  s'épanchent  lentement  leurs  eaux  noires. 

Plus  bas,  l'Amazone  n'a  pas  d'affluents  qui  puissent  se  comparer  au 
Bladeira  par  la  masse  liquide.  Ceux  du  nord,  s'écoulant  d'un  versant  rela- 
tivement étroit,  que  dominent  les  montagnes  de  Cairrit  et  les  Tumuc- 
Humac,  n'ont  qu'un  développement  de  quelques  centaines  de  kilomètres. 
Le  Trombetas,  le  plus  abondant,  dont  les  hauts  affluents  naissent  dans 
les  savanes,  s'unit  avec  l'Amazone  après  avoir  formé  un  lac  ramifié  ayant 
certainement  pour  origine  la  flèche  d'alluvions  que  l'Amazone  dépose  sur 
ses  rives  et  qui  retient  en  barrage  les  eaux  affluentes.  En  amont,  l'Urubu, 
le  Uatumâ,  le  Yamundâ  ou  Neamundâ  (Cumery),  explorés  avec  soin  par 
l'hydrographe  Barbosa  Rodrigues,  présentent  le  même  phénomène;  en 
outre,  un  redoutable  tourbillon,  un  «  chaudron  »,  caldeirào,  formé  par 
le  conflit  des  eaux,  oblige  les  navires  à  contourner  au  sud  la  bouche 
du  Yamundà.  En  aval,  le  Paru  et  le  Jary,  qui  descendent  des  Tumuc- 
Humac,  ont  un  cours  plus  régulier,  plus  libre  d'eaux  dormantes,  grâce 
à  la  résistance  de  leur  courant,  coupé  de  distance  en  distance  par  des 
rapides  et  même  de  hautes  cascades.  Crevaux  descendit  le  Jary  et  le 
Paru  en  1877  et  1879,  au  grand  péril  de  sa  vie  :  il  donna  h  Tune  des  cas- 
cades le  nom  de  «  Chute  du  Désespoir  ».  En  1697,  Férolles  avait  aussi 
parcouru  la  vallée  du  Paru  à  la  tête  d'une  force  armée,  pour  s'emparer 
du  poste  de  Macapa  sur  l'Amazone. 

Le  Tapajoz,  le  grand  affluent  du  versant  méridional,  qui  s'unit  à 
l'Amazone  en  aval  du  Trombetas,  reproduit  dans  son  cours  les  traits  hydro- 

'  Kellcr-Leuzinger,  ouvrage  cité. 


134  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

graphiques  du  Madeira;  il  n'en  cfiffère  que  par  le  manque  de  tributaires 
andins,  semblables  au  Béni  et  au  Madré  de  Dios;  son  nom  lui  vient  des 
Indiens  Tapajocos  ou  «  Plongeurs  »,  que  les  Portugais  ont  complètement 
exterminés*.  De  même  que  le  Guaporé  et  le  Mamoré,  TArinos  et  le  Juniena, 
les  deux  rivières  maîtresses  qui  constituent  le  Tapajoz  naissent  dans  les 
régions  faîtières  du  Matto  Grosso,  entremêlant  le  chevelu  de  leurs  filets 
nourriciers  avec  ceux  du  Paraguay,  sur  le  versant  platéen;  cette  région, 
dite  des  Pareai,  dont  l'altitude  est  d'environ  600  mètres,  offre  des 
seuils  très  accessibles  entre  les  deux  aigueverses,  et  tôt  ou  lard  des 
canaux  remplaceront  les  coulées  incertaines  qui,  pendant  les  saisons  de 
fortes  pluies,  font  communiquer  les  deux  bassins  par  des  eaux  continues 
superficielles  ou  souterraines  :  un  des  ruisseaux  de  ce  pays  des  seuils 
porte  le  nom  de  Sumidouro,  —  «  Aven  »  ou  «  Entonnoir  »,  —  qui 
témoigne  de  la  nature  calcaire  des  roches,  percées  de  galeries  souter- 
raines*. 

En  s'unissant,  TArinos  et  le  Juruena,  dont  les  noms  appartenaient  jadis 
à  des  tribus  d'Indiens,  reçoivent  l'appellation  de  Tapajoz  et  le  fleuve, 
coulant  au  nord-est,  parallèlement  au  Madeira,  présente  comme  lui  un 
cours  de  pente  égale,  soudain  interrompu,  sur  le  rebord  du  plateau,  par 
une  série  de  chutes.  Seize  cataractes  se  succèdent;  puis,  en  aval,  le 
Tapajoz,  s'étalant  largement  entre  ses  rives  boisées,  serpente  en  un 
long  bief  navigable  d'environ  500  kilomètres.  Mais  un  nouveau  barrage 
de  rochers  arrête  son  courant,  qui  plonge  en  une  cascade  infranchissable 
aux  embarcations.  Brown  et  Lidstone,  qui  exploraient  le  fleuve  en  1873, 
après  Castro,  Langsdorfi*,  deCastelnau,  William  Chandless,  durent  s'arrêter 
devant  cet  obstacle,  le  Salto  Auguslo,  le  seul  qu'il  soit  impossible  de  fran- 
chir en  toute  saison  '.  Le  bief  inférieur  de  navigation  n'a  que  350  kilo- 
mètres de  cours,  mais,  dans  cette  partie,  le  Tapajoz,  encore  plus  «  mort  » 
que  le  rio  Negro  et  presque  aussi  noir  que  lui,  —  d'où  son  appellation 
vulgaire  de  rio  Preto,  —  s'élargit  graduellement  en  un  lac,  où  le  courant 
cesse  d'être  perceptible.  De  même  que  le  Trombetas,  les  tributaires  du 
Parana  Mirim  et  tant  d'autres  affluents  ou  sous-affluents  de  l'Amazone,  le 
Tapajoz  est  à  demi  fermé  à  son  embouchure  par  une  flèche  d'alluvions 
déposée  par  le  courant  fluvial;  dans  ces  derniers  temps,  l'ouverture, 
jadis  trois  fois  plus  large,  s'est  rétrécie  à  1200  mètres.  Le  grand  lac  de 
Villafranca,  qui  se  prolonge  en  amont,  parallèlement  au  fleuve  majeur 

'  Spix  und  Martius,  ouvrage  cité. 

*  De  Castclnau,  Expédition  dans  les  parties  centrales  de  F  Amérique  du  Sud. 

s  Barbosa  Rodrigues,  Rio  Tapajoz. 


TAPAJOZ,  XINGC.  135 

sur  près  d'une  centaine  de  kilomètres,  doit  son  existence  à  ce  refoule- 
ment des  eaux.  Le  Tapajoz  offre  le  chemin  le  plus  court  entre  l'estuaire  de 
TÂmazone  et  celui  de  la  Plata,  et  sera  certainement  très  fréquenté  quand 
des  voies  de  communication  auront  permis  de  tourner  ses  cataractes\ 

Le  Xingiiy  dernier  grand  affluent  de  TAmazone  proprement  dit,  prend 
son  origine  dans  le  même  plateau  du  Matto  Grosso,  mais  parait  mieux 
limité  du  côté  du  sud  et  séparé  des  eaux  paraguayennes  par  une  saillie 
plus  élevée.  Un  large  éventail  de  rivières  lui  donne  une  masse  liquide 
abondante  dès  la  partie  supérieure  de  son  cours,  mais  pas  plus  que  le 
Tapajoz.il  ne  peut  servir  à  une  navigation  continue  du  sud  au  nord  :  des 
chaînes  de  collines,  qu'il  doit  franchir  à  peu  près  sous  les  mêmes  latitudes 
que  le  Tapajoz,  interrompent  son  lit  par  des  successions  de  cascades  et  de 
rapides  insurmontables  aux  barques.  Le  cours  du  Xingû,  que  visita  au 
siècle  dernier  le  missionnaire  jésuite  Hundertpfund  et  dont  Âdalbert  de 
Prusse  remonta  le  cours  inférieur  en  1842,  était  naguère  tellement  ignoré, 
cjue  ses  affluents  méridionaux  étaient  représentés  sur  mainte  carte  comme 
les  tributaires  du  Tapajoz.  Enfîn,  les  recherches  de  von  den  Steinen,  en 
d884  et  en  1887,  permirent  de  le  figurer  avec  précision  sur  les  cartes. 
Son  lit  est  un  des  plus  accidentés  que  présentent  les  rivières  brésiliennes, 
le  relief  inégal  de  la  contrée  forçant  les  eaux  à  de  brusques  détours.  En 
aval  de  sa  plus  violente  cataracte,  il  modifie  son  cours  normal,  dirigé  dans 
le  sens  du  sud  au  nord,  et  se  rejette  vei*s  le  sud-est  pour  contourner  un 
massif  de  rochers  h  une  centaine  de  kilomètres  à  Test.  A  son  embou- 
chure, le  Xingû,  déjà  sous  l'influence  de  la  marée  océanique,  s'étale  en 
un  lac  vaste  comme  celui  du  Tapajoz;  le  cordon  littoral  qui  le  sépare 
de  l'Amazone  est  divisé  par  les  bayous  en  un  archipel  de  forêts  insulaires, 
tandis  qu'un  labyrinthe  d'autres  canaux  se  développe  en  amont  du  con- 
fluent, le  long  de  la  rive  méridionale  du  grand  fleuve. 

Ce  prodigieux  courant  des  Amazones,  dans  lequel  d'autres  courants 
comme  ceux  du  Xingû,  du  Tapajoz,  du  Madeira  disparaissent  inaperçus, 
se  ressemble  dans  son  énorme  développement  de  5500  kilomètres,  deTaba- 
tinga  à  Macapà.  Sa  largeur  est  beaucoup  plus  égale  que  celle  du  rio  Negro 
ou  du  Tapajoz.  Si  l'on  ne  considère  pas  ses  furoî  latéraux,  ses  labyrinthes 
à'igarapés  et  de  paranas  comme  faisant  partie  du  corps  fluvial,  l'Amazone 
est  presque  partout  assez  étroit  pour  que  du  milieu  le  voyageur  voie  à  la 
fois  les  deux  rives,  indiquées  au  moins  par  un  liséré  de  verdure,  qu'em- 
brume l'éloignement.  L'étroit  par  excellence,  désigné  quelquefois  comme 

*  R.  L.  Tarares,  0  rio  Tapajoz. 


136  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

le  «  défilé  »  d'Obidos  et  situé  en  aval  de  Tembouchure  du  Trombetas, 
présente  à  Tépoque  des  crues,  en  juin,  une  largeur  de  1520  mètres,  — 
d  après  Ferreira  Penna  1892  mètres*,  —  une  profondeur  moyenne  de 
76  mètres  et  coule  à  raison  de  7600  mètres  par  heure.  On  peut  inférer 
de  ces  chiffres  que  le  fleuve  des  Amazones  débite  dans  cette  saison  au 
moins  100000  mètres  cubes  d'eau  par  seconde,  avant  d'avoir  reçu  le 
Tapajoz,  le  Xingû  et  d'autres  affluents*.  Lors  des  grandes  inondations, 
le  flot  d'excédent  va  se  perdre  au  sud  même  d'Obidos,  dans  un  vaste 
réservoir,  le  Lago  Grande  de  Villa  Franca,  long  de  56  kilomètres,  sur 
7  h  16  kilomètres  de  largeur;  des  milliards  et  des  milliards  de  mèti*es 
cubes  d'eau  sont  ainsi  enlevés  au  courant  et  à  la  mer'.  Spix  et  Martius, 
et  plus  tard  Wallace,  évaluant  la  portée  du  fleuve  au  même  détroit,  mais 
à  la  saison  sèche  et  sans  avoir  sondé  jusqu'au  fond,  ont  trouvé  un  débit 
de  15000  mètres  seulement,  pas  même  le  dixième  de  la  portée  d'inon- 
dation. La  quantité  d'eau  qui  tombe  dans  le  bassin,  prodigieuse  sur  les 
versants  orientaux  des  Andes  et  d'au  moins  2  mètres  dans  la  grande 
étendue  des  selves  amazoniennes,  mais  peu  abondante  dans  les  savanes, 
sous  le  vent  des  montagnes  guyanaises,  ne  saurait  être  évaluée  à  moins 
de  2  mètres  et  demi,  et  si  elle  s'écoulait  en  entier,  d'un  flot  toujours 
égal,  le  débit  fluvial  ne  serait  pas  inférieur  à  500000  mètres  cubes  d'eau 
par  seconde.  En  aval  des  saltos  et  des  cachoeiras,  dans  les  vallées  de  tous 
les  affluents  du  nord  et  du  sud,  les  eaux  s'étendent  à  droite  et  à  gauche 
en  d'énormes  réservoirs  d'évaporation  qui  diminuent  en  de  fortes  propor- 
tions, non  encore  mesurées,  la  masse  déjà  si  puissante  du  courant  fluvial. 
La  colline  d'Obidos,  haute  seulement  d'une  trentaine  de  mètres,  fait 
partie  d'une  chaîne  rocheuse,  très  découpée  par  les  érosions,  mais  cepen- 
dant reconnaissable.  A  l'est,  elle  se  continue  par  les  collines  d'Erere,  que 
le  voyageur,  las  de  voir  défiler  l'interminable  forêt  sur  les  bords  de  l'Ama- 
zone, aperçoit  avec  ravissement,  profilant  leurs  terrasses  verdoyantes  au 
nord  de  Monte  Alegre;  ces  tables  peuvent  être  considérées  comme  le  type 
de  toutes  les  hauteurs  qui  limitent  au  nord  et  au  sud  la  plaine  de  basses 
alluvions  dans  laquelle  s'étale  le  fleuve.  Coupées  en  falaises  ou  en  escar- 
pements rapides  que  recouvre  la  végétation,  les  collines  reposent  sur  des 
couches  de  schiste  argileux  et  sont  formées  d'un  grès  de  dureté  variable, 
contenant  à  mi-hauteur  un  banc  de  lahaiinga,  argile  jaune  ou  rose,  qui 
retient  les  eaux  et  les  force  a  jaillir  latéralement  en  sources.  La  partie 

»  A  Regiào  occidental  da  Provincia  de  Para. 

»  Lewis  Herndon,  Valley  of  the  Amazon. 

'  Henry  W.  Baies,  A  ISaturalist  on  the  river  Amazons. 


FLEUVE  DES  AMAZONES,  COLLINES  D'ERERE,  MARAJÔ.  157 

supérieure  est  disposée  en  forme  de  terrasse  avec  des  cuvettes  d'érosion 
plus  ou  moins  profondément  creusées  par  les  intempéries,  et  du  haut 
dune  de  ces  tables  de  grès,  d'où  Ton  voit  serpenter  au  loin  l'immense 
Amazone  bordé  de  lacs,  on  aperçoit  aussi  à  l'est  et  à  l'ouest  la  rangée  des 
«  tables  »  se  proGler  jusqu'à  l'hoiizon  sans  autres   brèches  que  des 
combes  de  verdure.  Elle  se  prolonge  à  l'est  par  les  collines  nues  de  Para- 
nécoara,  de  Velha  Pobre  et  par  la  serra  d'Almeirim,  boisée  au  contraire 
de  beaux  arbres  jusqu'à  la  cime  ;  ces  dernières  plates-formes,  gravies  par 
Martius,  atteignent  240  mètres.  Dans  toute  la  vallée  amazonienne,  des 
contreforts  andins  aux  rivages  de  l'Atlantique,  au  nord,  au  sud,  on  a 
retrouvé  de  ces  grès  tabulaires  ayant  plus  ou  moins  résisté  au  travail 
destructif  du  temps;  mais,  tandis   que  dans  la  partie  centrale  de   la 
dépression  amazonienne  les  deux  terrasses  du  sud  et  du  nord  sont  à 
la  distance  de  huit  à  neuf  cents  kilomètres,  elles  se  rapprochent  par  le 
Lravers  d'Obidos  et  de  Monte  Alegre,  puisque  entre  ces  deux  villettes, 
mais  sur  la  rive  gauche,  Santarem  s'élève  à  l'extrémité  d'un  débris  de 
la  même  formation  rocheuse.  Jusque  sur  les  bords  et  dans  les  iles  de 
l'estuaire,  et  par  delà  le  golfe  amazonien,  le  littoral  qui  se  prolonge  au 
sud-est  vers  le  Piauhy  et  le  Gearé  présente  des  rochers  de  nature  identique. 
La  grande  ile  Marajô  fait  partie  de  cette  zone  rocheuse  dans  la  plus 
forte  part  de  son  étendue,  mais  elle  ne  dépasse  le  niveau  marin,  de  cinq  à 
dix  mètres,  que  par  ses  côtes  orientales,  tournées  vers  la  haute  mer,  et 
là  quelques  dunes  se  promènent  sur  le  fond  de  rochers  ;  à  l'ouest,  vers 
le  fleuve,  l'ile  est  en  maints  endroits  recouverte  par  les  marées  de  syzygic  : 
le  flot  élargit  les  estuaires  et  deux  fois  par  jour  transforme  les  ruisseaux 
en  fleuves.  Sa  plus  grande  rivière,  l'Anajas,  a  jusqu'à  60  mètres  de  pro- 
fondeur dans  son  lit  incessamment  balayé  par  le  flux  et  le  reflux.  Les  deux 
iles  de  Mexiana  et  de  Caviana,  situées  au  nord  de  Mai^jo,  dans  la  bouche 
de  l'Amazone  proprement  dit,  sont,  comme  leur  grande  voisine,  des  frag- 
ments d'une  ancienne  terre  continentale;  mais  les  alluvions  fluviales  en 
ont  redressé  le  pourtour,  signalé  de  loin  par  une  ceinture  de  palmiers  et 
autres  arbres  :  a  l'extérieur  s'étendent  des  marais  et  des  lacs  parsemés  de 
bouquets  de  verdure.  On  connaît  ces  massifs  sous  le  nom  à'ilhaSy  et  elles 
forment  en  eflet  des  îles  pendant  la  période  d'inondation*. 

Quelle  est  l'origine  des  couches  de  grès,  disposées  si  régulièrement  sur 
une  si  prodigieuse  étendue  sans  que  leur  horizontalité  première  ait  élc 
troublée  depuis  les  âges  lointains  où  elles  se  sont  formées?  Agassiz,  qui 

«  Alfi-ed  R.  Wallacc,  ouvrage  citû. 

XIX.  18 


138  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE, 

cherchaîr  les  traces  des  anciens  glaciers  même  dans  les  plaines  de  l'Ama- 
zonie, expliquait  la  formation  de  ces  roches  par  le  dépôt  de  débris  gla- 
ciaires arrachés  aux  moraines  du  pourtour,  dans  les  Andes,  les  Parima 
guyanais  et  les  monts  brésiliens,  jadis  beaucoup  plus  élevés  qu'ils  ne  sont 
aujourd'hui;  mais  d'autres  géologues,  explorant  soigneusement  les  collines 
d'Erere  et  leurs  prolongements,  ont  reconnu  que  les  assises  basses  appar- 


> 


1°    M.    —  DfFHEMIOI  AMAXKItl'niI    ET  lOMl    tXTfUUU    Ul 


tiennent  aux  formations  paléoïoïques,  notamment  au  carbonifère'.  D'ail- 
leurs, quels  que  soient  les  phénomènes  qui  donnèrent  naissance  au  cirque 
ovalaire  de  gi-ès  et  d'argiles  qui  se  développe  comme  une  immense  arène 
dans  l'intérieur  de  l'amphithéillrc  plus  vaste  des  monls  et  des  plateaux, 
on  ne  saurait  douter  que  des  eaux  n'aient  recouvert  autrefois  la  plaine 
et  n'y  aient  dépassé  les  tables  régulières  des  grès  supérieurs  :  ce  furent 
les  fonds  d'un  lac  immense  ou  de  plusieurs  lacs,  formant  une  médiler- 
ranée  américaine,   plus  vaste  que  la    méditerninéc   de    l'Ancien  Monde, 


'  Orvillc  A.DiTbï.  Eiquùa 


e  carie  géoUnjiqnf  du  Brésil. 


BERGES,  CRUES  DE  L*AMAZONE.  139 

« 

beaucoup  plus  grande  aussi  que  le  groupe  des  lacs  canadiens  d'où  sort 

le  Saint-Laurent.  Dans  les  berges  de  Pebas,  sur  le  Maranon  péruvien, 

Orlon  a  découvert  au  milieu  des  couches  d'argile  multicolore  une  assise  de 

coquillages  marins  comprenant  dix-sept  espèces,  toutes  éteintes,  ayant 

appartenu  à  la  fin  de  l'époque  tertiaire*.  A  cette  époque,  le  Maranon,  issu 

des  gorges  de  Manseriche,  formait  dans  la  mer  intérieure  un  delta,  qui 

s'avança  graduellement  vers  l'est  et  combla  peu  à  peu  la  plaine*.  Peut- 

Ure  les  eaux  s'épanchaient-elles  au  nord-est,  vers  la  mer  des  Antilles,  par 

a  dépression  que  parcourent  aujourd'hui  le  rio  Negro,   le  Cassiquiare, 

'Orénoque,  car  les  coquilles  du  haut  Amazone  ressemblent  à  des  types  de 

a  mer  antilienne.  Il  se  peut  que  l'issue  ne  fût  pas  encore  ouverte  du  côté 

Le  Test  :  les  promontoires  de  Monte  Alegre,  les  hauteurs  de  Santarem, 

es  autres  collines  qui  s'approchent  des  rives  de  l'Amazone,  vers  sa  porte 

le  sortie,  sont  les  restes  de  la  digue  qui  fermait  autrefois  le  bassin  de  la 

ner  intérieure  et  des  lacs  étages  sur  les  Andes  jusqu'au  lac  Titicaca. 

Les  crues  annuelles  de  l'Amazone  représentent  déjà  en  altitude  une 
<)rte  part  de  l'accroissement  qui  serait  nécessaire  pour  reconstituer  l'an- 
sienne  nappe  à  l'intérieur  du  continent.  Régulier  dans  ses  allures  comme 
.eNil,  le  fleuve  des  Amazones  élève  et  abaisse  alternativement  ses  eaux 
-suivant  les  saisons,  par  une  suite  de  «  flux  »  et  de  <(  reflux  »,  où  les  indi- 
gènes voient  une  sorte  de  marée  et  qu'ils  désignent  par  des  noms  corres- 
|K)ndants,  Venchente  et  le  vasante.  A  son  entrée  dans  le  Brésil,  il  com- 
mence à  croître  dans  le  mois  de  février,  alors  que   le  soleil,  dans  sa 
marche  vers  le  nord,  fond  les  neiges  des  Andes  de  la  Bolivie  et  du  Pérou 
et  ramène  au-dessus  du  bassin  de  l'Amazone  la  zone  des  nuages  et  des 
pluies  qui  l'accompagnent.  Sous  l'îiction  combinée  de  la  fonte  des  neiges 
et  des  pluies  torrentielles,  la  crue  s'élève  gi'aduellement  jusqu'à  12,  même 
jusqu'à  15  et  16  mètres,  et  tout  à  fait  exceptionnellement  jusqu'à  17  mètres 
au-dessus  des  maigres,  se  propage  de  l'amont  à  l'aval,  et  n'atteint  le  bas 
Amazone  qu'en  avril,  diversement  influencée  par  les  crues  spéciales  de 
chacun  des  affluents.  Le  Madeira,  issu  des  Andes  de  l'hémisphère  méri- 
dional comme  le  Huallaga  et  l'Ucayali,  les  deux  rivières  maîtresses  du 
Maranon,  ressemble  à  ce  fleuve  par  le  régime  de  ses  crues,  et  c'est  aussi 
en  avril   qu'il   grossit  le  plus;  puis  après  juin  il   descend  rapidement, 
pour  se  trouver  au  plus  bas  pendant  les  mois  de  septembre  et  d'octobre. 
Mais  les  grands  affluents  du  nord,  le  Japura,  le  rio  Negro,  dont  les  maigres 


>  James  Orton,  The  Andes  and  ihe  Amazon. 
"  W.  SieTers,  Venezuela, 


140  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

correspondent  aux  mois  de  février  et  mars,  puis  qui  remontent  lentement 
pendant  tout  le  printemps  et  l'été,  se  trouvent  au  plus  haut  vers  le  mois 
de  septembre.  Ainsi  s'établit  une  compensation  dans  le  lit  inférieur  du 
fleuve  entre  les  eaux  qui  viennent  du  nord  et  celles  qui  affluent  du  sud  : 
à  la  crue  des  uns  correspondent  les  maigres  des  autres  et  le  flot  des 
Amazones  dépasse  toujours  le  bas  niveau  que  lui  donneraient  les  maigres 
du  Maraiion.  Toutes  les  oscillations  des  tributaires  se  retrouvent  atténuées 
dans  les  crues,  décrues  et  recrues  ou  repiquetes  du  fleuve  majeur. 

En  temps  de  crue  les  îles  basses  disparaissent,  le  rivage  est  inondé,  les 
lagunes  éparses  s'unissent  au  fleuve  et  se  ramifient  en  vastes  mers  inté- 
rieures; les  animaux  cherchent  un  refuge  dans  les  arbres,  et  les  Indiens 
de  la  rive  campent  sur  des  radeaux.  Puis,  quand  le  fleuve  commence  à 
baisser,  l'eau,  rentrant  dans  son  lit,  ruine  en  dessous  ses  bords  longtemps 
détrempés,  les  ronge  lentement,  et  tout  à  coup  des  masses  de  terre  s'écrou- 
lenl  dans  le  flot,  par  centaines  ou  par  milliers  de  mètres  cubes,  entraî- 
nant avec  elles  arbres  et  animaux.  Les  iles  mêmes  sont  exposées  à  une 
destruction  soudaine  :  quand  les  rangées  de  troncs  échoués  qui  leur  ser- 
vaient de  brise-lames  viennent  à  céder  sous  la  violence  du  courant,  il 
suffit  de  quelques  heures  ou  même  de  quelques  minutes  pour  qu'elles 
disparaissent,  rongées  par  le  ressac;  elles  fondent  à  vue  d'oeil,  et  les 
Indiens  qui  recueillaient  des  œufs  de  tortue  ou  séchaient  le  produit  de 
leur  pèche,  sont  obligés  de  s'enfuir  précipitamment  dans  leurs  canots. 
Alors  passent  au  fil  du  coumnt  ces  longs  i*adeaux  de  troncs  entrelacés 
qui  se  nouent,  se  dénouent,  s'accumulent  autour  des  promontoires, 
s'étagent  le  long  des  rives,  portant  souvent  toute  une  flore  d'espèces  her- 
beuses accrochées  h  leurs  troncs  et  à  leur  ramure,  toute  une  faune 
d'oiseaux  perchés  et  de  reptiles  roulés  sur  les  branches.  Autour  de  ces 
processions  d'arbres,  qui  oscillent  et  plongent  lourdement  sous  le  poids 
du  courant,  comme  des  monstres  marins  ou  comme  des  carènes  ren- 
versées, flottent  de  vastes  étendues  d'herbe  cannaranaj  qui  font  ressem- 
bler la  nappe  liquide  h  d'immenses  prairies.  A  la  descente  du  fleuve, 
quand  le  vent  est  contraire,  les  bateliers  tapuyos  amarrent  leur  canot  à  un 
tronc  d'arbre  charrié  par  les  eaux  et  descendent  ainsi  sans  employer  les 
rames.  Que  le  vent  fmîchisse  et  que  les  hautes  vagues  menacent  d'en- 
gloutir l'esquif,  les  Indiens  introduisent  leur  barque  dans  une  traînée 
d'herbes,  qui  atténue  la  force  des  lames  et  en  régularise  le  mouvement; 
remorqués  par  le  tronc  de  dérive  et  protégés  par  l'épaisse  couche  des  gazons 
accrochés  au  rivage,  ils  continuent  tran(|uillement  leur  route. 

La  marée  atlantique  vient  au-devant  du  courant  de  l'Amazone  jusqu'à 


>\"  ■• 


\ 


GRUES  DE  L'AMAZONE,  POROROGA.  143 

Saniarem,  à  1000  kilomètres  du  cap  de  Nord,  considéré  comme  la  borne 
Lerminale  de  l'embouchure;  mais  Teau  salée  ne  pénètre  point  dans  le 
fleuve;  le  flux  n'a  d'autre  effet  que  de  ralentir  le  courant  de  l'Amazone 
^t  d'en  accroître  la  hauteur.  Même  autour  de  l'ile  Mexiana,  en  plein  golfe, 
l'eau  est  complètement  douce,  et  les  marins  en  boivent  pendant  toute 
l'année;  cependant  il  se  peut  que  le  flot  salé,  plus  lourd,  glisse  sur  le 
ibnd  du  lit  au-dessous  des  couches  liquides  plus  légères  apportées  par  le 
fleuve*.  Le  grand  choc  entre  la  masse  d'eau  fluviale  et  celle  de  la  mer  se 
fait  dans  la  partie  déjà  large  de  l'estuaire,  oii  l'Amazone,  ayant  perdu 
de  sa  profondeur,  s'étale  sur  des  bancs  littoraux.  Là,  les  vagues,  poussées 
par  le  courant  côtier  et  par  la  houle  dans  la  direction  de  l'est  à  l'ouest 
et  surtout  du  sud-est  au  nord-ouest,  rencontrent  les  eaux  fluviales  sur 
un  fond  qui  se  relève,  rapidement.  C'est  la  pororocay  mot  qui,  dans  un 
idiome  local,   sous  la  forme  de  poroc  poroCy   aurait,   d'après   Barbosa 
Rodrigues,  le  sens  de  «  destructeur  ».  Le  mascaret  qui  se  forme  à  ces 
iignes  de  rencontre,  entre  les  masses  opposées,  dépasse  en  hauteur  tous 
ceux  de  la  Seine,  du  Gange  et  du  Yangtze.  A  8,  à  10  kilomètres  on 
entend  le  grondement  terrible  de  la  pororoca  qui  s'avance.  Un  premier 
rouleau  se  précipite  comme  une  mer  nouvelle  et  tempétueuse  sur  la  mer 
f>aisible  d'en  bas;  une  deuxième,  puis  une  troisième,  et  parfois  une 
«quatrième  lame  se  suivent,  renversant,  détruisant  les  objets  qui  résistent. 
Jlies    flots  successifs,  dont  le  premier  a  parfois  jusqu'à  trois  mètres  de 
Itiaut,  forment  à  travers  l'embouchure  une  barre  complète  de  rive  à  rive 
^t  sont  accompagnés  de  remous,  de  déversements  latéraux,  de  courants 
STormidables  qui  couleraient  les  embarcations  légères  et  causeraient  même 
«le  graves  avaries  aux  gros  navires.  En   prévision   du   redoutable  choc, 
Mes  bâtiments  se  mettent  à  l'abri  dans  les  «  espères  »  ou  criques  du  lit- 
toral. Macapà,  sur  la  rive  septentrionale  de  l'estuaire,  est  un  des  lieux 
Tnenacés,  mais  les  plages  où  les  vagues  de  la  pororoca  s'écroulent  avec 
le  plus  de  violence  sont  celles  du  cap  de  Nord,  vers  les  bouches  de  FAra- 
guary  et  les  détroits  de  l'île  Maraca*.  Suivant  les  érosions  et  les  dépôts, 
le  régime  du  mascaret  varie  de  marée  à  marée. 

L'embouchure  de  l'Amazone,  que  traverse  la  ligne  équatoriale,  s'élargit 
en  un  bras  de  mer  entre  File  de  Marajo  et  la  côte  des  Guyanes,  puis,  après 
avoir  baigné  tout  un  archipel  d'îles  et  d'îlots  groupés  autour  de  Caviana, 
constitue  cette  «  mer  douce  »  qui  étonna  Pinzon  et  après  lui  tous  les  autres 


*  Alfred  Russell  Wallace,  ouvrage  cité. 

*  Henri  A.  Coudreau,  France  Équinoxiale. 


144  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

navigateurs.  Quand  on  vogue  dans  l'estuaire  de  l'embouchure,  sur  les  eaux 
grises  roulant  rapidement  vers  l'Atlantique,  «  on  se  surprend  à  demander, 
dit  Âvé-Lallemant*,  si  la  mer  elle-même  ne  doit  pas  son  existence  à  ce 
fleuve  qui  lui  apporte  incessamment  le  tribut  de  ses  flots?  La  différence  de 
roulis  produite  par  le  mouvement  des  vagues  ou  par  la  pression  du  cou- 
rant peut  seule  indiquer  sur  quel  domaine  on  se  trouve,  celui  des  eaux 
douces  ou  celui  des  eaux  salées  ».  Exactement  au  nord  de  l'embouchure, 
où  le  courant  s'est  reployé  le  long  des  côtes  guyanaises,  mais  à  500  kilo- 
mètres déjà  de  l'estuaire  proprement  dit,  Sabine  a  vu  la  ligne  de  sépara- 
tion entre  l'eau  bleue,  non  mélangée,  de  l'Océan,  et  l'eau  troublée  par  le 
courant  du  grand  fleuve  :  il  constatait  une  diflerence  d'un  cinquième  envi- 
ron dans  la  salinité  des  masses  liquides ^ 

A  l'ouest,  au  sud  de  l'île  Marajô,  l'estuaire  des  Amazones  se  ramifie  en 
un  labyrinthe  de  rivières  et  de  canaux  qui  vont  rejoindre  un  autre  estuaire, 
celui  du  rio  Tocantins.  Quelques-unes  de  ces  routes  navigables  s'ouvrent 
largement  aux  navires  ;  d'autres,  fort  étroites,  paraissent  plutôt  des  gale- 
ries de  verdure  :  les  bateaux  qui  s'y  aventurent  passent  sous  les  branches 
entre-croisées;  en  maints  endroits,  on  a  dû,  pour  éviter  les  abordages, 
réserver  un  bayou  pour  la  montée,  un  autre  pour  la  descente.  Il  semble,  à 
la  vue  de  la  carte,  que  tout  cet  ensemble  d'eaux  fluviales  appartienne  au 
système  amazonien  ;  mais  les  courants  de  l'Amazone  et  du  Tocantins  ne  se 
mêlent  point,  ou  du  moins,  s'il  y  a  mélange,  ne  s'unissent  que  pour  une 
part  infinitésimale  de  leur  masse  liquide.  Cependant  les  bayous  occiden- 
taux qui  font  communiquer  le  rio  Amazonas  avec  le  Para  sont  emplis 
par  les  eaux  du  grand  fleuve  :  ainsi  une  petite  partie  du  courant  majeur 
rejoindrait  directement  le  courant  du  Tocantins,  et  la  rivière  de  Pard 
pourrait,  dans  une  certaine  mesure,  passer  pour  une  des  bouches  de 
l'Amazone.  Le  bras  oriental,  le  plus  rapproché  de  l'île  Marajo,  ne  reçoit 
point  l'eau  du  grand  courant,  mais  se  trouve  sous  l'influence  directe  de 
la  marée,  qui  le  remonte  avec  force  en  venant  de  l'estuaire  du  Tocan- 
tins'. En  sondant  un  de  ces  canaux,  Couto  de  Magalhaes  a  découvert  un 
lit  de  tourbe  épaisse  qui  s'étend  au  loin  sous  les  alluvions  vaseuses. 

Dans  l'intérieur  des  terres,  les  grès  amazoniens  se  délitent  sous  le  vent, 
le  soleil,  la  pluie,  le  travail  des  racines;  mais  sur  le  rivage  de  l'Océan 

*  Reise  durch  Nord-Brasilien  im  Jahre  1859. 

2  Salinité  de  l'eau  pure  de  la  mer.    .    .    .     5r),672  pour  1000 

»  mélangée 20,7)15         » 

(Edw.  Sabine,  Experitnenls  to  détermine  ihe  figure  of  ihe  Earlh.) 

^  Henry  Walter  Baies,  ouvrage  cité. 


ESTI'AIRE  DE  L'AHAZOlfE.  145 

et  dans  les  lies  de  t'estuaire,  ils  ont  à  subir  un  aulre  assaul,  celui  des 
vagues  envahissantes.  Bien  différent  de  la  plupart  des  autres  fleuves  et  sur- 
tout du  Mississippi,  auquel  on  l'a  souvent  comparé,  le  courant  des  Ama- 
zones n'a  pas  de  delta  d'alluvions  s'avançant  au  loin  dans  la  mer,  en 
«iehors  de  la  ligne  normale  des  rivages  :  il  ouvre  un  estuaire  énorme, 
s'élargissent  en  «  mer  douce  »,  et  la  géologie  aussi  bien  que  l'histoire 


contomporaine  prouvent  que  cette  mer  gagne  peu  h  peu  sur  le  littoral, 
engloutissant  les  îlots,  rongeant  le  pourtour  des  îles  cl  dos  péninsules.  La 
mémoire  s'est  conservée  de  terres  nombreuses  qui  ont  disparu,  dévorées 
par  le  flot.  La  côte  de  Macapâ,  sur  la  rive  septentrionale  de  l'estuaire,  » 
notablement  reculé  depuis  le  commencement  du  siècle;  la  pointe  de  Sali- 
nas,  à  l'est  du  rio  Para,  s'amoindrit,  de  même  que  l'île  Santa  Anna,  a  l'est 
de  MaranhSo.  L'île  Caviana,  dans  l'arcbipel  que  traverse  la  ligne  équal'o- 


146  NOUVELLE  GËOGRÂPHIE  UxNIYERSELLE. 

riale  au  nord  de  Marajo,  a  été  coupée  par  un  détroit  qu'a  formé  l'élar- 
gissement graduel  de  deux  bayous  des  rivages  opposés.  Cet  envahissement 
constant  des  eaux  océaniques  sur  le  littoral  semble  provenir  d'un  affaisse- 
ment général  des  côtes.  Les  phénomènes  observés  dans  la  Néerlande,  que 
Ton  peut  considérer  comme  le  delta  commun  du  Rhin,  de  la  Meuse,  de 
l'Escaut,  s'accomplissent  en  grand  dans  les  terres  alluviales  de  l'Amazone 
et  du  bas  Tocantins;  mais  ici  il  n'y  a  point  encore  de  populations  qui 
acceptent,  comme  l'ont  fait  les  Bataves,  la  lutte  avec  l'Océan  et  qui  défen- 
dent leurs  terres  contre  l'assaut  des  vagues  par  un  ensemble  de  digues 
et  de  contre-digues,  «  aussi  coûteuses  que  si  elles  étaient  construites  en 
argent  pur  ».  D'ailleurs,  le  travail  d'érosion  est  bien  autrement  actif  dans 
l'Amazonie,  et  l'on  ne  saurait  y  expliquer  l'affaissement  du  sol  comme  en 
Hollande  et  en  d'autres  «  pays  bas  »  par  un  tassement  naturel  des  terres  de 
dépôts,  car  sur  les  bords  du  grand  fleuve  ce  ne  sont  pas  seulement 
les  couches  d'alluvions  qui  cèdent  sous  les  pas  de  l'homme,  ce  sont  les 
roches  qui  s'engouflrent  et  sur  lesquelles  gagne  l'Atlantique  par  un  mou- 
vement séculaire. 

Mais,  puisque  l'estuaire  se  creuse  d'année  en  année  plus  avant,  que 
deviennent  les  prodigieuses  quantités  de  troubles  qu'apporte  le  courant 
des  Amazones  et  qui  se  dégagent  de  l'eau  douce  au  contact  de  l'eau  salée? 
En  admettant  que  les  matières  en  suspension  contenues  dans  l'onde  ama- 
zonienne soient  d'un  l rois-millième  seulement,  ne  représentent-elles  pas 
déjà  une  masse  de  40  mètres  cubes  par  seconde,  soit  par  jour  un  cube  de 
150  mètres  de  côté?  Réparties  dans  le  vaste  estuaire  et  dans  la  mer  qui 
s'étend  au  large  jusqu'à  500  kilomètres  du  rivage,  ces  alluvions  élèveraient 
rapidement  le  fond  marin  et  viendraient  affleurer  çà  et  là  en  bancs  de 
vase  si  la  masse  mouvante  du  grand  courant  équatorial  ne  les  reprenait 
et  ne  les  emportait  avec  lui  ou  ne  les  faisait  glisser  sur  le  fond  dans  la 
direction  du  nord-ouest.  Une  part  de  ces  matières  ténues,  rejetée  latérale- 
ment, se  dépose  sur  les  côtes  de  Guyane,  mais  non  toujours  pour  y  rester, 
car  maint  rivage,  érodé  par  les  flots,  se  désagrège  et  reprend  son  voyage 
vers  le  nord-ouest  sous  forme  d'alluvions  marines.  Le  cheminement  se 
continue  de  proche  en  proche,  dans  les  eaux  et  sur  le  fond,  dans  la  mer 
des  Caraïbes,  dans  le  golfe  du  Mexique,  le  long  des  petites  Antilles  et  des 
iles  Bahama,  sur  tous  les  chemins  océaniques  suivis  par  le  courant.  En  ce 
parcours,  nombreux  sont  les  bancs  de  sable  et  les  cordons  littoraux  que 
les  matériaux  apportés  du  golfe  amazonien  contribuent  à  élever  au-dessus 
des  flots;  mais  le  champ  de  dépôt  par  excellence  paraît  être,  à  l'ouest  du 
courant  Golfier,  le  littoral  de  la  Géorgie  et  des  Carolines,  si  remarquable 


FLEUVE  DES  AMAZONES.  147 

par  ses  immenses  plaines  de  sédiments  et  ses  flèches  côlières  se  recour- 
l3ant  de  pointe  en  pointe.  Les  fleuves  courts  du  versant  appalachien  ne 
sauraient  expliquer  la  naissance  de  ces  plages  contemporaines,  de  propor- 
t.ions  plus  grandes  que  toute  formation  analogue  en  aucune  autre  partie 
du  monde  :  là  serait  le  véritable  delta  de  TAmazone,  là  se  déposeraient 
^n  une  large  zone  continentale  les  débris  arrachés  incessamment  par  les 
pluies  aux  Andes  écuadoriennes. 

En  comparaison  de  la  part  considérable  qui  revient  à  TAmazonc  dans 
l'histoire  de  la  Terre,  son  rôle  dans  l'histoire  de  l'homme  peut  sembler 
insigniûant.  D'ailleurs,  il  nous  est  encore  inconnu  pour  ainsi  dire  :  on  ne 
peut  que  présumer  son  influence  de  premier  ordre  dans  la  distribution  des 
races  et  des  tribus  pendant  la  période  de  peuplement,  et  même  depuis  la 
découverte  du  Nouveau  Monde.  Jusqu'au  milieu  de  ce  siècle,  le  fleuve  des 
Amazones  n'avait  guère  été  considéré  par  les  civilisés  que  comme  une  mer- 
veille de  la  nature;  on  en  parlait  avec  une  admiration  mêlée  d'efiroi, 
mais  on  ne  l'utilisait  point.  Les  navires  ne  dépassaient  guère  les  portes 
d'entrée  de  cette  mer  en  mouvement.  Avant  l'introduction  des  bateaux  à 
vapeur,  une  embarcation  mettait  cinq   mois  entiers  pour  remonter  les 
csinaux  et  le  fleuve  des  Amazones,  dé" la  ville  de  Para  jusqu'à  la  «  barre  » 
du  rio  Negro;  il  lui  fallait  cinq  autres  mois  pour  atteindre  la  frontière  du 
érou  en  luttant  contre  la  force  du  courant.  Un  voyage  autour  de  la  Terre, 
les  flots  de  la  mer  que  soulèvent  tour  à  tour  des  vents  venus  de  tous 
Icîs  points  de  l'horizon,  était  alors  plus  court  que  la  montée  de  l'Amazone, 
^^t^eprise  à  la  faveur  du  vent  alizé  qui  souffle  régulièrement  dans  la 
irection  de  l'ouest*.  La  vapeur,  aidée  depuis  1867  par  l'ouverture  du 
Cleuve  à  tous  les  pavillons,  a  fait  dans  le  monde  amazonien  une  révolution 

*  statistique  de  1* Amazone  et  de  ses  principaux  afllucnts  brésiliens  : 

Bas»iii.  Débit. 

Longueur         Surface       Mètres  cubes 
en  KÏl.        en  kil.  cnrr.       par  !»ec. 

>braJkNi 2^0      1000  000      20  000 

Iça 1645         112  400        2  000 

^«  .  .    )Japurà 2  800         510  000        5  000 

-AnlucnlS  du  nord.    <  „.     «,  .  ^...^  ni-  aaa         Jifinnn 

Rio  Negro..    .    .  1700  7IoOOO  10  000 

Trombelas. .    .    .  570  125  500  1500 

Javary 945  91000  1200 

JuUhy 650  38  500  500 

Juniâ' 2  000  240  000  2  500 

-^^uentsdusud.   .-^  Punis 5  650  587  000  4  000 

Madeira 5  000  1244  500  16000 

Tapajoz..    .    .    .  1950  430  500  6  000 

Xingi 2  100  595  000  4  000 

^cnre  des  Amazones 5  800  5  594  000  120  000 


NavigaL 
Vapeui*s. 

lilité. 
barques. 

1450 

1800 

1480 

1600 

1  560 

2  500 

726 

1  100 

450 

500 

800 

900 

500 

600 

1500 

1825 

1  800 

2  500 

1060 

1700 

350 

1400 

120 

1500 

5200 

5  650 

i48  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

dont  les  conséquences  se  multiplient  d*année  en  année.  La  région  du 
haut  Amazone,  qui  se  trouvait  si  éloignée  des  centres  de  commerce  dans 
l'intérieur  du  continent,  a  été  pour  ainsi  dire  reportée  sur  le  littoral 
océanique,  dont  les  rives  du  fleuve  et  celles  de  ses  chenaux  latéraux,  de 
ses  affluents  et  sous-affluents,  sur  plus  de  50000  kilomètres,  sont  deve- 
nues le  prolongement.  En  considérant  le  Brésil  entier  comme  une  île 
entourée  par  des  eaux  océaniques  et  fluviales,  son  pourtour  est  d'environ 
22500  kilomètres,  dont  5250  kilomètres,  —  soit  un  quart  environ, — 
représentent  la  partie  des  eaux  amazoniennes,  depuis  les  sources  du 
Guaporé. 


Le  climat  de  1  Amazonie  se  révèle  par  le  régime  même  du  fleuve,  par  les 
vents  qui  en  retardent  le  flot,  par  les  oscillations  périodiques  de  son 
débit,  par  les  alternances  de  crues  et  de  décrues  dans  ses  affluents. 
«  Equateur  visible  »,  comme  on  Ta  souvent  désigné  à  cause  de  l'orientation 
de  son  cours,  parallèlement  à  la  ligne  équatoriale,  qui  passe  au-dessus  de 
son  bassin,  des  Andes  h  son  estuaire,  le  courant  des  Amazones  ne  sort 
pas  de  la  zone  où  les  vents  alizés  du  nord-est  et  ceux  du  sud-est  luttent 
pour  la  suprématie,  déterminant  par  leur  conflit  un  climat  où  se  suc- 
cèdent les  phénomènes  de  l'un  et  l'autre  hémisphère.  Que  les  alizés 
soufflent  du  nord-est  ou  du  sud-est  dans  leur  balancement  annuel  à 
travers  les  régions  équatorialcs,  ils  prennent  toujours  le  caractère  de  vent 
d'aval  pour  remonter  le  fleuve  en  sens  inverse  du  courant,  et  se  font  ainsi 
sentir  jusqu'à  des  centaines  de  kilomètres  dans  l'intérieur  des  terres. 
D'ordinaire  la  brise  régulière  ne  pénètre  pas  au  delà  de  Manaos  dans  le 
Solimôes  et  le  rio  Negro;  plus  loin,  les  vents  présentent  moins  de  régu- 
larité, détournés  de  leur  voie  normale  par  les  foyers  d'appel  qui  se  pro- 
duisent à  droite  et  à  gauche,  surtout  dans  les  llanos  du  Venezuela  et 
dans  les  plaines  de  la  Bolivie  et  du  Malto  Grosso,  où  les  prairies  alter- 
nent avec  les  bois.  La  rencontre  du  léger  courant  d'air  qui  suit  les 
eaux  de  l'Amazone  et  de  la  brise  alizée  qui  passe  au-dessus  rafraîchit 
l'atmosphère  et  contribue  a  donner  u\ux  régions  amazoniennes  une  salu- 
brité relative,  très  supérieure  à  celle  de  plusieurs  contrées  tropicales; 
les  rives  des  affluents  que  ne  purifie  pas  le  souffle  des  alizés,  sont  presque 
toutes  baignées  par  la  malaria.  On  a  constaté  que  les  vents  «  généraux  » 
ou  alizés  du  sud-est  subissent  un  certain  trouble  dans  l'estuaire.  En  avril, 
au  commencement  de  mai,  ces  vents  prévalent  du  cap  Sâo  Roque  à 
Maranhîio  et  se  propagent  rapidement  le  long  de  la  côte,  h  la  suite  du 


CLIMAT  DE  L*AMâZONIE.  149 

leil  qui  remonte  vers  le  tropique  septentrional.  Mais,  arrivés  à  l'embou- 
ture  du  fleuve  puissant,  ils  s*arrétent  pour  un  temps  ou  du  moins  se 
lenlissent  beaucoup.  Peut-être  ce  délai  dans  les  progrès  du  vent  alizé 
'ovient-il  de  Tobstacle  que  lui  oppose  le  courant  atmosphérique,  super- 
isé,  pour  ainsi  dire,  au  courant  fluvial  et  se  prolongeant  en  mer  jusqu'à 
>0  ou  300  kilomètres  au  large  de  l'Amazone.  Mais  dès  qu'ils  ont  franchi 
5  mur  transversal  de  la  brise  amazonienne,  les  vents  «  généraux  »  s'éta- 
iissent  aussitôt  sur  toutes  les  côtes  de  la  Guyane*.  Quelquefois  trois  mois 
i  passent  avant  que  l'alizé  du  sud-est  ait  progressé  du  cap  Sao  Roque 
isqu'à  rOrénoque. 

Dans  le  rythme  annuel  des  saisons,  la  prédominance  régulière  des  vents 
lizés  correspond  à  la  période  des  sécheresses,  de  septembre  en  janvier, 
ndis  que  les  calmes  coïncident  surtout  avec  les  pluies,  de  février  en  juil- 
t  et  en  août.  La  précipitation  aqueuse  est  très  considérable  et  dépasse 
obablement  2  mètres  dans  l'ensemble  du  bassin:  les  puissantes  averses 
te  les  nuées  épanchent  sur  le  versant  oriental  des  Andes  compensent  la 
reté  des  pluies  dans  les  régions  des  savanes  qu'un  écran  de  montagnes 
fend  contre  les  nues.  Souvent  des  brouillards  troublent  l'atmosphère 
indant  la  saison  des  sécheresses.  Le  soleil  se  lève  dans  un  ciel  pur,  mais 
i  voile  léger  se  tend  sur  l'horizon  ;  il  s'épaissit  dans  l'après-midi  et 
Slève  graduellement  vers  le  zénith;  puis  il  cache  le  soleil  et  se  maintient 
îndant  une  ou  deux  heures  de  nuit  ;  quelquefois,  au  commencement  de 
vrier,  il  persiste  même  durant  plusieurs  jours  sans  se  dissiper  aux  froids 
a  matin',  présageant  un  changement  prochain  du  temps.  Du  reste,  on 
bscrve  de  grandes  diflcrences  de  climat  entre  les  villes  du  bas  Amazone 
l  celles  du  rio  Negro,  du  Solimôes  et  du  Maranon.  Celles-ci,  moins  expo- 
ses aux  brises  fraîches  de  la  mer,  ont  une  température  plus  inégale,  aux 
ilrèmes  plus  écartés;  sur  le  rio  Negro,  les  bateliers  ont  fréquemment  à 
3uflrir  des  violents  orages  dits  trovôados  :  pluies  et  beau  temps  s'y  suc- 
^dent  sans  grande  régularité  pendant  toute  l'année.  A  Para,  les  saisons 
mt  beaucoup  plus  tranchées,  et  cependant  les  oscillations  de  iempéralure 
ont  qu'un  très  faible  jeu  de  mois  en  mois,  tandis  que  sous  les  climats  de 
Europe  occidentale  elles  comportent  un  écart  très  considérable'. 

Les  terres  amazoniennes,  chaudes  et  humides,  rivalisent  |)ar  l'immensité 

*  Lartigue,  înslruclion  nautique  sur  les  côtes  de  la  Guyane  française. 
'  Condilions  météorologiques  de  Para,  dans  rAmazonic  hrésilicmic  : 

•       ^ ^Températures  f.,^,,,^ 

latitude.        maximale.  minimale.  moyenne.  de  |iluic. 

Para 1«,28S.  55o  22«,8  27^22  5- 

'  Alfred  R.  Wallacc,  ouvrage  cité. 


150 


NOUVELLE  GËOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


de  leurs  forêts  avec  les  plaines  que  traverse  le  Congo,  el  même  les  dépas^ 
sent.  La  «  scive  »,  interrompue  seulement  par  les  cours  des  rivières  et  par 
de  rares  défrichements,  occupe  un  espace  évalué  à  cinq  millions  de  kil 
mètres  carrés,  étendue  égale  à  dix  fois  la  superflcie  de  la  France.  Embra 


N*  St.  —  TEMPéBATUIlES  DIURNES  DE  PARJ(,  COUPABLES  A  CELLES  DE  LONDABS. 


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C  Perron 


sant  au  nord-qst  les  bois  du  littoral  guyanais,  la  forêt  se  développe  en 
une  large  zone  entre  le  courant  des  Amazones  et  les  savanes  qu^abritent 
du  vent  de  mer  les  Tumuc-IIumac,  le  Çaïrrit,  le  Pacairama,  le  Roraima; 
cependant  sur  le  bas  Amazone  et  dans  le  voisinage  de  l'Océan,  elle  se 
trouve,  comme  dans  la  Guyane  côlière,  interrompue  par  de  vastes  étendues 
herbeuses  :  lel  l'immense  campo  d'Alemquer'  ;  la  partie  nord-orientale  de 


*  Henry  Wallcr  Baies,  ouvrage  cilé. 


FLORE  DE  L'AMAZOiNIE.  151 

'lie  Marajô  est  aussi  occupée  par  des  savanes.  A  Touest,  la  selvc 
^agrandit  à  travers  le  bassin  du  haut  Orénoque  et  de  ses  affluents  andins. 
■es  versants  orientaux  de  la  Colombie  méridionale,  de  l'Ecuador,  du 
^érou,  de  la  Bolivie  appartiennent  aussi  à  cette  mer  de  végétation  arbo- 
"cscente,  ainsi  que  les  terres  basses  parcourues  par  tous  les  affluents 
néridionaux  de  l'Amazone  en  aval  de  leurs  cascades,  même  à  une  certaine 
listance  en  amont,  vers  les  plateaux  brésiliens;  les  grands  arbres  bordent 
le  courant  en  rideaux  épais,  puis  les  pentes,  de  part  et  d'autre,  sont 
recouvertes  de  prairies,  et  les  hautes  terres  latérales  n'ont  d'autre  végé- 
tation que  des  arbustes  clairsemés \  Le  fond  de  la  vallée  du  Tocantins 
se  rattache  également  par  la  continuité  des  forêts  à  l'ancien  lac  où  se 
Tamifient  les  eaux  de  l'Amazone.  Telle  région  de  la  selve  n'est  encore 
connue  du  civilisé  que  par  les  chemins  naturels  des  rivières  et  des 
bayous  :  le  colon  ne  s'est  point  encore  hasardé  sur  les  pistes  des  indi- 
fènes  et  des  animaux  sauvages. 

Cependant  ce  n'est  pas  du  bord  des  rivières  que  l'on  peut  le  mieux  voir 
L  conr^prendre  la  forêt.  Les  voyageurs  qui  remontent  l'Amazone  n'aper- 
DÎvcni  guère  qu'une  muraille  uniforme  de  troncs  pressés,  enchevêtrés  de 
lanes,  surmontés  d'une  masse  verdoyante  continue,  dressant  en  palissade, 
es  deux  côtés  du  fleuve,  ses  fûts  rapprochés  et  droits  comme  des  joncs, 
ngloutis  par  la  base  dans  l'obscurité,  tandis  que  le  feuillage  épanoui 
les  cimes  s'étale  à  la  lumière.  Des  bateaux  qui  voguent  au  milieu  du  cou- 
rant on  ne  peut  distinguer  aucune  forme  précise  dans  ce  rempart  de 
végétation  ;  pour  se  faire  une  idée  de  l'immense  variété  des  arbres  et  des 
irbustes  que  gonfle  la  sève  intarisable  de  la  nature  tropicale,  il  faut  péné- 
trer dans  un  des  igarapé  tortueux  qui  se  ramifient  entre  les  îlots  des 
mille  archipels  semés  sur  l'Amazone.  Penchés  au-dessus  de  la  rive  se 
succèdent  les  arbixîs  les  plus  divers,  dressant  leurs  panaches,  déployant 
leurs  éventails,  développant  leurs  ombelles  de  feuilles,  balançant  au- 
dessus  des  flots  leurs  guirlandes  de  lianes  fleuries. 

Dans  son  ensemble,  la  flore  amazonienne  est  très  distincte  de  celle  du 
Brésil  proprement  dit.  Sans  doute  l'une  et  l'autre  possèdent  beaucoup 
d'espèces  en  commun,  mais  les  contrastes  sont  nombreux;  malgré  le 
large  estuaire  de  l'Amazone  et  le  labyrinthe  de  marécages  qui  le  pro- 
longe au  nord,  Para  et  Cayenne  ofl*rent  pour  leur  flore  et  leur  faune  de 
si  grandes  ressemblances,  qu'on  peut  les  considérer  comme  constituant 
une  même  aire  naturelle,  bien  distincte  de  l'aire  brésilienne  méridionale. 

*  Otto  Clauss,  Yerhandlungen  des  fUnflen  Geographeniages  zu  Hamhurg,  1885. 


152  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Ce  fait  remarquable  parait  confirmer  Thypothèse  des  géologues  qui  admel- 
ient  Texistence  antérieure  d'un  verrou  transversal  aux  eaux  de  rAmazone, 
retenues  jadis  en  une  vaste  mer  intérieure  :  les  espèces  provenant  des 
montagnes  guyanaises  et  de  leurs  pentes  se  seraient  propagées  du  nord 
au  sud  par  les  terres  de  Marajô  et  autres  îles  qui  font  aujourd'hui  partie 
d*un  archipel  et  de  là  auraient  pénétré  dans  TAmazonie  méridionale. 
Des  formes  andines,  descendant  le  long  des  fleuves,  se  sont  entremâéés 
avec  celles  qui  provenaient  des  monts  guyanais\ 

Ce  monde  floral  de  si  vaste  étendue  présente  d'inflnies  diversités  locales 
suivant  la  nature  du  sol,  alluvial  ou  rocheux,  de  sable  ou  d'argile,  sec  ou 
inondé.  Ainsi  les  berges  fluviales  de  TAmazone,  du  Purûs,  du  Madeira  et 
autres  affluents  montrent  par  la  difliérence  de  leurs  végétaux  le  degré 
d'ancienneté  des  apports.  Les  plages  ou  igapôs  les  plus  modernes,  dont 
la  hauteur  ne  dépasse  pas  quatre  ou  cinq  mètres  au-dessus  du  niveau 
des  maigres  et  qui  occupent  en  maints  endroits  des  fonds  lacustres  de 
plusieurs  milliers  de  kilomètres  carrés,  se  recouvrent  de  hautes  herbes, 
de  saules  et  de  charmantes  cecropiaSi  «  arbres  à  trompettes  »,  aux  éven- 
tails de  feuilles  découpées  dressées  en  candélabres.  La  zone  des  igapôs 
anciens  se  fait  reconnaître  de  loin  par  d'autres  arbres,  dont  l'un  est  le 
caoutchouquier,  siphonia  elastica.  Plus  haut,  la  bande  des  argiles  et  des 
hautes  alluvions,  varzea  ou  vargem,  inondée  seulement  loi's  des  fortes 
crues,  se  dislingue  par  des  fourrés  d'espèces  nombreuses,  parmi  les- 
quelles divers  palmiers.  Puis  vient  la  «  terre  ferme  »,  ancien  lit  argileux 
des  mers  intérieures  qui  se  vidèrent  pendant  la  période  moderne  :  c'est 
là  que  croissent  la  plupart  de  ces  grands  arbres  dont  le  bois  dépasse 
en  durée  et  en  beauté  celui  des  premières  essences  d'Europe*.  De  même, 
la  végétation  des  terres  défrichées,  puis  rendues  à  la  nature,  contraste 
toujours  avec  celles  de  la  forêt  vierge. 

Les  arbres  qui  se  dressent  en  un  mur  frémissant  au  bord  de  l'Amazone 
surprennent  le  voyageur  par  leur  faible  hauteur,  car,  nés  sur  des  rives  de 
formation  nouvelle,  ils  n'ont  pas  encore  eu  le  temps  de  grandir  comme 
les  géants  séculaires  de  la  foret  croissant  depuis  des  siècles.  Sur  les  terres 
non  remaniées  par  les  courants  on  ne  rencontre  point,  il  est  vrai,  d'ar- 
bres atteignant  ou  même  dépassant  une  centaine  de  mètres  comme  en 
Australie  et  dans  les  vallées  californiennes,  mais  on  voit  des  fûts  de  50  et 
de  60  mètres,  étalant  leur  branchage  au-dessus  de  la  forêt  inférieure. 


•  Von  Marlius:  —  H.  Walter  Batt*s,  ouvrages  cités. 

*  Keller-Leuzinger»  vom  Amazonas  und  Madeira;  —  Bâtes,  ouvrage  cité,  etc. 


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FLORE  DE  L-AHAZONIE.  155 

»)mme  dans  un  autre  monde  ».  Tels  sonl  le  moiratinga,  1'  «  arbre 
ne  »  ou  r  «  arbre-roi  »,  probablement  une  variété  du  mora  exceha 
Guyanes;  le  samauma  (eriodendron  samauma)  et  le  massaranduba  ou 
rbre  à  lait  »,  dont  on  boit  la  liqueur,  mêlée  au  café,  mais  qu'il  pour- 
.  être  dangereux  de  prendre  en  grande  quantité.  Le  branchage  d'un  fro- 
^r  géant,  découvert  par  Wallis  sur  les  bords  du  rio  Branco,  présentait 
!  circonférence  de  158  mètres,  recouvrant  un  espace  d'environ  deui 
lares  et  demi,  où  vingt-cinq  mille  individus  trouveraient  place,  en  se 
ssant  il  est  vrai.  Une  autre  espèce  de  bombax,  le  monguha,  que  l'on 
isit  souvent  comme  arbre  d'avenue  dans  les  villes  riveraines  de  l'Ama- 


□  E33  Q 


c.  se  distingue  de  la  plupart  des  essences  tropicales  par  la  perle 
iplète  de  ses  feuilles  avant  le  bourgeonnement  nouveau.  Par  les  jours 
brouillard,  ces  arbres  aux  branches  nues,  s' élevant  au-dessus  de  cho- 
is jonchés  de  feuilles  jaunies,  éveillent  dans  l'Européen  du  nord  le 
venir  de  la  patrie  lointaine.  Un  des  traits  les  plus  caractéristiques  de 
plupart  des  grands  arbres  de  la  selve  consiste  dans  les  puissants  con- 
Porls  extérieurs  qui  soutiennent  le  tronc,  vrais  murs  de  bois  divergeant 
our  de  la  tige  et  formant  des  réduits  où  plusieurs  personnes  pour- 
int  tenir  à  l'aise.  Outre  les  multitudes  de  plantes  qui  croissent  à 
nbre  entre  les  piliers  massifs,  d'innombrables  espèces  s'attachent  en 
'asites  à  l'écorce  pour  monter  jusqu'à  la  lumière,  ou  croissent  sur  les 
inches,  projetant  vers  le  sol  de  longues  racines  aériennes  qui  se  balan- 


156  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

cent  et  s'entremêlent  avec  les  lianes  montantes,  tendant  leur  réseau  infln 
à  travers  la  forêt  sans  bornes. 

Les    palmiers,   étudiés   surtout  par  Martius,   «    leur  ami  »,  et  pa 
Barbosa  Rodrigues,  constituent  une  forte  proportion  des  espèces  arbores — 
centes,  —  plusieurs  centaines,  —  et  même  en  quelques  districts  sableui^ 
et  sur  le  bord  des  savanes  ils  composent  toute  la  forêt.  En  maints  endroits 
une  seule  forme  domine  :  la  gracieuse  euterpe  oleraceay  Tassai  des  Brési- 
liens, abrite  toutes  les  cabanes  autour  de  Para  ;  sur  les  bords  du  Japuroà 
et  de  riça,  un  des  palmiers  les  plus  communs  est  le  paxiuba  (iriarteat 
exhoryza),  haut  monté  sur  ses  racines  divergentes  comme  -des  fusils  en 
faisceaux,  et  dont  la  chevelure  fournit  une  des  matières  textiles  les  plus 
appréciées  pour  les  étofies  et  les  cordages;  sur  le  haut  Amazone,  le 
barrigolo  (iriartea  venlricosa)  dresse  son  gros  tronc  ventru.  Le  piassaba, 
qui  croît  en  abondance  dans  le  bassin  du  rio  Negix),  fournit  des  fibres 
très  appréciées  par  les  Anglais  pour  la  fabrication  des  câbles,  et  celles  du 
palmier  tucum  (astrocaryum  vulgare),  sur  le  Purùs  et  le  Juruâ,  s'em- 
ploient pour  des  liens  moins  grossiers.  Les  formes  diflèrcnt  singulièrement 
suivant  les  espèces  :  les  bactris  ressemblent  plutôt  à  des  joncs,  et,  quoique 
s'élevant  à  4  ou  5  mètres,  ont  des  tigelles  qui  ne  dépassent  pas  la  gros- 
seur d'un  doigt.  Un  autre  palmier  se  change  même  en  une  plante  grim- 
pante :  c'est   le  desmoncuSy  aux    pampres  armés  de  petits   crocs  qui 
s'attachent  à  l'écorcc  des  arbres.  Il  n'est  pas  de  famille  florale  qui  n*ait 
des  lianes  parmi  ses  représentants.  Quant  aux  fougères  arborescentes, 
il  n'en  existe  pas  dans  les  régions  basses  de  l'Amazonie  :   on  n'en  voit 
que  sur  les  pentes  andines  ou  parimicnnes. 

La  selve  étonne  le  voyageur  européen  par  le  manque  de  fleurs  écla- 
tantes. Les  orchidées  à  la  somptueuse  floraison  sont  rares  dan»  les  forêts 
amazoniennes;  pour  les  trouver,  il  faut  remonter  les  pentes  des  mon- 
tagnes dans  l'Ecuador  et  la  Colombie.  Les  riches  guirlandes  de  fleurs  aux 
larges  corolles,  aux  couleurs  flamboyantes,  au  pénétrant  parfum,  ne  se 
rencontrent  guère  que  sur  les  lisières  des  forêts,  sur  les  arbres  épars  au 
milieu  des  campos  ou  sur  la  pelouse  des  savanes.  Certaines  parties  de  la 
selve  manquent  aussi  de  fruits,  tandis  qu'en  d'autres  endroits  l'Indien 
égaré  les  recueille  en  abondance.  Les  berges  sablonneuses  des  rivières, 
bien  exposées  au  soleil,  sont  garnies  de  cajous  {anacardium  occi- 
dentale) dont  le  fruit  casqué,  bizarrement  désigné  par  les  Français  des 
Antilles  sous  le  nom  de  «  pomme  d'acajou  »,  passe  pour  fort  délicat  : 
c'est  par  le  souvenir  des  récolles  annuelles  que  l'indigène  compte  ses  pro- 
pres années.   Le  guajerù    (chrysobalanus  icaco)  des   plages   maritimes 


FLORE,  FAUNE  DE  L*AMAZONIE.  157 

donne   ses  baies,  et  Tananas  sauvage  {bromelia  abacaxi)   ses  pommes 
de  pin  panachées.  Vùiga  lucida^  qui  croît  dans  la  lisière  des  forêts,  offre 
ses  gousses,  et  plus  loin,  dans  l'épaisseur  des  bois,  les  diverses  passiflores 
se  couvrent  de  grenadilles*.  Suivant  les  espèces,  on  demande  au  palmier 
sa  ligelle,  ses  fruits,  pèches  ou  baies,  la  sève  de  son  tronc.  Un  des  plus 
grands  arbres  de  la  selve,  le  lecythis  ollaria^  a  des  fruits  énormes,  vases 
naturels  remplis  d'amandes,  qui  lors  de  la  maturité  se  détachent  de  leur 
couvercle  et  tombent  sur  le  sol  avec  fracas,  dispersant  leur  trésor  dont 
profitent  les  animaux  sauvages.  Un  autre  arbre  de  la  môme  famille,  le 
châtaignier  du   Brésil   {berthollelia  ectceUajy    laisse   tomber   ses    fruits 
entiers.  Quand  ces  lourds  boulets  se  détachent  de  leur  rameau,  plongeant 
d'une  hauteur  de  trente  mètres,  on  entend  au  loin  le  fracas  des  branches 
qui  se  brisent  sous  le  poids.  Les  accidents  causés  par  ces  chutes  soudaines 
jsont  fréquents  parmi  les  Indiens,  quoiqu'ils  aient  la  précaution  de  se  con- 
struire des  abris,  sortes  de  casemates  ayant  une  toiture  épaisse  et  très 
mnclinée  :  ainsi  bloqués,  ils  attendent  la  chute  des  fruits,  dont  ils  extraient 
les  châtaignes. 

Quant  aux  autres  produits  de  la  forêt,  bois  précieux,  caoutchouc,  gom- 
snes  diverses,  résines  et  substances  camphrées,  plantes  médicinales,  fibres 
<t  teintures,  les  botanistes  les  ont  signalés  par  milliers  et  Tindustrie 
4ipprend  à  les  connaître  et  à  les  utiliser  de  mieux  en  mieux. 


Un  silence  de  mort  règne  en  maintes  étendues  de  la  foret  et  Ton  pour- 
rait croire  que  la  faune  y  est  mal  représentée  :  toutefois,  si  les  individus 
sont  peu  nombreux,  les  espèces  elles-mêmes  présentent  une  singulière 
variété.  Pendant  ses  explorations  de  onze  années  dans  TAmazonie,  le  natu- 
raliste Bâtes  collectionna  14712  espèces  animales,  dont  huit  mille  com- 
plètement nouvelles  pour  la  science.  La  vie  fourmille  jusque  dans  les  par- 
ties de  la  forêt  désertes  en  apparence  :  l'ombre  du  sous-bois  reste  presque 
abandonnée,  tandis  que  dans  les  branchages  baignés  par  la  lumière 
s'agite  toute  une  population  d'insectes  et  d'oiseaux,  même  de  mammi- 
fères. En  cette  région  où  les  arbres  et  les  lianes  font  effort  pour  monter, 
les  bêtes  cherchent  aussi  à  s'élever  vers  ces  zones  supérieures  du  soleil  et 
du  vent. 

La  plupart  des  quadrupèdes  amazoniens  ont  si  bien  modifié  leur  nature 
afin    de  s'accommoder   à   un    nouveau  milieu,   qu'ils   cheminent   avec 

'  Yod  Bkirtius,  Zur  Etimographie  Amerika*s,  zumal  Brasilien's, 


158  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

facilité  d'arbre  en  arbre.  Les  mammifères  terrestres  de  l'Amazonie  sont 
peu  nombreux  et  presque  tous  de  petites  dimensions  :  le  tapir,  le  plus 
gros  de  tous,  est  pourtant  inférieur  à  l'orignal  et  au  bison  de  l'Amérique 
septentrionale.  En  revanche,  on  compte  58  espèces  de  singes  amazoniens, 
tous  grimpeurs,  tous  à  queue  préhensile.  Un  ours,  le  cercolepte^j  est  aussi 
exclusivement  arboricole.  Des  quatre  espèces  de  fourmiliers  {myrmeco- 
phdga)  qu*étudia  Bâtes  dans  les  forets  de  l'Amazone,  trois  vivent  sur  les 
arbres;  la  famille  dont  fit  autrefois  partie  le  colossal  mégathérium,  celle 
des  paresseux,  n'a  plus  dans  l'Amazonie  que  des  représentants  chemi- 
nant sur  les  branches.  Outre  ces  animaux  et  les  diverses  espèces  d'écu- 
reuils, nombre  de  serpents  et  de  reptiles  font  aussi  leur  demeure  sur 
les  troncs  d'arbres  et  les  rameaux. 

Dans  Taire  immense  de  la  faune  amazonienne,  les  fleuves  séparent 
d'une  rive  à  l'autre,  mais  ils  relient  de  l'amont  h  l'aval.  Ainsi  l'on  obsen'C 
maint  contraste  de  faune  locale  entre  la  rive  droite  et  la  rive  gauche  de 
l'Amazone,  et  le  coure  du  Madeira,  ceux  du  rio  Negro  et  du  Tocantins, 
constituent  les  limites  naturelles  de  sous-provinces  zoologiques  :  trois 
espèces  d'agouti  sont  ainsi  complètement  séparées  par  des  rivièit^s'  ;  il  en 
est  de  même  pour  trois  espèces  de  singes.  D'autre  part,  la  présence  des 
mômes  espèces  sur  les  pentes  andines  et  dans  les  archipels  de  l'estuaire 
s'explique  par  l'action  de  la  mer  en  mouvement  qui  unit  ces  deux  régions 
distinctes.  C'est  aussi  grâce  au  courant  fluvial  que  les  mouettes  et  les 
oiseaux  frégates  de  l'Atlantique  pénètrent  jusque  dans  les  plaines  du 
Pérou,  à  4000  kilomètres  de  la  mer,  et  que  le  lamcntin  et  les  dauphins 
se  jouent  dans  les  eaux  jus(ju'au  pied  des  cataractes  à  la  sortie  des  vallées 
andines.  Toutefois  les  diverses  espèces  de  cétacés  ont  pris  des  formes 
exclusivement  fluviatiles  :  on  les  entend  presque  toujoure  surgir  ou 
plonger,  surtout  pendant  les  nuits,  et,  plus  que  Téloignement  des  rives, 
ces  apparitions  et  disparitions  soudaines  de  monstres  marins  donnent  au 
voyageur  l'impression  de  la  solitude  dans  l'immensité  d'eau  douce.  La 
vague  ressemblance  que  les  botos  ou  dauphins  (inia  Geoffroy!)  ont  avec 
rhomme,  et  le  plaisir  évident  qu'ils  prennent  à  bondir  autour  des  embar- 
cations en  marche,  a  fait  croire  aux  indigènes,  auxquels  sans  doute  on 
a  transmis  les  traditions  de  l'Ancien  Monde,  que  ces  animaux  ont  une 
double  nature  et  que,  la  nuit,  ils  peuvent  se  changer  en  pereonnes 
humaines  :  on  raconte  qu'ils  se  déguisent  sous  l'apparence  du  «  chré- 
tien ))  dont  ils  veulent  tromper  la  femme,  et  celle-ci  ne  reconnaît  son 

*  AliVed  R.  Wallace,  ouvra'ic  cité. 


à 


FAUNE  DE  LAMAZONIE.  159 

erreur  qu'en  voyant  Tépoux  prétendu  se  diriger  vers  le  fleuve  avec  les 

pieds  tournés  en  arrière,  et  se  précipiter  dans  Teau  en  poussant  un 

grand  cri.  Les  pécheurs  et  les  riverains  ont  aussi  la  crainte  superstitieuse 

du    boa   fluviatile  ou  sucurujû  {eunecte$  murinm),  qui  parfois  attaque 

l^homme  :  dans  le  bassin  du  Napo,  on  lui  donne  le  nom  de  maniayacUy 

<c  mère  de  l'eau  »,  et  Ton  explique  la  hausse  et  la  baisse  du  courant 

par  l'entrée  et  la  sortie  de  l'énorme  animal*.  Dans  le  lac  des  Crocodiles 

^Lagarto-cocha),  situé  en  aval  du  confluent  de  Curarai  et  Napo,  Osculati 

vu  de  ces  monstrueux  serpents  d'eaii  dont  il  évaluait  la  longueur  de  16 

20  mètres. 

Les  tortues,  que  la  récolte  exterminatrice  des  œufs  a  déjà  presque  chas- 
sées de  l'Amazone  pour  les  refouler  dans  ses  affluents,  et  le  grand  cro- 
^îodile  —  jacaré  uassû^  —  sont  aussi  l'objet  de  nombreuses  légendes. 
Jlartt  a  publié  un  ouvrage  sur  les  c<  mythes  de  la  tortue  amazonienne  x, 
comparés  aux  fables  analogues  de  l'Ancien  Monde.  On  raconte  que  le 
jacaré  se  laisse  toujours  dévorer  par  le  jaguar,   sans  tenter  la  moindre 
résistance,  et  que  même,  après  avoir  été  happé,  il  n'essaye  pas  de  s'en- 
Aiir*.  Quand  un  jaguar  veut  traverser  un  cours  d'eau  peuplé  de  crocodiles, 
il  pousse  quelques  grognements  de  la  rive,  et  tous  les  sauriens  se  cachent 
^11  fond  de  l'eau.  Tortues  et  crocodiles  s'éloignent  du  fleuve  pendant  la 
^«lisoD  des  pluies  pour  remonter  dans  les  affluents  et  dans  les  lacs;  ils 
**^viennent  pendant  la  saison  des  sécheresses,  à  moins  qu'ils  ne  s'enfouis- 
sent dans  la  boue  pour  y  passer  les  mois  d'estivation.  Les  mômes  pois- 
les  mêmes  sauriens  sont  de  couleur  claire  ou  de  nuances    som- 
»res,  suivant  qu'ils  habitent  les  eaux  grises  de  l'Amazone  ou  le   flot 
Loirâtre  du  rio  Negro'. 
Certains  poissons,  tel  le  pirarucù  ou  «  poisson-roucou  «,  —  poisson- 
K'ouge,  —  {sudis  gigais),  dont  la  chair  forme  avec  le  manioc  la  principale 
nourriture  des  riverains,  peuplent  les  eaux  de  toute  la  partie  profonde  du 
fleuve;  mais  on  peut  dire,  d'une  manière  générale,  que  leurs  espèces  sont 
localisées  en  aires  très  étroites.  De  nombreuses  sous-faunes    ichtyolo- 
giques  se  succèdent  de  l'amont  à  l'aval  de  l'Amazone  et  de  ses  tributaires. 
Dans  son  voyage  mémorable,  Louis  Agassiz  vit  avec  étonnement  de  petites 
nappes  d'eau  séparées  par  des  isthmes  bas,  et  pourtant  habitées  de  pois- 
sons appartenant  à  des  espèces  diflerentes,  cl  l'on  ne  sait  ce  qu'il  faut  plus 
admirer,  la  prodigieuse  variété  des  espèces  ou  la  beauté  et  Tétrangelé  des 

(  Kelicr-Leuzinger,  Vont  Amazonas  und  Madeira, 

^  Alfred  R.  Wallace,  ouvrage  ci  le. 

'  Wallis  Auêland,n''A»  1877:  —  Report  ofthe  Madcira  Commission, 


160  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

formes,  Téclal  des  couleurs,  la  finesse  des  nuances.  Spix,  émerveillé  de 
cette  richesse  animale,  évaluait  à  six  ou  sept  cents  espèces  le  nombre 
total  des  poissons  du  Brésil,  et  son  collaborateur  Agassiz,  visitant  l'Ama- 
zone une  quarantaine  d'années  plus  tard,  constate  que  le  fleuve  possède 
à  lui  seul  près  de  deux  mille  poissons  diflerents,  deux  fois  plus  que  la 
Méditerranée,  même  plus  que  l'océan  Atlantique  en  entier.  A  l'ouest  du 
confluent  formé  par  le  Solimôes  et  le  rio  Negro,  le  laguet  de  Hyanuary  a 
plus  de  deux  cents  espèces,  plus  que  tous  les  fleuves  et  lacs  de  l'Europe 
réunis.  Même  en  plein  courant,  des  poissons  se  trouvent  strictement 
limités  :  d'après  da  Silva  Coutinho,  trois  espèces  d'arias  ne  dépassent 
point  l'aire,  de  <(  deux  lieues  h  peine  »,  où  s'opère  le  mélange  des  boues 
soulevées  par  le  conflit  de  la  mer  et  du  fleuve.  Les  poissons  piranhas 
(tetragonoplerm)  sont  d'une  extrême  férocité  :  quoique  petits,  ils  mordent 
l'homme  avec  fureur;  souvent  les  chevaux,  les  chiens  qui  s'abreuvent  ont 
les  lèvres  emportées. 

Tandis  que  la  faune  amazonienne  est  remarquablement  pauvre  en 
certaines  tribus,  —  ainsi  les  colibris  parmi  les  oiseaux,  et  les  scarabées 
aquatiques  et  patineurs  parmi  les  insectes,  —  elle  se  montre  pour  d'au- 
tres groupes  aussi  prodigieusement  riche  que  pour  les  poissons.  A  lui 
seul,  Wallace  recueillit  en  Amazonie  plus  de  500  espèces  d'oiseaux.  On 
ne  trouve  pas  moins  de  sept  cents  espèces  de  papillons  dans  un  rayon 
d'une  heure  de  marche  autour  de  Para*,  tandis  que  les  Iles  Britan- 
niques en  possèdent  seulement  66  et  l'Europe  entière  390.  C'est  grâce 
h  l'extrême  variété  des  lépidoptères  que  le  naturaliste  Bâtes  a  pu  faire 
ces  études  comparées  sur  le  transformisme  et  le  mimétisme  qui  ont 
contribué  pour  une  si  forte  part  à  munir  d'arguments  l'auteur  de 
VOrigine  des  Espèces  et  à  consolider  son  hypothèse.  Parmi  les  insectes, 
il  en  est  dont  le  pullulement  a  de  grandes  conséquences  économiques. 
Ainsi  les  moustiques  de  nuit  et  les  mouches  pium  de  jour  rendent  les 
bords  du  Punis  complètement  inhabitables  en  certains  districts  :  plus  d'un 
million  de  ces  moucherons  tournoient  en  un  mètre  cube  d'air^;  nombre 
de  gens  sont  couverts  d'abcès  que  produisent  piqûres  sur  piqûres  et 
restent  perclus.  La  fourmi  sauba  (œcodoma  œplialotes)^  si  connue  des 
naturalistes  par  ses  récoltes  do  feuilles  qu'elle  découpe  pour  calfeutrer 
ses  galeries  souterraines,  rend  en  maints  endroits  toute  culture  impos- 
sible;  des  caféteries  établies  à  grands   frais    ont  été  détruites  par   ses 

»  Spix  ol  Louis  Agassiz,  Pisccs  brasilicnses. 

*  Henry  Waltor  Baies,  ouvrage  cité. 

'  William  Chandless»  Journal  of  the  R.  Gcoyraphical  Society,  18G6,  1808. 


FAUNE,   POPULATIONS   DE  L'AMAZONIE.  161 

c^olonnes  d'invasion.  Les  terriers  des  saubas,  qui  s'étendent  à  cinquante 

^t  même  à  soixante-cinq  mètres  de  distance,  occupent  toute  une  popu- 

M.  ation  de  mineurs,  pourvus  d'un  œil  frontal  comme  les  cyclopes  de  la 

:Cable  ou  les  bouilleurs  modernes  armés  de  leur  lampe  Davy.  Un  ser- 

^^nt  en  forme  de  lombric,  Tamphisbœna,  que  les  indigènes  disent  être 

«<   à  deux  têtes  »  et  dont  ils  redoutent  beaucoup  la    morsure,  à   tort 

Téputée  venimeuse,  habite  aussi  ces  galeries  à  fourmis  :  on  l'appelle  la 

«  mère  des  saubàs.  »  Une  autre  fourmi,  plus  redoutée  que  la  sauba, 

la  formiga  do  fogo  ou  «  fourmi  de  feu  »  (myrmica  rubra)^  a  mis  des 

populations    en    fuite'.    Diverses    tribus    d'Indiens    font    provision    de 

/burmis,    qu'ils  échaudent  par  milliers  pour  les  mêler  à  leur  farine  de 

manioc'. 


Les  anciennes  populations   de  l'Amazonie   n'ont  laissé  que  de  rares 
L^moignages  de  leur  séjour  :  en  une  pareille  contrée,  au  sol  meuble  pério- 
cS^iquement  inondé  et  couvert  de  grands  arbres  qui  en  élaborent  constam- 
K^nent  les  sucs,  les  traces  du  passage  de  l'homme  ont  rapidement  disparu 
^t  celles  qui  existent  encore  restent  cachées  dans  la  profondeur  des  forêts. 
^>pendant  on  a  découvert,  non  loin  de  Manaos,  à  côté  des  ruines  du  fort 
"^portugais  de  la  Barra,  une  nécropole,  d'origine  évidemment  très  antique, 
^ou  des  centaines  de  grandes  jarres  d'argile,  d'un  dessin  fort  élégant,  enfer- 
maient des  corps  accroupis  :  on  ne  sait  à  quelle  nation,  certainement 
très  supérieure  aux  Indiens  actuels  de  l'Amazonie,  attribuer  ce  mode  de 
sépulture.  Au  contraire,  ce  serait  à  une  époque  récente  qu'appartien- 
draient les  c(  huitrièi*es  »,  sambaqui ou  mhms  de  sernambij  amas  de  coquil- 
lages formés  par  les  débris  d'alimentation,  qui  s'élèvent  aux  environs  de 
Para,  dans  l'île  Marajo  et  près  de  Sanlarem;  les   nombreux  fragments 
de  l'industrie  humaine  qu'on  a  recueillis  dans  ces  collines  artificielles 
paraissent  avoir  été  déposés  par  les  ancêtres  des  riverains  actuels  :  on 
y  a  trouvé  des  crânes  qui  ne  diffèrent  point  de  ceux  des  Tapuyos'.  Il 
semble  que   ces   tombelles  ont  été   souvent   remaniées  pour  senir  de 
buttes  funéraires,  et  dans  Marajo  on  en  voit  un  si  grand  nombre  qu'on  a 
pu  donner  à  l'île  le  nom  de  «  Terre  des  Morts  >)  ;  cependant  quelques-uns 
de  ces  monticules  étaient  tout  simplement  des  lieux  de  refuge  pour  les 
indigènes  en  temps  d'inondation.  Un  de  ces  monuments  s'élève  au  milieu 

*  F.  von  Martius,  Ethnographie  Brasilienn, 

*  Barbosa  Rodrigues,  Rio  Tapajoz, 

^  Couto  de  Magalhâcs,  0  Homem  no  Brazil. 

wx.  21 


162  NOUVELLE.  GËOGRAPJIIE  UNIVERSELLE. 

même  du  grand  lac  Arary.  D*autres  ont  la  foi*me  d'animaux  gigantesques, 
d*un  caïman  par  exemple,  comme  les  tertres  à  formes  animales  élevés 
par  les  Pcaux-Rougcs  de  TOhio  et  du  Mississippi;  ils  représentaient  Valem 
de  la  tribu  et  prenaient  un  caractère  sacré  :  on  les  utilisait  aussi  comme 
lieux  de  campement'.  Quant  aux  haches  de  jade,  ou  «  pierres  divines  », 
que  Ton  a  vues  çà  et  là  dans  les  mains  des  pagets  indiens  et  dont  la  valeur 
dépassait  celle  de  Tor,  on  ignore  leur  origine.  La  plupart  des  voyageui's 
signalent  la  région  du  haut  Branco  comme  le  lieu  prob«ible  de  prove- 
nance; Spix  et  Martius  croient  que  ces  pierres  viendraient  plutôt  des 
plateaux  du  Pérou.  Une  sculpture  en  jade  trouvée  par  Barbosa  Rodrigues 
représente  un  jaguar  dévorant  une  tortue  :  le  style  de  cette  figurine  rap- 
pelle celui  des  objets  muyscas.  En  maints  endroits,  sur  le  rio  Negro, 
sur  le  Tapajoz,  sur  le  Madeira,  on  signale  des  «  pierres  écrites  ». 

L'Amazone,  le  premier  parmi  les  fleuves,  n'en  était  pas  moins  à  une 
époque  encore  récente  presque  nul  dans  l'histoire  de  l'homme.  Trois 
siècles  après  le  mémorable  voyage  du  traître  Orellana  et  de  ses  cinquante 
compagnons,  on  ne  retrouvait  plus  qu'un  petit  nombre  des  villages  que  les 
Espagnols  avaient  vus  sur  chaque  haute  berge  ;  les  cent  cinquante  tribus 
distinctes  qui  les  peuplaient  avaient  disparu;  l'homme  blanc  semblait 
n'avoir  passé  sur  ces  eaux  que  pour  faire  la  solitude.  Les  chasseurs 
d'Indiens  ramenaient  leurs  captifs  aux  marchés  du  littoral;  un  millier 
d'esclaves  rouges  se  trouvaient  à  la  fois  en  vente  dans  les  barracons  de 
Para*.  Fort  rares  sont  les  Indiens  de  race  pure  que  l'on  rencontre  encore 
sur  les  bords  de  TAmazone.  Les  indigènes  riverains,  qui  s'étaient  jadis 
groupés  en  communautés  sous  la  direction  des  missionnaires  jésuites,  se 
trouvent  maintenant  confondus  en  une  population  homogène  parlant  la 
imrjua  gérai j  qu'on  leur  avait  enseignée  avec  le  catéchisme,  et  remplaçant 
peu  à  pou  cet  idiome  par  le  portugais  des  traitants.  On  leur  donne  le 
nom  général  de  Tapuyos,  qui  paraît  avoir  appartenu  jadis  h  une  peuplade 
de  Tupinamba,  émigrée  du  Brésil  oriental  au  seizième  siècle  vers  les  bords 
de  l'Amazone^:  mais  cette  tribu  primitive  a  depuis  longtemps  dispaini 
ou  du  moins  s'est  fondue  dans  la  foule  anonyme  des  populations  hybrides  : 
le  nom  (jue  portent  les  Tapuyos,  —  dits  aussi  Caboclos,  —  n'implique 
aucune  idée  de  provenance  spéciale,  bien  qu'ils  se  i*altachent  probable- 
ment pour  la  plupart  a  la  souche  tupi,  dont  les  divers  dialectes  ressem- 
blaient à  cehii  qu'avaient  transcrit  méthodi(|uement  les  jésuites.  L'idiome 

*  Spix  und  Martius,  ouvrage  cité;  —  Élie  Heclus,  idoles  manuscrilcs. 

■*  Spix  iind  Martius,  ouvrage  cité. 

-  Acuûa,  Descuhrimicnlo  dcl  gran  rio  de  las  Àmazonas. 


RIVERAINS  DE  L'AMAZONE,   TAPUYOS.  163 

tini  parail  être  plus  pur  que  le  parler  des  Tupi.  C'est  au  sud,  dans  le 
in  du  Paraguay,  qu'il  faut  probablement  chercher  Torigine  de  ces 
i  de  l'Amazone  qui,  tout  en  disparaissant  eux-mêmes  comme  nation 
note,  ont  si  étonnamment  propagé  leur  langue  parmi  les  peuplades  du 
il  septentrional  jusqu'aux  montagnes  de  Parima.  Depuis  les  <(  col- 
es  »  rapportés  par  Jean  de  Léry  et  la  première  grammaire  tupi 
liée  par  Anchieta  en  1595,  nombreux  sont  les  ouvrages  de  linguis- 
e  publiés  sur  ce  curieux  idiome.  Il  possède  une  véritable  littéra- 
9  que  les  Brésiliens  patriotes  revendiquent  comme  une  partie  pré- 
se  de  leur  avoir  national,  et  c'est  au  tupi  qu'ils  empruntent  les  mots 
manquent  au  vocabulaire  portugais  pour  désigner  la  nature  du  pays 
eurs  mœurs  nouvelles'.  Plusieurs  termes  tupi,  désignant  surtout  des 
tes,  des  fruits,  des  animaux,  sont  aussi  entrés  dans  la  langue  fran- 
^  Le  plus  curieux  emprunt  est  celui  de  boucan^  boucaner  ^  boucanier  y 
ré  detnofiiem,  la  ((  cuisson  ». 

is  croisements  font  entrer  de  plus  en  plus  les  Tapuyos  dans  la  race 
mgée  de  blanc,  rouge  et  noir,  où  l'on  essayerait  vainement  de  recou- 
re les  éléments  originaires.  Cependant  on  désigne  d'ordinaire  les  métis 
*appelIation  de  mamelucoSy  réservée  d'abord  aux  fils  de  blancs  et  d'In- 
nés. Parfois  aussi  le  type  est  si  bien  caractérisé,  qu'on  le  signale  à 
lière  vue  :  tel  le  cafuzoy  ou  fils  de  nègre  et  d'Indienne,  qui  se  dis- 
18  par  une  énorme  chevelure  noire  hérissée,  à  crins  raides  et  non  lai- 
:.  Chez  les  métis  indo-nègres,  le  type  africain  semble  s'atténuer  le 
lier  :  le  caractère  plus  souple  du  noir  ne  peut  lutter  avec  celui  du 
ce  Indien*.  Dans  l'ensemble,  on  peut  dire  que  la  population  croisée 
Amazoniens  a  gagné  en  beauté  physique,  en  grâce,  en  élégance  natu- 
,  aussi  bien  qu'en  intelligence.  Réservés  et  taciturnes,  mais  doux, 
>,  hospitaliers,  les  Tapuyos  aiment  à  se  tenir  à  l'écart;  ils  s'éloignent 
villes  au  lieu  de  les  rechercher;  toutefois  ils  essayent  en  vain  de  se 
traire  à  l'invasion  européenne  :  ils  ont  dû  accepter  des  chefs  ou 
auày  —  mot  que  l'on  croit  dérivé  d'un  terme  hollandais  qui  signifie 
rveillant  ».  — Citoyens  et  électeurs,  le  temps  n'est  pas  éloigné  pour 
de  se  dire  «  Brésiliens  »,  comme  les  fils  des  anciens  envahisseurs, 
lefois,  en  1835,  tandis  que  certaines  tribus  de  l'intérieur  concluaient 
traités  d'alliance  avec  les  Portugais,  des  Tapuyos  s'alliaient  aux 
aves  noirs  révoltés  et  les  aidaient  h  s'emparer  de  Para,  de  Santarem 

lonçalvez  Diaz,  Couto  de  Magalh2cs,  etc.  —  Braz  da  Costa  Rubim,  Yocahulario  hrazileiro  para 
r  de  complemento  aos  diccionarios  da  lingua  porlugueza. 
jOuis  et  Mme  Agassiz,  Voyage  au  Brésil, 


i 


164  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

et  autres  villes  de  la  province,  où  ils  se  mainlinrent  longtemps  contre  des 
forces  considérables.  Cette  période  critique  dans  Thistoire  de  TÂmazonie 
est  dite  du  cabanagem  et  les  insurgés  reçurent  le  nom  de  cabana  ou 
cabaneiros. 

Les  Tapuyos  cultivent  un  peu  le  sol  autour  de  leurs  cabanes,  et  par  leurs 
bateaux  ou  barques  de  tonnage  divers,  coberla$^  bàtelàos^  montarioij 
ubdx,  igara$  ou  igaritéSy  étaient,  avant  l'introduction  de  la  vapeur  sur 
l'Amazone,  les  intermédiaires  de  tout  le  commerce  local,  les  convoyeurs 
de  tous  les  passagers.  Mariniers  d'une  adresse  incomparable,  ils  se  hasar- 
dent au  milieu  des  flots  et  du  courant  et  savent  toujours  maintenir  de  la 
pagaye  ou  de  l'aviron  l'équilibre  incertain  de  leur  esquif  :  ils  se  sentenl 
dans  leur  élément,  et  quand  ils  n'ont  pas  à  porter  quelque  fier  étranger 
ou  quelque  fonctionnaire  redouté,  ils  chantent  tout  joyeux,  rythmant  leurs 
paroles  par  la  cadence  des  rames.  Pourtant  on  se  plaint  de  l'extrême 
paresse  des  Tapuyos,  et  jadis  l'Américain  Ilerndon,  avec  cette  cruauté 
méprisante  de  langage  si  commune  chez  les  esclavagistes,  citait  avec  com- 
plaisance «  l'opinion  d'hommes  intelligents  qui  voient  dans  la  pendaison 
le  moyen  le  plus  simple  d'en  finir  avec  les  Indiens,  incapables  de  devenir 
citoyens  ou  esclaves  et  ne  valant  pas  même  la  place  qu'ils  occupent*  ». 
Mais  aussi  de  quelle  manière  s'y  prenait-on  pour  en  faire  des  civilisés? 
En  maints  districts  ils  étaient  ou  même  ils  sont  encore  obligés  de  s'engager 
comme  trabalhadores  pour  un  temps  plus  ou  moins  long  :  on  les  divise 
en  escouades,  on  les  passe  en  revue  comme  des  soldats,  on  les  cantonne 
dans  les  campements,  sous  peine  d'être  envoyés  à  l'armée  ou  à  la  prison. 
Les  traitants  ou  regatôes  les  encouragent  à  l'ivrognerie  pour  les  tromper 
plus  facilement  en  leur  achetant  à  prix  dérisoire  le  travail  de  plusieurs 
années.  Aussi  les  Indiens  qui  échappent  aux  réquisitions  du  gouverne- 
ment ou  aux  exactions  des  traitants  jouissent-ils  avec  volupté  de  leur 
droit  de  ne  rien  faire;  et  sur  les  bords  de  l'Amazone  ils  peuvent  «  vivre 
de  paresse  ».  Le  palmier  donne  ses  noix,  sa  tige  nutritive,  sa  liqueur 
délicieuse;  le  cacaoyer  fournit  ses  graines,  le  manioc  ses  racines;  dans  la 
forêt  l'Indien  trouve  le  gibier,  dans  les  eaux  le  poisson,  et  les  œufs  de 
tortue  sur  les  plages.  Quelques  troncs  d'arbres  abattus  suffisent  pour  la 
construction  d'une  cabane;  une  seule  feuille  de  palmier  btmn  sert  de 
porte;  dix  feuilles  imbriquées  font  h  la  demeure  un  toit  impénétrable  à 
l'orage  pendant  vingt  années.  Pourtant,  si  le  Tapuyo  veut  couvrir  ses 
enfants  de  verroteries,  s'il  veut  donner  a  sa  femme  des  vêtements  de  soie 

*  Valley  of  the  Amazon. 


POPULATIONS   DE  L*AMÂZ0N1E.  105 

43l  des  bijoux,  s'il   a  quelques  besoins  de  luxe,  l'engrenage   du   travail 
i  ncessant  finit  par  le  saisir. 

En  dehors  des  Tapuyos,  aux  cent  tribus  confondues,  et  des  mamelucos, 
s'unissant  avec  les  blancs  en  une  race  grandissante,   se  maintiennent 
toujours,  loin  du  fleuve  majeur,  mais   sur  les  bords  des  affluents,  de 
fort  nombreuses  peuplades  aborigènes,   encore  sans  mélange  de  sang 
^(ran^er,  et  n'ayant  presque  aucun  rapport  avec  les  fils  de  l'Ancien  Monde, 
Jbiancs  ou  noirs.  C'est  à  grand'peine  que  les  voyageurs  ont  pu  visiter  leurs 
campements,  recueillir  quelques  mots  de  leurs  deux  cent  cinquante  voca- 
biilaires,  étudier  leurs  mythes  et  leurs  coutumes.  Aussi  une  grande  obscu- 
r^ité  continue  de  régner  sur  les  origines  et  les  alliances  ethniques  de  ces 
d  iverses  tribus  ;  cependant  les  recherches  d'Alcide  d'Orbigny  et  de  Mar- 
t.ius,  contrôlées  et  corrigées  par  les  travaux  de  Hartt,  Crevaux,  Coudreau, 
^^-on  den  Steinen,  Ehrenreich,  Adam,  Couto  de  Magalhâes  et  autres  savants 
iDrésiliens,  permettent  de  classer  les  aborigènes  de  l'Amazonie  en  un  petit 
miombre  de  familles  caractérisées  par  l'analogie  des  langages.  Les  Arawak, 
les  Caraïbes  dispersés  dans  les  Guyanes  et  dans  le  Venezuela  ont  aussi  de 
nombreux  représentants  dans  les  populations  amazoniennes;   les  Tupi, 
^ui  ont  également  des  Guyanais  parmi  leurs  parents  de  race  et  de  langue, 
constituent  le  principal  élément  ethnique  dans  la  partie  méridionale  de 
Timmense  bassin.  Sur  le  versant  septentrional,  et  notamment  dans  les 
régions  que  parcourent  l'Iça  et  le  Japura,  la  prédominance  appartient  aux 
tfiranhas,   nom  générique  donné  par  Ehrenreich  à  diverses  peuplades 
vivant  isolées  les  unes  des  autres.  Enfin  les  Caraya  du  Xingû  et  de  l'Ara- 
^aya  forment  une  cinquième  race  amazonienne,   se  distinguant  d*une 
rnanière  précise,  non  seulement  par  la  langue,  mais  aussi  par  l'aspect 
physique  et  par  les  mœurs.  Dans  la  population  totale  de  KAmazonie,  éva- 
luée h  90  000    individus,   la  part  des  Indiens    sauvages   comprendrait 
cînviron   la  moitié.  Ceux  d'entre  eux  qui  vivent  dans  les  savanes,  sous 
la  vaste  rondeur  des  cieux,  le  jour  à  la  pleine  lumière  du  soleil,  la  nuit 
à  l'éclat  scintillant  des  milliers  d'étoiles,  ont  Tintelligence  plus  claire, 
l'esprit  plus  ferme,  l'accueil  plus  bienveillant  que  les  chasseurs  ou  les 
fuyards  cachés  dans  la  sombreur  des   forêts,   obligés  de  regarder  sans 
cesse  autour  d'eux,  par  crainte  des  embûches*. 

Les  populations  du  haut  Solimôes,  à  la  sortie  du  territoire  péruvien, 
sont  déjà  bien  mélangées,  quoiqu'elles  n'aient  pas  encore  entièrement 
perdu  leur  division  en  peuplades  et  ne  se  soient  pas  confondues  en  une 

*  Ph.  Von  Uarlius,  Ethnographie  Brasilien's, 


166  NOl'VELLE.GËOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

masse  aux  aïeux  ignorés,  comme  les  Tapuyos  du  bas  Amazone.  On  recon- 
naît quelques  Omaguas  à  leur  figure  ronde  et  molle,  des  Yahuas  à  leur 
noble  démarche,  des  Ticunas  circoncis  à  leurs  robes  peintes.  Les  Iribus 
des  bords  de  Flça  et  du  Japura,  rarement  visitées  par  les  traitants  brési- 
liens et  portugais,  se  sont  maintenues  dans  leur  état  primitif.  Tels  les 
Mii*anlias,  dont  le  nom  infligé  par  leurs  voisins^  aurait  le  sens  de 
u  Vagabonds  »,  peut-être  parce  que  leurs  ancêtres  vinrent  d'un  pays 
éloigné  et  qu'ils  changèrent  souvent  de  place,  à  la  suite  de  luttes  fré- 
quentes avec  les  populations  limitrophes.  Les  Miranhas,  d'humeur  très 
belliqueuse,  ont  pour  aime  principale  une  latte  de  bois  dur  et  se  ser- 
vent d*uue  espèce  de  tambour  creusé  dans  un  morceau  de  bois  et  tendu 
d'une  peau  percée  de  deux  trous,  qu'ils  frappent  avec  des  baguettes  de 
gomme  élastique.  Les  sons  lugubres  de  l'instrument  se  font  entendre, 
dit-on,  f(  à  deux  lieues  de  distance  »,  portant  de  village  en  village 
soit  les  appels  de  guerre,  soit  les  signaux  de  fêle  ou  les  nouvelles  impor- 
tantes. Comme  les  nègres  Doualla,  du  Kameroun,  et  comme  mainte  autre 
peuplade  indienne  d'autrefois,  les  Miranhas  amazoniens  connaîtraient  la 
i'  langue  du  tambour  ».  Quoique  vivant  sur  les  bords  de  rivières  pois- 
sonneuses, ils  ne  pèchent  point,  et  se  bornent  a  chasser,  mais  autrement 
que  leui-s  voisins.  Ils  tendent  d'arbre  en  arbre,  comme  les  anciens  Qui- 
chua,  des  filets  d*un  tissu  grossier,  dans  lesquels  ils  poussent,  à  force  de 
cris  et  de  gestes,  les  bêtes  effarouchées*.  Les  femmes  qui  accouchent 
doivent  se  cacher  au  plus  épais  des  forêts,  pour  éviter  que  les  rayons  de  la 

■ 

lune,  <^  source  de  tout  mal  ».  ne  frappent  leur  nouveau-né*. 

A  coté  dos  iMiranhas  et  autres  peuplades  appartenant  au  même  groupe 
ethnique  vivent  diverses  tribus  d'origine  différente,  que  les  poussées  de 
guerre  et  de  migration  ont  amenées  dans  celle  région  nord-occidentale  de 
la  grande  selve  amazonienne.  Ainsi  les  Carijonas  et  les  Ouitoto  ou  «  Enne- 
mis »,  que  Crevaux  a  trouvés  sur  le  haut  Japuni,  en  dehors  du  territoire 
brésilien,  sont  de  purs  Caraïbes,  frères  des  Uoucouyennes  de  la  Guyane', 
tandis  que  les  Passé  du  bas  Iça  sont  de  la  même  souche  que  les  Arawak.  Ces 
indigènes  ont  le  privilège  de  la  grâce  et  do  la  boaulé,  comme  les  Yahuas 
dos  confins  du  Pérou;  aussi  leurs  femmes  sonl-i^lios  fort  recherchées  pour 
servir  do  iiourrici^s  dans  les  familles  do  Manaos;  de  même,  on  apprécie 
beaucoup  les  hommes  comme  doinosliciuos,  à  cause  do  leur  inlelligence, 
do  jour  douceur  ol  do  leur  adresse  au  travail;  n]ais  que  de  fois  furent-ils 

*  Alf'onso  Lomonaco,  Siille  Razze  indigène  del  Brasile 

-  IMi.  \on  Mai'liiis,  ouvra^^c  citô. 

'  Jiil«'<  (Irrvaiix,  De  Cafienne  aux  Andes, 


IV-Jn  clo  J.  Ijïïi-,  J'après  une  |iln>loar.i|iliii> 


.1  iliMM.IIi.''<| lu  Uii'. 


MIRâNHâS,  passé»  UAUPES.  169 

capturés  comme  des  fauves  et  traités  en  esclaves!  Les  Passé  restés  à 
l'état  sauvage   et  leurs  voisins  les  Uainuma  ont  l'habitude  de  se  noircir 
presque  toute  la  figure  en  se  frottant  du  suc  de  génipa  :  aussi  leur  donne- 
l-on  souvent  le  nom  de  Juri  Pixuna«  «  Bouches  noires  »  (Bocapreitos).  Le 
jeune  homme  doit  conquérir  sa  fiancée  après  un  combat  contre  ses  rivaux  ; 
mais  si  précieux  que  soit  le  trophée,  la  femme  est  toujours  considérée 
comme   inférieure  à  l'homme,  et  n'assiste  jamais,  même  de  loin,  aux 
cérémonies  religieuses  auxquelles  les  hommes  sont  appelés  à  son  de 
trompe.  Un  voyageur  qui  visita  le  Brésil  vers  l'époque  de  la  proclamation 
d'indépendance  raconte  que   les  magiciens  des  Passé  professaient  dans 
leur  système  du  monde  la  révolution  de  la  Terre  autour  du  Soleil  ;  ils 
expliquaient  par  le  mouvement  de  la  Terre  l'écoulement  des  eaux  An- 
nales et  la  succession  des  récoltes'.  Cette  peuplade  si  remarquable  des 
Passé  est  très   menacée  dans  ses  derniers  restes  par  une   maladie  de 
langueur,  le  defluxo,  qui  les  attaque  d'ordinaire  après  le  passage  d'un 
Uanc  dans  leurs  villages  et  qui  se  termine  par  la  phtisie.  Quand  un  canot 
de  marchand  approche  d'eux,  leur  première  question  est  toujours  celle- 
ci  :  ce  Nous  apportez-vous  le  defluxo*?  » 

Les  Uaupès,  qui  vivent  sur  les  bords  de  la  rivière  du  même  nom, 
branche  maîtresse  du  rio  Negro,  appartiennent-ils  à  la  souche  ethnique 
des  Ârav?ak,  à  celle  des  Miranhas,  des  Caraïbes  ou  des  Tupi?  Le  nom  de 
«  Caribane  »  donné  jadis  à  la  région  péninsulaire  comprise  entre  le  rio 
Negro  et  le  Solimôes,  prouve  que  la'  dernière  famille  eut  au  moins  la  pré- 
pondérance'. D'après  Coudreau,  récent  explorateur  de  la  contrée,  les 
21  tribus  des  Uaupès,  parlant  15  dialectes  diflercnts,  sont  d'origine  mul- 
tiple. Quelques-unes  des  peuplades  sont  incontestablement  caraïbes,  tels 
les  Tariana,  qui  ont  une  certaine  prééminence  et  dont  le  village  principal 
était  considéré  comme  une  sorte  de  métropole  :  à  la  fois  tribu  guerrière 
et  tribu  sacerdotale,  les  Tariana  disposaient  du  grand  tambour  de  guerre, 
semblable  à  celui  des  Miranhas.  D'autre  part,  les  Macû,  qui  errent  dans 
les  forêts,  des  Andes  à  Manaos,  évitant  presque  toujours  les  rivières, 
fuyards  méprisés  que  les  autres  Indiens  traitent  en  esclaves,  seraient  les 
frères  des  Ouitoto  du  haut  Japura,  que  l'on  a  aussi  reconnus  comme  de 
véritables  Caraïbes.  Une  des  tribus,  celle  des  Omaua,  pratique  la  circonci- 
sion et  s'adonne  à  la  fabrication  du  curare.  Une  autre  peuplade  prépare  du 
sel  en  traitant  par  l'eau  bouillante  les  cendres  d'une  plante  «crasse.  Malgré 

*  Ribeiro  de  Sampaio,  Diario  de  Viagem,  Lisboa,  1825;  —  von  Marlius,  Ethnographie  Brasilien'it, 

*  Henry  Waller  Bâtes,  ouvrage  cité. 

^  De  Pagan,  Relation  historique  et  géographique  de  la  grande  rivière  des  Amazones. 

XIX.  22 


i 


\ 


170  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

les  unions  de  race  à  race,  toujours  exogamiques,  la  variété  des  origines 
uaupès  se  manifeste  par  la  différence  des  costumes,  des  ornements  et  des 
mœui*s.  Les  uns  sont  complètement  nus,  d*autres  s'habillent  presque  à 
l'européenne,  comme  les  mamelucos  des  bords  de  l'Amazone;  les  plumes, 
les  os,  les  épines,  la  peinture  de  génipa  ou  de  roucou  ornent  les  Uaupès 
de  la  manière  la  plus  diverse.  Telle  tribu  fait  encore  subir  des  épreuves 
dures  aux  jeunes  gens  à  l'époque  de  la  puberté;  dans  telle  autre,  la  femme 
doit  accoucher  dans  la  foret  sans  le  secours  de  personne;  ailleurs,  on 
enterre  les  morts  dans  leurs  cabanes,  et  l'on  essaye  d'en  écarter  ou  même 
de  tuer  à  coups  de  flèches  le  génie  qui  causa  le  trépas  du  défunt.  Les 
mariages  ne  sont  durables  qu'à  la  condition  de  n'être  pas  inféconds.  Le 
ravisseur  ne  prend  une  femme  qu'à  l'essai  ;  si  elle  n'a  point  d'enfant  un 
an  après  l'enlèvement,  il  la  ramène  dans  la  cabane  maternelle'. 

La  religion  est  le  lien  commun  des  Uaupès.  Malgré  la  présence  de  mis- 
sionnaires catholiques  qu'ils  écoutent  avec  docilité,  ces  Indiens  gardent 
fidèlement  un  culte  national  dans  lequel  se  mêlent  des  cérémonies  païennes 
et  chrétiennes,  celles-ci  dérivées  de  l'enseignement  des  jésuites  de  Quito 
au  siècle  dernier  :  quelques  mots  espagnols  rappellent  ces  anciens  maîtres. 
Tupan,  grand  voyageur  auquel  on  attribue  les  nombreux  dessins  gravés 
sur  le  granit  des  cataractes,  représente  le  Dieu  des  chrétiens;  le  dieu  des 
indigènes,  Jurupari,  «  né  d'une  vierge  Santa  Maria  »,  est  un  génie  ter- 
rible et  mauvais,  qui  voit  avec  plaisir  chez  son  peuple  l'ivrognerie,  la 
débauche  et  le  meurtre';  des  initiations  successives  révèlent  les  mystères 
de  son  culte.  On  célèbre  en  son  honneur  de  glandes  fêtes,  danses,  fla- 
gellations et  orgies,  mais  on  lui  offre  aussi  un  culte  secret,  duquel  les 
femmes  sont  rigoureusement  exclues.  Malheur  à  celle  qui  verrait  les 
paxiubas  ou  trompes  de  la  prière  et  le  macacaraua,  robe  noire  tissée  en 
poil  de  singe  et  en  cheveux  de  femme!  Ce  serait  la  mort  immédiate. 
D'après  Coudreau,  plusieurs  expressions  cultuelles  et  diverses  légendes 
témoigneraient  que  les  femmes  uaupès,  aujourd'hui  rejetées  hors  de  la 
communauté  religieuse,  détenaient  autrefois  le  pouvoir  :  elles  auraient  été 
ces  «  amazones  »  dont  la  légende  a  valu  son  nom  ordinaire  au  «  Fleuve- 
Roi  ».  Mais  combien  diminués  en  nombre  sont  les  Uaupès  depuis  qu'ils 
émigrèrent  dans  le  bassin  du  rio  Negro!  Ensemble,  policés  et  sauvages 
auraient  encore  été  huit  mille  en  1884;  ils  fondent  rapidement  par  l'effet 
des  guerres  intestines,  orgies,  avortements,  infanticides,  empoisonnements 


<  E.  Stradelli,  Bolletlino  délia  Socielà  Geografica  Italiana,  1890. 
2  Uenri  Â.  Coudreau,  La  France  Équinoxiale. 


UAUPÈS,  MAGUSI.  171 

»  infirmes  et  souvent  aussi  des  mères  n'ayant  pas  donné  naissance  à 
^  garçons.  Dans  l'intérieuis  les  guerriers  mangent  encore  la  chair  des 
ptifs  pour  s*assimiler  les  qualités  du  vaincu. 

Les  tribus  indiennes  que  Ton  retrouve  dans  le  haut  bassin  du  rio 
'anco,  affluent  principal  du  rio  Negro,  sont  les  mêmes  que  celles  du 
ut  Essequibo,  les  Wapisiana  et  les  Alorai.  Dans  les  Montagnes  de  la  Lune 
sar  le  versant  méridional  domine  la  nation  des  Macusi,  qui  compren- 
ait près  de  quatre  mille  individus.  Elle  parait  s'être  beaucoup  accrue 
puis  la  fin  du  siècle  dernier,  époque  à  laquelle  les  Wapisiana,  fort  dimi- 
és  maintenant,  avaient  la  prépondérance  numérique.  Les  Macusi,  dont 
nom  aurait  le  sens  d' ce  Aborigènes  »  et  qui  appartiennent  probablement 
a  souche  tupi,  se  divisent  en  deux  groupes,  Tun  à  l'est  sur  le  Mahû  et  le 
kiitu,  près  du  seuil  de  partage  entre  le  rio  Branco  et  l'Essequibo,  l'autre 
'ouest  vers  le  haut  bassin  de  l'Uraricuera  ;  les  bords  de  cette  rivière, 
tre  les  deux  groupes,  se  peuplent  graduellement  d'autres  Macusi  et  de 
ipisiana,  menacés  en  certains  endroits  par  les  anthropophages  Maracana 
s  versants  méridionaux  du  Pacaraima.  Les  Macusi  étaient  eux-mêmes 
^s  redoutés  autrefois  à  cause  de  leurs  flèches  empoisonnées,  mais  ils 
andonnent  la  préparation  du  curare  et  se  servent  de  fusils.  Habitant 
i  savanes  oii  passe  la  voie  naturelle  entre  l'Amazone  et  le  bas  Essequibo, 
s  Macusi  commencent  à  s'adonner  au  commerce  et  à  jargonner  un  peu 
inglais. 

Après  ces  aborigènes,  les  Ouayéoué,  qui  vivent  au  sud-est,  sur  le  haut 
ipouerro,  —  affluent  de  l'Amazone  sous  le  nom  d'Urubu,  —  consti- 
ent  la  plus  forte  nation  de  la  contrée.  Leur  appellation,  qui  a  le  sens  de 
Blancs  »,  est  presque  méritée  :  ce  sont  probablement  des  Caraïbes  purs, 
ns  superbes,  aux  belles  formes,  aux  traits  nobles,  très  industrieux, 
lis  qui  ne  se  hasardant  guère  en  barque  sur  les  rivières  de  leur  pays. 
le  peuplade  de  la  même  provenance,  les  Japii,  sont  «  les  plus  beaux 
diens  »  qu'ait  vus  Coudreau  durant  ses  dix  ans  de  voyages  dans  les 
^ons  guyanaises.  On  remarque  avec  étonnement  des  cheveux  blonds,  des 
ux  bleus  chez  quelques  Japii,  et  l'on  se  demanderait  s'ils  appartiennent 
aiment  à  une  tribu  du  Nouveau  Monde.  Pourtant  ils  sont  complètement 
iberbes,  tandis  que,  par  un  singulier  contraste,  leurs  voisins  immédiats 

nord,  les  Toucanes,  ont  des  moustaches,  des  pommettes  saillantes  et  les 
ux  obliques  du  MogoP.  Les  Ouayéoué  ont  un  naturel  heureux  :  rarement 

rencontre-t-on  un  dans  les  sentiers  de  la  forêt  qui  ne  joue  de  sa  flûte, 

'  Henri  A.  Coudre )U,  ouvrage  cité. 


in  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

percée  dans  un  tibia  de  biche  ;  il  en  lire  des  sons  dont  le  timbi^e  sonore 
et  la  gaieté  étonnent  le  voyageur  habitué  aux  mélopées  vagues  et  tristes 
de  la  musique  indienne. 

Sauf  les  Macusi,  les  Ouayéoué,  les  Pianogoto,  toutes  les  tribus  indépen- 
dantes du  rio  Branco,  de  l'Urubu,  du  Yamundà,  du  Trombetas  paraissent 
avoir  diminué;  plusieurs  même  ont  disparu,  tels  les  Paravilbsana  ou  les 
(c  Archers  »,  très  puissants  au  siècle  dernier.  Des  vingt-deux  peuplades 
énumérées  en  1787,  il  n'en  existe  plus  que  neuf,  et  celles-ci,  en  guerre 
les  unes  avec  les  autres,  s'amoindrissent  constamment.  L'une  d'elles, 
celle  de  Crichanét  sur  le  Jauapery,  en  état  constant  de  lutte  contre  les 
blancs,  était  menacée  de  disparaître  à  son  tour,  lorsque  Barbosa  Rodrigues, 
qui  parle  leur  langue,  intervint  auprès  d'eux  et  finit  par  amener  la  conci- 
liation entre  les  races.  En  proportion,  les  albinos  sont  très  nombreux  chez 
les  Crichanà,  au  moins  un  sur  cinquante  individus.  Le  mode  d'enterre- 
ment que  l'on  pratique  dans  cette  tribu  est  des  plus  curieux  :  on  fait  choix 
d'un  tronc  d'arbre  creux,  étouffé  par  l'étreinte  d'une  liane  cltma^  et  c*est 
dans  cette  gaine  vivante  aux  multiples  replis  que  l'on  dépose  le  cadavre'. 

Toutes  les  tribus  indiennes  sont  refoulées  dans  les  bassins  des  rivières 
au  nord  des  cascades,  et  les  Tapuyos,  nègres  et  Brésiliens,  d'ailleurs  fort 
clairsemés,  qui  occupent  les  bords  inférieurs  des  cours  d'eau,  commen- 
cent à  se  montrer  dans  les  bassins  d'amont,  à  côté  des  Indiens  sauvages. 
On  désigne  sous  le  nom  de  mucambos  ces  petites  républiques,  composées 
principalement  de  fugitifs  nègres,  soldats  déserteurs  et  anciens  esclaves. 
C'est  grâce  aux  mucambos  que  l'usage  du  portugais  se  répand  pour  se 
substituer  un  jour  aux  langues  indigènes  :  quant  à  la  lingua  gérai,  elle 
n'a  jamais  pénétré  dans  ces  régions  éloignées  de  l'Amazone,  où  Ton 
cherche  encore  la  tribu  des  «  Amazones  »,  ces  Icamiaba  contre  lesquels 
eurent  à  combattre  les  blancs  lors  de  leur  première  navigation  sur  la 
grande  rivière.  D'après  Wallace',  Orellana  et  ses  compagnons,  aperce- 
vant de  loin  les  jeunes  guerriers  indiens,  avec  leurs  longues  chevelures, 
le  peigne  dressé  au  sommet  de  la  télé,  leurs  colliers  et  leurs  bracelets  de 
baies,  les  auraient  pris  facilement  pour  des  femmes  :  d'où  l'origine  du 
mythe  des  Amazones,  suggéré  par  des  réminiscences  classiques.  Barbosa 
Rodrigues,  d'accord  avec  Coudreau,  a  cru  retrouver  les  descendants  de 
la  tribu  des  prétendues  guerrières  chez  les  Uaupès,  dont  les  tuchauà  se 
distinguent  par  la  possession  de  «  pierres  divines  »,  quartz,  jaspes  ou 


*  Relalorio  sobre  o  Rio  Yamundà. 
»  Amazon  and  rio  Negro. 


CRICHANA,  «  AMAZONES  >.  173 

Jades,  qu'ils  savent  percer  en  y  employant  le  travail  de  plusieurs  années, 
^t  qui  sont  en  même  temps  des  amulettes  et  le  signe  de  leur  pouvoir.  Sur 
le  haut  Yamundâ  se  voit  un  lac  jadis  consacré  à  la  <<  Mère  »  Lune,  oîi  les 
amazones  jetaient  leurs  muiràkilan,  pierres  sacrées,  représentant  des 
dinimauz,  des  poissons  ou  autres  objets  symboliques. 

Les  tribus  restées  libres,  sans  rapports  constants  avec  les  blancs,  sont 
iKaacoup  plus  nombreuses  sur  le  versant  méridional  de  la  vallée  amazo- 


t^iennc  :  on  les  compte  par  ccnlnincs,  ayant  toutes  leurs  caractères  distinc- 
tifs  et  leur  dialecte  particulier,  quoique  se  rattachant  à  une  grande  famille 
glossologique.  Sur  le  Javary,  le  fleuve  qui  sépare  le  Pérou  du  Bcésil,  les 
peuplades  appartiennent  pour  la  plupart  au  groupe  des  Panos,  qui  parais- 
sent avoir  eu  jadis  une  civilisation  très  avancée,  mais  que  les  guerres  et  les 
épidémies  ont  ramenés  à  la  barbarie,  en  réduisant  singulièrement  leur 
nombre.  Sur  le  Jurui,  les  diverses  tribus  seraient  de  souche  arawak,  de 
même  que  les  peuplades  du  Purûs,  divisées  en  une  multitude  de  groupes 
et  de  sous-groupes  ayant  chacun  une  appellation  dislincle.  Les  Ipurinn 
sont  parmi  les  plus  beaux  Indiens  par  les  formes  et  la  prestance  :  ils  se 


1 


174  NOUVELLE  GËOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


peignent  de  dessins  noirs,  sur  fond  écarlate.  Ardents  à  la  lutte,  ils  s 


s 


battent  souvent  sans  haine,  par  plaisir,  et  la  plupart  ont  des  cicatrices  si  ir 

le  corps,  souvenirs  de  combats  dont  ils  sont  très  fiers.  Un  de  leurs  jei:^Hi^cii 
favoris  est  de  prendre  un  tronc  d'arbre  pour  ennemi  supposé  et  de  It. — z — ù 
lancer  une  flèche,  après  avoir  fait  tout  un  simulacre  de  préparatifs  :  quan^^  ^^^  d 
le  dard  a  traversé  le  bois,  ils  se  précipitent  contre  lui  en  poussant  d^ 
cris  aigus  :  I-pu-ri-na  !  I-pu-ri-na  !  —  d'où  le  nom  qui  leur  a  été  donni^ 
—  Les  jeunes  gens  aiment  aussi  un  genre  d'exercice  dangereux,  celui 
de  s'élancer  l'un  contre  l'autre  en  se  heurtant  de  l'épaule;  parfois  le  choc 
est  si  violent,  que  les  deux  tombent  a  la  renverse.  Ils  empoisonnent  leurs 
flèches,  mais  ne  connaissent  pas  le  curare,  que   l'on    ne  trouve  chez 
aucune  tribu  du  versant  méridional  de  l'Amazone,  quoique  les  plantes 
nécessaires  à  la  préparation  de  cette  substance  n'y  manquent  point*  :  pour 
apprécier  leur  poison,  ils  l'essayent  d'abord  sur  des  singes.  Les  Ipurina 
prisent  en  abondance  le  tabac,  qu'ils  aspirent  en  le  plaçant  dans  le  creux 
de  la  main  droite,  et   font  grand  cas  de  leurs  tabatières,  coquillages 
percés  de  trous  étroits,  d'où  ils  font  tomber  le  tabac  par  petits  coups. 
Tant  de  guerriers  périssent  dans  les  combats  que  le  nombre  des  femmes 
dépasse  de  beaucoup  celui  des  hommes   :   aussi  la  polygamie    est-elle 
commune.  Très  fidèles  envers  les  morts,  les  Ipurina  leur  apportent  des 
aliments,  du    tabac  et  du   roucou;  quand  ils  jugent  que  la  chair  est 
détachée  du  corps,  ils  déterrent  les  ossements  en  cérémonie  et  les  gar- 
dent comme  lares  domestiques. 

Les  Catauixi  et  les  Paumari  du  bas  Purûs  sont  également  des  nations 
arawak,  et  vivent  d'une  manière  analogue;  cependant  les  Catauixi  ont  une 
coutume  peut-être  empruntée  des  Quichua  à  la  suite  de  quelque  ancienne 
migration  :  ils  enterrent  leurs  morts  dans  la  cabane  mortuaire,  accroupis 
en  de  grandes  jarres'.  Les  Paumari  —  ou  Pama-ouri,  «  Mangeurs  de 
Baies  »  —  paraissent  être  les  descendants  des  anciens  Purûs,  qui  ont 
laissé  leur  nom  h  la  rivière  :  ils  soufl*rent  fréquemment  d'une  maladie 
de  peau  qui  leur  a  valu  de  la  part  de  leurs  voisins  portugais  le  sobriquet 
de  Foveiros  ou  «  Galeux  ;  »  peut-être  faut-il  attribuer  cette  afiection  à 
l'habitude  qu'ils  ont  de  se  frotter  avec  de  la  graisse  de  crocodile.  Ils  sont 
doux  et  pacifiques  :  rarement,  dit  Chandless,  on  entend  parler  de  violences 
et  de  morts  d'hommes  en  pays  paumari.  Les  Mura,  qui  vaguent  le  long 
du  fleuve  des  Amazones  en   fugitifs,   vers  les  bouches  du  Purûs  et  du 


*  Keller-Leuzingcr,  Vont  Amazonas  uml  Madeira. 

•  Von  Martius.  Ethnographie  Brasiliens. 


I  PURINA,  MURA.  175 

ladeiiTi,  ne  sont  plus  que  les  tristes  restes  d'une  nation  jadis  puissante, 
.étroite  presque  en  entier  par  les  Mundurucu  vers  la  fin  du  dix-huitième 
iècle  :  en  maints  endroits  se  montrent  des  taperaSy  c'est-à-dire  les 
mplacements  de  leurs  anciens  villages.  D'ailleurs  les  Mura  ne  sont  plus 
le  race  pure.  Un  grand  nombre  de  nègres  fuyards  partagent  leur  vie 
rrante  :  les  Mura  que  l'on  voit  dans  les  villages  amazoniens  ne  sont 
;uère  moins  africains  qu'américains*.  On  les  dit  d'une  indolence  extrême  : 
c  Paresseux  comme  un  Mura  dormant  sur  trois  ficelles  »  est  un  proverbe 
3ien  connu  qui  les  accuse  d'être  trop  nonchalants  pour  se  tisser  des 
[lamacs  convenables.  Bâtes  pense  qu'ils  appartiennent  à  la  race  tupi  et 
que  leurs  plus  proches  parents  sont  les  Munduracû,  leurs  exterminateurs; 
cependant  ils  parlent  un  idiome  tout  à  fait  diflerent.  La  vie  nomade 
que  mènent  les  Mura  leur  a  fait  perdre  toute  notion  de  l'agriculture*  mais 
ils  sont  très  habiles  pécheurs  et  prendraient  même  les  tortues  à  la  nage  : 
ils  plongent  et,  se  glissant  entre  deux  eaux,  saisissent  les  animaux  par  la 
patte*. 

Les  inhalations  de  la  parica,  tirée  des  semences  d'une  légumineuse 
rborescente,  l'inga,  ont  un  grand  rôle  dans  la  religion  des  Mura.  Lors  de 
surs  fêtes,  dites  quarentenat  par  les  Brésiliens,  ils  terminent  les  orgies 
e  boisson  en  se  prenant  deux  par  deux  et  en  s'insufflant  mutuellement 
ans  le  nez  au  moyen  d'un  roseau  une  forte  dose  de  parica.  Parfois  l'im- 
pression est  si  forte  que  les  individus  tombent  évanouis;  on  en  a  même  vu 
nourir  sur  le  coup.  D'ordinaire  l'inhalation  produit  une  frénésie  momen- 
anée  qui'  se  traduit  par  un  flux  de  paroles,  des  cris  et  des  sauts.  Â  celte 
excitation  furieuse  succède  la  prostration  et,  pour  se  réveiller  de  la  stupeur, 
1  faut  encore  respirer  la  paricd.  Des  pratiques  semblables  accompagnent 
kes  fêtes  de  la  puberté  chez  les  jeunes  hommes  et  Jes  jeunes  filles.  Tous 
les  Mura  se  réunissent  par  couples,  homme  et  femme,  et  se  fouettent 
jusqu'au  sang.  Puis  ils  boivent,  ils  chantent  pendant  plusieurs  jours, 
mais  la  fustigation  se  répète  et  l'inhalation  de  la  parica  transforme  la  fête 
en  furieuses  saturnales'.  On  retrouve  ou  l'on  retrouvait  les  mêmes  orgies 
chez  d'autres  Indiens,  notamment  les  Omaguas  et  les  Mauhé,  mais  nulle 
part  aussi  violentes  d'aspect.  En  outre,  la  plupart  des  tribus  ont  rem- 
placé la  parica  par  le  tabac.  Pour  guérir  leurs  malades,  les  pagets  ou 
magiciens  se  servent  de  tabac  en  bâtonnets  longs  de  deux  pieds,  dont  ils 
enfument  leurs  patients  :  ce  sont  probablement  les  premiers  modèles  des 


*  Von  Schtktz,  Amazonas, 

*  Henry  Walter  Bâtes,  ouvrage  cité. 
'  Von  Martius;  Bâtes;  ouvrages  cités. 


17G  NOUVELLE  GËOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

cigares  que  l'on  fume  aujourd'hui  d'une  extrémité  du  monde  à  l'autre. 
Après  la  combustion  de  l'énorme  cigare,  les  prêtres  soumettent  leur  vic- 
time au  massage  le  plus  énergique  pour  attirer  la  maladie  vers  les  doigta 
des  pieds  et  des  mains;  puis,  d*un  geste  subtil,  ils  saisissent  le  mal,  1^ 
jettent  dans  leur  bouche  et  Tengloutissent.  Le  malade  est  guéri  ou  censé 
l'ôlre*. 

Les  diverses  rivières  qui  se  réunissent  pour  former  le  Madeira  parcou- 
rent, on  le  sait,  les  territoires,  en  grande  partie  boliviens,  qu'habitent  les 
sauvages  Antisiens  ou  Chunchos  des  avant-monts,  les  Mosetenes,  les 
Yuracaré,  et  les  Indiens  policés  des  plaines,  Chiriguanos,  Chiquitos,  Gua- 
rayos  et  Mojos.  Ces  derniers,  bateliers  incomparables,  sont  devenus  les 
intermédiaires  d'une  grande  partie  du  commerce  du  Madeira,  et  on  les 
rencontre  dans  tous  les  postes  de  la  rivière  :  à  Manaos  même,  la  ville  cen- 
trale de  l'Amazonie,  ils  constituent  une  colonie  assez  considérable.  Avant 
ces  migrations,  leurs  voisins  du  nord  étaient  les  Caripuna,  ou  «  Hommes 
de  l'Eau  »,  campés  dans  le  voisinage  des  cascades  et  rapides  du  Madeira.  Ce 
sont  les  frères  d'autres  Caripuna  de  la  famille  des  Panos,  qui  habitent  la 
vallée  de  l'Ucayali.  Sur  la  rive  droite  du  Madeira  et  dans  les  forêts  qui 
s'étendent  à  l'est,  vers  le  Tapajoz,  les  Parentintin  succèdent  aux  Caripuna. 
Ce  sont  des  Tupi  de  race  pure,  qui  paraissent  avoir  émigré  du  sud  et  qui 
sont  constamment  en  guerre  avec  leurs  voisins,  les  Mundurucû  de  Test; 
aussi  diminuent-ils  rapidement.  Les  blancs  qui  remontent  le  Madeira  ont, 
comme  les  Mundurucû,  pris  part  à  l'extermination  de  ces  indigènes,  leurs 
frères  de  race  et  de  langue,  accusés  sinon  convaincus  d'anthropophagie. 
Les  Parentintin  se  rendent  hideux  en  allongeant  leurs  lèvres  et  leurs 
oreilles. 

Bien  différents  sont  lesParexi,  qui,  avec  diverses  tribus  de  même  ori- 
gine, c'est-à-dire  arawak,  les  Cabixi,  les  Cachinili,  les  Yaimaré,  peuplent 
les  campos  ou  plateaux  faîliers  entre  les  sources  du  Guaporé,  du  Tapajoz 
et  du  Paraguay.  Ce  sont  des  populations  inoffensives  et  indolentes  qui,  en 
relations  fréquentes  avec  les  blancs,  demandent  le  baptême  pour  se  parer 
d'un  nom  chrétien  et  se  faire  donner  des  cadeaux.  Tous  se  servent  d'in- 
struments en  fer  pour  la  culture  du  sol  et  ont  remplacé  par  des  fusils  les 
flèches  et  les  massues  d'autrefois.  Fort  habiles  de  leurs  mains,  ils  fabri- 
(juent  des  paniers,  des  cribles,  tissent  des  hamacs  et  des  étoffes,  qu'ils 
vendent  aux  blancs  en  échange  de  produits  européens.  Ils  se  policent  rapi- 
dement comme  les  Tapuyos  de  l'Amazonie,  mais  en  gardant  quelques-unes 


'  KclItM'-Leuzinger,  ouvrage  cité. 


PARENTINTIN,  PAREXI,  MUNDDRUCO.  177 

surs  anciennes  mœurs  et  de  leui*s  cérémonies  religieuses.  Ils  enterrent 
norts  dans  la  cabane  même,  sous  le  hamac  du  parent  le  plus  proche, 
éposent  dans  la  fosse  la  nourriture  nécessaire  pour  un  voyage  de  six 
5,  temps  qu*il  faut  employer  pour  atteindre  le  ciel.  Le  septième  jour, 
unis  peuvent  se  réjouir  :  le  défunt  est  arrivé  dans  sa  nouvelle  patrie\ 

Martius  considérait  les  Parexi  comme  formant  une  famille  distincte 
ni  les  Indiens  du  Brésil. 

î  cours  moyen  du  Tapajoz  appartient  à  des  indigènes  de  race  tupi, 
Âpiaci,  les  Mundurucù,  les  Mauhé.  Les  premiers,  appelés  aussi 
iba,  c'est-à-dire  «  Hommes'  »,  formaient  autrefois  une  nation  très 
iidérable,  fort  amoindrie  de  nos  joui*s  et  se  transformant  graduelle- 
(i  en  population  policée  :  les  voyageurs  recrutent  parmi  eux  leurs 
les,  porteurs  et  bateliers.  Cependant  ces  indigènes  pacifiques  sont 
libales  à  l'occasion;  ceux  que  trois  barres  horizontales  de  tatouage  sur 
sue  ont  classés  parmi  les  hommes,  mangent  la  chair  des  prisonniers 
^erre  :  les  enfants  qu'ils  ont  capturés  dans  leurs  incursions  sont 
îrvés  pour  les  festins  sacrés,  mais  on  les  épargne  jusqu'à  l'âge  de 
ze  ans,  et  c'est  alors  seulement  qu'on  les  dévore.  Les  Âpiacà  pra- 
lent  la  bigamie,  même  les  chefs  prennent  jusqu'à  trois  épouses;  ils 
3rcent  souvent  ou  se  débarrassent  de  leurs  femmes  par  le  meurtre 
ind  ils  ne  peuvent  pas  les  céder  avec  avantage.  Les  bateliers  parlent 
si  d'une  tribu  mystérieuse,  celle  des  Jacaréuara,  race  d'albinos,  qui 
agerait  seulement  de  nuit  :  on  les  appelle  d'ordinaire  Morcegos  ou 
Ihauves-Souris'  ». 

[)e  toutes  les  nations  indigènes  du  Brésil  la  plus  puissante  est  celle  des 
ndunicû,  que  Couto  de  Magalhâes  regarde  comme  le  type  par  excellence 
\  naturels;  d'après  Bâtes,  ils  seraient  au  nombre  d'une  vingtaine  de 
Ile.  Leurs  villages  se  succèdent  sur  les  bords  du  Tapajoz  et  dans  les  clai- 
res de  la  forêt;  d'après  eux  toute  la  contrée  est  désignée  sous  le  nom 
Hunducuriana.  Grands,  forts,  solidement  musclés,  de  teint  assez  clair, 

se  reconnaissaient  naguère  par  un  tatouage  qui  variait  suivant  les 
bus  et  les  classes,  et  qui  avait  à  leurs  yeux  une  si  grande  importance, 
'un  conseil  de  famille  s'assemblait  pour  en  arrêter  le  plan  :  l'exéculion 

durait  parfois  dix  années*.  Mais  ce  blasonnage  se  perd,  quoique  les 
mes  témoignent  encore  un  grand  respect  aux  vieillards  tatoués.    Les 

Von  den  Steinen,  Durch  Cenlral-Brasilien. 
Von  Martius,  Ethnographie  Brasilien*s, 
Barbosa  Rodrigues,  Rio  Tapajoz, 
Henr\  Walter  Bâtes,  ouvrage  cité. 

m.  23 


178  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Mundurucû  se  distinguent  par  leur  fidélité  à  la  parole,  donnée,  par  leur 
noblesse  et  leur  fierté  :  ce  sont  des  <<  gentilshommes  »  bien  supérieurs  à 
maint  traitant.  Habiles  agriculteurs,  ils  sont  aussi  des  ouvriers  fort  adroits 
et  savent  fabriquer  de  très  beaux  ouvi*ages  en  plumes,  qu'ils  consentent 
rarement  à  céder  aux  étrangers.  Très  jaloux  de  leur  indépendance  et  jadis 
très  belliqueux,  les  Mundurucû  ont  une  savante  organisation  militaire. 
Môme  en  temps  de  paix  ils  préparent  la  lutte  par  une  sorte  de  recrutement: 
des  messagers  vont  rappeler  aux  guerriers  valides  l'obligation  de  se  pré- 
senter au  premier  ronflement  du  tambour;  dès  qu'une  expédition  guer- 
rière a  été  décidée,  les  hommes  se  casernent  en  de  vastes  cabanes  d'où  les 
femmes  sont  exclues.  Ils  attaquent  l'ennemi  toujours  en  pleine  lumière, 
suivis  par  le  tambour,  dont  les  roulements  indiquent  les  directions  à 
prendre,  les  manœuvres  à  faire.  Tous  les  villages  des  Mundurucû  sont 
mis  à  l'abri  d'un  coup  de  main  par  de  solides  estacades.  Dans  la  bataille, 
les  guerriers  n'épargnent  personne  ;  mais  après  la  victoire  ils  prennent 
soin  des  femmes  et  des  enfants,  et  ceux-ci,  adoptés  par  la  tribu  victo- 
rieuse, servent  à  remplacer  les  vides  faits  par  la  mort.  C'est  un  grand 
honneur  d'avoir  tué  un  ennemi  et  le  Vciinqueur  garde  toujours  comme 
un  talisman  et  un  précieux  trophée  la  tête  du  vaincu,  décorée  de  plumes, 
pourvue  d'yeux  et  do  dents  en  cire.  Mais,  en  dehors  de  la  guerre,  les 
Mundurucû  ont  des  mœurs  très  douces,  et  s'ils  tuent  les  malades  réputés 
incurables,  c'est  par  compassion*. 

Les  Mauhé  du  bas  Tapcajoz  et  des  rives  amazoniennes,  qui  ont  donné  leur 
nom  à  tout  un  ensemble  do  coulées  sur  la  rive  méridionale  du  grand  fleuve 
paraissent  appartenir  à  la  même  souche  que  les  Mundurucû,  quoiqu'ils  se 
soient  depuis  longtemps  séparés  d'eux  et  parlent  une  langue  toute  diflë- 
rente.  A  l'est,  à  l'ouest,  ils  ont  pour  voisins  des  Indiens  de  race  caraïbe, 
les  Ai^ara  ou  Yuma,  guerriers  dangereux  qui  attaquent  toujours  de  nuit 
et  dans  lesquels  leurs  superstitieux  voisins  voient  plutôt  des  démons  que 
des  hommes.  Environnés  d'ennemis,  les  Mauhé  sont  fort  méfiants,  rusés 
et  souvent  perfides;  ils  se  tiennent  à  l'écart  et  peine  de  mort  est  pro- 
noncée contre  toute  femme  de  la  nation  qui  s'unirait  avec  un  étranger; 
cependant  ils  se  fondent  peu  à  peu  avec  les  populations  mélangées 
des  Tapuyos.  Aussi  industrieux  que  les  Mundurucû,  ils  étaient  naguère 
les  seuls  Indiens  qui  préparassent  la  guarana,  décoction  qu'on  obtient 
avec  les  fèves  d'une  espèce  do  liane,  paitllinia  sorbilis,  et  que  Ton 
emploie  dans  tout  le  Brésil,  et  jusqu'en  Bolivie,  contre  la  dysenterie  et 

I  Von  Martius,  ouvrage  cité. 


MUNDURUCC,  MÀUHË,  BÀKAlRI.  179 

«S  fièvres  intermittentes.  Avant  les  combats,  les  Mauhé  prennent  aussi 
e  la  guarana  pour  se  donner  de  la  vigueur  et  se  rendre  insensibles 
blessures.  Dans  les  transactions  locales,  les  fèves  du  paullinia  servent 
«de  monnaie.  Les  Mauhé,  comme  diverses  autres  nations  américaines, 
<roient  fermement  que  la  gestation  chez  la  femme  est  accompagnée 
chez  l'homme  d'une  maladie  latente,  le  padrejorij  correspondant  au 
madrejon  :  les  deux  époux  se  traitent  par  un  même  jeûne  rigoureux,  ne 
mangeant  guère  que  des  fourmis  et  des  champignons,  et  buvant  quelques 
gorgées  de  guarana. 

A  Test  du  Tapajoz,  le  bassin  du  Xingû  était  encore  inconnu  au  point  de 
me  ethnologique  lors  du    premier  voyage  de  Karl   von   den   Steinen, 
en    i884;  mais  cette  exploration,  bientôt  suivie  d'une  seconde  par  le 
ntiéme  savant,  dirigea  tout  à  coup  l'attention  vers  cette  partie  jadis  ignorée 
du  Brésil  et  signalée  maintenant  comme  le  centre  de  dispersion  d'une  des 
grandes  races  américaines  :  de  là  seraient  sorties  successivement  les  diverses 
t.m4bus  caraïbes,  qui,  sous  tant  de  dénominations  variées,  se  sont  répandues 
sm.u    nord-ouest  jusqu'à   la  baie  des  Andes,   au   nord  jusque  dans    les 
uyanes,    le   Venezuela,    les   Antilles,   et  dont  on  cherchait   autrefois 
'origine  dans  les  grandes  iles  et  sur  le  continent  de  l'Amérique  septen- 
rionale.  Les  fiakaîri,  et  leurs  voisins  du  nord  les  Nahuqua,  sont  les  plus 
^urs  des  Caraïbes,  à  en  juger  par  leur  idiome,  celui  de  la  famille  qui  est 
le  moins  modifié,  par  les  éléments  étrangers*.  Ils  vivent  au  milieu  de-Tupi 
«t  gens  d'autres  races,  mais  tellement  à  l'écart  que  récemment  encore 
ils  se  trouvaient  dans  un  état  rudimentaire  de  civilisation,  ne  connais- 
saient point  les  métaux  et  n'avaient  point  le  chien  comme  animal  domes- 
tique :  non  seulement  ils  appartenaient  à  l'âge  de  pierre,  mais  les  Bakaïri 
restés  indépendants  sont  encore  dans  Tâge  «  pré-bananique  »,  ignorant 
ce  fruit  que  Tomas  de  Berlanga  introduisit  au  Pérou*.  Nombre  d'autres 
plantes    comestibles,    appréciées    pourtant    par  la   plupart   des    tribus 
indiennes,  leur  sont  inconnues;  ils  ne  fument  point  le  tabac  et  ne  savent 
pas  préparer  de  boissons  fermentées.  Leurs  poteries  sont  bien  inférieures 
par  la  forme,  la  décoration,  le  coloris  à  celles  de  leurs  frères  de  race, 
les  Roucouyennes  des  Guyanes.  Von  den  Steinen  en  conclut  qu'ils  sont, 
parmi  les  Caraïbes,  les   plus   rapprochés   du  lieu   d'origine  et  du  type 
primitif.  IjCs  légendes   nationales  parlent  de  mouvements  d'émigration 
qui  ^accomplirent  du  sud  au  nord,  et  des  exodes  de  ce  genre  ont  eu  lieu 

*  Karl  von  den  Steinen,  Durch  Cenlral-Brasilien ;  —  Paul  Ehrenreich,  Pelermann's  Mitteilun- 
gen,  1891,  lien  IV. 

*  Marcos  Jimenei  de  la  Espada,  Boletin  de  la  Sociedad  Geografica  de  Madrid,  1891. 


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180  NOUVELLE  GËOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 


pendant  la  période  contemporaine.  Les  Arara  ou  Yuma  épars  sur  la  rive 
méridionale  de  TAmazone  ont  le  môme  tatouage  que  les  Bakairi,  une 

ligne  bleue  qui  traverse  la  joue  pour  réunir  l'angle  extérieur  de  la  pau-  ^. 

pière  à  la  commissure  de  la  lèvre. 

Quelques-uns  de  ces  Caraïbes  primitifs,  convertis  au  christianisme  vers        ^s^-*^-  rs 
1820,  ont  pris  au  moins  les  dehors  de  la  culture,  et  leur  chef,  revêtu  d'un        ^^x:  .cjin 
costume  ofQciel,  est  devenu  capitaine  brésilien;  mais  il  reste  cncoi-e  des      ^.^^  j^ 
groupes  de  Bakaïri  indépendants,  d'ailleurs  très  doux  et  pacifiques.  Ils     ^  M  Mlh 
aiment  beaucoup  la  musique  et  jouent  volontiers  d'une  grosse  flûte,  de  la     ws,  W      la 
hauteur  d'un  mètre  environ,  dans  laquelle  ils  soufflent  assis,  en  Tappuyant  J  M'm:^nl 
sur  le  sol.  Leurs  cabanes  en  chaume,  n'ayant  qu'une  étroite  ouverture,    ^  ^^^^xe, 
ressemblent  à  de  grandes  ruches  d'abeilles.  Leur  industrie  étant  fort  peu  .MLv^t^^*eu 
développée,  ils  sont  obligés  de  se  procurer  plusieurs  objets  fabriqués  chez^K  ^^^ -«lez 
leurs  voisins  les  Suya,  qui  vivent  plus  en  aval,  sur  la  rive  droite  du  Xingii;  ^     fc^M'ii; 
cependant  ce  sont  les  Bakaïri  qui  avaient  enseigné  aux  Suya  Tari  de  tisse 
les  hamacs.  Parmi  les  nombreuses  peuplades  du  haut  Xingù,  les  Suyà 
distinguent  par  leur  haute  stature,  leur  vigueur  physique,  leur  énergi 
manifeste,  leur  habileté  de  main  comme  potiers  et  vanniers.  Hommes 
femmes  ont  le  corps  entièrement  nu  et  rasé,  mais  ils  se  peignent  en 
noir  et  en  rouge,  se  couronnent  de  plumes,  se  percent  le  lobe  inférieur  de 
l'oreille  et  y  passent  un  rouleau  en  feuilles  de  palmier.  Enfin  les  hommes 
faits -s'introduisent  dans  la  lèvre  inférieure  un  disque  de  bois  rouge,  sem- 
blable au  botoquey  qui  a  fait  donner  aux  Indiens  du  Mucui'y  le  nom  de 
Botocudos.  Ceux-ci  et  les  Suya  appartiennent  probablement  à  la  même 
famille  ethnique. 

Sur  le  bas  Xingù  la  tribu  principale  est  celle  des  Yuruna,  indigènes  d& 
la  race  tupi  (jui  furent  anthropophages,  mais  que  l'on  vante  aujourd'hui 
pour  leur  douceur  et  leurs  vertus  hospitalières.  Cependant  ils  ont  «  fui  la 
civilisation  »  et  son  cortège  de  corvées  et  d'impôts  :  habitant  jadis  le  voisi- 
nage de  l'Amazone,  ils  ont  remonté  le  Xingù  de  quelques  centaines  de 
kilomètres  pour  éviter  les  blancs*.  Leur  costume  ressemble  déjà  à  celui 
des  Indiens  policés  de  la  basse  Amazonie,  mais  ils  s'ornent  encore  de 
colliers,  de  ceintures,  de  pendelo(jues  en  i-assade  et  se  frottent  d'huile 
pour  se  ganinlir  d(»s  morsures  d'insectes  :  ils  portent  toute  leur  cheve- 
lure et  la  tressent  en  une  longue  ((ueue.  Nulle  population  ne  les  dépasse 
pour  le  taliMit  de  se  faire  aimer  des  animaux  :  chaque  village  est  une 
ménagerie.  La  jibiparl  des  bêles,  depuis  le  tapir  jusqu'à  la  petite  per- 

*  Karl  von  «Ion  Steinen,  ouvrage  ci  lé 


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183  NÛUVELLK  CfiOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

manient  encore  la  hache  de  pierre  et  façoonent  de  la  belle  poterm-* 
Mais  l'indigène  délaisse  de  plus  en  plus  la  grande  rivière  et  se  réfu^^ 
vers  le  haut  cours  et  vers  les  affluents,  où  la  chasse  et  la  pèche  rest^^ 
plus  Taciles,  et  où  il  est  mieux  protégé  contre  les  tracasseries  et  I^ 
empiétements  des  blancs'.  De  Tunanlins  à  l'escale  de  Fonl£  Bda  <]h 
«  Font-Bonne  ",  se  succèdent  des  Hes  dont  les  «  plages  roples  re= 
visitées  jadis  par  des  millions  de  tortues,   roumissaient  des  milliers  d» 


pliDlograpbie  de  J.  Ctctii 


quintaux  d'huile   aux    traitants  portugais.  Pourchassés  à  outrance,  les 
chéloniens  ont  abandonné  ces  rives. 

Teiïé,  l'ancienne  Egn,  qui  doit  son  nom  moderne  à  la  rivière  aux  bords 
de  laquelle  elle  est  située,  a  pris  rang  comme  cité  majeure  parmi  les 
villes  du  Solimdes,  quoiqu'elle  n'ait  pas  môme  un  millier  d'habitants.  Le 
missionnaire  Samuel  Frilz  en  bâtit  les  premières  maisonnettes  en  i668, 
el  la  peupla  d'Indiens,  qui  ont  perdu  leur  nom  de  tribus  et  se  sont 
fondus  avec  les  auiresTapuyos.  En  1781,  la  commission  hispano-portugaise 
chargée  de  délimiter  les  possessions  des  deux  puissances  établit  son 
quartier  général  à  Ega,  cL  de  1850  à  1859  le  naluralisle  Baies  fit  choix 
de  celte  villelte  comme  centre  de  ses  excursions  dans  la  haute  Amazonie. 


■  Crevaux,  Tour  du  Monde,  1881,  livra 


TEFFË,  COÀRY,  lABREA  185 

iCTé  jouit  de  grands  avantages  naturels  :  la  salubrité  du  climat,  une 
imunilé  de  moustiques  presque  complète,  la  fécondité  du  sol  et  la 
chesse  de  la  v^étation,  l'excellente  position  commerciale  au  centre  d'un 


■  co:m.DHn  un  J>mJ. 


^ 


E2i 


Jseau  de  voies  navigables,  l'ampleur  du  port  formé  par  le  lac  profond  dans 
!qucl  se  déverse  la  riviîirc  TcITé  avant  de  s'unira  l'Amazone.  En  outre,  la 
iUe  est  un  charmant  lieu  de  séjour  :  chaque  maison  a  son  orangerie  et  sa 
maneraie,  son  réservoir  à  tortues.  En  face,  sur  la  rive  occidentale  du  lac. 


184  NOUVELLE  GËOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

se  montre  le  village  de  Nogueira,  fameux  dans  toute  rAmazonie  par  ses 
poteries  décorées  de  dessins  géométriques.  Sauf  aux  grands  jours  de  fête, 
TefTé  n'a  jamais  toute  sa  population  complète  :  au  moins  le  quart  des 
habitants  vivent  dans  les  sitios  des  alentours,  où  ils  s'occupent  de  l'élevé 
du  bétail,  de  la  récolte  des  œufs  de  tortue,  de  la  fabrication  des  conserves 
de  lamentin  ou  peixe  boy  y  de  la  recherche  des  plantes  industrielles  et 
médicinales.  Les  villages  situés  en  aval,  Coary  ou  Âlvellos,  sur  la  rive 
droite,  h  la  bouche  de  la  rivière  Coary,  et  Codajaz,  sur  l'une  des  coulées 
qui  font  communiquer  le  bas  Japurà  avec  le  Solimôes,  pratiquent  les 
mêmes  industries,  mais  en  moindres  proportions. 

Naguère,  la  grande  rivière  Purùs,  plus  longue  que  le  Danube,  n'avait  ^  ji 

pas  une  seule  cabane  de  blanc  sur  ses  bords,  et  les  changements  inces- 
sants qui  se  produisent  dans  le  régime  du  fleuve,  Tinsalubrité  de  la  plu- 
part des  campagnes  riveraines  et  le  fléau  des  moustiques  avaient  même 
fait  prédire  par  l'explorateur  William  Chandless  que  des  siècles  se  passe- 
raient avant  le  peuplement  des  rives  du  Purûs  par  des  habitants  civi- 
lisés'. Cependant  les  recherches  mêmes  de  ce  voyageur,  révélant  l'ex- 
trême richesse  des  forêts  en  caoutchouc  et  autres  essences  précieuses,  ont 
singulièrement  excité  les  ambitions,  et  le  commerce  a  fait  dans  la  contrée 
une  invasion  presque  soudaine.  En  1862,  le  premier  bateau  à  vapeur  se 
hasarda  sur  le  Purùs;  en  1869,  une  flottille  de  quinze  navires  commen- 
çait un  service  régulier  de  l'Amazone  jusqu'aux  premiers  campements 
des  serwgueiros.  Deux  années  plus  tard,  ceux-ci  n'étaient  encore  qu'au 
nombre  de  deux  mille,  et  en  1890  l'on  comptait  au  moins  cinquante 
mille  individus,  presque  tous  nomades,  dans  la  vallée  du  Punis,  en 
dehors  des  Indiens.  Les  émigrants  de  Ceara,  chassés  de  leur  pays  par 
des  sécheresses  prolongées,  sont  venus  en  foule,  les  uns  pour  exploiter 
les  richesses  de  la  contrée  pendant  la  saison  favorable,  les  autres  pour  s'y 
installer  à  demeure.  Le  Imitant  Labre,  qui  est  en  même  temps  le  plus 
actif  explorateur  du  haut  bassin,  a  fondé  en  1871  un  poste  qui  a  pris 
son  nom,  Labrea.  Devenue  capitale  de  district,  la  ville  nouvelle  s'élève 
en  «  terre  ferme  »  sur  la  rive  du  Purùs,  vers  le  point  de  convergence 
des  routes  suivies  par  les  chercheurs  de  caoutchouc,  non  seulement  dans 
la  haute  région  fluviale  du  Purùs  et  de  l'Âquiry,  mais  aussi  dans  les 
contrées  lointaines  que  parcourent  le  Béni  et  le  Madeira*  :  en  dépit  des 
frontières  idéales  tracées  en  ligne  droite  a  travers  les  forêts,  les  marchands 

*  Journal  of  ihe  R.  Geographical  Society,  186G. 

*  Ëx|)ortation  annuelle  du  caoutchouc  dans  le  bassin  du  Puiiis  : 

2  950  tonnes.  Valeur  :  22  500  000  francs. 


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CATARACTES  DU  MADEIRA.  185 

l>i'ésiliens  exploitent  à  leur  gré  les  richesses  de  la  Bolivie.  De  même  que 
[ans  tous  les  pays  envahis  par  les  spéculateurs,  Labrea  et  les  campements 
la  contrée  environnante  doivent  acheter  à  des  prix  exorbitants  les 
^-îvres  et  les  objets  manufacturés  :  les  habitants  n'ont  d'autres  professions 
mxidustrielles  que  les  plus  indispensables,  et  quelques  défrichements  à 
line  indiquent  les  commencements  de  l'agriculture,  dont  les  produits 
servent  guère  qu'à  la  préparation  de  boissons  fermentées.  Avec  Tou- 
^^crture  de  chemins  faciles  vers  les  savanes  du  Piémont  bolivien,  l'exten- 
âsion  des  bananeraies  et  des  champs  constituerait  la  véritable  richesse  de 
Hiabrea.  Le  port  du  Purûs  où  s'arrête  actuellement  la  navigation  à  vapeur 
^36  trouve  situé  à  plusieurs  centaines  de  kilomètres  en  amont  de  Labrea  : 
«;e  n'est  qu'un  groupe  de  maisonnettes,  Hyutanaham. 

Au  point  de  vue  économique,  le  rio  Madeira  peut  être  considéré  comme 
faisant  partie  du  même  domaine  que  le  Purùs,  mais  seulement  en  aval 
<ies  cataractes,  car  plus  haut  les  régions  du  Guaporé,  qui  jadis  formaient 
un  bassin  lacustre  indépendant,  appartiennent  à  un  autre  État,  le  Matto 
Grosso,  ayant  une  nature  différente  et  d'autres  centres  d'attraction.  Le  bas 
Madeira  parcourt  des  terrains  analogues  à  ceux  du  Purûs,  il  modifie  ses 
rives  de  la  même  manière  et  fournit  aux  traitants  des  productions  sem- 
blables. On  a  d'ailleurs  projeté  d'unir  les  deux  bassins  du  Madeira  et  du 
Purûs  par  une  route  ou  même  une  voie  ferrée,  qui,  se  détachant  du  pre- 
mier fleuve  en  amont  des  cataractes,  traverserait  le.  Béni,  puis  irait 
rejoindre  l'Aquiry  à  la  tête  de  navigation  par  barques.  Mais  les  travaux  de 
viabilité  déjà  commencés  comportaient  une  autre  solution.  Il  s'agissait  de 
suppléer  au  lit  du  Madeira,  dans  la  région  des  cataractes,  par  un  chemin 
de  fer  latéral  contournant  tous  les  obstacles  en  passant  sur  le  territoire 
brésilien,  le  long  de  la  rive  droite.  Depuis  1867,  des  spéculateurs  s'occu- 
paient de  cette  entreprise  et,  d'après  le  projet  des  ingénieurs  Keller,  il  eût 
été  possible  de  construire  cetteligne,  d'environ  290  kilomètres,  moyennant 
une  dépense  de  15  millions.  Des  conflits  diplomatiques,  des  procès.  Tin- 
cohérence  des  travaux,  abandonnés,  puis  repris,  l'insalubrité  des  fonds 
marécageux  et  des  eaux  qui  tournoient  autour  des  cataractes*,  mais  sur- 
tout les  énormes  dépenses  occasionnées  par  une  gérance  très  éloignée  des 
chantiers,  ont  ruiné  la  compagnie  concessionnaire;  et  les  rails  de  la  voie 
partiellement  construite  ont  disparu  sous  une  forêt  nouvelle,  au  grand 
regret  des  commerçants  boliviens.  Cependant  un  certain  trafic  se  ftiit 
toujours  entre  les  deux  biefs  de  navigation  du  Madeira,  malgré  les  fatigues 

*  C.  B.  Brown  and  W.  Lidstone,  Ft/I^en  Ihoiuand  miles  on  Ihe  Amazon  and  ils  tributaries. 

XIX.  Ci 


186  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

et  les  dépenses  causées  par  les  décbai^ements  et  les  rechargements,  les 
halages  et  les  portages. 

Santo  Antonio,  sur  la  rive  droite  du  fleuve  à  63  mètres  d'altitude,  garde 


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le  pied  des  ealaractes,  cl  les  liatcliei-s  s'y  reposent  avant  de  commencer 
ou  après  avoir  terminé  le  pcnible  voyage.  Sào  Antào  a  de  l'importance 
comme  lien  d'cnlrejiôt  et  centre  des  pèclieries  de  tortues  :  plus  bas  on 
recueille  surtout  les  œufs  sur  la  plage  de  Tamanduâ  ou  du  «  Grand 
Fourmilier  ».  En  aval,  trois  ou  ipialre  villages  seulement,  des  hameaux. 


188  NOUVELLE  GËOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

à  la  fois  les  soldats,  les  fonctionnaires  et  une  partie  de  la  population  civile. 
Le  rio  Branco,  qui  débouche  en  aval,  fut,  comme  le  rio  Negro,  bordé  de 
villages  populeux,  Santa  Maria,  Carmo,  Pesqueira  Real,  dont  les  habitants 
possédaient  de  grands  troupeaux  de  bétail.  Il  ne  reste  plus  rien  de  ces 
anciens  établissements,  et  même  on  ne  saurait  en  indiquer  la  place. 
Actuellement  le  pays  se  repeuple.  Malgré  l'obstacle  que  les  cachoeiras  du 
fleuve  opposent  à  la  navigation,  des  éleveurs  entreprenants  ont  introduit 
du  bétail  dans  les  savanes  qui  confinent  h  la  Guyane  britannique,  sur  les 
bords  de  TUraricoera  et  du  Takutu,  et  la  gracieuse  villette  de  Bôa  Visia  s'est 
élevée  sur  la  rive  gauche  du  rio  Branco,  en  aval  du  fortin  de  Sâo  Joaquim, 
bicoque  de  paille  et  de  boue,  dont  la  garnison,  composée  de  cinq  hommes, 
passe  la  plus  grande  partie  de  son  temps  dans  une  fazenda  voisine,  où 
on  l'héberge  par  pitié*.  En  1885,  les  diverses  «  ménageries  »  du  haut  rio 
Branco  comprenaient  quatre  mille  chevaux  et  vingt  mille  bétes  à  cornes. 
Manaos,  Tancienne  ville  dite  Barra  ou  Fortaleza  da  Barra  do  Rio  Negro, 
devait  son  ancien  nom  à  la  <<  barre  »  ou  conflit  des  eaux  qui  se  produit  à 
la  jonction  du  rio  Negro  et  de  l'Amazone  ;  son  appellation  actuelle  provient 
d'une  tribu  d'Indiens  Tupi,  jadis  puissante,  qui  résista  vaillamment  aux 
attaques  des  Portugais  :  c'est  d'après  eux  que  l'on  désigna  la  cité  mythique 
du  lac  Parima,  habitée  par  Yel  Dorculo^  l'Homme  Doré.  Manaos  fait 
exception  parmi  les  groupes  urbains  des  bords  du  rio  Negro  :  elle  est 
située  sur  la  rive  gauche  du  fleuve.  La  ville  occupe  un  vaste  espace  de 
<(  terre  ferme  »,  au-dessus  du  niveau  des  plus  hautes  crues,  et  présente 
même  quelques  monticules  :  la  grande  avenue  qui  la  traverse,  parallèle- 
ment au  rio  Negro,  h  16  kilomètres  en  amont  du  confluent,  offre 
une  succession  de  montées  et  de  descentes,  et  les  rues  qui  la  coupent  à 
angle  droit  vont  se  perdre  à  l'est  dans  la  forêt;  il  reste  quelques  débris 
de  l'ancien  fort.  Deux  ruisseaux  serpentent  dans  Manaos,  s'ouvrant  au 
fleuve  par  de  larges  bouches  qui  servent  de  lieux  d'ancrage  aux  petites 
embarcations.  A  une  petite  distance,  un  de  ces  ruisseaux  tombe  d'un 
rebord  de  grès  rouge  par  une  chute  de  5  mètres  environ  :  c'est  la  «  Grande 
Cascade  »,  le  principal  but  de  promenade  et  charmant  lieu  de  bains 
pour  les  visiteurs  de  Manaos.  Lorsque  les  Indiens  de  l'Amazonie  étaient 
pour  la  plupart  encore  indépendants,  la  Barra  servait  de  poste  central 
aux  troupes  dites  de  «  rachat  »  {resgaiào),  qui  faisaient  la  chasse  à 
l'homme  pour  fournir  des  esclaves  aux  plantations  du  littoral.  Puis  la 
ville  devint  graduellement  une  place  de  commerce,  et,  capitale  de  la  nou- 

^  Ilcnri  A.  Coudi'oau,  la  France  Êquinoxiale 


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ITACOiTURA,  PABINTISS.  t9t 

telle  province  d'Amazonie  depuis  1850,  elle  centralise  tous  les  échanges 
du  haut  Amazone  et  de  ses  affluents,  dans  l'immense  demi-cercle  formé 
par   leur  ramure,  des  montagnes  de  Parima  aui  Andes  boliviennes.  La 
posilion  privilégiée  de  Manaos,  à  la  croisée  des  grandes  voies  navigables, 
Solim^s  et  Amazone,  rio  Negro  et  rio  Madeira,  lui  assure  le  rôle  d'en- 
trepôt pour  les  produits  d'une  moitié  du  Brésil'.  En  outre,  port  accessible 
aux     grands  navires,  elle  commerce  directement,  depuis  1876,  avec  les 
nations  étrangères.  Aussi  sa  population   est-elle  fort  considérable  pour 
une      contrée  dont  les  habi- 
tants  sont  clairsemés  sur  de 
si  vastes  étendues;  de  nom- 
breuses familles  y  vivent  dans 
une  cité  flottante  debateaux. 
Un  mouvement  incessant  d'é- 
migr-ation   amenait    jadis  à 
Manaos  des  bateliers  mojos  el 
"léiïie  des  Indiens  des  hautes 
terres  de  la  Bolivie,  des  Ma- 
•"«ï-é     et  des    Itonama,  qui 
'uyaient  le   péonage  ou    le 
^rvice  militaire  et  se  con- 
**i>€laienl  peu  à  peu  avec  la 
masse   des  Tapuyos.  Depuis 
^    Substitution  de  la  naviga- 
**'*      «t    vapeur  au  Latelagc 
*^^     indigènes  ne  dépassent 
P  *^*5      Sanlo  Antonio   sur  le 
'"**^ïra   :    a    peme    voit-on 
*^ot-c  à  Mnnaos  quelques-uns  de   leurs  vieillards.  .Mois  celte  première 
'^iigi'ation  a  été  remplacée  par  une  autre,  bien  autrement  importante, 
'  '<i    des  Ccarenses,  dont  Manaos  est  le  grand  cnlrepôt  el  le  point  de  ravi- 
**'^menl  pour  leurs  voyages  dans  l'Amazonie.  Des  nègres,  des  muhUres, 
^^«^  métis,  entrent  pour  leur  bonne  part  dans  cette  po|>ulation  que  la 
'  y*^^^nce  de  quelques  cafouzes  rend  plus  bigarrée  encore.  Manaos  est  la 
^^^■^ence  de  la  plupart  des  traitants  étrangers,  notamment  des  Anglais, 
}     *^      ont  presque  monopolisé  le  commerce  du   Purûs,  e[  dos  Français, 
*    *•**  et  chrétiens,  qui  exploitent  surtout  les  seringales  du  Juruâ*.  Aux    , 

Valeur  moyenne  dos  éch;inpes  a  Manaos  :  50000000  francs. 
Henri  A.  Coudreau,  la  France  Êquinoxiale. 


[le»iD  de  I.  LHëc.  d'après  i 


193  KOUVELLE  GËOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

progrès  énormes  de  Manaos  en  population  répondenl  ceux  de  l'agricultut-e:^ 
dans  les  campagnes  de  la  banlieue,  où  l'on  recolle  surtout  le  café,  1^^ 
cacao,  le  maïs.  D'après  Barbosa  Rodrigues,  Manaos  aurait  maintenant  plu*^  j 
de  la  moitié  des  habitants  que  renferme  son  immense  province.  L'industrie  j 
de  la  borraciia  ou  caoutchouc  a  eu  pour  conséquence  économique  de  mobi-^ 
liser,  pour  ainsi  dire,  toute  la  population  et  de  dépeupler  tous  les  village^^ 


OITIjUu    et    Q>:iFLirE1T    DD  UDEIU. 


au  profit  de  leur  capitale,  devenue  un  grand  centre  de  négoce,  une  ruche  ■ 
toujours  active  dont  les  abeilles  vont  butiner  au  loin  dans  la  forêt  sans 
bornes.  Parmi  ses  établissements  d'instruction  publique  Manaos  possédait 
naguère  un  musée  des  plantes,  malheureusement  dispersé  depuis  que  le 
botaniste  Barbosa  Rodrigues  a  été  appelé  à  Rio  de  Janeiro. 

Itacoaliâra  ou  «  Pierre  à  Dessins  >-,  l'ancienne  Serpa,  est  située  sur  une 
haute  berge  de  la  rive  septentrionale  do  l'Amazone,  formée  d'argile 
rougeàlre  ou  tabatinga,  —  d'où  pi-obablement  le  nom  de  la  ville',  quoi- 


1  \\.  BatC!,  ouTrage  cité. 


194  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UN[VERSELLE. 

rapidemenl,  mais  les  chèvres  el  les  moutons  n'onl  pu  s'acclimater.  Nulle 

partie  des  régions  amazoniennes  n'est  plus  salubre  et  ne  promet  de  con-        . 

tribuer  plus  activement  au  travail  de  la  nation  brésilienne.  Les  villages  - —     . 

naissent  sur  les  bords  du  fleuve,  et  des  maisonncUes  ou  tnaromatj  drcs-    .,^^ 

sées  sur  pilotis,  élargies  de  varandes,  plongent  dans  l'eau  les  piles  de  s^^  _^ 

leurs  débarcadères,  où  s'amarrent  des  batclets  à  l'ombre  des  cacaoyers.  _    j— -  . 

Entre  Manaos,  la  ville  centrale  de  l'Amazonie,  et  Para,  la  gardienne  dc^--^  ^-, 


l'csluairc,  le  premier  rang  apparliont  à  Santarcm,  située  à  l'embouchure 
du  Tapajoz,  sur  la  déclivité  mourante  d'une  longue  colline,  couverte 
d'orangei's;  en  amont  s'étend  le  vaste  lac  aux  eaux  presque  sans  mou- 
vement dans  Iccjuel  se  déverse  le  Tapajoz  avant  de  rejoindre  l'Amazone  par 
la  passe  de  Santincm.  Fondée  en  1758,  la  ville  ne  grandit  que  lentement, 
malgré  les  avantages  que  lui  donnent  ses  voies  de  navigation  :  les  bâtiments 
du  plus  fort  tirant  d'eau  peuvent  mouiller  dans  son  |iort  après  s'être  fait 
porter  pai-  la  marée  et  pousser  par  le  vent  alizé,  qui  souffle  pendant  la 
moitié  de  l'année  presque  sitns  iiitt^iruplion ;  du  golfe  amazonien  à  San- 


ALEHQUER.  SAMAREH. 


I,  le  fleuve  est  ii  peu  près  rccliligne,  permettant  ainsi  aux  voiliers 
îmonler  le  courant  sans  changer  leurs  amures.  îji  navigation  h  vapeui- 
core  accru  les  facilités  de  Santarem  pour  le  commerce,  mais  les  cata- 
es  du  Tapajoz,  en  amont  du  bourg  d'Itaituba,  h  445  kilomètres  de 


Santai-em,  barrent  toujours  le  |)assage  aux  bateaux  :  le  eopalm,  la  vanille, 
le  caoutchouc,  les  chiïtaigncs  du  herlhollelia  ne  sont  apportés  des  hauts  de 
la  vallée  que  par  des  barques  traînées  péniblement  de  bief  en  bief:  te 
lonka  ou  tonga,  arbre  superbe,  identi(|ue  au  sarrapia  des  boids  de  l'Oré- 
noque  {dipteryx  odorata),  eroil  en  abondance  autoui-  de  Simtarem  e1 
fournil  un  prwieux  aromate.  Rn  face,  sur  la  rive  orridenUile  ilu  lac  Ibi'mé 


196  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UlflYERSELLE. 

par  le  Tapajoz,  se  montre  la  villette  de  Villafranca,  iprès  de  laquelle 
rÉtat  brésilien  possède  une  vaste  cacaoyëre,  léguée  par  les  Jésuites.  En 
amont,  sur  la  même  rive  du  fleuve,  des  Américains  venus  des  bords  du 
Mississippi  ont  fondé  après  la  guerre  de  Sécession  une  colonie  agricole, 
peuplée  maintenant  en  grande  partie  de  Brésiliens. 

La  côte  méridionale  du  fleuve  qui  se  prolonge  à  Test  en  aval  de  Santarem, 
est  la  plus  populeuse  des  bords  amazoniens,  en  dehors  des  agglomérations 
urbaines  ;  les  maisonnettes  entourées  de  cultures  se  succèdent  en  un  long 
village  de  50  kilomètres,  au  pied  et  sur  les  berges  d'un  plateau  de  grès 
qui  accompagne  le  fleuve  à  une  dizaine  de  kilomètres  dans  l'intérieur  :  c'est 
ce  qu'on  appelle  la  montanhaj  quoiqu'elle  s*élève  seulement  de  i  30  à 
i50  mètres.  De  nombreuses  ruines  et  «  minettes  »,  taperai  et  taperinhoi^ 
de  même  que  des  rester  de  routes,  se  voient  dans  cette  région  jadis  très 
peuplée  d'Indiefis*.  Plus  loin,  apparaît  au-dessus  de  la  rive  gauche  la  ville 
de  Monte  Âlegre,  qui  mérite  bien  son  nom,  «  Mont  Joyeux  ».  Unique  parmi 
les  colonies  amazoniennes,  elle  s'élève,  non  sur  une  berge,  mais  sur  une 
véritable  colline  revêtue  de  cactus,  et  de  ses  terrasses  on  aperçoit  les  longs 
méandres  du  fleuve,  les  lacs  riverains  et  leur  réseau  de  bayous,  tous  sépa- 
rés par  la  zone  serpentine  des  forêts  et  des  prairies.  Une  rivière  abondante 
longe  le  coteau,  et  plus  loin,  au  bord  du  fleuve,  se  groupent  les  maisons 
et  les  entrepôts  du  village  d'escale  avec  sa  flottille  de  barques  et  de  navires. 

Au  delà,  quelques  moindres  agglomérations  urbaines  se  succèdent  sur 
le  grand  bras  de  l'Amazone  :  Almeirim,  peuplée  d'Indiens  Aracajû,  groupe 
ses  demeures  à  rembouchure  du  Paru,  à  rouest  duquel  s'élevait  jadis 
un  fort  hollandais;  Porto  de  Mpz  commande,  au  milieu  d*un  archipel,  le 
labyrinthe  des  eaux  qui  unit  le  Xingû  au  fleuve  principal,  et  réunit  les 
bateaux  à  vapeur  qui  remontent  au  sud  jusqu'à  Souzel,  en  aval  de  la  der- 
nière cataracte  du  Xingû  ;  Guinipà,  située  au  nord-est,  sur  un  autre  carre- 
four de  voies  fluviales,  domine  le  chenal  le  plus  fréquenté  :  les  Hollandais 
s'y  étaient  insUillés,  et  après  eux  on  y  plaça  la  douane  d'entrée  pour 
tout  le  bassin  de  l'Amazone.  La  ville  a  pris  son  nom  d'une  tribu  tupi 
qui  n'existe  plus.  Les  diverses  îles  qui  s'alignent  au  nord  dans  l'estuaire 
et  le  divisent  en  plusieurs  voies  parallèles  sont  aussi  connues  par  l'appel- 
lation d'archipel  des  Gurupas. 

Macapa,  que  les  Portugais  élevèrent  on  1744  sur  la  rive  septentrionale 
de  l'estuaire,  à  2  minutes  seulement,  soit  3  à  4  kilomètres,  au  nord  de 
l'équateur,  devait  être  le  boulevard  de  l'Amazonie;  une  puissante  forte- 

*  Herbert  H.  Sinilh,  Brazil,  Uie  Aviazons  and  the  Coast. 


198  ^OUTELLE  GËOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

cette  partie  de  la  vaste  nappe  d'eau,  dite  le  Guajaru,  se  ramifie  dans 
l'intérieur  de  ta  ville,  où  elle  reçoit  la  rivière  Gapim;  d'autres  canaux 
naturels  rayonnent  dans  toutes  les  directions.  Dépourvue  de  collines,  de 


rcnllemenis  du  sol  où  les  édifices  s'élèveniicnt  en  amphithéâtre,  le  roc 
ne  fîiisant  une  légère  saillie  qu'à  l'cxtrémilé  méridionale,  Para  se  montre 
seulenieni  en  façade,  et  n'étonne  ni  par  le  piltoresquo  ni  par  la  majesté 
de  son  aspect;  mais  elle  a  des  quarlîei-s  charmants,  dont   les    mai-sons 


BOUCHES  DE  L'AI 


NouToIle  ËéograpUie  Uniiersellc.  T.  X]\.  M.  II. 


PARi.  SOI 

rnées  de  galeries,  re\êtues  de  faïences,  sont  ombragées  de  grands  arbres  : 
elle  avenue  se  compose  de  fromagers,  telle  autre  d'arbres  à  pain,  une 
uire  de  palmiers  ;  des  jardins  d'orangers  s'entremêlent  aux  maisons  dans 
es  faubourgs  de  la  cité,  et  d'innombrables  villas,  éparses  sur  la  lisière 
u  dans  les  défrichements  de  la  forêt,  disputent  leurs  enclos  à  la  végé- 
ition  spontanée.  Mais  dans  la  partie  de  la  ville  voisine  du  port  les 
iiariiers  ont  déjà  la  physionomie  commerciale,  et  une  population  affairée 
y  presse  pendant  le  jour;  car  Para  est  devenue  une  grande  cité  de  trafic, 
i  cinquième  de  la  république  brésilienne* 

Fondée  en  1615,  Para  s'accinit  lentement  jusqu'à  la  séparation  du  Brésil 
L  de  la  métropole.  Mais  alors  la  ville  amazonienne,  la  plus  portugaise  de 
mie  la  colonie,  garda  longtemps  le  pouvoir  impérial,  et  pendant  plusieurs 
nnées  se  succédèrent  des  révolutions  et  contre-révolutions.  A  la  fin, 
n  1855,  éclata  la  guerre  du  «  Cabanagem  »,  guerre  sociale,  mais  des 
>lus  confuses,  dans  laquelle  agissaient  diversement,  croisant  leurs  effets, 
es  haines  des  Indiens  et  des  noirs  contre  les  blancs,  des  Brésiliens  contre 
es  Portugais,  des  esclaves  contre  les  maîtres,  des  pauvres  contre  les 
•iches,  des  catholiques  contre  les  francs-maçons.  A  la  suite  do  ces  con- 
lits,  la  ville  se  trouva  presque  ruinée  :  sa  population,  qui  en  1819,  sous 
e  régime  portugais,  s'élevait  à  24  500  habitants,  n'en  comptait  plus  que 
15000  en  1848.  En  1830,  la  fièvre  jaune  fit  sa  première  apparition, 
es  trois  quarts  des  habitants  tombèrent  malades  et  les  autres  s'enfuirent  : 
Dut  commerce  cessa.  Depuis,  Para  s'est  développée  d'une  manière  éton- 
anle  :  en  moins  d'un  demi-siècle,  la  population  a  plus  que  sextuplé  et 
î  numvement  des  échanges  a  plus  que  décuplé.  Des  représentants  de 
mies  les  races  se  rencontrent  à  Para,  où  les  Portugais  dominent.  Prin- 
paux  entrepositaires  du  trafic,  ils  ont  un  grand  esprit  de  solidarité,  se 
•éditent  et  s'entr'aident  à  l'occasion;  une  partie  du  commerce  interna- 
onal  et  toute  la  vente  au  détail  sont  entre  leurs  mains.  Le  monopole  de 
lusieurs  métiers  appartient  aussi  à  des  immigrants  de  Porto,  et,  comme 
ans  les  villes  d'Espagne,  des  Gallegossont  les  porteurs  d'eau.  De  nombreux 
é[K)rtés,  Anibes  et  Français,  évadés  de  Cayonne,  se  sont  réfugiés  à  Para. 

Quoique  situé  à  plus  de  cent  kilomètres  de  la  mer,  le  chenal  de  Pani  offre 
me  profondeur  de  7  mètres,  et  i\o  grands  navires  apport(*nt  des  objets 
nanufacturés  d'Europe,  des  conserves,  des  farines,  pour  prendre  en 
•change  du  caoutchouc,  le  plus  apprécié  du  monde,  du  cacao,  des  cuirs, 
les  denrées  pharmaceutiques,  et  parmi  de  rares  produits  industriels,  les 
.hapeaux  de  paille  du  Pérou.  La  i)lus  grosse  part  des  échanges  se  fait  avec 
es  Étals-Unis;  l'Angleterre  et  la  France  suivent  par  ordre  d'activité.  L'in- 
X1S.  36 


90i  NOUYELLE  GfiOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Quence  morale»  exercée  par  la  littérature»  les  idées  et  les  modes,  vient  sur- 
tout de  Paris.  Le  commerce  que  fait  Pari  avec  l'intérieur  de  TAnuiionie,- 
égale  le  mouvement  du  trafic  avec  Tétranger*.  Des  seringneiros  on  cher^ 
cheurs  de  caoutchouc  par  dizaines  de  milliers  émigrent  périodiquranent 
dans  les  forêts  amazoniennes  pour  le  compte  des  négociants  de  Belem. 
De  nombreuses  petites  villes  gravitent  autour  de  Pari  et  entretiennent 
avec  elles  des  relations  constantes.  Yigia,  à  l'entrée  du  fleuve,  signale  les 
arrivages;  Salinas,  sur  une  falaise  blanche  qui  regarde  la  haute  mer,  sert 
d'avant-port  pour  les  bateaux  pilotes;  Dragança,  située  plus  à  Test,  domine 
les  plages  que  fréquentent  les  baigneurs  de  Paré,  dont  elle  devient  une 
sorte  de  faubourg»  grâce  à  son  nouveau  chemin  de  fer.  La  villette  de 
Cametà»  sur  une  haute  berge  à  l'ouest  du  Tocantins,  large  de  8  kilomètres, 
occupe  le  centre  de  la  région  la  plus  populeuse  de  l'État*  :  les  habitants, 
tous  mamelucos  descendant  par  les  mères  des  Indiens  Gamuti,  ont  autant 
d'intelligence  et  d'initiative  que  les  Portugais;  ils  ont  le  même  esprit 
d'industrie»  mais  les  dépassent  en  bonne  grâce  et  en  bonté.  Gametâ  est^ 
un  des  paradis  du  Brésil  par  la  beauté  de  ses  palmeraies,  de  ses  tles». 
de  ses  cultures»  aussi  bien  que  par  le  charme  de  la  vie  sociale.  Elle  méri- 
terait un  proverbe  louangeur  comme  celui  que  répètent  avec  complaisance 
les  Paraenses  et  que  certains  étrangers  répètent  avec  ironie  :  Quem  vai 
para  Para  para^  «  Qui  entre  à  Para  reste  à  Para  ». 


III 

VERSANT    DU    TOCANTINS. 

ÉTAT    DE    GOTAZ. 

Le  système  hydrographique  du  Tocantins  se  rattache  étroitement  à  celui 
des  Amazones.  S'il  est  vrai,  comme  tout  semble  l'indiquer»  que,  par  suite 

>  Valeur  du  commeixe  de  Para  en  1796 1  575  000  francs. 

))  ))    en  1852 10  000  000     » 

))      des  exportations  par  année  moyenne,  de  1880  à  1891.  86  250  000      n 

Exportation  du  caoutchouc  en  1892, 18  800  tonnes  ;  valeur,  ^  120  000      p 

Receltes  de  la  douane  de  Para 25  685  000      » 

«  Villes  principales  de  TAinazonas  et  de  Pai*à,  avec  leur  population  approximative,  d*aprè»  Barbosa 
Rodrigues,  en  1895  : 

AMAZOJtAS.  PARX. 

Manaos  (Barra  do  Rio  Negro).   .       50  000  hab.       Para  (Belem) 110  000  hab. 

Teffé  (Ega) 1  000     »          Cametâ 10  000  » 

Santarem 2  000  » 

Mac^apô 1000  » 


BASSINS  DE  L'AMAZONE  ET  DU  TOCANTINS.  205 

raffaissements  continus  du  lit  marin,  les  eaux  de  l'Atlantique  aient  envahi 
es  terres  occupées  actuellement  par  le  golfe  amazonien,  il  fut  un  temps 
m  le  Tocantins,  communiquant  aujourd'hui  avec  le  «  Fleuve-Mer  w  par 
les  bayous  de  marée,  unissait  directement  son  courant  au  sien  par  un  con- 
luenl  situé  à  Test  de  l'île  Marajo  :  il  était  alors  un  simple  tributaire  de 
Amazone.  D'ailleurs  il  s'écoule  du  même  versant  que  les  autres  affluents 
léridionaux  du  grand  fleuve,  le  Xingû,  le  Tapajoz,  et  son  cours  se  déve- 
>ppe  parallèlement  au  leur.  Mais  par  la  région  des  sources,  le  Tocantins, 
aissant  au  centre  même  du  massif  orographique  brésilien,  confine  à 
'autres  provinces  naturelles,  les  deux  bassins  du  Sâo  Francisco  et  du 
aranà.  Aussi  le  Brésil,  reconstitué  sous  forme  de  république  fédérale, 
-t-il  eu  l'idée  de  se  donner  un  nouveau  chef-lieu,  situé  précisément  dans 
ette  région  faîtière,  près  du  lieu  de  divergence  de  trois  fleuves  princi- 
paux. Au  point  de  vue  purement  géométrique,  le  site  choisi  coïncide 
rien  avec  le  centre  du  territoire;  mais,  si  l'on  avait  voulu  prendre  le  véri- 
able  milieu,  c'est-a-dire  l'endroit  du  Brésil  autour  duquel  les  popula- 
ions  s'équilibrent  numériquement,  il  aurait  fallu  le  chercher  beaucoup 
plus  à  Test,  dans  l'État  de  Minas  Geraes.  On  a  pensé  que  dans  l'avenir  le 
centre,  se  déplaçant  graduellement  vers  le  Grand  Ouest,  finirait  par 
9ccuper  le  site  préparé  pour  la  capitale  future.  C'est  ainsi  qu'aux  États- 
Unis  du  Nord  le  lieu  d'équilibre  pour  tous  les  habitants  du  pays  n'a  cessé 
le  cheminer  de  l'est  a  l'ouest,  avec  le  flot  d'immigration,  des  cités  du 
littoral  aux  solitudes  de  l'intérieur. 

Il  n'y  a  point  coïncidence  entre  les  limites  du  Goyaz  et  celles  du  bassin 
dont  le  Tocantins  porte  les  eaux  au  golfe  de  Para.  L'État  de  Goyaz,  dont  la 
superficie  est  très  diversement  évaluée,  occupe  au  sud  du  faîte  des  monts 
Pyreneos  une  partie  du  versant  méridional  incliné  vers  le  Parana,  et  du 
côté  de  l'ouest  il  n'embrasse  qu'une  moitié  de  la  vallée  de  l'Araguaya;  sa 
frontière  est  formée  par  le  fleuve  lui-même*.  Quant  aux  contours  du  bassin 
d'écoulement,  ils  sont  d'une  remarquable  précision.  Un  cirque  de  forme 
ovalaire  se  développe  autour  des  deux  branches  maîtresses,  le  Tocantins  et 
l'Araguaya,  et  se  ferme  au  nord  par  les  seuils  de  rochers  d'où  plongent  les 
dernières  cataractes  du  fleuve;  sinon  des  chaînes  de  montagnes,  du  moins 
les  escarpements  d'un  plateau,   les  renflements  du  sol,  constituent  les 

*  Superficie  ci  population  du  Goyaz  : 

Superficie  approximative,  d'après  Wagner  cl  Supan.  747  511  kilomètres  carrés. 

Population  recensée  en  1872 180  000  habitants. 

))        probable  en  1897 250  000  )) 

Densité  kilométrique 0,55  liabitants  par  kil.  carré. 


204  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

parois  extérieures  de  ce  grand  amphithéâtre.  A  l'est  surtout,  le  boi^ 
du  bassin  se  redresse  en  escarpements  d'un  vigoureux  relief  auxquels  oh 
donne  le  nom  de  serraSy  d'après  l'apparence  qu'ils  offrent  vus  de  E 
vallée  :  serra  das  Mangabeiras,  serra  do  Douro,  serra  da  Tabatinga,  sera 
do  Paranan.  En  réalité,  les  hauteurs  consistent  en  chapadôe$y  fragment 
d'un  plateau  de  grès,  étendues  monotones,  ayant  une  élévation  moyen» 
de  400  mètres,  auxquelles  se  superposent  de  distance  en  distance  de 
masses  cubiques,  plus  hautes  de  80  mètres,  et  où  se  creusent  quelque 
dépressions  d'égale  profondeur.  Toute  la  contrée  fut  une  plaine  uniforme 
dont  les  inégalités  actuelles  sont  dues  au  travail  érosif  des  eaux*.  Seule 
ment  par  une  faible  partie  de  son  cours  inférieur  le  Tocantins  entre  dan 
la  plaine  alluviale]  qui  prolonge  à  l'est  celle  de  l'Amazonie.  Les  régions 
complètement  inconnues  de  ce  bassin  occupent  encore  une  très  grande 
s.uperficie,  car  les  explorateurs,  parmi  lesquels  on  doit  citer  Francis  do 
Castclnau,  Couto  de  Magalhacs,  Hassler,  Ehrenreich,  ne  se  sont  guère 
écartés  du  fleuve  ou  de  son  voisinage  immédiat.  Pohl  et  Natterer  ont  aussi 
visité  le  Goyaz.  Au  siècle  dernier  quelques  voyages  de  découvertes  avaient 
eu  lieu  également,  quoique  le  gouvernement  portugais  les  eût  interdits  er 
haine  de  tout  changement.  Tavares  Lisbao,  coupable  d'avoir  descendu  le 
Tocantins  jusqu'à  Para,  fut  incarcéré  avec  ses  compagnons  et  n'échapp? 
qu'avec  peine  à  la  mort*. 

Deux  rivières,  égales  par  la  longueur  du  cours  et  peu  différentes  pai 
l'abondance  des  eaux,  s'unissent  pour  former  fe  fleuve  inférieur,  le 
Tocantins  proprement  dit,  et  TAraguaya  :  en  France,  la  Loire  et  l'Alliei 
présentent  un  exemple  analogue.  Entre  les  deux  cours  d'eau  brésiliens, 
comme  entre  les  deux  rivières  françaises,  se  profilent  des  hauteurs  assez 
élevées  pour  prendre  en  certains  endroits  un  aspect  de  montagnes  et 
constituant  une  île  géologi([ue  distincte  :  dans  le  Goyaz,  cette  île  se  com- 
pose de  roches  métamorphiques  entourées  de  grès.  Les  premières  eaux 
qui  alimentent  la  rivière  orientale  ou  Toc«mtins,  s'échappent  d'une  vallée 
d'angle  formée  par  l'arête  transversale  des  Pyreneos  et  s'assemblent  dans 
un  lac  paisible,  le  Formosa,  dont  l'effluent,  coulant  d'abord  au  nord-ouest 
sous  le  nom  de  Maranhào,  se  reploie  ensuite  à  angle  droit  vere  le  nord-est. 
Uni  au  gave  des  Montes  Claros,  il  prend  l'appellation  de  Tocantins,  qu'il 
gardera  jusqu'à  la  mer,  et  se  mêle  à  une  rivière  de  force  égale,  le  Parauci 
ou  Parana-Tinga,  «  Fleuve  Blanc  »,  qui  recueille  tous  les  ruisseaux  descendus 

*  Ollo  Clauss,  Verhandlungen  des  fUnften  Geographentayat  zu  Hamhurg,  1885;  —  Orvillc 
A.  Derby»  A  Geographia  physica  do  BraziL 

*  Fr.  de  Castclnau»  Expéditions  dans  les  parties  centrales  de  IWmérique  du  Sud. 


BASSIN  DU  TOCANTINS.  305 

du  versant  occidental  des  monts  de  Faranan  et  de  TaLiitinga.  Le  courant 
f>roduit  par  toute  cette  ramure  de  rivières  abondantes  roulerait  assez 
d'eau,  dans  un  lit  asseï  profond,  [mur  la  grande  navigation  par  bateaui  h 
vapeur,si  desseuilsdc  rochers  ne  l'interrompaient  de dislaut-e en  distance. 


.80- 

Ouest 

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dî  Gr,enwl  Jl                                              -W 

linSuu  :  Humboldl  (IMtt). 

IVtau  :  HbMoiuiIo {17131  ;  H'  Rwlin  (l'SiO. 

Caa-!la|»  :  Cnuula  l-iiarrodÛUIi;  Teirira  |t<S'i:  Frill 

(lliM);  l'illiiiri'ncio  (IK5H). 
BiulbRi  :  Haw  llHfJ);  Hrnuinn  (IHUi. 
l'cajili  .'CioIflDiii  |Igtl>)',r.ilil>an(l)Ûii). 
Jinrr  :  BlU'k  H  lliwnhollt  (1HT4|. 
hiliiâu]ro-lra  :  liiui  il(  Snu  {16UU);  Rp)»  (ISTlj;  Siui- 

•00  (I876j:*>™ui  IIHTtlI. 
Jiicul  ;  OuMlIrM  ilW7). 
Ck|DHM^niii  ;  S|>ii  <4  Miirliui  {isai};  Silvn  Ik.ulinlu. 

PinAa  :  l'riaiw  ()«»,;  Ui:uullr».  (IRfîtj;  LaliK  (llW7i: 

Elirroreirh  (tlM9). 
Im   NrKro-l'auK-'-Bnin")  ;  ^n"»  (UTOI;  IIiiiiiIk.IJi 

llimi);    N|ui    et   Uanii»  (IIMO};   ili'    Baiiv«-  (IHÂM; 


H.  Si'lioiriLiirKk  (IMSIti;  WalbcR  (IWil):  ïlrmlplli  (tNHIj; 
(Jiiiilri'gu  riKNSi. 

(IKIS);  lù'Ilpr-LriiiiiicprItNIÎ);  S>-irrtil|ir i IKiS). 

rnniikMi»  ;  Ibrlnu  Hoclriuiu-  riNnï);  IJimlmiu  (HMi). 

:  Laii|mlorir|l)«7);  <:ir4<Uiuii  (IHUK  ■■ 


(IWil: 


i»tiij;j, 


Xiiii.'ù  :  Ailalld'n  ilr  l'ru-^  i  lHli|  ;  « 

IHK7). 

J.rï  :  Cmuui  (UrS-TSI). 
AtiiBiflBP'M>n-lluu(lSII)l;Tinpir:iill>S7|:KHIi|inHI|: 

c:aiHl*Diinr  11711);  S|hi  H  Haniiit  (DMIj;  MMiInv.-l 

(IN(6);  Anirdn  (IWi);  A||iiMit,  llnrli  (IMiSi. 
Tui'anliii'  :  Ca^IRlniii  IIKIII  :  r^Hii.i  d,'  )l,i).nlhli'-  (IWii  ; 

llayilrr  (IMM);  Kliniin-Uli  (IKKHi. 


mdtWl- 


Divers  affluents  eonsidénibles  se  succèdent,  venus  presque  tous  du  vei-- 
sanl  oriental,  et  l'un  d'eux,  le  rio  do  Somno,  jirovieiit  d'un  f:iile  d'aigue- 
verse  (652  mètres)  dtml  les  eaux  sV-[)anfbeiit  des  deux  côtés  à  la  fois; 
même  la  carte  d'Homem  de  Mello,  publiée  en  18X5,  attribue  au  latçuet 
formant  la  vasque  suprême  un  triple  é|)anchemenl,  vers  le  Tocaiilins  par 
le  Somninho  et  [)ar  le  Novo,  et  vers  le  Siïo  Fnmciseo  par  le  Siipào.  Après 


Î206  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

la  jonction  du  Manoel  Alves  Grande,  le  Tocanlins  s'ouvre  un  passcige  a 
travers  des  barrières  de  rochers.  C'est  la  partie  héroïque  de  son  cours  par 
ses  brusques  changements  de  direction,  ses  rapides  et  ses  chutes.  Enfin, 
trouvant  au  nord  un  seuil  infranchissable,  il  doit  se  rejeter  à  l'ouest  et 
s'unir  à  l'Araguaya,  qui,  par  l'axe  de  sa  vallée  aussi  bien  que  par  un  débit 
légèrement  supérieur,  paraît  être  la  plus  importante  des  rivières  jumelles. 

L'Araguaya  naît  plus  au  sud  que  le  Tocantins.  Sous  le  nom  de  rio 
Grande,  si  commun  dans  la  nomenclature  américaine,  il  s'épanche  de  la 
serra  Cayapé,  non  loin  d'autres  sources  qui  descendent  à  l'ouest  vers  le 
Paraguay.  Gonflé  par  le  rio  Claro  et  d'autres  affluents  considérables,  il  est 
déjà  de  navigation  facile  avant  de  recevoir,  du  côté  de  l'ouest,  son  tributaire 
le  plus  abondant,  le  rio  das  Mortes,  appelé  Roncador  dans  son  cours  supé- 
rieur, sur  un  plateau  sans  faîte  marqué,  où  les  eaux  hésitantes  serpentent 
d'un  côté  vers  le  bassin  du  Tocantins,  de  l'autre  vers  celui  du  Paraguay.  A 
l'endroit  où  le  rio  das  Mortes  s'unit  à  l'Araguaya,  ce  fleuve  s'est  déjà 
dédoublé  pour  embrasser  entre  ses  deux  lits  l'Ile  allongée  dite  du  Bananal, 
qui  comprend  une  superficie  évaluée  à  vingt  mille  kilomètres  carrés. 

Cette  île  des  «  Bananeraies  »,  qui  n'a  pas  moins  de  400  kilomètres  du 
sud  au  nord,  —  510  kilomètres  avec  les  sinuosités  de  la  rive  occidentale, 
—  paraît  être  une  nappe  d'alluvions  lîicustres  :  elle  a  gardé  sa  parfaite 
horizontalité,  et  dans  sa  partie  septentrionale  se  trouve  encore  parsemée 
de  marais;  même  elle  est  occupée,  dit-on,  par  une  vaste  nappe  d'eau  dont 
l'effluent  se  déverse  dans  le  bras  oriental  de  l'Araguaya,  généralement 
désigné  sous  le  nom  de  Braço  Menor,  à  cause  de  la  moindre  abondance  de 
sa  masse  liquide.  Au  nord  de  l'île  Bananal,  deux  autres  îles,  qui  comblèrent 
également  des  bassins  de  l'ancienne  mi'v  intérieure,  se  succèdent  jusque 
vers  le  8**  degré  de  latitude,  longeant  la  serra  dos  Cayapos,  qui  se  rap- 
proche peu  à  peu  et  projette  des  travessôes  (entapaivas)  ou  saillies  de  rocs 
éruplifs  ou  de  frneiss  à  travers  le  courant.  Ce  sont  les  arêtes  d'où  le  fleuve 
s'épanche  eu  rapides  ou  en  cascades  :  là  commence  la  descente  des  pla- 
t(»aux  intérieurs  vers  les  campagnes  amazoniennes.  Les  premières  éclusées 
ne  sont  point  dangereuses  pour  la  navigation,  mais  le  courant  devient 
plus  rapide  et  plus  accidenté  de*  cataracti^s  et  de  remous  sur  une  longueur 
d'environ  29  kilomètres  jus(|u'à  la  Carreira  C()m[)rida;  dans  cet  espace 
TAra^uava  lonibe  d'une  hauteur  totale  de  25  mètres  et  demi,  soit  d'en- 
vii'on  1  mèln*  pai*  kilomètre.  Ici  W  fltMive  tourne  au  nord-est,  formant  de 
moindres  bouillons;  j)uis,  tri's  profond,  très  rapides  resserré  à  150  mètres, 
il  passe  dans  un  étranglement  de  rochers,  percés  de  puits  et  couverts  de 
sculptures   indiennes,    dans    les(|uelles   les    bateliers   brésiliens    ont    cru 


«connaître  Timage  du  supplice  de  Jésus-Christ  :  d'où  le  nom  de  Mar- 
-jrios  donné  à  ce  passage'.  La  masse  liquide  est  entraînée  dans  l'étroit 
e  la  Cacboeira  Grande  ou  de  la  «  Grande  Cataracte  »,  dont  la  déclivité 
Sgale  à  peu  près  celle  de  la  Carreira  Comprida,  soit  16  mètres  sur  une 
ongueur  de  19  kilomètres.  Ehrcnreich  descendit  ces  rapides  dans  l'espace 
^'une  heure,  tandis  que  pour  en  remonter  le  courant  les  grandes  barques 
emploient  quinze  jours  et  les  petites  de  six  à  huit.  Au  delà,  les  eaux 
reprennent  leur  tranquillité,  jusqu'à  l'endroit  où  la  rivière,  se  heurtant 
<ontre  un   obstacle  de  rochers,   se  rejette   brusquement  vers  le   nord- 
ouest,  et  par  de  nouveaux  rapides  va  rejoindre  l'autre  grande  rivière,  le 
Tocantins  :  celle-ci,  malgré  la  moindre  abondance  de  sa  masse  liquide, 
impose  son  nom  aux  courants  unis*.  Le  confluent  a  pris  le  nom  de  «  Duas 
Barras  »  ou  des  «  Deux  Barres  »,  synonyme  de  «  Bec  d'Ambez  ». 

En  aval  du  confluent,  le  fleuve  n'a  pas  encore  fini  de  traverser  la  zone 
rocheuse.  De  nombreuses  travessôes  barrent  le  courant  de  rive  à  rive.  Au 
passage  des  rochers  de  Tauiry,  les  eaux  descendent  de  plusieurs  mètres 
par  une  succession  de  gradins,  que  les  banpies,  même  faiblement  char- 
gées, ne  peuvent  franchir  sans  accident,  sauf  dans  la  période  des  crues,  en 
rnars  et  en  avril  ;  pendant  le  reste  de  l'année,  il  faut  vider  les  bateaux  et 
l^s  haler  de  la  rive  pour  surmonter  les  rapides.  Plus  loin,  d'autres  sauts, 
sxyant  près  de  2  mètres  en  hauteur  totale,   interrompent  encore  le  cours 
fluvial  :  ce  sont  les  chutes  d'Itaboca,  les  dernières  dénivellations  brusques 
c3u  Tocantins.   Mais  plus  bas  le  chenal   reste  obstrué  par  des  fonds  de 
»x)che,  et  la  navigation  ordinaire  s'arrête  devant  le  fort  ruiné  d'Alcobaça, 
^DÙ  le  fleuve  n'a  plus,  en   eau  basse,   que  1   mètre  10  de  profondeur. 
Un  cet  endroit  on  ne  se  trouve  plus  qu'à  210  kilomètres  du  carrefour  de 
^'oies  navigables  où  se  joignent  le  Tocantins  et  l'estuaire  de  Para.  Ainsi 
le  fleuve  n'oflre  à  la  grande  batelleiMe  que  la  dixième  partie  de  son  cours 
total'.  Le  Goyaz  est  donc  dépoui*vu  de  toute  communication  naturelle  avec 
le  littoral,  et  c'est  par  des  moyens  artificiels,  canaux  et  chemins  de  fer, 
qu'il  lui  faudra  transformer  en  routes  de  commerce  ses  deux  puissants 
cours  d'eau,  le  Tocantins  et  l'Araguaya.  De  même  (|u'à  l'ouest,  dans  les 


>  Francis  de  Castelnau,  ouvrage  cité. 

«  Paul  Ehrenreich,  ZeiUchrift  der  Gescllschaft  fur  Erdkundc  zu  Berlin,  1891. 

'  Système  hydrographique  des  deux  rivières  : 


Tocantins  .    .    .    . 

Longueur  du  cour» 
en  kiloniùlre». 

2  500 

Sui»crlicie  du  bassin 
on  kil.  carres. 

475  000 

Débit 
en  nièt.  cubes  par  a 

9 

• 

Araguaya  .    .    .    , 
Fleuves  réunis  . 

.    .         2  000 
2  800 

407  750 
8S2  750 

y 
1 0  000  (?) 

208  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

régions  que  parcourent  les  ciffluenls  de  l'Amazone,  les  civilisés  brésiliens 
ne  connaissent  que  le  bord  immédiat  des  fleuves  :  les  plateaux  intermé- 
diaires sont  c(  terre  ignorée  »  dans  presque  toute  leur  étendue. 


L'orientation  du  Tocantins,  dans  le  sens  du  sud  au  nord  et  sur  une  pente 
fortement  inclinée,  donne  au  Goyaz  une  grande  variété   de  climat.    Des 
sources  de  l'Araguaya  a  l'estuaire  de  Para  les  eaux  parcourent  dans  l'hé- 
misphère méridional  17  degrés  de  latitude,  et  l'ensemble  de  la  déclivité 
comporte  environ  800  mètres,  entre  les  seuils  les  plus  bas  du  plateau  et 
les  alluvionsdc  la  côte;  il  dépasse  1200  mètres  si  l'on  prend  comme  point 
de  départ  les  rebords  abrupts  du  cirque  de  montagnes  dans  la  serra  Goyana. 
Tandis  que  la  partie  inférieure  du  bassin  reste  comprise  dans  la  zone  ama- 
zonienne et  jouit  par  conséquent  d'un  climat  maritime,  chaud  et  humide, 
mais  avec  de  très  faibles  oscillations  diurnes  et  saisonnières,  la  région 
des  hauts,  formant  une  espèce  de  cinjue  au  centre  même  du  continent, 
[)résente  du  froid  au  chaud  des  variations  beaucoup  plus  considérables.  Les 
froidures,  amenées  surtout  pendant  le  mois  d'août  par  les  vents  du  sud, 
soit  l'alizé  normal  du  sud-est,  soit  le  vent  du  sud-ouest,  descendent  par- 
fois à  plusieurs  degrés  au-dessous  du  point  de  congélation  ;  d'autixî  part, 
les  ardeurs  de  l'été  atteignent  et  dépassent  même  40  degrés  centigrades. 
L'amplitude  des  oscillations,  très  forte  d'une  saison  à  l'autre,  l'est  aussi  du 
jour  à  la  nuit,  <juand  le  vent  saute  brusquement  d'un  point  h  l'autre  de 
l'horizon;  en  moins  de  vingt-cjualre  heures  on  peut  observer  des  éc^irts  de 
20,   même  de  24  degrés.    D'ailleurs,    les  saisons  sont   rythmées   comme 
dans  les  partiels  moins  élevées  de  la  zone  tropicale  du  sud;  les  pluies,  qui 
commencent  à  tomber  en  sc^plembre,   inaugurent  l'été,  qui  est  en  même 
temps    l'hivernage  de  l'hémisphère  méridional.    La  quantité    d'eau    que 
ivçoivent  les  hautes  vallé^^s  du  Tocantins  ne  paraît  avoir  été  mesurée  jus- 
(|u';i  maintenant  en  aucune  station  du  Goyaz \  On  l'évalue  à  près  d'un 
Uiètre  par  an.  Pendant  la  saison  sèche  les  [)luies  sont  remplacées  par  des 
rosées  très  abondantes,  cjui  suffisent  pour  entretenir  les  sources. 

La  flore,  la  faune,  présentent  des  variations  correspondantes  h  celh»s  du 
climat  dans  la  région  déclive  (|ui  s'étend  du  plateau  central  aux  plaines 
liasses  de  l'estuaire  amazonien.  De  ce  c()té,  la  selve  se  dévelo[)pe  en  une 
mer  continue,  sans  autre  interru|)tion  ([ue  les  rivières  et  les  coulées, 
tandis  ([n'en  amont,  sur  les  hautes  terres,  les  forets  se  font  rares:  presque 

'   H.  Morizi',  Ksboço  de  nma  climatalof/ia  fin  lirazil. 


CLIMAT;  FLORE  ET  FAUNE  DU  GOYAZ,  INDIENS   GAYAPÔ.  209 

'tx)ute  la  contrée  s'élale  en  campot  étages,  dont  la  végétation  arborescente 
:m'est  représentée  que  par  des  touffes  isolées,  et  en  catingas  ou  bois  aux 
Tiombreuses  clairières*  :  dans  les  terrains  les  plus  fertiles,  ces  catingas 
Tessemblent  à  des  parcs  de  plaisance;  ailleurs  elles  présentent  un  aspect 
misérable  et  les  blancs  trouvent  qu'elles  rappellent  de  loin  des  vergers 
abandonnés.  Les  pentes  qui  descendent  des  plateaux  maigrement  boisés  à 
la  forêt  touffue  se  recouvrent  d'une  végétation  de  grandes  herbes*.  Cer- 
taines espèces  du  midi  indiquent  déjà  la  transition  entre  les  deux  ver- 
sants de  TAmazone  et  de  la  Plata.  Au  sud  des  hautes  croupes  ou  chapadôes 
Igs  plateaux  sont  recouverts  par  diverses  formes  d'une  plante  très  pitto- 
fesque,  h  canella  de  ema  {velloiia  maritimajy  monocotylédone  aux  rameaux 
rêtus  d'écaillés  et  aux  belles  fleurs  blanches  terminales,  que  protègent 
es  fibres  tombantes  comme  les  feuilles  de  saules  pleureurs.  Des  caïmans 
e  trois  espèces  différentes,  ainsi  que  des  dauphins,  peuplent  les  eaux  du 
euve,  et  dans  ses  hauts  affluents  vivrait,  d'après  Auguste  de  Saint-Hilaire, 
ne  espèce  prodigieuse  de  lepidoxircriy  le  minhoceOy  qui  ressemble  à  un 
ver  et  qui  noierait  les  grosses  bêtes  en  les  saisissant  par-dessous  le 
■entre.  Les  «  autruches  »  de  l'Argentine  pénètrent  jusque  dans  le  sud  du 
loyaz. 

Les  Indiens  Goyazes  ou  Guayazes,  dont  le  nom  se  perpétue  dans  celui 
<lu  pays,  se  sont  éteints  comme  nation  distincte  et  leurs  descendants 
se  sont  fondus  avec  des  tribus  d'origine  diflerenle.  Actuellement,  le 
groupe  indigène  le  plus  considérable  est  celui  des  Cayapé,  que  l'on  connaît 
par  d'autres  appellations  en  dehors  du  Goyaz,  dans  le  Matto  Grosso  et  l'État 
de  SSo  Paulo.  Ils  seraient  au  nombre  de  12  000  individus,  vivant  l\ 
l'écart  des  villes  dans  les  montagnes,  principalement  à  l'ouest  du  Goyaz, 
entre  l'Araguaya  et  le  Xingù,  et  au  nord-est  sur  les  confins  du  Maranhâo. 
Leur  langue,  leurs  mœurs  les  ont  fait  classer  dans  la  grande  famille 
ethnique  des  Gès,  ainsi  nommés  par  Martius  h  cause  de  la  terminaison 
des  noms  appliqués  à  la  plupart  des  peuplades;  cependant  ce  voyageur 
classait  précisément  les  Cayapo  dans  un  groupe  différent  de  celui  auquel 
on  les  a  rattachés  depuis.  Ils  sembleraient,  par  la  forme  de  leur  crâne, 
devoir  constituer  une  famille  a  part,  car  ils  se  distinguent  de  tous  les 
autres  Gès  par  une  très  forte  brachycéphalie  :  en  outre,  peu  dlndiens 

*  Du  tupi  caa-4inga  ou  «  bois  blanc  »,  ainsi  nommé  sans  doute  parce  que  les  arbres  de  ces 
brousses  perdent  pour  la  plupart  leurs  feuilles  pendant  une  partie  de  Tannée.  (Auguste  de  Saint - 
llilaire.  Voyage  aux  sources  du  rio  San  Francisco  et  dans  la  vrovince  de  Goyaz.) 

*  Otto  Clauss,  mémoire  cité. 

XIX.  27 


210  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

prosentent  un  type  mongoloïde  aussi  frappant.  Frères  des  Botocudos,  les 
Gayapo  restés  indépendants  portent  le  disque  de  bois  ou  botoque  dans  leur 
lèvre  inférieure;  ils  ignorent  l'usage  du  hamac  et  ne  se  servent  point  de 
bateaux  pour  la  traversée  des  rivières;  toutefois  ils  sont  beaucoup  plus 
industrieux  cpie  les  Bolocudos  et  se  montrent  fort  habiles  pour  la  fabri- 
cation de  divers  petits  objets,  armes,  instruments  et  parures.  Très 
belliqueux,  ils  ont  souvent  guerroyé  contre  les  envahisseurs  blancs;  mais 
quelques-unes  de  leurs  tribus,  «  civilisées  »  de  force  et  campées  en  des 
villages  sous  la  surveillance  immédiate  des  vainqueurs,  ont  graduellement 
dépéri.  Le  gros  de  la  nation,  resté  libre,  presque  ignoré  des  Brésiliens, 
ne  pourra  se  soustraire  longtemps  aux  recherches  des  voyageurs. 

D'autres  Indiens  de  même  l'ace,  connus  par  les  Brésiliens  sous  les  noms 
de  Chavantes,  vivent  dans  le  bassin  de  TAraguaya,  surtout  dans  les  régions 
que  traverse  le  rio  das  Mortes  :  ils  se  désignent  eux-mêmes  par  Tappella- 
tion  d'Akué.  Les  Ghikriabîi  des  faîtes  de  partage  entre  le  Paranatinga  et  le 
Paranahyba,  les  Akroa  et  les  Cherentes  du  rio  de  Somno  et  du  Tocantins 
en  amont  des  «  Deux  Barres  w,  les  Apinagés,  sauvages  complètement 
nus  qui  vivent  dans  la  région  des  collines  entre  TAraguaya  ci  le 
Tocantins,  doivent  être  considérés  comme  appartenant  également  à  cette 
famille.  Ce  sont  des  hommes  de  belle  stature,  fort  bien  proportionnés, 
mais  de  ligure  un  peu  mongole,  avec  pommettes  saillantes,  nez  aplati, 
paupières  obli(|ues.  Ils  vivent  de  pêche  et  de  chasse.  Les  pacifiques  Che- 
rentes du  rio  de  Somno  maintiennent  de  bonnes  relations  avec  les  blancs 
et  même  ont  envoyé  plusieurs  fois  des  mandataires  h  Rio  de  Janeiro; 
mais  c'est  en  vain  que  l'on  a  essayé  d'apprivoiser  les  Chavantes  de  TAra- 
guaya.  Ceux  d'entre  cnix  qui  habitaient  1(\^  rives  de  ce  fleuve  ont  disparu, 
et  la  colonie  que  Gouto  Magalhaes,  le  savant  auteur  de  V  «  Homme 
Sauvage  »,  avait  mis  tous  ses  soins  l\  fonder,  en  1865,  pour  en  faire  un 
centre  <ragricultureet  de  commerce,  ne  dura  pas  longtemps.  Les  Chavantes 
se  sont  cantonnés  sur  les  bords  du  rio  das  Mortes,  et  en  1887  ils  ont 
assailli  une  troupt»  brésilienne  «|ui  avait  tenté  l'exploration  de  la  vallée. 
Couto  de  Magalhaes  affirme,  mais  sans  l'avoii*  constaté  d'une  manière 
positive,  qu<*  les  Chavantes  mangent  leurs  enfants  morts,  pour  se  les 
assimihM'  de  nouveau;  c'est  aussi  pour  resttT  unis  avec  leurs  parents 
défunts  (ju'ils  les  ent(MTenl  dans  la  cabane  habitée  :  ils  attendent  la  nuit 
rap[)arition  de  ceux  qu'ils  ont  aimés.  Dans  leurs  gu(»rres  ccmtre  les  blancs, 
Chavantes  (*t  Ciherentes  ont  été  souvent  très  dangereux.  Castelnau  vit  à 
Goyaz  un  prisonnier  ch<Mvnte  qui  portait  sur  sa  poitrine  près  de  deux 
cents  cicatrirt^s  indiquant  le  nombre  des  hommes  qu'il  avait  tués  et  man- 


liNDlENS  DU  GOYAZ.  215 

^és  :  celles  du  côté  droit  rappelaient  les  «  chrétiens  »,  celles  du  côté  gauche 
les  indigènes.  Ensemble,  les  Chavantes,  Cherentes  et  autres  tribus  voisines 
seraient  environ  10000. 

Les  Caraya,  que  Ton  rencontre  aussi  sur  la  rive  droite  du  Xingû,  ont 
leurs  principales  tribus  sur  le  versant  occidental  de  la  vallée  de  TAra- 
^uaya,  dans  Tile  du  Bananal,  et,  à  Test  du  Tocantins,  sur  les  confins  des 
iprovinces  de  Para  et  de  Maranhâo.  On  considère  ces  indigènes  comme  issus 
d'une  souche  ethnique  différente  de  celle  desGès,  des  Tupi,  des  Caraïbes  : 
leur  dialecte,  articulé  d'une  manière  très  confuse,  est  encombré  de  mots 
f>olysyllabiques  difficiles  à  prononcer.  On  ne  lui  connaît  pas  de  langues 
similaires  dans  l'Amérique  du  Sud;  il  offrirait,  comme  l'ancien  caraïbe 
^es  Antilles,  les  traces  d'un  double  parler,  dont  l'un  réser\'é  aux  femmes, 
mais  ce  dernier  parait  être  une  forme  primitive  du  langage  des  hommes. 
la  plupait  des  Garaya  ont  des  crânes  très  étroits,  des  nez  fortement  recour- 
bés, des  yeux  petits,  un  peu  obliques,  et  la  chevelure  beaucoup  plus  fine 
que  celle  des  autres  Indiens.  Parmi  les  nombreuses  tribus  Garaya,  comptant 
ensemble  quatre  mille  «  arcs  »,  celle  des  Ghamboa  est  probablement  la 
moins    pure,    par  suite  des  nombreux   croisements  avec  des  femmes 
Gayapô  et  de  la  fréquente  adoption  d'enfants  captifs.  Les  Garaya  sont  peut- 
être  les  artisans  les  plus  habiles  de  tous  les  indigènes  brésiliens;  pourtant 
ils  ne  tissent  point  de  hamacs  :  à  cet  égard  ils   ressemblent  aux  Gès, 
niais  en  différent  par  leur  singulière  dextérité  à  la  manœuvre  des  canots  : 
Ce  sont  probablement  des  Garaya  que  les  voyageurs  du  Brésil  occidental 
désignaient  autrefois  par  le  nom  de  Canoeiros.  Au  point  de  vue  moral, 
<^^lles  des  tribus  Garaya  qui  restent  indépendantes  se  distinguent  hono- 
rablement des  autres  peuplades  et  de  leurs  visiteurs  blancs.  Ils  ne  boivent 
f^as   de  liqueurs  alcooliques  et  ne  s'abaissent  pas  à  ruser  et  à  mentir. 
1?rès  rigides  observateurs  de  la  fidélité  conjugale,  ils  iraient  jusqu'à  brûler 
Les  femmes  adultères.  Pour  maintenir  l'ordre  dans  les  familles,  ils  ont 
^ïnême  fondé  une  institution  spéciale,  unique  dans  le  monde  :  ils  nomment 
Xin  mari  des  veuves,  entretenu  aux  frais  de  la  communauté  et  dispensé 
^e  tous  les  travaux,  de  toutes  les  fatigues,  des  guerres  et  des  expéditions 
^auxquels  ses  compagnons  prennent  part*.  Leur  manière  d'enterrer  les 
morts  est  peut-être  sans  exemple  :  ils  ne  placent  pas  le  corps  horizontale- 
ment, mais  debout,  et  la  tète  fait  saillie  au-dessus  du  sol,  en  sorte  qu'on 
peut  mettre  dans  la  bouche  même  du  cadavre  les  bananes  et  autres  ali- 
ments qui  doivent  le  soutenir*. 

*  Couto  de  MagalhSes;  —  Alfonso  Loinonaco,  ouvraçes  cités. 

*  Fr.  de  Castelnau,  ouvrage  cité. 


314  NOUVELLE  GfiOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Dans  le  Goyaz  méridional  la  population  noire  fut  jadis  très  considérable 
en  proportion  des  blancs.  Les  planteurs  ayant  introduit  des  travailleurs 
africains,  avec  une  telle  cruauté  qu'ils  négligèrent  même  d'acheter  des 
femmes,  les  nègres  importés  périrent  sans  descendance;  on  ne  comptait 
plus  que  4000  esclaves  dans  la  camarca  de  Goyaz,  où  il  en  avait  existé, 
dit-on,  plus  de  cent  mille  au  commencement  du  siècle*.  Mais  si  la  pari 
de  sang  africain  est  relativement  minime  parmi  les  gens  du  Goyaz, 
ceux-ci  n'en  sont  pas  moins  tous  métissés  par  les  unions  qui,  de  pères  en 
fils,  se  sont  faites  avec  les  Indiennes  de  races  diverses,  Gayapé,  Gherentes, 
Chavantes,  Caraya.  Les  ancêtres  blancs  dont  descendent  ces  Brésiliens 
métis  furent  des  aventuriers  paulistas,  qui  ne  paraissent  pas  avoir  transmis 
leur  énergie  en  héritage  aux  fils.  Les  mines  d'or  et  la  démoralisation 
rapide  qui  en  accompagna  l'exploitation,  finirent  par  appauvrir  la  contrée 
en  faisant  abandonner  l'agriculture.  Lorsque  Auguste  de  Saint-Hilaire 
parcourut  le  Goyaz,  en  1819,  il  ne  voyait  autour  de  lui  qu'une  «  triste 
décadence  et  des  ruines  »  ;  Francis  de  Gastelnau  constatait  que  le  pays 
retombait  «  dans  un  état  complet  de  barbarie  » .  Le  goitre  est  très  fréquent 
parmi  les  habitants  du  Goyaz  dans  toutes  les  régions  dont  les  eaux  sont 
magnésifères'. 


Les  habitants  du  haut  Tocantins  s'attendent  à  voir  surgir  la  capitale 
des  États-Unis  du  Brésil  dans  leur  territoire,  vers  les  sources  du  MaranhSo  : 
en  vertu  d'un  article  de  la  constitution  républicaine,  le  futur  municipe 
fédéral  doit  s'élever  sur  ces  plateaux,  et  dès  raiiiiée  1892  une  commission 
scientifique,  dirigée  par  l'astronome  Cruls,  a  délimité  dans  cette  région 
«  pyrénéenne  »  un  espace  de  14400  kilomètres  carrés  destiné  à  devenir  la 
propriété  commune  de  la  nation.  Les  explorations,  à  l'appui  desquelles 
paraîtra  bientôt  une  carte  détaillée  (1895),  prouvent  que  la  contrée  jouit 
d'un  excellent  climat  et  possède  en  surabondance  des  eaux  claires  et 
salubres  pour  l'alimentation  de  la  grande  cité  future  et  l'entretien  de  son 
industrie.  Les  communications  sont  aussi  beaucoup  plus  faciles  qu'on  ne 
se  l'imaginait,  car  les  Pyreneos  ne  sont  que  des  massifs  de  rochers  peu 
élevés,  dépassant  de  deux  ou  trois  cents  mètres  Ji  peine  les  croupes  des 
chapadas  environnantes,  et  des  passages  faciles  séparent  les  mornes 
rocheux.   Ces  montagnes  «  Pyrénées  »,  dont  le  nom,  prononcé  Perineo* 

*  Raymundo  José  de  Cunha  Mattos,  Chorographia  historien  da  provincia  de  Goyaz. 

•  Fr.  de  Castclnau,  ouvi-a^e  ciU*. 


GOYAZ,  TERRITOIRE  FÉDÉRAL.  215 

d'il pi-ès  Auguste  Sainl-Hilaire,  serait  d'origine  indienne  et  devrait  par  con- 
sécjuent  s'orthographier  d'une  manière  différente,  étaient  tenues  naguère 
poui'  des  rivales  des  sommets  franco-ibériques;  mais  on  a  reconnu  que 
l'Œ^ltitudede  2752  mètres  donnée  au  piton  suprême  provenait  de  l'eri-eur 
d*mjn  missionnaire  :  le  plus  haut  piton  n'a  que  1585  mètres,  et  même  une 
cliskpada  située  plus  à  l'est,  sur  le  prolongement  de  cette  chaîne,  non  loin 
d*2  I*'onnosa,  la  chapada  dos  Veadeiros,  atteint  une  élévation  plus  grande, 
1  Ô  V  S  mètres,  la  cité  des  Pyrénées  pourra  disposer  d'une  grande  variété 


49'    Uuest  de  GreenwJL;h 


.e  prc/isoirG  de  LouisCruls 


de 


'"t'ches  pour  sa  construction,  grès  flexibles  de  l'ilacolumile,  quartz  el 
^'listes,  enfin  «  pierres  de  fer  »,  dont  la  décomposition  donne  «  une  lerro 
^i>^  »  d'une  grande  fertililé;  enfin  des  eaux  Ihcrmales  jaillissent  de  la 
'^'^    des  montagnes'. 

''ï^is  de  longues  années  s'écoulei'ont  sans  doute  avani  que  le  réseau  des 

'  "^n>ins  de  fer  du  Brésil  converge  vers  ce  domaine  national  :  en  1895,  les 

'  l'ïlflijls   ne  sont  pas  assez  nombreux  pour  que  la  population  réunie  de 

^*^t  pût  même  emplir  une  ville  de  deuxième  ordre  ;  les  doux  agglo- 

'"^lions  urbaines  de  cette  région,  l'ancienne  villa  dos  Couros,  la  For- 

'*'***    moderne  située  près   du  lac  de  même  nom,   el  Meia-Ponte,  dont 


il  Cruls,  Commiitao  Exploradora  do  Plnnallo  CenIrnI. 


Si6  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

le  nom  a  été  récemment  changé  en  celui  de  Pyrenopolis,  comprennent 
seulement  chacune  deux  ou  trois  milliers  d'individus.  Maia-Ponte,  qui 
date  déjà  de  la  première  moitié  du  dix-huitième  siècle,  occupe  à 
740  mètres,  dans  le  haut  bassin  du  rio  das  Aimas,  le  milieu  d'une  plaine 
qui  rappelle  TEurope  et  que  Ton  pourrait  cultiver  entièrement  en  céréales 
et  en  vignes.  Mais,  sauf  ses  jardins  et  ses  vergers,  .Pyrenopolis  n'a  guère 
de  cultures  :  la  contrée,  surtout  vers  le  sud-est,  où  des  seuils  bas 
mettent  le  versant  du  Tocantins  en  communication  avec  celui  du  Paranil 
par  le  Gorumbà  et  le  Paranahyba,  est  couverte  de  pftturages  que  parcou- 
rent des  bestiaux  par  centaines  de  mille.  Les  lavages  d'or  et  de  diamants 
qui  attirèrent  dans  le  pays  les  aventuriers  de  Sio  Paulo  et  de  Minas 
Geraes  ne  donnent  plus  qu'un  faible  rendement,  les  Goyanos  méprisant 
un  travail  que  faisaient  jadis  les  esclaves. 

Sur  le  fleuve  proprement  dit  se  succèdent  quelques  bourgs,  destinés  à 
devenir  des  centres  de  commerce  dès  que  les  voies  ferrées  viendront  y 
croiser  leur  réseau  :  San  Félix,  Porto  Nacional,  Pedro  Âffonso,  celuî-ci 
fort  bien  situé  au  confluent  du  Tocantins  et  du  rio  do  Somno  par  lequel 
passera  un  chemin  de  fer  se  dirigeant  vers  la  ville  de  Barra,  sur  le  l^o 
Francisco.  Les  deux  fleuves  se  rejoindront  ainsi  dans  une  partie  navigable 
de  leur  cours,  mais  en  amont  des  cataractes.  Actuellement  l'État  de  Goyaz 
est,  pour  ainsi  dire,  fermé  du  côté  du  nord,  sauf  pour  des  explorateurs 
aventureux  :  on  ne  l'aborde  que  par  son  extrémité  méridionale,  où  il  con- 
fine au  bassin  du  Parand. 

La  capitale  de  TÉtat,  Goyaz,  eippelée  jadis  Villa  Boa  ou  «  Ville  Bonne  », 
en  mémoire  de  Bueno,  le  premier  explorateur  de  la  région,  est  située  dans 
la  haute  vallée  de  l'Araguaya,  la  rivière  jumelle  du  Tocantins,  tout 
près  d'un  seuil  où  s'entremêlent  les  sources  des  deux  cours  d'eau  :  il 
est  même  question  de  détourner  la  rivière  Uruhû,  tributaire  du  Tocantins, 
pour  la  jeter  dans  le  Vermelho,  la  rivière  de  Goyaz,  et  la  rendre  ainsi 
navigable.  La  ville,  dominée  au  sud  par  les  escarpements  de  la  serra 
Dourada,  eut  au  siècle  dernier  plus  d'habitants  que  de  nos  jours,  quand 
des  milliers  de  nègres  esclaves  exploitaient  les  mines  d'or  et  de  diamant 
découvertes  dans  les  environs.  Une  grande  forêt,  dite  matto  gro$iOy  mais 
bien  amoindrie  de  nos  jours,  recouvre  les  pentes  des  montagnes  au  nord- 
est  de  Goyaz  vers  Pyrenopolis,  et  la  population  agricole  se  porte  vers  ce 
district  fertile,  où  pousse  l'herbe  jaragua,  très  appréciée  par  le  bétaiP. 
Dans  le  voisinage  de  la  ville  on  cultive  la  vigne,  qui  donne  deux  récoltes 

*  Louis  Cmls,  JVo/e»  manuêcritex. 


GOYAZ,  ÉTATS  DE  LA  COTE  ÉQUATORIALE.  217 

»ar  an,  le  raisin  de  la  saison  sèche  {uva  da  secca)  et  le  raisin  des  pluies 
^^iva  da$  agua$)y  ce  dernier  utilisé  seulement  pour  la  fabrication  du 
-%rinaigre.  Le  vin  de  Goyaz  était,  dit-on,  fort  apprécié  jadis;  quant  au  tabac, 
B.e  fumo  pkado^  il  est,  disent  les  Goyanos,  «  le  meilleur  du  monde  »,  et 
ssur  le  marché  de  Bahia  on  le  paye  au  prix  le  plus  élevé. 

En  aval  de  Goyaz,  à  80  kilomètres,  la  colonie  militaire  de  Jurupensen 
«constitue  une  escale  importante.  Puis  vient  Leopoldina,  village  situé  à  la 
jonction  du  Vermelho  et  de  TAraguaya,  connu  dans  cette  partie  de  son 
<iours  sous  le  nom  de  rio  Grande.  D'autres  hameaux  se  suivent  à  de  longs 
intervalles  dans  les  solitudes  riveraines  de  TAraguaya,  que  la  peur  des 
incursions  indiennes  empêche  encore  de  se  peupler.  Dans  la  partie  septen- 
trionale de  la  vallée,  au  nord  de  Tîle  Bananal,  un  deuxième  presidio  ou 
camp  de  condamnés  militaires  a  groupé  quelques  habitants  civils  :  les 
bateaux'qui  ont  à  franchir  les  rapides  d'aval  s'y  ravitaillent  pour  le  dan- 
gereux passage,  et  les  bateaux  à  vapeur  s'y  arrêtent,  après  avoir  descendu 
d'environ  1000  kilomètres  le  cours  de  l'Araguaya,  au-dessous  du  Ver- 
melho. Le  village  situé  près  des  «  deux  barres  »,  au  confluent  du  Tocan- 
tins,  Sao  Joâo  das  duas  Barras  ou  de  Araguaya,  n'a  pu  devenir  poste  d'escale 
important,  la  navigation  étant,  en  amont  et  en  aval,  interrompue  par  des 
i"apides  et  des  cataractes.  A  l'endroit  où  les  eaux  se  calment,  au  pied  des 
crhutes  dltaboca,  on  est  déjà  dans  la  province  de  Para  et  dans  les  plaines 
le  l'Amazonie'. 


IV 

COTE     ÉQUATORIALE. 

ÉTATS     DE     MARAXUXO,     PIAUUT,     CEAK.Î,      IllO     GRANDE     1)0     .NOIITE,     PARAUYBA, 

PERNAMDUCO,     ALAGÔAS. 

De  l'estuaire  du  Pam  à  la  bouche  du  rio  Sao  Francisco  se  prolonge,  du 
nord-ouest  au  sud-est,  une  zone  côtière  divisée  en  de  nombreux  bassins 
fluviaux  qui  se  ressemblent  par  l'inclinaison  générale,  le  sol,  le  climat, 
les  produits.  Cette  région  présente  un  caractère  do  transition  entre  l'Ama- 
zonie et  les  contrées  populeuses  du  Brésil,  et,  sur  une  grande  partie  de  son 
étendue,  au  sud,  elle  est  limitée  par  des  solitudes  montagneuses.  Les  habi- 

*  Villes  principales  du  Goyaz,  avec  leur  population  approximative  en  1893  : 

Goyaz  (cidade) 8  000  habitants. 

Formosa  (villa) 3  000        » 

Pyrenopolis  »      2  500        » 

xu.  28 


218  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

lants  de  cette  zone  du  littoral  atlantique  ne  sont  pas  encore  assez  nom- 
breux pour  rattacher  solidement  l'Amazonie  au  reste  de  la  République. 
Les  voies  de  communication  déjà  tracées  ne  servent  guère  qu'à  relier  les 
villes  de  Tintérieur  au  port  le  plus  rapproché;  mais,  parallèlement  à 
la  côte,  il  n'existe  que  des  tronçons  sans  importance  de  routes  carros- 
sables ou  ferrées.  £n  dehors  du  lien  moi*al,  qu'une  volonté  commune,  la 
mémo  langue,  les  origines,  l'histoire  et  les  aspirations  donnent  à  l'ensem- 
ble de  la  nation  brésilienne,  la  seule  ligne  de  jonction  entre  Recife  et  Para 
est  le  sillage  que  tracent  les  bateaux  à  vapeur  d'escale  en  escale  sur  une 
longueur  de  plus  de  1500  kilomètres. 

