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REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
SEIZIÈME ANNÉE
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(Nouvelle Série. — Tome XIV)
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE
MM. S. GUYARD, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la Rédaction : M. A. Chuquet
SEIZIÈME ANNÉE
DEUXIEME SEMESTRE
Nouvelle Série. — Tome XIV
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIETE ASIATIQUE
DE L'ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
1882
\0O~7
ANNEE 1882
TABLE DU DEUXIÈME SEMESTRE
ARTICLES
TABLE ALPHABÉTIQUE
art. pages
Abdallah 'Ibn-ul Mata^, par Loth. (D. Gûnzburg.). ... 187 21 3
Abel, La « Descriptio tabulae mundi » de Jean de Gaza.
(P. de Nolhac.) 1 39 33
Adler et Curtius, Olympie et ses environs. (J. Martha.). . . 206 271
Alcmène (F) d'Euripide, par Engelmann. (Th. Reinach.). . 201 261
A lexandrine (la poésie) sous les trois premiers Ptolémées, par
Couat. (A. Croiset.) 243 441
Andrieux, Contes en vers, p. p. Ristelhuber 169 1 55
A raméens (les dialectes), par Socin. (R. Duval.) 1 65 141
Archives de l'Orient latin, tome I. (A. Molinier.) 167 148
Aristophane, les Grenouilles, p. p. de Velsen. (A. Martin.). 125 2
— Les Oiseaux, p. p. Blaydes. (A. Martin.) 207 279
— Plutus, p. p. de Velsen. (A. Martin.) 207 279
— son impiété, par Hild. (A. Martin.) 1 3 3 22
Arndt, Jery et Bâtely, de Gœthe 1 3o 14
Arnim (d'), Les prologues d'Euripide. (Th. Reinach.) 192 233
Asse, Correspondance de Galiani. (M. Tourneux.) i63 128
Banquet (le) de Xénophon, p. p. Rettig. (H. Weil.) 159 121
Bartholomae, Recherches aryennes. (C. de Harlez.) 261 5oi
Bartsch, Vies et œuvres des troubadours, de Diez. (P. M.). 2o3 266
Baschet, Les comédiens italiens à la cour de France (T.
de L.) 233 384
Bader, Thémistocle. (R. L.) i32 21
Baunack, Le nom de Déméter 182 197
Beauvois, Claude Bouton, seigneur de Corberon. (T. de L.). 238 407
Bengesco, Bibliographie des œuvres de Voltaire, I. (M. Tour-
neux.) 23o 367
VI TABLE DES MATIERES
art. pages
Bieling, Le Reinecké Fuchs de Gœthe. (A. C.) 197 243
Blaydhs, les Oiseaux d'Aristophane. (A. Martin.) 207 279
Bloomfield, As final devant les sonores en sanscrit. (L. Ha-
.vet.) 149 61
Bouché-Leclercq, Histoire de la divination dans l'antiquité.
(P. Decharme.) 252 481
Bougerel (le P.), prêtre de l'Oratoire 249 467
Bourbon (Antoine de) et Jeanne d'Albret, par de Ruble (T.
de L.). 263 509
Bouteiller (de) et Hepp, Correspondance adressée au ma-
gistrat de Strasbourg par ses agents à Metz, 1394-1683.
(R-) M5 447
Bouton, seigneur de Corberon, par Beauvois. (T. de L.). . 2 38 407
Breucker, La cession de la Poméranie à la Suède. (R.). . . 264 5 11
Buchner, Ferdinand Freiligrath. (A. Chuquet.) 234 387
Cafres (recueil de contes), par Theal. (G. P.) 199 246
Cagnat, Les impôts indirects chez les Romains. (E. Ferni-
que.) ,. 137 29
Calderon, sa vie et ses œuvres, par Moguel. (A. Morel-Fa-
tio.) 1 5 1 67
Catilina, p. p. Schmalz. (R. Lallier.) 142 41
Champion, Philosophie de l'histoire de France. 191 220
Chantelauze, Saint Vincent de Paul et les Gondi. (T. de L.). 239 412
Chastel, Histoire du christianisme, I et II. (M. N.) 2i5 3o6
Châtelain, Lexique latin-français. (L. Havet.) 253 482
Chéruel, Histoire de France sous le ministère de Mazarin,
I. (T. de L.) 216 3o9
Chipiez et Perrot, Histoire de l'art dans l'antiquité. (P. De-
charme.) 1 56 101
Christ, Démosthène, édition d'Atticus. (H. W.) 242 424
Combes, L'entrevue de Bayonne 210 288
Contes et chansons populaires, collection Em. Leroux. (G.
P.) 200 25 3
Costa (de), Mémoires sur Verazzano. (E. Beauvois.) 204 268
Couat, La poésie alexandrine sous les trois Ptolémées. (A.
Croiset.) 243 441
Croisades (Histoire des), par Kugler 145 44
Curtius (E*), Antiquité et présent. (P. Decharme.) 262 5o5
CuRTiuset Adler, Olympie et les environs. (J. Martha.). . . 206 277
Dalton, Jean Laski. (R.) 244 445
Dalwigk, Le théâtre d'Oldenbourg. (C.) 164 1 35
Delà Borderie, Œuvres de Des Forges Maillard. (T. de L.). 212 292
Delahante, Une famille de finance au xvme siècle. (J. Flam-
mermont.). '. 179 188
Déméter (le nom de), par Baunack. ..,.,.,, 182 197
TABLE DES MATIERES VII
art. pages
Démosthène, Edition d'Atticus, p. p. Christ. (H. W.). . . 242 424
Des Forges Maillard (œuvres de), p. p. De la Borderie et
Kerviler. (T. de L.) 212 292
Diez, Vies et œuvres des troubadours, p. p. Bartsch. (P. M.). 2o3 266
Diodore (les sources de), par Evers. (C. Jullian.) 236 404
Douais, Sources de l'histoire de l'Inquisition dans le midi
de la France. (A. Molinier.) 146 46
Dozon, Contes albanais. (G. P.) 200 253
Duchesne, Vie de Polycarpe. (Max Bonnet.) 228 36 1
Duruy (A.), L'instruction publique et la Révolution. (A.
Gazier.) 2 58 486
Dusevel, ses œuvres inédites et sa correspondance. (T. de L.). 1 52 76
Ebner (Marguerite), par Strauch 174 172
Eichert, Lexique de Justin. (L. Havet.). 143 43
Engel, Le docteur Faust. (C.) 2i3 295
Engelmann, l'Alcmène d'Euripide. (Th. Reinach.) 201 261
Essenisme (F), par Lucius. (M. N.) 232 383
Euripide, ses prologues, par d'ARNiM. (Th. Reinach.) 192 233
— Alcmène (1'), par Engelmann (Th. Reinach.) 201 261
Evers, Les sources de Diodore. (C. Jullian.) 236 404
Eyssenhardt, Romain et roman. (L. Havet.) 1 38 3i
Fabre, La jeunesse de Fléchier. (T. de L.) 178 i83
Faust, de Gœthe, p. p. Schrôer, II. (J.) 181 191
— fragment, p. p. Seuffert. (C.) 186 204
— p. p. Engel. (Ç.) 2i3 295
— sa vie, par Widmann. (C.) 127 8
Fléchier, sa jeunesse, par Fabre. (T. de L.) 178 i83
Foerster, Des manuscrits et de l'histoire de la philologie. . 25 1 481
Freiligrath (Ferdinand), par W. Buchner 234 387
Funk, Opéra patrum apostolicorum 218 32i
— Vie de Polycarpe. (M. Bonnet.) 247 463
Galiani, Correspondance, p. p. Perey et Maugras, p. p.
Asse. (M.'Tourneux.) i63 128
Gerson, son origine, son village natal et sa famille, par Ja-
DART I75 174
Gierke, Les doctrines de Tétat et la corporation 144 43
Giraudet, Les origines de l'imprimerie à Tours. (Em. Picot.). 1 55 88
Godefroy, Dictionnaire de l'ancienne langue française. (A.
Thomas.) i58 114
Gœthe, Etudes, par Schoell. (C.) 176 175
— Faust, p, p. Schrôer, IL (J.) 181 191
— Faust, fragment, p. p. Seuffert. (C.) 186 204
— Jery et Bâtely, p. p. Arndt. (C.) 1 i3o 14
— Reineke Fuchs, par Bieling. (C.) 197 243
Gothein, Histoire romaine, par Neumann 160 123
VIII TABLE DES MATIERES
art. pages
Grenouilles (les) d'Aristophane, p. p. de Velsen. . '. . . ' . . . 125 2
Grimm, Correspondance litte'raire, p. p. Tourneux. (T.
de L.) 25o 470
Guerrier, Mm0 Guyon, sa vie, sa doctrine et son influence.
(T. de L.) 223 332
Guyon (MmB), sa vie, sa doctrine et son influence, par Guer-
rier. (T. de L.) 223 332
Haller, sa vie et ses œuvres, par L. Hirzel. (A. Chuquet.). 227 355
Haller, Histoire de la littérature russe. (L. Léger.) 148 55
Hauler, Etudes sur Térence. (L. Havet.) 177 181
Haussonville (d'), Le salon de Mme Necker. (M. Tourneux.).. 226 352
Heerdegen, Recherches relatives à la sémasiologie latine.
(O. R.) i36 27
Heinse, sa vie et ses œuvres, par Schober. (A. Chuquet.). .140 34
Hepp et de Bouteiller, Correspondance adressée au magis-
trat de Strasbourg par ses agents à Metz, 1 594-1683. (R.). 245 447
Hermann (1'), de Wieland, p. p. Muncker. (A. C.) 189 219
Héron de Villefosse et Thédenat, Cachets d'oculistes ro-
mains. (R. Cagnat) 194 238
Htld, L'impiété d'Aristophane. (A. Martin.) 1 33 22
Hirzel, Albert de Haller. (A. Chuquet.) 227 355
Hitzigrath, Les écrits sur la paix de Prague en 1 635 . (R.). 229 366
Hoernle, Grammaire comparée des idiomes aryens moder-
nes de l'Inde. (Barth.) i53 81
Hovelacque, Les races humaines. (H. Gaidoz.) 246 461
Hultsch, L'Heraion de Samos et l'Artemision d'Ephèse. (J.
Martha.) 188 217
Inquisition (Y) dans le midi de la France, sources de son
histoire, par Douais. (A. Molinier.) 146 46
Isocrate, Le manuscrit Urbinas, par A. Martin. (A. Jacob.). 193 236
Jadart, Jean de Gerson • 175 174
Jagic, Textes de langue slavonne. (L. Léger.) 126 7
Janssen, Frédéric Stolberg. (C.) 170 i55
Jean de Ga\a, sa « Descriptio tabulae mundi » 139 33
Jery et Bàtely, de Gœthe « i3o 14
Jonas, Christian Gottfried Koerner. (A. Chuquet.) 217 3 12
Joshué le Stylite, sa chronique, p. p. Wright. (R. Duval.). 235 401
Jûlg, Vie de Séjan. (R. L.) 134 24
Juste, L'élection de Léopold 1 190 220
Justin (lexique de), par Eichert. (L. Havet.) 143 43
Kalb (Charlotte de), ses lettres à Jean Paul Richter, par
Nerrlich. (C.) 205 271
Keller (Ad. de), Vie de Faust, par Widmann 127 8
Kerviler, Œuvres de Des Forges Maillard. (T. de L.). ... 212 292
Klinger, dans la période d'orage 129 n
TABLE DES MATIERES IX
art. pages
Kluge, Dictionnaire étymologique de la langue allemande.
(J. Kirste.) 161 125
Koerner (Christian Gottfried), par Jonas. (A. Chuquet.) ... 217 3 12
Kugler, Histoire des Croisades 145 44
La Bruyère, notice, par Servois. (T. de L.) 211 289
Lafon (Mary), Histoire littéraire du midi de la France. (P.
M.) 195 239
— Exploit de M. Mary Lafon 429
Lair, La Vallière et la jeunesse de Louis XIV. (T. de L.). . 147 5o
Laski (Jean), par Dalton. (R.) 244 445
Léger (L.), Contes populaires slaves. (G. P.) 200 253
— Lettre à M. G. Paris 3/3
Legrand, Contes populaires grecs. (G. P.) 200 253
Leouzon-le-Duc, Correspondance diplomatique du baron de
Staèl-Holstein. (A. S.) i3i i5
Lessing, Emilia Galotti, par Werner. (C.) 180 191
Lexique latin-français, par Châtelain. (L. Havet.) 253 482
Lionne et la paix des Pyrénées, par Valfrey. (A. Gazier.). . 265 5i2
Lodge, Histoire des colonies anglaises d'Amérique. (Ch. B.). 198 244
Loi indoue (la), par Nelson et Mayne. (Barth.) 172 161
Lossen, La guerre de Cologne, I. (R.) 237 405
Loth, Abdallah Ibn-ul-Mutazz. (D. Gûnzburg.) 187 21 3
Loth, Essai sur le verbe néo-celtique. (H. d'Arbois de Ju-
bainville.) 224 341
Louis de Bavière et sa lutte avec la curie romaine. (R.). . . 243 427
Lucius, L'essenisme. (M. N.). . 232 383
Machiavel et son temps, par Villari. (C. Paoli.) 225 345
Madvig, La constitution romaine. (C. Jullian.) 157 108
— trad. par Ch. Morel. (C. Jullian.) 220 322
— Lettre de M. Morel 432
Mangold, Histoire et critique du Tartufe. (C.) 196 241
Martin (Alb.), Le manuscrit d'Isocrate Urbinas. (A. Jacob.). 193 236
Maugras et Perey, Correspondance de Galiani. (M. Tour-
neux.) i63 128
Mayne, La loi Indoue. (Barth.) 172 161
Ma^arin, Histoire de France sous son ministère, I, par Ché-
ruel. (T. de L.) 216 309
Meyer (W.), Le ludus de Antichristo et la poésie latine
rythmique. (G. P.) 184 200
Miranda, Richard de Cornouailles et Aix-la-Chapelle. (R.). 254 482
Mispoulet, Les institutions politiques des Romains, I. (C.
Jullian.) 214 3oi
MoGUEL,La vie et les œuvres de Calderon. (A. Morel-Fatio.). 1 5 1 67
Morel (Ch.), trad. de « La constitution romaine » de Mad-
vig. (C. Jullian.) 220 322
X TABLE DES MATIERES
art. ' pages
— Lettre de M. Ch. Morel 432
Mùller (C), Lutte de Louis de Bavière avec la curie ro-
maine. (R.) 243 427
Mûller (Sophus), L'ornementation dans le Nord. (E. Beau-
vois.) i83 198
Muncker, L'Hermann de Wieland. (A. C.) 189 219
Necker (Mme), son salon, par d'HAUssoNviLLE. (M. Tour-
neux.) 226 352
Nelson, La loi indoue. (Barth.) 172 161
Nerrlich, Lettres de Charlotte de Kalb à J. P. Richter. (A.
C.) 2o5 271
Neumann, Histoire romaine de Scipion Emilien à Sylla. (C.
Jullian) 160 123
Nonius, Collation du ms. Harleianus, p. p. Onions. (L.
Havet.) 1 35 25
Oculistes romains (cachets d') 194 238
Oiseaux (les) d'Aristophane, p. p. Blaydes. (A. Martin.). . 207 279
Oldenbourg, Le pays et les gens, par Strackerjan. (C). . . 164 1 35
— Le théâtre, par Dalwigk. (C). . . . 164 1 35
Olympie et ses environs, par Curtius et Adler. (J. Mai tha.). 206 277
Onions, Collation de l'Harleianus, ms. de Nonius. (L. Ha-
vet.) : i35 25
Overbeck, De l'histoire du Canon. (M. N.) 219 32i
Pajol, Les guerres sous Louis XV. (A. C.) 168 /53
Papauté (la) au moyen-âge, par Rocquain. (P. Viollet.). . . i5o 64
Perey et Maugras, Correspondance de Galiani. (M. Tour-
neux.) ' . i63 128
Perrot et Chipiez, Histoire de l'art dans l'antiquité, I. (P.
Decharme.) 1 56 10 1
Person (L.), Histoire du véritable Saint-Genest de Rotrou.
(A. Morel- Fatio.) 1 85 201
— Notes critiques et bibliographiques sur Rotrou. (Ch.
Marty-Laveaux.) 128 9
Pierling, La mission de Possevino en Russie. (L. Léger.) . 2D7 485
Pirenne, Sedulius de Liège. (L. Havet.) 154 86
Plutus (le) d'Aristophane, p. p. de Velsen. (A. Martin.). . . 207 279
Polycarpe (vie de), p. p. Duchesne. (Max Bonnet.) 228 36i
— p. p. Funk. (Max Bonnet) 247 463
Possevino en Russie, par le P. Pierling. (L. Léger.) 257 485
Pouy, Etude sur les œuvres inédites et la correspondance de
Dusevel. (T. de L.) 102 76
Puymatgre (de), Romanceiro, choix de vieux chants portu-
gais. (G. P.) 200 253
Reineke Fuchs (le), de Gœthe, par Bieling. (A. C.) 197 243
Rettig, Le Banquet de Xénophon. (H. Weil.) 159 121
TABLE DES MATIERES XI
art. pages
Révolution (la) et l'instruction publique 258 486
Ribbeck, F. W. Ritschl, II 260 494
Rieger, Klinger dans la période d'orage. (A. Chuquet.). . . 129 11
Rieu, Catalogue des manuscrits persans du British Muséum ,
II. (E. Fagnan.) 241 421
Ring, Etudes de vieux latin. (L. Havet.) 208 282
Ristelhuber, Les contes en vers d'Andrieux. (W.) 169 i55
Ritschl, par Ribbeck, II 260 494
Rivière, Contes populaires de la Kabylie. (G. P.) 200 253
Rochas d'Aiglun (de), L'artillerie chez les anciens. (L. Ha-
vet.) 123 1
Rocquain, La papauté au moyen âge. (P. Viollet.) i5o 64
Roget, Histoire du peuple de Genève, VI. (R.) 255 483
Ronchaud (de), Théâtre choisi de Rotrou. (A. C.) 162 126
Rotrou, Notes critiques et bibliographiques, par L. Person.
(Ch. Marty-Laveaux.) 128 9
— Saint-Genest, par L. Person. (A. Morel-Fatio.) i85 201
— Théâtre choisi, par de Ronchaud. (A. C.) 162 126
Ruble (de), Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret. (T. de
L.) 263 509
Ruelens, Le peintre Adrien de Vries. (T. de L.) 248 464
Saint-Genest (le) de Rotrou, par L. Person. (A. Morel-
Fatio.) i85 201
Salluste, Catilina, p. p. Schmalz. (R. Lallier.) 142 41
Sanders, Dictionnaire complémentaire de la langue alle-
mande. (A. Bauer.)- . • ' 240 415
Scaliger, Lettres françaises, p. p. Tamizey de Larroque
(P. de Nolhac.) 222 328
Schaefer, Sources de l'histoire romaine. (C. Jullian.) 173 169
— Sources de l'histoire grecque. (A. Martin.) 202 265
Scherer (W.), Histoire de la littérature allemande. (A. Bos-
sert.) 259 492
Schmalz, Catilina, de Salluste. (R. Lallier.) 142 41
Schober, Heinse, sa vie et ses œuvres. (A. Chuquet.) 140 34
Schoell, Etudes surGœthe. (C.) ; 176 175
Schroer, Le Faust de Goethe, II. (J.) 181 191
Schulze (E.), La poésie grecque, esquisses. (J. Nicole.). ... 124 2
Sedulius, de Liège, par Pirenne. (L. Havet.) 154 86
Séjan (vie de), par Jûlg. (R. L.) 134 24
Servois, Notice biographique sur La Bruyère. (T. de L.). . 211 289
Simson, Napoléon III et l'Allemagne 171 1 56
Socin, Les dialectes araméensd'Ourmiaà Mossoul. (R. Du-
val.) ï 65 141
Staël-Holstein (Correspondance du baron de) i3i i5
Sto Iberg (Frédéric), par Janssen. (C.) 170 1 55
XII TABLE DES MATIERES
art. pages
Storm, Philologie anglaise. (G. J.) 209 284
— Lettre de M. Storm 449
Strackerjan, Le pays et les gens d'Oldenbourg. (C.) 164 1 35
Strauch, Marguerite Ebner et Henri de Nordlingen 174 172
Tamizey de Larroque, Lettres françaises de Scaliger. (P. de
Nolhac.) 222 328
Tartufe, son histoire et sa critique, par Mangold. (C). • • • 196 241
Térence, Etudes, par Hauler. (L. Havet.) 177 181
Theax, Recueil de contes cafres. (G. P.) 199 246
Thédenat et Héron de Villefosse, Cachets d'oculistes ro-
mains. (R. Cagnat.) 194 238
Thémistocle, par Bauer. (R. L.) i32 21
Tourneux, Correspondance littéraire de Grimm. (T. de L.). 25o 470
Tours (l'imprimerie à) 1 55 88
Valfrey, Lionne et la paix des Pyrénées. (A. Gazier.). . . . 265 5i2
Vallière (la) et la jeunesse de Louis XIV, par Lair. (T. de
L.) 147 5o
Vauchez, Esquisses d'histoire suisse. (Ed. Favre.) 256 484
Velsen (de), Les Grenouilles d'Aristophane. (A. Martin.). . . 125 2
— Plutus, d'Aristophane. (A. Martin.) 207 279
Veratfano (mémoires sur), par de Costa 204 268
Villari, Machiavel et son temps. (C. Paoli.) 225 345
Vincent de Paul et les Gondi, par Chantelauze. (T. de L.). 239 41 2
Vivo (de), Grammaire de la langue russe. (E. Léger.). .... 141 36
Voltaire, Bibliographie de ses œuvres, par Bengesco, I.
(M. Tourneux.) 23o 367
Vries (Adrien de), par Rubens. (T. de L.) 248 464
Warren, Manuscrits de Térence collationnés par Bentley. . 166 147
Werner, l'Emilia Galotti de Lessing. (C.) 180 191
Widmann, Vie de Faust 127 8
Wieland, Hermann, p. p. Muncker. (A. C.) 189 219
Wille, Philippe de Hesse et Ulric de Wurtemberg. (R.). . 221 326
Windisch, L'influence grecque sur le théâtre hindou. (Barth.). 23i 38i
Wright, La Chronique de Joshué le Stylite. (R. Duval.). . . 235 401
Xénophon, Le Banquet, p. p. Rettig. (H. Weil.) 159 121
TABLE PAR ORDRE DE MATIERES
Langues et littératures orientales.
Bartholomae, Recherches aryennes. (C. de Harlez.) 261 5oi
Hoernle, Grammaire comparée des idiomes aryens moder-
nes de l'Inde. (Barth.) i53 81
TABLE DES MATIERES XIII
art. pages
Loth, Abdallah Ibn-ul-Mutazz. (D. Gûnzburg.) 187 2i3
Mayne, La loi indoue. (Barth.) 172 161
Nelson, La loi indoue. (Barth.) 172 161
Rieu, Catalogue des manuscrits persans du British Muséum,
II. (E. Fagnan.) 241 421
Socin, Les dialectes araméens d'Ourmia à Mossoul. (R. Du-
val.) i65 141
Windisch, L'influence grecque sur le théâtre hindou. (Barth.). 23i 38i
Wright, La Chronique de Joshué le Stylite. (R. Duval.). . . 235 401
Histoire de l'Eglise et théologie.
Chastel, Histoire du christianisme, I et II. (M. N.) 21 5 3o6
Duchesne, Vie de Polycarpe. (Max Bonnet.) 228 36 1
Funk, Opéra patrum apostolicorum 218 32 1
— Vie de Polycarpe. (Max Bonnet.) 247 463
Lucius, L'Essenisme. (M. N.) 232 383
Overbeck, De l'histoire du Canon. (M. N.) 219 32 1
Archéologie et beaux-arts.
Curtius (E.), Antiquité et présent. (P. Decharme.) 262 5o5
Curtius et Adler, Olympieet ses environs. (J. Martha.). . . 206 277
Héron de Villefosse et Thédenat, Cachets d'oculistes ro-
mains. (R. Cagnat.) 194 238
Hultsch, L'Heraion de Samos et l'Artemision d'Ephèse. (J.
Martha.) 188 217
Mûller (Sophus), L'ornementation dans le Nord. (E. Beau-
vois.) i83 198
Perrot et Chipiez, Histoire de Fart dans l'antiquité, I. (P.
Decharme.) 1 56 101
Ruelens, Le peintre Adrien de Vries, (T. de L.) 248 464
Ethnologie.
Hovelacque, Les races humaines. (H. Gaidoz.) 246 461
Grammaire comparée.
Bloomfield, As final devant les sonores en sanscrit. (L. Ha-
vet.) 149 61
XIV TABLE DES MATIERES
art. pages
Littérature et philologie grecques.
Abel, La « descriptio tabulae mundi » de Jean de Gaza. (P.
de Nolhac.) r3g 33
Aristophane, Grenouilles, p. p. de Velsen. (A. Martin.). . . 125 2
— Plutus, p. p. de Velsen. (A. Martin.) 207 279
— les Qiseaux, p. p. Blaydes. (A. Martin.) 207 279
Arnim (d')> Les prologues d'Euripide. (Th. Reinach.) 192 233
Baunack, Le nom de Déméter 182 197
Bouché -Leclercq, Histoire de la divination dans l'antiquité.
(P. Decharme.) 252 481
Christ, Démosthène, édition d'Atticus. (H. W.) 242 424
Couat, La poésie alexandrine sous les trois premiers Ptolé-
mées. (A. Croiset.) 243 441
Engelmann, l'Alcmène d'Euripide. (Th. Reinach.) 201 261
Hild, L'impiété d'Aristophane. (A. Martin.) 1 33 22
Martin (Alb.), Le manuscrit d'IsocrateUrbinas. (A. Jacob.). 193 236
Schulze (E.), La poésie grecque, esquisses. (J. Nicole.). ... 124 2
Xénophon, Le banquet, p. p. Rettig. (H. Weil.). ....... 159 121
Littérature et philologie latines.
Châtelain, Lexique latin-français. (L. Havet.) 253 482
Eichert, Lexique de Justin. (L. Havet.) 143 43
Foerster, Des manuscrits et de l'histoire de la philologie. . . 25 1 481
Hauler, Etudes sur Térence. (L. Havet.) 177 181
Heerdegen, Recherches relatives à la sémasiologie latine.
(O. R.) ■'. i36 27
Meyer (W.), Le ludus de Antichristo et la poésie latine
rythmique. (G. P.) 184 200
Onions, Collation de l'Harleianus, ms. de Nonins. (L. Ha-
vet.). i35 25
Pirenne, Sedulius de Liège. (L. Havet.) . 154 86
Ribbeck, F. W. Ritschl, II 260 494
Ring, Etudes de vieux latin. (L. Havet.) 208 282
Salluste, Catilina, p. p. Schmalz. (R. Lallier.) 142 41
Warren, Manuscrits de Térence collationnés par Bentley. . 166 147
Histoire ancienne (grecque et romaine).
Bauer, Thémistocle. (R. L.) i32 25
TABLK DES MATIERES XV
art. pages
Cagnat, Les impôts indirects chez les Romains. (£. Ferni-
que.) 1 37 29
Evers, Les sources de Diodore. (C. Jullian.) 236 404
Jûlg, Vie de Séjan. (R. L.) 134 24
Madvig, La constitution romaine. (C. Jullian.) 157 108
— trad. par Ch. Morel. (C. Jullian.) 220 322
— Lettre de M. Morel 432
Mispoulet, Les institutions politiques des Romains. I. (C.
Jullian.) 214 3oi
Neumann, Histoire romaine de Scipion Emilien à Sylla. (C.
Jullian.) 160 123
Rochas d'Aiglun (de), L'artillerie chez les anciens. (L. Ha-
vet.) 123 i
Schaefer, Sources de l'histoire romaine. (C. Jullian.) 173 169
— Sources de l'histoire grecque. (A. Martin.) 202 265
Histoire du moyen âge.
Archives de l'Orient latin, tome I. (A. Molinier.) 167 148
Douais, Sources de l'histoire de l'Inquisition dans le midi de
la France. (A. Molinier.) , 146 46
Gierke, Les doctrines de l'état et la corporation. . , 144 43
Jadart, Jean de Gerson 175 174
Kugler, Histoire des Croisades 145 44
RocQUAiN, La papauté au moyen âge. (P. Yiollet.) i5o 64
Histoire modems.
Beauvois, Claude Bouton, seigneur de Corberon. (T. de L.). 238 407
BouTEiLi.ER (de) et Hepp, Correspondance adressée au magis-
trat de Strasbourg par ses agents à Metz, 1 594-1683. (R.). 245 447
Breucker, La cession de la Poméranie à la Suède. (R). . . . 264 5i 1
Champion, Philosophie de l'histoire de France 191 220
Chantelauze, Vincent de Paul et les Gondi. (T. de L.). . . . 239 412
Chéruel, Histoire de France sous le ministère de Mazarin,
I. (T. de L.) 216 309
Combes, L'entrevue de Bayonne 210 288
Cota (de), Mémoires sur Verazzano. (E. Beauvois ) 204 268
Dalton, Jean Laski. (R.) 244 445
Delahante, Une famille de finance au xvnr3 siècle. (J. Flam-
mermont.) 179 188
Duruy (A.), L'instruction publique et la Révolution. (A.
Gazier.) , 258 486
XVI TABLE DES MATIERES
art. pages
Hitzigrath, Les écrits sur la paix de Prague en i635. (R.). 229 366
Juste, L'élection de Léopold 1 190 220
Lair, La Vallière et la jeunesse de Louis XIV. (T. de L.). . 147 5o
Léouzon-le-Duc, Correspondance diplomatique du baron
de Staël-Holstein. (A. S.) i3i i5
Lodge, Histoire des colonies anglaises d'Amérique. (Ch. B.). 198 244
Lossen, La guerre de Cologne, I. (R.) 237 405
Miranda, Richard de Cornouailles et Aix-la-Chapelle. (R.). . 254 482
Mûller (C), Lutte de Louis de Bavière avec la curie ro-
maine. (R.) 243 427
Pajol, Les guerres sous Louis XV. (A. C.) 168 1 53
Pierling, La mission de Possevino en Russie. (L. Léger.). 257 485
Roget, Histoire du peuple de Genève, VI. (R.) 255 483
Simson, Napoléon III et l'Allemagne , 171 1 56
Valfrey, Lionne et la paix des Pyrénées. (A. Gazier.) 265 5 12
Vauchez, Esquisses d'histoire suisse. (Ed. Favre.) 256 484
Villari, Machiavel et son temps. (C. Paoli.) 225 345
Wille, Philippe de Hesse et Ulric de Wurtemberg. (R.). . . 221 326
Littérature française (moyen âge).
Diez, Vies et œuvres des troubadours, p.p. Bartsch. (P. M.). 2o3 266
Eyssenhardt, Romain et roman. (L. Havet.) 1 38 3i
Godefroy, Dictionnaire de l'ancienne langue française. (A.
Thomas.) 1 58 114
Lafon (Mary), Histoire littéraire du midi de la France. (P.
M.) 195 239
— Exploit de M. Mary Lafon 429
Littérature française (temps modernes).
Andrieux, contes envers, p. p. Ristelhuber. (W.) 169 1 5 5
Baschet, Les comédiens italiens à la cour de France. (T. de
L.) 233 384
Bouger el (le P.), prêtre de l'Oratoire 249 467
Des Forges Maillard (œuvres de), p. p. de la Borderie et
Kerviler. (T. de L.) 212 292
Fabre, La naissance de Fléchier. (T. de L.) 178 i83
Galiani, Correspondance, p. p. Perey et Maugras, p. p.
Asse. (M. Tourneux.) i63 128
Guerrier, Mm0 Guyon, sa vie, sa doctrine et son influence.
(T. de L.) 223 332
Haussonville (d'), Le salon de Mme Necker. (M. Tourneux.). 226 352
TABLE DES MATIKRES XVII
art. pages
Mangold, Histoire et critique du Tartufe. (C.) 194 241
Person (L.), Notes critiques et biographiques sur Rotrou.
(Ch. Marty-Laveaux.) 128 9
— Le Saint-Genest de Rotrou. (A. Morel-Fatio.) i85 201
Pouy, Etude sur les œuvres inédites et la correspondance de
Dusevel. (T. de L.). i52 76
Ronchaud (de), Théâtre choisi de Rotrou. (A. C.) 162 126
Ruble (de), Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret. (T. de
L.) 263 509
Servois, Notice sur La Bruyère. (T. de L.) 211 289
Tamizey de Larroque, Lettres françaises de Scaliger. (P. de
Nolhac.) 222 328
Tourneux, Correspondance littéraire de Grimm. (T. de L.). 25o 470
Langues et littératures germaniques.
Buchner, Ferdinand Freiligrath. (A. Chuquet.) 234 387
Èngel, Le docteur Faust. (C.) , 2i3 295
Gœthe, Jery et Bâtely, p. p. Arndt. (C.) i3o 14
— Faust, p. p. Schroer, II. (J.) 181 191
— Faust, fragment, p. p. Seuffert. (C.) 186 204
— Reineke Fuchs, par Bieling. (G.) 197 243
Hirzel, Albert de Haller. (A. Chuquet.) 227 355
Janssen, Frédéric Stolberg. (C.) 170 1 55
Jonas, Christian Gottfried Koerner. (A. Chuquet.) . 217 3 12
Kluge, Dictionnaire étymologique de la langue allemande.
(J. Kirste.) 161 125
Nerrlich, Lettres de Charlotte de Kalb à J. P. Ricbter. (A.
C.) 2o5 271
Oldenbourg, le pays et les gens, par Strackerjan 164 1 35
— le théâtre, par Dalwigk 164 1 35
Rieger, Klinger dans dans la période d'orage. (A. Chuquet.). 129 11
Sanders, Dictionnaire complémentaire de la langue alle-
mande. (A. Bauer.) 240 41 5
Scherer (W.), Histoire de la littérature allemande. (A. Bos-
sert.) , 259 492
Schober, Heinse, sa vie et ses œuvres. (A. Chuquet.).' .... 140 34
Schoell, Etudes sur Gœthe. (C.) 176 175
Storm, Philologie anglaise. (C. J.) 209 214
— Lettre de M. Storm 449
Strauch, Marguerite Ebner et Henri de Nordlingen 174 172
Werner, l'Emilia Galotti de Lessing. (C.) 180 191
Widmann, Vie de Faust, p. p. Ad. de Keller. (A. C.) 127 8
Wieland, Hermann. p. p. Muncker. (A. C.) 189 219
XVIII TABLE DES MATIERES
art. pages
Langues et littératures celtiques.
Loth, Essai sur le verbe néo-celtique. (H. d'Arbois de Ju-
bainville.). . . 224 341
Langues et littératures méridionales.
Moguel, La vie etlesœuvresdeCalderon.(A. Morel-Fatio.). 1 5 1 67
Langues et littératures slaves.
Haller, Histoire de la littérature russe. (L. Léger.) 148 55
Jagic, Textes de langue slavonne. (L. Léger.) 126 7
Vivo (de), Grammaire de la langue russe. (L. Léger.). ... 141 36
Bibliographie.
Bengesco, Bibliographie des œuvres de Voltaire, I. (M. Tour-
neux.) 23o 367
Giraudet, Les origines de l'imprimerie à Tours. (Em. Picot.). 1 5 5 88
Folklore.
Dozon, Contes albanais. (G. P.) 200 253
Léger (L.), Contes populaires slaves. (G. P.) 200 25 3
Legrand, Contes populaires grecs. (G. P.) 200 253
Puymaigre (de), Romanceiro, choix de vieux chants portu-
gais. (G. P.) 200 253
Rivière, Contes populaires de la Kabylie. (G. P.) 200 253
Theal, Recueil de contes cafres. (G. P.) 199 246
TABLE DES MATIERES XIX
pages
Variétés
Gaidoz, Bibliographie créole, note supplémentaire 453
Gazier, L'histoire de France du P. Loriquet 206
Gûnzburg, L'itinéraire de Théodosius 221
Guyard, Le mot assyrien « tamkâru » 56
Revue de l'Extrême-Orient, I. (G.) 16
Tamizey de Larroque, Date de la naissance de Fléchier 296
Correspondances .
Exploit de M. Mary Lafon 449
Lettre de M. Léger à M . G. Paris 3y3
Lettre de M. Ch. Morel ..** 432
Lettre de M. Storm 449
Chronique.
Annuaire théologique 196
Archives pour l'étude des traditions populaires, p. p. Pitre
et Marino 211
Archives pour l'histoire littéraire, III 207
Bastin, Morceaux de lecture 3 18
Béer, Papiers de Tegethoff 459
Behaghel, Sur la jeunesse des gymnases 275
Bello, le poète de la Colombie 299
Bernays, Le contingent de Francfort sous le premier empire. 5 1 8
Bernus, Notice bibliographique sur Richard Simon 419
Bersot, Un moraliste, études et pensées 337
Boucher, Tableau de la littérature anglaise. 18
Bulletin de correspondance africaine 247
Burnell, not. nécrol 397
Chapelain, Les douze derniers chants de la Pucelle, p. p.
Herluison 45 5
Charvériat, Urbain VIII et la guerre de Trente Ans 359
Clermont-Ganneau, Rapports sur une mission en Phénicie
et en Palestine 5 1 5
Collection Léopold Cerf. 17
Commission historique, réunion du 29 septembre au 2 oc-
tobre, à Munich , . . 378
Communications des archives de la guerre, d'Autriche 25 1
XX TABLE DES MATIERES
pages
Concord et son école de philosophie 211
Congrès anthropologique de Francfort sur le Main 249
Congrès des Orientalistes, vol. de Mémoires q6
Congrès des philologues allemands, à Carlsruhe 25 1 ,395,458
Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, VIIIe fas-
cicule 337
Ebert (Egon), not. nécrol 5 18
Ecole d'Athènes et de Rome, Rapport de M. Perrot 177
Ecole du Louvre (V) 495
Ecole française d'Athènes (!') et le mémoire de première
année 495
El Z' Dam, Geronimo le martyr du Fort des Vingt-quatre
heures, ; , . . 228
Enseignement [!') secondaire des jeunes filles, Revue men-
suelle 338
Etat-major allemand (Y) et ses monographies de détail sur
l'histoire de la guerre 498
Eugène (prince) de Savoie, ses campagnes, VIIIe vol 208
Examens de sortie des gymnases prussiens 98
Gamucci, Pourquoi les Grecs n'ont pas fait de progrès en
harmonie 229
Garnier (F.), de Paris au Tibet 226
Gatteyrias, l'Arménie et les Arméniens 376
Gemaehling, Le combat du cap Ortegal 226
Grammont (de), Relation des préparatifs faits pour surpren-
dre Alger, par Conestaggio 497
Griswold, Table des matières de la « Deutsche Rundschau ». 317
Hérelle, Correspondance de Dom Thierry de Viaixnes.. . . 194
Hervé- Bazin, Mémoires et récits de François Bazin 96
Herzog, not. nécrol 395
Israël, Recueil d'écrits pédagogiques des xvie et xvir° siècles. 459
Jametel, L'encre de Chine 375
Journal de la province de Posen 180
Juste, Souvenirs du baron Nothomb , 397
Keller (Ad de), Le « litterarischer Verein » de Stuttgart. . 118
Kervyn de Lettenhove, Charles IX et le Tasse. 298
Kinkel (G.) , not. nécrol 5 1 6
Labbé, Etudes de pédagogie morale 497
Lamy, Hymnes et sermons de saint Ephrem 38
Lanciani, Fragment d'une lettre sur les fouilles du Forum. . 519
Laveleye (de), Eléments d'économie politique 376
Loiseleur, Trois énigmes historiques ,...,. 375
Lund, Histoire du Danemark et delà Norvège, 1559- 1596 . 1 38
Macaulay, Essais d'histoire et de littérature, trad. p. G.
Guizot 79
TABLE DES MATIERES XX!
pages
Martinov, Un manuscrit slavon de la Bibliothèque de Gand. 418
Mémoires et documents, tome XXXVI, de la Société d'his-
toire de la Suisse romande 419
Milliet, Morceaux choisis de Mirabeau 94
Moreira da Sa, Morceaux choisis à l'usage des écoles du
Portugal j 9
Muller (W.), Histoire de l'Europe de 1 871 à 188 1 459
Muntz, Les arts à la cour des papes, III 157
Person (L.), Histoire du Venceslas de Rotrou i5g
Piot, Le testament d'Egmont 1 3j
Programme du Congrès de la Sorbonne en i883 274
Queux de Saint-Hilaire, Les fables d'Esope trad. par Cor-
rozet 272
Revue historique du Béarn et de la Navarre. 5y
Riemann, Les mètres lyriques d'Horace 375
Rooses, Nouveau livre d'esquisses i38
Rostand et Benoist, Traduction et édition de Catulle 455
Scherer (Edm.), Etudes sur la littérature contemporaine, VI. 37
Schliemann, Lettre sur ses fouilles à Troie 195
Schlumberger (G.), Ier vol. des Œuvres d'Adr. de Longpé-
rier 514
Schmidt (Ch.), Histoire de l'imprimerie à Strasbourg 58
Société des anciens textes écossais 5 1 6
Société historique, Cercle Saint-Simon 78, 457
Sorel, Essais de critique et d'histoire 456
Tamizey de Larroque, Entrée de Charles IX à Bordeaux. . , 1 59
— Lettres inédites de Saumaise 3 1 6
— Oraison funèbre de Gassendi, par Nie. Taxil. 359
Tardif (Jules), not. nécrol , 479
Vandenpeereboom, Jansenius 298
Vapereau, Supplément au Dictionnaire universel des con-
temporains 497
Vinson, Les Basques et le pays basque 338
Viçir de Lankuran (le), p. p. Magard et Le Strange 517
Wijnne, Négociation du comte d'Avaux, L 435
Comptes-rendus des séances des sociétés savantes.
Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
Séances des 23 et 40 juin, 7, 12, 21 et 28 juillet, 4, n, 18 et 25 août,
1, 8, i5, 22 et 29 septembre, 6, i3, 20 et 27 octobre, 3, 10, 17 et 24
novembre, 1, 8 et i5 décembre 1882.
Comptes-rendus de M. Julien Havet.
XXIf TABLE DES MATIERES
Pages 20, 3g, bg, 80, 100, 120, 140, 23o, 2.52, 276, 3oo, 319, 33g, 36o,
378, 399, 419, 435, 460, 480, 519.
Société nationale des antiquaires de France.
Séances des 14 et 21 juin, 5, 12 et 19 juillet, 6 septembre, 4 et 18 octo-
bre, 8, i5 et 22 novembre, 6 décembre 1882.
Pages 19, 59, 79, 99, 139, 25i, 339, 420> 5°°> 520.
Société asiatique.
Séances des 10 novembre et 10 décembre.
Pages 440 et 5 00.
PÉRIODIQUES
ANALYSES SUR LA COUVERTURE
Allemands
Archiv jiïr slawische Philologie, tome VI, n8 et me livr. . . N°* 27, 5o
Deutsche Literatur\eitung, nos 23-48, 10 juin-2 décembre
1882 28, 29, 3o,
33, 34, 35, 36, 37, 38, 40, 44, 46, 47, 48, 49, 5o, 5i
Deutsche Rundschau, juillet-novembre 1882 3r, 36, 41,
42, 5i
Gottingische gelehrte An\eigen, nos 22-49, 3i mai-6 dé-
cembre 1882 27,29,31,
33, 34, 37, 40, 41» 46, 5r, 52
Literarisches Centralblatt, nos 24-48, 10 juin-25 novembre
1882. .' 27, 29, 3o,
3 1, 33, 35, 36, 37, 39, 40, 43, 45, 46, 47, 48, 49, 5o, 5r, 52
Philologische Rundschau, n°s 24-37, 10 juin-9 septembre
1882 1 27, 28, 3r,
32, 35, 36, 43, 45, 46, 5o, 5i
Philologische Wochenschrift, n° 20-42, 20 mai-2'1 octobre
1882 27, 28, 29,
3o, 3i, 32, 35, 45, 47, 48, 49
Theologische Liieratur^eitung, n03 12-24, l7 juin-2 dé-
cembre 1882 28,32,33,
34, 36, 41, 42, 44, 45, 5o, 5i, 52
Zeitschriftfilr deutsches Alterthum und Literatur, 1882,
I, II, Illfasc > 38, 39
TABLlï DES MATIERES XXIII
Anglais
The Academy, nos 527-552, 10 juin 2-décembre 1882. ... 27, 29, 32,
34, 35, 36, 38, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 5o, 5i, 52
The Athenaeum, nos 2850-2875, 10 juin-2 décembre 1882. 27, 33, 34,
35, 36, 38, 39, 41, 42, 43, 44, 46, 47, 48, 49, 5o, 5i, 52
Belges
Âthenaeum belge, n,s u-23, 1 juin-i décembre 1882 28, 32, 36,
37, 39, 41, 44,46, 47, 5o, 5i
Revue de l'instruction publique (supérieure et moyenne),
tome XXV, III, IV, V .'. 3i, 39,5i
Danois
Vor Ungdom, ier, 2e, 3e, 4e, 5e fasc 41 , 47
Italiens
Archivio per lo studio delli tradi^ioni popolari, vol. I,
fasc. III, juillet -septembre 41
Archivio storico per Trieste, ITstria ed il Trentino, I, 4. 3i
Roumains
Columna lui Trajan, n° 4, avril 3o
le puy, imprimerie marchessou fils, boulevard saint-laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 27 - 3 Juillet — 1882
Sommaire s 123. De Rochas d'Aiglun, L'artillerie chez les anciens. — 124. E.
Sohulze, La poésie grecque, esquisses. — iî5. Ler Grenouilles d'Aristophane, p.
p. de Velsen. — 126. Jagic, Textes de langue slavonne. — 127. La Vie de Faust,
de Widmann, p. p. Ad. de Keller. — 128. L, Person, Notes critiques et biblio-
graphiques sur Rotrou. — 129. Rieger, Klinger dans la période d'orage. — i3o.
Jeri et Bàtely, de Gœthe, p. p. Arndt. — i3i. Correspondance diplomatique du
baron de Staël-Holstein, p. p. LécTuzon le Duc. — Variétés : La Revue de l'Ex-
trême Orient, dirigée par H. Cordier. — Chronique. — Société des antiquaires
de France. — Académie des Inscriptions.
123. — A. de Rochas d'Aiglun. L'Artillerie chez les anciens. Tours, impri-
merie Paul Bousrez. Extrait du Bulletin monumental, nos 2 et 3. 1882, 28 pages
in-8°, plusieurs figures.
Notice sommaire par un officier supérieur du génie, dont l'érudition
et la compétence sont bien connues, sur ce qu'on sait des machines de
jet antiques; claire et intéressante. — En appendice, Description de la
machine aérotone, par Philon deByzance; traduction inédite d'A.-J.-H.
Vincent. La machine aérotone a pour principe l'élasticité de l'air com-
primé, par opposition aux machines qui ont pour principe l'élasticité
d'une corde ou d'un ressort.
Relevons les lignes relatives aux origines de l'artillerie. « Les machi-
nes de jet étaient inconnues en Grèce à l'époque de la guerre du Pélopo-
nèse, car Thucydide, si précis en toutes choses, n'en parle pas ; elles s'y
introduisirent à propos du concours ouvert à Syracuse entre les ingé-
nieurs de tous les pays par Denys l'Ancien, qui se préparait à attaquer
Carthage, vers l'an 400 avant Jésus-Christ. Le premier emploi qu'en
rapporte l'histoire eut lieu au siège de Motye par le même Denys (Diod.,
xiv, 5i). »
Tite Live a beau parler (I, xltii, 3) de deux centuries de f abri qu'au-
rait organisées Servius Tullius, longtemps avant Denys et avant la
guerre du Péloponnèse, ut machinas in bello ferrent ' : ce n'est pas un
témoignage si vague et si peu sûr qui prévaudra contre l'induction tirée
du silence d'un Thucydide. Mais, en dehors des sujets de Servius, quel-
que peuple barbare a-t-il eu une artillerie avant les Grecs? « La plus an-
cienne mention de ces engins que l'on trouve dans l'histoire remonte en-
viron à l'an 800 avant Jésus-Christ. Oziasarme les remparts de Jérusalem
« de machines construites par un ingénieur pour lancer des traits et de
1. Non pas précisément pour confectionner des machines (de Rochas, p. il).
Nouvelle série, X'V. i
2 REVUE CKITIQUK
• « grosses pierres. » Deux siècles plus tard, Ezéchiel menace la ville sainte
des balisîes de Nabuchodonosor . » Il serait plus exact de dire : L'artil-
lerie ayant pris naissance vers 400, l'auteur des Paralipomènes est très
postérieur à cette date; il attribue des machines à Ozias (II, xxvi, i5)
sans se méfier de l'anachronisme '. Il en faut penser autant de l'auteur
& Ezéchiel si, dans son passage sur Nabuchodonosor (xxi, 22), les hé-
braïsants acceptent comme une traduction exacte du texte le (SeXocTâcsiç
de la version grecque. «
Louis Havet.
■
124. — Ole liellenisclie Dichtkunst, Sktzzen von E. Schulze. Gotha, F. A.
Perthes. 1881, i3z pages.
Cinq chapitres absolument détachés sur Homère, sur Archiloque, Al-
cée et Solon, sur YAjax de Sophocle, sur les Acharniens et les Grenouil-
les d'Aristophane, enfin sur l'Anthologie grecque. C'est de l'histoire et
de la littérature fragmentaires. M. Schulze ne nous dit pas pourquoi,
en traçant ses « esquisses », il a fixé son choix plutôt sur tel poète
que sur tel autre, sur Sophocle plutôt que sur Eschyle ou Euripide;
pourquoi il nous parle beaucoup de Solon et oublie complètement Pin-
dare; pourquoi, enfin, il passe tout d'un coup d'Aristophane à l'Antho-
logie sans nous laisser soupçonner l'existence de la poésie alexandrine.
Evidemment M. S. a voulu dérober à la discussion le plan de son ou-
vrage, et nous n'avons qu'à constater le fait. Si M. Schulze ne se pique
pas d'être complet, il se flatte encore moins d'être original. Il nous pré-
vient dans sa préface qu'il a pris à O, Mûller, à Fr. Jacobs, à E. Cur-
tius, à Bernhardy et à d'autres le peu d'histoire littéraire qu'on trouvera
chez lui et que les citations dont il se propose d'illustrer abondamment
ses esquisses sont tirées des meilleures traductions allemandes connues,
sauf cependant pour quelques épigrammes qu'il a traduites à ses périls
et risques. « Le tout est destiné, dit-il, à une catégorie d'hommes culti-
vés qui ne peuvent puiser directement à la source. » Il eût mieux valu,
pensons-nous, leur indiquer tout simplement un manuel de littérature
grecque.
J. Nicole.
125. — ArJetoplianis Ranœ. Recensuit Adolphus von Velsen. Leipzig, Teub-
ner. 1881, un vol. in-8° de vi-141 pages.
Il y a à peu près un an, en rendant compte, ici même % de l'édition
1. Dans les Rois (IV, xiv-xv), on ne trouve rien sur l'organisation militaire attri-
buée par les Paralipomènes à ce Servius Tullius juif, Ozias ou Azarias.
2. Revue critique du 21 mars i88r.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 5
des Thesmophoriaçasœ de M. Fr. H. M. Blaydes, et en comparant cette
édition avec celle de M. A. von Velsen, nous exprimions l'espoir que ce
dernier savant, détourné d'Aristophane par sa collaboration au Corpus
Inscriptionum Atticarum et à la publication des fac-similés de manus-
crits avec Wattenbach, revînt à des études dans lesquelles il avait rendu
d'éminents services. Nous ignorions que cet espoir fût si près d'être réa-
lisé; en effet, M. V. est revenu à Aristophane; il a repris la recension, un
moment interrompue, des œuvres du grand comique. La nouvelle édi-
tion des Grenouilles fait suite à l'édition des Thesmophoria\usœ ' qui
est de 1878, à celle des Chevaliers qui est de 1868. Il y a donc 14 ans
que cette publication est commencée; espérons aujourd'hui que M. V.
restera fidèle à Aristophane et qu'il nous donnera successivement tou-
tes les œuvres qui nous restent du poète \
Une édition critique d'Aristophane était désirée depuis longtemps. Les
dernières collations qu'on avait des mss. principaux, celles d.e Bekker et
de Dindorf, étaient reconnues insuffisantes. Assurément, depuis, le texte
du poète avait été amélioré, ces progrès sont sensibles dans les dernières
éditions données par Meineke et Bergk; mais on manquait d'une base
solide, la tradition du texte dans les mss. n'était pas connue d'une ma-
nière satisfaisante. M. V. prit pour tâche de la faire connaître : quand il
vint en Italie, -son but était parfaitement déterminé : il venait y recueillir
l'apparat nécessaire pour former une édition critique telle qu'on l'exige
aujourd'hui. Ajoutons que M. V. était prêt pour cette étude : depuis
longtemps il s'occupait d'Aristophane; dès 1860, nous trouvons une sé-
rie de corrections au texte du comique publiées dans un programme du
gymnase de Saarbruck, et, de i863 à 1866, le Philologus et le Rhei-
nisches Muséum contiennent fréquemment des travaux du même genre
dus aussi à M. Velsen 3.
C'est en 1866 qu'il obtint un congé, lui permettant de quitter son
gymnase de Saarbruck et de venir en Italie. La question, qu'il avait à
étudier était complexe. Aristophane ne nous est pas parvenu dans un
manuscrit qui soit la source de tous les autres ou dont la supériorité soit
telle qu'il rejette ses rivaux dans l'ombre et rende leur secours inutile,
comme c'est le cas, par exemple, pour Isocrate, Démosthène, Athénée,
peut-être pour Eschyle et Sophocle 4. Quatre des mss. d'Aristophane, qui
1. Nous avons malheureusement à déplorer ici un manque d'unité dans la publi-
cation : cette pièce a paru dans un programme du gymnase de Saarbruck. in-fo-
lio, les autres pièces sont dans le format des in -8° ordinaires de la maison Teubner.
Rien de plus désagréable que ces irrégularités quand il s'agit d'une même collection.
2. Nous recevons le Plutus, qui forme le quatrième volume de la collection; nous
en rendrons compte très prochainement.
3. Signalons aussi un article du même genre dans les Symbola philol. Bonn, in
honorem Fr. Ritschelii collecta, 1864, fasc. I. p. 411 sqq. Après son retour d'Italie,
M. A. v. V. a donné de nouveaux articles sur Aristophane dans les deux revues que
nous avons citées.
4. In multis scriptoribus Graecis, nnum ?>o\\im tesiemhabemus, cujus verbaalii atque
4 RICVUK CU1TIQUE
sont en Italie, étaient considérés comme importants, le Ravennas, le Ve-
netus et deux mss. de Florence T et 0. Or. M .V. avait lui-même démontré
[Philologus, XXIV, p. 124 sqq.) qu'il n'y avait aucun de ces manuscrits
qui ne fût assez gravement altéré, que tous reproduisaient très imparfai-
tement la tradition commune, enfin qu'aucun d'eux ne pouvait suffire à
lui tout seul pour constituer le texte. Cette insuffisance avait des degrés
sans doute, mais elle était grande, même pour les meilleurs mss. M. V.
avait donc d1abord à collationner très exactement ces quatre manuscrits ;
de plus, puisque le texte ici doit être constitué à l'aide de secours pris à des
sources différentes, il avait à faire dans les bibliothèques italiennes, une
enquête rigoureuse et à voir si, parmi les manuscrits jusque là négligés, il
n'y en avait pas quelqu'un qui pût être utile et fournir quelque secours.
Signalons d'abord deux résultats importants, fruits de ces recherches.
L'édition princeps d'Aristophane, donnée par Aide Manuce à Venise en
1498 , ne contient que neuf des onze comédies du poète; les deux
qui manquent, Lysistrata et les Thesmophoriaçusœ, furent publiées
pour la première fois à Florence, en i5i5, par B. Junti, d'après un ma-
nuscrit provenant de la bibliothèque d'Urbin '. Depuis Junti, ce manus-
crit, qui paraissait appartenir à une bonne famille, avait disparu et la
Juntine, qui le représentait, était considérée comme une des sources pour
la constitution du texte de Lysistrata et des Thesmophpr ia\usœ. On
n'avait pas cependant renoncé à tout espoir de retrouver l'Urbinas de
Junti et M. V. moins que tout autre 2. Tout en faisant ses collations, il
fouillait les bibliothèques italiennes, en quête du manuscrit perdu. Il y
a, dans ce fait de voir disparaître en pleine culture littéraire des docu-
ments, échappés à des siècles de barbarie et d'ignorance, quelque chose
qui irrite; on ne se résigne pas facilement; et, malgré de trop nombreux
mécomptes, on a toujours peine à croire que tout espoir est définitive-
ment perdu. Le résultat ne fut pas pour M. V. tel qu'il l'avait peut-être
rêvé : s'il retrouva l'Urbinas de Junti, il n'eut pas le bonheur de nous
rendre un nouveau texte d'Aristophane 3. Il se trouva, en effet, que le
alii sinefructu etcumnovis semper erroribusrepetunt.In quibusdam alns duo idonei
testes supersunt, quos qui audiverit habet omnia. Gobet. Varice Leciiones, préf.,
p. xxiv. 2e édit.
1. « Venit, mi Francisce, expectata dies illa in qua exurbinate bibliotheca antiquis-
simum Aristophanis exemplar nacti sumus, ibique inter aliis AufflffTpdcTTQV m) 0£-
ajxocpopiaÇoôcaç... non alias visas comedias nacti sumus ». Préface de B. Junti.
2. Als ich in den Jahren 1866 and 67 in Italien war, habe ich natûrlich in Rom
nach jenem codex urbinas. .. eifrig gesucht, aber vergebens. Ebenso vergeblich war
meine Mûhe auf den ûbrigen italienischen Bibliotlieken. A. v. Velsen, Ueber den
Codex Urbinas der Lysistrata und der Thesmophoria^usen.WaWe, 1871, p. 3.
3. Dièse Abhandlung macht uns um eine Handschrift sermer, um eine Kenntniss
reicher, dit justement Wecklein en rendant compte de la brochure de M. Velsen. (Phi-
loîogischer An^eiger, 1877, p. 227.) M. V. avait noté, dans le ms.de Ravenne, des chif-
fres arabes et autres signes placés à côté du texte de Lysistrata et des Thesmopho-
riazusas. C'est seulement en Allemagne, en étudiant ses collations, qu'il s'aperçut de
O HISTOIKR KT l>K I.ITTKK AI UHK D
ms., d'après lequel avait été éditée la Juntine, n'était autre que le ms.
de Ravenne. La découverte n'en était pas moins intéressante : elle éclai-
rait Thistoire d'un manuscrit important, elle donnait la solution d'un
problème relatif au texte du poète. De toute manière elle faisait honneur
à la sagacité du savant.
Le second service rendu par M. V., c'est d'avoir signalé le premier
l'importance de Y Ambrosianus M. « Is liber, diligentissime pictus,
gravissimi in constituendis poetae verdis est momenti : utpote qui
genuinam Aristophanis manum saepe servaverit solus cum Ravennate,
interdum quamvis raro solus '.
L'édition des comédies d'Aristophane publiée par M. V. est pure-
ment critique ; l'éditeur ne s'occupe que de constituer le texte sans
chercher à l'expliquer ; les notes, qui se trouvent au bas des pages, sont
divisées en deux groupes, le premier est consacré aux conjectures tant
du nouvel éditeur que des savants qui l'ont précédé % le second forme
l'apparat critique. Cette dernière partie est de beaucoup la plus dévelop-
pée, c'est elle qui forme la valeur essentielle de l'ouvrage. Cette édition
marque un progrès décisif ; elle donne à la critique, pour l'étude du
texte d'Aristophane, cette base qui jusqu'ici lui faisait défaut. Quand
M. V. aura terminé son œuvre, nous posséderons du poète comi-
que une édition critique telle qu'il n'y en a de semblable que pour bien
peu d'auteurs.
Il suffit de jeter les yeux sur cet apparat critique, pour voir avec quelle
attention, avec quel scrupule les manuscrits ont été examinés : les parti-
cularités les plus insignifiantes en apparence ont été relevées avec le soin
le plus minutieux 3, je me bornerai à un seul ordre de faits. Le manus-
crit de Ravenne est du xi° siècle, l'accentuation y est irrégulière, mise
généralement, mais assez souvent omise; que M. V. relève avec soin
toutes les divergences d'accentuation, cela est nécessaire, mais est-il
bien utile d'indiquer absolument tous les cas où le copiste a négligé ici
un esprit, là un accent? Ainsi dans les Grenouilles : 5i, £7107] s^wf' et
lemma 4 scholii e^uy' R- — 69, xaxo);] Kaxw R xoctw. U xàtw A y.aTw;
minio corr. ex xaTor M. — 74, èaxt] wct R hsv, V. — 82, euxoXoç] eùxoXoç
la concordance que ces chiffres offraient avec la Juntina; cette concordance était
telle que le doute n'était plus possible sur l'emploi de ce ms. par Junti.
1. Préface de l'édition des 'faxrçç (p. vin); dans la préface des BaTpa/Gt, l'auteur
ajoute : Hune codicem in Ranarum fabula certe e Ravennate non transcriptum esse
docent vv. 201, 208, 274, alii, p. vt.
2. L'auteur n'a donné naturellement que les conjectures les plus dignes d'attention.
3. L'apparat critique des Grenouilles nous semble même plus développé que
celui des Chevaliers.
4. On voit par cette citation que M. V. indique, à côté de la leçon qui est donnée
par le texte, la leçon qui se trouve souvent dans les lemmes des scolies. C'est un
soin dont il faut lui savoir gré; la leçon du lemme diffère souvent de celle du texte,
nous avons là deux témoignages appartenant à la même époque, il est utile de les
connaître tous deux.
6 RKVUK CRITIQUE
R. — m, ^Xôeç] f,XO£ç R. -— 117, xpbç] rcpoç R. Jfo'rf., àXXà] àXXa R.
N'est-il pas permis de regarder un peu comme superflu le relevé si
rigoureux de fautes qui ne sont d'aucune importance pour la constitution
du texte et qui s'expliquent toutes par une cause générale parfaitement
connue? Nous n'avons pas cependant le courage d'en faire un reproche
à M. V. ; il y a dans cette édition un tel effort, une telle somme de
travail qu'on ne voudrait pas croire qu'une partie de cette peine a été de
la peine perdue. Il y avait, croyons-nous, un moyen bien simple d'éviter
ces redites : il suffisait, à la fin de la préface, d'une note de quelques lignes,
faisant connaître à la fois les deux ou trois fautes les plus fréquentes et
quelques-unes des habitudes particulières à chacun des copistes. M.jV. au-
rait gagné à cela d'alléger son bagage, ce qui n'est pas un mince avantage
pour un travail de ce genre'; il y aurait gagné, ce qui est plus grave, d'être
plus clair. Je prends un des deux exemples. Le ms. de Ravenne présente
une particularité curieuse, le mot oùx est presque toujours suivi de l'apos-
trophe oùx.'. Faudra-t-il relever perpétuellement cette particularité '? Et,
si on la relève, que pensera de ce signe le lecteur qui n'est pas prévenu?
Lenégligera-t-il? Cherchera-t-il à lui attribuer une valeur? — Le copiste
du Venetus met ordinairement le double point : pour indiquer la fin
d'un discours. C'est un signe particulier, qui a sa valeur propre et qui
n'exclut pas une autre ponctuation, ainsi Grenouilles, 25, k^ù :; Il y a
à la fois un double point pour indiquer que le personnage a fini de parler,
et un point d'interrogation, la phrase étant interrogative. Cette double
ponctuation dans l'édition de M. V. est une énigme pour le lecteur 3.
Nous sommes convaincus qu'il est difficile dans une collation de
pousser l'exactitude aussi loin que l'a fait M.V. dans les siennes; maison
sait combien les travaux de ce genre sont délicats ; si rigoureuse, si exacte
qu'on suppose une collation, il sera toujours possible d'y trouver à repren-
dre. J'ai pu contrôler l'exactitude delà présente édition des Grenouilles
sur trois des principaux mss. d'Aristophane, le Ravennas, le Venetus
et l'Urbinas 3; voici les observations que j'ai à proposer : 11. Syjt' iks-
t£Ôg) et non Syjô* txeTeùo) R. — 42, §Y)[ji,YjTpav et non §Y)fjt,YjTpa U. — 76, V.
dit : « post priuso in xporepov erasa est una littera U. » Un point seul a
été gratté, — 85, tXyj^wv] tX^wv U. — io3, après àpéaxei V a un point
d'interrogation formé ainsi : ., (Il y a d'assez nombreux exemples de
cette ponctuation dans le ms.) — 33o, tyjv devant daéXacxov est aussi la
leçon de V. — 359, toXitoccç] xoXityjç V (par abréviation de rtç au-dessus
du t), tcoXF R.
Ce qui fait la valeur de cette édition, avons-nous dit, c'est la précision
1. Cf. sur les divers emplois de l'apostrophe, Gardthausen, Griechische Palœo-
graphie. Leipzig, 187g, p. 272.
2. Toutes ces particularités seront peut-être signalées dans le travail que M. V. a
promis sur les mss. d'Aristophane : disputatione de universa librorum Aristopha-
niorum ratione in aliud tempus reservata. Préface des Chevaliers, p. VI
3. Nous avons collationné de la pièce des Grenouilles les vers 1-100 et 324-370.
d'histoire kt dk uttrratukk 7
et la richesse de l'apparat critique ; elle a un autre mérite, moins impor-
tant sans doute, mais qui ne doit pas être passé sous silence. M. V. ne
s'est pas contenté de nous faire connaître la leçon des manuscrits, il a
aussi payé de sa personne et essayé d'améliorer lui-même le texte. Quel-
ques-unes des conjectures qu'il propose nous paraissent acceptables,
la plupart sont ingénieuses, nous en citerons quelques-unes : 207,
/,uy.yo6aTpaxwv au lieu de (Saxpaxtov /.Okvwv (Bothe avait déjà proposé
(3axpaxo>tôxv<i>v, ce qui est plus voisin de la leçon des mss.). — 405, xat 10
au lieu de xcvîe tov. — 718, toùç zaXoùç y.al xoùç %ay.oûç au lieu de toùç
xaXoûç ts y.aYa6où; (Meineke avait proposé xoùç xaxcuç -ce ttdtyaôoùç). —
101 1, p.oxOy]poùç ToûaS'; R et A ont po/ÔYjpcùç, V. jjlo^Oyj pcrépcuç x', V et M
[j,oxO'/]poTaTCUç,. — i3oi, Tcopvôv ^sXwv au lieu de nopviBtwv. La conjecture
du v. i5 est très ingénieuse :
sxsuy] tîo'x' et cpépouatv èv xw[i.<i)8ta ;
Il y a cependant un enchevêtrement de deux propositions commençant
toutes deux par et (etrcep 1 3 et et i5) qui n'est pas d'un bon effet. Ce
vers a été considéré comme interpolé et avec raison, à ce qu'il semble.
Souhaitons en terminant que M. Velsen poursuive l'œuvre com-
mencée : il rend un service signalé à tous les amis d'Aristophane,
c'est-à-dire à tous ceux qui s'occupent de l'antiquité classique. Espérons
que les retards, qui nous ont fait attendre les nouveaux volumes, ne se
reproduiront pas, et que les comédies, qui nous manquent encore,
viendront toutes au jour chacune à son temps et à son heure. C'est par
ce souhait que nous avons commencé, c'est aussi par ce souhait que nous
voulons terminer ce compte-rendu.
Albert Martin.
.3JDBX3 ie t92imu<
126. — V. Jagic. Speclmiua lingute palaeslovenicse. Un vol. in-86 de 147 p.
Saint-Pétersbourg, 1882. Imprimerie de l'Académie des sciences.
Le recueil que nous offre M. Jagic est évidemment un manuel d'en-
seignement; l'auteur a voulu réunir dans une chrestomathie portative et
peu coûteuse les textes les plus importants pour l'étude de la langue
slavonne sous sa forme la plus ancienne et la plus pure. Ce petit recueil
est plutôt le livre du maître que celui de l'élève; il ne donne aucun ren-
seignement chronologique sur les textes qu'il renferme, aucun commen-
taire. Il se contente de signaler les variantes. Une bonne partie des
morceaux est imprimée en caractères glagolitiques; c'est là une innova-
tion utile; car les chrestomathies glagolitiques sont rares et les étudiants
— je parle des étudiants russes, — n'ont guère l'occasion de s'exercer à
la lecture de cet alphabet difficile '.'Un index slavon gréco-latin accom-
1. M. Miklosich n'a pas osé imprimer en glagolitique les textes qui accompagnent
sa Formenlehre. « Dièse stûcke, dit-il, in der urschrift abdrucken zu lassen, davon
hielt mich die besorgniss zuruck, sie mœchten dann nicht gelesen werden. »
HKVUK CRITIQUE
pagne ce recueil; l'exécution typographique en est remarquable; mais il
serait à désirer qu'un nouveau tirage fût fait sur un papier plus solide,
moins transparent et collé autant que possible.
L. L.
127. — Fansts Leben, von Georg Rudolf Widmann, herausgegeben von Adelbert
von Keller (i46ste Publication des Litterarischen Vereins in Stuttgart [Tûbin-
gen]). Tûbingen. 1880, in-8°, 737 p. — Prix : 20 mark l.
Tous les admirateurs et amis de Goethe seront reconnaissants a
M. Adalbert de Keller d'avoir reproduit dans une des publications du
Litterarischer Verein de Stuttgart-Tubingue le remaniement que
Nicolas Pfitzer fit paraître en 1674, à Nuremberg, chez Endter, du Faust
de George Rod. Widmann [Das àrgerliche Leben und schreckliche
Ende dess viel-berùchtigten Ert\-Schwar\kunstlers Johannis Fausti,
erstlich, vor vielen Jahren, fleissig beschrieben, von G. R. Widmann,
iet\o, au/s neue ùbersehen, und so wol mit neuen Erinnerungen, als
nachdencklichen Fragen und Geschichten, der heutigen bosen Welt, \ur
Warnung, vermehret, nebst vorangefilgtem Bericht Conradi Wolff :
Plat^ii, weiland der heiligen Schrifft Doctorens , von der greulichen
Zauberey-Sùnde ; und einem Anhange, von den Lapponischen Wahrsa-
ger-Pauken, wie auch sonst et lichen \aubrischen Geschichten). Il est cer-
tain que Gœthe et le peintre Mûller ont connu l'œuvre de Widmann et lui
ont emprunté quelques traits. M. A. de Keller fait, à la fin du volume, de
très brefs rapprochements entre le Faust de Widmann et celui de Gœthe
(pp. 145,439,606), mais sans les faire tous, parce qu'il se réserve de trai-
ter plus amplement le sujet, et de citer ailleurs d'autres passages du
Faust de Gœthe qui rappellent le Faust de Widmann mot pour mot
[welche wortlich an unser Buch anklingen, p. 728). On remarquera
surtout (p. 439) le passage où chaque buveur, croyant saisir le raisin, et
levant son couteau, s'aperçoit soudain qu'il tient dans sa main le nez de
son voisin 2. M. A. de Keller a reproduit le texte avec tout le soin et
toute l'exactitude scrupuleuse qu'on lui connaît; il n'a rien changé à la
ponctuation et à Torthographe de l'édition de 1674, sauf dans quelques
cas où il suffisait de faire une très légère modification pour rendre le
texte plus clair. Le volume, comme toutes les publications du Littera-
rischer Verein, est beau et très nettement imprimé.
A. C.
1. Tout exemplaire des publications du Litterarischer Verein de Stuttgart coûte,
pris isolement, 20 mark; mais, en s'abonnant pour un an, également à 20 mark, on
reçoit un exemplaire de toutes les publications du Verein parues dans l'année de
l'abonnement. Rappelons encore que le siège de l'administration du Verein est à
Tûbingen, et non à Stuttgart.
2. Voir la scène de la cave d'Auerbach; cp. aussi, p. 140, le passage où l'esprit se
déclare le fidèle serviteur de Faust.
0 HISTOIKK tir DE l.UTÊKATURK 9
128. — IVotes critiques et biographiques sur Rotrou, par M. Léonce
Person. Paris, Cerf. 1882, in-8°.
•
Voici une intéressante brochure, qui, dans les quarante-quatre pages
dont elle se compose, contient plus de faits curieux qu'on n'en trouve
quelquefois dans de gros volumes.
Fort économe de phrases inutiles, l'auteur de ce travail, au lieu de ré-
péter pour la centième fois ce que tout le monde sait, précise les points
incertains et réunit quelques documents nouveaux.
D'ordinaire on fixe la naissance de Rotrou au 21 août 1609 et sa
mort au 28 juin i65o. Ces dates ne sont point rigoureusement
exactes; ce sont celles du baptême du poète et de son inhumation.
Comme il mourut de la peste, son enterrement a dû suivre sa mort de
très près, mais, quant au baptême, il est bien probable qu'il est posté-
rieur de plusieurs jours à la naissance.
M. Léonce Person écarte avec une vigilance fort judicieuse tout do-
cument qui n'est pas d'une authenticité incontestable. Il en est du reste
plusieurs, de fabrication récente, dont la fausseté n'était pas fort difficile
à établir.
Tel est, entre autres, un prétendu autographe adresse, dit-on, par Ro-
trou à son frère, et où se trouve ce beau passage si connu : « Les clo-
ches sonnent pour la vingt-deuxième personne qui est morte aujour-
d^ui. Ce sera pour moi quand il plaira à Dieu. » Le faussaire a
évidemment copié cette lettre dans un Dictionnaire historique publié
en 1822, mais ce texte est lui-même supposé à l'exception de ce que
nous venons d'en citer. Ce court fragment, qui seul paraît incontesta-
blement de Rotrou, se lit, dès 1728, dans une notice des plus exactes, in-
sérée dans les Singularités historiques de D. Liron, et rédigée à l'aide de
renseignements fournis par Pierre de Rotrou de Saudreville, frère du
poète. Ce morceau y est rapporté comme extrait d'une lettre de Rotrou
adressée par lui, non à ce frère, comme on l'a prétendu depuis, mais à
Mmfi de Clermont d'Antraigue, qui lui avait proposé de venir, pendant
Tépidémie, habiter son château situé à une lieue de Dreux.
Du reste, les documents apocryphes relatifs à Rotrou que M. P. a
signalés ne sont pas les seuls. On a, par exemple, beaucoup parlé, il y a
quelques années, d'une fausse lettre de Corneille à ce poète. L'hospita-
lité fastueuse qu'elle a reçue bien mal à propos dans les vitrines du
British Muséum lui avait valu une grande notoriété, et même, auprès
de quelques personnes, une autorité des moins justifiées. Corneille y
manifeste la crainte que l'Académie « se laisse influencer » par le cardi-
nal de Richelieu. Ce néologisme aurait dû suffire pour découvrir la
fraude, mais, comme elle n'est pas encore évidente pour tous, M. P.
aurait dû la signaler.
Rotrou n'est pas un créateur ; il a surtout transporté sur la scène
française des pièces habilement imitées des littératures anciennes ou
10 RKVUK CRIllQtlh
étrangères. On Pavait constaté pour beaucoup d'ouvrages; M. P. ajoute
à la liste des emprunts du poète : Les deux pucelles, dont le point de
départ est une nouvelle de Cervantes, las dos Doncellas et la Bague de
l'oubli, tirée de la Sortija del olvido de Lope de Vega ; enfin, ce qui
est plus important, il constate que le Saint -Gewst, toujours cité comme
l'œuvre la plus originale et la plus personnelle de Rotrou, est égale-
ment imité de Lope, et que, beaucoup plus anciennement, cette légende
avait inspiré à nos vieux auteurs dramatiques un mystère de Saint-
Genis.
M. P. nous apprend qu'il l'a « fait copier ». Si c'est avec l'intention
de le publier quelque jour, il fera bien de revoir cette copie avec soin,
car les quelques vers qu'il a cités sont remplis de fautes de toutes sortes.
Je pourrais le prouver par de nombreux exemples, je me contenterai du
suivant : Genis voulant démontrer la Trinité à l'empereur, à l'aide des
arguments habituels du moyen âge, lui indique les diverses « choses »
qu'on peut remarquer dans une pomme bien qu'elle demeure une :
La première, c'est la colleur,
La seconde, si est loudeur,
La tierce, c'est la saveur bonne,
La copie ne respectant ni le sens, ni même la mesure du vers, donne, au
lieu de loudeur (l'odeur), « la lourdeur ».
M. P. n'a pas seulement indiqué les sources des œuvres de Rotrou; ri
s'est aussi préoccupé des imitations qu'on en a faites. « Feu M. Edouard
Fournier, dit-il, nous apprend que le spirituel Carmouche a tiré de
Y Hypocondriaque de Rotrou un de ses proverbes les plus amusants.
Voilà encore une découverte à faire : pour notre compte, nous n'avons
rien trouvé dans les œuvres de Carmouche qui rappelât de près ou de
loin V Hypocondriaque de Rotrou, mais l'indication d'Edouard Four-
nier mérite d'attirer l'attention. » Nous n'avons pas poursuivi cette re-
cherche, mais nous soumettons à l'auteur une conjecture, qui nous
semble vraisemblable et qui expliquerait son insuccès. Jamais Carmou-
che, auteur de vaudevilles, n'a fait de proverbes, il me semble donc pro-
bable qu'il y a une coquille dans l'article cité de la Patrie, et qu'au lieu
du nom de Carmouche il faut lire celui d'un très célèbre et surtout très
fécond auteur de proverbes : Carmontelle.
M. Léonce Person ne s'est pas contenté de réunir des faits nouveaux,
il a recueilli un sonnet de Rotrou, placé en tête de la Coutume de
Châteauneuf de Du Lorens et qu'aucun bibliographe n'avait encore
signalé. C'est dire combien cet opuscule sera important à consulter
pour tous ceux qui, à l'avenir, s'occuperont de l'ami et du rival de Cor-
neille.
Ch. Mabty-La veaux.
o'histoirk kt DE LITTÉRATURE I 1
J2Q. Kllnger lo der Slurm-nnd Drangperlode, dargestellt von M. Rie-
ger. Mit vielen Briefen. Darmstadt, Arnold Bergstrsesser. 1880, in-8°, xn et 440 p.
— Prix : 8 m. 60.
On attendait depuis longtemps avec impatience l'ouvrage de M. Rie-
ger sur Klinger '. A la nouvelle que M. R. préparait une biographie de
l'auteur des Jumeaux, M. Weinhold, qui avait commencé le même tra-
vail, l'abandonnait aussitôt et envoyait à M. R. les matériaux qu'il avait
rassemblés. M. R. est le petit-neveu de Klinger 2; il a eu entre' les mains
une foule de documents relatifs à son grand-oncle; et, quoique sa mère,
dont il invoque souvent le témoignage, n'ait jamais vu Klinger, il a pu
parler du poète d'après de précieuses traditions de famille. L'ouvrage
aura deux volumes; le premier, paru il y a près de deux ans 3, est con-
sacré à la vie et aux œuvres de Klinger durant la période d'orage.
M. R. expose dans le premier chapitre de son volume la jeunesse et
l'enfance de Klinger à Francfort. Klinger est né le 17 février 1752 dans
la même ville que Gœthe; son père était Konstabler ou officier de police,
il mourut en 1760; sa veuve, chargée de trois enfants et d'une vieille
mère, se fit blanchisseuse; au temps de la foire, elle vendait des pierres à
feu et des billes. M. R. fait justice des légendes qu'on a racontées sur l'en-
fance de Klinger; ce qui est sûr, c'est que le jeune Maximilien eut des
protecteurs qui le firent entrer au gymnase de Francfort et qu'il trouva
sur les bancs de sa classe un écolier plus misérable que lui-même, un
orphelin, Authâus, qui devint son ami et son protégé. Toutefois la pau-
vreté des Klinger était extrême, et Maximilien dut s'engager dans la
troupe des Currendfehuler qui chantaient des cantiques aux enterre-
ments ; en même temps, il remplissait au gymnase TorEce de calefactor
on, comme on dit dans nos lycées, de chauffeur, et avait, en conséquence,
une chambrette dans l'établissement; c'est ainsi qu'il n'y a pas long-
temps encore le tapin de nos collèges était toujours un boursier. Enfin,
Klinger donnait des leçons particulières, afin d'amasser le petit pécule
nécessaire à son entretien pendant les futures années d'université. En
1772, il quitta le gymnase, mais ce n'est que le 16 avril 1774 qu'il se fit
inscrire comme étudiant à la faculté de droit de Giessen.
De 1772a 1774, il fréquenta Kayser, H. L.Wagner, Goethe, etc.;
toute cette jeunesse était unie par la commune admiration de Shaks-
peare, tous étaient shakspearefest ; c'est, dit-on, dans la chambre de
Klinger que fut écrite et récitée la « farce » de Gœthe, Dieux, héros et
Wieland. Mais, selon M. R., Klinger avait déjà connu Gœthe dans son
enfance et joué avec lui ; les vers connus an diesem Brunnen hast auch
du gespielt et eine Schwelle hiess ins Leben, etc., lui paraissent prou-
1. On sait que Klinger est un des dramaturges les plus violents de la période d'o-
rage. C'est à lui que cette période doit son nom; Sturm und Dr an g est le titre d'un
drame de Klinger.
2. Il est le petit-fils d'Agnès Klinger.
3. Nous ne l'avons reçu de l'éditeur qu'à la fin de 1881.
12 REVUE CR1TIQUK
ver que la famille de Klinger a demeuré quelque temps dans le voisinage
de celle de Goethe (dans le bâtiment que le conseiller Gœthe fit abattre
en 1755); et Klinger ne dit-il pas qu'il a passé bien des heures auprès de
Mme Gœthe (Frau Aja) cloué sur une chaise et écoutant des contes?
Le deuxième chapitre du livre est intitulé Giessen. M. R. y raconte
la vie solitaire que menait Klinger, sa liaison avec.Hôpfner, à qui Gœ-
the l'avait recommandé et qui lui offrit une chambre dans sa maison,
son amitié pour Schleiermacher, le futur fondateur du musée de Darm-
stadt, la passion sentimentale qu'avait vouée Albertine de Grûn au jeune
étudiant, les visites que firent au dramaturge déjà célèbre — au rival de
Lenz et de Gœthe, — les Stolberg, F. H. Jacobi, Miller, Boie. M. R.
analyse longuement, en citant les jugements des critiques de l'époque,
les drames que Klinger composa durant son séjour à Giessen : Otto, das
leidende Weib, Donna Viola, Die Zwillinge (où il aurait fallu citer,
au moins en note, l'opinion d'Erich Schmidt, adoptée par M. R. An\ei-
ger, 1877, p. 199), Pyrrhus, die neue Arria, Simsone Grisaldo. Au
bout de deux ans ', Klinger, brouillé avec Hôpfner, quitta Giessen et se
rendit à Weimar pour y tenter la fortune; l'éclatante faveur que Gœthe
avait trouvée auprès du grand-duc attirait tous les « génies » de l'épo-
que. Mais Klinger se rendit impossible; il dut partir; M. R. raconte
avec grand détail cette déconvenue du poète, ses relations avec l1 « apô-
tre » Kaufmann, l'impression que produisirent sur la cour de Wei-
mar et sur Gœthe ses prétentions excessives et ce qu'on appelait alors le
genialisches Treiben, etc. La vie de Klinger, après son départ de Wei-
mar, fut semée d'aventures ; il suivit, en qualité de « dramaturge », la
troupe d'acteurs de Seyler à Dresde et à Mannheim ; puis il alla passer
quelque temps à Dusseldorf chez Jacobi, revint à Francfort, et accepta
l'hospitalité que le beau-frère de Gœthe, G. Schlosser, lui offrait à Em-
mendingen. A ce moment éclatait la guerre de la succession de Bavière;
Klinger s'engagea dans un corps de volontaires ; il fut fait lieutenant ;
il rêvait déjà un brillant avenir militaire; mais la campagne fut courte;
Klinger ne combattit même pas et fut congédié. Enfin, après avoir
mené une existence vagabonde et couru de mécompte en mécompte et
de déception en déception, il obtint, par l'entremise de Schlosser et à la
recommandation du duc Frédéric-Eugène de Montbéliard, un brevet
de lieutenant dans l'armée russe ; il partit pour Pétersbourg en septem-
bre 1780. Son temps d'épreuves était fini ; le bouillant dramaturge fera
place au stoïque romancier; le misanthrope se pliera aux exigences du
monde; après bien des aigreurs et des souffrances, l'aventurier va de-
venir général et l'un des plus hauts fonctionnaires de la Russie.
Chemin faisant, M. R. apprécie les œuvres de Klinger durant cette
1. L'ouvrage comprend six chapitres : I. Kindheit und Jugend in Frankfurt. II.
Giessen. III. Weimar. IV. Bei Seyler. V. Bei Schlosser und im Kriege. VI. Nach
dem Kriege, Zurich, Emmendingen und Basel.
0 HISTOIRK Kl UK LITTÉRATURE.
l3
partie de sa vie : Sturm und Drang, Stilpo, Orpheus (où il montre fort
bien l'imitation de Crebillon et de Wieland), Plimplamplasko (où il re-
jette la collaboration de Pfeffel et doute de celle de Lavater), etc.; il fait
une étude approfondie de chacune de ces productions, en expose l'ori-
gine et le sujet ; quiconque voudra connaître Klinger et la période à la-
quelle il a donné et le nom et le mot d'ordre, devra recourir à ces ana-
lyses si consciencieuses et si étendues, 'mil.
Quelques esprits difficiles pourront reprocher à M. R. d'être parfois
trop long ; on ne lui en voudrait pas d'avoir glissé par instants sur cer-
taines circonstances, d'avoir donné à plusieurs épisodes moins de déve-
loppements, d'avoir attribué à de menus détails moins d'importance.
On lui aurait su gré d'apprécier l'Orphée en une seule fois, et non par-
tie par partie, selon l'ordre chronologique. Et pourtant, M. R. a eu
raison de ne pas séparer la vie et les œuvres de Klinger, d'exposer les
circonstances qui ont influé sur les écrits du poète, de suivre Klinger
pas à pas dans les diverses situations d'esprit d'où naissaient ses poésies
et ses drames; presque tout ce que Klinger a composé a, comme dit
M. R. à propos de Simsone Grisaldo, une ce valeur subjective » (p. 141);
et n'est-ce pas pour gagner le prix proposé par Schroder qu'il a composé
les Jumeaux? On pourra également chicaner M. R. sur quelques juge-
ments un peu exagérés; M. R. n'est pas impunément le descendant et
le biographe de Klinger ; il est, ce nous semble, quelquefois trop indul-
gent pour son grand-oncle, et il donne par endroits au héros de son li-
vre une louange excessive. Il a tort de regarder l'action d'Otto comme
plus dramatique et plus tragique que celle de 3ôt% de Berlichingen
(p. 42), et, si dur que lui semble le jugement des deux Lessing sur la
Neue Arria, il est celui de tous les critiques (pp. 125-128). Mais après
tout, c'est précisément parce que Klinger était sympathique à M. R. que
nous possédons cette belle biographie ; l'auteur a traité dignement son
sujet parce qu'il l'avait abordé avec amour et un respect presque filial.
Dirons-nous encore que dans un livre où l'auteur s'écarte quelquefois
de son sujet proprement dit, où il nous présente assez longuement les
amis de Klinger, où il nous donne de minutieux détails sur la troupe de
Seyler, on s'étonne de ne pas trouver une peinture plus développée des
mœurs des étudiants deGiessen? Quoique Klinger fît profession de « dé-
tester la vie académique », il est certain que la grossièreté et la brutalité
presque proverbiales des étudiants de Giessen n'ont pas dû res ter sans
influence sur son caractère déjà rude et fougueux ; une pièce du temps
de Gottsched représente l'étudiant d'Iéna sous le nom de Ungestumm ;
l'étudiant de Giessen, et Klinger lui-même à cette époque de sa vie,
méritent ce nom-. Pourrait-on aussi faire observer à M. R. qu'il n'a pas
marqué en traits assez précis et assez forts le caractère général de la lit-
térature du temps; qu'il n'a pas mis suffisamment en relief le rôle de
Klinger dans l'ensemble de cette singulière époque littéraire; qu'il n'in-
siste pas sur la langue de Klinger, langue forte et drue, assez semblable
14 KKVUK CRITIQUE
au personnage lui-même, qui, porté aux extrêmes, ne voit dans tous
ceux qui l'entourent qu'un grand homme ou un imbécile (ein herrli-
cher Junge oder ein Scheisskerl), comme dit M. R. (p. 168). Il est vrai
que, là encore, M. R. pourrait objecter qu'il n'a voulu étudier spéciale-
ment que la vie et les œuvres de Klinger et qu'il a laissé aux histoires
générales de la littérature ou à MM. Erich Schmidt et O. Erdmann la
tâche de marquer la place de Klinger dans la période d'orage.
Mais ce volume, d'ailleurs magnifique d'exécution, orné d'un portrait
de Klinger d'après un dessin au crayon de Gœthe (janvier 1775), est si
instructif, il renferme tant d'analyses pénétrantes et complètes (du reste
difficiles à faire, car il y a des pièces de Klinger qui sont un véritable
fouillis), tant d'aperçus nouveaux, tant d'informations inédites qu'il
vaut mieux exprimer à l'auteur notre reconnaissance que de nous attar-
der à de menues critiques. On ne savait pas grand chose, dit M. R. dans
sa préface, de la vie de Klinger, et l'on n'avait pas une connaissance
profonde et suivie de ses œuvres ; grâce aux recherches de M. R., grâce
aux résumés et aux citations qui remplissent son premier volume, on
connaîtra désormais la jeunesse si tourmentée du poète et ses œuvres de-
venues presque inaccessibles. Enfin, l'appendice du volume a une grande
valeur; mitvielen Briefen, dit le sous-titre de l'ouvrage; c'est dans l'ap-
pendice qu'on trouve ces « nombreuses lettres » de Klinger ; il y en a cin-
quante-sept, dont vingt-huit adressées à Schleiermacher, et les autres à
la mère et aux sœurs de Klinger, au peintre Mûller, etc.; quinze sont
datées de Weimar. A ces lettres qui forment, selon l'expression de
M. R., tout un fond de matériaux biographiques et qui suffisaient pour
le rendre supérieur à quiconque aurait traité le même sujet, sont jointes
quatorze lettres du compositeur Kayser, adressées également à Schleier-
macher. Il ne nous reste qu'à souhaiter à M. Rieger le prompt et heu-
reux achèvement de sa publication; puissions-nous avoir bientôt le se-
cond volume qui nous représentera Klinger dans la pleine force de son
talent et « dans la maturité de la vie » fin der Reife des Lebens), et qui
sera plus important, plus attachant encore que son aîné, car il sera con-
sacré aux meilleures œuvres de Klinger, à ses romans, où, selon les
mots de Gervinus (IV, 663), l'éternel contraste entre l'idéal et le monde,
le cœur et la raison, l'enthousiasme et le sang-froid, la vertu et le vice,
le poète et l'homme du monde, l'ange et le diable, Dieu et la bête, a oc-
cupé le poète devenu un grave penseur.
A. Chuquet.
l3o. — Jei*I und !*:»• •<•!>, ein Singspiel, von Gœthe, in der ursprùnglichen
"Gestalt zum ersten Maie hrsg. Leipzig, Veit. 1881, in-8°, xxxn et 47 p. — Prix :
2 mark.
.. ïoni'jî fia
M. Arndt, l'historien, s'est déjà fait connaître comme un des plus dis-
tingués des Gœtheforscher et nous avons parlé ici même de la belle et
O'HISTOIKK KT DR LITTÉRATURfc l5
excellente édition qu'il a donnée des lettres de Gœthe à Auguste de Stol-
berg. x\vant cette publication, il avait fait paraître la première rédaction
de l'opérette Jeri et Bàtely ; il a eu, cette fois encore, la modestie de ne
pas mettre son nom en tête de l'édition ; on ne le trouvera qu'à la fin de
Tintroduction. Malgré cette discrétion, M. A. n'échappera pas à nos élo-
ges. On lui saura le plus grand gré d'avoir découvert et publié avec tant
de soin et dans un petit volume de l'aspect le plus coquet l'idylle drama-
tique de Gœthe sous sa première forme '. On ne connaissait jusqu'ici
Jeri et Bàtely que dans la rédaction définitive adoptée par Gœthe en
Italie et publiée dans l'édition des œuvres complètes en huit volumes
(chez Goschen); la première, que donne aujourd'hui M. A., nous sem-
ble préférable; elle a plus de fraîcheur et de grâce; on y trouve tout le
charme et l'élan d'une production de premier jet ; enfin, elle offre de gran-
des différences avec la seconde ; (la jeune fille y demeure, non pas avec son
père, mais avec sa mère et beaucoup d'endroits que Gœthe a depuis mis en
prose, sont en vers, parce qu'ils étaient destinés à être chantés, etc.) M. A.
donne dans son introduction des détails intéressants sur la composition
de Jeri et Bàtely, sur la représentation de l'opérette à la cour de Wei-
mar, sur le ms. qui renferme cette ire version, sur les variantes qu'offre
le texte jusqu'ici connu ; il s'élève contre les critiques qui veulent voir à
tout prix dans Jeri et Bàtely des allusions à la société de Weimar. Cette
publication de M. Arndt aura été, pour parler comme l'éditeur, un don
agréable aux amis de Gœthe et à M. Zarncke, à qui elle est dédiée.
C.
iuoq tttetB2rr)oe il
33}flio{ JfîOZ ,13
- c ' * î A* P * -
1 3 1 , — Correspondance diplomatique du baron de Staël-Holstein, par
M. L. Leouzon le Duc. Hachette, 1881, in-8°, 416 p.
-02 'A îôjnaid
Ces extraits de la correspondance du baron de Staël sont fort intéres-
sants pour l'histoire intérieure de la France et pour l'histoire des rela-
tions entre la France et la Suède de 1786 à 1792. C'est la partie princi-
pale du volume (1 à 254). Les historiens de la Révolution y trouveront
nombre de notes à relever, moins sur les événements mêmes, qui sont en
grande partie élucidés, que sur les impressions des contemporains — dont
on ne saurait jamais assez se pénétrer et qu'on a trop rarement l'occasion
de saisir sur le fait. C'est le prix des correspondances diplomatiques
quand elles sont bien faites. Celle du baron de Staël est remarquable. Il
était merveilleusement placé pour observer et pour savoir. Le volume
contient un court résumé (pp. 255 à 271) des deux missions de Staël à
Paris en 1793 et 1795. Il est bien regrettable que l'éditeur n'ait pas pu
(voir p. 1 1) nous donner la correspondance d'alors, car nous sommes
particulièrement pauvres en témoignages contemporains sur cette pé-
1. Le ms. se trouve à la bibliothèque de Gotha.
IÔ KKVUK CRITIQUE
riode. Les extraits s'arrêtent précisément au moment où l'on aurait dé-
siré les voir se multiplier. On le regrette d'autant plus que les rapports
de Brinkman, chargé d'affaires de Suède à Paris en 1799, sont remplis
d'intérêt : c'est la partie la plus neuve du volume, et l'on y voit, par
un exemple frappant, quel eût été le prix de rapports du même genre
sur le Comité de salut public et la Convention.
A S
■:.i ?.u\n chnoqàT JQ£V£2 Sfflàm à.
■âis lia - iio vj32 , s JxjBbnaj 3s rçtà'mft
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VARIÉTÉS
■ > aqfilè ,c.
La « Revue de l'extrême Orient » ».
rn anu «âiqB bzJnozaB'
De toutes les études orientales, la moins répandue, en France, est
celle de l' Extrême-Orient. Cette immense région est pourtant intéres-
sante à bien des titres, que l'on s'attache à son histoire intérieure ou que,
pour l'étudier, on se place au point de vue de ses relations avec le
monde indien et le monde musulman. Depuis quelques années, pour-
tant, la Chine, le Japon, l'Indo-Chine et la Malaisie ont été, chez nous,
l'objet de publications importantes qui commencent à éveiller la curio-
sité de nos érudits. La création de la Revue * que nous annonçons nous
paraît répondre à un véritable besoin et le nom de son fondateur,
M. Henri Cordier, nous est un sûr garant de l'esprit qui animera ce
nouveau recueil, auquel nous souhaitons longue vie et prospérité.
La Revue admet dans son cadre des articles de fond, des mélanges, un
bulletin bibliographique, une chronique, des questions et réponses et
enfin une bibliographie. On voit qu'ici encore c'est la Revue historique
qui a servi de modèle : on n'en pouvait choisir de meilleur.
Le premier numéro débute par une statistique des sexes, au Japon,
due à M. Léon Metchnikoff, après laquelle vient une biographie du cé-
lèbre sinologue russe Palladius. Sous le titre de « Documents inédits
pour servir à l'histoire ecclésiastique de l'Extrême-Orient, » M. Cordier
publie ensuite la correspondance du P. Foucquet avec le cardinal Gual-
terio. L'histoire des peuplades de la Chine orientale, extraite de l'histoire
de la dynastie des Han postérieurs, et traduite en anglais par M. A. Wy-
lie, forme une importante contribution au présent fascicule. M. Moura
nous retrace, après, son voyage de Phnom-Penh à Pursat, en compa-
gnie du roi de Cambodge, et décrit la pagode d'Oudoug ornée de pein-
tures représentant les principaux épisodes de la vie du Buddha. Vient
enfin le commencement d'une liste, dressée par M. Cordier, des manus-
crits relatifs à la Chine conservés dans les bibliothèques de l'Europe.
1. Revue de l'extrême Orient publiée sous la direction de M. Henri Cordier. Tome
premier, n° 1, janvier-février-mars. Paris, Ernest Leroux, 1882. ln-8.
i) nisroïKK kt ue LirrKHATUHb 17
Signalons, dans les Mélanges, un article étendu de M. Gordier sur la
presse européenne en Chine, et la traduction du traité entre la Russie et
la Chine, concernant le rétablissement de l'autorité chinoise dans le
pays d"Ili, qui était occupé depuis 1871 par les armées russes. M. G. De-
véria décrit ensuite un ingénieux procédé d'estampage usité en Chine et
qui fournit d'excellentes reproductions des inscriptions en blanc sur
fond noir. Le même savant répond, plus loin, à une question posée dans
la China Reviens et tendant à savoir s'il existe des Chinois musulmans
se rendant en pèlerinage à la Mekke. La réponse est affirmative, et
M. Devéria nous donne, en outre, d'après une relation chinoise, l'iti-
néraire d'un pèlerin chinois, étape par étape, jusqu'à Jérusalem et l'E-
gypte. Nous ferons observer, à ce propos, que les noms géographiques
auraient dû être transcrits d'après une méthode uniforme. Ainsi nous ne
voyons pas pourquoi Y ou est tantôt orthographié 00, tantôt u ; pourquoi
le dj est transcrit j, sauf dans Chardjuy (m Tchârdjoûy), etc.
La bibliographie qui termine ce premier fascicule nous a paru très
complète.
G.
CHRONIQUE
FRANCE, — A la liste des collaborateurs aux Mélanges d'érudition classique
dédiés à la mémoire de Graux (ci-dessus n° 23, p. <±bb) il faut ajouter le nom de
M. Théodore Mommsen, qui a fait parvenir au comité un manuscrit intitulé : Officia-
lium et militum Romanorum sepulcretum Carthaginiense.
— M. Jacques Denis, professeur à la Faculté des lettres de Caen a publié dans les
Mémoires de l'Académie Nationale des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Caen
deux études sur la comédie grecque, dont il nous adresse des tirages à part (Caen ,
imprimerie de F. Le Blanc-Hardel, in-8"). La première a pour titre Comédie moyenne
(1881, 76 pages), la seconde Comédie nouvelle (1882, 128 pages).
— L'éditeur Léopold Cerf (Paris, rue de Médicis, i3) entreprend la publication
d'une Nouvelle collection illustrée à un franc le volume. Trois ouvrages apparte-
nant à cette collection viennent de paraître, ce sont : i" Le siège de Belfort, par
L. Dussieux, professeur honoraire à l'école Saint-Cyr (in -8° i3o p.). L'auteur s'est
proposé de raconter exactement et sans parti-pris, d'après les documents français et
allemands, l'histoire de ce siège mémorable; il fait surtout ressortir comment le tir
indirect (dans lequel le but à atteindre échappe à la vue du pointeur qui règle son
tir sur des repères fixés avec précision) et la défense des positions extérieures con-
tribuèrent à prolonger la résistance de la place; il montre comment, grâce au colo-
nel Denfert, Belfort resta à la France. On remarquera dans ce volume la page (i3)
consacrée au premier siège de Belfort en 1814; on ne connaît d'ordinaire que le
deuxième siège, de 181 5, auquel se rattache le nom de Lecourbe. M. Dussieux ra-
conte le siège de 18 14 et donne le résumé des états de service du premier défenseur
de Belfort, le chef de bataillon Jean Legrand. P. 1 10, il faut lire Teufelsgrube et non
« Teufelsgrub ». Parmi les gravures, le plan de la ville et des environs, ainsi que le
lO KKVUK CRIT1QUK"
plan de la région, seront utiles; l'église, la place, la vue prise des Barres, La Miotte
sont exactes; la gravure qui représente Belfort pendant le départ des Prussiens est
assez grossière; celle qui représente Belfort à la rentrée des Français, aurait pu être
laissée de côté. Pourquoi, à la dernière page, ne pas donner plus de détails sur Den-
fert; pourquoi ne pas nommer les départements qui l'envoyèrent à la Chambre et ne
pas citer exactement le jour de sa mort?
2° Tableau de la littérature anglaise, par M. Léon Boucher, professeur à la Fa-
culté des lettres de Besançon. (In-8°, i5o. p.) Ce Tableau comprend dix chapitres : I.
Les origines, Chaucer; II. Le siècle d'Elisabeth, Spenser; III. Le drame anglais et
Shakspere; I"V. Le xvie siècle : Milton; V. La Restauration : Dryden ; VI. Le
xvme siècle : les écrivains de la reine Anne ; VII. Le xvxn" siècle : les romanciers,
la critique, l'histoire. VIII. Le xviii" siècle : Révolution poétique, Cowper et Burns ;
IV. Le xixe siècle, la poésie romantique; X. Le xix" siècle, le roman, la critique,
l'essai. Le volume se termine par un appendice renfermant des notices biblio-
graphiques; nous y reviendrons probablement; mais nous pouvons dire, dès à pré-
sent, que ce petit livre, sans grandes prétentions, est écrit avec beaucoup d'agrément
et d'élégance, qu'il renferme des jugements justes et fins dans leur brièveté et qu'il
mente d être recommande aux élevés de nos lycées.
3° Les races humaines, par M. Abel Hovelacque, professeur à l'Ecole d'anthropo-
logie (in-8°, 160 p.). — Cette collection aura sans doute un grand succès; l'extrême
modicité du prix et la beauté de l'exécution typographique suffiraient déjà à lui as-
surer de nombreux acheteurs. L'éditeur annonce, pour paraître prochainement, les
volumes suivants : L'Espagne des Goths et des Arabes, par M. Léon Geley, pro-
fesseur au lycée de Vanves; Les Basques et le pays basque, par M. Julien Vinson;
L Arménie et les Arméniens, par M. J. A. Gattevrias ; L'armée romaine, par M. Léon
Fontaine, professeur à la Faculté des lettres de Lyon; La monnaie, histoire de For,
de l'argent et du papier, par M. A. Dalsème; Les grandes époques du commerce de la
France, par M. H. Pigonneau, professeur à la Faculté des lettres de Pans.
ALLEMAGNE. — La première livraison du Dictionnaire étymologique de la lan-
gue allemande (Etymologisches Wœrterbuch der deutschen Sprache), de M. Friedrich
Kluge, privat-docent à l'Université de Strasbourg, vient de paraître (Strasbourg,
chez Trûbner, pp. t-64); elle va jusqu'au mot elf inclusivement. L'ouvrage com-
prendra, en son entier, sept à huit livraisons, chacune au prix de 1 mark 5o; il sera
terminé avant la fin de l'année 1882; lors même qu'il prendrait un plus grand dé-
veloppement que le croit l'éditeur, le prix de 12 mark (i5 francs) ne sera pas dé-
passé.
— La 36e assemblée des philologues et professeurs allemands (Philologen und
Schulmœnner) aura lieu cette année à Carlsruhe, du 27 au 3o septembre (présidents
MM. Wendt, de Carlsruhe et Wachsmuth, de Heidelberg).
— La collection des « éditions et dissertations sur le domaine de la philologie
romane » (Ausgaben und Abhandlungen aus dem Gebiete der romanischen Philologie),
que dirige M. Edm. Stengel, renfermera dans ses prochains fascicules des Etudes
épiques (L Die Chanson des Saxons Johann Bodels in ihrem Verhœltnisse \um Ro-
landsliede und %ur Karlamagnussaga, par H. Meyer;II. Die culturgeschichtlichen
Momente des provençalischen Romans Flamenca, par F. W. Hermanni; III. Das
Handschriftenverhœltniss der Chanson de Horn, par R. Brede; IV. Das Handschrif-
tenverhœltniss der Chanson von der Belagerung von Barbastre, par A. Gundlach ;)
des « Contributions à la connaissance de la poétique et de la littérature provença-
les » (I. Peire Cardenals Strophenbau in seinem Verhœltniss %u dem anderer Troba-
dors, par W. Maus ; II. Des Manches von Montaudon Dichtungen, par O. Klein,
D-H ISTOIKE KT DK LITTKRATUKK 19
etc.), et des « Contributions à la grammaire française et provençale » (I. Die Flexion
der Substantiva im Rolandsliede, par B. Schneider ; II. Der Infinitiv. im Proven^a-
lischen nach den Reimen de?- Trobadors, par A. Fischer, etc.)
BULGARIE. — La société de littérature bulgare qui existait avant la guerre à
Braïla (Roumanie) vient de se reformer à Sofia. Ses mémoires — qui renferment des
travaux fort intéressants — paraîtront désormais six fois par an.
DANEMARK. — M. Kr. Nyrop va publier un petit livre sur l'étymologie popu-
laire en danois. (Copenhague, Reitzel.)
PORTUGAL. — Nous avons reçu d'un fidèle ami de notre revue, M. Bernardo
Valentim Moreira de Sa, un gros volume, contenant des morceaux choisis des écri-
vains français à l'usage des écoles de Portugal [Selecta france^a para uso dos
lyceus, compilada, annotada e com numerosas referencias à grammatica francesa
dos Snrs. J. Eduardvon Hafe e A. Epiphanio da Silvas Dias. Porto, Magalhâes et
Moniz. In-8°, vin et 6oS pp.) Malgré l'errata, il reste encore beaucoup de fautes
d'impression; il nous est impossible de les énumérer toutes; citons seulement la
pièce de Theod. de Banville, le cimetière (pp. 36o-36i) où nous lisons perfuiris,
chouchés et pervanches. Signalons encore une petite erreur; Duguet (p. 44) n'est pas
un « auteur contemporain ». Mais le volume de M. Moreira de Sa est bien fait, et
nous pensons que ses nombreux mérites le rendront en quelque sorte classique
dans les lycées du Portugal. Les morceaux sont habilement gradués; l'élève, en
avançant dans la lecture de l'ouvrage, ira insensiblement du facile au difficile. Ces
morceaux offrent, en outre, une agréable variété ; l'éditeur du recueil a su, avec
beaucoup de goût et d'adresse, entremêler la prose et la poésie; on passe d'une pièce
de vers à un récit historique, d'une narration à un morceau didactique, etc.
Ouvrons le volume au hasard; pp. 39-43, nous trouvons une poésie de Joachim
du Bellay, Contentement passe richesse; Le laiton, de E. Dupuis; Noël, de Théo-
phile Gautier; L'Histoire, de MM. Dhombres- et Gabriel Monod; Les deux
voyageurs de Florian ; pp. 488-520, voici Le défilé, de Coppée ; Un mariage
grec, de Victor Langlois ; Le sanglier, de Theod. de Banville; Les construc-
teurs d'îles, de Pouchet ; La fenaison, d'Autran; La musique, de Victor Cou-
sin; un petit fragment de YEsther de Racine; Le foyer domestique, de Jules
Simon; La situation du travailleur avant la Révolution française, de Tarnier; La
mort du loup, d'Alfred de Vigny; Le roi de Dahomey, de M. de Cherville; Shakes-
peare, de M. Paul Stapfer; Les châteaux en Espagne, de Collin d'Harleville;
Les proverbes, de M. Michel Bréal. On ne peut guère imaginer, dans un recueil de
morceaux choisis, une plus attrayante diversité; l'ouvrage renferme, au reste, 3g2 ar-
ticles. On aura remarqué que M. Moreira de Sa fait une grande place aux auteurs
contemporains; c'est ainsi qu'il cite encore (pp. 542-546) un morceau que nous
avons lu avec un vif intérêt, Un combat de cavalerie sous Met$, de M. Ludovic
Halévy. Le volume de l'écrivain portugais contient d'ailleurs nombre de morceaux
qui respirent l'amour de la France; non-seulement il contribuera, comme dit
M. Moreira de Sa, a educaçdo das faculdades moraes e desenvolvimento do bom gosto
litterario; mais il fera aimer, et en Portugal et au Brésil, notre langue et notre
pays.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 14 juin 1882.
M. de Barthélémy lit une lettre de M. Jacob relative à un cippe gallo-romain dé-
couvert à Bar-Le-ûuc, et dont la face principale porte, en haut relief, un enfant nu
tenant un oiseau.
20 KKVUK CRJT1QUK D HISTOIRE KT DK LITTERATURE
M. Schlumberger lit une notice sur la vie et les travaux de M. de Longpérier;
cette notice, à laquelle est jointe une bibliographie complète des mémoires et articles
si nombreux publiés par M. de Longpérier, sera insérée dans le Bulletin de la So-
ciété.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 23 juin 1882.
M. de Laigue, consul de France à Malaga, adresse à l'Académie le calque d'un frag-
ment d'inscription arabe, levé par les soins du vice-consul de France à Almeria. Cette
inscription incomplète a été trouvée dans la sierra de Gador, à l'ouest de la province
d'Almeria. Gador, qui n'est plus qu'un bourg d'environ 2,boo habitants, paraît avoir
été autrefois un centre de population plus considérable. On y a trouvé des vestiges
qui témoignent de l'importance de ce lieu, tant avant la conquête romaine que sous
les Romains et plus tard sous les Arabes.
L'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, M. le président fait connaître le résultat du
concours ouvert pour le prix ordinaire, sur cette question : Etude sur les institutions
politiques, administratives et judiciaires du règne de Charles V. Le prix n'est pas
décerné. La question est retirée du concours.
L'Académie procède à l'élection d'un membre ordinaire, en remplacement de
M. Guessard. M. Senart obtient 27 voix, M. Revillout 8. M. Senart est élu; l'élection
sera soumise à l'approbation de M. le Président de la République.
M. Siméon Luce est désigné pour faire une lecture au nom de l'Académie à la pro-
chaine séance trimestrielle de 1 Institut. Il lira son mémoire sur les comptes de dé-
penses d'un prieur de Saint-Martin-des-Champs au xve siècle.
M. Oppert continue sa communication sur les inscriptions du roi Gudea, trouvées
en Chaldée par M. de Sarzec. Il donne la traduction d'un nouveau texte et complète
ou rectifie quelques parties de ses lectures précédentes. — Il repousse l'opinion qui
a été présentée récemment à l'Académie, suivant laquelle le nom du roi, lu par
M. Oppert Gudea, devrait se lire Nabu. On a dit que le signe de la divinité, qui pré-
cède ce nom, obligeait de choisir parmi les différentes manières de le lire celle qui
reproduit le nom d'un dieu. M. Oppert n'entend pas ainsi ce signe, il y voit un mot
à part, qui, joint au nom, donne cette phrase : le dieu de Gudea. D'autres raisons
prouvent, selon lui, que Gudea est la seule lecture possible. — Dans une des ins-
criptions déjà traduites, M. Oppert avait cru voir qu'il était question d'une offrande
de lait, faite à la divinité. Un nouvel examen l'amène à croire qu'il s'agit, non de
lait, mais d'une liqueur enivrante appe'ée sikaru. — Dans l'inscription qu'il étudie
aujourd'hui, M. Oppert signale des imprécations lancées contre ceux qui gratteraient
la pierre pour y effacer le nom du roi.
M. Aube commence la lecture d'un mémoire sur Polyeucte et son martyre, d'après
des documents inédits. Dans le premier paragraphe de ce travail, l'auteur examine la
question de la réalité historique du personnage de Polyeucte. 11 croit que Polyeucte a
existé et subi le martyre; la tradition relative à ce saint remonte assez haut pour
qu'on doive penser qu'elle a un fondement vrai. Ses Actes sont d'une époque relati-
vement basse, mais on peut croire que celui qui les a écrits avait sous les yeux un
récit plus ancien. Dès le ive siècle, plusieurs églises étaient placées sous l'invocation
de saint Polyeucte. On a aussi des lampes votives avec l'inscription : TOT AITOY
II0AY0KTÔ2 (le nom au nominatif, au lieu du génitif, faute qui n'est pas rare dans
les monuments de ce genre).
Ouvrages présentés : — par M. Jourdain : Huit (Ch), Platon à l'Académie, fon-
dation de la première école de philosophie en Grèce; — par M. Heuzey : Ecole fran-
çaise de Rome : Mélanges d'archéologie et d'histoire; — par M. Oppert : Charencey
(Hyacinthe de), Recherches sur les dialectes tasmaniens ; — par M. Alexandre Bertrand:
Kerviler (René), Etude critique sur l'ancienne géographie armoricaine ; — par
M. Delisle : Prost (Auguste), les Chroniques vénitiennes. ,
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, typ. et lith. Marchesseu fils, boulevard Saint-l.aurent, ai'
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N° 28 - 10 Juillet - 1882
I
Sommaire s i32. A. Baueb, Thémistocle, études sur les historiens grecs. — 1 33.
Hild, L'impiété d'Aristophane. — 134. Jûlg, Vie de Séjan. — i35. Onions, Col-
lation de l'Harleiânus, ms. de Nonius. — i36. Heerdegen, Recherches relatives à
la sémasiologie latine. — 1 37. Gagnât, Etude historique sur les impôts indirects
chez les Romains jusqu'aux invasions des barbares. — 1 38. Eyssenhardt, Romain
et roman. — i3cj. La « descriptio tabulae mundi » de Jean de Gaza et six poésies
anacréontiques, p. p. Eug. Abel. — 140. Schober, Heinse, sa vie et ses œuvres.
— 141. De Vivo, Grammaire de la langue russe. — Chronique. — Académie des
Inscriptions.
i32. — Themistokles. Studien und Beitraege zur griechischen Historiographie
und Quellenkunde von A. Bauer. Merseburg, Steffenhagen, 1881. 1 vol. in-8u,
i73 p.
Pour apprécier à sa juste valeur l'ouvrage de M. Bauer, il convient
de faire attention moins au titre qu'au sous-titre, qui explique mieux le
dessein de l'auteur. On ne trouvera pas ici, en effet, un portrait de
Thémistocle, un récit suivi des événements auxquels il a été mêlé, avec
un jugement d'ensemble sur sa vie, son caractère et le rôle qu'il a joué
dans la guerre contre les Perses et dans les affaires intérieures d'Athènes.
C'est un tout autre sujet que s'est proposé M. Bauer. Il l'indique lui-
même très nettement dans son avant-propos : le nom de Thémistocle
n'est pour lui que l'occasion ou le point de départ d'une série de re-
cherches instituées sur les différents historiens grecs. Ce n'est pas le
héros de tant de récits qui attire l'attention de M. B., mais les narrateurs
eux-mêmes. Il entreprend de distinguer et de définir les points de vue
divers auxquels ils se sont placés en parlant de Thémistocle, persuadé
que les divergences et les contradictions mêmes de leurs jugements sont
singulièrement instructives et permettent de connaître ridée que chacun
d'eux s'est faite sur les conditions d'existence et le rôle du peuple grec.
Thémistocle a fondé la puissance maritime de sa patrie : suivant qu'ils
lui sont favorables ou hostiles, les historiens révèlent les dispositions qui
les animent à l'égard d'Athènes, de son empire, de la politique qu'elle re-
présente et de l'influence qu'elle a exercée dans le monde hellénique.
Reconnaître ces dispositions, les caractériser et montrer ainsi les diffé-
rentes manières dont l'histoire grecque a été envisagée aux différentes
époques de l'antiquité, telle est la tâche que M. B. s'est donnée. De plus,
il a recherché quelles étaient les sources auxquelles ont eu recours les
nombreux historiens qu'il passe en revue, depuis les contemporains de
Thémistocle jusqu'au rhéteur yElius Aristide.
Nouvelle série, XIV. 2
22 RKVUH. CRITIQUE
L'ouvrage de M. B. est d'une lecture assez difficile. La marche de la
discussion, déjà un peu lente par elle-même, est encore embarrassée par
les controverses que soulève l'auteur sur beaucoup de points de détail.
C'est un livre de polémique presque autant qu'un livre d'exposition,
M. B. s'attardant à chaque pas pour discuter les opinions de M. A.
Schmidt, ou de M. Mûller-Strùbing, ou de M. Holzapfel. Il en résulte
que l'attention du lecteur est forcée de se partager entre le texte, où
M. B. présente ses propres idées, et les notes, très abondantes, souvent
très longues, où il bataille contre ses adversaires. On aurait tort cepen-
dant de se laisser rebuter trop vite. A la condition de s'armer de patience,
on trouvera beaucoup à apprendre dans le volume de M. Bauer. La
question principale, — l'auteur en fait l'aveu, — est quelquefois perdue
de vue, mais les digressions elles-mêmes sont instructives.
Sans vouloir entreprendre une analyse détaillée, qui serait trop longue
et qui serait parfois assez difficile à faire, je signalerai quelques-uns des
chapitres, où se montrent le mieux l'érudition de M. Bauer et la péné-
tration ingénieuse de son esprit : Hérodote (p. i5) ; la comédie (p. 60),
où l'on trouve d'excellentes remarques sur le cas qu'il convient de faire
du témoignage d'Aristophane et des autres comiques ; Platon et Xéno-
phon (p. 69) -, Isocrate et les orateurs (p. y 6). On lira également avec
beaucoup d'intérêt le chapitre consacré à Thucydide (p. 28), où l'auteur
met nettement en lumière les différences qui séparent l'historien athé-
nien de ses prédécesseurs et particulièrement d'Hérodote.
R. L.
t33. — Aristophane» Impietatls rens, thesim Facultati Litterarum Parisiensi
proponebat J.-A. Hild. Vesontione 1880, in»8°, vm-i33 p.
Cette étude est incomplète et un peu confuse, mais elle témoigne d'un
effort consciencieux. L'auteur a travaillé sans direction, gregarius pe-
riculosum iter solus ingressus; on sent, de plus, qu'il n'a pas eu à sa
disposition toutes les ressources nécessaires. Quelques-unes des im-
perfections du travail de M. Hild trouvent là une explication et une ex-
cuse.
M. H. a essayé de résoudre une question intéressante. Quoi de plus
singulier que de voir Aristophane reprocher à un Euripide, à un So-
crate d'attaquer les divinités nationales et être lui-même si irrévéren-
cieux envers ces divinités! Cet adversaire de l'impiété était-il lui-même
un impie? Il y a là une de ces contradictions qui éveillent notre at-
tention et piquent notre curiosité ; aussi le sujet a-t-il été déjà traité
plusieurs fois, et récemment encore dans un travail qui a été très re-
marqué \. Qu'Aristophane se moque des augures et des oracles, qu'il
1. Jules Girard, La religion dans Aristophane, Revue des Deux-Mondes 1" août
et i5 novembre 1878.
d'histoire KT DK LITTÉRATURE 2 3
bafoue prêtres et devins, qu'il fasse la guerre à toutes ces divinités étran-
gères, asiatiques ou thraces, depuis peu introduites dans l'Attique, il n'y
a là rien qui doive surprendre. Ce qui est grave, c'est de le voir s'atta-
quer aux divinités nationales.
M. H. distingue quatre époques dans la croyance d'Aristophane. Dans
la première (Chevaliers, an 424), le poète est religieux, il parle avec le
plus profond respect des deux divinités protectrices de l'Attique, Poséi-
don et Athena (Parabase des Chevaliers); en 4F 4, au contraire, dix ans
après, nous trouvons un changement complet; la comédie des Oiseaux
est une moquerie sans fin des principaux dieux de l'Olympe : c'est le
grand moment d'Athènes, dont les armées entourent Syracuse. L'issue
désastreuse de l'expédition de Sicile semble marquer la fin de la puis-
sance athénienne : le poète, avec Lysistrata et les Thesmophoria^usœ,
revient à des sentiments religieux. Peu après, les Grenouilles nous mon-
trent une nouvelle rechute dans l'irréligion, rechute qui semble irrémé-
diable avec le Plutus. Cette division peut être acceptée dans l'ensemble,
sans être peut-être aussi tranchée que le veut M. Hild h
La conclusion de M. H., c'est que décidément Aristophane est un im-
pie, et qu'il est singulier qu'il n'ait pas été l'objet d'une ^ç>ct.qr\ àasésiaç.
M. Girard n'allait pas si loin; il se contentait de dire qu'il n'y avait chez
Aristophane ni religion ni foi particulièrement vive. M. H. ne tient
certes pas assez compte des nécessités imposées au poète. Dans la comé-
die antique, tout doit être comique. S'il est un poète qu'Aristophane
aime et admire, c'est Eschyle; l'auteur des Sept Chefs en est-il moins à
l'abri des moqueries du comique dans les Grenouilles? Sans doute, c'est
à Eschyle que la victoire finit par être décernée, mais en a-t-il été, au
fond, moins maltraité qu'Euripide? Que dans les attaques d'Aristophane
contre la religion il y ait eu autre chose que des plaisanteries de comé-
die, on peut très bien l'accorder, mais c'est aller trop loin que de faire
de lui un apôtre d'impiété.
Faut-il croire aussi que l'auteur des Nuées, l'ennemi acharné des phi-
losophes, soit devenu lui-même philosophe vers la fin de sa carrière?
Aristophane figure dans le Banquet de Platon et y joue un rôle très ho-
norable; mais de ce qu'on figure dans un dialogue de Platon, à côté de
Socrate 2, il ne s'ensuit pas qu'on soit socratique. Tout prouve, au con-
traire, que si Platon a introduit Aristophane auprès de Socrate, c'est
une pure malice de philosophe. Aristophane n'est là que pour entendre
1 . Nous trouvons une division à peu près analogue dans un travail en hongrois
dont nous ne connaissons qu'un court résumé, Revue des Revues {Revue de philolo-
gie, nouv. sér.), année 1881, p. 178, 1. b sqq.
2. « Impius igitur posterorum judicio erit habendus, et insignem illius setatis in
religiosis ut in ceteris effigiem expressit : ita tamen ut impietas illa pro perspicacia
et sapientia numeretur, qua Epicharmi, Xenophanis, Socratis quoque renovantium
temporis sui studia, elaboraverit in opère, et pro sua virili parte, rationabilem reli-
gionem.... constituent. »
24 RBVUK CRITIQUE
l'éloge de l'homme qu'il a si violemment attaqué, et, ce qui est piquant,
c'est lui qui fournit les frais de cet éloge ; c'est avec un des passages
les plus insultants des Nuées qu'Alcibiade glorifie Socrate sous les yeux
d'Aristophane '.
Etait-il a ailleurs bien nécessaire d être de 1 école de bocrate pour être
impie? Dans la pièce la plus irréligieuse d'Aristophane, dans le Plutus,
ce n'est pas avec les idées nouvelles que le comique fait la guerre aux
dieux; c'est la croyance d'Hérodote et d'Eschyle, c'est l'idée du çOévoç ou
de la jalousie des dieux qui fournit à Aristophane ses traits les plus vio-
lents contre la religion de son pays. Il me suffira de renvoyer à la thèse
de M. Ed. Tour nier sur la Némésis et la jalousie des dieux 2, en regret-
tant que M. H. n'ait pas cru, pour sa thèse latine, devoir se servir de
ce travail.
Un autre ouvrage qu'on est étonné de ne pas voir cité, c'est la thèse
de M. P. Foucart sur les Associations religieuses che^ les Grecs 3.
M. H. y aurait trouvé des éclaircissements sur la façon dont les cultes
étrangers s'introduisirent en Attique et sur l'accueil que les comiques et,
en particulier, Aristophane firent aux nouveaux dieux. Il y a là (2e par-
tie, chap. ix) tout un chapitre de sa thèse que M. Hild aurait trouvé
déjà traité.
Albert Martin'
l34. — Vita Ij. JEll Sejani xlbei*îo imperante praefectl prtetorlo. Ad-
umbravit Joannes Julg. lnnsbrûck, Wagner, 1882. 1 vol. in-8°, 38 p.
M. Jûlg s'est proposé une double tâche : recueillir et classer méthodi-
quement tous les renseignements qui nous sont parvenus sur Séjan,
puis, à l'aide de ces renseignements, tracer un portrait exact du préfet
de Tibère. En ce qui concerne ce dernier point, je ne crois pas que
M. J. ait atteint le but qu'il s'était assigné. Ses conclusions, qui tiennent
en deux pages (37-38), ne nous apprennent rien de nouveau. Elles ne
nous laissent pas une impression qui soit bien nette; on y remarquera
même une assertion qui n'est nullement justifiée par les textes que
l'auteur a réunis et commentés dans la première partie de son travail.
D'après M. J., Séjan aurait échoué, parce que, au moment de s'emparer
du souverain pouvoir, alors qu'il ne lui restait plus qu'à se débarrasser
de Tibère, il aurait été retenu par un sentiment de reconnaissance ou
d'affection <. Il avait brisé sans scrupule tous les autres obstacles qui se
1. Platon, 221 , chap. xxvi du Banquet.
2. Paris, i863.
3. Paris, 1873. Ces deux ouvrages doivent se trouver dans toutes les bibliothè-
ques universitaires. M. H. s'est servi de celui de M. Tournier pour sa thèse fran-
çaise.
4. « Fortasse enim, etsi omnem humanitatem exuerat, gratus quidam animus vel
d'histoire et de littérature 25
dressaient devant lui; il avait fait périr Drusus, il avait écarté de son
chemin Agrippine et les fils de Germanicus, à l'exception de celai qui
devait être plus tard Caligula ; mais il aurait hésité à frapper Tibère et,
après avoir décidé sa perte, aurait été tenté de l'épargner. Ces retards
dans l'exécution auraient donné à l'empereur le temps de déjouer le
complot, si bien que Séjan aurait succombé victime de ses remords
tardifs et d'un mouvement de générosité, qu'on s'explique mal chez un
homme tel que lui. Je ne discute pas ici la valeur de cette opinion ; il
me suffit de constater que c'est là une supposition purement gratuite. Il
n'y a rien, pas une ligne, pas un mot, dans le récit des faits tel qu'il est
présenté par M. J., qui la justifie ou la prépare.
Il ne faudrait pas cependant, parce que les conclusions sont insuffi-
santes, juger avec trop de sévérité le travail de M. Jûlg. S'il n'a pas
réussi dans la seconde partie de sa tâche, il s'est acquitté de la première
avec beaucoup de soin et avec une consciencieuse exactitude. Il a fait
une œuvre utile en recueillant dans Tacite, Suétone, Dion Cassius, etc.,
tous les textes qui ont rapport à Séjan, d'autant plus qu'il ne s'est pas
borné à composer un simple index. Chemin faisant, il rapporte et
discute brièvement les principales opinions qui ont été émises par lès
critiques modernes sur Séjan, son caractère, ses projets, ses relations
avec les différents membres de la famille impériale et avec Tibère. C'est
toute une bibliographie de la question, et une bibliographie raisonnée,
que l'on trouve dans la dissertation de M. Jiilg. Il a ainsi le mérite
d'avoir beaucoup simplifié et facilité la tâche de ceux qui voudront,
après lui, reprendre le même sujet.
R. L.
■
l35. — Monius Marcellus, Harleian Ms. «ri» collated by J. H. Onions,
M. A. Oxford, at the Clarendon Press. 1882. (Anecdota Oxoniensia, Texts, Docu-
ments, and Extracts, chiefly from Manuscripts in the Bodleian and other Oxford
Libraries, Classical Séries, Vol. I, Part II, pages 0,3 à 1 53), petit in-40.
M. Louis Quicherat, dans son édition de Nonius, a le premier donné
du manuscrit harléien une collation complète, fournie par M. Gustave
Massôn. Le vénérable éditeur français la considère comme absolument
définitive, presque équivalente à l'original : « excellentissimum librum
non partim et obiter consuluit, sed a capite ad calcem tam religiosa se-
dulitate examinavit, ut codex ipse mihi in manu esse videretur. »
M. Onions pense autrement; selon lui, cette collation est quite untrust-
worthy. En conséquence, il a collationné à son tour l'Harleianus, no-
tant les leçons que M. Quicherat ne mentionne pas et rectifiant les indi-
cations inexactes. Il va de soi qu'un tel travail est très utile.
« quaedam pietas erga illum, per quem omnia assecutus erat, eum a vita principis
« retinuerit » (p. 38).
20 REVU1Î CRITIQUE
M. Onions distingue dans l'Harleianus trois mains; les deux premiè-
res se sont partagé les livres I-III, la troisième commence au livre IV;
cette dernière a commis des fautes plus nombreuses et plus graves. Voilà
une distinction d'une grande importance. Certains manuscrits, comme
celui de Genève, ne donnent que le livre IV. Dans le manuscrit de Mont-
pellier, ce même livre précède les livres I, II-, III. Le manuscrit de Paris
se compose de deux parties, Tune qui contient le livre I et le commen-
cement du livre II ', l'autre qui commence au livre IV; et. d'après une
observation encore inédite de M. Meylan, élève de l'Ecole pratique des
hautes études, la seconde partie est d'une autre main que la première. Il
est vrai que la première main semble reprendre plus loin. Tous ces indi-
ces amènent à conjecturer que le corps actuel de notre Nonius a été
formé (aux temps carolingiens) par la juxtaposition d'au moins trois
Nonius partiels, l'un finissant avec III, Fautre contenant IV, le troi-
sième commençant avec V ; que, par conséquent, il serait chimérique de
vouloir résumer dans une généalogie unique Phistoire de la transmis-
sion du texte a.
M. Onions reconnaît dans l'Harleianus, outre les trois mains origina-
les, trois mains de correcteurs ou glossateurs. La distinction de ces six
sources a son prix, et doit être signalée comme l'un des mérites de la pu-
blication nouvelle.
Le Parisiensis, selon une conjecture un peu légère de l'auteur, sem-
blerait avoir été copié sur l'Harleianus après le passage des deux premiers
correcteurs. Ce qui a été dit tout à l'heure montre que, pour les manus-
crits de Nonius, il faut se garder d'aller si vite en matière de généalogie.
M. Onions, d'ailleurs, se réfute lui-même sans s'en apercevoir. Le Pari-
siensis, dit-il, suit ordinairement la correction; il donne parfois aussi la
leçon originale, parfois une combinaison des deux. Voilà un éclectisme
qu'on ne peut légitimement supposer chez un copiste. Si le Parisiensis
dérivait réellement de l'Harleianus, on n'y trouverait pas de leçons ori-
ginales repêchées sous les corrections.
L'Harleianus a fourni à M. Onions des leçons précieuses, jusqu'ici in-
connues. Ainsi (178, 22), dans un fragment d'Afranius, Iam istam cal-
uam colafis comminuissem testatim tibi, les autres manuscrits omettent
calnam, l'Harleianus l'a conservé 3.
La nouvelle collation est-elle irréprochable? Non sans doute. M. Onions
n'a recueilli qu'un « nombre considérable » des notes marginales; il fal-
1. La fin du livre II et le livre III manquent (la lacune du Parisiensis finit avec la
partie de l'Harleianus copie'e par la seconde main, mais elle commence plus loin,
p. 141 ; la seconde main de l'Harleianus commence p. 117).
2. Sur l'origine complexe du manuscrit de Montpellier, voir L. Havet, De Satur-
nio, p. 335.
3. En le déplaçant, comme l'indique l'absence de coupe régulière; il faut (ce que
M. Onions n'a pas vu) mettre caluam devant testatim, là même où M. Quicherat in-
sérait par conjecture testam.
d'histoire et de littératurk 27
lait les recueillir toutes \ La leçon caluam, citée tout à l'heure, est seu-
lement de la première main, à en croire la préface, mais c'est ce que ne
dit point la collation même. Dans un vers d'Accius (9, 20), M. Quiche-
rat, imprimant [sinjite me ad, oublie d'avertir que les manuscrits (y
compris le Parisiensis, fol. 4 r° a) ont item ad : M. Onions se tait aussi.
Il se peut qu'un examen du manuscrit fasse apercevoir d'autres imper-
fections. Il faut pourtant remercier l'auteur de sa peine, et, désormais,
contrôler par sa collation le texte de Nonius.
Louis Havet.
i36. — Ferdinand Heerdegen, lJnter«mcl»uiigen zm* lateinischen Sema-
siologie. Erlangen, Deichert. 1881. III. Heft. In-8°, 107 p. — Prix : 2 mark.
La « sémasiologie » est la science qui s'occupe de préciser le sens des
mots d'une langue et de rechercher les variations de signification par où
ils ont pu passer ; elle forme donc une partie importante deTétude scien-
tifique du vocabulaire. Le livre de M. Heerdegen est la réunion de trois
dissertations, qui avaient d'abord paru séparément : i° De l'étendue et
des divisions de la science du langage en général et de la grammaire
latine en ■particulier (Erlangen, 1875), 48 p.: — 20 Du but et de la
méthode de la sémasiologie latine (Erlangen, 1878), 58 p. ; — 3° Du dé-
veloppement historique de la signification des mots latins (Erlangen,
1881), 107 p.
I. — Le plus intéressant de ces trois articles est le troisième, qui con-
tient une histoire du mot orare 2, considéré successivement, dans ses di-
vers emplois, chez les différents auteurs latins. On sait que ce mot, dé-
rivé de os, oris, signifia d'abord parler, puis, par une limitation du
sens primitif, prier, demander. C'est l'histoire de ce changement de
sens que M. H. étudie dans le plus grand détail. Le sens primitif se
trouve, par exemple, chez Plaute dans des locutions telles que orare
(= agere) cum aliquo, œquom or as, jus or as, jus bonum oras\ on en
rencontre encore des traces chez Cicéron dans certaines expressions con-
sacrées, inorata causa, causam ou litem orare; on lit chez Tite-Live,
39, 40, 12 : « (M. Porcius) qui, sextum et octogesimum annum agens,
causam dixerit, ipse pro se oraverit scripseritque », et, pour le remar-
quer en passant, je ne crois pas que M. H. réussisse à persuader beau-
coup de gens que, si Tite-Live a ici employé oraverit dans ce sens un
peu vieilli, c'était « évidemment » (?) pour donner au passage un carac-
tère archaïque qui fût en rapport avec la personne de Caton, dont il
1. M. Meylan a reconnu récemment, entre les notes marginales du Parisiensis et
celles du Guelferbytanus, des concordances intéressantes pour l'histoire du texte.
2. M. Heerdegen a aussi publié un travail sur le sens du mot fides chez Cicéron
(De fi de Tulliana. Erlangen, 1876).
28 RRVUK CRITIQUE
fait le portrait (??). D'autre part, M. H. montre que Plaute et Cicéron
emploient bien orare dans le sens de prier, mais pas encore, à ce qu'il
semble, dans le sens de demander, c'est-à-dire avec l'accusatif d'un nom
de chose comme complément direct (lorsqu'on dit « hoc te oro », cela
équivaut logiquement à a hanc orationem te oro », « je te prie de cette
prière »); au contraire, chez Térence, plus tard chez Salluste, orare se
rencontre dans le sens de demander ; T.-Live enfin construit ce verbe
avec un double complément direct [auxilia regem orabant, « ils
priaient le roi et ils demandaient au secours) », ce qui ne se trouve
pas en prose avant lui. Viennent ensuite les deux premiers siècles de
l'époque impériale, où il semble à M. H. que orare, dans le sens de
prier. ■ vieillit rapidement; Sénèque le rhéteur, Sénèque le philosophe,
Pétrone, Quintilien, Pline le jeune emploient presque toujours rogare
dans ce sens, rarement orare; si Tacitej au contraire, n'emploie guère
que orare, c'est chez lui, dit M. H., un archaïsme. Un autre fait très
remarquable, c'est l'usage extrêmement fréquent de orare chez Quinti-
lien dans le sens technique de être orateur, plaider, qui se rattache au
sens primitif du mot.
Je n'indique ici que quelques-uns des points sur lesquels porte l'étude
de M. Heerdegen. Cette étude est faite avec beaucoup de soin et de cons-
cience, trop de conscience peut-être : il y a dans ces longues énuméra-
tions de passages bien des détails dont j'avoue ne pas voir l'intérêt. C'est
ainsi que je ne comprends pas bien ce que c'est que « l'éthos » ou « l'em-
ploi éthique » (?) du mot orare. M. H. est d'ailleurs trop affirmatif : il
semble croire que les résultats auxquels son étude Ta conduit sont des
vérités certaines; or il faut bien se rendre compte qu'en l'absence de la
plus grande partie des monuments de la langue latine, il nous est im-
possible d'arriver à autre chose que des hypothèses sur tout ce qui tou-
che à l'histoire de cette langue. Enfin il y a certaines observations de dé-
tail qui me paraissent contestables : pourquoi, par exemple, omnibus ou
multis precibus orare (p. 3o) serait-il une locution de la langue vul-
gaire? Je ne vois absolument rien qui autorise cette supposition. Les
études sur le latin vulgaire sont à la mode depuis quelques années ; elles
ont mis en lumière des faits bien intéressants; mais il faut avouer aussi
qu'on abuse étrangement aujourd'hui de ce latin vulgaire, et qu'on veut en
voir partout. De même il me paraît difficile d'admettre que dans la for-
mule quod ego te oro, etc. (p. 33, note), quod soit en réalité l'ablatif
quo = quare : une confusion de prononciation n'était guère possible
entre l'abl. quo (d), où Yo était long et le d prononcé faiblement, puis-
qu'il finit par disparaître, et le neutre quod, où l'o était bref et le d pro-
noncé d'une manière assez dure, puisqu'un peu plus tard quod et quot
se prirent l'un pour l'autre dans l'orthographe vulgaire.
Malgré ces quelques réserves et d'autres critiques de détail qu'il y aurait
peut-être lieu défaire, l'étudede M. H. sur le verbe orare est intéressante
et bien faite ; elle appartient d'ailleurs à un ordre de recherches qui a
| liBiîioq al ÏM '
Ji'up 33 é >k ■ rt&no ôsid Jnsiolqm»;
d'histoire et de littérature 29
été trop négligé jusqu'ici, et, à ce titre, elle mérite doublement qu'on lui
fasse bon accueil.
II. — Les deux autres dissertations de M. H. ne contiennent guère
que des considération générales. Je me contenterai de relever une théo-
rie de M. H. d'après laquelle (p. 23 sqq.) le développement de la signifi-
cation des mots ne se serait fait que de deux manières : soit par limita-
tion du sens primitif (exemple : litterae, « quelque chose d'écrit », puis,
dans un sens plus restreint, « une lettre »), soit par association d'idées
(exemple : harena, « sable », ou, par limitation, « arène »; c'est ensuite par
association d'idées que Pline le jeune, prenant le mot au sens figuré,
dira, Lettres, 6, 12 : « Vettio Prisco quantum plurimum potuero prae-
stabo, praesertim in harena mea, hoc est, apud centumviros »). Il me
semble que cette division n'est pas complète : quelquefois la langue, au
lieu d'appliquer un mot de sens général à un cas particulier et d'en
préciser ou d'en limiter ainsi la signification, efface au contraire la
nuance particulière qu'exprimait le mot et lui attribue ainsi un sens
plus général, plus vague, plus indéterminé : il y aurait donc, à ce qu'il
me semble, une 3e catégorie à ajouter aux deux catégories admises par
M. Heerdegen. Ainsi le mot infans, qui a désigné d'abord un enfant
qui ne parle pas, reçut de bonne heure un sens plus large : l'âge désigné
par infantia ' allait jusqu'à sept ans à peu près (v. Ulpien, Digeste,
26, 7, 1, et cf. Forcellini, aux mots œtas et infantia;v. aussi Horace,
Odes, 3, 4, 20). Plus tard, dans le latin vulgaire, ce même mot injans
prit un sens bien plus étendu encore : on peut voir dans Forcellini (édi-
tion de Vit, au mot infans, §§8- 10) que, dans certains textes épigraphi-
ques et certains passages de saint Jérôme, infans correspond déjà tout
à fait à notre mot enfant. Voilà donc un mot dont le sens a été en se
généralisant de plus en plus.
O. R.
137. — Etude historique sur les impôts indirects chez les Romains
Jusqu'aux invasions des barbares, d'après les documents littéraires et épi-
graphiques, par M. R. Cagnat. i vol. in-8° de 256 p. accompagné de 3 cartes.
Paris, Thorin. 1882.
Nous avions annoncé l'année dernière, en rendant compte de la thèse
latine de M. Cagnat, la publication prochaine de son Etude historique
sur les impôts indirects che\ les Romains, couronnée par l'Académie
—
i."Ce mot s'applique alors, non plus à l'âge où l'on ne parle pas du tout, mais à
l'âge où l'on ne parle pas encore bien (cf. l'emploi de infans adjectif pour désigner
un orateur qui ne sait pas parler, c'est-à-dire qui parle mal). Mais on ne peut pas
appeler cela une limitation du sens primitif; c'en est, au contraire, une extension :
l'expression a cessé d'être prise dans son sens rigoureux; la signification en a été
élargie, et non restreinte.
30 RttVUK CR1TIQ0S
des Inscriptions et Belles-Lettres. Plusieurs parties du sujet avaient déjà
été traitées avant lui au point de vue juridique et 1 auteur rend pleine
justice aux travaux de MM. Naquet, Humbert , etc. (Bibliographie,
p. xiii-xiv) ; mais l'étude du riche apparatus épigraphique qui s'y rap-
porte avait été quelque peu négligée. C'est à cette source que M. C. a
surtout puisé. Parmi les vectigalia que, d'après la définition moderne,
on peut considérer comme impôts indirects, il faut ranger : les portoria
(douanes et péages), la vicesima hereditatium (impôt sur les successions
et les legs testamentaires), \a.vicesima libertatis (impôt sur les affranchis-
sements) et la centesima ou la ducentesima rerum venalium » ; puis,
quelques autres taxes moins importantes : l'impôt sur la vente des escla-
ves, certains octrois, surtout celui de la ville de Rome, l'impôt sur le sel
et la quâdragesima litium.
La première partie est la plus développée. Après avoir défini le sens
exact du mot portorium qui correspond à la fois aux douanes, péages et
octrois des temps modernes, et montré que les anciens n'y voyaient
qu'une ressource fiscale et non une mesure économique, M. C. fait un
historique du portorium. C'est seulement à partir de Néron qu'on peut
d'une manière nette, grâce aux inscriptions, en déterminer le fonction-
nement. Plus tard, avec les textes juridiques de la fin de l'empire, les
difficultés d'interprétation apparaissent : qu'est-ce que Yoctava? Etait-ce
le taux du portorium depuis Auguste ou, comme le pensait M. Naudet,
un tarif qui s'appliquait seulement aux objets du luxe? L'auteur partage
l'opinion de M. Marquardt, et regarde Yoctava comme le taux unique
du portorium à la fin de l'empire, tandis que jusque-là il avait été, soit
du quarantième, soit du cinquantième, soit du vingtième suivant les
différentes provinces. Cette réforme est probablement postérieure à l'épo-
que de Théodose.
La détermination des circonscriptions douanières est une des parties les
plus neuves de l'ouvrage ; l'épigraphie seule a pu fournir à M. C. les
éléments de ce chapitre et deux cartes très claires servent à en rendre la
lecture facile. — Remarques intéressantes sur la ligne douanière de l' II—
lyricum (pp. 36-37) : en Gaule et en Afrique, les légions étaient laissées à
dessein en dehors de la ligne douanière, afin de permettre aux soldats de
jouir de la franchise. Rien de pareil dans l'Illyricum, parce qu'il y avait
sur les bords du Danube une organisation particulière destinée à préve-
nir les incursions des barbares [limes imperii). Il faut aussi citer de cu-
rieux détails sur la station de Lugdunum, probablement centre adminis-
tratif de la quâdragesima Galliarum.
Quant au taux de l'impôt, il variait suivant les provinces : on l'ignore
pour l'Illyricum (p. 46), pour l'Afrique (p. 74), car le tarif de Zraïa
était spécial à cette localité, pour l'Egypte; il était de 2 0/0 en Espagne,
de 2 et demi 0/0 en Gaule, en Asie et probablement aussi en Italie ; sous
la République, le taux du portorium en Sicile avait été de 5 0/0.
M. C. étudie ensuite successivement le mode de perception de l'impôt
d'histoire et de littérature 3i
de l'époque de la République au Bas-Empire, il recherche quelles étaient
les marchandises et les personnes soumises à l'impôt du portorium;
quelles étaient celles qui en étaient exemptes ; quelles étaient les lois qui
protégeaient les publicains contre les marchands; quelles étaient celles
qui protégeaient les marchands contre les publicains. Sous la République,
le produit de la ferme du portorium était versé dans Y aerarium Saturni ;
au début de l'empire, les recettes fournies par le portorium revenaient
au fisc dans les provinces procuratoriennes et sans doute dans les pro-
vinces impériales ; dans les provinces sénatoriales, une partie du pro-
duit de la ferme du portorium appartenait peut-être aussi au fisc, plus
tard les recettes furent partout versées dans le fisc. Deux chapitres sont
enfin consacrés aux péages et aux octrois (octrois dans les provinces et
octroi de Rome).
Les études sur la vicesima libertatis et la vicesima hereditatium sont
faites d'après la même méthode; aucune inscription n'est omise et toutes
celles qui touchent directement le sujet sont transcrites en caractères épi-
graphiques. — Dans la dernière partie (Impôts sur les ventes et les pro-
cès, les monopoles), il faut citer surtout une discussion au sujet de l'im-
pôt sur le sel (pp. 237-243) ; d'après M. Marquardt, le monopole du sel
créé sous la République subsista jusqu'à la fin de l'Empire. D'après
M. Cohn, ce monopole n'aurait jamais existé ; M. C. combat ce que les
deux assertions ont d'exagéré et arrive à cette conclusion : « il semble
que le monopole sur le sel que l'état s'était réservé en 246 ait amené en
25o la création d'un impôt indirect. Mais on ne voit pas que cet impôt
ait persisté longtemps puisqu'on n'en trouve ancune trace postérieure-
ment. Il est donc vraisemblable que, par suite de la conquête de nouvel-
les provinces , l'application de cette nouvelle mesure rencontra de
grandes difficultés, si même elle fut jamais tentée en dehors de l'Italie
et l'on est autorisée penser que le sel resta de bonne heure libre de toute
taxe. »
Nous croyons que M. Cagnat a traité le sujet d'une manière aussi
complète que possible et que, sur cette question, il faudra toujours re-
courir à son ouvrage.
Emmanuel Fernique.
1 38. — Rocmisch nnd Romanlecli, ein Beitrag zur Sprachgeschichte von
Franz Eyssenhardt. Berlin, Gebrûder Borntraeger. 1882, xi-2o5 p. petit in-8°.
L'auteur était connu honorablement des érudits par des éditions d'au-
teurs latins, utiles et faites avec Fleiss. Il fait cette fois une infidélité à
la philologie pure, et il publie sur un sujet prodigieusement difficile,
qui eût fait reculer un linguiste moins novice, un des livres les plus
mal faits qui se puissent voir.
Ce n'est pas que cet imprimé de deux cents pages soit tout à fait
^Idiàaoqmi . >qy\ snnsin
32 REVUE CRITIQUE
vide. L'auteur publie p. 149 un sonnet italien inédit, et il examine le
texte de quelques passages latins (catalogués p. 2o5). Il reproduit à pro-
pos de tout et de rien des échantillons de patois italiens et espagnols,
qui pourraient être amusants à déchiffrer en prison ou en diligence,
mais qui ne font rien à sa thèse, si l'on peut dire qu'il en ait une. Il
donne un index alphabétique. Là s'arrête malheureusement la part de
l'éloge.
Ce triste livre est le désordre même. Plaute est mis avant Livius An-
dronicus ; l'origine de l'italien sei et de l'espagnol ères est examinée à
propos de la chute de l\s finale en latin; l'inscription des frères Minu-
cius, qui délimitèrent le territoire de Gênes en 1 17 avant notre ère, sert
de transition entre la mauvaise foi politique de César et la prosodie de
Catulle.
L'idée directrice, que le lecteur aurait peine à découvrir tout seul,
est exposée par Fauteur en ces termes (p. 199) : « La façon de voir mise
à l'épreuve ici part de ce point, que dans le développement de la vie des
langues et des peuples il n'y a point de coupures, mais cohésion et conti-
nuité. Si le tueur de taureau nomme sa victime un toro de poca ou de
mucha Romana pour dire que c'est un taureau faible ou fort, cette ex-
pression a sa racine dans le même sentiment qui, tant de siècles aupa-
ravant, faisait déclarer à Florus que personne n'est plus noble qu'un
citoyen romain; et si aujourd'hui, à Rome, les mères disent à leurs en-
fants :
o Ddio sinnôe! oh ppôvea catûa!
au lieu de oh Dio signore! 0 povera creatura, elles se trouvent dans
la même phase linguistique qui a fait sortir du latin area l'italien aja. »
On ne pouvait être plus malheureux dans le choix des exemples, car l'éty-
mologie du terme d'argot technique romana n'est point évidente, encore
moins évidente son histoire; quant à la chute à'r entre voyelles, en pa-
tois romain contemporain,* elle n'a avec la chute d'r devant i con-
sonne % en italien non exclusivement romain du haut moyen-âge, ni
« cohésion » ni « continuité ».
M. Eyssenhardt, en écrivant Romain et Roman, avait-il une con-
naissance sérieuse de la linguistique romane ? Il suffira de citer son affir-
mation 2 que les langues romanes n'ont pas même essayé [nicht einmal
•{u dem Versuche gekommen sind), pour distinguer les cas du substan-
tif, de donner à l'article une forme d'accusatif autre que celle du nomi-
natif.
Les théories philologico-linguistiques sur le latin sont-elles meilleu-
res? Non 3. M. Eyssenhardt nous apprend que la versification satur-
i. Issu à'e ou i devant une voyelle. ittttv&v» U
2. P. 53. L'ensemble du livre ne fait que trop voir qu'il n'y a point coquille ou
lapsus.
3. Ce qui surprend le plus quand on songe que le livre est d'un philologue, ce
d'histoire et de littérature 33
nienne repose sur l'accent, et que là-dessus le doute est impossible, c'est
le cas de le dire, tout à fait impossible, eigentlich vôllig unmoglich '.
Or, en réalité, le vers saturnien est fondé sur la quantité, et l'accent y
joue un rôle nul. — Plaute, arbitrairement, supprimait toutes les con-
sonnes finales selon le besoin (p. 33 et passim). Un lecteur confiant s'i-
maginerait, et M. Eyssenhardt paraît persuadé, que Plaute pourrait
finir un sénaire par magnum sit, illûdfert ou mater te, comme il peut
effectivement le finir par occidistis me. — Les faits orthographiques
fournis par les inscriptions sont transformés par l'auteur, sans l'ombre
de réflexion et de contrôle, en faits de prononciation. — Sarsine était une
ville foncièrement ombrienne, point latinisée, car c'est en ombrien qu'on
écrivait à Iguvium. Voilà pourquoi la prosodie du poète de Sarsine
est calquée sur l'ombrien. L'auteur oublie d'ajouter qu'elle ne diffère
pas d'un iota de la prosodie latine antérieure, celle du Tarentin Andro-
nicus et du citoyen romain Névius. — La prononciation latine tendait
à supprimer le t final, car on n'écrivait plus... le d de l'ablatif. — Pour
se persuader que la métrique grecque n'était pas apte à régir le la-
tin au temps de Plaute, il faut considérer... la versification italienne
de Carducci. Des façons de raisonner pareilles désarment le lec-
teur. Il ne se fâche plus quand il voit l'auteur affirmer (avec un étoh-
nement judicieux, dont il est juste de lui donner acte) que le latin
écrit n'a jamais été parlé, et que le latin parlé n'a jamais été écrit.
Arrêtons-nous sur cette dernière proposition. Elle eût pu suffire à la
rigueur pour faire juger tout le livre.
Louis Havet.
l3g. — .loannis Gazaei descrlptlo tabulae mnndi et Anacreontea. Re-
censuit Eugenius Abel. Berlin, Calvary, 1882, in-8° de 87 p. — Prix : 2 m. 40.
Un helléniste hongrois, M. Eug. Abel, semble s'être imposé la tâche
parfois ingrate de publier, avec un appareil critique complet, les textes
poétiques de l'école de Nonnus. Nous avons déjà eu occasion d'exami-
ner sa méthode et de louer l'extrême soin qu'il porte à ses travaux à
propos de son édition de Colluthus (Rev. crit., xve année, n° 29,
18 juillet 188 1) ; depuis lors il a donné une édition des Orphei Lithica
et enfin la Descriptio tabulae mundi de Jean de Gaza. A ce dernier
poème, qui compte 732 vers, il a joint six petites pièces lyriques, pu-
sont certaines imaginations relatives à l'histoire littéraire. Varron, dans un écrit de
sa jeunesse, s'inspire de Lucrèce (p. 48). Le silence de Cicéron sur Catulle tient à sa
mauvaise humeur de ce que Catulle ne supprimait jamais Vs finale dans ses vers, ou
du moins ne l'a supprimée qu'une fois (p. 4^).
1 . Trop souvent les adverbes vœllig et eigentlich tiennent lieu d'arguments. Pour
les poètes qui écrivaient en saturniens, la prosodie était vœllig unbekannt. L'ori-
gine ombrienne de Plaute est eigentlich selbstverstcendlich.
34 REVUE CRITIQUE
bliées déjà par Matranga et par Bergk, sous le nom â'Anacreontea.
L'exçpactç est éditée pour la troisième fois; donnée d'abord par Rut-
gersius dans ses Variae lectiones (Leyde, 1618), elle l'a été depuis par
Fred. Graefe à Leipzig, en 1822, à la suite de Paul le Silentiaire. Cette
édition fut faite sur la copie, collationnée pour Graete par Fr. Jacobs,de
Tunique manuscrit qui nous ait conservé ce texte, et qui n'est autre que
le fameux ms. parisien de l'Anthologie Palatine [Suppl. grec 384,
S. 629-639). L'édition de Graefe, très rare aujourd'hui, ne donne qu'une
collation incomplète et ne fait pas entrer dans le texte toutes les bonnes
leçons du ms. de Paris. M. A., en comblant ces deux lacunes, donne
une édition qui, jusqu'à la découverte peu probable d'un second ms.,
doit être regardée comme définitive. Il a fait suivre le texte d'un index
verborum très complet et par suite très utile. Il s'est plu, en outre, à no-
ter les nombreux passages que Jean de Gaza a imités de Nonnus et à
montrer à quel point l'auteur de la Descriptio parle la langue de l'au-
teur des Dionysiaques. On sait d'ailleurs que, pour la métrique parti-
culièrement, Nonnus n'a pas eu d'imitateur plus strict et d'élève plus
docile que Jean de Gaza, Je regrette que l'éditeur n'ait point attaché
d'importance à plusieurs croix pointées qui sont en marge de la première
partie du ms,, et n'ait pas discuté les divisions, que le copiste a marquées
en commençant certains vers en avant de la marge ordinaire. Les autres
détails paléographiques sont scrupuleusement relevés.
P. de Nolhac
140. — «Johsmn Jakob VS/illselm Heinse, sein Leben und seine Werke, ein Kul-
tur-und Literacurbild, von Johann Schober. Mit Heinse's Portrait. Leipzig, W.
Friedrich. 1882, 23 1 p. — Prix : 5 mark.
Nous n'avons pas besoin d'apprendre à nos lecteurs ce que fut Heinse,
auquel est consacré le livre de M. Schober ; nous les renvoyons à notre
article sur un ouvrage de M. Prôhle, où il était question de l'auteur
à' Ardinghello '.M. Sch. a divisé son livre en dix chapitres : I. Heinse
dans sa patrie, ses écrits de jeunesse; II. Heinse à l'Université, ses épi-
grammes; III. Heinse dans le sud de l'Allemagne, sa traduction de
Pétrone et les Cerises (poésie imitée de Dorât) ; IV. Heinse chez Gleim,
la « boîte » (où Gleim et ses amis mettaient leurs vers dirigés contre
les critiques de l'époque) et Laidion\ V. Heinse chez Jacobi, l'Iris et les
lettres sur la galerie de Dùsseldorf; VI. Heinse en Italie; la traduction
du Tasse et d'Arioste ; VII. Heinse à Dùsseldorf; son Ardinghello;
VIII. Heinse à Mayence, son Hildegarde ; IX. Heinse à Aschaffen-
bourg, son Anastasie ; X. Heinse, comme homme, artiste, poète et écri-
vain.
M. Sch. n'apporte pas de nouveaux documents; il a eu, il est vrai,
1. Revue critique, 1878, n° 3, art. 16.
d'histoire et dk littérature 35
entre les mains une grande partie de la correspondance de Heinse, mais
toutes les lettres du sensuel écrivain ont été publiées par Kôrte, Wa-
gner, Laube, Prôhle et Hettner, et M. Sch. n'a pu faire que quelques
corrections de détail. Son livre est néanmoins utile; il a été composé
avec un grand soin et une très louable exactitude; il occupe une digne
place parmi tous les travaux qu'a provoqués dans ces derniers temps la
Sturm-und Drangperiode ; comme le dit M. Sch., ce n'était pas un
mince labeur de réunir ces abondants matériaux et de les mettre en
œuvre; cette étude d'ensemble mérite d'être consultée, et le sera long-
temps encore. La meilleure partie du livre est consacrée aux rapports de
Wieland et de Heinse; M. Sch. a très bien montré l'influence de Wie-
land sur les premières œuvres du jeune étudiant d'Erfurt; mais il ra-
conte aussi d'une façon piquante comment Wieland finit par trouver
que Heinse l'imitait trop; après avoir complaisamment accepté les hom-
mages de Heinse qui vantait la grâce de son style et le charme de ses
peintures licencieuses, Wieland traita son disciple de misérable, à qui
le priapisme le plus ordurier servait d'inspiration. Nous reprocherons
toutefois à M. Sch. de Savoir pas assez insisté sur la critique d'art chez
Heinse; les quelques lignes sur les Lettres de Dûsseldorf ne suffisent pas,
et il faudra revenir aux pages brillantes de Hettner sur le même sujet.
Ardinghello est longuement analysé, et impartialement jugé; mais l'ap-
préciation de ce roman n'est pas complète et n'épuise pas tous les points
de vue; M. Sch. ne parle pas de l'amour du héros pour la Grèce mo-
derne; Heinse est un prédécesseur de Byron; il a influé sur Hôl-
derlin (Hyperion), et il n'aurait pas été inutile de rappeler que
« l'Hymne à la déesse de l'harmonie » a comme épigraphe une phrase
& Ardinghello. Enfin, dans un livre sur l'un des écrivains les plus ori-
ginaux de la littérature allemande, l'un de ceux qui ont le plus de
flamme et de vigueur, n'eût-il pas fallu mettre plus de couleur et de
relief? Mais on trouvera dans l'ouvrage de M. Sch. tous les faits impor-
tants de la vie de Heinse et de solides jugements sur ses œuvres ; les
dernières pages du volume sont peut-être ce qu'on a écrit de plus pé-
nétrant et de plus approfondi sur cet étrange génie, à la fois poète, ro-
mancier et critique d'art, et qui fut, comme dit M. Schober, le prédica-
teur inspiré de l'Evangile de la nature de Rousseau en même temps que
l'élève le plus remarquable de Wieland *.
A. Chuquet.
i . L'ouvrage se termine par une suite de lettres déjà reproduites dans les « lettres
de Wieland à différents amis », mais M. Schober a revu soigneusement l'original;
on y trouvera par endroits des phrases ou des mots oubliés dans les précédentes
publications — p. 72, ligne 12, lire Prometheus ; p. 82, note 1, ligne 3, lire Mau-
villons; pp. 91, ligne 8, et 118, ligne i3, lire bekleidete et non « begleitete »; —
p. 123, est-il exact de dire que Forster, réfugié à Paris, y « succomba sous la Ré-
volution » {erlag der Révolution); — pp. 125-127, M. Schober se prononce contre
36 REVUE CRITIQUE
141. — De Vivo, Grammatlca délia lingua russa con spéciale attenzione al
movimento dell' accento. 1 vol. in-8° de vi, 344 p. Dorpat, Schnakenburg. 1882.
La grammaire russe de M. De Vivo, lecteur à l'université de Dorpat,
est le premier ouvrage de ce genre en langue italienne. Il rendra évi-
demment service aux compatriotes de l'auteur. Il tient le milieu entre
les grammaires scientifiques et les grammaires purement expérimentales.
M. De V. — et nous l'en félicitons — n'y a point admis quelques-unes
des erreurs traditionnelles qui défigurent la plupart des ouvrages analo-
gues. Dans certains cas donnés, il lui eût cependant été facile d'être plus
scientifique. En général, on étouffe l'étranger qui veut apprendre le russe
sous un luxe pernicieux de classes, de catégories, de formes, etc.. La
langue russe est bien assez riche par elle-même sans qu'on lui prête
des richesses factices. Ainsi, pour le verbe (p. 1 56-157), les verbes en
a-ti, iati, ieti sont présentés comme formant trois combinaisons diffé-
rentes, alors qu'ils n'en offrent qu'une en réalité. C'est à la grammaire
surtout qu'il faut appliquer le mot des anciens scolastiques : Entia non
sunt multiplicanda prœter necessitatem.
Le défaut de la plupart des grammaires russes, c'est que leurs auteurs
ignorent le slavon qui seul peut leur donner la clef d'une foule de diffi-
cultés apparentes. Si M. De V. avait un peu étudié le Handbuch der
Altbulgarischen Sprache de M. Leskien, il aurait vu comment la
grammaire d'une langue très riche en apparence peut se réduire à une
cinquantaine de pages et comment les classifications doivent s'établir
sur les caractères internes des mots et non pas sur le hasard de la rime
ou de l'ordre alphabétique. Les verbes prétendus irréguliers de la langue
russe gagnent singulièrement à être groupés d'après des lois scientifi-
ques. Dans le tableau des verbes irréguliers (pp. 174-175), les verbes à
thème en a et à thème nasal sont confondus dans une même catégorie,
au grand détriment de la méthode et de la clarté. A. la p. 178, les verbes
dont le thème se termine en k et ceux dont le thème se termine en g
sont également confondus. Evidemment la faute n'en est pas unique-
ment à l'auteur qui a mis à profit les grammaires antérieures qu'il avait
sous les yeux. Mais il est regrettable que les découvertes de la linguisti-
que moderne n'aient pas encore pénétré dans la plupart des ouvrages
élémentaires. La grammaire de M. Bouslaiev aurait pu fournir à
M. De Vivo de précieuses indications. Ces réserves faites, cet essai n'en
reste pas moins une œuvre recommandable ; il faut louer le soin de l'au-
teur à élucider les questions d'accentuation et l'exécution typographique
qui est très convenable. Louis Léger. .
l'attribution de la Fiormona à Heinse; mais la question ne nous semble pas entiè-
rement résolue; il resterait à prouver que Meyer de Bramstedt, l'ami et le biogra-
phe de Schœder, est l'auteur du roman; — p. i55, ligne 12, lire Kurfùrstlicher, et
non « Kurfùrstlichen ; » — le nom de Heinse est écrit partout « Heinse », sauf sur le
dos du volume, où on lit Heinse; — enfin, M. Schober eût pu tirer parti d'une as-
sertion de Voss (Herbst, I, 116).
?*»wfl D Vtt&l «lima ,
d'histoire et de littérature 37
CHRONIQUE
în ÛliBmraB'i:
FRANCE. — La publication du second volume de Y Histoire de l'art de MM. Per-
rot et Chipiez a commencé, par livraisons hebdomadaires. Ce second volume com-
prendra la Chaldée, l'Assyrie et la Phénicie; il contiendra environ 5oo gravures
dans le texte et i5 planches hors texte. M. Perrot compte y publier, d'une manière
à peu près complète, la série des objets rapportés de Chaldée par M. de Sarzec, qui
ont été acquis l'an dernier, grâce au vote par les Chambres d'un crédit spécial, et qui
ont tant ajouté à la valeur de notre collection orientale; on en aura ainsi, pour la
première fois, des reproductions fidèles.
— La librairie Pion publie un ouvrage de M. le comte Bernard d'HARCOuRT, inti-
tulé : Les quatre ministères de M. Drouyn de Lhuys et un volume in-160 elzévi-
rien, tiré à petit nombre, renfermant les Sonnets des vieux maistres françois (i520-
1670).
— M. Léonce Person va publier prochainement, à la librairie Cerf, un nouveau
travail sur une pièce de Rotrou, le Venceslas.
— Le XVIe et dernier volume de la Correspondance littéraire de Grimm, Diderot,
etc., publié par M. Maurice Tourneux à la librairie Garnier vient de paraître; il ren-
ferme les Opuscules de Grimm, de nombreuses lettres inédites, et, outre un grand
nombre de précieuses informations, une table analytique fort complète; un de nos
collaborateurs donnera prochainement à notre recueil un article d'ensemble sur cette
vaste publication qui renferme près de la moitié de l'histoire littéraire du xvnr siè-
cle.
— Le VIIe volume des Etudes sur la littérature contemporaine, de M. Edmond Sche-
rer (Calmann Lévy, in-8e, 38o p.), renferme les études et articles suivants : Words-
worth et la poésie moderne de l'Angleterre (pp. i-5g, à propos de la récente publica-
tion des œuvres choisies du poète, par M. Matthew Arnold) ; Thomas Carlyle
(pp. 60, 69); Endymion (pp. 70-83); Don Quichotte (pp. 84-97, à propos de la tra-
duction de M. Lucien Biart); Les deux masques (pp. 98-106); Les lettres de Doudan
/pp. 107-147); Les pensées de Doudan (pp. 148-155); « Mes pensées » (pp. 156-164);
Emile Zola (pp. i65-ig6); Louis XIV et la république de Genève (pp. 197-208,
d'après l'ouvrage de M. Albert Rilliet sur « le rétablissement du catholicisme à Ge-
nève il y a deux siècles »); Les origines de la triple alliance (pp. 208-229), d'après le
livre de M. Sorel. « La question d'Orient au xvme siècle » ; la Revue critique n'a pas
parlé de cet ouvrage; disons donc que M. Scherer y admire « l'érudition qui a réuni
tant de faits nouveaux ou imparfaitement connus jusqu'ici, la sagacité avec laquelle
ces faits sont interprétés, l'agrément enfin que des vues ingénieuses et de piquantes
citations jettent dans une relation nécessairement sévère ». Le seul défaut que la cri-
tique reproche à l'auteur, c'est « la complexité du récit. » M. Taine et la Révolu-
tion (pp. 230-247; art. qui conclut ainsi : «La Révolution française a eu la vertu
de transformer le plus désintéressé, en apparence, et le plus abstrait de nos penseurs
en un polémiste échauffé, en un écrivain de parti et de parti-pris »); Les Mémoires de
Mm« deRémusat (pp. 248-265; ces souvenirs, dit M. Scherer, ont pris place parmi les
documents les plus précieux pour la connaissance du caractère moral de Napoléon) ;
Le christianisme et ses origines, par Ernest Havet (pp. 266-282); Le Port-Royal de
Sainte-Beuve (pp . 282-295); Ce que c'est qu'un jésuite (pp. 296-307) ; L'Encyclique
Aeterni Palris (pp. 3o8-3 1 3) ; L'Horace de M. le comte Siméon (pp. 314-317).
M. de Sacy (p. 3 18-334) ', Emile Littré (pp. 335-346) ; Réceptions de MM. Renan,
38 KKVUK CK1TIQ1JK
d' ' Audiffret-Pasquier , Du Camp à l'Académie française (pp. 347-368); Les clichés,
lettre au directeur du « Temps ». (pp. 369-378.)
ALLEMAGNE. — Parmi les prochaines publications de la librairie Teubner, de
Leipzig, nous signalerons les suivantes : i° de M. Moritz Schmidt, un travail inti-
tulé : ùber den Bau der pindarischen Strophen; — 20 de M. Otto Ribbeck, une étude
sur ràXa£(î)V, dans l'antiquité et la comédie gréco-romaine, avec une traduction du
« Miles gloriosus » de Plaute (Ala^on, ein Beitrag %ur antiken Ethologie und ^ur
Kenntniss der griechisch-rœmischen Komœdie, nebst Ueberset^ung des Plautinis-
chen Miles Gloriosus ; — 3° la correspondance de Bœckh et d'Otfried Mûller (Brief-
wechsel ^wischen Aug. Bœckh und Karl Otfried Mûller, ces lettres ont été écrites de
1818 à i83g et dans l'une d'elles, datée du 22 octobre i835, Otfried Mùller écrit à
Bceckh qu'en mettant en ordre cette correspondance, il a été véritablement ému par
l'affection paternelle que Bceckh n'a cessé de lui témoigner, par ces preuves d'une
amitié qui ne s'est jamais lassé de l'encourager et de lui montrer le droit chemin);
— 40 la première partie des Opéra rhetorica de Cicéron, éditée par M. W. Fried-
rich ; — 5° le premier volume d'une édition hongroise de l'Edda, comprenant l'Atla-
mâl, par M. Lomnitzi Meltzl Hugo {A régi Edda hœsénekei, I Kœtet. A% Atlamal
(Atlamal en Gronlen^co) .
— Le comité d'administration de la « fondation Wedekind » (Wedekindsche
Preisstiftung fur deutsche Geschichte) décernera trois prix pour les travaux suivants,
à écrire soit en allemand, soit en latin. Premier prix (1,000 thalers) une édition des
Denkwùrdigketein ùber Leben und Zeit Kaiser Sigismunds du Mayençais Eberhard
Windeck. — Deuxième-prix (1,000 thalers) Geschichte des jùngeren Hauses der Wel-
f en von io55-i 2,35 (von dem ersten Auftreten Welf IV in Deutschland bis ^ur Er-
richtung des Her^ogthums Braunschweig-Lûneburg) . — Troisième prix : un tra-
vail quelconque sur.l'histoire de l'Allemagne, mais ce doit être un travail d'ensemble
relatif à un des grands états de l'empire (voir, pour plus de détails,le n° 14 des Nach-
richtende la Société royale des sciences de Gœttingue, pp. 417-424).
— On annonce la mort de Frédéric-Guillaume-Auguste Mullach, professeur ex-
traordinaire à l'Université de Berlin, éditeur des Fragmenta philosophorum Grae-
corum (Didot, 3 volumes), auteur d'un Grundriss der griechischen Vulgœrsprache,
hé en 1807; — de M. Ant. Phil. Edzardi, professeur extraordinaire à l'Université de
Leipzig; — de M. Ad. Schœll, bibliothécaire en chef de la Bibliothèque de Weimar.
— L'Université de Gœttingue (province de Hanovre) a r,o83 étudiants. 286, dont 221
sujets prussiens, s'occupent de philologie et d'histoire.
BELGIQUE. — La classe des lettres de l'Académie royale de Belgique a entendu
la lecture du rapport du jury chargé d'examiner les ouvrages présentés au concours
pour le prix Joseph De Keyn (2e période : ouvrages laïques d'instruction et d'éduca-
tion moyennes). Nous avons fait connaître le résultat de ce concours. Outre les ou-
vrages couronnés, le jury a accordé une mention spéciale aux suivants : une édition
du discours pro Archia, de Cicéron, par M. Paul Thomas; Marnix, par M. Paul
Fredericq, et une Etude sur l'administration de l'ancienne ville de Gand, par M. L.
de Rycker (dans le Willems-Fonds) ; Joseph II et l'ancien régime, par M. Théodore
Juste (Bibliothèque Gilon), etc.
— Dans la séance dû b juin de la classe des lettres de l'Académie royale de Belgi-
que, M. Lamv, en faisant hommage à la classe du tome Ier des Hymni et sermones
de Saint-Ephrem, édités par lui, a donné lecture de la note suivante : « Ephrem,
diacre de l'église d'Edesse, est, sans contredit, le plus grand écrivain qu'ait jusqu'ici
produit l'Orient chrétien. Contemporain de S. Basile et de S. Athanase, plus ancien
que S. Jean Chrysostome, que S. Jérôme et que S. Augustin, il occupe dans l'Eglise
i>HlSTOU<iï Kl DK L1TTEKATURB 39
syrienne le même rang que ces grands docteurs occupent dans l'Eglise latine et dans
l'Eglise grecque, Ses commentaire» sur les Ecritures se distinguent par leur conci-
sion et leur exactitude à expliquer le sens littéral selon la méthode de l'école d'An-
tioche; ses discours sont aussi remarquables parleur éloquence entraînante que la
sublimité de la doctrine; ses hymnes, extrêmement nombreuses, contiennent une
poésie inimitable, tantôt gracieuse, tantôt sublime, tantôt plaintive, selon les sujets,
toujours orientale et biblique, qui n'a rien d'analogue dans nos poésies occidentales,
mais qui a servi de modèle aux Mélodes byzantins. Un Belge, Gérard Vossius, a, le
premier, recueilli et publié à Rome, sur la fin du xvi° siècle, en trois volumes in-fo-
lio, tout ce qu'il a pu trouver des écriis de S. Ephrem dans les manuscrits grecs et
latins. Jusqu'alors les manuscrits syriaques faisaient défaut dans les bibliothèques
d'Europe. Au commencement du siècle dernier, les savants maronites de Rome, sous
l'impulsion de Clément XI, se rendirent en Egypte, visitèrent le désert de Nitrée et
trouvèrent dans le monastère de Notre-Dame des Syriens une riche bibliothèque.
Us obtinrent, non sans peine, une cinquantaine de manuscrits syriaques de la plus
haute antiquité qui sont maintenant un des plus beaux ornements de la Bibliothèque
vaticane. Quatre codices du vi* siècle contenaient une partie considérable des œuvres
de S. Ephrem, inconnus jusqu'alors en Occident. Trois doctes maronites furent
chargés d« les publier. Leur travail, qui dura quatorze ans, de 1732 à 1746, ajouta
aux écrits grecs et latins du diacre d'Edesse trois volumes d'œuvres inédites publiées
cette fois dans le texte original. Depuis lors, les biliothèques des grandes capita-
les de l'Europe se sont enrichies de nombreux manuscrits syriaques. Le British
Muséum, entre autres, a acquis toute la bibliothèque du couvent de Notre-Dame des
Syriens. C'est de là, ainsi que des bibliothèques de Paris et d'Oxford, que j'ai trans-
crit les documents dont j'offre aujourd'hui le premier volume à l'Académie. Le texte
syriaque est accompagné d'une traduction latine, de variantes et de notes et précédé
de prolégomènes assez étendus. Ce premier volume contient i5 hymnes sur l'Epi-
phanie, 1 5 hymnes sur la dernière Cène, 8 hymnes pour le Vendredi-Saint et 1 1 dis-
cours sur la Passion, la Résurrection et d'autres sujets. »
DANEMARK. — Nous apprenons la mort (11 novembre 1881) deM.C. Engelhardtj
secrétaire de la Société royale des antiquités du Nord ; son successeur est M. Sophus
Mûller, — et (3 juin 1882) de M. Caspar Peter Paludan-Muller, professeur d'his-
toire à l'Université de Copenhague, connu par de nombreux ouvrages, la Législa-
tion de Harald Blaatand (i83z), Riençi (i836), Machiavel (i83ç)), Le Traité de Cal-
mar (1840), La mort de Charles XII (1847), La guerre du comte (1802-54), Les
premiers rois de la dynastie d'Oldenbourg, etc.
TURQUIE. — Le gouvernement ottoman a nommé dernièrement directeur des bi-
bliothèques de Constantinople Schalich-Effendi, qui a commencé à faire dresser
le catalogue général des livres imprimés et des manuscrits y existant. Il a déjà révélé
l'existence de manuscrits précieux, entre autres la copie d'un anecdoton géoponique
dont le prototype a existé dans la bibliothèque d'Alexandrie, détruite au vne siècle.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 3 o juin 1882.
L'auteur du mémoire unique déposé au concours pour le prix Bordin, sur cette
question : Etudier les documents géographiques et les relations de voyage publiées
40 REVUE CRITIQUE D HISTOIRE ET DE LITTÉRATURB
par les Arabes du 111e au vme siècle de l'hégire, etc., auquel une récompense de
i,5oo fr. a été décernée sur les fonds du prix, est M. L. Marcel Devic, professeur à
la faculté des lettres de Montpellier.
Le prince S. Abamelek-Lazarew envoie un estampage de la grande inscription
palmyrénienne et grecque, découverte par lui à Palmyre, dont M. Waddington a
entretenu dernièrement l'Académie. Il regrette de n'avoir pu prendre qu'un estam-
page imparfait, étant pressé par le temps; de plus, le paquet a été maltraité par la
douane à l'entrée en Russie, au port d'Odessa.
M. Léon Renier lit un mémoire de M. E. Masqueray, intitulé : Étude des ruines
d'El-Meraba des Beni-Ouelban. Ces ruines, situées dans le département de Cons-
tantine, ont été déjà explorées plusieurs fois par diverses personnes, et on a publié
une vingtaine d'inscriptions latines qui y ont été découvertes. M. Masqueray vient
de les visiter à son tour et, à l'aide des ressources qui ont été mises à sa disposition
par M. le gouverneur général de l'Algérie, il a pu y faire exécuter des fouilles, aux-
quelles cinquante ouvriers indigènes ont été employés pendant douze jours. Il a re-
connu le forum et la nécropole d'une cité antique, et il a découvert environ cent
trente inscriptions inédites. D'après quelques unes de ces inscriptions, la ville ro-
maine qui occupait l'emplacement actuel d'El-Meraba était une colonie, appelée res-
publica coloniae Celtianensium.
M. Oppert lit un mémoire intitulé : Un Poids médique au Louvre. L'objet qu'il
étudie est, non un poids, mais une anse de poids, récemment acquise par le musée
du Louvre. On y remarque une inscription cunéiforme, dans laquelle M. Oppert
reconnaît un texte médique. Il propose, à titre de conjecture et sans en affirmer
l'exactitude, la traduction suivante : « Un sixième. Maison royale. Cent drachmes. »
Il pense que les expressions « un sixième » et « cent drachmes» sont synonymes;
ce sont deux manières de désigner un même poids, d'après deux unités différentes.
M. E. Desjardins communique de la part de M. Poinssot, délégué de la Société
d'archéologie d'Oran, l'inscription suivante, trouvée à Agbal, près de Lamoricière,
entre Tlemcen et Sidi-bel-Abbès, par le major Demaeght :
AVRELIOANTO
LSEPTIMISEVERI
PERTI . AVGPATRI
PRO PRINCIPATV
STATVAMQVAM
POLLICTVSEST
SECVNDVMACTA
PVBLICA.P.VALE
RIVS . LONGVS
PRINCEPS
PVALERILONGI
PRINCIPIS . FIL
POSVIT
Aurelio Antonino, L. Septimi Severi Pertinacis patri, pro principatu, statuant quant
pollicitus est secundum acta publica, P. Valerius princeps P. Valeri principis filius
posuit. L'auteur de cette dédicace avait promis, sous le règne de Marc Aurèle, d'éle-
ver une statue à ce prince, s'il obtenait les honneurs du piincipatus. La statue n'a-
vait pu être achevée que beaucoup plus tard, sous le règne de Septime Sévère. Alors
on mentionna dans l'inscription, avec le nom de l'empereur auquel la statue était
consacrée, celui de l'empereur régnant, et l'on indiqua la paternité fictive et pos-
thume que Septime Sévère avait attribuée à Marc Aurèle, en se déclarant, par dé-
cret, son fils adoptif. La promesse de statue, faite par Publius Valerius, avait été
inscrite dans les actes publiés de la cité; c'est un fait dont on ne connaissait pas
encore d'exemple.
M. Aube, continuant sa lecture sur Polyeucte, indique quels sont les documents
écrits qui nous renseignent sur l'histoire de ce personnage. Deux relations de son
pli
homélie destinée à être dite dans les églises d'Orient, à l'occasion de la' fête de saint
Polyeucte.
Ouvrages présentés : — par M. Oppert : i° Chossat (E. de), Répertoire sumérien
(accadien), Lyon, 1882; 2° Haupt (Paul), Die sumerisch-akkadische Sprache; — par
M. L. Delisle : i° Chronique de Jean de Saint-Paul, publiée par A. delà Borderie,
Nantes, 1881 ; 20 Bengesco (Georges), Voltaire, bibliographie de ses œuvres, tome I,
Paris, 1882 ; 3* Buzy (J .-B.), Dom Maugérard ou Histoire d'un bibliographe lorrain,
Châlons, 1882 ; 4° Collection de documents pour servir à l'histoire des hôpitaux de
Paris, tome I, délibérations de l'ancien bureau de l'Hôtel- Dieu, publiées par A.
Brièle, fasc. 2, années 1674-1767.
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, typ. et lith. Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N° 29 - 17 Juillet — 1882
— — — — — — ■ » ■■!■■ .■■ — ——■—— I I II .11.1 I. !■■ «««Illllll ■!■ ■ ■■IHI1WWI É. Il— ■■!■■ ■ ■!■!!!■«■
Sommaire : 142. Le Catilina de Salluste, p. p. Schmalz. — 143. Eichert, Lexi-
que de Justin. — 144. Gierke, Les doctrines de l'état et de la corporation. —
145. Kugler, Histoire des Croisades. — 146. Douais, Les sources de l'histoire de
l'Inquisition dans le midi de la France. — 147. Lair, Louise de La Vallière et la
jeunesse de Louis XIV. — 148. Haller, Histoire de la littérature russe. — Va-
riétés : Guvard, Le mot assyrien « tamkâru ». — Chronique. — Société des anti-
quaires de France. — Académie des Inscriptions.
I42. — C. Sallusti Crispi de Catilinae conjura tione libei , fur den Schul-
gebrauch erklaert von J. H. Schmalz. Gotha, Perthes. 1882.
Cette nouvelle édition du Catilina doit être suivie, à bref délai, par
une édition du Jugurtha, dans laquelle M. Schmalz se réserve d'indi-
quer les différences qui existent entre le texte qu'il a adopté et celui de
Jordan (2e édition), qu'il a pris pour base de son travail. Il convient
d'attendre la publication de cet appendice critique que nous promet
M. S., pour apprécier la façon, dont il a établi son texte *. Aussi je ne
m'occuperai ici que du commentaire.
M. S. avait à lutter contre une concurrence redoutable. Le commen-
taire de R. Jacobs et de Wirz, très répandu en Allemagne, a une haute
valeur. Je n'irai pas jusqu'à dire que le travail du nouvel éditeur est des-
tiné à le remplacer; du moins, il peut tenir auprès de lui une place fort
honorable et rendre d'utiles services. Il est conçu, d'ailleurs, sur un plan
un peu différent. C'est ainsi que la partie historique est à peu près complè-
tement sacrifiée dans l'annotation de M. Schmalz. En France, une pareille
omission serait regrettable; elle a peut-être moins d^nconvénients en
Allemagne, où les élèves ont à leur disposition plus de secours (manuels,
dictionnaires d'antiquités, etc.) et sont mieux habitués à en faire usage 2.
1. Autant que j'en puis juger par une première lecture un peu rapi'de, le texte du
nouvel éditeur ne s'écarte de celui de Jordan que dans un très petit nombre de pas-
sages. Parmi ces changements, il y en a qui ne me paraissent pas suffisamment jus-
tifiés : ainsi, 29, 1, au lieu de « exagitatam », qui offre un sens très satisfaisant,
M. S. reproduit la leçon « exagitatum »; 3i, 5, il écrit « Si cujus jurgio lacessitus
foret » au lieu de : « Sicut jurgio lacessitus foret »; le texte de Jordan est inexpli-
plicable, mais la conjecture, d'ailleurs ingénieuse, qui a été admise par M. S., ne
vaut pas, je crois, celle de Linker « Sicubi jurgio... »; 5i, i5, « Severior » au lieu
de « Sœvior », malgré l'autorité de Wirz et des éditeurs assez nombreux qui ont
adopté cette leçon il n'y a pas lieu de modifier le texte de Jordan.
2. D'ailleurs, l'auteur n'est pas toujours resté fidèle à son système et, quoiqu'il se
défende dans son avant-propos d'avoir voulu faire un commentaire historique, il
M II > • l/l Vv „ Vl
Nouvelle série, X'V. S
42 RliVUK CR1T1QUK
M. S. a voulu faire un commentaire purement grammatical et il est
juste de reconnaître qu'il s'est acquitté très heureusement de la tâche
qu'il s'était proposée. A une connaissance sérieuse, approfondie, de la
langue de Salluste, il joint une rare expérience de l'enseignement. C'est
même par ce caractère d'utilité pratique que son travail se recommande
le plus. On pourrait reprocher à l'annotation d'être un peu surabon-
dante, parfois même un peu prolixe; mais, dans l'ensemble, elle est bien
appropriée aux besoins de l'enseignement. M. S. s'est abstenu le plus
souvent, et il a eu raison, de faire des notes de simple traduction, mais
il a indiqué avec beaucoup de soin les procédés, il serait plus juste de
dire les principes de la méthode dont l'élève devra se servir pour rendre
en allemand et d'une manière conforme au génie de la langue les phra-
ses et les expressions de Salluste. Toute cette partie du commentaire est
faite avec une exactitude minutieuse et me paraît digne des plus grands
éloges. De même l'auteur est très attentif à définir les particularités de la
langue de Salluste, à exposer en quoi elle diffère de la langue classique,
avertissant l'élève que tel mot est détourné de son acception ordinaire,
que telle construction ne doit pas être imitée. La seule critique que j'a-
dresserai sur ce point à M. S., c'est qu'il a péché par excès de conscience
et de scrupule ; plusieurs des remarques qu'il a pris la peine de rédiger
ainsi, conviendraient peut-être mieux à un enseignement donné de vive
voix.
En ce qui concerne l'interprétation, je serais presque toujours d'ac-
cord avec le nouvel éditeur. Il y a cependant, plusieurs passages, où je
ne puis me ranger à son opinion. Je citerai, un peu au hasard, quelques
exemples : 5r, 28. « Lacedaemonii devictis Atheniensibus triginta viros
imposuere »; dans cette phrase, M. S. veut que devictis Atheniensibus
soit un ablatif absolu; j'y verrais plutôt, avec Kritz et la plupart des
commentateurs, un datif, régi par imposuere.
5 1, 38 : « imitari quam invidere bonis malebant », pour M. S. bonis
est un masculin ; bien que cette opinion ait été adoptée par un certain
nombre d'éditeurs, je reste convaincu, avec Kritz, que bonis est au
neutre.
54, 4 : « bellum novom » est expliqué à peu près comme s'il y avait
dans le texte « bellum integrum » ; cette interprétation est inadmissible.
59, 3 : « evocatos » est pris dans le sens de vétérans; je n'ignore pas
que cette explication a pour eile de nombreuses autorités, cependant je
ne crois pas qu'il y ait lieu de conserver ici à evocatus son sens techni-
que et je l'expliquerais, comme Gerlach, « appelé hors des rangs ».
59, 5 : <i equo circumiens » est rapproché de l'expression française
n'a pu se dispenser de donner, au moins de temps en temps, quelques explications,
qui sont un peu en dehors du cadre' qu'il s'était tracé. Quoi qu'il en soit, j'exprime-
rai le vœu que M. S. mette à la fin de son 2e volume un dictionnaire des noms pro-
pres.
d'histoire et de littérature 43
« aller à cheval » ; j'avoue ne comprendre ni l'utilité ni la justesse de ce
rapprochemeut.
L'introduction de M. Schmalz expose sous une forme abrégée, mais
d'une façon suffisamment claire et précise, tout ce qu'il est indispensa-
ble de savoir sur la vie et les oeuvres de Salluste.
R. Lallier.
143. — Vollstsemliges Wœrterbncli atur Pliîliupischen Gesehlclite
des Justlnu». Von Dr. Otto Eichert. Hannover, Hahn. 1882, 111-200 p. in-8°.
Le but de ce lexique est de faciliter aux élèves la préparation du texte
de Justin. Les signes de quantité dont l'auteur charge les mots latins
seraient plus à leur place dans le lexique d'un poète. La traduction qui
accompagne chaque mot s'adresse aux élèves allemands; elle est, en gé-
néral, sans intérêt pour les érudits et pour le public français.
Tout en destinant son travail aux élèves, M. Eichert s'est efforcé de
dépouiller Justin pour l'usage des grammairiens, mais seulement dans
la mesure où son cadre le lui a permis. Il faut regretter un peu que ce
but secondaire n'ait pas été le but principal. 11 n'eût pas été beaucoup
plus difficile de dresser un index uerborum qui fût complet pour les noms,
pour les verbes, pour les adverbes et pour toutes les particules qui ne sont
pas trop fréquentes. Le plus fâcheux, c'est que le lexique s'applique non
à Justin lui-même, tel qu'on peut le reconstituer, mais au Justin de cer-
taines éditions. L'auteur suit Jeep (réimpression donnée en 1876 de
l'édition de 1859) en se reportant, dans certains cas importants, aux édi-
tions antérieures de Frotscher et Dûbner. Avec un petit nombre de jour-
nées de travail de plus, il eût pu tenir compte directement des sources et
mettre à profit les quelques travaux postérieurs à l'édition Jeep. S'il
avait consulté, par exemple, l'article de M. Harant sur le Justin de Laon
(Revue de philologie, 1878, pp. 78 et suivantes), il eût effacé un faux
exemple defilia pour le remplacer par un exemple du pluriel 7^" aux
sens d'enfants, mâles ou femelles. Toutefois, il faut reconnaître que,
dans bien des circonstances, un philologue tirera profit de la publication
de M. Eichert et lui saura gré de ses peines '.
La librairie Hahn n'a pas fait coudre la brochure, ce qui est d'une in-
commodité insupportable pour un lexique.
Louis Havet.
144. — Otto GlERKE. Das tient relie Genoeiengclmftsreclit , 111er Band; die
Staats-und Corporationslehre des Altertums und des Mittelalters und ihre Auf-
nahme in Deutschland. Berlin, Weidmann. 1881, in-8°, lu et 826 p.— Prix : 12 m.
M. O. Gierke vient d'ajouter un troisième volume au grand ouvrage
1. Le livre n'est pas exempt de fautes de détail. Voir Philologische Wochenschrift,
1882, n° 14, pp. 429-430.
44 REVUE CKlIlQUfc.
intitulé Das deutsche Genossenschaftsrecht dont il a commencé la pu-
blication en 1868. L'intérêt de cet ouvrage est très vaste et très général,
bien que le titre vise seulement l'Allemagne : il s'agit d'une étude très
compréhensive sur toutes les notions et tous les droits de collectivité.
Dans le volume que nous avons sous les yeux, M . O. Gierke étudie les
notions Etat, Corporation dans l'antiquité et au moyen âge ; il s'oc-
cupe surtout de l'histoire des théories, ce qui donne à ce beau travail
une allure un peu froide peut-être et un peu scolastique. Rien d'aussi
considérable n'avait encore été publié sur cette matière : ce livre s'a-
dresse aux philosophes tout autant qu'aux historiens.
145. — Gescliichte dei* Kreuzzûge, von Dr. Bernhard Kugler, Professor an
der Universitaet Tûbingen. Mit Illustrationen und Karten. Berlin, Grote. 1880,
in-8°, vin-444 p.
L'histoire des croisades de M. Kugler fait partie de l'Histoire uni-
verselle de W. Oncken. On ne pouvait faire un meilleur choix pour
ce travail difficile: M. K. est bien connu 'de tous les érudits qui s'occu-
pent de l'histoire des croisades et de l'Orient latin, et tous ont lu les
Studien \ur Geschichte des \weiten Krew{\uges, parus en 1866. Pré-
paré à sa tache par une longue étude des sources, l'auteur a pu, sans
dépasser le cadre assez exigu qui lui était imposé par les proportions de
l'œuvre dont son histoire fait partie, donner un résumé nourri de faits
et d'idées, composé soit d'après les documents originaux eux-mêmes,
soit d'après les ouvrages critiques les plus autorisés. Dès les premières pa-
ges dans lesquelles l'auteur résume l'histoire de l'Orient depuis la con-
quête arabe du vne siècle jusqu'aux préliminaires de la première croi-
sade, on sent qu'on a affaire à un érudit habitué à employer, à discuter
les textes et qui, par suite, ne répète pas les historiettes, dont sont
farcies la plupart des histoires générales des croisades écrites en fran-
çais. Il est surtout parfaitement au courant des travaux parus tant en
Allemagne qu'en France sur cette période historique, et cette qualité
est à noter. L'histoire des croisades s'enseigne aujourd'hui encore, en
France, d'après la mauvaise compilation de Michaud ; cette œuvre am-
poulée et déclamatoire jouit encore d'un succès incroyable, qu'elle pouvait
mériter vers l'an de grâce 1840, et c'est par elle que les écoliers studieux
apprennent à connaître ces expéditions, auxquelles les Français prirent
une part si importante. Espérons que l'exemple de M. K. tentera
quelque érudit français ; écrire dans notre langue un bon résumé de
l'histoire de l'Orient latin serait œuvre difficile, mais méritoire, et qui
rendrait de grands services à l'enseignement.
Dans les dernières pages de son histoire, M. K., après quelques mots
sur la société de l'Orient latin, fondée depuis quelques années à Paris,
O HISTOiKK fffl DE LITTÉRATURK 45
s'occupe assez longuement de deux des publications du secrétaire 'de cette
société, M. le comte Riant; ces deux publications sont : Alexii I
Comneiii... ad Rebertum I Flandriae comitem epistola spuria. Ge-
nevae, 1879, in-8°,et Inventaire critique des lettres historiques des croi-
sades, in-8°, 1880 (extrait des Archives de l'Orient latin). Remarquons
en passant que M. K. paraît n'avoir pas connu le compte-rendu du pre-
mier de ces deux travaux par M. Gaston Paris, compte-rendu publié
par la Revue critique (1879,' VIII, pp. 379-388). M. K., comme
MM. Riant et Paris, regarde Ja lettre comme fausse, mais tandis que
M. Paris critique la date assignées cette lettre par l'éditeur, il fait porter
sa critique sur un autre point; il s'attaque à une autre partie du sys-
tème de M. Riant. Celui-ci nie qu'il faille mettre au nombre des
causes directes de la première croisade des demandes de secours adressées
par Alexis Comnène à l'Occident; suivant lui, Alexis a bien eu avec Ur-
bain II des relations diplomatiques assez actives, mais il ne s'agit
dans cette correspondance que d'affaires religieuses et l'empire grec
était assez fort pour se passer de l'appui des croisés. La cause réelle
de la prédication de la première croisade a été (toujours d'après
M. Riant) l'espoir chez le pape de secourir par une expédition en
Orient les chrétiens d'Espagne, pressés à cette époque par les Almora-
vides. M. K. croit la thèse de M. Riant trop absolue; suivant lui, l'em-
pire byzantin se sentait assez menacé par les attaques 'des Seldjoucides
d'Asie-Mineure pour qu'Alexis ait demandé au pape, non pas la pré-
dication d'une croisade, mais l'envoi de secours militaires. Ces deman-
des de secours sont indiquées par plusieurs historiens contemporains,
notamment par Bernold de S. Biaise, et le fait était assez connu à l'époque
même pour qu'un rhéteur inconnu ait pu en faire le sujet d'une amplifi-
cation dans le genre de celle dont nous parlons. M. K. sait bien que dans
le cas où cette hypothèse serait fondée, l'Asie-Mineure eût du être choisie
comme champ de bataille, de préférence à la Syrie. Mais, suivant lui,
la conquête des Lieux-Saints, souillés par la présence des infidèles, était
un but à proposer aux chrétiens d'Occident. Urbain II pouvait ainsi
exciter leur enthousiasme; et, d'autre part, en favorisant l'établisse-
ment des Latins en Palestine, Alexis Comnène créait à l'Empire des
alliés d'autant moins gênants qu'ils seraient plus éloignés de ses fron-
tières. Telle est la thèse soutenue par M. K., thèse qui, à ses yeux, ex-
plique la politique d'Alexis Comnène et prouve que, tout en sollicitant
des secours de l'Occident, ce prince ne s'abaissa pas aux humbles sup-
plications que lui attribue la fausse lettre à Robert de Flandre et
qu'il agit toujours au mieux des intérêts de l'Empire. Pour juger
de la valeur de cette thèse, il faudrait avoir sous les yeux les textes que
M. K. indique sans les citer; ce n'est qu'alors qu'on pourrait décider
entre elle et celle qu'a soutenue M. Riant.
En terminant, disons un mot de l'exécution matérielle du volume
de M. Kugler; l'impression en est élégante, mais la plupart des gravures
46 REVUE CRITIQUE
sont bien défectueuses; beaucoup sont empruntées à la reproduction
photographique du De passagiis Terrae Sanctae ; elles n'ont aucune
valeur iconographique (v. notamment p. 96) et sont de dimensions trop
exiguës. Dans la légende des gravures des pp. 41 et 71, relevons une
faute, qui doit être une faute d'impression, les sceaux reproduits sont
du xne siècle, du milieu et de la fin de ce siècle '.
146. — JLes sources de l'iiistoire de l'Inquisition dans le midi de la
France, aux. XIIIe et XIVe siècles. Mémoire suivi du texte authentique et
complet de la Chronique de Guillem Pelhisso et d'un fragment d'un registre de
l'Inquisition publié pour la première fois, par l'abbé C. Douais, des Facultés li-
bres de Toulouse, membre de l'Académie de religion catholique de Rome. Paris,
1881, in-8°, i32 p,j. in-8°.
L'opuscule de M. l'abbé Douais ne peut passer pour un travail ori-
ginal; l'auteur s'est contenté d'y mettre en œuvre, en les classant dans
un autre ordre, les faits qu'il trouvait tout réunis dans un livre publié
il y a dix-huit mois sous un titre presque identique; tout ce qu'il donne
en plus est tiré de livres imprimés. Rien de plus légitime que cette mé-
thode; M. D. a sur l'inquisition des idées, des opinions personnelles,
il a le droit de les exprimer et de tirer des faits cités par son prédéces-
seur des conclusions toutes différentes. Seulement il eût été convenable
de rendre à chacun ce qui lui appartient ; M. D. ne cite guère M. Char-
les Molinier que pour combattre ses opinions ; et ses citations sont
données d'une façon si singulière, qu'on peut croire, — et plus d'un
s'y est trompé, — que, comme son prédécesseur, il a dépouillé tous
les manuscrits inédits de Paris et de Toulouse se rapportant à son su-
jet. M. D., pour être équitable, eût bien fait de dire à qui il empruntait
toutes ses citations de manuscrits et beaucoup de renvois à des impri-
més. On pourrait répondre que quand deux auteurs traitent le même
sujet, les mêmes textes doivent être fréquemment cités dans leurs notes;
mais, dans le cas présent, l'argument perd toute sa force. Les ren-
vois à des manuscrits donnés par M. D., se retrouvent dans l'ouvrage
de M. Ch. Molinier, et on peut affirmer, ce que M. D. ne dit pas, qu'il
n'a jamais vu le plus grand nombre des manuscrits qu'il cite. Voici la
preuve de cette dernière assertion. P. 71 et suiv. de son opuscule,
M. D. donne quelques indications sur certains volumes de la collection
de Doat à la Bibliothèque nationale, qui sont relatifs à l'histoire de
l'Inquisition; il parle de ces volumes en homme qui les a vus; mal-
heureusement il ajoute que la collection est conservée aux archives na-
tionales. On doit en conclure : i° que tous les renvois à cette collec-
1. Les gravures des pp. 1 13, n5, représentant un Templier, un moine du S. Sé-
pulcre, etc., ne sont-elles pas tirées de Y Histoire des ordres religieux, d'Hélyotr
d'histoire et de littérature 47
tion sont tirés de l'ouvrage de M. Molinier; 2° que M. D. n'a jamais
mis les pieds à la Bibliothèque nationale, où la collection Doat, placée
dans la salle même de travail des manuscrits, eût été forcément remar-
quée par lui. Voilà donc expliqué cet accord singulier entre deux au-
teurs restés inconnus l'un à l'autre; M. D. eût mieux fait de recon-
naître la source de sa science de fraîche date et de rendre justice à son
devancier. Un peu plus de franchise eût désarmé la critique et l'eût
rendue plus indulgente pour les idées singulières et les erreurs, les
bévues qui foisonnent dans ce court travail.
Les opinions de M. l'abbé D. méritent toujours l'épithète qu'on leur
appliquait jadis ici même; ce sont des opinions professionnelles '. Tou-
tefois, pour être juste, il faut reconnaître que l'expression en est moins
violente qu'autrefois; dans ses précédents ouvrages, M. D. accablait
d'injures les hérétiques du xme siècle ; plus calme aujourd'hui, il fait
le panégyrique de leurs persécuteurs et les vertus qu'il découvre en eux,
ce sont la charité et la douceur. La découverte est inattendue, mais elle
n'étonnera que ceux qui ne connaissent pas les mystères du raisonne-
ment théologique; la douceur des inquisiteurs n'est-elle pas évidente,
puisqu'ils se contentent d'abandonner les coupables au bras séculier?
Quant à leur charité, c'est elle qui élève les prisons où les coupables
expient leurs erreurs dans les souffrances et les privations, c'est elle qui
allume les bûchers, dont les flammes, en dévorant le corps, purifient
l'âme coupable. Mais il serait inutile de discuter ces opinions singuliè-
res; il faut être bien engagé dans les polémiques politiques et religieuses
pour défendre l'Inquisition ; c'est une cause désespérée; autant entre-
prendre la justification des tribunaux révolutionnaires. Pour condam-
ner l'inquisition, les quelques lignes de M. Fournies dans son livre sur
les officialités au moyen âge, lignes que cite M. l'abbé D. (pp. n-12),
suffisent amplement, et ce dernier lui-même ne peut soupçonner l'au-
teur de malveillance. Quant à la réponse de M. D. aux assertions de
M. Fournier, inutile d'en parler; tout ce qu'on en pourrait dire, c'est
ce que sont des mots et non des faits.
Les idées personnelles de l'auteur sont bizarres, mais a-t-il du moins
trouvé sur la question quelques points de vue nouveaux, quelques
aperçus originaux? Il n'en est rien malheureusement; l'auteur est bien
trop ignorant de l'histoire du xme siècle; citer toutes les grosses bévues
qu'il a commises serait chose trop longue, on en trouve à chaque page ;
en voici pourtant un recueil assez riche.
P. 10, n. 2, Luc de Tuy devient évêque de Tuy en Gallicie (!) —
P. i3, n. 5, Sicard de Crémone, auteur du Liber Mitralie(sic), devient
un glossateur (?) ; le Rationale de G. Durand est traité de glose sur le
Digeste, et l'auteur est qualifié d'évêque de Crémone. Pour un prêtre,
obligé de connaître la liturgie, ces trois ou quatre erreurs ne laissent
1. Article de M. P. Meyer, Revue critique , 26 juillet 187g, p. 81.
48 R&VC* CKIT1QUE
pas d'être piquantes. — P. 20, une collection de noms méridionaux ab-
solument estropiés (v. aussi p. 26). — P. 24, .M. D. parle des biens des
faidits d'une manière qui prouve qu'il n'a pas lu le texte qu'il cite, et
qu'il ignore absolument les règles du droit féodal. — P. 21 et passim,
quand M. l'abbé D. trouve l'abréviation Fr. devant un nom de per-
sonne, il traduit François. — P. 20, l'auteur prouve qu'il n'a connu le
travail de M. Delisle sur Bernard Gui que par l'ouvrage de M. Ch. Mo-
linier, qu'il n'a pas compris, car il fait vivre B. Gui avant Etienne de
Salagnac. — P. 34-35, lire une explication tout à fait amusante du Débat
de Sicardet d'I^arn de Figueiras, publié par M. Meyer. — P. 37, M. D.
confond les enquêteurs de saint Louis et les inquisiteurs (v. encore pp. 55
et 57). Il est à remarquer, ce qui prouve la légèreté avec laquelle il tra-
vaille, qu'il cite le travail publié il y a deux ans sur l'administration de
saint Louis par l'auteur du présent article, travail à la suite duquel ont
été imprimées les enquêtes faites par ordre de ce prince dans le midi. Il
faut d'ailleurs ne rien savoir de la législation du xin° siècle pour attribuer
aux inquisiteurs de la foi les sentences administratives rendues par les
clercs du roi. Le seul fait de citer un laïque in forum vetitum, eût en-
traîné pour l'auteur de la citation une forte amende. — P. 41, la Roma-
nia des textes du xme siècle, c'est-à-dire l'empire d'Orient, devient la Rou-
manie.— P. 44, ce que 1/auteur dit des en-cours ou confiscations pour fait
d'hérésie prouve qu'il ne connaît pas un mot de la question (v. encore
p. 53). — P. 59, l'auteur, après avoir reproché à tort à M. Ch. Moli-
nier de n'avoir point connu les questions de Gui Foucois, exagère l'im-
portance de ce petit texte que l'éditeur, Caréna, a accompagné de com-
mentaires très copieux et aussi très diffus. — P. 60, l'Antonin de Pamiers
devient saint Antoine de Pamiers; du reste, l'auteur, quoique habitant
le midi, traite les noms de lieux et d'hommes de ce pays avec un sans-
gêne étonnant. — P. 62, M. l'abbé D. rattache, sans aucune raison, les
Sorts des apôtres, dont on s'est occupé récemment, aux doctrines albi-
geoises; pour faire ce rapprochement qui lui a été suggéré par M. N. Pey-
rat, il faut posséder la forte imagination, de ce dernier auteur. —
P. 67, le procès de Bernart Saisset est publié depuis près de 200 ans et
ne renferme rien qui ait rapport à l'inquisition. — P. 72-74, longs
passages empruntés textuellement à l'ouvrage de M. Delisle sur Bernard
Gui.
En résumé, le travail de M. D. ne renferme aucun fait nouveau;
tous ses renseignements sont empruntés à des travaux antérieurs, et son
article ne peut passer que pour un compte-rendu, que déparent nombre
d'erreurs et de bévues dont il est seul responsable et qui lui appar-
tiennent en propre. Il nous reste à parler de la seconde partie du vo-
lume, la seule qui soit à consulter.
M. l'abbé D. imprime dans cette seconde partie : i° la chronique de
Guillem Pelhisso; 20 de courts fragments d'un registre de l'inquisition
de Toulouse, appartenant à un collectionneur de Béziers.
d'histoire et de littérature 49
La chronique de Guillem Pelhisso avait été publiée en 1880 par
M. Ch. Molinier, d'après une copie moderne appartenant à la Bibl. muni-
cipale de Carcassonne. L'édition de M. D. est donnée d'après un ms. du
musée Galvet à Avignon, ms. qui remonte au commencement du xive siècle
et dont l'existence avait été signalée par le P. Balme, dans un article de
la Revue des questions historiques (numéro d'avril 188 1) ; M. D. a oublié
de mentionner cette dernière circonstance. La copie d'Avignon est beau-
coup plus correcte que celle de Carcassonne, comble certaines lacunes,
corrige plusieurs phrases corrompues de celle-ci. Toutefois les variantes
utiles qu'elle fournit ne sont pas aussi nombreuses que voudrait le faire
croire le nouvel éditeur, la plupart de celles qu'il note étant de simples dif-
férences orthographiques ; le copiste moderne a mis partout ae là où le ms.
d'Avignon écrit e, et M. D. a relevé soigneusement toutes ces différences
insignifiantes. En réalité, le nombre des corrections utiles fournies parle
ms. d'Avignon est assez faible, et, dans quelques cas, la leçon dums. de
Carcassonne est préférable; ainsi, p. 83, 1. 8, M. D. lit utiliter; le ms.
d'Avignon porte probablement viriliter qui est la leçon bien meilleure
de celui de Carcassonne. En outre, le ms. d'Avignon et celui de Carcas-
sonne, quoique ce dernier soit bien inférieur, représentant deux familles
différentes ',1e nouvel éditeur eût pu améliorer son texte en combinant
les leçons de l'un et de l'autre. Toute la partie utile des notes de la nou-
velle édition est empruntée à celle du prédécesseur de M. D. et celui-ci
aurait dû le reconnaître, d'autant plus que, dans les notes qui lui sont
personnelles, on relève un certain nombre de grosses bévues; Ainsi, dans
un extrait de Bernard Gui, donné par M. D. d'après un ms. de Tou-
louse, extrait qui a trois lignes (p. 86, note 4), nous relevons trois gros
ses fautes : domina providentiel pour divinaprovidentia ; debellctntespouv
decertantes ; postea pour pro ea. Ailleurs, p. 87, notes, 1. 1 , il imprime
sale condidit, au lieu de sale condivit, que donnent le ms. de Toulouse
et l'édition de M. Molinier. — P. 8g, note 4, Haec sunt in fossa, pour
Hacsunt in fossa. — P. 90, M. D. qui prétend avoir vérifié sur le ms. de
Toulouse un passage qu'il cite à la suite de M. Ch. Molinier passe deux
mots que celui-ci avait omis. — P. 91, 1. 5, il imprime .Fr. Stephanus de
Salhnihaco;le ms. d'Avignon doit porter Salanhaco ; c'est le célèbre
auteur dont M. Delisle a écrit la vie tout récemment. — P. 94, 1. i3,
Deneuse , lisez de Manso ; le personnage est connu d'ailleurs. —
P. 102, 1. ult., tibicinari, pour tubicinari, jouer de la flûte pour faire
une proclamation ; la même faute se retrouve ailleurs et porte sur tubi-
bicinator, écrit tibicinator (p. 110). — P. io5. fer ta IIP post festum
omn. Sanctorum, nonis novembris ; M. D. traduit en note le 3 novem-
bre et en profite pour faire un rapprochement assez inattendu avec un
fait d'histoire contemporaine.
Le fragment de registre d'inquisition qui termine le volume (pp. 119-
1. V. notamment pp. 84 et 85.
5o RKVOK CKITKjUE
i32) est intéressant, mais l'édition en est déparée par nombre de
fautes de lecture; p. 120, 1. 1, maires hereticas 2 ; p. 122, une note bi-
zarre sur le sens du mot fogacia, fouasse ; nous renvoyons M. l'abbé D.
à certain chapitre de Rabelais sur les causes de la guerre entre Grandgou-
sier et Picrochole; p. 123 et passim, Piccavinus pour Pictavinus, nom
bien fréquent en Languedoc, aujourd'hui Peitavi. P. 128, note 3, le
texte qui est du xme siècle, cite la fête de sainte Catherine ; M. l'abbé
Douais traduit le 3 avril, jour de la mort de la célèbre mystique sainte
Catherine de Sienne (f i38o); la sainte Catherine en question est
sainte Catherine d'Alexandrie. Un ecclésiastique n'a pas le droit de
commettre pareille confusion,
A. Molinier.
147. Louise de La Vallière et la jeunesse de Louis XIV d'après des do-
cuments inédits avec le texte authentique des lettres de la duchesse au maréchal
de Bellefonds par J. Lair, ancien élève de l'Ecole des Chartes, avec deux portraits.
Paris, Pion, 1881, gr. in-8° de vi-437 p.
On a tout dit sur le livre de M. Lair, sur son « beau livre, » comme
j'ai déjà eu l'occasion de l'appeler '. Pas .un seul des nombreux critiques
qui ont rendu compte de Louise de La Vallière n'a manqué de louer
autant l'exactitude du biographe que le talent de l'écrivain. Ne voulant
répéter ni les éloges de mes devanciers, ni leurs observations, il ne me
reste que bien peu de choses à dire de l'histoire à la fois si charmante et
si touchante « de cette femme gracieuse et tendre, dont le désintéresse-
ment et la modestie voilèrent l'unique faute, que le monde pardonnait,
mais qu'elle voulut cependant expier par une pénitence de plus de
quarante années 2 ». Nous aimions tous déjà Mlle de La Vallière : le
livre de M. L., en nous la faisant mieux connaître, nous la fait plus ai-
mer encore. Plusieurs écrivains avaient raconté la vie de Françoise
Louise de La Baume-Le-Blanc (l'abbé Lequeux, M. A. Houssaye,
M. Pierre Clément, M. l'abbé Duclos, M. A. Giraud) : tous leurs tra-
vaux sont tellement dépassés par le travail de M. L. qu'ils disparaissent,
en quelque sorte, et ne méritent plus d'être consultés 3. L'auteur nous
dit (p. v) : « Cette étude a pris les loisirs de six années. On ne le croira
pas à le voir, et pourtant cela est. » Qu'il s'agisse de la jeune fille, de la
duchesse de La Vallière et enfin de la sœur Louise de la Miséricorde, les
recherches de M. L. ont été si minutieuses, si approfondies, que, loin
1. N° du 9 janvier 1882, p. 34, note 2.
2. Avant-propos, p. iv.
3. Voir, sur les fautes d'un des meilleurs devanciers.de M. L., M. P. Clément, di-
verses notes (pp. i55, 168, 182, 246, 298, etc). Encore M. L. fait-il observer (p. 402),
à propos d'une méprise de M. A. Houssaye, qu'il n'aime pas à s'attarder pour criti-
quer les écrivains qui l'ont précédé.
l>'HÎSTO(RK KT OK UTYÉKATURK 5l
de s'étonner des longues heures employées à ces recherches, on s'étonne-
rait, au contraire, du peu de temps qu'il a fallu pour réunir tant de ma-
tériaux et pour en tirer un livre qui, comme la douce héroïne auquel ce
livre est consacré, est presque sans défauts. Ce qui augmente singulière-
ment le mérite de l'auteur, c'est que, non content de peindre Louise de
La Vallière avec la plus scrupuleuse fidélité, il a peint avec la même fidé-
lité tous les personnages mêlés à son histoire, son père (Laurent de
la Baume-Le-Blanc), sa mère (Françoise Le Prévost de la Coute-
laye), son frère (François, marquis de La Vallière), Louis XIV, Anne
d'Autriche, Marie-Thérèse, le cardinal Mazarin et ses nièces, Mlle de la
Motte-Argencourt, Mlle delà Motte-Houdancourt, MIle de Montpensier,
Henriette d'Angleterre, Mme de Choisy, Mme de Montespan, Mme de
Maintenon, le maréchal de Bellefonds, M. et Mme de Montauzier, la du-
chesse de Loogueville, Bossuet, le comte de Guiche, le marquis de Var-
des, Mlle de Blois, le comte de Vermandois, etc. En un mot, l'histoire
de Louise de La Vallière est l'histoire entière de son temps, rajeunie pat-
une foule de détails nouveaux *, et dont il faudra tenir grand compte,
toutes les fois que l'on voudra s'occuper de la seconde moitié du xvnc siè-
cle 2.
Une aussi remarquable étude est complétée: i° par la réimpression
(pp. 352-398) des lettres au maréchal de Bellefonds, w connues seule-
ment jusqu'à ce jour par un arrangement de rhétoricien 3 » ; 2° par di-
1. M. L, a surtout tiré parti de la correspondance de l'ambassadeur vénitien Sa-
gredo-.
2. M. L. a rectifié bon nombre d'erreurs des auteurs de mémoires du xvir3 siècle,
sans parler des erreurs des éditeurs de ces mêmes mémoires. Mentionnons particu-
lièrement ce qui regarde les mémoires de M,ne de Motteville (pp. i5, 16 64), de
Mlle de Montpensier (p. 93), de Saint-Simon (pp. 77, 2g6\ Je tiens à citer une de
ces excellentes et piquantes notes (p. 16) : « Mme de Motteville, sur cet article, expli-
que les choses, comme toujours, mieux que personne, mais sa narration finit par
une faute chronologique qui a jeté dans l'erreur presque tous ceux qui l'ont copiée
sans contrôle. Mlle de Montpensier, qui écrivait en 'même temps et même un peu
avant, montre Mlle de la Motte-Argencourt auprès de la Reine-Mère, en i658, en 1660.
V. Mémoires, t. III, pp. 275, 288. Walckenaer (Mémoires sur MD" de Sévigné,
t. III, c. ix) a donné trop d'importance à l'épisode de la Motte-Argencourt, et a com-
mis l'erreur de date que nous signalons plus haut. Amédée Renée [Les Nièces de
Mazarin, p. 24g) a confondu les époques. Son agréable récit manque de suite chro-
nologique, et ce défaut de précision prive cette histoire intime de sa plus grande
valeur. Cet accident n'a pas de date, voilà qui est bientôt dit. Quant aux auteurs
qui ont confondu La Motte-Argencourt et La Motte Houdancourt, La Motte-Hou-
dancourt, nièce du maréchal, et La Motte Houdancourt, fille du maréchal, il faut re-
noncer à les citer. » Cf. la note 1, p. 88 : « Il serait impossible de relever toutes les
confusions faites entre La Motte-Argencourt et La Motte-Houdancourt. Nous n'en
signalerons que deux qui pourraient être dangereuses, vu l'autorité très légitime des
auteurs : M. Chéruel, dans une note Dr, sur les Mémoires de Saint-Simon, t. V,
p. 467, édition i865 ; M. de Monmerqué, Lettres de Sévigné, édition Hachette, 1872,
t. II, p. 48. L'annotateur aurait dû voir que, d'après son propre calcul, sa demoi-
selle de La Motte-Houdancourt n'aurait eu que onze ans en 1662. »
3. Avant-propos, p. iv.
52 REVUE CRITIQUE
verses « notes et pièces justificatives » (pp. 399-424). Les lettres ont été
publiées d'après une excellente copie de la fin du règne de Louis XIV, con-
servée au château de Bures (en pleine vallée de Chevreuse) et commu-
niquée à M. L. par Mme la comtesse de Wavrin, morte en 1879, et à la
mémoire de laquelle il a dédié son volume en termes très délicats. Le
premier éditeur des lettres de la duchesse de La Vallière (1767), l'abbé
Lequeux, avait donné un texte altéré à chaque page par des correc-
tions ' et même par des paraphrases. Remercions M. L. de nous avoir
rendu les lettres au maréchal de Bellefonds dans toute leur simplicité
exquise, dans toute leur naïveté originale. — Les Notes et pièces justi-
ficatives se composent d'éclaircissements sur la retraite de Mne de la
Motte-Argencourt et ses causes, sur Gabrielle Glè, belle-sœur de Louise
de La Vallière, sur le pamphlet : Amours de Madame et du comte de
Guiche, sur une lettre de Louise de La Vallière à Mmc de Montauzier,
conservée dans la bibliothèque de Munich, sur la mort de Madame, sur
l'acquisition du domaine de Vaujours pour Louise de La Vallière, sur
les diverses éditions des Réflexions sur la miséricorde de Dieu % sur
l'iconographie de Louise de La Vallière 3, sur ses armes, inexactement
reproduites par la plupart des auteurs, et même par le P. Anselme4.
Une seule pièce justificative figure parmi ces notes (pp. 405-406) : les
lettres de légitimation du comte de Vermandois qui n'avaient pas été
publiées jusqu'ici et qui sont datées du 20 février 1669.
Les observations les plus importantes ayant été déjà présentées à
1. M. L. remarque spirituellement, à ce propos (p. 2Ô2), qu'au xvme siècle, un
éditeur aurait cru manquer à ses devoirs en ne réparant pas les petits désordres de la
toilette grammaticale de son auteur.
2. M. L. n'admet pas (p. 414) que cet ouvrage de la duchesse de la Vallière ait été
corrigé par Bossuet. Entre M. Romain Cornut, qui a cru reconnaître dans les cor-
rections la touche de l'évêque de Meaux, et feu M. Floquet, qui a déclaré que
l'on ne pouvait les attribuer à son auteur favori, il ne saurait hésiter. Il a ajouté et il
prouve que « les moyens de décider se trouvent suffisamment dans la seule compa-
raison des textes imprimés. » 11 complète la liste des éditions des Réflexions données
par M. Clément, en mentionnant une rarissime traduction italienne, imprimée à
Rome en 1681, une contrefaçon belge de l'édition de Paris, 1712 (Bruxelles, Fop-
pens, 1712), une édition de Lyon (Guillaume Langlois, 1698), qui est extrêmement
rare. Indiquons encore (pp. 415-416) une analyse de l'Amante convertie, ou V Illustre
pénitente, analyse à la suite de laquelle M. L. rétablit la vérité en ce qui regarde le
sermon prononcé par M6'' de Fromentières pour la vêture de Louise de La Vallière.
3. M. L. met sous nos yeux (pp. 417-422) une liste, sinon complète, du moins très
étendue, des portraits peints et gravés de Louise de La Vallière : il y rectifie force
erreurs commises, à cet égard, un peu partout, même dans les catalogues des musées
du Louvre et de Versailles. Les deux portraits reproduits dans le volume sont le
portrait gravé par Larmessin, qui paraît être le plus ancien de tous les portraits
gravés de la duchesse, et le portrait en religieuse, conservé à l'hospice de Château-
La-Vallière.
4. Les véritables armes sont celles-ci : écu coupé de gueule et d'or au lion léo-
pardé d'argent et de sable. Dans les armes jointes au portrait gravé par Edelinck
Y a fur a été introduit à tort.
J HISÎOIUK KJ I)K I I ITIîliAUJKh
53
M. L. je suis obligé de me rabattre sur des observations secondaires.
Au sujet de « l'éducation très négligée » de Louis XIV, il ne cite (p. 5)
que le témoignage de La Porte. C'est bien peu, surtout si l'on se sou-
vient du dédain avec lequel M. Léon de Laborde a parlé (Palais Ma\a-
rin, notes) des mensongers mémoires de ce valet de chambre. — L'His-
toire du traité de la paix conclue en Pan 165g est attribuée au comte
Galeazzo Gualdo Priorato non-seulement « par un éditeur allemand »
(p. 17, note 2), mais par tout le monde. — Sur la conduite de Mazarin
à l'égard de Louis XIV voulant épouser Marie Mancini, M. L. dit plai-
samment (p. 29, note 1), que « pour savoir la vérité vraie, il faudra at-
tendre le jugement derniqr. » Ni M. Chéruel, ni M. Chantelauze ne se
résigneront à accepter une aussi lointaine échéance. — Ce que M. L.
pense (Ibid.) des Mémoires de Marie Mancini doit être rapproché de ce
qu'en a pensé M. Chantelauze (Louis XIV et Marie Mancini, 1880,
pp. 225-228). — M. L. donne deux M (p. 88) au nom du chevalier de
Gramont, comme ailleurs au nom du maréchal, père du comte de Gui-
che. J'ai vu trop de documents des trois derniers siècles signés Gramont
pour ne pas réclamer. Puisque j'en suis aux minuties, je dirai encore que
M. L. a tort de refuser au nom du surintendant Foucquet le c que ce der-
nier mettait dans sa signature et que M. Bonnaffé a eu soin de lui laisser
dans son récent ouvrage sur ce grand curieux. — M. L.., citant (p. 97,
note 2) Tédition de 1707 des Lettres de Guy Patin, ajoute : « Je re-
grette de n'avoir pu me procurer l'excellente édition donnée par M. La-
lanne ; elle ne se trouve plus dans le commerce. » Malheureusement
M. Lalanne n'a jamais donné une édition des lettres de Guy Patin.
M. L. aurait-il confondu, par hasard, cette introuvable édition avec
celle du Dr Reveillé-Parise (Paris, J. B. Baillière, 1846, 3 vol. in-80)?
S'il s'agit de cette dernière, je dirai que, loin de mériter le titre d'excel-
lente, elle est des plus médiocres, et que, loin d'être rare, elle est assez
commune pour que les bouquinistes la vendent à un prix très doux. —
M. L. nous montre (p. o5) le duc de Lorraine logeant « dans une mé-
chante cabane avec le jardinier du Luxembourg. » C'était assez de par-
ler d'une maisonnette, car la relation vénitienne indique una piccola cas-
setta, une petite maison, et une cabane, en italien, s'appelle capanna.
— Le fameux Lauzun nous apparaît (p. 137) sous le nom de Péguilin.
C'est là une corruption de Puyguilhem, nom d'une terre de la maison
de Caumont. M. L. aurait dû imiter Louis XIV, qui, dans une lettre
dont un passage est cité (p. 147), donne au mari de Mademoiselle son
vrai nom de Puyguilhem. — L'auteur, à propos du château de Cham-
bord, dit (p. 201) : « Sur la verrière d'une des fenêtres de Chambord, un
roi, critique peu autorisé, avait écrit ces deux vers si connus :
Souvent femme varie,
Mal habil qui s'y fie. »
Rien ne prouve que François Ier ait écrit ces deux vers sur une ver-
rière. Le plus ancien des écrivains qui puisse être cité sur ce point,
54 RKVUE CRIT1QUK
Brantôme, se contente de raconter qu'à Chambord un ancien valet de
chambre de François Ier lui montra, comme étant de la main de son
maître, « un escrit au costé de la fenêtre » où « en grandes lettres il y
avoit ce mot : Toute femme varie. » On voit qu'il ne s'agit là ni de vi-
tre, ni de distique. Ce sont des auteurs aussi peu sérieux que l'auteur
des Galanteries des Roy s de France (1690, in-8°) qui ont transformé en
deux vers les trois mots lus par Brantôme et qui ont ajouté les fabu-
leuses circonstances de la vitre, de la bague et du diamant l. — M. L.
semble croire (p. 242 et surtout Appendice, pp. 407-410) à l'empoi-
sonnement de Madame. Je ne puis que le renvoyer à la nouvelle édi-
tion de Y Histoire d' Henriette d'Angleterre publiée par M. Anatole
France (chez Charavay) et où, comme je l'ai fait remarquer ici ». tout
ce qui touche à cette question a été si bien examiné. — M. L., relevant
(p. 401) un anachronisme dans les Mémoires de Mme de Motteville, dit
« que cela fait craindre que ces Mémoires, comme ceux de Mlle de Mont*
pensier, composés de fragments authentiques, n'aient été rajustés par
une main inexpérimentée. » Il a raison de soupçonner que les Mémoi-
res de Mmc de Motteville ont été parfois maladroitement arrangés, mais
il a tort de les comparer en cela aux Mémoires de Mlle de Montpensier,
dont le manuscrit entièrement autographe est conservé à la Bibliothèque
nationale. — Nous lisons (p. 403), au sujet de l'affaire du libelle des
Amours de Madame et du comte de Guiche, à laquelle fut mêlé Char-
les Patin, que le fils de Guy Patin a fut poursuivi vers mars 1666. »
Ce fut quelques mois plus tard, comme nous l'apprend un document
imprimé du recueil connu à la Bibliothèque nationale sous le nom de
recueil Thoisy (t. VII, f° 276) : Factum pour maistre Charles Patin,
docteur en médecine accusé, contre ses accusateurs 3.
Le livre de M. L. est très bien écrit. C'est pour cela que je voudrais
en effacer quelques taches que Ton ne remarquerait pas dans un livre
dont le style ne serait pas aussi pur. A côté de phrases très élégantes,
comme par exemple, certaine phrase sur les demoiselles d'honneur 4, on
1. Voir l'ingénieuse discussion de M. Edouard Fournier (l'Esprit dans V His-
toire, 3me édition, 1867, pp. 154-157). C'est un des meilleurs chapitres d'un recueil
trop inégal. M. Fournier n'a pas manqué de se moquer (p. 157) de ceux qui ont
donné à la légende de la fameuse vitre une digne conclusion, en prétendant que
Louis XIV la sacrifia à M™ de La Vallière. M. L. a eu la prudence de se servir, à
l'occasion de ce dernier détail, des expressions : On a raconté qu'un jour... si Von
admet la tradition.
2. N° du 29 mai 1882, p. 431.
3. D'après le factum, Charles Patin reçut le ballot de livres prohibés le 10 novem-
bre, et « le lendemain onze, à huit heures du matin, il en fut dépouillé par la saisie
qui en fut faite sur la dénonciation de Thiery, adjoint du scindic des libraires. »
L'auteur du factum affirme que ce fut en juin 1666 que Patin apprit que l'on
imprimait en Flandre le livre de l'Histoire galante, ce dont il fit donner avis à
« Leurs Altesses Royales, à qui ce livre ne plaisoit pas. »
4. « Demoiselle d'honneur! Que d'idées s'éveillaient à ces mots! Quel avenir
splendide s'entr'ouvrait ! Etre un des fleurons de cette couronne d'innocence ou de
DHISTOIRE ET DE LITTERATURE 55
trouve — ce qui est une dissonnance — des phrases un peu trop fami-
lières '. Quelques tournures, quelques expressions ne sont pas assez
correctes 2. L'auteur abuse peut-être des maximes et tournerait presque
à l'homme sentencieux 3. Son livre, qui a eu déjà deux éditions *, en
aura bientôt une troisième. C'est l'occasion pour M. Lair de reviser
sévèrement un travail qui laisse si peu à désirer, et de le rendre irré-
prochable.
T. DE L.
148. — K. Haller, Gescliichte der russischen KJteratur. 1 vol. in-8° de
247 p. Dorpat, Schnakenburg, 1882.
L'histoire de la littérature russe de M. Haller n'a pas la prétention
d'être un ouvrage original. C'est une Bearbeitung du cours de littéra-
ture de M. Petrov qui a été traduit en français sous ce titre : Tableaux
de la littérature russe depuis son origine jusqu'à nos jours, par
C. Petrov, traduit du russe par A . Romuald. Saint-Pétersbourg, i8j2.
M. Haller a complété le manuel de Petrov et l'a conduit jusqu'à nos jours ;
tel qu'il est, ce résumé est surtout destiné aux jeunes Allemands des
provinces baltiques qui doivent, au sortir du gymnase, passer un exa-
men de littérature russe. Il est nécessairement un peu aride, mais il
vertu que l'étiquette avait placée autour des reines et des princesses comme les fleurs
d'une bordure autour de la maîtresse fleur du jardin » (p. 41). — Rapprochons de
ces métaphores les métaphores d'une page voisine (p. 43) : « C'était bien la petite
fleur, à demi cachée sous l'herbe, que trahit son parfum et qui craint la trop grande
ardeur de l'été, et pourtant cette humble violette allait être transplantée en pleine
cour de France et sous les regards de ce prince qu'on devait appeler bientôt le Roi-
Soleil. »
1. « On se tromperait si l'on mesurait à cette aune tous les personnages de ce
temps » (p. 81). — « Mme de Lafayette est encore, pour ces menus détails de la petite
histoire, supérieure à tous les autres reporters de son temps » (p. 91). — « Le duc
Charles était voué à ces artistes » (des apothicaires !) (p. 95). — « Que peut-on ajouter
à cette juste et mélancolique pensée ? Ainsi-soit-il » (p. 109). — « Louis laissa inter-
ner V ex-objet de son amour. »
2. « Ses détracteurs la trouvaient menue et qu'elle ne marchait pas de bon air »
(p. 5o). — « C'est alors que le jeune monarque partait en forêt, courant avec sa
maîtresse » (p. 64). — « Peu fortuné, il logeait » (p. g5).-— «A travers cette appro-
bation générale, le roi devina une femme en quête de faveur, et que le misanthrope
Montausier détournerait les yeux à propos. »
3. « L'absence, qui tue l'amour à son déclin, l'excite à sa naissance » (p. 65;. —
« Il oubliait que toujours n'est pas une devise d'amour » (p. i36). — « Comme il
n'est pas d'hiver où ne se montre le sourire de quelques beaux jours, l'amour ne
s'en va pas sans quelques retours de passion » (p. i65). « Le malheur, s'il disjoint
les amitiés fausses, cimente les véritables » (264) .
4. La seconde édition a paru, au commencement de la présente année, dans le
format in- 18.
56 KKVUE CBITIQIIK
fournit des renseignements utiles, notamment sur la littérature du
xixc siècle qui occupe les trois quarts du volume.
, Louis Léger.
VARIÉTÉS
I^e mot assyrien « tamkârii j»
Dans un article paru ici même (n° du 19 janvier 1880), j'avais reven-
diqué pour la langue assyrienne un mot tamkâru « cultivateur », que
les assyriologues lisaient damqani, et qu'ils considéraient comme un
terme accadien ou sumérien d'origine, formé de dam « homme » et de
qar « champ ». A ce propos, M. Lenormant m'adresse les remarques
suivantes, en son second volume des Origines de l'histoire, p. 243,
note 2 :
« M. Stan. Guyard, qui, dans d'autres cas, a été mieux inspiré, s'est
« efforcé vainement de montrer dans damkaru un mot sémitique, qu'il
« croit dérivé de la racine mdkar, laquelle existe en effet en assyrien et
« en arabe. Mais pour trouver dans le quatrilitère qui nous occupe un
« dérivé, possible au point de vue de la philologie sémitique, de cette
« racine, il faut de damkaru le changer arbitrairement en tamkaru, en
« inventant pour le signe initial de l'orthographe de ce mot, le signe
« dam, une valeur tam qu'il n'a nulle part, que rien ne justifie et n'au-
« torise, que tout, au contraire, combat et dément. La lecture damkaru
« est la seule admissible; et dès lors que deviennent le prétendu caractère
« sémitique de ce mot et sa dérivation de la racine mdkar? », etc.
J'accorde très volontiers à M. Lenormant que si le mot dont il s'agit
était toujours écrit damqaru, l'analyse que j'en fais n'aurait que la va-
leur d'une hypothèse. Mais si je montre que l'orthographe damqaru,
imaginée simplement pour fournir l'étymologie factice d'homme des
champs l, n'est pas invariable ; si je montre que le terme en litige s'écrit
parfois aussi tamkaru, comme il se prononce, que deviendront, à leur
tour, le prétendu caractère accado-sumérien de ce mot et sa dérivation
de dam et de qar?
Une tablette du British Muséum vient trancher la question. Elle est
reproduite par l'un des plus ardents champions de la théorie suméro-ac-
cadienne, M. Paul Haupt, dans ses Akkadische und Sumerische Keil-
schrifttexte, p. 69, 1. 8. Là nous voyons que le prétendu accadien DAM-
QAR se transcrit en assyrien : tam-ka-ri (au génitif), dans l'expression
kasap tamkâri « argent (prix? ou salaire?) d'un cultivateur ». Il résulte
de là que tamkâru est bien et dûment un dérivé du verbe assyrien makdru
1. Sur ce procédé, voir Revue de l'histoire des religions, t. V, n° 2, p. 268.
0 ' H I SÏ O ! R h Kl 1) K LU 1 BK A l U H b 57
« cultiver », dont j'ai cité deux exemples en rendant compte ici du tra-
vail de M. Pognon sur l'inscription de Bavian, exemples auxquels on
peut ajouter encore celui de l'impératif saphel, dans la phrase sumkir
tamirtus « rends cultivé (c'est à-'dire prospère) son domaine », que nous
lisons chez Oppert, Expédition en Mésopotamie, t. II, p. 339.
Au surplus, si je vois dans tamkâru un dérivé de la racine makâru,
j'ai pour complices les assyriens eux-mêmes, car le texte lexicographique
bien connu R. II, pi. 7 groupe dans le même article, en face des for-
mes accado-sumériennes, que nous appelons hiératiques, notre mot
tamkâru et un autre mot, makru, au féminin makritu, qui paraît, lui
aussi, avoir le sens de « cultivateur », et sur la dérivation duquel il ne
saurait planer aucun doute. Il est évident que si le rédacteur de cet arti-
cle lexicographique avait considéré tamkâru comme une altération de
l'accado-sumérien dam-qar, il n'aurait pas été le classer à la suite de dé-
rivés de la racine makâru, nous indiquant ainsi clairement que pour lui
le ta de tamkâru est une syllabe formative et non radicale. Ainsi de deux
choses l'une : ou bien les auteurs de ces textes lexicographiques avaient
perdu la notion de raccado-sumérien, et dans cette conjoncture com-
ment se fait-il qu'ils le traduisent couramment, ou bien ils ne voyaient
dans ces groupes dits accado-sumériens que ce que nous voulons y voir,
M. Halévy et moi, des mots assyriens écrits dans un système particulier,
et qu'il s'agissait de rendre plus intelligibles en les transcrivant en ca-
ractères phonétiques.
Stanislas Guyard.
CHRONIQUE
FRANCE. — La librairie Leroux publie les Mémoires sur la chronologie et l'i-
conographie des rois parthes Arsacides, de feu M. Adrien de Longpérier. L'ouvrage
est accompagné de 18 planches gravées, et porte la double date i853-i882. M. de
Longpérier avait, par suite de diverses circonstances, toujours différé de donner au
public cet ouvrage imprimé depuis i853. Après sa mort, sa famille a cru devoir faire
paraître une œuvre à laquelle il attachait une grande importance. — Prochainement
paraîtra à la même librairie le Ier volume des Œuvres de M. de Longpérier ; ce vo-
lume renfermera les Mémoires d'archéologie et de numismatique orientales.
— Nous avons reçu la I" livraison d'une nouvelle revue d'histoire provinciale, la
Revue historique du Béarn et de la Navarre (Bayonne,pays de Labour d, Landes).
Cette revue publiera, comme l'indique l'avis aux lecteurs, des documents concernant
les Béarnais, Basques et Bayonnais des siècles passés, documents tirés des fonds
provinciaux et surtout des dépôts de Paris, et qui seront toujours précédés d'une
étude sommaire. Elle donnera des études biographiques ainsi qu'une bibliographie.
Elle compte parmi ses collaborateurs MM. Baschet, de Carsalade du Pont, Jung,
Margry, Tamizey de Larroque, Vinson, etc. La première livraison de la Revue histo-
rique du Béarn et de la Navarre s'ouvre par un art. de M. Tamizey de Larroque-
58 RKVUE CRITIQUE'
intitulé Documents inédits pour servir à l'histoire de la ville de Dax (pp. 5-i8); le
premier de ces documents est une notice sur Dax, rédigée en i568 par l'archéologue
gascon André de la Serre ; les autres documents sont des lettres relatives à l'histoire
de Dax et écrites de 1740 à 1751 par divers personnages; quelques-uns qui ne méri-
taient pas d'être intégralement reproduits, ont été analysés par l'infatigable savant. —
M. E. Ducèré publie le commencement d'un travail sur V artillerie et les arsenaux
de la ville de Bayonne (pp. ig-35); son art. forme le chapitre 1 de cette étude et a
pour titre : les arsenaux bayonnais jusqu'à la conquête de 145 1 (par Dunois et le
seigneur d'Albret). — M. A. Communay, après une rapide exposition de la situation
générale du royaume de Navarre, communique un document relatif à YInvasion du
Béarn par Mongonmery (pp. 36-44) et au massacre de Navarreinx. — Sous le titre
Un hercule gascon (pp. 44-46), M. Ch. Dupré reproduit, d'après le n° de novembre
17 10 du Mercure de France, deux tours de force accomplis par le mousquetaire
Bassabat. — Le fascicule se termine par une question : « A quelle époque Bayonne
prit elle pour devise les mots nunquam polluta et à quelle occasion ? » et par les
Preuves de la noblesse de Théophile-François de Navailles, agréé pour être reçu
page du roi dans la grande écurie (pp. 49-56). La « Revue historique du Béarn et de
la Navarre », publiera ainsi les preuves produites par les vieilles familles nobles de
ces deux provinces devant les généalogistes d'Hozier (cabinet des titres de la Biblio-
thèque nationale, section des manuscrits); cette publication ou ce nobiliaire se subdi-
visera en trois parties : I. Les pages de la grande et de la petite écurie. II. Les de-
moiselles de Saint-Cyr. III. Les gentilshommes admis aux écoles militaires. — Ce
recueil est certainement une œuvre sérieuse; nous lui souhaitons d'être durable et
faisons des vœux pour son succès. Il paraît tous les mois, en une brochure de 56 pages
in-8°, et forme, à la fin de l'année, un volume de 700 pages environ (prix par an :
18 francs pour les huit départements : Basses- Pyrénées, Hautes- Pyrénées, Landes,
Gironde, Lot-et-Garonne, Tarn-et-Garon ne, Gers et Haute-Garonne; 20 francs pour
le reste de la France; tous les abonnements partent du mois de juillet; les commu-
nications concernant la rédaction et l'administration doivent être adressées au direc-
teur de la Revue, M. A. Communay, à Bayonne, rue Bourg-Neuf, 60).
— M. Ch. Schmidt vient de publier un excellent ouvrage, rempli de faits intéressants
et d'informations neuves, sur les plus anciennes bibliothèques et les premiers impri-
meurs de Strasbourg (Zur Geschichte der aeltesten Biblioiheken und der ersten Buch-
drucker %u Strassburg, C. F. Schmidt [Fr. Bull.]. In-8°, 200 p.). L'ouvrage, dont
l'exécution typographique mérite d'ailleurs les plus grands éloges, comprend, comme
le titre l'indique, deux parties : i° Les livres et les bibliothèques à Strasbourg au
moyen âge {Bûcher und Bibliotheken $u Strassburg im Mittelalter, pp. 1-74); cette
première partie avait déjà paru en français dans la Revue d'Alsace sous le titre :
Livres et bibliothèques à Strasbourg au moyen âge (1877); on a prié M. Schmidt
de publier une traduction allemande de ce travail, et le savant strasbourgeois a
préféré faire lui-même cette traduction qui lui offrait l'occasion d'ajouter quelques
détails nouveaux. 20 Les imprimeurs de Strasbourg avant i52o (Die Strassburger
Buchdrucker vor i520, pp. 75-162); cette partie, entièrement biographique, renferme
beaucoup de renseignements précieux, tirés de documents disparus avec l'ancienne
bibliothèque de Strasbourg durant le bombardement de la ville. En outre, un chapitre
qui sert d'appendice à ce beau volume est consacré à l'histoire peu connue, empruntée,
elle aussi, à des documents manuscrits, de la fondation de la bibliothèque, qui devint
au xvu° siècle celle de l'université protestante, et plus tard celle du séminaire pro-
testant; « aucun Strasbourgeois n'a oublié comment elle a péri, dit M. Schmidt, et
j'ai regardé comme un devoir pieux de raconter son origine ». [Die ehmalige Biblio-
d'histoire et de littérature 59
ihek der Strassburger hohen Schuleim ersten Jahrhundert ihres Bestehens, pp. i63-
298). L/n de nos collaborateurs reviendra plus amplement sur cette publication.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 21 juin.
M. E. Muntz lit une note sur le tombeau du pape Benoît XII, à Notre-Dame
d'Avignon. Ce tombeau, dont il n'existe ni gravure, ni photographie, contient, sous
un dais surmonté de nombreux clochetons, la statue couchée du pape mort. Des
comptes trouvés par M. Muntz dans les archives du Vatican (années 1342 et 1 343)
prouvent qu'il a été fait par un imagier parisien jusqu'ici inconnu, maître Jean La-
venier. Tandis que les peintres employés par les papes d'Avignon étaient presque
tous des Italiens, les architectes et les sculpteurs, dont ils se servaient, étaient le
plus souvent des Français; il y a là une preuve de la supériorité de la France,
au xive siècle, dans l'architecture et la sculpture. t
M. d'Arbois de Jubainville présente quelques observations sur le mot celte (en
latin celta, en grec KcXtOç). Gluck a fait venir celta d'une racine cel qui a le sens
d'élever, et qui se trouve en latin dans cel-sus, ex-cel-lo, col-lis, en grec dans
KoX-tovoç, KoX-Oçwv. Mais il n'a pu prouver l'existence de cette racine dans la
langue celtique. Or, dans un éloge de saint Columban écrit parun'clerc irlandais qui
est mort en 1106, on trouve le mot celthe, avec le sens de « faîte »; dans une vie de
sainte Brigitte manuscrit du xive siècle, le même mot désigne le comble d'une
église; enfin, dans un glossaire irlandais du xvic siècle, il est donné comme adjectif,
avec le sens de haut, grand, noble. Clethe suppose une forme ancienne clet-ios, qui
ne diffère de celta ou kel-tos que par une méthathèse. Celte signifie donc bien haut,
grand, noble; M. d'Arbois de Jubainville ajoute que, dans le même éloge de saint Co-
lumban, on trouve l'adjectif Nertmar « grand par la force s c'est la forme irlandaise
du nom propre gaulois Nertomarus, connu par plusieurs inscriptions latines.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 7 juillet ià'82.
M. le secrétaire perpétuel donne lecture d'un décret du président de la République,
en date du 3o juin, par lequel est approuvée l'élection de M. Sénart, en qualité de
membre ordinaire, en remplacement de M. Guessard. M. Sénart est introduit et prend
place.
M. Gaston Paris fait connaître le jugement du concours des antiquités de la France
pour 188.1. La commission décerne trois médailles de cinq cents francs et six men-
tions honorables, ainsi qu'il suit :
1" médaille : M. Jules Guiffrey, pour son livre sur la Tapisserie en France;
2e médaille : MM. Héron de Villefosse et Thédenat, Cachets d'oculistes romains, I;
2 e
mention
: M
3<"
mention
: M.
4e
mention
: M.
5»
mention :
M.
6*
mention :
M.
60 RKVCJE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE UTTÉRATURB
3" médaille : M. Ch. Kohler, Étude critique sur le texte de la Vie latine de sainte
Geneviève de Paris;
ire mention : M. Héron, Œuvres de Henri d'Andeli;
. Charles Molinier, Y Inquisition dans le midi de la France;
Perroud, Les Origines du duché d'Aquitaine ;
de la Chauvelays, Les armées des ducs de Bourgogne ;
de Fierville, Documents sur Philippe de Commynes;
d'Hermansart, Les Corporations de Saint-Omer.
M. Charles Nisard commence la lecture d'un mémoire sur deux scandaleux at-
tentats à la propriété littéraire au xv° siècle.
M. Clermont-Ganneau met sous les yeux des membres de l'Académie une petite
figurine d'un bronze trouvé à Beyrouth. Cette statuette, d'un travail qui, sans être
irréprochable, ne manque pas d'élégance, représente une femme entièrement nue,
coiffée d'un diadème en forme de croissant renversé, appuyée sur la jambe droite,
la main droite abaissée comme pour toucher le pied gauche. Le bras gauche est
étendu et la main s'appuyait sur un objet qui est aujourd'hui séparé de la statuette,
mais qui a été retrouvé aussi et qui fait maintenant partie d'une collection particu-
lière, autre que celle à laquelle appartient la figurine. M. Clermont-Ganneau a vu cet
objet et en présente la photographie. C'est une grande rame ou un gouvernail, sur
lequel on lit une inscription en quatre lettres phéniciennes, qui signifient : a Aux
Sidoniens », ou « Des Sidoniens ». C'est l'inscription ordinaire des monnaies de
Sidon. On ne saurait hésiter, dit M. Clermont-Ganneau, à reconnaître dans cet
ensemble la déesse même des Sidoniens, s'appuyant sur l'attribut qui caractérise
cette divinité essentiellement maritime. Ce monument précieux nous donne donc une
image de l'Astarté sidonienne, telle que se la figuraient ses adorateurs à l'époque des
Séleucides. La déesse est ici habillée ou plutôt déshabillée à la grecque. Plus ancien-
nement, elle se serait sans doute présentée à nous sous des formes égyptiennes ou
assyriennes; car les Phéniciens n'ont jamais eu d'art en propre, ils ont toujours suivi,
en fait de plastique, la mode régnante, et la mode variait suivant la politique qui pré-
valait.
M. Aube termine la lecture de son mémoire sur Polyeucte. Il conclut qu'il y a lieu
de croire à la réalité des principaux traits de la légende de Polyeucte, qu'on doit no-
tamment considérer comme historique : « les noms des personnes, Néarque, Po-
lyeucte, Félix et Pauline, que l'auteur des Actes n'a pas inventés, non plus que leur
condition sociale et les liens d'amitié ou de parenté qui les unissaient; l'édit de
Valérien, que nous connaissons par d'autres témoignages, l'obéissance de la plupart
des chrétiens devant ses menaces et au contraire l'éclat de foi dans l'âme généreuse
de Polyeucte...; le renversement des statues païennes, les efforts de Félix pour sau-
ver son gendre, et l'amènera faire amende honorable, l'intervention vaine de Pauline
et de ses enfants, la condamnation de Polyeucte et son exécution par le glaive. »
Au total enfin, dit M. Aube, la tragédie de Corneille « repose sur un fond parfaite-
ment historique. »
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Fuy, ty-p. et lith, Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, ajf
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N« 30 - 24 Juillet — 1882
Sommaire t 149. Bloomfield, As final devant les sonores en sanscrit. —
i5o. Rocquain, La papauté au moyen-âge. — i5r. Moguel, La vie et les œuvres
de Calderon. — i52. Pouy, Etude sur les œuvres inédites et sur la correspondance
de Dusevel. — Chronique. — Société nationale des antiquaires de France.— Aca-
démie des Inscriptions.
149. — Final AS beforc sortants îti Sanskrit, by Maurice Bloomfield. Johns
Hopkins University. Reprinted from the American Journal of Philology, vol. III,
No 1. Baltimore, 1882. 21 p. in-8°.
Si courte que soit cette brochure, je crois devoir m'étendre sur les cir-
constances qui la rendent digne d'attention.
On sait qu'en sanskrit Ye et Yo brefs des langues européennes ont
pour équivalent un a (jjivoç est en sanskrit manas). Par suite, les sons
e bref, o bref manquent à l'alphabet; il y a bien un ê et un o, mais ils
servent à noter des longues issues de la contraction de deux voyelles [ai,
au) à une époque relativement récente, c'est-à-dire des sons non primi-
tifs. Cet état de chose fit croire à Bopp et, jusqu'à ces dernières années,
à tous les linguistes, que Yo et l'e n'avaient point existé à l'époque de
l'unité ario-européenne ; que pivoç provenait d'un manas ario-européen,
ne différant pas du manas sanskrit. C'était le contrepied de la vérité.
C'est [/ivoç qui est le type primitif; le sanskrit a changé e et 0 en a, le
grec n'a point eu à changer a en e et 0.
Ce retournement de la doctrine est aujourd'hui admis de tous, mais
tous ne l'expriment pas avec netteté. Par une concession bizarre à la re-
ligion surannée du sanskrit, ceux qui firent le plus pour démontrer le ca-
ractère récent de son vocalisme lui empruntèrent une notation des voyelles
primitives. Au lieu d'écrire la forme ario-européenne : menos, ils l'écri-
vaient : ma^na-xS, sous prétexte que la première voyelle n'avait peut-être
pas exactement la même nuance de timbre que l'e, ni la seconde la même
que l'o. A quel grimoire pourrait aboutir une pseudo-algèbre de ce genre
si on la généralisait! Celle-ci, outre qu'elle entretenait des idées vagues,
contribuait à rendre la phonétique historique moins abordable aux
grammairiens qui n'ont pas le temps d'apprendre sérieusement le sans-
krit. Elle était née de plus d'une cause : faiblesse à l'égard d'une an-
cienne routine, illusion d'une précision mathématique apparente. Elle
venait surtout de ce que la démonstration de la vérité n'avait pas été com-
plète. Tandis que les langues d'Europe faisaient voir sous un jour direct
le vocalisme ario-européen, le sanskrit n'en avait gardé que des reflets
Nouvelle série, X'V. 4 .
02 REVUE CRITIQUE
malaisés à saisir. Il confondait, dans le parfait dadarca, les deux voyel-
les que le grec distingue dans BéSopy.s. Dans le parfait cakâra (il fit), il
distinguait bien Ye du redoublement et l'o de la racine, mais d'une façon
obscure; Ye devenait a bref et palatalisaitla consonne précédente, Yo de-
venait a et laissait la consonne intacte : combien les formations xixpor.z,
zéxovôs, XéXoizs sont plus nettes! Ainsi le sanskrit portait des traces de
ses infidélités au vocalisme originel, mais il les laissait à peine transpa-
raître. En vain ses accusateurs le convainquaient par les témoignages des
autres idiomes et par ses propres incohérences : ils plaidaient comme si
intérieurement il leur restait un doute. Le sanskrit n'avait pas avoué.
Il fallait, pour en finir, trouver sur le sol asiatique quelque souvenir
direct de Ye et de Yo. Cela touchait d'abord la science pure, pour qui
toute bribe de vérité est un imj^aeîç àd. Mais c'était un point autrement
grave pour la vulgarisation. L'e et Yo sont des voyelles importantes.
Elles sont plus employées que les autres ; en outre, elles constituent les
pièces du plus curieux des mécanismes ario-européens : ce sont elles que
la loi de Yablaut fait alterner dans la flexion (Tpéxw, xéTpoxa) et dans la
dérivation (Tpéxco, xpixoç ; tego, toga). Tant qu'on s'est trompé sur leur
date, on était forcé de ne voir [vivoçqu'à travers le sanskrit manas, oéSopxs
à travers dadarca : pour regarder le grec et le latin, on mettait des lu-
nettes hindoues. Cette nécessité fermait la grammaire historique à une
partie du public. La théorie nouvelle facilite merveilleusement l'ensei-
gnement de cette science. Elle invite, dans les cas les plus importants,
à mettre le grec au premier plan de l'exposition ; le sanskrit, réduit à
une intervention minima, ne rebute plus un étudiant non orientaliste.
Seulement, si l'on ne veut pas perdre ce fruit du progrès de la science,
il faut parler chrétien (j'entends écrire menos et non maina2s). Et si en
parlant on veut se sentir à l'aise, il faut avoir fait confirmer les témoigna-
ges des langues d'Europe, en bonne et due forme qui coupe court à toute
subtilité et à tout grimoire, par des témoignages nets et clairs du sans-
krit, par des exemples sanskrits de Ye et de l'o primitifs. C'est cette pen-
sée qui me portait à écrire, il y a trois ans : « Le sanskrit... semble ail-
leurs avoir gardé quelques vestiges du timbre même de Ye et de l'o. Je
veux parler des formes où un é long ou un ô long représente une an-
cienne syllabe as, c'est-à-dire tantôt es et tantôt os. Le nominatif de la
seconde déclinaison était en os : grec îxxoç (cheval), latin equus et an-
ciennement equos. Or, le sanskrit emploie devant certaines lettres le no-
minatif açvas (cheval), mais, devant certaines autres lettres, il dit, avec
un ô, acvô. Le verbe être contenait la syllabe es : grec hsxit latin, est, il
est. Or, le sanskrit dit à l'impératif, avec un e, êd'hi (sois) h »
La brochure de M. Maurice Bloomfield est une étude détaillée des for-
i. Supplément au Journal de Genève du mardi 2 5 février 187g, verso, col. 3
(compte-rendu du livre de M. Ferdinand de Saussure, Mémoire sur le système pri-
mitif des voyelles...).
d'histoire et de littérature 63
mes sanskrites dans lesquelles ô représente ainsi une ancienne syllabe os,
ou ê une syllabe es. La chute de ïs et l'allongement compensatif de la
voyelle (lequel pare au changement en a, qui eût atteint e ou o resté
bref), a lieu devant les sonores, comme g, dh, m, les voyelles. Le titre
ne promet qu'un examen des syllabes finales, mais les syllabes intérieures
sont examinées aussi avec un soin très suffisant. — M. Bloomfield sem-
ble avoir été guidé par des préoccupations exclusivement scientifiques.
11 écrit comme s'il ne devait être lu que par des indianistes '. Les consi-
dérations exposées tout à l'heure font voir que ses recherches touchent
en réalité un public beaucoup moins restreint. Elles ont un intérêt que
pourraient n'avoir pas au même degré d'autres études de phonétique in-
dienne.
Non-seulement M. Bloomfield a groupé tous les exemples d'un an-
cien e ou o conservé en sanskrit grâce à l'allongement compensatif, mais
il fait de chacun d'eux l'objet d'une discussion solide et presque tou-
jours convaincante, et résout les difficultés que présentent certaines for-
mes. Il explique par l'influence labialisante d'un v Vô du nom de nom-
bre shvdaça pour *sveshdaça (latin sedecim"). L'infinitif védique vudhum
(latin uectuni) suppose une labialisation analogue (soit de ve en vô, soit
plutôt, selon l'auteur, de va en vu) ; quant à l'infinitif sôdhum, où il n'y
a pas de v pour expliquer la labiale, ce n'est qu'une création analogique,
plus récente que la langue du Véda. L'instrumental plurielen ôbhis des
radicaux en es semble inconciliable avec les formes grecques comme
opscç-i, mais M. Bloomfield fait voir que le sanskrit a dévié ici du type
ario-européen, et que ce dernier se retrouve intact dans les formes zen-
des en êbîs. La finale ô, que la phonétique syntactique substitue, de-
vant certaines lettres, à as issu de es aussi bien qu'à as issu de os, s'ex-
plique dans le second cas par voie phonétique, dans le premier par voie
analogique (le Véda présente dix-huit exemples de as = os pour sept seu-
lement de as — es).
Nombre de pages ont trait aux phénomènes qu'engendre la rencontre
de cette finale ô ou d'une finale ê avec une voyelle initiale. L'auteur,
reprenant les recherches de prosodie védique d'Adalbert Kuhn, arrive à
des résultats curieux et solides. Je dois avouer que je n*ai pas réussi à
saisir en quoi cette étude prouve l'existence antéhistorique d'une finale
es. Quoi qu'il en soit de ce détail, M. Bloomfield a fait progresser la
i . C'est le seul reproche que je ferai à son travail.Trop de mots sanskrits sont cités
sans que l'auteur ait la précaution d'y joindre soit un équivalent grec ou latin, soit
une traduction. Certains termes techniques des grammairiens hindous, comme pra-
grkya, p. 16, devraient être expliqués aux profanes. La grammaire historique ne
peut être approfondie sans une connaissance sérieuse du sanskrit, elle peut et doit
être rendue intelligible à quiconque s'occupe de grec ou de latin.
2. Cf. Mémoires de la Soc. de ling., V, p. 42. Vd de va (latin ue) indique aussi un
changement de ve en vo. M. de Saussure me fait remarquer qu'on peut ajouter
vdsas (vêtement), met formé comme [J.évcç, ^évoç, îé7v0ç, ilCOÇ, '^époq,
64 RliVUK CR1T1QUK
grammaire ario-européenne, et cela sur un point qui imparte plus que
d'autres à la popularisation de la science.
Louis Havet.
i5o. — r.a Papauté au moyen-âge s Nicolas Ier, Grégoire VII, Innocent III,
Boniface VIII, études sur le pouvoir pontifical, par Félix Rocquain. Paris, Didier,
in-8° de xn-3g3 pp.
La notoriété considérable conquise par M. Rocquain qui s'est
attaqué, depuis plusieurs années, avec un égal succès à des sujets très
divers me faisait bien augurer de cet ouvrage sur la papauté depuis
longtemps en préparation. Mon espoir n'est pas déçu : cette étude est
celle qu'on devait attendre de M. Rocquain.
L'auteur a voulu, prenant pour types quatre grands pontificats : ceux
de Nicolas Ier, Grégoire VII, Innocent III, Boniface VIII, tracer un
tableau du mouvement ascensionnel de la papauté, mouvement qui se
fait sentir au sein même de l'Eglise par une transformation de la disci-
pline et en dehors d'elle par un rayonnement du pouvoir spirituel sur
le pouvoir temporel.
Le pontificat de Boniface VIII marque tout à la fois et l'apogée de
cette puissance et sa décadence irrémédiable.
M. R. est un historien qui vise constamment à une haute impartia-
lité, un lettré qui sait exprimer toujours clairement et simplement sa
pensée. Le grand nombre d'ouvrages consultés pour cette étude n'en-
combre jamais l'auteur qui poursuit sa marche sans fatigue pour le lec-
teur.
Le dernier mot des grands problèmes historiques agités par l'auteur nous
est-il toujours donné dans ces 291 pages, in-8 (291 pages, non compris
l'appendice)? Je n'oserais l'affirmer. A mon sens, M. R. ne fait pas une as-
sez large part au développement naturel de l'institution qu'il étudie :
on en viendra, laissant de côté Faction ou l'influence épisodique de
quelques hommes, à considérer surtout dans l'histoire du pouvoir pon-
tifical une application de cette grande loi de concentration qui régit les
sociétés pendant une certaine phase de leur existence. Cette concentra-
tion est-elle, si nous examinons de très près la structure du pouvoir
pontifical, en contradiction avec ses origines? Il ne me semble pas ■ ; tel
passage incontesté de saint Gyprien est, à ce sujet, singulièrement ins-
tructif'-.