Mais  il  est  probable  qu'en  peu  d'années  l'unité  matérielle  sera  faite. 
Prenant  pour  points  de  départ  les  deux  grandes  villes  de  Belem,  dans 
l'État  de  Para,  et  de  Recife,  dans  l'État  de  Pernambuco,  le  progrès  en 
population  et  en  industrie  se  propage  sur  la  ligne  intermédiaire.  Dans  les 
années  normales,  quand  les  pluies  ont  tombé  en  suffisance,  le  nombre 
des  habitants  s'accroît*  ;  mais  les  années  défavorables  contribuent  aussi, 

quoique  indirectement,  au  progrès  général,  puisque  les  aventureux  émi-         i- 

grants  cearenses  se  dirigent  alors  en  foule  vers  l'Amazonie,  nouant  ainsi  M^^i 
des  relations  plus  intimes  entre  des  provinces  éloignées.  La  connaissance  ^^-ze 
de  l'intérieur,  naguère  très  incomplète,  s'accroît  rapidement,  grâce  aux  :3k:  x 
travaux  des  ingénieurs  qui  parcourent  le  pays  à  la  recherche  de  mines,  de  ^e^  Je 
carrières  ou  de  sources,  et  qui  comparent  les  tracés  de  routes  futures.  Dès  ^^  ^ 
l'année  1594,  l'exploitation  de  la  contrée  avait  commencé,  par  l'arrivée  de  «^i^e 
Jacques  Briffault,  dans  l'île  oii  s'élève  de  nos  jours  la  ville  de  San  Luiz  do 
Maranhao.  Les  missionnaires  Yves  d'Évrcux,  Claude  d'Abbeville,  nous  ont 
raconté  les  mœurs  et  la  vie  des  sauvages  avec  lesquels  ils  vécurent  dans 
ces  premiers  temps  de  la  découverte,  et  plus  tard,  lors  de  l'occupation 
hollandaise  de  Pernambuco,  de  1630  à  1654,  Johannes  de  Laet,  Rarlaeus, 
Nieuhof,  décrivirent  une  autre  partie  do  la  contrée.  Des  expéditions  dans* 
le  sertào  pour  la  capture^  des  esclaves  révélèrent  peu  à  peu  la  direction  des^ 
vallées  et  des  chaînes  de  montagnes;  cependant  de  toutes  les  régions^ 

»  Superficie  et  population  dos  Étiits  littoraux  entie  le  Tocantins  et  le  Sâo  Francisco  ; 

Maranhao 459  88 i  kilom.  carrés;  500  000  hah.     1  hab.  par  kil.  car. 

Pianhy 501797  ))  »  500  000  »  1  »  »  » 

Cearâ 104  250  )>  .»  1000  000  w  10  »  »  » 

Rio  Grande  do  Norlo .  57  485  »  >>  320  000  w  5,6  »  »  » 

Parahyba 74  751  )>  »  500  000  »  6,8  »  »  '    » 

Pernambuco.   ...  128395  »  »  1150000  »  9  »  »  » 

Alagôas 58  491  »  ))  550  000  »  9,5  w  »  » 

Ensemble..    .    .      I  185  055  kiloni.  carrés;       4  520  000  hab.  5,8  hab.  par  kil.  C4ir. 


ÉTATS  DE  LA  COTE  ÉQUATORIALE.  219 

^brésiliennes,  aucune  n'a  été  moins  fréquemment  visitée  par  les  natura- 
listes et  les  géographes  de  profession.  En  1809  et  pendant  les  années 
suivantes,  Henry  Koster  parcourut  la  région  du  littoral  entre  Recife  et 
Jfaranhâo,  pénétrant  çà  et  là  dans  l'intérieur*.  En  1875,  l'Anglais  Wells, 
partant    du   bourg  de  Carolina,  sur  le   rio  Tocantins,    traversa  la  zone 
montagneuse  pour  redescendre  à  Maranhao  par  la  vallée  du  rio  de  Grajahû*, 
et  déjà  un  enfant  du  pays,  le  poète  Gonçalvez  Diaz,  avait  exploré  et  décrit 
ces  provinces  du   nord.   EnGn,  la  côte  a  été   admirablement  étudiée, 
d'abord  par  Vital  d'OIiveira',  puis  par  Mouchez*,  dont  les  cartes  côtières 
servent  de  points   d'appui  pour  toutes  les  figurations  cartographiques, 
encore  si  défectueuses,  de  l'intérieur. 

Les  montagnes  de  la  contrée  littorale  qui  sépare  le  Tocantins  du  Sao  Fran- 
cisco ne  constituent  point  de  chaînes  précises  avec  des  lignes  de  faîte 
r^ulières  :  ce  sont  évidemment  les  restes  de  hautes  plaines  érodées  et 
laissées  à  l'état  de  ruines  par  le  travail  séculaire  des  eaux  :  seulement  des 
£irétes,  s'alignant  ou  se  succédant  en  échelons,  permettent  aux  géologues 
de  soupçonner  l'ancienne  architecture  des  plateaux  ravinés*.  Les  crêtes  les 
plus  hautes  paraissent  être  la  serra  do  Piauhy  et  la  serra  dois  Irmâos,  qui 
dominent  au  nord-ouest  le  cours  du  Sao  Francisco.  Formant  une  ligne  de 
faite,  elles  se  développent  du  sud-ouest  au  nord-est,  comme  si  elles  se 
dirigeaient  vers  l'angle  oriental  du  Brésil  pour  séparer  du  golfe  amazonien 
€^lui  de  l'Atlantique  austral.  Ces  arêtes  peuvent  être  considérées  comme 
le  rebord  d'un  plateau,  dont  un  autre  rebord,  au  sud-ouest,  est  formé  par 
les  serras  Mangabeiras  et  Gurgueia  :  les  rivières  Grande,  affluent  du  Sao 
Francisco,   et   do  Somno,  tributaire  du  Tocantins,  limitent  en  dehors, 
comme  un  fossé  de  circonvallation,  le  flanc  de  l'immense  massif  insulaire. 
On  n'en  connaît  pas  l'altitude  moyenne,  mais  quelques  cimes  dépassent 
un  millier  de  mètres.  Le  piton  le  plus  haut  qu'ait  mesuré  Wells  au  pas- 
sage du  faîte  entre  le  Tocantins  et  les  affluents  du  golfe  de  Maranhao, 
pointe  à  640  mètres. 

Dans  les  limites  indiquées  par  les  arêtes  extérieures  du  plateau,  et  plus 
à  l'est  vers  l'extrémité  orientale  du  continent,  s'élèvent  d'innombrables 
mornes,  monticules  et  renflements  ayant  chacun  son  appellation  distincte, 
mais  inconnus  en  grande  partie  quant  à  la  nature  de  leurs  roches.  On 

*  Henry  Koster,  Travels  in  Brazil. 

*  Journal  ofthe  Geographical  Society  of  London^  1878;  —    Threc  thousand  miles  through 
BraùL 

'  Roteiro  da  Costa  do  BraziL 

*  Instructions  nautiques  sur  les  côtes  du  Brésil, 

*  Herbert  Smith,  Brazil,  the  Amazons  and  the  Coast, 


SSO  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

sait  pourtant  que  les  escarpements  inclinés  vers  le  rio  SSo  Francisco  se 
composent  de  masses  d'origine  archéenne,  analogues  à  celles  du  Canada. 
Les  hauteurs  qui  forment  le  musoir  oriental  du  continent,  de  TÉtat  de 
Gcarà  à  celui  d'Àlagâas,  appartiennent  à  la  même  formation,  mais  à  Touest, 
ces  roches  primitives  sont  revêtues  d'assises  calcaires  appartenant  aui 
âges  crétacés.  Toute  la  haute  vallée  du  Parnahyba  est  occupée  par  des  ter- 
rains de  cette  origine.  Plus  au  nord,  parallèlement  au  rivage,  se  succèdent 
des  terrasses  de  grès,  semblables  à  celles  qui  bordent  au  nord  et  au  sud  la 
vallée  alluviale  de  TAmazone,  et  provenant  sans  doute  d'une  même 
période  géologique,  pendant  laquelle  une  vaste  méditerranée  d'eau  douce 
recevait  sur  ses  fonds  des  couches  égales  de  dépôts  arénacés  :  le  golfe  ama- 
zonien était  alors  occupé  par  la  terre  ferme.  Les  montagnes  côtières  de 
Pernambuco  sont  revêtues  partiellement  de  calcaires,  identiques  à  ceux 
qui  de  nos  jours  se  forment  au  fond  de  l'Océan  par  la  chute  des  myriades 
d*infusoires. 

La  destruction  du  littoral  tourné  vers  le  golfe  amazonien  se  continue  de 
nos  jours.  Du  Para  au  Maranhâo,  sur  un  développement  cdtier  d'environ 
500  kilomètres,  la  ten*e  et  la  mer  se  disputent  une  bande  assex  large, 
dédale  de  baies  et  de  bayous,  d'îles  et  d*iIots,  de  canaux  et  de  lacs,  s'en- 
tremêlant  h  l'infini  et  changeant  avec  chaque  marée.  Le  mascaret  y  pénètre 
avec  une  violence  extrême,  parfois  avec  la  vitesse  de  10  kilomètres  à 
l'heure,  vraie  cataracte  mobile  qui  déchire  les  rives  par  lambeaux  et  à 
laquelle  nulle  embarcation  ne  saurait  résister.  Alors  les  étroites  coulées 
se  changent  en  larges  rivières,  les  péninsules,  les  îles  disparaissent  sous 
le  flot  montant  pour  se  montrer  à  nouveau  quand  s*abaisse  la  mer. 
Mais  dans  cet  incessant  conflit  l'Octnin  l'emporte  :  sur  les  plages,  les  tes- 
tacés  marins  se  superposent  aux  couches  de  coquilles  lacustres,  les  palé- 
tuviers poussent  à  la  place  des  espèces  terrestres,  projetant  leurs  colonies 
le  long  de  chaque  coulée  fluviale,  de  chaque  bras  marécageux,  entre- 
mêlant leurs  racines  en  un  sol  jadis  ferme  et  devenu  boueux.  Çh  et  \h 
quelque  palmier  dresse  sa  hampe  flexible  sur  un  îlot  de  grès,  mais, 
assiégé  de  toutes  parts,  il  finit  par  s'incliner  et  se  flétrir,  puis  une 
marée  exceptionnelle  le  déracine  et  l'emporte  avec  son  piédestal  de  roche 
délayée*. 

De  nombreux  cours  d'eau  descendent  des  collines  et  des  plateaux  du 
faîte  vers  TAtlantique,  mais  aucune  rivière,  même  le  Parucihyba,  n'égîile 
les  grands  affluents  de  l'Amazone  par  la  longueur  du  cours.  Le  Gurupy, 

*  J.  M.  da  Silva  Coutiuho,  Bulletin  de  ta  Société  de  Géographie^  octobre  \HCû. 


ÉTATS  DE  LA  COTE  EQUATORIALE.  221 

dont    le  lit  sépare  les  deux  États  de  Para  et  de  Maranhâo,  n'est  guère 
connvi    que  comme  fleuve  limite.  Plus  abondant,  le  Grajahû,  gonflé  du 
Jfea  1*11X1  à  droite  et  du  Pindaré  à  gauche,  s'ouvre  très  largement  à  la 
mef     par  Testuaire  dans  lequel  se  trouve  Tîle  Sâo  Luiz  de  Maranhâo;  la 
rivièi*e  d'Itapicurû,  qui  se  déverse  à  l'orient  de  Tîle,  contribue  à  faire 
de    Isi     baie  de  Maranhâo  comme  une  miniature  du  golfe  amazonien  avec 
ses    d^ux  grands  fleuves  et  son  archipel  intermédiaire.  L'Itapicurù,  ainsi 
nomi:né  des  montagnes  où  naît  une  de  ses  principales  sources,  est  le  plus 
fort     Ciours  d'eau  du  Maranhâo,  et  les  bateaux  à  vapeur  d'un  faible  tirant, 
qui       oint   heureusement  franchi  la  barre  et  fui  les  vagues  du  mascaret, 
pouiArc?!nt  remonter  le  courant  jusqu'à  Caxias,  à  550  kilomètres  de  l'cm- 
boviciliure;  des  barques  vont  même  au  delà,  au  pied  des  cascades.  Les 
grain.  c3es  inégalités  du  climat  font  beaucoup  varier  les  extrêmes  du  débit 
flux'iistl  :  tantôt  les  rivières  sont  réduites  à  de  minces  filets  d'eau  serpen- 
tant     dans  les  sables,  tantôt  elles  débordent  au  loin  dans  les  plaines,  for- 
'•^^ i:iL  ».  des  étangs  ou  des  marais.  Quelques  lacs  permanents,  dans  lesquels 
5i  éc^<z^iile  le  flot  d'inondation,  sont  alternativement  de  vastes  réservoirs  et 
^^     simples  mares  sans  profondeur. 

1— ^Panjahyba  ou  le  «  Fleuve  Mauvais  »,  —  si  telle  est  la  véritable  éty- 
'^^^^l^iDgie,  —  doit  peut-être  ce  nom  à  l'insalubrité  de  sa  vallée,  mais  plus 
P^^^iiBablement  à  la  faible  épaisseur  de  ses  eaux   :   les  embarcations  qui 
^     ^    ^^montent  risquent  fort  de  s'engraver  malgré  leur  faible  tirant.  Pour- 
le  fleuve  dépasse  en  longueur  et  en  aire  d'écoulement  tous  les  cours 
^^^^^u  de  l'Europe  occidentale  :  sur  plus  de  600  kilomètres  en  largeur, 
^    ^^>eçoit  toutes  les  eaux  qui  descendent  du  versant   septentrional  des 
^^s,  Mangabeiras,  Gurgueia,  Piauhy,  Dois  Irmâos.  Le  Parnahyba  cou- 
rte avec  l'Amazone,   le  Tocantins  et  les  fleuves  de  Maranhâo  par  le 
ime  de  son  cours  inférieur.  Au  lieu  de  se  terminer  en  estuaire,  s'ou- 
int  largement  vers  les  flots  de  l'Océan,  il  partage  ses  eaux  blanchâtres 
plusieurs  rameaux  et  projette  dans  la  mer  la  saillie  d'un  delta  à  mul- 
^V^les  embouchures*.  L'existence  de  ces  terrains  d'alluvion  déposés  au  loin 
^«^ns  les  eaux  marines  semble  prouver  qu'en  cet  endroit  la  terre  ferme 
^*est  pas  en  voie  d'aflaissement  comme  sur  le  littoral  situé  plus  à  l'ouest. 
La  rivière  Jaguaribe,  qui  porte  à  la  mer  presque  toutes  les  eaux  du 
vlearsî,    est  beaucoup  moins  abondante  que  le  Parnahyba,  et,  malgré  la 
ï^mure  de  ses  affluents,  ne  roule  assez  d'eau  pour  porter  des  embarca- 

»  Rivière  Parnahyba  : 

Longueur  du  cours  fluvial  .    .         1  500  kilomètres. 
Superficie  du  bassin 540  000  kilomètres  carrés. 


m  HODVBLLE  OÈOCRAPHIE  imiVERSEtl,K. 

tions  quedaDsU  partie  biissu  dn  snii  cuui-s,  longue  df  'J5  kilomêtn-s  : 
en  1815(  sa  bam  fut  complMement  ferinôe  par  le  vent  de  mer  cl  les 
navires  s'y  trouvèrent  pris  commr  dos  poissons  dans  une  nnsi^e'.  Cependant 
elle  empiète  sur  la  mer,  comme  le  Parnahylia,  par  ses  apports  d'alluvions. 
Les  riviferes  qui  coulent  phis  îi  l'est,  jusqu'au  cap  Sào  Hoque.  cl  sur  la  côle 
orientale  du  Brésil  jusqu'au  l'iu  S;ui  Fmneiscu,  mil  un  volume  d'eau  trop 
faible  pour  modifier  par  leui-s  sables  el  leurs  argiles  en  suspension  le  tracé 
primitif  du  rivage  ;  mais  11k  d"aulres  agents  h  l'œuvre  ont  donné  îi  h  cdle 
une  physionomie  toute  paniculi&re. 

De  la  bouche  du  Pamahyba  à  celle  du  rio  S9o  Francisco,  le  littoral,  se 
développant  en  une  longue  courbe  sans  brusques  saillies,  ext  Iwrdé  exté- 
rieurement par  un  récif  on  jiar  des  chaînes  de  r<5ci!s  en  échelons  encore 
plus  réguliers.  Quelques-unes  de  ces  roches  côtières  sonl  d'origine  coral- 
ligène;  d'autres,  et  notamment  le  célèbre  r(!-clf  de  Pernambuco,  sonl  de 
provenance  différente.  D  n'existe  probablement  pas  dans  le  monde  une 
formation  qui  ait  plus  l'apparence  d'avoir  été  construite  de  main 
d'homme*.  La  lai^ur  mojcnne  du  récif  varie  de  SO  h  60  mètres,  et  la 
plate-forme  du  sommet,  parfaitement  unie,  reste  à  sec  i>  marée  basse, 
tandis  qu'à  marée  haute  le  (lot,  montant  pui'  la  penlu  douce  tournée  vers 
la  mer,  déferle  sur  l'écueil  et  s'élance  en  fusées  pour  retomber  en  nappes 
de  lait  dans  l'eau  calme  du  porl.  La  roche  se  compose  d'un  grès  com- 
pacte, dans  lequel  il  est  difficile  de  distinguer  les  couches  et  qui  fut 
probablement  une  rangée  de  dunes  déposée  par  le  flol.  Des  substances  cal- 
caires l'ont  consolide  et  le  tout  s'est  recouvert  d'une  patine  extrêmement 
dure,  formée  en  entier  de  serpules,  de  nulllpores  et  autres  organismes 
végétaux  et  animaux.  Les  vagues  qui  se  brisent  incessamment  sur  ce  mur 
de  pierre  ne  l'ont  pas  entamé,  et  les  plus  vieux  pilotes  lie  remarquent 
aucun  changement  dans  son  ensemble;  cependant  les  oursins  y  creusent 
des  cavités  qui  donnent  passage  à  la  mer  et  font  crouler  des  pans  entiers  de 
la  roche  :  il  importe  de  veiller  à  la  conservation  de  cette  dune  devenue 
roche,  car  tout  change,  el  ce  que  la  nature  a  fait  elle  peut  aussi  le  défaire. 

Diverses  étaient  les  théories  des  géologues  au  sujet  de  cette  digue  exté- 
rieure. On  l'avait  prise  d'abord  pour  un  mur  de  coraux,  mais  elle  n'en 
offre  point  la  texture  ni  les  restes  organiques  :  Âgassiz  y  vit  ta  moraine 
frontale  d'un  ancien  glacier,  théorie  que  nul  autre  savant  n'a  reprise  après 
lui.  C'est  un  cordon  littoral,  comme  on  en  voit  le  long  de  tant  de  plages, 


■  Henri  Kosler,  Travelt  in  Braùt. 

*  Chartes  Darwin,  Voyaget  d'un  Naluratiite  autour  du  Monde. 


RIVIÈRES,  COTES  DU  BRÉSIL  iNORD-ORIENTAL.  223 

artout  où  les  vagues,  poussées  directement  contre  la  côte,  trouvent  des 
^i>âd)les  à  soulever;  peut-être  les  restes  d'un  ancien  rivage  ont-ils  facilité 
5  dépôt  de  ces  matières  arénacées  que  la  mer  a  maçonnées  depuis.  En 
uelques  endroits  ces  murs  du  récif,  de  hauteurs  différentes  suivant  la 
illie  primitive  de  la  levée  de  sable  ou  suivant  les  diverses  oscillations  du 
,  sont  assez  élevés  pour  protéger  contre  la  houle  les  eaux  de  la  rade 
intérieure,  et  de  distance  en  distance  s'ouvrent  des  graus  qui  permettent 
âiux  barques  ou  même  aux  forts  navires  de  chercher  un  refuge  contre  la 
liaute  mer.  Ces  coupures  de  la  digue  correspondent  presque  partout  aux 
bouches  des  rivières.  Des  sondages  faits  en  terre  ferme  ont  permis  de 
constater  au-dessous  des  alluvions  fluviatiles  l'existence  de  récifs  cachés, 
analogues  à  ceux  de  la  mer*.  Plusieurs  récifs  des  environs  de  Pernambuco 
portent  le  nom  de  tabayacû,  mot  qui  paraît  dérivé  du  tupi  i-taboiassû, 
«  grand  serpent  de  pierre  »,  expression  qui  convient  à  merveille  aux 
brise-lames  naturels  de  la  côte,  très  régulièrement  orientés,  mais  avec 
de  faibles  sinuosités. 

L'extrémité  orientale  du  continent,  marquée  par  le  cap  bien  peu  saillant 
du  Sao  Roque,  se  prolonge  à  une  grande  distance  en  mer  par  un  ce  plateau 
des  sondes  ».  11  faut  s'éloigner  au  large  de  55  à  56  kilomètres  avant  de 
trouver  le  rebord  du  piédestal  sous-marin  qui  porte  l'Amérique  du  Sud  : 
^e  60  à  80  mètres,  le  fond  s'incline  rapidement  jusqu'à  trois  et  quatre 
nille  mètres.  Au  sud,  le  bord  immergé  se  recourbe  graduellement  vers  le 
sud-ouest  en  se  rapprochant  de  la  côte,  mais  sans  se  redresser  en  saillies 
insulaires.  Les  roches  et  îlots  qui  s'élèvent  au-dessus  du  niveau  marin 
ont  leurs   bases   dans   les  abîmes  océaniques,    sur  le  prolongement  du 
viusoir  de  Sâo  Roque.  La  première  terre  visible  dans  cette  direction  est 
l'enceinte  annulaire  de  las  Rocas,  véritable  atoll  corallien  comme  ceux  de 
l'océan  des  Indes,  enfermant  un  lagon  d'environ  10  kilomètres  en  circon- 
férence. 

A  175  kilomètres -plus  à  l'est,  s'allonge  du  sud-ouest  au  nord-est  l'île 
volcanique  de  Fernando  ou  Fernao  de  Noronha,  dont  les  péninsules  se 
continuent  par  quelques  écueils  et  que  des  profondeurs  de  5000  mètres 
séparent  du  continent.  Cette  terre,  à  laquelle  on  a  donné  le  nom  du 
marin  qui  la  découvrit  en  1503,  n'occupe  qu'un  espace  de  15  kilomètres 
carrés,  mais  dans  cette  faible  étendue  on  voit  les  paysages  les  plus  divers, 

*  Ch.  F.  Uartt,  Relatorio  dos  Trabalhos  da  Commissào  geologica  na  provincia  de  Pernambuco  ; 
—  E.  Liais,  Espace  Céleste. 

•  Victor  Fournie,  Bijbladen  van  het  Tijdschrifl  van  het  Aardrijkskundig  Genootschap  te  Ams- 
terdam, n'8,  1881. 


Si  NOrYEI.T,E  RÉOGRAPHIE  rSIVERSBLLK. 

cri(|iii's  d  iiorls,  collines  et  (ilaities,  même  des  pitons  d'un  aspect  hart 
l'ensenilile  du  profil  présente  une  ligne  très  dentelée  se  terminant  à  Ton 
par  un  morue  abi-upl  de  50â  mètres  que  surmonte  une  cidonne 
phonolithe  en  forme  de  phare  gigantesque.  Le  gouverneur  de  l'Ile  inter 
aux  natunilisles  du  Challenger  l'exploration  de  file,  mais  depuis  ce 
épiKpie  elle  a  été  étudiée  par  le  géologue  Branner  et  par  li-  zoologi 
Rîdlej  :  celte  roche  oeéaniqui;  est  désormais  l'une  des  mieux  connues.  I 


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D'opré)  In  cari»  miriiics  iDglaitM  e(  tnnçaiwi. 

Siir  In  diveraei  cartra  I»  uonu  de  Ueui  dilRrenl  niiiant  la  ni 


basaltesdonll'ileest  en  grande  partie  formée  sont  d'origine  ancienne, 
depuis  la  découverte  aucune  éruption  ne  s'est  produite  :  les  épancheme 
de  matière  fondue  datent  d'une  époque  où  l'Ue  se  trouvait  immet^ 
d'environ  150  mètres,  ainsi  que  le  prouvent  des  pâtés  de  coraux  qui  ci 
fent  les  colonnades  basaltiques  à  cette  hauteur  au-dessus  de  la  mer. 
certains  endroits,  la  rive  se  compose  de  sables  durcis,  anciennes  du: 
consolidées  par  la  percolation  des  substances  calcaires  et  présentant  i 
formation  analogue  à  celles  des  récifs  de  Pernamhuco. 

Quant  aux  îles  et  îlots  situés  au  milieu  de  l'Atlantique,  sur  le  même  . 


RÉCIFS  DU  LITTORAL,  ILE  FERNANDO  NORONHA.  225 

Fernando  de  Noronha,  ce  sont  des  roches  de  serpentine*  déchi- 
tées,  mouchetées  de  blanc  par  le  guano,  et  presque  inabordables  :  les 
^ns  et  les  poissons  fourmillent  dans  les  eaux  noires  au  pied  des  brus- 
s  falaises.  Le  Penedo  de  Sào  Pedro,  la  plus  haute  de  ces  crêtes 
rgées,  situé  près  du  parcours  des  paquebots  qui  se  rendent  de  Per- 
buco  à  Dakar  ou  à  Saint-Vincent,  est  une  rangée  de  piliers  dressés 
t^^i^  MT^  de  la  mer  profonde.  Dans  ces  parages  on  a  fréquemment  ressenti 
A^^sr^  tremblements  de  mer. 


Ljà  température  moyenne  est  d'une  remarquable  égalité  en  ces  climats 

j)icaux  :  l'écart  entre  les  deux  saisons,  de  la  sécheresse  et  de  l'humi- 

ne  comporte  qu'un  degré  et  demi  à  Pernambuco;  la  température 

jenne  la  plus  faible,  celle  de  juillet,  et  la  plus  forte,  en  février,  ne 

erent  que  de  3  degrés  environ*. 

I^e  vent  normal    sur  la  côte   nord-orientale  du  Brésil  est   l'alizé  du 

st,  désigné  ordinairement  sous  le  nom  de  «  vent  général  ».  Venant 

parages  froids  de  l'Atlantique  circumpolaire,  il  tempère  la  chaleur,  du 

s  sur  la  côte,  qui  se  trouve  d'ailleurs  soumise  au  jeu  alternatif  des 

*-^^îses  de  terre  et  de  mer.  Ce  vent,  qui  domine  du  solstice  de  décembre 

^^    ^^«lui  de  juin,  amène  aussi  les  pluies,  et  pendant  les  années  ordinaires 

quantité  d'eau   qu'il  déverse  suffit  à  développer  une  végétation  des 

riches.   En  certains  endroits,  comme  à  Maranhâo,  où  des  remous 

*^^ciuaux  produisent  un  conflit  de   nuées,   les   orages  électriques  éclatent 

**^<luemment  et  de  violentes   averses    succèdent  à   ces  décharges.  L'île 

^^**tiando  de  Noronha  est  aussi  très  souvent  environnée  de  nuages  et  reçoit 

^^^^    pluies  en  abondance.  A  Pernambuco,  les  pluies  sont  très  violentes, 

*^^«*is  on    passe  des  années  sans  entendre  le   tonnerre*.  Le  régime  des 

^^niîs  n'est  pas  toujours  régulier.    Rasant   la    côte    au   lieu   de    souffler 

^*ï*ectement  vers  l'intérieur,  le   vent   alizé   n'apporte   pas    tous   les  ans 

"Umidité  désirée.  Souvent  les  pluies  sont  en  retard  et  cessent  de  tomber 

*^^'^*^t  la  fin  normale  de  la  période;  parfois  elles   ne  durent  pas  même  la 

^*^ïtié  des  six  mois  attendue  par  les  agriculteurs.  A  ce  fléau  des  séche- 

^^2=>€:*s  qui  sévit  dans  l'intérieur,  s'associe  un  grand  écart  dans  la  tempéra- 

^'*^^«,  très  élevée  au   soleil  et  dans  l'air  poussiéreux,   relativement  froide 

'^*'^^aiil  les  nuits  claires,  j)ar  suite  du   rayonnement  dans  le  ciel.  A  cet 

-•  ^îo  Branner,  Geologia  de  Fernando  de  Noronha. 
Kmilc  Béi'inger,  Recherches  sur  le  climat  et  la  mortalité  de  Recife. 
Emmanuel  Liais,  Climats^  GéologiCf  Faune  et  Géographie  botanique  du  Brétsil. 

XIX.  5211 


tt6  NOUVELLE  GCOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

égard,  la.diflërence  est  très  grande  entre  le  climat  de  la  oôte,  4^  sur  Iraia 
jours  on  compte  deui  jours  pluTÎeux,  et  celui  de  Tintérieurt  oh  h  pn^r* 
tion  est  renversée  ^ 

Les  grandes  sécheresses  n*ont  pas  une  périodicité  régulière  bien  éta- 
blie, quoique  les  gens  du  pays  prévoient  d'ordinaire  un  retour  du 
désastre  tous  les  dix  ans.  Parfois  la  période  sèche  ne  dure  qu'une  année; 
d'autres  fois  deux  ou  trois  saisons  se  suivent  sans  que  la  terre  avide 
reçoive  la  quantité  d'eau  nécessaire  aux  plantes.  Ainsi  Fortaleia,  ville  de  la 
côte  où  tombe  en  moyenne  un  mètre  et  demi  d'eau,  et  3  mètres  dans  les 
années  les  plus  favorables,  n'en  reçut  successivement  qu'un  tiers  de  mètre 
en  1877,  et  un  demi-mètre  pendant  les  deux  années  1878  à  1879;  dans 
le  sertSo,  la  chute  d'eau  fut  bien  moindre  encore  :  même  les  rares  averses 
disparaissaient  immédiatement  dans  les  profondeurs  du  sol  poreux;  la 
terre  restait  absolument  aride.  Les  sources  tarissent,  les  grosses  rivières  se 
changent  en  flaques  espacées  dans  les  cailloux  grisfttres,  le  gaion  devient  j  j 

poussière,  les  arbres  meurent.  I^es  oiseaux  émigrent  en  vols  immenses  ^m 

vers  les  montagnes  du  Piauhy  ;  il  faut  mener  les  bestiaux  dans  quelques 
hautes  vallées  des  monts  privilégiés,  les  nourrir  des  feuilles  de  rameaux 
coupés  avant  la  sécheresse;   puis,  quand  cet  aliment   fait  défaut,  il  g^ 

faut  fuir  encore,  à  moins  qu'il  ne  soit  trop  tard,  et  que  les  animaux 
ne  meurent  sur  la  terre  durcie.  Une  sévère  économie  des  eaux  de  sources 
dans  les  combes  supérieures  des  montagnes  pourra  peut-être  éviter  à 
la  contrée  ces  désastres  périodiques,  mais  les  travaux  indispensables 
d'aménagement  ne  sont  pas  encore  faits  et  même  ne  sont  projetés  que 
pour  les  abords  des  villes.  L'émigration  des  gens  de  l'intérieur  est  tou- 
jours un  événement  attendu  dans  l'histoire  économique  de  ces  provinces 
du  nord-est*. 

La  végétation  correspond  au  climat.  Très  riche  et  présentant  les  mêmesa^ 
espèces  que  l'Amazonie  dans  les  régions  côtières  bien  arrosées,  elle  s'ap 
pauvrit  graduellement  vers  rinlérieur  des  terres.  Li  grande  forêt,  dite  l 
matta,  borde  le  littoral  sur  une  largeur  variable  suivant  les  échancrure 
des  vallées  et  les  saillies  du  relief.  A  cette  zone  forestière  succède  un  ter 
ritoire  moins  boisé,  la  calinga,  qui  ressemble  si  la  brousse,  à  la  garrigue^ 

'  Coiiti'astc  météorologique  entre  la  côte  et  le  sertâo  : 

Tcmpératurcfi 
Lititudc.    iiinxiniale.    inininialc.    inoyeuni*.       Ecart.  Pluie». 

Côte.   .     Rocifc.    .    .       805'        51^7        18M        25»,7        13»,4        2-,95 
Sorlâo.  .      Santa IzaM.       8^6'      W  15«,5        24^        20«,5        l-,00 

*  Ifennquc  d(»  IJcîiurcjKiirc-Rohan,  Coimâcraçôea  ocerca  dou   melhoratnentoê  en   relaçâo  tu 
êcccas  do  ?iorte  do  BvaiiL 


r 


ci 


CLIMAT,  FAUNE,  FLORE  DU  BRÉSIL  NORD-ORIENTAL.  227 

^u   rxmaquis  des  contrées  riveraines  de  la  Méditerranée;  elle  se  continue  sur 
fes     Inauteurs  par  Yagreste,  le  pays  «  agreste  »  où  arbres  et  arbustes  sont 
^nc^ore  plus  rares  et  se  composent  d'espèces  perdant  leur  feuillage  pen- 
dais t  leté;  enlin,  les  régions  hautes,  arides,  constituent  le  sertàOj  la  terre 
P^  ^J.  "^rement  herbeuse,  où  Ton  ne  peut  avoir  d'autre  industrie  que  l'élève 
^^^        lélail,  sauf  dans  les  combes  à  sources,  les  brejos^  souvent  maréca- 
^^'•-^•^  :aï,  formant  autant  d'oasis  au  milieu  des  solitudes.  Les  familles  végé- 
*^1^^^  le  mieux   représentées  dans  ces  régions  de  l'intérieur,  où  prévaut 
^^^^^^"^ent  un  climat  sec,  sont  les  arbres  qui  produisent  les  essences  rares, 
^*^        gommes  précieuses,  les  sèves  odorantes.  Dans  ces  régions,  qui  par- 
semblent  être  un  fragment  du  Sahara  se  prolongeant  en  Amérique  par 
9  l'Océan,  les  insectes  et  les  oiseaux  estivent  au  lieu  d'hiverner.  De 
me  les  arbres  perdent  leurs  feuilles  l'été.  Le  palmier  caractéristique 
la  contrée  est  le  cirier  carnaùba  {copernicia    cerifera),    un  de  ces 
rbres  nourriciers  »  dont  les  produits  donnent  à  l'homme  vivant  sous 
r  ombrage  la  nourriture,  la  boisson,  la  lumière,  le  vêtement  et  la 
meure  :  le  cirier  résiste  aux  plus  fortes  sécheresses. 
Plus  pauvre  que  les  autres  contrées  du  Brésil  littoral  en  espèces  végé- 
les,  le  Cearà  et  les  États  voisins  possèdent  également  moins  d'espèces 
^imales.  On  sait  pourtant  que  la  faune  fut  autrefois  très  riche.  Au  com- 
encement  du  dix-septième  siècle,  lors  du  séjour  d'Yves  d'Évreux  dans 
île  de  Maranhâo,  des  autruches  parcouraient  encore  le  littoral  voisin, 
ans  les  cavernes  qui  se  ramiûent  à  travers  les  nombreuses  montagnes 
^:^lcaires  des   États  de  Maranhâo,  Piauhy,  Ceara,  et  dans  lesquelles  les 
^^ampires   et  autres  chauves-souris  dorment  la  nuit  par  milliards,  on  a 
trouvé  les  ossements  de  puissants  mammifères  disparus,  mastodontes  et 
mégathériums.  L'île  Fernando  de  Noronha  avait  sa  faune  spéciale,  d'ail- 
leurs représentée  par  un  très  petit  nombre  de  formes.  Les  premiers  navi- 
gateurs n'y  virent  d'autres  mammifères  qu'une  «  grosse  espèce  de  rat  »  ; 
oiseaux,  lézards,  serpents,  insectes  et  coquillages  de  l'île  prouvent  qu'elle 
est  séparée  du  continent  depuis  la  fin  de  l'époque  mésozoïquc'. 


Une  des  grottes  de  la  vallée  du  Quixeramobim,  affluent  du  Jaguaribc, 
contenait  aussi  une  portion  de  crâne  humain*.  Appartenait-elle  à  l'un 
des  ancêtres  des  races  indigènes  dominant  dans  le  pays,  les  Tupi,  Tupi- 


>  II.  von  Ihering,  Die  Iruel  Fernando  de  Noronha. 

*  A.  dcLacerda  et  R.  ^ehoio^ContribttiçÔe*  para  o  estudo  anthropotogico  das  raças  indigenax. 


228  NOUVELLE  «ËOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

namba  ou  Topinamboulx,  —  «  Vaillants  Hommes  »,  — et  les  Tabajar 
—  «  Seigneurs  du  Village*  »,  —  avec  lesquels  les  premiers  colons  eur 
péens,  les  Français  de  Maranhâo,  entrèrent  en  rapports  de  bonne  amil 
pendant  le  cours  du  seizième  siècle?  On  ne  sait,  et  l'on  ne  sait  guè 
plus  quels  étaient  les  Indiens  qui  Grent  alliance  avec  les  immigran 
français,  car  ils  sont  depuis  longtemps  fondus  par  les  croisements  av 
le  reste  de  la  population.  Les  Guajajara  de  la  vallée  du  Pindaré  ont  i 
exterminés  par  les  chercheurs  d'or,  mais  on  en  voit  encore  vers  les  seu 
du  haut  Grajahû  :  ce  sont  des  hommes  vigoureux  à  type  mongolique 
dans  le  voisinage,  la  tribu  des  «  Indiens  blancs  »  est  en  effet  remarquai 
par  la  blancheur  de  la  peau.  Plus  à  Test,  dans  la  partie  haute  des  plateau 
subsistent  encore  quelques  restes  de  tribus  distinctes  :  tels  les  Âkroa 
Cayapo,  qui  vivent  entre  le  Tocanlins  et  le  Grajahû,  dans  la  serra  da  Cinta 
la  serra  do  Negro.  Ces  indigènes  paraissent  appartenir  à  la  famille  ethniq 
des  Gès  :  sous  le  nom  de  Timbira  et  de  Gamellas,  ou  «  gens  à  Gamelles 
c'est-a-dire  à  disques  labiaux,  ils  s'avancent  dans  le  Maranhâo  occident 
jusqu'à  une  petite  distance  des  campagnes  côtières.  Sur  les  confins  < 
Piauhy  et  du  Pernambuco,  errent  encore  en  bandes  peu  nombreuses  d 
Indiens  Pimenteiras,  que  certains  mots  de  leur  vocabulaire  ont  fait  class 
parmi  les  Caraïbes  ou  du  moins  parmi  les  tribus  ayant  vécu  dans  le  v< 
sinage  de  cette  grande  race;  mais  on  n'en  sait  pas  davantage.  Dès 
seizième  siècle,  les  Caethé  des  environs  de  Pernambuco  entraient  par  d 
unions  dans  la  population  civilisée,  que  tri-métissèrent  ensuite  les  crois 
ments  avec  les  nègres  importés  d'Afrique.  Les  auteurs  du  temps  no 
disent  aussi  que  les  fils  de  Français  étaient  fort  nombreux  dans  les  camp 
ments  des  Tupinamba.  Encore  au  commencement  du  siècle,  les  mé 
christianisés  de  la  contrée  pratiquaient  en  secret  leurs  rites  païens*. 

Dès  leur  arrivée  dans  le  pays,  les  capitaines  concessionnaires  avaic 
introduit  des  esclaves  noirs,  plus  forts  et  plus  laborieux  que  les  Indien 
Au  commencement  du  dix-septième  siècle,  une  révolte  éclata  parmi  1 
asservis,  et  une  quarantaine  d'entre  eux,  s'étanl  procuré  des  armes  à  fe 
se  jetèrent  dans  la  brousse  pour  aller  s'établir  loin  des  maîtres, 
établirent  leurs  villages  ou  quilombos  au  sud  du  rio  Una  ou  riviè 
«  Noire  »,  qui  se  déverse  dans  la  mer  à  une  centaine  de  kilomètres 
Pernambuco.  Le  groupe  principal  des  nègres  marrons  s'établit  encore  pi 
loin,  dans  le  territoire  devenu  depuis  l'État  d'Alagôas,  et  bientôt  de  no 

•  Adolpho  de  Varnhagen,  Historia  gcral  do  Hrnzil. 
»  AVells,  Mémoire  et  ouvrage  cités. 
'  Robert  Southey,  History  of  Brazil, 


M»  NOVYELl/E  GËOGnAPHIB  t5!«IV£HSELLI!. 

Ij'Ëtatde-Ibnuiliùu  n'a  qu'un  {ictît  nombre  do  villes  ou  eiilades.  Une 
première,  TutJbkù,  »e  montre  pK>s  (jt>  In  rivièi-e  du  méinc  nom,  au  bord 
d'une  crique  lal^itlo  de  tu  mer,  qui  duns  ces  parugt^N  empiète  gnulueU 
lement  sur  la  tene  ferme  et  découpe  le  littoral  en  un  labyrinthe  d'ilôts. 
Le  port  expédie  du  sucre  et  autres  denrées  agricoles,  des  cuira  de  bœuf, 
des  chevaux,  de  In  vaisselle  grossière  et  des  hamacs  d'un  grand  pni,  Ira- 
vailles  avec  soin.  Au  sud-ouest,  entre  les  ^ivi^^es  Gunipy  et  Maracassumé, 
s'élève  le  petit  groupe  des  Montes  Àureos,  dont  le  nom  mâme  dit  hi 
richesse  :  cependant  on  n'exploite  guère  les  filons  de  métal  que  renfer- 
ment jeun  quarli  et  les  sables  de  leurs  ruisseaux;  les  veines  de  ciiivri- 
que  les  géologues  ont  signalées  dans  les  montagnes  de  l'Ëtat,  des  confins 
du  Pati  BU  Peniiimbuco,  restent  légalement  sans  valeur.  Turyassû  est 
l'escale  la  {dus  iictive  du  Mar^nhâo  occidenUiI.  Plus  loin,  sur  la  cdte 
orientale,  se  succèdent  Cururupii  et  Guimaràes,  lieu  d'expédition  fort 
important  pour  les  sucres.  Les  usines  se  pressent  en  amont,  sur  les  bords 
d'une  rivière  et  des  lacs  qui  l'alimentent. 

SSo  Luiz  deHaranhào,  ou  simplement  SAo  Luiz,  est  la  plus  grande  cité 
du  littoral  entre  Para  et  Pernambuco.  Elle  se  trouve  encore  sur  l'emplace- 
ment choisi  parla  Itevardière  en  11310,  et  porte  toujours  le  nom  qui  lui 
fut  donné  en  l'honneur  de  Louis  XIU;  même  quelques  édifices  minés  de 
cette  première  époque  française  ont  été  pieusement  rebâtis  par  les  Brési- 
liens'; Située  sur  la  côte  occident<ile  d'une  île  peu  élevt'^c,  que  le  bayou 
Moscpiîto  sépare  du  eonlinent,  elle  ni'cupe  l'ettrémilé  d'une  péninsule 
hasse,  entre  deux  estuaires  qui  rejoignent  à  l'ouest  la  baie  de  ^o  Marcos, 
accessible  aux  navires  d'un  fort  tirant  d'eau.  Quelques-unes  des  rues  prin- 
cipales sont  ombragées  par  des  rangées  d'arbres  majestueux.  Quoique  gra- 
duellement envasé,  le  port  de  Sâo  Luiz  a  pris  de  l'importance  pour  l'expé- 
dition dés  sucres,  des  cafés,  des  cuirs,  et  tous  les  paquebots  à  vapeur  de 
Para  y  font  escale*.  En  outre,  des  bateaux  de  petites  dimensions  remontent 
les  rivières  tributaires  de  la  bâte  :  Pindaré,  Grajahû,  Hearim,  Itapicurâ. 
Nombreuses  sont  les  villes  et  bourgades  qui  gravitent  autour  de  Sio  Luix. 
De  l'autre  cdté  de  la  baie,  au  nord-ouest,  se  montre  Alcantara,  fameuse  par 
ses  cacaos  ;  Vianna  s'élève  au  bord  d'un  lac  qui  s'écoule  dans  le  Pindaïé; 
plus  haut,  sur  la  même  rivière,  Monçào  est  devenu  un  lieu  de  marché  très 

•  Ferdinand  Dents,  Inlroduclion  au  Voyage  dan*  le  nord  du  Brétil,  par  Wes  d'£rreui, 

*  MnuïFincnl  îles  échanges  à  Sio  Luiz  en  1888  : 

Importations 9  546 125  francs. 

EjiKirlations lU  531  500       » 

Knsemlile 20  077  42&  francs. 


SlO  LUIZ  DE  HARàNBXO,   CASIAS.  333 

actif  pour  les  bestiaux  qu'on  amène  des  serlâos  et  même  de  la  vallée  du 
Tocantins.  Depuis  longtemps  on  parle  de  la  construction  d'une  voie  ferrée 
^i,  partant  de  la  baie  continentale  la  plus  rapprochée  de  Sâo  Luiz,  se 
dirigerait  au  sud-ouest  par  la  vallée  du  Grajabû,  et  gagnerait  les  bords  du 
Tocantins  près  du  bourg  de  Carolina,  à  la  bouche  du  Manoel  Alvez  Grande. 
Sur  la  rivière  Itapucurù,  qui  traverse  la  partie  orientale  de  l'État,  Caxias, 


I  BE  vnRiiralo. 


tieûaS-elrea  g'rSÀ'OT  itelOiSS"'         <yeSS'"eHiu 


»alrie  de  Gonçalvez  Dias,  a  le  premier  rang  comme  cité  :  la  campagne 
iiïvironnante,  où  l'on  cultive  le  cotonnier  et  autres  plantes  tropicales,  est 
i^ssi  l'une  dos  plus  riches  en  bétail.  La  ville  d'Itapucurii  Mirim,  située, 
^mme  Cixias,  sur  la  rive  droile  du  fleuve,  mais  à  l'endroit  que  peuvent 
atteindre  facilement  les  baleaui  à  vapeur,  éUiit  jadis  connue  sous  le  nom 
de  Feira  ou  «  Foire  i>,  à  cause  des  grandes  quantités  de  bestiaux  que 
viennent  y  vendre  les  sertanejos.  Itapucurù  Mirim  ou  la  «  Petite  »  Itapu- 
curù a  dépassé  «  Itapucurù  Grande  »,  la  moderne  Rosario,  sise  à  l'enlrée 
de  l'estuaire  ou  baie  de  Sao  José,  qui  sé|Kire  l'île  MaranhSo  de  la  côle 


orieiiUilc.  Plus  h  l'est,  un  auln;  |i()i't,  Bnn>iriuha!4,  s'ouvnmt  miu  luin  Hv  la 
mer,  sur  le  rio  IVeguii-i:is,  ii  [iris  i|u<-li|uo  nclivité  |Kiur  In  l'abriniliur)  dt-s 
eaux-de-vio. 

Le  (leuve  Parnahyba,  ijui  sé\mvL'  1rs  doux  Étals  de  MaiiiuUHoeldcPiauhy, 
n'ftiTose  dans  si  [larlie  supt-rieurc  t|ue  dos  l'égîoiis  Irts  faihlemeiit  ppu- 
pl<>(>s.  UaiK  en  aval  du  bec  de  la  Gur^ieii*»  les  haliilnnls  se  pi'CSSi'ill 
davantage.  Les  deux  bourgs  de  Mangii  se  funl  fa»;  de  l'une  h  l'autre  rive; 
puis  immédiatoinenl  au-dessous  d'un  autre  confluent,  celui  du  PÎHuhy, 
deux  villes.  ;i  l'ouesl  S3o  Fimiciscx),  à  l'est  Amai-ante,  se  regitident  par-des- 


SUS  le  fleuve.  En  amont  de  la  bouche  du  Poty,  la  capitale  de  l'État  de 
Piauhy,  Therezina,  se  complète  également  par  un  faubourg,  Flores,  — 
jadis  Cajazeiras,  —  qui  appartient  à  l'État  de  MaranhBo,  et  qu'uD  chemiD 
de  fer  doit  prochainement  relier  à  Caxias,  dans  la  vallée  de  l'Itapucnrû. 
Villeneuve,  fondée  en  1852,  Therezina  a  j-apidement  grandi,  tandis  que 
l'ancien  chef-lieu,  Oeiras,  situé  au  sud-esl  d'Amaninte,  dans  la  vallée  du 
Ominde,  a  perdu  la  plupart  de  ses  habitants,  depuis  que  les  corps  élus  et 
l'administration  lui  ont  enlevé  son  importance  factice. 

En  aval  de  Therezina,  plusieurs  bourgs  commej-çants  se   succèdent  : 
d'ahin-d  à  droite,  Uniào,  puis  à  gauche,  Curralinho  et  S3o  Bernardo.  Vers 


TllEREZINA,  SOBRAL,  FORTALEZA  DE  CEARA. 


235 


embouchure  du  fleuve,  rÉUii  de  Piauhy,  très  bizarrement  délimité,  ne 
imprend  guère  que  la  moitié  orientale  du  delta  du  Parnahyba,  tandis  que 
ms  l'intérieur  son  territoire  s'étend  jusqu'à  500  kilomètres  de  l'ouest  à 
ïst.  Dans  l'étroit  goulot  d'entrée  se  trouve  le  port  fluvial,  Parnahyba.  Les 
aisons  s'élèvent  sur  la  rive  droite  d'une  branche  du  delta  dite  Iguai*assù, 
ns  une  terre  d'alluvions  grasse  et  humide,  où  l'îicclimatement  ne  se  fait 
int  sans  danger.  La  ville  a  pour  avant-port  Àmarraçao,  sur  l'estuaire 


V*  u.  —  cearX. 


dliprcs  Mouchez 


C. Perron 


Pro^ru/eur^s 


c^  û^  ^*rfê£rY^s 


<ibSà/û'^ 


I   :  800  001 


àk/Û'Ttftauc/c/jk 


u 


:h>  kil. 


tvial,  immédiatement  en  dedans  de  la  barre  :  les  paquebots  a  vapeur 

font  escale. 

Un  aulre  port,  situé  plus  à  l'est,  dans  l'État  de  Ceara,  Camocim,  à  la 

uche  de  la  rivière  Coreahu,  exporte  des  cuirs  et  des  denrées  agricoles 

puis   qu'un  chemin   de  fer  le  met  en  communication  avec  la  ville  do 

anja,  qui  se  trouve  en  amont,  sur  la  même  rivière,  et  avec  Sobral,  bâtie 

ns  un  autre  bassin  fluvial,  celui  de  l'Acaracû,  dont  quelques  vallons 

butaires  roulent  des  paillettes  d'or.  Cependant  l'industrie  minière  n'a 

int  prospéré  :  cette  partie  du  Ceara  ne  s'adonne  guère  qu'à  l'élève  du 

tail. 

Fortaleza,  la  capitale  de  l'État,  n'est  pas  située  comme  la  plupart  des 


236  NOUVELLE   GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

cités  brésiliennes  sur  le  cours  ou  à  l'embouchure  d'un  fleuve,  mais  sur 
l'anse  recourbée  d'une  baie  marine  :  une  petite  rivière,  le  Ceara,  d'après 
laquelle  a  été  dénommé  l'État,  se  déverse  dans  l'Océan  à  une  douzaine  de 
kilomètres  à  l'ouest  :  on  donne  aussi  quelquefois  à  la  ville  le  nom  du 
cours  d'eau.  La  péninsule  de  Mucuripe  protège  la  rade  à  l'est,  mais  un 
récif  parallèle  au  rivage  barre  l'accès  aux  grands  navires,  qui  mouillent 
dans  la  rade  extérieure  et  débarquent  leurs  marchandises  par  le  moyen 
de  jangadas  ou  radeaux  pourvus  de  voiles  :  des  jetées  et  des  bassins 
de  construction  moderne  permettent  aux  embarcations  d'un  faible  tonnage 
d'accoster  les  quais.  La  ville  est  propre,  percée  de  belles  avenues,  mais 
des  campagnes  sablonneuses  l'entourent,  et  pour  combattre  les  efifets  de 
la  sécheresse  qui  brûle  souvent  les  cultures,  on  a  creusé  des  puits 
artésiens  ;  en  outre,  des  ingénieurs,  notamment  l'hydrographe  Revy,  ont 
projeté  le  creusement  de  grandes  citernes  où  seraient  emmagasinées  les 
eaux  de  pluie.  Aux  époques  où  la  perte  des  récoltes  et  la  mort  du  bétail 
obligent  les  paysans  et  les  pâtres  à  se  réfugier  dans  les  villes,  Fortaleza 
a  quelquefois  dans  ses  murs  une  population  double  du  nombre  ordinaire 
des  résidents.  En  1878,  la  foule  des  habitants  qui  s'y  trouvaient  réunis 
s'éleva  soudain  h  près  de  soixante  mille,  dont  25  230  moururent  en 
l'espace  de  deux  mois,  emportés  par  la  petite  vérole  et  plus  encore  par 
les  privations  et  la  faim.  C'est  afin  de  donner  de  l'ouvrage  à  ces  faméliques 
retirantes  ou  fugitifs  que  l'on  fil  construire  en  dix-huit  mois  le  chemin 
de  fer  sinueux  qui  mon  le  de  la  douane  à  la  ville  par  une  très  forte  rampe, 
puis  tmvcrse  les  collines  rocheuses  et  se  dirige  a  une  centaine  de  kilo- 
mètres au  sud  vers  la  ville  de  Baturilé;  il  projette  a  l'ouest  un  embran- 
chement h  Maranguapé,  entourée  depuis  quelques  années  de  vasies 
orangeries  dont  on  exporte  les  produits  par  quantités  énormes  en  Angle- 
terre*. Le  commerce  de  Fortaleza,  très  variable  suivant  les  bonnes  ou 
les  mauvaises  récoltes,  comprend  surtout  les  cotons,  la  cire  du  palmier 
carnaûba,  le  vin  de  cajù  préparé  avec  la  «  pomme  d'acajou  »,  les  peaux 
de  chèvre  et  les  cuirs  de  bœuf.  La  population  de  Cearà  eut  la  gloire 
d'être  la  première  a  se  débarrasser  de  l'esclavage  :  la  province  dut  abolir 
officiellement  la  servitude  parce  que  les  habitants  libéraient  les  esclaves 
de  force,  les  cachaient  et  dévastaient  les  plantations. 

Le  bassin  du  fleuve  Jaç^uaribe,  embrassant  toute  la  partie  méridionale  et 
orientale  de  l'Etat,  possède  la  plupart  des  villes  et  des  bourgs,  entre  autres 
Crato,  Jardim  et  Lavras,   situés   dans  la   réfrioii  des    montagnes,  sur   de 

*   AlhoiM  Morsiii^,  Edradu  do  Ferra  do  Baturilé. 


238  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNITERSELLE. 

rouesi  du  cap  Sâo  Roque  se  dirige  .lussi  partiellement  vers  le  port  de 
Mossorô  (Santa  Luzia),  dans  l'État  voisin,  Rio  Grande  do  Norte.  Cette  ville, 
située  sur  la  rive  gauche  de  la  rivière  du  même  nom,  à  50  kilomètres  de 
rOcéan,  reçoit  par  son  estuaire  de  gros  navires  de  cabotage,  qui  vienneni 
y  chercher  du  sucre,  du  coton,  et  surtout  des  courinhos  ou  «  petits  cuirs» 
c'est-a-dire  des  peaux  de  cabris  d'une  qualité  exceptionnelle. 

La  riche  vallée  du  rio  das  Piranhas,  qui  succède  à  l'est  à  celle  du  Hos- 
sorô,  traverse  dans  leur  partie  centrale  les  deux  États  de  Parahyba  et  d< 
Rio  Grande  do  Norte,  et  contient  plusieurs  villes  industrieuses  :  Cajazeiras 
Souza,  Pombal,  Jardim,  Caicô,  —  l'ancienne  Principe,  —  Angicos-Assû 
qui  donne  son  nom  au  cours  inférieur  du  fleuve.  Le  port  de  l'embou- 
chure, Macâu,  fait  un  commerce  analogue  à  celui  de  Mossoro,  mais  d'im 
portance  moindre;  en  outre,  les  plages  du  littoral  voisin,  aménagées  ei 
salines,  fournissent  un  chargement  d'une  centaine  de  navires.  Macau  fu 
en  1836  le  théâtre  d'un  remarquable  phénomène  cosmique,  une  pluie  d< 
pierres  variant  d'un  poids  de  quelques  grammes  à  celui  de  40  kilo 
grammes  et  présentant  pour  la  plupart  la  grosseur  d'un  œuf  de  pigeon 
Ces  météorites  tombèrent  dans  la  vallée  inférieure  de  l'Assû,  sur  un  espace 
évalué  h  «  dix  lieues  »  de  diamètre.  Jusqu'à  la  distance  de  quarante  lieues 
on  aperçut  dans  le  ciel  une  masse  de  feu  très  brillante,  traversant  l'espaci 
avec  un  bruit  formidable*. 

La  capitale  de  l'État  Rio  Grande  do  Norte,  Natal  ou  «  Noël  »,  la  ville  1; 
plus  rapprochée  du  musoir  angulaire  que  forme  le  continent  au  cap  Sâ( 
Roque,  est  en  même  temps  son  principal  entrepôt.  Petite  ville  de  médiocn 
apparence,  elle  s'élève  à  la  pointe  d'une  péninsule  dominant  au  sud  1; 
bouche  de  la  rivière  peu  abondante  que  Ton  désigne  bizarrement  par  i 
nom  de  rio  Grande,  quoique  dans  l'État  même  elle  soit  dépassée  pa 
plusieurs  cours  d'eau.  La  barre  et  les  écueils  qui  obstruent  l'entrée  di 
port  ne  permettent  pas  aux  gros  navires  de  pénétrer  dans  le  rio  Grande 
ils  mouillent  en  dehors  de  la  passe.  Le  sucre,  premier  élément  du  com 
merce  de  Natal,  provient  surtout  de  la  riche  vallée  où  se  trouve  Cear 
Mirim,  la  «  Petite  Ceara  »,  environnée  d'usines  sucrières.  Une  voie  ferrée 
s'éloignant  de  Natal  dans  la  direction  du  sud,  passe  successivement  su 
des  plateaux  sablonneux,  arides,  et  dans  les  fertiles  vallées  intermé 
diaires  cultivées  en  cotonniers,  en  cannes  a  sucre  et  autres  plantes  d 
grand  rapport.  Chaque  vallée  a  ses  bourgades  populeuses  et  son  port 
Sao  José  do  Mipibù  s'élève  au  bord  de  la  rivière  Trahiry;  Goyaninha  est  1 

*  Oi'villi»  A.  Dorbv.  Meteoritos  Hnmleirox. 


NACiU,  NATAL.  S3S 

«>^KXlre  populeux  de  la  viillée  du  Jacû,  et  plus  au  sud,  dans  la  vallée  du 
^vKS'iinatahu,  les  villes  de  Ganguaretama  et  de  Nova  Giuz  ont  le  marché 
^^     Penha  pour  Heu  d'expédition  maritime. 

Tlus  au  sud,  dans  l'État  de  Panihyba  du  Norte,  le  pui't  de  Mamanguapé, 


^  ^  ^ 


**Xir  la  lîvière  du  même  nom,  a  gardé  une  coilaino  activité  comme  escale  de 
•^^boleurs,  quoique  la  ville  de  Fai-nhylia  ait  tiîché  d'atlir-er  loul  le  commerce 
Vocal  par  la  construction  d'un  chemin  de  t'i'i'  à  [;ninde  courbe,  pénétrant 
<ians  la  vallée  du  Mamanguapé  au  hourp  d'Independencia,  et  recevant  les 
denrées  de  la  serra  voisine,  parsemée  de  villes  :  Bananeiras,  Brejo  d'Areia, 
Alagda  Grande.   Quant   aux   cités  et   bourgades  du  sud    de  l'ËUil,   Sâo 


StO  .fOUVElLB  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Joào  de  Cariry,  Campinn  Gnmde,  Inga,  Pilar,  leur  débouché  naturel,  par  — ^ 
la  rivière  Parahyba  do  Norte,  est  bien  l'estuaire  au  bord  duquel,  sur  la  -^rs-~. 
rive  droite,  s'élève  l'nncïenne  ville  de  Parahyba.  Elle  se  partage  en  ^^wi  -^_ 
quartiers  distincts  :  sur  la  hauteur,  la  cida.de  veika,   fondée  il  y  a  plus^%  _- 
de  ti-ois  siècles  en  1579,  groupe  de  couvents  presque  déserts;  en  bas  Iti^    j 


/^v^ft^tfr'J 


varadouro  ou  la  «  marine  »,  centre  des  allairos.  Cependant  le  lieu  d'an- 
tiTige  des  grands  navlivs  se  trouve  à  «ne  tnmtjiine  de  kilomètres  au  nord, 
à  l'enlm.'  de  l'cstuairp,  que  domine,  sur  la  péninsule  terminale,  le  forl 
de  Caliedelo,  défendu  de  la  houle  du  large  par  une  ehaîne  de  récifs.  Au 
sud  de  Pandiyba,  l'ancienno  ville  de  Goyana,  déjà  pn)S]H^rc  du  lemps  des 
Hollandais,  occupe  une  situation  analogue,  sur  la  boucle  d'une  rivière 
qui  s'élargit  en  estuaire  vei's  reinhonchiire,  mais  qui  est  aussi  à  demi 


PERNAMBUCO.  243 

barrée  au  large  par  le  rempart  échancré  des  écueils.  Groyana  se  trouve 
déjà  dans  TËtat  de  Pernambuco,  ainsi  nommé,  —  Parand-mbuk  ou 
«Bras  de  Mer  »,  —  d'après  le  canal  semi-annulaire  qui  entoure  Tîle 
d'Itamaracâ,  au  nord  de  Recife,  et  dans  lequel  les  traitants  français  et  por- 
tugais se  rencontrèrent  dès  le  commencement  du  seizième  siècle  avec  les 
indigènes  Tupinamba*.  Itamaraca  est  une  des  régions  les  plus  populeuses 
du  Brésil  et  produit  beaucoup  de  sucre,  ainsi  que  les  «  meilleurs  fruits 
du  littoral  »,  et  des  vivres  en  abondance.  Dès  Tannée  1630  on  y  comptait 
23  usines  sucrières.  Les  Hollandais  eurent  un  moment  l'idée  de  transférer 
Je  siège  de  leur  empire  brésilien  dans  Tîle  d'Itamaracà*. 

La  capitale  de  l'État  de  Pernambuco,  d'ordinaire  désignée  sous  le  même 
nom  par  les  marins  étrangers,  mais  appelée  ofGciellement  Recife,  d*après 
le  brise-lames  naturel  qui  protège  son  port,  est  une  des  villes  historiques 
ciu  Nouveau  Monde  et  l'une  des  cités  de  commerce  qui  paraissent  destinées 
SLU  plus  grand  avenir.  Fondée  au  milieu  du  seizième  siècle,  en  1505,  par 
le  concessionnaire  Duarte  Coelho,  Pernambuco  ou  Fernambouc  devint 
près  d'un  siècle  plus  tard  le  siège  de   la   puissance  des  Hollandais,  à 
l'époque  où  ils  possédaient  la   partie  nord-orientale  du  Brésil  ;  on  voit 
encore  quelques  restes  de  leurs  constructions  à  Recife  et  dans  l'île  d'An- 
tonio Vaz  au  quartier  de  Sâo  Antonio,  l'ancienne  Mauricea  (Mauritsstad) , 
nommée  en  l'honneur  de  Maurice  de  Nassau.  Pernambuco,  si  l'on  com- 
prend sous  ce  nom  toutes  les  villes  rapprochées  qui  constituent  l'agglo- 
mération urbaine,  ne  se  présente  point  en  une  cité  cohérente.  Olinda,  la 
ci-devant  capitale,  occupe  le  sommet  d'une  élévation  qui  s'avance  en  saillie 
au  nord  de  la  rade;  mais,  trop  éloignée  du  centre  commercial,  qui  se 
trouve  à  7  kilomètres  au  sud,  elle  n'est  plus  guère  qu'une  triste  ruine 
de  palais  et  de  couvents;  l'isthme  de  sable  qui  la  rattache  au  reste  de  la 
cité,  entre  un  marigot  et  la  mer,  est  trop  bas  et  trop  étroit  pour  se  recou- 
vrir de  maisons  et  d'usines,  mais,  sur  le  sol  ferme  de  l'intérieur,  des 
maisons  de  campagne,  des  fermes  et  les  jardins  de  Campo  Grande  relient 
l'ancienne  ville  à  la  nouvelle.  La  cité  de  Recife  proprement  dite  emplit 
^e  ses  édifices  commerciaux  et  administratifs,  de  ses  magasins  et  de  ses 
entrepôts  l'île  la  plus  rapprochée  du  récif  extérieur  et  se  relie  par  des 
ponts  à  une  autre  île,  celle  d'Antonio  Vaz,  centre  de  la  «  Venise  brési- 
lienne ».   D'autres  viaducs  unissent  ce   quartier  du  milieu  à  celui  de 
Uôa  Vista,  qui  s'élève  à  l'ouest  sur  la  terre  ferme  et  se  continue  au  loin 


•  F.  Adolpho  de  Varnhagen,  Historio  gérai  do  Brazil 

*  Robert  Southey,  History  of  Brazil. 


244  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

par  des  faubourgs.  Des  villas  s'égrènent  au  nord-ouest  sur  les  bord 
du  Beberibe,  à  Touest  dans  la  vallée  de  la  sinueuse  rivière  Capibaribe 
sur  les  coteaux  voisins.  Le  haut  prix  des  terrains  dans  le  voisinage  du^ 
port  a  poussé  les  constructeurs  à  empiéter  sur  les  eaux  marines,  su 
les  criques  et  les  marais  de  l'intérieur  :  l'aspect  général  de  la  ville  sé. 
rapidement  changé  pendant  les  dernières  décades,  par  les  érosions  et  les 
envasements  aussi  bien  que  par  le  travail  de  l'homme.  Les  anciens  forts 
hollandais,  maintenant  presque  inutiles  pour  la  défense,  existent  encore. 
Les  pierres,  taillées,  en  furent  apportées  d'Europe. 

La  grande  rade,  dans  laquelle  mouillent  les  paquebots,  en  dehors  du 
récif,  n'offre  pas  une  bonne  tenue  et  souvent  les  embarcations  y  ont  beau- 
coup à  souffrir  de  l'agitation  des  vagues,  poussées  contre  les  écueils 
par  les  vents  du  sud  ou  de  l'est;  cependant  les  fortes  tempêtes  y  sont  telle- 
ment rares,  que  les  revêtements  de  maçonnerie  appliqués  sur  le  récif 
par  les  ingénieurs  hollandais,  il  y  a  deux  cent  cinquante  ans,  n'ont  pas 
été  détruits.  A  mer  basse  le  chenal  livre  entrée  aux  navires  calant  4",40  : 
en  attendant  le  moment  du  plein,  ils  auront  toujours  au-dessus  du  seuil 
au  moins  5"", 95  de  profondeur.  Ils  pénètrent  d'abord  dans  le  Poço 
ou  «  Puits  »,  qui  est  la  partie  profonde  du  port;  puis,  à  la  faveur  de 
la  marée,  ils  se  distribuent  dans  le  bassin  naturel,  si  bien  abrité,  du 
Mosqueiro.  Toutefois  l'accès  du  port  est  difficile  pour  les  embarcations 
ordinaires,  surtout  quand  soufflent  les  vents  du  sud-est  et  que  la  houle 
se  déploie  jusque  dans  le  Poço  :  il  serait  nécessaire  de  protéger  l'entrée 
par  des  brise-lames  en  eau  profonde.  L'ingénieur  Fournie,  dont  le  projet 
est  approuvé  depuis  longtemps,  sans  que  la  ville,  manquant  des  fonds 
nécessaires,  ait  pu  le  réaliser,  propose  d'enraciner  une  jelée  au  sud  de  la 
passe  et  de  la  prolonger  vers  l'est  à  720  mètres  jusqu'à  la  profondeur 
de  10  mètres  au-dessous  de  la  basse  mer  :  les  grands  paquebots  pour- 
raient ainsi  se  mettre  à  l'abri  pour  débarquer  passagers  et  colis  en  tout 
état  de  marée  et  sans  interruption.  Ce  travail  urgent  devrait  être  complété 
par  le  dragage,  le  creusement  des  bassins  et  la  rectification  des  canaux, 
ainsi  que  par  des  brise-lames  extérieurs,  enfermant  des  avant-ports  en 
dehors  du  récif*.  Le  projet  de  Hawkshawr,  analogue  au  précédent,  indique 
une  jelée  de  même  orientation,  mais  plus  longue  et  de  forme  plus  recour- 
bée. Grâce  à  rexéculion  de  l'un  ou  l'autre  projet,  le  port  deviendrait 
un  des  meilleurs  du  Brésil;  mais  déjà  l'excellence  du  havre,  parfaitement 


•  Bijhladen  van  hel  Tijdschrifl  van  het  Aardrijakundig  GenooUchap  te  Amsterdam,  n^H,  1881  ; 
-  Alfrcdo  Lisboa,  Memoria  do  Projedo  de  Melhoramento  do  porto  de  Recife, 


PERNAMBUCO.  S45 

situé  prfes  de  l'angle  nord-orienUii  du  continent,  a  fait  de  Recife  le 
point  d'attraction  principal  pour  les  navires  venus  de  l'Amérique  du  Nord, 
de  l'Europe,  de  l'Afrique  :  de  ce  côté  cinglent  les  bâtiments  pour  recon- 
naître la  terre  ferme,  après  avoir  dépassé  Fernando  de  Noronha  ou  las 


E3  ma 


**^^as.  Nul  rivage  du  Brésil  n'a    [)lus  d'importance  stratégique  :  c'est  le 

^^'^ïslc  avancé  de  la  République  et   de  tout  le  Nouveau   Monde   latino- 

'^^ïxéricain;   dans  un  avenir  peu  éloigné,  quand  des  voies  de  commu- 

***calion  directe  permettront  de  prendre  la  ligne  la  plus  courte  pour  le 

^*nfic,    Pcmambuco  sera  le  lieu  d'abordage  le  plus  fréquenté  de  toule  ' 


246  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

l'Amérique  du  Sud.  En  prévision  de  celte  activité,  on  propose  de  con- 
struire un  chemin  de  fer  côtier  entre  Pernambuco  et  Rio  de  Janeiro,  que 
doublera  tôt  ou  tard  une  autre  voie  maîtresse  suivant  la  vallée  de  S3o 
Francisco.  On  projette  aussi  une  ligne  ferrée  transcontinentale  se  dirigeant 
vers  Valparaiso  par  les  sertôes  de  l'intérieur. 

Trois  câbles  transatlantiques  partent  de  Recife,  douze  compagnies  de 
navigation  l'ont  choisi  pour  escale  de  leui*s  bateaux  à  vapeur  à  service 
régulier,  et  des  centaines  d'autres  navires  viennent  y  débarquer  les  mar- 
chandises d'Europe  ou  de  l'Amérique  du  Nord,  et  charger  du  sucre,  du 
coton,  du  café,  du  tabac,  des  cuirs,  «  petits  cuirs  »,  des  bois  de  teinture, 
jadis  spécialement  connus  sous  le  nom  de  «  pernamboucs  »,  les  objets 
d'histoire  naturelle,  oiseaux,  papillons,  coquillages,  plantes  et  autres  pro- 
duits. La  Grande-Rretagne  a  la  première  part  dans  ce  trafic;  la  France 
vient  en  second  lieu,  puis  l'Allemagne  et  les  États-Unis*.  La  pêche  se  fait, 
comme  à  Ccara,  par  de  hardis  marins  montant,  comme  leurs  ancêtres 
indiens,  des  jangadas,  radeaux  de  bois  sur  lesquels  ils  amarrent  une  ancre, 
quelques  instruments  et  une  calebasse  d'eau  douce  :  de  loin  on  n'aperçoit 
que  la  voile  blanche,  flottant  comme  une  mouette  au-dessus  de  la  vague. 
Recife  n'est  pas  uniquement  un  entrepôt  de  commerce  :  elle  a  des  jardins 
publics,  des  bibliothèques,  des  sociétés  savantes,  entre  autres  un  institut 
géographique,  et  possède  une  des  deux  facultés  brésiliennes  de  droit. 
Héritiers  d'un  passé  de  luttes  et  de  revendications  politiques  contre  les 
cités  capitales,  Rahia  et  Rio  de  Janeiro,  les  Pernambucains  ont  un  certain 
esprit  d'initiative,  rare  dans  le  Rrésil,  et  tiennent  à  honneur  d'agir  par 
eux-mêmes. 

La  banlieue  de  Pernambuco  est  fort  peuplée  et  toute  une  guirlande  de 
villes  secondaires  entoure  la  cité  :  de  nombreuses  routes  carrossables  et 
trois  voies  ferrées  divergent  de  Recife  comme  les  rayons  d'un  cercle.  Au 
nord  s'élève  Iguarassû  ou  —  la  «  Grande  Pirogue  »,  —  qui  possède  un 
petit  port  déjà  fréquenté  par  les  Français  au  dix-septième  siècle;  au  nord- 
ouest,  Pâo  d'Alho,  r  «  Arbre  d'Ail  »,  commande  la  bifurcation  des  che- 
mins de  fer  qui  se  dirigent  l'un  vers  Nazareth,  l'autre  vers  Limoeiro, 
deux  villes  très  commerçantes,  environnées  d'usines  sucrières.  Limoeiro 
est  la  principale  agglomération  urbaine  de  la  vallée  de  Capibaribe,  où 
se  trouvent   aussi  Rom  Jardim,  Taquaretinga  et,  dans   une  combe   bien 

*  Valeur  moyenne  des  échanges  à  Recife  :  200  millions  de  francs. 
Exportation  du'sucre  en  1892  :  391  104  sacs  ou  23  472  tonnes. 
Receltes  de  la  douane  en  1888  :  10  738  240  milreis. 
Mouvement  de  la  navigation  à  Recife  :  1  600  000  à  2  000  000  tonnes. 


RECIFE  ET  SA.  BAMrEUE.  Si7 

arrosée  des  montagnes,  Brejo  da  Madré  de  Deus.  la  voie  ferrée  qui  se 
dirige  à  l'ouest  de  Recife,  vers  la  haute  vallée  de  l'Ipojuca,  passe  d'abord 
h  JaboatSo,  le  lieu  de  villégiature  le  plus  D'équenlé  par  les  habitants  de 


^        H        ^        ^B 

AjeàKXfr      etÊ/OOmmOr  tA^CCàax/Û' atraXXPrWmtkS 


l'cmamhuco,  puis  à  Victoria,  Gravatâ,  Bezerros,  Caruarû,  onlrepôt  com- 
mercial très  achalandé,  la  ville  la  plus  prospère  de  l'iiilérieur.  Au  sud- 
oueet,  la  station  principale  sur  le  chemin  de  Ter  du  SSo  Francisco  est  la 
ville  de  Cabo,  qui  a  reçu  son  nom  du  promontoire  voisin,  le  caho  Sanio 
Agostinho,  où  s'élevait  autrefois  un  fort  que  Hollandais  et  Portugais  se 


âl8  NOUVELLE  GËOGRAPIIIE  UMVEItSELLE. 

disputèrent  avec  acharoemcnt  pendant  la  première  moilié  du  dix-septièn.  ■ 
siècle.  Au  delà  de  Cabo,  sur  la  même  ligne  ferrée,  se  succèdent,  toujour- 
dans  l'État  de  Pernambuco,  les  deux  villes  de  Palmarès  et  Garanhun^ 
celle-ci  située  à  845  mètres  d'altitude,  dans  la  haute  vallée  du  Mundahi^ 
affluent  de  l'estuaire  de  Maceià.  Ville  salubre,  où  des  phtisiques  viennei^ 


deÛà/Ométnta  i/s/Û?W£0'.  i^cCÛCa^jua^J- 


thcrchcr  la  santé,  Garanhuns  a  dépassé  la  zone  de  la  canne  à  sucre!^^_ 
principale  culture  du  littoral  de  Pernambuco;  on  y  i-écolte  surtout  le  café  ^^ 
le  colon,  le  IîiIkic,  les  céi-éalcs. 

La  partie  occidentale  de  l'État  de  Pernambuco,  constituant  à  peu  près  li*-  ^ 
moilié  du  territoire,  appartient  au  vei-sant  du  Sào  Francisco,  do  même  qui^  -* 
presfjue  tout  l'Élat  d'Alagôas  ou  des  "  Lagunes  ».  Cependant  la  capitale  d^ 
ce  territoire,  Maceiô,  occuim;  une  péninsule,  entre  la  mer  et  un  der 
étangs  qui  ont  valu  son  nom  à  l'Étiit  :  cette  nappe  d'eau,  dite  do  Norte  ' 


«çoit  la  rivière  Mundahù,  tandis  que  plus  au  sud  un  lac  parallèle,  celui 
le  Hanguaba,  est  alimenté  par  une  des  nombreuses  rivières  portant 
'appellation  générique  de  Parafayba.  Hacelû,  cité  gracieuse,  ombrage  ses 
idifices  sous  la  verdure  :  dans  tes  avenues  et  les  bosquets  qui  l'entoui'ent, 
e  dattier  d'Afrique  se  mêle  aux  cocotiers  de  l'Inde.  Tout  le  mouvement 
ommercial  de  Maceiô  s'est  porté  au  bas  de  la  colline  vers  le  fauboui-g 


<s&  ûéS/nètrea 


ab/Û^eiaue^J 


e  Jui-aguâ,  jadis  séparé  de  la  ville  :  là  si;  Irouvont  les  magasins  et  les 
nlrepôts.  Malheureusement  le  port,  défendu  des  vents  de  l'est  et  du 
oi-d,  est  trop  exposé  aux  tempêtes  du  sud,  et  pendant  l'hivernage  les 
avires  doivent  se  réfugier  dans  la  rade  de  l'ajussarâ,  située  plus  à  l'est, 
l'abri  de  la  Fonta  Vcrde  et  d'une  chaîne  d'écueïls.  Le  vin  de  cajù  esl, 
près  11!  sucre,  le  coton  et  autres  denrées  de  grande  cullui-e,  un  des 
irincîpaux  aiticles  d'exportation.  Maceiô  n'^oil  une  bonne  part  de  ses 
ipprovisionnements  par  le  chemin  de  fer  qui  remonte  au  nord-ouest  dans 


250 


NOUVELLE  GËOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 


la  vallée  du  Mundahû  vers  UniSo,  une  de  ces  nombreuses  localités  d 
Brésil  auxquelles  la  flatterie  avait  donné  le  nom  d'Imperatriz  :  c'est  prc 
de  là  que  se  trouvait  le  centre  principal  de  la  république  des  n 
marrons,  le  quilombo  dos  Palmarès.  La  vallée  du  Parahyba,  qui  descen 
au  sud-est,  parallèlement  à  celle  du  Mundahû  et  se  rattachant  à  elle  pa 
un  embranchement  de  rails,  est  très  riche  en  plantations  sucrières  dans 
les  municipes  de  Victoria,  de  Villa  Viçosa,  —  l'ancienne  Âssemblea,  — 
d'Atalaia,  de  Pilar,  d*Alagôas.  Cette  dernière  ville,  capitale  de  la  pro- 
vince jusqu'en  l'année  1839,  s'élève  près  de  l'extrémité  méridionale  de 
Yalagéa  de  Manguaba,  dans  une  plaine  basse,  beaucoup  moins  bien 
située  pour  le  commerce  que  Maceiô,  le  chef-lieu  moderne.  Des  bateaux 
h  vapeur  vont  et  viennent  par  les  bayous  et  le  lac  Manguaba,  entre  Maceio 
et  Pilar,  où  ils  prennent  les  chargements  de  coton*. 

L'île  Fernando  Noronha,  qui  fait  partie  administrativement  de  l'Étal 
de  Pernambuco,  est  une  dépendance  naturelle  des  terres  nord-orientales 
du  Brésil.  Elle  n'a  point  de  ville,  le  gouvernement  général  l'ayant  affectée 
au  service  pénitentiaire*.  On  s'occupait  aussi  en  1893  d'y  établir  un 
lazaret  de  quarantaine  et  un  poste  sémaphoriijuc.  Un  paquebot  de  ravi- 
taillement aborde  tous  les  mois  à  un  petit  port  de  la  côte  septentrionale. 
Les  gisements  de  phosphates  que  possède  l'ile  ne  sont  pas  encore  exploités 


^ 


i^ 


r 


'  Villes  principales  du  versant  atlantique  brésilien  entre  la  bouche  du  Gurupy  et  celle  du  rîo  Slo 
Francisco,  avec  leur  population  approximative  : 


>^jO 


MARAimlO. 


Sâo  Luiz. 
Yianna . 
Gaxias. . 
Alcantara 


45  000  hab. 
il  000    )) 
10  000    » 
5  000    )) 


PlAUHY. 


Pamahyba 12  000  hab. 

Thereiina 40  000    » 

Amarraçao 5  000    » 

Oeiras 2  000    » 

Cearâ. 

ForUleza 30  000  hab. 

Aracaty 16  000    » 

Maranguapé 12  000     » 

Sobral 10  500    » 

Balurilé 10  000    » 


Rio  Gràrdb  do  Noan. 


Natal.   .   . 
Macàu.  .   . 
Gcarâ  Mirim 
Blossoré.    . 


6000  hab. 

5000    9 

4000    » 

3000    » 

Parahtba  do  Nortb. 

Parahyba 40000  hab. 

Mamanguapé 10000    » 

Pernambcco. 

Rccifc,  Olinda  et  faubourgs.    . 

Nazareth 

Govana  

Palmarès 

Caruarû 

Alagôas. 

Maceio  et  Jaraguâ 15000  hab. 


120000  hab. 
15000    » 
10000 
5000 
3000 


» 


Alagôas 


5000    » 


*  Popuktion  de  Tile  au  1*'  janvier  1889  : 

Condamnés 1  275 

Employés,  suidais  et  familles  des  condamnés.  .    .    .         688 


«.    <. 


Ensemble 1  963 


FERNANDO  NORONUA,  fiASSIN  DU  SÂO  FRANCISCO.  251 

industriellement,  mais  on  a  recueilli  du  guano  sur  quelques  ilôts  côtiers. 
Actuellement  la  culture  de  Tile  est  difficile,  à  cause  de  la  multitude  des 
mts  et  souris  qui  infestent  la  campagne  et  que  ni  chats  ni  chiens  ne  dai- 
gnent plus  poursuivre  :  déjà  ce  fléau  avait,  au  dix-septième  siècle,  empêché 
les  Hollandais  de  se  maintenir  dans  Noronha.  Suivant  les  saisons,  les 
condamnés  sont  tenus,  chaque  mois  ou  chaque  semaine,  de  se  livrer  un 
jour  à  la  chasse  des  rats,  et  parfois  ils  en  massacrent  aloi^  jusqu'à  vingt 
<:nille\ 


IV 

BASSI?(    DU    RIO    SÂO    FRA5ICISC0    ET    VERSANT    ORIENTAL    DES    PLATEAUX. 

ÉTATS    DE    MI.XAS    GERAES,     BAHIA,     8BR6IPE,    ESPIRITO    SAXTO. 

La  moitié  de  celte  vaste  région  est  occupée  par  le  bassin  du  rio  S3o 
Francisco,  grande  dépression  de  forme  ovalaire  analogue  à  celle  des  deux 
fleuves  jumeaux  Araguaya  et  Tocantins  et  de  grandeur  à  peu  près  égale. 
Seulement  le  S3o  Francisco  ne  maintient  point  sa  direction  régulière  dans 
le  sens  du  sud  au  nord  et  se  reploie  vers  Test  pour  se  jeter  dans  TAtlan- 
Uque,  à  l'endroit  où  le  continent  commence  à  se  rétrécir,  au  sud  du 
niusoir  de  Pernambuco.  Appartenant  par   la  partie  supérieure  de  son 
cours  à  la  zone  des  hauts  plateaux,  le  rio  SSo  Francisco  traverse  la  chaîne 
entière  pour  s'échapper  par  le  versant  oriental  :  il  réunit  les  deux  pro- 
vinces naturelles.  Plus  au  sud,  des  arêtes  forment  une  limite  précise 
entre  le  grand  bassin  fluvial  et  les  pentes  tournées  vers  l'Atlantique  ;  mais, 
dans  l'ensemble,  on  peut  considérer  les  pays  côtiers  comme  une  simple 
escarpe  des  plateaux  arrosés  par  le  Sao  Francisco.  La  demi-circonférence 
décrite  par  les  montagnes  d'où  découlent  les  affluents  du  fleuve,  et  qui  par 
^n  chaînon  latéral  vont  rejoindre  la  côte  au  nord  de  la  rivière  Parahyba, 
découpe  donc  une  partie  distincte  du  Brésil.  Mais  les  frontières  des  États 
ne  coïncident  que  partiellement  avec  leurs  limites  naturelles.  Au  sud 
VÉlat  de  Minas  Geraes  empiète  largement  sur  le  vei'sant  du  Parana,  et, 
commandant  les  cols  par  où  Ton  descend  au  sud,  a  pris  pour  marche- 
pied les  degrés  qui  s'échelonnent  dans  l'État  de  Rio  de  Janeiro,  versant 
distinct  de  celui  d'Espirito  Santo. 

Prise  dans  ses  limites  naturelles  ou  dans  celles  que  lui  ont  données  ses 
frontières  artificielles,  la  région  du  Sâo  Francisco,  unie  à  celle  des  penles 

•  Ridley,  Journal  of  the  Linnean  Society ^  1890;  —  H.  von  Ihering,  mémoire  cilé. 


S52  NOUVELLE  GËOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

atlantiques,  est  la  plus  importante  de  la  république  brésilienne.  L^nn  des 
quatre  États  qui  la  constituent,  Minas  Geraes  ou  les  «  Mines  Générales  », 
c<  beau  pays  qui  pourrait  se  passer  du  monde  entier  »,  dit  Auguste  de 
Saint-Hilaire,  est,  sinon  le  plus  grand,  du  moins  de  beaucoup  le  plus 
populeux  du  Brésil,  quoique  ses  villes  principales  soient  très  inférieures 
aux  puissantes  cités  de  la  région  côtière.  A  bien  meilleur  litre  que  la 
Pennsylvanie,  dans  les  États-Unis  du  Nord,  il  pourrait  revendiquer  le  sur- 
nom d'État  (c  Clef  de  Voûte  ».  Les  plus  hauts  plateaux  du  Brésil  y  élèvent 
leurs  croupes  et  l'un  des  fleuves  les  plus  abondants  y  prend  ses  sources. 
Au  sud,  il  commande  par  ses  versants  les  abords  de  la  capitale,  Rio 
de  Janeiro;  à  l'est,  au  nord-est,  des  rivières  nées  dans  son  territoire 
descendent  vers  les  Étals  du  littoral,  d'Espirito  Santo  à  Pemambuco; 
à  l'ouest,  il  touche  par  ses  faîtes  aux  contrées  encore  presque  désertes 
de  Goyaz,  tandis  qu'au  sud-ouest  il  se  prolonge  vers  le  Sâo  Paulo  par  les 
rivières  paraniennes.  Même  au  point  de  vue  historique.  Minas  Geraes  peut 
être  considéré  comme  au  premier  rang,  car,  après  avoir  été  le  plus  actif 
à  enrichir  le  trésor  portugais,  après  avoir  fourni  l'or  qui  fit  construire 
l'aqueduc  de  Lisbonne  et  le  couvent  de  Mafra,  il  fut  le  premier  à  tenter, 
trente  ans  avant  le  succès  définitif,  la  conquête  de  son  indépendance. 
A  plusieurs  reprises  on  a  proposé  de  diviser  en  deux  ou  plusieurs  pro- 
vinces ou  États  le  territoire  de  Minas  :  la  partie  septentrionale  de  la 
contrée  deviendrait  l'État  de  Sâo  Francisco. 

L'État  de  Bahia,  qui  comprend,  avec  une  partie  de  Pernambuco,  d'Ala- 
gôas  et  de  Sergipe,  plus  de  la  moitié  du  territoire  parcouru  par  le  S3o 
Francisco,  n'a  pas  l'importance  du  Minas  Geraes,  mais  il  occupe  dans 
la  République  la  deuxième  place  par  la  population,  et  sa  capitale  n'est 
dépassée  que  par  Rio  de  Janeiro  pour  le  commerce  et  le  nombre  des 
habitants.  L'État  de  Sergipe,  de  très  faibles  dimensions  comparé  aux 
deux  autres,  est  plus  peuplé  proportionnellement  à  son  étendue  et  prend 
plus  que  sa  part  du  commerce  général*.  Quant  h  l'État  d'Espirito  Santo, 
formé  par  une  zone  forestière  d'accès  difficile,  il  est  certainement  le  der- 
nier parmi   tous  les   États  orientaux,   mais   ses    progrès  sont   rapides, 

*  États  du  Sâo  Francisco  et  du  versant  oriental  : 

Suj)crficio  Habitants 

en  kil.  canvs.         Hubilnnls  en  1893.      par  kil.  cairé. 

Minas  G(Mnos 574  855  3000  000  5.2 

Bahia 420  427  2  000  000  4,7 

Sergipe 59  090  570  000  9,5 

Espirito  Santo 44  859  200  000  4,4 

Ensemble  .    .      1085  211  5  570  000  5,1 


BASSIN  DU  RIO  SlO  FRANCISCO.  253 

grâce  à  Finflux  des  immigrants  européens  et  au  reflux  des  populations 
fjui  se  portent  autour  de  Rio  de  Janeiro  depuis  Touverture  des  voies  de 
communication  divergentes. 

La  vaste  baie  de  Todos  os  Santos,  aux  bords  de  laquelle  s'élève  mainte- 
riant  la  cité  de  Bahia,  fut  déjà  signalée  par  Christovâo  Jaques,  en  1505, 
t.rois  années  après  la  découverte  des  côtes  brésiliennes;  le  fameux  Amerigo 
^^espucci  était  pilote  de  cette  expédition.  La  colonie  proprement  dite  se 
développa  rapidement  dans  la  deuxième  moitié  du  siècle,  lorsque  Bahia 
ut  été   choisie  pour  chef-lieu  de  toutes  les  capitaineries  brésiliennes, 
t  les  excursions  dans  l'intérieur  firent  bientôt  connaître  d'une  manière 
générale  le  relief  du  pays  jusqu'à  une  distance  considérable  de  la  côte. 
^Cependant  la  chaîne  bordière  des  monts,  revêtue  de  forêts  épaisses  sur  le 
versant  maritime,  resta  longtemps  une  barrière  insurmontable.  Dès  la  fin 
<iu  seizième  siècle,  des  voyages  de  découverte  vers  les  contrées  inconnues 
que  traverse  le  haut  Sao  Francisco  furent  successivement  entrepris,  mais 
sans  grand  résultat.  En  1650,  Marcos  de  Azevedo  en  rapporta  des  éme- 
raudes  et  des  lingots  d'argent;  puis,  une  vingtaine  d'années  plus  tard, 
d'intrépides  Paulistas,  sous  la  direction  de  Fernando  Dias  Paes  Leme, 
gagnèrent  les  pays  du  nord  que  la  légende  disait  surabonder  en  pierres 
précieuses.   Us   pénétrèi'ent  jusque  vers  les   sources  du  rio  Dôce,  dans 
Une  région  devenue  fameuse  depuis  par  ses  mines;  mais  ne  réussirent 
pas  à  découvrir  ces  trésors. 

D'autres  Paulistas  furent  plus  heureux,  à  la  fin  du  dix-septième  siècle 
et  au  commencement  du  dix-huitième,  et  la  nouvelle  de  leur  fortune  fit 
accourir  les  chercheurs.  De  son  côté,  le  gouvernement  portugais  intenint 
énergiquement  pour  assurer  ses  revenus  miniers,  et  en  1720  il  découpait 
dans  l'immense  territoire  de  l'ouest  une  capitainerie  de  Minas  Geraes, 
dont  les  limites  étaient  à  peu  près  celles  qui  aujourd'hui  bornent  l'État. 
CUhacun  des  nouveaux  centres  miniers  devint  un  point  de  départ  pour  des 
explorations  plus  complètes,  et  lorsque  l'ère  moderne  des  voyages  inau- 
gurée par  Humboldt  eut  commencé,  les  savants  partis  de  Rio  de  Janeiro 
pour  la  visite  des  plateaux  dirigèrent  presque  tous  leurs  études  vers  les 
siégions  minières  du  haut  Sao  Francisco  :  les  itinéraires  de  von  Eschwege, 
d'Auguste  de  Saint-Hilaire,  de  Spix  et  Martius  s'entrecroisent  dans  ces 
contrées  avec  ceux  de  Pohl,  de  Natlerer,  Mawe,  Gardner,  Spruce,  Burton, 
Liais,  Halfeld,  Wells,  Manoel  de  Macedo.  Dès  les  années   1815  à  1817, 
Maximilien  de  Wied  se  hasardait  au  milieu  des  Botocudos  et  les  décrivait 
avec  soin,  suivi   dans  ces  recherches  par  de  nombreux  ethnologistes  et 
contrôlé  récemment  par  Ehrenreich.  Lund  se  retirait  loin  du  monde  dans 


iU  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

un  village  écarté  des  plateaux  et  pendant  de  longues  années  s'y  occupaiL 
de  l'ancienne  faune  des  cavernes.  Enfin  des  mineurs,  des  ingénieurs,  des 
géologues,  ont  par  centaines,  avec  Gorceix,  Ilartt,  Ferrand,  Orville  Derby» 
étudié  dans  les  Minas  l'allure  des  roches  et  le  gisement  des  métaux,  et. 
l'on  a  commencé  le  levé  d'une  carte  topographique  au  cent-millième  qui 
se  rattachera  aux  travaux  de  même  nature  qui  se  font  dans  l'État  de  Sâo 
Paulo. 

Le  pays  montueux  dans  lequel  le  rio  Sâo  Francisco  prend  naissance, 
tandis  qu'au  sud  s'écoulent  les  affluents  platéens,  est  parfois  désigné  sous, 
le  nom  de  campoi;  —  mais  ces  «  plaines  »  ou  «  champs  »  ne  sont 
point  des  étendues  uniformes  comme  les  llanos  du  Venezuela,  les  pampas 
de  la  République  Argentine,  les  savanes  et  les  prairies  de  l'Amérique  du 
Nord.  Le  sol  est  partout  inégal  et  bossue  de  collines  s'élevant  à  100  ou 
200  mètres  au-dessus  du  piédestal  immense  que  forme  l'ensemble  du 
plateau  ;  même  l'une  des  plus  hautes  montagnes  de  Minas  est  dite  Ilabira 
do  Campo,  par  opposition  avec  une  autre  montagne,  d'ailleurs  moins 
élevée,  qu'on  appelle  Itabira  da  Serra  ou  do  Matto  Dentro,  parce  qu'elle 
se  trouve  dans  les  régions  montagneuses  et  boisées  de  Test.  Des  ravins 
tortueux,  des  marécages,  des  rivières  varient  l'aspect  générai  de  la  con- 
trée. L'altitude  moyenne  de  ces  hautes  terres,  qui  constituent  le  faîte 
central  du  Brésil  et  qui  s'inclinent  de  toutes  parts,  est  d'un  millier  de 
mètres,  et  les  croupes  culminantes,  entre  Queluz  et  Barbacena,  dépassent 
1200  mètres.  C'est  à  partir  de  cette  gibbosité  centrale  que  divergent  les 
divei^ses  chaînes  de  hauteurs,  superposant  leur  masse  au  socle  que  forme 
le  plateau,  et  presque  partout  s'abaissant  avec  lui. 

Vers  l'ouest,  une  saillie,  çii  et  là  redressée  en  arête  montagneuse,  sépare 
les  versants  du  SSo  Francisco  et  ceux  du  Paranà,  puis  va  se  confondre  avec 
un  deuxième  faîte,  d'où  partent  la  serra  da  Canastra  et  tout  un  rameau 
d'autres  élévations  se  mmifiant  vers  le  nord.  Au  sud-ouest  du  nœud  de 
Barbacena,  une  arête,  aux  pentes  extérieures  très  escarpées,  se  développe 
parallèlement  au  littoral  de  Rio  de  Janeiro  :  c'est  la  serra  de  Mantiqueira. 
Au  nord-est  un  prolongement  de  cette  même  arête  se  continue  sous 
divers  noms  et  en  s'infléchissant  de  manière  à  suivre  les  changements 
d'orientation  que  présente  le  pourtour  continental.  Enfin,  au  nord  se 
profile  la  chaîne  principale,  h  laquelle  Eschwege  a  donné  le  nom  de  serra 
do  Espinhaço  :  c'est  1'  «  Épine  dorsale  »  du  Brésil.  Cependant  les  pitons 
qui  se  dressent  au-dessus  de  cette  chaîne  majeure  n'ont  qu'une  faible 
élévation  relative  :  le  plus  haut  n'atteint  que  le  quart  de  la  hauteur  à 
laquelle  pointent  les  géants  des  Andes,  et  même,  ainsi  que  les  récentes 


^ 


BASSIN  DU  RIO  SÀO  FRANCISCO.  255 

explorations  permettent  de  TafOrmer,  la  plus  fiëre  montagne  du  Brésil 

ne  s*élève  pas  dans  cette  chaîne  :   elle  appartient  à  la   serra  da  Man- 

/iqueira.  Le  sommet  dominateur  de  la  rangée  dorsale,  le  pic  de  Caraça  ou 

du  «  DéOlé*  »,  qu'on  aperçoit  au  nord-est  du  centre  de  diromation  des 

£ireles,  n'a  que  1955  mètres  d'après  Liais.  Plus  au  sud,  la  montagne  de 

I^iedadc  (1783  mètres),  située  en  dehors  de  la  chaîne,  au-dessus  de  la 

^vallée  du  rio  das  Velhas,  commande  les  autres  montagnes  de  sa  large 

pyramide  émoussée,  coupée  d'un  côté  par  un  brusque  précipice.  Enfin, 

^^lus  près  du  nœud  de  croisement,  s'élève  la  cime  qui  passa  longtemps 

ur  la  plus  haute  du  Brésil  et  qui  en  est  restée  la  plus  fameuse,  grâce 

voisinage  de  la  cité  capitale  de  Minas,  Ouro  Preto,  située  à  sa  base 

^^tentrionale  :  c'est  l'Itacolumi  ou  la  «  Pierre  du  Fils  »,  ainsi  nommée 

^'un  piton  latéral  posé  sur  un  piédestal  de  débris,  et  présentant,  suivant 

la  position  du  spectateur,  les  formes  les  plus  bizarres,  d'un  écureuil  ou 

^'un  crapaud  gigantesque;  la  pyramide  suprême  se  trouve  à  1759  mètres 

d'après  Gerber.  Dans  la  terminologie  géologique,  l'Itacolumi  a  donné  son 

nom  à  un  grès  jaunâtre  qui  recouvre  une  grande  partie  du  Brésil  central, 

mais  qui,  d'après  Burton,  ne  constituerait  pas  la  montagne  elle-même' 

ou  du  moins  n'en  serait  pas  la  masse  principale  :  l'Itacolumi  se  compose 

de  quartzite,  comme  le  Caraça\ 

Au  nord  du  piton  de  Caraça,  la  serra  do  Espinhaço  se  continue  sur  une 
longueur  d'environ  250  kilomètres,  sans  présenter  de  croupes  ou  de 
pitons  bien  saillants  :  on  signale  surtout  un  mont  ferrugineux,  l'Itabira 
cla  Serra  ou  du  Matto  Dentro,  et  plus  loin,  dans  la  région  diamantifère 
clu  Serro  de  Frio  ou  «  Mont  du  Froid  »,  un  piton  d'origine  ignée,  l'Ilambé, 
C£ui  fut  aussi  proclamé  le  point  culminant  du  Brésil;  son  altitude  ne 
dépasse  pas  1516  mètres,  d'après  Spix  et  Martius,  qui  l'escaladèrent 
^n  1818.  A  l'ouest  du  rio  das  Velhas,  à  l'étroit  dans  ses  gorges,  s'élève 
'^in  rival  de  l'Itacolumi,  l'Itabira  do  Campo,  montagne  à  double  pointe, 

en  (c  bonnet  d'âne  »,  —  très  difficile  à  gravir  et  composée  presque 

iniquement,  comme  le  Piedade  et  l'autre  Itabira  ou  «  Pierre  Brillante  », 

rfun  minerai  ferrugineux,  1'  «  itabirite*  »,  contenant  60  pour  100  de 

métal  pur.  On  a  pu  en  mesurer  exactement  l'altitude,  1529  mètres*.  Dans 

cette  même  région,  diverses  cartes   indiquent  le  nom  d'une  prétendue 

*  Auguste  de  Saint-Uilaire,  Voyages  dans  les  provinces  de  Rio  de  Janeiro  et  de  Minas  Garaes. 

*  The  Highlands  of  Brazil. 

*  Orville  A.  Derbv,  0  Picos  altos  do  Brazil. 

*  Von  Eschwege,  Beilrâge  zur  Gebirgskunde  Brasiliens. 
'  E.  Gauthier,  Kotes  manuscrites. 


256  NOUVELLE  GËOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

montagne  de  Boas,  d'une  hauteur  de  2500  mètres;  mais  ce  nom  est 
complètement  inconnu  dans  le  pays  :  nulle  cime  ne  s'élève  en  de  pareilles 
proportions  au-dessus  de  la  mer  presque  uniforme  des  croupes  qui  se 
déroulent  comme  des  vagues;  la  confusion  provient  sans  doute  des 
croupes  pénibles  à  franchir  qui,  sous  le  nom  de  Boas  Mortes,  séparent  le 
haut  bassin  du  rio  das  Yelhas  et  celui  du  Paraopeba\  Les  saillies  les  plus 
fortes  se  montrent  à  peine  au-dessus  des  ondulations  de  la  région  mon- 
tueuse*  A  sa  base  même  on  ne  voit  point  la  montagne  Itabira;  pour  la 
distinguer,  il  faut  s'élever  sur  les  pentes  des  collines  environnantes. 

En  dehors  de  TËspinhaço,  les  chaînes  de  hauteurs  ne  sont  pas  encore 
assez  connues  pour  que  leurs  pics  soient  désignés  habituellement  comme 
des  individualités  distinctes  :  d'ordinaire  on  se  borne  à  énumérer  les 
saillies  principales  et  souvent  en  exagérant  les  altitudes  et  la  vigueur  du 
relief.  Au  delà  du  seuil  de  Diamantina,  où  naissent  les  sources  du  Jequi- 
tinhonha,  se  développe  le  rempart  sinueux  de  Tltacambira,  prolongé  au 
nord  par  la  chaîne  du  Grao  Mogol,  puis  par  la  serra  das  Aimas,  qui  va  se 
perdre  dans  l'État  de  Bahia  en  de  vastes  plateaux,  où  les  serras  ne  sont 
en  réalité  que  les  rebords  escarpés  des  hautes  lerres,  entaillées  à  la  base  par 
des  eaux  courantes.  Une  chaîne  mieux  marquée  est  la  serra  dos  Aimores, 
ainsi  nommée  d'après  ses  anciens  habitants  aborigènes,  et  qui  se  profile 
parallèlement  au  littoral  d'Espirito  Santo,  coupée  en  de  nombreux  frag- 
ments par  les  rivières  qui  découlent  des  pentes  orientales  de  l'Espinhaço. 
Près  de  la  racine  de  cette  chaîne,  dans  le  massif  dit  de  Capazao*,  formé  de 
gneiss  quartzeux,  le  bolaniste  Schwacke  a  récemment  gravi  une  cime  de 
2200  mètres,  restée  inconnue  jusqu'à  ces  dernières  années  à  cause  des 
tribus  indiennes  qui  l'entouraient". 

A  l'ouest  du  l'io  Sào  Francisco  d'autres  faîtes  allongés  présentent  aussi 
l'aspect  de  montagnes  :  tels  ceux  qui  à  l'est  séparent  les  États  de  Minas 
Geraos  et  de  Goyaz,  et  que  l'on  appelle  quelquefois  pour  cette  raison 
serra  das  Divisées.  Mais  au  nord  toute  trace  de  monts  disparaît  :  ce  ne 
sont  plus  que  des  plateaux  déserts,  de  redoutables  travessian  sans  eau  et 
sans  végétation,  et  en  maints  endroits  couvertes  de  sel;  les  voyageurs 
metlent  des  journées  à  les  fmnchir.  Enfin,  dans  la  vallée  même  du  Sào 
Francisco  s'élèvent  de  nombreux  massifs  et  chaînons,  les  uns  parallèles 
au  cours  fluvial,  d'autres  se  dirigeant  transversalement  à  son  coui*s  et 
donnant  lieu  par  leurs  barrages  de  rochers  à  des  rapides  ou  à  des  cas- 

•  James  \V.  Wolls,  ouvrage  cilé. 

-  (iai);!^^  sur  la  carie  de  ChnK'kall  de  Sa. 

'  Orville  A.  Derby,  Revista  da  Socicdadc  de  Geographia  do  Rio  de  Janeiro f  1889. 


MONTAGNES  DE  MINAS.  257 

cades.   Le   plus  fameux  de  ces   groupes  est  celui  de  Lagôa  Santa  ou 
de  la  «  Sainte  Lagune  »,  bien  connu  dans  l*histoire  géologique  et  préhis- 
/orique  du  Brésil.  Ce  pays  calcaire  est  percé  d'innombrables  cavernes, 
les  unes  simples  Assures,  les  autres  vastes  galeries,  voûtes  énormes, 
avenues  tortueuses,  se  i^miûant  en  un  dédale  infmi.  Les  croupes  de 
C5CS    l'oches  perforées  en  tous  sens   semblent  montrer  que  les  assises 
£Hirent  d'abord  brisées  par  quelque  puissante  pression  latérale,  et  que 
J^^  eaux  évidèrent  ensuite    leurs   lits  souterrains.  Des  concrétions  cal- 
c:^aires  pendent  aux  voûtes  des  grottes  et  s'élèvent  du  sol  en  piliere.  Des 
:=:ouchcs  argileuses,  d'épaisseur  diverses,  recouvrent  les  fonds  contenant 
es  coquilles  terrestres  et  fluviatiles,  identiques  avec   les  espèces  con- 
emporaines  :  c'est  dans  ces  couches  que  l'on  a  trouvé  des  ossements  en 
quantités  énormes,  étudiés  d'abord  par  Claussen,  puis  avec  plus  de  succès 
neore  par  Lund. 
La  chaîne  Épinière,  à  l'orient  de  la  vallée  de  Sao  Francisco,  se  com- 
^|)ose  surtout  de  gneiss,  passant  en  certains  endroits  au  granit,  au  syénite, 
siu  micaschiste.  Les  croupes  en  sont  partout  bien  arrondies,  et  même  les 
masses  coniques  escarpées  qui  se  dressent  çà  et  là  au-dessus  des  rangées 
présentent  toujours  un  profil  recourbé.  Les  roches  cristallines  qui  les  con- 
stituent sont  d'une  matière  grenue  avec  de  grands  cristaux  de  feldspath, 
très  faciles  à  désagréger,  et  formant  les  couches  arénacées  et  rougeâtres 
étendues  en  longues  pentes  au  pied  des  hauteurs  :  cette  couche  décom- 
posée, recouverte  de  sol  végétal,  présente  en  certains  endroits  275  mètres 
d'épaisseur*.  Nulle  part  on   ne  voit  de  dépôts  sédimentaires  au-dessus 
des  amas  de  gravier  produits  par  la  désintégration  des  montagnes,  restes 
de    saillies  qui  furent  autrefois  d'une  hauteur  prodigieuse,  «  dépassant 
probablement  par  leurs  sommets  les  crêtes  les  plus  élevées  du  monde 
î^ctueP.  »  Les  plateaux  dans  lesquels  le  Parana  et  ses  affluents  ont  érodé 
leurs  vallées  supérieures  sont  formés  jusqu'à  une  profondeur  considérable, 
rnais  non  encore  déterminée,   par  les  fragments  menuisés  de   Tanlique 
Himalaya  brésilien  ;  les  plaines  du  Paraguay,  du  Gran  Chaco,  les  pampas 
de  l'Argentine,  les  bancs  de  sable  de  l'estuaire  platéen  n'ont  pas  autre 
origine.  Dans  ce  laboratoire,  les  roches  ont  changé  de  forme  et  de  place  : 
de  montagnes  cristallines,  elles  sont  devenues  plaines  stratifiées. 

L'épaisse  couche  rougeâlre,   mêlée  de  grains  siliceux  et  de  quartz  en 
cristaux,  qui  recouvre  presque  tous  les  plateaux  de  l'intérieur,  est  assez 


'  U.  Charles  Dent,  A  Year  in  Brazil, 

'  John  Bail,  Notes  of  a  Naturalist  in  South  America. 

XIX.  33 


M»  NOUVELLE  CÉOGBAPHIE  UNIVERSELLE, 

compacte  pour  ne  pas  se  di^sugirgcr  fHciIcmPiit  sous  l'nction  de  l'aii-  ; 
toutefois  les  tourbillons  de  wible,  l'un  des  ficanx  de  l'Afrique  et  de 
l'Asie,  ne  sont  pas  inconnus  dans  celte  région  de  l'Amérique  :  les  trains 
des  voies  ferrées  passent  dans  une  nuée  de  poussière.  Le  terrain,  d'une 
grande  fertilité  naturelle,  se  pi-élc  à  toutes  sortes  de  cultures  et  conlienl 
en  réserve  d'immenses  Irésoi-s  agricoles.  Le  sol  renferme  aussi  de  la 
poudre  d'or  on  abondance,  de  même  que  le  minerai  de  fer  et  en  certains 
cndroils  les  diamants  :  on  exploite  surtout  les  mines  revêtues  de  ranga, 
conglomérat  moderne  formé  par  les  débris  des  montagnes  et  cimenlé  |Mir 
des  cauï  ferrugineuses.  On  donne  le  nom  de  cascalho  au  gravier  sous 
lequel  se  découvre  le  diamant'. 


Le  rio  SSo  Francisco,  la  grande  artère  de  Minas  Geraes  et  de  fiahia, 
esploréc  surtout  par  lialfeld  de  ÏHh'l  a  185i,  [uir  Liais  en  186â,  était 
connu  des  aventuriers  paulistas  dans  sa  vallée  supérieure  avant  qu'on  sAl 
oii  déboucbait  ce  fleuve  cl  s'il  était  bien  le  mùme  e^ur's  d'enu  déjà  visita 
à  son  entrée  et  baptisé  Sào  Francisco  en  l'an  loOl .  Comme  tant  d'autres 
courants  fluviaux  du  Brésil,  celui-ci  était  désigné  sous  le  nom  de  Para, 
«  Fleuve  "  ou  n  Mer  «.  Par  son  cours  supérieur,  il  ap]>artien(  encore 
au  vei'sant  amazonien,  comme  l'Araguaya  et  le  Tocanlins,  car  il  com- 
mence à  couler  du  sud  au  nord,  parallèlement  à  ces  deui  fleuves,  qui 
de  leur  côté  suivent  la  même  direction  que  le  Xingù,  le  Tapajoz,  le 
Madeiia,  les  puissants  triliuliiiies  do  l'Amazone.  Mais,  apiès  avoir  fourni 
la  moitié  de  son  cours,  te  Sào  Francisco,  cessant  de  s'épancher  vers  le 
nord,  se  reploie  vers  le  nord-est,  puis  vers  l'est,  et,  tombant  des  plateaui 
de  l'intérieur  par  la  superbe  cataracte  de  Paulo  AiTonso,  s'incline  même 
vers  le  sud-esl  avant  de  s'unir  à  l'Océan.  Dans  l'ensemble  de  sa  vallée, 
le  rio  S3o  Francisco  développe  une  courbe  très  sensiblement  parallèle  ï 
celle  du  littoral  atlantique'. 

La  source  à  laquelle  une  convention  de  pure  mnémolechnie  conserve  le 
nom  du  fleuve  jusqu'à  son  jaillissement  de  la  roche,  naît  au  sud-ouest  du 
bassin,  dans  la  serra  da  Canaslra  :  d'un  cirque  de  murailles  à  pic,  fissurées 
au  sommet,  s'élance  une  colonne  d'eau  qui,  dans  la  vasque  d'en  bas,  bouil- 
lonne on  écume  et  se  brise  en  vapeurs.  C'est  la  cascade  à  laquelle 
,\uguste  de  Saint-Hilaire  a  donné  par  erreur',  en  la  confondant  avec  une 

*  Gorccii,  Revue  de  Géologie,  1874  et  I87ô. 

■  Emmanuel  Liais,  Hydrographie  du  haut  rio  San  Fianciw. 

*  Urvillu  A.  Derby,  Dolelim  da  Sociedade  de  Geographia  do  Hio  de  Janeiro,  ItUIÔ. 


RIO  SÂO  FRANCISCO.  259 

Titre  chute,  le  nom  de  Casca  d'An  ta  ou  «  Écorce  du  Tapir  »,  d'après  un 
rbre  (drynm  granatemis)  h  vertus  médicinales.  Le  lilet  d'eau,  grossi 
pidement  par  de  petits  gaves  latéraux,  descend  dans  la  vallée  par  une 
uccession  d'escadinhas  ou  «  gradins  »  et  devient  rivière,  puis  un  fleuve 
ù  déjà  des  embarcations  se  hasardent  entre  deux  rapides.  Un  premier 
affluent,  venu  de  la  droite,  a  gardé  le  nom  de  Para,  qui  appartint 
adis  à  tout  le  cours  d'eau;  ensuite  le  Sao  Francisco  se  mêle  à  un  autre 
io  beaucoup  plus  abondant,  le  Paraopeba  ou  «  rivière  Plate  »,  qui 
cueille  les  eaux  dans  la  partie  sud-orientale  de  la  vallée.  Au  confluent, 
ies  courants  unis  représentent  une  masse  liquide  dépassant  déjà 
^00  mètres  cubes  à  la  seconde,  et  les  crues  d'hivernage  élèvent  le  niveau 
:fluvial  de  8  à  12  mètres  suivant  les  années  :  il  en  résulte  la  formation 
^e  nombreux  marécages  temporaires  qui  rendent  le  climat  fort  dangereux. 
C'est  à  la  violence  des  fièvres  locales  qu'il  faudrait  attribuer  la  rareté  des 
liabitants  riverains  dans  toute  la  vallée  du  haut  rio  Sao  Francisco  ;  même  les 
porcs  souDrent  de  la  fièvre  après  l'inondation. 

Le  rio  das  Yelhas, —  Guaicuhy  ou  «  rivière  des  Vieilles  »,  —  le  jumeau 
du  Sao  Francisco,  prend  son  origine  dans  la  région  minière,  au  nœud  de 
Queluz,  ajoutant  en  moyenne  plus  de  200  mètres  cubes  d'eau  par  seconde 
aux  450  mètres  cubes  du  courant  majeur  et  en  faisant  une  rivière  plus 
puissante  que  la  Garonne  ou  la  Loire.  Des  ruisseaux  souterrains,  issus  des 
oavernes  de  la  roche  calcaire,  alimentent  partiellement  le  rio  das  Yelhas 
clans   son  cours  supérieur.  Des  lagunes,  appartenant  au  même  système 
Hydrographique,  dorment  dans  les  cavités  des  montagnes  :  telles  sont  la 
Lagôa  Santa  et  les  Sete  Lagôas.  Une  de  ces  mares  fameuses,  dite  Lagôa  de 
Sumidouro  parce  que  ses  eaux  se  perdent  dans  les  grottes,  est  un  réser- 
^''oir  alternativement  empli  et  desséché  suivant  les  pluies  et  les  séche- 
resses :  des  fissures  naturelles,  dites  mngradouros,  unissent  au  lit  du  rio 
le  labyrinthe  des  cavernes,  riche  en  déhris  préhistoriques.  Plus  égal  dans 
55on  cours,  moins  coupé  de  cachoeirai  et  traversant  une  région  beaucoup 
plus  salubre  et  plus  peuplée,  le  rio  das  Yelhas  est  aussi,  en  attendant 
le  prolongement  prochain  de  la  voie  ferrée,  plus  utile  au  transport  des 
denrées  et  des  métaux  que  le  Siïo  Francisco. 

En  aval  du  confluent,  le  fleuve  coule  dans  un  lit  large. et  profond, 
portant  en  toute  saison  des  embarcations  d'un  assez  fort  tonnage,  mais 
surtout  des  ajôjos  ou  radeaux*.  Il  reçoit  de  puissants  tributaires,  également 
nïivigables  dans  la  partie  inférieure  de  leur  cours  :  à  l'ouest,  le  Paracatù 

*  Dumnd,  Bulletin  de  la  Société  de  Géographie,  1874,  VIL 


am  NOUVELLE  GËOCRAPHIE  UNIVERSELLE. 

OU  «  rivière  Blanche  »,  l'Urucuia  ou  «  Terre  Fertile  »,  le  CariahaDha; 
l'est,  le  rio  Vcrde.  Mais  de  tous  les  aFfluents  le  plus  considérable  porte 
nom  de  rio  Grande  et  rejoint  le    fleuve  majeur  à  l'endroit  où  la  valK 
change  de  direction  pour  s'infléchir  vers  le  nord-est.  Le  rio  Grande,  on 
sait,  est  le  courant  qui,  par  son  affluent  le  rio  Preto,  son  sous-afflue 
le  Sapào,  un  lac  de  faîte  à  double  versant  et  le  rio  Somno,  présente  ta. 
ligne  d'eau  continue  avec  le  Tocanlins,  et  par  conséquent  avec  l'Amazon^ 


I/ingénieur  Moracs  a  proposé  de  creuser  un  canal  pour  jeter  les  eaux  di 
rio  Preto  dans  un  des  hauts  affluents  de  la  rivière  Parnahyba  et  de  veni 
ainsi  en  aide  aux  Cearenses  pendant  les  périodes  de  sécheresse. 

Au-dessous  du  rio  Grande,  le  bassin  du  Sào  Francisco,  gradnellemen 
rétréci  entre  les  bords  des  plateaux  riverains,  ne  reçoit  plus  que  de 
rivières  de  faible  longueur  :  il  lui  reste  à  descendre  394  mètres  avati 
d'atteindre  la  mer,  mais  l'inclinaison  du  lit  est  d'abord  assez  égale  et  seu 
lement  quelques  petits  rapides  se  succèdent  tant  que  le  fieuve  garde  s 
direction  vei-s  le  nord-est.  Des  saillies  de  rochers  le  forcent  à  se  replie 


■  James  W.  Wella,  Three  Ihoiuand  milft  throagk  Braiil. 


CHUTE  DE  PAULO  AFFONSO.  201 

vers  l'est,  en  de  brusques  détours,  et  le  lit  s'abaisse  par  une  succession 
de  gradins  périlleux,  étages  supérieurs  de  la  grande  chute,  «  merveille 
du  JBrésil  ».  En  amont  de  la  cataracte,  le  SSo  Francisco  glisse  en  rapides 
au  milieu  d'un  tel  dédale  d'iles,  d'ilôts,  d'écueils  et  de  pierres  isolées 
que,  pendant  la  saison  des  eaux  basses,  un  sauteur  hardi  pourrait  s'élancer 
de  roche  en  roche  et  passer  d'une  rive  à  l'autre,  quoique  le  fleuve 
roule  alors  plus  de  1000  mètres  cubes  à  la  seconde*.  En  hautes  eaux,  le 
débit  fluvial  est  probablement  quintuple,  car  en  cet  endroit  le  Sao  Fran- 
cisco, à  100  kilomètres  seulement  de  la  mer,  a  déjà  reçu  tous  ses  grands 
affluents. 

A.  l'approche  de  la  cascade  le  fleuve  se  divise  en  plusieurs  canaux  entre 
tix>is  îles  allongées  et  des  îlots  adjacents,  formés  d'une  roche  compacte  de 
gneiss.  A  l'extrémité  des  îles  les  divers  courants,  plus  ou  moins  nombreux 
suivant  l'abondance  des  eaux,  atteignent  le  rebord  du  plateau  et  plongent 
dans  l'abîme  à  85  mètres  de  profondeur.  Sauf  en  temps  de  grande  crue, 
la  chute  ne  se  fait  pas  d'un  seul  jet  :  l'eau  s'abat  sur  une  première  saillie 
^  ^O  mètres  du  rebord,  puis,  prenant  un  second  élan,  tombe  à  15  mètres 
au-Klessous,  et  le  troisième  bond  seulement  l'entraîne  au  fond  du  goufire, 
niais  ce  que  la  masse  plongeante  perd  en  majesté  elle  le  gagne  en  imprévu 
^^  en  puissance  de  vertige  par  les  colonnes  d'eau  qui  s'cntreheurtent  et 
l'ebondissent  en  paraboles  dans  l'air,  dardant  au  loin  leurs  fusées  d'écume 
insée.  La  plus  forte  masse  d'eau,  contenant  le  fleuve  presque  entier, 
quoiqu'elle  n'ait  guère  plus  de  16  mètres  de  largeur  moyenne*,  s'échappe 
^u  lit  le  plus  rapproché  de  la  rive  droite;  l'eau  des  autres  cataractes 
^'lent,   par  un  canal  étroit  qui  longe  la  base  de  la  muraille,  se  réunir  à 

onde  tourbillonnante  et  s'enfuit  avec  elle  dans  une  garganta,  formi- 
dable cluse  à  parois  verticales  sciée  dans  la  roche  et  où  des  saillies  sur- 
P*onnl)antes  semblent  indiquer  l'existence  d'anciens  ponts  naturels  fran- 
chissant jadis  la  gorge  avec  80  ou  100  mètres  de  portée.  Pour  contempler 

*^  c^ataracte  sous  son  aspect  le  plus  sauvage,  on  se  place  d'ordinaire 
^ans    une  grotte  que  la   désintégration   graduelle   de  la   falaise  sous  la 

Poussière  humide  a  fini  par  excaver.  Lors  des  grandes" crues,  les  arbres 

Pportés  par  le  fleuve  et  tournoyant  en  procession  se  heurtent  à  Torée  de 
^a\erne   :  les  paysans  viennent  alors  les  pécher  et  en  font  des  amas 

*  ^  *ls  brûlent  pour  tuer  les  vampires,  ces  chauves-souris  si  dangereuses 
*   *Ui*    leur  bétail,  qui  s'attachent  par  dizaines  de  milliers  aux  voûtes  des 

^    "richard  Burton,  Highlands  of  Brnzil. 
"^vé-Lallemanl,  Reise  durch  Nord-Brasilien. 


963 


NOUVELLE  GËOGRAPRIE  L'MVERSELLE. 


galeries.  11  arrive  aussi  (]uc  les  grolles  soient  envahies  par  les  eaux  et 
qu'en  amont  de  la  chute  l'inondalion  se  répande  au  loin  dans  les  cavités 

du  plateau  rocheni. 

M-  M.  —  MTUUtTE  M  MDU>  UtOUO.  H  n'cSt    fUS  dC  CSS- 

cade  qui  présente 
une  plus  étonnante 
variété  d'aspects, 
suivant  les  oscilla- 
tions saistmnières 
du  flot.  Naturelle- 
ment les  voyageurs 
qui  ont  vu  la  ca- 
choeira  de  Paulo 
Affonso  et  d'autres 
chutes  d'eau  fa- 
meuses, ne  peuvent 
s'empêcherde  com- 
parer ces  prodi- 
gieux spectacles. 
Du  moins  le  Nia- 
gara brésilien  n'a- 
t-il  pas  encore  de 
laide  usine  au  bord 
de  ses  précipices; 
mais  les  arbres 
toufTus,  tels  qu'on 
s'attendrait  à  les 
voir  sous  la  zone 
tropicale  du  Bré- 
sil ,     n'ombragent 

; n,i  point  les  bords  de 

la  cascade  :  on 
n'aperçoit  que  des  broussailles  rabougries  sur  les  âpres  rochers  des 
falaises'. 

Au  sortir  des  poires,  le  Sào  Francisco  continue  de  descendre  par  une 
sucression  de  oascades  et  de  rapides  infranchissables  aux  liarques.  La  navi- 
gation ne  peut  reprendre  qu'à  Piranhas,  où  le  fleuve  se  trouve  à  18  mètres 


,  îiole*  manuKrllet. 


RIO  SAO  FRANCISCO.  965 

ilement  au-dessus  du  niveau  marin.  Large  et  coulant  sans  grandes  sinuo- 
és,  le  Sâo  Francisco  s'épanche  dans  la  direction  du  sud-ouest  et  s'unit  à 


^««an   par  deux  bouches  entre  des  plages  ombragées  d'anacardiums, 
manguiers  et  de  cocotiers.  A  marée  basse,  la  sonde  touche  la  barre  à 


266  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

moins  de  trois  mètres,  et  l'entrée  est  souvent  dangereuse  sur  les  brisa 
du  seuil,  h  2  ou  5  kilomètres  du  rivage.  Un  chemin  de  fer  contourne  ^ 
nord  les  gorges  et  les  chutes  de  Paulo  Âflbnso,  afin  de  rattacher  la  voie  ^ 
navigation  d'aval  à  celle  d'amont;  toutefois  il  reste  beaucoup  à  faire  po«— 
que  le  commerce  puisse  utiliser  la  vallée  fluviale  d'une  manièœ  continu^:^ 
On  a  même  proposé  de  détourner  le  trafic  par  le  rio  Grande,  soit  a  ^ 
nord-ouest  vers  le  Tocantins,  soit  au  nord  vers  le  ParnahybaV 

Au  sud  du  rio  Sao  Francisco,  les  fleuves  côtiers,  naissant  sur  le  versant 
oriental  de  la  serra  dos  Aimores  ou  de  ses  prolongements,  ont  tous  une^^ 
portée  très  inférieure.  Le  Vasa  Barris,  Tltapicurù  n'ont  pas  de  vallées  suf-  ^ 
fisantes  pour  ouvrir  de  larges  voies  vers  les  plateaux.  Le  Paraguassû, 
grossi  du  Ja({uipe  (Jacuhype),  se  déverse  dans  un  estuaire  latéral  de  la  baie 
Todos  os  Santos:  mais  à  l'endroit  môme  où  s'arrête  le  flot  de  marée  une 
cascade  barre  la  navigation.  Le  rio  de  Contas  est  aussi  interrompu  par  de 
nombreuses  chutes.  Le  rio  Pardo,  qui  lui  succède  au  sud,  se  rapproche 
tellement  de  la  bouche  du  Jequitinhonha,  que  l'on  peut  considérer  les 
deux  fleuves  comme  appartenant  au  même  système  hydrographique; 
un  troisième  cours  d'eau,  coulant  au  nord  du  Pardo,  le  Poxim,  s'em- 
branche avec  eux  par  des  marigots  d'eau  salée  et  des  bayous  d'eau  douce  ; 
dans  le  delta  commun  qui  tend  h  se  former,  le  Jequitinhonha  est,  par 
ses  coulées,  le  tributaire  du  Pardo,  quoique  ce  dernier  lui  soit  très 
inférieur  par  la  longueur  de  cours  et  la  masse  liquide.  Le  Jequitin- 
honha ou  le  «  Vallon  Fréquenté,  »  ainsi  nommé  peut-être  des  passages 
faciles  que  ses  hautes  vallées  présentent  vers  le  rio  das  Velhas  par  le  seuil 
de  Diamantina,  est  formé  de  deux  branches  maîtresses,  nées  près  du 
même  seuil  et  coulant  presque  parallèlement.  On  lui  donne  souvent  le 
nom  de  «  Petit  Sào  Francisco  >>,  à  cause  de  la  puissance  de  son  courant 
et  des  grandes  cataractes  qui  en  interrompent  le  cours  inférieur,  à  la 
traversée  des  montagnes  côtières.  Une  de  ces  chutes  est  la  cachoeira  do 
Inferno,  la  «  cascade  de  TKnfer  »  ;  l'autre,  qui  marque  la  frontière  entre 
les  États  de  Minas  Geraes  et  de  Bahia,  a  reçu  le  nom  de  Salto  Grande. 
En  basses  eaux,  le  fleuve  plonge  d'un  jet  de  15  mètres  entre  deux 
murailles  de  gneiss,  puis  s'enfuit  en  rapides  dans  une  gorge  inclinée; 
mais  en  temps  d'inondation  il  se  répand  à  droite  et  à  gauche  au  milieu 

*          Longueur  du  Sào  Francisco 2  920  kilomètres. 

Superficie  du  bassin,  d'après  Chichko  .    .  068  500  kilomètres  carrés. 

Cours  navigable  du  fleuve  en  amont .    .    .  1  310  kilomètres. 

))                   ))       en  aval ....  225          » 

Ensemble  du  coui"s  navigable  du  bassin.  7  000          )> 

Débit  par  seconde,  d'après  Liais 2  800  mètres  cubes. 


FLEUVES  JEQUITI»U0NI1A,  HL'CURV.  DÔCE.  361 

d-cs  rochers,  et  ses  coulées  partielles,  diversement  entremêlées,  se  préci- 
pitent vers  l'aval  par  une  multitude  de  cataractes  inégales.  Au-dessous  de 
«7£t[e  grandiose  chute  et  de  son  déûlé,  le  Jequitinhonha,  désigné  parfois 
«Î.CÏUS  le  nom  de  rio  Belmonte,  d'après  la  ville  de  l'emhouchure,  devient 
u^Kn  courant  navigable,  mais  ne  cummunique  avec  la  mer  que  par  une 
t>arre  des  plus  dangereuses,  n'ayant  que  2  mètres  à  marée  haute. 

Le  rio  Mucury,  qui,  par  son  cours  inférieur,  sépare  l'État  de  fiahia  et 
<:;«lui  d'Espirito  Sanlo,  pourrait,  comme  le  Jequitinhonha,  offrir,  sinon  par 


*®s  e-a  vix  coupées  de  cascades,  du  moins  par  ses  rivages,  un  chemin  favo- 

rab|«»    ^yj  Minciros;  la  voie  la  plus  naturelle  serait,  semblc-t-il,  celle  que 

P'*^*^*~»le  la  vallée  du  rio  Dôce,  qui  reçoit  ses  premières  eanx  du  versant 

"***  t-al  de  la  région  des  mines  d'or,  dans  les  montagnes  de  l'Espinhaço, 

P^*~*<lanl  les  grandes  forêts,  les  âpres  montagnes,  les  cluses  et  les  cata- 

^^  du  fleuve,  et  naguère  le  voisinage  i-edoulé  des  Indiens  indépendants, 

^*~npêché  jusqu'à  mainlenanl  qu'un  ouvre  des  chemins  sur  celte  pente 

*X**'un  mouvement  commercial  se  dirige  de 

,      "^e  ne  mérite  son  nom  de  Dôce  ou  »  Doux  »    ,.. 

^  ^^s  Geraes,  en  aval  des  nombreuses  chutes  en  gradins  d'oh  s'élance  le 

^  '^t^nl.  Dans  la  partie  de  son  cours  comprise  dans  les  plaines  Itasses,  V 


coté  vers  la  mer.  Le 
qu'au  sortir  de  l'Etat  de 


268  NOUVELLE  GËOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

Dôce,  devenu  navigable,  est  bordé  à  droite  et  à  gauche  de  lacs  et  de  maré- 
cages dans  lesquels  se  déversent  les  eaux  d'inondation.  Enfin,  en  appro- 
chant de  la  mer,  le  fleuve,  le  premier  que  remontèrent  les  explorateurs 
du  Brésil,  ressemble  presque  au  bas  Mississippi  par  la  saillie  que  forme 
son  lit  en  dehors  de  la  ligne  normale  des  côtes*.  En  temps  de  cime,  le  rio 
Dôce  coule  à  un  niveau  plus  élevé  que  les  campagnes  riveraines,  à  demi 
inondées,  terres  à  peine  conquises  sur  l'Océan;  des  bayous  latéraux  vont 
se  perdre  au  loin  dans  les  marais,  et  même  un  canal,  qui  parait  être  une 
coulée  longeant  une  ancienne  plage,  se  développe  parallèlement  à  la 
mer  sur  un  espace  de  plus  de  120  kilomètres  vers  le  nord,  dans  la 
direction  du  Mucury;  un  cordon  de  dunes  sépare  la  plage  et  les  étangs 
de  l'intérieur.  Une  large  ouverture  dans  la  forêt  indique  l'entrée  du  rio 
Dôce,  dont  le  seuil  ofl*re  au  moins  5  mètres  à  marée  basse,  plus  de  4  mètres 
à  marée  haute*. 

Entre  le  Jequitinhonha  et  le  Mucury  quelques  archipels  de  récifs  coralli- 
genes  bordent  le  littoral  à  des  distances  variables  :  tels  les  Itacolumi,  qui 
parsèment  la  mer  sous  la  même  latitude  que  le  mont  Paschoal,  aperçu  de 
loin  par  Alvarez  Cabrai,  le  découvreur  du  Brésil.  Les  plus  remarquables 
parmi  ces  récifs  côtiers  sont  ceux  qui  entourent  les  Abrolhos,  —  Abre 
os  Olhos,  «  Ouvre  les  Yeux  i>,  —  trois  îlots  granitiques  au  sol  aride 
n^vêtu  de  cactus,  dressant  à  une  quarantaine  de  mètres  leurs  dômes 
autour  desquels  tourbillonnent  les  oiseaux.  L'atoll  ou  archipel  annulaire 
qui  effleure  la  surface  marine  à  quelques  kilomètres  à  l'est  des  Abrolhos, 
t»t  (|ue  l'on  connaît  sous  le  nom  de  Parcel,  est  redouté  à  bon  droit  par 
les  marins,  car  maint  navire  s'y  brisa.  En  ces  parages,  occupant  une 
su[)erlicie  d'environ  100  kilomètres  carrés,  les  récifs  de  corail  croissent 
du  fond  de  la  mer  en  forme  de  colonnes;  quelquefois  même  ils  sur- 
plombent par  la  partie  haute  et,  suivant  l'expression  des  pêcheurs,  s'étalent 
<»n  u  parasols  ».  Ces  écueils  columnaires,  les  chapeirôes  ou  «  grands 
chapeaux  »,  baignent  dans  l'écume  des  vagues,  tandis  qu'à  leur  base  on 
trouve  dix,  ({uinze  et  même  vingt  mètres  d'eau.  Ils  se  composent 
d'innombrables  branches,  ramilles  et  fleurs  de  corail  multicolores,  de  la 

'  Fleuves  principux  du  littoral,  entre  le  rio  Sâo  Francisco  et  le  I^amahyba,  d*après  Qiichko  : 

Utn^ueiir.  Suporficic  du  bas»in. 

Itiipicurii 520  kilomètres.  57  000  kilomètres  carrés. 

Parajçuassii ^480          ))  U  200                » 

Coulas MO          1)  54  500                o 

Je(|uitiuhonha  (avec  Pardo).  810           »  105  500                » 

IVtVe 700          ))  07  500                » 

^  lui/  ir.Mencourt,  Revin'^i  du  Sodedadc  de  Geographia  do  Rio  de  Janeiro^  1890. 


ABROLUOS  ET  LEURS  RËCIFS.  969 

iciture  la  plus  délicate  :  des  embarcations,  échouant  au  milieu  de  ces  fines 
ramures,  les  brisent  sans  avoir  à  subir  elles-mêmes  de  fortes  avaries; 
0UU)ur  de  la  forêt  écrasée  des  zoophytes,  l'eau  blanchit  au  loin  comme 
une  mer  de  lait".  Parfois  des  navires,  heurtant  violemment  les  piliers  des 


a^WT/tMOi/à 


^^Vapeirôes,   les  ont  renversés  dans  la  mer  et  continué  leur  marche; 

^i'aulres  fois  un  bâtiment,  passant  entre  deux  écueils,  s'est  trouvé  pris 

^t  suspendu  au-dessus  des  eaux   profondes,  »  comme  une  girouette  nu 

Sommet  d'une  tour'  ».  Naguère,  les  grands  paquebots  transatlantiques 

'  Mouchez,  iTulrucliom  natttiquf». 

*  Ch.  Frcd.  Ibrtt,  Geologg  and  Phytical  Geography  ofBraùl. 


\ 


270  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

passaient  dans  le  canal  qui  sépare  le  continent  et  les  iles;  maintenant 
ils  cinglent  au  large. 

Le  groupe  des  Âbrolhos  et  les  écueils  des  parages  environnants  ne  sont 
pas,  sous  ces  altitudes  atlantiques,  les  seules  terres  appartenant  au  Brésil  : 
à  plus  de  mille  kilomètres  en  mer  surgit  de  l'Océan  la  tète  rocheuse 
de  Trindade,  pilier  volcanique  dont  l'astronome  Halley  prit  possession 
en  1700,  au  nom  de  l'Angleterre,  près  de  cent  ans  avant  l'occupation  bré- 
silienne. A  50  kilomètres  plus  à  l'est  se  montrent  les  trois  ilôts  de  Hartim 
Yaz,  ainsi  nommés  du  pilote  portugais  qui  les  découvrit  au  commence- 
ment du  seizième  siècle,  à  peu  près  à  l'époque  où  l'on  aperçut  Trin- 
dade, car  on  voit  celle-ci  figurer  depuis  sur  les  cartes\  Ensemble,  les 
roches  et  les  scories  émergées  de  Martim  Vaz,  environnées  d'oiseaux  par 
myriades,  ont  une  superficie  de  28  hectares. 


La  partie  du  Brésil  dont  le  Sâo  Francisco  forme  l'artère  centrale  se 
trouve  encore  en  entier  dans  la  zone  torride,  et  sur  le  littoral  la  tem- 
pérature dépasse  20  degrés  en  toute  saison  :  vers  le  milieu  de  la  côte, 
elle  est  de  22  degrés  en  moyenne  pendant  le  mois  de  juillet,  au  milieu 
de  l'hiver,  et  de  26  degrés  en  janvier,  au  plus  fort  de  l'été.  Naturellement, 
la  température  diminue  dans  l'intérieur  en  proportion  de  Faltitude,  et 
l'écart  se  fait  de  plus  en  plus  grand  entre  les  chaleurs  estivales  et  les 
froidures  de  l'hiver  :  de  10  degrés  sur  le  littoral,  cet  écart  s'élève  à 
50  degrés  sur  les  plateaux.  La  température  autour  de  laquelle  se  balancent 
les  extrêmes  oscille  au-dessus  et  au-dessous  de  20  degrés  dans  la  haute 
région  minière  où  le  Sao  Francisco  prend  sa  source,  tandis  qu'elle  est 
d'environ  4  degrés  plus  élevée  sur  le  point  le  plus  rapproché  du  littoral. 

La  côte  brésilienne  entre  Recife  et  Rio  de  Janeiro  se  trouve  en  entier 
dans  la  zone  des  vents  alizés  méridionaux.  D'avril  en  septembre,  c'est-à- 
dire  pendant  l'hiver,  alors  que  le  soleil  chemine  dans  la  partie  de  l'éclip- 
tique  située  au  nord  de  l'équalour,  le  courant  atmosphérique  maintient  sa 
direction  normale  :  il  souflle  régulièrement  du  sud-est,  poussant  une  forte 
houle  sui'  les  rivages.  Les  mois  d'été  amènent  le  vent  du  nord-est;  mais,  en 
toute  saison,  des  inégalités  se  produisent  dans  le  va-et-vient  des  airs  :  des 
calmes  proviennent  de  la  rencontre  de  deux  courants  opposés,  et  parfois 
des  remous  aériens  tournoient  sur  les  cotes,  accompagnés  de  violents 
orages;  mais  les  cyclones,  si  fréquents  sur  les  rivages  correspondants  de 

-   D'Avozac,  Ucs  de  f  Afniiuc. 


CLIMAT  DU  LITTORAL  BRÉSILIEN.  271 

I'A.s:k:m. brique  septentrionale,  sont  ici  fort  rares.  Dans  Tintérieur,  le  mouvc- 

de  Fatmosphère,  déplacé  par  les  foyers  de  chaleur  qui  changent 
samment  suivant  les  saisons,  les  jours  et  les  heures,  est  encore  beau- 
moins  régulier  que  sur  le  littoral,  et  la  quantité  d'eau  tombée  varie 
voportion.  En  quelques  vallées  profondes  entourées  de  rochers,  la 
^rature  estivale  est  quelquefois  fort  pénible.  En  seize  années  de 
voys^  ^es  au  Brésil,  Wells  n'a  souffert  nulle  part  de  la  chaleur  plus  qu'aux 
eWiL:a€.^s  de  Pirapôra,  sur  le  Sao  Francisco,  près  du  confluent  du  rio  das 
Vc^l  Irasïs:  cependant  la  température  maximale  n'y  dépassa  pas  36°, 6. 

en  à  tort  les  colonisateurs  européens  du  Brésil  ont  donné  aux  sai- 
la  nomenclature  officielle  de  «  printemps,  été,  automne,  hiver  »  : 
l^^  ^^xile  division  naturelle  de  l'année  dans  cette  région  du  continent  sud- 
^ï^ï^««:*icain  avait  été  faite  par  les  indigènes  Guarani  :  ils  ne  connaissaient 
^^^C3  là  «  saison  du  soleil  »  et  la  «  saison  de  la  pluie  »,  —  coarassy^ra 
^^     ^Mr^timna-ara.  —  Sur  le  littoral,  les  pluies,  qui  tombent  surtout  en 

ne,  portées  par  le  vent  normal  du  sud-est,  se  déversent  avec  beau- 
plus  d'abondance  que  sur  les  plateaux,  abrités  par  des  montagnes 
t  «7^  le  souffle  humide  de  la  mer  ;  en  maints  endroits,  la  quantité  diminue 


^^*     ^iouble  au  simple  sous  la  même  latitude  entre  les  rives  de  l'Océan  et 
^^    t^ords  du  Sao  Francisco.  Toutefois  l'humidité  de  l'air  est  assez  considé- 

dans  le  haut  bassin  fluvial  pour  que  des  tourbières,  analogues  à 


^**^^^  de  l'Irlande,  aient  pu  se  former  sur  les  pentes  supérieures  de  la 

^11^^^  brésilienne\  Plus  au  nord,  où  les  calmes  prévalent  souvent,  les 

^^^  tc3s  chapadas  de  Bahia  ne  reçoivent  qu'une  part  d'humidité  très  insuffi- 

,    ^^^^ipour  la  culture,  et  certains  causses  présentent  l'aspect  de  véritables 

selve  comparable  à  celle  de  l'Amazonie  occupe  toute  la  bande  du 
^^i^^al  bien  arrosée  et  les  hautes  vallées  des  avant-monts  tournées  vers  les 


^2S  pluvieux  de  la  mer.  Les  forets  épaisses  à  travers  lesquelles  serpentent 
^quitinhonha,  le  Mucury,  le  Dôce,  ont  protégé  les  tribus  sauvages  qui 
^^_     ^t:ità  leur  ombre,  tout  en  empêchant  les  immigrants  de  pénétrer  dans 
^^^rieur  :  si  l'État  d'Espirito  Santo  est  un  des  plus  pauvres  et  des  moins 
Ï^Valeux  du  Brésil,  la  cause  en  est  aux  forèls.  Mais  sur  le  versant  occidental 
chaîne  Épinière  les  bois  continus  se  font  rares,  et  des  rochers,  des 


_  ichard  Burton,  ouvrage  cité. 

^^^^ndilions  météorologiques  de  la  haute  vallée  du  Sâo  Francisco  et  des  villes  du  littoral  adjacent  : 

(Années  Tcnipénilures  Jours       Hauteur 

Q^^y.^  d'oli5.).    Latitude.    AlliUidc.     maxiin.      moyenne,    niinim.      Écart,    de  pluie,    de  pluie. 

B^^J^^^nhas  de  Sabarâ.     (25)       19«,47      695"      32«,>l       \{)^H        1»       5lo,4       (?)        l-XÔ? 
^^ (5)      120,58        64-      310,5      26-,01     21»       10^,5      142      2"',500 


572  NOrVEllE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

monls  appai'aUsenl  iius,  Siiiil'  de  l»r()usBes  ou  d'un  lji]iis  de  Heurs  uu  de 
gazon.  L'homme  a  contribué  gtour  bonne  part  nu  déboisemcQt,  surtout  ani 
environs  des  mines  :  dans  telle  galerie  un  ne  se  sort  que  de  ]Miliss3ndra 
pour  élayer  la  rocbe,  et  souvent  la  pourriture  du  bois  oblige  les  mineurs 
^  recommencer  le  travail  tous  les  rpiatre  ans'.  De  maint  promon Loire,  on 
ne  voit  de  verdure  que  le  long  des  ruisseaux  et  des  fleuves  :  en  haut,  dos 
bambous  et  des  fougères  sur  les  bonis  inclinés  des  gaves;  plus  bas,  dans 
les  plaines  horizontales,  les  grands  arbres  touffus  et  les  palmiers.  Sur  les 
plateauï  du  nord,  les  forèls  se  réduisent,  h  dcwralingîis,  bouquets  d'ar- 
bustes dépouillés  de  leur  feuillage  pendant  les  sécheresses.  Plusieurs 
des  croupes  du  plateau,  surtout  dans  la  jwirtie  méridionale  de  l'État  de 
Bahia,  n'ont  môme  aucune  végétation  :  ce  sont  des  éli-ndues  blanchies 
par  les  efflorcscences  salines. 

La  flore  et  la  faune  de  la  région  ne  difl'ferenl  [mini  dans  leurs  traits  géné- 
raux de  celles  des  provinces  limitrophes;  cependant  nombre  d'espèces 
i)yant  une  aire  limitée  ne  se  trouvent  que  là.  C'est  ainsi  qu'en  amont 
de  sa  grande  chute  le  S3o  Francisco  possède  des  formes  particulières  de 
poissons,  toutes  différentes  de  celles  qui  vivent  en  aval  :  l'infranchissuble 
précipice  a  sépaiv  les  deux  faunes.  De  même,  l'art'le  de  l'Ëspinhaço, 
avec  deux  climats  sur  ses  versants  opposés,  limite  des  multitudes  de 
plantes  et  d'animaux.  Comme  le  Cearâ  et  le  Piauhy.  Minas  Geraes  et 
Bahia  eurent  aussi,  h  une  époque  relativement  moderne,  une  faune 
beaucoup  plus  riche  que  celle  d'aujourd'hui  et  caractérisée  par  de  grands 
quadrupèdes.  Aux  environs  de  Lagôa  Santa,  Lund  et  d'autres  natura- 
listes ont  découvert  en  un  millier  de  cavernes  il5  espèces  de  mammi- 
fères fossiles,  tandis  que  la  faune  locale  n'en  comprend  plus  que  88. 
Parmi  les  animaux  disparus,  Lund  décrit  un  grand  singe,  un  jaguar 
énorme,  deux  fois  supérieur  en  taille  et  en  force  au  jaguar  actuel  du 
Brésil,  un  câblai  ayant  les  dimensions  du  tapir,  un  cheval  qui  ressemblait 
beaucoup  à  notre  cheval  moderne,  et  un  lama  comme  celui  du  Pérou*. 


Les  cavernes  de  Minas  Geraes  renferment  aussi  des  ossements  humains. 
Lund  trouva  les  restes  fossilisés  d'au  moins  trente  individus  de  tout  âge. 
depuis  des  nouveau-nés  jusqu'à  des  vieillards,  et  l'étude  comparée  à 
laquelle  il  se  livra  lui  permit  d'affirmer  que  la  race  vivant  dans  cette 


•  Ë.  Triana;  —F.  Robellaz,  Notes  manutcrila. 

*  Lund,  Uimoireê  de  la  Société  de*  Antiquaire»  du  Nord,  1845. 


FLORE,  FAUNE,  HABITANTS  DES  MINAS.  275 

partie  du  continent  sud-américain  était,  par  son  type  général,  identique  à 

celle    qui  l'habitait  au  temps  de  sa  découverte  par  les  Européens.  Le 

caractère  le  plus  frappant  des  crAnes  de  Lagôa  Santa  est  Tétroilesse  du 

front  fuyant,  semblable  à  celui  des  figures  sculptées  par  les  Maya  sur 

les  moHuments  de  Palenqué.  Les  os  zygomatiques  ont  une  saillie  très  pro- 

nono€e;  les  dents  incisives  se  terminent  par  une  surface  large  et  plane 

camnie  celle  des  dents  molaires.  A  en  juger  par  leur  tiès  petit  cerveau, 

les  indigènes  du  haut  Sao  Francisco  devaient  être  peu  intelligents  :  à  côté 

des  squelettes  on  n'a  trouvé  que  des  instruments  très  grossiers.  Les  haches 

en    pierre,  appelées  vulgairement  coriscos^  ramassées  fréquemment  dans 

le  pays,  ressemblent  tout  à  fait  par  la  forme  et  la  matière  aux  outils  de 

naême  espèce  que  possèdent  les  musées  d'Europe*. 

L<es  indigènes  du  littoral  avec  lesquels  les  découvreurs  eurent  leurs  pre- 
mières relations  de  guerre   ou  d'amitié   appartenaient  à  la  famille  que 
Martîus  a  désignée  par  le  mot  de  Gês,  d'après  la  syllabe  terminale  des  noms 
applifjués  à  la  plupart  des  tribus.  Les  Indiens  Tupi,  les  plus  civilisés  des 
aborigènes,  donnaient  aux  riverains  des  côtes  orientales  une  appellation 
méprisante,  celle  de  Tapuya,  —  «  Étrangers  »,  «  Barbares  »,  —  qui,  sous 
une  A>nne  à  peine  différente,  est  devenue  le  terme  générique  par  lequel  on 
embrasse  maintenant  toute  la  population  d'origine  indienne  qui  vit  en  paix 
avec   les  Brésiliens.  Les  représentants  les  plus  connus  de  la  famille  Gés 
sont    l^^s  fameux  Burung,  généralement  appelés  Botocudos,  à  cause  du 
^toqt^^  ou  disque  de  bois  qu'ils  s'introduisaient  dans  la  lèvre  inférieure 
^^ri.:s  les  lobes  des  oreilles.  On  leur  donne  aussi   le  nom    d'Aimores, 
\^  '    Vi.sage  a  transmis  aux  arêtes  de  montagnes  qui  dominent  leur  terri- 
'tî.    Nombre  d'auteurs  les  décrivent  comme  une  famille  spéciale. 
^^      tribus  errantes  qui  restent  des  anciens  Aimores  campent  sur  les 
^^     du  Mucury,  du  Dôce  et  des  rivières  affluentes,  dans  les  foiéls  du  ver- 
atlantique  de  Minas  Geraes.  Le  premier  voyageur  qui,  en  1816,  les 
^*^>^it  après  avoir  séjourné  parmi  eux  et  les  avoir  soigneusement  étudiés, 
'  '  ^^ïXiilian  von  Wied-Neuwied,  n'évalue  pas  leur  nombie.  Une  quinzaine 
^   5^^fêes  plus  tard,  ils  .luraient  été  environ  quatorze  mille,  d'après  Marlius. 
^   *^ tenant  la  plupart  de  leurs  tribus  ont  disparu,  soit  par  les  épidémies, 
^     par  la  domestication  et  l'absorption  graduelle  parmi   les  habitants 
^^Ssés.  Physiquement  les  Botocudos  sont  d'assez  forte  stature,  au  puis- 
^^   thorax  et  aux  larges  épaules,  aux  pieds  et  aux    mains   de   petites 

^^     Lundy  Instituto  HUtorico  Geographico  BrasUeiro:  —  A.  tle  LactM-da,  Mémoires  <h  la  Société 
-^Mhropolagie, 

XIX.  ,);) 


!274  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

dimensions  avec  des  attaches  délicates.  Ils  ont  les  yeux  caves  el  peu 
ouverts,  quelquefois  les  paupières  relevées  obliquement,  les  pommettes 
saillantes,  la  bouche  très  grande  et  la  mâchoire  forte;  presque  tous  doli- 
chocéphales, ils  ont  la  forme  de  crâne  que  Lund  observa  sur  les  sque- 
lettes de  Lagôa  Santa.  Comme  les  autres  Indiens  du  Brésil,  les  Boto- 
endos  se  peignaient  le  corps,  mais  leurs  ornements  distinctifs  étaient 
les  boto(jues,  disques  énormes  en  bois  léger  qui,  par  la  distension  de 
la  chair,  déchiraient  souvent  les  lèvres  et  les  oreilles  et  faisaient  de  très 
bonne  heure  tomber  les  incisives  de  la  mâchoire  inférieure.  Ne  pouvant 
se  senîr  de  leurs  lèvres  pour  parler,  ces  Indiens  émettaient  les  sons 
surtout  du  fond  de  la  gorge  et  du  nez  et  n'articulaient  pas  diverses  con- 
sonnes. Ils  avaient  pour  armes  des  javelots  et  des  flèches  barbelées, 
qu'ils  ne  trempaient  point  dans  le  poison.  Sans  autre  religion  que  la. 
crainte,  ils  se  défendaient  par  de  grands  feux  contre  les  mauvais  génie*? 
et  les  revenants  et  protégeaient  leurs  morts  en  allumant  un  bûcher  sur 
la  fosse. 

Les  Botocudos  passaient  pour  le  peuple  ignorant  et  grossier  par  excel- 
lence. Ils  ne  savaient  pas  même  se  construire  de  cabanes  ni  se  tisser  un 
hamac  pour  l'attacher  aux  arbres  et  couchaient  sur  le  sol  nu;  ils  ignoraient 
l'art  de  tresser  les  fibres  végétales  et  d'assouplir  le  liber  pour  en  faire  des 
étofles;  les  calebasses,  les  vases  naturels  fournis  par  les  feuilles  reployées 
étaient  leurs  seuls  ustensiles;  ils  ne  connaissaient  point  l'agriculture  et  ne 
vivaient  que  de  la  chasse;  gîtant  sur  les  bords  des  fleuves,  ils  ne  s'étaient 
pas  encore  ingéniés  à  construire  des  bateaux,  et,  fait  peut-être  unique 
parmi  les  sauvages  américains,  ils  n'avaient  point  appris  à  nager.  On  se 
demande  même  si  les  sambaquis  ou  amas  de  coquilles  que  l'on  trouve 
sur  le  littoral  le  plus  voisin  de  leurs  campements  sont  dus  à  leurs  ancêtres: 
la  pêche  n'était  guère  possible  à  des  gens  ne  sachant  ni  nager,  ni  ramer\ 
Mais,  si  pou  développés  dans  les  arts  de  la  vie  que  fussent  les  Botocudos, 
ils  avaient  du  moins  sur  les  envahisseurs  blancs  Tavantage  d'être  libres  et 
de  vivre  heureux  au  fond  de  leurs  forêts.  Dans  les  conflits  qui  amenèrent 
leur  destruction  partielle,  les  torts  furent  toujours  du  côté  des  traitants 
d'eau-de-vic  et  autres  représentants  de  la  race  supérieure.  Ce  sont  les 
violences,  les  trahisons  des  blancs  ([ni  (uit  l'ait  disparaître  les  Camacan 
du  rio  Pardo  et  les  Pîitachos  du  Je(|uitinhonlia;  l(»s  Nac-ne-Nue,  [)euplade 
botocudo,  s'enfuirent  par  la  région  d(»s  montagnes  jusque  dans  les  forêts 
riveraines  du  Parana.  Aetuellonieul,  les  desccudîuits  des  Botocudos  parlent 

*  l*;ml  KhitMinMch,  Pclcrmann's  Mitteiluiujeny  l8tM,  llefl  V. 


BOTOCVDOS.   HALALI.  375 

tous  portugais,  et  déjà  vers  1870  on  voyait  rarement  un  indigène  porter 

le  botoque.  On  les  emploie  comme  maçons  et  charpentiers,  mais  ils  ne 

'rsivaiilent  qu'avec  méCance    et  s'échappent  à   la    moindre  alerte.    I^es 

/adîens  Halali,  Indiens  d'origine  et  de  langue  diiîérentes,  (jue  la  crainte 

des*    Sotocudos  avait  groupés  à  Pessanha,  dans  le  voisinage  des  blancs,  et 

yui      constituaient  encore  une  tribu  distincte  lorsque  Auguste  de  Saint- 


ïlilairc   traversa   la  contrée,  en  1817,  se  sont  fondus  dans  la  masse  des 
■paysans  caboclos.  Un  de  leurs  mets  favoris  était  un  gros  ver  blanc  ren- 
fermant un  poison  dangereux  qui  se  développe  dans  l'inlérieur  dos  bam- 
Iwus  :  le  tube  intestinal  de  ce  ver  a  la  pi-opriélé   de  jeler  ceux  qui  le 
mangent  dans  un  sommeil  extatique  durant  plusieurs  jours'. 
A  moins  que  In  légende  relative  à  Ramalho,  le  colon  de  la   baie  de 


'  Ani^lc  de  Saint-llil»in>,  Voyage  dan»  le*  provtncft  de  Rio  de  Janeiro  el  de  Minni  Geracs. 


976  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Sanlos,  ne  repose  sur  un  fonds  de  vérité,  les  premiers  immigrants  blaacs 
qui  restèrent  au  Brésil  furent  les  interprètes  laissés  par  Alvarei  Galîral  sur 
la  côte  de  Santa  Gruz  et  les  aventuriers  qui  vécurent  avec  les  Indiens  sur 
les  boiHls  du  golfe  de  Todos  os  Santos.  Ce  dernier  établissement  prît  une 
importance  considérable,  d'abord  comme  capitale,  puis  comme  deuxième 
cité  du  Brésil  ;  mais  Tendroit  même  où  les  compagnons  de  Cabrai  avaient 
pris  pied  est  Tun  des  plus  délaissés  de  l'immense  territoire.  La  population 
se  porta  principalement  vers  les  plateaux  des  Minas  et  la  baute  vallée  d 
rio  SSo  Francisco,  attirée  d*abord  par  la  richesse  des  mines,  et  retenues 
ensuite  par  la  fertilité  du  sol,  Texcellence  du  climat,  les  facilités  de  la  vie^ 
Dès  la  deuxième  moitié  du  dix-septième  siècle,  les  intrépides  Paulistai 
accoururent  en  foule  dans  la  région  des  mines  pour  y  ranuisser  Tor  et  1 
pierres  fines  dites  à  tort  «  émeraudes  »;  mais  ils  ne  furent  pas  seul 
chercheurs  :  des  gens  du  littoral  venus  de  Rio  de  Janeiro  et  des  aventu* 
riers  d'outre-mer  voulurent  avoir  leur  part  de  ces  trésors;  bientôt  la 
guerre  éclata  entre  les  Paulistas,  qui  se  croyaient  les  légitimes  proprié- 
taires des  terrains  miniers  conquis  par  eux  sur  les  Indiens  Gataguér,  et 
les  emboabas  ou  «  étrangers  )>,  c'est-à-dire  les  gens  du  dehors,  les  Por- 
tugais ou  Brésiliens  venu^  d'autres  provinces  que  la  leur.  Ceux-ci  furent 
presque  exterminés  en  1708  sur  les  bords  du  rio  das  Mortes;  mais  d'autres 
bandes  revinrent  à  la  charge,  et,  après  de  nouveaux  conflits,  Paulistas  et 
Forasteiros  durent  se  réconcilier  sous  un  dur  régime  d'obéissance  com- 
mune imposé  par  le  gouvernement.  On  introduisit  les  lois  les  plus  sévères 
pour  la  réglemen talion  du  travail  dans  les  mines  d'or,  puis  dans  celles  de 
diamant,  découvertes  en  1728.  Nulle  part  régime  plus  draconien  ne  fui 
imposé  aux  producteurs,  régime  qui  eut  pour  conséquence  les  tromperies, 
les  vols,  les  dois  et  toute  la  démoralisation  causée  par  une  autorité  sans 
IVein.  Depuis  cette  époque,  les  conditions  politiques  ont  changé,  et  les 
mines,  raison  pivmière  de  cette  législation  féroce  et  de  cette  dégradation 
morale,  se  sont  partiellement  épuisées.  Les  anciennes  cités  minières  ont 
déchu  ;  des  bourgs  jadis  populeux  sont  tombés  en  ruine  et  il  n'en  reste 
que  des  églises  somptueuses,  pareilles  aux  cathédrales  des  cités.  Mais  Tap- 
pauvrissement  de  tel  ou  tel  district  n'empêche  pas  que  l'ensemble  du 
pays  se  soit  enrichi  et  que  la  population  ait  décuplé. 

Les  noirs  amenés  comme  esclaves  sur  les  plateaux  miniers  n'ont  guère 
laissé  de  descendance,  les  familles  n'ayant  pu  se  constituer  à  cause  de  la 
larelé  dos  femmes  sur  les  chantiers.  Ce  qui  existait  de  l'élément  nègre 
s'est  fondu  dans  la  race  métissée  de  l'intérieur.  Mais  nulle  part  au  Brésil 
les  Africains  ne  sont   mieux   représentés  (pie  dans  les  districts  du  bas 


POPULATION  DE  MINAS  GERAES  ET  DE  BAHIA.  277 

Sîlo  Francisco  el  dans  la  cité  de  Bahia.  Là  se  trouvait  autrefois  le  centre  du 
commerce  des  esclaves,  les  traitants  n'ayant  qu'à  traverser  TAtlantique  en 
ligne  di*oite   pour  aller  charger  des  noirs  sur  la  côte  de  Guinée,  entre 
Loanda  et  Mossamedes.  Des  nègres  Krou  et  d'autres  Africains,  compris  sous 
le  nom  générique  de  Minas,  d'après  une  des  nations  qui  vivent  au  sud  du 
Dahomey,  étaient  venus  aussi  à  Bahia  en  qualité  d'hommes  libres  comme 
matelots  et  subrécargues.  Les  Minas  esclaves  réussissaient  très  souvent 
à  s'affranchir,    soit  par  l'énergie   avec  laquelle  ils  revendiquaient  leur 
Jiberté,  soit  par  les  produits  d'un  travail  qui  leur  permettait  le  rachat  de 
leur  personne.  Encore  de  nos  jours,  ils  forment  à  Bahia  une  sorte  de 
corporation,  dont  les  membres  se  distinguent  par  les  qualités  morales  et 
l'esprit  de  solidarité,  autant  que  par  la  haute  stature  et  la  vigueur  phy- 
sique. Les  nègres  les  plus  vigoureux,  les  plus  belles  négresses  sont  des 
JMinas.  Leur  vocabulaire  comprend  encore  des  mots  nombreux  hérités  des 
langues  africaines  :  des  termes  d'origine  yoriba  et  cabinda  se  trouvent  par 
^^entaines  dans  le  parler  brésilien*.  A  Bahia,  les  noirs  chantent  des  refrains 
^e  l'Afrique  en  se  servant  du  vieux  langage  pour  leurs  incantations  de 
^sorcellerie.  Parallèlement  avec  la  traite  des  esclaves,   des  relations  de 
<ximmerce  pacifique  s'étaient  nouées  entre  les  parents  de  race  de  Tune  à 
l'autre  rive  de  l'Atlantique,  et  des  familles  de  Bahia  ont  leurs  branches 
latérales  au  Dahomey.  Le  nom  de  Tabon,  que  l'on  donne  populairement  au 
Brésil  en  certains  lieux  de  la  côte  africaine,  témoigne  de  ces  bons  rapports 
entre  les  habitants  des  deux  rives  opposées  de  l'Atlantique.  Ce  mot  est  la 
corruption  de  l'expression  familière  de  salutation  :  Sta  bom?  «  Allez-vous 
bien?..' 

liCs  Mineiros  ou  Geralist4is%  c'est-à-dire  les  gens  de  Minas  Geraes,  des- 
cendent en  partie  de  Paulistas  purs  et  métissés,  en  partie  de  Portugais 
immigrés  par  la  voie  de  Rio  de  Janeiro;  les  autres  éléments  d'origine  euro- 
péenne n'ont  eu  qu'une  faible  part  au  peuplement  du  pays.  Outre  les  Por- 
tugais, toutes  les  nations  de  l'Europe  occidentale  sont  représentées  à 
Bahia  et  dans  les  autres  villes  du  littoral,  mais  l'immigration  méthodique 
n'a  commencé  que  depuis  le  milieu  du  siècle.  Les  premières  tentatives 
de  colonisation  agricole,  tentées  surtout  dans  la  province  d'Espirito  Santo, 
ne  réussirent  point.  Des  spéculateurs  avaient  eu  l'idée  d'établir  de  distance 
en  distance  dans  les  vallées  du  Mucury  et  du  rio  Dôcc  des  groupes  de 
colons  qui  eussent  seni  de  points  d'appui  à  des  routes  de  commerce 

•  De  Boaurcpairc-Rohan,  Diccionario  de  vocabulog  brazileiros. 

«  Richard  Burlon,  To  the  Gold  Coast  for  GoUL 

'  StItio  Dinarto  (fl*Escragno!le-Taunay),  Innocencin. 


278  NOUVELLE  GËOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

entre  les  plateaux  et  la  mer.  Des  agents  recruteurs  partirent  pour  l'Eu- 
rope, d'où  ils  ramenèrent  des  milliers  d'Allemands,  de  Hollandais,  de 
Suisses,  d'Alsaciens.  Mais  rien  n'était  préparé  pour  les  recevoir.  Le  désastre 
fut  grand  :  la  plupart  des  étrangers  périrent  par  le  typhus  ou  la 
faim.  Longtemps  les  colonies  du  Mucury  furent  désignées  sous  le  nom 
d'  «  abattoir  »  ou  carnificina\  Depuis  cette  époque,  l'immigration  a 
repris  avec  plus  de  succès,  et  les  postes  de  colons  se  succèdent  sur  le^ 
routes  de  la  mer  à  la  montagne,  la  plupart  sous  la  direction  de  quelques 
vétérans  agiiculteui's  déjà  venus  lors  des  premiers  essais  de  peuplement. 
Des  Italiens,  travailleurs  plus  sobres,  plus  résistants,  plus  faciles  à  accli- 
mater que  les  gens  du  Nord,  forment  maintenant  le  gros  des  immigrants 
et  le  pays  leur  offre  plus  de  ressources  qu'il  n'en  présentait  à  leurs  pré- 
décesseurs. Grâce  à  eux,  l'État  d'Espirito  Santo,  jadis  le  plus  délaissé, 
se  peuple  rapidement. 


Quoique  la  moitié  la  plus  importante  de  Minas  Geraes  appartienne 
au  versant  du  Sao  Francisco,  les  villes  les  plus  considérables  se  trouvent 
en  d'autres  bassins  :  Barbacena,  Sao  Joilo  del  Rey  et  Tiradentes,  dans 
celui  du  Parana;  Juiz  de  Fora  sur  un  affluent  du  Parahyba;  Ouro 
Preto,  Marianna,  Serro,  dans  les  hautes  vallées  tributaires  du  rio  Dôce; 
Diamantina,  Minas  Novas,  dans  les  combes  supérieures  du  Jequitinho- 
nha.  C'est  vers  le  sud-est  de  l'État  que  se  sont  élevées  les  plus  fortes 
agglomérations  urbaines,  obéissant  à  raltraction  de  la  capitale,  Rio  de 
Janeiro. 

Qucluz,la  cité  du  versant  sao-franciscain  la  plus  rapprochée  de  ce  centre 
d'appel,  s'élève  à  un  millier  de  mètres,  près  des  sources  du  Paraopeba  et 
du  faîte  de  diramation  des  eaux.  Ancien  arraial  d'Indiens  fondé  au  milieu 
du  dix-huitième  siècle,  Queluz  a  passé  par  les  mêmes  vicissitudes  que  les 
autres  villes  de  la  contrée  :  rendue  prospère  par  le  travail  des  mines,  puis 
ruinée,  elle  s'est  enrichie  à  nouveau  par  la  culture  et  l'élève  du  bétail. 
La  station  voisine,  Lafayclte,  est  un  point  d'arrêt  forcé  pour  voyageurs  et 
marchandises,  la  voie  étroite  du  Sao  Francisco  y  succédant  à  la  voie  large 
construite  dans  la  direction  de  Rio  do  Janeiro.  Les  cotons  de  Queluz,  de 
même  que  ceux  de  Bomfim,  de  Tamandua,  de  Pitanguy,  villes  situées 
plus  à  l'ouest  dans  les  vallées  du  Paraopeba  et  du  Sao  Francisco,  servent  h 
fabriquer  des  étoffes  très  appréciées,  que  l'on  préfère  aux  produits  simi- 

• 

•  R.  Avé-Lallcinant,  Reise  in  SUd-Brasilien. 


COLONIES  nr  iiTTonAL.  ouRo  PSETO.         m 

/.■iii-<»s  de  [inm-nancfl  europépnne.  L«  village  dit  CoBgonfaas  de  Cunpo, 
(iVii»rès  un  arbusle  sauvage  qui  ressemble,  à  In  yefia  maté  da  Paraguay,  est 
un  rfes  [irinripiiux  lieux  de  pèlerinage  du  Brésil. 

Lsi  slatiiiii  de  Miguel  Bmiiier.  i.îi  rombianchement  d'Ouro  Pretô  se 
déUic^he  de  la  gninde  ligne.  ..iru|ie  ;i  peu  piés  te  centre  dé  la  régiwi 
nuzMxère,  centre  politique  et  économique  de  l'Ëtat  des  Minas.  A  l'ouest 
s'élève  II  serra  do  Ouro,  —  la  «  montagne  de  l'Or» ,  —  et  vers  le  nord-oaefet 
un  autre  ^atnon  porte  le  nom  signiBcatif  de  serra  da  Hoeda,  —  «  serre 
de  1«K    Mooiitie  ».  A  l'est,  le  boui^  d'Ouro  Braoco,  —  «  Or  Blanc  »,  — ' 


"'^Ipe  un  haut  vallon,  à  moitié  chemin  de  la  cité  d'Ouro  Preto,  —  «  Or 

***"•  »,  —  capitale  actuelle  de  l'Élal,  l'ancienne  Villa  Bica,  que  domine 

^   Sud-est  la  pittoresque  montagne  d'Itacolumi,  à  la  double  cime.  Ouro 

'^'o  appartient,  il  est  vrai,  au  versant  du  Dôce,  mais  de  ce  côté  elle  n'a 

P****!!  encore  de  libres  communications  avec  la  mer,  et  son  histoire,  son 

**Ustrie,  son  commerce  la  placent  réellement  à  l'origine  du  bassin  que 

P*''<ioiirt  le  rîo  S3o  Francisco.  La  ville  se  développe  en  constructions  iné- 

^'*«  dans  un  ravin  sinueux,  coupé  de  mornes  et  de  précipices  :  son  as|i€ct 

Son  histoire.  Ouro  Preto,  qui  doit  sa  fondation  aux  gisements  auritères 

^^Xiverts  en  1698,  est  entièrement  bâiie  sur  d'anciennes  galeries,  cata- 

^oes  où  s'amasse   l'eau    potable    utilisée  par  les  habitants;  les  rues 


Î80  NOUVEtlB  CfiOCBAPHIE  ÏNIVEHSEILE. 

lie  sunl   auli-e  chose  (jue  d'ancienne»  Inincliées  d'cx[)luiliiliuu  ;    (■iiciri: 

(iQ  1875  on  relimit  le  rainerai  d'un  trou  sous  un  faubourg'. 

Malgré  l'ombi-anchement  de  voie  leiTée  ([ui  ratljiohe  Ouro  Pieio  à  Uit> 
de  Janeii-o  par-dessus  un  seuil  de  l'Espinhaço,  la  \'i]le  soutTre  du  la 
diffiuulté  des  eommimicatinns  et  reste  quelque  peu  en  dehors  de  la  tÎi»- 
géndiTilo.  Aussi  les  habitants  de  Minas  Geraes,  premier  État  de  la  liépu— 
blii|ue  par  l'importiuice  et  ht  popnlalioii,  liendraienl-ils  à  honneur  d'avoir 


un  autre  chcl'-lieu,  occupant  un  site  plus  favorable  pour  la  cousiruelion  de 
beaux  édifices  et  rétablissement  de  relations  i'aeiles.  On  montre  à  Oui-o 
Preto  l'emplacement  de  la  maison  du  l'évolution na ire  Tiradenics,  maison 
que  le  roi  ordonna  de  démolir,  pour  en  labourer  la  terre  ef  y  cerner  du 
sel.  Près  de  Ifi,  dans  le  Palais  du  Trésor,  un  sombre  réduit  fut  le  cachot 
où  mourut  un  autre  des  conjurés,  Manoel  da  Costa,  probablement  par 
l'eiïct  du  poison.  L'école  des  mines  d'Ouro  Preto,  ensemble  disparate  de 
constructions  que  l'on  doit  bientôt  remplacer  par  un  édifice  monumeQUl, 


•  )l.  i;cir 


il.  Bulletin  de  h  Société  de  Géographir,  ' 


e  du  IK  00(0111%  1S7G. 


Il 

'.  % 

■  l 


OURO  PRETO»  DIAMANTINA.  285 

i-enferme  dans  son  musée  une  collection  merveilleuse  de  minerais,  pépites, 
diamants  et  cristaux. 

A  l'est  d'Ouro  Preto,  et  à  la  base  de  la  même  montagne  dltacolumi, 
s'étagent  les  mines  d'cTr  de  Passagem  et  se  prolonge  la  ville  déchue  de 
Harianna,  fondée  un  an  après  la  capitale,  puis  enrichie  comme  elle  par 
l'exploitation  de  Tor  et  ruinée  de  la  même  manière  :  la  cité  somptueuse 
que  le  roi  JoSo  V  appelait  jadis  son  «  épouse  bien  aimée  »,  n'est  plus 
qu'une  réunion  d'églises  et  de  séminaires.  Un  autre  boulevard  du  catho- 
licisme au  Brésil  est  le  grand  collège  que  possèdent  les  Jésuites  sur  le 
flanc  de  la  montagne  de  Caraça,  a  moitié  chemin  entre  Ouro  Preto  et 
Santa   Barbara.  Le   chemin  de  fer   du   versant  oriental   de  l'Espinhaço 
remonte  au  nord  dans  la  région  minière  par  Inficionado,  Catlas  Âltas, 
Santa  Barbara,  Itabira  do  Matto  Dentro,  Conceiçao,  Serro,  toutes  villes 
occupant  de  hautes  vallées  qu'arrosent  des  gaves,  affluents  ou  sous-affluenls 
du  rio  Dôce.  Serro,  ainsi  nommée  d'après  le  pic  d'Itambé,  qui  s'élève  à 
une  vingtaine  de  kilomètres  au  nord-est,  a  cessé  d'être  prospère,  quoi- 
qu'elle possède  encore  des  mines  d'or  et  de  diamants;  mais  les  campagnes 
environnantes  se  sont  peuplées  d'agriculteurs.  L'épuisement  des  gîtes  a 
eu  le  résultat  contraire  pour  Diamantina  ;  les  malheureux  des  alentours, 
cubasses  par  la  ruine  des  galeries,  se  sont  réfugiés  dans  la  ville.  Située  dans 
la  haute  vallée  du  Jequitinhonha,  Diamantina,  l'ancienne  Tijuco,  a  comme 
Ouro  Preto  ses  relations  commerciales  avec  Rio  de  Janeiro  non  par  la  mer, 
mais  par  le  bassin  du  rio  Sâo  Francisco.  Haut  placée  sur  une  terrasse, 
que  des  falaises  coupent  de  deux  côtés,  elle  commande  un  panorama  très 
étendu.  Ses  mines  de  diamants,  qui  produisaient  pour  une  valeur  de  3  à 
4  millions  par  an,  donnent  maintenant  beaucoup  moins,  pas  même  un 
million  ;  mais  quelques  industries,  entre  autres  la  préparation  des  cuirs, 
ont  en  partie  compensé  l'appauvrissement  des  mines.  Au  nord,  sur  le 
même  versant  du  Jequitinhonha,  le  bourg,  jadis  prospère,  du  GrSo  Mogol 
est  presque  abandonné. 

La  vallée  du  rio  das  Velhas,  voisine  du  chef-lieu  de  l'Ëtat,  Ouro  Preto, 
constitue  l'axe  commercial  du  bassin  du  Sâo  Francisco  :  les  villes  et  les 
bourgs  se  pressent  dans  sa  partie  supérieure.  Sabard,  la  métropole  du 
district,  située  à  695  mètres  d'altitude,  sur  la  rive  droite  et  à  la  tête  de 
navigation  du  rio,  n'a  pas  perdu  son  industrie  aurifère  comme  la  plupart 
de  ses  anciennes  rivales  des  Minas;  des  compagnies  anglaises  fort  riches 
font  exploiter  dans  les  environs  des  mines  très  productives,  notamment 
Morro  Velho,  au  sud-ouest,  près  de  Villa  Nova  de  Lima,  le  bourg  très 
connu  des  minéralogistes  sous  son  ancien  nom  de  Congonhas  de  Sahara. 


28i  NOUVELLE  GËOGRÂPUIE  UNIVERSELLE. 

Cette  mine  de  la  «  Vieille  Montagne  »  ramifie  ses  allées  profondes  dans 
les  flancs  d'une  montagne  nue,  entourée  d'autres  cimes  plus  hautes. 
Les  veines  métallifères,  jadis  exploitées  au  hasard,  étaient  abandonnées 
lorsque,  en  1849,  des  mineurs  britanniques  en  reprirent  l'exploitation, 
suivant  une  méthode  rationnelle  et  avec  de  puissants  capitaux.  Les  pro- 
duits furent  très  rémunérateurs,  surtout  en  1860  et  1861;  mais  la  perte 
du  filon  principal,  puis  l'eflbndrement  d'une  partie  de  la  mine  et  l'in- 
cendie des  étais  interrompirent  le  travail.  Il  a  repris,  et  les  1500  ou 
2000  ouvriers  employés  extraient  en  moyenne  du  minerai  pour  une  valeur 
annuelle  de  2  millions,  dont  le  profit  revient  en  entier  aux  actionnaires 
anglais  :  deux  puits  jumeaux,  creusés  a  800  mètres  de  profondeur, 
ont  retrouvé  le  filon  majeur  que  l'on  avait  perdu.  En  plein  rapport,  la 
mine  pourrait  donner  6  kilogrammes  par  jour,  soit  plus  de  7  millions  par 
an.  Grâce  au  séjour  de  nombreux  savants,  ingénieurs,  mineurs,  natura- 
listes, Sahara  est  devenu  le  centre  d'exploration  le  plus  important  dans 
l'intérieur  du  Brésil  pour  la  géographie  physique,  la  géologie,  la  météoro- 
logie et  la  préhistoire.  C'est  à  13  kilomètres  de  la  voie  ferrée,  à  l'ouest  de 
Sahara,  que  se  trouve  le  plateau  salubre  de  Bello  Horisonte,  l'un  des  sites 
proposés  pour  l'emplacement  de  la  future  capitale  de  Minas  Geraes.  Les 
eaux  pures  de  l'espace  étudié  suffiraient  à  la  consommation  d'une  ville  de 
450000  habitants*.  Le  village  minier  de  Caethé,  riche  en  asbeste,  occupe 
une  étroite  vallée  de  l'autre  côté  de  Sahara,  à  la  base  de  la  célèbre  montagne 
de  Piedade,  que  couronne  un  ermitage  depuis  la  fin  du  siècle  dernier. 

La  ville  de  Santa  Luzia,  qui  succède  à  Sahara  sur  le  cours  du  rio  das 
Velhas,  a  également  son  nom  dans  les  annales  de  la  science,  car  c'est  dans 
le  voisinage,  a  Lagôa  Sanla,  que  Lund  résida  pendant  de  longues  années, 
explorant  les  curieuses  grottes  des  alentours.  Santa  Luzia  eut  aussi  sa 
période  de  célébrité  comme  ville  révolutionnaire,  et  en  1842  bataille  y  fut 
livrée  entre  les  troupes  impériales  et  les  défenseurs  de  l'autonomie  locale 
ou  luzistas,  ainsi  nommés  de  la  ville  (ju'ils  avaient  soulevée.  Les  bancs  de 
jaspe  facile  à  sculpter  (jue  l'on  trouve  dans  les  environs  ont  donné  h  Santa 
Luzia  une  industrie  spéciale,  la  fabrication  de  statuettes  et  autres  objets 
religieux  ou  d'art  industriel.  Plus  loin,  Paraùna,  —  «  Eau  Noire  )>,  —  sur 
la  rivière  du  mémo  nom  et  près  de  la  rive  droite  du  fleuve,  a  été  signalée 
avec  Bello  Horisonte»  connue  un  emplacement  favorable  |)()ur  la  future 
capitale  de  TElat,  doni  (*lle  occu|)(»  ii  peu  près  h*  centre  géométritpie*. 


•  Sîimuel  (îomrz  Pcivira,  (^ommissào  d'Estudo  das  hcalidades  para  a  nova  Capital. 
-  Lniz  Martinho  di»  Montes,  iiumuc  recueil. 


280  iNOUYELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

commerce  y  est  fort  considérable  et  son  port  s*emplit  d'embarcations  qui 
apportent  du  caoutchouc,  des  gommes,  du  minerai  et  viennent  prendre 
le  sel  recueilli  près  de  là  sur  les  bords  du  rio  Salitre.  En  face,  à  Tendroit 
où  doit  aboutir  un  jour  le  pont-viaduc  du  fleuve,  dans  l'État  de  Pernam- 
buco,  se  montre  le  village  de  Pétrolina,  ou  jaillissent  en  eflîet  des  sources 
de  pétrole.  Bôa  Yista,  autre  station  riveraine,  deviendra,  comme  Joazeiro, 
un  entrepôt  fluvial  en  amont  des  escaliers  de  cataractes  :  une  voie  ferrée 
doit  la  rattacher  h  Pernambuco  par  Cabrobo,  Aguas  Bellas  et  Garanhuns. 
De  ces  divers  projets  pour  le  contournement  des  cataractes,  un  seul  est 
achevé,  le  chemin  de  fer  tracé  sur  le  territoire  de  Pernambuco  et  d'Alagôas, 
entre  le  bourg  de  Jatoba  et  celui  de  Piranhas,  tête  de  la  navigation  sur  le 
bas  Sâo  Francisco. 

En  aval,  le  commerce  a  fait  surgir  deux  villes  très  animées,  Propria, 
dans  rÉtat  de  Sergipe,  et  Penedo,  dans  celui  d'Alagôas.  Cette  dernière 
ville,  qui  doit  son  nom,  —  le  «  Roc  »  —  au  massif  de  rochers  sur  lequel 
s'élèvent  ses  constructions,  est  l'une  des  anciennes  colonies  du  Brésil  : 
fondée  en  1620,  h  cause  de  l'importance  stratégique  de  sa  position,  elle 
fut  capturée  par  les  Hollandais,  qui  dressèrent  un  château  fort,  dont  on 
voit  quelques  restes.  Tous  les  navires  qui  franchissent  la  barre  du  Sîo 
Francisco  remontent  au  port  de  Penedo  pour  y  porter  des  marchandises 
européennes  et  y  charger  du  coton,  des  peaux,  du  riz  ou  autres  denrées. 
Piassabussu,  l'avant-port  de  Penedo,  situé  également  sur  la  rive  gauche 
du  fleuve,  dans  l'État  d'Alagôas,  au  milieu  de  plantations  de  cannes, 
fabrique  d'excellents  tafias. 

La  population  assez  dense  du  Sergipe,  le  plus  petit  État  et  le  «  paradis 
de  l'Union  brésilienne  »,  se  groupe  dans  la  région  que  traverse  la  rivièi^e 
du  même  nom,  affluent  du  Cotinguiba  :  elle  descend  en  grande  partie 
desTupinaes  et  Abacatuara,  de  race  tupi*.  La  capitale  actuelle,  Aracajû, 
située  sur  la  rive  méridionale  de  ce  fleuve,  h  12  kilomètres  de  l'embou- 
chure, fait  un  commerce  très  actif,  quoique  les  navires  exilant  plus  de 
2  mètres  aient  quelques  dangers  à  courir  en  traversant  la  barre.  Aracajû 
est  le  deuxième  port  du  Brésil  pour  l'exportation  des  sucres*.  Des  embar- 
cations a  très  faible  tirant  d'eau  vont  chercher  le  sucre,  le  coton,  les 
oaux-de-vie  dans  les  rivières  d'amont,  à  Maroim,  h  Larangeiras,  et  des 
chemins  de  fer  poussent  dans  l'intérieur,  au  nord,  jusqu'à  Capella,  à 
l'ouest  jusqu'à  Simao  Diaz,  futur  centre  do  voies  ferrées  convergentes.  SSo 


'  Alfonso  Lonionaco,  Sulle  razze  indigène  del  Braxile. 

*  Sucre  exporté  d'Aracajùen  1892  :  188  660  sacs  ou  11  520  tonnes. 


PENEDO.   ARACAJO.  ^  S87 

ChrislovSo,  l'ancien  chef-lieu  du  lerritoire  qui  était  alors  la  province  de 
Sergipe,  a  moins  d'avantages  qu'Aracajû  :  l'estuaire  du  Yasa  Barris,  qui 
borde  ses  plages,  communique  avec  la  mer  par  une  barre  assez  profonde, 

H"  t.   —  UHm  bO  MO  Uo  rUNCUCU. 


i                                                                      F 

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^b 

—  plus  de  5  mètres  et  demi  —,  mais  il  est  obstrué  de  bancs  et  de 
vasières,  et  l'on  ne  peut  se  rendre  qu'en  barque  à  S3o  Christovâo.  Enlin, 
à  l'extrémité  sud  de  l'État  s'ouvre  un  troisième  estuaire,  celui  du  rio 
Real,  vers  lequel  convergent  plusieurs  cours  d'eau,  entre  aulivs  le  Piauhv. 


288  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE 

qui  passe  près  de  la  ville  d*Estancia,  un  des  principaux  centres  de  cuit 
dans  la  zone  cotiëre. 

Sur  le  littoral  de  Bahia,  quelques  ports  se  succèdent,  visités  par  d 
caboteurs  et  des  jangadas  ;   mais  le  mouvement  des  étrangers  tend  à 
concentrer  en  entier  dans  le  havre,   San   Salvador  de  Bahia  ou  simple 


ment  Bahia,  à  l'entrée  de  la  baie  ou  mer  intérieure  de  Todos  os  Santos^ 
La   ville,    la  deuxième  du  Brésil   par  le  nombre  des  habitants,  occu 
l'extrémité  du  promontoire  qui  protège  à  Test  un  golfe  magnifique  dév 
loppant  ses  rivages  à  perte  de  vue.  Le  cap  qui  porte  Bahia  est  la  parties» 
la  plus  élevée  de  l'immense  pourtour  et  la  haute  ville  domine  de  40  S 
50  mètres  la  rade,  ses  navires  et  les  îles  lointaines.  En  bas,  les  rue 
du  commerce  se  prolongent  parallèlement  au  rivage,  dans  l'étroit  espace 
compris  entre  la  mer  et  les  escarpements  de  la  colline.  Une  zone  inter^ 
médiaire,  où  les  rares  constructions  sont  entourées  de  jardins,  sépare  le 
deux  villes  de  sa  bande  verte,  et  de  toutes  parts  on  voit  s'élancer  I 
hampes  des  palmiers,  s'arrondir  les  branchages  touffus  des  manguie 
contrastant  avec  les  clochers  et  les  dômes.  De  loin,  les  deux  cités  para 
lèles,  qu'unissent  des  rampes,  un  ascenseur  vertical,  deux  «  plans  incl»~         h 
nés  »  avec  locomotives,  et  dont  les  rues  se  poursuivent  à  6  et  même  à 

8  kilomètres  de  la  pointe,  présentent  un  aspect  imposant  :  la  nuit,  deuL  x 

lignes  parallèles  de  lumière  indiquent  la  position  des  deux  cités.  Un  jardi  .rz — i 

public  de  faible  étendue  sépare  Bahia  proprement  dite  du  faubourg  élé 

gant  de  Victoria,  qui  s'étend  au  sud  jusqu'aux  collinettes  du  promontoire 
boisé  et  couronné  d'églises.  Le  phare  de  San  Antonio  dresse  sa  haute 
colonne  sur  la  dernière  saillie  du  granit. 

Bahia  est  l'une  des  vieilles  cités  du  Brésil,  quoique  les  Portugais 
n'aient  pas  fondé  de  colonie  sur  les  bords  de  la  baie  aussitôt  après  sa 
découverte  par  Christovao  Jaques  et  Amerigo  Vespucci  :  suivant  les  chro- 
niciues,  un  traiUmt,  Diogo  Alvares,  connu  par  les  indigènes  sous  le  nom 
de  Caramurû,  s'y  serait  établi  en  l'année  1510;  une  vingtaine  d'années 
plus  tard,  quelques  colons  vinrent  le  rejoindre,  mais  une  ville  ne  sur- 
git sur  la  colline  du  Salvador  qu'en  1549,  lorsque  Thomé  de  Souza, 
gouverneur  des  capitaineries,  y  construisit  sa  résidence.  Bahia,  visitée 
régulièrement  par  les  navires  de  l'Inde,  qui  venaient  s'y  ravitailler  avant 
de  se  diriger  vers  le  cap  de  Bonne-Espérance,  garda  son  titre  de  capitale 
jusqu'en  1765,  pendant  plus  de  deux  siècles,  et  resta  longtemps  sans 
rivale  pour  le  nombre  dos  habitants  et  l'importance  commerciale  : 
en  1585,  d'après  une  «  information  »  du  missionnaire  jésuite  Anchieta, 
près  de  la  moitié  des  blancs  domiciliés  au  Brésil,  soit  12000  sur  25000, 


!nt  fiahia.  Les  noirs  étaient  alors  beaucoup  plus  nombreux  à  Per- 
so, mais  Bahia  monopolisa  bientôt  la  traite  d'Afri({ue  et  jusqu'au 
du  dix-neuvième  siècle  ses  commerçants  furent,  en  dépit  des 
s  grands 

de  M-  ».  —  uau. 


reurs 
bëne  :  en 

!S  années, 

portèrent 

;  mille  es- 
La   sup- 

a    de    la 
africaine 

t  ruiner  la 

I   grand'- 

lle  se  re- 

I  désastre 

xpédition 

luits  agri- 

U   popu- 

e  couleur 

ine      en- 

Bahia  :  la 
Mulata , 

le    Mu  là' 

i>,  tel  est 

nom    po- 
de      la 

ahia,    où 

t    établis 

uiles  lors 

ondation, 
son  rang 

rapole  re- 

:  du  Bré-  ,       ■  •°°~      , 

;s  de  cent 

et  chapelles,  dont,  il  est  vrai,  plusieurs  sont  en  ruines,  élèvent 

roix  au-dessus  de  l'amphilhéàlre  des  maisons,  fiahia  a  souvenance 

été  au  dix-septième  siècle  le  centre  intellectuel  du  Portugal  amé- 
mais  elle  a  déchu  :  i>a  bihliotliè(|ue,  ses  musées  et  ses  sociétés 


vm 


290  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

savantes  n'ont  pas  Timportance  à  laquelle  on  s'attendrait  dans  une  cité  s 
peuplée;  cependant  elle  possède  Tune  des  deux  écoles  brésiliennes  d< 
médecine.  Les  fiahianais  se  distinguent  parmi  les  Brésiliens  par  leui 
prestance,  leur  beau  langage,  et  ils  ont  toujours  eu  dans  le  gouverne- 
ment de  la  nation  une  part  considérable.  Bahia  est  plus  «  brésilienne  -> 
que  Bio  :  elle  n'a  point  le  caractère  cosmopolite  de  la  capitale,  et  sei 
maisons,  en  grand  nombre  revêtues  de  faïences  vernissées,  ressemblem 
plus  à  celles  de  Lisbonne.  Une  des  églises  a  été  construite  avec  des 
pierres  venues  toutes  taillées  du  Portugal. 

Le  port  de  Bahia,  défendu  contre  les  vents  de  l'est  et  du  sud-est  pai 
la  masse  péninsulaire  ou  s'élève  la  ville,  est  exposé  à  la  houle  du  suc 
qui  pénètre  dans  la  baie  par  la  large  entrée;  cependant  quelques  bancs, 
des  roches  et  un  écueil,  sur  lequel  se  dresse  le  fort  do  Mar  ou  Sao  Marcello, 
rompent  la  force  des  vagues  :  les  grands  navires  mouillent  à  distance  du 
rivage.  On  n'a  pas  encore  donné  suite  au  projet  qui  enclavera,  devant  les 
quais,  un  espace  maritime  de  plus  de  100  hectares  en  vue  d'établir  un 
port  fermé  au  moyen  de  deux  brise-lames,  l'un  de  2  kilomètres,  partant 
de  l'extrémité  septentrionale  de  Bahia  pour  aller  rejoindre  le  fort  de  Sao 
Marcello,  l'autre  s'enracinant  au  quartier  méridional  où  se  trouvent 
l'arsenal  et  la  douane,  pour  se  terminer  en  un  musoir  correspondant  au 
fort.  Des  cales  sèches,  creusées  dans  le  granit  noir  ou  coraçào  de  negrOf 
compléteront  le  port  futur.  Le  sucre,  le  t^bac,  le  café,  le  coton,  le  bétail, 
les  cuirs  alimentent  le  trafic  de  Bahia',  admirablement  approvisionnée  des 
produits  du  sol  :  le  marché  est  une  merveille  par  l'abondance  et  la  variété 
des  fruits,  non  moins  que  par  la  diversité  des  types  blancs,  noirs  e 
croisés  à  Tinfini,  qu'on  rencontre  en  groupes  pittoresques.  Quelques  navire- 
baleiniers  poursuivent  dans  les  parages  environnants  les  cétacés,  doni 
l'huile  était  naguère  utilisée  pour  Téclairage  de  la  cité  et  que  l'on  expédi- 
actuellement  en  Europe;  par  les  vents  du  sud,  les  baleines  entrent  fre 
quemment  dans  la  baie,  et  des  barques  se  mettent  à  leur  poursuite,  u 
harponneur  se  tenant  à  l'avant,  l'arme  en  arrêt  :  on  capture  en  moyeniw 
une  cinquantaine  de  cétacés  par  an'.  Une  fonderie  de  spermaceti  s'élèw 

*  Valeur  des  échan'^es  à  Bahia  en  movenne  . 

Imporlalioii 50  000  000  francs. 

Ex|)ortati(.n 4  i  000  000       » 

Ensemble 94  000  000  francs. 

Mouvement  de  la  navigation  en  moyenne  :  5000  navires  portant   I  700  000  tonnes. 
Rendement  de  la  douane  en  ISDO  :  1 1  t>l  4  000  milreis,  environ  2-2  000  000  francs. 

*  Antonio  Alves  Camara,  Bohtim  du  Sociedade  de  Geoyraphia  do  Rio  de  Janeiro,  1889. 


BAHIA,  REGONGAVO.  291 

dawM^  la  ville;  il  en  existait  d'autres  dans  I*ile  d^Itaparica,  où,  vers  1815» 
la  j>lupart  des  clôtures,  autour  des  jardins  et  des  cours,  étaient  faites  en  os 
de  fcaleine*.  On  a  trouvé  quelques  gisements  de  charbon  dans  celle  île, 
lon^^:ie  terre  dont  une  ville  occupe  Textrémité  septentrionale.  D'une  très 
gra.irBcle  fertilité,  elle  est  fameuse  par  Texcellence  de  ses  produits,  aussi 
bioT^  que  par  son  doux  climat  :  on  lui  donne  le  surnom  d'  «  Europe 
des  pauvres  »,  parce  que  beaucoup  de  Bahianais,  petits  artisans  et 
bouac^^eois,  y  vont  en  villégiature.  Lors  de  la  guerre  d'indépendance,  la 
GrTBK-i de-Bretagne,  dont  le  Portugal  était  débiteur,  s'offrit  à  prendre  l'île 
d^I  tsi  paricd  en  payement  de  la  dette.  C'eût  été  livrer  la  clef  du  Brésil 
au^t   A^nglais.  Le  Portugal  rejeta  Tinsidieuse  proposition. 

Suir  le  revers  océanique  de  la  péninsule,  Bahia  se  complète  par  des  fau- 
bouir^s  de  villas,  entre  autres  Rio  Yermelho,  aux  maisonnettes  éparses  sur 
l^s  c^oteaux  gazonnés  et  dans  les  verdoyairts  ravins  :  au  nord,  des  groupes 
d^  irrt^isons  élégantes  se  prolongent  sur  les  collines  et  dans  la  presqu'île 
^^  ficjmfim,  d'où  l'on  contemple  le  magnifique  panorama  de  la  ville,  du 
et  de  deux  ports,  au  sud  Bahia.  au  nord  Itapagipe;  l'église  élevée 
les  pentes  orientales  du  coteau  boisé  est,  dit-on,  la  plus  riche  du 
1;  la  statue  de  la  Vierge  y  disparaît  sous  les  diamants.  Tout  le  pour- 
tovuT»  de  la  «  Baie  »,  le  Reconcavo  ou  la  «  Conque  »,  se  borde  d'agglomé- 
is  commerçantes,  qui  communiquent  avec  Bahia  par  de  petits  bateaux 
►eur  côtiers,  évalués  à  plus  de  mille. 

nto  Amaro,  sur  la  rivière  de  même  nom  qui  débouche  à  l'extrémité 

-entrionale  de  la  baie,  est  une  jolie  petite  ville,  entourée  de  champs  de 

*~^iies  et  autres  cultures,   traversée  par  un  chemin  de  fer:  en  aval,  la 

agricole  de  l'État  borde  la  rive  gauche  de  l'estuaire.  Sur  le  Para- 

ssû  ou  «  Grand  Fleuve  »,  qui  se  déverse  dans  la  partie  occidentale 

la  baie,  Cachoeira,  la  cité  principale,  a  pris  son  nom  des  chutes  qui 

■^ Corrompent  le   courant  :  elle  est  l'entrepôt   nécessaire   de  toutes  les 

^«"ées  qui  viennent  de  l'intérieur  dans  la  direction  de  Bahia  et  complète 

capitale  comme   tête   de  pont  sur  la  rive  du  continent.  Le  tabac,  le 

^'^^^Iviit    le    plus   estimé  du  pays,   le  café,   les   fruits  sont  expédiés  de 

^^hoeira  ou  de  son  avant-port  Maragogipe,  très  connu  par  les  planteurs 

<^ofiers  pour  sa  variété  de  baie  jaunâtre;  quant  au  bétail  des  serlôes 

^o  la  vallée  du  Sao  Francisco,  il  a  pour  marché  principal  une  ville 

^éc  au  nord,  la  Feira  ou  «  Foire  »  de  Santa  Anna.  La  force  d'appel  du 

^^merce  qui  se  dirige  vers  le   bas  Paraguassû  se   fait  sentir  au  nord 

^ï^xirailien  de  Wied-Neiiwied,  Voyage  au  Brésil^  traduction  par  J.  B.  B.  Eyriès. 


29fi  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

jusque  dans  le  Piauby,  à  Touest  et  au  sud-ouest  jusque  dans  le  Goyaz. 
Un  pont-viaduc,  composé  de  quatre  travées  apnt  chacune  92  mètres, 
et  qui  est  encore  (1893)  le  plus  remarquable  de  tout  le  Brésil,  unit 
Cachoeira  et  son  faubourg  de  la  rive  droite,  Sao  Félix,  point  de  départ 
d'un  chemin  de  fer  qui  remonte  la  vallée  du  Paraguassû  vers  Lençôes, 
dans  une  région  diamantifère.  Les  trésors  que  Ton  y  découvrit  en  1845 
attirèrent  aussitôt  des  milliers  de  mineurs  et  Ton  recueillit  dans  les  gra- 
viers une  quantité  de  diamants  évaluée  dans  la  première  année  à 
66000  francs  par  jour*.  Les  gisements  de  Lençôes  et  de  la  Chapada  Dia- 
mantina,  qui  dominent  à  Touest  la  vallée  du  Paraguassû,  sont  les  princi- 
paux pour  fournir  ces  «  carbonades  »  ou  diamants  noirâtres  et  amorphes 
que  l'on  emploie  au  percement  des  tunnels';  cependant  le  pays  n'a  plus 
guère  d'autre  importance  que  ses  cultures  et  ses  pâturages.  Le  chemin  de 
Cachoeira  aux  sources  du  Paraguassû  devra  se  continuer  à  travers  les 
plateaux  jusqu'au  rio  Sao  Francisco. 

La  ville  de  Nazareth,  située  à  la  tête  de  navigation  de  Festuaire  du 
Jaguaripe,  qui  s'ouvre  directement  au  sud  de  l'île  llaparica,  est,  comme 
Cachoeira,  un  entrepôt  continental  de  Bahia;  elle  alimente  de  manioc  les 
habitants  de  la  capitale,  et  possède  également  un  chemin  de  fer  qui  lui 
apporte  les  denrées  de  l'intérieur.  Bahia  s'approvisionne  de  vivres  par 
une  voie  ferrée  qui  remonte  directement  au  nord,  vers  la  ville  d'Ala- 
goinhas,  oîi  elle  se  bifurque  :  d'un  côté  pour  longer  le  littoral  à  dis- 
tance à  travers  les  plantations  de  cannes  et  de  tabac  jusqu'à  Timbô,  près 
de  l'Itapicurû;  de  l'autre  pour  se  diriger  au  nord-ouest  vers  Villa  Nova  d 
Bainha,  d'où  elle  gagnera  la  ville  de  Joazeiro  en  amont  des  chutes  du  Sa 


Francisco.  C'est  a  l'est  de  cette  voie  ferrée,  près  de  la  ville  de  Mont^^^  irna:  *i 
Santo,  que  l'on  a  découvert  en  1784  le  fameux  météorite  de  Bendego,  bIoc^<=^  M^  ^ 
de  5545  kilogrammes,  transporté  depuis  à  grands  frais  de  son  gisemen^tf':«'^^J€ 
dans  le  serlao  jusqu'au  musée  de  Rio  de  Janeiro. 

Au  sud  de  la  baie  de  Tous  les  Saints  les  villes  se  succèdent  sur  le  littoral  t  m:^ —  ^ 
assez  rappiochéos  :  Valen(,%a,  qui  fabricjue  des  tissus  de  coton  dits  les  meilf  i  f^EsmeW- 
leurs  du  Brésil;  Taperoa,  cachée  par  un  cordon  d'îles  et  d'îlots;  Camamufr  ^  ^^^ 
marché  de  denrées  agricoles  très  fréquenté  et  possédant  dans  le  voisf  ^r-^  -^«si- 
nage  le  port  d'Acarahy,  le  plus  profond,  le  plus  vaste  et  le  mieux  abriP^  i  — ^^^ 
do  ces  parages  après  le  [)oil  do  Bahia;  Contas  ou  Barra  do  rio  do  Contar  .^^f^-^» 
dont  le  neuve  descend  d'une  richc^  région  diamantifère;  llheos,  —  S. -      ^^^ 


•  Rovhaml;  —  Hicli.inl  liiirlou,  ouvraiie  cité. 

*  G.  K,  Blot,  N()iQ8  manuscYïicfi, 


LENÇOES,  NAZARETH,  ILHEOS,  GANAYIEIRAS.  ^95 

Jorge  dos  Ilheos,  —  ainsi  nommé  des  ilôts  qui  protègent  sa  rade.  Yillette 
peu  animée,  n'ayant  d'autre  commerce  que  l'expédition  des  bois,  Ilheos 
a  pourtant  une  histoire  :  elle  se  fonda  dès  Tan  1530,  dix-neuf  ans  avant 
Bahia,  et  devint  importante  lorsque  les  Jésuites  en  firent  le  centre  de  leurs 
missions  dans  le  pays  des  Àimores.  L'exploitation  des  mines  d*or  dans 
les  montagnes  voisines  lui  donna  un  trafic  considérable;  mais  ces  mines 
^appauvrirent,  et  les  Indiens  sauvages  ont  fermé  les  chemins  de  l'inté- 
i*ieur  :  le  vide  s'est  fait  dans  l'ancienne  colonie,  tandis  que  la  vie  se  repor- 
t-ait  vers  d'autres  points  du  littoral.  On  essaye  de  faire  renaître  Ilheos  par 
l 'envoi  de  colons  agriculteurs  et  artisans  qui  tracent  des  routes  à  travers  les 
forêts  et  utilisent  pour  l'industrie  les  forces  des  torrents. 

Dans  le  labyrinthe  des  eaux  qui  unissent  les  embouchures  du  Poxim, 
<lu  Pardo  et  du  Jequitinhonha,  Canavieiras,  ancien  lieu  de  déportation 
^politique,  prospère  malgré  l'humidité  des  terres;  à  2  kilomètres  de  la 
mer,  elle  ne  donne  accès  qu'aux  bateaux  calant  moins  d*un  mètre  et 
demi  ;  cependant  elle  exporte  du  cacao,  de  la  résine  de  copal,  des  fibres  de 
piassava  et  des  bois  de  palissandre  ou  ce  jacaranda  »  :  un  village  voisin  en 
a  reçu  le  nom.  En  amont,  sur  le  Pardo,   des  milliers  de  chercheurs 
/buillèrent  de  1882  à  1886  les  graviers  de  Salobro  pour  y  trouver  des 
diamants;  mais  une  terrible  épidémie  de  variole  dépeupla  la  ville  nais- 
sante, et  maintenant  les  mines  sont  presque  complètement  abandonnées^ 
Au  sud  de  Canavieiras,  des  groupes  de  cocotiers  cachent  le  port  de  Bel- 
Qrionte,  qui  a  donné  son  nom  au  bas  Jequitinhonha,  et  qui  par  ce  fleuve 
^ïîtretient  un  certain   commerce  avec  les  districts  orientaux  de  Minas 
raes.  C'est  dans  les  hautes  vallées  du  bassin  que  se  trouve  la  fameuse 
ilé  minière  Minas  Novas,  fondée  par  des  mineurs  paulistas  dans  le  pays 
es  Indiens  Macussi,  aux  premières  années  du  dix-huitième  siècle  :  elle 
rospéra  rapidement,  mais  déchut  aussi  vite,  à  la  suite  des  règlements 
"•--racassiers  par  lesquels  on  prétendait  en  haut  lieu  protéger  l'extraction 
^es  métaux.  Les  topazes  jaunes,  les  aigue-marines  de  Minas  Novas  enri- 
^^hissent  les  musées. 

Un  chemin  de  fer,  partant  du  port  de  Caravellas,  à  l'extrémité  méri- 
^iionale  de  l'État  de  Bahia,  pénètre  dans  les  hautes  vallées  aurifères  en 
passant  par  la  ville  de  Philadelphia,  —  Theophilo  Ottoni,  —  centre  de 
colonies  agricoles  fondées  sur  les  bords  du  Mucury.  Cette  voie  ferrée,  qui 
doit  aboutir  au  port  de  Guaicuhy,  à  la  jonction  des  deux  fleuves  Sao 
Francisco  et  rio  das  Velhas,  donne  la  prépondérance  à  Caravellas  parmi 

*  G.  R.  Blot,  Cannavieiras,  Rapport  sur  les  mines  de  Diamant,  1892. 


9M  MOUTBLLE  GfiOGRAPHIE  DlflTERSEUB. 

tous  les  porte  du  Bahia  méridional  ;  quelques  navires  s'y  livrant  k  la  pAche 
de  la  baleine  dans  les  archipels  des  Abrolhos.  Au  commencement  du 
siècle  une  petite  colonie  de  Chinois  que  le  gouvernement  avait  fait  venir  k 
Rio  de  Janeiro  pour  la  culture  du  thé,  fut  transférée  h  Caravsllas,  ob  elle 
s'éteignit  promptement*.  L'immigration  se  porte  vers  cette  ville,  tandis 


Jiéo^  fmceurrvtft  éKOurrenf 


que  le  havre  de  Porto  Seguro,  près  duquel  commença  l'histoire  du 
Brésil  par  l'arrivée  d'AIvnrez  Cabrai,  n'est  guère  fréquenté  que  des  bateaux 
de  pèche  allant  à  la  rechpi"che  d'une  espèce  de  saumon,  le  garupâ, 
au  milieu  des  éciicils  voisins,  les  llncolumi  et  los  Abrolhos.  Le  petit 
archipel  forme  en  pleine  mer  un  esccllenl  petit  porl  «  où  les  navires  de 
commerce  n'ont  ni  droits  «  payer  ni  contrariétés  de  douane  à  craindre'  ». 


•  Haxiiniliun  ilc  Wieil-Ni-uwieJ,  < 
■  E.  Houchci,  ouvrage  cite. 


CARAYELLÂS,  PORTO  SEGIRO,  VICTORIA.  395 

Sâo  MatheuSy  dans  la  partie  septentrionale  de  TÉtat  d*Espirito  Santo, 
s*enloure  de  caféteries  et  de  champs  de  manioc,  dont  les  produits  s'expé- 
dient par  le  port  dit  officiellement  Conceiçao  da  Barra  ;  mais,  comme  la 
plupart  des  ports  de   rivières,  on  le   désigne  simplement  par  le  nom 
de  «  Barra  »,  auquel  on  ajoute  le  nom  du  cours  d'eau  dont  il  occupe 
rembouchurc.  Un  autre  village  s'élève  à  la  barre  du  rio  Dôcc,  mais  sans 
importance  commerciale  à  cause  des  difficultés  du  chenal,  surtout  quand 
souffle  le  vent  du  sud  :  les  navires  calant  plus  d'un  mètre  et  demi  sont 
£i1ors  en  danger.  Dans  l'intérieur  du  fleuve,  la  navigation  n'est  sûre  que 
pour  les  embarcations  ayant  au  plus  soixante  centimètres  de  quille.  Ccpen- 
diinl  le  rio,  presque  sans  valeur  économique  dans  sa  partie  inférieure, 
liMrdée  de  marécages,  à  demi  fermée  par  un  seuil  élevé,  arrose  dans  sa 
partie  haute  une  des  régions  les  plus  riches  de  Minas  Geraes,  celle  ou  se 
•.rouve  la  capitale,  Ouro  Preto,  presque  entièrement  privée  de  commu- 
icalions  avec  le  littoral.  On  s'occupe  maintenant  avec  activité  de  con- 
uérir  ces  débouchés  par  la  construction  de   chemins  de  fer.  Le  futur 
éseau  de  voies  ferrées  dans  la  partie  orientale  de  l'État  est  tracé  d'avance 
^e  manière  à  faire  converger  ses  lignes  vers  la  ville  de  Pessanha,  située 
^ur  un  afQuent  septentrional  du  rio  Dôce.  Le  gouvernement  y  avait  réuni 
3iaguèi*e  les  restes  de  tribus  indiennes '.  Les  cotons  de  Pessanha  sont  d'une 
<iualité  supérieure. 

Au  sud  du  rio  Dôce,  quelques  petits  ports,  Riacho,  Santa  Cruz,  Almeida, 
se  succèdent  jusqu'à  la  large  baie  d'Espirito  Santo,  qui  a  donné  son  nom 
à  l'État  et  où  se  trouve  Victoria,  la  capitale,  mieux  connue  sous  l'ancien 
nom  de  Capitania.  Celle-ci  s'élève  à  l'extrémité  sud-occidentale  de  l'île 
autour  de  laquelle  se  déroulent  les  eaux  de  la  baie  en  un  étroit  chenal,  le 
Maruypé,  traversé  à  son  étranglement  par  un  pont  de  bois;  en  face,  sur  le 
rivage  du  continent,  se  montrent  les  restes  de  l'ancien  chef-lieu,  Villa 
Velha,  dominé  par  les  masses  imposantes  de  couvents  et  d'églises;  à  l'est 
se  dressent,  isolés  dans  la  plaine  et  commandant  l'entrée  de  l'estuaire,  la 
Penha  (150  mètres)  et  le  mont  Moreno  (210  mètres),  portant  l'une  son 
église  et  l'autre  son  phare.  Au  nord,  par  delà  le  Frade  Leopardo,  une 
autre  montagne  plus  haute,  le  Mestre-Alvarez,  dit  généralement  par  abré- 
viation Mestialvé,  élève  trois  pointes  égales  à  980  mètres.  C'est,  d'après 
Mouchez*,  un  ancien  volcan,  depuis  longtemps  éteint,  et  Ton  y  trouve  des 
gisements  de  soufre.  Par  sa  masse,  son  isolement  et  sa  proximité  de  la 


*  Aug.  de  Saint-Hilaire,  Voyage  dans  les  provinces  de  Rio  de  Janeiro  et  de  Minas  Geraes. 

*  E.  Blouchcz,  ouvrage  cité. 


396  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

côie,  le  MesLiaIvé  est  un  point  de  repère  les  plus  remarquables  de  touUs 
ta  cdle  du  Brésil.  Il  y  a  quelques  années,  Victoria,  encore  privée  de  traCc, 
ne  recevait  guère  que  des  goélettes;  des  travaux  d'aménagement  dans  le   - 
chenal  du  port,  qui  n'a  pas  moins  de  5  à  6  mètres  sur  le  seuil  de  la  barre,  . 
permettent  l'accès  aux  grands   navires  venus  d'Europe.   Son  commerce^ 
s'accroît  rapidement  et  les  immigrants  y  débarquent  par  milliers  :  désor — 


la  Uaniie  fnmraJK.  C.  Pem»i. 

Prarondeun  : 

mi  cm  cj 

De  s  à  10  mcln».  De  lOmètmcl  au-delj.  Buicsdcublc. 


mais  l'Espirito  Santo  est  devenu  indépendant  de  Rio  de  Janeiro  pour 
les  relations  d'outre-mer. 

Les  colons.  Allemand!),  Polonais,  Suisses,  Tirolicns,  Portugais,  Italiens, 
cens-ci  en  très  grande  majorité,  au  nombre  d'environ  50000,  s'établis- 
sent surtout  dans  la  partie  méridionale  de  l'État,  près  d'Anchieta,  — 
l'ancienne  Benevcnte,  —  autour  d'Alfrcdo  Chavez,  d'Ilapemirim  et  de 
Cachociro.  Anchiela  a  reçu  son  nom  eu  l'honneur  du  missionnaire  jésuite 
qui  avait  groupé  autour  de  lui  12000  Indiens  des  forêts  environnantes. 
Aussi  longtemps  que  durèrent  ces  "  réductions  »,  les  pi-étres  en  écartèrent 
los  blancs  avec  rigueur,  et  même,  lors  de  leur  expulsion  du  Brésil,  ils 
lii-ent  stipuler  qu'on  laissât  autour  du  village  de  leurs  catéchumènes  un 
espace  «  inaliénable  »  de  six  lieues  carrées;  mais  à  peine  étaient-ils  partis, 
que  l'enclave  était  envahie.  Quelques-unes  des  colonies  actuelles,  encore 
suus  la  tutelle  gouvernementale,  reçoivent  un   subside  annuel  avec   la 


ËSPIRITO  SANTO,  RIO  DE  JANEIRO. 


297 


semence  et  le  bétail,  mais  la  plupart  des  groupes  de  colons  sont  déjà 

«  émancipés  «,  c'esl-h-dire  livrés  à  leurs  propres  forces,  et  travaillent 

à  leurs  risques  et  périls  sur  des  domaines  divisés  en  petites  propriétés. 

La     onlture  principale  est  celle  du  cafier,  dont  la  récolte  était  évaluée 

en     J.  892  h  20  millions  de  kilogrammes;  mais  on  s'occupe  aussi  dans 

ies     c^olonies  de  produire  le  manioc,  le  riz,  les  haricots  et  autres  vivres 

pouiï*   le  marché  des  cités  voisines'. 


VI 


BASSIN    DU    PARAHTBA. 


ÉTAT    DE    RIO    DE    JANEIRO    ET    MUNICIPE    NEUTRE. 


*£lat  dans  lequel  se  trouve  la  capitale  de  la  République  occupe  une 

zort^   de  transition.  La  côte  océanique  y  change  brusquement  de  direction  à 

'^   I>c>inte  du  cap  Frio.  A  l'orientation  qui,  d'une  manière  générale,  s'était 

^^ix^tenue,  à  partir  du  cap  Sao  Roque,  dans  le  sens  du  nord-est  au  sud- 

oiac^^t  ou  du  nord  au  sud,  succède  un  littoral  qui  se  reploie  directement 

^^■^*^^    l'ouest  pour  reprendre  son  allure  normale  après  avoir  décrit  une 

pf^^^x^de  courbe   régulière.  La  ligne  du  tropique  passe  au  sud  de  l'État 

"•^     I\io  de  Janeiro,  et  coïncide  ainsi  avec  le  mouvement  de  la  côte.  La 

rix^m«re  Parahyba,  qui  naît  sur  les  plateaux  de  Sao  Paulo,  au  même  seuil 

1^^^3      les  hauts  affluents  du  Parana,   coule    au    nord-est  dans  une  pro- 

^^*^  de  coupure,  comme  pour  limiter  nettement   la  masse  angulaire  que 

ic>i:^rr:ie  l'État.   Par  ses   pentes  supérieures  il   appartient   a   la  zone  des 


^  iiJes  principales  appartenant 
wt^iOFi  approximative  : 

/\,,          _                Misas  Gkraes. 
ï^«^mamina 

^'^'•'^   Vclho 

Cabro».  Pernambuco. 

Pft|v^   .                                    ÂLAGÔAS. 
'^^^^<io 

Ara**     .  SeRGIPE. 

^arislovâo 

^Pt^ia 

XIX. 


au  bassin  du  Sao  Francisco  et  au  littoral  adjacent,  avec  leur  popu- 


20  000  hab. 

14  000  )) 
10  000  )) 

7  000  )) 

5  000  )) 

5  000  )) 

3  000  )> 

5  000  hab. 
5  000  hab. 

15  000  hab. 
5  000     » 

5  000     » 


Bahia. 

Bahia 

Cachoeira  et  Sao  Félix.    .    .    . 

Nazareth 

Sanlo  Ainaro 

Ilaparicà 

Barra  do  Hio  Grande 

Carinhanha 

Canavieiras 

Caravellas 

Philadelphia 

Ilheos 

Porto  Seguro 


EspiRiTO  Samo. 


Victoria 


200  000  hab 

20  000  » 

8  000  )) 

7  000  )) 

6  000  )) 

G  000  )) 

3  000  » 

o  000  )) 

0  000  )) 
2  000  )) 
1 500  » 

1  000  )) 

20  000  hab 
38 


SQ8  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

plateaux  tempérés,  et  à  la  zone  tropicale  par  ses  plaines  basses, 
marais,  le  delta  du  Parahyba.  Presque  tous  les  voyageurs  connus  qui  explo- 
rèrent le  Brésil  ont  visité  Rio  de  Janeiro,  et  dès  les  premiers  temps  de 
rhistoire  du  Nouveau  Monde  les  bords  de  cette  baie  prirent  une  impor- 
tance capitale,  grftce  à  Tappel  qu'elle  exerça  sur  les  commerçants  et  les 
marins  et  aux  descriptions  de  Jean  de  Léry  et  d'André  Thevet.  Depuis  œ^ 
ftges  héroïques  où  Portugais  et  Français  se  disputèrent  la  possession  di 
Nictheroy,  des  milliers  de  visiteurs  ont  contribué  h  faire  connaître  c; 
pays  sous  tous  ses  aspects;  cependant  il  ne  possède  pas  encore  (189S 
de  carte  détaillée  offrant  une  précision  approximative.  Du  moins  la  ciH 
et  le  municipe  neutre  qui  en  dépend,  la  partie  la  plus  populeuse  dJ 
Brésil,  auront-ils  bientôt,  grftce  à  une  triangulation  précise,  d*exoellen~ 
documents  à  utiliser*. 

Le  rempart  de  montagnes  qui  domine  au  nord-ouest  la  vallée  du  Vnn 
byba  serait  la  limite  naturelle  de  TÉtat,  mais  la  ligne  de  frontière  tantél 
suit  la  crête,  tantôt  les  eaux  d'un  affluent  ou  du  Parahyba  lui-même.  Cepen- 
dant le  massif  le  plus  élevé  de  la  serra  Mantiqueira  se  trouve  dam 
TËtat  de  Rio  de  Janeiro,  précisément  à  son  angle  sud-occidental,  confi- 
nant avec  TÉlat  de  S3o  Paulo.  C'est  là  que  se  dresse  l'Itatiaya  ou  «  Rodu 
Flambante  »,  le  mont  le  plus  fier  de  tout  le  Brésil  et  celui  qui  présenti 
directement  au-dessus  de  sa  base  la  plus  forte  pente;  tandis  que  le 
monts  de  Minas  Geraes  ont  pour  socle  le  plateau  central,  le  fossé  qw 
parcourt  le  Parahyba  se  creuse  au  pied  de  la  Mantiqueira  et  de  si 
cime  culminante.  Diversement  évaluée,  raltitudc  de  Tltatiaya  n'est  pra 
bablement  guère  inférieure  à  5000  mètres'  :  parfois,  pendant  l'hiver,  aprèi 
les  longues  pluies,  on  y  remarque  des  stries  de  neige,  et  la  températun 
s'y  abaisse  au-dessous  du  point  de  glace.  L'Itiataya,  de  formation  volca- 
nique, doit  peut-être  sa  grande  élévation  relative  à  une  origine  relative- 
ment récente  :  il  a  surgi  à  travers  le  rebord  usé  du  plateau';  des  eau) 
sulfureuses  jaillissent  de  sa  base*.  Le  lieu  du  Brésil  où  des  familles  rési- 
dent le  plus  haut  pendant  toute  Tannée  se  trouve  sur  les  pentes  d< 
ritatiaya.  Le  botaniste  Glaziou  gravit  le  premier  la  montagne,  en  1871. 

*  Superficie  et  population  pro1)al)le  de  TÉtat  de  Rio  de  Janeiro  et  du  municipe  neutre  : 

Rio  de  Janeiro.    .   .       40  5%  kil.  carrés;  1  500  000  hab.  ;     52  hab.  par  kil.  carré. 
Municipe  neutre .    .         i  594     »       »  550  000     »       595    »       »         » 

Ensemble.   .       il  790  kil.  carrés;  1  850  000  hab.;    44  bab.  par  kil.  carré. 

«  Altitude  de  Tllatiava,  d'après  Glaziou  :  2712  mètres. 

5  Orville  D.  Derby,  Oê  Picos  allos  do  Brnzil, 

^  José  Franklin  da  Silva,  Revisla  do  Inslilulo  Hislorico,  1882. 


HâNTIQUEIRA,   ITATUYA.  âOO 

Ea  se  prolongeanl  au  nord-est,  la  serra  Mantiqueira  s'abaisse  graduelle- 
ment et  présente  des  brèches,  dont  l'une  a  été  utilisée  au  seuil  de  JoSo 
Ayres  (1115  métras)  ponr  le  tronc  du  chemin  de  fer  qui  se  ramifie  à  l'ouest 
àans  l'intérieur  de  Hinas  Geraos.  Maïs,  tout  en  amoindrissant  son  relief,  la 
chaîne  projette  des  contreforts  latéraux  qui  en  maints  endroits  prennent 
''aspect  el  le  nom  de  «  serres  ».  De  l'autre  côté  de  la  dépression  profonde 
«ans   laquelle  coule  le  Parahyba  une  arête  assez  régulière  se  développe 
Parallèlement  à  la  serra  Mantiqueira  :  c'est  la  chaîne  à  laquelle  dans  le 


\ 


MO   pnulo  on  donne  le  nom  de  serra  do  Mar  ou  «  rangée  Cùlière  ».  Dans 

*^*-i»t  de  Rio  de  Janeiro  elle  perd  celle  appellation  pour  en  prcndie  suc- 

^**î\ement  plusieurs  autres,  selon  les  contiaslcs  de  hauteur,  de  direction 

'i'aspect.  Parmi  ces  divers  fragments  do  la  chaîne  du  littoral,  le  plus 

'  _'^oiix  est  celui  qui  se  profile  au  nord-est  de  Hio  de  Janeiro,  el  <iue  l'on 

^<jîne,  d'une  manière  un  peu  exagéaV,  comme  la  sorni  dus  Orgàos  ou 

•'    vhaîne  des  Orgues  »  d'après  la  forme  de  ses  escarpements  colum- 

**»i-i»s,  peut-être  aussi  à  cause  des  bandes  alternées  de  lichens  noii's  et 

**rit;s  que  présentent  les  pmis  de  rochers  suintant  l'humidilé.  Près  de 

^^«'«zopolis,  une  aiguille  isolée,  laissée  debout  par  l'érosion  des  roches 

^"**iiiinantes,  a  reçu  le  nom  de  «  Doigt  de  Dieu  »  :  en  forme  d'index,  elle 

\>oimç  ^.pj^  |p  pjgi    Iji  (.[jjjç  ]j,  pjyg  jjjiQip  d^.s  Orgues,  la  Pedra  Assù  ou 


RIVIÈRE  PARAHTBÂ.  305 

l'est  plus  qu'à  70  mètres  au-dessus  de  la  mer  :  il  en  sort  navigable  et 
ierpente  en  de  grasses  plaines  d'ailuvions  jusqu'à  la  zone  marécageuse 
le  son  delta.  Les  troubles  apportés  par  les  eaux  brunes  du  courant  se 
déposent  en  mer  par  une  saillie  de  forme  triangulaire  et  par  des  bancs 
âe  sable  très  étendus  qui  se  déplacent  fréquemment  pendant  les  inon- 
dations et  les  tempêtes;  seuls  les  caboteurs  de  2  mètres  peuvent  franchir 
la  barre.  On  discute  encore  sur  le  sens  du  mot  Parahyba.  La  couleur  de 


If  t7.  —  ummu.  «CE 

UminM  ito. 

-)6- 

0. 

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ses  eaux  ne  permet  pas  d'accepter  l'ctymologic  donnée  par  Milliet  : 
«  rivière  Claire  ».  Celle  de  Burton,  «  rivière  Mauvaise  »,  se  justifie  par 
les  arêtes  parallèles  de  rochers  qui  traversent  le  fleuve  et  par  les  bas- 
fonds  marécageux  qui  l'accompagnent.  D'après  Auguste  de  Saint-llilaire, 
le  cours  d'eau  a  reçu  ce  nom  des  forêts  de  paraibo  qui  croissent  sur  ses 
Ktrds'. 


■  Rio  Panhvba  do  Sut  : 

Longueur  du  cours 950  kilontèlres. 

Superficie  du  baïisin G4  000  kilomèlres  carrét. 

Lnnpieur  du  cours  navigable  ...  80  kilomùlm. 

Ib^bil  moTen  probable  par  i^econHc.  1  J30  mèlres  cube;. 


su  HODTKLLE  GËOGRAHriE 

levwsant  ext^eur  drs  chaînes  côtières  est  irop  élroit  puur  (|np  des 
rinères  «bonduites  en  descendent;  une  des  plus  longues,  le  Macneû,  qui  | 
se  déverse  an  oord-ouesl  duns  lu  Iwiie  de  Rio  de  Janeiro,  n'a  pas  même  une  ] 
centaine  de  kilomètres  :  simjile  coulée  ijui  se  pi-rd  dans  le  inngnilique^ 
bassin  auqnel  Gonçahes.  donna  le  nom  de  Rio  ou  «  Fleuve  >'.  eroyani  h^ 
l'existence  d'nn  courant  lluvial  di^ne  de  l'admiralde  enliiM?.  Mais  si  l^i 
irttoral  maiMjae  de  puissants  eours  d'eau,  les  nappes  stagnantes  cl  le^ 


M  MUMM  n  Utils  t1 


baies  à  demi  fermées  y  sont  nombreuses.  Au  sud  du  bas  Parabyba  une 
ancienne  baie  marine,  la  Lagda  Feia  ou  «  Laide  »,  maintenant  séparée 
de  la  mer  par  un  cordon  littoral,  s'étend  sur  une  superficie  moyenne 
d'environ  420  kilomètres  carrés  cl  se  relie  par  des  bayous  à  nombre 
d'autres  étants  parsemés  dans  les  terres  basses  :  au  nord,  elle  com- 
muniijue  pendant  la  période  des  crues  avec  le  Pai-ahjba;  à  l'est,  elle  se 
rattache  aux  marigots  en  chaîne  qui,  des  deux  côtés  du  cap  de  Sâo  Tbomé, 
bordent  le  littoral,  séparé  de  la  haute  mer  par  un  cordon  de  sable  que 
dépose  la  houle  et  que  les  tempêtes  modifient  fréquemment;  au  sud-ouest, 
un  canal,  ou  plutôt  un  large  fossé,  traversant  plusieurs  autres  lagunes. 


BAS  PARiHYBA,  CAP  FRIO.  SOS 

rte  au  Macahé  l'excédent  du  flot  que  les  gaves  des  montagnes  ont 
rs^  dans  la  Lagàa  Feia.  A  l'ouest  de  l'archipel  d'îles  et  de  promontoii'es 
nïnsulaires  que  termine  le  cap  Frio,  plusieurs  nappes  se  succèdent 
long  de  la  plage,  comprimées  entre  la  mer  et  la  base  des  montagnes, 
plus  grande  de  ces  lagunes,  celle  d'Araruama,  reste  en  communication 
ist^nle  avec  l'Océan  par  un  grau  qui  s'ouvre  au  nord  des  collines  du 
*     Wno,  laissant  pénétrer  la  mai'ce  librement;  mais  les  autres  étangs 


«>nt  fermés  et  les  riverains  doivent  les  ouvrir,  après  les  pluies  prolon- 
gées, en  pratiquant  des  coupures  dans  les  flèches  du  littoral.  Il  serait 
acile  d'exploiter  ces  étangs  en  salines,  et  en  eflct  on  les  a  fréquemment 
ïtilisés,  même  sous  le  régime  portugais,  quoique  des  ordonnances  royales 
le  1690  et  1691  eussent  interdit  d'en  extraire  du  sel  et  de  faire  concur- 
rence aux  sauniers  du  Sclubal. 

La  baie  merveilleuse  qui  a  donné  son  nom  portugais  à  la  cité  principale 
du  Brésil,  Rio  de  Janeiro,  ou  «  fleuve  de  Janvier  »,  et  qui  jadis  était  bien 
mieux   nommée  par  ses  riverains  Tupi,  Nictherôy,  «  E^u  cachée  »,  ou 


306  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Guanabara,  mot  dont  Tétymologie  est  incertaine  ^  appartient  par  son 
extrémité  septentrionale  au  type  des  étangs  riverains  :  c'est  à  la  fois  un 
golfe  et  une  lagune.  A  Tentrée  elle  ressemble  à  un  détroit.  Les  roches  gra- 
nitiques se  rapprochent,  ne  laissant  entre  elles  qu'une  passe  de  1500  mè- 
tres avec  30  mètres  d'eau  sur  le  seuil.  Puis  les  deux  côtes  opposées,  à  l'est 
et  à  l'ouest,  se  creusent  de  baies  en  hémicycle,  dont  les  promontoires 
intermédiaires  se  prolongent  par  des  îles  et  des  îlots.  Par  delà  le  dédale 
de  ces  terres  rocheuses  et  verdoyantes,  s'arrondit  le  vaste  lac  intérieur, 
bordé  de  rives  indécises  que  couvre  et  découvre  le  flot  rythmé  des  marées. 
Sauf  dans  le  chenal  d'entrée,  le  cercle  de  collines  et  de  montagnes  semble 
se  développer  autour  de  la  baie  et  de  son  labyrinthe  d'îles  :  on  se  croirait 
perdu  au  milieu  du  continent  si  les  voiles,  points  blancs  sur  les  eaux 
bleues,  ne  rappelaient  la  mer.  Des  milliers  d'embarcations  reposent  à 
l'ancre  ou  cinglent  dans  la  baie,  et  pourtant  il  y  reste  de  vastes  espaces 
presque  déserts.  Avec  ses  trois  cents  îles,  la  nappe  d'eau  recouvre  une 
superficie  de  429  kilomètres  carrés,  dont  plus  du  tiers  avec  une  pro- 
fondeur suffisante  pour  les  plus  forts  vaisseaux;  l'endroit  le  plus  creux 
se  trouve  à  l'est  des  hauteurs  qui  portent  la  ville  et  dont  les  escarpe- 
ments plongent  dans  la  baie  de  Rio.  La  côte,  profondément  découpée,  pré- 
sente une  succession  de  criques  ramiOées  ofl^rant  aux  flottes  une  surface 
de  mouillage  illimitée  et  s'ouvrant  vers  la  mer  par  de  très  larges  portes. 
Cependant  certaines  parties  de  la  baie  s'envasent  peu  à  peu  et  d'anciens 
lieux  d'ancrage  ont  dû  être  abandonnés  par  les  navires. 

En  dehors  du  rivage  intérieur  formé  par  le  golfe,  le  littoral  régulier  est 
indiqué  à  l'ouest  du  massif  de  Rio  par  une  flèche  de  sable,  la  rextinga  de 
Marambaia,  se  déployant  en  une  plage  presque  rectiligne  entre  un  pro- 
montoire et  un  îlot.  Plus  loin,  le  cône  de  l'ilha  Grande,  haut  d'un  millier 
de  mètres,  se  profile  sur  le  même  alignement,  projetant  ses  pointes  dans 
la  direction  d'un  musoir  péninsulaire,  encore  plus  élevé,  qui  sépare  d 
la  haute  mer  le  golfe  de  Paraty.  Au  devant  de  ces  îles  et  presqu'îles  la- 
mer  reste  profonde. 


Montagne,  vallée,  littoral,  la  région  ofl^re  dans  un  espace  restreint  des 
zones  parallèles  se  distinguant  par  leur  climat;  les  deux  orientations  de 
la  côte,  l'une  du  nord  au  sud,  l'autre  de  l'est  à  l'ouest,  ajoutent  le  régime 
des  brises  alternantes  au  contraste  dans  les  variations  de  la  température; 


*  Emile  AUain»  Rio  de  Janeiro, 


LITTORAL,  BAIE  DE  RIO.  307 

rhumidité  relative  est  toujours  très  élevée*,  et  les  valeurs  extrêmes  s'en 
écartent  peu  pendant  Tannée  entière.  Elle  est  plus  forte  pendant  les  mois 
d*été  et  c'est  aussi  dans  la  même  saison  que  se  produisent  la  plupart  des 
orages,  amenés  généralement  par  les  vents  de  l'ouest  et  du  nord-nord- 
ouest.  La  direction  la  plus  commune  des  vents  est  celle  de  l'alizé  méri- 
dional, qui  souffle  en  moyenne  du  sud-sud-est.  Rio  de  Janeiro  ne  subit 
pas  de  grandes  perturbations  atmosphériques  :  les  oscillations  du  baro- 
mètre y  sont  en  général  peu  prononcées,  n'excédant  pas  5  à  10  millimètres 
dans   l'intervalle  de  quelques  heures.   Les  baisses,  si  minimes  qu'elles 
soient,  sont  l'indice  ordinaire  des  pampeiroSy  les  forts  vents  du  sud-ouest 
quiy  sous  le  nom  espagnol  de  pamperos^  traversent  les  plaines  de  la  Plala. 
Pris  dans   son  ensemble,  l'État  de  Rio  de  Janeiro,  avec  le  «  municipe 
neutre  »  qu'il  enclave,  n'est  pas  une  des  contrées  salubres  du  Rrésil  ;  de 
nombreux  marécages  et  les  bords  vaseux  des  ruisseaux  dans  la  partie 
^voisine  du  littoral  sont  dangereux  en  toute  saison,  surtout  pour  les  étran- 
gers; les  fièvres  endémiques  en  défendent  les  abords  et  pendant  les  années 
cS'épidémie  la  fièvre  jaune  interdit  le  séjour  aux  blancs.  Mais  les  pentes 
dles  montagnes,  les  sommets  bien  exposés  aux  vents  du  *•  large,  oflrent  des 
sanatoires  où  l'Européen  recouvre  la  vigueur  et  la  santé,  amoindries  ou 
|)erdues  dans  les  plaines  inférieures'.  On  dit  que  le  climat  de  Rio  s'est 
modiûé  depuis  la  destruction  des  grandes  forêts  :  les  pluies  et  les  orages 
auraient  beaucoup  moins  de  régularité  qu'autrefois. 