1. II est remarquable que cette conception, qu'on pourrait appeler naturaliste et
qui me paraît ressortir de l'étude des textes, est en harmonie avec le sentiment ca-
tholique.
a. Cf. Revue crit., 1880, p. 33 n. 4.
d'histoire et de littérature 65
Mais je ne puis qu'indiquer ici ces vues : je les signale, en passant, à
l'esprit généralisateur et philosophique de M. Rocquain.
L'ouvrage est nécessairement fragmenté, puisqu'il ne présente pas une
suite historique continue, mais une étude sur quatre papes différents.
Indépendamment de cette critique générale, je dois ajouter quelques
observations de détail :
i° Parlant des décisions pontificales qui sont entrées dans le Corpus
juris canonici, M. R. laisse croire qu'elles ont un caractère spécial,
que le pape dut en peser davantage les expressions, s'en occuper plus
particulièrement. Il en eût été fort empêché, ignorant parfaitement le
sort réservé plus tard par les hasards des compilations à chacune de ses
décisions. Une décrétale passée dans le Corpus juris ne diffère originai-
rement d'une décrétale restée en dehors du Corpus pas plus qu'un arrêt
recueilli dans le Sirey ne diffère d'un arrêt négligé par les collaborateurs
de cette grande entreprise ;
2° Une observation importante se présente à propos de Boniface VIII:
la plupart de nos écrivains français paraissent ignorer — M. R. ne fait
pas exception — que les accusations si graves qui furent tout à coup lan-
cées par Philippe le Bel contre Boniface VIII, avaient une origine très-
sérieuse : ce ne fut point un instrument de guerre subitement fabriqué,
ou, comme on l'a dit, un orage éclatant dans un ciel serein. Plusieurs
membres influents du clergé devaient connaître ces imputations qui
avaient été répétées » par les plus hauts personnages ; ceci explique peut-
être en partie les adhésions nombreuses du clergé que recueillit si facile-
ment le roi de France et justifie, à coup sûr, cette assertion de Philippe
le Bel traité un peu durement par M. R., à savoir qu'à plusieurs repri-
ses des bruits très défavorables à Boniface étaient venus jusqu'à lui ;
3° A propos d'une lettre d'Innocent III sur le sens du mot novalis t
M. R. fait remarquer que le correspondant du pape lui avait adressé
une consultation purement grammaticale qui fut suivie d'une réponse
de grammairien ou de philologue (p. 168). Nullement : l'intérêt que les
correspondants attachent à la question est tout à fait pratique et cano-
nique : si on discute sur le sens du mot novalis, c'est que diverses ques-
tions relatives à la perception des dîmes se rattachent au sens de ce mot.
Ainsi les couvents sont exempts de la dîme en ce qui concerne les nova-
les : il est donc très important d'être fixé sur le sens du mot novalis. La
décrétale d'Innocent III est si peu un exercice académique sur le sens
d'un mot qu'elle a passé à bon droit dans le Corpus juris canonici".
4° A la p. 225, M. R. vise, d'après le livre de Janus, un écrit attribué
à saint Bon aventure où il est dit que la cour de Rome est la prostituée
empoisonnant l'Eglise de ses vices. (Je reprends les expressions de Janus
1. Je fais allusion à un document publié par Hcefler et analysé par Hefele, Hist.
des conc, trad. Delarc, t. IX, p. 256 et suiv.
2. Décret, de Grég. IX, V, xl, 21,
66 rkvuk eurriQtifc
un peu adoucies dans Rocquain). J'aurais besoin ici d'un renvoi immédiat
aux œuvres de saint Bonaventure et de renseignements précis et cir-
constanciés. Tout en exprimant ce vœu, je ne puis faire à M. R, un
reproche bien rigoureux de ne pas avoir cité directement saint Bona-
venture sur un point si important; car le Supplément à ses œuvres in-
voqué ici par Janus est d'une infinie rareté ' : la citation directe eût
nécessité une correspondance avec l'Italie et peut-être un excursus cri-
tique : la question en valait la peine.
5° P. 225, je lis :
« En France comme à Rome, on trafiquait de la religion. Sous Boni-
ce face VIII, les péchés les plus graves y étaient rachetés à prix d'ar-
« gent. »
L'auteur fait allusion à un concile de Saumur qui interdit à divers
dignitaires ecclésiastiques inférieurs d'accorder aux pénitents ces ra-
chats. Je n'aime pas ces expressions un peu lourdes en face du texte
visé : « On trafiquait de la religion. » — « Les péchés les plus graves
étaient rachetés à prix d'argent. » En y regardant de près; on s'aperçoit
que le relâchement de discipline dont s'occupe le concile de Saumur n'a
en soi rien de monstrueux et ne doit pas du tout soulever l'indignation
des historiens modernes. De quoi s'agit-il? De remplacer les pénitences
canoniques par le paiement d'une somme d'argent. Ce système qui
remonte très haut a donné lieu à d'énormes abus ; il a pu conduire au
trafic dont parle M. R.; mais il est en soi très inoffensif: faire péni-
tence en se couvrant de cendres, en se privant d'entrer dans l'église,
en jeûnant ou en versant une somme d'argent avec destination pieuse,
ce sont des procédés comparables. De nos jours, l'usage de la péni-
tence en argent subsiste toujours et n'excite pas l'horreur des plus dé-
licats. Je rachète, par exemple, dans certaines conditions, la pé-
nitence quadragésimale par l'aumône du carême : ceci est dans la tradi-
tion contre laquelle se révoltent trop facilement et, pour ainsi dire, sans
viser juste 2 des historiens qui n'en comprennent pas le véritable sens.
Deux appendices intéressants terminent l'ouvrage : i° Innocent III et
Otton de Brunswick ; 2° les registres des papes et le Regesta Pontijîcum
i. Cf. Bernard, a Portu Romatino, -Ratio novae collect. operum omnium S. Bo-
naventurae. » Taurini, 1874, p. 45.
2. Je prends la liberté de renvoyer ici à quelques pages que j'ai publiées sur cette
matière dans la Revue historique de iMars-Avril 1880, p. 442 et suiv. ; et, puisque
l'occasion se présente, je retire en même temps une conjecture erronée que j'avais
proposée dans cet article : je relevais ce passage d'une taxe de la chancellerie aposto-
lique : « Nova diligenter quod hujusmodi gratiae et dispensationes non conceduntur
pauperibus, quia non sunt et ideo non possunt consolari. » Je corrigeais sunt en
solvunt : je me trompais. Ce passage est inspiré de saint Matthieu : « Tune adim-
« pletumest quod dictum est per Jeremiam prophetam dicentem : Vox in Rama au-
« dita est ploratus et ululatus multus : Rachel plorans nlios suos, et noluit conso-
« tari, quia non sunt. » (Saint Matth., Evang., ch. n, versets 17, 18.) Je dois ce
rapprochement décisif à M. l'abbé Duchesne.
d'kISTOIUK lîl DR LlTTBRATUtiE 6j
de Jaffé. Dans le corps de l'ouvrage, l'auteur a eu l'occasion d'étudier le
décret de Nicolas II sur l'élection des papes; il repousse le texte de Pertz
et ses observations personnelles le conduisent fort heureusement aux
conclusions qu'a formulées, de son côté, M. Scheffer-Boichorst.
L'ouvrage, dans son ensemble, est une œuvre historique de bon aloi.
M. Rocquain, dont le grand public connaît et apprécie les travaux, con-
tribue efficacement à l'éducation, à l'instruction de ses lecteurs; il les
initie autant que possible à l'étude des sources : son livre réalise un
progrès très notable sur la plupart de ceux qui peuvent lui être com-
parés.
Paul Viollet.
1 5 1 . — El Ateneo de Madrid en el Centenario de Calderon. Discrtacio-
nes, poesîas y discursos de los senores Sanchez Moguel, Revilla, Ruiz Aguilera,
Fernandez y Gonzalez, Palacio, Campillo, Moreno Nieto, Moret y Echegaray. Ma-
drid, Gaspar. 1881, xv et 2i3 pages in-8°.
Encore un écho du Centenaire, le dernier probablement. Une lassi-
tude de fâcheuse augure se laisse, en effet, surprendre dans ce volume
publié par Y Ateneo de Madrid '. Les morceaux qui le composent, une
histoire de la vie et des œuvres de Calderon par D. Antonio Sanchez
Moguel, une étude sur le théâtre de Calderon par D. Manuel de la Re-
villa, plusieurs poésies et discours, se ressentent, il est vrai, de l'exal-
tation de ces jours de fête; mais la préface, d'un lyrisme beaucoup plus
tempéré, nous apprend que le projet de publication, adopté par V Ate-
neo dans les premiers mois de l'année dernière, a subi d'importantes
modifications : on a dû renoncer à la partie artistique, aux gravures
destinées à l'ornementation du livre, puis il a fallu se passer aussi des
productions de plusieurs écrivains très en renom, que l'association
avait invités à collaborer à l'œuvre. Tel qu'il est, le livre de Y Ateneo
ne répond pas à l'attente du public, fort alléché par l'annonce de tant de
belles choses, dont, en fin de compte, il se voit privé. Mais il faut pren-
dre ce qu'on nous donne. Je n'ai point l'intention d'examiner tout le
contenu de ce volume, dont plusieurs morceaux ne sont pas du ressort
de la Revue ; je m'en tiendrai au mémoire de M. Sanchez Moguel sur
la vie et les œuvres de Calderon.
La vie et les œuvres de Calderon ! C'est là un sujet qu'on ne peut
se promettre d'épuiser en soixante-six pages. M. M. l'a bien senti et je
dois dire qu'il ne s'est point fait illusion sur les résultats qu'il croit
avoir obtenus. « Il me suffira, dit-il, d'avoir rectifié des erreurs et
1. Le volume porte la date de 1881, mais il n'a été publié ou mis en vente que
cette année-ci; il est annoncé dans le numéro de mars 1882 du Boleiin de la libre-
ria de Murillo.
68 REVUE CRITiQUK
ajouté quelque chose de nouveau. » Le nouveau de cette étude se ré-
duit à peu de chose, ou, pour mieux dire, à presque rien, et je ne sais
même pas si, en ce qui touche la vie de Calderon, M. M. a tiré parti de
tous les travaux parus à l'époque des fêtes du Centenaire et dont quel-
ques-uns ont ajouté des bribes de renseignements à ceux qu'on avait
déjà réunis sur les faits et gestes du poète. Ainsi je ne vois pas qu'il ait
eu recours à la biographie de Calderon publiée, en mai 1881, par D.
Felipe Picatoste, qui semble avoir tiré des archives du comte del Asalto
des données nouvelles sur certaines périodes de la vie du poète '. Il est
regrettable que M. M. ne se soit pas borné à écrire cette vie, d'après
toutes les sources, dont il aurait préalablement éprouvé avec soin la
valeur. En voulant trop embrasser, il a été souvent obligé de jurer in
verba magistri et d'accepter, les yeux fermés, bien des opinions contes-
tables de ses devanciers. La partie de son étude qui traite des œuvres de
Calderon, de la chronologie de ses drames, est faible; tandis que le ré-
sumé de la vie du poète, malgré des inadvertances, des lacunes et un
manque absolu de précision dans les renvois aux sources, qui rend
très difficiles les vérifications, peut être au moins recommandé à ceux
qui, avant de lire l'œuvre du poète, voudraient connaître en gros les
péripéties de son existence 2. Malheureusement une faute de critique
1 . Cette biographie a paru dans un ouvrage intitulé : Homenaje a Calderon. Mo-
nografias. La vida es sueho. Madrid, 1881, in-fol. (Prix : 5o fr.) J'ai omis d'en
parler dans ma Revue critique des publications du Centenaire (Paris, E. Demie,
1881), car alors j'en ignorais complètement l'existence : le titre du volume, il faut
le dire, ne laissait guère soupçonner qu'il pût s'y trouver une vie de Calderon. En-
core aujourd'hui je ne connais de cette biographie que les quelques extraits qu'en a
donnés M. J. Fastenrath, Calderon in Spanien, Leipzig, 1882, pp. 179 et 28Ô à 293.
— Je profite de l'occasion pour rectifier sur deux points ma Revue : i° Le papel
de Calderon dont il est parlé à la page 9 n'a pas été publié seulement par Hartzen-
busch, t. IV, p. 676 de son édition, il a encore été reproduit (dans la même Biblio-
teca Rivadeneyra) par Eugenio de Ochoa, Epistolario espaftol, t. II, p. 140;
20 D. Cayetano Rosell (Entremeses de Quinones de Benavente, Madrid, 1874, t. II,
p. 363) cite un manuscrit de l'Académie de l'Histoire qui contient des règlements
administratifs pour les théâtres de Madrid, des années i6o3, 1608, i6i5 et 1641;
il a même imprimé un règlement de 1753 qui reproduit beaucoup de dispositions
antérieures; cf. ma revue, p. 45 et suiv. ; 3° Le dossier cité à la p. 6, note I, de la
Revue a été analysé par Hartzenbusch, Memoria leida en la Biblioteca Nacional.
Madrid, 1870, p. 6 et suiv., mais cela ne suffit pas.
2. Il faut signaler une inadvertance. A propos du nom de famille de la mère ds
Calderon Henao, qui serait l'équivalent de Hainaut, M. M. dit que « notre poète
appartenait à la classe de ceux qui, de son temps, s'appelaient Esgui^aros ou Esji^a-
ros, c'est-à-dire fils ou descendants de deux familles, l'une espagnole, l'autre étran-
gère. » Esguiçaro n'a, en aucun temps, servi à désigner une telle origine. Ce mot,
qui vient de Schwei^er, n'a jamais eu d'autre sens que celui de « Suisse » ou, au
figuré, de « lourdaud, niais. » — Autre chose : M. M. écrit trop vite; il a commis
quelque part (p. 64) un plugio (!), capable de faire trembler sur sa base l'édifice de
la rue Valverde. Est-ce que de tels américanismes ont déjà reçu droit de cité à
VAteneo ?
d'histoire et de littératurb 69
dépare cette nouvelle biographie et rend fort problématiques plu-
sieurs déductions de l'auteur. Voici de quoi il s'agit.
A la suite de Hartzenbusch et de divers autres érudits, M. M. a ad-
mis sans hésitation l'authenticité d'un romance, où, à ce que l'on pré-
tend, Calderon se serait peint au naturel (trop au naturel) à une dame
qui désirait l'épouser, lui contant à ce propos les traits principaux de sa
vie, jusqu'à un âge assez mûr. Tient-on ce morceau pour authentique,
il faut alors montrer comment les faits qui y sont relatés se concilient
avec « l'histoire vraie », celle qui résulte de documents officiels ou de
témoignages contemporains. Jusqu'ici ce travail de critique n'a été fait
par personne; on a tant bien que mal combiné les données du romance
avec ce qu'on sait d'autre part de l'histoire du poète, et nul ne s'est de-
mandé si l'origine dudit romance est clairement établie, s'il n'existe
pas quelque motif de douter qu'il puisse être un produit de la plume de
Calderon. Sans avoir la prétention de résoudre définitivement le pro-
blème, je voudrais contribuer à l'éclaircir : il est vraiment grand temps
qu'on soit fixé sur la valeur de cette pièce. J'y suis d'ailleurs personnel-
lement intéressé, car il m'est arrivé à moi aussi d'admettre imprudem-
ment, sur la foi de Hartzenbusch, que le romance est a la seule auto-
biographie que nous possédions de Calderon '. » Depuis j'ai changé
d'avis. Mais il faut présenter au lecteur les pièces du procès.
Dans le tome Ier des Comedias de Lope de Vega 2 de la Biblioteca
Rivadeneyra, Hartzenbusch inséra, aux appendices, une pièce intitulée
« Romance de Don Pedro Calderon à une dame qui désirait connaître
sa condition, sa personne et sa vie, » et indiqua en ces termes de qui il
la tenait : « M. Jorge Diez, très digne directeur du collège royal de Sé-
ville et aussi instruit que généreux, m'a remis un cahier manuscrit, in-
titulé Poesias de diferentes autores ; à côté de compositions déjà con-
nues, ce cahier en renferme d'inédites, dont la dernière est un romance
de Calderon, où il décrit minutieusement sa personne et donne quelques
détails sur sa vie. Par malheur le dernier feuillet manque et le romance
est incomplet... L'écriture du cahier est indubitablement du xvue siè-
cle 3. » Dans cette édition princeps le romance compte 187 vers. —
Le très érudit D. Cayetano La Barrera fut le premier, ou l'un des
premiers, à accorder à ce texte, d'après Hartzenbusch, la valeur d'un
document autobiographique : son catalogue de l'ancien théâtre espa-
gnol, publié en 1860, en fait foi (voir p. 47). — En 1868 parut le tome
premier du Teatro escogido de D. Pedro Calderon de la Barca,
imprimé par D. Patricio de la Escosura sous les auspices de l'Académie
1. Revue critique du 2 5 septembre 1875.
2. Mon exemplaire de la seconde édition de ce volume est daté de i85g; je ne
sais pas au juste quand a été publiée la première.
3. Hartzenbusch ne dit pas si le titre du romance tel qu'il le donne se trouve dans
le manuscrit.
JO REVUE CRITIQUB
Espagnole. L'éditeur y cite à deux reprises (pp. x et xxxiv), d'après
Hatzenbusch, divers passages du romance qu'il n'hésite pas à croire au-
thentique. Dès lors la pièce était canonisée. — En 1874,1e rédacteur de
la Mentor ia para la Biblioteca Nacional en el présente ano (1874) ',
D. Cayetano Rosell, rendant compte dans cet écrit de la donation faite
à la Bibliothèque Nationale de Madrid des livres et manuscrits de D.
Luis Usoz y Rio, s'exprimait ainsi : « Dans un des manuscrits de cette
collection se trouve intégralement reproduit le romance de Calderon qui
a été publié, moins une cinquantaine de vers, dans le tome XXIV de la
Biblioteca de autores espanoles », puis il attribuait la mutilation du
manuscrit de Diez au langage fort libre des derniers couplets tels qu'on
les lit dans celui d'Usoz. En cette même année 1874, le texte complet du
romance vit enfin le jour dans un charmant petit volume, d'un format
microscopique, imprimé par Miguel Ginesta 2. D'après des renseigne-
ments que je tiens d'un amibien informé, l'impression de ce recueil fut
dirigée par Hartzenbusch et ce fut à l'aide du manuscrit d'Usoz, quoi-
qu'il n'ait point jugé à propos de le dire, que l'éditeur compléta le texte
du romance. Dans cette nouvelle édition le romance compte deux cent
trente-six vers.
Ici se place une découverte importante. Pendant son séjour à Paris,
dans le courant de l'année 1877, mon savant ami D. Marcelino Menén-
dez Pelayo, ayant eu l'occasion de lire le numéro de la Revue critique,
dont je parlais tout à l'heure, voulut bien m'écrire, à la date du Ier juin,
que le romance attribué à Calderon ne lui semblait pas authentique, par
la raison qu'en parcourant YEnsayo de una biblioteca espahola de Ga-
llardo, il y avait lu dans la description d'un manuscrit du poète sévillan
Cepeday Guzman, plusieurs fragments d'une composition presque iden-
tique au romance, et qu'à son avis la présence de ce morceau dans un
manuscrit, sinon autographe, du moins revu et annoté par l'auteur, aussi
bien que le style de ces vers, beaucoup plus conforme à la manière enjouée
et libre de Cepeda qu'au genre grave de Calderon devaient conduire en
bonne critique à retirer à ce dernier la paternité du romance 3. Si l'on se
1. Madrid, Aribau et C'", gr. in-8°, 1874.
2. Poesias de Calderon de la Barca. Madrid, Miguel Ginesta, 1874, in-32. — Un
nouveau recueil, publié l'an dernier, Poesias inéditas (sic) de Calderon (Biblioteca
universal) ne donne que les 184 premiers vers du romance. « Suprimimos los ulti-
mos versos por ser demasiado libres », dit l'éditeur, p. 46.
3. Il me paraît utile de transcrire ici le passage de la lettre de M. Menendez dont
je viens de donner la substance : « Leyendo el articulo de Vd. acerca de la éd. de
El Magico hecha por Magnabal, he visto que cita Vd. el fragmento de romance en
que Calderon describe a una dama sus cualidades fisicas y morales, etc. No lo creo
auténtico. En el 20 tomo del Ensayo de Gallardo encontrarâ Vd. la descripcion y el
extracto de un codice de poesias de D. Carlos Cepeda y Guzman, y entre ellas trozos
de un romance que conviene con el atribuido â Calderon. El codice de Cepeda me-
rece toda fé, porque (si la memoria.no me engana) es autôgrafo 6 â lo menos corre-
gido de propia mano por el autor. En cambio el ms. de donde tomô el romance
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE Jl
reporte à l'ouvrage cité par M. Menendez, on y trouve en effet (au
tome II, col. 364 et suiv.) une description très détaillée d'un manuscrit
de poésies de D. Carlos Cepeda y Guzman, baptisé à Séville, le 7 octo-
bre 1640, et mort on ne sait au juste quand, mais en tout cas pas avant
l'année 1690. Parmi les extraits de ce manuscrit imprimés dans le livre
de Gallardo se trouvent soixante-dix-huit vers d'un romance qui corres-
pondent aux vers 1 à 8, 17 à 20, 49 à 52, 93 à 104, 117 a 120, 141 à
i52, 161 à 164, 167 à 184, 189 à 192, 229 à 236 du romance attribué
à Calderon. Malgré des variantes qui seront examinées en détail plus
loin, la comparaison de ces extraits avec la leçon des manuscrits de Diez
et d'Usoz montre clairement que nous avons là deux versions d'un seul
et même romance; il s'agit donc de décider duquel des deux poètes,
Cepeda ou Calderon, il est l'œuvre, et auquel des deux les détails auto-
biographiques qui s'y lisent conviennent le mieux.
Le manuscrit de Cepeda étant au premier chef un manuscrit original ',
tandis que les autres ne sont que des copies dont on ignore la date exacte
ainsi que la provenance, c'est par la version du premier manuscrit qu'il
faut commencer. Je passe la première partie du romance où l'auteur se
peint des pieds à la tête, parce que, ne connaissant rien du physique de
Cepeda, il m'est impossible d'apprécier l'exactitude de cette description,
qui a été d'ailleurs fort abrégée par Gallardo (16 vers. dans ses extraits
contre 84 vers dans le texte de Hartzenbusch), et je me borne à résumer
ce qu'il raconte de sa naissance, de son éducation et de la'carrière qu'il
a suivie. Il est né à Séville. Destiné à l'Eglise par son père, il est ordonné
par el de Tapia. Ici une note autographe : « L'illustrissime D. Fray
Pedro de Tapia, archevêque de Séville, m'ordonna le 10 mai 1 653 » 2.
Il va à Salamanque, où il gagne le grade de bachelier ; puis il prend goût
à la poésie et se fait pour la première fois couronner dans un concours
littéraire célébré à propos de la canonisation de S. Thomas de Villanueva
(1 658). Ce succès le détourne de continuer ses études de droit, qu'il aban-
donne pour se mêler aux gens de théâtre; il fait des copias. Puis il entre
au service de son parrain, le marquis de Villanueva, dans la maison
duquel il remplissait, au moment même où il écrit, les fonctions d'é-
cuyer {cab aller i\oj. Je veux rester célibataire, dit-il, et d'ailleurs aucune
femme ne voudrait m'épouser, de peur d'être nommée écuyère. Cepeda
préfère avoir à la fois deux maîtresses et il explique longuement pour-
Diez debia ser uno de esos tomos de poesias varias, donde muchas veces se atribuyen
â un autor composiciones que no le pertenecen. Vd. verâ. El estilo del romance y
lo que en él se dice estan mas en la cuerda de Cepeda, ingenio burlon y maleante,
que en la de Calderon. »
1. Tout le manuscrit n'est pas autographe, Cepeda n'y a transcrit de sa main propre
que certaines compositions satiriques (Ensayo, II, col. Syg, note), mais les pièces
copiées par un autre ont été revues par lui, comme le prouvent les notes autographes
qui les accompagnent.
2. Pedro de Tapia occupa le siège métropolitain de Séville de i653 à 1657.
72 REVUE CRITIQUE
quoi ; il termine en disant à la dame qui Pavait interrogé sur sa vie :
« Je veux bien vous donner l'investiture à la première vacance, mais ne
me parlez pas de mariage. » Cette dernière partie du romance est un
peu trop leste pour pouvoir être analysée plus en détail.
Voilà ce que contient cette pièce intitulée dans le manuscrit : a A
una dama que deseaba conocer a D. Carlos y saber su estado y vida. »
A-t-on quelque raison de la croire apocryphe, y trouve-t-on des traits
dont on puisse dire avec certitude qu'ils n'ont pas pu être écrits par
Cepeda parlant de lui-même? A vrai dire, les maigres renseignements
sur la vie de Cepeda que fournissent une notice généalogique imprimée
par Gallardo [Ensayo, II, col. 364), la dédicace de son recueil et quel-
ques adresses de ses poésies ne donnent pas le moyen d'éprouver
l'exactitude de tous les détails du romance, mais, en tout cas, n'en dé-
mentent aucun ; et puisque l'auteur affirme que c'est bien lui qui parle,
qui se peint, et qu'il prend même le soin d'annoter ses vers, on est tenu
de le croire. En second lieu^ la qualité du style qui, à elle seule, ne
serait pas un argument décisif, est à considérer. 11 suffit de lire quel-
ques-unes des autres pièces de Cepeda pour se convaincre que notre
romance ne détonne pas dans la collection. Calderon, lui, n'a pas dans
ses poésies lyriques un seul morceau d'une allure aussi familière, aussi
libre.
Voyons maintenant la version des manuscrits de Diez et d'Usoz, celle
qu'on dit être de Calderon. Les différences principales (les seules qui
vaillent la peine d'être mentionnées) que cette version présente sur la
première, sont les suivantes ' : v. g3, Naci en Madrid, au lieu de Naci
en Sevilla : la substitution était d'autant plus facile à faire que les deux
leçons comptent dans le vers pour le même nombre de syllabes; —
v. 10 1 El de Troya au lieu d'El de Tapia. Comment un archevêque
de Séville aurait-il ordonné Calderon, qui passa toute son enfance ou sa
première jeunesse à Madrid ? La leçon el de Troya, au contraire, désigne
un personnage des mains duquel il ne serait point invraisemblable que
Calderon eût pu recevoir les premiers ordres. L'histoire ecclésiastique
d'Espagne connaît en effet un évêque in partibns de Troie, Melchior de
Soria y Vera, suffragant de l'archevêque de Tolède, Sandoval y Rojas,
de 1600 à 1618 2. Madrid appartenant au diocèse de Tolède, il n'est pas
impossible que cet évêque auxiliaire y soit venu, pendant le temps qu'a
duré sa charge, pour y procéder à des ordinations; — v. 109-112. Le
concours littéraire de la canonisation de Thomas de Villanueva ( 1 658)
est ici remplacé par ceux de la béatification et de la canonisation d'Isidore
de Madrid (1620 et 1622), auxquels nous savons par d'autres sources
• _— _ . *
i. Ici encore je passe la partie qui traite du physique, car les mauvaises repro-
ductions que j'ai sous les yeux d'un portrait de Calderon, ne servent à rien. Et
puis il faut dire que la description est dans un ton trop burlesque pour qu'il y ait
lieu d'y attacher grande importance.
2. Espaha Sagrada, t, LI, p. 3n.
d'histoire et de littérature 7?»
que Calderon prit part ; — v. 119. Le mot copias est remplacé par co-
medias. Cepeda dit seulement qu'il prit goût au théâtre, ou plutôt à la
société des comédiens, et qu'il fit des copias (La cômica inclinacion
Me llevô a la farandula '; Copias he/echoj, et, en effet, il n'existe aucun
ouvrage dramatique de cet auteur, tandis qu'on était tenu de faire dire
à Calderon comedias hice; — v. 143. Por ramones de que el Duque
Mi senor tiene la culpa. au lieu de Por ramones que el Marques Mi
sehor, etc. Cepeda eut pour principal protecteur un marquis et Calderon
un duc, le duc d'Albe. C'est tout.
Comme le manuscrit de Cepeda est un manuscrit original. et offre les
plus solides garanties d'authenticité, j'étais autorisé à considérer les va-
riantes de la seconde version comme autant de substitutions à la leçon
originale; mais admettons un instant que le manuscrit de Cepeda n'ait
pas le caractère qu'il a, que les deux versions nous aient été transmises
dans des copies quelconques, que nous n'ayons pour nous guider que
les données historiques contenues dans le romance : laquelle des deux
versions devrons-nous tenir pour apocryphe? J'ai indiqué tout à l'heure
que la première ne renferme rien qui contredise le peu qu'on sait de la
vie de Cepeda; en dira-t-on autant de la seconde, ne s'y trouve-t-il
rien qui déconseille d'y voir un morceau autobiographique de l'auteur
de La vida es sueho ? A mon avis, il y a plusieurs objections à faire à
cette version du romance, et je vais les résumer aussi succinctement que
possible. Une remarque toutefois avant de commencer. Le principal
instrument de critique dont nous disposions en cette occurrence est la
biographie de Calderon par Juan de Vera Tasis. Or, sous prétexte que
cet écrivain s'est trompé sur la date de la naissance du poète, divers éru-
dits de nos jours (M. M. entre autres) traitent fort légèrement cet écrit
et pensent qu'on peut s'abstenir d'y ajouter foi. Cette façon de procéder
ne me paraît pas sérieuse. De ce que Vera Tasis a commis une erreur de
date, il ne s'en suit point du tout que son autorité soit pour le reste
amoindrie; il est bon d'ailleurs de savoir que plusieurs faits avancés
par lui ont été dans la suite confirmés par des documents authentiques :
jusqu'à preuve bien établie du contraire, il n'existe donc pas de motif
de douter de l'exactitude des autres et, en général, de la véracité du bio-
graphe de Calderon.
J'énumère maintenant mes objections : i° le romance dit que Calde-
ron a été ordonné dans sa première jeunesse par l'évêque de Troie. Vera
Tasis ne mentionne pas ce détail et ne sait rien de l'intention qu'aurait
eue la mère2 de Calderon de destiner son fils à la carrière ecclésiastique;
suivant lui, c'est seulement à l'âge de cinquante et un ans que le poète
1. Le sens technique de farandula est donné par Agustin de Rojas dans son Viage
entretenido, éd. de 1793, p. 121. a Es vispera de compania », c'est-à-dire «un peu
moins qu'une véritable troupe de comédiens. »
2. Y mi sehoramadre Religiosamente astuta. Dans le ms. de Cepeda on ht : Y mi
querido padre (Con religion bien astuta/.
74 KKVUK CKITJQOK
songea à chercher un refuge dans l'Eglise, comme tant d'autres hommes
de lettres de son temps, et qu'il se fit ordonner prêtre; 2° d'après le ro-
mance, il semblerait que son auteur n'étudia à Salamanque que le droit
et même que le droit civil (v. 1 1 3, Bartulo y Baldo... v. 121, Desde
letrado à poeta Pasé). Or, nous savons par Vera Tasis que Calderon
fit à Salamanque des études approfondies de philosophie, d'histoire sa-
crée et profane, de droit civil et canonique, etc. ; en sortant de cette uni-
versité, il était donc tout autre chose qu'un letrado '; 3° il est dit ensuite
dans le romance (vv. 122 et suiv.) que le poète renonça à la poésie sur
les observations de quelques vieux grincheux et se fit escudero. « Etu-
diant, poète, escudero j'ai été et serai », tels sont, dit-il, « les degrés de
ma fortune », et il ajoute : « Jusqu'ici je suis resté célibataire par la faute
du duc mon seigneur : comme il m'a fait son caballeri\o, toutes les
femmes m'évitent, de peur d'avoir à porter le titre de caballeri^a ». Le
mot escudero a très clairement ici le sens de le page, domestique » (d'un
ordre un peu élevé) et le mot caballeri^o, écuyer proprement dit, n'est
là que pour préciser la nature des fonctions escuderiles que l'ex-poète
remplissait chez son duc au moment où il écrivait sa lettre.
Ainsi Calderon aurait abandonné la Muse pour entrer au service d'un
grand seigneur qui lui aurait donné la charge d'écuyer. Pour le coup,
voilà qui est nouveau et qui s'accorde fort mal avec le récit non dé-
menti de Vera Tasis : « L'an 1619, Calderon quitta Salamanque, conti-
nuant à cultiver le précieux fonds de connaissances qu'il en avait rap-
porté auprès (al lado) de plusieurs grands seigneurs de la cour. L'an
1625, il alla de son propre mouvement servir le roi dans l'Etat de
Milan et en Flandre... Il aurait obtenu un rapide avancement dans cette
honorable carrière, si le roi n'avait pas daigné le rappeler pour faire con-
tribuer son talent au succès des fêtes du Palais 1 ; en 1 636, il reçut de
la faveur royale l'habit de Saint-Jacques, qu'il commença à porter l'an-
née suivante. » Puis Vera Tasis ajoute qu'en 1640 Calderon partit avec
les chevaliers de son ordre pour combattre les Catalans révoltés, malgré
les instances que fit Philippe IV pour le retenir auprès de lui. Tout cela
ressemble peu au romance, qui, si on le confronte avec le récit du bio-
graphe de Calderon, contient des choses invraisemblables et inexactes.
Il est inexact que Calderon ait abandonné la poésie pour" servir dans la
maison d'un grand seigneur, et il est invraisemblable qu'il ait jamais
rempli auprès de n'importe qui les fonctions de caballeri\o. Enfin il est
avéré que, peu d'années après son retour de Salamanque, Calderon es-
saya du métier militaire et prit part aux campagnes d'Italie et de Flan-
dre de la première moitié du xvn° siècle : le romance n'en dit mot.
M. M. ne s'est point troublé de ces difficultés; il ne croit pas, malgré
1. M. M. rapporte très inexactement ce passage. Vera Tasis ne dit pas du tout que
Calderon soit resté dix ans au service hors d'Espagne et que le roi le rappela en
1635.
6 HISTOIRE m 1)K I.,!T!P.I!,\TURK J 0
l'autorité de Vera Tasis, que Calderon ait servi à l'étranger ; il admet
seulement qu'il a été, pendant quelque temps, soldat en Espagne et voit
dans Yescudero du v. 127 une allusion à la profession militaire du
poète: escudero aurait ici le sens d'escudero en la milicia! Pour ma
part, je ne saurais admettre une telle combinaison de deux témoignages
absolument discordants.
L'authenticité de la prétendue version calderonienne n'est donc rien
moins qu'évidente. Mais, dira-t-on, si la version originale est de Cepeda
et concerne Cepeda, comment expliquer qu'on ait voulu la faire passer
pour l'œuvre de Calderon? Pourquoi travestir ainsi l'autobiographie du
poète de Séville, pourquoi tromper le public et tenter de lui faire pren-
dre ce romance pour une confession du poète madrilène? Je ne suis pas
en mesure d'indiquer le motif de la fraude ni d'en nommer l'auteur (l'his-
toire littéraire de l'Espagne est riche en picardias de ce genre) ; il me
suffit d'avoir établi qu'on ne doit plus désormais, en se reposant sur
Hartzenbusch, se servir du fameux romance pour compléter ou rectifier
les sources de la vie de Calderon. Avant la découverte de cette pièce dans
le manuscrit de Cepeda, on a pu être jusqu'à un certain point excusable
de s'en rapporter au dire de l'éditeur de Calderon : on ne le serait plus
maintenant, et ceci me ramène à M. Moguel. Le membre de VAteneo a,
dans la première partie de son mémoire, utilisé à diverses reprises le ro-
mance, sans manifester le moindre doute sur son authenticité, sans faire
la moindre allusion au manuscrit de Cepeda; mais, arrivé presque au
terme de son travail, il laisse voir qu'il a eu vent de la trouvaille de
M. Ménendez. A la p. 5j, après avoir cité un passage d'une pièce en
vers hendécasyllabes composée par Cepeda à l'occasion de la mort de
Calderon, il s'exprime ainsi : « Admirateur enthousiaste de Calderon,
Cepeda l'imita souvent (no pocas veces), il prit plaisir même d'appli-
quer à sa vie le romance que Calderon écrivit à une dame et dont nous
nous sommes servi dans divers passages de cette étude». Il est évident que
le imitôlo no pocas veces n'est là que pour rendre vraisemblable ce qui
suit; en fait M. M. serait fort embarrassé de citer un seul exemple de ces
prétendues imitations. Inutile de montrer combien d'objections soulè-
verait le plagiat que M. M. met avec tant de désinvolture sur le compte
du poète de Séville. Cepeda, le recueil de ses poésies le prouve assez,
n'était pas en peine de trouver des idées et des rimes; il est absurde de
supposer qu'il se soit plu à démarquer l'œuvre d'autrui, surtout une œu-
vre si personnelle, si intime. Franchement, M. Moguel eût mieux fait
d'avouer qu'il s'était avec d'autres engagé dans une fausse voie que de
proposer une si piètre explication du curieux problème.
Pour tenter de le résoudre d'une façon absolument satisfaisante, il
faudrait revoir avec soin les trois manuscrits (si l'on réussit à les retrou-
ver tous trois). Je souhaite que quelque érudit espagnol se charge de
cette recherche, mais je pense bien que nul ne s'en souciera.
Alfred Morel-Fatio.
j6 REVUE CRITIQUE
l52. — Étude sur les œuvres inédites et sur, lu correspondance de
H. Dusevel, archéologue et historien, inspecteur des monuments historiques,
membre non résidant du comité des travaux historiques, lauréat de l'Institut, of-
ficier de l'Instruction publique, etc., par F. Pouy, correspondant du ministère de
l'Instruction publique. Amiens, imprimerie Delattre-Lenoel, éditeur, 1882. In-8°
de 128 pages. (Tirage à 200 exemplaires : 175 sur vélin, 25 sur vergé).
M. F. Pouy a publié, en 1881, une excellente Notice biographique
et bibliographique sur H. Dusevel (in-8° de. 32 pages). Après avoir ra-
conté avec autant d'exactitude que de sympathie l'histoire de la vie d'his-
torien et d'archéologue de son compatriote et confrère, après avoir
dressé la liste des publications grandes ou petites de celui qui fut un
des plus féconds écrivains de la Picardie, il a voulu — et nous devons
l'en louer — faire connaître l'œuvre inédite de cet estimable érudit. Il a
donc énuméré, en les analysant soigneusement, les manuscrits laissés
par le grand travailleur. Il a surtout donné, dans cette étude si com-
plète, une large place à la vaste correspondance de Dusevel, disant avec
raison (Avertissement, p. 4), que « cette correspondance offre une source
précieuse de renseignements curieux et intéressants et parfois de révéla-
tions piquantes, » et que 1' « on y rencontre, à chaque pas, la trace des
relations de l'auteur avec un grand nombre de savants et de lettrés, dont
les noms connus auront pour le lecteur un attrait tout particulier. »
Contentons- nous d'indiquer rapidement les sujets traités dans les trois
premiers chapitres. (Chapitre I : Débuts, fonctions d'avoué, voyages et
études, organisation de correspondance, renaissance de l'histoire et
de V archéologie, premier musée d'Amiens, premiers écrits, collabo-
ration à divers journaux, etc. (1 817-1830), pp. 5- 18. — Chapitre II :
Travaux, publications diverses, collaboration à divers grands ou-
vrages, journaux, revues, documents fournis à l'histoire du tiers-
état, succès, emplois, titres honorifiques, relations, incidents divers,
projets (i83o-i85o), pp. ig-36. — Chapitre III : Suite des travaux,
nouvelles recherches, projets d'histoire de Picardie et autres, résumé
et appréciations sur la vie laborieuse de l'auteur (i85o-i86i), pp. 3j-
58) li Mais arrêtons-nous un peu devant le chapitre IV, entièrement con-
sacré à la correspondance. Voici, par ordre alphabétique, les noms des
personnes dont les lettres sont analysées et souvent en partie reproduites
par M. P. : le comte Beugnot, de l'Institut ; Bottin, le célèbre créateur
de l'almanach qui porte ce nom, archéologue qui fut un des membres de
l'Académie celtique et qui a publié des Mélanges sur Samarobriva et
sur divers monuments de la Picardie; Boucher de Perthes, l'ardent pro-
pagateur de la science préhistorique; le P. Cahier, réminent archéolo-
1. M. P. dit (p. 54) : « En considérant l'immense travail accompli par H. Dusevel
tant dans l'exercice de ses nombreuses fonctions que comme écrivain, on se de-
mande comment la vie d'un homme, si longue qu'elle fût, a pu suffire à une pareille
tâche, et cependant, on le sait, elle n'a pas abrégé l'existence de cet intrépide tra-
vailleur. Il y a des grâces spéciales aux hommes de sa génération. »
DriîSTOIREET DE L1TTEUAXURB 77
gue dont on déplore la perte encore récente; le comte de Calonne, con-
servateur du château de Chambord; Crapelet, l'habile imprimeur, le
zélé éditeur de vieux textes; Emeric David, de l'Institut; M. Jules Des-
noyers, le vénérable secrétaire de la Société de l'histoire de France; Di-
dron aîné, le vaillant iconographe, le directeur des Annales archéologi-
ques; Dupré (de Gorbie), qui signe : Vainqueur commandant de la
Bastille du 14 juillet 178g, et qui se recommande à nous par un
meilleur titre, car il découvrit un très beau chapiteau de style roman,
retraçant l'histoire du premier homme, une des plus remarquables piè-
ces du musée d'Amiens; de la Fons, baron de Mélicocq, que les innom-
brables extraits de documents dont il enrichissait (d'autres disent en-
combrait) une foule de recueils, avait fait surnommer le grand extrac-
teur ; le marquis de Fortia d'Urban, de l'institut ' ; Gilbert, de la Société
des Antiquaires de France ; Louis Graves, auteur de notables travaux
sur le département de l'Oise; Hyacinthe Langlois, un des bons savants
, de la Normandie; M. Louandre père, le bibliothécaire abbevillois; le
comte de Mailly, qui s'intitulait : archéologue amateur ; Prosper Méri-
mée, qui, le 12 juillet 1843, adressait à Dusevel ce compliment : « Vous
rendez la science amusante, sans qu'elle cesse d'être science »; le comte
de Mérode, beau-père de Montalembert ; Ms1- Mioland, évêque d'Amiens;
puis archevêque de Toulouse; Mollevault , de l'Institut, qui, poète
même en prose, parle des mânes de son épouse; Montalembert, qui
écrit à l'historien d'Amiens, le 29 juin i838 : « Je félicite sincèrement
la Picardie de compter dans son sein un explorateur tel que vous »; Au-
guste Moutié, le collaborateur du duc de Luynes; Paulin Paris, dont
M. P. fait (p. 100) un charmant éloge auquel je lui suis reconnaissant
d'avoir associé mon nom; Léon Paulet, littérateur et historien belge,
qui écrivait à Dusevel, mécontent de n'être pas récompensé, ce mot si
vrai et si consolant : Est-ce que les sciences ne nous paient pas elles-
mêmes de nos peines? Pongerville, le traducteur ou plutôt le para-
phraste de Lucrèce ; de la Querière, auteur de la Description des maisons
les plus curieuses de la ville de Rouen; Paul Roger, auteur de la Bi-
bliothèque de la Picardie et de l'Artois; de La noblesse de France
aux croisades, etc.; César Roussel, l'explorateur des souterrains de
Saint-Valery-sur-Somme; Alex, du Sommerard, le fondateur du Musée
de Cluny; le baron Taylor, dont une lettre à propos du Voyage pitto-
resque en Picardie, auquel collabora Dusevel, est un fort curieux frag-
ment autobiographique; Troche, le chercheur infatigable, le collection -
1. Cet académicien écrivait, le 8 octobre 1841, à Dusevel : « Vous auriez pitié de
moi, si vous saviez dans quels embarras m'a jeté ce malheureux goût que j'ai pour
les imprimés. Mon livre des itinéraires anciens me coûte plus de 3o,ooo francs. »
Peu d'auteurs ont été plus féconds que Fortia d'Urban. A l'effrayante liste de ses
ouvrages imprimés, il faut joindre une liste assez considérable de ses ouvrages ma-
nuscrits conservés aujourd'hui dans la bibliothèque de M. le marquis de Seguins, à
Garpentras, où j'ai pu les feuilleter il y a quelques jours.
yS RS.VUE CRITIQUE
neur de documents et d'estampes sur Paris J ; le comte de Vaublanc,
l'ancien ministre; A. Vincent et Ludovic Vitet, tous deux de l'Institut.
En remerciant M. P. de nous avoir donné dans son livre, et notam-
ment dans la dernière partie de ce livre, tant de pages agréables et ins-
tructives, je lui demanderai de rendre un nouveau service à la mémoire
de Dusevel. Le meilleur de tous les ouvrages de cet érudit est devenu
fort rare. Que M. Pouy réimprime Y Histoire d'Amiens avec additions et
rectifications 2 ! Nul n'est plus capable que lui de publier une parfaite
édition de cette histoire. Ce sera bien mériter à la fois de l'ami pour le-
quel il a déjà tant fait et de ces autres amis que l'on appelle lecteurs.
T. DE L.
CHRONIQUE
FRANCE. — Il existait jusqu'ici à Paris de nombreux cercles artistiques, politiques,
commerciaux, agricoles, etc., mais il n'existait aucun cercle qui eût pour objet de
réunir les hommes d'étude, les littérateurs et les savants, de former un centre intel-
lectuel analogue à ce qu'est, en Angleterre, l'Athenaeum Club. C'est pour combler
cette lacune que vient de se constituer la Société historique qui a ouvert le i8 juil-
let, un cercle au n° 2 de la rue Saint-Simon, n° 2i5 du boulevard Saint-Germain.
Le bureau de la Société est composé de MM. Martin et Mignet, présidents d'hon-
neur; G. Monod, président; Lavisse et Sorel, vice-présidents; Hanotaux et Puaux,
secrétaires ; Mayrargues et Rayet, trésoriers. Nous remarquons parmi les membres,
pour ne citer que les membres de l'Institut, MM. Boutmy, Bréal, Cherbuliez, Du
Camp, A. Dumont, V. Duruy, Fustel de Coulanges, J. Girard, Laboulaye, Levas-
seur, H. Martin, A. Maury, Mézières, Mignet, G. Paris, G. Picot, Renan, Rozière,
L. Say, Sully Prudhomme, Taine, J. Zeller. La cotisation annuelle n'est, poul-
ies 5oo premiers membres, que de 60 f'r. par an; elle sera portée ensuite à 100 fr.
Les élèves des établissements d'enseignement supérieur peuvent y être admis moyen-
nant 20 fr. par an. L'art ierdes statuts de la Société en définit le but en ces termes :
Art. 1e1'. Le but que se propose la Société est de faciliter les relations entre les hom-
mes d'étude, en dehors de tout esprit de parti ; de leur fournir les moyens d'infor-
mation scientifique; d'encourager les études sérieuses; de provoquer la sympathie de
tous ceux qui s'intéressent au développement intellectuel de notre pays; en un mot,
de former une vaste association inspirée par l'amour de la science et de la patrie. —
Art. 2. — La Société crée à cet effet un Cercle qui servira de centre de réunion pour
1. Voir (p. 101) une plaisante anecdote sur M™" Troche, qui, infiniment moins
amie des livres que son mari, luttait virilement contre l'invasion dont sa maison
était sans cesse menacée. Le correspondant de Dusevel veut que l'on évite la douane
de M"10 Troche. En cette occasion, comme en bien d'autres, M. P. a entouré ses ci-
tations de remarques fort spirituelles.
2. M. P. reconnaît (p. 55, note 1) que l'ouvrage réclame « quelques améliora-
tions. » Il a(oute : « \J Histoire d'Amiens est tellement populaire, qu'elle est deman-
dée presque chaque jour, à la bibliothèque de cette ville, par des lecteurs de toutes
les classes. »
O HISTOIRE ET Pli LITTÉRATURE 79
tous ceux qui s'occupent d'études historiques ou qui s'intéressent à ces mêmes étu-
des comprises dans le sens le plus large : histoire proprement dite, histoire litté-
raire, histoire du droit, de la philosophie, de l'art, des langues, etc. — Art. 3. Le
cercle mettra à la disposition de ses membres dans ses salons les journaux et revues
littéraires, historiques, scientifiques de la France et de l'étranger. — Art. 4. Le cer-
cle facilitera à ses membres l'acquisition des livres français et étrangers aux condi-
tions les plus favorables. — Nous souhaitons rapide prospérité et longue vie à la So-
ciété Historique et au Cercle Saint-Simon.
— M. Guillaume Guizot vient de publier à la librairie Calmann-Lévy la traduc-
tion d'un volume de Macaulay, renfermant quelques-uns des Essais d'histoire et de
littérature (in-8, 424 pp.). Ce volume contient les essais suivants : Samuel Johnson
(pp. 1-55, paru en décembre i856 dans 1' « Encyclopaedia britannica » et pp. 56-123,
publié en septembre i83i dans la « Revue d'Edimbourg »); Addison (paru en
juillet 1843 dans la « Revue d'Edimbourg », pp. 124-238); Madame d'Arblay (paru
en janvier 1843 dans la « Revue d'Edimbourg »; on sait que Mme d'Arblay ou
Françoise Burney, mariée à un Français émigré, le général d'Arblay, est l'auteur de
trois romans, Evelina, Cecilia et Camilla dont les deux premiers eurent en leur
temps un grand succès) ; De l'histoire (pp. 323-38g, paru en mai 1828 dans la
« Revue d'Edimbourg ») ; M. Robert Montgomery (pp. 390-421). Nous lisons dans
l'avertissement que M. Guill. Guizot a mis en tête de sa traduction : « Ce sixième
volume des œuvres de lord Macaulay que je m'étais proposé de traduire, n'est pas le
dernier. Il me reste encore à donner quelques-uns de ses Essais, et, comme je crois
que, pour bien apprécier Macaulay, il faut avoir vu en lui l'orateur et le poète, à
côté du critique, du polémiste et de l'historien, notre septième volume comprendra
aussi un choix de ses poésies et de ses discours. »
ALLEMAGNE. — Le sixième volume des Kleinere Schriften de Jacob Grimm,
renfermant la troisième partie des comptes-rendus et articles mêlés [Recensionen und
vermischte Aufsœtçe, dritter Theil, in-8°, 422 pp. 9 mark), a paru à la librairie
Ferd. Dûmmler [Harrwitz et Gossmannj.
— La librairie Perthes, de Gotha, a publié la soixante et unième édition du
Schulatlas de Stieler, revue et complètement remaniée par M. Herm. Berghaus.
In-40, 33 cartes, 4 mark.)
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 5 juillet 1882.
M. le vicomte Jacques de Rougé est élu membre résidant.
M. Guillaume lit une note de M. Caffiaux sur les armes impériales sculptées sur la
clef de voûte d'une salle d'une ancienne porte de Valenciennes. Dans l'armoriai du
héraut de Gueldre, qui est de la première moitié du xive siècle, l'aigle impériale
éployée n'a qu'une tête. Ici elle en a deux, et c'est probablement là un des premiers
exemples de ce nouveau type, puisque la porte a été construite en 1 358. Le zèle de
Valenciennes à se tenir au courant des modifications de l'écu impérial s'explique
par l'opiniâtreté avec laquelle elle défendait contre les prétentions des comtes de
Hainaut son titre de Ville impériale, qui lui assurait une certaine autonomie. Elle
reconnaissait ces comtes comme mandataires de l'empire, mais point comme ses
seigneurs, et ne perdait pas une occasion d'affirmer sa situation privilégiée vis-à-vis
d'eux. C'est une querelle qui dura 400 ans, jusqu'à la conquête française, et qui re-
commença un moment en 1793, lorsque Valenciennes eut succombé' sous les efforts
de la coalition.
REVUE CRITIQUE D HISTOIRE ET DE LITTERATURE
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 12 juillet 1882.
M. Charles Nisard continue la lecture de son mémoire intitulé r De V état incertain
et précaire de la propriété littéraire vers le milieu du xvie siècle. Dans la première
partie de ce mémoire, sous ce titre : Frutérius. et Gifanius, M. Nisard entreprend
de réhabiliter la mémoire du philologue hollandais Obertus Gifanius, à qui ses
contemporains ont fait et qui a conservé jusqu'à nos jours la réputation imméritée
d'un voleur de livres et d'un plagiaire. Ce Gifanius eut une querelle avec un autre
Hollandais, Janus Douza, au sujet de la succession littéraire d'un de leurs amis
communs et compatriotes, Lucas Frutérius, mort à Paris, en 1 565, à l'âge de vingt-
cinq ans. Frutérius laissait des écrits inédits, tels qu'une collection de remarques cri-
tiques sur Varron, Festus, Plaute, Catulle. Tibulle, Properce et Aulu-Gelle, intitulée
Verisimilia, et un petit nombre de poésies latines. En mourant, il avait légué ces
ouvrages à Gifanius et l'avait chargé de les publier ; mais Douza parvint à dérober
les manuscrits, refusa obstinément de les rendre, et Gifanius eut en vain recours aux
tribunaux pour l'y contraindre. D'un caractère faible et pusillanime, il finit par
céder et laissa les Verisimilia entre les mains de Douza, qui les publia, chez Plantin,
à Anvers, en 1584. Le voleur triomphant ne se fit pas faute d'insulter sa victime et
de l'accabler de calomnies. Bientôt après, en i566, Gifanius ayant publié une édition
de Lucrèce, le dernier éditeur de ce poète, Denis Lambin, mécontent de voir re-
poussées quelques conjectures qu'il avait proposées, accusa Gifanius de l'avoir pillé
et le traita de plagiaire. Le Hollandais, toujours faible et craintif, négligea de répon-
dre. La calomnie fut dès lors acceptée universellement et s'est propagée jusqu'à nos
jours. M. Nisard estime qu'il était temps d'en faire enfin justice.
M. Halévy communique de nouvelles remarques sur la langue sumérienne ou
accadienne, à propos des inscriptions chaldéennes récemment découvertes par M. de
Sarzec. Il répète les arguments par lesquels il a déjà entrepris d'établir que cette
prétendue langue n'en est pas une, que les textes dits sumériens ne nous offrent
que de l'assyrien écrit à l'aide d'un système artificiel hiératique, une sorte de
chiffre ou de rébus sacré. Il s'attache particulièrement à répondre à l'objection qui a
été tirée des différences dans l'ordre des mots, .en assyrien et en sumérien. Il soutient
que ces différences sont très minimes, qu'elles s'expliquent, dans les rares cas où
elles se présentent, par des circonstances particulières, qu'en règle générale et à
prendre les choses d'ensemble, l'ordre des mots est le même dans les textes assyriens
et dans les textes dits sumériens.
M. Ledrain communique la traduction d'une brique inédite de la collection de
M. de Sarzec. L'inscription de cette brique est, dit— il, en langue sumérienne. Elle
fournit, dans cette histoire jusqu'ici si flottante des gouverneurs de Sirpurla, un
point fixe. On y rencontre le nom de Lik-Papsoukal, fils de Goudea.
M. Ledrain communique ensuite un sceau phénicien inédit, qui porte le nom juif
de Baalnathan. Ce nom, de forme hébraïque, est, d'après M. Ledrain, celui d'un
juif du temps qui précède la captivité. Passé au culte de Baal, cet Israélite aurait
échangé son nom de Jonathan, ce celui que donne Iahvé », pour celui de Baalna-
than, « celui que donne Baal ».
M. Derenbourg fait remarquer qu'on connaît déjà quelques noms juifs dans la
composition desquels entre le nom de Baal, par exemple Jeroubaal, surnom de
Gédéon.
Ouvrages présentés : — par M. Wallon : Pimodan (le marquis de), le Château
d'Echenay ; — par M. Georges Perrot : Bulletin de correspondance hellénique, VII
(juillet 1882) ; — par M. Delisle : i° Chronique de Jean le F'evre, seigneur de Saint-
Rémy, publiée pour la Société de l'histoire de France par M. Morand; %" Castan
(Auguste), Jules Quicherat, notice, lue à la Société d'émulation du Doubs, le i3 mai
1882; — par M. Jules Girard : Couat (Auguste), la Poésie alexandrine sous les
trois premiers Ptolémées (3 24-2 2 2 av. J.-C).
Julien Havët.
Le Propriéiaire-Geratit : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marckcssou fils, boulevard Saint-Laurent, '23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N° 31 - 31 Juillet — 1882
Sommaire: i53. Hoernle, Grammaire comparative des idiomes aryens modernes
de l'Inde. — 154. Pirenne, Sedulius de Liège. — i55. Giraudet,»Lcs origines de
l'imprimerie à Tours. — Chronique. — Société nationale des antiquaires de
France. — Académie des Inscriptions.
i53. — A. -F. Rudolf Hoernle. A. comparative Grammai» of the Gaudian
Languages with spécial référence to lîie Eastern ISimii, Accompanied
by a language-map and a table of alphabets. Londôn, Trûbner et Co, 1880.
XL-416 pp. in-8°.
Voici un livre dont le plus simple examen montre mieux que
ne pourrait le faire n'importe quelle dissertation ex professo, à quel
degré de précision a été porté l'art d'analyser et de décrire un groupe de
langues, d'en suivre ou d'en deviner les altérations progressives et d'en
rétablir la filiation. Il y a vingt ans, à supposer même que les matériaux
sur lesquels il repose, eussent été accessibles, la pensée de l'écrire sur le
même plan ne serait venu à personne. Le grammairien consommé qui
eût réussi à embrasser le sujet d'une vue aussi nette, eût été obligé, dans
l'exposition et sous peine de n'être compris que d'un bien petit nombre
de lecteurs, de s'arrêter à chaque pas pour asseoir ou déblayer sa route,
d'établir ou de rappeler des principes, d'entrer dans des digressions et
d'embarrasser sa marche de tout un appareil de généralités théoriques.
M. Hoernle a trouvé le terrain mieux préparé. Il a pu réduire ses impe-
dimenta au strict nécessaire et faire tenir dans 400 pages la grammaire
historique et comparative de tous les idiomes aryens modernes de l'Inde '.
Son livre, qui embrasse la même aire géographique et linguistique que
les trois volumes de M . Beames, est sous plusieurs rapports, matériellement
plus complet, en même temps que la doctrine y est poussée plus à fond.
C'est là un résultat qui fait infiniment d'honneur a M. H., mais c'est
aussi un heureux signe de l'état actuel des études linguistiques, qu'un
pareil résultat ait pu être poursuivi sans trop présumer du public.
Pour arriver à se loger en si peu d'espace, M. H. a dû nécessaire-
ment serrer les lignes. Le volume est fort court de marge et les pages en
sont hérissées d'initiales et d'abréviations : termes grammaticaux, dé-
signations de langues et de dialectes, noms d'auteurs, titres d'ouvrages
hindous et européens connus ou inconnus, publiés ou manuscrits, au-
1. Des variétés un peu notables, il n'en manque qu'une, le Kâshmîri, qui n'est
mentionné qu'occasionellement.
Nouvelle série, XIV. 5
82 REVUE CRITIQUE
tant de sigles dont l'abondance serait fâcheuse dans tout autre livre
moins destiné à l'étude patiente, minutieuse. Par contre les économies
ne sont jamais faites aux dépens des choses essentielles ou simplement
importantes. Les exemples, et ils sont innombrables, depuis la simple
forme jusqu'à la location développée, sont tous donnés en caractères
devanâgarîs ' et, d'un bout à l'autre, accompagnés de la traductien.
Bien que sobre engénéral de commentaires, l'auteur n'hésite pas à s'en-
gager dans de' longues discussions sur des points particulièrement obs-
curs ou controversés. Mais, ce qu'il a évité par-dessus tout, c'est d'éco-
nomiser sur les faits. Sous ce rapport, son livre est d'une étonnante
richesse. Dans aucun autre ouvrage on ne trouvera pour toutes les pé-
riodes de l'histoire de ces langues, l'inventaire aussi complet de leur
mécanisme grammatical, depuis les moindres accidents de la phonéti-
que jusqu'aux procédés caractéristiques de leur syntaxe. Aussi la gram-
maire de M. H. avec son caractère hautement doctrinal, est-elle en
même temps un livre d'enseignement pratique, autant que peut l'être
un ouvrage essentiellement comparatif, et cela non seulement pour le
dialecte Hindî qui sert de base à l'exposition, mais aussi pour les autres
variétés dont il est traité d'une façon moins directe.
i
Ce qui en réalité a permis à M. H. d'accomplir sans accident ce tour
de force de concision, c'est la disposition ingénieuse et rigoureusement
1 conséquente de son livre, où toutes choses viennent si bien à leur place que
le commentaire est la plupart du temps contenu dans l'énoncé même. Sa
grammaire n'est point, en effet, l'essai d'un débutant. Longtemps avant
de l'écrire, il en avait en quelque sorte tracé le plan dans des articles
fort remarqués lors de leur publication dans le journal asiatique de
Bengale 2. Plus tard, il avait donné sa mesure dans une grammaire du
dialecte Garvari 3 et, à différentes reprises, il avait discuté les objections
soulevées par quelques-unes de ses théories4. Il ne fallait pas moins que
cette longue préparation à Bénarès même, le centre et comme l'abrégé
de l'Inde entière, pour aboutir à une œuvre aussi parfaitement méditée
que celle qui nous occupe, où jusqu'au moindre détail, tout est prévu
et mesuré d'avance et qui, bien que sortie peu à peu d'une grammaire
du Hindî oriental, était certainement construite tout entière dans la pen-
sée de Fauteur avant que la première ligne en' fut rédigée.
Dans cinq sections subdivisées en douze chapitres, un plus grand nom-
i. Pour e, 6, aï, au, qui manquent en devanâgarî, M. H. se sert des caractères
gurmukhis ou bengalis; r et rh cérébrales sont empruntés à l'alphabet kaithi; pour
la voyelle brève neutre, qui n'est jamais initiale, il emploie un point placé à la droite
de la consonne.
2. Années 1872, 1873, sous le titre de Essays in aid of a comparative grammar
of the Gaudian lenguages.
3. A Grammar of the Eastern Hindi commonly called Ganvari, London, 1878,
in-8°.
4. Indian Antiquary 1, 356; n, 210; v, 119.
d'histoire et de littérature 83
bre de sous-chapitres et 570 paragraphes, M. H. traite successivement des
alphabets ' et de la phonétique; des suffixes et des racines 2; delallexion
du nom, substantif, adjectif, nom de nombre et pronom ; de la flexion du
verbe en toutes ses formes primitives, dérivées et composées ; enfin, des
indéclinables. Une sixième section est consacrée à des spécimens du
Hindi oriental, tel qu'il se parle aux environs de Bénarès.
C'est de ce dialecte, en effet, le Bhojpuri, que M. H. traite en pre-
mière ligne. Il en donne la grammaire complète, parfaitement suffisante
pour l'acquisition pratique de la langue. A la suite de chaque paragra-
phe et sous la rubrique affinities, il analyse ensuite les conformités ou
les divergences que présentent, par rapporta ce type, les autres dialec-
tes d'origine aryenne : à l'Orient, les diverses formes du Bengali et l'O-
riya ; au nord, les idiomes himalayens du Garhwal, de Kumaon et du
Népal; à l'Ouest, les diverses variétés du Hindî occidental et, plus loin,
les dialectes parlés dans le Gujarât, dans le Sindh et dans le Penjâb ;
enfin, au Sud, le Marâ^hi avec ses subdivisions. C'est là la partie com-
parative, méthodiquement distribuée dans toutes les parties du livre.
Quant à la partie historique, elle est distribuée de même à la suite de
chaque paragraphe sous la rubrique Dérivation and Origin. M. H. y
examine ce que les faits ainsi signalés deviennent dans les formes archaï-
ques de ces divers idiomes, quand celles-ci sont accessibles dans des
œuvres écrites ou traditionnelles ; puis, à l'aide des prâkrits, du pâli et de
la langues des plus anciennes inscriptions, il remonte pour chacun
d'eux, jusqu'au sanscrit, qui, d'une façon générale, peut en être regardé
comme la source commune. Cette partie du livre, la plus intéressante,
au point de vue de la linguistique générale, en est une des plus origi-
nales. C'est une de celles aussi qui soulèveront peut-être le plus d'ob-
jections de détail. On ne reprochera pas sans doute à M. H. sa tendance
à tout expliquer par le sanscrit . C'est là une direction qui était en
quelque sorte tracée d'avance, chaque pas en avant dans la philologie de
ces langues ayant constamment réduit le nombre des faits qui parais-
saient exiger une explication différente. Mais on ne peut se dissimuler
que parmi les dérivations de M. H., il y en a quelques-unes d'héroï-
ques. Tout le monde ne sera pas disposé, par exemple, à reconnaître
dans l'élément ka que l'analyse constate ou rétablit dans tant de suf-
fixes de dérivation ou de flexion, le représentant du" sanscrit kxita.
Mais il convient d'ajouter que M. H. a soin lui-même, en plus d'un
endroit, d'exprimer des réserves; que ses partis pris, en apparence les plus
audacieux, reposent sur des analogies si nombreuses, sur une expérience
1. M. H. eût rendu sa Table des alphabets bien plus utile encore, s'il avait rem-
placé les alphabets anciens (Maurya, Gupta, Valabhi) un peu hors de cause ici, par
une série plus complète des variétés modernes et des l'ormes intermédiaires du
moyen âge.
2. Une liste alphabétique des racines, d'abord destinée à la grammaire, a été pu-
bliée à part dans le journal asiatique de Bengale, 1880, p. 33 et s.
84 REVUE CRITIQUE
si parfaite de toutes les particularités de ce domaine linguistique, qu'une
contradiction dont il n'aurait pas lui-même reconnu et signalé la possi-
bilité, aurait rarement la chance d'être bien fondée. Pour moi du moins,
qui ai surtout à apprendre dans ce livre, je ne ne me permettrai pas de
le critiquer.
Une œuvre ainsi disposée, suppose une classification et une généalo-
gie de toutes ces langues. C'est, en effet, ce que nous donne l'introduc-
tion. M. H. divise ces idiomes en quatre groupes principaux. Groupe
de l'Est : Hindî oriental, Bengali et Oriya. Groupe de l'Ouest : Hindi
occidental, Gujarâtî, Sindhî et Penjâbî. Groupe du Nord : les langues
aryennes de l'Himalaya. Groupe du Sud ou Marâfhî. Le Hindî se par-
tage ainsi entre le groupe de l'Est et celui de TOuest, ses deux branches
ayant plus d'affinités avec le Bengali d'un côté, le Gujarâtî et le Penjâbî
de l'autre, qu'elles n'en ont entre elles. Les œuvres littéraires qui nous
sont parvenues, montrent que chacun de ces groupes, maintenant frac-
tionnés en de nombreux dialectes, ne formait vers le xne ou xm° siècle
qu'une seule langue. En examinant les caractères principaux de ces qua-
tre langues, on s'aperçoit ensuite que le groupe du Nord se rapproche
de celui de l'Ouest, tandis que celui du Sud est en relation plus étroite
avec celui de l'Est et que, par conséquent, à une époque plus ancienne
dont les inscriptions d'Açoka nous ont laissé quelque souvenir, les qua-
tre groupes se réduisaient à deux, qui correspondent aux prâkrits Çau-
rasenî et Mâgadhî. Non pas aux variétés de ce nom qu'enseignent les
grammairiens, celles-ci sont des langues littéraires et plus ou moins ar-
tificielles, mais à leurs dialectes vulgaires ou Apabhrawças. Et ici en-
core, il faut entendre non les Apabhramças des grammairiens, qui sont eux-
mêmes plus ou moins artificiels, mais les Apabhramças vrais, qui ont
péri, à moins que le pâli ne nous ait conservé Timage de l'un d'eux.
Quant au MâhârâshM, c'est une variété du Çaurasenî, c'est-à-dire du
groupe occidental ; il n'a rien de commun que le nom ' avec le Marâfhî
actuel et passé dont on l'a souvent rapproché et que ses caractères font
rentrer au contraire dans le groupe oriental ou mâgadhî. A côté de ces
langues aryennes parlées par des aryens, se sont formés en outre, chez
les populations non aryennes, un certain nombre de patois. Ce sont les
dialectes qualifiés de Paisâcî, qui ont péri de bonne heure et dont le
Paisâcî des grammairiens nous a seul conservé quelques traits. Ces
deux langues, Çaurasenî vulgaire et Mâgadhî vulgaire, étaient venues
toutes deux de l'Ouest, la plus orientale, le Mâgadhî, ayant précédé
l'autre, puisqu'elle a laissé des traces tout le long de la route, jusque
dans la vallée du Kaboul et encore au delà. L'autre, plus jeune, le
Çaurasenî, ne s'est pas avancée plus loin vers l'Est et vers le Sud que la
limite actuelle du Hindî oriental et du Marâfhî. A leur tour, elles n'é-
1. Ce nom serait à prendre comme qualificatif, « la langue du grand royaume »,
d'après M. H., du Doab.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE
85
taient que des varie'tés dialectales d'un idiome unique, qui, élevé à l'état
de langue littéraire, est représenté par le sanscrit.
Telle est, en résumé, d'après M. H., l'histoire des langues aryennes
de l'Inde '. Sur plusieurs points, par exemple en ce qui concerne la po-
sition respective du MâhârâshZrî et du Marârtiî, elle est entièrement
neuve. L'ensemble en est séduisant, car, à première vue, elle paraît plus
simple et mieux liée qu'aucune autre qu'on ait encore présentée. Est-
elle pourtant à l'abri de toute objection ? Sans entrer dans un examen
qui m'entraîn<É-ait trop loin et qui, pour être complet, devrait empiéter
sur un terrain où je ne me sens plus compétent, je dois dire que les con-
clusions de M. H. me paraissent parfois bien affirmatives, eu égard à la
nature de ses données. Rien que par le résumé qui précède, on a pu voir
combien de termes essentiels de la série ont disparu, au lieu et place des-
quels il n'a que des approximations suspectes, dont lui-même se défie et
dont il se sert pourtant comme s'il ne s'en défiait pas. Au départ, en ef-
fet, M. H. marche sur un terrain solide : il a affaire à des langues ac-
tuellement parlées. Mais dès qu'il remonte dans le passé (et c'est là une
objection qui, pour le dire en passant, porte aussi parfois sur ses dériva-
tions), il ne dispose plus que de langues littéraires ou, pis encore, de lan-
gues qui ont servi de médium à des mouvements religieux. De ce que
les plus anciens Kîrtans vishnouites ne sont ni en Bengali ni en Hindi,
mais dans un idiome qui participe des deux ; de ce que le Hindî occi-
dental, le Gujarâti et le Penjâbî se confondent pour ainsi -dire dans le
poème de Cand, s'en suit-il qu'on ne parlait alors que deux langues des
montagnes de l'Afghanistan au Doab et du Doab aux collines d'Assam ?
De même les inscriptions d'Açoka autorisent-elles réellement la conclu-
sion qu'un seul idiome régnait à cette époque des sources de la Jumnâ
aux bouches du Gange? Répondre négativement à ces questions et à
d'autres semblables, ce n'est pas repousser sans doute la théorie histori-
que de M. H. ; mais c'est lui enlever quelque chose de sa rigueur, de sa
précision et de sa simplicité. D'ailleurs, ne sait-on pas combien la clas-
sification des dialectes est délicate, même quand il s'agit de variétés ac-
tuellement existantes? M. H. trouve, par exemple, que le MarâJhî
s'accorde avec le groupe oriental sur quatre points et avec le groupe oc-
cidental sur huit ; mais que la proposition est renversée si on ne consi-
dère que les traits vraiment caractéristiques, selon lui, des deux groupes.
Le Maràthî s'accorde alors sur quatre points avec le groupe oriental et,
avec le groupe occidental, sur deux seulement. Cela suffit pour le ranger
i. Les mêmes vues, parfois appuyées d'arguments différents, ont été présentées
par M. H. dans la préface à sa belle édition de la grammaire de Chania : The
Prdkr'xta-Lakshanam, or Chanda's Grammar of the Ancient (Arsha) Prâkr'it. Part. I.
Text ivith a critical Introduction and Notes. Calcutta, 1880 (Bibliotheca Indica).
D'une autre publication de M. H., sur le même sujet, mais écrite probablement en
vue d'un public moins spécial, A sketch of the History of Prakrït Philology, Cal-
cutta Review, october 1880, je ne connais que le titre.
86 RKVUK CftlTIQl.'K
parmi les langues de l'Est, et, comme le MâhârâshJrî se 'range parmi
celles de l'Ouest, on n'admettra aucun rapport entre les deux. Est-il be-
soin d'ajouter qu'il y a toujours quelque chose d'arbitraire, et, par con-
séquent, d'aléatoire dans cette sorte de calculs? M. Garrez, tout au con-
traire, croit devoir admettre une relation particulièrement étroite entre
le Mâhârâshfrî et le Marâfhî, et ses vues à cet égard, émises depuis des
années, ont été généralement approuvées, à plusieurs reprises, notam-
ment par M. Weber. Ce seul fait montre qu'il y a encore en tout ceci
bien de l'incertitude et que, tout en rendant hommage ttu vaste savoir
et à l'habileté avec lesquels M. H. a édifié cette histoire linguistique de
l'Inde, il convient de tempérer çà et là, par quelque doute, la rigueur ap-
parente de ses démonstrations.
Le volume est terminé par un index alphabét(que qui facilite les re-
cherches. La correction typographique qui présentait ici des difficultés
toutes particulières, est irréprochable. Du moins n'ai-je trouvé qu'un
nombre tout à fait insignifiant de fautes ayant échappé à l'erratum ; par
exemple, p. 6, lig. 8, le virâma dans amvita; p. 35, lig. 4, infra, dh au
lieu àegh; à la ligne suivante, samhah devrait être marqué d'un astéri-
que ; p. 126, lig. 22, il faut lire indrdm.
Cet article était à peu près achevé quand la Grammaire de M. Hoernle
a été honorée du prix Volney par l'Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres. Après un pareil suffrage, le mien n'est plus d'aucun prix. Je
n'en suis pas moins heureux de pouvoir féliciter de cette haute distinc-
tion l'auteur d'un ouvrage dont je pense tant de bien.
A. Barth.
154. — Sédulius de Liège» par Henri Pirenne. Bruxelles, F. Hayez, 1882. 72 p.
in-8° et un fac-similé de manuscrit. Extrait des Mémoires de l'Académie royale
de Belgique, collection in-8°, tome XXXI1L En appendice (p. 51-72), Sedulii car~
mina inedita.
Sédulius de Liège, ou plutôt Sédulius l'Irlandais, Sedulhis Scottus,
est un poète du ixe siècle, que son nom a fait confondre parfois avec
l'auteur plus célèbre et beaucoup plus ancien du Carmen Paschale.
Le manuscrit unique de ses poèmes se trouve à Bruxelles : il contient
près de quatre-vingt-dix pièces. Seize de ces pièces ont été publiées par
M. Grosse, quarante-six par M. Ernest Dûmmler, non d'un seul coup,
mais en trois publications. On doit aujourd'hui à un jeune érudit belge
la connaissance des morceaux qu'avaient négligés les deux éditeurs alle-
mands. En passant, je ne puis ne pas exprimer un regret. Le contenu du
manuscrit aurait pu tenir dans une plaquette, le voilà éparpillé dans
cinq imprimés différents. L'étude de la littérature carolingienne était
pourtant, par elle-même, assez épineuse pour que les savants ne contri-
buassent pas à la compliquer. Cette critique n'atteint pas M. Pirenne :
0 HISTOIRE HT DE LITTEHATURR 0~
ce n'est point sa faute s'il ne lui est resté à publier qu'un quart du
recueil bruxellois, et ce n'est point non plus sa faute si ce résidu n'en
était pas la partie la plus intéressante.
Les pièces contenues dans le manuscrit sont-elles bien de Sédulius?
Le manuscrit le dit : incipiunî uersus quos Sédulius Scottus uenerabili
pontijici Harîgario cornposuit (Dûmmler, Sed. Scotti carmina XL,
p. 3). Le poète lui-même et l'évêque de Liège Hartgar sont nommés
effectivement dans plusieurs pièces; d'autres sont adressés à des princes
carolingiens du temps. Mais la pièce XIX de M. Pirenne, épitaphe du
roi saxon Caedual, est très antérieure et figure déjà dans Bède. Quel-
ques-unes sont fort impersonnelles, et il serait impossible d'en deviner
l'auteur : ainsi XX (subtilités sur uerum et aequum), XXII (vers sur une
croi»), IV (indiquant le sujet de certaines peintures), XIII [uersus in
quodam picto solario scriptï). Cette dernière pièce se compose de vers
détachés, dont chacun résume soit un des épisodes figurés en peinture
(Messiam natum pastoribus angélus inquit) soit un ensemble de deux
épisodes (Ecce magi stellam uîsunt ; Symeon quoque Christum); leur
désordre (que l'éditeur aurait dû respecter) fait voir qu'ils ont été co-
piés sur la peinture, non sur le brouillon du poète, que par conséquent
nous pourrions avoir là, au lieu d'une composition de Sédulius, des vers
transcrits par lui ou par un autre au cours d'un voyage, comme l'épitaphe
de Caedual. Voilà qui rend quelque peu douteuse l'origine de toutes les
pièces qui ont un caractère semblable (ainsi Dûmmler XII, uersus ad Er-
mingardem imper atricem conscripti in serico pallio de uirtutibus Pétri
apostoli; XXI, de quodam altari ; Pirenne IX, épitaphe de l'évêque
Hildbert). Il faut y bien regarder avant de fonder une conclusion sur le
témoignage du manuscrit. A ce point de vue, la dissémination des
textes nuit à l'étude. La pièce XXIII de M. Pirenne indique le sujet des
peintures exécutées pour l'évêque de Cologne Gonthar ; il faut se repor-
ter au recueil de M. Dûmmler, pièce XXX, pour voir que Sédulius a
été effectivement en relation personnelle avec cet évêque, et qu'il a pu
recevoir de lui une commande poétique. — On doit se méfier d'autant
plus de la donnée fournie par le manuscrit, qu'il s'en faut de beaucoup
que tous les vers s'adressent « uenerabili pontifici Hartgario ». De plus,
on trouve beaucoup trop souvent réunies des pièces disparates (ainsi les
fragments incohérents de la pièce XXV Pirenne; les deux morceaux
indépendants que l'éditeur laisse unis sous le numéro XXI ') ; il saute aux
yeux que le collecteur de ces morceaux détachés n'en avait pas toujours
une notion bien nette. Enfin la mention particulière du nom de Sédu-
lius dans quelques titres [De paschali festiuitate Sédulius cornposuit,
Dûmmler XXVII), est faite pour inquiéter toutes les fois que ce nom
manque. — M. Pirenne a malheureusement négligé d'indiquer en tête
i. Aussi ne peut-on dire avec une exactitude rigoureuse combien le recueil
bruxellois contient de pièces distinctes.
06 REVUE CRIT1QUK
de chaque pièce le numéro qu'elle porte dans le sommaire général du
manuscric, donné par M. Dûmmler ; il faut un petit travail pour re-
trouver quelle pièce suit et quelle pièce précède. Il est trop enclin à
corriger le texte ' : une première édition doit être plus conservatrice.
Un texte inédit l'emporte toujours en intérêt sur un travail moderne :
c'est pourquoi j'ai mis au premier plan, dans ce compte-rendu, la pu-
blication qui pour M. Pirenne ne forme qu'un appendice. Le corps
même de son mémoire est une étude sur Sédulius ; elle s'appuie exclu-
sivement sur les pièces publiées par MM. Grosse et Dûmmler, lesquels
avaient eu soin de choisir tout ce qui pouvait éclairer la biographie de
leur auteur. M. Pirenne montre que les poésies de Sédulius comblent
une lacune dans l'histoire de ce qu'il appelle « le txe siècle liégeois ».
Son opuscule, inspiré par des préoccupations toutes locales, a été fait
pour être « présenté au cours d'histoire de M. le professeur Kurth, à
l'Université de Liège». On peut lui reprocher, outre quelques gaucheries
d'expression 2, le mélange du travail sur les sources avec le travail de
seconde main 3 ; mais il atteste un jugement sain, des connaissances so-
lides, et des recherches méthodiques et consciencieuses.
Louis Havet.
ï 55 . — Les Origine» «le l'imprimerie à Tours (1 -Ç<*,y-i;ï*>0), contenant
la nomenclature des imprimeurs depuis la fin du xve siècle jusqu'en i85o ; par le
docteur E. Giraudet. Tours, imprimerie Rouillé-Ladevèze, 1881. Gr. in-8° de
viij et i3o pp,, plus 1 f. de table et 1 planche gravée.
M. le docteur Giraudet est déjà connu des bibliographes par une inté-
ressante publication relative aux imprimeurs parisiens réfugiés à Tours
pendant les guerres de la Ligue 4 ; sa nouvelle étude, qui nous révèle
1. Ainsi il eût dû laisser ceu III, 19, laeua gaudetque magistri IV, 11, enim
VI, 6, Agarenos VII, 56, Bethlehem XIII, inormis et inorme, VII, 33 et XVII, 34
(cf. énorme, ou plutôt sans doute inorme, Biblioth. de VEc. des chartes, I, p. 528).
III, 11, il faut ponctuer sine fine beata. IV, 8, la correction Maximiane pour
Maxime, est arbitraire ; la peinture devait présenter douze personnages et non onze,
et le vers faux donné par le manuscrit doit provenir de deux vers soudés en un. Vil,
5o, il n'est pas permis de toucher au second hémistiche, répétition du premier
hémistiche du vers précédent. IX, 4, tenes et non tenet. XV, 5, il faut garder se
condere (ras. secundere), sauf à corriger spelaeis ou à supposer ce mot disyllabique.
XX, second titre, idem; M. Dûmmler dit item, qui est plus vraisemblable. XIII, 3,
la correction proposée est inconciliable avec 1-2. I, 3, Luodeuinci doit être lu
Luodeuuici.
2. P. 7 : « Malheureusement Sédulius n'est pas historien, il n'est pas même
Liégeois. »
3. On supprimerait sans dommage ce qui est dit du rôle des émigrés irlandais
dans l'enseignement carolingien, p. 1 1 et suivantes.
4. Une Association d'imprimeurs et de libraires de Paris réfugiés à Tours au
xvi* siècle; Tours, 1877, gr. in-8".
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 89
bon nombre de. détails inconnus sur les premiers typographes touran-
geaux, ne sera pas moins bien accueillie des érudits et des curieux. Elle
complète, en effet, et rectifie sur bien des points la notice tout à fait in-
suffisante de M. Clément de Ris '.
Les recherches de M. G. présentent, en général, un grand intérêt quand
elles s'appuientsur des documents d'archives ; elles sont, il est vrai, moins
fécondes quand elles portent non plus sur des pièces inédites, mais sur
les livres eux-mêmes. Au début de son travail, M. G. reprend une discus-
sion déjà ancienne au sujet d'un livre considéré par divers auteurs comme
le premier produit' des presses de Tours. Il s'agit d'un petit roman du
Florentin Francesco Florio intitulé : De Amore Camilli et Aemiliae
Aretitîorum. On lit à la fin de cet ouvrage : Liber expletus est Tu-
ronis. Editas in domo Guillermi , archiepiscopi Turonensis , anno
Domini millesimo quadringentesimo sexagesimo septimo, pridie ka-
lendis Januarii. M. G. n'hésite pas à voir dans cette souscription
la preuve que l'imprimerie existait à Tours à la fin de l'année 1467;
elle ne prouve en réalité rien de semblable. Le mot editus signifie sim-
plement que l'ouvrage a « vu le jour », qu'il a été écrit ou, tout au
moins, achevé, dans tel ou tel endroit. Le sens ne paraîtra pas douteux
si l'on compare entre elles diverses souscriptions analogues. Les seuls
ouvrages du mathématicien Charles de Bovelles nous en fournissent
plusieurs. Ses Tractatus varii, imprimés par Henri Ier Estienne, se
terminent ainsi : Editum est universum hoc volumen Ambianis in
aedibus reverendi in Christo patris Francisci de Hallewin, ejusdem
loci pontificis , et emissum ex officina Henrici Stephani , impensis
ejusdem et Joannis Parvi, chalcotypa arte sociorum. Anno Christi
Salvatoris omnium M. D. X. Primo Cal. Februarii. Parisiis \
Des formules presque semblables se trouvent à la fin de deux autres
ouvrages du même auteur : Dominica Oratio tertrinis ecclesiastice
hiérarchie ordinibus particulatim attributa etfacili explanata commen-
tario ' et Theologicarum conclusionum . . . Libri decem 4. Ces rappro-
chements nous paraissent suffisamment concluants : le mot editus n'a
nullement le sens moderne de « édité ». On est ainsi conduit à se ranger
1. La Typographie en Touraine (1467-1830), par le comte L. Clément de Ris;
Paris, L. Techener, 1878, in-8» (extr. du Bulletin du Bibliophile).
2. Renouard, Ann. des Estienne, p. 8. — Incunables de la Bibliothèque de Tou-
louse, n° 93.
3. Commentarioli in Dominicam Orationem Finis. Editi in edibus reverendi in
Christo patris Francisci de Hallevin, pontificis Ambianensis, anno a Dominica incar-
natione i5i 1, septima die Julii. Emissi ex officina Joannis Parvi, 8. idus Octobris
anni ejusdem. In-40.
4. Theologicarum Conclusionum... Finis. Aeditae sunt in Carolopontino vico, in
aedibus... Caroli de Geniis, Noviodunensis episcopi, anno humanae salutis M. D.
XIII. octava et vigesima die septembris... Impressac sunt in aedibus Asccnsianis idi-
busJunii M. D. XV. In-fol. — Panzer, Ann., 21, n° 779.
gO REVUE CRITIQUE
à l'opinion soutenue par De Boze, il y a un siècle 1, à savoir que le vo-
lume dont il est question a été imprimé à Paris par Pierre De Keysere et
Jehan Stoll, ainsi que le prouvent les caractères semblables à ceux que
ces deux associés ont employés dans des éditions qui portent leurs noms.
Le fait que l'impression a été exécutée à Paris permet d'expliquer sans
peine que le typographe se soit trompé sur le nom de l'archevêque de
Tours, qu'il appelle Guillermus au lieu de Girardus (il s'agit de
Girard de Crussol). Quant à la supposition de M. G. qu'il s'agirait non
pas de ce prélat, mais d'un maître-maçon appelé « Guillaume Archeves-
que », nous croyons inutile de la réfuter. Nous aurons plus loin à rele-
ver une erreur plus étonnante encore de la part d'un imprimeur, qui
nous paraît avoir altéré le nom du libraire même pour qui il travaillait.
M. G. cite incidemment (p. i5) les noms de divers libraires de la fin
du xve siècle mentionnés dans les minutes des notaires de Tours. Ces
noms sont ceux de : Jehan du Liège, Antoine Vérard, Jehan Richart,
Chariot Robert, Jehan Le Fort, Jehan Audyau, Jehan Fafeu, Jehan
Bredin, Jehan Margerie et Arnoul Rousset. M. G. ne donne malheu-
sement pas d'extraits, pas même les dates, des actes dans lesquels il a re-
levé les noms que nous venons de citer. Il remarque seulement que les
deux premiers sont bien connus des bibliographes. Jehan du Liège
(c'est-à-dire de Liège) est connu, en effet, pour avoir fait imprimer par
Mathieu Lateron, en 1496, La Vie et les Miracles de monseigneur
Saint-Martin2', mais, quoiqu'en disent M. Clément de Ris 3 et M. le
Dr G., il n'est nullement démontré qu'on doive reconnaître en lui
« le chef de cette illustre famille de Marnef, vouée au culte de l'impri-
merie pendant de longues années t. Dès leur début dans l'imprimerie à
Paris, les frères de Marnef exercèrent sous leur nom : Geofroi, de 148 1 à
i526; Enguilbert Ier, de 1491 à 1 535 K Nous ne voyons pas qu'aucun
lien ait existé entre eux et le libraire de Tours. Quant à Antoine
Vérard, ce n'était pas un « proche parent, sans doute, d'un imprimeur
de ce nom établi à Paris dans le même temps »; c'était lui-même. Vé-
rard, qui était à la tête de la plus importante librairie de Paris à la fin
du xve siècle, entretenait des relations suivies avec la province et même
avec l'étranger; rien d'étonnant à ce que son passage à Tours ait été
constaté. M. G. eût pu facilement nous donner quelques renseigne-
ments sur plusieurs des autres libraires dont il a retrouvé les noms.
Jehan Richard , dont Lottin fait un libraire parisien et dont il place
l'exercice de 1497 a i5io, fut, en réalité, libraire à Rouen de 1490 a
i5 17 5; il dut venir à Tours, comme il vint à Paris^et comme il alla pro-
1. M. G. dit par inadvertance (p. 19) : il y a deux siècles.
2. Brunet, V, 11 94.
3. Bull, du Bibliophile, 1877, 536.
4. Nous donnons ces dates d'après Lottin, sans avoir ici à les vérifier.
5. Voy. Frère, Des livres de liturgie des églises d'Angleterre imprimés à Rouen
(Rouen, 1867, in-8°), 23.
d'histoire et de littératurb 91
bablement en Angleterre, pour les besoins de son commerce. Il ne nous
paraît pas pouvoir être confondu avec le Jehan Richard qui exerçait à
Tours en i533 et en i536 \ Jehan Fafeu n'était-il pas de la même fa-
mille que le Pierre Faifeu dont Charles de Bourdigné a écrit la Légende ?
Quant à Jehan Margerie; on trouve son nom sur une édition s. d.
des Consuetudines totius presidatus seu Turonensis bailliviae 2. M. G.
eût été mieux placé que personne pour compléter ce qu'on sait jusqu'ici
de ces personnages et pour nous donner quelques renseignements sur les
autres.
M. Giraudet, qui se montre si affirmatif dans son attribution du livre
de Florio à une officine tourangelle, ne l'est pas moins quant à deux
autres volumes également douteux; nous voulons parler de V Or-
dre qui a esté gardé à Tours pour appeller devant le roy... ceux
des trois Estat^, 1484, in-4 goth., et du Missale Turonense, 1485,
in-fol. goth. Pour le premier de ces ouvrages, il ne nous donne pas
même un commencement de preuve ; au contraire, il reconnaît que les
caractères employés sont ceux de l'imprimeur parisien Jehan Du Pré.
Il est dès lors tout naturel de penser que l'éditeur, Jehan de Rely, aura
fait imprimer le livre à Paris, où il était chanoine. M. G. suppose, il est
vrai, que Jehan Du Pré avait établi une succursale à Tours ; il fonde
cette conjecture sur ce que le missel, également imprimé avec les carac-
tères de Du Pré, se termine par la souscription suivante : Impressum
est hoc Missale Turon Anno dni. M cccclxxxv ; mais, ici encore la
preuve n'est pas décisive, ^abréviation Turon se lit plus naturellement
Turonense qne Turonis et, dans le doute, il nous paraît prudent de
nous en tenir à la première interprétation. Nous avons peine à croire
que, si Jehan Du Pré avait établi une officine à Tours, M. G., qui a dé-
pouillé si consciencieusement les archives de Tours, ainsi que les re-
gistres capitulaires conservés à la Bibliothèque nationale, n'y eût trouvé
aucune mention. Jehan Du Pré, l'imprimeur parisien, qui devint plus
tard libraire de l'Université, possédait un établissement très important, si
l'on en juge par le grand nombre d'ouvrages, surtout de Missels, sortis
de son officine 3; il n'était ni un de ces typographes besoigneux, réduits à
1. Voy. Cat. Taschereau, n°' 189 et 141. Cf. Clément de Ris, loc. cit.
2. Brunet, II, 3g2. Cf. Cat. Potier, 1872, n° 23 1.
3. Notons, en passant, qu'il y eut, à la fin du xve siècle, deux imprimeurs diffé-
rents du nom de Jehan Du Pré. L'un, que Lottin ne cite que sous la date de i486,
exerçait à Paris dès 14^1 ; il avait alors pour associé Didier H uy m (Brunet, III, 1763).
Sans énumérer ici ses productions, nous dirons qu'il imprimait encore en i5oi
(Brunet, III, 1197), mais qu'il mourut peu de temps après. Nous connaissons en
effet, des Horae béate Marie Virginis achevées par sa veuve, le Ier avril i5o6, nou •
veau style. (Librairie Ellis et White, à Londres, Cat. n° 47, art. 337). Le second Je-
han Du Pré exerçait à Abbeville au commencement de l'année 1487 (Brunet, I, 36o);
il passa ensuite à Lyon, où on peut le suivre depuis la fin de cette même année
(Péricaud, Bibliogr. lyonnaise du xvc siècle, nouv. éd., n° 32) jusqu'à la fin de
l'année 1495 (ibid., n° 126):
92 REVUE CRITIQUE
transporter leurs presses de ville en ville, ni un de ces industriels disposés
à monter des ateliers loin de leur surveillance. Si M. G. a raison de con-
sidérer comme des impressions tourangelles les deux volumes dont nous
venons de parler, il faut admettre qu'ils ont été exécutés par quelque im-
primeur inconnu, à qui Du Pré aura fourni des caractères comme il en
fournit, par exemple, à Jehan Le Bourgeois, à Rouen, en 1488 '.
Avec Simon Porcellet, qui imprime, de 149 1 à 1494, ^e Breviarium
Turonense, nous marchons sur un terrain plus solide. Pour nous,
comme pour M. Deschamps, Porcellet est encore le prototypographe de
Tours. Jehan de Rely, chargé de la publication du Bréviaire, est devenu
confesseur du roi; il est nommé doyen de Saint-Martin ; c'est désormais
un personnage puissant, qui peut décider un imprimeur à s'établir près
de lui. S'il y avait eu à Tours une officine en pleine activité, il eût été
inutile de recourir aux services du nouveau venu, qui paraît avoir été
fort mal outillé, si l'on en juge par le temps qu'il mit à accomplir la tâ-
che qui lui était confiée. M. G. a eu l'heureuse chance de découvrir
dans les registres capitulaires de Saint-Martin des renseignements fort
précieux sur cette publication, qui fut tellement onéreuse pour Porcel-
let que les chanoines durent lui accorder une indemnité supplémen-
taire.
M. G. fait suivre sa notice sur Porcellet, de trois chapitres consacrés à
Mathieu Latheron, à Mathieu Cherchelé et à Jehan Rousset. Ces
chapitres sont pleins de documents inédits d'une réelle importance*
Nous n'avons rien à ajouter aux détails qui nous sont donnés sur Lathe-
ron; quant à la bibliographie de Cherchelé et de Rousset, elle pourrait
être plus complète. Parmi les productions de Cherchelé, M. G. omet le
Manuel royal ou Opuscules de la doctrine et condition du prince, de
Jehan Brèche, achevé d'imprimer le i3 janvier 1541 (1542 n. s.), in-4
goth. de 58 ff. non chiffr. 2; il passe également sous silence la Déclara-
ration des abu-{ et tromperies que font les apoticaires, par maistre
Lisset Benancio, 1 533, in-8 3. En ce qui concerne Jean Rousset, M. G.
Ces deux imprimeurs ont été souvent considérés comme un même personnage; on
les a souvent aussi confondus avec Jehan Des Pre%, imprimeur à Salins (1485).
11 y eut à Paris au commencement du xvie siècle un autre Jehan Du Pré, qui
exerçait dès l'année iboj (Brunet, III, 1197^, possédait encore son officine en i52a
(Brunet, III, 450), et vivait peut-être encore en 1547 (Suppl.au Man. du Libraire,
II, 44). Le nouveau Jehan Du Pré n'était sans doute pas le fils du premier; il de-
meurait en la rue des Porées, à l'image saint Sébastien, tandis que l'ancien impri-
meur du même nom était établi rue Saint-Jacques, à l'enseigne des deux Cygnes,
près de Saint-Séverin, (nous retrouvons sa veuve à la même adresse). Il est proba-
ble que le célèbre Galiot Du Pré était le fils, ou tout au moins le proche parent du
premier Jehan Du Pré; en tout cas il fut, comme lui, libraire de l'Université.
1. Brunet, III, 8o5.
2. Biblioth. nat., Y 4508. A. — M. Brunet (I, 12 16) donne à ce volume la date de
1544.
3. Biblioth. nat., T. 18. 2. — Sur l'auteur, voy. Brunet, I, 768.
D HÎSTOlRIi KT DIC LITTiCR ATURB g3
eût pu se référer à un article que nous avons consacré aux Imprimeurs
vendomois de M. le marquis de Rochambeau ' ; il y aurait trouvé l'in-
dication de trois pièces qu'il n'a pas citées. Par contre, le bibliographe
tourangeau nous donne (p. 87) un document qui mérite toute notre at-
tention ; c'est un acte du 2 juillet 1547, en vertu duquel Jean Lambert,
devient acquéreur d'une partie du matériel de Rousset. Nous pouvons
juger par cet acte de ce qu'était alors une petite imprimerie provinciale;
nous y trouvons aussi la confirmation d'un fait qui n'était guère connu
jusqu'ici que par une note peu explicite de l'imprimeur parisien Jehan
Du Pré % à savoir que les figures destinées à l'ornement des livres
d'heu/es étaient gravées sur cuivre et non sur bois. Parmi les objets cé-
dés à Lambert figurent « cinq cens Rudimens, de Pelisson » ; il s'agit
probablement de YEpitome de la grammaire latine de Jean Despau-
tére, que Du Verdier 3 attribue à Jehan Pelisson, de Coindrrieu, princi-
pal du collège de Tournon, mais dont il n'indique pas le lieu d'impres-
sion.
M. G. complète ses notes sur les imprimeurs de Tours par des noti-
ces sur trois hommes que la Touraine revendique comme ses enfants :
Nicolas Jenson, Cristophe Plantin et Guillaume Roville, Nous n'au-
rions jamais fini si nous voulions entrer dans l'examen détaillé de ces
notices. Remarquons seulement que Jenson a été parfois revendiqué
par les Danois 4. Sur Plantin on peut consulter avec fruit divers arti-
cles de la Bibliotheca belgica, de M. F. vander Haegheh, en attendant
la publication à' Annales Plantiniennes plus complètes que celles de
MM. Ruelens et De Backer. Quant à Roville, qui, d'après La Croix du
Maine, était Tourangeau, M. G. s'obstine à l'appeler Rouillé. Il est cer-
tain que le titre et l'extrait du privilège de deux volumes publiés en
i55o, portent Rouillé, (avec un accent aigu bien marqué) 5, mais ces
deux volumes, que M. G. eût dû citer à l'appui de sa thèse, ne nous ont
pas convaincu.
Guillaume était libraire et non pas imprimeur, comme le dit à tort
M. G. ; la forme Rouillé pour Rouille (c'est-à-dire Roville) nous pa-
raît due à une erreur typographique. Nous avons noté un très grand
nombre de volumes publiés par Roville, et nous n'avons pas rencontré
une seule fois après i55o la forme Rouillé. Mais ce qui, à notre avis,
1. Revue critique, 1881, I, 365-3Ô7.
2. Voy. Brunet, V, 1612.
3. Edition Rigoley de Juvigny, II 490.
4. Voy. Camille Nyrop, Bidrag til den danske Boghandels Historié (Kœbenhavn,
1870, 2 vol. in-8), I, 3i, et les divers ouvrages qui y sont cités.
5. Livre de V estât et mutation des temps [par Richard Roussat], i55o, in-8. (Bi-
Blioth. de feu M. le baron James de Rothschild.)
La Circée de M. Giovan Baptista Gello, académie florentin ; nouvellement mis en
françoys pur le seigneur Du Parc, Champenois, i55o, in-8. Voy. La Croix Du
Maine, I, 346.
94 REVUK CRITIQUK
est décisif, c'est que, sur les titres latins, Roville est appelé Rovillius et,
sur les titres italiens, Rovillio, ou même Roviglio '. On aura beau faire,
on ne pourra jamais rattacher ces formes au français Rouillé^ aussi per-
sisterons-nous à dire, jusqu'à nouvelles preuves contraires, Roville ou
Rouville. M. G. n'est du reste pas parvenu à établir les relations de pa-
renté qui pouvaient unir le libraire lyonnais à aucune famille touran-
gelle.
Le volume que nous analysons se termine par une Liste chronologi-
que des imprimeurs établis à Tours depuis V introduction de l'im-
primerie à Tours jusqu'à l'année i85o. M. G. a négligé les sim-
ples libraires, ce qui est, ce nous semble une lacune regrettable ; mais
est-il bien sûr, par exemple, que les frères Laurent et Michel Richard
aient été imprimeurs? Comme libraires, ils avaient commencé d'exercer
dès les premiers jours de l'année 1542 2. La liste contient les noms de
simples ouvriers comme Jehan Bourreau et Jacques de La Rue ; pour-
quoi alors n'y trouve-t-on pas le nom de Loys de Bonart, imprimeur,
qui, d'après M. G. lui-même 3, figure comme témoin dans un acte de
1594?
Nous nous arrêterons ici, en félicitant M. Giraudet de ses découver-
tes et en l'engageant à continuer ses recherches pour nous donner un
jour une grande bibliographie tourangelle.
Emile Picot.
CHRONIQUE
FRANCE. — Mme la comtesse Gédéon de Clermont-Tonnerre, née Vaudreuil,
a publié tout récemment à la librairie Didier la traduction du remarquable ouvrage
de M. Francis Parkman, Les jésuites dans V Amérique du Nord au xvu° siècle (Di-
dier, in-8°, 378 pp. 3 fr. 5o).
— La « Bibliothèque d'éducation moderne » que publient les éditeurs Charavay,
s'est grossie d'un volume nouveau, les Morceaux choisis de Mirabeau, avec préface,
notices et notes, par M. E. D. Milliet. (In-8°. 208 pp. 1 fr. 5o). Le volume renferme
quelques gravures qui intéresseront les élèves; il comprend deux parties : les
œuvres diverses et les discours politiques; il se termine par le récit des derniers
moments de Mirabeau (Cabanis) et par les jugements de Thiers, Louis Blanc, Miche-
let, Lamartine et Victor Hugo sur le grand orateur. M. Milliet ignore peut-être qu'un
Allemand, M. H. Fritsche, directeur du gymnase de Grûnberg, a fait paraître en
1878, dans la collection Weidmann, un recueil à peu près semblable au sien ; mais
1. Voy. notamment Cat. Didot, 1879, nos 450 et 457.
2. C'est pour les frères Richard que Mathieu Cherchelé a imprimé le Manuel
royal de Jehan Brèche, que nous avons cité ci-dessus.
3. Une Association d'imprimeurs et de libraires parisiens, p. 42.
:i HIKiUIH!'. Kl UK L!t l t'.HA î UKK 9-1
ce recueil ne comprend que les discours de Mirabeau {Ausgewxhlte Reden Mira-
beau s, trois petits volumes in-8°, chacun de i3o pages).
— La Société asiatique a célébré, le 3o juin dernier, son 60e anniversaire. M. Er-
nest Renan, dans son rapport annuel, a énuméré les travaux de l'année et constaté
les progrès accomplis, en France,- par les études orientales. M. E. Senart a donné
ensuite lecture d'un mémoire sur les origines du théâtre indien. Il s'est surtout at-
taché à indiquer la place que le drame occupe dans le mouvement littéraire de
l'Inde, et, sans nier entièrement l'influence grecque, il a revendiqué pour le théâtre
indien une part d'originalité plus grande que certains savants allemands ne pa-
raissent disposés à lui reconnaître. — Le bureau de la Société asiatique est ainsi
composé : Président honoraire : M. Barthélémy Saint-Hilaire. Président : M. A.
Régnier.^ Vice-présidents : MM. Defrémery et Barbier de Meynard. Secrétaire :
M. Ernest Renan. Secrétaire-adjoint : M. Stanislas Guyard.
— M. J. B. Mispoulet, avocat à la cour d'appel, docteur en droit, ancien élève de
l'Ecole des Hautes Etudes, vient de publier le premier volume d'un ouvrage intitulé
Les institutions politiques des Romains ou exposé historique des règles de la cons-
titution de l'administration romaine depuis la fondation de Rome jusqu'au règne
de Justinien. Ce premier volume (Paris, Pedone-Lauriel. In-8°, xi et 3go p.) a pour
titre La constitution et renferme quatorze chapitres; [Les origines] Institutions pri-
mitives ; — La constitution royale jusqu'au règne de Servius Tullius ; — La cons-
titution servienne ; — [La République] Caractère du gouvernement consulaire. —
Des magistratures en général; — De chaque magistrature en particulier; — Le
sénat ; — Les comices; — [Du règne d'Auguste à celui de Dioclétien] La constitu-
tion impériale ; — Les anciens pouvoirs de la République, magistratures, comices,
sénat; — Attributions respectives des pouvoirs publics ; — Des nouvelles fonctions
créées sous l'empire ; — [Du règne de Dioclétien à celui de Justinien] Le pouvoir
impérial, les fonctionnaires ; — Les anciens pouvoirs. • Un de nos collaborateurs
rendra plus amplement compte de ce volume.
— Le tome premier du grand ouvrage de M. Madvig sur l'Etat romain, — ouvrage
dont la Revue critique rendra compte très prochainement — vient de paraître dans
une traduction française due à M. Charles Morel (L'état romain, sa constitution et
son administration, par J. M. Madvig, traduit par Ch. Morel. Tome premier. Pa-
ris, F. Vieweg. In-8°, ix et 296 p.) « C'est d'après le texte allemand, dit M. Ch. Mo-
rel dans son avant-propos, que cette traduction a été faite, mais comme ce texte est
malheureusement assez fautif et diffus, j'ai eu recours à l'édition danoise, surtout
pour contrôler les renvois et les citations... je crois avoir rempli scrupuleusement
ma tâche en m'appliquant à rendre toujours la pensée originale avec toute l'exacti-
tude que comporte la diversité des langues. Je me suis efforcé de couper les périodes
trop longues, farcies de relatifs et de corrélatifs. Dans l'original, les renvois, les ci-
tations et souvent des explications d'une certaine étendue étaient intercalés dans le
texte même, entre parenthèses, empêchant de suivre le texte général, tandis que
d'autres remarques étaient placées au bas des pages. Jamais le public français n'eût
admis une disposition pareille ; j'ai donc dû rejeter en notes tous ces renvois et n'ai
laissé, dans le texte, entre parenthèses, que les termes techniques latins et grecs et
certaines définitions importantes; parfois j'ai fait passer des notes dans le texte,
certaines observations qui me paraissaient pouvoir se fondre dans l'exposé général.
Je me suis permis d'ajouter de mon chef, entre crochets, quelques brèves annota-
tions destinées soit à faire mieux comprendre la pensée de l'auteur, soit à relever
de légères erreurs de détail qu'il me paraissait impossible de ne pas rectifier. »
— M. Henri Chevreul poursuit la publication de ses Pièces sur la Ligue en Bour-
g6 RKVUE C1UTJQUB
gogne. Le nouveau volume qu'il vient de publier (Martin, {petit in-S°, xi et 70 p.)
renferme : i° Vie et faits héroïques du mareschal d'Aumont, avec la quenouille des
dames d'Autun (1 591) ; 20 La prinse de la ville d'Autun par le mareschal de Biron
^ 1 595) ; 3° Réduction de la ville et du château de Beaune, le 5 février«(i595) par Le-
maidon; 40 Discours sur le combat de Fontaine-Françoise (i5g5); 5° Lettre du roy
à MM. du Parlement et de la Cour des comptes (i5g5).
— M. E. Ducéré a fait tirer à part (bulletin de la Société des sciences, lettres et
arts de Pau, 2e série, tome X. Bayonne, Hourquet. In-8°, 169 p.) une étude sur
Y armée des Pyrénées occidentales, éclaircissements historiques sur les campagnes
de I7g3, 1794, i7g5.
— M. F. Hervé-Bazin, professeur à l'Université catholique d'Angers, a publié les
Mémoires et récits de François Chéron, son grand-père (Tardieu , in-120, vin et
280 p., 3 fr. 5o) Chéron, né en 1764, et mort en 1827, fut toute sa vie un roya-
liste; membre du conseil secret de Louis XVI au 10 août, emprisonné par la Con-
vention et sauvé de la mort par le 9 thermidor, combattant du i3 vendémiaire, il
attaqua le Directoire dans un journal, la Défense, qui fut supprimé au 18 fruc-
tidor. Sous la Restauration, de 1818 à 1825, Chéron fut commissaire du roi près
le Théâtre-Français; aussi connut-il les principaux écrivains de l'époque, et l'on
trouvera dans ses Mémoires un certain nombre de lettres inédites de Nodier, An-
celot, Andrieux, Quatremère de Quincy, Parceval-Grandmaison, Victor Hugo, etc.
— L'imprimerie nouvelle de Pithiviers va réimprimer à petit nombre, avec notes
explicatives (deux vol. in-8% 3o fr.) Y Histoire générale des pays du Gastinois, Se-
nonois et Hurpois, de dom Guillaume Morin.
— Un Traité du blason en deux volumes in-4", ornés de plus de 3oo blasons co-
loriés, doit paraître prochainement; l'auteur est M. le comte Amédée de Foras, déjà
connu par un Armoriai de la Savoie.
— L'Académie des sciences morales et politiques a, dans sa séance du 17 juin, dé-
cerné le prix du budget {Histoire du pouvoir royal et des institutions françaises sous
les premiers Capétiens jusqu'à Philippe-Auguste) à M. Achille Luchaire, professeur
à la Faculté des lettres de Bordeaux. Ce prix, dont la valeur a été doublée, est de
3,ooo fr. — L'autre prix du budget (Les origines et les caractères de la chevalerie
et de la littérature chevaleresqui, n'a pas été décerné; le concours est prorogé pour
1884. — La question suivante : <c Examiner quels furent les caractères distinctifs de
la politique de Charles V,par quels moyens ce prince sut reconstituer la puissance
royale et faire respecter son autorité sans recourir aux procédés de gouverne-
ment qui étaient en usage sous ses prédécesseurs et qui se renouvelèrent après lui»
est mise au concours pour l'année i885 (terme de rigueur, 3i décembre 1884).
— L'Ecole libre des sciences politiques met tous les ans au concours entre ses
anciens élèves diplômés une bourse de 4,000 fr. destinée à défrayer un voyage
d'études à l'étranger. Le lauréat du dernier concours, qui a eu lieu le 24 juin,
est M. Bedout, attaché au ministère des affaires étrangères; le travail couronné a
pour titre « La jurisprudence des cours d'amirauté anglaise pendant la révolution et
le premier empire ».
— La Revue nouvelle d'Alsace-Lorraine paraîtra désormais une fois par mois, et
non plus deux fois; la livraison sera augmentée d'une ou deux feuilles ; le prix sera
abaissé (12 fr. 5o au lieu de 2b fr.). »
ALLEMAGNE. — La première moitié des mémoires et communications lus au
cinquième congrès des Orientalistes (Berlin, septembre 1881), vient d'être distri-
buée. Ce volume contient les travaux de la section sémitique et de la section
africaine. Nous y remarquons un article de M. Dieterici sur La prétendue théologie
d'histoire et de littérature 97
d'Aristote che% les Arabes; une notice de M. Golénischeff sur le travail de
M. Stassof intitulé : « Remarques sur les Rous d'Ibn Fadhlân et d'autres auteurs
arabes »; une étude de M. Spitta sur La géographie de Ptolémée cheç les Arabes;
un rapport de*M. Guillen Roblçs, sur l'Etat actuel des études arabes en Espagne.
Suivent plusieurs travaux signés Ethé, Christ. Ginsburg, A. Merx, Sp. Papageor-
gios et Emil Kautzsch, et intitulés respectivement : Les tensons persans ; Les Alephs
marqués du daguesch, dans le ms. de Karlsruhe ; Remarques sur la vocalisation
des Targums; Hymnes remarquables en usage dans les synagogues de Corfou;
Une inscription énigmatique du Nord de l'Afrique. M. Oppert expose ensuite les
résultats des fouilles de M. de Sarzec en Chaldée. M. Paul Haupt publie une
esquisse de la langue suméro-accadienne. M. Kessler cherche les origines du
gnosticisme dans l'antique religion babylonienne. M. Sayce annonce qu'il prépare
un mémoire étendu sur les inscriptions en langue inconnue du lac de Van : « De-
« puis plusieurs années, dit-il, j'étudiais les inscriptions cunéiformes de Van dans
« l'intention de les déchiffrer quand une brillante découverte de M. Stanislas
« Guyard vint répandre des flots de lumière sur une partie de ces inscriptions et
« m'encouragea à continuer mes recherches, qui ont eu pour résultat, je crois, une
« complète interprétation de ces textes intéressants. La découverte de M. Guyard
« consiste en ce qu'il a reconnu qu'une formule revenant fréquemment avec plus ou
« moins de variantes à la fin de ces inscriptions est une formule imprécatoire ana-
« logueà celle qui termine ordinairement les documents assyriens ». Après l'article
de M. Sayce, le P. Strassmaier publie une longue série d'anciens contrats babylo-
niens provenant de Warka. La section africaine est remplie par les travaux suivants :
Naville, L'édition thébaine du Livre des Morts ; Maspero, Sur la cachette décou-
verte à Dêr-el-Baharî en juillet 1881 ; Brugsch, L'ancien Tableau des Peuples en
égyptien ; Révillout, Les monnaies égyptiennes; Lieblein, Sur des textes égyp-
tiens datés; Golénischef, Sur un ancien compte égyptien (rappelant certains récits
de l'Odyssée et des voyages Je Sindibâd le marin) ; Cust, Etat de la science sur les
langues de l'Afrique.
— Les Historische Studien publiées à la librairie Veit par les professeurs d'his-
toire de l'Université de Leipzig, MM. W. Arndt, C. von Noorden, etc., et leurs élè-
ves, viennent de s'augmenter de deux fascicules nouveaux; le III8, dû à M. Rich.
Mùller, Er^bischof Aribo von Main% i02i-io3i , avec une introduction de M. R.
Paul (In-8°, vi et 62 p. 1 mark 60), et le IVe, dû à M. Paul Meyer, Die Fortset^er
Hermann's von Reichenau, ein Beitrag \ur Quellengeschichte des XI. Jahrhun-
derts, avec une introduction de M..C, von Noorden (in-8°, ni et 5g p. 1 mark 60).
— « L'université allemande de Dorpat à la lumière de l'histoire et du présent »
(Die deutsche Universitœt Dorpat im Lichte der Gcschichte und der Gegenwart,
eine historische Studie auf dem Gebiete œstlicher Culturkœmpfe) , tel est le titre
d'un ouvrage dont la seconde édition vient de paraître à la librairie Brockhaus, de
Leipzig; c'est, dit le prospectus, une « protestation énergique contre les actes de
violence dont les slavophiles russes menacent le Deutschthum en Livonie et surtout
l'Université de Dorpat ».
— M. Karl Weinhold, professeur à l'Université de Breslau, dirige une nouvelle
collection d'études relatives aux langues et littératures germaniques; cette collection,
qui porte le titre de Germanistische Abhandlungen, sera consacrée à des recherches
littéraires et grammaticales, à des publications de textes, à des travaux sur l'his-
toire de la vie de la nation germanique à ses diverses époques; les fascicules de la
collection paraîtront à intervalles indéterminés, chez l'éditeur W. Koebner, de Bres-
lau. Les trois premiers fascicules des Germanistische Abhandlungen sont sur le point
98 REVUE CRITIQUE
d'être publiés; en voici les titres : I. Beitrœge pim Leben und Dichten Daniel Cas-
pers von Lohenstein, par M. Conrad Mûller; II. Der Mantel, Stiick eines grœsseren
Gedichtes Heinrichs vom Tùrlein, par M. Otto Warnatsch ; III. Untersuchungen ùber
die Worlstellung im Allhochdeutschen, par M. Joseph Starker.
— La « Société de philologie allemande », de Berlin, publie, tous les ans, depuis
1879, à la librairie Calvary, une revue bibliographique des ouvrages relatifs à la
philologie germanique. (Jahresbericht ùber die Erscheinungen auf dem Gebiete der
germanischen Philologie) . Le troisième volume, consacré à l'année 1881, vient de
paraître.
— Il vient de paraître à la librairie Grieben (L. Fernau) à Leipzig, la treizième
édition du Dictionnaire des synonymes de la langue allemande d'Eberhard (Johann
August Ebehard's synonymisches Handwœrterbuch der deutschen Spraché). La
douzième édition avait paru par les soins de Frédéric Ruckert; la treizième est pu-
bliée, avec de nombreux remaniements, par MM. Otto Lyon et F. Wilbrandt.
— La Société philosophique de Berlin, fondée en 1842, publiait depuis l'année
1875 dans des fascicules paraissant à époques indéterminées, ses mémoires desti-
nés au grand public; elle a publié ainsi jusqu'au commencement de cette année
vingt-deux fascicules ou Hefte. Elle fera désormais paraître ses travaux sous le titre
de Philosophische Vortrœge et s'efforcera de leur donner une forme plus accessi-
ble au public; d'ailleurs elle ne publiera dans cette nouvelle série que des études re-
latives aux questions d'un intérêt général. Il paraîtra à peu près six fascicules par
an; les deux premiers seront, l'un, de M. Frederichs, ùber das realistische Princip
der Autoritœt als der Grundlage des Rechts und der Moral, et l'autre de M. Mi-
chelet, ùber die Philosophie von Herbert Spencer. Chaque fascicule coûtera 1 mark
20 (à Halle, chez C. E. M. Pfeffer [R. Stricker).
— La Faculté de théologie de l'Université de Gcettingue a mis au concours, pour
l'année i883, le sujet suivant : Justus Gesenius und seine Verdienste uni die hanno-
versche Landeskirche ; les travaux doivent être remis avant le ier janvier de l'année
prochaine.
— Le ministère prussien de l'instruction publique a donné, en date du 27 mai
1882, un nouveau règlement des examens de sortie des gymnases. Ces examens
équivalent à un baccalauréat double, à la fois ès-Iettres et ès-sciences; toutefois on
n'y demande pas de chimie. Matières de l'examen écrit : composition allemande, b
heures; latine, 5 heures; thème latin, 2 heures; version grecque, 3 heures; compo-
sition mathématique, 5 heures; celle-ci comprend quatre problèmes (planimétrie,
stéréométrie, trigonométrie, algèbre) dont l'un est en même temps un problème de
physique; on admet les dictionnaires grec, latin, et la table de logarithmes. Matiè-
res de l'examen oral : enseignement religieux, grec, latin, français, histoire et géo-
graphie, mathématiques. Matières facultatives : hébreu (version et interrogation);
dans certaines villes, polonais (thème) *. — Droits : 3o mark (fr. 37 5o). Séries : dix
candidats au plus à la fois. Point de dispenses d'âge; nul élève absolument ne peut
se présenter avant la classe Oberprima. En cas d'examen écrit excellent, dispense
de l'examen oral (seulement à l'unanimité des voix). En cas de majorité de mauvai-
ses notes, on ne peut déconseiller à l'élève l'examen oral ; on l'en exclut, si déjà
l'autorité scolaire lui avait déconseillé l'examen écrit. Un candidat refusé ne peut se
représenter que deux fois. — La commission d'examen siège dans l'établissement.
Ses membres sont les maîtres de la plus haute classe et le directeur. Son président
1 . Les candidats qui ont reçu l'instruction à domicile font, par surcroît, un thème grec et un thème
français, el sont interrogés en littérature allemande et en physique.
D'HISTOIRE ET DE LITTERATURE 99
est le commissaire du roi, c'est-à-dire en général celui des membres du conseil sco-
laire provincial à qui l'établissement ressortit en fait (en tout cas, il est désigné par
ce conseil provincial). Le commissaire du roi est armé de pouvoirs à peu près dis-
crétionnaires. — Le règlement s'écarte des prescriptions de i856 pour revenir à cel-
les de 1834. En matière religieuse, il rétablit à côté du dogme l'histoire ecclésiasti-
que. En allemand, à côté de la grammaire il fait de nouveau mention expresse de la
littérature. En latin, il mentionne de nouveau la métrique; il permet de nouveau le
dictionnaire latin, -allemand, tout en continuant d'exclure l'allemand-latin. En grec,
il remet la version à la place du thème de règles. Dans l'interrogation d'histoire, il
supprime une innovation de i836, la narration suivie. — Le thème français, jus-
qu'ici exigé, est remplacé par l'interrogation orale.
ANGLETERRE. — Les manuscrits judéo-persans récemment acquis par M. Neu-
bauer et dont M. James Darmesteter a parlé dans le n" 23 de la Revue critique, ont
été achetés par le British Muséum.
— Le prochain volume (le XIVe) de YEncyclopaedia britannica renfermera, entre
autres articles importants : Keats et Landor, de M. Swinburne; Kurdistan, de
sir H. C. Rawlinson ; La Fontaine, de M. George Saintsbury ; Landlord and tenant,
de M. E. Robertson; Latin language, de M. Wilkins; Latium, de M. Bunbury;
Lebanon, de M. Socin ; Leonardo, de M. Sidney Col vin; Leopardi, de M. Garnett;
Lessing, de M. James Sime; Lévites, de M. Robertson Smith; Locke, de M. Fraser;
London, de MM. Henderson et Wheatley.
— Un comité dont font partie l'archevêque de Cantorbéry, l'évêque de Durham, le
doyen de Westminster, etc., s'est formé pour aider à l'achèvement des fouilles entre-
prises à Ephèse sur l'emplacement du temple de Diane sous la direction de M. J. T.
Wood.
— Les deux prochains volumes de la collection des « English men of letters »
seront : Swift, de. M. Leslie Stephen et Sterne, de M. H. D. Traill.
— M. Furnivall termine pour la New Shakspere Society l'édition de la seconde
partie de YAnatomie of abuses de Phillip Stubbes.
— On annonce la prochaine publication du Journal que tint M. Nassau W. Senior
durant son séjour en Egypte dans l'hiver et au printemps de l'année i855-i856.
— M. Eirikr Magnusson, de Cambridge, vient de terminer son édition de la Saga
of Thomas à Becket, qui sera publiée dans les « Rolls Séries ».
— Le Rev. W. Forbes Leith, de la Compagnie de Jésus, doit faire paraître dans
quelque temps un travail sur les Ecossais au service de France (The scots men-at-
arms in the service of France).
SOCIETE NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 12 juillet..
M. Ulysse Robert lit une note sur une commande de vitraux pour l'église de
Loheac en Bretagne, faite en 14Q4 par Thomas de Riou, argentier d'Anne de Breta-
gne, à un peintre verrier de Paris nommé Amé Pierre. Ces vitraux, au nombre
de r3, à deux meneaux, devaient représenter « 78 histoires de la généalogie de
Mwe Saincte Anne » ; le prix convenu, pour l'exéeulion et la pose, était de 3oo li-
vres tournois.
M. Prost communique la découverte, faite au Sablon près de Metz, d'un édifice
romain octogone et de deux cippes dédiés à une déesse précédemment inconnue,
Scovellauna.
100 REVUE CRITIQUE D HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
M. Héron de Villefosse signale la trouvaille faite par M. A. Farges à Khenchela
(province de Constantine), d'un plomb portant la légende Genio Tus-dritanoru(m)
« au génie des habitants de Thysdrus » (Aujourd'hui El-Djem). Il informe ensuite
la Société que des travaux sont en cours d'exécution au Louvre, sous la direction de
M. Edmond Guillaume pour placer la Victoire montée sur la proue de galère qui lui
servait de base, en haut du nouvel escalier de M. Lefuel. Des lettres d'appareil
ont été découvertes sur les blocs dont la base était composée.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 21 juillet 1882.
M. le secrétaire perpétuel donne lecture de son rapport trimestriel sur les travaux
de l'Académie. Ce rapport sera imprimé.
M. Ch. Nisard continue la lecture de son mémoire sur l'état incertain et précaire
de la propriété littéraire vers le milieu du xve siècle.
M. Le Blant lit un mémoire intitulé : Les chrétiens dans la société païenne aux
premiers âges de l'Eglise. Après avoir rappelé qu'en théorie le christianisme or-
donnait à ses adeptes de s'isoler de la société païenne, de s'abstenir de tout com-
merce, de toutes relations d'affaires ou d'amitié avec les païens, de ne pas prendre
part à leurs assemblées ou cérémonies, M. Le Blant s'attache à montrer que ces
prescriptions rigoureuses n'ont jamais été exécutées ni pu être exécutées à la lettre,
3ue les chrétiens qui vécurent ainsi à part et s'abstinrent de toutes relations inter-
ites avec les païens furent le petit nombre, qu'en général les chrétiens vécurent
mêlés à la société païenne et de la même vie que les païens. Aussi Tertullien se
plaint-il de ces relations, qui lui semblent un abandon de la foi. Il dénonce, par
exemple, avec indignation le stratagème de quelques chrétiens, qui, obligés pour pas-
ser un contrat dans les formes de prêter un serment au nom des dieux, juraient par
écrit, disant que la loi chrétienne n'avait défendu que de prêter des serments, mais
non d'en écrire. Le même auteur réprouve les chrétiens qui acceptaient des fonc-
tions publiques. Il dit qu'il n'y verrait pas de mal, si l'on pouvait exercer ces fonc-
tions sans offrir ni faire offrir des sacrifices, sans pourvoir à l'entretien des temples,
sans consacrer son argent ou l'argent public aux besoins du culte païen ; mais tout
cela lui paraît impossible. Or, il est certain qu'en fait les chrétiens acceptaient sou-
vent des fonctions municipales (que d'ailleurs ils n'étaient pas toujours libres de re-
fuser) ; on en a de nombreux exemples. On sait aussi qu'il y a eu dans les légions
nombre de soldats chrétiens; or, les soldats ne pouvaient se dispenser de concourir
ou au moins d'assister, dans bien des cas, aux cérémonies du paganisme. Il faut donc
croire que les chrétiens du premier âge ont admis bien des compromis de conscience,
des accommodements avec la discipline rigoureuse de l'antique Eglise, et que celle-
ci n'a jamais été obéie à la lettre.
M. Halévy continue sa lecture sur la prétendue langue sumérienne ou accadienne,
des exemples d'écriture analogue employés dans d'autres pays. La numération écrite,
f>ar exemple, est une écriture idéographique, par laquelle .on représente des mots de
a langue parlée sans en figurer la prononciation. La syntaxe du sumérien, a-t-on
dit, est quelquefois différente de celle de l'assyrien; mais de même la construction
des nombres écrits en chiffres est différente de celle des nombres parlés, et cepen-
dant les uns représentent les autres. Ainsi nous écrivons i3, c'est-à-dire, d'après les
lois de la numération écrite, dix et trois, et nous prononçons treize, qui, étymolo-
giquement, signifie irois et dix. Le Talmud, d'autre part, témoigne de l'emploi d'une
langue conventionnelle, d'une sorte d'argot scolastique, à l'usage des docteurs juifs,
3ui ressemble à l'assyrien hiératique des textes pseudo-sumériens. On trouve même
ans l' Ancien-Testament des traces de ce langage artificiel.
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 32 — 7 Août — 1882
Sommaires i56. Perrot et Chipiez, Histoire de l'art dans l'antiquité. — 157.
Madvig, La constitution et l'administration de l'empire romain. — 1 58. Godefroy.
Dictionnaire de l'ancienne langue française. — Chronique. — Académie des Ins-
criptions.
l56. — Histoire de l'Art dans l'antiquité, par MM. Georges Perrot et
Charles Chipiez. Tome Ier, 1' Egypte. Grand in 8° de Lxxvi-879 pages; 14 planches
et 5g 1 figures. Paris, Hachette, 1882.
Le grand ouvrage dont nous signalons aujourd'hui le premier volume
aura ce mérite, entre plusieurs autres, de paraître à son heure. Il y a
vingt ans encore, il eût été trop tôt pour l'entreprendre. Si le Manuel
d'Otfried Mûller, excellent en son temps, ne suffit plus aujourd'hui, c'est
qu'il a été composé avant les découvertes qui nous ont révélé l'art orien-
tal. Le sol de l'Egypte, de l'Assyrie, de l'Asie Antérieure, de la Grèce elle-
même, réserve sans doute aux futurs explorateurs plus d'une surprise, qui
pourra modifier les idées et les théories actuellement en cours. Cepen-
dant, on connaît un assez grand nombre de monuments de provenances
et d'époques diverses, assez de résultats importants sont désormais ac-
quis à la science, pour qu'on puisse aujourd'hui, sans courir le risque
d'erreurs capitales, essayer de retracer l'histoire générale de l'art dans
l'antiquité. Cette histoire n'a encore été traitée par personne d'une fa-
çon complète. En Allemagne, le Manuel de Kûgler revu par Lubke,
l'histoire plus développée des Arts plastiques de Cari Schnaase, n'ac-
cordent pas à l'antiquité la place qu'elle mérite. Bernhard Stark, qui
avait entrepris de refaire, sur un plan nouveau, le travail d'Otfried Mill-
ier, arrêté par la mort, ne nous a laissé qu'une Introduction '. On peut
dire que l'art grec lui-même a été étudié plutôt par parties que dans son
ensemble. Nous possédons une bonne histoire de la sculpture grecque,
celle d'Overbeck; nous ne possédons pas d'histoire complète de l'art
grec 2. Pour la Grèce, comme pour l'antiquité tout entière, l'ouvrage de
MM. Perrot et Chipiez comblera donc une lacune. Le cadre en est
nettement déterminé. De ce cadre sont exclus, pour de fort bonnes
1. On sait que cette introduction a été publiée sous le titre, de Systematik und
Geschichte der Archaeologie dev Kunst (Leipzig, Engelmann, 1880). Cf. Revue cri-
tique 1879, n° 24, art. m.
2. Nous n'oublions pas l'ouvrage de H. Brunn, Geschichte der griechischen Kùn-
stler, mais cet ouvrage, d'ailleurs si important, est plutôt, comme l'indique son ti-
tre, une histoire des artistes qu'une histoire de l'art lui-même.
Nouvelle série, XIV. 6
102 REVUE CRITIQUE
raisons, l'art préhistorique et celui de l'extrême Orient. L'antiquité dont
il y est question, c'est, outre l'antiquité classique proprement dite, celle
qui a été en rapport direct ou indirect avec la Grèce. La Grèce formera
donc « comme le centre et le cœur » de l'ouvrage. Ce que les auteurs
se sont proposé, c'est avant tout d'écrire une histoire de l'art hellé-
nique , mais une histoire de l'art hellénique qui a pour intro-
duction nécessaire l'étude de l'art chez les peuples de l'Orient, pour
épilogue non moins nécessaire, l'étude de l'art des peuples italiotes.