La  flore,  la  faune  de  la  contrée,  analogues  à  celles  de  l'État  voisin,  Espi- 
rito  Santo,  ont  été  déjà  très  fortement  modifiées  autour  de  la  capitale  et 
dans  les  districts  environnants  :  la  forêt  vierge  ne  s'est  maintenue  que 
dans  les  endroits  malsains  de  la  plaine  ou  sur  les  escarpements  peu 
accessibles.  Quant  aux  animaux  sauvages,  la  plupart  des  grandes  espèces 
ont  disparu  :  on  ne  voit  plus  de  tapirs,  et  rarement  le  chasseur  rencontre 
un  jaguar  dans  les  gorges  les  plus  écartées  de  la  serra;  les  troupeaux  de 
pécaris  et  autres  porcos  do  matto  ne  sont  plus  représentés  que  par  des 
bandes  de  fuyards  bien  éclaircies;  même  les  espèces  d'oiseaux  ont  diminué 
en  nombre;  maison  compte  toujours  800  espèces  de  papillons,  plus  de 
2000  formes  d'insectes  dans  un  cercle  étroit  autour  de  la  baie'. 

I  Moyenne  de  rhumidité  relative  à  Rio  de  Janeiro,  de  1881  à  1890  :  78,40  pour  100  (L.  Cnils 
0  Clima  do  Rio  de  Janeiro). 
*  Conditions  météorologiques  de  Rio  : 

Années  Températures  Jours       Hauteur 

d'olis.      Latitude.    Altitude,    maxim.    moyeime.    miDim.    Écart,    de  pluie,    de  pluie. 


s 


Rio ...   .        40      2'2«,54'    66  met.    ,W       22«,92     10o,2    28»,8     127       1-,091 
Ueusser  und  Claraz,  Petermann's  Mittheilungen,  1860,  llcft  VII 


308  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Le  monde  de  l'homine  présente  le  même  phénomène  que  celui  des 
plantes  et  des  animaux.  Il  n'existe  plus  d'aborigènes  dans  les  limites  de 
l'État  et  l'on  ne  reconnaît  même  pas  les  métis  ou  descendants  de  métis 
qui  perpétuent  l'ancienne  race  native  des  Tamoyos,  «  Tamoï  ou  Aïam  », 
amis  des  premiers  colons  français  ou  «  Maïr  ».  Comme  tels,  ils  étaient 
ennemis  des  Portugais,  uniformément  connus  par  les  populations  indiennes 
du  Brésil  sous  le  nom  de  «  Perô*  ».  Ceux-ci  cherchèrent  pour  alliés,  dans 
l'Espirito  Santo,  les  Indiens  Mbarancaya  ou  les  «  Chats  »,  et  grâce  à  cetle 
alliance  parvinrent  à  triompher  des  Français  et  des  aborigènes  riverains 
de  la  baie.  La  plupart  des  Tamoyos  furent  exterminés,  les  autres  s'en- 
fuirent, et,  d'après  la  légende,  ce  seraient  les  fugitifs  qui,  sous  le  nom  de 
Jupinamba  ou  de  Tupinambaranas,  «  premiers  Maîtres  du  Pays»,  auraient 
fini,  après  une  longue  migration,  par  s'établir  dans  la  gi-ande  île  de  ce 
nom,  en  aval  de  la  bouche  du  Madeira.  Les  chasseurs  paulistes,  courant 
h  la  poursuite  du  gibier  humain,  pour  alimenter  d'esclaves  les  mines  et 
les  plantations,  contribuèrent  aussi  a  la  destruction  de  la  race  des  Tamoyos. 
Ces  Indiens,  que  connurent  les  premiers  voyageurs  européens,  étaient 
des  Tupi  de  race  pure;  ils  parlaient  cette  langue  «  générale  »  qui  est 
l'idiome  commun  à  la  plupart  des  aborigènes  de  l'Amazone  à  la  Plata,  et 
le  vocabulaire  recueilli  par  Jean  de  Léry  coïncide  presque  avec  les  mots 
de  la  langue  oyampi,  usitée  maintenant  dans  la  Guyane  française*. 

Les  premiers  voyageurs  européens,  Hans  Staden,  Jean  de  Léry,  Magalhanes 
de  Gandavo,  s'accordent  en  décrivant  les  mœurs  des  Tupi  du  littoral,  et 
leurs  récits  coïncident  presque  avec  ceux  que  font  Yves  d'Évreux  et  Claude 
d'Abbeville  des  Indiens  du  Maranhâo,  appartenant  au  même  groupe  de 
nations.  Ces  Indiens  se  peignaient  le  corps  en  rouge  avec  le  roucou,  en 
noir  avec  le  génipa  et,  bien  plus  que  ne  le  faisaient  naguère  les  Bolocudos, 
se  défiguraient  par  l'introduction  d'objets  étrangers  dans  la  peau  du 
visage.  Ils  perçaient  la  lèvre  inférieure  des  enfants,  agrandissant  peu  à 
peu  l'ouverture,  de  manière  a  y  passer  une  pierre  ou  un  disque  de  bois; 
ils  se  trouaient  aussi  les  joues  pour  y  insérer  des  morceaux  de  cristal, 
et  mettaient  leur  vanité  à  se  recouvrir  la  figure  de  protubérances  artifi- 
cielles, à  se  coller  des  épines  et  des  plumes  sur  le  corps;  mais  presque 
tous  étaient  sains  et  vigoureux  :  «  il  n'y  a  presque  point  de  boiteux, 
borgnes,  contrefaits  ni  maléficiés  entre  eux.  »  Ils  habitaient  de  grandes 
cabanes  ayant  jusqu'à  50  mètres  de  longueur,  avec  autant  de  foyers  qu'il 


*  Candûlo  Mendes  de  Almcida,  Revista  do  InstHido  HistoricOy  1878. 

*  lîonri  Coudroau,  la  France  tiquinoxiale ;  — fsoles  manuscrites. 


ANCIENS  HABITANTS  DU  LITTORAL.  309 

21  avait  de  ménages  séparés.  A  chacun  son  hamac,  le  long  du  corridor 

commun  :  le  vaste  dortoir  ressemblait  à   l'entrepont  d'une  galère.  Ils 

vivaient  en  paix  :  Tami  de  l'un  était  l'ami  de  tous,  et  celui  qui  avait  de 

quoi  manger,  si  peu  que  ce  fût,  partageait  avec  ceux  qui  l'entouraient*. 

Le  mariage  était  strictement  endogame  et  les  Tamoyos  épousaient  de 

droit  leurs  nièces,  filles  de  frères  ou  de  sœurs.  D'après  Gandavo,  quelques 

/emmes,  dédaignant  les  occupations  de  leur  sexe,  s'habillaient,  s'ornaient 

comme  les  hommes,  portaient  l'arc  et  les  flèches  pour  chasser  avec  eux 

de     compagnie;  chacune  prenait  à  son  service  une  autre  Indienne,  qu'elle 

dis£iit  sa  femme.  Lorsqu'un  étranger  se  présentait  dans  un  village,  les 

jewMMiGs  filles  se  précipitaient  au-devant  de  lui,  échevelées  et  pleurantes, 

faisant  mine  de  s'apitoyer  sur  les  fatigues  et  les  soufl*rances  qu'il  avait 

sul3Î^s  dans  son  voyage.  Les  épreuves  d'endurance  étîiient  fort  en  honneur 

ch^z     les  Tupinamba.  Le  chef,  passant  dans  les  cabanes,  faisait  aux  gar- 

çoï^s    des  entailles  à  la  jambe  avec  une  dent  de  poisson  très  aiguë,  afin 

^^*il s  apprissent  à  soufi*rir  sans  se  plaindre  et  à  mériter  le  nom  d'hommes 

et    d^  guerriers.  Pendant  les  batailles,  les  combattants  s'insultaient  et  se 

^"^^^  îeînt  de  camp  à  camp  des  malédictions  :  «  Que  tous  les  malheurs  fon- 

^^'^t.     sur  toi!  Aujourd'hui  je  te  mangerai!  »  Et  le  vainqueur  mangeait  en 

^**^t.     la  chair  du  vaincu.  Telle  était  la  gloire  attachée  à  cet  exploit,  qu'à 

P^ï*t,ii'  de  ce  jour-là  l'Indien  changeait  de  nom  et  en  donnait  un  autre  a 

^^    femme,  d'oiseau,  de  poisson,  de  fleur  ou  de  fruit*. 

Les  Ouateca  ou  Goytacazes,  les  «  Coureurs  »,  dont  le  nom  s'applique 

^ï^oore  aux  régions  basses,  «  Campos  dos  Goytacazes  »,  que  parcourt  le 

*^^T"îiliyba  à  la  sortie  des  montagnes,  n'appartenaient  point  à  la  race  tupi 

^^    vivaient  à  part;  c'étaient  des  Tapuyas,  frères  des  Aimores',  et  consti- 

*^^unt  une  sorte  d'enclave  au  milieu  des  populations  d'origine  difl'érente. 

*^^ritîmis  de  tous  leurs  voisins  et  même  se  disputant  entre  eux,  les  Oua- 

^^oa  ,  vrais  «  diablotins  »  dit  Jean  de  Léry,  étaient  les  plus  sauvages  de 

^^Us     les  Indiens  du   littoral  et  la  frayeur  qu'ils   inspiraient  les  ftûsail 

^Pp^raître  d'une  taille  gigantesque  et  d'une  force  extraordinaire.  Habitant 

^'^  I^sys  tout  autre  que  celui  des  autres  Indiens,  ils  contrastaient  aussi  avec 

^^^     par  les  habitudes.  Au  milieu  de  leurs  plaines  rases,  ils  combattaient  à 

^^Oxivert;  les  lacs,  les  étangs,  les  rivières  en  avaient  fait  des  êtres  h  demi 

"^F^liibies,  se  jetant  à  l'eau  et  plongeant  comme  des  loutres;  leurs  huttes, 

P^i^ci  liées  sur   un  pieu  au-dessus  de  la   terre  fangeuse,  ressemblaient  à 

^agalhanes  de  Gandavo,  Histoire  de  la  province  de  Santa-Cruz,  collection  Henri  Ternaux. 
Hans  Staden  :  Description  d'un  pays  habité  par  des  hommes  sauvages,  collection  Ternaux. 
Gandavo,  ouvrage  cité. 


510  NOUVELLE  GËOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

certains  colombiers;  pour  les  pointes  de  leurs  armes,  ils  employaient  les 
dents  aiguës  du  requin.  Près  de  leurs  campements,  ils  amoncelaient  en 
ilôts  les  ossements  des  ennemis  vaincus.  Pendant  près  d'un  siècle  ils 
résistèrent  à  toutes  les  attaques  des  Portugais;  mais,  en  1630,  ils  durent 
enfin  céder.  Plusieurs  périrent  dans  la  lutte,  d'autres  se  laissèrent  parquer 
dans  une  colonie  agricole,  et  les  plus  heureux  s'enfuirent  dans  les  forêts, 
sur  les  confins  de  Minas  Gcraes.  Quittant  les  libres  savanes  pour  les 
fourrés  épais,  ils  coupèrent  leurs  longues  chevelures  et  se  rasèrent  au 
sommet  de  la  tête;  d'où  le  nom  de  Coroados  ou  «  Couronnés  »  que  leur 
donnèrent  les  Portugais  conime  à  tant  d*autres  tribus  indiennes  qui  se 
coiffent  de  la  même  manière*. 

Si  l'élément  aborigène,  très  mélangé,  ne  se  retrouve  maintenant  qu'en 
de  rares  endroits  du  littoral  et  des  forêts  dans  la  population  de  l'État  et  du 
district  où  s'est  bâtie  la  capitale,  l'Ancien  Monde  s'y  voit  représenté  par 
des  Africains  et  les  émigrants  de  toutes  les  contrées  européennes.  En 
aucune  partie  du  Brésil  la  race  n'est  plus  cosmopolite  dans  ses  origines, 
et  le  grand  mouvement  d'affaires  que  la  capitale  entretient  avec  les  pays 
d'outre-mer  lui  donne  dans  l'ensemble  de  la  République  un  caractère 
presque  étranger;  en  outre,  quelques  colonies  fondées  à  l'intérieur  par 
des  immigrants  venus  d'Allemagne  et  de  Suisse  ont  encore  un  reste  de 
leur  physionomie  européenne. 


Telle  est  l'importance  de  la  cité  prépondérante  en  comparaison  des 
autres  agglomérations  du  district  cl  de  l'État,  que  c«lles-ci  peuvent  être 
considérées  comme  de  simples  dépendances  de  Rio,  à  l'exception  des 
villes  qui  se  succèdent  dans  le  fond  de  la  vallée  du  Parahyba  et  qu'un 
rempart  de  hautes  montagnes  sépare  de  la  baie.  Lieux  de  marchés  locaux 
pour  l'approvisionnement  des  caféteries  environnantes,  elles  doivent  leur 
prospérité  à  la  récolte  brésilienne  par  excellence  :  chaque  hausse,  chaque 
baisse  du  café,  se  révèle  aussitôt  dans  leur  aspect.  Elles  se  succèdent  nom- 
breuses le  long  du  fleuve  :  Rezende,  que  commandent  les  massifs  les  plus 
élevés  de  la  Mantiqueira;  Barra  Mansa,  où  les  rapides  sont  assez  faciles 
h  franchir,  ainsi  que  l'indique  le  nom  même  de  la  localité;  Barra  do 
Pirahy,  h  la  bouche  de  la  rivière  du  même  nom;  Parahyba  do  Sul,  dési- 
gnée d'après  le  fleuve  qui  en  lave  la  berge;  Entrerios,  au  confluent  du 


»  Anchieta;  —  Max.  de  Wicd-Neuwiod,  ouvrage  cité;  —  Auguste  de  Saint-llilairc,  Voyage  dan* 
le  district  des  Diamants. 


HABITANTS  b[]  LITTORAL,  VILLES  DU  PARAHYBA.  311 

Parahyba  et  du  Parahybuna.  Barra  do  Pirahy  et  Entrerios  ont  pris  une 

importance  exceptionnelle  comme  points  de  diramation  des  voies  ferrées  ; 

Barra  do  Pirahy  est  même  une  sorte  de  faubourg  avancé  de  Rio  sur  les 

deux  routes  de  S3o  Paulo  et  des  Minas,  et  possède  les  principaux  ateliers 

cie  la  voie  :  on  y  internait  jadis  les  immigrants  étrangers,  pour  les  sous- 

t.x*aire  aux  atteintes  de  la  ûèvre  jaune. 

D'autres  villes  et  bourgades,  telles  que  Rio  Claro,  Vassouras,  Valença, 
ntagallo,  sans  ôtre  situées  dans  la  vallée  proprement  dite,  font  partie 
€  la  même  zone  agricole  et  n'ont  qu'une  importance  locale,  tandis  que 
etropolis,  Therezopolis  et  Nova  Friburgo,  quoique  situées  sur  le  versant 
u  Parahyba,  appartiennent  à  Rio  de  Janeiro,  faubourgs  avancés  et  sana- 
boires  dans  l'air  pur  des  montagnes.  D'ailleurs,  les  sites  occupés  ne  sont 
jpas  toujours  ceux  où  des  agglomérations  urbaines  seraient  nées  spontané- 
snent.  La  vallée  jadis  si  féconde  du  Parahyba,  qui  pourrait  alimenter  une 
population  considérable  de  petits  cultivateurs,  a  été  accaparée  par  quelques 
grands  propriétaires,  planteurs  de  cannes  et  de  cafiers,  qui  ont  désigné 
l'emplacement  des  marchés  et  dicté  aux  ingénieurs  la  direction  des  routes 
et  chemins  de  fer'.  Chose  plus  grave,  leur  mode  de  culture  a  détérioré 
la  terre,  et  dans  cette  vallée  du  Parahyba  que,  par  une  ironie  involontaire, 
les  Mineiros  continuent  d'appeler  la  Matla  ou  la  «  Forêt  »,  presque  tous 
les  bois  sont  abattus  et  les  collines  chauves  s'élèvent  au-dessus  des  maigres 
campagnes'.  Sao  Fidelis  garde  la  sortie  des  gorges  au-dessous  du  confluent 
des  Dous  Rios.  Ce  fut  autrefois  un  village  peuplé  d'Indiens,  Coroados  et 
Puri.  Ceux-ci,  dont  le  nom,  donné  par  leurs  voisins,  avait  le  sens  de 
<<  Brigands  »,  existaient  encore  en  tribus  au  commencement  du  siècle  ;  ils 
étonnaient  par  la  petitesse  de  leur  taille  et  leur  physionomie  mongole'. 

La  cité  de  Campos,  qui  borde  la  rive  méridionale  du  Parahyba,  à  une 
Soixantaine  de  kilomètres  de  l'Océan,  dans  le  pays  des  anciens  Ouataca 
ou  Guaytacazes,  ne  doit  point  son  existence  au  caprice  :  aussi  a-t-elle 
pris  un  développement  rapide.  Située  dans  une  plaine  d'une  extrême 
fécondité,  à  la  tête  de  la  navigation  fluviale  et  en  aval  de  tous  les  affluents, 
non  loin  d'un  promontoire,  le  cabo  Sao  Thomé,  qui  est  l'une  des  saillies 
majeures  de  la  côte  brésilienne,  Campos  occupe  un  lieu  indiqué  pour  la 
naissance  d'une  grande  ville;  là  s'élevèrent  les  entrepôts  pour  l'appro- 
visionnement de  la  vallée  et  pour  la  réception  des  denrées,  puis  les 
planteurs  y  construisirent  leurs  palais,  les  ingénieurs  y  flrent  converger  les 

>  James  Wells,  Three  Thotuand  miles  through  Brazil. 
*  Americo  Werneck,  Prohlemas  Fluminenses» 
s  Jfnximilien  de  WicJ-Ncu^ied,  ouvrage  cité. 


313  NOUVELLE  GfiOGRiPHIE  UNIVERSELLE. 

roules  et  les  chemins  de  fer,  et  jelèrenl  un  beau  ^-iaduc  sur  le  fleuve, 
rcmpltiçant  l'ancienne  barca-pendula.  L'industrie  locale,  celle  du  sucre, 
est  ccnlrdliscc  en  quelques  puissantes  usines  ou  engenkm^  appartenant 
les  unes  à  des  particuliers,  les  autres  Ji  des  compagnies  subventionnées 
par  l'Etat,  et  broyant  par  année  cinquante  ou  soixante  mille  tonnes  de 
cannes.  La  plus  importante,  celle  de  Quissaman,  possède  une  vaste  étendue 


de  terres  au  sud  de  la  Ln^'ôa  Foia.  Pour  son  commerce  eitérieur,  Campos 
ne  dispose  que  de  mauvais  ports  :  Sào  Jôno  da  Barra,  située  près  de  la 
liuuclie  du  rio  Panihyl»),  cl  beaucoup  plus  au  sud  Imbetîba,  fauboui^ 
de  Macnhé,  ville  qui  gai'de  l'cmboucliure  de  la  rivière  de  m4me  nom  et 
qui  communique  avec  Campos  par  une  série  de  luiyous  et  de  lagunes  for- 
mant un  canal  continu  de  !)0  kilomètres'.  Un  village  indien  existait  déjà 
en  cet  endroit  au  milieu  du  seizième  siècle,  et  Jean  de  Léry  parle  d'un 
rocher  inaccessible  qui  s'élevait  comme  une  tour  sur   la  côte  voisine, 


Eiporlalioi 


iiiiiii:i-<'ial  .!<'  Mnralic  en  1K02  :  'JOO  000  lonncs. 

I  sucri'  dt!  Campos  un  ISO^  :  ISO  075  sacs  ou  10  858  lonnns 


MâGAHË,  GABO  FRIO,  RIO.  315 

répandant  aux  rayons  du  soleil  un  tel  éclat,  qu'on  pouvait  le  prendre  pour 
une  émeraude*.  Quel  était  ce  rocher?  Peut-être  la  superbe  montagne 
dite  le  Frade  de  Macahé,  qui  pyramide  à  Touest  sur  un  massif  de  la  serra 
do  Mar. 

Cabo  Frio,  le  promontoire  insulaire  oii  se  fait  brusquement,  à  100  kilo- 
mètres à  Test  de  la  capitale,  la  saute  d'orientation  dans  les  allures  du 
rivage  maritime,  a  donné  son  appellation  à  une  ville  située  au  bord 
l*une  profonde  crique,  à  l'issue  du  grau  d'Itamarica.  De  même  que  les 
mutres  ports  de  Serra  Abaixo  ou  du  «  Piémont  »  brésilien,  Cabo  Frio 
iîxporte  du  sucre,  de  la  mélasse,  des  eaux-de-vie  de  canne;  elle  expédie 
sussi  d'autres  denrées,  notamment  des  vivres  pour  la  consommation  jour- 
nalière de  Rîb;  en  outre,  elle  est  devenue  un  centre  industriel  pour  la 
Fabrication  de  l'huile  de  ricin,  pour  la  préparation  des  conserves  de  cre- 
vettes, de  homards,  de  sardines  et  la  pulvérisation  des  coquillages  trans- 
formés en  une  chaux  qu'apprécient  fort  les  architectes  de  la  capitale. 
3lême  après  que  les  Français  eurent  été  expulsés  de  la  baie  de  Rio  de 
Janeiro,  le  district  écarté  du  Cabo  Frio  continua  d'être  visité  par  eux  : 
grâce  à  leurs  amis  les  Tamoyos,  ils  venaient  y  charger  du  bois  de  brésil  et 
autres  produits  du  pays.  Philippe  II  ordonna  la  construction  de  la  ville  en 
1575  pour  empêcher  cette  «  contrebande  ». 


Deux  cités,  qui  se  font  face  à  l'entrée  de  la  baie  de  Rio,  sont  l'une  et 
l'autre  désignées  d'après  cette  admirable  nappe  d'eau  :  à  l'est  Nictheroy', 
le  chef-lieu  actuel  de  l'État,  à  l'ouest  Rio  de  Janeiro,  la  métropole  de  la 
République;  l'une  porte  le  nom  indien,  l'autre  l'appellation  portugaise, 
mais  les  deux,  malgré  les  différences  du  régime  administratif  et  politique, 
constituent  un  même  organisme  urbain,  vivant  de  la  même  vie.  C'est  au 
bord  de  la  rive  occidentale,  à  la  base  des  montagnes  qui  dressent  à  l'ouest 
de  la  baie  leurs  pyramides  émoussées,  que  bat  le  cœur  de  la  cité  jumelle. 
L'aspect  de  Rio  de  Janeiro  est  saisissant.  Quand  on  approche  de  la  baie 
après  avoir  doublé  le  formidable  rocher  du  cap  Frio,  on  voit  se  succéder 
les  îlots  de  granit,  presque  tous  de  forme  ronde  ou  ovalaire,  coupés  de 
falaises  sur  le  pourtour,  recouverts  d'un  gazon  court  avec  quelques  bou- 
quets de  cocotiers  dans  les  creux  abrités.  Sur  la  côte,  un  pic  superbe 
frappe  la  Mie  :  c'est  le  morne  d'Itaipû,  appelé  aussi  Pico  de  Fora  on  a  V\c 


*  Jean  de  Léry,  Histoire  d'un  Voyage  fait  en  la  terre  du  Brésil. 

•  Nitherohy,  Nitheroy  :  c*est  riteronnc  de  Hans  Stadon. 


Si«  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

du  Dehors  »,  parce  qu'il  se  trouve  à  Torient  de  la  baie;  du  côté  de  la  mer, 
la  paroi  s'incline  d'une  pente  égale  comme  si  toute  la  face  de  la  mon- 
tagne s'était  écroulée  en  bloc,  du  sommet  de  l'aiguille  aux  brisants  du 
littoral,  et  des  îlots,  le  Pai,  le  Mai,  le  Henino,  se  groupent  en  «  petite 
famille  »  à  ses  pieds.  Hais  bientôt  on  a  dépassé  ce  colosse,  et  de  l'autre 
côté  de  la  dépression  qui  marque  l'entrée  du  port,  les  sommets  des  mon- 
tagnes de  Rio  se  redressent  graduellement.  Ce  massif,  limité  à  l'ouest  par 
la  baie  de  Harambaia,  est  un  monde  de  croupes,  de  pitons  et  d'aiguilles. 
De  loin,  on  cherche  à  identifier  les  diverses  montagnes  que  signale  la 
carte,  Gàvia,  Tijuca,  Gorcovado  :  on  en  reconnaît  les  terrasses,  les  saillies, 
les  précipices  ;  mais  à  ces  traits  remarquables  s'en  joignent  tant  d'autres, 
l'ensemble  présente  une  si  prodigieuse  variété  de  crêtes,  d^  pitons  et  de 
cimes,  que  les  formes  individuelles  se  perdent  dans  le  chaos  des  roches. 
Par  un  beau  temps,  lorsqu'une  lumière  abondante  contrastée  par  les 
ombres  éclaire  diversement,  mais  par  nuances  fondues,  les  escarpements 
de  roches,  les  gazons,  les  forêts,  et  que  les  plans  successifs  azurés -par 
Féloignement  se  projettent  sur  l'horizon  bleu  des  montagnes  de  l'inté- 
rieur, sur  la  serra  da  Estrella  et  les  obélisques  alignés  de  la  chaîne  des 
Orgues,  le  massif  de  Rio  offre  un  tableau  gracieux  par  le  charme  du 
coloris  et  l'inGnie  diversité  des  aspects  changeants.  Mais  quand  un  ciel 
bas  et  gris  isole  le  groupe  des  monts  avancés  et  que  les  strates  de  nuages* 
ou  les  stries  d'averses  cachent  ou  montrent  tour  à  tour  les  pyramides 
aiguës,  les  murailles  à  pic,  les  ravins  sombres,  le  paysage  prend  une 
apparence  polaire  :  on  croirait  approcher  d'une  île  de  Désolation,  comme 
dans  les  archipels  groenlandais  ou  dans  la  Terre  de  Feu,  et  l'on  se 
demande  avec  étonnement  comment  les  hommes  ont  pu  fonder  en  pareil 
lieu  une  grande  cité,  pourtant  Tune  des  plus  charmantes  de  l'univers. 

On  dépasse  Tilha  de  Cotuntuba,  dernière  roche  insulaire,  et  la  masse 
puissante  du  Pîo  d'Assucar  se  dresse  à  l'ouest,  dominant  l'entrée.  Déjà 
depuis  longtemps  on  en  discernait  la  pointe  grandissante  et  les  marins  la 
signalaient  de  loin  comme  le  pied  du  «  géant  couché  »  que  représente  le 
profil  vaguement  bourbonien  des  montagnes  de  Rio.  La  pyramide  grani- 
ti(jue  du  Pao  d'Assucar,  le  «  Pot  de  Beurre  »  des  premiers  navigateurs 
français,  rappelle  seulement  du  coté  de  Test  la  forme  «  pain  de  sucre  » 
que  lui  attribue  son  nom  vulgaire  :  au  sud,  il  ressemble  plutôt,  avec  les 
croupes  qui  le  prolongent  et  les  renflements  de  sa  base,  à  un  lion  ou  à 
un  sphinx  cambrant  ses  reins  et  posant  ses  pattes  énormes  au  bord  de  la 
mer.  Autrefois  les  gravisseurs  se  hasardaient  rarement  à  tenter  la  montée 
du  formidable  monolithe,  haut  de  585  mètres;  maintenant  des  barres 


RIO  ET  SA  BAIE.  317 

d'appui  scellées  dans  la  roche  en  rendent  Tescalade  facile.  Une  péninsule, 
yui  se  détache  de  la  base  du  PSo  d'Assucar,  porte  le  fort  de  Sâo  Joâo,  qui 
^  f>o\irsuit  en  mer  par  un  îlot  rocheux,  Lage  ou  la  «  Pierre  »,  occupé  par 
wn    outre  fortin.  L'entrée  de  1500  mètres  se  trouve  ainsi  décomposée  en 
deLi3c    passes,  celle  de  l'ouest,  peu  utilisée  par  les  embarcations,  celle  de 
1  est,     chenal  de  900  mètres  en  largeur,  dans  laquelle  pénètrent  facilement 
les      navires.  La  presqu'île  orientale,  Santa  Cruz,  longue  terrasse  plate 
don.t     les  murs  extérieurs,  percés   d'embrasures,  se   confondent  avec  la 
rocl^cî,  a  été  transformée  en  forteresse  :  c'est  le  principal  ouvrage  défen- 
sif      de  Rio.  Un  fort  et  diverses  batteries,  s'alignant  sur  l'étroite  aréle  du 
«  F^îci   »  auquel  s'appuie  la  plate-forme  de  Santa  Cruz,  complètent  les 
for* t,îfîca tiens  du  côté  du  large.  Puis,  dans  l'intérieur  de  la  baie,  d'autres 
l>at.  taries  arment  les  promontoires  des  deux  rives,  tandis  qu'en  avant  de  la 
vill^     proprement  dite  l'îlot  allongé  de  Villegagnon,  également   fortifié, 
^■^t:     fie  caserne  aux  soldats  de  marine  et  de  poste  avancé  a  l'arsenal, 
sit^_aé    à  un  kilomètre  environ  sur  la  pointe  de  terre  ferme  la  plus  rappro- 
cha^ ^    C'est  au  nord  de  Villegagnon  que  les  paquebots  jettent  l'ancre, 
en  t:c>  virés  aussitôt  par  une  flottille  de  petits  vapeurs. 

^^illegagnon,  qui  se  nommait  jadis  Serigipe  ou  Sergipe,  comme  un  des 

^'^^t.s  de  l'Union,  fut  le  point  initial  de  la  cité.  C'est  là  que  l'aventurier 

"^&Xienot  fonda  en  1555  le  chef-lieu  de  la  «  France  antarctique  »,  défendu 

P^*^      le  fort  Coligny  et  destiné  à  devenir  un  jour  la  ville  principale  de 

•^^^^rnense  Brésil,  Quelques  années  plus  tard,  le  Portugais  Estacio  de  Sa 

^^^l^lit  ses  troupes  victorieuses  en  terre  ferme,  près  du  Pao  do  Assucar; 

•P^^^Ei^  sa  mort,   on  transféra  ce   poste  militaire  sur  le   promontoire   dit 

^-^^^«^0  do  Caslello,  et  dans  la  conque  ouverte  à  sa  base  septentrionale  se 

^    ^^^^pèrent  les  premières  maisons   de  Sao  Sebastiao  do  Rio  de  Janeiro, 

'  '_  I^^^lé  aussi  dans  quelques  documents  Sebastianopolis.  Pour  les  Brésiliens, 

^^  -»►     et  officiellement  a  Capital  Fédéral,  sont  les  noms  le  plus  fréquem- 

*^  *^^  t  employés.  Le  noyau  de  la  cité,  qui  s'est  formé  par  degrés  au  der- 


^^^^    siècle  dans  l'hémicycle  ovalaire    limité  au  sud  par  les   morros  do 

^'^«Uo  et  de  Santo  Antonio,  au  nord  par  une  autre  arête  de  coteaux, 

^-^       Bento  et  Conceiç;ao,  occupe  de   Test  a   l'ouest   un  espace  d'environ 

*^ilomètres  carrés.  C'est  peu  pour  une  capitale,  mais  le  terrain  a  été 

^^"^^^  employé.  Étroites  sont  les  places  en  ce  quartier,  et  les  rues,  qui  pré- 


'^  t^  ent  dans  leur  ensemble   un  quadrillé  presque  régulier,  ne  laissent 

^^    ^  grand'peine  pénétrer  les  voitures;  cependant  la  plupart  ont  des  lignes 

^     'ï^ils.  Les  maisons,  mesquines  et  sans  aucun  style,  ne  reçoivent  que 

^^^ment  la  lumière  du  soleil  et  l'obscurité  règne  dans  les  profonds  ma- 


318  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

gasins.  Pourtant  une  de  ces  pauvres  avenues,  mal  pavée,  ouvrant  ses 
bouches  d*égout  au  milieu  de  la  chaussée,  la  rua  do  Ouvidor  ou  «  rue 
de  TAudiencier  »,  est  le  rendez-vous  par  excellence  des  marchands,  des 
promeneurs,  des  oisifs,  à  la  fois  Tarière  du  commerce  et  Tallée  de  la 
conversation.  A  certaines  heures  de  la  journée,  les  messieurs  élégants 
groupés  au  seuil  des  magasins  saluent  les  dames  qui  passent  :  on  se  croi- 
rait dans  une  ville  d'eaux  plutôt  que  dans  une  cité  d'affaires.  A  Textré- 
mité  de  la  rue,  sur  la  place  de  Sio  Francisco  de  Paulo,  les  beaux  équi- 
pages, alignés  en  une  double  rangée,  attendent  que  les  maîtres  aient  fini 
leur  tour  de  promenade. 

L'ancienne  SSo  Sebasli3o  dont  la  rue  do  Ouvidor  forme  Taxe,  quoiqu'elle 
n'occupe  pas  exactement  le  milieu  du  quartier,  ne  constitue  plus  qu'une 
partie  fort  minime  du  Rio  actuel.  La  ville  a  débordé  de  toutes  parts  au 
delà  de  l'enceinte  naturelle  marquée  par  les  collines  autour  de  la  SSo 
Sebasti3o  primitive.  Comme  un  fleuve  qui  monte,  elle  a  d'abord  rempli 
le  col  bas  ouvert  entre  le  morro  do  Castello  et  celui  de  Santo  Antonio, 
puis  elle  s'est  répandue  par  delà  cette  barrière  le  long  des  plages  et 
dans  les  vallées  tribulaires,  annexant  successivement  les  villages,  groupes 
d'habitations  rurales  et  villas  de  plaisance  qui  se  trouvaient  sur  son 
parcours. 

Graduellement,  les  collines  rapprochées  de  la  mer  ont  été  entourées 
comme  des  îles  par  la  marée  montante  des  maisons,  tandis  que  les  mornes 
plus  élevés  de  l'intérieur  s'avancent  comme  des  péninsules  dans  le  demi- 
cercle  des  faubourgs.  Les  rues  sinueuses  pénètrent  de  plus  en  plus  loin 
le  long  de  la  mer  et  dans  les  vallées  maîtresses  pour  se  ramifier  dans  les 
vallons.  C'est  ainsi  que  se  sont  formés  les  quartiers  de  Lapa,  sur  la  crique 
de  même  nom,  au  pied  des  morros  de  Santa  Thereza;  de  Flamengo,  plus 
au  sud,  sur  une  autre  plage  gracieusement  infléchie;  de  Larangeiras  ou 
des  «  Orangeries  »,  entre  les  escarpements  de  Carioca  et  ceux  du  Corco- 
vado;  de  Botafogo  ou  «  Boute-feu  »,  sur  une  baie  circulaire  que  Ton  croi- 
rait être  un  lac  et  qu'entourent  en  une  pittoresque  enceinte  le  P3o  d'As- 
sucar  et  autres  masses  de  granit;  plus  loin  la  chaîne  des  faubourgs  se 
continue  sur  le  bord  de  la  mer  par  la  plage  de  Capocabana,  et  au  sud  du 
Corcovado  par  divers  quartiers  qui  se  succèdent,  jusque  par  delà  la  lagune 
de  Rodrigues  de  Freitas,  au  jardin  Botanique  et  à  Gavia.  Pareil  phénomène 
d'accroissement  graduel  se  produit  des  autres  côtés  :  au  nord,  où  l'étroite 
lisière  de  terrain  comprise  entre  la  base  des  collines  et  le  port  de  com- 
merce s'est  couverte  de  maisons  et  d'entrepôts,  et  où  la  longue  baie  en 
hémicycle  de  Sao  Christovao  se  borde  de  toute  une  ville  groupée  autour  de 


RIO  ET  SA  BAIE.  51» 

'ancien  palais  impérial  ;  à  l'ouest,  où,  franchissant  le  vaste  jardin  public 

oit  Largo  da  Republica  (Praça  da  ÂcclamaçSo,  l'ancien  campo  de  Santa 

Anna  «u  do  Honor),  la  cité  se  développe  en  faubourgs  serpeiilins  jusqu'au 

boni     des  ruisseaux  qui  descendent  des  vallées  de  la  Tijuca.  Dans  son 

ensemble,  Rio  peut  être  comparée  à  une  pieuvre  immense  dont  le  corps 


fl*-^?rr&rj„ai./j 


^^■«rait  ta  ville  primitive  et  qui  projellorait  en  divers  sens  ses  lenlacules 

"^^rbelées.  De  l'une  à  l'autre  extrémilé,  en  passant  p:tr  le  centre,  la  dis- 

^.ance  est  aussi  grande  que  dans  les  plus  vastes  métropoles  :  Londres,  par 

exemple.  Des  dernières  maisons  de  Gâvia,  sur  l'océan  Allanlique,  ii  celles 

^e  Cajû,  dans  la  baie  de  Rio,  ou  de  Cascadura,  dans  l'intérieur,  on  ne 

«omple  pas  moins  de  28  kilomètres  par  les  voies  les  plus  directes,  et 

plus  loin  se  forment  de  nouveaux  ganglions,  que  des  lignes  continues 


SM  HODTtLLE  ceoCRAPUIE  UNITEHSELLK. 

de  ooDStractions  ratUchpront  bicnlùl  an  noyau  central.  Ainsi  l'ensemlile 
urinin  qui  s'est  gradiw-llcmenl  dévi'l«p[)é  aiiUitir  de  Villegagnnn  et  du 
morro  do  Gasiello  oecuiie  une  suiioriit-ie  (jue  ne  dépasse  aucune  anlrc 
capitale;  mais  il  s'en  faut  ([uc  cet  esimce  soit  entièrement  couvert  d« 
maisoDS  :  des  ixxdiers  aux  penles  inaccessibles,  même  des  escarpements 
revêtus  de  forêts  sans  aucun  clit-min,  prennent  une  grande  part  du  terri- 
toire. Vus  de  la  baie,  la  plupart  des  faubourgs  de  Rio  ressemblent  moins  k 
une  ville  qu'à  une  côte  parsemée  de  villas  comme  la  «  Hivïtre  »  de  Gênes. 

Les  ties  de  la  baie,  couvertes  de  bâtisses  militaires  ou  de  maisons 
privées,  appartiennent  aussi  h  l'agglomération  de  Rio,  de  même  que 
Nictfaeroy,  la  capitale  d«  l'Ëlat,  sîtvi^c  sur  la  rive  onentale  de  la  baie 
entre  deux  péninsules.  Celte  ville.  <|u'on  appelait  autrefois  Praya  Grande, 
s'étend,  comme  sa  métropole,  par  des  faubourgs  qui  se  prolongent  sur  les 
contours  des  plages  et  diuin  les  vallons  environnants  :  Ir^rnhy,  Jurujubii, 
SSo  Lourenço.  Ce  dernier  faubourg,  situé  au  nord  de  Nictheroy,  fui  jadis 
Valdeia  des  Indiens  qui  uviiient  aidé  les  Portugais  dans  leurs  guerres 
contre  les  Frangais.  Le  Jésuite  Ancbiela  y  interna  des  Ouatcca  convertis. 
Au  commencement  du  siècle  on  i-econ naissait  encore  le  caraclère  métissé 
de  ta  population  de  SSo  Lourenço*. 

Les  Fluminentet  ou  •<  Fluviaux  »,  c'est-à-dire  les  liabilanls  de  llio; 
exagèrent  fréquemment  la  population  de  leur  cité,  et  n'admettent  pas 
volontiers  que  Buenos-Airos  soit  pour  le  nombre  des  résidenis  la  première 
ville  de  l'Amérique  Méridionale.  On  park'  couramment  du  «  million  v 
d'hommes  qui  peupleraient  Rio  et  sa  banlieue;  mais  le  recensement,  s. 
imparfait  qu'il  soit,  offre  cependant  une  approximation  sufGsante  poui 
infirmer  ces  dires.  La  ville  ne  peut  guère  avoir,  en  1895,  plus  d'un  demi. 
million  d'habitants,  ainsi  que  le  prouvent  du  reste  les  chiffres  de  l'étai 
civil,  publiés  chaque  jour.  Le  nombre  des  morts,  qui  varie,  suivant  le: 
années,  de  10000  h  15000,  répondrait  à  une  population  résidente  d. 
550000  à  500000  personnes,  si  l'on  évaluait  la  proportion  des  décë 
à  30  pour  1000,  comme  dans  les  cités  d'Europe  à  mortalité  moyenne 
mais  non  tout  à  fait  insalubres,  comme  Naples,  Florence  ou  Budapest' 
Le  recensement  officiel  du  municipe  de  Rio  lui  donnait,  à  la  fin  J 
l'année  1890,  48576  maisons  et  71  607  familles,  soit  presque  exactemoB 
500000  habitants,  à  7  personnes  par  famille'.  Comme  tant  d'autres  caf» 
laies,  Rio  de  Janeiro  dévore  ses  habilants  ;  elle  se  dépeuplerait  par  degn 

■  Maiimilien  de  Viied-Neunied,  ouvrage  cité. 

*  Morlalilc  de  Rio  de  Janeiro  en  1875  :  15  S83;  m  1886  :  12  299. 

'  i ornai  do  Commercio,  5  julho  1803. 


RIO  ET  SA  BAIE.  Sil 

si  une  constante  immigration  de  la  campagne  et  des  autres  États  brésiliens, 
sur-eout  de  Ceara,  de  Pernambuco,  de  Bahia,  et  l'arrivée  d'Européens,  par 
oiilliors  et  dizaines  de  milliers,  ne  compensaient  les  perles  annuelles, 


^rûi^Sû"'    at-3û'"r 


*^  en  détruisant  l'équilibre  nnlurol  entre  les  sexes,  car  dan?  le  municipe 

ttio  le  nombre  des  hommes  dépasse   celui    des  femmes  d'au  moins 

**anle  mille,  l^es  Italiens,  les  Portugais  constituent  le  gros  de  l'immi- 

^^Vion  des  hommes  de  peine  et  petits  trafiquants,  tandis  que  les  pro- 


on 


NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


fessions  libérales  sont  représentées  principalement  par  des  Anglais  el 
Américains  du  Nord,  des  Français,  des  Allemands,  des  Suisses.  Tel  est 
le  caractère  cosmopolite  de  Timmigration,  que  chaque  bateau  d'Europe 
amène  un  ou  deux  «  Turcs  »,  marchands  maronites,  qui  s*adonnenl  au 
commerce  des  étoffes,  et  par  leur  habileté  au  négoce,  leur  intime  solida- 
rité, arrivent  à  détenir  une  part  notable  du  colportage  et  du  commerce 
de  détail  à  Rio  et  sur  les  plateaux. 

Les  habitants  de  la  capitale  sont  d'origine  trop  diverse  et,  en  majorité, 
de  race  trop  mêlée  pour. qu'on  puisse  les  considérer  comme  les  vrais 
représentants  de  la  nation  brésilienne.  Les  mœurs  se  modèlent  sur  celles 
de  toutes  les  grandes  villes  et  les  types  sont  en  général  assez  effacés.  En 
quelques  districts  bas,  notamment  au  nord,  dans  les  fonds  marécageux 
qui  séparent  Sâo  Ghristovâo  de  la  cité  proprement  dite,  et  au  sud,  dans 
le  voisinage  de  la  lagune  Rodrigues  de  Freitas,  régnent  les  fièvres  palu- 
déennes, dont  on  remarque  les  effets  sur  les  flgures  hâves,  aux  yeux 
ardents,  aux  traits  étirés.  La  mortalité  des  enfants  est  très  considérable, 
et  chaque  année  la  tuberculose  fait  des  milliers  de  victimes.  On  sait 
que,  depuis  1849,  Rio  de  Janeiro  est  aussi  visitée  fréquemment  pendant 
les  mois  d'été  et  quelquefois  même  en  hiver  par  la  fièvre  jaune  el  que 
la  terrible  maladie  y  a  fait  d'épouvantables  ravages,  surtout  dans  le  quar- 
tier du  commerce,  désigné  par  une  ironie  inconsciente  sous  le  nom  de 
Saûde  ou  «  Santé  »  ;  elle  serait  même  devenue  endémique*.  Pour  échapper 
au  fléau,  ceux  auxquels  leur  fortune  et  leurs  occupations  le  permettent 
vont  s'établir  dans  les  faubourgs  salubres,  sur  les  promontoires  élevés,  ou 
même  dans  quelque  ville  de  plaisance  de  la  montagne,  Petropolis  ou  Nova 
Friburgo,  au-dessus  de  la  zone  d'altitude  que  ne  dépasse  pas  le  redoutable 
microbe.  Évidemment  le  meilleur  moyen  de  combattre  la  maladie  serait 
de  nettoyer  les  rues,  dont  le  système  d'égouts  est  très  incomplet,  et  qui 
même  en  certains  endroits  sont  dépavées,  coupées  de  fondrières;  mais  le 
budget  municipal  n'est  pas  toujours  employé  aux  choses  les  plus  utiles, 
et  l'on  craint  de  remuer  le  sol  de  la  ville  basse,  d'où  s'échappent  des 
exhalaisons  dangereuses.  Un  canal  nauséabond,  creusé  en  1858  pour 
dessécher  des  terrains  marécageux  à  l'ouest  de  la  gare  centrale,  reste 
ouvert  h  l'air  libre,  empestant  le  quartier  par  ses  vases  noirâtres. 

Le  rideau  de  montagnes  (jui  défend  Rio  de  Janeiro  contre  le  vent  de  mer 


'  Mortalité  moyenne  causée  parla  fièvre  jaune  de  1873  à  1886  :  H39. 

Plus  gi*and«  mortalité,  en  1875 3  604 

Moindre  D         en  1881 38 


RIO-DE-JANEI 


NouTBlle  GéoRTiphie  L'niïemHe.  T.  XIX.  PI.  lU. 


:S   ENVIRONS 


llachelle  et  C*.  Paris. 


^.- 


?l  i. 


Xi^sr  dtSO-'-ttMii^t'M 


RIO.  323 

empêche  la  libre  aération.  Quoique  dans  le  voisinage  immédiat  de  TOcéan, 
arbres  et  arbustes  poussent  droits  dans  les  avenues  et  les  jardins,  les 
larges  feuilles  des  bananiers  ondulent  sous  des  souffles  aOaiblis  et  ne  se 
déchirent  pas  en  lanières  comme  au  vent  du  large.  L'air  qui  pèse  sur 
la  ville  et  sur  la  vaste  serre  chaude  des  alentours  ne  se  renouvelle  pas 
assez  fréquemment.  Les  habitants  tâchent  d'y  suppléer  par  la  construction 
de  demeures  où  la  moindre  brise  du  dehors  passe  librement  :  au  lieu 
d'éviter  les  «  courants  d'air  »,  ils  les  sollicitent.  Les  magasins  sont  géné- 
ralement disposés  en  longs  corridors  où  ne  pénètrent  pas  les  rayons  du 
soleil  et  que  traverse  un  vent  léger  et  rafraîchissant.  Dans  les  villas  des 
faubourgs,  \os  vastes  salles,  aux  baies  largement  ouvertes  sur  la  cam- 
pagne, semblent  elles-mêmes,  avec  leurs  fleurs,  leurs  feuillages,  leurs 
parfums,  un  prolongement  des  jardins.  L'eau  coule  en  abondance  dans 
tous  les  quartiers  :  on  évalue  à  200  litres  environ  l'approvisionnement 
d'eau  par  habitant,  mais  il  varie  de  l'une  à  l'autre  saison*.  Actuellement 
on  s'occupe  de  capter  de  nouvelles  sources  pour  la  ville  grandissante  ; 
déjà  depuis  longtemps  Rio  ne  dépend  plus  pour  son  alimentation  jour- 
nalière de  la  seule  source  de  Carioca,  qui  naît  dans  les  montagnes  au 
nord  du  Corcovado  et  qui  pénètre  dans  la  ville,  franchissant  une  vallée 
par  un  bel  aqueduc.  On  donne  souvent  aux  Fluminenses  le  surnom  de 
Carioca,  d'après  l'eau  pure  dont  ils  aiment  à  vanter  l'excellence  et  que 
buvaient  autrefois  les  improvisateurs  indiens.  Les  forêts  des  environs,  pro- 
tectrices naturelles  des  sources,  sont  devenues  propriété  de  l'État,  qui 
en  interdit  l'exploitation  ;  mais  on  y  a  tracé  des  chemins,  entre  autres 
les  merveilleuses  allées  de  la  Tijuca,  d'où  l'on  voit  le  panorama  de  la  cité 
dans  toute  sa  splendeur.  Des  réservoirs  ou  caixas  d'agua^  bien  entretenus 
et  entourés  d'arbustes  et  de  fleurs,  s'espacent  de  distance  en  distance 
sur  le  parcours  des  canaux  souterrains.  Le  plus  remarquable  est  celui 
de  Pedregulho,  près  de  Sao  Christovâo,  au  nord-ouest  de  la  ville.  Il  peut 
contenir  40  millions  de  litres  et  reçoit  son  eau  de  la  rivière  de  Ouro,  qui 
coule  à  une  cinquantaine  de  kilomètres  au  nord.  Un  chemin  de  fer  spécial 
réunit  la  prise  d'eau  à  l'un  des  quartiers  extérieurs. 

Rio  n'est  pas  une  cité  de  monuments.  Les  églises,  en  style  jésuite, 
sont  des  copies  de  copies,  et,  sauf  quelques-uns,  les  édifices  de  construc- 
tion récente  ressemblent  pour  la  plupart  à  de  grandes  casernes  :  ceux 
auxquels  on  a  cherché  à  donner  un  aspect  élégant   pèchent  par  leur 

*  Approvisionnement  d'eau  de  la  cité  de  Rio  en  189^2  : 
125400  mètres  cubes  par  jour  pendant  la  saison  humide;  94285  pendant  la  saison  sèche. 


r 


OU 


NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


ornementation  vulgaire.  Le  Fiscal,  palais  non  encore  utilisé,  qui  dresse 
ses  tourelles  dans  Tile  dite  anciennement  dos  Ratos,  en  face  du  port  de 
la  douane,  est  un  charmant  édicule  de  granit  dur,  admirablement  taillé, 
fouillé  même  en  sculptures.  Dans  la  ville,  le  Cabinet  de  Lecture  portugais 
est  construit  en  matériaux  apportés  de  la  mère  patrie  et  décoré  exté- 
rieurement de  statues  qui  rappellent  les  œuvres  du  couvent  de  Balalha. 
Enfin  un  palais  commercial  inachevé,  mais  déjà  majestueux  et  splendide, 
s*élcve  dans  le  quartier  des  banques  entre  la  rue  de  Ouvidor  et  la 
douane.  Quand  aux  maisons  proprement  dites,  les  plus  intéressantes  sont 
encore  les  lourdes  bâtisses  que  Ton  doit  aux  premiers  constructeui*s  por- 
tugais; mais  les  parements  de  faïence,  qui  décorent  presque  toutes  les 
maisons  de  Lisbonne,  manquent  à  Rio  :  ils  seraient  pourtant  fort  utiles 
pour  lui  donner  un  aspect  de  propreté.  Dans  les  faubourgs  de  plaisance, 
de  nombreuses  demeures,  bien  adaptées  aux  conditions  du  climat,  son 
fort  jolies  à  voir,  quoique  souvent  chamarrées  de  plâtres,  simili-marb 
et  dorures.  Nulle  cité  n'a  d*avenues  au  caractère  plus  monumental  qu 
les  allées  de  palmiers  oreodoxas,  fûts  de  colonnes  sans  défaut,  qui  se  di'es 
sent  dans  tous  les  jardins,  hauts  de  20  mètres  ou  davantage;  mais  ce 
merveilleuses  propylées  d'arbres  ne  donnent  point  accès  à  des  édifi 
dignes  de  leur  magnificence. 

Partant  du  centre  de  la  ville,  Tinduslrie,  le  commerce  gagnent  peu  â 
peu  les  faubourgs,  et  déjà  maint  groupe,  jadis  ombreux,   de  paisibles 
villas  se  transforme  en  un  bruyant  quartier  de  trafic.  Rio  de  Janeiro  a 
toutes  les  industries  d'une  grande  cité,  mais  elle  n'a  point  de  spécia- 
lité manufacturière  d'importance  capitale.  Elle  possède  des  filatures  de 
coton  et  dos  fabriques  de  tissus,  des  fonderies,  des  ateliers  de  menuiserie 
et  de  manpieterie,  des  chantiers  de  construction.  Plusieurs  bassins  de 
carénatjre  ont  été  creusés  dans  le  roc  vif  des  collines  de  Saude,  au  nord  de 
la  ville,  et  de  l'ile  de  Cobras,  des  deux  côtés  de  l'arsenal  de  marine.  Rio 
exporte  surtout  des  cafés,  dont  les  magasins  occupent  presque  tout  le 
quartier  commerçant  du  nord*.  Les  articles  manufacturés  viennent  encore 
du  dehors  pour  une  très  forte  part.  Rio  do  Janeiro  importe  non  seulement 
les  denrées  et  les  marchandises  nécessaires  à  sa  propre  consommation 
et  à  celle  dos  provinces  dont  elle  est   le  havro,  elle  sert  d'entrepôt  ii 
d'autres  ports  brésiliens  qui  vieimonl  s'y  approvisionner  par  la  voie  du 
cal)Ota<re;  toutefois  ce  genre  de  commerce  diminue  depuis  que  les  lignes 


-e 


*  Ë]Lporlatiun  du  café  de  Rio  en  189^2  : 

3 950  Gli  sacs,  mûI  '230  137  tonnes.  Valeur  :  '2UU  millions  do  francs. 


«4« 


RIO.  327 

c/e     bateaux  à  vapeur,  commerçant  directement  avec  l'Europe,  touchen! 

^ujc       principaux  ports  du  Brésil*.  Le  premier  rang  dans  le  mouvement 

de^      échanges  avec  Rio  appartient  à  la  Grande-Bretagne,  puis  viennent  par 

ord  m^^3  d'importance  les  Etats-Unis,  la  France  et  l'Allemagne.  Parmi  les 

na  ^%r  i  m^es  au  long  cours  qui  entrèrent  en  1892  dans  le  port  de  Rio,  507  étaient 

an^rl^aiis;  la  marine  française,  la  plus  fortement  représentée  après  celle 

de       1  ^-Angleterre,  comprenait  152  navires;  puis  venaient  les  Allemands, avec 

11  "^        lâtiments.  Les  Brésiliens  suivaient  les  Norvégiens,  avec  40  navires*. 

Le      ^a^  JTOS  de  l'importation  anglaise  consiste  en  charbon'.  Outre  les  objets 

m£^:MrM  ^«ifacturés,  Rio  achète  des  vivres,  farines  de  froment,  riz,  viandes  des- 

sé€:^lrm.«es,  morues,  vins;  sa  grande  exportation  consiste  en  cafés,  expédiés 

su  ■:•«-. ^iDut  aux  États-Unis  du  Nord.  Le  trafic  avec  l'intérieur  se  fait  presque 

ex^i^M  mjisivement  par  les  voies  ferrées*;  cependant  on  voit  encore  quelques 

ca  «r^s^^^anes  de  mules  descendre  des  hauteurs  environnantes  sur  les  chemins 

po'^^^^^iireux.  L'oirtillage  des  chemins  qui  dessert  la  capitale  reste  très  incom- 

pl^*-  —  Les  deux  voies  principales  de  l'intérieur,  celles  de  Sao  Paulo  et  de 

MmM:m.fflfcs  Geraes,  n'ont  qu'un  seul  tronc,  d'un  parcours  de  108  kilomètres, 

se     Iti^ifurquant  dans  la  vallée  du  Parahyba,  à  Barra  doPirahy,  et  le  chemin 

d€^        tfer  de   ceinture,  qui  doit  réunir  autour  de  la  baie  toutes  les  lignes 

di^'^rgenles,  n'est  pas  même  en  voie  d'achèvement. 

^Em  revanche,  Rio  de  Janeiro  peut  être  dite  une  ville  modèle  pour  la 
f^^^îJîté  des  communications  entre  le  noyau  de  la  cité  et  ses  faubourgs. 
P^ii  de  mes  qui  ne  soient  sillonnées  de  rails  pour  le  passage  des  omnibus 
^  ^i"^ction  de  mules  ou  à  force  électrique;  sur  les  avenues  principales. 


f  -«-1- 


•M 


^  «^'cMir  des  échanges  du  port  de  Rio  de  Janeiro  en  1890  : 


tion 167  221881  milreis,  soit,  à  2  fr.  50  le  milreis,  418  000  000  francs. 

tiion 158  571133       »  »  »  346  000  000       » 


»nble  du  commerce.  .     505  596  514  milreis,  soit,  à  2  fr.  50  le  milrcis,  7()4  000  000  francs. 

^   douanières  en  1892.       01  500  155  milreis,  soit,  à  1  fr.  50  le  milreis,  1 19  000  000  francs. 

Tement  de  la  navigation  dans  le  port  de  Rio  de  Janeiro,  y  compris  le  cabotage,  en  1892  : 

Entrées..    .    .     2  726  navires,  jaugeant  2  745  604  tonnes. 
Sorties.  .    .    .     2  626         »  ))        2  867  050        » 


X 


Ensemble.  .     5  552  navires,  jaugeant  5  612  65 i  tonnes. 

Part  du  long  cours  .    .     2  566  navires  et  5  894  894  tonnes. 

Part  de  la  vapeur.  .    .     2  786        »          4  660  027  » 

pMrtation  du  charbon  de  terre  à  Rio  de  Janeiro  en  1892  : 

De  l'Angleterre 446  722  tonnes. 

Des  États-Unis 7  891  » 

*  ^>nnage  du  chemin  de  fer  Central  à  la  gare  de  Rio  en  1892  :  524 110  tonnes. 


598  NOTTELLE  RÊOGRAPRIE  rSIVERSEllB. 

les  voilures  se.  suivent  picsque  sans  inicrvallc  et  chaque  anvl  de  véhicule 
condamne  à  l'altente  loule  la  procession  qui  suil.  Néanmoins  les  voyages 
se  font  i-upidemcnl  :  les  mules  sont  agiles,  les  cocliei-s  actifs;  en  moyenne, 
le  chemin  prcouru  esl,  de  10  kilomètres  h  l'heure.  Grâce  aux  avanlngos  cl 
au  bus  prix  de  ce  mode  de  locomotion,  la  populnlion  des  Fluminenses 
est  extrêmement  mobile  :  on  saute  sur  un  siège  de  la  voilure  en  marche 
pour  se  faire  li-ansporler  îi  irois,  quatre  îlels  de  distance:  le  lirésilien 
s'iîlonne  presque  de  voir  un  de  ses  amis  aller  h  pied.  La  révolution  pro- 
duite par  l'usage  des  omnibus  a  même  contribué  singulièrement  h  niodî- 
lier  les  mœurs  :  jadis  les  dames,  respectant  les  anciennes  coutumes  de  la 
mère  patrie,  sorluienl  peu  de  leurs  demeures,  sinon  pour  aller  faire  des 
visites  en  grande  cérémonie.  L'omnihus  les  a  émancipées  de  celte  con- 
Lrainfc,  en  même  temps  qu'il  a  démocnilisé  la  population  en  plai;;inl  le 
noir  à  colé  du  blanc,  le  fils  de  l'esclave  à  côté  du  fils  de  l'ancien  maître  '. 
D'introduction  britannique,  l'omnibus  de  IJio  a  gardé  un  nom  anglais  : 
on  l'appelle  bond,  d'après  les  bondi  ou  ■•  obligations  »  qu'émit  la  Compa- 
gnie lors  de  sa  fondation.  De  même,  les  bacs  S  vBjwur  qui  servent  d'om- 
nibus marilimes  entre  Rio,  Niclhei'oy  et  les  auln's  escales  de  la  baie  sont 
toujours  désignés  par  le  nom  anglais  defnrij,  que  l'on  emploie  au  sin- 
gulier', 

Capitale  du  Brésil  depuis  1765,  Rio  possède  les  musées  et  les  insli- 
tulions  principales  de  la  République.  Une  des  écoles  les  plus  importantes 
du  Nouveau  Monde  est  la  Faculté  de  Médecine,  située  dans  un  endroit 
écarté  et  cependant  tout  à  fait  central,  à  la  base  occidentale  du  morro  do 
Castello,  sur  I9  péninsule  même  où  naquit  la  cité,  mais  en  dehors  des 
grandes  artères  du  trafic.  Elle  présente  un  ensemble  de  constructions 
distinctes  et  sans  architecture,  que  Ton  remplacera  par  un  édifice^  dmi 
encore  achevé  (1893),  bâti  près  de  la  crique  de  Botafogo,  entre  un  hospice 
et  l'école  militaire.  A  côté  de  l'école  de  médecine  actuelle  se  trouve  le 
très  vaste  hôpital  da  Hisericordia,  bâti  sur  ia  plage  même  oh  débarqua 
Magellan,  avant  la  découverte  du  détroit.  Ce  bel  édifice,  que  l'on  dit 
admirablement  tenu  et  qui  peut  contenir  1200  malades,  en  reçoit  environ 
12000  chaque  année,  étrangers  en  majorité.  Il  appartient  à  une  imtan- 
dade  ou  «  confrérie  »  fort  riche,  qui  possède  en  outre,  en  divers  quar- 
tiers de  la  ville  ou  des  alentours,  des  hôpitaux  destinés  au  traitement  de 

'  E.  Albin,  Rio  de  Janeiro;  —  Ch.  Morirl,  l'Empire  da  Brétil. 

»  Langueur  des  voies  ferrées  dans  la  tille  de  Rio  el  ses  alentours.  ...      350  kilomèlrcs. 

Cavalerie  des  omnibus 7  000  roules. 

Voyageurs  Iransponés  en  1892  par  les  omnibus  de  Rio  el  les  bacs  à  wpeur  :  60  000000. 


f 


RIO.  329 

la   j^litisie  et  des  maladies  contagieuses.  Chacune  des  nations  représentées 
à  jR.io  de  Janeiro  a  fondé  également  des  hôpitaux  et  dispensaires. 

i-**' -École  polytechnique,  qui  forme  des  ingénieurs,  est  considérée  comme 
Un^  des  fondations  remarquables  de  TAmérique.  Académie  des  beaux-arts, 
coxB  t^^rvatoire  de  musique,  collèges  de  garçons  et  de  filles,  instituts  pour 
Jes  ^B^veugles  et  les  sourds-muets,  Rio  possède  les  établissements  divers 
qti.*e»:Bi  s'attend  à  trouver  en  toute  capitale.  L'école  de  la  marine  occupe, 
^^^  t  près  du  port  de  commerce,  Tilha  das  Enchadas,  qui,  entre  tous  les 
°*^vi  mresj  parait  elle-même  comme  un  navire  à  l'ancre.  Le  musée  d'histoire 
"*  •'^^.^■^  Telle,  transféré  dans  l'ancien  palais  impérial  de  Boa  Vista  ou  Sâo  Chris- 
to^'SS:  ^3^  jm  jiQpj  jg  \^  ç\i^^  contient  des  objets  fort  curieux,  malgré  le  désordre 

^^  î^^s  collections.  La  principale  bibliothèque,  riche  de  200000  volumes, 
°^^^^^^  trop  étroite  pour  ses  trésors,  date  des  premières  années  du  siècle,  le 
"^S^^  Mit  ayant  transporté  avec  lui  les  livres  du  palais  d'Ajuda,  très  riche 
^'^  ^i^cumenls  rares  :  on  y  trouve,  comme  dans  les  bibliothèques  d'Europe, 
^^         incunables,  des  manuscrits,  des  collections  de  dessins  originaux,  et 


■^  *  —  la  série  des  ouvrages  relatifs  au  Brésil  ;  elle  édite  de  précieuses 


la.  En  outre,  des  associations  particulières  et  les  diverses  sociétés 
»les,  parmi  lesquelles  l'Institut  historico-géographique  et  la  Société 
^-^^^éographie,  ont  fondé  d'importantes  bibliothèques  spéciales.  L'observa- 
*^^^,  qui  publie  chaque  année  de  savants  mémoires,  occupe  le  sommet 
%iorro  do  Castello,  dressant  ses  guérites  et  ses  dômes  sur  les  ruines 


j,       *-^:3resques  d'une  ancienne  église  inachevée  des  jésuites.  Prochainement 

.       *^^ervatoire   doit  être  transféré   sur  un    pic  de  la  serra   do    Mar,  à 

lO  '■^—  ,     .  .  . 

^  "^  ^  mètres  d'altitude,  non  loin  de  Petropolis. 


5a  splendide  flore  brésilienne  a  permis  h  Rio  de  se  donner  d'incompa- 
ï.  es  jardins,  entre  autres   le  Passeio  Publico,  au  bord  de  la  mer,  le 
;o  de  Conslituçao,  près  duquel  s'élèvent  les  principaux  théâtres,  et  le 
_        _jo  da  Republica,  entre  Tancienne  ville  et  les  nouveaux  quartiers  qui 
(ndent   à  l'ouest  :   le  naturaliste  qui  disposa   cette   promenade  y  a 
•oduit  avec  un  rare  talent  d'observation  -les  groupes   rocheux  de  la 
V^^^^^^.  Une  autre  merveille  de  Rio  est  le  Jardin  Botanique,  situé  non  loin 
ï^  a  lagune  Rodrigues  de  Freitas,  à  la  base  des  escarpements  de  la  Gàvia, 
~      cime  tabulaire.  Le  domaine  appartenant  au  jardin  comprend  une 
ïace  énorme,   plus  de  six  cents  hectares;  mais  les  neuf  dixièm(*s  de 
«  vaste  étendue  sont  encore  recouverts  d'une  brousse  impénétrable.  Le 
lin  proprement  dit,  déjà  fort  considérable,  embrasse  une  soixantaine 
^^ctares,  et  s'accroît  chaque  année  aux  dépens  de  la  forêt  vierge,  dont 
^^    arbres  remarquables  sont  respectés.  Récemment  le  Jardin  Botanique 

XIX.  A2 


NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

n'était  guère  qu'un  endroit  de  promenade  :  c'est  maintenant  aussi  un 
lieu  d'étude,  contenant  environ  2000  espèces  de  plantes  régulièrement 
classées;  des  eaux  captées  dans  les  montagnes  voisines  ruissellent  sous 
les  ombrages.  Au  milieu  d'un  fourré  de  verdure  se  montre  un  oreodoxa  de 
50  mètres,  apporté  de  Cayenne  par  des  fugitifs  portugais  et  planté  par 
Joao  YI,  en  1806  :  de  ce  premier  palmier  qu'ait  possédé  le  Brésil  descen- 
dent tous  ceux  qui  existent  dans  le  pays.  On  projette  d'établir  sur  la  plage 
voisine  une  ville  balnéaire,  désignée  d'avance  sous  le  nom  de  Gàvia  :  les 
plans  lui  donnent  4  kilomètres  de  façade  sur  l'Océan. 

Outre  ses  jardins,  le  chef-lieu  du  Brésil  a  les  admirables  points  de  vue 
que  présentent  les  collines  et  les  montagnes  surgissant  du  sol  de  la  cité 
comme  les  îles  du  milieu  de  la  baie.  Rio  n'est  pas,  comme  Rome  ou 
Byzance,  une  «  cité  des  sept  collines  »;  elle  en  a  bien  davantage,  et  l'on 
ne  saurait  même  en  indiquer  le  nombre,  car  tel  renflement  du  sol  peut 
être  considéré  comme  une  butte  isolée  ou  comme  un  simple  promon- 
toire, et  d'ailleurs  plus  d'une  saillie  de  roc,  entamée  par  les  carriers,  est 
en  voie  de  disparaître  :  la  solide  pierre  de  granit,  rose  ou  grise  à  grains 
noirs,  fournit  d'excellents  matériaux  pour  la  construction  des  édifices. 
On  a  déjà  rasé  plus  de  la  moitié  du  morro  de  S3o  Diogo,  au  nord  de  la 
ville;  en  outre,  certaines  collines  ont  été  déblayées  pour  donnera  Rio  une 
meilleure  ventilation  et  pour  combler  des  marais  côtiers  ou  des  criques 
de  la  baie  :  c'est  ainsi  qu'on  abat  maintenant  (1893)  le  morro  do  Senado, 
presque  au  centre  de  la  cité;  les  déblais  serviront  à  supprimer  la  baie  dite 
Praia  Formosa,  rattacheront  h  la  terre  ferme  les  deux  anciennes  îles  dos 
Melôes  et  das  Moças,  combleront  même  tout  l'espace  maritime  de  328  hec- 
tares, d'environ  5  mètres  cmi  profondeur  moyenne,  qui  s'étend  de  la  plage 
de  Saùde  à  la  pointe  de  Cajù,  sur  une  longueur  de  plus  de  4  kilomètres. 
Le  quartier  commerçant  trouvera  là  un  vaste  champ  d'expansion.  Au 
devant  du  quai  extéiieur  et  dans  le  dock  de  13  hectares  qu'il  protégera, 
Toau  n'aura  pas  moins  de  9  mètres  au-dessus  de  la  mer  moyenne*.  Un 
autre  projet  consisleiait  à  enfermer  par  une  digue  semi-circulaire  tout 
Tespace.  compris  à  Test  de  la  ville  entre  l'île  Fiscal  et  l'arsenal  militaire. 

On  a  proposé  aussi  de  raser  les  deux  morros  de  Santo  Antonio  et  do 
Caslello;  mais,  à  supposer  que  ce  travail  gigantesque  s'accomplisse,  il  res- 
tera encore  des  mornes  nombreux  et  de  telles  dimensions  qu'on  écornera 
seulement  leurs  saillies  avancées.  De  toutes  parts,  on  voit  l'horizon  limité 
par  ces  hauteurs,   les  unes  couvertes  d'arbres,  les  autres  se  dressant  en 

'   Alfred  IjsIkki.  Mnlr.s  inanuscnlcs. 


I 

I 


oches  lisses,  revêtues  de  lichens  noirâtres.  Quelques-unes  s'arrondissent 
:Tec  une  telle  régularité,  qu'elles  ressemblent  à  des  cloches  de  bronze 
•osées  sur  le  sol;  la  plupart  se  développent  en  gibbosités  inégales.  Des 
naisons  s'accrochent  aui  pentes  ou  se  posent  sur  les  terrasses  ;  des  che- 
nins,  des  aqueducs  rayent  les  parois  de  leurs  coupures  droites  ou  légère- 
nent  inclinées.  Pas  une  colline  qui  n'offre  d'admirables  panoramas  de  la 
fille  et  de  la  baie  :  mais  cet  élément  d'incomparable  beauté  qu'envierait 
ouïe  autre  cité,  est  presque  entièrement  perdu,  les  sommets  des  mornes 


tant  pour  la  plupart  des  propriétés  privées  ou  des  terrains  vagues  encom- 
irés  d'immondices. 

Heureusement,  le  sommet  principal  qui  commande  la  cité  au  sud-ouest, 
B  roc  du  Corcorado  ou  du  «  Bossu  »  (710  mètres),  est  d'accès  facile.  La 
ime  de  ce  roc,  formée  de  blocs  énormes  aux  contours  arrondis,  repose 
or  une  paroi  cannelée  de  500  mètres  en  hauteur,  au  pied  de  laquelle 
'étendent  des  croupes  boisées.  Une  route  de  voitures  aui  nombreux 
icets  et  un  chemin  de  fer  à  crémaillère,  long  de  4  kilomètres,  montent 
u  fauboui^  de  Larangeiras  jusqu'au  somme!  du  rocher  en  traversant 
îs  bois  ;  ia  voie  ferrée,  dont  les  rampes  atteignent  50  degrés  d'inclinaison 
irës  du  sommet,  traverse  successivement  trois  vallons  sur  des  viaducs 
n  fer,  à  la  hauteur  des  branchages  de  la  forêt  touffue  qui  s'élance  des 


m  MOQTBLLB  GÉOGRAPHIE  U.XIVERSEUE. 

profondeun;  pub*  an  tteli  d'un  col  où  se  Irouve  une  stulion  intermédiaire. 
il  Goatoarne  au  botd  même  du  imher  la  corniche  qui  surplomtie  le 
goiifiy«  an  fimd  dni|iiel  l'étend  le  Jardin  Uotunique.  De  la  cime,  on  voil 
d'nn  eonp  d'uni  drcalaire  'ensemble  prodigieux  que  pré.seQtc  la  ciié,  avec 
ses  places,  ses  cIoch««  et  sos  dômes,  la  nappe  bleue  de  la  baie  et  ses 
navires,  et  par  delà  les  tles  oL  les  monUgnes.  La  marctie  du  »ulcil.  des 
brumes  et  des  nnées  change  incessammenl  le  merveilleux  lableau. 

De  même  que  les  collines  de  la  tcri'e  ferme,  le^  îles  do  la  biiie,  qui  font 
partie  des  mtoies  chaînes,  oITreiU  des  sites  cbarmanLs;  mais  plusieurs, 
appartenant  à  la  douane,  à  l'administration  milllati'e,  à  la  marine  ou  aux 
hôpitaux,  ne  sont  pas  accessibles  aux  visiteurs.  La  plus  gi-ande,  dite  du 
Govemador,  d'après  un  personnage  qui  en  fut  le  propriétaire,  occupe  la 
partie  médiane  de  la  baie,  au  nord  de  la  capitale  :  le  fondateur  de  Rio, 
Estacio  de  Si,  y  fut  mortellement  blessé  dans  un  combat  contre  le5  Indiens 
alliés  des  Français.  On  y  a  trouvé  de  nombreux  ossements  et  autres  objets 
des  tempe  préhistoriques;  ses  habitants  ont  des  tuileries  et  des  fabriques 
de  chaux  pour  les  conatmcleurs  de  Hio.  Plus  au  nord-est,  se  prolonge  l'île 
diarmante  de  I^queti,  la  plus  ornée  de  villas  et  de  jardins,  la  plus  fré- 
quentée par  les  visiteurs;  les  insulaires  fournissent  Rio  de  poissons  ut  de 
légumes.  Pannî  les  diversee  tles  qui  parsèment  la  baie,  il  en  est  une  qui 
pendant  les  trois  derniers  sïètries  a  été  plus  d'une  fois  rattachée  à  la  cdte 
orientale  par  un  isthme  de  salile  :  c'est  la  colline  de  Boa  Viagem  ou  «  Bon 
Voyage  »,  ainsi  nommée  d'une  chapelle,  lieu  de  pèlerinage  que  les  marins 
saluent  en  mettant  à  la  voile.  Elle  occupe  l'extrémité  de  la  péninsule  qui 
sépare  Nictheroy  et  son  faubourg  d'icarahy.  La  petite  ilha  das  Flores,  très 
rapprochée  de  la  côte,  entre  Nictheroy  et  Sâo  Gonfle,  porte  l'hôtellerie 
des  immigrants,  marché  du  travail  où  tes  planteurs  viennent  louer  la 
«  main-d'œuvre  »;  près  de  quatre  mille  travailleurs  nouvellement  débar- 
qués s'y  sont  trouvés  réunis  ',  mais  elle  ne  peut  en  contenir  commodément 
qu'un  peu  plus  de  mille*. 


Telles  villes,  éloignées  de  Rio,  doivent  en  être  considérées  comme  de 
simples  dépendances  :  Santa  Cruz,  par  exemple,  qui  se  trouve  à  une 
soixantaine  de  kilomètres  h  l'ouest,  sur  un  embranchement  du  chemin  de 


'  lleiirii]utt  RaOàrd,  Inttitulo  Hulortco.  tome  LV,  1893. 
-  Lninigration  il  Rio  de  Janeiro  en  1S9S  : 

527  navires  porUnt  54  507  inuDigianU,  dont 58  82 


I  frais  du  gouTemement 


RIO  ET  SA  BAIE,  PETROPOLIS.  555 

fer  Cenlral  :  c'est  là  que  l'administra  lion  «  Quminense  »  a  établi  ses  abat- 
toii~s.  Deux  autres  villes  populeuses  font  partie  du  municipe  neutre,  et 
se  rattachent  ainsi  directement  à  la  capitale  :  Jacarépagua,  dont  les  mes 
emplissent,  à  l'ouest  des  montagnes  deRio^  une  longue  vallée  tributaire 
de  la  lagune  de  Camorim,  et  Guaratiba,  qui  occupe  une  position  analogue 
en  des  campagnes  penchées  au  sud-ouest  vers  l'estuaire  de  Marambaia. 
Bfaîs  la  plaine  broussailleuse  ou  couverte  de  bois  d'une  seconde  venue  qui 
^  étend  au  nord  de  Rio,  jusqu'à  la  base  des  montagnes,  n'est  qu'une  vaste 


*  ■■  *-  "*ide.  Autrefois  elle  fut  beaucoup   plus  peuplée  :  les  jésuites  et  de 

^^^**~*-<ls  personnages  y  possédaient  de  vastes  concessions,  qu'ils  faisaient 

*  *-  ^.ver  par  des  esclaves  et  des  engagés.  Pour  rendre  ces  espaces  à  la 

*-~«ire,  il  faudrait  d'abord  régulariser  le  cours  des  ruisseaux  et  dessé- 


•  les  marais,  qui  se  sont  répandus  dans  la  plaine  en  foyers  de  pesti- 

:.  On  redoute  surtout  les  fièvres  du  Macacû'. 

*-       etropolis,  quoique  située  en  dehors  du  municipe  neutre,  sur  le  versant 

S^^  '^entrional  de  la  serra  dos  Org3os,  incliné  vers  le  bassin  du  Parahyba, 

%:rouve  aussi  dans  la  zone  d'attraction  de  Rio  :  elle  en  est  le  Versailles. 

^^-  deux  milliers  de  Radois  et  de  Ravarois  que  le  gouvernement  brési- 


Antonio  Hartios  de  Aievedo  Pimentel,  Sabtidiot  para  o  Etiudo  da  Hygiène  do  Rio  de  Janeiro. 


534  iNOUYELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

lien  y  établit  en  1845,  près  de  la  résidence  impériale,  eurent  le  priviU 
de  se  voir  assigner  pour  demeure  une  région  très  salubre,  et  ils  dur 
en  outre  à  la  proximité  du  château  d'été  des  faveurs  qu'on  ne  ûl  pc 
aux  colons  introduits  dans  les  autres  parties  de  la  contrée.  On  leur  li 
des  terres  à  bas  prix,  ou  avec  des  avances  de  sommes  considérables, 
pour  faciliter  le  transport  des  denrées  on  leur  construisit  une  belle  n* 
qui  contourne  superbement  les  corniches  des  monts  et  qu'on  a  longter 
désignée  sous  le  nom  de  «  Simplon  »  de  l'Amérique;  elle  se  continue 
lacets  vers  Juiz  de  Fora,  dans  l'État  de  Minas  Geraes.  Depuis,  un  chei 
de  fer,  dont  une  partie,  celle  qui  escalade  la  pente  méridionale  de  la  ni< 
tagne,  par  une  rampe  de  15  centimètres  sur  100,  et  qui  franchit  le  sei 
à  835  mètres  d'altitude,  est  établie  en  crémaillère,  unit  Petropolis  à 
baie  et  à  la  capitale.  L'ancienne  population  allemande,  fondue  maintena 
avec  les  éléments  J3résiliens,  a  légué  aux  habitants  une  instruction  pi 
substantielle  que  celle  des  communes  environnantes;  plusieurs  collèges 
pensionnats,  où  les  familles  fluminenses  et  étrangères  envoient  lei 
enfants,  et  dont  l'un  occupe  l'ancien  château  impérial,  donnent  à  Peti 
polis  un  rôle  considérable  dans  l'enseignement.  La  ville  a  changé  d' 
pect  :  ce  n'est  plus  une  colonie  agricole,  mais  un  ensemble  de  pah 
de  résidences  et  de  maisonnettes  d'agrément  :  les  riches  négociants 
Rio,  les  étrangers  y  ont  leur  demeure,  et  maints  diplomates  sont  cen 
y  remplir,  hors  des  atteintes  de  la  fièvre  jaune,  leurs  fonctions  auprès 
gouvernement  brésilien.  Des  brasseries,  héritage  des  colons  alleman 
constituent  la  spécialité  industrielle  de  Petropolis.  Une  importante  filati 
utilise  les  eaux  de  la  Piabanha,  en  aval  d'une  belle  cascade,  et  sur 
monts  des  alentours  se  voient  des  plantations  de  chinchonas  (mccirubr 
Nova  Friburgo,  qui  se  trouve  dans  une  position  géographique  analo| 
a  celle  de  Petropolis,  sur  le  versant  septentrional  des  monts  côtiers,  coni 
dans  cette  partie  de  leur  parcours  sous  le  nom  de  serra  da  Boa  Viî 
prit  aussi  son  origine  comme  colonie.  Elle  date  de  1819.  A  cette  époq 
deux  années  avant  que  le  Brésil  se  détachât  du  Portugal,  arrivèrent  p 
de  dix-sept  cents  paysans  suisses  du  canton  de  Fribourg,  raccolés 
des  agents  d'immigration.  Le  gouvernement  leur  fit  de  grands  avantag 
et  la  proximité  de  la  cité  maritime  assura  la  vente  de  leurs  produ 
Cependant,  dix  ans  après  l'arrivée  des  colons,  leur  effectif  avait  dimii 
déjà  de  plus  d'un  tiers  par  la  mort  et  par  la  désertion  :  dès  le  milieu 
siècle.  Nova  Friburgo  était  une  ville  complètement  brésilienne,  comme 
localités  voisines,  et  ne  renfermait  plus  qu'un  petit  nombre  de  famil 
f ri  bourgeoises.  Les  habitants  cultivent  des  légumes,  élèvent  des  bestiî 


PETROPOLIS,  NOVA  FRIBURGO,  ANGRA  DOS  REIS.  335 

et  des  volailles,  dont  ils  approvisionnent  Rio  par  le  chemin  de  fer  en  plan 
incliné  qui  descend  de  leurs  montagnes  à  Niclheroy.  La  cité  de  Therezo- 
polis^  dont  la  législature  de  l'État  a  fait  choix  pour  y  établir  le  chef-lieu 
à  tsk    place  de  Nictheroy,  n'a  pas  encore  l'importance  de  Petropolis  et  de 
iVova  Friburgo  :  elle  n'a  point  (1893)  de  voie  ferrée  qui  la  mette  en  com- 
munication avec  la  baie  et  Rio  de  Janeiro. 

J3os  ports,  presque  aussi  favorisés  que  Rio  pour  la  profondeur  et  l'abri, 

se     succèdent  sur  la  côte  occidentale,  au  delà  au  municipe  neutre.  Jadis 

itfangaratiba  était  destiné  à  devenir  le  havre  d'exportation  pour  la  haute 

vallée   du  Parahyba,  et  Ton  construisit,  en  vue  des  charriages  futurs,  une 

route  magnifique,  un  «  Simplon  »,  qui  contournait  le  flanc  des  monts.  Elle 

est    presque  abandonnée  depuis  l'inauguration  du  chemin  de  fer  de  Rio  el, 

après   l'abolition  de  l'esclavage,  les  plantations  des  alentours  furent  pour 

la  plupart  rendues  à  la  brousse.  Aussi  longtemps  que  dura  la  traite  des 

esclaves,  le  port  de  Mangaratiba,    les    criques  et   les  plages  voisines, 

masc^uées  par  la  flèche  de  Marambaia,  étaient  des  lieux  de  rendez-vous 

pouï-  les  négriers  et  leurs  clients  les  planteurs.  Angra  dos  Reis,  située  au 

bord    d'un  golfe  parfaitement  abrité  que  couvre  au  large  la  haute  ilha 

Grande,  est  une  des  anciennes  villes  du  Brésil  :  dès  1552,  la  baie,  visitée 

P^^  Aflonso  de  Souza,  avait  reçu  son  nom.  L'eau,  suffisamment  profonde 

^aos    l^s  rades  protégées  par  l'ilha  Grande,  reçoit  les  navires  à  destina- 

'^o    de  Rio  condamnés  à  la  quarantaine'.  Plus  à  l'ouest,  une  autre  ville 

^'"^••ime  occupe  l'extrémité  d'un  golfe  au  sud   duquel  se  recourbe  un 

1^  ^'^^c^ntoire  très  élevé,  plus  haut  que  l'ilha  Grande  et  faisant  partie  de 

'^•^^me  chaîne,  prolongement  des  montagnes  de  Rio  de  Janeiro.  Cette 

,,     ^      ^Oiaritime,  Paraty,  fait  un  petit  commerce  de  vivres,  de  poissons  et 

*^^^    eau-de-vie  fameuse,  distillée  du  suc  de  canne*. 


^^%aveinent  de  la  quarantaine  à  ilha  Grande  en  1892  (du  25  juillet  au  51  décembre)  : 

navires  jaugeant  545  502  tonnes,  avec  55  296  passagers  et  1 1 84 1  hommes  d'équipage. 

^^les  importantes  de  TËtat  de  Rio  de  Janeiro  avec  la  population  approximative  ou  recensée 
a  municipe  »  en  1892,  d*après  Favilla  Nunes  : 


Janeiro 515  000  hab 

'oy,  cidade 56  050  » 

j          »       26  950  » 

»       20  950  » 

»       18  200  )) 

»       15  750  » 

»       14  550  )) 


Barra  Mansa,  cidade 12  250  hab. 

Petropolis           »       ....  12  110  » 

Pirahy                »       12  050  » 

Sâo  Pedro  d'Aldeia,  villa . .    .    .  11870  » 

Macacù                        »     ...  1 1  280  » 

Sumidouro                  »     ...  10  550  » 

Vassouras,  cidade 9  400  » 

tes  les  autres  «  cités  »  ou  «  villes  »  de  l'État,  soit,  par  ordre  d'importance,  Paraty,  Cabo  Frio, 
do  Parahy,  Parahyba  do  Sul,  Nova  Friburgo,  Valença,  Mage,  Cantagallo,  Macjihé.  Angra  dos 
'^     Therezopolis,  ont  moins  de  10000  habitants  dans  leur  municipe. 


336  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


VII 

VERSANT    DU     PARAmX    ET    CONTRE-YERBÀNT    OCÉAlflQUE. 

ÉTATS  DE  SÀO  PAULO,  DB  PARAXi,  DE  SANTA  CATHARI9A. 

La  région  naturelle  qui  s'incline  au  sud-ouest  vers  leParanâ  prése] 
ensemble  d'une  remarquable  unité,  quoique  le  territoire  ait  été 
en  plusieui^  Ëtats,  et  que  la  zone  des  sources  soit  inégalement  dist 
entre  les  Minas  Geraes,  le  Goyaz,  le  Matto  Grosso.  C'est  un  fragm* 
plateau  disposé  suivant  une  grande  courbe  entre  les  deux  lignes  par 
du  littoral  océanique  et  de  la  coulièredu  Paranà.  Les  autres  limites 
au  nord,  le  rio  Grande,  l'une  des  branches  maîtresses  du  haut  F 
et   au  sud  la  vallée  supérieure  de  l'Uruguay.  A  l'angle  sud-occi 
de  la  contrée,  dans  l'étroite  langue  de  terre  comprise  entre  le  Pan 
l'Uruguay,  la  limite  reste  indécise  entre  le  Brésil  et  l'Argentine,  n 
colonisation  entame  à  peine  l'espace  débattu.  En  réalité  la  province 
relie  que  constituent  les  trois  Ëtats  est  moins  large  qu'elle  ne  le 
sur  la  carte.  Même  dans  TÉtat  de  Sào  Paulo,  de  beaucoup  le  plus 
leux  des  trois,  s'étendent  de  vastes  «  terres  inconnues  »,  que  les 
affluents  du  Paranà  découpent  en  bandes  parallèles.  Ces  terres,  on 
d'après  les  rapports  des  chercheurs  d'aventures,  sont  en  grande 
fertiles,  et  destinées  sans  nul  doute  à  entretenir  un  jour  de  nom 
habitants  :  de  proche  en  proche,  chaque  année,  chaque  semaine,  t 
le  travail  de  peuplement. 

Les  Brésiliens  de  Sao  Paulo  se  distinguent  entre  toutes  les  populati< 
la  Bépublique  par  leur  esprit  d'initiative  :  on  peut  dire  qu'à  C€ 
égards  se  trouve  là  le  véritable  centre  de  l'Amérique  portugais 
serait-il  pas  plus  simple  de  placer  en  cet  endroit,  où  l'activité  nat 
se  manifeste  avec  le  plus  d'énergie  spontanée,  la  capitale  que  l'or 
cupe  de  créer  au  centre  hydrographique  de  la  contrée?  Déjà,  lo 
premiers  temps  de  la  découverte,  un  colon,  Jo3o  Bamalho,  allié  d' 
"avec  les  Indiens,  s'était  hardiment  installé  loin  de  la  mer,  sur  le 
teaux  de  l'iniérieur.  Un  bourg  fortifié  s'éleva  dès  1552  à  Piratinin 
«  Poisson  Sec  »,  non  loin  de  l'emplacement  où  se  construisit  dep 
cité  de  Sao  Paulo,  et  des  métis  parlant  portugais  commencèrent  à  pi 
le  pays,  en  se  groupant  autour  des  blancs.  En  1552,  les  mission 
jésuites  vinrent  à  leur  tour  résider  au  milieu  des  indigènes  et  bîl 
les  premières  constructions  de  Sao  Paulo,  rivale  heureuse  de  la  c 


SAO  PAULO  ET  LES  PAULISTES.  537 

devancière,  Santo  Andrès  de  Pii*alininga.  Mais  entre  les  deux  éléments 
étrangers,  les  colons  libres  et  les  prêtres,  le  conflit  éclata  bientôt.  Les 
premiers,  avides  de  richesses,  asservissaient  les  Indiens  pour  leur  faire 
cultiver  la  terre  ou  chercher  de  Tor,  tandis  que  les  seconds,  tout  en  em- 
ployant les  Indiens  à  leur  service,  les  protégeaient  contre  les  violences 
des  colons  et  Tesclavage  :  après  les  avoir  convertis  à  la  foi  catholique,  ils 
n'entendaient  pas  que  ces  fidèles,  les  plus  dociles  de  leur  église,  fussent 
molestés  par  tous  les  aventuriers.  D'autre  part,  quand  des  missions  eurent 
été  fondées  sur  territoire  espagnol  aussi  bien  que  sur  territoire  portugais, 
ies  jésuites  des  deux  États  restèrent  solidaires  de  chaque  côté  des  limites 
coloniales,  et,  sauf  pendant  la  période  où  toute  la  péninsule  Ibérique  se 
trouva  réunie  sous  le  pouvoir  du  roi  d'Espagne,  on  put  facilement  pro- 
fiter^ de  cette  alliance  internationale  des  missionnaires  pour  les  accuser  de 
trahison  quand  ils  essayaient  d'empêcher  ou  de  punir  les  incursions  des 
^aTMsfearantei  paulistes  dans  les  missions  du  Paraguay  et  des  plaines  de 
Bolivie.  11  en  résulta  des  luttes  constantes,  où  les  jésuites  finirent  par 
suooomber,  quoique  souvent  soutenus  par  le  pouvoir  central  et  toujours 
P^ï*    l*autoritédu  souverain  pontife.  Les  chasseurs  d'Indiens  eurent  toute 
'*i>ert,ë,  et,  dans  leurs  expéditions  de  traite,  on  les  vit  franchissant  les 
fl^iAv^s  et  les  montagnes,  poussant  leurs  itinéraires  jusqu'à  l'Amazone,  et 

par  delà  le  grand  fleuve,  jusque  sur  les  pentes  des  Andes  équa- 
€s.  Muiiitori  évalue  à  deux  millions  le  nombre  d'Indiens  capturés  par 
l^s   I^aiulistes  dans  l'espace  de  cent  trente  années. 

C^tle  indomptable  énergie,  que  les  Paulistes  déployaient  à  pourchasser 

1  howxime,  ils  l'appliquent  maintenant  au  travail,    et  vraiment,  depuis  le 

^^*lî^u  du  siècle,  ils  se  distinguent  à  cet  égard  parmi  tous  les  autres  Bré- 

^*'*^»^s.  lisse  sont  adonnés  à  la  plantation  du  caficravec  une  sorte  d'em- 

poi-t^rnent,  et  c'est  à  eux  surtout  que  le  Brésil  doit  sa  prépondérance 

Pî^rxTii   les  nations  comme  groupe  producteur  de  café.  Les  premiers  dans 

|ag^i*îculture,  ils  sont  aussi  les  premiers  dans  Taménagement  industriel  : 

'^     possèdent  le   plus  ample  réseau  de  voies  ferrées,  et  même   ils  ont 

^^^^cié  les  Minas  Geraeset  Rio  de  Janeiro  par  la  préparation  d'une  carte 

P^-^Sï^phique  à  l'échelle  du  cent-millième,  qui  se  raccordera  bientôt  avec 

^ï^vaux  analogues  dans  l'Etal  de  Minas.  Bien   plus,  une  expédition 

Incisée  uniquement  de  Brésiliens,  explorant  l'un  des  grands  chemins 

^^^^Is  qui  rattacheront  un  jour  leur  pays  aux  régions  plaléennes,  a 

^^^  au  cinquante-millième  une  carte  de  tout  le  cours  de  l'itapiringa 

^^^^^^    Paranapanema,   carte  qui  l'emporte  certainement  sur  celles  du 

genre  qu'ont  données  de  Castelnau  pour  le  Tapajoz  et  l'Araguaya, 

XIX.  45 


mè 


.  -._  > 


mt  RODVILII  gSorraphie  vniverselle.  I 

&Ifdd  pour  le  rio  Sio  Francisco,  et  Liais  pour  le  rio  das  Vullia^. 
D'aillean,  ces  tniTOai  cartographiques  ne  sonl  que  la  partie  eilérieure  I 
et  visible  des  recherches  approfondies  poursuivies  par  les  explorateurs  i 
dans  Fensemble  de  l'histoire  naturelle.  ! 

La  r^(Hi  la  moins  connue  est  celle  des  hauts  versants  parâiiiens.  Mai-  ! 
gré  l'excellence  de  son  climai,  la  fécondité  de  ses  terrains,  la  facilité  que    ; 
présentent  ses  campagnes  pour  la  consiruction  des  routes  et  le  développe-    ' 
ment  coaùdérable  des  eaux  navigables  de  son  bassin  supérieur,   celte 
région  du  Parani  brésilien  n'a  pas  été  esplorée  avec  le  même  soin  que    ; 
celles  de  l'Amazonei  du  Sio  Francisi-o  et  du  Paraguay.  La  plujiart  des 
documents  que  l'on  possède  sur  cède  contrée  d'un  si  grand  avenir  sont    i 
dus  aux  anciens  explorateurs  [)oi'ln<;ais  et  aux  liandeii-anles  qui  allaient  à 
la  découverte  des  mines  d'or.  Depuis  le  milieu  du  siècle,  les  iagéatean 
chai^  de  tracer  les  voies  ferrées  et  d'étudier  la  narigal^ilé  deO  cours 
d'eau  OQi  recourert  le  pays  d'un  réseau  d'itinéraires  ;  mais  letura  wp^oêi 
ayant  un  but  spécial,  n'ont  que  -peu  contribué  k  la  conoaissaaoe  géa^'i 
raie  du  pays  et  de  ses  immenses  ressources  agricoles.  Les  trannz  sérma 
d'étude  géographique  ont  commencé  tout  réconment,  depuis  qnà  lai 
groupes  de  savants  réunis  au  musée  de  S3o  Paulo  et  i  l'éoide  des  MaîaMi 
d'OuroPretoont  inauguré  et  coordonné  leurs  recherches.  .  . 

A  lui  seul,  l'Ëtat  de  Sâo  Paulo  représente  près  de  la  ountié  du  territoîn 
paranien  du  Brésil,  et  sa  population  est  de  beaucoup  supériewe  k  calfe 
des  deux  autres  États  réunis*.  Santa  Gatharina,  le  plus  petit  des  tinSi 
mais  non  le  moins  peuplé  à  égalité  de  surface,  menace  d'être  encore 
réduit,  car  c'est  dans  la  partie  occidentale  de  son  territoire  que  se  trouve 
l'espace  revendiqué  par  ta  République  Argentine.  Ce  pays  débattu  reste 
indivis  et  presque  désert  depuis  que  les  Espagnols  et  les  Portugais  s'avan- 
cent dans  l'intérieur,  les  premiers  par  la  voie  du  bas  Paranâ,  les  seconds 
par  celle  du  littoral.  Après  un  premier  traité  de  i750,  une  commission 
mixte  s'occupa  de  la  délimitation  des  deux  «  zones  d'influence  »,  mais 
ses  travaux  restèrent  inachevés,  et  l'on  ne  put  même  identifier  les  rivières  . 
que  de  part  et  d'autre  on  réclamait  comme  limites.  En  1777,  le  traité  é 
de  San  lldefonso  décida  que  la  ligne  de  partage  suivrait  le  faite  entrée 

>  Superficie  et  population,  den  trois  Ëtals  paraoIeDï,  en  j  cnmpreiunl  le  territoire  des  llission^s. 
reven(li((ué  par  l'Argentine  : 

SioPuuIn  .    .    .      SaOgTti  kil.  carr.  1500  000  hab.    5,3   hab.  parkil.  carr. 
Paranâ   ....      331319      n  320000     n      1,45  > 

Santa  Catlianna .        74 156      »  350  000     »      :;.5  » 


Ensemble.    .   .      5S0  55I  kil.  carr.  2  070000  hab.  3,5   hab.  par  kil.  i 


S40  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

des  c<  Missions  »  d'entre  Parana  el  Uruguay,  il  est  trop  faible  pour  qu' 
lui  soit  possible  de  revendiquer  plus  à  Test  le  terrain  débattu,  el 
procès  se  trouve  restreint  entre  l'Argentine  et  le  Brésil.  En  vertu  d*i 
accord  conclu  en  1887,  le  président  des  Ëtats-Unis,  choisi  comme  arbitr 
décidera  en  faveur  de  Tune  ou  de  Tautre  des  parties  en  conflit,  ms 
sans  qu'il  puisse  adopter  le  moyen  terme  de  partager  par  moitié  les  lerr 
disputées,  comprenant  un  espace  évalué  à  50018  kilomètres  carrés  (1892 
Les  Brésiliens  se  sont  avancés  le  plus  loin  dans  cette  région  de  (ori 
épaisses,  au  Campo  Ere,  au  delà  du  Chapecô,  dit  Piquiri  Guazû  par  1 
diplomates  espagnols.  En  1890,  la  population  totale  de  la  région  neut 
s'élevait  à  près  de  deux  mille  individus,  possédant  plus  de  40000  têtes  < 
gros  bétail. 


Les  roches  qui  donnent  son  relief  à  l'État  de  Rio  de  Janeiro  se  con 
nuent  dans  les  États  méridionaux  de  la  République,  mais  avec  de  notabi 
dilTérences  dans  l'altitude  et  Torientation.  Malgré  son  nom,  la  serra 
Mar  ou  «  chaîne  Côtière  »  n'est  point  une  arôte  de  montagnes,  du  moi 
au  sud-ouest  du  massif  de  Bocaina.  Après  avoir  escaladé  le  versant  tour 
vers  la  mer  et  la  légère  saillie  que  forme  le  rebord  du  plateau,  le  voyage 
qui  vient  de  Santos  se  trouve  dans  une  plaine  n'ayant  pour  bornes  apj 
rentes  que  de   lointaines  croupes.  L'aspect  de  la  végétation  a  chan 
brusquement  :  d'un  côté  les  arbres  somptueux  et  touilus  de  Taire  tro| 
cale,  de  l'autre  des  plantes  rabougries  qui  rappellent  en  maints  endro 
les  landes  de   l'Allemagne  du  Nord,  et   sur  les  terrasses  les  araucari 
superbes  et  réguliers  laissant   passer  la  lumière  entre  leurs  branche! 
L'obstacle  aux  communications  entre   le  littoral  et  les  terres  doucemc 
ondulées    de   l'intérieur   provient   moins  de   l'àpreté   des  escarpemei 
que  de  l'épaisseur  des  fourrés  :  les  pionniers  qui  frayent  à  coups 
sabre  les    sinueuses  picadas    sur  les   promontoires   du   versant   ont 
travailler  pendant  des  journées  et  des  semaines  avant  d'arriver  sur 
terrasses  du  plateau.  Quoique  les  rides  bordières  se  continuent  régulièi 
ment  le  long  du  haut  pays,  on  les  connaît  sous  des  noms  différents, 
les  désignant  d'ordinaire  d'après  les  villes  ou  villages  de  leur  base.  A 
dessus  du   port  d'Ubalûba,  les  montagnes   sont  dites  serra  d'Ubatûl 
entre  Santos  et  Sao  Paulo,  on  les  appelle  serra  de  Cubatao,  d'après 
hameau  perdu  dans  la  brousse  marécageuse,  au  bord  d'un  bayou  qui  c( 

'  John  Bail,  Notes  of  a  Naturalist  in  South  America, 


ÉTATS  PARANIENS  ET  LEURS  MONTAGNES.  345 

tourne    l'île  de  Santos.  La  hauteur  de  la  crête,  vue  du  liltoral,  est  à  peu 

près   uniforme.  Les  monts,  composés  de  gneiss  et  de  granit,  et  traversés 

par  des  masses  éruptives  de  mélaphyres,  s'élèvent  à  un  millier  de  mètres 

environ.   Cependant  la  serra  dos  Itatins,  dont  les  aiguilles  dominent  le 

littoral    entre  Santos  et  Iguapé,  atteint  1330  mètres,  d'après  Mouchez; 

plus  loin,  celle  de  Guarahû  présente  la  même  altitude,  et  dans  l'État  de 

raranâ    la  serra  Graciosa,  à  la  crête  fort  dentelée,  a  probablement,  suivant* 

'opinion  d'Orville  Derby,  des  hauteurs  de  1500  mètres.  La  voie  ferrée  de 

Santos   à  S5o  Paulo  franchit  la  serra  do  Mar  à  799  mètres,  et  celle  de  Para- 

ï^agua     à  Curitibà,  plus  élevée,  passe  en  souterrain  à  955  mètres.  Dans 

iËtat.      cie  Santa  Catharina,  elle  se  trouve  interrompue  par  la  profonde 

vallée  cJe  Tltajahy,  puis  elle  reprend  au  sud  pour  former  les  magniCques 

terrs^^^^g  dites  Campos  de  Boa  Vista  et  les  pittoresques  montagnes  graniti- 

que^    de  TubarSo,  souvent  comparées  à  la  chaîne  des  Orgues.  Des  grès  et 

des   ti^lcaires  paléozoïques  s'appuient  à  l'ouest  sur  les  roches  cristallines  de 

la  s%î^p3  Jq  ji(3p^  ^i  jg  vastes  grottes  à  stalactites,  parcoumes  par  des  eaux 

^^^^^^ntes,  traversent  la  contrée.  Les  gisements  aurifères  de  la  région,  très 

'^^^^t.ueusement  exploités  au  siècle  dernier,  ont  été  abandonnés. 

"5ins  l'État  de  Sao  Paulo,  la  serra  Mantiqueira  se  continue,  comme  dans 
^  ïVio  de  Janeiro,  et  se  développe  dans  l'intérieur  parallèlement  à  la  serra 
^    îilar,  mais  n'offre  pas  de  saillies  aussi  considérables.  Après  avoir  formé 
^  tnassif  d'Itatiaya,  le  plus  puissant  du  Brésil,  elle  s'abaisse  de  plus  d'un 
^^Ulier  de  mètres;  cependant  au  nord  de  Pindamonhangaba  le  vaste  pla- 
^^u  connu  sous  le  nom  de  Campos  do  Jordao  présente  des  croupes  et  des 
^ics  aux  altitudes  diverses  de  1500  à  1800  mètres;  une  des  pointes  a 
1782  mètres  de  hauteur.  Au  morro  do  Lopo,  sur  la  limite  commune  des 
ïîlats  de  Minas  et  de  Sao  Paulo,  la  chaîne  s'élève  à  1655  mètres  seule- 
ment, mais  elle  gagne  en  largeur  ce  qu'elle  perd  en  saillie,  et  de  nom- 
breux massifs  latéraux  se  développent  dans  la  direction  du  nord.  Les  pics 
qui  se  dressent  dans  le  voisinage  de  la  ville  thermale  dite  Poços  de  Caldas, 
et  dont  les  pointes  atteindraient  1600  mètres,  tandis  que  le  chemin  de 
fer  se  glisse  par  un  seuil  de   1200   mètres,  commandent   un  immense 
horizon  de  montagnes  :  on  dirait  une  mer  aux  énormes  vagues  soudaine- 
ment figées*.  Les  monts  de  Caldas  appartiennent  à  la  même  formation 
que  le  massif  d'Itatiaya  :  a  côté  des  granits  et  des  gneiss  on  y  trouve 
aussi  des  phonolithes  et  des  tufs  qui  témoignent  d'anciennes  éruptions 
volcaniques. 

*  Onrille  A.  Derbv.  Notet  manvscrileê. 


344  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

La  serra  Manliqueira  change  de  nom  en  s'abaissant  et  en  se  divisant 
par  massifs  elliptiques  de  granit,  dominant  de  quelques  centaines  de 
mètres  les  étendues  des  platefiux.  Au  nord  du  chef-lieu,  la  chaîne  s*ap- 
pelle  serra  da  Cantareira  :  elle  s'abaisse  en  un  seuil  dont  profite  le  chemin 
de  fer  du  nord,  puis  forme  Ja  serra  de  Jaragua,  d'après  un  de  ses  pitons 
(1100  mètres),  dont  le  profil,  en  forme  de  visage  aux  traits  fortement 
marqués,  se  découpe  sur  l'horizon,  à  l'ouest  de  la  voie  ferrée.  Au  delà, 
vers  l'ouest  et  le  sud-ouest,  la  chaîne,  coupée  par  la  profonde  et  large 
vallée  du  Tiefcé,  se  confond  d'une  part  avec  les  plateaux,  de  l'autre  avec 
les  saillies  qui  appartiennent  au  système  de  la  serra  do  Mar.  La  croupe 
principale,  la  serra  de  Paranapiacaba,  ou  «  Vue  de  l'Océan  »,  composée 
de  schistes  métamorphiques  et  de  granits,  s'abaisse  vers  le  nord  par  de 
longues  pentes  dans  lesquelles  les  rivières  du  système  paranien  ont 
creusé  leurs  vallées  serpentines  :  de  distance  en  distance,  des  croupes 
onduleuses,  désignées  sous  le  nom  de  serras^  comme  si  elles  étaient  de 
véritables  montagnes,  se  déroulent,  couvertes  de  grands  bois,  entre  les 
bassins  des  eaux  courantes  :  leurs  dos  culminent  à  un  ou  deux  cents 
mètres  au-dessus  des  fonds.  Ça  et  là  des  roches  à  parois  verticales, 
pareilles  à  des  forteresses,  hérissent  le  sommet  des  mornes  :  ce  sont  les 
restes  de  coulées  éruptives  qui  ont  résisté  aux  agents  météoriques;  mais 
à  l'extérieur,  dans  presque  toute  leur  étendue,  les  masses  rejetées  se  sont 
transformées  en  cette  fameuse  «  terre  rouge  »,  terra  roxa^  qui  donne  de 
si  magnifiques  récoltes  aux  planteurs  de  cafiers;  en  maints  endroits 
d'ailleurs,  celte  terre  a  dû  être  remaniée  par  les  eaux,  car  on  y  trouve 
des  coquillages  et  des  débris  de  plantes\  La  couleur  de  cette  roche, 
qui  présente  en  certains  endroits  une  épaisseur  de  vingt,  trente  et  même 
(|uarantc  mètres*,  est  d'un  rouge  plus  sombre  que  celui  de  la  ierra 
vermelha  ou  massapé  que  l'on  trouve  en  beaucoup  d'autres  parties 
du  Brésil  et  qui  provient  de  granits  décomposés.  Les  agriculteurs  con- 
naissent bien  les  nuances  de  ces  divers  terrains,  et,  d'après  elles,  règlent 
le  prix  des  ventes. 

Sur  le  versant  paranien  une  grande  partie  des  hauteurs  sont  assez  unies 
pour  mériter  le  nom  de  campos.  D'ailleurs,  ils  se  distinguent  moins  par 
le  relief  que  par  la  flore;  cependant  jamais  les  âpres  terrains  très  acci- 
dentés ne  sont  désijj^nés  sous  ce  nom.  Les  campos  sont  des  espaces  herbeux 
ou  à  végétation  basse  contrastant  avec  les  étendues  couvertes  de  forêts 

*  Glaziou,  Noies  fhan  user  îles. 

*  Fr.  Leile  Guimaraes,  Noies  mn miser iles. 


MONTAGNES,  FLEUVES  DES  ÉTATS  PARANIENS.  345 

vierges  ou  de  capœiraSy  c'est-à-dire  de  fourrés  d'une  seconde  venue.  Ainsi 
les  incendies  augmentent  la  superficie  des  campos,  et  nombre  d'auteurs 
émettent  Topinion,  probablement  erronée,  que  les  campos  brésiliens,  de 
même  que  les  prairies  mississippiennes,  doivent  leur  unique  origine  à 
l'action  du  feu\  Il  est  certain  que  ces  régions  déboisées  reçoivent  une 
quantité  de  pluie  suffisante  pour  la  croissance  des  arbres,  car  tous  ceux 
qu'y  plantent  les  rares  cultivateui*s  à  demi  nomades  y  naissent  facilement 
et  continuent  de  prospérer  après  le  départ  des  colons.. 


Les  déclivités  orientales  de  la  serra  do  Mar,  quoique  recevant  l'eau 
fluviale  en  grande  abondance,  ne  versent  à  la  mer  que  de  faibles  cou- 
rants, descendant  en  de  courtes  vallées.  Entre  l'Étal  de  Rio  de  Janeiro 
et  celui  de  Rio  Grande  do  Sul  le  principal  cours  d'eau  du  littoral  atlan- 
tique est  la  Ribeira  de  Iguapé,  dont  les  hauts  affluents,  nés  sur  les  pla- 
teaux de  l'intérieur,  coupent  par  de  profondes  vallées  la  saillie  de  la 
serra  do  Mar.  Dans  son  cours  inférieur,  l'Iguapé  se  rapproche  beaucoup  de 
la  côte  et  détache  même  un  canal  de  5  kilomètres  qui  va  se  réunir  au 
marigot  de  Gananea  ;  mais  le  courant  principal  se  reploie  vers  le  nord-est, 
pour  se  jeter  dans  la  mer  à  un  endroit  où  la  côte  est  franche,  libre  d'ilôts. 
De  petits  bateaux  à  vapeur  remontent  la  basse  Ribeira  d'Iguapé  et  mémo 
ses  deux  affluents,  le  Juquia  et  le  Jacupiranga*.  L'Itajahy,  la  principale 
rivière  de  Santa  Catharina,  n'égale  pas  l'Iguapé;  mais,  traversant  les  colo- 
nies allemandes,  qu'ont  souvent  visitées  des  savants  d'Europe,  il  doit  à 
ce  fait  d'avoir  été  mieux  étudié  que  les  autres  rivières  du  versant. 

Connue  d'ordinaire  sous  le  nom  de  Serra-abaixo,  ou  «  Pied-mont  », 
par  contraste  avec  la  Serra-acima  ou  «  Haut-mont  »  des  plateaux,  l'étroite 
bande  de  terres  basses  qui  sépare  le  pied  de  la  serra  do  Mar  et  l'Océan  est 
en  entier  formée  de  dépôts  marins,  çà  et  là  recouverts  d'eaux  maréca- 
geuses et  traversés  de  coulées.  Les  grès  d'origine  océanique  sur  lesquels 
se  déroulent  les  sables  des  dunes  renferment  des  restes  de  troncs  et  de 
racines  oflrant  une  grande  ressemblance  avec  ceux  des  manguiers  actuels. 
Ces  dépôts  ont  été  cerlainement  recouverts  par  les  eaux  marines  à  une 
époque  récente,  et  l'on  croit  même  que  des  immersions  et  émersions 
successives  ont  eu  lieu  dans  cette  partie  du  littoral,  car  les  berges  qui 
contiennent  des  restes  végétaux  ofl^rent  huit   ou  dix   strates  diflérentes. 


*  Alberto  Loefgren,  ContribuiçÔes  para  a  boianica  paulUla 

*  Superficie  du  bassin  de  la  Ribeira  d'Iguapé,  d'après  H.  Bauer  :  28  900  kilomètres  carrés. 

xn.  44 

% 


50l'VELLE  ceoCRAPHlE  iniVEItSEtLE. 

bmtes  horizdiilalos  l't  d'une  C'puisseur  variable,  l/uiie  d'elles,  qui  se  com- 
pow  d'iiii  W'v  limonitc  presque  pur,  s'esl  formée  en  des  eaui  maréca- 
geuses'. U'aprùs  Karl  Halli,  luule  la  i;âle  du  Urésil  méridiuuiil  s'élfevcrait 
actuellement,  de  Itio  de  Joiieira  li  llio  Grande  do  Siil.  I^s  anciens  tombeaux 
iodiens  el  les  tainbiiqui  ou  monticules  deciKjuilliiges  que  l'on  roucontrtï  en 
grand  nombre  le  long  du  littoral  sont  tous  à  un  niveau  de  12  à  25  raùlres 


e/fOmJOmétnt 


l^fOmMetHItAià 


supéneur  aux  affleurements  du  flot,  quoique  ces  amas,  provenant  de  la 
pêche,  aient  été  jadis  déposés  au  bord  de  la  mer. 

D'ailleurs  on  constate  sur  toute  la  cdte  méridionale  du  Bi'ésil,  à  partir 
de  Sanlos,  que  de  fréquentes  modifications  ont  eu  lieu  dans  la  forme  du 
littoral;  d'un  coté  la  mer  pénètre  dans  le  continent  par  des  baies  et  des 
bayous,  tandis  que  la  terre  ferme  se  frange  de  bancs  de  vase,  de  flèches 
sableuses  et  de  cordons  littoraux.  Des  invasions  marines  el  des  empiéte- 


ll>!DrLquu  E,  Bauer,  Beiichte  det  nalurwitseiurhafllû'hen  Vereins  in  Regeiuburg,  1890. 


348  NOUVELLE  GfiOCRAPHIE  UNIVERSELLE. 

alluvions  moderaes,  telles  les  collines  de  Sanlos  et  de  Santo  Amaro,  àaaW 
les  anciens  délroils  ae  sont  plus  marqués  que  par  des  coulées  sans  profon — 
deur.  La  vaste  baie  de  Paranaguâ,  qui  ressemble  beaucoup  à  celle  de  Riczx 
de  Janeiro,  et  qui,  d'après  les  étymologistes,  en  aurait  aussi  rancier~i 
nom  retourné  —  Guanabarâ  ou  «  Baie  »,  «  Sac  de  mer  »,  —  est,  < 


R*  N.  —  MU  H  ruuuuonl- 


iftSi/OV 


^/Brti»i</.'/j 


le  golfe  de  Santos,  bordée  de  lerres  man'-cageuses  dépassant  à  peine  la 
surface  de  l'eau.  La  grande  île  de  S3o  Francisco,  au  devant  des  estuaires 
de  Joinville,  a  gardé  son  caractère  insulaire,  et  un  chenal  libre  la 
sépare  em-ore  du  littoral,  quoique  le  rivage  extérieur,  tourné  vers  la  mer, 
continue  exactement  la  rive  continentale.  1/ilc  granitique  de  Santa 
Cntharina  se  trouve  dans  des  conditions  analogues  :  un  soulèvement  do 


>  Yarnlingcn,  HUIoria  gérai  do  Branl. 


HAUT  PARANA  et  SES  AFFLUENTS,  349 

deu^    OU  trois  mètres   Tunirait  au  continent  par   un  pédoncule  projeté 
enti^e    les  deux  manches  du  nord  et  du  sud. 

la  pente  rapide  du  territoire  tournée  vers  TA tlan tique  répond  une 

e  conti*e-pente  s'inclinant  au  loin  vers  le  Parand.  Les  pluies  y  sont 

moins  abondantes,  mais  la  zone  d'écoulement  y  occupe  une  étendue  beau- 

coiap  plus  considérable,  et  de  grands  fleuves  y  serpentent  pour  s'unir  dans 

la    vaste  ramure  dont  le  tronc  est  formé  par  l'estuaire  de  la  Plata.  Même 

une  partie  de  la  déclivité  se  tourne  vers  le  nord,  comme  si  à  son  origine 

le  Jbassin  hydrographique  cherchait  à  se  rattacher  au  système  amazonien  : 

plusieurs  des  fortes  rivières  de  l'État  de   Sao  Paulo,  le  Tieté,  le  Mogy 

guassu ,  coulent  dans  la  direction  du  nord.  Mais  les  hauteurs  du  faite 

central  rejettent  définitivement  les  eaux  vers  le  sud  et  vers  le  sud-ouest, 

à  la   r-cî  «contre  du  Paraguay. 

Par   la  masse  du  courant  fluvial,  le  système  hydrographique  de  la  Plata 

appartient  beaucoup  plus  au  Brésil  qu'aux  territoires  hispano-américains, 

Arg-einttine  et  Paraguay.  Si  l'artère  maîtresse,  par  l'orientation  du  courant 

^^    I>a.ï*  la  jonction  dans  les  terres  basses  avec  les  affluents  de  l'Amazone, 

t^icn  la  rivière  Paraguay,  le  Paranâ  brésilien  apporte  le  plus  grand 

le  liquide.  Bien  qu'il  ne  suive  pas  l'axe  de  la  vallée  majeure,  il  reçoit 

faites  voisins  de  J'Atlantique  les  affluents  les  plus  abondants  et  les 

nombreux  et  se  développe  sur  une  longueur  de  cours  notablement 

considérable  que  celle  du  Paraguay  :  à  cet  égai-d,  le  Parana  correspond 

Missouri,   dans  l'Amérique  septentrionale;  dans  le  double  système 

i\  du  sud,  le  Paraguay  serait  l'analogue  du  Mississippi. 

source  principale  du  Parana  ou  «  Fleuve  »  n'est  pas  connue  sous  le 

que  le  courant  prend  en  aval  et  l'on  ne  sauvait  pas  même  indiquer, 

li  les  branches  maîtresses,  celle  qui   a  droit  au   premier  rang,  le 

mbà,  le  San  Marcos  ou  le  Paranahyba*.  Ce  dernier  naît  dans  la  partie 

issin  la  plus  éloignée  de  l'axe  fluvial,  et  commence  h  couler  dans  la 

îlion  du  nord,  en  formant  éventail  îivec  le  Sao  Francisco.  Encore  faible, 

replie  vers  le  nord-ouest,  puis  vers  l'ouest,  et  s'unit  au  San  Marcos 

du  nord.  Au  delà,  le  courant  tortueux  va  rejoindre,  à  200  kilomètres 

bas,  la  forte  rivière  du  Gorumba,  issue  des  ravins  pierreux  que  domi- 

t  les  Pyreneos ;  le  rio  da  Meia  Ponte  et  le  rio  dos  Bois,  descendus  du 

\e  faîte  avec  de  nombreux  affluents,  contribuent  à  grossir  le  courant, 

^is  que  de  l'autre  côté  une  rivière    dite  rio  das  Velhas,  comme   le 

rs  d'eau  plus  connu  appartenant  au  bassin  du  Sao  Francisco,  amène 

OrriUe  A.  Derby,  Conlribuiçào  para  o  estudo  da  Geographia  phyuica  do  valle  do  rio  Grande 


350  NOUVELLE  GËOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

le  produit  des  sources  de  la  Canastra  et  de  la  Matta  de  Corda.  Le  fleu^ 
Paranà  est  déjà  constitué  à  la  rencontre  de  l'abondante  rivière  dite  ri:^ 
Grande,  qui  naît  sur  les  plateaux  de  Minas  Gcracs,  au  principal  nœud  dE: 
diramation  fluviale  à  Torient  du  Brésil. 

Le  rio  Grande,  plus  abondant  que  chacune  des  autres  branches  du  haï 

Parana,  s'en  distingue  par  la  nature  montagneuse  de  son  haut  bassina 
La   source   principale    nait    dans    le    massif  de  Tltatiaya,   à    plus  dV« 
2500  mètres  d'altitude.  Le  rio  das  Mortes,  le  Sapucahy,  ses  tributair^cs 
du  nord,  coulent  aussi  en  des  pays  accidentés  de  roches  et  de  collines;  : 
mais  le  rio  Pardo,  arrosant  au  sud  les  hautes  terres  de  S3o  Paulo,  présente 
un  cours  plus   régulier.  Ayant  à  parcourir   une  région  très  inclinée, 
le  rio  Grande  n'est  point  navigable  dans  son    cours  supérieur   ou  du 
moins  n'ofire   que  des  biefs  peu  considérables  au    libre  pai*cours  des 
barques;  de  nombreuses  cascades  interrompent  son  courant,  et  parmi 
ces  chutes  plusieurs  ont  un  aspect  grandiose  :  tel  le  saut  de  Maribondo, 
en  aval  de  la  jonction  du  rio  Pardo  ;  en  cet  endroit,  la  masse  liquide,  déjà 
très  abondante,  plonge  d'une  hauteur  de  20  mètres.  D'autres  cascades  ont 
été  graduellement  déblayées  par  la  destruction  des  roches  qui  barraient 
le  flot  :  c'est  ainsi  qu'au    sud   d'Uberaba    les    masses    schisteuses  qui 
obstruaient   le  fleuve  ont   été  peu  à  peu  rongées;  il  n'en  reste  que  des 
blocs  de  quartz  solide  formant  ilôts  au  travers  du  courant  ;  les  ingénieurs 
ont  pu  construire  sur  le  rio  Grande  un  pont  d'environ  400  mètres,  dont 
les  vingt-cinq  piles  reposent  toutes  sur  des  saillies  émergées. 

Le  Pardo  et  son  affluent  le  Mogy  guassù,  de  même  que  la  rivière  Tielé, 
coulant  plus  au  sud,  parallèlement  au  rio  Grande,  ofl'rent  à  la  navigation 
une  longueur  de  courant  supérieure,  grâce  aux  moindres  accidents  du  sol 
qu'ils  parcourent  et  aux  travaux  de  régularisation.  Le  Mogy  guassû,  qui 
serpente  dans  la  région  la  plus  prospère  des  caféteries  paulistes,  présente, 
en  une  ligne  continue  de  250  kilomètres,  un  chenal  navigable,  à  peine 
interrompu  de  rapides  dont  on  a  su  prolonger  et  adoucir  la  déclivité 
par  des  jetées  latérales  de  pierres  perdues.  Le  Tieté,  de  tous  les  affluents 
paraniens,  est  celui  qui  naît  le  plus  près  de  l'Atlantique  :  telle  haute 
source  jaillit  à  une  douzaine  de  kilomètres  seulement  du  rivage  de  la 
mer,  mais  a  mille  mètres  au-dessus.  Les  ruisseaux  supérieurs,  unis  dans 
un  ancien  lac  ramifié  que  renvahissement  de  la  végétation  a  graduelle- 
ment changé  en  tourbière,  forment  une  rivière  imposante  déjà  sous  le 
ce  Grand  Pont  »  de  Sao  Paulo.  Le  cours  du  Tieté,  rattaché  par  les  chemins 
de  fer  au  port  de  Santos,  comme  le  Mogy  guassû,  permet  au  trafic,  mais 
à  un  moindre  degré,  de  pénétrer  dans  les  régions,  désertes  naguère,  des 


HAUT  PARANÀ  ET  SES  AFFLUENTS.  351 

camfos  du  Paranà;  toutefois  deux  hautes  cascades,  Avanhandava  et  Itapura, 

se   succèdent  dans  la  partie  inférieure  du  fleuve.  A  la  chute  d'Àvanhadava, 

un      :rocher  traverse  obliquement  le  Tielé,  large  d'environ  150  mètres,  et 

Ja    «allasse  liquide,  précédée  d'un  rapide,  suivie  d'un  autre  plan  incliné, 

tomlDC  de  13  mètres  en  une  nappe  d'écume;  au  salto  d'itapira,  situé  à 

peu      de  distance  en  amont  du  confluent,  les  eaux  plongent  de  20  mètres 

en     ;^:^lusieurs  nappes  entre  des  piliers  inégaux  qu'ombragent  des  massifs 

d'aiT'SBucarias.  A  quelques  kilomètres  au-dessus  du  confluent,  le  Paranâ 

lui— «:même  a  formé  la  grande  chute  du  «  Vautour  »,  —  Urubupunga. 

El  in  aval  du  Tieté,  le  Paranâ  s'accroît  de  nombreuses  rivières,  dont  les 

plu^    abondantes  proviennent  du  versant  oriental,  celui  qui  s'incline  en 

P^ii^  te  douce.  Sur  le  versant  occidental,  la  déclivité,  plus  brusque,  est 

par'c5^c)urue  de  cours  d'eau  déjà  considérables,  mais  de  beaucoup  inférieurs 

^^      Mr\o  Grande  et  au  Tieté  :  le  Sucuryû,  le  rio  Verde,    le  rio  Pardo, 

*  Ivîa:iheima.  Ce  dernier  affluent  s'unit  au  Paranâ  à  une  petite  distance  en 

^^^1   d'un  tributaire  presque  égal  au  rio  Grande,  le  Paranapanema,  dont  les 

^'^l^^cnts  supérieurs  naissent  dans   le  voisinage  de   l'Atlantique,  sur  le 

ï*ev^i-s  occidental  des  gradins  qui  descendent  vers   l'Océan.  Environ  la 

''^^•^l-ié  du  bassin  fluvial  dont  le  Paranapanema  inférieur  constitue  l'émis- 

^*^^&  commun  reste  terre  inconnue,  et  quoique  le  Sao  Paulo  soit,  à  cer- 

^**^s  égards,  TÉtat  par  excellence,  grâce  à  ses  avantages  naturels,  aussi 

*^Ol  que  par  la  connaissance  géographique  que  l'on  a  de  son  territoire, 

^^    ^spce  triangulaire  d'environ  75000  kilomètres  carrés,  compris  entre 

^     ^ieléet  le  Paranapanema,  porte  sur  les  cartes  la  désignation  de  Zona 


-*-*eî    Paranapanema,    c'est-à-dire,   d'après    quelques    étymologisles,    la 
*"^^îère  Inutile  »,  mérite  ce  nom  par  ses  rapides,  ses  barrages  de  pierres. 


cascades,  qui  l'interrompent  aux  points  de  croisement  de  toutes  les 
s  rocheuses.  Une  très  haute  chute,  le  salto  ou  la  eachoeira  Grande, 
jpc  son  lit  en  aval  du  rio  Pardo,  limite  actuelle  de  la  colonisation  : 
^    ^^ei  endroit,  le  fleuve,  qui  débite  une   trentaine  de  mètres  cubes  à  la 
^^^Onde,  plonge  d'une  dizaine  de  mètres  dans  une  chaudière  bouillonnante 


^^-•^  l'eau  s'échappe  par  une  étroite  fissure.  D'autres  saltos  succèdent  à 
^^  ^s^lto  Grande  et  la  navigation  ne  peut  commencer  qu'en  aval  de  la 
^^^^^re  Tibagy.  Dès  maintenant  on  pourrait  utiliser  cette  voie  navigable 
F^-*r  communiquer  entre  les  États  du  littoral  et  le  Matlo  Grosso.  Les  em- 
*^^^^lions  descendent  le  Paranapanema  jusqu'à  sa  jonction  avec  le  Paranâ, 
à  >2^8  mètres  d'altitude,  puis  se  laissent  porter  par  le  courant  du  fleuve 
j^^u'à  la  bouche  de  Tlvinheima,  qu'elles  remontent  jusqu'au  voisinage  de 


353  KOVVELIE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Mirdndn,  sur  le  versant  du  Fai-aguay.  L'ensemble  de  cette  navigalioiM.   s 
développe  sur  une  longueur  de  707  kilomètres. 

L'Ivahy,  le  Piquiry,  coulant  parallèlement  au  Paranapanema,  rejoigiM.«i 
en  aval  le  courant  majeur  qui,  par  ses  berges  rocheuses,  ses  cluses,  s 
rapides,  appartient  encore  au  plateau.  Mais  une  porte  s'ouvre  dans       ] 


montagnes,  jtar  laquelle  il  va  descendre  dans  la  plaine.  La  serra  de  If 
cajii  (Mbaracayû),  sen-ant  de  limite  entre  le  Brésil  et  le  Paraguay, 
jette  SCS  chaînons  avancés  dans  la  dircctitm  de  l'ouest  à  l'est  et  ré 
le  lit,  qui  h  l'amont  s'élale  en  un  lac  large  de  plusieurs  kïlom 
entourant  une  grande  île  de  ses  deux  hras.  Airivé  au  bord  du  roch 
forme  barrage,  le  Paranâ  s'abat  sur  une  paroi  très  rapide,  mais  no 
licale,  en  plusieurs  chutes   de  15  à    IS  mètres  de  hauteur,   di 
toutes  par  le  cadre  de  rochei's  et  de  véf;ét!ilinn,  aussi  bien  que 


i 


PARANA  et  IGUAZO.  555 

nnasse  et  Tépaisseur  d'eau.  Le  nom  populaire  de  ces  chutes  est  Sete 
G^^^^^dat  (en  espagnol  Siete  Caidaa),  mais  il  ne  faut  voir  dans  cette  appel- 
lation de  «  Sept  Chutes  »  aucune  énumération  précise,  car  dans  les 
liasses  eaux  le  fleuve  se  partage  en  de  nombreux  courants  partiels,  quel- 
cjuefois  plus  d'une  vingtaine,  tandis  que  lors  des  grandes  crues  la  puis- 
sante masse  liquide,  recouvrant  toutes  les  saillies  de  la  roche,  plonge 
^n   une  seule  nappe  entre  les  deux  rives.  Les  troncs  d'arbres  flottés, 
€]ue  l'on  aperçoit  à  diverses  hauteurs  dans  les  anfractuosités  des  berges, 
indiquent  de  saison  en  saison  les  niveaux  successifs  de  la  chute.  Des 
groupes  d'araucarias,  s'élevant  au-dessus  de  la  cascade,  dans  l'île  et  ses 
flots,  se  montrent  ça  et  là  sur  le  demi-cercle  que  forme  l'ensemble  des 
c^aux  plongeantes.  En  1631,  lorsque  les  jésuites  du  haut  Parana  furent 
oUigés  d'évacuer  leurs  missions  de  la  Guayra,  ils  perdirent  dans  ces 
p^^rages,  en  amont  et  en  aval  des  chutes,  [plus  de  trois  cents  de  leurs 
Tnbarcations.  Depuis  cette  époque  on  donne  aussi  aux  Sete  Quedas  le 
om  de  chutes  de  la  Guayra. 
Au-dessous  des  Sept  Chutes  le  fleuve  glisse  encore  en  rapides,  qui 
■r^^ndent  le  canotage  très  difficile  à  la  remonte,  puis  il  se  calme  peu  à 
u.  Dans  cette  partie  de  son  cours  il  reçoit  son  dernier  grand  tributaire, 
it  autrefois  le  rio  Grande  de  Curitiba,  mais  plus  connu  sous  le  nom 
arani  d'Iguazû  (Y-guassû).    Parallèle  au  Paranapanema,  au  Tieté  et 
utres  forts  affluents  brésiliens  du  Parana,  l'Iguazû  est  également  coupé 
^e  cascades  aux  gradins  correspondants  et  finit  son  cours  au  saut  de  Vic- 
toria, ofirant  comme  les  Sept  Chutes  un  vaste  hémicycle  de  cascades  avec 
leur  décor  de  rochers  et  d'araucarias  :  la  plus  haute  colonne  d'eau  a 
60  mètres  d'élévation.  Les  navigateurs  qui  remontent  ou  descendent  le 
Parana,  à  8  kilomètres  de  distance,  entendent  le  grondement  continuel 
de  la  cascade.  C'est  là  que  le  gouvernement  du  Brésil  a  installé  sa  colonie 
militaire  et  son  arsenal  pour  commander  la  navigation  de  tout  le  cours 
inférieur  du  Parana  jusque  dans  les  eaux  argentines.  Dès  l'année  1542,  le 
fameux  conquistador  Alvar  Nunez  «  Tête  de  Vache  »  avait  suivi  cette  route 
dans  son  voyage  aventureux  du  Brésil  au  Paraguay*. 

En  aval  de  l'Iguazû,  le  Parana,  désormais  sans  cascades  ni  dangereux 
rapides,  passe  en  d'étroites  cluses  :  tel  le  défilé  d'Ilanguaymi,  où  le  cou- 
rant, ample  en  certains  endroits  de  quatre  et  cinq  mille  mètres,  se 
rétrécit- à  moins  de  140  mètres*.  Plus  bas,  le  fleuve  s'élargit  définitive- 


'  Theodoro  Sampaio,  ConsideraçÔes  geographicas  e  economicas  sobre  o  rio  Paranapanema. 
•  Domingo  Patifto,  Bulletin  de  la  Société  de  Géographie ,  août  i8G8. 


m  !TOUTELLI  GËOGRAPHIE  UKtVERSELLE. 

ment  et,  cessant  de  coaler  pnrnllèiomeiii  au  liiioml  océaoiquc  du  Bivait, 
comme  s'il  devait  emprunter  le  cours  iiirc-rîour  de  l'Uruguay,  se  rejcUe 
Ters  l'ouest  et  déroale  son  Ilot  jaunâtre  autour  d'îles  basses,  entre  des 
b«^  marécageuses.  A  l'endroit  où  il  nuicontrc  lu  {leuvr  axial  du  Itassin, 
le  Par^iuay.  il  roule  une  cjuaulité  d'eau  souvent  dix  fois  supérieure  b 
celle  de  son  rival. 


oral 


I 


'  IjC  climat  de  SSo  Paulo,  du  Purand,  de  Sauta  Cnlharina,  reliions  h  Hltorm^' 
océanique  étroit  et  à  vastes  jiiateaux  accidentés  s'inclinanl  doucement  vers 
l'intérieur,  ressemble  d'une  uianièce  gL-nénilc  ù  celui  des  Minas,  avec  cette 
différence  essentielle,  que  ces  contrées,  se  développant  partiellement  au 
sud  en  dehors  de  la  zone  tropicale,  présentent  un  contraste  saisonnier  plus 
tranché,  suivant  la  position  du  soleil  au  zénith.  Les  hivers  de  Sào  Paulo,  et 
surtout  ceux  des  deux  Ëlats  situés  plus  au  sud,  sont  de  véritables  hivci-s, 
caractérisés  par  un  abaissement  notable  de  température,  par  d'âpres 
vents  froids  d'origine  polain\  par  la  chute  du  thermomcti-e  au-dessous  du 
point  de  glace,  et  quelquefois  même  par  des  neiges.  Mais  le  priocipal  con- 
traste n'est  pas  celui  du  nord  au  sud  :  l'opposition  tranchée  se  montre  de 
l'est  k  l'ouest,  suivant  les  altitudes.  La  zone  du  littoral,  au  pied  des  inimls, 
appartient  encore  en  partie  à  la  région  torride,  et  se  continue  vers  le  sud 
par  des  contrées  subtropicales  qui  rappellent  l'Italie  auKsi  bien  par  le 
climat  que  par  les  découpures  et  les  hauteurs  verdoyantes  des  côtes.  Une 
autre  zone  parallèle,  celle  de  la  «  Serra  »  ou  de  la  montagne,  diffère  de  la 
zone  des  rivages  par  sa  température  plus  basse,  mais  elle  se  trouve  encora 
sous  l'influence  directe  de  la  mer,  qui  lui  envoie  ses  brises  et  ses  averses  : 
presque  journellement  pendant  l'été,  on  ressent  à  Sào  Paulo  un  vent  du 
sud-est,  causé  par  l'appel  du  plateau  sur  l'air  plus  chaud  du  littoral. 
La  zone  de  l'intérieur  ou  des  campos,  beaucoup  plus  lai^,  présente  les 
conditions  normales  du  climat  continental  avec  ses  extrêmes  de  tempéra- 
ture :  dans  l'année,  les  écarts,  très  considérables,  comportent  de  50  k 
40  degrés.  A  l'ouest  des  ondulations  qui  continuent  la  serra  Mantiqueira, 
les  chaleurs  de  l'été,  les  froidures  de  l'hiver  sont  plus  fortes  que  dans 
les  deux  zones  orientales;  les  brumes,  très  communes  sur  les  hauteurs 
qui  dominent  la  région  côtière,  deviennent  rares  dans  ces  contrées  occi- 
dentales, si  ce  n'est  au-dessus  des  marécages  et  des  rivières. 

Sur  les  campos,  que  conquiert  graduellement  l'agriculture,  les  gelées 
sont  fort  redoutables  :  on  voit  souvent  les  champs  couverts  de  givre,  et  à 
ces  froidures  de  la  nuit  succMent  des  chaleurs  diurnes  qui  atteignent  ou 


CLIMAT  DES  ÉTATS  PARAMENS.  357 

dépassent  30  degrés.  Des  observations  faites  en  1886,  à  Itapeti- 

nÂtrm  ^^y  dans  le  haut  bassin  du  Pai^anapanema,  ont  constaté  14  apparitions 

M  ^x  gelée  pendant  les  mois  d'hiver,  de  mai  en  septembre.  Les  gelées  se 

luisent  surtout  après  les  pluies  abondantes,  lorsque  le  ciel,  très  clair, 

ite  le  rayonnement;  mais  on  a  constaté  qu'elles  sont  peu  à  craindre 

les  parties  les  plus  élevées  du  plateau.  Dans  les  creux  où  repose  une 

^sphère  tranquille,  les  planteurs  de  cafiers  sont  exposés  à  perdre  leurs 

Ites  par  la  gelée,  tandis  qu'à  trois  et  quatre  cents  mètres  plus  haut, 

les  hautes  croupes  de  Batataes  et  de  Franca,  situées  à  un  millier  de 

en  altitude,  leurs  cultures  sont  épargnées*. 

influence  du  relief  et  de  l'exposition  du  sol  sur  la  chute  des  pluies 

est     Ii^ien  clairement  démontrée  par  les  mesures  udométriques  faites  dans  la 

P^^c:^  "grince  de  S3o  Paulo.  Tandis  qu'à  Santos  la  quantité  d'eau  recueillie, 

d«^       ;j:3resque  3  mètres  en  1867,  dépassait  4  mètres  sur  la  crête  des  mon- 

^^Ç'BT^es  voisines,  elle  n'atteignait  pas  même   1   mètre  à  Sao  Paulo,   sur 

*^       "^r^rsant  opposé.   Toutefois,  dans  les  années   ordinaires,  le    contraste 

®^^  _S)eaucoup  moins  marqué.  La  saillie  d'abri  n'est  pas  assez  haute  pour 

^^^^^      S3o  Paulo  soit  ordinairement  privé  de   pluies.   Loin    de  là,  on  y 

pte  dans  Tannée  de  150  à  190  jours  pluvieux,  auxquels  il  faut  ajouter 

0  à  127  jours  de  brumes*.  Quant  à  la  direction  moyenne  des  vents, 

reste  sensiblement  la  même  :  la  nuit  et  le  malin,  le  vent  dominant 

"^  ^       celui  du  sud-est,  la  brise  de  mer,  et  le  soir  celui  du  nord-ouest,  la 

*  '^  c  de  terre.  Ainsi  Sao  Paulo,  quoique  sur  le  plateau,  jouit  d'un  climat 

i-maritime  :  à  quelques  kilomètres  au  delà,  les  conditions  ont  déjà 

*igé'.  La  ligne  d'égale  déclinaison  magnétique  passe  dans  l'État  de  Sao 

lo,  en  se  portant  graduellement  vers  Touest;  en  1885,  elle  atteignait  le 

rai  au-dessus  d'Iguapé,  à  une  petite  distance  à  l'ouest  de  Santos. 

uand  on  parcourt  les  campos  pendant  les  mois  d'hiver,  juin,  juillet, 

•,  les  squelettes  d'arbres,  les  herbes  sèches  ou  non  fleuries  donnent 

triste  aspect  aux  cam[)agnes;  mais  dès  les  premières  pluies  la  nature 

ransforme,  et  comme  par  enchantement  apparaissent  les  pointes  vertes 

)lanles  nouvelles,  même  des  corolles  éclatantes.  Suivant  les  saisons 

-■"heodoro  Sampaio,  ouvrage  cité. 

-Alberto  Loefgrcn,  Dados  climalologicos  do  anno  de  1890. 
^Gonditions  météorologiques  de  quelques  villes  des  Klots  paraniens  : 

Tcinpérnlurfi  Jours 

Lititiuio.         Altitude.  iiutyciiiic.  Pluie.  ))Iuvi(>ux. 

Sâo  Paulo  (5  années)  25«  Ô.V  740  niêl.  18<\?i  (ril^;  — 0«,7)  1"',r)8  1.V2 

Campinas 2t>«  58'  OlU)     »  m8  («mM  ;  —  2«,5)  i"*,-!:)  171 

lUipetininga  .    .    .    .  25»  5.V  Oi7     »  I8«     (5t><»,5;  —  l«,0o)  l'",370  ? 

Bluinenau  (7  années)  t>G«  5:/  50     »  21",0  l'-.lOS  115 


d 

ell 


358  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

s'épanouissent  des  fleurs  diflerentes,  et  prédominent  d'autres  coulei:»rs, 
le  bleu,  le  jaune  ou  le  rouge*.  Loefgren  évalue  à  deux  mille  le  notn^^ 
des  végétaux  qui  croissent  dans  les  campos  de  Sâo  Paulo.  Comme  slvM^^^ 
forestier,  ïaraticaria  paranensis  commence  à  se  montrer  sur  les  h^  "* 
teurs  qui  séparent  le  bassin  du  Parahyba  et  celui  du  Tieté.  Il  se  préseï^  '^ 
d'abord  en  arbre  d'avant-garde,  et  prospère  grâce  à  quelque  circonslanl^* 
favorable,  l'excellence  du  sol  ou  celle  de  l'exposition;  il  devient  de  plil^ 
en  plus  commun  avec  la  prédominance  du  climat  tempéré,  et  déjà  dans  le 
Sao  Paulo  méridional,  sur  les  plateaux  onduleux,  il  caractérise  le  paysage  : 
de  toutes  parts  on  aperçoit  les  magnifiques  candélabres  se  dressant  au- 
dessus  de  la  ligne  uniforme  des  forèls. 

Dans  les  États  paraniens  s'entremêlent  les  deux  grandes  aires  de  rAmé- 
rique  du  Sud,  la  selve  tropicale  et  le  campo  platéen.  La  forêt  touffue  des 
arbres  se  prolonge  sur  tout  le  littoral  et  sur  la  pente  maritime  des  monts; 
elle  déborde  par  delà  les  hauteurs  côtières  et  se  continue  dans  les  vallées, 
sur  les  bords  des  cours  d'eau  qui  descendent  au  Paranâ;  elle  forme 
même  des  îles  de  verdure,  ppposant  aux  colons  une  barrière  difficile  à 
franchir.  Cependant  on  l'attaque  par  la  hache  et  par  le  feu,  car  les  meil- 
leurs terrains  sont  ceux  que  recouvre  la  forêt  la  plus  haute  et  la  plus 
épaisse,  et  les  planteurs  ont  hàle  de  remplacer  par  des  cafiers  ces  essences 
forestières,  qui  auraient  une  valeur  si  grande  en  tout  autre  pays.  En 
maints  endroits  pourtant,  on  s'est  trop  pressé  d'abattre  la  forêt  :  les 
terrains  mal  défrichés  ont  été  abandonnés  après  une  culture  nidimen- 
taire,  et  une  nouvelle  forêt,  composée  d'autres  espèces,  croît  à  la  place  de 
la  selve  primitive  :  la  capoeirUy  moins  belle,  moins  pittoresque  que  la 
forêt  vierge,  mais  plus  difficile  à  parcourir.  Ces  fourrés,  obstrués  de 
ronces,  sont  impénétrables  à  tous  autres  qu'au  tapir  et  au  chasseur  qui 
le  poursuit. 

L'aire  des  forêts  se  ramifie  du  littoral  vers  l'intérieur;  c'est  au  contraire 
de  l'intérieur  vers  la  côte  que  s'avancent  en  zones  parallèles  les  régions 
herbeuses  des  campos,  peu  différentes  par  l'aspect  et  la  végétation  des 
pampas  argentines.  Les  campos  paraniens  sont  pour  la  plupart  parsemés 
d'arbres  peu  élevés  et  perdant  leurs  feuilles  pendant  la  saison  sèche.  De 
vastes  étendues  sont  complètement  privées  de  végétation  arborescente, 
soit  parce  que  l'herbe  épaisse  n'a  pas  laissé  pointer  les  tiges  ligneuses, 
soit  parce  que  les  incendies  périodiques  les  ont  brûlées.  Mais  les  plantes 
basses  offrent  une  grande  variété  d'espèces,  ressemblant  par  leur  aspect 

*  Alberto  Loefgren,  ContribuiçÔes  para  a  botanica  paulista. 


CLIMAT,  POPULATION  DES  ÉTATS  PARANIENS.  359 

général  à  celle  de  la  pampa  platéenne,  et  même  à  la  flore  des  punas 
andines  * . 

La  faune  présente  des  contrastes  analogues  à  ceux  de  la  flore.  Dans  le 
Sao  Paulo  et  le  Paranà  on  voit  encore  des  singes,  des  coatis,  des  sarigues, 
des  capivaras,  des  paresseux,  des  fourmiliers,  des  tapirs;  les  rivières  ont 
aussi  leurs  tortues  et  leurs  crocodiles;  les  oiseaux-mouches,  les  papillons 
brillants  se  jouent  au  milieu  des  fleurs.  Le  nandû,  Tautruche  platéenne, 
qui  a  disparu  du  Brésil  septentrional,  se  retrouve  en  bandes  assez  nom- 
breuses dans  les  campos  paraniens;  mais  combien  longtemps  échappei^- 
t-il  à  la  dent  du  chien  et  au  fusil  du  chasseur?  Bientôt  sans  doute  Tau- 
truche  américaine  ne  sera  plus  qu'un  oiseau  mythique  comme  tant  d'autres 
espèces  actuellement  disparues.  Elle  s'associera  aux  animaux  monstrueux 
créés  par  l'imagination  populaire.  C'est  ainsi  que,  d'après  le  témoignage 
unanime  des  indigènes,  il  existerait  dans  la  région  de  faite  qui  sépare  les 
sources  du  Paranà  et  de  l'Uruguay  un  c<  ver  »  de  dimensions  énormes,  un 
serpenf  sans  doute,  qui,  se  glissant  dans  la  terre  marécageuse,  serait  assez 
fort  pour  déraciner  les  arbres'.  La  légende  dénote  un  reste  de  ce  culte 
des  serpents  que  l'on  retrouve  à  l'origine  de  toutes  les  sociétés. 


Le  littoral  des  États  du  Sud  est  très  riche  en  débris  préhistoriques  d'ori- 
gine indienne  :  on  y  a  trouvé  par  centaines  des  monticules  de  coquillages 
analogues  à  ceux  du  littoral  européen  et  renfermant  aussi  des  pierres 
travaillées  et  autres  produits  de  l'industrie  primitive.  Ces  amas,  que  les 
pécheurs  d'aujourd'hui  s'imaginent  provenir  du  déluge,  sont  connus  par 
les  Brésiliens  sous  un  nom  guarani  qui  signifie  «  huîtrières  », —  tam" 
baquij  —  transformé  d'ordinaire  en  sambaqui.  Ces  buttes  artificielles 
se  composent  en  eflet  pour  la  plupart  de  coquilles,  surtout  de  barbigôes 
{tellina  anlediluviana).  Les  squelettes  qu'on  y  a  découverts,  et  qui 
d'ailleurs  appartiennent  à  des  types  très  difierents,  ont  été  trouvés  assis, 
et  près  d'eux  sont  déposés  les  objets  qui  avaient  ser\'i  à  l'homme  vivant, 
armes,  vases,  ornements  et  outils.  La  matière  varie  :  presque  tous  les 
instruments  de  pierre  sont  en  basalte,  mais  il  en  est  aussi  de  porphyre, 
de  quartz,  de  fer  météorique.  Les  sambaqui  datent  certainement  d'une 
époque  reculée,  car  plusieurs  disparaissent  sous  les  débris  apportés  par 
d'anciens  courants,  et  les  grands  arbres  de  la  foret  vierge  y  ont  inséré 


*  Alberto  Loefgren,  mémoire  cité. 
«  Fritz  MiiUer,  Nature,  21  feb.  1878. 


r 


560  NOUVELLE  GtOGRAPHlE  UNIVERSELLE. 

leurs  racines.  La  [somme  de  travail  que  représentent  ces  amas  est  Yraimen 
prodigieuse,  puisqu'on  en  trouve  ayant  100  mètres  de  large  et  15 
de  haut;  les  ouvriers  des  fours  à  chaux  mettent  des  années  à  les  déblayer 
On  juge  de  l'énorme  accuinulation  en  pensant  que  depuis  deux  ou  troi 
siècles  des  cités  comme  Rio  de  Janeiro,  Angra  dos  Reis,  Santos,  Para— >. 
naguà,  et  même  des  villes  situées  jusqu'à  vingt  lieues  dans  rinlérieur 
s'alimentent  de  chaux  à  ces  sambaqui  et  qu'il  en  reste  pourtant 
nombre  encore  assez  considérable.  Sur  les  plateaux  s'élèvent  aussi  d 
nombreux  monticules  funéraires,  connus  dans  le  pays  sous  le  nom 
approprié  de  sepulturas  velhas  (vieilles  sépultures)  ;  la  terre  dont  ils  se 
formés  diffère  toujours  du  sol  primitif.  D'autres  sont  bâtis  en  pierres, 
dans  ce  cas  les  matériaux  ont  été  extraits  d'une  caverne  éloignée. 

La  forme  de  la  plupart  des  crânes  trouvés  dans  les  anciens  tombeaux 
les  objets  qu'on  y  a  recueillis  permettent  de  croire  que  les  aborigènes  p: 
historiques  appartenaient  à  la  môme  race  que  les  Tupi  et  Guarani  con 
porains;  cependant  le  naturaliste  Lœfgren  a  recueilli  dans  un  tambaq^v 
situé  à  9  kilomètres  à  l'ouest  de  S3o  Vicente  un  crâne  analogue  à  ce 
qu'étudia  Lund  dans  les  grottes  de  la  Lagôa  Santa.  Lorsque  les  premie^^^^:3 
Européens  arrivèrent  dans  le  pays,  la  nation  dominante,  celle  des 
moyos,  était  fort  puissante  et  prit  l'initiative  d'une  alliance  avec  tou 
les  tribus  du  littoral  pour  résister  aux  Portugais.  Ceux-ci  auraient 
probablement  exterminés  si  les  missionnaires  jésuites  Nobrega  et  Anchi 
ne  s'étaient  dévoués  pour  aller  demander  la  paix  aux  guerriers  indiens 
géant  en  conseil  dans  un  village  de  la  côte,  près  de  la  ville  actuelle  d' 
tuba.  liCs  autres  indigènes  de  la  région  du  littoral,  Goyanazes,  Itatic^ 
Pituruna,  Guanhanari,  Carijos,  se  sont  fondus  avec  le  reste  de  la  popuB 
tion,  qui  maintenant  se  mélange  très  rapidement  îivec  les  éléments  T 
plus  divers.  Les  Italiens  arrivent  en  foule  dans  le  Sao  Paulo,  et  en  mainA<s- 
dislricts  de  la  campagne  constituent  déjà  le  principal  élément  ethnique.  — 
Avec  eux  viennent  des  représentants  de  toules  les  nations  d'Europe,  y 
compris  les  Tsiganes,  les  Juifs  orientaux  et  les  Maronites  de  Syrie.  Les 
émigranls  de  Minas  Geraes  se  portent  par  bandes  vers  les  régions  des 
caféteries  du  Sao  Paulo.  Dans  l'ensemble,  le  type  pauliste  passe  pour  être 
le  plus  beau  du  Brésil.  Un  proverbe  dit  qu'il  faut  admirer  :  à  Bahia,  elles 
nào  ellas;  à  Pernambouc,  ellas  nào  elles;  à  Sao  Paulo,  clla$  e  elles*. 

Divisés  en  tribus  fuyardes,  les  indigènes   des  États  paraniens  n'ont 
plus  aucune  solidarité  dans  leurs  luttes  contre  les  blancs  et  succombent 

*  Spix  und  Martins,  ouvrage  ciU'. 


POPULATION  DES  ÉTATS  PARANIENS.  361 

/«^ol^menl.  Ceux  que  les  jésuites  avaient  groupés  dans  la  mission  de  la 

GmjM^^Ê.^v?L  pour  les  catéchiser  et  en  faire  des  serviteurs  soumis,  disparurent 

/t^^^     jjremiers.  En  vain  leurs  pasteurs  essayèrent  de  les  défendre  contre  les 

et^^m^seurs  d'hommes.  Ceux-ci,  s'attaquant  à  des  tribus  paisibles  qui  avaient 

p^M^^iiu  toute  initiative  et  qui  étaient  plus  habituées  à  chanter  des  hymnes 

eL       ^m.   réciter  des  prières   qu'à  repousser  les  attaques  de  l'ennemi,  reve- 

nsmm^^nt  presque  toujours  dans  les  marchés  de  l'est,  chargés  de  butin  et 

trsm  S:  snant  des  centaines  ou  des  milliers  de  captifs  :  les  premières  incursions 

ei:«.m:^^3nt  lieu  en  1628  et  en  dix  années  des  paroisses  entières  furent  suppri- 

ïïM^^^^s  d'un  coup.  Les  jésuites  durent  s'enfuir  et,  en  1641,  le  père  Montoya 

e^î^-siî^  ya  de  transporter  tout  ce  qui  restait  de  sa  nation  de  catéchumènes  sur 

l^^  rives  du  bas  Parana,  dans  le  territoire  dit  actuellement  des  «  Mis- 

si^i^*::iLS  ».  Le  terrible  exode  coûta  la  vie  à  plus  de  la  moitié  de  ses  fidèles  : 

^t^^^^^s  les  massacres,  les  fatigues  et  les  noyades   ils  n'étaient  plus  que 

^^^'•^M 26  millet  Depuis  quelques  années  un  certain  mouvement  de  reflux  se 

P^^<^^uit  dans  les  populations  indigènes.  Refoulés  par  la  marée  montante 

"-^     Ï3  colonisation  argentine,  des  Indiens  Guarani  venus  du  Sud  ont  repris 

*^        ^lihemin  du  haut  Parana  :  quelques  familles,  immigrées  du  Paraguay, 

^■^'^^^Bt  dans  les  forets  occidentales  de  l'État  de  Sao  Paulo  et  rendent  de 

^Kids  services  pour  le  canotage  et  le  transport  de  denrées  sur  la  rivière; 

îs  elles  ne  se  groupent  pas  en  villages  sous  la  direction  des  blancs 

tiennent  également  à  l'écart  des  autres  indigènes. 

ï— ^s  sauvages  restés  dans  ces  régions  des  forêts  et  des  campos  sont  géné- 

ment  désignés  par  les  Brésiliens  sous  l'appellation  collective  de  Bugres 

'^^^xigres),  dont  les  premiers  visiteurs  français  du  littoral  avaient  flétri  les 

^^^^iigènes.  Ils  appartiennent  à  trois  familles   distinctes,  les   Chavantes, 

^^      Cayùa  ou  Cayova  et  les  Coroados.  On  ignore  si  les  Chavantes  sont  les 

^"^^K:*es  de  race  de  leurs  homonymes  qui  vivent  sur  les  bords  de  l'Araguaya 

^*-    ^iuTocantins  :  leurs  voisins  Coroados  les  appellent  aussi  Curuton,  c'est- 

ire  les  «  Sans  Robes  »,  les  «  Nus  »*.  Fort  laids,   presque   noirs,  ils 

ïient  une  existence  des  plus  misérables,  n'ayant  ni  cabanes  ni  lentes  : 

^^^      ^  contentent  d'ajoupas  formés  de  palmes  a  la   pointe  aiguë  qu'ils 

^^^'■^oduisent  dans  le  sol  et  dont  ils  lient  les  extrémités;  le  tout  s'appuie 

oi>liquement  sur  une  branche  d'arbre  et  peut  donner  abri  à  deux  per- 

soï^nes.  Les  Chavantes  du  Sao  Paulo  ne  cultivent  point  la  terre  et  se  nour- 

n^î^nl  de  plantes,  de  racines,  de  lézards  et  de  rats;  pendant  la  saison 

Simio  de  Vasconccllos,  Chronica  da  Companhia  de  Jésus  no  Estado  do  Brasil;  —  Muratori, 
f^Taguai;  —  Alfredo  Lomonaco,  Al  Brasile. 

'  R.  Ewerton  Quadras.  Instiluto  Hisiorico,  tome  LV,  1892. 

xa.  46 


362  NOUVELLE  GËOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

sèche  ils  brûlent  les  savanes  et  tuent  avec  des  branches  les  besliole^ï^' 
qui  cherchent  à  fuir  Tincendie;  ils  passent  parfois  des  journées  entières  -^ 
creuser  le  sol  pour  y  chercher  le  miel  d'une  petite  abeille,  et  à  cet  effi 
ils  emploient  des  morceaux  de  fer  qu'ils  ont  volés  aux  colons. 

Les  Cayûa,  qui  vivent  au  nombre  d'environ  irois  mille  dans  le  bassii 
du  Paranapanema,  sur  les  deux  territoires  de  Sao  Paulo  et  de  Parana 
sont  très  certainement  d'origine  tupi  :  leur  dialecte  abanheenga  diffère 
très  peu  de  la  liiigua  gérai.  Plusieurs  familles  de  cette  tribu  se  sont  as 
ciées  aux  blancs  et  participent  à  leurs  travaux,  mais  on  dit  les  Cayù;' 
très  ombrageux,  et  les  colons  ont  à  se  tenir  sur  la  réserve  pour  ne  pa 
les  offenser.  Ces  Indiens  restés  libres  sont  d'admirables  bateliers,  d 
nageurs  intrépides,  et  franchissent  les  cataractes  avec  une  incomparabi 
adresse.  Ils  tissent  avec  soin  la  fibre  d'ortie  et  en  fabriquent  des  couver- 
tures très  appréciées.  Enfin  ils  sont  habiles  potiers  et  cultivent  le  mskh 
entre  autres  une  variété  inconnue  des  blancs.  Leur  système  de  numératio 
est  septennal*.  Beaux  hommes  pour  la  plupart,  ils  ont  un  teint  pi 
clair  que  les  autres  Indiens;  encore  de  nos  jours,  un  article  d'orneme 
nécessaire  à  tout   Cayùa  qui  se  respecte  est    le   tembetdj  appelé  ausi 


cherimbitdy  bâton  d'une  espèce  de  résine  que  Ton  introduit  dans  la  lèv      re 

inférieure,  et  qui  de  loin  ressemble  h  une  longue  épine.  On  sait  que  d ^^^^Hes 

objets  du  même  genre,  mais  en  quartz  transparent  ou  autres  pierres  dnn-      —    -^^ 
ornent  encore  ou  jadis  ornèrent  les  lèvres  indiennes  en  divers  endroits  ^^^^^^^du 

Brésil,  et  l'on  peut  supposer  que  l'usage  de  se  percer  ainsi  la  lèvre  et- -ail 

beaucoup  plus  général,  et  peut-être  universel,  parmi  les  tribus  de  l'ii 
mense  domaine  qui  s'étend  des  bords  de  l'Amazone  à  ceux  du  Paran: 
Les  Cayûa  pratiquent  la  couvade. 

Le  nom  de  Coroados  ou  «  Couronnés  w  que  l'on  donne  à  la  troisiè: 
peuplade  indigène  du  Sâo  Paulo  s'applique  à  des  Indiens  d'une  ori( 
dilTérente  de  celle  d'autres  Coroados,  notamment  ceux  qui  vivaient  d^ 
l'État  de  Santa  Catharina  et  qui  ont  laissé  des  appellations  tupi  à  tous 
cours  d'eau  de  la  contrée'.  Ce  terme  de  Coroados  indique  seulement 
chez  les  Indiens  ainsi  désignés  les  cheveux  sont  disposés  en  forme  de  c- 
ronne  autour  d'une  tonsure.  Les  «  Couronnés  »  du  Paranapanema  s 
des  hommes  trapus  et  vigoureux,  à  larges  épaules,  à  grosse  tête,  avec 
puissiintes  mâchoires  et  de  petits  yeux.  Tandis  que  les  Tupi  ont  souV' 

•  R.  Ewerton  Quadras,  ouvi-age  cité. 

*  Theodoro  Sainjmio,  Consideraçoes  geographicas  e  economicas  sobre  o  valle  do  rio 
ncma;  —  Keller  Louzinger,  ouvrage  cité. 

'  De  Capancina,  Jornal  do  Commercio.  fevereiro  1893. 


POPULATION  DES  ÉTATS  PARANIENS.  363 

un  profil  d*aigle  qui  rappelle  les  traits  des  Peaux-Rouges  de  rAmérique 
septentrionale,  les  Coroados  de  Sao  Paulo  présentent  un  type  analogue  à 
ceJuî    des  Asiatiques  mongols.  Ni  Cayûa  ni  Chavantes  ne  comprennent  la 
langue   des  Coroados.  Ceux-ci  posséderaient  ou  auraient  possédé,  dit-on, 
un  genre  de  figuration  symbolique,  dont  l'interprétation  n'est  pas  encore 
connue  des  blancs  et  qui  se  perdra  peut-être  avant  que  les  signes  en 
aient  élé  déchifirés.  En  parcourant  les  forêts  limitées  en  forme  de  quadrila- 
tère   par  les  rivières  Paranapanema,  Parana,  Ivahy  et  Tibagy,  on  rencontre 
souvent,  dans  le  voisinage  de  huttes  abandonnées,  des  cordages  de  lianes 
tendus  intentionnellement  et  décorés  de  bizarres  appendices,  morceaux 
de    l>ois,  plumes,  ossements,  griffes  d'oiseaux,  mâchoires  de  singes  et  de 
poros  sauvages.  Ces  divers  objets  composent  évidemment  par  leur  juxtapo- 
sition  tout  un  récit  ou  un  message  à  l'adresse  de  tribus  alliées.  Parfois  les 
Coroaiclos  se  servent  de  cette  écriture  mystérieuse  pour  menacer  les  blancs  : 
des     s^rmes  plantées  dans  le  sol,  des  ailes  d'aras,  pareilles  à  celles  dont 
'Is    empennent  les  flèches,  sont  des  sjinboles  sur  le  sens  desquels  on  ne 
P^^it,  se  méprendre. 


voies  ferrées  ont  changé  les  attractions.  Grâce  à  elles^  les  popula- 
*'*^*^s^  du  haut  Sâo  Francisco  et  leurs  cités  principales,  Ouro  Preto,  Sabard, 
"t^a:rmguy,  gravitent  vers  Rio  de  Janeiro,  malgré  la  pente  naturelle  du  sol 
^T*^*^  ^n  ferait  les  satellites  de  Bahia.  A  plus  forte  raison  les  villes  mineiras 
sitva.^^g  au  sud-est,  dans  le  bassin  du  Parahyba,  et  celles  du  sud-ouest,  par- 
^^^  ^^Ties  par  les  hauts  affluents  du  Paran.i,  se  trouvent  dans  la  dépendance 
^^^^ ^•^^  omique  de  Rio  et  de  Sao  Paulo.  Plusieurs  ont  déjà  pris  de  Timpor- 
^•^c  comme  centres  secondaires  et  dépassent  par  leur  commerce  et  leur 
bîté  industrielle  la  cité  d'Ouro  Preto,  qui  garde  encore  (1893)  le  rôle 
^^pitale,  mais  qui  reste  à  l'écart  des  grandes  voies,  dans  une  étroite 
^^^«e  tributaire  du  Rio  Dôce. 

^ur  le  versant  du  Parahyba,  l'agglomération  urbaine  qui  a  le  plus  rapi- 

^^rueni  progressé  porte  le  nom  bizarre  de  Juiz  de  Fora  ou  «  Juge  du 

^^liors  »,  en  mémoire  d'un  fonctionnaire  qui  y  résidait.  La  ville  est  située 

^  700  mètres  d'altitude  environ  sur  la  rive  droite  du  Parahybuna,  encore 

^^mple  ruisseau,  dans  un  cirque  naguère  marécageux  qu'entourent  des 

^llines  à  pente  douce.  Quelques  maisonnettes  à  peine  se  groupaient  au 

Wd  de  la  rivière,  lorsque  la  construction  de  la  route  carrossable  Uniao 

et  Industria  rattacha  Juiz  de  Fora  h  Petropolis  et  l'engloba  dans  le  cercle 

d'attraction  de  Rio  de  Janeiro.  Une  colonie  de  paysans  allemands  vint 


36i  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

s'établir  dans  le  voisinage  el  noua  des  relations  de  commerce  avec  les 
cités  naissantes  de  la  vallée  de  Parahyba;  puis  le  chemin  de  fer  centraM.  en 
fit  un  de  ses  enlropôts.  Maintenant  Juiz  de  Fora,  principale  slation  du 

versant  parahybien  en  amont  de  Campes,  est  le  centre  agricole  le  f.>  -^"* 
actif  de  l'Etat  de  Minas  et  devient  même  une  cité  industrielle  pour* 

fabrication  de  la  bière,  c^^^^*^- 
■•  M.  —  «B  M  ïfaA.  dç  tissus  el  le  travail  du  boi.        -^% 

Ses    rues  grandissantes,  au-  ^^^^' 
maisons  basses,  ont  déjà  ié^^  ^V 

passé  les  bords  de  la  plaine  el^  '  ^ 

montent  à  l'assaut  des  collines  ^ 
environnantes,  iuiz  de  Fora  a    *^ 
pris  rang  parmi  les  cités  am-     — *"*^ 
bilieuses  qui  briguent  l'héri-     — *"^ 
tagcd'OuroPretocommefuturc     s»"^*  ^ 
capitale  de  l'Ëlat  de  Minas. 

D'autres  villes  de  la  contrée  c»^^" 
s'accroissent  aussi  en  popula-  — ^^-^ 
lion  cl  en  industrie  :  Para-  — M^ — - 
bybuoa,  aux  petites  maisons  ^  .cr^  ■ 
blanches  el  roses  s'alignant  auMLW.^^' 
bord  du  fleuve  du  même  nom,«.  xr^rx 
h  la  base  du  superbe  rocbera  ^e^  ^' 
rayé  de  lichens  blancs  et  noir^^^  ^' 
qu'on  appelle  la  Forlaleza?  M^r~^ 
Mar  de  Ilcspanba,  qui  s'élève»  "^  ^^ 
sur  «ne  terrasse  couverte  dt»-B— **  ^ 
cîiféteiies  au  nord  du  Parahyba  :  -*^*  *'^ 
Loopoldina,  qui  a  donné  sor"*  *r»-o 
l  -  !.  1^,1  nom  à  tout  un  réseau  de  voies  "^"^^^  *'*^ 

ferrées  ayant  pour   [winl   dc^  t»o 

dépari  Niclliciov.  sur  la  l)air  do  llio  de  Janeiro,  cl  se  ramifiant  en  bran '  *^,''" 

c\u'>  nomlucuM'r*  dans  rLsjiiiito  Siinlo  cl  le  Minas.  L'bâ,  ainsi  nomméc:^^^^*''''* 
d'une  siirlo  de  firamiiiét!  foit  commune  appelée  aussi  canna  brava,  s'élève?  '^^  ^ 
au  milieu  des  cafétcries  sur  les  [iciiles  méridionales  de  la  serra  de  Sào        *^ 
Cii'raldo,  (jin'  traverse  un  (licniiii  de  Ici'  par  des  rampes  sinueuses  et  ur» 
s,.,Ml  J,.  7.-,->  m.M,v..  , 

Sur   le  versant   paianien  de  Mina>.   Iicraes,  llarlmecna  occupe  un  rang  / 

analof^ue  à  celui  de  .lui/,  de  Kéra  sur  U'  vcrsuil  du  Parahyba.  Situé-e  à  la  I 


J1IIZ  DE  FORA,   BARBACENA.  365 

forte  altitude  moyenne  de  1120  mètres,  non  loin  du  faite  de  partage 
<]uî  constitue  le  nœud  majeur  du  Brésil,  elle  commande  l'aigueverse  de 
quatre  grands  fleuves,  le  Parahjba  do  Sul,  le  Rio  Dôce,  le  Sâo  Francisco  et 
le  Parand  :  on  peut  donc  la  considérer  comme  la  cité  centrale  du  Brésil, 
comme  le  point  autour  du- 


quel s'équilibre  la  population 
de  l'immense  territoire.  Aussi 
Barbacena  prétend-elle  com- 
me Juiz  de  Fàra  au  titre  de 
capitale  et  même  a-t-elle  déjà 
désigné  un  de  sesédiGces  pour 
servir  de  palais  au  futur  con- 
grès. Du  reste,  elle  présente 
un  fort  bel  aspect,  déployée 
en  demi-cercle  sur  ta  croupe 
d'une  longue  colline  couverte 
de  bananiers  et  d'orangers, 
qui  prospèrent  malgré  l'alti- 
tude. Sa  principale  industrie 
est  la  céramique.  Plusieurs 
vallées  des  environs  sont  fré- 
quentées par  les  Fluminenses 
comme  sanatoîres  pendant  la 
saison  chaude. 

Le  rio  das  Mortes,  qui  rap- 
pelle les  batailles  sanglantes 
livrées  autrefois  par  les  Pau- 
lisles  aux  mineurs  des  autres 
provinces,  naît  sur  les  hau- 
teurs voisines  de  Barbacena 
et  coule  à  l'ouest,  dans  une 
Vallée    oîi    se    succèdent  les 

deux  villes  de  Tiradcntes  —  . — < 

l'ancienne  Sào  José  del   Rey 

- —  et  Sào  Joào  del  Rey.  Les  cilés  jumelles,  élevées  par  les  Pauiistes  dans 
la  deuxième  moitié  du  dix-septième  siècle,  n'oni  plus  d'importance  comme 
centres  miniers,  quoique  la  poussière  même  des  routes  y  soit  aurifère, 
mais  sont  devenues  des  marchés  agricoles,  et  des  colons  étrangers,  alle- 
mands, belges,  italiens,  s'y  livrent  à  la  culture  des  céréales  cl  du  labac, 


«3  i&'<      Q>.f5'  df  C    tenwch 


Mt  HOUTSUI  CfiOGKAPBlI  îiNIVERSELLE. 

k  l'élèro  du  bélail,  à  la  préparation  des  frninngos.  La  vigne  y  prospère, 
moins  poartant  que  dans  le  monicipe  indiisiricux  de  l)atii|mnlia,  siiué 
au  8ad-«aesl,  dans  nne  autre^ vallée  tnlmiiiire  du  rîo  r>i-aude.'Sào  Juâo 
del  Rey  est  aussi  l'une  des  villes  de  Himts  ([ui  pmiendctil  au  litre  de 
«  cité  fédérale  »  :  la  commission  d'études  uoninitt;  poui-  la  icchercbc 
de  l'endroit  le  plus  farorable  h  l'établissenu-nt  de  la  cilé  future  a  replis 


w  m.  —  la  noa  m.  mt  n  tauu  m  uapo. 

4G'«"                               Ouest  de  Fa    3 

A6'i*- 

^^                     ^          K 

2<; 

iï 

'  '^nK3^^*^^i~^ 

îi; 

m  % 

1 

44"2;'                           Uucil,  it  Erctim.ch 

l'idée  di)  marquis  de  Pombal,  qui  voulait  faire  de  S3o  Paulo  la  capi- 
tale du  Brésil';  elle  a  recommandé  en  premier  lieu  Varzea  do  Marçal, 
une  belle  vallée  à  pentes  douces  qui  s'étend  h  l'est  de  S3o  Joào,  de 
l'autre  côlé  du  rio  das  Morles.  Quoique  resserrée  dans  une  gorge,  entre 
deux  escarpements  qui  empêehenl  une  bonne  ventilation,  et  à  côté 
d'un  profond  puisard  où  s'amatisaienl  autrefois  les  eaux  des  mines  envi- 
ronnanles,  Sào  JoDo  est  une  ville  saine;  son  prolongement  oriental,  Varzea 


'  B.  Walsh,  Sotices  ofBrasil. 


SAO  JÔAO  DEL  REY,  CAXAHBÛ.  367 

thrçal,  sur  des  terrasses  bien  aérées,   arrosées  d'une  eau  crislal- 

,  faciles  à  drainer  par  un  système  d'égouts,  serait  encore  bien  plus 

risé  par  le  climat  et  s'agrandirait  facilement  dans  la  direction  de 

dentés'. 

itte  région  méridionale  de  Minas  Geraes,  s'avançant  en  pointe  entre 

<lUts  de  Rio  de  Janeiro  et  de  Sào  Paulo,  est  ta  plus  riche  du  Brésil  en 

;  diennales,  et  les  malades  de  Rio  y  trouvent  sans  peine,  sous  un 


lat  salubre,  des  sources  analo);ues  à  celles  que  chaque  année  des 
jtincs  d'entre  eux  vont  chercher  en  Europe.  Les  collines  qui  s'élèvent 
sud  de  Campanha  porleni  le  nom  de  serra  das  Aguas  Virtuosai  ou 
•rre  des  Eaux  Efficaces  »  cl  l'ôgiise  qu'on  y  u  bâtie  est  consacrée 
>tre-Dame  da  Saiide  ou  de  la  «  Santé  ».  Les  eaux  de  Lambary,  qui 
issent  dans  le  voisinajro.  près  du  rio  de  même  nom,  attirent  déjà  les 
ngers,  moins  loulefois  que  celles  de  Caxambû,  autre  ville  thermale, 
ée  à  6  kilomètres  au  sud-ouest  de  Baependy,  au  pied  d'une  montagne 


ié  de  Carvalho  Almeida.  Relalorio  da  Commiuào  d'Etludo. 


m  HODTBLLB  StOeUPaU  rMVEItSELLE. 

«1  fonne  de  coupole.  Gaxambû  est  par.exeollcnro  In  \illo  d'eaux  du  Orésil  : 

ses  six  principales  sources,  gueuses  et  «l 

son,  sont  assimilera   à  celles  de  Gontrrai' 

minérale  coulent  dans  une  vallée  voisina,  u 

300  kilomètres  à  l'ouest,  dans  une  région  lié 

se  déversent  au  rio  Grande  par  le  Sapucahy,  Ctildi 

l'ancienne  ùaio  Fino,  occupe  le  centre  d'miu  autre 

de  Caldas  groupe  ses  villas  et  ses  élablis^emenls  au  boi-d  d'un  ruisseau 

qu'alimentent  quatre  'sources  sulfureuse»^.  Celle  région  de  Minas  enta* 

déjà  dans  la  zone  d'attraction  de  S8o  Padlo  :  on  s'y  rend  par  les  siatinn; 

de  Gampinas  et  de  Hogy  Uirim,  sur  l'une  des  voies  ferrées  qui  appartien 

nent  au  réseau  de  cet  Ëtat. 

Toute  la  partie  ocddentale  de  Minas  Griaes  (pii 
entre  les  deux  branches  maltresses  du  Pai-ami.  le 
Grande,  a  reçu  la  désignation  de  Trianguttj  Mineîrn  ou  '<  Triangle  Minier  >- 
C'est  aussi  une  contrée  gét^raphiqnement  dl^ti^cle  du  ivsi£  de  l'Ëtat.  e 
m^e  pour  leurs  relations  officielles  avec  Ouro  Preto,  les  hiiliilunts  du  pays 
sont  obligés  de  faire  un  grand  détour  pai' 
de  Fora,  Barbacena.  Le  chef-lieu  naturel 


alincs,  (|u'oii  ulillse  en  bui^ 

itic.  D'aulres  ruisseaiis  d'eau 

à  Cnntendas.  Enfin,  ïi  près  de 

montagneuse  dont  les  cauJt 

les  <<  Chaudes  », 

:ion  thermale.  Poços 


s'avance  en  péninsule 
'-  Paranahyliii  et    le  rio 


s  stations  de  Sào  l'aulo,  Juiz 
ce  district,  l'heraha,  situé 


dans  tes  campos  au  nord  du  rio  Grande,  [)rès  de  terrains  mouillés  ei 


inporlanle  du  «  Grand-Ouest  " 
aient  été  élevées  en  1807,  au 


insalubres,  est  actuellement  la  cité  la  plus  ii 
brésilien,  quoique  ses  premières  maisons  : 
milieu  des  Indiens  Cayapos.  Elle  expédie  au  (loyaz  ol  au  Matto  Grosso  les 
marchandises  que  lui  apporte  le  chemin  de  fer,  et  en  échange  envoie  du 
bétail  et  quelques  denrées  agricoles  aux  ports  du  littoral.  Dans  cette  ville 
se  préparèrent,  en  1865,  l'invasion  du  Paraguay  et,  en  1893,  l'explora- 
tion scientifique  des  plateaux  de  Goyaz  pour  la  détermination  du  municipc 
neutre.  A  l'ouest  d'Uberaba,  le  chemin  de  fer  doit  se  continuer  dans  la 
vallée  du  rio  Grande  par  la  ville  prospère  de  Fructal  jusqu'à  la  cascade 
de  Maribondo,  oîi  commence  la  navigation  fluviale.  Le  Triangle  Minier  fut 
autrefois  l'un  des  plus  riches  du  Brésil  pour  la  production  diamanti- 
fère :  près  de  Bagagem,  dans  tes  cailloux  d'un  ruisseau  qui  descend  au 
Paranahyba,  fut  trouvé,  en  1854,  le  plus  gros  diamant  du  Nouveau 
Monde,  le  CruKciro  do  Sul  ou  «  Étoile  du  Sud  ». 

Dans  la  vallée  du  Pai'ahyba,  qu'emprunte  la  voie  maîtresse  de  Rio  de 
Janeiro  à  Sào  Paulo  et  oii  viennent  s'embrancher  les  autres  lignes,  se 
succèdent  des  cités  importantes  :  Caçapava,  Taubaté,  Pindamonhangâba, 
Guaratinguetâ,  Lorena,  Cruzeiro.  Au  point  de  vue  historique,  Taubaté, 
l'ancienne  Itaboaté  des  Guayana,  occupe  le  premier  rang.  Les  indigènes 


GAXAHBfi,   CALDAS,  UBATUBA.  TACBATg. 


369 


gui  peuplaient  la  contrée  au  seizième  siècle,  quand  arrivèrent  les  pre- 
aii^r-^  colons  portugais,  étaient  en  lutte  avec  les  gens  de  Piratininga,  la 
coloK-a  îe  qui  donoa  naissance  à  SSo  Paulo,  et  les  rivalités  d'Indiens  à  Indiens 
se  t.r-shnsmireDt  à  leurs  descendants  métissés.  Des  conflits  eurent  souvent 
lieu.  «ntre  les  mineurs  de  S3o  Paulo  et  ceux  de  Taubaté,  et  au  com- 
m^r&<:=«ment  du  dix-huiliëme  siècle,  lors  de  la  guerre  des  Emboabas,  qui 
exi^^aLnglanta  les  bords  du  rio  das  Mortes,  les  enfants  des  deux  villes  com- 


1     0..   d.r,  , 

4     !S                                                                                     4      30 

1  fTsm 

„  -f   ■  -         ..iJjBIP^'BS^         ^                      -^A,  J 

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abiametJiu^alÀ 


battaient  dans  les  camps  ennemis.  Maintenant  Taubaté  est  largement 
distaimcée  par  S3o  Paulo,  bien  qu'elle  ail  aussi  beaucoup  grandi  et  se 
^'t-  entourée  d'usines  et  de  plantations.  Elle  n'exploile  plus  ses  gisements 
"*''•■  mais  possède  des  mines  de  bitume  qui  lui  fournissent  l'huile  mine- 
nt le  gaz  pour  sa  consommation.  Prochainement,  une  voie  ferrée, 
î  détache  de  la  ligne  mère,  fera  de  Taubalé  un  entrepôt  des  cafés 


raie 
qui 


l 


do  S3o  Paulo  oriental.  Cet  embranchement,  qui  passe  à  Parahybuna, 
sir  ««  Parahyba  naissant,  traverse  ensuite  le  chaînon  côtier  et  descend 
P*^  «3e  fortes  rampes  au  port  d'Ubatûba.  Sans  importance  aujourd'hui, 
^'^•Kré  sa  profondeur  et  l'excellent  abri  que  lui  donne  à  l'est  le  promon- 


570  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

loire  de  Ponla  Grossa,  cette  indentation  des  côtes  deviendra  certainement 
l'un  des  principaux  havres  du  littoral,  et  une  cité  considérable  surgira 
sur  ses  bords,  lorsqu'elle  sera,  grâce  au  chemin  de  fer  de  Taubaté,  pro- 
longée au  nord  vers  Campinas,  la  rivale  de  Santos  pour  l'exportation  des^f^^^s 
cafés  qui  descendent  des  plateaux. 

A  l'ouest  du  haut  bassin  de  la  rivière  Parahyba,  le  chemin  de  fer  de  Rie 
de  Janeiro  à  Sao  Paulo  franchit  un  seuil  de  partage  h  800  mètres  d'altitude 
environ.  La  région  mon  tueuse,  boisée  naguère,  se  défriche  maintenan 
autour  des  nombreuses  maisonnettes  de  colons  italiens.  Les  terrains  fer--^ 
tiles  des  pentes  se  peuplent  rapidement,  mais  les  grandes  plaines  jadi  m 
lacustres,  où  serpente  à  l'ouest  le  Tieté  naissant,  restent  encore  déserU 
sur  de  vastes  étendues  :  de  colline  à  colline  on  voit  serpenter  comme  u; 
bras  de  mer  le  détroit  des  prairies  herbeuses  oii  se  montrent  çà  et  là,  sei 
blables  à  des  pointes  de  rochers,  les  nids  bâtis  par  les  termites.  Aujoui 
d'hui  village  sans  importance,  Mogy  das  Cruzes,  chef-lieu  de  cette  régie 
de  plaines,  est  destiné  à  devenir  le  point  de  croisement  d'un  chemin 
fer  qui   allégera,  comme  celui  de  Taubaté,  l'énorme  trafic  monopolis 
actuellement  par  le  chemin  de  Santos.  De  Mogy  das  Cruzes  la  voie  nouvelle 
remontera  la  vîillée  du  Tieté  et  franchira  la  serra  do  Mar  pour  redescendis^ 
à  la  ville  de  Sao  Sebastiao,  située  sur  un  détroit,  en  face  de  l'île  du  méni< 
nom.  Ce  port,  parfaitement  abrité,  où  l'on  trouve  de  20  à  30  mètres  de- 
fond  à  une  demi-encablure  de  la  plage,  pourrait  facilement  recevoir  toute 
la  flotte  commerciale  du  Brésil,  mais  le  manque  de  communications  n'a 
pas  encore  permis  de  l'utiliser.  Les  habitants  ne  font  qu'un  petit  com- 
merce de  cabotage,  pour  approvisionner  en  légumes  le  marché  de  Santos. 

Sao  Paulo,  la  capitale  de  l'État  le  plus  commerçant  et  le  plus  indus- 
trieux de  la  République,  annonce  déjà  par  son  aspect  la  prospérité  de  la 
contrée.  Vue  de  la  gare,  dite  do  Norte,  quoique  située  directement  à  l'est, 
la  ville,  que  ses  fils  appellent  Paulicéa  en  langage  poétique,  prolonge  sur 
une  colline  le  profil  imposant  de  ses  maisons  blanches  dominées  de  tours 
et  de  coupoles.  Les  premières  constructions,  fondées  en  1560  par  les 
jésuites,  après  l'abandon  de  l'ancienne  bourgade  Santo  André  de  Pirati- 
ninga,  près  du  vil'lage  actuel  de  Santo  Amaro,  occupent  encore  le  centre 
de  la  cité,  sur  une  haute  berge  au  pied  de  laquelle  serpente  le  Taman- 
duatehy  ou  «  ruisseau  du  Tamanoir  ».  Le  noyau  primitif  de  Sâo  Paulo 
recouvrit  d'abord  le  promontoire  triangulaire  que  limite  à  l'est  le  Taman- 
dualehy,  à  l'ouest  le  Saracuro,  puis  il  s'unit  par  des  rampes  rapides  aux 
quartiers  extérieurs  qui  naquirent  de  tous  les  côtés.  Dans  une  étendue 
d'au  moins  25  kilomètres  carrés   la  ville  présente  un  certain  imprévu 


^ 


HOGY  DAS  GRDZES,  SlO  PAULO.  STl 

S  la  disposition  de  ses  quartiers,  qui  se  sont  formés  distinctement  et 
se  prolongent  au  loin  dans  les  campagnes  par  des  avenues  divergentes 
iées  de  villas  et  de  fermes.  La  partie  la  plus  régulière,  aux  rues  d'égale 
leur,  se  coupant  en  angles  droits,  se  développe  au  nord-ouest  vers  des 
aux  à  pente  douce.  Un  pont-viaduc  superbe,  Jeté  par-dessus  le  vallon 
Saracuro  avec  ses  olivettes  et  ses  cultures  maraîchères,  unit  ce  nouveau 
rtier  à  la  cité  primitive.  A  l'est  un  autre  quartier,  peuplé  surtout 


aliens,  s'étend  au  loin  dans  la  plaine  basse  et  contraste  par  ses  usines, 
rues  malpropres,  ses  égouts  vaseux,  avec  les  constructions  élégantes 
es  villas  des  quartiers  occidentaux.  Il  serait  urgent  de  drainer  le  sol  el 
ménager  de  vastes  espaces  en  parcs  et  en  jardins;  mais  les  construc- 
is  empiètent  incessamment  sur  les  terres  marécageuses  et  pourries 
nmondices,  oii  se  rejoignent  les  ruisseaui  pour  aller  se  déverser 
nord  dans  la  rivière  Tieté.  Quoique  située  à  750  mètres  d'altitude 
fenne,  sur  le  haut  plateau  que  la  serra  do  Mar  sépare  de  l'Océan, 
pioique  alimentée  d'eau  pure  en  abondance,  par  l'aqueduc  de  la  serra 


37S  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Cantareira,  S3o  Paulo  n'est  pas  complètement  saine,  et  dans  ces  dernier 
années,  la  fièvre  jaune,  partant  du  foyer  de  Sanlos,  y  a  fait  quelqu^^^^^s 
apparitions.  Un  beau  jardin  public  s'étend  au  nord  de  la  ville,  près  i^E=^^  de 
la  gare  «  anglaise  »,  et  l'on  travaille  à  la  création  d'un  jardin  botaniqigi^r—  ^ue 
à  côté  du  musée  d'histoire  naturelle. 

L'ancien  collège  des  jésuites  a  été  transformé  en  palais  du  gouvern*^ 
ment,  et  la  maison  qu'ils  avaient  bâtie  pour  Tebycira,  le  cacique  d 
Indiens  soumis,  a  été  remplacée  par  le  couvent  de  Sâo  Bento.  Dans  le  v 
sinage  de  ces  deux  édifices  s'élèvent  les  principaux  monuments,  égli 
hôtel  des  postes,  banques,  école  de  droit,  «  nid  d'aigles  »  d'où  sortent  ^ 
nombre  les  futurs  politiciens  du  Brésil;  déjà  comme  étudiants,  ils  p 
nent   une  part  considérable    aux  événements.  Malgré    son  importa 
comme  cité  dirigeante,  Sâo  Paulo  n'a  pas  d'écoles  supérieures  pour  1' 
seignement  des  sciences,  et  son  musée  d'histoire  naturelle  est  encore 
voie  de  formation.  Du  moins  donne-t-il  asile  à  un  groupe  d'homir 
d'élite  qui  étudient  la  contrée  avec  méthode  et  dont  les  mémoires  cons 
tuent  déjà  une  précieuse  bibliothèque.  Grandissant  d'une  manière  presc^ 
vertigineuse,  puisque  sa  population  a  peut-être  triplé  dans  les  dix  derniè^ 
années,  Sâo  Paulo  n'a  pas  eu  le  temps  de  s'accommoder  à  ses  destiae» 
futures,  et  sa  population  n'a  pu  se  fondre  encore  en  une  société  urbair 
ayant  conscience  de  sa  vie  commune.  Près  de  la  moitié  des  habitants 
Sâo  Paulo  sont  des  Italiens,  qui  se  sentent  encore  étrangers  dans  ce  miiie» 
du  Nouveau  Monde. 

L'industrie  pauliste  comprend  déjà  toutes  les  manufactures  et  les  usines 
qui  produisent  les  objets  de  consommation  et  d'usage  ordinaire.  Quelque^^ 
colonies,  Sâo  Bernardo,  SâoCaetano,  Sant'Anna,  dites  nucleoSj  «  noyaux  m,^ 
parce  qu'elles  servent  de  centres  de  groupement  aux  cultivateurs  immi — ' 
grés,  fournissent  de  légumes  et  de  fruits  les  marchés  de  la  ville,  et  dans^^ 
la  zone  montagneuse  qui  au  nord  domine  la  cité,  les  nombreux  établis 
menls  de  Cayeiras,  peuplés  de  4000  ouvriers,  taillent  les  pierres,  fabri 
quent  les  tuiles,  préparent  les  argiles,  les  terres  et  autres  matériaux 
construction  qui  scnenl  à  élever  les  quartiei's  nouveaux.  Sâo  Paulo  cher — ^• 
che  même  à  conquérir  l'industrie  du  verre  :  des  couches  siliceuses  consti — ^ 
tuent  le  fond  des  anciens  lacs  où  se  ramifient  les  eaux  du  Tieté  et  d 
ses  affluents;  les  usines  peuvent  s'y  fournir  en  abondance  de  la  matièr 
première  et  utiliser  comme  combustible  les  tourbes  qui  ont  graduellemen 
empli  les  lacs  et  les  marais  de  la  plaine.  Depuis  longtemps  les  miner 
d'or  de  Jaragua  sont  abandonnées. 

Cité  capitale,  Sâo  Paulo  se  complète  par  des  lieux  de  plaisir  aussi  hier 


es 
es 


374  TtOrVELlE  CEOCRAPHIE  IIMVERSELL&. 

jauiip  qiip  Siinlos,  en  proportion  du  nombre  des  linbilanls  ;  ihins  lys 
grande?)  L'pidémics,  tous  \cs  truvuui  étaient  interrompu»  par  la  mort 
ou  la  fuîlc  des  ouvriers;  on  a  vu  des  navires  flotter  sans  éfpiipagcs,  | 
inertes  sur  les  eaux  de  la  Laie.  Dès  que  la  mauvaise  !;aison  s'annonce,  la  i 
ville  se  dépeuple  pour  le  plateau  et  les  plages  de  bains.  L'n  de  ces  villages  4 
d'été,  fort  luxueux,  Balncai'ia,  est  né  dans  le  voisinage  même  de  Santos,  < 
sur  un  ilôt  sableux  proche  de  l'ile  Santo  Amaro.  Quelques  sanatoires  4 
s'élèvent  sur  les  terrasses  des  montagnes  avoisinantes. 

Malgré  la  fitvre,  Santos  centralise  un  trî-s  grand  commerce.  Jadis  elle  m 

exptrlait  les  produits  de  Minas  Gcracs  et  mt^me  de  Mattn  Grosso;  mainte 

naut,  elle  ne  dessert  plus  que  l'État  de  Sûo  Paul»,  mais  elle  doit  subvenir -■ 
Il  un  mouvement  de  marchandises  qui  s'accroît   d'année  en  année.  On  j 
travaille  à  l'aménagement  du  port  en  vue  du  tralic  croissant,  et  un  mur-^ 
verticjil  permettra  bientôt  aux  plus  forts  navires  de  charger  et  de  déchar — ■ 
ger  à  quai'.  Vingt  lignes  régulières  de  navigation  à  vapeur  ont  Santos  pour — ' 
escale.  Les  Anglais,  puis  les  Non'égicn.s  font  la  plus  grosse  part  du  com- 
merce. Une  seule  voie  ferrée  apporte  de  Sao  Paulo  les  cafés  que  Santos 
entrepose  et  lui  rapporte  les  marchandises  et  le  charbon  d'Europe  et  des 
États-Unis,  le  riz  de  l'Inde  et  la  morue  de  Terre-Neuve  :  ce  beau  chemin 
de  fer,  de  construction  anglaise,  traverse  la  fonît  vierge  de  Gubalâo,  puis, 
arrivé  i)  la  ■■  Racine  de  la  Montaigne  »,  —  Raiz  da  Serra,  —  monte  h 
l'escalade  des  hauteurs  par  quatre  plans  inclinés  successifs,  d'une  pente 
de  101  millimMrcs  par   mètre,    où  les  trains  sont  remorqués   par  les 
machines  fixes.  La  rampe,  partie  de  19  mètres  et  gagnant  le  rebord  dn 
plateau  à  799  mètres  d'altitude,  est  une  des  merveilles  du  Brésil,  grAce 
à  la  beauté  du  cii-que  boisé  que  l'on  voit  se  dérouler  et  grandir  au  pied 
de  la  montagne;  mais  comme  voie  de  transport  elle  se  montre  tout  à 
fait  insuffisante  :  les  machines  ont  une  force  limitée,  et  les  trains,  si 
nombreux  qu'on  les  fasse,  doivent  se  décomposer  pour  monter  ou  des- 
cendre par  groupes  de  deux  ou  trois;  le  tonnage  journalier  reste  ioférienr 

'  Houvement  commercial  annuel  à  Santos,  pendanl  la  dernière  décade  : 

Importation 75  000  000  francs. 

Eiportalion 300  000  000      u 

Valeur  des  échanges 375  000  000  francs. 

Houvcnienl  de  U  navigation,  h  l'enlrée,  en. 1892,  sans  le  cabolage  : 

1034  navires,  portant  337  000  lonnes. 
EiportatioQ  du  café  :  2  300  000  sacs,  ou  150  OOO  lonncs,  i-aleur  190  000  000  franco 
Iteceticj  dl^  h  dniiane  de  Santos,  en  1892  ; 

•24  no  «73  milreis,  ou,  à  1  fr.  30  le  milreis,  51  422  265  francs. 


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s  s 


nécessités  du  traûc.  Les  retards  dans  les  transports  entraînent  de 
lireuses  avaries  et  forcent  le  commerce  à  prendre  les  déloui's  les  plus 
«ux  :  des  caféteries  ne  reçoivent  les  machines  commandées  que  plus 


"h^^^^s^^-^^ 


-     sa  ia  ■ 


le  année  après  leur  arrivée  dans  le  port.  Aussi  deux  compagnies  pau- 
!S,  l'une  h  l'ouesl,  l'autre  à  l'est,  sonl-clles  en  instance  pour  disputer 
Société  anglaise  le  droit  de  Taire  descendre  des  lignes  de  rails  aux 
is  de  Sanlos,  en  pénétrant  dans  la  zone  de  terrain  concédée  des  deux 
s  au  chemin  de  fer  actuel.  En  outre,  des  compagnies  indépendantes 


> 


578  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

se  constituent  pour  créer  d'autres  débouchés  sur  le  littoral  :  Ubatûba, 
Sebasliâo,  peut-être  Iguapé  et  Cananea,  deviendront  des  rivales  de  San 
dont  les  entrepositaires  n'auront  plus  le  monopole  des  cafés. 

Ce  tronc  unique  de  Santos  à  Sao  Paulo  se  ramifie  au  nord  en  de  no 
breux  embranchements  qui  pénètrent  dans  toute  la  région  des  caf( 
le  Nord  de  l'État,  qualifié  d'ordinaire  de  «  Grand  Ouest  »,  comme  1 
régions  agricoles  des  États-Unis.  La  voie  principale,  indépendante 
versant  naturel,  traverse  le  Tieté  au  sortir  de  Sao  Paulo  et  s'engage  da 
les  montagnes  de  Cantareira  pour  en  dépasser  le  faîte  à  l'est  du  pic 
Jaragua.  Une  des  premières  stations,  gare  terminale  du  chemin  de 
appartenant  à  la  compagnie  anglaise,  est  dominée  par  la  ville  de  Jundiah 
qui  se  prolonge  sur  un  coteau  au-dessus  des  bananeraies  et  des  jardii75 
Au  delà  se  montre  Campinas,  centre  principal  du  commerce  au  nord 
Sao  Paulo.  La  gare,  entourée  de  nombreux  entrepôts,  ateliers  et  usines 
diverses,  rappelle  par  son  animation  les  gares  de  Belgique  et  d'Angle- 
terre. Fort  grande,  régulièrement  bâtie,  Campinas  occupe  malheureu- 
sement une  plaine  basse  exposée  à  des  chaleurs  lorrides  et  dépourvue  de 
ventilation.  Tandis  que  Jundiahy,  réputée  ville  salubre,  reçoit  sur  sa 
colline  des  étrangers  en  villégiature,  les  fièvres  et  l'épidémie  visitent  sou- 
vent Campinas  :  en  1892  près  de  trois  mille  personnes,  soit  la  sixième 
partie  de  la  population,  y  succombaient  de  la  fièvre  jaune,  qui  du  foyer 
de  Santos  avait  gagné  l'intérieur,  en  franchissant  la  serra  do  Mar.  Malgré 
son  insalubrité,  qui  l'empêche  de  rivaliser  avec  Sao  Paulo,  Campinas*  se 
gère  en  capitale.  Depuis  1817  la  municipalité  a  dépensé  plusieurs  millions 
pour  se  construire  une  église,  n'ayant  d'ailleurs  rien  de  remarquable; 
mais  la  nef  et  la  chapelle  sont  ornées  de  boiseries  sculptées  par  un  artiste 
de  Minas  qui,  à  l'exemple  de  ses  devanciers  du  moyen  âge,  consacra  sa 
vie  à  cette  œuvre  d'amour  :  c'est  même  pour  abriter  ce  bel  ensemble  de 
sculptures  que  l'église  a  été  bâtie.  Campinas  se  vante  d'être  la  patrie  du 
compositeur  Carlos  Gomez.  Dans  les  derniers  temps  de  l'Empire,  Campinas 
était  un  centre  de  propagande  républicaine.  Le  bourg  voisin  de  Santa 
Barbara  reçut  pour  colons  des  planteurs  venus  des  États-Unis,  que  l'on  dit 
avoir  traité  leurs  esclaves  avec  une  extrême  dureté. 

Naguère  la  contrée  avait  pour  principale  industrie  agricole  la  production 
du  sucre;  maintenant  le  travail  qui  prime  tous  les  autres  est  la  culture  du 
cafier,  qui  prospère  merveilleusement  dans  la  «  terre  rouge  »  constituant 
une  grande  partie  du  territoire  au  nord  et  a  l'est  de  l'État.  L'école  d'agri- 
culture établie  dans  le  voisinage  de  Campinas  sert  principalement  aux 
expériences  des  planteurs  de  café,  et  les  chemins  de  fer  dont  la  ramure 


À 


M  irODVILLI  6t06lli)>HIE  UNIVERSELir. 

le  cfaernin  de  fer  s'élève  sur  le  plateau  d'environ  1000  mètres  d';iliiiii(lt> 
où  se  trotrrent  les  villes  de  Batataes  et  de  Francn,  pour  redescendre  dans  ^ 
la  vallée  du  rio  Grande,  qu'il  travene  pm-  un  viaduc  de  400  mètres.  On  i 
trouve  des  diamants  près  de  Fnmca,  viile  qui  pcut-ùtre  a  pris  ce  nom  j 
comme  lieu  de  refuge  pour  les  bannis  des  provinces  du  littoral  ' . 

Un  autre  chemin,  parlant  aussi  de  Campinas,  passe  à  Limeira  pour  se  s 
bifurquer,  d'un  cdté,  vers  Araras  et  l'irassununga  et  se  continuer  ensuite^ 
par  la  navigation  du  M<^'  guassû,  de  l'auti-e  cdlé  vers  Rio  Claro,  la  «  Prin — 
cesse  de  l'Ouest  ».  C'est  la  ville  brésilienne  qui  ressemble  le  plus  Ji  unc= 
cité  de  l'Amérique  du  Nord;  elle  a  UK^me  poussé  l'esprit  d'imitation  jus — 
qu'i  numéroter  ses  mes,  au  lieu  de  les  nommer,  comme  on  le  fait  dan^ 
le  reste  du  Brésil;  elle  fut  aussi  la  première  de  l'Ëtal  à  s'éclairer  pai — 
rélectiicité*.  La  ramure  de  voies  ferrées  qui  se  prolonge  au  nord  de  Kîr^ 
Qaro  s'avance  jusque  dans  la  région  des  campos,  à  Jaboticabal. 

La  vallée  du  Tieté,  également  rattachée  par  des  rails  a  JunJiahy  ot  a  Sâo 
Paulo,  possède  ai^  quelques  villes  grandissantes.  Itû,  la  «  très  fidèle  ». 
se  glorifie  de  son  ancienneté  :  dès  1610,  les  missionnaires  jésuites  y  avaient 
fondé  une  colonie  de  catéchumènes  indiens.  Centre  du  catholicisme  dan» 
l'Étal,  elle  a  plus  d'alises  que  toute  autre  ville  en  proportion  de  ses 
habitants  et  son  édifice  principal  est  un  collège  des  jésuites,  fréquenté 
par  quatre  cents  élèves.  La  vie  commerciale  se  développe,  non  dans  la  cité 
proprement  dite,  mais  au  bas  de  sa  terrasse,  à  l'endroit  où  la  rivière  Tieté 
plonge  en  une  superbe  cascade  :  d'importantes  usines  et  des  maisons 
d'ouvriers,  bordant  la  rive  gauche,  constituent  un  gros  village  nommé 
par  pléonasme  Salto  d'itû,  car  en  guarani  te  mot  Itiî  a  lui-même  le  sens 
de  u  cataracte  ».  C'est  à  ta  force  motrice  fournie  par  sa  cascade  que 
Piracicaba,  située  au  nord-ouest  d'Itû,  sur  un  aflluent  du  Tieté,  doit  aussi 
sa  filature  de  coton  et  son  usine  à  sucre.  La  navigation  commence  sur  la 
rivière  de  Piracicaba,  immédiatement  au-dessous  de  la  ville,  tandis  que  le 
rio  Tieté  ne  porte  bateaux  qu'en  aval  de  Porto  Feliz,  à  une  cinquantaine 
de  kilomètres  à  l'ouest  de  Salto  d'Itû.  Les  bateaux  à  vapeur  du  Tieté  et 
du  Piracicaba  vont  charger  du  café  dans  les  plantations  de  l'Ouest,  au 
delà  des  régions  desservies  par  les  chemins  de  fer.  Les  deux  colonies 
militaires  fondées  en  aval,  sur  les  cataractes  d'Avanhandava  et  d'ilapura, 
n'ont  point  réussi  :  pendant  longtemps,  dit  un  rapport  de  l'Ëlat,  elles  ne 
lurent  que  des  «  expressions  officielles  », 


'  Rcv'ula  do  Irutilulo  Hitlorico,  i 
■  Alfonso  lomonaco,  Al  Bratile. 


383  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

vallée  el  va  se  jeter  dans  le  Sorocaba,  est  fameux  en  minéralogie  par^^^ 
collines  de  minerai  ferrugineux  qui  fournit  de  70  à  80  pour  100  de  méfr^ 
pur,  d'une  excellente  qualité.  Même  sans  attaquer  la  roche,  il  suflirar  -^ 


d'en  ramasser  les  fragments  désagrégés,  épars  sur  le  sol,  pour  aliment 
pendant  des  années  les  plus  grandes  usines  métallurgiques;  cependa 
l'établissement  qu'on  y  a  fondé  en  1811,  et  que  Ton  a  depuis  transforma 
plusieurs  fois  sous  la  tutelle  directe  du  gouvernement,  n'a  point  réussi  ^ 
exemple  remarquable  de  l'incapacité  de  l'État  quand  il  entre  en  concur 
rence  avec  l'industrie  privée.  Tous  les  travaux  coûtent  plus  cher  qu'il 
ne  rapportent,  et  la  butte  ferrugineuse  d'Araçoyaba  (970  mètres),  dit 
communément  o  morro  do  ferrOj  reste  presque  sans  emploi. 


Actuellement  (1893),  Botucatû,  dans  une  région  montueuse  que  born 
le  Tielé  du  côté  du  nord,  est  la  dernière  ville  importante  de  la  régie 
peuplée.  Au  delà  des-caféteries  qui  l'entourent  et  où  Ton  cultive  surtout^ 
des  plants  aux  baies  jaunâtres,  commencent  les  vastes  solitudes  inex — 
plorées  comprises  entre  le  bas  Tieté  et  le  Paranapanema.  Depuis  le  dix — 
septième  siècle,  un  grand  recul  s'est  fait  dans  ces  contrées.  Plus  de  cenP 
mille  Indiens  policés  se  groupaient  autour  de  missionnaires,  et  des  villes 
telle  Sâo  Ignacio  Mayor,  s'élevaient  au  bord  du  Paranapanema;  une  autr^^ 
mission  se  trouvait  sur  le  fleuve  Paranâ,  à  quelques  kilomètres  en  amonP 
de  la  grande  cascade.  Mais  les  chasses  à  l'homme  dépeuplèrent  le  pays-  - 
L'exploration  confiée  à  la  commission  géographique  de  Sâo  Paulo   par — ' 
mettra  de  recommencer  presque  à   coup  sûr  l'œuvre  de  colonisation^ 
On  connaît  parfaitement  la  rivière,  avec  ses  chutes,  ses  rapides,  ses  dor 
manls,  ses  ports  naturels,  et  les  terrains  favorables  sont  désignés,  soit  pou 
la  culture,  soit  pour  l'élève  du  bétail.  Les  colons  s'y  établissent  et  déjà  de: 
embryons  de  villes  se  dessinent  en  aval  des  cascades  et  aux  confluent 
des    rivières.   En    1890,   on  évaluait  à  cent  mille  têtes  la   productio 
annuelle  du  bétail  dans  ces  régions  découvertes  à  nouveau,  et  on  avaiK 
fait  quelques  tentatives  de  plantations,  en  cannes,  cafiers,  cotonniers  e^ 
tabac*. 

La  partie  méridionale  de  l'État,  non  encore  réunie  à  Sao  Paulo  par  route 
carrossable  ou  voie  ferrée,  constitue  avec  les  districts  limitrophes  du 
Parana  un  tout  géographique  distinct.  Ce  territoire  est  encore  faiblement 
peuplé  et  ses  chefs-lieux  ne  sont  que  des  villages  :  Apiahy,  qu'ont  aban- 
donnée les  chercheurs  d'or;  Xiririca,  dont  les  beaux  marbres  blancs  restent 

*  Theutioro  Sampaio,  ConsideraçÔes  (jeographicas  e  economicas  sobre  o  valle  de  rio  Parana^ 


BOTUCATÛ,  GANANEA,  GURITIBA.  583 

jn^ jtploités  ;  Iguapé  et  Cananea,  deux  ports  que  visitent  seulement  des 

goélettes  de  cabotage.  Iguapé,  située  près  de  Temboucbure  du  RibeirSo, 

communique  aussi  par  un  canal  navigable  avec  le  marigot  dit  Mar  Pequeno, 

qui    Icnge  la  côte  sur  plus  d*une  centaine  de  kilomètres.  Si  les  appix)ches 

du.      port  d'Iguapé  étaient  rendues  plus  faciles  et  qu'un  chemin  de  fer  la 

rat.t.£i.chât  à  la  ligne  de  Sorocaba,  ce  point  du  littoral  acquerrait  prompte- 

m^rm  t^  de  l'importance  pour  l'exportation  des  cafés  du  plateau,  du  riz  et  du 

mirm^rai  de  fer  des  montagnes  voisines.  Cananea,  bâtie  dans  une  ile  au 

bor-d  du  Mar  Pequeno  ou  marigot  d'Iguapé,  offre  plus  d'avantages  nanti- 

qu^^,  et  les  grands  navires  peuvent  à  marée  haute  mouiller  devant  sa 

pistée  :  l'ilot  de  Bom  Âbrigo,  éclairé  d'un  phare,  donne  aux  bateaux  le 

«    l3on  abri  »  que  promet  son  nom.  Cananea  est  une  des  villes  historiques 

dii   Brésil.  Christovao  Jacques  et  Amerigo  Vespucci  y  mouillèrent  en  1503, 

^^     cle   là  partit  la  première  bandeira  pour  la  recherche  de  l'or  dans  les 

''^SÎons  de  l'intérieur  :  des  quatre-vingts  aventuriers  qui  la  composaient 

un  seul  ne  revint.  Cananea  reprendra  rang  si  l'on  donne  suite  aux 

«ts  qui  en  font  le  havre  terminal  d'un  chemin  de  fer  tracé  directement 

le  Matto  Grosso  par  les  vallées  du  Paranapanema  et  de  l'Ivinheima. 


da 


population  se  distribue  de  la  même  manière  dans  l'État  de  Parana  que 

celui  de  Sâo  Paulo,  et  les  villes,  moins  nombreuses  et  moins  peu- 

9  y  occupent  des  positions  analogues.   La  cité  capitale,    Curitibâ 

2^    ^^^*ilybé,  Corityba),  c'est-à-dire  la  ville  des  curi  ou  araucarias*,  s'élève, 

Sâo  Paulo,   sur  un  plateau  bordé  à  l'est  par  la  serra  do  Mar,  el 

ttache  de  la  même  manière  à  son  port  du  littoral,  un  autre  Sanlos, 

également  au  bord  d'un  golfe  semé  d'îles  et  d'îlots.  Les  deux  villes 


*^  serra-dcima  et  de  la  beira-mar,  des  «  hauts  »  et  de  la  <<  marine  », 
^^Xàent  un  seul  organisme  urbain. 

^xiritiba  s'étale  largement  dans  une  plaine,  jadis  couverte  de  forêts  et 

în tenant  presque  déboisée  :  un  jardin  public,  des  avenues  d'arbres  rem- 

^^^cent  pauvrement  les  ombrages  d'autrefois.  Située  à  889  mètres  d'alti- 

^^de,  sous  un  climat  qui  rappelle  celui  de  l'Europe  occidentale,  Curitibâ 

^^t  une  ville  à  demi  européenne,  où  des  colons  d'Europe  viennent  vendre 

^^r  le  marché  des  fruits  et  des  légumes  introduits  de  l'Ancien  Monde. 

vie  même  que  Sao  Paulo,  Curitibâ  n'a  grandi  que  pendant  les  dernières 

«Xnnées;  au  commencement  du  siècle  ce  n'était  qu'un  humble  village, 

■  Adolpho  de  Varnhagen,  Hutoria  gérai  do  Brazil. 


) 


38t  NOUVELLE  GfiOGRAPIUE  UNIVERSELLE. 

moins  pci)|ilti  (|iic  l*uranaguâ,  sa  ville  maritime,  et  le  rang  de  capitxale 
no  lui  ap|iai-ticnt  qu<t  depuis  1854,  é|)oque  à  laquelle  le  tcnûtoire  de 
Pai-ana  se  détacha  comme  |irovinco  distincte  de  celle  de  S3o  Paulo. 

Une  route  carrossable,  encore  utilisée  par  des  convois  muletiers,  desce  xid 
de  Guritibâ  vers  la  mer,  ou  passant,  sur  le  versant  de  la  serra,  par  la  vî]l« 
de  (iraciosn,  justement  nommée.  Le  chemin  de  fer  n'est  construit  rjix'^ 
depuis  l'aniu'Hi  1885.  Contournant  la  superbe  monli^ne  de  Horumt^^ 
(I  iôU  mètres)  dont  les  rochers  nus  cunli'astcnlavec  la  sombre  verdure  de  ^ 
talus  extérieurs,  la  voie  descend  par  une  succession  de  tranchées,  de  tuD""""^ 


tf  m.  —  nE  cvMTiti  A  ruiuuni. 


nels  et  de  viaducs  aux  leriains  Ikis  du  littoral,  oii  d'autres  travaux  d"art, 
remblais  et  ponts  à  pilotis,  ont  été  nécessaires.  A  la  descente,  la  vue  est 
plus  l)elle  encore  et  [)lus  étendue  que  sur  les  plans  inclinés  de  Sanlos  : 
les  montajiues.  plus  hautes  et  d'un  proiil  plus  lier,  la  vallée,  plus  lar- 
fiemenl  ouvert*-  siu-  des  jilaines  plus  vastes  et  sur  un  golfe  plus  varié. 
(Iiiiiiient  au  paysa}î{!  un  aspect  étonnant  de  magnificence  et  de  grandeur. 
Les  plus  Toiles  raui|)es  soni  de  Ti  cenliniètres.  déclivité  trop  forte  poul- 
ie Iran-^pi.il  laiile  dfs  mai-chandises;  ceiiendaiil  le  liieniin  de  fer  de 
Cui'ililià  riMn|»ii1f  à  ei'l  énni^d  suc  celui  de  Saiitos  :  les  locomotives  y 
reiuonpieut  les  liaiiis  einiiposés  de  S  \vagt)ns  à  la  vitesse  de  'ill  kilomètres 
à  rii(;uie.  Le  point  ruliniiiant  de  la  voie  se  trouve  \  OÔIi  mètres  d'alti- 
tude, à  l'enlive  truii  luiiiiel. 

La  ville  Ji?  Morretes  est  située  ii  la  racine  de  la  monlugiie  où  s'arrêtaient 


1 

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A.NTONI.f  A,  PAnANAGUi.  5S7 

trieurs  de  maté  avani  la  construclîon  de  la  roale  et  du  chemin  du 
es  barques  venaienl  y  prendre  la  précieuse  denrée  pour  la  transporter 
rt  de  Paranagud  par  la  rivière  Nhundiaquâra  et  le  chemin  du  golfe: 
e  possède  encore  des  établissements  pour  la  préparation  de  ce  thé 
uayen.  Un  euibranchément  ■  partant  de  Morretes  se  dirige  au  nord- 
vers  le  port  d'Antoninat  moins  profond  que  celui  de  Paranaguë, 


suffisant  pour  des  navires  calant  de  4  à  5  mètres;  pendant  les 
des  d'inondation,  alors  que  les  rivières  débordées  menacent  de  couper 
emin  principal  entre  Morretes  et  Paranaguâ,  sur  la  rive  méridionale 
ilfe,  l'embranchement  d'Antonina  laisse  au  commerce  de  Curilibâ  une 
voie  d'exportation. 

cité  maritime  de  Paranaguâ,  bâtie  sur  un  estuaire  du  golfe,  à  la 
le  de  la  rivière  Ituberé,  ne  donne  plus  accès  aux  navire?  d'un  fort 
t  d'eau  :  son  port  s'étanl  envasé,  ils  doivent  s'arrêter  à  deux  kilo- 
îs  au  nord-ouest,  dans  une  rade  que  défend  à  l'est  l'île  monliieuee 


•»'■»   - 


I 


888  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  DNIVEBSELLE. 

de  Gotinga  :  la  ville  se  déplace,  alignant  ses  maisons  le  long  do  natm* 
port.  Le  commerce  de  Paranagué,  bien  différent  de  celui  de  Santos, 
consiste  guère  qu*en  produits  forestierst  le  bois  d'araucaria  et  la  f«>i 
maté,  provenant  d'une  espèce  particulière,  ikx  corîfybmftff,  oongénèr» 
celle  du  Paraguay;  les  denrées  obtenues  par  la  culture,  le  sucre  et 
céréales,  ne  représentent  qu'une  très  faible  partie  de  l'exportation*.  I^^^ 
'  ruines  de  l'ancien  collège  des  Jésuites,  centre  des  missions  du  Paranét  i^^^ 
voient  encore  dans  la  ville.  Diverses  colonies  agricoles  sont  éparses  du^^^ 
les  clairières  des  forêts  entre  Paranaguà  et  Morretes.  La  principale  est  cdle 
d'Alexandra,  où  des  Italiens  s'occupent  principalement  de  cultures  alimen- 
taires ;  ils  possèdent  aussi  quelques  plantations  de  cannes  et  de  cafiers. 

Dans  l'intérieur  des  terres,  à  l'ouest  de  Gurilibà,  le  peuplement  se  fidt 
d'une  façon  méthodique  par  l'établissement  de  colonies,  dont  quelques- 
unes,  très  bien  situées,  se  sont  assez  développées  pour  devenir  des  vtHes  : 
telles  Gampo  Largo,  au  sud-ouest  de  Guritibé  ;  Palmeira,  à  l'ouest  ;  Ponta 
Grossa,  plus  au  nord,  dans  les  hautes  phiines  que  parcourt  le  Tibagy. 
L'histoire  du  Parané,  comme  celle  de  l'État  de  SSo  Paulo,  est  rhistoire  de 
la  colonisation  ;  mais  ici  elle  prend  un  caractère  particulier  par  suite  de 
la  division  naturelle  qui  s'opère  dans  les  courants  d'immigration.  Naguère» 
les  colons  allemands  se  dirigeaient  presque  tous  vers  Santa  Catharina 
et  Rio  Grande  do  Sul  ;  les  Italiens  se  portent  maintenant  en  foule  vers 
Sio  Paulo,  tandis  que  le  Parand  reçoit  principalement  des  Polonais.  Ce 
peuplement  avait  pourtant  commencé  d'une  manière  désastreuse  en  1878. 
Les  agents  d'émigration  introduisirent  alors  1366  paysans  slaves,  pour 
lesquels  ils  n'avaient  fait  aucun  préparatif  de  colonisation,  et  les  malheu- 
reux se  trouvèrent  abandonnes  sans  ressources  sur  la  place  de  Palmeira. 
Beaucoup  moururent,  d*autres  réussirent  à  se  faire  rapatrier  par  la  voie 
de  Hambourg,  et  le  reste  finit  par  se  faire  transporter  aux  États-Unis*. 
Cependant  quelques-uns  tinrent  bon  et  devinrent  le  noyau  de  colonies 
nouvelles,  qui  gagnèrent  peu  à  peu  sur  les  solitudes  dans  les  hauts  campos 
que  parcourt  l'Iguazù.  Presque  tous  ces  immigrants  polonais,  connus  géné- 
ralement dans  le  pays  sous  le  nom  collectif  de  «  Russes  »,  viennent  de  la 
Pologne  prussienne  et  autrichienne;  ceux  que  les  persécutions  religieuses 
ont  chassés  de  la  Lilhuanie  et  des  régions  de  la  Vistule  n'ont  suivi  que 
dans  les  dernières  années  le  mouvement  de  migration  vei's  le  Parana.  Il 

*  Mouvement  cointnerciul  de  Paranaguâ,  à  rentrée,  en  1892  :  376  navires  à  vapeur  et  à  voiles. 
Exportation  du  nialé  en  189*2  :  19  551  tonnes. 
Valeur  :  (5  000  000  milreis.  soit,  à  l  fr.  50  le  iniireis,  7  800  000  francs. 

•  De  Taunav.  Revista  do  Instituio  Uistorico,  1890. 


CURITIBÀ,   COLOiNIES  DU  PARANA.  2^9 

s*y  joint  maintenant  des  Slaves  qui  se  trouvaient  dans  les  colonies  alle- 
fnandes  du  Rio  Grande  do  Sul  et  qu'un  attrait  de  sympathie  mène  vers 
leurs  compatriotes  :  pas  un  seul  Juif  ne  se  mêle  à  cette  société  purement 
^ave.  La  ville  de  Curitiba  s*entoure,  sur  un  espace  de  50  kilomètres  en 
moyenne,  de  colonies  exclusivement  polonaises  et  môme  désignées  ofiî- 
^iellement  sous  le  nom  de  «  Nouvelle  Pologne  ».  Les  Polonais  environnent 
âiussi  Palmeira,  et  leurs  colonies  occupent  sans  interruption  toute  la  rive 
droite  de  Tlguazù  jusqu'à  la  station  nouvelle  dite  Porto  Uniâo.  Aux  jours 
de  foire,  Curitiba  et  Palmeira  rappellent,  à  s'y  méprendre,  de  petites  villes 
galiciennes.  Loin  de  la  capitale,  un  autre  groupe  colonial  s'est  formé 
au  sud  de  l'Ëtat,  sur  le  rio  Negro  et  le  rio  Vermelho,  aux  confins  de 
Santa  Gatharina.  On  évalue  approximativement  à  une  centaine  de  mille, 
soit  à  près  d'un  tiers  de  la  population  totale,  les  colons  polonais  du  Parana, 
et,  la  mortalité  étant  très  faible  parmi  eux,  l'accroissement  annuel,  par 
l'excédent  des  naissances  sur  les  morts,  est  estimé  à  4  pour  100  en 
moyenne,  proportion  tout  à  fait  exceptionnelle  parmi  les  nations.  Les 
Polonais  de  Parana  conservent  leur  langue,  leurs  costumes,  leurs  mœurs  : 
ils  ont  leurs  églises,  leurs  écoles,  même  un  journal.  Presque  tous  agri- 
culteurs, ils  ont  acquis  le  monopole  de  la  production  des  céréales  et  des 
légumes  et  commencent  même  à   refouler  vers  Sâo  Paulo  les  colons 
'autres   nationalités*.  Il  existe   cependant  quelques  groupes  résistants 
'immigrants  non  Slaves,  notamment  une  colonie  de  communistes,  presque 
ous  Italiens,  qui  s'est  fondée  à  La  Cecilia,  près  de  Palmeira. 
La  Slavie  du  Parana  possède  des  gisements  métallifères,  de  Tor  à  Campo 
rgo,  du  mercure  à  Palmeira;  mais  ces  richesses  ne  sont  point  exploitées. 
j^  pays  est  plus  célèbre  par  ses  curiosités  naturelles  que  par  ses  mines. 
une  trentaine  de  kilomètres  à  l'orient  de  Ponta  Grossa  s'ouvrent  dans  lo 
sol  argileux  trois  étonnants  Iruracos  ou  puisards,   dont  l'un,  large  de 
80  mètres  à  l'ouverture,  n'a  pas  moins  de  170  mètres  en  profondeur; 
une  eau  lente,  qui  passe  dans  le  fond,  s'écoule  de  gouflre  en  gouffre  vers 
une  lagune   tributaire  du  Tibagy;   des  corbeaux   et   des   espèces  d'ibis 
nichent  dans  les  anfractuosités  des  parois.  Plus  à  l'est,  une  roche  de  vieux 
grès  rouge  se  décompose  en  blocs,  en  pyramides,  en  amas  bizarres,  qui 
lui  ont  valu  le  nom  de  Villa  Velha  ou  «  Vieille  Ville'  ». 

Curitiba  n'a  pas  encore,  comme  son  modèle  Sao   Paulo,  toute  une 
ramure  de  voies  ferrées  qui  pénètrent  dans  les  zones  cultivables  de  Toc- 


I  JosefSiemiradzki,  Notes  manvscrilcjt. 
<  De  Taunav,  mémoire  cite. 


390  .NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

cidenl;  elle  ne  possède  (1893)  qu*une  ligne  de  rails  se  dirigeant  vers 

les  frontières  de  TËtat  de  Santa  Catharina,  par  la  ville  de  Lapa,  entourée 

de  roches  et  de  grottes.  La  rivière  dlguazû,  que  ce  chemin  de  fer  traverse, 

devient  navigable  à  une  centaine  de  kilomètres  à  Touest  de  Guritiba,  au     m^^  .m^u 

lieu  dit  Porto  do  Amazonas,  mais  do  nombreuses  chutes  inteiTompent  le    ^^  jr       le 

cours  de  ce  fleuve  à  200  kilomètres  plus  bas.  Par  suite  du  manque  de  <^  Mz^   de 

routes,  presque  toute  la  région  occidentale  de  TËtat,  si  fertile  et  destinée  ^»^^  m^ée 

par  son  heureux  climat  à  devenir  la  patrie  de  millions  d'hommes,  n'esta  «s^  ^^  est 

guère  qu'une  immense  solitude;  à  peine  quelques  bandes  de  Coroados  j^-      ^^s  y 

campent  aux  bords  des  rivières.  Le  voyageur  y  trouve  les  ruines  informes^  ^:^  .«raes 

de  villes  bâties  autrefois  par  les  missionnaires  jésuites;  une  «  Villa  Rica  to^^       -^^  » 

s'élevait  vers  le  milieu  de  la  vallée  du  Rio  Ivahy,  et  sur  le  bord  du  fleuvt 

Parana,  à  l'embouchure  du  Piquiry,  se  dressait  la  maison  maîtresse  de  h 

Guayra,  chef-lieu  de   l'immense  empire  théocratique  des  Missions  qu'il 

fallut  abandonner  aux  incursions  des  Paulistes.  Actuellement  le  poinV 

initial  de  la  reconquête  agricole  du  pays  est  la  cité  naissante  de  Guara- 

puava,  située  à  près  de  1200  mètres  d'altitude  dans  une  région  montueuse:^ 

de  forôts  qu'entourent  les  campos,  déjà  sur  le  versant  de  llguazû,  maû 

non  loin  des  sources  de  l'Ivahy,  qui  forme  une  magnifique  cascade  di 

75  mètres  en  hauteur  ^  Une  colonie  de  Français,  établie  au  nord  de  Gua- 

rapuava,  dans  la  haute  vallée  de  l'Ivahy,  région  perdue  sans  voies  de:: 

communication,  a  dû  se  disperser  après  des  efforts  désespérés. 

Tandis  que  la  colonisation  se  propage  lentement  dans  Tintérieur 
travers  une  contrée  sans  routes,  le  flot  de  l'immigration  pénètre  par  un< 
autre  voie,  celle  du  fleuve  Parana,  sur  la  frontière  Argentine.  En  1889, 
le  gouvernement  brésilien  fondait  un  village  au  confluent  du  Parani  el 
de  riguazû,  en  aval  de  l'admirable  «  Niagara  »   que  forme  ce  demiei 
courant.  Établie  comme  colonie  militaire,  Foz  de  Iguazû  constitue  main- 
tenant une  commune   libre,   comprenant  en   1893  une  population  d^^^^ 
700  individus,  Brésiliens,  Paraguayens  et  Français  du  Midi,  amenés  par  less  «^^^ 
bateaux  à  vapeur  de  l'Argentine  et  s'adonnant  surtout  à  la  cueillette  du 
maté  et  à  la  production  du  maïs  et  des  c^néales.  Le  plan  de  la  future  cité 
s'étend  sur  un  espace  de  25  kilomètres  carrés  et  le  territoire  concédé  com- 
prend une  supcrflcie  cent  fois  plus  grande.  Foz  d'Iguazû,  très  important 
au  point  de  vue  stratégique  comme  poste  frontière  du  Paraguay  et  de  l'Ar- 
gentine, possède  un  commencement  d'arsenal  et  de  flottille.  Une  grande 
cité  naîtra  certainement  à  Foz  d'Iguazù,  soit  \\  quelque  ciulre  confluent 

"  Do  Taiinav,  nioitioire  cilr. 


PARANA,  SANTA  CATHARINA.  391 

"oisin,  au  point  de  croisement  de  la  vallée  du  Paranâ  et  de  la  ligne  la  plus 
Miurte  entre  le  littoral  atlantique  et  le  Matlo  Grosso,  centre  du  cou- 
inent'. 


L'État  de  Santa  Catharina,  ainsi  nommé  de  Tile  allongée,  le  Jurû  Mirim 
les  Indiens,  qui  se  prolonge  parallèlement  au  continent,  au  devant  de  la 
mrtie  la  plus  saillante  de  la  côte,  est  la  contrée  du  Brésil  qui  a  le  plus 
argement  proGté  de  la  colonisation  dirigée  ofTiciellement,  et  dont  la 
K>pulation  comprend  le  plus  de  natifs  étrangers  et  (ils  d*étrangers.  Les 
«triotes  allemands  voyaient  avec  bonheur  naître  la  Germanie  future  du 
(ouveau  Monde  dans  Santa  Catharina  et  le  Rio  Grande  do  Sul.  Du  moins 
eur  langue  prévaut  en  maint  district,  et,  grâce  à  l'éducation  plus  com- 
»réhensiye  et  plus  approfondie  donnée  par  leurs  compatriotes,  Santa 
alharina,  encore  si  faiblement  peuplée,  a  pris  dans  la  confédération  bré- 
Jienne  une  part  d'influence  que  n'ont  pas  acquise  de  grands  États. 

En  1849,  une  société  commerciale  de  Hambourg  y  importa  des  culti- 
iteurs  allemands,  qui  s'établirent  aux  bords  de  la  rivière  Cachoeira.  Le 
liage  naissant  reçut  le  nom  de  Joinville,  en  l'honneur  du  prince  français 
iqnel  un  territoire  d'environ  152000  kilomètres  carrés  avait  été  con- 
^é,  comme  douaire  de  doua  Francisca,  sœur  de  l'empereur  du  Brésil, 
es  colons,  plus  favorisés  que  ne  le  furent  beaucoup  d'autres,  reçurent  des 
»ts  bien  choisis,  accessibles  par  de  bonnes  routes,  et  bientôt  le  pays  prit 
aspect  d'une  riche  campagne  allemande,  avec  des  cultures  soignées 
t>mme  celles  de  la  mère  patrie;  la  ville,  aux  rues  droites,  larges,  bien 
mbragées,  aux  maisonnettes  entourées  de  jardinets  et  fleuries  de  plantes 
rimpantes,  semble  s'être  donné  pour  modèle,  mais  en  l'embellissant,  le 
ype  d'une  ville  rhénane.  Sur  19000  habitants  du  municipe,  plus  de 
4000  sont  d'origine  allemande  ou  polonaise.  Des  brasseries,  distilleries, 
harronneries  et  autres  fabriques  sont  nées  autour  de  Joinville,  et  des 
ihariots  par  centaines  transportent  au  port  de  Sao  Francisco  le  maté,  le 
abac,  le  maïs,  le  tapioca,  le  beurre  et  autres  denrées  agricoles.  Une  route 
arrossable,  s'élevant  sur  les  pentes  de  la  serra  do  Mar,  monte  au  nord- 
>uest  vers  Sao  Bento  et  d'autres  colonies  situées  sur  Ja  frontière  du 
^ranà,  et  se  rattache  à  Rio  Negro  au  chemin  de  fer  de  Curitiba.  Le  port 
le  Sâo  Francisco,  où  vient  se  concentrer  le  commerce  local,  est  un  des 
neilleurs  de  la  côte  et  pourrait  accommoder  de  grandes  flottes.  La  rade, 

*  Mai.  Emerich,  PeUrmann's  Miltheilungen,  1870,  Heft  IX. 


Xn  NOUVELLE  GEOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

pi-ofondc  de  a  mètres,  qui  sépare  la  terre  ferme  el  l'ile  de  S3o  FranùsC' — ^k. 
Xavier,  ouvre  aux  navires  quiviennent  mouiller  devant  la  rive  insulaii 
un  chenal  abrité  de  tous  les  vents. 
Le  centre  colonial  de  Blumenau,  au  sud-ouesl  de  Joinvîlle,  sur  les  boi-d^Ei: 


de  rilajahy,  se  développa  péniblement.  Fondé  en  1852,  aux  risques  ^£=^ 
périls  de  l'Allemand  dont  il  porte  le  nom,  il  eut  beaucoup  à  soulTrifc-  ^^^ 
dans  les  premières  années  cl  ne  se  releva  que  grAce  aux  subsides  du  gon — ■  * 
vcrncmcnl.  Émancijié  maintenant  de  toute  tutelle,  il  prospère,  et  leîSs^  " 
roules  rayonnent  aux  alentoui-s,  dans  une  riche  campagne  parsemée  dc^^ 


394 


NOUVELLE  G'ÊOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


^ 


dans  la  manche  par  la  voie  du  nord,  trouvent  encore  de  8  à  10  mètres 
d*eau  à  une  petite  distance;  mais  dans  Tétroit  de  550  mètres  qui  s'ouL^ve 
au  sud,  entre  la  pointe  de  Desterro  et  celle  de  Piedade,  sur  le  contin^ïBt, 
le  seuil,  formé  de  vase  molle,  se  relève  jusqu*à  1  mètre  et  demi  de  la  sij&r' 
face  :  il  faudrait  creuser  un  canal  entre  les  deux  «  langues  de  mer  »     ^^ 
nord  et  du  sud  pour  permettre  à  la  grande  navigation  de  faire  le  périple  ^ 
Tile.  D'ailleurs  les  bons  lieux  d'ancrage  sont  nombreux  dans  ce  bras  ^^ 
mer,  long  de  60  kilomètres,  qui  s'étend  de  la  Barra  do  Norte  à  la  Barra  C^^ 
Sul.  Sur  la  rive  continentale,  deux  havres  principaux  sont  visités  par  1 
embarcations  :  Biguassû,  près  de  l'embouchure  d'une  rivière  de  mômt^ 
nom,  et  Sao  José,  située  presque  en  face  de  Desterro,  sur  une  crique  de 
la  manche  méridionale.  L'ile  Santa  Catharina,  jadis  couverte  de  caféteries 
très  productives,  n'a  plus  qu'un  sol  épuisé  et  ses  collines  se  sont  revêtues 
de  broussailles*. 

Les  plaines  qu'arrose  la  rivière  Tubarâo  ont  pris  dans  ces  dernières 
années  une  certaine  importance,  grâce  aux  gisements  de  houille  qu'on 
a  découverts  dans  les  hauts  de  la  rivière,  sur  les  pentes  de  la  serra  Gérai. 
Le  charbon,  qui  du  reste  n'est  pas  d'une  qualité  comparable  à  celle  des 
bons  combustibles  anglais,  se  présente  par  affleurements  très  faciles  à 
exploiter,  et  les  couches  déjà  reconnues  représentent  une  masse  d'au 
moins  50  millions  de  tonnes.  Lne  voie  ferrée  de  111  kilomètres,  construite 
spécialement  pour  le  transport  des  houilles,  parcourt  la  vallée  du  Tuba- 
lilo,  puis  traverse  un  marigot  littoral  sur  le  pont-viaduc  das  Larangeiras, 
long  de  1430  mètres  :  c'est  le  plus  important  travail  de  ce  genre  que  pos* 
sède  l'Amérique  du  Sud.  Au  delà  le  chemin  se  bifurque  pour  atteindre  les 
deux  ports  d'Imbituba  au  nord  et  de  Laguna  au  sud.  On  avait  espéré 
que  rexportation  pourrait  se  faire  par  ce  dernier  port,  situé  à  l'extrémité 
d'une  péninsule  sableuse,  qui  limite  à  Test  une  lagune  sans  profondeur: 
les  danjîers  de  la  barre  et  le  manque  de  fond  ont  obligé  la  compagnie 
à  faire  choix  du  port  d'Imbituba,  plus  accessible  et  mieux  abrité,  mais 
menacé  aussi  [)ar  les  dunes  qui,  sous  la  pression  des  vents  du  sud,  che- 
minent lentement  vers  le  nord.  Les  marées  de  Laguna  sont  extrêmement  -3 

irrégulières,  par  suite  de  rinlerférence  de  deux  vagues  de  flot  :  n'attei 

gnant  pas  même  1  mètre  de  hauteur,  elles  semblent  dépendre  surtout  de  -^^ 
la  direction  des  vents,  et  fré(|uemment  Toscillation  complète  dos  marées^'^^ 
ne  se  fait  qu'une  fois  en  un  joui*.  La  ilèehe  de  Laguna  est,  à  l'ouest  de  Lxcr^  f 


Àt 


J 


^^È. 


h 


'   Hugo  Zollor.  ouvrago  ciU' 


fielutorio  apmentadn  polos  EiKienheiros. 