Tel est, dans sa simplicité et dans son unité, le plan général de l'œu-
vre. Pour l'exécution de ce plan, M. P. a jugé bon de s'adjoindre un
collaborateur. Si l'on songe que ce collaborateur est M. Chipiez1, on es-
timera que cette association ne peut avoir que d'heureux résultats. D'une
part, en effet, la division du travail permet d'espérer l'achèvement rela-
tivement prompt de l'ouvrage; de l'autre, on peut être assuré qu'aucune
question technique n'aura été négligée, que l'architecture trop souvent
sacrifiée, et pour cause, par les archéologues, occupera dans l'ensembie
de cette histoire la place qui lui appartient, que tous les soins possibles
seront donnés à la reproduction fidèle des monuments et à la bonne exé-
cution des figures.
Ce premier volume est consacré à l'histoire de l'art en Egypte. Quel-
ques personnes eussent peut-être souhaité que cette histoire fût écrite par
un égyptologue. Notre avis est qu'il ne faut pas se montrer sur ce point
plus exigeant que les égyptologues eux-mêmes qui déjà se sont pronon-
cés. G. Ebers, tout en formulant quelques objections de détail, s'est plu
à reconnaître hautement 2 l'exactitude générale des informations recueil-
lies par M. P., et leur parfait accord avec l'état actuel de la science. Il
y a, dans un pareil témoignage, de quoi rassurer toutes les inquiétudes.
On s'aperçoit bien vite d'ailleurs de la prudence qui a présidé à ces in-
formations. Il est telles parties du sujet où il eût été périlleux de viser à
l'originalité. M. P. s'est donc plusieurs fois borné à se faire le rappor-
teur des travaux et des opinions des savants spéciaux. L'exposition des
idées des Egyptiens sur l'autre vie — idées sans lesquelles on ne peut
comprendre l'architecture funéraire — est en partie empruntée à M. Mas-
pero 3. La description du mastaba, ou de la plus ancienne tombe privée
de l'Ancien Empire, est donnée presque textuellement d'après Manette,
qui a ouvert le plus grand nombre de ces sépultures. On trouve ainsi,
méthodiquement groupés et mis en œuvre, les renseignements les plus
sûrs, puisés aux meilleures sources.
i. M. C. est l'auteur d'une Histoire critique des origines et de la formation des
ordres grecs, couronnée, en 1877* par l'Académie des Inscriptions (Cf. Rev. criti-
que, 1876, II, p. 374). Aux Salons de 1878 et de 1879, les connaisseurs ont remar-
qué ses Essais de restauration d'un temple grec hypaethre et des tours à étages de
laChaldée.
2. Dans le Centralblatt, n° du 4 mars 1882.
3. M. P. nous avertit qu'il a beaucoup consulté et beaucoup fait causer M. Mas-
pero, avant son départ pour le Caire.
D'HISTOIRE ET DE LtITÉRATURE 103
Ce n'est pas une histoire complète de Part égyptien, depuis ses ori-
gines jusqu'à sa décadence, que les auteurs ont prétendu écrire. La série
des monuments qu'ils ont Voulu étudier s'arrête à la conquête perse,
c'est à dire au moment où l'art égyptien a accompli son évolution et
épuisé sa force créatrice. A quoi bon parler longuement d'un art qui dé-
sormais se répète et se copie lui-même? S'il esta peine question des mo-
numents de l'Egypte ptolémaïque, en revanche une place très large est
faite à ceux de l'Ancien Empire. Personne ne se plaindra de cette heu-
reuse disproportion. L'art de l'Ancien Empire, cet art antérieur au rè»
gne des conventions, qui a créé les types et façonné les moules dont se
serviront les âges suivants, est de tous à la fois le plus intéressant et le
moins connu. Les monuments qu'on en peut voir à Paris ou à Berlin
sont fort peu nombreux; c'est en Egypte qu'il faut aller les étudier.
Mais combien de personnes vont à Boulaq? 11 faut donc remercier
MM. P. et C. du soin qu'ils ont pris de décrire, après les avoir fait des-
siner, les figures les plus remarquables qui sont sorties de la nécropole
de Memphis. La simple vue de ces figures fera tomber bien des préju-
gés. Regardez le Scribe accroupi du Louvre (pi. x) et le ckeikh-el-beled
(fig. 7) du musée de Boulaq. Si vous. croyiez encore à la raideur hiérati-
que de l'art égyptien, vous n'y croirez plus.
L'histoire de l'architecture occupe plus de cinq cents pages, ç'est-à-dire
les deux tiers du volume. C'est que l'architecture est en Egypte l'art par
excellence, dont la sculpture et la peinture ne sont que les humbles ser-
vantes. Si le sculpteur travaille, c'est pour l'architecture. Les images
qu'a créées son ciseau ne sont point faites pour le regard des vivants :
enfermées dans l'épaisseur du massif de la tombe, dans le serdab muré
pour l'éternité, elles sont uniquement destinées à remplir un office reli-
gieux dans l'ensemble du monument construit et ordonné par l'archi-
tecte. De même la peinture, qui d'ordinaire se borne à orner de ses tons
vifs les parois du monument ou à compléter l'effet du modelé dans les
statues et les bas-reliefs, la peinture n'est point, en Egypte, un art indé-
pendant. On ne s'étonnera donc pas du large développement que M. P.,
grâce à la collaboration, ici très spéciale et très active, de M. C, a donné
à l'histoire de l'architecture. La matière, d'ailleurs, est tellement riche,
qu'il était impossible de l'épuiser. Il ne faut pas s'attendre à trouver
dans ce chapitre une description détaillée de tous les grands monuments
de l'Egypte. Les touristes, après l'avoir lu, auront encore besoin des
Guides d'Isambert et de Baedeker; les architectes qui désireraient avoir
les cotes des pyramides de Gizeh, ne seront point dispensés de recourir à
Vyse et à Perring; d'une façon générale, toute personne qui sera cu-
rieuse d'étudier le détail de ces questions, devra consulter le grand ou-
vrage de Lepsius et celui de Prisse d'Avennes. Cette histoire de l'archi-
tecture égyptienne se propose autre chose que d'être complète : elle vise
surtout à présenter au lecteur des résultats généraux ; elle veut lui faire
comprendre, par des exemples caractéristiques, ce qu'ont été, aux dif-
-aril . 3b2jnsmunomiîbfi£ir
io4' noiîomeshfil éalrtrï ««von critjqok
férentes époques, les deux monuments essentiels de l'Egypte : le tombeau
et le temple. \ U g ^3£jb ^noJ}eii
Le chapitre sur l'architecture funéraire sera lu par tout le monde avec
un grand intérêt : d'abord, parce qu'il n'exige, pour être compris, pres-
que aucune connaissance technique ; ensuite, parce que la construction,
si originale, de la tombe égyptienne, est éclairée d'une vive lumière par
l'exposition des idées particulières aux Egyptiens sur l'existence des
âmes après la mort. Ici encore, plus d'une idée fausse devra céder devant
la réalité des faits. S'il y a dans le tombeau égyptien, sous le Moyen
Empire comme sous l'Ancien et le Nouveau, des éléments toujours
identiques (le puits et le caveau), rien de plus varié que les dispositions
prises par les architectes, suivant les temps, suivant aussi la matière
qu'ils emploient ou le roc qu'ils attaquent. Quant aux pyramides, il n'y
en a pas deux qui se ressemblent exactement. La pyramide méridionale
de Dachour, dont l'inclinaison change vers le milieu de sa hauteur, la
pyramide à degrés de Sakkarah démontrent jusqu'à l'évidence que tous
ces monuments « ne sont pas des épreuves d'un même modèle coulées
dans des moules de différentes grandeurs. » Il faut donc se garder de
prononcer le mot d'uniformité à propos de la tombe privée ou de la
tombe royale égyptienne. Ce mot serait contraire à la vérité des choses. —
Dans ce chapitre si intéressant, il n est qu'un point où l'esprit du lecteur
reste dans le doute : c'est au sujet de la construction des pyramides. Le
système qui considère toute pyramide de grande dimension comme ayant
pour noyau une pyramide plus petite, et comme formée par la superpo-
sition de plusieurs enveloppes pyramidales, système qui paraît être en
faveur en Allemagne, est discuté ici et contesté. Les objections qui y sont
faites paraissent très fortes; mais rien n'y est substitué'. Les auteurs
laissent bien entendre que les tombes royales n'ont pas été toutes cons-
truites d'après un système unique, mais ils oublient de nous dire quels
étaient ces systèmes différents. S'il y a là une difficulté qui ne soit pas
encore résolue, peut-être eût-il mieux valu ne pas soulever la question
que la laisser en suspens.
Il était plus facile de faire comprendre la tombe que le temple, qui est
beaucoup moins simple. 'L'ordre adopté dans cette seconde étude est
l'ordre même dans lequel les objets s'offraient aux regards des visiteurs.
On trouvera donc décrits successivement les abords du monument (dro-
nios, avenues de sphinx, etc.), puis les pylônes, puis le monument lui-
même dans son ordonnance la plus générale. L'exemple choisi, pour
rendre sensible cette ordonnance, est le temple de Khons à Karnak, qui
a cet avantage d'être bien conservé et d'offrir réunis les traits principaux
qui caractérisaient le temple égyptien. Les auteurs ne s'en tiennent point
i. On nous dit bien (p. 202) que la pyramide est née du tertre, qu'elle est le ter-
tre bâti. Mais on ne voit pas quels étaient les procédés employés pour cette bâ-
tisse.
d'histoire kt jûk littératurb io5
cependant à cet exemple : ils entreprennent ensuite de nous expliquer,
dans leur diversité et leur complication, les grands monuments de Thè-
bes. Les figures prêtent ici le concours le plus utile à la description. Nous
sommes hors d'état d'apprécier la valeur des vues perspectives et des res-
taurations dues à M. G.; mais il nous sera permis de constater que, grâce
à ces figures, la disposition des temples de Karnak, de Louqsor,du Ra-
messéum, est rendue aussi claire que possible, et qu'on ne peut avoir lu
attentivement ce chapitre, sans en emporter une idée nette des caractè-
res dominants du temple égyptien. Quelques pages seulement sont con-
sacrées à l'architecture civile et militaire dont il est resté peu de traces;
après quoi, on arrive à l'étude de la construction, à celle des ordres et à
l'analyse des formes secondaires. On remarquera surtout les développe-
ments relatifs à la voûte, au pilier et à la colonne. Les origines de la co-
lonne égyptienne ont déjà suscité plus d'une hypothèse. En général, on
croit y reconnaître une copie de formes végétales : les colonnes à chapi-
teaux campaniformes seraient une imitation du papyrus et de sa pani-
cule; les colonnes à chapiteaux dit lotiformes, une imitation du lotus.
Une comparaison soigneuse des soit-disant modèles avec les prétendues
copies montre qu'il entre dans ces rapprochements une part de fantaisie,
et nous ne sommes point surpris que MM. P. et C. écartent cette hypo-
thèse. Us lui en substituent d'ailleurs une autre, voisine de celle-ci, mais
plus modeste, en ce sens qu'elle ne prétend expliquer que le chapiteau
tout seul et non la colonne, laquelle sans doute dérive simplement du pi-
lier quadrangulaire. « 11 est possible que, les jours de fêtes, on ait entouré
de branchages et de fleurs les soutiens de bois et de pierre qui portaient le
plafond des portiques... Par le bas et par le haut, lotus et papyrus ve-
naient s'attacher au pilier qu'ils tapissaient. Les feuilles radicales traî-
naient à terre au pied du fût, tandis que les feuilles terminales et les
fleurs s'étalaient en corbeilles sous l'architrave; elles élargissaient le cha-
piteau, quand il en existait un; elles suppléaient à son absence, lorsqu'il
faisait défaut... Pourquoi l'architecte, quand il éprouva le désir d'em-
bellir et d'orner sa colonne de pierre, ne se serait-il pas inspiré de ce dé-
cor ' ? » La conjecture est assurément séduisante et ne manque pas de
vraisemblance ; mais n'est-il pas encore plus sage de dire que a dans les
lointains de ce passé, entreprendre de suivre l'obscure genèse de chaque
forme d'art, ce serait risquer de perdre bien du temps en conjectures
douteuses ?»— Ce vaste chapitre de l'architecture, si instructif et si plein,
ne nous paraît avoir qu'un léger défaut ; c'est qu'il empiète parfois sur
celui de la sculpture. Je sais bien que c'eût été donner une idée incom-
plète de la tombe et du temple que de passer sous silence les statues et
les bas-reliefs qui y étaient enfermés ; mais ne pouvait-on se borner à
les indiquer et en réserver pour plus tard la description? Il est nécessaire,
en effet, d'y revenir, de les rappeler au lecteur qui n'en a plus qu'un sou-
; -'A^ggJLlU .iiajscijsjiup
i. Pag. 584.
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ilqma abbtemq aal mstoè afai/p s, ,iJsM-,ïffc* 377
.su'rt
lOÔ REVUE CRITIQUB
venir éloigné; ce qui entraîne, au chapitre de la sculpture, des redites
ou des renvois peu commodes '.
La part, même ainsi limitée, faite à la sculpture, est encore assez
large pour en mettre en relief tous les caractères essentiels. Quant à la
statuaire, il y avait à distinguer entre les statues privées, les effigies roya-
les et les images divines. Les premières, sous l'Ancien Empire, sont de
véritables portraits, saisissants d'expression et de réalité : Râ-Hotep et
Nefert (planche IX) sont des personnages vivants. Dans cet art que l'on
a cru longtemps un art de convention, la ressemblance individuelle, dès
une haute antiquité, a été poursuivie et saisie par les artistes. Gomment
ne comprendrait-on pas mieux cette qualité de la statuaire de l'Ancien
Empire, quand elle nous est présentée comme une conséquence des
croyances funèbres des Egyptiens? Il fallait au double, au fantôme qui
survit à la mort, un appui matériel, un corps de pierre qui remplaçât le
corps de chair : ce corps nouveau devait reproduire fidèlement, minu-
tieusement, tous les traits de son modèle; autrement, il n'eût pas rempli
l'office qu'on attendait de lui. C'est à cette croyance que nous devons
les chefs-d'œuvre de la sculpture égyptienne. Les effigies des rois, avant
le règne des conventions, sont également des portraits. Les images de
Chéphren sont très différentes de celles de ses successeurs, et Améno-
phis III ne ressemble guère à Aménophis IV. Il faut aller voir au Lou-
vre ce triste personnage 2 pour comprendre comment la fidélité de l'imi-
tation devait être une loi qui s'imposait aux artistes. Mais cette fidélité,
il n'était pas toujours facile d'y atteindre : beaucoup de ces statues roya-
les devaient, en effet, être taillées dans le granit, dans le basalte ou dans
la diorite. Après M. Soldi 3, MM. P. et G. ont montré comment l'em-
ploi des roches dures et l'imperfection des outils ont été pour la statuaire
égyptienne des causes nécessaires d^nfériorité. Ils nous expliquent éga-
lement les raisons diverses qui ont fait que les images divines ont moins
bien inspiré les artistes égyptiens que les portraits privés et les effigies
des rois. Une de ces raisons, c'est l'usage adopté de mêler, dans les re-
présentations des dieux, les formes animales aux formes humaines. Gé-
néralement, on explique ce fait en disant que les caractères spécifiques
de l'animal étaient un procédé commode pour distinguer les uns des au-
tres les personnages multiples du panthéon égyptien. M. P. en cher-
che, plus justement, la raison dans ce culte fétichiste des animaux qui a
dû être la plus ancienne religion de l'Egypte où il a toujours eu de pro-
fondes racines dans les croyances populaires.
i. Pages 698-699, on ne trouve pas moins de seize renvois à des figures déjà don-
nées et précédemment décrites. On eût aimé d'en avoir ici quelques-unes en regard
du texte.
2. Cf. la notice consacrée par M. Maspero à la statuette d' Aménophis IV, dans la
3e livraison des Monuments de l'art antique publiés sous la direction de M. Rayet.
3. La Sculpture égyptienne (Paris, Leroux, 1876). Cf. Rev. critique, n° du 4 no-
vembre 1876.
> d'histoire et de littérature 107
En Egypte, le peintre n'est qu'un artisan chargé d'étendre la cou-
leur par tons entiers et plats, dans le champ que lui a tracé le dessina-
teur. La peinture égyptienne ne pouvait donc fournir matière à de longs
développements. On s'étonnera cependant de ne pas trouver ici un plus
grand nombre de planches en couleur. Les planches XIII et XIV, où l'on
est revenu avec succès au procédé de Vaqua tinta, sont, il est vrai, deux
brillants spécimens de l'ornementation polychrome de l'Ancien Empire.
Mais, pour la figure, les planches font défaut. Cette lacune tient à un
scrupule des auteurs qui, manquant d'études faites pour eux sur les ori-
ginaux, n'ont pas. voulu emprunter à Champollion, à Lepsius ou à
Prisse des copies dont ils n'auraient pu garantir la complète fidélité. La
raison est excellente, mais il est permis de regretter que les mêmes ar-
tistes qui ont relevé sur place les tons du tombeau de Phtah-Hotep,
n'aient pas fait cela pour d'autres monuments.
Cette observation nous amène à dire quelques mots des gravures qui,
dans ce livre, sont autre chose encore et mieux qu'un ornement. Les
figures sont comme les documents d'une histoire de l'art : il importe
avant tout que ces documents soient transcrits exactement. Les auteurs
et les éditeurs n'ont épargné aucun soin pour cet objet. On trouvera
dans ce premier volume un grand nombre de monuments inédits, qui
ont été dessinés au musée de Boulaq par deux artistes envoyés tout ex-
près en Egypte; un autre artiste a été chargé de reproduire les monu-
ments les plus importants du Louvre. Bien qu'il y ait dans ce volume
plusieurs belles planches, il faut louer les auteurs d'avoir préféré au luxe
qui éblouit l'exactitude qui instruit ', à la magnificence la sincérité, qui
est la première qualité de toute reproduction artistique. C'est à ce be-
soin d'exactitude que répondent les nombreuses gravures sur zinc et sur
bois, placées en regard du texte qu'elles éclairent et qui en est, à son
tour, le perpétuel commentaire. L'ensemble de cette illustration fait
grand honneur à la direction générale de l'œuvre et aux- artistes qui ont
prêté leur concours à M. Chipiez. On s'assurera facilement de leur mé-
rite, en comparant les figures qu'ils ont exécutées à celles qui, dans le
bel ouvrage d'Ebers, représentent les mêmes monuments \
Sous tous les rapports, cette histoire de l'art égyptien est donc de na-
ture à satisfaire la critique. Seuls, les esprits rigoureux y découvriront
quelques longueurs 3. Mais ce livre n'a pas été écrit uniquement pour
1. Pourquoi seulement la lithochromie a-t-elle donné une teinte uniforme au
Scribe accroupi (pi. X) sans tenir compte du caleçon, qui se détache en blanc sur le
brun roux du corps?
2. Comparez, par exemple, la statue de Chéphren (Perrot, p. 678; Ebers, I, p. 172
de la traduction française), le Scribe (Perrot, pi. X; Ebers, I, p. i53), le cheik-el-be-
led (Perrot, p. 11 ; Ebers, II, p. 5i). Les gravures de l'ouvrage d'Ebers, d'ailleurs si
remarquable au point de vue pittoresque, sont poussées au noir d'une façon désa-
gréable.
3. Ces longueurs, dont on ose à peine faire une critique, puisqu'elles se rattachent
108 REVUE CRITIQUE
eux. La plupart des lecteurs auxquels il s'adresse ne se plaindront pas,
au contraire, de ces larges développements qui ont l'avantage de mettre
les idées dans tout leur jour; ils ne résisteront pas à l'attrait de cette fa-
cile et lumineuse exposition, qui sait être précise quand il le faut, mais
qui, le plus souvent, se déroule avec l'ampleur et l'abondance d'un
fleuve puissant. Ce premier volume annonce et promet une œuvre ca-
pitale. Personne n'a été surpris d'apprendre qu'il paraît à Leipzig l une
traduction allemande de l'Histoire de l'art dans V antiquité. Le succès
de l'ouvrage est désormais assuré à l'étranger. Ce succès devra être en-
core plus grand chez nous où, mieux que partout ailleurs, on apprécie
les œuvres qui, à la solidité indiscutable de la science, joignent des qua-
lités maîtresses d'ordre, de méthode et de goût, et qui sont douées, en
outre, de ce charme souverain du style, qui semble n'être d'ailleurs que
la parure indispensable d'une histoire de l'art. Tout le monde fera donc
des vœux pour l'heureux et régulier achèvement de cette grande entre-
prise, destinée à servir avec éclat, en tout pays, les intérêts de la science.
P. Decharme.
157. — J.-N. Madvig. Oie Verfassang and Verwaltung des rœmisclien
stnats (traduit du danois). Tome I, Leipzig, Teubner. 1881, in-8° de xiv-5o,6 p.
Prix : 12 mark.
On ne saurait parler du livre de M. Madvig qu'avec un sentiment de
profond respect. C'est presque l'œuvre la plus considérable d'un des
hommes de notre siècle qui ont le plus aimé et le mieux connu le
monde romain. A l'âge de vingt ans, il promettait de consacrer à l'anti-
quité sa vie tout entière, et il a tenu parole : ni les devoirs de l'ensei-
gnement, ni de hautes fonctions administratives ne l'ont détourné un ins-
tant de ses chères études. Malade, âgé de quatre-vingts ans, aveugle, il
les continue avec la même ardeur, la même tranquillité d'âme, aidé par
ses enfants, qui sont pour lui des secrétaires admirables de dévouement.
M. M. a d'abord été, il est encore avant tout un philologue. Ce-
pendant, l'histoire des institutions romaines l'a attiré de très bonne heure.
Son travail sur la condition des colonies 2 demeure le fondement de toute
étude sur les origines du droit municipal romain. On connaît ses aper-
çus sur les constitutions politiques de l'antiquité 3. Ces dernières années,
il s'est occupé des institutions militaires de la république i. Enfin ses
à la manière propre de l'auteur, sont surtout sensibles dans les développements
relatifs à la tombe du Nouvel Empire.
1. A la librairie Brockhaus.
2. De jure et conditione coloniarum popuîi romani (Opuscula philologica, I (1834),
p. 208).
3. Blick auf die Staatsverfassungen des Altertums, 1840.
4. Die Befehlshaber und das Avancement in dem rœmischen Ileere (Kleine phil.
Sclir., Leipzig, 1875); Remarques sur quelques officiers appelés praefecti dans les der-
niers temps de la rép. rom. (Revue de philologie, 1878).
I icq/jlq bJL i>, .
dh.stouœ kx de littérature ^ 109
Opuscula philologica et ses Emendationes Livianae sont remplis d'ob-
servations sur des points de détail, qui ont un prix infini pour la con-
naissance de l'histoire. En publiant un manuel des institutions romai-
nes, M. M. est donc sur un domaine qui lui appartient : son livre est le
résumé de recherches et de réflexions continuées pendant cinquante ans
de lectures sans relâche et de critique ininterrompue. ( 9§bivjw>*| sb
II. est visible toutefois que ce livre s'adresse plus particulièrement aux
philologues. Il nous offre le tableau complet de.l'administration romaine :
mais ce tableau est avant tout destiné à faciliter l'intelligence des textes
classiques, la lecture des historiens et des écrivains de l'antiquité. Ce li-
vre n'est point né, dit l'auteur dans sa préface (p. iv), du désir conçu un
beau jour d'écrire un traité sur la constitution de Rome : il a son origine
dans la pratique assidue des littératures anciennes, dans le besoin de ré-
pandre un peu de lumière sur le monde qu'elles décrivent. Aussi, la par-
tie essentielle de l'ouvrage est l'histoire politique de la Rome consulaire.
M. M. ne traite la période monarchique que pendant le temps où les
lettres conservent les vieilles traditions, où l'Etat maintient les formes
républicaines. Pour tout ce qui concerne le troisième et le quatrième siè-
cle, il ne nous donne qu'un résumé des plus rapides : car le monde anti-
que, ses institutions comme sa littérature, finit après les Antonins (p^f 28).
Dès le 111e siècle, nous sommes en présence de principes nouveaux,
diamétralement opposés à ceux dont avait jusque-là vécu le droit romain.
M. M. s'est fidèlement tenu en deçà des limites qu'il s'était tracées et qui
convenaient si bien au but immédiat de son ouvrage. Il est permis de le
regretter. Sans doute le monde où vécurent et écrivirent Ammien Mar-
cellin, Symmaque, Oaudien, s'éloigne étrangement de celui de César et
de Tite-Live : mais il n'en diffère pas plus que le siècle d'Auguste ne
diffère de la période royale et du temps des décemvirs; c'est encore un
monde romain, il y a encore une littérature romaine. Les consuls ne
ressemblent guère à ceux de l'ancienne Rome, mais il n'y a dans les
pouvoirs des uns et des autres qu'une différence de degré et non de na-
ture : ils jouissent encore au iv« siècle de ce droit d'affranchir, de
cette juridiction volontaire, qui avait été le privilège des magistratures
suprêmes. Il y a encore, au temps de Théodose, des préteurs chargés à
Rome de la nomination des tuteurs comme il y en avait sous les Anto-
nins. Le caractère antique de toutes les magistratures, de tous les pou-
voirs, se conserva toujours avec cette merveilleuse persistance qui fait
que la tradition se continue encore à la fin du iv° siècle, qui fait que,
malgré tout, de Romulus à Constantin, l'histoire romaine a son unité.
Si les préoccupations de M. M., si ses habitudes scientifiques l'ont
amené à trop restreindre le cadre de son étude, à sacrifier quelques dé-
tails d'administration et de droit public, il faut dire que son livre leur
doit d'être composé avec une méthode d'une irréprochable perfection.
Avant tout, M. M. a voulu que son ouvrage fût le résumé de tout ce
que la lecture des écrivains anciens nous autorise à affirmer sur la cons-
I 10 RKVUK CUITIQUfe.
titution romaine; 11 a cherché à concilier les écrivains qui se combat-
tent, mais dont les témoignages ne sont pas contradictoires : ceux qu'il
est impossible d'accorder, il les cite côte à côte, et refuse absolument de
se prononcer. Bien des questions, dans le droit public romain, n'offrent
pas de solution certaine, et peut-être même sont à jamais insolubles.
M. M. ne comble jamais les lacunes à l'aide d'hypothèses. 11 se borne à
dire : Voilà ce que les écrivains naus apprennent : au-delà, nous ne sa-
vons rien. Peu de livres'ont un pareil caractère de modestie et de sincé-
rité.
M. M., fait un usage constant des inscriptions : il rend souvent
hommage aux admirables efforts et aux merveilleux résultats de la
science épigraphique de notre siècle. On sent bien toutefois que le point
de départ de ses recherches pour toutes les questions, même pour l'ad-
ministration impériale, est la lecture et l'explication des textes écrits.
L'épigraphie (à part les grandes inscriptions juridiques) nous fait con-
naître surtout un mécanisme administratif. Mais il importe aussi de
savoir ce que les contemporains ont pensé de ces institutions, l'idée
qu'ils se sont faite du régime sous lequel ils vivaient : ce que nous ne
trouvons que dans la littérature. En somme, la méthode de M. M. si on
la compare à «celle des savants allemands, est moins objective que
subjective ; elle se rapproche davantage de celle dont nous trouvons
l'emploi le plus complet et le plus judicieux dans les Institutions politi-
ques de M. Fustel de Coulanges. Il en résulte que M. M. évite avec le
plus grand soin toute vue d'ensemble sur l'administration romaine qui
ne se trouve pas nettement formulée dans les écrivains de l'antiquité.
Sans cette précaution, on court inévitablement le risque d'élever de
fantaisistes constructions, d'imaginer des théories diamétralement op-
posées aux idées du monde ancien. Avec elle on renonce aux ingénieu-
ses fictions, à ces hypothèses hardies qui, il iaut bien le dire, permettent
quelquefois d'atteindre d'un seul coup la vérité tout entière. On ne trou-
vera ni les unes ni les autres dans le livre de M. M., et il serait fâché lui-
même qu'elles y fussent; mais on peut être assuré avec ce guide infailli-
ble, de ne s'écarter jamais de la certitude.
Ce que M. M. reproche surtout au Droit public de M. Mommsen,
c'est de faire dériver les institutions romaines de concepts a priori, de
principes bizarres ■ qu'il substitue aux sentiments, aux pensées des
Romains eux-mêmes. Malgré cette accusation formelle, il est impossible
de regarder l'ouvrage de M. M. comme la réfutation continuelle et
voulue du traité de M. Mommsen. Que les deux livres, surtout pour ce
qui concerne l'empire, se combattent, .non-seulement dans, l'idée géné-
rale, mais encore dans les plus petites questions de détail, cela est
certain. Mais c'est avant tout le résultat de points de départ opposés et
i. Collégialité, Dyarchie. Voyez en particulier Staatsrecht, II (*• éd.).. pp. 725
et io36.
DHISIOlHhKI DK LUTKRaIUUK III
de méthodes différentes. C'est n'avoir ni justice scientifique, ni respect
moral, que de douter des nobles paroles par lesquelles M. M. va au-
devant de cette accusation : «.Beaucoup croiront, dit-il, que j'ai voulu,
de parti-pris, rabaisser le mérite de la science allemande; ce n'est 'point
par des mots que je puis écarter ce reproche. J'ai toujours eu pour cette
science une admiration ardente, quoique réfléchie : j'ai toujours été en
même temps le zélé défenseur du droit et de l'honneur de ma patrie;
mais, dans les choses de science, je ne pense pas à la nationalité, mais à
la vérité. » Il ne nous appartient pas de commenter les paroles et les sen-
timents de M. Madvig.
La méthode de M. M. se retrouve enfin dans la composition de son
livre. Quand on renonce à toute construction a priori, il n'y a qu'un
seul ordre à suivre pour parler des institutions d'un peuple : l'ordre
dans lequel elles se sont produites. C'est le seul, en effet, qui préserve de
l'arbitraire: c'est, dans un livre de caractère aussi théorique, d'apparence
aussi abstraite que doit l'être un manuel de droit public, c'est le seul
ordre qui permette d'étudier, à côté de l'essence et du principe des
institutions, leur origine et leur développement véritables, qui permette
surtout de rattacher leur histoire à l'histoire générale des faits et de la
civilisation. Commencer une étude sur la constitution romaine par des
recherches sur les magistratures, sans parler du peuple et du sénat, c'est
réserver pour la fin ce qui est à la fois le commencement chronologique
et le fondement légal de cette constitution. On sait que le premier vo-
lume des Antiquités romaines de MM. Mommsen et Marquardt, contre
lesquels M. M. dirige ce reproche, traite de l'essence des magistratures,
le second, des fonctions des différents magistrats : le troisième sera
consacré au peuple et au sénat. Le livre de M. M. (et c'est ce qui lui
donne sur l'ouvrage allemand, une incomparable supériorité de compo-
sition et d'intérêt historique), commence ' par la définition du citoyen
romain, par l'étude des droits et des devoirs qui s'attachent à ce titre,
des conditions de ceux qui en sont privés, de la manière dont il s'obtient
(ch. i) ; M. M. examine ensuite les différentes classes entre lesquelles se
divise le corps des citoyens romains, et, en particulier, les classes des
privilégiés, patriciens, sénateurs, nobles, chevaliers, tribuni aerarii
(ch. n) ; puis vient l'étude de ce corps réuni en assemblées politiques et
veillant aux destinées de la nation, du fonctionnement de ces diverses
assemblées, comices curiates, centuriates, comices par tribus, des dispo-
sitions enfin qui y étaient prises (ch. m); M. M. passe ensuite aux diffé-
rents pouvoirs chargés du gouvernement de l'Etat, le sénat d'abord
i. Le livre est précédé d'une courte introduction sur l'histoire générale de Rome,
sur la littérature, les mœurs, la politique romaines, sur la topographie de la ville.
D'ordinaire, tous les chapitres commencent par un aperçu des sources : par exem-
ple, le chapitre sur les magistratures, par un examen des principaux traités que les
Romains ont écrits sur la question. On ne saurai.! trop remercier M. M. de cette
innovation.
I 12 KKVLJK CRIT1QUK
(ch. iv), puis la royauté et les magistratures (ch. v), enfin l'empire (ch. vi).
Le premier volume se termine par un tableau de l'administration du
bas empire tel que le présente la Notifia dignitatum.
Il est impossible d'entrer, à propos de ce livre, dans une critique de
détail. Il y échappe, non-seulement par sa nature de manuel, mais encore
et surtout par la méthode de l'auteur, qui, s'arrétant là où commencent
l'incertitude et l'hypothèse, ne s'écarte jamais de la stricte vérité. Il y a
évidemment un nombre considérable de questions qui ont prêté et qui
prêteront encore à d'éternelles discussions, et sur lesquelles les adversai-
res de M. M. ne céderont probablement pas '. Il est parfaitement inutile
de juger entre eux et lui, d'autant plus que M. M. se borne à émettre
son opinion, et se refuse absolument à discuter, ce qui aurait en effet
dénaturé le caractère de son manuel \ D'autres questions, dans le livre
de M. M., sont fortement écourtées : mais il n'y a pas, à proprement
parler, des lacunes 3. Cependant l'excès de la concision entraîne quel-
quefois l'auteur à donner le change sur sa véritable pensée : il dit, par
exemple, que les fonctionnaires étaient divisés, dans le bas empire, en
cinq classes, illustres, spectabiles, clarissimi, perfectissimi, egregii\
L'expression trahit évidemment M. Madvig. Le titre de clarissimus ne
désigne pas une certaine classe de fonctionnaires : il est héréditaire
comme la classe qu'il caractérise, noblesse de sang entièrement différente
de la noblesse, purement temporaire et hiérarchique, des spectabiles et
des illustres.
Il est cependant une partie du livre de M. M. sur laquelle il importe
i. M. M. n'admet pas qu'il y ait eu de différence entre les droits des anciens
Latins et le jus Latii tel que le définissent Asconius, Strabon, Cicéron, Oppien
(pp. 64-65); cf. au contraire Marquardt, Staatsr., I (188 1), p. 55. La loi de Malaca
est pour lui la loi d'une cité' romaine, et non latine (p. 65), contre Mommsen,
[Staatsreclit, pp. 363 sqq.). En revanche, Novum Comum reçut de César une colonie
latine (p. 3o), cf. Mommsen, Corp. Inscr. Lat., V, p. 565, Imperium n'a jamais
désigné que l'autorité supérieure (p. 345). cf. Mommsen, Staatsreclit, I (1876), p. 24.
II n'y eut jamais qu'un seul empereur souverain [pontife jusque vers le milieu du
m* siècle, dit M. Mommsen, Str., II (1877), p. io53 : quand il y avait deux empe-
reurs, il y avait aussi deux pontijîces maximi, dit M. Madvig (p. 540). Ces quelques
exemples sont pris au hasard entre mille. Cf. encore la question des comices curia-
tes, p. 224, du rapport des préteurs avec les quaestiones perpetuae, pp. 388-3go, etc.
2. M. M. ne se départit guère qu'une fois de sa réserve : c'est au sujet de la
civitas sine suffragio. La cité sans suffrage n'est pas du tout une récompense, un
privilège donné aux villes, comme l'a dit Aulu-Gelle (16, i3) : c'est au contraire la
forme la plus étroite de la soumission. M. M. reprend, en la développant et en lui
donnant une précision plus grande, la thèse qu'il avait soutenue dans ses Opuscula
philologica (I, p, 3(38). Il est certainement dans le vrai contre Zumpt. De propaga-
tione civitatis romanae {Studia romana, p. 366).
3. En particulier, sur la juridiction consulaire, sous l'empire, p. 37g; sur celle
des préteurs, p. 592, des tribuns, p. 479, sur les curae et les triumvirs deducendis
coloniis, pp. 5o3-5o6, sur les chevaliers du temps de l'empire, pp. 179-180.
4. P. 590. Voyez les inscriptions C. I. L., V, 1730, 1732, 1188, 1189, 1190;
Orelli, 11 54; C. Théod., 11, 1,6.
d'histOirk ET DR LITTERATURB ii3
de s'arrêter plus longtemps, à cause de la curiosité extrême qu'elle a
éveillée et de la polémique qu'elle suscitera : c1est celle où il expose ses
idées sur le pouvoir impérial. Si Ton ne regarde que l'expression, elles
sont diamétralement opposées à celles qui régnent aujourd'hui dans la
science allemande et que M. Mommsen exposait si nettement, en 1875,
dans les premières pages de son volume sur le principat '. « Le nouveau
régime, disait-il, ne peut, dans le droit public, être désigné comme une
monarchie, pas même comme une monarchie limitée. Le mot qui
exprimerait de la façon la plus juste l'essence de cette merveilleuse insti-
tution est celui de dyarchie, c'est-à-dire le partage de la souveraineté,
fait une fois pour toutes, entre le sénat d'une part, et le prince de l'autre,
ce dernier comme homme de confiance de l'assemblée... La souveraineté
d'Auguste ne s'est point présentée comme mettant fin à la constitution
républicaine, comme s'opposant à elle, mais bien plutôt comme la réa-
lisation de cet état de choses et l'opposé du gouvernement exceptionnel
qui depuis vingt-deux ans en suspendait le fonctionnement régulier. »
Voici quelles sont, à peu près, les paroles de M. Madvig 2 : « L'empire
est sorti d'un régime que les faits seuls avaient fondé : il est né de la
nécessité d'une monarchie absolue, que tous jugeaient nécessaire et que
l'habitude avait fait approuver ; et cette monarchie, pendant longtemps,
se transmit comme telle, étrangère à toute théorie constitutionnelle...
L'empereur est à l'origine le citoyen le plus considéré de l'Etat, auquel
le peuple et le sénat ont conféré des pouvoirs extraordinaires, et, en
particulier, toute la puissance militaire... Le sénat, avec les anciennes
magistratures, devait représenter l'Etat : mais il manquait en réalité de
tout fondement indépendant de force et d'autorité. »
M. Mommsen, préoccupé avant tout de retrouver une théorie consti-
tutionnelle, M. Madvig, s'inspirant des faits et de la pensée des écrivains,
ont abouti à deux définitions de l'empire, qui semblent opposées,
dyarchie et monarchie. Toutefois la pensée de M. M. n'est pas aussi
éloignée de celle de M. Mommsen qu'il paraît au premier abord.
Sur la question de savoir si l'empire a été absolu, en fait, dès l'origine,
il est évident que M. Mommsen n'a jamais eu d'autre opinion que celle
de M. Madvig. Le mot de dyarchie ne porte que sur le principe légal de
la constitution impériale. Or, il ne serait pas difficile de prouver que l'un
et l'autre sont d'accord là-dessus : l'empereur, selon M. Madvig tient ses
droits du sénat, qui lui a conféré successivement tous les pouvoirs dont
se compose sa souveraineté (p. 53o) ; pendant le règne de chaque prince,
le sénat continue à représenter officiellement l'Etat, la république
(p. 532), depuis que toute la puissance du peuple a passé entre ses
mains; le sénat a ses provinces, son trésor, ses magistrats; à côté du
gouvernement du prince, il y a un gouvernement du sénat (p. 5 61). Or,
1. Staatsrecht, 11(1875), p. 709= (1877), p. 72b.
2. I, pp. 53i-532.
I 14 REVUE CRITIQUB
M. Mommsen ne dit pas autre chose, et il a raison avec M. Madvig.
Il est certain, toutefois, que l'expression dedyarchie peut prêter à des
malentendus. Le mot de monarchie a sur lui au moins l'avantage de
répondre aux idées et aux sentiments des écrivains de l'empire, même
des contemporains d'Auguste. Si l'on entend, en effet, par dyarchie un
gouvernement formé de deux pouvoirs égaux, d'origine différente, ayant
chacun sa sphère d'action, et indépendants l'un de l'autre, tel n'était
certainement pas le régime impérial. Le mot est juste quand il y a deux
empereurs égaux en autorité par tout l'empire, en s'en partageant les
provinces. Mais ici les deux pouvoirs entrent, pour ainsi dire, l'un dans
l'autre. C'est du sénat que l'empereur reçoit ses pouvoirs, et l'empereur
est le président du sénat, surveille le recrutement de l'assemblée ; il est
le maître, quand il le veut, des provinces dites sénatoriales, et quand le
sénat les gouverne, c'est de l'empereur qu'il les tient. Il y a deux pou-
voirs, sans doute, mais, le sénat, pouvoir souverain, abdique sa sou-
veraineté entre les mains de l'empereur. En droit, par conséquent,
comme en fait, il n'y a qu'une monarchie : il n'y a pas plus de dyarchie
qu'il n'y en avait lorsque, sous la royauté ou la république, tous les
pouvoirs étaient délégués au roi ou aux consuls : « L'autorité impériale
eut, dit M. Fustel deCoulanges ', la même source et le même principe
que l'autorité des anciens consuls. Comme eux, les empereurs eurent
dans les mains cette puissance absolue que l'esprit romain avait toujours
accordée à la République. La seule différence fut qu'au lieu d'être
partagée entre plusieurs magistrats, cette puissance appartint tout entière
à un seul homme. Un chef unique remplaça plusieurs chefs, un seul
maître plusieurs maîtres; à cela près le Droit public resta le même ».
Dans cette théorie, les théories de M. Madvig et de M. Mommsen se
confondent et s'accordent 2.
Camille Jullian.
1 58. — Frédéric Godefroy. Dictionnaire de l'ancienne langue française
et de tons ses dialectes du IXe au XV* siècle, composé d'après le dé-
pouillement de tous les plus importants documents... publié sous les auspices du
ministère de l'Instruction publique. Paris, Vieweg, 1880, gr. in-40; Tomel (iv-
799 p. ; A. Castaigneux) et 4 fascicules du tome II parus (jusqu'au mot Cortoisie).
L'immense répertoire dont M. Godefroy poursuit la publication avec
1. Institutions politiques, 2, 1. M. Fustel croit que cette délégation de l'autorité se
fit, dès le temps d'Auguste, par un acte formel, une loi régulière, ce que ne croient
ni M. Madvig (pp. 53o-53i), ni M. Mommsen.
2. Nons nous permettons de relever quelques fautes d'impression : p. 60, 1. 22 :
eiver pour einer; p. 102, 1. 4. : Gerchlechtsnamen pour Geschlechtsnamen ; p. 240,
1. 2 : eigentliahe pour eigentlicher ; p. 421, J 11, 1. 1 : Aedililtœt pour Aedilitaet;
p. 5o3, 1. 18 : coustituendae pour constituendae ; p. 584, 1. 27 : Diomitian pour
Diocletian.
d'histoire et de LITTÉRATURE I I 5
une louable activité doit avoir environ dix volumes ; il n'est donc pas
trop tard, semble-t-il, pour en parler, puisque nous sommes à peine ar-
rivés au milieu du tome II. Toutefois, une œuvre de ce genre peut se
juger dès les premiers fascicules, et déjà des jugements aussi compétents
que longuement motivés ont été portés par les savants les plus autori-
sés. Je fais allusion notamment aux importants articles publiés par
MM. Adolf Tobler ' et Arsène Darmesteter 2. Après le dernier surtout,
dont je partage la plupart des idées, il reste bien peu de chose à dire. Je
n'ai donc qu'à me confiner dans le rôle modeste de rapporteur pour une
partie de ma tâche.
Le plus grand reproche que l'on puisse faire à la publication de M. G.,
c'est de ne pas répondre complètement au titre qu'il lui a donné de Dic-
tionnaire de l'ancienne langue française du ixe au xve siècle. L'au-
teur a soin de nous en prévenir en ces termes : « Dans le Dictionnaire
dont nous publions aujourd'hui le premier fascicule, nous ne présentons
pas tous les mots français qui ont été usités durant les siècles que nous
embrassons... Nous nous sommes résigné à commencer par un frag-
ment... Ce fragment contient les mots de la langue du moyen-âge que la
langue moderne n'a pas gardés. Lorsque nous enregistrerons des mots
conservés, ce ne sera que pour certaines significations disparues. Il suit
de là qu'il ne faut pas toujours s'attendre à trouver une classification sa-
tisfaisante du sens des mots que nous citons, puisque tel sens ancien
peut dériver d'une signification encore aujourd'hui vivante que nous
supprimons systématiquement. »
M. G. avait conçu d'abord, et en partie exécuté, un dictionnaire his-
torique unique donnant à leur ordre alphabétique tous les mots de la
langue française à toutes les époques, et permettant ainsi de suivre de
siècle en siècle le développement de chacun d'entre eux et pour le sens et
pour la forme. Des nécessités matérielles l'ont forcé à subdiviser en trois
parties cette œuvre immense, et à publier successivement trois diction-
naires au lieu d'un : i° dictionnaire des mots et des sens disparus (c'est
celui qui s'imprime actuellement); 2° dictionnaire de la langue moderne,
conçu au point de vue historique; 3* dictionnaire de la langue savante.
Malheureusement ces trois dictionnaires partiels, en en supposant la pu-
blication achevée, ne vaudront jamais le dictionnaire unique que l'au-
teur nous avait fait espérer. En se résignant (avec quels regrets, on le
devine) à modifier sa conception primitive, M. Godefroy n'avait qu'un
parti à prendre, ainsi que M. Darmesteter l'a lumineusement démontré :
donner dans un premier dictionnaire tous les mots connus de la langue
depuis les origines jusqu'à la fin du xvie siècle, dans l'autre tous les mots
employés depuis cette époque jusqu'à nos jours. Quant à la langue sa-
vante, aucune bonne raison ne justifie pour elle la constitution d'un ré-
i. Zeitschriftfùr romanische Philologie, V, pp. 147-159.
2. Romania, X, pp. 420-439.
I l6 REVUE CRITIQUE
pertoire spécial. La distinction entre les mots savants et les mots popu-
laires est très réelle, et l'on doit savoir gré aux vulgarisateurs comme
M. Brachet d'en avoir peu à peu répandu l'idée dans le grand public;
mais que de questions délicates peuvent être soulevées à ce propos, dont
peut-être M. G. lui-même ne se doute pas! Que de nuances, que de cou-
ches chronologiques différentes peuvent s'observer dans ce qu'on croit a
priori être des mots populaires ou des mots savants! Miracle paraîtra
populaire à côté de tentacule, parce que l'accent tonique y est fidèle au
latin; mais la comparaison de formes comme gouvernail, soupirail, où
-aculum = ail, nous montre dans miracle un mot savant introduit dans
la langue commune avant qu'on eût encore perdu le sens de l'accent la-
tin. Humble ne sembie-t-il pas de formation toute populaire? Et pour-
tant M. Gaston Paris a fait voir tout récemment qu'il n'en était pas
ainsi. Il est donc bien imprudent, dans ces conditions, de vouloir consa-
crer un lexique spécial à la langue savante, lorsqu'on peut légitimement
s'épargner une tâche aussi difficile.
En excluant de son dictionnaire actuel les mots et les sens qui ont
survécu, M. G. a voulu « courir au plus pressé et donner la partie du
dictionnaire qui pouvait être la plus utile aux étudiants » . Cette raison
toute pratique ne suffirait peut-être pas à justifier une exclusion regret-
table pour qui considère les choses à un point de vue plus élevé. Mais
dans la pratique même, le système adopté est très défectueux. Supposez
les trois dictionnaires publiés. Un étudiant encore inexpérimenté trouve
dans un texte le mot tenoire ; il y a gros à parier qu'il n'y reconnaîtra
pas une forme dialectale du mot actuel tonnerre. Il cherchera tenoire
dans le premier dictionnaire, il le cherchera dans le second, dans le troi-
sième, et vraisemblablement il ne le trouvera nulle part.
J'insiste sur ce vice de constitution du Dictionnaire, parce que c'est,
à mon sens, le reproche le plus grave qu'on puisse lui faire, parce que
c'est là la source de la plupart des inconséquences, des bizarreries dont
M . Darmesteter a cité de nombreux exemples et dont on pourrait facile-
ment augmenter la liste. Un examen minutieux de chaque fascicule ré-
vélerait, en outre, bien des imperfections de détail. Voici, par exemple,
quelques observations que me suggère le dernier fascicule paru, après une
lecture attentive des 45 premières pages seulement.
Conmeslure, s, f. mélange : un ex. emprunté aux poésies de Frois-
sart; or cet exemple est déjà cité au fasc. i3, sous la forme comelure et
avec le sens de parure des cheveux, ornement de tête. L'article conmes-
lure est donc à supprimer, car il n'y a pas de doute qu'il faille lire et in-
terpréter comme l'a fait l'auteur au mot comelure.
Conobrage, s. m. action de reconnaître : deux exemples empruntés à
des chartes saintongeaises. Le mot est assez étrange; mais, en l'admettant
pour authentique il faut le rattacher pour le sens à recouvrer et non à
reconnaître.
Conthoral, s. f. épouse : un ex. de 1406. Mot savant, que M. G. ne
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P HISTOIRE ET DE LITTERATURE 117
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peut admettre qu'en renonçant à son glossaire spécial de la langue sa-
vante. uriBun si 0 M aiîè •■
Contise, s. f., recette : un seul ex. où le mot est écrit quentyse. Il fal-
lait le fondre dans l'article cointise.
Conton, s. m., comte : un seul ex. où ce mot rime avec anchison ; il
faut lire contor et anchisor.~nmr)
Contracter 2. L'exemple emprunté aux Actes des Apôtres n'est qu'une
mauvaise orthographe de contraster.
Contraignance . Ce mot, comme ses congénères, d'après l'usage suivi
en pareil cas par l'auteur, devrait être écrit, en tête de l'article, constrai-
gnance, et placé dans l'ordre alphabétique réclamé par cette ortho-
graphe.
Contrajeter, v. a. et contrajetir, v. n. Deux exemples empruntés à un
texte lorrain publié par M. Bonnardot. Or ces deux mots n'en font
qu'un : la contraction de ier en ir dans les dialectes de Test est un fait
bien connu, et il n'y a pas là une différence de conjugaison. En ou-
tre,le texte auquel les exemples sont empruntés maintient l'a latin atone
dans beaucoup de cas où le français le change en e. Il fallait donc faire
un article unique et lui donner pour tête la forme normale contrejetier
dont contrajeter et contrajetir ne sont que des variantes dialectales.
Contraval. Forme dialectale pour contreval, ne voulait pas un article
spécial.
Contrerimoier, v. a. rimer. Définition insuffisante.
Contresierer. Forme wallonne ; il fallait la ramener à la forme nor-
male contreserer.
Contretrover. Un seul ex. qui fait le vers faux; il faut lire controver.
Contwnal. Trois ex. où l'on lit contumaus, ou contumaux ; ce sont
des imitations directes du latin contumax; jamais la forme contumal n'a
existé.
Je pourrais poursuivre jusque la fin du fascicule, mais je préfère m'ar-
rêter. Dans l'appréciation d'un ouvrage, on peut ne considérer que ce qu'il
devrait être pour être parfait, et se montrer d'autant plus sévère que l'ou-
vrage est plus éloigné de la perfection absolue : c'est cette idée élevée du rôle
de la critique qui a inspiré les fondateurs de cette Revue et qui continue
à animer sçs collaborateurs. A ce point de vue, le Dictionnaire de M. G.
pourrait justifier un jugement assez sévère. Mais c'est un peu le cas de
dire : Summum jus summa injuria. Devant une œuvre aussi considéra-
ble, la critique deviendrait souverainement injuste si elle ne tenait
compte des difficultés d'exécution que cette œuvre présentait, de la puis-
sance et de l'intensité de travail qu'il a fallu pour la mener à bonne fin,
et des services immenses que cette œuvre, tout imparfaite qu'elle est, est
appelée à rendre à la science. Faire un bon dictionnaire est un idéal bien
difficile à réaliser. Littré semble y avoir réussi pour la langue moderne :
son œuvre est tellement au-dessus de ce que nous avions jusqu'alors, qu'on
a pu le croire arrivé du premier coup à la perfection. Qu'il s'en faut ce-
I l8 REVUE CRITIQUE
pendant! Quand le dictionnaire préparé et annoncé depuis longtemps par
M. A. Darmesteter aura enfin paru, on pourra s'en rendre compte par une
comparaison minutieuse tout à l'avantage de ce dernier. Combien plus
malaisé était un dictionnaire de l'ancienne langue ! M. G. y a consacré
plus de trente ans de sa vie. Quand il a commencé ses dépouillements,
bien peu de textes étaient publiés; il y en a davantage aujourd'hui, mais
bien peu encore qui soient réellement des textes définitifs. Parmi les sa-
vants français actuels qui se sont fait un nom dans la philologie du
moyen-âge, plusieurs assurément auraient pu mieux faire que M. G. :
mais l'auraient- ils voulu? Il est permis d'en douter. Tous, en tout cas,
trouveront beaucoup à prendre parmi les immenses matériaux réunis
dans ce Dictionnaire, et la publication ne peut qu'en être accueillie avec
la plus vive reconnaissance par tous les amis de notre ancienne langue.
C'est un merveilleux instrument de travail qui se trouve mis dès aujour-
d'hui entre leurs mains, et l'année 1880, grâce à M. Godefroy, sera
comme le commencement d'une ère nouvelle pour la philologie du
vieux français. Il ne faudrait pas donner son dictionnaire comme un
spécimen de notre science, mais il prouve au moins que le courage d'en-
treprendre de longs travaux et la persévérance à les poursuivre sont des
qualités qui ne nous font pas défaut.
Antoine Thomas.
CHRONIQUE
ALLEMAGNE. — Le sixième fascicule de YHistoire de la littérature allemande
de M. Wilhelm Scherer (Berlin, Weidmann. In-8°, pp. 385-464) vient de paraître;
il renferme la fin du xe chapitre, intitulé « Les commencements de la littérature
moderne (le théâtre), et la plus grande partie du xic chapitre, qui a pour titre a le
siècle de Frédéric le Grand » (Das Zeitalter Friedrichs des Grossen) et qui se sub-
divise ainsi : Leipzig (Gottsched, Gellert, Rabener, Elie Schlegel, Weisse); Zurich
et Berlin (Bodmer et Breitinger; Klopstock; Kleist; Wieland) ; Lessing.
— Outre les six fascicules annoncés des Françœsische Studien (IIIe volume), que
MM. Kœrting et Koschwitz publient à la librairie Henninger, de Heilbronn, pa-
raîtront encore deux fascicules, l'un, de M. A. Rœsiger, Neu-Hengstett-Burset,
Geschichte und Sprache einerWaldenserkolonie inWurttemberg, et l'autre, de M. J.
Uthoff, Nivelle de la Chaussées Leben und Werke.
— M. Adelbert de Keller nous envoie le rapport qu'il a fait récemment, en sa
qualité de président du litterarischer Verein de Stuttgart, sur la fondation et l'heu-
reux développement [de 1'associatiQ.n (Bericht ûber Entstehung und Fortgang des
litterarischen Vereins in Stuttgart. Tûbingen. Fues, imprimeur, In-8°, 35 p.).
Déjà en 1870 M. Adelbert de K. avait joint au centième volume publié par le littera-
rischer Verein un mémoire relatif à l'activité scientifique de la société ; c'est ce mé-
moire qu'il fait paraître aujourd'hui eh deuxième édition, mais en y ajoutant le
compte-rendu de l'œuvre du Verein depuis 1870 jusqu'à cette année. M. Adelbert
de K. fournit des détails intéressants sur la fondation et l'administration de l'associa-
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE IIO,
tion qu'il préside; il donne la liste des membres du Verein et les statuts qui le ré-
gissent, ainsi qu'une table très détaillée (et par ordre de matières et par ordre
chronologique) des publications de la société. Le Verein est entré dans sa trente-
cinquième année d'existence et a fait distribuer son ib-jm* volume. M. Adel-
bert de K. joint à toutes ces informations la liste de ceux qui ont publié des
textes anciens pour le Verein ; cette liste se compose de plus de soixante-dix
noms; elle est suivie d'une autre table plus complète et plus minutieuse que les autres
tables, et qui renferme les noms des auteurs, des éditeurs et des œuvres de la « Bi-
bliothèque » du litterarischèr Verein. — M. Adelbert de K. nous en voudrait peut-
être si nous n'ajoutions pas que nous avons trouvé dans ce mémoire une petite feuille,
pleine d'esprit et d'humour, qu'il a pris la peine de faire imprimer tout exprès et
qu'il a intitulée Mein Vorname, « mon prénom ». Il paraît que beaucoup de gens nom-
ment M. de Keller a Adalbert » et non Adelbert; nous-mêmes dans le compte-rendu
de l'édition du Faust de Widmann qu'a récemment publiée l'éminent érudit, nous
avons laissé échapper un « Adalbert» qui a déplu à M. de Keller; nous lui en ex-
primons ici tous nos regrets et lui promettons de ne plus commettre à l'avenir cette
déplorable confusion, et pour mieux nous graver dans l'esprit la forme véritable de
ce prénom et l'inculquer à nos collaborateurs et lecteurs, nous traduisons l'agréable
et piquante note de M. de Keller. Le président du litterarischèr Verein de Stutfgart
fait allusion à un passage de Goethe dans « Poésie et Vérité »; le nom propre d'un
homme, dit Gcethe, n'est pas simplement un manteau qui flotte autour de sa per-
sonne et qu'on peut, à la rigueur, secouer et tirailler; c'est un habit parfaitement
juste, qui s'est développé sur l'homme tout entier, comme la peau, et que l'on ne
peut ni érafler ni écorcher sans le blesser lui-même.« Pourquoi, poursuit M. de Keller,
n'aurais-je pas le droit de réclamer contre l'atteinte si souvent portée à mon pré-
nom? Mon père m'a baptisé Adelbert, et non Adalbert. Enfant de l'époque nouvelle,
je porte un nom dont la forme appartient au xixme siècle; pourquoi le traduire en un
nom du x« siècle? Dit-on aujourd'hui adal, nebal, sattal, sessal,wachtal, etc., comme
il y a mille ans? Ou bien devons-nous dire désormais Adalheid et non « Adelheid »
Adahulf et non « Adolf », Hiltimuat et non « Hellmuth », Hiru% et non « Hirsch, »
Hagihar et non « Hecker », Chuonrat et non « Konrat », Berahtold et non « Ber-
thold », Willahalm et non a Wilhelm », etc.?
BELGIQUE, — La commission royale d'histoire a fait distribuer deux volumes in-4» ;
i° Le tome Ier des Relations politiques des Pays-Bas et de l'Angleterre sous le règne
de Philippe II, édité par M. Kervyn he Lettenhove; ce volume renferme 41 3 lettres,
écrites du 27 octobre i555 au 23 août i55q, et empruntées au Record Office, aux
archives de Bruxelles, de Vienne et de Simancas, ainsi qu'une introduction de 34 pa-
ges contenant un précis des faits les plus remarquables consignés dans ces lettres;
20 le tome IV et dernier de la Collection des voyages des souverains des Pays-Bas,
édité par M. Charles Piot. Ce tome comprend : I. Le Journal des voyages de Phi-
lippe II de i554 à i56g, par Jean de Vandenesse, suivi de 3j3 lettres et autres pièces
(juillet i553-nn décembre ibb^) relatives au mariage de Philippe avec Marie Tudor ;
II. le Voyage de Y archiduc Albert en Espagne (i5g8), par Gilles du Faing; III. Ulti-
néraire d'Antoine, duc de Brabant (1407-1415) ; IV. L'Itinéraire de Jean IV, duc de
Brabant (1415-1427); V. L'Itinéraire de Philippe de Saint-Pol, duc de Brabant
(1427-1430); en tête de ces textes M. Piot a placé une introduction de quarante pages
où il insiste surtout sur les voyages de Philippe II et sur les négociations auxquelles
donna lieu le mariage de ce prince avec la reine d'Angleterre; il a mis à la fin du
volume une table alphabétique des noms de personnes et de lieux cités dans les qua-
tre volumes de la publication, oitsbfldi «1 1
120 REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURB
— M. Frédéric Fétis, conseiller à la cour d'appel de Bruxelles, a tout récemment
publié le Catalogue des collections de poteries, faïences et porcelaines (moyen âge et
temps modernes) du Musée royal d'antiquités et d'armures.
— Parmi les questions mises au concours par la Société libre de VEmulation de
Liège, nous remarquons les suivantes : Etat des établissements d'instruction publi-
que à Liège depuis Charlemagne jusqu'à nos jours (1,000 fr.); — Histoire adminis-
trative de la province de Liège depuis la première invasion française (i ,000 fr.) —
Inventaire raisonné des objets d'art que renferment les monuments civils et religieux
de Liège (600 fr.) ; — Histoire de l'industrie armurier e dans le pays de Liège
(t,ooo fr.).
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 28 juillet 1882.
L'Académie, ayant à choisir un lecteur pour la séance publique de l'Institut, le
25 octobre prochain, désigne M. Le Blant. Il lira le mémoire communiqué par lui
à la dernière séance, qui porte pour titre les Chrétiens dans la société païenne aux
premiers âges de l'Eglise.
L'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, M. Ch. Nisard termine la lecture de son
mémoire intitulé : De Vétat incertain et précaire de la propriété littéraire vers le
■milieu du xvi" siècle. Dans la seconde partie de ce mémoire, M. Nisard raconte la
spoliation dont fut victime SufFridus Petrus, natif de Frise, professeur de droit à
Cologne, mort en i5gy. Il avait fait de longues études sur les œuvres de Gicéron et
avait réuni les éléments d'un recueil de Castigations ou corrections au texte de cet
auteur, d'après divers manuscrits. Il se proposait de publier ce travail ; mais, ne
trouvant pas le temps de mettre le manuscrit au net pour l'impression, il le confia à
un de ses élèves, Janus Wilhelms, de Lûbeck, qui avait entrepris des travaux sur
le même sujet. Il fut convenu entre eux que Janus réunirait ses propres corrections
à celles de son maître et formerait du tout un seul ouvrage, qui paraîtrait avec le
nom des deux auteurs, et que les bénéfices, s'il y en avait à recueillir, seraient par-
tagés par moitié. Janus n'eut pas le temps de faire cette publication ; il mourut peu
de temps après, à Bourges ; ses manuscrits, enlevés par un Allemand, nommé
Kockert, furent remis à ses héritiers à Lùbeck. Suffridus les réclama en vain, allé-
guant que la majeure partie de ces manuscrits représentait son travail et non celui
de Janus, que même les parties écrites de la main de Janus avaient été pour la
plupart copiées par celui-ci sur les notes fournies par son maître. Les héritiers re-
fusèrent de rien restituer et Suffridus mourut sans avoir réussi à se faire rendre
justice. Les Castigations et celles de Janus ne furent publiées que longtemps après,
par Gruter, en 1618; mais cet éditeur et ceux qui ont depuis consulté son livre ont
attribué l'honneur de ces corrections presque entièrement à Janus; au contraire,
selon M. Nisard, c'est Suffridus qui en a été, sinon le seul, au moins le principal
auteur.
M. Bergaigne commence la lecture d'un mémoire intitulé : les Inscriptions sanscri-
tes du Cambodge ; examen d'un mémoire de M. Aymonier. Les inscriptions dont il
entretient l'Académie ont été recueillies par M. Aymonier dans un premier voyage
au Cambodge, avant la mission qui lui a été confiée récemment par le gouvernement.
Les copies de ces textes ont été envoyées par M. Aymonier à la Société asiatique ;
MM. Barth, Sénart et Bergaigne se sont partagé le soin dé les étudier.
Ouvrages présentés : — par M. Jourdain : Gozzadini, Maria Teresa di Serego-
Allighieri Go^çadini ; — par M. Egger, de la part de M. Guénin, sténographe révi-
seur du sénat : Anderson (Th.), History of shorthand with a review of its présent
condition and prospects in Europe and America; — par M. Delisle : Courajod, Quel-
ques sculptures de la collection du cardinal de Richelieu, aujourd'hui au musée du
Louvre; le même, Quelques sculptures viceniines, à propos du bas-relief donné au
musée du Louvre par M. Ch. Timbal.
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marckcssou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N° 33 ' - 14 Août - 1882
Sommah-e s i5g. Le Banquet de Xenophon, p. p. Rettig. — 160. Neumann, His-
toire romaine de Scipion Emilien à la mort de Sylla, p. p. Gothein. — Kluge,
Dictionnaire étymologique de la langue allemande. ~- 161. Théâtre choisi de
Rotrou, p. p. De Ronchaud. — i63. Lettres de l'abbé Galiani, p. p. Perey et
Maugras, p. p. Asse. — 164. Strackerjan, Le pays et les gens d'Oldenbourg; De
Dalwigk, Le théâtre d'Oldenbourg. — Chronique. — Société nationale des anti-
quaires de France. — Académie des Inscriptions.
i5g. — Xenophons Gastmaltl. Griechisch und deutsch herausgegeben von
Ferdinand Rettig. Leipzig, W. Engelmann. [881. iv et 273 p. petit in-8°.
Le présent volume se compose de 93 pages d'introduction, de 100 pa-
ges de notes explicatives ; le texte grec, la traduction allemande et les
notes critiques occupent 80 pages. On le voit, M. Rettig a mis beau-
coup du sien dans ce livre, il a tenu à commenter son auteur de toutes
les façons, en le traduisant, en exposant l'ensemble de la composition,
en interprétant les menus détails de style et de langue.
M. R. est de ceux dont on a dit qu'ils ne se contentent pas d'expli-
quer leur auteur, mais qu'ils le sucent. Des différentes parties de son tra-
vail, l'Introduction est, si je ne m'abuse, celle à laquelle l'auteur doit
tenir le plus, et que le lecteur jugera la plus originale et la plus remar-
quable. M. R. y fait l'analyse du Banquet de Xenophon de manière à
faire comprendre l'à-propos et la convenance de tous les incidents qui
s'y produisent, de toutes les paroles qui y sont prononcées ; il s'efforce
de marquer la place et le rang que chaque détail occupe dans l'ensem-
ble de l'ouvrage, de deviner les intentions de l'auteur, de subordonner
tous les détails à une idée maîtresse, de montrer enfin que ce petit dialo-
gue est l'œuvre d'un art consommé, aussi attachant par la variété des
détails qu'admirable par l'unité de conception. On peut trouver que
M. R. a parfois trop de sagacité, trop de finesse et surtout qu'il appuie
un peu plus qu'il ne le faudrait : cette longue dissertation philosophi-
que et esthétique me gâte un peu, je l'avoue, l'impression que laisse l'ou-
vrage d'un laisser-aller si charmant : mais ceci est affaire de goût et
d'appréciation personnelle; je rends, d'ailleurs, pleine justice à la péné-
tration de l'auteur et je crois que l'on peut adopter la plupart de ses ju-
gements et de ses vues. Il y a cependant un point sur lequel je me sépare
décidément de lui.
On se souvient d'un incident qui tient une grande place dans ce ban-
quet : les convives conviennent de s'amuser eux-mêmes par un jeu de
Nouvelle série, XIV. 7
122 RKVUK CRITIQUE
société; chacun dira quel est le bien qu'il est le plus fier de posséder.
Cela se fait d'une manière piquante, paradoxale, moitié plaisante, moitié
sérieuse. Socrate, qui parle en dernier lieu, se vante de posséder l'art de
l'entremetteur ([j.acTpoxeta). Plus lard Socrate fait l'éloge d'Eros, le dieu
qui préside en quelque sorte à la fête donnée par le riche Callias au bel
Autolycos. Mais Socrate distingue deux Eros, l'un, l'amour sensuel,
éhonté, il le condamne et le flétrit ; il exalte, au contraire, l'amour des
belles âmes, qui rend meilleur et celui qui en est l'objet et celui qui le
ressent. Ce discours de Socrate remplit le chapitre vin ; il l'emporte sur
tous les autres, non seulement par son étendue, mais aussi par le sérieux
soutenu du ton (Socrate s'accuse et s'excuse lui-même de ce sérieux au
§ 41), et par la portée des idées. On y voit, en effet, cette épuration des
égarements de la Grèce que l'on pourrait appeler amour socratique, si
le grand philosophe, qui en fit une des pièces constitutives de son sys-
tème, n'y avait à jamais attaché son nom. Tous les lecteurs non préve-
nus, si on leur demandait quel est le morceau capital du Banquet de
Xénophon, désigneraient, je crois, d'un commun accord, ce grand dis-
cours de Socrate. M. R. regarde comme le morceau le plus important
de tout l'ouvrage la fin du chapitre 11, les lignes dans lesquelles Socrate
se vante d'être un excellent entremetteur. Ce n'est pas la première fois
que M. R. émet cette idée paradoxale; on la contesta comme de raison,
mais il y tient et il la défend avec d'autant plus d'ardeur, qu'elle lui ap-
partient incontestablement en propre.
Voici ses arguments : le morceau capital doit se trouver dans la partie
centrale de l'ouvrage; or, ce centre, c'est le jeu de société auquel concou-
rent tous les convives, et le point culminant de cette joute, ce sont les
paroles prononcées par Socrate à la fin du quatrième chapitre. On voit
que M. R. applique les principes de l'architecture à la structure d'un
ouvrage littéraire.
Ce n'est pas tout : M. R. a étudié le Banquet de Platon dont il a
donné une édition avec le même soin que celui de Xénophon, et il fait
une comparaison approfondie, détaillée, peut-être un peu trop minu-
tieuse, des deux ouvrages. Or il trouve que le chapitre vin de Xénophon,
le discours de Socrate sur l'amour répondent à ce que dit Alcibiade dans
la fin du Banquet de Platon. D'un autre côté, les paroles placées dans
la bouche de Socrate au quatrième chapitre de Xénophon, trouvent leur
parallèle dans le grand discours de Socrate chez Platon. Mais ce der-
nier discours étant évidemment le morceau capital du dialogue de Pla-
ton, il s'en suit qu'il faut en dire autant de la partie correspondante du
dialogue de Xénophon. Voilà où l'amour des constructions peut con-
duire un bon esprit.
Pour la constitution du texte, M. R. s'est servi, comme de raison,
de l'édition de K. Schenkl, (Berlin 1866) et des Xenophontische Studien
du même savant (Vienne, 1876). Cependant il a de nouveau collationné
lui-même le manuscrit de notre Bibliothèque nationale, 1643, qu'il es-
t> HISIOIKK Kl (>& LITTËHAfUftK 1 2ï
s
time Je meilleur de tous, quoi qu'en dise Schenkl. Quelques corrections
évidentes ont été introduites dans le texte, comme au en. vi, § 2 :
'AXÀ' dtpy.ct tcOto (conjecture de Cobet), pour àXkà ocy.et tguto. Malgré la
judicieuse réserve que l'éditeur s'est imposée à cet égard, il est un pas-
sage dans lequel je suis tenté de défendre contre lui la leçon des manus-
crits. Au commencement du ch. vin, Socrate exalte les qualités contra-
dictoires d'Éros, le plus ancien des dieux par Page et le plus jeune par la
figure, v.a\ |#s*féftet toxvtoc «téxovcoç, tyw/Jfi o'àvGpwrau îopu(j.ivou. C'est
ainsi que M. R. écrit avec Blomfield pour t<70u[/.évou, qu'il déclare
inintelligible. Avais-je tort de comprendre cette leçon ? 11 me semblait
qu'Éros y était représenté comme un dieu qui sait proportionner sa taille
à l'âme humaine, se faire petit pour y entrer. Quoiqu'il en soit, lopupivoit
ne saurait, je crois, se construire avec un simple datif, sans la préposition
'ev.— Voici, au contraire, un passage que je voudrais corriger. On lit vi,
9 : Tôïç xafft y.akoXq /.al xoXç, (âsT/uccoiç saaÇw owtcv, et on explique tgiç
icSat xaXoïç, « à ceux qui sont beaux aux yeux de tout le monde. » J'ai-
merais mieux toTç TrocYxdtXoiç.
Je soumets ces observations à M. Rettig. Son édition du Banquet faite
avec un soin scrupuleux, entourée d'explications abondantes et instruc-
tives, inspirée par une vive admiration de l'auteur, se recommande à
tous les amis de Xénophon.
Henri Weil.
160. — «ai»l Neumann. Geschichte Roms waehrend des Verfalles der Republik,
vom Zeitalter des Scipio Aemilianus bis zu Sulla's Tode, aus seinem Nachlassc
herausgegeben von Dr E. Gotiiein. Breslau, Koebner, 1881,8° de vi-624 p. 12
mark.
Charles Neumann ' a été, pendant dix-sept ans (novembre 1 863-2 juil-
let 1880, date de sa mort), un des savants les plus distingués, un des
professeurs les plus écoutés de l'Université de Breslau. Il a peu écrit :
des articles dans les recueils de Petermann (Neumann était un bon géo-
graphe), un travail, sur le pays des Scythes et ses rapports avec le monde
grec, dont le premier volume a paru en 1 855 et qui n'a pas été conti-
nué 2. Neumann se donnait tout entier à l'enseignement, ou il excellait;
il a formé des élèves, et en particulier M. Gothein, l'éditeur de ce livre
et l'auteur d'études sur l'histoire religieuse du xve siècle; il a exercé sur
l'Université de Breslau une véritable influence, dont les résultats se fe-
ront longtemps sentir.
1 . Voyez la longue et intéressante notice que lui a consacré M. Fartscb, ZcilscJirifi
der Gcsellschafi fur Erdkundc, Berlin, t. XVII.
a. Die Hellenen im Skythenlande, Beilrœgc ^ur allai Géographie. Ethnographie,
etc. Vol. I, 8°, Berlin, i853.
124 REVUE CRITIQUE
A côté de ses travaux géographiques, Neumann faisait des cours sur
l'histoire ancienne et, en particulier, sur l'histoire romaine. Dans cha-
que semestre, il étudiait une période généralement très courte; par exem-
ple, dans le semestre d'hiver 1869-1870, l'histoire de Rome depuis les
Gracques jusqu'à Sylla. C'est ce dernier cours qui forme ce livre : si l'on
songe aux dimensions considérables de l'ouvrage et à la correction
avec laquelle il est imprimé, on reconnaîtra que Neumann fut
vraiment aimé de ses élèves, on applaudira au sentiment qui a inspiré
M. G. et ses collègues, on rendra pleine justice au zèle heureux qu'ils
ont déployé pour honorer la mémoire de leur maître.
Que M. G. nous permette cependant de croire et de dire, en toute
franchise, que la science gagnera moins à la publication de ce livre que
la mémoire de Neumann. Certes, les mérites de Neumann, comme his-
torien, sont incontestables. La langue qu'il écrit est parfaite de netteté;
les faits sont bien enchaînés et bien racontés; nous avons un tableau
aussi complet que possible de l'histoire romaine pendant sa période la
plus confuse; les causes de la chute de la république, dont l'étude forme
le premier chapitre, sont exposées avec clarté, méthode et jugement. Je
ne craindrais pas de comparer ce récit, pour sa richesse et son exactitude,
à celui de Lenain de Tillemont, et c'est le plus grand éloge qu'on sau-
rait faire à un historien. Eh bien! malgré tout, il ne semble pas que ce
livre puisse être de quelque utilité vraiment scientifique, par la seule rai-
son que les renvois aux textes manquent partout à peu près complètement.
On ne saurait, sans doute, en vouloir trop aux éditeurs d'avoir négligé
de les chercher et de les indiquer eux-mêmes; ils ont renoncé à une be-
sogne aussi fastidieuse que longue, qui aurait demandé des années et
n'aurait pu être faite que par un homme profondément versé dans l'his-
toire romaine. Cette besogne indispensable n'ayant pas été faite, nous
n'avons qu'un répertoire immense, sans indication de sources; nous
sommes en présence d'une mine très précieuse, privés des moyens de
l'exploiter.
Neumann écrivait ses leçons avec un soin extrême, en arrêtait la forme
dans les moindres détails. On le voit bien à la lecture de son livre; il est
difficile de songer que ces pages n'étaient point destinées à l'impression.
Or, devant ses auditeurs, Neumann négligeait complètement ce qu'il
avait écrit. Les cas étaient extrêmement rares, dit son biographe, où,
ayant à citer quelques textes, il montait en chaire et consultait ses no-
tes. Le plus souvent, il se promenait devant les bancs de ses élèves, con-
versant avec eux et répondant à leurs objections. Il en résulte que cet
intérêt, cette vie que Neumann mettait dans ses conférences, font pres-
que toujours défaut à ce livre. Le récit se poursuit d'une façon lente et
monotone : rien ne réveille l'attention, ne repose l'esprit fatigué. On
chercherait en vain quelque citation un peu étendue, quelque chose qui
parlerait un peu à l'imagination. Les réflexions sont extrêmement rares,
et c'est encore ce qu'il y a de plus fâcheux, car Neumann était un esprit
d'hISTOIRIC ET DR UTTBRÀTUttft 125
très clair, très judicieux. Ses considérations sur la portée de la réforme
de Sylla, sur les différents « facteurs » de la révolution le montrent suf-
fisamment et font regretter que les idées générales tiennent si peu de
place dans son ouvrage. Encore une fois, cela se comprend, cela tient aux
vices de la publication même : ce qui nous manque, c'est préci-
sément ce qu'il y avait de meilleur dans les leçons de Neumann, ce qui
aurait été pour nous de la plus grande utilité et ce qu'il était impossible
de faire entrer dans ce livre.
Néanmoins l'ouvrage ne peut pas être complètement inutile, surtout
à ceux qui voudront approfondir cette période de l'histoire romaine. La
lecture en sera toujours une excellente préparation, très complète et très
solide, de toute étude sérieuse et scientifique, mais ce ne sera jamais
qu'une préparation. Malgré les imperfections et les lacunes de ce livre, il
faut remercier M. Gothein de ne pas avoir reculé devant la publica-
tion.
Camille Jullian.
161. — F. Kluge. Etymologiselies'Wcerterlmcli tier cleutsclien Bpràché.
Fasc. I Strasbourg, Trûbner, 1882. 64 pages in~4.e (sur deux colonnes). De aal à
elf. Prix du fascicule : ï mark 5o.
M. F. Kluge, déjà connu par quelques travaux estimés sur l'histoire
des langues germaniques, s'est proposé de publier un « dictionnaire
étymologique de la langue allemande » dont le premier fascicule vient
de paraître. Cette œuvre s'adresse tant au public, qui n'a pas l'occasion
de se mettre au courant des découvertes des savants, qu'aux savants eux-
mêmes, et c'est pour cela que nous nous permettons tout d'abord l'ob-
servation suivante. M. K. n'est pas toujours conséquent dans la suppo-
sition des « racines » ; ainsi balance-t-il pour braten (rôtir) entre bhrêdh
et bhrêt, pour bringen (apporter) entre bhrengh et bhrenk, pour Bïihel
(colline) entre bhug et bhuk. Il pense pour le mot Dieb (voleur) à une ra-
cine finissant par la ténue, ce qui ne l'empêche pas de regarder « dhubh »
comme forme primitive du gothique dambs [sot, sourd, muet), et il s'a-
vise même de séparer Bug (courbure) de biegen (courber) en faisant de
l'un le représentant d'un prototype « bhâgh », de l'autre d'une racine
« bhuk ». Nous avons examiné ailleurs ' les hypothèses relatives à la
forme des racines indo-européennes, d'où sont venues les racines ger-
maniques commençant et finissant par une moyenne, il n'y a donc pas
lieu ici d'y revenir; nous nous contenterons de proposer une étymologie
et une seule. Ne pourrait-on admettre une racine dhup (slav. dûpli ,
creux) pour expliquer la moyenne finale de dumb-?Cf. pour la relation
des acceptions de ces mots l'allem. taube Nuss, noix creuse.
i.D. Verschhisslauîe i. Indogerm. , Graz, 1881.)
126 KKVUk CKITIQUh
Nous espérons que l'auteur saura éviter dans les fascicules qui vont
suivre l'inconséquence signalée, qui porte quelque préjudice à son tra-
vail. Mais, à en juger par ce fascicule, l'ouvrage de M. K. rendra de
très grands services, et l'on ne saurait trop le recommander à tous ceux
qui s'intéressent à l'histoire des mots ; chaque article est traité avec une
brièveté, une concision qui ne laisse pas soupçonner, au premier abord,
les longues et patientes recherches auxquelles a dû se livrer M. Kluge ;
mais, sous cette forme serrée, nette et qui n'est jamais obscure, chaque
article renferme tout ce qu'il faut savoir et apprendra beaucoup, non-
seulement aux « laïques », mais aux chercheurs mêmes et aux Fachge-
nossen; l'auteur remonte aussi loin qu'on peut aller pour nous donner
la forme et la signification du mot; il fait les rapprochements nécessai-
res avec les langues classiques et indique les liens de parenté du terme
allemand avec les autres langues germaniques, les langues romanes, et,
le cas échéant, avec le sanscrit et le zend, les langues celtiques ou sla-
ves '. Le présent fascicule s'arrête au mot elf; sept ou huit autres fasci-
cules suffiront pour que l'ouvrage soit complet; en tout cas, la publica-
tion en son entier ne coûtera que 12 marks ou i5 francs; ce prix assez
modique contribuera à répandre un ouvrage que recommande déjà la
science profonde et sagace de son auteur.'
J. Kirste.
162. — Théâtre choisi de .1. de Rotrou, avec une étude par L. de Ronchaud.
Portrait gravé à l'eau-forte par Lalauze. Paris, Librairie des bibliophiles. Deux
volumes in-8°, lv et 248 p., 260 p. Prix des deux volumes : i5 francs.
Cette édition du théâtre choisi de Rotrou sera favorablement accueil-
1. Une revue allemande a fort bien caractérisé ce mérite de M. Kluge parles mots
« élégante brièveté » (élégante Kùr^e). Voici, au reste, deux articles de ce fascicule ;
celui qui le commence et celui qui le termine, l'art, aal et l'art, elf. — Aal, m. aus
gleichbedeut. mhd. ahd. al m.; gemeingerm. Benennung, got. *êls voraussetzend;
vgl. anord. ail, angls. œl, engl. eel, ndl. aal, asaechs. *âl. Urverwandtschaft mit
dem gleichbedeutenden lat. anguilla, wozu gr. 'é^y.z\uç gezogen wird, ist unmce-
glich, weil die Laute der german. Worte zu sehr davon abweichen; selbst aus *an~
gla — kcennte kein ahd. al oder angls. œl hergeleitet werden. Auch giebt es keine
Benennungen von Fischarten, die das germ. mit dem gr. lat. als Erbgut gemein
hsette, s. Fisch. — Elf, Num, aus gleichbedeut. mhd. eilf, eilif, einlif, ahd. einlif,
gemeingerm. Bezeichnung fur « elf », vgl. asaechs. êlleban (fur ên-liban), angls.
andleofan, endleofan, (fur dnleofan), engl. eleven, anord. ellifu, got. ainlif : zusam-
mcnsetzung aus got. ains, hd. ein und dem Elément — lif in zwœlf, got. twalif.
Von den aussergerm. Sprachen besitzt nur das Lit. eine entsprechende Bildung, vgl.
lit. vénohka « elf » twilika « zwœlf » ; das/ des deutschen Wortes ist Verschiebung
aus fcwie in Wolf (X6x,oç). Die Bedeutung des zweiten Kompositionselementes, das
im Germ. und Lit. nur in den Zahlen elf und pvœlf begegnet, ist unsicher; man
deutet die dem Lit. und Germ. zu Grunde liegende Zusammensetzung aus der idg.
Wz. lik « ûbrig sein » (s. leihen) oder aus der idg. Wz. lip (s. bleiben) und fasst
e//als a eins darûber ».
d'histoire et de littérature 127
lie du public '. Quoique l'édition complète, donnée en cinq volumes
par Viollet le Duc (1820-1822), ne soit pas devenue rare et se vende en-
core à un prix raisonnable, les deux volumes que publie, avec son soin
ordinaire, la Librairie des Bibliophiles, rendront service et à Rotrou, qui
ne mérite pas de tomber entièrement dans l'oubli, et aux lettrés qui ne
veulent pas affronter la grande édition de Viollet-le-Duc. L'étude de
M. de Ronchaud est intéressante ; on y remarque surtout les compa-
raisons qu'a faites le préfacier entre Rotrou, Molière et Racine. Mais
peut être M. de R. est-il trop sévère pour certaines pièces de Rotrou; si
« bizarres » et si « compliquées » qu'elles soient, il en est, même Diane,
même les Occasions perdues, dont la lecture n'est pas si « ennuyeuse »
et si « fade » que le déclare le critique. Pourquoi ne fait-il que men-
tionner dans une note sèche le Cosroès (p. li)? M. de R. ne veut pas,
dit-il, abuser des analyses; ne se serait-il pas fatigué à la fin de son tra-
vail, et Cosroès ne méritait- il pas autant de lignes que V Hercule mou-
rant? A quoi bon parler, des « fortes beautés » de cette pièce (p. 11)
pour la laisser ensuite de côté? Enfin, qui nous dit, comme l'affirme
hardiment M. de R. que Rotrou, s'il eût vécu jusqu'à quatre-vingts ans
comme Corneille, n'eût pas eu les « retours généreux » de l'auteur de
Nicomède et de Sertorius? (p. m). Le génie du poète, écrit M. de R.,
a été fécond de bonne heure et s'est un peu alangui par sa facilité même;
cela est bientôt dit; mais Saint-Genest, Venceslas et Cosroès, les der-
nières œuvres de Rotrou, sont précisément ses meilleures et prouvent
que son talent dramatique croissait en vigueur avec les années. 11 est
regrettable que M. de R. n'ait pas connu à temps les études de M. Léonce
Person 2 ; il est vrai, on ne doit pas trop lui en vouloir d'ignorer que le
Saint-Genest est une imitation du Fingido Verdadero de Lope de
Vega; ce fait est également ignoré de Sainte-Beuve, de M. Jarry, etc.
Mais pourquoi dire (p. xxvm) que Rotrou eut trois enfants, un fils et
deux filles, lorsque l'Analyse des archives communales de la ville de
Dreux, publiée en 1875 par M. Lucien Merlet, archiviste du département
d'Eure-et-Loir, atteste que le poète a eu, non pas trois, mais quatre
enfants ? Que signifie la note suivante (p. xxvn, à propos du buste de
Caffieri) : « 11 s'agit de peintures prêtées par la famille à l'artiste sur la
demande des comédiens français et par l'intermédiaire de M. Michel de
Rotrou, maire de Montreuil en 1779 »? M. R. a mal lu l'article du
Dictionnaire critique de Jal; M. Michel de Rotrou, ancien maire de
Montreuilj chevalier de la Légion d'honneur, est né en 1797 (de là la
confusion avec 1779) ; il est encore vivant; il a deux fils, dont l'un a été
et dont l'autre est en ce moment officier de marine ; il descend en ligne
1. Elle fait partie de la collection des Petits classiques qui comprend déjà les Con-
tes de Boufflers, les Lettres de Voiture et les Œuvres choisies de Saint-Evremond ;
l'éditeur annonce, pour paraître bientôt, les Œuvres choisies de Fontenelle.
2. Notes critiques et biographiques sur Rotrou. Cerf. Ces Notes, qu'on ne trou-
vera pas dans le commerce, ont été reproduites par M. Person à la suite d'un livre
qu'il vient de publier sur Venceslas.
128 RKVUE CRITIQUE
directe de Pierre Rotrou de Saudreville, frère du poète ; il est donc plus
rapproché de l'auteur du Venceslas et de Saint-Genest que Mllc Léon-
tine Lelièvre- Rotrou, que M. de R. cite dans une note de la page m
comme la seule personne qui représente aujourd'hui la famille de Ro-
trou (voir Person, Notes critiques, etc). Une faute plus grave, c'est de
dire (note, p. vi-vi) que le sujet du Menteur est pris de la Sospechosa
Verdad de Lope de Vega ; comme on peut s'en convaincre en lisant
l'Examen du Menteur et la notice de l'édition Régnier, la pièce espa-
gnole mentionnée par M. de R. est de Ruiz de Alarcon '. Néanmoins,
il y a dans, la notice de M. de R. de bonnes analyses accompagnées de
citations heureusement choisies, et des jugements qui témoignent d'un
goût sûr et fin. Quoiqu'il n'ait pu profiter du travail de M. Person,
M. de R. ne croit pas aux anecdotes légendaires, comme celle des fagots
où le poète jetait son argent et. qui étaient, dit-il spirituellement, sa caisse
d'épargne ; il n'admet pas que Rotrou fut sur le point d'être arrêté pour
dettes au moment de la représentation du Venceslas; il doute que Ro-
trou ait senti son génie, à l'âge de quinze ans, en lisant Sophocle. La
préface de M. de R. est d'ailleurs écrite avec beaucoup d'agrément et de
verve. Nous allions oublier de citer les pièces de Rotrou que M. de R.
admet dans son édition ; elles sont au nombre de six ; dans le premier
volume. Hercule mourant, Antigone, Le véritable Saint-Genest ;
dans le second, Dom Bernard de Cabrére, Venceslas et Cosroès. Six
pièces, c'est peu, et l'on pourrait chicaner encore l'éditeur sur le choix
qu'il a fait; on regrettera au moins de ne pas trouver dans ce recueil si
élégamment édité la charmante comédie de la Sœur et ces Sosies qui ont
fourni à Molière tant de détails heureux et que M. de Ronchaud re-
garde comme une « très bonne comédie, pleine de traits excellents »
(p. xxx » 2). A. C.
i63. — L'abbé Galiani. Correspondance avec Mme d'Epinay, Mme Necker.
Mme Geoffrin, Diderot, Grimm, d'Alembert. de Sartine, d'Holbach, etc. Nouvelle
édition, ornée d'un portrait de Galiani, entièrement rétablie d'après les textes ori-
ginaux, augmentée de tous les passages supprimés et d'un grand nombre de lettres
inédites, avec une étude sur la vie et les œuvres de Galiani, par Lucien Perey et
Gaston Maugras. Paris, C. Lévy, 1881, 2 vol. in-8° de lxxiv-543 p. et de 681 p.
Lettres de l'abbé Gallnni à Mme d'Epinay, Voltaire, Diderot, etc., etc.,
publiées d'après les éditions originales, augmentées des variantes, de nombreuses
notes et d'un index, avec notice biographique, par Eugène Asse. Paris, Char-
pentier, 1881, 2 vol. in-18 de vi-422 p. et Lxx-422 p. (La notice, brochée en tête
du tome II, doit être reliée#en tête du tome Ier).
La correspondance française de l'abbé Galiani a eu deux fois en ce
1. P. li « Rotrou était à Paris, » dit M. de R., lorsque l'épidémie, dont il devait
être victime, éclata à Dreux; M. Person a prouvé que Rotrou était à Dreux, lors-
que se déclara la maladie.
2. On nous dit que ces deux pièces se trouveront dans l'édition que M. Félix Hé-
mon, l'auteur de Y Eloge de Rotrou récemment couronné par l'Académie, doit bien-
tôt publier chez Laplace et Sanchez.
0 HISTOIRE Kl DK LITTÉRATUKR I 2Q
siècle une fortune singulière. Révélée au public en 1818 par les éditions
simultanées, et toutes deux fort médiocres, de Barbier et de Serieys, elle
a sollicité, en 1881, la curiosité d'érudits qui ont travaillé à l'insu les
uns des autres et dont les publications n'ont ni les mêmes qualités, ni
les mêmes défauts. N'est-il pas curieux que Galiani ait attendu plus de
soixante ans un honneur dont il était assurément plus digne que bien
d'autres épistolaires? Les imperfections choquantes des textes de 18 18
éveillaient, en i85o, la sagacité toujours aiguisée de Sainte-Beuve :
« Ces deux éditions, disait-il ', sont également défectueuses au point
de compromettre l'agrément de la lecture. On ne saurait imaginer les
inexactitudes de mots, les altérations de sens, les inepties, pour tout
dire, qui se sont glissées dans le texte de l'une et de l'autre ; il serait dif-
ficile de les distinguera cet égard ». Vers le même temps, MM. E.
et J. de Goncourt réclamaient une édition plus complète et ajoutaient
qu'après ce nouveau travail il y aurait « un remaniement dans l'ordre
des épistolaires français et peut-être un changement de rang dans les
premiers rangs \ » Cet appel ne devait être entendu qu'après un nouvel
intervalle de trente ans.
M. Perey et Maugras ont consacré plusieurs années à copier et à
collationner,soit les lettres de l'abbé qu'ils avaient achetées en suivant
assidûment les ventes, soit celles que les amateurs leur ont permis de
collationner sur les autographes; M. P. a obtenu non sans peine, et grâce
au concours de M. A. Geffroy, la communication de la correspondance
diplomatique de Galiani avec son ministre Tanucci; les publications ré-
centes dont l'abbé a été l'objet de la part de ses compatriotes ont été
mises à profit et des documents inconnus, tels que le Journal, encore
inédit, d'un voyage en Italie par Mme Necker de Saussure, ont fourni
un contingent notable de faits, de traits et d'anecdotes. Le principal
résultat de ces efforts est la réunion de trente lettres inédites ou non re»
cueillies, dont treize au numismate Joseph Pellerin (les originaux for-
ment à la Bibliothèque nationale le n° 1074 des nouvelles acquisitions
françaises); quatre à d'Alembert, dont trois déjà publiées par Ch. Pou-
gens dans les Œuvres posthumes de d'Alembert (An VII, 1799, 2 vol.
in- 18, tome I, pp. 404-414), et qui ne méritaient pas, par ce fait, l'épi-
thète d'inédites 3; les autres ont été signalées ou communiquées par
1. Causeries du lundi, t. II, p. 440. Voir aussi une note sur Galiani à propos du
choix publié en 1866 par M. Paul Ristelhuber (Causeries, tome VIII, p. 545 .
Sainte-Beuve rappelle, à ce propos, que la Revue critique du 6 octobre i865 avait
dit un mot de ces Contes, lettres et pensées.
2. UEclair, journal (1852) nos 6 et 7. Ces deux articles n'ont point été réimprimés.
3. La lettre du 25 septembre 1775, dont l'original appartient actuellement à
M. Minoret, a été publiée aussi comme inédite dans l'Amateur d'autographes de
i865, p. 325, avec d'assez nombreuses fautes de lecture qui ont été rectifiées par
MM. Perey et Maugras. La seule lettre à d'Alembert, qui fût véritablement inédite
(collection Dubrunfaut), se trouve reproduite deux fois, p. xlvii de l'introduction et
tome II, p. 645.
l3û RKVCH, CRITIQUE
Mmc la comtesse d'Haussonville, M. le marquis de Fiers, M. Minoret,
M. le comte A. de Gobineau, M. Rieu, duBritish Muséum, M. J. Grot,
de Saint-Pétersbourg, MM. Puttick et Simpson, libraires à Londres, et
M. Etienne Charavay. M. Dubrunfaut avait, en outre, permis à
MM. P. et M. de conférer sur les autographes toutes les lettres de l'an-
née 1771 qu'il avait acquises dans la vente du 2 février 1874. Enfin les
éditeurs ont eut le bonheur de se procurer trois lettres adressées à Ga-
liani par Diderot, par Grimm et par la reine Caroline (celle-ci a été
retrouvée aux archives du Palais-Royal de Naples par M. A. Geffroy);
ils ont, en outre, reproduit douze lettres de Mmc d'Epinay à l'abbé, in-
sérées par MM. Brunet et Parison à la fin des Mémoires mis au jour en
1 8 1 8 ; Barbier n'en avait publié que quatre et Seriey s aucune.
M. Asse a procédé tout autrement. Il ne semble pas s'être douté que
les originaux mêmes de toute la correspondance de Galiani avec Mme d'E-
pinay, sans parler d'un certain nombre d'autres autographes, ont passé
à diverses époques chez MM. Charavay. Après avoir comparé entre elles
les éditions Barbier et Serieys, « nous arrivâmes, dit-il (Avertissement,
p. m), à la conviction que si le véritable texte de Galiani n'existait pas
plus dans l'une que dans l'autre prises séparément, il pouvait être établi,
par leur minutieuse confrontation, et que ce qui manquait dans l'une
pouvait être retrouvé dans l'autre ». De ce que Barbier reproche à
Serieys d'avoir négligé parmi les suppressions nécessaires, « celles qui
étaient impérieusement commandées par le bon goût et le respect pour
les mœurs », M. A. conclut que le texte de Serieys est préférable,
puisque les scrupules de son concurrent sont inconciliables « avec la
fidélité rigoureuse qui est le premier devoir — c'est du moins ainsi qu'on
le comprend aujourd'hui — d'un éditeur ». M. A. va plus loin, il
accepte pour valable la défense de Serieys qui, soucieux de justifier l'au-
thenticité des copies dont il s'était servi, prétendait les tenir de Mme R...,
fille de Lecourt de Villière, secrétaire de Grimm ; celui-ci les lui aurait
confiées en quittant la France. J'ignore si cette explication parut suffi-
sante aux lecteurs de 18 18, mais puisque M. A. fait à la nouvelle édition
de la Correspondance littét aire l'honneur de la citer presque à chaque
page, il a certainement jeté les yeux sur le Mémoire où Grimm célèbre
les bienfaits de Catherine et il y aura vu que, menacé dans sa liberté et
peut-être dans sa vie, par les dénonciations de la section du Mont-Blanc,
il quitta brusquement Paris en février 1793, n'emportant que les lettres de
l'impératrice *. Bientôt après sa maison fut mise au pillage et sa biblio-
thèque transportée au dépôt littéraire de la rue Saint-Marc. Les a pape-
rasses », selon l'expression de D. Poirier, y formaient à elles seules
trente-quatre paquets et les lettres de Galiani y devaient tenir leur place,
ainsi que les manuscrits et les papiers personnels de Mme d'Epinay. Or,
Serieys était, à cette époque, conservateur du dépôt littéraire delà rue de
j. Cf. Corr. litt., tome 1, pp. 41-46, et tome XVI, p. 552.
D HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE I 3 I
Lille et il lui fut sans doute aisé de se procurer la copie de cette corres-
pondance, comme il se procura celle des lettres du P. Pacciaudi à Caylus
et du président de Brosses qu'il édita en 1799 et en 1802. Dans sa Lettre
de V éditeur de la correspondance complète de l'abbé Galixni à l'éditeur
de cette correspondance incomplète ', il accuse Barbier d'avoir sup-
primé vingt-neuf lettres ; le terme n'est pas tout à fait exact et pour
cause : s'il avait pu, en effet, retrouver seize lettres à Mme de Belzunce,
fille de Mme d'Epinay (Barbier n'en a donné que deux), dont l'authenti-
cité paraît incontestable, il y avait ajouté une lettre à Caraccioli qui
nous inspire quelques doutes par la complaisance avec laquelle Galiani
reproduit les éloges que Voltaire avait donnés aux Dialogues sur les blés
(MM. P. et M. l'ont reproduite en y joignant un fragment de Caraccioli
lui-même dont ils ne font pas connaître la provenance) ; une lettre à
Msr Sanseverino, archevêque de Païenne, dont MM. P. et M. n'ont pas
tenu plus de compte que d'une lettre à l'abbé Le Batteux, toute relative
à Horace, mais où Galiani attaque sans motif les ennemis de Voltaire
et l'orthographe de celui-ci -, une à Mme d'Epinay (14 novembre 1772),
connue sous le nom de lettre aux p... (mutilée par MM. P. et M.) ; deux
à Mme Du Boccage que Serieys dit tenir de Mme de Beauharnais, mais
qu'il a dû complétera sa manière (ainsi que le remarquent MM. P. et M.) ;
une à d'Alembert (28 novembre 1777), Q111 provoque de leur part la
même observation ; enfin quatre lettres à Voltaire, à Marmontel, à
Raynal et à Thomas, rejetées avec raison par ces mêmes éditeurs :
« La moindre connaissance du style de Galiani, disent-ils, prouve que
ce sont là d'audacieux pastiches. D'abord les sujets de ces lettres sont
tous empruntés à un fait ou à une anecdote tirés de la biographie de
Diodati ou des mémoires du temps... Ensuite, aux lettres authentiques
de Galiani l'éditeur ne met pas une seule note explicative ; au contraire,
il les prodigue à chaque page lorsque la lettre est de sa composition et,
pour donner encore plus de vraisemblance à sa supercherie, il feint soit
une erreur de date, soit une erreur de fait et il s'empresse de mettre une
note pour expliquer que l'abbé s'est trompé. Enfin, le ton qui règne dans
ces lettres ne peut laisser le moindre doute sur leur auteur. Autant
Galiani est aimable et poli, autant Serieys se montre grossier et trivial;
en particulier la lettre à Raynâl n'est qu'un tissu d'injures. »
M. A. s'est montré moins difficile; il accueille toutes ces pages sup-
posées ou adultérées, sans émettre la moindre réserve ; il intervertit les
rôles lorsqu'il reproche à l'édition Barbier « des fautes évidentes de lec-
ture qui ne sont pas dans l'édition Serieys »; il se plaît même à repro-
i. Par M. C. de S4 M... (pseudonyme adopté par Serieys à cette occasion), Paris,
J.-G. Dentu, imp. libr. 1818, in-8, 16 pp. Ce pamphlet, dont ne parlent point les
nouveaux éditeurs, était distribué aux acheteurs de l'édition Dentu ; on le trouve
souvent dans les ex. anciennement reliés. P. i3, Serieys y annonce la prochaine
publication de la correspondance de l'abbé Conti « avec une dame aussi célèbre que
Mme d'Epinay, » Ce projet n'a pas eu de suite.
l32 RKVUIC CKITIQUh
duire comme des variantes des bévues que signalait en 1819 une note
anonyme du Journal des savants, communiquée sans doute doute par
Barbier à Daunou ï : d'Albant pour d'Albaret, Père pour Pe\ay,
Sgnarra pour Ignarra, et celle-ci, plus surprenante que les autres :
« Si je voulais me venger, écrit Galiani dans sa première lettre connue
à Mme d'Epinay (Paris, 2 février 1765), je vous retrancherais les dations
des oranges de Malte »; MM. P. et M. ont lu et bien lu rations, mais
M. A., par respect pour le texte de Serieys, n'a pas osé faire une correc-
tion aussi élémentaire!
Bien que déshonorée par de telles inadvertances et d'aussi méprisables
subterfuges, l'édition Serieys avait sur celle de Barbier l'avantage d'of-
frir un texte plus exact en ce qui touche non seulement les italianismes,
mais encore les passages libres ou irrévérencieux. Il est fâcheux que
MM. P. et M. aient obéi à des scrupules très discutables en pareil cas;
lorsqu'ils se flattent d'avoir rétabli « les passages supprimés », on pour-
rait leur répondre : « Beaucoup, soit, mais pas tous ». Il est assez scabreux,
je le sais bien, de réclamer la restitution des polissonneries qui choquent
à juste titre, mais sur cette question d'intégrité, il ne me semble pas qu'il
puisse y avoir ici divergence d'opinions; l'éditeur ne doit jamais oublier
qu'il est avant tout le très humble serviteur de l'auteur qu'il réimprime
et il est tenu de ne point biffer ce qu'il n'oserait écrire lui-même.
Toute cette question fort complexe de l'établissement du texte de Ga-
liani méritait d'être étudiée, et les lecteurs de la Revue critique me par-
donneront sans doute de m'y être arrêté un peu longuement. Il fallait
bien suppléer à la brièveté ou même à l'absence d'indications qu'on était
en droit d'exiger des nouveaux éditeurs. Il me reste à présenter quelques
observations sur leurs commentaires : celui de MM. P. et M. a surtout
été écrit en vue des gens du monde à qui l'on veut épargner la moindre
recherche; celui de M. A. décèle sa parfaite connaissance des hommes
et des choses du xvin0 siècle, et il y a fort à apprendre dans ses excel-
lentes notules généalogiques, biographiques et bibliographiques.
17 juillet 1769 (édition A, t. I, p. 3). Cette lettre a été insérée dans la
Correspondance littéraire (janvier 1 77 1 ) par Grimm, qui promettait
de la faire suivre d'autres pour remplacer celles de Voltaire à Damila-
ville (mort en 1768 et non en 1778, comme un lapsus typographique le
fait dire a M. Asse). « Il résulte delà, ajoute-t-il, que l'on pourrait espé-
rer trouver dans les archives de Gotha et ailleurs des copies des lettres
de Galiani adressées par Grimm à la suite des siennes ». Je suis en me-
sure d'affirmer à M. A. que ces lettres n'existent point, du moins à
Gotha, non plus que celle dont Galiani paraît si fier : « Le duc de Saxe
1. Le Journal des savants a successivement annoncé l'édition Barbier (juin 1818,
p. 377), signalé les balourdises de la publication concurrente (septembre »8i8, p. 56g)
et donné un article de Daunou, fort sévère dans ses conclusions sur le caractère de
Galiani lianvier 1819, p. 16.; les nouveaux éditeurs ont passé sous silence ces trois
articles, dignes cependant d'attirer leur attention.
d'histoire kt OK LITTÉRATURE 1^3
Gotha, écrit-il le 2 3 avril 1774, a reçu de moi une réponse fort drôle : si
j'avais un copiste français, je vous enverrais l'une et l'autre. » M. le Dr
Pertsch a bien voulu faire à cet égard des recherches restées absolument
infructueuses.
4 août 1770 (éd. A, p. 117, note 1). Gabriel-François Coyer était abbé
et non religieux ; il n'a donc pas droit au qualificatif de Père.
i3 décembre 1770 (éd. A., p. 179). M. A. a corrigé dans l'Appendice
de son second volume une note inexacte sur les Annonces, Affiches et
avis divers, connus sous le nom de Journal des provinces, mais il ne
dit pas que l'« extrait », attribué par Galiani à d'Alembert, a paru dans le
n° 46 (14 novembre 1 770) ; le 2 r août 1 77 1 , il est également fait allusion
aux Dialogues sur les blés et à leur auteur, à propos de la Méthode pour
recueillir les grains de Ducarne de Blangy.
9 mars 1771 (éd. A., p. 216). M. A. suppose à tort que le Sermon
prononcé par Grimm dans la « synagogue» d'Holbach a été mal classé
par les éditeurs de la Correspondance littéraire. Ce sermon figure bien
à la date de janvier 1770 dans le manuscrit et il n'a pu, en effet, être
composé qu'à la fin de 1769, au retour du voyage de cinq mois que
Grimm fit en Allemagne. Mme d'Epinay n'en avait envoyé copie à Ga-
liani que beaucoup plus tard, et cela n'a rien de surprenant, quand on
songe à la lenteur des communications à cette époque.
19 octobre 1771. Mme d'Epinay à Galiani (éd. P. et M., t. I, p. 457;
éd. A., t. I, p. 283). Dans l'édition P. et M., il faut lire Gilabeldé et
non Gisabeldi. Tout le passage commençant par : « Feu M. l'abbé de
Bragelongne, » jusqu'à : « Il est impossible qu'un rêve philosophique et
métaphysique ne le soit pas [obscur] » se retrouve, sauf deux ou trois
variantes, dans les Œuvres complètes de Diderot, t. IX, p. 464. Mme dE-
pinay, qui a soin de dire : « Je tiens ce conte de Diderot, » recopiait
sans doute le manuscrit qu'elle avait sous les yeux et qui était destiné à
la Correspondance littéraire rédigée par elle et par le philosophe pen-
dant le voyage de Grimm en Angleterre l. M. A. dit avoir cherché inu-
tilement les Eléments du système général du monde par M. de Laz-
niez (Diderot l'appelle Lasnière). Je confesse qu'après de nombreuses
investigations je n'ai pas été plus heureux, mais je serais tenté de croire
que Diderot, assez coutumier du fait, a estropié le nom de l'auteur ou
le titre du livre et peut-être tous les deux.
i3 juin 1772 (éd. A., p. 35o). La note citée par M. A. n'est point
de l'auteur de cet article, mais de M. Taschereau. Je n'ai pas eu l'hon-
neur de connaître M. Hippolyte de La Porte, mort le 29 février i852.
1. On peut faire la même observation au sujet de la Lettre de M. Raphaël le
jeune dont parle Mm<» d'Epinay dans sa lettre du b octobre 1771; l'extrait qu'elle
en donne figure à peu près textuellement dans les Œuvres complètes de Diderot,
t. XVII, p. 5oo, et dans la Correspondance littéraire, t. IX, p. 376; mais il est im-
possible de déterminer qui des deux auteurs a fourni le canevas.
.-
1 34 REVUE CRITIQUE
22 novembre 1772 (éd. P. et M., t. II, p. 1 39). La note sur le dessi
nateur Huber. est insuffisante. Grimm a maintes fois parlé de lui en ter-
mes qui font vivement regretter la dispersion de ces fameuses découpu-
res. Quant aux tableaux « assez mauvais » dont parle la baronne
d'Oberkirch dans ses Mémoires, ceux qui ont vu en 1878 le petit por-
trait à l'huile de Voltaire (appartenant à M. d'Haussonville) ne seront
pas tentés de ratifier ce jugement : c'est une peinture délicate, sobre et
ferme qui rappelle presque l'école de Clouet. M. Desnoiresterres a pu-
blié en fac similé dans V Iconographie voltairienne un dessin très large
et très vigoureux d*un autre portrait, dessin faisant partie de la collec-
tion de M. le comte Berolingein, à Spire.
12 décembre 1772 (éd. P. et M., t. II, p. i5o; éd. A., t. I, p. 3o,8).
A propos d'une des épitaphes de Piron, dont Galiani remercie Mme d'E-
pinay, MM . P. et M. citent celle qui commence par :
J'achève ici -bas ma route;
C'est un vrai casse-cou, etc.
M. A. paraît avoir mieux choisi en indiquant celle-ci qui est beaucoup
plus célèbre :
Ci-gît... Qui? Quoi? "Ma foi, personne, rien;
Un qui, vivant, ne fut ni valet ni maître, etc.
23 janvier 1773 (éd. P. et M., t. II, p. 161 ; éd. A., t. II, p. 11,
note 2). Aufresne n'est pas mort vers 1806, mais le 4 juillet 1804, à
Saint-Pétersbourg (Cf. A. de Montet, Dictionnaire biographique des
Genevois et des- Vaudois. Lausanne, G. Bridel, 1877, 2 vol. in-8).
Même lettre. L'Honnête criminel de Fenouillot de Falbaire ne fut pas
seulement joué en province, il fut représenté en 1778 sur le théâtre de
Versailles, par ordre de la reine, alors qu'il était officiellement interdit à
la Comédie-Française : singulière contradiction, dont la Partie de
chasse de Henri IV de Collé offre un autre exemple.
19 juin 1773 (éd. P. et M., t. II, p. 216; éd. A., t. II, p. 63). MM. P.
et M. ne donnent aucun renseignement sur le portrait du marquis de
Croismare reçu par Galiani ; M. A. suppose qu'il n'existe pas à la Bi-
bliothèque nationale. Il figure, au cabinet des Estampes, dans l'œuvre
de Cochin. C'est un médaillon de profil à gauche, gravé par Halm, avec
cette inscription : M. A. N. de Croismare, marquis de Lasson, et cette
devise : Nil dixit, nil egit ut alter, tamen omnia recte, devise que
l'on peut, sans trop de présomption, attribuer à Grimm, puisqu'il ter-
mine ainsi le portrait du marquis publié pour la première fois dans la
nouvelle édition : « On peut écrire sur sa tombe qu'il n'a jamais rien
fait ni rien dit comme un autre et qu'il a cependant toujours fait et dit
au mieux. » (Cf. tome X, p. 5o.)
9 juin 178 1 (éd. P. et M., t. II, p. 619). MM. P. et M. ont fait deux
personnages de Daudet de Jossan, l'auteur, selon Meister, ou le réviseur,
selon Barbier, de la Lettre de M. le marquis de Caraccioli à M. d'A-
lembert (contre Necker). La note de M. A. est plus exacte (t. II, p. 369)
d'histoire kt de littérature I 3 5
sans être complète : cette lettre, attribuée à Beaumarchais par Métra et
Bachaumont, a été réimprimée en 1828 par M. de Ghâteaugiron dans
les Mélanges de la Société des bibliophiles français et tirée à part.
M. A. a terminé son trayail par un très bon index alphabétique ;
MM. P. et M. ont cru remplacer cet indispensable complément par des
sommaires qui sont loin de rendre le même service. M. Asse a fait figu-
rer en appendice les deux Mémoires à Sartine sur les monts de piété ou
lombards, et sur les entrepôts de blé de Sicile, le Dialogue sur les
femmes et la Dissertation sur le chœur et la musique des anciens.
MM. Perey et Maugras n'ont reproduit que la première et la troisième
de ces quatre pièces, mais ils promettent de publier les deux autres avec
la Correspondance diplomatique inédite et les Commentaires sur Ho-
race, dont ils possèdent le texte complet. Souhaitons qu'ils parviennent
à recouvrer toutes les lettres adressées à Galiani par ses amis de France :
ce jour-là seulement ils pourront considérer leur tâche comme accom-
plie.
Maurice Tourneux.
164. — Von Land nnd Leuten, Bllder und Geschichten aus dem
Herzogtum Oldenbnrg, von Ludwig Strackerjan. Oldenburg, Schulze. in-8°,
xvhi et 169 p.
Cbronlk des alten Theaters in Oldenburg (1S33 bis 1881),
Festschrift zu der Erœffnung des neuerbauten Theaters am 8 October 1881 von
Freiherr R. von Dalwigk. Oldenburg, Schulze. in-8°, iv et 23o p.
Le premier de ces deux ouvrages, dont le titre peut être traduit ainsi
« Le pays et les gens d'Oldenbourg », renferme d'agréables récits con-
tés avec humour par feu Louis Strackerjan et relatifs aux mœurs du
pays d'Oldenbourg; on" y trouvera de curieux détails sur la superstition
des paysans, sur les légendes oldenbourgeoises, sur les devises et senten-
ces gravées sur les maisons, et sur ce qu'en Allemagne on nomme la
Culturgeschichte ; un des articles les plus attachants du recueil est
consacré aux présages et aux pressentiments (Vorspuk); nous donnons
en note les titres des morceaux qui composent le volume '.
Le théâtre d'Oldenbourg est un des théâtres de VA llemagne qui mé-
ritent une étude spéciale ; dans ces cinquante dernières années et surtout
1. Erinnerung aus der Marsch. — Hûnensteine im Oldenburgischen. — Die
Kirchhofslinde fit Oldenburg. — Eine Pastorei im Jahre ijoo. — Das Regenhleid,
eine Geschichte aus dem Jahre 1708. — Die Lehre vom Essen im plattdeutschen
Sprichwort. — Haussprùche im Oldenburgischen. — Strafrecht vor %wei hundert
Jahren. — Edo Wimeken der aeltere, ein Geschichtsbild aus den friesischen
Marschen. — Wie ist der Vorspuk %u erklœren? — Die Ochoter Lùnse. — Eine
Herbstdeichschau. — Wetterstimmungen. — Die rœumliche 'Entwickelung der Siadt
Oldenburg vor und nach dem Freibriefe von i345. — Wie' s der dite Lùning
gemacht hat. — Die Zeitung an der Drehorgel. — Die Thorsperre in Oldenburg.
f 36 KKVUK CK1T1QUK
dans la période de i83o a i85o, il s'est acquis des titres à l'eslime des
lettrés ; il a eu le souci du grand art, il n'a représenté relativement que
très peu de pièces vulgaires et banales, il a joué pour la première fois
YUriel Acosta de Gutzkovv, etc. M. de Dalwigk raconte l'histoire du
théâtre d'Oldenbourg avec beaucoup de détail ; il suit l'ordre chronolo-
gique; aussi, son récit a l'allure et la monotonie d'une chronique locale.
Mais on sent qu'il est homme de goût et qu'il connaît bien les choses
du théâtre; ses observations sur l'influence des grands mouvements
littéraires, sur le rôle des personnages remarquables qui furent attachés
au théâtre d'Oldenbourg, comme Adolphe Stahr, Julius Mosen (nommé
« dramaturge » en 1844), Palleske, sont intéressantes '.
C.
CHRONIQUE
ALLEMAGNE. — La collection des Deutsche Litteraturdènkmale ou écrits alle-
mands du xvnie siècle, que publient les frères Henninger, de Heilbronn, et que dirige
M. Seuffert, de Wûrzbourg, vient de s'augmenter d'un volume nouveau, YHermann,
de vVieland. Sous presse sont les Frankfurter gelehrte An^eigen, de l'année 1772,
plus tard paraîtront : de Bodmer, Charakter der deutschen Geschichte ; de Brentano,
Gustav Wasa; de Frédéric II, De la littérature allemande ; de Hagedorn, Versuch
einiger Gedichte ; de Klinger et Sarasin, Plimplamplasko ; de Klopstock, le Mcssias
de 1748 et le recueil de 1771, Oden und Elegien; de Moritz, Anton Reiser; de Schil-
ler, les Rœuber de 1781 et le Musenalmanach ; de A. W. Schlegel, Ueber Littera-
tur,KunstundGeist des Zeitaliers ;de J. Elie Schlegel, Dramaturgische Schriften;
de Thûmmel, Wilhelmine; de Wagner, die Kindermœrderinn ; de Wieland, Er-
^œhlungen, Musarion, Oberon ; de Winckelmann, Gedanken ûber die Nachahmung
der griechischen Werke, Sendschreiben ùber die Gedanken, Erlœuterung der Gedan-
ken ; ajoutons-y le recueil de Herder, von deutscher Art und Kunst.
ANGLETERRE.— Quoique Thackeray ait désiré qu'on ne fît jamais sa biogra-
phie, M. R.-H. Shepherd prépare, en deux volumes, un ouvrage sur l'auteur de
« Pendennis » et de « Vanity Fair, » sous le titre The life, letters and uncollected
writings in prose and verse of W. Makepeace Trackeray. On voit, par le titre du
livre, que la publication de M. Shepherd renfermera, outre la vie du célèbre roman-
cier, ses lettres et ses écrits inédits.
— La collection des Oriental séries de Trûbner s'accroîtra bientôt d'un volume
nouveau, la Metrical Translation of Manu, de M. Burnell, qui devait paraître d'a-
bord dans la collection des « sacred books of the East. »
— M. Alois Brandl prépare un livre sur Coleridge.
BELGIQUE. — Dans une séance de la Société d'entomologie (ier juillet), un des mem-
1. On remarquera, p. 9, le prologue qui fut dit le i5 août 18 12 en l'honnenr de
Napoléon Ier au théâtre d'Oldenbourg : « laissez-le, ô dieux, affermir et achever notre
bonheur... vois, son peuple fidèle loue en lui le sage, le héros et le père, et son
trône repose sur des pieds de diamant. » — P. 5o, lire Lausanne et non « Lauranne ».
— Le nom du célèbre dramaturge et romancier est Freytag et non Freitag.
D'HISTOIRE ET DE LITTERATURE I 37
bres, M. Van Segvelt, a parlé de la récente publication de M. Maspero, La trouvaille
de Deir-el-Bahari, où il avait trouvé un fait intéressant la science entomologique.Un
cercueil renfermait la momie d'Amenhotep I, enveloppée, selon l'usage de l'époque
thébaine, des pieds à la tête, de guirlandes de fleurs rouges, jaunes et bleues; au
moment de l'enterrement, une guêpe, attirée par les fleurs, entra dans le cercueil;
elle s'y est conservée intacte et nous fournit l'exemple, probablement unique, d'une
momie de guêpe; sa mort remonte à 3,55o ans, et c'est le seul insecte d'une si haute
antiquité ayant date certaine.
— Le Portugal, notes d'art et d'archéologie, tel est le titre d'un opuscule intéres-
sant de M. Adolf de Ceuleneer (extr. du « Bulletin de l'académie d'archéologie de
Belgique ». Anvers, 90 p.). Cet opuscule comprend trois parties : dans la première,
M. de G. retrace les questions agitées au congrès international d'anthropologie et
d'archéologie préhistoriques, de Lisbonne (1880); dans la deuxième, il étudie les
a^ulejos ou carreaux émaillés; dans la troisième, il nous renseigne sur l'ancienne
école de peinture en Portugal.
— Le prix annuel de 25, 000 francs, institué par le Roi, sera décerné : en 1886, à
l'ouvrage le mieux conçu pour développer chez la jeunesse belge, l'intelligence et le
goût des littératures anciennes et modernes; — en 1887, à l'ouvrage qui démontrera
le mieux de quelle manière la Belgique doit comprendre son rôle dans la grande fa-
mille européenne; — en 1888, au meilleur livre sur l'enseignement des arts plasti-
ques en Belgique et sur le moyen d'y développer l'art et de le porter à un niveau
plus élevé. Ces concours sont exclusivement belges.
— Dans la séance du 3 juillet de la commission royale d'histoire, M. Charles Piot.
a lu deux notes importantes, la première sur la vaisselle et les bijoux de Philippe de
Beau,_ et la seconde, sur le testament du comte Lamoral d'Egmont ; ce testament,
jusqu'ici inconnu et dont M. Piot donne le texte complet, fut fait par Egmont, le
21 juin i558, au moment où il se préparait à quitter Bruxelles pour se mettre à la
tête de l'armée « du roy d'Espaigne et d'Engleterre, en ceste guerre d'entre luy et le
roy de France ». L'acte contient nombre de détails intéressants sur les nombreux
enfants du comte, sur ses biens et leur partage; on y voit l'affection tendre et pro-
fonde qu'Egmont portait à sa femme Sophie de Bavière, alors enceinte, et que con-
firme la lettre qu'il lui écrivit quelques heures avant de monter sur l'échafaud.
— Les séances du 3o mai et du 26 juin de la Société d'Anthropologie ont été
marquées par de curieuses communications et discussions. M. Houzé a lu une no-
tice sur l'indice céphalique des Flamands et des Wallons, et M. Vanderkindere,
un mémoire sur la question celtique; nous n'insistons pas, et renvoyons nos lec-
teurs au numéro 14 (i5 juillet) de YAthenaeum belge, où ils trouveront le compte-
rendu détaillé de ces deux séances.
— La classe des lettres de l'Académie royale met au concours les questions sui-
vantes : Concours annuel pour 1884. I. Règles de la poétique et de la versification
suivies par les Rederykers au xve et au xvr3 siècle; II. Histoire du cartésianisme en
Belgique; III, Caractères et tendances du roman historique depuis Walter Scott ;
IV. Histoire des origines, des développements et du rôle des officiers fiscaux près
les Conseils de justice, dans les anciens Pays-Bas, depuis le xve siècle jusqu'à la
fin du xvme; V. Etude historique, d'après les auteurs et les inscriptions, sur l'or-
ganisation, les droits, les devoirs et l'influence des corporations d'ouvriers et d'ar-
tistes, che\ les Grecs et les Romains, en comprenant dans cette étude les Grecs de
l'Asie-Mineure, des Iles et de la Grande Grèce; VI. Histoire de la dette publique
belge ; VII. Exposé comparatif, au point de vue économique, du système des an-
ciens corps de métiers et des systèmes d'associations coopératives de production
I 38 «KVUK CKllIQUh
formulées dans les temps modernes. (Pour chacune de ces sepl questions, médaille
d'or de «Soo francs}. — Prix Stassart : I. Apprécier l'influence exercée au xvte siècle
par les géographes belges, notamment par Mercator et Ortelius ; donner un exposé
des travaux relatif s à la science géographique, qui ont été publiés aux Pays-Bas, et
de ceux dont ces pays ont été l'objet, depuis V invention de V imprimerie et la décou-
verte de V Amérique jusqu'à l'avènement des archiducs Albert et Isabelle. (Prix de
3,ooo francs); II. Notice sur Simon Stévin (prix de 600 francs). — Prix de Saint-
Génois : I. Quelle influence ont eue sur la littérature néerlandaise les réfugiés fran-
çais qui se sont établis aux Pays-Bas après la révocation de l'édit de Nantes (Mé-
moires à rédiger en flamand; prix de 450 fr.) — Prix Teirlinck : Histoire de la
prose néerlandaise avant Marnix de Sainte- Aldegonde (1,000 fr.)
— On trouvera dans la 2e livraison du Bulletin Rubens des rapports adressés par
M. Ruelens et datés de Carpentras, où cet érudit a dépouillé la collection Peiresc;
on sait que M. Ruelens a été chargé de rechercher et de recueillir dans les biblio-
thèques et dépôts d'archives de France les documents relatifs à Rubens.
— Le conservateur du Musée Plantin, à Anvers, M. Max Rooses, vient de faire
paraître (Gand, Hoste), un a nouveau livre d'esquisses » en langue flamande; on
trouvera dans ce Nieuxv Schetsenboek une étude sur les Nibelungen comparés aux
chants de YEdda; une histoire de la chanson politique et religieuse dans les Pays-
Bas au xvie siècle; deux monographies, l'une sur le poète dramatique Willem Ogier,
et l'autre sur le jésuite Poiriers (les seuls écrivains remarquables en langue flamande
au xvne siècle); un essai sur la poésie flamande de i83o à 1880; un morceau très
intéressant sur Henri Conscience, sa vie et ses œuvres. — Il y a quelque temps,
M. Rooses avait publié un petit mémoire fort curieux sur Plantin et l'imprimerie
plantinienne {Plantijn en de Plantijnsche drukkerij); M. Rooses a repris ce travail
et lui a donné de plus grands développements, grâce aux documents sans nombre
qu'il a trouvés dans le Musée Plantin; nous pouvons annoncer que son étude, re-
maniée et considérablement augmentée, paraîtra assez prochainement, en langue fran-
çaise, et sous le titre : Christophe Plantin, imprimeur anversois. Cette grande publi-
cation sera ornée de cent planches phototypiques hors texte et de plusieurs centaines
de planches dans le texte.
DANEMARK. — M. Troels Lund travaille à une Histoire du Danemark et de la
Norvège dans la seconde moitié duxvi* siècle, de i55o à i5q6; dans cette publica-
tion (en langue danoise) il retrace d'abord la situation générale de la nation, puis
l'histoire politique de la monarchie. Il a composé jusqu'à présent les quatre pre-
miers livres de la première partie de cet ouvrage; chaque livre forme un volume;
dans le premier volume, il décrit en traits généraux le pays et le peuple d'alors et
montre en quoi ils différaient du peuple et du pays d'aujourd'hui; dans le deuxième
et le troisième livre il expose la vie de chaque jour, le dehors et l'intérieur des mai-
sons à la campagne et à. la ville, l'existence des seigneurs dans leurs châteaux,
etc. ; dans le quatrième livre il traite des costumes de l'époque. Le deuxième et le
troisième livre forment un ouvrage spécial qui vient d'être traduit en allemand sous
la direction de l'auteur lui-même, et qui a pour titre : Das tœgliche Leben in Skan-
dinavien wœhrcnd des- XVI. Jahrhunderts, eine cullurhistorische Siudic ùber die
Entwickelung und Einrichtung der Wohnungen (Copenhague, Hœst et fils. In-8°,
vi et 485 p. 9 mark.)
ESPAGNE. — Une publication considérable, consacrée aux chants populaires de
l'Espagne, paraîtra prochainement, à la librairie Francisco Alvarez, de Séville, sous
le titre : Cantos popularcs espaholes, recogidos, ordenaJos i ilustrados por Fran-
D HISTOIRE ET DE LlllKHAlUilh 1^9
cisco Rodrigue^ Marin. L'ouvrage comprendra quatre volumes et renfermera près
de 10,000 chants populaires.
GRÈCE. — Un de nos correspondants nous écrit d'Athènes : deux importantes
études archéologiques viennent de paraître : toute deux se rapportent à la topogra-
phie du Pirée. L'une (qui a d'abord été publiée dans le Parnassos) est l'œuvre du
professeur J. Gh. Dragatsis, et a pour litre : Ta Oéaxpa xou Iletpatûç -/.a! 6 y.o)çbç
A'.ij/rjv. Grâce à cette monographie, la place des deux théâtres du Pirée est à jamais
fixée, ainsi que celle du port appelé le xtoçoç Xtjrrçv ; le passage de Xénophon, Hellen.,
II, 4, 32, trouve une explication claire et satisfaisante. L'autre, de M. A. Mélétopoulos,
Hîp! vqç, <7X,suo6y)X,y;<; tou <P£Xg)VOÇ, fixe l'emplacement du célèbre arsenal de Philon
d'Eleusis.
— Une Société historique et ethnologique de la Grèce s'est fondée récemment. Elle
se propose de créer un musée renfermant toute sorte d'objets relatifs à l'histoire de
la Grèce au moyen âge et dans les temps modernes. Les manuscrits et documents
écrits formeront une dépendance à part du Musée sous le nom d'Archivé historique.
C'est le même but que la Société Archéologique d'Athènes poursuit pour la Grèce
classique.
— L'ÎVOrjvaiov a cessé de paraître.
RUSSIE.— Une nouvelle édition des Œuvres de Pouschkine doit paraître à Mos-
cou, par les soins de M. Efremof ; elle comprendra sept volumes, dont l'un renfer-
mera les lettres intimes du poète; on y trouvera deux portraits de Pouschkine, dont
l'un, jusqu'ici inconnu et conservé maintenant au Musée de Moscou, est dû à Pousch-
kine lui-même.
SUISSE. — M. G. Meyer de Knonau vient de rééditer une des meilleures œuvres
d'histoire du moyen âge, les Nihve casus monasterii Sancti Galli (Saint-Gall, Iluber.
In-8°, lxii et 3gi p.). La Société historique de Saint-Gall avait déjà fait paraître en
1862 une édition de cet ouvrage; mais cette édition n'avait ni commentaire ni index
et le texte n'avait pas été établi avec toute la rigueur désirable. M. Meyer de Knonau
a publié à nouveau ce texte avec la plus grande correction, en y ajoutant des notes
nombreuses et une table des noms de lieux et de personnes; en appendice, on trouve
un assez long exposé des rapports de l'évêque Eberhard II de Constance et de l'abbé
Berthold de Saint-Gall de i52i à ibiq et une réimpression du Planctus beati Galli
de 1252.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 1 g juillet 1882.
M. d'Arbois de Jubainville signale l'existence, dans le nord de l'Irlande, de forts
vitrifiés, semblables à ceux de France ou d'Ecosse. La construction doit vraisembla-
ment en être attribuée aux Pietés, habitants primitifs de l'Ecosse, qui ont aussi oc-
cupé la partie de l'Irlande où ces forts se trouvent.
M. Schlumberger communique plusieurs sceaux inédits de fonctionnaires byzan-
tins {stratèges ou gouverneurs, commerciaires ou directeurs des douanes) du thème
de Khersois. Il montre également à la société plusieurs sceaux de fonctionnaires de
la Bulgarie. Ce dernier pays, reconquis par l'empereur Basile, ne fut pas constitué
en thème, et resta une sorte de province militaire, administrée par des ducs, des pré-
teurs, et surtout des provéditeurs (iupovoY)Taï TiaGYjç BcuX^aptaç) sorte de commissai-
res extraordinaires.
M. Courajod lit, au nom de M. Mûntz, une note sur le premier architecte du
palais pontifical d'Avignon. Il s'appelait Pierre Poisson ou Peysson (Magister Petrus
Piscis ou Peysonnis) et était de Mirepoix. Dans les comptes conservés aux archi-
I4O REVUE CRITIQUE D HlSTOiKE ET DE LITTÉRATURE
ves secrètes du Vatican, on trouve plusieurs fois son nom depuis 1 335. L'année qui
suivit l'avènement du fondateur de l'édifice, Benoit Xll, jusqu'en 1337, il dirigea no-
tamment la construction de la chapelle et de la tour du palais, d'un cabinet de tra-
vail pour le pape et d'une salle d'audience.
M. Héron de Villefosse lit, au nom de M. Maxe-Verly, une note sur deux ins-
criptions fausses attribuées à Nasium (Naix-en-Barrois).
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 4 août 1882.
Le prince S. Abamelek-Lazarew envoie des photographies et une copie des parties
grecques de l'inscription bilingue découverte par lui à Palmyre, dont il a déjà fait
parvenir à l'Académie un estampage malheureusement fort endommagé.
M. Heuzey annonce par lettre des observations nouvelles qu'il vient de faire sur
les monuments chaldéens trouvés par M. de Sarzec, dans les ruines de Tello, l'antique
Sirtella. En enlevant l'efflorescence calcaire qui recouvrait un fragment de style très
ancien, on y a reconnu la présence d'une inscription cunéiforme en caractères ar-
chaïques; M. Heuzey y a lu le nom d'un souverain, qualifié, non comme dans les
inscriptions déjà publiées, de gouverneur (patesi), mais de roi de Sirtella. Cette
constatation l'a amené à étudier d'autres monuments analogues, et il y a rencontré des
mentions semblables. Il a relevé, en tout, jusqu'ici les noms de quatre rois de Sir-
tella, dont deux accompagnés d'indications généalogiques. Il faut donc admettre qu'à
une époque très ancienne, antérieure à celle des textes précédemment étudiés, la ville
de Sirtella formait un royaume indépendant, gouverné par ses propres souverains et
non par des gouverneurs envoyés d ailleurs. M. Heuzey a trouvé aussi quatre ins-
criptions qui mentionnent des gouverneurs ou, patesi, et donnent leurs noms et leur
filiation. Celles-ci sont postérieures à celles des rois, mais antérieures à celles du
patesi dont le nom a été lu Goudea, et sur lequel s'est portée principalement jusqu'ici
l'attention des savants.
Le prix Duchalais est décerné à M. Stanley Lane Poole, pour son volume intitulé :
the Coins of the Moors of Africa and Spain, qui forme la 5e partie du Catalogue of
oriental coins in the British Muséum.
M. Egger communique quelques observations sur une inscription funéraire d'A-
thènes, qui vient d'être publiée par M. Koumanoudis, dans le dernier fascicule de
1' 'AÔYjVaiOV. Cette inscription se compose d'une liste de soldats athéniens tués dans
diverses guerres, pendant les trente ou quarante années qui précédèrent la guerre du
Péloponèse; cette liste est suivie de deux distiques en l'honneur des morts. C'est un
monument intéressant à beaucoup d'égards, et d'abord par sa date relativement an-
cienne; la langue y présente des caractères d'archaïsme dignes d'attention, notamment
dans les deux distiques. Il faut remarquer, en outre, parmi les noms propres, quel-
ques composés formés pour rappeler le souvenir d'un succès militaire des Athéniens
et tirés du nom d'une ville prise ou d'un pays conquis, comme chez les Romains les
surnoms d'Africanus, Asiaticus, etc. Enfin, ce texte offre un nouveau témoignage de
l'attention patriotique des Athéniens à perpétuer sur le marbre des tombeaux le nom
des guerriers morts pour la patrie, tandis que dans les oraisons funèbres, au con-
traire, l'usage voulait qu'on ne nommât pas les morts et qu'on honorât leur dévoû-
ment par des éloges d un caractère tout à fait général.
M. Weil donne une seconde lecture de son mémoire sur un papyrus grec qui con-
tient des fragments des Oiseaux d'Aristophane.
Ouvrages présentés : — par M. Alexandre Bertrand : Evans (John), les Ages de la
pierre; le même, l'Age de bronze; — par M. Desjardins : Bulletin trimestriel des
antiquités africaines recueillies par les soins de la Société de géographie et d'archéo-
logie de la province d'Or an, et publiées sous la direction de MM. J. Poinssot etL. De-
maeght, sous le patronage et avec la collaboration de MM. L. Renier, E. Renan,
E. Desjardins, Ch. Tissot (de V Institut), Héron de Villefosse, Poulie, Cherbonneau,
et de divers savants français et étrangers, Ier fascicule, juillet 18H2; — par M. Geffroy:
Ecole française de Rome, Mélanges d'archéologie et d'histoire, 1* année, fascicules 3
et 4; — par M, Gaston Paris : Bladé (J.-F.), Poésies populaires de la Gascogne,
t. III et IV; — par M. Delisle : Tamizey de Larroque, Entrée du roy Charles IX
à Bordeaux; la Borderie (A. de), Diablintes, Curiosolites et Corisopites; Marre
(Aristide), Problèmes numériques de Nicolas Chuquet.
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N° 34 - 21 Août - 1882
Sommaire s i65. Socin, Les dialectes araraéens d'Ourmia à Mossoul. — 166.
Warren, Manuscrits de Térence collationnés par Bentley. — 167. Archives de
l'Orient latin, tome I.— 168. Pajol, Les guerres sous Louis XV, vol. I. — 16g.
Les contes en vers d'Andrieux, p. p. Ristelhuber. — 170. Janssen, Frédéric
Stolberg. — 171. Simson, Rapports de Napoléon III avec la France et l'Allemagne.
— Chronique.
l65. — Die neu-aramaeieclien Dialekte von Ui*miu bis Mosul, Texte
und Uebersetzung herausgegeben von Dr Albert Socin, Professor an der Universi-
taet Tubingen. Laupp, Tubingen, 1882, xi et 224 p. in-40.
M. Socin poursuit sans relâche ses travaux sur les dialectes des pays
environnant Mossoul. L'année dernière, il éditait, en collaboration avec
M. Prym, un volume qui nous révélait le dialecte araméen du Tour
'Abdin •. Cette année s'annonce encore plus fructueuse; outre ce livre-ci
consacré à divers dialectes araméens, il a publié, dans le premier cahier
de cette année du Journal oriental allemand, une première série de textes
du dialecte arabe de Mossoul et de Mardin, lesquels, avec les Proverbes
arabes 2, doivent servir de matériaux pour des travaux ultérieurs de
grammaire et de lexicographie. Il paraîtra aussi prochainement une im-
portante collection de chants kurdes et des textes dans le dialecte turc du
Kurdistan.
Malgré la généralité de son titre, le présent livre n'a pas la prétention
d'être complet ; cependant il forme, dans son ensemble, un recueil de pre-
mière valeur pour l'étude des dialectes néo-syriaques. Le soin que M. S.
a mis à rendre exactement la prononciation de ces dialectes, lui assure
la reconnaissance des philologues. Il suit le système de transcription
adopté précédemment pour le dialecte du Tour 'Abdin ; les diverses arti-
culations et les nuances des voyelles y sont minutieusement notées au
moyen de caractères latins munis de points et d'appendices diacritiques.
Il est a désirer que cette excellente méthode serve de modèle pour les
travaux de ce genre.
Six dialectes sont représentés par des textes classés sous vingt-sept
numéros : le dialecte d'Ourmia, nos I-XXII : le dialecte deSupurghan et
le dialecte de Chosrowa, n° XXIII, 1 et 2; le dialecte de Dschelu,
1. V. Revue critique, nL' du i5 août 1881.
2. Arabische Sprichwoerter und Redensarten. Tubingen, 1878.
Nouvelle série, XIV.
I42 REVUE CRITIQUB
n° XXIV a b c; le dialecte FelliAi, n™ XXV et XXVI ; et le dialecte des
Juifs de Zacho, n° XXVII a et b.
£omme on le voit par cette classification, le dialecte d'Ourmia est de
beaucoup le mieux partagé, sous le rapport du nombre des textes. Ceux-ci
sont dus à la composition d'un certain Joseph Audischu ', natif de Mat-
maryam, faubourg d'Ourmia. MM. Hoffmann et Socin, alors à Berlin,
profitèrent de la présence d' Audischu dans cette ville pour les lui faire
écrire et lire! C'est pendant la lecture qu'ils en fixèrent la transcription
exacte au moyen de caractères latins et de signes spéciaux.
Le style d' Audischu nous était déjà connu par plusieurs morceaux
publiés en 1873 par M. Merx dans sa chrestomathie néo-syriaque [Neu-
sjyrisches Lesebuch, pp. 1-28). Mais cette publication s'en tenait à l'ortho-
graphe d' Audischu qui, se servant de caractères syriaques, tantôt recher-
chait l'étymologie, tantôt imitait la prononciation, à moins qu'il ne se
laissât aller à sa fantaisie. Son esprit peu cultivé ne lui permettait pas de
suivre une orthographe régulière, comme celle que durent adopter les
missionnaires protestants, qui, avaient d'autres soucis que de faire de la
philologie. Il est singulier qu'ils marquent d'un point inférieur le waw
du suffixe de la 3e personne fém. sing. Audischu suit cette ponctuation
vicieuse; heureusement, la prononciation figurée nous apprend que ce
suffixe est 0 et se distingue du masculin ou.
Le principal intérêt de la nouvelle publication de M. S. ré-
side donc dans sa méthode de transcription. Il aurait pu avantageusement
laisser de côté la rédaction syriaque d' Audischu, qui accompagne le texte
des treize premiers numéros ; en la conservant, il devait, il nous semble,
la corriger et la ramener à la stricte étymologie. La prononciation étant
assurée par la transcription en caractères latins, la rédaction syriaque ne
devait plus servir que de commentaire facilitant l'intelligence des
textes; telle est, par exemple, l'excellente rédaction arabe que M. S.
a jointe à son édition des dialectes arabes de Mossoul et de Mardin,
mentionnés plus haut. Le respect scrupuleux de l'éditeur pour son ma-
nuscrit est très louable en ce qui concerne la transcription phonétique;
c'est à la critique à rechercher si les inconséquences inhérentes à cette
méthode sont dues à la mobilité du parler vulgaire ou à des lapsus très
excusables de la part d'une oreille européenne, ou bien si elles trouvent
leur justification dans des raisons grammaticales. Mais nous n'avions
aucun intérêt à connaître l'orthographe d'Audischu et à savoir quelle
valeur il donnait à telle ou telle consonne syriaque; citons, par exemple,
tèt au lieu de taw dans sita « mesure » 54, 11; sâde au lieu de semkat
dans sau et sawo « vieillard », 46, 5 et 12, comp. 46, 14; 'aïn explétif
dans bd^û^e « spoliateurs », 48, 17, dans khlimi « gros » 5o, 7, et
khulmânuitu «grosseur », 54, 12, comp. neu-syr. gr. p. 237, not. 1;
en tête de ara « terre », 1 , 3; 54, 21, etc; sans compter les mots où il est
1. Prononciation moderne du nom nestorien 'Abdischo, autrement dit 'Ebed-Iesu.
d'histoire kt dk littérature 143
transposé, comme marre, 12, 18, bibâya, 26, 16, marya, 40, 6, ma\\eta,
49, 1 3, ma\diyanta, 5o, 2, ma\dihy 5o, 1 5 , et ceux où il fait défaut, comme
towilun, 38, i3. La transcription phonétique enseigne suffisamment
que ces emphatiques ont perdu de leur valeur et permutent souvent
avec les consonnes simples correspondantes; l'orthographe d'Audischu ne
nous apprend rien de plus, mais elle peut induire en erreur. Elle est, du
reste, aussi négligée que son style : boud qouirawâti « tombeaux »,
p. 44, 21, mais plus exactement beit qoubrawâti, 46, i3; bat r dimmu,
94, 21, pour bar dimmu; le lamed suivi du pronom suffixe de la
3e pers. sing. est écrit tantôt suivant l'orthographe du syriaque litté-
raire leh masc, lah fém., tantôt comme le verbe substantif ilé, ilâ; dans
ce dernier cas, l'écriture syriaque n'est pas toujours conforme à la pro-
nonciation ; ainsi, p. 36, 3» on lit bayyêli au lieu de bayyâli; p. 40, 5,
kha\yawêli2,\x lieu de khaiyawâli ; youme au lieu de youmdne, 46, 21.
Ces observations, qu'il serait aisé de multiplier, montrent toute l'impor-
tance qu'on doit attacher à la transcription phonétique de M. Socin.
Le crochet doit être sous le h dans thilale, 35, 2, et briha, 107, i5 ;
le second g de ligdâga 102, -6 est pour r.
Supurghan et Chosrowa, au dialecte desquels est consacré le n°XXIII,
sont situés : le premier, au nord-est d'Ourmia; le deuxième, au nord de
la même ville, dans le district de Salamâs. Ce numéro est reproduit en deux
leçons, l'une pour Supurghan, l'autre pour Chosrowa; il provient de la
même source que les précédents. Il est malheureusement trop court pour
donner une connaissance suffisante des particularités dialectales qui distin-
guent ces idiomes. Au reste, Audischu paraît s'être complètement mépris
en ce qui concerne le dialecte de Chosrowa qu'il assimile à tort à celui
de Gawar. Les scrupules de M. S. étaient bien fondés, quand il disait
dans sa préface, p. vin, que les données d'Audischu sur les dialectes de
la Plaine et de la Montagne ne devaient pas être accueillies sans réserve.
Un vénérable prêtre de la Mission de Paris, M. le P. Bedjan, dont la
présence à Paris nous avait été signalée par M. S., a bien voulu nous
donner quelques renseignements sur le dialecte de Chosrowa, son pays
natal; nous les consignerons ici, à titre de contrôle : comme à Ourmia,
les noms de nombre n'ont qu'une seule forme pour le masculin et le
féminin; l'article indéfini « un », « une y> est khâ; les formes khê et
kdhd d'Audischu sont d'autant plus erronées qu'il prend khê pour le
féminin et kdhd pour le masculin, excepté dans khdâ schinna, 121, 17,
où il est féminin. Khammisch « cinq », ischit « six », 1 2 1 , 1 5 et 16, sont
également inusités; on dit, en tout cas, khammischta et ischta. Les dési-
nences âya s'abrègent en â, comme rewâ « ivrogne » au lieu de rewâya,
121, 9; bidd au lieu de bidâya « savoir », 122, 2. Le suffixe du pronom
de la 3e pers. mas. sing. est ou pour les substantifs et la plupart des pré-
positions, on dit : idou « sa main » et non idi, 121, 14; qd'ou « à lui »
et non qâti,. 121, 21. Le mot kya, 121, 21, est une interjection qui
peut s'adressera une femme, mais non à un homme; cim « très », a\i\ïh
144 REVUE CRITIQUK
« mon ami », soyougli « mon cher », se disent à Ourmia, mais non à
Chosrowa. Audischu connaissait le dialecte de Gawar, car sa famille
était originaire de cet endroit ; ce morceau aurait peut-être été mieux
intitulé : « Dialecte de Gawar ».
Le n° XXIV, relatif au dialecte de Dschelu dans la Montagne, se com-
pose de trois morceaux fournis par un habjtant peu lettré de ce pays à
M. S., qui en fit la rencontre à Damas. Dans les dialogues, la troisième
personne est employée pour la seconde; cet usage était digne d'être re-
marqué; on le retrouve également dans d'autres passages, voy. note 18 ;
si on n'y prenait garde, on pourrait être tenté de prendre le suffixe ou
de la 3e pers. pour celui de la seconde, oukh, en supposant la chute de
la gutturale, chute qui existe effectivement dans da « une », 122, 18;
123, 2, pour khda. Cette manière de parler, constatée chez des gens
grossiers, est instructive au point de vue du développement du langage.
On devrait peut-être lire : en la « sinon » au lieu de la, 122, 22,
comp. 123, 12. Le suffixe du pronom de la 3e pers. masc. sing.
est prononcé tantôt ou, tantôt i : Ibïyù, 123, 1, ou Ibiyi, 123,
14 « à sa maison ». Comme dans le dialecte arabe de Mossoul ',
on trouve une forme étendue du pronom isolé, hinnêle « il est »,
123, 20, de hinnu? et ilê, ainsi que des suffixes : biyenih « en moi»,
124, 19; kislenih « chez moi », 124, 20, comp. binemude « avec quoi »,
124, 22, et Arab. Sprichwœrter, p. tx. Comme dans ce dialecte égale-
ment, le conjonctif « que » est exprimé par le persan ta au lieu de Para-
méen di ou qad : ta\ikh « que nous allions », 124, 3; tasqakh « que
nous montions », 125, i5.
Le n° XXV est un recueil important de chants en Fellihi. On appelle
ainsi à Mossoul l'araméen parlé par les chrétiens de cette contrée. Ce
terme est un peu vague, car, dans un sens plus général, il désigne les
chrétiens aussi bien du Kurdistan que de TAzerbeighan. Ces Fellihis
tiennent-ils leur nom des anciens Nabatéens, des Fellahs du Bet-Arbayé
et de l'Adiabène? La solution de cette question, dans un sens affirmatif,
jetterait un jour nouveau sur l'origine des dialectes araméens qui ont
subsisté jusqu'à ce jour.
Ce morceau et le suivant sont accompagnés de gloses arabes dans le
dialecte de Mossoul, qui traduisent les passages les plus difficiles.
Comme dans la Tour 'Abdin, a long oscille entre a et 0, et est pro-
noncé quelquefois aie : vôlâ ou vâld « elle était », bôtre ou bâtre « après
lui », mruloh « dites lui (à elle) », reschau « sa tête (à elle) », minnau
« d'elle ». Le mot kimma ou kumma « bouche », comparé avec l'arabe
tumma des gloses, pp. 1 38, 3 et i58, 17, offre un exemple de permuta-
tion de t et Ar;la forme araméenne poumma est aussi usitée, 140, 21. On
remarquera la double prononciation de la préposition ta « pour », sans
■ 1 ■ . . ■ — ■ — »
i. V. Zeitsch. der DMG, 1882, p. 1 1, 1. 8 et 11 et passim : hinu « lui », linu « à
lui », etc.
d'histoire et de littérature 145
emphase, 142, 17; 21, 22; 143, 2, avec emphase i3o, 6; 1 35, 2 et i3,
140, 5 et 6; de même à Zacho, p. 160, 3 et 7. La conjonction lad a pour
que » ne présente qu'une forme, i32, 10; 1 35, 3, 4, 14, etc.
Les noms de nombre « un » et « deux » ont un masculin et un fémi-
nin; le féminin de deux titti ou titte, 1 38, 4; 142, i5; 143, 4, est plus
près de l'arabe tintên des gloses, 1 38, 4, que du néo-syriaque de la
Montagne tirte, r tombant moins facilement que w.
P. 134, 2, lire menalmesa dans la glose arabe.
Le n° XXVI, qui appartient au même dialecte, est une poésie religieuse
d'un nommé Toma-es-Sindschari, d'un bourg aux environs de Dehok,
au nord de Mossoul. La versification diffère de celle des chants du nu-
méro précédent : ceux-ci se composent de quatre vers heptasyllabiques
rimes; celle-là est divisée en strophes de trois vers rimes, coupés par une
césure. Les vers sont formés de quatre pieds dissyllabiques ou trissylla-
biques distingués par l'accent tonique; la césure est après le second pied.
En outre, sans doute par analogie des chants kurdes, le premier vers de
chaque strophe reprend, en partie, le dernier vers de la strophe précé-
dente, dont il forme le refrain, mais de manière que la rime change.
Comme le remarque M. S., cette poésie n'est pas exempte de l'influence
du syriaque littéraire; l'auteur y fait usage d'une voyelle adjuvante dans
mauvidyâne « confesseurs », 147, 21, comp. maudiyânouta « confes-
sion », 147, 7.
La permutation de n en / est remarquable dans takhmalta « pensée »,
takhmuîê.a penser », takhmali « ils pensent », i52, i5; 1 53, 19; i55, 7;
1 56, 1; dans les autres dialectes, le radical takhmen, d'origine arabe,
demeure intact.
La particule de comparaison « comme » présente des formes variées :
le simple kh, abrégé de akh, est le plus usuel, khvadja'e « comme sa
douleur »,t5o, 7 ; khburqa « comme un éclair », 1 56, 7; une deuxième
forme est khedegit ou khedegid, 144, 21 ; 1 55, 8 et 9, dans laquelle kh
est composé avec le dconjonctif st eigit ou eigid « quand » « lorsque »,
154, 16; celui-ci est lui-même formé de eiga « alors », et d « que ». Ce
composé autoriserait à chercher dans le syriaque littéraire kêmat un
composé de k -\- êmatÇx). De même qu'à Ourmia on dit akh et makh, en
préposant à ce dernier le mim de la préposition men, on prononce aussi
dans ce dialecte-ci mukhedegid, 145, 20; 1 53, 1 et 2. A Zacho, on se
sert, dans le même sens, de mukhwasid, 167, 6 et 21, lequel, abstraction
faite du mim initial et du dâlat final, est l'ancien syriaque akhwât, le
taw aspiré se prononçant s dans ce pays-là.
Une autre particule intéressante est schud qui indique le volontatit :
schud emha\li « qu'il se moque », 1 5 3, 4. M. le P. Bedjan a bien voulu
nous donner, à ce sujet, les renseignements suivants : à Ourmia, on em-
ploie dans ce sens l'impératif khousch suivi du d conjonctif : khousch
dâ\el « qu'il aille », khousch dmâkhe « qu'il frappe » ; dans la Montagne,
on se sert de schoud : schoud âçel « qu'il aille », schoud mâkhe
I46 REVUE CRITIQUE
« qu'il frappe » ; à Chosrowa, on abrège et on prononce scht ou sch :
schtâ^el « qu'il aille », schmâkhe « qu'il frappe ».
La coupe beid-isri, i52, 1 1 et 12, est meilleure que bei-disri, 1 58, 14.
Les gloses arabes forment une utile contribution à la lexicographie
du dialecte de Mossoul. On y trouve la forme, propre à ce dialecte, ako
ou akosch '•« il y a », makosch « il n'y a pas », i5o, 7; i52, 12 et 1 58,
x5 ; nous voyons dans cette location le néo-syriaque akhâ -f- (h)ou « ici
est » ; le schin ajouté est fréquent en arabe vulgaire, surtout après une
négation. Akosch traduit l'araméen it, au pluriel itin, qui se trouve aussi
p. 5i, 10; itin répond au syriaque littéraire itaihoun.
Le dernier numéro, XXVII a et b, représente le dialecte des Juifs de
Zacho sur le Chabor oriental, un affluent du haut Tigre. Il ne faudrait
pas y chercher un judéo-araméen analogue au fragment de targoum des
Juifs de Salamas publié par M. le Rév. Albert Lœwy dans les Transac-
tions of the society ofbiblical archœology, 1875, p. 98 et suiv. Ce dia-
lecte ne diffère pas, au fond, de ceux dont il a été question plus haut et ne
se sent nullement de l'influence judaïque; il se rapproche beaucoup de
l'araméen du Tour 'Abdin. Il présente cependant plusieurs particula-
rités : il prononce s le taw aspiré et \ le dalat aspiré, ex. : âse
« qu'il vienne », kasvenno « j'écrirai », psikhle « il ouvrit », basre
« après lui *,pâsu « sa figure », khdsi « ma sœur », susawdsa « che-
vaux »; o\ « fais *-, u\le « il fit », kh\âra « aller çà et là »; mais bêtha
« maison », 160, 20, quoique bêsa soit plus fréquent; didukh « de toi »,
dide « de lui » did ou dit « afin que », 167, 4 et 9, bid a dans », bidi\u
« dans leurs mains », 164, 8. Il tient donc le milieu entre les dialectes
qui maintiennent ces consonnes aspirées et ceux qui les laissent tomber ;
à Chosrowa, en effet, on dit : biya 2 « maison », pâha « figure », slouwa
« prière », ddya « mère », pour bêtha, pâtha, sloutha, dâdha.
L'*aïn est prononcé encore dans un certain nombre de mots : 'oriqlu
« ils s'enfuirent », le'al « par dessus » ; il est pour hamza dans d'irru
(ou durru, i63, 18) « ils tournèrent », comme dans le dialecte du Tour
'Abdin. Comme dans ce dialecte également le démonstratif o maso, ei
fém., an plur. com., est usité pour Particle déterminatif; le pronom est
renforcé de la particule hâ : ôha « celui-ci », 164, 22; êha « celle-ci »,
i65, 3; âwa « celui-là », 162, 6, i3, \7\aya « celle-là », 164, 12. La
même particule apparaît en tête de ahit, ahid ou ahèd « toi ».
On devrait lire wo-khina au lieu de wo-kheta, 162, 6; \evirrut i65,
7, est à séparer en deux mots : \e « aussi » et virru « ils passèrent ».
Une traduction aussi littérale que le comporte ce genre de littérature
facilite l'étude des textes. De nombreuses difficultés ont été surmontées
avec une sûreté de jugement qui appelle la confiance du lecteur. Il reste
1. Comp. Socin, Sprichwoerter , nos 82 et 484, et ZDMG, 1882, p. 8. 2 et p. 18, 16.
2. Cette prononciation explique l'ancienne forme bê de bêth « maison », ainsi que
l'arabe bî'a « synagogue », « église ».
D'HISTOIRK ET DR LITTRRATURB I47
bien quelques passages douteux, notamment dans les chants fellihi,
comme le remarque M. Socin. Nous avons noté la phrase suivante qui
traduit Ja ligne 6 de la page 47 : « Da dies in spaeter Stunde geschieht,
schrumpft jener vor Furcht zusammen », nous croyons qu'il serait plus
exact de dire : « Dans cette heure d'angoisse, celui-ci devient plus sec
qu'un vieillard sous l'empire de la crainte qui l'oppresse. » Rank, dans
cet endroit, ne peut être que le persan randj « douleur ». Page 22 3, 1. 2,
au lieu de : « So kehrten sie zurûck », il est plus conforme au texte
de traduire : « Nous sommes revenus. » La forme schâté que M. S. ne
s'explique pas, note 179, ne peut être que le participe dans le sens d'un
volontatif : « Bois-la (la coupe). — Qu'il la boive et que bien lui fasse!
dit-on d'elle (en montrant la coupe) ». Note 2i5, le mot hhudjâta est
sans doute l'arabe hhidja « fourberie ».
Les savantes et nombreuses notes que M. S. a jointes à la traduction
n'ont généralement pas trait à la langue elle-même ; la publication de
ces textes fait donc sentir encore plus vivement le manque d'un lexique
néo-syriaque. Si M. S. accomplit le projet qu'il a conçu de combler cette
lacune, il rendra à la science un service signalé.
Au point de vue littéraire, ces divers morceaux n'offrent pas le même
intérêt que les contes recueillis par MM. Prym et Socin dans le dialecte
du Tour cAbdin. Il faut excepter cependant le n° XXVII a, où se trou-
vent fondues ensemble deux légendes anciennes : la légende du diable
qui, sous la forme d'une gazelle, entraîne à sa poursuite les chasseurs et
les égare dans les forêts, et la légende de la fontaine enchantée qui mé-
tamorphose les jeunes gens en femmes. La première est conservée par le
Râmayana et le Talmud de Babylone dans deux passages judicieusement
rapprochés par M. James Darmesteter dans la Revue des Etudes juives,
188 1, t. I, pp. 3oo-3o2. La deuxième, qui nous est connue par le roman
de Sindban ou les sept Sages, doit avoir avec la précédente une origine
commune. L'enseignement des missionnaires n'est pas à méconnaître
dans certains récits. Notre réputation de mangeurs de grenouilles, n° xix
a, est d'importation anglaise ; sahs doute aussi la fable du berger men-
teur, n° xvm d, et le dicton populaire : Quand il pleut par le soleil, le
diable marie sa fille, mais, au lieu de noces de diables, ce sont des noces
de loups, n° xvm a, le mot déva prêtant en néo-syriaque à ce double
sens.
Rubens Duval.
166.- On Bentley's English Mas. of Terence. [Reprinted from The Ame-
rican Journal Philology, Vol. III, No. 9] ; signé : Minton Warren. i3 p. in-8°.
Indication de quelques inexactitudes dans la collection du Parisinus
fournie par Auguste Fritsch à l'édition Umpfenbach. Identification des
Regii de Bentley, collationnés par M. Warren au British Muséum.
I48 REVUE CRITÏQUB
Liste des manuscrits collationnés par Bentley, écrite deux fois de sa
main (sous deux formes différentes) sur un Térence de 1686 conservé à
Cambridge.
167. — Archives de l'Orient latin, publiées sous les auspices de la Société
de l'Orient latin. Tome I. Paris, Leroux 188 1, gr. in-8°, xvi-767-75 p. Prix :
2 5 francs.
La Société de l'Orient latin a pour objet la publication des nombreux
documents historiques et géographiques, relatifs aux croisades, que
l'Académie des Inscriptions n'a pas admis à figurer dans sa collection
des Historiens des croisades. Ces textes sont innombrables et se trou-
vent un peu partout; non-seulement les manuscrits qui les renferment
ont subi les mêmes vicissitudes que tous ceux du moyen âge, transpor-
tés du nord au sud de l'Europe suivant les hasards des enchères,
mais encore les chrétiens du moyen âge ayant toujours regardé
la Terre-Sainte comme leur patrimoine commun, les ouvrages relatifs
aux Lieux saints ont été extrêmement répandus et en faveur chez tous
les peuples de l'Europe. De là des difficultés extrêmes quand on veut
retrouver les exemplaires manuscrits de ces documents, généralement
peu étendus et qui ont d'autant plus facilement échappé à l'attention
des bibliographes. Toutes les publications des textes du moyen âge ont
eu à lutter contre les mêmes difficultés; pour les vaincre, on a généra-
lement eu recours au même système : à côté de la série principale, on a
créé un recueil annexe, publiant des articles de bibliographie des
textes moins étendus, donnant le résultat des premières recherches. Tel
a été le rôle de VArchiv, créé par G. Pertz et dont la publication est
continuée par les directeurs actuels des Monumenta Germaniae ; tous
ceux qui s'occupent de l'histoire du moyen âge savent ce que renferme
ce recueil unique au monde. Les Archives de l'Orient latin sont conçues
sur le même plan que VArchiv ; mais elles ne paraîtront pas à époques
fixes comme le Neues Archiv; chaque volume formera un tout, dans
lequel les matières seront classées méthodiquement et réparties en quatre
grandes classes : A. Critique des sources; B. Inventaires et descriptions
de manuscrits, bibliographie ; C. Documents (lettres, chartes, poèmes et
documents divers) ; D. Mélanges historiques et archéologiques. Cette
division méthodique a certains avantages ; elle donne au volume
meilleure apparence; mais elle offre un inconvénient qui serait très
grave dans un recueil périodique, qui l'est moins dans une publication
comme celle qui nous occupe ; la préparation et la publication de
chaque volume sera toujours très longue, car, avant d'imprimer une seule
page, il faudra avoir le volume entier en manuscrit. A vrai dire, c'est la
seule critique qu'on puisse faire à ce recueil ', qui présente en général le
1. Sauf une autre toute matérielle; l'impression du volume est bien fine, et la
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE I49
plus grand intérêt et auquel tous les savants de l'Europe qui s'occupent
de l'histoire de l'Orient latin ont tenu à honneur de collaborer, si bien
que, tout comme les croisades, les nouvelles Archives ont un vé-
ritable caractère cosmopolite. Le meilleur moyen de donner au
lecteur une idée exacte de l'intérêt que présente ce recueil est d'en re-
produire la table, c'est ce que nous faisons plus bas; mais, parmi les
articles et les textes qui y figurent, il faut mentionner avant tout
l'Inventaire critique des lettres historiques des croisades de M. le
comte Riant, l'un des meilleurs travaux de critique, dont les sources de
l'histoire de l'Orient latin aient jamais été l'objet; les actes passés en
Arménie par des Génois, publiés par M. le chevalier Desimoni; le
procès- verbal du martyre de quatre frères mineurs en 1 391 , publié par
M. 'Durrieu ; les fragments du Solymarius, de Gùnther de Pairis, re-
trouvés à Cologne par M. Wattenbach ; l'article de M. Rôhricht sur la
croisade du prince Edouard d'Angleterre, enfin les textes découverts par
M. de Mas- Latrie aux archives de Venise. Mais cette énumération laisse
de côté plus d'un article intéressant, plus d'un texte précieux ; la lecture
de la table va en convaincre les lecteurs.
A. Critique des sources.
I. Inventaire critique des lettres historiques des croisades, par M. le
comte Riant (pp. 1-224). Première partie jusqu'à l'an 1100. Sur ce très
important travail, voir la. Revue critique, X, 302-307 (18 octobre 1880)
II. La Descriptio Terrae Sanctae de Belardo d'Ascoli (1 1 12-1 120),
par le Dr Neumann (pp. 225-229). Curieuse analyse d'un opuscule
conservé dans un ms. du Vatican (n. 11 10).
III. Al-Harizi et ses pérégrinations en Terre-Sainte (vers 1217), par
M. Moïse Schwab (pp. 231-244). Analyse des passages où ce poète parle
de la Terre-Sainte.
B. Inventaires et descriptions de manuscrits. Bibliographie.
I. Inventaire sommaire des manuscrits de l'Eracles, par M. le comte
Riant (pp. 247-2 56). Plus complet que toutes les bibliographies publiées
jusqu'à ce jour. Voir aussi aux additions, pp. 716-718.
IL Dépouillement des tomes XXII -XXI II de YOrbis Christianus de
Henri de Suarez (Paris, B. N., mss. lat. 8983-8984. — Patriarcats de
Constantinople et de Jérusalem, par M. le comte Riant (pp. 257-287).
L'auteur a relevé dans cette compilation assez confuse la cote et la
copie de i65 bulles des années 1 3 1 7-1 3y5; cinq qui paraissent inédites,
ont été publiées en entier.
III. Description du Liber Bellorum Domini (Rome, Vatican, Reg.
Christ., 547), par MM. le comte Riant et Giorgi (pp. 289-322). Com-
pilation indigeste, mais utile à consulter, de la fin du xivc siècle.
lecture en est, par suite, assez fatigante; sans compter que la correction des épreuves
a du être par conséquent des plus laborieuses. Voir notamment le caractère le plus
fin des pages 267 et suiv.
I 50 REVUK CRITIQUE •
IV. Description du manuscrit 20 H. 39 de la bibliothèque du prince
de Metternich à Koenigswart (variantes d'Arculf), par le docteur Neu-
mann (pp. 323-333). Ms. du xne siècle, très important ; sera à employer
pour une nouvelle édition d'Arculf.
V. Description de deux manuscrits contenant la règle de la Militia
passionis Jesu Christi de Philippe de Mézières, par M. A. Molinier
(pp. 335-364 et p. 719). Analyse et extraits de deux mss. des biblio-
thèques de l'Arsenal et de la Mazarine ; ce dernier avait déjà été signalé
par l'abbé Lebeuf.
VI. Inventaire d'une collection de photographies exécutées dans le
cours d'un voyage en Orient (1 859-1 860), par M. Louis de Clercq
(pp. 365-37i). Monuments et paysages, collection très-rare.
C. Documents.
1. Lettres. — 1. Lettre du clerc Nicétas à Constantin VII Porphyrogé-
nètesur le feu sacré (comte Riant), pp. 375-382. — Lettre fausse publiée
en 1787 par un certain Chrysanthe, kamarasi du S. Sépulcre.
2. Six lettres relatives aux croisades (comte Riant), pp. 383-392,
xne, xme et xvc siècles. Cinq étaient inédites; une seule avait été impri-
mée en 1859, en Italie, dans un opuscule de la plus grande rareté.
II. Chartes. — 1. Charte relative à Pierre l'Hermite (Léon Vieillard),
pp. 393-4. Année 1 100. *
2. Actes constatant la participation des Plaisançais à la première
croisade (D. G. Tononi), pp. 395-401. Interrogatoires de 1 173 et 1174.
3. Acte de soumission des barons du royaume de Jérusalem à Frédé-
ric II (R. Rôhricht), pp. 402-403. D'après l'original, aujourd'hui au
Musée britannique. Année 1241.
4. Indulgences octroyées par Galerand, évêque de Beryte, ambassa-
deur de Terre-Sainte en Angleterre (comte Riant), pp. 404-405. Charte
du 5 novembre 1244 pour l'abbaye d'Oseney.
5. Traité des Vénitiens avec l'émir d'Acre en 1304 (M. de Mas-La-
trie), pp. 406-408.
6. Trois chartes du xne siècle, concernant l'ordre de Saint-Jean-de-
Jérusalem (Delaville le Roulx), pp. 409-415. Deux de ces pièces sont
tirées des archives de la Haute-Garonne; la troisième, des archives de
Malte; cette dernière, dont un fac-similé accompagne le volume, pré-
sente cette particularité de porter des souscriptions en grec et en
latin.
7. Privilèges octroyés à l'Ordre Teutonique (comte Riant), pp. 416-
422. Six pièces, dont cinq se rapportent aux biens possédés en An-
gleterre par l'Ordre Teutonique (1 235-1401).
8. Titres de l'hôpital des Bretons d'Acre (Delaville le Roulx), pp. 423-
433. Années 1 255-126 1 ; 8 actes dont 7 bulles des papes Alexandre IV
et Urbain IV, et 1 de Gilles, archevêque de Tyr. En tête, une note très
intéressante sur cet hôpital.
9. Actes passés en 1271, 1274 et 1279 à L'Aïas (Petite- Arménie) et à
u'HISTOrRK ET DR LITTÉRATURK I 5 I
Beyrouth par devant des notaires génois (Cher. Desimoni). pp. 434-534.
En tête, préface très curieuse de l'éditeur sur les relations des Génois
avec l'Arménie, l'intérêt que peuvent présenter les actes publiés et la
valeur des monnaies citées dans ces documents. Ces dernières notes sont
d'autant plus précieuses qu'on connaît la compétence de M. le chevalier
Desimoni pour tout ce qui touche l'histoire monétaire des pays mé-
diterranéens. Les actes sont au nombre de 79 et tirés tous des archives
notariales de Gênes.
10. Libre exercice du commerce octroyé à un pèlerin champenois
(1 153). (A. de Barthélémy), pp. 535-536. Charte des archives de l'hôpi-
tal de Châlons-sur-Marne.
11. Charte de départ du dauphin Humbert II (J. Roman), pp. 537-
538. Acte du 2 septembre 1 345, daté de la galée, qui transporta le dau-
phin en Orient.
12. Procès-verbal du martyre de quatre frères mineurs (1 391).
(P. Durrieu), pp. 539-546. Tiré des archives du Vatican; très cu-
rieux.
III. Poèmes. — En tête, note de M. le comte Riant sur les poèmes
existants, relatifs à l'histoire de l'Orient latin (pp. 547-55o et p. 720),
et sur ceux qui, signalés par d'anciens auteurs, ont disparu depuis.
1. Le Solymarius de Gunther de Pairis (W. Wattenbach), pp. 55 1-
56i. M. Wattenbach a retrouvé à Cologne, à la Bibliothèque du gym-
nase, dans des fragments de manuscrits, environ 240 vers du fameux
Solymarius. L'éditeur a soumis ces fragments à M. Pannenborg, qui y
a reconnu les expressions et tournures favorites de l'auteur du Ligu-
rinus, expressions et tournures qu'il était seul à employer à son époque.
Au point de vue littéraire, la découverte de M. Wattenbach est tout à
fait importante; au point de vue historique, elle l'est moins, Gunther
s'étant contenté de mettre en vers l'ouvrage de Robert le Moine.
2. Achard d'Arrouaise, Poème sur le Templum Domini (marquis de
Vogué), pp. 562-579. Poème latin, où l'on trouve quelques détails cu-
rieux sur les querelles des Latins pendant leur domination à Jérusalem
et sur le Templum Domini.
3. Deux poésies latines relatives à la IIIe croisade (H. Hagenmeyer),
pp. 58o-585. L'une, écrite vers 1187, est publiée d'après un ms.de
la bibliothèque de Laon ; l'autre est donnée d'après un ms. de Saint-
Gall.
IV. Documents divers . — 1. Aboul Hassan Aly el Herewy. Indica-
tions sur les lieux de pèlerinage (Charles Schefer), pp. 587-609. Voya-
geur arabe du xnK siècle, mort en 1215 ; M. Schefer donne, d'après un
manuscrit du xiue siècle, la traduction des passages de son voyage rela-
tifs à la Galilée, à la Palestine et aux côtes de Syrie. On y trouve beau-
coup de renseignements qui concordent avec ceux que fournissent les
relations des pèlerins chrétiens.
2. Les Remembrances de la haute cour de Nicosie. Les Usages de
l52 REVUE CRITIQUE
Naxos (P. Viollet), pp. 610-614. D'après le ms. 5684 de la bibliothèque
de sir Thomas Phillips, traduction italienne d'une partie des Remem-
brances; et d'après le ms. 85 12 du British Muséum, traduction dans la
même langue d'une partie des Usages.
D. Mélanges historiques et archéologiques.
I. Etudes sur les derniers temps du royaume de Jérusalem (Rôhricht),
pp. 617-652. — A. La croisade du prince Edouard d'Angleterre (1270-
1274) ; très intéressant; article fait en partie d'après des sources inédites.
— B. Les batailles de Hims (1287 et 1299). Défaits la première fois, les
Mongols y dispersèrent, en 1299, les troupes égyptiennes.
II. Projets d'empoisonnement de Mahomet II et du pacha de Bosnie,
accueillis par la république de Venise (De Mas-Latrie), pp. 65 3-66o.
Textes authentiques tirés des archives de Venise, qui prouvent que le
gouvernement de Venise employait sans le moindre scrupule les moyens
les plus expéditifs de se débarrasser de ses ennemis. Ces textes et d'autres
semblables semblent avoir été la source du faussaire, auteur des cé-
lèbres statuts du conseil des Dix publiés par Daru, statuts dont l'au-
thenticité est d'ailleurs inadmissible.
III. Trois sceaux et deux monnaies de l'époque des croisades (G.
Schlumberger), pp. 663-678. Sceau de plomb de Renaud de Châtillon,
seigneur de Karak et Montréal; matrice de sceau de Gautier de Châtil-
lon ; matrice de sceau d'un catholicos d'Arménie du xme siècle ; monnaie
de bronze de Girard , comte de Sagète ou Sidon ; monnaie d'or de
Léon II, roi d'Arménie. Figures. — Article très intéressant, toutefois
nous croyons que M. Schlumberger a tort d'admettre que les gra-
veurs des sceaux représentant des monuments, châteaux ou églises ont
toujours essayé de reproduire exactement le château ou l'église qu'ils
avaient sous les yeux; l'étude attentive des sceaux du midi de la France
dont il parle, l'amènerait, sans aucun doute, à des conclusions un peu
différentes de celles qu'il exprime (pp. 667-8).
IV. Bulles de hauts fonctionnaires byzantins d'ordre militaire, prin-
cipalement de chefs des corps étrangers ou indigènes de la garde et de
généralissimes des forces d'Occident en Orient (G. Schlumberger),
pp. 679-696. Intéressant; quelques-unes de ces bulles, dont M. S. pu-
blie le dessin, ont une certaine valeur artistique.
V. Bulles byzantines relatives aux Varègues (Dr A. Mordtmann),
pp. 697-703. Description de 8 bulles, les seules qui soient actuellement
connues.
VI. Les Archives des établissements latins d'Orient, à propos d'une
publication récente de l'Ecole française de Rome (comte Riant), pp. 705-
710. Article déjà publié dans la Bibliothèque de V école des Chartes,
et dans lequel M. Riant indique les lacunes à combler dans la série de
ces archives, les pays où devront chercher les savants pour retrouver
trace des collections perdues. M. Riant dit, en passant, quelques mots de
la publication de M. F. Delaborde, les Chartes de Josaphat.
d'histoire et dk LITTÉRATURE I 5 3
Le volume renferme ensuite dix pages d'additions et de corrections et
se termine par un index très copieux (pp. 723-767). Suit enfin, avec
une pagination particulière, une copieuse bibliographie de l'Orient latin
pour les années 1878, 1879 et 1880 [j5 pages à 2 colonnes). Elle se
divise en trois parties : A. Livres et articles divers. B. Articles publiés
dans les périodiques spéciaux. C. Cartes. La première partie est classée
par ordre alphabétique ; à chaque ouvrage ou article sont indiqués les
comptes-rendus qui en ont paru; le nombre des articles est de 71 1 , dans
toutes les langues de l'Europe, mais principalement en allemand, an-
glais et français. — Le dépouillement des périodiques spéciaux est moins
intéressant; la plupart des articles qu'ils renferment ont peu de valeur
et sont écrits dans un but d'édification et de propagande. Ainsi les
ncs 928 à 1066, tirés de la Terre sainte, journal des lieux saints, n'ont
à peu près aucun intérêt et la plupart sont des articles de polémique.
Toutefois, sous peine d'être incomplets, les rédacteurs de cette biblio-
graphie devaient dépouiller ces revues spéciales ; elles sont au nombre
de 8, dont 3 en français, 4 en allemand et 1 en anglais; cette dernière
est le Statements, la plus importante de toutes. Les cartes n'occupent
que 24 numéros; la plupart viennent d'Allemagne. Cette bibliographie
se termine par une table analytique, dans laquelle les ouvrages sont ran-
gés sous un certain nombre de rubriques générales.
A. Molinier.
168. — L,e» guerres sous Louis X.V, par le comte Pajol, général de division.
Tome I. 1715-1739. Paris. Firmin-Didot. In-8° vu et 652 p.
Le général comte Pajol se propose de retracer le plus complètement
possible, en sept volumes, l'histoire des guerres du règne de Louis XV.
Le présent volume est consacré à la guerre d'Espagne et à celle de la
guerre de la succession de Pologne ; les deux volumes suivants con-
tiendront l'histoire de la guerre de la succession d'Autriche; le IVe et le
Ve, celle de la guerre de Sept Ans ; le VIe, celle de diverses expéditions
(Minorque, Corse, Canada, Indes, débarquement du prétendant en
Ecosse); le VIIe, enfin, renfermera l'historique abrégé des corps de l'in-
fanterie et de la cavalerie.
L'expédition d'Espagne (17 18-1720), dirigée par le maréchal de
Berwick, n'était connue jusqu'ici que dans ses grandes lignes; M. P.
en fait une histoire minutieuse, il expose l'état de l'armée française au
commencement de la campagne, en s'aidant surtout de la correspon-
dance de Berwick au régent ; il raconte très amplement les opérations
militaires en Espagne (prise de Fontarabie, de Saint-Sébastien et
d'Urgel).
Dans la période qui s'étend de la guerre d'Espagne à celle de la guerre
de la succession de Pologne, ont lieu de nombreuses réformes (réorgani-
sation de la maréchaussée et de l'artillerie, ordonnance du 27 février
1 54 REVUE CRIMQDR
1726 sur les milices, création de six compagnies de cadets, camps d'ins-
tructions, rétablissement du service des étapes, etc.).
La guerre de la succession de Pologne forme la plus grande partie du
livre de M. Pajol. On regrettera qu'il n'ait pas cité, au moins au bas de
la page, l'ouvrage de M. Rathery sur le comte de Plélo. Mais les campa-
gnes d'Allemagne, sous Berwick, Asfeld et Coigny, celles d'Italie, sous
Villars, Coigny, Broglie, Noailles, sont racontées avec une telle abon-
dance de renseignements et un tel luxe de détails qu'il sera désormais im-
possible à tout historien de cette guerre d'être plus complet que M. Pa-
jol'.Grâce au grand nombre de documents qu'il a consultés, surtout aux
archives du dépôt de la guerre, pièces officielles, dépêches confidentiel-
les, avis secrets, ordres, notes d'avant-poste, M. P. a fait comme le jour-
nal de la guerre de la succession ae Pologne ; il a tout recueilli, tout
classé, mentionné les moindres faits de cette longue lutte, en les ap-
puyant de citations copieuses et étendues; c'est une histoire toute mili-
taire qu'il a voulu composer ; aussi ne tient-il aucun compte des anec-
dotes de cour, des influences de salon ou de boudoir, des discussions
philosophiques et religieuses de l'époque ; M. P. pense surtout, dit-il, à
servir les intérêts de l'armée.
Par là, son récit est fort monotone; ce n'est souvent qu'une liste des
régiments qui prirent part aux opérations, une longue nomenclature
des villes et des villages marqués par les mouvements de nos troupes ; et
d'ailleurs, une guerre où il y eut tant de marches et de contre-marches,
tant de petites surprises, tant de minces affaires d'avant-poste, n'offre
pas au lecteur un bien vif intérêt. En Allemagne, l'armée française ne
livra pas une seule grande bataille ; le seul fait éclatant est la prise de
Philippsbourg. En Italie, il y eut deux batailles, mais aussi stériles que
meurtrières : celles de Parme et de Guastalla. Toutefois2, on devra sa-
voir le plus grand gré à M. le comte Pajol de ce travail si conscien-
cieux ; on ne peut que le recommander chaudement à tous ceux qui
étudient l'histoire de la guerre, et l'ouvrage, lorsqu'il sera terminé, ne
devra manquer dans aucune de nos bibliothèques de régiment. A. C.
1. Il faut cependant attendre le volume ou plutôt les volumes qui paraîtront dans
la seconde série de la grande publication de la section historique des Archives de la
guerre, d'Autriche (Feld^ùge des Prin^en Eugen von Savoyen).
2. P. 141, le roi Frédéric-Guillaume, père de Frédéric II, ne fut jamais « l'arbitre
de l'Europe ». — P. 162, la Saxe galante n'est pas un « livre assez rare »j toute la
note consacrée à cet ouvrage est inutile et par trop naïve; M. P. avoue, qu'en le li-
sant, il était bien loin de soupçonner que les vieux palais de Dresde et ses châteaux
eussent abrité jadis tant de splendeurs et de galanteries. — P. ij5, qu'est-ce que le
Knipaof, àDanzig? — P. 026, lire Kopfstùck (pièce de monnaie) et non « Kop-
stuck ». — Pourquoi dire « Weissenburg » et non Wissembourg, « Lauterburg » et
non Lauterbourg, « Freyburg » et non Fribourg, « Bitsch » et non Bitche ; dans
ce cas, il faut écrire « Strassburg » et non Strasbourg. — P. 207, note, une mention
comme celle-ci « Seckendorf's Lebensbeschreibung » est trop vague. — Le style est
parfois négligé; « les princes... suivaient cette campagne comme instruction mili-
taire » (p. 242).
OHISTOIRE ET DE LITTERATURK I 5 5
169. — Lei conte» en ver* d'Andrieux, suivis de lettres inédites, avec notice
et notes, par P. Ristelhuber. Paris, Charavay. 1882, in-12, xxxv-227 p.
Tout le monde connaît le Meunier sans souci ; les autres con-
tes d'Andrieux sont fort oubliés aujourd'hui.. Ils ne valent pas celui-là,
mais ils se font presque tous lire avec agrément. Le Procès du sénat de
Capoue contient des traits excellents ; les vers du Doyen de Badajo^
ne valent pas mieux que la prose de Blanchard, mais conservent le sel
de ce joli apologue; V Alchimiste et ses enfants, Une promenade de
Fénelon, Cécile et Térence montrent le bon naturel du poète; la Bulle
d'Alexandre VI \ médiocre imitation d'une plate nouvelle de Casti, ne
rachète pas la crudité du fond par une suffisante légèreté de forme. Tel
qu'il est, avec deux ou trois fleurs encore brillantes, quelques autres fa-
nées et une poignée de brins d'herbe, le bouquet que nous offre M. Ris-
telhuber conserve pour nous un peu de son parfum, qui n'a jamais été très
pénétrant. Andrieux a lui-même, sous le voile de l'anonyme, jugé ses
contes avec une parfaite justesse : « Ces pièces, dit-il, ont du naturel et
de la gaieté, mais elles manquent de poésie... Il est bon d'être facile,
mais il ne faut pas que cela aille jusqu'à la faiblesse ou à la négligence.» —
La notice de l'éditeur est suffisante ; ses notes sont très sobres. Il a donné
ailleurs, dans une intéressante brochure, l'étude des sources et de la part
de vérité du Meunier sans souci [Une fable de Florian, étude de litté-
rature comparée. Paris, Baur, 1881). — Les lettres publiées à la fin du
volume, relatives aux efforts d'Andrieux, dans sa vieillesse, pour faire
reprendre ses pièces de théâtre, n'ont aucun intérêt.
W.
170. — Friedrich L.eopold Graf zu Stolberg, sein Entwicklungggang
nnd sein Wirken im Celste der Kirche, von Johannes Janssen. Ineinem
Bande, zweite Auflage. Mit Stolberg's Bildniss. Freiburg im Breisgau, Herder.
1882. In-8°, vi et 496 p. 5 mark.
Comme l'indique le titre et comme le répète M. Janssen dans sa pré-
face, cet ouvrage est la seconde édition, un peu abrégée, des deux volu-
mes parus en 1877. Aussi conseillerons-nous à quiconque voudra con-
naître Frédéric Stolberg et l'étudier à fond, de lire les deux volumes de
1877 plutôt que le volume de 1882. M. J. a voulu faire un ouvrage dont
le prix fût plus abordable; il a voulu surtout mettre dans un jour plus
vif le « développement et l'activité de Stolberg sur le domaine religieux ».
Toutefois, le nouveau livre de M. J . renferme quelques lettres inédites et
des extraits de lettres qu'on ne trouve pas dans l'édition de 1877 ; le récit,
en outre, est mieux ordonné ; il suit moins strictement l'ordre chronolo-
gique; c'est ainsi que M. J. traite en une seule fois, et non à diverses re-
prises, des relations amicales et quasi paternelles de Stolberg avec Werner
de Haxthausen. Comme dans la première édition, M. J. laisse le plus sou-
I 56 REVUE CRITIQUE
vent la parole à Frédéric Stolberg; il reproduit les lettres du pieux écrivain,
soit par extraits, soit en entier, en se contentant de faire en peu de mots
les liaisons indispensables à l'intelligence du récit. Cette nouvelle édition
aura certainement un grand succès dans le monde des lecteurs catholiques
d'Allemagne; elle représente dans Frédéric Stolberg moins le poète et le
traducteur que le protestant converti, le catholique fervent, l'ami delà
princesse Galitzin; elle ne fait que citer en passant les titres littéraires
de Stolberg et s'attache surtout, selon l'expression même de M. Janssen
en tête de son volume, aux agissements du comte Frédéric a dans l'es-
prit de l'église ». Une partie importante du livre et que nous recomman-
dons particulièrement aux lecteurs français, est celle qui renferme les
jugements de Stolberg sur la Révolution française, sur Bonaparte, sur
les événements du premier Empire, enfin sur le mouvement national de
1 8 1 3 et la guerre de 1 8 r 5. C.
171. — Uebei* die Bezlehungen Kapoleons III z» Preussen und
neutschlanri, oîn Vortrag, von Bernhard Simson, Professor in Freiburg im
Breisgau. Freiburg i. B. u. Tûbingen, J. C.B. Mohr [Paul Siebeck]. 1882. In-8°
62 p. 1 mark 20.
On lira cet opuscule avec intérêt ; ce n'est, comme l'auteur nous l'ap-
prend, qu'une conférence (faite sans doute devant le public de Fribourg
en Brisgau), et M. Simson n'apporte aucun document inédit; il recon-
naît lui-même qu'il court le danger de répéter bien des choses qui sont
encore dans toutes les mémoires. Mais cette « esquisse », où M. S. a
« mis en relief ce qui lui a paru le plus important et le plus frappant »
est composée avec talent. M. S. nous expose d'abord les sympathies que
Napoléon III avait pour l'Allemagne et la Prusse, depuis son séjour
sur le lac de Constance et à Wurzbourg; puis, en tirant parti des ou-
vrages de Martin (Vie du prince Albert), Geffcken (Histoire de la guerre
d'Orient), Delord, etc., des études de MM. Rothan et de Sybel ', des
écrits et dépêches de l'époque, il retrace les rapports de l'empereur avec
le roi Guillaume et M. de Bismarck; tout cela est résumé avec clarté, et
non sans élégance; c'est un abrégé de l'histoire diplomatique de la
France et de l'Allemagne sous le second empire. M. Simson montre sur-
tout que la cause principale de toutes les erreurs de la politique fran-
çaise a été ce qu'il appelle die Unterschàtçung der Kraft Preussens,
le trop peu de cas qu'on faisait en France des forces de la Prusse 2.
1 . Nous voulons parler de la belle étude de M. de Sybel sur Napoléon III dans le
troisième volume de ses Kleine historische Schriften (Stuttgart, Cotta, 1880).
2. Le prince Albert rapporte que Napoléon III lui récita « une poésie de Schiller
sur les avantages de la guerre et de la paix pour l'humanité » ; M. Simson pense à
un passage de la Fiancée de Messine; on peut citer aussi un passage des Piccolomini
(I, IV).
d'histoire et de littérature ID7
CHRONIQUE
FRANCE. — Aux deux premières parties de sa publication, Les arts à la cour des
papes pendant le xve et le xvi* siècle, documents inédits tirés des archives et des bi-
bliothèques romaines, M. Eugène Mùntz vient d'ajouter une troisième partie. La pre-
mière partie de ce considérable ouvrage était consacrée à Martin V et à Pie II (1417-
1464Ï, et la deuxième à Paul II (1464-147 1); la troisième traite de Sixte IV et de
Léon X (1471-15-.il) et se divise en deux sections, dont la première, relative au pon-
tificat de Sixte IV (in-8% 3oo p. avec 2 gravures; XXVIIIe fasc. de la « Bibliothèque
des écoles françaises d'Athènes et de Rome »), fait l'objet de la présente note. Le
volume s'ouvre par une Notice préliminaire sur Sixte IV (g août 1 471-18 août 1484);
dans cette très intéressante notice, M. Muntz, après avoir finement marqué le carac-
tère de François délia Rovere, expose les ressources matérielles dont le nouveau
pontife disposait et comment il joua son rôle de Mécène. « Ce sera l'honneur des
Médicis, dit l'auteur, d'avoir compris que le musée doit être le complément de la
bibliothèque, et d'avoir assigné une place aux marbres à côté des manuscrits... Ils
ont formé une collection d'antiques qui ne tarda pas à devenir la première de l'Ita-
lie, et qui jeta un éclat incomparable sur leur palais de la Via Larga, véritable école
de la Renaissance florentine. A Rome, pendant tout le xve siècle, ces deux tendances
paraissent inconciliables. Un pape se distingue-t-il par son amour pour la littérature
antique, on peut affirmer d'avance qu'il négligera les monuments. S'attache-t-il, au
contraire, aux monuments, c'est que la littérature n'a pas d'attraits pour lui. »
M. M. montre que Sixte a ouvert le musée du Capitole au public, achevé la res-
tauration de la statue de Marc-Aurèle, défendu l'exportation des marbres antiques,
mais — c'est le revers de la médaille — qu'il a dispersé le musée du palais Saint-
Marc, démoli une demi-douzaine de temples ou d'arcs de triomphe, autorisé ses ar-
chitectes à prendre partout les matériaux nécessaires aux constructions nouvelles ;
« comment justifier la conduite de Sixte vis-à-vis des ruines vénérables qui couvraient
sa capitale ! Ses victimes sont innombrables, et le long martyrologe de Rome anti-
que enregistre son règne comme un des plus néfastes » (p. i5). Il est vrai, ces « cri-
mes » commis par Sixte- contre la Rome antique se rachètent par les services ren-
dus à la Rome moderne; Sixte élève la Chapelle-Sixtine, Sainte-Marie-du Peuple,
Sainte-Marie-de-la-Paix, l'hospice du Saint-Esprit; il restaure et embellit vingt ba-
siliques; il reconstruit le pont du Janicule, rétablit les aqueducs de la fontaine Trevi,
pave les rues boueuses, ouvre de nouvelles avenues, remplace les dédales de ruelles
par de grandes artères régulières (le Corso, la Via Giulia, Ripetta, la Lungara), etc.
M. M. admire cette œuvre en son ensemble, mais il fait des réserves sur les détails ;
.les architectes de Sixte ne furent que des artistes laborieux sans originalité ni puis-
sance créatrice. Il choisit mieux ses sculpteurs et ses peintres; ce furent les premiers
de l'Italie; mais ils durent ne consacrer leur ciseau ou leur pinceau qu'à la glorifi-
cation de la religion. Dans cet exposé sommaire, M. M. ne retrace pas seulement
l'œuvre de Sixte; il étudie les auxiliaires du pontife, les Riario, les Basso, les délia
Rovere, dont les fondations ont parfois rivalisé avec celles du pape, et surtout Guil-
laume d'Estouteville, archevêque de Rouen, camerlingue de l'Eglise romaine, sur-
intendant de l'édilité, que Fulvio nomme nummosissimus héros. Cette introduction
de M. M. est suivie du chapitre premier, qui renferme des Notices sur les princi-
paux artistes du règne de Sixte I V (pp. 66-1 11); les documents découverts par M. M.
dans les archives du Vatican et du Campo Mario, ainsi que ceux que M. Milanesi a
trouvés dans les archives de la Toscane, permettent de modifier sensiblement l'his-
I 58 RSVUK CRITIQUE
toire de l'architecture romaine; M. M. restreint le rôle de Baccio Pontelli; il juge
problématique la participation de Giuliano da Majano aux travaux entrepris à Rome;
il restitue à Giuliano da San Gallo l'influence qu'il a exercée sur le développement
de l'architecture; il rend à Meo del Caprino et Giacomo da Pietrasanta les œuvres
qu'on attribuait à d'autres, il appelle l'attention sur un artiste jusqu'ici entièiement
inconnu, Giovannino de' Dolci, humble charpentier, élevé à la dignité de commis-
saire des constructions pontificales, et qui fut l'architecte de la chapelle Sixtine; il
donne la liste des sculpteurs et des peintres employés par Sixte; il publie le texte
inédit des Statuts de la corporation des peintres de Rome inexactement traduits en
italien par Missirini. Le n*, le m% le IVe et le ve chapitre traitent plus spécialement
et avec le plus grand détail des travaux exécutés à Rome : if. Le palais et la basilique
du Vatican (pp. iii-i5i); nr. Les églises (pp. i52-i68); iv. Les monuments antiques
(pp. 168-178); v. Edifices civils divers, places et rues, ponts, portes et murs (pp. 178-
207). On remarquera, dans le n' chapitre, les documents relatifs à la bibliothèque
du Vatican et tirés des registres de Platina *; les pages sur la chapelle Sixtine, dont
les travaux, d'après des passages de la chronique de Jacques de Volterra relevés pour
la première fois par M. M., n'étaient pas encore assez avancés en 1481 pour qu'on
pût y officierT etc. Le 111e chapitre démontre, entre autres points nouveaux, que, con-
tre l'opinion de Vasari, Giovannino de' Dolci a restauré la basilique des Saints-Apô-
tres. Le chapitre iv reproduit des documents qui définissent l'attitude de Sixte IV
vis-à-vis de l'art antique; l'un d'eux établit que, longtemps avant Alexandre VI, le
Vatican communiquait avec le château Saint-Ange par un chemin couvert, qui per-
mettait de se rendre de l'un à l'autre édifice sans être vu du dehors; on ne lit pas
sans intérêt la liste des antiques que comprenait, à cette époque, le musée du Capi-
tule. Dans le chapitre V, M. M. publie les documents concernant les grands travaux
de voirie entrepris par Sixte V; ce pape réorganisa l'office des « magistri viarum ■
sous la présidence du cardinal d'Estouteville; dans la bulle de 1480, il posa avec
une netteté incomparable les règles de l'expropriation pour cause d'utilité publique;
il fit reconstruire le « Pons Quinti » qu'on appela depuis le Ponte Sisto, non point
par Ponteili, comme le dit Vasari — que M. M. surprend si souvent en flagrant dé-
lit d'erreur, — mais surtout par Niccolo de Narni. Le vi' chapitre de l'ouvrage
(pp. 207-238) a pour titre : Travaux exécutés en dehors de Rome (Ancône, Assise, Cé-
sène, Civita-Vecchia, Foligno, Forli, Ostie, Savone, ville natale de Sixte IV, etc.).
Le vu' et dernier chapitre-(pp. 239-284) traite de l'orfèvrerie, de la tapisserie, de la
broderie, des fêtes; il montre que Sixte, qui fit un instant mine d'austérité, « ne
tarda pas à céder au courant et à rechercher cette magnificence qui paraissait insé-
parable du pouvoir pontifical » ; il se termine par la reproduction de YEdit somp-
tuaire de 1473 (pp. 280-284) où Sixte recommandait à ses sujets d'observer les rè-
gles que lui-même ne pratiquait pas. Un appendice renferme des documents inédits
sur les travaux et commandes du cardinal d'Estouteville (pp. 285-297) et le Testa-
ment du cardinal François de Gonzague; un autre appendice, à la suite de la « No-
tice préliminaire », contient quelques poésies d'Aurelio Brandolini de laudibus Sixti
quarti et des documents sur les finances de Sixte IV (pp. 56-6i>). Ce nouvel ouvrage
du bibliothécaire de notre Ecole des beaux-arts se recommande par les qualités dont
témoignent déjà ses travaux précédents; les recherches de M. Mûntz sont menées
non-seulement avec sagacité, mais avec un soin scrupuleux, une ardeur qui ne né-
1. Dans l'inscription métrique de Platina sur la Bibliothèque (vers 4), M. M. met un point d'in-
terrogation après moconide; ne peut-on lire Moeonide et traduire ainsi : Pisistrate (Cecropius
lyrannus) ne peut se glorifier que d'avoir réuni les fragments dispersés d'Homère ?
0 HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE I 5o.
glige aucun document, aucun détail ; elles aboutissent à des résultats nouveaux pour
l'histoire de l'art ; elles sont résumées dans un récit clair et net, où l'on trouve sou-
vent de précieuses observations sur l'esprit de la fin du xvc siècle et de la Renaissance.
— Deux nouvelles plaquettes de M. Albert Babeau sont consacrées, l'une à l'entrée
de Henri IV à Troyes (Encore quelques mots sur Henri IV à Troyes, Troyes, Du-
four-Bourquet. In-8°, 8 p., avec une planche lithographiée) ; elle donne la descrip-
tion du vitrail de Linard Gontier représentant l'entrée du roi dans la cathédrale de
Saint- Pierre ; l'autre, à Grosley magistrat (Ibid. In-8", i5 p.); M. Babeau nous
montre Grosley, grand-maire de l'abbaye de Saint-Loup et bailli de la baronnie de
Chappés et de Vauchassis.
— M. Ph. Tamzey de LARROQUEa trouvé à la bibliothèque de Carpentras (recueil
335 m) une plaquette extrêmement rare qui n'est pas mentionnée par les plus exacts
bibliographes; c'est la relation de Y Entrée de Charles IX à Bordeaux, publiée a
Paris en i565, M. T. de L. a jugé utile de réimprimer cet opuscule qui comblera
les lacunes de Y Histoire de la ville de Bordeaux, de Dom Devienne. 11 a gardé la
longue pièce de vers latins, intitulée Aquitania, qui suit cette relation, parce que
« cette pièce, dédiée au chancelier de France, Michel de Lhospital, est charmante,
et a pour auteur Stephanus Crusellus que rien n'empêche d'identifier avec Etienne
de Ouseau le chroniqueur ». La réimpression faite par M. T. de L. et augmentée
par lui d'un avertissement et d'un commentaire, est extraite de la Revue des biblio-
philes (tirage à j5 exemplaires) et se vend à Bordeaux, chez P. Chollet. Nous y re-
lèverons une note curieuse ; il est dit dans la relation que la livrée du roi était
« blanc, pcrs et rouge ». « Pets, dit M. T. de L., signifie une sorte de couleur bleue.
Voir le dictionnaire de Littré qui cite un passage d'un poète du xvie siècle, Ma-
chaut, où pers est synonyme d'azur. D'après le Dictionnaire de V Académie, pers dé-
signerait une nuance entre le vert et le bleu. Le Dictionnaire de Richelet dans la
définition du mot pers, écarte le vert et ne garde que le bleu. Le Dictionnaire de
Trévoux explique le mot : « qui est de couleur bleue, ou tirant sur le bleu, cœru-
leus ; Homère appelle souvent Minerve aux yeux pers, Minerva glaucopis. » On voit
qu'en tout cela c'est le bleu qui domine. On est donc autorisé à dire que la livrée
blanc, pers et rouge de Charles IX avait devancé notre drapeau tricolore » (p. 7).
— M. T. de L. a trouvé encore à la bibliothèque de Carpentras quelques autres pla-
quettes d'une insigne rareté, et il compte les publier successivement, pour la plus
grande joie des curieux en général, et des curieux de h son cher Sud-Ouest, en par-
ticulier ». Il en réunira quatre, nous dit-il, sous le titre de : Le duc de Rohan en
Gascogne, et quatre autres sous le titre de : Le vice-amiral Barrault et les pirates
de la Gironde.
— Après l'histoire du Véritable Saint-Genest de Rotrou, M. Léonce Person nous
donne une Histoire de Vences las (Cerf, in-8°, vin et 99 p.). Dans le premier cha-
pitre de son ouvrage (pp.. 22-28) l'auteur montre ingénieusement comment le sujet
de Venceslas s'accordait merveilleusement avec le génie de Rotrou et le tour parti-
culier de ses idées ; Rotrou a aimé par-dessus tout les « intrigues, amenées par un
déguisement des personnages, qui produit une erreur sur la personne ». Le chapi-
tre 11 (pp. 29-48) étudie la pièce de Francisco de Rojas, No ay serpadre siendorey
(«On ne peut être père et roi en même temps » ou, comme traduit Alph. Royer, « il
n'y a pas à être père quand on est roi »); M. Person analyse très minutieusement
la première et la deuxième journée de cette pièce espagnole qui inspira la tragédie
de Rotrou ; il montre que le poète français s'est gardé des gongorismes de Rojas,
mais il regrette qu'il n'ait pas profité des incidents et des péripéties que renferme
la deuxième journée et qu'ilait refroidi sa pièce par l'inutile complication des amours
IÔO REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE U1TERATURB
de Théodore et du duc. Le me chapitre (pp. 49-65) compare la troisième journée
de la comédie espagnole et le ive et leve acte de Venceslas; le coup de théâtre est plus
saisissant dans Rotrou que dans Rojas, grâce à l'incertitude qui règne, au moment du
mariage et du meurtre, sur l'identité de la victime, et le caractère de Ladislas est tout-
à-faitune création du poète français; « farouche et indompté, violent, hautain, contra-
dicteur desautres et de soi-même, terrible en ses colères comme un comte de Gharolais,
ou comme un duc de Bourgogne qui n'aurait pas eu son Beauvillier ou son Fénelon;
donnant la mort lâchement et s'apprêtant à la recevoir bravement ; effrayant et me-
naçant dans la mort même; dominé enfin par une de ces violentes passions qui peu-
vent faire d'un homme un héros, quand elles n'en font point un criminel », tel est
Ladislas (pp. 64-60). Le chapitre iv est consacré à Venceslas au xvue et au xvine siè-
cle (pp. 66-78) ; M. Person donne les dates indiquées par les registres de La Grange;
il rappelle la mort de Baron qui joua le rôle de Venceslas à l'âge de 76 ans, se
trouva mal et « tomba au champ d'honneur comme Mondory, Montfleury et Molière » ;
il raconte la querelle de l'Année littéraire et du Mercure de France, de Fréron et de
Marmontel qui avait fort témérairement corrigé le texte primitif de Venceslas. Le
chapitre v, Venceslas au Théâtre-Français sous le premier Empire (pp. 80-89) ex~
pose les griefs du critique du Journal des Débats. Geoffroy, contre la pièce de Ro-
trou; Geoffroy louait 1' « impétuosité sauvage » de Talma dans le rôle de Ladislas,
mais il regrettait l'impunité et le couronnement du meurtrier et trouvait qu'il y a là
une grande immoralité; M. Person justifie Rotrou; il fait sur le caractère de Ladis-
las et le dénouement de la pièce des observations à la fois spirituelles et vraies. Le
chapitre vi fpp. 90-95) a pour titre : Venceslas de no9»jours (représentation de 1842,
inauguration de la statue de Rotrou à Dreux le 3o juin 1867, matinées littéraires de
Ballande, 1873 et 1875). Le chapitre vu (pp. 96-99) traite des idées politiques dans
Venceslas et dans les œuvres de Rotrou. — On trouvera à la fin du volume la repro-
duction des Notes critiques et biographiques sur Rotrou (pp. 103-148) que M. Per-
son avait récemment publiées, mais sans les mettre dans le commerce; l'auteur a
profité des observations et rectifications que lui avaient adressées quelques critiques,
entre autres M. Marty-Laveaux, dans notre recueil (3 juillet 1882); on sera heureux
de relire dans cet appendice les faits rigoureusement exacts que M. Person est par-
venu à établir; mais le modeste et consciencieux écrivain, un de ceux qui font le
plus d'honneur à notre enseignement secondaire par leur studieuse ardeur et leur sa-
voir, ne nous dit pas dans son Avant-propos qu'il a ajouté quelques points nou-
veaux, comme l'étude sur le Manuscrit de Laurent Mahelot, machiniste et décora-
teur du temps (pp. 120-124), comme les pages sur le nombre des pièces de Rotrou
(pp. 124-133) et sur Rotrou d'après les lettres de Chapelain (pp. i33-i35), comme
les réflexions sur les beaux vers de Rotrou et sur ce que M. Person appelle, selon le
mot qu'un biographe applique à l'éloquence de Mazarin, la indoratura del suo bel
dire (pp. 138-146) *.
1 . Nous aurions aimé que M . Person citât ces mots de Voltaire : « La première scène et une par-
tie du quatrième acte de Venceslas sont des chefs-d'œuvre » ^Ecrivains du siècle de Louis XIVJ.
Erratum. — N° 32, art. de M. Jullian sur le livre de M. Madvig ; p. 1 12, note 4, lire C. I. L.
VI, et non V. — p. 114, ligne 9, ou s'en partageant et non « en s'en partageant ».
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N° 35 - 28 Août - 1882
Sommaire x 172. Nelson et Maynë, La loi indoue.— 173. Arn. Schaefer, Sources
de l'histoire romaine. — 174, Strauch, Marguerite Ebner et Henri de Nordlingen.
— 175. Jadart, Jean de Gerson, son origine, son village natal et sa famille. —
176, Schoell, Etudes sur Goethe. — Chronique.
172. — J.-H. Nelson. A Prospectus of'tlie sclentiflc study ofthe Hindu
Luw. London, Kegan Paul et Co, 1881. xiv-208 p. in-8°.
John D. Mayne. — A. Treatise of Hindu Law and Usage. Madras, Hig-
ginbotham et Co. London, Stevens and Haynes. 1878. xxxix-607 p. in-8°.
Les deux ouvrages dont les titres précèdent, l'un tout récent, l'autre
dont j'aurais dû rendre compte depuis longtemps déjà, sont d'un heu-
reux augure pour l'avenir des études juridiques dans Flnde. Ils nous
montrent, chacun à sa façon, ces études résolument engagées dans des
voies nouvelles, et ils témoignent de l'intérêt croissant qu'elles rencon-
trent dans les rangs de la magistrature anglo-indienne. M. Nelson est
actuellement juge dans la présidence de Madras, et son livre, écrit au
milieu du conflit des idées et sous l'impression des difficultés journaliè-
res de la pratique, a quelque chose des allures d'un pamphlet. M. Mayne,
qui a longtemps siégé à la haute cour de Madras, a réuni dans l'Inde les
matériaux du sien, fruit d'une expérience plus mûre et d'une ardeur qui
a eu le temps de se calmer. Mais, l'un et l'autre, ils conçoivent le droit
de la même façon, ni comme une science abstraite et de pure spécula-
tion, ni comme l'interprétation strictement professionnelle de prescrip-
tions admises toutes faites, mais comme une branche de la critique his-
torique. C'est à ce point de vue, le seul où je puisse me croire quelque
compétence, que je vais essayer d'apprécier leurs ouvrages.
Bien qu'il soit le plus récent, je commencerai par celui de M. N.,
parce qu'il se rattache par le lien le plus étroit à une précédente publi-
cation du même auteur, dont j'ai rendu compte, il y a de cela quatre
ans, dans la Revue K Dans ce premier écrit, M. N. établissait : que le
terme de « Loi hindoue » n'est pas aussi facile à définir qu'on se Tima-
gine d'ordinaire, et que c'est se méprendre sur la nature des livres juri-
diques de l'Inde que de les assimiler à nos codes; que l'autorité an-
glaise étend outre mesure l'empire de cette législation en l'appliquant
indistinctement à des populations pour lesquelles elle n'est pas faite et
1. A View ofthe Hindû Law as administered by the High Court of Judicature at
Madras. Madras, 1877. Cf. Revue critique du 29 juin 1878.
Nouvelle série, XIV. 9
IÔ2 RKVUE CRITIQUE
qu'elle-même n'a jamais prétendu soumettre à ses prescriptions ; que lui
sacrifier notamment, dans la mesure qu'on le fait, la coutume non-
écrite, c'est violer un de ses principes les plus évidents; qu'enfin, sur un
certain nombre de points spécifiés, la jurisprudence des tribunaux an-
glais, en particulier de ceux qui relèvent de Madras, est en contradiction
directe avec l'esprit et avec la lettre de cette loi qu'elle prétend appli-
quer. Dans mon compte-rendu, tout en me déclarant d'accord pour le
fond avec M. N., tout en rendant hommage à la conviction résolue avec
laquelle, à des erreurs autorisées de haut, il opposait des idées qui, pour
n'être pas absolument neuves parmi les indianistes, l'étaient beaucoup
au contraire venant d'un jurisconsulte, je dus exprimer maintes réser-
ves sur des points où l'auteur me paraissait dépasser le but. J'essayai de
faire voir qu'après tout, il restait bien quelque chose de ce hindu law
dont M. N. faisait à peu près table rase, et qu'il y avait beaucoup à re-
dire à sa façon de faire intervenir l'ethnographie dans la question. 1} y a
♦certainement dans l'Inde des populations entières, se chiffrant par mil-
lions, qui n'ont pas une goutte de sang aryen dans les veines, et qui n'en
prétendent pas moins vivre conformément au dharma proclamé par les
anciens sages; et, réciproquement, parmi les tribus brahmaniques les
plus pures, il n'y en a peut-être pas une seule qui se conforme rigoureu-
sement à la loi écrite. Comme le nouvel ouvrage de M. N. n'est que le
développement de la même thèse, je ne rentrerai pas dans le débat. Je
m'en tiendrai à ce qui est la partie neuve du livre, et, puisqu'il a bien
voulu faire à mon article l'honneur de lui emprunter l'épigraphe du
nouveau volume, je dirai, d'une façon générale, mais aussi nettement
que je pourrai, en quoi nous sommes d'accord et en quoi nous diffé-
rons.
Les développements nouveaux peuvent se ranger sous deux rubri-
ques : des aperçus historiques sur l'origine, sur la tradition et l'interpré-
tation de la smvîti, et les vues personnelles de M. N. sur les mesures à
prendre pour remédier à la façon fâcheuse dont la justice est adminis-
trée à beaucoup d'Hindous.
Il y a quantité d'observations justes et vraies dans la partie historique
de ce travail. L'auteur montre fort bien tout ce qu'il y a d'incertain
dans l'origine de ces livres, d'obscur dans leur transmission, de suspect
dans beaucoup de leurs prétentions et de contradictoire dans certaines de
leurs doctrines. Mais ici, comme dans le précédent volume, il lui arrive
rarement de toucher le but sans aussitôt le dépasser. La moitié peut-être
de toute son argumentation tend à prouver qu'il n'y a pas, qu'il n'y a
jamais eu de loi hindoue, de sorte que le lecteur doit se demander par-
fois à quoi peut servir l'étude scientifique de quelque chose qui n'existe
pas. Heureusement M. N. ne s'est pas adressé la question a lui-même,
sans quoi nous courions risque de n'avoir jamais son livre, et c'eût été
dommage. Evidemment, il y a dans toute cette appréciation plus que de
l'exagération. Si c'est se tromper que de mettre les castras sur la même
d'histoire et de LITTÉRATURE 1 63
1 igné que la loi des Douze Tables ou que le Code civil, c'est non moins
se tromper que de vouloir les juger d'après la même mesure. Il faut les
prendre pour ce qu'ils sont, une tradition écrite et cela à des époques et
sous des influences bien diverses, non par des législateurs, mais par des
lettrés sans relation, la plupart, avec l'autorité publique, mais qui, à
part certaines doctrines touchant plutôt à des prétentions sociales qu'au
droit civil proprement dit et où cette tradition est en dehors de la réa-
lité, n'en travaillaient pas moins de bonne foi et ne s'inspiraient pas uni-
quement de leur fantaisie.
M. N. attache, et avec raison, une grande importance au fait attesté
par des observateurs judicieux et bien informés qu'encore à une époque
récente, aussi bien qu'au temps de Mégasthène, les habitants de diverses
contrées de l'Inde n'avaient recours à aucune loi écrite pour régler leurs
différends. Mais, quand il conclut de là qu'avant la publication de Wil-
liam Jones on eût fort étonné un pandit de Madras en lui citant le code
de Manu comme un livre faisant autorité en matière de droit, sa conclu-
sion est sûrement erronée. Le pandit n'eût pas parlé sans doute du code
comme le ferait un Anglais d'une loi votée par le Parlement, mais il y
eût certainement reconnu une des nombreuses expressions du dharma
éternel. 11 y a ainsi trop souvent chez M. N. des conséquences fausses
déduites d'observations vraies. En général, c'est par le détail que pèche
cette partie du livre. L'auteur a beaucoup lu ', il a réuni une infinité de
faits et de témoignages, mais il les compte plutôt qu'il ne les pèse, et il
lui arrive de s'en servir parfois sans les avoir bien compris. C'est ainsi
qu'ayant vu chez M. Max Mûller que le code de Manu était basé sur un
sûtra de Mânavas, ce qui, du reste, n'est pas le cas, il conteste la grande
réputation du livre par la raison que cette école ne paraît pas avoir été
bien répandue. Sûrement M. Max Mûller n'a pas prétendu dire que 1
code actuel fût encore un livre propre aux Mânavas, ni que les Hindous,
depuis des siècles, l'eussent considéré comme tel. Ailleurs c'est Yâjna-
valkya dont le code ne saurait avoir été reçu comme loi dans le Sud,
parce que Yâjnavalkya appartient au Yajus blanc, tandis que la presque
totalité des brahmanes de ce pays suivent le Yajus noir. Entre le code et
le Yajus blanc il n'y a pourtant pas d'autre rapport qu'un nom, le nom
respecté d'un prophète du Veda, que l'auteur du castra a trouvé com-
mode de mettre en tête de son livre apocryphe. Il y a plus : M. Weber
ayant fait la remarque que le même Yâjnavalkya apparaissait dans certai-
nes parties du Yajus blanc et surtout dans le Mahâbhârata avec les allures
d'un docteur bouddhiste, cela suffit pour que le Yajus blanc soit véhé-
mentement suspect d'être un Veda boudhique et que le code et, à la suite
du code, la Mitdxard, qui en est une sorte de commentaire et de plus la
i. On ne saurait trop reconnaître le zèle que M. N. a mis à ne négliger aucune
source d'information. Il a été jusqu'à s'enquérir de ce que pensait sur ces matières
notre propre magistrature coloniale. Comme on devait s'y attendre, il n'a rien
trouvé.
164 REVUE CRITIQUE
bête noire de M. N., soient écartés comme livres sectaires et hérétiques.
L'auteur en arrive ainsi à émettre de véritables énormités, à exclure,
par exemple, du nombre des Hindous à la fois les Civaïtes et les Vish-
nouites.
Faut-il s'étonner qu'avec cette humeur-là M. N. soit sévère pour la
plupart de ses devanciers? A l'entendre, tout ce qui a été fait depuis
cent ans sur le droit hindou l'aurait été à rebours, et toute la littérature
juridique anglo-indienne, à l'exception de quelques travaux des derniè-
res années, ne serait autre chose qu'un malentendu. Je ne connais que
très imparfaitement cette littérature en majeure partie spéciale et toute
pratique. Mais je puis dire en toute assurance à M. N. qu'ici encore il ne
lui suffit pas d'avoir raison : il faut, de plus, qu'il se mette dans son tort.
Il y a là des travaux estimables, qu'on souffre de lui voir traiter avec au-
tant de dédain. Ces travaux sont imparfaits et, dans l'état actuel des con-
naissances, insuffisants. Mais quelle est donc la branche du savoir qui
ait débuté par la critique? Docet diem dies est une vieille vérité faite
pour donner une équitable confiance. Or M. N., non-seulement n'est pas
toujours équitable, mais il lui arrive d'être souverainement injuste. Où
a-t-il vu que William Jones et Golebrooke croyaient tout ce que leur di-
saient leurs pandits? Colebrooke surtout, la prudence en personne, que
la critique, depuis plus d'un demi-siècle, a peut-être pris en défaut sur
cinq ou six points de détail, tandis qu'elle n'est pas encore parvenue à ré-
soudre la moitié de ses doutes, et dont toutes les publications réunies ne
contiennent pas autant d'erreurs matérielles que M. N. en a parfois mis
dans une douzaine de pages. Je ne puis vraiment pardonner à l'auteur la
légèreté avec laquelle il s'est attaqué à cette grande mémoire. Il lui re-
proche d'avoir le premier parlé de différentes écoles du droit hindou.
Mais est-ce la faute de Colebrooke, si, après lui, on a fait mauvais usage
de son assertion ? et quel autre mot aurait-il bien pu employer pour dési-
gner un fait vrai, à savoir que le dharma qui, pour les brahmanes, n'est
pas seulement une pratique, mais qui est aussi un de leurs castras, de
leurs disciplines, ne s'enseignait pas tout-à-fait de même dans les diverses
régions de l'Inde? Il lui reproche jusqu'à sa défiance à l'égard de la mé-
thode mîmâmsâ appliquée à la solution des questions de droit, et il ne
se dit pas que Colebrooke ne faisait ainsi que professer par avance un
de ses propres principes à lui, M. N., de ne pas essayer de réconcilier des
textes contraires au nom d'un hindu law idéal, qui n'a probablement ja-
mais existé. Mais il y a plus fort que cela. Colebrooke s'est exprimé avec
son exactitude et sa circonspection habituelles sur l'auteur et sur l'âge
probable de la Mitaxârâ. Il la place quelque temps après Dhâreçvara, qui
est cité dans l'ouvrage, et, ce Dhâreçvara, il l'identifie, avec hésitation
toutefois (aujourd'hui on n'hésite plus; c'est à peu près tout ce que
nous avons gagné depuis), avec Bhoja, roi de Dhârâ au xie siècle, prince
nullement mythique, dont on a des œuvres authentiques et des ins-
criptions. M. N. renverse tout cela et le remplace par la supposition
d'histoire et de littérature i65
original indeed et de plus trois ou quatre fois impossible, que ce Dhâ-
reçvara pourrait bien être Dâra Shakoh, le frère d'Aurangzeb, et que
la Mitâxarâ serait ainsi du xvir3 ou du xvme siècle '. Il pense montrer
par là « how, if an attempt is to be made hereafter to study Hindû law
methodically and scientifically, the unauthorized and scientifically va-
lueless dicta of great men should be ruthlessly set aside and rendered
harmless ». Tout indianiste q*ui a lu Colebrooke, lui répondra que si
cet admirable chercheur n'avait rien trouvé de mieux à dire sur la Mi-
tâxarâ, il n'eût pas écrit une ligne sur ce sujet.
L'histoire de la littérature juridique de l'Inde tant indigène qu'euro-
péenne, tout imparfaite, incertaine, pleine de lacunes qu'elle est, comme
tout ce qui concerne le passé de ce singulier pays, n'est donc pas le chaos
informe ni le tissu de contre-sens qu'elle paraît à l'imagination un peu
échauffée de M. Nelson. Ce qui est vrai, c'est que l'Angleterre en s'enga-
geant à respecter, dans la mesure du possible, cette tradition multiple et,
en même temps, à l'appliquer à l'aide destitutions et de méthodes sans
lesquelles la justice ne se conçoit pas dans notre Occident, a assumé une
tâche difficile dès le début, et dont les complications sont devenues d'au-
tant plus sensibles, qu'on a mieux appris à connaître les conditions pré-
sentes et passées du pays. Ceci m'amène à considérer l'autre partie neuve
du travail de M. N., les moyens qu'il propose pour sortir d'embarras.
Ce n'est qu'en hésitant, toutefois, que je le suis sur ce terrain, car je
ne me permets certainement pas d'avoir des idées arrêtées sur l'adminis-
tration de la justice à Madras. Je ne puis m'empêcher pourtant de crain-
dre qu'il ne se mêle quelque illusion à ces projets de réforme. M. N.
n'est pas d'avis de remplacer la loi du pays par une législation nouvelle,
faite de toute pièce par l'autorité britannique, et il raille avec beaucoup
d'esprit ceux qui n'estiment rien de plus facile que de confectionner « un
bon petit code » qui contenterait tout le monde. Le remède, pour lui, est
dans l'étude méthodique, scientifique du droit écrit d'un côté, du droit
coutumier de l'autre, dans la délimitation précise de leur autorité respec-
tive, et dans la pleine reconnaissance de cette autorité non -seulement en
principe, mais aussi dans la pratique. Ce sont là des conseils qui se recom-
mandent eux-mêmes. Il est certain qu'en étudiant mieux, on saura davan-
tage : il est non moins certain qu'en vertu de ses propres maximes et du
consentement explicite du droit écrit, l'autorité anglaise est tenue de res-
pecter ia coutume, et c'est un des grands mérites de M. N, de s'être fait le
défenseur infatigable de cette dernière. Seulement, la question est de sa-
voir ce qui peut résulter de là dans la pratique. Voici cent ans bientôt
qu'on étudie le droit écrit et, d'après M. N . lui-même, on n'y a rien fait qui
i. M. N. ne paraît pas être philologue. Cela semble ressortir du moins de ses
transcriptions de Cera et Cola p. 6, gr'ihya 20 et 60, vinaçana 3i, çramana 34, çîlâ-
ditya 35, et de ses étymologies : çûdra dérivé de svid, suer, 4; Maurya— Tartare
de Merv, 32 et 91.
floiîiaoqquiî bI inq soçiqmi
l66 RiTVUE CRITIQUE
vaille. Pense-t-il qu'on viendra plus vite et plus facilement à bout de la
coutume ? Parmi les questions mêmes que M . N . demande à voir résolues
au préalable et à bref délai, il y en a plusieurs qui sont actuellement in-
solubles et qui le resteront peut-être longtemps encore. Que fera la jus-
tice en attendant? et ses décisions ne seront-elles pas caduques d'avance,
une fois qu'il sera bien établi quelles ne sont que des pis-aller provisoi-
res ? Sur beaucoup de points, les autorités écrites sont vagues et obscures :
elles font une large place au jugement selon l'équité, c'est-à-dire à l'arbi-
traire : elles se contredisent elles-mêmes et entre elles, et c'est une grosse
question que de savoir laquelle appliquer. Les mêmes difficultés ne se
présenteront-elles pas et plus fortes encore, pour la coutume? On a fa-
briqué des textes : on essaiera de fabriquer des coutumes, il n'en faut
point douter. Il y a plus : la loi écrite prise en général et la coutume
existent presque partout l'une à côté de l'autre, également respectées
bien que très différentes, les indigènes ayant une façon d'arranger ces
contradictions, dont un tribunal européen ne s'accommodera jamais. A
la question quelle est votre loi, quelle est votre coutume? il y aura donc
plus d'une réponse. D'une façon générale, on se réclamera à la fois, et de
la loi des saints n'shis que savent les pandits et de la pratique des ancê-
tres : dans les cas particuliers et, de ceux-ci, le forum officiel ne connaît
que les plus gros, les plus embrouillés, les autres se décidant en dehors
de lui, on se réclamera de l'une ou de l'autre selon l'intérêt du moment.
Je vois bien que M. N. a prévu ces difficultés et pris des précautions en
conséquence. Seulement, je me demande si elles seront efficaces. En tout
cas, il y a là matière à des doutes assez graves, pour qu'on se souvienne
de la maxime audiatur et pars altéra. Dans ses projets de réforme,
M. N. fait la part assez large à l'action législative du gouvernement. Se-
rait-ce un pressentiment que sa dernière ressource pour sortir d'embar-
ras pourrait bien être de revenir à la confection de ce « petit code » dont
il s'est moqué avec tant d'esprit?
J'ai commencé ce compte-rendu avec l'intention de dire beaucoup de
bien de ce livre et je m'aperçois, en finissant, que je n'ai guère fait que
le critiquer. Mon opinion sur l'ouvrage n'a pourtant pas changé en che-
min. Je le crois toujours encore juste et vrai dans le fond, en progrès
quant à la Taçon d'envisager ces études, plein d'idées et surtout d'in-
tentions excellentes, éminemment utile et malheureusement justifié en
beaucoup de ses attaques. Si, malgré cela, mon temps s'est passé aie
contredire, la faute en est à l'auteur d'aberd, qui a gâté ses meilleures
raisons par sa verve intempérante et qui s'est aventuré sur le terrain de
l'histoire générale et de l'histoire littéraire plus qu'il n'aurait dû. Elle est
à moi ensuite et à ma compétence limitée. Malgré ses digressions en
tous sens, le livre de M. N. n'en est pas moins un livre de droit, de droit
pratique, et, de ce chef, le jugement de l'indianiste réduit à se pronon-
cer sur des généralités dont il ne saurait toujours mesurer les redouta-
bles conséquences, ne peut être que d'un faible poids. C'est aux hommes
/
d'histoire et de Littérature 167
de la partie, aux collègues de l'auteur qui, comme lui, sont aux prises
chaque jour avec ces questions si complexes, de se prononcer sur cette
partie du livre. Il est probable que, de ce côté, l'auteur a dû soulever plus
d'une violente opposition. Il s'attaque à trop de choses pour ne pas ren-
contrer beaucoup d'adversaires. Mais il est à espérer aussi qu'il y trou-
vera des défenseurs. Même pour le profane, il est visible que sur bien
des points il y a abus, que la loi qu'on applique n'est pas toujours celle
à laquelle les parties auraient droit et que, dans cette application, la ju-
risprudence n'est parfois conséquente, ni avec la loi, ni avec elle-même.
Il est impossible de ne pas condamner avec l'auteur les envahissements
progressifs de cejudge-made law, dont certaines exigences en matière de
transmission des biens et de statut personnel sont vraiment iniques et de
nature à porter de graves atteintes à la prospérité du pays. On lui par-
donne alors ses vivacités, ses exagérations et sa trop grande facilité à
faire, comme on dit, flèche de tout bois. Car ce livre écrit avec une opi-
niâtre conviction ', est avant tout une œuvre de combat et c'est comme
tel qu'il faut le juger, si on veut être équitable envers lui.
Tout autre d'allure est l'ouvrage de M. Mayne. C'est aussi un livre
de controverse et, comme M. N., Fauteur est convaincu de la nécessité
d'importantes réformes. Mais la discussion chez lui est mesurée et sé-
vère : il expose, il ne lutte pas. « Je me suis efforcé, dit-il dans sa Pré-
face, de montrer non seulement ce que la loi hindoue est, mais com-
ment.il s'est fait qu'elle soit devenue ce qu'elle est. » Et cette tâche si
vaste, il l'a remplie en toute conscience. Il y a déployé un remarquable
savoir, l'expérience d'une longue pratique, un jugement aussi bien en
garde contre les nouveautés impatientes que contre les préjugés, une
critique fine, vigilante et circonspecte. Peut-être lui arrive- t-il parfois de
rester en deçà où M. N. se laisse emporter au delà. Peut-être aussi les
parties du livre qui traitent du passé font-elles regretter cette précision,
cette sûreté de main que la possession de la langue, et, par elle, la con-
naissance de toutes les manifestations de l'esprit d'un peuple, peuvent
seules donner à l'historien. Mais, tel qu'il est, son ouvrage constitue
l'exposition la plus complète et la plus sûre que nous ayons de l'ensem-
ble du droit écrit des Hindous.
M. M. ramène les différentes appréciations dont ce droit a été ré-
cemment l'objet, à trois variétés principales : l'opinion des archéologues
à outrance, qui ne reconnaissent d'autorité qu'aux plus anciens textes ;
l'école critique qui, dans ses conclusions extrêmes représentées par
M. N. 2, estime, en somme, que ce droit n'est valable que pour les seuls
brahmanes; enfin l'opinion des partisans d'une réforme radicale qui
veulent une législation nouvelle. Il s'écarte plus ou moins des uns et des
1. M. N. a exposé les mêmes idées dans un article du journal de la Société asia-
tique de Londres, XIII, p. 208 (1881).
2. Il s'agit du premier ouvrage de M. Nelson.
l68 REVUE CRITIQUE
autres, des premiers, parce qu'ils ne tiennent aucun compte des change-
ments que vingt siècles ont dû amener même en Orient; des derniers,
parce qu'ils supposent les plus violents possibles et ne se doutent pas de
la force des liens qui attachent un peuple à son passé. Peut-être M. M.
n'a-t-il pas fait observer assez que la loi hindoue elle-même est beau-
coup trop du parti des premiers, qu'elle est restée en somme la même
pendant que tout changeait autour d'elle, et que les tribunaux britanni-
ques, en l'appliquant comme elle ne l'avait jamais été, font en réalité de
l'archéologie juridique sur une grande échelle. C'est un des points où,
à notre avis, M. M. est resté en deçà. Enfin, il s'écarte des conclusions
de M. N. en ce qu'elles lui paraissent avoir d'extrême. Sans méconnaître
les caractères tout spéciaux du hindu law, qui en font quelque chose de
bien différent de ce que nous appelons une législation, il part du fait
que cette loi est acceptée en somme par la grande majorité de ces innom-
brables populations ; que de l'Himalaya au cap Comorin elle a profondé-
ment pénétré les mœurs et les usages, que beaucoup la pratiquent sans
la reconnaître expressément, comme certaines classes de musulmans et
de chrétiens indigènes, et qu'un nombre infiniment plus grand qui ne
la pratique pas, ou presque pas, n'en croit pas moins vivre en confor-
mité avec elle. Il estime d'ailleurs que l'action des brahmanes sur cette
loi, du moins en ce qui concerne le droit écrit, n'a pas été aussi consi-
dérable qu'on l'a parfois prétendu ; qu'elle est l'expression de coutumes
et d'un état social qui a dû être sensiblement le même chez les diverses
races et dans les différentes classes delà population. Ici encore il y a
chez M. M. un peu d'optimisme. Il est certain que dans leurs sûtras,
auxquels la littérature postérieure n'a rien ajouté d'essentiel, les brah-
manes ne se sont guère occupés que d'eux-mêmes et que le peu qu'ils
disent des autres classes n'est là que pour mémoire et doit être tenu pour
suspect au premier chef. Il est non moins certain que le dharma reli-
gieux des brahmanes a profondement influé sur la constitution de la
famille, sur le mariage, sur la transmission des héritages, et qu'en ces
matières, les tribunaux appliquent à certaines classes des prescriptions
qui, à l'origine, n'étaient point faites pour elles et qui, maintenant en-
core, ne leur conviennent qu'imparfaitement. Il s'est fait là, entre la loi
écrite et l'usage, des compromis aussi nombreux que variables depuis
la complète assimilation jusqu'à la complète indépendance, qui embar-
rasseront longtemps encore la justice britannique. Rarement la loi des
castras est parvenu à effacer complètement la coutume ; sur plusieurs
points même elle l'a simplement et directement adoptée. Le régime delà
famille à l'état d'union, par exemple, n'est probablement pas, ainsi que
le fait observer M. M., d'origine brahmanique, car ce régime est con-
traire aux principes du dharma, qui tend à multiplier les foyers indé-
pendants, pour multiplier par là les devoirs du culte. Dans les cas, d'ail-
leurs, où cette législation blesse absolument le sentiment de justice, il
reste toujours à l'autorité publique la ressource d'intervenir, comme elle
d'histoire et de littérature 169
vient encore de le faire re'cemment en reconnaissant comme valable le
mariage des veuves.
M. M. expose l'ensemble de cette législation tant écrite que contu-
mière (cette dernière partie est naturellement bien moins complète que
la première) en 5 sections comprenant 21 chapitres. Dans la ic section,
il traite des sources de la loi hindoue ; dans la 2e, de la constitution de la
famille ; dans la 3e, de la propriété de la famille; dans la 4% du régime
des successions; dans la 5e et dernière, de la position légale de la
femme.
Dans le cours de ce long examen, M. M. a été amené plus d'une fois
à toucher à des faits et à des théories fort en faveur, la polyandrie, la
communauté des femmes, la gynécocratie, la propriété en commun du
sol. Il l'a fait avec une prudence et une réserve qui nous paraissent ab-
solument louables. Ces faits se rencontrent dans l'Inde aussi bien qu'ail-
leurs, et distribués d'une façon qui ne correspond qu'imparfaitement
aux divisions ethnographiques. M. M. n'a point voulu en tirer de con-
clusions quant à l'état primitif des tribus aryennes. Depuis que ces peu-
ples parlent leurs langues, le chef de famille, chez eux, est l'époux de sa
femme et le maître de son enclos, et le fait de l'exploitation en commun
des pâturages ou des terres inondables où se cultive le riz, n'est pas plus
une preuve de l'existence chez eux d'un communisme primitif, que ne
le sont chez nous nos sociétés par actions et nos compagnies de chemins
de fer..
D'un bout à l'autre, l'exécution du livre est soignée jusque dans les
moindres détails. Les fautes matérielles et les erreurs de rédaction y
sont très rares. En un seul endroit, la vigilance de M. Mayne paraît s'ê-
tre assoupie, p. 72, où il écrit : « Two persons are sapindas to each
other, if their common ancestor, being a maie, is not farther removed
from either of them than six degrees, or four degrees where the com-
mon ancestor is a female. » La définition est fausse d'abord ; il s'agit du
6e ancêtre dans la ligne paternelle et du 4e ancêtre dans la ligne mater-
nelle. Elle est de plus impossible ; on ne peut descendre d'une femme
sans descendre aussi d'un homme, dans l'Inde aussi bien qu'ailleurs, et,
comme dans l'Inde la femme ne se remarie pas, les descendants de la
même femme sont aussi les descendants du même homme.
L'usage du livre est facilité par plusieurs index : une table des matiè-
res, une liste alphabétique des cas décidés en justice et cités dans l'ou-
vrage, enfin un index alphabétique très détaillé de tout le contenu.
A. Barth.
»y3. — Arnold Sch.eker. Ahi'is« «1er Quellcnkunde der grîecljfsclsen
mitî rœiiiîsclien «G.oscîiïehSe ; 2e Abth, : Die Période des rœmischen Reichs,
Leipzig,. Teubner, 1881, in-8° de 200 p.
Le livre de M, Arnold Schœier contient : i° la liste des écrivains la-
I7O REVUE CRITIQUE
tins ou grecs dont les ouvrages, conservés ou perdus, peuvent ou au-
raient pu servir à la connaissance de l'histoire romaine; 20 la transcrip-
tion ou le résumé des témoignages de l'antiquité sur ces écrivains; 3° la
mention des principaux travaux modernes auxquels ils ont donné lieu
et des meilleuies éditions de leurs ouvrages. C'est, comme l'indique le
titre, le résumé de tout ce que nous savons sur les sources de l'histoire
romaine.
Le livre commence aux origines, il ne s'arrête qu'à la mort de Justi-
nien. Son cadre embrasse donc la période du bas empire, qui s'étend
depuis Constantin jusqu'à la dynastie thrace ; il sort, et de beaucoup, des
limites que l'on assigne d'ordinaire aux travaux sur l'histoire romaine.
M. S. a cru que le règne de Justinien appartenait à cette histoire, au
même titre que celui d'Auguste. Il est assez difficile de penser autrement
que lui.
M. S. divise les quatorze siècles de l'histoire romaine en six périodes :
la seconde guerre punique, le tribunat de Tibérius Gracchus, les règnes
d'Auguste, d'Hadrien, de Théodose, la mort de Justinien sont les épo-
ques qui en marquent la fin. Quoique les divisions en périodes soient
en histoire une chose souvent arbitraire, plus souvent encore inutile, il
faut reconnaître que celles que donne M. S. échappent à l'un et l'autre
défaut. On pourrait le critiquer cependant d'avoir fait commencer à
Théodose la dernière période de l'empire romain. En quoi cet empereur
qui, malgré les surnoms dont on l'a gratifié, ne fut ni grand ni glo-
rieux, et dont les qualités administratives sont au moins discutables,
a-t-il transformé le gouvernement de l'état romain ? Le véritable organi-
sateur au ive siècle, celui qui donna à l'empire la forme qu'il devait con-
server jusqu'à Héraclius et qui modifia le premier, d'une façon sérieuse,
le régime fondé par Hadrien, fut Constantin. Les contemporains ne s'y
sont point mépris : il faut s'en tenir à leur opinion ; dans des choses qui,
comme celle-là, sont de pure appréciation, elle a plus de chances d'être
la vraie.
Les auteurs, grecs ou romains, sont énumérés suivant l'époque où ils
ont écrit, et non pas suivant le temps dont ils ont raconté l'histoire ; à
côté d'eux sont mentionnés les écrivains contemporains, biographes,
orateurs ou poètes dont les ouvrages sont une source aussi abondante
que les histoires proprement dites. Cet ordre a un très grand avantage: il
nous offre un tableau complet de la littérature historique, et même delà
littérature tout entière de chaque période. Mais est-ce bien pourtant l'u-
tilité que devait avoir ce livre? Pour ce qui concerne l'historiographie
romaine, nous avons, dans la Littérature de Teuffel, un tableau aussi
complet; il est vrai que le livre de M. S. a le mérite de le présenter, en
le résumant, d'une façon infiniment plus commode. Il ne fait souvent,
malgré tout, que le répéter. Peut-être aurait-on pu comprendre autre-
ment la disposition de ce livre; on aurait placé au début les ouvrages
sur l'histoire romaine en général, écrits par l'antiquité, en commençant
D'HISTOIRE ET DE LITTERATURE I7I
par ceux dont les fragments embrassent la période de temps la plus
vaste, par exemple par celui de Dion Cassais; puis, dans chaque pé-
riode, on aurait énuméré les auteurs qui n'ont écrit que sur cette pé-
riode, et, en même temps, les ouvrages contemporains qui, comme les
lettres de Cicéron ou le panégyrique de Trajan, ont une importance
historique considérable, sans être des livres d'histoire. Rien n'empêche-
rait, à l'aide de renvois, de revenir sur les auteurs d1histoires générales
qui ont insisté sur les événements de leur temps, comme Dion Cassius
sur les règnes d'Héliogabale et de Caracalla. On peut regretter que
M. S. ne nous ait point donné ce livre et qu'il se soit plutôt occupé des
écrivains, en tant que sources de l'histoire romaine, que des sources mê-
mes de cette histoire 1.
Ces réserves faites sur le plan de l'ouvrage, on rendra justice au soin
avec lequel il a été composé, au nombre des matériaux qui s'y trouvent
réunis, au discernement qui a présidé à leur choix. Il faut, en particu-
lier, savoir un gré infini à M. S. d'avoir extrait la substance des innom-
brables dissertations parues sur les autorités de Tite-Live et les premiers
annalistes romains. M. S. a pris très rarement parti entre les opinions
contraires qui se sont produites. Par exemple, Tite-Live a-t il consulté
Polybe pour le- récit des campagnes d'Hannibal en Italie? Niebuhr,
Nitzsch, M. Nissen, bien d'autres encore, ont affirmé que non. Lach-
mann a prétendu le contraire; MM. Cari Peter et Wœlffiin ont vivement
soutenu son opinion. Le débat court le risque de durer longtemps en-
core, d'autant plus que M. O. Hirschfeld vient de lancer une troisième
hypothèse, que Tite-Live aurait consulté simplement un abrégé de Po-
lybe. Il est fort à craindre que nous ignorions toujours la vérité :
M. S. nous indique au moins où d'autrts ont pensé qu'elle se rencon-
trait.
Il y a, dans le livre de M. S., un certain nombre d'omissions. Elles
sont de deux sortes. Les unes concernent des auteurs ou des ouvrages
de l'antiquité. Par exemple, il n'est point fait mention de l'écrit que
Tibérius Gracchus composa et qui fut peut-être, sous forme de lettre,
la justification de sa conduite politique. Ces lacunes, très rares pour la
période républicaine,. sont assez fréquentes pour les siècles de l'empire.
En particulier, M. S. n'a point tiré profit des autorités de toute sorte
consultés par les écrivains de l'histoire auguste, et dont ils énumèrent
toujours la liste avec une grande complaisance. Tantôt ce sont des his-
toriens célèbres en leur temps et dont ils nous ont conservé le nom, le
1. Une conséquence de l'ordre suivi par M. S. est que les subdivisions sont sou-
vent assez factices. L'Histoire d'Alexandre, de Quinte-Curce, se trouve mentionnée
avec la géographie de Strabon, le traité des aqueducs de Frontin, les Memorabilia
de Valère Maxime sous le titre commun d' « Histoire générale et géographie. »
Dans la période d'Hadrien à Théodose, la troisième subdivision est intitulée « Ecri-
vains chrétiens et leurs adversaires » et renferme, à la suite d'Eusèbe et de Por-
phyre, Iïs juristes romains, Gaius, Ulpien et les autres.
172 REVUK CRITIQUE
Grec Callicratès de Tyr, Graecorum longe doctissimus scriptor, dit
Vopiscus, Théoclius, Fabius Céryllianus, Onésimus, Turdulus Gallica-
nus, d'autres encore; leur nombre, qui est fort grand, révèle l'existence,
au 111e siècle, d'une littérature historique des plus riches, que les empe-
reurs encourageaient en en réunissant soigneusement les publications
dans les bibliothèques publiques, et dont nous ne possédons, dans l'his-
toire auguste, qu'un informe résumé. Tantôt ce sont des pièces officiel-
les, les éphémérides des empereurs, les actes du sénat et du peuple, les
regesta des scribes, d'où Vopiscus et les autres prétendent avoir extrait
les documents qu'ils insèrent dans leurs biographies. L'omission de l'his-
toire en vers que Callistus consacra à Julien, dont il avait été l'ami et le
protector, celle de la chronologie du moine Annien, contemporain des
fils de Théodose, de l'Histoire chrétienne de l'ami de saint Jean Chry-
sostome, Philippe de Sidè, l'absence d'une nomenclature complète des
listes de province, sont des lacunes beaucoup moins regrettables.
La seconde espèce d'omissions est relative aux travaux modernes. Le
dépouillement fait par M. S. est certainement très riche. Pourquoi
faut- il que nous ayons à lui reprocher de n'indiquer presque jamais les
ouvrages de l'érudition française? Pourquoi le recueil des thèses n'a-t-il
pas été consulté? Pourquoi nos bonnes éditions classiques ne sont-elles
pas mentionnées? Des travaux comme ceux de M. Waddington sur
iElius Aristide, de M. Fustel de Coulanges sur Polybe, de M. Vidal de
la Blache sur Hérode Atticus ont une valeur historique au premier
chef. Il n'est rien dit enfin des études sur les écrivains et les historiens
de l'empire, que Lenain de Tillemont a placées à la fin de chaque « ar-
ticle », dans son Histoire des empereurs. Personne ne contestera que,
pour le nombre des textes comme pour la sûreté de la critique, ces
études demeurent encore la base de tout travail sur les sources de l'his-
toire de l'empire. M. S. ne pense-t-il pas., comme nous, qu'oublier Le-
nain de Tillemont, c'est presque de l'ingratitude ?
Nous n'oublierons pas le livre de M. Schaefer. Nous nous en servirons
beaucoup et souvent. C'est un répertoire qui sera pour tout le monde
d'une utilité considérable. II est fait avec cette conscience, et, disons le
mot, ce désintéressement que laisse deviner le nom de M. Arnold Schae-
fer. Nous accueillons la première édition de cet ouvrage avec une véri-
table reconnaissance '.
Camille Jullian.
174. — RIargai*etim Ebnci- und Ileîm-lcli von IVœi*cIlingci>, ein Beitrag
zur Geschichte der deutschen Mystik, von Philipp Strauch. Freiburg u. Tûbingen.
Mohr. ln-8°, cvi et 414 p, 1 2 mark.
iiip
Ce volume, — dont l'élégante impression fait grand honneur à la li-
1. Nous publierons prochainement un autre article, de M. Albert Martin, sur la
partie de l'ouvrage de M. Arnold Schaefer, consacre'e à l'histoire grecque. (Réd.).
d'histoire et de littérature 173
brairie Mohr, — renferme le texte, publié pour la première fois dans
son intégrité, des Révélations de la célèbre mystique Marguerite Ebner,
et des Lettres de Henri de Nôrdlingen. M. Strauch, l'éditeur, publie :
i° les Révélations d'après deux manuscrits, celui de Medingen, à la fois
le meilleur et le plus ancien ( f 353), et celui de Mayhingen (1735}, qui
tous deux ont la même Vorlage et reproduisent l'original rédigé par
Henri de Nôrdlingen (p. xxvm); 20 les Lettres de Henri de Nôrdlingen,
d'après le manuscrit du British Muséum déjà consulté par Heumann
(p. xvii). M. S. donne d'ailleurs, dans son introduction, les renseigne-
ments les plus minutieux et les plus complets sur les divers manuscrits
dont il s'est servi : il ne se borne pas à l'exposé de Y Handschriften-
verhiiltniss ; il étudie les rapports si intéressants de Marguerite Ebner
et de Henri ; il décrit la vie, pleine d'extases et de visions, de Margue-
rite; il raconte longuement l'existence de Henri, d'après sa correspon-
dance, son séjour à Baie, ses courses vagabondes, la visite qu'il fit en
1 35 1 à Christine Ebner et après laquelle on ne trouve plus trace de lui.
On remarquera dans la savante introduction de M. S. les pages con-
sacrées à cette correspondance de Henri de Nôrdlingen, qui est, à vrai
dire, le premier recueil épistolaire, dans l'ordre des temps, de la littéra-
ture allemande, et qui fournit d'abondantes et précieuses informations à
l'historien du moyen âge (pp. lxii-lxviii, Culturgeschichtliches aus den
Briefen). M. S. analyse, en outre, le style de Henri; les locutions
qu'emploie volontiers ce tendre mystique, les diminutifs auxquels il re-
court, les comparaisons dont il abonde, tout cela est indiqué avec finesse
par le jeune professeur de Tiibingue ; enfin, un long chapitre, intitulé « De
la langue » et qui témoigne d'un patient labeur, donne la liste des par-
ticularités de langage, qui, dans les deux manuscrits de Medingen et de
Mayhingen, s'écartent de l'usage du moyen-haut-allemand. Vient en-
suite le texte des Révélations (pp. 1-161), et des Lettres (pp. 169-284),
suivi de remarques (pp. 287-405) qui dénotent une profonde connais-
sance de la littérature et de l'histoire de cette époque, et où l'éditeur a
tantôt fixé avec précision la date des lettres, tantôt éclairé le texte par
d'autres témoignages contemporains, par des explications des notes dif-
ficiles et des phrases obscures, par une foule de notes instructives et de
renseignements tirés d'écrits peu connus et peu accessibles. Aussi peut-
on dire que M. Strauch, en publiant pour la première fois le texte cpm-
plet des Révélations de Marguerite Ebner et des Lettres de Henri de
Nôrdlingen avec autant de soin et d'exactitude, en donnant sur la vie
et les œuvres de ces deux personnages tous les détails qu'il était possible
de donner, en commentant leurs écrits avec une telle abondance et un
tel luxe de notes et de remarques, a fait un travail fort remarquable et
qui sera d'un grand profit et pour les théologiens et pour les philolo-
gues et pour les historiens de la littérature médiévale.
174 REVUE CRITIQUE
175. — JTean de Gerson (1303-14L9O), recherches sur son origine, son vil-
lage natal et sa famille, par Henri Jadart, juge suppléant au tribunal civil. Reims.
Deligne et Renart. 1881. In-8°, vin et 280 pp. avec 12 planches hors texte et ins-
criptions. (Extrait du tome LXVIII des Travaux de l'Académie de Reims, tiré à
3oo exemplaires.)
Ce livre d'un de nos plus consciencieux et infatigables travailleurs de
la province s'ouvre par un chapitre renfermant un « aperçu de la vie et
des œuvres de Gerson » (pp. 9-48). Ce chapitre ne contient rien de nou-
veau; l'auteUr, selon sa propre expression, y fait œuvre de vulgarisation
plutôt que d'érudition; il retrace brièvement le rôle littéraire, politique
et religieux de Gerson, en prenant aux meilleurs biographes du chance-
lier et à ses œuvres leurs traits les plus expressifs. Les trois chapitres qui
suivent (11, ni, îv) sont plus importants; dans le n° chapitre, M. Jadart
fait l'histoire du village de Gerson du ixe au xvne siècle » (pp. 49-107) ;
ce village, situé sur une colline à 3 kilom. O. de Réthel (et non à 7 kil.
comme l'indique la Nouvelle géographie universelle de M. Elisée Re-
clus) n'existe plus ; mais on sait qu'il fut « contigu et en quelque sorte
juxtaposé à celui de Barby, le chef-lieu de la paroisse, avec lequel il se
confondit dans la seconde moitié du xvne siècle ». M. J. remarque néan-
moins que le terroir survécut aux habitants et ne fut divisé qu'en 1791 ;
les habitants furent même officiellement convoqués au tiers-état du bail-
liage de Reims en 1 789 et défaut fut donné contre eux ; « chose singulière,
Barby et Gerson, si rapprochés l'un de l'autre qu'ils se confondirent, dé-
pendaient de deux ressorts différents, Barby de Vitry ou du Rethélois,
et Gerson du Vermandois ou du Rémois » (p. 52). M. J. reproduit, d'a-
près le Polyptyque de Saint-Remy publié par M. Guérard en i853, le
dénombrement des manses et des familles de Gerson vers 845 ; il montre
que Gerson figure dans la plupart des diplômes et bulles de la grande
abbaye de Saint-Remy; il fait le tableau des misères qui accablèrent au
xvc siècle les habitants du village et leur valurent un adoucissement de
leurs redevances, etc. En 1 541, la population de Gerson ne comptait
que trente-six feux, c'est-à-dire environ 1 5o habitants ; ce fut dans les
guerres de la Fronde que le village disparut (sièges de Réthel, i652 et
i653). — Le chapitre 111 est consacré à la famille de Gerson (pp. 109-
170). On sait que Gerson nous a laissé sur ses parents quelques indica-
tions, entre autres dans une épitre en vers (Arnulpho Charlier cui nup-
sit Elisabeth olitn) et dans ses lettres à ses sœurs, et on lit encore sur la
muraille de l'église de Barby l'épitaphe de sa mère Elisabeth la Charde-
nière *i M. J. est même porté à attribuer au chancelier cette épitaphe
conçue en vers rimes; il croit, au reste, qu'Elisabeth était « supérieure à
sa condition par la noblesse et l'élévation de ses sentiments » (p. 11 6) et
il reproduit (pp. 119-121) une lettre que cette excellente femme écrivit
vers 1396 à ses enfants et que Paulin Paris regardait comme un « chef*
, -— _
1. Epitaphe reproduite dans le livre de M. Jadart, p. ioq.
D'HISTOIRE KT DK LITTÉRATURE I 7 1
d'œuvre d'onction, de pureté, de bonté » '. Il nous apprend que le nom
de Jean, que le fils aîné d'Arnaut le Charlier reçut au baptême, le plaçait
sous le patronage des deux saints saint Jean-Baptiste et saint Jean l'E-
vangéliste qui éiaient à l'église de Barby L'objet d'un culte spécial. Il nous
donne nombre de renseignements sur les onze frères et sœurs de Gerson.
— Le chapitre iv intitulé : Jean de Gerson et son pays natal (pp. 171-
229), traite des épitaphes de Gerson et des pièces à sa mémoire 2; des
relations de Gerson avec Reims et les Rémois ; de son éloge dans les
historiens du pays; des monuments consacrés à son souvenir à Paris, à
Lyon et à Barby. Le volume de M. J. se termine par des documents et
pièces justificatives (pp. 209-272) : l'église de Barby et le monument de
Gerson ; documents servant de pièces justificatives à l'histoire du village
de Gerson; une œuvre française de Gerson, L'Abc des simples gens,
suivi d'extraits de traités populaires du chancelier qui se trouvent à la
Bibliothèque de Charleville; un éloge de Gerson dans un recueil manus-
crit du xviic siècle intitulé : De l'antiquité de la ville de Rethel ; une
bibliographie gersonienne, imprimés, manuscrits, gravures et portraits.
Nous en avons assez dit pour montrer que l'ouvrage de M. Jadart a été
fait avec le plus grand soin et qu'il a coûté à son auteur beaucoup de
temps et de patientes recherches; son livre est conçu sur le même plan
que celui qu'il publiait naguère sur Mabillon, et il mérite les même élo-
ges ; il tiendra un rang distingué .parmi les nombreux travaux qui ont
déjà paru sur Gerson (le Répertoire des sources historiques du moyen
âge en comptait soixante-neuf en 1878) et il fait honneur à l'Académie
de Reims, qui a publié dans ses Mémoires le travail de M. Jadart, son
secrétaire-archiviste.
176. — Gœtlie in Hauptzûgen seines Leltens une! Wlrkeus, gesam-
melte Abhandlungen von Adolf Scholl. Berlin, Wilhelm Hertz. 1882. In-8°,
572 p. (avec un index).
L'auteur de cet ouvrage, l'aimable et savant bibliothécaire de Wei-
mar, Adolphe Scholl, ne lira pas les comptes-rendus du livre où il avait
réuni ses études sur Gœthe; il est mort le 26 mai de cette année. Mais,
pendant longtemps encore, son nom et ses travaux seront rappelés avec
honneur par tous les amis de la littérature allemande et spécialement
par les amis et admirateurs de Gœthe. Le volume que nous annonçons
1. Les Manuscrits fr. de la Bibl. du Roi, t. VII, p. 410.
2. Il faut dire que Wimpheling « relata » et non « composa » l'épitaphe en lan-
gue vulgaire que M. Jadart reproduit p. 172. Le petit volume, dans lequel se trouve
cette épitaphe. a paru certainement en i5o6, cp. Gh. Schmidt, Histoire littéraire de
V Alsace à la fin du xve et au commencement du xvi' siècle, index bibliographique,
p. 325, n° 27.
I76 REVUE CRITIQUE
témoigne des studieuses recherches que Schôll avait consacrées, pendant
une grande partie de sa vie, au plus illustre écrivain de l'Allemagne; il
était passionné pour la gloire de Gœthe ; il trouvait que le public de son
pays ne connaissait pas encore assez « et le poète et l'importance que
son génie a et peut avoir en tout temps sur la culture et le perfectionne-
ment de la nation allemande » (p. 2). Aussi ce volume s'ouvre par une
critique, très juste à beaucoup d'égards, de l'ouvrage de Lewes ; Schôll
est « offensé des jugements grossiers et vulgaires que cet Anglais porte
sur les plus profondes poésies de Gœthe, avec l'air résolu d'un connais-
seur » (p. 3) ; il reconnaît que Lewes a su ramasser çà et là des anecdotes,
mais il lui semble que ce biographe tant admiré n'a pas dominé son su-
jet et qu'il a commis vraiment trop de légèretés et d'erreurs. A la suite
de cet article viennent d'autres études, dont voici les titres : Der junge
Gœthe (ij4q-ijj8) ; — ■ Ueber Gœthe' s Geschwister; — Gœthe als
Staats-itnd Geschaftsmann ; — Gœthes Verhiiltniss \um Theater; —
Gœthes Tasso und Schillers Don Carlos; — Gœthe und die Wendung
der modernen Kultur ; — Gœthe in seinen Zeiten ; — Ueber Gœthes
Pandora, ihre Entstehung und Bedeuiung ; — Gœthe und die fran^ôs-
ische Révolution ; — Dichter und Eroberer ; — Zu Gœthes Stella ; —
Ein verlorenes Schauspiel von Gœthe ; — Ueber Gœthes : das Neueste
von Plundersweilern ; — Sendbrief an Doktor Hir\el in Leipzig ; —
Ueber Gœthe- Auto graphen. Huit de ces études n'avaient pas encore
paru ; ce sont : « Le jeune Goethe »; «. Le Tasse de Gœthe et le don Car-
los de Schiller » ; « Gœthe et la culture moderne » ; « Gœthe et son
temps » ; « Gœthe et la Révolution française » ; « Stella » ; « Lettre à
M. Hirzel », et « Les autographes de Gœthe ». Plus d'un passage dans
ces différentes études appellerait la critique; c'est ainsi (pp. 5io-5n)
qu'à propos du singulier factum de Frédéric II contre la littérature alle-
mande de son époque, Schôll, citant les noms de ceux qui défendirent
contre le roi gallophile la poésie et la langue de l'Allemagne, oublie de
mentionner la réplique de Mme de Gràvemeyer au ministre Hertzberg,
et dans l'article intitulé « poète et conquérant », Schôll s'est trop com-
plu à opposer Gœthe et Napoléon Ier; il n'avait pas besoin de nous rap-
peler les débuts de Bonaparte ; s'il n'était pas remonté si haut, il n'au-
rait pas dit que le jeune officier gagna le prix proposé par l'Académie de
Lyon, alors que tout le monde sait que Bonaparte n'eut pas même l'ac-
cessit. Mais ce volume de Schôll renferme tant de justes et ingénieux
aperçus, tant de faits intéressants et puisés aux sources, que nous ne
voulons pas insister davantage sur quelques fautes que l'auteur, du reste,
ne pourra plus corriger, et, en regrettant la mort prématurée du con-
sciencieux biographe de Gœthe, nous recommandons sincèrement à tous
l'ouvrage où il a mis tant de science et de travail.
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0'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURF. 177
CHRONIQUE
FRANCE.— Comme on le verra' sur la couverture de notre recueil, l'éditeur Ernest
Leroux, après avoir terminé la publication de Y Histoire grecque de M. Ernest Curtius
entreprend la publication d'une autre grande œuvre historique, qui forme la suite et
le complément de l'ouvrage de M. Curtius : VHistoire de V Hellénisme, par M. J.-G.
Droysen. Cette « Histoire de l'Hellénisme » est traduite sous la direction de M. A.
Bouché-Leclercq. ; elle comprendra trois volumes; le premier, consacré à VHistoire
<F Alexandre le Grand; le deuxième et le troisième volume, aux successeurs d'Alexan-
dre. L'ouvrage paraît en 2 5 fascicules à i fr. 25.
— M. le vicomte Ferdinand des Roberts, de l'Académie de Metz, vient de publier
une notice sur un Vocabulaire messin du xvie siècle, latin-français allemand qui fut
imprimé en i5i5 à Metz par Gaspard Hochffeder et qui se trouve à la Bibliothèque
municipale de Nancy; il décrit avec détail ce Vocabulaire, l'analyse et en donne de-
curieux extraits. M. F. des Roberts prépare un ouvrage sur les Campagnes de Char-
les IV, duc de Lorraine et de Bar, i634-i638, qui sera mis en vente chez Cham-
pion.
— L'Histoire des Etats généraux et des libertés publiques en Franche-Comté, par
M. Ed. Clerc, qui avait paru de 1874 à 1878 dans les Mémoires de la Société d'é-
mulation du Jura, vient d'être publiée en deux volumes (Besançon, Marion).
L'année dernière s'est fondée une Société d'études des Hautes- Alpes, qui a
pour but de « vulgariser tout ce que l'on sait sur les Hautes-Alpes, au point de vue
historique, scientifique, artistique et littéraire. » Cette Société publie un Bulletin
périodique dont les deux premiers fascicules (janvier à juin) renferment, entre au-
tres articles, des études historiques de M. l'abbé P. Guillaume et de M. A. de Rochas,
et une étude épigraphique de M. Florian Vallentin.
— M. Henri Beaune, professeur à la Faculté libre de droit de Lyon, avait publié
l'an dernier une Introduction à l'étude historique du droit coutumier français jusqu'à
la rédaction officielle des coutumes. 11 va faire paraître un autre Volume sur l'Etat
des personnes en France d'après les ordonnances et les coutumes jusqu'en 178g;
deux autres volumes suivront, et seront consacrés à l'Etat des biens.
— Un nouveau travail sur l'instruction primaire pendant la Révolution vient de
paraître à Auxerre; il est dû à M. l'abbé Ricordeau, et a pour titre Histoire de
l'instruction primaire en France et particulièrement dans le département de V Yonne
de 17 go à l'an VIII (in-8°, 35 p.). Les éléments de ce travail ont été puisés, dit
l'auteur, dans la série l des Archives départementales de l'Yonne. M. Ricordeau a
retrouvé les rapports administratifs de l'an vi sur la situation scolaire de 20 cantons
(le département se composant de 69 cantons); dans ces 25 cantons, 35 écoles publi-
ques étaient en exercice.
— Voici le résumé du rapport fait récemment par M. G. Perrot, au nom de la
Commission des écoles d'Athènes et de Rome, sur les travaux de ces deux écoles
pendant l'année 1881. École d'Athènes : M. Hauvette-Besnault a remis un mémoire
sur les Archontes athéniens, dans lequel il étudie et critique le rôle et la compétence
de cette magistrature au milieu du ve siècle. — M. Salomon Reinagh a continué les
fouilles entreprises par l'Ecole en Asie-Mineure, dans la nécropole de Myrina, en
Eolide, et les a étendues au cimetière de l'antique Cymé. Assisté de M. Pottier,
M. Reinach ne s'est pas contenté de rapprocher les fragments des tombes et de re-
composer des figures souvent brisées en plusieurs morceaux ; il a constaté comment
ces charmantes figurines étaient disposées dans les sépultures et soumis les tombeaux
1J& REVUE CRITIQUE
grecs au système d'investigation régulière qu'on emploie pour les plus grossiers de
nos tumuli. La manière des figurines découvertes par M. Reinach, dans la nécropole
de Myrina, Jui paraît se rattacher de loin au style de Lysippe et particulièrement à
l'école des sculpteurs de Pergame. L'atelier de Myrina, moins ancien que celui de
Tanagra, toucherait donc à la décadence et aux premiers siècles de la conquête ro-
maine. C'est au cycle de Bacchus, à celui d'Aphrodite et au mythe d'Hercule qu'ap-
partiennent les petites images de Myrina, dont il a été possible de déterminer le sujet.