TIBARÂO,  LAGUNA,  LAGES. 


395 


ville,  recouverte  presque  en  entier  par  un  énorme  tambaqui,  dépôt  préhis- 
torique de  coquillages. 

Dans  rÉtat  de  Santa  Catharina,  la  zone  littorale  de  Serra  Abaixo  ou  du 
<^<  Pied-mont  »  a  beaucoup  plus  de  largeur  que  dans  les  Ëtats  plus  sep- 
tentrionaux de  Parana  et  de  S3o  Paulo  et  les  conditions  du  climat  y  sont 
nieilleures  :  aussi  presque  toute  la  population  s'y  trouve  concentrée  et  la 
région  des  plateaux  n'a  pas,  comme  dans  les  États  voisins,  de  ville  con- 
«%idérable  formant  un  seul  organisme  urbain  avec  une  cité  du  littoral, 
s,  la  principale  agglomération  des  campos,  est  surtout  un  centre 
élevage  et  son  bétail  s'expédie  par  les  routes  de  terre  dans  la  direction 
e  Sorocaba.  On  évalue  à  trois  cent  mille  les  bêtes  à  cornes  que  possèdent 
es  propriétaires  de  Lages  dans  les  pâturages  de  l'État,  s'étendant  au  loin 
ers  les  savanes  de  l'ouest,  revendiquées  par  l'Argentine'. 


VIII 


VERSANT     DE     L  URUGUAY     ET    LITTORAL     ADJACENT. 
(ÉTAT    DE    SXO    PEDRO    OD    RIO    GRANDE    DO    8UL.) 

Bien  faible  partie  du  Brésil  par  son  étendue,  l'État  dit  Bio  Grande  do  Sul, 
'après  un  estuaire  que  les  premiers  navigateurs  prirent  pour  un  fleuve 
^comme  ils  l'avaient  fait  pour  la  baie  de  Bio  de  Janeiro,  est  une  des 
^contrées  qui  par  leur  richesse  naturelle  pourraient  le  plus  facilement  se 
suffire  et  constituer  un  pays  autonome.  Et  souvent  en  eflet,  cette  région 


*  Principales  Tilles  brésiliennes  du  versant  paranien  et  du  littoral  adjacent,  avec  leur  population 
ipproximative  : 


MixAs  Geraes. 


^uiz  de  Fora 15 

^berabà 12 

JoaodelRev 8 


000  hab. 
000     )) 
000    )) 


Barbacena  

Tiradentes  (Sâo  José) .  . 
Gaxainbû 


^2o  Paulo 100 

Campinas 18 

Santos 15 

Taubaté 15 

Pindamonbang&ba 15 

Lorena 11 

Guaratinguetâ 10 


Coritibâ 


Desterro. 
Blamenau 


6 


15 
5 


SXo  Paulo. 

000  hab.  RioCIaro. .    . 

000     ))  KiberâoPrelu 

000     ))  Itù 

000     ))  Faxina .... 

000     »  Jundiahv.  .    . 

000     ))  Piracicàba.    . 

000     ))  Sorocaba.  .    . 

ParanX. 
000  hab .    I   Paranaguâ .    . 

Santa  Gatharina. 


000  hab. 
000     )) 


Laguna  . 
Joinville . 


6  000  hab . 
5  000  )) 
5  000  )) 

8  000  hab. 

8  000  » 

0  000  )) 

«  000  )) 

5  000  )) 

5  000  )) 

4  000  )) 

5  000  hab. 

5  000  hab. 
2  500  )) 


396  NOUVELLE  6Ë0GRAPU1E  UNIVERSELLE. 

médiane  entre  les  terres  platéennes  et  le  Brésil  se  développa  d'une  maniè~ 
indépendante.  Sous  le  gouvernement  portugais,  le  territoire  de  Rio  Granc 
était  soumis  directement  au  pouvoir  royal  et  ne  fut  jamais  concédé  en  fi 
comme  les  autres  parties  du  Brésil.  Région  de  frontière  du  côté  des  po- 
sessions  espagnoles,  ce  pays  avait  trop  d'importance  politique  pour  qc 
l'État  ne  se  chargeât  pas  lui-même  de  le  défendre  et,  s'il  était  possibi» 
de  l'agrandir.  Les  Rio  Grandenses  accueillirent  avec  enthousiasme  la  prt 
clamation  de  l'Indépendance  ;  mais,  ayant  eu  à  souffrir  des  exigences  c 
Rio,  comme  autrefois  des  ordres  de  Lisbonne,  ils  tentèrent  de  conquér 
leur  liberté,  et  la  guerre  sévit  dans  leur  pays  pendant  neuf  années,  c 
1835  à  1844,  entre  les  farrapo$  ou  républicains  et  les  caramurûi  c 
monarchistes.  Ce  fut  l'époque  héroïque  de  l'histoire  du  Rio  Grande, 
Ton  vit  Garibaldi,  commençant  son  épopée  légendaire,  arriver  à  l'impr 
viste  devant  les  impériaux  avec  sa  légion  de  centaures,  apparaissant  tant 
aux  bords  de  l'Uruguay,  tantôt  dans  le  voisinage  de  la  mer,  pour  enlev 
les  postes  ennemis  :  à  grand'peine  l'armée  du  vaste  Brésil  put-elle  reco 
quérir  sur  une  poignée  d'aventuriers  la  petite  république  du  Rio  Grand 
Depuis,  par  sa  situation  même,  cette  province  méridionale  eut  plus 
souffrir  que  les  autres  des  guerres  contre  l'Argentine  et  contre  le  Par 
guay  et  y  prit  une  part  plus  active.  Enfin,  depuis  la  proclamation  de 
république  Brésilienne,  le  Rio  Grande,  que  ses  traditions  politiques  po 
tent  au  fédéralisme,  lutte  avec  acharnement  pour  le  maintien  de  se 
autonomie  locale  :  en  cet  État  commença  contre  la  dictature  militai) 
la  révolution  qui  de  proche  en  proche  a  gagné  tout  le  Brésil. 

Du  côté  de  l'Argentine,  le  Rio  Grande  est  nettement  limité  par  ui 
frontière  naturelle,  le  cours  de  TUruguay;  mais  au  sud,  sur  les  confins  ( 
la  Banda  Oriental,  les  vicissitudes  de  la  guerre  ont  fait  adopter  une  ligi 
de  séparation  toute  conventionnelle.  Sur  le  littoral,  le  petit  ruisseau  ( 
Chuy  sert  de  borne  internationale,  puis  la  ligne  divisoirc  suit  le  milieu  ( 
la  Lagôa  Mirim  jusqu'à  la  bouche  du  JaguarSo.  Ce  fleuve  constitue  la  froi 
tière  jusqu'au  ruisseau  Alto  da  Mina,  et  là  commence  un  tracé  sinuei 
se  dirigeant  au  nord-ouest  de  colline  en  colline  jusqu'au  faîte  de  parta{ 
des  deux  rivières  Ibicuy  Grande  et  Tacuarembo.  Au  delà,  le  cours  du  R 
Quaraim  sépare  les  deux  États.  Autrefois,  lorsque  les  régions  de  Tint 
rieur  se  trouvaient  encore  indivises,  les  Espagnols  avaient  pénétré  jusqu 
la  zone  du  faîte  vers  les  sources  de  l'Uruguay  :  là,  deux  territoir 
forestiers  se  font  face,  le  Malto  Caslelhano  et  le  Malto  Portuguez,  sépar 
par  une  lisière  de  savanes,  le  Campo  do  Meio  ou  «  Champ  du  Milieu 
Le  territoire  de  Rio  Grande  do  Sul  forme  un  quadrilatère,  ayant  à  pt 


RIO  GRANDE  DO  SUL.  597 

près  500  kilomètres  de  côté,  que  les  explorateui*s  ont  parcouru  dans  tous 
les  sens,  si  ce  n'est  dans  les  campos  septentrionaux,  mais  qui  ne  pos- 
sède pas  encore  de  carte  définitive  et  n'a  pas  même,  comme  Sâo  Paulo  et 
Afinas,  procédé  aux  levés  préparatoires.  Ses  habitants  s'accroissent  à  la 
fois    par  l'immigration  et  par  un  excédent  de  natalité  considérable,  qui 
témoigne  de  la  parfaite  salubrité  du  pays*. 

Lia    population  d'origine  étrangère  a  fait  en  partie   l'histoire  du  Rio 
Grande.  Les  premiers  colons  ne  furent  point  des  Portugais  continentaux 
comme  dans  la  plupart  des  autres  provinces,  mais  des  Açoriens  chassés 
de  leur  archipel  par  la  famine;  les  deux  villes  de  Rio  Grande  et  de  Porto 
A.leg're  leur  durent  naissance  en  1737  et  en  1742.  Les  immigrants  allemands 
vinrent  dès  les  premières  années  de  l'indépendance  brésilienne  :  en  1824, 
plus   de  cent  vingt  s'établissaient  sur  un  domaine  impérial,  près  de  len- 
droit   où  s'élève  la  ville  de  S5o  Leopoldo,  et  recevaient  des  lots  de  cul- 
ture ;    puis  des  soldats  mercenaires  se  retiraient  dans  la  même  contrée, 
cl  vers  le  milieu  du  siècle  on  y  comptait  déjà  plus  de  7000  colons  alle- 
Wiancis*.   Les  révolutions  européennes  eurent   leur  contrecoup  dans  cet 
Etat  par  l'immigration  de  plus  d'un  millier  de  Brummer  ou  soldats  volon- 
^«•es  enrôlés  à  Hambourg  par  le  Rrésil  dans  sa  guerre  contre  le  dictateur 
Wosa.s,  mais  ayant  pour  la  plupart  pris  part  aux  soulèvements  révolution- 
^***^s   de  l'Allemagne  en  1848.  Plusieurs  hommes  éminents  qui  se  trou- 
^*^*^t   parmi  ces  nouveaux  citoyens  du  Rio  Grande  ont  illustré  la  contrée 
/^^ï^i  talière  et  fourni  le  levain  d'instruction  qui  a  donné  à  l'État  un  rang 
^*^vé  dans  l'Union  brésilienne.  Rien  que  les  anciennes  colonies  agri- 
*^^   siient  perdu  l'organisation  que  leur  avait  imposée  le  gouvernement 
1  ou  provincial  et  que  légalement  tous  les  immigrants  et  lils  d'im- 
*^*"^*^iits  soient  devenus  des  Rrésiliens,  l'élément  germanique  n'est  pas 


p.  ^'-^ï^^  complètement  assimilé,  et  la  cohésion  que  donnent  la  langue, 
j  ^*-ï:^ction,  les  mœurs,  se  maintient  en  divers  endroits;  mais  cet  «  Étal 
j    '•^     l'État  »,  constitué  par  des  étrangers  pensant  autrement  que  les  gens 


fs,  diminue  en  proportion  de   raccroissement   rapide  des  autres 
^nts  ethniques.  Italiens,  Espagnols,  Slaves,  hommes  de  toute   race 
^^î)és  dans  la  nation  brésilienne.  Les  esclaves  v  étaient  plus  de  90  000 
^  ^75  :  avant  le  décret  définitif  d'émancipation,  le  Rio  Grande  do  Snl 

•^^^iperficie  el  populat.on  du  Rio  Grande  do  Std  en  i888  : 

256  555  kil.  carrés;  968  951  habitants;  4,1  hab.  par  kil.  carn» 
l^opulation  probable  en  1895  ;  1  050000  habitants 
Hermann  von  Iherin^,  Rio  Grande  do  Sut* 


k 


398  NOl  VELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

en  avait  libéré  plus  de  la  moitié;  en  1885,  la  province  fêta  le  jour  anni- 
versaire de  rindépendance  par  dix  mille  affranchissements. 


^ 


Le  quadrilatère  du  Rio  Grande  do  Sul  se  divise  naturellement  en  quatre 
régions,  indiquées  par  le  relief  général.  Comme  dans  les  États  voisins, 
un  ic  pied-mont  »  de  terres  basses  longe  le  littoral  atlantique,  et  une 
«  montagne  »  d*un  millier  de  mètres  sépare  la  zone  côtiëre  des  hautes 
terres  s'inelinant  d'une  pente  égale  vers  l'Uruguay.  Mais  ces  deux  régions, 
la  basse  et  la  haute,  sont  elles-mêmes  partagées  par  une  dépression  pro- 
fonde, dans  laquelle  serpentent,  du  côté  oriental,  la  rivière  Vacacahy, 
continuée  par  le  Jacuhy,  et  du  côté  occidental,  Tlbicny  Grande,  tributaire 
de  rUruguay.  Les  monUignes  du  nord-est  gardent  le  nom  de  serra  do 
Mar  qu'on  leur  donne  jusque  dans  TËtat  de  Rio  de  Janeiro,  mais  au  sud 
du  Jacuhy  elles  prennent  successivement  d'autres  noms.  Entre  le  Jacuhy 
et  le  Camacuam  la  montagne  côtière  s'appelle  serra  do  Herval;  au  sud,^ 
entre  le  Camacuam  et  le  Jaguarâo,  on  la  dit  serra  dos  Tapes,  et  rJirrr  ^  n 
chaînons  portent  d'autres  dénominations.  De  même  que  la  serra  do  Mar jr  m  ii 
proprement  dite,  les  serras  du  sud  se  composent  de  roches  cristallines  *"^  es 
de  gneiss  et  de  granit. 

La  dépression  transversale  creusée  entre  la  mer  et  l'Uruguay  a  lais! 
debout,  comme  la  berge  d'un  fleuve,  le  rebord  du  plateau  septentrional,  ei 
ce  versant  rapide,  chaîne  de  montagne  par  une  de  ses  faces,  est  générale 
ment  qualiiié  de  Serra.  11  se  décompose  en  plusieurs  massifs,  de  moin 
en  moins  escarpés  dans  la  direction  de  l'ouest.  Tandis  que  dans  le  voisinag* 
(l(î  la  mer  la  Serra  dresse  de  pittoresques  rochers  coupés  de  précipû 
on  ne  voit  guère  au-d(*ssus  dos  campes  inclinés  vers  l'Uruguay  que  de 
collines  aux  pentes  très  adoucies,  ou  même  de  simples  renflements  comrn* 
ceux  d'une  mer  faiblement  ondulée.  Les  chaînons  qui  se  délîichent  de  \^ 
serra  majeure,  de  même  (jue  les  élévations  des  terres  du  sud,  voisines  di 
la  Banda  Oriental,  sont  connus  sous  le  nom  de  «  coxilhm  »  {cuchillas)  - 
terme  d'ailleurs  détourné  de  sa  signification  primitive.  Les  coxilhasde  cette 
partie  de  rAméri<|ue  ne  sont  pas  des  arêtes  aiguës  comme  le  ti'anchant 
d'un  ce  couteau  »,  mais  au  contraire  des  croupes  aux  longues  déclivités, 
les  collines  d'un  c<  pays  d'Arcadie  )^. 

Des  couches  terliain^s  de  sable  recouvrent  en  maints  endroits  les  roches 
de  «granit  (|ui  l'ornient  Tossatui'e  de  la  contrée,  mais  les  formations  rela- 
tivement récentes  sont  représentées  surtout  par  des  masses  éruptives,  des 
trapps,  (|ui  se  déconiposent  à  Tair,  prennent  une  écorce  brune  ou  jaune  I 


RIO  GRANDE  DO  SUL.  599 

l*ocre  et  se  changent  en  cette  argile  rougeâtre  qui  revôt  presque  toutes 
es  campagnes.  On  trouve  aussi  dans  le  Rio  Grande  do  Sul  de  véritables 
basaltes  columnaires.  La  variété  de  ces  masses  volcaniques  érodées  par 
es  agents  météoriques  ajoute  au  pittoresque  des  paysages  :  les  rochers  en 
orme  de  cloches,  de  coffres,  de  pyramides,  de  sarcophages,  de  propylées, 
[ue  Ton  aperçoit  de  loin  sur  les  collines,  sont  les  restes  des  anciennes 
oulées  d'éruption.  Dans  certaines  régions  centrales  les  trapps  occupent 
presque  toute  la  superficie  du  sol,  mais  ils  diminuent  peu  à  peu  dans 
a  direction  de  l'ouest,  vers  le  fleuve  d'Uruguay.  Les  géologues  ratta- 
hent  d'ordinaire  à  l'apparition  des  masses  éruptives  la  transformation  de 
Qatiëres  argileuses  en  agates,  calcédoines,  jaspes,  améthystes,  que  l'on 
rouve  en  quantités  extraordinaires  dans  certains  gisements  du  Rio  Grande 
lo  Sul.  On  explique  par  une  soudaine  inondation  de  laves,  par  des  chutes 
e  cendres  ou  des  écroulements  de  terre,  interrompant  brusquement  toute 
Dmmunication  avec  l'air  extérieur,  la  transformation  des  méduses  et 
utres  organismes  marins  en  corps  siliceux  et  transparents,  renfermant 
Qcore  des  bulles  d'air  et  des  gouttes  d'eau'.  Ces  pierres  réellement 
récieuses,  que  l'on  exporte  en  quantité  dans  les  polisseries  allemandes 
e  la  Nahe,  ne  sont  pas  les  seules  richesses  minières  de  la  contrée  :  le 
lio  Grande  do  Sul  offre,  pour  ainsi  dire,  un  résumé  des  richesses  de 
i  Terre  :  or,  argent,  cuivre,  étain,  plomb,  fer,  kaolin,  charbon. 

La  longue  plage  qui  se  développe  en  courbes  élégantes  sur  tout  le  littoral 
tlantique  du  Rio  Grande  est  entièrement  de  formation  océanique  :  les 
agues  ont  apporté  ce  cordon  de  sable  et  le  modifient  à  chaque  marée  par 
le  nouveaux  apports  et  par  des  érosions.  Divers  indices  font  croire  que 
e  niveau  relatif  de  la  terre  et  de  la  mer  se  modifie  et  que  les  plages 
émergent  graduellement.  La  formation  d'un  cordon  littoral  a  séparé  de 
a  mer  de  vastes  étendues  qui  se  sont  changées  en  lagunes  et  dont  la 
nasse  liquide,  sans  cesse  renouvelée  par  les  rivières,  devient  saumâtre  ou 
néme  tout  à  fait  douce.  La  chaîne  d'étangs  commence  déjà  dans  rËtat 
le  Santa  Catharina,  à  la  lagune  de  Tubarâo.  Des  flaques  de  toute  gran- 
leur  se  succèdent  à  une  faible  distance  de  la  côte,  les  unes  complètement 
ermées,  les  autres  unies  par  des  bayous  et  se  déversant  dans  la  mer  par 
les  graus,  qui  s'ouvrent  pendant  la  saison  des  pluies  et  se  ferment  pen- 
lant  la  saison  sèche.  Derrière  cette  première  rangée  d'éUings  littoraux  une 
seconde  s'est  formée,  plus  irrégulière,  qui  se  rattache  par  le  Capivary  à 
me  mer  intérieure,  d'environ  9000  kilomètres  carrés  de  superflcie,  qu'on 

*  Durand-Savovat.  Noies  manuscrites. 


MO  flOtIVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIYEItSELLC. 

appelle  Lagôa  dos  Palos  ou  «  lagune  des  Canards  »,  non  à  cause  des  jn 
ou  <•  canards  »  qui  s'abattent  sur  ses  eaui,  mais  en  souvenir  des  Indi 


F^  El  ^ 


l'iihis  qui  Cil  (l(''l'('ii(lii'cnl  los  ii|iproclies  Loiilre  les  Europôoiis'.  Dan; 
partie  inéiidioiiale  de  l'Ëlal  se  [iniUinj-'C  un  aiiUe  lac  séparé  do  la  n 
la  l.a<;('ia  Mii'îiii,  —  e'e^^-i^-dil■e  en  guarani  la  lagune  ■.<.  Pelile  >■.  —  i 


LAGÔA  DOS  PATOS  ET  LiGÛA  HIRIH. 


t  grande  aussi,  n'a  reçu  ce  nom  que  par  comparaison  avec  la  Lagôa  dos 
tos.  Elle  se  développe  du  nord-csi  au  sud-ouest,  entre  les  deux  ËUits,  le 
)  Grande  do  Sul  et  l'Uruguay,  sur  une  longueur  d'environ  200  kilomètres. 


Toute  une  ramure  fluviale  appartient  à  la  Lagôa  dus  Patos  et  à  M)ii 
Luaire  de  sortie,  le  Rio  Grande.  Le  principal  affluent,  connu  sons  divers 
ms,  se  forme  au  centre  de  l'Élal  par  la  jonction  du  Vacacahy  cl  du  Jacuhy, 
dernier  étant  considéré  comme  la  branche  maîtresse.  En  aval  d'une 
ande  chute  ou  cachoeira,  la  rivière  devient  navigable  cl  grossit  rapide- 


402  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

ment  par  des  tributaires  venus  surtout  du  nord  :  le  Taquary,  le  Cahy.»       le 
rio  dos  Sinos  descendent  de  ces  hautes  terres  septentrionales.  Mais  cS^^ja 
le  fleuve  se  change  en  estuaire  ;  le  Jacuhy  prend  le  nom  de  Guah.  '^rba 
et  va  se  réunir  par  un  détroit  à  la  Lagôa  dos  Patos.  De  son  côté,  la  La^.  ^^da 
Mirim  reçoit  la  rivière  uruguayenne  de  Cebolaty  et  celle  de  Jaguarao,     «=3ui 
constitue  la  frontière  des  deux  États,  puis  dirige  l'excédent  des  eaux  ^^^rs 
son  extrémité  nord-orientale  et  s'écoule  dans  la  Lagôa  dos  Patos  ps^x:-^  ]e 
canal  du  Sangradouro  (ou  «  Saignée  »),  dit  aussi  de  S3o  Gonçalo,  et  gc^vr^flé 
dans  son  cours  par  la  rivière  Piratinim  ;  des  travaux  d'art  ont  rectifié     et 
approfondi  l'émissaire,  qu'utilisent  les  bateaux  à  vapeur  pour  le  servjice 
commercial  des  deux  lacs.  Une  autre  rivière,  le  Camacuam,  se  jette  dir^E3c- 
tement  dans  la  Lagôa  dos  Patos.  Toute  cette  masse  fluviale  a  cherché  ^m^on 
issue  vers  la  mer  et  trouvé  le  point  faible  de  la  plage  à  l'extrémité  mé-  ^•i- 

• 

dionale  de  la  Lagôa  dos  Patos,  où  s'ouvre  le  courant  de  sortie  dit  ^«"^o 
Grande  do  Sul.  Une  barre   très  périlleuse,   souvent  bordée  de  navi] 
échoués,  s'arrondit  au  devant  de  l'entrée.  Jusqu'à  présent  on  n'a  poi 
réussi  à  flxer  les  pointes  de  sable  entre  lesquelles  s'épanche  le  fleuve. 

Au  nord-est  et  au  nord-ouest,  sur  deux  faces  de  son  vaste  pourtour, . 
province  de  Rio  Grande  do  Sul  est  exactement  limitée  par  le  cours 
l'Uruguay.  Ce  fleuve,  —  dont  le  nom  guarani,  signifiant,  suivant  h 
divers  élymologistes,  «  Queue  de  Poule  »  ou  «  rivière  de  l'Oiseau  multi 
colore  »,  s'applique  aussi  à  une  république  indépendante,  —  appartiei 
au  Brésil  par  les  régions  des   sources  et,  dans  la  plus  grande  parti 
de  son  développement,  traverse  ou   baigne  des  terres  brésiliennes.  7 
nait  dans  la  serra  do  Mar,  h  une  cinquantaine  de  kilomètres  de  Tocéaj 
Atlantique,  et  sous  diverses  appellations  parcourt  la  région  des  campo? 
Ceux  du  Rio  Grande  lui  versent  l'Uruguay  Mirim  ou  «  Petit  Uruguay 
et  l'Ëtat  de  Santa  Catharina  lui  envoie  de  nombreux  affluents,  notai 
ment  les  deux  cours  d'eau  Chapecô  et  Pepiry  Guassû,  —  la  «  Gran( 
Rivière  couleur  de  paille  »,  —  qui  ont  donné  et  donnent  lieu  à  tant 
discussions  entre  historiens  et  diplomates  pour  la  question  des  limit 
entre  le  Brésil  et  l'Argentine.  En  aval  du  Pepiry  Guassû,  l'Uruguay, 
coulait  dans  la  direction  de  l'ouest,  plonge  brusquement  par  le  Sa! 
Grande  et  prend  la  direction  normale  du  sud-ouest,  qu'il  doit  conseï 
dans  toute  la  partie  de  son  cours  limitant  les  deux  républiques.  Son  pi 
gros  affluent  dans  cette  région  médiane  est  le  rio  Ibicuy  Grande,  na* 
gable  pour  les  petites  embarcations  sur  plusieurs  centaines  de  kilomèti 
L'Uruguay  porte  également  des  bateaux,  mais  des  rapides  interromp^^^^  à 

son  lit  de  distance  en  distance  et  la  navigation  franche  ne  commence  «l^^^"" 


LACS,  RIVIERES.  CLIMAT,  FLORE  DU  RIO  GRANDE  DO  SUL.  405 

ien  au  sud  du  territoire  brésilien,  au-dessous  du  rapide  de  Salto,  ville 
e  la  Banda  Oriental, 


Le  Rio  Grande  do  Sul,  le  plus  méridional  des  États  du  Brésil,  est  aussi 
^lui  qui  par  sa  température  ressemble  le  plus  à  l'Europe  occidentale.  Le 
intraste  des  saisons  y  est  parfaitement  marqué  :  le  pays  a  son  été  brûlant 
.  son  froid  hiver,  et  les  extrêmes  de  température  peuvent  y  atteindre  un 
îart  dépassant  40  degrés  :  en  janvier  et  en  février  on  a  observé  des  cha- 
!urs  de  58  et  de  39  degrés  centigrades,  et  en  hiver,  notamment  au  mois 
B  juillet  de  1870,  une  nappe  de  neige  recouvrit  la  contrée.  Dans  la  région 
es  collines  le  thermomètre  descend  jusqu'à  8  degrés;  mais  pareilles 
lûtes  de  température  ne  se  produisent  que  rarement  et  d'ordinaire  les 
hangements  de  saison  se  font  par  gradations  régulières  :  la  variation 
loyenne  entre  le  mois  le  plus  chaud  et  le  mois  le  plus  froid  ne  comporte 
[u'une  douzaine  de  degrés.  Les  écarts  les  plus  brusques  ont  lieu  lorsque 
oufflent  les  vents  d'ouest  ou  de  sud-ouest,  le  minuano,  descendu  des 
ilateaux  froids  des  Andes,  ou  le  pampeirOj  qui  vient  de  balayer  les  pam- 
ms  argentines.  Les  pluies  annuelles  sont  fort  inégales.  Normalement  elles 
ombent  en  hiver;  mais  les  pluies  d'été,  plus  courtes,  plus  violentes  aussi, 
^ersent  une  quantité  d'eau  à  peine  moins  considérable.  La  tranche  d'eau 
iluviale  est  évaluée  à  1  mètre  environ*. 

De  même  que  dans  les  États  voisins  jusqu'à  Sâo  Paulo,  les  forêts  con- 
*astent  avec  les  campos  dans  le  Rio  Grande  do  Sul.  L'opposition  entre  les 
eux  paysages  se  montre  parfois  brusquement  et  la  mer  d'herbes  succède  à 
i  mer  d'arbres.  Ailleurs,  la  transition  est  ménagée  :  la  forêt  se  continue 
ar  des  archipels,  puis  par  des  îlots  d'arbres,  et  des  catingas  ou  demi-bois 
anoncent  la  proximité  des  campos.  En  plusieurs  régions,  herbeuses  des 
almiers  nains  {butid  rasteira)  sont  épars  au  milieu  des  herbes.  La  grande 
>rêt,  continuant  la  selve  du  nord,  occupe  la  serra  do  Mar  et  se  prolonge 
ur  le' rebord  des  monts  qui  dominent  au  nord  la  dépression  du  Jacuhy. 
lU  nord  et  au  nord-ouest  de  l'État,  les  régions  que  borde  le  cours  de 
'Uruguay  forment  aussi  de  vastes  étendues  forestières,  les  plus  riches 
>ar  la  variété  des  espèces  et  celles  qui,  par  la  fertilité  du  sol,  promettent  de 

*  Cimditions  climatiques  du  Rio  Grande  do  Sul,  sur  la  côte  et  dans  Tintérieur  : 

Latitude.  Température.  Pluies.    Jours  de  pluie. 

Santa  Cruz.    .    .    .   •        29o,45'      19o,2  (35o— (K>)  (?)  107 

Pelotas 310,46'      i7o,2  (37o,5'— 0o,5')       i-,066  83 

Rio  Grande  (6  années).        32o.7'        18«,8  (32o,4;  !<>)  0-,9l2  80 


404  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

devenir  la  partie  la  plus  populeuse  de  l'Ëlat.  Au  sud  du  Jacuhy,  les  hautes 
saillies  des  serras  do  Herval  et  dos  Tapes  portent  aussi  leurs  forêts  vierges; 
mais  presque  toute  la  région  centrale  et  occidentale  de  Rio  Grande  do  Sul 
appartient  à  la  zone  des  campos.  Au  sud,  ces  étendues,  presque  complè- 
tement sans  arbres,  prennent  le  caractère  de  pampas  :  déjà  commence 
Taire  de  TArgentine.  Si  Ton  devait  choisir  une  limite  naturelle,  au  point 
de  vue  de  la  végétation,  enire  les  deux  grandes  régions  dont  Tune  a 
pour  axe  TAmazone  et  l'autre  les  pampas  argentines  pour  centre,  il  fau- 
drait prendre  le  rebord  des  hautes  terres,  qui  coupe  diamétralement  le 
Rio  Grande  do  Sul,  au  nord  de  la  dépression  où  coulent  Tlbicuy  Grande  et 
le  Jacuhy. 

De  nombreuses  espèces  d'arbres  et  d'arbustes  représentent  dans  le  Rio 
Grande  do  Sul  la  flore  argentine  et  se  mêlent  à  la  flore  brésilienne  :  cer- 
tains types  végétaux  entrecroisent  dans  cette  région  tempérée  les  aires  de 
l'Amazone  et  de  la  Patagonie'.  On  ne  voit  plus  dans  cette  province  végétale 
qu'une  dizaine  de  palmiers  :  le  cocotier  a  disparu,  mais  il  reste  encore  une 
espèce  voisine,  le  jeriva  (cocos  coronata)^  dont  les  feuilles,  enveloppant  j 
des  épis  de  mais,  sont   la  nourriture  préférée  du  cheval.  Les  pignons*^ 
(pinhôes)  des  araucarias  attirent  des  bandes  de  perroquets  sur  les  arbres^ 
et  engraissent  les  troupeaux  de  porcs.  La  flore  locale  comprend  aussif  .^^ 
diverses  espèces  de  bambous  et  la  broméliacée  cravata  (caraguata),  qu 
ressemble  à  l'ananas.  Certains  bois  précieux,  tel  le  jacaranda,  manquen 
aux  forets  du  Rio  Grande;  mais  les  essences  propres  à  Fébénisterie  ou 
la  construction  dépassent  largement  la  centaine. 

L'extrémité  méridionale  du  Brésil  fait  encore  partie  du  monde  amaz 
nien,  non  seulement  pour  la  flore,  mais  aussi  pour  la  faune.  Le  Rio  Grand 
do  Sul  a  des  singes  et  des  vampires,  des  jaguars  et  des  pumas  ou  «  lions  >> 
—  quoique  ceux-ci  soient  devenus  fort  rares,  —  des  crocodiles  jacarés.. 
des  iguanes  et  des  lorlues.  Cependant  on  se  trouve  dans  le  voisinages 7^-5^  ^^ 
d'une  frontière  zoologique.  Le  pécari,  le  culia,  le  tapir,  qui  habitent  ^*  ""^ 
encore  les  forèls  du  Rio  Grande  do  Sul,  ne  se  sont  pas  avancés  dans  Isr^-  ^ 
Bande  Orienlale.  De  même,  la  viseacha  {lagostorims  trkhodaciylus) y.  que^  ^ 
Ton  rencontre  sur  la  rive  droite  de  TUruguay,  dans  l'Argentine,  esP 
inconnue  dans  le  territoire  de  la  rive  gauche.  Le  fleuve  sert  de  limites 
\\  d'autres  espèces  animales  :  le  tamanoir  ou  fourmilier,  le  coati  [nam 
sncialis)  ne  vivent  (jiTà  l'est  du  courant  fluvial*. 


'   II.  \()n  Ihciiiii;,  As  Arvorcs  (h  Rio  Cvdinîv  do  Sul 
-  II.  von  Ihcriiiuf.  nuMiioirp  citt'. 


-Si 


FLORE,  FAUNE,  HABITANTS  DU  RIO  GRANDE  DO  SUL.  405 

L'exploration  des  tambaqui  du  littoral  a  révélé  Texistence  préhistorique 
ndigènes  ayant  un  type  analogue  à  celui  des  Aimores  ou  Botocudos,  mais 
^c  un  caractère  presque  bestial.  Un  crâne  découvert  près  de  la  côte 
unique,  au  sud-est  de  Porto  Alegre,  a  les  sourcils  proéminents,  la 
ichoire  inférieure  très  avancée  :  l'ensemble  de  la  physionomie  devait 
>ir  une  expression  féroce*.  La  population  que  trouvèrent  les  conqué- 
lis  était  en  entier  d'origine  guarani  et  se  composait  de  tribus  nom- 
îuses,  Carijô,  Patos,  Minuanos,  Tapes,  Charmas,  ayant  pour  la  plupart 
ssé  leurs  noms  à  montagnes,  lacs  ou  autres  traits  de  la  contrée.  Mais 
race  pure  a  presque  disparu,  et  le  sang  des  Indiens  ne  coule  guère 
e  dans  les  veines  de  la  population  blanche  métissée.  Au  plus  un  millier 
indigènes,  désignés  par  l'appellation  banale  de  Coroados  ou  de  Bugrcs, 
rent  encore  au  nord  de  l'État,  autour  de  la  colonie  militaire  de 
seros.  Ce  sont  de  prétendus  «  chrétiens  »  n'ayant  plus  aucun  sou- 
nir  de  leurs  aïeux  et  vivant  à  la  mode  des  gauchos.  La  race  afiî- 
ine,  qui  au  temps  de  l'esclavage  était  maintenue  par  les  institutions  ou 
s  mœurs  en  dehors  des  autres  habitants,  se  résorbe  à  son  tour.  On 
imptait  alors  environ  cent  mille  noirs  dans  la  province  de  Rio  Grande; 
\  nos  jours  la  statistique  en  donnerait  un  nombre  beaucoup  moins 
nsidérable. 

De  même,  les  autres  éléments  ethniques  se  fondent  graduellement 
ns  la  population  portugaise  rio-grandense.  Les  Allemands,  —  ainsi 
signés  comme  formant  une  nation  distincte,  —  constituèrent  la  sixième 

la  septième  partie  des  habitants;  actuellement  ils  s'élèveraient  tout  au 
js  au  huitième,  et  seulement  au  dixième  si  on  considère  comme  appar- 
iant à  la  race  ceux  qui  parlent  habituellement  la  langue  des  aïeux,  mais 

possèdent  le  quart  de  la  fortune  publique  et  la  moitié  de  l'industrie 
îale.  Ceux  qui  présentent  la  plus  forte  cohésion,  les  colons  de  la  serra 

Costa,  —  c'est-à-dire  l'ensemble  des  terrains  montagneux,  —  pro- 
essent  le  moins  à  tous  points  de  vue  :  ils  n'ont  pas  encore  appris  à 
irler  le  portugais,  gardent  leurs  anciennes  pratiques  agricoles  et  s'ha- 
Ilent  à  la  vieille  mode,  tandis  que  leurs  fils  domiciliés  dans  les  villes 
!  distinguent  par  la  connaissance  des  langues,  l'initiative  et  l'esprit 
idustriel  :  presque  toutes  les  usines  et  les  maisons  d'exportation  sont 
ître  leurs  mains.  Quant  aux  immigrants  italiens,  portugais,  gallegos, 
ni  sont  arrivés  dans  ces  dernières  années,  dix  fois  plus  nombreux  que 
is  Allemands  et  constituant  le  gros  de  la  population  étrangère,  ils  sont, 

*  S.  Carlos  von  Koseritz,  Nature,  21  Aug.  1884, 


J 


> 


.NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


grâce  à  leurs  mœurs  et  à  leur  parler  latin,  bien  plus  rapidement  entraÎTV^ 
dans  le  torrent  de  la  circulation  nationale'. 

La  proximité  de  l'Argentine  se  révèle  au  Rio  Grande  do  Sul  dans       ~\e& 


travail!  et  le  caractère  des  habilanls.  L'industrie  de  la  «  viande  »  prévaK: 
dans  le  Rio  Grande  do  Sul  comme  dans  l'Uruguay  et  les  pampas.  D'if: 
menses  troupeaux  parcourent  les  pâturages  et  les  grands  établissement 


•  Nombre  des  immigrants  danii  le  Rio  Grande  do  Sul,  en  1S90  :  12  03i. 
»  »  1891  :  24  325. 


RIO-GRANDENSES,  PORTO  ALEGRE.  407 

urbains  sont  des  abattoirs.  Le  type  caractéristique  du  campagnard  rio- 
grandense  ressemble  à  celui  du  gaucho  argentin  :  c'est  aussi  un  cavalier 
infatigable,  un  homme  de  force  et  d'adresse  peu  communes,  prompt  à 
1  aventure,  audacieux  et  rusé,  et  ne  se  laissant  point  émouvoir  par  la  vue 
du  sang.  Dans  les  guerres  du  Brésil,  civiles  ou  étrangères,  la  cavalerie 
rio-grandense  prit  une  part  décisive  dans  les  batailles. 

La  capitale  actuelle  du  Rio  Grande  do  Sul,  Porto  Alegre,  est  située  au 
Tai  centre  géographique  de  la  contrée,  à  l'endroit  où  le  Jacuhy,  réuni  à 
eus  ses  affluents,  s'élargit  soudain  pour  former  l'estuaire  de  Guahyba  : 
es  routes  de  terre  et  les  voies  de  la  navigation  maritime  viennent  s'y 
•encontrer.  Elle  occupe  sur  la  rive  orientale  de  l'estuaire  un  promontoire 
pittoresque  situé  immédiatement  h  l'aval  de  tout  un  archipel  d'iles  boisées, 
3t  projette  au  nord  et  au  sud  entre  les  jardins  ses  élégants  faubourgs  : 
un  de  ces  quartiers  extérieurs,  à  l'extrémité  septentrionale,  a  pour 
habitants  les  marins  ou  navegantes.  Le  sol  sur  lequel  on  a  construit  la  ville 
est  assez  ondulé  pour  que  les  édifices  s'élèvent  en  amphithéâtre,  et  vers 
Test  des  collines  boisées,  parsemées  de  maisonnettes,  donnent  une  physio- 
nomie riante  à  l'ensemble  du  paysage.  Porto  Âlegre  n'a  pas  une  antique 
origine  :  quelques  familles  açoriennes  établies  dans  la  contrée  y  possé- 
daient en  1742  une  escale  de  bateaux  :  ce  fut  le  commencement  d'un 
village  qui,  en  1773,  prit  le  nom  de  Porto  Alegre.  Sa  prospérité  ne  date 
que  de  l'époque  où  les  colonies  allemandes  de  la  serra  da  Costa  en  firent 
un  entrepôt  de  denrées  agricoles;  devenue  maintenant  cité  d'industrie, 
elle  possède  des  fabriques  de  cigares,  des  brasseries,  des  chantiers  de 
construction.  Le  gouvernement  brésilien  y  a  placé  une  école  militaire, 
centre  stratégique  des  États  méridionaux.  Au  point  de  vue  littéraire  et 
dentifique,  Porto  Alegre  peut  être  considérée  comme  une  sorte  de  capi- 

grâce  à  ses  écoles,  à  ses  collèges,  à  ses  journaux.  A  une  petite 
di^^ce  vers  l'ouest,  près  de  la  rive  méridionale  du  Jacuhy,  se  trouvent 

les  houillères  de  Sao  Jeronymo,  qui  fournissent  environ  2000  tonnes 
ibustible  par  an;  elles  se  trouvent  sur  le  parcours  d'une  bande 

lifère  qui  se  prolonge  du  nord-est  au  sud-ouest,  parallèlement  au 

kl,  des  gisements  de  Tubarâo  à  ceux  de  Jaguarao. 

voie  commerciale  naturelle  du    fleuve,   complétée   en  amont  de 
TaHiry  par  un  chemin  de  fer  qui  pénètre  à  l'ouest  dans  le  bassin  de 
ll^py  Grande  en  traversant  les  villes  industrielles  de  Rio  Pardo  et  de 

îira,  lui  apporte  les  denrées  des  campagnes  occidentales,  et  une 

voie  ferrée,  poussant  dans  la  direction  du  nord,  à  Sâo  Leopoldo  et 
Nova  Hamburgo  (Hamburger  Bcrg),  relie  les  colonies  allemandes  à  leur 


Mitis  les  dangers  de  la  Larre  maritime  empêchant  Porto  Alegre  de  dév 
lopper  son  commerce  extérieur,  ses  habitants  ont  songé  à  lui  donner  ui 
autre  issue  vers  la  mer  en  utilisant  la  chaîne  de  lacs  qui,  de  la  Lagôa  d 
Patos,  se  dirige  au  nord-est  vers  la  lagune  de  TubarSo.  Le  canal  comme 
ccrait  à  la  baie  de  Capivary,  et  vers  le  milieu  de  son  parcours,  à  la  fro 


TORRES,  JAGUARiO,  PELOTAS.  M9 

lière  des  deux  États  Rio  Grande  et  Santa  Catharina,  toucherait  au  port  de 

Santo  Domingos  das  Torres  —  ou  simplement  Torres  —  ainsi  nommé 

de   trois  saillies  granitiques  se  dressant  hors   des   sables  en   forme  de 

n  tours  ».  Hais  ce  port  lui-même  est  esposé  à  tous  les  vents  et  il  serait 

nécessaire  de  le  protéger  par  une  ceinture  de  jetées  et  de  brise^lames. 

Ce  sont  là  des  travaux  fort  considérables,  que  le  budget  de  Rio  Grande  do 

Sul   n'a  pas  encore  permis  d'entreprendre:  Les  ingénieurs  ont  aussi  fait  la 

proposition  de  couper  directement  l'isthme  qui  défend  à  l'est  la  Lagôa  dos 

Patos   et  de  créer  un  port  artificiel  à  l'extrémité  de  cette  coupure. 

-A.     l'autre  bout  du  bassin  fluvial,  la  ville  de  Jaguarào,  la  «  Tigrière  », 


^"*nsi  nommée  soit  à  cause  des  animaux  qui  rôdaient  autrefois  dans  ces 
forges,  soit  à  cause  des  dangers  du  passage,  s'appuie  à  une  colline  élevée 
'^'oii  l'on  contemple  un  panorama  très  étendu.  Fondée  en  1765  par  des 
^~^lons  de  Madère,  Jaguarào  a  pris  part  aux  guerres  et  aux  révolutions 
locales,  et  fait  quelque  commerce  avec  la  république  voisine,  par  son  fau- 
bourg uruguayen  d'Artigas  dont  elle  n'est  séparée  que  par  le  cours  de  la 
rivière;  mais  la  contrée  a  pour  marché  principal  la  cité  de  Pelotas,  bâiie 
sur  la  rive  gauche  du  Rio  S3o  Gonçalo,  non  loin  de  son  issue  dans  la 
Lagôa  dos  Patos.  De  toutes  les  villes  brésiliennes.  Pelotas  prépare  dans 
ses  usines  à  viande  la  plus  grande  quantité  de  carne  secca  :  on  tue  chaque 
année  dans  ses  abattoirs  plus  de  300000  bœufs,  —  même  400000  en 
1890,  —  pour  en  envoyer  les  chairs  desséchées  dans  les  villes  du  nord, 


110  NOL'YELLE  ceoCRAPRIE  irMVERSELLE. 

Rio,  riiiliia,  Pernambucd.  Ce  commerce  rv|iri;seiite  une  valeur  moyenne 
de  trente  millions  de  francs;  en  outre,  les  di^chuls  sont  iililisés  (tour  les 
MivoEiiicrios,  les  fatiriijuos  de  bouges  et  d'engriiis. 

Deux  villes  se  sont  élevées  en  fac«  l'une  de  l'jiulrc  sur  les  b<ii-ds  du 
oournnt  qui  emiinrle  il  lu  mer  l'eicédent  liquide  de  la  Lagôa  dos  Patos  : 
h  l'est  Sao  José  do  Norte,  à  l'ouest  Rio  Grande  do  Sul,  les  mots  Norte  et 
Sul  se  trouvant  ici  en  désaccord  avec  l'orientation  réelle  des  deux  localités.  , 
Rio  Grande,  qui  fut  la  capitale  de  la  province  et   lui  donna  son  nom,  ■ 


içâ 


^■wai!  jicA4>  tid  ^'j^S-nre^^s  ^fi.f'"ae,n/ahtt 


aurait  l'aspect  gracieui,  mais  des  forts,  des  murailles,  des  constniction: '^ 
militaires  l'enlaidissent,  emplissant  l'exti-émité  d'une  péninsule  étroite 
entre  deux  lagunes.  Le  courant  lacustre  laisse  cette  péninsule  à  distance  e  * 
rase  de  près  la  cote  de  Sào  José  do  Norte.  Aussi  les  navires  de  commerce 
doivent-ils  éviter  les  batlures  de  Rio  Grande  et  mouiller  près  de  Sào  José.- 
sur  la  rive  opposée.  Un  inconvénient  du  port,  bien  autrement  grave,  con — 
siste  dans  les  sables  de  la  barre,  qu'il  a  été  impossible  jusqu'à  mainlenan»" 
de  fixer  et  dont  le  seuil  varie,  suivant  les  marées  et  les  tempêtes,  d^ 
2  mètres  et  demi  à  près  de  4  mètres  en  profondeur  :  la  barre  n'avait 


Y  >"' 


RIO  GRA!tDE  DO  8UL. 


11  pieds,  —  3  mètres  55  centimètres,  —  lorsque,  en  1885,  un 
■ean  chenal  s'ouvrit  plus  au  sud,  à  4  mètres  et  demi,  s'approfondissant 
lèvent  du  nord-est,  se  relevant  avec  le  vent  du  sud-est.  Le  projet 


élioralion  du  poil  comporte  la  construcUon  de  deux  jetées  paiallèles. 
nçant  jusqu'aux  Tonds  de  6  mètres,  et  le  dragage  entre  ces  jetées 
chenal  de  400  mètres  avec  tirant  d'eau  de  8  mètres.  Mais,  en  attendant 
alisation  de  ces  projeter,  le  commerce  de  Rio  Grande  do  Sul,  qui  con- 


414 


NOUVELLE  (ifiOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


sisle  presque  exclusivement  dans  l'exportation  des  viandes,  a  diminué 
le  trafic  cherche  les  voies  terrestres  pour  éviter  le  dangereux  passage 
Les  habitants  de  Sao  José  n'ont  d'autre  culture  que  celle  des  oignon 
seule  plante  qui  prospère  dans  le  sol  sablonneux*. 

Le  chemin  de  fer  qui  unit  Rio  Grande  do  Sul  à  Pelotas  se  continue 
l'ouest,  le  long  de  la  frontière  uruguayenne,  jusqu'à  la  ville  de  Bagé,  situS 
près  de  Taneienne  Santa  Tecla,  déjà  sur  le  versant  du  Rio  Negro,  do 
presque  tout  le  cours  se  déroule  dans  le  territoire  de  la  république  v 
sine.  Par  son  industrie  d'élevage,  de  même  que  par  ses  relations  comme 
cialcs,  Bagé  appartient  à  la  même  zone  que  les  villes  espagnoles  du  sui 
et  des  deux  côtés  de  la  frontière  la  population  est  très  mélangée.  Bar 
et,  plus  à  l'ouest,  Santa  Anna  do  Livramento  sont  pendant  les  gue 
civiles  les  lieux  de  refuge  des  Uruguayens  vaincus  et  les  quartiers  gé 
raux  où  se  reforment  les  bandes  pour  tenter  des  incursions  nouvelles.  I 
montagnes  voisines  abondent  en  métaux,  plomb,  cuivre  et  or  :  près 
bourg  de  Lavras  ou  des  «  Mines  »  on  exploite  ce  dernier  métal  depuis  18 
En  certains  endroits  le  chemin  de  fer  de  Bagé  à  Pelotas  traverse  des  couc 
de  houille,  d'ailleurs  de  mauvaise  qualité,  dont  on  s'est  servi  pour  la 
struction  des  remblais'. 

La  région   septentrionale  des  campos  du  Rio  Grande  n'a  pas  en 
une  population  suffisante  pour  que  des  villes  proprement  dites  aient 
naître  dans  le  haut  bassin  de  TUruguay.  La  première  bourgade  du  fle 
supérieur  est  la  fameuse  Sao  Borja,  ancienne  mission  des  Jésuites,  aut 
de  laquelle  s'étaient  groupés  les  Indiens  Guarani  :  Aimé  de  Bonpla 
l'ami  de  Humboldt  et  son  compagnon  dans  «  les  régions  équinoxiales 
ensevelit  sa  vie  après  avoir  échappé  au  dictateur  Francia.  Plus  bas,  pressez 
en  face  de  la  bouche  de  TAguapey,  s'élève  la  ville  d'Itaquy,  où  le  gou^^ 
ncment  brésilien  a  installé  son  arsenal  sur  la  frontière  de  l'Argenti 
Déjà  Itaquy  commerce  directement  avec  Montevideo  pendant  les  ci 
mais  le  marché  principal,  qui  sert  de  port  à  la  ville  d'Alegrete,  chef-^ 
du  bassin  de  Tlbicny,  est  Uruguayana,  bâtie  en  face  de  Restauracion  : 
gué  où  passent  les  cavaliers,  dit  Paso  de  los  Libres,  réunit  les  deux  vi  1 
et  les  deux  États.  Fondée  par  des  exilés  argentins,  Uruguayana,  poin^ 
départ  des   bateaux,  à   l'angle  extrême   du  territoire  brésilien,  de^^''^ 

*  Valeur  du  commerce  de  Rio  Grande  en  1891  : 

42  000  000  milreis,  ^it,  à  1  fr.  00  le  niilreis,  67  200  000  francs. 
Mouvement  de  la  navigation  à  Rio  Grande  en  1891  :  52G  000  tonnes. 

*  II.  V.  Ihering,  PeiermanrCs  MiUeilungeny  1887.  Ileft  X. 
'  II.  V.  Ihering.  mémoire  cité. 


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RIO  GRANDE  DO  SUL,  MATTO  GROSSO.  415 

^lèbre  pendant  la  guerre  du  Paraguay.  Les  cinq  mille  ennemis  qui  s'y 
talent  aventurés,  en  1865,  durent  se  rendre,  après  avoir  subi  le  siège 
n  règle  des  trois  armées  alliées  que  commandait  l'empereur  dom  Pedro. 

•oint  de  ville  brésilienne  qui,  en  souvenir  de  ce  fait  d'armes,  n'ait  rue, 

tolace  ou  promenade  dite  d'Uruguayana\ 


IX 

MATTO  GROSSO 

La  très  vaste  région  du  Matto  Grosso  ou  de  la  «  Grande  Forêt  »,  d'une 
superficie  égale  à  trois  ou  quatre  fois  la  France,  n'est,  sauf  une  étroite 
lone  médiane,  qu'une  immense  solitude  aux  limites  indécises,  sinon  incon- 
nue, du  moins  encore  abandonnée  aux  Indiens  et  aux  bétes  sauvages,  ne 
se  rattachant  au  reste  du  Brésil  que  par  les  pistes  des  chasseurs  et  le 
30urs  des  rivières  navigables  qui  y  prennent  leurs  sources.  D'ailleurs,  ce 
nom  de  Matto  Grosso  n'a  pas  même  la  valeur  d'une  «  expression  géogra- 
phique »,  car  il  s'applique  à  des  contrées  fort  distinctes,  n'appartenant  que 
par  de  faibles  étendues  à  la  selve  de  la  dépression  amazonienne  :  la  plus 
grande  partie  du  territoire  est  comprise  dans  la  zone  des  saillies  qui  sépa- 
rent les  deux  versants  du  nord  et  du  sud  et  que  recouvrent  des  brousses 
rabougries  ;  une  autre  part  consiste  en  fonds  partiellement  desséchés  d'une 
ancienne  mer  dont  les  rivages  sont  parsemés  de  maigres  bois.  L'ensemble 
de  la  population  policée,  qui  réside  dans  les  rares  colonies  du  Matto 
Grosso,  n'égale  même  pas  celle  d'un  faubourg  de  Rio,  le  chef-lieu  de  la 
Ilépublique,  et  cependant  nulle  autre  contrée  ne  dépasse  en  fécondité  cer- 
taines parties  de  ces  déserts  brésiliens,  situés  au  centre  même  du  conti- 
nent, sur  les  faîtes  de  partage  des  rivières  amazoniennes  et  platéenncs.  Il 
7  a  largement  place  dans  le  Matto  Grosso  pour  cent  millions  d'hommes^ 

Sauf  a  son  extrémité  méridionale  et  à  l'occident,  le  Matto  Grosso  ne  fut 

*  Villes  principales  et  historiques  du  Rio  Grande  do  Sul,  avec  leur  population  approximative  : 


Porto  Alegre 52  000  hah. 

Pelotas 55000     )) 

Rio  Grande  et  SSo  José ....  25  000     » 

Bagé 22  000     )) 

SJoLeopoldo 8  000     » 

Uruguavana 8  000     » 

*  Superficie  et  population  approximatives  du  Matto  Grosso  : 

1390000  kilomètres  carrés;  85  000  hab.  policés:  0,06  hab.  par  kil.  carré, 

100000     ))     avec  Indiens;    0,07  » 


SanUiCruz G  000  bal). 

Santa  Anna  de  Livramento  .    .  5  000  ;) 

Ja^îuarào 5  000  » 

Alogi'ctc 4  000     )) 

lUiquy 4  000  » 

Sào  Borja 2  500  » 


416  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

point  touché  par  les  itinéraires  des  conquérants  espagnols.  Genx-d, 
avoir  découvert  les  trésors  miniers  du  haut  Pérou  et  colonisé,  de  Vexé 
côté  du  continent,  les  bords  de  Testuaire  de  la  Plata,  se  bornèrent 
rattacher  les  deux  parties  de  ce  prodigieux  donuiine  par  Texploratio] 
du  haut  Paraguay  et  des  plaines  de  la  Bolivie.  Les  Paulisles, 
d'hommes,  furent  les  premiers  blancs  qui  pénétrèrent  dans  la  a 
Forêt  ».  Vers  1680,  un  certain  Manoel  de  Campos  avait  déjà  visité  1 
campements  des  Indiens  Bororé,  sur  le  versant  méridional  des  plateai 
et  d*autres  traitants  le  suivirent.  La  découverte  de  Tor  accrut  soudain  1 
nombre  des  voyageurs  paulistes  et,  chaque  année,  des  caravanes,  do: 
quelques-unes,  composées  de  centaines  de  bandeiranteif  partirent  pou:^ 
celte  ce  Terre  de  Promission  »  ou,  suivant  le  bruit  public,  on  ramai 
les  pépites  par  arrobes.  Mais,  pour  se  guider  sûrement  dans  leurs 
ou  expéditions  annuelles,  les  aventuriers  de  Sio  Paulo  n'avaient  point  d 
routes  tracées.  Exposés  aux  attaques  des  Indiens  ennemis,  n'ayant  d'autres 
vivres  que  le  produit  de  leur  chasse  et  de  leur  pêche  ou  des  alimente 
volés  dans  les  campements  d'indigènes,  ils  avaient  à  se  construire  des 
barques  et  des  radeaux,  à  éviter  les  naufrages,  les  fièvres,  les  blessures. 
On  ne  pouvait  s'arrêter  pour  soigner  les  malades  :  blessés,  fiévreux,  famé- 
liques, tous  ceux  qui  ne  pouvaient  suivre  le  convoi  étaient  abandonnés 
dans  la  brousse,  à  la  merci  des  fauves.  Des  expéditions  disparurent  sans 
qu'un  seul  en  réchappât'.  Dans  ces  régions  presque  désertes,  sans  routes, 
rayées  de  pistes  sinueuses,  les  distances  sont  peu  connues,  et  dans  leurs 
estimations  les  voyageurs  peuvent  se  tromper  du  simple  au  double,  où 
même  davantage  :  comme  autrefois  dans  tout  le  Brésil,  on  n'y  compte  les 
marches  que  par  «  lieues  »  d'une  moyenne  de  6  à  8  kilomètres,  mais 
comportant  un  écart  beaucoup  plus  grand,  de  la  legôa  grande  à  la  legôa 
pequena  et  à  la  legôa  de  imda  ou  «  lieue  de  rien*  ». 

Pour  gagner  les  mines  de  Cuyaba,  où  se  trouve  maintenant  la  capitale 
de  TËtat,  territoire  détaché  de  l'ancienne  capitainerie  de  Sâo  Paulo, 
les  chercheurs  d'or  se  laissaient  d*abord  porter  par  le  courant  du  rio 
Tieté,  puis  descendaient  le  Parana  jusqu'au  confluent  du  rio  Pardo,  dont 
ils  remontaient  le  cours  inférieur,  pour  atteindre,  par  son  affluent 
l'Anhambuhy,  la  serra  de  Santa  Barbara  et  les  campos  de  Vaccaria,  d'oîi 
la  rivière  Miranda,  le  rio  Paraguay,  le  Cuyabà  les  menaient  au  but  après 
un  voyafîc  de  longs  mois.  A  leur  tour,  les  Mineiros,  rivaux  des  Paulistes, 


*  Barbosa  dv  Sa,  Relaçao  dan  Povoaçôes;  —  Severianoda  Fonseca,  Viagem  ao  redor  do  Brazil, 

•  llenrv  Koster,  Traveh  in  Brazil 


MATTO  GROSSO.  417 

af^J>rirent  le  chemin  du  Malto  Grosso  et,  traversant  le  Goyaz,  suivirent  la 
vo΀  directe  qui  conduit  à  Cuyaba,  par  la  vallée  du  rio  das  Mortes.  Mais 
less  mines  d'or,  aussi  mal  exploitées  que  dans  le  reste  du  Brésil,  perdirent 
g^ii^stduellement  leur  force  d'attraction,  et  le  Matto  Grosso  était  presque 
fe  tombé  dans  l'oubli  lorsque,  avec  l'indépendance  brésilienne,  commença 
V^re  des  explorations  scientifiques.  D'Orbigny,  de  Castelnau,  d'Alincourt, 
erger  surtout,  contribuèrent  à  faire  connaître  la  nature  de  la  con- 
î  ;    puis,  lorsque  la  guerre  du  Paraguay  eut  démontré  que  le  Matto 
se  trouvait  encore  matériellement  en    dehors    de    l'empire,  de 
ï^oinbreuses  commissions  explorèrent  le  pays  les  unes  après  les  autres. 
Ceintes,  .on  ne  pourrait   comprendre  que  le  Matto  Grosso  soit  resté  une 
dépendance  politique  du  Brésil,  si  l'insignifiance  numérique  delà  popu- 
lation blanche,  perdue  au  milieu  de  tribus  indiennes,  n'en  donnait  la 
*^isoii.  Une  colonie  puissante  eût  voulu  conquérir  son  autonomie  et  y  fût 
^^ï^tainement  arrivée,  puisque  l'absence  totale  de  voies  praticables  à  des 
troupes  aurait  empêché  toute  incursion  du  dehors.  Même  dans  leur  état 
de  débilité  politique  extrême,  les  habitants  de  Cuyaba  ont  essayé  à  plu- 
sieiirs  reprises,  notamment  en  1834,  de  se  constituer  en  Etat  libre;  mais 
l^s  représentants  du  pouvoir  central  l'emportèrent.  Toutefois,  aux  débuts 
^^   la  guerre  du  Paraguay,  le  gouvernement  brésilien  dut  assister,  impuis- 
^^ni,  à  l'invasion  du  Matto  Grosso  et  à  la  capture  de  ses  postes  avancés: 
^  est  par  l'estuaire  de  la  Plata,  et  avec  l'aide  des  républiques  Argentine 
^t   Orientale,  qu'il  eut  à  reconquérir  le  territoire  perdu. 

Jusqu'à  cette  époque,  le  Matto  Grosso,  découvert  par  les  Paulistes,  était 
^^sté  dans  la  zone  commerciale  du  port  de  Sanlos,  le  pays  de  ses  anciens 
découvreurs,  mais  le  trafic  qui  suivait  cette  route  longue  et  coûteuse  ne 
^'^présentait  que  des  sommes  insignifiantes.  Les  difficultés  des  communi- 
^^tions  étaient  si  grandes,  que,  pour  répondre  à  la  déclaration  de  guerre 
*^iie  par  le  Paraguay,  il  fut  impossible  aux  troupes  rassemblées  dans  les 
P**^vinces  du  littoral  d'aller  secourir  directement  leurs  compatriotes  du 
*^t.io  Grosso.  Le  corps  expéditionnaire,  parti  de  Rio  de  Janeiro  en  avril 
^^o,  ne  put  s'organiser  à  Uberaba,  dans  le  bassin  supérieur  du  Parana, 
I^  ^u  mois  de  juillet;  fort  de  3000  hommes,  il  se  mil  en  marche  h  tra- 
■^^    les  solitudes,   mais  de  campement  en  campement  perdit  plus  du 


^^^   de  son  efieclif  par  les  fièvres  et   le   béribéri   :  deux  ans   presque 

^^^ors  s'étaient  écoulés  lorsque  les   soldats  arrivèrent  enfin  à  la  bour- 

^^^^  de  Miranda,  près  de  la   frontière   paraguayenne.   En  franchissant 

'^  ^'VvièreApa,  en  avril  1867,  la  petite  troupe  comprenait  1680  hommes 

^^  combat;  mais,  ne  trouvant  pas  à  se  ravitailler  comme  elle  l'avait  espéré, 

MX.  53 


k 


418  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

elle  duf.  opérer  sa  retraite,  constamment  poursuivie  par  un  infatigal 
ennemi,  qui  lui  disputait  les  passages  des  rivières  et  cherchait  à  Tenfemn 
dans  les  savanes  par  un  cercle  d'incendies.  Le  choléra  se  joignit  ai 
persécuteurs  et  il  fallut  abandonner  les  malades  en  pleine  forêt,  à 
faim,  aux  ennemis,  aux  vautours.  Quand  les  Brésiliens  atteignirent 
poste  de  ravitaillement  inattaquable  à  Tennemi,  il  ne  restait  plus  c: 
sept  cents  hommes  :  les  autres  avaient  succombé  aux  privations,  ^ 
maladies,  au  feu  et  aux  balles  \ 

Le  triomphe  du  Brésil  sur  le  Paraguay  lui  ouvrit  toutes  gi*andes  les  por 
d'accès  :  par  la  pente  naturelle  du  sol  et  Técoulement  des  eaux,  le  Ma 
Grosso  se  rattache  au  bassin  de  la  Plata,  et,  grâce  à  la  liberté  de  navigali 
des  fleuves,  assurée  par  la  victoire,  des  services  réguliers  de  bateaux 
vapeur  s'établirent  de  Rio  de  Janeiro  à  Cuyaba  par  Buenos  Aires.  Mais,  Irn 
longue  et  trop  coûteuse,  cette  voie  ne  peut  guère  senir  qu'aux  gens  rich 
et  aux  fonctionnaires*  :  on  ne  peut  la  parcourir  en  moins  de  51  jour 
Quant  à  l'autre  roule  fluviale,  celle  du  Guaporé,  du  Madeira  et  de  l'Ams 
zone,  on  l'utilise  moins  qu'au  siècle  dernier,  après  l'exploration  condui* 
en  1742  par  Manoel  de  Lima.  Avec  cinq  compagnons,  il  descendit  e 
pirogue  du  Malto  Grosso  à  l'Océan  et  son  exemple  trouva  de  nombreii 
imitateurs;  mais  le  grand  obstacle  à  une  navigation  régulière,  l'escalie 
des  rapides  du  Madeira,  n'a  pas  encore  été  tourné,  le  projet  de  voî 
ferrée  n'ayant  pas  abouti,  à  cause  du  manque  de  fonds  et  du  conflit  de 
intérêts.  Les  rares  voyageurs  qui  se  hasardent  en  barque  sur  les  eaux  d 
Guaporé  doivent  se  soumettre  à  la  fatigue  des  longs  portages  avant  d'al 
teindre  l'escale  de  Santo  Antonio,  tôte  de  la  navigation  à  vapeur  sur  1 
Madeira.  La  voie  directe  de  la  cité  de  Malto  Grosso  vers  l'Amazone  et  Par 
franchit  le  faîte  directement  au  nord  et  redescend  le  Juruena  et  le  Tapajo2 
mais  cette  voie,  explorée  à  grand'peine  par  quelques  voyageurs  depu 
Francis  de  Casteinau,  est  beaucoup  trop  pénible  pour  que  le  commen 
puisse  l'utiliser.  On  ne  l'emploie,  comme  celle  du  Madeira,  que  pour  l'in 
porlalion  des  fèves  du  guaranâ  (paullinia  sorbilis),  recueillies  par  h 
Mauhé  sur  les  bords  de  l'Amazone  :  la  poudre  de  guarana,  mêlée  à  Teai 
fournil  la  boisson  préférée  des  habitants  du  Matto  Grosso. 

Cependant  l'amoindrissement  graduel  des  distances  rapproche  le  Mail 
Grosso  des  Étals  du  littoral,  el  bientôt  celle  contrée,  isolée  jadis,  se  ratU 
chera  malériellement  au  reste  du  Biésil.  Une  ligne  télégraphique  reL 

*  A.  d'Escragnolle-Taunay,  La  Relraile  de  Laguna, 

*  Distance  en  droite  ligne  de  Rio  de  Janeiro  à  Cuyabâ.   .    .       1  4^20  kilomètres. 

))       par  Buenos  Aires  »  »     ...       0  200  » 


déjà     Rio  de  Janeiro  et  Cuyaba,  et  le  chemin  de  fer,  décrivant  un  vaste 

détour  par  Saio  Paulo,  a  poussé  jusqu'au  delà  du  rio  Grande,  à  plus  du 

tiefs    de  la  distance  totale  qui  sépare  Cuyaba  du  lilloral.  Des  voies  de 

prolongement  se  préparent  sur  toutes  les  lignes  du  front  d'attaque,  et 

Toin     travaille  à  des  routes  mixtes  comprenant  des  courants  navigables  par 

bal^^iiux  à  vapeur  et  des  chemins  de  passage  entre  les  rivières.  Ainsi  les 

dem:ax  rios  Ivahy  et  Paranapanema,  dans  les  États  de  Paranâ  et  Sao  Paulo, 

se     c^ontinueraient  au  delà  du  Paranâ  par  la  remontée  de  l'Ivinheima  et  du 

81*11  hante  jusqu'aux  montagnes  voisines  de  Miranda,  dans  le  Matlo  Grosso 

dt»     sud.  Toutefois  ces  chemins  ne  suffisent  pas  pour  qu'une  forte  immi- 

gr^^sHion  se  porte  vers  ces  magnifiques  régions  des  faîtes  et  des  versants 

par-aguayens  et  amazoniens,  qui  promettent  d'être  dans  un  avenir  prochain 

u"^     g^rand  centre  de  peuplement.  La  colonisation  se  fera  sans  doute  par 

la^        voie   du  sud,  du  côté  du  Paraguay  et  de  l'Argentine.  Si  faible  que 

so»  t    la  population  actuelle  du  Matlo  Grosso,  on  constate  que,  des  deux  exlré- 

ïï^*t-es  du  territoire,  celle  du  versant  méridional  contient  la  très  grande 

orité  des  habitants  :  en  dehors  d'une  bourgade  et  de  sa  banlieue, 

rue  tout  le  versant  amazonien  reste  désert. 


Matto  Grosso  est  une  des  parties  les  moins  saillantes  du  continent 
l--américain  et  l'on  n'y  voit  point  de  hauteurs  qui  constituent  de  vraies 
^^^ontagnes,   quoique   les   gens   du   pays   énumèrent  les   «  serras  »   par 
"^^aînes.  Les  hautes  terres  du  Brésil,  dont  les  points  culminants  se  trou- 
t  dans  les  chaînes  orientales,  dans  la  Manliqueira,  les  Aimores  et  l'arête 
l*Espinhaço,  s'abaissent  graduellement  à  l'ouest  du  Goyaz  méridional, 
®^    <l*autre  part  les  hautes  masses  andines  inclinent  vers  l'est  leurs  conlre- 
^**^s  et  leurs  terrasses.  Entre  les  deux  systèmes  orographiques  serpente  en 
^*""'^^e  de  vallée  la  plaine  intermédiaire  qui  fut  jadis  un  détroit  maritime, 
rant  les  deux  grandes  îles,  Brésil  orientul  et  Andes.  Des  eaux  fluviales 
lent  dans  la  dépression  où  passaient  autrefois  les  eaux  marines,  et  leurs 
^-^xions  emplissent  maintenant  la  plaine.   Le  seuil  de  partage  qui  sépare 
sources  du  Guaporé  et  les  rivières  maîtresses  du  Paraguay  n'atteint  ou 


*^     ^i^épasse  guère  500  mètres  d'altitude  :  il  ne  paraît  exister  qu'un  isthme 


^     étroit  de  roches  anciennes,  unissant  les  hautes  terres  brésiliennes 
^^elles  du  pays  des    Chiquitos*.   Là,   entre    les   deux    chefs-lieux   de 

^       ^  Francis  de  Casteinau,  Exploration  dans  les  parties  centrales  de  V Amérique  du  Sud;  — 
•^le  A.  Derby,  Geolofjia  e  Paleonlologia  de  Matto  Grosso. 


130  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

l'État,  Matto  Grosso  et  Cuyaba,  se  trouve  le  véritable  centre  de  l'Ainéri^-^xv. 
du  Sud. 

L'ignorance  de  la  contrée  fait  confondre  parfois  les  aigue-verses  a^^-e 
les  serras,  et  sur  les  cartes  on  dessine  une  chaîne  de  montagnes  conlir^vie 
entre  les  bassins  du  Madeîra  et  du  Tapajoz,  puis  entre  les  sources  ^y 
Tapajoz  et  du  Paraguay,  enfin  entre  le  Tapajoz  et  l'Araguaya.  Cependan-^j^  \\ 
est  certain  que  cette  saillie  semi-circulaire  n'existe  que  par  fragments.  ^^  ^^ 
hauteurs  qui  dominent  les  plaines  du  haut  Paraguay  et  de  ses  aniu^^s^ig 
sont  en  réalité  le  rebord  d'un  plateau  à  strates  horizontales  ou  très  fai  "^i^ie- 


\ 


ment  inclinées,  érodées  par  les  rivières  qui  descendent  vers  l'Amaw».^'*- 
ce  sont  des  taboleirot  et  non  des  montagnes,  ou  du  moins  celles-ci"  ** 
se  redressent  que  sur  quelques  rebords  du  plateau,  atteignant  çà  et  là 
millier  de  mètres  en  altitude,  tandis  que  le  rempart  lui-même  a  seulcm^^^^ 
500  mètres  d'élévation  moyenne.  Ainsi  l'ensemble  orographique  ^^^^ 
faîtes  du   Matto  Grosso,  que   l'on  désigne  indifféremment  sous  le  no,  « 

de  cordilheira  ou  de  campos  dos  Paresi,  d'après  les  familles  indienn^^^^. 
qui  les  parcourent,  ne  présente  un  aspect  montagneux  que  du  côté  d 
sud  :  sur  cette  face  escarpée,  la  roche  est  taillée  en    parois,  décou] 
en  aiguilles:  mais  de  l'autre  côté,  vers  le  Tapajoz  et  le  Xingû,  s'éten 
une  longue  contre-pente,  se  confondant  graduellement  avec  les  plai 
de  r.Vmazone.    Couto   de  Magalhàes,    et  après  lui   la  plupart  des  géc 
graphes  qui  se  sont  occupés  du  Matto  Grosso,  donnent  à  ces  bords  élevé 


MONTAGNES  ET  PLATEAUX  DU  MATTO  GROSSO.  431 

du  plateau  qui  blanchissent  aux  premiers  rayons  du  soleil  l'appellation 
d'Araxà^   mot  guarani  qui  indique   les  points  culminants  baignés  de 
i  vmière  et  d*air  pur. 

Déjà  d'Orbigny  avait  reconnu  dans  les  hauteurs  du  Matlo  Grosso  septen- 
L  j^ional  Texistence  de  couches  appartenant  à  l'âge  carbonifère  et  corres- 
ondant  aux  roches  de  même  nature  qui,  de  l'autre  côté  de  la  région,  se 
ontrent  dans  les  avant-monts  boliviens  de  Santa  Cruz  de  la  Sierra.  Après 
'Orbigny,  Hartt  et  Derby  ont  constaté  que  les  parties  méridionales  de 
Araxâ  datent  probablement  des  âges  paléozoïques,  et  que  les  couches  carbo- 
iferes,  dévoniennes  et  siluriennes  y  sont  représentées  :  des  lits  fossilifères 
rouvés  par  le  géologue  Smith  au-dessous  des  collines  de  Chapada,  àcin- 
uante  kilomètres  à  l'est  de  Cuyaba,  ont  mis  ces  faits  hors  de  doute.  Plus 
u  nord,  dans  la  zone  de  rochers  que  traversent  en  cataractes  le  Madeira, 
-e  Tapajoz,  le  Xingu,  le  Tocantins  et  leurs  affluents,  les  parois  mises  à 
u  par  l'érosion   sont  toutes  de   formation  cristalline,   granits,  gneiss, 
rphyres  et  quartzites. 

Les  hauteurs  qui  se  développent  dans  la  direction  du  sud  entre  les 
ources  du  Paraguay  et  celles  de  l'Araguaya,  puis  entre  le  premier  fleuve 
t  le  Parand,  ne  présentent  pas  le  même  caractère  que  les  plateaux  du 
ord.  Ceux-ci  n'ont  été  déblayés  par  les  eaux  que  sur  leur  face  méridio- 
ale,  tandis  que  les  saillies  du  Matto  Grosso  oriental  ont  été  ravinées  des 
eux  côtés,  à  l'est  et  à  l'ouest,  et,  rétrécies  par  ces  affouillements  laté- 
ux,  prennent  en  certains  endroits  l'aspect  de  véritables  chaînes  de  mon- 
gnes.  Ainsi  se  profilent  du  nord  au  sud  la  serra  de  Sao  Jeronymo,  celles 
e  Maracajû  et  d'Anhambahy  :  le  tracé  futur  du  chemin  de  fer  de  Curitiba 
Miranda  traverse  cette  dernière  chaîne  à  la  hauteur  de  618  mètres.  Des 
oehes  éruptives,  dites  basalte  dans  le  pays,  mais  probablement  porphy- 
aritiques,  ont  percé  les  couches  de  grès  qui  composent  les  montagnes  et 
^paraissent  avoir  formé  par  leur  désagrégation  des  «  terres  rouges  »  ana- 
logues à  celles  qui  donnent  aux  planteurs  de  Sao  Paulo  de  si  belles  récoltes 
^e  café'.  Dans  l'espèce  de  cirque  délimité  par  le  demi-cercle  des  hau- 
teurs s'élèvent  des  massifs  isolés,  roches  dont  les  strates,  visibles  de  loin, 
ont  une  régularité  parfaite.  Les  mornes  eux-mêmes  ont  pour  la  plupart 
^es  formes  géométriques  :  on  dirait  que  de  vastes  pans  se  sont  écroulés, 
laissant  des  parois  lisses  pareilles  aux  flancs  d'une  pyramide.  Les  sommets, 
horizontaux  comme  si  la  pointe  en  avait  été  coupée  par  un  inslniment 
tranchant,  correspondent  à  d'autres  sommets,  et  Ton  voit  qu'ils  faisaient 

*  Orville  A.  Derby,  Nota  sobre  a  Gcologia  e  Paleontologia  do  Matto  Grosso. 


499  HOUVELLB  GEOGRAPHIE  UNIVERS8LLE. 

iiiilicrois  [ijirlic  «l'iiiir  m^mc  Icrrasse.  Les  lignes U'iil'fli^iircment  des  stratef^ai 
sur  II!  pourtour  dos  mornes  semblent  indiquer  le  plan  suivant  lequel  st^?= 

conliniieronl  les  plitnomènes  de  destruction.  D'après  de  Taunay,  qui  par 

(H)urul  le  piiys  et  y  résida  pendant  plusieurs  années,  ces  massifs  de  giv^^ 
auK  assises  horizontales  cl  régulièr'cmenl  superposées  sont  formés  de-^ 
sédiments  lacustres  que  tamisa  la  mer  d'eau  douce  recouvrant  jadis  \imm. 
contree'. 

Les  débris  entraînés  des  parois  et  des  escarpements  ont  aussi  contribu& 
h  changer  la  physionomie  du  paysage-  Les  talus  de  décombres,  repris. 
pur  les  rivii^rcs  et  les  (leuves,  ont,  sur  de  grandes  épaisseurs,  revêtu  le  sof 
de  couches  nouvelles.  Mainte  saillie  de  rocher  a  disparu  sous  les  restes 
menuisés  des  montagnes,  et  d'autres  ne  montrent  plus  que  leur  pointe 
au-dessus  des  terrains  de  formation  plus  récente.  Des  massifs  qui  se  ratta- 
chaient aux  plateauï  et  aux  chaînes  de  l'intérieur  en  sont  maintenant 
séparés,  parce  que  leurs  bases  sont  enfouies  et  se  dressent  abrupteinent 
hors  du  sol,  sans  talus  de  transition.  Ces  mornes  distincts,  auxquels  on 
donne  le  nom  d'itambé,  comme  à  la  grande  montagne  de  la  serra  d'Es-  J 
pinbaço,  près  de  Diamantina,  érigent  leurs  pointes  ou  leurs  dômes  au- 
dessus  de  la  mer  d'arbres,  comparables  à  des  édifices  gigantesques  élevés 
de  main  d'homme.  A  l'est  du  Matto  Grosso  méridional,  ils  s'alignent  en 
rangées,  se  groupent  en  archipels,  puis,  de  moins  en  moins  hauts  et 
moins  nombreux  dans  ta  direction  de  l'ouest,  ou  complètement  solitaires 
dans  le  cercle  de  l'horizon,  ils  se  montrent  jusqu'aux  bords  du  Paraguay, 
ou  même  par  delà  le  fleuve,  au-dessus  de  la  rive  gaucho.  Les  hauteurs  chi- 
quitéennes,  ainsi  que  te  disait  déjà  d'Orbigny',  appartiennent  plulùt  au 
système  brésilien  qu'à  celui  de  la  Bolivie. 

Le  haut  Guaporé,  l'Itenez  des  Boliviens,  quoique  compris  dans  le  bassin 
de  l'Amazone  comme  affluent  du  Madeira  par  le  Mamoré,  appartient  spécia- 
lement au  Mallo  Grosso,  puisque  ta  ville  de  ce  nom  a  été  fondée  sur  ses 
bords  et  que  la  population  presque  entière  de  l'État  s'est  groupée  dans  la 
dépression  dont  ce  fleuve  parcourt  la  moitié  occidentale  :  il  doit  son  nom 
de  Guaporé  à  une  tribu  éteinte  depuis  longtemps.  Sa  principale  source, 
très  ferrugineuse,  jaillit  dans  une  grotte  ou  eorixa,  qui  s'ouvre  au  bord 
de  l'Araxâ,  et  coule  d'abord  dans  la  ^direction  du  sud,  prallèlemenl  à 
d'autres  rivières  qui  descendent  au  Paraguay;  mais  à  l'issue  des  dernières 
collines   le  ruisseau  se  recourbe  vers  l'ouest,  puis  vers  le  nord-ouest  et, 


'  Scertn*  île  Viagem. 

'   Voyage  dans  l'Aiiiénqiie  méridionale. 


iU  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

servit  autrefois  de  ligne  divisoire  entre  les  possessions  espagnoles  et  les 
colonies  portugaises,  se  rapproche  assez  du  Guaporé  pour  qu'il  fût  facile 
de  rejeter,  par  un  canal,  les  eaux  de  la  rivière  occidentale  dans  un  aHlnenl 
du  Jaurû.  Un  autre  tributaire  du  môme  cours  d'eau,  l'Aguapehy,  n'est, 
séparé  de  la  rivière  Alegre,  qui  descend  vers  la  ville  de  Matto  Grosso,  quc« 
par  un  isthme  étroit  et  d'un  faible  relief,  n'ayant,  d'après  Levei^r,  que  a 
2400  «  brasses  »,  soit  5280  mètres.  Dès  l'année  1772,  un  capitame=: 


CU.t  de  Orte«w.tt. sr 


général  essayait  de  creuser  un  canal  à  travers  ce  seuil  de  partage  et,  grâcC 
à  des  pluies  abondantes,  réussissait  à  fiiirc  passer  d'un  bassin  dans  l'autre^ 
un  grand  canot  do  charge  à  six  rames  de  chaque  bord'.  Deux  années  après, 
un  autre  gouverneur  tentait  l'œuvre  du  creusement  dans  un  autre  endroit 
de  l'isthme,  où  le  canal,  d'environ  10  kilomètres  de  longueur,  aurait 
trouvé  un  sol  plus  facile  à  travailler.  Celle  œuvre  n'a  pas  été  menée  à 
bonne  lin,  vu  le  manque  de  commerce;  mais,  dans  un  avenir  prochain,  des 
voies  ferrées  suppléeront  à  l'absence  du  canal,  qui  réunirait  Montevideo  et 
I'ai-â  par  une  voie  continenlale  navigable  de  8500  kilomètres*.  S'il  ne 


>  A.  d'Orliigny,  nuvra^c  cil^. 

'  Barloloineo  Bossi,  Viagio  pinloretco  por  lot  rio-^  Paraguay,  Parand,  elc. 


BASSIN  FLUVIAL  DU  PARAGUAY.  425 

sVt^îfssait  que  d'unir  par  une  fosse  à  double  versant  les  eaux  qui  courent 

d'mj.wrM    côté  vers  TAmazone,  de  l'autre  vers  le  Paraguay,  il  serait  facile  de 

(roix^ver  plus  à  Test,  sur  les  bords  du  plateau,  de  nombreux  endroits  où 

ur^^     «simple  coupure  de  quelques  mètres  en  profondeur  suffirait  à  trans- 

for^MTTM.  cr  en  Me  le  .Brésil  oriental.  On  signale,  surtout  depuis  CasteLnau,  les 

deu.3c:    ruisseaux  Estivado  et  Tombador,  le  premier  descendant  au  Tapajoz 

pskwr    \  'Arinos  et  le  second  au  Cuyaba  :  un  espace  de  100  mètres  seulement 

Ig^^    s^cSpare*. 

aval  des  hautes  sources,  le  Paraguay  coule  dans  un  terrain  maréca- 
,  à  la  base  du  plateau  :  ses  nappe*^  d'eau  claire  forment  autant  de 
la^xi  ines  entre  les  herbes  aquatiques.  Des  collines  rétrécissent  ça  et  là  son 
c^o^-i.r'^,  mais  bientôt  commence  la  vaste  plaine  qui,  dans  les  temps  anciens, 
Pva  t,  m:»  n  lac  et  qui  en  a  partiellement  gardé  le  caractère.  Lors  des  crues,  qui 
t'oins  t  monter  de  10  ou  11  mètres  le  niveau  du  Paraguay  et  de  ses  affluents, 
*»      iin.asse  surabondante,  où  flottent  des  îles  et  des  archipels  d'herbes 

%  se  déverse  à  droite  et  à  gauche,  formant  une  mer  temporaire  qui 

nd  à  perte  de  vue  et  qui  se  continue  sur  les  terrains  plus  élevés  par 

Ijanhados  ou  «  terres   noyées  »,  desquelles  surgissent  les  bouquets 

^  hcîK^bes  et  les  arbustes  et  où  se  dressent  en  certains  endroits  des  monti- 

^^^ïcisi  artificiels,   lieux  de  refuge  des  indigènes  d'autrefois  pendant  les 

^^^^^s*.  Les  premiers  voyageurs  espagnols   qui  parcoururent  la  contrée 

^^ri  i:^èrent  le  nom  de  lac  Xarayes  à  cette  étendue  de  terres  basses  où  s'éta- 

^'^t:    les  eaux  presque  dormantes  des  branches  maîtresses  du  Paraguay.  Ce 

^^    s'étend  sur  une  longueur  d'environ  600  kilomètres  du  sud  au  nord, 

^'^'-ï'ci  les  bouches  du  Jaurù  et  les  collines  dites  Fecho  dos  Morros,  et  en 

^^t^tî^ins  endroits  atteint  250  kilomètres   de  largeur;  il  n'est  point  per- 

^^*^*^^CBnt,  ainsi  qu'on  se  l'imaginait  jadis,  mais  en  tout  temps  il  en  reste 

^^  J>arties  désignées  par  les  indigènes  sous  le  nom  très  juslifié  de  bahias, 

^^   oe  sont  les  «  baies  »  d'une  ancienne  mer  asséchée  à  demi  pendant  la 

**iode  contemporaine.  La  plupart  de  ces  nappes  d'eau  restent  en   com- 


plication constante  avec  le  Paraguay,  soit  par  des  bayous  latéraux,  soit 


'*   de  larges  détroits  :  tels  sont  le  lac  d'Uberaba,  le  Gaiba,   le  Mandioré, 


j  ^         — /iceres,  où  pullulent  les  crocodiles  jacaré  pnr   «  cenlaines  de   mil- 


d 


».  Parmi  ces  lacs  secondaires,  les  uns  ne  contiennent  que  de  Teau 
^^^^e  apportée  par  l'inondation  fluviale;  les  autres,  anciennes  cavités 
^^       remplissait  l'eau  de  mer,  ont  gardé  au  fond  de  leur  lit  des  couches 


.  José  de  Moraes,  Navegaçào  interior  do  Hiasii, 
luto  de  Hagalhâes,  0  Homem  no  Brasil 

XIX.  54 


4:26  NOrVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

salines  qui  donneni  au  liquide  un  goûl  saumâlre.  Ce  contraste  dans*      la 
nature  des  eaux,  douces  ou  sidines,  se  retrouve  dans  les  terrains  de      h 
plaine.  Des  campagnes  étendues,  que  recouvrent  de  riches  alluvions,  oi?/ 
donné  naissance  à  des  forets  touflues,  et  le  planteur  peut  y  obtenir  fk 
merveilleuses  récoltes;  d'autres  terres,  revêtues  de  sables  stériles,  nont 
que  des  herbes  rares  ou  des  bouquets  d'arbrisseaux;  celles  où  fleurissent 
les  cristaux  salins  sont  de  redoutables  déserts  sans  herho  et  sans  eau. 
En  certains  districts  inhabités,  la    marche  est  des  plus   pénibles;  une 
mince  croûte  cache  les  fondrières  de  boues  salines  dans  lesquelles  on  ris- 
que d'enfoncer*. 

Vers  le  centre  de  la  cuvette  d'inondation,  le  Paraguay  s'unit  au  Guyabâ, 
qui  lui-même  est  grossi  par  les  eaux  du  rio  Sao  Lourenço,  appelé  aussi 
rio  dos  Porrudos,  en  souvenir  d'Indiens  qui  se  couvraient  d'une  espèce  de 
sac  pour  échapper  à  la  morsure  des  vonices  poissons  piranhas  pendant  la 
traversée  des  rivières.  L'horizontalité  du  sol  empêche  le  confluent  de  se 
maintenir  dans  un  lit  régulier;  les  eaux,  s'épanchant  diversement  îi  droite 
et  h  gauche,  se  ramifient  en  un  labyrinthe  de  rivières  et  fausses  rivières, 
au  milieu  desquelles  s'élève  le  dôme  régulier  et  uniformément  boisé  du 
morne  de  Caracara.  Les  branches  latérales  se  continuent  entre  les  zones 
marécageuses  jusqu'au  confluent  des  rivières  Taquary  et  Miranda  qui  des- 
cendent des  montagnes  de  l'est.  Le  Taquary  reçoit  dans  la  région  supé- 
rieure un  affluent,  le  Coxim,  reconnu  par  les  voyageurs  comme  Tune 
des  plus  pittoresques  rivières  du  Brésil  :  en  certains  endroits,  elle  se 
trouve  rélrécie  entre  d(»s  parois  verlicales  do  hO  mètres  de  hauteur;  les 
barques  glissent  comme  au  fond  d'une  Irancliée  sur  un  courant  rapide, 
large  de  10  à  l'2  mèlres  seulement.  Le  Miranda  est  aussi  une  charmante 
rivière,  ainsi  (jue  son  tribulaiiv  TAquidauana  ou  Mond(*go,  que  les  Para- 
guayens revendiquèrent  comme  limile  sephMilrionale  de  leur  lerriloire  : 
descendue  des  mornes  de  rAmambahy,  elle  serpente  en  longs  méandres 
tMitre  des  berges  boisées  et  va  s'unir  au  Miranda,  h  l'entrée  des  plaines 
marécageuses  (|ui  furent  la  mer  intérieure  de  Xarayes. 

A  l'oui^st  (lu  lleuve,  dans  la  région  des  Chiquitos,  les  coui's  d'eau  sont 
l'aies  :  un  seul,  ohstiué  par  les  canialotes  ou  traînées  d'herbes,  si 
épai^x's  (|ue  les  hateaux  à  va|)eur  1rs  écartent  à  grand'|)eine,  atteint  le 
eouraiil  du  Paraguay,  (l'e^t  la  rivière  de  Tucahaea  ou  Oliden,  (lui  reçoit 
un  toireni  d'eau  llieiiuale,  nirlé  au  San  llal'aid,  |)uis  se  rainilit»  en  lagu- 
nes,  loni  m  uiaiiileiiaut  un  iMuns  eouliiiu  jusiju'à  reniboueliurt».    l)'Orlii- 

*    llf  T,iiifl:i\.  S'i'iiiis  ih-  ]i(Hii'in. 


_    r 


PARAGUAY,  OTjUUUlS,  CLIMAT  DU  MATTO  GROSSO.  429 

gny  9  qui  constata  la  navigabilité  de  rOtuquis  dans  son  cours  d*ani6nt,  parle 
de  l'iirnportance  qu'aurait  cette  voie  de  communication  entre  la  Bolivie  et 
les  régions  platéennes.  En  1854,  Page,  sur  le  Water  Witch,  remonta  cette 
rîvîfer"^  à  56  kilomètres,  et  là  dut  rebrousser  chemin,  non  à  cause  du 
nfiancjtie  de  fond,  mais  pour  n'avoir  pu  se  fi'ayer  un  passage  h  travers  les 
camaloles.  En  1886,  un  autre  marin,  Fernandez,  pénétra  de  45  kilomètres 
plus  avant  dans  l'Otuquis,  et  redescendit  pour  le  même  motif.  Il  est  pro- 
bable ?  mais  non  encore  certain,  que  l'Otuquis,  aménagé,  débarrassé  de  ses 
herl3^s,  pourrait  devenir  une  voie  d'issue  pour  la  Bolivie.  Au  sud  du  con- 
fluent, dit  Bahia  Negra,  le  territoire  paraguayen  du  Gran  Chaco  com- 
menoe  sur  la  rive  droite  du  fleuve,  tandis  que  sur  la  rive  gauche  la 
fron  lière  du  Brésil  n'est  marquée  qu'à  250  kilomètres  plus  au  sud,  au  con- 
flue nt  de  la  rivière  Apa. 


régions  habitées  du  Matto  Grosso,  situées  au  centre  même  du  con- 

tinenl.,  dans  une  sorte  de  corridor  ouvert  entre  la  cordillère  des  Andes  et 

'es  hautes  terres  du  Brésil  central,  se  distinguent  par  un  régime  climatique 

partioulier.  La  température  moyenne  est  très  élevée,  bien  plus  que  sur  le 

"tt.oi:'ul  :  le  faible  relief  du  sol  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  sous  ces 

'ail  tu^gg  jg  15  ^  |g  degrés,  laisse  toute  sa  force  à  la  chaleur  solaire,  que 

'^uéc: laissent  en  outre  les  escarpements  blanchâtres  des  hauteurs  voisines. 

i^es  aiT'deurs  de  l'été  sont  plus  élevées  que  sur  les  bords  mêmes  de  l'Ama- 

%>no^     sous  la  ligne  équatoriale;  mais  les  oscillations  du  thermomètre  n'y 

oHn^^^  t  pas  la  même  régularité  d'allures.  Les  changements  se  font  parfois 

veo       ^ne  soudaineté  sans  exemple  dans  les  autres  régions  tropicales  du 

'^^i  1  :  on  a  vu  dans  l'espace  de  douze  heures  des  écarts  de  15  et  même 

^     ^  S  degrés  dans  la  colonne  thermométrique.  Ces  brusques  variations 

"^^^^^^nnent  de  la  saute  des  vents  qui  se  portent  du  nord-ouest  au  sud-est 

*     ^^n  sens  inverse,  du  sud-est  au  nord-ouest.  Le  mouvement  des  airs 

*^     éterminé  par  la  forme  du  couloir  dans  lequel  ils  sont  entraînés  : 


"vents  tièdes  qui  proviennent  de  la  région  des  sclves  amazoniennes 
,  ^^^dent,  en  hiver,  des  vents  qui  soufflent  de  la  froide  pampa.  Sur  les 
^  ^^urs  du  cirque  de  plateaux  et  de  montagnes  qui  entoure  la  plaine  du 
*  ^Grosso  les  fj'oidures  descendent  au-dessous  du  ])oint  de  glace,  et  sou- 
des voyageurs  ont  péri  dans  la  traversée  de  TAraxa;  en  mars  I8!22, 
t:-à-dire  à  la  lin  de  Télé,  une  ciiravane  venue  de  Rio  Janeiro  perdit 


^^TX 


c^ 


\ 


A.'Quijarro,  Navegabilidad  del  rio  Oluquis. 


430  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


Température 

Pluie 

Jours 

moyenne. 

maximale. 

minimale. 

Écarts. 

tomlN^e. 

«le  pluie. 

*2G»,t25 

-il» 

7«,5 

550,5 

1M6G 

85 

5  S<»veriaiio  da  Fonsec4i,  ouvrage  cilé. 

*  Revistn  do  Insdtuto  Hisiorico,  1874. 

"»  Karl  von  don  Steiiioii,  Durch  Ccntral-BrasiUcn. 


\ 


plus  de  vingt  nègres,  tués  par  le  froid  dans  la  vallée  du  Manso,  à  Test  de 
Gu^bà'. 

Les  pluies  abondantes  amenées  par  les  remous  des  vents»  qui  oontonr- 
nent  le  plateau  central  du  Brésil  et  viennent  se  heurter  aux  premiras 
contreforts  des  Andes»  tombent  asseaE  régulièrement  en  été;  elles  sont 
aussi  très  souvent  accompagnées  d'orages.  La  chute  d'eau  annuelle  n*a  pts 
encore  été  mesurée»  mais»  d'après  Severiano  da  Fonseca,  elle  serait  an 
moins  de  3  mètres;  on  a  compté  cent  trente-cinq  jours  de  pluie  par  année 
moyenne  dans  la  cité  de  Cupba.  Pris  dans  son  ensemble,  le  climat  dn 
Matto  Grosso  est  un  de  ceux  qui  présentent  de  grands  dangers  à  l'Eun>- 
péen,  du  moins  dans  les  plaines  basses  et  humides*.  Les  plateaux,  rela- 
tivement salubres,  ne  comptent  pas  encore  comme  pays  de  peuplement, 
et  presque  tous  les  étrangers  ont  à  subir  l'épreuve  de  l'accoutumanoe 
dans  les  plaines  torrides  et  pluvieuses  que  parcourt  le  haut  Paraguay.  j 
Des  épidémies  terribles»  au  siècle  dernier  la  rougeole»  et  depuis  cette  j 
époque  d'autres  fléaux»  tels  que  la  variole  et  la  fièvre  jaune»  ont  passé  sur  \ 
la  région  et»  en  certaines  années»  la  population  provinciale  a  diminué 
malgré  les  nombreuses  naissances.  On  a  constaté  dans  le  Matto  Grosso,  à 
diverses  reprises»  que  les  grandes  épidémies  ont  sévi  sur  les  animaux  a^ec 
la  même  intensité  que  sur  les  hommes.  La  rougeole  de  1789,  la  variole 
de  1867  frappèrent  les  volailles  et  les  bétes  à  cornes  et»  dans  les  savanies, 
dans  les  forêts»  au  bord  des  fleuves»  gisaient  les  cadavres  des  cerfs,  des 
tapirs  et  des  jaguars'.  En  1857»  une  épizootie»  importée  des  savanes  boli- 
viennes» (létruisil  presque  tous  les  chevaux  et  les  mulets  du  Matto  Grosso 
méridional,  entre  Miranda  et  Cuyaba\  Le  manque  de  chevaux  empêche 
de  garder  les  troupeaux  de  gros  bétail,  que  Ton  évalue  divei'sement  de 
six  cent  mille  à  un  million  de  tôles,  et  les  animaux,  à  demi  sauvages»  se 
dispersent  dans  les  campagnes*. 

Sur  le  seuil  de  partage  entre  les  deux  grands  bassins  du  Brésil,  le  Matto 
Grosso  unit  les  flores  et  les  faunes  de  Taire  amazonienne  et  de  la  région 
argentine.  Toutefois  la  flore  tropicale,  avec  son  inflnie  variété  de  formes 
végétales,    prédomine  dans   toutes  les    régions   boisées,  c'est-à-<lire  au 

*  Liiiz  d'Alincourl.  Annaes  da  biblioiheca  nacional  do  Rio  do  Janeiro, 

-  Conditions  niéléorologiquos  de  Cuyabâ,  d'après  S.  da  Fonseca  et  Americo  de  VascoDcelios  : 


CLIMAT,  FLORE,  FAUNE,  HABITANTS  DU  MATTO  GROSSO.  431 

bord  des  rivières,  et,  parmi  les  espèces  fameuses  des  bords  du  Fleuve- 
Mer,  il  en  est  peu  qui  ne  soient  représentées  sur  le  haut  Guaporé  ou 
dont  on  ne  trouve  au  moins  des  parents.  Nulle  part  les  palmiers  ram- 
pants ne  prennent  un  développement  plus  remarquable  :  en  1875,  la 
commission  des  limites  découvrit  un  de  ces  palmiers  urubamba  {calamus 
procumbens)  ayant  plus  de  200  mètres  en  longueur,  avec  une  épaisseur 
d'un  centimètre  seulement*.  Le  cotonnier  croît  spontanément  dans  les 
plaines.  L'ipécacuana,  dit  poaya  dans  le  pays,  est  aussi  une  plante  spé- 
ciale au  Hatto  Grosso  :  on  la  récolte  surtout  dans  les  forets  du  haut  Jaurù 
et  des  rivières  voisines.  Dans  la  partie  méridionale  du  territoire,  entre 
Miranda  et  la  rivière  Apa,  croît  le  maté,  la  plus  remarquable  des  plantes 
de  Faire  méridionale.  L'autruche,  venue  des  campos  ou  des  pampas,  a 
pénétré  dans  les  plaines  bordières  du  haut  Paraguay.  La  nature  du  sol, 
humide  et  basse,  a  facilité  le  développement  des  ophidiens,  représentés 
par  d'énormes  boas  terrestres  et  aquatiques. 


Dans  le  Matto  Grosso,  les  populations  aborigènes  ont  diminué  beaucoup 
plus  rapidement  que  ne  se  sont  accrus  les  blancs,  supplanteurs  de  la 
race  primitive.  Lors  de  l'arrivée  des  Européens,  les  Indiens  couvraient  le 
pays  de  leurs  tribus  :  ils  sont  maintenant  épars  et  très  réduits  en  nombre; 
on  traverse  de  vastes  contrées  sans  en  rencontrer  un  seul.  Suivant  les 
appréciations  ordinaires,  ils  ne  seraient  guère  qu'une  vingtaine  de  mil- 
liers, 25000  au  plus,  et  cependant  on  énumère  par  dizaines  les  noms  des 
peuplades  distinctes.  Les  Parexi  ou  Parecis,  d'après  lesquels  on  a  dénommé 
les  hautes  terres  où  naissent  le  Tapajoz  et  ses  hauts  affluents,  compren- 
nent déjà  au  moins  quatre  de  ces  tribus  à  dénominations  différentes. 
Encore  récemment  on  parlait  de  «  millions  »  d'Indiens  vivant  sur  les  pla- 
teaux et  dans  les  plaines  du  Matto  Grosso*. 

Les  Parexi  sont  considérés  par  Ehrenreich  comme  appartenant  à  la 
souche  des  peuplades  arawnk,  tandis  que  d'Orbigny  voyait  en  eux  des 
parents  des  Pampéens  méridionaux,  et  que  Martius  en  faisait  une  race  à 
part.  Depuis  l'arrivée  des  mineurs,  ils  sont  en  relations  pacidcjues  avec 
les  gens  de  langue  portugaise,  et  par  le  métissage  ils  sont  partiellement 
devenus  Brésiliens  :  déj«a  le  baptême  en  avait  fait  des  a  chrétiens  ».  Les 
chercheurs  d'or  et  de  diamants  les  employaient  comme  garhnpeiros  a|)ros 


•  Alfred  Marc,  Le  Brésil,  Excursion  à  travers  ses  vingt  provinces. 

*  kvikèàèe  Moure,  Nouvelles  Annales  des  Voyages,  avril,  juin,  juillot  18G2. 


45-2  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

la  découverte  des  gisements;  maintenant  on  les  envoie  dans  les  forêts  po\&r 
y  recueillir  Tipécacuana  et  autres  plantes  médicinales.  Habiles  vanni 
et  tisserands,  ils  fabriquent  des  corbeilles,  des  paniers,  des  étoffes, 
hamacs  et  divers  objets  qu'ils  vendent  dans  les  villes  de  la  plaine. 

Les  Bororo,  habitant  jadis  les  hautes  vallées  du  Jaurù  et  du  Caba^:»!^ 
au  nord  des  colonies  peuplées  de  blancs,  sont  maintenant  cantonnés     t^n 
partie  dans  la  colonie  de  Thereza  Christina  sur  les  bords  du  S9o  I^ourerm 
tributaire  du  Cuyaba.  Ces  aborigènes  contrastent  avec  les  Indiens  poli 
par  leur  aspect  farouche,  que  rendent  plus  étrange  encore  des  lèvres  fen- 
dues et  les  peintures   rouges  tracées  symétriquement  sur  leur  viscigo. 
Pour  avoir  droit  à  prendre  femme,  le  jeune  homme  doit  au  moins  avoir 
tué  un  jaguar.  Quand  un  malade  a  été  déclaré  incurable,  on  le  lue  ;    le 
père  serre  la  corde  autour  du  cou  de  l'enfant  que  la  mère  tient  encore 
sur  son  sein.  A  la  mort  de  sa  femme,   le  mari  brûle  tout  ce  qui    lui 
appartenait  et  tous  les  objets  du  ménage  commun;  il  lui  coupe  aussi     In 
chevelure,  dont  il  se  fait  une  ceinture  et  un  bracelet  pour  se  protéger    le 
poignet  contre  la  vibration  de  l'arc.  Les  Bororo  croient  fermement  à     l^ 
métempsycose  :  se  disant  les  frères  des  perroquets,  jamais  ils  ne  luc^^^*- 
ces  oiseaux;  les  vautours,  disent-ils,  sont  habités  par  les  âmes  des  nègres  ^^^ 
et  les  grands  sorcière  transmigrent  dans  les  corps  des  poissons  aux  co 
leurs  vives.  Les  étoiles  filantes  indiquent  la  mort  prochaine  d'un  hom 
de  la  tribu  * . 

Les  Guato  vivent  dans  la  partie  centrale  du  Matto  Grosso,  au  pied  d 
plateaux,  et  dans  les  hautes  vallées  quelques-unes  de  leurs  familles  so 
encore  restées  à  Vélixi  sauvage.  Ce  sont  de  beaux  hommes,  se  rapprocha 
plus  du  type  européen  que  les  autres  indigènes.  Jadis  ils  ornaient  leu 
lèvre  inférieure  d'un  disque  à  la  façon  des  Bolocudos,  et  portent  encore 
des  colliers  en  dents  de  jaguar  et  de  crocodile.  Ils  ramassent  leur  chev 
lure  de  manière  à  former  une  sorle  de  casque,  et  restent  complèlemen 
nus,   sîuif  dans   le  voisinage  des  blancs.  Canotiers   incomparables,   les 
Guato,  dont  le  nom  même  aurait  le  sens  de  «  Gens  des  Eaux  »,  passent 
une  grande  partie  de  leur  existence  sur  les  rivières  et  les  lacs  et  tuenf 
les  poissons  à  coups  de  flèches;  leur  principale  nourriture,  mêlée  au  ris 
sauvage  qu'ils   recueillent  dans   les  marais,  est  la  chair  du  jacaré,  1 
crocodile  de  leurs  rivières,  et  on  attribue  a  celte  alimentation  l'odeur  d 
musc  qu'ils  répandent.  Ils  sont  très  braves  et  combattent  le  «  tigre 
corps  à  corps  :  après  l'avoir  agacé  par  des  coups  de  flèches,  ils  l'attende 


0 
% 


•  Karl  von  Stcinen,  ouvrage  cité. 


BORORÛ,  GUATÔ,  GUANÉ.  433 

de  pied  ferme  et  rabattent  d'un  coup  d'épieu  à  la  pointe  formée  d'un  os 
de  c5i-ocodiIe  ou  d'un  morceau  de  fer  acheté  aux  Brésiliens.  Ils  vendent 
aux  Jb>Iancs  des  peaux  de  bêtes,  ainsi  que  des  animaux  apprivoisés,  oiseaux 
ou  cjxiadrupèdes  :  ils  réussissent  si  admirablement  k  domestiquer  les 
fauvcîs,  qu'ils  semblent  les  charmer.  Les  Guato  sont  très  jaloux,  et  leurs 
feiriMnnes  ne  doivent  converser  avec  des  étrangers  que  les  cheveux  dénoués 
et  l^s  yeux  tournés  dans  la  direction  du  mari*.  Ils  sont  aussi  observateurs 
fldèl^s  de  la  foi  jurée  et  de  l'hospitalité  :  pendant  l'invasion  du  Matto 
Grosso  par  les  Paraguayens,  ils  ne  trahirent  jamais  par  parole,  par  regard 
ouL  f>£ir  geste  le  lieu  de  refuge  des  Brésiliens.  Quoique  chrétiens,  les  Guato 
se  iT'éuniraient  encore  en  des  lieux  sacrés,  notamment  sur  le  sommet  de 
la    s^i:ra  de  Dourados  et  dans  les  îles  du  lac  Uberaba. 

^e^aucoup  moins  fiers  d'allures  que  les  Guatô,  les  Guané,  qui  vivent  plus 
ail    si^ud  dans  les  plaines  que  parcourent  le  Taquary  et  le  Miranda,  parais- 
sein  t.     d'origine  méridionale.  Peut-être  seraient-ils  les  frères  des   Guay- 
car'ii  ^  quoique  différents  par  le  langage.  Dépourvus  de  toute  initiative,  ils 
nô     sont  guère  que  les  serfs  des  envahisseurs  blancs,  pour  lesquels  ils 
reovE^illent  des  plantes  médicinales,  construisent  des  barques,  planton 
'®    ïXïanioc,  les  haricots,  les  bananiers,  la  canne  à  sucre,  préparent  l'eau- 
^^^vîe  et  tissent  des  étoffes  :  leurs  pannôes  sont  des  pièces  de  cotonnade 
d  environ  3  mètres  de  long  sur  2  de  large,  d'un  tissu  si  serré  que  les 
pI^΀is  les  plus  violentes    ne  peuvent   les  traverser;    la  chaîne  de  ces 
^^flRes  disparaît,  entièrement  cachée  par  la  trame*.  Les  Guané  ont  cessé 
"^     se  peindre  la  peau,  de  se   mutiler  le  nez  et   les  oreilles,   mais  il 
P^^^îtque  pendant  la  première  moitié  du  siècle  ces  modes  n'avaient  pas 
encore  été  abandonnées.  A  cette  époque,  les  Laianos,  sous-tribu  qui  vit 
"^ns    le  voisinage  de  Miranda,  se  couvraient  le  corps  de  peintures  blan- 
^nes  ^  rouges  ou  noires,  tracées  avec  une  remarquable  finesse.  Quelques- 
'^Oîsi    (Je  ees  peintures  représentaient  des  animaux  auxquels  ils  voulaient 
^•^i^er  une  apparence  féroce'.  Ils  adoraient  les  Pléiades.  Leur  langue 
^*^  ^*une  extrême  douceur,  mais  sans  aucune  énergie,  et  chacune  de  leurs 
"^**^s$es  se  termine  d'ordinaire  par  un  son  prolongé  qui  ressemble  à  un 
^   ^^issement.  Ce  n'est  point  là  le  parler  d'un  peuple  libre. 

'*-*^ns  la  partie  méridionale  du  Matto  Grosso,  voisine  de  la  république 

*^«raguay,  habitent  diverses  tribus  auxquelles  on  avait  donné  le  nom 

'^^^rique  de  Guaycurù,  que  l'on  dit  avoir  ou  le  sens  do  «  Coureurs  >> 


ftuto  de  MagalhSes,  ouvrage  cité. 
*  •^rcules  Florence;  —  Alfredo  de  Taunav,  Revista  do  InslHuto  Historico.  ISVr». 
^  »^ncis  de  Castelnau,  ouvrage  cit*^. 

XIX.  r>ri 


454 


NOUVELLE  CfÉOGRÂPHIE  UNIVERSELLE. 


OU  Rîipidcs^  »  :  ce  sont  les  mêmes  Indiens  que  les  Guarani  appelaicnl 
d'ordinaire  Mbaya,  «  Terribles  »  ou  <c  Mauvais  ».  Les  Espagnols  les  dési- 
gnèrent aussi  par  le  terme  de  Lengoas  ou  «  Langues  »,  à  cause  de  la  pny^ 
Irusion  de  leur  lèvre  inférieure,  sorte  de  seconde  langue,  distendue  pai' 
un  disque  de  bois.  Leurs  tribus  constituaient  une  des  nations  les  pln<^ 
nombreuses  de  TAmérique  méridionale,  et  maintenant  encore  ils  dépas- 
sent de  beaucoup  en  importance  numérique  les  autres  Indiens  des  bords 
du  Paraguay,  a  l'exception  des  Guarani  :  d'après  Severiano  da  Fonseca, 
ils  seraient  au  nombre  de  1600,  désignés  d'ordinaire  sous  le  nom  de 
(ladiuéos  ou  Beaquéos.  Peu  d'années  après  la  déclaration  d'indépendance 
on  comptait  4000  guerriers  guaycurû.  A  cette  époque,  ils  se  tatouaient  et 
se  peignaient  de  couleurs  vives  avec  le  roucou  et  le  génipa;  ils  s'arra- 
chaient les  cils  et  les  sourcils  et  se  tonsuraient  largement,  comme  les 
Indiens  Coroados  des  provinces  orientales;  les  femmes  avaient  la  coquet- 
terie de  placer  sous  leur  lèvre  inférieure  une  chique  de  tabac,  visible  sur 
les  dents  :  ainsi  l'exigeait  la  mode*.  De  même  que  les  Guané,  ils  obéis- 
saient h  la  coutume  qui  obligeait  jusqu'à  trente  ans  les  femmes  enceintes 
à  se  faire  avorter  :  c'était  disait-on,  afin  de  ne  pas  encourir  un  jour 
le  mépris  des  enfants,  humiliés  d'être  nés  de  parents  trop  jeunes'.  Les 
femmes  emploient  dans  la  conversation  un  grand  nombre  de  mots  qui 
ne  se  retrouvent  pas  dans  le  langage  des  hommes;  il  çst  probable  que  c^-s 
diuible  parler  provient  de  ce  ([ue  les  épouses  ont  été  obtenues  par  capture.  - 
Les  Guaycurû  portent  aussi  le  nom  de  <f  Cavaliers  »  {CaballeroSj  Caval 


leiros)j  bien  mérité  depuis  trois  siècles.  Dès  que  les  conquérants  espagnol!=^ 
eurent  introduit  le  cheval  dans  les  pampas,  les  Indiens  se  transformèrenP^ 
en  centaures.  Ils  domptent  les  étalons  avec  autant  de  vigueur  et  de  succès^ 
que  les  gauchos  argc^ntins;  mais,  plus  prudents,  ils  ne  les  dressent  qu^ 
dans  les  étangs  ou  les  rivièi'es  p(»u  profondes,  afin  d'éviter  les  accidents 
Le  coursier  vaincu  dcîvient  la  propriété  personnelle  du  cavalier,  qui 
maniui»  sur  le  corps  un  chiffn^  corrc^spondanl  à  celui  qu'il  a  «  étampé  j 
sur  l'aniniîil.    Lois  des  migrations,  de   campement  en  campement,  le 
femmes  montent  sur  des  chevaux  de  charge,  perchées  sur  les  fardeau 
On  redoutait  les  Guaycurû  à  cause  de  leur  modcî  de  combat,  analogue 
celui  des  Bédouins.  On  les  voyait  tout  à  coup  débucher  de  quelque  pli  d 
terrain  ou  d'un    houcjuet  d'arbustes;   avant   qu'on  ne  fût  pivparé   a 
défense,  ils  avaient  déjà  fait  leur  attaque,  saisi  des  femmes  et  des  enfant 

*  s.  A.  Lafoiio  y  Qiievcih»,  Rcvisia  del  Mmeo  de  La  Pht^a^  vol.  t,  1800-01. 

*  Fi'ancis  dr  Cii'itcliiau,  uiiYn^ro  cité. 
''  AlfoiiM»  LoiiHniaco,  Razzc  Indigène  del  UrasUe. 


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GUAYCURÛ.  457 

puis  ils  disparaissaient  dans  une  nuée  de  poussière.  Sur  les  fleuves,  ils 
étaient  aussi  de  dangereux  combattants;  leurs  rames  se  terminent  par  des 
pointes  de  lances  :  le  même  instrument  sert  à  poursuivre  l'ennemi,  à  le 
frapper  et  à  s'enfuir.   Les  annales  du  Matto  Grosso  racontent  plusieurs 
combats  dans  lesquels  les  Européens  périrent  par  centaines:  les  femmes, 
qui   depuis  trois  siècles  ont  été  enlevées  aux  familles  des  colons,  ont  con- 
tribué dans  une  large  mesure  à  modifier  la  race.  De  nombreux  Guaycurû, 
notamment  aux  alentours  de  Corumba  et  d'Albuquerque,  se  sont  alliés 
aux   blancs  et  finissent  par  se  confondre  avec  la  population  brésilienne. 

C^est  avec  un  tranquille  orgueil  que  les  Guaycurû  se  croyaient  la  pre- 

niièfe  nation  du  monde.  Ils  n'admettaient  de  relations  avec  les  étrangers 

que    pour  recevoir  leur  tribut  et  leur  hommage  de  vassalité  ;  tous  les  autres 

fadiens  vivant  dans  leur  territoire  avaient  été  asservis,  et  si  les  Guané, 

'nfécxies  aux  blancs,  subissent  une  sorte  d'esclavage,  c'est  pour  échapper  à 

la  tyi^sinnie  de  leurs  frères  de  race.  Mais  la  société  guaycurû  ne  se  compose 

P^s  irïrâéme  d'égaux  :  constituée  sur  la  force,  elle  se  divise  en  trois  classes 

^^^trk     tranchées,  les  nobles  ou  joagày  les  plébéiens  et  les  esclaves.  L'exis- 

teticî.^    de  l'Indien  a  été  sti'ictement  réglée  par  cette  division  en  castes  irré- 
el —  .     . 

^^^^^ïfcles.  Ainsi  le  noble  ne  peut  épouser  qu'une  femme  bien  «  née  », 

née  par  le  terme  de  donay  quoiqu'il  lui  soit  permis  de  prendre  des 

^tabines  dans  les  castes  inférieures;  quant  h  l'esclave,  au  fils  de  captif, 

^^^a     pouvait  être  affranchi*.  Les  tentes,  que  les  Guaycurû  emportent  dans 

^^-^  *^^  migrations,  sont  disposées  suivant  les  règles  de  la  préséance.  Lors 

^       1  ^]^  mort  d'un  noble,  ils  lui  rendent  de  grands  hommages  et  déposent 

^^^^^     sa  tombe  l'arc,  les  flèches,  la  massue,  la  lance  et  les  ornements  de 

^*^Te,  puis  tuent  à  côté  de  lui  le  cheval  qu'il  aimait. 

*^*^^  population  brésilienne  de  Matto  Grosso  est,  comme  celle  du  Goyaz  et 

inas  Geraes,  composée  en  grande  partie  de  gens  d'origine  pauliste, 

uels  se  sont  mêlés  les  métis   graduellement  assimilés   des    tribus 

nnes.  Quant  à  l'immigration  proprement  dite,  elJe  reste  presque 

€,  mais  s'accroîtra  par  l'ouverture  des  rivières  qui  font  communiquer 

entrée  avec  l'estuaire  platéen.  Dans  le  Matto  Grosso,  monde  presque 

é  naguère,  les  anciennes  mœurs  portugaises  se  sont  conservées  mieux 

dans  les  autres  provinces  :  les  familles  y  ont  encore  leur  gynécée; 

te  présente  rarement  sa  femme  et  sa  fille  aux  visiteurs,  et  ceux-ci 

tiennent  par  discrétion  de  les  mentionner  dans  leurs  discours*. 


Fr.  Rodrigues  do  Prado,  Revisia  do  InslUulOt  n'*  1,  1839. 
Sjlvio  Dinarte  (de  Taunay),  înnocencia. 


4H  HODTELLE  GCOGRiPBIl  DRITnSELLE. 

L'andeime  capitale,  qui  porte  actnellemeiit  le  nom  ,de  l'Alto  V^fnlaBemt 
Tilla  fiella  aux  temps  de  la  prospérité  minière  :  les  pramien  habîInC^^, 
en  1737,  avaient  établi  k  quelque  distance  le  camp  de  Porto  AlegrafBt  -S<a. 
rivière  qui  débouche  dans  le  Guaporé,  à  3  kilomètres  et  demi  en  amo^cml 
de  Ibtlo  GroKo,  a  gardé  cette  appellation  d'Alegre  on  «  Jojenie  »'<  S^l 
ville  proprement  dite  n'existe  que  depuis  1753.  Hatto  Grosso  eut  jnaqi^L'^k 
7000  habitants,  mais  l'abandon  des  gisements  miniers  l'a  minée  : 
n'est  plus  aujourd'hui  qu'un  des  plus  'pauvres  villages  du  Brénl,  et  1 
des  plus  mal  situés,  quoique  le  site,  dominé  à  l'ouest  par  les,  sapa*k 
montagnes  de  Bicardo  Franco,  ait  un  aspect  grandiose  :  des  terres  i 
cageuses,  souvent  inondées,  entourent  les  cabanes  et  les  édifices  i 


tes  fièvres  paludéennes  et  d'autres  maladies  déciment  les  habitants.  C^*-  ~ 
telnau  parle  de  Matto  Grosso  comme  d'une  «  >ille  pestiférée  »  ;  Severiî»:^'-"^ 
da  Fonseca  la  dit  «  cité  maudite  ».  Le  gouvernement  ajoute  à  ce  mauv£^*~ 
renom  en  en  faisant  un  lieu  d'exil  pour  les  fonctionnaires  disgraci*^^ 
Matto  Grosso  est  certainement  la  seule  boui^de  du  Brésil  oh  il  n'y  e'rf^^ 
en  1878,  ni  boulangerie,  ni  boucherie,  ni  café,  ni  bureau  de  tabac, 
dont  la  population  ne  comprît  pas  un  seul  Portugais  et  seulement  '*■ — 
Italien.  La  pauvre  cité  est  pour  ainsi  dire  suspendue  dans  le  vide,  X^J^'^ 

de  toute  ville  active,  et  sans  commerce.  Si  le  gouvernement  ne  la  ma>- 

tenait  comme  poste  militaire,  la  population  civile  l'abandonnerait,  la  vt^^—' 
dant  à  la  solitude  des  «  gi-ands  bois  ».  On  comprend   qu'en  un    pai"*^^^ 
pjiys   les  projets  de  citiiaux  pour  ta  navigation  de  l'Amazone  à  la   PI»     -* 
soient  renvoyés  à  de  meilleurs  joui's. 
Les  villages  miniei-s  fondés  jadis  dans  le  haut  bassin  du  Tapajoz  w*  *" 


MATTO  GROSSO,  MAMANTINO,  SÂO  LUIZ  DE  GAGERES.  -159 

aru.  Ce  ne  sont  plus  que  destaperas^  indiquées  soit  par  des  cabanes 
■ses,  soit  par  des  clairières  de  bois  ou  des  arbres  fruitiers  redevenus 
Bges;  même  on  ignore  remplacement  de  quelques  mines  jadis 
suses.  Le  gouvernement  hâta  Tœuvre  de  dépopulation  en  interdisant 
colons  libres  Feutrée  des  districts  oii  Ton  avait  trouvé  des  diamants. 
L  réservant  jalousement  le  monopole,  il  voulait  être  seul  à  diriger,  à 
reiller  les  recherches,  faisant  le  désert  autour  de  trésors  dont  il  ne 
lit  pas  profiter.  Maintenant  les  gisements  de  Diamantino,  de  Burityzal 
lutres  villages  encore  existants  ou  désertés  sont  abandonnés  à  tout  ve- 
t  :  quelques  chercheurs,  munis  de  cordes  et  de  paniers,  plongent 
ore  dans  les  vasques  profondes  des  rivières  pour  rapporter  du  sable 
n  extraire  les  cailloux  précieux.  On  espère  que  l'exploitation  des  forêts 
aoutchouquiers  rendra  sa  prospérité  au  pays. 

a  cité  de  Villa  Maria  a  également  changé  de  nom  :  c'est  aujourd'hui 
I-»uiz  de  Ct4ceres.  Très  heureusement  située  sur  la  rive  gauche  du 
g^ay,  à  l'endroit  où  ce  fleuve  a  déjà  reçu  le  Sepotuba  et  le  Cabaçal 
^  bientôt  s'unir  au  Jaurû,  cette  ville  occupe  un  centre  naturel  pour  la 
'urgence  des  routes,  et  les  vastes  pâturages  qui  l'entourent  nourrissent 
Oncnses  quantités  de  bétail  :  des  fazendeiros  possèdent  des  char- 
*<ias  pour  la  préparation  des  viandes.  Les  gisements  de  fer  qui  consti- 
^t  les  mornes  et  le  sol  des  alentours  ne  sont  pas  exploités;  mais,  quand 
>5iys  se  peuplera,  ils  fourniront  à  l'industrie  locale  une  matière  pre- 
ï*e  inépuisable.  Un  îlot  de  la  lagune  Uberdba,  que  travei'sc  la  ligne  de 
^lière  entre  le  Brésil  et  la  Bolivie,  contient  une  si  grande  proportion 
sulfure  de  fer,  que  les  travailleurs  ne  peuvent  allumer  de  feu  sur  le 
pierreux  :  la  chaleur  fait  éclater  les  cailloux,  en  les  projetant  dans  tous 
^  sens'. 

Cuyabâ,  la  capitale,  s'élève  dans  un  cirque  de  plaines  parsemé  de 
ornes  et  entouré  par  un  amphithéâtre  de  collines  s'ouvrant  du  côté  de 
uesl  ;  ses  premiers  habitants,  les  Indiens  Cuyaba,  furent  chassés  au 
mmencement  du  dix-huitième  siècle  par  les  orpailleurs,  qui  bouleversè- 
il  le  sol,  alors  très  riche  en  paillettes  et  en  pépites;  encore  de  nos  jours, 
enfants  de  la  ville  s'amusent  après  les  grands  orages  qui  ont  lessivé 
terre  à  chercher  de  l'or  dans  les  sables  entraînés*.  La  ville  minière, 
X  sables  appauvris,  succéda  comme  chef-lieu  à  la  Villa  Bella  do  Matto 
osso,  en  1820,  à  la  veille  de  l'indépendance  brésilienne.  Choisie  à  cause 


Severiano  da  Fonseca,  ouvrage  cité 
Francis  de  Casteinau,  ouvrage  cité. 


4M  HODVBLLB  GfiOGBAPHIR  DHITIRSILLI. 

de  la  salubrité  de  son  climat,  elle  a  justifié  les  espérances  de  wt  nouvm 
fondateurs,  et  la  population  n'a  pas  i  sonfirir  des  fièvres  t 
tandis  que  Hatto  Grosso  déchoit,  Gujabi  s'agrandit  et  peut  Mre  c 
parmi  les  cités  brésiliennes  de  troisième  ordre.  Toutefois  elle  n'«  gui 
de  commerce  ni  d'industrie;  elle  n'exploite  plus  ses  mines  et  n'a.] 


I*  M».  —  eniMl 


la  même  richesse  en  bétail  que  les  villes  du  Malto  Grosso  méridional. 
Quelques  bourgs  populeux  se  sont  groupés  dans  le  voisinage  de  Cuyabà,  an 
nord  Rûsario,  au  sud  Sant'Anlonio;  au  sud-ouest,  sur  un  affluent  latéral, 
une  petite  ville,  Poconé,  s'élève  au  milieu  d'un  cercle  de  marécages,  et 
au  sud-est,  sur  le  Sào  Lourenço,  une  colonie  militaire  défend  les  fazen- 
dciros  (le  la  plaine  contre  les  incursions  des  Indiens. 

Gorumbâ,  fondée  en  1788  sous  le  nom  d'Albuquerque,  qui  appartient 
maintenant  à  un  poste  situé  plus  bas,  en  aval  de  la  bouche  dn  rio  Miranda, 


k 


CUYâBA,  CORUNBA  441 

est    construite  sur  une  haute  berge  calcaire  dominant  la  rive  droite  du 
Aira^uay  et  son  confluent  avec  la  baie  ou  lagune  de  Gàceres.  En  1865, 
c'était  une  bourgade  sans  importance,  d'environ  1500  habitants,  que  pro- 
tégeait une  petite  garnison  brésilienne.  Les  soldats  paraguayens  lui  don- 
nëi^ent  l'assaut  et  pendant  deux  années  s'y  maintinrent  sans  que  les  Im- 
péi^iaux  vinssent  les  inquiéter.  Mais,  aussitôt  après  la  guerre,  le  gouver- 
nement du  Brésil,  comprenant  l'importance  stratégique  de  cette  place, 
résolxit  d'en  faire  le  boulevard  de  sa  puissance,  non  contre  la  république 
du  Paraguay,  désormais  trop  afiaiblic,  mais  contre  l'envahissante  Argentine. 
Lsi    trille  est  fortifiée  et  plusieurs  batteries  se  succèdent  aux  tournants  du 
fie  1:1  ^ve  ;  en  outre,  l'arsenal  de  Ladario,  construit  en  aval  de  la  cité,  renferme 
de    t. res  grands  magasins,  des  chantiers  de  construction,  des  cales  sèches 
<^t     t.out  un  outillage  de  navigiition;  mais  cet  établissement  militaire  a  été 
c*  t**€5pris  sur  un  plan  si  vaste,  que,  vingt-cinq  ans  après  la  guerre,  il  reste 
^'^csorc  à  terminer.  Gorumba  est  aussi  le  principal  port  du  Matto  Grosso 
^     ^on.  entrée  méridionale  :  les  plus  gros  navires  peuvent  remonter  à  son 
•l'^si^i       pendant   une  moitié  de  l'année,  et   les  négociants,  presque  tous 
^^'■^^'B^x^gers,  y  font  un  grand  commerce  de  bétail,  de  sel,  de  chaux;  dans 
*  ^^'^^^*::iir  ils  pourront  utiliser  aussi  les  gisements  de  fer  très  riches  de  la 
^^^■^*.x*ée.  En  1876,  lorsque  la  garnison  brésilienne  évacua  la  cité  d'Asun- 

pour  se  replier  sur  Gorumba,  des  fournisseurs  et  serviteurs  para- 

ns  émigrèrent  par  bandes  avec  la  troupe  et  doublèrent  du  coup  la 

lation  de  la  ville  ;  en  outre,  nombre  de  jeunes  Paraguayennes  s'em- 

^sent  de  saisir  toutes  les  occasions  favorables  pour  aller  à  Gorumba, 

hances  de  mariage  y  étant  beaucoup  plus  nombreuses  que  dans  le 

^uay  même,  ou  le  sexe  féminin  présente  un  excédent  considérable*. 

immigrants  européens  connaissent   aussi  la  route  de  Gorumba,  et 

^ÏBoliviens  de  Santa  Gruz  de  la  Sierra  y  expédient  quelques  denrées  à 

les  solitudes. 

s  rivières  Taquary  et  Miranda,  qui  se  déversent  dans  le  Paraguay,  la 

ière  en  amont,  la  seconde  en  aval  d'Albuquerque,  ont  chacune  de 

tes  colonies  destinées  à  devenir  un  jour  des  villes  populeuses.  Les 

pagnes  du  Taquary  ont  pour  chef-lieu  Herculaneo,  plus  connue  sous 

'fcom  de  Goxim,  d'après  la  rivière  de  ce  nom.  Sur  le  Miranda,  qui  tra- 

une  région  moins  déserte,  deux  villes  se  sont  fondées,  Nioac  ou 

ergera  et  M!randa.  Gette  dernière  existe  depuis  1778.  Nioac  et  les 

situés  sur  les  bords  du  Paraguay  en  aval   du   confluent  furent 

^  Kaii  Ton  Steinen,  Durch  Central  Branlien, 

m.  50 


1 


P^- 


l^ 


4»  NOIIVELIK  GfiOGHAPNIR  UNIVERSELLE. 

owupés  |Hii'  l('s  soldais  d«  Lopcz  {leiidiiiU  la  guerre,  (loiiiiln-d.  >ur  uno  ^ 
haule  terrasse  de  la  rive  droite  du  fleuve,  h  l'issue  d'uue  des  route» 
les  plus  faciles  qui  se  dlrigeul  vers  la  Holivio,  fui  la  posUien  le  plus 
vivement  disputée.  A  2  kiliimMres  au  nord,  dans  les  rochcK  de  mn^lii- 
mérat  (jui  forment  le  massif  insulaire  de  Coimbr»,  s'ouvre  une  «  grotte 
d'Enfer  ».  aux  vastes  salles  réunies  |Hir  d'éli-oifes  galeries.  Du  fort 
Olimpo  —  lîorhon  sous  le  régime  espagnol,  —  qu"indii|uent  encore 
toutes  les  cartes,  il  ne  reste  qu'une  mine  sur  le  liane  d'une  colline 
basse;  depuis  la  guerre  du  Paraguay  on  n'y  entretient  plus  de  garnison. 
Les  deux  petits  massifs  qui,  plus  bas,  se  font  face  des  deux  eâtés  du 
Meuve,  à  l'est  le  Piio  de  Assuciir,  îl  l'ouesl  le  Fecho  dos  Hornts  ou  le 
«  Verrou  des  Mornes  .-,  sont  également  sans  ouvrages  militaires,  quoi- 
qu'une commission  d'ingénieurs  ait  dressé  le  plan  des  furlîfîcations  h 
construire  ;  l'insalubrité  de  la  contrée  a  fait  renoncer  provisoii-emenl 
ît  ce  projet.  D'après  les  indications  de  la  carte,  le  Fecho  dos  Morros 
devrait  ap|Kirtenir  fi  la  Bolivie;  mais  les  diplomates  brésiliens,  ne  [lou- 
vant  laisser  h  d'autres  un  poste  stratt^icpie  rie  cette  importance,  ont 
décidé  que  ces  collines  de  la  rive  occidentale  appartiennent  au  Brésil, 
puisque  le  fleuve,  déboi-dant  dans  ses  inond.Tli(>ns  périodiques,  en  fait 
une  île  et  les  rejette  ainsi  vers  l'est'. 


ÉTAT    HATéilIEL    BT    SOCIAL    DB    LA    POPIJLATIO?)     B  H  g  SI  LI  Bit  RE. 

Quoiqu'il  ail  été  jusqu'à  présent  impossible  de  dresser  une  slati»* 
tique  à  peu  près  exacte  de  la  population  brésilienne,  on  sait  par  des  calculs 
approximatifs  que  le  nombre  des  habitants  n'a  cessé  de  s'accroître  en  des 
proportions  très  rapides.  Vers  1780,  les  Brésiliens,  alors  sujets  du  Por- 
tugal, formaient  un  ensemble  de  deux  millions  d'hommes,  et  depuis  cette 
époque,  en  un  siècle  et  quelques  années,  le  chiffre  s'est  au  moins  septuplé; 
peut-être  même  a-t-il  octuplé.  Le  doublement  numérique  de  la  nation  se 
ferait  dans  l'espace  de  vingt-huit  à  trente  années.  Si  le  progrès  continue 
avec  la  même  vitesse,  —  et  l'immigration  aidant,  le  mouvement  ne  peut 

'  VilliKi  <)u  Halto  Grosso,  avec  leur  population  approiinalive  : 

Cupbi ISOOO  hab.   |  Sant'Anlonio 4  000.hal». 

Corumbà  et  LadaL-iu 7000      «  Rosario.    .    .        3  000      » 

Sio  t.mi  [le  Cicores 4  500      »       |   MatloGrasso 1  400     u 

Diain.intino 1  000  hab. 


COINBRA,  POPULATION  DU  BRÉSIL.  443 

àquer  de  s'accroître,  —  le  Brésil  comprendra  autant  de  citoyens  que  la 
tkce  bien  avant  le  milieu  du  vingtième  siècle  \ 

aucune  tentative  d'énumération  ne  peut  réussir  complètement  au 
«il.  Une  grande  partie  de  la  population  se  méfie  de  tous  interrogatoires 
les  recenseurs  n'ont  aucun  moyen  d'action  pour  forcer  les  citoyens 
nscrire  ou  laisser  inscrire  leurs  noms  et  ceux  de  leurs  proches.  La  der- 
.^re  opération  de  cens,  qui  devait  avoir  lieu  en  1890  et  qui  n'a  été  faite 
e  deux  années  plus  tard  ou  même  négligée  en  certains  États,  comprenait 
long  questionnaire  où  se  trouvaient  des  colonnes  relatives  aux  «  défauts 
^siques  »  et  à  l'état  de  fortune  ;  aussi  les  principaux  personnages,  des 
islateurs  même,  donnèrent-ils  l'exemple  d'un  refus  de  réponse.  Par- 
t  les  nombres  signalés  par  les  recenseurs  ont  été  moindres  que  les 
flres  réels.  A  Bahia,  le  chef  de  la  statistique  évalue  à  plus  d'un  hui- 
ne  l'écart  de  proportion  entre  la  statistique  officielle  et  la  réalité.  Des 
"Disses  entières  ont  échappé  au  recensement  :  dans  le  seul  État  de  Bio 
Janeiro,  un  tiers  des  habitants*  aurait  été  oublié*.  On  procéda  à  une 
ivelle  énumération  à  la  fin  de  l'année  1890,  mais  les  résultats  en  furent 
is  doute  très  incertains,  puisqu'on  négligea  même  d'en  instruire  le 
blic;  enfin  en  1892,  M.  Favilla  Nunes  fut  chargé  de  la  direction  d'un 
isième  recensement,  auquel  six  districts  se  refusèrent  malgré  tous 

efforts.  Tandis  que  la  population  recensée  dépassait  quelque  peu 
50  000  individus,  elle  devait  être  d'après  lui'  d'au  moins  1400000, 
ultat  considéré  également  comme  fort  douteux  par  d'autres  statisticiens. 
n  qu'il  en  soit,  de  très  grosses  erreurs  ont  certainement  eu  lieu  dans 
îens  de  ces  États  côtiers,  oîi  le  contrôle  serait  pourtant  beaucoup  plus 
île  que  dans  les  régions  de  l'intérieur;  à  quels  résultats  s'attendre  en 

districts  oîi  tels  employés  chargés  de  l'opération  ne  savent  pas  même 
I   ni  écrire?  En  mainte  occasion,   les  statisticiens  qui  étudient  une 
vince  préfèrent  évaluer  la  population  plutôt  que  d'accepter  les  chiffres 
\  officiels,  mais  évidemment  erronés. 
iOlonisé  par  des  habitants  d'origine  européenne  et  africaine,  de  beau- 

PopulatioD  du  Brésil  estimée  ou  recensée  : 

177$ 1  900  000  habitants. 

1819 3  617  000        ))        (recensement). 

1872 9  930  000        )>  » 

1883 12  600  000        » 

1893 15  750  000        » 

Fafilla  Nunes,  Populaçào,  territorio  e  representaçào  nacional  do  Brazil;  —  A.  A.  Fcrreira  da 

I,  Eêtudos  de  demographia  sanitaria, 

J.  P.  Favilla  Nunes,  Recenseamento  do  Estado  do  Rio  de  Janeiro, 


444 


NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


coup  supérieurs  en  nombre  aux  indigènes  américains,  le  Brésil  est 
inégalement  peuplé  :  les  immigrants  ont  dA  se  grouper  sur  le  litto 
autour  des  ports,  qui  forment  autant  de  centres  d'attraction;  mais  da. 
ce  peuplement  de  la  zone  côtiëre  on  constate  que  les  blancs  se  sont  dir^ 
surtout  vei*s  les  régions  du  sud,  dont  le  climat  correspond  à  celui  de  le 
pays  d*origine,   et  que  les  noirs,  introduits  pourtant  comme  csclaTer 
ont  été  importés  en  grande  majorité  dans  les  contrées  chaudes  à  tem 
rature  africaine.  Quant  au  monde  amazonien,  le  pays  brésilien  le  pi 
rapproché  de  TEurope,  mais  aussi  le  plus  différent  par  sa  nature,  il  rester 
pour  ainsi  dire,  en  dehors  du  cercle  de  la  colonisation.  La  densité  kilo 
métrique  des  habitants  varie  singulièrement  suivant  les  régions  :  tandis 
<[ue  dans  certains  quartiers  urbains,  la  population  se  pi*esse  comme  dans 
les  cités  européennes,  plus  d*une  moitié   du  territoire  n*a   pas  rnèm» 
un  habitant  par  10  kilomètres  carrés.  Pris  dans  son  ensemble,  le  Brésil 
est  encore  56  fois  moins  peuplé  que  la  France,  109  fois  moins  que  Is. 
Belgique. 

Des  statisticiens  essayent  encore  de  classer  les  habitants  du  Brésil  pa 
races  et  sous-races,  blancs,  noii's,  rouges  et  jaunes,  suivant  leurs  diven 
colorations.  Ainsi,  d*après  le  cens  provincial  de  SSo  Paulo,  en  1886,  il 
aurait  eu,  sur  1000  Paulistes,  677  blancs,  135  pardos  ou  gens  de  couleu 
104  pretos  ou  noirs,  84  caboclos  ou  (ils  dlndiens.  Mais  si  le  cens  prop 
ment  dit  ne  saurait  être  obtenu  avec  quelque  approximation,  à  bien  pi 
forte  raison  ne  saurait-on  indiquer  d*une  manière  précise   la  part  d 
croisements  qui  se  sont  opérés  :  c'est  ainsi  que  dans  le  Matto  Grosso  et  1 
autres  provinces  de  l'intérieur  on  distingue  entre  «  blancs  »  et  ce  blancs 
les  uns,  les  Portugais,  sont  les  brancos  verdadeirox^  les  «  vrais  blancs 
les  autres  les  brancos  du  terra^  les  ce  blancs  natifs*  ».  Un  fait  certai 
est  que  la  population  blanche  ou  tenue  pour  telle  doit  s'accroître  sa 
cesse,  puisque  Timmigration  introduit  constamment  des  éléments  eu 
péens  dans  les  familles  brésiliennes;  beaucoup  d'immigrants  portugais 
italiens  se  marient  avec  des  négresses. 

On  a  pu  douter  longtemps  que  des  gens  immigrés  d'Europe  réussissecrv 
à  s'acclimater  au  Brésil.  L'expérience  a  prononcé  d'une  manière  évidenC^^ 
dans  les  provinces  méridionales,  de  S5o  Paulo  à  Rio  Grande  do   Su/,  ^  ^    * 
ainsi  que  sur  les  hautes  terres  de  Minas  Geracs.  Même  les  immigrant^  ^*  _ 
venus  du  nord  de  l'Europe  pros[)èrent  matériellement  dans  leur  patrie 
nouvelle  mieux  que  dans  leur  patrie  d'origine.  On  y  a  vu  des  femmes 


v??^ 
.i 


Ri 


le 


*  Francis  de  Castelnau.  ouvrage  c'Hô. 


I>OPULATION  DU  BRÉSIL.  M5 

éprendre  une  seconde  jeunesse,  et  la  natnlité  dépasser  trois,  quatre,  cinq 

m^me  six  fois  la  mortalité  annuelle'.  La  migration  en  masse  de  colons 

■"opéens  dans  les  provinces  tropicales  est  au  coniraire  accompagnée  de 

n^ers;  cependant  la  proportion  des  blancs  purs  qui  se  sont  perpétués 

f  i«t.  —  DEiniri  DE  1.1  rariLATiow  in  nfsiL. 


____________ 

— +^          ^ 

::         -'  ■i!'i.,t!--.- ■,,'■■¥'■':; 

C      T'-F-'  i-î'P--*- 

J             T         ai;;;';-»fc. -.-^ 

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""^^ï-|-4-Éir^- 

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E"  ^^ 

D       '  o  ra  ■  El 

Oi*qii*ctiTiBpr^nUuitp(i)xi:*ti[i»deiaOOOIiib''  ■  Villes  dt  piui  de  IDO.OOOh* 


dans  les  États  amazoniens  prouve  que  là  aussi  la  race  peut  s'acclimater. 
Les  régions  du  littoral,  de  Maranhào  à  Bahia,  sont  peuplées  de  quatre 
millions  d'hommes,  sur  lesquels  plus  d'un  million  appartiennent  à  la 
race  blanche,  sans  évidence  de  métissage.  Ces  blancs  sont  venus  des 
Açores,  de  la  Galice,  des  bords  du  Minho  et  du  Douro.  Des  Basques,  des 


Ton  Ihering,  Rio  Grandr  rfo  Sw/. 


446  NOLYELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Espagnols,  des  Provençaux  s'acclimatent  également  et  leurs  qualités  d'él  ^' 
gance,  de  force  et  d*agilité  se  retrouvent  chez   leurs  descendants\  l^ 
régions  les  plus  saines  paraissent  être  les  plateaux  de  Bahia  et  des  Hinav 
les  campos  de  Parana  et  les  campagnes  élevées  du  Rio  Grande  do  Sul. 
bourg  de  Santa  Anna  de  Contendas,  dans  les    sertôes  qui  dominent 
Torient  le  rio  San  Francisco,  en  aval  du  confluent  du  rio  das  Yelhas, 
un  lieu  devenu  fameux  au  Brésil  par  Texcellence  du  climat  et  Taccroiss 
ment  rapide  des  familles.  Sans  immigration,  le  nombre  des  familles 
rapidement  décuplé,  puis  centuplé  dans  le  district,  depuis  la  fin 
siècle  dernier.  Les  aïeules  pouvant  réunir  autour  de  leur  table  des  cei 
taines  de  descendants  n'y  sont  pas  rares'  :  dans  certaines  années  on 
comptait  que  deux  morts  pour  quarante  naissances. 

On  sait  que  les  Européens  nouvellement  débarqués  dans  les  villes 
littoral  brésilien  craignent  surtout  la  fièvre  jaune,  et  avec  raison.  Depu. 
la  fin  du  dix-septième  siècle,  ce  fléau  n'avait  pas  ravagé  le  Brésil,  lorsqu< 
au  milieu  du  siècle,  plusieurs  de  ce^  épidémies  ont  sévi  d'une  manièi 
terrible  dans  les  villes  de  la  côte,  notamment  à  Rio  de  Janeiro  et  h  Santos- 
Mais  à  une  certaine  élévation  au-dessus  du  niveau  de  la  mer  la  fiè^ 
jaune  n'a  plus  de  prise  sur  l'organisme,  les  nouveaux  venus  sont  parfail 
ment  à  l'abri  quand  ils  vont  s'établir  à  huit  ou  neuf  cents  mètres  d'ail 
tude,  derrière  l'écran  formé  par  la  saillie  de  la  serra  do  Mar.  De  mém»^  - 
les  plateaux  de  Minas  Geraes,  du  Goyaz  n'ont  point  à  redouter  les  visita-  ^ 
de  la  terrible  fièvre,  dont  une  école  médicale  de  Rio  dit  avoir  découve 
le  microbe  et  pratique  le  traitement  depuis  une  dizaine  d'années, 
choléra,  qui  s'acharne  sur  les  nègres,  ne  se  laisse  pas  arrêter,  comme 
fièvre  jaune,  par  des  limites  de  hauteur  ou  de  climat  :  il  va  chercher 
victimes  sur  les  hauts  plateaux  aussi  bien  que  dans  la  plaine,  et  quoiqi 


en  général  il  suive  surtout  les  routes  fréquentées  et  s'attaque  aux  hab  :iS 
tants  des  grandes  villes,  il  n'est  guère  de  bourgades,  si  écartées  qu'ell^^  - 
soient,  qui  échappent  à  ses  ravages.  Les  visites  du  choléra  sont  heureui^ — 
sèment  peu  fréquentes,  et  les  hygiénistes  ont  acquis  quelque  habileté  à  ^ 
le  combattre  :  ce  fléau  fait  certainement  beaucoup  moins  de  victimes  au 
Brésil  que  la  phtisie  et  le  béribéri.  Dans  les  provinces  de  l'intérieur,  le 
goitre  est  commun;  sur  le  littoral,  on  constate  des  cas  nombreux  d'élé- 
phantiasis  et  d'autres  maladies  analogues.  On  peut  dire  d'une  manière 
générale  que,  sauf  dans  certaines  villes   de   la  côte,  les  blancs,  même 

'  H.  Cbudreau,  Notes  mantucrites, 

•  Spix  und  Martius,  Auguste  de  Saint-IIilaire,  ouvrages  cités. 


DËMOGRAPUIE  BRÉSILIENNE.  447 

/in  jxiigi'és  d'Europe,  sont  moins  souvent  malades  et  ont  une  vie  moyenne 
n/ufts  longue  que  les  Indiens  et  les  noirs.  Les  blessures  et  les  amputations 
se  ^miérissent  bien  plus  facilement  sous  ces  climats  que  dans  l'Europe 
(occidentale.  Comparé  aux  hôpitaux  de  Paris,  celui  do  Pernambuco,  où 
d'si,  i.  1  leurs  la  plupart  des  malades  vivent  comme  en  plein  air,  parait  aux 
médecins  un  lieu  de  guérisons  miraculeuses. 

t.* importance  de  l'immigration  européenne  varie  suivant  les  années; 
ULS^i^  elle  est  devenue,  depuis  le  milieu  du  siècle,  assez  considérable 
pomJLH*  influer  d*une  manière  sensible  sur  l'accroissement  de  la  popu- 
lation brésilienne  :  en  1891,  le  nombre  des  immigrants  égala  peut-être 
le  ccroit  naturel  provenant  de  l'excédent  des  naissances  sur  les  morts. 
krv^skMjt  la  proclamation  de  l'indépendance,  les  Portugais  seuls  avaient  Tau- 
tov^isation,  d'ailleurs  restreinte  par  des  règlements  de  toute  espèce,  d'im- 
migrer dans  la  partie  du  Nouveau  Monde  qui  appartenait  à  leur  souverain. 
L^s  étrangers  qui  se  domiciliaient  au  Brésil  devaient  tous  au  hasard  ou  à 
^»  iaiveur  leur  permission  de  séjour  :  c'étaient  des  naufragés,  des  marins, 
prisonniers,  surtout  des  soldats  mercenaires  qu*il  eût  été  difficile  de 
twier  et  auxquels  on  donnait  des  terres.  Cependant  le  gouvernement 
P^^r**.xxgais  introduisit  aussi  directement  des  «  insulaires  »,  c'est-à-dire  des 
A.Çox*iens,  lorsque  les  colons  lui  manquaient  au  Brésil  même,  pour  occuper 

istncts  ayant  une  certaine  importance  stratégique, 
colonisation  proprement  dite  commença  en   1820,   lorsque  le  roi 
YI  établit  des  paysans  suisses  catholiques  dans  les  terres  de  Nova 
marge.  Quatre  années  après  se  fondait,  dans  le  Rio  Grande  do  Sul,  la 
:H~iie  allemande  de  Sao  Leopoldo,   qui  devint  le  noyau   de   plusieurs 
'^s 'communautés  du  même  genre  et  qui  est  encore  au  Brésil  le  centre 
^    I^l'  us  important  de  la  colonisation  étrangère.  Des  colonies  privées  s'ajou- 
^*^^^*ità  celles  qui  s'étaient  formées  sous  les  auspices  directs  du  gouver- 

ent,  et  nombre  de  grands  propriétaires,  que  l'abolition  de  la    traite 
échait  de  recruter  leurs  ateliers  et  qui  prévoyaient  Tabolition  prochaine 


col 


^     *-  ^esclavage,  songèrent  à  substituer  des  ouvriers  libres  aux  noirs  de  leurs 
"   ^^*^tations.  Mais,  trop  souvent,  ils  ne  se  souciaient  que  de  remplacer  des 


^^^^ves  par  d'autres  esclaves,  et  plusieurs  de  ces  colonies  prétendues 
^^res  »,  surtout  celles  qu'on  fonda  au  bord  des  rivières  marécageuses, 


s  les  terres  brûlantes  du  Bahia  méridional  et  d'Espirilo  Santo,  abou- 

^^^^nt  à  une  misérable  fin  :  les  colons  succombèrent  par  centaines  et  par 

^^^ïliers.  On  peut  dire  d'une  manière  générale  que  les  essais  de  colo- 

^^îilion   réussirent  dans   la  proportion  exacte  de  la  liberté  laissée  aux 

^^Xiveaux  venus;  les  colonies  prospérèrent  là  où  Tétranger  devenait  le 


/ 


448  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

possesseur  incontesté  d'un  lot  de  terrain  bien  à  lui;  elles  cessaient  bier*^^^ 
d'exister  là  où  les  laboureurs  n'étaient  pas  leurs  propres  maîtres.  Qii^^ 
aux  Portugais,  qui,  jusque  vers  1870,  constituèrent  à  peu  près  lesd^ 
tiers  de  l'immigration,  ils  arrivaient  de  leur  propre  initiative,  soit  isol 
soit  en  familles,  et,  sans  préjugé  pour  le  choix  du  travail,  cherchai 
une  besogne  quelconque  sans  s'adresser  au  gouvernement,  aux  gran 
compagnies  fînancières  ou  à  quelque  syndicat  de  planteurs;  aussi  ré 
sissaient-ils  presque  tous  :  surveillants  d'esclaves,  artisans,  portefai 
revendeurs,  marchands  en  gros,  ils  avaient  dans  l'ensemble  de  Tactivi 
brésilienne  une  part  proportionnelle  bien  supérieure  à  celle  des  autr 
colons  et  nombre  d'entre  eux  revenaient  dans  la  Terrinha  ou  «  peti 
terre  »  d'Europe  se  constiniire  des  palais  fastueux  sur  l'emplacement  de 
chaumière  paternelle*. 

La  statistique  de  l'immigration,  plus  défectueuse  encore  que  le  recei 
sèment  général,  n'énumère  comme  immigrants   que   les    {)assagers 
troisième  classe  débanjués  par  les  navires,  et  cette  énumération  ne  se  C 
pas  dans  tous  les  ports  ;  on  ne  tient  pas  compte  non  plus  du  mouveme 
des  départs.  Les  chiffres  publiés  n'ont  donc  qu'une  valeur  très  relatir^ 
mais   ils    suffisent   à    montrer    le    rapide   accroissement   des    arrivées 
Pendant  les  vingt  années  qui  suivirent  le  milieu  du  siècle,  on  comptait  u 
moyenne  de  7  à  10000  immigrants  par  an.  Le  nombre  en  doubla 
les  dix  années  suivantes,  puis  il  quintupla;  il  décupla  pendant  la  d 
nièrc  décade  :  en  l'année  1891,  près  de  219000  colons  européens  prir 
pied  dans  les  trois  ports  de  Rio,  de   Santos,   de  Desterro;  et  Victo 
Bahia,  Pernambuco,  Para  reçurent  aussi  leur  part  de  travailleurs*.  Dî 
cette  immigration  en  masse,  le  premier  rang  de  beaucoup  appartient 
Italiens  :  ils  arrivèrent  plus  de  100000  en  1892  et  dans  tout  le  Brésil 
sont  au  nombre  d'au  moins  600000,  sans  compter  leur  descendance' 
colonie  qu'ils  constituent  dans  ce  pays  dépasse  en  force  celle  qu'ils 
fondée  en  Argentine  et  aux  États-Unis.  Ils  l'emportent  de  plus  du  dou 
peut-être    même  du    tiers,  sur  les   résidents  allemands  et  de  race 
manique  concentrés  dans  le  Rio  Grande  do  Sul  et  dans  l'État  de  Sa 


jn- 
de 
ail 
ni 

e, 
es. 
ne 
m 


^ux 


1  Onésimc  Reclus,  Nouvelles  Géographiques,  4  novembre  1893. 
3  Nombre  offîciel  des  immigranU  de  1804  à  189!2  :  i  327  021. 

Première  période  :  de  1808  à  1854 
Deuxième  période  :  de  1855  à  1885 
Troisième  période  :  de  188G  à  1892 


140  000,  soit  3  000  par  an. 
498  115,  soit  16  066  par  an. 
688  906,  soit  98  415  par  an. 


(Onésime  Reclus,  mémoire  cité.) 

3  (Colonie  italienne  du  Brésil  au  1*' janvier  1893  :  554  000. 

(Bodio,  Annuaria  Slatiêtica  ItaUanaf  1895.) 


IMMIGRATION. 


arîna  :  on  compte  aetuellemeiit  parmi  les  déban|ués  dix  Italiens  pour 
allemand.  Les  Espagnols,  qiii  naguère  n'émigraient  point,  arrivent 
itenant  fort  nombreux;  les  Polonais,  souvent  désignés  comme  Alle- 
rs, parce  qu'ils  sont  pour  la  plupart  natifs  de  ia  province  de  Pozna- 


Cf^rensca  ÂUfrurn/s 


',  fournissent  un  nouvel  élément,  auquel  se  mêlent  des  Lithuaniens  et 
Russes;  enfin  des  Orientaux,  généralement    désignés  sons  le  nom 
H  Turcs  »,  mais  en  réalité  Syriens  maronites,  débaniuenl  à  Rio. 
Toutefois   il    faut  dire  que   la  plus    forte  part  de  celle  immigration 
tt   pas  spontanée,   et  si   l'on    ne  devait  compter  comme  vrais  immi- 


iosef  Siemiraduki,  Utiitt  maniiicnlFi. 


450  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

grants  que  les  gens  partis  de  leur  plein  gré,  sans   aucune  sollicitation 
de  la  part  d'agents  intéressés,  le  premier  rang  continuerait  d'appartenir 
à  l'élément  ibérique  :  Espagnols,  Portugais,  Galiciens.  De  1847  à  1875,  le 
gouvernement  impérial  avait  conclu  35  contrats  avec  des  colonies  d'immi- 
gration, d'après  lesquels  un  demi-million  de  travailleurs  auraient  dû  éti^ 
introduits  dans  le  pays,  et  dépensa  à  cet  effet  plus  de  140  millions  de 
francs,  dont  plus  des  deux  tiers  donnés  certainement  en  pure  perte  :  J^^ 
148  groupes  coloniaux  fondés  pendant  cette  période,  il    n'en  subsi^^^ 
qu'une  cinquantaine;  les  autres  se  sont  dispei*sés.  Depuis,  l'immigratic 
suit  une  méthode  plus  régulière  et  plus  sûre.  I^e  recrutement  des  coloi 
italiens,  russes  et  polonais*  se  fait  par  les  soins  du  gouvernement  centra       ■ 
et,  dans  une  moindre  mesure,  grâce  aux  fonds  votés  par  les  États  de  SS^^^ 
Paulp  et  de  Minas,  les  plus  intéressés,  dans  la  personne  des  grands  pn     ^--^ 
priéUiires,  à  se  procurer  la  «  main-d'œuvre  »  en  abondance*.  Les  immi 
grants  qui  acceptent   les  propositions  des  embaucheurs  voyagent 
tuitement  ou  a  prix  réduits  et,  débarqués  à  Rio  ou  à  Santos,  reçoiver 
l'hospitalité  en  un  camvansérail  ou  se  tient  la  «  foire  »  aux  terrassiers 
cultivateurs'.  On  ne  compte  pas  comme  immigrants  les  travailleurs  cur 
])éons  refluant  de  l'Argentine. 


L'étendue  des  terrains  cultivés  ne  représente  qu'une  part  très  minin' 
de  la    surface.   Dans  maintes  parties  du  Brésil,  le  moindre  défrichemei 

*  Nationalitt'i  des  191  151  inimigranls  (U'harquos  à  Rio  en  1891  : 


Scandinaves , 
Anglais.  .  . 
Français. .  . 
«  Turcs  )  .  . 


Belges 

Suisses i 


Italiens 1  Ift  000 

Portugais 50  071 

Espagnols 18  «08 

Polonais  et  Russes 11598 

Allemands i517 

Autrichiens H  885 

Autres 459 

Distribution  des  immigrants  dans  les  divers  flUits  : 

S3o  Paulo 117  39G 

Rio  de  Janeiro  et  nmnicipe  ....        19  686 

Rio(;randedo  Sul 17  74^2 

Paranà 10  78l> 

Autres 560 

-  Immigrants  entrés  à  Sâo  Paulo  en  1891  :  8t»  (h}\. 

Intriuluits  jKir  le  g()uvi'rn<*ment  général 85  257 

»                        »                (le  Sâo  Paulo .  .    .  565 

V<Mius  s(N)ntanémeiit 2  î>54 

'  Immi^rant^:  n'çns  ihusVhofipetinrin  d«»  Sîïo  P;mIo  i\o  1881  à  1891  :  550  595. 


Santa  Catharina 

Espirito  Santo i 

Para 

Amazones 


IMMIGRATION,  AGRICULTURE.  453 

attire  l'attention,  tant  on  est  habitué  à  voir  des  deux  côtés  du  sentier  les 
forêts    succéder  aux  forêts,  ou  les  landes  aux  landes.  Il  serait  d'ailleurs 
ertrèmement  difficile  de  tenter  une  statistique  des  cultures,  car  le  laboureur 
brésilien  est  à  demi  nomade.  Le  sol  ne  manque  pas  et  des  qu'une  terre 
lui  pai-aît  épuisée,  dès  que  les  récoltes  s'appauvrissent,  il  abandonne  son 
channp  pour  s'en  tailler  un  autre  dans  la  forêt.  Dans  ce  pays  si  fécond,  la 
chal^îur  et  l'humidité  suffisent  pour  revêtir  d'une  belle  végétation  les  sols 
naturellement  les  plus  ingrats;  la  roche  même,  en  se  décomposant,  se 
recouvre  de  terre  végétale;  des  pierres,  qui  dans  les  contrées  de  l'Europe 
n'a i:t  riaient  pour  toute  parure  que  le  tiipis  gris  ou  jaunâtre  des  mousses, 
son  L   ici  cachées  par  la  ramure  enguirlandée  des  forêts  vierges.  L'agriculteur 
dédaigne  tous  les  terrains  qui  ne  lui  semblent  pas  excellents  et,  s'atta-^ 
quant  à  la  plus  belle  forêt  de  gayac,  de  bois  de  fer  ou  de  palissandre, 
Tal^attra  sans  regrets  et  livrera  les  bois  morts  à  l'incendie  pour  y  planter 
ses     haricots  ou  son  maïs.  L'appauvrissement  de  la  terre,  cause  de  nou- 
veaux défrichements,  se  révèle  par  l'envahissement  de  certaines  plantes: 
lelle,  dans  la  province  de  Sâo  Paulo,  le  polypodium  incanumy  dit  samam- 
ottia.  •  Dans  la  partie  méridionale  des  Minas  et  dans  les  provinces  du  sud, 
la   <c     plante  de  la  graisse  »,  capim  gordura  ou  melado  {trhtegis  ghitinosa 
^^  f^anicum  melini$)y  ainsi  nommée  de  ses  feuilles  gluantes,  suit  partout 
le    ^^altivateur  et  s'empare  aussitôt  des  abords  de  son  habitation  et  des 
champs  qu'il  laisse  en  friche*.  On  reconnaît  de  loin  les  terres  fatiguées  à 
■^    viae  des  gorduràes  ou  capinzàeSy  nappes  blanchâtres  et  onduleuses  de 
^    &>'ià  minée  envahissante.  Parfois  la  forêt  repousse  immédiatement  a  la 
piaoc*     de  celle  qu'on  avait  détruite;  mais  cette  forêt  nouvelle  difl^ëre  com- 
pte l^^^^rj^jj^  pgp  gQjj  aspect  de  la  selve  primitive,  et  nul  Brésilien  accoutumé 
*     *^    v^i^  en  pleine  nature  ne  saurait  s'y  tromper.  Les  bois  nouveaux  ont  un 
^*^  Ci  liage  moins  entremêlé  de   lianes,  mais  tous  les   intervalles  entre 
^ïr'oncs  sont  obstrués  de  broussailles  épineuses;  moins  beaux,  moins 
.^^^^*iels,  sans  fûts  majestueux  ni  coupoles   de   verdure,   ils  sont   plus 
f      ^  *       grâce  h  l'étonnante  variété  de  leurs  fleurs  éclatantes  et  de  leurs 
P     ^^^'"'^^  multicolores.  Mais  ces   ciipoeiras  ou  forêts  de  seconde  croissance 
^^^ent  par  ressembler  aux  grands  bois  primitifs,  et   leur  bel  éclat  de 
^^  ^îsse  disparait  avec  l'âge*. 


«      ^^    ^gi'iculture   courante,  en  dehors  des  gi-jinds  domaines  utilisés  pour 
liantes  industrielles,  est  un    tnivail    tout    rudimentaire,    imité   des 


Auguste  de  Saint-Uilaire,  Voyage  dans  le  dûttricl  des  Diamants, 
Hichard  Burton,  The  Highlands  of  firazil. 


i 


454  NOUVELLE  GÉOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

anciens  Tupi;  il  faut  y  voir  le  pillage  du  sol  plutôl  qu'une  indusU 
régulière.  On  peut  juger  de  la  culture  dans  le  Grand  Ouest  par  ce  fi 
que  tel  paysan  des  bords  du  Paranapanema  porte  au  marché  cinquai 
têtes  de  palmistes,  détruisant  ainsi  cinquante  arbres*.  Cependant  cbaq 
cultivateur  obtient  en  abondance,  par  la  simple  routine  des  travaux  ag 
coles,  les  denrées  nécessaires  à  son  alimentation,  le  manioc,  les  harici 
noirs,  le  riz,  le  mais,  les  bananes,  les  patates,  les  ignames.  Le  plat  fc 
damental  des  tables  brésiliennes,  la  feijoada^  peu  différente  de  la  noi 
riturê  habituelle  des  Portugais  continentaux,  comprend  le.s  trois  premi< 
ingrédients,  auxquels  on  ajoute  ordinairement  de  la  viande  sèche,  cai 
secca^  importée  du  Rio  Grande  do  Su!  ou  des  régions  platéennes.  On  sa 
depuis  Ilumboldt,  Ténorme  quantité  de  substance  alimentaire  que  prod 
une  bananeraie  de  peu  d'étendue  :  un  hectare,  comprenant  320  pieds 
2  régimes  par  pied,  donne  en  moyenne  plus  de  58  tonnes  de  banane 
Le  gibier,  abondant  encore  dans  les  premières  années  de  ce  siècle,  et  s£ 
lequel  on  ne  pouvait  s'expliquer  les  expéditions  des  mamelucos  à  trav 
tout  le  continent,  a  beaucoup  diminué. 

Après  la  culture  des  vivres,  naturellement  la  plus  importante  et  d« 
nant  lieu  au  commerce  intérieur  le  plus  actif,  le  produit  par  excellei 
du  Brésil  est  le  café.  Le  premier  caiier,  provenant  de  Cayenne,  fut  int 
duit  à  Belem  de  Para  en  1727  et  de  Ik  se  [iropagea  dans  la  colonie  por 
gaise;  mais  pendant  un  siècle  cette  culture  n'eut  aucune  valeur  écoi 
mique.  On  dit  qu'en  1800  la  production  totale  ne  dépassa  pas  750  kîJ 
grammes  :  elle  ne  prit  une  réelle  importance  que  loi*sque  le  pays  e 
recon({uis  son  autonomie;  mais  alors  les  progrès  furent  tels,  que,  malg 
les  crises  financières  et  les  révolutions,  malgré  les  maladies  de  la  planl 
le  Brésil  l'emporta  sur  Java  et  sur  tous  les  autres  pays  pi'oducteurs, 
fournit  maintenant  au  monde  plus  d'une  moitié  de  sa  consommation.  ( 
peut  cultiver  le  cîifier  dans  toutes  les  provinces,  sauf  sur  quelques  p! 
teaux  trop  froids,  —  les  terrains  dits  de  Noruega  ou  de  «  Norvège*  », 
et  dans  les  endroits  non  abrités  du  Rio  Grande  do  Sul.  Cependant  Tai 
de  grande  culture  se  limite  aux  régions  qui  ont  Rio  de  Janeiro  po 
centre,  d'Espirito  Santo  au  Parana.  L'État  de  Rio  de  Janeiro  était  nagui 
le  principal  producteur,  et  la  l'écolte  s'expédie  encore  pour  une  moi 
par  le  port  de  Rio;  mais  actuellement  l'État  où  se  trouvent  les  plus  vasi 
pIant;\tions,  produisant   les  haies  de   café  en  plus  grande  abondance 

*  Valle  du  rio  Paranapanema,  Bollelim  ila  Commmào  Cco(jraphica  de  Sào  Paulo^  18tM). 

*  Jornal  do  Comercioy  24  «le  seteiiibi*u  de  181)5. 
'  A.  de  Taunav,  Notes  manuscrites. 


456  NOIIYËLLE  GÉOGRAPHIE   UNIVERSELLE. 

tricl  pour  le  nettoyage,  la  décortication  et  rensachement  du  csifé.  Non  loi 

de  Thabitation,  sur  des  terrains  en  pente  douce,  s*étendent  les  séchoirs  o^ 

des  wagonnets  versent  la  récolte,  que  l'on  étale  au  soleil  en  min 

couches.  Des  ciinaux,   dont  Feau  réglée  par  des  vannes  se  ramifie  ckl  -^ — n 

embranchements  dans  les  aires  du  séchoir,  reçoivent  les  baies;  Thumidit 

pourrit  Tcnveloppe,  puis  les  graines,  entraînées  de  réservoir  en  réservoi 

entrent  sous  les  rouleaux  du  moulin,  où  la  friction  les  débarrasse  de  leu 

pulpe.  Prises  dans  Tengrenage  de  l'usine,   les  baies  malaxées,  frottée* 

polies,  finissent  par  entrer  dans  un  tambour  à  tamis  circulaires,  où  elU?»     ^  ^=>tf 

se  classent,  suivant  leurs  diverses  formes,  en  «  moka  »,  «  martinique  >2=r  — .  j, 

c<  guayra  »   et  autres  «  sortes  >>  commerciales,  et  retombent  enfin  daiK ai.s 

les  sacs  ouverts,  prêts  pour  le  convoi  qui  attend  au  portail  des  atelien 
Dans  les  grandes  plantations,  l'espace  nécessaire  pour  le  parcours  du  cafi 

depuis  son   entrée  sur  le  terreiro  jusqu'à    la   sortie  de  la  plantatioi ■  • 

embrasse  une  superficie  de  plusieurs  hectares,  avec  les  moulins,  nnin        ^— 
pots,  écuries,  remises  de  machines.  Le  personnel  employé  aux  travai 
agricoles  et  industriels  du  domaine  comprend  des  centaines  de  famille: 
vivant  en  des  villages  dont  l'aspect  vulgaire  rappelle  les  mauvais  jours 
l'esdavage.  D'ordinaire  sans  jardinets,  les  maisonnettes,  d'ailleurs 
propres,  s'alignent  sur  une  seule  rangée  ou  sur  deux  rangs,  en  équerrc^ 
comme  des  soldats  à  la  revue,  et  d'un  coup  d'œil  l'économe  peut  en  sum'- 
veiller  les  abords. 

La  statistique  de  la  production  du  café,  dressée  par  des  maisons  d'ex- 
portation rivales,  manque  de  précision  et  quelques  données  partielles  en 
sont  contradictoires.  Cependant  il  est  certain  que  la  récolte  totale  a  nota- 
blement augmenté  dans  les  dernières  années*,  malgré  Tabolition  de 
l'esclavage.  L'accroissement  des  récolles  se  fait  presque  en  entier  au 
profit  des  grands  propriétaires  :  la  petite  culture  n'a  qu'une  très  faible 
part  dans  ccîtte  production.  Dans  la  région  des  «  terres  rouges  »  de  Sào 
Paulo,  on  peut  traverser  des  propriétés  de  dix  mille  et  de  vingt  mille 
hectares,  et  toile  im[)ortante  station  de  voie  ferrée  n'a  été  fondée  que  pour 


Production  du  café  brésilien  à  divci*sos  épuquos  : 


1820 
1840 
1870 


5  085  tonnes . 

1880 

08  000   )) 

i890 

152  500   )) 

1892 

550  GIN)  tonnes. 
490  000      » 
\U  000      M 


Rang  du  Brésil  dans  la  production  du  café  en  1890  : 

Brésil 490  000  tonnes.    |   Cuba  et  Puerto  Rico 55  000  tonnes. 

Amérique  centrale  et  Mexique.     80  000      ))         '   Inde  anglaise 50  000      » 

Java  et  Sumatra 00  000      n  |   Afrique  occidentale 20  000      » 

Haïti  et  Santo  Domin-ro    .    .    .      i.l  000      »  \   Autres 100  000      m 


des^^i*vir  une  seule  plantation.  Une  caféterie,  appartenant  en  un  seul 
ien^m   à  une  compagnie  linaneière,  qui  dispose  d'un  capital  évalué  à 
8500  contos, —  10  millions  de  francs  au  cours  de  1893,  —  comprend, 
d'après  le  rapport  officiel,  environ   six  millions  de  pieds,  et  emploie 
4200  personnes,  presque  toutes  d'origine  italienne,  réparties  en  26  vil- 
lages et  hameaui  :  dans  les  bonnes  années,  les  plants  de  la  fazenda  peuvent 
dormir  jusqu'à  6000  tonnes  de  café.  Certes  l'industrie  du  café  au  Brésil, 
et  notamment  dans  l'État  de  SSo  Paulo,  où  l'on  compte  plus  d'un  milliard 
de    j>lants,  est  une  merveille  de  l'agriculture   et  fait  l'étonnement  des 
économistes;  mais  on  peut  se  demander,  sans  parti  pris  contre  le  régime 
de   la  grande  propriété,  s'il  n'y  a  pas  danger  à  sacrifier  toutes  les  produc- 
tions à  une  seule,  tant  fructueuse  qu'elle  soit  :  la  population,  rapidement 
croissante,  se  trouverait  exposée  à  un  appauvrissement  soudain  si  quelque 
phénomène  économique  ou  un  désastre  naturel  venait  à  tarir  tout  à  coup 
la  source  de  cette  étonnante  richesse. 

Il  fut  aussi  un  temps  où  le  Brésil  fournissait  au  monde  la  plus  grande 
q[iiantité  de  sucre  ;  mais  depuis  un  siècle  et  demi  il  perdit  son  rang  au 
proGt  des  Antilles,  qui  l'ont  gardé  depuis;  le  district  de  Sao  Viconte,  où 
Martini  Affonso  de  Souza  introduisit  la  canne  de  Madère  dans  la  première 
moitié  du  seizième   siècle,  n'a  plus    qu'une  culture   sans  importance. 
Actuellement  l'industrie  sucrière  est  surtout  représentée  à  Pernambuco, 
à  Bahia  et  dans  les  provinces  voisines  ;  le  district  de  Campos,  dans  l'État  de 
Rio    de  Janeiro,  se  livre  spécialement  à  la  culture  de  la  canne,  et  nulle 
V^^t    on  ne  voit  d'usines  mieux  aménagées  pour  la  production  des  casso- 
nades et  des  sucres.  Malheureusement  les  grands  planteurs  brésiliens  ont 
^*>toiiu  du  gouvernement  qu'il  protégeât  leur  industrie  par  l'établissement 
^^    usines  centrales  »  avec  garantie  de  7  pour  100  d'intérêt  aux  capitaux 
S^Kés.  Comme  on  pouvait  s'y  attendre,  ce  sont  précisément  ces  fabriques 
*^ve?ntionnées,  mais  dirigées  avec  mollesse  ainsi  que  toutes   les  entre- 
'^     ^^5^  officielles,  qui  ont  le  moins  bien  réussi.  Une  forte  proportion  de  la 
^^    à  sucre  pîisse  à  la  fabrication  de  la  cachaça^  eau-de-vie  qui  ne 
.  ^Xie  dans  aucune  maison  brésilienne,  mais  (|ue  n'apprécient  guère  les 

^^    cotonnier  est  aussi  une  des  cultures  industrielles  du  Brésil,  not<am- 
^*'  dans  le  Ceara  et  les  autres  États  du  nord;  la  guerre  do  Sécession  avait 

^    ^^^mpanhia  agricola  Fazenda  Dumont^  Relatoiio  de  180:2. 
***oduction  du  sucre  au  Brésil,  en  moyenne  : 

200  000  tonnes,  d  une  valeur  de  80  000  000  fi-ancs. 

■^u-de-vio  de  canne  :  100  000  heilnliires,  d'une  valeur  de  i  000  000  francs. 

XIX.  58 


458  iNOI  VELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

donné  un  grand  élan  à  cotte  culture,  qui  a  diminué  depuis,  mais  qui  s'ac- 
croît de;  nouveau  par  refletd(»s  lois  presque  prohibitives  frappant  les  impor- 
tations de  colonnades  étrangères.  Les  laliacs  du  Brésil  sont  très  estimés, 
notamment  ceux  de  Bahia  et  les  fumas  du  Goyaz;  plus  des  cinq  sixièmes 
de  l'exportation,  qui  se  dirige  surtout  vers  TÂllemagne  et  la  France,  se 
font  par  Bahia,  en  feuilles,  réimportées  ensuite  sous  forme  de  cigares 
ou  cigarettes.  On  peut  évaluer  la  [)roduction  annuelle  du  tabac  à  40  ou 
50000  tonnes,  d'une  valeur  de  25  à  50  millions.  Les  cacaoyers  prospè- 
rent dans  l'Amazonie  et  sur   les  côtes  méridionales  de  TËtat  de  Bahia, 
notamment  dans  les  alentours  de  Canavieiras,  gnlce  aux  colons  étrangei^s 
qui  se  sont  adonnés  à  cette  culture,  représentant  environ  6000  tonnes 
par  an,  soit  le  dixième  de  la  production  mondiale  du  cacao.  Le  thé  a 
parfaitement  réussi  sur  les  i)lateaux  de  Sao  Paulo  et  de  Minas  Geraes,  et 
cependant  on  ne  le  voit  plus  guère  dans  les  jardins,  cette  plante  n'ayant 
pu  soutenir  la  concurrence  avec  les  produits  similaires  de  la  Chine  et  de 
rinde;  ce  que  l'on  appelle  «  thé  du  Brésil  »  est  le  maté,  provenant  de  la 
province  de  Parauîi,  (|ui  en  ex[)édie,  année  moyenne,  14000  tonnes  pour 
une  valeur  de  8  millions  de  francs  :  la  Belgique  fait  les  princip<iux  achats. 
L'oranger,  dont  le  Brésil  possède  de  nombreuses  variétés,  et  de  si  exquises, 
pousse  à  son  gré  sans  (ju'on  s'occupe  de  le  tailler  ou  de  le  greffer,  et 
l'on  expédie  «  en  vrac  »  les  oranges  pour  la  Plata  sans   aucune  manu- 
tention soigneuse  :  seule,  la  |>rovince  de  Santa  Catharina  s'adonne  à  la 
fabrication  des  vins  d'orange.  La  vigne  paraît  avoir  un  plus  grand  avenir, 
surtout  dans  le  Minas  GcM'aes,  on  les  eéj)ag(*s  américains  croissent  admira- 
blement*. QueicpiesvilieulUMirs  (Mil  déjà  obtenu  des  vins  fort  estimés,  qu'ils 
comparent  aux  <(  tokai  ^s  aux  ^  chanipagnes  »,  aux  «  bordeaux  ».  Dans  le 
Sao  Paulo,  oh  cette  indus! li*»  a  ])ris  domicile,  il  faut  paver  le  sol  autour 
des  ce[)s  pour  empêcher   le  layoufiement  tiop  rapide  pendant  les  nuits. 
La  première  vendange  lu*  se  fait  (ju'à  la  cinquième  année;  mais,  si  élevés 
([ue  soi(Mit   les  frais,  ils  sofil  largement  compensés  par  la  valeur  de    pro- 
duits payés  jus(]u'îi  dix  fois  le  |)!'ix  <)u'on  leur  attribuerait  en  F'ranct». 

D'aulies  cultuic^s  (forigine  (Hiro|)éenne,  celle  du  froment  par  exemple, 
n'ont  guère  poui'  les  agionoines  brésiliens  (ju'un  intérêt  de  curiosité, 
saut*  clans  le  Rio  (iraiide  do  Siil;  mais,  dans  ce  jKiys  même,  la  u  rouille  )^ 
atla(|u<'  le  iVoiiieiil,  (|n'(m  abaïubmiie  de  [)lus  en  ])lus 'j)our  Télève  du 
bétail.  Onant  au  liz,  <|ui  esl  absoliiiiK^nt  indis[)ensable  aux  Brésiliens, 
])uis(|n'il  eiiti'e  dans  b'ui'  aliinenlalicm  journalièi'e,  et  (|u'il  serait  si  facile 

'    Pituliiclioii  lin  \in  «biis  le  Miii;is  TuMaos.  vu   \X\\^2  :  \)i^A)  hovUAiivos. 


AGRICULTUKK  BHËSlLfEINNK.  fô9 

iltîver  dans  tous  les  tei'niiiis  bas,  on  l'impurle  pi-esquc  en  unltcr  du 
oChine  anglaise.  La  fourmi,  qui  naguère  rendait  luute  culture  impos- 
en  certains  districts  et  qu'on  avait  surnommée  le  «  roi  du  Brésil  », 
-  plus  à  redouter  :  des  «  formicides  »  introduits  dans  les  fourmilières 
Tnpoisonnent  les  habitants;  on  voit  la  l'umée  de  l'explosion  jaillir  de 


f,/t,flf*f„t^ni,-3} 


,es  les  tissures  du  soi.  Pour  se  débarrasser  des  rats,  nombre  de  jardi- 
"s  et  cultivateurs  ont  à  leur  service  un  serpent  gibota,  petit  boa  de  5  à 
lèires  de  long,  qui  dort  toute  la  journée  et  chasse  la  nuit.  Très  attaché 
demeure,  le  giboia  s'échappe  pour  la  retrouver  quand  on  le  transporte 
ïors. 
ïiys  de  grandes  foi'èts,  le  Brésil  a  toujours  une  importance  capitale 


«0  KOl'VKLtE  CÉOfiHAPHIE  HîflTERSEUE.  1 

coniiiii^  |iavs  tk'  ciieillelli;.  Puur  i'cx|M)i-tiilioii  du  caoutulitiui:   iiuhsi  bien 
que  [loiir  celle  du  caM,  il  n  pris  le  premier  rang  :  comme  cnlrepdl  de  kb 
borracha  —  nom  doiiiKî  au  caoutchouc  —  la  ville  de  Para   jtossMe  le< 
monopole';  la  môme  place  expédie  presque  soûle  les  «  noix  ■■  ou  «  chi- 
tai^cs  »  du  Bréiiil,  Fruils  du  bertkollelia,  destint%s  surtout  au  mairbé  de 
Pétersbourg.  L'Amnzonie  ei|»arle  aussi  les  fcves  de  (piaranâ,  pret^qne  indt»^ 
pcnsvaldes  aux  iiabilants  du  Malto  Gro.s»o,  et  vend  en  quanlili'i  les  drogndl 
médicinales,  tandis  que  Cearâ  et  les  côtes  voisines  jusqu'au  Sci^pe  fouin 
nisscnl  la  cire  du  carnnûba,  [mlinier  qui,  outre  du  vin,  donne  une  gnmnsl 
semblable  au  sagou,  une  moelle  qui  remplace  le  lii^-go,  dos  fniils  cnnuM 
tibles,  des  feuilles  dont  les  filii'es  senenl  il  faire  des  tissus  :  lu  cira  qm  ^ 
recouvre  les  feuilles  sous  forme  do  poudre  gltitinense  et  que  l'on  élirait 
au  moyen  du  feu,  s'exporte  en  Europe,  oii  on  l'emploie  à  divers  usages, 
notamment  a  \n  coloration  du  |>apier,  à  la  fabrication  de  bougies  et  de 
vernis'.  Les  libres  du  palmier  piassava  {atalea  fnnifera)  ou  <•-  jonc  noir  i- 
de  l'Amazonie,  de  liahia  et  d'Espirito  Sanlo  sont  acbetées  par  l'Anfrielern^ 
pour  la  fabrication  des  balais  et  des  brosses.  Le  chinchona  a  été  depuis 
plusieuiï  années  introduit  dans  les  montagnes  de  Thereni[»olis,  mais  ne 
donne  pas  encore  lieu  à  une  production  d'importanc£  économique.  Enfin, 
tous  les  Etats  du  littoral  sont  ricbes  en  bois  d'ébénisteric,  de  couslruc- 
lion.  de  teinture,  qu'on  utilise  dans  l'industrie  ;  c'est  à  un  arbre,  Vechif- 
nala  cxtalpinia,  que  le  Llrésii  doit  son  nom.  Un  autie.  le  jaciiraiida, 
la  libre  si  belle,  qu'on  l'appelle  le  «  liuis  saint  »,  palo  $aiito,  —  ( 
français  «  palissandre  ». 

Pour  le  bétail,  chevaux  et  bûtes  à  cornes,  le  Brésil  reste  inférienr  à  h 
République  Ai^entine,  quoique,  sur  les  plateaux  du  centre  et  dans  les 
campos  du  Sud,  il  possède  des  terrains  de  pâture  en  superficie  presque 
égale.  Un  de  ces  États,  le  Rio  Grande  do  Sul,  poursuit  l'élève  avec  U 
même  activité  que  les  contrées  platéennes  et  rournit  à  Rio  et  aux  autres 
villes  de  la  région  tropicale  de  petites  mules  infatigables  à  la  course  et 
d'une  merveilleuse  force' d'endurance.  Le  Goyaz,  le  Matto  Grosso*  le  Minas 
envoient  au  littoral  leurs  boiadat  ou  tmupeaui  de  boeufs,  cheminant  par 
courtes  étapes  et  paissant  dans   la  brousse,  des  deux  côtés  de  la  piste 

<  froduïlion  ilu  caoulthoui'  : 

IRIO iOO  tonnes. 

1860 2  500      « 

IS9I 30  000      u 

De  185!)  à  1891  :  3tJU-J0r.  I  un  nus,  .l'une  viili-ui' .le  I  44A  000  000  fraDCS. 

*  A.  Biiguct,  Bulletin  de  la  Société  de  Géographie  ifAneen,  188G-87. 


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AGRICULTURE  BRÉSILIENNE.  465 

ccoutumée.  Dans  les  régions  centrales  du  Brésil  ces  animaux  appartien- 
ent  à  deux  races  très  différenles  el  reconnaissables  surtout  par  la 
imension  des  cornes;  elles  peuvent  atteindre  jusqu'à  deux  mètres  d'en- 
îi^re  chez  les  bœufs  de  Minas  Geraes*.  La  vache  de  Jersey,  le  zébu 
e  rinde  et  d'autres  animaux  contribuent  maintenant  à  l'ennoblissement 
e  la  race.  Sur  les  côtes  équatoriales,  le  Ceara,  le  Piauhy  ont  aussi  leurs 
roupeaux  de  chevaux,  de  bœufs  et  de  moutons,  mais  les  ont  souvent 
^rdus  presque  eq  entier  à  la  suite  de  sécheresses  prolongées.  Dans  l'État 
e  Minas  Geraes  l'industrie  fromagère  a  pris  la  plus  forte  activité  :  sur 
outes  les  tables  on  trouve  du  fromage  de  Minas. 

Les  traditions  de  l'ancien  Brésil  monarchique  se  sont  perpétuées  pour  la 
livision  du  sol.  Les  rois  avaient  d'abord  partagé  la  terre  en  grands  fiefs  ou 
lapitaineries,  et  plus  tard,  quand  la  propriété  directe  de  toute  la  contrée 
evint  au  pouvoir  royal,  celui-ci  distribua  les  propriétés  conformément  à 
;on  caprice,  en  concédant  des  sesmarias  ou  «  parcelles  »,  généralement 
brt  étendues  :  la  nation  ne  possède  que  très  peu  de  terres  libres,  tandis 
{u'un  petit  nombre  de  seigneurs  détiennent  d'immenses  étendues  dont  ils 
le  connaissent  pas  même  les  limites.  Certains  domaines,  même  dans  les 
i^mpagnes  où  se  presse  la  population,  occupent  des  lieues  carrées  de  sur- 
face, et  les  propriétaires,  qui  ne  peuvent  trouver  les  bras  nécessaires 
pour  exploiter  ces  vastes  territoires,  se  plaignent  toujours  du  manque 
ie  a  main-d'œuvre  ».  Peut-être  le  travail  se  ferait-il  mieux  si  ces  régions 
fécondes,  détenues  par  un  seul,  étaient  réparties  entre  les  matvtos  ou 
petits  cultivateurs.  Après  l'abolition  de  l'esclavage,  lorsque  les  planteurs 
dirent  s'enfuir  presque  tous  les  nègres  de  leurs  ateliers,  ils  accusaient 
ie  paresse  ces  esclaves  d'hier;  mais  ceux-ci,  las  de  travailler  pour  un 
naître,  s'étaient  retirés  dans  quelques  clairières  de  la  forêt,  où  ils  vivent 
Lvec  leur  famille  et  quelques  animaux  domestiques,  cultivant  leur  petit 
^hamp  de  bananiers,  de  haricots  et  de  manioc,  sans  négliger  les  fleurs 
lu  jardin  '.  Cependant  nombre  d'anciens  esclaves  sont  revenus  depuis  sur 
es  plantations  natales. 

Quoi  qu'on  en  dise,  ce  sont  les  noirs,  les  flls  des  anciens  esclaves,  qui 
Fournissent  la  plus  grande  partie  du  travail  agricole  dans  les  régions  où 
les  colons  italiens,  allemands  et  autres  ne  sont  pas  encore  venus  à  leur 
aide.  Les  blancs  qui  n'ont  aucune  part  à  la  propriété  du  sol,  ceux  qu'on 
appellerait  «  petits  blancs  »  en  Louisiane  et  dans  les  Antilles,  préféraient 


*  Bétes  à  cornes  au  Brésil,  d*après  une  évaluation  approximative  :  18  millions. 

*  James  W.  Wells,  Three  thomand  Miles  fhrough  BraziL 


46i  >orVEr,I.E  KÉOGRAPHIE  lINtVKnSELLE. 

vivre  en  agir/jaih».  l'rsl-ît-dire  on  |iiinisilL's  sur  le  domaine  du  soîgncHr 
lel  jiruprit'laire  en  aviiU  dos  c(!iilaiin'S  dans  sa  fazcnda.  A  rott-asiwn,  il 
pouvaient  ifndtf  quolquos  scfvires:  s'ils  avaicnl  un  peu  de  Wlail,  ils  1 
laissiiient  vaguer  confondus  avec  les  tronpeaux  du  maîti-e,  cl  pmsaici 
oux-mOmes  dans  les  greniers  Jùen  remplis  quand  ils  manquaient  des  ali 
mcnts  nécessaires.  Les  mœui-s  faciles  et  bienveillantes  de  lu  popujalio 
s'accommmlaienl  de  cet  élat  de  choses,  d'aulanl  plus  que  les  agi-egado! 
ru  prenant  le  seigneur  pour  parntiii  de  leurs  enfants,  devenaient  nini 
ses  «  comp^res  »,  lien  cunsidt^ré  comme  presque  sacré;  mais  les  cluingc 
nienls  politiques  el  sociaux  qui  se  sont  accomplis  modificu!  les  rapport 
enliii  les  gi-ands  propriétaires  el  les  hatiilaiils  non  fortunés.  On  peut  s 
débarrasser  de  la  plu[)ail  de  ces  petits  blancs  par  les  mille  fonetiun 
bureaucratiques  des  Elats,  des  comarau  el  des  municipcs;  toutefois  1< 
problème  de  la  propriété  n'en  reste  ]>as  moins  entier  pour  tous  les  habi 
tanls  des  cam[tagnes,  noii-s,  [JCtils  blancs  ou  colons  d'origine  étrangère 
Grâce  îi  leur  fmgalilé,  les  AfricJiins  ont  pu  se  contenter  do  lopins  A 
lerrc  obtenus  çA  et  Ih  sur  les  conlins  des  domaines  seigneuriaux  ou  dan 
les  régions  appartenant  à  l'Ëlat;  mais  les  travailleurs  étrangers  sont  plo 
exigeants,  et  les  lots  qu'on  leur  a  découpés,  soit  en  de  grjndes  propriété 
morcelées,  soit  dans  1rs  doumiiies  nationaux,  ne  satisfont  qu'à  une  laibli 
partie  des  demandes;  quand  au  régime  de  la  parceria  ou  du  «  métayage  > 
il  est  mal  accueilli  par  des  cultivateurs  venus  de  l'Ancien  Monde  dan: 
l'espérance  d'être  propriétaires. 

Là  est  la  grande  question  pour  l'avenir  immédiat  du  Brésil  :  les  tra- 
vailleurs réclament  la  terre,  ils  la  prennent  même  en  certains  endroits 
el  la  cultivent  de  foi-ce,  les  détenteurs  ou  les  Lilulaires  In  refusent  on 
cherchent  à  la  reprendre.  Ceux-ci,  désireux  de  continuer  sous  une  autre 
forme  les  anciennes  pratiques  de  l'esclavage,  ont  fait  voler  par  la  législa- 
ture l'introduction  de  coulis  chinois  dans  leurs  plantations,  el  lors  d'uir 
congrès  spécial,  réuni  à  Juiz  de  Fora,  se  sont  engagés  pécuniairement  ai 
transport  de  c*s  engagés,  tenus  au  service  pendant  un  certain  nombrt 
d'années,  de  trois  à  cinq,  moyennant  le  logement,  la  nourriture  el  un 
salaire  d'au  plus  55  milreis,  soit  45  francs  par  mois,  au  cours  moyen  de 
1892.  Mais  celle  immigration  des  <c  Célestes  »,  depuis  longtemps  votée,  m 
se  fait  point  encore  et  ne  paiinl  pas  devoir  se  faire,  au  moins  en  des  pro- 
portions considérables.  Le  gouvernement  de  Pékin  ne  se  prête  pas  volon- 
tiers aux  vœux  des  planteurs  cl  les  compagnies  de  ti-ansport  ne  sont  pa; 
encore  en  mesure  de  «faire  grand  »,  (]uoique  des  spéculateurs  se  soient  déji 
présetilés  en  foule  pour  demander  l'entreprise.  Itares  sont  les  Chinois  dan; 


iGO  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

des  deux  côtés  de  la  chaine  Ëpinière  et  dans  les  vallées  tributairas  du  i 
das  Yelhas.  Du  massif  d*Ouro  Branco  à  la  Cidade  do  Serre,  on  marcb 
presque  constamment  sur  des  monceaux  de  graviers  qui  ont  passé, 
souvent  plusieurs  fois,  dans  la  bâtée  de  Torpailleur.  De  la  route,  entr^ 
Ouro  Prelo  et  Sabarà,  on  aperçoit  sur  les  collines  une  falaise  qui  se  pour-^ 
suit  sur  une  longueur  de  plusieui^s  kilomètres  :  on  dirait  une  paroi  pro— 
venant  du  glissement  des  roches;  mais  c'est  une  tranchée  à  ciel  ouvert, 
creusée  par  les  mineurs  l\  plus  de  40  mètres  en  profondeur'.  Au-dessus  di» 
Passagem,  village  minier  voisin  d'Ouro  Preto,  la  colline  est  découpée 
tou]*s  et  en  murailles  que  Ton  croirait  formées  par  des  éruptions  de  lave 
ce  sont  les  restes  de  travaux  faits  par  les  anciens  chercheurs.  Penda 
la  période  de  prospérité,  les  potentats  des  Minas  Geraes  vivaient  avec  c  — 
faste  insolent  qui  de  tout  temps  distingua  les  parvenus  enrichis  soudai 
Des  propriétaires  se  faisaient  bâtir  des  palais  où  tous  les  jours  la  tablf 
éUiit  somptueusement  servie  pour  les  amis  et  les  passants.  Lorsque  W 
capitaine  général  visitait  un  de  ces  riches  mineurs,  on  lui  offrait  d'ord 
naire  un  plat  de  ca/^<///fl,  où  les  gi-ains  de  maïs  étaient  remplacés  par  d 
pépites.  Pour  la  translation    du   Saint-Sacrement  d'une  église  à  Taut 
on  employait  des  chevaux  aux   sabots   en  or;  les  plaideurs  appuyaie 
leurs  suppli^iues  en  offrant  des  bananes  pleines  d'or  à  leure  juges. 

On  a  évalué  diversement  la  quantité  de  métal  pur  extraite  des  min 
brésiliennes    depuis    les    premières   découvertes  des   Paulisles.    D'ap 
Gorceix,  la  seule  province  de  Minas  (îeraes  aurait  livré  au  commerce 
de  1700  h  1888,  près  de  600  000  kilogrammes  d'or,  correspondant  à  u 
valeur  d'environ  1  850  000  000  de  francs.  La  production  totale  pour  Te 
semble  du  Brésil  paraît  n'avoir  été  guère  inférieure  à  3  milliards.  Le  re 
deinenl  actuel  est  évalué  de  4  l\  8  millions  par  an.  La  plupart  des  conips^ 
«iiiies  (jui  ox[)l()ilenl  le  fninerai  sont  constituées  en  Angleterre,  et  leu 
opérations  se  liiniltMil  h  la  ré^non  des  Minas  située  au  nord  du  nœud 
Queluz,  et  se   |uol()nfreant   des  deux  eôlés  de  la  chaîne  Épinière,   eut 
Ouro  Preto  cl  Sabanî.  Elles  ne  font  plus  exploiter  les  alluvions des  rivièref 
mais  alta(jnent  les  roches  mêmes,  en  poursuivant  les  veines  pyrileusesj 
(ju'îi  de  «.nandes  distantes  et  à  plusieurs  centaines  de  mètres  en  profo 
(l(Mir.    Des  chemins  de  ïrv,   d(»s    plans  inclinés   transportent    le  minf 
jusipraux  bocai'ds   oii    \\\\n  des  rivières  et  des  canaux  permet  le  lava 
et    la    lévif^alion   de   la    |)ieire  concassée.    La   dimiiuition   du    reruleme*' 
el    le   |)rix   cioissinl   de   la   niain-d'oMivre  ont   graduellement    ralenti   V 

'  II.  (joivoix,  liiilU'tiu  (le  lu  Socirté  de  Gèoyvapliir,  M'aiitr  du  18  octobre  187<î, 


.ju- 
rai 


à 


HI>ES  n-On  ET   [>E   DIAMANTS  4C7 

aui;  cependant  l'industrie  réinunèi'e  toujours  les  capitnus  étrangers. 
B  recherche  des  diamants  q  donné  lieu  à  beaucoup  de  mécomptes,  In 
ouverte  des  mines  de  l'Afrique  méridionale  ayant  soudain  ruiné  l'in- 
trie  brésilienne.  Les  premiers  explorateurs  des  Minas  ne  cherchaient 
des  «  pierres  vertes  »,  et  ceux  qui  découvrirent  le  diamant,  dont  le^^ 
loux  transparents  servaient  de  jouets  aux  enfants  indiens,  ne  con- 
ssaient  pas  la  valeur  de  ces  cristaux.  Un  fonctionnaire  qui  avait  habité 


D  lUMBE   DD  IKfUt. 


s'aperçut  le  premier  que  des  jetons  employés  pour  marquer  les 
;ux  étaient  des  diamants  beaux  comme  ceux  de  l'Inde,  et  donna  l'éveil 
partant  pour  le  Portugal  apri-s  avoir  fait  collection  de  ces  graviers 
|>risés'.  En  1735,  le  gouvernement  était  officiellement  informé  de  la 
Duvertc  faitQ  dans  son  domaine,  et,  fidèle  à  son  principe  de  ne  voir 
s  le  Brésil  que  sa  vacca  de  leite  ou  «  vache  à  lait  »,  il  se  déclai'a  le  seul 
priétnire  des  terrains  diamantiferos  et  ût  tracer  autour  de  Diamantina 
!  circonférence  de  42  lieues  indiquant  les  limites  du  territoire  interdit  ; 
ense  de  creuser  les  fondations  d'une  maison,   si  un  huissier  et  (rois 


Au^ïle  lie  Saint-Hibirp,  Yoijnge  <fnn*  Ir  diihiel  lien  Diamiinl*. 


*fîJ!  NOUVELIE  CÉOGRAPllIE  rHITERSELLE. 

aulri's  em|iluyés  n'éUiient  témoins  de  ce  travail'.  Soûls  certains  privité; 
reçurent  It.  droit  il'oxptoiter  les  ruisseaux  à  dtarnaots,  moyonunul  un  in 
diï  capilation  pyé  sur  liî  nombre  des  travailleurs  employa'».  Ensuite 
loua  les  gisements  à  des  fermiers  généraux,  et  linalem«nt  ie  roi  de  | 
lugal  Cl  Inivailior  les  mines  pour  son  propre  compte'.  Sous  le  n% 
actuel,  la  rucWrclie  du  cristal  pst  devenue  libre.  Le  nom  de  calai 
présentent  les  cartes  en  plusieurs  endroits  du  Brésil  a  le  sens  d'  «  e: 
valions  »  et  se  rapporte  aux  anciennes  mines  d'or  ou  de  diamants. 

IjCS  garimpeiroi  ou  chercheurs  de  diamants  ont  découvert  la  pii 
précieuse  non  seulement  dans  les  Minas,  mais  aussi  dans  le  Matto  Gross 
récemment,  en  1K45,  dans  la  Cliapada  Diamantina  du  Bahia  occiden 
Leurs  exploitations  se  font  pour  la  plupart  sans  Iteuucuup  de  méthoi 
ils  détournent  les  torrents  et  les  ruisselets  presque  taris  pendant 
sécheresses,  puis  tamisent  les  gravieis  aussi  longtemps  cjue  dure  ia  sai 
favorable;  dès  ({ue  les  pluies  s'annoncent,  les  ateliers  disparaissent, 
diamants  se  renconlrenl  à  côté  dos  autres  cailloux  dans  les  conglooié 
anciens  d'origine  paléozoTiiue,  ainsi  que  dans  les  niches  plus  moden 
formées  des  fragments  menuisés  des  strates  primitives;  mais  nulle  | 
on  ne  les  a  vus  en  des  formations  pluloniennes'.  Parmi  les  pierres  célèl 
recueillies  au  Brésil,  on  cite  le  brillant  d'Ahaété,  qui  pesait  144  car 
et  "  l'Ëtoile  du  Sud  >i,  que  ramassa  une  négresse  en  18o5  :  il  pesait  a^ 
la  taille  plus  de  2r)4  carats.  On  évalue  à  12  millions  de  carats,  soit  à  | 
lie  2  tonnes  et  demie,  représentant  un  demi-milliard  de  francs,  le  I 
des  diamants  livrés  par  le  Brésil  au  commerce  du  monde.  La  produci 
diminua  rapidement  dès  que  la  concurrence  de  l'Afrique  méridionale 
abaissé  les  prix.  En  1867,  elle  fut  encore  de  57  kilogrammes,  d* 
valeur  de  7  millions  de  francs;  en  1880,  de  16  kilogrammes  envii 
et  maintenant  on  l'évalue  à  7  ou  8  kilogrammes,  représentant  1  millioi 
francs.  Les  diamants  de  l'Afrique  sont  moins  beaux,  mais  le  total  de  I 
vente  est  déjà  de  beaucoup  supérieur  à  l'ensemble  du  commerce 
diamants  brésiliens  pendant  un  siècle  et  demi.  La  formation  diamaDti 
du  Brésil  se  complète  par  un  grand  nombre  d'autres  cristaux,  greo 
topazes,  corindons,  béryls,  améthystes;  mais  il  n'y  existe  pas  de  vérita! 
émeraudes  :  les  «  pierres  vertes  ><  que  l'on  prit  pour  telles  étaient  | 
bablement  des  tourmalines'. 

'  Mawe;  Auguslc  de  Saint-llilaii'c ;  Richard Burlon,  ouvi-ages  ciliés. 

■  li.  Ilorcei^,  Aêiociation  Scientifique,  février  lt(K3. 

i  Orrille  A.  Derb;.  Conlributiont  tn  Ihe  Sludy  of  Ihe  Gfoloqy  af  Brazil. 

*  Au((.  dp  Sainl-llilaiiv,  ouvKipn  rîlô.  ■    ■ 


GITES  DE  DIAMANTS,   MINES  DE  FER. 


Les  gites  métallifères  autres  que  tes  mines  d'or  ne  sont  guère  exploités 
malgré  leur  richesse,  cl  même,  dans  la  plupart  des  Ëlats,on  se  borne  à  les 
signaler,  sans  même  se  rendre  compte  de  leur  teneur  en  métal.  Rio  Grande 
do  Sul  possède  les  seules  mines  de  cuivre  utilisées.  Minas  fournit  aussi  du 


'Omb,  et  ses  deux  montagnes  de  fer,  Itabira  do  Campo  et  Itabii-a  do  Matto 
'^ntro,  donnent  aux  fondeurs,  ainsi  qu'Ipanema,  dans  le  SSo  Pnulo, 
L**elques  minerais  tirés  de  masses  inépuisables.  Des  météorites  exploitées 
^ns  l'île  de  Sao  Francisco,  à  5  kilomètres  de  la  ville,  ont  passé  eu  entier 
*tl  feu  de  la  foi^e.  Les  gisements  de  houille  que  l'on  n  reconnus  dans 


470  ^U[:V[!:LLE  <1Ë0i;RAPHIB  rMVERSKLLE. 

los  Étnis  lie  Siiiilii  Calliîiiiiia  H  de  Rin  fii-amle  do  Siil    alimcntenl  ur^L' 
fiiiblu  iiidiisti'it!  louilr.   Minns  (îenios  possède  près  de  Mamiina,  à  Sfïo 
(liieliiiio,  (les  {risenienls  d'cxi-elleiil  kaolin.  Dans  le  SSo  Paulo  on  cxploîie 
aussi  (les  cnnclies  de  liffniU'  et  l'on  a  entamé  çà  el  là  les  lits  de  la  tour/je 
<]tii  a  comblé  les  ant^iens  Inrs.  Qnant  an  sel,  que  le  pays  pourrait  demander 


.  D.iniint.         ■  A-^nt  U 


à  ses  inirii^s,  à  ses  rivièivs  salines  ol  à  ses  maniis  livei-ains  en  quantités^^ 
éiiiirnies,  il  en  inipm'U;  encore  d'Knrope,  cliai'<:é  comme  lest  par  les-^ 
nuviivs  anglais. 

l'iTsipn-  toutes  les  industries  nuninfaclnriôn's  sont  n^presenliJes  au 
Brésil  :  la  inîtlièiv  |in.'nii('re.  niélanx,  Iiois,  gommes,  sèves  lincloriales, 
liln-es,  rnii-s,  sui-iibonde,  fXploiU'-e  par  des  hommes  du  métier,  ingé- 
nieurs, (tislillalcurs,  onvriei's.  innnignint  en   nomhiT  cliaqnw  année.  De 


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INDUSTRIES  DU  BRÉSIL.  475 

son  côté,  le  gouvernement  a  imposé  des  droits  très  élevés  sur  la  plupart 
des   produits  de  l'industrie  étrangère.  Il  est  rationnel  qu'on  cherche  à 
oblenir   directement  les  objets  qu'on   avait  Thabitude  d'importer;  mais 
il  y   a   perte  évidente  dans  l'ensemble  du  travail  humain,  car  le  prix  de 
fabrication  s'élève  beaucoup  plus  haut  au  Brésil  que  dans  les  pays  indus- 
triels  de  l'Europe,  et  l'écart  doit  être  compensé  par  des  droits  «  protec- 
teurs »   très  onéreux.  Les  filatures  et  les  fabriques  de  tissus  tiennent  le 
pitMiiier  rang  parmi  les  établissements  qu'a  fait  surgir  la  nécessité  de 
suppléer  aux  marchandises  étrangères  trop  enchéries  par  le  fisc.  Chacune 
les   grandes  villes  brésiliennes  a  plusieurs  manufactures  et  il  s'en  élève 
Jans  les  districts  les  plus  reculés  de  l'intérieur.  La  suppression  ou  seu- 
ement  la  diminution  des  droits  de  douane  ferait  abandonner  la  moitié  de 
es  usines. 
Mais,  en  dehors  de  ces  fondations  dues  au  système  protecteur,  le  Brésil 
'es   nombreuses  industries  nécessaires  à  l'entretien  des  cités,  briquete- 
es,     fabriques  de  chaux  et  de  ciment,  ateliers  de  meubles  et  de  char- 
-iles,  carrosseries  et  charronneries,  brasseries  et  distilleries,  chantiers 
^   construction.  Il  lui  faut  aussi  tout  le  magnifique  outillage  qu'exigent 
'^  I>i*incipales  cultures,  le  cafîer  et  la  canne  à  sucre;   enfin  l'immensité 
*  ^^fritoire  demande  un  nombre  croissant  de  locomotives,  de  wagons,  de 
^^^lax  à  vapeur.  Le  réseau  des  voies  de  communication  s'accroît  et  par- 
^^      l'activité  nationale  augmente  en  proportion.   On  peut  juger  de  ce 
^  ^lle  était  sous  le  régime  colonial  par  ce  fait  que  rapporte  Auguste  do 
*'^*-— Hilaire  :  sur  la  route  maîtresse  de  Rio  l\  Minas,  remplacée  mainte- 
'^*-      par  le  chemin  de  fer  Central,  qui  transporte  sept  millions  de  per- 
^^^«is,  pas  un  seul  voyageur  ne  traversa  la   frontière  des  provinces  du 
xrier  au  28  mai  1819.  D'Ouro  Preto  à  Rio  de  Janeiro,  le  voyage  des 
^  •'^  tiers,  cheminant  presque  toujours  par  lotos  ou  groupes  de  sept  hommes 
pt  animaux,   durait  un  mois  en  moyenne.  Une  compagnie  anglaise 
proposé  la  construction  d'une  route,  il  lui  fut  répondu,  comme  on 
rait  actuellement  à  Madagascar,  que  des  chemins  pourraient  faciliter 
Conquête  du  pays  par  une  jmissance  étrangère'. 

liepuis  la  fin  du  régime  colonial,  le  commerce  brésilien  a  certainement 

^^^^uplé,  car,  si  gênants  que  soient  les  tarifs  des  douanes,  du  moins  les 

^'^^banges  avec  l'étranger  ne  sont  pas  interdits,  comme  ils  le  furent  jus- 

Î.Vi'à  l'année  1808.  Pendant  longtemps  une  compagnie  financière  posséda 

^^  monopole  du  trafic  avec  le  Brésil  et  disposa  d'une  flotte  de  guerre 

'  Friedrich  von  Wecch,  Brasiliens  gegenwârliyer  Zusiand  und  Cohnialsyslem. 


4T4 

iiioiilt-t!  |>;ii'  iti's  Dinlassiiis  et  des  arlillimrs.  Muts  les  richosst-M  du  pays,  €tr\ 
diamants,  denrées  coloniales,  buis  de  teinture,  forçaient  quand  même  Ie«^ 
étrangers  h  recourir  aux  nûgocianls  de  Lisbonne,  el  l'on  dit  qu'au  coa- 
meuccni<nit  du  siide  ce  commerce,  muniqiolitîi'!  par  le  Portiig:al,  s'élevall  ' 
Il  pr<>s  de  150  millions  de  francs'.  Au  milieu  du  sÎÈcle,  ïl  altcigitHit 
ÙOO  millions.  Vers  1880,  l'cnsemblf*  des  échanges  avait  déjà  dépassé  ua 
milliard,  et,  depuis,  TnccruisMiment  a  cuutinué  malgré  les  révolutions  el 
la  guerre  civile,  malgré  les  spéculations  effi'énées,  malgré  le  jeu  cl  les 
malvcrsiitions  de  toute  sortie  :  oii  a  vu  des  sociétés  à  capital  nominal, 
constituées  coup  sur  coup,  demander  en  quinze  joui's  uti  ou  même  deulc 
milliards.  Eu  1891,  les  diverses  enireprises  mises  en  actions  i-opréseD-^ 
IjiienI,  onze  fois  la  fortune  totale  du  Brésil. 

L'importation  consiste  principalement  en  objets  manufacturés,  mtii 
elle  comprend  aussi  des  articles  que  le  pays  pourrait  très  bien  fournir  s 
des  briques,  des  carRMUï  el  des  tuiles,  des  farines  et  des  viandes,  surloi 
le  riz  de  la  Barmanie  el  la  carne  lecca  on  xarqne  des  Ëtals  plaléens;  Q 
n'est  pas  de  boutique  du  détail,  dans  la  plus  pauvre  bourgade  de  l'intériearj 
oii  l'on  ne  trouve  des  biscuits  anglais,  des  sardines  de  Nantes  et  des  i>ou^ 
teilles  de  pale-ale.  L'esporlalion,  plus  considérable  en  moyenne  que  l'ini' 
porlaliou,  se  compose,  pour  les  quati-c  cinquièmes  ou  même  davantage, 
de  café,  la  denrée  brésilienne  qui  gouverne  les  marebés  du  mond«'.  Aji 
le  café,  le  pays  exporlc  du  caoutchouc  pour  une  valeur  de  155  millions', 
du  sucre,  du  coton,  du  tabac,  et,  pour  une  valeur  bien  moindre,  do 
cacao,  les  «  noir  i>  ou  «  châtaignes  »  du  bertholletia,  de  -4000  h  20  000 
tonnes  de  maté  suivant  les  années,  l'or  et  les  diamants\ 

Grâce  à  des  tarifs  spéciaux,  l'Amérique  du  Nord  occupe  le  pi-emiur-  rang 
dans  le  commerce  avec  le  Brésil.  Une  forte  part  de  la  récolte  du  cjifé  se 
dirige  toujours  vers  les  Étals-Unis.  En  18!)2,  plus  de  2  400000  sacs  v 
onl  élé  expédiés  de  Rio,  el  le  reste  du  monde  n'a  reçu  du  méinu  iiuri 
qu*une  quantité  de  café  brésilien  inférieure  à  un  million  de  sacs,  Santos. 

'  Adotpbo  de  Vambagen,  Hitloria  gérai  do  Bratil. 

*  EiporUtion  du  caoulchouc  du  Para  en  1891  :  135  540  000  francs. 

1  Cuinniercc  ilu  Bi'(-sil  avuu  IV'Iraii^r  en  1890  : 

Importation  :  SGO  100000  ms,  suit  h  i  fr.  SO  le  miWU  5732S0U00  francs. 

Ekpurlatiun  1  317  8SS  000  reis  soit  n  »         690308400       u 

Ensunible I  Ï71 128  iOtt  II".!!»!». 

Kxpoi'btioii  (lu  cafO iUOOOO  tonnes. 

Valuur  niujenne  du  café  brÙ!^tlie^  eu  IH'J'i  :  100  fi-jiics  lu  sac,  suit  à  1  fr.  66  le  kilograuimc. 


COMMERCE  DU  BRÉSIL  475 

*^   ^^Onirairet  envoie  surtout  ses  cafés  aux  ports  d'Europe,  Brème,  Havre, 

"^^rs,  Triesle;  New  York  ne  reçoit  qu'un  quart  de  la  récolte  de  Sâo 

^^îo*.  La  Grande-Bretagne,  qui,  par  ses  bateaux  à  vapeur,  s'est  fait  le 

'^^^cipal  intermédiaire  du  commerce  brésilien,  vient  après  les  États-Unis 
P^tir  l'importance  des  échanges  directs.  La  France  arrive  en  troisième 
^&ïe,  suivie  de  près  par  l'Allemagne,  à  laquelle  les  colonies  germaniques 
^U  Rio  Grande  do  Sul  et  de  Santa  Catharina  assurent  des  relations  crois- 
antes. Le  commerce  avec  l'Italie  augmente  aussi  d'année  en  année  depuis 
que  l'immigration  a  rapproché  Gênes  et  Naples  des  ports  brésiliens. 
La  mère  patrie,  qui  avait  autrefois  accaparé  le  monopole  des  échanges, 
se  trouve  reléguée  au  cinquième  rang,  malgré  la  parenté  des  habitants 
et  la  communauté  du  langage;  mais  la  majorité  des  négociants  appar- 
tient aux  immigrés  lusitaniens  :  h  Rio  même  on  compte  parmi  les 
industriels  et  les  marchands  quatre  fois  plus  de  Portugais  que  de  Bré- 
siliens. L'ancienne  colonie  est  toujours  le  meilleur  client  du  Portugal 
pour  les  vins*.  Tandis  que  le  commerce  avec  l'étranger  s'accroissait  rapi- 
dement, le  mouvement  du  cabotage  entre  les  ports  brésiliens  diminuait 
par  reflet  de  la  navigation  à  vapeur,  qui,  se  dirigeant  d'Europe  vers  tous 
les  points  de  la  côte,  rendait  inutiles  les  grands  entrepôts  concentrés 
autrefois  à  Rio  de  Janeiro. 


Au  Brésil  comme  aux  États-Unis,  les  nécessités  du  commerce  ont  obligé 
les  habitants  à  se  construire  des  voies  ferrées  avant  qu'ils  pussent  remplacer 
leurs  pistes  par  de  bonnes  routes  carrossables.  Le  chemin  de  Rio  à  Petro- 
polis  et  la  prolongation  du  beau  chemin  de  montagnes  par  un  autre,  qui 
descend  à  Entrerios  dans  la  vallée  du  Parahyba  pour  remonter  ensuite  à 
Juiz  de  Fora,  telles  étaient,  avec  quelques  autres  routes  dans  le  voisinage 
des  cités,  les  voies  magistrales  lorsque  le  pays  entreprit  la  construction 
des  chemins  à  vapeur.  Les  prétendues  «  grandes  routes  »  qui  réunissent 
Rio  aux  Minas,  au  Goyaz,  au  Matto  Grosso  ne  sont  que  de  larges  rubans  de 
roche  ou  de  terre,  serpentant  dans  les  fonds  et  sur  les  collines,  rayés 


'  Arri?ages  du  café  dans  la  saison  de  1892-93  : 

A  Rio,  à  Santos  et  à  Victoria 5  422  000  sacs,  soit  312  300  tonnos. 

Exporté  aux  ports  nord-arnciicains .  .    .  2  382  000         n  142  920      » 

»            ))        d'Europe 2  452  000         »  147120      » 

Non  exporté 416  WMî         »  25  240  lonne^^. 

*  Importation  des  vins  portugais  au  Brésil  en  1892  : 

280627  hectolitres.  d*nne  valeur  de  10145  000  fmnc^. 


476  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

d'ornières  profondes  dans  les  régions  humides  et  se  divisant  en 
latérales  aux  endroits  escarpés.  Sur  ces  routes  poudreuses,  boueus 
rocailleuses,  six,  huit,  dix  paires  de  bœufs  traînent  lentement  leurs 
aux  roues  chantantes;  pour  des  transports  considérables  de  denré 
de  mincirais,  les  fazendeiros  organisent  des  convois  se  prolongeai 
plusieurs  centaines  de  mètres  ou  un  kilomètre  de  distance.  C'est 
ment  en  troupes  que  Ton  fait  voyager  les  mulets  de  charge  sur  les 
Vciis  sentiers  des  marais  ou  des  montagnes;  un  vieux  cheval,  la  madi 
sans  fardeau,  mais  portant  une  cloche  et  des  sonnailles,  souvent  eus 
plumes,  des  étoffes  de  couleur,  marche  en  tête  de  la  caravane*. 

Lorsque  le  Brésil  inaugura  sa  première  voie  ferrée,  en  1856,  l'Ami 

espagnole  en  possédait  déjà  quelques-unes.  La  ligne  initiale,  desti 

rejoindre  Petropolis  à  la  capitale,  s'arrêtait  encore  au  pied  de  la 

tagne  côtière.  De  même  pour  le  chemin  de  fer  que  l'on  ouvrit  dei 

plus  tard,  dans  la  direction  du  haut  Parahyba.  Partant  de  Rio,  les 

s'étaient  dirigés   vers  le  nord-ouest  à  travers  la  plaine  marécagei 

boisée  jusqu'à  la  station  de  Belem,  située  à  la  base  de  la  serra  d< 

C'était  peu,  et  dès  le  début  les  hommes  de  Tart  se  trouvaient  er 

sence  d'un  obstacle  des  plus  sérieux.  Ils  en  triomphèrent,  en  surmi 

par  de  fortes  rampes  et  seize  tunnels  la  chaîne  de  montagnes  qui  les 

rait  de  la  vallée  de  Parahyba  :  désormais  ils  possédaient  le  tronc 

sur  lequel  viennent  s'embrancher  les  autres  lignes  maîtresses  com 

quant  avec  la  capitale.  Depuis  cette  époque  les  ingénieurs  ont  coi 

des  voies  ferrées  qui  pour  l'importance  des  travaux  d'art  peuvent  se 

parer  à  celles  de  l'Europe.  Ils  ont  déjà  franchi  le  rempart  côtier 

serra  do  Mar  sur  cinq  points,  dont  trois  dans  le  voisinage  de  Rio  de  Ja 

et  se  préparent  à  escalader  d'autres  passages.  Us  ont  également  tr 

les  chaînes  majeures,  la  serra  de  Mantiqueira,  la  serra  do  Espinha< 

ces  grands  obstacles  surmontés,  ils  n'ont  pîus  qu'à  pousser  plus  avai 

les  pentes  adoucies  des  plateaux.  L'altitude  la  plus  considérable  à  la 

s'élèvent  les  rails  se  trouve  sur  l'embranchement  d'Ouro  Preto,  qui 

en  tranchée  à  1362  mètres,  presque  à  la  hauteur  des  pitons  vois 

100  mètres  plus  haut  que  la  percée  de  Modnne  ;  mais  quelques  ram 

la  voie  sont  encore  plus  remarquables  par  leurs  travaux  d'art  :   t 

montée  de  Joâo  Aires  (1115  mètres),  qui  se  développe  par  de  non 

lacets  semi-circulaires  sur  les  flancs  des  collines  herbeuses.  Les  le 

tives  ne  se  sont  guère  avancées  dans  la  région  des  grands  fleuves:  < 

•  Franri»  de  Castelnati,  oiivrape  cïU\ 


VOIES  FERRÉES  DU  BRÉSIL.  477 

danl  elles  ont  (léj<h  quelques  viaducs  imposants,  notamment  celui  qui  tra- 
verse le  Paraguassû,  entre  Cachoeii'a  et  Sao  Félix,  le  pont  du  rio  Grande, 
sur  le   chemin  de  fer  d'Uberaba,  et  le  viaduc  de  plus  d'un  kilomètre  où 

passent  les  houilles  de  Tubarào. 

Le   Brésil  ne  possède  encore  que  deux  réseaux  proprement  dits  de  voies 
ferrées,  ayant  pour  points  de  départ  Tun  Rio  de  Janeiro,  l'autre  Sanlos  : 
d'ailleurs  ces  deux  systèmes  sont  rattachés   par  une  ligne  de  596  kilo- 
mètres qui  remonte  la  vallée  du  Parahyba  et  redescend  à  Sâo  Paulo.  Le 
réseau,  de  Rio  pénètre  au  loin  dans  les  Minas  Geraes  et  chaque  année  se 
prolonge  d'une  ou  deux  étapes  dans  la  vallée  du  Rio  das  Velhas,  où  com- 
mence la  navigation  de  la  ramure  du  Sao  Francisco.  Les  progrès  de  la  via- 
bilité  sont  encore  beaucoup  plus  rapides  dans  le  Sâo  Paolo,  où  les  voies, 
traversant  la  région  du  café,  onl  atteint  déjà  les  cours  navigables  du  rio 
Grande,  du  Pardo,  du  Mogy  guassû,  du  Tieté,  du  Piracicaba.  Dans   les 
autres  régions,  il  n'y  a  encore  que  des  lignes  isolées  ou  des  chemins 
•^yonnant  en  éventail,  comme  ceux  de  Recife  et  du  golfe  de  Bahia.  Une 
pï^^ncie  voie  maîtresse  qui  unirait  toutes  ces  lignes  isolées,  du  nord  au 
^*'d^    est  une  entreprise  h  la  hauteur  de  laquelle  ne  se  trouvent  pas  encore 
les      finances  brésiliennes.  Les  projets  qu'il  serait  nécessaire  d'exécuter 
*^     plus  tôt  pour  donner  au  pays  une  assiette  politique  plus  solide  sont 
^^'^^^c  qui  rattacheraient  Rio  de  Janeiro  et  les  Minas  Geraes  au  versant 
^^      2fatto  Grosso,  et  l'État  de  Sâo  Paulo  à  l'extrémité  méridionale  de  la 
^^*^ Clique.  Actuellement  le  Rio  Grande  do  Sul  se  trouve  par  ses  voies  de 
munication  dans  la  dépendance  économique  des  États  platéens.  Pour 
Telations  avec  l'Europe,  le  Brésil  devrait  aussi  se  donner  une  voie  litto- 
^'^^^  de  Campos  à  Recife,  le  premier  port  d'arrivée  des  paquebots  trans- 
^^'^^^ntiques. 

îs  chemins  de  fer  brésiliens  n'ont  pas  été  construits  suivant  un  plan 

forme,  et  sur  telle  ligne,  notamment  sur  le  Central,  axe  commercial 

Minas  Geraes,  la  voie  étroite  succède  à  la  voie  large  :  sur  la  plupart  des 

^veaux  chemins  l'écartement  des  rails  ne  dépasse  pas  un  mètre.  Le  gou- 

'^emenl  ne  possède  qu'un  petit  nombre  de  chemins.  La  plupart  des  lignes 

^^partiennent  à  des  compagnies  privées,  nationales  ou  étrangères,  dont 

^^^elques-unes   n'ont  demandé    ni  subvention,    ni   terrains,   ni   garantie 

^^    intérêts;  mais  les  principales  sociétés  se  sont  fait  donner,   outre  la  con- 

"^ssion,  des  bandes  latérales  de  terres  et  onl  obtenu  du  gouvernement  des 

aranties  de  recette  ou  des  subsides   suffisants  pour  que  l'entreprise  ne 

Y^résente  aucun  risque:  de  plus,  elles  ont  stipulé  (|ue  nulle  société  rivale 

ti*auraît  le  droit  de  constniire  de  ligne  parallèle  ou  convergente  dans  une 


478  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UKIVERSELLE. 

zone  délei'mini*c.  Ainsi  se  conslituentgi'aducllcmentdes  monopoles,  comcne 
celui  du  chemin  de  fer  de  Sanlos  h  Jundiahy,  qui,  ne  pouvant  satisfaire 
aux  transports  commerciaux  de  la  région,  prétend  interdire  aux  prod «Ac- 
teurs d'expédier  leurs  denrées  par  d'autres  voies.  Dans  les  districts  écar-t^s 


il  existe  des  entreprises  qui  tâchent  de  se  faire  oublier  :  un  convoi  par  m 
semaine  entre  deux  stations  désertes,  cela   suffit  pour  qu'à  la  On  d»  J 
l'année  les  propriétaires  touchent  leurs  dividendes,  dûment  sen'is  par  1»- 
Irésor  de  l'Étal'. 

'  Chnitiins  <1r  fev  bn^ilions  au  1"  jantior  j8t)S,  d'après  Alfredo  LisIxKi  : 

Clirinin!.  appartenant  i  l'État 3  556  kiiomMiU""' 

i>                àdci^riimpagiiipsqui  jouis<iFnldeIagaranlicit'inléré1.  3840        n 

»                                  Il              sans  garaiilie  d'inlprét 5  257         » 

Enwmlili- <i<s  viups  frirùes 10  fl.\1  kilnm6lri>«. 


VOIKS  FERRÉES,  RIVIÈRES  NAVIGABLES  DU  BRÉSIL.  179 

ans  leur  ensemble»  les  voies  ferrées  du  Brésil,  d'une  longueur  un  jieu 
□dreque  le  réseau  argentin,  lui  sont  inférieures  par  le  mamjue  d'unilé 
^phique.  Cependant  elles  consliluent  déjà  un  élément  primordial  de  la 
esse  nationale  et  modilient  d'année  en  année  l'assiette  de  la  contrée 
ïhangeant  la  direction  des  voies  suivies  par  le  commerce.  Au  Brésil 
me  dans  les  autres  pays  du  monde  nivelés  par  les  routes,  les  versants 
nitifs  perdent  de  leur  signification.  Déjà  le  chemin  dos  hauts  affluents 
'Ajnazone  n'emprunte  plus  le  courant  fluvial  ;  de  même  Rio  de  Janeiro, 
i  versant  de  rivière,  limité  de  tous  cdtés  par  d'âpres  montagnes,  est 


înu  le  débouché  de  la  vallée  de  l'arahyba,  des  hautes  rivières  du  bassin 
mien  et  même  des  contrées  que  parcourt  le  Sâo  Francisco  supérieur. 
I  plus,  le  jour  viendra  où  le  Paraguay,  le  Mallo  Grosso,  même  une 
tic  du  Chili,  l'Argentine  du  noi-d,  trouveront  aussi  dans  celte  direction 
:  voie  la  plus  courte  vei's  l'Europe'. 

!ncorc  dépourvue  de  chemins  de  fer,  sauf  autour  de  Para,  la  région 
izonienne  doit  uniquement  aux  batcaui  à  vapeur  d'être  en  relations 
:  le  reste  du  monde.  Une  compagnie  anglaise,  subventionnée  par  le 

Cbeuiins  du  fer  brceîlicns  en  18113  : 

Lignes  ouierles  au  Irafic IHHW  kilomètres 

Réseau  cutiixdé  déliniliTeinenl  le  i"  juiivitu-  INlIô.  .    .  '29  119          » 

Codl  d'éUblissciiieDl  des  voies  ouvertes  m  U^c  ...  1  &35  OOU  UOU  francs. 


480  NOIVËLLE  GÉOGRAPHIE  UISIYEHSËLLE. 

gouvernement  brésilien,  dessert  régulièrement  toutes  les  escales  de  TÂma- 
zone  entre  la  cité  de  Belem  et  Iquitos,  dans  le  Pérou;  des  bateaux  qui  se 
rattachent  à  la  grande  ligne  remontent  les  rivières  de  la  région  du  caout- 
chouc, le  Jutahy,  le  Jurûa,  le  Purûs  et  son  affluent  TAquiri;  ils  visitent 
aussi  les  escales  des  quatre  grands  tributaires,  rio  Negro,Madeiniy  Tapajoz, 
Xingû,  et  pénètrent  dans  le  Tocantins  jusqu'aux  cataractes.  Dans  le  reste 
du  Brésil,  la  navigation  fluviale  n*a  ([u*une  moindre  importance  relative  : 
les  États  du  nord,  où  les  chaleurs  de  Tété  tarissent  souvent  les  eaux,  n'ont 
pas  de  fleuve  à  profondeur  constante,  et  les  États  orientaux  n'offrent  dans 
la  partie  inférieure  de  leurs  rivières,  limitée  en  amont  par  des  cas- 
cades, que  des  espaces  de  faible  longueur  :  le  plus  fort  courant,  le  rio  Sio 
Francisco,  n'a  pas  de  canal  qui  contourne  ses  catamctes  entre  le  bief  supé- 
rieur et  le  bief  d'aval.  Quant  aux  rivières  brésiliennes  du  bassin  paranien, 
elles  sont  découpées,  pour  ainsi  dire,  en  plusieui's  fragments  et  la  navi- 
gation doit  se  diviser  en  petites  lignes,  rattachées  les  unes  aux  autres  par 
des  routes  de  terre. 

Les  côtes  maritimes,  jadis  desservies  par  la  seule  navigation  à  voile, 
sont  frangées  sur  tout  leur  pourtour  par  des  lignes  de  bateaux  à  vapeur, 
([ui  bientôt  auront  remplacé  les  voiliers  du  littoral,  à  Texception  des 
embarcations  de  pêche  et  des  jangadas,  léguées  par  les  Tupis  aux  fils  des 
Africains.  On  compte  une  cinquantaine  de  petits  ports  où  abordent 
les  vapeurs  du  cabotage  régulier,  tandis  qu'une  douzaine  de  havres 
majeurs.  Para,  Sâo  Luiz  de  Maranhao,  Fortaleza,  Pernambuco,  Maceio, 
Bahia,  Victoria,  Rio,  Santos,  Paranagua,  Desterro,  Rio  Grande  do  Sul, 
reçoivent  les  paquebots  et  les  grands  pyroscaphes,  appartenant  aux  dix- 
sept  compagnies  étrangères,  anglaises  en  majorité,  qui  trafiquent  directe- 
ment avec  le  Brésil*.  D'après  une  loi  récente,  le  caboLige  n'est  plus  auto- 
risé que  pour  les  navires  à  pavillon  brésilien,  montés  par  un  équipage 
national  en  majorité.  Les  marins  étant  relativement  rares  parmi  les  Brési- 
liens natifs,  cette  loi  ne  pourrait  guère  s'appliquer  si  la  naturalisation  ne 
fournissait  incessamment  au  pays  les  matelots  dont  il  a  besoin'. 

En  temps  ordinaire,  dix   paquebots  par  semaine  mouillent  dans  les 

'  Muuveiuciit  de  la  nuvigatiun  dans  les  jx)rU  du  Brésil  en  18U0  : 

13  900  navires,  d'un  port  de  0  millions  de  tonnes. 

*  Flotte  commerciale  du  Brésil  en  1891  : 

588  navires  à  voiles,  jaugeant      8  555  tonnes. 
136       ))       à  vapeur.       »         81698       » 


Ensemble.    .    .      524  navires,  jaugeant  .    .    .      167  249  tonnes. 


:  I 


COMMUiMGATIOISS  POSTALES  ET  TÉLÉGRAPHIQUES. 


483 


ds  ports  brésiliens.  Onze  jours»  telle  est  la  durée'  moyenne  d'un 
ce  de  l'Europe  au  Brésil,  de  Lisbonne  à  Pernambuco  :  entre  les  côtes 
lus  rapprochées  des  deux  continents,  de  TAfrique  à  rAmérique,  des 


.V  lit.   —   voies   NAVIGABLES   DU  BRESIL. 


•Ouest  de  Paris 


C  Perron 


Grande  ntvi^tion 


Petite  navi^ion 


1  :  45000000 


I- 

u 


I 


lOOO  kil. 


aux  a  très  grande  vitesse,  comme  les  transatlantiques  de  New-York, 
rraient  accomplir  le  trajet  en  deux  jours  et  demu  Los  communica- 
s  télégraphiques  se  font  directement  de  Pernambuco  en  Europe  et 
États-Unis  par  des  câbles  sous-marins  :  un  fil  de  6000  kilomètres 
je  toute  la  côte  brésilienne,  de  Testuaire  amazonien  à  celui  de  la  Plata*. 

«ongueur  des  lignes  télégraphiques  au  Brésil  au  1''  janvier  1895  :  14  781  kilomùtres. 

Nombre  des  stations  :  235. 

Nombre  des  dépêches  télégraphiques  expédiées  en  1892  :  1  551  689,  dont  999  568  privées. 

fombré  des  lettres  expédiées  au  Brésil  en  1892  :  58  695  806,  soit  2,4  lettres  par  personm*. 