— M. Clerc, auteur d'un travail intitulé : Mémoire sur les Ambassades «he^ les
Grecs, a développé une partie du mémoire de M. E. Egger sur les « traités publics
chez les Grecs et les Romains », en utilisant les textes épigraphiques que M. Egger
ne pouvait avoir à sa disposition en 1866. — M. Bilco, dans un Mémoire .sur les
jeux publics en Grèce, a heureusement complété une portion du consciencieux tra-
vail de Meursius sur les fêtes et les jeux de la Grèce, travail devenu très incomplet
par suite des découvertes ultérieures en épigraphie et en numismatique. — M. Ba-
rilleau, agrégé des facultés de droit, a remis deux mémoires; l'un : Des sources
de l'ancien droit grec (où l'on peut regretter l'omission des sources latines, et, en ce
qui concerne les sources grecques, l'oubli des papyrus gréco-égyptiens, et du Lexi-
con rhetoricum cantabrigiense, rédigé par Houtsma à Leyde en 1870); l'autre : Des
constitutions de dot dans l'ancienne Grèce, qui est la première étude faite sur la ma-
tière avec le secours des inscriptions. — A l'Ecole française de Rome, l'activité n'a
pas été moindre, et les travaux ont offert plus de variété, comme il fallait s'y atten-
dre, l'Ecole de Rome se recrutant à la fois parmi les élèves de l'Ecole normale, ceux
de l'école des Hautes-Etudes et ceux de l'école des Chartes. M. Perrot remarque que,
si les travaux sont variés, l'unité se retrouve dans la direction vraiment scientifique
imprimée à l'école par son fondateur M. Albert Dumont, et continuée par M. Geffroy
(Cp. Revue critique, n° 2 5, p. 455, la reproduction d'un art. de M. Perrot sur les
Mélanges d'archéologie et d'histoire de l'Ecole de Rome). M. René de la Blanchère
a poursuivi ses recherches sur les Terres pontines ; dès à présent, une conclusion se
dégage de ces études, c'est que la conquête romaine, qui provoquait dans les pro-
vinces éloignées de Rome, comme la Gaule transalpine, un merveilleux essor de po-
pulation et de richesse, dépeuplait et appauvrissait les territoires plus rapprochés de
la capitale. — M. Lacour-Gayet a dressé le tableau aussi complet que possible des
membres de la famille des Antonins; il a étudié leurs noms et leurs titres, et, à
propos du Temple d'Antonin et de Faustine au Forum, apprécié l'art romain à cette
époque. — M. Albert Martin a entrepris une étude des Scoliastes d'Aristophane,
dont il a rédigé deux chapitres : l. De la critique d'Aristophane avant Aristarque;
II. Aristarque et sa critique d'Aristophane comparée à sa critique des poèmes homé-
riques. — M. Ant. Thomas a envoyé deux mémoires : l'un est intitulé Francesco da
Barberino, étude sur une source nouvelle de la littérature provençale, où M. Thomas
fournit de curieux renseignements sur Raimond d'Anjou, Hugolin de Forcalquier et
sa femme Blanchemain, trois poètes dont nous ne connaîtrions ni le nom ni les œu-
vres sans Francesco da Barberino; l'autre a pour titre -.Nouvelles recherches sur
l'Entrée en Espagne, chanson de geste f ranco-italienne ; M. Thomas y démontre que
le poème appelé l'Ent-ée en Espagne ou la Prise de Pampelune, et dont le héros est
Charlemagne, eut deux auteurs, l'un Padouan et l'autre Véronais, qui portaient tous
deux le nom de Nicolas. — M. Camille Jullian a remis un mémoire sur les Domestici
et les Protectores, troupes de garde des empereurs du 111e au vnc siècle et envoyé une
collation de plusieurs manuscrits de la Notitia Dignitatum. — M. Maurice Faucon a
consacré son année au travail d'analyse et de copies partielles des Registres de Bo-
niface VIII, conservés à l'Archive vaticane. — M. Vigneaux a envoyé une Etude
d'histoire et de littérature 179
historique et juridique sur le praefectus urbi, qui fut, avec le Préfet du prétoire, le
principal agent d'Auguste et de ses successeurs, et une Notice sur trois manuscrits
inédits delà Vaticane (recueils de consultations des jurisconsultes italiens du xivc et
du xvc siècle). — En terminant son rapport, M. Perrot regrette que l'étroit budget de
l'école d'Athènes ne lui permette pas des découvertes comparables à celles des savants
allemands qui ont rendu au jour les marbres d'Olympie et de Pergame. Les fouilles
de Delphes pourraient donner d'importants résultats; un traité préparé par le direc-
teur de l'école d'Athènes et par le ministre de France donnera bientôt à l'école la
possession du village de Kastri qui recouvre les restes du temple d'Apollon et de
ses dépendances.
— Nous avons récemment annoncé que M. J. Schlumbbrger avait publié un Eloge
de M. de Saulcy (Genève, Fick. In-8°, 56 p.). On y remarquera la bibliographie
complète des ceuvresdu savant archéologue; cette bibliographie, classée par ordre de
matières, comprend i63 art. de numismatique, 33 d'histoire et de voyages, 67 d'ar-
chéologie, 56 de philologie et 3g de mélanges.
— M. François Joseph Chabas, né le 2 janvier 1817 a Briançon, est mort à Ver-
sailles le (j mai ; « il n'est pas un seul égyptologue a dit M. Révillout, qui n'ait
fait ses premiers pas à l'aide des travaux de M. Chabas, et les plus illustres le recon-
naissent ouvertement pour maître; il a, le premier, fixé d'une façon certaine les ba-
ses scientifiques de la métrologie égyptienne ; indiqué, de main de maître, les
grands jalons de l'histoire et de la chronologie; donné les premiers et jusqu'ici
uniques matériaux concernant le droit criminel de l'époque pharaonique. » Il est
impossible d'énumérer ici tous" les mémoires de M. Chabas; on en trouvera la liste
dans le Polybiblion de juillet (pp. 70-73).
— Nous avons encore à annoncer la mort de M. Olivier-Alexandre Barbier
(20 juin i8o6-5 février i883), conservateur honoraire de la Bibliothèque nationale,
collaborateur à la dernière édition du Manuel du libraire de Brunet;— de M. Charles-
Alfred Bertauld (9 juin 1812-9 avril 1882), sénateur inamovible et procureur-géné-
ral à la Cour de cassation, auteur d'une Philosophie politique de V histoire de France
(1861) et de nombreux travaux juridiques; — de M. Norbert Bonafous (1809-jan-
vier 1882), auteur d'une Etude sur l'Astrée et sur Honoré d'Urfé (1847); — de
M. H. F. J. Cocherts (icr décembre 1829-avril 1882), auteur de Notices et extraits des
documents manuscrits conservés dans les dépôts publics de Prris et relatifs à l'his-
toire de la Picardie (1804, et suiv.), d'une Table des art. du Journal des Savants,
de 1816 à i858 (1860), d'un Dictionnaire des anciens noms des communes du dé-
partement de Seine-et-Oise (1874), etc. etc.; —de M. l'abbé .Coffinet (27 mars
1810-19 mars 1882), auteur de plusieurs travaux et mémoires archéologiques sur la
ville de Troyes; — de deux libraires bien connus de tous les bibliophiles, MM. Fa-
toux (3i octobre i83g-i6 juin 1882), l'associé de M. Morgand, et Adolphe Labitte;
— de M. l'abbé Jacques Laffetay (i8io-i3 février 1882), auteur d'une Histoire du
diocèse de Bayeux (i855); — de M. de Lamberterye (27 déc. 1800-1 nov. 1881),
auteur d'Etudes sur le département du Lot (i856), remaniés dans une nouvelle édition
en deux parties (1874-1880) ; — de M. Le Boucq de Ternas (1829-29 mai 1882),
connu par ses études archéologiques et généalogiques sur la Flandre Wallonne.
ALLEMAGNE. — La deuxième livraison du Dictionnaire étymologique de la
langue allemande, de M. Fr. Kluge a paru (Strasbourg, Trûbner, pp. 65-128);
elle va du mot elfenbein au mot hehlen et comprend, par conséquent, la fin de la lettre
e, les lettres f et g, et le commencement de la lettre h.
— Parmi les prochaines publications de la librairie Teubner, de Leipzig, nous
signalerons les suivantes : Homeri Iliadis carmina, dejuncta, discreta, emendata,
l80 REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITrÉRATURE
prolegomenis et apparatu critico instructa, éd. W. Christ ; Kunst und Gewerbe im
homerischen Zeitalter, de M. Wolfgang Helbig ; la troisième édition de la Républi-
que de Platon, de Stallbaum revue par M. Herm. Heller; la septième édition du
Griechisch-deutsches Schulwœrterbuch de Benseler, revue et remaniée par M. Au-
tenrieth ; le Ier fascicule du IIe vol. des Commentaires de Servius, par M. G. Thilo ;
une édition des Aratea d'Avienus par M. A. Breysig, etc. Citons encore de M. Va-
lentin Rose : Sorani Gynaeciorum vêtus translatio latina nunc primum édita cum
additis graeci textus reliquiis a Diet^io repertis atque ad ipsum codicem Pari-
siensem nunc recognitis.
— M. E. Brentano, qui avait déjà publié deux ouvrages relatifs à l'emplacement de
Troie et aux fouilles de M. Schliemann, Alt-llion im Dumbrekthal et Zur Lœsung
der trojanischen Frage, vient de faire paraître à la librairie Henninger, de Heilbronn,
un troisième ouvrage sur la « question troyenne » : Troia und Neu-Ilion (x et
74 p. 2 mark). Nous comptons en parler plus amplement.
— Le premier fascicule d'une revue consacrée à l'histoire de la province de Posen
et intitulée Zeitschrifi fur Geschichte und Landeskunde der Provins Posen a paru
chez l'éditeur bien connu de Breslau, W. Koebner. Cette revue est dirigée par
M. Christ. Meyer, archiviste de la province, sous les auspices du ministère de
l'instruction publique -, elle traitera de l'histoire « intérieure » de la Posnanie, des
arts et des sciences, de la langue et des mœurs, du commerce et de l'industrie de la
province. Voici le sommaire du premier fascicule : Zachert, Nachricht von der
Stadt Meseritç I ; M. Bjer, Geschichte der lutherischen Gemeinde der Stadt Posen,
et Johannes a Lasco ; Christ. Meyer, Die deutsche Bevœlkerung der Provins Po-
sen gegenùber dem polnischen Auf stand im Jahre 1848 et Friedrich der Grosse
und der Netçedistrict, I; viennent ensuite des « communications littéraires ». La
revue paraît trois fois par an (abonnement annuel, 10 mark).
— La collection des « classiques militaires d'Allemagne et de l'étranger » que
publie M. G. de Marée (à Berlin, chez l'éditeur Wilhelmi) s'est augmentée de deux
nouveaux fascicules, le XIVe et le XVe renfermant les Ecrits militaires {Militxrische
Schriften) de l'archiduc Charles. Le baron de Waldst^etten a mis en tête de cette
publication une notice sur la vie du célèbre général autrichien. On sait que l'archi-
duc fut tenu à l'écart, à partir de 1809, et qu'il resta inactif durant trente-huit ans;
il a, paraît-il, profité de ces loisirs, que lui faisait Metternich, pour composer des
Mémoires ; ne serait-il pas temps de les publier?
— L'ouvrage de M. Aug. Lehmann sur les fautes de langage que commettent ses
compatriotes (Sprachliche Sùnden der Gegenwart. Brunswick, Wreden), vient d'a-
voir une troisième édition.
— Le Catalogue de la bibliothèque du Reichstag a paru, par les soins du biblio-
thécaire, M. A. Potthast. (2 mark, à Berlin, chez Puttkammer et Mûhlbrecht.)
ANGLETERRE. — M. Whitley Stokes prépare une édition du Psalter na Raan
pour les « Anecdota Oxoniensia ».
— La partie de la Picturesque Palestine relative à l'Egypte, a été confiée par les
éditeurs Virtue, de Londres, à M. St. Lane-Poole; la « Picturesque Palestine » pa-
raît avec la collaboration de MM. le colonel Wilson, le lieutenant Conder, le Prof.
Palmer, Miss Rogers, etc.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie de Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
M» 36 —4 Septembre — 1882
Sommaire : 177. Hauleu, Etudes sur Térence. — 178. Fabre, La jeunesse de
Fléchier. — 179. Delahante, Une famille de finance au xvnr3 siècle. — 180.
Werner, L'Emilia Galotti de Lessing. — 181. Le Faust de Goethe, II, p. p.
Schroer. — Chronique.
177. — Terentinna. Quaestiones cum specimine lexici. Scripsit Dp Edmundus
Hauler. Vindobonae, apud Alfr. Hoelderum. 1882, 47 p. gr. in-8°.
L'auteur examine le texte de quatre passages de Térence '. Ensuite il
traite du vocatif des noms comme Chrêmes, et classe les mots employés
par Térence qu'il suppose empruntés au grec. En troisième lieu, il
étudie, dans Térence et d'autres auteurs, la figure qu'on pourrait appeler
la rime étymologique, reppulit propulit, salipotenti multipotenti. Par-
tout il montre une grande connaissance du sujet, et le lecteur trouvera
son profit dans ces observations diverses. Mais ce qu'il y a de plus inté-
ressant dans cette brochure, ce sont les Prolegomena ad lexicon Te-
rentianum et les dix-huit colonnes (de a à acuo) du Spécimen lexici
Terentiani. Il s'agit d'un index complet et raisonné de tous les mots
contenus dcns Térence. Avant de le faire imprimer, l'auteur veut s'as-
surer que son plan a l'approbation des érudits.
L'index complet a déjà été fait, ce que M. Hauler paraît ne pas soup-
çonner (il dit des index de Térence à lui connus : nonnullis enim locis me-
morabilibus continentur). Cet index, depuis plus d'un demi-siècle,
permet aux philologues de retrouver instantanément un passage quel-
conque du poète; il se trouve dans le troisième volume du Térence de
Lemaire (Paris, 1828). L'index viennois sera incontestablement très su-
périeur, mais, en attendant, celui de Lemaire rend bien des services.
M. Hauler, qui a déployé dans son travail un zèle et une patience dignes
de tout éloge, ne reculera sans doute pas devant l'ennui d'un pointage
comparatif qui le rassurera sur le danger d'avoir laissé échapper quelque
erreur ou quelque omission.
Gela dit, je n'ai qu'à louer sans réserves le soin et la précision de
M. Hauler. Il indique scrupuleusement les leçons des manuscrits et les
conjectures des philologues ; il marque d'un chiffre ' les mots qu'on ne
I. Dans le premier (£««., 267) il propose de remplacer par huius ou eius stare le
mot Thaidis, glose du pronom. L'essentiel de cette correction paraît bon; seulement
l'ordre stare eius donne une coupe meilleure et explique mieux l'erreur du copiste,
qui a pris ThAidl S de l'interligne pour une correction de sTAreeluS du texte.
Nouvelle série, XIV. 10
I 8 2 . RKVUK CHiriQUh
rencontre pas avant Térence; un point d'interrogation signale les formes
douteuses, et une étoile les formes supposées apocryphes • ; un trait ver-
tical marque les fins de vers ; des points remplacent les mots dont l'au-
teur a allégé ses citations2. Les exemples sont classés d'après le sens et la
construction. A cet égard, l'index Hauler sera extrêmement précieux
pour les recherches de syntaxe.
L'index Lemaire restera plus commode pour les recherches de forme
et de prosodie, parce que la classification y est morphologique, accipio
d'abord, puis accipis, puis accipit, etc. M. Hauler a senti le besoin de
donner quelque satisfaction au lecteur en ce qui touche les formes. En
tête des principaux articles il cite et classe des particularités choisies
d'orthographe ou de prononciation. Mais c'est là un maigre secours. Dans
cette partie de son ouvrage, par lui considérée comme secondaire, il dé-
signe les passages par de simples chiffres, sans en reproduire le texte.
En outre, il n'a pas eu le moins du monde la prétention d'épuiser cet
ordre de questions, de sorte qu'on est exposé à le trouver muet justement
sur le point qu'on voudrait éclaircir. Puisque l'auteur demande avis à
ses lecteurs, je n'hésite pas à dire qu'il devrait supprimer cette partie. 11
y aura quelque jour un index morphologique et prosodique de Térence;
il ne sera bon que si l'on n'y mêle pas la syntaxe.
M. Hauler, au mot accido, indique, avec un signe de doute, que
peut-être la syllabe det est longue dans le groupe de mots accidet animo.
N'est-il pas clair que ceci concerne l'histoire de la conjugaison en géné-
ral, non point le verbe accido en particulier, et que si accidet est long
il en sera de même de incidet, afferet, perleget ?
Quant aux particularités qui atteindraient le radical, comme l'abrège-
ment de la seconde syllabe dans magistratus, fenestra, iuuentutem, je
comprends qu'on en dresse un catalogue alphabétique : mais à quoi bon
en noyer les articles dans un catalogue des significations et des régimes3?
Supposons donc l'index allégé de la partie morphologique, nous ne
pourrons reprocher à l'auteur qu'un excès de conscience. Dans un vers
de XHecyra tout le monde admet que le pluriel neutre acerba, en accord
avec plura, et pris substantivement, est le sujet dresse. A quoi bon in-
diquer sous acerbits, par quatorze sigles, quels manuscrits portent et
quels éditeurs admettent acerba plura, on plura acerba, on plura ego
acerba, ou ego plura esse acerba? Il suffisait de faire savoir, par un si-
gne conventionnel quelconque, qu'ici le texte varie, sans toutefois que
cette variation affecte le sens ou la construction du mot qui est le sujet
i. Le même signe est apposé aux formes tirées des didascalies et des arguments,
que l'auteur a dépouillés avec le même soin que le texte lui-même.
2. La valeur conventionnelle attribuée au point en haut n'est pas expliquée à côté
de celle des autres signes.
3. Un détail superflu, à supprimer, est le signe de longue sur Ve d'accresco, et
Yad'actus. La quantité de ces voyelles intéresse forthoépie latine en général; elle ne
fait rien a Térence en particulier.
JHISIOIKK Kl DK LITTÈUATURR
i83
de l'article. Que de peine économisée pour l'auteur! — et j'ajoute, pour
le lecteur, qui ne se débrouille pas sans un effort cérébral dans cette al-
gèbre inutile.
La disposition typographique a quelque importance dans un index
surchargé de signes et d'abréviations. Celle du spécimen ne permet pas
une lecture assez rapide. Je soumets à M. Hauler l'idée des deux modi-
fications suivantes : i° dans chaque citation de Térence, mettre en carac-
tères gras le mot qui est le sujet de l'article (ce qui permet au lecteur
de se faire lui-même, sans perte de temps, un classement morphologique) ;
2° dans tout ce qui n'est pas de Térence, sans exception aucune,
remplacer les lettres romaines par des lettres italiques ".
Il ne me reste plus qu'à souhaiter à M. Hauler, et plus encore au pu-
blic érudit, la prompte publication d"u nouvel index.
Louis Havet.
178. — l..n jeunesse de l^lécïiiei', par l'abbé A. Fabue, docteur ès-lettres ,
membre correspondant de l'Académie du Gard. Paris, Didier, 1882. 2 vol. in-8°
de 1 11-396 et 412 p. — Prix : 12 francs.
M. l'abbé Fabrc a publié, il y a dix ans, un volume consacré aux re-
lations épistolaires de Fléchier avec les dames Des Houlières \ Les lec-
teurs de ce charmant recueil exprimèrent le vœu que M. l'abbé F. n'en
restât pas là. Je fus un de ceux qui insistèrent le plus vivement pour que
l'habile éditeur continuât d'aussi attachantes études. Voici comment il
nous présente (Avant-propos, p. 1) l'ouvrage qu'il nous devait : g Nous
voudrions compléter ce que nous avons commencé autrefois; faire con-
naître les travaux de Fléchier dans sa jeunesse, les amis qu'il a recher-
chés, les réunions qu'il préféra, et au milieu desquelles, en quelque
sorte, son talent se forma et prit peu à peu ces plis divers que l'élégant
prélat garda jusqu'à la fin de sa noble carrière. 11 y a là des détails bien
curieux, ignorés pour la plupart, à l'aide desquels on peut dessiner net-
tement les traits de cette physionomie littéraire, l'une des plus fines, des
plus déliées, des plus spirituelles de ce xvne siècle, si fécond pourtant en
excellents écrivains et en esprits originaux. »
Comme biographie de Fléchier, le livre de M. l'abbé F. est plus exact,
1. Pour l'art de se servir des ressources typographiques, il y a beaucoup à appren-
dre de la Grammaire latine de MM. Guardia et Wierzeyski. On voit là comment de
bons types de caractères gras permettent à,e. mettre autant de mots qu'on veut en
relief sans salir l'aspect de la page.— Ceux que M. Hauler emploie pour la désignation
des manuscrits attirent l'œil sur ce qu'il y a de moins imporlant. Ils conviendraient
fort bien à l'apparatus d'une édition, ils conviennent mal à un index où des italiques
ordinaires les remplaceraient avantageusement.
2. De la correspondance de Fléchier avec Mmc Des Houlières et sa fille. Didier,
1872, 1 vol. in-8°.
l8| RKVUE CftlTIQOR
plus complet que tous les travaux antérieurs ', mais c'est surtout comme
tableau du monde littéraire où vécut le futur évêque de Nîmes, que ce
livre est particulièrement digne d'attention. On y trouve les renseigne-
ments les plus intéressants sur tout l'entourage de Fléchier, notamment
sur son oncle maternel Hercule Audiffret, supérieur-général de la Con-
grégation de la doctrine chrétienne, prédicateur de quelque célébrité, sur
son singulier professeur d'éloquence, Jean de Soudier de Richesource,
celui que l'abbé d'Artigny appela si plaisamment un distillateur de
galimatias ; sur le P. Senault, supérieur général de l'Oratoire, qui eut
le futur évêque de Nîmes pour disciple avec Fromentières, le futur évê-
que d'Aix, et Mascaron, le futur évêque d'Agen ; sur Conrart, un de ses
meilleurs protecteurs; sur Chapelain, à qui Conrart Pavait recommandé,
et dont il loua fort ingénieusement la Pucelle dans ses Mémoires sur
les grands jours d'Auvergne ; sur Daniel Huet et sur le duc de Mon-
tauzier, ses deux plus intimes amis; sur M. de Caumartin et sur la se-
conde femme de ce magistrat (Catherine-Magdelaine de Verthamon,
sœur de Mme de Guitaut); sur Louis-Urbain de Caumartin, leur fils et
son élève; sur ses amies qui, sans compter Mme et Mlle Deshoulières, sur
lesquelles il était inutile de revenir, furent Mlle de Scudéry, Mlle Marie
Dupré, appelée par Huet Virgo erudita, surnommée par tout le monde
la Cartésienne, celle qui figure sous le nom de Diophanise dans le
Grand Dictionnaire des Précieuses 2, et M1!e de La Vigne, « l'une des
plus belles, des plus savantes et des plus spirituelles filles de l'Europe, »
comme s'exprime Le Fort de la Morinière [Bibliothèque poétique, t. II,
p. 414), la Nouvelle Melpomène, comme la surnommèrent ses contem-
porains 3. Ces deux dernières notices, qui remplissent, l'une les chapi-
1. Ces travaux sont : la Notice de Ménard, au commencement du seul volume
des Œuvres de Fléchier que le savant historien de Nîmes ait publié (Paris, 1743,
in-40) ; le Discours sur la personne et les écrits de Fléchier, par Ducreux, en tête des
Œuvres complètes (Nîmes, 1782, 10 vol. in-8°) ; YHistoire de Fléchier, évêque de
Nîmes, d'après des documents originaux, par M. l'abbé A. Delacroix (Paris, i865,
in-8°), Voir, sur ce dernier ouvrage, la Revue critique du 28 juillet 1866, pp. 57-
61. Aux observations adressées là au biographe de Fléchier, il faut joindre les ob-
servations que lui adresse M. l'abbé F. (t. I, pp. 1, 24, 43, 47, 57, 84, 146, i63 ;
t. II, pp. 27, 117, 118, 277, 2q3). Constatons, pour ne prendre qu'un exemple, que
tous les devanciers de M. l'abbé F. lui ont laissé le plaisir de découvrir, dans VHis-
toire de la ville de Pentes par J.-J. Giberti, dont le manuscrit original est conservé à
la Bibliothèque de Carpentras, l'indication précise du jour où Fléchier fut fait prêtre
(26 mai 1657).
2. Le dernier éditeur du recueil de Somaize, M. Ch. Livet, n'a pas reconnu l'amie
de Fléchier, la correspondante de Bussy-Rabutin {Clef historique et anecdotique, t. II,
p. 223). M. l'abbé F. n'a pu retrouver la date de la naissance et de la mort de cette
nièce de Desmarest de Saint-Sorlin, mais aux biographes qui ont avancé qu'elle
mourut « dans la dernière moitié du xvne siècle, » il apprend que Fléchier lui écri-
vait encore le 10 janvier 1707.
3. M. l'abbé F. rectifie (t. II, p. 26) l'erreur commise par Vigneul-Marville, par
Ch. Labitte, par la Nouvelle Biographie générale, etc., au sujet du berceau de Mlle de
la Vigne : elle naquit, en 1634, à Paris, et non à Vernon, en Normandie. Il rectifie
OHlSTOIftS ET DK LITTBKATUftfc I 85
très vin et ix, l'autre les chapitres x, xi et xn, sont les plus curieuses de
tout l'ouvrage.
Pour montrer combien la critique de M. l'abbé F. est à la fois sûre
et fine, je reproduirai un passage où il s'élève (t. II, p. 117) contre une
assertion que l'on retrouve partout : « On a dit que Fléchier avait été
admis à l'hôtel de Rambouillet, et qu'il y reçut une empreinte que son
talent conserva toujours. Sorti de l'hôtel de Rambouillet, écrit M. Ch.
Labitte, il en a gardé les délicatesses en les épurant. Et, si nous en
croyons le même critique, il paraîtrait que Conrart, son protecteur et
son ami, le présenta à l'illustre marquise, et à celle qui devait être plus
tard la duchesse de Montauzier. Depuis, on ne cesse de répéter toujours
la même chose. Peu à peu cette opinion a prévalu, et on a fini par croire
que Fléchier avait été parmi les habitués dessalons de la rue Saint-Tho-
mas du Louvre '. Malgré toutes ces autorités, nous ne pouvons admet-
tre que Fléchier ait assisté aux réunions de l'hôtel de Rambouillet. S'il
y vint jamais, ce ne fut que fort tard, vers les dernières années de la
vie de la marquise, à l'époque où, accablée par la vieillesse et les infir-
mités, elle ne recevait plus chez elle que de rares visiteurs. Or, au mo-
ment où les brillantes assemblées d'autrefois avaient cessé, alors que
l'éloignement ou la mort avaient dispersé les amis les plus fidèles de la
belle Arthénice, nous ne voyons pas quelle influence sérieuse le célèbre
hôtel aurait pu exercer encore sur le talent de l'ancien doctrinaire \ »
M. l'abbé F. ne discute ni moins finement, ni moins agréablement
(t. Il, pp. 126- 127), -ce que l'on a raconté des visites de son héros à
Mme de Sévignéj « Sur la foi de Ménard, M. Delacroix, dans son esti-
mable histoire de Fléchier, affirme que Mme de Sévigné reçut chez elle
l'auteur des Mémoires sur les grands jours. Mme de Sévigné lui ouvrit
aussi ses salons, nous dit-il. Il allait souvent la voir à Livry, où s'assem-
blaient les beaux esprits du temps. Voilà un fait que nous voudrions
bien admettre; mais est-il certain? Rien de plus charmant, sans doute,
que de se représenter Fléchier et Mme de Sévigné, deux personnes d'un
esprit si distingué, si piquant et si fin, causant ensemble sous les om-
brages de l'abbaye de Livry, à travers les allées de ce parc magnifique
encore aujourd'hui, au milieu de quelques amis éclairés, venus de Pa-
ris pour rendre visite à l'abbé de Coulanges et à son adorable nièce.
plus loin (p. 101) une erreur des éditeurs des Lettres de Mma de Sévigné (collection
des Grands écrivains de la France), qui ont attribué (t. III, p. 22 1) à Mlle Dupré une
épitre adressée, en 1673, à MUe de la Vigne, par MUe Descartes, la nièce du grand
philosophe. M. l'abbé F. ne veut pas que l'on écrive Lavigne, mais bien La Vigne.
i. Ch. Labitte, Revue des Deux-Mondes, 5 mars 1845; — Ménard, p. 12; —
Ducreux, Œuvres complètes de Fléchier, vol. IV, p. xxx; — Biographie Didol, arti-
cle : Fléchier ; — M. Ch. Livet, Dictionnaire des Précieuses, par Somaize, préface,
p. x; — M. A. Delacroix, Histoire de Fléchier, pp. 3o et suiv.
2. Rappelons que l'on a aussi redit souvent que Balzac fréquenta l'hôtel de Ram-
bouillet, où pourtant il ne mit jamais les pieds, comme le prouve sa correspon-
dance.
I 86 KKVOK CRITIQCH
Oui, notre imagination s'arrête volontiers devant un tableau bien fait
pour la séduire, et il nous en coûte de rejeter une si délicieuse illusion.
En effet, nous ne croyons pas que Fléchier ait eu des relations suivies
avec Mme de Sévigné, car nous n'avons trouvé aucun témoignage sé-
rieux à ce sujet. Ce qui confirme encore nos doutes, c'est que, parmi les
lettres de Fléchier, il n'y en a pas une seule adressée à Mllie de Sévigné.
D'autre part, si Fléchier a été admis, à Paris, chez Mme de Sévigné, s'il
est allé souvent la voir à Livry, est-il naturel que Mme de Sévigné ne
fasse jamais mention de ces visites à sa fille, à Bussy-Rabutin, ou à tout
autre de ses correspondants ?. . . »
Les Grands jours d'Auvergne ont fourni à M. l'abbé F. le sujet de
trois chapitres qu'on lit avec grand plaisir, même après avoir lu Y Intro-
duction de Sainte-Beuve aux Mémoires de Fléchier, introduction qui
est un des plus savoureux de tous les morceaux que l'on doit à l'admi-
rable critique '. Dans les deux derniers chapitres de l'ouvrage, le nou-
veau biographe a jugé en Fléchier le poète français avec autant de sens
et de goût qu'il avait précédemment jugé en lui le poète latin 2.
La Jeunesse de Fléchier est accompagnée d'un grand nombre de
Pièces justificatives et de documents inédits 3 '. En voici l'énuméra-
tion : Fléchier et sa famille; Deux lettres de l'homme d'affaires de
la famille de Fléchier-, Extraits d'un passage des discours académi-
ques et oratoires de Richesource ; Lettres inédites de Fléchier ; Let-
tre de Chapelain à Fléchier ; Lettre du P. de la Rue à Huet ; Let-
tre de Conrart au même ; Lettre de Mme Dacier au même ; Lettres
de Ménage au même ; Lettres de Montau\ier au mên^e ; Remarques
sur le Térence, l'Horace et le Virgile de la collection ad usum
Delphini ; Note sur M. de Brieux ; fragment de Y Auberge ou les bri-
gands sans le savoir, comédie-vaudeville, par MM. Scribe et Delestre-
Poirson 4 ; Note sur M^ Dupré ; Lettres de Mme de la Fayette à
i. M. l'abbé F. rend ainsi hommage (t. I, p. io5) à l'éclatant mérite de l'étude
de Sainte-Beuve sur Fléchier avant l'épiscopat : « 11 était difficile de parler de l'évê-
que de Nîmes avec plus de tact, de finesse et de mesure, que ne l'a fait le remarqua-
ble auteur des Causeries du Lundi. »
2. L'auteur avait spécialement traité ce dernier sujet dans sa thèse pour le docto-
rat ès-lettres : Delatinis Flecherii carminibus (Paris, Didier, 1872).
3. Il y a quelques autres documents dans le corps même de l'ouvrage, notamment
des lettres d'Audiffret et de Godcau, tirées des papiers de Conrart (t. I, pp. 78-83;, des
lettres de Montauzier, tirées des papiers de Huet (t. I, pp. 179-184). M. l'abbé F. a eu
soin de déclarer qu'il n'entend pas garantir la virginité de toutes les pièces qu'il
reproduit. Rien n'est plus sage qu'une telle précaution, car c'est surtout en fait de
documents du xvir3 siècle que l'on peut répéter le mot de La Bruyère, si modeste-
ment cité par l'auteur (t. I, p. 1 10) : « Le plus beau et le meilleur est enlevé. » Les
plus expérimentés s'y trompent et M. l'abbé F. a, par exemple, pu constater (t. I,
p. 242) qu'une lettre de Fléchier à Mlle de Scudéry, du 26 décembre 1 685 ou 16S6.
a été citée à tort par feu Rathery comme inédite : elle avait été déjà publiée par Du-
creux (t. X, p. 358).
4. Il n'était peut-être pas indispensable de consacrer 0 pages à cette citation. On
trouverait encore quelques hors-d'œuvre dans le livre, comme là où l'auteur (t. I,
O H.fSTOlKK ICI UK UTTKRATURK 1 87
Huet ; Vers inédits de Fléchier ; Note sur la maison de Fléchier à
Pernes ; Notes sur la famille de Caumartin ; Le Conseil d'Etat dans
l'ancienne monarchie ; Notes sur deux vers de Boileau ; Note sur le
Parlement de Paris; Notes sur MM. des Grands Jours ; Lettre de
Fléchier à M. de B avilie.
Soit par l'intérêt du récit, soit par la richesse des documents, les deux
volumes de M. l'abbé Fabre méritent l'honneur d'être rapprochés des
deux volumes de Victor Cousin sur la société française au xvne siècle *-.
Espérons que l'excellent critique nous donnera prochainement ce tra-
vail sur Fléchier orateur qu'il nous promet dans son Avant-Propos et
qui achèvera de nous faire connaître l'homme dont le talent fut assez
grand pour que Fénelon, en apprenant sa mort, pût s'écrier : « Nous
avons perdu notre maître! 2 »
T. de L.
p. 139) s'étend, à propos de la liaison du doux Fléchier avec Huet, le roi des opiniâ-
tres, sur l'amitié de Brutus et de Cicéron.
1. Le brillant écrivain n'aurait pas désavoué certaines pages de la Jeunesse de Flé-
chier, surtout les pages vraiment éloquentes où M. l'abbé F. repousse les attaques
dirigées contre le siècle de Louis XIV (pp. 332-335).
2. Les taches sont rares dans le livre de M. l'abbé Fabre. Je voudrais effacer l'il-
logique expression dans un but qui reparaît souvent et qui brille pour la première
fois au bas de la page 12 (note 2) : « Dans un voyage que nous avons fait dans ce
but à Narbonne... » Parmi les autres petites négligences, citons une malencontreuse
répétition (p. 134) : « Nous croyons volontiers qu'avec le temps il s'établit, entre l'aca-
démicien vieillissant [Chapelain] et l'auteur des Grands jours, une intimité véritable,
qui paraît, d'ailleurs, assez bien établie. » Il y aurait une faute plus grave à relever
(t. II, p. 356, note 2), si le : nous nous en rappelons bien, n'était pas une évidente
faute d'impression. — Quand M. l'abbé F. dit (t. I, p. 2 3) que le véritable nom de
Richesource était « J. Soudier Escuyer », il a l'air de croire que le mot Escuyer fai-
sait partie du nom de l'homme au galimatias. Escuyer est le titre que prenait le
marchand de leçons d'éloquence sur lequel je citerai une récente publication de
M. Revillout, professeur à la Faculté des lettres de Montpellier, Un maître de con-
férences au milieu du xvne siècle. Jean de Soudier de Richesource (Montpellier, 1881,
in-40 de 100 pages, publication à laquelle notre savant collaborateur M. Defrémery,
en la présentant à l'Académie des Inscriptions (séance du 16 décembre 1881), a donné
cet éloge: « Une des monographies les plus complètes, les plus piquantes et les plus
exactes publiées depuis longtemps sur l'histoire littéraire du xvue siècle. » — Il est
incontestable queConrart ne savait ni le latin ni le grec. Ce n'est donc pas l'occa-
sion de dire, comme le fait M. l'abbé F. (p. m) : « Nous voilà dans une grande per-
plexité. » Aux preuves déjà données ici (Compte-rendu de l'ouvrage de MM. Ed. de
Barthélémy et R. Kerviler, n° du 4 avril 188 1, p. 269), j'ajouterai cette cita-
tion tirée par M. l'abbé F. des Mémoires de Huet: « Je fis en outre la connaissance
de Valentin Conrart, « rare et singulier exemple d'une réputation littéraire acquise
sans la moindre teinture de l'antiquité. » — Je crois pouvoir répondre à une question
de M. l'abbé F. (p. i36) : oui, le manuscrit des douze derniers chants de la Pucelle
conservé à la Bibliothèque nationale (F. F. n° i5oo2) est bien l'exemplaire qui, des
mains de Fléchier, passa dans celles de Huet. — Je crois pouvoir aussi répondre à
une autre question qu'il pose au sujet de M. Graindorge, nommé dans une lettre de
Fléchier (p. 144) : Ce personnage est sans aucun doute André Graindorge, docteur
en médecine, mort le i3 janvier 1676, l'auteur du Traité de l'origine des macreuses
I 88 RRVtrtt CRITIQUE
i^q. — Une famille de finance au X.V5II' siècle. Mémoires, correspondance
et papiers de famille, réunis et mis en ordre par M. A. Delahante. Deuxième
édition. Paris, Hetzel, 1881. 2 vol. in-8°.
M. Delahante, en écrivant ce livre, travaillait seulement pour quel-
ques parents et amis; plus tard il s'est décidé à publier à grand nombre
l'ouvrage d'abord imprimé à peu d'exemplaires et on doit le féliciter
sincèrement de cette résolution. Ce n'est pas que son œuvre soit irré-
prochable ; loin de là. On y trouve beaucoup de longueurs et on y re-
grette de nombreuses et importantes lacunes. M. D., en rééditant son
premier travail, aurait pu supprimer avec avantage de longs passages,
qui n'ont aucun intérêt pour les personnes étrangères à sa famille et au-
rait facilement réduit en un seul ces deux gros volumes; son livre y
aurait beaucoup gagné. En outre, M. D., comme la plupart des gens
du monde, qui sur le tard se font historiens, n'est pas au courant de la
science; il découvre longuement des choses connues depuis longtemps
et il passe rapidement sur des faits qu'on serait curieux de connaître;
en revanche, il n'omet rien de ce qu'il peut trouver sur ses ancêtres,
quand bien même cela ne serait pas intéressant. Mais le sentiment, qui
a mis la plume à la main de M. D., est trop respectable pour que nous
insistions plus qu'il ne convient sur ses défauts de méthode, et que
nous lui reprochions plus longtemps de s'être un peu trop attardé en
chemin. D'ailleurs il est toujours important pour les historiens et pour
les économistes de pouvoir suivre les progrès d'une famille considéra-
et de divers autres ouvrages mentionnés dans les Mémoires de Huet et dans les Let-
tres de Chapelain. — Une note bien sèche sur les frères de Boileau (pp. 187-188)
aurait pu, du moins, renvoyer le lecteur à une étude très substantielle et très spiri-
tuelle de M. Gaston Bizos, professeur de littérature française à la Faculté d'Aix : Les
frères de Boileau-Despréaux (Aix, 1880, grand in-8° de 123 pages). — M. l'abbé F.
se trompe en annonçant que le second volume des Lettres de Chapelain nous don-
nera les lettres écrites de 1640 à 1674, époque de la mort de l'auteur. Il oublie que
le recueil manuscrit légué par Sainte-Beuve à la Bibliothèque nationale est incomplet
et que nous n'avons pas les lettres comprises entre 1640 et i65g. — Parlant des Let-
tres de Montauzier à Huet, il en loue le ton poli, spirituel et enjoué, ajoutant : « le
Misanthrope avait parfois de très agréables sourires.» Je ne pense pas que l'on puisse
identifier Montauzier avec l'austère héros de Molière. — Enfin (p. 207), M. l'abbé F.
nous montre Montauzier épousant Julie-Lucine d'Angennes le 16 juillet 164b. J'en
appelle sur ce point de M. l'abbé F. à M. l'abbé F. lui-même qui, quelques pages
avant, avait ainsi donné la véritable date (p. 191) : « On sait avec quelle constance
Montausier aima Mlle de Rambouillet. Venu à l'hôtel de Rambouillet vers i63i, il
aima dès cette époque la fille de la célèbre marquise, et, toutefois, le mariage n'eut
lieu que quatorze ans après, le i3 juillet 1645. Cette date est indiquée par M. Cousin
(la Société française, vol. II, p. 4b; par M. Amédée Roux, p. 61). Ducreux, dans sa
notice sur Mme de Montausier et dans celle de M. de Montausier, fixe à tort le 16 juil-
let {Œuvres complètes de Fléchier, vol. IV). Née en 1607, MUo de Rambouillet avait
38 ans, quand elle se maria; de son côté, Montausier en avait 35 : il était né en
1610. Tallemant a donc raison de le dire : C'a été un mourant d'une constance qui
a duré plus de i3 ans. Ce fut là une longue et rare fidélité, qui méritait bien d'ê-
tre récompensée. » Cette dernière réflexion n'est-elle pas digne de l'abbé Fléchier '
D'HISTOIRE KT DR LITTERATURE 1 89
ble à travers plusieurs générations, et les travaux de ce genre sont en-
core trop rares pour que la critique ne tienne pas le plus grand compte
de leurs efforts aux hommes qui s'imposent la besogne souvent aride
de mettre en œuvre à l'usage du public leurs papiers de famille.
Le véritable fondateur de la famille Delahante fut un modeste pra-
ticien, qui vint fixer sa résidence à Crespy-en-Valois au commencement
du xvme siècle. Fils d'un pauvre chirurgien de campagne, chargé de
famille, il n'avait aucune fortune pour l'aider à ses débuts dans la vie,
mais à force d'énergie et de travail, il parvint à se faire une bonne posi-
tion. Notaire à Crespy en 1700, ensuite procureur au présidial, il était
chargé de rendre la justice dans plusieurs seigneuries établies près de cette
ville, et il fut en outre, pendant de longues années, directeur des fermes
de l'apanage du duc d'Orléans pour le département du Valois.
Ce cumul, dont M. D. s'étonne fort, n'était pas extraordinaire; tout
au contraire, c'était la règle. Les gens de loi étaient fort nombreux dans
les petites villes; mais les charges de judicature étaient encore beaucoup
plus nombreuses. Par contre, elles ne rapportaient à leurs détenteurs que
de maigres profits, du moins légalement, et pour vivre les malheureux
praticiens se disputaient les procès et les justices; procureurs ou avocats
à la ville, ils étaient juges dans un village et greffiers dans l'autre et
malgré tout ils étaient, en général, fort besoigneux. On connaît les plain-
tes qu'excitaient de tous côtés les juges de village et l'usage que la co-
médie a fait de ce type; il faut convenir que la réputation détestable de
ces officiers était souvent plus que justifiée. Tel n'était pas le cas du
juge Delahante ; il était regardé par tout le monde comme un homme un
peu rude et dur, mais fort honnête et, en mourant, il laissa à chacun de
ses entants une modeste aisance. Un de ses fils entra dans les bureaux
des Fermes-Générales ; l'aîné suivit la carrière paternelle ; gruyer et en-
suite maître des eaux et forêts de Valois, il mourut très jeune, laissant
un fils, qui fut adopté par son oncle paternel et devint son adjoint à la
Ferme-Générale.
La vie du fermier général Jacques Delahante et celle de son adjoint et
neveu Etienne-Marie, tous deux parvenus à cette haute fonction après
avoir été petits employés et après avoir franchi tous les degrés de l'échelle
administrative tient la plus grande place dans l'histoire de leur famille
et est de beaucoup la partie la plus curieuse de cet intéressant ouvrage.
Cependant il ne faudrait pas y chercher une étude complète et exacte
sur les Fermes-Générales au xvme siècle: ainsi on n'y trouve rien sur
les aides et sur le domaine; les renseignements sur le mécanisme de la
perception des autres impôts indirects sont rares et tout à fait insuffi-
sants et le tableau de l'administration des Fermes, tel que le trace M. D.,
est peu exact et très incomplet. Cependant le livre de M. D. est, par cer-
tains côtés, supérieur au travail de Pierre Clément sur les derniers fer-
miers générauxet est le meilleur ouvrage que nous ayons surcetteinstitu-
tion. Mais le défaut le plus grave qu'on puisse lui reprocher, c'est d'avoir
190 RKVUE CRITIQUE
tenté une réhabilitation des fermiers généraux et de leur administration
sans l'avoir appuyée sur des arguments sérieux et sur des faits nom-
breux et précis. Parce que les fermiers généraux Jacques et Etienne De-
lahante étaient des hommes fort compétents, arrivés à cette haute situa-
tion par leur mérite et par leur travail, cela ne prouve nullement que la
plupart de leurs collègues fussent dans le même cas. Encore aujourd'hui
les grandes compagnies financières, que M. D. se plaît à comparer aux
Fermes-Générales, choisissent parfois pour administrateurs des hommes
peu riches, mais rompus aux affaires çt capables de faire aller la ma-
chine, qui sans eux craquerait de tous côtés. Pour justifier son opinion,
M. D. aurait dû nous montrer que la plupart des fermiers généraux
étaient des hommes instruits de leurs métier et soucieux de leurs de-
voirs. Afin de détruire la détestable réputation, qu'ils ont justement
laissée, il aurait dû réfuter la mauvaise opinion que Turgot manifeste
sur ces financiers dans sa lettre au roi à propos du bail de Laurent Da-
vid. M. D. ne démontre pas plus clairement que la Ferme ne commet-
tait pas, dans sa perception de l'impôt, les abus aussi nombreux que
scandaleux, que les publicistes du siècle dernier et surtout les cours des
aides, bien placées pour en juger, lui reprochaient si vivement; tout le
monde connaît les célèbres remontrances rédigées par Malesherbes sur
ce sujet de 1756 a 1770 et publiées en un volume in-4 en 1779. Parce
que M . Delahante neveu réussit à augmenter le produit de la gabelle dans
certaines provinces, par une meilleure organisation du service chargé
de réprimer la fraude, cela n'est pas, comme le croit M. D. (II,
pp. 99-102), une preuve péremptoire de l'indulgente administration des
Fermes et cela ne suffit pas pour établir que les impôts indirects étaient
perçus conformément aux lois et aux règlements sur la matière et sur-
tout suivant les règles de l'équité et de la justice.
Quoiqu'il en soit, le livre de M. D. rendra de grands services à tous
ceux qui s'occupent de l'histoire de nos institutions financières; ils y
trouveront des renseignements curieux sur l'impôt du tabac et, en parti-
culier, sur la célèbre question du tabac râpé, dont M. Delahante aîné s'oc-
cupa avec tant d'ardeur et de persévérance pendant tout le temps qu'il
passa dans les conseils des Fermes-Générales. Enfin, malgré ses lacunes
et ses longueurs, le livre est intéressant et se lit toujours avec plaisir.
C'est plus qu'il n'en faut, et il serait fort à désirer que tous ceux qui
ont entre les mains de curieux papiers de famille suivissent l'exemple
d'intelligente piété filiale, donné par M. A. Delahante, et fissent profiter
de leurs documents le public et les historiens.
Jules Flammermont.
d'histoire et de littérature 191
180. — Leasings EmUIn Galotti, nebst einem Anhange : die dreiactige Bear-
beitung, von Richard Maria Werner. Berlin, Hertz, in-8°, yb p.
On ne pourra désormais parler de l'Emilie Galotti de Lessing, sans
avoir lu l'opuscule de M. R. M. Werner. L'auteur analyse successive-
ment avec une très grande finesse, parfois un peu subtilement, les per-
sonnages d'Odoardo, d'Emilie, du prince, de Marinelli, etc. ; un chapitre
spécial, intitulé Virginie, étudie minutieusement la grande scène en-
tre le père et la fille. M. W. conclut qu'Emilie Galotti est presque
sans défaut; il y a toutefois un défaut qu'il ne reconnaît pas assez et
qu'un juge excellent, M. Bossert, a déjà remarqué; c'est la trop grande
rapidité de l'action ; « elle est si rapide qu'elle laisse à peine au dialogue
l'espace nécessaire pour se développer. Des scènes entières sont réduites
à quelques lignes; et, si la pièce a un défaut qui lui nuise réellement,
c'est son extrême concision ■ ». A cette suite d'analyses et d'ingénieuses
considérations, M. W. ajoute, en appendice, un essai de « reconstruc-
tion » de la première version ^Emilie Galotti; la pièce était originai-
rement en trois actes; M. W. s'efforce de la rétablir et de la reconsti-
tuer dans sa forme primitive; il a déployé dans cette tâche délicate
beaucoup de sagacité; on remarquera surtout avec quelle habileté il a
su retrouver la méthode même de Lessing, en s'aidant de la première
esquisse de Nathan le Sage. Ce petit livre soulèvera certainement en
Allemagne, parmi les acteurs et amateurs de théâtre, de vives discus-
sions; tout le monde n'acceptera pas l'opinion de M. Werner sur le
caractère de Hector de Gonzague, sur sa « démoniaque amabilité », sur
sa « virilité imposante », etc.; mais, par cela même que l'opuscule est
anregend et fait naître une controverse utile, il se recommande déjà à
notre attention. • C.
i8i, — Faust von Gœtlie. Mit Einleitung und fortlaufen der Erklaerung hrgg.
von K. J. Schroer. Zweiter Theil. Heilbronn, Vcrlag von Gebr. Henninger. 1S81,
in-12, ci, 441 pp.
Dans sa préface M. K. J. Schroer parle des éloges que l'édition du
« premier Faust » lui a valus, de la part des juges les plus compétents,
comme Loeper, Bartsch, Fr. Th. Vischer. La publication de la seconde
partie du chef-d'œuvre de Gœthe ne lui en méritera pas de moindres; il
était difficile, en effet, d'aborder cette entreprise ardue après une prépara-
tion plus complète ou avec une connaissance plus approfondie du sujet :
intelligence et critique du texte, recherche minutieuse de la formation
lente et tardive de cette œuvre si merveilleusement étrange, tout se réu-
nit pour faire de l'édition du « second Faust » un modèle de ce que
doit être la publication d'un texte moderne.
1. Bossert. Gœthe, ses précurseurs et ses contemporains, p. 79 ; 2e édition, Hachette.
1U2 KKVCJE CRITIQUE
Après un avant-propos où il relève un grand nombre de formes vi-
cieuses, qui se sont glissées dans le texte de la seconde partie du Faust,
M. K. J; S, retrace la genèse de cette dernière production de Gœthe et en
suit avec un soin scrupuleux les phases diverses; puis, commentant scène
par scène les cinq actes du drame, il nous montre à quelle occasion ou
dans quelle circonstance chacune d'elles a été composée; je ne connais
rien de plus instructif, de plus propre à donner une intelligence vérita-
ble de l'œuvre du grand poète que cette étude simple et lumineuse;
M. K. J. S. a rompu avec cette exégèse fantaisiste, qui, faisant violence
au texte, voulait trouver dans le Faust un système philosophique tout
fait; pour lui sans doute le héros de Gœthe est bien le représentant de
l'homme moderne dans ses aspirations incessantes vers l'idéal, mais
c'est aussi avant tout un fils de la nature, et si le symbole se mêle à son
histoire, M. K. J. S. n'oublie pas que cette histoire, dans ses traits es-
sentiels, a été d'abord fournie au poète par la légende du xvic siècle;
Gœthe l'a transformée, il est vrai, mais le plus souvent, M. K. J. S. le
rappelle fort à propos, en y mêlant des épisodes empruntés à des poètes
modernes, en particulier à Hans Sachs. C'est le mérite du savant
éditeur d'avoir mis en évidence, mieux qu'on ne l'avait encore fait,
tout ce que Gœthe doit à ce dernier; ainsi la scène de Méphistophélès à
la cour de l'empereur, l'évocation d'Hélène, inconnue à l'ancienne lé-
gende de Faust, sont tirées du poète nurembergeois. On voit par là
combien les conceptions, les plus singulières en apparence, du drame de
Gœthe s'expliquent sans peine, grâce au commentaire historique de
M. K. J. Schrôer. Je me bornerai à en donaer encore un exemple. On sait
combien est peu satisfaisant ce qu'on a dit de la nature des Mères que
Faust va consulter au premier acte; pour M. K. J.S.,.ce nom mysté-
rieux n'est autre que celui des déesses honorées à Engyion, au rap-
port de Plutarque, nom dont Gœthe s'est emparé pour en faire celui des
divinités qui révèlent à son héros le moyen d'évoquer de l'autre monde
Paris et Hélène.
C'est seulement après ce commentaire général de plus de cent pages
que M. K. J. S. donne le texte du Faust; établi avec la critique la plus
sévère, il est accompagné de notes substantielles qui éclaircissent chaque
difficulté, chaque allusion obscure; — et l'on sait si l'œuvre de Gœthe en
renferme, — chaque forme incertaine; M. K. J. S. y a fait preuve d'une
érudition aussi étendue que sûre, en même temps qu'il y a mis toute sa
connaissance intime de son poète favori; je doute aussi qu'on puisse
ajouter beaucoup après lui à l'intelligence du second Faust. Une table
alphabétique très complète permet de se reporter sans peine aux divers
passages commentés ou étudiés de l'œuvre de Gœthe. Enfin, M. K. J.
Schrôer a donné en appendice, ce qui n'est pas une des parties les moins
précieuses ou utiles de son livre, une longue liste de lectures erronées,
de fautes d'impression ou de leçons nouvelles du premier Faust; il ne
pouvait plus dignement compléter son œuvre, et c'est là un nouveau
d'histoire et de littérature 193
titre de recommandation pour son édition du drame de Gœthe, auquel
son nom restera désormais attaché, comme celui de tout éditeur con-
sciencieux à l'ouvrage qu'il publie.
J.
CHRONIQUE
FRANCE. — Le IIe volume de l'Empire des tsars et des Russes, de M. Anatole
Leroy-Beaulieu, doit prochainement paraître à la librairie Hachette.
— La Nouvelle Revue a publié, dans sa livraison du ior août, quelques chapitres
des Mémoires du baron de Vitrolles qui paraîtront bientôt chez Charpentier, — s'ils
ne paraissent au moment où nous publions ces lignes. Ces mémoires seront utiles à
l'historien de la Restauration, et l'on trouve dans les pages que donne la Nouvelle
Revue d'intéressantes observations et de curieux détails sur Stadion, Metternich, etc.
— Nous avons annoncé un volume de la Petite Bibliothèque messine, publié par
M. E. de Bouteiller et intitulé Eloge de Met%, par Sigebert de Gembloux, poème
latin traduit et annoté, suivi de quelques autres pièces sur le même sujet (Dumoulin.
In-12% 148 pp. 5 fr. Tiré à 245 exempl.) Ce charmant volume, précédé d'une in-
troduction et accompagné de notes instructives, renferme, outre l'Eloge de Metz
(placé comme annexe à la suite de la Vie en vers de Thierry I, quoiqu'il ne semble
pas en avoir fait primitivement partie), l'épitre à Villicus où Fortunat a chanté l'an-
tique Divodurum et ses beaux environs, le poème latin du bénédictin don Bermudez
Pierron, Templum Metensibus sacrum, et des vers français de Paul Ferry à 1' « illus-
tre cité, sa douce patrie ».
— Le tome VII de la Bibliothèque oratorienne publiée par le P. Ingold renferme
un ouvrage inédit du P. Ch. de Condren, les Considérations sur les mystères de
Jésus-Christ, selon que V Eglise les propose pendant le cours de Vannée. (Poussiel-
gue. In-î8°, xxv-225 pp.), d'après un manuscrit de la bibliothèque Mazarine; on y
trouve, dit l'introduction, cette profonde et sublime spiritualité qui a fait du P. de
Condren l'une des plus grandes lumières de France, lumière à ce point éblouissante
que sainte Chantai disait qu'il lui semblait que Dieu l'avait rendu capable d'instruire
les anges. Le volume renferme, en outre, quelques fragments de l'Oraison funèbre
du P. de Condren, prononcée par l'évêque de Saint-Brieuc, Etienne de Virazel, et
quelques lettres inédites de ce second général de l'Oratoire.
— M. le chanoine Callen, professeur à la Faculté de théologie de Bordeaux, en-
treprend de donner, en deux volumes (Bordeaux, Feret) une nouvelle édition de
l'ouvrage publié en 1668 par Lopès, chanoine et théologal de Saint-André, et inti-
tulé L Eglise métropolitaine et primatiale de S, André de Bordeaux où il est traité
de la noblesse, droits, honneurs et prééminences de cette Eglise, avec V histoire de ses
archevêques et le pouillé des bénéfices du diocèse. Cet ouvrage, le plus important
qui ait paru sur l'histoire ecclésiastique de Bordeaux, est divisé en trois parties,
l'Eglise, les Archevêques, le Chapitre; il décrit la cathédrale, ses reliques,les
œuvres d'art qu'elle contenait au temps de Lopès ; il renferme de courtes notices sur
les archevêques jusqu'à Henri de Béthune, et les plus complètes informations sur la
vie et les usages du chapitre; enfin, il donne une foule de pièces justificatives, bul-
les, lettres patentes, arrêts du parlement, etc. La nouvelle édition de l'ouvrage de
Lopès comprendra, outre des gravures, des fac-similés et une carte de l'ancien
IQ4 KKVCE CRITIQUA
diocèse de Bordeaux, une introduction sur la vie et l'œuvre du savant chanoine, des
notes en grand nombre, et un supplément ou plutôt une continuation du livre à
laquelle collaboreront plusieurs érudits, grands connaisseurs des archives de Bor-
deaux et de la Gironde.
— M. G. Hérelle a publié, il y a quelque temps, la Correspondance inédite
(in-8°, 52 p.), d'un des plus ardents jansénistes, Dom Thierry de Viaixnes; agent dé-
voué de son parti, dit M. H., fort bien renseigné sur les faits et gestes du clergé
contemporain, en relations suivies et journalières avec plusieurs évêques, ami intime
du célèbre auteur des Réflexions morales, homme de science et d'action tout à la
fois, dom Thierry de Viaixnes parut à ses adversaires assez redoutable pour mériter
leurs persécutions, fut emprisonné plusieurs fois et mourut en exil. La correspon-
dance publiée par M. Hérelle comprend seize lettres adressées à l'abbé Longer de
Saint Jean (1717-1721) et précédées d'un mémoire de dom Thierry au lieutenant du
Roy de Vincennes. Il est surtout question dans ces lettres du P. Quesnel; Dom
Thierry attaque les jésuites avec violence; « il faut, dit-il, accuser Molina, Suarez
et leurs disciples de pélagianisme, et même de pire que pélagianisme pour les prin-
cipes de morale; il faut convaincre les jésuites dans cette dénonciation, de corrompre
toute la morale de l'Evangile, et de renverser les parties les plus essentielles de la
discipline ».
— Philomneste Junior, le fécond bibliographe, a publié récemment la Bibliomanie
en 1881, bibliographie rétrospective des adjudications les plus remarquables faites
cette année, et de la valeur primitive de ces ouvrages (Bruxelles, Gay et Douce. In-120,
6g p , 5 fr.). L'auteur s'occupe des ventes du marquis de Ganay, de M. Ambroise
Firmin-Didot, de M. Collin, de M. Renard, du duc de Sunderland. 11 remarque que
les livres qui ont atteint, dans ces ventes, les prix les plus élevés, sont les éditions
originales de nos classiques, surtout de Corneille et de Molière, les livres illustrés par
les artistes du siècle dernier, Eisen, Marillier, Moreau, etc., les reliures exécutées au
xvine siècle par Boyet, Padeloup et Derome, les volumes portant les insignes de
quelques bibliophiles éminents, comme Longepierre et le comte d'Hoym. Il cite,
parmi les volumes vendus à très haut prix, une Bible reliée par Le Gascon, un opus-
cule de Dorât, les Rimes de Pernette du Guillet qui ont dépassé 5,ooo francs, le
Dialogue des créatures de Colard Mansion, qui monta à i2,5oo francs, le Chevalier
délibéré d'Olivier de la Marche (16,000 fr.), les Grandes chroniques des gestes des
ducs et princes de Savoye, de Symphorien Champier (24,000 fr.). Il serait injuste
d'oublier les notes, pleines d'intérêt et de savoir, du 'bibliographe; il nous promet,
pour l'année prochaine, un volume du même genre : La BibUomanie en 1882.
— L'éditeur Maurice Tardieu prépare la publication d'un Dictionnaire des ouvrages
anonymes et pseudonymes publiés par des religieux de la Compagnie de Jésus, par
le P. Carlos Sommervogel, Strasbourgeois; ce « Dictionnaire » sera un supplément
de la Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus. (Deux vol. in-8° : 3o fr.)
— Le 14 juillet dernier a eu lieu à Chambéry l'inauguration du buste de Pierre
Lanfrey; il est aussi question de donner à une des places de la ville le nom de
Lanfrey.
— M. Victor Smith, juge honoraire au Tribunal civil de Saint-Etienne, honora-
blement connu par d'excellents travaux, presque tous publiés dans la Romania, sur
la poésie populaire, est décédé le 3o juillet dernier. •
ALLEMAGNE. — L'état de santé de M. Schliemann l'a forcé à quitter la Troade
pour se rendre à Carlsbad; il assistera peut-être au prochain congrès anthropologique
de Francfort-sur-le-Main et y fera d'importantes communications sur ses découvertes
les plus récentes. On sait qu'il avait recommencé ses fouilles à Troie, le 1" mars de
D'HISTOIRIi ET DE LITTÉRATUKR 195
cette année, avec la collaboration de deux architectes allemands et i5o ouvriers. La
couche énorme de décombres qu'il avait regardée, avec Burnouf et Virchow, comme
appartenante une seule ville, contient, selon lui, les strata de deux villes différentes
qui ont toutes deux été détruites par une catastrophe; les « squelettes » des maisons
de la ville supérieure sont « lilliputiens » en comparaison de ceux de la ville infé-
rieure; la ville supérieure ne s'étendait pas en dehors de la colline d'Hissarlik et ne
l'occupait pas même entièrement, la ville inférieure n'avait sur la colline d'Hissarlik
que son Acropole, et s'étendait sur le haut plateau au sud et à l'est. Les trois mon-
ticules de briques, dans lesquels Burnouf croit reconnaître les restes du mur d'en-
ceinte de la troisième ville, sont, d'après M. Schliemann, les ruines de deux bâtiments
parallèles l'un à l'autre, et qui étaient probablement des temples, mais appartenant
à deux époques différentes. M. Schliemann a trouvé dans ces bâtiments des clous de
bronze, des fusaioles ornementées qu'il regarde comme des offrandes à Pallas Athéné,
des idoles en marbre où l'on voit une tête de chouette gravée ou faiblement indiquée
en noir, des frondes en hématite, des broches de bronze. M. Schliemann a découvert
une grande partie de l'Acropole; tout lui prouve l'existence de la seconde ville basse
(la première ville brûlée) à laquelle Hissarlik ne servait que de T£u,svoç *, toutefois,
il n'a pas réussi à trouver des ruines de cette ville basse, et il est porté à croire
qu'elles ont disparu. Il a fouillé le théâtre ide l'époque romaine) assez vaste pour
contenir vingt mille spectateurs ; il y a trouvé les bâtisses de la scène, un grand four
à chaux et des fragments de statues en très grand nombre. Tout le reste de l'Acro-
pole est couvert de fondations d'édifices helléniques ou romains; mais M. Schlie-
mann fait disparaître une grande partie de ces fondations en mettant à jour la Per-
game de la seconde ville (la première ville brûlée) dans toute son étendue, avec son
mur d'enceinte entier. « En voyant ce mur, écrit M. Schliemann, mur colossal dont
les substructions n'ont pas moins de 8 mètres de haut, vous croirez facilement qu'il
a été considéré à l'époque troyenne comme une grande merveille, telle qu'on a pu
attribuer sa construction à Poséidon et à Apollon. » M. Schliemann- a exploré les
tombeaux héroïques que la tradition regarde comme les tombeaux d'Achille et de
Patrocle; il a trouvé des poteries archaïques helléniques remontant au-delà du
ix8 siècle avant J.-C. Il y a de même exploré, mais seulement à moitié, le vaste tu-
mulus attribué à Protesilas (i25 m. de diamètre) et y a trouvé des tessons de poterie
préhistorique, la plus ancienne qu'il ait jamais trouvée à Hissarlik, ainsi que des
armes et des ustensiles en pierre; ces fouilles ont été malheureusement interrompues
''par ordre du ministère de lajguerre de Turquie. « Le peu d'or découvert jusqu'à pré-
sent, dit encore M. Schliemann, a été trouvé dans le plus grand temple de la deuxième
ville, qui semble être, à tous égards, identique à la description qu'Homère nous fait
de la Troie de Priam avec sa ville basse et sa Pergame ■ ».
— M. Wendelin Fœrster vient de publier, à la librairie Henninger, de Heilbronn,
le premier volume des Tragédies de Robert Garnier. (In-8°, xvm et 21 3 p. 3 mark
60). Ce volume comprend les tragédies suivantes: Porcie (pp. 13-78); Cornêlie
(pp. 79-146); Marc-Antoine (pp. 147-213) ; le texte de Garnier est reproduit d'après
la première édition des œuvres complètes (Paris, 1 585)) ; mais l'éditeur a soin de
donner les variantes de toutes les éditions précédentes. Le premier volume, que nous
annonçons, renferme, outre les trois tragédies, une « introduction générale », une
notice bibliographique, et la dédicace, en vers et en prose, au roi de France et de
Pologne. Le deuxième volume renfermera Hippolyte et La Troade ; le troisième,
1. Nous tirons ces renseignements d'une lettre de M. Schliemann au Secrétaire perpétuel de l'Aca-
démie royale de Belgique; cette lettre est datée de Troie, 23 mai.
I96 RKVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
Antigone et Les Juives ; le quatrième, Bradamante, avec une courte notice littéraire,
historique et biographique, et un glossaire des mots qui manquent dans le dic-
tionnaire de Sachs.
— Le même érudit publie en même temps le Ve volume de sa « Altfranzœsische
Bibliothek» (Lyoner Y^opet, altfranzœsische Ueberset^ung des XIII. Jahrhunderts
in der Mundart der Franche-Comté, mit dem kritischen Text des lateinischen Ori-
ginals, sog. Anonymus Neveleti : Heilbronn, Henninger. In-8°, xuv et 166 p.) Il
doit publier aussi la Chanson de Roland d'après les mss. de Châteauroux et de Ve-
nise VII (VU"16 vol.) et d'après les mss. de Paris, Lyon et Cambridge (VIlie vol.). Le
VIe volume de la collection sera formé par le roman en ancien français Octavian, que
publiera pour la première fois, d'après le ras. d'Oxford (Bodl. Hatton, 100) M. K.
Vollmœller. Les autres volumes en préparation sont : Thomas Becket, de Garnier
de Pont Sainte-Maxence; Jehan de Lanson; Jaufré; une Vie poitevine de Sainte -
Catherine (Tours); le Planctus Maviae provençal (Bartsch, Grundriss, 20, 1 1, d'après
les quatre mss. connus); Mystère d'Adam (Tours); Roman de Cristal; Nat de
Mons ; Roman de Hom; Orthographia gallica; Roman du Castelain de Couci.
■■— Parmi les prochaines publications de la librairie Deichert, d'Erlangen, on nous
signale les suivantes : de M. W. G. Wilhelm Geiger, Ostiranische Cultur im Alter-
{hum; — de M. Gust. Landgraf, Cicerd's Rede fur Sext. Roscius aus Ameria, mit
den Testimonia veterum und dem Scholiasta Gronovianus. Ve partie; — de M. K.
Sittl, Die localen V erschiedenheiten der lateinischen Sprache mit besonderer Be-
rùcksichtigung des afrikanischen Lateins ; — de M. Ad. Westermaver, Der Prota-
goras des Plato |«r Einfùhrung in das Verstœndniss der platonischen Dialoge,
erklœrt.
— Il a paru un Annuaire théologique, Theologischer Jahresbericht, dirigé par
M. B. Pûnjer, avec la collaboration de MM. Bassermann, Benrath, Bœhringer, etc.;
il est consacré aux publications théologiques de l'année 1881. (Theologischer Jahres-
bericht, enthaltend die Literatur des Jahres 1881. Leipzig, Barth. ln-8°, v et 38g p.
8 mark.) Les auteurs du volume se sont efforcés d'être le plus courts possible; ils
rendent compte dans ce volume, qui ne renferme pas 400 pages, de près de mille
volumes ou dissertations. M. Ludemann traite des ouvrages qui ont pour sujet l'his-
toire de l'Eglise jusqu'au concile de Nicée; M. Bcchringer passe en revue les publi-
cations qui ont trait à l'histoire de l'Eglise depuis le concile de Nicée jusqu'à la Ré-
forme; M. Benrath analyse et critique les œuvres qui traitent de la période de l'his-
toire religieuse comprise entre les années i5i7et 1700, etc. Nous souhaitons bon
succès à cette entreprise, et de longues années au theologischer Jahresbericht.
SUISSE. — Les éditeurs Orell et Fûssli, de Zurich, font paraître, par fascicules,
un recueil de poésies dans le dialecte suisse sous le titre Schwi^erdùtsch ; le pre-
mier fascicule est consacré au canton de Zurich (aus dem Kanton Zurich).
— La librairie Huber, de Frauenfeld, publiera prochainement le IV* volume de la
Bibliothek œlterer Schriftwerke der deutschen Schwei^. Ce volume est un recueil
de chants populaires suisses (Schwei^erische Volkslieder); l'éditeur est M. L. To-
bler. Cette publication, qui renfermera un certain nombre de chants inédits, con-
tiendra, en outre, une introduction où M. L. Toblef traitera de l'histoire des poésies
populaires en Suisse, de ses sources, des recueils précédents de Volkslieder ; il don-
nera une liste chronologique complète des chants populaires historiques, etc. —
M. Bartsch doit publier dans cette collection une édition des Minnesinger suisses.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, a 3.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N° 37 - 11 Septembre — 1882
Sommaire s 182. Baunack, Le nom de Déméter. — i83. Sophus Mûller,
L'ornementation dans le Nord. — 184. W. Meyer, Le ludus de Antichristo et la
poésie latine rythmique. — i85. Person, Histoire du véritable Saint- Genest de
Rotrou. — 186. Faust, fragment, de Gœthe, p. p. Seuffert. -- Variétés : Gazier,
L'histoire de France du P. Loriquet. — Chronique.
182. — Grammatieches. I. Einige sprachgeschichtliche wichtige Glossen des
Hesychius. IL Ueber den Namen Aï)U,Y)TY]p und zur Bildung der griechischen Ei-
gennamen ûberhaupt. 8 p. in-8°. Signé : J. Baunack. Extrait du Rheinisches Mu-
séum, 1882.
Ce petit article, à côté de détails qui s'adressent aux seuls linguistes,
en contient un d'un intérêt plus général, l'étymologie de A^^xvjp. Ce
mot ne vient pas de yv) ; c'est une syncope de StjjAOpnfjr^p, la mère du
%rt\».oq (c'est-à-dire, au sens originel, la mère de la terre, du pays).
l83. — Dyreornamentiken I Norden, dens Oprindelse, Udvlkling og
Forhold til samtidige Htilar<er. En archaeologisk Undersœgelse af Sophus
Mûller, dans Aarbœger for nordisk Oldk^ndiglied og Historié, udgiv ne
af det K. nordiske Oldskrift-Selskab. 1880. p. i85-4.o5, avec 2 pi. et 81 fig. dans
le texte. Kjœbenhavn, Gyldendaske Boghandel. In-8°, aussi à part.
Die Tbler-Oi'iiamentik im Norden, Ursprung, £ni\vicklnng und
Verha?-Itniss derselben zn gleichxeitlgen Stilarten. Archaeologische
Umersuchung von Dr Sophus Mûller, aus dem dœnischen ùbersetzt von
J. Mestorf. Hamburg. Otto Meissner. 1881, vm-191 p. in-S° avec 2 pi. et 81 fig.
dans le texte.
Nous ignorons si les Scandinaves des temps païens ont jamais cultivé
l'art pour lui-même, mais nous savons par de nombreuses trouvailles et
par des descriptions et des allusions contenues dans les sagas et les poè-
mes des skalds que, outre leurs riches et jolies parures, ils avaient de
beaux édifices, ce qui implique la connaissance de l'architecture, et
qu'ils pratiquaient la peinture et la sculpture. S'ils n'ont pas eu d'artistes
proprement dits, ils avaient certainement d'habiles ouvriers qui appli-
quaient l'art à l'industrie, et dont les travaux décoratifs sont pour nous
les seuls spécimens de l'art Scandinave des temps préhistoriques. L'étude
de l'ornementation chez les peuples du Nord a donc un intérêt spécial,
qui justifie l'étendue du mémoire que lui a consacré M. S. Mûller,
le nouveau secrétaire de la Société royale des antiquaires du Nord. Le
Nouvelle série, XIV. 11
I98 REVUE CRITIQUE
savant archéologue a passé trois ans à en réunir les matériaux, qu'il a
trouvés non-seulement dans le célèbre musée des antiquités septen-
trionales de Copenhague, mais encore dans la plupart des grandes
collections archéologiques et bibliographiques de l'Europe. L'examen
critique qu'il fait des travaux de ses prédécesseurs, montre qu'il ne con-
naît pas uniquement les objets et leurs décors, mais aussi les livres et
mémoires Scandinaves, allemands, français, italiens, anglais, qui les
concernent. Du point de vue où il s'est placé, il avait à saisir d'un même
coup d'œil un vaste ensemble de faits disparates et incohérents; à voir
le lien qui les unit ; à caractériser le style décoratif des diverses périodes
préhistoriques, chez les Scandinaves et leurs voisins; à découvrir son
origine; à montrer comment il s'est développé, soit en vertu de ses pro-
pres forces, soit sous l'influence des civilisations étrangères. Voici la
marche qu'a suivie l'auteur : après le compte-rendu sommaire des tra-
vaux relatifs au sujet, il étudie l'ornementation chez les peuples germa-
niques soumis à l'influence romaine, puis celle de la période des migra-
tions, pour arriver à l'ornementation hiberno-scandinave qui l'arrête
longtemps; il passe plus rapidement en revue celles de la période carlo-
vingienne, des Byzantins, des Sassanides, des Arabes, des Finnois et
des Slaves; enfin il donne ses conclusions dont voici le résumé :
L'ornementation est le début de l'art; très simple dans l'âge de pierre,
elle consiste en points et en lignes droites, ajoutons aussi en lignes bri-
sées. A ces éléments les plus primitifs se joignent dans l'âge de bronze
les lignes courbes, les cercles, les spirales, les bandelettes dont les extré-
mités affectent volontiers la forme de têtes d'animaux. Le style décoratif
ne reçut pas grand développement dans la première période européenne
de Tàge de fer, représentée par les trouvailles de Hallstatt en Autriche
et de la Têne en Suisse; bientôt il fut modifié par l'art classique qui
empruntait ses motifs d'ornementation tout à la fois à la botanique et à
la zoologie, et qui, à la faveur de la prépondérance romaine, les répan-
dit dans toute l'Europe centrale et les propagea même jusqu'en Scandi-
navie. Pourtant les peuples barbares ne purent s'assimiler tous les élé-
ments décoratifs en usage chez les Grecs et les Romains; s'ils imitèrent
grossièrement les figures d'animaux, ils laissèrent de côté la flore orne-
mentale. Au temps des grandes migrations, les Germains avaient un art
décoratif commun, qu'ils portèrent dans les différentes parties de l'em-
pire romain où ils s'établirent, mais ils ne tardèrent pas à le modifier de
nouveau sous l'influence tout à la fois de l'ancienne civilisation et de la
nouvelle qui était animée de l'esprit chrétien. Les Scandinaves, au con-
traire, qui n'avaient pas quitté leur patrie, conservèrent assez purement
et développèrent le style pendant toute la longue période qui s'étend des
grandes migrations terrestres des ve et vic siècles jusqu'aux migrations
maritimes des ixe et x° siècles. Etant alors entrés en relations suivies avec
les Irlandais, ils adoptèrent les motifs d'ornementation que ce peuple
avait portés à un haut degré de finesse et d'élégance, et les .gardèrent
d'histoire et de littérature 199
jusqu'à ce que l'art roman se fût imposé à toute l'Europe catholique.
Il y a là une foule de questions fort délicates sur lesquelles M. S. M . est
loin d'être d'accord avec ceux qui les avaient déjà traitées dans diverses
contrées; nous ne répondons pas qu'à l'avenir ses émules les résoudront
de la même façon que lui; car. malgré sa perspicacité, il n'a pas assez
tenu compte de la disparité des matériaux qu'il compare. Il prétend, par
exemple, que les fleurons et les autres motifs d'ornementation botani-
que, à l'exception d'une espèce de feuilles à côtes, manquent totalement
dans l'antiquité septentrionale, jusqu'aux derniers temps du paganisme.
Cette assertion est beaucoup trop absolue, comme on peut s'en convain-
cre en examinant les pendeloques barbares de la trouvaille de Brang-
strup, taillées en forme de feuilles, pointues, arrondies, échancrées ou or-
nées d'autres feuilles. Rappelons aussi trois garnitures en fer et trois
bouterolles de fourreaux d'épées portant des fleurons et même des guir-
landes de feuillage. Il est vrai que, dans l'état actuel de nos connaissan-
ces, il n'y a pas beaucoup d'exemples de ce genre; mais il faut considé-
rer que, parmi les antiquités préhistoriques qui nous sont parvenues, il
en est très peu qui fussent propres à la décoration végétale, celle-ci de-
mandant surtout des surfaces planes et un champ d'une certaine lar-
geur; les poignées d'armes et d'outils, les parures, avec leurs surfaces
bossuées et leurs extrémités aiguës, se prêtaient mieux à la décoration
zoologique ; elles diffèrent d'ailleurs trop des feuilles d'un manuscrit
pour qu'il soit permis de les comparer. C'est ce que M. S. M. a trop ou-
blié. Si les Scandinaves des temps païens avaient été calligraphes comme
les Gaëls chrétiens, ils nous auraient sans doute aussi laissé des manus-
crits ornés de fleurons. De même, si nous avions les grandes tapisseries
que brodaient les dames du Nord, il est probable que nous y trouverions
des fleurons et des guirlandes, comme on en voit, en effet, sur le man-
teau de Mammen en Jutland.
D'autre part, M. S. M. prétend que les figures d'animaux dont sont
ornés les bijoux, les bractéates, etc., n'ont rien de symbolique. Nous
l'admettons volontiers; mais il nous semble aller trop loin, en affirmant
qu'ils n'ont aucune signification. S'il en est ainsi pour la plupart des
figures isolées, il doit en être autrement des scènes représentant tout à la
fois des hommes, des quadrupèdes, des volatiles, des reptiles, et souvent
accompagnées de légendes en runes anciennes. Sans doute il est aussi
difficile d'interpréter celles-ci que d'expliquer celles-là; ce n'est pourtant
pas impossible, comme M. Worsaae l'a prouvé par son mémoire sur les
Empreintes des bractéates en or. Aux exemples apportés par l'illustre
archéologue, nous en pourrions ajouter un autre : une médaille d'or,
trouvée à Harlingen et conservée au musée de Leeuwarden en Frisa,
porte d'un côté l'imitation barbare d'une monnaie de l'empereur Théo-
dose, de l'autre une harpe avec deux personnages, dont le plus grand a
les pieds dans la boîte de cet instrument et tend la main à une petite fille
qui approche. On devine de suite qu'il s'agit là de Heimi qui va cacher
200 REVUE CRITIQUK
dans la boite de la harpe la petite Aslange, orpheline et fugitive. Cette
conjecture est confirmée par l'inscription en runes anciennes, que
MM. G. Stephens et Dietrich lisent Hama, forme anglo-saxonne du
nom de Heimi. — Nous chicanerons encore notre auteur sur sa ten-
dance à voir des bandelettes (ou des lanières de parchemin, auxquelles
on aurait ajouté tête, queue, pieds) dans les serpents et les lézards enrou-
lés et entrelacés qui portent des inscriptions runiques. Ce sont tout sim-
plement des animaux fantastiques, comme les orfèvres et les sculpteurs
aimaient à en représenter partout pendant l'âge de fer.
Malgré les réserves que nous venons de faire, le mémoire de M. S. Mill-
ier embrasse tant de faits, touche à tant de questions discutées, les traite
d'une manière si indépendante et en donne quelques solutions si neuves,
qu'il s'impose à l'attention de quiconque s'intéresse à l'archéologie et à
l'histoire des arts décoratifs ; et, grâce à la traduction allemande de
M1Ie Mestorf, il est maintenant accessible à un plus grand nombre de
lecteurs. La traductrice, qui a déjà mis à la portée de ses compatriotes
tant de mémoires danois et suédois, ne sait pas seulement les langues
Scandinaves; elle a aussi, comme conservateur de la collection d'anti-
quités de Kiel, une grande expérience archéologique qui, à défaut d'au-
tres titres suffirait à recommander sa traduction, intégrale et très fidèle.
Seulement il est regrettable que l'orthographe des noms étrangers et des
titres d'ouvrages ne soit pas toujours correcte, et surtout que les chif-
fres des pages citées soient si souvent inexacts (Cfr., par exemple, pp. 25,
•34, 42, 44).
E. Beau vois.
184. — Ludus de Anticliristo und ûber die lateinteelicn Rjthmen,
von Dr Wilhelm Meyer aus Steyer. Munich, Straub, 1882, in-8°, 192. p. (Extrait
du premier cahier des Comptes-rendus des séances de la classe philosophico-phi-
lologique de l'Académie royale des sciences de Bavière pour 1882).
Le Ludus de Antichristo, drame en vers latins rythmiques composé en
Allemagne un peu après le milieu du xn° siècle, a été publié déjà deux
fois. Il a beaucoup attiré, dans ces dernières années, l'attention des cri-
tiques, qui lui ont attribué une valeur supérieure à celle qu'il nous pa-
raît posséder \ M. Meyer de Spire vient d'en donner une édition bien
meilleure que celles de Pez et de Zeschwitz, et il y a joint une fort bonne
introduction, où il montre dans quel rapport étroit est le drame avec le
célèbre ouvrage d'Adson sur l'Antéchrist, lequel à son tour repose sur
l'écrit attribué à Méthodius.
j
1. Le patriotisme allemand et la haine des Français qui animent la pièce sont as-
surément dignes de remarque et lui donnent un intérêt qu'on rencontre rarement
dans les ouvrages de ce genre; mais la construction du drame est purement mécani-
que et le ssyle laisse à désirer comme élégance et clarté.
d'histoire et DE. LITTERATURE 201
La seconde partie du livre de M. M., la plus importante de beaucoup,
n'a qu'un lien très faible avec la première. C'est un traité complet de la
poésie latine rythmique, que nous n'avons pas le loisir d'étudier ici en
détail, mais que nous signalons à nos lecteurs comme devant être doré-
navant la base de toutes les études sur cet intéressant sujet. Après quel-
ques mots, peut-être un peu rapides, sur les origines de cette poésie,
M. M. traite d'abord des « Rythmes du vie au xne siècle » ; il trace les
lois difficiles et jusqu'à lui à peine soupçonnées de la versification mal
fixée de cette longue période, et donne ensuite, d'après toutes les sources
connues, l'inventaire des pièces où chaque forme est employée. La se-
conde période, xiie-xme siècle, qu'on peut appeler période classique de
la versification rythmique, est également étudiée avec un grand soin;
l'auteur perfectionne et rectifie les règles qui avaient été données avant
lui, et appuie ses théories par un grand nombre d'exemples. La tâche
qu'il a entreprise ne pouvait être menée à bonne fin que par des lectures
considérables jointes à une méthode rigoureuse et à une observation
toujours en éveil; M. Meyer a réuni toutes ces conditions. Grâce à lui,
des résultats définitifs sont acquis à la science. On pourra les présenter
sous une forme plus facile, et peut-être parfois plus claire ; mais il est à
croire qu'on ne trouvera pas beaucoup à y ajouter ou à y reprendre.
Nous n'oserions pas en dire autant, dès aujourd'hui, de certaines vues
générales de l'auteur, concernant les origines et le développement de la
poésie latine rythmique; mais ceux mêmes qui n'interprètent pas tou-
jours comme lui les faits qu'il a exposés, lui en devront le plus souvent
la connaissance exacte et la véritable intelligence.
G. P.
■
1 85. — Histoire du véritable Saint-Genest de Rotrou , par Léonce
Person, professeur au lycée Saint- Louis. Paris, Léopold Cerf, 1882, in-8%
io3 pages.
Il a été rendu compte ici tout dernièrement • d'un intéressant travail
de M. L. Person sur Rotrou, dans lequel n'était qu'annoncée l'impor-
tante découverte de l'original espagnol du Saint-Genest. Aujourd'hui
M. Person nous offre une histoire complète de la célèbre tragédie de
Rotrou; la partie la plus neuve et la plus curieuse de cette étude est
l'analyse de la pièce de Lope de Vega qui a servi de modèle au poète
français : après l'avoir lue, il n'est pas possible de mettre en doute la
thèse soutenue par le professeur du lycée Saint- Louis, la démonstration
est concluante et ne laisse rien à désirer.
La comedia de Lope intitulée Lo fingido verdadero ou La vida
y martirio de San Gines représentante, bien qu'elle ait été imprimée
—
1. Voir la Revue critique du 3 juillet.
202 REVUE CRITIQUE
du vivant de l'auteur dans un des volumes (Parte XVI) de la collection
spéciale de ses oeuvres dramatiques, est une des plus oubliées, des plus
ignorées du grand poète. Aucun des érudits qui, en Espagne, en France
et en Allemagne, se sont occupés du théâtre de Lope ne semble l'avoir
lue; aussi ne doit-on pas s'étonner que nul n'ait eu vent, jusqu'à
M. P., des nombreux emprunts que lui a faits Rotrou : M. de Schack
lui-même, qui eût été si heureux d'ajouter \t*Saint-Genest à sa liste de
pièces prises aux Espagnols et gâtées par les Français, n'en dit mot.
Comme le Fingido verdadero a été dédié par Lope à Tirso de Molina,
le dernier éditeur ' d'un choix de comedias de ce poète a cité en passant
le drame de Lope et reproduit quelques lignes de la dédicace; c'est de
ce passage de l'éditeur espagnol que dérive directement une note de
M. Alphonse Royer qui, au premier abord, semble avoir intrigué
M. P. ; il peut être tranquille maintenant : Royer ne savait rien de plus
que Hartzenbusch, qui lui-même ne savait rien. La pièce de Lope pour-
tant n'est point de celles qui méritaient le plus de tomber dans l'oubli ;
au point de vue exclusivement espagnol même, elle ne manque pas d'in-
térêt. Ainsi il s'y trouve, au deuxième acte, un passage curieux pour
l'histoire du théâtre espagnol au xvne siècle : Dioclétien demande qu'on
lui donne <s une pièce nouvelle qui ait de l'invention, quand bien même
elle ne serait point assujettie aux règles, car en cela, dit-il, j'ai le goû
espagnol », et Lope part de là pour faire quelques allusions (très voilées
d'ailleurs) à des drames de l'époque. A la fin du troisième acte aussi, on
ne lirait pas sans profit une scène où sont énumérés les principaux rôles
de convention du théâtre espagnol.
Pour donner du drame de Lope, mal écrit et plus mal imprimé, une
version française parfaitement correcte et fidèle, une longue et solide
préparation serait nécessaire. M. P., dont l'intention n'était que de
traduire quelques passages pour fournir au lecteur le moyen de contrô-
ler ce qu'il dit des rapports de la comedia espagnole avec le drame fran-
çais, a pu, sans cette préparation spéciale, se tirer heureusement des
principales difficultés. Je ne crois pas utile de repasser minutieusement sa
traduction pour y noter çà et là quelques défauts ; je n'insisterai que
sur deux ou trois passages. Auparavant je dois faire observer à l'auteur
qu'il n'est pas suffisant de dire que Lo fingido verdadero « date pour
le moins de l'année 1622 ». Non seulement la Parte XVI où a été in-
séré ce drame, contient des pièces préliminaires datées de 1620, notam-
ment l'approbation de Vicente Espinel, ce qui déjà prouve qu'il était
terminé en cette année-là, mais le drame figure dans un supplément à
la liste des comedias de Lope imprimé pour la première fois dans l'édi-
tion de 16 18 du roman El peregrino en su patria; il en résulte donc
incontestablement que notre pièce date, pour le moins, de l'année 16 18.
1. D. Juan Eugenio Hartzenbusch, Comedias escogidas de Tirso de Afolina (Bibl.
Rivadeneyra), p. xvn, note.
d'histoire kt de LITTÉRATURE 203
Au début du premier acte du Fingido verdadero se lisent ces vers :
Ha^emos prueva Deste Frances emperador Romano. M. P. pense
que le mot frances, appliqué ici à l'empereur Aurélien, est un terme de
mépris, une injure. Cela n'est guère vraisemblable. Il faudrait supposer
pour cela, au temps où Lope écrivait ^a pièce, une grande animosité des
Espagnols contre leurs voisins ou de bien mauvaises relations entre les
couronnes de France et d'Espagne. Or il se trouve que le commence-
ment du xvne siècle est précisément une époque de bons rapports entre
les deux pays; les mariages espagnols venaient de resserrer les liens des
deux familles régnantes, et, à supposer même que Lope eût eu le tempé-
rament très anti-français (ce dont on ne sait rien), il n'aurait pas, si peu
de temps après le mariage de l'héritier de Philippe III avec Elisabeth,
fille de Henri IV, lancé sur la scène un outrage à la nation voisine.
L'emploi de Frances s'explique, je crois, autrement. Aurélien appa-
raît pour la première fois dans l'histoire comme tribun de la sixième lé-
gion gallicane ; il fut décoré par Valérien du titre de restaurateur des
Gaules; après avoir été élevé à l'empire, il reconquit la Gaule sur Té-
tricus : en résumé, il eut, dans le cours de sa vie, beaucoup de points de
contact avec le pays qui devint la France. Il se peut que, par suite d'une
confusion, Aurélien ait été désigné dans quelque compilation de vies
d'hommes illustres comme gaulois, et le poète espagnol, qui n'y regar-
dait pas de fort près, en aura fait un Frances. En tout cas, cet adjectif,
tel qu'il est employé dans le passage en question, ne saurait être pris en
mauvaise part.
La traduction du monologue de Gines (p. 40) laisse un peu à désirer.
Je ne m'explique pas d'abord pourquoi M. P. l'a abrégé en omettant de
traduire au début quelques vers dont le sens pourtant n'offre pas de dif-
ficulté ; puis le passage qui commence dans le texte (p. 70) par Mas de-
vome de enganar n'a pas été bien rendu : il est vrai de dire que la
ponctuation de l'original est mauvaise. Voici, je crois, comment il con-
viendrait de traduire littéralement : « Mais je dois me tromper, et pour
ce qui est de demander le baptême, quand je serais le chrétien lui-même
qui tente de se sauver, comment pourrais-je mieux entrer dans le rôle?
Allons, je recommence : « Saints, demandez à Dieu, puisque je me dé-
cide à l'être (saint) ', que je gagne le ciel, par votre intercession. » Mais
que de chimères je me forge, poussé par le désir de réussir à jouer ce
rôle de chrétien, comme me l'ordonne l'empereur » !
Lorsque Dioclétien commence à témoigner son mécontentement du
désordre qui se produit sur la scène à la suite de l'improvisation de Gi-
nes, il ne s'écrie point : « Avez-vous fait remarquer aux comédiens que
je suis ici? » mais bien : « Avez-vous fait attention, comédiens, que
c'est moi qui vous écoute ?» Et le même Dioclétien, en condamnant à
1. Régulièrement lo dans serlo se rapporte à santo contenu dans santos; à la ri-
gueur, on pourrait, comme l'a fait M. P., rapporter lo à cristiano.
204 REVUE CRITIQUE
mort Gines, ne lui dit point : « Je terminerai mon rôle, quand Lentulus
et Sulpice auront arrêté et questionné tous ceux qui sont avec toi »,
mais : « Je terminerai mon rôle en faisant aussi prendre et interroger tes
compagnons par Lentulus et Sulpice. »
Tout cela n'a pas grande importance et n'empêche pas M. Person
d'avoir parfaitement atteint son but. qui était surtout de commenter sa
fort jolie trouvaille et de bien établir que le Saint-Genest ne doit plus
désormais être tenu pour l'œuvre la plus originale de Rotrou, mais que
cette tragédie procède, comme plusieurs autres pièces du rival de Cor-
neille, de l'inépuisable répertoire de la comedia espagnole.
Alfred Morel-Fatio.
186. — Faust, ein Fragment, von Gœthe (Deutsche Litteraturdenkmale des XVIII.
Jahrhunderts in Neudrucken herausgegeben von Bernhard Seuffert, v). Heil-
bronn, Henninger. In-8°, xv et 89 p.
Ce cinquième volume de la collection des Monuments de la littéra-
ture allemande du xvme siècle renferme le Faust de Gœthe, sous la
première forme que connut le public, sous la forme du Fragment paru
en 1790. M. Seuffert, le directeur de la collection, a publié ce Frag-
ment avec le soin et l'exactitude qu'on lui connaît et en notant à la
marge le chiffre des vers correspondants des éditions de Loeper et de
Schrôer. Dans l'introduction, il donne l'indication très détaillée des
diverses éditions du Fragment qui parurent presque en même temps,
et insiste spécialement sur un point qu'il est, croyons-nous, le premier
à découvrir. C'est la comparaison entre le Faust de Gœthe et le drame
lyrique de Wieland, Die Wahl des Herkules ; l'Hercule de Wieland
est une sorte de Faust, que tourmente, non pas la soif de la vérité,
mais l'amour de la vertu; il brise les chaînes de l'amour; il s'efforce de
ressembler aux dieux, etc. M. S. fait encore d'autres rapprochements
entre le Faust et Musarion et montre qu'on peut tirer de la poésie de
Wieland an Psyché d'utiles renseignements sur les parties du poème
de Gœthe qui étaient terminées à la fin de l'année 1775. On sait que
M. Seuffert prépare une Biographie de Wieland.
C.
VARIÉTÉS
■ /Histoire de France du I»ère Loriquet.
On s'occupe beaucoup, depuis quelque temps, du jésuite Loriquet, et
la fameuse phrase qu'on lui attribue relativement au marquis de Bona-
parte, généralissime des armées du roi Louis XVII I, donne encore lieu
d'histoire et DE LITTÉRATURE 205
à de nombreuses discussions. On trouve même des personnes qui croient
se souvenir d'avoir lu, il y a 5o ou 60 ans, une histoire de France com-
posée par l'abbé Loriquet, dans laquelle était la phrase en question ;
mais on peut affirmer que la mémoire de ces personnes est infidèle. Les
ouvrages A M D G. sont anonymes-, et un jésuite aussi arrogant que le
P. Loriquet n'aurait jamais consenti, vers 1828 surtout, à se laisser ap-
peler abbé. D'ailleurs Y Histoire de France de Loriquet existe; c'est un
ouvrage en 2 vol. in- 12 de 400 et 378 pages publié à Lyon chez Ru-
sand, et l'histoire de Napoléon s'y trouve racontée au chapitre Empire,
de la page 3o8 à la page 378 du tome II l. Il est vrai que l'on n'en mon-
tre pas la première édition, et ceux qui croient à l'existence de la phrase
célèbre disent qu'elle se trouvait dans la première édition de l'histoire
du P. Loriquet. Je crois pouvoir répondre en deux mots à Cette objec-
tion, et clore le débat d'une manière définitive.
L'Histoire de France A M D G. fait partie d'un Cours d'histoire
en 7 volumes dont voici les titres : I. Tableau chronologique, 1 vol. —
IL Histoire sainte, 1 vol. — III. Histoire ecclésiastique, 1 vol. —
IV. Histoire ancienne, 1 vol. — V. Histoire romaine, 1 vol. — VI.
Histoire de France, 2 vol. V Histoire ecclésiastique, dont j'ai sous
les yeux la 5e édition, n'a pas été, comme Y Histoire de France, « re-
vue, corrigée et augmentée par l'auteur » ; elle est restée ce qu'elle était
au début, en 18 16. Or, il est question dans cette Histoire ecclésiasti-
que, pp. 108 et suivantes, du premier consul et de l'empereur Napoléon,
qui se proposait, dit Loriquet, non pas a d'égorger, » mais « d'étouffer »
le christianisme (p. 1 14). Voici même en quels termes Loriquet raconte
les dernières années de l'empire :
« D. Comment se termina cette longue oppression?
« R. Elle se termina par une suite d'événements dans lesquels il n'est
« pas possible de méconnaître la main de Dieu.
« L'ambition aveugla Napoléon, et le conduisit jusqu'au fond de la
« Russie, où sa réputation et sa puissance restèrent ensevelies avec plus
« de 400,000 Français (18 12). De retour en France, il va trouver le
d pape à Fontainebleau; car, depuis 4 mois, il y avait fait transférer cet
« auguste captif. Ramené, ce semble, à la modération par ses revers, il
« lui proposa un accommodement. Le pape déclare ne vouloir traiter
« qu'à Rome, et entouré du sacré collège. Cette résolution l'étonné ;
« mais bientôt la surprise fait place à la colère, puis à la fureur ; il éclate
« en menaces, il outrage le pontife; il s'oublie jusqu'à lever la main sur
« sa personne sacrée, jusqu'à le saisir par les cheveux. Peu après, il a
« honte de son emportement, il revient à des procédés plus doux; il
« flatte, il caresse, il promet; enfin, moitié ruse, moitié violence, il
« amène son captif à signer un projet qui devait, moyennant certaines
1. J'en ai sous les yeux deux exemplaires, l'un de 1824, l'autre de 1828; la pagi-
nation est absolument la même, et tous deux portent le titre de 5e édition.
206 REVUE CRITIQUE
« conditions, servir de base à un nouveau concordat. Dès que l'impos-
er teur a cette pièce entre les mains, il la tronque, il la publie, contre la
« foi donnée, il la présente à la France comme un concordat absolu, il
« l'érigé en loi de l'état. Le pape se hâta de protester contre la perfidie ;
« Napoléon en avait assez obtenu pour tromper ceux qui voulaient être
« trompés (181 3).
« Il s'applaudissait de son triomphe, et il était sur le bord de l'abîme.
« L'Europe entière se ligue contre lui; tous ses alliés l'abandonnent à la
« fois; il est chassé de l'Allemagne, de l'Espagne, de la Suisse ; ses en-
« nemis le suivent, et sur ses pas pénètrent dans l'intérieur de la France.
« Il pourrait encore les désarmer; on lui offre la paix, il la refuse : livré
« à un esprit d'erreur et de vertige, il a tout perdu, jusqu'à ses talents
« militaires. Semblable à une bête féroce entourée de chasseurs, il se dé-
« bat quelque temps avec plus de fureur que d'intelligence. Enfin la
« main de Dieu l'a frappé, il succombe : il se voit captif dans Fontaine-
« bleau, dans ce même palais où il a enchaîné son bienfaiteur et son
« père; il arrose des pleurs du désespoir ces mêmes lieux où il a fait coû-
te 1er celles [sic) du vicaire de J.-C. Relégué dans une île écartée, il survit
« à sa puissance, pour voir l'univers s'applaudir de sa chute, et se félici-
« ter d'avoir enfin échappé à l'ennemi de Dieu et des hommes » (1814),
etc.
Il est évident que les deux ouvrages, l* Histoire ecclésiastique et
l'Histoire de France, composés sur le même plan, faisant partie de la
même collection et publiés à la même époque, racontent les événements
d'une manière uniforme, et par suite que la première édition de l'His-
toire de France parlait de Napoléon comme empereur des Français.
La question est donc Jugée ; mais il n'en est pas moins vrai que le P. Lo-
riquet a mérité le ridicule dont il est couvert par le cynisme avec lequel
il a travesti l'histoire '.
A. Gazier.
CHRONIQUE
ALLEMAGNE.— L'auteur du dictionnaire moyen-bas-allemand, M. A. Lûbben, a
fait paraître une grammaire du moyen-bas-allemand (Mittelniederdeutsche Gram-
matik. Leipzig, Weigel. In-8°, vm et 221 p. b' mark); cette grammaire est accom-
pagnée d'une chrestomathie (pp. 1 35-200) soigneusement faite et dont plusieurs
morceaux sont tirés des manuscrits, ainsi que d'un petit glossaire (pp. 2o3-22i).
-■i La librairie Kûhl, de Berlin, publie une réimpression, soignée par M. Max von
Waldberg, du roman de Lenz, der Waldbruder.
1, On peut voir des extraits fidèles de V Histoire de France du P. Loriquet dans
le Dictionnaire universel du xix* siècle de Pierre Larousse, tome VIII, p. 744.
d'histoire et de littérature 207
— Le IIIe fascicule du recueil trimestriel, YArchiv fur Litteraturgeschichte, qui
paraît à la librairie Teubner, de Leipzig, sous la direction du bibliothécaire de
Dresde, M. Fr. Schnorr von Carolsfeld, renferme quelques articles intéressants et
curieux. M. Erich Schmidt contribue à ce fascicule par quelques glanures (Lese-
frùchte) où l'on remarquera les notes sur «les paysages alpestres dans la littérature al-
lemande »; il cite, parmi les poètes latins du xvie siècle qui ont parlé des Alpes, non
sans un certain sentiment de la nature, G. Sabinus, le gendre de Mélanchton (IIe li-
vre des Elégies, Poemata. Leipzig, i58i, p. 57), P. Lotichius qui célèbre, avant Hal-
ler, la simplicité des mœurs suisses, Hans Sachs, Rompler de Lcewenhalt, Jacob
Balde. — M. Wilhelm Schulze analyse une comédie scolaire, en latin, de l'année
1485; elle a pour auteur un nommé Jean Kerckmeister et pour titre Codrus ; le hé-
ros de la pièce, Codrus, est un partisan de la routine et de la vieille grammaire
« mécanique »; quitté par ses élèves, qui adoptent avec enthousiasme les nouvelles
doctrines de l'humanisme, Codrus se rend à Cologne pour y conquérir un grade aca-
démique; il tombe entre les mains des étudiants qui le bernent, et lui décernent un
grade illusoire. — M. Goedeke consacre trois pages au Trattfat^brief de Fischart.
— M. Benno Meklenburg donne des renseignements détaillés sur une édition de
1657, du Fveundin der Noth, de Balthazar Schupp, que M. W. Braune n'a pas con-
nue.— M. Theod. Distel communique une lettre inédite de Leibnitz, écrite de Leip-
zig le 26 mars 1666 au recteur de Zwickau, Daum (en latfn). — L'art, suivant, de
M. Philippe Kohlmann, est peut-être le plus important du fascicule. Parmi les ju-
gements fort singuliers que Frédéric II a portés dans son célèbre factum De la litté-
ture allemande, se trouve l'éloge suivant d'un poète que le roi ne nomme pas : « J'a-
jouteFai à ces messieurs, que je viens de nommer, un anonyme, dont j'ai vu les vers
non rimes; leur cadence et leur harmonie résultait d'un mélange de dactyles et de
spondées; ils étaient remplis de sens, et mon oreille a été flattée agréablement par
des sons sonores, dont je n'aurais pas cru notre langue susceptible. J'ose présumer
que ce genre de versification est peut-être celui qui est le plus convenable à notre
idiome, et qu'il est de plus préférable à la rime; il est vraisemblable qu'on ferait des
progrès, si on se donnait la peine de le perfectionner ». On a toujours cru jusqu'ici,
sur la foi de Knebel, que cet anonyme était J. Nie. Gcetz (1721-1781), l'ami d'Uz et
de Gleim et que le poème auquel Frédéric II faisait allusion est l'élégie de Gœtz in-
titulée Die Mœdcheninsel. M. Kohlmann émet une autre hypothèse qui nous semble
plus probante; la pièce de vers louée par le roi de Prusse serait un poème composé
en 1751 par Christophe Frédéric de Derschau, président du gouvernement de la
Frise orientale, en l'honneur de la Compagnie des Indes nouvellement érigée à Em-
den (Aufdie \u Emden in Jahre ij5i errichtete Ostindische Handlungs-Compagnie).
M. Kohlmann publie intégralement le texte de ce poème, qu'on trouve dans le re-
cueil des poésies de Derschau, paru, sans nom d'auteur, à Aurich en 1772 sous le ti-
tre « Andenken fur meine Freunde ». Le poème comprend 3i strophes, chaque stro-
phe étant formée de trois hexamètres (avec la « Vorschlagssylbe » introduite par
Kleist) et d'un dimètre catalectique; le vers, malgré quelque raideur, ne manque pas
de souplesse et d'harmonie; le sujet et la façon dont il est traité, durent faire sur le
roi une certaine impression. Frédéric H s'intéressait vivement à sa province
de Frise acquise en 1744; il y vint deux fois, en 1761 et en 1755, et ce fut en
1752, lorsque le premier navire de la Compagnie, le Kœnig von Preussen, partit
d'Emden pour la Chine, que Derschau composa son poème. M. Kohlmann fait re-
marquer que dans un journal de la Frise, les Mannigfaltigkeiten (n° 49, p. 391),
Coner, d' Aurich, inséra en 1785 une note où il disait que les mots de Frédéric s'ap-
pliquaient à un poème de 1731 en l'honneur de la Compagnie commerciale d'Em-
208 RKVUK CRtTIQUK
den. — Viennent ensuite des art. de M. Em. Grosse sur la critique du texte d'Emi-
lia Galotti, de M. L. Hirzel sur un écrit oublié de Wieland (Plan einer Privatschule),
de M. R. Kcehler sur une lettre inédite de Gœthe au poète italien Poerio et sur les
notes de Poerio relatives à ses relations personnelles avec Goethe; de M. P. Hohl-
feld sur les Mères dans la seconde partie de Faust (Goethe aurait suivi sur ce point
l'auteur d'une « mathematische Philosophie » parue en 1811, J. J. Wagner); de
M. Bernh. Seuffert sur Y Historischer Kalender de Gœschen.
— Le huitième volume des « Campagnes du prince Eugène » {Feld^ûge des Prin-
%en Eugen von Savoy en) vient de paraître. On sait qu'en 1871 le ministère de la
guerre, en Autriche, résolut d'entreprendre une grande publication qui serait con-
sacrée aux guerres de l'Autriche; le récit devait avoir pour base les documents des
archives, et commencer à l'époque où le prince Eugène commandait en chef l'armée
autrichienne. On divisa les campagnes dirigées par Eugène en deux séries; la pre-
mière série comprenait les années 1697 et 1698 de la guerre contre les Turcs ainsi
que les années 1 701-1707 de la guerre de la succession d'Espagne; la seconde série
embrassait les années subséquentes de la guerre de la succession d'Espagne, la
guerre contre les Turcs de 171 6 à 1718 et la guerre de la succession de Pologne
(1 734-1 735). La section de l'histoire militaire (Abteilung fur Kriegsgeschichte)
des archives de la guerre se mit à l'œuvre et publia successivement huit volumes.
Le premier, paru en 1876 (Vienne, librairie de l'état-major ou Gerold ; in-8°, xvi et
744 p. 3o mark) sert d'introduction aux volumes suivants; il décrit la situation gé-
nérale de l'Europe dans la seconde moitié du xvn° siècle, expose les ressources de
l'empereur, marque le caractère de Léopold Ier et du prince Eugène ; on y trouve
aussi un tableau géographique et statistique des états de l'Europe, une description
détaillée des différents théâtres de la guerre, un aperçu général des forces et des
moyens d'action de chacune des puissances qui prirent part à la lutte; on y voit
quels étaient les principes de la tactique en usage, le système des fortifications, les
monnaies, le prix de tous les objets servant à la guerre. Les divers chapitres de ce
premier volume ont évidemment plusieurs auteurs, qui ne se nomment pas ; les
volumes suivants ont chacun leur propre auteur. — Le deuxième volume, paru en
1876 comme le premier (ix, 5i5 et io5 pp. 7 cartes et planches, 20 mark) est dû
à M. le major von Angeli, et renferme les campagnes contre les Turcs en 1697 et
en 1698 ainsi que la paix de Carlowitz (1699). — Le troisième volume, paru, comme
le premier et le second, en 1876 (vu, 53 1 et 108 p., 6 cartes et planches, 20 mark),
ainsi que le quatrième, paru en 1877 (x, 740 et 3o2 p., 10 cartes et planches,
3o mark) ont pour auteur -le capitaine Wetzer et racontent, le troisième volume,
l'année 1701 de la guerre de la succession d'Espagne, le quatrième, l'année 1702. —
Le cinquième volume (1878, xxvn, 727 et 172 p., 6 cartes et planches, 3o mark) a
été composé par M. le lieutenant en premier Danzer et concerne l'année 1703 de la
même guerre; — l'année 1704 est traitée dans le sixième volume (1879, xxiir, 908
et 3oo p., 8 cartes et planches, 3o mark) par M. le capitaine Ratzenhofer; — et
l'année 1705, dans le septième volume (1881, xxx, 555 et 542 p. 6 cartes et plan-
ches, 3o mark), par M. le lieutenant-colonel de Rechkron ; — enfin, le huitième vo-
lume qui vient d'être publié, raconte les événements militaires de l'année 1706
(xiv, 526 et 342 p., 7 cartes et planches, 3o mark) ; il a été commencé par le lieute-
nant-colonel Mayerhofer von Grûnbuhl et, après la mort de ce dernier, continué
et terminé par Je lieutenant-colonel Komers von Lindenbach. Il ne reste plus qu'à
faire l'histoire de l'année 1707, pour achever la première série de la publication.
Chaque volume forme un tout, et a été conçu à peu près sur le même plan; chacun
commence par un exposé de la situation politique et militaire et des armements des
D'HISTOIRK Kl DE UTTÉKATURK 209
deux partis ; chacun raconte la guerre, non par ordre chronologique, mais selon les
divers théâtres de la lutte; au bas des pages se trouvent de courtes notices sur les
personnages les plus remarquables qui figurent dans le récit; à la fin du volume
sont relégués les documents. Le critique de la Deutsche Litteratur^eitung qui doit
être un homme du métier et qui, sous la signature l. f., fournit à la rubrique
« Kriegswissenschaft » de la revue berlinoise d'excellents articles, fait un très grand
éloge des volumes parus jusqu'ici des Campagnes du prince Eugène. Il signale tou-
tefois quelques défauts; le point de vue autrichien domine trop dans la publication;
il semblerait que l'intérêt personnel de la maison de Habsbourg n'ait jamais été un des
mobiles de la politique autrichienne ; la caractéristique de Léopold Ier aura surpris
bien des Autrichiens ; la bataille de Luzzara est tout bonnement une « défaite » des
Français, etc. En outre, la publication a trop la forme d'un monument élevé en
l'honneur du prince Eugène; le style est trop souvent celui d'un panégyrique, et
non d'une œuvre d'histoire; il n'eût pas fallu se laisser dominer à ce point par 1' a é-
minente personnalité d'Eugène ». Mais le critique reconnaît que la publication con-
sidérable, entreprise par le ministère de la guerre d'Autriche, a une grande valeur ;
l'honneur de l'avoir conçue et lancée revient surtout à l'ancien ministre M. de
Kuhn, et les officiers qui ont collaboré à ce grand ouvrage, méritent la reconnais-
sance, non seulement des « cercles militaires », mais aussi des amis de l'histoire.
— L'Université de Gœttingue a mis au concours pour l'année i883 les questions
suivantes : i° Faculté de théologie : Exponatur celeberrima Luther i sententia, « ubi
remissio peccatorum est, ibiest vita et salus », ita ut, quce ad illam illustrandam
libri symbolici conferunt, comparentur ; 20 faculté de droit : Sinn und Umfang der
Gleichstellung von lata culpa und dolus ïm rœmischen.Recht ; 3° faculté de philo-
phie : Es soll durch eine sorgfœlhge Vergleichung der-Sprache des Mdlavikdgni-
mitra und der ùbrigen dem Kdlidâsd ^ugeschriebenen Werke ge^eigt werden, ob
oder in wie weit Zweifel an der Autorschaft des erstgenannten Werkes begrûndet
sind. Les mémoires doivent être écrits dans la même langue que le texte du sujet
proposé.
ANGLETERRE. — Un nouvel ouvrage de M. Monier Williams paraîtra pro-
chainement sous le titre : Religious thoughts in India. Cet ouvrage sera publié
par l'éditeur Murray, en même temps qu'un volume de sir C. Alfred Lyall, intitulé
Asiatic Studies, religious and social.
— On annonce la prochaine publication d'une troisième édition de l'Introduction
to the New Testament, de M. Scrivener.
— M. Furnivall a mis sous presse, pour 1' « Early English Text Society », la pre-
mière partie des Earliest english wills in the royal court of probaie, de 1387.
— La première partie d'une histoire du Norfolk (Hisiory of Norfolk) par M. R.-H.
Mason doit être bientôt publiée; elle renferme l'histoire du comté jusqu'à la fin du
xvie siècle.
— Parmi d'autres ouvrages nouveaux qui paraîtront prochainement, nous pouvons
citer encore la Short histOry of french literature de M. Saintsbury ; la Vie de lord
Lawrence, de M. Bosworth Smith ; Sir William Hamilton (série des « philosophes
classiques ») par M. J. Weitch; l'édition des œuvres de Lindesay commencée par
M. Herrtage et qui sera achevée parle bibliothécaire de l'Université d'Edimbourg,
M. J. Small ; la traduction des Lois de Manou, par M. George Bûhler (pour la
collection des a Sacred books of the east »); une Grammaire anglaise, de
M. Wrightson, de Cambridge.
— D'intéressantes communications seront faites dans le mois de décembre à la
Société philologique de Londres. Le prince Louis-Lucien Bonaparte lira deux mé-
210 RKVUK CKlTlQUk
moires : On initial mutations in the celtic, basque, sardinian and italian dialects et
on the successors of the latin J ; M. Henry Sweet lira également deux mémoires •
On the history of english sounds et on intonation in spoken english; M. Thomas
Powell examinera les étymologies celtiques données par M. Skeat dans son Dic-
tionnaire. On cite encore d'autres mémoires : de M. A. J. Ellis, The Dialects of the
north of England and the Lowlands of Scotland ; de M. William Jones, On en-
glish words in the Anglesea Dialect ; de M. Lach Szyrma, On the laws affecting
the decay ani death of languages, as illustrated by the old cornish; de M. Post-
gate, quelques étymologies grecques et latines, etc.
— Nous avons annoncé la souscription publique en faveur des fouilles d'Ephèse.
Le meeting qui a provoqué cette souscription a été tenu à Londres, le 24 juillet, sous
la présidence du lord-maire ; M. Wood qui a dirigé les fouilles d'Ephèse pendant
longtemps, pour le compte du gouvernement anglais, assistait à la réunion, et a pro-
noncé un discours. Il a raconté les recherches auxquelles il s'était livré à Ephèse et
qui avaient abouti, après six ans d'efforts, à la découverte de l'emplacement du temple
de Diane. M. Wood croit qu'il est possible de retrouver d'autres restes de la frise
sculptée et des colonnes dont on voit au British-Museum de si magnifiques spéci-
mens. Il a terminé son discours en se mettant entièrement à la disposition du co-
mité pour la continuation des travaux. M. Newton, un des conservateurs du British-
Museum, a pris la parole après M. Wood pour appuyer le projet de souscription; il
a rappelé les dépenses faites par l'Allemagne pour les fouilles d'Olympie; sur sa
motion, l'assemblée a déclaré la souscription ouverte .--M. Wood ne demande, pour
terminer les travaux et assurer à l'Angleterre la possession des trésors enfouis à
Ephèse, que 1 25, 000 francs.-
BELGIQUE. — M. Thonissen, professeur à l'Université de Louvain et membre de
la chambre des représentants, a mis sous presse une édition revue et augmentée de
son travail sur le droit pénal de la loi salique. Nous avons déjà reçu un exemplaire
de la première édition; nous attendrons la publication de la deuxième édition, dont
un exemplaire doit nous être adressé, pour rendre compte de ce livre important.
— Parmi les plus récentes publications belges, nous signalerons l'étude de M. Eug.
Hubert sur la condition des protestants en Belgique depuis Charles-Quint jusqu'à
Joseph II et l'édit de tolérance de 1781, et deux travaux extraits des mémoires et
des bulletins de l'Académie royale de Belgique, l'un, de M. Paul Henrard, Jules-Cé-
sar et les Eburons; l'autre, de M. Alphonse Wauters, le premier fascicule des Re-
cherches sur l'histoire de l'Ecole flamande de peinture dans la seconde moitié du
xve siècle.
ESPAGNE. — On annonce de Compostelle à YAcademy que Don José Flores La-
guna est parvenu à déchiffrer et à arranger la musique de l'Hymne des pèlerins fla-
mands à Santiago, datant du xn° siècle; cette hymne sera chantée pour la première
fois après plusieurs siècles, à la prochaine visite des pèlerins français.
ETATS-UNIS. — Les éditeurs de Boston, Honghton, Mifflin et Co., publieront en
automne un certain nombre d'ouvrages intéressants, parmi lesquels nous relevons :
une nouvelle édition des œuvres de M. Oliver Wendell Holmes (en six ou huit volu-
mes), revue par l'auteur; une nouvelle édition des Œuvres d'Hawthorne, en douze
volumes, avec des introductions bibliographiques de M. Lathrop ; un recueil de
M. Henry Watterston, intitulé Wit and humour of the South, from the various
humourists of the last half century ; une Vie de Fenimore Cooper, par M. Louns-
bury (fait partie de la collection des « American men of letters »; des vies de André
Jackson, par M. G. Sunmer, de Randolph de Roanoke, par M. Henry Adams, de
Thomas Jefferson, par M. Norse (font partie de la collection des « American sta-
O HISTOIRK ET DE LITTÉRATURK 2 11
tesmen ») ; une édition variorum des English and scotch ballads, en huit parties,
par M. Child, d'Harvard Collège, etc.
— Un ouvrage, en deux volumes, de M. W. R. Plum. sur La télégraphie militaire
pendant la guerre civile des Etats- Unis doit paraître à Chicago, chez MM. Jansen,
Macclurg et Co.
— Les éditeurs Harpers, de New- York, ont publié un volume renfermant sur un
côté de la page le texte anglais adopté par les réviseurs du Nouveau-Testament et
sur l'autre côté, le texte grec établi par MM. Westcott et Hort ; M. Ph. Schaff a mis
une introduction en tête du volume.
se Dans la Princeton Reviexv recueil américain dont nous avons donné autrefois
le sommaire, M. Mac Cosh parle de VEcole de philosophie de Concord, qui semble
destinée à exercer une grande influence philosophique aux Etats-Unis. Concord est,
comme on sait, un village de trois mille habitants, et une annexe de la « moderne
Athènes », Boston. Le nom de ce village est associé à de grands noms, à ceux de
Hawthorne, Margaret Fuller, Ripley, Alcott, Emerson. Le directeur de la revue,
The journal of spéculative philosophy, M. W. T. Harris, a récemment quitté Saint-
Louis pour Concord et deviendra, à ce que croit M. Mac Cosh, le leader de la nou-
velle école. Cette école est platonicienne ; parmi ses membres, les uns adoptent le
christianisme, comme l'ont fait au 11e siècle quelques platoniciens, par tendance
philosophique; les autres, au contraire, le combattent, comme faisaient les néo-
platoniciens d'Alexandrie ; d'autres l'accommodent à leurs goûts et en font une religion
universelle qui peut contenir toutes les autres par une interprétation suffisante;
d'autres, comme les néo-platoniciens, croient aux influences surnaturelles et au spi-
ritisme. — Nous avons autrefois annoncé le premier numéro d'une revue, The
Platonist, qui paraissait à Saint- Louis; dans l'article de la « Princeton Review »,
M. Mac Cosh observe que le Platonist penche bien plus vers le néo-platonisme que
vers la doctrine de Platon ; les plus récents numéros renfermaient des traductions de
Proclus, de Jamblique et de Porphyre. — La Revue philosophique de M. Ribot doit,
au reste, publier dans un de ses prochains numéros un art. d'un de ses collaborateurs
qui a visité l'Ecole de Concord.
ITALIE. — Le folk-lore est plus que jamais en honneur, en Italie; après les ou-
vrages que nous ont déjà donnés MM. Comparetti et Pitre, ainsi que M. Gennaro
Finamore qui a publié récemment le premier volume d'une collection de traditions
populaires abruzzes, voici qu'on lui consacre une revue spéciale. Cette revue est
YArchivio per lo studio délie tradi^ioni popolari, dirigée par MM. G. Pitre et Sa-
lomone Marino; elle paraît tous les trimestres à Palerme chez l'éditeur L. Pedone-
Lauriel (14 fr. par an pour tous les pays de l'Union postale). » Les récents progrès
de la mythologie comparée — lisons-nous dans l'avis aux lecteurs du premier fas-
cicule — et de la démo-psychologie (Demo-psicologia) , et l'intérêt croissant pour les
traditions populaires font désormais sentir le besoin d'une re'/ue dans laquelle les
érudits des diverses nations trouvent un moyen de communiquer ensemble et de
faire connaître leurs études et leurs recherches. h'Archivio se propose de mettre en
évidence les formes différentes de la littérature orale et les multiples manifestations
de la vie physique et morale des peuples en général et du peuple italien en par-
ticulier ; outre les articles originaux sur un sujet quelconque de la science que les
Anglais nomment folk-lore, YArchivio accueillera des nouvelles, des légendes, des
chants, des devinettes, des proverbes, etc. « Le premier fascicule s'ouvre par une
lettre de M. Max Mûller à M. Pitre où le savant orientaliste et mythologue expose
les difficultés de l'entreprise tentée par les deux directeurs ; viennent ensuite des
art. de M. Salom. Marino, Coutumes des paysans siciliens; de M. Pitre, Nouvelles
212 REVUE CRITIQUE D HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
populaires toscanes et les Ciarauli, croyances populaires siciliennes; de M. Rein-
hold Koehler, Pourquoi les hommes ne savent plus quand ils doivent mourir; de
M. Z. Consiglieri Pedroso, Un conte populaire de l'Inde portugaise; de M. Fina-
more, Histoires populaires abru^es en vers; de M. Th. de Puymaigre, (en français),
Veillées de villages, les Dayemans (c'étaient, dans l'ancien département de la Mo-
selle, des espèces de colloques, plus ou moins rimes ou assonances, qui se pro-
duisaient au retour des couairails ou veillées d'hiver ; on dayait surtout dans la
soirée du samedi) ; de M. Ant. Gianandrea, Proverbes des Marches ; deMme Carolina
Coronedi-Berti, Proverbes bolonais, relatifs à l'agriculture et à la météorologie;
de M. Joachin Costa, un art. en espagnol, intitulé » Influencia del arbolado en la sa-
biduria popular »; de M. Gius. Ferraro, la première partie d'un art. qui a pour titre
« cinquanta giuochi fanciuileschi monferrini » ; — le second fascicule de 1' « Archi-
vio » contient des articles tout aussi intéressants : de M. Salom. Marino, la suite de
ses esquisses sur la vie privée des « contadini » siciliens; de M. Pitre, la suite de
ses contes ou nouvelles populaires de Toscane, et un art. curieux sur les cris des
marchands ambulants [le voci dei venditori ambulanti); de M. Finamore, la continua-
tion de ses petits poèmes populaires des Abruzzes; de MM. P. Giorgi et Salom. Ma-
rino, des chants enfantins et noëls de la Sicile (antica ninna-nanna siciliana del
Santo. Natale) ; de M. Mango, des « poésies populaires enfantines de la Calabre » ;
de M. G. Ferraro, la suite de ses « Cinquante jeux enfantins du Montferrat »; de
M. R. Castelli, Un mythe moderne (légende du bandit Catinella de Mazzara, sur-
nommé Salta-le-viti) ; de M. H. Ch. Coote, l'origine de Cendrillon (Cenerentola) ; de
M. F. Liebrecht, Le conte de Satni-Khdmoïs ; de M. J. Leite de Vasconcellos, Cou-
tumes et croyances du Portugal; de M. Rodriguez Marin, un jeu enfantin, nommé
juego de las chinas. — Chacun de ces deux fascicules, — et il en sera ainsi des sui-
vants — renferme des Miscellanées où les folkloristes trouveront plus d'un détail in-
téressant : dans le Ier fasc. « Remèdes et formules contre la jettatura (Sal. Marino);
« Hérode et Hérodiade dans la tradition populaire catalane » (Pelay Briz), et dans le
1P fasc. « Les Zingari en Sicile » (Sal. Marino), « Flamencos e Gachos » (Merucci),
la légende de Caïn en Sicile » (Guastalla), etc. etc. Une revue bibliographique, très
étendue, examine les plus récents ouvrages relatifs aux choses de « démopsycholo-
gie » ou — s'il était possible de neutraliser ce mot — de démologie ; on y trouvera,
pour ne parler que des ouvrages français, le compte-rendu des livres suivants : Sé-
billot, La littérature orale de la Haute-Bretagne; Rolland, La faune populaire
de la France; Th. de Puymaigre, Romanceiro, choix de vieux chants portugais
et chants populaires recueillis dans le pays messin; Luzel, Légendes chrétiennes
delà Basse-Bretagne ; Maspero, Les contes populaires de V Egypte ancienne. Cha-
que fascicule de 1' « Archivio » se termine par un bulletin bibliographique, par la
nomenclature des publications récentes et le sommaire des articles de revues relatifs
au folk-lore, par une chronique ou suite de petites nouvelles (notifie varie). — On
juge, par le résumé que nous venons de faire, de l'intérêt et de l'abondance des ren-
seignements que renferme Y Archivio per lo studio délie tradi^ioni popolari; c'est
une des revues spéciales les mieux composées et les mieux meublées d'articles, que
nous connaissions; nous lui souhaitons grand succès et longue vie, et n'hésitons
pas à croire qu'elle trouvera la « lieta et onesta accoglienza » la « buona riuscita » que
lui mérite le zèle ardent et désintéressé de ses directeurs et de ses rédacteurs, qui
comptent, comme dit M. Max Mùller, parmi « i migliori cultori del folk-lore »
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
No 38 — 18 Septembre — 1882
eommnire s 187. O. Loth, Sur la vie et les œuvres d'Abdallah Ibn-ul-Mutazz. —
188. Hultsch, L'Heraion de Samos et l'Artémision d'Ephèse. — 189. Wieland,
Hermann, p. p. Muncker. — 190. Juste, L'élection de Léopold Ier, d'après des
documents inédits. — 191. Champion, Philosophie de l'histoire de France. — Va-
riétés : L'Itinéraire de Theodosius. — Chronique. — Académie des Inscriptions.
187. — Ueber Leben und Werkc de» «Abdallah Ibn ul Illu'tazz von Otto
Loth. Stud. Lingg. Orientt. Leipzig, 1882. Hinrichs'sche Bucchandlung, pp. vi, 75.
Il y a un an que M. Loth est mort dans toute la vigueur de sa matu-
rité, en laissant quantité de notes et de matériaux qui, produits au jour,
auraient fait honneur à leur auteur et rendu de grands services à la
science. Il est pénible de songer à la masse de labeur humain, qui se
perd ainsi pour la société, lorsqu'un travailleur intelligent descend subi-
tement au tombeau sans avoir eu le temps de partager avec le public le
fruit de ses études. En vain l'on cherche, au moyen des feuilles éparses,
tracées par sa main, de renouer le fil de ses idées, de suivre le dédale de
ses pensées : la mort a brisé le lien qui les rattachait ensemble. Cela est
d'autant plus regrettable, que chaque savant travaille à sa manière et
apprend à sa façon ; le cachet qu'il imprime à ses études est un chiffre
dont lui seul a le secret. Et si l'on se prend à réfléchir au nombre de
ceux qui ont amassé des trésors de science et ne laisseront à la postérité
que quelques bribes de leur solide savoir, on ne peut se défendre d'un
sentiment de profonde tristesse. Nous en avons un exemple sous les yeux :
c'est Loth. Nous en connaissons d'autres qui se sont illustrés par plu-
sieurs travaux, mais dont les cartons — et plus encore la mémoire —
sont pleins de renseignements aussi exacts qu'utiles, de recherches pa-
tientes et laborieuses, de rapprochements lumineux, d'investigations
fécondes. Quand leur heure sera venue, la poésie orientale aura à dé-
plorer la perte irréparable de ses meilleurs interprètes : j1ai nommé le
Dr Ahlwardt, professeur à Greifswald, et M. Sanior Sachs. Et personne ne
saura recueillir leur héritage, personne ne sera à même de coordonner
les résultats acquis au cours d'une longue vie bien employée A me-
sure qu'on avance dans le chemin de la science, on découvre des hori-
zons nouveaux, on se laisse entraîner par le charme de trouvailles inat-
tendues et l'on arrive au bout de la carrière, riche d'expérience, content
de la route parcourue, plein d'espoir dans l'avenir, puis vient un jour où
le sang se glace dans les veines, et tout est perdu sans retour. Il en est
Nouvelle série, XlV. la
214 REVUE CRITIQUE
de même de M. O. L., dont la Société orientale d'Allemagne entreprend
à présent de rédiger les œuvres (avant-propos).