484  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Les  pro{i:rès  de  rinslniclion  publique  n'ont  pu  êire  i^apides  en  un  pays 
dont  les  Iravailleurs  étaient  encore  en  grande  majorité  esclaves  il  y  a  moins 
d'une  génération.  Cependant  quelques  écoles  et  des  collèges  avaient él^ 
fondés  par  les  missionnaires  jésuites  sous  le  régime  colonial,  et  pcndai^^ 
la  deuxième  moitié  du  dix-huitième  siècle  le  marquis  de  Pombal  avn*^ 
fait  ouvrir  des  établissements  «  royaux  »  d'instruction  publique;  loulefo^^ 
la  masse  de  la  population  restait  ignorante.  En  1834,  sept  années  après  ^^ 
promulgation  de  la  première  loi  relative  à  l'enseignement,  il  n'y  avait  dar"  ^^ 
toute  la  province  de  Rio  de  J.ineiro  que  trente  écoles,  avec  1369  élèvi^=ïs 
des  deux  sexes.  Les  proportions  ont  heureusement  changé;  cependant      "le 
manque  de  stiitistiques  scolaires  dans  la  plupart  des  Ëtats  témoigne  JHlu 
peu  d'empressement  qu'on  apporte  a  la  diffusion  de  l'enseignement,       ^{ 
celles  que  font  publier  les  assemblées  locales  dans  les  provinces  les  pl^aiis 
avancées  prouvent  qu'une  grande  partie  de  la  jeunesse  reste  encore  g='n 
dehors  des  écoles.  Lors   du  recensement  de  1872,  on  évalua  ceux  q    in 
savaient  lire  à  25  hommes  et  à  13  femmes  sur  100:  en  outre,  on  comptc^'^it 
1  nègre  sur  1000  connaissant  l'alphabet.  Vingt  ans  après,  on  estimait  q'v.ie 
plus  des  trois  quarts  de  la  population,  hommes  et  femmes,  blancs,  catho- 
des et  noirs,  ignoraient  encore  les  premiers  rudiments'.  En  laissant  ^e 
côté  les  enfants  en   bas  âge,  on  constate  que   le   nombre  des  BrésilicMis 
sachant  lire  n'égale  pas  encore  la  moitié  des  habitants.  Mais  de  nombre '■jl 
jeunes  gens  ont  fait  leur  propre  éducation.  Il  n'est  peut-être  pas  de  villes 
où  l'on  ne  rencontre  des  individus  ayant!  appris  sans  maîtres,  par  la  seu-lc 
lecture,    une  langue  étrangère  ou  même  quelque  profession  :   dans    lo-s 
Étals  du  centre,  Minas  Geraes,  Goyaz,  Malto  Grosso,  la  plupart  des  curtM^"^'^'' 
deiros  ou  «  guérisseurs  »,  souvent  très  heureux  dans  leurs  cures,  se  scz^"*^^ 
formés  tout  seuls,  par  l'élude  des  simples  et  des  livres.  Les  nègres,  cj;  "«-J^ 
Ton  dit  supérieurs  aux  blancs  pour  le  sentiment  musical,  se  groupent  ^-:^^^ 
milliers  dans  les  orphéons. 

Les  haut(^s  écoles  sont  entretenues  par  l'État,  à  l'exception  de  div^^^E?rs 
établissements  fondés  par  les  jésuites  à  l'écart  des  grandes  cités  :  telsci^-^^ —  ^^^ 
d'flû  dans  le  Sào  Paulo,  et  le  collège  de  Garaça  dans  les  Minas  Geraes*  ^ 


*  iNombre  présumé  des  écoles  au  Brésil  on  1893  :  8  000. 

Écoles  en  I88G  : 

G  IGI  écoles,  dont  5  151  publiques  et  i  010  particulières,  avec  274  914  élèves. 
G5  écoles  secondaires,  avec 9  482       » 


Total  :  G2'2i  écoles,  et,  soit  2  pour  100  de  la  [K>pulation 284  396  élèves. 

(Pires  de  Alnieida.  Instruction  publique  au  Bréml,) 


INSTRUCTION  PUBLIQUE  AU  BRÉSIL,  ÉGLISE.  485 

lupart  des  établissements  d'instruction  supérieure  se  trouvent  réunis  à 
io  :  Faculté  de  médecine,  École  de  pharmacie,  École  normale,  École  des 
eaux-arts.  Conservatoire  de  musique,  Lycée  des  arts  et  métiers,  École  de 
larine.  École  militaire.  École  supérieure  de  guerre,  mais  sans  former 
orps  d'Université.  Recife,  Bahia,  Sao  Paulo,  Ouro  Preto,  ont  aussi  leurs 
Aîoles  supérieures  de  médecine,  de  droit  ou  des  mines*.  Dans  toutes  ces 
autes  écoles  le  français  est,  pour  une  part  très  notable,  la  langue  de 
enseignement  :  dans  les  bibliothèques  publiques,  le  nombre  des  lecteurs 
ui  demandaient  des  ouvrages  français  dépassait  naguère  la  proportion  de 
eux  qui  prenaient  des  livres  portugais;  maintenant  la  langue  du  pays  a 
épris  la  prééminence,  sauf  dans  les  bibliothèques  des  Écoles  supérieures, 
il  les  neuf  dixièmes  des  œuvres  scientifiques  sont  en  langue  française. 

La  première  imprimerie  du  Brésil,  fondée  en  1744,  ne  dura  que  trois 
ns  :  elle  fut  détruite  par  ordre  du  gouvernement  central,  et  c'est  en  1808 
eulement  que  le  roi,  fugitif  du  Portugal,  apporta  une  presse  pour  publier 
es  décrets.  Les  journaux  eurent  grand'peine  à  vivre  jusqu'Ji  la  période 
le  l'indépendance,  et  l'histoire  de  leurs  premières  années  raconte  l'exil, 
'emprisonnement,  l'exécution  même  de  leurs  rédacteurs.  En  1828,  on 
omptait  déjà  31  journaux;  en  1876,  ils  étaient  au  nombre  de  271,  et  dix 
nnées  après  ils  avaient  plus  que  doublé*. 

L'Église  fut  autrefois  toute-puissante  au  Brésil.  L'Inquisition j  instituée 
n  1702,  poursuivit  les  hérétiques  avec  fureur;  cependant  l'hérésie  con- 
istait,  pour  la  plupart  des  accusés,  non  dans  la  profession  d'idées  hé- 
érodoxes,  mais  dans  le  fait  d'avoir  du  sang  juif  dans  les  veines^.  Après  la 
iéclaration  d'indépendance,  la  religion  catholique,  apostolique  et  romaine 
e  maintint  comme  culte  national,  et  tout  exercice  public  d'autres  céré- 
nonies  religieuses  fut  sévèrement  interdit.  La  révolution  qui  renversa 
'empire  sépara  aussi  l'Église  de  l'État,  tout  en  continuant  de  pc^ycr  les 
raitements  des  prêtres  en  fonctions.  Toutefois  il  y  eut  maints  conflits 
le  pouvoir,  et  même  en  1892  la  suppression  légale  des  crucifix  dans 
les  cours  de  justice  donna  lieu  a  de  violentes  démonstrations  contre  les 
libres  penseurs.  La  très  grande  majorité  de  la  population  se  réclame 
le  la  foi  catholique  romaine.  Dans  TÉtat  de  Rio  de  Janeiro,  moins  d'un 
entième  des  habitants  recensés  en  1892  ont  déclaré  appartenir  à  un  autre 
ulte  ou  ne  professer  aucune  religion.  Mais  l'indifférence  habituelle  en 

*  Écoles  supérieures  au  lirésil  :  2'». 
Nombre  des  élèves  en  1890  :  5  48.*». 

*  De  Rio  Branco,  dans  le  Brésil^  par  E.  Lovasseur. 
^  Adolphe  de  Varnhaffen,  Historin  qernl  do  lirazil. 


486  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

matière  religieuse  est  grande,  et  malgré  les  admonestations  tombées  de 
la  chaire,  la  franc-maçonnerie  acquiert  ses  adhérents  par  multitudes  dans 
toutes  les  cités.  Le  clergé  se  recrute  difficilement  parmi  les  nationaux, 
blancs  ou  noirs,  et  doit  se  compléter  chaque  année  par  des  prêtres  étran- 
gers, presque  tous  Italiens.  De  nombreux  ménages  se  dispensent  du  sacre- 
ment ou  de  la  cérémonie  civile.  Dans  le  Rio  de  Janeiro,  où  cependant 
les  unions  légales  sont  plus  en  honneur  qu'en  d'autres  États,  la  pro- 
portion des  naissances  en  dehors  du  mariage  s'élève  à  près  de  30  pour  100*. 
Par  la  remarquable  organisation  de  leurs  établissements  de  solidarité, 
les  Brésiliens  peuvent  être  donnés  en  exemple  aux  autres  peuples. 
Leurs  hôpitaux,  leurs  hospices,  ne  dépendent  point  de  l'État  :  ils  sont  dus 
à  Tassociation  libre.  Un  appel  constant,  adressé  au  «  nom  de  tous  nos 
frères  qui  souffrent  »,  produit  chaque  année  et  dans  chaque  ville  des 
ressources  suffisantes  pour  que  les  établissements  hospitaliers  soient 
amplement  pourvus.  Les  formes  des  irrnandades  ou  «  confréries  »  sont 
encore  religieuses,  et  dans  les  cérémonies  officielles  les  «  frères  »  se 
revêtent  de  la  cagoule;  mais  chaque  société  s'organise  à  son  gré,  et 
l'œuvre,  disposant  à  Rio  d'un  budget  de  plusieurs  millions,  reste  indé- 
pendante de  l'État  ou  de  l'Église. 


> 


XI 

GOUVERNEMENT    ET    ADMINISTRATION. 

Suivant  les  formules  habituelles  des  constitutions,  tous  les  Brésiliens 
sont  reconnus  égaux  devant  hi  loi  et  nul  ne  peut  être  obligé  à  faire  ou  a 
ne  pas  faire  quoi  (|uo  ce  soil,  sinon  en  vertu  du  code.  Le  droit  d'associa- 
tion, la  pleine  liberté  de  la  paiole  et  de  la  presse  sont  reconnus,  sauf 
en  cas  d'anonymat.  La  coiicspondanc^»  est  inviolable.  Chaque  citoyen  peut 
avoir  a(!cès  à  toute  profession.  La  Républicjue  ignore  les  anciens  privilèges 
de  noblesse,  su[)prime  tous  les  ordres  et  honneurs  institués  par  la  mo- 
narchie, abolit  tous  les  titres  nobiliaires;  néanmoins,  en  peu  de  contrées 
rencontre-t-on  plus  de  barons,  de  vicomtes  et  de  marquis,  sans  compter 
les  conseillei's  et  les  docteurs.  I/aiicien  légime  était  prodigue  de  blasons 
envers  les  amis  sincères,  plus  encore,  dit-on,  envers  les  advei'saires 
récouciliables,  et  depuis  la  chute  de  Tenipiie  les  uns  et  les  autres  ont 
^'^ai'dé,    sinon    ralléficauee  aux   [)i'inees  tombés,   du    moins  les  qualifica- 

*  .1.  I*.  F;«vill;i  Nimrs,  Rccc use (i ment n  dn  Kslndo  do  Rin  de  Janeiro. 


GOUVERNEMENT  BRÉSILIEN,  487 

lions  sonores  qu'ils  devaient  à  leur  faveur.  L'abolition  otiicielle  des  titres 
de  noblesse  se  complète  par  l'interdiction  aux  citoyens  de  se  laisser 
anoblir  ou  décorer  par  une  puissance  étrangère,  sous  peine  d'être  déchu 
des  droits  politiques. 

Sont  tenus  pour  citoyens,  avec  les  Brésiliens  natifs,  tous  les  fils  de 
Brésiliens  et  tous  les  fils  illégitimes  de  mères  brésiliennes,  nés  à  l'étranger, 
quand    ils  établissent  leur  domicile  sur  le  territoire  de  la  République,  ou 
bien   cjvand  ils  la  servent  dans  un  autre  pays.  En  outre,  les  étrangers  qui 
possèdent  des  immeubles  dans  la  contrée,  .ceux  qui  sont  mariés  à  des 
firesiliennes  ou  qui  ont  des  enfants  au  Brésil,  acquièrent  de  droit    la 
natioi:ïalité,  à  moins  qu'ils  ne  manifestent  formellement  l'intention  con- 
traire- Un  des  premiers  actes  de  la  révolution  fut  de  déclarer  Brésiliens 
tous       les  habitants  d'origine  étrangère  qui,  dans  l'espace  de  six  mois, 
^  ^*ii.*smient  pas  revendiqué  en  termes  précis   leur   nationalité  première. 
ti  ét^if;,  la  solution  du  conflit  qui,  à  propos  de  l'immigration,  avait  durant 
tant     <l'années  entre-heurté  les  partis  politiques.  Rien  n'était  plus  contra- 
'^*^^>iwe,  en  effet,  que  la  situation  faite  aux  étrangers  encore  après  le 
™*'*^madu  siècle  :  on  les  invitait  par  de  pressants  appels,  on  payait  leur 
^^y^S'c,  on  leur  donnait  des  lots  de  terre,  parfois  môme  on  leur  faisait 
^^     ^^^ tances  en  argent  et  en  cheptel,  mais  on  leur  refusait  la  citoyenneté 
ienne;  conviés  comme  l'espoir  du  pays,  ils  en  restaient  à  certains 
Is  les  parias*  :  avant  1863,  le  mariage  leur  était  interdit;  en  1881 
»^^       —11  n'avait  encore  siégé  dans  les  assemblées  provinciales,  môme  dans  le 
^^  Crande  do  Sul,  dont  ils  dirigeaient  le  commerce  et  l'industrie. 
^     électeurs  pour  les  législatures  de  chaque  État  et  pour  celles  de  la  Répu- 
^^que  sont  tous  les  citoyens  âgés  de  vingt  et  un  ans,  à  condition  toutefois 
^^'ils  ne  vivent  pas  de  mendicité,  qu'ils  sachent  lire  et  écrire,  et  n'cxer- 
^nt  pas   un   métier  incompatible  avec  la  liberté  d'opinion  :  ainsi  les 
^t:)Jdats  sont  privés  du  droit  de  vole,  à  l'exception  des  élèves  militaires 
^'enseignement  supérieur;  de  même  les  religieux  appartenant  à  des  com- 
munautés sujettes  au  vœu  d'obéissance  perdent  le  suffrage.   Tous  ceux 
C|ui  allèguent  un  motif  de  foi  pour  s'exempter  de  quelque  charge  imposée 
jiar  la  loi  aux   autres   citoyens   se  déclarent   par    cela  même    inaptes 
aux    droits   civiques.    Malgré  l'importance  capitale   que    la  constitution 
attache  à  l'exercice  du  suffrage,  origine    oHicielle  des  pouvoirs  publics, 
rhabitude  de  voter  n'entre  pas  dans  les  mœurs  :  l'abstention  des  comices 
est   presque   générale  ;    à    Rio  on   a    vu    quelcjnes   milliers    d'individus 

1  A.  d'EscragiioUe-Taunay,  .4  Nacionalisaçào, 


ê 


488  NOUVELLE  GKOliRAPHIK  UNIVERSELLE. 

prendre  part  au  vote,  tandis  que  près  de  cent  mille  élecieui's  auraient  pu 
se  presser  devant  les  urnes, 

La  République  fédéralive  a  été  proclamée,  et  cepend^uit,  par  une  bizarre 
inconséquence,  le  peuple  n'a  pas  été  consulté  pour  savoir  quels  devaient 
être  les  groupes  constituant  la  fédération.  On  se  borna  à  changer  les  noms 
des    circonscriptions   de  l'empire  :  de  provinces  elles  devinrent  États,  *  ^^  J 

quoique  les  divisions  soient  défectueuses  à  tous  égards  et  ne  correspondent  J  mm  - 

nullement  à  celles  qui  se  seraient  formées  par  la  volonté  spontanée  des  «*^:#J 

populations.  Sans  parler  de  l'Amazonie  et  du  Matto  Grosso,  qui  sont  en  jtk^i^ 

réalité  non  des  Etats,  mais  des  territoires  de  peuplement  futur,  Ténorme  ^ 

Bahia  a  pour  voisines  les  deux  anciennes  provinces  d'Alagdaset  de  Scrgipe, 
de  dimensions  sept  et  onze  fois  moins   considérables.  Autre  anomalie  :  = 

Minas  Geraes,  FÉtat  le  plus  populeux  de  la  République,  est  un  de  ceux  3 

qui  n'ont  pas  d'issue  naturelle  vers  l'Océan  ;  les  fleuves  qui  y  prennent  -^ 

naissance  sont  tous  interrom|ms  de  cataractes  séparant  le  cours  navigable  î>1^ 

d'en   haut  et  celui  d'en  bas,  dans  les  États   limitrophes,  D'ailleui's  on  ^* 

peut  supposer   que   les  frontières  interprovinciales,  encore  flottantes  en  ^* 

maints  endroits,  seront  modifiées.  Peut-être  même  de  nouveaux  groupes  ^^^ 

se  constitueront-ils  en  changeant  Técpiilibre  politique  actuel.  Mais  il  psirait 
étonnant  que  dans  une  nation  unie  par  le  lien  fédéral,  on  interroge  les 
anciennes  décisions  royales,  et  non  le  vœu  des  habitants,  pour  répartir 
les  populations  en  corps  distincts  et  autonomes. 

Chacun  des  vingt  États  a  ses  deux  chambres  et  son  président;  chacun 
édicté  des  lois  spéciales,  subordonnées  aux  principes  de  la  constitution  des 
États-Unis  du  Brésil.  Les  mines  et  les  terres  non  concédées  appartiennent 
a  la  nation,  excoplé  celles  qui  seraient  indis[)ensables  à  l'Union  pour  la 
défense  des  frontioivs  ou  la  construction  de  roules  stratégiques  et  de 
li^ioes  ferrées  d'inléivl  «iénérnl.  Deux  Etats  limitrophes  peuvent  conclure 
entre  eux  des  conventions  particulières  n'ayant  aucun  caractère  politique: 
mais  il  leui*  est  interdit  de  faire  la  guerre  contre^  d'autres  Étiits,  de  refuser 
la  monnaie  ou  le  papiei-nionnaie  i*eeonnu  par  l'Union,  de  repousser  les 
actes  lé<»islatifs,  administratifs  ou  judiciaires  [iroclamés  pour  l'ensemble 
dt;  la  Ué[)ul)li(jue.  Vis-à-vis  des  nations  étrangères,  les  vingt  États  n'en 
font  ([u'un  seul. 

\a\  Chanihi'e  des  députés,  cpii  s(^  l'éunit  actu(»llenient  à  Rio  de  Janeiro,  -^  ^    '' 

en  allendant  la  fondation  de  la  capitale  futui'e,  désignée  sur  les  plateaux 
(In  (lova/,  se  compose  de  rt*j)rés(Mitanls  du  [uuiple,  élus  au  nombre  d'au 
moins  (pialre  |)ar  chacun  des  |]lals  et  parle  inunicipe  ncuitre  de  la  Répu- 
hli(pie  :  soixante-dix   mille  liahilants,  tel    est  le  chilfre  de  la   populaticu 


f 


GOUVERNEMENT  BRÉSILIEN. 


48t) 


a 
IJ 


uel  correspond  un  élu  du  suHrage  populaire.  De  même  qu'aux  Élats- 

sde  rAmérique  du  Nord,  qui  ont  servi  de  modèle  aux  législateurs  des 

€s-Unis  du  Brésil,  la  Chambre  des  députés  correspond  numéricpiement 

force  respective  des  États,  mesurée  par  la  population,  tandis  que  le 

at  représente  les  Etats  comme  égaux  en  droit,  sans  égard  au  nombre 


M*   lis.    —   DIVISIONS   POLITIQUES   DU    BRKSII.. 


.70'       _ Ooest  de  Paria ^r_ 

^        \   ^\''  \l  G  U  Y  A  N  E  s  ^^^^^^pr^-'^^^.r^^E^h} 


Para 


r  0  s  s  0 


^•'    u  u-     '•  '.  Ce  a  raV'  _^ 

...M.r.nK,.^  .■fc.lV,,iÎMsrti 

Ptrnambuco/       -' 


t  lauhy 


B  a  K  i  a 


'.       M  i  n  a   3 
Gopa  c  ? 


''.  ^  3 .4  0  Fa  j  1 0     ' 


'^      z''  :.io  Grande     \x^~    ."~     '-.jîZr'  - 


l^M-:-">t  de  breenwicH 


-7  ^  :  Ju 


£j 


4r,' 


C.  Perron 


"TcrriLjircù  contestes 


■  •jr-r 


tûircs  fédérj,>y 


1       i5(XMM)<>U 


I- 
O 


1 

i  MKI    kll. 


^^^       habitants.  Ainsi  le   Sénat  se  compose  de  07)  membres,  soit  T)  pour 
'"^^juc  État  et  pour  le  muniripe  neutre.  Comme  dans  la  Ué|)ubli(|ue  du 


,  il  se  renouvelle  par  fractions.  Sa  durée  légale  étant  de  neuf  années, 
tiers  de  ce  corps  électif  achève  son  mandat  a|)rés  trois  ans  d'exercice  et 
^     ïiouveaux  élus  le  remplacent;  à  la  lin  de  la  sixième  année,  des  élections 
^^   lieu  pour  le  deuxième  tiers  des  sénateurs. 


I. 


\1X. 


Oti 


490  NOLVRLLË  GËOGRAPHIK  UNIVERSELLE. 

Quoique  le  présideut  et  le  vice-président  de  la  République  aient  élfe^^^ 
élevés  au  pouvoir  à  la  suite  d'une  révolution  de  caserne,  la  constitution^^Hi 
donne  aux  chefs  do  Texécutif  une  origine  élective  et  populaire.  Président:^  A 
et  vice-président  sont  nommés  au  sufl'rage  direct,  à  la  majorité  absolue^^  e 
des  voix;  si,  parmi  les  candidats,  nul  n'a  obtenu  la  majorité,  le  Congrè^^-— s 
décide.  Quatre  années  est  la  durée  iixée  pour  Texercice  du  pouvoir  prési — «- 
denliel,  qui  ne  peut  être  brigué  par  le  même  pei'sonnage  pour  le  term^^e 
suivant.  Le  présidiMit  désigne  et  renvoie  à  son  gré  les  ministres  d*Ëtat 
commando  Tarméo  de  terre  et  de  mer,  nomme  aux  charges  civiles  dépen- 
dantes de  la  fédération,  choisit  les  membres  du  tribunal  suprême,  le 
ambassadeurs  et  consuls,  déclare  la  guerre  et  conclut  la  paix.  II  approuv 
et  publie  les  lois  votées  par  le  Congrès,  mais  il  possède  le  droit  de  ve 
obligeant  ainsi  les  chambres  l\  discuter  les  questions  à  nouveau  et  à  1 


trancher,  non  a  la  simple  majorité,  mais  par  une  proportion  des  deiM  i 
tiers.  De  son  côté,  le  Sénat  possède  le  droit  presque  illusoire  de  juger  ■.  e 
président  de  la  République  sur  la  proposition  de  la  Chambre  des  député^^- 
En  fait,  celui-ci  est  armé  de  pouvoirs  monarchiques  bien  supérieurs  à  ceu^ 
que  s'arrogeait  le  souverain.  Le  corps  judiciaire,  qu'une  fiction  légaL 
considère  comme  égal  en  influence  au  pouvoir  législatif  et  au  pouvo 
exécutif,  se  trouve  on  réalité  entre  les  mains  de  celui  qui  en  nomme  1 
membres. 

Fait  curieux,  l'école  positiviste  d'Auguste  Comte  a  pris  une  part  consE: 
dorablo  dans  la  révolution  hrésilioiino  (jui  renversa  l'Empire.  La  doctri 
avait  fait  do  grands  [)n)gros,  surloul  dans  los  instituts  militaires,  ot  e'er- 
à  la  foivour  do  (|U(»l(|uos  positivistes  ongîigos  dans  le  mouvement  révoli 
tionnairo,  (|uo  doiviMit  olro  attriluios  phisioui's  doorots  promulgués  ponda 
h»s  pnunioros  semaines  do  la  ro[)ul)li(juo  :  séparation  do  l'Église  et  de  l'Éta 
institution  do  la  l\Mo  nationale  du   14  juillet,  coïncidant  avec  celle  de 
Franco,  adoption  dos  d(»visos  Ordre  et  Profjrès  sur  les  drapeaux,  Salut 
Fraternité  dans    les    conospondancos  oriicic^llos*.    Toutefois  cette   vaii 
liguration  no  change   rien  aux   uKours    p()liti(|uos.  La  constitution   broj 
lionno,  pour  avoii'  imite  |)ros(iuo  servilement  colle  des  États-Unis  du  Nor 
110  donnera   |)oiiit  aux  Hrosilions  ros])ril  anfilo-saxon  :  chaque  article  ( 
la  rharlo  s(Ma  iiilcrprélé  (ra|)ros  le   hkkIc  de  penser,  les  traditions,  1( 
UKours  (*t  |)a>sioiis  des  Porlu;:ais  sud-ainérioains. 

(Test  ainsi  (jue  los  pouvoir^  royaux  donnes  au  [)rosidonl  dos  Étals-lni 
ot  par  imitation  ;i  celui  du  Hrésil,  ont   ra|)ideniont  mené  le  ^ouvornoint 

'   Miguel  lA'tiios,  ApasIdUit  pftsilivislc  an  Ihi'sil. 


HaranhSo  et  k  Latliiri 
d'un  faible  toQuapi'. 

La  ga^re  du  Parajriuiy  a  cdiMi'  ;ni  Hivsil  un  miliianl  cl  di-ini,  winmi^^  •* 
qui  représente  i  pt'u  |iiî-s  It^  IoIrI  arliicl  ili-  1»  detlu  imlioimlc,  en  ralcubtii  «^^ 
la  monnaie  fiduciaire  liiésiliennc  au  t<iiix  du  change,  qui.  piir  sim  »vilis»«c — '^^'- 
œent  graduel,  a  diininué  do  plus  àt'  moitié  les  créances;  toutefois  le  ser — '^■■- 
nce  des  emprunts  cimlnicU^s  à  rélnuiger  esl  payiiblo  en  m-,  el  lo  DrésiK  m.  -il 
a  toujours  rempli  ses  eiiiiçapements  a»  lemps  voulu,  ({uoi([uc  son  hudpol» -^ej;! 
se  solde  d'ordinaire  en  dclicil'.  Lu  plus  forle  puil  dos  rerettes  hudgétairessrs-^}s 
provient  des  taxe^  de  la  douane,  i|ul  augmeulciit  do  110  pour  10(1  etwm  n 
mojenne  la  valeur  des  olijets  d'iinporlalion,  et  les  plus  fortes  dépense*^* -rs 

sont  consacrées  à  l'aiinéc  ul  à  la  flolU',  sanscomplcr  les  ressources  extraor -"- 

dînaires  employée»  en  dehors  dos  prévisions  du  budget*.  Pnr  suite  de  ln«^sin 
nouvelle  répartition  dos  impOls  douaniersS  dont  «ne  certaine  pari,  atlii —  m- 
buée  jadis  au  gouvernemenl  centml,    iipparlienl  utiiintonanl   aux  ËihI^^  a<. 
particuliers,  plusieui*»  de  ceux-ci   disposent  de  finances  tri>^  pritspi're^.  ■^^, 
On  peut  citer  eu  exemple  l'État  central  du  Brésil,  les  Minas  Gt^raes.  Ses-^s^l 
-recettes  ont  triplé  dans  les  vingt  dernières  années,  mais  les  déiKuses  n^  mu  1 
se  sont  point  accrues  dans  les  mêmes  proportiiins'.  Les  linances  de  l'ËLi  .^rsii 
de  Rio  de  Janeiro   présentaient  un  spectacle  analogue,  |iar  suite  de  h  M]3 
majoration  des  tarifs  douaniers'.  Même  des  Él«ls  presque  déserts  uni  d»    Mi 


*  Bndgel  de  l'année  t8tl^  ; 

Recettes  en  niilms 301  G64  000  ^,  ï  1  fr.  50  le  milreis  363  163  300  f 

Dépenses        u         333S4S000|f  u  n        389  703  400 

Déficit 21184  000  rf:.  à  1  fr.  501e  milreis    27  539  600  fni 

Dette  inliïrieui'c  au  31  décemlirc  1891     541  674  500  tf  u  u      704178  850    > 

Il    citérieurc  ii  736  337  500    i 

Ensemble 1  4405t4350fn«cr=»« 

*  Dépenses  militaires  en  1893  ; 

Guerre 64  551  059  milreis. 

Marine 53775029      » 

Ensemble 87  501  858  milreis. 

Soit,  à  1  fr.  30  le  milrcis,  115406289  francs. 
I  Revenu  des  douanes  en  1802  :  195  000  000  francs. 

*  Budget  .le  Itlal  de  Jllniis  : 

Recettes  itc  l'année  fisealc  1851-1852,srtilà3  fr.  »   lerailrcis.  .  303  708)?  OIHÎSta"* 

»  i>  1891-1892.     »     1  fr.SO  i>     .  .     19 199  890  d'      24960000  »«<- 

Dépenses  i,  „  i,         „  „  13776959  tf     17  906000  ^** 

Surplus  j,  „  Il  „  „  5  422  931  #       7  060  000  *   ** 

»  Receltes  de  l'année  fisealel8itl-1892,  16  358  437)  #,  à  1  fr.  30  lemïlreis.  24  537  649  (hncs»«^ 

Ilêpenses  ><  ,i  10091132^  i>  »  16036698       u 

Surplus  ,1  II  :.r.r.7  30i#        «  i.         8r>O0  95i     « 


i 


GOUVERNEMENT  BRÉSILIEN.  493 

un  accroissement  d'exi»ortations  des  rccclles  imprévues.  Ainsi  la  jilus- 
alue  des  perceptions  douanièi'es  de  l'Élal  d'Amazonas  s'est  élevée  à  plus 
ie  5  millions  de  milreis  en  1892,  el  le  trésor  de  Manaos,  loin  d'avoir  des 
nlérêU  de  dettes  à  payer,  possède  un  excédent  considénilde'.  D'autre 
«n,  certains  Étais,  tels  ipie  Goyaz,  Piauhy,  Parahyba,  Incapables  de 
ubvenir  à  leurs  dépenses,  ont  été  obligés  d'avoir  recours  au  Congrès 
our  des  subventions  nationales.  Pres(|uc  tous  demandent  une  partie  de 


DpMin  d«  Bouili 


urs  ressources  budgétaires  h  la  folie  du  jeu,  qui  hanle  la  plupart  dos 
résiliens  :  le  tirage  des  loteries  d'État  est  la  principale  préoccupation 
our  des  millions  d'hommes.  A  Rio  de  Janeiro  et  dans  les  autres  grandes 
Iles  des  kiosques  s'élèvent  à  cha([ue  coin  de  rue  pour  la  vente  des 
illets. 

La  plus  petite  division  du  territoire  a  gardé  sa  dénomination  religieuse  : 
'est  la  fretfuezia,  qui  a  pour  sons  originaire  «  réunion  des  fidèles  »: 
n  1887,  on  comptait  dans  tout  l'emjiire  1886  de  ces  paroisses,  quelqucs- 
ines  formant  un  simple  ipiartior  de  viilc,  d'autres  embrassant  un  lerri- 
oirc  immense  ;  en  moyenne,  ollos  occupent  une  superficie  de  4220  kilo- 
nètres  carrés,  los  deux  tiers  d'un  déparlomont  français.  Au  point  de  vue 


•  Budget  du  rÉtat  d'Amaionas  en  Wn  : 

Rptelle» fi  807  «60  m 

Dépenses 4  135  3-28 

EïrMenI SfiRi.'i.ï'i 


â  1  fr  50  le  milrris  »  849  958  (nncs. 
i>  I)        5  360  5-J6      » 

Il  II        31H9fi3l       i> 


NOUVELLE  GËOGRAPiKi;  UNIVERSELLE. 


^ 


religieux,  le  Brésil  se  divise  en  douze  diocèses,  deux  archevêchés,  Bahia.     eV 
Rio  de  Janeiro,  19  vicariats  généraux  et  253  comarcas  ecclésiastiques.  -A.M 
point  de  vue  civil,  une  ou  plusieurs  freguezias  sont  groupées  en  tetwm.^i 
qui  correspondent  pour  la  plupart  aux  municipio$;  cependant  guelg»  "a.^r 
termos  se  divisent  en  «  municipes  »,  le  corps  politique  correspondanL  u 

mieux,  malgré  son  étendue  considérable,  à  la  «  commune  »  français  .^aj^ 
Dans  les  statistiques  brésiliennes,  la  population  s'énumère  par  municif^^^ç,^ 


D.,«=t  d=   Par,3  44-  1 

l  ixA  I       / 

^  -L     y    .     -Sespibiio  santo  Isi-I 


^  \  ^  ■llfv.Kliii^     ^ 


Chef  lieu  de  pmnicTjn 


Cheriioudcdwtriel 


et  la  plupart  des  ouvrages  géographiques  mentionnent  les  villes  avecs-  _ 
nombre  d'habitants  compris  dans  l'espncc  de  plusieurs  milliers  de  ^^* 
mètres  carrés.  La  population  agglomérée  dans  la  localité  centrale,  (^tf 
lifiée  de  «  cité  »  {cidade)  ou  de  «  ville  »  (villa),  ne  repi-ésente  souvent  ■*? 
le  dixième  du  chilTie  indiqué,  ou  moins  encore.  En  1887  on  comptai"*- 
Brésil  910  municipcs,  soit  258  cités  et  652  villes.  Le  groupement  ** 
municipes  constitue  la  comarca. 

Les  ÉtiUs  se  groupent  diversement  pour  l'administration  militaire      '^ 
navale.  Pour  le  commerce,  le  Brésil  se  partage  en  cinq  préfectures  ;  d^**' 


GOUVERNEMENT  BRÉSILIEN. 


495 


Linazonas  et  Matio  Grosso,  et  trois  maritimes,  du  nord,  du  centre 


eau  suivant  donne  la  liste  des  États,  avec  leur  superficie 
tive,  leur  population  recensée  à  l'époque  la  plus  récente,  évaluée 
3t  leurs  chefs-lieux. 


ETATS. 


Amazonas 

'<Parâ 

.jGojaz  

HaranhSo 

Piauhy 

iCearâ 

alc.<Rio  Grande  do  Norte. 

IParahyba 

Pernambuco.  .    .    . 

\AIagôas 

[  Minas  Geraes. .    .    . 

0  etiBahia 

ital.jScrgipe 

[Espirito  Santo.  .  . 
Rio  de  Janeiro.  .    . 


'ij 


Sul. 


District  fédéral . . 

(Sâo  Paulo 

.jparanà 

Santa  Catharina  .    . 

Rio  Grande  do  Sul. 

Matto  Grosso .... 


w 


1  720  000 
1  070  000 
747  511 
459  884 
301  797 
104  250 

57  485 
74  751 

128  595 

58  491 
574  855 
426  427 

59  090 
44  859 
68  928 

1594 

290  876 

221  519 

74  156 

256  555 

I  590  000 


51  S 


P  o  «  g 

s 

ï^  s  >  s* 


8  090  781 


80  654 (88) 
407  550  » 
211721  )) 
488  445  » 
266  955  )) 
952  625  )) 
508  852  » 
496  618  » 

1110  851  » 
459  571  )) 

5  018  804  )) 

1  870  099  (90) 
252  640  (88) 
121562  )) 

1055  817(92) 
515  559(90) 

1  506  272  (88) 
500  891  (90) 
256  546  (88) 
965  951  )) 
79  750  » 


14485060 


2 


90  000 
450  000 
250  000 
500  000 
500  000 
1  000  000 
520  000 
500  000 

1  150  000 
550  000 

5  200  000 

2  000  000 
570  000 
200  000 

1  500  000 
550  000 

1  500  000 
520  000 
250  000 

1  050  000 
100  000 


15  950  000 


Ë  B 

ad  S 


CHEFS-LIEUX. 


0,05 
0,4 

0,55 

1 
1 

10 
5,6 
6,8 
9 

9,5 
5,2 
4,7 
9,5 
4,4 
52 
595 
5,2 
1,45 
5,5 

4,1 


Manaos. 

Para. 

Govaz. 

Sâo  Luiz. 

Therezina. 

Fortaleza. 

Natal. 

Parahyba. 

Recife. 

Maceiô. 

Ouro  Preto. 

Uahia. 

Aracajû. 

Victoria. 

Nictherov. 

Rio  de  Janeiro 

Sâo  Paulo. 

Curitibâ. 

Desterro. 

Porto  Alegrc. 

Cuvabâ. 


1,98 


r 


CHAPITRE  111 


PARAGUAY 


I 

Parmi  les  ÉLnls  de  rAmérique  méridionale,  très  inégalement  distribués, 
la  Bolivie  et  le  Paraguay  restent  séparés  de  'la  mer.  A  bien  des  égaixls, 
ces  deux  républiques  hispano-américaines  contrastent  fortement  :  Tune 
occupe  le  sommet  d'un  plateau  de  4000  mètres  et  les  versants  de  mon- 
tagnes abruptes,  tandis  que  l'autre,  située  entre  deux  larges  fleuves,  est 
une  région  de  plaines  et  de  basses  collines:  mais  les  deux  contrées  se 
ressemblent  par  leur  développement  historique.  De  part   et  d'autre,   la 
nalion  se  constitua  isolément,  en  Bolivie  dans  les  îles  et  sur  les  rivages 
du  lac  Titicaca,  au  Paraguay  dans  les  clairières  de  la  grande  foret  sub- 
tropicale; les  populations  se  groupèrent  comme  se  développe  la   chair 
fj'un   fruit  autour  du  noyau.  Ainsi  l'on  s'explique   pourquoi   la  Bolivie 
perdit  le  lambeau  de  terre  que  ses  voisines  de  la  côte  du  Pacifique  lui 
avaient  d'abord  laissé  sur  le  versant  océanique  des  Andes  :  ce  territoire 
n'était  qu'une  sorte  d'appendice  accordé  au  pays  par  une  pure  conven- 
tion ;  une  autre  convention  l'en  a  privé.  Quant  au  Paraguay,  il  reste  entouré 
de  ses  forêts,  les  populations  du  littoral  ayant  '  gravité  autour  d'autres 
centres  d'attraction. 

Après  le  caractère  des  indigènes,  l'élément  principal  dans  l'histoire  du 
Paraguay  fut  la  domination  des  Jésuites,  bien  qu'ils  aient  été  maîtres 
absolus  seulement  dans  la  partie  méridionale  de  la  contrée.  Leur  rêve 
d'empire  universel  ne  pouvait  être  qu'une  utopie  dans  l'Ancien  Monde, 
où  ils  se  trouvaient  en  lutte  avec  un  esprit  de  renouveau  tout  difierent 
de  leur  idéal.  Cependant  ils  ne  désespérèrent  pas  de  triompher,  et  l'on 
sait  combien  grande  fut  leur  influence  dans  les  destinées  de  l'Europe  ; 

XIX.  65 


0 


498  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

plus  d'une  fois  ils  purent  croire  qu'ils  étaient  à  la  veille  de  conquéii 
le  gouvernement  des  nations,  et  qu'ils  pourraient  dresser  rhumanit^^ 
conformément  à  la  discipline  qu'ils  avaient  imaginée.  Ne  réussissant  pa — 
dans  les  pays  qu'agitait  le  ferment  de  la  pensée  libre,  ils  voulurent  pétri     — ^^ 
k  leur  gré  au  moins  les  dociles  sauvages  de  l'Amérique  méridionale  e*  V 

constituer  là-bas,  loin  des  regards  jaloux  d'une  société  pervertie,  ui 
monde  nouveau,  obéissant  placidement  à  la  règle  qu'ils  apportaient.  Leu: 
plan  embrassait  le  continent.  Postés  d'abord  sur  la  lisière  du  plateai 
brésilien,  dans  leur  collège  de  Sâo  Paulo,  ils  firent  peu  à  peu,  par  d»^  e 

nombreux   missionnaires    recrutés    en  toutes  nations,  la  conquête  de  :^s 

immenses  contrées  de  l'intérieur,  jusqu'au  pied  des  Andes  et  à  l'entré  ^=^  ^ 
des  plaines  amazoniennes.  Mais  ils  n'étaient  pas  venus  seuls  sur  ces  terre  ^  s 
nouvelles  et  bientôt  ils  se  trouvèrent  gênés  par  des  voisins  laïques.  Lf  ^ 

aventuriers    portugais,  débarqués  avant  eux,  avaient  une  autre  ambitio 
que  de  créer  un    empire  modèle,   et   ne   songeaient  qu'à  s'enrichir  e 
capturant  des  esclaves  ou  en  ramassant  de  l'or.  De  là  d'incessants  coi 
flits,  et  les  Jésuites  furent  graduellement    refoulés  dans   la    partie  A 
continent  dont  la  république  du  Paraguay  occupe  le  milieu.  Ils  y  séjoui 
nèrent  longtemps  et   trouvèrent  enfin  les  sujets  pieux  et  dociles  doi 
l'existence  se  réglait  au  son  des  cloches  :  le  peuple  entier  "était  devenu 
troupeau  de  fidèles  égrenant  le  rosaire  et  s'agenouillant  devant  Taute? 
Mais  l'esprit  moderne  continuait  de  les  poursuivre  et  il  leur  fallut  abai 
donner  ces  Missions  du  Paraguay,  comme  ils  avaient  dû  s'enfuir  de  cell 
de    Guayra.    Toutefois    leur   empreinte    resta   sur    la    population    qu'i 
avaient  assouplie,  même  sur  les  habitants  du  pays  restés  en  dehors 
leur  domination.  En  constituant  ces  communautés  fermées,  sans  rappoi 
avec  le  monde  profane,  ils  avaient  par  cela  même  préparé  l'inévital 
conflit.  Une  fraction  de  l'humanité  ne  peut  se  maintenir  distincte  d- 
autres  hommes,  et  plus  est  considérable  l'écart  produit  par  l'éducatii 
et  les  mœurs,    phis   le   choc  devient   inévitable.    Souvent    des   sociél 
religieuses  ont  voulu  se  fonder  à  part  du  monde  ambiant  et  toutes  (^ 
violemment  péri.  Un  exemple  récent  est  celui  des  Mormons  de  VAirm^ 
rique  du  Nord,  qui  fuyaient  de  solitude  en  solitude  devant  l'envahissem&J^*'^ 
des  colons  du  «  Grand  Ouest  ».  A  la  fin  ils  s'étaient  établis  dans  un  bassfl^^ 
fermé  de  hautes  montagnes  et  défendu  par  des  terres  salines,  d'âpr^^^^ 
défilés,  des  ravins  sans  eau.  Les  «  Saints  des  derniers  jours  »  avaien^^» 
eux  aussi,  créé  ce  monde  parfait  de  leur  rêve,  modèle  de  la  Jérusaleiw^ 
céleste,  lorsque  les  «  Gentils  »,  acharnés  à  la  poursuite,  vinrent  déchire 
leurs  lois  et  profaner  leurs  temples. 


HISTOIRE  DU  PARAGUAY.  499 

Même  après  Texpulsion  des  Jésuites,  la  colonie  espagnole  du  Pai*aguay 
2  maintint  à  l'écart  du  gouvernement  de  Buenos  Aires,  dont  elle  était 
ne  dépendance  officielle,  et  lorsque  les  provinces  hispano-américaines 
î  détachèrent  de  la  mère  patrie,  la  ville  d'Asunsion,  qui  s'était  révoltée 
;olément  en  1811,  refusa  de  se  grouper  avec  les  autres  provinces  pla- 
^ennes  sous  l'hégémonie  de  son  ancienne  capitale.  Bien  plus,  après 
oelques  années  d'agitation,  pendant  lesquelles  l'indépendance  conquise 
ar  la  nouvelle  République  ne  fut  point  menacée,  le  Paraguay  se  soumit 

la  dictature  d'un  maître  qui  parvint  à  fermer  son  pays  aussi  herméti- 
uement  que  la  Chine  et  le  Japon,  alors  interdits  à  l'entrée  des  «  diables 
ccidentaux  ».  Ce  maître,  Caspar  Francia,  réussit  dans  son  entreprise  et 
endant  vingt-six  années,  de  1814  à  1840,  le  Paraguay  fut  un  pays  inabor- 
able.  Cet  homme  étrange.  Français  par  son  père*,  par  sa  mère  métis 
réole,  théologien  et  juriste  par  ses  études,  prenant  Robespierre  pour 
lodèle,  ne  se  laissa  pas  détourner  un  seul  jour  de  la  ligne  de  con- 
uite  qu'il  s'était  tracée  :  patriote  ardent,  mais  d'un  patriotisme 
xclusif,  il  fit  du  Paraguay  un  monde  à  part  ;  il  voulait  que  son  peuple 
§cût  en  paix,  et  progressât  matériellement  dans  l'ignorance  absolue  des 
évolutions  étrangères;  malgré  son  vif  désir  de  voir  les  communautés 
ispano-américaines  s'affranchir  de  la  domination  espagnole,  il  ne  permit 
is  à  un  seul  Paraguayen  d'aller  prendre  part  à  la  guerre  d'émanci- 
ilion  et  refusa  d'envoyer  des  mandataires  aux  divers  congrès  qui  se 
unirent  pendant  les  quinze  années  de  luttes.  D'un  désintéressement 
tsolu,  il  n'avait  souci  que  d'accroître  la  fortune  publique  et  constitua  un 
onopole  strict  pour  la  vente  des  bois,  du  maté  et  de  toutes  les  denrées  ; 

grand  que  fût  son  amour  du  pouvoir,  il  dédaignait  d'en  tirer  orgueil 
ir  des  relations  et  des  échanges  de  civilités  avec  les  puissances  étran- 
îres  :   il  lui  convenait  de  rester  ignoré  de  tous.  Il  rompit  même  avec 

Saint-Siège,  se  déclara  le  chef  de  l'Église  paraguayenne,  abolit  ce  qui 
tstait  du  tribunal  de  l'Inquisition,  supprima  les  quatre  monastères  qui 
listaient  encore,  modifia  à  son  gré  la  hiérarchie  religieuse,  même  le 
tuel  du  culte,  et  nomma  les  desser\ants  des  paroisses  :  adversaire  des 
îsuites,  mais  leur  continuateur  en  politique,  il  était  dictateur  à  la  fois 
1  temporel  et  au  spirituel,  et  jamais  souverain  ne  fut  mieux  obéi.  Telle 
ait  la  frayeur,  mêlée  d'admiration  et  de  respect,  qu'inspirait  le  vieillard 
ilitaire,  sans  amour  et  sans  amitié,  dont  ce  l'oreille  ét^ut  dans  cha(|ue 
lur  »,  que  nul  Paraguayen  ne  se  serait  permis  de  prononcer  son  nom, 

*  Rengger  et  Longcbamp,  Emoà  historique  sur  la  révolution  au  Paraguay. 


I 

i 


.M>t1VELI.K  GËllCKAPHIE  (JMVERSELI.I':. 

On  m-  l'apiieliiit  (jiie  el  Sttpremo,  ou  iin^ine,  comme  s'il  eût  clé  immortel, 
el  Perpctm.  Après  sa  inurl.  on  le  di^signa  comme  cl  Difunlo,  k'  «  Défunt  » 
par  excellence,  et  pendant  longtemps  on  n'osa  s'entretenir  lilircnienl  Au 
personnage  niiguste  :  en  le  iiienlionniinl,  c;li.'iriin  rclonrnail  ta  tète,  de 
peur  (ju'un  a|;enl  secret  ne  filt  encore  là,  guettant  les  jinipos. 

A  ce  dictateur  en  succédèrent  d'autres  :  le  premier  Lojieï  el  son  ûh 
Francisco  Solimo.  Mhïn  les  circonstances  avaient  chiiiigé.  L-i  pii]mi.ition 
s'était  accrue  avec  une  rapidité  dont  aucun  autre  j>ays  ne  donnait  - 
l'exemple;  de  l'autre  côté  du  Paninii,  les  deux  provinces  mésopota- 
mienncs  de  l'Argentine,  leCorrienles  el  l'Entre-llios.  s'étaient  peuplées» 
et  comme  territoires  de  colonisation  étaient  en  rapports  directs  avec  Im 
civilisation  européenne.  Il  devenait  im|>ossihlc  uux  Ëtuts  limitrophes,  Pnrn— 
yuay  et  Argentine,  de  ne  pas  se  mettre  en  contact,  soit  par  le  comnierciï 
pcifiipie  et,  l'échange  des  idées,  soit  par  les  violences  de  la  gueri-e. 
Paraguay  ne  pouvait  rester  dans  son  isolement  primitif  :  il  lui  fallnit  ur 
débouché  vers  la  mer,  accjuis  par  une  libre  entente  avec  la  mésopotamîi 
Argentine,  ou  par  la  confjuète.  Allié  avec  t'I'ruguay,  ijui,  pris  eoti 
la  répu!)lii|ue  plittéenne  et  le  Brésil,  avait  des  intért'ts  identiques,  li 
président  du  l'aniguay  se  crut  assez  fort  pour  entrer  en  lutte  avec  h 
deux  puissants  Ëtats  de  l'Amérique  méndiunate.  Il  avait  l'uvance  sui 
ses  adversaires,  grâce  à  une  armée  bien  organisée,  à  des  arsenau; 
remplis,  à  des  finances  libres  de  toute  dette,  et,  pour  aller  au  secoui 

de  rUiniguay  menacé,  il  envahit  les  lerritoir-es  du  Brésil  et  de  la  repu 

blique  Argentine.  Mais  il  n'eut  point  le  temps  d'arriver  jusqu'à  la  mer  c  ' 
de  porter  aide  aux  Uruguayens;  ceux-ci  même,  à  la  suite  d'une  révoluliom 
intestine,  changèrent  d'alliance,  et  leurs  troupes,  unies  ans  Brésilien?^ 
et  aux  Argentins,  se  portèrent  à  la  rencontre  de  l'armée  panTguayenn^ 
d'invasion.  Le  siège  de  la  petite  République,  que  les  fleuves  Paraguay  er  -^ 
Paranâ  défendaient  comme  un  fossé  de  circonvallation,  dura  plus  de  cinO 
années;  pendant  cette  guerre  terrible,  le  Paraguay  sacrifia  tous  ses  homme^^ 
valides;  de  retranchement  en  retranchement,  d'Humaïta  à  l'Aquidaban. 
l'armée,  sans  cesse  réduite  en  nombre,  mais  animée  d'un  patriotisai^ 
dont  le  monde  moderne  n'offre  aucun  autre  exemple,  résistait  aux  forces' 
supérieures,  puis,  battant  en  retraite  vers  un  nouveau  poste  de  défense  ^ 
bravait  encore  ses  advei'saires.  Sur  les  champs  de  bataille,  les  Ai^entin?  ■ 
ou  Brésiliens  vainqueurs  ne  trouvaient  guère  de  cadavres.  Les  survivante:  - 
tàchaieni  de  les  enlever,  et  nombi'c  de  combattants  avaient  soin  de  s'at- 
tacher par  le  milieu  du  coi'ps  à  un  luzo  el  d'en  fixer  l'autre  extrémité  ^ 
l'ai'c.uui  de  la    selle  :  s'ils  tonibaicnl   morts   lui  grièvement  blessés,  leu  ^ 


/ 


=  I 

:i 


HISTOIRE,  FRONTIÈRES  DU  PARAGUAY.  503 

les  ramenait  auprès  des  leurs,  fût-ce  en  lambeaux,  «  précaution 
he,  mais  non  sans  grandeur*  ».  Les  blessés  prisonniers  arrachaient 
bandages;  les  vaincus  cherchaient  à  mourir;  la  nation  tout  entière 

tomber  comme  étaient  tombées  Numance  et  Saragosse*. 

fin,  la  nation  virile  tout  entière  avait  presque  disparu  par  la  guerre, 
1,  le  choléra  :  il  ne  restait  plus  que  des  invalides,  des  infirmes, 
fants  et  des  femmes.  Réduits  à  une  simple  bande  armée,  les  Para- 
is, acculés  dans  un  ravin  des  montagnes,  succombèrent  avec  le 
mr  en  un  dernier  combat.  Depuis  des  siècles,  qui  ont  vu  pourtant 
îflrayants  carnages,  l'humanité  n'avait  pas  souffert  d'une  lutte  aussi 
lée,    d'une   destruction  aussi  atroce.  L'isolement   dans  lequel   la 

paraguayenne  était  maintenue  depuis  ses  origines  et  l'éducation 
:ive  de  soumission  absolue  qu'elle  avait  reçue  de  ses  maîtres  spiri- 
et  temporels,  telles  furent  les  causes  premières  de  l'écrasement  de 
pie,  l'un  des  meilleurs  et  des  plus  doux  qui  aient  vécu, 
frontières  actuelles  du  Paraguay  ont  été  dictées  par  les  vainqueurs, 
rtie  orientale,  qui  constitue  le  Paraguay  proprement  dit,  est  stricte- 
limitée  entre  des  bornes  naturelles.  La  rivière  Apa,  aux  claires  eaux 
it  sur  des  bancs  de  roches  blanches,  sépare  la  République  hispano- 
li  de  l'État  brésilien  du  Matto  Grosso  :  c'est  le  cours  d'eau  que  les 
iens  avaient  constamment  revendiqué  comme  frontière  avant  la 
î.  Aux  sources  de  cette  rivière,  la  chaîne  faîtière  d'entre  Paraguay  et 
î,  orientée  à  peu  près  dans  la  direction  du  nord  au  sud,  forme  la 
le  partage  entre  les  deux  États  jusqu'au  chaînon  latéral  de  Maracajû, 

rejoindre  directement  à  l'est  la  vallée  du  Paranâ.  Tout  le  cours  infé- 
de  ce  fleuve,  dans  sa  grande  courbe  jusqu'au  confluent  du  Paraguay, 
e  limite  à  la  République  sur  ses  deux  côtés  de  l'est  et  du  sud.  Sur  la 
occidentale  du  Paraguay,  les  solitudes  du  Chaco  étaient  réclamées 
Lier  par  l'Argentine,  qui,  ayant  enlevé  à  l'État  vaincu  tout  le  terri- 
des  Missions  cisparaniennes,  voulait  lui  arracher  aussi  les  étendues 
aguayennes  du  désert.  Toutefois  le  Brésil,  dont  l'intérêt  évident 

protéger  le  Paraguay,  en  le  maintenant  sous  sa  dépendance,  et  de 
ervir  comme  d'un  tampon  pour  se  défendre  contre  un  envahissant 
,  ne  favorisa  point  l'Argentine  dans  ses  revendications,  et  le  gou- 
Tient  des  États-Unis  du  Nord,  choisi  comme  arbitre,  se  prononça  en 
•  du  Paraguay.  La  rivière  Pilcomayo  devint  la  ligne  de  séparation 


d'EscragnoUe-Taunay,  la  Retraite  de  Laguna, 

Gifford  Palgrave,  Ulysses  or  Scènes  and  Stndies  in  Many  Lands, 


ê 


51U  NOrVELLE  CÈOGRArniE  TSIVERSELIE. 

el  tiiiil    II'  li'iriUnn-  (i'rrilcft-flru'vcs.  ili-  la  droite  du   Panifîiiav  h   la  ri 
gauelii!  du  Parnoil.  fut  dtîclaré  domaine  paniguaycn.  Celte  addition     ^^i* 
territoire  a  valu  au  Paraguay  de  ne  [)as  être  la  plus  [lelild  n^publi^iie       ^^ 

il      I  ^|TlTljtt'tfî    J>t1     Al&nrliiA      enw*     1*1  Ti-timiiii'      nh.  ^^1 


rAmérique  méridionale  ; 


lui  rosto  Irî'S  inférieur  en  populatinn  ii 


nporte  en  étendue   sur  l'Urupiay, 


n^ 


neri  qu  en  imporlanee  •"'^^^ 


««î, 


mercialc*.  Du  reste,  l'un  el  l'autœ  ne  vivent  que  grâce  à  la  rivalité  jaloi 
du  Brésil  et  de  l'Argentine.  Le  Paraguay  surtout  serait  actuellement  à 
merci  des  gouvernements  de  Rio  ou  de  Buenos  Aires  s'ils  s'enlendaii 
pour  le  partage,  La  région  peuplée  du  Paraguay  ne  forme  qu'une  étroi 
enclave  au  bord  du  fleuve  entre  le  désert  et  la  forêt.  Considérée  cornu 
ceiili-e,  Asuncion  s'entoure  d'un  groupe  semi-ovalaire  de  cultures,  d'ui 
superficie  d'euviion  5000  kilomètres  carrés  :  c'est  là  tout  le  vrai  Par 


<  Su|H'i'firio  cl  |Ni|>iiLition  probabk  du  PumguaT  en  1KÏ>5  : 

2rilHI00  kjl.  carn-t:;  ;)5IHHin  Imliilants ;  3,5  hab.  par  kil.  c. 


FRONTIÈRES,  EXPLORATION  DU  PARAGUAY.  505 

lusty  -  Une  bourgade  et  quelques  clairières  habitées,  tels  sont  les  seules 
rsiœs  de  Thomme  sur  les  bords  du  Paranà.  Et  cette  étroite  contrée 
e  jouit  que  d'une  indépendance  fictive  :  en  cas  de  conflit,  comment 
ourrait-elle  se  redresser  en  face  des  vainqueurs? 

les  premiers  temps  de  l'occupation  espagnole,  le  Paraguay  avait 

les  explorateurs,  et   même  la  ville   d'Asuncion    fut  fondée  anté- 

liment  à  l'occupation  déflnitive  de  Buenos  Aires  :  les  conquérants 

^tallaient  au  centre  même  du  continent.   La    colonie  paraguayenne 

déjà  constituée  en  1556,  sous  Juan  de  Ayolas,  et  presque  tout  l'espace 

pé  actuellement  par  la   république   Argentine,  Tucuman,  Côrdoba, 

Aires,   était    gouverné   par   Asuncion.   On  reconnut  d'abord  la 

s^xnure  navigable  des  fleuves  jusque  dans  la  région  brésilienne  dite  Matto 

et  l'on  rattacha  le  fleuve  aux  vallées  des  Andes  par  des  itiné- 

frayés  dans  les  plaines  de  la   Bolivie.  Mais,  outre  les  noms  des 

filtrées   parcourues   et   les    renseignements  les  plus  généraux   sur  le 

-lief  du  pays,  l'Espagne  ne  communiqua  rien  h  l'Europe  au  sujet  de  ses 

^ss^ssions  centrales  du  continent  :  tout  ce  que  l'on  eu  sut  vint  des  mis- 

^**ïii aires  franciscains  et  jésuites  qui  vivaient  au  milieu  des  Indiens.  La 

^•'"•iï^e  du  pays  ne  fut  révélée  qu'à  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  grâce  aux 

^I^lorations  d'Azara,  qui  pendant  vingt  années  parcourut  le  bassin  de  la 

et  ses  divers  affluents  :  il  fut  pour  la  partie  méridionale  de  l'Amé- 

du  sud  ce  que  Humboldt  devait  être  quelques  années  plus  tard  dans 

*^^.ssin  de  l'Orénoque,  l'initiateur  des  études  scientifiques.  Vers  1821, 

^^^^é  Bonpland,  enlevé  par  les  soldats  du  docteur  Francia,  fut  obligé  bien 

^^\gré  lui  de  continuer  dans  l'intérieur  pendant  neuf  années  ses  recherches 

'^^^niques,  complétées  depuis  la  guerre  par  Balansa.  Bengger  et  Long- 

^^^mp  firent  aussi  un  séjour  forcé  de  plusieurs  années  dans  le  Paraguay 

^^  en  profitèrent  pour  étudier  le  pays.  Plus  tard,  des  marins  et  quelques 

^plomates  reçurent  l'autorisation  de  remonter  ou  de  descendre  le  cours 

du  Paraguay  et  publièrent  le  résultat  de  leurs  explorations. 

Leverger,  Français  devenu  Brésilien  sous  le  nom  de  baron  de  Melgaço, 
commença  d'étudier  le  fleuve  en  1846  et  en  dressa  les  cartes,  de  la  région 
des  sources  jusqu'à  son  confluent  avec  le  Parana.  En  1853,  le  gouverne- 
ment des  États-Unis  obtint  aussi  que  le  Paraguay  fût  ouvert  à  un  de  ses 
navires,  et  le  Water  Witchy  commandé  par  Thomas  Page,  pénétra  dans  le 
fleuve  et  dans  ses  affluents  du  Chaco,  le  Bermejo,  le  Pilcomayo,  TOtuquis. 
Six  années  plus  tard.  Mouchez  remontait  aussi  le  Paraguay,  continuant  son 
grand  voyage  de  circumnavigation  autour  de  la  partie  orientale  du  con- 
tinent. Mais  le  problème  capital,  celui  de  savoir  si  les  comnmnications 


:m)6 


NOLVELLE  GËOGRAPIIIE  UNIVERSl^LE. 


fluviale>  piir  le  IMIcomayo  étaient  possiltles  cnti*e  la  Bolivie  et  le  Paragimu^\ 
i-e>tait  encore  :i  résoudre,  et  maintenant  encore  il  n'est  qu'à  demi  résolui. 
On  sait  que  le  voyage  peut  se  Taire,  mais  au  prix  de  grandes  difTieult^^^    et 
de  dangei's.  Aucune  des  très  nombreuses  entreprises  tentées  pour  l'eiph 
tion  du  Pilcomayo  n*a  pleinement  réussi,  mais  elles  suflisent  à  prouv< 
qui^  cet  affluent  du  Paraguay  ne  peut  servir,  ssms  travaux  de  cori'ectio*!, 
à  Faciliter  les  communications  entre  le  pied  des  Andes  et  Testuaire 
la  Plata.  Toutefois  les  rapports  de  peuple  h  peuple  ne  manqueront  pas 
devenir  tivs  faciles  à  travers  ces  plaines  basses,  grâce  aux  progrès  qui 
font  il  la  fois  de   tmis  côtés,  en  Bolivie  par  le  peuplement  des  haut 
vallées,  dans  TAi^gentine  par  la  mise  en  culture  des  plaines  du  Chaco, 
Paraguay  par  les  campements  de  bûcherons  et  rétablissement  de  parcs       a 
liestiaux.  Les  ilinéraiitîs  des  explorateurs,  quoicpie  publiés  par  fragmea  '•s» 
et  difficiles  a   coordonner,   sont  de  précieux    documents    pour  lacar«.c> 
futuiv  de  la  Républi({ue.  Actuellement,  siiuf  le  tnicé  du  fleuve  majeu   ik*^ 
ceux  du  Jejuy  et  aulivs  rivières  explorées  par  de  Boui*gade,  et  les  levés  cfl*? 
la  fi-ontièi-e  septentrionale,  on  ne  possède  que  des  figurations  appmxim  ^m  — 
lives  de  la  géogi'aphie  paraguayenne. 


.>•■ 


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v\ 


II 


Li  ivpublique  du  Paraguay,  prolongement  méridional  de  l'État  brésili 
du  Malto  lîn>sso,  est  tniversé<»  dnns  sa  région  médiane  par  une  chaîne 
hauteui's  qui  continue  le  faîte  détaché  du  plateau  des  Parexi.  Aux  sourc 
do  rAjKi,  cette  saillie  de  partage  entre  les  affluents  du  Paraguay  et  ceu 
du  hiranà  ptuie  génénilement  le  nom  d(»  sierra  Amambay.  I/un  de  se 
chaînons*  celui  dont  les  rm^hes  avancées,  arrêtant  les  eaux  du  Parana,  1er 
font  plonger  au  s;uil  dt»  (luayra,  a  reyu  le  nom  de  sierra  Mlmracayû  (Mara-— 
caju».  iV^  civte<,  qui  servent  de  frontière  p()liti({ue  entre  le  Bi'ésil  et  h 
ivi»uMique  hi^iKUhv-guanmi,  ne  sont  nulle  part  assez  élevées  [K)ur  empè 
cher  K'N  chavHHH's  et  les  y^rbalero^  de  passer  de  l'un  a  l'autre  vei'sint  ^ 
Suidalio  S»>;t  et  do  Bourgîide  les  ont  franchies  à  Test  des  sources  du  Jejuy;? 
i  ^»(vUa!ioM  do  coithllera  de  los  Montes  ou  «  chaîne  des  FoixHs  »,  qu'onr 
Wu\  dontio  dan^  le  lang;ige  courant,  prouve  cpie  le  grand  obstacle  «n  Tei 
•.•À»i  «iïoa  (wvxionl  non  des  rochers,  mais  des  fourrés  trop  épais.  On  n'i 
:^>4;^  v^KOio  tuosuiv  les ciuies  de  l'Amambay  et  du  Maracajù,  mais  il  n'es 
SIX  (»i\»;\«Mo  v|u'oIIon  atteignent  l'altitude  de  1000  mètres. 

y.i  Miù  vie  la  duamation  du  Maracajù,  le  faite  de  partage  se  continu*::? 


r  • 

9 


.^n 


EXPLORATION,  MONTAGNES  DU  PARAGUAY  507 

dans  riulérieur,  non  par  une  chaîne  régulièn»,  mais  par  une  succession  de 
croupes  el  d'ondulations,  (lualifiées  avec  exagération  de  sierras  et  cordil- 
lères. Quelques  lomas  ou  collines  el  des  cerritosj  mornes  isolés,  précisent 
en  quelques  endroits  les  bornes  de   Thorizon,   mais   Tensemble  de  la 
contrée  s'incline  en  pente  douce  dans  la  direction  du  sud  :  une  dernière 
saillie    forme  à  travers  le  courant  du  Paranâ  les  rapides  d'Apipe.  Vers 
lang^le  sud-occidental  du  pays,  les  terres  élevées  s'abaissent  brusquement 
en  falaises  et  en  promontoires,  limités  par  les  rivages  d'une  ancienne  mer 
Çue    m-^mplîicent  des  lagunes,  des  marécages  et  des  terres  herbeuses,  dépas- 
sante    ^   peine  la  surface  liquide.  Dans  son  ensemble,  le  Paraguay  est  un 
P^T^     ïTiouvementé,  oîi  des  coteaux  modérés  abritent  de  grîicieux  vallons, 
®"    le* s  fortMs  alternent  avec  les  bosquets  et  les  pâturages.  Des  grès  con- 
sliti^c^^t  la  plupart  des  montagnes,  et  les  plaines  sont  formées  de  couches 
"^**S^*les  et  de  pierres  sableuses   appartenant  à   l'époque    tertiaire.  Des 
cott^^    volcaniques  se  sont  fait  jour  en  quelques  endroits  du  territoire  : 
^*     1^  cerro  Tacumbu,  immédiatement  au  sud  d'Asuncion*.  Plus  à  l'est, 
^^'^^     les  sources  du  Mbuarapey,  affluent  du  Tibicuary,  s'élèvent  d'autres 
**^**^  BT^ets  d'origine   ignée,  la  sierra  d'Acay  ou  du  «Brûlant  »,  hauts  de 
'"■       mètres  environ.  Ils  sont  d'accès  difficile,  à  cause  de  leurs  escarpe- 
"^^^•^  ts,  de  leurs  fourrés,  des  nids  de  guêpes  qui  se  cachent  dans  toutes  les 
^'^^-^li^s;  cependant  on  a  gravi  le  morne  principal,  terminé,  dit-on,  par  un 
^^-îire  non  encore  oblitéré.  Des  tremblements  ont  souvent  secoué  la  contrée 
^^e  nombreuses  sources  minérales  jaillissent  aux  alentours*. 
ï^e  vastes  étendues  sont  recouvertes  d'une  terre  rouge  qui  atteint  par- 
^^^^  plusieurs  mètres  d'épaisseur,  et  qui  se  ravine  profondément  dans  le 
^^^sinage  des  cours  d'eau.  Quelques-unes  des  terres  si  fécondes  qui  avoi- 
^ lient  Asuncion   appartiennent  à  cette  formation  :   on   reconnaît   dans 
amasse  profonde  une  multitude  de  petits  canaux  ramifiés,  semblables  à 
^^«ux  que  laisseraient  des  racines    et  remplis  d'un   carbonate  de  chaux 
finement  cristallisé;  c'esl  l'aspecl  que  présenlent  les  fameuses  «  terres 
''faunes  »  de  la  Chine   centi-ale,   étudiées  avec   tant  de  soin  par  F.   de 
^ichthofen  :  on  y  trouve  de  petits  coquillages  très  bien  conservés  qu(»  les 
pluies  mettent  à  nu  et  (|ui  restent  épars  sur  le  sol.  De  même  (jue  dans 
le  SSo  Paulo,  les  terres  rouges  sont  au  Paraguay  d'une  extrême  richesse 
et  les  tabsics  y  réussissent  d'une  manière  reman|uable.  Les  alluvions  noires 
déposées  par  les    inondations   sont  égîilement  très  fertiles  en  (pielques 
lieux  privilégiés,  mais  en  divers  endroits  elles  se  comjïosent  de  couch(»s 

*  E.  âe  Bourgade  la  Dardye,  le  Paragumj, 

*  W.  Giflbrd  Palfjravo,  oiivranp  c'\\(\ 


argileuses  qui,  en  se  desséduBt,  devienneni  très  dures  et  fornimt  un 
aousfKit  impénétrable  à  la  charrue.  Enlin  quelques  disiricis  sont  rocou- 
vèrts  d'uD  sable  fin  provenant  de  la  déconi position  des  roches  quar- 
taeases  :  ceUe  arène  ne  produit  que  des  touffes  d'une  herhe  nue.  lV;iuiivs 
sables,  de  couleur  rouge,  furent  autrefois  des  '^il'a  qui  '^e  déliléient  smis 
l'action  du  soleil.  Dans  les  monts  du  l'araguay,  les  minerais  srait  nree, 
k  l'exception  du  fer  et  du  sel. 


« 


Le  Qeuve  Parani  n'appartient  à  la  République  que  par  une  de  ses  rim, 
entre  les  gradins  principaux  de  son  lit,  an  saut  des  a  Sept  Chutes  »,  et  mm 
confluent  avec  l'autre  fleuve.  Celui-ci,  le  Pan^;uay,  traverse  dans  son  oonva 
inférieur  l'Ëtat  auquel  il  a  donné  son  nom.  Lai^  de  350  mètres  e.n  moyenne, 
il  s'écoule  d'un  flot  lent,  en  longues  sinuosités,  mais  en  mninlenanl  sn 
direction  générale  dans  le  sens  du  nord  au  sud.  Le  courant,  alimenta;  pm- 
les  pluies  abondantes  qui  tombent  pendant  U  saison  des  chnleurs,  aug- 
mente de  plusieurs  mètres  dans  les  crues;  même  immédiatement  en  nmoot 
du  confluent  avec  le  Paranà,  le  fleuve  s'est  élevé  de  plus  de  ii  mètres  en 
tempe  d'inondation.  Les  eaux  s'étalent  alors  dans  les  plaines  iRtérales  et 
refoulent  les  rivières  aifluentes,  mais  ne  forment  pas  de  lacs  comparables 
à  ceux  du  Hatto  Grosso,  si  ce  n'est  dans  les  terres  basses  qui  bordent  au 
nord  la  région  du  confluent.  On  constate  que  le  versant  oriental  a  boauro(i|i 
plus  d'eaux  courantes  descendant  au  fleuve  que  le  versant  occidental. 
Il  faut  en  attribuer  la  cause  à  l'horizontalité  du  sol  dans  le  Chaco  :  les 
pluies  qu'y  versent  les  nuages,  et  qui  d'ailleurs  sont  moins  abondantes  que 
celles  du  Paraguay  proprement  dit,  ne  trouvent  pas  de  pente  d'écoulement 
et  séjournent  sur  la  terre  en  vastes  plaques  d'évaporation'. 

Au  sud  de  l'Apa,  que  les  Brésiliens  ont  imposée  comme  frontière  à 
leur  voisine,  la  première  rivière  abondante  est  celle  de  l'Aquidaban,  à  la 
pittoresque  vallée,  où  périrent  en  1870  les  derniers  défenseurs  de  l'indé- 
|>endance  nationale.  Dans  cette  partie  de  son  cours,  le  Paraguay  est  lui- 
même  une  charmante  rivière  aux  brusques  détours,  aux  sites  imprévus, 
ici  bordée  de  sable,  ailleurs  glissant  sous  le  feuillage  des  arbres  penchés, 
plus  loin  lavant  des  falaises  de  marbi'es,  creusées  de  grottes,  festonnées 
de  lianes  et  de  fougèies'.  L'Iiiané,  puis  le  Jejny  s'unissent  au  Paraguay. 
Ce  dernier  affluent,  à  la  double  embouchure,  porte  les  barques  sur  presque 
tout  son  cours,  qu'interrompt  un  seul  rapide  el  que  limite  à  l'est,  au 

'  Marlin  de  Moussj,  Description  de  la  Confédéralioa  Aigriiline. 
*  E.  de  Bourgadt  la  Dardve,  ouvrage  tilr. 


510  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

En  1882,  (iievaux,  qui  dans  srs  périlloux  voyages  sur  les  rivières  de  li 
Guyane  et  sur  les  Heuves  du  versant  amazonien,  avait  déjà  fait  de  si  Btaki 
découvertes,  voulut  tenter  Texploration  du  Pilcomayo,  en  descendant k 
cours  fluvial  ;  mais  à  moitié  route  il  fut  massacré  avec  presque  tous  n 
compagnons  par  les  Toba,  ces  redoutables  Indiens  qui  avaient  dé^  tmk. 
Patino  à  la  retraite  et  tué  Castaîiares.  Ce  malheureux  événement  fitanfr 
de  nombreux  émules,  cherchant  a  continuer  son  œuvre  et  à  vmger  • 
mort.  Fontana,  délégué  par  le  gouvernement  argentin,  fit  une  reoODiHih 
sance  sur  le  Pilcomayo  moyen  dans  h»  pays  des  Tolxi;  Feilberg  remmilik 
courant  sur  un  espace  de  255  kilomètres  jusqu^à  des  rapides  qu'il  neprt 
forcer;  Tliouar  et  Campos  refirent  le  voyage  de  Crevaux  et  dépassèMl 
le  point  qu*avait  atteint  leur  devancier,   puis  gagnèrent  le  Paraguay  ci 
traversant  la  plaine;  en  1885,  en  1880,  Thouar  entreprit  de  nouveau 
voyages,  mais  sans  réussir  à  suivre  le  cours  fluvial  par  une  navigatifli 
continue.  John  Page,  fils  de  l'explorateur  du  Paraguay,  mourut  à  la  peiae 
en  1890,  après  neuf  mois  de  voyage  sur  le  Pilcomayo,  et  dans  la  mèflM 
année  Olaf  Storm,  fraiu  hissant  les  rapides  à  la  montée  du  courant,  finit 
par  s'égarer  au  milieu  d'une  mer  d'herlu^s  flottantes.  A  la  sortie  de  h 
Bolivie,  le  fleuve  roule  assez  d'eau  pour  porter  des  eml>arcations  de  com- 
merce; les  navires  [)énètrent  également  clans  son  lit  inférieur,  maisven 
le  milieu  de  son  cours  il  s'étale  dans  la  plaine  horizontale,  impuissant  ï 
se  creuser  un  lit  ou  déplaçant  ses  coulées  de  saison  en  saison.  En  1844, 
l'expédition  de  Margaiinos  dut  s'arrêter  dans  une  campagne  sablonneuse 
où  le  courant,  endigué  par  des  amas  de  troncs  d'arbres  qu'il  n'avait  pn 
déblayer,  se  divisait  en    une   soixantaine  de   coulées  à  la   pente  incer- 
taine; en  suivant  à  pied  une  de  ces  nappes  d'écoulement,  il  la  vit  même 
se  perdre  dans  h»  sol  :  en  cet  endroit  le  fleuve  avait  disparu.  D'autres 
voyageurs,  venus  après  Margarinos,  décrivent  autrement  les  diramations 
du  Pilcomayo  :  chaque  crue,  clia(|ue  apport  de  troncs  d'arbres  modifie 
le  courant  et  le  nombre  de  ses   rameaux.  Lors  des  crues,  toute  celle 
région  est  un  immense  banado,  une  terre  «  noyée  »,  où  flott^mt  des  îles 
d'herbes  (»t  de  feuillag(*s.  Kn  aval,  la  ptMile  devient  plus  sensible,   et  de 
distance  en  distance   l'eau  glisse  en   j)lan   incliné,  non   sur  des   bancs 
de  rocb(M*s,  mais  sur  des  couches  de  tosca,  argile  blanche  d'une  grande 
cohésion,  |»robabl(»nicnl  salines,  carie  Pilcomayo  verse  au  Paraguay  des 
eaux  saumàtres. 

On  a  cru  longtemps  ijue  ses  bouches  avaient  fré(juemment  changé,  mais 
il  se  peut  que  des  coulé(»s  latérales,  des  fausses  rivières  et  des  bayous 
aient  été  considérés  à   lorl  comme   des  bras  du  Pilcomayo.  La   bouche 


M4  Î(01JVKI.LE  GÉOGRAPHIE  BRIVKBSKLIE, 

encore,  sur  sa  rivo  droite,  la  rivière,  plalécnne  Bermejo,  dont  les  eam 
rouges  coutoiU  lougliMnjis  à  uûlé  du  llol  lilnucliAtrc  Mins  se  tn^dangcr,  puis 
il  se  déploie  eu  deux  grands  nu^andres,  doni  J'un,  wlui  d'IIiiniail^,  longe 
la  berge,  haule  de  fî  mètres,  où  so  dressaient  naguère  les  ronnidables 
batteries  porn^iayennes  ;  ou  1858,  une  inondation,  passant  par-dessus  les 
remparts,  renversa  une  partie  des  canons  dans  la  vase.  De  li^gères  ondu- 
lations du  sol  fixent  eu  c<!l  endroit  le  t'ourant  fluvial,  qui  va  s'unir  ti  celui 
du  Parand  par  tmis  passes,  —  lus  Très  Bocat,  —  de  forme  changeante 
et  de  largeur  inégale.  A  l'époque  de  la  guerre,  la  principale  voie,  celle 
du  milieu,  d'environ  250  mètres,  ne  semblait  i^lre  qu'un  rail)le  affluent 
du  Paranîl,  vrai  lac  ayant  6  kilomètres  de  rive  <^  rive.  La  bouche  orien- 
tale, étroit  biiyou,  rejoignait  le  Paranâ  en  amont,  près  du  passîige  histo- 
rique dit  jadis  paso  de]  Rey  et  maintenant  paso  de  la  Patria.  La  troisième 
bouche,  celle  de  l'ouesl,  entoure  une  longue  île,  del  Alajo.  que  signale 
de  loin  un  cerrito  ou  morne  de  16  mètres  en  hauteur,  et  qui  dès  avant 
la  guerre  a[)parlena!t  à  lu  répuhlitjuc  Argentine.  D'ailleurs,  sous  le  ré- 
gime colonial,  toutes  les  terres  basses  qui  s'étendent  au  pied  des  col- 
lines du  Paraguay  dépendaient  de  la  ville  de  Corrientes,  comme  région 
vague  où  les  pasleui"»  pouvaient  inlraduire  des  bestiaux  pendant  la  saison 
sèche,  mais  sans  établir  aucune  habitation  permanente.  La  zone  de  plus 
de  200  kilomètres  en  largeur  qui  se  prolonge  des  deux  côtes  du  Paranâ  et 
oii  s'entremêlent  les  eaux  de  marais  sans  profondeur,  fut  certainement  la 
cuvette  d'une  mer  intérieure  vil  -s'unissaitnl  les  deui  grands  ûeuves, 
s'épanchant  alors  au  sud  par  un  double  vei'sant,  le  bas  Paranâ  et 
l'Uruguay,  dans  l'estuaire  de  la  Plala.  Après  le  dessèchement  de  celte 
mer,  les  fleuves  vaguèrent  longtemps  à  la  recherche  d'un  Ht  définitif,  et 
certains  marécages  de  la  «  mésopotamle  «  inférieure  du  Paraguay  ont 
encore  la  forme  serpentine  de  courants  débordés. 


La  ligne  du  tropique  méridional  travei'se  la  République  dans  la  partie 
presque  inhabitée  du  territoire  :  le  Paraguay  populeux  se  trouve  en 
entier  dans  la  zone  tempérée,  où  les  alternances  des  saisons  se  font  déjà 
sentir  comme  dans  l'Europe  occidentale:  cependant  les  indigènes  ne  con- 
naissent guère  que  le  contraste  de  l'hiver  et  de  l'été.  La  Innsilion  est 
brusque  et  le  printemps  se  remarque  .'i  peine,  |>arce  que  la  plupart  des 
arbres  gardent  leur  verdure  en  hiver  :  la  sécheresse,  beaucouji  plus  que  le 
froid,  fait  lomber  les  feuilles;  en  hiver  mûrissent  les  oranges,  fruit  par 
excellence  des  jardins  du  Paraguay.  Les  extrêmes  de  la  température  vont 


FLEUVES,  CLIMAT  DU  PARAGUAY.  515 

des  chaleurs  torrides  au  point  de  glace  ;  on  voit  parfois  de  la  gelée  blanche 
diamanter  la  pointe  des  herbes,  surtout  dans  les  régions  voisines  du  Chaco 
et  dans  les  savanes  méridionales,  où  le  rayonnement  nocturne  se  produit 
avec  intensité;  dans  les  districts  boisés,  noUimment  autour  de  Yilla  Rica, 
les  gelées  sont  plus  rares;  d'ailleui's  elles  ne  font  nulle  part  beaucoup 
de  mal,  si  ce  n'est  à  la  canne  à  sucre,  dont  les  tissus  sont  désorganisés 
par  le  brusque  dégel  dès  que  le  soleil  paraît  au-dessus  de  l'horizon. 

Les  vents,  qui  soufflent  généralement  dans  la  direction  du  fleuve,  soit 
du  nord  au  sud  ou  du  sud  au  nord,  se  succèdent  en  un  brusque  con- 
traste :  ces  écarts  soudains  sont  le  principal  inconvénient  du  climat, 
surtout  pour  les  immigrants.  Le  courant  atmosj^ériquc  le  plus  commun 
descend  des  plaines  du  nord  par  le  Matto  Grosso;  c'est  une  espèce  de 
iirocco  qui  en  été  rend  l'air  presque  irrespirable,  même  pendant  les 
nuits;  il  irrite  les  gens  nerveux,  tandis  que  le  vent  du  sud,  qui  se  con- 
fond parfois  avec  le  pamperOy  apporte  les  maladies  de  poitrine  ;  sa  froidure 
arrête  brusquement  la  végétation  et  parfois  détioiit  les  récoltes.  Les  vents 
d'est,  fort  agréables,  légères  brises  qui  modèrent  les  froids  et  les  cha- 
leurs, ne  soufflent  que  rarement.  Les  pluies,  beaucoup  plus  abondantes 
dans  la  région  voisine  de  la  mer  que  dans  les  plaines  de  l'ouest,  par- 
courues par  l'incertain  Pilcomayo,  tombent  d'ordinaire  à  la  période  des 
équinoxes,  au  commencement  et  à  la  fin  de  l'hiver,  et  sont  fréquemment 
accompagnées  d'orages  et  de  vents  très  forts  ou  ventarrones.  On  se  plaint 
plus  souvent  des  sécheresses  que  de  la  surabondance  d'humidité*. 


Par  sa  flore,  le  Paraguay  appartient  plutôt  à  l'aire  brésilienne  qu'à 
celle  de  l'Argentine,  et  même  les  rivières  se  bordent  de  forêts  toufiiies 
qui  ressemblent  aux  maltas  du  Brésil.  Les  arbres,  d'espèces  très 
variées,  ont  pour  la  plupart  la  fibre  très  dense  et  ne  flottent  pas  natu- 
rellement :  pour  en  faire  des  radeaux,  il  faut  les  alléger  au  moyen  de 
joncs  et  de  bois  a  moelle  épaisse.  La  plupart  des  essences  brûlent  diffi- 
cilement, mais  fournissent  un  excellent  charbon  :  dans  un  pays  d'in- 
dustrie, elles  fourniraient  des  bois  exceptionnels  pour  la  construction, 
l'ébénisterie,  la  teinture;  le  caraguala,  espèce  de  broméliacée,  donne  un 
fil  d'une  finesse  et  d'une  résistance  bien  supérieures  à  celles  du  chanvre, 

*  Conditions  météorologiques  d'Asuucion,  d'uprès  Mangcls  (7  années  d^obser  va  lions)  : 

^^, _Te"iP«^raturcs_ ^  j^,^^  p,^^ 

Latitude.  Altitude.        iniuiiiiale.        inoveunc.  maximale.        pluvieux.        tombée. 

*i5M6'         100-         —60,9  24«,27  58M  79  1-,64G 


NOUVELLE  GË06RAPHIE  UNIV8R8ELM!. 

mais  encore  peu  connu  en  dehore  de  hi  l'iata.  Los  palmiers,  enlre  aulri'is 
le  caninday,  s'enlremêlent  avec  l'araucaria,  d'origine  exolique  dans  cer- 
laines  parties  du  pays;  les  missionnaires  jisuiles  en  [)ortaient  les  semenMS 
avec  eux  parloul  où  ils  fondaient  une  «  riiductJon  >•  ;  de  ià  le  nom  :  arbol 

f   HT.   —  aïGIONS   BU  TOKtTS  £T  DE»  UafOn. 


l 


Uucstde&ri 


OuestdeGreenwich 


D'ajHV)  de  Bour^'ailc, 


(le  las  Misione$.  (/est  à  la  flore  aiborescenlc  spontanée  ipie  les  habitants 
doivent  leur  principale  richesse  d'exportalion,  le  yerha  malé.  Outre  les 
forêts,  qui  recouvrent  la  plus  grande  partie  du  Paraguay,  à  l'est  du  fleuve, 
des  savanes  s'clendenl  çà  cl  là,  presque  toutes  occupées  par  les  na|)pes 
onduleuses  de  la  graminée  macega,  qui  s'élève  à  hauteur  d'homme  et  dont 


FLORE,  FAUNE,  HABITANTS  DU  PARAGUAY.  517 

tige  dure  et  les  arêtes  coupantes  rendent  la  marche  très  pénible,  même 
ingereuse  pour  les  voyageurs  qui  ont  la  moindre  blessure. 

Pour  la  faune  de  même  que  pour  la  flore,  le  Paraguay  est  une  province 
résilienne  :  il  a  trois  espèces  de  singes,  les  vampires  qui  sucent  le  sang 
es  bestiaux,  le  jaguar  et  le  puma,  le  tapir,  les  sarigues,  le  capyvara,  le 
oa,  le  crocodile,  les  termites,  les  fourmis  et  leur  ennemi  le  tamanoir, 
'autiniche  iiandu  vit  dans  les  campos,  beaucoup  plus  rare  que  dans 
Argentine.  Le  fleuve  est  une  limite  pour  certaines  espèces,  et  depuis 
époque  où  l'homme  blanc  a  établi  sur  la  rive  gauche  une  lisière  presque 
mtinue  de  villes  et  de  bourgades,  tandis  qu'il  se  hasarde  à  peine  sur 

rive  opposée,  un  grand  contraste  de  la  faune  s'est  fait  de  part  et  d'autre. 
'après  Garcilaso  de  la  Yega,  le  mot  Chaco  signifie  en  guarani  «  champ 
î  chasse  »,  et  en  effet  ces  plaines  sont  parcourues  par  des  multitudes 
animaux,  que  poursuivent  les  Indiens  sauvages.  Il  faut  dire  toutefois 
ue  cette  étymologie  du  mot  Chaco  est  contestée.  Habité  par  des  Guarani  et 
on  par  des  Quichua,  ce  nom  ne  serait-il  pas  guarani,  et  dans  ce  cas 
*aurait-il  pas  le  sens  de  banado  ou  «  marécage  »*? 


III 

La  nation  paraguayenne  par  excellence,  celle  à  laquelle  appartient  la 
ace  métissée  des  villes  et  des  districts  populeux,  est  la  nation  guarani.  Leur 
ivilisation  devait,  même  avant  l'arrivée  des  Jésuites,  avoir  conquis  un 
ertain  ascendant,  puisque  leur  langue  était  assez  répandue  pour  avoir  été 
idoptée  comme  un  parler  commun,  lengua  gérai,  entre  les  populations  de 
liverse  origine,  des  bords  de  l'Oyapok  à  ceux  du  Paraguay  :  ce  n'est  point 
lans  le  monastère  jésuite  de  Porto  Seguro,  comme  le  dit  Martius,  c'est 
lans  les  marchés  indiens,  de  peuplade  en  peuplade,  que  naquit  le  «  lan- 
gage général  ».  Dans  les  forêts  orientales  du  pays  ^e  maintiennent  encore 
[uelques  familles  pacifiques  de  Coagua  ou  Coyagua  et  autres  Indiens,  qui 
e  tiennent  à  l'écart,  non  sans  avoir  conscience  de  leur  parenté  avec 
es  autres  Guarani,  et  qui  les  imitent  grossièrement  dans  leurs  céré- 
nonies  religieuses,  legs  des  missionnaires  jésuites.  Les  Apitare  ou  «  Gens 
e  l'Intérieur  »,  tribus  de  potiers  et  de  tisserands',  qui  vivent  entre  les 
ources  du  Jejuy  et  le  saut  de  Guayra,  appartiennent  aussi  à  la  même  race. 


*  Luis  L.  Dominguez,  Boletin  delînslilulo  Geogràfico  ArgentinOy  1889. 

*  Sandalio  Sosa  et  dcHourgade,  Proceedings  ofthe  R.  Geographical  Society  y  1888. 


518  NOUVELLE  CËOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Les  (junraiii  sont  au  nombre  des  indigènes  américains  qui  se  rapproehenl 
par  le  type  de  celui  des  Asiatiques  orientaux  :  presque  tous  petits,  de  1",27 
en  moyt^nne,  gros  et  trapus,  larges  de  poitrine  et  d'épaules,  ils  ont  la 
figure  d'un  jaune  brun,  ronde  sous  un  front  bas  et  étroit,  entourée  de 
gros  cheveux  plats  et  noirs,  avec  des  pommettes  saillantes  et  des  pau- 
pières légèremenl  obliques. 

Les  Payagua,  dont  le  nom,  d'après  Bonpland,  serait  devenu,  sous  une 
forme  légèrement  modifiée,  celui  du  fleuve  Paraguay,  habitaient  les  lM»ds 
du  coui*s  d'eau  en  amont  d'Âsuncion,  qu'ils  approvisionnaient  de  poisson» 
de  bois  et  de  fourrage  pour  les  bestiaux.  Hommes  vigoureux,  de  taille  plus 
élevée,  de  ligure  moins  large,  d'attaches  plus  délicates  que  les  Guanmi, 
ils  se  défendirent  avec  vaillance  contre  les  Espagnols  et  périi'ent  presque 
Ions  en  ces  guerres  continuelles.  Les  survivants  durent  se  soumettre,  et  mi 
les  amena  dans  la  banlieue  de  la  capitale  pour  leur  imposer  les  trannix 
d'alimentation  de  la  cité,  comme  pécheurs,  bûcherons,  éleveurs  de  bétail. 
Sous  le  gouvernement  de  Francia,  ils  étaient  chargés  de  la  police  jdu 
fleuve  pour  emi)écher  l'arrivée  d(»s  étrangers  et  prévenir  tout  commerce 
interlope*.  Avant  la  guerre  ils  étaient  environ  cinq  cents,  mais  presque 
tous  succombèrent  dans  les  batailles,  sous  le  commandement  d*of&ciers 
paraguayens  :  en  1878,  il  n'en  restait  plus  que  dix-sept.  On  ne  peut 
sans  tristesse  voir  leurs  ligures  douces  et  mélancoliques.  Avec  eux  dispa- 
raissent les  plus  artistes  des  Indiens  de  la  plaine  :  ils  tissaient  des  nattes, 
des  corbeilles,  des  étuis  de  jonc  re<îouverts  de  dessins  et  d'arabesques, 
tournaient  des  vases  élégants  et  même  sculpt4)ieut  dans  Targile  ou  le 
bois  des  statuettes  ollrant  une  expression  de  vie  très  remai*({uable*.  Leur 
langue,  très  diflérente  du  guarani,  élait  d'une  extrême  difQculté  de  pro- 
noncialion  :  aucun  Paraguayen  n'avait  pu  l'apprendre.  Certains  mots  res- 
semblaient à  de  profonds  gémissements. 

Les  Lenguas  et  les  Mbaya  ou  «  Méchants  »,  qui  appartenaient  jadis  à  la 
nation  des  (luaycun'i,  n'ont  i)as  complètement  disparu  comme  les  Paya- 
gua :  on  en  voit  encore  (iuel({ues-uns  dans  le  Chaco,  en  face  de  Villa  Con- 
cejxion,  non  loin  d(»s  Angailes,  qui,  au  nombre  de  1500  environ,  vivent  un 
peu  plus  au  nord,  vis-à-vis  du  confluent  de  TApa,  [)rès  de  la  frontière  bré- 
silienne"'. Ce  sont  les  restes  des  peuplades  guerrières  qui,  au  début  delà 
colonisation,  env<»loppèrent  la  pelile  bande  armée  d'xVyolas  et  la  nuissa- 
crèrent  en  entier.  Mais  ces  tribus  s'éteignent  peu  a  peu.  Dans  la  foule 

•  AllVod  Dciiiersay,  llkloire  du  Paraguay. 
'^  Luis  h)v»{\  Fontaiia,  El  Gran  Chaco. 
'  Albcrl  Ilaiis,  Noies  manuscrilcs. 


■.    I 
I  ";• 


INDIENS  DU  PARAGUAY.  521 

métissée  des  Indiens  de  langue  espagnole  qui  habitent  le  Paraguay,  on  se 
demande  quels  sont  les  descendants  des  Guayeurù  et  ceux  des  fameux 
Abipon,  au  milieu  desquels  résida  vingt  ans  le  missionnaire  DobrizhofTer. 
Cantonnés  dans  la  partie  méridionale  de  la  contrée,  près  du  territoire  des 
Missions,  ils  étaient  naguère  représentés  par  quelques  familles,  près  de 
Santa  Fé.  Même  à  Tétat  libre,  ils  étaient  un  peu  hispanifiés  par  le  sang, 
puisque  dans  leurs  incui*sions  ils  épargnaient  toujours  les  femmes  et  les 
enfants,  les  ramenaient  avec  eux  et  les  adoptaient  dans  leur  nation. 

Encore  au  milieu  du  siècle  dernier,  les  Âbipon  occupaient  un  terri- 
toire immense  dans  le  sud  du  Paraguay  actuel  et  de  l'autre  côté  du  Paranà, 
aussi  bien  qu'à  l'ouest,  dans  les  étendues  du  Chaco.  Ils  étaient  néanmoins 
peu  nombreux,  à  peine  un  millier  de  combattants;  mais  vers  1640,  quand 
ils  eurent  appris  à  dompter  le  cheval,  que  les  Espagnols  avaient  introduit 
dans  la  pampa,  ils  prirent  l'habitude  de  parcourir  le  pays,  à  des  centaines 
et  môme  à  plus  d'un  millier  de  kilomètres,  pour  se  ruer  à  l'attaque  et  à 
la  dévastation  des  colonies  d'envahisseurs.  Des  villes  construites  à  cette 
époque  furent  détruites  et  n'ont  pas  été  rebâties.  On  évalue  à  plus  de 
cent  mille  chevaux  le  nombre  de  bêtes  que  les  Abipon,  alliés  aux  Mocovi, 
capturèrent  sur  les  Espagnols  en  cinquante  années.  En  vain  les  mission- 
naires leur  reprochaient  ces  habitudes  de  pillage  :  «  La  terre  est  à  nous, 
disaient-ils,  et  tout  ce  qu'elle  produit  nous  appartient  !  »  Ces  terribles 
hommes  de  guerre  n'avaient  point  de  chefs  proprement  dits.  Celui  qui 
les  conduisait  au  combat  était  un  de  leurs  égaux,  dont  la  force,  l'énergie 
ou  l'adresse  leur  inspirait  confiance,  mais  qui  ne  jouissait  d'aucun  privi- 
lège après  les  combats  et  qu'ils  remplaçaient  à  la  première  occasion.  Ils 
vivaient  au  grand  air,  s'abrilant  à  peine  de  quelques  branches,  et  tour- 
naient en  dérision  les  Espagnols,  «  confinés  dans  leurs  maisons  comme 
des  escargots  dans  leurs  coquilles  ».  Leur  vertu  première  était  le  courage 
et  ils  chassaient  volontiers  le  tigre,  dont  ils  mangeaient  la  chair  afin  de  s'en 
«assimiler  la  force;  mais  ils  dédaignaient  la  viande  des  animaux  pacifiques, 
volailles,  moutons,  tortues.  Ils  croyaient  fermement  à  la  métempsycose 
et  disaient  que  les  âmes  des  méchants  et  des  lâches  passent  dans  le 
corps  des  bêtes  venimeuses  et  rampantes \  Quant  h  eux,  ils  devenaient  les 
compagnons  des  sarcelles  qu'ils  voyaient  planer  en  bandes  dans  le  ciel  et 
qui  le  soir  les  appelaient  de  leurs  cris.  Les  échos  lointains,  le  murmure 
du  feuillage  dans  la  forêt  leur  semblaient  les  voix  des  aïeux.  Leur  grand- 
père,  affirmaient-ils,  était  la  constellation  des  Pléiades  :  ils  s'attristaient 

*  Charlevoix,  V Histoire  du  Paraguay, 

XIX.  66 


^22  KOUTEI-IE  nÉflf.IlAPIIie  UNIVERSELLE, 

([iijtmi  un  niLif-fi  passait  dcvanl  ces  éloiles.  ol  sp  tvjoinssaietil  (jimiid  elles 
r'.iyonniiienl    -i    nniivenu  ;    leur   tvie  nnlioimlt'    iroïiicidiiit  awv.   h.   iiHour 
aiimii'l  clt'  res  iisln-s  sur  l'hHnziiii.  Si   lii-aves  contre  les  hommes,  les 
Alji|H)ii  cniif;ii.iienL  fort  les  mauvais  génies  et  cherch aient  h  nisor  avec 
eux.  Quand  ils  avaient  lue  tm  ennomi  par  surprise,  îIh  ne  manifuaient  J 
jamais  de  lui  ouvrir  lo  vontrc  et  d"y  enfoncer  la  main  du  i-Jidavi-e  pour  1 
dérouler  les  esprits  et  leur  faire  croire  à  un  suicide.  Ils  an-achaient    la  j 
langue  et  le  cœur  aux  morts  dn  leur  nation  cl  les  doimaienl  îi  man^r  | 
aux  chiens,    afin  di»  faire  périr   le  meurtrier  présumé.    C'est  aussi  par  J 
crainte  des  influences  mauvaises  que  les  femmes  des  Aliipon  se  gnnlaienl  j 
avec  horreur  d'allaiter  les  enfants  d'autres  mti-cs.  tandis  qu'elles  n'avaicnl  1 
aucune  répugnance  h  donner  le   sein   aux  petits  animaux.  Mt'^me  après  { 
leur  conversion,   les  fiers    Ahipnn    gardaient   devant    les    missitmnairefi  J 
jésuites  leur  altitude  d'hnnimos  lihrc^  :  avant  de  mourir  ils  se  faisaient  J 
n'vi>tir  de   leur    costume  guerrier    pour   entrer   iii'i*ement   dans  )'autre4^ 
monde,  et  les  survivants   se  refusaient  h  enternT  les  défunts  dans  \efti 
églises  :  il  leur  fallait  l'air  lihre,  même  aprfes   la   mort.  On  dit  tjue  la  J 
natitui  des  Ahipon,  convertie  vers  le  milieu  du  dix-huitième  siècle,  s"acci*ul  J 
rapidement  par  ta  suppression  des  piiitiiiues  d'avui'tement  et  d'infanticide, 
ainsi  ([ue  [lar  la  cessation  des  guerres';  mais,  soit  par  les  croisements,  soil-' 
par  maladies  ou  autres  cjiuses,  la  nation  n'existe  plus. 

Les  anciens  alliés  des  Ahipon,  et  peut-èti-e  leurs  parents,  les  Toba, 
suhsisleiil  encore  et  sont  même  une  nation  puissante,  rpii,  loin  d'avoir  été 
refoulée  par  les  blancs,  a  ganlé  l'offensive.  Maintes  fois  les  Toba  ont 
attaqué  les  colonies  paraguayennes  et  argentines  du  Chaco,  et  l'on  'sait, 
par  le  désastre  d'expéditions  nombreuses,  entre  autres  celle  de  Crevaux, 
combien  il  est  dangereux  de  s'aventurer  sur  leur  territoire.  Ils  parcourent 
dans  le  Chaco  les  deux  bords  du  Pilcomayo,  jusqu'à  une  grande  distance 
au  nord  et  au  sud  de  ce  fleuve,  et  de  l'est  à  l'ouest  on  les  a  rencontrés  du 
pied  des  avant-monts  andins  jusqu'au  fleuve  Paraguay.  Les  Toba  sont  de 
grande  taille,  de  i",65  à  l-.SS,  d'après  Fontana.  Ils  ont  la  peau  très 
dure,  «  comme  celle  d'un  taureau'  ",  et  ne  prennent  de  sandales  que  pour 
marcher  dans  les  épines;  môme  ils  s'en  passent  h  l'occasion,  tant  la  plante 
de  leui's  pieds  a  pris  une  consistance  cornée,  La  natui'e  marécageuse  du 
sol  leur  a  donné  une  démarche  hizarrc  :  ils  lèvent  le  pied  verticalement 
jus<|u':<  la  hauteur  du  genou  avant  de  le  porter  en  avant;  ils  ont  gardé 


I  tkil)rizlinfrcr,  Hinloria  île  Abipnnibus 
*  Cortcs,  Bolitia. 


53*  NOUVELLE  CÉOCHAPIÏIE  TNIVERSELIE. 

iilin  que  le  soleil  levant  eu  tVlaire  la  planle  et  leur  apprenne  à  marclier 
dans  le  droit  sentier,  c«r  I "astre-dieu  donne  toute  vertu  par  ses  rayons. 
Les  Toha  ne  sont  point  p»ly^inics,  les  fi-mmes,  l'orl  jalouses,  n'admetlnnl 
pas  de  partage.  Au  moindre  signe  de  rivalil<^,  elles  se  battent  en  duel,  ol 
souvent  jusiju'h  ce  (jue  mort  s'ensuive.  Nues  jusqu'à  la  ceinture,  les 
hanches  ceintes  d'une  peau  de  jagnar,  elles  s'arment  les  poignets  d'un  os 
de  cbfevre  ou  de  quelque  autre  pointe  tranchante  et  cherchent  à  entailler 
la  poitrine  ou  le  corps  de  l'ennemie.  Les  hommes  assistent  impassibles 
h  ce  comliul  souvent  mortel  '. 

Pour  ri^duire  les  Indiens  du  Paraguay  et  du  Chaco,  les  priîtres  ont  plus: 
Tait  ipie  les  soldats;  mais  ces  prfitres  furent  les  Jésuites,  qui  arrivaient 
dans  le  Nouveau  Monde  avec  la  ferveur  d'une  jeune  ambition,  résidus 
à  faire  de  grandes  choses  cl  dévoués  à  leur  idée  jusqu'à  la  mort.  Pendant 
deux  siècles  ils  travaillèrent  à  l'établissement  de  leur  société  théocra" 
lique  avec  une  persévérance  inébranlable  et  une  parfaite  sùrelé  de 
méthode  :  les  missionnaires,  qui  se  succédèrent  par  centaines  dans  Itmtes 
les  parties  du  continent,  étaient  tous  animés  de  la  même  foi  et  de  la 
même  volonté.  PourlanI  les  obstacles  étaient  nombreux  et  finirent  par 
être  insurmontables.  Les  difficultés  de  l'acclimatement,  les  maladies, 
les  flèches  des  Indiens,  le  péril  des  voyages  dans  les  forêts  et  sur  les 
rapides,  la  fatigue,  la  faim,  la  soif,  étaient  peu  de  chose  pour  des  hommes 
dévoués  h  leur  œuvre;  mais  ceux-ci  avaient  surtout  à  redouter  les  gens  de 
leur  propre  race  et  mi^me  de  leur  religion,  colons  civils,  soldats,  moines 
d'autres  ordres  et  prêtres  séculiers,  venus  d'Europe  par  amour  des  aven- 
tures, de  la  gloire,  de  la  fortune  ou  par  simple  obéissance  à  des  chefs. 
Le  mobile  même  de  leur  conduite  mettait  les  Jésuites  en  lutte  avec  tous 
les  autres  immigrants.  Car  ils  voulaient  convertir  les  Indiens,  fonder 
avec  ces  peuplades  méprisées  une  société  modèle  qui  servirait  d'eiemple 
aux  sociétés  du  vieux  monde.  Et  ces  hommes  qu'ils  essayaient  d'assouplir, 
n'étaient  considérés  par  les  autres  que  comme  un  gibier.  Il  est  vrai 
qu'en  1537  le  pape  Paul  III  avait  officiellement  proclamé  que  les  Indiens 
étaient  de  «  vrais  hommes,  capables  de  comprendre  la  foi  catholique  et  de 
recevoir  les  sacrements  >•.  Néanmoins  on  leur  refusait  la  communion  dans 
la  plujiart  des  églises,  en  alléguant  leur  stupidité  native,  leur  ignorance  et 
leur  méchanceté*.  Les  traitants  s'organisaient  en  l)andes  pour  capturer 
des  tribus  entières,  tuant  les  vieillards,  les  malades,  et  poussant  devant 


'  Uobi'iihoQt;]',  01 


I 


INDIENS  DU  PARAGUAY,  RÉDUCTIONS  DES  JÉSUITES.  525 

eux  les  hommes  valides,  la  lance  dans  les  reins.  Les  Jésuites  qui  grou- 
paient des  communautés  d'indigènes  passaient  donc  pour  des  accapareurs 
de  la  fortune  publique  et  Ton  cherchait  à  leur  reprendre  ce  cheptel  de 
bétail  humain.  On  les  haïssait  aussi  comme  ce  étrangers  »,  et  parleur  orga- 
nisation même  ils  s'exposaient  à  cette  accusation;  car,  citoyens  d'une 
patrie  plus  vaste  que  les  étroites  contrées  d'Europe,  ils  appartenaient 
avant  tout  à  l'Église  catholique,  c'est-à-dire  «  universelle  »  ;  Espagnols 
ou  Portugais,  Français  ou  Italiens,  Allemands  ou  Slaves,  ils  ignoraient 
les  divisions  politiques  introduites  dans  le  Nouveau  Monde,  et  peu  leur 
importait  de  savoir  si  leurs  communautés  indiennes  étaient  censées 
appartenir  au  roi  «  très  chrétien  »  ou  à  Sa  Majesté  «  très  fidèle  ».  Dans 
maintes  insurrections  locales,  ils  eurent  à  souffrir  aussi  de  la  jalousie 
d'autres  religieux,  dominicains,  franciscains,  mercenarios  ou  «  frères  de 
la  Merci  »,  et  dans  les  villes  on  les  chassa  de  leurs  églises,  on  expulsa 
leurs  fidèles,  que  l'on  réduisit  en  servitude.  Enfin,  lorsque,  malgré  les 
persécutions,  ils  eurent  réussi  à  fonder  leur  théocratie,  on  s'imagina 
que  le  travail  des  néophytes  leur  avait  valu  de  grandes  quantités  d'or, 
et  de  toutes  parts  s'éleva  contre  eux  un  cri  de  haine  :  on  en  voulait  à 
leurs  richesses,  parmi  lesquelles  on  comptait  les  indigènes  eux-mêmes, 
autant  de  futurs  esclaves  au  service  des  pillards!  La  fortune  des  mission- 
naires en  cultures  et  en  bétail  était  réelle',  mais  elle  n'avait  de  valeur 
que  parla  continuité  du  travail. 

Arrivés  à  Bahia  en  1549,  avec  les  fondateurs  civils  de  la  colonie,  les 
Jésuites  s'établirent  aussitôt  dans  le  voisinage  de  la  côte  parmi  les  Indiens 
les  plus  rapprochés.  Leurs  missions  se  propagèrent  du  nord  au  sud,  sur 
les  bords  du  Sâo  Francisco,  à  Porto  Seguro,  dans  la  capitainerie  d'Espirito 
Santo,  àPiratininga  et  à  Sao  Paulo.  Partout  leurs  communautés  réussirent, 
et  dans  quelques  endroits  même  la  prospérité  matérielle  de  cette  époque  ne 
s'est  pas  retrouvée  depuis.  Le  grand  théâtre  de  leurs  triomphes  s'étendait 
plus  à  l'ouest,  des  deux  côtés  du  haut  Paranà,  à  cheval  sur  les  limites 
présumées  des  possessions  portugaises  et  espagnoles.  Grâce  à  leur  isole- 
ment, ils  purent  détourner  de  la  vie  sauvage  et  policer  plus  de  cent 
mille  indigènes  ;  mais  sur  leurs  traces  vinrent  les  chasseurs  d'hommes, 
et  l'on  dit  qu'en  trois  années,  de  1628  à  1631,  les  aventuriers  paulistes, 
eux-mêmes  presque  tous  Indiens  par  leurs  mères  et  faisant  partie  de  la 
classe  des  mamelucos,  capturèrent  soixante  mille  individus  sur  le  lerri- 

*  Cheptel  des  Jésuites  du  Paraguay,  avant  leur  expulsion,  en  1767  : 

Bœufs,  771  840;  Chevaux,  mulets  et  ânes,  120490;  Brebis  et  chèvres,  251  000. 


9!iR  NOUVRI.LR  GfiOGRAPHIE  IINIVRRSELLR. 

luire  des  Missions'.  Les  tuteurs  dt's  Iribiis  de  Guayra  rompiireiil  qu'ils 
(levaient  puusser  plus  avant  dans  l'inlérieur  et  mettru  entre  eus  ut  1^ 
perséculcui'S  de  plus  vastes  forôts  et  de  plus  nombreuses  cataractes.  Dans 
le  terrible  exode,  ils  pei-dircnl  plus  de  ta  moitié  de  leurs  fidèles  par  le» 
l'alii^ues,    lus  accidents,  les  épidémies,    maïs  réussirent  enlin  â  Inmver 


un  refuge  en  des  terres  inconnues  sur  les  bords  de  l'Uruguay  et  du 
Parand,  loin  des  lieux  babités  par  les  colons  espagnols  et  portugais. 
C'est  là,  et  plus  à  l'ouest,  dans  les  campagnes  aujourd'hui  boliviennes 
où  vivaient  les  Mojos  et  les  Cbiquitos,  que  les  missionnaires  curent  enfin 
la  joie  de  pouvoir  réaliser  ce  "  royaume  de  Dieu  parmi  les  Hommes  >•, 
l'idéal  pour  lequel  ils  avaient  tant  combattu  et  tant  souffert. 

Le  nom  de  «    réductions   »  qu'ils   donnaient  à    leurs   groupements 
d'Indiens  explique  le  but  qu'ils  poursuivaient.  Ils  voulaient  «  ramener  » 


'  Cliarluioi»,  lliiloire  du  Paraguaij. 


52H  NOUVELLE  GÉOCnAPHTE  USIVERSELLE. 

élait  représenté  auprès  des  sociélt's  de  néophytes  par  iin  corref/idor  espa- 
gnol; mais  les  prèlres  ohllnreiil  de  lo  remplacer  pur  un  Indien,  diivenant 
ainsi  complJîleinent  maîtres  de  leurs  «  républiques  chréliennes  ».  — 
■c  la  plus  précieuse  portion  du  ti-oupeau  de  Jésus-Clirist  »,  disait  Charle- 
ïoii.  Parfois  aussi  les  missionnaires  prêtèrent  leurs  Indiens  au  goiivei*- 
nemenl  pour  certains  travaux  de  coi-vèe  :  en  1726.  ils  envoyèrent  à 
Montevideo  deux  mille  hommes  travailler  gratuitement  ans  fortilications 
de  la  cité.  Les  prêtres  qui  les  surveillaient  logeaient  en  des  cabanes  dfi 
peaux,  tandis  que  les  ouvriers  guarani  couchaient  en  plein  air'. 

Une  Tois  assouplis  au  régime,  les  catéchumènes  suivaient  strictement 
la  règle.  Chaque  malin,  avant  le  lever  du  soleil,  les  enfants  se  rendaient  i 
h  l'église  pour  les  exercices  de  chants  et  de  prièriîs,  et  toute  la  popu-  fl 
lation  assistait  h  la  messe.  Le  soir,  les  enfants  retournaient  au  caté- 
chisme, puis  tous  prenaient  part  à  la  prière,  et  la  journée  se  terminait 
par  la  récitation  du  chapelet.  Le  dimanche,  les  cérémonies  étaient  plus 
nombreuses,  et  les  fidèles  avaient  même  à  répéter  la  table  des  nombres. 
Ceux  qui  avaient  une  bonne  mémoire  devaient  réciter  les  sermons  par 
cœur.  Le  travail  élait  strictement  réglementé.  Chaque  famille  recevait  son 
lot  de  terre  et  la  quantité  de  grain  nécessaire  à  la  semence,  ainsi  qu'une 
paire  de  bœufs  pour  labourer  son  champ  ;  mais  elle  répondait  aussi  du  bon 
état  des  animaux  et  des  cultures,  dont  elle  ne  jouissait  qu'en  usufruit.  La 
partie  du  territoire  cultivée  en  commun  restait  sous  la  sui'veillance  des 
prêlres  :  c'était  le  Tupambae  ou  la  «  Propriété  de  Dieu  »,  dont  la  récolte 
s'engrangeait  en  prévision  des  mauvaises  années  et  pour  l'entretien  des 
inGrmes,  des  orphelins,  des  artisans.  L'excédent  était  transporté  à 
Buenos  Aires  par  la  voie  des  fleuves,  et  on  l'échangeait  contre  des 
objets  de  luxe  fabriqués  en  Europe  et  destinés  à  l'ornementation  des 
églises.  Sur  les  côtés  de  la  place  centrale  s'alignaient  les  ateliers  des  arti- 
sans, charpentiers,  maçons,  serruriers,  tisserands,  fondeurs,  fabricants  de 
violons  et  de  flûtes,  sculpteurs,  architectes,  doreurs,  graveurs  et  même 
peintres,  qui  devaient  considérer  leur  travail  comme  un  acte  de  foi  et 
mettre  leur  amour  à  l'embellissement  des  églises.  Toute  faute  constatée 
par  les  surveillants,  rapportée  par  des  fidèles  ou  révélée  par  la  confession 
publique  ou  privée,  entraînait  pénitence.  Le  coupable  avait  à  comparaître 
dans  l'église,  devant  les  fidèles  assemblés,  et  à  recevoir  des  coups  de 
verge,  en  remerciant  Dieu  et  les  bons  pères  du  châtiment  qui  lui  était 
infligé. 

'  Muralori,  Paraguai. 


RÉDUCTIONS  DES  JÉSUITES.  529 

Ltcs  missionnaires  veillaient  surtout  à   la  séparation  des  sexes.  Les 
Âonnines  étaient  obligés  de  couper  leur  chevelure,  afin  que  de  loin  on  pût 
déjâi.    les  distinguer  des  femmes;  eux  seuls  avaient  le  droit  de  danser,  et 
seixleinent  dans  les  cérémonies  religieuses,   tandis,  que   les  chrétiennes 
de-vfiiient  toujours  rester  modestement  à  l'écart.  Les  mariages  se  faisaient 
par*   ordre,  immédiatement  après  la  puberté,  dès  l'âge  de  dix  ans  pour 
ies    jeunes  filles  et  de  treize  ans  pour  les  garçons*.  Les  puits,  les  fontaines, 
les     lavoirs,  lieux  publics  oîi  hommes  et  femmes  avaient  accès,  étaient 
plaoés    dans  un  endroit  découvert,  facile  à  surveiller  de  loin,  et  des  vieil- 
lards,  armés  d'une  baguette,  punissaient  incontinent  la  moindre  atteinte 
à  lai    décence.  Des  «  zélateurs  »,  chargés  de  rapporter  tout  acte  blâmable, 
se    troiavaient  dans  les  groupes,  a  la  promenade,  au  repas,  au  travail. 
Telles   étaient  les  mœurs  de  cette  «  république  »  modèle,  où  l'obéissance 
^wx    ncâissionnaires  était  absolue  et  d'où'  toute  initiative  restait  interdite. 
«^IgT^é    cette   discipline    rigide,    les  Jésuites  répugnaient   à  confier  des 
armes     à  leurs  catéchumènes,   même    pour    la    défense    des    Missions. 
'^PerKlant  l'urgente  nécessité  les  avait  obligés  plusieurs  fois  à  la  résis- 
^ii<iô     active  contre  les  «  Mammelus  »  %  c'est-à-dire  contre  les  Paulistes, 
P^****   la  plupart  mame/ucos  ou  «  métis  ».  De  1638  a  1661  ils  remportèrent 
^^^^îc"«  victoires  contre  les  agresseurs;   mais  après  chaque  triomphe  ils 
^Pï^^xiaient    les   espingoles   aux   vainqueurs,   craignant   l'influence   des 
^''^     devenus  populaires  dans  les  combats.   Décidés  à    ne  plus  armer 
*^^     fidèles,  il  ne  leur  resta  qu'à  se  soumettre,  et  quand  les  Jésuites 
^■^cnt  l'ordre  de  quitter  le  pays,  pas  une  goutte  de  sang  ne  fut  répandue. 
'^-■^s  réductions  n'ayant  aucune  vie  propre,  les  indigènes  périrent  rapi- 
des qu'ils  ne    furent  plus  soutenus   par  la  main  qui  les  avait 


^^-^s.  On  essaya  pourtant  de  les  sauver  :  ici  des  missionnaires  d'autres 


^^^s,  ailleurs  les  autorités  civiles,  tentèrent  de  maintenir  les  commu- 
^  -Js;  mais  la  plupart  des  Indiens  s'enfuirent,  préférant  la  liberté  dans 

^   VK)is.  En  1801,  on  ne  comptait  plus  que  14000  Indiens  dans  le  lerri- 
des  Missions.    Des  bandits  de   l'Uruguay  envahirent   les   villages, 
fouillant  les  églises,  emmenant  les  bestiaux"',  puis  les  blancs  s'intro- 
duisirent comme  traitants  ou  fermiers  :  en  1814,  près  de  1000  étrangers, 
'^^^entins  ou    Orientaux,  s'étaient   mêlés  à  8000  Indiens  dans   le  ter- 
^toire  des  Missions.  Enfin,  en  1848,  un  décret  présidentiel  déclara  les 
^«miers  indigènes  des  réductions  «  citoyens  de  la  Réi)ublique  »  et  les  soumit 

•  A.  d'Orbigny,  ouvrage  cité. 

*  Cbarlevoix,  ouvrage  cité. 
'  Martin  de  Moussy,  ouvrage  cité. 

xn.  67 


S90  KOOTELLE  GCOGRÂPHIE  UNIVERSELLE. 

an  droit  commun  '.  Actuellement  il  ne  reste  plus  rien  de  l'organisition 
établie  par  les  Jésuites,  et  ceux  des  anciens  villages  qui  subsistait  ne 
diffèrent  point  des  autres  a^lomérations  paraguayennes  par  les  insti- 
tutions ni  par  les  mœurs.  Cependant  l'éducation  qu'ont  reçue  les  Guarani, 
celle  que  plus  tard  imposa  un  demi-siècle  de  dictature,  ont  cerlainemeDt 
agi  sur  eux.  Ils  ont  les  qualités  extérieures,  la  douceur,  la  politesse,  le 
maintien,  mais  le  grand  ressort  de  la  volonté  leur  manque.  Quoiqu'ils 
ne  possèdent,  dit-on,  aucun  terme  dans  leur  langue  pour  demander 
avec  politesse  ou  pour  remercier,  ils  accueillent  l'étranger  avec  une 
déférence  parfaite;  en  s'approchant  d'une  maison  dont  la  porte  est 
fermée,  le  visiteur  s'annonce  du  dehors  par  une  salutation  :  Ave  Maria, 
pnis  attend  la  réponse  :  Sin  pecado  concetndal  avant  d'entrer  dans  la 
demeure,  ob  l'on  ne  manque  jamais  de  l'inviter  à  prendre  place.  Hais 
qu'un  maître  pénètre  brutalement  chez  eux  en  donnant  des  ordres,  ils 
obéiront,  sans  même  protester.  Les  cas  d'improbité  envers  l'Ëtat  étaient 
naguère  inconnus.  Aucun  peuple  n'a  pris  part  à  une  guerre  sans  merci 
plus  docilement  que  le  peuple  guarani,  et  maintenant  il  se  laisse  ravir 
ses  terres  sans  protester.  La  nourriture  des  Paraguayens,  si  différente  de 
celle  des  Ai^ntins,  doit  contribuer  aussi  à  leur  donner  un  caractère  de 
mansuétude  :  beaucoup  parmi  eux  ne  mangent  point  de  viande;  le  manioc 
et  les  oranges  constituent  leur  principale  alimentation.  La  femme,  qui 
travaille  la  terre,  dirige  aussi  le  ménage  et  la  famille.  C'est  elle  qui  com- 
mande, et  lorsque  les  unions,  pour  la  plupart  dépourvues  de  sanction 
légale,  viennent  :i  se  rompre,  les  enfants  suivent  toujours  la  mère. 

Les  Paraguayens  des  villes  sont  fortement  hispaniûés,  el  d'aspect  nv 
(liflèrent  point  des  Correnlins,  descendant  comme  eux  d'Espagnols  et  de 
Guarani  :  ils  parlent  les  deux  langues  et  quelques  journaux  contiennent 
des  articles  et  des  poésies  dans  l'idiome  indigène.  L'élément  basque  paraît 
avoir  été  très  fort  au  Paraguay  depuis  les  premiers  temps  de  la  eolonisa- 
tion  ;  Irala,  qui  fut  le  gouverneur  de  la  contrée,  avant  et  après  Alvarez 
Nunez,  était  un  Euskarien.  Palgrave*  donne  au  sang  basque  une  si  grande 
part  dans  la  nation  paraguayenne  qu'il  l'appelle  même  «  vasco-guai-ani  », 
et  d'après  lui  les  gens  à  cheveux  blonds,  que  l'on  rencontre  fréquemment 
ail  Panigiiay,  seraient  les  descendants  de  Basques  à  cheveux  clairs  comme 
on  en  rencontre  souvent  dans  les  PyiV'nées  Occidcnlales.  Martin  de  Moussy 
croit  au  contraire  que  les  Hispano-Guarani  grands  el  blonds  qui  consli- 


'  Alfred  Dpmprsay.  Histoire  pliijuiiiiie.  âronniniqur  fl  poUlK/iie  rf«  Pnragiiny. 
'  VUjue»  or  Scènes  and  SIndîes  in  Miiiiij  himU. 


533  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

l'entrepôt  de  leurs  missions  méridionales,  et  plus  lard,  sous  la  diclitair 
de  Frnncia,  Itapuâ  s'cntr'ouvrit  au  trafic  du  Paraguay  avec  l'étranger. 
Les  Guarani  y  amenaient  leurs  convois  de  mules,  apportaient  leurtabw 
et  leur  maté,  tandis  que  les  Brésiliens  du  Rio  Grande  vendaient  leurs 
cafés,  leurs  sucres,  ainsi  que  des  marchandises  européennes.  Tous  les 
échanges  se  faisaient  directement  par  troc,  le  Supremo  ayant  interdit  l'ei- 
portation  des  monnaies  d'or  el  d'argent'.  Actuellement   le  commercf 


est  en  grandt-  partie  détourné  d'Ilai)^!  par  les  bateaux  à  vapeur  qui 
vonl  el  viennent  sur  le  l'araguay  et  sur  le  Paranâ;  mais  des  projets  do 
chemins  de  fer,  traversant  une  partie  du  lerriloii-e  des  yerbales,  abou- 
tissent à  ce  porl  :  en  face,  sur  la  rive  de  Coi'rieutes,  se  montre  la  ville  de 
l'osjidas,  qui  doit  olle-mi'me  se  rattacher  au  cours  du  bas  Uruguay  par 
Monte  Gasei'os. 

Encarnacion  se  trouve  déjà  en  dehors  de  la  zoneoù  craît  la  yerlia  maté: 
mais  les  anciennes  missions  situées  un  peu  plus  au  nord,  en  des  territoires 
accidentés  que  parcourent  de  petilsaffluents  du  l'aranâ,  possèdent  encore 


is  ilf  Ciistdiia 


uïrago  . 


VILLES  DU  PARAGUAY.  533 

de  \astes  yerbales.  I^  population  indienne  qui  constituait  autrefois  les 
paroisses  des  missionnaires  s'est  maintenue  dans  la  contrée,  quoique  en 
nombre  très  diminué.  Les  villages  subsistent  :  Trinidad,  Jésus,  San  Pedro, 
Santiago,  Santa  Rosa,  Santa  Maria,  San  Ignacio  Guazû,  se  composant  de 
huttes  basses  dominées  par  des  restes  de  constructions  massives  et  de 
lourdes  églises.  La  plus  riche  de  ces  «  missions  »,  consacrée  à  la  patronne 
des  Guarani,  Santa  Rosa,  était  visitée  chaque  année  par  des  milliers  de 


pèlerins  qui  ne  venaient  jamais  les  mains  vides  :  aussi  l'église,  qui  existe 
encore,  était-elle  fort  riche  en  objets  d'or  et  d'argent  ;  un  fossé  la  défen- 
dait autrefois  contre  les  pillards'.  Entre  Santa  Maria  et  Santa  Rosa,  la 
plantation  de  Cerrito  rappelle  le  séjour  d'Aimé  Bonpland,  qui  y  fut 
interné  pendant  neuf  années  par  ordre  du  dictateur  Francia.  En  aval 
d'Encarnacion.on  dépasse  une  ancienne  mission,  San  Juan,  et  les  villages 
du  Carmen  et  de  San  Cosmc,  puis,  après  avoir  franchi  le  dernier  rapide 


'  A.  Baguel,  Rio  Grande  do  Sut  et  le  Paraguay. 


h7,\  NOUVELLE  GËOGRAPHIE  UMVERSELI.E. 

du  l'anind,  rA|)i|)o,  il  ne  rosie  qu'à  se  laisser  porter  entre  les  campa- 
gnes basses  des  tieui  rives  Jiisi|n';in  (roiiflnenl  des  fleuves,  en  Jiniont  de 
la  cité  de  Corrienlos. 

A  snn  entrée  dans  le  lerriloire  |>iiraguuyen,  le  cours  d'cHU  qui  ii  donné 
son  nom  à  la  jx-tite  r('[ml>li(]ue  tia)|;ne  d'abord  une  ruine,  l'ancien  fort  de 
Onnilucncia.  De  même  la  plupart  des  villages  qui  se  succédaient  en  aval 
sur  les  méandres  du  Paragimy,  au  pied  deN  coteaux  Iwisés,  n'ont  laissé 
que  des  amas  de  décombres;  cependant  le  pays  commence  îl  se  repeupler 
cl  des  caréleries  s'établissent  h  l'issue  des  vallées.  Après  San  Salvador 
ou  Divino  Salvador,  pi-emîer  groupe  d'habitations,  vient  Conoepcion,  qui 
l'ut  iiulri-luis  un  des  grands  entrepôts  de  maté.  San  Pedro,  à  une  certaine 
distance  du  fleuve,  sur  le  bord  du  Ji'juy,  est  une  jolie  villctte,  dont  la 
rue  principale  est  Iwrdée  d'arcades  h  la  mode  espagnole';  les  vallées  dont 
elle  est  le  marché  sont  riches  en  fiiriHs  et  en  [dtuniges,  cl,  d'après 
le  dire  des  indigèuKs,  on  Irouverail  de  l'or  dans  la  l'égion  des  sourciss. 
Plus  au  sud  se  montrent  des  ruines  de  In  guerre;  mais  on  approche 
d'Asuncion  et  quelques  essais  de  culture  se  font  sur  les  deux  rives.  A 
l'ouest,  dans  les  campagnes  basses  que  parcourent  le  rio  Confuso  aux 
ondes  salées  et  divers  tiulres  bayous  voisins  du  Pilcomayo,  se  montre  U 
colonie  de  Villa  Ilayes,  ainsi  nommée  en  l'honneur  du  président  de  la 
lépubliinie  nord-américaine  qui,  en  18711,  trancha  au  profit  du  Paraguay 
la  (]iit's(i(iri  dclialtue  avi^c  l'Argentine  au  sujet  du  Cliaco  siqilentrional. 
Celle  cidiinic,  dile  aussi  Villa  Occidenlal,  élail  connue  autrefois  sous  le 
nom  de  Nueva  Burdeos,  ayant  reçu  pour  habitants,  sous  le  gouverne- 
ment du  premier  Lopez,  des  immigrants  de  Bordeaux.  Isolés  dans  cette 
plaine  marécageuse,  ils  furent  décimés  par  les  fièvres  et  souffrirent 
plus  encore  de  la  nostalgie  :  il  fallut  rapatrier  presque  tous  ces  malheu- 
reux. Depuis  la  paix,  la  colonie  a  reçu  de  nouveaux  hôtes,  pour  la  plupart 
Italiens,  qui  s'occupent  peu  d'agriculture,  mais  possèdent  de  grands 
troupeaux  el  coupent  des  bois  de  construction  et  d'ébénisterie  pour  les 
marchés  d'Asuncion  et  de  Buenos  Aires.  La  colonie  Crevaux,  fondée  en 
1885  sur  le  haut  Pilcomayo,  non  loin  de  LIpantipncû,  l'endroit  où  périt 
le  voyageur,  n'eut  jamais  (ju'une  existence  fictive. 

Asuncion,  la  cii|)ilale  du  Paiaguay,  se  présente  supei'bemeul  par  une 
tentasse  qui  domine  d'envinm  15  mèlies  la  rive  gauche  du  fleuve.  Comme 
)nesi[ue  toutes  les  villes  américaines  d'origine  espagnole,  elle  a  élé 
construite  en  damier,  et  ses  rues  poudreuses  se  prolongent  au  loin  dans 

'  Alberl  ll;ins,  yotet  maniucrUvn. 


I 


SAN'  PEDRO,  VILLA  HAYES,  ASUNCIOK.  535 

S  campagnes.  Bien  que  se  repeuplant  assez  vite,  elle  reste  inférieure  à  ce 
l'elle  fut  jadis  :  les  herbes,  les  arbustes  ont  envahi  ïes  rues  éloignées 
I  centre,  et  quelques  places  sont  des  fragments  de  sa^'anes  où  serpentent 
étroits  sentiers.  Les  palais  qui  devaient  faire  d'Âsuncion  la  cité  la  plus 
mptueuse  de  l'Amérique  méridionale  tombaient  naguère  en  ruine  :  res> 
urés  maintenant,  ils  contribuent  à  donner  à  la  cité  un  aspect  grandiose, 
X  moins  si  on  la  compare  aux  villes  du  Matto  Grosso.  L'arsenal,  fondé 
rant  la  guerre  et  jadis  très  animé,  possède  des  chantiers  de  construction 


û  l'on  a  lancé  plusieurs  bateaux  à  vapeur.  Le  port,  en  communica- 
I  directe  avec  l'estuaire  de  la  Plala  et  avec  l'Océan,  reçoit  les  grands 
îiirs  de  Montevideo  et  de  Buenos  Aires,  tandis  qu'en  amont  ne  passent 
les  navires  d'un  faible  tirant  d'eau.  Comme  la  plupart  des  villes  du 
'■«au  Monde,  elle  a  dans  presque  toutes  ses  l'ues  des  lignes  de  rails  où 
■>t  un  mouvement  de  voyageurs  très  actif.  Asuncion  n'est  guèif 
■^  entrepôt  de  commerce  et  ne  possède  d'autre  industrie  que  celle 
*  fabrication  des  bagues  et  autres  petits  objets  en  or.  Les  femmes 
Oxisionnent  très  largement  le  marché  de  fruits  et  de  légumes, 
f^  chemin  de  fer,  aclucllement  (1893)  l'unique  du  Paraguay,  se  dirige 
■^^S-est  à  travers  les  orangeries  et  les  bananeraies,  parsemées  de  maisons 


556  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

de  plaisance.  Au  delà  de  la  charmante  ville  de  Luquc,  qui  fut  la  capilale 
d'un  jour,  vers  la  fin  de  la  guerre,  quand  Lopez  eut  donné  Tordre 
d'évacuer  Asuncion,  la  voie  longe  la  rive  occidentale  du  gracieux  he 
d'Ipacaray,  et  passe  au  pied  de  la  colline  de  Cerro  Léon,  où  se  troomt 
le  quartier  général  au  début  de  la  grande  guerre.  Aregua,  Itagua,  Piitji 
sont  les  principales  stations  de  la  vallée  lacustre.  Plus  loin  la  ville  de  P^  ! 
raguari,  connue  pour  ses  tabacs,  qu'on  exporte  aux  marchés  eurbpéeis, 
s'élève  à  câté  de  la  voie,  au-dessous  d'un  morne  imposant  percé  degroUes: 
saint  Thomas  y  évangélisa  les  Guarani  \  dit  une  légende  d'origine  probalâe- 
ment  jésuite,  car  Paraguari  fut  une  des  missions  fondées  par  la  Compagiiia 
de  Jésus,  qui  y  possédait  d'immenses  troupeaux.  Maintenant  la  contrée,  ol 
se  pressent  les  petites  villes  et  les  villages,  est  surtout  un  pays  d'agriod- 
ture;  ses  habitants  se  livrent  même  à  quelque  industrie,  fabrication  dei 
huiles,  préparation  des  cigares,  extraction  de  l'amidon.  Les  femmes  de  quel* 
ques  villages  sont  de  fort  habiles  dentelières;  les  gens  d'Ita  tournent  des 
poteries  qu'on  expédie  à  Buenos  Ayres,  et  ceux  de  Yaguaron  extraient  Tes» 
sence  des  fleurs  d'oranger.  La  plus  importante  colonie  fondée  par  le 
gouvernement,  San  Bernardino,  a  élé  établie  au  nord  du  lac,  sur 
les  pentes  et  dans  les  vallons  de  la  cordillera  de  Altos.  La  plupart  des 
colons,  d'origine  allemande,  s'adonnent  à  l'élève  du  bétail,  fabriquent  do 
beurre  et  du  fromage,  ou  vendent  leur  lait  pour  le  marché  d'Asundoià 
la  station  du  chemin  de  fer  la  plus  rapprochée*.  Cependant  un  grand 
nombre  des  premiers  colons  de  San  Bernardino  ont  abandonné  leurs  lob 
à  cause  du  manque  de  communications  faciles.  Ils  ont  été  remplacés  et 
le  noyau  de  la  colonie  se  tranforme  graduellement  en  villette  rurale. 

Yilla  Rica,  autre  fondation  des  Jésuites,  le  chef-lieu  de  la  région  inté- 
rieure, est  située  sur  les  déclivités  mourantes  de  la  cordillère   centitle, 
dans  ime  région  des  plus  fertiles  qu'arrosent  le  «  grand  »  et  le  «  peA  > 
Tibicuary.  Les  champs  de  manioc  et  de  tabac  bordent  les  rivières»  iAÎ^ 
trastant  avec  les  forêts  épaisses  qui  recouvrent  les  pentçs  des  oolfiMiir 
De  petites  lanches  à  vapeur  remontent  le   fleuve  sinueux  jusque  OÊft 
Yilla  Rica,  destinée  à  devenir  un  centre  de  convergence  pour  1m  ciRr 
mins  de  fer  du  Paraguay.  Sur  la  ligne  d'Asuncion  viendront  prodiaiÉft- 
ment  s'embrancher  deux  voies  pour  rejoindre  le  Parané,  Tune  h  VesA 
par  la  vallée  du  Monday,  l'autre  au    sud  vers   Itapua  ou  Encamaciôn. 
Parmi  les  immigrants  (fui  se  préparent  à  coloniser  les  terres  du  Paraguay, 


*  Alfred  Demei^say,  ouvrage  cité;  —  E.  van  Bruyssel,  République  du  Paraguay. 

*  E.  de  Bourgade  La  Dardye,  le  Paraguay, 


ite  des  Australiens,  auiquels  le  gouvernement  a  fait  la  concession 
:  superficie  de  576  kilomètres  carrés,  sur  les  bords  de  la  rivière 
uary.  La  société  cessionnaire  sera  tenue  d'y  établir  en  1893  et 
plusieurs  centaines  de  familles  australiennes,  qui  partageront 
ellement  le  produit  du  travail  de  la  communauté  et  s'administreront 
ommant,  à  la  majorité  des  voix  adultes,  femmes  et  hommes,  les 
teurs  de  la  commune.  Le  souvenir  des  anciennes  missions  pa*ra- 
ennes,  où  chaque  famille  était  assurée  d'avoir  le  nécessaire,  aurait 


pour  quelque  chose  dans  ce  plan  d'oi^anisation,  dont  les  débuis  ne 
aissent  pas  avoir  été  heureux. 

Lu  sortir  d'Asuncion  les  voyageurs  qui  descendent  le  Paraguay  ont 
ntât  perdu  de  vue  la  cilé,  cachée  par  la  haute  colline  de  Lambaré,  se 
ssant  à  une  centaine  de  mètres  au-dessus  de  la  rive  droite  :  la  tra- 
on  veut  que  !e  cône  ait  reçu   ce  nom  en  l'honneur  d'un  chef  indien 

s'y  défendit  avec  courage  contre  les  premiers  envahisseurs  espagnols, 
1528  :  Sébastien  Cabot,  quoique  vainqueur  des  Indiens,  n'aurait  pas 

pousser  plus  avant.  Toutefois  Schmidel,  racontant  la  conquête  du 
aguay,  — Parabol,  comme  il  l'appelle,  —  parle  déjà  de  la  montagne 


540  ^OUVELLE  GËOGTIAPHIE  UNIVERSELLK. 

(le  "  Liinhni'i  ».  Om'l(|ui?s  iuIUdos,  qui  ccmlii'niiont  des  couches  de  sel, 
cnmini;  Lamban-,  se  succèdenl  le  long  de  la  rive  gauche  et  forment  ud 
petit  m;tssir  au-dessus  de  la  gmcieuse  Villela,  qu'entourent  des  palme- 
raies el  des  orangeries  :  à  l'arrivée  des  bateaux  à  vapeur,  les  femmes 
velues  de  blanc  aci-iiurent,  poi'taut  sur  leurs  têtes  des  corbeilles  de  fruits, 
lie  groupe  de  eol)in«s  se  termine  au  smi  jiar  un  promontoire  qui  rélrécil 
le  "lleuve  :  c'est  le  fameux  "  "Étroit  »,  VAngoslura,  où  le  lit  n'a  pîis  plus 
de  SO  métros  en  laideur.  Los  Indiens  essayèrcjit  de  le  défendre  coutiv  les 
envahisseurs  espagnols,  et  trois  siècles  plus  tard  les  Paraguayens  tentèrent 
d'y  ari-éter  la  marche  des  alliés  par  de  puissantes  fortifications  qn'avail 
élevées  l'ingénieur  anglais  Thompson;  mais  l'armée  brésilienne,  au  risque 
d'être  surprise  et  noyée  par  une  brusque  inondation  du  Paraguay, 
tourna  lu  position  en  passant  à  l'ouest,  à  travers  les  solitudes  du  Clinco, 
et  reparut  au  bord  du  fleuve  en  amont  d'Angostura'. 

En  aval  do  ce  défilé  où  les  Paraguayens  avaient  vainement  espéré  de 
conjurer  leur  destin,  il  n'y  a  point  de  bourgs  imporlantsau  bord  du  fleuve  : 
Oliva  el  Villa  Franca  sont  les  derniers  villages  qui  se  trouvent  sur  des 
renilemenls  de  collines  se  iiitlachant  aux  terres  accidentées  de  l'intérieur. 
Au  sud,  le  Tibicuary  s'épanche  entre  des  marécages,  anciennes  l)aies 
de  In  mer  qui  recouvrait  autrefois  tout  le  sud  de  la  contrée.  Villa  del 
Pilar,  qu'on  ap|>elle  d'or(lin»irc  Nembucû,  autre  [letil  groupe  de  pail- 
lottes,  occupe  une  situation  escellenle  en  apparence,  entre  les  deux 
confluents  du  Tibicuary  l'I  du  Rermejo,  au  point  de  croisement  de  deux 
grandes  voies  naturelles;  mais  en  pays  désert  ce  sont  là  de  chimériques 
avantages.  Ln  coulée  du  rio  Nembucû,  se  dévei-sant  dans  le  Paraguay  à 
Villa  del  Pilar,  est  un  des  bayous  qui  suintent  des  marais  de  t'inté- 
i-ieur  :  ce  fut  évidemment  un  des  anciens  lits  du  Paranâ,  et  quand  on  vou- 
dm  dessécher  le  pays,  il  sera  nécessaire  de  creuser  un  canal  suivant  la 
diivcliun  du  cours  primitif.  Sous  la  dictature  de  Francia,  Pilar  fut  pen- 
dant un  temps  ouvert  au  commerce  étranger  :  les  traitants  y  appor- 
taient leurs  marchandises,  mais  il  leur  était  interdit  d'aller  plus  avant. 
Nombre  d'émigi-anls  de  Corrientes  se  sont  établis  dans  cette  ville  d'avenir, 
qui  se  trouve  jiresque  en  face  de  la  ville  argentine  dite  Puerto  Bermejo  ; 
tou-s  les  progrès  de  l'une  dos  villes  pnilitcront  à  l'aulic. 

Out'lqui's  pans  de  mur.  des  ruines  de  muniilles,  des  cabanes,  sur  les 
beiges  qui  dominent  le  méaiuliv  d'ilumaîla,  à  mi-distance  de  la  bouche 
du  Iteruiejn  à  celle  du  Paranâ,  rappellent  la  Troie  paraguayenne  qui  résista 


ANGOSTITRA,  HUHAITA.  541 

pendant  deux  années,  de  i866  à  1868,  aux  armées  et  à  In  marine  des 
puissances  alliées.  Tout  l'espace  qui  sépare  l'ancienne  forteresse  de  t'em- 
fcoucliure  du  Parani  est  teint  de  sang.  Sur  ce  fleuve,  le  poste  d'Itapirû 
le  f>ut  être  acheté  par  les  Brésiliens  qu'au  prix  d'une  terrible  bataille; 
^^  siTnont,  sur  la  rive  gauche  du  Paraguay,  Guruzu  était  armée  de  haltè- 
res c]ui  arrêtèrent  longtemps  la  flotte  brésilienne:  plus  haut  s'élevaient  les 


forts  de  Curupaily,  que  les  forces  alliées  essayèrent  en  v:nn  de  prendre 
d'assaut,  et  que  plus  tard  la  flotte  réussit  à  dépasser,  à  demi  désemparée. 
Dans  l'intérieur,  les  cainps  de  Tuyuti  et  de  Tuyucué,  ainsi  nommés  du 
radical  tuyu  qui  signifie  «  bouc  »,  les  passages  du  gi-and  marais  ou 
ettero  Bellaco  et,  sur  les  bords  du  Paranà,  les  berges  du  paso  de  la  Palria, 
furent  aussi  le  théâtre  do  combats  acharnés;  puis  l'invasion  du  choléra 
fit  de  la  région  un  itnmensc  cimetière.  Quant  à  la  forteresse  d'Humaita, 
elle  ne  fut  point  prise  de  vive  force  :  les  eaux  du  fleuve,  gonflées  par  les 
pluies  estivales,  s'étant  élevées  à  une  hauteur  inaccoutumée,  la  puissante 


^19  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE   IMVERSELLE. 

chaîne  i|Lii  fermait  le  passage  se  trouva  submergée  à  plus  de  5  mètres,  et, 
par  une  nuit  brumeuse  et  sans  étoiles,  quatre  des  sept  navires  cuirassés 
qui  composaient  la  flotte  brésilienne  franchirent  la  passe.  Les  dùfenseui-s 
d'Hnmaila,  pris  entre  deux  feux,  d'un  côté  par  les  navires,  de  l'autre 
par  les  troupes  échelonnées  sur  une  ligne  de  rirconvallation  de 
40    kilomètres,  construite  d'Itapirii  sur  le  Paranâ  à  Tayi  sur  le  Para- 


guay, durent  évacuer  ta  place  pour  aller  au  nord  chercher  un  autre  point 
de  résistance'. 

Des  postes  militaires  érigés  sur  pilotis  ou  sur  des  monticules  artiticiels 
gardaient  autrefois  le  confluent,  entre  le  Paranâ  de  nuance  vert  sale  et  le 
Paraguay  à  l'eau  d'un  brun  jaunâtre;  mais  aucune  ville,  aucun  village  ne 
se  sont  élevés  sur  le  terrain  boucui.  D'après  Félix  de  Azara,  le  Paraguay 
ne  roulerait  pendant  la  saison  des  basses  eaux  qu'un  flot  de  300  à  220  mè- 
tres cubes. 


'  ViilcR  princi|inlcs  o 
Asuncioii 

Villa  Rica 

San  Peilro 

Paraguari 


liistDri(|UCS  du  Paraguay 
:i5  000  lialiilunL" 


vcc  leur  population  approxiinalivo 

Coiiccpi:ion 'J  ( 

Villola 2t 

Villa  dcl  Pilar  .    . 


3  000 
âODO 
t500 


POPULATION  DU  PARAGUAy.  543 


V 

Le  premier  recensement  du  Paraguay  date  de  la  fin  du  siècle  dernier  : 
d'après  Âzara,  la  population  totale  de  la  province,  y  compris  les  Indiens 
des  Missions,  aurait  été  de  97  480  mdividus.  Depuis  cette  époque  jusqu'au 
commencement  de  la  guerre,  le  pays  se  maintint  dans  une  paix  parfaite, 
■nême  lors  du  changement  politique  produit  par  le  mouvement  d'indé- 
pendance,   et    l'accroissement    des  Paraguayens,  dont  les  familles  sont 
très   fécondes,  fut  certainement  très   considérable.  Si  l'on  en  croit  un 
document  publié  en  1867  par  ordre  du  dictateur  Solano  Lopez,  le  nombre 
des  Paraguayens  aurait   été  alors  de  1337  439;    malheureusement  les 
chiffres  de  détail   relatifs  à  ce  recensement   n'ont   jamais   été   rendus 
publics  :  aussi  plusieurs  écrivains  ont  mis  en  doute  la  possibilité  d'une 
augmentation  aussi  considérable,  sans  appoint  d'une  immigration  sem- 
blable à  celle  des  États-Unis.  En  effet,  depuis  la  fin  du  dix-huitième  siècle 
la  période  de  doublement  pour  la  population  aurait  été  moindre  de  douze 
années,  phénomène  dont  on  a  vu  des  exemples  en  quelques  endroits  privi- 
légiés, mais  qui  parait  extraordinaire  pour  un  pays  de  grande  étendue 
comme  le  Paraguay.  Toutefois,  si  le  nombre  de  résidents  avait  été  réelle- 
ment moins  élevé,  on  ne  saurait  comprendre  qu'un  si  petit  peuple  ait 
pu,    pendant  sa  guerre    de   cinq  années    contre    les  trois  puissances, 
réaliser  de  pareils  prodiges.  Non  seulement  les   forces  organisées  com- 
prenaient dès  le  début  de  la  guerre  plus  de  50000  hommes,   mais  le 
pays,    étant    complètement    bloqué    et  n'ayant   aucune   communication 
possible  avec  l'extérieur,   des  milliers  de  Paraguayens  eurent   encore, 
tout  en  formant  une  réserve  de  bataille,  à  construire  les  batteries  flot- 
tantes et  les  bateaux  à  vapeur,  à  réparer  les  vaisseaux  endommagés,  à 
fondre  les  canons,  à  fabriquer  les  armes,  les  munitions  de  guerre  et  les 
uniformes;  enfin,  quelque  sobres  que  soient  les  descendants  des  Guarani, 
il  fallait  vivre,  et  ceux  qui  n'étaient  pas  enrôlés  ou  employés 'directement 
aux  travaux  militaires  devaient  cultiver  le  sol  et  transporter  les  produits. 
Tandis  que  les  Alliés  disposaient  par  leurs  emprunts  des  capitaux   de 
l'Europe  et  de  toutes  les  ressources  que  donne  le  commerce,  le  Paraguay 
avait  à  trouver  en  lui-même  tous  ses  moyens  de  défense. 

En  1887,  dix-huit  années  après  la  guerre,  on  procéda  à  un  nouveau 
dénombrement,  et  cette  fois  on  ne  trouva  que  239  774  habitants  :  d'après 
ces  chiffres,  la  guerre  aurait  coûté  plus  d'un  million  d'hommes,  les  quatre 


5li  NMI]VEr,I.K   r.ÉOGllAl'niE  CNIVERSELIE, 

i-inquiémes  àt;  l«  populîitioii!  Mais  Jl  i'épofjue  nii  se  fit  ce  ivcoiisemonl  le 
régime  du  pays  avait  chang»;,  cl  ii^s  liiibitiiiils  répondaient  moins  volon- 
tiers aux  fonctionnaires  :  les  évaluations  officiellos  ^urlèrcnl  le  chiffre  pro- 
Iwble  à  îîjOOOO  individus.  D'apnV  iraulres  autorités',  raccmisspraent 
normal,  de  îî  pour  100  par  année  depuis  la  guerre,  permet  d'estimer  à 
rit)0O00  les  fai'Hgunyetis  polirés  qui  en  1890  peuplaient  le  territoire  de  h 
llépuliliiiue.  Il  faut  y  ajouter  les  Indiens,  au  nombre  présumé  de  trente 
mille,  i|ui  habitent  les  plaines  du  Chaco,  entre  le  Pilcomayo  et  le  Para- 
[Tuay.  l/immigitition  eontrihne  maintenant  pour  une  certaine  part  il 
peupler  la  conti-ée.  Déjà  le  i-ecensemcnt  incomplet  de  1887  comptait 
7896  étrangers,  et,  depuis,  les  arrivées  ont  été  à  peu  près  d'un  millier 
par  an,  même  de  2595  en  1890.  I^s  Argentins  sont  de  beaucoup  les 
phis  nombreux  parmi  res  nouvcaui  venus,  grâce  à  la  facilité  des  voyages; 
d'antre  part,  quelques  Birsilicns  sont  descendus  des  hauts  par  l'Ignazû; 
parmi  les  éti'angers  on  Irouve  aussi  des  représentants  de  toutes  les 
nations  du  Nouveau  Monde  et  de  l'Eurofte,  surtout  des  Italiens.  On  a 
constaté  dans  les  recensements  partiels,  aussi  bien  que  dans  les  registres 
d'état  civil  et  les  actes  de  bapt^>me,  que  les  filles  naissent  en  plus  grand 
nombre  que  les  garçons.  Ce  phénomène,  qui  se  retrouve  dans  la  démo- 
graphie du  Ja|>on,  est  fort  rare  dans  toutes  les  contrées  où  se  font  des  sty- 
listiques sérieuses.  Cependant  A/ara  avait  déjà  signalé  le  fait  à  la  Un  du 
siècle  dernier  et  fiiait  même  la  projiortion  des  sexes  :  14  femmes  pour 
15  hommes.  I.a  plupart  des  voyafïcurs  qui  ont  parcouru  le  Parafruay  ont 
fait  des  obsenations  analogues. 

Très  en  retard  sur  les  autres  peuples  policés,  les  Parag\iayens  se 
trouvent  dans  une  période  économi{[ue  comjiarable  à  celle  des  mamelucos 
de  l'Amazone  et  des  Indiens  de  l'intérieur  du  Brésil.  Leur  travail  le 
plus  lucratif  n'est  ni  la  culture  du  sol  ni,  moins  encore,  la  mise  en  œuvre 
industrielle  des  matières  premières,  mais  la  cueillette  dans  les  forêts; 
au  Cbaco,  à  l'ouest  du  fleuve,  la  seule  industrie  est  celle  des  ohratjes  ou 
l'abatage  des  bois;  les  forêts  de  caoutchoïKiuiers  qui  existent,  dit-on, 
sur  les  fiTiritières  du  Brésil,  ne  sont  pas  encore  exploitées.  Le  Paraguay 
est  considéré  d'ordinaire  comme  ayant  le  monopole  de  la  yerha  maté 
{tlex  paraguai-iensis) ,  quoique  h^s  États  méridionaux  du  Bi'ésil  possî^ 
dent  également  la  plante  et  fassent  une  exportation  considérable  de 
ses  produits;  mais  il  faut  dire  que  la  yerha  du  Matio  Grosso  brésilien 
passe  par  le   Paraguay  el   que    dans    le  commerce  on  la  livre  comme 

'  E.  de  D.iurpiiio  h  llanijp.  ouvnige  ,-\ti: 


PRODUCTIONS  DU  PARAGUAY.  545 

venant  de  ce  dernier  pays,  afin  de  lui  donner  plus  de  vajeui-  marehande. 
C'est  dans  le  territoire  des  Hissions  que  les  Jésuites  apprirent  des  Indiens 
l'usage  de  la  boisson  du  maté,  el  grâce  à  leurs  récits  le  goût  s'en  propagea 
dans  la  partie  méridionale  du  continent.  Le  cad  des  Guarani,  la  «  plante  » 
par  excellence,  —  mot  que  les  Espagnols  ont  traduit  par  le  terme 
de  yerba,  —  n'est  point  une  herbe,  mais  un  arbuste,  un  arbre  même, 
de  la  taille  d'un  oranger,  quoique  de  ramure  plus  délicate;  sur  les  bords 
de  l'Ygatimi,  affluent  du  Paranâ,  on  trouve  des  caâ  d'un  mètre  de  circon- 


férence sur  une  hauteur  de  8  mètres'.  D'après  Bonpiaod  il  en  existe  trois 
espèces  au  Paraguay,  dilTérarit  peu  les  unes  des  autres  et  ressemblant  aux 
congonhat  des  plateaux  brésiliens.  L'aire  de  la  plante  comprend  tout 
l'espace  qui  s'étend  des  Minas  méridionales  aux  frontières  du  Rio 
Grande  do  Sul  el  de  la  mer  au  (leuve  Paraguay.  On  l'aurait  aussi  décou- 
verte, par  delà  le  Chaco,  dans  les  parties  septentrionales  de  l'Argentine, 
mais  ces  contrées  n'en  font  aucun  trafic  :  la  meilleure  yerba  est  celle  du 
Paraguay,  surtout  celle  que  l'on  cueille  dans  les  forêts  du  Maracajû. 
Sous  la  direction  des  Jésuites,  les  Guarani  cultivaient  le  maté  :  chaque 
mission  avait  son  yerbal,  produisant  du  caâ  mini,  récolte  de  meilleure 
qualité  que  le  caâ  nana-  Il  y  aurait  eu  recul  dans  les  arts  agricoles, 


■  Albert  Hiiu,  NiAet  manutcrile*. 


546  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

car  le  Paraguay  ne  possède   plus   que  des  matés    sauvages,  épars  ou 
groupés  dans  les  forêts,  et,  loin  d'établir  des  plantations  de  yerba,  on  abat 
même  les  arbres  pour  récolter  plus  aisément  les  feuilles*.  Les  exploita- 
tions principales   se  trouvent  loin  des  villes,  et  les  yerbaterot  ont  de 
longs  voyages  à  faire  à  travers  les  solitudes  avant  d'avoir   récollé  leur 
moisson  de  feuilles  et  de    ramilles',   qu'ils    soumettent  d'abord  à  un 
feu  doux  pour  les  dessécher  et  les  crisper,  et  qu'ils  réduisent  ensuite  en 
poudre  avant  de  les  livrer  au  commerce.  La  boisson  que  donne  la  décoc- 
tion  du  maté  parait  être  à  la  fois  un  stimulant  et  un  aliment  d'épar- 
gne, relardant  la  dénutrition.    La  production  du    maté  paraguayen  se 
partage  à  peu  près  par  moitiés  pour  la   consommation  locale  et  pour 
l'exportation'. 

La  deuxième  récolte  du  Paraguay  par  ordre  d'importance  est  celle  des 
oranges.  Le  voyageur  de  Bourgade  attribue  une  origine  américaine  à  l'es- 
pèce d'oranger-date,  apepûy  qui  produit  un  fruit  d'un  goût  aigrelet  tout 
particulier.  On  la  rencontre  en  pleine  forêt,  loin   de   toutes  les  habita- 
tions humaines,   raison  sérieuse  en  faveur  de  la  provenance  locale  du 
végétal*;  d'ailleurs  le  nom  qu'il  porte  est  de  pur  langage  guarani,  tandis 
que  les  arbres,  légumes  et  animaux  importés  d'Europe  ont  des  appella- 
tions légèrement  modifiées  de  l'espagnol.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  divei'ses 
variétés  introduites  par   les   colons    ont   merveilleusement   réussi  :  en 
aucun  pays  l'orange   n'a  meilleur  goût  qu'au  Paraguay.  Chaque  village 
s'entoure  d'orangeries,  chaque  maisonnette  a  la  sienne.  Il  suffit  qu*une 
feuille  soit  entraînée  par  le  vent  sur  un  terrain  légèrement  humide  pour 
que  des  radicelles  adventives  se  détachent  du  pédoncule  et  donnent  nais- 
sance à  un  arbrisseau;  pendant  les  crues  on  a  vu  les  rivières  charrier  les 
fruits  d'or  par  millions.  Le  commerce  d'exportation  des  oranges,  qui  se  fait 
presque  en  entier  par  les  ports  de  l'Asuncion  et  de  Villeta,  ne  représente 
qu'une  très  faible  partie  de  la  production,  le  manque  de  communications 
faciles  ne  permettant  pas  de  porter  à  quai  les  fruits  des  vergers  éloignés*. 
Presque  toutes  les  oranges  se  perdent,  et  l'industrie  commence  à  peine  à 

1  De  Bourgade  ;  Albert  Uans,  ^iotes  manuscriieg. 
»  J.  P.  and  \V.  P.  Robertson,  Lelters  on  Paraguay. 

'  Exportation  du  mate  en  1887 6  415  tonnes. 

Consommation  locale        » 5  030       n 


Ensemble 11  443  tonnes. 

Valeur  de  la  production  totale 11  000  000  francs 

*  E.  de  Bourgade  la  Dardye,  ou>Tage  cité. 

*  Exportation  des  oranges  du  Pai^aguay  en  1886  :  50  000  000. 


PRODUCTIONS  DU  PARAGUAY.  547 

les  utiliser  sur  place  pour  la  fabrication  des  vins  et  eaux-de-vie.  On  prépare 
aussi  des  essences  avec  la  feuille  et  la  fleur. 

On  a  calculé  que  la  superficie  des  terrains  cultivés  était  seulement  de 
65000  hectares,  soit  environ  la  400*  partie  de  la  surface  du  Paraguay  :  à 
peine  a-t-on  égratigné  le  sol.  Les  femmes,  auxquelles  incombe  presque 
tout  ce  travail,  s'occupent  surtout  de  la  culture  du  maïs;  la  consomma- 
lion  du  manioc  diminue  à  mesure  que  s'étendent  les  champs  de  céréales. 
De  rares  champs  de  froment  se  montrent  dans  les  plantations,  et  quoiqu'il 
y  ait  de  nombreuses  rizières  autour  d'Asuncion,  et  à  l'est  vers  Altos*,  des 
chargements  de  riz,  de  même  que  du  blé,  arrivent  de  l'étranger.  Des 
treilles  ornent  les  varandes,  mais  on  ne  voit  pas  de  vignobles  proprement 
dits  au  Paraguay.  Chaque  paysan  a  son  champ  de  cannes,  mais  n'utilise  le 
jus  que  pour  en  extraire  une  cassonnade  grossière  ou  en  distiller  un  rhum 
impur;  le  cafier  donne  de  belles  récoltes,  de  même  que  les  arachides, 
mais  les  spéculateurs  portent  leur  préférence  sur  les  tabacs,  que  l'on 
s'accorde  à  regarder  comme  de  qualité  supérieure  et  d'un  arôme  ana- 
logue à  ceux  de  la  Havane*.  Nulle  part  peut-être  la  consommation  des 
cigares  n'est  plus  forte  par  habitant  :  elle  dépasse  11  kilos,  tandis  qu'en 
France  elle  ne  s'élève  qu'à  758  grammes*.  Peut-être  cette  énorme  con- 
sommation de  tabac  serait-elle  pour  quelque  chose  dans  la  patience  à 
toute  épreuve  des  Guarani. 

On  estimait  avant  la  guerre  que  les  Paraguayens  possédaient  2  mil- 
lions de  têtes  de  bétail.  Après  la  dévastation  générale  du  territoire  il  n'en 
restait  plus  que  15000.  Le  nombre  des  animaux,  importés  du  Corrientes 
et  du  Matto  Grosso,  augmente  rapidement,  mais  sans  être  comparable 
à  celui  des  temps  prospères.  Les  bêtes  pâturent  à  l'état  libre,  et,  sauf 
dans  la  colonie  allemande  de  San  Bernardine,  on  ne  sait  pas  employer  le 
lait,  soit  pour  l'alimentation  directe,  soit  pour  la  préparation  du  beurre 
et  du  fromage.  En  1889,  le  Paraguay  ne  possédait  pas  encore  d'usines  à 
viandes  comme  les  républiques  voisines.  On  élève  quelques  chevaux,  très 
peu  de  moutons,  de  chèvres  et  de  porcs*  :  une  herbe  vénéneuse,   le 


*  Albert  Hans,  Notes  manuscrites, 

«  Production  du  tihac  au  Paraguay  en  1886.     10  497  tonnes. 

Exportation        »  »  ».       4  784      » 

>  E.  de  Bourgade  la  Dardye,  ouvrage  cité. 

*  Cheptel  du  Paraguay  en  1891  : 

Bétes  à  cornes.    ...  861 050 

Équidés 104  220 

Oyidés 76  000 


548  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

mio-mioy  rendrait  impossible,  dit-on,  l'élevage  en  grand  des  troupeaux 
d'ovidés*.  Dans  le  Chaco  paraguayen,  chevaux,  mulets  et  ânes  meurenl 
rapidement  sous  l'influence  d'une  maladie  infectieuse  dite  mal  decadeira\ 

Les  anciennes  pratiques  de  travail  en  commun  ont  été  abandonnées, 
mais  la  propriété  n'a  pas  été  attribuée  à  celui  qui  la  cultive.  Sous  le  gou- 
vernement des  Jésuites,  le  sol  était  censé  appartenir  à  tous  et  les  produits 
se  distribuaient  partiellement  aux  associés;  plus  tard  les  dictateurs  devin- 
rent, au  nom  de  l'État,  les  véritables  propriétaires  du   territoire,  mais 
chaque    paysan  avait  sa  cabane  et  ses  cultures.  Âpres  la  guerre,  presque 
toute  la  superficie  du  Paraguay,  ayant  cessé  d'être  occupée,  constituait 
un  domaine  public.  Maître  de  l'immense  propriété  nationale,  le  gouver- 
nement la  mit  en  vente  à  tant  la  «  lieue  carrée  »,  suivant  la  valeur  d^ 
terres  et  la  proximité  des  marchés.  Les  spéculateurs  argentins,  anglais, 
américains  du  nord,  se  ruèrent  sur  la  proie,  sans  même  respecter  les 
petites  enclaves  où  les  familles  guarani  cultivaient  le  sol  de  génération  en 
génération,  n'ayant  jamais  eu  besoin  de  faire  constater  leurs  titres  de 
propriété  ;  des  syndicats  de  marchands  achetèrent  les  terrains  par  dizaines, 
par  centaines  de  mille  hectares,  afin  de  les  revendre  au  décuple  et  au 
vingtuple   de  leur  valeur  :  un  seul  concessionnaire  accapara  plusieurs 
milliers  de  kilomètres  carrés.  En  peu  d'années,  les  vastes  solitudes  furent 
adjugées  à  des  propriétaires  absents,  et  désormais  nul  paysan  paraguayen 
ne  pourra  bêcher  le  sol  de  la  patrie  sans  payer  de  rente  aux  banquiers 
de  New  York,  de  Londres  ou  d'Amsterdam.  Peut-être  les  fils  des  Guarani, 
après  avoir  été  soumis  au  régime  des  Jésuites  et  à  celui  des  dictateurs, 
qui  se  termina  du  moins  par  des  années  d'héroïsme,  auront-ils  à  subir 
un  troisième  esclavage,  plus  dur  encore,  car  il  en  fera  des  prolétaires 
dégradés. 

Sauf  dans  les  chantiers  d'Asuncion,  il  n'y  a  point  d'industrie  propre- 
ment dite  au  Paraguay  ;  quelques  distilleries,  des  tuileries,  des  savon- 
neries et  des  minoteries,  voilà  ou  à  peu  près  tout  ce  que  possède  la 
nation  autour  de  la  capitale  et  de  ses  bourgs.  Mais  le  Guarani  est  d'une 
singulière  adresse,  et  les  Jésuites  avaient  su  lui  enseigner  divers  métiers; 
les  femmes  tissent  des  étofies  de  toutes  espèces,  entre  autres  des  nanduti 
ou  ((  toiles  d'araignée  »,  qui  sont  d'une  extrême  finesse.  Lorsque  l'ère 
industrielle  aura  commencé,  le  Paraguay  ne  manquera  pas  d'ouvriers 
habiles  a  tous  les  travaux.  Les  usines  se  distribueront  au  pied  des  cas- 


*  \V.  Giflbrd  Palgrave,  ouvrage  cité. 

•  Albert  Ilans,  Notes  manuscrites. 


COMMERCE  DU  PARAGUAY.  551 

id^s,  le  long  des  chemins  qui,  tôl  ou  tard,  parcourront  le  territoire.  Les 
3SS0urces  minières  de  la  contrée,  à  l'exception  du  fer,  sont  peu  de  chose; 
lacune  rivière  n'est  devenue  fameuse  par  ses  lavages  d'or. 

Avant  que  les  États  plateens  eussent  commencé  leur  réseau,  le  Para- 
uay  possédait  déjà  une  voie  ferrée,  d'Asuncion  à  Paraguari.  Bien  plus, 
B  pays  était  traversé  par  des  routes  praticables  aux  chars,  qui  réunissaient 
es  deux  fleuves.  Un  chemin  ouvert  à  travers  les  forêts  longeait  la  rive 
;aiiche  du  Paraguay  jusqu'en  face  du  territoire  argentin  ;  une  autre  voie 
naitresse  atteignait  le  Paranâ  au  port  d'Encarnacion,  et  de  Yilla  Rica 
artaient  d'autres  chemins.  Après  la  guerre,  toutes  ces  roules,  coupées 
e  fondrières,  disparurent  sous  la  végétation  ;  mais  on  les  a  frayées  à  nou- 
eau  et  des  pistes  font  communiquer  les  yerbales  des  forêts  aux  ports 
uviaux.  En  outre,  plusieurs  rivières,  sans  compter  les  deux  fleuves, 
orient  des  bateaux  pendant  la  récolte  du  maté  et  même  des  vapeurs 
avîguent  sur  le  bas  Jejuy  et  sur  la  rivière  Tibicuary.  Les  grands 
aquebots  de  Buenos  Aires  remontent  le  Paranà  jusqu'à  Encarnacion, 
^  plus  haut  des  embarcations  moindres  ont  à  lutter  contre  les  i*apides  et 
®  i*emous  jusqu'à  Tacuru-Pucù  et  Goycacheas.  Bien  plus  active  est  la 
^Wgation  sur  le  fleuve  Paraguay,  surtout  aux  approches  d'Asuncion,  qui 
^ttoentre  devant  ses  quais  presque  tout  le  commerce  de  la  République*. 
^*-^ellement  (1893),  le  Paraguay  n'a  pour  son  mouvement  d'échanges 
^^Ki  le  monde  extérieur  qu'une  seule  porte  de  sortie,  désignée  d'ordinaire 
'^^  l'expression  abajOj  c'est-à-dire  «  en  bas  »  ou  «  en  aval  ».  Le  chemin 
'^  fer  de  Yilla  Rica  à  Encarnacion  lui  donnera  une  seconde  issue,  et 
^t  ou  tard,  lorsqu'une  grande  ligne  se  dirigera  vei's  l'est  pour  gagner 
'^u  des  ports  les  plus  rapprochés  sur  la  côte  océanique,  Paranaguâ  par 
exemple,  une  troisième  issue,  et  la  plus  directe,  facilitera  le  traflc  avec 
la  petite  République  naguère  enfermée  entre  ses  deux  fleuves.  Cette 
^oie,  brésilienne  sur  les  deux  tiers  du  parcours,  évitera  aux  passagers 
et  aux  marchandises  un  détour  de  2500  kilomètres  par  l'estuaire  de 
la  Plata'. 

Dans  l'intérieur  et  le  long  du  fleuve  les  chemins  de  fer  sont  pré- 
cédés par  les  lignes  télégraphiques.  Dépêches  et  envois  postaux'  se  sont 

*  MouTement  commercial  du  Paraguay  en  i891  :  26825000  francs. 
MouTement  de  la  navigation  dans  les  ports  du  Paraguay  : 

2354  navires  et  embarcations,  jaugeant  500  995  tonnes. 

*  Chemin  de  fer  du  Paraguay,  d'Asuncion  à  Villa  Rica  :  150  kilomètres. 

3  Nombre  des  lettres  expédiées  par  la  poste  au  Paraguay,  en  1891.    .     i  124000 

»  dépêches  »  »  »      .    .  32  475 


552  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

notablement  accrus  depuis  que  le  Paraguay  fait  partie  de  TUnion  postale 
et  qu'arrivent  les  immigrants.  Les  écoles  se  sont  rouvertes  depuis  la  tem- 
pête qui  ferma  les  églises^  supprima  les  cérémonies  du  mariage  et  les 
unions  légales,  balaya  toutes  les  institutions  publiques  \  Avant  la  période 
de  rindépendance,  renseignement  était  dirigé  entièrement  par  les  prêtres, 
et  la  plupart  des  enfants  savaient  sinon  lire  du  moins  réciter  leurs  prières; 
ils  aimaient  aussi  beaucoup  à  chanter,  car  les  Guarani  ont  le  génie  delà 
musique*.  La  plupart  des  ecclésiastiques  ayant  été  destitués  ou  chassés  par 
le  dictateur  Francia,  le  régime  des  écoles  fut  modifié  et  se  transforma 
en  éducation  presque  militaire  :  dans  tous  les  villages  les  enfants  étaieil 
convoqués  au  roulement  du  tambour,  et,  sous  peine  de  réprimande  ou 
de  châtiment,  Talcalde  était  tenu  de  faire  suivre  les  cours  par  tous  les 
garçons.  Avant  le  commencement  de  la  guerre,  presque  tous  les  Para- 
guayens avaient  appris,  par  ordre,  c>lire  et  à  écrire'.  Seulement  ils  ne 
lisaient  ni  n'écrivaient  guère.  Les  imprimeries  étaient  rares.  Les  Jésuites 
en  avaient  possédé,  mais,  après  eux,  la  première  presse  ne  fut  im- 
portée qu'en  1844.  Le  chef  du  pouvoir  envoyait  verbalement  ses  ordres, 
toujours  obéis.  Plus  tard,  quand  parut  le  journal  officiel,  le  représentant 
(le  l'autorité  réunissait  les  habitants  de  chaque  village  et  leur  lisait  solen- 
nellement les  décrets  du  gouvernement  écoutés  dans  un  religieux -silence. 


VI 

La  Constitution  actuelle  date  du  lendemain  de  la  guerre  et  fut  copiée 
sur  celle  des  républiques  voisines.  Dans  ce  petit  Ëtat,  comme  dans  tes 
autres  communautés  américaines,  la  fiction  politique  suppose  trois  pou- 
voirs en  équilibre  parfait  :  législatif,  exécutif  et  judiciaire.  Le  groupement 
communal  constitue  des  partidoSy    noyaux  administratifs  et  judiciaires, 
premières  circonscriptions  politiques  rattachées  directement  au  pouvoir 
central  par  l'intermédiaire  de  magistrats  élus.  Les  étrangers  aussi  bien 
que  les  nationaux  ont  droit  de  vote  dans  les  élections   municipales;  ils 
sont  même  éligibles  et  la  loi  les  oblige  à  se  soumettre  au  vœu  popu- 
laire. Un  je fe  politico y  sorte  de  préfet,  représente  le  pouvoir  exécutif  dans 
chaque  commune  et  le  ministre   de   la   justice   y  délègue  un  juge  de 

»  Nombre  des  écoles  en  1891 292 

))      des  élèves         »       i8  950 

-  E.  de  Bourgade  la  Dardye,  ouvrage  cité. 

3  Rengger  et  Longchamp,  Robcrtson,  ouvrages  cités. 


GOUVERiNEMENT  DU  PARAGUAY.  hbZ 

paix.  Deux  chambres,  nommées  directement  par  le  suffrage  universel ,  dis- 
cutent au  même  titre  toutes  les  lois,  à  l'exception  du  budget,  que  la  cham- 
bre des  députés  vote  seule  et  d'une  manière  définitive.  Une  cour  suprême 
de  trois  membres,  assistés  de  plusieurs  juges,  constitué  le  pouvoir  judi- 
ciaire; un  président,  nommé  pour  quatre  années  comme  les  députés, 
exerce  le  pouvoir  exécutif  et  choisit  cinq  ministres,  responsables  devant 
tes  chambres.  Le  catholicisme  reste  religion  d'État,  comme  au  temps 
des  Jésuites  et  des  Lopez,  mais  la  liberté  des  cultes  est  reconnue.  Quant 
à  la  navigation  des  fleuves,  l'une  des  causes  de  la  guerre,  la  nation  vaincue 
ne  pourrait  la  refuser  à  ses  puissants  voisins  :  le  Paraguay,  le  Paranà 
sont  ouverts  aux  navires  du  Brésil  et  de  la  république  Argentine;  les 
étrangers  entrent  sans  passeport  par  tous  les  points  de  la  frontière. 

Les  ressources  étaient  nulles  à  la  fin  de  la  guerre,  et  nul  le  crédit. 
D  fallait  emprunter  pour  reconstituer  l'administration  avec  toute  sa  hié- 
rarchie de  fonctionnaires,  et  l'Angleterre  seule  consentit  à  avancer  de 
l'argent  à  de  gros  intérêts.  Les  capitalistes  de  Londres  voulurent  bien 
prêter  en  deux  fois  une  somme  de  1  438  500  livres  sterling:  mais,  par  un 
de  ces  mystères  financiers  dont  l'histoire  de  l'Amérique  offre  tant  d'exem- 
ples, les  caisses  de  l'État  ne  reçurent  pas  même  la  septième  partie  de  la 
somme  empruntée,  au  plus  200000  livres.  On  négocia  pour  diminuer  le 
capital  de  cette  énorme  dette,  et  les  banquiers  se  laissèrent  persuader, 
en  échange  d'un  cadeau  de  «  cinq  cents  lieues  carrées  »,  soit  plus  de 
300  000  hectares.  Ensuite  le  gouvernement  vendit,  toujours  h  des  spécu- 
lateurs  anglais,  le  chemin  de  fer  d'Asuncion  à  Yilla  Rica,  et  grâce  à  l'ac- 
croissement de  la  colonisation  et  à  l'augmentation  correspondante  de  la 
valeur  du  sol,  il  fut  possible  de  livrer  au  marché  des  terrains  culti- 
vables en  très  grandes  étendues.  Les  progrès  annuels  du  commerce  ont 
alimenté  les  douanes,  qui  fournissent  les  cinq  sixièmes  des  ressources 
budgétaires,  mais  en  quantités  très  insuffisantes  :  il  a  fallu  avoir  recours 
au  papier-monnaie  et  déprécier  ainsi  de  plus  en  plus  la  valeur  de  l'argent  : 
l'escompte  de  l'or  s'est  élevé  jusqu'à  600  pour  100.  Quant  h  la  partie  de 
la  dette  contractée  envers  le  Brésil  et  l'Argentine  sous  le  pied  du  vain- 
queur, il  est  convenu  que  le  Paraguay  attendra  pour  l'acquitter  l'époque 
cil  il  pourra  le  faire  sans   danger  de  ruine  immédiate*.  Mais  cette  Ion- 

*  Budget  du  Pai*aguay  en  1 89 1  : 

Recettes 665  000  francs. 

Dépenses 3  !28T  000      « 

Déficit 2  6'22  000      » 

Dette 50  000  000       » 

m.  70 


&54  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

ganimité  des  deux  grandes  puissances  voisines  se  paye  forcément  par  la 
sujétion  politique.  I/armée,  purement  nominale,  se  compose  de  600  à 
650  hommes. 


Jje  Paraguay  se  divise  en  23  districts  électoraux,  dont  trois  pour  la  capi- 
tale :  ceux-ci  nomment  4  députés  et  2  sénateurs;  les  districts  de  la  cam- 
pagne envoient  32  députés  et  16  sénateui*s  au  Congrès.  Le  Chaco  constitue 
une  division  spéciale. 


CHAPITRE    IV 


URUGUAY 


I 

L'Uruguay,  la  plus  petite  république  sud-américaine,  est  souvent  dési- 
gné sous  le  nom  de  «  Banda  Oriental  »,  qui  témoigne  déjà  de  l'état  de 
dépendance  historique  où  il  se  trouve  relativement  à  l'Argentine  :  cette 
expression  de  Bande  Orientale  n'est  vraie  que  pour  les  habitants  de  «  la 
Bande  Occidentale  »,  c'est-à-dire  pour  les  gens  de  Buenos  Aires  et  de  la 
mésopotamie  Argentine.  Sous  le  régime  colonial,  le  territoire  qui  devint 
l'État  de  l'Uruguay  faisait  en  effet  partie  des  possessions  espagnoles,  et 
même  après  que  l'indépendance  eut  été  proclamée,  jusqu'en  1815,  il  fut 
Tune  des  provinces  de  la  confédération  platéenne.  Mais  si  les  riverains  de 
la  rive  droite  de  la  Plata  regardaient  la  «  Bande  »  de  la  rive  gauche 
comme  appartenant  à  la  même  région  naturelle  et  devant  constituer  un 
même  État,  d'autre  part  les  Portugais,  et  leurs  héritiers  les  Brésiliens, 
voyaient  aussi  dans  cette  région  péninsulaire  que  limitent  l'Océan,  l'es- 
tuaire de  la  Plata  et  le  fleuve  Uruguay,  l'appendice  nécessaire  de  leur 
domaine  immense.  Aussi  le  poste  de  Colonia,  situé  en  face  de  Buenos 
Aires,  fut-il  énergiquement  disputé  à  la  fin  du  dix-septième  et  au  dix- 
huitième  siècle  entre  les  deux  voisins,  et  c'est  afin  de  pouvoir  prendre 
les  Portugais  à  revers  que  les  Espagnols  fondèrent  en  1724  la  ville  de 
Montevideo,  devenue  depuis  la  capitale  de  l'Uruguay. 

Mais  en  1821  les  Brésiliens,  profitant  des  troubles  de  la  république 
platéenne,  réussirent  à  s'annexer  l'Uruguay,  dont  ils  firent  la  province 
Cisplatine,  et  pendant  six  années  ils  restèrent  maîtres  de  la  contrée,  pos- 
sesseurs de  tout  le  littoral  entre  l'Amazone  et  la  Plata,  les  deux  grands 
fleuves  du  continent.  Pendant  une  nouvelle  période  de  trois  années,  l'Uru- 


556  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  INIVERSELLE. 

guay  flt  encore  partie  de  la  confédération  Argentine,  et  quand  il  se  fui 
affranchi  de  nouveau,  il  devint  le  théâtre  de  la  «  grande  guerre  »,  qui  dura 
seize  années,  de  1856  à  1852,  et  après  laquelle  le  pays  dévasté  n'était  plus 
qu'une  vaste  solitude.  Durant  la  lutte  des  alliés  contrôle  Pamguay,  le  petit 
État  de  l'estuaire  ne  garda  son  autonomie  que  par  une  fiction  iiolitique, 
puisqu'il  dut  recevoir  le  président  que  lui  amenaient  les  Brésiliens  vain- 
queurs. S'il  reste  constitué  en  république  indépendante,  il  le  doit  à  la 
rivalité  des  grands  États  voisins  ;  chaque  événement  qui  s'accomplit  de 
l'autre  côté  des  frontières  se  répercute  aussitôt  dans  le  pays  intermé- 
diaire. L'Uruguay  a  dû  malgré  lui  prendre  part,  activement  ou  passi- 
vement, à  toutes  les  guerres  civiles  qui  secouent  la  république  Argentine 
et  le  Rio  Grande  do  Sul.  Cependant,  malgré  cet  équilibre  instable,  le 
pays  a  beaucoup  progressé  depuis  la  grande  guerre.  La  population  a  plus 
que  décuplé  pendant  ce  siècle,  tandis  que  la  valeur  totale  des  produits 
s'accroissait  dans  une  proportion  plus  forte  encore,  car  peu  de  contrées 
sont  plus  favorisées  par  la  nature  :  elle  a  tous  les  avantages  du  sol,  du 
climat,  de  la  position  commerciale. 

Regardant  de  trois  côtés  sur  les  eaux,  mer,  estuaire  et  fleuve,  l'Uruguay 
est  bien  délimité  par  les  traités  sur  sa  frontière  septentrionale,  à  l'est  par 
la  petite  rivière  Chuy,  la  Lagôa  Mirim  et  le  Jaguarao,  à  l'ouest  parla 
rivière  Quaraim.  Enfermé  dans  ces  limites,  le  pays  serait  facile  à  explorer 
dans  son  entier,  et  on  le  connaît  en  effet  d'une  manière  générale,  puisque 
des  plantations  et  des  villages  se  sont  établis  dans  toutes  les  parties  du 
territoire:  mais  le  relief  du  sol  et  les  positions  respectives  des  lieux  n'ont 
pas  encore  été  étudiés  avec  une  précision  suffisante.  Les  champs  ont  été 
mesurés  de  l'une  à  l'autre  extrémité  de  la  République,  toutefois  la 
contrée  n'a  pas  encore  une  carte  digne  de  ce  nom  *. 


Les  hauteurs  de  la  Rande  Orientale,  qui  ne  s'élèvent  nulle  part  à  plus 
de  600  mètres  d'altitude,  appartiennent  au  même  système  montagneux 
que  celles  du  Rio  Grande  do  Sul.  On  en  désigne  aussi  les  crêtes  sous  le 
nom  de  cuchillaSy  quoiqu'elles  n'offrent  pas  d'arêtes  aiguës,  mais  de 
longues  croupes  aux  pentes  adoucies.  Les  ondulations  du  sol  occupent  la 
plus  grande  partie  du  territoire  et  se  décomposent  en  centaines  de 
massifs  distincts  entre  les    rivières  et  les   ruisseaux.  Des  campoi,  des 

•  Superficie  et  populution  de  ITrugiiay  en  1895  : 

186  9^0  kil.  C4irrés;  750  000  habitants;  4  hab.  par  kil.  carré. 


URUGUAY.  557 

ilaines  irrégulières  s'étendent  au  pied  de  ces  collines,  qui  paraissent 
tautes  par  le  contraste  et  dont  les  pentes  supérieures  s'élèvent,  grises  et 
lues,  au-dessus  de  la  zone  verdoyante.  Quelques  rangées  se  développent  en 
3ngues  chaînes  entre  les  bassins  fluviaux  :  telles  la  cuchilla  de  Haedo,  qui 
e  prolonge  au  sud-ouest  vers  Paysandû,etla  Cuchilla  Grande,  qui,  s'abais- 
ant  par  degrés  dans  la  direction  du  nord  au  sud,  projette  dans  la  mer 
[uelques  promontoires  rocheux;  entre  Montevideo  et  Maldonado  le  dernier 
;hainon  s'appelle  sierra  de  las  Animas,  «  montagne  des  Ames  ».  Dans  la 
lariie  septentrionale  de  l'Ëtat,  les  roches  consistent  principalement  en 
pranits  et  gneiss,  et  des  couches  de  matières  éruptives  se  sont  épandues 
lu-dessus  des  autres  formations.  En  ces  régions  du  nord  se  trouvent  les 
^semants  aurifères,  le  plomb,  le  cuivre  et  ces  agates,  ces  améthystes 
|ui  alimentent  les  tailleries  de  pierres  précieuses  :  toutes  les  pierrailles 
m  graviers  qu'on  appelle  piedra  china  ou  «  pierre  chinoise  »  sur  les  rives 
\e  l'Uruguay,  sont  d'anciens  corps  organisés  transformés  en  silice,  renfer- 
nant  souvent  des  gouttes  d'eau,  et  quelques-uns  conservent  leur  couleur 
primitive*;  on  y  trouve  aussi  des  cocos  de  mina^  géodes  remplies  de  cris- 
aux  qui  font  parfois  explosion  :  les  indigènes  disent  alors  de  ces  «  fruits 
e  terre  »  qu'ils  sont  arrivés  à  maturité*.  Le  sol  des  plaines  est  recouvert 
e  couches  argileuses  qui  se  changent  en  boue  sous  l'action  des  pluies, 
l  dans  lesquelles  on  a  trouvé  en  abondance  des  ossements  de  méga- 
bériums  et  autres  animaux  préhistoriques. 

Le  courant  qui  a  donné  son  nom  à  la  République,  l'Uruguay,  est  un 
missant  fleuve  déjà  devant  la  ville  de  Salto,  où  il  vient  de  plonger  en 
me  cascade  qui  arrête,  sauf  en  temps  de  fortes  crues,  la  navigation  des 
râteaux  à  vapeur.  Cependant  il  n'a  pas  encore  complètement  égalisé  son 
it  et  quelques  écueils,  les  Corralitos  ou  «  petits  Coraux  »,  rendent 
a  navigation  difficile  aux  gros  navires  ;  pendant  les  basses  eaux  le  flot 
l'a  qu'une  épaisseur  de  5  mètres  au-dessus  de  l'Hervidero  ou  «  Bouil- 
ani  »  ;  d'après  les  projets  de  correction  fluviale,  on  approfondirait  à 
)  mètres  et  demi  le  chenal  de  navigation,  entre  le  Salto  Grande  et  l'île  de 
lartin  Garcia,  et  l'on  ferait  des  emprises  le  long  des  rives  basses  où  l'on 
lébarque  maintenant  les  marchandises  au  moyen  de  charrettes  aux  roues 
jnormes.  En  aval,  le  fleuve  garde  l'aspect  pittoresque  de  ses  rives  hautes, 
le  ses  collines  couvertes  de  bosquets,  de  ses  brusques  détours,  aux  chan- 
geants paysages;  mais  la  profondeur  de  son  chenal  en  fait  déjà  un  détroit. 

•  0.  Durant  Savoyat,  Un  peu  de  Géologie  et  de  Paléontologie. 

*  Dobrizhoficr,  ouvrage  cité. 


558  NOUVELLE  r.P.OCRAPHIE  rSIVKBBKI.LK. 

Aii-dpssous  de,  la  ville  de  Paysandû,  nù  sa  largeur  n'atlfint  pas  600  mèires. 
il  prend  le  camctère  d'un  esliiaire  par  l'écarlement  de  ses  rives,  qui 
se  dt^veloppent  paitill élément,  a  plusieurs  kilomètres  de  distanec.  Les 
deux  rivages  contrastent  nettement  dans  cette  pai'tie  du  cours  :  c*lui  de 
l'ouest,  terre  argentine,  est  bas,  en  certains  endroits  marécageux,  et  se 
poursuit  sans  la  moindre  saillie  jusqu'à  l'extrême  horizon  ;  te  rivage  de 
l'est  au  contraire  s'étage  en  terrasses  et  en  collines  de  formes  variées. 
Évidemment  l'Uruguay  allait  autrefois  rejoindre  le  Paranâ  à  travers  la 
plaine  unie,  puis  il  a  graduellement  gagné  dans  la  direction  de  l'est, 
rongeant  sans  cesse  la  base  des  promontoires  pour  en  rejeter  les  débris 
le  long  de  sa  rive  droite  :  exemple  de  ce  phénomène  d'érosion  noiinale 
i[ui,  conformément  à  la  "  loi  de  Baer  »,  fait  empiéter  les  fleuves  de 
l'hémii^phère  méridional  à  gauche  de  leur  omrant,  tandis  que  dans 
l'hémisphère  du  nord  ils  gagnent  sur  la  droite. 

Un  autre  contraste  des  deux  versants  est  celui  que  présentent  les  rivières 
affluentes,  dont  le  flot  roule  beaucoup  plu«  abondant  du  calé  de  la  Bande 
Orientale.  Le  rio  Negro,  le  plus  fort  de  ces  tributaires,  comprend  dans 
son  bassin  une  moitié  du  territoire  de  la  République  ;  i)  a  reçu  son 
appellation,  non  à  cause  de  la  couleur  •<  noire  i>  de  son  eau,  comme  ses 
homonymes  du  bassin  de  l'Amazone,  mais  parce  qu'il  reflète  nettement 
les  ombres  ;  clair  et  limpide,  il  diffère  des  rivières  diversement  limo- 
ncnses  appelées  rio  Verde,  ri(t  Colorado,  rio  Vermejo'.  Le  rio  Negro  de 
l'Uruguay,  gonflé  du  Tacuarembo  et  de  la  rivière  Yi,  coule  dans  la  direc- 
tion normale  du  nord-est  au  sud-ouest;  mais,  arrivé  près  du  fleuve  dans 
lequel  il  va  se  perdre,  il  se  iTJetle  au  sud  et  limite  avec  l'Uruguay  une 
longue  péninsule,  dite  Rincon  de  las  Gallinas,  ou  «  Recoin  des  Poules  ». 
C'est  un  enclos  naturel  que  dès  les  premiers  temps  de  la  colonisation 
les  éleveurs  apprécièrent  pour  y  parquer  leurs  bestiaux.  En  aval  du 
confluent,  l'Uruguay  a  presque  cessé  d'être  fleuve  ;  il  s'étale  en  un  lac 
où  le  courant  se  fait  sentir  à  peine  et  que  remontent  facilement  les  voiliei-s, 
grftce  à  la  brise  marine;  au  passage  le  plus  étroit,  devant  Higneritas, 
son  lit  a  2  kilomètres  de  largeur.  La  haute  rive  orientale  donne  une  appa- 
rence pittoresque  à  cet  estuaire,  dans  lequel  refluent  les  eaux  du  Paranâ 
pendant  les  grandes  crues;  les  petites  rivièi"es  latérales  s'y  ouvrent  en 
larges  baies  oii  peuvent  pénélrci'  les  navires.  Dans  le  bas  cours  du 
fleuve,  en  amont  de  t'ilot  Martin  Garcia,  le  Paranâ  mêle  déjà,  même  durant 
la  saison  des  séclieresses,  son  cours  à  celui  de  l'Uruguay.  Le  Paranâ  con- 

*  Miirllii  (li;  Huussv,  Description  de  la  Confédiralion  Argentine. 


nnUGUAY,  RIO  NEGRO.  559 

lue  le  véritable  afQuenl  par  ses  ramures  latérales,  quoique,  pris  dans 
1  ensemble,  il  roule  une  ma&se  liquide  trois  fois  plus  considérable, 
l  ou  tard,  dans  Thistoire  hydrologique  de  la  Terre,  lorsque  les 
UTÎons  apportées  des  montagnes  et  de  la  plaine  auront  comblé  l'estuaire 
la  Plata,  l'Uruguay  ne  sera  plus  qu'une  rivière  affluente  du  Paranâ; 


lintenanl  il  conser\'e  une  demi-indépendance;  dans  les  temps  géolo- 
}ues  antérieurs  il  fut  un  fleuve  cumplèlcment  distinct.  £n  dehors  de 
Iruguay,  la  Bande  Orientale  n'a  que  des  ruisseaux  côliers  et  quelques 
'ières  qui,  par  la  lagôa  Mirim  et  le  Sâo  Gonçalo,  appartiennent  au  ver- 
ni brésilien  du  Rio  Grande.  Toutes  ces  rivières,  le  Gebollali,  le  Tacuarî, 
le  Yaguaron  (Jaguarâo)  qui  forme  la  frontière,  sont  bordées  de  maré- 
ges  dans  leur  cours  inférieur  et,    suivant    les  saisons  des  sécheresses 


560  NOUVELLK  CÉOGRAPaiK  IlSIVERSELLS. 

(lu  des  pluies,  sl>  prolongent  iliuis  le  lac  nmoindri  ou  s'étalent  largenienl 
dans  les  terres  inondées. 

Presque  entourée  d'eau,  la  Uandt-  Orieiilale  jonil  d'un  climat  maritime 
en  romparaison  de  la  région  des  pampas;  cependant  les  extrêmes  yolTrenl 
encore  un  écart  eoiisidérable,  plus  de  40  degrés  à  Montevideo.  Cette 
ville,  se  trouvant  à  une  latitude  (|ui  correspond  à  peu  près  à  celle  d'Alger, 
dans  l'Ancien  Monde,  présente  déjà  l'alternance  normale,  printemps, 
été,  automne  et  hiver;  toutefois  celui-ci  est  tellement  doux,  que  les  halti- 
lants  font  seulement  la  différence  enti-e  la  moitié  chaude  de  l'année,  qui 
commence  en  octohre,  et  la  moitié  fraîche,  de  mai  à  septembre.  II  arrive 
parfois,  mais  d'une  manière  tout  à  fait  exceptionnelle,  que  le  thcrniu- 
mèlre  descend  au-dessous  du  point  de  glace,  par  l'effet  du  rayonuement 
qui  se  produit  sous  un  ciel  clair.  Le  mois  le  plus  froid,  celui  de  juillet, 
correspond  pour  la  température  au  mois  d'avril  sous  le  climat  de  Paris'. 
Dans  l'intérieur  des  terres  les  chaleurs  de  l'été  paraissent  quelquefois 
presque  intolérables,  mais  parce  que  des  incendies  dévorent  la  brousse, 
répandant  au  loin  leur  voile  de  fumée.  Le  plus  grand  inconvénient  de 
la  température  uruguayenne  provient  de  la  différence  qui  se  manifesli.' 
entre  la  fi'aîeheurdu  matin  et  la  chaleur  de  la  journée.  Cette  différence 
ne  dépasse  pas  6  degrés  en  moyenne,  mais  on  l'a  vue  s'élever  à  15  et 
h  18  degrés  :  pareil  écart  dans  l'espace  de  8  heures  peut  être  fort 
dangereux  pour  les  nouveaux  venus.  C'est  surtout  au  printemps,  —  sep- 
tembre et  octobre,  —  que  les  écarls  du  matin  et  du  midi  sont  le  plus 
forlset  que  soufflent  les  vents  les  plus  âpres. 

Dans  la  vallée  de  l'Uruguay,  la  marche  des  courants  atmosphériques, 
déterminée  par  la  forme  du  litdans  lequel  ils  se  meuvent,  se  fait  généra- 
lemenl  du  nord  au  sud  ou  dans  la  direction  inverse.  Mais  sur  la  partie  du 
littoral  tournée  franchement  vers  la  mer  le  vent  du  sud-esl,  qui  dans  ces 
parages  est  l'alizé  normal,  souffle  presque  constamment  pendant  la  saison 
chaude;  il  domine  aussi  durant  la  saison  fraîche,  mais  alors  fréquem- 
ment interrompu,  soit  [wir  les  vents  du  noi-d,  soit  par  le  pampero,  qui 
provient  dn  sud-ouest.  Ce  vent,  le  plus  dangereux,  mais  celui  qui  renou- 
velle le  mieux  l'atmosphère,  le  "  vivificaleur  par  excellence  »,  nelloîe 
le  ciel  de  toutes  les  vapeurs  qu'avaient  amassées  les  vents  de  terre, 
emporte  les  poussières  et  les  brouillai'ds,  sèche  le  sol  humide,  et,  par  les 
petites  gelées  ipii  le  suivent  de  tem[)s  à  autre,  tue  les  insectes  nuisibles  à 
la  végétation.  Parfois  aussi  le  venl  alizé  souffle   en    tempête  comme   le 

'  Martin  Je  Moussy,  oun'3f;(;  citù;  —  Fti'is,  Archivct  de  mâdtdiie  navale 


9 

CLIMAT,  FLORE,  FAUNE  DE  L'URUGUAY.  561 

lampero  :  on  lui  donne  alors  le  nom  de  9Vre$t(ida.  De  grandes  pluies 
'accompagnent  toujours,  très  souvent  des  tonnerres  et  des  éclairs  con- 
inus. 

Sur  le  littoral  uruguayen,  l'air  est  généralement  humide,  de  0,87  en 
noyenne.  Aussi  les  rosées  sont-elles  fort  abondantes,  et  dès  le  coucher 
lu  soleil  la  vapeur  d'eau  qui  se  trouve  en  excès  se  résout  en  une  petite 
îluie  excessivement  fine,  sorte  de  brouillard  invisible  dont  la  présence 
\e  révèle  bientôt  par  une  couche  d'humidité  sur  les  vêtements  comme 
mr  le  sol.  Souvent  aussi  les  pluies  tombent  en  averses.  Quoique  les 
ours  pluvieux  soient  très  inférieurs  en  nombre  à  ceux  de  l'Europe  occi- 
ientale,  la  chute  annuelle  d'eau  dépasse  1  mètre  dans  l'Uruguay  ;  mais 
i'une  année  à  l'autre  on  observe  de  grandes  différences,  presque  du 
simple  au  double.  Il  n'existe  pas  de  saisons  pluvieuses  bien  marquées  : 
on  s'attend  aux  pluies  dans  les  périodes  de  transition  entre  les  chaleurs  et 
les  froidures.  Sur  le  littoral,  la  plupart  des  pluies  arrivent  en  orages,  pres- 
|ue  toujours  très  violents,  et  quelquefois  mêlés  de  grêle*. 

L'Uruguay  n'a  plus  la  richesse  de  flore  qui  persiste  dans  les  parties 
néridionales  du  Brésil ,  du  moins  jusqu'à  la  dépression  que  parcourt  le 
facuhy.  Les  palmiers  sauvages,  notamment  le  yataï  {coco%  yatai),  se  voient 
mcore  sur  les  rives  et  dans  les  îles  de  l'Uruguay,  à  côté  des  taquaras 
>u  bambous  brésiliens,  mais  ils  ne  se  montrent  plus  au  sud  du  Rincon 
ie  las  Gallinas;  la  grande  forêt  se  fait  rare  dans  l'intérieur,  et  ne  pré- 
sente plus  cette  merveilleuse  variété  d'essences  que  l'on  remarque  dans 
les  telvas  et  les  mattas  du  Brésil;  les  lianes  ne  s'enguirlandent  plus  aux 
arbres,  l'araucaria  des  campos  a  même  disparu.  Vers  le  sud  s'étendent 
des  plaines  rases,  sans  végétation  arborescente,  ou  dominées,  sur  quelque 
renflement  du  sol,  par  un  ombû  solitaire,  l'arbre  de  la  pampa  platéenne. 

La  faune  de  l'Uruguay  cesse  également  d'être  brésilienne,  pour  se 
rapprocher  de  la  faune  argentine.  Le  singe  hurleur,  que  l'on  rencontre 
encore  dans  les  forêts  du  haut  fleuve,  ne  se  voit  plus  dans  les  districts 
riverains  du  bas  fleuve  ;  le  caïman  ne  se  montre  pas  davantage  dans  les 
estuaires:  des  serpents  à  sonnettes  vivent  jusque  dans  les  vallons  rocheux 
de  Minas  et  de  Maldonado.  L'autruche  sauvage  est  très  rare,  mais  depuis 
1874  on  l'a  domestiquée  en  de  nombreuses  fermes.  Les  eaux  platéennes 
qui  baignent  les  côtes  de  la  Bande  Orientale  sont  très  poissonneuses,  et 

4 

1 

*  Conditions  météorologiques  de  Montevideo,  d*après  Martin  de  Moussy  : 

Années  . -  Température   _ ^^  j^^^  Hauteur 

d'obserr.     Latitude.  maximale.         moyenne.         minimale.  de  pluie.         de  pluie. 

10         54054'  41®  1608'  00  36  Ira.  106 

XIX.  71 


562  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

pendant  le  blocus  de  neuf  années  que  subit  Montevideo,  de  1843  à  l&Si, 
les  habitants  eurent  pour  nourriture  principale  le  produit  de  leur  pêche, 
limitée  pourtant  à  l'étroit  espace  enfermé  par  l'escadre  ennemie*.  Dans  les 
environs  de  Maldonado,  un  crabe  terrestre,  analogue  au  cancer  ruricok 
de  la  Jamaïque,  se  creuse  des  trous  dans  le  sable  sec,  loin  de  la  mer 
et  des  lagunes. 


Lors  de  l'arrivée  des  Espagnols  dans  le  bassin  de  la  Plata,  la  région 
péninsulaire  baignée  au  sud  par  le  golfe  était  peuplée  de  diverses  tribus 
indiennes,  que  les  nouveaux  venus  voulurent  aussitôt  dompter  pour  en  faire 
des  esclaves.  Ils  réussirent  auprès  de  certaines  peuplades,  peut-être  d'ori- 
gine guarani,  qui  vivaient  sur  la  rive  gauche  de  l'Uruguay  et  dans  ses 
îles.  Les  Yaro,  les  Bohan,  les  Ghana,  se  soumirent  aux  envahisseurs  et 
disparurent  bientôt,  soit  par  les  croisements,  soit  par  des  luttes  qu'ils 
eurent  à  subir  contre  les  Indiens  restés  libres.  Ceux-ci,  les  Charma,  étaient 
parmi  les  plus  beaux  des  indigènes  :  plus  grands  de  taille  que  les  Euro- 
péens, sobres,  agiles  et  forts,  remarquables  par  la  finesse  de  Touîe  et 
de  la  vue,  toujours  graves  et  d'un  sang-froid  parfait,  ne  «  se  plaignant 
jamais,  même  quand  on  les  tuait*  »,  ils  étaient  aussi  d'une  superbe  vail- 
lance, et  les  Espagnols  ne  purent  conquérir  leur  domaine  que  pas  il 
pas;  en  lutte  avec  un  pareil  ennemi,  les  étrangers  ne  se  hasardèrent  à 
coloniser  le  territoire  qu'en  s'établissant  en  des  campements  fortifiés.  Les 
Charma  combattirent  d'abord  avec  la  flèche  et  la  massue,  puis,  lorsque 
les  chevaux  se  furent  propagés  dans  le  pays,  ils  apprirent  vite  l'usage  de 
la  lance  et  du  lazo,  comme  les  tribus  de  la  pampa.  Au  milieu  du  dii- 
huitième  siècle,  ils  étaient  refoulés  au  nord  du  rio  Negro,  mais  ils  rece- 
vaient un  renfort,  celui  des  Indiens  Minuan,  qui,  n'ayant  pu  se  main- 
tenir sur  les  deux  rives  du  Parana,  venaient  de  franchir  l'Umguay.  «  Les 
Charma  sont  quatre  cents  guerriers,  disait  Azai^,  et  ils  ont  coûté  plus  de 
sang  à  l'Espagnol  que  les  nombreuses  armées  de  l'Inca  et  de  Montezuma.  >' 
Ils  furent  définitivement  vaincus  et  faits  prisonniers  en  1831  :  on  eut  Tin- 
dignité  d'en  vendre  quelques-uns  à  un  entrepreneur  de  cirque  ambulant, 
et  le  dernier  de  ces  malheureux  mourut  dans  un  hôpital  de  Paris'.  Nul 
doute  que  le  sang  des  Charma,  comme  celui  des  autres  Indiens  de  la 
contrée,  ne  soit  entré  dans  les  veines  des  «  Orientaux  »  de  la  Plala  :  le 

*  Marlin  de  Moussy,  ouvrage  cité. 

*  Félix  de  Azara,  Voyages  dans  V Amérique  méridionale, 
'  Emile  Daircauxy  Revue  des  Deux  Mondes,  1"  nov.  1870. 


HABITANTS  DE  L'URUGUAY,  SALTO,  PAYSANDÛ.      I  565 

mélange  des  races  s'est  fait  dans  l'Uruguay,  d'abord  entre  les  soldats  espa- 
gnols et  les  femmes  indigènes,  puis  entre  \euvs  descendants  métissés  et 
les  immigrants  de  toutes  nations  qui,  pendant  les  années  de  commerce 
actif,  arrivent  par  milliers  dans  le  port  de  Montevideo.  Parmi  les  Hispano- 
Américains,  le  type  «  oriental  »  est  un  des  plus  beaux. 


II 

Au  sortir  du  Brésil,  l'Uiiiguay  baigne  le  village  de  Santa  Rosa,  devant 
lequel  un  viaduc  de  chemin  de  fer  doit  prochainement  traverser  le  fleuve 
pour  rejoindre  la  ville  opposée  de  Monte  Caseros.  La  rive  orientale  est 
faiblement  peuplée  jusqu'à  la  ville  de  Salto  ou  du  (c  Saut  »,  ainsi  nommée 
de  la  chute  de  l'Uruguay.  Cette  ville,  la  troisième  de  la  République  en  popu- 
lation, occupe  un  lieu  indiqué  d'avance  comme  entrepôt  et  centre  de  com- 
merce, puisque  les  bateaux  à  vapeur  du  bas  fleuve  doivent  forcément  s'y 
arrêter,  sauf  pendant  la  période  des  hautes  eaux,  et  y  déposer  passagers 
5t  marchandises'.  Bâtie  sur  plusieurs  collines  et  s'étageant  en  amphi- 
théâtre sur  une  longue  berge  fluviale,  Salto  présente  un  aspect  grandiose, 
ît  pourtant  ce  ne  fut  qu'un  humble  village  jusqu'au  milieu  du  siècle;  ses 
premières  maisonnettes  datent  de  l'année  1817.  En  réalité,  Salto  ne 
forme  qu'une  seule  ville  avec  Concordia,  qui  se  montre  en  face  sur  la 
rive  argentine  de  l'Entre-Rios  :  entre  les  deux  cités,  le  fleuve  a  un  kilo- 
mètre de  largeur.  Au  sud  s'ouvre  la  vallée  de  la  rivière  Dayman,  bordée 
de  plantations  appartenant  pour  la  plupart  à  des  propriétaires  anglais  : 
elle  porte  le  nom  de  l'un  d'entre  eux. 

Paysandû,  située  sur  la  même  rive  de  l'Uruguay,  est  d'origine  plus 
ancienne  que  Salto  :  un  prêtre,  le  «  père  »  Sandû,  la  fonda  en  1772  et 
groupa  quelques  familles  autour  de  lui.  Elle  occupe  une  situation  analogue 
à  celle  de  Salto,  sur  une  haute  berge  de  la  rive,  vers  l'issue  d'une  vallée 
bordée  de  cultures  et  d'enclos  d'élevage,  presque  en  face  de  Colon,  qui 
appartient,  de  même  que  Concordia,  à  l'Entre-Rios.  Paysandû,  la  deuxième 
cité  de  la  Bande  Orientale,  se  vante  d'être  la  ville  du  progrès*  dans  le 
petit  État  uruguayen,  mais  cette  ambition  lui  a  valu  de  fréquentes  infor- 

*  Mouvement  de  la  navigation  bi  Salto  en  1891  : 

1  626  navires,  jaugeant  405  022  tonnes. 

*  Mouvement  de  la  navigation  à  Paysandû  en  1891  : 

2  867  navires,  jaugeant  740505  tonnes. 


5G6  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

La  ville  de  San  José,  hAlie  sur  la  rivière  du  même  nom,  au  nord-ouesl 
de  Montevideo,  peut  être  considérée  comme  appartenant  à  la  grande  ban- 
lieue de  la  capitale;  des  Asturiens  la  fondèrent  à  la  fin  du  siècle 
dernier.  Les  républicains  en  avaient  fait  leur  capitale  en  1825  pendant 
leur  guerre  avec  le  Brésil,  et  depuis  cette  époque  elle  a  été  Tobjectif  de 
toutes  les  guerres  civiles;  cependant  elle  a  prospéré,  de  même  que 
Florida,  située  dans  le  môme  bassin  fluvial,  au  bord  de  rÂiroyo  Pintado^ 
que  traverse  un  beau  viaduc  de  la  voie  ferrée  du  nord  ;  les  jardins,  les 
bosquets,  les  maisonnettes  entourées  de  fleurs  ont  mérité  à  cette  ville  le 
nom  de  «  La  Fleurie  ».  Près  de  la,  sur  les  bords  de  la  rivière  Santa  Lacia, 
le  village  dltuzaingo  rappelle  la  victoire  décisive  que  les  Argentins  rem- 
portèrent en  1827  sur  les  impériaux  du  Brésil. 

Montevideo,  la  capitale  deTUruguay,  n'en  est  pas  la  plus  ancienne  ville: 
un  gouverneur  de  Buenos  Aires,   Zabala,  bâtit   les   premières  maisons 
pour  prendre  possession  du  rivage  oriental  de  l'estuaire  et  devancer  les 
envahisseurs  portugais  ;  mais  pendant  quelques  années  la  nouvelle  fonda- 
tion ne  fut  qu'un  poste  de  soldats  :  les  premiers  colons  arrivèrent  de 
Galice  et  des  Canaries  en  1726  et  se  groupèrent  autour  du  fortin  :  chaque 
bâtiment  chargé  dc^  vins  et  autres  denrées  ne  pouvait  décharger  sa  nuwr- 
chandise  s'il  ne  débarquait  en  même  temps  quelques  familles  de  colons'. 
L'abolition  du  monopole  commercial  de  Cadiz  en  1778  et  rouvertnre 
du  port  de  Montevideo  au  commerce  libre  attirèrent  presque  soudain  ks 
étrangers,   et  à  la  fin  du  siècle  la  ville  nouvelle  occupait  le  premier  rang 
parmi  les  cités    maritimes  de   l'Amérique  du   Sud;    la    valeur  de  ses 
échanges  était  estimée  à  trente-cinq  millions  de  francs.  Puis  vinrent  les 
temps  difficiles  de  la  Révolution  et  de  l'Indépendance  :  Montevideo  fut  de 
toutes  les  cités  platéennes  celle  qui  eut  le  plus  à  soufli'ir,  mais  elle  se 
tira  noblement  de  l'épreu-NC.  Pendant  neuf  années,   de   1842   à   1851, 
les  Colorados  ou  «  Rouges  »,  avec  les  Italiens.de  Garibaldi  et  les  Basques 
français,  défendirent  vaillamment  la  «  Nouvelle  Troie  ».  Le  général  Oribe, 
lieutenant  de  Rosas,  leva  le  siège  après  le  désastre  que  subit  son  chef  ï 
Monte  Caseros,  et  les  Platécns  eurent  à  proclamer  le  principe  de  la  «  liberté 
des  fleuves  »  que  défendait  la  capitale  de  l'Uniguay  contre  Buenos  Aires. 
Depuis  ce  triomphe,  Montevideo  a  grandi,  sans  égaler  toutefois  la  cité 
de  la  rive  opposée,  chef-lieu   politi(juo  d'une   contrée  plus  étendue  et 
centre    d'un    commerce    plus    considérable.     D'après     les    évaluations 
approximatives,  Montevideo  serait,  par  ordre  de  population,  Ja  quatrième 

•  Muratori,  Paratjuai, 


ri 


t 

* 


SAN  JOSË,  HONTEVIDEO.  569 

iUe  de  l'Aménque  méridionale;  dans  la  première  année  du  siècle,  elle 
'avail  que  5300  habitants. 

Elle  est  fort  bien  située,  sur  une  péninsule  élevée  qui  s'avance  dans  la 
irection  de  l'ouest;  au  nord  s'arrondit  une  baie  en  demi-cercle,  qui  se 
^rmine,  en  face  de    Montevideo,  par  un    promontoire  où  se  dresse,  à 


48  mètres  d'altitude,  le  Cerro,  le  «  Morne  »  par  excellence,  signalant 
ux  navires  l'entrée  du  port.  Exposée  aux  fraîches  brises  de  la  mer  et 
ominant  un  bel  horizon  de  rivages,  Montevideo  est  une  des  cités  améri- 
lines  les  plus  gracieuses  d'aspect.  Bâtie  en  pente  sur  le  flanc  de  la  col- 
ne  péninsulaire,  elle  étage  en  amphithéâtre  ses  maisons,  toutes  couvertes 
a  terrasse,  d'où  l'on  voit  le  port,  la  baie,  la  rade  éloignée  :  les  demeures 
Dmptueuses  portent  des  miradores  abritant  les  spectateurs  du  soleil  ou 
e  la  pluie.  Les  constructions,  que  ne  menacent  pas  les  tremblements 


570  NODVELLE  fiÉOGflAPHIK  rîdVERSELLE. 

lie  LoiTL'  cotnim;  au  Chili,  oui  [)u  se  dresser  u  une  plus  giiiiiitc  liauU-iir 
([IIP  celles  (le  Viilparaiso,  mais  en  largeur  on  a  dil  économiser  l'espace  : 
la  populalion  s'y  presse  en  paliers  superposi'-s ;  à  cet  éfianl,  Montevideo 
n  l'apparence  presque  européenne.  Les  t'enélres  des  rez-de-chausséo  sont 
défendues  extérieuremcnl  par  des  grilles  remplaçant  les  anciennes  baies 
on  saillie  comme  dans  les  maisons  d'Espagne,  et  la  cour  intérieure  ou 
patio  verdoie  d'arbustes  humectés  par  l'eau  grésillante  des  fontaines. 
Quelques  beaux  èdîQcos,  des  biinques,  des  théâtres,  la  Bourse,  s'éièveiil 
dans  la  partie  basse  du  promontoire  urbain,  au  milieu  de  l'espace  enfermé 
naguère  par  les  restes  des  fortiQcations  espagnoles  :  on  ne  voit  plus  les 
restes  de  l'ancienne  forteresse.  La  capitale  de  l'Uruguay  possède  tous 
les  grands  établissements  d'une  cité  de  premier  ordre,  entre  auliTs 
une  université,  dont  les  cours  sont  fréquentés  surtout  par  les  étudiant); 
en  droit,  politiciens  et  législateurs  futurs.  Les  rues  sont  aussi  animées 
que  celles  des  cités  européennes;  par  le  mouvement  de  ses  omnibus 
sur  rails,  qui  constituent  l'unique  moyen  de  locomotion  ^  ]mn  tnarchê. 
Montevideo  rivalise  avec   Rio  et  dépasse   de  beaucoup  Paris'. 

Le  port  de  Honlevideo  paraît  s'élre  notablement  détérioré  depuis  que 
les  Espagnids  s'établirent  sur  ses  bords;  les  alluvions  vaseuses  ont  recou- 
vert les  fonds  tout  autour  di?  la  baie  ;  tandis  que  le  tonnage  oixlinairc  des 
navires  s'accroissait,  l'épaisseur  des  eaux  diminuait,  et  ce  port  que  van- 
taient les  anciens  marins  est  aujourd'hui  redouté.  Les  plans  de  la  ville 
publiés  à  diverses  époques  témoignent  des  changements  considérables  qui 
se  sont  accomplis.  On  a  fait,  il  est  vrai,  quelques  travaux  d'amélioration, 
on  a  élevé  des  quais,  construit  des  brise-lames,  fixé  la  grève  par  des 
murs  verticaux  qui  servent  de  promenades,  creusé  des  bassins  au  pied  dn 
Cerro;  mais  la  houle  du  sud  entre  librement  dans  le  port,  et  l'on  n'a 
pas  encore  trouvé  les  millions  nécessaires  pour  jeter  au  large  une  digue 
d'abri.  Les  navires  de  3  à  4  mètres  entrent  seuls  dans  le  port  que 
protège  la  péninsule  urbaine,  et  les  paquebots  transatlantiques  doivent 
rester  en  dehors,  dans  une  mer  presque  toujours  agitée.  Malgré  les  incon- 
vénients de  la  rade,  le  commerce  a  gardé  son  point  d'attache  à  Montevideo, 
dont  la  position  géographique,  à  la  perle  d'entrée  des  rt-gions  plaléennes, 
olfre  tant  d'avanlages  :  \ingt  grandes  lignes  do  bateaux  à  vapeur  y  onl 
leur  escale,  des  bassins  de  carénage  élabMs  autour  du  pori  el  on  face  de 

'  Oiiinilius  sur  mils  ili'  Mimlovidco  i>ii  IHI'II  i 

Longueur  dis  i^ails  en  kiloiiu'livs 171 

CIioï;iu\c-I  11U1I.S :>«!)( 

Vojiigpurs  li-an'^liorti'* 2OÔOO011O 


MONTEVIDEO.  571 

fontevideoy  à  la  base  de  la  colline,  permettent  aux  armateurs  de  réparer 
es  grosses  avaries.  La  station  de  quarantaine,  jadis  établie  dans  le  port 
néme,  à  Tîle  de  las  Ratas,  a  été  reportée  en  mer,  dans  l'île  de  Flores, 
située  à  une  vingtaine  de  kilomètres  à  l'est  Ml  a  été  question  de  construire 
m  grand  port  en  eau  profonde,  dans  la  baie  de  Buceo,  à  une  dizaine  de 
dlomètresà  l'est  de  Montevideo,  quoique  en  dehors  de  la  rade;  mais  les 
projets  de  l'ingénieur  anglais  sont  trop  coûteux  pour  qu*on  ait  pu  encore  y 
lonner  suite  et  sont  ardemment  combattus  par  les  négociants  intéressés  au 
maintien  du  centre  commercial  à  l'extrémité  de  la  péninsule. 

L'industrie  locale,  multiple  comme  celle  de  toutes  les  grandes  cités, 
comprend  de  vastes  saladeroSj  placés  sur  les  pentes  du  Cerro,  d'où  l'odeur 
du  sang  et  des  viandes  abattues  se  répand  souvent  sur  la  ville.  La  plupart 
des  fabriques  appartiennent  à  des  étrangers,  et  les  Basques  français  ont  le 
plus  développé  les  travaux  du  jardinage  :  ils  cultivent  aux  environs  d'admi- 
rables pépinières.  Mais  les  constructions  empiètent  sur  les  jardins,  et  les 
faubourgs  se  groupent  autour  des  villas  éparses,  les  transformant  en  quar- 
tiers urbains.  Aux  jours  de  fête,  la  foule  se  porte  à  Paso  Molino,  Union  et 
mires  lieux  de  plaisance  :  un  des  endroits  les  plus  fréquentés,  le  Cerrito, 
commande  le  magnifique  panorama  de  la  cité,  de  ses  promenades,  du 
port,  de  la  rade.  En  été,  les  baigneurs  se  dirigent  en  multitudes  sur  les 
stations  de  bains,  Playa  Ramirez  et  Pocitos,  situées  à  l'est  sur  la  rive 
océanique.  Les  chemins  de  fer  qui  rayonnent  autour  de  Montevideo  la 
mettent  en  relations  avec  tous  les  lieux  importants  du  littoral  maritime 
et  fluvial.  Quelques-unes  de  ces  villes,  situées  dans  le  département  de 
Ganelones,  qui  entoure  celui  de  Montevideo  au  nord  et  à  l'est,  Piedras, 
Ganelones,  Sauce,  Pando,  servent  de  résidence  aux  nombreux  négociants 
de  la  cité.  L'eau  pure  qui  alimente  la  capitale  provient  de  la  rivière  de 
Santa  Lucia,  coulant  dans  un  lit  granitique,  ù  53  kilomètres  au  nord  : 
le  réservoir,  établi  à  Piedras,  à  30  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la 
grand'place,  contient  de  12  à  15  millions  de  litres. 

1  Mouvement  commercial  de  Montevideo  en  1890  : 

ImporUtion  ...     28  700  000  fi  ou     154  900  000  francs. 
Exportation  ...     16  600  000  i^  ou      89  640  000       » 

Ensemble..    .     45  500  000  ^  ou     244  540  000  francs. 

Mouvement  de  la  navigation  d*outre-mcr  à  Montevideo  en  1892  : 

2  156  navires,  jaugeant  2  840448  tonnes. 

Part  de  la  vapeur,  1  584  navires,  jaugeant  2  577  592  tonnes. 
Cabotage  4  470  navires,  jaugeant  2  609  298       » 

Recettes  de  la  douane  :  j^  8  598  560  ou  46  450  000  francs. 


572  NOUVELLE  CÊOGHAPIIIE  LNIVERSELLE. 

Mnldoiiniin,  liàlie  an  bord  d'uin'  Iiaic  semi-circiilaire  qui  resseniMo  à 
celle  do  Monlovidco  el  que  di^fcnd  à  l'esl  la  pointe  la  plus  méridionale  de 
toute  la  côle  uruguayenne,  nlTrc  un  meilleur  ancrage  que  celui  de  la  Câ[)i- 
lale,  mais  il  est  Irop  lUuigiié  de  l'eiilril^e  du  rio  de  la  Plata  et  les  navires  ne 
s'y  arrêtent  que  rarcmeiil,  sauf  quand  une  révolution  rend  le  séjour  à 
Montevideo  dangereux.  La  petite  ville  a  été  fondée  par  dos  Espagnols  de 
Hio  Grande  qu'avaient  expulsés  les  Portugais,  et  souvent  des  chercheurs 
d'or  et  de  pierres  précieuses  y  ont  débarqué,  espérant  s'enrichir  dans  les 
vallées  mètnlliferes  qui  ont  Minas  pour  chef-lieu,  de  l'autre  côté  des  col- 
lines qui  limitent  au  nord  le  vei'saut  de  Maldonado;  mais  l'Eldorado  n'a 
point  encore  livi-é  ses  trésors.  Plusieurs  phares  éclairent  la  côte  voisini', 
formant  l'angle  du  continent  entre  l'estuaire  et  l'Atlantique  ;  il  sérail  néces- 
saire aussi  de  rallumer  un  ancien  fanal  sur  l'île  Lobosou  des  «  Phoques  », 
située  au  large  du  cap  de  Maldonado;  mais  le  propriétaire  des  pêcheries, 
craignant  que  la  lumière  n'effrayAt  les  cétacés,  a  obtenu  du  gouverne- 
ment qu'on  éteignît  la  tour  îi  feu'.  On  capture  des  phoques  sur  toute  la 
partie  de  la  côle  comprise  entre  Maldonado  et  le  cap  Sanla  Maria.  Muralori 
raconte  que  les  «  loups  de  mer  »  abordaient  autrefois  les  navires,  exami- 
nant les  hommes  avec  la  plus  gninde  attention,  en  grinçant  des  dents 
comme  les  singes. 

La  principale  ville  de  la  côte  océanique,  Itoeha,  n'est  pas  construite  sur 
le  littoral,  mais  près  d'un  étang  qu'une  flëchc  de  sables  a  séparé  de  la  mer. 
Les  plus  fortes  agglomérations  du  versant  se  trouvent  dans  le  bassin 
d'écoulement  de  la  laguna  Mirim  :  Treinta  y  Très,  ainsi  nommée  en  l'hon- 
neur des  «  trente-trois  »  héros  qui  franchirent  l'Uruguayen  1823,  après 
avoir  prêté  le  serment  de  chasser  le  Brésilien;  Nico  Perez,  station  ter- 
minale en  1895  du  chemin  de  fer  qui  reliera  directement  Montevideo  et 
Rio  Grande  do  Su!;  Melo  ou  Cerro  Largo,  que  l'on  croit  être  une  ville  de 
grand  avenir  pour  l'exploitation  des  granits,  des  porphyres,  des  mines  de 
plomb  et  de  cuivre  et  les  gisements  de  houille  ;  Artigas,  qui  constitue  une 
seule  ville  avec  la  brésilienne  JaguarSo,  située  sur  la  rive  opposée  du 
lleuvc  de  même  nom,  Jaguarào  ou  Yaguaron*. 

'  M.  r..  nnil  E.  T.  Mulli;iH.  lUimlbook  of  llie  litn-  PUtle. 

*  Villw!  |iiiiici|i;Lli'4  di'  l;i  Biindr  Oiii'iiliilc.  awc  li'Lir  po[iul;.tir)n  a|i]Hoxiin;iliïc  ; 

lliitileïi.k'*! 200  001)  liab.       Ceri-o  Largo  [Mcio) fi  OUO  hiib. 

Païsamiii 20000     "  Rwtia li  000  « 

Salin 1-2000     n  &irla  Lutia r>000  » 

M«i-ce.lcs 0  000     ■>  Fraï  Itcrlos ,'1  000  » 

SanJos.' 7  000     j>  Minas t)000  « 


POPULATION  DE  L'URUGUAY.  575 


III 

La  statistique  de  l'Uruguay,  relativement  facile  à  faire,  gi'âce  à  la  faible 
étendue  de  la  contrée,  est  peut-être,  dans  toute  rAmérique  du  Sud,  celle 
dont  les  résultats  méritent  le  plus  de  confiance.  Après  le  recenseur  Vail- 
lant, qui  dirigea  longtemps  avec  zèle  les  travaux  statistiques  du  pays, 
TcBuvre  a  été  continuée  dans  le  même  esprit  et  suivant  la  même  méthode  : 
chaque  année,  se  publient  des  recueils  très  détaillés. 

La  population  s'accrut  très  rapidement,  malgré  le  long  siège  de  Monte- 
i^ideo  et  les  guerres  civiles  qui  ont  fréquemment  ravagé  les  campagnes  : 
la  période  de  doublement,  flottant  de  décade  en  décade  suivant  les  troubles 
politiques,  les  épidémies,  les  flux  et  reflux  de  l'immigration,  est  de  18  à 
49  ans*.  L'excédent  de  la  natalité  sur  les  morts  n'entre  que  pour  une 
moitié  dans  cette  augmentation  si  considérable*  :  l'immigration  a  fait 
l'autre  moitié.  Le  peuplement  se  produirait  même  en  des  proportions 
beaucoup  plus  fortes  si  les  Européens  débarqués  restaient  tous  dans  le 
pays;  mais  un  grand  nombre  ne  voient  dans  Montevideo  que  l'avant- 
port  de  l'Argentine  :  après  y  avoir  passé  quelque  temps,  ils  continuent 
leur  route  vers  Buenos  Aires'.  Les  expatriés  de  l'Ancien  Monde  étant 
hommes  pour  la  plupart,  le  sexe  féminin  est  en  minorité  dans  la  popu- 
lation de  l'Uruguay*.  De  même  qu'au  Brésil  et  dans  l'Argentine,  les 
Italiens  ont  le  premier  rang  parmi  les  immigrants,  qui  représentent  envi- 
ron les  deux  cinquièmes  des  habitants;  les  Italiens,  à  eux  seuls,  en 
constituent  le  septième;  puis  viennent  les  Espagnols,  les  Brésiliens,  les 
Argentins  et  les   Français.    Ce   classement  par   pays  d'origine   déguise 

*  Population  de  la  Bande  Orientale  à  diverses  périodes  : 


1860 221  300  hab. 

1885 476  000     » 

1891 701  800    » 


1796 50  685  hab. 

1829 74  000    » 

1852 151900     » 

>  NaUlité  et  mortalité  delà  Bande  Orientale  de  1889  à  1891  : 

Naissances  :  85576;  Morts  :  41  202;  Excédent  :  42574. 

'  Nombre  des  immigrants  débarqués  à  Montevideo  : 

1855  à  1852 56  000 

1855  à  1872 171000 

1875  à  1890 224  000 


1855  à  1890 451000 

Nombre  des  hommes  dans  l'Uruguay  .    .       .       598  000,  soit  56,7  pour  100 
))  femmes  »  .  505  800,  soit  45,5  » 


l 


514  «OUVELLE  GgOGRAPHlE  ÛKIVERS&LLE. 

l'iraportancc  ijuc  tlepuis  l'année  1856  [n-t^soute  l'itiimigrnliun  cuskiirii-nm' 
dans  lii  Bande  Orientait*.  Les  Basqncs  n'ont  pas  élé  recensés  à  jjarl,  mais 
ils  comiirenncnl  iirubablomcnt  plus  de  la  moitié  des  98  000  Espagnols  el 
Fran^'ais  qui  peuplent  l'Unigiiay.  Nulle  pari  eu  dohoi-s  de  leur  pujs  les 
Eiiskariens,  entraînant  après  eus  une  forte  immigniUon  de  Béarnais,  ne 
sont  groupés  d'une  manii're  plus  iolime,  sans  maiolonir  pourliinl  le  lieji 
national.  Peu  à  peu  les  Elchegaray,  les  Etchebarne,  les  Ilarispe  se  fondent 
dans  la  masse  liispauiliée. 

L'agriculture  et  l'industrie  pastorale  constituent  les  richesses  de  la 
Bande  Orientale,  et,  grâce  à  l'augmentation  des  habitants,  les  ebamp^^ 
et  les  jardin»  empiètent  sur  les  terrains  de  pAture.  On  évaluait  en  1891  la 
surface  du  sol  cultivé  en  fi-oraent,  maïs  et  autivs  denrées  à  460000  hec- 
tares, soit  à  lu  (juarantitme  partie  de  la  République;  sept  années 
auparavant,  elle  était  moindre  de  moitié'.  La  récolte  de  froment  et 
autres  céréales  dépasse  les  nécessités  de  la  consommation  locale,  La  vigne, 
traitée  par  les  méthodes  françaises,  mais  envahie  déjJi  par  le  fléau  du 
phylloxéra,  se  dévelop|)e  surtout  dans  les  environs  de  Salto.  Quant  au 
bétail,  les  troupeaux  en  sont  vraiment  prodigieux,  comparés  à  ceux  des  na- 
tions européennes;  mais  les  bœufs,  les  chevaux  ont  diminué'  :  les  moutons 
seuls  se  sont  accrus  dans  la  période  récente,  et  l'on  dit  que  dans  les  deus 
années  écoulées  de  1891  à  1895  leur  nombre  se  sei'ait  augmente  de  plut 
de  2  millions  ;  la  superScie  moyenne  des  domaines  s'élanl  réduite,  quoique 
de  très  vastes  estancias  appartiennent  encore  à  des  propriétaires  isolés  ou  à 
des  syndicats  financiers,  il  était  naturel  que  les  animaux  de  petite  taille 
prissent  la  place  du  gros  bétail  errant  à  demi  sauvage.  Mulhall  évalue  le 
rendement  annuel  du  bétail  dans  l'Uniguay  à  185  millions  de  francs  par  an 
et  celui  de  la  culture  à  60  millions  ;  la  plus  grosse  part  de  ce  revenu  appar- 
tient à  des  propriétaires  nés  en  dehors  de  la  Bande  Orientale.  Les  hypo- 
thèques, évaluées  à  plus  de  100  millions  de  francs,  pèsent  lourdement  sur 
la  propriété  foncière.  Le  territoire  de  la  République  comprend  20000  pro- 
priétés urbaines  et  25;000  propriétés  rurales,  soit  45000  cotes  supé- 
rieures à  600  piastres  ou  3000  francs,  et  par  conséquent  sujettes  à  l'impâl. 
En  tenant  com|)le  des  familles,  on  voit  que  près  de  la  moitié  des  Uruguayens 
se  composent  de  piopriélaires.  D'après  les  statistiques  de  la  richesse  lerri- 

I  M.  C.  Mil  ¥..  T.  MulliHll.  ouvrage  cil.'. 
'  ai.-]ilul  do  rUru-uai  : 

tKOO  IHSl  iim 

Ciif vuux  .    .    .  740  000  CTO  000  TiGOOOO 

Bœufs.  .  .  .     5-j-iOooo       tisrtonon       ;>-J80ooo 

Muulons  ...   -2  J90  000    10  540  000    l.~  TCO  000 


INDUSTRIE  DE  L'URUGUAY.  575 

»riale»  des  étrangers,  en  majorité  Basques  et  Italiens,  possèdent  plus  de 
i  moitié  du  territoire  de  la  République  :  sur  les  frontières  du  Rio  Grande, 
js  plus  riches  propriétaires  sont  des  Brésiliens.  A  Montevideo,  les  deux 
ers  des  immeubles  appartiennent  à  des  natifs  d'outre-mer*. 

Les  industries  de  l'Uruguay  sont  naturellement  celles  de  l'Europe, 
uisque  tous  les  corps  de  métier,  toutes  les  professions  sont  représentés 
ar  des  immigrants  dans  la  force  de  l'âge  et  l'audace  de  la  volonté.  L'in- 
ustrie  prépondérante,  celle  que  l'Uruguay  partage  avec  l'Argentine  et  le 
io  Grande  do  Sul,  est  celle  de  la  viande  :  en  proportion  du  territoire  et 
es  habitants,  la  Bande  Orientale  dépasse  même  ses  voisins  par  l'activité 
es  abattoirs.  Naguère,  lorsque  les  bestiaux  parcouraient  librement 
is  pâturages,  le  travail  le  plus  pénible  des  estancias  était  de  réunir  des 
aimaux  dans  l'espace  étroit  d'un  rodeo^  où  les  peones  ou  bouviers,  armés 
a  lazOy  tournaient  au  galop  autour  des  bêtes  et  les  capturaient  successi- 
ement  pour  les  marquer  au  fer  chaud  des  initiales  du  propriétaire  et  les 
rier  pour  la  vente,  l'abatage  ou  la  reproduction.  Mais  ces  anciennes 
néthodes  ne  sont  plus  pratiquées  que  dans  les  départements  du  nord; 
tans  les  régions  du  sud,  où  la  terre  a  plus  de  valeur,  on  ne  laisse  plus 
îrrer  le  bétail  à  perte  de  vue  dans  les  savanes  :  on  le  parque  en  des 
îoclos,  on  surveille  de  plus  près  son  entretien,  on  le  maintient  à  l'état 
lomestique;  l'accroissement  de  sa  valeur  marchande  fait  qu'on  le  soigne 
avantage.  Chaque  année  l'on  tue  plus  d'un  million  d'animaux,  soit  pour 
I  consommation  locale,  que  l'on  peut  évaluer  à  un  bœuf  par  habitant, 
Dit  pour  l'exportation  des  chairs,  des  cuirs  et  autres  produits. 

On  a  fait  de  nombreux  essais  pour  transporter  directement  la  viande 
raîche  aux  pays  étrangers  en  employant  des  appareils  frigorifiques  ;  mais 
es  diverses  tentatives  n'ont  encore  réussi  qu'incomplètement,  la  congéla- 
ion  ayant  pour  effet  de  rendre  la  chair  moins  savoureuse*.  On  continue  de 
raiter  presque  toute  la  viande  abattue  dans  les  saladeros  comme  aux 
)remiers  temps  des  tueries  primitives.  Mais  aujourd'hui  le  travail  se  fait 
Tune  façon  plus  méthodique.  Une  savante  division  du  travail  et  un  outil- 
age  parfait  règlent  le  massacre  :  les  animaux  entrent  dans  le  parvis  de 
l'abattoir  et  sur  chacun  d'eux  successivement  s'abat  le  lazo  fatal,  dont 


*  statistique  de  la  propriété  en  1891  : 

Orientaux.    .       22  774  propriétaires;  $  119  240000  valeur  totale;  $  5  200  par  tète. 
Étrangers.    .       25  OiS  »  $157160000  »  $5  500      » 

Ensemble.       47  792  propriétaires;  $  256400000  valeur  totale;  $  5  300  par  tête. 

•  Simonnet,  Nota  manuscrites. 


^ 


576  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

rextrémité  est  prise  dans  un  étau  à  vapeur  ;  le  bœuf,  entraîné  dans  nf 
passage  étroit,  s'engage  sous  la  traverse  où  se  tient  le  boucher;  sa  lêlc^ 
s'arrête  un  moment  contre  le  bois,  et  le  coup  s'abat,  tranchant  la  moelle 
épinière.  La  masse  pantelante  tombe  sur  un  chariot  de  fer  qui  roule  pai."* 
élans  successifs  devant  les  ouvriers,  coupeurs  de  têtes,  écorcheurs,  sai — 
gneurs,  découpeurs,  et  bientôt  la  chair,  encore  frémissante,  pend  aurr 
crochets  de  l'usine,  à  moins  qu'on  ne  la  plonge  dans  les  chaudières  où 
fait  la  séparation  de  la  graisse  et  des  os  ;  des  opérations  chimiques  plu 
délicates  séparent  et  dosent  les  divers  ingrédients  qui  servent  à  la  fabrica 
tion  de  l'extrait  de  viande.  Tout  s'utilise  dans  les  grands  saladeros  :  1 
cuirs,  les  suifs,  les  os  et  les  débris  de  toute  nature,  transformés  en  guano 
Le  commerce  extérieur  de  la  Bande  Orientale,  dont  les  quatre  cin 
quièmes  consistent,  à  l'exportation,  en  produits  des  saladeros  et  d 
troupeaux*,  s'accroît  de  décade  en  décade,  quoique  les  révolutions,  le- 
épidémies,  les  crises  financières  occasionnent  de  brusques  reflux*  :  o 
peut  en  juger  par  les  oscillations  de  la  valeur  officielle  des  terres,  cotées  et 
1889  à  deux  fois  la  somme  qu'elles  représentaient  commercialement  Tann 
suivante'.  L'Uruguay  a  pour  principal  client  la  Grande-Bretagne,  sui^'^ -^^^  ^ 
de  près  par  la  France,  qui  achète  les  laines,  concurremment  avec  ^^^ 
Belgique;  en  1890,  le  Brésil,  la  Belgique,  les  Ëtats-Unis  venaient  ensu 
par  ordre  d'importance.  Le  port  de  Montevideo  concentre  plus  des  de^-^ 
tiers  du  trafic  et  presque  les  trois  quarts  de  la  navigation*. 

«  Exportation  de  la  viande,  des  cuirs  et  des  laines  en  1890  : 

25  KhSS  000  ^  ou  1:26  576  000  francs. 

*  Ensemble  de  la  fortune  publique  de  l'Uruguay,  évaluée  à  la  fin  de  1892  : 

2  727  000  000  francs,  soit  5  840  francs  pr  personne. 
3  Commerce  de  l'iruguay  en  1890  : 

Importation.   .    .    .     52  400  000  j^  ou  174960000  francs. 
Exportation.    .    .    .     29  100  000  #  ou  157  140000      » 

Ensemble.   .    .    .     61  500  000  i^  ou  552100000  francs 
Commerce  en  1891  : 

Importation.    .    .    .     18  900  000  k^  ou  102060  000  francs. 
Exprlation .    .    .    .     26  900  000  #  ou  1 45  260  000      » 

Ensemble..    .    .     45  800  000  #  ou  247  520  000  francs. 

♦  Mouvement  de  la  navigation  dans  les  ports  de  la  Bande  Orientale  en  1892  : 

Navires  au  long  coui*s  et  caboteurs  : 

Entrées 12  785  navires,  jaugeant  4  270045  tonnes. 

Sorties 12  689       »  »         4  976905      d 


Ensemble.    .    .       25  474  navires,  jaugeant  9  246948  tonnes. 


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COMMERCE,  GOUVERNEMENT  DE  L'URUGUAY.  579 

En  comparaison  de  l'énorme  tonnage  flottant,  celui  des  marchandises 
transportées  par  terre  sur  les  rails  des  voies  ferrées  est  bien  modeste.  Les 
chemins  de  fer,  dont  le  premier  tronçon  fut  inauguré  en  1869,  ne  con- 
stituent pas  encore  un  réseau  entre  les  diverses  parties  de  la  République,  et 
même  ne  forment  pas  un  éventail  complet  relativement  à  Montevideo; 
cependant  ils  atteignent  la  frontière  brésilienne*.  Il  n'existe  pas  de  voie 
tranversale,  unissant  les  bords  de  l'Uruguay  au  littoral  océanique  ou  à  la 
lagune  Mirim,  et  de  l'un  à  l'autre  rivage  il  faut  toujours  faire  le  grand 
détour  par  Montevideo.  Les  télégraphes  se  développent  sur  une  longueur 
triple  des  chemins  de  fer.  Proportionnellement  à  sa  population,  la  Bande 
Orientale  occupe  un  bon  rang  pour  les  correspondances  télégraphiques  et 
postales  parmi  les  États  de  l'Amérique  du  Sud;  par  le  nombre  des  lettres, 
elle  dépasse  même  plusieurs  nations  européennes*.  Quant  à  l'instruction 
publique,  l'Uruguay  l'emporte  de  beaucoup  sur  ses  deux  voisins,  le  Brésil 
et  l'Argentine';  près  d'un  dixième  de  la  population  visite  les  écoles.  Dans 
le  voisinage  de  la  frontière  rio-grandense,  oh  les  immigrants  de  langue 
portugaise  sont  nombreux,  les  instituteurs  ont  ordre  d'enseigner  en 
espagnol,  l'idiome  national.  Le  gros  de  la  population  se  compose  de 
catholiques,  mais  la  liberté  religieuse  est  complète.  En  1889,  lors  du 
recensement  de  Montevideo,  3521  habitants  se  déclarèrent  «  libres-pen- 
seurs »  et  6955  se  dirent  «  sans  religion  ». 


IV 

Le  gouvernement  de  l'Uiniguay  se  modèle  sur  un  type  commun  aux 
républiques  hispano-américaines  :  suflrage  universel,  deux  chambres  et 

•  Chemins  de  fer  de  l'Uruguay  au  1*'  janvier  1891  : 

Longueur  totale  des  lignes 1612  kilomètres. 

Coût  d'établissement 262  500  000  francs. 

Nombre  de  voyageurs  transportés  dans  l'année . .    .    .  630  000 

Marchandises  expédiées                        »             ...  510  000  tonnes. 

<  Lignes  télégraphiques  de  lafiande  Orientale  au  l'^Janvier  1891  :  5  036  kilomètres. 

Télégrammes  envoyés  dans  l'année 232  000 

Lettres  expédiées 6  588  000 

Journaux  et  autres 14  942  000 

Envois  postaux 21530  000 

'  Ecoles  publiques  en  1890 470,  (rcquentéos  par  58  747  élèves. 

»      privées  »        407  »  21  410       » 

Écoles  de  TUruguay  en  1890  .        .    .     877,  fréquentées  piu*  60  157  élèves 


5W  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  URITERSBLLE. 

pouvoir  présidentiel.  Comme  dans  les  autres  Ëtats,  la  CoDStitulioD  Qaété 
qu'un  document  à  mettre  aux  archives,  un  prétexte  à  serments  qui  oe 
seront  point  tenus  ;  la  force,  la  ruse,  la  finance,  parfois  l'appui  de  l'étran- 


ger ont  décidé  du  succès  des  partis.  Souvent  les  rcssourees  considéra^  ^'^ 
que  procurent  les  tarifs  de  douanes  oui  été  employées  autrement  que  p^*""" 
le  bien  public,  les  recettes  futures  ont  élé  escomptées  par  des  cmpiu^^'^' 
chargeant  le  pays  de  dettes  dont  il  n'a  pu  payer  les  intérêts'.  En  moyen  "*' 
de  1880  à  1890,  les  recettes  annuelles  ont  été  de  57  millions  de  fra     -^^ 


<  Uuilget  de  l'Uruguay  : 

Reefitlos En  1890,  87  000  000  Jrancs;  c 

Detli-,  lu  l-  jainiiT  18112,  502  500  000  frams. 


1891,  45  275  000  fmc». 


GOUVERNEMENT  DE  L'URUGUAY. 


581 


3t  les  dépenses  de  85  millions.  La  douane  fournit  en  moyenne  la  moitié 
les  ressources  budgétaires.  L'armée,  qui  coûte  chaque  année  de  15  à 
20  millions,  se  compose  d'environ  4000  hommes. 


L'Uruguay  est  divisé  en  19  départements,  dont  les  noms  sont  indi- 
qués dans  le  tableau  suivant,  avec  la  superficie  et  la  population  recensée 
en  1891  : 


DENSITÉ 

DENSITÉ 

DiPABTBMKRT 

SUPKRnCIS 

*•        en  kil. 
carrés. 

HABITANTS. 

KILO- 
MÉTRIQUE. 

(Hab.  par 
kil.   carré). 

DÉPARTKHEN1 

SUPERnCIR 

•      en  kilom. 
carrés. 

HABITANTS. 

IILO- 
MÉTRIQUE. 

(Uab.  par 
kil.   carré). 

Montevideo. 

664 

254  000 

555 

Soriano  .    . 

9  224 

27  500 

2,9 

Salto..   .   . 

.     12  602 

52  000 

2,5 

Colonia.  .    . 

5  682 

58  200 

6,7 

Ârtigas.  .    . 

.     11 580 

17  800 

1,5 

San  José  .   . 

6  962 

21100 

3,05 

Pnysandû.  . 

.   .     15  252 

28  400 

2,1 

Caneloncs. 

.   .       4  752 

75  800 

15 

RiTera.  .   , 

9  821 

19  000 

1,9 

Maldonado  . 

4106 

20  600 

5,01 

Tacuarembc 

).  .     21  022 

22  400 

1,06 

Rocha.    .    . 

.    .     11089 

17  500 

1,6 

Durazno. 

.   .     14  515 

24  200 

1,6 

Minas .    . 

.    .     12  495 

22  500 

1,8 

1  Florida.  . 

.   .     12107 

29  500 

2,4 

Treinta  y  Ti 

•es.       9  550 

15  700 

1,6 

Flores.    . 

.   .       4  519 

15  500 

3,4 

CeiTO  Largo 

.  .     14  904 

28  000 

1,9 

RioNegro. 

8  471 

14  500 

1,7 

En 

Lsemble.  .     186  915  kil 

.  carrés;  7 

01  800  hab.  ; 

5,79  hab.  pai 

r  kil.  carré. 

1 

CHAPITRE   V 


ARGENTINE 


I 

Par  l'étendue  du  territoire  aussi  bien  que  par  le  nombre  des  habitants, 
la  république  Argentine  est  un  des  États  principaux  de  TAmérique  méri- 
<lionale.  Le  Brésil  la  dépasse  pour  la  superficie;  pour  la  population,  elle  le 
cède  au  même  Brésil  et  peut-être  à  la  Colombie  ;  toutefois  cette  dernière 
république  sera  probablement  distancée  dans  un  avenir  prochain,  car, 
malgré  les  oscillations  diverses  de  flux  et  de  reflux,  le  mouvement  d'im- 
migration favorise  le  peuplement  rapide  des  régions  platéennes.  Le  fait 
géographique  capital  au  point  de  vue  des  progrès  de  l'Argentine  est  sa 
[Proximité  relative  du  continent  européen.  En  dépit  des  apparences  et  du 
'émoignage  même  de  la  carte,  les  rives  de  la  Plata  sont  la  partie  des  côtes 
>ud-américaines  qui,  en  exerçant  la  plus  forte  attraction  sur  l'Europe, 
in  appelant  ses  navires  et  ses  émigrants,  se  trouve  de  fait  plus  rapprochée 
[ue  les  rivages  du  nord,  situés  à  une  distance  kilométrique  moindre  de 
noitié.  Tout  naturellement  les  Européens  se  dirigent  surtout  vers  la  région 
lu  continent  sud-américain  qui  correspond  à  leur  contrée  d'origine  par 
es  degrés  de  latitude,  les  conditions  moyennes  du  climat,  la  végétation 
il  le  genre  de  vie*. 

Les  premiers  Européens  n'abordèrent  dans  les  régions  platéennes  que 
îix-sept  années  après  la  découverte  du  Nouveau  Monde  par  Christophe 
Colomb;  en  1509,  Vicente  Pinzon  et  Diaz  de  Solis  entraient  dans  l'estuaire 
de  la  Plata,  et  en  1521  Magalhaes,  accompagné  de  Pigafetta,  Thistorio- 

*  Superficie,  d'après  Latzina  et  population  approximative  de  la  République  Argentine  en  1895  : 
2  894  257  kilomètres  carres;  4020000  habitants;  1,4  hab.  par  kil.  c^irrc. 


584  NOUVELLE  fiKOCaAPBIE  UNIVERSEllE.  I 

f!rii[ilie  de  la  circuiniiiivigalion,  (larcourait,  entre  la  péninsule  U-rmiiiale  du  J 
continent  el  la  Terre  de  Feu,  le  détroit  qui  porte  son  nom.  Lesluaii'c  et  W^ 
détroit  suffisaient  pour  (pie  les  carloginphes  pussent  d('-jà  se  représenler  1»  J 
véritable  forme  de  Ih  eôlc  orientale  du  coiitincnl.  Mais  les  Hpi-vs  rivasetfl 
dt'  la  Fuégie  et  de  la  Patagonie  étaient  trop  pou  hospitaliers  pour  cju'dvI 
s' occupât  alors  d'en  explorer  l'intérieur.  Seulement  les  marins  tentaientM 
IcN  golfes,  le«  passages  et  les  détroits  pour  faciliter  la  traversée  de  l'uafl 
ù  l'autre  Océan.  Ainsi  Francisco  de  Hoccs  poussa  en  1527  jusque  daiwl 
le  voisinage  de  la  «  Fin  des  Terres  »,  mais  nulle  colonie  ne  s'établîlfl 
dans  ces  régions,  tandis  que  les  Fspagnols  cherchaient  k  s'établir  &o!i(lft-fl 
ment  dans  les  contrées  qu'arrose  le  fleuve  dit  alors  rio  de  Solis,  d'aprèSH 
son  découvreur.  Diaz  de  Solis  y  était  revenu  en  loi 6.  mais  pourfl 
ti-ouver  la  mort  sur  les  bords  d'un  ruisseau  de  la  Bande  Orientale  J 
Sébastien  Cahot,  en  1528,  pénétra  beaucoup  plus  avant  dans  l'inlêripurfl 
des  terres,  jusque  dans  le  Paraguay,  el  fonda  même  un  fort  h  l 'endroïtM 
où  s'élfcve  le  bourg  appelé,  de  son  nom  italien,  Gaboto,  au  confluent  àjl^Ê 
Psi-anti  et  du  Carcaraiia.  Le  premier  il  reconnut  que  l'estuaire  de  Sollfl 
et  l'un  des  deux  grands  fleuves  qui  s'y  déversent  pourraient  devenir  Q^H 
excellent  chemin  d'accès  pour  los  régions  de  1'  «  Argent  ",  c'est-à-didlH 
la  Bolivie  et  le  Pérou  :  de  \h  cette  appellation  hiiiarre  de  la  Platu  donttji^B 
h  une  contrée  qui  ne  se  distingue  nullement  par  l'importance  de  M^| 
gisements  argentifères.  Ce  sont  les  Andes  du  Pérou  et  de  la  Bolivie  QQ^I 
constituent  la  véritable  "  Argentine  ».  V 

Mais  la  colonie  fondée  par  Cabot  ne  put  se  maintenir;  quelques  années  J 
après,  l'Espagnol  Mendoza  s'établissait  sur  la  côle  méridionale  de  l'estuairet   1 
à  l'endroit  oi'i  s'élève  aujourd'hui  Buenos  Aires.  Les  Indiens  l'ayant  forcé  I 
d'abandonner  son  campement,  il  transféra  sa  petite  troupe  au  fortin  da>| 
Carcaraiia,  d'oii  ses  lieutenants  firent  de  nombreuses  excursions  dans  les  I 
alentoui-s.  L'un  d'eux,  Ayolas,  fonda  sur  la  rive  gauche  du  Paraguay  Is  I 
poste  d'Asuncion,  qui  devint  capitale  de  République,  puis  il  remonta  le  J 
fleuve  jusque  dans  le  Matlo  Grosso,  et,  s'enfonçant  audacieusement  dans  lesl 
savanes  de  la  plaine,  les  yungas  dos  avant-monts  et  les  forêts  des  Andes,' 
il  atteignit  enfin  le  Pérou,  le  premier  de  tous  les  conquérants  qui,    par 
terre,  eût  traversé  le  continent  dans  toute  sa  largeur.  C'était  en  1Ô57,  el, 
sept  années  après,  Irala  accomplissait  le  môme  voyage  :  l'Espagne  lenaït 
désormais  la  voie  de  jonction  entre  les  deux    rivages  de  son   immense 
domaine  sud-américain.  En   1542,  Alvar  Nuiiez  Tête-de-Vache  avait  fait 
un  voyage  non  moins  hardi  en  se  rendant  directement  de  la  cote  brési- 
lienne au  Paraguay  par  la  voie  des  i-ivières  et  des  portages. 


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EXPLORATION  DE  L'ARGENTINE.  587 

En  1573,  Juan  deGaray  relevait  Buenos  Aires,  où  il  réussissait  à  se  main- 
tenir, et  le  peuplement  commençait,  précédé  par  des  explorations.  En 
1579,  le  pilote  Sarmiento,  un  des  hommes  de  mer  les  plus  remarquables 
qai  aient  vécu,  avait  fixé  le  véritable  dessin  des  côtes  magellaniques.  Pen- 
dant les  deux  siècles  qui  suivirent,  on  arriva  à  connaître  toute  la  région 
comprise  entre  les  rives  platéennes  et  la  muraille  des  Andes,  mais  au 
nord  et  au  sud  des  Indiens  sauvages  arrêtèrent  et  maintes  fois  refoulèrent 
les  voyageurs  et  les  colons  :  d'un  côté,  dans  le  Chaco,  les  Abipon,  les 
Hocovi,  les  Guaycurû,  de  l'autre  dans  la  Patagonie,  les  tribus  pampéennes 
défendaient  leur  indépendance  avec  une  admirable  énergie.  Cependant 
les  missionnaires  jésuites  avaient  réussi  à  vivre  en  paix  avec  les  indigènes, 
restés  ennemis  des  traitants  et  des  colons,  et  gouvernèrent  le  territoire 
des  «  Missions  »,  qu'après  leur  départ  il  fallut  découvrir  à  nouveau.  Un 
Jésuite,  Falkner,  après  avoir  vécu  plusieurs  années  au  pied  de  la  Sierra 
del  Vulcan,  parmi  des  Indiens  de  la  race  patagone,  décrivit  le  premier 
rintérieur  des  terres  dans  la  partie  méridionale  des  pampas,  et  son 
ouvrage,  de  même  que,  en  1772,  les  études  de  Forster,  le  compagnon  de 
Cook,  éveillant  l'attention  du  gouvernement  espagnol,  fît  reprendre  les 
voyages  d'exploration  interrompus  depuis  près  de  deux  siècles.  En 
1778,  quatre  ans  après  la  publication  du  livre  de  Falkner,  Juan  de  la 
Piedra  visita  la  grande  baie  tempétueuse  de  San  Matias,  appelée  aussi 
Bahia  sin  Fonde  ou  «  Baie  sans  Fond  »,  et  y  découvrit  le  vaste  port  de  San 
José.  De  1779  à  1784,  les  frères  Viedma,  et  quelques  années  plus  tard 
Malaspina,  visitèrent  ensuite,  golfe  par  golfe,  tout  le  littoral  des  côtes 
méridionales,  mais  leurs  rapports  restèrent  enfouis  dans  les  archives 
royales*.  Des  excursions  dans  l'intérieur  avaient  complété  le  relevé  des 
côtes,  et  même,  en  1782,  Villarino  avait  remonté  le  cours  du  rio  Negro 
jusqu'à  la  base  des  Andes;  pendant  la  même  année,  Antonio  de  Viedma 
découvrit  le  lac  qui  porte  son  nom. 

L'étude  scientifique  des  régions  platéennes  eut  pour  initiateur  Félix  de 
Azara  qui,  chargé  officiellement  de  la  délimitation  des  frontières  entre  les 
possessions  espagnoles  et  portugaises  sur  les  hauts  fleuves,  Uruguay, 
Parana,  Paraguay,  ne  se  borna  pas  aux  travaux  de  géodésie,  mais  s'occupa 
aussi  de  la  nature  des  contrées  et  de  leur  histoire  naturelle.  D'autres 
officiers  au  service  de  l'Espagne,  de  Souillac  et  de  la  Cruz,  franchissaient 
des  cols  de  la  cordillère  des  Andes  et  en  fixaient  la  position.  Mais  déjà 
se  préparait  la  guerre  de  l'Indépendance  et  ni  les  Espagnols  de  la  mère 

^  Woodbine  Parish,  Buenos  Ayres  and  the  provinces  of  the  Rio  de  la  Plata, 


SHK  NOUVELLE  GËOGRA?RIG  ItMVERSKLLB. 

jjaLrie  ni  ceux  du  Nouveau  MiiihIc,  inililiiiuiiuicnl  ôiiiamûpés,  no  prin-iil 
uin?  iiiirl  tri's  Hcrioust-  aux  uxplora lions  (.'(l'-ograiihiquos.  Désonnais.  gi*âcp  » 
l'abolition  du  régime  colonial,  des  (Hrargers  pouvaient  collaborer  avec  les 
nalionanx.  Ainsi  d'Orhigny  s'établit  en  1826  à  Carmen  de  l'utagoiies.  puis 
dans  1(!  Corrienliis,  jHiur  y  ctinlitiuer  ses  recherches  sur  1'  «  Homme 
Américain  »,  et  en  1853  se  fit  la  mémorable  expédition  du  ikatjle  cl 
de  \' Advcnlure,  racontée  par  Darwin  dans  un  livi-o  ipii  fuit  épo<|u»' 
dans  l'bistoirc  des  sciences.  Un  autre  zoologiste  anglais.  Dalton  Hooker. 
accompagnant  l'expédition  des  navires  Erebm  et  Terror,  étudia  rbisinirc 
niitui-elie  d*'.  la  Fuégie  et  décinvit  la  "  Ibire  antarctique  ». 

La  géogmpbie  do  l'Argontino  proprement  dite  est  maintenant  connue 
dans  ses  grands  traits  :  on  n'a  plus  (ju'Ji  en  étudier  les  détails.  Ce  travail 
etlmplémentairc  se  fait  tous  les  jours,  grâce  aux  mineurs  ijui  vont  exploiter 
tiïs  gisements  des  montagnes,  aux  ingénieurs  qui  tracent  les  voies  ferrées 
et  régularisent  le  cours  des  rivières,  aux  géomètres  arp<mteurs  qui  divi- 
sent le  sol  en  parcelles  et  mesurent  la  superficie  des  champs.  Maïs  sur  la 
zone  des  fnmliL'res  il  reste  encore  des  territoires  presque  ignorés,  soit 
pnrœ  que  des  Indiens  hostiles  eu  défendent  les  abords,  soit  parce  que  la 
contrée  est  pénible  on  dangereuse  à  parcourir.  Ainsi  la  région  du  Cbaco. 
où  veillent  les  Toba,  .montre  encore  des  espaces  blancs  d'itinéraires  et  ceux 
qu'on  y  a  dessinés  ne  s'accordent  pas  sur  tous  les  points.  Au  nordniut^st, 
oîi  s'arrondissent  les  longues  croupes  des  plateaux  andius,  surmontées 
de  cônes  neigeux,  le  réseau  des  cols  et  des  passages  pi*ésente  des  doutes 
que  les  cai'tographes  ne  résolvent  pas  tous  de  la  même  manière.  ËnGn 
l'élude  du  long  triangle  de  la  Palagonie  a  coûté  de  très  grands  efforts,  et  le 
fragment  des  Andes  qui  sépare  le  versant  Atlantique  des  fjords  occidentaux 
reste  presque  inconnu  sur  une  partie  considérable  de  son  développement. 

C'est  par  dizaines  que  l'on  peut  énumérer  les  voyageurs,  naturalistes, 
géologues,  et  même  simples  curieux,  qui  ont  contribué  à  l'exploration  de 
la  Patagonie.  Les  colonies  chiliennes,  séparées  des  plaines  argentines  par 
l'épaisseur  des  Andes,  ont  été  le  point  de  départ  de  nombreux  chercheurs 
qui,  à  la  suite  des  anciens  missionnaires,  ont  tenté  les  seuils  de  passage 
entre  les  deux  versants.  Punta  Arenas,  le  poste  chilien  du  détroit  de 
Magellan,  a  été  un  autre  centre  d'excursions  et  de  voyages,  et  sur  la  côte 
orientale,  les  Argenliiis  ont  fondé  divers  établissements,  agricoles,  pasto- 
raux et  militaires,  d'où  sont  partis  les  tracés  d'itinéraires  nouveaux, 
Dcscidzi,  (;ox,Cardiner,  Moreno,  Musiers,  Ramon  Lista,  Moyano,  Fonlana, 
Rogei-s,  Popper,  Vinciguerra,  Amegliino,  Roncagli,  Carlos  Burmeister, 
et  lanl  d'autres,  sans  parler  des  soldais  envoyés  contre  les  Indiens,  ont 


EXPLORATION  DE  L'ARGENTINE.  589 

lit  de  la  Patagonie  un  territoire  complètement  argentin.  Les  paléontolo- 
istes  et  les  géologues  étudient  méthodiquement  les  terrains  pour  le 
lusée  de  La  Plata  et  d'autres  collections,   les  éleveurs  de  bétail  et  les 

prospecteurs  »  de  mines  visitent  lès  fonds  herbeux  et  les  gisements 
létallifëres.  L'ère  de  la  géographie  précise  commence  pour  la  Patagonie 
)mme  pour  le  reste  de  la  république  Argentine*. 

L'abondance  des  matériaux  recueillis  sur  le  relief  et  la  géologie  de  l'Ar- 
sntine,  ainsi  que  sur  son  histoire  naturelle  et  ses  habitants,  a  déjà  valu  à 
i  littérature  géographique  plusieurs  ouvrages  de  valeur,  sans  compter 
îs  innombrables  publications  dues  à  la  réclame  intéressée  pour  attirer 
îs  immigrants  et  faciliter  les  spéculations  de  terrains.  Hermann  Burmeister 
L  Martin  de  Moussy  furent  les  premiers  en  date  dans  ces  travaux  de  géogra- 
hie  générale.  Quelques  centres  d'études,  l'institut  de  Buenos  Aires,  le 
lusée  de  La  Plata,  l'université  de  Cordoba,  groupent  les  efforts  individuels 
ans  une  œuvre  commune.  Cependant  la  république  Argentine  ne  possède 
as  encore  de  carte  topographique  analogue  aux  travaux  de  précision  que 
îs  diverses  contrées  de  l'Europe  occidentale  ont  déjà  menés  à  bonne  fin  et 
ue  les  États-Unis  du  Nord,  le  Mexique,  le  Sao  Paulo  et  le  Minas  brési- 
ens  ont  commencés.  En  1882,  la  Société  de  Géographie  buenos-airienne 
écida  la  construction  d'une  carte  générale  de  la  République,  par  Ëtats  et 
Tritoires,  qui  depuis  a  paru  en  entier,  mais  à  des  époques  différentes  et 


*  Principaux  Toyages  faits  en  Patagonie,  depuis  la  guerre  d'Indépendance,  par  ordre  chronologique  : 

1827.  Stokes  (Santa  Cruz). 

1852  et  suiv.  Fitz  Roy  et  Darwin  (Santa  Cruz,  Ghubut,  rio  Negro  et  Sierra  Ventana). 

1833.  Dcscalzi  (rio  Negro). 

1854  et  suiv.  Jones  (Ghubut). 

1856.  Fonck,  Hess  (Nahuel-Huapi). 

1857.  Bravard  (sierra  Yentana). 

1862  et  suiv.  Guillermo  Gox  (cols  andins). 

1867.  Gardiner  (Santa  Gruz,  laco  Argentino). 

1869.  Musters  (base  des  Andes,  rio  Negro). 

1872.  Guerrico  (rio  Negro). 

1874  et  suiv.  Moreno  (rio  Negro,  Santa  Cruz,  Ghubut,  lac  Argentino.  etc.). 

1876  et  suiv.  Moyano  (rio  Ghico,  laco  Buenos  Aires,  Ghubut). 

1877.  Rogers  et  Ibar  (lac   Argentino,  cols  andins);  —  Bcerbohm  (San  Julian,  Gallegos). 

1878  et  suiv.  Ramon  Lisla. 

1879  et  suiv.  Wysoski  (Ghubut,  rio  Negro);  —  Lorentz  (Neuquen). 

1882.  Roncagli  (Gallegos,  Santa  Gruz). 

1883.  Rohde  (Nahuel-Huapi,  col  de  Bariloche);  —  Zeballos  (rio  Colorado,  rio  Negro). 

1885  et  suiv.  Fontana  (haut  Ghubut). 

1886  et  suiv.  Gârlos  Burmeister  (Gliubut,  Santa  Gruz);  — Popper  (Terre  de  Feu). 
1887.  Asahel  Bell  (haut Ghubut). 

1891.  Siemiradzki  (Golorado,  Negro,  Limay,  Nahuel-Huapi);  — Bodenbender  (Neuquon). 

1892.  Ifachon  et  Roth  (valh^es  andines,  Songuel,  Ghubut). 


â 


590  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

seulement  pour  une  faible  pRrtie  d'api'ès  un  levé  dirccl  des  lerraios  :  du 
moins  c^l  atlas,  dit  de  Seelstrang,  d'après  le  compilateur  principil, 
conlicnt-il  une  cartographie  précieuse  des  documents  publiés  à  celte 
époque.  En  1889,  le  gouvernement  ai^nlin  ûl  exposer  à  Paris  an  [dao- 


roliof  du  territoire  de  la  République  ii  récbellc;  du  500000',  et  1^ 
travaux  qui  scn'irenl  do  base  à  la  liguralion  dece  grand  fragment  de  !;■ 
splièrc,  d'une  suporfuie  de  72  mèlros  carrés,  ont  été  utilisés  depui:  • 
pour  la  construction  d'uuo  carU'  au  millionième'.  On  a  pris  pout  ' 
point  de  déjiart  de  la  topograpliio  argculinc  l'obscrvaloire  astronomiqu» 


Luis  Ilrackcbusi'li.  Napa  de  la  Repûblii 

'f  propria*  obtrrvacionf t.  1891. 


(  Ari/i-nlina  contlruitla  lobre  lot  tiatot  exàlenlf^ 


EXPLORATION,  FRONTIÈRES  DE  L'ARGENTINE.  501 

de  Gôrdobaf  dont  la  position  exacte  a  été  déterminée  avec  le  plus  grand 
soin  S  et  l'on  a  pu  s'appuyer,  en  outre,  sur  des  points  fixés  avec  rigueur 
par  des  recherches  géodésiqucs  :  Rosario,  Rio  Cuarto,  Mendoza,  Santa  Fé, 
La  Paz,  Goya,  Corrientes,  San  Luis,  Yilla  Mercedes,  Villa  Maria,  Tucuman, 
Salta,  San  Juan.  D'année  en  année,  de  nouvelles  études  permettront  de 
préciser  le  travail  et  de  procéder  à  la  réunion  en  une  carte  unique  des 
nombreux  documents  locaux  que  possèdent  chaque  province  et  chaque  cité 
de  l'Argentine.  Mais,  dans  les  districts  écartés,  combien  de  points  encore 
obscurs!  On  peut  en  juger  par  un  exemple  :  la  position  de  Tarija,  que, 
depuis  d'Orbigny,  en  1839,  on  fixe  diversement  sur  les  cartes  avec  des 
écarts  de  48  minutes  en  latitude  et  de  1  degré  43  minutes  en  longi- 
tude. 

Le  manque  de  cartes  précises  et  le  conilit  des  cartes  juridiques  et  des 
traditions  n'ont  pas  encore  permis  de  fixer  les  limites  entre  toutes  les  pro- 
vinces de  la  République.  De  même,  le  tracé  extérieur  du  territoire  natio- 
nal n'est  pas  définitivement  fixé,  et  cette  question  des  frontières  politiques, 
si  peu  importante  dans  un  pays  qui  possède  des  terres  incultes  en  surabon- 
dance pour  une  population  encore  très  clairsemée,  passionne  cependant 
les  Argentins  et  maintes  fois  leur  a  mis  la  menace  à  la  bouche  ou  l'épée 
à  la  main.  Dans  l'estuaire  même,  Tilot  de  Martin  Garcia,  d'une  si  grande 
importance  stratégique  par  sa  position  à  l'entrée  des  deux  fleuves  qui  se 
versent  dans  l'estuaire  de  la  Plata,  est  attribué  à  la  république  Argentine, 
quoique  géographiquement  il  fasse  partie  de  la  Rande  Orientale;  aussi 
a-t-on  souvent  combattu  pour  la  possession  de  cette  étroite  roche  sans 
valeur  agricole  ou  industrielle.  Du  côté  du  Paraguay,  la  force  a  décidé, 
et  le  territoire  des  «  Missions  »,   qui  se   prolonge  en  enclave  entre  les 
deux  fleuves  Paranâ  et  Uruguay,  a  été  attribué  aux  Argentins.  Mais  s'ils  ont 
le  droit  de   se  substituer  aux  Paraguayens  comme   possesseurs  de   cet 
ancien  domaine    des   Jésuites,  ne    sont-ils    pas    aussi    les   héritiers   de 
Francia  et  des  Lopez  dans  les  revendications  des  autres  missions  de  la 
Compagnie,  annexées  par  le  Rrésil  à  l'État  de  Santa  Catharina?  Ils  deman- 
dent donc  ce  lambeau  de  pays,  d'une  superficie  d'environ  30  000  kilo- 
mètres  carrés,    et   leur  requête,   adressée  au  président  des    États-Unis 
du  Nord,    attend  une  solution  prochaine.   De  l'autre  côté  du  Paraguay, 
une    autre  décision,    en    1875,    ordonna  la   remise  du  Ghaco   d'outre- 
Pilcomayo  aux  Paraguayens  vaincus;  mais,  au  nord  extrême,  les  caries 

*  Coordonnées  géographiques  de  l'observa  toi  te  de  C6rdol)a  : 

Latitude  méridionale,  SI»  25',  15«  4";  longitude  oucstde  Greenwich,  64»  12' 3". 

(L.  Brackebusch,  Petermanns  Mitteilungen,  1892,  Heft  VIII.) 


5Si  NOUVELLE  GËOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

ai^ntines  tracent  encore,  comme  «  limite  de  droit  »,  la  frontière  sepVen- 
trionale  de  la  province  de  Tarija,  qui,  par  décret  royal,  avait  été  ^attaché(^ 


\ 


à  la  juridiction  d'une  ville  argentine,  Salta,  mais  qui,  de  son  plein  ^'^' 
en  1825,  s'était  annexée  à  la  Bolivie. 

A  l'ouest,  l;i  frontière  commune  entre  le  Chili  et  l'Argentine  a  été  réff^^ 
d'une  manière  générale  par  le  traité  de  1881,  d'après  lequel  «  la  ligD»    *" 


ARGENTINE  ET  ARGENTINS.  593 

3  se  développe  sur  les  plus  hauts  sommets  qui  marquent  le  faîte  des 
ts  ».  Ce  texte  implique  une  certaine  contradiction,  puisque  la  ligne 
qui  réunit  les  cimes  ne  coïncide  pas  exactement  avec  les  sinuosités 
gue-verse.  Les  dissentiments  sont  donc  inévitables,  surtout  quand 
ra  de  régler  les  limites  dans  les  Andes  patagoniennes,  où  les  chaînes 
iterrompues  par  des  brèches  nombreuses  et  où  le  dédale  des  fjords, 
rnant  les  chaînes,  vient  baigner  les  plaines  à  l'orient  de  la  cordil- 
nais  le  traité  prévoit  un  arbitrage  pour  toutes  les  questions  dispu- 
Quant  aux  terres  de  la  Fuégie,  l'acte  de  partage  entre  les  deux 
nces  ne  laisse  prise  à  aucune  interprétation  douteuse.  Il  semble  donc 
le  puisse  y  avoir  prétexte  à  discussions;  néanmoins  une  certaine 
5  des  deux  États  limitrophes  s'est  fréquemment  manifestée,  don- 
ieu  à  de  violentes  discussions  dans  la  presse  et  dans  les  parlements 
tifs.  Forts  de  leurs  guerres  toujours  heureuses  et  de  leur  organisation 
ire  à  l'allemande,  les  Chiliens  se  croient  invincibles,  et,  de  leur 
les  Argentins,  plus  nombreux,  possesseurs  d'un  territoire  sinon 
iche,  du  moins  plus  vaste,  ne  seraient  point  disposés  à  admettre 
pour  la  puissance,  ils  soient  au  second  rang  parmi  les  républiques 
loles  de  l'Amérique  du  Sud. 

tout  cas,  leur  force,  comparée  à  celle  du  Chili,  est  singulièrement 
drie  par  le  manque  d'unité  politique.  Sauf  la  guerre  causée  par  la 
ire  de  Balmaceda,  le  Chili  a  presque  toujours  eu,  quoique  divisé 
X  classes  ennemies,  l'apparence  de  la  paix  civile,  tandis  que  l'Ar- 
e  a  vu  se  succéder  d'innombrables  révolutions  locales,  et  parfois  des 
s  acharnées,  embrassant  tout  le  territoire  de  la  République.  Depuis 
iu  régime  colonial,  pendant  lequel  ils  n'étaient  point  heureux,  quoi- 
fussent  sans  histoire,  les  Argentins  n'ont  eu,  pour  ainsi  dire,  que 
mistices,  et  pendant  des  années  la  guerre  a  sévi  en  permanence. 
s  sont  les  causes  de  cette  combativité  des  Argentins,  qui  l'emporte 

sur  celle  des  Vénézolans  et  des  Mexicains?  Faut-il  y  voir,  dans  une 
le  mesure,  un  phénomène  d'hérédité?  Quoique  certaines  peuplades 
;ènes,  toujours  en  guerre,  aient,  pour  la  plupart,  cessé  d'exister 
oupes  indépendants,  elles  se  sont  perpétuées  par  les  traditions  et 
œurs  dans  la  race  métissée,  et  sous  l'impulsion  des  rivalités  poli- 

les  vieux  instincts  de  haine  se  réveillent  facilement.  Les  mœurs 

ores  de  la  population  doivent  être  aussi  pour  quelque  chose  dans 

ïence  des  passions  et  l'indifférence  au  sang  versé.  Mais  ce  ne  peuvent 

à  que  des  causes   secondaires.  La   raison   majeure  de  ce  manque 

ilibre  politique  et  de  ces  oscillations  brusques  doit  être  cherchée  dans 
XIX.  75 


59i  >OtrVELI.E  BÊOGRAPBIE  rftlTERSElLE.  1 

lu  [jci-sislaiH-e  du  conllit  l'iilre  lii^ux  principes op|Hîsés,  vcUû  de  l'niitanoniiel 
localo,  et  iiii(!  ccntrulisfitiori  envahissante,  héritage  de  l'ancien  gouvcp-l 
iieiiieiil.  D'ailleurs  la  diff^reiu-o  esl-fllle  si  grandi'  entre  le?»  révolulioDB,.! 
de  l'Argentine  ut  lï*tal  formidiiblc  de  païi  armée  sous  lequel  la  vieilleJ 
Europe  menace  de  succomber?  I 

Les  Argentins  ont  l'inlfilligence  faeile,  mencilleusemwnt  réceptive  dol 
l'Espagnol;  ils  ont  l'audace  et  le  courage,  et.  comparés  à  Icui-s  voisins  du  i 
Brésil,  un  caractère  plus  décidé,  une  volonté  plus  netlc,  une  force  d'eié-  1 
cution  plus  nipide  et  plus  éiieipfgiie,  \\s  se  donnent  aussi  à  de  grands  i 
enthousiasmes  collectifs  sous  l'impulsion  de  nobles  idées,  et  rarement  I 
fite  égala   en  joie  et  en    grandeur  celle   que    pntvoqua    l'abolition    de 
l'esclavage    au   Brésil.    Tous  étaient   heureux    de    voir  disparaître  cette 
lâche  de  l'histoire  américaine  et  st?  senlaienl  les  frJ'res  de  ces  Brésiliens 
qu'ils  avaient  si  souvent  qualifiés,  par  habitude,  d'  «  ennemis  héréditaires  >• 
Pleins  d'ambition,  ils  voudraient  <<  faire  grand  »,  et  réellement  ils  ont  su, 
pendant  les  jours  de  prospérilé,  développer  Icui-s  ressources  malénelles  | 
avec  un  si  merveilleux  entrain,  que  même  les  Américains  du  Noi-d  étaient 
éblouis.  Leur  industrie  faisait  surgir  des  villes  au  milieu  des  solitudes; 
tel   campement  habile   hier  par  des    sauvages  recevait    aujoui-d'hui  des 
machines  h  va[M;ur,  des  téléphiums  cl  des  journaux.  Non  seulement  les 
grandes  cités  plaléeniii-'s  pouvaient ,  a  maints  égards,  s'égaler  aux  capt- 
lales  de  l'Europe,  elles  cherchaient  à  les  dépasser.  L'Argentine  aimait  h 
comparer  son  rAle  dans  l'histoire  du  monde  &  celui  des  Ltats-llnis  du  Nord, 
et  en  réalité,    malgré  les  contrastes  produits  par  la   différence  numé- 
rique des  habitants,  il  y  avait  une  certaine  analogie  entre  le  développe- 
ment des  dcni  nations.  Pour  l'immigration  notamment,  les  phénomèDes 
étaient  identiques. 

Hais  les  mauvais  jours  sont  venus.  Les  grandes  entreprises,  lancées  avec 
des  capitaux  étrangers,  sans  souci  du  lendemain,  n'ont  pas  toutes  réussi,  et 
celles  qui  ont  donné  des  revenus  n'ont  favorisé  que  des  spéculateurs,  sur- 
tout étrangers,  et  les  grands  propriétaires  de  l'Argentine;  l'enrichissement 
rapide  de  quelques-uns  et  l'appauvrissement  des  autres  ont  eu  la  démora- 
lisation publique  pour  conséquence,  el,  tandis  que  les  spéculateurs  se 
livraionl  au  jeu  des  actions,  les  politiciens  se  ruaient  à  la  curée  des  places. 
Puis  la  réaction  se  fil  brusquement  et  des  banqueroutes  plus  ou  moins 
déguisées  par  des  artifices  budgétaires  arrêtèrent  presque  toutes  les  entre- 
prises sérieuses.  On  a  pu  constater  une  fois  de  plus  combien  instable  est 
l'équilibre  d'un  pays  où  la  richesse  publique  ne  repose  pas  sur  le  labeur 
du  paysan  propriétaire,  et  dont  les  progrès  industriels,  simples  décors 


MONTAGNES  DE  L'ARGENTINE.  595 

d'importation  étrangère,  ne  sont  pas  dus  à  l'instruction  et  à  l'initiative  du 
peuple  même. 

Cependant  les  avantages  naturels  que  présente  le  pays  dans  l'économie 
générale  du  genre  humain  sont  tels,  que  les  crises,  si  longues  et  si  profondes 
qu'elles  soient,  peuvent  retarder  mais  non  empêcher  les  progrès  de  T Ar- 
gentine. Sa  population  s'accroît  quand  même,  l'immigration  s'y  porte  de 
nouveau,  la  superficie  des  terrains  utilisés  augmente,  et  l'on  commence  à 
pénétrer  dans  les  deux  parties  du  territoire  qui  ont  le  plus  de  richesses  en 
réserve:  au  nord-est  le  pays  des  «Missions  »,  à  l'ouest  les  vallées  andines 
où  les  fleuves  Colorado  et  Negro  prennent  leurs  sources.  Dans  ces  régions 
au  sol  fertile,  à  l'air  pur,  au  climat  délicieux,  alternant  en  saisons  qui 
conviennent  au  tempérament  de  l'immigrant  d'Europe,  il  y  a  place  pour 
des  millions  d'hommes. 

II 

Pris  dans  son  ensemble,  le  sol  de  la  république  Argentine  s'incline 
légèrement  en  pente  régulière  de  la  crête  des  Andes  vers  les  plages  de 
l'Atlantique.  Mais  ce  plan  présente  des  ressauts  et  des  inégalités  qui 
rompent  la  monotonie  du  paysage;  même  quelques  massifs  de  montagnes 
isolées  se  dressent  à  distance  des  Andes  dans  le  long  triangle  de  terres 
jui  termine  le  continent  sud-américain. 

La  puissante  masse  andine,  qui  occupe  une  si  grande  largeur  du  tern- 
aire dans  le  Chili  septentrional  et  la  Bolivie,  s'étend  aussi  dans  l'Argentine 
lu  nord-ouest,  entre  les  versants  du  Pilcomayo,  du  Bermejo,  du  Jura- 
mento.  Sur  l'énorme  piédestal  de  4500  mètres  en  altitude  moyenne, 
s'élèvent,  suivant  un  alignement  régulier  du  nord  au  sud,  des  sommets 
qui  dépassent  5500  mètres  et  que  recouvrent  les  neiges,  même  pendant 
toute  Tannée.  Le  cerro  de  las  Granadas  est  un  de  ces  pics  superbes,  com- 
mandant les  mornes  solitudes  de  la  puna,  à  l'angle  nord-occidental  de  la 
frontière  argentine.  Interrompu  au  sud  par  un  grand  cinjue  d'érosion 
dans  lequel  coule  le  rio  de  las  Burras,  le  plateau  s'abaisse  à  moins  de 
4000  mètres,  mais  il  reprend  pour  former  d'autres  nevados  ou  dômes  nei- 
geux, tels  le  Pasto  Grande,  TAcay,  le  Cachi.  A  l'est,  d'autres  vallées  d'éro- 
sion se  continuent  par  les  seuils  du  plateau  entre  les  vallées  tributaires 
du  Pilcomayo  et  celles  qui  descendent  au  Bermejo  et  au  Juramento;  mais  le 
plateau,  découpé  en  franges,  en  promontoires,  en  chaînes  de  montagnes, 
présente  encore  des  sommets  grandioses  dépassant  4500  mètres  de 
hauteur  et  portant  des  neiges  pendant  une  partie  de  l'année.  La  sierra 


590  NOUVELLE  GËOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

(jui  domine  à  rouesl  la  vallée  de  Jujuy  dresse  deux  pitons  à  plus  de 
5500  mètres,  le  nevado  de  Chani  et  les  Très  Cruces.  Au  nord  de  Jujuy, 
dans  le  coude  aigu  que  forme  le  haut  Juramenlo,  la  chaîne  de  Zenta  se 
détache  aussi  du  plateau  en  un  long  promontoire*.  K  Tabra  ou  «  col» 
de  Zenta,  où  passe  le  sentier  d'Oran  à  Humahuaca,  le  seuil  se  Irouye  à 
l'altitude  de  4515  mètres.  D'autres  croupes  de  la  chaîne  s'élèvent  à  prèsde 
5000  mètres;  cependant  la  neige  qui  les  recouvre  parfois  se  fond  presque 
aussitôt.  Sous  cette  latitude  et  ce  climat  sec,  la  limite  inférieure  de  la 
ligne  des  neiges  persistantes  doit  passer  probablement  entre  5500  et 
6000  mètres. 

Toutes  ces  montagnes,  toutes  ces  pentes  de  plateaux  offrent  les  traces 
du  champ  de  glace  qui  descendait  au  loin  dans  les  plaines.  Cette  région 
de  l'intérieur  eut  donc  sa  période  glaciaire  ou  peut-être  même  ses  périodes 
successives  de  glaciation.  Les  escarpements  morainiques  se  ravinèrent  en 
laissant  entre  eux  des  fosses  énormes,  séparées  par  des  obélisques  de 
cailloux  et  des  colonnes  «  coiffées  »;  partout  la  base  des  montagnes  est 
flanquée  de  termsses,  hautes  de  quelques  centaines  de  mètres,  oii  les 
graviers  s'entremêlent  avec  des  couches  de  sable.  Ce  sont  là  des  phéno- 
mènes qu'on  ne  saurait  expliquer  par  la  simple  action  de  l'eau  et  le  dépôt 
des  alluvions*. 

A  l'ouest  de  Saltà,  les  chaînes  de  montagnes  qui  frangent  le  plateau  se 
suivent  en  retrait,  diminuant  de  largeur  et  d'altitude  h  mesure  qu'elles  se 
prolongent  vers  le  sud,  déchiquetées  par  les  torrents  d'érosion.  Une  crête 
élevée  a  même  été  complètement  détachée  des  hautes  terres  andines  par 
des  espaces  arides  qui  furent  autrefois  nivelés  par  les  glaces  et  les  eaux. 
Cette  chaîne  devenue  distincte  et  se  développant  en  une  ligne  sinueuse  du 

4 

nord  au  sud,  à  l'ouest  des  campagnes  de  Tucuman,  est  la  sierra  d'Acon- 
(juija.  Avec  ses  prolongements  et  ses  promontoires  extrêmes,  de  la  grande 
courbe  du  Juramento  aux  débuts  de  la  Rioja,  elle  n'a  pas  moins  de 
450  kilomètres;  mais  la  crête  proprement  dite,  inclinée  du  nord-cslau 
sud-ouest,  n'a  guère  que  le  dixième  de  cette  longueur.  L'Aconquija,  au 

• 

cœur  de  granit,  est  très  brusquement  coupé  sur  sa  face  occidentale,  qui 
regarde  les  Andes,  tandis  que  ses  déclivités  de  l'est  sont  plus  douceSt 
flanquées  d'avant-monts  ça  et  là  boisés.  On  donne  le  nom  de  Clatijo 
ou  de  «  Cheville  »  au  massif  central  d'où  les  ramures  de  montagnes  rayon- 
nent en  diverses  directions  :  au  nord,  les  Cumbres  de  Calchaqui;à  l'ouest, 
la  sierra  del  Atajo ;  au  sud,  la  rangée  d'Ambato;  au  sud-est,  celle  de  les 

•  Martin  de  Moussy,  Description  de  la  Confédération  Argentine. 

•  Luthvig  Brackebuscli,  Peierniann's  Mitteilungen,  1895.  Hcfl  VU. 


MONTAGNES  DE  L'ARGENTINE.  597 

tos,   conlinuée  pnr  les    monts  d'Ancaste.    Pendant    l'hiver    de  1895, 
géologue  Rodolfo  Hauthal  a  le  premier  gravi  la  cime  la  plus  élevée  de 


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^oiiooo        a^/iXGt^affû'r     'ub^o^jjsa?"        a^ssûo-^ 


^conquija,  donl  il  évalue  l'allilude  à  5400  mètres.  Avant  de  tenter  le 
ne  suprême,  il  avait  passé  deui  jours,  à  4500  mètres  de  hauteur,  dans 
le  fissure  de  rocher,  pour  s'abriter  d'un  vent  furieux.  Quoique  situé 


598  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

dans  la  zone  tempérée,  TAconquija  n'a  pas  de  glaciers,  mais  on  dislingue 
parfaitement  les  traces  d'anciens  fleuves  cristallins  et,  à  la  cote  de 
4700  mètres,  Hauthal  vit  deux  petits  lacs,  d'origine  évidemment  glaciaire, 
retenus  par  un  barrage  de  moraines  frontales*. 

Le  ncvado  de  Famatina,  qui  s'élève  à  plus  de  200  kilomètres  au  sud- 
ouest  de  l'Aconquija,  ressemble  à  ce  massif  par  son  aspect  imposant,  vu 
surtout  de  ses  pentes  méridionales;  mais  il  n'est  pas,  comme  rAconquija, 
complètement  détaché  du  plateau  des  Andes  :  par  un  pédoncule  de  hautes 
terres,  qui  suit  l'axe  du  système,  il  se  rattache  aux  masses  andines.  U 
Famatina,  plus  haut  que  l'Aconquija,  puisque  le  sommet  central  attein- 
drait 6294  mètres,  d'après  Naranjo,  qui  Ta  gravi,  semble  encore  beaucoup 
plus  grand  par  son  élévation  relative  au-dessus  des  plaines  de  sa  base, 
situées  à  l'altitude  de  1000  à  1500  mètres.  Des  granits  et  des  porphyres 
constituent  le  noyau  de  la  chaîne,  et  les  roches  latérales  se  composent 
de  schistes  métamorphiques  aux  couleurs  variées,  blancs,  rouges,  noirs. 
Au  sud,  la  sierra  se  continue  directement  par  une  chaîne  graduellement 
abaissée,  qui  va  se  perdre  dans  la  région  des  salines  ;  on  peut  la  considérer 
comme  appartenant  au  même  système  des  rangées  de  montagnettes  cl  de 
collines  qui  se  succèdent  en  échelons,  parallèlement  aux  crêtes  majeures 
des  cordillères.  Tels  sont  la  sierra  de  Chaves  et  le  massif  non  moins 
isolé  de  Pié  de  Palo,  qui  domine  à  l'est  la  cité  de  San  Juan. 

A  l'ouest  du  ncvado  de  Famatina,  le  plateau  rétréci  des  Andes  se  décoin- 
pose  en  deux  cordillères  parallèles,  d'altitude  à  peu  près  égale  et  cd<^' 
Irastant  par  la  nature  de  leurs  roches.  La  cordillère  occidentale  consliti 
la  ligne  de  faîte  entre  les  versants  et  en  même  temps  la  frontière  entre 
Chili  et  l'Argentine.  La  cordillère  orientale,  appartenant  en  entier  à 
république  platéenne,  est  décomposée  en  fragments  par  les  vallées  d< 
torrents  qui  la  traversent  de  distance  en  distance  et   en  emportent  1- 
débris  dans  la  plaine.  Tandis  que  la  cordillère  chiléno-argentine,  de  beai 
coup  la  plus  jeune,  se  compose  de  formations  mésozoïques  ayant  çà  et 
livré  passage  à  des  masses  éruptives  plus  récentes,  la  chaîne  plus  ancien] 
de  l'est,  la  «  pré-cordillère  »,  appelée  aussi  «  an  té-cordillère  »  et  suiv- 
d'une  contre-cordillère',  consiste  en  granits,  porphyres  et  strates  palé^^^ 
zoïques.  Cette  deuxième  chaîne  fut  évidemment  l'arête  primitive  d'os* 
ture,  et  sa  démolition  était  déjîi  commencée  par  le  temps  lorsque  s'éh 
le  rempart  continu  de  la  chaîne  occidentale  :  il  y  aurait  eu  là  une  exte=^fl* 


•  Bclelin  cîel  Instituto  Geogrdfico  Argentino,  1893,  cuadernos  1,  2,  5  y  4. 

•  H.  Burincistcr,  Description  physique  de  la  République  Argentine, 


MONTAGNES  DE  L'ARGENTINE.  599 

sion  considérable  du  continent  sur  sa  face  tournée  vers  le  Pacifique.  Cette 
partie  de  la  double  Cordillère  offre  une  certaine  ressemblance  avec  les 
Andes  équatoriales,  qui  se  divisent  aussi  en  deux  chaînes  parallèles,  dont 
l'une,  celle  de  l'ouest,  est  presque  continue,  tandis  que  la  rangée  orien- 
tale, coupée  en  sept  endroits  par  des  rivières  du  système  amazonien,  a 
presque  entièrement  perdu  le  caractère  de  chaîne  :  on  pourrait  presque, 
avec  Whymper*,  y  voir  une  succession  de  massifs  sans  cohésion  naturelle. 

k  l'endroit  où  la  chaîne  de  Famatina  s'enracine  dans  le  plateau  des 
Andes,  les  deux  cordillères  ne  se  dessinent  pas  encore  :  les  grands  som- 
mets neigeux,  le  Bonete,  le  Veladero,  la  Gallina  Muerta,  dressent  isolé- 
ment leurs  cônes  de  1000  à  1500  mètres  d'altitude  relative,  sur  le  large 
socle  qui  sépare  les  deux  versants  du  Chili  et  de  l'Argentine.  La  haute 
plaine  qui  porte  ces  monts  solitaires  s'étend  elle-même  à  la  hauteur 
moyenne  de  4000  à  4500  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer  et  se 
prolonge  d'un  horizon  à  l'autre  en  molles  ondulations  parsemées  de  névés 
qui  changent  la  terre  en  boue.  Des  chaos  de  pierres  indiquent  çà  et  là 
l'emplacement  des  montagnes  démolies.  Sur  ces  âpres  étendues  le  vent 
souffle  souvent  avec  fureur,  accompagné  d'orages  qui  emplissent  l'espace 
de  tourbillons  neigeux.  Dans  cette  région  de  la  puna,  le  voyage,  toujours 
dangereux,  ne  rencontre  point  d'obstacle  naturel  :  le  plateau  dans  son 
entier  se  présente  comme  un  seuil  de  passage  où  se  ramifient  en  réseau  les 
sentiers  suivis  par  les  muletiers  argentins  qui  se  rendent  à  Copiapo,  pous- 
sant devant  eux  des  troupeaux.  Les  chemins  de  cette  zone  des  Andes  sont 
désignés  sous  le  nom  de  pircas. 

Dans  la  partie  du  plateau  qui  porte  le  Bonete  et  que  traversent  les 
pistes  muletières  entre  les  hautes  vallées  de  la  Rioja  et  celle  de  Copiapô, 
les  rivières  du  versant  argentin  coupent  la  cordillère  orientale  en  quatre 
fragments  bien  distincts.  Une  première  arête,  dont  quelques  pitons  dépas- 
sent 500  mètres,  est  séparée  de  la  cordillère  argentino-chilienne  par  la 
profonde  vallée  dans  laquelle  serpente  le  rio  Blanco,  l'une  des  branches 
maîtresses  du  rio  de  Jachal.  Une  deuxième  chaîne,  plus  rapprochée  de 
la  frontière,  aligne  de  nombreux  sommets  qui  dépassent  5500  mètres, 
entre  autres  le  pico  del  Salto.  Le  troisième  rempart  de  montagnes  appar- 
tenant à  la  cordillère  orientale  s'élargit  en  un  puissant  massif  dont  les 
cimes,  Mainrique  et  Totora,  dépassent  également  5500  mètres,  limite 
inférieure  des  neiges  persistantes.  Enfin,  le  quatrième  fragment,  dit  la 
cordillera   del  Tigre  (5015  mètres),  se  rattache   au  colosse  Aconcagua, 

•   Travels  amongst  the  great  Andes  of  the  Equator. 


'■1 


«W  ><>IÏELLE  •iÉM'iBAPHIE   TSITERSELLE. 

iluminanl  la  valli'-i-  •ian''  laqudlf  [tasse  la  roate  majeure  de  Ba«M>  in 
à  Sanlia;:»  de  <!hiU-  [Mr  li:-  pax)  «Je  la  Cunibre.  Tous  les  st-^nlicniivfai. 
rhis<**nl  If*  Antl«;-.  entre  cv  col  rn>i|Ufnté  el  les  pîrcas  de  Copiapi.  hmC 
lent  l»>  vallé»"^  Je*  rivit-n--  p«»ur  contourner  les  barrières  tnusiH^ 
de  lii  L-ordillt.-reAr^'entine:  mais  (.■e>  passages  ne  sont  giim  utilààbt 
pour  l'imftortatiun  dr-  muM-  an^ntias  dans  les  campt^nes  du  (Otih 
dfs  seuiU  M-nil  (lourtanl.  en  1817.  à  toute  une  année,  le  vA  de  M 
ou  di?  vallellt-rmoso.  qui  -'ouvri-  à  ÔJ65  mètres  entre  le  massif  de  TJ 
caguu  t't  ci-lui  df  la  Kamada  :  les  trou|tes  républicaines  de  San  I 
If  ti~rfver-><-rent  |Hiur  aller  livrer  liataille  aux  Espagnols.  D'aiilm«É 
de  la  ^'rande  crête,  suivis  par  les  muletiers,  dépassent  4d(HI 
altitude  :  tel  le  C"I  d'Agua  NeL'ra  tiu  de  la  Laguna  (4652  mùlres), 
le  chemin  direct  de  Jachal  à  CoquimlM. 

Ouln-  les  deux  coi-dillcre-  à  pitons  neigeux.  l'Argeiitine  a.  offlrirt^ 
ChUi.  sa  cliaiiie  d'avant-munlo.   si  ■■-  {tetite  Cordillère  >',   se  d^TefaniM 
liamllèlement  à  l'aie  des  Andes  pntpivment  dites  et  cou(hh.'  de  diAM 
en  distance  [»ar  les  eluses  ou  les  vallée*  dans  lesquelles  passent  lesriTJfta 
A  l'ouest  de  la  plaine  oii  se  trouvent  les  deux  villes  de   San  Juan  «t  il 
Mendoza,  cette  chaîne  des  avant-monts  constitue  le  massif  déjà  fier^ 
l'aramillo,  dont  un  sommet,  le  cent)  Pelado.   atteint  3457  mMres.  & 
montagnes,  maintenant  sans  neige>.  eurent  aussi  leurs  glaciers.  eVJHBtt 
dans  la  [daine  voisine.  au\  environs  de  Mendoza,  on  voit  tes  sillons  irUb  ] 
par  les  anciens  fleuves  de  glace.  Les  petites  buttes  aux  sommets  amtfe  ] 
que  l'on  a[i|ielle  ferri7/o5  sont  évidemment  des  restes  de  moraines,  fnwfrfe  ' 
pourlapluiwrt.  Klles  s'élèvent  à  ta  hauteur  moyenne  de  00  à  lOOmètrH. 
alignées  eu  chaînons,  el  se  coiuposenl   de  hlocs  trachytiques,   fn|iDnll 
angulaires  ou  lîiilileinent  émoussés,  tjue  les  glaces  ont  entraînés  josqn'm 
pieds  des  avant-mouts'. 

La  coupure  de  la  cordillère,  manpiée  par  la  roule  de  la  Gumbre  et  pv 
les  travaux  du  chemin  de  fer  transandiii,  coïncide  à  peu  près  avec  unedin- 
sion  naturelle  du  système  oropra|diique,  car  c'est  à  une  petite  distance» 
sud  de  l'énorme  et  neigeux  Tiipungato  (6178  mèti-es),  lui-même  d'oripoe 
éruptivc,  que  s'ouvrent  les  cratères  de  nombreux  volcans,  éteints  ou  eocort 
actifs.  Là  aussi  la  cordillèi'e  argentinu-chilicnne  se  double  à  l'est  d'une 
chaîne  complètement  argentine,  se  développant  parallèlemcn l  h  la  pn'- 
inière,  mais  de  KtUO  mètres  plus  basse  en  moyenne.  Le  volcan  éteiul 
d'Overo    (i7iO  mètres),  qui  relie  cette  crête  des  monts  orienlaui  à  la 

'  Rodolfo  Itautiiiil,  lîeruta  dfl  Uuteo  de  la  Plalii,  tome  IV,  1895. 


ANDES  ARGENTINO-CHILIENiNES.  605 

1ère  majeure,  non  loin  du  Maipo,  s'entoure  d'un  glacier*,  un  de  ceux 
>n  peut  le  mieux  obsei'ver  la  formation  de  la  nief>e  pénitente  ou 
je  des  pénitents  »,  ainsi  nommée  de  la  désagrégation  de  sa  masse  en 
lettes  inégales,  ressemblant  à  des  moines  coi&és  de  la  cagoule  :  les 
ités  de  fusion  dans  l'air  sec  des  hauteurs  on  roduit  ces  allées 
es  par  lesquelles  s'écoulent  les  ruisselets  de  glace  fondue, 
sud  de  rOvero,  la  chaîne  argentine  s'interrompt  pour  laisser  passer 
ère  du  Diamante,  qui  prend  sa  source  dans  Tentre-deux  des  chaînes 
e  domine  le  beau  cône  basaltique  du  môme  nom;  puis  au  delà 
anent  d'autres  arêtes  parallèles  à  la  cordillère  majeure.  Une  cou- 
dans  laquelle  nait  la  rivière  Atuel,  mène  au  passage  du  Planchon 
i  mètres),  un  des  plus  fréquentés  des  Andes  argentine-chiliennes,  et 
le  ceux  qui  semblent  destinés  à  desseiTir  un  grand  trafic,  grâce  au 
ce  d'une  voie  ferrée.  Plus  loin,  vers*  le  sud,  le  système  orographique 
git  :  la  chaîne  argentine  des  volcans  du  Malargûe  (Malalhué),  contras- 
tée les  assises  jurassiques  de  la  grande  chaîne,  se  développe  à  'est  de 
>fonde  vallée  longitudinale  dans  laquelle  coule  le  rio  Grande  ou  Colo- 
aaissant;  une  autre  chaîne  moins  haute  lui  sert  de  rempart  avancé, 
k  une  centaine  de  kilomètres  encore  plus  à  l'est,  par  delà  une  haute 
a  où  s'étendent  les  eaux  d'un  lac  sans  écoulement,  reste  d'une  mer 
eure,  se  dresse  une  chaîne  neigeuse,  le  nevado  de  San  Rafaël 
i  mètres),  fragment  presque  isolé  de  montagnes  qui  paraissent  avoir 
dis  beaucoup  plus  puissantes.  Plus  au  sud,  un  autre  massif,  le  cerro 
I,  certainement  un  ancien  Etna  de  laves  et  de  cendres,  domine  la 
t  où  s'unissent  le  rio  Grande  et  le  rio  de  las  Barrancas  pour  former 
lorado;  trois  puissantes  cheires  de  laves  superposées,  comme  trois 
irs  épanchés  1  un  sur  l'autre,  se  montrent  sur  l'un  des  flancs  de  la 
agne.  Près  du  col  de  Buta-c6,  qui  traverse  à  1520  mètres  la  chaîne  de 
gùe,  se  voit  une  énorme  masse  de  grès  tombée  d'une  paroi  voisine  au 
u  du  sentier  :  c'est  le  Cura  Cokalio,  la  «  pierre  divine  »  des  Araucans*. 
ipée  successivement  par  deux  défilés,  ceux  des  rios  Grande  et  Bar- 
s,  la  pré-cordillère  orientale,  elle-même  fort  élevée,  se  développe 
élément  à  la  grande  crête  :  le  Chos  malal  ou  Bum  mahuida,  le  «  mont 
Nuit  »,  n'aurait  pas  moins  de  5000  mètres,  d'après  Host.  C'est  un 
1  volcan,  entouré  sur  tout  son  pourtour  de  coulées  et  de  nappes 
ption,  laves,  cendres,  pierrailles.  On  croit  que  toute  la  pré-cordillère 
région  se  compose  de  ces  roches  volcaniques,  ayant  cherché  une 

il  Gûssfeldt,  ReUe  in  denAnden  von  Chile  und  Argentinien. 
Host,  Boletin  del  Instituto  Geogràfico  Argentino,  tome  H,  1881. 


I 


usue  à  dt'iix  é|ioc[iii's  ditri'ioiitos  :  \t's  laves  [iriinitiveN  sont  dt'fi  tnich]r~ 
1  noirs,  jiiisi|ucls  oui  succédé  des  hasalles'.  Va  seuil  de  2318  mètres  b^-jb 
file  volcan  d^  Ih  chaîne  orcidentalo  «t  divise  les  eaux  qui  descendeul  d'^~'u 

CÔI^  vers  le  Culurado.  de  l'autre  vei's  le  rio  Negro  par  le  N*'ui|ucu. 


Andes  onl  peu  de  sites  aussi  grandioses  que  ce  col  de  la  Suisse  argenti 
dominant  int  immense  Korizim  de  pAturages  et  de  forêts,  limites  au  m 
est  (Kir  la  masse  colossale  du  ceiro  Payeii  el  au  noixl-imest  par  le  > 
du  Camjianario  (pu'  leimine  un  diadème  de  lin'liers  en  forme  de  I 
ruinées.  An  sud,  la  vue  s'élend  sur  un  chaiis  de  montagnes,  (jui,  jtar 


liil'i  Gcogvàl'i'ii  Aiijeiiliii 


ANDES  ARGENTINO-CUILIEiNNES.  605 

e  lac  Tromen,  occupe  Tespace  compris  entre  Tarêle  de  la  frontière  el 
e  cours  du  Neuquen  :  même  à  l'est  de  cette  rivière,  d'autres  massifs 
Rabaissent  vers  la  pampa  rocheuse  de  la  Patagonie. 

A  Test  du  volcan  de  Lonquimai  et  des  autres  monts  ignivomes,  LIaimn, 
dinihue,  Quetrupillan,  qui  se  succèdent  au  sud  sur  la  crête  principale  ou 
dans  le  voisinage,  la  cordillère  argentine  reprend  son  allure  régulière,  à 
une  altitude  sufQsante  pour  que  les  cimes  se  recouvrent  de  neiges  en  hiver  : 
le  Chapel-c6  s'élève  à  2440  mètres,  et  la  partie  de  la  chaîne  dite  cordillère 
de  los  Cipreses  se  maintient  à  2000  mètres.  Mais  de  profondes  brèches  s'ou- 
vrent dans  cette  arête.  Un  seuil  où  se  confondent  les  versants  du  Biobio 
chilien  et  du  Limay  patagon,  n'a  qu'un  millier  de  mètres,  et  les  charrettes 
venues  de  l'ouest  peuvent  y  remonter;  plus  au  sud,  une  colline  en  pente 
douce  sépare  un  affluent  du  Limay  et  le  lac  chilien  Picaullû  (Lacar, 
Lajara),  situé  à  700  ou  800  mètres  de  hauteur;  un  troisième  passage, 
h  l'extrémité  occidentale  du  Nahuel-Huapi,  n'a  que  838  mètres  :  c'est  le 
hoqueté  de  Ferez  Rosalez.  Une  deuxième  cordillère  argentine,  se  dévelop- 
pant parallèlement  à  la  première,  est  moins  échancrée,  mais  aussi  moins 
haute  :  ses  pitons,  dans  les  sierras  de  Catalin  et  de  las  Angosturas,  s'élèvent 
h  1500  mètres.  Cette  partie  du  système  orographique  eut  ses  volcans  actifs 
comme  la  grande  chaîne  située  plus  à  l'ouest  :  le  volcan  d'Alumine,  le 
volcan  de  la  Mesa,  le  cerro  Chapel-cô  sont  des  cônes  d'andésite,  et 
d'autres  pitons  par  vingtaines  se  dressent  des  deux  côtés  de  la  rivière 
CoUon-cura,  ouvrant  largement  leurs  cratères  où  croissent  les  hêtres  et  les 
myrtes*.  Une  de  ces  montagnes,  près  des  sources  du  Biobio,  a  recouvert 
de  cendres  tout  le  territoire  des  alentours.  Les  traces  des  éruptions  et 
celles  des  anciens  glaciers  se  superposent  :  au-dessous  des  pierrailles  vol- 
caniques s'étendent  les  lits  de  boue  glaciaire. 

Au  sud  du  Tronador,  aux  avalanches  «  tonnantes  »  qu'on  voit  pyramider 
entre  le  bassin  du  Nahuel-Huapi  et  le  versant  chilien,  les  montagnes 
s'abaissent,  et,  d'après  Rohde,  on  pourrait  se  rendre  des  bords  du  Limay  au 
Qord  étroit  et  profond  de  Reloncavi  sans  traverser  de  chaîne  proprement 
dite,  mais  seulement  de  petits  plateaux  coupés  de  ravins  et  de  vallées  :  les 
seuls  obstacles  sur  ce  seuil,  qui  est  peut-être  l'ancien  passage  de  Bari- 
loche,  suivi  par  les  missionnaires  jésuites,  proviendraient  de  l'exubérance 
de  la  végétation;  à  l'endroit  où  le  chemin  descend  aux  eaux  du  Paci- 
fique, il  longe  la  rivière  Puelo,  entre  le  mont  Ballena  (1488  mètres)  au 
nord  et  le  mont  Castillo  (1304  mètres)  au  sud*. 

*  Josef  Sicmiradzki,  Peiennann^s  MUteilungerif  1892,  Hcft  m. 

•  Jorge  Rohde,  Boletin  del  Inslitulo  Geogrdfico  ArgenlinOj  1882. 


G06  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Au  delà,  le  long  des  profonds  détroits  qui  séparent  la  terre  ferme  de  Cbiloe 
cl  des  archipels  magetlaniques,  la  chaîne  de  partage  n'est  guère  connue 
que  de  loin  el  les  marins  ont  dû  presque  partout  se  borner  à  en  dessiner 
le  profil,  dominé  par  les  cimes  de  volcans  éteints  ou  encore  actifs,  k 
Yatc  ou  Yebcan,  le  Minchin  mahuida,  le  Corcovado,  te  Mellimoya,  donl  la 


hauteur  varie  de  1600  à  2400  mètres.  Mais  les  quelques  excursions  que 
des  voyageurs,  des  bûcherons  el  des  pêcheurs  ont  faites  dans  les  vallées 
tributaires  du  Pacifique,  permettent  de  croire  que  la  cordillère  se  décom- 
pose en  massifs  isolés  par  des  brèches  profondes  où  pénètrent  des  rivières 
nées  à  l'est  des  montagnes,  sur  les  plateaux  de  la  Palagonie.  La  rivière 
Pulena,  qui  passe  au  sud  du  volcan  Corcovado  et  qui,  d'après  la  légende, 


MONTAGNES  DE  LA  PATAGONIE  ET  DE  LA  MAGELLANIE.  607 

nnerait  accès  à  la  cité  merveilleuse  des  «  Césars  »,  l'Eldorado  méri- 
tai   du  continent,  coule   dans    une   de  ces  brèches,  de  même  que 
rio  Corcovado*,  les  rivières  Aysen  et  Huemules,  à  la  latitude  plus 
strale*.  En  cet  endroit  les  Andes  se  décomposent  pour  former  un  archi- 
l  terrestre  analogue  à  celui  qui  se  présente  sur  le  littoral  voisin,  frag- 
dnté  en  de  nombreux  massifs'.  La  chaîne  se  reconstitue  par  le  travers 
!  la  péninsule  de  Taytao,  où  s'élève  le  plus  fier  sommet,  le  San  Valen- 
1.(3876  mètres).  Sous  la  même  latitude,  Moyano  a  mesuré  dans  la  cor- 
Hère  latérale  argentine  le  pic  Zeballos,  d'une  hauteur  de  1675  mètres, 
constaté  l'existence  d'une  autre  chaîne  qui  se  détache  des  Andes  vers 
5  sources  du  Deseado  pour  s'orienter  dans  la  direction  du  sud-est  et 
iner  le  musoir  du  cap  Blanco,  au  sud  du  golfe  de  San  Jorge.  Quelle 
ia  hauteur  de  cette  chaîne  transversale?  On  ne  sait,  mais  les  Indiens 
lisent  très  pénible  à  traverser,  à  cause  des  rochers,  des  précipices, 
pierres  roulantes,   du  manque  de  sources.  Pour  se  rendre  de  l'un 
aiutre  point  du  littoral,  ils  la  contournent  à  l'ouest  par  la  région  des 
larages*. 

^ansla  Magellanie,  le  continent  rétréci  n'offre  plus  qu'une  bande  étroite 
;|plaines  en  dehors  des  Andes,  et  dès  le  rivage  de  l'Atlantique  on  aper- 
•  les  cimes  qui  se  dressent  dans  le  voisinage  de  l'autre  Océan.  Mais  dans 
Le  région  péninsulaire  qui  termine  le  continent,  les  zones  parallèles  des 
nations  orographiques  se  présentent  avec  une  étonnante  régularité, 
chaîne  des  Andes  proprement  dites,  où  s'élève  le  mont  Chalten,  mont 
perbe  en  forme  de  tour  que  Moreno  désigne  aussi  sous  le  nom  de  Fitz- 
\*(2100  mètres),  se  profile  presque  exactement  suivant  la  ligne  du  méri- 
n,  jusqu'à  la  brèche  où  pénètrent  les  eaux  des  grands  fjords  magella- 
ues.  A  cette  rangée  succède  à  Test  une  pré-cordillère,  à  laquelle  Moyano 
me  l'appellation  de  cordillère  de  los  Baguales  ou  des  «  Chevaux  sau- 
es  »  et  qui  se  poursuit  du  nord  au  sud  sur  une  longueur  de  plusieurs 
laines  de  kilomètres,  sans  beaucoup  s'éloigner  de  la  direction  précise 
méridien.  Le  mont  Stokes,  drapé  de  neiges,  le  mont  Payné,  presque 
si  haut,  appartiennent  à  cette  pré-cordillère,  dont  les  cimes  s'élèvent  de 
}0  à  plus  de  2000  mètres.  Une  troisième  chaîne,  moins  égale  et  moins 
ite  (1500  mètres),  n'atteint  pas  la  limite  des  neiges  persistantes,  mais 
>asse  les  autres  en  sites  pittoresques,  grâce  à  ses  tours,  à  ses  obélisques 

Funtana,  Boletin  del  Insiiiuto  Geogràfico  ArgentinOf  1886-87. 
Scrrano,  Simpson,  Anuario  hidrogrdfico  de  la  marina  de  Chile,  1875,  1886. 
Rodgers,  Moyano,  J9o/^/in  del  Instituto  Geogràfico  Argentino,  1888. 
Carlos  M.  Moyano,  Boletin  del  Institulo  Geogràfico  Argentino,  1881. 


nos  ?!ODVELLE  GÉOGRAPHIE  UîflYERSELLE. 

(le  scorie:^,  à  ses  masses  de  lavos  en  rclrail,  semblables  h  des  temples  ;  u'esl 
la  chaîne  éruptive  où  se  dressent  ie  vrai  Chnilcn  cl.  aulresvolcans  éteints  ou 
actifs.  I.a  cordillère  de  Latorii-,  signalée  de  lnïn  |mr  les  mornes  des  Très 
Sabios  ou  des  «Trois  Savants  »,  l'hilippi,  Gay,  Domeyko,  faiL  partie  de  celle 
région  des  laves  :  on  y  voit  un  eratt'i'e  d'apparence  très  récente'.  Sur  h 
zone  qui  s'incline  h  l'est  vers  l'Âtlanliqiie  s'étend  le  manteau  des  scories  cl 
des  cendres*  tjue  percent  de  dislance  en  dislance,  isolés  ou  alignés,  d'an- 
ciens cônes  d'éruplion.  Un  morne  calcaire,  le  monte  Léon  (500  mètres), 
percé  de  grottes  oh  se  cachent  les  pumas  et  portant  h  sa  pointe  les  nids 
des  condors,  signale  de  loin  l'embouchure  du  Santa  Cruz'. 

Au  sud  des  Andes  proprement  dites,  la  côte  se  découpe  en  mille  inden- 
lations.  et  les  monts  prennent,  grilce  aux  baies  et  ans  lacs  environnants, 
un  asirect  insulaire.  Entre  le  Skyriiig  Waler  el  le  grand  méandre  du 
détroit  de  Magellan.  In  ciiainc  se  réduit  à  uti  seuil  de  quelques  mttrcs 
à  peine.  Elle  pointe  de  nouveau  avec  les  formidables  parois  du  cap 
Froward,  el  de  l'autre  côté  du  détroit  élève  encore  des  monts  supct'tH.'S 
à  ceinture  de  glaciers,  le  Sannienio,  le  Darwin,  le  Français,  puis.  *o 
développant  suivant  une  grande  courbe  dans  le  sens  de  l'ouest  à  l'eM,  va 
finir  par  la  longue  île  des  États,  où  culminent  des  sommets  d'un  millier 
de  mètres.  Avee  cette  île,  territoire  argentin,  se  termine  le  long  hémi- 
cycle dos  montagnes  andincs,  commençant  avec  Trinidad,  dans  la  mer  des 
Caraïbes. 


D'autres  massifs,  maintenant  séparés  des  Andes,  mais  qui  probablement 
en  firent  partie  jadis,  s'élèvent  isolés  dans  l'immense  territoire  de  l'Argen- 
line.  Un  premier  groupe  de  montagnes,  dit  fort  justement  sierra  de  los 
LIanos,  parce  que  des  plaines  l'entourent,  entre  des  salines  et  autres  terres 
basses  et  désertes,  presque  à  moitié  chemin  entre  la  Rioja  el  San  Luis,  fut 
une  île  orientée  dans  le  sens  du  nord  au  sud.  Très  usée  par  le  temps, 
cette  sierra  n'a  point  de  morne  qui  se  dégage  fièrement  des  croupes  infé- 
rieures ;  elle  ne  présente  que  de  longues  croupes  d'origine  cristalline  et 
métamorphii|ue,  ne  dépassant  guère  un  millier  de  mèlres  par  leurs  masses 
culniinanles.  Plus  au  nord,  la  sieira  Brava.  i|iii  n'atteint  pas  même 
iOOO  mètres,  offre  un  aspect  analogue  el  fit  sans  doute  partie  du  même 
système  oriigraphiquc  :  ce  n'esl  qu'un  Jlol  dans  l'ancienne  nier.  Quelques 


'  Itngers  unci  IJwr,  Peleniwna's  Geographitehe  Mitleilungeii.  1880,  lloft  li. 
'  Fntifois  I'.  Moronn.  Viaje  d  la  Palagonia  auttral. 


MONTAGNES  CENTRALES  DE  L'ARGENTINE.  609 

ntles  isolées,  qui  percent  çà  et  là  les  couches  alluviales  de  la  plaine,  ont 
eçu  des  indigènes  le  nom  pittoresque  de  reventazones  de  la  sierra  ou 
rejets  de  la  montagne  *  » . 

Le  système  Central,  qui  occupe  un  espace  de  plus  de  500  kilomètres  du 
ord  au  sud,  parallèlement  à  la  grande  Cordillère,  se  compose  de  plusieurs 
haines  distinctes,  toutes  disposées  suivant  la  même  orientation  normale, 
lais  également  situées  sur  un  socle  de  plaines  ayant  plus  de  500  mètres 
n  hauteur.  Dans  l'ensemble,  ces  montagnes,  de  formation  cristalline, 
résentent,  comme  le  système  andin,  leur  face  abrupte  du  côté  de  Touest: 
ar  leur  versant  oriental,  de  même  qu'aux  deux  extrémités  du  nord  et  du 
ad,  elles  s'inclinent  doucement  vers  la  pampa.  Un  premier  chaînon,  que 
raversent  les  rivières  descendues  du  système  Central,  se  développe  sur  la 
ice  de  Test,  n'atteignant  un  millier  de  mètres  que  par  de  rares  sommets  : 
I  cime  Ia^plus  haute,  la  cumbre  de  la  Cal,  au  nord-ouest  du  Côrdoba, 
élève  à  1570  mètres.  La  chaîne  centrale,  l'axe  du  système  cordovais, 
épasse  2500  mètres  par  son  morne  culminant,  le  Champaqui  :  ce  n'est 
u'un  simple  cône  posé  sur  des  plateaux  pierreux,  enfermant  quelques 
liions  de  pâturages.  Au  nord-ouest,  le  système  s'élargit  en  un  plateau  qui 
il  face  à  la  sierra  de  los  Llanos.  Ce  plateau  se  distingue  des  monts  cordo- 
lis  par  une  ligne  d'anciens  volcans,  qui  se  dirige  de  l'est  à  l'ouest  et  se 
rmine  brusquement  au-dessus  des  plaines  occidentales  par  le  cerro 
achytique  de  Yerba  Buena  (1645  mètres).  Il  n'a  point  de  cratère  appa- 
nt  et,  de  mémoire  d'homme,  n'a  lancé  de  vapeurs  ni  vomi  de  laves;  mais 
ins  les  alentours  on  ressent  quelquefois  de  légers  tremble-terre;  on  aurait 
issi  entendu  des  grondements  souterrains  au  pied  de  ces  montagnes. 
La  sierra  de  San  Luis,  appelée  aussi  de  la  Punta,  d'après  son  promon- 
ire  sud-occidental,  peut  être  considérée  comme  faisant  partie  du  système 
mirai  ou  cordovais  et  date  du  même  âge  planétaire  ;  mais  elle  en  est  assez 
îttement  séparée  par  une  longue  dépression  dans  laquelle  coule  la  rivière 
mlara,  qui  va  se  perdre  au  nord  dans  les  salines.  Les  hauteurs  de  San 
lis  ont  l'aspect  de  fières  montagnes  sur  leur  pourtour  de  l'ouest  et  du 
)rd',  côtés  par  lesquels  elles  se  présentent  de  la  base  au  sommet;  mais  ce 
îbord  cache  un  plateau  mamelonné  ayant  en  maints  endroits  l'aspect 
une  véritable  plaine.  L'une  des  plus  hautes  cimes,  le  Monigole  (1966 
êtres),  est  un  de  ces  mornes  du  rempart  extérieur;  de  même  le  Gigan- 
llo,  «  petit  Géant  »,  qui  fait  face,  par  delà  la  profonde  dépression  de  la 
mada,  au  Gigante  de  l'extrême  chaînon  des  Andes.  Les  gneiss  de  la  sierra 

*  Martin  de  Moussy,  ouvrage  cité. 

xn.  77 


610  NorvEr.LE  GÉOGRAPHIE  ckiversellf:. 

se  dislin^iiont  de  ceux  dti  système  cordovais  par  leur  estrâme  abondance 
en  (juartz  el  en  mica.  Les  niisseam  de  la  plaine  semblent  couler  sur  des 
pailletles  d'argent,  et  les  masses  de  quartz  pur  se  dressent  au  sommet  des 
collines  comme  des  propylées  de  marbre.  A  l'est  du  Monigote  une  petite 
rangée  de  mornes  volcaniques  s'aligne  transversalement  à  i'axe  du  système 
comme  dans  les  montagnes  cordovaises  :  un  de  ces  mornes  est  le  Tomn- 
lasla,  sommet  culminant  du  plateau  et  de  tout  le  massif  (2H7   mètres); 


I 


des  gisements  aurifères  lui  ont  fait  donner  le  nom  de  cerro  de  las  Minas. 
En  dehors  des  montagnes  de  San  Luis,  le  cerro  Morro,  au  nord  de  Villa 
Mercedes,  constitue  un  autre  massif  insulaire,  dépassant  1500  mètres,  et 
le  promontoire  de  la  Punta  se  continue  au  sud,  vers  les  déserts  de  Pala- 
gonie,  par  une  succession  d'ilôts,  ancienne  chaîne  dont  les  vallées  et.  les 
brèches  sont  comblées  par  les  alluvions  et  les  poussières,  ne  laissant  surgir 
(pie  les  pointes  rocheuses. 

De  i'auti'e  côté  du  Parand,  entre  ce  fleuve  el  l'Uruguay,  dans  la  mésopo- 
lamie  argentine,  il  n'y  a  que  de  légères  ondulations  ou  des  berges  fluviales, 
désignées  parfois  sous  le  nom  de  collines  à  cause  du  contraste  que  présen- 
tent avec  ces  hauteurs  les  marécages  el  les  fleuves;  mais  dans  le  territoire 
des  Missions,  qui  se  continue  à  l'est  dans  l'État  brésilien  de  Santa  Catfaa- 


SIERKAS  DE  SAN  LUIS,  DEL  IMAN,  DE  LA  YENTANA.  611 

la,  une  véritable  chaîne  se  redresse  en  croupes  de  300  ou  400  mètres 
-dessus  des  campos. .  Dans  Tisthme  formé  par  le  rapprochement  des 
ux  fleuves,  au  sud-est  de  Posadas,  une  première  rangée  d'élévations 

dessine  du  sud-ouest  au  nord-est  :  c'est  la  sierra  dei  Iman  ou  de 
TAimant  »,  ainsi  nommée  sans  doute  par  les  Jésuites,  qui  avaient 
)uvé  du  fer  magnétique  dans  ses  assises.  Plus  loin,  vers  Je  nord  et  Test, 
s  couches  de  grès  et  les  roches  primitives,  qui  vont  se  rattacher  au  système 
ésilien,  se  relèvent  par  degrés  dans  la  direction  de  la  serra  do  Mar. 
Des  chaînes  distinctes  s'élèvent  aussi  à  l'est  des  Andes  patagones,  dans 

province  de  Buenos  Aires  et  les  territoires  du  sud.  Un  premier  aligne- 
ent  de  crêtes  se  profile  du  nord-ouest  au  sud-est  parallèlement  au  bas 
iranâ,  continué  par  le  rio  de  la  Plata,  et  se  termine  aux  pointes  du  cap 
>rrientes.  Les  mornes  les  plus  élevés  de  cette  crête,  décomposée  en  plu- 
eurs  fragments,  atteignent  340  mètres  dans  la  sierra  de  Tandil  ;  plus 
lin,  au  sud-est,  la  sierra  de!  Yulcan  se  dresse  abruptement,  quoique  à  une 
lible  élévation  (275  mètres)  :  comme  les  autres  massifs  de  la  contrée, 
le  est  formée  de  gi^nits,  gneiss,  de  roches  archaïques,  non  de  laves, 
nsi  que  pourrait  le  faire  supposer  cette  appellation  de  Vulcan,  mot  d'ori- 
ine  pampéenne  qui  aurait  le  sens  de  «  brèche  »  et  qui  s'appliquerait  au 
rge  passage  ouvert  entre  cette  chaîne  et  la  sierra  de  TandiP. 

Plus  au  sud,  les  divers  massifs  qui  s'élèvent  au  nord  de  Bahia  Blanea, 
.  que  l'on  désigne  d'ordinaire  sous  le  nom  de  montagnes  de  la  Yentana, 
^  décomposent  en  chaînons  parallèles,  d'une  direction  analogue  à  celle 
a  Tandil  et  des  volcans.  Les  sommets  les  plus  fiers,  situés  dans  la 
laîne  proprement  dite  de  la  Yentana,  dépassent  l'altitude  de  1160  mètres*  ; 
lais  ils  atteignirent  autrefois  à  des  hauteurs  beaucoup  plus  grandes. 
oehes  de  quartzites  blanchâtres,  rayées  de  rouge  en  maints  endroits  par 
js  oxydes  ferrugineux,  ces  montagnes  appartiennent  aux  âges  les  plus 
nciens  de  la  Terre  :  elles  existaient  bien  avant  l'apparition  des  Andes,  et 
robablement  furent  alors  parmi  les  colosses  du  continent;  ce  sont  les 
ragments  de  masses  énormes  presque  entièrement  désagrégées  par  les 
ttétéores.  La  vallée  du  ruisseau  Sauce  Grande,  qui  sépare  la  chaîne  de 
a  Yentana  et  celle  du  Pillahuinco,  fut  jadis  emplie  par  les  glaces  :  des 
•oches  moutonnées  indiquent  le  passage  de  l'ancien  fleuve  cristallin'; 
ictuellement  la  Yentana  se  revêt  d'un  peu  de  neige  tous  les  ans.  La  sierra 
l'est  que  très  faiblement  boisée,  et   de  plusieurs  endroits  parait  com- 


'  Martin  de  Moussy,  ouvrage  cité. 
*  1350  mètres,  d*après  Âguirre. 


'  Rodolfo  Hauthal,  Revista  del  Muteo  de  La  Plata,  tome  VIII,  1892. 


OIS  NOUVELLE  CËOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

plètemenl  nue.  Son  nom,  Venlana  ou  «  Fenêtre»,  lui  vient  d'une  ouTerture 
qui  se  montre  près  de  la  cime,  laissant  voir  un  coin  du  ciel  bleu. 

L'intérieur  de  la  Patagonie,  dans  la  région  que  traversent  les  riosColi)- 
rado  et  Negro,  se  hérisse  de  crêtes  rocheuses,  granits  et  porphyres  roses, 
qui  semblent  des  vapeurs  légères  au  soleil  du  matin.  Ces  diverses  cbaines, 
connues  sous  le  nom  générique  de  maJiuida,  qui  signifie  «  montagne  » 
dans  la  langue  des  indigènes,  ont  une  hauteur  moyenne  de  400  à  500  mètres, 


et  presque  toutes  sont  orientées  dans  le  sens  du  nord-ouest  au  sud^*^ 
comme  les  chaînes  de  collines  situées  enire  Buenos  Aires  et  Bahia  BlaC^*^ 
Entre  leurs  arêtes,  le  sol  est  recouvert  d'une  crau  de  cailloux  arron^^ 
granits,   gneiss,    porphyres,  déposés  en  couches  horizontales  alten»^ 
avec  des  dunes.  Les  plaines  d'origine  tertiaire  qui   constituent  touU 
socle  de  la  Patagonie  à  l'est  de  la  cordillère  andine,  et  dans  lesquelles 
trouvent  des   fossiles  en   surabondance,    ont  pour  manteau  ces  lits     ^ 
graviers  roulés.   Darwin  estimait  la  prodigieuse  masse  des  galets  p0^ 
goniens  .'i  une  longueur  d'un  millier  de  kilomètres  du  nord  au  sud» 
une  largeur  moyenne  de  320  kilomètres  et  h  15  mètres  d'épaisseur;  d*' 


HAUTEURS,  PLATEAUX  DE  LA  PATAGONÏE.  615 

montagnes,  des  chaînes  entières  ont  dû  être  triturées  pour  fournir  un 
cailloutis  de  cette  puissance  et  de  cette  étendue.  Encore  faudrait-il  y 
ajouter  tous  les  débris  de  même  nature  que  recouvrent  maintenant  les 
eaux  de  la  mer  :  tels  les  porphyres  roulés  que  les  sondages  des  marins 
ont  retrouvés  dans  les  parages  des  îles  Falkland,  loin  de  tout  massif 
insulaire  contenant  des  roches  analogues'. 

Ces  cailloux  proviennent  évidemment  des  Andes  et  des  montagnes  plus 
anciennes  qui  s'élevaient  dans  les  régions  centrales  et  orientales  de  la 
contrée  et  dont  il  ne  reste  plus  actuellement  que  les  noyaux.  Des  morai- 
nes, poussées  par  les  glaces,  ont  certainement  livré  les  premiers  maté- 
riaux que  les  eaux  marines  ont  distribués  en  lits  horizontaux  ou  très  faible- 
ment inclinés.  Puis  s'est  produit  le  phénomène  d'émersion,  provenant  soit 
de  l'exhaussement  du  sol,  soit  du  retrait  de  la  mer,  et  les  anciens 
fonds,  les  anciennes  grèves  sont  devenus  les  craus  desséchées  de  la 
Patagonie,  oii  se  montrent  en  quantités  si  prodigieuses  les  huîtres  géantes, 
de  30  à  50  centimètres  de  tour,  qui  caractérisent  de  si  vastes  étendues  du 
sol  patagonien.  La  forme  même  du  relief,  dans  l'intérieur  des  terres  et  sur 
le  littoral,  montre  avec  une  netteté  parfaite  ce  travail  d'émersions  succes- 
sives :  en  maints  endroits,  le  plateau  pierreux  finit  brusquement  dans 
le  voisinage  des  fleuves  ou  des  coulées  et  se  découpe  comme  une  côte 
maritime  en  golfes  et  en  baies,  contrastant  avec  les  massifs  rocheux  par 
leurs  herbages  et  leurs  bosquets*  :  ces  dépressions,  les  seuls  lieux  habi- 
tables de  la  contrée,  sont  d'anciennes  plages  où  la  mer  venait  se  heurter 
aux  falaises.  La  côte  actuelle  se  présente  aussi  dans  presque  toute  son 
étendue  en  une  brusque  muraille  que  sape  le  flot;  mais  sur  le  pourtour 
des  hauteurs  se  montrent  les  différentes  terrasses  qui  indiquent  les  niveaux 
successifs  du  socle  continental  :  dans  le  voisinage  du  Chubut,  ces  gradins 
se  poursuivent  à  25,  <^  60  et  à  105  mètres  d'élévation;  à  la  bouche 
du  rio  Santa  Cruz,  on  voit  des  paliers  de  formation  maritime  h  une  hau- 
teur plus  grande  encore.  Près  de  Possession  Bay,  à  l'entrée  orientale  du 
détroit  de  Magellan,  de  Pourtalès  a  découvert  un  étang  situé  à  50  mètres 
d'altitude  et  contenant  des  coquilles  toutes  identiques  à  celles  de  la  mer 
voisine.  Ce  mouvement  d'émersion  se  fit-il  par  de  brusques  poussées, 
correspondant  à  chacune  des  terrasses,  ou,  ce  qui  est  plus  probable,  se 
fit-il  avec  lenteur,  mais  suivant  un  certain  rythme  d'oscillations?  Les 
géologues  le  diront  un  jour. 


*  Francisco  P.  Moreno,  Viaje  à  la  Patagonia  Austral, 

«  Josef  Siemiradzki,  PetermaniCs  Mitteilungen,  1893,  Hcft  III. 


.NOUVELLE  GÉOCRAPlllE  tlKIVERSBLLE. 

Peiidniil  la  période  contemporaine,  d'autres  foiinations  se  superposent 
.111  lit  de  eailloui  roulés  de  lit  Patagoiiie,  iiiis  argiles  de  l'Ar^fenline  cen- 
Inile.  Sur  de  vastes  éiendues,  des  sables  couvrent  le  sot,  se  déroulant  en 
dunes  analogues  h  celles  (jui  se  forment  en  maint  pays  au  bord  de  la  mer, 
sous  le  souffle  des  vents  du  large.  Mais  dans  les  régions  platéennes  ces 
monticules  changeants  ne  sont  pas  d'origine  océanique  :  ils  proviennent 
de  la  région  des  avant-monts  oîi  se  trouvent  en  masses  énormes  les  débris 
morainiques  abandonnés  à  l'entrée  des  plaines  par  les  anciens  glaciei"s. 
Les  matières  ténues  que  le  vent  soulève  en  poussière  sont  portées  au  loin 
et  se  déposent  en  couches  de  sable  un  analogue  aui  »  terres  jaunes  »  de 
la  Chine  centrale;  mais  les  sables  plus  grossiers  constituent  de  véritables 
dunes,  vagues  terrestres  qui  se  forment  et  se  déforment  sous  la  pression 
des  courants  atmosphériques  :  c'est  principalement  dans  la  région  du 
Colorado  et  du  rio  Negro  qu'ils  occupent  des  espaces  considérables,  pres- 
que sur  toute  la  largeur  du  continent.  Présentant  les  mêmes  phénomènes 
que  les  dunes  de  formation  maritime,  ils  s'arrêtent  sous  l'action  des  pluies 
et  reprennent  leur  lente  progression  pendant  les  périodes  de  sécheresse. 
Des  plantes,  aux  longues  radicelles  rampantes  cl  aux  coulants  en  réseaux, 
les  consolident  fréquemment  et  les  transforment  en  coltines  qui  se  recou- 
vrent peu  à  peu  de  terre  végétale.  Certaines  espèces  d'arbres  aux  puissantes 
racines  continuent  de  croître  dans  les  dunes  mouvantes  qui  les  surpren- 
nent :  tels  les  algarrobot,  que  le  voyageur  s'étonne  de  voir  prospérer  en 
plein  sable'. 

Les  cratères  éruptifs  de  la  cordillère  des  Andes  contribuent  aussi  à 
changer  l'aspect  du  sol  patagonien.  Toute  la  région  du  Chubut,  toute 
celle  du  Santa  Cruz  sont  recouvertes  de  cendres  multicolores,  déposées 
en  couches  régulières,  évidemment  des  poussières  d'origine  éruptive  qui 
furent  i-ejetées  par  les  volcans  de  la  cordillère  andine  et  transportées  par 
le  vent  d'ouest  ou  de  nord-ouest.  Ces  phénomènes,  qui  ont  dû  se  renouveler 
des  milliers  de  fois,  se  continuent  dans  les  âges  contemporains.  En  1886, 
une  poussière  s'abattit  dans  toute  la  vallée  du  Santa  Cruz,  sur  les  hauteurs 
environnantes  et  jusqu'à  Punta  Arcnas.  Sur  les  côtes  de  l'Atlantique  la 
pluie  pulvérulente  fut  à  peine  sensible  ;  mais  à  quelques  journées  de  mar- 
che dans  rintérieur  on  n'apercevait  pas  les  objets  à  dis  mètres  de  distance 
et  on  respirait  très  difficilement.  Nombre  d'animaux  périrent  à  cause  du 
manque  d'eau  et  de  fourrage  :  tes  sources,  les  herbes  disparaissaient  sous 
la  nappe  do  cendres.  De  quel  volcan  était  sorti  ce  nuage  de  matière  ténue, 

■  Luii-nig  lli-aekfliusdl,  iiu'jiioir,!  cil.-. 


'     VOLCANS  DE  LA  PATAGONIE,  PAMPAS  ARGENTINES.  615 

'ojetée  à  une  distance  d'au  moins  200  ou  250  kilomètres?  On  ne  sait  ; 
ais  il  devait  se  trouver  vers  les  sources  du  rio  Santa.  Cruz  ou  de  ses 
luts  affluents,  car  le  fleuve  cessa  de  couler  pendant  quelque  temps, 
lis  ses  eaux  s'élevèrent  soudain  à  une  grande  hauteur,  quoique  à  cette 
ison,  en  mai,  les  courants  patagoniens  ne  se  trouvent  pas  en  crue. 
(puis  cet  événement,  dit-on,  le  débit  fluvial  aurait  été  moindre  qu'avant 
(mptioa.  Sans  doute,  des  amas  de  cendres  avaient  retenu  le  fleuve  et 
rmé  un  lac  qui,  lors  de  l'inondation,  rompit  partiellement  sa  digue ^ 
1  1895,  une  éruption  du  Calbuco,  volcan  chilien  que  l'on  croyait  éteint, 
^ojeta  ses  poussières  jusqu'à  l'embouchure  du  Chubut  et  au  golfo  Nuevo. 
mtes  les  pfantes  semblaient  recouvertes  de  neige.  Les  nuées  de  cendres 
aient  mis  peu  de  temps  à  parcourir  l'immense  espace  aérien,  car  elles 
aient  encore  chaudes*. 

Les  plaines  parfaitement  unies  ne  se  trouvent  guère  que  dans  l'Argon- 
ne  proprement  dite,  au  nord  du  Colorado.  Ces  étendues  horizontales 
'xupent  difierents  niveaux  au-dessus  de  l'estuaire  de  la  Plata,  et  présen- 
nt  d'autres  contrastes  provenant  de  la  nature  du  sol  et  du  climat.  Aussi  ne 
s  embrassa-t-on  point  sous  le  même  nom  géographique.  La  région  du 
ard,  comprise  entre  les  avant-monts  et  la  ligne  d'eau  du  Paraguay  et  du 
iranà,  constitue  le  Chaco,  dont  la  moitié  septentrionale  appartient  à  la 
(publique  paraguayenne  et  qui  doit  son  aspect  particulier  à  des  brousses 
mineuses,  à  des  palmeraies,  à  des  bois  clairsemés  ou  toufius.  D^autres 
aines,  situées  plus  au  sud  dans  l'intérieur,  des  deux  côtés  du  massif  de 
irdoba,  sont  au  contraire  complètement  nues  et  des  nappes  salines  y 
incellent  sous  les  rayons  solaires  :  anciens  bassins  lacustres  ou  lits  de 
vières  desséchées,  elles  oflrent  des  phénomènes  qui  rattachent  leur 
stoire  à  l'hydrologie.  Enfin  les  savanes  qui  s'étendent  des  montagnes 
trdovaises  au  bas  Parand  et  de  l'estuaire  de  la  Plata  aux  avant-monts  de 

Patagonie  sont  désignées  sous  le  nom  de  pampaSy  emprunté  à  la  langue 
5S  dominateurs  quichua  et  servant  sur  les  hauts  plateaux  et  dans  les  Andes 
1  Pérou  et  de  la  Bolivie  à  indiquer  les  espaces  plainiers,  terrasses  ou  fonds 
3  bassins.  Puis  au  sud,  dans  la  Patagonie,  la  région  des  herbes  se  modifie 
ir  degrés  pour  se  transformer  en  steppe  rocheuse  recouverte  de  brousse'. 

Les  pampas  sont,  de  toute  la  république  Argentine,  la  région  la  plus 
équemment  décrite,  parce  qu'elle  commence  immédiatement  au  sortir 
es  grandes  villes,  Buenos  Aires,  Rosario,  Santa  Fé,  que  la  plupart  des 

*  Carlos  Y.  Burmeister,  Reviêta  del  Mtueo  de  la  Plata ^  tomo  U,  1891. 

•  F.  Machon,  Bibliothèque  Universelle,  nov.  1893. 

»  W.  H.  Hudson,  The  Katuralist  in  la  Plata.  *     - 


616  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

colons  s'y  sont  établis  et  qu'il  faut  les  traverser  pour  se  l'endre  dans  les 
provinces  de  l'intérieur.  D'ailleurs  la  pampa  ne  se  montre  pas  uniforme; 
elle  se  compose  en  réalité  d'une  terrasse  qui  s'incline  doucement  de 
1000  à  200  mètres  entre  la   base  des  montagnes  cordovaises  et  le  rio 
Salado  de  Buenos  Aires,  et  d'une  plaine  basse,   s'abaissant  de  80  à 
40  mètres,  qui  forme  une  zone  en  hémicycle  le  long  du  Paranà  et  de 
l'estuaire  platéen  jusqu'à  la  mer.  La  terrasse  d'en  haut  est  la  steppe,  la 
pampa  centrale,  qui  resta  toujours  au-dessus  du  niveau  des  grandes  inon- 
dations; la  plaine  d'en  bas  fut  jadis  recouverte  par  les  crues  fluviales  : 
il  faut  y  voir  une  nappe  d'alluvions  qu'apporta  la  large  mer  mouvante  du 
Parana,  et  que  les  vents  ont  graduellement  desséchée  en  y  déposant  une 
couche  de  poussière  analogue  au  lœss,  aux  «  terres  jaunes  »  de  la  Chine. 
Aucune  pierre  ne  se  môle  à  ces  lits  superficiels  de  la  pampa.  Le  foncl 
rocheux  qui  se  trouve  au-dessous  consiste  en  un  grès  très  fin,  d'origiae 
miocène  comme  les  assises  tertiaires  de  la  Patagonie\ 


i] 


III 

Le  système  fluvial  de  la  Plata,  le  plus  vaste  du  Nouveau  Monde  apr^^s 
celui  de  l'Amazone,  appartient  à  la  fois  à  la  Bolivie,  au  Brésil,  au  Pai 
guay,  îi  l'Uruguay  et  à  la  république  qui  a  i^eçu  de  l'estuaire  ses  noi 
d'Argentine  ou  la  Plata.  Ce  dernier  État  possède  à  peu  près  la  moitié  t 
bassin,  mais  les  États  limitrophes  fournissent  de  beaucoup  la  plus  gix)ss 
part  de  la  masse  liquide.  Au  confluent  des  deux  grands  fleuves,  Paragu; 
et  Parana,  où  les  eaux  unies,  cessant  de  baigner  une  rive  paraguayenne 
pénètrent  dans  une  région  appartenant  sur  les  deux  bords  à  TArgentini 
le  débit  fluvial  représente  déjà  une  quantité  plus  considérable  qu'à  l'issi 
de  son  delta  dans  l'estuaire  :  en  aval,  les  faibles  apports  des  tributaires 
suffisent  pas  à  compenser  l'évaporation*. 

Aux  Très  Bocas,  nom  du  delta  intérieur  que  les  deux  fleuves  forme.^  "^^ 
en  s'unissant,  le  rio  Bermejo,  —  Vermejo  ou  le  c<  Rouge  »,  —  le  plus  f(^  ^^"^ 
tributaire  coulant  en  territoire  argentin,  a  déjà  rejoint  l'axe  fluvial.  Ce! 
rivière,  remarquablement  parallèle  au  Pilcomayo,  grâce  à  l'inclinaii 
uniforme  des  plaines  traversées,  naît  dans  les  massifs  andins  qui  basti( 
nent  à  Test  le  plateau  de  Jujuy  :  une  des  branches  maîtresses,  le  Berm 


»  Ch.  Dai^win,  ouvrage  cité;  —  Josef  Siemiradzki,  PetermanrCs  Mitteilungen,  Heft  III. 
«  J.  J.  Revy,  Hydraulics  of  the  Great  Rivera, 


PLAINES.   FLEUVES  DE  L'ARGENTINE.  617 

tpremenl  dit,  coule  dans  la  rallée  bolivienne  de  Tarija  et,  déjà  fleuve 
s  abondant,  rejoint  en  aval  d'Oran  un  cours  d'eau  de  puissance 
de,  le  San  Francisco,  qui  lui  apporte  les  eaux  de  la  province  de  Jujuy. 
-dessus  du  confluent,  —  en  espagnol  las  Juntas,  —  les  deux  courants 
it  également  navigables,  et  plus  bas  jusqu'à  l'embouchure  dans  le  Para- 


ay,  de  nombreux  voyageurs  ont  suivi  l'exempte  du  prélrc  Horillo  qui, 
1780,  descendit  le  cours  entier  du  fleuve;  mais  te  voyage  comporte 
it  de  dangers  d'écbouage,  sans  compter  le  péril  d'attaques  à  main 
née,  que  les  expériences  heureuses  n'ont  suscité  aucune  entreprise 
![ulière  de  navigation  :  des  bateaux  à  fond  plat,  transportant  quelques 
irchandises  et  mettant  des  mois  entiers  à  faire  le  voyage  d'aller  et  retour, 
peuvent  entrer  en  concurrence  commerciale  avec  le  chemin  de  fer  qui 


618  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

pénètre  de  Buenos  Aires  dans  la  province  de  Jujuy  par  une  ligne  continue 
de  rails. 

En  échappant  aux  montagnes  pour  descendre  au  sud-est  par  la  pente 
naturelle  de  la  plaine  vers  le  Paraguay,  le  Bermejo  se  trouve  j^resque 
brusquement  arrêté  par  le  manque  de  déclivité.  Il  se  bifurque,  se  (di^ 
en  nombreux  rameaux  à  droite  et  à  gauche,  cherche  à  se  creuser  un  lit,  à 
se  frayer  une  voie  normale,  et  s'épand  çà  et  là  en  bassins  d'évaporation. 
Sur  la  largeur  d'une  centaine  de  kilomètres,  on  constate  l'existence  de 
tout  un  écheveau  de  rivières  vives  ou  mortes,  ici  des  eaux  courantes 
encore,  ailleurs  des  lacs,  des  marécages,  des  fosses  d'eau  stagnante.  En 
presque  toute  cette  étendue,  les  anciennes  forêts  ont  disparu,  tuées  par 
la  surabondance  des  eaux  d'inondation'.  Encore  au  milieu  du  siècle,  h 
fosse  la  plus  méridionale,  conservant  le  nom  de  Bermejo,  ramassait  ces 
coulées  en  un   courant  unique  pour  les   porter  au  Paraguay;  mais  la 
formation  d'un  barrage  d'arbres  et  autres  débris  fit  refluer  le  flot  vers  le 
nord,  et  maintenant  le  fleuve  continu,  qui  se  développe  parallèlement  à 
l'ancien  cours,  à  une  vingtaine  de  kilomètres  en  moyenne,  est  le  Teuco  on 
Teuchtach,  —  mot  de  langue  mataco  qui  signifie  le  «  Coulant  »*.  —  Depuis 
la  formation  du  nouveau  lit  régulier,  les  inondations  latérales  ont  diminué 
de  part  et  d'autre,  et  les  alluvions  déposées  dans  les  fausses  rivières  les 
colmatent  peu  à  peu;  Tancien  lit  du  Bermejo  est  même  presque  à  sec,  sauf 
dans  sa  partie  inférieure,  remplie  maintenant  d'une  eau  saumâtre.  Peut- 
être  en  un  petit  nombre  d'années  ou  de  décades  le  Bermejo  aura-t-il  repris 
sa  continuité  normale,  comme  le  Pilcomayo  actuel  qui,  lui  aussi,  eut  ses 
balancements  h  la  recherche  de  la  pente  la  plus  favorable;  toutefois  on  a 
employé  des  centaines  de  Matacos  pendant  plusieurs  mois  pour  régler  le 
courant  actuel.  Dans  son  cours  inférieur,  le  fleuve,  barré  de  distance  en 
distance  par  des  bancs  d'argile  blanche,  comme  ceux  du  Pilcomayo,  auquel 
son  régime  ressemble  d'une  manière  si  remarquable,  roule  les  eaux  rou- 
geâtres  qui  lui  ont  valu  son  nom.  La  longueur  totale  de  son  cours,  en  y 
comprenant  les  méandres,  dépasse  1800  kilomètres,  dont  près  de  1500 
navigables  pendant  six  mois  de  l'année. 

La  rivière  dite  del  Juramento  n'a  pas  d'affluents  boliviens  comme  le 
Bermejo  :  ses  premières  eaux  viennent  des  nevados  de  Cachi,  à  l'ouest  de 
montagnes  de  Salta.  Forcée  à  de  brusques  détours  par  les  remparts  des 
sierras  qu'il  lui  faut  trjiverser,  elle  change  de  nom  en  même  temps  que  de 


*  Ani<i(]oo  Bnidrich,  Bolelin  dellnslituto  Geogràpco  Argenthw,  1884. 

*  Giovanni  Pcllcsclii,  Olto  Mcsi  nel  Cran  Ciaco, 


•  ■■■1 


I  I 


JURAHENTO.  62i 

direction  :  on  l'appelle  rio  Guachipas,  puis  rio  del  Pasaje,  à  l'endroit  où 
la  franchit  la  grande  route  de  Tucuman  à  Salta;  en  aval,  elle  prend  la 
dénomination  de  Juramento,  en  souvenir  du  serment  que  jura  l'armée  de 
Belgrano,  en  remontant  vers  le  haut  Pérou,  de  conquérir  la  liberté  des 
nations  américaines.  Une  fois  sorti  des  monts,  le  Juramento  n'a  plus  qu'à 
traverser  le  Gran  Chaco,  d'abord  dans  la  direction  du  nord  au  sud,  puis  du 
nord-ouest  au  sud-est.  Mais,  sur  ce  sol  presque  horizontal,  il  a  peine  à 
creuser  son  lit.  Sous  la  latitude  de  Tucuman,  il  s'étale  en  bafiddoSy  marais, 
ce  noues  ))  ou  «  noyelles  »,  aux  lits  fluviaux  incertains,  à  demi  obstrués  par 
la  végétation.  Par  le  travers  de  Santiago  del  Estero,  le  fleuve  se  reforme, 
pour  se  perdre  encore  en  de  nouveaux  banados,  datant,  dit  la  chronique, 
de  l'année  1760.  Les  eaux  se  réunissent  une  deuxième  fois,  mais  lentes 
et  sans  profondeur  ;  pendant  les  crues,  elles  débordent  au  loin  sur  les 
deux  rives.  Alors  elles  sont  presque  douces,  mais,  lors  des  sécheresses, 
elles  deviennent  légèrement  salines,  et  c'est  à  bon  droit  que,  dans  son  cours 
inférieur,  le  fleuve  reçoit  le  nom  de  Salado.  De  même  que  le  Nil  égyptien, 
les  rivières  lentes  et  sinueuses  du  Chaco,  Pilcomayo,  Bermejo,  Juramento, 
perdent  leur  flot  à  mesure  qu'elles  s'éloignent  des  monts  :  l'évaporation 
et  l'épanchement  des  eaux  de  crue  appauvrissent  le  courant.  Pendant  la 
saison  pluvieuse,  le  Juramento,  qui  reçoit  des  montagnes  une  masse  liquide 
très  considérable,  la  déverse  à  droite  et  à  gauche  dans  la  pampa,  d'un 
côté  vers  le  Parand,  en  un  labyrinthe  de  bayous,  de  l'autre  vers  le 
reste  du  lac  appelé  mar  Chiquita.  La  reconnaissance  du  Juramento,  faite 
en  1855  par  l'Américain  Page,  sur  le  Water  Witch,  et  depuis  par  de 
nombreux  explorateurs,  a  mis  hors  de  doute  que  le  fleuve  est  navigable 
dans  toute  la  partie  continue  de  son  courant,  et  qu'il  serait  facile  de 
creuser  un  canal  dans  le  sol  meuble  des  banados  ;  mais  les  colons  préfè- 
rent expédier  leurs  produits  par  la  voie  ferrée  tracée  directement  à  travers 
la  plaine,  de  Rosario  à  Tucuman. 

A  l'exception  d'une  seule,  les  rivières  qui  parcourent  la  pampa,  au  sud 
du  Juramento,  n'apportent  pas  leurs  eaux  au  Paranâ,  car  elles  tarissent  en 
route;  cependant  on  doit  les  considérer  comme  appartenant  au  système 
paranien,  puisqu'elles  se  déversèrent  autrefois  dans  le  grand  fleuve  et 
qu'elles  dirigent  leur  cours  vers  sa  vallée,  avançant  ou  reculant  suivant  les 
pluies  et  les  sécheresses.  Le  rio  Dulce  est  une  de  ces  rivières  inachevées. 
Née  dans  les  hautes  montagnes  de  Salta,  elle  coule  du  nord  au  sud,  rece- 
vant par  sa  rive  droite  les  gaves  nombreux  que  lui  verse  la  sierra  d'Acon- 
quija,  puis  elle  décrit  une  grande  courbe  au  sud-est  pour  contourner  la 
sierra  de  Guazayan,  et  se  développe  parallèlement  au  Juramento,  mais  en 


eaâ  >0[JVELLE  GÉOGHAPIIIS  UNIVERSELLE. 

hésilaiil  dans  son  coui"»  îi  travers  les  plaines  presque  liorizontiles.  Arrivé 
uu  nord  des  priimonloircN  Heplcnlricmniii  de  la  sii^rra  curdovuîsi!,  I<r  rio 
Uuice,  tliyà  salin  malgré  son  nom,  commence  à  se  ramifier,  h  s'effilocher 
dans  la  campagne  presque  déserte  :  on  constate  l'itiislence  d'au  moins 
sii  lit^  difîérenls,  tous  emplis  pendant  les  crues,  servant  ou  ayant  servi 
en  diverses  époqnps  ii  récoultimcnt  do  la  rivière  principale  pendant  ta 
saison  des  séchcivsscs.  Avant  1825,  le  lit  majeur,  le  plus  oriental,  arro- 
ndit les  plantations  de  I^}relo,  d'Aluniisqui,  de  Sataviiiu;  um!  libsil'uelion 
rejeta  le  cnuranl  vers  l'ouest,  dans  une  série  de  lagunes  dite  le  Saladillo, 
dont  les  eaux  sont  tellement  saturées  de  set,  que  les  nageurs  y  flollent 
comme  dans  la  mer  Morte  ou  le  lac  d'Ourmiah.  Sans  nul  doute,  les  vastes 
salines  qui  se  prolongent  au  sud-ouest  entre  le  massif  cordovais  et  la 
sierra  de  los  LIanos,  et  dont  la  cuvette  terminale  sert  encore  d'égoultoir  à 
toute  la  dépression  d'entre-montagnes,  reçurent  îi  une  époque  antérieure 
les  appoi'ls  aqueux  du  rio  Dulce;  maintenant,  le  Saladillo  se  rejette  vers 
l'est  pour  rejoindre  le  lit  d'avant  1825,  puis,  graduellement  afTaibli,  va  se 
perdre  dans  un  marais  dit  de  los  Porrongos  ou  des  «  Citrouilles  »  d'apris 
les  cucurbitaoécs  sauvages  qui  croissent  sur  ses  bords.  Des  laguets  d'eau 
libre,  mais  trfes  sjiléiN  —  environ  6  centièmes,  —  s'ouvrent  ^-à  cl  là  dans 
te  marécage,  qui  se  termine  au  sud,  à  82  mètres  d'altitude,  par  un 
véritable  lac,  la  mar  Chiquila  ou  ta  «  Petite  Mer  »,  diversement  dessinée 
sur  tes  cartes  et  changeant  en  effet  de  forme  suivant  la  quantité  d'eau 
que  lui  apporte  l'affluent.  On  ne  peut  guère  y  accéder  que  par  ses  rives 
du  nord  et  de  l'est  que  forment  des  dunes  consolidées;  h  l'ouest,  on  se 
perdrait  en  des  vasicres  avant  d'arriver  à  la  nappe  d'eau  continue'.  Sa  plus 
grande  profondeur,  sur  un  lit  d'argile  dure,  est  de  54  mètres'. 

Les  rivières  qui  s'écoulent  du  massif  de  Côrdoba  pour  descendre  à  l'est 
dans  la  pampa  ont  été  désignées  par  des  numéros  d'ordre.  Le  rio  Primero 
ou  le  «  Premier  »,  qu'un  résenoir  transforme  en  lac  au-dessus  de  Côr- 
doba, tarit  déjà  presque  en  entier  à  son  entrée  dans  la  pampa;  cepen- 
dant, après  les  grandes  pluies,  son  flot  jaunâtre  finit  par  atteindre  In  mar 
Chiquita.  Le  rio  Segundo,  qui  coule  au  sud,  parallèlement  au  Primero, 
disparait  aussi  en  flaques  bues  par  le  soleil.  Plus  abondant,  le  rio  Tercero 
mainliont  son  cours  à  travers  la  pampa,  mais  en  se  transformant  de  gave 
d'eau  pure  en  riviôre  salée.  Vers  le  milieu  du  cours,  il  se  trouve  déjà  for- 
tomonl  diminué  lorsqu'il  re<,'i>it  le  flot  d'un  de  ces  égoufs  s;ilins  qui  por- 


'  Dodcnlieiider,  Petermains  Mitteitvngen,  18!)ô,lltri  XI. 

»  Jorge  II.  de  Gruinbkow,  Boktin  del  histUuio  Gfogrdtico  Aiyentino,  1890. 


HAR  GHiQUITA,  LES  CINQ  FLEUVES.  623 

ent  le  nom  de  Saladillo,  si  fréquents  dans  la  géographie  argentine.  Cette 
:  salinette  »  parait  être  le  résidu  des  eaux  qui  suintent  dans  le  sol  en 
val  des  canaux  d'irrigation  formés  par  le  rio  Guailo  ou  la  «  Quatrième  » 
ivière  du  massif  cordovais.  Avant  d'atteindre  le  Parana,  le  rio  Tercero, 
onnu  dans  cette  partie  de  son  cours  sous  le  nom  de  Carcarana  ou  Car- 
arafial,  d'après  la  tribu  d'Indiens  Guarani  qu'y  rencontra  Gaboto*,  reçoit 
in  autre  ruisseau,  l'arroyo  de  las  Tortugas,  qui  peut-être  fut  le  déversoir 
le  la  mar  Chiquita  et  de  toute  la  ramure  de  rivières  qui  s'y  déversent.  On  a 
ait  souvent  des  essais  de  navigation  sur  le  Garcarana,  mais  ils  n'ont  réussi 
Ti'avec  des  bateaux  ayant  au  plus  70  centimètres  de  tirant. 

Le  rio  Quinto,  —  le  «  Cinquième  »,  —  ne  naît  pas  dans  le  massif  de 
ôrdoba,  mais  plus  à  l'ouest  dans  les  montagnes  de  San  Luis,  et  les  ruis- 
eaux  qui  découlent  des  hauteurs  cordovaises  n'.atteignent  pas  son  cours, 

descend  au  sud-est,  mais,  épuiâé  déjà  à  500  kilomètres  de  ses  sources, 

se  perd  dans  l'Âmarga,  la  lagune  «  Amère  »,  dont  le  flot  salé  se  heurte 
u  pied  d'anciennes  dunes  consolidées.  Son  apport  liquide  s'évapore-t-il 
n  entier  dans  ce  bassin,  ou  bien,  comme  le  croient  les  indigènes,  l'eau 
iltrerait-elle  dans  les  sables  pour  reparaître  dans  les  nombreuses  lagunes 
parses  au  sud-ouest  de  la  province  de  Buenos  Aires?  Donne-t-elle  nais- 
ance  à  un  Salado  et  à  un  Saladillo,  tributaires  unis  de  la  baie  de  Sam- 
orombon,  au  sud  de  l'estuaire  platéen'?  On  ne  sait,  et  le  problème  ne 
ourra  se  résoudre  tant  qu'on  n'aura  pas  mesuré  le  débit  et  l'évaporation 
es  rivières  pampéennes.  Ges  espaces  marécageux,  où  se  perd  le  rio 
fuinto,  sont  fort  dangereux  pour  le  voyageur,  à  cause  des  «  blouses  »  ou 
uadales  dans  lesquelles  un  faux  pas  peut  précipiter  cheval  et  cavalier  : 
3  sable  cède  et  le  malheureux  qui  s'enlize  se  débat  en  vain  ;  il  disparait 
ientôt.  On  raconte  que,  pendant  les  guerres  de  frontières  entre  les  Indiens 
t  les  blancs,  ceux-ci  ont  été  fréquemment  entraînés  vers  les  guadales  et 
ngloutis,  tandis  que  les  sauvages,  connaissant  parfaitement  la  topographie 
>cale,  chevauchaient  à  leur  aise,  sur  les  étroites  rasirilladdSy  au  milieu  du 
larais'.  Ges  terrains  mouvants,  ainsi  que  la  zone  environnante  des  forêts, 
Ht  longtemps  protégé  les  Indiens  Ranqueles  contre  les  envahisseurs. 

Sur  sa  rive  gauche,  du  côté  de  la  mésopotamie  argentine,  le  Paranà  ne 
Bçoit  que  de  courts  affluents,  le  versant  n'ayant  pas  une  largeur  suffisante 
our  donner  un  grand  développement  aux  cours  d'eau.  D'ailleurs,  comme 
ans  la  pampa,  le  sol  conserve  en  certains  endroits  une  telle  horizontalité, 

*  Félix  de  Azara,  ouvrage  cité. 

*  Martin  de  Moussy,  ouvrage  cité. 

*  Emile  Daireaux,  Buenos  Aires,  la  Pampa  et  la  Patagonie, 


024  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

que  les  eaux,  sans  pente,  s'étalent  en  marécages  :  un  lac,  libéra,  — 
<c  Eau  Brillante  »,  —  marque  peut-être  la  coulière  de  Tancien  Parana, 
dont  le  cours  était  alors  parallèle  à  celui  de  TUruguay.  Le  sol  est  si  égal 
dans  cette  partie  de  Tentre-fleuves  platéen,  que  l'on  a  pu  essayer  de  vider 
partiellement  la  lagune  Ibera,  du  côté  d'amont,  par  le  creusement  de 
fosses  emportant  le  trop-plein  dans  le  Parana  supérieur,  et,  du  côté  d'aval, 
par  l'approfondissement  et  la  canalisation  des  rivières  Batel  et  Corrientes, 
où  se  déverse,  par  de  lentes  coulées,  l'excédent  du  bassin  lacustre.  La 
lagune  se  développe  sur  une  longueur  de  plus  de  40  kilomètres,  affleurant 
la  rive  occidentale,  mais  limitée  nettement  à  l'est  par  des  berges  et  des 
monticules  qui  s'élèvent  de  10  à  15  mètres  au-dessus  du  flot.  La  nappe 
se  compose  d'une  succession  d'esteroSy  dont  la  plupart  sont  envahis  par 
les  joncs,  tandis  que  d'autres  ont  assez  de  profondeur  pour  les  bateaui; 
mais  on  ne  s'y  hasarde  guère,  à  cause  des  cousins  tournoyant  en  nuages'. 
On  dit  que  dans  ces  dernières  années  ces  lagunes  du  Corrientes  ont  envahi 
les  terres  avoisinantes. 

Au  sud  du  rio  Corrientes,  qui  égoutte  les  baies  méridionales  de  l'Ilera, 
se  succèdent  quelques  petites  rivières  dont  les  apports  ne  compensent  pas 
la  masse  liquide  que  perd  le  Parana  par  l'évaporation.  Le  plus  grand  rio 
de  la  région  d'Entre-Rios  ou  «  Entre  les  Eaux  »,  le  Gualeguay,  serpente 
sur  une  longueur  développée  d'environ  400  kilomètres,  parallèlement  aa 
bas  Uruguay  :  il  se  déverse  non  dans  le  Parana,  mais  dans  le  Pavon,  une 
des  coulées  latérales  qui  l'accompagnent,  un  de  ces  lits  que  Je  couraiK^ 
prend,  délaisse,  puis  reprend  encore,  et  qui  tantôt  sont  parcourus  par  d^^ 
rivières  et  tantôt  parsemés  d'étangs.  l)u  confluent  de  Très  Bocas  à  se^'^'^ 
embouchures  dans  la  Plata,  le  courant  majeur  du  Parana  se  décuple  e^^ 
largeur  de  tout  un  cortège  d'autres  rivières  serpentant  dans  la  vaste  dé-^^ 
pression  fluviale.  Même  des  cours  d'eau  qui  coulent  maintenant  dans  1î 
pampa,  tout  à  fait  en  dehors  du  labyrinthe  des  courants  paraniens,  furent  - 
autrefois  des  rameaux  du  Parana  :  telles  sont,  dans  la  province  de  Santa  Fé, 
les   deux  coulées  d'environ  400  kilomètres  en  longueur  qui  suivent  à 
distance   les   eaux   du  fleuve  majeur,  le  Saladillo  Dulce  et  le  Saladillo 
Amargo,  ainsi  nommés  du  contraste  que  présente  leur  salinité,  et  depuis 
assez  longtemps  détachés  du  courant  principal  pour  en  différer  par  la 
masse  liquide.  Ces  courants  latéraux  limitent  à  l'ouest  d'anciennes  éten- 
dues lacustres  que  les  alluvions  fluviales  ont  graduellement  comblées  : 
il  n'en  reste  que  des  bayous  et  des  îles  marécageuses. 

*  Juan  Qucirel,  Comptes  rendus  des  séances  de  la  Société  de  Géographie,  1895,  p.  565. 


AFFLUENTS,  DELTA  DU  PARANA. 


Le  delta  proprement  dit  du  Paranâ  commence  en  aval  du  promontoîi'e 
B  Diamantc,  à  l'endroit  où  le  fleuve,  se  reployant  vers  le  sud-est,  prend 
1  direction  de  l'estuaire.  C'était  autrefois  la  tdte  du  golfe  maritime,  ^e 


rolongeanl  sur  un  espace  de  600  kilomètres.  Toute  la  partie  supérieure 
e  cette  coupure  dans  la  masse  continentale  a  été  colmatée  par  les 
lluvions  sur  une  longueur  de  570  kilomètres,  et  les  îles  allongées  qui 
ccupent  la  large  zone  des  terrains  meubles  entre  les  berges  latérales  ont 


626  >01IVELLE  GÉOGRAPHIE  TIXIVERSEI.LK. 

t'îlé  disposées  par  le  fleuve.  Dans  ce  grand  dellR  comblé,  le  courant  princi|ial 
dti  Paranà  longe  lit  rive  droile,  celle  de  la  pampa,  jusqu'en  amont  de  1r 
ville  de  San  Pedro,  où  presque  toute  la  masse  fluviale  se  trouve  rétink- 
en  un  seul  Ut  :  au  passage  le  plus  rapproché  il'Obligado,  le  lit  majeur  ii 
650  mètres  seulement,  avec  50  mètres  de  profondeur.  Les  rivières  lal^*- 
rales  qui  longent  la  côte  de  l'Enlre-Rios  prennent  différents  noms  :  Vic- 
toria, Paranacilo,  Pavon,  Ihicuy' ;  mais  loi-s  des  grandes  crues,  comme 
en  1858  et  en  1868,  tout  se  contond  d'un  bord  à  l'autre  de  l'ancien 
estuaire,  les  îles  intermédiaires  disparaissent  sous  la  nappe  continuv  qui 
sépare  les  deux  rives;  les  bateaux  à  vapeur  cinglent  directement  de  Vic- 
toria à  Rosario  à  travers  l'énorme  détroit  de  60  kilomètres. 

En  aval  de  San  Pedro,  le  grand  Paranâ.  on  Parant  Guazû,  cesse  de  longer 
la  rive  occidentale  et  se  porte  vers  la  rive  opposée,  celle  de  l'Eutre-Rios, 
laissant  du  calé  de  Ruenos  Aires  une  petite  coulée,  le  Baradero,  que  sui- 
vent d'ordinaire  les  goélettes  pour  éviter  les  vents  et  la  lioule  du  courant 
principal.  Une  auti'e  hrancbe,  le  rio  de  las  Palmas,  se  détache  du  Paranâ 
(Juazii,  roulant  moins  d'eau,  mais  se  maintenant  avec  la  même  largeur 
jusqu'à  l'estuaire,  tandis  que  le  Guazû  se  ramifie  en  de  nombreuses  rivières 
latérales,  dont  quelques-unes,  se  dirigeant  vers  l'est  et  le  nord-est, 
vont  même  se  déverser  dans  l'Uruguay.  La  bouche  pnncipale,  d'environ 
800  mètres,  s'ouvre  au  nord  du  delta,  non  dans  l'axe  de  l'estuaire  pla- 
léen,  mais  dans  la  partie  du  golfe  où  vient  déboucher  l'Uruguay,  immé- 
diatement en  aval  du  détroit  d'Iligueritiis.  Le  front  du  delta,  sur  tes 
deux  fleuves,  présente  une  longueur  de  60  kilomètres  à  vol  d'oiseau, 
percée  en  1860  de  onze  gmus;  mais  le  nombre  de  ces  ouvertures  flu- 
viales varie  suivant  les  oscillations  de  la  masse  d'eau  et  les  progrès  du 
delta. 

Le  flot  qui  se  déverse  dans  l'estuaii'c  est  déjà  soutenu  par  l'eau  de  mer 
aux  embouchures,  car  la  marée  remonte  de  part  et  d'autre  dans  le  Paranâ 
et  l'Uruguay  à  plus  de  150  kilomètres;  il  a  fallu  calculer  le  débit  du  fleuve 
en  amont  du  delta,  aux  endroits  où  le  courant  d'eau  douce  passe  en  un 
seul  lit.  A  cet  égard  les  deux  fleuves  contrastent  :  même  aux  plus  basses 
eaux,  le  Paranâ  se  mainlionl  puissant  et  majestueux;  à  son  éllage  il 
roub'  iiiilaiit  d'eau  que  le  Mississippi  à  sa  portée  moyenne  et  représente 
le  volume  de  trente  ou  quarante  fuis  la  Seine  à  Rouen.  Alimenté  par  des 
rivières  qui  viennent  de  conirées  soumises  à  diiïéroTits  climats,  il  com- 
pense les    perles  d'un  bassin    partiel   |>ar  les  excédents  d'un  autre;  en 


DELTAS  DU  PARANA  ET  DE  L'URUGUAY.  627 

outre,  les  lacs  et  les  marais  qui  bordent  une  grande  partie  de  son  cours, 
ainsi  que  le  Paraguay,  le  Pilcomayo,  le  Bermejo,  contribuent  à  régulariser 
son  régime,  recevant  le  trop-plein  en  temps  de  crue  et  le  rendant  en 
temps  de  sécheresse.  Le  volume  d'étiage  du  Pai*ana  n'est  jamais  inférieur 
que  de  moitié  au  volume  moyen*.  En  comparaison,  l'Uruguay  présente  de 
très  grands  écarts  :  lors  de  ses  fortes  crues,  il  égale  presque  le  Paranîi; 
dans  la  saison  des  maigres,  ce  n'est  plus  qu'un  cours  d'eau  secondaire,  ne 
roulant  plus  que  la  soixantième  partie  de  son  flot  d'inondation.  On 
s'explique  ces  oscillations  par  la  région  à  climat  uniforme  qu'il  traverse 
et  par  le  manque  de  réservoirs  compensateurs  sur  ses  rivages". 

A  l'eau  contenue  dans  les  lits  du  Parana  et  de  l'Uruguay,  il  faut 
ajouter  les  nappes  souterraines  qui  s'écoulent  lentement  dans  les  profon- 
deurs et  qui  proviennent  aussi  des  pluies  tombées  dans  le  bassin  fluvial. 
Au-dessous  des  couches  supérieures  s'étend  un  lit  de  sables  fluides  mêlés 
à  une  nappe  d'eau  douce  et  renfermant  de  petits  coquillages  fluviatiles. 
Cette  mer  souterraine,  que  la  sonde  a  découverte  dans  le  sous-sol  de 
Buenos  Aires  h  la  profondeur  d'au  moins  25  mètres,  se  trouve  en  com- 
munication directe  avec  le  courant  du  Parana  entre  Rosario  et  San  Pedro, 
et  se  renouvelle  non  seulement  par  les  apports  directs  du  fleuve,  mais 
aussi  par  les  suintements  du  sol  :  pratiquement  on  peut  la  considérer 
comme  inépuisable ^ 

Le  delta  visible  du  Parana  et  de  l'Uruguay  se  continue  en  mer  par  un 
delta  sous-marin  qui  finira  par  émerger  si  le  niveau  relatif  de  la  terre  et 
de  la  mer  se  maintient  sans  changement  dans  ces  parages.  Des  bancs, 
séparés  par  des  fosses  profondes,  s'avancent  en  dehors  des  îles  d'allu- 
vions,  rattachant  au  continent  l'îlot  de  Martin  Garcia.  Les  alluvions  d'ori- 
gine fluviale,  qui  ont  déjà  fait  émerger  des  plaines  en  si  vastes  étendues, 
travaillent  activement  à  combler  le  vaste  estuaire  de  la  Plata.  Le  Parana, 
l'Uruguay  apportent  sans  cesse  des  troubles  qui  se  déposent  en  bancs  et 
qui,  à  marée  basse,  changent  l'ensemble  du  golfe  en  un  labyrinthe  de 

*  J.  J.  Revy,  ouvrage  cité. 

*  Comparaison  du  Parani  et  de  TUruguay,  d*après  Aguirre,  Revy  et  Batcman  : 

Parani.  Uruguay. 

Étendue  du  bassin 2  850000  kil.  carrés;    588  500  kil.  carrés. 


Longueur  du  cours  principal . 
Débit  minimal  par  seconde.  . 

»     moyen  )> 

»     extrême  m 

Part  des  alluvions  dans  les  deux  fleuves  :  i  sur  iOOOO. 
Ecoulement  :  O'^GO  d*eau  sur  toute  la  superficie  des  deux  bassins. 

'  Emilie  Godoy,  Boletin  del  Iruliluto  Geogrdfico  Argentino,  tome  V,  1884. 


4  700  kilomètres;  i  500  kilomètres. 
imO  met.  cubes;  550  met.  cubes. 

!2  055  »  4  000  )) 

46945  ))  13  955  n 


G28  NOUVELLE  GËOGRÂPHIE  UNIVERSELLE. 

chenaux,  où  les  navires  s'aventurent  avec  précaution.  I^a  profondeur 
moyenne  de  l'estuaire,  mesurée  entre  Montevideo  et  Punta  de  las  Piedras, 
—  ligne  qui  indique  la  véritable  entrée,  —  atteint  seulement  4  mètres; 
elle  doit  avoir  beaucoup  diminué  depuis  une  époque  géologiquement 
récente,  puisque  de  grandes  baleines  s'échouaient  autrefois  en  amont  de 
Buenos  Aires,  en  des  parages  où  elles  auraient  actuellement  trop  peu 
d'eau  pour  Qotter*.  L'épaisseur  moyenne  des  eaux  dans  Testuairc  propre- 
ment dit  ne  dépasse  pas  6  mètres,  et  les  creux  les  plus  profonds  dans  le 
chenal  atteignent  le  double  environ.  Naguère,  lorsqu'on  n'avait  pas 
encore  excavé  de  ports  artificiels  ni  dragué  les  chenaux,  tous  les  navires  se 
tenaient  au  large  des  rives  et  le  débarquement  des  passagers  et  des  mar- 
chandises devait  se  faire  par  des  lanches  à  fond  plat  qui  s'avançaient  au 
loin  vers  le  mouillage,  et,  par  un  temps  calme,  au  moyen  de  charrettes 
qui  roulaient  sur  le  sol  ferme  du  fond  en  ayant  de  l'eau  jusqu'aux  essieux. 
Malgré  les  phares  et  les  bouées,  le  long  entonnoir  de  la  Plata  est  fort 
dangereux  pour  la  navigation  :  les  vagues  courtes  et  chaînées  de  sable, 
les  courants  rapides  et  changeants,  les  vents  furieux,  à  brusques  écarts, 
ont  souvent  jeté  les  embarcations  sur  les  bancs,  l'Ortiz,  l'Anglais,  l'Archi- 
mède,  ou  telle  île  en  voie  de  formation.  La  superficie  totale  de  l'espace 
triangulaire  recouvert  par  les  eaux  de  l'estuaire  proprement  dit,  entre 
Montevideo  et  la  Punta  Piedras,  est  évaluée  h  13  000  kilomètres  carrés: 
l'ouverture  présente  98  kilomètres  de  rive  à  rive.  Le  large  golfe  d'entrée, 
que  limitent  au  nord  le  cap  de  Maldonado,  au  sud  le  cap  San  Antonio,  et 
qui  sert  de  parvis  au  rio  de  la  Plata,  occupe  une  étendue  plus  considérable. 
D'après  les  observations  de  température  marine  faites  à  bord  de  la  Gazelk^ 
les  eaux  platéennes  descendent  au  sud  jusqu'au  cap  Corrientes,  où  eWes 
s'unissent  avec  deux  autres  masses  liquides,  l'une  venant  des  parages 
tropicaux  et  l'autre  du  Grand  Océan,  par  le  détour  du  cap  Hoorn*. 

Du  Juramento-Salado  au  rio  Colorado  des  fix)ntières  de  Patagonie,  aucune 
des  rivières  nées  entre  le  versant  oriental  des  Andes  et  le  massif  de 
Cordoba  n'atteint  l'Océan  par  l'estuaire  platéen.  Les  cuvettes  sans  écou- 

• 

lement  que  comprend  cette  région  nord-occidentale  de  l'Argentine,  et  qui 
sont  presque  toutes  orientées  dans  le  sens  du  nord  au  sud,  suivant  l'aie  de 
la  cordillère  elle-même,  paraissent  de  formation  glaciaire  :  leur  fond 
est  parsemé   de  blocs   anguleux,  qui  n'ont  pas  été  entraînés  au  loin, 

• 

mais  que  l'action  des  vents  chargés  de  sable  a  légèrement  usés  et  qui 


*  H.  Burnieister,  ouvrage  cité. 

•  Annalen  der  Hydrographie ,  n"  IX,  i87C. 


ESTUAIRE  DE  LA  PLATA,  BASSINS  FERMES.  6211 

n'ont  pas  gardé  leurs  stries  primitives.  Quelques  petits  cours  d'eau,  issue 
des  cirques  environnants,  déposent  à  leur  sortie  une  couche  de  débris, 
et  si  leur  flot  ne  tarit  pas  en  entier,  il  forme  au  centre  de  la  cuvette  un 
étang  salin  presque  toujours  intermittent.  Le  vent  enlève  les  poussières  du 
fond  et  les  accumule  en  hautes  dunes  aux  endroits  abrités.  Le  sel  qui 
se  dépose  dans  les  dépressions  des  plaines  provient  sans  aucun  doute  des 
couches  salifères  contenues  dans  les  formations  mésozoïques  d'origine 
marine  que  renferme  la  cordillère  occidentale,  sur  la  frontière  commune 
de  TArgentine  et  du  Chili.  Quant  aux  salines  désignées  sous  le  nom  de 
salitraleSy  elles  sont  improprement  nommées,  car  elles  ne  contiennent 
point  de  salpêtre  :  les  efflorescences  qu'on  y  trouve  à  côté  du  sel  marin 
consistent  en  gypse  et  sulfate  de  potasse*.  Elles  disparaissent  sous  l'action 
des  pluies  et  se  recouvrent  alors  d'une  épaisse  végétation,  formée  surtout 
des  toufles  du  jument  de  la  famille  des  salicornes;  mais  après  l'évapo- 
ration  de  l'humidité,  les  sels  blanchissent  de  nouveau  à  la  surface  du 
salitral. 

A  une  époque  géologique  récente,  toutes  les  eaux  qui  descendent  des 
montagnes  andines  à  l'ouest  et  au  sud  de  l'Aconquija  durent  s'écouler 
dans  l'Atlantique  par  le  lit  du  Colorado,  dont  le  bassin  était  beaucoup 
plus  étendu  qu'il  ne  l'est  de  nos  jours  :  à  la  vue  des  terrains,  rien  de 
plus  facile  que  de  reconstituer  par  la  pensée  l'ancienne  ramure  du  grand 
fleuve  maintenant  décomposé  en  bassins  fragmentaires.  Les  rivières  les 
plus  septentrionales  de  l'immense  bassin  a  demi  desséché  ne  fournissent 
pas  un  cours  bien  considérable  :  le  Chaschuil,  uni  au  Fiambala,  puis  à 
d'autres  coulées  issues  des  hauteurs  du  plateau,  se  perd  à  demi  dans  une 
plaine  de  sables  salins  qui  fut  autrefois  un  lac,  puis,  se  reformant  en 
rivière,  pénètre  par  un  défilé  dans  les  plaines  de  la  Rioja,  où  le  flot  tarit 
complètement.  De  ce  point  jusqu'à  la  jonction  de  sa  vallée  première 
avec  celle  du  San  Juan,  la  distance  en  ligne  droite  est  d'environ  450  kilo- 
mètres du  nord  au  sud;  mais  la  plaine  sinueuse  s'étend  librement  au 
sud,  et  si  le  fleuve  recommençait  à  couler,  nul  obstacle  n'arrêterait  son 
courant  ;  les  affluents  qui  se  déversaient  dans  le  cours  d'eau  majeur  cou- 
lent encore  jusqu'à  l'issue  des  montagnes,  puis  disparaissent,  indiqués  à 
l'endroit  où  ils  tarissent  par  une  petite  nappe  de  verdure.  Le  rio  Vermejo 
(de  la  Rioja)  et  le  JachaU  qui  descendent  à  l'ouest  du  massif  de  Famatina 
et  qui  sont  plus  rapprochés  de  la  cordillère  neigeuse,  ont  assez  d'apports 
latéraux  pour  maintenir  leur  courant  vif  sur  une  plus  grande  longueur 

*  Ludwig  Brackebosch,  PetermanrCs  Miiteilungen,  1895,  Heft  VU. 


650  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

que  le  fleuve  oriental;  saignés  à  droite  et  à  gauche  par  des  canaux  d'irri- 
gation, ils  n'arrivent  pas  toujours  à  se  rejoindre,  et  leur  cours  inférieur, 
te  Zanjon,  s*allonge  ou  décroit  suivant  les  saisons,  sans  jamais  atteindre  k 
bassin  marécageux  dans  lequel  il  pourrait  s'unir  anx  eaux  du  San  Juan. 

Ce  dernier  cours  d'eau,  à  la  ramure  de  gaves  très  étendue,  sort  des 
montagnes  en  un  courant  furieux,  capté  par  des  canaux  d'arrosement  (jui 
se  ramifient  en  tous  sons.  Cependant  la  masse  liquide  restée  dans  le  lil 
majeur  suffit  h  former  une  petite  rivière  navigable,  que  rejoignent  plus 
bas  les  égouts  des  terres  irriguées  et  qui  s'épanche  dans  un  ensemble 
changeant  de  lagunes  marécageuses,  le  Huanacache.  Une  autre  rivièfe, 
celle  du  rio  de  Mendoza,  descendue  du  seuil  de  la  Cumbre  et  portant  dans 
son  flot  la  neige  fondue  de  l'Aconcagua  et  du  Tupungato,  déverse  dans  h 
même  dépression  le  restant  de  son  eau,  et,  grâce  à  cet  apport,  un  faible 
couinant  se  produit  de  lagune  en  lagune  à  travers  les  joncs.  Un  canal  de 
(c  vidange  »,  le  Desaguadero,  presque  à  sec  pendant  une  partie  de  Tannée, 
emporte  le  trop-plein  de  ces  lagunes  salines  et  descend  au  sud-est,  proje- 
tant un  bras  latéral  vers  un  autre  lac,  leBebedero,  «  boit-tout  »,  où  venait 
aboutir  autrefois  le  grand  fleuve  alimenté  par  les  neiges  de  rAconqoija. 
Du  haut  des  collines  qui  dominent  le  Bebedero,  à  l'est  et  à  l'ouest,  on  voit 
dans  la  plaine  le  large  lit  ou  canada  par  lequel  s'épanchaient  les  eaai 
venues  du  nord*.  Suivant  les  années,  le  lac  tantôt  se  réduit  à  un  faible 
bassin,  tantôt  s'étale  largement,  projetant  au  loin  ses  vastes  bafiados.  L'eau 
du  Bebedero,  très  salée,  laisse  pendant  les  années  sèches  des  bancs  de  sel 
sur  les  rivages  et  les  gens  des  alentours  viennent  s'y  approvisionner.  Dans 
l'ensemble,  il  paraît  que  le  bassin  se  dessèche  :  il  finira  par  se  changer 
en  une  saline,  semblable  aux  dépressions  situées  plus  au  nord  sur  le 
parcours  de  la  canada.  Des  fontaines  d'eau  douce  jaillissent  dans  le  voisi- 
nage immédiat  de  sources  salées.  Le  Bebedero  reçoit  à  la  fois  des  affluents 
saturés  de  sels  et  des  ruisseaux  de  l'eau  la  plus  pure.  Il  est  même  arrivé 
qu'en  perçant  au-dessous  d'un  banc  d'argiles  salifères,  des  estancieros  oni 
fait  surgir  des  jets  d'eau  excellente  :  une  strate  de  quelques  mètres  en 
épaisseur  sépare  les  deux  nappes.  Ces  faits  s'expliquent  par  la  ramure 
sbuteri*aine  des  ruisseaux  qui  descendent  des  monts  environnants  et  qui 
s'épanchent  avec  lenteur  après  avoir  disparu  dans  le  sable.  Ces  petits 
affluents  apportent  de  l'eau  douce,  tandis  que  le  courant  principal  des 
profondeurs  est  formé  d'une  eau  saline.  Les  éleveurs  de  bétail  sont 
habiles  à  reconnaître,  surtout  aux  confluents  de  vallées,  les  points  bas  où 

1  G.  Avc-Lallcinant,  Boletin  del  InslUuto  Geogrdfico  ArgentinOy  tomo  V,  1884 


H 


:i 


BASSINS  FERMES  DE  L'ARGENTINE.  655 

ont  chance  de  trouver  des  lits  souterrains  d'eau  douce;  ils  y  creusent 
s  yagiiales  pour  abreuver  leurs  troupeaux*. 
Au  delà  du  Bebcdcro,  un  bras  du  Desaguadero,  gonRé  par  la  rivière 


inuyan,  continue  de  couler  vers  le  sud,  mais  dans  cette  plaine  presque 
lie,  où  le  vent  promène  le  sable,  de  fortes  dunes  barrent  fréquemment 
déplacent  le  courant.  La  rivière,  qui  prend  ici  le  nom  bien  justifié  de 


'  Martin  du  Houssj,  ouvrage  cih!. 


«31  NOUVELLE  GËOGRiPHIE  UNIVERSELLE. 

Salado,  erre,  pour  ainsi  dire,  sous  la  pression  des  vents.  Le  Diamante,  (pii 
vient  le  rejoindre  et  que  l'on  dit  partielleraent  navigable,  s'est  ^Iwnent 
déplacé  pouries  mêmes  causes  :  autrefois  il  se  déversait  dans  une  rivière 


iHeX^SOr  ^SÛâSO-r         assort 


plus  méridionale,  i'Atuel;  mais,  des  monticules  de  sabic  l'ayant  rejeté  v^ 
l'est,  il  coule  directement  vers  le  Salado  :*  ainsi  se  forme  une  grande'  ^  — 
triangulaire  ayant  pour  côtés  le  Diamante,  le  Salado,  I'Atuel.  En  aval  *^ 
ce  dernier  affluent,  issu  des  montagnes  neigeuses,  le  fleuve,'  graduell*^ 


RIOS  COLORADO  ET  NEGRO.  «35 

maigri,  incertain  dans  son  cours,  se  trouve  arrêté  par  une  rangée  de 

et  s'étale  en  un  grand  bassin  d'évaporation,  rUire-Lafquen  ou  la- 

Lmai^,  ainsi  nommé  de  ses  eaux  «  amères  »,  mais  poissonneuses. 

à  on  dislingue  encore  le  lit,  dit  Cura-cà,  par  lequel  le  courant  des- 

'.  au  Colorado.  On  peut  se  demander  si,  daas  les  oscillations  du 

luvial,  les  eaux  de  l'an- 

ourant  n'ont  pas  dé- 

I  dans  le  lai^e  estuaire 

ia  Blanca,  qui  présente 

t    d'une    embouchure 

!  et  que  des  lacs,  des 

.ges,  des  bassins  des- 
semblent  rattacher  à 

Lafquen 

leuve    mamtenint  se 

le  tout  son  bassin  du 

le  sept  a  huit  fois  plus 

irable,  est  d  une  sin 
uniformité  en  dehors 

ntrées  andines  ou   se 

it  s<,s  branches  supe 

,  le  no  Grande  et  le 
Barnncas    Au  sortir 

mts    il  n  1  plus  d  af 

et    creusant  un  sillon 

icaissé,    descend  dans 

;lion  du  nord-ouest  au 

.     Quoique  traversant 

ntrée  où  des  années  se 

L  sans  qu'il  tombe  de  ■ ■ 

'  0  M  ki[. 

le  rio  Colorado'  reçoit 

mtagnes  une  eau  suflisantc  pour  se  montrer,  du  moins  pendant 
e  des  neiges,  ileuve  imposant,  à  la  fois  profond  et  rapide,  avec 
rgeur  de  500  à  400  mètres;  mais  en  hiver  ce  n'est  plus  qu'une 
rivière,  facile  à  franchir  :  les  Chiliens  marchands  de  bestiaux  qui 
lent  |ïar  la  vallée  rectilignc  du  Colorado,  empruntent  souvent  le 


Longueur  du  Colorado 

Superficie  de  son  bassin 

Supcriicie  de  l'ancien  l>assin  d'écoulement. 


1600  kilomètres. 
45500  kilomètres  c 
557  7«i     .         » 


fi50  îiOllVELLE  GÉOGRAPHIE  DMVERSEtLE. 

lit  sableux  délaissé  par  le  courant.  Co|)rtidanl  la  nviùre  «  Rouge  »,  ainsi 
nommce  d(!s  molécules  d'argilo  qu'eiilrainu  tfi  flot,  atteint  la  mer  cri  tonte 
siison  et  même  so  divise  en  un  delta,  dont  les  deux  liranches  sont  acces- 
sibles aux  petites  embarcations. 

Le  rio  Negro,  le  plus  grand  fleuve  de  la  Patagonie  et  ligne  de  divisinii 


=^^^3  1 


entre  deux  régions  naturelles,  deux  flores  et  deux  faunes,  coule  paral- 
lèlement au  rio  Colorado  dans  toute  si  partie  orientale,  dépoun'ue 
d'affluents;  mais  par  son  haut  bassin  il  emln'asse  une  zone  de  montagnes 
beaucoup  plus  considémble  ;  toutes  les  eaux  du  versant  orientai  des  Andes, 
entre  le  30'  et  le  -41'  degré  de  latitude  méridionale,  se  déversent  dans  le 
Neu(pien  et  le  Limay,  ses  deux  branches  maîtœsses  qui  limilcnl  une  vaslc 


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NAHUEL-HUAPI,  LIMAY.  639 

due  triangulaire  des  avant-monts  et  de  la  pampa.  Le  Neuquen,  né 
loin  du  volcan  de  Chiilan,  dans  le  laguet  de  Malbarco,  à  2131  mètres 
îtude,  reçoit  des  affluents  nombreux  avant  de  s'engager  par  un  défilé 

la  chaîne  des  avant-monts,  dont  il  suit  la  base  orientale  jusqu'au 
uent  avec  TAgrio,  son  principal  tributaire,  issu  d'une  vallée  longitu- 
le  entre  deux  cordillères  parallèles.  A  une  petite  distance  en  aval 
tissent  presque  tous  les  sentiers  descendus  des  seuils  de  la  mon- 
B,  entre  l'Antuco  et  le  Quetrupillan  :  là  était  le  gué  principal,  le 
>  de  los  IndioSy  gardé  maintenant  par  un  fort.  En  aval,  le  Neuquen, 
ournant  le  plateau,  n'a  plus  de  tributaires. 

3  nombreux  torrents  qui  naissent  dans  la  cordillère  du  faîte  argentino- 
en,  sur  un  espace  de  300  kilomètres  environ  du  nord  au  sud,  for- 
t  le  Limay,  la  deuxième  branche  supérieure  du  rio  Negro.  Plusieurs 
,  emplissant  d'anciennes  vallées  glaciaires,  déversent  leurs  gaves  dans 
pétueux  Limay,  issu  lui-même  d'un  lac  fameux,  le  Nahuel-Huapi, 
imé  «  Ile  du  Tigre  »,  d'après  une  longue  terre  couverte  de  roseaux 
cecupc  le  milieu  du  bassin.  Le  Nahuel-Huapi,  emplissant  une  dépres- 

des  Andes,  très  importante  comme  futur  passage  d'une  voie  trans- 
ânentale  entre  Valdivia  et  Bahia  Blanca,  est  connu  depuis  plus  de  deux 
les  :  dès  1670  les  missionnaires  jésuites  s'y  établirent  au  milieu  des 
cns  Araucans,  et  au  commencement  du  dix-huitième  siècle  y  fondèrent 
village,  près  de  l'endroit  où  commence  le  Limay.  Mais  une  incursion 
^iens  hostiles  détruisit  la  station,  et  quoiqu'elle  ait  été  visitée  par 
itres  missionnaires,  la  reconnaissance  définitive  du  Nahuel-Huapi  ne 
ît  qu'en  1855.  Depuis  cette  époque,  de  nombreux  voyageurs  ont  vu 
bords  de  ce  beau  lac  et,  depuis  une  quinzaine  d'années,  les  soldats  ar- 
lins  en  ont  pris  possession.  Cependant  la  forme  n'en  est  pas  bien  fixée 
es  explorateurs  la  dessinent  diversement.  D'après  Siemiradzki,  cette 
•  alpine,  beaucoup  moins  grande  qu'on  ne  la  représentait  d'ordinaire*, 
irait  que  45  kilomètres  de  long,  au  lieu  de  80  que  lui  donnaient  les 
igeurs  précédents,  et  sa  plus  grande  largeur  serait  de  15  kilomètres 
lement.  Mais,  quelles  que  soient  ses  dimensions,  tous  vantent  l'admi- 
le  bassin  d'eau  cristalline,  reflétant  ici  des  parois  de  trachyte,  ailleurs 
escarpements  de  granit,  revêtus  de  hêtres  et  de  pins,  et  dominés 
s  l'éloignement  par  des  pyramides  neigeuses.  L'altitude  du  lac  est 
uée  par  les  divers  explorateurs  de  537  à  620  mètres.  .... 

peine  sorti  du  Nahuel-Huapi,  le  Limay  se  rejette  brusquement  au 

PeUrmanns  Mitteilungen,  1895,  Ucft  111. 


M 


640  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

nord  dans  une  vallée  longitudinale  qui  sépare  la  grande  cordillère  de  la 
chaîne  parallèle  appelée  cordillera  de  los  Cipreses,  puis,  après  avoir  reçu 
l'effluenl  du  lac  Treful,  il  perce  ce  rempart  pour  aller  rejoindre  une 
autre  rivière,  le  Collon-Cijra,  non  moins  abondante  et  plus  longne,  qui 
descend  d'environ  250  kilomètres  plus  au  nord  en  serpentant  dans  une 
vallée  ouverte  entre  la  deuxième  et  la  troisième  cordillère.  Un  des 
lacs  qui  alimentent  le  torrent,  la  laguna  Alumine,  est  situé  près  du 
faîte  de  partage  entre  le  bassin  du  Biobio  et  celui  du  rio  Negro,  et  peut- 
être  les  eaux  du  seuil  à  peine  perceptible  se  divisent-elles  pour  s'épan- 
cher d'un  côté  vers  le  Pacifique,  de  l'autre  vers  l'Atlantique. 

Gonflé  de  tous  les  gaves  andins,  le  Limay  coule  rapidement  dans  la 
direction  du  nord-est,  bordé  çà  et  là  de  falaises  rougeâtres  et  s'étalant 
ailleurs  en  de  larges  bassins,  pai'semés  de  lagunes  qui  furent  autrefois 
des  méandres  du  fleuve  et  que  peuplent  des  oiseaux  aquatiques  volant 
par  nuées.  Le  courant,  très  incliné,  est  partout  violent,  mais  sans  rapides: 
un  bateau  à  vapeur  à  forte  machine  pourrait  le  remonter  jusqu'au  lac 
Nahuel-Huapi  et  pénétrer  même  dans  l'affluent  latéi*al,  le  Collon-Cura. 
A  la  jonction,  les  deux  cours  d'eau,  Neuquen  et  Limay,  sont  presque 
égaux  par  la  masse  liquide  annuelle,  mais  le  Neuquen,  traversant  une 
région  plus  sèche,  présente  des  écarts  beaucoup  plus  considérables  dans 
ses  maigres  et  ses  crues;  le  Limay,  réglé  à  ses  multiples  origines  par  des 
réservoirs  lacustres,  maintient  son  flot  sensiblement  égal.  Par  la  forme  de 
sa  vallée,  il  semble  être  la  branche  maîtresse  du  Cura  Leofii  ou  rio 
Negro.  Les  eaux  unies  du  Neuquen  et  du  Limay  ne  forment  pourtant  pas 
une  «  rivière  noire  »  comme  le  puissant  affluent  de  l'Amazone  :  peut- 
être  cette  appellation  lui  a-t-elle  été  donnée  par  les  Indiens  non  pour  la 
nuance  des  eaux,  mais  Ix  cause  de  ses  rapides  et  du  danger  de  sa  navi- 
gation. Ne  coulant  pendant  presque  toute  l'année  que  sur  des  lits  de 
cailloux  et  des  seuils  de  rocher,  le  fleuve  est  d'une  pureté  cristalline. 
Après  les  grandes  crues  seulement,  quand  les  eaux  gonflées  du  Neuquen 
ont  érodé  les  bords  et  raviné  les  plaines,  le  courant  tient  en  suspension 
des  matières  argileuses,  mais  cette  coloration  dure  au  plus  deux  ou 
trois  jours*. 

Courant  dans  sa  large  vallée  d'une  inclinaison  régulière,  orientée  d'abord 
vers  l'est,  puis  vers  le  sud-est,  le  rio  Negro  ne  reçoit  plus  un  seul  tribu- 
taire :  sous  ce  climat  sec,  il  diminue  peu  à  peu  en  descendant  vers  la  mer: 
cependant  sa  profondeur  moyenne  dépasse  4  mètres.  A  moitié  chemin  il 

'  W.  II.  Hudson,  Idle  Days  in  Paiagonia, 


RIO  NEGRO,  GHUBUT.  U\ 

se  divise  en  deux  bras,  qui  se  ramifient  en  formant  diverses  iles,  consi- 
dérées comme  une  seule  terre  aux  limites  changeantes  :  c'est  le  Choele 
Ghoel,  bien  connu  dans  l'histoire  de  la  Patagonie  comme  lieu  de  traversée 
des  guerriers  qui  se  raaient  au  pillage  des  colonies  argentines.  Le  Choele 
Ghoel,  long  d'une  centaine  de  kilomètres  sur  une  dizaine  de  kilomètres  en 
largeur  moyenne,  se  compose  de  terres  alluviales,  parfaitement  unies, 
couvertes  d'herbes  et  de  brousses.  A  droite  et  à  gauche  s'étendent  des 
plaines  basses,  que  limitent  les  escarpements  du  plateau,  hauts  de 
250  mètres  en  moyenne,  et  souvent  recouverts  par  les  eaux  de  crue 
qu'apporte  le  Neuquen,  en  été  lors  de  la  fonte  des  neiges,  en  hiver  lors 
de  la  chute  des  pluies.  Le  rio  Negro  se  jette  dans  la  mer  par  une 
embouchure  unique  sans  modifier  là  courbe  du  littoral*. 

Le  rio  Chubut,  encore  inconnu  en  1833,  à  moins  qu'il  ne  faille  l'iden- 
tifier avec  le  rio  Camerones  des  anciennes  cartes*,  roule  beaucoup  moins 
d'eau  que  le  rio  Negro.  Les  premiers  affluents  naissent  dans  la  cordil- 
lère au  sud  du  Nahuel-Huapi,  et  la  rivière,  une  fois  formée,  coule  sans 
grandes  inflexions  à  travers  un  «  pays  maudit  m  de  rochers  et  de 
cailloux,  où  les  affluents  sont  rares,  même  nuls  du  côté  septentrional.  Son 
principal  tributaire,  qui  lui  vient  du  sud-ouest,  le  Senguer  (Singerr, 
Senguel),  prend  son  origine,  comme  le  courant  majeur,  dans  la  partie 
des  Andes  voisine  du  Pacifique,  près  des  sources  de  l'Aysen,  et,  d'après 
le  dire  des  indigènes,  que  rapporte  Moreno,  constituerait  même  avec  cette 
rivière  une  ligne  d'eau  continue  de  l'Atlantique  au  Pacifique,  à  travers 
tout  le  continent.  Il  traverse  d'abord  une  admirable  région  de  forêts  et  de 
pâturages,  une  oasis  de  la  Patagonie  ;  puis,  rejeté  vers  le  nord-est  par  un 
barrage  de  rochers  et  rencontrant  de  nouveaux  obstacles,  il  s'étale,  déjà 
chargé  d'argile,  en  un  vaste  bassin  d'évaporation,  qui  change  en  étendue 
suivant  les  saisons  et  dont  l'altitude  moyenne  serait  de  310  mètres, 
d'après  Fontana.  Ce  bassin,  composé  de  deux  lacs,  le  Colhué  et  le  Musters, 
que  sépare  presque  complètement  une  chaîne  méridienne  de  pitons  volca- 
niques", est  bordé  au  sud  de  terres  marécageuses  où  s'épanchent  les  eaux 
d'écoulement.  Diminué  d'un  tiers  dans  son  volume*,  le  Senger  se  reforme 
k  l'ouest  du  marécage  et  va   rejoindre  le  Chubut,  mais  sans  lui  porter 


•  Longueur  du  rio  Nogro,  du  Nahuel-Huapi  à  la  mer.    .  925  kiloinèlres. 
Superficie  du  bassin  fluvial 122  000  kil.  carrés. 

Débit  probable  du  fleuve,  d'après  Guerrico  .....  395  niêl.  cub.  à  la  sec. 

•  Francisco  P.  Moreno,  Viaje  à  la  Patagonia  Austral, 

»  L.  J.  Fontana,  Boletin  del  Imtituto  Geogràfico  Argentino,  1886-87. 

•  Càrlos  M.  Moyano,  Boletin  del  InstUuto  Geogràfico  Argentino,  tomo  II,  1881. 

ifx.      '  81 


I 


PU2  NOUVELLE  CÊ0CRAPB1E  rNIVERSELLE, 

iisseï  (i'onu  iiour  en  faiii;  un  fleuve  considérable  :  aulrefoîs  la  mas^e 
liquirfp,  plus  altiindante,  se  déversait  a»  nord  enlre  des  panns  abniples, 
dans  un  aiilre  lit  où  se  voiont  enconî  de  dislancc  en  dislance  des  étangs 
salins,  restes  de  l'aneiou  courant'.  Les  bateaux  ne  peuvent  entrer  (|u'à 
marée  montante,  et  ne  trouvent  qu'un  îi  deux  mètres  de  fond,  sauf 
pendant  la  fonte  des  neiges.  I.e  Chubut  i-oiige  ses  rivages  du  cùlé  scik 
tciilrional  et  déjujse  ses  alUivions  sur  bi  rive  méridionale  :  de  ce  cillé  !a 
plaine  basse  a  plus  de  30  kilomfclres  en  largeur'. 

Le  Deseado,  que  découvrit  Cavendisb  en  l.'iSfi,  se  dévei-se  dans  l'estuaire 
du  même  nom,  »u  sud  du  golfe  de  San  JorRc;  il  roule  encore  moins  d'eau 
que  le  tibubut,  quoiqu'il  traverse  aussi  pres(]ue  toute   In  largeur  de  la 
péninsule  patagonienne.  Le  lac  Buenos  Aïi'es,  (pii  fut  probablement  te 
bassin  d'alimentation  du  Deseado,   a  jierdu  tout  canal  de  sortie  et  dort 
au  fond  de  sa  cavité  ciixubiire,  eomiunuble  &  un  cralfcre  de  volcan;  dan:^ 
ces  régions  de  la  Patagonie,  qui  fut  autrefois  beaucoup  plus  humide,  lef* 
voyageurs    ont  remarqué  beaucoup  d'autres    bassins,  vidés  maintenant  « 
mais  ayant  été  jadis  emplis  par  les  eaui  et  renfermant  des  couches  dtr 
dépôts  lacustres.  A  son  embouchure,  le  Deseado  n'est  d'ordinaii-c  qu'ur» 
ruisseau,  roulant  parfois  moins  de  2ôO  litres  h  h  seconde,  mais,  après  lej 
pluies,  un  vrai  fleuve.  Il  se  déverse  dans  un  golfe  allongé  de  forme  ti-èi 
pittoresque,  qui  se  développe  sur  un  espace  d'environ  57  kilomètres  » 
l'ouest  à  l'est,  en  présentant  une  ligne  de  rivages  très  variés,  avec  îles  eVm 
îlots,  écueils  et  promontoires,  baies,  ravins  et  vallons  :  toutes  ce<  butle««  * 
sont  des  volcans  éteints,  ayant  brûlé  probablement  pendant  l'époque  plio- 
cène, vei-s  la  fin  de  la  période  glaciaire'  :  les  rocbes  du  littoral  sont  der* 
trachytes  et  des  tufs.    Le  port  Deseado,  le    «  Désiré  »,    reçoit   dans  w» 
partie  orienlale  les  navires  de  forte  calaison,  et  pendant  les  marées,  hautes 
de  4  à  6  mètres,  les  bâtiments  moyens  peuvent  remonter  jusque  vers  If? 
fond  du  golfe;  mais  les  coui-anls  y  sont  très  forts  et  l'entrée  est  parfois 
périlleuse  en  hiver,  lors  des  vents  contraires. 

Deux  faibles  cours  d'eau,  qui  se  déversent  au  sud  du  Deseado,  paraissent- 
aussi  avoir  traversé  toute  la  région  patagonienne  depuis  les  avant-mont>* 
andins,  en  se  développant  suivant  un  cours  parallèle  :  les  ex]>lorateurs  lo^ 
désignent  sous  dinéieiils  noms;  mais  une  de  ces  appellations,  i-io  Sidado^ 
appliipiée  au  lU'uve  méridional,  prouve  que  la  masse  liquide  n'est  pa-^ 
iis<K'y.  alxindanle  pour  se  mainlcnii'  |)uru'  et  ([ue   réva|ioralion  v  coiicenlr-e?; 

1  W.  M.  IIijiIm.ii,  umn-,'  M: 

«  Ariliijiiii  Hiii'lii,  ll'iU'lin  ilel  Institufo  Geoijin/i'-o  Ariii-iiliiio.  lomn  V,  ISR.l 

'  y\u>h'i^,  Joiinuil  tifllii"  II,  Gen(iraplikal  Sociply,iH~i\. 


RIO  DESEADO,  LACS  SAN  MARTIN  ET  YIEDMA.  643 

les  particules  salines*.  Le  bassin  fluvial  qui  succède  à  ces  courants  dans 
l'espace  rétréci  de  la  Patagonie  méridionale,  celui  du  rio  Santa  Cruz, 
roule  une  masse  liquide  proportionnellement  très  forte,  grâce  à  la  largeur 
de  son  haut  bassin  dans  le  sens  du  nord  au  sud,  et  à  l'abondance  des 
pluies  tombées  dans  ces  régions.  Dans  sa  partie  supérieure,  quatre  lacs 
considérables  longent  la  base  orientale  des  Andes  sur  un  espace  d'environ 
200  kilomètres,  comme  pour  correspondre  aui  fjords  du  versant  opposé. 
Un  premier  lac,  découvert  par  Moreno  en  1877  et  nommé  par  lui  San 
Martin  en  mémoire  du  vainqueur  de  Chacabuco,  se  développe  en  ovale 
irrégulier  entre  de  fières  montagnes,  d'origine  volcanique,  d'où  tombent 
les  glaces  et  les  avalanches  :  à  l'est  de  ce  bassin,  des  mares  et  des 
laguets  occupent  le  fond  d'une  avenue  profonde,  que  dominent  d'autres 
volcans,  notamment  le  Kochait  ou  1'  c<  Oiseau  »,  à  la  pyramide  aiguë.  La 
force  volcîinique  agite  encore  cette  région  lacustre  des  Andes;  Moreno  vit 
même  une  colonne  d'eau  s'élancer  en  vapeur  du  lac  San  Martin,  et  ce  phé- 
nomène lui  parut  être  le  jaillissement  d'un  geysir*.  Du  côté  de  l'ouest,  un 
courant  emporte  le  trop-plein  des  eaux  lacustres  où  flottent  constamment 
des  glaçons,  et  l'épanché  dans  un  autre  lac,  encore  inexploré,  qui  s'ouvre 
à  la  base  orientale  du  volcan  Fitzroy  et  s'écoule  à  son  tour  dans  le  lac 
\iedma,  nommé  d'après  Antonio  de  Viedma  qui,  le  premier,  en  1872, 
atteignit  ses  grèves. 

Ce  lac,  le  plus  grand  de  tous  dans  ces  régions  sous-andines,  déve- 
loppe ses  rivages  en  forme  d'ovale  sur  une  longueur  d'environ  80  kilo- 
mètres, dans  la  direction  du  nord-ouest  au  sud-est.  Le  vent  furieux,  qui 
i'ordinaire  descend  des  montagnes  de  l'ouest  en  suivant  l'axe  du  bassin 
acustre,  soulève  des  vagues  énormes  comme  celles  de  l'Océan.  Un  puis- 
4int  fleuve  de  glace,  s'épanchant  sur  la  rive  occidentale,  laisse  tomber  des 
»locs  cristallins,  qui  flottent  en  longues  processions  comme  un  convoi  de 
lavires  et  viennent  s'échouer  sur  la  rive  orientale,  où  ils  fondent  en  dépo- 
ant  sables  et  pierres  sur  le  lit  du  glacier.  Des  blocs  erratiques  sont  épars 
ur  les  grèves  et  même  une  de  ces  roches  se  dresse  au  milieu  du  lac 
m  un  superbe  îlot.  Des  traces  d'anciennes  plages,  sur  le  pourtour  des 
*ochers,  prouvent  que  le  niveau  du  lac  était  autrefois  notablement  supé- 
rieur. Il  a  pu  s'abaisser,  grâce  à  la  rivière  Orr  ou  Leona  qui  serpente 
dans  la  direction  du  nord  au  sud  dans  une  cluse  de  montagnes,  puis  va 
i'unir  au  lac  Argentino  vers  son  extrémité  orientale.  A  l'est  du  bassin, 


*  Cirlos  Ameghino,  Boletin  del  Instituto  Geogràfico  Argentino,  tomo  XI,  1890. 

*  Yiaje  à  la  Patagonia  Austral. 


644  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

un  lit,  resté  à  sec,  portait  autrefois  les  eaux  du  rio  Leona  directement  dans 
le  rio  Santa-Cruz'. 

Le  lac  «  Argentin  »,  que  Gardiner'  découvrit  en  i868  et  que  Feilberg 
visita  cinq  années  plus  tard,  suivi  en  i878  par  Moreno,  le  premier  oïTigi- 


teur  du  réser\'oir  andin,  occupe  cette  i-égion  à  laquelle  Fitzroy  et  Dante  "^ 
sondant  l'espace  dans  la  direction  de  l'ouest,  donnèrent  le  nom  de  «  Plai^ 
Mystérieuse  »  :  ils  baptisèrent  même  deux  des  montagnes  qui  baigna 
dans  le  flot  les  rachers  de  leur  base,  Hobler  Hill  et  Castle  Hill.  L'a» 
tude  actuelle  du  lac  est  de  550  mètres  d'après  Carlos  Burmeisler;  ma^ 


-  Cirlos  Burine  bicr.  HeBÙta  del  Muteo  de  La  Plala.  I 


*  Bolelin  <lel  Inilituto  Geogràfico  Argentin 


LAC  ARGENTINO,  RIO  SANTA  CRUZ.  645 

Dinme  le  Viedma,  il  fut  autrefois  beaucoup  plus  élevé,  et  sur  le  pour- 
)ur  du  bassin  on  distingue  nettement  deux  anciennes  rives  :  la  plus 
aute,  rocheuse  et  couverte  de  blocs  erratiques  ;  l'autre,  bordée  de 
unes,  que  le  vent  d'ouest  éleva  en  poussant  le  sable  des  plages.  De 
léme  que  les  lacs  des  Alpes  suisses,  ceux  des  Alpes  argentines,  cuvettes 
e  plissement  parallèles  aux  crêtes  voisines,  paraissent  d'une  grande  pro- 
andeur.  Moreno,  disposant  d'une  sonde  de  57  mètres,  ne  trouva  pas  le 
9nd  du  lac  Argentino  à  3  kilomètres  de  la  rive  occidentale,  la  moins 
brupte  du  pourtour.  De  même  que  dans  les  fjords,  —  et  ces  lacs  furent 
>eut-être  des  fjords  comme  ceux  du  versant  opposé  des  Andes,  —  l'extré- 
tiité  tournée  vers  la  haute  mer  est  la  moins  profonde  et  les  abîmes  se 
reusent  vers  la  base  des  monts,  à  l'endroit  où  le  bassin  lacustre  se 
amifîe  en  canaux  tortueux  entourant  des  roches  péninsulaires.  La,  chaque 
tranche  du  lac  reçoit  son  affluent  de  glaces,  dont  les  débris  flottent 
entement  vers  la  sortie  du  fleuve. 

Le  rio  Santa  Cruz,  émissaire  de  la  chaîne  des  lacs  qui  commence  au 
iedma,  s'échappe  de  la  baie  orientale  du  lac  Argentino,  à  quelques  kilo- 
lètres  de  la  bouche  du  rio  Leona  :  les  deux  cours  d'eau  se  continuent 
omme  les  moitiés  d'une  même  rivière.  Le  courant  est  interrompu  de 
apides  que  les  embarcations  ne  peuvent  franchir  à  la  montée,  à  moins 
l'être  traînées  à  la  cordelle  et  soulevées  à  bras  d'hommes;  à  la  descente, 
ors  des  crues,  les  esquifs  sont  emportés  par-dessus  les  obstacles  avec 
ine  vitesse  de  2.0,  même  de  25  kilomètres  à  l'heure;  la  masse  liquide 
[ui  s'épanche  par  ce  canal  représente,  d'après  Moyano,  l'énorme  débit  de 
535  mètres  cubes  par  seconde  :  certainement  le  Santa  Cruz  est  le  plus 
ibondant  des  fleuves  de  Patagonie.  En  admettant  que  la  chute  d'eau 
noyenne  dans  le  haut  bassin  de  Santa  Cruz  représente  une  couche  de 
Î75  millimètres  par  an,  —  chifl're  qui  paraît  très  rapproché  de  la  vérité, 
—  la  surface  de  terrain  nécessaire  à  la  formation  d'une  rivière  de 
îette  force  dépasse  33  000  kilomètres  carrés;  telle  doit  être  au  moins 
'étendue  du  bassin  qui  alimente  les  lacs  Viedma  et  Argentine.  L'eau 
lu  Santa  Cruz,  moins  froide  que  l'air  ambiant,  provient  certainement  de 
'égions  plus  chaudes,  notablement  plus  rapprochées  de  Téquateur.  Toute 
'eau  que  roule  le  fleuve  s'échappe  des  lacs  :  déjà  Fitzroy  avait  reconnu 
\  sa  transparence  parfaite  qu'elle  devait  sortir  de  grands  réservoirs  lacus- 
res;  les  rares  pluies  qui  tombent  à  l'est  dans  le  bassin  fluvial  se  per- 
lent dans  les  cendres  volcaniques.  Le  fond  du  lit,  de  même  que  les 
ives  et  les  terrasses  des  roches  latérales,  est  recouvert  de  blocs  errati- 
[ues,  masses  énormes  ayant  jusqu'à  500  mètres  cubes.  La  profonde  vallée 


Ue  SOCVELLE  GÉOCR.APaiE  rUlVEBSKlLE. 

du  rio  Sanla  Cniz  fut  autrefois  le  (léverst)ir  di'S  roches  andiiies,  soit  paiw 
qu'iiii  glacier  les  (loussail  vers  la  mer,  soit  parce  qu'elles  dftsc-endaïeiit 
sur  les  eaux  d'un  fjord,  poussées  par  le  veut  li'oucst.  Des  masses  hasaU 
liiiucs,  couvertes  de  scories,  rétrécissent  le  cours  fluvial.  A  sou  extrémité 
orientale,  la  vallée  du  lleuve,  dominée  pur  des  hauteurs  de  30  à 
120  niMres,  a  tout  h  fait  l'aspect  d'un  ancien  détroit  marin,  et  Darwin 
suggéra  l'idée'  que  cette  cou|iuiv  iln   [ilaliMu  aiiiail  été  un   passage  eniri' 


i 


les  deux  Océans,    un  autre  détroit  de  Magellan.  Toutefois  l'aspect  des 
monts,  à  l'ouest  du  lac  Ai^entino,  ne  justifie  pas  celle  hypothèse'. 

Dans  l'estuaire  d'cnti'ée  un  autre  fleuve  que  l'on  considère  souvent 
comme  un  affluent  du  Sanla  Cruz,  vient  mêler  ses  eaux  à  celles  de  hi 
nunée  montante:  c'est  le  rlo  Chico,  ex|d(iré  par  Musteis  dans  sim  cours 
inférieur,  et  par  Moyano  jus(iue  dans  la  répioii  des  S(mi'tes.  De  nième- 
qui"  le  Sanla  Cruz,  il  coule  dans  un  fossé  profond,  taillé  dans  le  |»laleau 
basaltique,  mais  il  n'a  pas  assez  d'eau  |)our  servir  à  la  navigation  :  lors 


•i»=  i\.  y[.n 


10,  lioleliii  (M  liistiluto  Gemjràtkf,  AnjatUiin.  IK'H. 


RIO  SANTA  CRUZ,  RIO  CUICO. 


647 


natgres,  ce  n'est  guère  qu'un  ruisseau  de  40  mètres,  que  l'on 
rse  facilemenl  en  se  moiiillnnt  jusqu'à  la  ceinture.  Dans  la  pitlo- 
le  conlrée  des  avant-monts  se  voit  au  fond  d*un  vaste  bassin  un 
lac  ovale,»  misérable  reste  de  la  mer  intérieure  qui  l'emplissait  jadis'», 
issi  se  montrent 
Smoignages  d'un 
chement  du  cli- 
Le  débit  actuel 
hico  n'ajoute  que 
le  chose  à  celui 
ianta  Cruz  pro- 
lent  dit  :  ensem- 
s  roulent  un  llol 
80  mètres  cubes 
econde,  mais  que 

ces  quantités 
I  en  comparaison 
•\\e  que  la  marée 
se  dans  l'estuaire 
nun?  A  marée 
,  la  sonde  ne 
e  pas  3  mètres 
1  barre;  à  l'heure 
IX,  la  profondeur 
it  16  ou  même 
êtres,  suivant  les 
es.  Les  courants 
us  et  de  jusant 

d'une  grande 
ice    dans    l'es- 

lac  Argenlino  se 
nue  au  sud  par 

euxième  qui,  d'après  les  uns,  aurait  la  même  altilude,  —  soil  une 
ine  de  mètres,  —  d'après  les  autres,  dépasserait  de  quelques  mètres 
ne  le  niveau  de  la  mer.  Kxisle-l-il  une  communication  par  détroit, 
de  ou  rapides  entre  les  deux  lacs?Moyano  le  croit,  mais  sans  pouvoir 


emonl  and  Orr,  The  Eail  Coail  of  South  Americn. 


FLEUVES,  RIVAGES,  CLIMAT  DE  L'ARGENTINE.  649 

16  étroit,  recourbant  sa  masse  à  droite  et  à  gauche  en  forme  de 

pour  enfermer  deux  baies  latérales.  Au  sud  du  grand  hémicycle 

en  golfe  de  San  Jorge,  le  Deseado  descend,  de  même  que  le  rio 

et  le  rio  Negro,  non  vers  l'anse  qui  l'invite,  mais  au  milieu  d'un 

iasulaire. 

irts  sont  rares  sur  cette  côte  patagonienne  exposée  aux  grands 
bires.  Dans  les  parages  méridionaux,  les  marins  préfèrent  ceux  de 
m  et  de  Santa  Cruz^  l'un  et  l'autre  fermés  à  marée  basse  par 
es  où  l'on  ne  trouve  que  2  à  3  mètres  d'eau;  mais  le  flux,  qui 
Hr  ces  rivages  à  10  et  même  à  15  mètres,  permet  l'entrée  aux 
s  navires  presque  à  toute  heure.  On  redoute  surtout  les  appro- 
la  côte  dans  le  golfe  de  San  Matias,  près  de  la  péninsule  de  Yaldes  : 
»,  entreheurtces,  se  croisent  avec  violence  et  les  courants  s'y  ren- 
en  décrivant  des  remous  dangereux;  on  ne  peut  même  jeter  la 
ins  ces  tourbillons  qui  font  dévier  le  plomb'. 


IV 


publique  Argentine  n'a  qu'une  petite  bande  de  territoire  dans 
tropicale.  Une  seule  de  ses  villes,  et  l'une  des  moindres,  Oran, 
e  dans  cette  zone,  dont  l'altitude  compense  en  partie  la  position 
lique  relativement  à  l'équateur.  On  peut  dire  que  l'Argentine 
nd  pour  le  climat  aux  régions  tempérées  de  l'Europe  occidentale, 
agne  aux  Orkney  et  aux  Ferôer.  Mais  du  22*  au  55®  degré  de 
méridionale,  lignes  entre  lesquelles  se  trouve  compris  le  territoire 
,  quelle  succession  de  climats,  entremêlés  par  les  vents!  Aux 
ns  qui  s'opèrent  du  nord  au  sud  s'ajoutent  celles  qui  se  présen- 
'est  à  l'ouest,  à  mesure  qu'on  s'éloigne  de  la  mer  pour  se  rap- 
des  montagnes.  La  diversité  des  climats  locaux  est  donc  infinie, 
s  ont  pour  caractère  de  présenter  des  écarts  considérables  et  des 
5  sauts  dans  la  température.  Le  relief  orographique,  des  plaines 
)  aux  îlots  rocheux  de  la  Fuégie,  laisse  le  champ  libre  aux  vents 
jui  soufflent  du  nord  équatorial,  aux  vents  froids  qui  refluent  du 
ire  :  aucun  écrîin  de  montagnes  n'arrête  au  passage  ces  courants 
qui  portent  ou  l'atmosphère  embrasée  de  l'équateur  ou  le  froid 
îs  antarctiques. 

)co  P.  Moreno,  Viaje  à  la  Patagonia  AusiraL 

IX.  82 


NOUVELLE   GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

affirmer.  Plus  au  sud,  une  loniiui'  manche  d'cnii  douce,  a  demi  lleuve, 
il  demi  fjurd,  se  développe  à  la  bus»  dos  monts  comme  pour  se  i-éunir 
aux  fjords  glaciaires  (jiii  contournent  la  cordillèi'e  nndinc  et  forment  tes 
jfolfe»  nimiDé!<  de  Skyring  VVutei'. 

Au  sud  de  l'estuaire  de  Sanla  Cruz,  la  côle  présente  d'autres  brèches  en 
furine  de  fjords  h  demi  comblés,  recevant  de  petiles  rïvièi'es  descendues 
non  de  la  cordillt>rc  andiiie,  mais  du  versant  orienUii  de  la  chaîne  volca- 
nique :  aussi  sonl-elles  presque  sans  eau.  Le  (ioy  Inlel,  une  de  ces  décou- 
pures du  rivage  d^ns  lequel  Dai-win  voyait  le  reste  d'un  ancien  détroit 
comme  celui  de  Magellan,  ne  reçoit  qu'un  ruissieau,  —  nommé  Goyle  par 
corruption  du  nom  anglais  de  l'estuaiie'  — .  Il  était  à  sec  loi-squc  Mtircno 
le  visita;  mais,  plus  au  sud.  le  rlo  Gallegos,  né  dans  les  fertiles  plaines 
dites  Llanura*  de  Diana,  mule  entre  des  murs  de  lave,  hérissés  de  cônes 
volcaniques,  un  flol  permanent,  navigable  pendant  quelques  semaines 
de  l'année.  Les  eaux  courantes  de  la  Palagonie  estrémc  déposent  des  pail- 
lettes d'or  dans  les  sables  de  leur  lit. 


Les  eûtes  de  la  Patugonie  et  de  la  Fuégie  ne  présentent  pas  dans  leur 
profil  un  caracti-re  d'unité.  De  Buenos  Aires  à  Babia  Blanca,  le  ciinlour 
semi-circulaire  du  littoral  se  développe  suivant  une  courbe  rythmique  oii 
l'on  reconnaît  une  action  géologique  lente  et  continue;  de  même,  à  la  pointe 
du  continent,  le  laillanl  de  cimeterre  qui  se  dessine  de  l'île  des  Étals  au 
Hoy  Inlet,  et  qu'interrompent  les  deux  détroits  de  Lemaire  et  de  Magellan, 
témoigne  d'un  mouvement  égal  dans  la  formation  dos  rivages.  Mais  l'espace 
intermédiaire,  de  Bahia  Blanca  à  l'estuaire  de  Santa  Cruz,  se  découpe 
d'une  façon  très  irrégulière.  Au  sud  de  fiabia  Blanca,  estuaire  en  entonnoir 
qui  pénètre  au  loin  dans  le  corps  continental,  plusieurs  indentalions 
parallèles  se  succédant  sur  la  côle  paraissent  indiquer  l'existence  d'un 
ancien  delta,  mais  le  fleuve  qu'on  s'altcndi-ait  .^  voir  déboucher  au  fond  de 
ce  golfe  a  cessé  d'exister.  Par  un  singulier  contraste,  le  rio  Coloi-ado  et  le 
rio  Ncgro,  au  lieu  de  s'écouler  par  des  vallées  prolongeant  des  golfes  ou 
des  éebancruros  du  littoral,  suivent  un  faite  du  sol  et  se  déversent  dans 
l'Océan  à  l'exlrème  convexllé  d'une  lene  avancée.  Immédtalemoiit  au 
sud,  le  golfe  de  San  Malias  pénèln'  si  piofondémi'nt  dans  l'intérieur, 
qu'on  lui  donna  le  nom  de  Bahia  Siii  Fondu  ou  <.<  Baie  Sans  Fond  >>,  tandis 
qu'au  sud  la  péninsule  Valdos  ou  San  José  se  latliicbe  au  contineni  par 

'   Ciilos  M.  M,y.m,.  ttoklii,  ,lcl  Imtiliilo  Gei«j\ûf„-o  Arijeiitiiio,  1S«7. 


650  .NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Dans  la  région  mésopotamienne,  et  d'une  manière  générale  dans  toute 
ia  partie  du  nord  argentin,  les  vents  normaux  s'orientent  dans  la  même 
direction  que  les  montagnes  et  les  fleuves,  c'est-à-dire  dans  le  sens  du 
nord  au  sud  ou  dans  celui  du  sud  au  nord,  parallèlement  aux  Andes  et  à  ses 
avant-monts,  Famatina  et  Âconquija,  parallèlement  aussi  à  l'Uruguay  et  au 
Parana.  Mais  on  observe  un  certain  balancement  entre  les  régions  fluviales 
de  Test  et  les  régions  andines  de  l'ouest.  Dans  les  premières  le  vent  du 
nord  a  une  forte  prépondérance,  tandis  qu'à  la  base  des  Andes  le  vent 
(lu  sud  remporte.  Un  autre  contraste  consiste  dans  la  déviation  du  venl 
du  nord,  qui  descend  fréquemment  du  haut  des  montagnes  dans  la  plaine: 
c'est  la  zonda  redoutée,  qui  souffle  en  tempête,  surtout  pendant  les 
mois  d'hiver,  de  juillet  en  septembre.  Vent  du  nord  et  zonda  apportent 
une  température  élevée,  et  plus  d'une  fois  on  a  vu  le  thermomètre 
dépasser  40  degrés.  Qu'une  saule  des  airs  se  produise  alors  et  la  diflerence 
de  chaleur  peut  comporter  dans  une  journée  plus  de  50  degrés  centigrades. 
En  hiver  et  sous  l'action  prolongée  des  vents  du  sud  qui  nettoient  Tatmo- 
sphère  et  facilitent  le  rayonnement,  la  température  tombe  au-dessous  du 
point  de  glace,  et  les  rivières  de  la  Patagonie,  h  partir  du  Cbubut,  gèlent 
brusquement.  On  dit  qu'à  San  Juan,  au  pied  des  Andes,  la  transparence 
de  l'air  permet  de  voir  les  étoiles  à  l'œil  nu  en  plein  jour,  même  dans  le 
voisinage  du  soleil. 

Le  littoral  de  Buenos  Aires,  sur  l'estuaire  de  la  Plata  et  le  long  de 
l'Atlantique,  se  distingue,  au  point  de  vue  du  climat,  par  des  traits  parti- 
culiers. Les  riverains  jouissent  de  l'alternance  des  brises  ou  virasonet^  les 
brises  de  terre  qui  soufflent  pendant  le  jour,  et  les  brises  de  mer  qui 
refluent  pendant  la  nuit.  En  outre,  les  vents  généraux,  c'est-à-dire  les 
alizés  du  sud-est,  prévalent  sur  cette  partie  de  la  côte,  non  seulement  en 
été,  mais  aussi  durant  une  grande  partie  de  l'hiver;  parfois  même  des 
troubles  atmosphériques,  surtout  en  mai  et  en  octobre,  font  régner  Falizé 
en  tempête  :  sous  le  nom  de  su-estaday  il  bouleverse  l'estuaire,  refoule  et 
fait  déborder  les  eaux  de  l'Uruguay  et  du  Parana;  la  plupart  des  naufrages 
dans  la  rade  de  Buenos  Aires  sont  dus  à  ces  coups  de  vent  du  sud-est, 
pres(jue  toujours  accompagnés  de  fortes  pluies.  Un  autre  courant  aérien, 
qui  souffle  avec  non  moins  de  violence,  mais  que  sa  direction  rend  beau- 
coup moins  dangereux  pour  la  rade,  caractérise  le  climat  du  littoral  pla- 
téen  :  c'est  le  pampero,  ou  «  vent  de  la  pampa  »,  qui  traverse  les  plaines 
de  la  pampa  centrale  dans  le  sens  du  sud-ouest  au  nord-est  et  longe  la 
côte  de  l'Uruguay  et  du  Brésil  méridional,  parfois  jusqu'au  delà  de  Santos 
et  du  cap   Frio.  Ce  vent,  très  sec,   très  pur,  très   salubre,  souffle  en 


CLIMAT  DE  L'ARGENTINE.  653 

noyenne  seize  fois  par  an*,  tantôt  pour  durer  quelques  heures  seulement, 
antôt  pour  sévir  avec  violence  pendant  plusieurs  jours.  Malgré  ces  brus- 
[ues  changements  de  l'atmosphère,  le  climat  du  littoral  a  moins  d'am- 
ditude  dans  ses  écarts  :  la  température  est  plus  égale  et  Ton  ne  souflre 
fuère  des  chaleurs  intolérables  qui  se  font  sentir,  surtout  par  un  temps 
aime,  dans  les  «  saharas  »  de  l'intérieur. 

L'aire  des  vents  alizés  du  sud-est  a  des  limites  incertaines  et  flottantes 
iur  les  côtes  de  l'Atlantique  ;  mais  dans  le  conflit  entre  les  courants  d'ori- 
jine  polaire  et  les  courants  opposés,  ceux-ci  l'emportent  presque  toujours 
lans  la  Patagonie  proprement  dite.  Les  vents  du  nord-ouest  y  prédo- 
ninent  pendant  une  partie  du  printemps  et  pendant  tout  l'été.  La  cause 
m  est  due  au  contraste  des  températures  à  l'ouest  et  à  l'est  du  triangle 
erminal  de  la  Patagonie.  Dans  les  parages  des  archipels  magellaniques 
loulent  les  froides  eaux  polaires,  tandis  que  dans  l'Atlantique,  le  courant 
16  porte  en  sens  inverse,  dirigeant  vers  le  pôle  les  effluves  de  la  chaleur 
ropicale.  Il  se  produit  de  l'un  à  l'autre  littoral  un  écart  moyen  de  6  degrés 
^ntigrades  sous  la  même  latitude,  et  cet  écart  considérable  exerce  un 
ippel  continu  de  la  zone  relativement  chaude  de  l'est  sur  l'atmosphère 
)lus  froide  de  la  zone  occidentale.  D'une  extrême  violence,  les  vents  pata- 
^oniens  du  nord-ouest  empêchent  parfois  les  voyageurs  de  se  tenir  à 
îheval  :  il  leur  faut  descendre  de  monture  et  s'abriter  dans  quelque 
ravin,  à  l'abri  du  formidable  souffle  qui  rase  la  plaine.  Une  végétation 
irborescente,  assez  toufl*ue  en  quelques  endroits,  peut  se  maintenir  dans 
les  creux  ou  cauadoneSj  mais  partout  ailleurs  la  terre,  desséchée  par  le 
vent  furieux,  ne  produit  que  des  plantes  basses  et  des  broussailles.  On 
constate  que  cette  couche  aérienne  est  de  mince  épaisseur  :  à  une  faible 
distance  au-dessus  du  sol  on  voit  souvent  des  nuages  marcher  en  sens 
inverse  du  courant  inférieur.  La  brise  violente  commence  d'ordinaire  avec 
le  lever  du  soleil,  pour  atteindre  sa  plus  grande  force  vers  une  heure  de 
l'après-midi,  puis  elle  diminue  et  pendant  la  nuit  le  calme  est  souvent 
absolu'.  Plus  au  sud,  dans  la  Terre  de  Feu,  les  vents  ont  beaucoup  moins 
de  régularité  dans  le  dédale  des  fjords,  des  baies  et  des  canaux  étroits. 
Ainsi  que  le  navigateur  Anson  l'a  constaté,  il  y  a  un  siècle  el  demi,  le 
beau  temps  n'a  jamais  qu'une  courte  durée  sous  ces  latitudes  méri- 
dionales, et  la  pureté  même  du  ciel  présage  la  tempête. 
D'une  manière  générale,  les  pluies  diminuent  graduellement  du  nord 


*  Martin  de  Moussy,  ouvrage  cité. 

*  Carlos  V.  Bunneister,  Revista  del  Museo  de  La  Plata,  tome  U,  1891. 


654  NOUVELLE  GËOfiRAPfllE  UNIVERSELLE. 

au  sud  dans  l'Argentine,  des  régions  sub-tropîcales  vers  les  péninsules  et 
les  archipels  sub-polaircs.  Dans  la  plaine  de  Tucuman  la  part  d'bumidilé 
versée  par  l'air  est  plus  forte  que  dans  la  mésopolamie  platéenne,  dms 

celle-ci  plus  forte  qg'à 
■<•  »t  -  usiiM  FEufs  tiE  L  .MfTLXE  Bucnos  Aircs,  et  dans 

celte  \ille  bien  supé- 
rieure à  la  part  de  la 
Patagonie.  On  conslale 
aussi  une  diminulion 
dans    la  quantité  des 
pluies  à  mesure  qu'on 
s'éloigne  de  l'estuaire 
vers  la  base  des  Andes. 
La  sécheresse  s'accroît 
loin  de  la  mer,  et  en 
même  temps  changeiKl 
les     phénomènes  q«Ji 
accompagnent  la  cbu  *^ 
de    l'humidité,   kia  ^* 
sur  le  littoral  la  ros^^ 
est  abondante,  et  sûl-^* 
vent  il  tombe  de  peUt^^* 
pluies  fines  comme  e       ' 
Europe  ;    dans    l'inti^^ 
rieur  de    l'Argenline;^^ 
au    contraire,   à  Sai^ 
Juan  notamment,    lec"^ 
brouillards  sont  près— ^ 
que    inconnus  et   do^  ' 
années  se  passent  sanss  - 
qu'on  en  obsci've   uir* 
^  ^"^       seul  ;  mais  l'eau  tomber 

l ;^^,i  SOUS  forme  d'averses-  - 

parfois  accompagnées  ■ 
d'orapes  cl  même  de  grêle.  La  pluie,  toujoui-s  très  violente,  paraît  un  évé — ^ 
nemont  anormal  dû  au  conflit  dos  aii-s;  à  Buenos  Aires,  ta  neige  es  -* 
d'unr  exlrôme  rareté  :  cependant  Hermann  Burmeister  en  vit  tombei^ 
quelques  Doeons  on  1871. 

L'Argentine,  prise  dans  son  ensemble,  n'a  pas,  même  dans  le  voisinag^^^ 


CLIMAT  DE  L-ARCENTINE.  655 

ia  litloral,  l'humidilé  nécessaire  pour  son  agricullure.  On  se  rappelle 
encore  à  Buenos  Aires  la  lon^e  sécheresse  de  1827  à  1851,  connue  sous 
le  nom  de  gran  leca  :  pendant  ces  trois  années,  à  peine  quelques  pluies 
passagères  tombèrent  sur  les  campagnes.  Les  pâturages  se  changèrent  en 
désert;  les  bêles  sauvages,  réunies  aux  animaux  domestiques,  errant 
ensemble  à  la  recherche  de  l'herbe  et  de  l'eau,  périssaient  dans  tes 
mêmes  fondrières'.  Dans  les  provinces  de  l'intérieur,  les  sécheresses 
durent  encore  plus  longtemps  que  sur  le  littoral;  mais  on  n'y  compte 
pas  sur  les  pluies  du  ciel  :  les  l'écoltes  dépendent  des  neiges  de  la  mon- 
tagne, qui  alimentent  les  réseaux  d'irrigation.  On  a  dû  creuser  des  yagûeles 
à  l'issue  des  vallées,  et  plus  loin  dans  la  plaine,  forer  en  maints  endroits 
des  puits  artésiens,  à  100  mèti-es  de  profondeur  et  davantage  pour 
recueillir  toute  l'eau  qui  descend  des  sommets.  Toutefois  on  se  demande 
ti  le  climat  n'est  pas  devenu  plus  sec  et  si  les  neiges  tombent  en  aussi 
p^nde  abondance  qu'à  une  époque  encore  récente.  Ainsi  l'on  dit  qu'au 
nilieu  du  siècle  la  quebrada  descendue  de  la  Sierra  de  Velasco  pouvait 
iiTOser  autour  de  la  Rioja  une  superficie  de  jardins  et  de  vignobles  cinq 
Tois  supérieure  à  celle  qui  profite  actuellement  de  l'irrigation.  L'accrois- 
aenieot  du  nombre  des  habitants,  et,  par  suite,  de  la  consommation  d'eau, 
ne  sufût  pas  à  expliquer  cette  diminution  des  cultures.  C'est  le  manque 
d'humidité,  sous  forme  de  neiges  ou  de  pluies,  qui  tarit  tant  de  rivières 
dans  les  plaines  du  nord  et  en  Patagonie.  Dans  les  «  (erres  maudites  » 
que  traversent  les  rios  Colorado  et  Negro,  simples  fossés  sans  un  seul 
afOuent,  les  pluies  sont  extrêmement  rares,  et  parfois  des  années  se  pas- 
sent sans  qu'il  tombe  une  goutte  d'eau  ;  un  peu  d'humidité  ne  so  l'ait  sentir 
qu'en  hiver.  Les  stations  des  chemins  de  fer  qui  parcourent  les  solitudes 
>n  sud  de  Buenos  Aires  reçoivent  à  chaque  train  leur  approvisionnement 
l'eau.  Les  voyageurs  doivent  s'habituer  à  boire  le  liquide  saumùlre  qui 
!n  maints  endroits  suinte  du  sol  :  on  apprend  h  considérer  comme  «  eau 
louce  »  des  breuvages  amers  que  partout  ailleurs  bétes  et  gens  refuse- 
aient;  dans  ces  régions  les  pumas  meurent  de  soif  et  les  moulons  de 
iiin'.  La  végétation  ne  peut  subsister  que  grâce  à  la  rosée  d"  matin*. 
l'après  Moreno,  la  zone  la  plus  aride  de  la  Patagonie  est  celle  qui  com- 
irend  le  bassin  du  Deseado,  longue  rivière  née  dans  ta  région  des  neiges 
ndines  et  réduite  à  l'état  de  maigre  filet  quand  elle  aboulil  à  son  vaste 
jord.  Mais  si  les  plaines  et  les  plateaux  du  versant  altanliquc   sont 

■  Emile  Daircaui,  Revue  de*  Deux  Monde»,  13  arril  1877. 

*  Machon,  Bibliothèque  Vnivertelle,  dt-ccmbre  1S93. 

'  JoseT  Siemiradiki,  Pelermann's  Mitteilungen,  1893,  HeH  m. 


tm  NOUVELLE  (iîOGRAPUlB  tlMTEIlSELLE. 

déiiourvHs  àii  pluies,  les  Andes  les  reçoivenl  en  abondance.  Les  veiUs 
du  nordniuest  «jui  soufflent  avec  une  si  grande  violence,  jetant  leucs 
avei-ses  sur  le  côté  du  Pacifique,  trouvent  de  nombreuses  brèches  leur 
permettant  de  passer  sur  les  pentes  opposées  et  d'épancher  dans  le  voisi- 
nage des  monts  une  large  part  d'humidité.  Les  autres  courants  tilmusphé- 
rlques,  urriUi-s  au  passage,  laissent  aussi  lomber  leur  fardeau  de  pluies 
ou  de  neiges,  l'orniant  !;à  et  lli  fjueliiues  glaciers.  Une  chaîne  de  lacs 
longe  le  pied  (les  monts  du  cùlé  argentin,  et  de  nombretix  Iwissins,  dont 
l'eau  s»'cs1  évaporée',  paraissent  avoir  formé  jadis  une  ligne  d'eau  presque 
eonlinue,  du  Nabuol-Huapi  au  déli-oil  de  Magellan.  La  Fuégie  est  sufli- 
samment  arrosée,  même  dans  ses  plaines  orientales*. 


La  forêt  des  essences  tropicales,  analogue  à  la  seive  du  Urésil  cl  à  cer- 
taines parties  des  forêts  paraguayennes,  ne  se  préscnlc  que  dans  la  zone 
étroite  de  l'Argentine  oii  le  climat  offre  une  chaleur  et  une  humidité 
suffisantes.  Ces  conditions  ne  se  trouvent  remplies  que  dans  les  provinces 
de  Salta,  de  Jujuy,  de  Tucuman,  à  la  base  des  montagnes  bordières  du 
plateau  et  dans  le  Chaco,  le  long  des  fleuves  nourriciers,  Pilcomayo  et  Ber- 
mejo.  Sur  son  pourtour  cette  région  foreslifere  se  change  par  transitions 
graduelles  en  parcs  naluivls  oii  les  bois,  s'entremêlant  aux  prairies, 
constituent  l'aire  la  plus  belle  cl  la   plus  fertile  de  l'Argentine.  Toutes 


'  Fi'ancisco  P.  Moreiio,  ouvi-age  citL'. 

*  Conditions  inctùorologiqucsdc  dlvci-ses  villes  de  l'Ai^cnlin' 


Années 

I 

d-ob.. 

LatiluJf. 

A]UtuJr>. 

iiiDiiiiiak. 

'îïî!ïyépncr'' 

liiniiiulc. 

Écrt. 

Pluip. 

Satla 

le 

24046' 

1200- 

43" 

i7",e 

-  b".8 

48",8 

0-,575 

Tucumaii 

i> 

20»  50- 

450- 

40» 

20" 

-0»,9 

40»,9 

0-.97I 

Sanliago  del  Eslcro. 

» 

27"48' 

210- 

45" 

2I",5 

-2".6 

47",0 

0-,488 

Calamai-w 

), 

28»  28' 

520- 

45" 

2l)",8 

-0",4 

43",4 

0-,38a 

La  Rioja  ..'... 

1, 

29°  26' 

510- 

45«,5 

lO»,» 

—  0" 

45".5 

0-.503 

Chileal.i 

» 

29"  12- 

1075" 

40" 

17",9 

—  0" 

40» 

0-.275 

Côrd.ili;. 

1, 

r>i«2;.' 

438" 

44" 

16",8 

—  8»,9 

à^,9 

0-.660 

Siiii  Jii^iii 

51»32' 

fioO" 

42«.ô 

yw.i 

-5",4 

4.-.".9 

0-,06J 

Mniiloz;i 

.ViTiô' 

7r.i>- 

58" 

16«,9 

—  2".ô 

40",5 

0-.I60 

San  Lui> 

„ 

r.r."i8' 

720» 

5!1".4 

ltl",9 

-  4'.t; 

41" 

0-,582 

ilosariu 

rvi-^ii' 

7" 

58«,7 

lï",5 

-  2«.8 

41».j 

0-,982 

Buenos  Aiie*.  .    .    . 

.")'i 

ôi"3t!' 

10- 

57",  75 

17'>,lt 

-1",!) 

r>!i",6J 

0-.846 

ItohiaUlailM.  .    .    . 

'20 

58"  ij' 

15- 

40»,5 

15",8 

—  j»,5 

46» 

0-.484 

Rawson 

;, 

15"  17' 

5U" 

37",6 

12",e 

-  I0",2 

47".8 

0-.295 

Ushuia 

0405:.' 

10- 

'i7'>.5 

5",5 

—  I0",0 

(■^) 

i?l 

FLORE  DE  L'ARGENTINE  657 

ssences  de  la  forêt  se  retrouvent  parmi  les  bouquets  d'abres,  où  Ton 
en  outre  de  nombreuses  espèces  auxquelles  la  lumière  et  la  crois- 
I  à  l'air  libre  sont  nécessaires*.  Bois  et  bosquets  occupent  une  assez 
le  étendue  dans  la  partie  septentrionale  de  la  République,  mais  Tex- 
ice  même  des  matériaux  de  construction,  d'ébénisterie  et  de  teinture 
es  botanistes  y  ont  signalés  et  la  pauvreté  du  reste  de  la  contrée  en 
sses  sylvaines  font  craindre  que  le  déboisement  h  outrance  ne  ruine 
ôt  ce  «  paradis  »  de  TArgentine.  Déjà,  dans  le  voisinage  des  villes, 
vastation  a  commencé. 

manque  d'humidité  et  d'humus  végétal,  de  même  que  la  présence  de 
:ules  salines  dans  le  sol,  donne  à  la  végétation  un  aspect  particu- 
Sous  ce  climat  et  sur  ces  terrains  ne  peuvent  vivre  que  des  arbres 
;és,  à  feuilles  minces,  à  aiguilles  ou  à  épines,  ne  répandant  qu'une 
e  rare.  Les  botanistes  sous-di visent,  suivant  les  espèces  dominantes, 
aire  des  forêts  maigres,  qui  ressemblent  aux  catingas  du  Brésil  ;  c'est 
que  sur  les  pentes  des  montagnes  bordières  de  Catamarca  et  de  San- 
del  Estero  se  rencontrent  le  cabil,  espèce  d'acacia,  très  utile  pour 
nnage  des  cuirs,  et  le  quebracho  Colorado  (loxopterygium  Lorentzii)y 
ment  riche  en  tannin  et  très  apprécié  par  les  constructeurs  de  voies 
îs  pour  sa  force  de  résistance  et  son  élasticité.  Sur  les  dunes  et, 
î  manière  générale,  dans  les  terrains  sjibleux,  l'arbre  le  plus  com- 
est  l'algarrobo  {prosopis)  ou  caroubier,  à  l'élégante  ombelle  de  minces 
es  découpées; ailleurs,  sur  les  terrains  tressées,  s'élèvent  les  colonnes 
ictus  ligneux  et  les  disques  ramifiés  des  figuiers  de  Barbarie.  Le  Chaco 
être  également  considéré  comme  appartenant  à  cette  aire  des  bois 
emés,  du  moins  dans  les  paities  éloignées  des  cours  d'eau.  Certains 
s  épineux,  entre  autres  la  gleditschia  amorphoides,  entremêlent  telle- 
leurs  pointes,  qu'un  animal  pris  dans  leur  trappe  peut  y  trouver  la 
'.  Des  jasmins  y  embaument  l'air  de  leui's  parfums.  C'est  dans  le 
»  que  les  palmeraies,  composées  principalement  du  copernicia  ceri- 
occupent  le  plus  d'espace.  Dans  la  direction  du  sud,  elles  diminuent 
sndue  et  ne  constituent  plus  que  de  faibles  groupes,  formés  surtout 
ithindx  campestris.  Le  yatai  [cocos  yatai)  appartient  spécialement  à 
isopotamie  argentine,  c'est-à-dire  aux  provinces  de  Corrientes  et 
re-Rios.  On  compte  une  dizaine  de  palmiers  dans  la  flore  platéenne, 
quatre  dans  cette  région  d'entre-fleuves  que  l'on  peut  considérer 


G.  Lorentz,  Die  Argentinische  Repuhlik^  von  Richard  Napp. 
dwig  Brackebusch,  Petennann's  Mitteilungen,  1893,  Ueft  VIL 

IX.  83 


658  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

comme  une  aire  florale  distincte,  grâce  à  ses  forêts  et  à  la  variété  de  ses 
espèces. 

A  l'ouest  du  Parana  la  végétation  arborescente  présente  de  rorient    ^ 
l'occident  un  contraste  remarquable.  Les  montagnes  les  plus  rapprochées^ 
de  la  mer  ont  des  arbres  sur  leurs  pentes  inférieures,  du  moins  dansli 
régions  que  la  hache  n'a  pas  encore  dévastées,  alors  que  les  contrefoi 
des  Andes,  dépourvus  de  l'humidité  nécessaire,  ont  leurs  flancs  absoli 
ment  dénudés  et  que  sur  les  plateaux  élevés,  même  là  où  le  sol  sei 
favorable,  on  ne  trouve  que  des  lichens  et  la  llareta  {azerolamadreporiea] 
collée  sur  des  pierres  comme  une  moisissure.  Les  plaines  présentent  ii~  _ . 
phénomène  contraire  à  celui  des  monts.  Celles  de  Touest  sont  en  part^^ 
couvertes  de  brousses  et  même  de  forêts,  bien  diO<êrentes  en  cela 
pampas  absolument  nues  que  limite  a  l'orient  le  cours  du  Parana.  Cepei 


danl  celles-ci  reçoivent  une  quantité  de  pluie  de  beaucoup  supérieure     ^ 
celle  qui  tombe  sur  les  plaines  occidentales*.  Correspondant  aux  praiiie^ 
de  l'hémisphère  septentrional,  le  sol  des  pampas  contient  aussi  l'eau  indi^. 
pensable  au  développement  de  la  végétation  arborescente,  et  pourtant  ne 
produit  spontanément  que  des  herbes.  Il  est  probable  que  le  contraste  des 
forêts  et  des  savanes  correspond  h  Tancienne  distribution  des  eaux  dor- 
mantes. Les  surfaces  naguère  inondées  sont  celles  oii,  toutes  choses  égales 
d'ailleurs,  prédominent  les  herbes;  les  terres  émergées  depuis  de  longues 
époques  paraissent  plus  propres  à  devenir  des  régions  forestières. 

La  forêt  ne  s'arrête  pas  brusquement  aux  limites  de  la  pampa.  Des 
péninsules  et  des  îlots  d'arbres  se  projettent  en  dehoi's  de  la  lisière  du 
bois,  et,  d'autre  part,  des  clairières  herbeuses  se  montrent  au  milieu  des 
arbres.  Aux  herbes  diverses  qui  composaient  la  flore  des  pampas  se  mêlent, 
depuis   Tarrivée   des  Européens,  de   nombreuses  plantes   apportées  de 
l'Ancien  Monde,  qui  se  sont  rapidement  propagées  du  littoi*al  jusqu'au  pied 
des  Andes  en  modifiant  la  physionomie  de  la  contrée  :  ainsi  plusieurs 
chardons  ont  envahi  la  plaine  et  pendant  les  sécheresses  se  presseal  en 
impénétrable  fourré.  Il  paraît  que  ces  espèces  européennes  ont  contribué 
à   l'amélioration   du   pâturage   par  l'accroissement  du  patto  blando  ou 
pasto  tiemOy  bon  pour  les  brebis,  aux  dépens  du  pasto  durOy  que  paissent 
surtout  les  chevaux'.  L\  flore  des  pampas  ne  comprend,  en   proportion 
des  autres  aires  végétales,  qu'un   petit  nombre  d'espèces,  mais  rema^ 
quables   par  le  nombre  prodigieux  des  individus  associés  :  graminées, 


•  Griescbach,  Végétation  der  Erde;  —  Lorentz,  mémoire  cité. 

•  P.  G.  Lorentz,  mémoire  cilé. 


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FLORE  DES  PAHPAS.  661 

composites,  papilionacées.  Le  gynerium  argenteum,  que  l'on  appelle  en 
Europe  «  herbe  des  pampas  »,  manque  précisément  dans  la  pamp  pro- 
prement dite  :  on  ne  le  voit  que  sur  les  pentes  des  montagnes,  loin  de 
ta  plaine,  et  dans  les  barrnnques  humides,  sur  les  confms  de  la  Palagonie. 
(Jue)ques  parties  de  la  pmpa,  d'un  sol  légèrement  satin,  et  que  recher- 
chent les  bestiaux  pour  en  lécher  les  suintements,  piwluisent  des  espèces 
particulièi'es  et  forment  la  transition  avec  les  salines,  où  croissent  prin- 


cipalement les  chénopodiées.  La  vraie  pampa  n'a  pas  un  seul  arbre,  et 
tous  ceux  qu'on  y  voit,  eucalyptus,  peupliers,  pêchers,  même  loin  des 
habitations,  ont  été  plantés  par  l'homme.  Parmi  ces  apports  de  l'homme, 
on  remarque  surtout,  au  milieu  de  la  plaine  sans  bornes,  faiblement 
ondulée,  l'ombù  {phytolacca  ou  pircunia  dioica),  h  l'énorme  tronc  spon- 
gieux, aux  noueuses  racines  rampant  sur  le  sol,  au  feuillage  sombre 
disposé  en  forme  de  boule.  Les  navigateurs  du  Paranâ  qui  l'aperçoivent 
de  loin  l'utilisent  comme  point  de  repère,  et  c'est  toujours  à  côté  que 
passent  les  chemins  et  les  sentiers  frayés  à  travers  la  campagne,  tous  les 


6A9  iSOtlVELLU:  r.P.Or.RAPHIE  1ÎKIVERSEUK. 

voyageurs  le  prenant  pour  signal  a  travers  les  soUlude»,  L(*s  e.il)aiiea  du 
rancho  s'élèvent  dans  le  voisinage  et  les  troupeaux  se  mettent  h  l'omtirc 
sous  son  épaisse  rEimure. 

La  flore  pampéeniie,  limitée  au  nord  par  It!  rio  Salado.  h  l'ouest  par  la 
mar  Chiipiita  el  par  les  premières  parties  du  massif  de  Côi-diiba,  s'élargit 
graduellement  vers  le  sud,  et  jadis  eomprenail  loule  la  pi-ovïnce  de  Buenos 
Aires,  maintenant  con([uise  en  grande  partie  par  tes  cultures.  Au  «lud,  elle 
ne  dépasse  guère  Bahia  Blanca,  mais  se  montre  encore  en  amont,  dans  la 
vallée  du  Colorado,  que  l'on  peut  considérer  d'une  manière  générale 
comme  la  limite  de  la  flore  patagonienne,  eiirnctérîsiJe  par  les  broussailles  ; 
des  enclaves  de  pampas  apparaissent  dans  les  creux  humides.  Le  gazon  pro- 
prement (lit  manque  complètement  dans  l'aire  palagoniennc,  mais  quel- 
tjues  loiifTes  d'herbes,  graminées  el  synanlhéi-ées,  croissent  entre  les  troncs 
des  arbustes  épineux  et  tortus;  en  1884,  Lorentz  et  Niederlein  n'énumè- 
renl  que  500  espèces  comme  appartenant  h  la  flore  de  l'immense  FatA- 
gonic'.  Des  cactus  aux  fortes  pointes  barrent  en  maints  endroits  le  pas- 
!sage  aux  hommes  et  aux  ehevaux.  Des  ravins  sont  remplis  dL-  totorales, 
groupes  de  gynei'ium  et  autres  plantes  superbes  î»  la  tige  flexible,  à  la 
toufl'e  éclatante  et  d'un  blanc  soyeux.  Dans  la  région  pat<igonienne  du 
rio  Negro,  le  seul  grand  arbre  est  une  espèce  de  saule  (salix  humbold- 
liana),  qui  peut-être  serait  d'origine  européenne'.  Mais  bicntdt  il  n'en 
restera  plus  que  de  faibles  rejetons,  car  les  riverains  n'ont  pas  d'autre  bois 
de  construction,  et  ils  remontent  toujoni-s  plus  haut  dans  la  vallée  pour  y 
couper  les  arbres  de  belle  venue  el  les  attacher  en  radeaux  de  flottage. 
Sur  les  terrasses  qui  dominent  la  vallée,  l'arbre  le  plus  commun,  simple 
broiissaille  en  apparence,  est  le  chaîiar  {(jourltxa  decorlicans),  qui  se 
revêt  en  octobre  de  bouquets  jaunes  ressemblant  aux  fleurs  du  genêt.  En 
certaines  régions  désertes,  on  voyage  pendant  des  journées  entières  sans 
voir  un  seul  arbre  :  ceux  que  l'on  rencontre  enfin  sont  tenus  pour  des  gua- 
Uchû,  les  "  génies  du  lieu  »".  Parmi  les  plantes  patagoniennes,  quelques- 
unes  ont  trouvé  leur  emploi  dans  l'industrie  ou  l'alimentation  ;  telles 
1'"  encens  »  épineux  {duvaiui  magellanica),  qui  produit  une  excellcnle 
résine,  et  le  «  thé  »  de  Santa  Cruz  [micromeria  Darwinii),  très  petit 
arbuste  aux  fortes  nicines,  que  l'on  emploie  avec  les  feuilles  pour  obtenir 
par  infusion  un  thé  très  aromatique  à  goCil  de  menthe.  Le  calafate  {berbe- 
rn  Inixifolia)  revêt  en  si  grande  abondance  certaines  dunes  de  l'intéi'ieur 

'  Informe  oficial  ih  la  Comiiion  rienlificn  de  Ut  Expedkio»  al  rîo  ^egra. 
'  \\.  11.  Iluilsun,  Iitle  Uaijs  in  Paliigonia. 
*  Fr.  Hiichon,  itii'moire  cilii. 


4 


FLORE,  FAUNE  DE  L'ARGENTINE.  653 

qu'où  en  remarque  la  couleur  bleuâtre  à  des  kilomètres  de  distance  : 
lorsque  les  Indiens  vont  couper  du  bois  dans  la  montagne  pour  soutenir 
leurs  tentes,  ils  se  nourrissent  uniquement  des  baies  du  berberis  à  défaut 
de  la  chair  du  huanaco^  Une  espèce  de  genièvre  leur  fournit  le  maken, 
résine  qu'ils  malaxent  et  traitent  par  l'eau  pour  en  faire  une  gomme 
dentifrice  qui  enlève  le  besoin  de  fumer,  nettoie  les  dents  et  leur  donne 
un  brillant  remarquable.  Tous  les  Patagons  chiquent  le  maken.  Les  fucus 
macrocystes  bordent  les  rochers  de  la  côte  de  la  Fuégie  au  Deseado. 

La  flore  du  versant  arrosé  des  Andes  contraste  pour  la  végétation 
comme  pour  le  climat  avec  les  étendues  arides  des  plateaux  et  des  plaines 
de  Patagonie.  Les  pentes  des  montagnes  où  jaillissent  les  sources  du  haut 
Santa  Cruz  sont  recouvertes  de  «  hêtres  antarctiques  »  en  forêt  continue, 
entremêlant  leurs  branchages  au-dessus  des  ravins  où  se  cachent  les  che- 
vaux sauvages*.  Plus  au  nord,  les  «  chênes  »,  les  «  cyprès  »  recouvrent 
les  pentes  des  montagnes,  et  les  vallées  où  les  gaves  du  rio  Negro  pren- 
nent leur  source  étaient  naguère  le  rendez-vous  pour  des  milliers  de  Pata- 
gons pendant  la  saison  des  fruits.  Les  Espagnols  avaient  fait  aux  Araucans 
un  présent  involontaire  :  le  passage  des  missionnaires  jésuites  dans  les 
régions  andines  valut  aux  guerriers  indiens  un  fruit  excellent,  la  pomme, 
grâce  à  l'acclimatation  rapide  des  plants  comme  arbres  forestiers. 


VI 

A  une  époque  géologiquement  récente,  c'est-à-dire  pendant  les  âges 
tertiaires  et  même  dans  la  période  quaternaire,  les  régions  méridionales 
de  l'Amérique  avaient  une  faune  de  grands  animaux  beaucoup  plus  riche 
que  de  nos  joui's.  Le  gisement  de  mammifères  fossiles  que  Darwin  décou- 
vritprès  de  Bahia  Blanc  a  était  contenu  dans  une  couche  de  gravier  stratifié 
et  de  boue  rougeâtre,  semblable  aux  dépôts  que  la  mer  pourrait  former 
actuellement  sur  une  côte  peu  profonde;  les  coquillages  qu'on  y  trouva 
appartenaient  en  majorité  à  des  espèces  récentes  ou  contemporaines'.  La 
plupart  des  glyptodons  ou  gigantesques  armadillos  que  les  fouilles  ont 
mis  au  jour  dans  la  formation  pampéenne,  immédiatement  au-dessous  de 
la  terre  végétale,  se  montrent  non  moins  complets  que  les  squelettes  des 
bœufs  et  des  chevaux  tombés  dans  la  pampa.  Les  conditions  du  monde 

*  Francisco  P.  Uorcno ,  Yiaje  à  la  Patagonia  Austral. 

*  W.  H.  Uudson,  ouvrage  cité. 

'  Ch.  Darwin,  Voyage  d'un  Naturaliste  autour  du  Monde^  traduit  par:  Ed.  Barbier. 


iiiiimal  L^taienl  donc  h  celle  é|M»[ii('  re  qu'elles  sitnl  aiijdiinriiiii  :  la 
pampti  n'ii  pus  de  grands  carnassiers  ijui  brisent  les  squelettes  el  en  di>i- 
[lei-senl  les  fragments,  niais  si'iilemeni  des  vautours  et  autres  uiseaui 
voraces  qni  dévoivnl  les  chairs  et  nettoient  les  os  des  charognes'.  D'après 
le  naturaliste  Aineghino,  l'homme  aiiniit  vécu  à  l'éjjoquc  où  se  formèrent 
les  terrains  de  la  (lampa  et  il  nniail  en  (lour  demeure  le  sol  creusé  au- 
dessous  de  la  carapace  des  glyplodons.  litith  a  trouvai  un  squelelle  d'iKunnie 
sous  un  de  ces  toits  nutui'cls.  D'après  les  Indiens,  le  glyptndon  aiirail  vécu 
h  «ne  période  très  récente. 

Les  natumlisteii  qui  nnl  mis  h  dHCouvert  les  ossements  de  l'ancienne 
l'aune  tertiaire  platéenne  et  palagonlenne  s'étonnent  de  l'abondance  et 
de  la  variété  des  esjièces  trouvées  dans  un  étroit,  espace.  L'ossuaire  de 
llahia  Blanea.  couvrant  une  superfleie  d'envii-on  200  mèlros  ean-és,  con^ 
tenait  :  des  cnlnes  de  mégathérium;  un  mégalonyx;  un  squelelle  presque 
complet  de  seéUdothérium,  quadrupîtde  de  la  même  famille,  se  rappro- 
chant du  fourmilier  par  certains  caractères  el  de  l'armadillo  par  d'autres  ; 
trois  espfcces  gigantesques  appartenant  au  groupe  des  édcntés;  un  cheval; 
uue  dent  de  macrauchénia,  parent  du  chameau  et  du  lama  :  enlin  le 
losodon,  étrange  animal  qui  se  rapprochait  de  l'éléphant  par  la  taille,  du 
rat  pai'  ses  dents  de  rongeur,  du  Inmenlin  pai-  ses  mœurs  aquatii[ues: 
sauf  ta  taille,  il  ressemblait  au  capivara  paranien.  Sur  les  liords  du  rio 
Santa  Cruz  et  autres  rivières  de  la  Patagonie  méridionale,  les  chereheui-s 
ont  Imuvé  des  ossements  ti-î^s  nombreux  de  mammifères  inconnus  jus<]u'à 
présent  et  non  tous  encore  parfaitement  classés.  Parmi  ces  découvertes, 
une  des  plus  précieuses  est  celle  d'oiseaux  gigantesques,  plus  grands  que 
les  dinornis  de  la  Nouvelle-Zélande.  Les  gisements  de  la  faune  pntago- 
nienne  égalent  en  nombre  cl  en  valeur  ceux  des  Mauvaises  Terres  du 
Grand  Ouest  nord-américain  et  ont  fait  du  musée  de  La  Plata  le  lieu  par 
excellence  pour  l'étude  de  l'ancienne  faune  australe*.  Des  animaux  de  tant 
d'espèces  et  de  si  grande  taille  font  supposer  que  la  pointe  terminale  de 
l'Amérique  sciait  le  reste  d'un  continent  très  vaste,  qui  comprenait  les 
îles  actuellement  éparses  de  l'Atlantique  méridional.  L'énorme  accumu- 
lation d'ossements  que  l'on  trouve  sous  les  tufs  volcaniques  permet  de 
supposer  qu'à  cette  époque  le  monde  animal  était  représenté  par  des  my- 
riades d'individus'  :  de  nos  joui's,  si  une  catastrophe  engloutissait  soudain 
toutes  les  bêles  de  la  plaine,  les  squelettes  en  seraient  très  clairsemés, 

■  Carlos  M.  Muyniio.  Boletin  ilel  Institalo  Geoijràfico  Argentino,  1888. 
'  Francîticij  P.  Morcno,  RevUla  del  .Vmeo  île  La  Plnta. 

■  JosefSicinii-artzki,  Pelermaim't  I^ilteitumjen.  IS95,  lleft  III. 


■^ 


FAUNE  DES  PAMPAS  ET  DE  LA  PATAGONIE.  665 

^uf  pour  les  animaux  associés  qui  vivent  en  troupeaux.  Quoi  qu'il  en  soit. 
In  remarque  de  Bufibn,  que  la  taille  des  animaux  correspond  dans  une 
certaine  mesure  aux  dimensions  des  continents  qu'ils  habitent,  ne  parait 
pas  justifiée  par  l'ancienne  faune  tertiaire  de  la  Patagonie;  si  grande 
qu'elle  fût,  cette  péninsule  n'était  probablement  pas  une  autre  Afrique. 
Même  dans  la  période  géologique  contemporaine,  la  plupart  des  genres, 
espèce  pour  espèce,  ont  des  représentants  de  plus  fortes  proportions  dans 
le  Nouveau  Monde  que  dans  l'Ancien*. 

Par  un  remarquable  phénomène  de  correspondance,  la  faune  actuelle 
de^  régions  tempérées  de  l'Amérique  méridionale  ressemble  a  celle  de 
l'Amérique  du  Nord.  L'Argentine  et  la  Patagonie  l'appellent  les  États  voi- 
sins des  grands  lacs  canadiens,  sinon  par  leurs  espèces,  du  moins  par 
leurs  genres  :  on  dimit  en  certains  endroits  que  tous  les  types  sont  iden- 
tiques. Mais  on  constate  pour  les  invertébrés  de  la  faune  maritime  que 
les  formes  animales  correspondantes  se  montrent  sur  les  rivages  de  l'Amé- 
rique méridionale  à  une  distance  de  l'équateur  beaucoup  plus  considérable 
que  sur  le  littoral  nord-américain.  Ainsi  les  olives  et  les  volutes,  que  l'on 
ne  rencontre  aux  États-Unis  que  jusqu'au  trentième  degré  de  latitude,  se 
voient  en  abondance  à  Bahia  Blanca,  sous  le  trente-neuvième  degré;  même 
la  volute  est  commune  dans  le  détroit  de  Magellan,  à  1600  kilomètres  plus 
au  sud,  phénomène  analogue  à  celui  que  présente  la  faune  marine  sur  les 
rivages  méridionaux  du  continent  africain*. 

Le  rio  Negro  constitue  à  peu  près  la  limite  entre  les  deux  aires  de  l'Ar- 
gentine et  de  la  Patagonie:  certaines  espèces  ne  le  franchissent  pas  pour 
entrer  dans  le  domaine  qui  commence  h  l'autre  rive.  L'autruche  fiandu, 
rhea  americana,  fait  place  à  une  espèce  plus  petite,  rliea  Darwinii.  De 
même  le  jaguar  de  Patagonie  est  de  dimensions  beaucoup  moindres  que 
celui  du  Chaco\  La  muraille  des  Andes  détermine  une  autre  division  des 
faunes  :  d'un  côté  le  versant  chilien  avec  ses  espèces  particulières,  de 
l'autre  le  versant  argentin.  Cependant  quelques  animaux  ignorent  ces 
frontières.  Le  puma  (felis  concolor)  parcourt  la  Patagonie  jusqu'au  détroit 
de  Magellan;  deux  espèces  de  chats  sauvages,  des  chiens,  une  moufette, 
un  petit  armadillo  [dasyptis  minutus),  et  des  souris,  plus  nombreuses 
qu'en  aucune  autre  partie  de  la  Terre*,  vivent  aussi  dans  la  péninsule 
terminale.  Le  condor,  qui  dans  TEcuador  ne  descend  même  pas  sur  les 

*  Félix  de  Azara,  Essai  sur  Vhisioire  naturelle  des  quadrupèfies  du  Paraguay. 

*  Hcnrv  A.  Ward,  Hevista  del  Museo  de  La  Plata,  tonio  I,  1890-1891. 
'  Joscf  Sieiniradzki,  Petermann's  Miiteilunijen,  1893,  llefl  III. 

*  Ch.  Darwin,  ouvrage  cité. 

xix  H4 


G66  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

avant-monts  des  Andes,  abaisse  son  vol  en  Patagonie  jusqu'aux  plages  de 
l'Atlantique.  Les  reptiles  sont  rares  vers  la  péninsule  terminale  du  con- 
tinent,  et  plus  rares  encore  en  proportion  les  mollusques  terrestres    ^l. 
lacustres.  Quant  aux  formes  maritimes,  oiseaux,  cétacés,  poissons,  orgrs^— 
nismes  inférieurs,  elles  foisonrifnt,  surtout  dans  l'archipel  magellaniqii ^  » 
mais  riiomme  menace  déjà  de  destruction  certaines  espèces  :  les  pi  w^ — 
gouins,  que  Ton  rencontrait  autrefois  par  milliards,  alignés  comme  1 
soldats  sur  les  corniches  de  rochers,  sans  même  fuir  le  bâton  du  chasscii.  m* 
ont  déjà  disparu  de  maint  archipel*. 