. Elle a commencé par éditer sa première thèse, qu'il composa sous les
yeux du professeur Fleischer à l'âge de vingt-deux ans, et à laquelle il
mit sans cesse la main jusqu'à ce que la mort vînt le surprendre au mi-
lieu de ses travaux. Les lecteurs de la Revue critique (n° du 7 juil. 82)
savent déjà que le vénérable M. Fleischer a donné sa haute approbation
à l'étude sur 'Abdallah Ibn ul-Mu'tazz. En effet, la vie de ce prince
élégant ne laisse pas d'être un sujet intéressant pour un tableau de genre;
et L. dépeint avec assez de verve la cour des Abbâsides, où la barbarie
de l'Asie Centrale étendait ses ravages comme une lèpre hideuse sur la
civilisation brillante des Arabes; où, d'une part, le despotisme des na-
tions caduques avait subjugué les fils libres du désert; où, de l'autre, la
mollesse d'une vie facile s'alliait à la rude violence des hommes élevés
dans les camps; où l'élévation de l'esprit marchait de pair avec la bassesse
du caractère. Au milieu des crimes et des débauches, du cliquetis des
armes et du bruit des orgies, nous voyons se dresser la figure pure et
délicate d,(Abdallah lbn ul-Mu'tazz, qui paya de sa vie le privilège de la
clémence. De la société galante, dans laquelle il passa ses meilleurs jours,
nous passons dans son intimité, et nous voyons le fils des Khalifes polir
des vers gracieux, conter fleurettes et anecdotes, enseigner l'art de bien
parler aux gens de bon goût. Il se dégage de l'esquisse de L, un parfum de
poésie et de sereine philosophie qui enivre le lecteur, et, lorsqu'il arrive
au bout de l'opuscule, il est tenté de dire : « Déjà fini? » Toutefois, on
nous permettra de regretter de ne pas trouver dans la thèse juvénile de
L. l'exactitude magistrale, l'érudition merveilleuse qui frappent dans les
ouvrages de M. Ahlwardt. Loin de nous l'idée de nous attaquer à un
mort ; nous croyons pourtant qu'il serait bon de relever quelques points
de détail, laissés dans l'ombre par Fauteur; si nous nous égarons dans
cette voie, nous serons reconnaissant à celui qui voudra bien redresser
nos erreurs.
L. n'a pas profité des renseignements fournis par Maçoudi sur 'Abdal-
lah Ibn ul-Mu'tazz; il y aurait rencontré des choses intéressantes. Ainsi,
Maçoudi raconte au t. VIII de ses Prairies d'or, p. 41, qu'Ibn ul-
Mu'tazz, exilé à la Mecque par le khalife Mouhtadi, ne rentra à Samarra
qu'en 256, après l'avènement de Moutamid. Ceci eût renforcé les som-
bres couleurs du tableau, tracé par L. à la p. 4 de son étude.
Les éditeurs auraient pu supprimer ses conjectures touchant le Kitab
uz-Zahrah (p. 41). En effet, il suffit d'ouvrir le t. VIII des Prairies
d'or, à la p. 25o et à la p. 254, pour se convaincre que ce livre n'a pas
été composé par Ibn ul-Mu'tazz, mais qu'il appartient en réalité au ju-
risconsulte Abu Bekr Mohammed el-Isbahani. Hammer n'a pas remarqué
que Maçoudi avait déjà terminé sa notice sur Ibn ul-Mu'tazz et passé à
l'examen des vers d'un autre poète.
Je ne sais ce qui offusque L. dans la date de l'assassinat du vizir el-
d'histoire et de LITTÉRATURE 2 I 5
' Abbas, telle qu'elle est donnée par Tabari (v. p. 29). Maçoudi (Pr. d'or,
t. VIII, p. 249) n'en connaît pas d'autre, et cependant il s'est donné
beaucoup de peine pour établir une chronologie exacte [ib.} t. IV, p. io5 ;
t. IX, pp. 39 et 49) ; il n'est pas probable qu'il se soit trompé sur la date
d'un événement qui s'est passé de son temps. D'ailleurs, je ne vois pas
de contradiction entre les données de Tabari et de Maçoudi d'un côté, et
celles d'Ibn ul-Athir de l'autre. Ibn ul-Athir place le meurtre le 20 rebi I,
qui, en l'an de l'hégire 296, tomba un samedi. Tabari et Maçoudi disent
qu'el-'Abbas fut tué le samedi, alors qu'il restait onze nuits du mois de
rebi I. En ne perdant pas de vue que la nuit précède le jour, et en nous
remettant en mémoire que le mois de rebi I est plein, nous défalquerons
onze jours et nous trouverons qu'au vendredi soir, à l'entrée du samedi
20, il restait onze nuits jusqu'à la fin du mois; c'est ainsi qu'il faut sup-
puter ces nombres, comme il est facile de s'en convaincre d'après les
dates données par Ibn Djaubaïr et par Maçoudi.
Je note, en passant, que Maçoudi ne place pas l'usurpation d'Ibn ul-
Mu'tazz immédiatement après l'assassinat d'el-' Abbas ' ; il la recule même
de vingt années entières, comme on peut le voir au t. IX de ses Pr. d'or,
p. 47. De ce dernier passage il est loisible d'inférer que les doutes sou-
levés par L. au sujet de la durée du khalifat éphémère de notre poète,
ne reposent sur aucun fondement, car Maçoudi lui assigne deux jours de
règne jusqu'à sa déchéance ; or, le jour où a été promulguée sa déchéance
ne saurait entrer en ligne de compte, à moins de supputer les heures de
son règne. Mais je ne me charge pas d'accorder Ibn ul-Athir avec Tabari.
J'ai vu plusieurs fois au Caucase des hommes danser le dastabend
('Abd. Ibn ul-Mu'tazz, p. 70) sur les terrasses des maisons. On se prend
par la main, on fait un cercle, un des danseurs entonne une chanson
turque ou persane, qu'on répète en chœur en se balançant du haut du
corps et en frappant la terre en cadence; la mesure comporte trois temps,
comme notre polka; les danseurs font deux pas en avant, puis un en ar-
rière, et tournent de cette façon, accélérant leur marche et précipitant
leur chant, jusqu'à ce qu'ils arrivent à une espèce d'extase; leur visage
grave s'épanouit, leurs yeux brillent, leurs jambes vacillent, leur voix
s'éraille, et, exténués, à bout d'haleine, ils rompent à regret le cercle qui
les retient dans son sein comme s'il avait été tracé par un magicien.
Il me semble inutile de corriger (p. 10) awwalu-n-nâsi en awwalu
insânin, quand nous voyons Moténabbi se permettre une licence dans
le genre de kad%a-n-nâ$i et Abou'lala ne pas craindre de dire had\a-l-
wara (Chresth. ar. de Sacy, t. III, pp. 44 et 91). De même, il n'est pas
1 . M. B. de Meynard a eu tort de faire peser l'assassinat du vizir sur la conscience de
Muktadir (Pr. d'or, t. VIII, p, 272); il faut lire Qutila au passif, ce que j'infère des
paroles de Maçoudi plus haut (pp. 248-249), des versions citées par Loth dans sa
brochure (p. 29) et du récit d'Ibn Etthiqthaqa (v. El-Fachri, éd. Ahlwardt, p. 3 11),
qui emploie exactement la même tournure sans toutefois se ranger à l'opinion de
Maçoudi concernant l'avènement au trône d'Ibn ul-Mu'tazz.
2l6 RKVUK CRITIQUE
avéré qu'il faille (p. 18) écrire ala tara par élif, lam, élif en substituant
cet élif final au ya du ms. ; la correction pédante des grammairiens
l'exige, mais les anciens mss. hébraeo-arabes les plus corrects ont sou-
vent leya au lieu de l'élif, ce qui montre que, dès avant le xnie siècle, la
prononciation permettait une transmutation pareille. A mon sens, il
est fort intéressant de relever ces inexactitudes orthographiques, qui
peuvent jeter une grande lumière sur l'histoire des transformations suc-
cessives, par lesquelles a passé la langue arabe.
Une inadvertance du correcteur a laissé, à la p. 58, tomber le teshdid
du mot ^àdd, mordre (1. 7). Plus haut (5e 1.) le mot tashawwafat n'a pas
le sens que lui prête Loth : ce àngstlich emporschaute »; la liqueur géné-
reuse monte dans le bocal et paraît aux yeux des convives, comme une
femme, qui se montre dans ses plus beaux atours. L'expression (6e 1.)
watadayyaqat katadayyuqi-l-1, adorai n'a pas non plus, je crois, été
rendue avec une exactitude satisfaisante par l'expression « und Herzbe-
klemmung empfand wie die Braut »: si je ne me trompe, le poète a voulu
dire que le vin, versé par l'échanson, frappe les parois du verre et sem-
ble y chercher un refuge, comme une chaste jeune fille se soustrait aux
embrassements et se serre contre le mur dans sa timidité virginale. Loth
aurait aussi mieux fait de ne pas rendre lnluin raxbin (p. 56) par « von
frischen Perlen » ; ce n'est pas de la fraîcheur des perles qu'il s'agit, c'est
de leur éclat ; ne disons-nous pas une pierre de la plus belle eau ? Ibn
ul-Mu'tazz a en vue des perles de choix.
11 ne nous reste qu'à faire remarquer que la note (p. 55) sur dabbaqa
(dont le sens a été depuis recueilli par Lane dans son Dictionnaire) té-
moigne une fois de plus de l'injuste oubli, auquel le dictionnaire de
Biberstein-Kazimirski est condamné par les savants étrangers à la
France : dépouillé de tout appareil scientifique et privé, par là, d'un ca-
ractère de certitude absolue, il n'en est pas moins précieux à cause de sa
plénitude relative et de son format commode pour les recherches ; on
feint nonobstant d'en ignorer l'existence ; il faut espérer qu'on reconnaî-
tra un jour les services rendus par cet ouvrage, à la fois modeste et
utile.
En finissant, nous croyons de notre devoir de signaler les passages
des Prairies d'Or, où Maçoudi fait mention d" Abdallah Ibn ul-Mu'tazz :
II, p. 147, où nous assistons à une polémique entre lui et un poète
persan, au sujet de la préséance d'Isaac entre les enfants d'Abraham; il
semble ressortir du texte : « il composa cette qasidah du vivant de son
adversaire, or, celui-ci prolongea ses jours au-delà de l'an 3oo » — que
Maçoudi tient à faire mourir Ibn ul-Mu'tazz au commencement du
ivc siècle; autrement il aurait pu se contenter de la date du poème de
son antagoniste (290 de l'hégire). La traduction des 3 vers laisse, je
crois, quelque chose à désirer ; ne vaudrait-il pas mieux traduire ainsi
le 2ehémist. du 1" vers : « Quel est donc ce malheureux, dont on pou-
vait verseï le sang impunément? » la fin du 2e vers gagnerait en énergie,
V>HIJ»IX)lKh Kl DK LIlTKRAlUKfe. 217
si on le rendait de cette façon : a Et si vous êtes ses fils, eh bien !
quoi } ? »
VI, i33. 'Abd. Ibn al-Mu't. y est cité comme arbitre des convenan-
ces, et Maçoudi s'appuie sur deux de ses vers pour montrer comment
on doit se tenir en bonne compagnie.
VIII, 41. L'exil à la Mecque.
249-254. Renvoi à l'Histoire moyenne pour les faits relatifs à notre
poète. Puis vient une appréciation de son talent, qu'Ibn Khallikân n'a
fait que copier mot pour mot (v. Loth,p. 5i). Nous lisons ensuite
3o vers de la facture d'Ibn ul-Mu't. fort bien tournés et choisis dans des
poésies de genres divers, entre autres deux pièces de circonstance en
l'honneur du khalife Moutaded, qui peuvent servir d'illustration au
récit de Loth (p. 7 de son opuscule); un distique à l'adresse de la fa-
mille de Suleiman, qui fournit des variantes au texte adopté par Ibn
Etthiqthaqa dans son El Fachri (éd. Ahlw. p. 3o3, Loth Abd. J. ul-
M'ut., p. 6) : au lieu de « ils ont rabattu l'insolence delà fortune à mon
égard », Maçoudi lit « ils ont enseigné à la fortune à se bien comporter
envers moi » *; un extrait de l'ode à Ibn el Forât, à laquelle Loth fait
allusion dans la note 74, p. 26, et de laquelle on serait en droit de con-
clure qu'Ibn ul-Mu'tazz lui devait une certaine dose de reconnaissance.
VIII, 3io. Maçoudi, pour donner la mesure du talent d'un poète
qu'il estime, affirme qu'il n'est pas inférieur à Ibn ul-Mu'tazz.
392-394. Poème culinaire d'Ibn ul-Mu'tazz en i5 vers, qui servit de
menu au khalife Mostakrl.
IX, 47. Maçoudi donne à Mouktadir 21 ans de règne sans trouble et
fixe l'usurpation d'Ibn ul-Mu'tazz à l'an 3 16, après quoi il fait régner
Mouktadir jusqu'en 319 ;on peut, à la rigueur, faire concorder ces don-
nées avec la biographie d'Ibn el Forât, telle qu'elle est donnée par les
Prairies d'Or, t. VIII, p. 272, mais elles sont en contradiction flagrante
avec les autres sources; cf. Loth, pp. 29-37, et El-Fachri, pp. 3i2-3i3,
d'après lequel Ibn-el-Forat serait mort déjà en 3 12 3. Wallah 'a'iam.
David Gûnzburg.
188. Ilernlon und Artemblon, zwel Tempelbauten Ioniens ein Vor-
trag von Friedrich Hultsch. Berlin, Weidmann, 1881. 8°, 52 p. 1 mark 5o.
L'auteur de cette brochure en définit nettement le caractère : c'est une
simple exposition, une conférence écrite pour une solennité scolaire et
1. Il faut en dire autant du 6e vers du poète persan, p. 147, 1. 3.
2. Lisez humu sans waw (p. 252); p. 253, 3" v., corrigez : qad t^anndka 'id\a
djarëita, etc. ; 7e v. : muhakkamun.
3. L'alphabet latin étant fort mal adapté à la prononciation orientale, nous
avons préféré nous en tenir, quant à la transcription des noms propres, à l'ortho-
graphe des éditeurs de chaque ouvrage.
2l8 RKVUE CRITIQUH
pour un public, familiarisé sans doute avec l'antiquité, mais non savant.
Il s'agit seulement de faire connaître deux sanctuaires célèbres, celui de
Héra à Samos et celui d'Artémis à Ephèse et de montrer par quelle mé-
thode la science arrive à en restaurer le plan et l'aspect général.
M. H. commence par dire quelques mots de l'état actuel des ruines.
Celles de l'Héraion sont dans un état lamentable : une seule colonne
restée debout en signale l'emplacement. M. Hultsch rend justice aux
efforts de M. Paul Girard, qui en 187g, étant membre de l'école d'Athè-
nes, entreprit des fouilles au pied de cette colonne, mais dut malheureu-
sement s'arrêter, après quelques sondages, devant les revendications
exorbitantes et obstinées des propriétaires du terrain, dont les fonds mis
à sa disposition ne lui permettaient pas d'avoir raison. Il put cependant
reconnaître certains détails des fondations, marquer la place de quelques
colonnes et prendre plusieurs dimensions : si incomplètes que fussent
encore ces données, M. H. a pu en tirer parti.
L'Artemision d'Ephèseest mieux connu grâce aux descriptions plus ou
moins précises d'Hérodote, de Philon, de Pline, grâce aux fouilles pa-
tientes poursuivies par M. Wood de i863 à 1869, grâce enfin aux
relevés faits en 1871 par MM. Curtius et Adler.
Pour reconstituer dans leur ensemble l'Héraion et l'Artemision, il ne
suffit pas de coordonner ces divers renseignements. Le plan des temples
antiques était si savamment conçu, les rapports des différentes parties
avec le tout étaient si réguliers que, pour comprendre toute l'harmonie
de cette architecture, il est nécessaire de se faire une idée du système de
mesures employé par les Grecs. M. H. résume à ce propos les études
persévérantes par lesquelles il a réussi à retrouver les principes des
mesures antiques et en particulier des mesures grecques. On connaît la
compétence de l'auteur de la Métrologie grecque et latine. Appliquant
ces principes aux sanctuaires de Samos et d'Ephèse, il en explique le
plan, l'ordonnance générale, les proportions et termine par quelques
mots sur la décoration des temples grecs où la sculpture et la peinture
s'unissent à l'architecture pour en rehausser l'effet.
Il est toujours intéressant de voir ainsi un homme de science essayer
de faire connaître lui-même au public les résultats de ses recherches et
ne pas laisser ce soin à des vulgarisateurs souvent maladroits. A ce point
de vue, la brochure de M. H. mérite quelque attention. Elle est rapide-
ment écrite et d'une lecture facile. J'ajoute qu'elle est pour tout le
monde utile à consulter, grâce à la peine qu'a prise M. Hultsch d'y
joindre un excellent appendice, riche de faits, d'observations et de notes
bibliographiques. \
Jules Martha.
D HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 21 9
189. — Hermann, von C. M. Wieland. (Deutsche Litteraturdcnkmalc des
XVIII. Jahrhunderts, in Neudrucken hrsg. v. Bernhard Seuffert). Heilbronn,
Henninger. In-8°, xxx et 116 p. 1 mark 3o.
Lorsqu'il étudiait à l'Université de Tubingue, Wieland avait envoyé à
Bodmer un poème épique dont il était l'auteur et Arminius, le héros;
Bodmer le félicita, mais Wieland savait bien que son œuvre avait des
défauts ; il l'avait composée très vite; une foule de vers étaient négligés,
et même faux ; il y avait dans le poème un nombre incroyable de lon-
gueurs et de redites ; il eut le bon sens de mettre cet Hermann de côté
et n'y pensa plus ( i j5 1 ). Près de quatre ans après, il y revint pourtant ;
il se demandait comment un poète épique devait traiter le sujet d'Armi-
nius ; il reprit tout un passage de sa première élucubration et le remania
complètement. La même année (175 5) parut son « Ankundigung einer
Dunciade fur die Deutschen » où il se moquait de Gottsched et du
disciple chéri de Gottsched, Schônaich, l'auteur d'une épopée intitulée
« Hermann oder das befreite Deutschland », parue en iy5i quelques
mois après que Wieland avait envoyé son essai à Bodmer. A la suite de
cette Ankundigung, Wieland publiait une dissertation, sous forme de
conversation entre plusieurs amis, sur le plan d'une future épopée qui
célébrait, comme le poème de Schônaich, la victoire d'Armin sur les
Romains (de là le titre de cet appendice : Der verbesserte Hermann) ;
le plan exposé par Wieland diffère totalement du plan adopté par lui
dans le poème communiqué à Bodmer. On pouvait donc croire que
Wieland n'abandonnerait pas ce sujet qui lui tenait à cœur, qu'il allait
retoucher et refondre entièrement son premier travail, et que l'Allema-
gne posséderait enfin une épopée nationale, bien supérieure à celle de
Schônaich ; mais Wieland fut détourné par d'autres travaux, il laissa
son manuscrit dans les mains de Bodmer et ne le revit plus. Toutefois,
en 175 1 (i5 décembre), Bodmer avait déjà publié dans les Freimùtigen
Nachrichten de Zurich, avec force louanges, le début du poème et un pas-
sage sur l'amour d'Hermann pour Thusnelda. Mais l'épopée même de
Wieland n'a jamais paru, et l'on croyait même que l'auteur l'avait dé-
truite. Cependant le manuscrit existait encore ; Bodmer l'avait conservé
dans ses papiers qui sont aujourd'hui à la Bibliothèque de la ville, à Zurich.
M. Fr. Muncker, de Munich, reproduit ce manuscrit dans le volume
dont nous rendons compte et qui est le sixième de la collection des mo-
numents de la littérature allemande publiée par M. Seuffert; il donne
dans le texte la forme définitive que le jeune poète avait adoptée, et au
bas des pages les variantes, les termes et expressions corrigés par Wie-
land et qu'on peut encore lire sur le manuscrit; il conserve l'orthogra-
phe de l'auteur, quoique très indécise surtout dans les noms propres, et
la ponctuation quoique souvent superflue; enfin, il a fait précéder le
texte du poème des fragments déjà imprimés, soit par Bodmer, soit par
Wieland dans le verbesserte Hermann. L'introduction est digne de
grands éloges : elle renferme non-seulement l'histoire de cette épopée
220 REVUK CRITlQUfc
inédite de Wieland, dont les plus érudits connaissaient à peine le titre,
mais une fort bonne appréciation de l'œuvre, de ses défauts, de son
style, etc. ; M. Muncker montre que l'influence de Klopstock se fait
sentir en de nombreux passages, dans le vers comme dans les expres-
sions ; il indique les sources que Wieland a consultées et ses erreurs
historiques et géographiques ; il insiste sur les ressemblances avec
Lohenstein et prouve que Wieland a suivi de très près le romancier si-
lésien (Ier et IVe livre du Grossmutiger Feldherr Arminius) ; il marque
au passage les imitations de Virgile. — Le prochain volume, ou plutôt
les deux prochains volumes de la collection, renfermeront les « Annon-
ces savantes de Francfort », de l'année 1772.
A. G.
igo. — L'élection de Léopold Ier, d'après des documents inédits, par Th.
Juste. Bruxelles, Muquardt. 1882. In-8°.
Le nouveau livre de M. Juste est relatif aux négociations qui .eurent
lieu en avril et en mai i83i, entre Londres et Bruxelles, au sujet de la
candidature du prince Léopold de Saxe-Cobourg à la couronne de Bel-
gique. Quatre membres du congrès, H. de Brouckere, H. Vilain XIII,
F. de Mérode et l'abbé Defoere, auxquels se joignirent Jules Van Praet
et Devaux, ce dernier, comme membre du conseil des ministres, allèrent
s'aboucher avec le prince Leopold et plaider en même temps la cause de
la Belgique auprès des représentants de la France et de l'Angleterre à la
conférence. M. J. publie les rapports très étendus des commissaires bel-
ges, en y ajoutant quelques lettres particulières, diverses lettres de Jules
Van Praet et deux dépêches de Devaux. On saura gré à M. J. d'avoir
recueilli et mis à la portée de tous ces documents inédits qui sont de
grand intérêt; on lui reprochera, par contre, de ne pas indiquer l'origine
de ces documents, l'endroit où l'on peut les retrouver. En lisant
ces dépèches et lettres que publie M. Juste, on est frappé du ton
plein de dignité ferme et d'élévation que les représentants de la Belgique
prenaient dans la conférence ; ces commissaires, sans expérience politi-
que, parlant au nom d'un état à peine formé et que menaçaient les en-
nemis de l'intérieur et de l'extérieur, avaient foi dans la justice de leur
cause et dans l'énergie du sentiment national.
191. — Edme Champion. Philosophie de l'histoire de France. Paris, Char-
pentier. In-8°, 3o5 p. 3 fr. 5o.
M. Champion s'est proposé, dans cet ouvrage, de dire « quelles ré-
flexions Jui suggèrent les annales de son pays relues à la lueur d'un jour
nouveau » ; il tâche de « dégager de la masse confuse des faits les points
J HISTOIKK KT L»K LITTÉKATURR 221
saillants, les traits qui lui paraissent essentiels et caractéristiques » (p. 2).
Ce n'est donc pas un livre d'e'rudition que nous avons là; l'ouvrage de
M. C. est une suite de considérations et de raisonnements. L'auteur est
républicain ; il a, dit-il, dans la mesure de ses forces, lutté dans l'ombre
pour préparer l'avènement du régime actuel et il écrit maintenant au
milieu des dangers de la victoire (p. 3). Il aurait voulu que la royauté
fût abolie par la Constituante ; ce qui aurait évité le massacre du Champ-
dé-Mars et les journées du 20 juin et du 10 août ; il n'excuse pas cette
assemblée de n'avoir pas déposé Louis XVI à la fin de juin 179 1 (p. 3oo).
Il est entièrement hostile à l'Eglise; il pense qu'il faut revenir aujour-
d'hui « au jugement de Voltaire et des contemporains mieux informés
et plus judicieux qu'on ne croit » (p. 1 53) ; dans un chapitre sur les hé-
résies et les persécutions au moyen âge, il s'élève contre « le despotisme
pieux » plus féroce et plus énervant que le despotisme odieux des Cé-
sars, qui, « au nom de la divinité, s'en allait fouiller dans les conscien-
ces et poursuivait à tout prix le triomphe d'un dogme incompréhensi-
ble » (p. 139). Toutefois, il est tolérant; il pense avec Voltaire qu'il
doit être permis de prier Dieu à sa mode comme de manger selon son
goût, et que la conscience, comme l'estomac, doit avoir une liberté en-
tière; « observez ce précepte en 89 , plus de constitution civile du clergé,
pas de prêtres assermentés, pas de consciences froissées ; la résistance
change aussitôt de caractère ; la guerre de Vendée, en admettant qu'il y
aurait eu une Vendée, n'était plus la guerre religieuse que nous connais-
sons » (p. 290). Les meilleurs chapitres de l'ouvrage sont consacrés à la
Réforme, à l'établissement du pouvoir absolu, à Louis XIV, à la prépa-
ration du xviue siècle. On aura peine à croire que Louis XIV était, comme
ledit M. C, dégagé des passions religieuses; en tout cas, on ne peut
tirer cette conclusion des « excellentes relations » de ce prince avec Ge-
nève, et « qui font penser à celles de François Ier avec les protestants
d'Allemagne » (p. 267). En résumé, le volume de M. Champion ren-
ferme des vues intéressantes; c'est l'œuvre d'un homme à l'esprit vif et
pénétrant, qui a beaucoup lu, beaucoup retenu et qui sait tirer des faits
les idées qu'ils renferment ; le style est presque toujours sain, agréable
et rapide.
VARIÉTÉS
B.'li inêi'ati-e de Théodoslns.
Dans un des derniers numéros de la Revue critique (24 avril 1882),
M. Molinier a parlé de l'édition du De situ Terrae Sanctae, qu'a donnée
récemment M, le Dr Gildemeister. Sans entrer dans la discussion qui s'est
élevée entre ces deux savants au sujet de cet opuscule, je voudrais sou-
2 22 hkvuk CRITIQlih
mettre au jugement des hommes compétents quelques observations qui
m'ont été suggérées par la lecture de l'itinéraire de Théodose.
Je ne vois pas pourquoi le savant professeur de Bonn veut reconnaître
sous le nom de Ramusa (p. 3o) la ville de Dagusa, Dacusa ou Dascusa
(v. p. 29) ; bien loin d'être inconnue, la ville de Ramusa se trouvait dans
le district d'Alep, à peu de distance de Kinesryn, suivant le témoignage
du géographe arabe Yakut, et l'on peut trouver quelques renseignements
à ce sujet dans la Chr. ar. de Sacy III, p. 1 1, 56, 5j,
M. Molinier a déjà émis son opinion sur le peu de valeur que présente
l'hypothèse de M. G. , touchant la patrie de notre Théodose :1a désignation
de l'arianisme par « religio Wandalorum » lui semble, à bon droit, une
raison peu concluante pour faire de Théodose un Africain (cf. De situ,
p. 23). S'il m'était permis de hasarder une conjecture, je serais plutôt in-
cliné à attribuer à notre auteur une origine arménienne. En effet, il est
assez curieux que, dans les quelques pages de son petit traité, il ait trouvé
moyen de citer par trois fois l'Arménie : p. 22, « inde jam est Arme-
nia » ; p. 23, « de monte Armeniae exeunt flumina duo »; p. 27, « in
sinistra Armenia prima et secunda Armenia et Persarmenia, quae Ar-
meniae sub imperatore sunt ». On voit qu'il s'en occupe spécialement.
De plus, à la p. 3o, nous rencontrons encore l'Arménien Abgar, dont
l'histoire a été conservée par Eusèbe et amplifiée d'après les sources ar-
méniennes par Moïse de Khorène.
A la p., 22, M. G. suppose que Théodose a mis Cherson en Asie-Mi-
neure. Est-ce parce qu'il parle tout de suite après de Sinope (de Chersona
usque in Sinope) ? Mais le patriarche des chroniqueurs russes qui, lui,
connaissait bien la position de Korsun (transcription russe du nom de
Cherson), n'en agit pas autrement : « André, qui enseignait à -Sinope,
étant arrivé à Korsun, apprit que l'embouchure du Dniepr n'en était pas
éloignée, etc. » (Lietopis' po Lawrentiewskiemu spisku, Saint-Péters-
bourg, 1872, p. 7).
M. G. renvoie, à ce propos, le lecteur aux Actes apocryphes des Apô-
tres, édités par Tischendorff (Leipzig, i85 j). Mais dans les Actes des
saints André et Mathieu il n'est question que d'anthropophages sans
indication de lieu; plus loin, dans les Actes de Mathieu, la ville des
anthropophages où ce dernier reçut le martyr s'appelle Myrne [Acta ap.
Ap., pp. 173 et 189). En comparant ce qui est dit à la p. 1 5 r avec le
récit de la p. 166, on est amené à croire que l'auteur ou le rédacteur de
ces Actes apocryphes identifiait dans sa pensée l'endroit où Mathieu avait
été délivré par André et l'endroit où il confessa plus tard la foi. Quant à
Théodose, il ne songe pas à Myrne : « De Chersona usque in Sinope, ubi
dominus Andréas liberavit dominum Matthaeum evangelistam de car-
cere. » Usait seulement que les habitants de cette Sinope étaient jadis
anthropophages et avaient dans la suite changé de mœurs, si bien que
« ut ad stratas sedeant peregrinis suscipiendis ».
Or, Strabon savait par ouï-dire que les Scythes se nourrissaient de
d'histoire et DE LITTÉRATURE 223
chair humaine [Géogr., i. IV, ch. vi, éd. Didot, p. 167: 1. VII, ch. in,
p. 248), du moins, ceux qui habitaient le littoral du Pont-Euxin (cf.
la légende d'Iphigénie). Quoiqu'il en soit, Théodose avait en vue une
ville de la Crimée ou du Caucase occidental, où l'existence de l'anthro-
pophagie est attestée par le témoignage des annales géorgiennes, des
chroniques arméniennes, et des auteurs qui ont fourni à Wakhoucht
les matériaux de son travail '. Saint André a visité le Caucase, à en croire
les traditions indigènes, qui le font voyager à Atsqour et Pitzounda 2.
En outre, Théodose prétend que Sinope se nommait autrefois Myrmi-
ciona, qu'il est difficile de ne pas rapprocher de Myrmikion (prononcia-
tion byzantine), de Strabon et des autres géographes grecs, qui s'avançait
sur le Bosphore Cimmérien, et dont les ruines ont été reconnues par
Dubois de Montpéreux, lors de son voyage autour du Caucase (t. V,
pp. 36, io5, 137, 145, 23i; t. VI, p. 166). Du reste, Théodose n'a pas
l'air de faire erreur et semble plutôt indiquer une autre Sinope que la
colonie de Milet : « Quae Sinope illo tempore Myrmiciona dicebatur » ;
par conséquent, c'est une ville qui peut tout au plus être cherchée en
Crimée, près de Kercz, ou sur le littoral opposé.
Il n'y a rien qui doive nous effaroucher dans les mots : « inde jam est
Armenia », ou, selon une autre leçon : « via decurrit in Armeniam. »
Strabon mettait en Arménie les sources du Kour et les défilés de l'Aragwa
(1. XI, ch. m, p. 429). Dimichqi place même Tiflis dans la deuxième
Arménie {Cosmographie, éd. Mehren, Saint-Pétersbourg, p. 189).
D'ailleurs les nations caucasiennes reconnaissent entre elles une certaine
communauté d'origine et se prétendent issues des frères cadets de Haïe,
père des Arméniens ; les nations kartweliennes n'hésitent pas à affirmer
que leur langue maternelle a été l'arménien jusqu'au temps où la fusion
d'idiomes divers produisit la langue géorgienne {Hist. de la Géorgie,
par Brosset). Il n'y a donc pas lieu de s'étonner si Théodose recule aussi
loin les frontières de l'Arménie, surtout si, comme je le crois, il était de
ce pays dont les natifs se distinguent par un patriotisme excessif. Dans
ce cas, la réputation d'hospitalité qu'il fait aux arrière-neveux des an-
thropophages n'est pas déplacée, car il n'y a certes pas de peuple qui
puisse se vanter d'être plus hospitalier que les habitants du Caucase.
David Gûnzburg.
t. Voy. Histoire de la Géorgie, par Brosset, t. I de la ire partie, et la chron. armén.
place'e en tête des Addit. et Eclaire. Voy. encore Géogr. de la Géorgie, par le Tsa-
révitch Wakhoucht, éd. par Brosset, p. 9.
2. Hist. de la Géogr., ire partie, t. 1, pp. 57 et 60 ; Dubois de Montpéreux, Voy. au-
tour du Caucase, t. II, p. 335.
224 RKVUB CRITIQUE
CHRONIQUE
FRANCE. — M. le comte de Charencey va publier à la librairie Ern. Leroux des
Mélanges de philologie et de paléographie américaines ; ce volume se compose de
mémoires détachés et ayant paru à des époques diverses, mais se rapportant tous à
un seul et même sujet, la linguistique américaine et spécialement celle de la Nouvelle
Espagne. Plusieurs des ouvrages consultés par M. de Charencey sont restés manus-
crits et lui ont été communiqués par l'abbé Brasseur, de Bourbourg. Le livre se ter-
minera par un exposé des recherches de l'auteur sur le déchiffrement des écritures
dites calculiformes et propres au Yucatan et aux contrées avoisinantes.
— L'auteur de la Ville et du Village sous l'ancien régime, M. Albert Babeau, pu-
bliera, avant la fin de l'année, un ouvrage sur la Vie rurale dans V ancienne France,
— Dans une brochure de 5o pages (Lons-le-Saulnier, Declume. In-8°), notre colla-
borateur M. Ulysse Robert publie VEtat des monastères franc-comtois de l'ordre de
Cluny aux xinc-xve siècles ; les textes latins qu'il nous donne sont des procès-ver-
baux de visites, tirés d'un volume de la Bibliothèque nationale (coll. de Bourgogne,
tome LXXXII) ; ils ne témoignent guère en faveur des mœurs des clunistes dans les
monastères de la Franche-Comté. M. U. Robert souhaite de voir prochainement
réunir et publier tous les procès-verbaux de même sorte qui sont relatifs aux prieu-
rés français de l'ordre de Cluny. Nous nous associons à ce souhait.
— Les éditeurs Féchoz et Letouzey, de Paris (5, rue des Saints-Pères) préparent
pour le « Dictionnaire des anonymes, » de Barbier et les « Supercheries littéraires
dévoilées » de Quérard : I. Des additions et corrections qu'on pourra ajouter à la fin
de chaque tome; IL Un Supplément en deux volumes; III. une Table générale. Ils
font appel au concours de tous les bibliophiles et les prient de les aider par leurs in-
formations dans la tâche qu'ils ont entreprise et que nous leur souhaitons de mener
à bonne fin.
— Une nouvelle édition du Glossarium de Du Cange, reproduisant la dernière
édition donnée par la maison Didot avec les notes de Henschel, paraîtra chez l'édi-
teur de Niort, L. Favre; elle comprendra dix volumes qui seront publiés en cent
fascicules.
— La i" livraison du tome premier de Y Histoire générale de la province de Quercy
de G. Lacoste, publiée par les soins de MM. L. Combarieu et F. Cangardel, archiviste
bibliothécaire, a paru à Cahors, chez Girma (In-8°, p. i à 40.) L'ouvrage formera
huit volumes de 5oo pages chacun, paraissant en livraisons mensuelles pendant les
années 1882, t883, 1884. Son prix sera de 18 francs, payables : 6 fr. par an. Les
exemplaires de souscription sont tirés sur papier vergé teinté.
— Deux volumes nouveaux des Mémoires-journaux de Pierre de l'Estoile, le vo-
lume IX et le volume X, ont paru récemment à la Librairie des bibliophiles (In-8%
438 et 427 pp.); ils comprennent la fin du Journal de Henri IV, de 1607 a 1610 ;
le tome X est consacré presque entièrement à l'assassinat du Béarnais.
— Dans la notice intitulée Quelques sculptures de la collection du cardinal de Ri-
chelieu, aujourd'hui au musée du Louvre (Champion, in-8, 16 p.), et qui a été pré-
sentée à l'Académie des Inscriptions par M. L. Delisle (séance du 28 juillet), M. L.
Courajod détermine l'origine et examine la valeur critique de quatre des bustes les
plus importants de nos collections : Jean de Bologne, Henri II, Charles IX et Henri III,
qui ont fait partie de la galerie du cardinal. M. Courajod considère comme moderne
la tête de Charles IX, qui a néanmoins depuis longtemps les préférences du public.
0HIS1O1RKKÏ DK UTTKKATUKh 225
— Le 3e fascicule de la Revue d'histoire nobiliaire et d'archéologie héraldique ren-
ferme des lettres inédites de Henri IV à son gentilhomme ordinaire Julien de Beau-
repaire, sieur de Pierrefitte et gouverneur de Saint-Maixent; ces lettres, qui vont de
i588 à i5go, sont publiées par le directeur du recueil, M. L. Sandret.
— Le second volume des Mémoires sur la vie publique et privée de Claude Pellot,
conseiller maître des requêtes, intendant et premier président du Parlement de Nor-
mandie (16 ig-i683), publiés par M.. E. O'Reilly, conseiller à la cour d'appel de
Rouen (Rouen, Cagniard; Paris, Champion. In-8°, 753 pp.) a paru; comme nous
l'avions constaté, en parlant ici même du premier volume, ce livre donne de très
instructifs renseignements sur l'administration et la justice en France au xvn" siècle ;
Claude Pellot fut l'ami et le confident de Colbert, son parent par alliance, et c'est des
lettres inédites de Pellot au grand ministre et au chancelier Séguier que M. 0*Reilly
a tiré les matériaux de sa publication.
— Dans le cahier de juin du Journal des savants (pp. 363-37o), M. Gaston Bois-
sier parle du volume récemment publié par M. Aug. Louis Ménard, sous le titre
d' Œuvres inédites de Bossuet. Le cours royal complet sur Juvenal. M. Boissier pense
qu' « il suffit de parcourir le manuscrit de M. Ménard à certains endroits, pour qu'il
soit impossible de croire qu'il puisse être la reproduction exacte des paroles de Bos-
suet à son élève. Ce n'est pas ainsi que Bossuet formait le cœur et l'esprit du Dau-
phin ». Il y a d'ailleurs dans le manuscrit des contre-sens « qu'il est bien difficile
et très peu respectueux d'attribuer à Bossuet », et quant aux vers de la dixième sa-
tire sur Annibal, dont la traduction paraît à M. Ménard le morceau le plus parfait de
la langue française, « est-il possible d'attribuer à Bossuet de pareilles platitudes? »
(Cp. Revue critique, n° 7, art. 43).
— Le premier volume d'une Bibliographie des œuvres de Voltaire vient d'être
publié par M. Georges Bengesco.
— M. Léon Séché prépare un ouvrage où il se propose de raconterai' Histoire du
jansénisme depuis la Révolution jusqu'à nos jours. L'introduction de cet ouvrage a
paru dans la Paix (n°* des 18 et 19 août) sous le titre « Les derniers jansénistes »;
cette étude montre, dit l'auteur, par des exemples tirés de nos jours, combien les
grandes idées sont lentes à mourir une fois qu'elles sont entrées dans le cœur des
femmes.
— Parmi les nouvelles éditions de classiques français qu'ont fait éclore les nou-
veaux programmes, nous signalons volontiers la bonne édition du Cinna de Cor-
neille, récemment publiée chez Delagrave par M. Félix Hémon, professeur au lycée
de Brest, lauréat de l'Académie française. Le texte est éclairé par d'utiles et solides
réflexions soit littéraires, soit grammaticales; M. Hémon a « puisé à pleines
mains » dans le Lexique de M. Marty-Laveaux et surtout dans le dictionnaire de
Littré; l'introduction, d'un style élégant et aisé, renferme une histoire de la pièce,
une étude des caractères, quelques pages fort intéressantes sur la façon dont Cor-
neille a modifié les données de l'histoire, une notice sur la trop fameuse épître à
Montoron. On ne peut que souhaiter de voir se multiplier des éditions de ce genre,
qui, sans tomber dans le détail superflu, sont destinées par de savantes et ingé-
nieuses notices, par un commentaire explicatif nourri, à donner à la jeunesse de
nos écoles la véritable intelligence de nos grands écrivains.
— M. le comte Th. de Puymaigre a commencé dans le Contemporain la publica-
tion des Souvenirs de son père, le comte Alexandre de Puymaigre (1 789-1833);
nous comptons que ces souvenirs paraîtront réunis en un volume.
— L'ouvrage, couronné par la Société archéologique de l'Orléanais, de Mlle A. de
Foulques de Villaret, sur Y Instruction primaire avant 178 g à Orléans et dans
22Ô RBVOh CRITIQOK
les communes de V arrondissement , d'après des documents inédits, comprend deux
parties : I. l'étude des établissements d'instruction qui existaient dans les vingt pa-
roisses de la ville d'Orléans et les cinq paroisses de sa banlieue (avec une repro-
duction d'un plan de la cité, datant de 1704). II. l'étude des écoles rurales (avec
une carte scolaire de l'arrondissement d'Orléans). Le travail de Mu* de Villaret
est accompagné de vingt pièces justificatives.
— Le combat du cap Ortegal, livré un mois après la bataille de Trafalgar (4 no-
vembre i8o5) par la flotte hispano-française à la flotte anglaise, fut à la fois fu-
neste et glorieux pour nos armes; le commodore sir John Stracham écrivait aux
lords de l'Amirauté que les Français avaient combattu d'une manière admirable et
ne s'étaient rendus que lorsqu'il était absolument impossible de manœuvrer leurs
vaisseaux. M. GemjEhling a trouvé dans ses papiers de famille le récit détaillé de ce
combat naval; c'est une lettre écrite par son père le Ier décembre, de la cale d'un
ponton anglais, à Plymouth; le père de M. Gemsehling, embarqué sur le Duguay-
Trouin et qui avait déjà pris part à la bataille de Trafalgar, fut un des héros de la
malheureuse quoique honorable affaire du cap Ortegal. M. Gemaehling fils a repro-
duit le récit de son père, après en avoir contrôlé l'exactitude par une comparaison
avec les rapports officiels déposés aux Archives du ministère de la marine {Combat
du cap Ortegal, \3 brumaire an xiv [4 novembre i8o5], épilogue de la bataille
de Trafalgar. Chaix. In-8°, 25 p. et 10 planches).
— La librairie Hachette vient de publier sous le titre De Paris au Tibet les notes
de voyage de Francis Garnier, le jeune explorateur et conquérant qui prit Hanoï et
s'empara, dans une expédition presque fabuleuse, de tout le bas Tonkin en moins
d'un mois. Ces notes avaient paru, sous le même titre, dans le journal le Temps,
du 3o juillet 1873 au i3 mars 1874; elles comprennent quatre parties : De Paris à
Shang-Haï (pp. 1-57); De Shang-Haï à Hankéou (pp. bg-83); De Shang-Hai à
Pékin (pp. 85-155); Une excursion de trois mois au centre, de la Chine (pp. 157-286).
On a joint à ces notes un mémoire adressé par Francis Garnier à la société de géo-
graphie de Paris sur un Voyage dans la Chine centrale (vallée du Yang-T^u),
pp. 289-361, et une étude, publiée pour la première fois dans le n° du g octobre
1875 de la « Revue scientifique » sur Le rôle de la France dans V extrême Orient
en Chine et en Indo-Chine (pp. 365~4i6). Le volume est précédé d'une notice sur
Francis Garnier (pp. i-xxxv) ; cette notice est due à M. Léon Garnier qui annonce
l'intention de faire paraître prochainement une étude complète et très développée
sur la vie et les travaux du regretté lieutenant de vaisseau ; telle qu'elle est, on la lira
avec intérêt, aussi bien que les impressions de voyage de Garnier dans ce monde
oriental, dont — disait-il dans une lettre à M. Hébrard, — nous avons tenu jadis les
destinées entre nos mains et où il dépend de nous de reprendre, Dieu aidant, une
situation digne de la France. Garnier voudrait remplacer, s'il était possible, l'écriture
hiéroglyphique des Chinois par les caractères latins; le temps que les Célestes em-
ploient à n'apprendre qu'à lire imparfaitement serait gagné pour une foule de no-
tions qui leur feraient voir le monde sous un jour tout nouveau et leur montreraient
l'importance des relations avec les autres peuples; aucune révolution, sauf celle que
l'imprimerie a opérée au xvie siècle, ne serait comparable à celle-là. Garnier reconnaît
le bien considérable que font les missions catholiques; mais il ne croit pas à la
conversion des Chinois, parce que le Chinois n'a pas le sentiment religieux et n'est
accessible qu'aux considérations d'intérêt matériel; il pense que les missionnaires
ne domineront les populations chinoises que par leur supériorité scientifique. Les
missionnaires, dit-il (p. 397), arrivent, armés d'un grand savoir théologique, mais
ignorant l'histoire et les moeurs des peuples qu'ils vont évangéliser; ils sont à peine
d'histoire et de littérature 227
plus avancés en physique, en chimie, en cosmographie, en hygiène que les Chinois
eux-mêmes ; absolument isolés, manquant de livres, ne recevant que les « Annales
de la propagation de la foi » qui racontent leurs travaux, ils se chinoisent au bout
de quinze ou vingt ans. Garnier propose de créer à Pékin et à Shang-Haï deux
collèges où les jeunes missionnaires trouveraient tous les moyens d'étude aujourd'hui
connus. Mais il exige des missions le respect absolu des lois et coutumes chinoises;
la meilleure politique de la France à l'égard de la Chine, c'est de maintenir et d'a-
méliorer les traités existants. On remarquera encore ce que dit Garnier de la création
d'un corps de traducteurs interprètes, et de l'admission si désirable d'un grand
nombre de Français dans les administrations générales de la Chine. En attendant,
il faut mettre en relation directe la Cochinchine et le Céleste Empire par le grand
fleuve du Tonkin, le Song-Coï qui descend de la province la plus méridionale de la
Chine, le Yun-nan.
— M. Dareste de la Chavanne (Antoine-Elisabeth-Cléophas), né à Paris le 25 oc-
tobre 1820, est mort à Lucenay-les-Aix, dans la Nièvre, le 6 août. Professeur d'his-
toire aux lycées de Versailles et de Rennes, puis au collège Stanislas, puis aux
facultés de Grenoble et de Lyon, recteur de l'Académie de Nancy (1872), puis de
celle de Lyon (1878), mis en disponibilité par décret du 8 décembre 1878, M. Da-
reste de la Chavanne était l'auteur des ouvrages suivants : Eloge de Turgot (1846 ;
Histoire de l'administration en F-ance depuis Philippe-Auguste (1848); Histoire
des classes agricoles depuis saint Louis jusqu'à Louis XVI (i853); Histoire de
France depuis ses origines jusqu'à nos jours (1865-1873, t. I-VIII) qui valut à son
auteur le grand prix Gobert en 1868. Il était, depuis 187g, correspondant de l'Aca-
démie des sciences morales et politiques.
— Le général Ducrot, qui vient de mourir, avait publié La journée de Sedan (1871);
De l'état-major et des différentes armes (même année); La vérité sur l'Algérie
(même année) ; Quelques observations sur le système de défense de la France (même
année); Guerre des frontières, Wissembourg , réponse à l'état-major allemand
(1873); La défense de Paris (1875-78, en quatre vols.).
— On trouvera dans le Polybiblion d'août (pp. 166-168) la liste complète des pu-
blications du P. Jean-Xavier Gagarin, né à Moscou le Ier août 18 14 et mort à Paris
le 19 juillet de cette année. Secrétaire d'ambassade à Munich et à Paris — il connut
dans cette dernière ville U.™ Swetchine et le P. de Ravignan — il entra en 1841
dans la Compagnie de Jésus, fit son noviciat à Saint-Acheul, professa à Brugelette,
à Vaugirard, etc. Nous relevons parmi ses ouvrages les suivants : Les jésuites de
Russie, 1772-1785, et Religion et moeurs des Russes, anecdotes recueillies par le
comte Joseph de Maistre et le P. Grivel (Ier vol. de la Bibliothèque slave elzévi-
rienne éditée par Ern. Leroux).
— Notre collaborateur M. Charles Joret, professeur à la Faculté des lettres d'Aix,
a été chargé d'une mission ethnographique en Danemark et en Norwège.
— Une thèse française récemment soutenue devant la Faculté des lettres de Ren-
nes par M. l'abbé Poulain a pour titre : Duguay- Trouin et Saint-Malo, la cité
corsaire.
— Les travaux de sculpture nécessaires pour la restauration de la salle du Jeu de
paume à Versailles sont en bonne voie; M. L. Olivier Merson a été chargé de faire
le tableau représentant, d'après David , la scène fameuse du Serment; la salle restaurée
pourra être inaugurée le 20 juin 1 883.
— L'agrandissement de la bibliothèque Carnavalet, projeté depuis longtemps, en-
trera bientôt en voie d'exécution ; il consistera en un corps de bâtiment allant dç
228 RKVUK f.U ITtQtftk »
l'aile où est située la salle de lecture publique à la partie de l'édifice connue sous le
nom de l'hôtel des Drapiers. Cette annexe comprendra, au rez-de-chaussée, une con-
tinuation des pierres tombales, inscriptions ou autres se rattachant à l'histoire de
Paris; au premier étage, une galerie de tableaux et de gravures du vieux Paris, qui
encombrent en ce moment les salles de numismatique. Ces dernières salles seront
mises en communication avec les autres parties du musée et ne seront ouvertes au
public que le dimanche. Le musée Carnavalet s'enrichit, d'ailleurs, de nouveaux do-
cuments. On a placé dans l'escalier qui conduit à la bibliothèque un immense plan
de Paris, commencé en 1704 et achevé en 1749 (levé et dessiné par Louis Bretez,
gravé par Claude Lucas et écrit par Aubin). La galerie consacrée à l'époque révolu-
tionnaire renferme deux statuettes d'un artiste contemporain de cette période -. Apol-
lon républicain, écrasant le fanatisme et l'ignorance; Jupiter républicain foudroyant
la tyrannie. Signalons encore douze vues du cours de la Seine, signées du peintre
Raguenet, et une esquisse peinte représentant l'apothéose de Marat et qui est attribuée
au peintre David.
ALLEMAGNE.— M. J. Dielitz publie à la librairie Starke, de Gœrlitz, le premier
fascicule d'un Dictionnaire alphabétique des devises, cris de guerre, etc., du moyen
âge et des temps modernes (Die Wahl-und Denkspriiche, Feldgeschreie, Losungen,
Schlacht-und Volksrufe besonders des Mittelalters und der Neuçeit, gesammelt,
alphabetisch geordnet und erlœutert. In-40, 48 p., 2 mark 40). L'ouvrage compren-
dra dix livraisons, 480 pages en tout.
— Nous traduisons, à titre de curiosité, le compte-rendu du Deutsches Litteratur-
blatt (n° 21, 19 août 1882) sur un opuscule de M. van Santen consacré à Wolfram
d'Eschenbach; l'auteur de l'article, M. Henri Keck, directeur du Litteraturblatt, s'ex-
prime ainsi : « Depuis les jours des romantiques les histoires de la littérature répè-
tent toujours l'excessive louange de Wolfram et surtout de son P arrivai. L'auteur de
ce livre, M. Van Santen, prétend, à notre avis, avec la plus entière raison, que
Wolfram a été plutôt un traducteur qu'un poète original, et que dans ses vues mo-
rales il ne s'élève nullement au-dessus de la frivolité welche de son époque. Nous
saluons cet écrit avec joie, parce qu'il contribuera à décider la question, si la jeunesse
de nos établissements d'instruction doit être introduite dans cette littérature du
moyen âge qui, même en ses plus brillantes créations, respire, non l'esprit allemand,
mais l'esprit welche, et par là cause un grand dommage au point de vue non seule-
ment esthétique mais moral. »
— La Gegenwart a publié (numéros 3o et 32) des extraits de lettres inédites d'A-
lexandre de Humboldt à son ami W. G. Wegener; ces lettres sont datées de Berlin
et deGœttingue où Alex, de Humboldt suivit les cours de l'Université (1788-1790);
on y remarque déjà le savoir étendu et presque universel de Humboldt, des obser-
vations profondes sur la botanique, une foule de détails sur la philologie ancienne,
des portraits du monde universitaire de Francfort sur l'Oder et de Gœttingue, des es-
quisses intéressantes de la société de Berlin.
— La librairie Langenscheidt de Berlin a publié une treizième édition de l'excel-
lent Dictionnaire des principales difficultés de la langue allemande de M. Daniel San-
ders dont la Revue êritique a rendu compte en son temps. Cette nouvelle édition
diffère surtout de la précédente par l'addition d'un Index complémentaire très dé-
taillé et qui rendra les recherches plus faciles.
— M. R. M. Werner doit publier prochainement la Correspondance de Nicolai et
de Hamann.
— Au i«r octobre YAllgemeine Zeitung aura quitté Augsbourg et se publiera désor-
mais à Munich.
D'HiSTOIKK Kl DK LITTÉRATURE 229
ANGLETERRE. — M. Max Mûller doit publier, en un volume, les conférences
qu'il a faites récemment à Cambridge, ainsi qu'une nouvelle édition de ses Hibbert
Lectures et de son Introduction lo the science of religion.
— Trois volumes nouveaux de la collection des « Sacred books of the east », diri-
gée par M. Max Mûller, sont annoncés pour paraître prochainement : I. La seconde
partie des « Sacred laws of Aryans », renfermant le Vasishtha et le Baudhâyana,
p. p. G. Bûhler; II. La seconde partie des « Pahlavi Texts », renfermant le Dâ-
ôistdni Dînîk et les « Epistles of Mànûskihar, p. p. E. W. West ; III. La seconde partie
des « Pâli Texts », conclusion du Mahdvagga et partie du Kullavaga, p. p. Rhys
Davids et Oldenberg.
— La « Clarendon Press « doit publier bientôt un ouvrage de M. Monro, Gram-
mar ofthe homeric dialect.
— Sous le titre de Spinoza Essays paraîtra à la librairie Williams et Norgate, un
volume renfermant des études de MM. Land, Van Vloten et Kuno Fischer, traduites,
sous la direction de M. Knight, par M. Menzies, du hollandais, et par Miss F.
Schmidt, de l'allemand.
— M. Mac Crindle publie d'abord dans YIndian Antiquary, puis à part, une série
de petits volumes sur l'Inde ancienne ; c'est ainsi qu'il a fait paraître en 1877,
YAnciènt India as described by Megasthenes and Arrian, et en 1879 c The commerce
and navigation of the Erythraean Sea », avec un appendice a Arrian' s account of
the voyage of Nearkhos ». Un troisième volume a paru sous le titre « Ancient India
as described by Ktesias the Knidian ».
ITALIE. — M. C. Paoli nous envoie un article, tiré à part de 1' « Archivio storico
italiano » et consacré à la mémoire de M. Ch. Fréd. Stumpf-Brentano et de notre re-
gretté Charles Graux ; m una giovine e rigogliosa vita s' e spenta in Carlo Graux. La
morte l'a a colto non ancora trentenne, nell' età ch' è più lieta di speranza e di la-
voro, e ch' egli aveva già cosi bene impiegata, da lasciare dopo di se, nella scuola e
nella scienza, frutti non dimenticabili d'operosità di dottrina e d' ingegno grandis-
sime. Io conobbi il Graux fugacemente in Firenze, e ho ancora viva nella memoria
quella sua fisonomia intelligente ed aperta e la squisitezza dei suoi modi... Di lui
sertsse la Revue critique le seguenti nobili e degne parole, colle quali mi par bene
di chiudere questo brève ricordo :La Francia in Carlo Graux ha perduto non sola-
mente un sommo scienziato, ma un riformatore e ordinatore efficace délia sua cul-
tura superiore; morendo a ventinove anni, egli ha lasciato un vuoto che non sarà
facilmente riempito ».
— Dans un mémoire extrait du journal musical Boccherini et intitulé « Pourquoj
les Grecs anciens n'ont-ils pas fait de progrès en harmonie » {Perche i Greci anti-
chi non progredirono nell' armonia. Florence, Guidi. In-8°, 71 p.), M. Baldassare
Gamucgi a fait sur cette difficile question d'utiles et ingénieuses remarques; il in-
siste particulièrement sur les rapports intimes de la musique grecque avec la danse,
et la définit comme imitative et analytique, par opposition à la musique moderne
qui serait expressive et synthétique; la conclusion du mémoire de M. B. Gamucci,
c'est que « la musique des Grecs était en substance l'imitation artistique des inflexions
de la voix et des mouvements rythmiques exprimant matériellement les diverses
émotions de l'âme. »
— La correspondance de Gino-Capponi doit prochainement paraître à Florence,
chez Le Monnier, par les soins de MM. Carraresi et Guasti.
— D'après certains journaux, la municipalité de Rome a décidé de rappeler par
une plaque commémorative en marbre que Michel Montaigne a habité l'auberge
delV Orso; une inscription sera gravée. sur cette plaque; en voici la traduction :
2 3o
RKVUE CKITIQUE
« s. p. q. r. Dans cette ancienne auberge dell'Orso demeurait en l'an i58i le mora-
liste français Michel Montaigne, auteur du livre des sages, qui a beaucoup contribué
au progrès de la philosophie. Le Sénat de Rome lui avait conféré le droit de citoyen
romain. »
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 1 1 août 1882.
M. Hussenet, médecin aide-major, écrit de l'île de Djerba : « Les fouilles exécutées
par un détachement du 78e de ligne, sous la direction de M. le lieutenant Le Hello,
dans les ruines de l'ancienne Menina, ont fait découvrir une inscription funéraire
chrétienne, provenant d'une basilique. » M. Hussenet adresse à l'Académie une co-
pie et une description de ce monument. Le tombeau auquel appartient l'inscription
est formé de belles dalles, dont une, de forme pyramidale tronquée, porte une croix
latine et aux quatre angles un chrisme entre l'A et l'Q. L'inscription est en partie
effacée. La défunte était une jeune fille, puella, nommée Egnatia. On distingue aussi les
formules in pace et in mundo, celle-ci précède l'indication de la durée de la vie de la
jeune fille, avec la date de la mort et celle de la sépulture. Les noms d'Egnatius et Egna-
tia paraissent avoir été répandus dans cette contrée. Celui d'Egnatia se rencontre dans
une autre inscription trouvée à Menina, par M. Pellissier, sur un piédestal de caryatide,
celui d'Egnatius dans une inscription païenne de la vallée de la Medjerdah, décou-
verte par M. Victor Guérin, etc.
M. Bergaigne achève la lecture de son mémoire intitulé : les Inscriptions sanscrites
du Cambodge, examen sommaire d un envoi de M. Aymonier, par MM . Barth, Ber-
gaigne et Senart {rapport à M. le président de la Société asiatique). L'envoi de M. le
capitaine Aymonier se compose des calques d'inscriptions qu'il avait recueillis pen-
dant ses premiers voyages au Cambodge, avant la mission officielle dont il est ac-
tuellement chargé. Cet envoi comprend cinquante-quatre numéros, formant ensem-
ble une vingtaine d'inscriptions. Tous ces textes sont en vers sanscrits, parfois mêlés
de quelques lignes de prose cambodgienne; la plupart sont très étendus; l'ensemble
équivaut à un total de plus de quinze cents hexamètres. Tous sont inédits, sauf un
seul fragment, qui était déjà connu, mais qui est aujourd'hui complété par la décou-
verte des autres parties de l'inscription à laquelle il appartient. Les données de tout
genre que renferment ces documents dépassent en importance celles de tous les tex-
tes épigraphiques de Cambodge publiés jusqu'à ce jour.
La plus ancienne inscription datée qui se trouve comprise dans l'envoi de M. Ay-
monier est de l'an 589 de l'ère çaka ou 667 de notre ère. Elle fait connaître les noms
et l'ordre de succession de cinq rois, Rudravarman, Bhavavarman, Mahendravarman,
Içânavarman, et Iayavarman. Une autre inscription qui ne porte pas de date, est
certainement plus ancienne encore; le roi sous lequel elle a été gravée était un fils
du second des princes portés sur cette liste, Bhavavarman. Ces deux textes, intéres-
sants par leur haute ancienneté, et dont l'écriture présente une grande ressemblance
avec celle des plus anciennes pierres gravées du Dekkan, seront publiées par M. Barth
dans le Journal asiatique.
Les inscriptions qui viennent ensuite sont postérieures a celles-ci de plus de deux
siècles. Elles font connaître les dates de l'avènement de deux rois, Indravarman, en
797 çaka, ou 875 de notre ère, et Yaçovarman, son fils, en 81 1 çaka, 889 de notre
ère. Ce dernier était déjà connu par une inscription de l'an 8i5çaka, découverte
par le commandant Doudart de Lagrée et publiée par le lieutenant Garnier dans
son Voyage d"1 exploration en Indo-Chine. Les inscriptions d'Yaçovarman envoyées
par M. Aymonier et trouvées par lui près d'Angkor présentent un double intérêt,
paléographique et historique. On y rencontre à la fois deux genres d'écriture diffé-
rents, l'écriture cambodgienne ordinaire, originaire de l'Inde méridionale, et un al-
phabet hiératique qui paraît provenir de l'Inde du nord. Chaque texte est écrit
deux fois, en caractères du Nord et en caractères du Sud, sur les deux faces de la
même stèle. Ces textes doubles, dont l'un va être publié prochainement par M. Ber-
gaigne, renferment des indications généalogiques qui permettent d'établir la succes-
sion des prédécesseurs d'Indravarman. Le plus remarquable de ces princes est un
Iayavarman, qu'on peut appeler, provisoirement, Iayavarman II, et qui fut le chef
d'une branche nouvelle. Il descendait d'une famille de rois vassaux et changea son
premier nom de Mahîpativarman en celui de Iayavarman quand il devint roi su-
zerain. Son avènement paraît coïncider avec un changement de capitale. Iayavar-
man II fixa sa résidence sur le mont Mahendra, près d'Angkor ou à Angkor même,
et c'est probablement à lui qu'il faut attribuer le commencement des constructions
d'histoire et DE LITTÉRATURE 23 I
dont les ruines forment ce qu'on appelle aujourd'hui « le groupe d'Angkor ». Il dut
régner vers le milieu du ixe siècle ; en effet, il eut pour gendre Indravarman dont
le règne est compris entre les années 875 et 889 de notre ère. Indravarman ne suc-
céda pas, du reste, immédiatement à son beau-pere; entre eux se placent trois rois,
Iayavarman III, Rudravarman II et Prithivîndravarman.
D'autres inscriptions, de date postérieure, permettent de dresser également la liste
des successeurs des rois Indravarman et Yaçovarman, jusqu'à Harshavarman III, qui
paraît avoir vécu au xue siècle de notre ère. Des inscriptions des années 973 et 988
de l'ère çaka (io5i et 1066) contiennent des récits en style épique, relatifs à des
combats' livrés à un ennemi puissant, peut-être à un rebelle. C'est à peu près le seul
renseignement que ces textes fournissent pour l'histoire politique, en dehors de la
généalogie des rois et de la chronologie de leurs règnes. On y trouve plus de don-
nées pour l'histoire religieuse. Autant qu'on peut en juger par les textes étudiés
jusqu'ici, les premiers cultes transportés de l'Inde au Cambodge ont été celui de
Çiva et des autres divinités brahmaniques. Le bouddhisme ne serait venu qu'après.
Jusqu'à présent, le premier roi dont on ait des inscriptions bouddhiques est Ràjen-
dravarman, qui commença de régner en 866 çaka (944 de notre ère).
d'(
santés est l'épitaphe d'un decurio praeposit
M. Clermont-Ganneau communique quelques détails nouveaux sur les résultats
de sa mission archéologique en Syrie et en Palestine. Aux environs de la ville de
Gezer, il a trouvé, à plusieurs endroits, des pierres sur lesquelles était gravé, en hé-
breu, le mot limite. Ces pierres servaient à indiquer le terme du chemin qu'il était
permis de faire le jour du sabbat. Au mont Carmel, M. Clermont-Ganneau a relevé
un fragment d'inscription votive, qui semble provenir d'un temple.
M. Dieulafoy, ingénieur des ponts et chaussées, rend compte de quelques-uns des
résultats d'une mission archéologique en Perse, qui lui avait été confiée par le gou-
vernement, et dont l'objet était l'étude des monuments des dynasties achéménide et
sassanide. Il s'occupe principalement de deux monuments situés dans la plaine du
Polvar-Roud, au nord de Persépolis, auprès des villages actuels de Meched-Mouzzab
et de Maderè-Soleïman. On a voulu voir dans ce lieu le site de l'antique Pasargade,
où, selon la tradition, fut enseveli Cyrus. M. Dieulafoy combat cettte opinion et
reconnaît dans la plaine du Polvar-Roud le lieu où Cyrus vainquit les troupes d'As-
tyage son grand-pere, et où Cambyse, son père, fut tué et enseveli. Cyrus avait com-
mencé en ce lieu la construction d'une ville dont il voulait faire sa capitale. M. Dieu-
lafoy lui attribue l'un des deux édifices dont il entretient l'Académie, celui qui porte
le nom de takht Maderè-Soleïman (trône de la mère de Soleïman). C'est un immense
soubassement de pierres colossales, inachevé, qui rappelle les monuments grecs les
plus anciens, tels que ceux de Ségeste ou de Sélinonte, et qui paraît avoir servi de
modèle à la grande terrasse du palais de Persépolis. Quant à l'édifice de Meched-
Mouzzab, tour carrée, toute semblable aux tombeaux lyciens, M. Dieulafoy pense
que c'est la sculpture même de Cambyse. La capitale que Cyrus voulait fonder
avait dû recevoir le nom de Parçakarta (ville des Perses), en grec Persépolis, titre ho-
norifique qui appartenait à toutes les capitales et qui fut transporté plus tard à la
ville fondée par Darius à trente kilomètres au sud de celle de son père. C'est ce nom
de Parçakarta qui aura été confondu par les Grecs avec celui de Pasargade, et cette
confusion a donné lieu à l'erreur signalée plus haut.
Ouvrages présentés : — par M. P.-Ch. Robert : Aurès, étude sur le système mé-
trique assyrien; — par M. Pavet de Courteille : Colonna-Ceccaldi (Georges), Monu-
ments antiques de Chypre, de Syrie et d'Egypte; — par l'auteur : Desnoyers, Rap-
port sur les travaux de la Société de l'histoire de France.
Séance du 18 août 1882.
M. de la Blanchère, professeur à l'école supérieure des lettres d'Alger, lit un mé-
moire sur les Djedar, monuments qui se rencontrent, au nombre de dix, divisés en
deux groupes, à la limite des hauts plateaux et du Tell, sur le Djebel Ladjdar et
aux environs. Ce sont des pyramides quadrangulaires, reposant chacune sur un
soubassement carré de pierre de taille. On y pénètre par une porte pratiquée dans
la façade de chaque djeâar; on accédait à la porte par une avancée de laquelle on
jetait un pont volant. A l'intérieur est un système assez compliqué de galeries et de
chambres, celles-ci fermées par des pierres que l'on fait glisser ou rouler dans des
rainures. Les dimensions sont variables; les pyramides les plus grandes sont hautes
de 34 mètres et larges de 45. Les procédés de construction sont grossiers et révè-
lent une époque de décadence. Dans quelques djedar, on a trouvé des débris enlevés
à des monuments antiques, notamment un fragment d'une inscription où devait
figurer le nom de Caracalla : ADIABENICVS-PARTHICVS-M. L'ornementation
intérieure comprend des sculptures et des restes de peintures, d'une exécution très
imparfaite; on y voit surtout des emblèmes chrétiens, analogues à ceux qu'on trouve
dans les catacombes les plus récentes et sur les monuments des Ostrogoths et des
Lombards en Italie. Le tout donne lieu de penser que les djedar ont dû être cons-
232 REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE J-IJTÉR^IURK
truits du ve au vn& siècle de notre ère. M. de la Blanchère, en s'aidant de quelques
données fournies par les historiens, y voit les tombeaux des princes d'une dynastie
chrétienne indigène, qui se serait établie et aurait régni en Mauritanie,. à^la faveur
du désordre général, pendant tout ou partie de l'intervalle compris entre la chute <Je
la domination romaine et la conquête musulmane.
M. "
et
M. de'Sarzec. Développant les points qu'il avait indiqi
note envoyée précédemment à l'Académie, M. Heuzey s'attache à établir qu'avant
l'époque du prince dont le nom a été lu Goudea, et qui gouvernait la ville de Sir-
tella (Tello) en qualité de gouverneur, sans doute sous l'autorité et au nom d'un roi
étranger et suzerain, il y a eu une dynastie autonome, dont les membres ont possédé
cette ville en pleine souveraineté et ont pris le titre de roi et non celui de gouver-
neur. Plusieurs inscriptions donnent les noms et les titres de ces rois et permettent
de dresser (sauf l'incertitude qui règne toujours sur la véritable prononciation des
noms écrits en caractères cunéiformes) une première liste généalogique de trois
noms : i° Hal-Dou, père de roi, sinon roi lui-même; 2° Our-Nina, roi de Sirtella,
fils de Hal-Dou; 3° Kour-Gal, roi de Sirtella, fils d'Our-Nina. Au temps du règne
de celte antique dynastie correspond une période archaïque de l'art chaldeen.
M. Heuzey met sous les yeux des membres de l'Académie divers monuments, sur
lesquels on observe les caractères qui distinguent cet art primitif de celui des épo-
ques postérieures.
Séance du 25 août 1882.
M. Pascal Duprat. au nom du comité de souscription formé pour l'érection d'une
statue à Lakanal, informe par lettre l'Académie que la statue sera inaugurée à Foix
(Ariège) le 7 septembre, et invite la compagnie à se faire représenter à cette solen-
nité.
M. Ferdinand Delaunay lit un mémoire de M. Romanet du Caillaud, avocat à la
cour d'appel de Limoges, sur l'origine et la date de la loi romaine connue sous le
nom de lex Julia Norbana. L'objet de cette loi était de rendre valables des affran-
chissements irréguliers en la forme et qui étaient jusque-là dépourvus de toute va-
leur légale; mais, en accordant la liberté aux esclaves affranchis d'une façon irrégu-
lière, la nouvelle loi leur refusait la qualité de citoyen romain et créait pour eux une
condition intermédiaire, analogue à celle des Latins des colonies, ce qui fit qu'on
donna aux esclaves affranchis en vertu de cette loi le nom de latins juniens. Les
auteurs qui nous font connaître l'objet et les prescriptions de la loi Junia Norbana
n'en indiquent pas la date. Comme il était d'usage de donner aux lois le nom des
magistrats qui les avaient proposées et que les lois étaient le plus souvent présentées
par. les consuls, on a toujours pensé que, pour trouver la date de la loi, il fallait
chercher une année où se rencontrassent, dans les fastes consulaires, les noms de
Junius et de Norbanus. Jusqu'ici on hésitait entre deux dates, l'an 670 de Rome
(82 avant notre ère), où l'on trouvait un consul G. Junius Norbanus, et l'an 771 de
Rome (îq de notre ère), où l'un des deux consuls s'appelait M. Junius Silanus et
l'autre L. Norbanus Flaccus. M. Romanet du Caillaud présente diverses objections
contre ces deux solutions. La première, supposerait la loi antérieure à l'époque où
Cicéron écrivit ses Topiques ; or, dans cet ouvrage, Cicéron énumère les formes par
lesquelles on peut affranchir un esclave et n'indique que celles qui étaient en usage
avant la loi Junia Norbana. L'autre hypothèse reculerait la réforme à une date bien
tardive. M. Romanet du Caillaud émet une hypothèse nouvelle, qui consiste à ad-
mettre que la loi a été faite en deux fois, qu'elle avait été votée d abord sur la pro-
position d'un consul Junius et qu'elle fut revisée ou amendée plus tard sur la pro-
fiosition d'un consul Norbanus. En l'an 728 de Rome (24 avant notre ère), les consuls
urent l'empereur Auguste et M. Junius Silanus; l'année suivante (729-23) Auguste
fut encore consul et eut pour collègue C. Norbanus Flaccus. M. Romanet du Cail-
laud pense qu'Auguste fut le véritable auteur de la loi en question. En 728, il la fit
présenter par son collègue le consul Junius; en 729, ayant reconnu la nécessité d'y
faire quelques changements, il chargea son nouveau collègue, Norbanus, de les pro-
poser. La loi, amendée, prit à la fois les noms du magistrat qui l'avait introduite le
premier et de celui qui en avait présenté la rédaction définitive.
M. Deloche donne une seconde lecture de son Mémoire sur les monnaies frappées
en Gaule au nom de l'empereur Maurice Tibère.
Ouvrages présentés ; — par l'auteur : Hauréau, les Mélanges poétiques d'Hilde-
bert de Lavardin; — par M. Egger : Mélitopoulo, Etude sur une inscription décou-
verte au Pirée; — par M. Delisle : Mûntz (Eug.) et Faucon (Maurice), Inventaire des
objets précieux vendus à Avignon en i358 par le pape Innocent VI.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint -Laurent, 23
■
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 39 - 25 Septembre — 1882
Sommaire s 192. D'Arnim, Les prologues d'Euripide. — 193. Alb. Martin, Le
manuscrit d'Isocrate Urbinas cxi de la Vaticane. — 194. Héron de Villefosse et
Thédenat, Cachets d'oculistes romains. — 195. Mary-Lafon, Histoire littéraire
du midi de la France. — 196. Mangold, Histoire et critique du Tartufe. — 197.
Le Reineke Fuchs de Gœthe, p. p. Bieling. — 198. Lodge, Histoire des colonies
anglaises d'Amérique. — 199. Theal. Recueil de contes cafres. — Chronique. —
Société des antiquaires de France. — Académie des Inscriptions.
192. — J. d'Arnim. De prologorum Euripideorum nrte et interpolatione.
Dissertatio inauguralis philologica. Greifswald, 1882. In-8°, 108 p.
M . Jean d'Arnim a consacré sa thèse de doctorat à l'étude des prolo-
gues d'Euripide, mais il n'a pas traité sous toutes ses faces ce sujet at-
trayant.
A la fin de sa dissertation, dans une vingtaine de pages d'un latin cor-
rect, quoique un peu lourd, il esquisse, plutôt qu'il ne développe, les
règles auxquelles Euripide s'est conformé dans les prologues. Ce résumé
est généralement exact, et M. d'A. a bien vu que toutes ces règles se ra-
mènent, en définitive, à une seule, celle-là même que le poète, dans les
Grenouilles d'Aristophane, se vante d'avoir scrupuleusement suivie » :
ETt' OÙ* £>vY)pOUV OTl TU/OIJ/.', OuS' £[J(.X£<jà)V £ÇUpOV,
'aXV ou£i<*>v xpumcxa [ûv \i.oi to févoç six' av e56ùç
tou o"pà[jiaT0ç....
Exs'.t' àxb twv TCpu)TO)v èxwv oùBsv xap^x.' av àp^ov
aXk' ëXefsv Y) ^uvy) té jjloi yù SouXoç oùBèv ^ttov,
X« o"£cx6ty)ç yjq xap6évoç y$ ^pauç av....
En d'autres termes, le prologue comprend deux parties : un long mo-
nologue (icpooC|xiov) destiné à instruire le public des faits qui se sont pas-
sés avant Faction et des circonstances dans lesquelles elle s'engage, et un
dialogue qui nous montre sous leur vrai jour les sentiments dont sont
animés les principaux acteurs, et met pour ainsi dire en présence les
deux camps dont le conflit constitue l'intérêt dramatique de la pièce.
Quant à la persona xpoXofiÇouGa, elle est toujours choisie dans le parti
avec lequel le poète veut nous faire sympathiser; mais comme son ex-
posé doit être impartial, ce n'est généralement pas le héros lui-même,
surtout s'il est dominé par des passions vives. Quand la marche de l'in-
trigue exige que les personnages soient dans l'ignorance de certains faits,
1. Grenouilles, vv. 945-950.
Nouvelle série, XIV. . i3
234 RKVUK CRITIQUE
Euripide, qui ne veut pas que le spectateur partage leur ignorance,
charge du prologue un dieu dont le choix n'est jamais arbitraire.
Cette analyse est judicieuse; mais M. d'A. aurait dû la pousser plus
loin, et se demander pourquoi Euripide a jugé nécessaire de donner à
ses expositions une précision presque fastidieuse qu'on ne trouve
pas chez ses devanciers. Il ne suffit pas, pour rendre compte de cette dif-
férence, d'opposer d'une façon générale l'art « réfléchi » d'Euripide, son
inquiète soumission à des formules étroites, à l'art plus libre d'Eschyle
et de Sophocle « ubi veluti flores in prato nascuntur. » En réalité,
dans bon nombre de tragédies, le soin méticuleux d'Euripide s'explique
par la nouveauté de l'intrigue ou par les modifications essentielles que,
dans sa préoccupation de rajeunir des sujets rabattus, le poète a fait su-
bir aux destinées et aux caractères consacrés des personnages. Il est évi-
dent que, pour faire accepter au public des situations aussi bizarres que
celles d'Electre ou d'Hélène dans les tragédies qui portent leur nom, des
explications préliminaires assez détaillées étaient indispensables. Eschyle
et Sophocle, qui ne s'éloignaient guère dans la donnée générale de leurs
drames des récits des poètes épiques, familiers à leur auditoire, pouvaient
entrer in médias res sans tant de précautions l. — Dans d'autres prolo-
gues, on peut croire qu'Euripide a saisi une occasion commode de rap-
peler des légendes qu'il savait devoir plaire aux Athéniens (Ion, Hippo-
lyte, les Héraclides) ou encore d'exposer sur les exploits attribués aux
héros et aux dieux des réflexions philosophiques . Aucune partie du drame
n'offre, en effet, au poète l'occasion de s'expliquer aussi librement : le
prologue lui tient lieu de parabase.
Il n'aurait pas été hors de propos d'étudier, au point de vue du style
et de la tournure de phrase, les prologues, et surtout la tirade initiale si
caractéristique. La monotonie de ces débuts a excité la verve railleuse
d'Aristophane 2. M. d'A. s'est interdit cette étude intéressante, de même
que toute appréciation littéraire « cum hœc et difficilior causa sit
quant ut ab adolescente apte suscipiatur, et ut-pote magnam partent
in proprio uniuscujusque sensu posita, philologici muneris fines trans-
grediatur. » C'est pousser un peu loin la modestie, tant pour soi que
pour la philologie.
i. A cet égard, Euripide se trouvait un peu dans les conditions des poètes comi-
ques. Voyez le joli morceau où Antiphane se plaint de l'avantage qu'ont sur ses
pareils les poètes tragiques « qui. ne présentent jamais au public que des personna-
ges dont il connaît l'histoire de longue date. » (Antiph., in com. Ilonjctç, éd. Didot,
p. 392.)
2. Disons, en passant, que M. d'A. pose en règle que, dans les pièces antérieures
à l'expédition de Sicile, Euripide s'est astreint à désigner nommément la persona
ftpoXof t'Çouaa dès les trois ou quatre premiers vers ; il se serait ensuite relâché
de cette règle rigoureuse, et M. d'A. en conclut que le Phrixus appartient à la der-
nière époque du poète. La chronologie des pièces d'Euripide ne me paraît pas assez
certaine pour autoriser ces déductions; d'ailleurs, M. d'A. constate lui-même plusieurs
dérogations à sa règle (Médée, les Héraclides).
d'histoire et DE LITTÉRATURE 2 35
La majeure partie de la dissertation, celle où l'auteur étudie indivi-
duellement les divers prologues d'Euripide, est moins une œuvre origi-
nale qu'un commentaire critique du récent ouvrage de M. Klinkenberg
sur le même sujet l. M. d'A. suit pas à pas, en le rectifiant, le travail de
son devancier dont il admire vivement- non seulement la conscience, mais
encore le sens critique, acre judicium et magna diligentia. Je ne connais
pas le livre de M. Klinkenberg; à en juger par les nombreuses citations
de M. d'A., je ne puis m'associer à une appréciation aussi flatteuse. Si
M. Klinkenberg témoigne parfois de savoir et de sagacité, bien plus sou-
vent il cède à la manie d'effacer ce qu'il ne comprend pas à première
vue ou qui ne cadre pas exactement avec les règles scolastiques et arbi-
traires où il prétend enfermer son auteur. Il arrive ainsi à supprimer
près de la moitié des vers des prologues qui nous sont restés 2.
Je me hâte de dire que M. d'A. ne cède pas, en général, au fnror hy-
percriticus de son devancier. Il préfère la médecine à la chirurgie; et,
là où il est arrêté, il aime mieux avouer son ignorance ou corriger le
texte que raturer. D'ordinaire, ses conjectures se distinguent plutôt par
le bon sens et une saine érudition que par un sentiment bien vif de la
poésie euripidéenne, disons mieux, de la poésie tout court. Il en est peu
qui emportent la conviction. Comme telle je citerai volontiers la leçon
ècr^aXouaa au vers 35 d' Andromaque,> au lieu d'èy.jâaÀouca qui donnait un
sens peu intelligible. La confusion des groupes EK et EIC n'a pas be-
soin d'être justifiée. Au vers 18 d'Ion, la leçon Saxpuouca pour Kpéouca me
sourirait fort, s'il ne fallait pas user avec beaucoup de ménagement de
l'anapeste initial dans le trimètre, en dehors des noms propres. Citons
encore cette variante des vers 29-31 d' Hippolyte, qui ont tant tourmenté
les éditeurs :
Kai rcptv [J.£V èXôsïv ty;os, *pjç TpoiÇyjviaç
(TceTpav xap' aùxïjv IlaXXâSoç) xaTGtjnov
6eaç rrçcSs vabv KuTiptBoç è^y-aôicaTO.
La vulgate a irjvBs pp TpoiÇvjvtiJcv et au v. 3i rfqç frjaBe vabv. Les correc-
tions de M. d'A. écartent ces répétitions insupportables, mais laissent
subsister quelque, embarras dans la phrase 3.
Dans plus d'un passage, M. d'A. s'est laissé encore entraîner à des athé-
1. De Euripideorum prol'ogorum arte et interpolatione. Bonn, 1881.
2. Si encore M. Klinkenberg s'était bien pénétré du génie d'Euripide avant de
fulminer ses doctes athétèses ! Dans le prologue d'Hippolyte, il retranche les vers
7-8 où se trouve cette remarque si finement ironique dans la bouche du poète libre-
penseur :
"Evs<ru *j"àp By) /.àv Gewv Y^vet xéâs,
ti|Mj)[j.£voi xatpouaiv àvôp&irwv 5«o.
N'est-ce pas le cas de dire : ipsum Euripidem ex Euripide exsulare jubet? (comparez
avec M. Weil, Bacch., v. 3-ii).
3. La quantité un peu insolite de Qeaç est autorisée notamment par Androm., v. 20
(vers retranché à tort par Arnim et Klinkenberg).
\^£ «iJUlAHHII!.! 30 ÏA M>lioï2IH'û
236 REVUK CRITIQUE
teses peu nécessaires ou a des corrections qui empirent Je texte. Ainsi, au
vers 27 à'Oreste, il lit :
'317 duci £w tout 0 caseç ev xotvw cnwjceiv
i- j 1 5 A/r • 1 1 ! » ' r . « u- -objnBrtoq
au heu de ccaaçeç. Mais la vulgate s explique très bien, non pas par :
« Se in publico causant necis Agamemnonis non pronuntiaturam »,
comme le veut M. KUnkenberg, mais par : « Linquo rem dubiam corn-
muni judicio dijudicandam ». — Au vers 17 à'Iphigénie en Tauride :
w tyjgB' àvactjcov 'EXXââoç aipct.ir^ioi.ç
M. d'A. n'a pas vu que àviaceiv aTpaTYJYtaç est une locution poétique qui
s'explique comme « dormez votre sommeil » '. Il a écrit :
t ' ;'fl73î
w "frçç àviaawv EX^âBoç ffTpaiYJYia
ce qui frise la platitude. — Dans la même tragédie, aux vers 35 suiv.,
j ai peine a croire qu'il aurait propose la faible conjecture :
fchistv VOU.OKJI toi ai v aosxai Osa
s'il avait connu la belle et certaine 2 correction de M. Weil :
oOev vouotsi, toigiv -nosTa'. osa,
Xpw[j.saO eoprTjç.
Disons, en terminant, que M. d\Arnim mérite rarement des critiques
de ce dernier genre. Ordinairement, il est bien au courant de la « litté-
rature » de son sujet, et c'est pourquoi, alors même qu'on n'acceptera
pas ses conjectures, on ne lira jamais sans profit les observations que lui
suggèrent les difficultés nombreuses du texte 3.
-U03 233 Théodore Reinach.
■■Jè B3b fi
-GD3l.9upfr^ jnmeM .M a .atusl
-33 ;DldB20a ,9b ; 9b ivi38 jg3«g 9]8j
38r'" d 183 li inBbnsq
ig3. — I-e manuscrit disocrate Urbinas CXI de la Vaticanc. Descrip-
tion et histoire. Recension du Panégyrique, par Albert Martin, membre de l'école
française de Rome. Paris, Thorin, «881. Une brochure de 33 pp.
I 3b U3ll
Les collations bien faites sont rares; un grand nombre de celles qu'on
trouve dans les éditions critiques un peu anciennes sont ou incomplètes
ou remplies d'inexactitudes. Nous ne demandons pas que l'on présente
toutes les variantes, sans exception, mais il serait à souhaiter que les
leçons reproduites fussent toujours sûres pour pouvoir établir la filiation
des variantes, et faire le classement des manuscrits. Ces deux bases de la
critique verbale manqueront toujours de solidité tant que la plupart des
collations qui existent n'auront pas étérevisées avec soin.
_____ j 2311 pbjjp
1. Comparez Odyssée Q, 3o wç oçsXsç ti-a^ç dbroVY)[Ji.svoç, ÎJOTSp otoaroireç:
2. Je n'entends pas affirmer que le mot ^pâ)[j.su6a soit au-dessus de toute contes-
tation, mais bien qu'"ApTS[J.lç est une glose qui a pris la place d'un verbe.
3. Signalons, comme particulièrement intéressante, l'étude des passages suivants :
Ion, v. 20-27 (plusieurs conjectures peu admissibles); Hélène, v. 33-43; Bacch.,
v. 55 suiv.; Héracl., v. 3i-37 ; Hèc, v. 28 suiv.
d'histujkk et db mttrkaturk 237
„ •,.... , .. . dUs
Certainement on ne reproduira jamais dans une édition cri-
tique tous les détails que doit noter un collationneur ; il n'ôrt^ëêt ^*àâ
moins nécessaire, chaque fois qu'on est en présence d'un manuscrit im-
portant, d'en prendre une collation minutieuse. C'est ce que vient de
faire M. Albert Martin pour le Panégyrique d'Isocrate, qui se trouve
dans YUrbinas CXI; « en négligeant seulement quelques détails secon-
daires de l'accentuation, delà ponctuation, etc. », et en insistant surtout
sur la distinction des diverses mains qui, pour un certain nombre de
leçons, n'avait jamais été faite.
M. M., après une brève description qui porte sur le nombre des qua-
ternions et des feuillets, donne du manuscrit une histoire succincte,
à la fois très claire et très probante; puis il aborde la description pa-
léographique qu'il fait bien complète, d'après la méthode inaugurée par
Ch. Graux à l'école des Hautes-Etudes en 1877 '. A ce sujet, nous
adresserons quelques critiques au travail, d'ailleurs très consciencieux,
de M. Martin. P. 9 : il dit que dans les notes marginales, dont l'écriture
est l'onciale, on rencontre deux fois l'abréviation de yjç; mais il n'en in-
dique pas la forme qui, pourtant, aurait pu servir de preuve à son asser-
tion, que ces notes sont dues à une main très ancienne. — Même page :
« Les mots sont coupés selon la paléographie; ainsi l'a, l's, le a, le x, etc.,
sont presque toujours rattachés à la lettre suivante; l't, l'o, le p, l'u nele
sont jamais. » Je serais bien étonné que ceci fût vrai pour l'u, et que
cette lettre ne fût pas rattachée à la suivante dans aùxéç, U7:6, to6ç, etc. —
P. 10: « L'encre est rousse ou noire; la distinction est très marquée; il y
a des séries de feuillets tantôt avec l'une, tantôt avec l'autre de ces cou-
leurs. » M. Martin paraît croire, si nous le comprenons bien, que le co-
piste s'est servi de deux encres différentes. Ce n'est pas impossible; ce-
pendant il est bon de se rappeler que la décoloration des encres à base
de fer n'a pas lieu d'une manière uniforme dans les manuscrits. On voit
quelquefois sur la même page des teintes bien tranchées sans qu'il y ait
lieu de croire à l'emploi de deux encres. A certains feuillets l'encre est
décolorée, à d'autres elle est bien conservée; quelquefois elle est devenue
rousse au recto, tandis qu'au verso elle est restée presque noire, ou réci-
proquement. — Un peu plus loin, page 28, en note, M. M. prévient
qu'il compte comme une seule lettre la ligature et ; il a raison, car et
n'occupe certainement que la place d'une lettre; seulement ei n'est pas
une ligature, mais un sigle. Nous signalerons encore trois fautes d'im-
pression : p. 32, irfa-pwcaGcttfcsv, (3ooXY)ôeT[;.£v ; p. 33, cpXeîaaioç.
Dans la seconde partie de son travail, M. Martin, après avoir signalé
quelques particularités paléographiques de YUrbinas, discute certains
Trmrrr-r— ;
-833nop atuo) -j!
1. Cf. Rapport sur la section des sciences historiques et philologiques, 1877-78,
pp. 6-7. — Quand M. Martin a fait imprimer son ouvrage, Gh. Graux vivait encore;
aujourd'hui qu'il n'est plus, M. M. ne nous saura pas mauvais gré de rappeler ce
que son travail doit à celui qui fut notre maître à tous deux.
238 REVUE CRITIQUE
passages du Panégyrique en comparant les leçons nouvelles fournies
par sa collation avec les leçons vulgaires. Ces discussions sont conduites
avec beaucoup de rigueur et de méthode.
Alfred Jacob.
194. — Cachets d'oculistes romains, par A. Héron de Villefosse et H.
Thédenat. Tome I. Paris, 1882. ln-8°.
MM. Héron de Villefosse et Thédenat qui, depuis quelques années,
avaient publié, chacun de leur côté, des cachets inédits d'oculistes ro-
mains, et qui possédaient les empreintes de plusieurs autres, ont pensé
qu'il serait utile de se réunir afin de les faire connaître, ainsi que les
textes et les observations qu'ils avaient recueillis en travaillant isolément.
Ils nous en avertissent dans un court avant-propos et ajoutent qu'ils ne
considèrent le travail qu'ils viennent de faire paraître que comme des
notes. Ils auraient dû ajouter qu'elles ne sont pas moins étendues que
variées, et que, pour être aussi nourries que les notes les plus savantes,
elles n'en ont pas la sécheresse. Telle a été certainement la pensée de
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres quand elle a récompensé
ce travail, tout récemment.
Le tome premier, le seul qui ait encore paru, contient 18 cachets d'o-
culistes, tous trouvés en France, à l'exception d'un seul dont la prove-
nance est ignorée; ces cachets nous révèlent 17 noms d'oculistes, pour
la plupart inconnus, ainsi qu'un certain nombre de maladies et de re-
mèdes nouveaux dont, soit dit en passant, il est regrettable de ne pas
trouver une liste dans les tables. C'est, sans doute, une omission volon-
taire qui sera réparée dans le deuxième volume.
Le grand mérite de ce livre consiste dans les mille détails qu'il ren-
ferme; il nous est donc impossible ici de suivre les auteurs pas à pas :
ce serait d'ailleurs plutôt l'affaire d'un médecin que d'un archéologue;
nous nous contenterons de leur présenter trois observations :
i° Afin, sans doute, d'éviter l'aridité, les auteurs ont cru devoir ajou-
ter parfois de nouvelles observations lorsqu'ils rencontraient le nom
d'une maladie ou d'un remède dont ils avaient déjà parlé : nous n'en ci-
terons qu'un exemple, mais nous pourrions en signaler d'autres. On lit,
page 91 : « Diasmyrnes. Grotefend a indiqué les principaux textes des
médecins anciens, concernant le collyre diasmyrnes, nous n'avons pas
à y revenir »; et page i65 : «Diasmyrnes. Nous avons déjà rencontré ce
collyre sur le cachet de Poitiers : nous allons compléter ici les quelques
lignes que nous lui avons consacrées à cette occasion. » Suivent six pa-
ges de développements qui, nous semble-t*il, auraient été plus à leur
place à la page 91 . Cette méthode n'est pas sans créer quelque embar-
ras à celui qui voudra se servir, pour des recherches, de ce livre si
utile.
D HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 2^9
2° Pp. 98 et suiv. Des trois hypothèses que proposent les auteurs pour
expliquer le mot haipaston (collyre harpaston), il nous semble que la
première seule est admissible, grammaticalement.
On ne saurait, en effet, faire du mot àp7caax6v « un adjectif dérivé de
harpax comme harmation de harma ». 'Apzcn.ci6q n'est pas un adjectif,
mais le verbal en toç du verbe àpitâÇw. "ApicaÇ, au contraire, est un ad-
jectif formé de la racine àpTcay, et qui signifie celui qui prend. Comment
donc, avec un corps qui signifie preneur, l'am,bre ou tout autre, forme-
rait un collyre qui signifierait pris? On comprend aussi très bien qu'on
nomme harpax un emplâtre qui prend rapidement; on ne voit pas com-
ment on pourrait appeler un collyre harpastos, parce qu'il aurait la
propriété d'être mordant. Nous ferons, du reste, observer que àpjjuxTiov
ne nous semble pas être ici un adjectif formé de ap^a, mais le diminutif
de ce mot. C'est ainsi, d'ailleurs, qu'Aetius Ta compris puisqu'il dit :
« àpixâiiov, id est currus», comme le constatent les auteurs eux-mêmes.
3° P. 102. Que le collyre Foos soit le même que le collyre Fos, c'est,
je crois, ce qui ne peut faire de doute pour personne. Mais les formes
poétiques ou plutôt dialectales çawç et tpétoç n'ont peut-être pas besoin
d'être invoquées à l'appui de ce fait. Foos ne serait-il pas la transcription
pure et simple du grec çwç par un graveur qui aura voulu rendre sen-
sible la longue « w « en répétant deux fois la brève « oo »?
R. Cagnat.
195. — Histoire littéraire du midi de I» France, par Mary Lafom. Paris,
Reinwald, 1882, 8°, xiu-421 pages, Prix : 7 tr. 5o.
On a dit souvent qu'il n'y avait si mauvais livre dont on ne pût tirer
quelque profit. Nous croyons toutefois que le livre de M. Mary-Lafon
devra être considéré comme l'une de ces exceptions dont on dit qu'elles
confirment la règle, car nous ne voyons pas ce qu'on pourrait tirer d'un
ouvrage où il n'y a pas un fait nouveau, pas une recherche originale, et
dont on ne pourrait citer une page qui ne contînt quelque grosse bévue.
Aussi voulons-nous simplement, en l'annonçant ici, mettre en garde les
lecteurs qu'un titre prétentieux pourrait attirer. Dans cette prétendue
Histoire littéraire du Midi de la France, 70 pages sont consacrées à la
littérature latine jusqu'au xe siècle environ. Le lecteur se rendra suffi-
samment compte de la portée et du style de ce chapitre, en jetant les
yeux sur les premières lignes delà table analytique des matières : « Gaule
« et Rome, p. 1. — Les Flatteurs du chef, p. 2. — Poésies gauloises, p. 3.
« — Chants ibériens, p. 4 l. — L'oiseau joli chanteur, p. 5. — Le tour
1. On voit que M. Mary-Lafon n'est guère au courant des travaux qui ont démon-
tré le peu d'ancienneté des chants « ibériens » (cf. Revue critique, 1866, art. 199
le compte-rendu de la dissertation de M. Bladé sur les chants héroïques des Bas-
ques). Mais dé quoi est-il au courant ?
24O REVUE CRITIQUE
« delà terre, p. 8. — Rhéteurs massaliens,p. g. — La main impie, p. 12.
« — Les champs bien aimés, p. i3. — Le Fils de l'Aude, p. 14 ' »
Le reste du volume traite de la littérature (en fait, de la poésie seulement)
en langue vulgaire, depuis les troubadours jusqu'aux felibres, qui sont
assez maltraités. Mireio elle-même, la gracieuse et idéale création de
Mistral, ne trouve pas grâce devant l1 « historien » de notre littérature
méridionale : « Quel intérêt — je vous le demande — peuvent inspirer
« ce vannier pieds nus (le Vincent de Mireille), grossier comme ses cor-
« beilles, et cette paysanne rougeaude, brûlés tous deux par le soleil, et
« sentant l'ail et l'huile rance? » (p. 372). J'avoue que je ne m'étais ja-
mais représenté Mireille rougeaude ni brûlée par le soleil, et j'aime
mieux Vincent pieds nus qu'en bottines vernies, mais poursuivons. Les
35o pages ou environ que l'auteur a consacrées à la poésie du midi, ne
sont guère qu'une suite de citations médiocrement choisies, traduites le
plus souvent en vers (et quels vers!) et accompagnées d'observations dont
le lecteur peut déjà soupçonner la portée. Il n'y a dans tout cela aucun
ordre quelconque. Du reste, tout classement, soit par matières, soit par
ordre chronologique, était interdit à un homme qui ne sait de la littéra-
ture provençale que le peu qu'on en savait il y a cinquante ans. Ainsi,
M. M.-L. ne soupçonne même pas l'existence des poèmes de la Guerre
de Navarre, de Guillaume de la Barre, de Daurel et Béton. Il ne connaît,
pour Girart de Roussillon, que le ms. incomplet de la Bibliothèque na-
tionale, et ignore, par conséquent, que le début de ce poème est publié et
même traduit [Revue de Gascogne, 1869) depuis longtemps, d'après le
ms. d'Oxford. Il en est encore à croire que Ferabras appartient en pro-
pre à la littérature provençale. Aucun des nombreux travaux qui ont,
par des voies diverses, mis hors de doute la date relativement récente
des poèmes vaudois, n'est parvenu jusqu'à lui, et à ses yeux, comme
pour Raynouard, la Nobla Leyc^on est un poème du xie siècle. Il ignore
ou feint d'ignorer l'existence de la nouvelle édition de la chanson de la
Croisade albigeoise, qui a modifié considérablement les idées courantes
sur ce poème historique, dont il ne dit rien de ce qu'il y avait à dire. Il ne
sait rien de l'ancien théâtre religieux du Midi, rien des découvertes récen-
tes (voy. Romania, VIII, 481-508) qui ont été faites sur la source de la
vie de saint Honorât. Il cite (p. 235 et suiv.) comme étant du xve siècle,
des poésies. qui sont tirées des Leys d'amors, et par conséquent ne peu-
vent être postérieures à la première moitié du xive siècle. Il parle du
Breviari d'amor pour dire que Dante y a puisé l'idée de la Divine Co-
médie. Quant aux fautes innombrables dont textes et traductions sont
parsemés, je n'en dirai rien, ayant eu l'occasion, il y a une quinzaine
d'années, de montrer ici-même 2 de quels contre-sens M. M.-L. est capa-
ble quand il se mêle de traduire du provençal. En somme, il n'y a dans
1. C'est P. T. Varro.
2. Revue critique, 1868, II, pp. ï 36 et 3 19.
d'histoire et de littérature 241
cette mauvaise compilation pas un fait qui soit exact, pas une idée qui
soit juste. Le pis est que l'auteur prétend donner comme une œuvre ori-
ginale ce qui n'est en réalité, comme je viens de le dire, qu'une mauvaise
compilation. Il affecte de citer (souvent peu exactement) les manuscrits,
mais on ne voit pas qu'il en ait rien tiré qui ne se trouve dans les édi-
rt?pnsJ .principalement dans Raynouard et Rochegude, qu'il se garde bien-
u/èi??ifteF.lîÊQin:s"'Raynouard, M. M.-L. ne parle que pour écrire cette
"^fira^qu'f mérite une mention : « S'il eût possédé les moyens d'instruc-
« lion indispensables pour expliquer la formation de la langue des trou-
3 ' <f badours, je veux dire le grec, les idiomes germaniques et l'arabe,
« M. Raynouard n'eût jamais connu de rival dans ce genre. » Si, pour
être sans rival « dans ce genre », il faut savoir le grec, je crains bien que
M. M.-L. reste notablement au dessous de Raynouard, qui du moins
n'eût jamais tracé l'extravagant assemblage de lettres grecques qu'on
peut voir au bas de la p. 2 de T « Histoire littéraire » de M. Mary-
Lafon.
« Le livre aujourd'hui publié date de longtemps, » nous dit l'auteur
au début de la préface. « J'avais dix ans lorsque l'idée m'en vint. » Il y
est resté beaucoup de la conception première.
P. M.
23b :on.
IBVfîK ob
>> IJJOQ
196. — Mollèi-es Tartuffe, Geschlchte und Krltlk, von Wilhelm Mangold,
Oppeln, Maske. 1881. In-8°, vi et 23ç p.
Le travail de M. Mangold sur le Tartuffe est un des meilleurs tra-
vaux qu'on ait publiés en Allemagne sur notre grand comique. M. M.
a consulté toutes les études antérieures qui ont trait à son sujet, et nous
ne croyons pas qu'il en ait négligé une seule, depuis la Critique du
Tartuffe jusqu'au travail du Russe Wesselovsky, jusqu'à l'étude de
M. Legouvé sur Scribe. M. M. connaîrbien la littérature du xvir3 siè-
cle, et il cite avec à-propos des passages tirés des auteurs de l'époque et
qui éclairent d'une vive lumière certains de ses jugements. Dans un pre-
mier chapitre, il expose très brièvement la vie de Molière, l'influence
qu'a exercée Gassendi sur le grand comique (mais qui, à notre avis, ne
ne s'est pas manifestée dans le Tartuffe), les vues de Molière sur la
religion et la morale; il consacre quelques pages sur le clergé de l'épo-
que, aux jésuites, aux jansénistes, etc. Dans le deuxième chapitre, M. M.
expose le sujet du Tartuffe ; il rappelle les œuvres où l'hypocrite joue
un rôle, celles auxquelles Molière a sans doute pris quelques traits, etc.;
il insiste principalement sur le Montufar de Scarron, il énumère les di-
verses allusions que Molière aurait faites à certains personnages de l'é-
poque. Le 111e chapitre, où M. M. s'est, avec raison, inspiré surtout de
l'excellente notice de Despois-Mesnard, est consacré à l'histoire du Tar-
tuffe (ire représentation des trois premiers actes, opinions pour et contre.
242 REVUE CRITIQUE
la pièce, première défense de la jouer, premier placet de Molière, lectu-
res du Tartuffe dans des sociétés particulières; 2e représentation chez
Madame, 3° représentation au Raincy, Don Juan, 4e représentation du
Tartuffe et deuxième défense de le jouer, second placet de Molière,
condamnation du Tartuffe par l'archevêque de Paris, Lettre sur l'Im-
posteur, l'Amphitryon, etc.) ; toute cette histoire du Tartuffe est racon-
tée par M. M. avec précision et clarté. Mais M. M. ne s'arrête pas au
temps de Molière ; il pousse plus loin son enquête et fait l'histoire du
Tartuffe jusqu'à nos jours; il traite d'abord de la polémique contre le
Tartuffe et le théâtre en général (du P. Caffaro et de Bossuet jusqu'à
MM. L. Veuillot et de La Pommeraye), puis des pièces inspirées par
Tartuffe, de ses imitations, de ses traductions; les nombreuses informa-
tions qu'il a recueillies témoignent d'une lecture étendue et de patientes
recherches; aucun de nos moliéristes français, par exemple, n'a connu
la pièce de Mme Gottsched, Die Pietisterey im Fischbeinrocke oder
die doctormàssige Frau (p. 1 52). Mais M. M. a-t-il connu ce que dit de
cette pièce M. W. Greizenach dans son excellente brochure Zur Ent-
stehungsgeschichte des modernen deutschen Lustspiels? (pp. 3o-32). Le
ive chapitre, qui est, avec le précédent, le plus remarquable de l'ouvrage,
est intitulé Tartuffe au point de vue dramatique ; M. M. y examine
successivement les caractères et l'action du Tartuffe ; on trouvera là de
fines analyses et de pénétrantes observations. L'ouvrage se termine par un
5e et dernier chapitre qui a pour titre : « Critique éthique et esthétique ».
On ne pourrait faire à M. M. que de légères chicanes. Par exemple,
parmi les étymologies du nom de Tartuffe, il aurait pu citer, ne
serait-ce que pour mémoire, l'étymologie proposée par Génin qui
dérive tartuffe du mot tartufo « petit homme d'humeur fort mé-
chante » (dans le Malmantile de Lippi). — Pp. 35-36. Il nous semble
que les traits de ITpocrito de l'Aretin peuvent convenir au Tar-
tuffe et que l'Ipocrito ressemble tout à fait à l'hypocrite de Molière (il est
introduit dans une famille, séduit le chef de la maison, fait toutes les si-
magrées de la dévotion, marche les yeux baissés et le paroissien sous le
bras, déplore humblement ses péchés, loue les hypocrites, aime les bons
repas, convoite la femme de son hôte, etc.). — P. 59. On trouvera assez
étrange l'expression « un certain Gourville », ein gewisser Gourville,
et nous ne croyons pas que le discours de Don Luis à Don Juan ren-
ferme les allusions à la conduite privée de Louis XIV (p. 98), ni qu'il y
ait là, ainsi que dit M. M., beaucoup de démocratie et comme la prépa-
ration de la grande Révolution. C'est aller bien loin que de faire de Mo-
lière le précurseur et le prophète de 1789. — P. 1 38, M. M. dit qu'il se-
rait fatigant ( ermûdend) de suivre les pensées de Bossuet dans ses
Maximes et réflexions sur la comédie; M. M. a certainement raison
de désapprouver le zèle fougueux de Bossuet et la véritable furie de son
attaque contre Molière; mais l'évêque a mis au service d'une mauvaise
cause une vigoureuse éloquence. — P. 140. Quelques lignes plus loin,
d'hISTOIKK K'I DK LlTTICKATURt 243
M. M. déclare que la lettre de Rousseau à d'Alembert est « trop en-
nuyeuse et trop sotte » (\u langweilig und \u albern) pour mériter une
longue analyse; c'est méconnaître ce que la Lettre sur les spectacles
renferme d'original ; il y a, dans cette protestation contre le théâtre, des
traits éloquents, et quelques vérités exprimées avec l'éclat et l'énergie
qui distinguent le style de Rousseau. — P. 146. Sur l'Onuphre de La
Bruyère, il est permis de rappeler que wSainte-Beuve dit (P. L. II, 407)
qu'Onuphre est une critique pointilleuse et un contre-pied du Tartuffe;
Sainte-Beuve ajoute : « La Motte avait vu de même dans le portrait
d'Onuphre un tableau de Y Hypocrite où La Bruyère commence par ef-
facer un trait du Tartuffe, et ensuite en recouche un tout contraire ». —
Le travail de M. M. est complet, exact, rempli de justes appréciations,
de rapprochements intéressants et d'instructifs commentaires. L'auteur
aurait pu être plus concis en certains endroits, par exemple dans le
11e chapitre et dans le dernier qui tourne trop à la dissertation ; quelques
lecteurs difficiles trouveront même que M. Mangold abuse des citations;
mais, par son ouvrage, il s'est placé au premier rang des moliéristes
d'Allemagne, et cette étude sur le Tartuffe, solide, consciencieuse, écrite
d'ailleurs avec agrément , mérite de ne point passer inaperçue en
France.
C.
197. — Cœtlie's Reineke Fucbs nach dem ersten Druck von Jahre 1794 mit
Proben der aelteren Thierepen hrsg. u. erlacntert von Alex. Bieling. Berlin,
Wiedmann. 1882. In-8°, 226 p. 4 mark.
M. Bieling a reproduit dans ce volume, avec la plus grande fidélité, la
première édition du Reineke Fuchs de Goethe (pp. 29-156); il en a con-
servé scrupuleusement l'orthographe et, autant que possible, la ponc-
tuation ; naturellement, il a corrigé les fautes évidentes d'impression. Il
a joint au texte une liste de ces fautes d'impression et des variantes de la
dernière édition donnée par Gœthe en i83o [abweichende Lesarten,
pp. 1 57-1 58), ainsi que des remarques {Erlàuterungen, pp. 159-206).
Ces remarques, fort instructives, et renfermant soit des éclaircissements
tirés de l'histoire du droit du moyen âge, soit des citations du Ro-
man de Renart, de Reinaert, du Reinke Vos, etc., soit des expli-
cations grammaticales et philologiques, auraient mieux été à leur place
au bas des pages. Le volume — dont il sied de louer, en passant, l'a-
gréable impression — se termine par des Proben aus denalteren Tier-
epen (pp. 206-226) ; pour mieux montrer par un exemple l'affinité des
plus importantes épopées animales, M. B. a cité le même passage
(chez Gœthe, le commencement du IVe chant) traité dans le Reinhart
moyen-haut allemand de Henri le glichesare (ancien texte et version
postérieure), dans le Roman de Renart (extraits de Martin), dans le
244 KKVUK CRIIIQUh
r
Reinaert, dans la traduction en distiques latins de Baudoin (hic vulpes
HfiftiftjtÇPW71, leone et persuadet pulcre), dans la Reinaerts historié,
dans Hendrik van Alkmaar, dans 1q- Reinke bas-allemand, dans la tra-
duction allemande de i65o, dans la traduction en prose de Gottsched.
Il ne nous reste plus à parler que de l'introduction, mise en tête du
volume par M. B. (pp. 1-26); on ne la lira pas sans intérêt; on y
remarquera surtout la liste des noms des animaux qui se trouvent dans
le Reineke Fuchs, et leur signification étymologique (pp. 22-26) ; mais
Eitelbauch ou Idelbach (dans Gottsched, Ydelbach) signifie-t-il « nichts
als Bal g » et ne faut-il pas entendre « qui a toujours le ventre vide » ?
(p. 24). L'introduction est d'ailleurs claire et précise; M. B. con-
naît les travaux récents, surtout ceux de M. Voigt, sur la légende ani-
male ; il examine et apprécie successivement YEcbasis captivi, Vlsen-
grimus, le Reinardus vulpes, etc. ; il raconte l'histoire de la traduction
de Gœthe qu'il nomme avec raison la plus « réussie » de toutes les tra-
ductions et qui, malgré quelques erreurs communes à Gottsched et à
Gœthe, a, grâce au vers hexamètre, rendu « chère au peuple allemand
cette perle de la poésie populaire » (p. 21). On aurait voulu que cette
introduction fût plus complète encore; M. Bieling ne fait guère que
mentionner, sans plus de détails, la traduction de Gottsched et les gra-
vures « spirituelles » d'Everdingen (p. 16) ; il nomme en passant Hack-
mann, le professeur de Helmstaedt et l'éditeur de 171 1 (Wolfenbuttel),
mais il oublie Heinecke ou Heineccius, l'auteur de YAntiquitatum.ro-
manarum jurisprudentiam il lustrant ium syntagma, à qui Gœthe dé-
cerne, en même temps qu'à Eberhard Otto, 1 épithète d'éle'gant (D. u.
W. VI, p. 3 1 , Loeper) et qui fut, au xvme siècle, un des jurisconsultes
qui appelèrent l'attention sur le Reineke ; il aurait pu encore citer, au
xvie siècle, Moscherosch(cp. Koberstein, II, p. 287, note 17). En somme,
édition recommandable et utile, qui fera certainement son chemin dans
les gymnases allemands.
Mimn ao1qîuI 26iqB
j3io:>n3 jîb! xuaim
iulq ùup oibno Joaavfjl
JEdma'i éuiÊb _ <l
198. — A Short lii-ioi y of the english colonies in America, by Henry
Cabot Lodge. New York, Harper and brothers. 1881. vi-56o p. in-8°.
« L'histoire des treize colonies américaines est, avant tout, une his-
toire fragmentaire et provinciale; elle n'acquiert pas l'importance ni la
valeur d'une histoire nationale avant la réunion du Congrès qui eut lieu
à New-York en 1765, au sujet de la loi sur le timbre. Quels étaient ces
gens qui firent la guerre de l'Indépendance et fondèrent les Etats-Unis;
quel était leur genre de vie, quels étaient leurs usages, leurs idées, leurs
mœurs, toutes ces questions, lorsque je commençai l'étude de l'histoire
d'Amérique, m'ont semblé présenter le plus profond intérêt; elles n'a-
vaient pas encore été traitées d'une façon complète et résumée à la fois;
isup aab anoiiuimni Ja aiusorn
d'histoire et de littérature 245
le présent volume est un essai tenté pour combler cette lacune. »
Par ces lignes, qui sont les premières de la préface, M. Lodge indique
fort bien le but qu'il s'est proposé, et, disons-le dès maintenant, qu'il
a su atteindre. Le sujet n'était pas des plus aisés. Les documents sont
beaucoup moins abondants qu'on ne pourrait croire. Ces colonies ont
eu pour la plupart de fort médiocres débuts; on y gagnait sa vie comme
on pouvait, et l'on n'y écrivait guère. En outre, chacune d'elles formait
un état à part, avait son existence individuelle, et, pour décrire les diffé-
rentes colonies en 1765, on ne pouvait échapper à la nécessité de faire
leur histoire l'une après l'autre. C'est ce qu'a fait M. Lodge. Son livre
se divise ainsi en deux parties, fort inégales d'ailleurs en étendue :
i° L'histoire des treize colonies (p. 1 à 476) ; 20 La Révolution et la guerre
de l'Indépendance (p. 476 à 52 1).
Quant à l'histoire particulière de ces colonies, on eût désiré que l'au-
teur indiquât l'ordre qu'il entendait suivre. Cependant il est assez facile
de le deviner. M. L. répartit les treize colonies en trois groupes : i° cinq
au sud : Virginie (depuis 1606), Maryland (i632), les deux Carolines
(166 3) et la Géorgie (1732) ; 20 quatre au centre : Delaware et Pensyl-
vanie ; New-Jersey et New- York; 3° la Nouvelle-Angleterre, qui a formé
Massachusetts, Connecticut, Rhode Island et New-Hampshire. Pour
chacune de ces colonies, l'auteur en trace l'histoire dans un pre-
mier chapitre, puis, dans un second, il en décrit l'état social, intellectuel,
moral, industriel et politique *. C'est cette seconde partie qu'il a traitée
avec le plus de soin, et, quand même il n'en aurait pas prévenu le lecteur
dans sa préface, on s'en apercevrait tout de suite en ouvrant le volume :
tandis que pour l'histoire il ne donne aucune référence, pour les institu-
tions, au contraire, il renvoie à de nombreux auteurs. Il avertit d'ailleurs
qu'il s'en faut de beaucoup qu'il ait indiqué toutes ses sources; mais il
a voulu multiplier ces indications pour être utile à ceux qui étudieraient
après lui le même sujet. L'intention est excellente; l'auteur eût
mieux fait encore, s'il avait donné avec plus de précision les titres des
livres ou des documents auxquels il se réfère. Il est à craindre que plus
d'un lecteur sur le vieux continent ne soit souvent dans l'embarras en
présence de ces renvois trop laconiques.
Le présent ouvrage abonde en faits intéressants, présentés avec exacti-
tude et méthode; les idées générales y font un peu défaut, et l'on ne lit
pas sans fatigue certains chapitres, surtout les chapitres proprement
historiques, du livre; on se demande si M. L. n'aurait pas pu grouper
avec plus d'art les diverses monographies qui le composent, pour faire
mieux comprendre les grandes lois qui ont présidé au développement des
colonies. Ce qui surtout ne ressort pas assez nettement, c'est la situation
de ces colonies à l'égard de la métropole. Sans doute M. L. montre bien
1. Il a eu l'heureuse idée de réunir en un seul chapitre tout ce qu'il avait à dire des
mœurs et institutions des quatre colonies qui composent la « Nouvelle Angleterre ».
246 REVUli CKITIQUh
qu'elles furent lentes à se séparer de la mère patrie, et que le ministère
anglais est responsable, par les lourdes fautes qu'il a commises, de la
guerre de l'Indépendance (cf. p. 474); mais les erreurs du système co-
lonial ont été une cause plus profonde encore de cette guerre. Il serait
bon de relire après M. L., par exemple, la partie correspondante de la
History ofthe english people de M. Green (t. IV, p. 241 et suiv.).
Malgré ces desiderata, il y a beaucoup à prendre et à apprendre dans
l'ouvrage de M. Lodge.Nousn'avonscertainement en France aucun livre
qui nous renseigne aussi bien sur l'histoire de ces colonies, si humbles
pendant un siècle et demi, si péniblement arrivées à l'indépendance,
mais qui sont le' fondement, inébranlable à ce qu'il semble, de cet extra-
ordinaire empire des Etats-Unis d'Amérique. Ajoutons qu'un copieux
répertoire chronologique et un index très détaillé facilitent les recherches.
C'est donc un réel service que le livre de M. Lodge est appelé à rendre
aux historiens et aux politiques.
Ch. B.
199.— KafQp Folk-Lorc; or, a sélection from the traditional taies current among
the people living on the eastern border of the Cape Colony, with copious explana-
tory notes, by Geo. M8 Call Theal. London, Swan Sonnenschein, i882,in-8°,
xn-212 p.
Les contes africains qu'on a recueillis jusqu'à présent sont intéressants
à plusieurs points de vue. Le fond, à travers des altérations souvent ex-
trêmes, se laisse plus d'une fois rapprocher de celui des contes indiens,
et montre ainsi que les récits répandus chez les divers peuples du grand
continent équatorial leur ont été apportés, au moins en partie, par les
musulmans (en certains cas même par les Européens). Quelques traits,
au contraire, sont absolument spéciaux et indiquent chez les populations
africaines, avec une grande pauvreté d'imagination et une impuissance
plastique à peu près complète, un curieux ensemble de croyances et une
façon particulière de se représenter les rapports de l'homme avec la na-
ture. Enfin la forme que revêtent les récits abonde en renseignements
précieux sur les mœurs, les usages, les idées et les sentiments des tribus
chez lesquelles on les recueille. Toutes les collections de ce genre, quand
elles offrent, comme celle de M. Theal, des contes recueillis avec fidélité
et très bien commentés, sont donc fort précieuses. M. Th. a rassemblé ses
contes dans la tribu des Xosa ou Amaxosas, les plus méridionaux des Ca-
fres établis entre la colonie du Cap et celle de Natal ; l'auteur, qui a vécu
vingt ans en relations constantes avec eux, donne de leur manière de vi-
vre un tableau concis,' mais suffisant à nous la faire comprendre. Il a
entendu les contes qu'il publie de la bouche de plusieurs narrateurs,
sans grandes variantes, ce qui prouve que l'incohérence, l'absence de
motifs et de but, le défaut presque complet d'intérêt, au moins dans
0' HISTOIRE KT DK LlTTRKAlUftfc 247
l'ensemble, qui s'y font remarquer, ne sont pas accidentels ; on re-
trouve, en effet, ces caractères dans d'autres contes africains. Le folk-
lore proprement dit est joint aux contes sous forme de commentaire.
Dans les contes le mythographe relève à chaque instant des traits qui lui
sont connus d'ailleurs, mais il est rare qu'un récit tout entier soit assez
homogène pour se comparer aux récits d'un autre peuple. L'histoire de
Hlakanyana, « ce rusé petit gaillard », est une suite d'épisodes rappelant
les aventures de Dâumling ou d'Hermès enfant. L'un de ces épisodes est
une forme reconnaissable, quoique défigurée, d'un conte très répandu,
le LXIIe des Contes lorrains si savamment annotés par M. Cosquin,
L'Homme au pois (voy. Romania, t. X, p. 578). Le dernier conte, le
Lion et le Chacal, est supposé par M. T. être d'origine hottentotte : il
a sans doute raison, car on en trouve des épisodes à peu près identiques
dans les recueils hottentots de Krônlein et de Sanderson (voy. Bleek,
Reineke Fuchs inAfrika, pp. 1 ss.); il est bon de noter qu'un trait de ce
conte (que M. T. a cru malheureusement devoir abréger), — la sottise du
lion qui, ayant saisi la queue du chacal, se laisse persuader que c'est une
racine et la lâche, — se retrouve dans un conte recueilli oralement dans
l'Inde (M. Frère, Old Deccan Days, p. 3io). On pourrait faire bien
des rapprochements analogues; mais je signale particulièrement ce conte
du Lion et du Chacal, parce que, à mon avis, dans sa forme indienne
primitive, il est la source de toute la partie du cycle de Renart qui n'a
pas son origine dans les fables ésopiques gréco-romaines. Une petite col-
lection de proverbes et locutions figurées termine le volume de M. Theal,
que nous recommandons à tous ceux qui s'occupent àtfolk-lore.
G. P.
CHRONIQUE
FRANCE. — Nous avons reçu les deux premiers fascicules (janvier et février,
mars et avril) du Bulletin de correspondance africaine, publié par l'Ecole supérieure
des lettres d'Alger, avec ce sous-titre : Antiquités libyques, puniques, grecques et ro-
maines. L'avant-propos, signé de M. Emile Masqueray, directeur de l'Ecole, est ainsi
conçu : « Ce bulletin doit de paraître à la libéralité de M. Paul Bert, ministre de
l'instruction publique, ardent ami de l'Algérie, et à l'initiative de M. Albert Dumont,
directeur de l'enseignement supérieur, qui continue dans l'Ecole d'Alger son œuvre
de Rome et d'Athènes. L'occupation de la Tunisie et la création rapide de tant de
villages sur notre territoire civil ouvrent aux découvertes archéologiques une ère
nouvelle, et ce n'est pas trop, pour en transmettre une part au monde savant, qu'une
publication bi-mensuelle de deux feuilles environ, sœur de la Revue africaine, du
Recueil de la Société archéologique de Constantine, ç,t du Bulletin de l'académie
d'Hippone. La science et le dévouement de MM. Renier, Judas, Halévy, Faidherbe,
Tissot, Poulie, Berbrugger, Delamare, Mac-Carthy, Reboud, Cahen, Cherbonneau,
248 *RKVUIi CRITIQUE
Letourneux, Féraud, nous ont frayé la voie : nous puiserons nos forces dans une com-
munion constante d'idées et de sentiments avec les personnes qui nous favorisent de
leur correspondance. D'ailleurs, l'indignation seule nous aurait poussés à recueillir,
nous aussi, les épaves d'un naufrage dans lequel des villes entières disparaissent. On
a fait de la chaux avec des statues de Caesarea; Naraggara, Thagora, Auzia, sont en-
glouties dans des casernes; j'ai vu scier des marbres du temple d'Esculape à Lam-
bèse; les collections locales sont au pillage; mais ce n'est pas le lieu de se répandre
en plaintes stériles, et Tite Live nous avertit de faire taire nos regrets au moment
où nous déployons notre voile avec l'aide des Dieux ». — Le premier fascicule du
Bulletin de correspondance africaine renferme un article où M. Masqueray repro-
duit quatre inscriptions inédites d'Auzia, détruites aujourd'hui, mais copiées à temps
par M. Grenade Delaporte; la première est datée de l'an 2i3 de notre ère, la seconde
de l'an 222, la troisième de l'an 241 ; dans le même art. M. Masqueray détermine,
d'après une borne milliaire, le municipe de Rapidi et Labdia (pp. 7-22). M. R. de
La Blanchère étudie, dans l'article suivant, divers antiques que renferme la cour du
palais archiépiscopal d'Alger, et qui proviennent pour la plupart de St. Cyprien des
Attaf, entre Duperré et Orléansville, c'est-à-dire du lieu où l'on suppose qu'était
autrefois Tigava (pp. 23-27). M. Edouard Gat donne des inscriptions inédites ré-
cemment trouvées dans les environs de Cherchell (pp. 28-07). M. Masqueray examine
la stèle lybique de Souama, qu'il juge presque identique à la stèle d'Abizar déposée
au musée d'Alger (pp. 38-41). — Le deuxième fascicule du Bulletin est rempli tout
entier par un article de M. Masqueray sur les ruines d'El Meraba, dans le pays des
Béni Ouelban; M. M. fait connaître le nom de la ville romaine dont il ne reste que
la ruine d'El Meraba; ce serait Celtiane; il retrace quelques traits de l'histoire de
cette cité d'après les inscriptions qu'il a découvertes ou relues; il pense que ce sont
des Lollii qui ont, sinon fondé au moins considérablement accru cette ville de Cel-
tiane, etc. — Chaque fascicule se termine par une Bibliographie; dans le premier,
M. Masqueray consacre quelques lignes aux « Tables générales des vingt premiers
volumes de la Société archéologique du département de Constantine », que vient de
publier M. Poulie ; dans le second, il souhaite la bienvenue au « Bulletin trimes-
triel des antiquités africaines » qui paraît par les soins de la Société de géographie et
d'archéologie de la province d'Oran, sous la direction de MM. Poinssot et Demaeght.
— Le prix de l'abonnement d'un an au Bulletin de correspondance africaine est, pour
la France et l'Algérie, 20 francs; pour l'étranger, 2 5 francs; le prix de chaque fas-
cicule, 4 ou 5 fr. (S'adresser à Paris, chez Baer ou Challamel, à Alger, chez Jourdan).
— Un érudit qui connaît à fond les choses d'Algérie et qui signe El Z' Dam nous
envoie une « étude critique » intitulée Geronimo surnommé le martyr du Fort des
Vingt-Quatre Heures, a-t-il existé, ses restes ont-ils été découverts ? (Alger, Docks
de l'imprimerie [Petit Colon]. 1882. ln-120, 3cj p. tiré à cent exemplaires) ; nousen
résumons les traits essentiels. En i853, lors de la démolition du Fort des Vingt-
Quatre Heures, on trouva dans l'excavation d'un bloc des remparts un squelette hu-
main; cette excavation n'était autre que le moule du corps même de la victime; un
sculpteur en obtint facilement le relief, et le plâtre peut se voir aujourd'hui à la Bi-
bliothèque-Musée d'Alger, sous l'inscription : Geronimo, plâtre original obtenu
au moyen de l'empreinte laissée par son propre corps dans le bloc de pisé où il fut
jeté vif par les Turcs d'Alger le 18 septembre i56q et retrouvé le 2 7 décembre
18 53; quant au bloc et aux ossements, ils furent transportés dans la cathédrale
d'Alger. Haëdo raconte, en effet, qu'un jeune Arabe, pris dans une razzia par les Es-
pagnols d'Oran en 1548, devenu esclave, et baptisé sous le nom de Geronimo, puis
évadé trois années après, et, à l'âge de 25 ans, revenu chez les Espagnols, qui lui firent
I Ate'j û Jnarnatstiiqc! la sm
Huprn i
0 HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE i.uiru/'l ,XlJ..rn , 249
bon accueil et le réconcilièrent avec l'Eglise, fut en i56g repris par ses anciens coreli-
gionnaires, mené à Alger, sommé d'abjurer, et, sur son refus, empisé par ordre du
pacha El Euldj-Ali, dans un des blocs du Fort des Vingt-Quatre Heures alors en
construction. L'auteur de notre brochure, El Z' Dam, n'accorde pas confiance au ré-
cit d'Haëdo ; car Haëdo a été plusieurs fois induit en erreur; il est improbable qu'un
enfant, fait chrétien de force, ait reçu des impressions assez durables pour trahir les
siens à l'âge de 25 ans et qu'Euldj-Ali, dont le caractère bienveillant est historique-
ment connu, ait commis l'acte de cruauté qui lui est imputé; enfin, il est impossible
qu'Euldj Ali ait fait emprisonner un captif dans les assises d'un fort déjà construit
avant son arrivée à Alger. Si ce drame s'est passé, il faut en changer la date, la re-
porter à l'année de l'hégire gjb, et substituera Euldj-Ali le féroce Mohammed ben
Sala Reïs. Mais le squelette découvert le 27 décembre i853 et transporté à la cathé-
drale d'Alger est-il celui de Geronimo? Non, car le corps a été retrouvé, non pas
dans la face Nord du fort, comme le dit Haëdo, mais dans la face Ouest; le bloc,
qui, selon Haëdo, se distingue entre les autres parce qu'il est tout en ruines, était en
i853 encore assez solide pour qu'il fût nécessaire de le briser par la mine; enfin, le
moulage de la Bibliothèque-Musée d'Alger ne donne pas les caractères physiques
attribués par Haëdo au malheureux Geronimo. Il était impossible, ajoute El Z' Dam
dans sa démonstration, de trouver les restes de Geronimo, car ils n'ont jamais été
placés dans le Fort des Vingt-Quatre Heures; ce fort n'est plus le même que celui
dont parle Haëdo ; il a été totalement reconstruit et il ne subsiste rien de l'ouvrage
primitif (qu'on songe seulement aux six bombardements, 1682, i683, 1688, 1783,
1784, 1816, que le fort eut à supporter, aux deux tremblements de terre de 17*6 et
de 1755 et aux explosions de poudrières). M. Berbrugger, qui « ne savait pas se ré-
signer à avoir tort », est responsable de l'erreur démontrée par El Z' Dam ; il avait
publié en 1847 une étude sur Geronimo où il déclarait, malgré l'absence de tout in-
dice, que les ossements du martyr se trouvaient dans la paroi nord du fort ; il savait
pourtant que l'édifice était tout récent, que le supplice de l'emmurement était fré-
quemment infligé et que la découverte de i853 ne prouvait rien en faveur de l'iden-
tité de la victime; mais il ne voulait jamais retirer les conclusions prématurées, que
sa vive imagination l'avait induit à présenter. « Ce petit travail, dit El Z' Dam en
terminant, ne plaira pas à tout le monde, mais il y a longtemps que j'ai adopté
comme règle de conduite la maxime d'El-Djilani : si tu crains les aboiements des
chiens, ne te mets pas en route. »
— Notre collaborateur M. Emile Châtelain a été chargé d'une mission en Italie à
l'effet d'étudier dans les bibliothèques publiques les principaux manuscrits des au-
teurs classiques latins et d'en faire exécuter des fac-similés photographiques, ainsi
que de terminer la collation des manuscrits de Sidoine Apollinaire.