Les  limites  des  espèces  animales  appartenant  à  la  zone  tropicale  sèc 
s'échelonnent  dans  la  partie  septentrionale  de  l'Argentine.  Des  singes, 
trois  familles  différentes,  se  rencontrent  encore  dans  les  régions  forestières 
des  Missions  et  de  Corrientes,  voisines  du  Brésil,  et  près  de  la  frontiè 
bolivienne,  sur  les  pentes  des  montagnes  de  Jujuy  et  de  Salla.  Les  chauve 
souris  sont  beaucoup  plus  rares  dans  les  contrées  platéennes  que  dans  1 
provinces  du  Brésil,  et  le  phyllostome  vampire,  d'ailleurs  moins  dangerei-«-X 
que  sous  les  tropiques,  ne  se  voit  plus  au  sud  du  Tucuman*.  Les  fauv*3S 
carnivores  sont  représentés  par  de  nombreuses  espèces  au  nord  de  la  Pata- 
gonie, mais  les  grands  félins,  tels  le  jaguar  et  l'ocelot,  disparaisse»  X 
refoulés  par  les  cultivateurs  et  les  bergei-s.  Le  puma,  habitant  la  régic::»^ 
des  montagnes,  est  moins  menacé:  dans  les  régions  platéennes,  il  n'a^^-^ 
taque  jamais  l'homme  et,  quand  le  berger  l'atteint,   pleure  même  sa^M»^ 
oser  se  défendre.  Le  tapir,  habitant  les  forêts  humides  et  chaudes,  et         le 
pécari,  qui  appartient  à  la  même  aire  géologique,  ne  dépassent  pas  aus^^^d 

les  provinces  de  Corrientes  et  de  Santiago  del  Estero.  Le  paresseux,  q     ue 

les  Argentins  apj)ellent  ironiquement  perico  ligero  ou  c<  saute-paillasse         »» 
ne  descend  pas  vers  le  pôle  au  delà  du  Chaco,  et  le  fourmilier,  très  cokz    m- 
mun  dans  les  solitudes  du  nord,  est  rare  dans  les  provinces  argentin»^     es. 
Quant  au  genre  tatou,  il  a  de  nombreux  représentants,  au  moins  h_^-iU/l 
espèces  dans  la  Plata  :  ce  sont  les  armadillofi  des  Argentins.  Toutei^so/s 
le  tatou  géant,  celui  qui  rappelle  le  mieux  l'ancien  gljptodon,  avec        &? 
carapace   d'un  mètre   de  longueur,   se  fait   déjà  fort  rare  dans  le  i^avs 
des  Toba,  au  nord  du  Bermejo.  Un  tatou  nain  ou  quirquinclio,  que   1  on 
trouve  dans  la  province  de  Mendoza,  a  les  dimensions  d'une  taupe.  LV- 
madillo  velu  (dasypm  villoma)  s'accommode  au  nouveau  milieu  que  ki 
fait  la  culture  du  sol  en  devenant  un  animal  nocturne'. 

*  Ed.  >Vliyni|KT,  Travels  amongnt  the  greal  Andes  of  the  Equalor. 
"*  Vinciguorra,  Bollctino  délia  Socieià  Geografica  Italiana^  ocl.  1884. 
'  H.  \N'.  lludson,  The  NaturaUst  in  la  Plala. 


FAUNE  DE  LA  PATAGONIE  ET  DES  MONTAGNES.  «67 

L'habitant  des  pampas  par  excellence  est  la  viscacha  (lagostomus  tricha- 
daciylm),  qui  rappelle  le  «  chien  des  prairies  »  du  continent  septentrional, 
et,  comme  lui,  se  creuse  des  cités  souterraines  dans  le  sol  sablonneux.  Ce 
rongeur  ressemble  à  la  marmotte,  mais  n'a  pas  de  sommeil  hibernal.  Ses 
terriers,  larges  de  2  a  20  mètres,  suivant  Timportance  de  la  famille,  sont 
disposés  en  spirale  et  s'élargissent  avec  la  profondeur.  Le  jour,  on  recon- 
naît les  vmacheras  d'assez  loin,  l'herbe  étant  rongée  h  ras  de  terre  vers 
l'entrée,  tandis  qu'au-dessus  du  terrier  elle  croît  en  hautes  touffes;  mais 
la  nuit,  le  cavalier  doit  prendre  garde,  de  peur  que  sa  monture,  passant 
sur  une  voûte  des  galeries  cachées,  ne  se  brise  les  jambes  en   tombant 
dans  l'édifice  effondré*;  mais   le  cheval  indien,  accoutumé   aux  expédi- 
tions nocturnes,  garde  sa  tête  penchée,  flairant  le  sol  comme  un  chien 
de  chasse,  et  son  instinct  l'avertit  toujours  à  temps  du  danger*.  Comme 
dans  les  prairies  des  États-Unis,  les  hiboux  et  autres  oiseaux  nocturnes 
«e  tiennent  fréquemment  en  sentinelle  à  l'ouverture   des  terriers.  Les 
vipères,  les  couleuvres,    les  araignées  venimeuses  se  glissent  dans  ces 
retraites  sûres;  aussi  les  voyageurs  qui  traversent  les  régions  oîi  les  visca- 
chas  vivent  en  grand  nombre,  ne  manquent-ils  jamais  de  se  munir  d'ail, 
afin  d'écarter  les  serpents  par  une  odeur  que  tous  les  Argentins  s'accor- 
dent à  regarder  comme  un  préservatif  absolu.  D'ailleurs  les  caravanes  ont 
intérêt  à  camper  à  côté  des  viscacheras,  grâce  à  l'habitude  qu'ont  les 
petits  animaux  d'orner  le  devant  de  leurs  portes;  on  y  trouve  des  osse- 
ments blanchis,  des  objets  égarés  dans  la  pampa,  pièces  de  vêtement, 
courroies,  souliers  et,  chose  plus  importante  pour  le  voyageur,  des  bran- 
ches sèches  et  des  racines.  Ce  sont  des  fagots  tout  faits,  et  le  passant 
n'a  qu'à  se  donner  la  peiné  de  les  allumer  pour  cuire  son  repas.  Entre  le 
rio  Colorado  et  le  rio  Nogro,  l'animal  le  plus  commun  est  le  marra  ou 
«  lièvre  de  Patagonie  »  {dolichotis  patagonica)  ;  en  traversant  la  brousse, 
on  les  voit  détaler  par  vingtaines  à  droite  et  h  gauche  de  la  piste'.  Dans 
les  régions  cultivées  de  la  pampa,  le  gibier,  au  lieu  de  diminuer,  comme 
on  aurait  pu  s'y  attendre,  a  beaucoup  augmenté,  grâce  h  la  cessation  des 
incendies  qui  détruisaient  autrefois  les  petits  et  les  nichées*. 

Les  montagnes  ont  aussi  leur  faune.  Le  chinchilla  (callomys),  que 
sa  belle  fourrure  expose  a  une  extermination  prochaine,  n'habite  ni 
les  plaines  ni  les  sommets  neigeux  et  ne  descend  pas  des  Andes  dans  les 

*  Martin  de  Moussy,  ouvrage  cité. 

■  W.  H.  Uudson,  The  Naturalist  in  la  Plata, 

•*•  Carlos  Burmeister,  Anales  del  Museo  de  Buenos  Aires. 

*  Alexis  Peyrct,  Une  Visite  aux  colonies  de  la  République  Argentine. 


608  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

régions  patagoniennes.  Le  huanaco  se  rencontre  au  contraire  dans  les 
hautes  Andes  argentines,  et,  sous  les  latitudes  australes,  descend  dans 
les  étendues  pierreuses  de  la  Patagonie  jusqu'au  bord  de  l'Atlanlique. 
Les  chasseurs  ont  exterminé   le   huanaco  dans  une  grande  partie  des 
avant-monts  argentins.  On  ne   le  trouve  plus  que  très  rarement  dans 
les  pré-cordillères  de  la  Rioja  et  de  Catamai*ca;  mais  dans  la  province  de 
Jujuy,  où   la  population  des  campagnes  se  compose  encore  de  Quichua, 
huanacos  et  vigognes  sont  respectés  par  les  indigènes  et  parfois  c'esl  par 
centaines  que   le   voyageur  les  voit  paître  autour  de  soi*.  Comme  le 
chameau,  son  congénère  de  l'Ancien  Monde,  le  huanaco  peut  rester  long- 
temps sans  boire  et  même  s'accommode  au  besoin  d'eau  salée*.  Dans  la 
Patagonie  méridionale,  entre  le  lac  Argentino  et  la  cordillère  Lalon'C, 
s'étend  une  plaine  où  Rogers  et  Ibar  virent  plus  de  cinq  mille  bêles  e\ 
qui  reçut  d'eux  le  nom  de  valle  de  los  Huanacos.  Ils  évaluaient  le  nombre 
de  ces  animaux  dans  la  région  à  1  200  000  :  les  Tehuel-che  en  luenl 
300  000  par  an,  sans  qu'on  s'aperçoive  de  la  moindre  diminution  dans 
les  troupeaux'.  Les  huanacos  mâles,  solitaires   et  très  agiles  à  la  course, 
sont  difficiles  à  tirer,  tandis  que  les  femelles,  plus  rapidement  fatiguées 
et  toujoure  groupées,  offrent  aux  chasseurs  une  proie  moins  incertaine 
Dans  la  Patagonie  méridionale,  sur  les  bords  du  Gallegos  et  du  Sanla 
Cruz,  les  huanacos  blessés  ou  mourants  se  traînent  vers  une  brousse 
écartée,  où  ils  finissent  en  paix  :  des  milliers  de  squelettes  recouvrent  ces 
ossuaires  de  la  tribu*.  Les  peaux  de  jeunes  huanacos,  cousues  avec  des 
tendons  d'autruche,  fournissent  des  manteaux  très  appréciés  et  qui  se 
vendent  fort  cher  sur  le  marché  de  Buenos  Aires.  On  emploie  la  laine  de 
l'animal  pour  en  tisser  des  ponchos  et  des  couvertures.  Vers  l'extrémité 
du  continent,  il  a  pour  congénère  le  huemul  ou  cervm  chilenm,  qui 
appartient  aussi  à  la  faune  des  Andes  péruviennes.  Dans  la  Fuégie,  les 
renards  {canis  magellanicm)   sont  assez  communs,   mais  très  menacés 
par  les  chasseurs  a  cause  de  leurs  fourrures.  Des  myriades  d'individus 
représentent  les  tribus  des  rongeurs,  et  l'une  des  espèces,  la  tuco-tuco 
(ctenomys  magellanica)  ou  le  «  caché  »  (oculto)  pullule  au  point  de  rendre 
l'agriculture  des  plaines  presque  impossible,   le  sol  étant  en  quelques 
endroits  miné  dans  tous  les  sens*. 


•  Luis  Brackebusch,  Boletin  del  Instiluio  Geogrà/ico  ArgeniinOj  tome  IV,  1882. 
»  Fr.  Machon^  recueil  cité. 

»  Petermann's  Miiieilungeny  1880,  Hefl  II. 

*  Cil.  Darwin,  W.  Iludson,  ouvrages  cités. 

•■*  Pelermanns  Milieilungen^  1887,  Hefl  I. 


FAUNE  DE  L'ARGENTINE.  669 

L'ornis  argentine  est  très  variée,  depuis  les  puissants  vautoui^s  jusqu'à 
l'oiseau-mouche,  «  fleur  volante  >^.  Presque  tous  les  échassiers  que  pos- 
sèdent le  Brésil  tropical  et  les  Guyanes  pénètrent  dans  les  régions  méri- 
dionales jusqu'au  Tucuman  et  au  Corrientes.  De  nombreuses  espèces 
de  perruches  et  de  perroquets,  entre  autres  le  perroquet  amazone,  l'oiseau 
parleur  par  excellence,  font  aussi  partie  de  la  faune  argentine.  Une  variété 
particulière  de  colibri  (trochilm)  vit  dans  la  sierra  de  Côrdoba*,  et  d'autres 
se  voient  jusque  dans  la  Magellanie.  L'oiseau-mouche  antarctique,  origi- 
naire de  la  Bolivie  et  du  Chili,  oii  il  revient  tous  les  hivers,  visite  en 
été  les  rives  de  la  Terre  de  Feu  :  on  l'a  vu  butiner  dans  les  fleurs  de 
fuchsia  pendant  une  tetnpéte  de  neige*. 

Le  condor,  le  géant  des  oiseaux  du  Nouveau  Monde,  est  très  commun 
dans  les  sierras  de  San  Luis  et  de  Cordoba,  posées  comme  d'énormes 
tours  de  guet  au  milieu  des  plaines  parsemées  de  troupeaux.  Quant  à 
l'autruche  ou  iiandu,  coureuse  des  plaines,  elle  habitait  jadis  toute  la 
pampa  et  les  régions  herbeuses  de  la  Patagonie;  mais  le  cultivateur  la 
refoule  et  le  chasseur  la  détruit  avant  que  l'éleveur  l'ait  transformée  en 
animal  de  basse-cour.  Les  oiseaux  auxquels  la  venue  du  blanc  a  été  le 
moins  funeste  sont  les  espèces  aquatiques  des  marais,  des  estuaires,  des 
brisants.  Les  archipels  magellaniques  ont  encore  leurs  nuées  d'oiseaux 
volant  au-dessus  des  rochers.  Parmi  tous  ces  palmipèdes,  le  plus  grand 
est  un  canard  que  les  marins  anglais  appelaient  le  race  horse  duck  h 
cause  de  la  rapidité  de  sa  marche,  à  la  fois  natation,  course  et  vol  :  on 
lui  donne  plus  communément  le  nom  de  steamer  tlucky  tant  le  mouvement 
alternatif  de  ses  ailes  ressemble  à  celui  des  aubes  d'un  bateau  à  vapeur. 
Sa  course  sur  l'eau  est  d'une  vitesse  considérable,  et  derrière  lui  se  creuse 
un  long  sillage.  Ses  ailes,  à  pennes  raides,  fouettent  le  flot  avec  une 
singulière  vigueur  et  contribuent  plus  que  le  choc  des  pattes  au  mouve- 
ment de  propulsion.  Quelques-uns  des  canards  mâles  ont  plus  d'un  mètre 
en  longueur  du  bec  h  la  queue;  ils  se  nourrissent  surtout  de  moules  et 
paissent  les  prairies  d'algues  sous-marines  \ 

Comme  les  autres  divisions  de  la  faune,  le  monde  des  reptiles  témoigne 
d'un  afiaiblissement  de  J'énergie  vitale  au  sud  de  la  zone  torrido.  Les 
diverses  tortues  argentines  sont  plus  petites  que  leurs  congénères  brési- 
liennes; les  crocodiles  jacarés,  qui  pullulent  dans  les  marécages  et  lacs 
du  Corrientes,  n'ont  en  moyenne  que  2  mètres  en  longueur  et  rarement 

^  Martin  de  Moussy,  ouvrage  cite. 

*  Alfred  R.  Wallace,  Humming'birds,  Fortnightiy  Review,  1*'  déc.  1877. 

*  King;  —  D.  R.  O'Sullivan,  Forinightly  Review,  January  1893. 


070  NOUVELLE  CÉOfiHAPHtE  lîIflVERSEll.E, 

alteignoiil  7i  inl'livs  :  ou  no  les  voit  jiliis  au  sud  de  Saiila  Fi''.  l,rs  Imus  ne 
(IrpiiKsenl  |ius  vers  les  ]mni[)ns  la  ré^noii  d»  Sanliugu  del  E»tcru,  une 
lies  timiies  gt'!otugii[U(>s  les  raÎRUx  iiidic[u«os,  et  le  serpent  h  s<innette!i  no 
s*;  mcintiv  plus  par  delil  le  massif  de  CùnlcjljH.  Les  oaiix  de  l'Argentine, 
marines,  lai-iislres  cl  lluviales,  sont  presque  toutes  riches  un  poissons, 
l't  l'fsfuiiire  do  la  Plata,  !iu  flot  môlimp!'  juwju'en  amont  de  Montevideo, 
posîtftde  des  espèces  propres,  outre  celles  de  lii  mer  ot  des  tleuves.  Une 
Imite  dp  forte  taille  et  d'eK-ellenl  goill  peuple  aussi  !)ien  l'eau  doure 
que  l'eau  salée;  on  la  rencontre  dans  le  Bebedero  et  hi  liigune  de  ilua- 
natuiehij  aussi  ]mn  que  dans  l«  rio  San  Juan,  descendu  des  glaciers.  Les 
ci^'lacés,  grands  ou  petits,  étaient  autrefois  tr^s  nombreux  dans  ces  mei-s  : 
une  espèce  de  phoque  ou  lobo  a  donné  son  nom  h  une  île  de  l'estuaire 
jdatéen,  et  sur  les  côtes  de  la  P«laf;oni(!  les  chasseurs  poursuivent  h 
outrance  les  »  lions  de  mer  »,  les  «  éléphants  marins  »  et  autres  iih»M|ues 
dont  on  utilise  l'huile  et  le  cuir.  Les  haleines,  prestjue  détruites  dan» 
les  eaux  tempérées  de  l'Atlantique  méiidional,  ne  se  voient  [dus  guère 
que  dans  le  voisinage  de  la  Fuéjiie  et  dan^  les  mors  ausiniles  m'i  llottenl 
les  glafons. 

VU 

l,n  préhistoire  du  l'Argentine  sera  Irts  difficile  k  déchifli-er,  il  cause 
même  de  la  variété  des  types  humains  et  des  objets  de  toute  espèce  que 
consenent  les  hypogées.  Ainsi  l'on  trouve  dans  les  pampas  de  Buenos 
Aires  des  poteries  impossibles  à  distinguer  des  vases  recueillis  dans  les 
nécropoles  azti^ques.  Ont-elles  été  apportées  du  continent  seplentrionol,  ou 
bien  un  développement  parallèle  des  civilisations  locales  a-l-ii  fait  naître 
de  part  et  d'autre  une  industrie  analogue?  Sur  les  rives  du  rio  Dulce, 
pri's  de  Santiago  del  Estero,  on  a  retire  du  sol  des  urnes  contenant  des 
restes  humains  mêlés  à  des  coquilles  d'espèces  qui  vivent  actuellement 
dans  l'océan  Pacifique.  Les  contours  des  rivages  ont-ils  changé  depuis 
celte  époque,  ou  le  mouvement  des  navigations  se  faisait-il  de  l'Océan 
occidental  vois  l'Atlantique?  Bien  plus,  certaines  masses  de  pierir  ou  de 
bois  sont  absolument  identiques  à  celles  (pie  maniaient  les  Maoïi  de  la 
Nouvello-ZOlande  et  les  Kanakes  des  Nouvelles-Hébrides'.  Y  eiit-il  des 
relations  de  commerce  et  d'amilié  entre  les  populations  australiennes  el 
colles  de  l'Amérique  méridionale? 

'  ^V.m^■i^^o  i'.  Moicim.  Rcrisla  (M  Musco  itc  lu  l'Iida.  li-mo  I,  1890-itl. 


1 

J 


PRÉUISTOIRE  DE  L'ARGENTINE.  671 

Dans  toute  la  partie  montagneuse  de  l'Argentine  nord-occidentale,  de  la 
province  de  Jujuy  a  celle  de  Mendoza,  on  remarque  sur  les  promontoires 
et  dans  les  vallées  des  ruines  nombreuses,  remparts,  forteresses  et  villes. 
Quelques-uns  de  ces  débris  se  montrent  jusqu'à  plus  de  4000  mètres  en 
altitude,  parfois  sur  des  pitons  abrupts  ou  même  des  parois  verticales. 
Nombre  de  ces  anciennes  fortifications  ressemblent  à  celles  des  «  Falai- 
siers  w  de  TArizona  et  du  Nouveau-Mexique.  La  plupart  n'ont  point  d'ou- 
vertures extérieures  qui  communiquent  avec  les  réduits  de  la  forteresse  : 
il  fallait  y  pénétrer  au  moyen  d'échelles,  et  les  murs,  très  épais,  offraient 
une  espèce  de  trottoir  quadrilatéral,  d'où  l'on  descendait  dans  la  cour, 
bordée  d'habitations  en  forme  de  grottes.  Ce  genre  de  bâtisses  témoigne  de 
rélat  d'inquiétude  et  de  guerre  dans  lequel  vivaient  les  populations  ;  mais 
elles  avaient  hérité  de  peuples  ayant  pu  se  développer  à  une  époque  anté- 
rieure en  de  vastes  communautés,  car  leur  civilisation  industrielle  était 
as$ez  avancée.  El  le  chemin,  dit  des  «  Incas  »,  que  l'on  suit  sur  des  cen- 
taines de  lieues  à  l'est  des  Andes  et  qui  parcourt  les  plaines  en  ligne 
directe,  lançant  à  droite  et  à  gauche  des  rameaux  vers  les  lieux  habités 
jadis,  et  se  dirigeant  vers  la  brèche  d'Uspallata  pour  traverser  les  Andes, 
quels  en  furent  les  constructeurs?  Moreno  croit  que,  malgré  son  nom,  il 
est  d'origine  «  pré-incasique  »  :  à  celte  époque  coulaient  de  grands  cours 
d'eau  et  s'étalaient  de  vastes  bassins  lacustres  qui  ont  maintenant  disparu*. 
Le  nom  traditionnel  de  celle  voie  maîtresse  semblerait  indiquer  qu'elle 
est  due  aux.Quichua,  serviteurs  des  Incas;  mais  les  roches  «  écrites  »,  les 
pierres  à  glyphes  qui   se  succèdent  en  grand  nombre  le   long  de  celle 
route  ou  dans  le  voisinage  ne  sont  pas  les  mêmes  que  celles  du  haut 
Pérou  :  elles  paraissent  appartenir  à  une  civilisation  différente.  Dans  ces 
îontrées  aujourd'hui  désertes,  des  fossés  qui  furent  des  canaux  d'irrigation 
contournent  des  montagnes  dont  les  ravins  sont  maintenant  à  sec.  Des 
issus,  des  instruments  de  pierre,  de  cuivre,  de  bronze  et  d'argent,  des 
)0leries  peintes  racontent  le  haut  degré  de  culture  qu'avaient  atteint  ces 
copulations  disparues.  Des  guerres  antérieures  à  l'histoire,  mais  certainc- 
oent  aussi   le  dessèchement    général    de   la  contrée,  ont  supprimé  ces 
nciens  représentants  de  la  culture  américaine.  C'est  ainsi  que  dans  l'Ancien 
londe  se  sont  éteints  tant  de  peuples  puissants  de  l'Asie  intérieure. 
Jusque  dans  la  Patagonie,  le  pays  semble  avoir  été  jadis  très  populeux.  Il 
'est  presque  pas  d'endroits,  si   peu  hospitaliers  qu'ils  paraissent  main- 
3nant,  où  l'archéologue  ne  retrouve  les  traces  du  passage  ou  du  séjour  de 

*  Francisco  P.  Moreno,  Notes  manuscrites. 


rhoniiiii'.  Kl  Cl'  si'^jour  iluni  htiij^trinjis,  uar  corlaitios  coui-lu's  ilc  icitiiiri. 
li;nlt.'iueiil  ilt'|K)S»5cs,  renferment  des  restes  de  l'induslnc  humaine  sur  de 
Fortes  éfiaisseni's  :  îi  In  Knsenada,  un  a  rocunillî  dt-s  li'agment»  de  p(iU'ri(*s 
à  phiN  de  Miixutilc  miMros  de  la  snrfnce.  Kn  outre,  les  grandes  différences 
que  présentent  les  crânes,  les  iiislruments,  les  iQscrî[itîoiiK  des  routiers, 
proiivcnl  «nie  ces  populations  apparlenaienl  il  des  souches  diverses.  I^ 
continent  qui  se  termine  en  une  hin^uct  pénintiuli'  formait  comtnt;  unt> 
surlc  de  nasse  dans  laquelle  les  peuple»  refoulés  des  contrées  du  non) 
venaient  se  prendre  les  nns  après  les  autres,  «t  souvent  s'enlre-exlermiiior. 
l/Ar^'cntine  est  uiu?  vaste  nticropole  de  races  perdues'.  Peut-tHi-e  les 
Yahgan,  les  .\lakalouf  de  la  Fuégie  sont-ils  les  misérahles  restes  de  popu- 
lations jîradiiellemcnl  poussées  vei's  les  régions  du  Sud  et  jadis  beaucoup 
plus  avancées  en  civilisation.  Dnns  le  Iwissin  du  Sanihommbon,  au  sud-est 
de  Dncnos  Aiii's,  le  iiatunilisie  Qu'les  a  découvert,  prÈs  d'un  mé^alliérium, 
un  squelette  humain  tr^s  remarviuidile  à  treiic  vertiMires  dorsales'. 

Les  iges  successifs  de  la  préhisluirc  sout  bien  représentés  dans  l'Arffen- 
tine,  mais  les  Indiens  n'étaient  pas  encore  arrivés  h  fabriquer  des  instru- 
ments en  fer  lorsque  les  cavaliers  européens  débarquèrent  sur  leurs  riva- 
Ii{es  ;  ils  ne  connaissaient  que  l'usage  du  cuivre,  et  encore  les  nations 
policées  du  nord-miest  avaicntH^lles  été  les  seules  à  faire  celte  conquête  :  b 
plupart  des  tribus  en  étaient  restées  ans  ossements,  aiii  coquillages  et  aux 
pierres.  Les  sites  les  plus  riches  en  fi'jignicnts  archéologiques  sont  dési- 
gnés sons  le  nom  de  paradera»  :  Morenoen  a  trouvé  un  tri-s  gniiid  nombre 
dans  la  vallée  du  rîo  Negro.  Les  archéologues  y  recueillent  des  têtes  de 
flèches  appartenant  ans  deux  époques,  paléolithique  et  néolithique,  dont 
la  dernière  persista  jusqu'à  l'arrivée  des  Européens.  Rarement  tes  objets 
se  trouvent  entremêlés.  Les  armes  des  âges  anciens  ne  se  rencontrent  que 
sur  les  pentes  supérieures  des  hantes  berges  et  sur  les  terrasses,  tandis 
que  les  flèches  néolithiques,  de  beaucoup  plus  abondantes,  parsèment  le 
fond  de  la  vallée.  On  distingue  nettement  dans  l'état  d'avancement  des 
flèches  non  terminées  que  les  artisans  pi-éhistoriques  du  rio  Negro  prati- 
quaient la  division  du  travail  et  que  certains  recherchaient  la  beauté  des 
matériaux  et  Unissaient  leur  œuvie  avec  amour.  Non  loin  de  Carmen,  le 
niiliii'ali'-li'  lliid-^on  a  déconvei'l  un  aleliei'  renfermant  seulement  des  téle^ 
<le  llè(■llL■^  loiijiiies  d'un  à  deux  ceutiiiièlivs,  et  toutes  fabi'iqiiéos  en  pierres 
(lui'es  li-iin-ipiireiites  ou  Iranshiciiles,  cristaux  de  roclie,  a^'ates  ou  eiu'na- 


■   l'iiiiitjoniii.  icstn  llr  un  antiyiio 


PRÉHISTOIRE,  POPULATIONS  INDIGÈNES  DE  L'ARGENTINE.  675 

mes  •  Il  semble  que  les  chasseurs  indigènes  aient  voulu  chasser  les  petits 
aux  couleurs  gaies  avec  des  flèches  ayant  le  coloris  et  la  beauté  de 
victimes  ^ 

commencement  du  seizième  siècle,  lors  de  l'arrivée  des  conquérants 
,  la  vaste  contrée  qui  constitue  aujourd'hui  la  république  Argen- 
des  plateaux  de  la  Bolivie  à  l'océan  Austral,  était  peuplée  d'une 
*^^Vt.itude  de  tribus  se  désignant  elles-mêmes  et  désignées  par  d'autres 
difliérents  noms,  mais  ne  formant  en  réalité  qu'un  petit  nombre  de 
pes  ethniques.  La  région  nord-occidentale  appartenait  aux  Calchaqui, 
^^^ociés  à  la  civilisation  des  Quichua,  parlant  la  même  langue  et  proba- 
^Vement  de  même  origine.  La  mésopotamie  d'entre  Parana  et  Uruguay  était 
^^rre  des  Guarani,  et  les  nations  de  cette  race,  prépondérante  dans  toute  la 
^5irtie  orientale  du  continent,  débordaient  au  delà  de  ces  fleuves  dans  les 
^^ampas  :  au   sud  de  Campana,  Estanislao   Zeballos  a   trouvé    un  vaste 
Cumulus  guarani,  contenant  27  squelettes.  Les  noms  de  lieux  prouvent  que 
Oes  populations  guarani  vécurent  sur  le  bas  Parana  et  mémo  au  sud  de 
^'estuaire  jusqu'au  rio  Salado  et  à  la  baie  de  Samborombon  :  il  est  même 
probable  que  les  Querandi,  qui  firent  subir  une  désastreuse  défaite  aux 
Espagnols  près  de  l'endroit  oii  se  trouve  aujourd'hui  Buenos  Aires,  étaient 
^'origine  guarani,  car  leur  nom  paraît  le  même  que  celui  de  caranday, 
mot  purement  guarani  donné  au  palmier  qui  domine  dans  la  mésopotamie 
platéenne*.  Cependant  des  écrivains,  Moreno  entre  autres,  pensent  que 
les  Querandi  pourraient  être  les  ancêtres  des  Puel-che,  refoulés  depuis 
dans  l'intérieur  de  la  pampa.  Entre  les  Calchaqui  policés  et  les  Guarani, 
auxquels  la  communauté  de  langue  donnait  une  certaine  cohésion,  des 
peuplades  éparses  parcourant  librement  les  plaines  ne  présentaient  aucun 
caractère  d'unité,  mais  se  ressemblaient  par  les  mœurs  guerrières,  le 
genre  de  vie,  et  plusieurs  de  ces  tribus  étaient  certainement  parentes  par 
le  langage  et  par  la  communauté   d'origine.   En  l'absence  d'une  déno- 
mination générique,  on  pourrait  les  désigner  d'après  la  nation  la  plus 
puissante  qui  les  représente  aujourd'hui,  celle  des  Toba.  Au  sud  de  ces 
tribus  la  péninsule  terminale  de  l'Amérique  était  occupée  par  les  Arau- 
cans  et  les  Patagons,  qui  constituent  une  sous-race  bien  distincte  des 
Indiens  du  nord;  enfin,  une  partie  de  la  Fuégie  appartenait  à  des  naturels 
refoulés  du  continent  et  représentés  encore  de  nos  jours  par  quelques 
individus. 


1  IdU  Daijë  in  Patagoniu, 

*  Estanislao  S.  Zeballos,  Boletin  del  InMuto  Geoyràfico  Aryeniino,  1879. 

XIX.  85 


NOUVELLE  G£OGHiPHi&  UltlVEHSELLE. 

l)»'s  l'jinivi'c  tli's  Kiiio|iLTas  le*  massacres  comini'iicéii-iil.  t-l  l'on  \n:\i\ 
(lire  ([ll'il^  s»'  conliiiuenl  loiijniirs,  ii(!»  |irélexU'R()U  des  raisons  fuliles  don- 
iiiiiil  lieu  .'i  mniiitps  ^['iTes  d'cxleniiiiiiiliuii.  Ainsi  dispiiiiiiviil  iioml)ix> 
do  [KMiplitdos  déli-uiles  par  le  fer  et  par  k*  feu;  le  régime  auquel  les  cou — 
i|uèrants  soumirent  les  viiinctis  el  les  allït'-s  alimitil  fréiiuemmenl  au  mèmi-ss 
résultat,  ^\^n•s  au  piin,    les  Kspaguol»  se  imrtagùreut  les  indigènes  en 
eHComiendas,  sous  promesse  de  vaquer  au  salut  des  ûmes  qu'ils  se  distri- 
buaient, les  uns  comme  purs  eseliives,    leii  autn>s    comme  mitay(>$  on 
«  métayers   •■.  Sous    celle  dure   autorité,  quulUiée  de    tutelle,    maïnlt^u 
peuplade  indienne  péril  d'épuisement,  suit  nu  travail  des  mines,  soit  h^l 
celui  du  laliour;  quant  iiux  indigènes  que  les  Jésuites  groupèrent  ilan."^^ 
leurs  réductions,  ils  s'accrurent  en  nombre  pendant  les  périodes  de  pai]^^ 
et  [Mandant  les  années  salubivs,  mais  pour  suecomtier  par  eomnuiuauté^^ 
entières  aux  attaques  des  mamelucos  et  à  l'iuvasion  des  épidémies.  I^i^M 

plupart  des    missions  ont   disparu,  peuplades  aussi  bien  que  villages, ■ 

Hais  trois  siècles  du  coliuhilatiou  ont  gmduellement  modifié  la  nce,  eCi— ^ 
telle  population  qui  par  ses  ascendants  se  rattache  certuiuenieril  à  dc-«^ 
ancêtres  américaînti  se  dit  maintenant  d'urigine  espagnole  ;  la  langue,  lesi^^ 
mœurs,  la  vie  politique  l'ont  peu  îi  peu  assimilée  aux  antres  Ai^entins. 
D'auti-e  jiait,  les  Indiens  sauvages,  qui  n'ont  cessé  de  voler  des  femme*     - 
et  des  enfants  à  leurs  voisins  les  blanc»,  appartiennent  pour  une  boiiue     - 
part,  du  moins  [)ar  le  sang,  <^  la  race  des  eiivabisseui's.  Chez  les  Quichua, 
les  Calchaqui  du  nnrd-ouesl  de  l'Argentine,  les  Guarani  de  Cornentcs,  la      > 
fusion  paraît  définitive.  Elle  l'est  aussi  chez  les  Indiens  agriculteui's  de     - 
Tucuman,  de  Santiago  dcl  Estero,  de  San  Luis,  de  Gôrdoba.  Les  Coma- 
cbigoncs  de  cette  province  centrale,  de   même  que  les  Micbilengues  de      ■ 
San  Luis,  les  Giyones  et  les  Calingasta  de  Mendoza,  ayant  perdu    leui-s 
noms  indiens,  se  croient  de  pure  race  espagnole;  mais  la  lutte  etbnique, 
même  brutale  et  sanglante,  dure  entre  les  Argentins  et  les  races  guer- 
rières du  nord,  les  Toba.  Au  sud,  la  diminution  rapide  des  Parapéens  a 
mis  un  terme  à  la  guerre  ;  mais  récemment  encore  elle  était  sans  merci. 
Peut-être   même    l'influence   espagnole   avait-elle  rendu    ces    indigènes 
plus  sauvages  qu'ils  ne  l'étaient,  en  asscrvissant  les  tribus  policées  (jui 
sivaicnt  inilier  les  nomades  à  la   culture,  et  en  dévi'loj)|)anl  b-s  instinets 
lie  pilhige  p;ir  l'iuliiiduetioii  du  elieval  et  des  ai'iiU'>  il  feu. 

Les  deseendants  des  Quicbuii  qui  iiahilent  la  province  de  Jujuy  soni 
généialomenl  désignés  sous  le  nom  de  Coyos  ou  Coyas.  Ils  oui  conservé 
leur  idiome,  quoiqu'ils  satbeiit  Ions  parler  espagnol  et  tienneiil  ii  leui's 
babiliides  avec  une  singulière  lénacilé.  Presque  senis  |iai'nii  les  Indiens  de 


INDIGÈNES  DE  L'ARGENTINE,  QUICHUA,  CALCHAQCI.  675 

'Argentine,  ils  n'ont  point  appris  à  monter  le  cheval,  et,  quoique  très 
royageurs,  cheminent  pédestrement  h  côté  de  leurs  bourriquots.  Ils 
•migrent  volontiers,  pour  commercer  dans  les  villes  de  la  plaine,  mais 
oujours  avec  esprit  de  retour,  et  plusieurs  pratiquent  la  même  industrie 
jue  les  Collahuayas  boliviens  d'Apolobamba  :  ils  vendent  des  pierres  aiman- 
ées,  des  amulettes,  des  remèdes,  et  guérissent  les  maladies.  Les  Coyas 
restés  dans  leurs  montagnes  se  méfient  des  étrangers,  et  a  bon  droit  : 
lès  qu'ils  aperçoivent  un  voyageur  blanc,  ils  se  hâtent  de  quitter  leurs 
[nasures.  A  grand'peine  peut-on  les  rejoindre  et  faire  avec  eux  quelque 
ffiarché;  ils  se  refusent  à  guider  les  visiteurs  vers  les  sommets  :  «  la  mon- 
tagne se  fâcherait  et  se  voilerait  de  nuages*  ».  Comme  les  Indiens  du 
Pérou  et  de  la  Bolivie,  ils  ont  le  culte  des  «  hauts  lieux  »  et  dressent  sur 
les  cols  des  tas  de  pierres,  des  apachelaSy  consacrés  à  Pachacamac,  le 
K  créateur  du  monde  »  ;  en  sacrifice  ils  lui  offrent  leur  acullico  ou  chiffue 
de  coca. 

Les  Galchaqui,  constitués  en  une  nation  puissante,  habitaient  l'espace 
compris  entre  la  frontière  actuelle  du  Chili  septentrional  et  les  montagnes 
deCôrdoba;  mais  dans  la  plus  grande  étendue  de  ce  territoire  ils  n'ont 
^ère  laissé  d'autres  traces  de  leur  séjour  que  des  poteries  de  toutes 
formes,  noires  ou  rouges,  avec  des  dessins  géométriques  en  lignes  droites, 
aauf  les  urnes  funéraires  où  des  courbes  s'entremêlaient  avec  des  figures 
symboliques  et  des  représentations  d'animaux  :  plats,  vases,  jarres,  pipes, 
amulettes,  poupées,  idoles,  toutes  ces  poteries  calchaqui  jonchaient  la  terre 
par  myriades.  Pendant  plus  d'un  siècle  ces  Indiens  résistèrent  avec  succès 
aux  bandes  espagnoles;  ils  essayèrent  même  de  restaurer  la  dynastie  des 
Incas  et  acclamèrent  comme  leur  souverain  un  aventurier  qui  se  disait 
a  fils  du  Soleil  »  ;  mais,  en  1664,  ils  succombèrent  et  la  plupart  des  com- 
battants préférèrent  périr  plutôt  que  de  se  rendre  :  on  dit  que  pour  éviter 
la  servitude  aux  enfants  ils  leur  brisaient  la  tête  contre  des  rochers.  Les 
Calchaqui  capturés  dans  la  guerre,  les  Quilmes,  furent  transportés  en  1677 
près  de  Buenos  Aires,  à  l'endroit  suburbain  qui  porte  aujourd'hui  leur 
nom  et  où  le  dernier  individu  de  leur  race  mourut  en  1869.  Mais  la 
descendance  métissée  des  Calchaqui  constitue  le  fond  de  la  population 
laborieuse  dans  les  provinces  de  Jujuy,  Salta,  Catamarca,  la  Rioja,  et  la 
plupart  des  noms  de  villes  et  de  villages,  surtout  dans  les  hautes  vallées, 
sont  ceux  des  tribus  assimilées  :  Andalgala,  Tolombon,  Cafayate,  Fiambala, 
Tinogasta,  Famatina;  Tucuman,  sous  une  forme  modifiée,  porte  aussi  une 

*  Luis  Brackebusch,  Bolelin  del  Insiituto  Geogràpco  Argeniino,  tomo  IV,  188'i. 


676  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

appellation  calchaqui.  Les  Indiens  Lulé,  qui  vivaient  autrefois  dans  la 
contrée  et  d'après  le^iquels  on  désigne  encore  un  village,  —  Lules,  — 
allèrent,  dit  une  légende  que  rapporte  Garcilaso  de  la  Vega,  s'offrir  comme 
sujets  à  rinca  Huiracocha.  Leur  nom,  qui  a  le  sens  de  ce  Dentus  »,  semble 
indiquer  que  leurs  dents,  comme  celles  des  Botocudos,  étaient  mises  à  nu 
par  l'usage  du  barbote*. 

Dans  quelques  hautes  vallées,  la  race  est  encore  presque  pure  et  l'usage 
du  quichua  n'a  pas  tout  à  fait  disparu  devant  le  langage  des  vainqueurs. 
Mainte  coutume  rappelle  à  Tethnologiste  la  survivance  de  Tantique  m- 
lisation.  Les  natifs  regardent  avec  un  certain  orgueil  les  ruines  des  forl^ 
i*ésses  que  dressèrent  leurs  aïeux  ou  peut-^tre  même  quelque  natioD  plus 
ancienne  ;  ils  vénèrent  aussi  les  huaca%  ou  nécropoles,  desquelles  les  Aet- 
cheurs  profanes  extraient  des  jarres  remplies  de  restes  humains.  Les 
squelettes  appartenant  presque  tous  à  des  enfants,  il  faudrait  j  voir, 
d'après  Lafone  Quevedo,  des  victimes  propitiatoires,  sacrifiées  pour  le 
bonheur  de  la  tribu  et  la  prospérité  des  moissons.  Cette  superatilioo 
parait  s'être  maintenue  jusqu'à  un  certain  point,  car  les  paysins  de 
Salta  et  de  Jujuy  voient  avec  déplaisir  la  profanation  de  ces  anciens  daie- 
tières  :  ils  croient  que  la  destruction  des  huacas  aura  pour  conséquence 
des  gelées  tardives*. 

Les  Guarani  de  race  incontestée  occupent  encore  toute  la  partie  septen- 
trionale de  la  mésopotamie  argentine,  mais  les  noms  de  peuplades  ont 
disparu   et    partout  la    population   est  métissée.  Au   milieu  du  siècle, 
Tusage  de  la  langue  guarani,  qui  prédominait  au  Paraguay  etdanslool 
le  Brésil  central  jusqu'aux  bords  de  l'Amazone,  était  encore  général; mais 
autour  de  chaciue  ville,   centre  propagateur  de  la  civilisation  nouvelle, 
l'idiome  des  conquérants  agrandit  incessamment  son  domaine.  D'autres 
(Juarani,   restés  à  l'état  presque  pur,  parcourent  le  Chaco  et  se  louent 
comme  travailleurs  dans  les  planl^Uions  sucrières  des  vallées  du  Bennej^ 
et  du  Juramonlo.  Ce  sont  les  Chirihuana  ou  Chiriguanos,  essaim  de  1^ 
nation  considérable  (jui  vit  en  Bolivie  dans  la  province  de  Tarija,  surto**^^^ 
dans  les  plaines  d't^ntre  Pilcomayo  et  Bermejo.  Ces  Indiens,  appelés  aus?-** 
Cambes  par  les  Boliviens,  sont  restés  indépendants  des  deux  côtés  de     "^ 
frontière  :  bien  |)eu  nombreux  furent  ceux  qui  se  laissèrent  catéchiser  |>'^^^' 
les  Jésuites;  ec^pendant  tous  h»s   Chiriguanos  ont  appris  à   répéter,  ^^' 
proche  en  proche»,  (|ueh{ue  chose  de  cet  enseignement.  Dits  «  StUivafres-    '' 


*  l'ablo  (iroussac,  Memoria  historica  y  dcscripliva  de  la  provincia  de  Tucuman. 

*  J.  A.  Lafone  Quevedo.  Hevisla  del  Museo  de  La  Plata,  toino  UI,  1892. 


GUARANI,  CUIRIGUANOS.  n7T 

par  le  fait  même  de  leur  indépendance,  ces  Guarani  de  l'ouest  n'en  sont 
pas  moins  parmi  les  plus  civilisés  de  l'Ai^entine.  Ils  vivent  presque  Dus 


—  h  l'exception  des  femmes,  velues  d'une  toge  lileUO,  —  ol  rp  percent 
encore  la  lèvre  inféi'ieure,  non  pour  y  mettre  le  barbote  ou  disque  de 
bois,  comme  leurs  ancêtres,  mais  pour  y  insérer  un  boulon  de  verre  :  cela 


l 


nn  NOIIVELIE  GÉOGBAI'niE  ITNIVERRELLE. 

siil'lil  |nnir  (|iip  cips  ^eris  "  tic  raisnn  •>,  ayanl  dans  les  veim's  \c  >•  siiiip 
bleu  ■>  ili^s  t'^)ii({ur'raiits,  considf'pt'nl  les  Chiri^uiinos  rommc  n'iMant  [ws 
même  des  hommes;  tuutofnis  ils  l'emporlent  sur  la  |)liipnrl  des  Argeiilins 
par  1h  parfaite  propret»^  du  corps,  par  la  suhrit-ti'-,  te  f,'oiH  du  li-avail, 
l'inteltigcncc  dans  U^  lakrur  :  ils  excellent  aux  lifs<)|rries  qui  demandftil 
de  rinitialive.  et  de  l'adresse.  lis  sont  fort  soigneux  aftriculteurs  et  ("'leveiirs 
de  iK'Iail;  mtîine  tnin  lies  lilancs  ils  possèdent  des  jardins  lijen  cul- 
tivés où  ils  uni  introduit  des  plantes  d'origine  eumpéennc,  et  se  construi- 
sent des  villages  proprement  tenus,  pour\-us  d'une  place  centrale  (|iii  ferait 
honle  h  celles  de  la  plupart  des  cités  argentines.  Ils  pratiquent  aussi  dîvei-s 
niÉtiers  et  savent  préparer  des  manteaux  en  cuir  tanné  avec  lesquels  ic 
voyageur  s'engage  sans  crainte  dans  la  brousse  épineuse.  Sans  nul  doute, 
le  travail  régulier  des  Cliiriguanos  dans  les  plantations  des  Argentins, 
de  Tarija  jusqu'à  Tucuman,  finira  par  les  nssirniter  au  reste  de  la 
population  et  leur  fera  perdre  l'indépendance  politique,  d'autant  plus 
qu'ils  se  lisent  au  sul,  et  que  leurs  femmes.  Indiennes  lielles  et  gracieuses, 
sont  fort  rcclicrchées  par  les  blancs.  La  plupart  des  Chiriguanos  parlent 
espagnol  et  leur  guiirani  difR?rt>  assez  peu  de  celui  du  Paraguay  et  du 
(lorrientes  pour  que  l'on  se  comprenne  de  part  et  d'autre. 

Les  Matacos  ou  Malaguayos,  —  ce  dernier  nom  est  surtout  réservé  aux 
indiens  de  la  nation  restés  libres,  —  travaillent  h  côté  des  ChirigUiinos 
dans  les  plantations  des  chrétiens  ou  siffUeloi,  et,  comme  leurs  frères  de 
rïice,  liMidenl  à  se  transformer  en  prolétaires.  Ils  parais^^enl  appnrleiiir 
au  groupe  ethnique  des  Toba,  et  même  quelques-unes  de  leurs  tiibus,  sur 
les  boi-ds  du  Bermejo,  se  sont  associées  à  ces  Indiens  redoutés.  Les  Mata- 
cos, que  Baldrich  dit  être  environ  14000,  contrastent  d'oi-dinaire  avec 
leurs  camarades  Chiriguanos  par  les  traits  et  le  caractère  :  plus  petits, 
plus  trapus,  plus  forts,  mais  inférieurs  en  adresse,  plus  dociles,  mais 
d'initiative  moindre,  ils  se  tiennent  moins  proprement  et  gîtent  en  des 
cabanes  immondes.  La  plupart  sont  toujours  restés  en  paix  avec  les  Espa- 
gnols et  môme  les  ont  eus  pour  alliés  dans  les  gueiTes  avec  d'autres 
Indiens  :  de  là  le  nom  de  Mamos,  —  «  Doux  »  ou  «  Domestiqués  »,  — 
par  lequel  on  les  désigna  longtemps  et  que  l'on  emploierait  aussi,  disent 
ipietques  élymologisles,  pour  ceux  des  terres  riveniines  du  haut  Pilco- 
mayo,  les  IJanus  de  los  Mansos;  crperulaiU  le  vrai  nom  est  Llatios  de 
Manzo,  d'apiès  un  voyngeui'  du  deiiiiei"  siètle  qui  y  trouva  la  mort. 
Naguère,  les  ouvriers  matacos  que  l'on  embauchait  dans  leurs  brousses 
natales  ne  Iravaillalent  aux  sucieries  que  pendant  la  culture  et  la  roulai- 
son.  Ils  revenaient  passer  l'été  au  pays;   maintenant    pour   nombre  de 


MATACOS,  ABIPOxN.  079 

ramilles  l'émigration  esl  devenue  déOniiive.  Chaque  Mataco  s;mvage  porte 
suspendu  à  l'épaule  un  sachet  dans  lequel  se  trouvent  beaucoup  de  petits 
objets,  cheveux,  pointes  de  flèches,  écailles  de  poisson,  plumes  d'oiseaux, 
feuilles  sèches,  chiffons  souillés  de  sang,  qui  composent  son  «  histoire  »  : 
chacun  de  ces  brimborions  lui  rappelle  un  événement  de  sa  vie,  et  il  le 
garde  jusqu'à  sa  mort  comme  une  partie  de  soi-même*.  Comme  les  autres 
peuples  naturistes,  les  Matacos  attribuent  les  maladies  à  l'invasion  d'ahots 
ou  esprits  mauvais  ;  mais,  pour  les  chasser,  ils  ne  se  contentent  pas  des 
incantations  du  sorcier  :  au  magicien  se  joignent  les  amis  du  malade,  qui 
poussent  des  cris  pour  effrayer  l'ahot.  Les  Matacos  pratiquent  la  couvade*. 

Les  Âbipon,  qui  guerroyèrent  des  deux  côtés  du  Paranà  et  qui,  après 
avoir  fait  si  longtemps  trembler  les  Espagnols,  finirent  par  s'entre-déchirer 
avec  d'autres  guerriers  indiens,  ne  sont  plus  représentés  que  par  un  petit 
nombre  de  familles  métissées  et  parlant  espagnol,  confondues  maintenant 
avec  les  campagnards  argentins  de  Santa  Fé.  Les  Mocovi  ou  Mbocovi, 
frères  des  Abipon  du  Paraguay,  et  tantôt  leurs  alliés,  tantôt  leurs 
ennemis  acharnés,  existent  encore  à  l'état  de  tribu  distincte,  quoique  bien 
réduits  en  nombre,  peut-être  par  la  variole  plus  encore  que  par  la  guerre; 
mais  ils  ont  reciiité  des  gens  de  toute  race,  voleurs  de  chevaux,  bri- 
gands, meurtriers,  obligés  de  fuir  les  contrées  habitées  par  les  blancs.  En 
lutte  avec  la  plupart  de  leurs  voisins,  surtout  avec  les  Toba,  ils  furent 
également  redoutables  pour  les  colons  de  Tucuman  et  des  provinces 
voisines  :  ils  rasèrent  plusieurs  villages,  détruisirent  des  plantations  et 
fermèrent  aux  blancs  les  passages  du  Chaco.  On  les  désignait  en  général 
sous  le  nom  d*Indios  Montaraces  ou  «  Indiens  des  Bois  ».  Leur  langue, 
c(  nasale  et  gutturale  »,  est  un  dialecte  de  l'abipon,  lui-môme  «  rameau 
de  la  grande  famille  caribe  »,  dit  Lafone  y  Quevedo,  qui  en  a  rédigé  la 
grammaire^.  Ainsi  cette  race  puissante  que  les  premiers  navigateurs  euro- 
péens trouvèrent  dans  les  Antilles,  et  dont  la  vraie  patrie  serait  le  Brésil 
central,  aurait  aussi  ses  représentants  au  pied  des  Andes  argentines. 

Au  sud  des  provinces  colonisées  dans  lesquelles  tout  élément  indigène 
est  devenu  indistinct,  les  régions  méridionales  de  la  pampa  et  toute  la 
Patagonie  appartenaient  encore  récemment  à  l'Indien  libre.  Pampas  ou 
«  Pampéens  »,  Araucans  et  Patagons,  tels  étaient  les  noms  collectifs 
donnés  à  ces  populations  peu  connues.  Après  les  premiers  conflits  d(»s 
Espagnols  avec  les  indigènes  qui  leur  barraient  la  route  du  Pérou,  les 

*  Amadeo  Baldrich,  Boletin  del  Instiiulo  Geogràfico  ArgenlinOj  tomo  X,  1889. 

•  Giovanni  Pelleschi,  Otto  mesi  nel  Gran  Ciaco. 
5  lievuta  del  Musco  de  La  Plata,  1890-91 . 


680  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

naturels  refoulés  vers  le  sud  restèrent  longtemps  en  paix  avec  les  blancs. 
Ils  ne  possédaient  ni  métaux  précieux  ni  produits  agricoles  d'une  grande 
valeur  :  on  les  laissa  tranquilles  dans  leurs  solitudes  d'herbes  ou  Ae 
rochers.  D'autre  part,  les  Indiens  avaient  reçu  des  nouveaux  venus  un  allÂé 
des  plus  utiles,  le  cheval  :  à  leur  gibier  ordinaire,  autruches,  huanaco'S, 
armadillos,  ils  ajoutaient  comme  nourriture  le  sang  et  la  chair  de      la 
jument.  Ils  savaient  apprécier  la  valeur  du  cheval  pour  les  transportas, 
la  vitesse  du  déplacement  pendant  la  guerre  :  peut-être  même  étaient— îls 
arrivés  à  dépasser  les  blancs  comme  hardis  cavaliers.  Pendant  leurs  voya^^ 
et  leurs  expéditions  guerrières,   les  Ranqueles,  Pampéens  du  voisinai  «^ 
de  Buenos  Aires,  ne  descendaient  jamais  de  leur  bête.  Quand  ils  étai^ni 
accablés  de  fatigue,  ils  s'étendaient  sur  l'animal  comme  sur  un  lit;  leocy 
servait  de  coussin  et  leurs  jambes  se  croisaient  sur  la  croupe  :  ils  dor- 
maient des  heures  entières  dans  celle  position  sans  que  la  conscience  de 
l'équilibre  les  abandonnât  un  instant.  Même  en  plein  délire  de  l'ivresse, 
l'Indien  restait  allongé  sur  sa  monture  sans  danger  de  chute  :  d'ailleurs 
le  cheval  était  assez  intelligent  pour  accorder  ses  mouvements  avec  c^ux 
du  corps  inerte  dont  il  était  chargé,  et,  marchant  avec  précaution,  se 
rapprochait  de  la  tente,  où  la  famille  le  débarrassait  du  fardeau.  Souvenl 
pendant  les  guerres  dp  frontières,   les  soldats  argentins  ont  capturé  des 
chevaux  sur  lesquels  se  tenaient  encore  des  cadavres  d'Indiens  embrassant 
de  leurs  mains  crispées  le  cou  de  l'animal \ 

Devenus  riches  en  chevaux  sauvages,  les  indigènes  de  la  pampa  et  des 
plateaux  palagoniens  apprirent  à  faire  le  commerce  avec  les  Chiliens  du 
versant  opposé;  ils  amenaient  des  convois  de  bêtes  à  travei*s  la  mon- 
tagne, demandant  en  échange  des  instruments  et  des  armes.  Quand  h 
ne  possédaient  pas  de  troupeaux  assez  nombreux,  ils  allaient  en  chercher 
chez  les  blancs,  prenant  des  animaux  à  ceux  qui  avaient  pris  la  terre.  D^ 
là  ces  incursions,  —  malon  ou  maloca,  —  que  les  colons  de  la  frontière 
redoutaient  à  bon  droit  et  qui  se  renouvelaient  chaque  année  pendant 
toute  la  première  moitié  de  ce  siècle,  sur  un  ou  plusieurs  points  du  froï^^ 
des  colonies  entre  Buenos  Aires  et  Mendoza.  Peu  à  peu  ces  expédili^*"^^ 
de  pillage  amenèrent  une  guerre  sans  merci  :  blancs  et  rouges  se  poursi^^' 
vaient  comme  gibier.  Dans  un  village,  dans  un  campement  surpris,  on  m^-^' 
sacrait  lous  les  hommes,  parfois  même  on  les  torturait;  les  femmes  avaie^^ 
la  vie  sauve  comme  esclaves  ou  concubines;  les  enfants  étaient  passés  ^•^ 
couteau,   à  moins  qu'il  ne  parût  utile  de  les  garder  comme  serviteu 

»  VV.  li.  liudson,  The  Naturalist  in  la  Plaia 


INDIENS  DE  LA  PAHPA.  681 

a  comme  recrues  futures.  Pour  amoindrir  le  danger  des  incureions 
ndiennes,  it  fallut  tracer  successivement  diverees  lignes  de  frontières, 
étendues  par  des  campements  et  des  forteresses.  A  la  fin  du  siècle  der- 
ier,  la  limite  du  territoire  de  colonisation  était  marquée   au   sud  de 


70*                                      Oi.Fatd'ii^r.a 

65- 

-^"ZS 

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70-                                 l\.s9t.  J=  r,ree"-K;l.                                      SS" 

[uenos  Aires  par  la  vallée  du  rio  Salado  et  se  prolongeait  vers  l'ouest,  à 
■eu  près  suivant  le  54*  degré  de  latitude,  jusqu'à  San  Rafaël,  au  pied 
les  Andes.  Mais  les  Indiens  profilèrent  de  la  guerre  d'Indépendance  entre 
espagnols  et  créoles  pour  franchir  la  frontière.  En  i833,  un  retour  offen- 
if  des  troupes  argentines  rejeta  les  Indiens  au  sud  du  rio  Ncgro,  dans  la 


682 


NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


Patagonic  proprement  dite,  et  plusieurs  tribus  implorèrent  la  paix.  Hais 
les  guerres  civiles  donnèrent  aux  Pampéens  un  nouveau  répit  et  leur 
permirent  même  de  renouveler  leurs  incursions  comme  alliés  de  Tun 
ou   Tautre   des  partis  en   lutte  :   c'est  ainsi  qu'ils  entrèrent  plusieurs 
fois  dans  la  ville  de  San  Luis  et  coupèrent  la  grande  route  du  Chili  entre 
Buenos  Aires  et  Mendoza. 

Le  retour  de  la  paix  intérieure  devait  avoir  pour  conséquence  de  refouler 
à  nouveau  les  Indiens  vers  le  sud,  d'autant  plus  que  ceux-ci  diminuaiesl 
rapidement  en  nombre,  à  mesure  que  croissaient  les  Argentins.  La  lig-vne 


K*  1^7.   —  LIGNES  DES  FORTS  CONTRE  LES  INDIENS. 


Uueat  Je  lan 


7b' 


Uuestde  breenwicn 


60' 


d  après  divers  documents 


C.  Pfîrro<'i 


I  :  17000  OCO 


— I 
600  kil. 


de  frontière,  gardée  par  des  fortins,  était  alors  fort  sinueuse  :  partant  du 
rio  Colorado,  au  sud  de  Bahia  Blanca  sur  l'Atlantique,  elle  se  dirigeait  ^^ 
nord  de  manière  à  couvrir  les  régions  cultivées  de  la  province  de  Bueï^^^ 
Aires,  puis,  de  poste  en  poste,  elle  gagnait  au  nord-ouest  la  ville  de  S^*^^ 
Luis,  qui  restait  presque  en  vue  des  plaines  menacées,  et  se  recourbait  ^" 
sud-ouest  vers  San  Rafaël  et  le  col  del  Planchon.  Cette  frontière  était  divî^^*^ 
en  neuf  secteurs,  défendus  chacun  au  centre  par  un  camp  fortifié  qu'oc^^^" 
pait  une  garnison  assez  nombreuse  pour  détacher  des  troupes  xolao*-^^ 
vers  tous  les  points  menacés.  Les  fortins  intermédiaires  surveillaient  J^ 
limite,  indiquée  même  en  certains  endroits  par  des  fossés  et  des  cheval' 
de  frise  :  à  la  moindre  alerte,  le  canon,  avertissant  et  répondant  de  V^^ 


PAMPÉENS  ET  PATAGONS.  685 

à  l'autre  poste,  désignait  le  point  attaqué  ;  souvent  les  Indiens  passaient, 
allant  saccager  quelque  ferme,  mais,  au  retour,  se  heurtaient  contre  l'en- 
nemi. Cependant  ils  ne  se  décourageaient  point,  et  chaque  année  faisaient 
de  nouvelles  tentatives.  En  4876,  un  mouvement  offensif  des  Argentins 
sur  tout  le  front  des  postes  reporta  la  ligne  plus  avant,  de  manière  à 
supprimer  ses  courbes  et  à  la  diminuer  notablement  en  longueur,  tout  en 
annexant  les  points  d'eau  et  les  régions  de  pâture  où  les  Indiens  prépa- 
raient leurs  expéditions.  Par  d'autres  opérations  militaires  ils  occupèrent 
successivement,  sur  le  versant  oriental  des  Andes,  les  chemins  suivis  de 
tout  temps  au  débouché  des  cols  dans  les  vallées  fertiles.  Cette  nouvelle 
chaîne  de  forts  rendait  toute  résistance,  tout  ravitaillement  impossibles 
aux  indigènes  :  il  ne  leur  restait  plus  qu'à  se  soumettre*.  Mais  combien 
sont-ils  encore?  Les  Pampéens  ont  péri;  les  Patagons,  c'est-à-dire  les 
indigènes  de  races  diverses  qui  peuplaient  la  longue  péninsule  de  Pata- 
gonie,  sont  aussi  en  voie  de  disparition.  On  les  évaluait  à  une  trentaine  de 
mille  avant  que  ne  commençât  la  colonisation  ;  actuellement  ils  ne  dépas- 
seraient pas  deux  mille  individus,  même  en  comptant  ceux  qui  vivent 
dans  le  voisinage  immédiat  et  la  dépendance  des  blancs. 

Le  classement  ethnique  et  géographique   des  diverses  tribus  du  sud 

argentin  n'a  donc  qu'un  intérêt  d'histoire.  Les  Ranqueles  ou  Ranqual- 

che  étaient  les  plus  rapprochés  des  colons  de  Buenos  Aires  ;  puis  venaient 

les  Puel-che  du  Colorado.  Plus  à  l'ouest,  dans  la  province  de  Mendoza, 

vivaient  des  Araucans,   les  Pehuen-che  ou  «  Gens  des  Araucarias  »,  les 

Huilli-che  ou  «  Gens  du  Sud  »  et  diverses  autres  peuplades  ou  «  che  »  : 

l^ayu-che,  Tami-che,  Pilma-che,  Teghul-che,  se  succédaient  le  long  de  la 

cubaine  des  Andes.  Les  Molu-che  parcouraient  les  régions  centrales,  tan- 

cîis  que  les  Tehuel-che,  c'est-à-dire  les  «  Gens  de  l'Est  »,  habitaient  le 

littoral  atlantique,  du  détroit  de  Magellan  au  rio  Chubut;  les  Ona  de  la 

I^'^uégie  sont  également  des  Tehucl-che.   Toutes    ces   peuplades  avaient 

Cionservé  un  langage  différent  et  les  traditions  d'une  origine  distincte. 

Les  Tehuel-che  descendent  probablement  des  Patagons  décrits  par  Piga- 
fetta.  Ce  sont  encore  les  plus  nombreux  et  ils  maintiennent  leur  cohésion 
c^mme  tribu  distincte.  Le  nom  de  Patagones  ou  «  Pattus  »  que  Magellan 
leur  donna,  est  un  terme  malheureux,  car  ces  hommes  de  si  grande  taille 
ont  les  pieds  petits,  soit  en  moyenne  de  27  centimètres  pour  une  stature 
cJe  1  mètre  90,  et  chez  la  femme  de  26  centimètres  pour  une  taille  à 


*  Estanislao  Zeballos,  La  Conquista  de  Quince  Mil  Léguas  ;  —  Benj.  V.  Markenne,  La  Conquista 
del  Rio  Negro;  —  Olascoaga,  La  conquête  de  la  Pampa ^  Irad.  par  Simonnet. 


C8i  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

peine  inférieure*.  Lorsqu'il  fait  très  froid,  les  Paiagons  meilcnt  volontiers 
par-dessus  leurs  bottes  des  guêtres  en  peau  de  huanaco;  probablemeDt 
celte  double  cbaussure  donna  naissance  à  la  légende  des  grands  pieds*: 
du  reste,  Pigafetta,  le  compagnon  de  Magellan,  semble  le  d\ve  :  «  I^  peau 
du  buanaco  donnait  l\  leurs  pieds  l'apparence  de  pattes  d*ours  ».  Mais 
les  premiei's  voyageurs  ne  se  sont  point  trompés  en  parlant  de  h 
haute  taille  de  ces  Indiens,  quoiqu'ils  l'aient  singulièrement  exagérée  :  ces 
géants  de  «  dix  ou  douze  pieds  »  qu'auraient  vus  Byron  et  Sannieiito 
n'étaient  probablement  pas  plus  grands  que  les  Patagons  de  nos  joua 
A  Carmen  de  Palagones,  où  les  Tehuel-che,  déjà  croisés  avec  des  Pam- 
péens,  n'atteignent  pas  la  stature  normale  de  leur  race,  d'Orbigny  conslati 
que  les  hommes  avaient  en  moyenne  1  mètœ  73.  Depuis  cette  époque, 
pres(jue  tous  les  voyageurs  qui  ont  parcouru  le  pays  ou  seulement  visité 
son  littoral  ont  également  soumis  les  Patagons  a  des  mensurations  r^ 
lieres,  et  les  chiffres  comparés  prouvent  que  les  Indiens  purs  de  l'inté- 
rieur sont  les  plus  grands  :  1  mètre  95  dans  la  vallée  du  haut  rio 
Chico.  Les  femmes  ont  aussi  la  taille  très  élevée,  et  la  robe  en  peau 
de  huaniico  qui  constitue  le  vêtement  ordinaire  des  Patagons  contribue  à 
leur  donner  un  aspect  majestueux.  Les  Tehuel-che  sont  également  remar- 
quables par  la  largeur  des  épaules,  la  beauté  des  muscles  pectoraux,  la 
vigueur  des  membres,  la  noble  attitude  du  corps.  Ils  ont  les  yeux  petits, 
le  nez  court,  la  ligure  ronde,  la  physionomie  ordinairement  sympathique^ 
En  général,  leur  crAne  est  arrondi  ;  dans  les  tombeaux  anciens  explorés 
par  Moreno,  les  s(juelettes  de  cette  race  offrent  en  majorité  des  têtes 
déformées  par  une  com[)ression  artificielle.  Le  travail  incombe  surtout 
aux  jeunes  filles,  les  matrones  se  faisant  servir  et  passant  quelquefois  des 
journées  entières  sous  la  tente,  mollem(»nt  étendues  et  gsirdées  par  des 
CHScoSj  chiens  qui  ja[)penl  pour  les  avertir  de  l'approche  des  visiteui's. 

La  langue  tehuel-che  est  très  dure,  gutturale,  et  fort  difficile  à  repro- 
duire par  des  lettres  européennes,  ainsi  que  le  prouvent  les  différences 
extraordinaires  présentées  par  les  recueils  de  mots  dus  aux  voyageurs; 
elle  change  aussi  très  vite  par  l'obligation  que  les  mœurs  imposent  aux 
amis  d'un  Teliuel-che  défunt  d'abandonner  les  termes  qui  rappelaient  son 
nom  et  a  les  remplacer  par  des  expressions  nouvelles.  Les  trois  dia- 
lectes patagoniens,  tehuel-che,  araucan  et  pampéen,  diffèrent  tellement, 
que  les  frères  de  race  n'arrivent  pas  à  se  comprendre;  cependant  les  uns 

*  Luis  Jorj,'o  Fontana,  El  Gran  Chaco, 

*  F.  Mîiilioii,  ïtibliothèquc  Universelle,  ocloLre  1893. 
'  Floivnco  Dixio,  Across  Patagonia. 


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TEHUEL-GHE.  C87 

et  les  auti'es  possèdent  un  système  de  numération  décimale,  simple  et  très 
complet,  parfaitement  identique  dans  les  divers  langages.  Ce  trait  rattache 
le  parler  des  Patagons  aux  langues  de  souche  péruvienne.  Ne  faut-il  pas 
en  attribuer  la  cause  à  Tinfluence  civilisatrice  que  les  Quichua  exerçaient 
jadis  bien  au  delà  des  frontières  politiques  de  l'empire  Inca'?  Du  reste,  ils 
n'ont  point  de  traditions  historiques  :  ils  ne  peuvent  s'imaginer  que  leurs 
ancêtres  aient  vécu  sans  chevaux. 

La  guerre  a  contribué  pour  une  grande  part  à  l'amoindrissement  des 
Patagons,  quoiqu'ils  se  soient  presque  toujours  maintenus  en  dehors  des 
luttes  qui  ont  amené  l'extermination  des  Pampéens;  parfaitement  soumis 
depuis  plusieurs  années,  ils  sont  même  censés  chrétiens  et  se  font  bap- 
tiser. Malgré  leur  force  apparente,  les  maladies  les  déciment  ;  les  sources 
mêmes  de  la  vie  semblent  atteintes.  Ils  sont  d'ordinaire  très  sobres,  et 
quand  on  leur  confie  un  message,  ils  chevauchent  quelquefois  deux  et 
même  trois  jours  sans  manger*  ;  mais  dans  les  fêtes  ils  boivent  sans  mesure; 
l'ivrognerie  complète  l'œuvre  commencée  par  les  balles  des  Argentins. 
Quand  arrive  la  saison  des  pommes  et  baies  sauvages  et  que  les  Indiens 
Auca-che,  qui  vendent  l'eau-de-vie  chilienne,  ont  fait  leur  tournée  dans 
les  campements,  on  ne  songe  qu'aux  buveries.  Sous  prétexte  de  se  concilier 
les  faveurs  des  «  bons  esprits  »,   on  donne  à  boire  et  à   manger  aux 
pierres  sacrées,  on  verse  de  la  boisson  sur  les  victimes,  taureaux,  juments, 
poulains  et  brebis  ;  mais  on  a  bientôt  oublié  les  génies  d'en  haut,  et  l'orgie 
se  déchaîne;  elle  dure  parfois  des  semaines  entières.  Alors  les  étrangers 
ont  de  sérieux  dangers  à  courir  s'ils  se  présentent  devant  ces  gens  en 
délire,  qui,  pour  un  mot,  saisissent  leurs  armes;  souvent  aussi  ils  se  sont 
rués  sur  des  femmes  pour  les  brûler  comme  sorcières'.  Dans  la  plupart 
des  tribus,  les  épouses  prudentes  ramassent  avant  la  fête  tous  les  instru- 
ments dangereux,  couteaux,  épieux,  lazos,  massues,  et  les  cachent  dans 
quelque  ravin  écarté,  où  elles  se  réfugient  avec  les  enfants. 

Les  Indiens  de  la  Patagonie  périssent  pour  la  plupart  sans  passer  par 
la  période  de  servitude  :  ce  sont  encore  les  hommes  fiers,  parcourant 
librement  les  solitudes,  de  la  montagne  à  la  mer  et  du  nord  au  midi.  Ils 
portent  la  chevelure  touffue,  soutenue  par  un  large  bandeau,  semblable  à 
3elui  qui,  après  la  naissance,  leur  avait  comprimé  le  crâne.  Ils  s'épilenl 
soigneusement  la  barbe  et  se  servaient  naguère  a  cet  effet  de  petites  pinces 
en  argent,  identiques  à  celles  qu'on  a  trouvées  dans  les  anciens  tombeaux 

*  Francisco  P.  Moreno;  —  Carlos  V.  Burmeisler,  Revisla  del  Museo  de  La  Plata,  tomo  III,  1891. 

*  Cârios  V.  Burmeister,  mémoire  cité. 

5  Musters,  At  Home  wiih  the  Patagonians 


I  I 


L.^:  «ti«»;BAPHIE  UNIVERSELLE. 


m   ^a  m.  ^  hWorniE. 


»iuiiEu"T.i  :  ierenus  pauvres  maintenant,  ils  emploienl 
iiiDiLr-  -ît^eaoi,  avec  les({uels  ils  rasent  leurs  sour- 
cils*. La  guerre  leur  étant  in- 
terdite, ils  ne  portent  plus  de 
lance,  ni  la  cuirasse  en  pe^iu 
de  vache  garnie  de  métal; 
leur  seule  arme  est  la  bola 
perdida  ou  la  <«  boule  per- 
due »,  qu'ils  recouvrent  de 
cuir  et  tiennent  attachée  au- 
tour de  leur  taille\  Quelques 
Patagons  ont  encore  des  clo- 
chettes d'argent  à  la  ceinture; 
tous  se  peignent  en  rouge,  en 
blanc,  en  bleu  noir,  à  la 
fois  par  coquetterie  et  pour 
se  protéger  contre  l'aclion 
du  vent  et  des  moustiques. 
Leur  seul  instrument  de  mu- 
sique est  une  sorte  de  flûte 
fîiitc  d'un  os  de  huanaco. 
L'ancien  culte  se  maintient 
sous  le  masque  moderne  d'in- 
diflërence  :  le  soleil,  la  lune 
représentent  toujours  des  gé- 
nies favorables;  des  influences 
funestes  se  dégageraient  de 
certains  animaux,  tels  que  le 
lézard,  et  Ton  n'a  pas  encore 
cessé  de  le  conjurer  par  le 
sacrifice  d'êtres  vivants,  sur- 
tout de  chevaux*  :  c'est  |)ro- 
bablement  aussi  par  crainte 
niak*lkvque  plusieui-s  tribus  tehuel-che  ne  mangent  point  de 
.  lemines  cachent  des  figurines,  qui  sont  probablement  de> 


C.  Perron 


800  kJl- 


•ïi«|i» 


V  Tiaje  d  la  Paiagonia  Austral. 


*Twr. 


^^^  lOf  J^^  in  Paiagottia. 


TEHUEL-CHE.  689 

amulettes  ou  des  lares,  et  des  sorciers  médecins  continuent  d'exorciser  les 
maladies,  d'appeler  ou  de  chasser  les  démons. 

Une  antique  croyance,  appuyée  sur  mainte  aventure  interprétée  au  gré  de 
ces  magiciens,  —  désignés  sous  le  nom  de  payéy  bien  peu  différent  de 
Tappellation  usitée  dans  l'Amazonie  et  les  Guyanes,  — donne  pour  demeure 
aux  démons  ou  g^ialichû  le  corps  des  vieilles  femmes  :  aussi  chcaun 
a  le  droit  de  tuer  les  matrones  âgées,  et  naguère  ce  droit  s'exerçait  très 
souvent.  Afin  de  conjurer  ce  péril,  la  plupart  des  vieilles  essayaient  de 
rendre  des  services  comme  diseuses  de  bonne  aventure;  mais  malheur 
h  elles  si  leurs  prophéties  occasionnaient  quelque  événement  fâcheux  !  En 
certains  cas  même,  la  coutume  forçait  le  Tehuel-che  à  sacrifier  une  aïeule,  ^ 
esclave  ou  maîtresse;  quand  une  personne  jeune  mourait  dans  la  lente  ou 
toldo,  le  chef  de  famille  devait  entraîner  en  secret,  loin  de  la  demeure, 
la  victime  désignée  et  la  dépêcher  d'un  coup  de  couteau.  Ce  devoir  était 
commandé  surtout  quand  il  s'agissait  des  belles-mères.  Aussi,  en  prévi- 
sion d'un  meurtre  possible,  les  parents  de  l'épousée  prenaient  grand  soin 
de  vivre  à  part  du  gendre,  ne  le  touchaient  jamais,  ne  s'entretenaient 
point  avec  lui.  On  sait  que  chez  les  Papoua,  les  Australiens  et  les  Cafres 
de  l'Afrique  méridionale  se  retrouvait  la  même  coutume  :  quand  la  belle- 
mère  apercevait  de  loin  son  gendre,  ou  le  gendre  sa  belle-mère,  l'un  ou 
l'autre  se  cachait  dans  les  broussailles.  Les  orphelins  sont  les  pupilles  de 
toute  la  tribu  et  l'on  gère  leurs  biens  avec  un  dévouement  parfait.  Souvent 
les  époux  qui  n'ont  pas  d'enfant  adoptent  solennellement  un  petit  chien 
et  lui  constituent  un  douaire  de  chevaux  comme  ils  l'eussent  fait  pour 
leur  fils*. 

Les  mariages,  —  toujours  librement  consentis  sans  intervention  des 
parents,  —  sont,  comme  les  enterrements,  prétextes  à  sacrifices  :  on  abat 
alors  plusieurs  juments  et  on  en  boit  le  sang  au  sortir  de  la  blessure;  mais 
les  sacrifices  humains  ne  se  font  plus  dans  la  génération  contempo- 
raine. L'homme  en  deuil  de  sa  femme  brûle  tout  ce  qu'il  possède*. 
On  enterre  les  morts,  cousus  en  un  poncho,  soit  dans  la  fissure  d'une 
caverne,  soit  sous  une  pyramide  de  pierres,  cairn  semblable  à  celui  des 
chefs  gaulois.  Les  morts  sont  toujours  assis,  comme  autrefois  les  momies 
péruviennes  et  comme  les  corps  des  habitants  préhistoriques  de  la  Pata- 
gonie*.  Encore  vers  1860  les  Puel-che  cousaient  les  cadavres  dans  un  sac 
de  cuir  frais;    lorsque  le    mourant  était    un   vieillard,    on    n'attendait 

*  Bail,  Notes  of  a  Naturalist, 

■  Musters,  ouvrage  cité. 

'  Francisco  P.  Moreno,  Bulletin  de  la  Société  d'Anthropologie ^  janvier  !883. 

xix.  87 


■é 


«ilO  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  TSIVERSELLE. 

point  sa  mort,  dans  la  crainlc  (]ul'  In  mitleiir  des  articulations  m*  rendil 
l'opération  impossible.  Une  vieille  femme,  chargée  de  rensevclisscmesl, 
s'asseyait  sur  la  poitrine  du  mallieureus,  ramenait  de  force  les  jamiies  sur 
le  tronc,  au  risiine  de  les  briser,  |Miis  nltuchait  les  matns  sur  les  tibias. 
1,0  paquet,  dûment  ficelé,  était  ensuite  exposé  au  soleil,  puis,  suffisam- 
ment racorni,  enfoui  sous  le  sable  de  la  dune.  Telle  était  la  force  de  la 
tmdilion,  transformée  en  devoir  pions,  iiuo,  pour  ensevelir  les  morts  sui- 
vant les  formes  voulues,  on  les  tuait  en  leur  brisant  les  os'. 

Récemment  l'Argentin  des  campagnes,  «  fils  du  pays  »  et  certainemciil 
descendant  par  les  femmes  des  aborigènes  américains,  ne  différait  guhv 
par  les  mœui"s  de  l'Indien  qu'il  avait  combattu.  Même  physiquement,  il  lui 
ressemblait  par  la  haute  taille,  la  vigueurdes  membres,  le  teint  histi-é,  les 
traits  forts,  les  cheveux  noirs  et  dui's.  L'habitude  dti  cheval  avait  fini  par 
lui  arquer  les  jambes,  par  lui  faire  tourner  les  pieds  en  dedans  :  il  se 
Itiilani-ait    lourdement  en  marchant.  Araucan  par    le   genre  de    vie,  le 
ifaucho  était,  comme  le  sauvage,  intrépide,  d'une  prodigieuse  endurance, 
indifférent  à  la  mort  ;   il  méprisait  le  travail  physique,  le  laissant  volon- 
tiers aux  femmes;  s'il  consentait  h  faire  quelque  labeur,  il  s'y  prenait 
il'une  façon  fière  et  méprisante,  comme  il  convient  h  un  gentilhomme;  i\ 
s'arrangeait  même  h  faire  travailler  son  cheval  à  sa  place  :  il  utilisait 
l'animal  pour  fouler  le  grain,  pétrir  l'argile,  baratter  le  beurre;  le  cheval, 
l,khé  dans  l'aire,   sé|ïarail  le  hié  de  la  paille,  mêlait  la  terre  et  l'eat»', 
^nus  le  choc  répété  de  ses  sabots,  faisait  cailler  le  lail  en  traînant  l'outre^ 
rebondissante.  Sale,  habitant  une  case  sordide,  le  gaucho  aimait  à  faire 
admirer  des  étrangers  la   richesse  de  son  costume,  mante  en  laine  d<? 
huanaco,    pantalon   brodé,  bottes    fines  avec   éperons  d'argent,  chapeau 
emplumé;  non  moins  superbement  harnaché  était  son  cheval,  dont  jwur— 
ant  il  n'avait  pas  fait  son  ami,  et  qu'il  allait  peut-être  perdre  un  instant 
après,  sur  quelques  coups  de  dés;  les  combats  de  coqs,  les  courses,  le& 
orgies  de  cabaret  et  la  guerre,  telles  étaient  ses  passions.  Aussi,  dans  la 
lutte  pour  l'existence,  est-il  graduellement  évincé.  De  même  qu'il  refoula 
l'indien,  le  gringo,  — c'csI-Ji-dirc  l'immigrant  qui  parle  «  grec  »  (griego)  - 
—  le  li'availleur  élranger  le  refoule  à  son  tour.  Les  derniers  purs  gauchr»?^ 
luieiil  les /,/«Hrï(fls  lie  la  Ilioja,  d'aimid  clienls  di'  deux  grandes  familles* 
l'nnemics,  puis,  dui-nit    les   guerres  civiles  de   l'Argenline.  Ions  groupés 
autour  d'un    terrible  chef.  Tacundo  Ouii-oga.  cl  braiidissimt   leur  drapeau 
redouté  :  ■- Iteligion  .m  Mort  !  >- 


,  I 

=   -à. 

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POPULATIONS  DE  L'ARGENTINE.  695 

Déjà,  lors  des  premières  migrations,  les  envahisseurs  blancs  des  régions 
platéennes  étaient  de  race  fort  mélangée,  et  maintenant  les  croisements 
augmentent  plus  qu'en  tout  autre  pays.  Certains  mots  arabes  qu'a  perdus 
l'espagnol  se  retrouvent  dans  le  langage  des  Argentins  et  se  rapportent 
pour  la  plupart  à  la  vie  du  désert  :  par  exemple  jaguel  (puits  sans  margelle) 
et  guadal  (fondrière).  Quelques  noms  de  famille  dispainies,  tel  que  celui 
des  Albarracin,  qui  n'existe  plus  en    Espagne,  se  retrouvent  dans  les 
plaines  de  l'Argentine.  Il  est  probable  qu'aux  temps  de  la  colonisation  pre- 
mière, les  chrétiens  convertis  de  race  mauresque,  fuyant  les  espions  des 
inquisiteurs,   émigrèrent  en   plus    grand   nombre  que  les  chrétiens  de 
vieille  souche*.  Quoi  qu'il  en  soit,    tout  élément  d'origine  étrangère  h 
l'Espagne,  à  l'exception   des  nègres  esclaves  achetés  aux  traitants,  fut 
strictement  exclu  avant  la  guerre  d'indépendance,  et  c'est  en  1821  seule- 
ment que  le   gouvernement  argentin    commença   de   favoriser  l'immi- 
gration :  un  traité  avec  l'Angleterre,  conclu  en  1825,  proclama  formel- 
lement la  libre  admission  des  Européens  non  castillans. 

Les  premiers  qui  en  profitèrent  furent  les  Basques,  ceux  des  Basses- 
Pyrénées  françaises,  aussi  bien  que  ceux  des  provinces  Vascongades  et  de  la 
Navarre.  A  Montevideo,  à  Buenos  Aires  et  dans  toutes  les  villes  de  l'inté- 
rieur situées  sur  les  bords  de  l'Uruguay  et  du  Parana,  les  Basques  s'em- 
ployèrent au  chargement  des  navires,  au  jardinage,  à  la  fabrication  des 
briques,  à  la  surveillance  des  estanciaSj  au  service  des  abattoirs,  à  la  salai- 
son des  peaux,  h  tous  les  travaux  qui  demandent  de  l'adresse,  de  la  force 
et  de  la  persévérance.  En  maints  endroits  de  l'Argentine,  ils  s'étaient 
groupés  en  colonies  assez  compactes  pour  maintenir  l'usage  de  leur  langue; 
mais  l'activité  industrielle  du  nouveau  milieu  a  trop  d'intensité  et  la  popu- 
lation argentine  est  trop  mêlée  pour  qu'ils  n'aient  pas  été  entraînés  rapi- 
dement en  dehors  des  coutumes  antérieures  et  ne  soient  pas  devenus 
Argentins  par  les  mœurs  et  le  langage  :  du  moins  ont-ils  conservé  leur 
jeu  national  de  la  paume.  La  multitude  des  noms  de  famille  euskara  que 
l'on  rencontre  dans  toutes  les  parties  de  l'Argentine,  plus  encore  que  dans 
les  autres  républiques  hispano-américaines,  témoigne  de  l'importance 
prise  par  cet  élément  ethnique  dans  la  formation  du  peuple  argentin. 
Même  des  chefs  indiens  portent  des  noms  basques  :  la  légende  raconte 
encore  les  hauts  faits  du  pampéen  Baigorrita. 

Les  progrès  de  l'Argentine  se  mesurent  à  ceux  de  l'immigration.  Pas 
une  nation,  pas  une  race  d'Europe  qui  n'ait  ses  représentants  dans  la  vaste 

*  Alfred  Ebelot,  Revue  de*  Deux  Mondes,  15  décembre  1877. 


694  NOUVELLE  GËOGRÂ   HIE  UNIVERSELLE. 

Babel  du  Nouveau  Monde.  Français,  Anglais,  Allemands  se  sont  rendus 
surtout  dans  les  gi*andes  villes  pour  y  diriger  Tindustrie  et  prendre  pari 
aux  spéculations  diverses;  les  Italiens  se  sont  emparés  de  la  navigation 
fluviale  et,  se  pressant  en  foules  de  plus  en  plus  nombreuses,  se  poussenl 
aux  premiers  rangs  dans  toutes  les  branches  de  l'activité  nationale;  les 
Irlandais,  —  courant  d'immigration  maintenant  presque  tari,  —  débar- 
quèrent jadis  par  milliers  et  se  mêlèrent  plus  intimement  que  les  Anglais  à 
la  population  par  le  travail  dans  les  champs  et  dans  les  chantiers.  Les 
colonies  agricoles  de  Santa  Fé  ont  été  fondées  principalement  par  des 
Suisses,  des  Allemands,  des  Français,  tandis  que  dans  l'Entre-Rios,  sur  les 
rives  du  Parana,  la  majorité  des  cultivateurs  se  compose  de  Russes  et  de 
Germains  russifiés.  Les  Gallois  se  sont  groupés  à  part,  sur  les  bords  du 
rio  Chubut.  Les  Australiens  eux-mêmes  sont  entraînés  par  le  vertige  de 
l'émigration,  et,  poursuivant  vers  Test  le  voyage  de  circumnavigation 
commencé  par  leurs  ancêtres,  quittent  leur  continent,  qui  ofire  pourtant 
de  si  grands  avantages  aux  colons,  et  vont  s'établir  dans  la  république 
Argentine.  En  1893,  des  centaines  d'Australiens  ont  obtenu  des  conces- 
sions sur  les  bords  du  rio  Negro.  Enfin,  depuis  1891,  des  milliers  de 
Juifs,  expulsés  ou  réfugiés  de  Russie,  émigrés  de  Syrie  et  de  Palestine, 
ont  trouvé  un  asile  sur  les  terres  argentines,  sans  se  mêler  encore  aux 
autres  éléments  de  la  population.  Les  Chiliens  émigrent  en  masse  dans 
les  provinces  occidentales,  dites  de  Cuyo,  et  peuplent  les  nouveaux  terri- 
toires andins.  Enflu,  Boliviens,  Paraguayens,  Brésiliens  entrent  pour  une 
part  considérable  dans  les  communautés  septentrionales  et  orientales. 
On  ne  retrouve  que  rarement  en  Argentine  des  types  indiquant  par  les 
traits  et  la  nuance  de  la  peau  la  persistance  du  sang  africain.  En  1778, 
les  hommes  de  couleur  représentaient  environ  le  tiers  de  la  population. 


VIII 

La  république  Argentine,  pays  de  peuplement  rapide  et  de  grand  com- 
merce, se  distingue,  comme  l'Australie  et  les  États-Unis  du  Nord,  par  une 
forte  prépondéi'ance  des  agglomérations  urbaines  et  par  la  concentration 
des  habitants  dans  les  capitales.  Le  chef-lieu  des  régions  platéennes  con- 
tient plus  du  huitième  de  la  population  du  pays  entier;  mais,  loin  des  port^^ 
d'arrivée,  de  vastes  territoires  dans  l'intérieur  sont  encore  presque  déserts. 

Dans  le  territoire  des  «  Missions  »  argentines,  les  anciennes  réductions 
des  Indiens  convertis  se  sont  transformées  en  villages  de  travailleurs  aux 


POPULATIONS,  VILLES  DE  L*ARGENTINE.  695 

maisonnettes  éparses,  et  la  plupart  des  églises  ruinées  ont  servi  à  la  con- 
$»truction  d'édifices  modernes.  Au  passage  des  rivières  on  utilise  encore 
les  pavés  que  les  missionnaires  avaient  fait  établir  sur  le  lit  fluvial  pour 
Faciliter  la  traction  des  charrettes.  Des  Brésiliens,  qui  sont  numériquement 
les  principaux  colons  de  la  contrée,  ont  établi  des  usines  à  sucre  et  des 
moulins  pour  la  préparation  du  manioc  et  du  maté.  Sur  la  rive  droite  de 
rUruguay,  le  bourg  de  Concepcion,  où  récemment  encore  les  ruines  des 
missions  couvraient  un  espace  de  56  hectares  planté  de  palmiers  et 
d'orangers,  est  devenu  un  centre  agricole  actif,  et  des  champs  de  tabac 
«  noir  »  l'entourent  d'une  large  ceinture.  Plus  loin,  toujours  sur  la  rive 
argentine,  une  autre  fondation  des  Jésuites,  le  village  de  Santo  Tome, 
exporte  beaucoup  de  riz.  San  Martin,  la  Yapeyû  des  Guarani,  où  naquit 
le  héros  de  l'indépendance  qui  porte  ce  nom,  n'est  plus  qu'un  hameau  : 
ce  fut  pendant  quelques  années  le  chef-lieu  des  Missions,  la  «  Rome  » 
de  la  grande  république  Chrétienne. 

Libres  —  Paso  de  los  Libres,   l'ancienne   Restauracion,  —  où  les 
«  hommes  libres  »  qui  allaient  affranchir  leur  pays  de  la  tyrannie  de 
Rosas  traversèrent  iC  fleuve,  ne  formerait  qu'une  seule  ville  avec  celle 
d'Uruguayana,  sur  la  rive  opposée  de  l'Uruguay,  si  l'une  et  l'autre  n'ap- 
partenaient à  des  États  distincts,  et  si  les  deux  douanes,  les  deux  garni- 
sons ne  se  surveillaient  jalousement  :  près  de  là,  sur  territoire  argentin  et 
plus  au  sud,  se  trouve  l'ancienne  mission  de  Santa  Ana  où  Aimé  Bonpland 
passa  les  vingt  dernières  années  de  sa  vie,  dans  une  riche  campagne  dont 
il  avait  fait  un  jardin  d'acclimatation  :  il  y  mourut  en  1857.  Plus  bas, 
la  ville  uruguayenne  de  Santa  Rosa  a  pour  cité  jumelle,  sur  la  rive  argen- 
tine, Monte  Caseros,  important  marché  de  bétail  pour  les  acheteurs  bré- 
siliens. Le  voisinage  de  deux  États,  le  Brésil  et  l'Uruguay,  en  fait  aussi  un 
poste  stratégique.  En  cet  endroit,  le  chemin  de  fer  construit  sur  la  rive 
occidentale  de  l'Uruguay  projette  au  nord-ouest  un  embranchement  qui 
doit  atteindre  bientôt  Corrientes,  la  capitale  de  l'État  de  même  nom,  en  pas- 
sant par  Mercedes,  le  chef-lieu  des  campagnes  riveraines  de  la  lagune  Ibera. 
Au  sud,  le  long  du  fleuve,  on  voit  se  succéder  quelques  villettes  mo- 
dernes, Mocoreta,  Libertad,  fondée  par  des  paysans  tiroliens,  Federacion, 
Goncordia.  Cette  dernière  fait  face  à  la  ville  uruguayenne  de  Salto,  beau- 
coup plus  populeuse,   Tune  des  fortes  agglomérations  urbaines  de  l'Ar- 
gentine et  l'un  de  ses  ports  les  plus  animés.  Cependant  les  grands  bateaux 
à  vapeur  ne  peuvent  y  remonter  que  lors  des  hautes  crues.  Le  port  de 
Colon,  situé  à  plus  d'une  centaine  de  kilomètres  au  sud,  sur  la  même 
rive,  ne  présente  pas  non  plus  un  accès  fiicile  pendant  les  basses  eaux. 


iNOrVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELIE. 
iMiiiilf'i'  i'!i  IS05,  c(>llp  csciile  l'îiit  fiiro  :i  la  l'ifé  uruguayenne  de  PîiysanHiî. 
et  sert  d'embareadi-R'  à  la  colonie  iigricole  de  Snn  José,  qui  fut  le  \miai 
(le  d/'pnrt  de  la  révolulinn  pacifique  nccomplie  dan»  la  mésopolaniie  argen- 
tine par  l'arrivtV  des  laboureui-s  d'Kumpe.  San  José,  établie  on  1857  par 
des  Suisses  et  des  Savoyards  sur  un  coin  de  l'immense  domaine  aixaparé 
par  Urqniza,  le  potentat  de  l'Enlre-Rios,  a  magnifiquement  prospéré,  cl 
de  cette  ><  ruche-m&rc  »  sont  sortis  de  nombreux  essaims,  qui  ont  \tm 
i  ]ieu  trunstormé  l'aspect  de  la  contrée.  La  première  culture  fut  celle 
du  froment,  que  l'on  remplace  gniduellemenl  par  des  arbi-es  fruitiei-s  et 
par  des  vignobles,  qui  donnent  en  abondance  un  vin  grossier,  mais  infi- 
niment préférable  aux  horribles  mixtures  vendues  dans  l'Argentine  som 
le  nom  de  »  bordeaux  ».  On  ^'adonne  aussi  dans  la  colonie  de  San  José 
à  l'éliive  des  poules,  prolifiques  pondeuses  sous  cet  heureux  climat*- 

Les  navires  calant  plus  de  6  mètres  s'arrêtent,  en  aval  de  Colon,  au 
débarciidèrt-  de  Concepcion  del  Uruguay.  La  ci-devant  capitiile  de  la  pro- 
vince est  située  à  quelque  distance  de  la  rive,  sur  un  bras  latéral  du 
fleuve;  mais  les  trains  du  chemin  de  fer  travers  entia  coulée  et  l'île  inter- 
médiaire, pour  s'avancer  jusque  dans  le  lit  principal  par  une  large  jetée, 
où  viennent  accoster  les  bateaux  chargeurs  de  bétail,  A  l'ouest  de  (x>n- 
cepcion,  près  d'un  palais  enlouré  de  jardins  cl  de  vergers  qui  fut  la  rési- 
dence d'Urquiza,  se  trouve  une  des  plus  riches  «  colonies  filles  »  de  San 
José,  appelée  Caseros  en  souvenir  de  la  victoire  gagnée  en  1852  par 
l'ancien  propriétaire  de  la  contrée. 

Gualeguaychù  est  bâtie  sur  la  rive  droite  d'une  rivière  de  ce  nom,  dont 
les  eaux  lentes  arrivent  de  l'intérieur  d'Entre-Rios.  Le  port  n'a  pas  une 
grande  profondeur  d'eau,  mais  de  nombreuses  goélettes  viennent  y  charger 
des  denrées  agricoles,  surtout  du  l>étail,  des  viandes  et  des  cuirs  :  les 
habitants  ont  ])our  industrie  l'abalage  des  bœufs,  comme  les  résidents  de 
Fray  Bentos.  la  ville  uruguayenne  la  plus  iupprochéc.  De  vastes  pâtu- 
rages s'étendent  entre  l'Uruguay  et  le  Paranâ,  au  nord  de  la  région  maré- 
cageuse où  se  ramifient  les  coulées  en  un  dédale  connu  des  seuls  chas- 
seui-s  et  coupeurs  de  Imis.  Fondée  à  la  lin  du  dix-huitième  siècle,  sur  le 
premici'  tenain  ferme  qui  de  ce  côté  du  Paranâ  se  présente  en  amont  de 
ItneiKis  Ailes,  Gnaiegnaychû  est  devenue  le  troisième  port  de  la  llépubli- 
i|ni'  cl  la  cilé  la  plus  [lopulcuse  et  la  plus  riche  de  la  province  d'HiiIre- 
Itios';  clic  a  de  beaucoup  dépassé  snn  ancienne  livale  Gualeguay,  (jui   -.e 

'   Allais  IViiol,  l'ii/'  rkite  ou.r  colonie»  lie  la  République  Aiijcnline. 
•  J|..uvciuriil  il,-  ,Vli;m-.-s  ;. Ciwl.-jjiiiivchù  en  iiiovoimo  :  1;.  000  000  francs. 
«  (Ir  kl  ]tUMj,-;>(ii)ii  l'ii  mVii:  5-iO  OUO  intinc-. 


G.UALEGUAYCHÛ,  POSADAS,  CORRIENTES.  697 

•ouve  à  une  centaine  de  kilomètres  plus  à  l'ouest,  sur  la  rivière  du  même 
om.  Un  chemin  de  fer  rattache  Gualeguay  à  Tala,  station  centrale  de  la 
rovince,  et  à  Villaguay,  entourée  de  colonies  très  laborieuses  où  prédo- 
linent  les  Belges.  Un  embranchement  relie  Nogoya,  centre  d'estancias  à 
étail,  au  port  de  Victoria,  situé  sur  un  des  bayous  latéraux  du  Parana. 

Sur  le  Parana,  en  amont  de  Corrientes,  les  bourgs  argentins  sont  pour 
I  plupart  des  villages  que  fondèrent  les  missionnaires.  Candelaria  fut 
endant  un  temps  la  résidence  des  directeurs  jésuites.  Posadas,  un  do 
îurs  établissements,  a  succédé  à  Yapeyù  comme  capitale  du  toiritoire, 
ésormais  civil,  des  Missions.  On  lui  donna  jadis  le  nom  dltapua,  comme 

la  ville  d'oulre-fleuve  située  sur  la  rive  paraguayenne  :  un  bac  li  vapeur 
a  et  vient  de  l'un  à  l'autre  bord.  Posadas,  qui  fut  à  partir  de  1822  et  jus- 
u'à  la  mort  de  Francia,  la  seule  porte  d'entrée  du  trafic  paraguayen  avec 
Argentine,  a  développé  son  commerce,  bien  qu'elle  n'en  ait  plus  le 
lonopole;  les  bateaux  à  vapeur  du  Parand  y  ont  leur  escale,  la  plus 
nimée  en  amont  des  rapides  d'Apipé  et  de  Yacireta;  là  se  trouvera 
ientôt  la  principale  station  intermédiaire  sur  la  voie  ferrée  d'Asuncion 
u  rio  de  la  Plata.  Presque  toutes  les  stations  qui  se  succèdent  jusqu'au 
influent  du  Paraguay  rappellent  des  faits  de  guerre  ou  de  brigandage. 
a  trafiquera  ou  «  tranchée  »  de  San  Miguel,  et  plus  bas  colle  de  Loreto, 
v^aient  été  creusées  pour  défendre  le  territoire  des  Jésuites  contre  les 
icursions  des  Correntinos,  et  en  1822  Francia  fit  construire  sur  la  pre- 
lière  de  ces  tranchées  un  fort,  que  vinrent  occuper  quatre  cents  cava- 
ers  paraguayens*.  Non  loin  de  la  jonction  des  deux  fleuves,  le  village 
'Itati,  l'un  des  établissements  les  plus  anciens  de  l'Argentine,  datant 
es  premières  années  du  dix-septième  siècle,  se  trouve  près  dos  passages 
ue  les  Paraguayens  disputèrent  aux  Alliés  avec  tant  d'acharnement.  Itati 

pour  habitants  des  Guarani  de  race  presque  pure,  mais  à  demi  hispa- 
ifiés  par  la  langue,  et  pratiquant  encore  leurs  industries  traditionnelles 
e  poterie  et  de  tissage. 

Corrientes,  capitale  de  la  province  du  même  nom,  et  la  ville  principale 
atre  Buenos  Aires  et  Asuncion,  peut  être  considérée  géographiquement 
3mme  la  cité  du  confluent  fluvial,  quoiqu'elle  ait  été  construite  à 
4  kilomètres  en  aval  de  Très  Bocas;  elle  doit  son  appellation  de  Cor- 
entes,  —  San  Juan  de  los  Siete  Corrientes,  —  aux  remous  qui  se  pro- 
uisent  sur  la  rive  gauche  du  fleuve,  devant  les  pointes  rocheuses  do 
i  berge  :  son  ancien  nom  indien,  Taragûy,  signifie,  dit-on,  la  ^c  Lézar- 

'  Rcnggcr  et  Longchamp,  Essai  historique  sur  la  révolution  du  Paraguay. 

m.  88 


SOS  NOUVELLE  GËOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

diëre  ».  On  pourrait  l'appeler  la  «  cité  des  Orangers  »,  taat  elle  possède 
de  ces  arbres  aux  fruits  d'or  :  naguère,  avant  que  de  hautes  et  somp- 
tueuses maisons  ne  se  fussent  élevées  en  façade  sur  le  quai,  la  ville  dispa- 
raissait presque  en  entier  sous  la  verdure  :  le  palais  du  gouverDemenlesl 


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l'ancien  collège  des  Jésuites.  Fondée  en  1588,  Corrientcs  est  située  ^  » 
une  berge  de  sept  à  huit  mètres  de  hauteur  au-dessus  du  flot  moyen,  à     k 
cole  de  (î6  mètres,  d'aprfcs  Gould.  Quoique  à  1339  kilomètres  de  Bueiics 
Aires,  les  goélettes  calant  5  mètres  y  ont  accès,  et  pendant   six  mou 
les  bâtiments  de  4  mètres  peuvent  s'amarrer   aux    quais.    Les  bateawi 
à  vapeur  du  Paraguay  et  du  Paranâ  en  ont  fait  leur  principal  entrcpo' 


CORRIENTES,  FORMOSÂ.  699 

et  y  possèdent  des  usines  et  des  chantiers  de  construction.  Pendant 
la  guerre  du  Paraguay,  Corrientes,  quartier  général  des  Alliés,  fut  le 
centre  de  leurs  approvisionnements  :  une  bataille  navale  acharnée,  dite 
du  Riachuelo,  avait  dû  être  livrée  en  aval  pour  la  conquête  de  la  cité.  Si 
bien  pourvue  que  soit  Corrientes  en  communications  fluviales,  sa  voie 
ferrée  ne  la  rattache  pas  encore  (1893)  aux  villes  méridionales  de  la 
mésopotamie  platéenne;  pendant  les  pluies,  elle  se  trouve  presque  blo- 
quée par  une  ceinture  de  lacs  et  de  marais  qui  la  sépare  de  Caacati, 
le  bourg  de  l'intérieur  le  plus  riche  en  bétail  et  en  productions  agri- 
coles. En  face  de  Corrientes,  sur  la  rive  droite  du  Parana,  se  montre 
le  village  de  San  Fernando,  qui  remplace  un  ancien  campement  de  Toba 
et  Guaycurû  policés  :  tous  les  matins,  ils  apportaient  aux  Correntinos 
rherbe,  le  bois  et  d'autres  menues  denrées.  Maintenant,  la  forêt  du  Chaco 
a  reculé  devant  la  hache  du  bûcheron,  et  des  colonies  agricoles  se 
succèdent  le  long  du  rivage. 

Des  deux  territoires  du  Chaco,  celui  du  nord,  Formosa,  longue  bande 
comprise  entre  le  Pilcomayo  et  le  Bermejo,  reste  presque  désert  :  en  1892, 
il  n'avait  que  5000  habitants  d'origine  européenne,  en  majorité  Italiens 
et  Slaves,  et  2000  hectares  en  culture;  cependant  tout  le  terrain  qui  se 
trouve  en  bordure  sur  le  Paraguay  est  déjà  vendu  à  des  planteurs  de 
cannes,  à  des  éleveurs  de  bétail  ou  à  des  spéculateurs;  on  dit  que  la 
canne  à  sucre  de  cette  contrée  donne  des  produits  supérieurs  à  ceux  de 
Tucuman;  en  outre,  elle  présente  le  grand  avantage  de  n'avoir  pas  besoin 
d'irrigation  :  la  rosée  lui  suffit'.  Le  chef-lieu,  Formosa,  qui  existe  depuis 
1879,  a  été  bâti  sur  une  berge  isolée,  en  face  de  la  paraguayenne  Villa 
Franca  :  il  remplace  comme  résidence  administrative  Villa  Occidental, 
que  les  Argentins  durent  évacuer  après  l'arbitrage  des  États-Unis  qui  res- 
tituait le  Chaco  du  nord  à  la  république  du  Paraguay.  Dans  l'espérance 
d'en  faire  une  escale  commerçante,  on  l'a  placé  exactement  a  moitié  che- 
min de  Corrientes  et  d'Asuncion,  à  225  kilomètres  de  Tune  et  de  l'autre: 
mais  on  a  aussi  fait  choix  de  cet  emplacement  comme  position  straté- 
gique :  en  cet  endroit  le  fleuve  est  très  profond  et  assez  étroit;  des  canon^ 
commanderaient  bien  le  passage. 

Le  Chaco  méridional,  plus  grand  et  plus  rapproché  des  centres  de 
commerce  et  de  civilisation,  se  peuple  beaucoup  plus  rapidement  que  le 
Chaco  du  nord.  Toutes  ses  terres  riveraines  ont  été  cédées  ou  vendues  par 
le  gouvernement,  et  déjà  quelques  usines  à  sucre  qui  s'élèvent  dans  ce 

*  Alexis  Peyret,  ouTrage  cité. 


700  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

nouveau  territoire  sont  au  nombre  des  établissements  les  mieux  améuagés. 
Un  village  naissant,  Timbo  ou  Puerto  Bermejo,  domine  le  confluent  de 
cette  rivière  avec  le  Paraguay  et  projette  le  long  du  Bermejo  la  roule  qui 
va  rejoindre  le  poste  ou  «  fort  »  Roca,  à  200  kilomètres  en  amont.  Une 
colonie  suédoise  occupe  au  sud  de  Timbo  les  bords  du  rio  de  Oro,  pelil 
affluent  du  Paraguay,  navigable  pour  des  barques,  et,  plus  bas,  à  moins 
de  20  kilomètres  au-dessous  de  Corrientes,  la  capitale  du  territoire,  Resis- 
tencia,  ainsi  nommée  en  souvenir  d'un  fait  de  guerre,  a  surgi  en  peu 
d'années  h  la  bouche  du  rio  Negro  ;  la  colonie  agricole  des  alentours  a  été 
fondée  aux  frais  du  gouvernement  central  et  dirigée  \^r  ses  fonctionnaires. 
On  n'a  pas  encore  frayé  a  travers  les  solitudes  de  route  directe  entre 
Rcsistencia  et  les  campagnes  de  Salta. 

En  aval  de  Uesistencia,  les  villes  se  montrent  à  de  longs  intervalles  sur 
la  rive  orientale  :  Bella  Vista,  fondée  en  1826  comme  établissement  pénal; 
Goya,  ainsi  nommée  d'une  femme  qui  possédait  un  immense  domaine  dans 
cette  partie  du  Corrientes;  Esquina  ou  le  «  Coin  »,  au  confluent  du  Paranâ 
et  de  la  rivière  Corrientes;  La  Paz,  l'ancien  Cavallu-Cuatia,  ou  «  Cheval 
Peint  »,  des  Guarani,  station  médiane  entre  Asuncion  et  Buenos  Aires  el 
l'une  des  escales  les  plus  actives  du  fleuve*;  Hernandarias,  sur  sa  haute 
berge  boisée;  Parana,  que  jadis  on  appelait  simplement  Bajada  ou  le 
«  Débarcadère  ».  Cette  ville,  la  première  qui  se  soit  élevée  dans  l'Entre- 
Bios,  passa  par  de  grandes  vicissitudes  :  elle  fut  la  capitale  de  l'État,  puis, 
de  1852  à  1861,  celle  de  toute  la  république  Argentine;  découronné* 
maintenant,  elle  a  pourtant  augmenté  en  population,  tout  en  perdant  d^ 
son  impoi'tance  relative.  La  cité  proprement  dite  est  bâtie  sur  la  hau  *^ 
berge,  a  2    kilomètres  du  port,   où  se  fait  un  commerce   actif.    Elle       ^ 
pour  industrie  spéciale  la   fabrication  de   la   chaux,  des  carreaux,  dt 
poteries  ;   mais  les  centres  principaux   de  travail  sont  les  diverses  col 
nies  fondées  dans  le  voisinage,  surtout  le  long  du  fleuve.  Villa  Urquiza, 
plus  ancienne  de  ces  colonies,  est  Tune  des  moins  prospères;  celle 
Cerrito  a  mieux  réussi.  La  plupart  des  colons  sont  italiens,  mais  on 
trouve  aussi  des   représentants    de  toutes  les   nations  d'Europe,  mên'-^ 
des  Roumains,  qui  des  bords  du  Danube  ont  amené  leurs  buffles*. 

Une  colonie  dite  «  russe  »,  qu'habitent  des  Allemands  émigrés  d_  *** 
boids  de  la  Volga,  constitue  un  mir,  commune  à  propriété  collectives^  .' 
les  bois,  les  pâturages  restent  indivis  et  chaque  famille  tire  au  sort    ^i 


*  Tonnage  des  bateaux  de  passage  à  La  Paz  :  555  000  tonnes. 

*  Alexis  Peyrct,  ouvrage  cilé. 


RESISTENCIA,  LA  PAZ,  PARANA,  SANTA  FÉ.  701 

part  des  terrains  à  labourer  et  à  semer  en  commun;  La  première  colonie 
russo-allemande  fondée  au  sud  de  Parana,  non  loin  de  Diamante,  a  formé 
de  nombreux  essaims  sur  tout*  le  littoral  du  fleuve,  au  nombre  d'environ 
dix  mille  individus.  Très  unis,  habiles  agriculteurs,  surtout  pour  la  pro- 
duction du  blé,  excellents  éleveurs  de  chevaux,  les  émigrés  de  la  Volga 
prospèrent,  et  chaque  année  ils  achètent  de  nouvelles  terres  pour  étendre 
leurs  communes,  administrées  par  l'assemblée  générale  de  tous  les  chefs 
de  famille,  y  compris  les  femmes.  Le  gouvernement  ayant  voulu  leur 
imposer  la  même  organisation  que  celle  des  autres  colonies,  ils  se  révol- 
tèrent et  on  se  résigna  à  les  laisser  s'administrer  à  leur  guise.  Quelques 
groupes  de  colons  positivistes  et  des  disciples  de  Tolstoï  se  sont  aussi 
établis  dans  cette  région  de  l'Entre-Rios  pour  essayer  d'y  vivre  en  sociétés 
harmoniques. 

Des  berges  de  Paranâ,  on  aperçoit  par  les  beaux  soirs,  à  une  vingtaine 
de  kilomètres,  les  tours  et  les  coupoles  de  Santa  Fé  briller  au  soleil  cou- 
chant. Cette  ville,  trois  fois  séculaire,  que  Juan  de  Garay  fonda  en  1575 
et  que  les  Jésuites  choisirent  pour  centre  de  leurs  missions  chez  les  Mocovi 
et  autres  Indiens  du  Chaco,  n'est  pas  située  sur  la  rive  même  du  Paranâ, 
mais  sur  un  bras  latéral,  le  riacho  de  Santa  Fé  ou  Coronda,  qui  s'élargit 
en  lagune  et  se  ramifie  en  bayous;  la  rivière  Salado  vient  s'y  unir  dans  la 
ville.  Le  port,  auquel  on  accède  par  ce  labyrinthe,  peut  recevoir  des  goé- 
lettes calant  2  mètres,  mais  le  grand  trafic  se  fait  par  une  voie  ferrée  de 
12  kilomètres  qui  va  rejoindre  le  fleuve  à  l'escale  de  Colastiné,  où  se 
trouve  un  creux  de  7  à  8  mètres  lors  des  biasses  eaux.  Ville  de  couvents 
et  d'églises,  métropole  vénérable  où  s'assemblaient  parfois  les  congrès 
pour  la  discussion  des  intérêts  communs  de  la  République,  Santa  Fé  fut 
longtemps  délaissée  par  le  commerce  et  même  déclina  jusqu'à  l'ouverture 
des  voies  ferrées  et  l'arrivée  des  colons  étrangers  qui  ont  mis  en  culture 
les  campagnes  environnantes.  Elle  se  transforme  rapidement  en  cité  mo- 
derne, grandit  en  commerce  et  en  population  ;  cependant,  malgré  son 
rang  de  capitale  de  la  province,  elle  n'égale  point  la  ville  de  Rosario, 
mieux  située  pour  le  trafic. 

Les  colonies  agricoles  qui  ont  fait  la  richesse  de  Santa  Fé  ont  pour  chef- 
lieu  le  bourg  auquel  on  donna,  en  1856,  le  nom  modeste  d'Esperanza 
et  qui  se  montre  dans  la  plaine  rase,  à  30  kilomètres  au  nord-ouest  de 
Santa  Fé.  Les  «  espérances  »  ont  été  réalisées.  Aux  deux  cents  familles 
suisses  qui  arrivèrent,  sans  trouver  même  une  cabane*,  se  sont  ajoutés 

*  Cari  Beck  Bernard,  Die  Argentinische  RepubliL 


702  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

des  milliers  et  des  milliers  d'autres  familles,  françaises,  allemandes,  iu< 
tiennes  surtout;  des  villes,  des  villages,  des  moulins  à  vapeur,  des  usines 
ont  surgi  de  la  pampa;  les  chemins  de  fer  se  ramifient  dans  tous  les  sens. 
La  gracieuse  Esperanza,  aux  rues  ombragées  de  paraisot,  l'arbre  du  «  pa- 
radis »  ou  melia  azedarach,  porte  sur  son  hôt«l  de  ville  l'inscriplioD  en 
espagnol  :  «  Subdivision  de  la  Propriété  ».  Ce  sont  en  effet  la  petite  et  la 
moyenne  propriété  qui,  sur  ces  terres,  très  inrérieui*es  en  fertilité  natu- 
relle à  celles  d'autres  provinces  appartenant  h  quelques  grands  proprîc- 


laires,  obtiennent  des  moissons  cent  fois  supérieures.  A  quelques  lieuw 
au  nord  de  Santa  Fé,  on  montre  encore  les  vesligcs  du  fossé  creusé  jadis 
pour  arrêter  les  cavaliers  indiens  ;  les  agrieultcure  l'ont  depuis  longtemps 
franchi;  sur  toutes  les  lignes  ferrées,  les  colonies  se  fondent  à  chaque 
station,  et  d'étape  en  étape  transforment  le  désert  en  campagne  culliïée; 
ils  rejoindront  bientôt  les  plantations  de  Santiago  dcl  Estero. 

En  aval  de  Santa  Fé  et  de  Paranâ,  Diamante  occupe  une  position 
superbe,  à  la  tête  du  delta,  sur  une  falaise  de  la  rive  gauche  haute  de 
80  mètres  et  dominant  un  immense  panorama  d'eau  courante,  de  marais 
et  de  campagnes  émergées.  Le  fleuve,  rétréci  en  cet  endroit,  offre  un 


DIÂMÂNTE,  ROSARIO.  703 

passage  plus  facile  qu'en  amont  et  en  aval;  aussi,  dans  toutes  les  guerres 
civiles  les  belligérants  ont-ils  cherché  à  s'emparer  de  ce  poste  :  Urquiza 
y  fît  passer  à  la  nage  son  armée  de  vingt  mille  cavaliers.  Diamante  prépare 
de  la  chaux,  et,  comme  Parana,  s'entoure  de  colonies  «  russes  ».  Plus  bas, 
sur  un  bayou  latéral  du  Parana,  en  communication  directe  avec  le  grand 
fleuve  pendant  les  crues,  se  montre  le  bourg  de  Victoria,  ainsi  nommé 
d'une  «  victoire  »  remportée  en  1728  sur  lesMinuan,  qui  furent  obligés 
de  quitter  l'entre-fleuve  pour  se  réfugier  de  l'autre  côté  de  l'Uruguay, 
à  côté  de  Charma.  Ramon  Lista  a  trouvé  dans  les  environs  des  tombelles 
remplies  d'ossements  de  ces  Indiens. 

Rosario,  la  principale  cité  de  la  province  de  Santa  Fé  et  la  deuxième 
a^lomération  urbaine  de  la  République,  ne  fut  qu'un  simple  village  pen- 
dant le  premier  siècle  de  son  existence;  les  caboteurs  y  avaient  une 
petite  escale.  Mais  les  dissensions  civiles  firent  la  fortune  de  Rosario  : 
Buenos  Aires  s'étant  séparée  du  reste  de  l'Argentine  en  1854,  le  gouver- 
nement installé  à  Parana  décréta  l'établissement  d'un  chemin  de  fer  de 
Rosario  à  Cordoba,  et,  sans  attendre  que  cette  œuvre  fût  commencée, 
accorda  des  exemptions  de  droits,  —  18  pour  100,  —  aux  navires  étran- 
gers qui  remonteraient  directement  le  fleuve  Parana,  sans  avoir  touché  à 
Buenos  Aires  ou  à  quelque  autre  port  de  la  Plata.  Rosario  profita  aussitôt 
de  cette  faveur.  En  toute  saison,  les  navires  calant  5  mètres  peuvent 
y  remonter  et  mouiller  à  proximité  du  rivage,  tandis  qu'à  Ruenos  Aires 
les  bâtiments  devaient,  il  y  a  peu  d'années,  ancrer  à  une  grande  distance 
au  large;  en  outre,  Rosario  a  l'avantage  de  se  trouver  au  coude  du 
fleuve,  à  l'endroit  où,  cessant  de  couler  du  nord  au  sud,  il  descend  au 
sud-est,  suivant  Taxe  de  l'estuaire  :  c'est  donc  le  lieu  de  débarquement 
indiqué  d'avance  pour  les  voyages  dans  l'intérieur.  Le  commerce  fluvial 
y  a  son  escale  la  plus  active*.  Le  chemin  de  fer  de  Rosario  à  Cordoba, 
tronc  de  la  ramure  qui  se  développe  vers  les  extrémités  de  la  République, 
a  fait  de  Rosario  un  port  rival  de  Ruenos  Aires  pour  le  commerce  direct 
avec  l'étranger,  et  même  depuis  que  la  capitale  possède  un  chemin  de 
fer  côtier  l'unissant  à  toutes  les  cités  de  l'Argentine,  une  grande  partie 
de  la  navigation  au  long  cours  garde  Rosario  comme  point  d'attache; 
quatorze  lignes  de  vapeurs  transatlantiques  l'ont  pris  pour  port  d'arrivée 
et  viennent  y  charger  du  blé  pour  l'Europe,  de  l'alfalfa  ou  luzerne  pour 
les  ports  brésiliens,  des  métaux  et  des  cuirs.  L'aspect  de  la  ville  est 
essentiellement  commercial  :  jetées  bordées  de  navires,  quais  sillonnés 

«  Commerce  fluvial  en  1892  :  562  295  600  fi-ancs. 


701  TtOUVKLlK   GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE, 

(le  voii's  l'uiTLTs,  magasins  déhonliiiil  dis  marchandises,  omnibus  sur  mils 
dans  chaque  nie,  rangées  de  poteaux  lél^graphiijues  el  téléphonicjnes 
aux  réseaux  enliti-croïsés.  Plus  encnre  i(U*à  Buenos  Aires  la  population  a 
des  origines  cosmopolites'. 

La  voi)!  ferrée  di;  Santa  Vé  à  Côrdolia  ayant  élé  construite  par  une  corn- 
|>agnie  anglaise,  celle-ci  reçut  gratuitement  les  terres  bordant  le  clicmiu 
Kur  une  largeur  de  cinq  kilomètres,  à  la  condition  de  les  peupler  de  colons. 
Kllc  ne  se  hâta  point  de  remplir  ses  engagements;  cependant  en  1S70 
elle  avait  commencé  la  colonisation  par  l'établissement  de  vingt-cinq 
ramilles.  Bernstadt,  Carcanina,  Canada  de  Gomez,  ïortugas,  d'aulres 
stations  encore,  se  sont  entourées  de  cultures,  peuplées  comme  celles 
d'Ksperanza  de  paysans  italiens,  français,  suisses,  allemands.  La  comi»- 
gnic  anglaise  avait  îi  cœur  de  faire  prospérer  surtout  la  colonie  Cafiada  de 
Gomez,  où  elle  avait  installé  des  compatriotes;  mais  ses  protégés  se  dispci"-  A 
sèrent  et  des  Européens  du  continent  les  ont  remplacé». 

San  Nicolas,  escale  principale  du  Deuvc  entre  Rosario  et  Buenof>  Aires, 
est  aussi  l'une  des  grandes  villes  de  la  ltépubli(]ue  el  son  port  s'emplil 
<le  navires.  Située  à  4  ou  5  kilomètres  en  aval  d'un  ruisseau,  l'arroyo  1 
del  Medio,  qui  forme  la  frontière  Mitre  les  deux  provinces  de  Bueiiua  1 
Aires  et  de  Santa  Fé,  San  Nicolas  fut  proposée  comme  capitale  de  la  Cottr  i 
fédéi'ation*.  Plus  bas  se  succèdent  d'autres  escales  importantes  :  Oliligadii, 
où,  en  1845,  le  dictateur  Rosas  essaya  de  défendre  le  cours  du  Paranâ 
contre  une  escadre  franco-anglaise;  San  Pedro,  qui  possède  un  bon  port, 
l)assin  naturel  d'environ  120  hectares,  formé  par  une  lagune  profonde, 
latérale  au  fleuve,  Baradero,  qu'une  colonie  suisse,  amvée  en  1856,  a 
graduellement  enrichie  par  la  culture  des  pommes  de  terre  et  autres  légu- 
mes pour  le  marché  de  Buenos  Aires;  Zarate,  centre  des  colonies  du 
delta  paranicn,  composé  de  centaines  d'iles;  des  jardiniers  italiens  les 
habitent  en  des  maisonnettes  haut  perchées  sur  pilotis.  Campana,  l'un 
des  ports  actifs  du  Paranâ  de  las  Palmas,  possède  un  très  grand  établisse- 
ment pour  la  préparation  et  l'expédition  des  viandes  congelées.  L'ilol 
rocheux  de  Martin  Garcia,  où  se  trouvent  les  établissements  du  lazaret  et 
de  la  quarantaine,  garde  en  sentinelle  l'entrée  du  delta,  au  delà  duquel 

■  M.mvcKi.'ni  ciNuiimbl  iii..y.>ii  <!.■  Hi-saiio  .le  \mili  ISM;  -200  000  000  fi-ints. 

EïjKirLiliiii.  fil  IB'J-2  :  7'.ir.«0  000  fi-aïu's. 

Navigaliuii  ù  Kusariu  ilu  M^Sti  ii  IKO'i,  jimi-e  iiiiiu-iiiit'  : 

3  000  navires,  j^ugt^ant  1  ÔOO  000  luniios. 
'  MouvtMiiunl  lit'  la  navi^iiiliuii  â  San  Mculas  l'n  1Kt)~2  :  i'iÔOOO  tunncs. 

Valmido  l'ciporUlioii  :  StS'JJS'JO  francs. 


I  > 


PROVINCES  DU  PARANA  ET  DES  PLATEAUX.  707 

s'ouvre  le  large  estuaire  parcouru  par  le  chenal  sinueux  qui  n)ène  à  la 
capitale  de  rArgentinc*. 


Si  le  Parana  est  la  grande  voie  fluviale  qui  met  Buenos  Aires  et  Tes- 
tuaire  platéen  en  communication  avec  Tintérieur  du  continent,  la  voie 
terrestre  par  excellence  est  celle  qui,  sous  le  régime  espagnol,  rattachait 
les  deux  littoraux  du  Pérou  et  de  la  Plata  par  les  provinces  argentines 
du  nord,  Jujuy,  Salta,  Tucuman. 

Dans  la  province  de  Jujuy,  limitrophe  de  la  Bolivie,  la  première  ville 
que  Ton  rencontre,  en  descendant  de  la  Bépublique  voisine  par  Tabra  ou 
«  col  »  de  Cortaderas  (5952  mètres),  est  une  antique  cité  quichua, 
Humahuaca,  construite  à  plus  de  5000  mètres  d'altitude  sur  le  rio  San 
Francisco  naissant,  au  milieu  de  maigres  champs  plantés  en  pommes  de 
terre,  en  orge,  en  quinoa;  après  la  conquête,  ses  habitants,  qui  s'étaieni 
1res  courageusement  défendus,  furent  transportés  en  masse  dans  la  Rioja, 
où  ils  perdirent  toute  individualité  nationale,  et  remplacés  par  des  Indiens 
soumis  amenés  de  Famatina.  En  aval  d'Humahuaca,  le  sentier  qui  suit  la 
rive  droite  du  courant,  à  la  base  des  montagnes  neigeuses  de  Chani,  tra- 
verse plusieurs  rivières,  puis  dévale  les  pentes  d'un  énorme  «  volcan  )>, 
c'est-à-dire  d'un  talus  d'éjection  produit  par  une  succession  d'avalanches. 
En  bas,  s'ouvre  la  large  plaine  (1250  mètres),  abondamment  arrosée,  ou 
s'étale  la  ville  de  Jujuy,  chef-lieu  de  la  province  du  même  nom.  Bâtir 
par  Velasco  en  1592,  et  conservant  encore  son  aspect  de  vieille  cité  espa- 
gnole, elle  s'entoure  de  jardins  et  de  campagnes  cultivées  qui  pénètrent 
dans  les  vallées  latérales  parcourues  par  les  gaves  affluents  du  rio  Grande, 
l'une  des  branches  maîtresses  du  Bermejo.  Riche  en  productions  agricoles 
sub-tropicales  et  tempérées,  Jujuy  doit  sa  principale  importance  au  transit 

*  Villes  principales  et  historiques  des  territoires  des  Missions  et  du  Chaco  et  des  trois  provinces 
de  Corrientcs,  Entre-Rios  et  Santa  Fé,  avec  leur  population  approximative  en  1893  : 


Territoire  des  Missions  (Misio.nes). 
Posadas 5  500  hab. 

Territoire  db  Formosa. 
Formosa 1  000  hab. 

Territoire  du  Chaco. 
Rcsislencia 3  500  hab . 

PnOVINCK   DE   CORRIEXTES. 

Corricntes 19  000  hab. 

Goya 4  150     » 

Caacati  .   .    .  • 5  500     » 

Libres î2  500     n 


Province  d'Estre-Rios 

Paranâ 20  000  hab. 

Gualeguaychû 15  000  » 

Concordia 11  500     )) 

Gualcguay 11  000     » 

Concepcion  del  Uruguay . .    .    .        10  000     » 
Nogoya 8  000     « 

I^oviNCE  DE  Santa  Fé. 

Rosario 75  000  hab. 

Santa  Fé 18  000     » 

Es|)eranza  (2652  hab.  en  1 887) .         5  500     » 


70S  PJOIIVELIE  GÉOGKAPHIE   ('firVERSELLE. 

vcis  la  Bolivie  :  olli"  lui  envoip,  jinr  des  caraviiiies  de  nulles  el  de  lamas,  àf> 
rniils.  du  iiiuis,  do  lu  chichn  et  surtout  du  sel,  cxtniit  du  liiuil  lac  dc6Ȏ- 
clit-^  de  Casabinda.  Ses  foii*es  sont  Irès  fréqnealées,  et  nombre  de  Boliviens 
s'y  étnblisNcut  (luur  commercer  avi'c  U'urs  compatriotes.  Celt(>  immigra- 
tion conserve  h  la  ville  le  nombre  de  ses  habitants,  di^cimc^s  par  les 
pneumonies,  les  rhumatismes,  les  AHres  on  chucfiu  el.  aulrfrs  maladies 
que  causent  les  vents  froids  en  hiver,  el  en  été  les  lîmaiiations  de*  canaux 
ma!  entretenus.  Des  sources  lliei'males  salines,  dans  un  vallon  rapprocht^. 
la  (juehrada  de  lo»  Reyn,  sont  très  fn'squenti'fes  par  les  rhumallsiiiits.  On 
exploite  aussi  des  puits  de  pétrole  dans  les  environs. 

Eu  aval  de  Jujuy.  lu  rivière,  très  inclinée,  eoupt'w  de  rapides,  iic  porte 
point.  ))ateau.  Elle  ne  se  calme  qu'en  aval  de  son  grand  coude,  près  de 
Ledesma,  bourgade  enrieUie  par  la  canne  à  sucre,  comme  son  cbcf-Iicu. 
la  ville  d'Oran,  située  à  l'altitude  de  510  mètres  sui'  un  ^ve  voisin  du 
ronllueiil  où  le  Sun  Kruncisco,  uni  au  Tariju,  Torme  le  Bermcjo.  Dfl  riches 
plantations  entourent  la  cité,  celle  de  l'Argentine  dont  les  campagn(», 
ombragées  de  jinlmiors,  présentent  t'asipcct  le  plus  tr<qiical;  mais  immé- 
diatement au-dessus  s'ouvrent  des  vallons  tempérés  où  croissent  les  plantes 
de  rE]ui'o|)e.  et  plus  haut,  sur  les  peiiles  du  Zenta,  les  pÂlurages  s'élèvent 
jusiju'ii  la  ligne  des  neiges.  Les  immigrants  sont  encore  peu  nombreux 
rf  Ifs  |)l;mteurs  emploient  toujours,  pour  cultiver  la  canne  et  fabriquer  le 
sticre.  des  Indiens  Matacos  et  Chirtguanos  :  en  quelques  usines,  on  les 
cnm|ili'  par  eenlnines.  La  ville  d'Oran  dispose,  pour  le  transport  de 
sc^  denrées  jusqu'à  Buenos  Aires,  d'une  voie  navigable  de  5000  kilo- 
mètres; néanmoins  son  trafic  se  fait  par  terre  jusqu'à  la  ligne  ferrée  de 
Jujuy,  en  attendant 'qu'elle  possède  un  embranchement.  Le  bourg  de  Riva- 
davia,  situé  au  sud-est,  sur  le  Teuco,  au  milieu  du  lacis  des  rivières 
et  fausses  rivières  du  Bermejo,  est  peuplé  de  nombreux  Boliviens  auxquels 
on  a  concédé  des  terrains  —  500  hectares  par  propriétaire,  —  trop  vastes 
pour  que  l'agriculture  proprement  dite  ait  pu  acquérir  une  importance 
réelle  :  l'industrie  est  encore  pastorale.  Une  route  stratégique  carrossable 
relie  Bivadavia  au  poste  de  Puerto  Bermejo  sur  le  Paraguay. 


La  ville  de  Salta,  chef-lieu  de  la  province  de  ce  nom,  s'étale  dans  l;i 
plaine  de  Lerma,  qu'arrosent  la  rivière  Arias  cl  de  nombreux  tagarete$  : 
c'est  ainsi  qu'on  désigne  les  canaux  d'irrigation.  Située  ïi  50  ou  40  mètres 
au-dessous  de  Jujuy,  mais  plus  au  sud,  Salta  cultive  les  plantes  de  la 
stone  tempérée  el  ses  champs  présenicnt  un  aspect  européen.  De  même 


SALTA,  TUCUMAN.  709 

que  Jujuy,  Salla  doit  son  activité  au  commerce  avec  le  Chili,  et  nombre 
de  ses  habitants,  un  dixième  environ,   sont  d'origine  bolivienne.  Près 
de   la  cité,  Belgrano  remporta  en  1812  une  première  victoire  sur  les  Espa- 
gnols, et   c'est  en    l'honneur  de  ce  triomphe   que    le  pays,   voué  à  la 
ïeir^g-c  dans  la  principale  église  de  Salta,  prit  les  couleurs,  blanc  et  bleu, 
tiî      ^'unissent  dans  le  drapeau  argentin.  L'agriculture  prospère  dans  la 
►ntir^ëe,  mais  surtout  à  l'ouest  et  au  sud,  dans  la  haute  vallée  du  Jura- 
tuo,  qu'habitent  les  Calchaqui  christianisés,  en  maints  endroits  pres- 
"purs  de  race.  Plusieurs  gros  villages  se  succèdent  du  nord  au  sud; 
î,  d'après  lequel  on  désigne  les  plateaux  et  les  nevados  voisins;  San 
Molinos,  San  Carlos,  Cafayate,  qui  utilisent  avec  économie  les  eaux 
s  de  leurs  gaves  et  produisent  d'excellents  vins  et  des  blés  très  appré- 
-^  9>    el  trigo  de  los  Vallès.  Les  mules,  les  bêtes  à  cornes  calchaqui  ont 
^e^       grande  réputation  en  Argentine  et  au  Chili,  et  les  gens  du  pays  en 
commerce  avec  Copiapé  par-dessus  les  plateaux  andins. 
i  ville  dite  Rosario  de  la  Frontera,  sur  un  affluent  du  Juramento,  est 
tation  principale  du  chemin  de  fer  entre  Salta  et  Tucuman.  Elle  a  des 
tations  de  cannes  à  sucre  et  de  tabac  et  produit  une  espèce  de  fromage, 
^fi,  connu  dans  toute  l'Argentine.  Dans  la  saison  d'été  les  malades 
urent  à  Rosario,  attirés  par  des  sources  minérales  que  l'on  dit  très 
Icaces  :  leur  température  dépasse  75  degrés  centigrades.  Les  eaux  ther- 
^^^îlles,  sulfureuses  et  autres,  abondent  dans  la  contrée,  mais  les  ïiabitants 
^^  les  utilisent  encore  que  partiellement.  D'après  Brackebusch * ,  la  chaleur 
^^^s  sources  n'est  point  due  à  la  volcanicité  du  sol,  mais  à  l'action  des 
V^yrites  de  fer  contenues  en  grande  quantité  dans  les  calcaires  schisteux  des 
^^ontagnes  environnantes  et  dégageant  une  très  forte  chaleur  au  contact 
^e  l'eau;  en  outre,  ces  formations  sont  imprégnées  de  pétrole  qui  se  dis- 
tille dans  les  profondeurs  et  dont  les  gaz  inflammables  peuvent  expliquer 
les  tremblements  de  terre  et  même  les  jaillissements  de  flammes  qui  ont 
eu  lieu. 


Tucuman,  la  métropole  du  Nord,  qui  garde  sous  une  forme  légèrement 
modiûée  l'ancien  nom  de  Tucma  donné  à  la  province  sous  le  régime  des 
Incas,  a  cependant  une  origine  espagnole;  elle  date  de  1585,  époque  à 
laquelle  les  habitants  d'une  ville  fondée  à  50  kilomètres  plus  bas  sur  le  Sali 
vinrent  choisir  un  emplacement  moins  exposé  aux  inondations.  Fort  bien 

*  Boletindel  hisiiiuto  Geogràfico  Argcntino,  1881 


710  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UKIYERSELLE. 

située,  à  -iôO  mètres  d'nltilude,  dans  une  campagne  fertile  et  richement 
cultivée  ((ui  dcscond  en  pente  douce  vers  le  Sali  et  se  relève  à  l'ouest  vas 
les  pics  superbes  de  l'Aconquija,  Tucuman  est  une  des  cités  histori((iies 
de  l'Argentine  :  Belgrano  y  battit  les  Espagnols,  el  le  Congrès  national  j 
proclama,  en  1816,  l'indépendance  de  la  contrée;  on  montre  encore!) 
salle  du  serment.  Depuis,  la  ville  eut  aussi  fréquemment  son  rôledsnsles 
gueires  civiles  qui  désolèrent  le  pays.  Néanmoins  elle  a  prospéré,  et  pir 
sa  population  occupe  le  quatrième  rang  dans  la  République;  une  immi- 


gration assez  forte,  comprenant  des  éti"angers  de  toutes  les  nations  euro- 
péennes, a  développé  son  industrie.  Tucuman  est  ie  centre  des  planlatio"- 
sucrières  de  l'Argentine;  trente  grandes  usines  s'élèvent  dans  sa  banlieue' 
La  culture  de  la  canne,  importée  du  Pérou  en  1824,  a  si  bien  réussii 
qu'en  1890  on  comptait  dans  le  district  sept  mille  travailleurs  occupe* 
à  l'industrie  sucrière  et  retirant  d'une  superficie  de  8000  heclai*** 
20000  tonnes  de  sucre  el  50000  hectolitres  de  rhum*.  La  campagnet 
parsemée  de  fermes  et  de  hameaux,  produit  aussi  du  café,  du  chanvrei*" 
blé  et  autres  denrées;  le  fromage  tafi  vient  de  la  vallée  de  même  non'» 


■  M.  G.  imJ  E.  T.  Mulliall,  Handbook  of  Ihe  river  Plate. 


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TUGUMAN,  SANTIAGO  DEL  ESTERO.  713 

qui  appartenait  aux  Jésuites.  Tucuman  a  quelque  célébrité  comme  centre 
intellectuel  :  un  de  ses  collèges  passe  pour  l'un  des  meilleurs  parmi  les 
établissements  scolaires  de  la  République.  Les  deux  bourgs  les  plus  ani- 
més de  la  province  après  Tucuman,  Monteros  et  Médinas,  également  situés 
sur  des. affluents  du  rio  Dulce,  participent  aux  industries  agricoles  du 
chef-lieu. 


Santiago  del  Estero,  «  Saint-Jacques  du  Marais  »,  fut  le  centre  de  Tan- 
cienne  province  de  Tucma  ou  Tucuman,  qui  se  soumit  au  pouvoir  des 
Incas  dès  le  commencement  du  quatorzième  siècle.  En  cet  endroit  les  con- 
quérants espagnols  établirent   (1553)  la   première  ville  permanente  de 
leurs  possessions  platéennes,  qui  fut  longtemps  connue  sous  le  nom  de 
Tucuman,  transféré  maintenant  à  une  cité  plus  prospère.  Bâtie  sur  la  rive 
droite  du  rio  Dulce,  dans  une  plaine  d'environ  200  mètres  en  altitude, 
Santiago  est,  comme  l'indique  le  surnom  del  EsterOy  environnée  de  lacs 
et  de  marécages,  lits  encore  humides  que  laissa  le  fleuve  errant.  En  1655, 
une  crue  renversa  la  moitié  des   maisons;  une  partie  de  la  population 
émigra  vers  Tucuman;  l'autre  se  dirigea  vers  Côrdoba.  La  ville  délaissée, 
souvent  exposée  aux  attaques  des  Indiens,  resta  sous  le  gouvernement 
des  Jésuites,  qui  firent  de  la  contrée  un  autre  Paraguay  pour  la  discipline 
des  indigènes  policés,  travailleurs  de  leurs  propriétés.  Les  populations 
se  ressemblent  beaucoup  de  part  et  d'autre  :   même  propreté,    même 
alimentation  presque  exclusivement  végétale,  même  usage  du  maté  comme 
boisson   stimulante,   même    goût   pour  le  jeu   de  la  harpe,  instrument 
nationaP.  Après  la  proclamation  de  l'indépendance  argentine,   Ibarra, 
dictateur  et  maître  absolu  pendant  trente  années,  fit  tous  ses  eflbrts  pour 
maintenir  son  domaine  en  dehors   des  agitations,  mais  par  cela  même 
en  dehors  du  progi'ès  ambiant.  Santiago  n'était  plus  guère  qu'une  ruine 
aux  maisonnettes  d'adobes  rongées  par  le  salpêtre.  Cependant  la  ville, 
qu'un  embranchement  de  voie  ferrée  rattache  à  la  grande  ligne  de  Cor- 
doba  à  •Tucuman  et  qu'un  autre  chemin  de  fer  relie  directement  aux 
colonies  de  Santa  Fé,  a  vu   cesser   son    isolement  et   reprend  quelque 
activité  par  l'exportation  de  la  luzerne,  du  froment  el  autres  denrées; 
elle  s'adonne  aussi  h  l'industrie  sucrière,  mais  avec  un  moindre  succès 
que  Tucuman. 

Loreto,  Atamisqui,  Salavina,  qui  eurent,  comme  Santiago,  à  soufliir  des 

*  Martin  de  Moussy,  ouvrage  cité. 

m.  UO 


714  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

crues  du  rio  Dulce  et  de  ses  changements  de  lit,  sont  d'autres  centres 
agricoles.  Sur  le  Juramento,  Matarà,  également  entourée  de  cultures, 
près  des  lieux  de  gué  choisis  autrefois  par  les  Mocovi  et  les  Abipon  pour 
leurs  incursions,  se  trouvait  très  exposée  :  c'était  l'un  des  points  faibles 
du  territoire  de  colonisation  ^  Là  commençait  un  chemin  facile  qui  se 
dirigeait  vers  Corrientes  à  travers  les  solitudes  du  Chaco,  désignées  vers  le 
milieu  du  parcours  sous  le  nom  de  campo  del  Gielo  ou  «  champ  du 
Ciel  ».  A  une  petite  distance  au  nord  de  cette  plaine  fertile,  ouverte  main- 
tenant à  la  colonisation,  se  trouve  un  bloc  de  fer  météorique,  célèbre  dans 
les  annales  de  la  science.  Encore  au  milieu  du  siècle  dernier  on  ne  le  con- 
naissait que  par  les  rapports  des  Indiens  et  de  quelques  blancs,  chasseurs 
ou  chercheurs  de  miel  sauvage.  En  1788,  le  gouvernement  de  Buenos 
Aires  envoya  une  commission  étudier  ce  bloc,  qui  avait  alors  une  conte- 
nance d'environ  7  mètres  cubes  et  pesait  45  tonnes.  Depuis  on  en  a  déta- 
ché de  nombreux  fragments,  notamment  pour  en  fabriquer  des  fusils,  au 
commencement  de  la  Révolution,  et  divers  musées  en  possèdent  des  mor- 
ceaux :  les  analyses  chimiques  y  ont  reconnu  un  dixième  de  nickel.  D'autres 
météorites  de  moindres  dimensions  parsemaient  le  sol  aux  alentours. 


La  province  de  Catamarca,  au  sud-ouest  de  Tucuman,  se  trouve  déjà 
dans  le  cœur  des  montagnes  ;  elle  ne  touche  à  la  région  basse  que  par  ses 
frontières  du  sud-ouest,  où  s'étendent  les  salines  jadis  parcourues  par  les 
lits  errants  du  rio  Dulce  :  le  rempart  de  TAconquija  et  ses  prolongements 
limitent  à  Test  le  reste  de  la  province.  Catamarca,  le  chef-lieu,  est  située  à 
572  mètres  d'altitude,  entre  deux  chaînes  de  montagnes,  à  l'est  la  sierra 
de  Ancastc,  à  l'ouest  celle  d'Ambato  :  un  gave,  le  rio  del  Valle,  la  tra- 
verse et  se  divise  en  canaux  d'irrigation  dans  ses  jardins.  Loi'sque  la  ville 
fut  fondée,  en  1680,  elle  eut  tellement  à  souffrir  des  inondations,  qu'il 
fallut  la  reporter  à  quelques  kilomètres  en  amont.  Catamarca  est  faci- 
lement accessible  :  une  voie  ferrée  qui  se  dirige  au  sud-ouest,  puis  se 
bifurque  à  Chumbicha,  la  met  en  communication,  d'une  part  avec  la 
Rioja,  Mendoza,  la  route  du  Chili,  de  l'autre  avec  Cordoba,  Rosario, 
Buenos  Aires.  Ces  chemins  expédient  les  oranges,  les  figues  sèches  et  le 
bétail  des  provinces  environnantes. 

Andalgalîi,  ainsi  nommée  d'une  vaillante  peuplade  de  Calchaqui  depuis 
longtemps   mélangée   avec   la   population    espagnole,  s'appelle  aussi  le 

«  M.  G.  and  E.  T.  Mulhall,  Handbook  of  the  river  Plate. 


CATAMARCA,  ANDALGALA.  715 

Fuerte,  d'après  un  fort  mainlenanl  abandonné.  La  ville  est  située  dans  une 
plaine  unie,  à  1010  mètres  d'altitude,  à  ia  base  méridionale  du  massif 
grandiose  d'Aconquija.  Cette  colonie,  perdue  au  milieu  des  montagnes, 
doit  toute  son  importance  à  ses  mines  d'argent,  les  plus  productives 
de  la  république  Argentine.  La  plus  riche,  que  les  Cachalqui  exploitaient 
déjà  avant  la  conquête,  mais  dont  ils  gardèrent  l'existence  cachée,  fut 
découverte  h  nouveau  en  1849,  grâce  à  la  confidence  d'un  vieil  Indien. 

V*   II*.  —    IKDtLGALl    ET    L'iCOniTUl- 


Située  à  plus  de  5000  mètres  d'élévation,  elle  produit  en  moyenne  par 
mois  200  tonnes  de  minerai,  contenant  55  tonnes  de  métal  pur  :  trois 
mille  mules  sont  constamment  employées  aux  transports  entre  les  mines 
et  l'usine  de  Pilciaio,  établissement  remarquable,  fourni  des  meilleures 
machines  anglaises.  Très  indusirieux,  les  habitants  d'Andalgald  exploi- 
tent aussi  du  kaolin  pour  fabriquer  des  briques  réfractaires;  ils  cultivent 
des  vignobles  qui  fournissent  d'excellent  vin,  et  des  vei^ers  riches  en  fruits, 
qu'ils  exportent  à  Tucuman  ;  ils  envoient  des  mules  et  des  iines  au 
Chili,  et  Càrdoba  reçoit  leurs  cuirs  et  leurs  étoQes  en  laine  de  huanaco. 


710  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Des  puits  artésiens  creusés  dans  la  plaine  suppléent  à  l'insuffisance  des 
torrents.  Le  col  qui  fait  communiquer  Andalgalà  avec  Tucuman  et  Gâta- 
marca,  entre  la  chaîne  neigeuse  de  l'Aconquija  au  nord  et  celle  de 
Manchao  au  sud,  est  très  fréquenté  :  des  convois  de  mules  chargées  y 
passent  constamment,  portant  les  vins,  les  cuirs,  les  fruits  secs  d'Andal- 
galâ,  ou  le  sucre,  le  tabac,  le  riz  de  Tucuman.  Autrefois  le  mouTemenl 
devait  être  beaucoup  plus  considérable,  car  la  région  des  hauteurs, 
presque  dépeuplée  de  nos  jours,  était  avant  la  conquête  couverte  de  vil- 
lages et  de  cultures  :  les  anciens  canaux  d'irrigation,  dont  on  voit  partout 
les  traces,  en  sont  le  témoignage  évident.  Pucara,  misérable  hameau, 
groupe  ses  cabanes  sur  le  plateau  du  passage,  où  s'élevait  jadis  une 
cité  défendue  par  une  véritable  pucard  ou  «  forteresse  »,  dont  les 
remparts  circulaires  se  développent  encore  sur  une  longueur  de  trois 
kilomètres  \ 

Encore  plus  avant  dans  les  montagnes,  les  vallées  occidentales  du  Cala- 
marca  sont  peuplées  de  sobres  et  industrieux  Calchaqui  que  la  rigueur  du 
climat  n'empêche  pas  de  contribuer  à  la  richesse  de  l'Argentine.  L'antique 
Belen  et  sa  voisine  Londres,  sur  un  gave  qui  va  se  perdre  dans  les  salines 
d'un  ancien  lac,  s'entourent  de  vignobles,  de  roseraies,  de  vergers;  les 
femmes  y  tissent  des  ponchos  très  appréciés  jusqu'au  Chili.  Plus  à  l'ouest, 
la  vallée  de  Tinogasta,  la  dernière  de  l'Argentine  à  la  base  des  grands 
plateaux  neigeux,  fait  avec  Gopiapo  un  commerce  de  mules  et  de  bêles 
a  cornes.  Dans  la  haute  vallée  jaillissent  les  eaux  thermales  de  Fiambala, 
visitées  pendant  la  belle  saison. 


La  province  de  la  Rioja,  comme  celle  de  Cat^imarca,  est  formée  de 
hautes  vallées  andines,  s'inclinant  au  sud  et  au  sud-ouest  vers  la  zone  de 
plaines  salées  (juc  limitent  à  Test  les  massifs  de  Côrdoba.  Peuplée  égale- 
ment de  laborieux  Calchaqui,  auxquels  se  sont  joints  des  mineurs  chi- 
liens, elle  ajoute  les  produits  du  tissage  domestique  aux  ressources  que 
lui  procurent  l'élève  du  bétail  et,  dans  les  fonds,  la  culture  des  terrains 
irrigables.  La  fertilité  de  la  Rioja  a  passé  en  proverbe,  et  en  aucune  partie 
(le  l'Argentine  on  ne  moissonne  meilleur  froment,  on  ne  cueille  meil- 
leures oranges,  on  ne  fabrique  meilleur  vin  ;  le  sol  poi'eux  et  léger  des 
champs  arroses  de  la  Rioja  semble  l'emporter  sur  les  terres  profondes 
des  bords  du  Parana  pour  donner  un  goût  savoureux  et  délicat  aux  grains 

*  Gimardo  Langc^  Anales  del  Museo  de  la  Plata,  1892. 


ANDALGALi,  LA   RIOIA,   CHILECITO.  717 

aux  fruits'.  Tout  ce  qui  se  peut  irriguer  dans  les  vallées  et  les  plaines 
,  cultivé  :  pour  accroître  les  terrains  lie  labour,  il  faudrait  établir  des 
iervoirs  dans  les  cirques  supérieurs  des  vallées. 

La  ville  de  la  Rioja,  fondée  en  1 591  à  la  base  orientale  des  montagnes  de 
lasco,  regarde  du  haut  de  sa  terrasse,  située  à  510  mètres,  la  vaste  éten- 
e  des  plaines  inclinées.  Rattachée  maintenant  au  réseau  des  chemins  de 
'  ai^niins,  elle  n'a  qu'un  faible  commerce,  la  population  étant  assez 
lirsemée  :  où  tarissent  les  ruisseaux,  commence  le  désert.  Le  travail  est 
us  actif  dans  la  vallée  qui  s'ouvre  plus  à  l'ouest,  entre  la  sierra  de 
fiasco  et  les  monts  neigeux  de  Famalina.  Le  bourg  qui  donne  son  nom 


^ 

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0«,l  dt  Or«nv„r^                                                                                                                                          e.   M 

[  superbe  massif,  forme  une  rangée  continue  de  maisonnettes  et  de 
rdins  se  prolongeant  sur  une  quinzaine  de  kilomètres,  le  long  d'an 
rrent,  et  s'arrêlant  à  l'endroit  où  s'épuisent  tes  eaux.  Un  autre  gave, 
îscendu  du  nevado  de  Famatina,  fait  surgir  en  aval  un  deuxième  bourg, 
lilecito  ou  Villa  Argentine,  plus  important  que  le  premier,  et  devenu  le 
rîlable  chef-lieu  industriel  et  commercial  de  la  province  :  le  nom  qu'il 
trte,  —  «Petit  Chili»,  —  dit  les  origines  de  sa  population.  C'est  le  centre 
1  la  région  minière  de  la  Rioja.  Les  deux  versants  de  ta  vallée,  dans  la 
;rra  de  Velasco  et  dans  celle  de  Famatina,  renferment  des  gisements  d'or, 
argent,  de  cuivre,  de  fer,  de  nickel;  tous  les  ruisseaux  sont  métallifères, 
quelques-uns  tellement  chargés  de  métal,  qu'on    ne  peut  les  utiliser 


■  IbrliD  de  Moussy,  ouvrage  ciU'. 


718  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

pour  l'irrigation.  En  certains  endroits  se  rencontrent  des  amas  de  scories 
et  les  ruines  de  fours  grossiers  qui  témoignent  des  exploitations  de  cuivre 
faites  jadis  par  les  Calchaqui  pour  la  fabrication  d'armes  et  d'instruments 
agricoles.  Les  premiers  travaux  sérieux  des  blancs  datent  de  1804;  ils 
furent  maintes  fois  interrompus  par  la  guerre  civile  ou  par  les  malversa- 
tions de  quelque  chef  militaire. 

Le  grand  minerai,  c'est-à-dire  la  région  minière  par  excellence, 
occupe  la  partie  méridionale  de  la  sierra  de  Famatina  ;  les  gisements  les 
plus  riches  se  trouvent  sur  les  crêtes  mêmes  qui  avoisinent  le  piton 
central,  à  4000,  4500  et  même  5000  mètres  au-dessus  du  niveau  delà 
mer.  Celles  de  la  Mejicana  furent  découvertes,  dit-on,  par  des  Mexicains 
qui  suivirent  jusqu'à  sa  source  un  ruisseau  chargé  d'ocre,  puis  elles  furent 
exploitées  par  des  «  Aragonais  »  dont  la  légende  a  fait  des  êtres  à  demi 
mythiques.  Outre  les  excavations  suivies  avec  méthode  par  des  compa- 
gnies minières,  il  existe  des  milliers  de  trous,  de  puits,  de  galeries  sur 
tous  les  escarpements  :  des  centaines  de  pilguineros  ou  mineurs  errants, 
accompagnés  d'un  chien  et  coupant  à  la  hache  leur  nourriture  gelée, 
parcourent  les  crêtes  neigeuses  à  la  recherche  des  gisements  de  métal, 
et  dès  qu'ils  ont  fini  d'exploiter  un  filon  superficiel,  vont  en  découvrir  un 
nouveau.  La  roche  calcaire  qui  compose  ces  montagnes  est  traversée  d'in- 
nombrables filons  métalliques,  pyrites  de  cuivre,  argent  et  or,  mêlées  au 
chlore,  à  l'iode,  à  l'arsenic,  au  soufre.  De  1820  à  1860,  le  rendement 
de  ces  mines,  en  or  et  en  argent,  s'éleva  à  30  millions  de  francs,  utilisé 
en  partie  à  la  Rioja  pour  la  frappe  de  la  monnaie.  Actuellement  on 
exploite  aussi  des  minerais  de  cuivre  ayant  en  métal  pur  la  teneur  d'un 
sixième  environ.  La  ville  de  Chilccito  ou  du  «  Petit  Chili  »,  à  laquelle 
viennent  aboutir  les  périlleuses  sentes  de  la  montagne,  se  relie  à  Buenos 
Aires  et  à  toute  l'Argentine  par  un  embranchement  de  voie  ferrée  :  Vin- 
china  lui  sert  d'étape  pour  les  relations  très  actives  qu'elle  entretient  par 
la  haute  vallée  du  Vermejo  avec  le  centre  minier  de  Copiapo,  sur  l'autre 
versant  des  montagnes  argentino-chiliennes. 


La  province  de  San  Juan,  autre  région  minière,  appartient  en  entier, 
comme  Caiamarca  et  la  Rioja,  au  domaine  des  bassins  fluviaux  sans  écou- 
lement. San  Juan,  la  capitale,  est  fort  bien  située  à  650  mètres  d'altitude, 
dans  une  plaine  fertile  que  la  rivière  du  même  nom  arrose  par  mille 
canaux  divergents,  mais  cette  eau  se  perd  à  peu  de  distance,  au  sud,  dans 
les  marais  de  Huanacache.  San  Juan,  fondée  en  1561,  à  6  kilomètres  plus 


CUILEGITO,  SAN  JUAN,  JACHAL.  719 

au  nord,  puis  reportée  à  l'endroit  qu'elle  occupe  aujourd'hui,  s'entoure 
d'un  magnifique  boulevard  planté  de  peupliers  et  d'une  zone  de  belles 
cultures.  Elle  possède  un  jardin  botanique.  Dite  San  Juan  de  la  Frontera 
à  cause  du  voisinage  des  Andes  qui  séparent  l'Argentine  du  Chili,  la  ville 
fait  avec  le  versant  du  Pacifique  un  assez  grand  commerce  de  bétail,  de 
fruits  secs  et  autres  denrées  agricoles.  Le  village  de  Zonda,  qui  s'élève  h 
l'ouest  dans  un  vallon  de  plus  d'un  millier  de  mètres  d'altitude,  est  un 
lieu  de  plaisance  et  de  bains  très  apprécié  par  les  habitants  de  San  Juan. 
A  Test,  le  bourg  de  Caucete  —  officiellement  Independencia  — ,  com- 
mande un  réseau  de  canaux  d'irrigation  creusés  dans  un  désert  reconquis 
et  bordés  maintenant  de  riches  campagnes.  Quelques  gisements  métalli- 
fères et  des  lignites  que  l'on  trouve  dans  les  montagnes  environnantes 
expliquent  la  fondation  à  San  Juan  d'une  école  des  mines,  d'ailleurs  peu 
fréquentée.  Le  bourg  de  Jachal,  situé  à  200  kilomètres  au  nord,  sur  une 
rivière  abondante,  grossie  d'un  gave  à  chaque  issue  de  vallée,  concentre 
le  trafic  de  la  province  dans  toute  sa  partie  septentrionale  et  dirige  de 
nombreux  convois  muletiers  vers  les  deux  ports  chiliens  de  Huasco  et  de 
Coquimbo.  Le  district  de  Jachal  abonde  en  mines  et  en  eaux  thermales. 


La  province  de  Mendoza,  après  celle  de  Tucuman  la  plus  peuplée  des 
régions  andines,  doit  son  importance  exceptionnelle  à  sa  situation  sur  la 
voie  maîtresse  de  TAmérique  du  Sud,  entre  Buenos  Aires  et  Valparaiso  : 
c'est  entre  les  deux  plus  hauts  colosses  de  la  chaîne,  l'Aconcagua  et  le 
Tupungato,  que  s'ouvre  le  col  de  la  Cumbre,  choisi  pour  la  route  et 
le  futur  chemin  de  fer.  Au  sud,  des  seuils  plus  bas  interrompent  la 
cordillère;  mais,  se  trouvant  fort  éloignés  en  dehors  du  chemin  qui  réunit 
les  deux  points  vitaux  de  l'Argentine  et  du  Chili,  ils  restent  encore 
négligés  par  le  commerce.  Comme  les  autres  provinces  andines,  Mendoza 
possède  des  veines  de  métal  assez  riches,  quoique  faiblement  exploitées 
pendant  ce  siècle;  mais  elle  doit  ses  principales  ressources  aux  vignobles, 
aux  champs  de  céréales,  aux  luzernières  (ju'arrosent  les  torrents  descendus 
des  Andes  :  la  sériciculture,  essayée  avec  enthousiasme  vers  le  milieu  du 
siècle,  est  maintenant  abandonnée.  Avec  les  provinces  de  San  Juan  et  de 
San  Luis,  Mendoza  appartient  à  la  région  du  Cuyo,  jadis  associée  admi- 
nistrativemenl  au  Chili,  sous  le  régime  colonial  de  l'Espagne. 

Mendoza,  la  capitale,  qui  fut  aussi  chef-lieu  de  toute  la  vice-royauté 
espagnole  de  la  Plata,  éleva  ses  premières  maisons  en  1560,  dans  une 
plaine  que  parcourent  des  ruisseaux  transformés  en  canaux  d'irrigation. 


'm  KOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Mais  la  ville  acluclte  n'est  pas  celle  que  fondèrent  les  conquéranls  :  elte 
se  trouvait  plus  à  l'est.  La  première  Mendoza,  presque  aussi  étradoe 
<|iie  la  iiouYcllc,  était  britic  de  maisons  plus  hautes,  édi6ées  ea  vM^ 
rinux  [>lus  luiiid^.  Iji  qiielijurs  minutes  elle  fut  renversée.  C'£laiL>ia^ 
8(tl,  le  soir  d'un  morecredi  des  Cendres,  à  l'heure  où  presquet 


[lopulalion  de  Mcndozn  se  proslernail  dans  les  églises.  Toutes  les  il 
s'écroulèrent,  à  peine  quelques  pans  de  mur  restèrent-ils  dressés  i 
(le  l'immense  ruine.  Sur  moins  de  quinze  mille  habitants,  treîte  mille, 
distant  les  uns,  dix  mille,  disent  les  autres,  gisaient  écrasés  sous  les 
décombres  :  le  géologue  Bravard,  qui,  d'après  la  légende,  aurait  prédit  le  . 
I l'cmblc-tcrre  à  brève  échéance,  se  trouvait  parmi  les  morts.  N'étant  point 
située  dans  un  pays  volcanique,  et  aucune  montagne  à  cratère  ne 
s'élevant  dans   les  Andes  voisines,    il    n'est  pas   probable  que  Mendoia 


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MENDOZA.  725 

ail  été  secouée  et  renversée  par  le  bouillonnement  intérieur  des 
laves.  Brackebusch  explique  l'événement  par  la  combustion  des  couches 
bitumineuses  que  recouvre  le  sol  et  par  l'explosion  des  gaz.  En  reconstrui- 
sant la  ville»  les  habitants  prirent  pour  rue  centrale  VAlameday  avenue 
de  peupliers  et  d'ormes  qui  attirait  la  foule  des  promeneurs  pendant 
les  belles  soirées  d'été.  Gaiement  peintes  de  couleurs  vives,  les  maisons 
nouvelles,  élevées  en  adobes  ou  «  loubes  »,  qui  vibrent  élastiquement 
sous  le  chocy  s'alignent  le  long  des  arbres  rangés  au  bord  d'un  canal 
avec  fontaines  et  cascatelles.  Située  sur  la  grand'route  de  Buenos  Aires  à 
Yalparaiso,  Mendoza  est  le  principal  lieu  d'étape  entre  les  deux  républi- 
ques. Gomme  centre  agricole,  elle  a  aussi  une  importance  de  premier 
ordre,  et  une  école  d'agriculture  y  a  été  fondée  à  bon  droit.  Les  campa- 
gnes environnantes,  les  mieux  arrosées  de  l'Argentine,  possèdent  d'admi- 
rables invemada$j  prairies  artificielles  d'embouche  dont  les  luzernes 
s'exportent  au  Chili.  La  ville  expédie  sur  l'autre  versant  des  Andes  des 
cuirs,  des  laines  et  du  bétail  sur  pied.  En  1887,  48000  bêtes  à  cornes, 
expédiées  de  Mendoza,  traversèrent  le  col  de  la  Cumbre.  Les  viticulteurs 
de  la  contrée  envoient  leurs  vins  a  Buenos  Aires. 

A  l'ouest  de  Mendoza,  la  route  et  le  chemin  de  fer,  partis  d'une  altitude 
de  805  mètres,  se  dirigent  au  sud-ouest  pour  s'engager  dans  une  brèche 
des  avant-monts  et  gagnent  les  hauteurs  en  remontant  la  vallée  du  rio  de 
Mendoza.  On  contourne  le  massif  de  los  Paramillos,  ou  se  trouve,  domi- 
nant la  ville,  à  une  dizaine  de  kilomètres  au  nord-ouest,  le  bourg  de 
Ghallao,  lieu  de  villégiature  et  de  bains;  puis  on  pénètre  dans  la  haute 
vallée  d'Uspallata,  bien  disposée  en  apparence  pour  la  fondation  d'une 
cité.  Mais  l'altitude,  déjà  élevée,  —  1900  mètres  environ,  —  effraye  les 
immigrants,  et  le  poste  d'Uspallata  n'a  d'importance  que  pour  la  douane, 
comme  bureau  d'exportation  ;  les  établissements  miniers  pour  l'exploita- 
tion du  cuivre  et  autres  métaux  n'ont  pas  donné  lieu  à  des  travaux  suivis. 
Au  dernier  siècle,  les  mines  du  Paramillo,  dont  les  galeries  s'ouvrent  à 
des  hauteurs  diverses,  de  2700  à  3184  mètres,  étaient  exploitées  très 
activement  :  les  captifs  araucans,  qu'on  y  envoyait  mourir  par  milliers,  y 
avaient  fait  d'énormes  travaux  d'excavation*.  Le  vent  dit  paramillero 
souffle  sur  ces  hautes  terres,  avec  une  terrible  violence. 

La  voie  ferrée  dépasse  Uspallata  de  25  kilomètres  et  s'arrête  provisoire- 
ment (1893)  à  2000  mètres,  en  aval  de  Punta  Vacas,  où  commencent 
les  escarpements  difficiles.  Des  camchas^  on  cases  de  refuge  contre  les 

*  G.  ÀTé-Lallemantr  El  Paramillo  de  Uspallata. 


7^4  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE/ 

tourmentes  et  les  avalanches,  se  succèdent  de  distance  en  dislance  sur  la 
pente  de  la  Cumbre  :  Tune  d'elles  se  blottit  au  pied  de  la  roche,  non 
loin  du  (c  pont  de  Tlnca  )>,  arche  naturelle  de  conglomérat  cimenté  par 
les  dépôts  calcaires  de  sources  thermales  (36*  centigrades)  qui  bouillon- 
nent au  fond  d'une  grotte  et  tombent  en  cascades  dans  le  ruisseau  de  las 
Cuevas.  La  superbe  arcade  du  pont,  dont  un  pied-droit  laisse  échapper 
l'eau  jaillissante,  se  développe  au-dessus  du  l'avin  à  20  mètres  de  hauteur, 
et  de  la  voûté,  d'une  portée  de  30  mètres,  pendent  de  longues  stalactites. 
Quoique  la  station  n'ait  pas  encore  d'établissement,  quelques  malades, 
surtout  des  Chiliens,  viennent  en  été  se  baigner  aux  sources  de  l'Inca,  que 
l'on  dit  efficaces  dans  les  cas  de  rhumatismes  et  de  maladies  du  sang. 

Au  sud  de  Mendoza,  la  route  qui  longe  à  distance  la  base  des  avant- 
monts,  traverse  San  Vicente,  (jue  l'on  peut  considérer  comme  un  fau- 
bourg de  la  capitale,  puis  franchit  la  rivière  du  Lujan,  que  borde  la 
ville,  riche  ciussi  en  eaux  thermales  fréquentées.  Quelques  plantations 
d'oliviers  et  de  vignobles  contrastent  avec  les  prairies  environnantes.  A 
une  centaine  de  kilomètres  au  sud,  dans  une  vallée  longitudinale  que 
domine  à  l'ouest  la  pré-cordillère  et  que  la  sierra  de  Tunuyan  sépare  à  Test 
des  plaines  basses,  se  montre  San  Carlos.  Quoique  fort  bien  située»  cette 
ville,  principal  lieu  d'étape  entre  Mendoza  et  San  Rafaël,  s'accrott  lente- 
ment. En  1868,  les  Indiens  de  la  montagne,  contournant  le  poste  de 
San  Rafaël,  tombèrent  à  l'improviste  sur  San  Carlos,  en  massacrèrent  h 
garnison,  enlevèrent  les  femmes,  pillèrent  les  maisons,  puis  disparurent. 
La  ville  ne  s'est  pas  relevée  de  ce  coup,  et  les  colons,  presque  tous  Chiliens, 
vivent  en  des  maisons  éparses  au  milieu  des  champs  et  des  prairies*. 
Quant  au  bourg  de  San  Rafaël,  placé  à  l'issue  de  la  montagne,  près  des 
rives  du  rio  Diamante,  il  sera  probablement,  dans  un  avenir  peu  éloigné, 
l'une  des  principales  cités  de  l'Argentine,  grâce  à  la  fécondité  de  ses  cam- 
pagnes, a  ses  rivières,  aux  passages  relativement  faciles  qui  le  font  com- 
muniquer avec  le  Chili.  La  plupart  de  ses  fondateurs  étaient  des  fugitifs 
d'autres  provinces,  bannis  ou  criminels,  que  Ton  connaissait  sous  le  nom 
à  demi  indien  de  guayquero%  ou  «  chasseurs  d'autruches  »,  et  qui  semrenl 
de  guides  aux  expéditions  militaires  entreprises  dans  les  Andes'.  En  1872, 
San  Rafaël  était  assiégé,  pour  ainsi  dire,  par  les  Indiens.  Les  soldats 
de  la  garnison  n'osaient  pas  s'éloigner  du  fortin  et  gardaient  leui's  bes- 
tiaux en  deux  enclos  bien  surveillés.  Maintenant  les  prairies  artificielles 


*  Carlos  A.  Villanuov.'i,  Bolelin  ilcl  ïnstltato  Geogràfi?.o  Argenlino,  loiiio  V,  1884. 
■  Francisco  llost,  Bolelin  del  ïmtiluto  Geojràfico  Argentino,  tomo  II,  1881 


USPALLATA,   SAN  RAFAËL. 
seleDdent  loin  de    la  ville  et  les  convois  de  mulets,  chaînés  de 


four- 


rage pour  les  marchés  du  Chili,  traversent  les  Andes  aux  cols  Plan- 
chon  et  Cruz  de  Piedra.  La  culture  de  la  vigne  a  déjà  commencé  près  de 
San    Rafaël. 

A  l'ouest,  les  avant-monts  ai^enlins  renferment  des  couches  de  charbon 
qui  appirtiennent  cerlainement  à  la  formation  carbonifère,  et  non  pas  au 
système  Iriasique,  comme  les  divers  combustibles  trouvés  dans  les  districts 
de  San  Juau  et  de  Hendoza  :  seul  de  l'Argentine,  le  petit  bassin  du  Reta- 


mito,  dans  le  San  Juan,  occupe  un  élngcment  analogue.  Un  chasseur  de 
buanacos,  parcourant  les  Andes,  vers  les  sources  du  Diamanle,  trouva 
quelques  morceaux  de  charbon  qu'il  remit  à  un  spéculateur  de  Mendoza. 
Une  compagnie  financière  se  forma  aussitôt,  et  l'on  fit  appel  aux  géologues 
et  aux  chimistes  de  Buenos  Aires  pour  connaître  la  valeur  de  cette  trou- 
vaille. Le  combustible  de  San  Rafaël,  vraie  houille  brûlant  avec  une 
flamme  pure,  égale  les  charbons  anglais  de  qualité  moyenne.  Les  couches 
explorées  déjîi  sont  nombreuses  et  l'une  d'elles,  dans  la  mine  «  Eloisa  », 
n'a  pas  moins  de  quatre  mètres  d'épaisseur.  Tout  semble  indiquer  que  les 


KOUVELLK  GÉOGRAPHIE  l'Ifl  YEUSE  ILE. 

gisetncnls  se  poursuivent  plus  au  sud  justjuu  dans  le  leniloire  de  Ncuquen, 
au-dessous  des  ossises  jurassiques.  La  même  région  oonlieiit  des  pétroles, 
des  albâtres  el  des  calcaires  exploitables;  en  nuire,  les  cendres  du  char- 
bon fossile  de  San  Rarael  renferment  une  forte  proportion  de  vanadium, 
dont  les  sels  sont  les  meilleurs  mordants  pour  la  teinture  d'aniline'. 
Mai;^  les  belles  uoucbes  houillères  se  trouvent  'a  une  grande  altitude,  de 
2500  Ji  5200  ml'lrcs,  et  pendant  l'hiver  des  lits  de  neige  recouvrent  les 
strules  supérieures'.  Il  sérail  donc  bien  dilïicile  d'exploiter  ces  charbons 
avee  [)rofit  et  on  les  gai-de  en  réserve,  en  attendant  que  le  rio  Itiamanic 
soil.  rendu  navigable  et  que  des  chemins  do  fer  aient  escaladé  ces  mon- 
tagnes', 


1,0  province  de  San  Luis,  séparée  de  celle  de  Wcndoza  par  le  cours  du 
Desagnadero  et  du  Salado,  occupe  une  partie  du  massif  centi-al  el  s'étend 
au  loin  dans  les  déserts  du  sud,  C'est  une  des  l'égions  les  moins  peuplées 
de  l'Argentine,  quoi(|ue  riche  en  gisements  minier»  et  très  fertile  dans 
tous  ses  terrains  irrigables,  La  province  a  l'avantage  de  se  trouver,  entre 
Côrdoba  et  Mendoza,  sur  le  parcours  de  la  voie  maîtresse  de  l'Atlantique 
au  Pacifique:  mais,  de  tous  les  Argentins,  ceux  de  San  Luis  ont  eu  le  plus 
il  souffrir  de  la  guerre.  Depuis  la  lin  du  seizième  siècle  jusqu'au  milieu 
du  dis-neuvième,  pendant  plus  de  2j0  années,  la  nlle  fut  le  poste  avancé 
des  Espagnols  contre  les  Pampéons,  et  avec  de  pareils  ennemis  la  tulle, 
toute   iremliilclii's  cl   ^i^^   sui'jiri-i's,  t'Iiiil  iiiccssanlc  :  plus  d'une    fois  les 


I 


■  Juan  Kylo.  Refitla  dd  Mtueo  de  La  Plala,  1895. 

■  Rodolfo  Uaulhal,  mcnic  n<cucil. 

^  Villes  et  boui'gs  historiques  <k's  provinces  nord-occiJcnlalcs  de  l'Argentine,  avec  leur  population 
npproiimaliïc,  d'après  Lalïina  ; 


JirjVT. 

Salta. 

Tuamn. 

Honlenis. 

VTIACO  &EL   ESTETIO. 

inrctn'" 

5  000  hab. 
4  5U0     » 


J H  1100   bah. 
2  .'lOO     >i 


■iJUOÛ    bub. 
i  000     u 


AtimiLsijiii 

(ATAHtnCl. 

Cjitaniarca 

(le  Andalgalà 


Mi'iiiloza.    . 
San  lUrael, 


7  000   hab. 
3  000     i> 


0  000    hab. 
4  OWI     j) 


12  000   luiL. 
IfJOO     u 


SAN-LUIS,  YILLÂ  MERCEDES.  727 

cavaliers  indiens  dépassèrent  même  San  Luis  dans  leui*s  incursions  sur  le 
territoire  colonisé;  ils  y  pénétrèrent  en  conquérants  ou  en  alliés  de  l'un 
ou  l'autre  des  partis  aux  prises  dans  les  guerres  civiles.  Parmi  les  Hispano- 
Américains,  nulle  population  ne  s'est  jetée  avec  plus  de  passion  dans  les 
conflits  militaires  et  les  révolutions  locales,  et  dans  ces  batailles  la  jeu- 
nesse a  été  plus  que  décimée.  Aussi  la  proportion  des  femmes  l'emporte 
de  beaucoup  sur  celle  des  hommes.  Normalement,  la  proportion  devrait 
être  renversée,  puisque  la  province  reçoit  des  colons  étrangers,  parmi 
lesquels  le  sexe  masculin  se  trouve  toujours  en  majorité. 

Fondée  en  1597  par  Martin  de  Loyola,  un  neveu  du  célèbre  Ignace,  San 
Luis  fut  longtemps  connue  sous  le  nom  de  Punta  de  lo$  Venados  ou 
«  Pointe  des  Chevreuils  )s  d'après  le  promontoire  sur  lequel  se  dressèrent 
les  premières  constructions;  de  là  cette  appellation  de  Puntano$  que  Ton 
donne  aux  habitants.  La  ville  est  située  à  762  mètres  d'altitude  sur  les 
pentes  de  la  Punta,  dont  la  cime  se  dresse  à  7  kilomètres  de  distance  : 
de  ce  belvédère,  on  jouit  sur  les  plaines  et  sur  les  montagnes  d'une  vue 
circulaire  très  étendue,  limitée  à  Touest,  au  delà  des  campagnes  de  Men- 
doza,  par  les  montagnes  neigeuses  que  domine  le  Tupungato;  l'Aconcagua 
reste  caché  par  un  autre  géant  des  Cordillères,  le  cerro  de  Plata*.  Le  ruis- 
seau du  Chorillo  alimente  en  amont  un  vaste  réservoir  contenant  12  mil- 
lions de  mètres  cubes,  qui  répartit  ses  eaux  dans  les  vergers  et  les  vignes 
des  alentours.  Les  lavages  d'or  que  l'on  exploite  au  nord,  dans  les  ravins 
les  plus  élevés  de  la  montagne,  près  du  pic  de  Tomolasta,  ne  donnent  plus 
qu'une  faible  quantité  de  métal . 

Villa  Mercedes,  fondée  en  1856,  sous  le  nom  de  Fuerte  Constitucional, 
a  pris  une  importance  imprévue,  grâce  à  sa  position  dans  une  plaine  fer- 
tile qu'arrose  le  rio  Quinto,  à  l'endroit  où  le  chemin  de  fer  interocéanique 
contourne  au  sud  la  sierra  de  Cordoba.  Étape  centrale  entre  le  Parana  et 
les  Andes,  Villa  Mercedes  est  heureusement  placée  comme  futur  point  de 
convergence  pour  les  voies  ferrées  majeures  de  Cordoba,  de  Rosario,  de 
Buenos  Aires,  de  Bahia  Blanca,  de  San  Rafaël,  de  Mendoza.  Bâtie  sur  un 
territoire  récemment  conquis  sur  les  Indiens  de  la  pampa,  entourée  de 
luzernières,  la  ville  grandit  aux  dépens  des  bourgs  situés  plus  au  nord, 
sur  l'ancienne  «  roule  du  Chili  »,  Achiras  et  San  José  del  Morro. 

Rio  Cuarto,  autre  station  très  active  du  réseau  argentin,  est  située, 
comme  son  nom  l'indique,  sur  la  «  quatrième  »  des  rivières  qui  descendent 
du  versant  oriental  des  monts  cordovais;  elle  appartient  à  la  province  de 

^  Hermann  Burmeister,  Reise  durch  la  Plaia, 


728  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

Curdoba.  De  môme  que  San  Luis,  elle  défendait  conti'e  les  Pampéens 
Textréme  fronlicre  de  TArgenline  colonisée;  maintes  fois  elle  futassi^: 
les  femmes  et  les  enfants  s'enfermaient  dans  l'église  fortifiée,  tandis 
que  les  hommes  combattaient  dans  les  rues.  La  paix,  qui  a  permis  de 
creuser  des  canaux  d'irrigation,  a  fait  de  Rio  Cuarto  la  deuxième  cité 
de  la  province.  Les  villes  jumelles  de  Villa  Maria  et  Villa  Nueva,  la  pre- 
mière sur  la  rive  gauche,  la  seconde  sur  la  rive  droite  du  rio  Tercero,  que 
traverse  un  pont  de  fer,  constituent  un  autre  centre  de  commerce  pour 
les  colonies  agricoles.  La  principale,  dite  Frayle  Muerto,  fondée  par  des 
Anglais  en  1868,  ne  réussit  pas,  et  les  premiers  colons  se  dispersèrent. 
Depuis,  des  cultivateurs  d'autres  nationalités  y  sont  venus  en  grand 
nombre,  et  la  contrée  qui  entoure  Bell-ville,  nom  actuel  de  Frayle  Muerto, 
est  devenue  une  riche  campagne  où  les  prairies  de  luzerne  alternent  avec 
les  champs  de  blé. 

Côrdoba,  la  capitale  de  la  province  et  la  deuxième  cité  de  la  République 
a  l'ouest  du  Parana,  est  une  des  villes  anciennes  de  l'Amérique  méridio- 
nale. Cabrera  la  fonda  en  1573,  sept  années  avant  que  ne  s'élevât  Buenos 
Aires.  Située  sur  la  rive  droite  du  rio  Primero,  à  400  jnètres  d'altitude 
moyenne,  elle  occupe  le  fond  d'une  vallée  d'érosion  entre  de  hautes  berges 
latérales  :  à  l'ouest,  on  aperçoit  la  brèche  d'où  s'échappent  les  eaux,  entre 
deux  escarpements.  Siège  de  la  domination  des  Jésuites  pendant  deux 
siècles,  Gordoba  avait  encore  à  une  époque  récente  la  physionomie  morose 
d'une  ville  ecclésiastique;  mais  depuis  1870  elle  se  rattache  au  réseau  des 
chemins  de  fer,  et,  redevenue  centre  de  commerce  et  d'industrie,  rivalise 
d'influence  avec  Buenos  Aires  pour  le  progrès  scientifique.  L'université, 
qui  s'était  reconstituée  après  l'expulsion  des  Jésuites  en  1767,  et  qui, 
dépourvue  de  livres,  d'instruments,  de  collections,  de  professeurs,  n'en- 
seignait plus  guère  que  le  latin  rituel  et  la  philosophie  scolaslique,  se 
renouvela  en  1870,  grâce  à  l'introduction  d'études  sérieuses  et  à  l'arrivée 
de  vrais  savants,  naturalistes  allemands  pour  la  plupart.  Un  obsenaloire 
astronomique,  fondé  à  la  même  époque,  occupe  un  rang  honorable 
parmi  les  établissements  analogues,  et,  par  la  publication  d'une  urano- 
métric  de  l'hémisphère  méridional,  a  déjà  donné  une  œuvre  capitale 
Côrdoba  possède  aussi  un  institut  météorologique  et  diverses  autres  insti- 
tutions utiles;  elle  est  en  outre  le  siège  d'une  académie  des  sciences.  La 
carte  dite  de  Scclslrang  se  prépare  au  bureau  géographique  de  Côrdoba. 

La  ville  était  autrefois  très  exposée  au  ravage  des  torrents  débordés.  In 
ruisseau  latéral  du  Primero,  issu  d'un  ravin  presque  toujours  à  sec,  des- 
cendait parfois  en  avalanche  de  boue;  un  mwalloUj  construit  en  1671, 


BELL-VtLLE,  CÔRDOBA.  73» 

i-eticnt  les  eaux  d'orjge.  Récemment  on  avait  fait  un  travail  de  même 
natui-e,  en  proportions  colossales,  pour  endiguer  le  rio  Primero.  Un  bar- 
ra^ construit  à  la  sortie  de  la  montagne,  près  de  San  Roque,  arrêtait  les 
eaux  en  temps  d'inondation  et   réglait  l'alimentation  de  la  cité  et  l'irri- 


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64 

gatioD  des  campagnes.  En  amont  de  la  digue,  qui  n'a  pas  moins  de 
29  mètres  et  demi  de  largeur  à  la  base,  sur  plus  de  5  mètres  au 
sommet  et  115  mètres  de  longueur,  la  masse  liquide  retenue  aurait  pu 
former  un  lac  navigable  de  55  mètres  en  profondeur  sur  un  espace  de 
159  kilomètres  carrés,  et  sa  contenance  aurait  été  de  260  millions  de 
mètres  cubes.  C'était  le  plus  grand  lac  artîilciel  qu'il  y  eût  au  monde. 
Mais,  comme  en  tant  d'autres  endroits,  les  entrepreneurs  avaient  fait  des 


I 


II 


750 


iNOlYELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 


économies  sur  la  qucilité  du  ciment  de  ces  murs  babyloniens,  et  des 
Gssures  menaçantes  se  produisirent  :  il  fallut  limiter  le  niveau  lacustre 
à  20  mètres,  ce  qui  correspond  à  une  quantité  de  56  millions  de  mètres 
cubes,  suffisant  à  l'irrigation  d'au  moins  41000  hectares;  en  1890, une 
seule  pluie  de  six  heures  versa  les  trois  quarts  de  cette  masse  liquide'; 
par  suite  de  la  rupture  d'un  canal,  la  cité  fut  submergée  et  plusieurs 
centaines  de  maisons  détruites;  la  plupart  des  habitants  avaient  pu  s'enfuir 
avant  le  désastre. 

Aux  alentours,  on  visite  le  village  de  Pueblilo,  habité  par  des  Indiens 
aujourd'hui  métissés  qui  depuis  la  fondation  sont  toujoui*s  restés  sous  la 
dépendance  immédiate  de  Cordoba.  Plus  haut,  dans  l'intérieur  de  la  mon- 
tagne, se  trouve  un  autre  village,  Cosquin,  fréquenté  pendant  la  belle 
saison  par  des  valétudinaires,  phtisiques  et  autres  :  c'est  un  lieu  de  villégia- 
ture et  de  traitement.  D'autres  bourgades  sont  également  réputées  comme 
sanatoires.  Un  chemin  de  fer  qui,  au  sortir  de  Cordoba,  remonte  par  San 
Roque  et  Cosquin  jusqu'aux  sources  du  rio  Primero,  puis  redescend  à 
l'ouest  vers  les  salines  de  la  ttioja,  traverse  une  région  minière  jadis 
importante,  mais  n'ayant  plus  qu'une  valeur  très  amoindrie  ;  l'hôtel  des 
monnaies  de  Cordoba,  où  se  frappaient  les  monnaies  d'or  avec  le  métal 
des  montagnes  voisines,  est  depuis  longtemps  fermé.  Même  dans  ce  district 
minier,  la  principale  agglomération  urbaine,  formée  par  San  Pedro  et 
Dolores,  villes  jumelles  que  sépare  un  ruisseau,  dans  le  large  détroit 
ouvert  entre  les  deux  massifs  de  Cordoba  et  de  San  Luis,  ne  doit  sa  pros- 
périté qu'à  la  culture  des  campagnes  environnantes'. 


La  province  de  Buenos  Aires,  dans  laquelle  se  trouve  la  capitale,  ne 
représente  pas  même  la  dixième  partie  du  territoire  de  la  République; 
mais  sa  situation  privilégiée  lui  donne  une  part  de  beaucoup  supérieure 
en  population  et  en  richesse.  Pour  rexcellence  des  terres  et  même 
pour  la  bonté  du  climat,  elle  ne  peut  rivaliser  avec  d'autres  provinces; 
mais  elle   possède  l'avantage  par  excellence,  celui  d'un   facile  accès  au 


•'T0 


t  V 


*  Ludwig  Brackebusch,  Pelermann's  MUteilungen,  1893,  Heft  VU. 

■  Villes  princi[)alcs  des  provinces  de  San  Luis  et  de  Cordoba,  avec  leur  population  approximatiTe, 


d'après  Latzina  : 

San  Luis. 

Villa  Mercedes 7  000  hab. 

San  Luis 0  000     » 

C6:iDoiiA. 
Cordoba  (inuniiipe)  en  1887.  .       06 '247  hab. 


Rio  Cuarto 

Bell-ville  (Frayle  Muerlo).  .  . 
Villa  Nueva  et  Villa  Maria.  .  . 
S;in  Pedro  et  Dolores 


12  000  hib. 
5  000    0 

4  000    u 

5  300    » 


CÔRDOBA,  BUENOS  AIRES.  731 

commerce  et  à  l'immigration.  C'est  par  l'Europe  que  se  fît  l'Argen- 
tine et  qu'elle  continue  de  se  faire  :  tôt  ou  tard,  quand  la  nation 
sera  devenue  réellement  indépendante,  l'équilibre  s'établira  entre  ses 
diverses  parties.  D'ailleurs  Buenos  Aires,  non  satisfaite  de  sa  prépondé- 
rance économique,  a  longtemps  essayé  de  s'attribuer  la  domination  poli- 
tique :  en  secouant  l'autorité  de  Madrid,  elle  avait  cru  devenir  son  héri- 
tière, et  à  son  tour  envoyait  des  ordres  à  la  partie  de  l'empire  colonial  qui 
s'était  détachée  de  la  mère  patrie.  Telle  fut  la  cause  des  guerres  civiles, 
entre  «  unitaires  »  et  «  fédéralistes  »,  qui  ensanglantèrent  le  sol  de  l'Ar- 
gentine et  même,  pendant  un  temps,  la  maintinrent  divisée  en  deux  États 
distincts. 

La  cité  à  laquelle  Mendoza,  qui  en  désigna  l'emplacement,  donna  le 
nom  de  Puerto  Santa  Maria  de  Buenos  Aires,  n'est  point  un  «  port  » 
naturel,  malgré  son  appellation  et  celle  de  Portenos  ou  ce  Gens  du  Port  » 
qui  désigne  ses  habitants.  Les  indentations  profondes  manquent  sur  la 
longue  plage  basse  de  l'estuaire,  et  l'endroit  choisi  n'offrait  aux  nouveaux 
venus  qu'une  berge  de  débarquement  pour  les  canots  des  navires  restés 
au  large.  Même  de  nos  jours,  malgré  le  port  artificiel,  avec  bassins, 
musoirs  et  brise-lames,  qu'elle  s'est  fait  construire,  Buenos  Aires  se 
distingue  a  peine  du  pourtour  uniforme  de  l'horizon  :  ses  mâtures,  ses 
tours,  ses  fumées  apparaissent  comme  au-dessus  d'une  île  flottante.  Sans 
collines,  sans  renflements  du  sol  s'élevant  à  plus  de  19  mètres,  Buenos 
Aires  ne  peut  avoir  rien  d'imposant  dans  l'aspect.  Les  rues,  découpant 
la  ville  en  damier,  se  prolongent  à  perte  de  vue,  sans  rencontrer  d'obsta- 
cle qui  change  leur  direction  reclilignc  :  seulement,  au  sud,  les  berges 
d'une  terrasse  qui  descendent  brusquement  vers  le  «  ruisseau  »  ou  Ria- 
chuelo,  interrompent  un  peu  la  régularité  du  plan  géométrique;  en  outre, 
les  gares,  les  édifices  et  les  voies  ferrées  pointant  dans  toutes  les  direc- 
tions ont  introduit  quelque  variété  dans  le  quadrillé  des  loies. 

Buenos  Aires  n'est  pas  la  ville  la  plus  ancienne  de  la  République,  bien 
que  son  emplacement  ait  été  choisi  l'un  des  premiers  pour  une  colonie 
espagnole.  En  1555,  huit  années  après  la  fondation  du  fort  d'Espiritu 
Santo,  près  de  l'embouchure  du  Carcarana,  Diego  de  Mendoza  pénétra  dans 
le  Riachuelo  et  construisit  quelques  chaumières  sur  la  terrasse  qui 
domine  ce  ruisseau.  Mais  il  ne  sut  pas  rester  l'ami  des  Indiens  Querandi 
et  bientôt  se  trouva  bloqué  avec  ses  soldats  et  les  colons  dans  l'étroit 
campement.  Des  batailles,  des  assauts  eurent  lieu  avec  des  succès  divers; 
toutefois  la  petite  colonie  espagnole  ne  parvint  pas  a  se  dégager  com- 
plètement, et,  en  1542,  Alvar  Nufiez  «  Tète  de  Yache  »  donna  l'ordre 


I 


SOltVELLE  GÉOCRAPHIE   l'NTVERSELr.K. 

dV'Viicuci'  Buenos  Aires  :  le  pnys  iHail  iviidu  aux  Indien».  HupuusMjs  di?  va 
vMé,  les  Européens  ^e]lorl^l■cnt  leurs  forces  vers  les  nv(!s  du  l'nrand  el  du 
Paraguay  où  les  indigènes  sV^liiient  soumis  sans  grande  résislanct!,  mais 
leni*!)  pr(lg^^s  mêmes  dans  l'inlérieur  l'endii'ent  indispensiihle  la  fonJatiou 
d'une  cité  commerciale  sur  les  rives  de  l'estuaire.  [I  sembliiil  témÛTaîre 
de  s'élablir  dan»  lo  voisinage  des  betltquuux  Clmrrun  de  In  Bande  Orientale, 
et  l'on  décida  la  reconi|uéte  de  la  position  perdue  sur  le  iliachuelo.  En 
1580,  Juan  de  Gnray.  uc<:ompagné  de  soixante  soldats  et  d'une  lrou|)0 
d'Indien»  auxiliaires,  reprit  possession  de  la  berge  de  Buenos  Aires, 
d'où  les  Querandi  s'étaient  alors  éloignés,  et  la  répartition  du  terrain  com- 
mença. 

La  naissance  d'un  entrepôt  commercial  à  la  porte  de  l'immense  bassin  des 
fleuves  plalécns  était  un  événement  trop  considéi'able  pour  «pie  l'ancien 
équilibre  ne  se  trouvât  pas  changé.  Les  négociants  de  Séville  cl  diî  Cadiz, 
qui  possédaient  le  mono|H)le  du  cummcrct!  dans  le  Nouveau  Monde  par 
la  Nouvelle-Grenade  et  le  Pérou,  exigèrent  du  gouvernement  cctlf  mesure 
absurde,  que  l'importiilion  des  objets  d'Europe  à  la  Plata  se  fit  par  la  voie 
du  Pérou  et  du  haut  Paraguay'.  Cependant  Buenos  Aires  réussit  h  obtenir 
quelques  facilités  de  tralic,  cl  l'établissement  d'une  colonie  portugaise  à 
Sacramento,  en  face  même  de  la  ville  espagnole,  développa  rapidement 
le  commerce  de  contrebande.  Buenos  Aires  et  sa  banlieue  n'avaient  encore 
que  20  000  habitants  en  1744,  plus  d'un  siècle  et  demi  api-ès  sa  fonda- 
tion. La  ville  ne  prit  d'importance  qu'en  1776,  lorsque  les  terriloii-es 
platéens  se  détachL'rent  de  la  tutelle  politique  et  commerciale  du  Pérou, 
pour  constituer  la  viee-royauté  de  la  Plata  et  nouer  des  relations  directes 
avec  la  mère  patrie.  Dès  le  commencement  du  dix-neuvième  siècle,  Buenos 
Aires  devint  une  grande  ville  de  50  000  habitants;  la  campagne  environ- 
nante possédait  un  nombre  égal  de  résidenis. 

Avec  la  période  de  l'indépendance  commencèrent  les  guerres  et  les 
dissensions  civiles;  néanmoins  Buenos  Aires  ne  cessa  de  grandir,  et, 
depuis  (jue  le  mouvement  d'émigration  européenne  a  pris  le  caractère 
d'un  exode,  la  capitale  de  la  Plata,  naguère  inférieure  à  beaucoup 
d'autres  cités  sud-américaines  et  aux  deux  cités  principales  de  l'Austra- 
la^-ie,  a  pris  le  premier  ran;r  comme  crnlin'  populeux  dans  tout  l'hémisphère 
inéi'idiimai'.  Piirfois  di-s  révolutions  locales,  des  épidémies,  des  crises 
(rarpeiil  ont  occasioiiué  un  recul  temporaire,  mais  le  mouvemi'til  iiiirmai 


*  l'i>|)uhititin  ih  Bueiius  Aires,  [e  TA  juilli'l  1811^ 


BUENOS  AIRES.  755 

comporte  une  augmentation  annuelle  de  10  à  14000  individus  par  l'excé- 
dent des  naissances  sur  les  morts,  et  à  cet  accroissement  vient  s'ajouter 
d'ordinaire  une  partie  de  l'immigration  totale,  évaluée  à  un  cinquième 
des  passagers  débarqués*.  La  ville,  occupant  une  superficie  très  considé- 
rable en  proportion  de  ses  habitants,  se  développe  de  Belgrano  à  Barracas 
sur  un  espace  d'environ  seize  kilomètres  et  demi  le  long  du  fleuve,  et  sur 
une  dislance  à  peu  près  égale  de  la  rive  vers  les  campagnes  de  l'inté- 
rieur. Au  nord-ouest,  elle  projette  un  long  faubourg  dans  la  direction 
du  Parand;  à  l'ouest,  elle  se  continue  par  des  quartiers  avancés  vers 
San  José  de  Flores;  au  sud,  elle  annexe  par  des  rangées  continues  de 
maisons  les  villes  de  la  Boca  et  de  Barracas,  sur  les  bords  du  Riachuelo. 
liC  municipe  s'étend  sur  un  espace  de  182  kilomètres  carrés;  toutefois  la 
superficie  réellement  couverte  par  les  constructions  est  seulement  de 
45  kilomètres  carrés,  soit  environ  la  moitié  de  la  surface  de  Paris.  Mais 
Buenos  Aires,  de  même  que  Rio,  Montevideo  et  toutes  les  autres  grandes 
cités  sud-américaines,  est  depuis  1870  très  amplement  pouiTue  d'omnibus 
sur  rails,  qui  font  un  service  proportionnellement  beaucoup  plus  actif 
que  les  véhicules  des  cités  européennes*.  En  outre,  il  faut  tenir  compte 
des  six  chemins  de  fer  qui  rayonnent  des  quais  et  qui  desservent  plusieurs 
stations  urbaines  \ 

Avant  que  le  commerce  et  la  spéculation  eussent  fait  naître  de  très 
grosses  fortunes,  toutes  les-rues,  toutes  les  maisons  de  Buenos  Aires  se 
ressemblaient.  Réglées  jadis  par  une  loi  formelle  du  conseil  des  Indes,  les 
rues  avaient  une  largeur  uniforme  de  16  vares  (15  mètres  76)  et  limi- 
taient des  îlets  ou  manzanas  ayant  129  mètres  de  côté;  des  trottoirs  d'un 
mètre  environ  bordaient  la  chaussée.  Le  type  normal  de  la  demeure, 
copié  sur  les  maisons  de  Séville  et  de  Cadiz,  présente  le  long  de  la  rue 
un  salon  à  deux  fenêtres  et  un  vestibule  fermé  d'une  grille,  à  travers 
laquelle  on  aperçoit  les  arbustes  et  les  fleurs  du  patio,  qu'entourent  les 
appartements  intérieurs.  Autrefois  les  maisons  n'avaient  qu'un  étage  ou 
même  un  simple  rez-de-chaussée.  Mais  la  cherté  croissante  des  terrains*, 

*  Nacion,  Agoslo  28,  1895. 

*  Voies  pour  omnibus  sur  rails  dans  la  ville  de  Buenos  Aires  en  1892  :  287  kilomèlres. 

406  voitures,  3500  employés,  6227  chevaux  et  nmles. 

Voyageur  transportés  :  60650000.  (Prensa,  I"  janvier  ISOô.) 

'  Mouvement  commercial  dos  gares  de  Buenos  Aires  en  1891  : 

Voyageurs * 6  550  000 

Marchandises 1  370  000  tonnes. 

*  Valeur  moyenne  des  terrains  dans  le  municipe  de  Buenos  Aires,  en  d890  :    142500  fnncs 
en  or  par  hectare;  14  fr.  25  par  mètre  carré. 


m  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

qui,  dans  les  quartiers  du  centre  atteint  les  mêmes  prix  que  dans  les 
capitales  de  l'Europe,  incite  les  propriétaires  h  surélever  les  murs  de  leurs 
immeubles,  et  les  parties  populeuses  de  la  cité,  à  l'est  dans  le  roisinage 
du  port,  au  nord  près  du  parc  de  Palermo  et  des  quartiers  élégants  de 
Belgrano,  se  reconstruisent  peu  .H  peu  de  maisoDs  plus  hautes,  plus 
somptueuses,  et  ne  se  modelant  plus  sur  le  type  primitif  des  demeures 
andalouses.  Livrée  aux  architectes,  Buenos  Aires  prend  l'aspect  compoùle 
et  banal  de  la  plupart  des  autres  capitales.  Les  banipies  cherchent  à  se 
distinguer  par  le  luic  des  marbres  et  des  métaux.  Sauf  la  brique  et  le 
sable,  le  sol  de  Buenos  Aires  ne  fournit  aucun  des  matériaux  qui  serveol  à 
sa  construction  et  à  son  eml)ellissemcnt.  Le  granit,  les  schistes  micacés 
viennent  de  l'île  Martin  Garcia  ;  les  marbres  sont  de  provenance  italienne; 
les  dalles  des  trottoirs  et  des  cours  sont  apportées  par  les  navires  an^ais; 
la  chaux  a  été  préparée  sur  les  bords  des  fleuves  Uruguay  et  Faranâ;  les 
bois  ordinaires  ont  été  coupés  en  Nor\'ège,  au  Ginada;  le  Brésil  et  le 
Paraguay  expédient  les  bois  précieux  d'ébénisterie  ;  la  France  envoie  les 
meubles,  les  bronzes,  les  cristaux. 

Les  principaux  monuments  se  groupent  non  loin  du  rivage,  à  l'endroit 
même  où  Juan  de  Garay  éleva  les  premières  constructions.  Le  palais  du 
gouvernement,  la  Casa  fiosada,  séparé  de  la  douane  par  une  promenade 
et  un  chemin  de  fer,   est  l'ancien  fort  des  vice-rois,   souvent  restauré, 
puis  entièrement  reconstruit  depuis  la  un  du  seizième  siècle.  A  côté,  suv 
le  pourtour  de  la  place  Mayo  ou  Victoria,  se  proûlent  les  principaux  édi- 
lices,  palais  du  Congrès,  hôtel  de  ville,  Bourse,  théâtre  Colon  et  la  cathé- 
drale, précédée  d'un  gi-andiosc  péristyle  à  colonnes  corinthiennes.  Pen- 
dant le  jour,  la  vie  urbaine  converge  par  ses  lignes  de  véhicules  vers  tv 
point  central.  Là  commence  le  large  boulevard  de  Mayo,  non  encore  ter- 
miné, qui  doit  se  croiser  au  centre  de  la  ville  avec  le  boulevard  Callaii 
cl  tracer  une  grande  croix  à  travers  tout  Buenos  Aires,  C'est  aussi  dans 
le  voisinage  immédiat  de  la  place  Mayo  que  se  trouve  la  station  où  vien- 
nent aboutir  la  plupart  des  trains  du  réseau  platéen;  la  rue,  d'ailleurs 
aussi  élniilc  que  les  autres,  où  se  porte  la  foule  des  |)romeneurs  et  des 
oisifs,  errant  de  magasin  en  magasin  et  de  café  en  café,  commence  tout 
près   de  la  place  pour  se  diriger  au  nord  vers  la  plaza  San  Martin  :  ce 
rendez-vous  du    «  tout  Buenos  Aires  »,  qui  rappelle  la  rua  do  Ouvidor  à 
Rio,  est  la  calle  Florida. 

Toutes  les  nalionalilés  ont  leui-s  représentants  ;i  Buenos  Aires,  le  grand 
creuset  où  se  triture  et  se  forme  la  nation  argentine.  Dans  cette  Babel  âc 
i-aces  et  de  langues,  les  nalifs  s<inl  loin  d'avoir  la  majorité,  et,  même  eu 


BUENOS  AIRES.  755 

1892,  ils  ne  constituaient  pas  la  cinquième  partie  de  la  population  :  les 
Italiens  étaient  deux  fois  plus  nombreux  ;  en  certains  quartiers  on  n'en- 
tend parler,  pour  ainsi  dire,  que  le  génois  ou  le  napolitain*.  Ce  sont  des 
étrangers  qui  se  pressent  dans  les  convenlillos  ou  maisons  renfermant  un 
grand  nombre  de  petites  chambres  pauvrement  meublées,  manquant 
d'espace  et  de  lumière.  D'ailleurs  la  ville,  môme  dans  ses  quartiers  les 
mieux  construits,  n'est  pas  salubre.  La  natalité  y  dépasse  celle  des  grandes 
cités  d'Europe,  mais  sa  mortalité  prend  aussi  un  des  premiers  rangs 
parmi  les  fortes  agglomérations  urbaines*. 

Le  système  des  égouts  n'avait  pas  encore  été  commmencé  lors  des  deux 
grandes  épidémies  de  1867  et  de  1871,  —  choléra  et  lièvre  jaune,  — 
qui  firent  la  première  15  000,  la  deuxième  26  000  victimes.  Des  spécula- 
lions  divei'ses  ont  arrêté  l'achèvement  de  l'œuvre,  qui  a  déjà  coûté  plus 
de  150  millions  de  fmncs  a  la  cité;  plus  des  quatre  cinquièmes  des 
maisons  ne  sont  pas  encore  rattachées  a  la  canalisation  souterraine, 
dont  le  grand  égout  collecteur,  long  de  26  kilomètres,  se  déverse 
dans  l'estuaire  h  l'est  de  la  cité,  près  du  bourg  de  Quilmes.  Quant  a 
l'eau  pure,  des  machines  la  prennent  de  l'autre  côté  de  Buenos  Aires,  à 
1600  mètres  de  la  côte  de  Belgrano,  dans  un  parage  de  l'estuaire  où 
l'eau  est  tout  à  fait  douce,  mais  chargée  de  sédiments.  Un  tunnel  de 
6  kilomètres  environ  porte  cette  eau  aux  bassins  de  la  Recoleta,  situés 
immédiatement  au  nord  de  la  ville;  mais  l'apport  journalier,  — 
675000  hectolitres,  —  ne  suffit  pas,  puisque  10000  maisons  sur  40  000 
sont  encore  dépourvues  d'eau  en  1893.  Outre  son  aqueduc  souterrain', 
dérivé  directement  de  l'estuaire,  Buenos  Aires  possède  des  puits  qu'ali- 
mentent des  nappes  profondes.  Yers  1860,  on  fit  les  premiers  forages 
artésiens,  et  l'on  poussa  môme  jusqu'à  la  profondeur  de  280  mètres; 
mais  l'eau  fortement  salée  que  fit  surgir  la  sonde  ne  peut  senir  aux 
usages  domestiques*.  Depuis  celte  époque  on  se  borne  à  rechercher  la  nappe 
d'eau  en  communication  avec  le  Parana,  qui  se  trouve  de  25  à  29  mètres 


Fi-ançjiis !25  000 

Anglais 9  100 

Allemands 7  500 


1  Population  de  Buenos  Aires,  \ïi\v  nationalités,  en  1892  : 

lUliens 224  800 

Argentins 99  500 

Espagnols 08  500 

Divers  ou  sans  nationalité  inscrite 102  700 

<  État  civil  de  Buenos  Aires,  1891  : 

Natalité 25591,  soit  4fi,5  pour  1000. 

Mortalité 15  OU     »     24,3  » 

'  Débit  journalier  de  Faqueduc  en  1893  :  62  000  mètres  cubes. 

*  Emilio  Godoy,  Boletin  del  Inslitulo  Geogràfico  Argenlino,  tomo  V,  1884. 


73»  NOUYIiLLE  KËOGRAPHIE  U.MVERSELLE. 

de  prorondcui'  moyenne  cl  se  mêle  aux  sables  fluides  sur  uae  é 
de  35  mètres.  En  188-i,  il  existait  déjà  150  de  ces  puits  d'eau  semi- 
jaillissanlc,  dont  les  plus  aliondnnts  fournissaient  40  mètres  cubes  d'eiu 
par  heure  et  qui  ne  se  nuisaient  nullement  les  uns  aux  autres  :  la  nappe 
paraît  inépuisable*. 

Ville  de  commerce  où  passent  les  trois  quarts  du  traQc  de  la  hipjr 
hlique,  Buenos  Aires  a  dû  chercher  à  se  donner  un  port.  On  t 
d'abord  repris  l'embouchure  du  Riachucio  dans  laquelle  Hendon  anil 
mouillé  ses  navires,  et  l'on  a  dragué  le  chenal  d'entrée,  en  le  prot^etnl 
par  des  digues  latérales.  Une  profondeur  d'eau  suffisante  pour  des 
navires  d'une  calaison  de  5  mètres  a  été  ainsi  obtenue,  et  l'approfonilis- 
scmcnt  projeté  atteindra  6  mètres  40.  Une  autre  œuvre  plus  coDsidé- 
rahle,  commencée  en  i8S7,  consiste  à  creuser  devant  tout  le  front  de  la 
cité  quatre  bassins  de  7  mètres,  défendus  par  un  brise-lames  en  graflitel 
pourvus  de  hangars,  de  grues,  de  voies  ferrées.  Cet  ensemble  de  Iraraui, 
qui  a  déjà  coûté  près  de  200  millions,  fci<n  de  Buenos  Aires  un  port 
incomparablement  supérieur  à  celui  de  Montevideo,  pourtant  beaucoup 
plus  favorisé  par  la  nature'.  Au  lieu  de  mouiller  en  plein  estuaire, 
à  26  kilomètres  de  la  ville,  amarrés  à  des  bouées,  la  plupart  des  gros 
navires  entrent  maintenant  dans  les  trois  bassins  de  Buenos  Aires  déjà 
terminés  (1895)  ou  dans  le  port  du  Riachuelo,  dit  de  la  Boea  ou 
»  Embouchure  »,  le  «.  Gênes  »  de  la  Plata,  à  en  juger  par  l'origine  et  1p 
dialecte  de  la  plupart  des  marins\  Au  siècle  dernier,  le  chenal  a'tjuA 
[)as  encore  été  balisé,  les  navires  ne  voguaient  que  de  jour,  précédés  par 

<  Miii»[>ii»<l.' Itiu-M.i!t  AiiH'scnmars  189i 31370 

i>  Il  rfli<<u!i  à  l'égout .   ...        6370 

■  Muiircincnl  de  lu  ii.iTi|i;aliiH)  dans  lc)i  ports  cl  b  niifc  de  Buenos  Aires  en  1803  : 
Enlrik^  .    .    .     5471  navires,  jauguant    2306950  tminnt. 

Sorlics.  .    .    .     3691         »  i>  1745  400       j) 

Ensemble  .     {i16S  navii-cii,  jaugeant    5053350  tonm». 
Valeur  (les  cdiangos  en  1890: 

linpnrlatinns 358  000  000  francs. 

E^porlalions 323  000  000      ii 

Knsemtilc 480  000  000  francs. 

Eï|>orLi1i<in  Ac  Bui-nns  Aires  en  1K93  :  380  175000  fraiirs. 

Laines 537  280  ball»^. 

Fivnienl  cl  ini» C  41 1000  sacs. 

Carcassi's  di:  moulons,    .    .  958  875 

»  M.  G.  ami  E.  T.  Hulhatl.  Hamibaok  of  thc  rhcr  Plate. 


s  I 


BUENOS-AIRE! 


N'ourelle  GéognpKe  Uniren«lle.  T.  XIX.  PI.  IV. 


C.Pcmn.  t/â^-it tt  e^tif  ^ itt  „AeaaBlltOri!grafi/uclMùMr>i!lle"tt 


TA   ET   L'ESTUAIRE 


Uachelta  et  V.  Parii. 


PALERMO,  BELGRANO,  LA  PLATA.  795 

deux  chaloupes  de  sondeurs  c<  comme  des  chiens  de  chasse  courant  devant 
leur  maître*?  »  Les  importations  ne  servent  pas  uniquement  à  la  consom- 
mation de  la  cité  et  de  l'arrière-pays  :  elles  alimentent  aussi  une  indus- 
trie considérable,  fonderies,  minoteries,  distilleries,  tanneries  et  autres, 
qu'a  fait  surgir  un  tarif  de  w  protection  »,  aux  dépens  des  consom- 
mateurs. L'exportation  comprend  surtout  les  laines,  les  viandes,  le  fro- 
ment, le  maïs. 

Peu  de  villes  sont  mieux  pourvues  de  théâtres,  de  salles  de  plaisir,  de 
mails,  de  jeux  de  paume  que  le  chef-lieu  de  l'Argentine;  mais,  sans 
compter  quelques  petits  jardins,  plusieurs  promenades  plantées  d'arbres, 
elle  n'a  qu'un  seul  parc,  Palermo,  situé  au  bord  de  la  mer,  près  des  quar- 
tiers élégants,  sur  la  route  des  villettes  qui,  même  en  dehors  du  municipe, 
appartiennent  réellement  à  la  banlieue  buenos-airienne  :  Belgrano,  San 
Isidro,  San  Fernando,  las  Couchas.  Ce  magnifique  jardin  public,  que  décore 
une  avenue  de  palmiers,  possède  de  belles  collections  de  plantes  et  d'ani- 
maux. C'est  l'un  des  rares  lieux  d'étude  existant  à  Buenos  Aires,  avec 
l'Université  :  celle-ci  occupe  l'emplacement  de  l'ancien  collège  des  Jésuites. 
Là  se  trouvent  la  Bibliothèque  nationale,  comprenant  60000  volumes, 
et  le  musée  que  fonda  Rivadavia,  en  1823,  et  que  dirigea  longtemps  le 
naturaliste  Hermann  Burmeister  :  naguère  les  richesses  n'étaient  qu'en- 
tassées dans  un  local  trop  exigu.  On  y  remarque  une  très  précieuse  collec- 
tion paléontologique,  et,  entre  autres  objets  remarquables,  un  météorite 
tombé  en  1880  dans  l'Entre-Rios  et  renfermant  des  matières  charbon- 
neuses*. 


La  Plata,  chef-lieu  de  la  province  de  Buenos  Aires,  n'est  pas  une  cité 
due  à  l'initiative  individuelle.  La  loi  ayant  fédéralisé  le  municipe  de  Buenos 
Aires,  le  siège  de  l'administration  provinciale  devait  être  reporté  en  dehors 
de  ses  limites.  On  eût  pu  faire  choix  d'une  agglomération  déjà  existante, 
mais  on  préféra  créer  en  pleine  zone  de  pâture  une  ville  dotée  dès  son 
premier  jour  des  avantages  de  confort,  de  luxe  et  d'hygiène  indiqués  par 
les  hommes  de  l'art.  La  décision  fut  heureuse,  car  la  région  est  salubre 
et  près  de  là  s'ouvre  la  «  baie  »  ou  ensenada  de  Barragan,  la  meilleure 
de  tout  le  littoral.  Les  Espagnols  avaient  utilisé  ce  mouillage  pendant 
deux  siècles,  et  à  diverses  reprises  on  y  flt  des  travaux  d'aménagement 


*  Muratori,  Paraguai. 

^  Honry  A.  Ward,  Revhla  del  Museo  de  la  Plata,  1890-91. 


KOUVELLK  CEOGRAPHIE  [JNIVKR6ELLE. 
pour  t;ic!liler  l'alternssago  des  navires.  Des  voyageurs  ont  souvoni  ilil  que 
la  Piala  avait  stirf{i  de  terre  comme  une  cité  nord-américaine,  en  ajoutant 
qu'aux  États-Unis  les  villes  ne  naissent  pas  en  vertu  de  lois  ou  de  décrets. 
CVst  une  erreur  ;  Wasiiinglon,  Indianapolis,  naquii-enl,  comme  La 
Plata,  par  ordre  du  Congrt^s  ou  d'une  législaluru  d'Ëtat;  qiianl  aux 
eitt'-s  industrielles,  Pullman,  Middleshorough,  Bii'mingham.  que  fonda 
tel  ou  tel  c;ipitalist(!,  elles  ne  sont  pus  davantage  le  produit  d*un  groupe- 
ment spontané  des  hommes.  Le  municipe  dont  I,a  Plala  occupe  le  centre, 
el  qui  comprend  une  étendue  de  i."iO  kilomî'trcs  carrés,  possédait  déjà 
deux  bourgs  :  Tolosa,  rentre  d'ateliers  pour  les  chemins  de  fer.  et  Ense- 
nada,  sur  le  port  de  Barragan;  ensemble  la  population  du  municipe 
atteignait  près  de  80(10  halutants. 

La  croissance  de  La  Plata  fut  très  rapide.  Onen  posa  la  première  pieri-fl 
en  1882,  et,  dix-huit  mois  ap^^s,  les  principales  administintions  provin- 
ciales s'installaient  en  des  palais  resplendissants  de  boiseries,  marbres  et 
dorures.  Les  recensements,  se  succédant  d'année  en  année,  indiquaient 
un  accroissement  eilraoï-d inaire,  quelquefois  plus  d'un  millier  d'habiUnts 
par  mois.  Puis  vint  la  période  de  réaclion  ;  après  l'achèvement  des  con- 
structions officielles,  quand  les  escouades  d'ouvriers,  les  entrepreneurs  et 
fournisseurs  eurent  à  quitter  les  chantiers,  et  qu'une  crise  ûnaneière  vinl 
coïncider  avec  la  cessation  des  travaux,  on  constatai  que  l'état  économi- 
que de  l'Argentine  ne  comportait  pas  la  coexistence  de  deux  grandes  cités 
îi  50  kilomètres  l'une  de  l'autre.  Les  fonctionnaires,  tenus  à  la  résidence 
auprès  de  leurs  ministères  respectifs,  regrettèrent  la  capitale  voisine,  où  le 
travail  eût  été  plus  facile  et  surtout  plus  agréable.  Buenos  Aires  avec  ses 
théiUres,  ses  lieux  de  plaisir,  sa  vie  politique  et  sociale,  exerce  une  forte 
attraction  sur  les  habitants  de  la  jeune  cité,  sans  racines  dans  le  sol,  sans 
attaches  dans  le  passé.  On  préfi^re  l'imprévu,  l'animation  commerciale, 
la  variété  relative  de  Buenos  Aires  au  carré  géométrique  de  La  Plata,  à 
ses  rues  uniformes  de  18  mètres,  à  ses  avenues  de  50  mètres,  à  ses 
allées  diagonales,  à  son  boulevard  d'enceinte,  à  ses  places  quadrangulaires 
se  suivant  à  inteiTalles  égaux,  à  cette  immense  épure  reportée  de  la 
planche  deringénieur  sur  le  terrain.  Néanmoins,  des  industries  locjiles  ne 
manqueront  pas  de  naître,  el  la  facilité  croissante  dos  communications 
liuira  |)ai-  faiie  de  Buenos  Aires  ri  de  La  Plala  une  seule  et  même  cité 
ciinime  un  orbe  ellip(ii|ue  à  deux  foyers. 

La  Plala  a  pris  une  cerlaiiii'  iin|>orlance  par  ses  écoles.  Les  princt|)au\ 
monuments  cnnsacics  à  la  science  cl  à  l'enseignement  s'élèvent  au  milieu 
des  "mbrajri's  dn   pair  nu  dans  les  alentours  :   la   Faculté  d'agnmomie  et 


{ 


LA  PLATA,  ENSENADA.  741 

d'art  vélériuaire,  l'École  des  arts  et  métiers,  l'Obsei'vatoire,  très  riche 
«n  instruments  de  premier  ordre,  te  Musée.  Ce  dernier  établissement, 
fondé  en  1884  par  le  voyageur  et  naturaliste  Francisco  Moreno,  hérita 
tout  d'abord  des  pi-écicuses  collections  et  de  la  bibliothèque  du  fonda- 
teur, et  depuis  s'enrichit  avec  une  étonnante  rapidité,  grâce  à  l'enthou- 
siasme d'une  pléiade  de  chercheurs.  Toute  la  série  des  formations  géolo- 
giques, les  couches  étagées  si  abondantes  en  fossiles,  les  nécropoles  de 
cent  tribus  diverses,  ont  fourni  au  Musée  un  ensemble  d'objets  rares  et 
méthodiquement  classés,  qui,  pour  certaines  branches  de  la  paléontologie 


Dessin  ds  Boudier,  d'agiWis 


et  de  la  préhistoire,  mettent  au  premier  rang  l'établissement  de  La  Plata. 
I*  sol  même  sur  lequel  se  dresse  la  ville  renfermait  des  squelettes  d'indi- 
gènes avec  des  pierres  taillées  cl  des  os  aiguisés  en  javelots'. 

Le  port  de  La  Plata,  — l'ancienne  Enscnada,  — à  7500  mètres  du  centre 
de  la  ville,  a  réalisé  les  espérances  de  ses  fondateurs.  Son  principal  bassin, 
long  de  H45  mètres  sur  140  mètres  de  largeur,  a  6  mètres  40  de  profon- 
deur au-dessous  des  basses  mers,  et  les  plus  grands  navires,  communiquant 
avec  les  eaux  profondes  de  l'estuaire  par  un  chenal  de  7  à  8  kilomètres, 
entrent  dans  le  port  avec  la  marée  pour  débarquer  à  quai  passagers  et 
marchandises;  mais  ce  mouvement  se  fait  presque  en  entier  à  destination 
de  Buenos  Aires  :  à  ce  point  de  vue,  Ensenada  dépond  Iwaucnup  plus  de  la 


'  Fmnriico  P.  Moreno,  le  Mutée  dr  Ln  Plnla. 


74Ï  NOUVELLE  6Ë0GRAPU1E  UNIVERSELLE. 

capilak'  de  l'Ëtat  que  du  chef-lieu  provincial.  De  plus  en  plus  apprécié 
par  les  eipéditeurs,  ce  port  a  doublé  son  commerce  de  i891  à  i892.  U 
gouvernement  possède  à  La  Plata  de  grands  établissements  militaires,  nnu 
eale  flottante  et  une  escadrille  de  torpilleurs*.  Le  principal  inconvéoienl  du 
port  d'Ënsenada  et  de  )a  ville  voisine  provient  des  égouls  de  Buenos  Aires, 
qui  se  déversent  dans  la  mer  près  de  Quîlmes,  à  l'ouest  et  en  amont,  par 
la  direction  normale  du  courant.  Ces  trente  ou  quarante  mille  mèlres 
cubes  d'eaux  impures  qui  se  mêlent  chaque  jour  au  flot  de  l'estuaire  et 
qui  doubleront,  tripleront  par  décade,  menacent  le  port  de  leurs  allanons 
pestiférés  et  forcent  les  habitants  à  ne  demander  leur  eau  d'alimenUlioi 
qu'à  la  nappe  profonde  des  eaui  mêlées  aux  sables  du  sous-sol. 

'  A  l'est  de  I^a  Flala,  il  n'y  a  plus  de  ville  proprement  dite  dans  le  m»- 
nage  de  l'estuaire  :  le  bourg  le  plus  important,  Magdalena,  se  tnxm  ii 
5  kilomètres  dans  l'intérieur,  au  milieu  des  marais,  et  possède  qodqDei 
saladeros.sur  le  bord  de  la  mer,  à  l'escale  d'Alalaya.  De  ce  cdté  Bnesoc 
Aires  a  de  petites  stations  de  bains;  mais  les  malades,  les  oisifset  les  jouean 
de  ta   capitale  apprécient  surtout  les  grèves  de  Mar  del  Plata,  ntaées 
pourtant  à  400  kilomètres  de  distance  par  chemin  de  fer,  près  da  eip 
Corrientes.  Le  pays,  âpre,  montueux,  sauvage,  contraste  avec  les  ^UMS 
monotones  des  pampas  platéennes,  et  l'air,  renouvelé  par  les  TCBts  do 
large,  y  est  d'une  pureté  parfaite  ;  mais  la  mer,  parcourae  de  eounis 
trompeui-s,  y  roule  de  puissantes  vagues  et  se  meut  en  tourbillons.  D'awlm 
stations  de  bains  se  fondent  sur  le  littoral,  au  nord,  près  de  Mar  Chîqiiîll, 
et  sur  lii  câlc  méridionale,  à  l'embouchure  de  la  rivière  Quequen,  où 
s'élève  le  bourg  de  Necochea  ;  on  y  construit  une  ville  pour  les  baigneurs— 
Le  chemin  de  fer  qui  rattache  Mar  del  Plata  à  Buenos  Aires  traversa 
Chascomus,  ou  «  Ville  des  Lagunes  »,  ainsi  nommée  des  laguets  environ  ^ 
nants,  puis  Dolores,  entourée  de  petits  étangs  et  riche  en  bétail.  Une  voi^^ 
ferréo  n'embranche  à  Maipu  et  passe  h  Tandil,  ville  pittoresque  silu^^ 
à  198  mètres  d'altitude,  à  l'enti'ée  d'une  large  brèche  dans  la  chaîne  ^^ 
montagnes  qui   se  dirige  voi-s  le  cap  Corrientes.  Le  passage  de  Tan^^ 
était  la  porte  par  laquelle  les  Indiens  se  ruaient  au  pillage  sur  les  ea  -^t,. 
pagnes  de  Buenos  Aires  :  aussi,  dès  1822,  construisil-on  un  fort  sur    ce 

'  Mnuvcment  de  iiavigalion  du  port  de  La  VUtU  en  \SM  : 

iiÙ  vapeurs,                 jaugpiiiil.    .    .  838  200  luiincs. 

132  voiliors,                      »       ...  130 150      )i 

lOH  iiavirps de  t-alMl))!!'     n       ...  I004S0      u 

Ensemble,     t! 223  navires,  Juugcaiir.    .    .       I  lll'.K 880  Iniiiiis. 

ViLleiirdf  IVxprl.i[ion  ;  2-'»  485  000  fiitirs. 


LA  PLATA,  MAR  1)EL  PLATA,   TANUIL.  Tfô 

poiot  stratégique.  A  quelques  kilomètres  de  Tandil  s'élève  la  fameuse 
oiedra  Tnovediza  ou  «  roche  branlante  »,  bloc  erratique  de  270  tonnes, 
ie  touchant  que  par  un  seul  point  de  sa  très  vaste  base  une  paroi  de  gra- 
nit très  inclinée  :  le  vent  suftit  à  faire  mouvoir  cette  pierre;  cependant, 
l'après  la  légende,  trente  bœufs  accouplés  n'auraient  pu  la  renverser, 
[iette  pierre  était  sacrée  pour  leslndiens,  elle  l'est  aussi  pour  les  gauchos. 
IjC  1"  janvier  1875,  une  centaine  de  ces  natifs  s'y  donnèrent  rendez-vous 


pour  aller  massacrer  les  Européens  :  ils  en  tuèrent  une  quarantaine. 
Tandil  fournit  Buenos  Aires  de  marbres  et  d'autres  matériaux  de  con- 
struction. Au  nord,  la  ville  d'Azul,  — autrefois  Calufû,  mot  indien  qui 
signilie  également  «  bleu  »,  —  est  la  station  de  mi-voie  entre  Buenos  Aires 
et  Babia  Blanca;  par  sa  population  et  son  commerce  elle  a  pris  le  pre- 
mier rang  parmi  les  agglomérations  urbaines  de  l'intérieur.  Toute  l'éten- 
due de  la  pampa,  de  l'estuaire  plaléen  à  Bahia  Blanca,  est  maintenant 
divisée  en  domaines  que  séparent  des  barrières  en  fli  de  fer  :  partout  le 
sol  a  son  possesseur;  mais  en  deboi's  des  villes  on  ne  rencontre  que 
de  rares  habitants  :  on  ne  voit  que  des  troupeaux  et  des  bergers,  Gepen- 


7U  NOUVELLE  GÉUGBAPHIK  UNIVERSELLK. 

dant  Azul  et  sa  voisine  Olavarria,  à  l'ouest,  sont  entourées  de  colooies, 
cultivées  par  des  paysans  de  toute  race,  surtout  par  des  Danois  e(  par  des 
mennonites  russes. 

Les  districts  de  la  province  situés  à  l'ouest  de  Buenos  Aires,  dans  letw- 
sinage  du  Paranâ  ou  du  chemin  de  fer  interocéanique,  sont  les  plus  popu- 


leux de  la  région  des  pâturages.  Plusieurs  villes  importantes  se  succède*" 
le  long  des  voies  ferrées  :  Lobos,  Veinte  y  Cinco  de  Mayo,  Mercedes,  Cl» 
vilcoy,  Chacabuco,  Junin,  Pcrgamino,  Arrecifes,  où  l'on  recueillit  en  17^5 
les  premiers  ossements  des  grands  animaux  prébisloriques  de  la  Plat^ 
un  mogalbérium  envoyé  à  Madrid  et  que  Ciivier  ne  connut  que  par  uxi' 
description,  peimit  de  classer  cette  espèce  gigantesque  dans  la  séB-/«; 
animale'. 


<  Ëii:ilu  t)airu3U],  Bufno*  Ayret,  la  Pampa  et  la  Patagoni 


AZUL,  ARREGIFES,  BAHIA  BLANCA. 


745 


Au  sud  de  Trenque  Lauquen,  qui  fut  jadis  un  des  postes  stratégiques 
îs  mieux  fortifiés  de  la  frontière  indienne,  et  de  la  chaine  des  fortins 
ui  le  rattachaient  au  fossé  naturel  formé  par  les  lacs  de  Guamini,  la 
îgion  des  collines  et  des  lagunes,  qui  constitue  Taigue-verse  entre  le 
alado  et  les  rivières  de  Patagônie,  n'a  que  des  habitants  encore  très 
lairsemés.  La  population  se  groupe  en  communautés  plus  denses  aux 
pproches  de  Bahia  Blanca,  cité  de  grand  avenir.  En  1828,  un  fort  de 


N*  IB7.   —  U6NES  DC8  LACS  BT  DES  FORTS. 


66" 


6S' 


Ouest  de  Kirii»  ~ 


36* 
30 


«Fortin 

♦Fbrtm 
«Fortin 


P    a    r 

e 


t    i    d   ^ 


♦Fortin 
♦FortTn 

^  a    m    i     n     i 


s> 


^ 


à    e  ^    ,    .  G    u 

•        *   ♦Fbrtm 

%  «F^Zapiok 

♦F^Contta 


d*    «rrujntsa 
*   ^   •v*  «^  ♦Ft'Bmwo» 


Uuest  de  breenwich 
)rès  SeeistrAn6 . 


58' 
50' 


d'après  SeeistTAng 


C.Rsrron 


f  :  1400000 


I 

0 


-I 

80  ka. 


a  «  Baie  Blanche  »  s*éleva,  non  sur  la  plage  sableuse,  mais  à  une  dizaine 
le  kilomètres,  près  du  marais  où  se  perd  la  rivière  de  Naposta.  Les 
)remiers  qui  se  présentèrent,  trois  Suisses,  arrivèrent  en  1865,  et  bientôt 
près  vinrent  des  immigrants  de  toute  nationalité  ;  mais  avant  1882  aucun 
►ateau  à  vapeur  européen  n'était  entré  dans  le  port,  et  à  cette  époque  le 
nouvement  de  la  navigation  par  voiliers  ne  dépassait  pas  6000  tonnes, 
tahia  Blanca  jouit  d'avantages  exceptionnels.  Situé  à  7  kilomètres  de  la 
il  le  et  parfaitement  abrité  par  une  chaîne  d'îlots,  le  havre  donne  aux 
lavires  10  mètres  de  profondeur  à  marée  basse  :  à  l'embarcadère  même, 

94 


XIX. 


7t(l  NOrVRLU  efiOGRAPHIK  UNIVERSELLE. 

ri''(»iiissi'iic  (i'i'au  est  d«  I)  inî;livs  cl  demi.  Entniiréi!  de  vignobles  qui 
iiroduisent  \f.  vin  trfts  apprécié  de  chocoU,  Baliia  Blanca  jouit  d'un  climal 
analogue  h  crliii  de  l'Kurope  oceidenUile  et  correspond  pour  la  latitude 
à  la  iwitio  du  Chili,  entre  Concepcion  el  Valdivin.  uîi  prospirenl  le 
niieui  Ips  plantes  de  la  zone  temiwiw  in(''diaue.  Rattachée  à  Butinos 
Aires  pur  deux  voies    lerrées  el  un  senice  hebdomadaire    de    valeurs, 


I 


Bahia  DIanca  Iratiiiue  directement  avec  les  pays  d'outre-mer  et  possède 
les  amorces  du  réseau  qui  la  reliera  aux  vallées  andines  du  haut 
Colorado  el  au  havre  chilien  de  Valdivia.  I>e  mouvement  du  port  s'accroît 
chaque  année',  La  ville  s'alimente  d'eau  par  un  canal  dérivé  du  rio 
Najiosliî  et  pai'  des  puils  artésiens  creusés  entie  la  ville  et  l'estuaire. 
l'un  il  '2M.  l'autre  à  tiflS  inèti-es  de  iin)f(»ndeur.  1,'eau  de  eos  puits, 
quoique  piilalile,  arrive  «harfrée  d'une  certaine  quantité  de  sel,  dont  on 
espère  la    déliarrasser    en  rendant    les  parois  plus  étanches.   De  vastes 

'   MuuM'.iiri.l  <l.'];i  iiavl-nlii>n  ;i  lUIiki  Hliiii.M.  m  IW2  :  ô'JO  iiiivuTs  |H.rl.iiil  TtCr.  I,.nrips. 


I  1 


'       BAHIA  BLANCA,    PATAGONES.  749 

marécages,  notamment  autour  de  Cuatrero,  ont  été  drainés  jusqu*à  la 
mer  et  les  eaux  vaseuses  remplacées  par  le  flot  pur  des  canaux  d'irri- 
gation :  des  jardins,  des  cultures  recouvrent  maintenant  ces  étendues 
naguère  stériles.  La  grande  division  territoriale  dite  de  la  Pampa,  que 
traverse  le  Salado  pour  se  perdre  dans  TUrre  Lafquen  avant  d'atteindre  le 
Colorado,  a  le  port  de  Bahia  Blanca  pour  havre  indispensable  et  pour 
métropole  naturelle.  On  lui  a  donné  pour  chef-lieu,  au  milieu  des  laguets 
et  des  pâturages,  un  site  dénommé  General  Acha,  d'après  un  des  chefs 
militaires  de  l'Argentine. 

Une  diligence,  qui  traverse  le  Colorado  au  fort  General  Paz,  parcourt  le 
désert  entre  Bahia  Blanca  et  Carmen  de  Patagones,  —  ou  simplement 
Patagones,  —  que  Viedma  fonda  en  1779  et  qui  fut  pendant  longtemps 
le  poste  d'avant-garde  dans  les  redoutables  solitudes  du  Midi.  Cette 
ville  est  située  sur  la  rive  gauche  du  fleuve,  à  34  kilomètres  de  la  mer, 
à  la  base  des  escarpements  en  falaise  qui  limitent  le  plateau.  Un  fort 
construit  au-dessus  de  la  ville  servait  naguère  de  refuge,  en  cas  d'alerte, 
aux  rares  familles  de  colons  qui  s'étaient  aventurées  dans  le  pays  des 
Tehuel-che.  Dans  les  premières  années  de  l'indépendance,  durant  la 
guerre  qui  sévit  entre  l'Argentine  et  le  Brésil,  trois  navires  montés 
par  des  Impériaux  se  présentèrent  devant  la  barre  de  Patagones.  Les 
hommes  débarquèrent  pour  s'emparer  du  fortin,  tandis  que  les  vaisseaux 
remontaient  le  fleuve.  Mais  un  bâtiment  s'échoua  sur  l'îlot  de  l'entrée, 
un  autre  à  moitié  route,  et  quand  1q  troisième  arriva  en  vue  du  fort, 
les  cinq  cents  fantassins,  mourant  de  soif  et  surpris  par  le  choc  d'un 
millier  de  chevaux  à  demi  sauvages  que  poussaient  devant  eux  les 
soixante-dix  défenseurs  de  Carmen,  avaient  déjà  demandé  grâce.  Le  navire 
se  rendit  à  son  tour,  et  les  riverains  s'empressèrent  de  le  dépecer*.  Depuis, 
la  ville  s'est  entourée  de  cultures,  et  les  restes  de  la  population  tehuel-che, 
soumise  désormais,  sont  venus  s'établir  en  face,  près  de  Viedma,  sur  la 
rive  droite  du  fleuve.  Des  bateaux  à  vapeur  de  Buenos  Aires  touchent 
régulièrement  à  l'escale  de  Patagones,  malgré  ses  dangers.  Heureusement 
le  port  de  San  Blas,  étudié  en  1885  par  une  commission  hydrographique, 
s'ouvre  à  moitié  dislance  des  deux  embouchures,  rio  Negro  et  rio  Colorado, 
et  parait  devoir  suppléer  un  jour  à  l'insuffisance  nautique  de  ces  entrées. 
Si  la  contrée  se  peuple,  San  Blas  deviendra  le  débouché  naturel  des  deux 
vallées  :  le  chenal  balisé  du  port  a  7  mètres  de  profondeur  a  marée  basse 
et  le  flot  y  ajoute  1  mètre  et  demi  à  4   mètres  d'eau.    Viedma,  ainsi 

*  E.  Agiiirre,  Petermann's  Mitteilungen^  Litleratur-Bericht,  1892. 


750  NOUVELLE  GÊOGRiPUIE  UNlVERSELIft. 

nommée  en  mémoire  du  fondateur  de  PaUgoncs,  est  aussi  grande  qne 
Carmen  et  plus  agréable  n  habiter  :  le  gouvernement  en  a  fait  choix  pour 
capitale  du  territoire  de  Rio  Negro.  Entre  les  deux  villes,  le  fleaTe, 
rapide  et  dangereux,  a  250  mètres  de  laideur'. 


Le  territoire  du  Neuquen,  que  le  haut  Colorado  sépare  de  la  prorincede 
Meodoza  et  dans  lequel  le  courant  du  rio  Negro  reçoit  presque  toute  sa 
masse  liquide,  ne  peut  guère  se  peupler  que  par  les  seuils  chiliens  de  U 
cordillère  Andine;  car  du  câté  des  plaines  désertes  les  communications 
sont  trop  longues  et  trop  pénibles,  tant  que  routes  ou  chemins  de  fer  ne 
seront  pas  construits  du  littoral  aux  montagnes.  Pour  aller  de  Buenos 
Aires  au  Neuquen,  il  faut  se  rendre  par  chemin  de  fer  jusqu'à  Hendoza, 
au  pied  des  Andes,  puis  gagner  San  Rafaël  par  la  diligence  et  cheminer  on 
chevaucher  par  monts,  vallées,  torrents  et  forêts,  sur  un  espace  d'environ 
500  kilomètres.  Ou  bien,  en  quittant  la  station  de  Hucal,  poste  du  désert 
qui  communique  avec  Bahia  Blanca  par  voie  ferrée,  on  s'engage  dans  les 
solitudes  pour  rejoindre  la  vallée  du  rio  Negro,  jusqu'à  ses  affluents  des 
Andes.  Quelques  petits  postes  militaires  fondés  dans  le  haut  bassin  du 
Neuquen  ont  servi  de  noyaux  au  peuplement,  et  des  éleveurs  de  bestiaux 
se  sont  établis  dans  les  alentours.  De  même,  dans  le  bassin  du  Limay, 
la  zone  des  pâturages  a  déjà  ses  habitants,  et  des  ofliciers  de  l'expédition 
militaire  qui  la  première  occupa  le  pays,  en  1865,  s'y  sont  fait  concéder 
de  vastes  domaines'.  Le  chef-lieu  du  territoire,  Cbos-Malal,  groupe  ses 
quelques  maisonnettes  au  confluent  du  Neuquen  et  du  Leubû,  à  l'endroit 
où  le  gave  commence  à  porter  barques.  A  une  trentaine  de  kilomètres  au 
sud-ouest,  une  autre  villelte,  Norquin,  se  montre  sur  les  bords  du  rio 
Agrio,   issu  d'un   cratère  échancré,  et  dans  le  voisinage    immédiat  les 
sources  thermales  et   minérales  de  Copahué  jaillissent  à  5000  mètres 
d'altitude,  avec  une  tcmpératui'e  qui  varie,  suivant  les  sources,  de  40  à 


1^  Clata  (Enscn.itla  c 
San  Nicolas.    .   .    . 

Chivilcoy 

Mercedes 

Aiul 

■•erKiiiiiiiiii .    .    . 
■•  Boletin  ihl  but. 


palos  d.  b  i>rovi 

.    .    .       580000  liabitanLH. 

o«r«e 

Pbovisck  db 

Buenos  Aires. 

00  00(1  hab. 

Dolnrt-s 

7  700 

1.^000     >• 

7000 

ta  00»   " 

ILibia  Blanca 

GSOO 

10  000     p. 

Tandil 

6500 

8  000     i> 

Chascoinus 

&40U 

7  800     1. 

Caniien  du  Palaf^uiiCf 

2Ù0U 

àfifo  Argenlino^ 

uiuuVUI,  IHNEJ. 

AnIN  de  LOS  ANDES,  ROGA,  GHUBUT.  751 

97  degrés  centigrades.  Plus  au  sud,  Junin  de  los  Andes,  la  Huinca  Melleu 
des  Indiens,  a  surgi  à  l'altitude  de  680  mètres,  dans  la  vallée  du  Chemen 
Huin,  en  vue  de  magnifiques  forêts,  cyprès  et  hêtres,  que  les  bûcherons 
abattent,  puis  assemblent  en  radeaux  pour  les  expédier  à  Carmen  de  Pata- 
gones.  Junin  a  l'avantage  de  se  trouver  en  vue  d'un  seuil  peu  élevé  de  la 
grande  cordillère,  d'où  l'on  peut  redescendre  directement  à  l'ouest  vers 
Valdivia,  marché  principal  des  colonies  andines.  Toute  la  région  de  San 
Rafaël  au  Nahuel-Huapi  est  la  Suisse  de  l'Argentine,  à  la  fois  par  la 
majesté  de  ses  monts,  l'éclat  et  la  fraîcheur  de  sa  végétation,  la  pureté  de 
ses  eaux  courantes.  Près  du  volcan  de  Lonquimay,  qui  domine  un  des  cols 
fréquentés  entre  les  bassins  du  Neuquen  et  du  Biobio,  un  geysir  d'eau 
bleue,  haut  d'une  quinzaine  de  mètres,  s'élance  hors  d'un  cratère,  entouré, 
sur  la  margelle  du  puits,  par  une  frange  de  glaçons*. 

En  aval  de  ce  haut  bassin,  on  ne  trouve  sur  le  Limay  et,  plus  bas,  sur 
le  rio  Negro  proprement  dit,  jusque  dans  le  voisinage  de  l'embouchure, 
que  des  stations  d'origine  militaire  :  la  colonisation  libre  n'a  pu  guère 
s'y  porter,  à  cause  du  manque  de  pluies.  Le  village  de  Roca,  fondé  en  aval 
du  confluent,  —  Neuquen  et  Limay,  —  est  situé  dans  une  plaine  alluviale, 
très  féconde  dès  qu'elle  reçoit  l'humidité  suffisante  ;  mais  les  canaux  d'ar- 
rosage se  dessèchent  en  été  :  on  n'a  pas  encore  pris  dans  le  Neuquen  une 
veine  d'eau  assez  abondante  pour  entretenir  la  végétation  toute  l'année, 
et  les  sauterelles  ravagent  souvent  les  cultures*.  Un  bateau  à  vapeur, 
partant  de  Patagones,  remonte  le  fleuve  jusqu'à  Roca  pendant  la  saison 
des  hautes  eaux,  de  juillet  en  février. 

La  vallée  du  Chubut,  qui  succède  à  celle  du  rio  Negro  dans  la  direction 
du  sud,  n'a  guère  d'habitants  policés  que  près  de  son  embouchure.  Cepen- 
dant, depuis  1888,  quelques  éleveurs  de  bétail.  Anglais,  Chiliens,  Argen- 
tins, se  sont  établis  au  pied  des  Andes  dans  la  vallée  du  Corcovado, 
près  de  laquelle  se  trouvent  des  gisements  aurifères.  La  colonie  qui  lance 
ses  éclaireurs  dans  cette  région  presque  déserte,  quoique  très  fertile,  de 
la  cordillère  Andine,  se  trouve  à  l'autre  extrémité  du  bassin  fluvial,  tout 
près  de  l'Atlantique.  En  1865,  sur  la  foi  d'un  compatriote  qui  avait  visité 
la  Patagonie,  132  Gallois  débarquèrent  dans  le  vaste  bassin  circulaire  de 
Golfo  Nuevo,  où  se  prolonge  l'embarcadère  de  Port  Madryn,  puis,  chemi- 
nant à  travers  les  solitudes,  atteignirent  les  bords  du  Chubut.  Ils  se 
mirent  aussitôt  à  l'œufre,  bâtissant  des  cabanes,  défonçant  le  sol,  semant 


•  Host,  Boletin  del  ïmtituto  Geogrdfico  Argenlino,  1880-81. 
«  Josef  Siemiradzki,  Petermanns  Mitte'dungen,  1895,  Heft  HI. 


NOUVELLE  fifiOCHAPHIE  TNIVERSELlft. 

le  giain.  Tmis  t;tiiiciil  caiTitirs  oii  mineur»  de  charlioii,  i.'ncore  inhabiles 
aux  Iravaux  de  la  <:ampagiic.  I>cs  réculUis  fiirml  misérables;  à  [)i>ini^ 
tomhait-il  quelques  averses  dansées  l'égions  patagonicntics,  el  parfois  deux, 
trois  années  se  passaient  sans  (lu'iine  goutte  d'eau  mouillîlt  le  sol.  Henreu- 
semeiit,  ces  travailleurs  tenaces  étaient  aussi  des  hommes  bons,  et  dès  In 
première  rencontre  avee  les  Tehuel-che  ils  li^renl  amitié  avec  les  Indiens, 


qui  les  nourrirent,  leur  apportant  du  gibier,  du  poisson,  les  fruits  de  la 
montagne,  en  échange  de  pain  et  de  quelques  petits  objets  de  manufacture 
anglaise'.  Cependant  la  colonie  galloise  aurait  fini  par  succomber,  si 
ijuelques-uns  de  ces  agriculteurs  inexpérimentés  n'avaient  eu  l'idée  de 
harri'i'  le  couianl  du  Cliubtit,  gmillé  par  la  fonte  des  neiges,  et  de  distri- 
buer ci'ltn  eau  par  des  eanaux  d'irrigation  :  la  «  Nouvelle  Galles  »  était 
sauvée,  La  [daine,  formant  un  long  triangle  de  Vi  kilomètres  de  l'est  à 
riiui'sl  et  de  S  kilomèli'es  en  largeui'  moyenne,  eompreiul  une  superficie 


,  lUhliolliï-iiiie 


COLOME  I)U  CUilBUT. 


755 


iron  40000  hectares,  dont  un  tiers  cultivé  en  froment  :  les  con- 
ins  varient  de  100  à  150  hectares  en  superficie.  Le  sol,  composé 
■ande  partie  de  cendres  volcaniques,  où  serpentent  des  canaux  d'une 
leur  totale  de 

kilomètres , 
es  par  les 
•iétairesrive- 

pTOportion- 
ment  à  l'é- 
16  de  leurs 
ps,  donne, 
ré  les  cygnes 
canards  sau- 
,  d'admira- 
•écoltes,  sep- 
s  des  an- 
ics  pour  une 
e  étendue  de 
ultivé  :  elles 
dissent  les 
«  mille  ha- 
is de  la  colo- 
L  subviennent 
e  exportation 
500  à  2000 
is  vers  Liver- 

Le  froment 
liubut  est  ré- 

le  meilleur 
4mérii[ue  du 

Un  chemin 
er,  long   de  ui'cfoi 

kilomètres ,  ^ ^  ^^^_ 

les  rives  du 

hubut  en  communication  directe  avec  Port  Madryn  à  Iravei-s  le  pla- 
parsemé  de  dunes.  Le  cheptel,  chevaux,  vaches,  moulons,  comprend 
\0  têtes.  Composé  d'émigranls  faméliques  à  son  départ  d'Angleterre, 
oupe  expatrié  des  Gallois,  qui  comprend  aujourd'hui  plus  de  trois 

pei-sonnes  et  que  renforcent  des  Anglais,  des  Italiens  et  des  «  fils  du 


75i  50UYELLE  GÉOGRAPHIE  U.MVBRSELLE. 

pays  »,  n'a  plus  un  seul  malheureux  ni  un  seul  homme  de  police',  el 
trouve  le  loisir  nécessaire  pour  étudier  la  vieille  langue  des  Welàmm 
et  cultiver  les  arts  :  les  recensements  du  Chubut  énumèrent  les  pianos, 
les  harpes  et  les  violons  aussi  bien  que  les  charrues  et  les  herses.  Les 
colons  sont  restés,  comme  dans  la  mère  patrie,  de  fervents  observaleurs 
du  a  sabbat  ».  Chaque  secte  a  son  église. 

iia  capitale  du  territoire,  la  villettc  de  Rawson,  située  sur  les  deui 
rives  du  Chubul,  que  travei-se  un  pont  de  bois,  est  très  mal  placée  depuis 
qu'on  ne  cherche  plus  à  utiliser  l'embouchure  fluviale  et  qu'un  chemin 
de  fer  rattache  la  colonie  au  golfe  Nuevo.  Trelew,  à  une  quinzaine  de 
kilomètres  en  amoni,  entrepose  les  denrées  de  Rawson,  et  là  se  trooTe 
le  siège  de  la  société  coopérative  qui  groupe  les  Gallois  de  la  colonie  et 
leur  fournit  les  marchandises  d'Europe  presque  au  prix  coûtant'.  Le 
long  de  la  cote,  jusqu'au  détroit  de  Magellan,  se  succèdent  quelque* 
campements,  noyaux  de  villes  futures  :  San  Julian,  Santa  Cruz,  humble 
chef-lieu  de  lerriloire,  Gallegos,  Cabo  de  las  Vii'genes,  avec  ses  gise- 
ments aurifères.  Puerto  Deseado,  qui  ofl'rirait  de  très  grands  avanlages 
à  cause  de  son  mouillage  ot  de  sa  position  près  d'une  forle  saillie  du 
littoral,  à  moilié  chemin  du  Chubut  et  du  détroit  de  Magellan,  a  fini 
par  lasser  les  col onisi leurs,  tant  le  climat  est  défavorable  et  le  sol 
rebelle  à  la  culture.  Dès  1586,  Cavendish  y  avait  établi  quelques  familles 
anglaises;  en  1669,  la  Grande-Bretagne  y  envoya  de  nouveaux  colims 
et  en  fit  le  chef-lieu  de  la  Patagonie,  proclamée  province  brilannique. 
A  la  6n  du  siècle  dernier  Yiedma  éleva  un  fort  sur  ses  rivages  au  nom 
du  roi  d'Espagne.  Puis  la  république  Argentine  y  transporta  quelques 
malheureux  colons  :  on  évalue  à  573  000  francs  la  somme  dépensée 
par  le  trésor  pour  l'entretien  de  chaque  famille  domiciliée  naguère 
sur  ces  plages  arides;  il  y  restait  encore  en  1890  une  famille  fran- 
çaise. Mais  l'Argentine  possède  maintenant  d'autres  régions  d'avenir  sur 
lesquelles  elle  ne  comptait  pas  :  le  littoral  des  fjords  qui  se  ramificnl 
au  sud  de  la  cordillère  de  los  Baguales  vers  les  campagnes  du  baul 
Gatiegos,  riches  on  lignite*. 

Un  hameau  de  chercheurs  d'or  surgit  dans  la  Fuégie,  sur  les  bords 
du  golfe  de  San  Sébastian,  à  l'entrée  d'une  région  de  pâturages,  beaucoup 
moins  infertile  qu'on  ne  le  suppose  d'ordinaire  et  facile  à  cultiver,  malgré 
les  galeries  que  le  tuco-Uico  creuse  dans  le  sol.  Plus  au  sud,  sur  le  canal 


*  Informe  ofieial,  BoMln  del  Infliluto  Geogiàfico  Argen 
'  Carlos  BurmeiRler,  Annnlei  del  Miueode  Buenos  .-lires 
I  Carlos  Muvaiin,  mémoire  cité. 


RAWSON,  USHUIA. 


Beagle,  se  montrent  les  «quelques  maisonnettes  d'Ushuia  (Ouchouaya), 
tre  cbef-lieu  de  territoire,  qui,  d'après  le  dernier  recensement,  renferme 
habitants,  «  tous  fonctionnaires  ».  Cette  «  ville  »,  la  plus  méridionale 
la  surface  terrestre,  est  un  triste  séjour  de  pluie,  de  vent,  d'orage  et 


nnui.  I/île  des  Étals,    crêle  de  montagnes    (900   mètres)  perdue  au 
lieu  des  vagues  et  des  tempêtes,  avait  été  concédée  à  un  éleveur  de 
âil,  mais  l'entreprise  a  échoué.  I/île  n'a  d'habitants  que  les  gardiens  du 
are  érigé  sur  le  cap  San  Juan',  à  l'est;  mais  on  prtile  au  gouvernement  ■ 
itention  d'en  faire  un  giTind  pénilcntier,  un  Sukhalin  platéen. 

Principaui  groupes  urbains  des  leri'ilaircs  du  kuiI  : 

ialma 1  500  habitants.      1       Roca 800  habîlanls. 

awson 1000        «  \       .Soi'quin 500        u 


NOUVELLE  CÉOeRAPHIE  UNIVERSELLE. 


IX 


Depuis  lii  guerre  de  l'Indépendance  la  population  de  l'Ai^enliDe  D'à 
cessé  do  grandir,  malgré  les  révolutions  qui  ont  mis  aux  prises  fédéra- 
listes el  centralistes,  et  malgré  les  conflits  de  brigandage,  honorés  du 
nom  de  »  guerres  civiles  »,  qui  ont  si  longtemps  désolé  certaines  proviocts 
et  ont  tant  de  fois  repris  comme  un  feu  mal  éteint.  A  la  fin  du  régime 
espagnol,  In  vaste  étendue  do  pays  qui  est  devenue  la  république 
Argentine  n*avait  probablement  (las  plus  de  400000  habitants.  Déjà  le 
premier  recensement,  celui  de  1857,  indi(|uait  un  nombre  pi-is  de  trois  fois 
plus  élevé,  1 161  000.  En  1869,  après  un  laps  de  douze  années,  une  autre 
énumération  donna  le  total  de  I  857  500  individus,  non  compris  une  cen- 
taine de  mille  Indiens.  Depuis  cette  époque,  il  n'y  a  paseu  de  cens  général, 
mais  les  statistiques  locales  permettent  d'évaluer  à  plus  de  i  millions 
d'hommes  le  nombre  des  Ai^entius'.  C'est  une  population  presque  insigni- 
fiante en  comparaison  de  l'immense  territoire.  Sans  doute  les  régions 
très  bailles  des  jdateaux  andins,  les  salines  des  provinces  centrales  et  les 
crans  aiides  de  la  Patagonie  ne  peuvent  recevoir  que  des  habitants  clair- 
semés; mais  ta  mésopotamie  paranâ-uruguayenne,  les  Missions,  les  vallées 
el  les  jdaines  du  nord-ouest,  te  massif  de  Cûrdoba  et  les  pâturages  de  la 
pampa,  enfin  les  hauts  bassins  de  toutes  les  rivières  qui  s'écoulent 
vers  l'Athuilique,  formant  une  longue  bande  de  terrain  parallèle  à  la 
cordillère,  constituent  un  domaine  d'au  moins  un  million  de  kilumèlre^ 
eiirrés,  où  une  |»opulation  de  cent  millions  d'hommes  sej'ail  encore  peu 
de  chose  eu  égard  aux  ressources  de  la  contrée.  Pai'  le  croît  natui'el  de* 
familles,  ce  |(euplement  normal  mettrait  au  moins  ([uatre  siècles  à  s'ac- 
coin|»lir,  car,  d'a]irès  les  données  partielles  de  la  démographie  argentine.  la 
inorlalité  moyenne  s'élève  aux  deux  tiers  de  ta  natalité,  et  cet  eicédenl 
vaut  à  la  Ilé]uit>lique  une  augmentation  annuelle  de  50  000  personnes. 

Mais  depuis  le  milieu  du  siècle  l'immigiation  conti'ibue  on  de  fiirles 
pro|>oi'(ions  à  augmenter  l'accroissement  :  elle  le  double  el  le  triple  en  dts 
auiiées  prospères.  En  188!l,  plus  de  289000  immigrants  ont  déharqueb 
Itucnos  Aires  el  sur  ce  nombre  250000  sont  restés  dans  le  jwiys.  Plu* 
largement  comprise  qu'au  Bresil,  naguère  pays  d'esclavage,  où  les  plan- 
leurs  ne  voient  dans  l'arrivée  do  l'éti-angor  qu'une  augmentation  de  la 


■s  LiiKiiia  {Etladitlka  dd  Comercio,  1895),  1  j51  000 habitants. 


POPULATION  DE  L'ARGENTINE.  757 

«  main-d'œuvre  »,  l'immigration  est  considérée  dans  l'Argentine,  malgré 
les  jalousies  locales,  comme  le  recrutement  de  concitoyens  futurs.  Dès 
Tannée  1811,  un  an  avant  que  l'introduction  d'esclaves  fût  prohibée  h 
Buenos  Aires,  Rivadavia  parlait  d'attirer  Timmigration  étrangère,  «  non 
seulement  comme  addition  de  travailleurs,  mais  comme  élément  de  civi- 
lisation »*.  Dans  les  premières  décades,  on  ne  compta  pas  le  nombre 
des  étrangers  qui  débarquaient  sur  les  rives  platéennes  pour  s'y  faire  une 
patrie  nouvelle,  mais  depuis  1857  on  énumère  les  immigrants  entrés  a 
Buenos  Aires,  soit  directement,  soit  par  la  voie  de  Montevideo.  En  défal- 
quant le  chiffre  de  l'émigration  et  la  mortalité  probable  des  nouveaux 
venus  non  mariés,  pendant  les  premières  années  de  leur  séjour*,  on 
constate  que  la  République  s*est  enrichie  d'un  million  d'habitants  faisant 
souche  en  Argentine.  En  outre,  des  milliers  et  des  milliers  de  voyageurs 
arrivés  par  voies  coûteuses  à  bord  des  transatlantiques,  et  non  classés 
parmi  les  immigrants,  se  sont  établis  à  demeure,  et  Ton  ne  devrait  pas 
non  plus  oublier  les  colons  chiliens  qui  traversent  les  cols  des  Andes,  pour 
redescendre  sur  le  versant  oriental,  et  qui  constituent  la  grande  majorité 
de  la  population  cis-andine. 

Tout  en  augmentant  soudain  le  nombre  des  résidents,  les  étrangers 
immigrés  font  par  contre-coup  baisser  la  natalité  proportionnelle,  les 
hommes  débarquant  beaucoup  plus  nombreux  que  les  femmes*  :  dans 
Buenos  Aires,  Santa  Fé,  TEntre-Rios,  on  compte  20  pour  100  en  plus 
de  population  masculine.  Mais  ceux  qui  viennent  en  masses  plus  épaisses, 
les  Italiens,  sont  précisément  ceux  dont  les  familles  multiplient  plus  que 
toutes  les  autres  :  60  pour  1000,  tel  serait  le  chiffre  de  leur  natalité 
dans  les  provinces  platéennes,  tandis  qu'elle  est  de  40  pour  1000 
seulement  dans  les  familles  françaises  immigrées,  et  moindre  encore  chez 
les  Argentins.  En  certaines  années,  la  mortalité  de  ces  derniers  dépasse- 
rait même  h  Buenos  Aires  le  chiffre  des  naissances*.  Ainsi  les  «  lîls  du 
pays  »  auraient  déjà  perdu  de  leur  force  virile,  et  l'accroissement  annuel 
de  la  nation  serait  compromis  si  le  mélange  avec  le  sang  de  l'étranger  ne 

•  Alexis  Peyrct,  imvr.igc  cité. 

-           Immigrants  de  5'  classe  débarqués  à  Buenos  Aires  de  1857  à  1891.  I  801  807 

éini<;n'ants  partis  de                   »                          o         .  420  000 

Morts  probables  d'immigrants  sans  familles 400  000 

Accroissement  présumé  des  habitants  [Ktr  l'inmiigration i  000  000 

'  Proportion  des  hommes  et  des  femmes  pour  les  Oo  (iôr)  immigi*ants  à  Buenos  Aires  en  188(î  : 

Hommes 71,25  pour  100 

Femmes 28,75         » 

♦  Latzina;  —  M.  G.  and  E.  T.  Mulhall,  ouvrages  cités. 


é 


368  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

renouvelait  la  race'.  C'est  un  phénomène  analogue  à  celui  que  l'ou  obsem 
dans  la  Nouvel  le-Angleteri-e  el  les  autres  pays  aocienneuient  colonisés 
des  États-Unis.  On  dit  que  dans  la  république  Argentine,  comme  dans 
le  Paraguay,  les  naissances  féminines  prévalent  chez  les  familles  créoles'. 
De  même  qu'au  Brésil,  la  nationalité  dominante  parmi  les  nouveani 
venus  est  celle  des  Italiens  :  à  eus  seuls  ils  constituent  le  tiers  de  l'immi- 
gralion.  Puis  viennent  les  Espagnols  et  les  Français,  sans  que  la  statis- 
tique dislingue  rélémcnt  basque  ou  euskarien,  naguère  te  plus  important. 
Les  Anglais,   les    Suisses,  les   Allemands,   parmi  lesquels  beaucoup  de 
Slaves  des  provinces  orientales,  se  suivent   par  ordre  numérique.  Les 
premiers  Juifs  de  Russie,  d'Austi-o-Hongrie,  de  Palestine,  importés  par 
bandes,  arrivèrent  en  1891  au  nombre  de  2850.  La  plupart  des  arrix-anls 
parlant  une  langue  d'origine  latine,  l'accoutumance  au  langage  national 
ne  présente  aucune  difficulté.  On  a   constaté  également  que  plus  des 
neuf  dixièmes  des  immigrants  sont  nés  catholiques  el  qu'un  tiers  environ 
ignorent  la  lecture  et  l'ccrilurc.  Quant  aux  professions,  les  agriculteurs, 
journaliers  et  ouvriers  de  toute  espèce  l'emportent  de  beaucoup  sur  les 
gens  sans  métier  défini,  et  In  plupart  des  jeunes  gens,  venus  dans  le 
vague  espoir  de  faire  fortune  en  vertu  de  parchemins  ou  de   diplômes, 
ont  à  se  mettre  bi-avemcnt  au  travail  manuel  pour  obtenir  un  gagne-pain. 
Naturellement  la  grande  majorité  des  étrangers  reste  au  lieu  d'arrivée  ou 
dans  les  environs,  à  Huenos  Aires,  ù  Rosario.'dans  l'Entre-Rios  ou  le 
Santa  Fé  :  l'immigration  se  raréfie  en  s'éloignant  de  l'estuaire  piatéen. 
Mais  dans  presque  toute  l'étendue  de  la  Uépublique  les  Européens  tmu- 
vent  un  climat  qui  leur  convient  el  n'ont  à  éviter  comme  lieux  de  séjour 
que  des  régions  analogues  à  celles  qui  seraient  dangereuses  dans  l'Ancien 
Monde,  telles  les  contrées  marécageuses  oii  naissent  les  lièvres,  et  les  pays 
parcourus  par  des  eaux  malsaines,  développant  le  goilre  chez  les  riverains. 
Le  tétanos  cause  une  grande  mortalité.  Le  ver  solitaire  est  1res  commun 
dans  l'Argentine  :  les  paysans  ayant  pris  l'habitude  de  mangei-  la  viande 
crue  ou  à  peine  cuite,   le  parasite  [)asse  sans  peine  du   quadrupède  à 
l'homme.  A.  cet  égard   il  y  a  similitude  parfaite  entre  l'hygiène  et  les 
maladies  sur  les  plateaux  abyssins  et  dans  les  camjiagnes  platécnnes'.  Li 
lèpre  fait  quelques  rares  victimes   et  Buenos  Aires  a  reçu  la  visite  de 
la  fièvre  jaune,  importée  du  Brésil;  mais  depuis  plusieurs  années  celle 
maladie  ne  se  propage  plus  des  navires  dans  la  cilé,  grâce  à  des  précau- 

■  Lalzin.-i;  —  AJberlo  II.  Hartincz,  Boletiii  tiet  Initilulo  Ceogrdfico  Argentim,  1888. 

*  Erncsl  van  Bruyssol,  la  République  Aryeiilinc. 

'  B.  Du[)onl,  Endcmia  de  If  nia  tolium  en  la  irpûblica  Argcnlina. 


IMMIGRATION,  AGRICULTURE  DE  L'ARGENTINE.  7^9 

lions  sanitaires  très  rigoureuses.  Parmi  les  violentes  épidémies,  la  variole 
est  la  plus  redoutable,  comme  jadis  en  Europe  avant  l'introduction  de 
layaccine,  et  la  plus  meurtrière  des  maladies  lentes,  la  phtisie,  fait  autant 
de  ravages  à  Buenos  Aires  que  dans  les  capitales  de  l'Europe.  Mais  on 
cite  des  régions  encore  faiblement  habitées  où  l'air,  d'une  pureté  parfaite, 
ne  laisse  pas  développer  les  maladies  de  poitrine  :  tels  sont  les  plateaux 
dans  l'État  de  San  Juan  et  la  vallée  du  Chubut.  Un  proverbe,  qui  n'a 
peut-être  son  pareil  dans  aucune  partie  du  monde,  dit  qu'en  Patagonie 
<(  il  meurt  seulement  un  homme  tous  les  cent  ans\  » 


L'agriculture  proprement  dite  est  d'origine  récente  dans  l'Argentine. 
Peu  nombreux  sur  une  terre  d'immense  étendue,  où  se  multipliaient  les 
bestiaux  par  milliers  et  par  millions,  les  habitants  n'avaient  qu'à  vivre 
de  l'abatage  des  troupeaux.  A  cette  époque,  la  culture  du  sol  ne  répon- 
dait à  aucun  besoin.  Les  Argentins  de  la  campagne,  se  nourrissant 
presque  exclusivement  de  viande,  avaient  en  abondance  tout  leur  néces- 
saire. On  abattait  un  bœuf  pour  en  manger  la  langue,  et  l'on  ne 
se  donnait  môme  pas  la  fatigue  d'écorcher  l'animal  pour  en  vendre  la 
peau  :  tout  au  plus,  afin  d'éviter  la  puanteur,  traînait-on  la  bête  dans 
quelque  briqueterie  pour  en  alimenter  la  flamme.  L'entretien  des  estancms 
était  des  plus  simples.  Les  animaux  restaient  en  plein  air  toute  l'année  et 
les  propriétaires  se  faisaient  un  revenu  suffisant  par  la  vente  des  peaux, 
des  viandes  séchées  ou  tasajo  et  du  noir  animal,  produit  de  la  combustion 
des  os. 

Après  le  cheval,  que  débarqua  Solis  sur  les  rives  de  la  Plata,  c'est  par 
la  voie  du  Paraguay  que  le  premier  bétail  fut  importé  dans  le  territoire 
platéen.  En  1550,  un  envoyé  d'Irala,  revenant  du  Pérou,  amena  des  chè- 
vres et  des  brebis  et,  trois  années  plus  tard,  les  frères  Gôes,  partis  de  Sâo 
Vicente,  introduisirent  au  Paraguay  un  taureau  et  huit  vaches.  De  ces 
bétes,  originaires  du  midi  de  l'Espagne,  descendent  les  millions  d'ani- 
maux qui  peuplent  actuellement  les  savanes  des  républiques  platéennes. 
En  devenant  indigène,  le  bœuf  européen  n'a  perdu  aucune  de  ses  qua- 
lités natives  et  parait  avoir  à  peine  changé  :  son  nouveau  milieu  lui  con- 
vient aussi  bien  que  le  sol  et  le  climat  d'origine;  il  se  montre  le  même 
au  nord  comme  au  sud  de  l'Argentine,  sur  un  espace  de  2000  kilomè- 
tres, dans  le  Chaco  septentrional  et  dans  les  campagnes  de  Bahia  Blanca. 

*  W.  n.  Hudson,  Idle  Days  in  Patagonia, 


7ft»  NOUVKLLE  GËOGRAPIIIE  IIMVERSELLE. 

]^  tnillc  dépend  iiniqucmniit  de  la  qualité  des  pâturages  :  te  bœnf  est 
plus  petit,  dans  les  chnmps  secs  et  arides  de  (!)alamarca,  plus  grand  dus 
les  riches  prairies  de  l'Kntrc-Rios  '  ;  la  plus  belle  rac«  est  celle  4e 
Miranda.  venue  du  Matto  Grosso.  Le  terrain  le  plus  apprécié  est  edni 
qui  comprond  à  la  fois  un  campo  ou  pittura^e,  un  monte  ou  bosquet  diu 
Icciuol  les  animaux  peuvent  se  mettre  à  l'abri,  un  bailado  ou  mania  dm 
lo<|uei  ils  puissent  se  rafraîchir'.  Lâchées  dans  les  plaines,  les  bAles  II 
cornes  multipUèifint  prodi<rieusemenl.  On  estime  que  dans  les  pampas 
et  la  mésopotamic  un  troupeau  bien  aménagé  double  tous  les  trois  us. 
L'accroissement  était  plus  rapide  encore  pour  les  troupeaux  alzadoi  on 
vivant  îi  l'état  sauvage  dans  la  plaine  libre.  Les  Indiens  ne  les  chassaieal 
pas  pour  s'en  noun'ir.  Ils  ne  s'occu|K)ient  que  du  rhu%'al,  qu'ils  avaienl 
prnmitlemciil  appris  à  m(mter;  ils  sacritiaieni  aussi  des  juments  à  leure 
dieux  et  en  man<reaient  la  chair;  mais  les  Pcbuen-chc  des  Andes  ne  s'ha- 
bituèrent, dit-oii,  à  se  nourrir  du  Itœtif  que  vers  le  milieu  de  ce  siècle. 
Les  Espafïnols  de  la  pampa  ne  chassùont  les  ahados  que  pour  leur  cuir. 
Ues  cavaliers,  tenant  à  la  main  une  latte  tormint'O  par  un  croissant  aigu, 
poursuivaient  les  animaux  au  galop  el  leur  tranchaient  le  jarret,  puis, 
après  eu  avoir  aliaitu  un  certain  nombre,  les  aclie^'aient  pour  enlcTH' 
le  cuir,  qu'ils  étendaient  sur  le  sol  en  le  retenant  par  des  piquets,  ht 
peuplement  de  la  contrée  a  supprimé  cette  industrie  barbare  :  presque 
tous  les  animaux,  devenus  domestiques,  sont  soumis  aux  pratiques  de 
t'élcvage  R^uiiei'.  fjà  et  là,  dans  les  vallons  écartés  des  montagnes  on 
dans  les  pniirios  défendues  par  un  cercle  de  marécages,  se  voient  encore 
((uelqiies  bœufs  sauvages  Dn-nianl  une  "  heureuse  famille  >•  avec  d'autres 
bètes  ayant  fui  l'aulorilé  de  l'homme.  Près  de  l'emlioucbure  du  rio  N^ro 
se  prolon(;e  une  ile  Imssc  couverte  de  roseaus,  au  milieu  desquels  glteol 
des  porcs  sauvages  :  ces  animaux,  sans  augmenter  en  nombre,  se  perpé- 
lucnt  el  se  maintiennent  malgré  les  marves  qui  parfois  recouvrent  l'Ile 
entière,  et  les  oiseaux  de  pi-oie,  loujoin's  aux  aguets  sur  les  rochers  voi- 
sins. Pendant  un  temps  ces  porcs  eurent  comme  protecteur  contre  tes 
aigles  une  vache  égarée,  autour  de  laquelle  se  pressait  la  bande  :  les 
gens  des  alentours  l'appelaient  la  «  mère  aux  coehons'  ». 

T>es  chevaux  sjuivagcs  ou  baguales  sont  encore  beaucoup  plus  rares  que 
les  breufs  ahados,  et  l'on  n'en  voit  guère  i|ue  dans  la  Palagonie  méridionale, 
où  on  ne  les  poui-suit  guère  que  par  amour  de  la  chasse  ;  comme  mon- 

<  Martin  (te  Hiiussy.  ouvnigc  l'ÎIi-. 

'  E.  lii'  Boiir(,'adL'  I»  Diinlii-,  Le  l'araguiiy. 

'  W.  II.  Iliulsoii,  Idle  Dag»  in  Ptitaijnnia. 


■1 


ÉLÈVE  DU  BÉTAIL  EN  ARGENTINE.  765 

lure  ils  n'ont  guère  de  valeur*.  D'origine  arabe  par  la  variété  d'Anda- 
lousie,  le  cheval  argentin  est  d'ordinaire  fort  docile,  sobre,  dur  à  la 
fatigue;  mais  naguère  on  s'occupait  peu  de  la  beauté  de  ses  formes  :  il 
est  de  petite  taille  et  sa  tête  est  fort  grosse.  La  vanité  des  cavaliers  aidant, 
Argentins  et  étrangers  rivalisent  maintenant  d'ardeur  pour  l'embellisse- 
ment de  la  race  par  un  mélange  avec  le  sang  arabe.  On  élève  aussi  des 
mules,  surtout  dans  la  province  de  Cordoba;  autrefois  ces  animaux  étaient 
exportés  au  Pérou  pour  le  service  des  mines;  actuellement  on  en  fait  le 
commerce  avec  la  Bolivie  et  le  Chili.  Dans  toute  la  région  des  montagnes 
on  se  sert  presque  exclusivement  du  mulet,  qui  a  le  pas  sûr  et  plus  do 
résistance  que  le  cheval.  Mais  on  s'est  encore  peu  intéressé  h  l'amélioration 
de  l'animal  par  le  choix  des  baudets.  Les  mules  qu'on  expédia  de  Buenos 
Aires  aux  Mascareignes  et  aux  Indes,  et  de  l'autre  côté  vers  les  provinces 
andines,  sont  élevées  dans  les  contrées  du  littoral. 

Le  mouton  constitue,  avec  le  cheval  et  le  bœuf,  la  principale  richesse 
animale  de  l'Argentine  et  tend  même  à  prendre  le  premier  rang.  Sous 
le  régime  colonial,  la  race  s'était  énormément  accrue,  quoique  les  ovidés, 
tout  en  restant  groupés  autour  de  l'homme,  n'eussent  pour  ainsi  dire 
aucune  valeur  marchande.  Dans  l'intérieur,  quelques  femmes  calchaqui 
recueillaient  la  laine  pour  en  tisser  de  grossières  étoffes;  mais  on  ne 
mangeait  même  pas  la  chair  du  mouton  :  des  industriels  sacrifiaient  les 
bêtes  pour  faire  de  la  chaux  avec  leurs  os,  abandonnant  la  viande  aux 
chiens  et  aux  vautours.  L'Espagne  jalouse  avait  interdit  l'exportation 
des  mérinos  dans  ses  possessions  d'outre-mer  :  cette  variété  précieuse 
ne  fut  introduite  que  longtemps  après  la  déclaration  d'indépendance. 
Mais  depuis  1850  un  grand  nombre  d'éleveurs,  parmi  lesquels  on 
compte  surtout  des  Anglais,  ont  amélioré  les  variétés  indigènes  et,  par  le 
croisement  avec  les  diverses  races  d'Europe,  ont  obtenu  de  nouveaux  types 
comme  pour  le  bœuf  et  le  cheval.  Les  meilleures  laines  sont  celles  des 
brebis  qui  paissent  le  gazon  court  des  provinces  nord-occidentales  :  les 
qualités  supérieures  proviennent  de  la  puna  de  Jujuy,  où  le  mouton  se 
mêle  au  lama,  animal  qu'on  ne  trouve  en  aucune  autre  partie  de 
l'Argentine.  Nul  berger,  sauf  le  Quichua,  ne  réussirait  à  l'assouplir  pour 
le  transport  des  fardeaux. 

Toutes  les  autres  espèces  domestiques  de  l'Europe  ont  été  introduites 
et  ont  prospéré  dans  l'Argentine,  même  sans  aucun  soin  :  les  chiens  et 
les  chats,  qui  par  milliers  sont  revenus  a  l'état  sauvage,  les  porcs,  les 

*  Rogers  und  Ibar,  Petermann's  Milteilungen,  1880,  Hefl  II. 


764  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

chèvres,  qui  là  aussi  ne  sont  guère  que  le  bétail  du  pauvre,  les  lapins,  les 
gallinacés  de  toute  espèce.  L'autruche  indigène  et  celle  de  l'Afrique  ont 
réussi  dans  quelques  fermes,  mais  ne  donnent  pas  lieu  à  une  grande  exploi- 
tation industrielle  comme  au  cap  de  Bonne-Espérance.  Le  coq,  d'une 
grande  beauté,  combat  dans  les  reftideros  de  tous  les  villages  :  on  le 
soigne  avec  amour;  on  croise  les  variétés  pour  obtenir  les  meilleurs 
champions,  avec  la  crête  la  plus  audacieuse,  l'œil  le  plus  vif,  le  plumage 
le  plus  éclatant,  l'ergot  le  plus  acéré,  auquel  on  ajoute  un  tranchaDl 
d'acier.  Des  oiseaux  chanteurs,  tels  l'alouette,  ont  été  lâchés  dans  les 
campos.  Les  abeilles  d'Europe  ont  réussi,  notamment  dans  l'Enlre-Rios; 
mais  ne  serait-il  pas  préférable  d'utiliser  les  espèces  indigènes?  Diverses 
mouches  à  jniel  foisonnent  dans  le  Chaco  et  dans  la  province  de  Santiago 
del  Estero,  donnant  encoi'e  lieu  à  une  industrie  assez  active  :  des  chasseurs 
ou  meleros  indiens  font  des  voyages  de  plusieurs  jours,  et  même  de 
plusieurs  semaines,  pour  découvrir  les  gàteaui  que  les  abeilles  et  les 
bourdons  mcllifères  construisent  en  des  trous  ou  attachent  aui  branches 
des  arbres.  Ils  abattent  [hirfois  dos  bois  entiers.  Les  précieux  insectes, 
pourchassés  à  outrance,  dis{>araitront  peut-être  avant  qu'on  ait  appris  à 
discipliner  leur  travail  et  à  préparer  des  ruches. 

Les  progrès  de  l'Argentine,  entraînant  l'utilisation  croissante  du  sol, 
ont  fait  reculer  l'élève  du  gros  bétail  devant  celle  des  moutons,  qui  rasent 
l'herbe  de  plus  près.  Les  estancias  de  bêtes  à  cornes  appartiennent  surtout 
à  des  Argentins  qui  suivent  les  anciennes  pratiques,  tandis  que  relève  des 
moutons  a  pris  le  caractère  d'une  industrie  plus  moderne,  dirigée  par 
des  étmngcrs  et  des  novateurs.  De  même  l'agriculture,  succédant  à  la  vie 
pastorale,  représente  un  nouveau  progi'ès  et  refoule  le  mouton,  suivie 
à  son  tour  par  le  jardinage  ou  culture  intensive'.  Cependant  l'évolution 
qui  s'accomplit  n'empêche  pas  que  la  niésopotamie  argentine,  «nie  à  la 
province  de  Buenos  Aires  et  à  la  république  de  l'Uruguay,  soit  la  contrée 
du  monde  qui  possède  le  plus  de  bœufs  et  de  chevaux  en  proportion  du 

<  Qicplcldu  l'Argentine!  en  1888  : 

Chcïimi *400000 

Béli^  i  conits 22  050  000 

Moulons 70  450  000 

Proportion  des  aiiimaui  par  1000  habilanls  en  (890  : 

Uruguay 10284  bœufs;       20252  brebis;  t  081  cheTaui.ctc. 

Enlre-Rio!^.    .    .    .       10  8(î9      ii            18  110      )i  1449        ii 

Buenos  Aires.    .    .        9  029      )i          109  851       u  4  555        » 

Australie 1  9r>5       »             19  702       »  280         » 


AGRICULTURE  DE  L'ARGENTINE.  765 

nombre  des  habitants;  pour  le  nombre  des  brebis  elle  rivalise  avec  TAus- 
Iralie. 

Les  débuts  de  ragriculture  furent  difficiles.  C'est  presque  de  force, 
pour  obéir  à  l'implacable  volonté  du  tout-puissant  Urquiza,  que  les 
habitants  de  TEntre-Rios  firent  leurs  premières  plantations.  Ces  ordres 
n'eurent  pas  grand  effet;  les  indigènes  profitaient  des  moindres  trou- 
bles politiques  pour  abandonner  leurs  champs,  leui-s  vergers,  et 
reprendre  la  vie  nomade  des  pasteurs.  Mais  la  révolution  que  la  volonté 
d'un  seul  n'avait  pu  réaliser,  les  nouvelles  conditions  économiques  de 
l'Europe  et  du  Nouveau  Monde  l'accomplirent.  Quand  la  chair  des  ani- 
maux, devenue  rare  sur  les  marchés  lointains,  acquit  de  la  valeur,  môme 
dans  la  mésopotamie  argentine,  on  reconnut  le  prix  du  sol  nourricier,  on 
le  classa  suivant  ses  produits,  et  l'agriculture,  progressant  autour  des 
villes,  s'empara  graduellement  des  meilleurs  terrains  de  labour.  L'arrivée 
de  cultivateurs  étrangers,  débarquant  par  milliers  et  dizaines  de  milliers, 
coïncide  avec  les  transformations  économiques  de  l'Argentine  et  en  pré- 
cipite le  mouvement. 

La  superficie  des  terres  cultivées  dans  la  république  Argentine  étail 
évaluée  par  Brackebusch  en  1891  à  près  de  50000  kilomètres  carrés,  un 
peu  plus  de  la  centième  partie  du  territoire.  Les  deux  céréales,  fro- 
ment et  mais,  sont  de  beaucoup  les  principales  cultures,  et  recouvrent 
plus  des  deux  tiers  de  l'espace  soumis  au  labour;  puis  vient  Talfalfa  ou 
luzerne,  que  l'on  cultive  surtout  dans  les  terrains  arrosés  de  l'ouest  et 
qui  fournit  au  commerce  une  de  ses  plus  fructueuses  denrées  d'expor- 
tation. Les  autres  productions  végétales  obtenues  par  le  travail  de  l'homme 
n'occupent  qu'une  très  faible  partie  du  domaine  agricole.  La  province  de 
Buenos  Aires,  qui  nourrit  la  capitale,  est  la  plus  riche  :  elle  contient 
le  tiers  des  terres  cultivées  dans  toute  la  République*.  La  province  de 
Santa  Fé,  que  se  sont  distribuée  en  grande  partie  les  colons  étrangers, 
prend  le  deuxième  rang  pour  la  superficie  des  terrains  labourés.  Cor- 

'  Terres  cultivées  de  la  république  Argentine  en  hectares  (1891)  : 


ProTinccs. 

Froment. 

Mais. 

Luierne. 

Autres. 

En<M>niMe. 

Buenos  kires .  . 

325  662 

470  586 

82  560 

85  649 

962  457 

Santa  Fé. .    .    . 

528  023 

57  073 

20  772 

50  419 

656  287 

Côrdoba. .    .    . 

174  033 

111683 

188  466 

49  886 

524  068 

Entre-Rios  .    . 

129  780 

48  912 

25125 

37  879 

241  696 

Mendoza .... 

12  000 

30  000 

125  260 

23  699 

190  959 

Autres.    .    .    . 

34  730 

107  240 

159  672 

118  930 
366  462 

420  572 

Ensemble.   . 

1  202  228 

825  495 

601  855 

2  996  040 

(Ludwig  Brackebusch,  PetermanrCs  Mitteilungen,  1893.) 


766  NOUVELLE  CËOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

doba  est  la  troisième  dans  la  série,  mais,  sauf  la  pomme  de  terre,  elle  ne 
cultive  guère  que  le  blé  :  il  en  résulte  que,  si  cette  récolle  vient  i  man- 
quer, la  ruine  est  générale.  Entre-Kîos,  si  admirablement  située  dansU 
mésopotamie  argentine,  n'a  que  la  quatrième  place  pour  l'éteaduedes 
champs  cultivés,  et  l'autre  province  mésoputamienne,  Corrientes,  vieal 
presque  à  la  fin  de  la  liste,  après  Mendoza,  San  Juan,  Tucuman  et  San 
Luis.  Presque  partout,  sauf  dans  les  Missions,  les  agriculteurs  ont  à 
redouter  la  sauterelle  volante,  qui  se  présente  parfois  en  bandes  serrées 
sur  une  largeur  de  cent  kilomètres.  Le  rendement  est  beaucoup  plus  faible 
que  dans  la  plupart  des  autres  pays  agricoles  :  ainsi,  dans  la  province  de 
Santa  Fé,  la  plus  fertile  de  la  pampa,  îl  ne  dépasse  pas  quatre  ou  cinq 
hectolitres  par  hectare,  récolte  que  l'on  considérerait  comme  misérable 
en  France  ou  en  Angleterre.  L'Argentine  donne  beaucoup  de  froment,  aoD 
en  raison  de  sa  fertilité,  mais  en  raison  de  son  étendue'. 

La  première  des  cultures  après  les  céréales,  la  canne  à  sucre,  appartient 
exclusivement  à  la  zone  sub-tropicale  :  on  ne  la  voit  que  dans  les  fondsde 
vallée,  formant  une  bande  étroite,  d'Oran,  près  de  la  frontière  bolivienne, 
ù  Tucuman  et  î\  Santiago  del  Kstero.  La  culture  du  cotonnier,  qui  don- 
nait de  bonnes  récoltes,  a  été  presque  abandonnée  ;  mais  dans  cette  même 
zone  on  cultive  la  vigne,  jusqu'à  la  hauteur  de  2000  mètres.  Les  régions 
principales  des  vignobles  sont  les  environs  de  San  Juan  et  de  Mcndoia  : 
l'industrie  viticole  y  a  pris  une  véritable  importance.  La  production 
annuelle  du  vin  est  évaluée  à  600000  hectolitres,  quantité  à  peu  près 
égale  à  celle  qu'on  importe  de  l'étranger',  mais  représentant  seulement 
le  cinquième  des  boissons  de  toute  origine  que  l'on  consomme  sous  le 
nom  de  vin*.  Les  raisins  servent  aussi,  de  même  que  la  canne,  le  mais 
et  autres  produits  du  sol,  à  fabriquer  des  eaux-dc-vic.  Los  provinces  à 
vignobles  possèdent  également  quelques  olivettes,  mais  les  Laies  ne  sen'enl 
guère  à  la  préparation  de  l'huile,  que  l'on  retire  plutôt  des  arachides, 
autre  culture  de  l'Argenlinc.  Le  Corrientes  fournit  des  tabacs  d'une  qualité 
analogue  aux  bonnes  variélés  du  Paraguay.  Un  peu  de  quinoa,  dans  les 
provinces  du  nord  où  s'était  répandue  la  civilisation  des  Quichua,  et  des 
pommes  de  terre,  des  légumes,  des  fruits  d'Europe  dans  les  colonies 
modernes,  telles  sont  les  autres  productions  notables  dans  les  champs 
et  les  jardins.  On  a  souvent  fait  de  la  série icul lu re,  sans  résultai  fruclueui, 
le  travail  des  magnaneries  paraissant  trop  méticuleux  h  des  gens  accou- 

■  De  Bourgade  la  Ilardj'c,  Le  Paraguay. 

'  Imporlalion  des  vins  et  liqueurs  dans  l'Argenline  en  1892  :  510  000  heclotilrc«. 

>  ^aeion,  5  de  scliemLrciS93. 


AGRICULTURE  DE  L'ARGENTINE.  767 

lûmes  aux  gros  labeurs.  Quant  à  rapiculture,  on  possède  bien  çà  et  \h 
quelques  ruches,  mais  en  certaines  provinces,  l'introduction  de  Tabeille 
aurait  été  prohibée  comme  nuisible  aux  arbres  fruitiers*. 

De  même  que  les  hommes  d'origine  européenne  ont  refoulé  ou  même 
exterminé  les  indigènes,  très  clairsemés  de  nos  jours,  de  même  que  le 
bétail  de  l'Ancien  Monde  se  substitue  dans  les  pâturages  aux  bêtes  pri- 
mitives des  pampas  et  de  la  montagne,  de  même  les  plantes  cultivées 
sont  pour  la  plupart  de  provenance  européenne  :  jusqu'au  maïs,  espèce 
américaine,  que  représentent  maintes  variétés  d'outre-mer.  La  flore  arbo- 
rescente exotique  a  déjà  modifié  la  physionomie  des  campagnes  :  les 
pêchers,  les  peupliers,  les  saules,  les  eucalyptus  ont  transformé  les  landes 
rases,  et  des  bordures  d'arbres  ont  assaini  les  rivages  des  marais.  Jusqu'en 
Patagonie,  sur  les  versants  des  Andes,  la  flore  silvestre  a  changé  d'aspect. 
Les  missionnaires  jésuites  qui  s'étaient  avancés  au  milieu  des  indigènes 
bien  avant  les  autres  Européens,  avaient  apporté  des  instruments  d'agri- 
culture, des  graines  et  les  semences  des  principales  espèces  alimentaires 
de  l'Ancien  Monde.  Les  pommiers  qu'ils  avaient  plantés  leur  survécurent 
et  trouvèrent  un  milieu  si  favorable  qu'ils  se  propagèrent  spontanément, 
couvrant  de  vastes  étendues.  Dans  la  saison,  la  région  sous-andine  des 
«  Manzanas  »  se  peuple  d'Indiens  accourus  des  plaines  environnantes  : 
ils  trouvent  la  nourriture  et  la  boisson,  ayant  appris  à  fabriquer  une  espèce 
de  cidre  ou  chicha.  Cependant  les  forêts  de  pommiers  n'existent  que 
dans  le  voisinage  des  routes  indiennes,  jamais  au  cœur  des  grandes 
forêts  primitives*. 

La  teneur  de  la  propriété  varie  dans  l'Argentine.  Tandis  qu'en  certains 
endroits  l'ancien  régime  prévaut  toujours,  la  propriété  moyenne  s'est 
constituée  dans  les  provinces  de  l'est,  où  affluent  les  colons  étrangers; 
elle  existait  déjà  dans  le  Tucuman,  où  l'on  comptait  en  1882  plus  de 
7150  propriétaires  chefs  de  famille  sur  une  population  totale  de 
120  000  habitants*.  En  certains  districts  éloignés  de  Buenos  Aires,  d'im- 
menses domaines  appartiennent  collectivement  aux  membres  dispersés 
d'une  seule  et  même  famille,  qui  peuvent  s'établir  dans  n'importe 
quelle  partie  de  la  propriété  commune  et  y  faire  paître  leur  bétail. 
Ce  maintien  de  l'indivision  ne  prouve  pas,  comme  on  pourrait  le 
croire,  la  cordiale  union  entre  parents  :  il  témoigne  seulement  des  grandes 
difficultés    que    l'esprit    processif   des    associés    oppose   à    un    partage 

I  Ludwig  Brackcbusch,  mémoire  cité. 

*  Josef  Siemiradzki,  Peiermann's  Mitteilungen,  1893,  Heft  Df. 

>  Pablo  Groussard,  Tucuman. 


7G8  >OUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

amiable'.  Dans  la  pi'ovÎDCC  de  Jujuy  se  maintient  un  reste  des  mo- 
mienda»,  c'est-à-dire,  sous  un  autre  nom,  la  servitude  des  Indiens. 
Quelques  familles  de  ces  Coyas  esclaves  ont  réussi,  après  de  sut- 
glanles  rébellions,  à  reconquérir  leurs  terres  et  leur  liberté,  mais  tous 
ne  se  sont  pas  encore  affranchis,  et  tel  grand  propriétaire  peut  se  dire  te 
malice  de  domaines  immenses  embrassant  les  montagnes,  les  vallées  e( 
les  habitants  de  l'un  à  l'autre  horizon'.  Souvent  les  prétendues  révolutiom 
politiques  de  l'intérieur  ne  sont  autre  chose  que  des  conflits  entre  estas? 
cieros  qui  lancent  l'une  contre  l'autre  leurs  bandes  de  vassaux  ou  tn^ 
tinot;  ces  malheureux,  tolérés  sur  les  domaines,  mais  sans  espoir  d'en 
obtenir  un  lopin  en  propriété  personnelle,  toujours  endettés  envers  le 
suzerain,  vivent  dans  une  extrême  misère,  à  laquelle  les  hasards  d'une 
guerre  civile  font  une  diversion,  quelquefois  bienvenue. 

Même  dans  les  provinces  orientales,  notamment  dans  colle  de  Buenos 
Aires,  la  plus  grande  partie  du  sol  se  partage  en  de  très  vastes  propriétés, 
ainsi  qu'en  témoignent  les  plans  cadastraux,  oCi  se  trouvent  inscrits  le» 
noms  dos  diflercnts  possesseurs.  On  évalue  d'ordinaire  ces  étendues  par 
«   lieues  carrées  »,   qui    varient   un  peu  suivant  les    provinces,    mais 
comprennent  un  espace  moyen  de  27  kilomètres  carrés".  Un  seul  acheteW^ 
s'est  acquis  d'un  coup  pour  onze  millions  de    francs  un    domaine  A^ 
560000  hectares  dans  la  pampa.  Des  propriétés  de  pareilles  dimensio»^^ 
étaient  trop  grandes    pour    avoir   des    limites    précises  :   les  Iroupea'mJi 
vaguaient  à  une  certaine  dislance  de  leui-  qnerenda  ou  lieu  de  rci»-*>' 
nocturne,  mais  à  quelques  hectomètres  près  le  berger  ne  regardait  pas  a'M-J 
bornes  du  terrain  de  pâture.  Le  libre  parcours  des  bestiaux,  le)  fut       I 
grand  obstacle  à  l'initiative  agricole  :  les  colons  devaient  veiller  constainv 
ment  aux  abords  des  cultures,  et  souvent  n'arrivaient  à  chasser  le  bét-^^x 
qu'après  ta  dévastation  complète  de  leurs  champs.  De  là  de  continuels  *■ 
discussions,  suivies  parfois  de  luttes  à  main  armée  entre  les  estancieK~c 
cl  les  colons.  Ceux-ci  ont  iini  par  l'emporter;  des  clôtures  en  fil  de  ffïe 
entourent  les  pAlurages. 

Les  premières  colonies,  très  péniblement  créées,  ont  été  fondées  par 
des  concessionnaires  qui  s'engageaient  à  peupler  leur  territoire  dans  un 


■  Drackcbusch,  Bolelin  del  Inttituto  Geogrà^co  Argentino,  toiiio  IV,  J883. 

*  Prii  inojen  de  la  lieue  carrée  dans  l'Argentine  en  1892  : 

Terres  agritolcs 400  000  francs. 

pâturages 72500       ii 

Brouesea 5  750      »      (Mulhall.) 

»  Ludwig  Bi'ackcliuscli,  Petermann'ê  Milteilungen,  1892,  Heft  VtlI. 


AGRICULTURE  DE  L'ARGEMENE.  769 

S  donné  et  moyennant  certains  avantages  financiers  ou  autres.  La 

ullé  des  communications,  l'inexpérience  des  cultivateurs,  l'hostilité 

leveui*»,  les  jalousies 

îscausèrentde  nnm- 

I  insuccès,  mais  les 

iites    encouragèrent 

lolons,  et  c'est  par 

lines  maintenant  que 

compte  les  groupes 

ituésen  communes. 

nouvelles     colonies 

enl  tous  les  jours  : 

grand    propriéUirc 

irpenlcr  une  partie 

n  domaine,  la  divise 

fis  de  vente,  en  fait 

ler  te  plan  dans  les 

■  et  les  gares,  donne 

lUage  futur  un  nom 

sonne  bien  »,  fonde 
boutique  pour  ali- 
er  les  travailleurs  à 
t  pendant  la  pre- 
î  année,  et  les  colons 
irésenlent,  s'enga- 
,  à  payer  leurs  lots 
innuités,  d'un  quart 
bis.  Une  loi,  dite  de 
Ionisation  »,  volée 
876,  d'après  le  mo- 

du  homeslead-biU 
■américain,  divisait 
trrains  nationaux  en 

ins  de  20  kilomètres  i î — . 

côté,     comprenant 

iots  de  100  hcclares  chacun  ;  les  cent  premiers  colons  de  chaque 
m,  chefs  de  famille  et  agriculteurs,  recevaient  gratuitement  chacun 
ot,  et  le  reste  était  vendu  à  raison  de  2  piastres  l'hectare;  poui' 
cher  la  constitution  de  la  grande  propriclé,  on  avait  décidé  que  nul 


Ha 


CPerroo 


770  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

ni;  pourrait  acheter  plus  de  quatre  lots.  Des  compagnies  colonisatrices 
devaient  se  charger  du  peuplement;  mais  après  quelques  essais,  imllieu* 
l'eus  pour  ta  plupart,  ce  système  a  été  abandonné.  Dans  la  prorince  de 
Buenos  Aires  on  constitue,  depuis  1H87,  des  »  centres  agricoles  »  autour 
des  gares  situées  à  100  kilomètres  au  moins  de  la  capitale,  et  l'on 
applique  la  loi  d'eipropriation,  quand  les  propriétaii-es  ne  prennent 
pas  l'initiative  de  la  colonie.  En  trois  années,  on  a  ainsi  formé  plus 
■  de  250  villages,  contenant  une  surface  à  cultiver  de  2210000  heclares. 
Lu  province  de  Santa  Fé,  la  plus  riche  en  colons,  en  comptait  à  la  fin 
de  1888  plus  de  190,  embrassant  plus  de  2  600000  hecUres'.  Dans 
presijuo  toutes  ces  colonies,  la  propriété  est  strictement  personnelle; 
chacun  peut  accaparer  autant  de  lois  ou  chaerat  que  lui  permet  sa 
fortune.  La  forme  collective  de  propriété  n'existe  que  chez  les  Allemands 
«  russifiés  »,  mcnnoniles  ou  autres,  de  la  rive  orientale  du  Paranâ.  Le 
mir  russe  s'y  est  maintenu,  et  même  aurait  pris  un  caractère  plus  rap- 
proché du  communisme  pur*. 

La  production  des  mines  ne  consliluc  au  pays  de  !*«  Argent  »  qu'une 
faible  partie  du  revenu  national;  dans  les  meilleures  années,  elle  ne 
dépasse  guère  sept  millions  de  francs,  quoique  certains  gisements  d'or, 
d'argent,  de  cuivre,  de  plumh,  soient  fort  riches;  mais  ils  sont  presque 
lous  situés  en  des  montagnes  d'accès  difOeile;  telle  mine,  dans  les  pru* 
vinces  andines  du  nord-ouest,  est  souvent  bloquée  par  les  neiges.  Les 
charijons  de  San  Rafaël  et  des  avant-monts  voisins  paraissent  constituer 
la  principale  richesse  de  la  ité|»ublique,  mais  l'exploitation  commence 
à  peine. 

L'industrie  platécnne,  prise  dans  son  ensemble,  n'a  qu'un  bien  faible 
développement.  Naguère  les  Argentins  se  contentaient  des  petits  métiers 
nécessaires  aux  travaux  courants  de  l'alimentation,  de  la  construction, 
du  vêlement  et  de  l'entretien  :  pour  tout  le  reste,  ils  s'adressaient  ^ 
l'Kui-ope  et  aux  États-Unis  du  Nord.  Leur  seule  industrie  importante  déri- 
vait de  l'élève  du  bétail  :  le  tniitement  des  viandes,  des  cuirs,  des  poils, 
des  sabots.  L'utilisation  des  végétaux  pour  le  tissage,  par  exemple,  élai' 
pres(iue  nulle,  et  l'on  peut  dire  que  le  travail  des  textiles  avait  rétrograde 
depuis  que  les  vieilles  Indiennes  avaient  cessé  de  tisser  leui's  solide* 
étoiles.  Mais  la  |)aHvreté  soudaine  causée  par  les  crises  financières  el 
les  banqueroutes  a   forcé  les  Argentins  à  créer  nombre  de  manufactures 


'  Gabriel  Can'asco;  —  Alexis  Pu) 
■  Thoinucliul,  Notes  m 


?  Yinite  aux  Coloa'm  de  la  République  Argealiiif- 


^AGRICULTURE,  INDUSTRIE,  COMMERCE  DE  L'ARGENTINE.  771 

qui  leur 'étaient  inutiles  quand  ils  pouvaient  acheter  en  Europe  tout  ce 
qui  leur  était  nécessaire  :  c'est  ainsi  qu'ont  surgi  récemment  des  bras- 
series, des  raffineries,  des  papeteries  et  d'autres  usines,  munies  des 
machines  perfectionnées  et  servies  par  des  ouvriers  expérimentés. 


Favorisé  par  la  facilité  des  transports  sur  les  plaines  unies,,  le  com- 
merce argentin  s'est  accru  d'une  manière  étonnante  dans  les  dernières 
décades,  mais  non  pas  autant  que  le  prétendent  maintes  statistiques  «  offi- 
cielles »,  fixant  des  chiffres  beaucoup  trop  élevés  pour  la  valeur  des 
articles.  D'ûprès  Mulhall,  le  mouvement  réel  des  échanges,  dans  les  der- 
nières années,  marquées  par  une  grande  crise  commerciale,  aurait  été 
d'environ  800  millions  de  francs,  et  dans  l'année  la  plus  prospère, 
1889,  aurait  atteint  950  millions'  :  par  tête  d'Argentin,  les  achats  et  les 
ventes  à  l'étranger  représentent  une  somme  de  200  à  250  francs.  Dans  ce 
commerce,  la  Grande-Bretagne  a  la  plus  grosse  part,  puis  vient  la  France. 
La  Belgique  occupait  naguère  le  troisième  rang  avant  l'Allemagne,  mais 
elle  l'a  perdu  en  1892  ;  le  Brésil,  acheteur  des  «  viandes  sèches  »,  précède 
les  Étatç-Unis  et  l'Italie,  qui  a  pourtant  envoyé  dans  l'Argentine  un  si  grand 
nombre  de  ses  enfants".  Presque  tous  les  objets  d'exportation  sont  des  pro- 
duits animaux  et  des  denrées  agricoles';  quant  aux  importations,  elles 
consistent  surtout  en  étoffes,  en  vins  et  substances  alimentaires,  en  ma- 

<  Moyenne  du  commerce  des  cinq  années  1887  ù  1891  : 

Importations 414  000  000  francs.- 

Exportations 395  500  000       » 

Ensemble 807  500  000  francs. 

Année  du  plus  grand  commerce,  1890  (chiffres  officiels)  :  1  312800000  francs. 
Année  1892  (chiffres  officiels)  :  1 106200  000  francs. 

•  Commerce  de  TArgentine  par  ordre  de  pays  : 

MoyeuDC 
de  1887  à  1891.  1892. 

Grande-Bretagne 215  500  000  francs.  28,3  pour  100 

France 158  000  000      »  21,5         » 

'       Belgique 115  500  000       »  10,13        » 

Allemagne 88  000  000       »  11,7  » 

Brésil 53  000  000       »  5,75       » 

États-Unis 38  000  000       )>  5,2  » 

'  Valeur  de  l'exportation  argentine  en  1892  : 

1891.  1892. 

Produits  du  pâturage 336  000  000  francs.  il  1  750000  fi-ancs. 

))      dclaculturo 109  500  000       n  U4  450  000       )) 

.\utres 38  000  000       »  55620000 

Ensemble 483  500  000  francs.       6  121  980000  francs. 


772  NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

chines  et  quincaillerie,  en  charbons  et  pétroles.  Buenos  Aires  à  elle  seule 
accapare  les  deux  tiers  du  commerce  extérieur. 

Le  mouvement  de  la  navigation  avec  l'étranger,  y  compris  le  cabotage 
d'outrc-estuaire  avec  Montevideo,  Paysandù  et  les  autres  ports  de  la  Bande 
Orientale,  s'est  très  rapidement  accru  :  il  a  presque  quintuplé  dans  la  der- 
nière décade*,  et  il  faut  y  ajouter  le  trafic  considérable  qui  se  fait  le  long 
des  rivages  et  sur  les  rivières*.  La  vapeur  a  eu  de  beaucoup  la  plus  grosse 
part  dans  ces  accroissements.  La  Grande-Bretagne  se  présente  la  première 
pour  le  nombre  des  navires  comme  pour  le  commerce  dans  les  ports 
argentins;  le  pavillon  national  suit  par  ordre  d'importance  :  il  couvre 
surtout  des  embarcations  a  voile  et  à  vapeur  qui  traversent  non  l'Océan, 
mais  l'estuaire,  de  Buenos  Aires  h  Montevideo,  et  s'accroît  rapidement, 
nombre  d'armateurs,  anglais  ou  autres,  hissant  le  drapeau  argentin  pour 
éviter  les  frais  de  port  qui   pèsent  sur  les  bâtiments  étrangers.  Le  cours 
de  l'Uruguay  lui-même,  de  Concordia  à  Salto,  est  considéré  comme  un 
océan  dans  les  fictions  administratives.  Du  reste,  grâce  aux  chemins  de 
fer.  la  rive  orientale  de  l'Entre-Rios  se  trouve  transformée  en  un  immense 
quai  de  commerce  maritime.  Une  compagnie  de  navigation  possède  sur  les 
fleuves  une  flotte  de  120  bateaux. 


L'ère  des  voies  ferrées  commença  dans  l'Argentine  en  1857  par  la 
construction  d'une  ligne  de  banlieue  entre  Buenos  Aires  et  le  faubourg 
sud-occidental  de  Flores.  Les  progrès  du  nouveau  mode  de  transport  furent 


'  Mouvcinont  de  h  navigation  avec  Tétrangor  dans  les  poris  de  la  république  Argentine  en  1S81 
et  en  189^2  : 

1881.  Entrées 1320  000  tonnes. 

Sorties 1  170  000  '    » 

Ensem])le 2  490  000  tonnes. 

1892.  Entrées  9948  naviixïs,  jaugeant.    .    .  6  016  825  tonnes. 

Sorties    9184      »  »        ...  5840025      » 

Ensemble    19152  navires,  jaugeant.    .    .  i  1  880  850  tonnes. 

'  Mouvement  du  cabotage  dans  les  ports  de  ta  république  Argentine  en  1881  et  1892  : 

1881.  Entrées 1790  000  tonnes. 

Sorties 1  770  000      » 

Ensemble 5  560  000  tonnes. 

1892.  Entrées  24  758  navires,  jaugeant.  .    .  2  827100  tonnes. 

Sorties   24146       »  »...  2549600       » 

Ensemble  48  904  navires,  jaugeant ...  5  576  000  tonnes. 


774  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UNIVERSELLE. 

puisqu'il  déplace  plus  de  deux  fois  et  demie  toute  la  population';  mais  le 
coûl  de  la  construction,  d'environ  163000  francs  par  kitomèlre,  semble 
fort  élevé  pour  une  contrée  où  l'on  n'a  guère  qu'à  poser  les  rails  sans  rem- 
lilais  ni  déblais.  Les  spéculations,  tes  emprunts  onéreux,  tes  frais  causés 
par  des  conseils  dirigeants  qui  fonctionnent  à  plus  de  dix  mitte  tùlomèlres 
de  leur  entreprise,  expliquent  ces  dépenses,  couvertes  d'ailleurs,  pour  un 
tiers  des  voies  ferrées,   par  des  garanties  de  l'État.  Dans  la  province  de 


Santa  Vé,  où  le  i>cupiement  rapide  et  la  mise  en  culture  de  la  contrée 
assuraient  le  rendement  des  voies,  le  gouvernement  local  a  fait  constmin' 
les  premiers  chemins  de  fer  sans  dépenser  un  sou  :  il  lui  suffisait  d'émettre 
des  bons  remboursables  sur  les  bénéfices  futurs  du  transport.  La  largeur 
de  la  voie  diin>re  suivant  les  compagnies  :  la  plupart  dus  chemins  ont  des 
rails  écartés  de  1  mètre  67,  et  ceux  de  Santa  Fé  d'un  mètre  seulement. 
On  a  projeté  le  creusement  d'un  tunnel  sous  l'Uruguay  et  le  Parana  pour 


<  Longuitur  ien  chemins  dir  fci-  argentins  <'ti  1895  :  15  ibi  kilomètres. 
Oiùl  <rélalili<'st<mcnl  en  lli93  :  I  800000000  Tniirs. 


Mouvement  dts  voyageurs  e 

ilSill.. 

11310  000 
1810  000  lonucs 

D-'-penscs 

M  500  000      ,. 

VOIES  FERRÉES  RE  L'ARGENTllSE.  7T& 

'établissement  d'une   voie    ferrée   entre    Buenos  Aires   et    Montevideo, 
actuellement  le  Iravail  d'art  le  plus  considérable  du  réseau  est  un  pont- 


viaduc  de  plu^^dc  2000  mètres  jclé  sur  ta  rivière  Saladu,  au  Molino  defialas. 

Le  réseau  télégraphique  s'est  accru  dans  une  proportion  plus  rapide 

uncore  que  celui  des  chemins*.  De  mémo  pour  le  mouvement  postal,  l'Ar- 

'  Serrice  des  Iclégraphcs  dans  l'Ai^cnlinf  : 

1871 .     5  171  kiloTiièlrcs;      61  004)  télégrammes  Irtm^mis 
i89l.  32  748  "  2  340  000  » 


77(1  NOUVELLE  GËO&RAPHIE  PNIVERSELLR. 

gcntiiiu  marclie  pivsqiu*  cIp  |i!iir  avec  les  pays  les  plus  commerçjmls  de 
l'Europe';  mais  l'ensemble  de  la  eorrespondauce  se  compose  surtoul  de 
letttvs  d'affaires  et  Ips  étrHQgi'irR  y  oui  utie  pari  proporiionnellc  Loaucoup 
plus  gi'ande  que  le»:  Argentins.  La  ville  de  Buenos  Aires  en  a  la  innitic  :  I 
en  1871,  les  deux  tiers  des  correspondances  partaient  de  cette  capitale. 
L'instruction  publique,  tout  im  ayant  beaucoup  progressé  dans  la  dernière 
décade,  est  encore  loin  d'embrasser  toute  la  population  enfantine'.  La  part 
de  l'Ëtat  dans  l'cnseigmiinfuil  l'cprésente  h  jh-u  prj^  los  trois  quarts  des  \ 
écoles  et  des  professeurs'.  Les  désastres  financiers  qui  se  sont  succédé  j 
depuis  l'iinnée  1890  ont  entraîné  In  fermeture  de  nombreux  établisserae-nls  . 
et  dans  plusicui's  provinces  les  instituteurs  ont  été  licenciés  par  dizaines;  j 
du  tiers  des  enfants  en  âge  de  suivre  les  cours,  la  [tropurlion  des  éco-  I 
liers  s'est  abaissée  au  quart.  Chaque  province  a  son  coUtge  national  d  ] 
la  capitjile  en  possède  deux;  en  outre,  il  existe  des  éccples  normales,  deuj  | 
écoles  d'agriculture  et  deux  univei-silès,  —  Buenos  Aires  et  Cûrdoba,  —  I 
une  école  des  mines  à  San  Juan.  La  presse,  non  compris  les  feuilles  que  I 
font  naître  les  rivalités  politiques  et  qui  dis[>urHisscnl  après  les  élections, 
se  composait  en  1892  de  170  journaux,  dont'ii  quotidiens  :  de  ceus-cH 
15  paraissaient  à  Buenos  Aires  dans  les  cinq  langues  piintnpales  du  pays, 
espagnol,  italien,  français,  anglais  et  allemand. 


La  constitution  de  la  république  Argentine,  votée  depuis  un  tiers  de 
siècle  par  une  Convention  réunie  à  Santa  Fé,  donne  à  l'Ëtat  une  forme 
représentative  fédérale.  Cbacune  des  quatorze  provinces  de  la  confédération 
a  son  propre  statut,  comportant  dans  six  communautés  politiques  l'exis- 
tence de  deux  Cbambres,  —  députés  et  sénateurs,  —  et  dans  les  huit 
autres  une  législature  unique;  mais  chaque  province  a  son  gouverneur 
ou  président,  élu  pour  une  certaine  période  et  assisté  suivant  quelques 

'  Mouvement  postal  dans  r,\i'H''nlinp  en  18!M   : 

l'JtiJ5i  11(111  iMlics  .'1  joiiMiiiiiv.  s<iL(  m  Ji'IJL'I.-s  pr  linliilJiit 
*  Koiiilii-u  Ji's  >V-ulcs  t'I  <li's  «'li'vos  <l:i[is  l'Ar^iditiiK^  : 

I«8j.      1  7*(1  ôci.l.>s,  rmiui!nl£-cs  pr  .    .      I2i  ItlW  .Hrvrs. 
18!H.     5  255  »  .    .     2i9  7(H)      j. 

'  Kciile!i|iiiljliijiu>'.  .    .    .     21011;  ;>r.'.i9  iimres<i>nrs;  litnOO  .■lùn-s. 

ji      iiiirliiiilifiTs..    ,       «."..ï     I  Iî:.)!  )>  Mfim      I, 

(M.  (;.  ami  E.  T.  Jt.Jlli.tlI.) 


GOUVERNEMENT  DE  L'ARGENTINE. 


779 


tes  locales  par  un  vice-gouverneur.  Le  droit  de  vote  appartient  à 
les  citoyens  mâles  pour  l'élection  des  corps  municipaux,  des  législa- 

s  provinciales  et  du  Congrès.  Les  titres,  les  prérogatives  de  naissance 

;nt  abolis.  Les  étrangers  non  naturalisés  sont  admissibles  aux  fonc- 

i  du  municipe  el 

ïsent  de  tous  les 

Is  civils  des  na- 
peuvent  exercer 

industrie  et  leur 

èssion,  se  livrer 

commerce ,   pos- 

r des  immeubles,  - 
acheter    et    les 

ler,  naviguer  sur 

fleuves,  exercer 
culte  en  liberté, 

■r  et  se    marier 

ormément     aux 

:  ils  ne  sont  point 

;és  de  se  natio- 

ier,  ni  de  payer 

ontributions  for- 
extraordinaires, 
naturalisations 

Liennent  par  deux 

ies  de  séjour  ou 
tôt  encore  par 

«rvices  émincnts 

lus  à  la  Républi- 
Quant  aux  fils 

'angers,  ils  sont 

s  de  choisir  leur 

inalilé  à  vingl  et 

ans,    soit  qu'ils 

lient    garder  l'état  politiqui 

:ntins. 

;  Congrès  national,  siégeant  à  Buenos  Aires,  capitale  officielle  de  ta 

'édération,  comprend  deux  corps  élus.  La  Chambre  dos  députés  se 

pose  de  représentants  nommés  directement  par  le    peuple  des  pro- 


du  père,  soit  qu'ils  préfèrent  devenir 


780  NOUVELLE  GÉOCitAPHIE  UNIVERSELLE. 

vinces  et  de  la  capitale,  à  raison  d'un  mandataire  pour  20000  habitants  on 
d'une  fraction  supérieure  à  10000.  Faite  d'après  le  recensement  de  1869, 
la  répartition  des  sièges  attribue  9  députés  à  la  ville  et  à  la  pronncede 
Buenos  Aires;  les  61  autres  membres  de  la  législature  sont  délégués 
par  les  provinces;  un  nouveau  cens  augmenterait  la  proportion  au  profil 
de  ta  capitale  et  de  Santa  Fé.  Les  députés,  nommés  pour  quatre  ans,  sont 
rééligiblcs  et  rétribués.  Seuls  ils  ont  l'initiative  des  lois  relatives  aoi 
impôts  et  au  recrutement  des  troupes;  seuls  ils  ont,  devant  le  Sénat 
constitue  en  tribunal,  le  droit  d'accusation  contre  le  président,  le  vice- 
président,  les  ministres  et  les  membres  de  la  Cour  suprême.  Le  Séoil, 
modelé  sur  celui  des  Ëtats-Unîs,  se  compose  de  deux  sénateurs  par  pro- 
vince et  de  deux  sénateurs  buenos-airiens,  désignés  pour  neuf  années  el 
rétribués.  Dans  les  provinces,  ces  membres  sont  nommés  par  les  légis- 
latures à  la  majorité  des  suffrages  ;  à  Buenos  Aires,  par  une  junte  .d'élec- 
teurs choisis  au  second  degré.  Le  vice-président  de  la  confédération  est  de 
droit  président  du  Sénat.  Les  sessions  normales  durent  du  1"  mai  au 
50  septembre.  Il  est  rare  que  les  élections  soient  l'expression  sincère  de 
la  volonté  des  citoyens  :  d'ordinaire  les  notables  réunissent  leurs  clients, 
leur  distribuent  des  bulletins  et  les  mènent  en  rang  à  la  salle  du  vote'. 

D'après  les  fictions  constitutionnelles  si  fréquemment  mises  à  néant  par 
les  intrigues,  les  machinations  politiques  et  tes  révolutions,  le  président 
et  le  vice-président  de  la  République  sont  élus  par  une  assemblée  d'élec- 
teui's  choisis  en  nombre  double  des  mandataires  au  Congrès,  députés  et 
sénateurs.  La  majorité  absolue  des  voix  décide  de  l'élection,  valable 
pour  six  années.  Le  président,  qui  possède  les  mêmes  pouvoirs  royaui 
([u'aux  Étals-Unis,  est  assisté  de  cinq  ministres,  préposés  à  l'intérieur, 
aux  relations  extérieures,  aux  finances,  au  culte  et  à  l'instruction  publique, 
à  la  guerre  et  à  la  marine.  Ces  personnages  peuvent  assister  aux  débals 
du  Congrès,  y  prendre  pari,  mais  sans  émettre  de  votes. 

Le  pouvoir  judiciaire  de  la  Confédération  s'exerce  parune  Cour  suprême 
de  justice,  composée  de  neuf  juges  et  de  deux  procureurs  fiscaux  domi- 
ciliés dans  la  capitale  :  en  principe  ils  sont  inamovibles,  «  sauf  en  cas 
d'indignité  constatée  w. 

Quoique  tous  les  cultes  soient  libres,  le  gouvernement  rétribue  le  clergé 
l'I  fait  au  nom  de  la  nation  profession  de  foi  catholique  :  la  hiéi-archic 
ecclésiastique  présente  un  caractère  officiel.  Le  territoirede  l'Argentine  se 
divise  en  cinq  diocèses  :  l'archevêché  de  Buenos  Aires,  occupé  par  un 

'  Thomachot.  Noies  manuicritei. 


GOUVERNEMENT  DE  I/ARGENTINE.  781 

Argentin  natif,  et  les  évôchés  du  Littoral,  — avec  siège  épiscopal  à  Parana, 
—  de  Gordoba,  du  Cuyo,  —  avec  San  Juan  pour  chef-lieu,  —  et  de  Salta. 
Le  corps  ecclésiastique  se  compose  d'environ  650  prêtres,  et  de  200  moi- 
nés  de  diverses  dénominations,  employés  dans  l'enseignement;  les  prêtres 
ont  le  droit  de  se  présenter  aux  suffrages  des  électeurs  politiques. 

L'armée,  sur  le  pied  de  paix,  se  compose  de  huit  à  dix  mille  hommes 
et  de  1700  officiers;  en  1893,  on  a  décidé  de  constituer  une  force  de 
15600  soldats.  Comparée  à  celle  du  Chili,  puissance  rivale,  elle  est 
notablement  plus  forte,  mais  beaucoup  moins  bien  encadrée,  moins  solide 
pour  TofiFensive;  elle  surabonde  en  officiers  à  fort  traitement,  tandis  que 
les  sous-officiers  et  les  soldats  ont  une  paye  très  inférieure*.  Mais  la  garde 
nationale,  dans  laquelle  les  gouverneurs  puisent  librement  en  cas  de 
dissensions  civiles,  comprend  plus  de  400  000  hommes,  c'est-à-dire 
tous  les  citoyens  valides  de  17  à  45  ans;  au  delà  de  cet  âge,  jusqu'à 
60  ans,  on  entre  dans  la  réserve. 

La  flotte,  d'environ  24450  tonnes,  consiste  en  cuirassés,  canonnières, 
torpilleurs,  avisos  et  transports,  porlant  150  canons  et  montés  par  environ 
1500  marins. 

Les  finances  de  la  République  sont  en  un  triste  état,  les  dépenses  l'em- 
portant régulièrement  sur  les  recettes  et  le  service  des  intérêts  dus 
représentant  une  somme  déjà  supérieure  à  celle  des  recettes  annuelles*. 
En  conséquence  la  dette  s'est  vite  accrue,  et,  proportionnellement  au 
nombre  des  habitants,  atteint  un  chiflre  très  élevé;  divers  arrangements, 
c'est-à-dire  des  banqueroutes  partielles,  des  réductions  d'intérêt,  la 
diminution  des   pensions  et  retraites,  l'émission  constante  de  bons  du 

*  Officiers  de  Tai'mée  ai^entine  en  1893  : 

Généraux  de  division  et  de  brigade 42 

Colonels  et  lieutenants-colonels 424 

Majors  et  capitaines 635 

Lieutenants,  sous-lieutenants  et  enseignes 685 

Ensemble 1784 

*  Budgets  successifs  de  TArgentine,  de  1866  à  1891  : 

Recettes 2  945  000  000  francs 

Dépenses 4  450  000  000      » 

Déficit 1  505  000  000  francs. 

Budget  de  l'Argentine  en  1891  : 

Recettes 271  800  000  francs. 

Dépenses 447  230  000      » 

Déficit 175  430  000  franc». 


783  NOUVELLE  GÉOGRAPSIE  UNIVERSELLE. 

trésor,  n'empêchent  pas  le  déficit  de  grandir  d'année  en  année'.  Ëo 
outre,  il  faudrait  y  ajouter  des  obligations  que  l'on  considère  babitnelle- 
ment  comme  faisant  partie  de  la  dette  publique,  les  garanties  des  voies 
ferrées  et  le  papier-monnaie,  le  tout  pour  plus  d'un  milliard;  on  a  tu  le 
gouvernement  incapable  pendant  des  mois  de  payer  le  gaz  d'éclairage  pour 
le  palais  de  la  nation  et  ûnalemcnt  menacé  de  la  suppression  des  con- 
duites. Quant  aux  finances  provinciales,  elles  sont  alourdies  par  ta  dette, 
et  la  plupart  des  grandes  villes,  à  commencer  par  Buenos  Aires,  onl 
aussi  leurs  ressources  obéi'ées.  L'Entre-Rios,  qui  devrait  payer  chaque 
année  M  millions  d'intérêts,  n'a  qu'une  recette  annuelle  de  15  millions. 
L'ensemble  de  la  dette  nationale,  provinciale  et  municipale  dépasse 
trois  milliards  de  francs*;  les  diverses  entreprises  dites  nationales  ssoat 
également  très  endettées  envers  l'étranger;  on  évalue  déjà  à  90  pour 
100,  soit  à  1700  millions  de  francs,  la  valeur  totale  des  actions  que 
les  Anglais  possèdent  sur  les  chemins  de  fer  argentins.  Mais  il  faut 
compter  à  l'actif  de  l'Argentine  les  vastes  étendues  de  territoire  non 
encore  vendues. 


Chacune  des  provinces  se  divise  en  déparlements  et  se  subdivise  en 
partidos.  Les  «  tcmtoires  »  sont  censés  appartenir  à  l'ensemble  de  la 
nation.  Les  autorités  provinciales  sont  directement  élues  sans  intervention 
du  gouvernement  fédéral;  mais  le  président  de  ta  République,  d'accord 
avec  le  Sénat,  donne  aux  territoires  un  gouverneur  pour  trois  années,  et 
celui-ci  nomme  les  juges  de  paix  dans  les  districts.  Chacune  de  ces  divi- 
sions ayant  plus  de  1000  habitants  a  le  droit  d'élire  son  conseil  munici- 
pal; quand  le  territoire  a  50  000  habitants,  il  élit  sa  législature;  arrivé 
à  une  population  de  60000,  il  demande  son  entrée  dans  la  République 
à  titre  de  «  province  argentine  ». 


■  Uetic  Ac  l'Argentine  en  1803  : 

Délie  nalionate 610  500  000  fi-sincs. 

Dollc  cïlérîpurc 877500000      » 

Ensemble 1518000000  francs. 

•  Dette  nationale,  avec  le  papier-nionnait!,  les  Iwns  du 

Irûsor  et  les  garanties  d'inlûrcts 2  500  000  000  francs. 

Délie  proWncialc 700  000  000  » 

n    municipale 220000000  ji 

»     de  Buenos  Aires 230  000  000  <> 

Ensemble 3  050  000  000  francs. 


G0UVER:4EIIE>'T   de  L'ARGEKTIIÏE.  TS3 

Le  tableau  suivant  donne  les  provinces  et  territoires  de  l'Argenline,  avec 
leur  superficie  d'après  Latzina,  leur  population  estimée  en  i895  et  le 
nombre  de  leurs  dôpademonts  : 


lERWiom. 

Il 

i 

^^ 

on 

nOVIKCE. 

„..l.. 

S    3 

il 

h 

CBIFS-LIIUI. 

Territoire .   . 

Hisiones 

53  954 

16  000 

0,18 

6 

Posadas 

Province   .    . 

Corrienles.    .    .   . 

81148 

240  000 

2,9 

25 

Corrienlcs. 

u 

Enlre-nia<.   .    .   . 

75  457 

255  0«0 

5.4 

14 

Parani. 

Territoire  ,  . 

Forraosa 

H5  671 

6  000 

0.05 

Formosa. 

)i 

Chaco 

134  834 

40  000 

0.5 

Rcsialencin. 

Province.  .    . 

Sanla  Fé 

151  582 

500  000 

2,5 

16 

Santa  F<i. 

H 

JuJ"! 

45  286 

70  000 

1,5 

13 

Jujuj. 

H 

SalU 

138  26(1 

175  000 

1,5 

20 

SalU. 

» 

TucuiDin 

24199 

210  000 

8,6 

g 

Tucuman. 

M 

SinliagodelEsIcri). 

102  555 

215  000 

2.1 

14 

|> 

Catamarc»  .    .   . 

90  644 

115000 

1.5 

15 

Catamarca. 

)l 

URioji 

89  050 

100  000 

l,t 

16 

La  Rioja. 

II 

San  Juan 

97  805 

100  000 

1,02 

15 

San  Juan. 

1, 

Mcndoia 

160  815 

160000 

0,9 

17 

Nendou. 

„ 

San  luis 

75917 

105  000 

1,4 

8 

San  Luis. 

1) 

Cordoba 

174  7G7 

340000 

1,9 

24 

Cordoba. 

Dislr.  féJériil. 

Capitale 

182 

580  000 

5187 

Buenos  Aii'cs. 

Province.  .    . 

Buenos  Aii-cs .    .    . 

511  162 

900  000 

2.9 

86 

La  PUta. 

Terriloirc .    . 

Pî-mpa 

144  919 

40  000 

0,5 

15 

General  Acha. 

n 

Nfuqueu 

109  081 

20  000 

0,2 

5 

Chos  Halal. 

» 

Rio  Negro 

212  105 

25  000 

0.1 

7 

Viedma. 

» 

Chubut 

247  551 

5  000 

0,02 

2 

Rawson. 

„ 

Sanb  Crui.    .   .    . 

276  910 

3  000 

0.007 

4 

Santa  Cniz. 

" 

TierradeIPucgo.  . 

SI  048 

1000 

0,04 

L'shuia. 

Ensemble     .    . 

2  894257 

4  030  000 

1.4 

CHAPITRE  VI 


ILES    FALKLAND    ET    GEORGIE    DU    SUD 


(falkland  islands  et   SOUTH   georgia) 


Cet  archipel,  qui  s'élève  du  fond  de  TAtlantique,  à  la  distance  de 
550  kilomètres  à  Test  du  détroit  de  Magellan,  porte  un  nom  anglais,  mais 
non  celui  du  marin  qui  le  découvrit.  Davis,  le  premier,  aperçut  les  îles  en 
1592;  deux  années  après,  le  pirate  Hawkins  y  loucha  dans  son  expédition 
de  pillage  sur  le  littoral  du  Chili,  et  les  baptisa  Maiden  hlandsy  —  «  Iles 
de  la  Vierge,  )>  —  en  l'honneur  de  la  reine  Elisabeth.  Puis  le  Hollandais 
Sebald  de  Wert,  en  1598,  leur  donna  son  nom.  Près  d'un  siècle  plus  tard, 
en  1689,  le  navigateur  Strong  les  dédia  à  son  ami  Falkland  et  cette 
dénomination  a  fini  par  prévaloir,  quoique  l'appellation  de  Malouines,  due 
à  un  marin  de  Saint-Malo,  ait  longtemps  figuré  sur  les  cartes  françaises  et 
espagnoles,  et  que  les  Argentins,  revendiquant  Tarchipel  comme  leur 
domaine,  gardent  officiellement  le  nom  de  Malvinas. 

En  1764,  Bougainville  fit  les  premières  tentatives  d'appropriation  en 
lâchant  du  bétail  dans  Tarchipel,  mais  ne  fonda  point  de  colonie  propre- 
ment dite.  Comprenant  alors  la  valeur  de  ces  terres  océaniques,  le  roi 
d'Espagne  voulut  y  établir  une  station  militaire;  mais  la  prise  de  posses- 
sion ayant  été  accompagnée  de  voies  de  fait  contre  des  sujets  anglais,  le 
gouvernement  britannique  protesta  aussitôt,  et  l'amiral  Byron  vint  en 
1765  formellement  réinstaller  ses  compatriotes  au  nom  de  l'Angleterre, 
sans  contester  du  reste  les  droits  supérieurs  de  l'Espagne;  toutefois  le 
précédent  était  grave,  le  poste  anglais  d'Egmont  ayant  été  construit  sur  la 
baie  du  même  nom.  Après  la  guerre  d'Indépendance,  la  république  Argen- 
tine, héritière  de  l'Espagne,  profita  de  ce  que  le  poste  militaire  des  Anglais, 
trop  coûteux  à  entretenir,  avait  été  abandonné,  et  en  1828  donna  la  con- 
cession des  îles  F.alkland  à  un  éleveur  de  bétail,  Louis  Vernet;  celui-ci 

XIX.  99 


7R6 


NOUVELLE  GÉOGRAPHIE  DNIVEBSELLE. 


s'y  maintint  pendant  trois  années,  jusqu'au  jour  uii,  s'étanl  permis  de  récla- 
mer un  droit  fiscal  c^  des  navires  baleiniers  appartenant  à  l'Amérique  du 
Nord,  il  s'attira  la  visite  d'une  corvette  qui  bombarda  son  village  et  le 
réduisit  en  cendres.  Deux  années  plus  tard,  la  Grande-Bretagne  reprenait 
possession  définitive  des  îles  Fatkland,  et  c'est  en  vain  que  l'Ai^enliDe 
protesta  contre  cette  annexion  :  quoique  dépendance  naturelle  du  conti- 


nent   sud-américain,  l'aichipcl   est  devenu  colonie   anglaise,  comme,  à 
l'autre  cxti-émilé,  une  partie  des  Guyancs  et  les  îles  Trinidad  et  Tobago. 

L'une  des  moins  importantes  dans  l'immense  empire  colonial  de  l'An- 
^leterit',  cette  possession  des  panigcs  antarctiques  a  pourtant  une  valeur 
i-oinme  ferme  à  bestiaux;  mais  ses  détenteurs  l'apprécient  surtout  comme 
poste  commercial  stratégique,  surveillant  la  porte  de  communication  entre 
les  deux  Océans.  Les  iles  Falkland,  situées  sous  le  32°  degré  de  latitude, 
c'est-à-dire  à  la  même  dislance  de  l'équaleiir  que  l'Angleterre  méri- 
dionale et  la  Néerlandc,  sembleraient  par  leur  climat  beaucoup  plus 
i-ippi-ochécs  du  pôle,  et  les  montagnes,  qui  en  occupent  la  partie  septen- 


ILES  FALKLAND.  787 

Irionale,  et  dont  Tune,  le  mont  Adam,  atteint  706  mètres,  ajoutent  a 
l'aspect  polaire  de  ces  terres  océaniques.  Par  la  découpure  des  côtes,  par 
les  détroits  profonds  qui  séparent  les  deux  îles  principales  et  les  cent 
îlots  environnants,  par  les  traces  d'anciens  glaciers,  les  Falkland  sont 
é>idemment  le  reste  d'une  côte  découpée  en  fjords  comme  les  terres 
magellaniques,  et  l'alignement  général  consiste  en  arêtes  orientées  du 
nord-ouest  au  sud-est.  En  hiver,  les  neiges  qui  séjournent  sur  la  mon- 
tagne et  qui  blanchissent  les  plaines  pendant  quelques  heures  accrois- 
sent la  ressemblance;  mais  les  Falkland,  exposées  à  des  vents  d'une 
violence  extrême,  n'ont  point  de  végétation  arborescente  comme  les 
monts  de  la  Terre  de  Feu,  entourés  de  forêts  à  leur  base  :  on  prétend 
même  que  dans  les  jardins  des  colons  le  vent  arracha  parfois  les  légu- 
mes du  sol,  les  emportant  comme  des  pailles.  Les  pluies  sont  fréquentes 
et  souvent  des  brouillards  baignent  l'archipel,  surtout  au  printemps  et  en 
automne,  comme  dans  la  mère  patrie;  mais  ils  se  dissipent  ordinairement 
vers  le  milieu  du  jour.  Le  climat,  essentiellement  maritime,  n'oflre  pas 
d'écarts  très  amples  de  la  chaleur  au  froid,  et,  sauf  la  violence  des  vents, 
n'a  rien  d'extraordinaire  pour  des  colons  venus  de  la  Grande-Bretagne  : 
Port  Stanley  est  encore  plus  humide  que  Londres*. 

Après  l'herbe  savoureuse  dite  tussock  {dactylis  cespitosa)  qui  nourrit 
les  troupeaux,  la  végétation  la  plus  abondante  est  celle  des  mousses  et 
des  sphaignes  :  une  grande  partie  de  la  contrée,  même  sur  les  pentes  des 
montagnes,  se  tapisse  de  tourbe  au  sol  tremblant,  où  l'on  a  peine  à 
tracer  le  moindre  sentier.  Seuls  quelques  renard$  représentent  le  monde 
des  quadrupèdes.  Les  oiseaux  aquatiques  tourbillonnent  en  multitudes 
autour  des  îlots,  dans  les  baies  et  les  étangs  de  l'intérieur  des  terres,  et 
parmi  ces  espèces  plusieurs  s'apprivoisent  facilement  :  les  pingouins 
s'alignent  comme  des  soldats  sur  les  corniches  de  rochers,  si  nombreux 
que  le  gouverneur  de  l'île  est  ironiquement  désigné  sous  le  nom  de 
c<  roi  des  Pingouins  »  ;  on  les  massacre  chaque  année  par  centaines  de  mille 
pour  en  retirer  de  l'huile.  Les  pêcheurs  capturent  des  espèces  de  saumons 
et  autres  poissons,  et  naguère  poursuivaient  les  baleines,  maintenant  deve- 
nues rares. 

Les  animaux  introduits  dans  l'archipel  par  Bougainville  ont  prospéré, 
mais,  par  un  étonnant  contraste  qui  témoigne  de  l'influence  du  milieu 

*  Conditions  météorologiques  des  Falkland  et  de  la  Géorgie  du  Sud,  d'après  MosthafT  : 

.  Températures 

Années  . '  i^      .   . 

d'oh».  Latituiie.  maximale,      moycnue.         minimalo. 

Port  SUnley  (Falkland).  5  SlMl'  24o,4  G»  — 11«,2 

Baie  Royale  (S.  Georgia).         1  54»  31'  i9«,7  1^,4  — i3o,2 


788  NOUVELLE  GEOGRAPHIE  UBIVEnSELLE. 

sur  la  Iransformalion  graduelle  des  races,  les  chevaux  sont  de  gcnéralioii 
en  généralion  devenus  plus  petits,  tandis  qiie  les  bœufs  oui  grandi  '.  Tou- 
tefois l'industrie  pastorale  néglige  le  gros  bétail  pour  s'occuper  de  relève 
des  brebis.  En  18r)2,  un  syndicat  de  propriétaires  uruguayens  ûl  chiiii 
d'une  p<5niiisule  de  l'Ile  orientale  pour  établir  une  eslancia  et  y  iianjuer 


une  centaine  de  mille  moutons.  Le  succès  de  la  première  enlreprisc  en 
lit  naître  de  nouvelles,  et  en  1867  on  introduisit  les  premiers  troupeaux 
dans  l'île  oicidentale,  déserte  jusque-là.  En  1891,  on  évaluait  à  676000 
le  nondire  di^s  moulons  appartenant  aux  éleveurs  des  Falkland  et  la  tonte 
produisit  plus  de  1000  tonnes  de  laine,  évaluées  à  2675  000  fnincs; 
en  outre,  les  négociants  de  l'archipel  entreposent  les  toisons  importées 
lie  la  Fuéi{ie.   L'herbe    des  Falkland  a  des  i|ualilés  si    nutritives,   (pie 


I.  tisrw 


ILES  FALKLAND,  GEORGIE  DU  SUD.  789 

maint  troupeau  se  compose  de  bêtes  dont  la  toison  pèse  en  moyenne 
3  kilogrammes  et  demi,  de  laine  assez  grossière.  Récemment  on  a  com- 
mencé d'expédier  en  Angleterre  des  viandes  conservées  par  le  procédé 
frigorifique. 

Port  Stanley,  le  chef-lieu,  possède  un  port  «  idéal  >^  bassin  naturel 
abrité  de  tous  les  vents  et  bordé  sur  ses  rivages  par  des  couches  d'herbes 
marines  qui  amortissent  le  choc  des  navires.  Nombre  d'embarcations 
éprouvées  par  le  passage  autour  du  cap  Hoorn  font  relâche  à  Port  Stanley 
pour  réparer  leurs  avaries  et  s'approvisionner  de  vivres  frais*.  Une  anse 
du  port  est  remplie  de  bâtiments  informes  et  démâtés,  trop  détériorés  par 
le  naufrage  pour  qu'il  vaille  la  peine  de  les  radouber*. 

L'administration  de  l'archipel  est  confiée  à  un  gouverneur  nommé  direc- 
tement par  la  reine  et  assisté  de  deux  conseils,  législatif  et  exécutif, 
également  au  choix  de  la  couronne.  Les  colons  ont  depuis  l'année  1892 
une  faible  part  au  gouvernement  de  leur  île". 


South  Georgia,  —  la  «  Géorgie  du  Sud  »,  —  terre  de  4060  kilomètres 
carrés,  appartient  officiellement  au  domaine  administratif  des  îles  Falk- 
land,  quoiqu'elle  ne  soit  pas  habitée  et  que  pécheurs  et  marins  la  visitent 
rarement.  On  ne  connaît  même  pas  exactement  la  forme  de  tous  ses 
contours,  bien  que  la  statistique  des  possessions  «inglaises  en  indique 
la  surface  approximative  :  les  marins  anglais  et  russes  qui  ont  relevé  les 
côtes  n'ont  pas  pénétré  jusqu'au  fond  des  criques  et  en  laissent  le  tracé 
interrompu;  le  relief  de  l'intérieur  était  ignoré  en  1882,  lorsqu'une 
expédition  scientifique  allemande  vint  s'établir  dans  la  baie  Royale.,  îi 
l'extrémité  orientale  de  l'île,  pour  prendre  part  aux  études  circumpolaires 
entreprises  alors  par  les  principales  puissances  maritimes;  mais  ses 
explorations  ne  dépassèrent  pas  les  environs  immédiats  de  la  baie.  L'île, 
que  dominent  des  sommets  neigeux  de  2000  à  2500  mètres,  consiste 
entièrement  en  roches  anciennes  dépourvues  de  fossiles,  gneiss  et  schistes 
argileux  d'escalade  très  difficile,  que  les  glaciers  ont  usés,  creusant  pro- 
fondément les  masses  d'argiles  sans  consistance  et  laissant  en  saillie  les 
pitons  et  les  promontoires  de  gneiss  :  des  moraines,  poussées  autrefois 

*  Mouvement  des  échanges  en  18111  :  4243  800  francs. 

*  Julio  Popper,  Boletin  del  Instituto  Geogrâ/ico  Argentino,  tomo  I,  1879. 
'  Superficie  et  population  des  îles  Falkland  en  1891  : 

16  835  kilomètres  carrés;   1  890  habitants;  0,11  hab.  par  kil.  can*é. 

Budget  annuel  :  235  000  fi*ancs. 


790  KOUTELLE  GËOGRAPUIE  UNIVERSELLE. 

par  les  glaces,  se  montrent  à  l'issue  des  vallées.  Le  glacier  de  Ross,  dont 
les  fragments  brisés  flottent  au  loin  dans  la  baie  Royale,  se  forme  dans  un 
bassin  de  réception  d'au  moins  ioO  kilomètres  carrés.  La  limite  infp- 
rieure  des  neiges  persistantes  est  d'environ  600  mètres, 

Les  brouillards  rampent  presque  constamment  sur  les  rochers  et  les 
glaces  de  South  Georgia,  et  même  en  février,  le  mois  le  plus  chaud,  k 
neige  tombe  fréquemment.  Aucun  arbre  ne  croît  dans  l'île,  et  les  natura- 


listes allemands  n'y  ont  recueilli  que  treize  espèces  de  phanérogames, 
dont  dou/c  se  retrouvent  dans  l'archipel  voisin  et  dans  la  Fuégie  :  h 
treizième  appartient  à  la  flore  do  la  Nouvelle-Zélande.  Des  mousses  recou- 
vrent les  plateaux  de  j'intérieur  et  toutes  les  pentes  tournées  vers  le  soleil 
du  nord,  tandis  que  les  escarpements  des  roches  regardant  l'Antarctie 
restent  stériles.  Otte  partie  de  la  flore  insulaire,  qui  se  rappi'oche  des 
formes  arctiques,  donne  à  South  Georgia  un  caractère  bien  distinct  des 
autres  terres  sud-américaines'.  La  faune  de  l'île  comprend,  à  côté  di' 
diverses  espèces  de  pingouins,  un  oiseau  chanteur  de  la  famille  des 
alouettes. 


■,  Die  IkuUrhptt  Exprdilioiien  uml  ihie  Ergebnutr. 


GEORGIE  DU  SUD.  701 

La  Géorgie  méridionale  se  trouve  sous  la  même  latitude  que  la  Terre 
de  Feu,  c'est-à-dire  plus  au  sud  que  les  îles  Falkland  et  dans  une  posi- 
tion beaucoup  plus  isolée  au  milieu  de  la  vaste  mer,  loin  de  toutes  les 
grandes  voies  de  la  navigation,  à  2000  kilomètres  à  l'est  du  détroit  de 
Magellan  et  sous  l'action  directe  du  courant  polaire  antarctique  :  la  tem- 
pérature moyenne  y  est  de  plusieurs  degrés  plus  basse  que  celle  d'Ushuia, 
sur  le  canal  de  Beagle.  Le  climat,  venteux  et  humide,  mais  assez  égal, 
conviendrait,  pense-t-on,  à  l'élève  des  bêtes  ovines,  comme  celui  des 
Falkland;  l'herbe  nourricière,  le  tussock,  y  croît  jusqu'à  l'altitude  de 
500  mètres.  Toutefois  qui  n'hésiterait  à  demeurer,  au  milieu  des  pluies 
et  des  orages,  dans  une  prison  rocheuse  perdue  à  l'extrémité  du  monde? 
Au  delà,  vers  le  pôle  antarctique,  les  mers  parsemées  de  glaces  flot- 
tantes recourbent  leur  surface  sur  l'immense  rondeur  planétaire,  atten- 
dant toujours  les  Scoresby  et  les  Nansen  qui  diront  les  mystères  de  ces 
étendues  inexplorées. 


DERNIER  MOT 


En  achevant  ce  long  travail,  commencé  au  temps  de  ma  jeunesse, 
je  me  félicite  de  la  chance  heureuse  qui  m'a  permis  de  ne  pas 
manquer  une  seule  fois,  dans  le  cours  d'une  vie  pourtant  mouve- 
mentée, aux  engagements  de  publication  régulière  que  j'avais  pris 
envers  mes  lecteurs.  Je  reconnais  toutefois  que  ma  bonne  volonté  et 
mon  labeur  consciencieux  n'auraient  pas  suffi  dans  cette  entreprise 
si  des  collaborateurs  dévoués  ne  m'avaient  constamment  soutenu  de 
leurs  recherches  et  de  leurs  conseils. 

Mon  premier  sentiment  est  donc  celui  de  la  gratitude.  Je  l'adresse 
à  tous  les  amis  qui  m'ont  aidé  directement  ou  indirectement,  par 
notes,  lectures,  correspondances,  corrections,  encouragements  ou 
critiques.  Mais  ce  témoignage  de  ma  reconnaissance,  tous  ceux 
auxquels  je  la  dois  no  l'entendront  point!  Regardant  en  arrière,  je 
vois  le  chemin  marqué  pour  moi  de  distance  en  distance  par  le 
souvenir  des  compagnons  de  travail  que  la  mort  a  recueillis.  C'est 
vers  eux  surtout  que  se  dirige  ma  pensée  à  la  fin  de  mon  œuvre. 
Sur  cette  dernière  feuille  j'inscris  le  nom  d'Emile  Templier,  qui  pour 
publier  la  Terre  et  les  Hommes,  depuis  longtemps  à  l'étude,  vint 
me  chercher  sur  les  pontons  de  Brest. 

Cette  période  de  vingt  années,  longue  relativement  à  la  vie  d'un 
homme,  n'est  qu'un  rien  pour  la  Terre,  mais  qu'elle  a  été  bien 
remplie!  Que  de  découvertes  et  d'explorations  se   sont  succédé, 

m.  100 


7»  DERNIER  tlOT. 

ajoutant  à  nos  connaissances  premières  et  nous  forçant  à  modifie 
notre  exposition  du  monde  !  Le  mystère  des  pôles  est  encor 
inconnu,  mais  Nansen  a  su  accomplir  son  merveilleux  voyage  di 
rive  à  rive  à  travers  le  glacier  continu  du  Groenland.  Dans  Tinté 
l'ieur  de  l'Asie,  le  *  Sanctuaire  Éternel  »  où  réside  le  divin  Dalaî- 
Lama  reste  depuis  la  visite  de  Hue  inaboitlable  aux  profanes  Euro 
j)éens,  mais  le  cercle  des  itinéraires  se  resserre  chaque  anné 
autour  du  lieu  sacré.  Dans  le  «  Continent  noir  >,  le  problème  di 
Nil,  ceux  du  Zambèzc,  du  Congo,  du  Niger  sont  résolus.  Partout  li 
réseau  des  voyages  couvre  la  planète  comme  un  filet  aux  maille 
rétrécies.  On  a  même  commencé  d'explorer  avec  méthode  le  mondi 
souterrain,  des  cavernes,  des  catavothres  de  la  Grèce,  aux  avens  f 
aux  puits  de  Vaucluse  et  des  Gausses.  La  carte  des  profondeurs  ma- 
rines, avec  leur  température,  leurs  organismes  vivants,  leurs  dépoli 
géologiques,  se  poursuit  et  se  complète  comme  celle  des  continents. 
Par  des  connaissances  nouvelles  l'homme  se  transforme,  poui 
ainsi  dire,  renaissant  chaque  jour. 

En  même  temps,  le  rapprochement  entre  les  terres  lointaines  se 
fait  plus  étroit.  l<'Atlan tique,  si  large  avant  les  vikings  de  Non^ 
et  les  marins  génois,  est  devenu  dans  le  langage  des  matelots  un 
simple  «  fossé  b  que  l'on  traverse  eu  cent  heures.  Chaque  anmV. 
se  l'accourcit  la  durée  du  tour  du  Momie,  devenu  maintenanl  pour 
quelques  blasés  une  fantaisie  banale.  Tellement  rapetissée  est  la 
planèle  entre  les  mains  de  l'homme  qu'elle  se  donne  partout  un 
même  outillage  d'industrie,  que  par  le  réseau  continu  des  senices 
postaux  et  des  télégraphes  elle  s'est  enrichie  d'un  système  nencuï 
pour  l'échange  des  pensées,  qu'elle  cherche  un  méridien  commun, 
une  heure  commune,  et  que  de  toutes  parts  surgissent  les  inven- 
teurs d'un  langage  universel.  Malgré  les  rancunes  de  la  guerre, 
malgré  l'hérédité  des  haines,  l'humanité  se  fiiit  une.  Que  nui- 
origines  aient  été  multiples  ou  non,  cette  unité  grandit,  elK' 
devient  une  réalité  vivante. 

Devant  ce  monde  qui  se  modifie  tous  les  jours  et  dont  je  ne  puis 
suivre  les  changements  que  de  loin,  j'ai  cependant  tâché  de  voir 


DERNIER  MOT.  795 

clairement  les  terres  décrites  comme  si  je  les  avais  réellement  sous 
les  yeux  et  d'étudier  les  hommes  comme  si  je  me  trouvais  dans  leur 
société.  J'ai  voulu  vivre  mes  récils,  en  montrant  pour  chaque  pays 
les  traits  qui  le  caractérisent,  en  signalant  pour  chaque  groupe  de 
l'humanité  le  génie  qui  lui  est  propre.  Partout,  dirai-je,  je  me  suis 
trouvé  chez  moi,  dans  mon  pays,  chez  des  hommes  mes  frères.  Je 
ne  crois  point  m'être  laissé  entraîner  par  un  sentiment  qui  ne  fût 
pas  celui  de  la  sympathie  et  du  respect  pour  tous  les  habitants  de 
la  grande  patrie.  Sur  cette  boule  qui  tourne  si  vite  dans  l'espace, 
grain  de  sable  au  milieu  de  l'immensité,  vaudrait-il  la  peine  de 
s'entre-haïr? 

Mais,  en  me  plaçant  à  ce  point  de  vue  de  la  solidarité  humaine, 
il  me  semble  que  mon  œuvre  n'est  pas  achevée.  Avant  d'étudier 
par  le  détail  la  surface  planétaire  et  les  peuples  qui  l'habitent,  j'avais 
essayé  dans  un  ouvrage,  la  Terre,  d'étudier  la  vie  propre  du  globe 
tel  qu'il  se  présente  isolément,  préparé  pour  recevoir  l'humanité 
qui  anime  ce  grand  corps.  C'était  une  sorte  de  préface  à  la  série  de 
volumes  que  je  termine  aujourd'hui.  Mais  ne  faut-il  pas  conclure? 

L'Homme  a  ses  lois  comme  la  Terre. 

Vue  de  haut  et  de  loin,  la  diversité  des  traits  qui  s'entremêlent 
à  la  surface  du  globe  —  crêtes  et  vallées,  serpentines  des  eaux, 
lignes  des  rivages,  sommets  et  profondeurs,  roches  superposées  — 
présente  une  image  qui  n'est  pas  le  chaos,  mais  au  contraire,  pour 
celui  qui  comprend,  un  ensemble  meneilleux  de  rythme  et  de 
beauté.  L'homme  qui  contemple  et  scrute  cet  univers  assiste  à 
l'œuvre  immense  de  la  création  incessante  qui  commence  toujours 
et  ne  finit  jamais,  et,  participant  lui-même  par  l'ampleur  de  la  com- 
préhension à  l'éternité  des  choses,  il  peut  arriver,  comme  Newton, 
comme  Darwin,  à  les  résumer  d'un  mot. 

Et  si  la  Terre  paraît  logique  et  simple  jdans  l'infinie  complexité 
de  ses  formes,  l'humanité  qui  l'habite  ne  serait-elle,  comme  on  le 
dit  souvent,  qu'une  masse  aveugle  et  chaotique,  s'agitant  au  hasard, 
sans  but,  «ans  idéal  réalisable,  sans  la  conscience  de  son  destin? 


796  DEHMEn  SOT. 

Los  niignitidtiw  en  sens  divers,  les  peiiiiUmioiits  et  les  oxoiics.  la 
ci'oissancc  ol  la  diîcroissance  des  rialions.  les  civilisalions  et  les 
décadences,  la  l'ormalion  el  le  di^placemenl  des  ccnlres  vitaux  ne 
sont-ils.  comme  il  semble  an  premier  abord,  que  des  faits  et  encDrc 
des  faits  juxtaposés  dans  \v.  temps,  sans  qu'un  l'Vtlime  en  règle  les 
oscillations  infinies  et  leur  donne  un  sens  général  exprimable  par 
une  loi  :  c'est  là  ce  qu'il  iinporle  de  savoir.  Le  développement  de 
l'homme  est-il  en  harmonie  parfaite  avec  les  lois  de  la  Teriv? 
Comment  chaiige-l-il  stins  les  mille  înlluences  du  milieu  changeant? 
Les  vibrations  sonl-clles  simultanées  et  de  siècle  en  siècle  modi- 
lient-elles  incessamment  leurs  accords'.' 

l'eut-èlie  le  peu  que  nous  savons  dijà  nous  permetlra  de  viiir 
plus  avant  dans  les  ténèbres  de  l'avenir  et  d'assister  aux  événements 
qui  ne  sont  pas  encore.  Peut-être  arriverons-nous  à  contempler  par 
la  pensée  le  spectacle  de  l'histoire  humaine,  jusque  par  delà  les 
temps  mauvais  de  la  lutte  et  de  l'ijîinjrance.  et  y  reh-onverons-rioiis 
le  tableau  i\v  ffi-atideur  el  île  bcaulé  que  nous  prf'seiile  déjà  la  Tern\ 


("l'est  là  a'  que  je  voudrais  étudier  dans  la  mesure  de  mes  fm-ees. 
Du  million  de  l'ails  que  j'ai  dû  énumérer  de  chapitre  en  chapilrp, 
je  voudrais  extraire  une  idée  générale  et  justifier  ainsi  en  iin  court 
volume,  écrit  à  loisir,  la  longue  série  de  livres  sans  conclusion 
a|iparente  que  je  viens  de  terminer. 

ELISÉE  RECLL'S. 


Pour  ce  dix-neuvième  et  dernier  volume  de  la  Nouvelle  Géographie  Universelle  j*ai  eu  le  bon- 
heur d^avoir,  comme  pour  les  précédents,  de  très  nombreux  collaborateurs.  Mon  ami  Henri  Goudreau 
a  eu  la  bonté  de  relire  et  d*annoter  les  épreuves  du  chapitre  sur  les  Guyanes.  Les  éléments  utilisés 
pour  le  chapitre  sur  le  Brésil  m*ont  été  fournis  avec  cette  obligeance  et  ce  charme  qui  semblent 
être  le  privilège  de  tous  les  citoyens  appartenant  k  ce  merveilleux  pays.  Je  citerai  surtout  :  M.  Eduardo 
Prado,  qui  a  eu  la  gracieuseté  de  me  piloter  dans  mon  voyage  sur  le  Mogy  Guassû  et  dans  les 
cafezaleê  de  Sâo  Paulo  ;  M.  Botelho,  qui  nous  accompagna  dans  cette  exploration  instructive  ;  M.  Fran- 
cisco Leite  Guimarâes,  qui  nous  fit  étudier  sa  plantation  en  détail  et  me  procura  de  très  précieux 
renseignements;  M.  de  Taunay,  qui  m*accueiUit  avec  tant  de  grâce,  m*ouvrit  les  trésors  de  son 
expérience  des  hommes  et  des  choses,  et  me  permit  même  de  consulter  ses  mémoires  personnels  ; 
M.  Charles  Morel,  l'éditeur  de  VÉtoile  du  Sud,  qui  connaît  admirablement  sa  nouvelle  patrie  et  me 
mit  en  relations  avec  d'autres  pei^sonnes  de  savoir.  Un  de  mes  amis  personnels,  M.  Fleuret,  me  fit 
étudier  de  près  la  vie  de  Rio.  Je  dois  une  reconnaissance  toute  spéciale  au  botaniste  vétéran,  M.  Gla- 
ziou,  ainsi  qu'aux  membres  de  la  Société  de  Géographie  et  de  l'Institut  historique,  notamment  à 
MM.  de  Paranagua,  Uomem  de  Mello,  Rafiard,  Barbosa  Rodriguez.  Â  Paris.  M.  de  Rio  Branco  a  mis 
à  ma  disposition  les  caries,  les  documents,  les  albums  qu'il  possédait.  Pour  l'Argentine  pouvais-je 
avoir  de  meilleur  guide  que  M.  Francisco  Moreno  qui  a  tant  contribué,  comme  géographe  et  archéo- 
logue, à  l'étude  approfondie  de  sa  terre  natale?  M.  Albert  Hans  a  eu  aussi  la  bonté  de  contrôler 
efficacement  mes  épreuves  relatives  au  Paraguay  et  M.  Simonnet  a  revu  celles  de  l'Uruguay  et  de  la 
république  Argentine.  Un  ami  de  vieille  date,  M.  Thomachot,  m'avait  envoyé  d'amples  descrip- 
tions. M.  de  Bourgade  la  Dardye,  auteur  d'un  excellent  ouvrage  sur  le  Paraguay,  a  bien  voulu 
aussi  me  signaler  quelques  erreurs  et  omissions  de  mon  travail.  M.  Polguère  a  revu  les  épreuves 
du  dix-neuvième  volume  avec  la  même  conscjence  et  la  même  sagacité  que  les  dix-huit  volumes 
précédents.  Enfin  comment  remercier  M.  Charles  Schiffer  du  dévouement  avec  lequel  il  a  colla- 
boré à  l'œuvre  commune,  y  consaci'ant  ses  veilles,  et  faisant  l'impossible  poui*  que  nul  accident 
d'impression,  de  gravure  ou  autre  n'arrêtât  le  cours  régulier  de  la  publication!  A  tous,  carto- 
graphes, dessinateurs,  graveurs,  compositeurs,  correcteurs  et  imprimeurs,  le  témoignage  de  ma 
gratitude  profonde  ! 


INDEX  ALPHABÉTIQUE' 


Abacaluaraf  28G. 

Abacaxis  (rio),  133. 

Abaétc,  285. 

Abipon,  *521,  522,  587,  679, 

714. 
Abrolhos  (récifs  et   aixhipels), 

268,  *269,  270,  294,  295. 
Acaracù  (rio),  235. 
Acarahy  (port),  292. 
Acay,  507,  595. 
Acha,  *651. 
Achiras,  727. 
Aconcagua,    599,     600,    630, 

719,  727. 
Aconquija    (mont),    596,  597, 

598,  620,  621,  650,    710, 

714  et  suiv. 
AcoquOf  47. 
Adam  (mont),  787. 
Agrio  (rio),  639. 
Agua  Negra  (col  d*),  ou  de  la 

Laguna,  600. 
Aguapehy  (rio),  424. 
Agiiapcy  (rio),  414. 
Aguas  Bcllas,  286. 
Aguas    \ii*tuosas    (serra    das), 

367. 
Aimores   ou  Dotocudoê,  309, 

405. 
Aimores  (serra  dos),  256,  266, 

293,  419. 
Akawoi,    Waika  ou  Kapohu, 

42. 


Akroa,  210,  228. 

Alagôa  Grande,  239, 

Alagôas  (Ëtat),  115,  218,  248- 

*251,  286,  488,  495. 
Alagôas  (ville),  250. 
Albina,  74. 
Albuquerquc,  437. 
Alcantara,  230,  250. 
Alegre  (rivière),  424,  438. 
Alegrete  (ville),  414,  415. 
Alemquer     (campo    et    ville), 

150,  193. 
Alexandra,  388. 
Alfredo  Ghavez,  296. 
Aimas  (serra  das),  256,  300. 
Almeida,  295. 
Almeirim  (serra  et  ville),  137, 

196. 
Altos  (cordillera  de),  509,  536, 

547,  597. 
Alumine  (volcan  et  lagune),  605, 

640. 
Amacuru  (rio),  22. 
Amambahy  (morne),  426. 
Amambay  (sierra),  506. 
Amarante,  234. 
Amarga,  623. 
Amaripaf  39. 
Amari*açâo,  235,  250. 
Amazonas,  Amazonie,  114, 117- 

202,  460,  488,  493,  495. 
Amazone,  Maraûon,  Solimôes  ou 

Alto  Amazonas,   rio   de  las 


Amazonas,  14,  16,  22,  118, 

123,  M47,  260,  418,  431. 
Ambato  (monts  d*),  596,  714. 
Amuku  (lac),  11,  16. 
Anajas  (rio),  137. 
Ancaste  (monts),  597,  714. 
Anchieta,  Bcnevente,  296. 
Andalgalâf  675. 
Andalgala    (Fuertc    de),    714, 

*715,  716,  726. 
Andes  (cordillère  Andinc),  748, 

751,767,  *774. 
Angaitcs,  518,  519. 
Angicos-Assû,  238. 
Anglais  (banc  des),  628. 
Angostura,  540. 
Angosturas  (sierra  de  las),  605. 
Angra  dos  Reis  (ville),  335. 
Anhambahy  (serra  de),  421. 
Anhambuhy  (rio),  416. 
Animas  (sierra  de  las),  557. 
AntUiens  ou  Chunchos,  176. 
Anton ina  (port),  387. 
Antonio  Yaz  (île),  243. 
Antuco  (mont),  639. 
Aoua,  Lawa  (rio),  22,  23,  71. 
Aourriaoua  (mont),  12,  15. 
Apa  (rio),  417,  429,  503,  506, 

508,  518. 
Apapuris  (rio),  123,  127. 
Apiaca,  ApiabOf  177. 
Apiahy  (mine),  382. 
Apinagéê,  210. 


*  Les  numéros  précédés  d*un  astérisque  indiquent  la  page  où  se  trouve,  la  description  la  plus 
complète  des  lieux  ou  des  peuples  désignés. 


Appa  (fBiiidu»  d'),  507,  D3i. 

097. 
Apitare,  517. 
Approuttgiiu  (rivière),  35,  97, 

■i».  80. 
ApprouRguc  (ïilbga),  S4. 
ApureiDi  (ville  et  dislricl),  88. 
Aquiandana  (rio),  430. 
Aquidnlxin  (no),  508. 
Aquiri,  Aquirj  (rio),  135,  18*, 

480. 
knià  (rio),  13.'>. 
Aracajù,  19». 

Aracajd  (vUle),  â8G,  '207.  495. 
Araealy,  257.  350. 
Amuojaba,  ri83. 
Arjguari  (fleuït).   14.  24,  37. 

38,  71 
Aniguav,  Aranqiiaj-Guam  (rio). 

515.' 
Aragiiaïu    (rio  Grande),    115, 

tl>5,'  181.    304.    30(1.  307, 

210,  3I«,  317,  351,  557. 
Ai-.iiiiinii,  llermina  ou  Siul  du 

Gjmnolo,  35. 
Arara,  ruma,  178.  180. 
Araiiicmm  (rapide),  135. 
Aram  (ville),  380. 
Anry  (lac),  109. 
Aratal  (rivière),  80. 
Araucaïu.  675,  679,  685, 684, 

600. 
Arawak,  Araouaiptei.Araoua- 

gtt,  Lûkono,  Lukkunu,  '50, 

40,  165,  175,  176. 
An\3  (pliiLcnu).  431,  433,  439. 
Archimèdo  (Ikidc),  li^8. 
Arecaiia,  42. 
Aregua,  556. 
Argeiiline,  505,  564,  353,  575, 

585  et  suiï. 
Argrentlno,  645.    '644,   645, 

646.  -647,668. 
Ariiis  (rio),  708. 
Arinosfrio),  151,  435, 
Aroaa,  88. 
Anncifcs,  744. 
An-oyo  Pintado,  S66. 
A[-ti|^»,  573,  581. 
Arulia(riQ),  39. 
Assni'uâ  (serra  ila).  285. 
Asuncion,  499,  504.  503,  507 . 

513,   515.  554,  '553,  5:.". 

jia,    546.    547,  348.  551. 

381. 
ALili!i]m  liMliiiii.'),  127, 
Al.ijo(i]i'  ili'l).  :iU, 
ACnjo  (viiTiii  di']),5UG, 
Alubij,  ^50. 


INtiKX   ALPITABfiTIQUE. 

Alnlava.  742. 

AUrais-iui.  633,  713.  736. 

Alùmi.  Moiadi,  59.  40.  41. 

170. 
AtuoI  (rio),  60S.  034. 
Auea-ekf,  687. 
Aueatu.  Anea,  Djofka,  Youka, 

49.  50.  53,  55. 
AvanhaJKva.  Atanlundava  (eu- 

Imcle),  551,  580. 
AïBli  Pai-ana  (Airo).  123. 
Av!«n(ria).  607,  641. 
Aiid,  CnluTû,  743.  744.  748. 


IWpumlj-  (ïitjo),  567. 
ttagagom,  368. 
liagii  (ville),  m,  415. 
Bagiule»  (curJilli-ni  de  los),  607. 
Uahin   (Ëlal).    Hb.  3.S3,  373, 

388-295.'  447,    458.    460, 

488.  495. 
Dahia  (Sun  Sdvjidnr  de  Baliîu), 

94.  95.  97,  98,  llfi,  255, 

271.  377,  *2S8,  S8!J,  390. 

391,  297.  360.    410,  441 

446,    448,  457,   458.  tëO. 

485,  491.  494,   495, 
Itahii  Blaiicii    (esiiiairo),    635, 

659.  e.'iO.    663,   im.  664, 

605,    743,  745,    746.  748, 

773. 
llnhi»  .\<!gra  (conOucnt  de  l'Olu- 

quis).  429. 
Baic'itojale,  787,  789,  790. 
Bniliquc  (Hv),  89. 
UakaM.  179,  186. 
Hiillcna  (motil),  665. 
Iblncitria,  574. 
itaiiBnal  (ile),  SOC,  913. 
B.inanGÎi'as,  239. 
BanidyTO  (rio),  626.  704. 
Baramaniii  (lagune),  57. 
finrbaccna  (ixcud de),  354.378, 

564,565;  —  (tille),  595. 
BaiTcllos  187. 


Ibriii  (i:uiiL.'Jr;i,.Llii),  ai6,  ^85, 

393. 
Itivr-n  iln  ^(nrte,  594. 
\\-.\rn  di.  l'ii-iht.SlO.  511,527, 

333. 
Ilnna  do  Ki»  fiiunde,  297. 


Bi>i-ra  do  Sul.  594. 
BaiTi  Mansa,  510,  335. 
Barracas,  755,  748. 
Ilai-ragan.  759,  740. 
BaiTincas  (Hodc  h»),  603, 655. 
Barlica.  Itartica  Cruri',  58,  59. 

61:  -  («enn).  557. 
BataUt»  (ville),  580. 
BaUvia,  67. 
Balcl  (rio),  634. 
Baluritù.  330,  350. 
fieagle  (canal  de),  791. 
BuWeru  (iat),  630,  '033.  670. 
Bcberibc  (nu).  344. 
llKOf».  49. 
Mon.  Voir  Para. 
Bclon  (Argenliiie),  716.  730. 
IWgrano,  735.  735.  759. 
Bclla  Vislii.  700. 
Bellaco  (mai-jis).  511. 
Kello  Uorisonle,  384. 
Bulmunte,  367,  395. 
KentleRo.  393. 

iii^ni,  Vi^ni  (liu),  131,  133,184. 
Bcrliii-y  (rio).  30.  ât.  37.  35. 

40,  63,  6.'.. 
Bcmiejo.   .i05,  514,  540,  .'tgri, 

«10.  618,   631,    027,  656, 

676.  678.  707,  708. 
BerasUdl.  704. 
BriomK,  247. 
Kiguassù  (Ho  et  rille),  594. 
Biollio  (rio),  60S,  640,  751. 
BIanco(ri()).599. 
BlancA  (cap).  607. 
Blumonau,  557,  593,  395, 595. 
BoS  Virgera,  532. 
Boâ  Visia  (serra  de),  188.  286. 

354. 
Bois  Morlfs  (serra),  95fi. 
Boca  (la),  755,  756. 
Boeaina  {serra).  500.  5iO. 
Boch,  yègret  des  Boia.    Btah- 

negroet,  Botck  Neg-ri,  4S. 

50,  31.  .■)3. 
Bohan,  563. 
Bois  (rio  dos),  5411. 
Boin  Alirigo  (ijol).  .Î85. 
Bonifim  (]iroçqu'ile|,  278.  29t. 
Bom  Jardim.  346. 
ltotirU<  (iiioal),  :tW. 

Buri)i,  186. 
B<,ri>rô.  132,  455. 
Uotoi-uilii»,    Buviing.  Aimoret. 
ISO,    210,  2:i5.    275.  274. 

Boliicafù  (ville),  582 

Brfigaiiça.  202. 

Ilr.ineo  (rio  Iliimco.   ancien  no 


ÏNDEX  ALPHABÉTIQUE 


801 


Parima),  16,  85,  i5i6,  lî27, 
129,  M30,  171,  17î2. 

Bi-a va  (sierra),  608. 

Brazo  da  Madré  de  Deus,  247. 

Brejo  d*Areia,  239. 

Brésil,  91-495,  500,  503, 504, 
553,  555,  594,  756. 

Brèves,  197. 

Brilhante  (rio),  419. 

Buceo  (baie),  571. 

Buenos  Aires  (province),  662, 
.  670,  748,  765,  767,  768, 
770,  780,  783. 

Buenos  Aires,  Puerto  Santa  Un- 
ria  de  Buenos  Aires),  418, 
505,  528,  534,  535,  584, 
587,  589,  615,  627,  650, 
654,  655,  656,  675,  680, 
693,  694,703,  730et8uiv., 
757,  763,  764,  772,  773, 
776,   779,   780,   782,  783. 

Buenos  Aii*cs  (lac),  642. 

Bugres,  Bougreê^  361. 

Buritvzal,  439. 

Burras  (rio  de  las),  595. 

Burroburro  (rio),  16. 

Buta-cô  (col),  603. 


Caacati,  699,  707. 

Cabaçal  (rio),  432,  459. 

Cabixi,  176. 

Cabo,  247. 

Cabo  de  las  Virgincs,  754. 

Cabi-obé,  286,  297. 

Caçapava,  368. 

Càcercs  (lac,  baie),  425,  441. 

Cachi  (nevados  de),  595,  618. 

Cachi  (viUe),  709. 

Cachinitif  176. 

Cachipour  (rivière),  14,  24,27, 

28,  29,  88. 
Cachocira  (rio),  591;  —  (ville), 

407. 
Cachocira  et    Sâo    Félix,  291, 

297.- 
Cachocira  du  ParaGuassû,  477. 
Cachooiro,  296. 
Caclhé,  228. 
Cacthé  (village),  284. 
Cafayate,  675,  709. 
Cahy  (rio).  402. 
Caicô  Principe,  258. 
Cairrit,  Caïrrid  Dekenou  (mont), 

M,  12;-  (gave),  129. 
Cajnzcinis,  258. 


Cal  (cumbre  de  la),  609. 
Galbuco  (volcan),  615. 
Cakhaqm,    673,    674.   *675, 

688,709,714,715,716,718. 
Galdas  (Ouro  Fine),  368. 
Câlina,  62. 

Calingasta,  674.  ' 

CamacaUf  274. 
Gamacuam  (rio),  398,  402. 
Camamû,  292. 
Gamerones  (rio),  641. 
Cametâ,  202. 
Camocim,  235. 
Gampana,  704. 
Campanario  (mont),  604. 
Campanha,  367. 
Campina  Grande,  240. 
Campinas  (viUe),  357,  370,  578, 

*379,  380,  395. 
Campo  do  Meio,  396. 
Campo  Grande,  193. 
Campo  Largo,  388,  389. 
Cami)os  de  Boâ  Vista,  343. 
Caropos  de  Jordâo,  343. 
Campos  du  Paraguay,  516. 
Campos  du  Parahvba,  311,*312, 

335,  477. 
Campos  (Rio  de  Janeiro),   547. 
Camuia,  202. 
Canabury  (rio),  128. 
Caflada  (rio),  609,  633. 
Caâada  de  Gomez,  704. 
Cananea  (port),  346,  578,  583. 
Canastra  (serra  da),  254,  258; 

—  (rio  de  la),  350. 
Ganavieiras,  293,  297,  458. 
Candelaria,  697. 
Canelones  (ville  et  département), 

571,581. 
Canguaretama,  239. 
Caninde  (rio),  234. 
Cantagallo  (ville),  311,335. 
Cantareira  (serra),    344,    372. 

378. 
Canucù  (monts),  H. 
Ganuma  (rio),  133. 
CapazSo  (serra),  256. 
Capella,  286. 

Capibaribe  (rio),  244,  246. 
Capiguary  (rio),  509. 
Capim,  2,  198. 
Capivary  (rio),  399;   —(baie), 

408. 
Caiaça,255,  283,  484. 
Caracarâ  (luorno),  426. 
Carcaraùa   (rio  et  fortin),  584, 

704,  731. 
Carapaporis  (détroit  et  bassin), 

28,  87,  89. 
Carauma  (mont),  130. 


Caravellas,  293,  294,  297. 
Caraya,  165,   181,  211,  213. 
CarbougreSf  KarboegerSf  50. 
Garibana,  2. 
Caribes  Caraïbes,  42,  45,  47, 

165,   166,   171,  179,    180, 

679. 
Carihuairazo  (volcan),  123. 
Canjo,  5,  360,  405. 
CarijonaSf  166. 
Carinhanha  (rio),  260  ;  —  (ville), 

260,  285,  297. 
Gariôca  (mont  et  source),  318, 

523. 
Caripnna,  176. 
Carmelo(Las  Yacas),565. 
Carmen  (Paraguay),  533. 
Carmen  de  Patagones,  588,  672, 

684,  747,  748,  751. 
Carolina,  219,  233. 
Carsevenne  (rivière),  24. 
Caruani,  247,  250. 
Casa  Branca  (ville),  379. 
Casabinda  (ancien  lac),  708. 
Caseros,  405,  696. 
Cassiquiarc  (rio),  127,  128. 
Castello  (morro  do),  329. 
Castillo  (mont),  605. 
Castle  HiU  (mont),  644. 
Catagvdr,  276. 
Catalin  (sierra  de),  605. 
Calamarca  (province  et  ville), 

656,  657,    668,   675,  688, 

*714,    716,  726,  760,  783. 
Calanixi,  174. 
Cattas  Allas,  283. 
Caucete,  Independencia,  719. 
Caux,  Kaw  (monts),  14. 
Caviana  (île),  157,   143,  145, 

197. 
Caïambu     (ville),    367,    368, 

395. 
Caxias,  221,  233,  234,  250. 
Cayapô,  209,  210,  228,  368. 
Cayapo  (serra),  206. 
Cayeiras,  372. 
Cavenne,  6,31,  73,  *76elsuiv., 

84,  151. 
Cayua,  Cayova,  361,  362. 
Cearà  (État),    115,  218,  227, 

229,    235-238,   272,    457, 

460,  463,  495. 
Cearâ  (ville),  97.  Voir  For talcza. 
Cearâ  (rio),  256. 
Cearâ  Miriin,  238,  250. 
Cebolaty,  CeboUali    (rio),  402, 

559. 
Centi*al  (système  montagneux  do 

TArgentine),  609. 
Cerrito  (Enti-e-Uios),  700. 


XIX. 


101 


802 

Cerrilo  (Monlevideo),  571. 

Cerrilo  (Paraguay).  533. 

Cerro  (le),  de  Montevideo,  569, 
570,  571. 

Cerro  Largo,  581. 

Cerro  Léon,  556. 

Chacabuco,  TU. 

Chaco  (Gran)  (leiritoirc),  357, 
503,  505,  506,  308.  515, 
517,  518,  531,  522,  523, 
531,  544,  54S,  554,  587, 
588,  591,  6i5,  691,  656, 
657,  665.  676,  677,  679, 
699.  707,  76*.  785. 

ChalUn  (bourg),  725. 

Chalten,  607,  608. 

Chamboa,  213. 

Champaqui  (mont).  609. 

Chana.  562,  565. 

Chanilless  (rio),  125. 

ChaDi  (ncvarla  de),  596,  707. 

Cbapada,  421. 

Chapada  Diamanlina,  292. 

Chopccô  (rio),  340.  402. 

Chs>pel-co  (mont),  605. 

Charma,  703. 

CA<imM,405,  "562,  565,  752. 

Chaschuil  (rio),  629. 

Chascomufi,  742,  748. 

Ckatantêt.  Akui  Curulon,  SIO. 
213.  361. 

Chapes  (sierra  de),  598. 

Chemen  Uuin  (rio).  751. 

Ckerentet.  210,  213. 

Chichi  (ou  Cataractes  du  Soleil), 
23. 

Chico  (rio),  -646,  647,  684. 

Ckikriabé,  210. 

Cbilecito,  Villa  Ai^enlina,  656. 
"717,718,  726. 

Cbillan  (Tolcan),  639. 

Chinchipo  (rio),  118. 

Chiquila,  Mar  Chiquita,  621, 
622,  «02,  742. 

Chiquilot,  176,  526. 

Chiquitos  (pays  des),  419,  426. 

Chirihuana,  Chiriguanoi,  Cam- 
bet,  176,  *676  et  suiv. 


Ckin 


,  15. 


Chivilcoy.  744,  748. 
Chocle  Choel,  641. 
Chorillo  (ruisseau  du),  727. 
ChosHalal  ouBum  Hahuida,  603. 
Chos-Malul  (Tille).  748.  783. 
Chubut  (rio),  *641,  642,  694, 

•752. 
Chubut  (territoire  du),  la  Nou- 

Tclle-Galles,  613.  6U,  615, 

650,  '751,  752,  753,  754, 

759,  773,  785, 


INDEX   ALPHABÉTIQUE. 

Chumbicha,  714. 

Chuy  (rio),  396,  556. 

Cielo  (campo  del),  714. 

Cinta  (serra  da),  228. 

Cipreses  (cordillère  de  los),  605. 
640. 

Garo  (rio),  206. 

Claïijo,  596. 

Coagua,  Coyagua,  517. 

Coarv  (rio),  124,  155. 

Coary,  Alvellos,  184. 

Cobras  (Me).  324. 

Codajai,  184. 

Coermoeribo,  Cormonlibo  (ri- 
vière), 22. 

Coesswijne  (rivière),  21. 

Coimbra,  442. 

Colastind,  701. 

Colhué(lac),  641. 

Collon-cura  (rio),  603,  "630. 
640. 

Colon,  563,  695,  6»6. 

Colonia  del  Sacrameoto,  555, 
565,  581. 

Colorado  (rio  de  l'Argentine), 
558,  595,  604,  612,  614, 
620,  '628,  634.  635,  648, 
649,  655.  662,  682,  683, 
747,  748. 

Comachigones,  674. 

Commewijne  (rivière),  23,  69. 

Concoiïio,  283. 

Concepcion  (Paraguay),  534, 
542. 

Concepcion  de  l'Argeotine,  746. 

Concepcion  del  Uruguay,  695, 
■696.  707. 

Conchas  (las).  739. 

Concordia  de  l'Uruguay,  565; 
—  de  l'Argentine,  695,  707, 
772. 

Conflucncia,  534. 

Confuso  (rio),  513,  534. 

Congonbas  de  Campo.  279. 

Congonhas  de  Sabari,  271. 

Conlara  (rio),  609. 

CoDias  (rio  de),  266,  268. 

ConUs  (Barra  do  rio  do),  292. 

Contendas  (station  thermale), 
368. 

Conlendas  (Santa  Anna  de), 
446. 

Copahué.  748. 

Coppename  (rivière),  21,  67. 

Coralilos,  557. 

Coralamung  (monts),  li. 

Corcovado  du  Brésil  (rio  cl 
morne),  316,  318,  331. 

Corcovado  de  l'Argentine  (vol- 
can), 606;— (rio)  007,  751. 


Cordillèn;  des  Andes  de  l'ArgeD- 

tine,  593  et  suiv. 
C6rdoba  (massif  de),  '609,  615. 

622,  63S,    663,   669,  716, 

750. 
Cordoba  (tille  et  prorince),  5(tt. 

589,   591.    656,  674,  i04. 

715,    715,  '7S8,  7M,  7SS, 

785,  776, -781.  785. 
Coreahu  (rio).  335. 
CiMVDlyne,    Corentijn  (rÎTièie), 

12,  20,  21,  27,  40. 
Coroadot,  Bugret,  310,  511. 

"361,  562.  390,  405,  434. 
Corona  (chutes),  129. 
Coronda.    ou    riacbo  de  Sanh 

Fé.  701. 
Corrienles  (cap),  GH.  628,  74!. 
Corrienles  (province),  500,  550. 

547,    588,    591,  657.  S66, 

669,  '697,  707,  766,  7S3. 
Comentes    (ville),    514.    695, 

■697,  698,  699,  707,  785. 
CorUderas  (cid),  707. 
Coniinbi(rio),349. 
Coruinbi,    Albuquerque,  437. 

440,  441,  443. 
Cosmopolila,  565. 
Cosquin.  730. 
Costa  (sern  da),  405,  407. 
Cotinga  (ile).  388. 
Cotinguiba  (rio),  286. 
Cottica  (riviùrc),  22,  69. 
Ootuntuba  (ilha  de),  316. 
Counani  (rivière  ot  district).  Si, 

27.  86.  88. 
CouHpi  (village),  88. 
Coiim  (rio),  426,  441. 
Coiim,  Herculanco  (ville),  441. 
Coy  Inlct,  Govlc  (estuaire),  64S. 
Coyot.  Coyà*.  674,  675,  768. 
Crato,  187,  236. 
Crevaui  (colonie),  554. 
Crichand.  172. 
Crui  de  Pie-lra,  725. 
Cruieiro,  368. 
Cuarto  (rin).  623. 
Cualrero,  747. 
Cubalio    (port  et  serra),  oK, 

373,  374. 
CuchiUa  Grande,  557. 
Cuevas  (rui.tseau  de  M,  73i. 
Cumbra  (col  de  la),  600,  630, 

719,  725.  724. 
Cumbres  de  t  Jkhaqui  (monts). 

596. 
Cumucumu  (monls),  H. 
CuAapii-û  (rio),  564. 
Cura-cô  (rio),  635. 
Cura  Cokalio,  603. 


Curicurian  (morne).  129. 
Curimatahù  (rio),  3S9. 
Corilibi,     CuriUbp,    CoritvU, 

383.  '384,  3&9,  391,  395, 

iSl.  495. 
Cumlinho,  334. 
CurupaitT,  541. 
Cururapû,  230. 
Cunuù,  &41. 
Cuyabd,  439. 
Cujabi  (rio  et  mines),  41 6, 423, 

4S&,  426,  433. 
CujaU  (ville),  417,  418,  419, 

4S0,  430,  439,   '440,  442, 

495. 
CuTO   (région  du),  G94,    719, 

781. 
Cujuni  (rio),  30,  SB,  65. 
Cuyuwioi  (rio),  16. 


Darwin  (monl),  608. 
Dajinan  (rio),  563. 
Detnitran,  Demerari,  Lemdrare 

(Qeuve  el  disirici),  30,  27, 

62,  65. 
Desaguadero  (canal),  630. 
Dcsaguedero  (rio),  726. 
Dcseailo,    Pucrlo  I)escado   (es- 
tuaire et  porl),  042,  754. 
DesciAo  (rio).  607,  642,  649, 

655. 
Dcsterro   (Kossa   Senhora  de), 

(détroit  et  ville),  393,  394, 

395,  448,  480,  495. 
l)eui  Connétable»  (île  des),  15. 
Uiamantc  (rio).  503.  634,  701 

702,  705,  724,  725,  726. 
Diamantina,  Tijuco  (seuil),  256, 

266,   278,  283,    297,  467, 

■469. 
Diamanlina,    Chapada  Diainan- 

tina,  488. 
Diamantino,  439. 
Diana  (Llanuras  de),  648. 
Didi,  46. 

District  fédéral  (Brésil),  495. 
District    fédéral     (Argentine), 

783. 
UivisSes  (serra  das).  256. 
Dôce   (rio),    '267,    268,  271, 

273,  277. 
Doigt  de  Dieu  (piton),  299. 
Doislrmios  (serra  cl  rio).  219, 


221. 


1,  730,  742,  748, 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 

Domejko  (morne),  608. 
Dona  Francisca  (ville),  393. 
Dourada  (serra),  216. 
Dourados  (serra  de),  433. 
Douro  (serra  de).  204. 
Dous   Rios   (rio  Negro  et   rio 

Grande),  300. 
Dulce    (rio),    621,    623,    670, 

715,  714. 
Duramo,  564,  581. 


Emerillonê,  45,  46. 

Encamacion,  Itapui,  531,*532, 
536,  542,  551. 

Enchadas  (ilha  das),  399. 

Enfant  Perdu  (Ilot),  14.  79. 

Ensenada,  672,  7411.741.748. 

Entre- Rios.mésopotamied'entre 
Parani  et  Uniguaj,  310,  311, 
475,  500,  624,  657,  673, 
694,  «96,  701.  707.  759, 
757,  761.  764,  764,  766, 
772,  782,  785. 

Ere,  Campo  Ere,  340. 

Erere  (coUines),  138. 

Esperania,  701,  702,  704.  707. 

Espinhaço  (serra  do),  254. 255, 
259,  272,  419,  466,  476. 

Espirito  Sanio  (£lat),  115,  252, 
295-297,  447,  460,  495, 
525,  731. 

Esquina,  700. 

Essequibo,  Essequebo,  Aranau- 
ma.  Chip  Oiu(riTière),  11, 
19, M5,  20,27,  57,58.171. 

Estancia.  288. 

Estivado  (ruisseau),  425. 

Eslrella  (serra  da),  516. 

ËUIs  (ile  des),  608,  648. 


PalkUiid(lles),Malouines,Nal- 

ïinas.  613,  785-789.  791. 
Famalina  (nevado  de),  598,  509, 

650,  675.    707,  717,  718; 

—  (ville).  717. 
Faro,  193. 

Faiina  (ville),  381,  395. 
Fecho  dosHorros(le),  435,  443. 
Federacion,  695. 
Feira  uu  Foire  de  Santa  Anna, 

291. 


Fernando  ou  Femlo  ds  Noronha 

(ile),  923,  -224,  225,  227. 

250,  951. 
Ferreira  Gomes  (cobnie),  88. 
"■     ■  ■     675. 

(rio).  699. 
Fiscal  (île),  493. 
Fitiroy  (volcan),  607,  645. 
Flores,  Cajaieirai,  234. 
~         de  Uruguay,  581. 
Flores  (ilha  das),  332,  451. 
Flores  (isUdas).  571. 
Florida,  566,  581. 
Fonte  Boi,  182. 
Formosi  (lac),  204. 
ForuMsa  (territtHre  et  ville),  690, 

707,  783. 
Fonnosa,  Villa  dos  Couros,  215. 

217. 
Forlaleia,  Ceari(TiUe),  336, 335, 

236.  950,  480,  495. 
Foi  de  Iguaiû  (colonie),  390. 
Frade  de  Uacahé  (mont),   300, 

315. 
Frade  Lesparde  (mont),  295. 
Franca  (ville),  380;  —  (serra). 

557. 
Français  (monl),  608. 
Fray    Bentos    (Independencia), 

564,  572,  696. 
Frajle  Huerio,  BeU-Ville,  728, 

750. 
Prêchai  (rivière),  24. 
Frio  (cap),  '505. 650  ;  —  (viUe), 

315,  535. 
Frovard  (cap),  608. 
Eructai,  368. 

Forigto  (Tierra  del  Fuego,  ter- 
ritoire), 754,  783,  788,  790. 


Gaiba  (lac),  425. 

Galibi,  42,  43,  45,  46,  «3. 

•63,  69. 
Gallegos  (no),  648,  668,754. 
Gallina  HuerU.  599. 
Camélias,  228. 
Garanhuns,  248,  286. 
Giivia  (mont),  316,  529,330. 
Gay  (morne),  608 
General  Acha,  747.  '749,  783. 
General  Pai,  747. 
Georgctonn,  30,   31,  60,  61, 

63,  65,  67,  69. 
OeorglB  du  Snd.  Voir  South 

QoorgiA. 


€i«.  ao9.  sa»,  a-r.. 

tiiBariU'  (monll.  «OSI. 
Gigunlillo  (munt),  tiUU. 
Giyonet,  674. 

GuiTo  Nuctn,  ei5, 7:>i,  7:>i. 

Goja,  sot,  70[>,  707. 

GoMOii  (M-i-ra).  ÏOS,  34U.  !ii3. 

ho. 

Goyaiuiieê,  SQO. 
riuy>ninhn,  S5K, 
fîu^K   (Étal),    SOS-917,    il7, 

43T,  iiG,    4b8,   4tt0,  4115, 

488.  495,  405. 
Gupi.  Villa  Boa.  98,  316,317. 

4»:>. 

Goyaiei.  Guayatet,  300. 
fiuyr^icliLMi,  551, 
(io]!C<K:tMi»  (biiueau),  531. 
(rraciom  (mit*),  543. 
UracÛM  (ville),  58*. 
Grajahù  (ri»),  321.  338,330. 
Granidus  (curro  df  Uh),  &9j. 
Grandi]  ou  Kiu  Cului'ado,  au5. 

635.  707. 
Grande  (cachorini],  351. 
Grande,  Ilha  Grande,  30li,  Ô35. 
Grande.  Rio  Grande.  310,  i23S, 

280,  336.  550,  380,  477. 
Grande  dû  Norte,  Rio  Graudc 

(Étol).  115.218. 
Grande  do  Sul,  11],  IIG,  117. 
làranja,  335. 

GrSo  Mogol  (serra),  3&6,  S83. 
tiraiatt,  347. 
Groningen,  ti7. 
Guachipas  (rio),  631. 
Gualijba  (estuaire),  407. 
Guïicuiij  (port),  285,  2S)3. 
Gunini»  (rie).  22,  127. 
Giitijiijnra,  338. 
Giiiijarj  Guj-su  (dmle),   133. 
Gualc?u-i  (lio),  624,  690,  697, 

707. 
GualeguujcLû,  61)6,  707. 
Gualcguajcliû  (rio),  564. 
Guames,  GuBmnes  (rio).  133. 
Guané,  433.  434,  437. 
Guanhanari,  360. 
Guaporé.  432. 
Cuaporé  (rio  llen'v),  131.  134, 

17':    !!■;.  II'i.  ■.-':.  ',-Jl.  158. 

Cil.:.         ■■■■■    ■■ .    .;:,  ;>|8, 

1)77,  6'.IT,  71)0. 
GiiaraiJiLiiia  (lilie),  5SI). 
Giuraliba  (tilk'),  3ri5. 
Guaraliii^uelà  (ville),  068,  3!I5. 
Giinrauiioj,  Wnrrau.   I,  H. 


IDDEX  ÀLPllABËTIQUE. 

Guaraijot.  170. 
Guaiâ.  432.  433. 
Guatiare  (rio),  137. 
Guayaitot,  Guayana»,  Guaya 


.'.31. 

Guayeurû,  Mbaya,  Ltngaa», 
Cadinéoi,  Beaquéot,  ('.abat- 
lerof,  CafalUivo*.  433,  43i, 
435,437,521.587,  699. 

Guajni,  b2lt. 

Gun<frB(ln),  mitsion.  300. 

Guayni  (saut  de],  500,  M7. 

Guauifan  (aierra),  631. 

Il«i.ri  (rio).  ISB. 

tiuimariea,  330. 

Guineo  (rio),  133. 

Gurgucia  (serra),  310.  221. 

Gurgucira  (Lee).  334. 

GufU|>i,  lOU. 

Carupï  (rio),  220,  230. 

Gujane  anglaise.  4,  55-60. 

Guvane  tMwlesIée  (franca-br^$î- 
fienne),  4.  85.<JD. 

Gujane  française,  4,  72-1*1. 

Guvatio   tiolliinilaise,  4.   Ii0>7:.'. 

Ouyones.  1-9U. 


llaedo  (cuchilla  de),  557. 

llernaDdarias,  S85. 

UoTTal  («em  do),  308.  404. 

Ilervidero,  557. 

Uiguerilas,  Kucta  Palmim,  558, 

505,  636. 
lloUer  llill  (monl).  OU. 
llualluga  (rie),  118,  139. 
Uuanacache  (lagunes), 030. 7 18, 

670. 
Iluanocos  (ralle  de  k^),  668. 
Hucal.  748. 
Huemnies  (rio),  607. 
Huiliieke,  683. 
Humahuaca,  506.  767.  730. 
Humaila.  501,  514,  540,  54t. 

"543. 
Iljanuarr  (laguet),  166. 
Il,uacu  (rie).  I!.-,. 
il]i]|»iiahnin,  1K5. 


Ibera  (lac),  634,  6115. 
Ibicuy  Grand»  (rio).  390.  .Ï98, 
402,  407.  iI4,  636. 


lenmiaba,   172. 

Iça-Puljrnaio  (riu).    122,    123. 

•147.165.  106.  181. 
Ico.  237. 
I^lù,  237. 

Iguapit  (pnri),  S74,  383. 
iguaiHÎ  (Kibrira  de),  545. 
Ij^u.iraHhiï,  246. 
Igiia>i),  Rio  Givndo  de  Curiribi, 

3.^'».  *353.   555,  588,  S80, 

300.  544. 
lloRopl«,  70. 
llheo«,    Sio  Jorge  dos  lllioo), 

292,  SOS.  397. 
liiian,  Sieira  do  l'Aimant,  611. 
Imbetiita.  313. 
Imbiluk  (pi>rl),  391. 
Ind<-|-'ndi.'nd:i,  23!). 
lnrL-n]o(Liidio.'iradui. 206,267. 
Uifidouiidu,  383. 
luga.  316. 
Ipararay  (Uc).  556. 
Ipuii-  (lin),  508. 
l|eni!nia(bi>uis(>triii),381,4C9. 
I]iii~,iiiga,  373. 
Ipoa  (lapuiP).  509. 
l,.,jno;,  (rio).  S47. 
tpurina,  175.  174. 
Iracuuba  (rio).  42,  84. 
lia,  550,  543. 

lubira  do  Caini>a  (monl).  460. 
Ibbirti  do  Halto  Dentro,  400. 
Hah6ca.307,  217. 
Ibborabj  (ville),  33.Ï. 
lUcoati&ra,  Serpa.  193.  1S5. 
Itncolumi  (recirs),    355.    208; 

—  (moul),  38.'t,  294, 
Ibgua,  556. 

Ilaipû  (Pico  de  Fora).  515, 516. 
Ilailuba,  195. 
llajahy  (rio),  345. 545;  — (tillf  ). 

592.  595. 
Itamaraei  (île),  245. 
Ilamaricâ  (grau).  515. 
lUmbé  (pilon),  356.  383. 
Itambj     d'Espinhaço    (roorne), 

422. 
Itanguavmi  (déRIé).  355. 
Itani  (mière),  33,  45. 
Il:i|ki»ipc,  291. 
\Uy:ivkù  {M.   391,   293.  397- 


.  296. 


iMpiifurû  (rio).  333.  354, 
llllliuiuni  Grande,  liosa lio,  3 


INDEX   ALPHABÉTIQUE. 


805 


Itapucurû  Mirim,  255. 

lUipura   (cataracte),  551,  580. 

lUquy  (Tille),  414,415. 

Itati,  697. 

Itatiaya  (serra),  298,  299,  500, 

545,  550. 
Itatins.( serra  dos),    545,  560. 
Itû  (ville),  580,  595,  484. 
Ituberé  (rio),  587. 
lluzaingo,  566. 
hahy  (rio),  552,  590,  419. 
Ivinheima  (rio),  551,  585,419. 


Jaboatâo,  247. 
Jaboticabal  (ville),  580. 
Jac  (lac),  27. 
Jacarépagua  (ville),  555. 
Jacaréuara,  Morcegoê,  177. 
Jachal  (rio  de),  599,  600,  029, 

719,  726. 
Jacu  (rio),  259. 
Jacuhy,Guahyba(rio),  598, 401, 

402,  405,  407,  561. 
Jacupiranga  (rio),  545. 
Jaguarâo  (ville),  409. 
Jaguarâo  (rio),  596,  598,  402, 

572. 
JaguarSo  (mine),  407  ;  —  (ville), 

415. 
Jaguaribé  (rio),  227,  256, 257. 
Jaguaripe  (rio),  292. 
Januaria,  Salgado,  285,  297. 
JapiU  171. 
Japuré,    llyapura     (rio),    118, 

122,  125,  *124,   127,   159, 

147,  165,  166. 
Jaquipa  (rio),  Jacuhype,  266. 
Jaraguà  (serra),  544;  —  (ville), 

250;  — (mines),  572,  578. 
Jardim,  256,  258. 
Jary  (rio),  155. 
Jatobi,  286. 

Jauapiry  (rio),  150,  172. 
Jaurû  (rio),    425,    424,    425, 

451,  452,  459. 
Javary  (rio),  118,  147,  175. 
Jejuv  (rio),    508,    517,   554, 

551. 
Jequitinhonha  (rio),  le  Petit  Sâo 

Francisco,  Rio  Belmonte,  256, 

266,267,268,271,274,295. 
Jésus,  555. 
Joào  Aires,  Ayres  (seuil),  299, 

476. 
Joazeiro,  285,  292. 

Joeden  Savane,  69. 


Join^Ile  (estuaire  et  ville),  548, 

591,  595. 
Juaurité,  187. 
Juiz  de  Fora,  278,  565,  564, 

595,  468,  475. 
Jujuy  (mont),  616. 
Jujuy  (province),    618,     650, 

666,  674,  675,  677,  *705, 

707,  726,  765,  768,  785; 

—  (viUe),  707,  726. 
Jujuy  (rio),  596. 
Jundiahy    (ville),    578,    580, 

595,  478. 
Junin  de  los  Andes,  Uuinca  Mel- 

leu,744,  751. 
Juntas  (las),  (confluent),  509, 

617. 
Juquia  (rio),  545. 
Juramento    (rio),    595,    596, 

618,  628,  676,  709,  714. 
Jumâ  (rio),  124,    125,   M47, 

175,480. 
Juruena  (rio),  154,  418. 
JurûMirim  (île),  591. 
Jurupari  (cataracte),  127. 
Jurupensen,  217. 
JuUhy,  Hyutaï  (rio),  124,  125, 

M47,  181,  480. 


Kaïeteur  (chute),  16,  18,  129. 
Kaw  (village  et  rivière),  80,  84. 
King  William*s  the  Fourth  Fall 

(chute),  15,  21. 
Kochait  (volcan),  645. 
Koffi,  49. 

Kourou  (nvière),  74,  76,  84. 
Krou,  48. 


Labrea,  184,  185. 

La  Cecilia  (colonie),  589. 

Ladario  (arsenal),    441,    442, 

492. 
Lafayette,  278. 
Lagarto  Cocha,  159. 
Lage  (îlot  et  fortin),  517. 
Lages,  595. 
Lago  Grande   de  Villa  Franca, 

156. 
LagoNovo,  27,  88. 
Lagôa  de  Sumidouro,  259. 
Lagôa  dos  Patos,  400,  401, 402, 

408,  409,  410. 
Lagôa  Feia,  504,  505. 


Lagôa  Mirim,  596,   400,  401, 

402,  552,  559. 
Lagôa  Siinla,    257,  259,  272, 

275,  284,  560. 
Laguna  (port),  594,  595. 
Laguna  Mirim,  572,  579. 
Laianoêf  455. 

Lambaré,    Lambari     (promon- 
toire), 515,  559,  540. 
Lambary     (station     thermale), 

567.^ 
Lapa  (Bom  Jésus   de),  (ville), 

285,  590. 
La  Paz,  591. 
La  Plata  (ville),  589,  664,  759, 

740,  *741,  742,  748,  777, 

785. 
Larangeiras  (pont-viaduc),  286, 

594. 
La  Torre  (cordillère),  608,668. 
Lavras,  256,  414. 
Leblond  (mont),  14. 
Ledesma  (ville),  726. 
Lemaire  (détix)it  de),  648. 
Lençoes,  292. 
Lenauas,  518. 
Léon  (monte),  608. 
Leona  (rio),  645. 
Leopoldina,  217,  564. 
Lerma  (phine),  708. 
Leubû,  748. 
Libcrtad,  695. 
Libres,  Paso  de  los  Libres,  695, 

707. 
Limay  (rio),  605,   656,   659, 

640,  748,  751. 
Limeira  (ville),  580. 
Limoeiro,  246. 
Llaima  (volcan),  605. 
LIanos  (sierra  de  los),  608, 609, 

622. 
Llpantipucû,  554. 
Lobos  (île),    572;  —    (ville), 

744. 
Londres,  de  l'Argentine,  716. 
Lonquimai  (volcan),  605,  751. 
Lopo  (morro  do),  545. 
Lorena  (ville),  568,  595. 
Loreto,  622,  697,  715,  726. 
Lujan  (rio  de),  724. 
Lulé,  676. 
Lules  (village),  676. 
Luque,  556,  542. 


Macacû  (rio  et  ville),  504,  555. 
Macagtiajègf  181. 


806 

}brabt  (rio    et  ville),    305, 

51  S.  335. 
Hacapi,  85,  88.  133,135,143, 

145,  108,  107,  202. 
MacaA,  33S,  250. 
Haceio,  248, 340, 250, 480,405. 
Hachiiili  (piton).  120. 
Macourira,  84. 
Ilacû,  169. 
Macusi,  11,   43,  45,  46,    58, 

171,172,293. 
HadeiD,  Gayari.llS,  125.  136, 

131,  153,  139,  '147,  152. 

162,  175,  176,    184,  185, 

418,421,  422,  480. 
MaJredeDios  (rio),  131. 
Nafra,  232. 
Hagdalena,  742. 
Hagé  (ville),  535. 
Magellan  [détroit  de),  048. 
Mahaica  (ville  et  riiiëre),  30. 

60,  61. 
Hahû,  IraDg(rio),  130,  111. 
Haburi  (rivière),  80. 
Hainas,  118. 
Haiorique  (mont),  599. 
Haipo  (mont),  603. 
Haipu,  742. 
Malali.  275. 
MalargÛG,    Halalhué    (  volcans). 

603. 
Ualbarco  (laguct),  639. 
Maldonarlo  (cap),  628. 
Haldonado   (ville),    557,    501, 

562,  572.  581. 
Mamanguapé  (rio),  339.  S50. 
MaïQoi'é,  Hio  Gi'ande,  Guupav, 

131,133,  134,422. 
Hana  (riviâre),  33,  74.  84. 
Manaos,  Barra,    Foriatezia    da 

Bam    do  Rio   iNcgro,    131. 

106,    176,   188,   189,  191. 

193,  202,  493,  4^5. 
Manchao  (mont),  716. 
Handiorii  (bc),  425. 
Maiiga.  334. 
HaogaWiras  (rio  cl  serra  de), 

204,  2)9,  231. 
Han'.'araliba  (port),  335. 
Vanguaba  (lac).  349. 
Hanso  (rio),  4,^. 
Hansos,  LIanus  de  Ins  Mansos, 

LIanos  du  Manzo.  678. 
Uantiqueira,  Surra  do  Mur,  254, 

255. 298, 399.  339. 340, 343. 

344.345,350,419,476. 
Manianiis  (région).  767. 
Ma|ia(lacde).  86. 
Mapa  firand»,   Aniapa  (rivière), 

34,  «7;  — (rorli(j),89. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 

Hapouerra,  Urubu  (rio),  171. 
Har.  Serra  do  Mar,  570,  SU, 

391.  393,   40S,  403,   446, 

476. 
Har  de  llespanha,  364. 
Har  dcl  Plata,  742. 
ïar  Pequeno  (marigot),  383. 
Haraci  (Ile  et  détroit),  27,  28, 

29.  87,  88,  143. 
Haracajù,  Serra  de  Hbaracayù, 

353,  431,  503,  506,545. 
Haracassumé  (rio),  330. 
Maracaua,  171. 
Haragogipe,  291. 
Harajo  (Ile),  157,  151,  161. 
Haranguapé,  236,  250. 
Haranhio     (Ëlat),    115,    S18, 

230-354,  495. 
Haranhio  (i)e),  97,  227,   465. 


492. 


,  470. 


Maria  nna.  2' 
Haribondo  (saut  du),  550,  368. 
Maroim,  286. 

Maroni.   Haroweiju,  Saint-Lau- 
rent (Oeuve).    13.    22,  37. 

40,  43,  75,  '75,84. 
Harouini  (rivière).  23. 
Hartiin  Vu  (ilote).  370. 
Martin  Chicu  (ruisseau).  565. 
Martin  Garcia  (lie  de),  557,  558, 

565,  591,  •392,  627,  704, 

734. 
Malaco»,  Mataguayot,  Mantot, 

618,  678,  679,  708. 
MaUri,  714. 
Matlieu»  (pics),  300. 
Mathoury,  84. 
Halouri  (mont),  14. 
MalTocanet  ou   l/aiinga,   49, 

50. 
Halta  de  Corda  (rio  de  la),  350. 
Hatlo  Custi'lhano,  50U. 
Matto  Grosso  (État).  301,  415- 

442,  460,    468,  4â8,  491, 

495,  503,  508,   544,  541, 

584. 
Hatto  Grosso  (ville).  423,  434, 

438,  440.  442. 
Hatto  Porluguei,  596. 
Haulii,   175,  176.   177,   178. 

179.  418. 
Hauhé  Assu  (rio).  153. 
Hauricea,  MaurîUstad,  245. 
Havu-Tala  ou  Amaru-Mavô.lSl. 
Maiag-ao,  197. 
Hjzaruni  (rivière),  8,  30,  42. 

58, 50. 
Mbarancaya,  308. 
lihaya,  518. 
Mbuaraj^ï  (rio).  :,07, 


Hearim  (no),  931,  3». 

Medioas.  713. 

Medio  (arroya  del),  104. 

Meia  Ponte,  Pyrenopolii,  315. 

Heia  Ponte  (rio  da),  349. 

Nejicana,  718. 

Mellimoya  (vcdcan),  606. 

Helo,  Cérro  l^rgo,  573. 

Mendoia  (rio  de),  630. 

Hendoia  (province),  666,  685, 
719,  726,  765,  766,  783. 

Hendon  (ville),  591,  600,  fô6, 
680,  682,  719,  720,  766, 
•721,  725,  725,  726.  785. 

Herodes,  565,  573,  695,  744, 
748. 

Hesa  (volcan  de  la).  C05. 

Mcstre  Alvarez,  Mestialvé  (aoBt), 
395.  396. 

Hexiana  (Me),  137,  143, 197. 

MichilengueM.  614. 

Migue)  Bumier,  S19. 

Uituu,  277. 

Minas  de  l'Uruguay,  561,  &11, 
581. 

Minas  Geraes  (ÊUt).  115,  351, 
283,  356,  S95,  437,  444, 
446,  450,  453,  458,  460, 
463,  463,  466,  461,  468- 
469,  410,  471,  488,  493, 
495. 

Minas  Novas,  318,  393. 

Minchin  Nahuida  (volcan),  60S. 

JftntMn,  Uinuatw*,  405,  56Î, 
703. 

Hiranda  (rio  et  bourgade),  351. 
416.  417,  419.  431,  436, 
455,  440.  441,  760. 

Uiranhtu,  165,  166. 

Misiones  (  Territoire  des  His- 
sions), 531,  505,  521.*5!6, 
595,  610,  666,  694,  693, 
697,  701,  766,  185. 

Hilaraca  (mont),  15. 

Mocorel*.  695. 

ilocovt,  Ubocavi,  679,  jVonbi- 
rfltfM.  521,  581.  701,71*. 

Moeda  {serra  dp),  379. 

Moet'mga,  SI. 

Mogy  das  Cnucs,  570. 

Hogy  Guassù  (rio).  549,  350. 
380,  417. 

Mogy  Hirim  (ville).  568. 

jtfoJM,  176.  536. 

Holino  de  Italas,  775. 

Holinos,  109. 

Molu-che,  «83. 

Uoncio,  250. 

Monday  (rio),  556. 

MoDdego  (rio).  436. 


INDEX   ALPHABÉTIQUE. 


807 


MoDigote  (mont),  609. 
Montagne  d'Argent,  11,  80,81. 
Montagne  Française,  14 
Montagne  Magnétique,  14. 
Mont  Alegre,  159,  196. 
Monte  Caseros,  532,  565,  566. 

695. 
Monte  Santo,  292. 
Monteros,  715,  726. 
Montes  (Cordillera  de  los),  506. 
Montes  Aureos,  250. 
Montes   Claros    das    Formigas, 

285. 
Montevideo,  424,528,  555,555, 

557,  560,    561,   562,  563, 

*566,  567,  569,  570,  571, 

572,   575,  575,  576,   579. 

581,  628,    670,  693,  733, 
*  736. 

Morawhanna  (rivière),  57. 
Moreno  (mont),  295. 
Morona  (rio),  118. 
Morretes  (viUe),  384,  385. 
Morro,  Cerro  Morro,  610. 
Morro  Yelho,  285,  297. 
Mortes    (rio    das),     Roncador. 

210,  276,  350,   365,    369, 

417. 
Moruka  (rio),  39.  42,  56. 
Monimby  (mont),  384. 
MoseteneSf  176. 
Mossorô,  Santa  Luzia,  238,  250. 
Moura  (hameau),  129. 
Mousinery,  84. 
Mrari,  122. 
Mucuim  (rio),  125. 
Mucuripe  (péninsule),  236. 
Mucm7  (rio),    111,  180,  267, 

271,  273,  277,  278. 
Mundahû  (rio),  248,  249,  250. 
Mundurucû,    175,  176,  M77, 

178. 
Mura,  174,  175. 
Musters  (lac),  641. 


Nac-nc-Nuc,  274. 
Nahuel-Uuapi  (lac),  605,   600, 

639,  640,  656,  751. 
Nahuqua,  179. 
Napo  (rio),  118,  122. 
Napostâ  (rio),  745,  746. 
Nassau  (cap),  22. 
Natal,  258,  250,  495. 
Nauas,  124. 
Nazareth,  246,  250,  292,  297. 


Necochea,  742. 

Negro   (rio),    118,    126,  Mi?, 

M28,  129,  131,  139,  M47, 

162,  186,  480. 
Negro  (rio)  de  TUruguay,  389, 

414,  558,  564. 
Negro  (rio)  de  la  Plala,   587, 

595,  604,  612,  614,   *636, 

639,   640,  641,   648,   649, 

655,  662,   663,  665,  672, 

681,   694,  748,   751,  760. 
Negro  (serra  do),  228. 
Nembucû  (rio),  540. 
Kcmbucû  (ville),  540. 
Neuquen  (rio),  604,  605,  636, 

*637,  639,  640,  641,  726, 

751. 
Neuquen  (territoire),  748,  783. 
Nhundiaquàra  (rio),  387. 
Nickerie  (rivière),  21,  66. 
Nico  Ferez,  572. 
Nictheroy,  298,  305,  315,  320, 

335,  495. 
Nieuw  Amsterdam,  61,  67,  68, 

69. 
Nioac,  Lcvergera,  441. 
Nogoya,  697,  707. 
Nogueira,  184. 
Norquin,  748,  755. 
floruega,  454. 
Ifouragues,  47. 
Nova  Cruz,  239. 
Nova  Friburgo,  311,  334,  335, 

447. 
Nova  llamburgo,  407. 
Nova  Trenio,  393. 
Nueva  Bel ve lia,  565. 


Obidos  (défilé),    156,  193. 

Obligado,  626,  704. 

Oeiras,  234,  250. 

Olavarria,  744. 

Olimpo  (fort),  442. 

Olinda,  243,  250. 

Oliva,  540. 

Omaguas,  166,  175. 

Omaua,  169*. 

Ona,  683. 

Onverwacht,  71. 

Oran,  596,  617,649,708,726, 

766. 
Orange  (cap  d'),  24. 
Orejones,  181,  182. 
Orénoque  (fleuve),  22,  26,  127. 
Orgàos,  299,  300,  *301. 


Oro  (riodc),  700. 
Orr  (rio),  643,644. 
Ortiz  (banc),  628. 
Oluquis  (rio),  429,  505. 
Ouana,   Wanc    creck   (rivière), 

22. 
Ouapichianes,  Wapisiana,  39. 
Ouaraoun,  1. 

Ouassa  (rivière  et  village),  88. 
Ouatara,  Oualeca,  Goytacaze$, 

309,  311,  320. 
Ouayana,  1. 

Ouayéoué,  42,  58,  171,  172. 
Ouitolo,  166,  169. 
Ouro  (rio  et  serra  do),  279,  323. 
Ouro  Branco  (mont),  279,  466. 
Ouro    Preto  (monts  et    ville), 

278,    279,  280,  281,   283, 

295,    297,  363,  465,  466, 

476,   485.  495. 
Overo  (volcan),  600. 
Oyampi,  45,  46,  47. 
Oyapok  (commune),  14,  23,  24. 

27,  28,  29,  84. 
Oyancouleiig,  45. 


Pacaraima  (monts),  8,  11,  16, 

20,  30,  31,  40. 
Palena  (rio),  606. 
Palicour,  59,  88. 
Palmaires  de  Pernambuco  (Qui- 

lombo  dos),  229,  248,  250. 
Palmas  (rio  et  lagune  de  las), 

*619,  626. 
Palmeira,  388,  389. 
Pampa  (territoire),  783. 
Pampas,  Pampéens,  679,  682, 

683,  684,   687,  693,  726. 

728. 
Pando,  571. 
Panoré,  187. 
Panos,  175,  176. 
Pâo  d*Alho,  246. 
Pâo  d*Assucar  (mont),  316,  317, 

442. 
Paquelà  (île),  332. 
Para  (rio),  144. 
Para  (État),  117  et  suiv.,  194- 

202,  474,  495. 
Para,  Santa  Maria  de  Nazareth 

de  Belem,  Belem,  97,  118. 

149,    150,   151,  160.  162. 

165,  M97,   198,  199,  201, 

202,   2!  8,  424,  448,  454, 

460,  476,  480,  495. 


INIIRX   ALPIIAHÉTIOI'K. 


f'nrui-nlil  >.ii  l'Irvoliï.  ïiliO.  'ititi. 

Paratilhana,  172. 

PrnhB  (monI),  205;  - 

»ilM. 

p:,r^^ii«ii,  MO,  wi,  :.;ii. 

Pnrcrfl  (rAciO.  208. 

2:0;-(Herin.gt.).373. 

P:ii'.iRii^».>ri.2i;<l,  £«8.^111.477. 

Panio.  Rio   riHo,  266.    268. 

PripirT  Guiii*il,  402. 

hin>j;ii.iv    tnniicr),    ihi.    i'iO. 

274,305, 5^0,551, 410,477. 

Prrei  Rowlci,  605. 

a:i7.  s*'.),  4IH.    420.  4S3. 

P.mi  (région).  15*. 

Pcrpunino.  7*4,  748. 

425,  438,    459.   50(1.  505. 

ParrnUntin,  170. 

Pornsmboio  (iiionl),  283 

504,  505,  ^OC,   :>(18,  010. 

Porwi,    Pariait.    176.    i77. 

Pcrmunbireo  (Ebil),   115 

218, 

ai5,  543,   Ml,    Om.  017. 

451.  452. 

3*5.  348.  386,  405. 

618,  R27. 

P»wii  ([.UlMu  dw).  420,  506. 

98, 

PwfBgaay    (Élal).    41l7-r):.l. 

P;iriiii>  (Uc),  16. 

100.  115,  918.  225. 

•31 1. 

758.  7511. 

Pnriina  (wm).  ta». 

350.  S60.    410.  447. 

44S. 

I'anihib»,ParjhïbuM(i-irpl.5ll9. 

Purin  lin»,  193. 

457.  477.   4K0.    *SI. 

*8r.. 

hnhjbii  a»  tbnguaba,  34tt. 

Pamaluba  {(leino).   H5.  220, 

491,  495. 

Parabjb»   do  Bio  rfc  J»npiro, 

221.232,334. 

PvsMRbu,  27.<>,  9U5. 

!tU7,  ôll. 

Pvnahiba  [(port   ilufi^l),  255. 

Pulrolinn.  286. 

l'arabïba  lio  N'ixle  (£ui)>  KS. 

S50. 

Pflropol'*-  -^'l-     '>'i^' 

•355. 

818.  259,  240,  493.  495. 

Pailamona.  42,  69. 

55*.  555.  475.  476. 

Pambiltt  do  CioiUi  (rio),  240, 

Patcboul  (moni),  U4.  20K. 

251,477,47». 

P»o  de  h»  Uhre»  (Riu'l.  414. 

l'hili|>|>i  (monii'),  6I>K. 

l'nmhïbj  do  >oilo  (tUk-).  850. 

pRSo  ddRci,  Pmo  du  la  l'iilri». 

l'iïbanlin  (rio),  554. 

ïlli.  Ï50.  4H5. 

514.  541. 

l-niMb-ki    ,lo    .Sul  {ri.i),  500. 

pH«>Unli>in,  571. 

IN»»>.il>o>sù.  280. 

5(ll-:>or..  -SOI,  310. 

Piiswgvin  (mlnn),  285.  4(10. 

I>ii.iiln  (f.Ui),  115,  318 

25*. 

l^.rjbtl>:ia.)Siil(«iUH),  555. 

/>ai>i5,  166.  169. 

25.\  272.  465,    163, 

405. 

pEinbjbuu.->(ri«i^iv),SO0,3G3; 

Puslaia  (rio).  118.   133. 

40^. 

-  (ïille).  36*.  560, 

Pnsto  GnnAc  (inoni),  tm. 

Piauhy  (rio  et  wit»  do). 

3IS, 

Paramacca,  49. 

Palarhoi.  374. 

221.334,287. 

I>inuiuiribu,3l,  67,*68.  09. 

Pioullu  (lac),  605. 

Panuiitllo(ina!eir),  000. 

615,   610,  641,  653,    G55, 

Pié  de  Pub  (moDt),  508. 

Panmillos  {miiMi  do  loo),  T2S. 

669.  065,   671,  682,  756. 

l'iodi.de  (wn-d  de).  255. 

18*1 

l>arDni  ([k>u>c>),  204.  iK,  257, 

750,  761,  707. 

-  {i«iiite),  594. 

907,    540,  350,   351,  Â5D, 

PiiJras,  571. 

582,  560,  41G,   600,  504, 

070.  085,   0K5,  687,   088. 

Pil.il.  Arciid,..  285. 

&03.  50IS,  507,   508,   514. 

689. 

Pil-ir.  3*0.  350, 

595,  59fl,  531,   543.  551. 

Patoi,  400,  405. 

Pilriuio,  715. 

558,  Ô59.   504.  565,  581, 

r»tos  (col  de  lo;),  TiOO. 

Pilfoiuiivo   (i-iviAco),  .'.03 

505, 

r)85,  015,    61<I.  621,  624. 

Paulû  Affonso  (ciiiar«,Up),  258, 

506,  :m.  510,  -515, 

515, 

625,  026,  G27.   650,  (iOI, 

259.  261.  •202.265.  260. 

522.  551.    595.  616. 

618. 

707.  735,  773. 

Paumari.  Pamo-Ouri,  171. 

619,    1121,  027.  6.-rfi. 

«76, 

Pamn  (cnmpot;  de),  446. 

Pi.ute  (.lo).  118. 

Pill,iliiiii.™lcbiii..e),  611 

hinini    (ËUl),  036^595,  405, 

Pi.oji.nai  (Ho).  125. 

Pilma-che.  085. 

495. 

Pavnn  (rio).  624,  026. 

Pimenifirat.  22l<. 

l'nraoâ    ou    liajada,   700,   705, 

Payagaa,  518. 

Pina'jiAa.  172, 

707,  781,  785. 

Pavon[Mrro).  003,  601. 

51.1. 

{■amnà  de  bs  Palmi-s  (rio),  704. 

Pujnù  (mont),  607. 

508.  595. 

Parani  Miiira,  l.Vl,  195. 

Pavwddù.  5.i7.  558,  565,  572. 

Pind.,ir  (rio).  231.  328. 

25(1. 

Panna.-ilo  |rio).  026. 

581,  «96. 

PijilM  i:iii<i^ii|ri>-t.  ri.~>9. 

Paianiicjan,  157. 

Piigii-rhc,  085. 

Pi.jiiirv  (riol.  5:.2. 7m. 

\'ir.m.<-i„ù  {W..\r  d   (M.,t),  r.SÎ, 

r,sK,  :<\i:>.  isii,  r,r>i. 

\':».  Lu  l'ai.  700. 
l'rliii-,  1511. 

PiiM,ir!.k.|riii..h-,-lvJll.| 
5!)-,,  177. 

r.sii. 

l>,,r,..Ml,;I.M..iS.m  M.ii.i.- (lii.l. 

l'olni  A-sù.  500. 

l'Inili^  irio.'t  iilU'),510, 

555, 

Vr:h-.-  M\-\l~u,  •2U). 

\'\\\\n\\:\s  (Itio  tlii!),   2,Ï8. 

362, 

I'.'.lr.i  S,.-hmli.  |cuk.iii.'il.>).S(;, 

■JSIl. 

i4i!iri!i|>,iij"iiii<.  r.:.':.":.:.!,  :.;.-j, 

BS. 

Pini|«>i';i  l.'bllU's),  -271,  âK.'>. 

[',ii.iiià-l'i\uii:i  iiiiil,  1-i(i. 

t\'hii.:,-i-l,r.  (iH5,  TOI). 

|VL„I„  inTn-t,  IIIIU. 

lvl..t,<~  imIIi'},    lO.'i,   lu»,  ilMl. 

p.ni"uiLii..;;.i(Mll),  :m 

'"'■ 

l'ai«<i|".'lM,l!:.ii,  2.".il.  ;i7N. 

iiii.  iii,  iir,. 

l'in-liiiionii").  1115. 

Iiiirjlv(ïilk').  55:1. 

IVi ,  •2M.  297, 

I'ii",iliriLii([o  iSiiiil'i   AiidLT 

lifi, 

Piirminii  (ri"''!  >ill''l.  ^-iNl. 

|'ni."l,i  ilr  S.1.1  |'r.lrii,  'J-jri, 

!U.  556.  557.  575.  ;.3r 

INDEX   ALPHABÉTIQUE. 


809 


Piimvu,  555,  556. 
PiUinguy,  278,  297,  565. 
PHurunaf  560. 
Plaine  Mystérieuse,  644. 
•l^lanchon    (passage   du),    605, 

682,  725. 
Plata  (Cerro  de),  727. 
Plata    (estuaire    de    la),   555, 

*559,  585,  6i5,  627,  628, 

670. 
Pocitos,  57  i. 
Poconé  (ville),  440. 
Poços  deCaldas  (ville  thermale), 

545,  568. 
Poligoudoux,  Poregoedoe,  49. 
Pombal,  258. 

Pomerun  (rivière),  22,  56. 
Ponta     Grossa     (promontoire'. 

570,  588,  589. 
Porrongos  (marais),  622. 
Pormdosj  426. 
PortMadryn,  751. 
Port  Stanley,  787,  *788,  789. 
Portai  (île),  74. 
Porto  Alegre  (ville),  597,  407, 

*408,  415,  458,  495. 
Porto  de  Moz,  196. 
Porto  do  Amazonas,  590. 
Porto  Feliz,  580. 
Porto  Nacional,  216. 
Porto  Seguro,   94,   294,  297, 

517,  525. 
Porto  Uniâo,  589. 
Posadas,  552,  697,  707,  785. 
Possession  Bay,  615. 
Potaro  (rio),  16,  42. 
Poty  (rio),  254. 
Poxim  (rio),  266. 
Preguicias  (rio),  254. 
Prelo,  Rio  Preto,  260,  500. 
Primero,    Rio    Primero,    622, 

729. 
Propria,  286,  297. 
Pucarâ  (fort),  716. 
Pueblito,  750. 
Puei'Che,  675,  685,  689. 
Puelo  (rio),  605. 
Puerto    Bermejo,    540,    700, 

708. 
Punla,  609. 

Piinta  de  las  Piedras,  628. 
Puntas  Vacas,  725. 
Puriy  511. 
Purus    (rio).  118,    125,    126. 

151,  M47,   152,  100,  175. 

i84,  480. 
Punis f  Foveiros^  174. 
Pyreneos    (monts),    20 i,    214, 

215,  549. 
Pyrenopolis,  217. 


Quaraim  (rio),  596.  556. 

Quatata  (village),  58. 

Queluz  (nœud    de),    259;    — 

(viUe),  278,  279. 
Quequen  (rio),  742. 
Qucrandi,  675,  751,  752. 
Quetrupillan     (volcan),     605, 

659. 
Quichua,  671,  675,  674,  676, 

687,  707,  765,  766. 
Quilmei,  675. 
Quilmes,  755,  742. 
Quinto,  Rio  Quinto,  625,  727. 
Quissaman,  512. 
Quixada,  257. 
Quixeramobim  (rio),    227;   — 

(ville),  257. 


Ramada  (massif),  600. 
Ranqueleê,  Ranqual-chCy  680, 

685. 
Ratas  (lie  de  las),  571. 
Rawson  (ville),  656,  754,  755, 

785. 
Real,  Rio  Real,  287. 
Recoleta  (la),  755. 
Reconcavo,  291. 
Reloncavi  (fjord),  605. 
Remire,  84. 

Rcsistencia,  700,  707,  785. 
Restauracion  (ville),  414. 
Retamito,  725. 
Rcwa  (rio),  16. 
Reyes  (source  thennale),  708. 
Rezende  (ville),  510,  555. 
Riacho,  295. 
Riachuelo,    de    Ruonos    Aires, 

751 ,  752,  755,  756. 
Riachuelo,  de  Conienles,  699. 
Ribeiras  (chute),  152;  —  (rio). 

585. 
Rihcrâo  Preto  (ville),  579,  595. 
Hicardo    Fi-anco    (monts    de), 

458. 

Rincon  de  las  Gallinas,  558. 
Riî^ihue  (volcan),  605. 
Rio  Bonito  (ville),  555. 
Rio  Claro  (ville),  580,  595. 
Rio  Cuarto  (boui-g),  591,  727, 
728,  750. 


Rio  de  Janeiro  (État),  115,297- 

555,  445,  454,   484,  485, 

486,  494,  495. 
Rio    de    Janeiro     (ville),    97, 

98,   100,    109,    115,    116. 

298,  505,  506,  507,  *515. 

516,  517,  555,  410,  418, 

419,   446,    448,  449,  450, 

451,   454,  474,   475,  477, 

479,   480,   485,  486,  488, 

491,  495,  494,  495,  755. 
Rio    Grande   do   Norte    (Étal). 

258-259,  495. 
Rio    Grande    do     Sul    (État), 

591,    595-415,    448,    458, 

460,   465,  469,   470,  475, 

477,  487,  495,  575. 
Rio  Grande  do  Sul  (ville),  597. 

405,  408,  410,  *411,  415, 

414,  415,  480. 
Rio  Negro  (département  do  TU- 

ruguay),  581. 
Rio  Negro  (territoire   de  l'Ar- 
gentine), 785. 
Rio  Negro  (ville).  591. 
Rio  Pardo  (ville),  407. 
Rioja  (rio),  596, 599. 
Rioja  (province),  608, 675, 726, 

785. 
Rioja  (ville).   629,  655,   656, 

668,   690,    707,  716,  717, 

726,  750,  785. 
Rivadavia,  708,  726. 
Rivera,  564,  581. 
Roca,  700,  751,  755. 
Rocaoua  (village),  88. 
Rocha,  572,  581 . 
Roncador  (rio),  206. 
Roraima  (mont),  8,  11,  55,  56; 

(gave).  129. 
Rosario,  565,  591,  615,  621, 

627,  656,  701,   705,   704, 

707,  775. 
Rosario  de  la  Frontera,  709. 
Rosario  du  Matto  Grosso,  440, 

442. 
Ross  (glacier  de),  790. 
Roucouyennes,  Ouayana^  42, 

45,  46,  47,  166,  179. 
Roura,  84. 
Rupununi  (rivière).  11,  16,  58, 

129. 


Sahara,  285,  297,  565,  466. 
Sacramento,  105,  M06,  752. 
Saint-Jean,  74. 
Saint-Joseph,  76. 


XIX. 


102 


Siinl-Lïurent,  74. 

Saliidillo    (liguncs    du),    632. 

625. 
Siladilla  (rio)    de    Samboron)- 

bon,  625. 
Saladillo     Dulce     et    SaladJIlo 

Anvtrgo,  634. 
Salado    (rio)    de  Buenos  Aires. 

ein. 

S»lado(rio)  de  ripacaraï,  509. 
SaUdo  (rio)   de  Samboromban. 

623.   634.  662.    675,  681, 

lOi  ;  —  de  San  Luis.  T26, 

745.747,  775. 
Sabiïifla,  629.  713,  726. 
Sali  (rio),  709,  710. 
Salinas,  202. 
Salinas  (pointe  des),  145. 
Satitre  (rio),  386. 
Salobro.  293. 

Salla  (monUdc),  621.  666. 
SalU  (pro.ince).  591,  502,  656. 

675,  707,  726.783. 
SalU    (ïiUe),   656,    676,  708, 

709.  726.  781. 
Salle,  Tille  de  la  Banda  Orien- 
tal. 405.  563,  572, 575,  574, 

577.  581.  695,  772. 
Salto  (pic),  599. 
Sallo  Auguslo  (rapide),  154. 
Salto  d'ilù  (cataracte  et  village), 

580. 
Sallu  Grande  (cascade)  duJeqiii- 

tinbonlia,  267.  268;  —   de 

l'Urupiaj,  402,  557. 
Salul  (îles  du).  14.  76,84. 
Samborombon  (baie).  623,  672, 

673. 
SaD  Anlonio,  affluent  de  l'Igua- 

ni,  3.39. 
SaD  Antonio  (cap).  628. 
San  Bernardine.  .''i36,'547. 
San  Blas  (port).  747. 
San  Carlos,  709,  724. 
San  Cusme,  553. 
Sangradouro  (canal).  402. 
San  Felix,216. 
San  Fernando,  699.  739. 
San  Francisco  (rio),  446,  617, 

707.  708. 
San  Ignacio  Guaiû,  555. 
San  Isidro,  75!). 
San  lorge  (golfe),  607.  64!). 
San  José  (Uruguay),  566,  572. 

581. 
San  José,   port  de  l'Argcnline, 

:.87,  6!)fi,  709. 
San  José  de  Flores,  733. 
San  Josi'  de]  Morre,  727. 
San  Juuu  (ca|>).  755. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 

San  Juan  (rio),  629,630. 

San  Juan,  mission  dn  hraguay, 

555. 
San  Juan  (Ai^ntine).  59).  598, 

600,    650,  654.  656.  718. 

726,  759,  766,   776.  781, 
785. 

San  Jiitian  (port),  649.  754. 
San  Luis  (maasif),   610,  623, 

727,  750. 

San  Luis  (province),  719.  726 

el  suiï.,  730,  766,  785. 
San    Luis    (ville),    591,    608, 

656.  674,  682,  750.  785. 
San  Hartin,  695. 
San  Martin  (lac),  645. 
San  MaUas,  587,  648,  649. 
San  Miguel,  697. 
San  Nicolas.  704,  748. 
San    Pedro  d'Argentine,    626, 

627.  704,  730. 
San  Pedro  (duJejuj),  535,  554, 

542. 
San  Rafaël  (nerado  de),  603, 

•604. 
San  Rafaël  (rio  de  Rolivie),  426. 
San  Rafaël   (ville),  525,   681, 

682.  724,  726.  748.  751; 

—  (mines).  770. 
San  Roque.  729. 
San  Salvador  de  Paraguay,  534. 
San  Salvador  (Uruguav).  585. 
San  Sébastian  (galfe),'754,  755. 
San  Valentin  (mont),  607. 
San  Viccnte,  724. 
Sanla  km  (de  Bonpiand),  693. 
Santa   Anna   [!le)   (estuaire   de 

l'Amaïone,  145. 
Sanla  Anna  de  Contendas,  440. 
Santa  AnnadoLivramcnto,4l4, 

419,  564. 
Sanla    Rarbnra    de    Campinas 

(bourg),  378:  —  serra,  416. 
Santa   Barbata  de  l'Espinhaço, 

283. 
SanU    Calharina    (Étal),    111, 

336-395,    449,    458,    465, 

470,475,  495,  591. 
SanU  Catliarina  deDesterro(île). 

593.  394. 
Sanla    Calharina  de  Paranagui 

(itc),  548. 
SanU  Cruz(rio).  608,  013,  614, 

615,  643,  644.  645,  *646, 

647,  665,  064,  668. 
Santa   Ciui  (territoire   et   ville 

de   r Argentine),    649,    754, 

785. 
Santa  Crut  (ville,  rivière,  pres- 
qu'île). 94,  517.  522,  533; 


—    ville  du   Rio  GraiHle  do 

Sul,  403,  415. 
Santa  Fé  (protince),  707.  757, 

765,  766,  770,    7Ï4,  M, 

783. 
Santa  Fé(viUe),  581,  591.  613. 

676,  679,  «94,    701.  rfOî. 

707,  776,  783. 
SanUliabel,  151,336. 
SanU  Lucia  (rio  de  l'Umgoiy). 

566.  571.  572. 
SanU  Luiia  (ville   dn  Brésil). 

284. 
Sanla  Maria  de  Panguaj,  553. 
Sanla  Maria  (cap  de  l'UragnaT). 

572. 
Sant'Anna     (ctdonie     du    ^> 

Paulo),  372. 
Sant'Antonia  de  GuyaU,  440. 
Sant'Antonio  du  Hatto  Grosw. 

442. 
Sanbrem    (ville),    137.    139, 

143,  163,  194,  195,  302. 
Sanla  Rosa  de  l'Argentine,  695. 
Sanla  Rosa  de  Paraguay,  553, 

563. 
SanU  Rosa  de  l'Uruguav.  565. 
SanU  Tecla  (ville),  414*. 
Santiago  del  Estera  (|>rovii>rr), 

666.  726.  7S4,  785. 
Santiago  del  Eslero  (ville),  621, 

656,  657,  670,   674,  70Î. 

715,  730,  785. 
Santiago  de  Paraguay,  535. 
Sanlo  igoslinho  (cap),  347. 
Sanlo  Ainaro   de   Bahia,  291. 

297. 
Sanlo    Amaro    (village),    3Î0. 

374. 
Santo  Antonio  (chute  du  Xin- 

coiv).  152. 
Sanlo  Anlonio   (bourg),  sur  If 

Hadeira,  186,  418. 
Santo  Tome,  695. 
Sanlos.   Todns  os  Saiitos.  5j7, 

570.  575,  374,   375.  57Î, 

378,595.417.446,448.400. 

475.  477,  478,  480,  650, 
Rio  fiente,  59  t. 
Sin    Bcrnardo    du  hrnafaiba. 

354. 
Sào  Bernardo  de  S9o  Paulo.  37ï. 
SSo  Borja  (ville),  414,  415. 
Sào  CaeUno,  372.  470. 
Sïo  Christovâo   (ville  et  baif). 

287.297,518,329. 
Sîo  Felii  de  Paraguassû,  477. 
Sào  Fidelia  (gorge),  500,  311; 

—  (ville),  555. 
Sâu  Francisco  ou  Para  (fteuvr). 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 


8il 


ii5,  216,  217,  234,   *251, 

256,    258,  260,  261,  262, 

*265,  270,  271,  272,  277, 

278,  279,  287,338,   477, 

479,  480,  525. 
Sio  Francisco  (île),  348,  469. 
Sâo  Francisco   Xavier    (île  et 

port),  391,  392. 
Sâo  Geraldo  (serra),  364. 
S2o  Gonçalo  (rio),  409,  559. 
Sâo  Ignacio  Mayor,  382. 
Sâo  Jeronymo  (mine) ,  407 ,  42 1 . 
Sâo  Joâo  da  Barra,  312,  317. 
Sâo  Joâo  das  duas  Barras,  217. 
Sâo  Joâo  de  Gariry,  240. 
Sâo  Joâo  del  Rey,  278,  395. 
Sâo  José  de  Destero  (ville),  394, 

415. 
Sâo  José  do  Nipibu,  238. 
Sâo  José  do  Norte  (ville),  410, 

414. 
Sâo  Leopoldo  (viUe),  397,  407, 

415,  447. 
SâoLourenço,  423,  426,  432, 

440. 
Sâo  Luiz  de  Câceres,  439,  442. 
Sâo   Luiz   de  Maranhâo,    218, 

221,  230,  *233,  250,  480, 

495. 
Sâo  Marcos  (baie),  230. 
Sâo  Matheus,  295. 
Sâo  Paulo  (État  de),  336-395, 

421,   444,   450,  453,  454, 

456,  457,  458,   470,  495, 
507,  525. 

Sâo  Paulo  (ville),  97,  98,  336, 
337,  357,  369,  370,  *371, 
372,  373,  378,  380,  395, 
450,  477,  485,  495,  498. 

Sâo  Paulo  de  Olivença,  181. 

Sâo  Pedro  d*Aldeia  (ville),  335. 

Sâo  Roque  (cap),  94,  223, 238. 

Sâo  Sebastiâo  (ile),  347;  — 
(ville),  370,  374. 

Sâo  Simâo  (viUe),  379. 

SâoThomé  (cap),  304,  311. 

Sâo  Yicente  de  Santos,  373. 

Sâo  Yicente  de  Sâo  Paulo,  94, 

457,  759. 
Sapâo  (i-io),  260.  . 
Sapucahy  (rio),  350,  368. 
Saracuro  (rio),  370. 
SaramaccOf  52. 
Saramacca  (rivière),  21,  67. 
Sarmiento  (mont),  608. 
Sauce,  571. 

Sauce  Grande  (ruisseau),  611. 
Segundo  (rio),  622. 
Senguer, Singerr,  Senguel  (rio), 
641. 


Sepotuba  (rio),  423,  439. 

Sept-Chutes,  508. 

Sergipe  (État  et  rio),  115,  252, 

286-288,  488,  495. 
Sen-a  Abaixo,  315,  345,  395. 
Serra  Acima,  345. 
Serro  (Gidadc  do),   278,  283, 

297,  466. 
Serro  de  Frio,  255. 
Sete  Lagô;^s,  259. 
Sete  Quedas,  35. 
Simâo  l)iaz,  286. 
Sionamari,  Sinnamary  (rivière), 

23,  42  ;  —  (village),  74,  84 
Sinos  (rio  dos),  402. 
Skyring  Water,  608,  648. 
Sobnd,  235,  250. 
Sonmielsdijk,  69. 
Somno(riodo),  205,  210,216, 

219,  260. 
Soriano,  565,  581. 
Sorocaba   (rio   et  ville),    381, 

395. 
Soure,  197. 

South  Qeorgia,  789-791. 
Souza,  238. 
Souzel,  196. 
Stabroek  (ville),  59. 
Stokes  (mont),  607. 
Sueur jû  (rio),  351. 
Sulina,  42. 
Sumidouro  (ville),  335. 
Suriname  (fleuve),  21,  27,  42, 

69; -(ville),  53,  68. 
Suyàj  180. 


Tabajara,  228. 

Tabatinga   (ville),    118,     119, 

121,  135,  181/ 
Tabatinga  (serra  de),  204. 
Tacuarembo  (rio),  396. 
Tacuarembô  (ville),  564,  581. 
Tacuari  (rio),  559. 
Tacuru  Pucû,  531,  551. 
Taira,  42,  47. 
Takutu  (rivière),   12,  31,  32, 

129,  171,  188. 
Tala,  697. 
Tamanduà,  278. 
Tamanduatchy,  370. 
Tami-che,  683. 
TamoyoSf  Tamoï,  Alam,  308, 

309,  315,  360. 
Tandil  (sierra  de),  611. 
Tandil  (ville),  742,  *743,  744, 

748, 


Tapanahoni  (rivière),  22,  23. 
Tapajocog,  134. 
TapajozouRio  Preto,  118,  *133, 

134,  135,  M47,  162,  176, 

177,  194,  337,    418,  420, 

421,  425,  438,  439,  489. 
Tapauà  (rio),  125. 
Taperoa,  292. 
Tapes,  405. 

Tapes  (serra  dos),  398,  404. 
Tapuya,  Tapouyos,  Tapouyes, 

88,    M62,   163,   164,  166, 

172,176,178,182,273,309. 
Taquaretinga,  246. 
Taquary  (rio),  402,  407,  423, 

426,  433,  441 . 
Taragtty,  697,  698. 
Taraquâ,  187. 
Tariana,  169. 
Tarija  (rio),  708. 
Tarija  (viUe),  591,  592,  676, 

678. 
Tartarugal  (rivière),  24. 
Taruma,  TaroumarUf  15,  39, 

57,  58. 
Taubaté,    Itaboaté,   368,    369, 

370,  395,  465. 
Tayi,  542. 

Taytao  (péninsule),  607. 
Teffé  (rio),  124,  125. 
TefiTé  (viUe),  182,   M83,  184, 

202. 
Teghul-che,  683. 
Tehuel'Che,    668,    683,    684, 

688,  689,  752. 
Temo  Maïrem  (mont),  13. 
Tercero  (rio),  622,  623,  728. 
Teuco  (rio),  618,  708. 
Thereza  Christina,  432. 
Therezina,  234,  250,  495. 
Therezopolis,  299,   311,    335, 

460. 
Tibagy  (rio),  351,  388,  589. 
Tibicuary  (rio),  507,  509,  515, 

536,  539,  540,  551. 
Ticunas,  166.  167,  181. 
Tieté  (rio)  344,  349,  350,  351. 

370,  371,  378,   380,  381, 

382,  416. 
Tigre  (cordillera  del),  599. 
Tijuca  (mont),  316. 
Timbira,  228. 
Timbo,  700. 

Timbô,  de  TlUpicurû,  292. 
Timotakem  (mont),  12,  13. 
Tinguâ  (serra),  300. 
Tinogosla^  675. 
Tinogaste,  716,  726. 
Tiradentes,  278,  365,  366,  507, 

595. 


813 

Toba,    Oregudo»,    Oreillarât, 

Orejoneê,  509,    510,    533, 

533,  534,   58S,  CSG,  073. 

67*.  678,  679,  609. 
Tocantins    (fleuve).   33,    115, 

144,  151,  181,    107,  303, 

304,  305,    306,  307,  308. 

314,  316,    251,  260,  431, 

480. 
Todos  os  Santos  (haie),  94,  353, 

276.  Voir  Sanlos. 
Totombon,  675. 
Tolosa,  740.  7M. 
Tombador  (i-uisseau),  425. 
Tomolaala,  610.  727. 
Tonnegrande,  84. 
Torres  (porl),  409. 
Tortugas,  704. 
Totora  (monl),599. 
Toucanet,  171. 
Trahiry  (rîo).  338. 
Trcrul(lac),640. 
Treinla  y  Très,  573,  581. 
Treiew,  754. 
Treuqiie  Lau(|uen,  745. 
Trej   Bocas    (las).     514,    616, 

•617,  634.  607. 
Très  Cruces  (mont),  596. 
Très  Sabios.  608. 
Trindade    (pilier    volcanique) , 

270. 
Trinidad.  533. 
Trois  Sauts  (cbule  des).  24. 
TrombeUs  (rio).  15,  133,  134, 

136,-147,  172. 
Tromcn  (tac),  605. 
Tronador  (monl),  605. 
TubarSo (monis),  343;  —(rio), 

394;  —  (lagune),  399,  40N; 

—  (houillère),  407,477. 
Tucabaca  ou  rio  Olideu,  426. 
Tucuman  (province),  656,  707, 

726,  766,  767,  785. 
Tucuman,  Tucina  (ville),  505. 

:i9l,   621,  654,  650,  666, 

674,  675,  678.  679,   709. 

'710,  7U,  713,715,  7W, 

736,  783. 
Tucumbi  (cerro),  507. 
Tumuc-Hum.-ii;  (monis),  12, '13, 

33,  31. 
Tunanlins,  Tunalî,  181. 
TuDuvan  jscri-a  cl   rio),  633, 

724. 
Tupi,  45,  165,165,  175,176, 

179.  180,  308,   362,   454, 

480. 
Tupinae*,  286. 
Tupinamba,     Toginarnboulx, 

Tupinambara,  Tapimmba- 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 

ranas,  238,  343,  308,  309. 
Tupjnambaramas  (Ile).  133. 
Tupungalo  (mont).   600,  630, 

719,  737. 
Turyassn  (rio  et  ville),  230. 
Tuyutict  Tuyucué,  541. 


Uainunui,  Juri  Pixuna,  lioca 

Preitos,  169. 
Valumi  (rio).  133. 
L'aupès  ou  Icuyaris  (rio),  137, 

•138,  129,  169,  170,  171, 

173,  187. 
Ubà  («ille).  364. 
Ubalùba  (mont   et  port),  340, 

360,  309,  374. 
Uberabâ  (ville  et  la^nc),  368, 

395,  417,    425,  435,  439, 

477. 
Lcayali  (rin),  118,  135,  139, 

176. 
l'niio,  234,  250. 
Union  (Montevideo),  571. 
Uraricuera,     llraricoera    (rio), 

129,  171,  188. 
Urré-Larqucn  ou  taguna  Amar- 

Urubii,  285. 

Urubupungi,  35t. 

Urucuia,  rio  de  la  Terre  Fertile, 

360. 
UrusuBf  (Ëlal),    500,   504, 

529,555-581. 
Uruguay  (fleuve),  398-403.  514. 

526,  555,  557,    558,  559, 

564.  '625,  626.  627,  050. 
l'i-uguay  ni  ri  m,  403. 
Uruguayana  (ville),    414.   415, 

695. 
Urubu  (rio),  316. 
Usbuia  (ville).  056. 
UspallaLi  (brèche  de),  671. 


Vacacahy(rio).  398,  461. 
Vaccaria  (campoa  de),  410. 
Vaimanj,  176. 
Valde.  ou  San  José  (péninsule). 

648, 649. 
Valdense,  565. 
Valdivia,  639. 
Valença,  392,311,355. 
Valle(riodel),  714. 
Vasa  Barrii  (rio).  260,  387. 


Yasseuras,  511,  355. 
Velidero  (mont),  599. 
Velasco  (tiemi  de).  655,  717. 
YclbaPobre,  137. 
Velhas  (rio  das),  255, 356.  359. 

383,  338,    349,   446,  466, 

477. 
Ventana  (mont  de  la), 611, '613. 
Verde  (no),  du  Brésil,  360.351  ; 

—  rio  de  l'Argentine,  558. 
Vennejo  (rio),  558.  629. 
Vermelbo    (rio),    Bahîa,    316. 

291. 
Venneibo  (rio),  aux  conSns  de 

SanU  Calbarina,  389. 
Viaana,  230.  350. 
Victoria,  295,   247,  256,  395, 

296,  297. 
Victoria  (chutes  de),  355. 
Victoria  (rio),  636. 
Victoria  (Argentine),  697,  705. 
Victoria  (Brésil).  448.  475,  480, 

495. 
Viedraa  (bc),  587,  643,  615. 
Vigia,  302. 
ViUa  Bella  do    Matto    Gn!.w. 

458.  459. 
Villa  Conccpcion.  518. 
Villa  del  Pilar,  543. 
Villafranca     (du   Brésil),    196: 

—  du  Paraguay.   540;  — dr 
l'Argentine,  099. 

ViUarranca(bicde),  134. 

ViUaguay,  697. 

ViUa  Haycs,  554. 

Villa  Maria,  591. 

Villa  Merreiles,  591. 

Villa  Son  da  Rainba,  292. 

Villa  Nova  d«  Lima.  283.  i»i. 

Villa  Occidental.  l>99. 

Villa  Rica,  515,  536,  542,5:>l, 

555. 
Villa  Rica  d'ivaliv,  390. 
ViUa  Urquiia.  700. 
Villa  Velba,  295. 
Villa  Velha  (roche).  589. 
Villa  Vigosa,  250. 
Villcgagnon  (ilol),  317. 
Villela.  540,  543,  546. 
Vinchina,  718. 
Vulcan  (sierra  del),  587.  61t. 


Wapitiana,  40.    41,    !:>.    40, 

58,  171. 
Warramuri,  42. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 


8i3 


William  Frederick  (ville),  60. 
Wonotobo  (chutes),  21. 


Xarayes  (lac),  425,  426. 
Xingù  (rio),  i35,    M47,  165, 

179,  180,   181,   196,   420, 

421,  480. 
Xiririca  (marbrière),  582. 


Yaciretâ  (rapide),  697. 
Yagueron  (rio),  536,  556,  559, 
Yamunda  (rio),  172,  173. 
Yapeyû,  lia  pua,  697. 
Yaro,  562. 

Yale  ou  Yebcan  (volcan),  606. 
Yerba  Buena  (cerro),  609. 
Ygatimi  (rio),  545. 


Yi  (rio),  564. 
Ypacaray  (lac),  509. 


Zarate,  704. 

Zaujon  (rio),  630. 

Zeballos  (pic),  607. 

Zeelandia,  67. 

Zenta  (col),  596,  708. 

Zonda  (station  thermale),  971 


TABLE  DES  CARTES 


1.  Ile  des  Guyanes * !..  4 

2.  Itinéraires  des  principaux  explorateurs  de  In  Guyane 7 

5.  Monts  Tumuc-Humac 13 

4.  Bassin  de  TEssequibo  et  du  haut  Rio  Branco i9 

5.  Sources  de  TOyapok 24 

6.  Riyières  de  la  zone  littorale  contestée  entre  la  France  et  le  Brésil  .                  ....  25 

7.  Savanes  de  Takutu 32 

8.  Forêts  et  savanes  guyanaises 55 

9.  Indiens  des  Guyanes 41 

10.  Populations  de  la  Guyane 51 

11.  District  du  Nord-Ouest 57 

12.  Georgetown CO 

13.  Paramaribo  et  bouche  du  Suriname 68 

14.  Zone  cultivée  de  la  Guyane  hollandaise 70 

15.  Établissements  pénitentiaires  du  Maroni 75 

16.  De  de  Cayenne 79 

17.  Cayenne 80 

18.  Bouche  de  TOyapok 81 

19.  Mines  d*or  des  Guyanes 82 

20.  Mapa  et  baie  de  Garapaporis 87 

21 .  Pivision  politique  des  Guyanes 89 

22.  Terre  de  Yera  Cruz,  premier  littoral  brésilien  découvert 93 

23.  Anciennes  divisions  politiques  et  frontières  du  Brésil 99 

24.  Brésil  et  Portugal .    .  101 

25.  Colonia  del  Sacramento 106 

26.  Relief  du  territoire  brésilien 113 

27.  Confluent  du  Solimôes  et  du  Japurà 124 

28.  Confluent  du  Uaupès  et  cataractes  du  Rio  Negro 128 

29.  Cours  inférieur  du  Rio  Branco 130 

PI.  I.  Manaos  et  la  croisée  des  fleuves  amasoniens 130 

30.  Dépression  amazonienne  et  zone  extérieure  des  cataractes.   .        .    .  138 

31.  Golfe  amazonien 145 

32.  Températures  diurnes  de  Para  comparées  à  celles  de  Londres 150 

33.  Selve  amazonienne 155 

34.  Populations  indiennes  de  l'Amazonie 173 

35.  Teffé  et  le  confluent  du  Japurâ 185 

36.  Chutes  du  Madeira  et  projet  de  voie  lerrée 186 


.ï7.  Ibicoaliini  cl  conlîueiH  liu  Madeira.    .    .       , i\)2 

58.  Oliidon ,  l!)i 

59.  Alnmquei',  Banljiri'm .  )li3 

40.  Pati  et  »a  raili! .  l'JM 

PI.  Il,  Bouchas  da  l'AmaKono  ftt  du  Too«ntln« ...  i'M 

M,  l'rincipiinx  tayngi^s  irt'X|i]nnitiDii  dans  les  bnssins  de  l'Annxnnic  cl  du  luuntini.        .    .  SOô 

W.  GojB»  miridioniil  pt  futur  lerriloire  fiîdiSral  du  Brésil ît& 

45.  Fcrnnndo  do  Koronha .       ,    .  2Î4 

44.  $io  Luiï  de  Miiran)iait  .  .                                                                                  .  i53 

45.  DeJla  du  Panuhjba .  SS4 

46.  Ceai-4 .255 

47.  Cap  SSo  Roque S37 

48.  Ni.li.1 ....               .       .  S39 

49.  Parabyba  ei  Calwdelo .340 

50.  Peiiwnibuco .  a*.') 

5).  La  côte  dus  rétih,  ealrv  l'iii'alivba  ul  lu  liouchi:  du  ^io  Fnincîsco .  S4T 

53.  Oùlfi  de  l'AIngdu ' .  84« 

53.  Hnccii^  itt  sa  rode -.    .    .    .  .349 

54.  Spiiil  du  Sii[iSo  el  du  Samnu                                                  S60 

55.  Cat.iniclâ  du  Paulo  AITonao.    .                                                   . S62 

56.  Bouche  du  S3o  Fraiwiscu. . 365 

87.  Cuura  iuforieurdu  rio  Dôoo  ....                                 ■  .    .    .   .  Î67 

58.  Alirollios S6ft 

59.  Aucieunes  populutious  indieiuies  du  llcé&d  nricnlnl S75 

liO.  Nœud  de  Queliu  et  haiil  bassin  du  rio  Sic  Fnnciwn.   , .....  S79 

Si.  Ouro  Prelo SSO 

B2i  Bassin  du  rio  Sîo  frandsco 387 

65.  Bahia 88S 

64.  Caravellas  el  les  rôcifs 294 

65.  Tittoria 398 

06.  Chaîne  de  l'iUlLaya Mil 

67.  Littoral  océanique  de  Itin .                  30! 

68.  Bouche  du  Parahyha  el  cap  Sîo  ThomO.    ...                 30.( 

69.  Pointe  du  cap  Frto 305 

70.  Carapos  et  bas  Parahyba îilS 

71.  Rio  de  Janeiro 519 

l'I.  III.  Rio  de  Janeiro  et  aea  environa ......  5'JO 

72.  Baie  de  Rio 33! 

73.  Rio  de  Janeiro,  iMclheroj  et  leurs  environ» Ô5I 

7t.  Petropolis 553 

75.  Territoire  disputé  eutre  le  liiéiil  et  l' Argent! m; 53',' 

76.  Marigot  de  Cananea 340 

77.  Sào  Sebastiio  et  son  ile 347 

78.  Baie  de  Paranaguâ 348 

79.  Sauts  du  Paranapaneina  à  ton  eutiùe  dans  la  d  i 

80.  Jui*  de  Kent 

81.  liiirbiicnia 

S^.   Silo  Joândel  Krj  in  \^uvi'ado  .\|jivai.    .     .     . 
8."i.  Rr-f;ioH  des  sourres  llirTm;ilrs  ilin-;  l<-s  Minii-  lii 


.  De  Santus  ; 
.  Ri'(,'iori  des 


L-sau  nord  di- Sa 
lies  de  l'er  d'Ipaii 


TABLE  DES  CARTES.  817 

89.  DeCuritibâ  à  Paranaguâ 584 

90.  Paranaguâ 387 

91.  De  de  Sâo  Francisco 392 

92.  fle  de  Santa  Catharina 393 

93.  Lagôa  dos  Patos 400 

94.  Lagôa  Mirira 401 

95.  Colonies  allemandes  du  Brésil  méridional 406 

96.  Porto  Alegre  et  le  Guahyba 408 

97.  Canal  projeté  du  Rio  Capivary  à  Torres  et  à  Laguna 409 

98.  Pelotas " 410 

99.  Rio  Grande  do  Sul  et  sa  barre 413 

100.  Région  des  faîtes  entre  le  Tapajoz  et  le  Paraguay 420 

101.  Sources  de  TAlegre  et  de  rAguap«ihy 424 

102.  Matto  Grosso  et  le  haut  Guaporé 438 

103.  Guyabâ  et  le  Paraguay 440 

104.  Densité  de  la  population  au  Brésil 445 

105.  Colonies  principales  d*immigrants  au  Brésil 449 

106.  Principales  productions  forestières  ou  agricoles  du  Brésil 459 

107.  Région  aurifère  au  centre  du  Brésil 467 

108.  Limite  d'interdit  minier  autour  de  Diamantina,  au  dix-huiticme  siècle 469 

109.  Mines  principales  du  Brésil 470 

110.  Chemins  de  fer  au  Brésil 478 

111.  Réseau  des  Yoies  ferrées  de  Rio,  Minas  et  Sâo  Paulo 479 

112.  Voies  navigables  du  Brésil 483 

113.  Divisions  politiques  du  Brésil 489 

114.  Municipes  de  l'État  de  Rio  de  Janeiro 494 

115.  Anciennes  limites  reyendiquées  et  limites  actuelles 504 

116.  Pilcomayo 513 

117.  Régions  des  forêts  et  des  campoi 516 

118.  Missions  des  Jésuites 526 

119.  Encamacion 532 

120.  Asuncion 535 

121.  D'Asuncionà  Villarica 539 

122.  Paraguay  sud-occidental 541 

123.  Humaita 542 

124.  Région  des  yerbales  dans  le  Paraguay  et  le  Brésil 545 

125.  Estuaire  de  La  Plata 559 

126.  Montevideo 569 

127.  Divisions  politiques  de  l'IIruguay 580 

128.  Principaux  itinéraires  de  découverte  dans  la  Patagonie 590 

129.  Martin  Garcia 592 

130.  Plateaux  et  nevados  dans  la  partie  nord-occidentale  de  l'Argentine 597 

131.  Nevado  de  San  Rafaël 604 

132.  Montagnes  voisines  du  Nahuel-Huapi 606 

133.  Sierra  de  San  Luis 610 

134.  Pointe  méridionale  de  la  Yentana 612 

135.  Très  Bocas  en  1860 617 

136.  DelU  du  Paranâ  et  de  l'Uruguay 625 

137.  Le  Bebedero  et  la  Caftada 633 

138.  Ancien  bassin  du  Colorado 634 

139.  Urre-Lafquen 635 

140.  Bas  rio  Colorado  et  rio  Negro 636 

141.  Lac  Argentino,  d'après  Moreno 644 

142.  Bouches  des  rios  Chico  et  Santa  Cruz 646 


XIX. 


103 


818  TABLE  DES  CARTES. 

145.  Du  lac  ArgentiDO  aux  Ijords  du  sud,  d'après  Moyano 6i7 

144.  Bauins  fermés  de  l'Ai^entine 654 

145.  GoDtnistc  de  la  lëgélatioD  sur  les  plaleai»  et  dans  les  ravins 661 

146.  Populations  indienoos  du  nord  de  t'Argentioe 681 

147.  Lignes  des  forte  contre  les  Indiens 68S 

148.  Populations  indiennes  du  sud  de  l' Argentine 688 

149.  Corriealcs  et  le  confiuent  des  fleuves liOg 

150.  Santa  Fé  et  ses  premières  colonies 70Î 

151.  Tucuraan 710 

152.  Andalgalà  el  l'Aconquija 715 

155.  Chilecilo  et  le  Famatina 717 

154.  Mendoza.    ...    ! 7Î0 

155.  Cordohd 7Î9 

PI.  IV.  Buenos  Airas,  La  Flata  et  l'B«taalr« ,    .    .    .    .  756 

156.  Montagne  de  Tandil  au  cap  Corrienles 744 

157.  Lignes  des  lacs  et  des  foris 7*5 

158.  Bahia  Blanca 746 

159.  Colonie  galloise  du  ChuLul 75i 

160.  Colonies  anciennes  el  modernes  de  la  Patagonie 753 

161.  Bahia  San  Sébastian 7M 

16S.  Terrains  et  cultures  de  l'Ai^cntinc 769 

165.  Tracé  du  chemin  do  fer  Transaadin 774 

164.  Voies  de  communication 775 

165.  Divisions  territoriales  de  l'Argentine 779 

166.  Archipel  des  Falkland. 786 

167.  Port  Stanley 788 

168.  Géorgie  du  Sud 790 

Cahie  p'ensehble.  —  Amdriqu*  du  Sua 824 


TABLE  DES  GRAVURES 


1.  —  Mont  Ronima.  —  Dessin  de  Taylor,  d*a|irès  un  croqub  de  M.  (L  B.  Browa, 

extrait  da  Comte  and  Camp  Life  in  Brititk  Guiana 9 

II.  —  Chale  de  Kaieteur.  —  Dessin  de  Th.  Weber,  d*j|vès  M.  C.  B.  Brown,  Canoë 

and  Camp  Life  in  Briiuk  Guiana 17 

in.  —  Homme  et  fenime  gaUbi.  —  GraTure  de  Tbinal,  d*apcès  mie  photogniihîe 

oommnniqiiée  par  M.  F.  Lavean 43 

lY.  —  Ilabitatioo  dlndiens  gaiibi  sur  les  bords  da  Xarooi.  —  Dessin  de  A.  Firis, 
d*après  mie  photographie  de  M.  Ganifet,  oommoni<piée  par  h  Société  de 
GéogTiphie 63 

V.  —  Cayenne.  Vue  prise  da  Géperoa.  —  Dessin  de  Hu  Weber,  d*j|vès  mie  pho- 
tographie de  M.  Fournerean,  commamqoée  par  la  Société  de  Géographie.   .       77 

YI.  —  Bahia.  Tœ  générale  de  h  baie.  —  Dessin  de  TaHor,  d*j|vès  one  photogra- 
phie communiquée  par  M.  de  Rio-^ranco 95 

Vn.  —  Entfée  de  la  baie  de  Rio  de  Janeiro.  —  Dessin  de  Taylor,  d'après  one  photo- 
graphie   109 

YIIL  —  Le  Marailon  à  Tabatinga.  —  Dessin  de  Th.  Weber,  d*après  one  photogn|ihie 

de  M.  Marcel  Xonnier,  communiquée  parla  Société  de  Géographie.   ....     119 

DL  —  RÎTes  de  FAmazone.  Faiysage  d*inoiidation.  —  Dessin  de  G.  TuîDîer,  d*j|vès 

une  photographie  comnmniqoée  par  h  Société  de  Géogn|)hie lil 

1.  —  Paysage  de  la  région  amazonienne.  Cachoeira,  près  de  Manaos.  —  GraTure  de 
Rocher,  d'après  une  photographie  communiqoée  par  la  Société  de  Géogra- 
phie  155 

XI.  —  Intérieur  d'une  hutte  ticuna.  —  Dessin  de  J.  Lavée,  d*après  une  photographie 

communiquée  par  h  Bibliothèque  du  Muséum.   .  167 

m.  —  Cases  dlndiens  Orejones  de  F^.  —  Dessin  de  Riou,  d'après  une  photographie 

de  J.  CreTaux 182 

un.  —  Manaos.  Vue  prise  dans  les  faubourgs.  —  Dessin  de  Taylor,  d'après  une  pho- 
tographie communiquée  par  b  Société  de  Géographie 189 

XIV.  —  Cafusa.  —  Dessin  de  J.  Lavée,  daprès  une  photographie 191 

XV.  —  Para.  Vue  prise  sur  le  fleuTe.  —  Dessin  de  Taylor,  d'apfès  une  photographie  .     199 

VI.  —  Indiens  Caraya.  —  Gramre  de  Thiriat,  d'après  une  photographie  communiquée 

par  M.  Coudreau. 211 


K30  TABLE  DES  GRAVURES. 

ÏVn,  ~  Hmille  dp  la  luinnc  i  sucre.  —  Itessin  de  G.  Viiillicr.  d'n|ir«s  uae  i>hi>lugra|ihie     ij\ 
XYin.  —  Pemambiico.  \w  prao  duns  l'inlârieur  île  lu  >ill(>,  au  l'ali^o  do  Terco.  — 

Dewin  de  Tïj'tot',  d'aprâs  uiiu  pholograpliie  du  H.  Undpnnann 341 

XIX.  —  Chute  de  Psulo  AfloasD.  —  D'apriM  une  pbotognphie  de  M.  Manuier,  uammu- 

niquta  par  la  Société  do  Géogmpbio S&> 

XX.  —  Ouro  PreUi.  Vuv  g^nindc.  —  Dc&sin  àe  Tatlor,  d'upiis  uae  photographie  .  .     381 
XXI,  —  Pics  ds  \»  cliaïoe  dus  Orgues,  près  do  Thercropolis.  —  Desïin  de  Buudier, 

d'aprÈs  uuo  pliolo^traphie SOI 

XXU.  —  Planliilion  do  caflri'ï.  —  Dessin  de  G.  Yuillier,  d'aprte  une  pbolognphie.    .     313 
SKIU.  —  Rio  de  Janeiro.  Vue  géni^ralu  prise  de  l'Ile  Colims.  —  Dessin  de  Taylor.  d'aprJs 

uno  phalogrjpbie ZH^ 

XXIV.  —  Groupe  d'ai-aucarias,  dans  le  Sio  l'aulo.  —  Dnssiu  de  Boudior.  d'aprî^  uiir 

pholDgraphie Ôfl 

XXV.  -  Chutes  d<!  ri^aid.  Le  salto  Victoria.  —  Dessin  de  Th.   Webcr,  d'aptvs  uiil- 

photogre|iliie  de  H,  Slorm,  coin  mua  iijiiéo  par  la  Société  de  Gi'ogmphic .   .    .     353 

XXVi.  —  Porl  de  Sanlo!,  vue  prise  en  18111.  —  Grature  de  Bûcher,  d'aprte  une  photo- 
graphie         5T5 

XXVU.  —  Chemin  de  fer  de  ParanaguA  1  Curitibi,  Vue  prise  au  Morro  de  llarumhj. 
—  Dessin  de  Th.  Weber,  d'aprfta  une  pheiographie  coiriuiuniqu*<-'  par  la 

Sotiéié  de  Géographie 385 

XXVUI.  —  Rio  Grande.  Vue  gÉniSrale.  —  Detsin  de  Tajkir,  d'aprft*  uno  phologi-aphie  .    .     411 

XXIX.  —  Paysage  du  Ma llo  Grosso.  Vue  prise  des  hiirds  de  l'Aquidauana.  —  Dessin 

de  A.  Slom,  d'après  un  croquis  communiqué  par  H.  de  Taiinar 437 

XXX.  —  Indiens  Lengoas  en  marche.  —  Gravure  de  Tliiriat,  d'après  une  photographie 

communiquée  par  H.  Ch.  Cadiol 435 

XXXI.  —  ÊtahlissemenI  des  immigrants  dans  l'Ilha  das  Flores,  baie  de  Rie.  —  Dessin  de 

A.  Slom,  d'après  uae  photo^phie ...     4ôl 

XXXn.  —  Palmiers  camaûba.  —  Gravure  de  Rocher,  d'après  une  photographie.    ...     4GI 

XXXIII.  —  Uulels  transportant  du  minerai.  —  Dessin  de  A.  Piris,  d'après  une  photo- 

graphie       471 

XXXIV.  —  Porl  de  Recife.  Vue  prise  sur  la  digue.  —  Dessin  de  Th.  Weber.  d'après  une 

photographie  communiquée  par  H.  Fiiurnier 481 

XXXV.  —  Palais  de  l'île  Fiscal,  dépendance  de  la  douane,  dans  la  baie  de  Rio.  —  Dessin 

de  Boudior,  d'après  une  photographie 493 

XXXVI.  —  Humaila.  Vue  prise  des  bords  du  Paraguay.  —  Dessin  de  G.  Vuillior,  d'après 

une  pholographie  communiquée  par  H.  Ch.  Cadiol ùOI 

XXXVII.  —  Vue  prise  sur  le  Pilconiayo.  —  Dessin  de  G.  Vuillier,  d*aprés  une  photogniphie 

communiquée  par  SI.  Ch.  Cadiot 511 

X^XVm.  —  Croupe  d'Indiens  Angailes  dans  lu  Chaco  soplenirional.  —  Gravure  de  Thiiial, 

d'après  uno  photographie  commmiiipiée  par  M.  Ch.  Cadiot ;>1',J 

XXSIX.  —  Ancienne  église  des  Jésuites  de  l'irayû.  —  Dessin  de  A.  Slom.  d'après  une 

XL.  —  Asunciou.  Vue  prise  dans  la  Callc  l'niinas.  —  Dessin  de  Tavlor,  d'ai^rès  une 

photogniphie  communiquée  par  .M.  l^li,  Cadiol J57 

Xl.l.  —  Convoi  de  cliaiTOlles.  —  Dessin  de  A.  l'ùris,  d'j|uès  une  photographie  cojninu- 

niquée  par  M.  tlli.  Cadiot Mil 


TABLE  DES  GRAVURES.  821 

XLII.  —  Montevideo.  Vue  générale  prise  du  Cerro.  —  Dessin  de  Taylor,  d*après  une 

photographie 567 

XLDI.  —  Vue  prise  dans  un  saladero,  au  Salto.  —  Dessin  de  A.  Slom,  d'après  une  photo- 
graphie communiquée  par  M.  Harriague 577 

XUV.  —  Le  rio  Paranà.  Vue  prise  à  Hemandarias.  —  Dessin  de  Th.  Webcr,  d'après 

une  photographie 585 

XLV.  —  Convoi  de  muletiers  au  pied  de  la  Cordillère.  -^  Gravure  de  Hocher,  d*après 

une  photographie 601 

XLVI.  —  Lagunes  de  las  Palmas  sur  le  bas  Pilcomayo.  Vue  prise  près  de  son  embou- 
chure. —  Dessin  de  Th.  Weber,  d'après  une  photographie  de  M.  Storm, 
communiquée  par  la  Société  de  Géographie 619 

XLVn.  —  Paysage  de  TArgentine.  Vue  prise  devant  le  Collon-Cura.  —  Dessin  de  Th.  We- 
ber, d'après  une  photographie  de  M.  Sicmiradzki 631 

XLVin.  —  Vue  prise  sur  les  bords  du  rio  Neuquen.  —  Dessin  de  A.  Pari?,  d'après  une 

photographie  de  M.  Siemiradzki 637 

XLIX.  —  Vue   prise  dans  la  vallée  d'Acha,  Pampa  centrale.  —  Dessin  de  A.  Slom, 

d'après  une  photographie  de  M.  Siemiradzki 651 

L.  —  Vue  prise  dans  la  Pampa.  —  Dessin  de  Y.  PranishnikofiT,  d*après  une  photographie.    659 

LI.  —  Indiennes  du  Grand  Chaco.  —  Gravure  de  Thiriat,  d'après  une  photographie 

conmiuniquée  par  M.  Ch.  Cadiot 677 

LU.  —  Groupe  de  Patagons.  —  Gravure  de  Devos,  d'après  une  photographie  communi- 
quée par  la  Société  de  Géographie 685 

Lin.  —  Groupe  de  gauchos.  —  Dessin  de  A.  Paris,  d'après  une  photographie 691 

liV.  —  Jujuy.  Vue  générale.  —  Gravure  de  Rocher,  d'après  une  photographie.   .    .    .     705 

LV.  —  Tucuman.  Vue  prise  sur  la  Grand'place.  —  Gravure  de  Privât,  d'après  une  pho- 
tographie  711 

LVI.  —  Hendoza.  Vue  prise  dans  l'intérieur  de  la  ville.  —  Gravure  de  Razin,  d'après 

une  photographie 721 

LVU.  —  Pont  de  l'Inca.  —  Dtssin  de  Gotorbe,  d'après  une  photographie 725 

LVni.  —  Duenos  Aires.  Vue  prise  devant  le  palais  du  Congrès.  —  Dessin  de  A.  Slom, 

d'après  une  photographie 737 

liX.  —  Musée  de  la  Plata.  —  Dessin  de  Roudier,  d'après  une  photogi*aphie 741 

LX.  —  Rocher  de  Tandil.  —  Dessin  de  Gotorbe,  d'après  une  photographie 743 

LXI.  —  General  Acha.  Vue  prise  dans  une  rue.  —  Dessin  de  A.  Paris,  d'après  une 

photographie  de  M.  Siemiradzki 749 

LXn.  —  Corral  dans  la  province  de  Patagones.  —  Dessin  de  A.  Paris,  d'après  une 

photographie 761 

LXIII.  —  La  Plata.  Vue  panoramique.  —  Dessin  de  Taylor,  d'après  une  photographie.  .     777 


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TABLE  DES  MATIÈRES 


Chapitre  I.     —  Les  Gutanes 1 

I.  —  Vue  générale 1 

n.  —  Guyane  anglaise 55 

III.  —  Guyane  hollandaise 66 

IV.  —  Guyane  française 72 

V.  —  Territoire  contesté  franco-brésilien 85 

GHAnTRE  II.    —  États-U.xis  du  Br]£sil 

I.  —  Vue  générale 91 

II.  —  Amazonie.  Ëtats  d^Âmazonas  et  de  Para 117 

m.  —  Versant  du  Tocantins.  État  de  Goyaz 202 

IV.  —  Côte  équatoriale.  États  de  Maranhâo,  Piauhy,  Cearâ,  Rio  Grande  do 

Norte,  Parahyba,  Pernambuco,  Alagôas 217 

V.  —  Bassin  du  rio  Sâo  Francisco  et  versant  oriental  des  plateaux.  États  de 

Minas  Geraes,  Bahia,  Sergipe,  Espirito  Santo 251 

VI.  —  Bassin  du  Parabyba.  État  de  Rio  de  Janeiro  et  municipe  neutre  .   .   .  297 
Vn.  —  Versant  du  Paranâ  et  coutre-versant  océanique.  Ëtats  de  Sâo  Paulo, 

de  Paranâ,  de  Santa  Catbarina 336 

VIII.  —  Versant  de  l'Uruguay  et  littoral  adjacent.  (État  de  Sâo  Pedro  ou  Rio 

Grande  do  Sul.) 395 

IX.  —  Matto  Grosso 415 

X.  —  État  matériel  et  social  de  la  population  brésilienne 442 

XI.  —  GouTernement  et  administration 486 

Chapitre  III.  —  Paraguay 497 

Chapitre  IV.  —  Uruguay 555 

Chapitre  V.    —  Arobntiiib 583 

Chapitre  VI.   —  Iles  Falklard  et  Géorgie  du  Sud 785 

Dernier  mot 793 

Note 797 

Index  alpbabétiquc •  799 

Table  des  cartes 815 

Table  des  gravures 819 

Errata 825 


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