ALLEMAGNE. — M. Schliemann a assisté au congrès anthropologique de Franc-
fort sur le Main (lundi 14 août) et y a fait des communications intéressantes sur
les feuilles qu'il a récemment entreprises en Troade ; nous renvoyons nos lecteurs
aux pages 194-195 (n° 36) de notre recueil : ce que M. Schliemann a exposé au
congrès de Francfort était déjà relaté dans sa lettre à l'Académie de Belgique que
nous avons résumée. Dans ce même congrès, M. Virchow a entretenu le public de
Darwin et de ses travaux sur l'anthropologie; — Mlle Thorma, de Broos (Transylva-
nie), a présenté à l'assemblée une collection d'objets de l'époque néolithique trouvés
dans les environs de Broos ; certains objets sont ornés de signes qui se rencontrent
également sur' des vases trouvés en Troade et à Chypre; — M. Gross a fait un rap-
port sur les fouilles exécutées récemment dans les stations lacustres du lac de
Bienne et spécialement à celle de Fénil; — M. Rau a lu un travail sur la charrue et
25 O RKVUK CR1TIQUK
son emploi dans les temps les plus reculés; — M. Neuburger a démontré les rela-
tions qui existent entre l'étude des langues et l'anthropologie; — M. Mehlis a parlé
des restes de constructions romaines trouvés sur l'Eisenberg, et M. Naue, d'un tu-
mulus de l'âge de fer découvert près de Pullach; — M. Wilsen a lu une disserta-
tion sur les Celtes et les Germains; — M. Sepp a cherché à prouver, en s'appuyant
sur les mythes et les traditions, que la fondation de Francfort remonte bien avant
l'époque carolingienne et que Francfort serait peut-être même la ville appelée Askis
par Ptolémée; — M. Kollmann a traité des relations qui existent entre la race et la
nation; — enfin, M. Virchow a parlé de l'anthropologie du Caucase. — Les mem-
bres du congrès ont fait plusieurs excursions, à Bodenheim, près de Mayence, où
ils ont vu des tombes franques qui remonteraient au vie et au vnc siècle de notre
ère, à Hombourg et au castel de Sarbourg, le Pompéi allemand; ils ont également
visité le musée gallo-romain, installé au château de Mayence, par le professeur Lin-
denschmit. La ville de Trêves a été désignée comme siège du congrès qui doit avoir
lieu au mois d'août de l'année prochaine; M. Virchow a été nommé président, et
MM. Lucae et Schaffhausen, vice-présidents du bureau pour l'année 1882-1883.
— Parmi les ouvrages qui doivent prochainement paraître, nous citerons : de
M. Brandl, un travail sur Coleridge, où sera surtout appréciée l'influence de Her-
der et des Allemands sur l'écrivain anglais; de M. Oscar Brenner, Altnordische
Grammaiik, Chrestomathie und Glossar (Leipzig, Weigel) ; de M. Breymann, une édi-
tion critique du Faust et de V Edouard II de Marlowe (Munich, Oldenbourg); de
M. W. Foerster, une édition de la traduction en ancien français (Franche-Comté)
de Végèce par Prioraz de Besançon et une étude linguistique sur le même texte de
M. Fr. Wendelborn (pour la société littéraire de Stuttgart-Tubingue) ; du P. Hœtzl,
une édition des Sermons latins de Berthold de Ratisbonne; de M. Humbert, une
étude sur Molière en Allemagne ; de M. Mahrenholtz, des Etudes sur Voltaire
(Voltairestudien) ; de M. Schade, un travail complet sur YAblaut germanique et la
conjugaison; de M. Ad. Schroeter, une étude sur les Nibelungen dans la poésie al-
lemande; de M. Sittl, des recherches sur les différences locales du latin {Die loca-
len Ver schiedenheiten der lateinischen Sprache) ; de M. Wœlfflin, la reproduction
d'une conférence « Gemination in der lateinischen Sprache », etc.
— M. Josef Haller, de Munich, prépare un grand ouvrage, en deux volumes, sur
les proverbes espagnols (Ratisbonne, Manz).
— L'éditeur M. W. Friedrich, de Leipzig, fait paraître une collection d'Histoires
des littératures étrangères (Geschichte der Weltliieratur in Ein^eldarstellungen); les
trois premiers volumes de cette collection vont paraître; le ier est consacré à la lit-
térature française (M. Ed. Engel); le 2e, à la littérature polonaise (M. H. Nitschmann);
le 3e, à la littérature italienne (M. C. M. Sauer); d'autres ouvrages sur les littératu-
res anglaise, hongroise et espagnole sont en préparation ; chaque volume coûtera
7 mark 5o.
— Un troisième volume d'Essais de M. Hermann Grimm a paru chez Dûmmler, à
Berlin.
— A l'occasion du centième anniversaire de la naissance d'Esaias Tegnér (novem-
bre), l'éditeur Senf, de Leipzig, fait paraître une monographie du grand poète, due
à M. Jens Christensen et intitulée « Esaias Tegner, der Sœnger der Fritjofsage»;
un autre éditeur, M. O. Leiner, annonce une traduction allemande, en sept volumes,
d'un Choix des Œuvres de Tegner (I. La « Fritjofsage »; IL poèmes épiques, Axel,
Gerda, Henri IV, etc.; III et IV, poésies lyriques; V-VII, œuvres en prose); cette
traduction est due à M. Gottfr. v. Leinburg.
--On nous dit que Ranke fera paraître avant Noël la troisième partie de sa Weltge
d'histoire et DE LITTÉRATURE 25 I
schichte. Ranke a deux secrétaires, dont l'un l'assiste le matin, et l'autre le soir et la
nuit, car l'illustre historien, malgré ses 87 ans, travaille de 9 heures du matin à
i heure de l'après-midi et de 8 heures du soir à 1 heure de la nuit. Pour se délasser,
Ranke se promène l'après-midi, de 2 à 4 heures; il va ordinairement seul au Thier-
garten. Après sa promenade, il consacre une heure à la conversation; ce n'est qu'à
ce moment de la journée qu'il reçoit ses visiteurs; même Sybel, Duncker, Droysen,
Mommsen ne sont admis qu'à cette heure-là. Ranke habite le second étage d'une
maison de la Luisenstrasse depuis trente-neuf ans.
— Le premier centenaire de la fondation du théâtre de Francfort sur le Main a été
célébré par une représentation des deux parties du Faust de Goethe.
— La section des langues germaniques et des langues romanes du Congrès des
philologues qui aura lieu à Carlsruhe du 27 au 3o septembre, entendra les lectures
suivantes : de M. Bartsch, sur la fondation de séminaires pour les langues germani-
que et les langues romanes et sur la méthode des exercices critiques; de M. Bech-
stein, sur Floia, le plus ancien poème macaronique de la littérature allemande ; de
M. Kluge, sur l'étymologie; de M. Koch, sur les rapports de la littérature allemande
et de la littérature anglaise au xvm" siècle; de M. Rieger, sur Max Klinger et son
goldener Hahn; de M. Wûlcker, sur Luther et la chancellerie saxonne, etc.
— Les Mitteilungen de Petermann donnent les chiffres suivants pour la popula-
tion de l'Europe : Allemagne, 45,234,061 habitants; Autriche-Hongrie, 37,869,954;
France : 37,321,186; Angleterre: 35,246,562; Russie: 81,598,569; Pays-Bas :
4,060, 58o; Suisse: 2,846,102; Luxembourg: 209,570; Danemark: i,g6o,o3g;
Suède : 4,565,668; Norvège : i,gi3,5oo; Espagne : 16, 333, 293; Portugal : 4,160, 3i5;
Italie : 28,452,639; Roumanie : 5,376,000; Serbie: 1,700,21 1 ; Turquie : 5,3o5,5oo;
Bulgarie: 1,998,983; Grèce : 1,979,423. La Chine a une population de 35o,ooo,ooo
habitants; le Japon, 36,357,212; l'Inde anglaise, 248,833,564.
AUTRICHE. — Les fascicules I et II des Mitteilungen ou « Communications »
des archives de la guerre, d'Autriche (pp. 1-218. Vienne, Waldheim), renferment
douze documents des années i63i-i635 provenant des papiers du comte Schlick,
ennemi de Wallenstein et président depuis i632 du conseil de la guerre, et relatifs
aux négociations du duc de Friedland avec la Saxe et le Brandebourg et aux événe-
ments du banquet de Pilsen ; — des notes sur les armements de l'Autriche contre la
Turquie en i683; — une correspondance curieuse de Frédéric-Guillaume Ier avec le
commandant de Komorn, chargé de lui procurer de beaux hommes pour sa « garde
de géants » ; le roi de Prusse promet au commandant un ordre très' rare, dit-il, et
qui n'est donné qu'aux étrangers qui ont enrôlé pour son compte des hommes de
haute taille; — les lettres de Frédéric II à Fouqué, prises à Glatz (fin); — des do-
cuments sur les négociations du colonel prussien Gcetzen avec Bubna en 1808 et sur
les combats livrés dans le Tyrol en 1809; — le mémoire d'un diplomate anonyme
sur la situation de l'Autriche en 1810, où l'on relèvera ces mots significatifs qui sont
devenus le programme du gouvernement autrichien : « Verlegung des politischen
Schwerpunktes der Monarchie nach Osten ».
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 6 septembre.
M. le Ministre de la Guerre, en réponse à une lettre du président, informe la So-
ciété que la porte de Lille à Valenciennes n'est pas actuellement menacée, mais que
252 REVUE CRITIQUE D*HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
la courtine intérieure doit seule être démolie, et les fossés remplis par mesure hy-
giénique.
M. Courajod remet sur le bureau un exemplaire -du catalogue de la collection
Timbal récemment acquise par le Musée du Louvre, et depuis la veille, exposée dans
les galeries. Il lit ensuite un travail sur les objets d'art recueillis par Alexandre Le-
noir et dispersés un peu partout. Il signale particulièrement à l'attention un lion en
marbre devant accompagner la statue de l'amiral Chabot, exposée depuis de lon-
gues années dans une cour de l'école des Beaux-Arts, et émet le vœu que cette figure
vienne retrouver le monument qu'elle accompagnait primitivement.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du zer septembre 1882.
M. Lenormant présente de la part de M. Marmier, capitaine d'état-major, des vues
photographiques de deux monuments importants de la Pouille, qui n'avaient encore
été ni reproduits ni même décrits nulle part. Ce sont la cathédrale de Siponte et
celle de Termoli, Dans la cathédrale de Siponte, construite avant la conquête du pays
par les Normands, à la fin du xe siècle Ou au commencement du xi* siècle, l'archi-
tecture présente le plus curieux mélange des influences byzantine et arabe. La ca-
thédrale de Termoli, au contraire, bâtie après la conquête, au commencement du
xne siècle, offre un magnifique spécimen d'une architecture inspirée de l'art roman
français. Elle rappelle surtout les édifices romans bourguignons de la région d'Au-
tun.Ce qui donne encore à cette église un intérêt particulier, c'est qu'elle porte sur
la façade une inscription qui fait connaître le nom de l'architecte, Johannes Gri-
maldi, et le pape sous le pontificat duquel l'édifice fut élevé, Pascal II (1099-1118).
M. P.-Ch. Robert donne une seconde lecture de son mémoire sur Gondovald et le
monnayage au nom de l'empereur Maurice Tibère dans la Gaule méridionale.
M. Halévy lit un mémoire intitulé : V Immortalité de l'dme chc\ les Sémites.
L'objet de ce mémoire est d'établir, contrairement à ce qu'ont affirmé plusieurs sa-
vants, que les divers peuples sémitiques ont cru à une survivance de l'homme sous
une autre forme après la mort, à une seconde existence dans un autre monde. A
l'appui de son opinion, M. Halévy invoque en premier lieu des textes assyriens en
caractères cunéiformes, où se trouvent de fréquentes allusions à la seconde existence
et même des descriptions du pays des morts. On trouve, par exemple, dans ces textes
un récit mythologique qui représente la déesse Astarté descendant aux enfers pour y
chercher son amant Toumouz. Ailleurs il est question de la félicité dont jouit, dans
l'éternité, un guerrier mort glorieusement sur le champ de bataille. On croyait aussi
à une résurrection; certains dieux ont pour surnom : « Celui » ou « Celle qui fait
revivre les morts. » Chez les Hébreux, on ne trouve pas de textes aussi explicites,
mais il ne faut pas, dit M. Halévy, s'en étonner. Ce qui nous est parvenu de la lit-
térature hébraïque ne représente pas toute la pensée de toute la nation [juive, mais
seulement celle du parti monothéiste, qui cherchait à substituer aux cultes multi-
ples du vieil Israël le culte d'un dieu unique. Les livres de la Bible sont des écrits
f>olémiques; les croyances populaires des Juifs ne sont pas celles que ces livres déve-
oppent, ce sont celles qu'ils combattent. Les ombres des morts, dans l'ancienne re-
ligion polythéiste des Juifs, recevaient un culte; c'en était assez pour que les auteurs
des livres saints considérassent cette idée des ombres, et des enfers, comme une
f)réoccupation funeste, qu'il fallait chercher à éteindre et à faire tomber en oubli. De
à leur silence presque absolu sur cette croyance. Ils n'ont pu pourtant en effacer
toutes les traces, et M. Halévy relève et cite divers passages de l'Ancien Testament,
qui mentionnent expressément, ordinairement pour les prohiber, les offrandes aux
morts, la nécromancie, etc. Le plus remarquable de ces passages est le récit où l'on
voit la pythonisse d'Endor évoquer l'ombre de Samuel. Les Hébreux ont cru, comme
les Grecs, que l'homme ne mourait pas tout entier, qu'il subsistait de lui une om-
bre; comme les Grecs aussi, ils ont assigné aux ombres un séjour particulier, ils ont
cru à un monde ides enfers. Chez les Grecs, ce pays des morts se nommait Yhadès;
en hébreu, c'est le schéol. C'est à tort qu'on a prétendu que le mot schéol signifiait
simplement tombeau. Des expressions comme : « Il fut réuni à son peuple », qui
reviennent souvent dans la Bible pour dire : «Il mourut», sont des allusions à ce
séjour des ombres, où l'on croyait que le mourant allait rejoindre les siens, morts
avant lui.
Ouvrage présenté, de la part de l'auteur, par M. Alfred Maury : Chèvkemont
(Alexandre), les Mouvements du sol sur les côtes occidentales de la France et parti-
culièrement dans le golfe normanno-breton. Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23
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REVUE CRITIQUE ,*,, _ f,
. t . , > .M
D'HISTOIRE ET DE LITTERATURE
na non nu n
N° 40 - 2 Octobre — 1882
Souimaii • s 2o». Collection de contes et de chansons populaires de la librairie
Leroux : Legrand, Contes populaires grecs; De Puymaigre, Choix de vieux chants
portugais; Dozon, Contes albanais; Rivière, Contes populaires de la Kabylie;
Léger, Contes populaires slaves. — 201. Engelmann, L'Alcmène d'Euripide, —
202. Arn. Schaefer, Sources de l'histoire grecque jusqu'à Polybe. — 2o3. Diez,
Vies et œuvres des troubadours, 2e édit. p. p. Bartsch. — 204. De Costa, Mé-
moires sur Verraaano. — 2o5. Lettres de Charlotte de Kalb à Jean Paul Richler,
p. p. Nerrlich. — Chronique. — Académie des Inscriptions.
200. — Collection de contes et «le chanson» populaires. Paris, Ernest
Leroux, 1881-2, in-18. Prix du volume : 5 francs.
I. Recueil de contes populaires grecs traduits sur les textes originaux par Emileiorrr
Legrand. xrx-274 p.
IL Romanceiro. Choix de vieux chants portugais traduits et annotés par lbJngV
comte de Puymaigr», Lx-280 p. inno) aiîuB-snu
III. Contes albanais recueillis et traduits par Auguste Dozon, xxvn-264 p.
IV. Recueil de contes populaires de la Kabylie du Djurdjura, recueillis et tra-
duits par J. Rivière, vi-2 5o p. tiaoladlYJn ihbi no
V. Recueil de contes populaires slaves, traduits sur les textes originaux par
Louis Léger, xiv-266 p.
garnis
Les études de littérature populaire, presque inconnues en France, y
jouissent maintenant d'une certaine faveur. Si le recueil que leur avait
consacré, sous le nom de Mélusine, une initiative intelligente, mais ap-
paremment prématurée, n'a pu prolonger son existence au-delà de sa
première année, de nombreux symptômes annoncent en leur faveur
un éveil de l'attention publique qui, il faut l'espérer, sera définitif. L'un
de ces symptômes est la création de la collection que nous annonçons,
qui a vu surgir à côté d'elle une rivale, conçue d^illeurs sur un plan un
peu différent, dont nous parlerons prochainement aux lecteurs de la
Revue. Le recueil commencé l'année dernière par M. Leroux, et qui
compte déjà cinq volumes, n'embrasse pas le folk-lore dans toute son
étendue; il se borne aux contes et aux chansons populaires. Il n'y a
rien à objecter à cette restriction ; on eût même fort bien pu se
borner à Tune des deux catégories, ou ouvrir pour chacune d'elles une
collection séparée. Les contes dominent d^illeurs jusqu'à présent :
quatre des cinq volumes publiés leur appartiennent en propre, ainsi que
le sixième qui est annoncé [Contes indiens). C'est d'eux que je m'occu-
perai principalement aussi, indiquant seulement le recueil des romances
Nouvelle série, XIV. 14
2 54 REVUE CRITIQUE
portugaises ' traduites et annotées par M. le comte de Puymaigre ; on y
retrouve le bon goût littéraire et l'érudition solide de l'auteur des ou-
vrages que l'on connaît sur la littérature espagnole et sur les chansons
populaires : les lecteurs français qu'attire une poésie d'un charme péné-
trant et souvent un peu étrange et qui n'ont pas à leur disposition les
différents romanceiros portugais liront ce joli volume avec autant de
plaisir que de profit.
Parmi les recueils de contes, deux surtout ont une haute valeur, celui
de M. Dozon et celui de M. Rivière. Ils ont été recueillis de la bouche
des Albanais a et des Kabyles et sont présentés pour la première fois au
public européen 3 ; ils enrichissent précieusement le trésor déjà si grand
des matériaux de la mythographie comparée.Ceuxàqui nous les devons
ont de cette science une idée inégalement incomplète ; M. Dozon, grâce
aux travaux de Hahn, en connaît les linéaments généraux, mais il n'en
possède pas avec précision la méthode rigoureuse et les résultats désormais
acquis. Il faut lui savoir gré des rapprochements qu'il donne avec les
contes grecs et albanais de Hahn ; il a emprunté avec raison à ce savant
l'observation que les contes se composent de traits qui se retrouvent
isolés ou groupés de manières différentes, et, en signalant ces traits dans
différents récits où ils sont épars, il facilite les recherches. Les contes en
eux-mêmes ne sont pas mauvais, ils sont généralefnent d'une conserva-
tion passable, d'ailleurs assez secs et sans grand charme. Ils paraissent
(je suis en cela de l'avis de M. D.) être arrivés aux Chkipétars par l'in-
termédiaire des Slaves et des Grecs : on n'^ trouve de national que le
nom de koutchédra et de loubie donné aux lamies, qui tiennent presque
toujours dans les contes la place du drakos grec ou de notre ogre. C'est
là un fait qui se retrouve chez tous les peuples : en s'appropriant les
contes merveilleux venus de l'Orient, chaque peuple européen a substi-
tué aux êtres surnaturels qui y figuraient ceux que lui fournissait son
propre folk-lore : il ne faut rien conclure de ces noms pour To-
rigine des récits ; il y a; en réalité, très souvent désaccord ou au
moins diversité de provenance et d'antiquité entre ces noms et les
contes où ils figurent ; c'est une observation qu'il importe de faire et qui
suffit à dissiper bien des rapprochements établis, d'ordinaire à tort, entre
la mythologie et la mythographie, qui ont beaucoup moins de points de
contact qu'on ne le croit. En général, les êtres qui figurent dans les
i. M. de P. ne veut pas faire romance du féminin, et il en donne de bonnes
raisons; mais outre que le mot romance au fém. est consacré (cf. Romania, I, 373),
il faudrait pour traduire le roma nce des Espagnols et des Portugais dire en français
un roman.
i. Quelques-uns de ceux de M. Dozon ont été empruntés par lui à l'Abeille
clikipe, journal albanais publié à Alexandrie.
3. M. Dozon avait déjà imprimé le texte albanais de ses contes dans son Manuel
de la langue chkipe (Paris, Leroux, 1878).
d'histoire et de LITTÉRATURE 255
contes ont peu d'importance mythographique;. ce sont les événements
qui en ont un capital, et c'est surtout sur eux qu'il faut faire porter
l'effort de la critique et de la comparaison. — Il y aurait naturellement
bien des remarques à faire sur les contes albanais de M. Dozon, mais il
serait difficile de trouver la mesure, et des remarques détachées seraient
peu utiles. Je noterai seulement que le n° XVïII, appelé assez inexac-
tement le Pêcheur, provient de la légende d'Alexandre (voy. Romania,
XI), où un œil humain remplace la feuille; le Lion aux pièces d'or
(XVII) est une altération fort maladroite du conte d'origine indienne,
mais déjà connu de l'antiquité, que Senecé a mis en vers sous le nom du
Serpent mangeur de kaïmak; enfin le n° XXI (Tosko et Mosko)me
paraît particulièrement intéressant, parce qu'il ressemble, et en certains
détails de fort près, au tableau français de Barat et Haimet. auquel je
ne connais pas d'autre parallèle '»
M. Rivière, qui a recueilli les cinquante-deux contes kabyles qui for-
ment le quatrième volume de la collection, n'a pas des idées fort nettes
sur la science à laquelle il apporte une si intéressante contribution. Il dit
bien qu'il a « pour objet de fournir une nouvelle matière pour l'étude
comparée des croyances et des traditions populaires » ; mais il ajoute
qu'on lira « avec intérêt ces pages si originales, où un peuple illettré
trace à notre curiosité le tableau vivant de ses qualités morales et sur-
tout de ses vices ». D'après cette idée, il a groupé une grande partie des
contes qu'il a recueillis sous différents chefs intitulés : Le vol, La ven-
geance et la jalousie, Le mensonge, L'hospitalité et Vassistance pu-
blique, etc., entendant que ces contes nous représentent fidèlement ces
différents aspects de la vie kabyle. Mais la plupart d'entre eux, coïncidant
parfois, jusque dans les détails, avec les contes d'autres peuples, ne sont
visiblement pas nés chez les Kabyles et ne sauraient, par conséquent,
offrir un tableau exact de leur manière de vivre. Par exemple, sur cinq
contes consacrés au vol, le second, Ali g Icher, est une variante de
Ddumling, fort curieuse du reste, car elle nous offre l'intermédiaire en-
tre la version européenne et un conte recueilli chez un peuple africain
du Sénégal2; le 3e, Les deux frères, est une variante de l'histoire de
Rhampsinite 3 ; le 40, le Juif infidèle, est un récit indien qui, sous le
nom du Dépositaire infidèle, se retrouve dans La Fontaine; le 4e, Ali
et ou Ali, quoique plus original, n'est pas sans analogie avec des contes
européens (cf. ci-dessus, texte et note); le premier seul, Thadhellala,
paraît sortir de l'imagination kabyle ; mais, sous la forme où il a été re-
1. On peut trouver quelques ressemblances, mais assez vagues, entre ce récit et le
n*I,4 des Contes kabyles dont il est parlé ci-après.
2. Voy. le conte teumé que j'ai reproduit dans Le petit Poucet et la grande Ourse,
(Paris, 1873), à Y Appendice.
3. J'ai fait, il y a longtemps, un travail étendu sur cette histoire, et j'espère, après
l'avoir remanié, le publier prochainement.
256 REVUE CRITIQUE
cueilli, il est déplorablement incohérent. M. Rivière va certainement
trop loin en disant que « beaucoup [des contes kabyles] sont aborigè-
nes »; il ajoute d'ailleurs : « Une étude comparative nous permettrait
de retrouver le fond d'un grand nombre d'autres dans le recueil des
Mille et une nuits ou dans celui (?) des contes indiens ». Quant à la
« forme nouvelle » qu'auraient revêtue ces contes empruntés, il ne faut
pas non plus en exagérer l'importance, ni surtout l'originalité. Les con-
tes qui forment le patrimoine commun de tant de peuples se sont assu-
rément modifiés dans leurs pérégrinations, mais les raisons de ces- chan-
gements doivent être cherchées presque toujours dans leur propre
évolution, si l'on peut ainsi dire, et non dans l'influence des milieux où
ils ont pénétré. Un conte à l'origine est un, logique et complet; en se
transmettant de bouche en bouche, il a perdu certaines parties, altéré
certains traits; souvent alors les conteurs ont comblé les lacunes, rétabli
la suite du récit, inventé des motifs nouveaux à des épisodes qui n'en
avaient plus ; mais tout ce travail est déterminé par l'état dans lequel ils
avaient reçu le conte, et rarement il a été bien actif et bien personnel.
Les différences de mœurs entre les peuples qui ont accueilli successive-
ment les contes ont agi surtout négativement, c'est-à-dire qu'on a sup-
primé les traits qu'on ne comprenait pas; rarement on les a remplacés
par des traits correspondants dans les mœurs nationales ». Les contes des
Kabyles confirment d'ordinaire ces observations générales : les contes que
nous connaissons d'ailleurs se retrouvent chez eux mutilés, incomplets,
décousus, mais non transformés et réellement assimilés. Au reste, il faut
toujours considérer la forme des contes, dans les recueils du genre de ce-
lui de M. Rivière, comme fortuite et individuelle ; les mêmes récits, si
un autre conteur les avait faits au collecteur, seraient souvent meilleurs,
plus complets, plus suivis (ou, au contraire, plus imparfaits). Ceux-ci ne
sont pas, en général, remarquables comme forme, et souvent ils sont à peu
près inintelligibles ; M. Rivière, et je l'en félicite, n'a pas voulu les amé-
liorer ; il les a traduits avec une fidélité scrupuleuse qui donne une va-
leur tout à fait scientifique à son recueil ; ajoutons qu'il a le mérite de
nous offrir les premiers échantillons connus jusqu'ici de la littérature
populaire kabyle. Au reste, si les contes qu'il nous donne n'ont pas l'in-
térêt suivi et le charme de narration qu'on trouve dans beaucoup de
contes européens, ils sont cependant bien supérieurs à la plupart des
contes recueillis chez les peuples moins civilisés de l'Afrique 2 et plu-
sieurs se lisent avec un vrai plaisir et offrent même des traits de naïveté
i. Cela est pourtant arrivé; il y en a un exemple fort intéressant dans l'histoire
du conte de Rhampsinite; mais, si je ne me trompe, on reconnaît là la main d'un
lettré.
2. Comme je l'ai déjà indiqué, les contes kabyles forment parfois la transition en-
tre les premiers et les seconds; ils confirment l'hypothèse d'après laquelle ces con-
tes recueillis chez les peuples divers de l'Afrique leur sont venus en bonne partie,
sans doute assez récemment, par les musulmans.
d'histoire kt de littérature 257
et de poésie charmante. M. Rivière a joint à ses contes des fables ■ et des
énigmes; ses remarques sur la vie kabyle présentent de l'intérêt : on voit
qu'il connaît à fond le peuple dont il parle. « Nous eussions aimé, dit
l'auteur dans la préface, à rencontrer de ces. légendes nationales où se
trouve défigurée, mais reconnaissable sous bien des traits, l'histoire d'un
peuple... Nos recherches ont été sans résultat... A l'égard des souvenirs et
des monuments du passé le Kabyle est un être indifférent à l'excès ». M.
Rivière aurait eu la même déception s'il avait fait la même quête dans
n'importe quel pays. Je crois qu'on peut aujourd'hui le proclamer avec
une assez grande assurance : il n'y a pas de tradition historique orale ;
ce qui passe ou a passé pour tel est de la pure fiction. Il semble bien
étrange, au premier abord, que des contes comme celui du trésor de
Rhampsinite, par exemple, se racontent aujourd'hui encore avec une fi-
délité admirable depuis la Sibérie jusqu'au Djurjura, depuis la Syrie
jusqu'à l'Ecosse, et que ces peuples qui conservent avec tant de ténacité
le récit d'inventions fictives oublient les événements historiques avec une
rapidité telle qu'en deux ou trois générations on n'en retrouve le plus
souvent aucune trace 2. Ce contraste est, je crois, explicable et a sa rai-
son d'être dans la nature même de l'esprit humain : ce n'est pas ici le
lieu de l'exposer telle que je crois l'apercevoir ; je me borne à constater
le fait.
Le volume de M. E. Legrand ne contient, sauf cinq communiqués à
l'auteur par un ami, et un dû à M. Jean Pio, que des contes déjà publiés ;
trots l'ont été en français même par Buchon ; cinq sont tirés du pré-
cieux recueil de M. Sakellarios, et étaient déjà connus par la traduction
allemande de M. Liebrecht [Jahrb. fur rom. Literatur); quatre sont
des contes grecs de la Terre d'Otrante recueillis par M. Morosi ;
un, que M. L. regarde d'ailleurs comme apocryphe3, a été publié par
un « albano-grec », nommé Molossos; enfin le dernier, qui roule sur
le même sujet que la Manekine ou la Fille sans mains, a été emprunté
au recueil de légendes pieuses du moine Agapios (xvne siècle 4) ; les dix
1. A vrai dire, plusieurs de ces fables n'en sont pas ; ainsi le n° 1, Le roi et le
chacal, n'est qu'une ibrme très altérée du conte recueilli plus haut sous le titre de
Le singe et le pécheur, et ces deux contes appartiennent au thème du Chat botté. Le
n° 2, Le petit enfant, est une variante, très peu particulière, du thème de la Chanson
du chevreau.
2. A moins de circonstances exceptionnelles, comme un monument; encore le
plus souvent lui attribue-t-on une destination tout autre que la vraie. Les lieux
prennent souvent aussi des noms d'après les événements dont ils ont été le théâtre
et rappellent ainsi ces événements à la mémoire. L'épopée ne contient d'élément
historique que quand elle a pour base des chants composés au moment des faits.
3. Peut-être M. L. va-t-il trop loin dans sa méfiance contre cette pièce, qui me
paraît ne pas déceler la fabrication autantqu'il ledit, au moins pour le fond.
4. M. L. pense que le récit d' Agapios provient de quelque imitation italienne du
roman français de la Manekine; mais les différences sont très grandes, et le récit a
existé dans d'innombrables versions.
258 REVUE CRITIQUE ,
autres sont traduits d'après des versions publiées dans un journal littéraire
grec. M. L. a fait précéder ces contes de quelques remarques, où il met
surtout en relief les rapports qu'ils présentent avec divers récits de la my-
thologie grecque. C'est un- point qui, même après les excellents travaux
de M. Schmidt, demanderait à être soumis à une étude approfondie; on
sait qu'il faut se méfier de plus d'un des textes qu'on allègue, et que des
faussaires, soit par patriotisme, soit par dilettantisme, se sont parfois
amusés à rapprocher des contes modernes de mythes anciens. Les contes
grecs paraissent en réalité, au moins en grande partie, avoir une pro-
venance slave; quelques souvenirs de l'ancienne religion hellénique,
d'ailleurs assez défigurés (comme Charos, les Néraïdes, etc.), y apparais-
sent accessoirement, et il n'est pas impossible que telle ou telle des aven-
tures des dieux antiques, souvent si semblables à nos contes, ait vécu
jusqu'à nos jours dans le souvenir des habitants de l'ancienne Grèce.
Toutefois il est bien difficile, quand on arrive aux cas spéciaux, de l'affir-
mer à coup sûr. Ainsi, sur le premier des contes qu'il a traduits, le Sei-
gneur du monde souterrain, M. L. remarque : « On trouve dans ce
récit certains traits qui rappellent la fable de l'Amour et Psyché, telle
que la raconte Apulée, et les tentatives de séduction exercées par la reine
remettent en mémoire l'histoire de Bellérophon ». Mais une femme qui
se prend d'un amour coupable pour son serviteur, et, repoussée, l'accuse
auprès de son mari, c'est un lieu commun qui se retrouve partout; et
quant à la fable d'Apulée, il n'est même pas certain qu'elle soit grecque
d'origine, et on lui trouve des pendants chez tous les peuples du monde.
Les contes anecdotiques ont parfois la vie plus tenace que les autres :
ainsi l'histoire de la fille qui allaite son père prisonnier se rencontre
dans un texte byzantin comme rattachée à une énigme, et c'est ainsi
qu'elle nous apparaît dans le septième conte de M. Legrand. Les contes
grecs n'offrent d'ailleurs pas de traits bien distinctifs, sauf, en beaucoup
de cas, quand les collecteurs ne les ont pas arrangés, une barbarie qui
sans doute les rapproche souvent de la forme primitive, et notam-
ment une férocité qui pourrait bien parfois leur appartenir en propre.
Ainsi l'avant-dernier conte, la Princesse et sa Nourrice, fort curieux
en ce qu'il a un dénouement à peu près identique à un épisode de Tris-
tan, nous montre une princesse enfermée dans une tour, devenant grosse
d'un passant, et, pour faire disparaître l'enfant qu'elle a mis au monde,
le faisant cuire et le mangeant avec sa nourrice, qu'elle essaie ensuite de
tuer pour cacher leur secret; le conteur ne semble d'ailleurs pas la blâ-
mer et termine en disant que la princesse et la nourrice, réconciliées, vé-
curent heureuses ensemble. Dans le poème breton, l'atrocité est beau-
coup moins grande, et si Iseut veut également faire périr Brangain pour
être sûre qu'elle ne la trahira pas, ce n'est pas un secret aussi horrible
qu'elle partage avec elle. Comme on trouve dans le conte grec, à côté
de ce festin révoltant, la substitution d'une suivante (différente de la
nourrice) à la reine dans le lit du roi la première nuit de ses noces
d'histoire et de littérature 259
comme dans Tristan), il semble bien qu'on ait ici deux histoires sou-
dées ensemble et originairement étrangères l'une à l'autre; le forgeron
qui joue un rôle dans la première partie doit aussi avoir une raison
d'être. — Sauf les contes publiés par Buchon, Sakellarios et Hahn,
ceux qu'a traduits M. L. étaient pour ainsi dire inconnus aux sa-
vants occidentaux, et on doit lui savoir beaucoup de gré de les
avoir réunis ; mais combien plus précieuse que ce recueil sera
la collection dont il parle dans la préface, la collection formée par
lui-même en Grèce! « Nous avons en portefeuille, dit-il, plus de trois
cents contes et légendes, qui présentent tous un vif intérêt tant sous
le rapport philologique et littéraire qu'au point de vue de l'his-
toire des croyances populaires ». Espérons que cette collection, accompa-
gnée d'une traduction, ne tardera pas à être publiée; l'annonce qui en
est faite éveillera certainement chez tous les mythographes le plus vif
désir de la posséder.
On peut considérer comme suffisamment accessibles aux travailleurs
les recueils de contes écrits dans les langues romanes et germaniques, et,
au moins au point de vue scientifique, il semble inutile de les traduire.
Il n'en est pas de même des contes asiatiques, et, pour l'Europe, des
contes écrits dans les langues celtiques, basque, finno-lapones, magyare,
turque, grecque, albanaise, lithuanienne et même slaves. Dans un demi-
siècle, les savants seront peut-être obligés de savoir au moins le russe, ce
qui leur permettra de comprendre les autres langues slaves, comme au-
jourd'hui ils sont obligés de savoir l'allemand, ce qui leur permet de lire
plus ou moins aisément les livres écrits dans les autres idiomes germa-
niques. Ceux qui s'occupent de littérature populaire, notamment, ne
pourront absolument s'en passer, tant est riche et varié le trésor du folk-
lore slave. Pour le moment, c'est un trésor fermé au moins pour le plus
grand nombre d'entre eux, et ils sont fort reconnaissants à ceux qui en
extraient quelque chose à leur intention. C'est ce qu'a voulu faire
M. Léger dans son recueil de contes slaves, et il était plus capable que
personne de bien s'acquitter de cette tâche. Il possède, en effet, tous les
dialectes des diverses branches de la grande famille slave, et il a pu nous
donner des contes traduits du serbe, du tchèque, du russe, du dalmate,
du slovaque, du polonais, du bulgare, du croate et du petit-russien. En
outre, il est au courant des études de mythographie et en état, par con-
séquent, d'apprécier ce qui est intéressant et authentique. J'avoue que,
étant données ces conditions favorables, j'attendais de M. Léger plus et
mieux que n'apporte le volume qu'il nous a donné. On y sent trop une
préoccupation qui se montre dans la plupart des travaux français consa-
crés aufolk-lore, qui entrave leur succès loin de le favoriser, qui a, par
exemple, contribué à empêcher la Mélnsine de prospérer, et qui se re-
trouve dans la conception même de la collection dont je rends compte :
je veux parler de l'idée de plaire au grand public en même temps qu'aux
20O REVUE CRITIQUE
savants. Cette confusion, qui produit presque toujours des œuvres gau-
ches et bâtardes, n'est pas d'ailleurs propre à ce sujet; elle se retrouve en
France dans beaucoup d'autres domaines, et elle y a partout de- fâchera
ses conséquences. M. Léger, à mon sens, au lieu de faire un choix, né-
cessairement bien restreint, dans les recueils de contes de neuf 'peuples
slaves, aurait rendu un plus grand service en traduisant entièremerft'Çrip
de ces recueils et en y joignant des notes comparatives renvoyëfit',"j)êu'£
chaque forme, aux contes parallèles contenus dans d'autres collections
slaves. Au moins le savant français ou allemand qui travaillerait avec
un tel livre saurait au juste ce qu'il a sous les yeux. En outre, les recueils
slaves ont une valeur très inégale; les derniers recueils russes, surtout
celui d'Afanasief, sont incomparablement les plus précieux et méri-
taient une préférence presque exclusive. Les autres ont été formés à une
époque où le point de vue purement scientifique n'avait pas prévalu, et
souvent sous l'influence de préoccupations littéraires ou patriotiques
qui en rendent la forme suspecte; quelques-uns ne méritent aucune
confiance. M. Léger n'a pas appliqué à ces contes une critique assez sé-
vère. Ainsi il nous apprend qu'il a supprimé « certains détails fantaisis-
tes » ajoutés par le collecteur au conte dalmate de la Fille du Doge,
conte croate ; mais le conte tout entier, s'il a quelque chose de populaire
au fond, est tellement arrangé, moralisé, etc., qu'il ne méritait pas d'être
traduit. Le berger et le dragon, conte slovaque, est aussi bien peu po-
pulaire, au moins dans beaucoup de traits, et n'offre d'ailleurs guère
d'intérêt : quoi de plus fade que de nous raconter une histoire fantasti-
que pour terminer en nous apprenant que c'était simplement un rêve?
Blanche-Neige, prétendu conte russe, est visiblement une fiction de let-
tré. Plus d'un autre conte donnerait lieu à des observations analogues.
A côté de cela, naturellement, beaucoup de contes excellents, empruntés
surtout à Afanasief et à Roudjenko (petit-russien). Il me semble cepen-
dant que le choix, là encore, puisqu'on voulait choisir, aurait pu être
fait autrement. Il était inutile, par exemple, de resservir des contes tra-
duits en anglais par M. Ralston et d'après lui en français par M. Brueyretyl
et en éliminant les récits indiqués ci-dessus, on aurait eu de la place
pour d'autres qui valent mieux. Je voudrais que M. Léger nous fit pro-
fiter plus complètement de ses rares connaissances, et que, choisissant tel
ou tel recueil russe ou petit-russien, il le traduisît soit en entier, soit au
moins en indiquant les contes qu'il ne croirait pas devoir traduire. Il
pourrait ainsi donner à la collection Leroux plus d'un volume, qui,
I
5TI525HJ
i. N'ayant pas les ouvrages en question sous la main, je ne puis affirmer qUfcil
mes souvenirs ne me trompent pas. Je remarque aussi que j'ai donne, dans Le petit:
Poucet et la grande Ourse, la traduction du conte d'Afanasief sur ce sujet; il était
inutile de le retraduire. Mais ce qui est plus grave, c'est que dans sa traduction f.
M. Léger a omis, sans en prévenir, deux traits importants (le premier stfrtdu'r} :p^raJr *
l'étude mythographique du récit; il faut espérer que c'est, là uaifittl\is&W^ tOJjnwn
tilnsîbi -t:»bIoW . stiùe aupfeiïj)
d'histoire et de littérature 261
moins agréable peut-être que le premier pour les gens du monde, serait
assurément mieux accueilli par les mythograpb.es.
Je souhaite, en terminant, que cette collection, qui contient déjà des
choses si précieuses, se continue activement. Le champ est vaste, pres-
que illimité. Les contes de tous les pays peuvent y entrer, et nos provin-
ces en gardent encore assez d'inédits pour tenter plus d'un collecteur.
Il faut aussi désirer que les volumes ne soient pas de simples recueils de
matériaux. La France compte, dès aujourd'hui, des mythographes de
premier ordre, comme M. Cosquin, capables de commenter avec toute
la compétence voulue les contes qu'ils publient. Espérons que leur
exemple sera suivi, et que ces études, trop abandonnées aux dilettantes,
seront traitées de plus en plus fréquemment avec la méthode rigoureuse
et les connaissances étendues qu'elles exigent. C'est par là qu'elles s'im-
planteront solidement chez nous, et que les travaux français prendront
un rang honorable à côté de ceux que l'on consacre à la mythographie,
avec tant de science et de zèle, en Allemagne, en Russie, en Italie et en
Portugal.
G. P.
201. — Richard Engelmann. Deiti-sege aeu Euripide». I. Alkmene. (Supplé-
ment littéraire du programme du Friedrichs Gymnasium). Berlin, Weidmann.
1882. In-40 20 p.
Alcmène est une tragédie d'Euripide dont Stobée et d'autres compila-
teurs nous ont conservé quelques fragments assez insignifiants.
A défaut d'indications précises, le bon sens aurait dû faire présume
qu'Euripide n'avait pu traiter dans le mythe d'Alcmène que le même
épisode qui a fourni la matière de Y Amphitryon de Plaute et de Mo-
lière. Alcmène, comme Léda, comme Sémélé, n'est célèbre que pour
avoir plu un jour à Jupiter, et aucun autre incident dans cette vie assez
obscure ne se prête aux exigences d'une action dramatique. D'ailleurs,
si, dans les vers parvenus jusqu'à nous, rien n'imposait absolument une
conjecture aussi naturelle, rien non plus ne venait la contredire. Mal-
heureusement, cette fois, comme dans d'autres occasions, l'explication du
bon sens était beaucoup trop simple pour contenter les philologues :
aussi l'ont-ils rejetée presque unanimement pour y substituer les hypo-
thèses les plus variées et les plus arbitraires. Jugeant que les complica-
tions qui résultent de la visite nocturne de Jupiter, étaient plutôt du
domaine de la comédie que de la tragédie, on s'est ingénié à découvrir
quelque autre événement où Alcmène eût été mêlée, si peu que ce fût.
Plusieurs, sous prétexte que le titre de notre tragédie est omis sur le
marmor Albanum, ont imaginé qu'il faisait double emploi avec
quelque autre : Welcker identifiait Alcmène avec le Rhadamanthe, dont
C«? lOTrilHCl
202 RKVUR CRITIQtJE
J'inauthcntiatéest certaine; Hartung avec le Licymnios. Bref, la ques-
tion, embrouillée comme à plaisir, en était venue à un tel rjbiBV'^o'bV-
curité que Wagner, dans son édition des fragments d'Euripide; 'tôflïS?-
sait ingénument qu'en l'absence d'une solution vraiment'sJâii$£féa,nitl#/(ïl
aimait mieux s'abstenir de toute explication. IJ;VJ; ai^°
Sur ces entrefaites, en 1837, Millingen publia, dans les Nouvelles
Annales de l'Institut archéologique de Rome, un vase d'origine 'hi-
canienne, rapporté d'Italie par le peintre Tresham, et appartenant ac-
tuellement à une collection particulière à Castle- Howard en Angle-
terre '. La face de ce vase qui nous intéresse représente une scène
mythologique dont la lecture est rendue facile par les inscriptions pla-
cées au-dessus des figures principales. Sur un bûcher, terminé à la par-
tie supérieure en forme d'entablement dorique, est assise une femme ri-
chement vêtue, que la légende appelle Alcmène. Un personnage barbu,
Amphitryon, et un jeune homme désigné sous le nom d'Anténor, sont
occupés à mettre le feu au bûcher à l'aide de brandons allumés. Mais
deux carreaux de foudre viennent de tomber à leurs pieds, et, pendant
qu'ils s'arrêtent effrayés, Jupiter apparaît dans les airs, le sceptre à la
main et couronné de lauriers. En l'apercevant, Alcmène lève la main
droite au ciel, avec une expression de stupeur et de joie. Sur Tordre du
dieu, deux jeunes divinités (les Hyades) versent sur le bûcher l'eau conte-
nue dans deux amphores, tandis qu'un arc-en-ciel, brillant à travers une
épaisse tempête, annonce le rétablissement de la paix sur terre et dans
l'atmosphère. Enfin, dans l'angle droit du Qso),gysÎov, la figure de l'Aurore
(AQE) fait pendant à celle de Jupiter et complète la composition. Cette
peinture, d'une exécution médiocre, mais qui paraît inspirée par un ori-
ginal de valeur, est signée du nom d'un artiste inconnu, Python.
Rien ne pouvait être plus clair que le sens de la peinture publiée par
Millingen. L'attitude des principaux personnages, celle d'Alcmène en
particulier, montrait à l'évidence qu'il s'agissait d'une exécution par le
feu, et cette exécution, bien qu'aucun poète n'en fît mention, s'expli-
quait à merveille : Amphitryon, convaincu de l'infidélité de sa femme,
exaspéré par ses dénégations, l'a condamnée au dernier supplice, et c'est
au moment où, de concert avec quelque parent d'Alcmène, il s'apprête
à accomplir la sentence, que Jupiter survient pour lui donner la clé du
mystère et lui révéler l'honneur auquel sa maison est appelée.
Le croira-t-on ? Ici encore le parti pris et des scrupules érudits ont em-
pêché les savants a'y voir clair, et leur ont fait substituer à une explica-
tion qui crevait, pour ainsi dire, les yeux, l'interprétation la plus alam-
, ■■■ — —
1. Nouvelles Annales, tome I (i836- 1837), pp. 487 sq. I. a belle reproduction en
couleurs forme la planche X des Monuments inédits publiés à la suite de ce recueil.
Disons en passant que l'atlas de ces planches manque à la Bibliothèque nationale
et dans les autres bibliothèques publiques de Paris. Nous l'avons trouvé à la biblio-
thèque de l'Institut, relié à la suite des Momnncnii inediti des Annali delV InstiLUto
archeologico. -(£P> -H <is->
d'histoire; et de littérature 263
os
biquce qui fût possible. Millingen s'est souvenu que, d'après une
tradition obscure rapportée par le mythographe Antoninus Liberalis, le
corps d'Alcmène fut, après sa mort, enlevé au ciel par Jupiter, et rem-
placép,.^^ son cercueil, par une grosse pierre. De là à un enlèvement
opéré avant la crémation, il n'y avait qu'un pas; Millingen n'hésite pas
^kfrABfhjUj, çt, voilà comment la peinture de Python se trouve baptisée
r Apothéose d'Alcmène. Millingen accompagnait la description du mo-
nument de rapprochements fort érudits où l'archéologie et la mytholo-
gie avaient à glaner ; mais cet échafaudage de suppositions aurait dû s'é-
crouler devant deux faits: i° la posture d'Alcmène dans la peinture
n'est pas celle d'une morte ; 20 suivant la tradition constante des au-
teurs anciens, Alcmène survécut à Amphitryon et épousa en secondes
noces Rhadamanthe '.
Il a fallu néanmoins attendre jusqu'en 1872 pour que l'on reconnût
la fausseté de l'interprétation de Millingen. A cette époque, M. Engelmann
publia dans les Annali delV Instituto une peinture assez rudimentaire,
mais visiblement issue de la même origine que celle de Python. On y
voyait un jeune homme — l'Anténor du vase de Millingen — s'élançant,
un brandon à la main, vers une femme qui s'est réfugiée sur un autel et
lève les bras au ciel dans une attitude de terreur. Deux divinités, apparais-
sant dans un arc -en-ciel, versent des hydries pleines d'eau sur la flamme
qui la menace2. En présence de ce monument, d'une signification en-
core plus claire que le précédent, il n'était plus possible de soutenir que
la scène commentée par Millingen se rattachât à une cérémonie funé-
raire. M. Engelmann a eu le mérite de le démontrer le premier, mais il
ne s'est pas contenté de ce résultat trop facile. Remontant à la source
même de la légende figurée sur nos deux vases, il s'est demandé s'il ne
fallait pas reconnaître dans cette variante du mythe d'Alcmène l'influence
d'un poète tragique. Ce point de départ admis — et rien n'est moins té-
méraire — il n'a pas eu de peine à conclure que l'auteur en question ne
pouvait être qu'Euripide, seul assez populaire pour exercer une influence
appréciable sur l'art du 111e siècle, et que la composition de Python pou-
vait être regardée comme une illustration d'Alcmène 3. Ainsi disparais-
saient du même coup la fantaisie archéologique de Millingen et les fan-
taisies littéraires de Welcker et de Hartung.
Cette partie de la thèse de M. E. ne va pas sans quelques difficultés.
Je n'attache qu'une médiocre importance à celle qu'on pourrait tirer des
— ;
1. Voyez notamment les Héraclides d'Euripide. Si, dans l' Hercule furieux du
même auteur, Alcmène ne figure pas auprès de son mari, il n'en résulte pas né-
cessairement qu'elle soit morte, mais seulement qu'elle n'a pas suivi Amphitryon en
todLÇEngelmann, p. 7, n. 4).
2. Annali, 187a, pp. 5-i8 et iav. d'agg. A. L'original est à Londres.
iH&lidlest juste d'ajouter que Millingen avait déjà émis, d'une façon très dubitative,
il est vrai, l'idée d'une relation entre la peinture de Python et notre tragédie (loc.
cit., p. 492).
^^4 SHU1 RKVUE CRITIQ«¥2lH'a
j.frqgm^qts 4e, la. tragédie : leur insignifiancfe^îQommode de toutesrles
jf^pfétations, et, en effet, M. E. éprouve peu d'embarras» ià teSr.plfer
au?; besoins de sa thèse. Mais on peut s'étonner qu'Euripide, si amateur
qu'on le sache de coups de théâtre, de machinerie et de moyens violente,
ait osé porter sur la scène un spectacle aussi atroce quccelnai^datisBp-
plice d'Alcmène, ajoutons : aussi peu conforme à rindulgence>rre{liâci|ve
des mœurs athéniennes pour la femme adultère. On peut s'étonnep^ussi
de ne rencontrer chez les auteurs aucune allusion, même lointaine, là
cette nouveauté: Aristophane aurait dû y trouver, ce semble, une ample
matière à satire '. i ; i j L q avl ztnqas 23l
Ces objections sont sérieuses et M. E., qui s'efforce de les écarter, n'en
a pas méconnu la gravité. Sans entrer dans le détail d'une discussion un
peu minutieuse, 'je dirai que toutes les difficultés, si réelles qu'elles
soient, ne peuvent contrebalancer, à mon avis, la force de conviction
presque irrésistible qui résulte du rapprochement de la peinture de Py-
thon avec un passage, jusqu'à présent peu intelligible du Rudens de
Plaute :
Proh di immortales ! tempestatim quious modi
Neptunus nobis nocte hac misit proxuma! „..^t/r
Detexit ventus villam... Quid verbis opust?
j-aup^Slg oii(yi>'.Non ventus fuit, verum Alcumena Euripidi %.
n(}Cette tempête épouvantable, assez célèbre pour fournir au comique
Romain une allusion comprise de son public, ne saurait être, comme le
veut Welcker, un simple trait emprunté à un récit épisodique de la
tflajissance d'Hercule. Il s'agit évidemment d'une tempête qui joue un
rôle dans Faction de la pièce, et nous en avons précisément l'image
dans la foudre, l'arc-en-ciel, le vent et la grêle (figd'réi^'p^^ ide^gros
points) du vase de Millingen.
Maintenant, cette tempête et la scène même du bûcher Se' pèftSSfëm-
elles réellement sous les yeux du spectateur, ou se contentait-ôW'de faire
entendre derrière le théâtre le mugissement de la foudre et du vent, et
un messager venait-il ensuite raconter les détails de l'intervention mira-
culeuse du deus ex machina? M. E. penche pour la première hypo-
:
i. Deux passages cités par M. E. (Lysist., 269; Thesmoph., 726) ne sont guère
concluants. L'invention du bûcher peut paraître moins choquante quand on la rap-
proche de la mort d'Evadné dans les Suppliantes et des vers bien connus de Y Her-
cule furieux (vv. 240 sq.), mais je me refuse à voir autre chose qu'une coïncidence
fortuite avec l'histoire de Crésus (Hérodote, I, 87) et l'épisode du siège de Platées
(Thuc, II, 77) que rappelle M. Engelmann. De même, la grossesse apparente d'Alc-
mène dans la peinture de Python, la ressemblance prétendue entre Jupiter et Am-
phitryon (le dessin du profil dans la chromolithographie est tout à fait différent), la
relation entre la couronne de lauriers du dieu et le torulus aureus qu'il porte dans
la pièce de Plaute (Amph., v. 144), me paraissent autant de subtilités. En regardant
trop longtemps un dessin, on finit par y découvrir toute sorte de finesses qui n'exis-
tent que dans l'imagination, comme ces archéologues fatigués qui, voyageant en
Grèce, aperçoivent une inscription dans chaque fissure d^ rp,ehfirB j ( p2 ço ,yy ^o\
2. Rudens, vv. 1-4. nflBl Vj MofofcW zéiqs (.vil 'c
d'histoire et DE LITTÉRATURE 2Ô5
thèse; la seconde serait peut-être plus conforme au caractère général du
théâtre grec et rendrait suffisamment compte du passage du Rudens ' .
Maisi ce n'est là qu'un point secondaire : sur l'ensemble de la question,
l'argumentation de M. E. me paraît décisive, et son ingénieuse trou-
vaille bstidu. meilleur augure pour la suite des Etudes sur Euripide
oxqittfiiL'nous promet.
i82uDepuis Bœckh, il ne devrait plus être permis de contester l'utilité de
l'alliance de la philologie et de l'archéologie figurée ; il me semble que des
travaux comme celui de M. Engelmann sont de nature à en convaincre
les esprits les plus rebelles 2.
Théodore Reinach.
aiî floiaarJDaibsnjj'b lu ■
aalb'up ealbVi
noiioivnoa ab sd*
202. — Abrïsz «1er Quellcnknnde der Grlr clilschen und Rœmischen
«icseliielite. Ersto Abteilung, «îrieeliisclie Gcachldite his auf
R'olyklos, von Arnold Sch^efer. Troisième édition, Leipzig, Teubner. 1S82.
1 ri p. in-8°.
Nous sommes heureux d'annoncer cette troisième édition d'un travail
si utile, si commode pour tous ceux qui s'occupent d'histoire grecque;
la première édition est de mai 1867, la deuxième de janvier 1873. On
voit que le succès a été rapide pour ces simples «feuilles », destinées
seulement, dans la pensée de M. Schœfer.Tà guider les étudiants.
M, S. a classé les auteurs d'après l'ordre chronologique, il établit
quatre périodes : i° depuis les temps les plus reculés jusqu'à Hérodote;
20 de Périclès à Philippe de Macédoine ; 3° l'époque de la puissance
macédonienne; 40 les derniers temps des états grecs, les Alexandrins.
Chacune de ces divisions comprend des subdivisions dans lesquelles
les auteurs sont rangés cette fois d'après le genre de leurs
œuvres; ainsi, dans la troisième période, celle de la puissance macédo-
nienne, sont indiqués par ordre : les histoires générales d'Ephore, de
Théopompe, etc., — les mémoires concernant Alexandre et les Diado-
ques, — les histoires qui forment la suite de celle d'Ephore, — les
Atthides, — l'histoire sicilienne — enfin les œuvres d'auteurs qui, sans
être proprement des historiens, n'en forment pas moins une des sources
importantes pour l'histoire, les orateurs et les philosophes.
1. Nous aurions donc ici une scène entièrement analogue à celle qui termine \'I~
phigénie à Aulis. C'est peut-être une preuve à ajouter à celles que Patin et M. Weil
ont fait valoir en faveur de l'authenticité tant discutée de ce dernier morceau. Le
dénouement d'Alcmènea pu inspirer Python fou l'original imité par Python) comme
les vers 1 $49-1 55o A'Iphigênic ont inspiré Timanthe, sans que cependant la scène
du sacrifice se passât sur le théâtre.
2. Voyez un récent exemple des étroites relations de la poésie et de l'art antique
au sujet du mythe d'Erichthonius {Ann. dell' Inst. 18 7 9 tav. d'agg. F comparé avec
Ion, vv. 25 sq.). La théorie de ces rapports a été exposée par Robert {Phil. Unters.,
5e liv.) après Welcker et Jahn.
REVUE CRrTIQUBOTaiH'a
La notice consacrée à chaque auteur comprend d'abord une bibliogra-
phie indiquant les travaux les plus importants des savants modernes, les
principales, éditions, les travaux spéciaux des anciens sur l'auteurjcp
question. Après cette notice, M. S. donne des extraits empruntés isoit/à
l'auteur lui-même, soit aux autres écrivains ; ces extraits constituent mos
sources pour connaître la vie de l'auteur, ses ouvrages, sa manière
d'écrire et de penser, la valeur qu'on lui attribuait, les jugements qu'on
portait sur ses œuvres, etc. lùùvubn eînarn
Comme le dit M. Scheefer, la nature du travail interdisait des citations et
des indications trop nombreuses, il fallait se borner à donner seulement
le plus important; nous croyons que M. S. l'a donné. Nous nous per-
mettrons cependant d'indiquer quelques travaux qui auraient pu très
bien figurer dans l'ouvrage de M. Schaefer, même tel qu'il l'entendait :
dans la liste des recueils d'inscriptions, celui du British Muséum (The
collection of ancient Greek inscriptions inthe British Muséum, pars I,
Attica, Oxford, 1874) ; — article Xénophon, O. Riemann, Qiia rei
criticœ tract andœ ratione Hellenicon Xenophontis t ex tus constituen-
dus sit, Paris, 1879; — article tragédie, H. Weil De tragœdiarum
grœcarum cum rébus publicis conjunctione, Paris, 1844; — article
DurisdeSamos, Horstig, Qiiœstionum Duridearum pars I,Stolp, 1862;
— J. G. Droysen, Zu Duris und Hieronymos, Hermès, XI, p. 458,
H. Kalleuberg, Die Que II en fur die Nachrichten der alten Histori-
ker uber die Diadochenkœmpfe bis \um Tode des Eumenes und der
Olympias, Philologus, XXXVII, p. 193; — article Phylarchos, Paul
Foucart, Mémoire sur un décret inédit de la ligue Arcadiennc en
l'honneur de l'Athénien Phylarchos dans les Mémoires présentés par
divers savants à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, pre-
mière série, t. VIII, 1874, pp. 93-119; — article Callimaque, on aurait
pu mentionner la grande édition de O. Schneider, 2 vol. Leipzig,
1870-73, la question des llhav.eq est traitée t. II, p. 297 ; — à l'article
Polémon, ajouter E. Egger, Polémon le voyageur archéologue, dans
les Mémoires d'histoire ancienne et de philologie, Paris, 186 3,
pp. i5-57; J:>aul Foucart, Renseignements nouveaux sur trois écrivains
grecs du 11e siècle avant notre ère. Polémon le Périégète, Hégésianax
d 'Alexandrie de Troade, Philippos de Pergame, dans la Revue de
Philologie, N. S., t. II, 1878, p. 214.
Albert Martin.
-no-j hvj?. h .v/auW. lonrus fi
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• aâii 3b saiCl
ao3. — Ixbcn undi Warke der Troubadours; ein Beitrag zur nœliern
KenntnissdesMittelallers, von Fr. Diez. Zweitevermehrtc Auflagc von K.Bartsch.
Leipzig, Barth, 1882. In-8", xvi-5o6 p. Prix : 12 fr. 5o.
an xoiCI z'iualIifi'Q .akt
Les « Vies et œuvres des Troubadours » sont l'un des premiers ouvra-
ges de Diez. L'édition originale, et unique jusqu'à la réimpression que
n'HISTOHtE ET DR UTTKHATURR
vient de nous donner M. Bartsch, est de 1820. Pourtant, entre tous les
travaux consacrés aux études romanes par l'illustre professeur de Bonn,
ipendant le cours d'une vie longue et laborieuse, il n'en est aucun qui ait
aussi peu vieilli. Ainsi, la Grammaire des langues romanes, qui restera
toujours l'œuvre capitale de Diez, exigerait maintenant une refonte com-
plète, bien que la dernière édition revue par l'auteur date de dix ans à
peine. C'est qu'en effet dans le domaine de la linguistique romane les élé-
ments nouveaux d'informations se sont, depuis quelques années, accu-
mulés dans des proportions formidables, en même temps que les méthodes
d'études s'amélioraient de plus en plus. L'art de composer des biographies,
au contraire, n'est pas susceptible de perfectionnements bien notables,
et, en ce qui concerne les Troubadours, les sources dont on dispose au-
jourd'hui ne sont pas très sensiblement plus nombreuses qu'en 1829. Aussi
pouvais-je dire, il y a dix-huit ans, en parlant de la Poésie des Trou-
badours de Diez (1826) et des Vies et œuvres des Troubadours, du même:
« Ces deux ouvrages sont le fondement des études provençales, car la
« publication du cours de Fauriel et celle de plusieurs volumes de ÏHis-
« toire littéraire ne leur ont point fait perdre de leur nouveauté, et
« maintenant encore ils sont, sur la plupart des points, au courant de
« la science. Si on voulait en donner une nouvelle édition, il n'y aurait
« point à les refondre : il suffirait d'en compléter certaines parties main-
« tenant mieux connues, grâce à des publications récentes "... »
Je ne voudrais plus actuellement mettre sur le même pied la Poésie
des Troubadours et les Vies et œuvres des Troubadours. Le premier de
ces deux ouvrages comprend un très grand nombre de matières. Il ne
traite pas seulement de la poésie lyrique — ce qui est proprement la
poésie des troubadours — il passe en revue tous les genres de la poésie
provençale, et suit jusque dans les littératures étrangères l'influence
exercée par chacun de ces genres. Or, dans certaines parties de ce vaste
domaine, dans la poésie religieuse notamment et dans la poésie narrative,
pour ne citer que deux genres, il a été fait bien des découvertes depuis
1826, époque de la publication de la Poésie des Troubadours. On ne
connaissait, en 1826, ni Flamenca, ni Blandin de Cornouailles, ni Fe-
rabras, ni Daurel et Béton, ni le poème de la guerre de Navarre, pour
ne citer que quelques titres. Du poème de la croisade albigeoise et d'au-
tres ouvrages également importants on ne pouvait se former qu'une idée
très insuffisante. Je crois donc que lorsque M. Bartsch rééditera, comme
il annonce devoir le faire (p. xv) la Poésie des Troubadours, il sera con-
duit, s'il veut faire une œuvre réellement utile, à ajouter au travail de
Diez de très nombreux compléments. Au contraire, dans le domaine
étroitement circonscrit des « Vies et œuvres », il ne s'est pas produit,
depuis le temps de Raynouard, de découvertes d'une importance capi-
tale. D'ailleurs Diez ne s'en était pas tenu aux textes édités dans le
iju c muii ..- . . , 1
1 . Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, 6e série, I, 281 . '
2Ô8 REVUE CRITIQUE
Choix des poésies originales des Troubadours ou dans le Parnasse
occitanien de Rochegude, il avait copié à Paris beaucoup de pièces iné-
dites ', dont il a donné, en original ou en traduction allemande, un as-
sez grand nombre d'extraits dans son livre. En somme, il n'était pas be-
soin de bien grands efforts pour remettre à peu près au courant de la
science de 1882 le livre publié par Diez en 1829. M. Bartsch paraît
avoir été du même avis. Il respecte scrupuleusement le texte original, ce
dont on ne peut que le louer; il n'en retranche rien, sinon quelques
citations de textes qui, maintenant, n'ont plus d'intérêt; il n'y ajoute
que les notes les plus indispensables, qu'il place entre crochets. Ces no-
tes rectifient brièvement les erreurs ou renvoient à des travaux dans les-
quels telle ou telle partie du sujet se trouve avoir été traitée à nouveau.
C'est une annotation très sobre, un peu maigre parfois. Elle se tient
trop dans la dépendance des travaux publiés depuis Diez, sans même en
tirer tout le parti possible. 11 y a dans le livre de Diez, si remarquable
qu'il soit pour le temps où il a paru, un assez grand nombre de petites
erreurs, surtout d'erreurs historiques, qui n'ont jamais été relevées, mais
qu'il appartenait au nouvel éditeur de corriger. En un mot, on souhai-
terait dans l'annotation un peu plus d'originalité. Malgré tout, cette
nouvelle édition sera la bien venue, et si le commentaire pèche par ex-
cès de sobriété, reconnaissons que, somme toute, la sobriété est une qua-
lité, et une qualité qui se fait rare dans les études romanes, où on prend
de plus en plus l'habitude de disserter à perte de vue sur des riens.
P. M.
204. — Verrazano tlie Expïorei-» being a V indication of bis Lettei-
and Voyage9 with an Examination of the Map of Hieronimo da Verrazano, and
a Dissertation upon the Globe of Ulpius, to wich is prefixed a Bibliography of
the subject, by B. F. De Costa. New-York. A. S Barnes and C°, 1880, vi-82 p.
in-40, avec 5 cartes et 2 portraits.
Les sous-titres indiquent suffisamment le contenu de cet ouvrage où
l'auteur de la Découverte de l'Amérique avant Chr. Colomb et des Scan-
dinaves dans VEtat du Maine a réuni, après les avoir remaniés, quatre
mémoires déjà publiés dans The Magasine of American History, dont
il est devenu le directeur. Il ne faut donc pas s'attendre, d'après le titre
général, à trouver dans ce recueil une biographie du grand navigateur;
on a si peu de notions sur lui que le tout pourrait tenir en quelques pa-
ges; M. de Costa y ajoute, dans sa préface, un document curieux qui a
été découvert aux archives de Rouen par M. Gosselin et copié par l'ar-
chiviste M. de Beaurepaire ; c'est un acte du 29 septembre 1 525, par
1. Diez avait fait relier ces copies, qui formaient dans sa bibliothèque un assez gros
volume in-40.
D*HrSTOn?E ET DE LITTÉRATURE 2Ô()
lequel Zanobus de Rousselay, bourgeois et marchand, demeurant à
Rotfffî& ^ortè'-baùtion^ôVir'messire Jehan de Verrassaiie',i'à/''refïèi0cTér
permettre à ce dernier de défendre dans un procès à' Im fa^ëHfë par0
Gûilkumé'Eynoult, dit Cornette, de Dieppe, pour le paiement de 95iV-J
vtffcsI.tSéj renseignement joint à d'autres contribuera à jeter quelque jour
sût 'Jèettë);pbysionomie encore si obscure. Elle l'est à tel point que des
savants profonds, comme MM. Henry C. Murphy et B. F. de C, l'en-
visagent sous des aspects diamétralement opposés. Le premier prétend '
que Giovanni da Verrazano n'a pas fait les découvertes qu'on lui at-
tribue; le second s'efforce de prouver, dans son premier chapitre, que
la lettre publiée sous le nom de ce navigateur n'est pas une supercherie;
les petites différences constatées entre le texte de Ramusio et celui de
Garli tiennent, croit-il, à ce que ni l'un ni l'autre n'est l'original, mais
que tous deux sont traduits du français, langue dans laquelle était
écrite, selon l'espagnol Pinello (1629), ^a relation traduite par Ramu-
sio ; et, pour corroborer cette opinion, il soutient que Jehan Allefonsce,
l'auteur d'une cosmographie inédite, terminée en 1 545, par Raulin Seca-
lart, a connu le texte français de la lettre adressée de Dieppe à Fran-
çois Ier, par Verrazano, le 8 juillet 1524, quelques jours après son
retour du nouveau monde ; le voyageur et le géographe emploient en
effet les mêmes traits, et à peu près dans le même ordre, pour la descrip-
tion de l'Amérique du Nord, quoique les expressions soient passablement
différentes; en conséquence, on ne pourrait douter que celui-ci n'ait ern1-1
prunté ces traits à celui-là, s'il n'avait lui-même, en 1542, visité la côte
septentrionale des Etats-Unis, en descendant jusqu'au 420 de L. N. ; il
n'avait donc qu'à rapporter ce qu'il avait observé lui-même, sans se faire
plagiaire de Verrazano, comme l'en accuse M. de Costa.
Si nous ne partageons pas en ce point l'opinion du savant auteur, nous
aimyfrslà>'ft?coln,naîtTfe1cftre', dans le chapitre suivant, il a trouvé ou repro-
duit d'excellents arguments pour prouver la véracité de la lettre contes-
tée; il fait surtout valoir la conformité des descriptions de Verrazano
avec celles données postérieurement par d'autres explorateurs et avec l'é-
tat réel des lieux. Ici, la connaissance qu'il a du pays et son érudition
bibliographique lui ont été d'un grand secours ; aussi, dans la plupart des
cas, réfute-t-il solidement les objections de M. Murphy. Une des plus
grandes difficultés de ce travail est l'absence d'indications précises dans
la lettre de l'explorateur; il ne donne que fort rarement la latitude
entre le 340 où il aborda dans la Caroline septentrionale et le 5o° où il
cessa de côtoyer la Terre des Bretons pour regagner la France. Le li-
bretto contenant le rapport scientifique, qui était joint à la lettre de
b iop xifehua Jn
-ici TBq ôiqc ~~~ ' r
•yjgçDaçig tPyh^-fâWfàffi-Pf Verrazano ; a Chapter in the Early History of Mari-
time Discovery in America, New-York, 1875, in-8°. Cet ouvrage n'est malheureuse-
ment pas dans le commerce, et c'est regrettable, car la fausseté de la thèse qui y
est soutenue n'empêche pas qu'il ne contienne beaucoup de bons renseignements.
2JQ REVUK CRITIQUE
Verrazano, a malheureusement disparu sans laisser de trace, si ce n'est
dans la carte dressée en 029 par Hieronimo da Verrazano, le frère de
Giovanni, d'après les données de ce dernier et d'après des cartes anté-
rieures. Notre auteur loue fort cette mappemonde, si exacte pour
l'époque qu'il fallut un siècle pour y apporter de sérieuses améliorations
en ce qui concerne la côte nord-américaine, et il en conclut avec raison
qu'elle doit être basée sur une réelle exploration de ces parages. Il en
a donné une réduction et il a reproduit à une plus grande échelle, avec
les noms, la côte nord-américaine. Ceux-ci sont parfois difficiles à lire
et à interpréter ; il serait donc injuste de critiquer un premier essai
de déchiffrement ; il vaut mieux que chacun apporte son contingent
pour cette interprétation; pour notre part, nous choisirons, par exem-
ple, entre les deux leçons données par M. de C. pour une même lé-
gende en deux lignes, celle qui est la plus logique et nous lirons :
terra onde ha mala gente (terre où il y a de mauvaises gens), au lieu de
terra onde mue ha gente, où l'espagnol mucha se trouverait seul de cette
langue entre trois mots italiens. La lettre de Giovanni da Verrazano et
la cosmographie de Jehan Allefonsce placent, en effet, un peuple barbare
et méchant dans les parages septentrionaux. Terra onde ne peut signi-
fier terre profonde (deep land) et n'a aucun rapport avec Rio Hondo ou
Fondo (rivière profonde) des cartographes espagnols, d'où viendrait le
nom de la baie Fundy, selon une ingénieuse conjecture de notre auteur.
M. de C. a aussi été le premier à faire remarquer que beaucoup de noms
de la carte de H. da Verrazano sont, malgré leur forme italienne, em-
pruntés à des localités françaises situées sur la route de Dieppe à la Ro-
chelle, ports fréquentés par les deux frères Verrazano. 11 montre aussi
que l'île Luisa, ainsi appelée d'après la régente, mère de François Ier,
est devenue, par suite d'une confusion entre la mère et la première
femme de ce monarque ou bien par suite d'une mauvaise lecture,
Claudia et même Brisa ou Briso ; en un mot, il a donné beaucoup de
bonnes indications pour l'intelligence de la mappemonde en question.
Mais le principal objet de ce troisième mémoire est de montrer l'in-
fluence occulte ou avouée des Verrazani sur la cartographie du xvie siècle
et, par suite, de prouver la réalité du voyage de Giovanni da Verrazano.
Le globe construit à Rome en 1 542, par un certain Euphrosynus Ulpius,
pour le cardinal Marcellus Cervinus de Spanniochi (plus tard le pape
Marcel II) est un des monuments géographiques où cette influence est
le plus visible. Découvert en 1859 chez un marchand d'antiquités à
Madrid, il n'a pas encore été totalement reproduit; M. de Costa en a
publié l'hémisphère situé des deux côtés de la fameuse ligne de démarca-
tion tracée par le pape Alexandre VI, et il l'a décrit dans son quatrième
et dernier mémoire, où l'on trouve, comme ailleurs, des explications
pleines de sagacité, avec des pages éloquentes sur les services rendus à la
géographie par les Italiens et des paroles sympathiques pour l'œuvre
d'exploration et de colonisation de la France. Malgré quelques incor-
d'histoire et de littérature 271
rcctions et des fautes d'impression, comme Nicolas Parrenat, lord Gran-
ville (Perrenot, seigneur de Granvelle), l'ensemble de ces études élucide
bien des questions relatives à la Verrazane, comme les étrangers eux-
mêmes ont appelé la Nouvelle-France, et démontre que les doutes éle-
vés dans ces dernières années sur l'authenticité de la lettre de Giovanni
da Verrazano n'ont pas le moindre fondement.
E. Beauvois.
205. — ISi-iefe von Charlotte von Kalb an Jean Paul unil deasen
Gattin, herausgegeben von Dr. Paul Nerrlich. Berlin, Weidmann. 1882. In-8°,
x et 190 p. 4 mark.
On trouvera dans ce volume les lettres écrites par Charlotte de Kalb
la « Titanide », la Linda du Titan, à Jean Paul Richter et à la femme
de celui-ci. Charlotte de Kalb, comme Emilie de Berlepsch, Joséphine
de Sydow, Caroline de Feuchtersleben, la comtesse de Schlabrendorf,
Caroline Mayer et tant d'autres femmes sentimentales dont M. Paul
Nerrlich nous a parlé dans un précédent volume ', conçut pour Jean-
Paul la plus vive passion ; un soir, après un souper chez Herder, elle
déclara son amour à l'auteur d'Hesperus et lui proposa le mariage. Jean-
Paul trouvait que Mme de Kalb « avait deux grandes choses: de grands
yeux, comme il n'en avait pas encore vu, et une grande âme » -, elle
parlait, disait-il, avec le même accent que Herder dans ses Lettres sur
l'humanité ; il admirait son éloquence et la flamme intérieure qui la
brûlait; mais elle ne répondait pas à ses « rêves » ; il soupirait, écrit-il à
son fidèle. Otto, après le repos, après l'idylle et la vie calme de Joditz; la
passion orageuse et géniale de Mme de Kalb l'effrayait. Il « dit non à
cette âme si haute et si ardente. » Les lettres que publie M. N. et qui
sont « peut-être les plus importants témoignages que nous possédons sur
Charlotte », nous montrent d'abord le bonheur que Mme de Kalb trou-
vait dans son amour exalté pour cet être « immortel » (p. 9); mais le
ton change, après le refus de Jean-Paul et son mariage avec Caroline
Mayer ; le malheur fond sur Mme de Kalb ; elle est ruinée ; elle devient
presque aveugle; il faut qu'elle vive de son travail; elle fait de la bro-
derie et des dentelles. Néanmoins elle est restée en correspondance avec
Jean-Paul; le commerce de lettres, renoué en 1802 avec le célèbre ro-
mancier et sa femme, — ce livre intéressant, dit Mme de Kalb, dont elle
n'a lu que le titre (p. 83), — dure, avec quelques interruptions, jusqu'en
1821. Mme de Kalb s'intéresse vivement aux œuvres de Jean-Paul ; elle
lui demande conseil; elle lui confie ses plans d'avenir, ses spéculations
désastreuses, ses soucis toujours croissants; elle lui parle de son
1. Jean Paul und seine Zeitgenossen. Berlin, Weidmann, 1876.
272 REVUE CRITIQUE
entourage, des écrivains du temps, de la société de Berlin. La lec-
ture de ses lettres offre donc un vif intérêt. Il est vrai que le style
de Mme de Kalb manque d'agrément et de grâce ; elle n'écrit pas simple-
ment ; la plupart de ses lettres sont emphatiques, lourdes et obscures;
mais, comme le fait observer M. N., elles renferment des pensées ingé-
nieuses, des saillies spirituelles, des sentiments élevés qui com-
pensent, à là rigueur, ces défauts. Les lettres de Mffie de Kalb ont été
libéralement communiquées à M. N. par M. Ernest Fôrster, de Mu-
nich; M. N. en a fixé la chronologie avec autant d'exactitude qu'il était
possible; il a rétabli l'orthographe et la ponctuation, toutes deux fort
capricieuses dans les lettres de Charlotte ; il a mis au bas des pages des
notes concises qui nous renseignent sur les ouvrages ou les passages de
Jean-Paul, sur les événements et les publications dont il est question
dans la correspondance de la célèbre Titanide ; ajoutons que l'écriture
de Mme de Kalb est très difficile à lire, — indéchiffrable, disait Charlotte
elle-même — ; il faut donc remercier M. Nerrlich d'avoir mené à bonne
fin la publication de ce recueil; mais la tâche, si délicate qu'elle fût, ne
pouvait qu'être bien remplie par l'homme d'Allemagne qui connaît le
mieux Jean-Paul.
A. C.
CHRONIQUE
FRAN.CE. — M. le marquis de Queux de Saint-Hilaire a publié dans la collection
du « Cabinet du bibliophile » (Jouaust. In-8°, vu et 277 pp. 12 fr.) les Fables du très
ancien Esope mises en rithmefrançoise par Gilles Corrozet, d'après un exemplaire de
la première édition de 1542 (Bibliot. Nationale, n° Y, 6543, réserve). La seconde édi-
tion date de deux ans plus tard (1544) et n'est pas la reproduction textuelle de celle de
1542; Corrozet y a fait de nombreuses corrections, que M. de Queux de Saint-Hi-
laire a relevées et reproduites à la fin du volume ; « ces corrections et ces variantes,
qui changent souvent des vers entiers, sont assez généralement heureuses » ( Va-
riantes, pp. 265-271); une troisième édition, imprimée à Lyon par Jean de Tournes
en 1 583 — les deux premières ont été imprimées â Paris par Denis Janot, — contient
vingt-trois fables de plus que les deux éditions précédentes, et reproduit, pour le
reste, le texte de la première édition de 1542 ; elle renferme, en outre, une Vie d'E-
sope extraicte de Volaterran et autres autheurs que l'éditeur actuel a réimprimée à
la fin de sa publication (pp. s55-263). « L'intérêt de ces fables, dit M. de Queux de
Saint-Hilaire dans sa préface, réside, dans la grande variété des rythmes employés
par Corrozet et dans sa naïveté.... Quelquefois Corrozet se met en scène; il s'inté-
resse à ses personnages ; il relie parfois entre elles deux ou trois fables qui se sui-
vent dans son recueil, comme par exemple les fables 2, le loup et l'agneau, et 6,
le loup et la grue, où c'est l'os de l'agneau qui est resté dans la gorge du loup et qui
l'étrangle... » — L'éditeur espère que sa réimpression sera favorablement accueillie
des amateurs; dans ce cas, elle « pourra servir de point de départ à un recueil eu-
d'histoire et de littérature 273
rieux des différents fabulistes qui ont été, au xvi° et au' xvne siècle, les précurseurs
et les contemporains de notre La Fontaine ».
— M. Victor Jeanvrot, substitut du procureur général près la cour d'Angers, vient
de publier une réédition d'un livre d'un des plus remarquables criminalistes du xvie siè-
cle, Pierre Ayrault, Ordre et instruction judiciaire ; Ayraultfait connaître dans cet ou-
vrage l'organisation de la justice criminelle en France dans la seconde moitié du
xvie siècle; M. Jeanvrot a fait précéder cette réédition d'une étude sur l'histoire de
l'ancienne procédure criminelle en France. (Paris, Cotillon. In-ib", 5 fr.)
— L'avocat au parlement de Bretagne, Pierre Belardeau, sieur de la Grée, adressa
à Henri IV un Bref discours des misères delà province de Bretagne, de la cause d'icelle
et du remède que samajestê y a apporté par le moyen de la paix (Lyon. in-8°, 1598).
La seconde édition de cet opuscule parut en 1617 à Paris, sous le titre de Polyarchie,
c'est-à-dire tableau de la domination exercée par plusieurs. M. Olivier de Gourcuff
a publié sur cette Polyarchie de Pierre Belardeau une « étude historique et litté-
raire » (Nantes, Forest et Grimaud. In-8°, 28 p.), où il analyse l'œuvre de l'avocat
breton, — mais sans mentionner la première édition de 1698.
— L'évêque d'Autun, Ad. Perraud, membre de l'Académie française, vient de pu-
blier le discours qu'il prononça, le il? décembre 1866, comme professeur en Sor-
bonne, lors de la réintégration du chef du cardinal de Richelieu (seul reste authen-
tique des dépouilles violées en 1793) dans son tombeau en l'église de la Sorbonne.
Comme l'indique le titre de la brochure (Gervais. In-8°, 57 pp. 2 fr.), le P. Adolphe
Perraud étudie surtout dans ce discours le cardinal de Richelieu comme évêque et
théologien et protecteur des lettres.
— René du Plessis de la Roche-Pichemer, marquis de Jarzé et baron du Plessis-
Bourrée (1613-1672), l'imprudent amoureux d'Anne d'Autriche et le Fou des fous de
la Fronde, vient de trouver un biographe en M. E. Pavie (notice gr. in-8° de 35 p.
extraite delà Revue de l'Anjou). M. Pavie raconte la vie de Jarzé, ses belles actions
militaires, sa conduite à Fribourg, où il combattait à côté de Condé, sa mort malheu-
reuse au siège de Duisburg où il fut tué par une sentinelle française qui n'entendit
pas sa réponse au qui-vive. On regrettera qu'il n'ait pas consulté les Notes du palais
Ma%arin,de M. Léon de Laborde (p. i56), où il aurait trouvé de curieux détails sur
la passion affichée par Jarzé pour la reine-mère.
— Notre collaborateur M. Ph. Tamizey de Larroque doit publier prochainement
le Ve fascicule des Correspondants de Peiresc, renfermant des Lettres inédites de
Claude de Saumaise; une Oraison funèbre de Gassendi; un recueil de Lettres iné-
dites d'Adrien d'Aspremont, vicomte d'Orthe, gouverneur de Bayonne ; et dans la
« collection des petits mémoires sur l'histoire de France » que fait paraître la librai-
rie de la société bibliographique, une réimpression des Mémoires de Puységur.
— Une traduction nouvelle des Pensées sur l'éducation de Locke a paru à la librai-
rie Hachette; elle est due à M. Gabriel Compayré, qui y a joint des commentaires et
une préface intéressante (33 pages); dans cette préface, M. Compayré fait une assez
longue comparaison entre le traité de Locke et l'Essai sur l'éducation de Herbert
Spencer, qu'il regarde comme « une refonte au goût du jour des idées de Locke ».
— M. Charles Bémont a rédigé la Table générale des cinq premières années de la
Revue historique (1876 a 1880 inclusivement); cette Table générale se vend à la
librairie Germer-Baillière (une brochure grand in-8°, 3 fr. ; pour les abonnés de la
Revue historique, 1 fr. 5o.)
— Il paraît en Alsace une nouvelle revue, la Revue catholique d'Alsace, dirigée par
M. l'abbé Delsor (Rixheim, Sutter). Les deux premiers numéros renferment les art.
suivants : de M. Cetty, un tableau de la Famille ouvrière en Alsace; de M. Mury,
•274 REVUE CKITiQUB
le Journal de ce qui s'est passé à l'approche des Français à Vienne en iSo5, par
l'abbé Gérard, grand-vicaire de Strasbourg (i 748-1 835) ; de M. Sigrist, une Histoire
de l'abbaye de Marmoutier, etc.
— Le catalogue du musée de sculpture du Louvre (bas-reliefs, cippes, autels, va-
ses, sièges, etc., par M. Félix Ravaisson ; statues et bustes, par M. Charles Ravais-
son) paraîtra probablement à la fin de cette année. Le catalogue des inscriptions la-
tines, et celui des antiquités chrétiennes, rédigés tous deux par M. Ant. Héron de
Villefosse, paraîtront, le premier en 1884, le second en i883. Le catalogue des
terres cuites orientales, par M. Heuzey, doit également paraître sous peu. M. Revil-
lout prépare un catalogue des manuscrits grecs, coptes, démotiques et orientaux,
tracés sur papyrus ou sur lerre-cuite, que renferme la collection égyptienne*
— Voici le programme du Congrès de la Sorbonne en i883, tel qu'il a été arrêté par
le Ministre de l'Instruction publique pour la section d'histoire et de philologie et celle
d'archéologie. Section d'histoire et de philologie. I. Quelle méthode faut-il suivre pour
rechercher l'origine des noms de lieu en France ; valeur des résultats déjà obtenus dans
cette recherche. IL A quelles époques, dans quelles provinces et sous quelles influences
les villes neuves et les bastides ont-elles été fondées; III. Histoire des milices communales
au moyen âge. (Date de leur organisation et de l'introduction du tiers-état dans les ar-
mées royales; autorité de9 magistrats municipaux sur ces milices et conditions de
leur recrutement; mode de convocation, nature et durée du service ; leur transformation
au commencement du xiv* siècle, levées en masse ou appel de l'arrière-ban, substitution
de l'impôt à la prestation des sergents; origine et organisation des confréries d'ar-
chers et d'arbalétriers; institution, organisation, recrutement et rôle militaire des
francs-archers de Charles VII à François Ier, 1448-1521 ; conditions de la levée et de
l'organisation des milices provinciales à partir de 1668 et leur rôle dans les guerres
sous Louis XIV et Louis XV). IV. Pèlerinages (routes que suivaient ordinairement
les pèlerins français quTse rendaient en Italie ou en Terre-Sainte). V. Signaler les
documents antérieurs à la fin du xve 9iècle qui peuvent faire connaître l'origine, le
caractère, l'organisation et le but des confréries religieuses et des corporations indus-
trielles. VI. Rédaction des coutumes (documents sur les assemblées qui ont procédé
à cette rédaction et sur les débats des parlements à l'occasion de l'homologation des
coutumes; rechercher les coutumes locales qui sont restées inédites). VIL Etats pro-
vinciaux (documents inédits sur les élections des députés, l'étendue des mandats,
les délibérations, les pouvoirs des députés et l'efficacité de leur action). VIII. Condi-
tions de l'éligibilité et de Télectorat dans les communes, communautés et paroisses,
soit à l'occasion des offices municipaux, soit pour la nomination des délégués chargés
des cahiers des doléances). IX. Quelles additions les recherches poursuivies dans les
archives et les bibliothèques locales permettent-elles de faire aux ouvrages généraux
sur les origines et le développement de l'art dramatique en France jusqu'au xvie siè-
cle inclusivement i X. Signaler les documents importants pour l'histoire que renfer-
ment les anciens greffes, les registres paroissiaux et les minutes des notaires. XI. His-
toire des petites écoles avant 178g (sources manuscrites et imprimées, statistique
aux différents siècles; origine, développement, nombre dans chaque diocèse et pa-
roisse; recrutement et honoraires des maîtres et des maîtres-adjoints; condition ma-
térielle, discipline, programme et fréquentation ; gratuité et fondations scolaires ;
rapports entre la gratuité dans les petites écoles et la gratuité dans les universités;
livres employés dans les petites écoles). XII. Quelles villes de France ont possédé des
ateliers typographiques avant le milieu du xvi" siècle? Dans quelles circonstances ces
ateliers ont-ils été établis et ont-ils fonctionné? Section d'archéologie. Signaler
les documents épigraphiques de l'antiquité et du moyen âge en France et en Algérie,
d'histoirk et dk LirrÉRATUHK 275
récemment découverts, ou dont la lecture comporte des rectifications; II. Quels sont
les monuments qui, par l'authenticité de leur date, peuvent être considérés comme
des types certains de l'architecture en France, avant le milieu du xu" siècle? III. Etu-
dier les caractères des diverses écoles d'architecture religieuse à l'époque romane,
s'attacher à mettre en relief les éléments constitutifs des monuments, plan, voûtes, etc.
IV. Quels sont les monuments dont la date, attestée par des documents historiques,
peut servir à déterminer l'état précis de l'architecture militaire en France aux diffé-
rents siècles du moyen âge? V. Signaler les œuvres de la sculpture française anté-
rieures au xvie siècle, qui se recommandent soit par la certitude de leur date, soit par
des signatures d'artistes. VI. Signaler et décrire les peintures murales antérieures au
xvie siècle existant encore dans les édifices de la France. VII. Etudier les produits
des principaux centres de fabrication de l'orfèvrerie en France pendant le moyen âge
et signaler les caractères qui permettent de les distinguer. VIII. Quels sont les mo-
numents aujourd'hui connus de l'émaillerie française antérieurs au xviuc siècle?
— Nous apprenons avec un bien vif regret la mort de M. Bilco, ancien élève de
l'Ecole normale, agrégé des lettres et membre de l'Ecole française d'Athènes. 11 était
arrivé à Lamia le 7 septembre pour y faire des fouilles lorsqu'un accès de fièvre
pernicieuse l'a soudainement enlevé à ses amis et à la science. M. Bilco n'avait pas
vingt-quatre ans.
ALLEMAGNE. — En Allemagne, comme en France, on se plaint que les élèves
des lycées sont surchargés, ûberbiirdet ; la question de VUberb'ùvdung est à l'or-
dre du jour; elle a fait l'objet de vives discussions dans les réunions de professeurs
et de directeurs des gymnases; elle provoque de nombreux écrits de circonstance!
(voir celui que publiait naguère sous le titre der Sprachunterricht viuss amkehren
un pédagogue qui signe a Quousque tandem »; cp. Revue critique, n° 26, p. 5 18).
Une nouvelle brochure sur la question vient de paraître sous le titre « Die Entlasi-
ung der ùberbiirdeten Schuljugend der Mittelschulen » (Heilbronn, Henninger. In-8°,
76 p. 1 mark) : elle a pour auteur M. Aug. Behaghel, professeur au « Realgymna-
sium » de Mannheim. L'auteur imagine un dialogue entre deux personnages, dont
l'un est attaché à l'ancienne méthode, et l'autre — c'est M. Behaghel lui-même —
plaide la cause des réformes. En résumé, M, Behaghel voudrait diminuer considéra-
blement le nombre des devoirs écrits, car « l'élève se voit forcé tout à fait inutile-
ment et à même à son grand dommage, d'écrire et de transcrire une foule de cho-
ses qui n'ont pas la moindre -valeur » (p. 3o); il désire que l'enseignement, quel
qu'il soit, commence le plus lentement possible, im langsamsten Tempo (p. 44); ce
n'est que plus tard, dans la quatrième ou la cinquième année, qu'on pourra se hâ-
ter et marcher plus vite (p. 46); au lieu de traduire en une heure une trentaine de
phrases, on ne devrait en traduire que dix ou six; il faut, en un mot, ne donner à
l'élève que des connaissances solides et sûres, et ne pas l'accoutumer à n'apprendre
que légèrement et à la surface (p. 55). M. Behaghel veut sacrifier Cornélius Nepos
(il cite en passant le dur jugement de Teuffel) et donner à César une plus grande
importance. Mais le point essentiel de son opuscule, et sur lequel il revient à tout
instant avec insistance, c'est que, dan3 les premières années, l'élève ne fasse presque
pas de devoirs écrits à la maison (Hausaufgaben); il s'élève avec force contre les
griffonnages et barbouillages de papier (pvecklose Schreibereien) (p. 61) qui ont été
jusqu'à présent à la mode; il demande que le maître soit moins prodigue de pen-
sums et d'arrêts ; l'élève élevé d'après sa méthode entre en classe, après avoir joué
la veille deux ou trois heures et avoir, en deux heures au plus, fait des devoirs
assez faciles ; il ne craint pas d'être puni ; il a l'esprit rassis et clair; il est convaincu
que s'il travaille consciencieusement pendant la classe, il n'aura pas besoin de grands
276 RE^UE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
efforts pour contenter son maître et suivre le cours (pp. 65-66). La brochure de
M. Behaghel renferme donc beaucoup de vues utiles (voir encore ce que dit l'auteur
de la gymnastique, (pp. Ô7-68), et on lit avec intérêt cet opuscule d'ailleurs écrit
avec vivacité, et où se glisse parfois plus d'un mot expressif; l'auteur, comme
dit, n'hésite pas à employer un « krceftig Wortlein. »
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 8 septembre 1882.
M. Charles N isard est désigné pour faire une lecture au nom de l'Académie des
inscriptions et belles-lettres, à la prochaine séance trimestrielle de l'Institut, le mer-
credi 4 octobre. Il lira une partie de son mémoire sur l'état incertain et précaire de
la propriété littéraire au xvie siècle.
M. Delaunay achève la seconde lecture du mémoire de M. P.-Ch. Robert sur l'ex-
pédition de Gondovald et les monnaies frappées au nom de l'empereur Maurice Ti-
bère dans plusieurs villes de la Gaule méridionale.
M. Deloche présente quelques observations en réponse au mémoire de M. P.-Ch.
Robert. L'objet du débat entre les deux académiciens est double. Il y a une ques-
tion d'histoire et une question de numismatique. Il s'agit de savoir, d'une part, si
l'expédition dirigée contre la monarchie franque, à la fin du vie siècle, par l'aventu-
rier Gondovald, était soutenue par l'empereur byzantin Maurice Tibère et tendait à
rétablir l'autorité impériale sur la Gaule; d'autre part, si les pièces d'or qui nous sont
parvenues en assez grand nombre et qui portent à la fois le nom de Maurice Tibère
et l'indication d'un atelier monétaire des bords du Rhône doivent être considérées
comme frappées par Gondovald, au nom de l'empereur, pendant sa courte domina-
tion sur la contrée, et s'il faut y voir un acte d'allégeance à l'empire byzantin. A
ces questions M. Robert répond non, M. Deloche oui. Contrairement à M. Robert,
M. Deloche s'attache à établir :
i° -Que Gondovald était soutenu par la cour de Byzance; on ne s'expliquerait pas
autrement l'origine des subsides considérables qu'il eut à sa disposition au moment
de son entreprise et qui dépassaient de beaucoup, sans nul doute, sa fortune per-
sonnelle;
2" Que Gondovald prétendait substituer son autorité à celle des rois mérovingiens
et gouverner à leur place, qu'il a donc dû agir en maître dans les villes qu'il a occu-
pées, qu'il est donc tout naturel qu'il y ait battu monnaie; ses prétentions à exercer
le pouvoir à la place des rois sont nettement affirmées par Grégoire de Tours : « ille,
dit-il, qui omnem principatum Galliarum se testabatur accipere » Hist. Franc,
VIII, 2);
3" Que seule l'occupation de la Provence par Gondovald, agissant au nom et comme
lieutenant de l'empereur byzantin, permet d'expliquer qu'un si grand nombre de
monnaies aient été frappées dans cette contrée au nom de Maurice Tibère. M. P.--C.
Robert a allégué que souvent les rois mérovingiens avaient imité le type des mon-
naies impériales, simplement parce que ce type était accrédité et qu'en l'imitant ils
assuraient à leurs monnaies une circulation plus facile et plus étendue. Cette remar-
que est juste, dit M. Deloche, mais elle ne fournit pas une explication suffisante en
ce qui concerne les monnaies de Maurice Tibère. Cet empereur est arrivé au trône à
une époque où la fabrication des monnaies mérovingiennes imitées du type impérial
était déjà à peu près tombée en désuétude. On n'a qu'un très petit nombre de mon-
naies frappées en Gaule au nom de Justin II, on n'en a pas du tout au nom de Tibère
Constantin ; on en a un très grand nombre au nom de leur successeur Maurice.
Cette recrudescence brusque est une anomalie qui ne peut s'expliquer que par des
circonstances exceptionnelles; et ces circonstances exceptionnelles, on les trouve
dans l'histoire de Gondovald, si on veut entendre^ cette histoire comme l'entend
M. Deloche et comme l'ont entendue la plupart des érudits avant lui.
Ouvrages présentés : — par M. Oppert : Hommel (Frit/), Sumir et Accad, traduit
par Ernest Babelon ; — par M. Barbier de Meynard : Halévy (J.), Etude sur les
inscriptions du Safa; — par M. Ravaisson : Musée du Louvre, catalogue de la col-
lection Timbal (rédigé par MM. Tauzia, Gruyer, Saglio, Courajod et Emile Moli-njoq
nier).
Julien Havet.
— — . — — —— — - — ■ . ■ ~~ <iJoii bI J3
Le Puy, vnpnmerie de Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 41 — 9 Octobre — 1882
Sommaire s 206. Curtius et Adler, Olympie et les environs. — 207. Aristophane,
Plutus, p. p. de Velsen; les Oiseaux, p. p. Blaydes. — 208. Ring, Etudes de
vieux latin. — 20g. Storm, Philologie anglaise. — 210. Combes, L'entrevue de
Bayonne. — 211. Servois, Notice biographique sur La Bruyère. — 212. Œuvres
complètes de Des Forges Maillard, p. p. delà Borderie et R. Kerviler. — 2i3.
Le docteur Faust, p. p. Engel. — Correspondance : Date de la naissance de Flé-
chier. — Chronique. — Académie des Inscriptions.
206. — Olympia und Umgegend, zwei Karten und ein Situationsplan ge-
zeichnet von Kaupert und Dœrpfeld, herausgegebenvon E. Curtius und F. Adler,
Berlin, Weidmann, 1882, 8°, 48 pages. 4 mark.
Les résultats des fouilles entreprises à Olympie par le gouvernement
allemand ont été publiés, année par année, dans un important ouvrage en
cinq volumes, intitulé die Ausgrabungen \u Olympia, Uebersicht der
Arbeiten und Funde von 1875-81. Un second ouvrage est annoncé
où ces résultats, au lieu d'être présentés suivant la succession des décou-
vertes, seront classés dans un ordre systématique, propre à mettre en
lumière les faits nouveaux acquis à l'histoire de l'art et des institutions
helléniques. En attendant, MM. Curtius et Adler ont cru qu'il serait
intéressant d'offrir au public un plan de YAltis et deux cartes du pays
environnant, d'après les levés et les dessins de MM. Kaupert et Dôrp-
feld. Ces trois planches sont précédées d'un texte explicatif.
Planche I. Carte d'ensemble de la région d' Olympie au 1/100000.
Les données sont celles de la carte de l'Etat-major français; mais une
coloration polychrome distingue nettement, à côté des localités moder-
nes, les principaux points de la topographie antique.
Cette carte a pour but de faire comprendre le caractère du pays et
d'expliquer son histoire. La notice, due à la plume élégante de M. C,
nous décrit rapidement cette contrée que les anciens appelaient Pisaiis,
les deux grands fleuves, l'Alphée et le Kladeos, qui l'arrosent, leurs
bords, riches d'alluvions, et toutes ces hauteurs, dont les pentes, cou-
vertes de verdure, s'abaissent doucement vers la plaine. Cette contrée
pittoresque et fertile, d'un abord assez facile du côté de la mer, et d'au-
tre part ouverte, grâce aux vallées qui y débouchent, aux habitants de
toutes les provinces du Péloponnèse, semblait préparée par la nature
pour devenir le rendez-vous pacifique de la Grèce.
Planche II. Olympie et ses environs immédiats, au i/i25ooo. La carte
et la notice sont de M. Kaupert. Elles sont l'une et l'autre destinées à
Nouvelle sûric, XIV. i5
278 REVUE CRITIQUE
faire connaître en détail la topographie de la région. Les niveaux sont
indiqués par des courbes, la nature du terrain (vignes, bois, pâturages,
grèves, sources) par des signes conventionnels et des teintes plates diver-
sement colorées, les ruines antiques par des traits et des noms en rouge.
M. K. signale l'action exercée par les deux fleuves, dont les alluvions
combinées, en exhaussant le sol au confluent, ont fini par enfouir les
monuments d'Olympie sous une couche de limon de cinq mètres en-
viron. Ces alluvions considérables s'expliquent par la constitution géo-
logique des montagnes voisines et, à ce propos, M. K. renvoie le lecteur
à un article du docteur Biicking dans le Compte rendu mensuel de l'A-
cadémie des sciences de Berlin (3 1 mars 188 1), Vorlœuftger Bericht
uber die geologische Untersuchung von Olympia.
Planche III. Olympie\ état du teraain après la 5e et la 6e campa-
gne de fouilles, au 20 mars 188 1. par M. Dorpfeld. Echelle i/i5oo.
Une coloration jaune clair distingue les parties du sol qui n'ont pas été
fouillées de celles qui l'ont été : celles-ci sont laissées en blanc. Dans
l'espace déblayé, il était impossible de toujours marquer l'âge relatif des
nombreuses ruines découvertes; on s'est contenté des signes suivants:
les constructions de la belle époque grecque sont en traits noirs, les mo-
numents plus récents sont ou dessinés avec des hachures ou simplement
tracés sans hachures, la place des murs byzantins sont marqués par une
ligne en pointillé. Les différents niveaux ont été cotés par comparaison
avec le bord supérieur du stylobate du temple de Zeus, et suivant que
chacun d'eux est plus ou moins élevé que ce stylobate, le chiffre de la
cote, écrit en bleu, est précédé du signe plus ou du signe moins.
M . Adler, qui a rédigé la notice, y fait une courte description des ruines
les plus importantes et cherche à orienter le lecteur au milieu de tous
ces monuments. Il commence par les constructions situées à l'extérieur
de l'enceinte sacrée de VAltis ou adossées au mur de cette enceinte
même, le Gymnase avec les portiques et la palestre qui s'y ratta-
chent, le Bouleutérion, le Léonidaion, le Stade, les Trésors, le Pry-
tanée. Puis il nous conduit dans VAltis même, nous promène- dans
cette Agora, autrefois pleine de statues dont les piédestaux seuls sub-
sistent encore, et passe successivement en revue l'autel de Zeus, le Pé-
lopion, le Métroon, YHéraion *, enfin le temple de Zeus. Il termine
par quelques mots sur le système ingénieux de canalisation qui permet-
tait, en utilisant les pentes, d'alimenter les nombreuses fontaines dont
VAltis devait être pourvu, et d'ouvrir aussi à l'excès des eaux une issue
vers le fleuve. Cette double catégorie de conduits est figurée sur la carte
par des lignes bleues, tantôt simples tantôt doubles, suivant qu'il s'agit
de ceux par où l'eau arrive ou de ceux par où l'eau s'en va. Toutes les
L loqîu : ijnat
I. Cest la qu a ete retrouve \ Hermès de Praxitèle, dont on peut voir le moulage
expose au musée de sculpture comparée du Trocadero.
r >ni -Jli-jb .
D'HISTOIRE ET DE LITTERATURE ^79
fois qu'il y a lieu, M. Adler prend soin de nous renvoyer, par des indi-
cations précises, à la grande publication des Ausgrabungen.
Pour ceux qui n'ont pas eu, comme nous, l'heureuse chance de visi-
ter les travaux d'Olympie, et de prendre par eux-mêmes une impression
du pays, cette brochure est un guide excellent, propre à donner de
cette région et des fouilles importantes dont elle a été le théâtre, une
idée juste et nette.
Jules Martha.
207. — Ai-istoplianis Plutus recensuit Adolphus von Velsen. Leipzig, Teubner,
1881. Un vol. in-8° de vi-85 pages.
Aristoplianls Comocdiœ. Annotatione critica, commentario exegetico, et scholiis
graecis instruxit Fredericus H. M. Blaydes. PARS IV, AVES. Halis Saxonum, in
Orphanotrophei libraria 1882. Un vol. in-8° de xX-5io pages.
„ _ - 1
Dans de précédents articles », nous avons indiqué quel était le carac-
tère général des deux nouvelles éditions d'Aristophane, publiées à la fois
par M. Ad. von Velsen et par M. Fr. H. M. Blaydes; nous n'avons au-
jourd'hui qu'à examiner quelques points particuliers aux deux pièces qui
viennent de paraître, le Plutus et les Oiseaux.
Le texte du Plutus a été constitué par M. A. von V. à l'aide de qua-
tre manuscrits : le Ravennas, le Venetus, l'Urbinas U et le Parisinus A.
De toutes les pièces d'Aristophane, le Plutus est celle dont nous avons
peut-être le plus de reproductions manuscrites; sans doute, beaucoup
de ces mss. ne sont que la copie d'originaux que nous possédons encore ;
il est donc nécessaire de laisser de côté ces non-valeurs ; mais peut-être
M. V. est-il allé trop loin dans cette voie, et a-t-il négligé des té-
moignages qui avaient de l'importance. Il n'eût pas été inutile de con-
naître les leçons du Laurentianus 0, surtout celles de TAmbrosianus. M.
Après ce que M . V. avait dit de ce dernier ms. dans la préface des Che-
valiers et des Grenouilles 2, on a peine à comprendre qu'un tel secours
ait pu être négligé. Pour les quatre manuscrits dont M. V. nous donne
les leçons, ils ont été été étudiés avec tout le soin désirable; l'apparat
critique du Plutus est peut-être un peu restreint, mais il a été dressé
avec la même précision, la même rigueur que l'apparat des pièces précé-
demment publiées; voici les seules observations que nous avons à faire
■ " \\h'l
"aiiBO b1 i ~~ aTirïâv
■ i. Revue critique, n03 du 21. mars, du 9 mai 18S1, du 3 juillet 1SS2.
2. « is liber diliyeniissime pictus, gravissimi in constituendis poeUe v,rbis est
momenti : utpote qui genuinam Aristophanis manum saepe servaverit solus cun;
Ravennate, interdum quamvis raro solus. » Préface des Chevaliers, p. vin. — « Hune
codicem in Ranarum fabula certe e Ravennate non transcriptum esse docentj
vv. 201, 208, 274, alii.» Préface des Grenquilles, p. vi. Faut-il conclure de ce dernier
passage que, pour le Plutus, l'Ambrosianus dérive directement du Ravennas > Cela
mentait bien la peine d être indiqué.
i8s aaim nàrri j aa ts hhiotzih'ci
280 - •vswtv^cps 'CCO ^^È-CRïfft^Ï3^^ ?^6A
-ih'io noiîBUJDrioq fil é y no noiïibà aîn^zèiq bI znsb jiaalsV .M
-W §Bfeî feàte >ss- 4ue nous avons examinés, ceux û^Çavenn^ft
^^ep^g. j^nir Ie ms- de Ravenne, nous n'avons qu'un passage à si-
gnaler : 421, le ms. a dbtoXÂXàTGv, M. V. donne dtaoXiàXaTiov, ce qui n'est
probablement qu'une faute d'impression '. — Pour le ms. de Venise, les
endroits où l't muet est omis n'ont pas toujours été exactement relevés.
Ainsi : 6, sa, — 9, ôîc^twosî, — 19, çpàaY]ç, — 22, Xutîyjç, . Aux passages
suivants : 4, y.£xrr,[j.év(»>. — 8, Xo^ta. — 40, xeôsy). Le point final peut-il
être considéré comme représentant un t? C'est le cas pour le ms. de Ra-
venne, mais nous ne croyons pas qu'il en soit ainsi pour le ms. de Ve-
nise. '1
Plusieurs des conjectures proposées par M. V. méritent d'être signa-
lées : v. 49, « nescio an pro ^vôvat sçribendum sit cpàv ». Cela est très ac-
ceptable, Yvwvai paraît bien n'être qu'une glose qui a fini par s'intro-
duire dans le texte. — La conjecture piévc, v. i85, nous semble excel-
lente; le Ravennas porte en cet endroit uivcv, les autres mss. p.évo?. Le
sens que donne [j.cvct à la phrase est bien préférable, et on comprend qu'à
côté de outoç èxtxaôiiftrat, ce mot ait pu être changé en jj.évov ou \j.ovoq. —
^j^jg^a^çhe, la correction /wXcv au lieu de t^wAov, v. 267, nous plaît
moins ; après l'énumération de toutes les misères de Plutus, le mot -/wXs;
tp^aJLjt faible ; les premiers mots de la phrase oqjwc. os vt] tov cùpavov indi-
.^u^n^uja. défaut moins visible que celui exprimé par le mot/wXcç; le
n^$Ç.^^6v offre sans doute quelque difficulté; cf. cependant Cheva-
liers, 964. — La correction du v. 422 est très ingénieuse; l'on écrivait
M. V. corrigea d'abord 2 jxàv fàp en jj.ouvac, puis M. Alb. von Bamberg 3
compléta la correction en mettant w ypqû au lieu de à/pi; on a donc :
Le vers, ainsi corrigé, est certainement plus satisfaisant que la vul-
gate ; je ne sais cependant s'il s'accorde 'bien avec le vers suivant. Le
passage est si désespéré que peut-être vaut-il. mieux s'en tenir à ce que dit
M. Meineke 4 : « Nihil de his omnibus mihi Aristophanes scripsisse vi-
detur .praeter au o'eï Ttç; cetera quae frustra viri docti vel explicare vel
emendare conati sunt (Velsenus wxpà [xaivàç sîvat) stulti interpolatorisma-
nus adjecit, qui integrum trimetrum requireret ». — La correction de
ir/vcov en icr/và, v. 544, est très plausible; les copistes ont pu ignorer
qu'a était long devant p, ce qui les a amenés à corriger une leçon qu'ils
croyaient fautive. — Au v. 704, M. V. a renoncé à une conjecture qu'il
avait déjà faite et que Meineke avait approuvée :
, 1 , 1 :v{07"; SiieVI .1
1. Nous .profitons de l'occasion pour signaler d'autres fautes^ jle içe, §Ç$*Ç ^f^-fy
ïhi'JÏÏzpoç, 477. tHtt au lieu de oti. . : 'zz bv ,v(6o.'rh '00 bv
2. Symbola philol. Bonn, 1864, p. 413. joJ eâiqA .« vàSi XUO 370 sdcsfl JUOT [YV
3. Alb. von Bamberg, De Ravennate et Vaneio AristopkaniSieQ&iAHfh%#ty#B>
i865, p. 4.
4. Aug. Meineke, Vindiciarum Aristophanearum liber. Leipzig, i865, p. 212.
d'histoire et de littérature 281
Aùxc; &'!*/.sT\^y$ j^gy- .jjux <àf oùo' èfpévttffèv. 0g£
M. Velsen, dans la présente édition, est revenu à la ponctuation ordi-
naire. — Parmi les autres conjectures dignes d'être sigrraîéei, ^^ $*-
tcrons : 769, Y.pzûw au lieu de èya), — 839, oOv toiç cr/.îua^ftrç ilï "fiéu^tfb
«ov :ûv cxsuaptov, etc. d , 1 *#: lakng
es! ,381113/ sd .zm si uioS <. jnarndldBdoiq
^feft Itt volume que nous donne M. Fr. H. M. Blaydes ; cette
édition des Oiseaux a plus de 5oo pages in-8° très pleines et très serrées.
La disposition est la même que dans les précédents volumes; il y a deux
sortes de notes, les unes, critiques, au bas des pages, les autres, explica- .
tives, à la fin du volume.
Les notes critiques contiennent les leçons des manuscrits et un relevé
des conjectures et des observations faites par les critiques sur les diffé-
rents passages. M. B. dit qu'il a collationné Verbatim et accurate deux
des mss. de Paris (les nos 2712 et 2715), et le Venetus 475. Pour le ms.
de Ravenne, M. B. dit cette fois : « Passim, non tamen Verbatim con-
tuli R. » Nous avons déjà eu l'occasion de montrer quelle valeur il fal-
lait attacher aux collations de M. B.; nous ne reviendrons pas sur ce
sujet. uo&b^ôp
Le relevé des conjectures déjà faites sera très utile; il est malheureu-
sement incomplet, surtout pour ce qui regarde les travaux publiés dans
ces dernières années. Ainsi il semble que M. B. n'a pas connu le travail
de O. Bachmann, Conjecturarum observationumque Aristophane arum
spécimen I, Gôttingue, 1878. Des conjectures comme relles-ci, Oiseaux,
208, ep,6a'.v£; r 169, xpoaOst au lieu de ècôeï; 122 3, oto(oicîiv au lieu de
TOioiaiv, etc., méritaient d'être signalées. L'article publié par M. E. Pic-
colomini dans la Rivista di Filologia, fasc. V, 1876, Osserva\ioni so-
pra alcuni luoghi degli Uccelli di Aristofane, a aussi échappé à
M. B.; il aurait pu y recueillir quelques corrections intéressantes.
Quant aux corrections que l'éditeur propose lui-même, ceux qui con-
naissent M. B. ne seront pas surpris d'apprendre qu'elles sont très
nombreuses ; il semble cependant qu'il y a cette fois une certaine modé-
ration. Le procédé est d'ailleurs le même : tel passage étant altéré, il s'a-
git de deviner quand même quel est le mot qui pourrait bien aller ; c'est
une vraie gageure; il est certain que plus on proposera de mots, plus on
aura des chances de trouver le bon. C'est un peu comme à la loterie,
plus on prend de billets, plus on a des chances pour gagner. Ainsi, au
v. i5o, nous trouvons huit conjectures ' pour le même passage, nous en
trouvons cinq au v. 177, etc.
ip 3iù)Dd(i ut JnoiiiyoTD
"TiïTîïïv'ïï
1. Nous croyons devoir citer ce passage : « Ipse tentabam wç oùx, lÔwv, vel cca
*fo3y. tBibv, vel où* eiffièùv (Aesch., II, 82), vel gçov f'towv, vel ocra \>:c\ sicrtocov,
vel 5a' staiâwv, vel 6cr' OU/, è[AU>V aut èpeîv (modo non valens), vel denique ô^rf] ;
Vï) TOÙç Oeoùç 5ti où/, lâibv ». Après toute cette série de vel, le mot denique, qui
vient après le dernier, fait sérieusement plaisir.
.^ q .cô8i
.sis .q t5d8i ,§isqbJ .tsdïi RMtb^H&A^oUitk ntu;u>s3]fcsiW ,34tenfoM gu/
282 RKVUi. CRITiQUiHIOTZIH'a
-££t£s^8tême est d'autant plus fâcheux que M. B possède comme criti-
que des qualités dont on ne peut pas ne pas tenir compte; beaucoup de
ses observations sont très justes et très sensées. Il lui arrive assez sou-
vent même de proposer des conjectures qui méritent d'être examinées ;
nous en citerons quelques-unes : v. 159, écrire a-f^oiai au lieu de y.rfrc:
Ta, — v. 281, la leçon du ms. est outoç jjiv !<rci, ce qui fait un vers faux ;
il manque une syllabe. Brûnck avait ajouté àXV devant etneç, correction
qui avait été généralement adoptée; celle que M. B. propose, oo7&(rô |xév
èdti, est plus simple et paraît plus acceptable.— V. 283, y.aO' au lieu de
y.࣠; la préposition è£ ne s'explique guère ici.
Les notes explicatives, commentarius, forment la partie la plus déve-
loppée du volume; elles comprennent les scolies dont M. B. corrige ou
complète les explications. Ce commentaire est riche surtout en rappro-
chements; il peut rendre des services aux critiques et aux grammairiens;
à côté de telle expression du comique, sont citées les expressions
analogues qui se trouvent dans les différents auteurs ; la liste des passa-
ges ainsi cités est très complète ; elle indique chez M . B. une grande pra-
tique de la littérature grecque. Pour ce qui touche à l'histoire, aux ins-
titutions, en un mot aux antiquités proprement dites, le commentaire
des Oiseaux, comme celui des autres comédies éditées par M. Blaydes,
est insuffisant.
noJ si gifirn << ; no Albert Martin.
e-b limq Dnob _
Jn93ijjbè-j àtëh<
-sb Z'uuu g geviiB'iub es!
ïrj^J — Àltlateinisclie Studlen (Das Arvallied und die Salischen Fragmente. —
Zur Semasiologie der indogermanischen Stammbildung. — Beitrtege zur Erklae-
rung des Templum von Piacenza.) Von Dr. Michael Ring, Professor an der kœn.
Akademie in Pressburg. Pressburg und Leipzig. Verlag von Sigmund Stejner.
1882. 143 p. m-8°.
-
Une ou deux pages d'analyse renseignent mieux qu'une appréciation.
Pour éclaircir le chant des Arvales et les fragments des chants des
Saliens, M. Ring demande de la lumière au saturnien du bronze du lac
Fucin, Doivom (h)dtôi (h)erpattîa pro Ifegiojnibus Martses. Dans
Doivom hatoi herpattîa il y a deux datifs, et l'ensemble de la formule
équivaut, sauf l'ampleur poétique, à l'ombrien Jovies hostatir. Hatôi
est un datif comme trifô(i), analogue aux génétifs dotnôs, enôs. Hâtus
signifie admission, de la racine indogermanique gha, désirer; les formes
existantes indiquent un mot latin du type dheseve.
Un surcroît de lumière se tire de l'inscription du vase à trois goulots
de Dvenos. Le premier goulot demande : Qui (au féminin, car la mesure est
qui) pourrait me présenter à Jupiter et aux deux Sat(urnes)? c'est-à-dire :
aux trois Lares saturniens Jov(o)s (Satur), Satrius et Saturnus, lesquels
sont entre eux comme père, premier fils et second fils d'après le principe
de l'onomatologie sacrale, mais comme trois frères dans la pratique ri-
d'histoire et DE LITTÉRATURE 283
tuelle, parce que Mars Satur, dont Satrius et Saturnus sont des émana-
tions, est, en qualité de « mouton », hors d'état d'avoir des descendants.
— Le second goulot du vase répond au premier : Nulle vierge, si elle
doit compter parmi les pures; mais le troisième fait une concession :
A moins de se concilier Ops Toitesia. Une vierge ne peut entrer en
contact avec les Lares châtrés, les moutons, car la communication avec
des ! divinités infécondes pourrait la rendre inféconde, et l'infécondité de
la femme témoigne contre sa pureté.
Nous voici arrivés p. 4. L'explication du chant des Àrvales commence.
Une altération de la prononciation latine a obscurci l'assonance d'aï-
temei avec conctos, et le graveur de l'inscription ne se rendait plus
compte que pleorls assone avec sins, etpleorês avec sers. Les variantes,
dans la triple répétition de chaque ligne, sont d'ailleurs fondées en raison.
A mesure qu'on récite, le ton monte, de sorte que luaerve devient
luerve, sêmunis devient sîmunis, et alternei devient alternie. Le débit
s'accélère en même temps, de sorte que de sali sta on passe à sdjisja.
Sait est sd-sdî pour sâ-sdjé; dans la troisième ligne i est bref, c'est-à-dire
que c'est un e relevé par le ton udâttara ; en phonétique latine, i exclut j,
donc ji est non contracte, et sajisja (i long par position, parce que s = gg])
est le résultat d'une séparation des syllabes provoquée par la gradation
udâttara, sd\dj*isd-jd, prononcez sddj-itf-jd, saj-is-jd. — M arma est
le génitif du féminin Marmôr; on attendrait Marmâros, mais le ton
plus élevé a produit une syncope de la finale; il faut donc partir de
Marmdrs. Les voyelles longues avec un ton udâtta non brisé réduisent
les duratives à la fin des syllabes, ïr a donc disparu dans Marmdrs de-
vant s sourde, comme dans fa(r)stigium et te(r)stism; puis \'s est tombée
à son tour. — L'enclitique serns est peut-être pour sersn(o)s, comme
l'indiquerait Sarsina, Sassina. D'ailleurs s(v)êr% (pour svôrf), forme
svarita de sfvje'ros, dont il nous faut partir, a pu facilement sigmatiser
Ys du nominatif. — Comme les Lases sont deux personnes et Marmôr
une, l'unité supérieure constituée par la réunion des Lases et de Marmôr,
la triumpos, contient trois personnes, comme son nom le dit clairement,
car triumpos équivaut à « unissant trois », et diffère, par l'accent et la
signification, de Op(-Fa^oç — ipi-Fa^tpoç, « unis par trois, unis en tri-
nité ». Dans le chant des Arvales triumpos est féminin, parce qu'il se
rapporte à enô, grand' mère (la dea Dia) ; c'est donc un reste d'adjectifs
italiques analogues aux adjectifs grecs en oç, ov
Nous n'en sommes 'encore qu'à la p. 9, mais déjà le lecteur peut ss
faire une idée de l'ouvrage.
Louis Havet.
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284 REVUE CRITIQUE
209. ■— Englische Philologie. Anleitung zum wissenschaftlichen Studium der
englischen Sprache von Johan Storm, ord. Professor der romanischen und
englischen Philologie an der Universitaet Christiania. Vom Verfasser fur das
deutsche Publicum bearbeitet. I. Die lebende Sprache. Heilbronn. Verîag von
Gebr. Henninger. 1881. In-8, xvi-468 p. 9 mark.jga'o giefli ; .rt .1 .M azoq
\0liSJi avBqàa t>m
« Je me propose, dans ce livre, de donner un guide (et une méthode)
pour l'étude scientifique de l'anglais ; destiné avant tout aux philologues
qui débutent, il pourra n'être pas inutile aussi à un cercle plus étendu
de lecteurs. Le manque sensible d'un manuel bien fait et en rapport
avec Pétat actuel de la science fera, je l'espère, qu'une pareille entreprise
ne sera pas inutile, même en Allemagne. » La critique qu'il a faite des
tentatives de ses précurseurs justifie pleinement l'espoir exprimé ici par
M. J. Storm; mais si son livre peut et doit être le bienvenu même de
l'autre côté des Vosges, à combien plus forte raison devrait-il l'être en
France, où l'on a à peine l'idée d'une œuvre pareille, laquelle seule ce-
pendant pourrait contribuer à fonder ce qui manque presque complète-
ment chez nous, l'enseignement scientifique d'un idiome germanique !
En remaniant son livre pour le public allemand, tandis qu'il n'a point
songé à le faire pour les lecteurs français, M. J. S. nous a-t-il cru inca-
pables ou incurablement insoucieux d'atteindre à une connaissance ap-
profondie ou rationnelle de l'anglais? A-t-il pensé que son appropriation
ne rencontrerait pas assez de sympathie pour être tentée chez nous? C'est
une question que je ne veux pas résoudre; mais, puisque la Philologie
anglaise est écrite dans un idiome étranger, il me semble que c'est une
raison de plus pour essayer d'en donner une idée aussi complète et exacte
que possible aux lecteurs de la Revue. ,\ [Brn ijovjs Jîfiifiq
Après une courte introduction, où il expose le but de son ouvrage et
les moyens d'arriver à une connaissance scientifique de l'anglais parlé,
M. J. S. traite d'abord de la prononciation ; mais avant d'arriver à celle
de la langue dont l'étude est l'objet spécial de son livre, il passe en re-
vue, dans un chapitre substantiel et écrit avec une rare compétence, les
travaux qui ont été faits dans ces derniers temps sur la phonétique géné-
rale ; c'est un maître, un savant versé depuis de longues années dans
l'étude des idiomes germaniques et romans qui juge ici ceux qui l'ont
précédé; il y a profit aussi à lire la critique pénétrante qu'il a faite en
particulier des ouvrages de Merkel, Brùcke, Sievers, Bell, Ellis, Sweet,
etc., ces fondateurs de la théorie scientifique du langage parlé. Ce n'est
pas d'ailleurs un simple jugement que M. J. S. se borne à porter sur ses
devanciers; chemin faisant, il expose ses propres vues sur la matière,
propose des corrections, et cette marche qu'il a suivie dans les différentes
parties de son étude en double l'intérêt et la valeur. Je suis, en phoné-
tique, d'accord avec M. J. S. sur presque tous les points; il en est deux
ou trois cependant où je ne puis partager sa manière de voir. En ce qui
concerne les nasales françaises,' par exemple, j'admets quel^de^^^oit
a^bi ïis« H s>MÇ : Isa ascirlq 3lloD .£
MTTOIT' RD , £°S or
d'histoire i<:t DE UTTKRATURK 2cO
1* de pâte ■, l'o de | un o analogue à celui de V^3^%S^ le
son ch de peuple et que 17 de in se rapproche de 1V/ ; toutefois, je ne
pense pas que cet a, pas plus que l'o de on, soit aussi ouvert que le sup-
pose M. J. S. ; mais c'est au sujet de la valeur même des nasales que je
me sépare surtout du savant linguiste; il ne leur en accorde ou ne paraît
leur en accorder, comme on le l'ait d'ordinaire d'ailleurs, qu'une seule;
je ne puis me ranger à cette manière de voir; comment ne pas distinguer,
en effet, entre Yan de dent (dan) et celui de dents (dân) entre l'on de son
et celui de sons (son), entre 17 ou l'a de vin et celui de vingt. P. 38,
M. J. S. dit que les nasales françaises deviennent dentales devant deux
dentales, cela me paraît assez vraisemblable ; mais en note, il cite cette
observation de M. L. Havet dans la Romania (VIII, 94), « après une
voyelle nasale les muettes se changent purement et simplement en na-
sales, » ce qui est également vrai et n'est qu'en apparence en opposition
avec sa propre manière de voir; seulement M. J. S. ne me paraît pas
avoir compris l'explication de M. L. Havet, quand il suppose qu'il pro-
nonce vàn-do, tandis qu'il admet lui comme « très fréquente » la pro-
nonciation veind-du'2 ; cette dernière prononciation est, en effet, ordi-
naire; quant à vân-do 3, il est évident que ce n:est pas celle dont, parle
M. L. Havet, mais bien vànn-deû;'û n'aurait point dit sans cela que les
dentales se changent en nasales ; il y a là une simple assimilation,* en
vertu de la loi de moindre effort; mais il n'y a point en cela, comme pa-
raît le croire M. J. S. dans une note de la p. 428, de « différences dia-
lectales » ; c'est tout simplement pour moi quelque chose d'analogue à
la différence de prononciation entre quatre et quatte. Si M.Is. me
paraît avoir mal interprété une explication fort claire cependant de M." L.
Havet, son oreille l'a trompé aussi, je crois, quand il affirme que leTg«
français est tout diffèrent du gn italien ou du h espagnol, et MM. G.
Paris et A. Darmesteter seront sans doute un peu surpris d'apprendre
que, au lieu d'un n mouillé, il faut entendre un n dans Espagne, tan-
dis qu'ils doivent évidemment faire entendre le premier de ces sons dans
Espana. Si nous n'avons pas ou n'avons plus d7 mouillé, nous avons
toujours Yn mouillé, seulement quelques patois nasalisent les voyelles
qui précèdent, ainsi dans le normand du Cotentin on dit singne
à la place de signe. Dans le parler parisien, on tend plutôt à rem-
placer gn par n simple; que de gens, par exemple, ne disent plus que
Compiène et regardent comme fautive la prononciation Compiègne!
P. 62, M. J. S., corrigeant une erreur de Ellis '<, dit que faire entendre
1. Toutefois, dans certains patois, comme ceux du Bessin et du Cotentin, Va de an
paraît être plutôt a que a. Quant à la prononciation an de an, elle n'est point rro-
pre à la Picardie, c'est en particulier celle du Bocage normand.
yxi!^h21?.P0 représente deu ; mais Y eu de deux étant long, on comprend qu'il vaut
mieux écrire dcû que do.
3. Je doute qu'aucun Français, fût-il Suisse, puisse prononcer van-do ou ven-do,
malgré ce qu'en dit, d'après M. J. S , M. Sievers.
4. Cette phrase est : que je me repente, M. J. S. dit qu'il faut la prononcer kéj'tnë
i
286 REVUE CRITIQUE
Ye finale de repente (r'penf) serait une prononciation méridionale; un
méridional donne à Ye muet final le son ô — vit 6 (vite); — il n'en est
pas de même sans doute en français, mais il nous est cependant impossi-
ble de prononcer une muette ou une chuintante finale sans faire enten-
dre, non le son o, il est vrai, mais une demi-muette; voilà ce' que
M. J. S. n'a'pas vu et ce que souvent les étrangers ne comprennent
pas '. Je ne m'explique pas non plus que M. J. S., qui distingue avec
tant de raison Ye obscur allemand de Ye muet français, ne le distingue
pas aussi bien de notre é fermé et paraisse (p. 66) donner raison aux
linguistes qui les identifient; Yé fermé ne diffère pas moins que Ye muet
de Ye obscur germanique, lequel n'est point d'ailleurs étranger aux
idiomes français; j'en ai constaté la présence en particulier dans le pa-
tois du Bessin, où je l'avais pris d'abord, il est vrai, pour un é fermé 2„
Après la « phonétique générale », M. J. S. aborde la « prononciation
anglaise » ; dans le chapitre consacré à ce sujet délicat, il suit la même
méthode que dans son examen de la phonétique, et, tout en passant en
revue les ouvrages de B. Schmitz, Ed. Màtzner, J. Walker, B.-H.
Smart, P. -A. Nuttall, P. -H. Phelp, etc., il en prend occasion pour pro-
poser sa propre manière de voir, et réformer ou compléter au besoin les
théories de ces divers grammairiens. Enfin, il arrive (p. 129) aux dic-
tionnaires. Ici sa critique prend de plus grandes proportions; ce n'est
plus une appréciation succincte, c'est soit une discussion prolongée des
sens donnés à quelques vocables rares un peu usités parles auteurs qu'il
cite, soit une liste de mots curieux qu'ils ont oubliés; que de renseigne-
ments précieux, par exemple, p. 152-164, sur ^e " slanS » et Ie (( cant B>
dont l'étude fait suite à l'examen des dictionnaires et en est comme le com-
plément! M. J. S. y fait preuve non-seulement de la connaissance la plus
approfondie de l'anglais, mais encore de la lecture la plus étendue.
Après l'examen des dictionnaires vient celui des « livres de référence »,
des encyclopédies, etc., en un mot, de tous les moyens pratiques qui
peuvent servir à apprendre l'anglais. Parler et lire sont les deux moyens
les plus sûrs pour y arriver. De là les renseignements destinés à guider
l'étudiant à cet égard. Dans une double étude nourrie de faits, remplie
dHndications précieuses et de préceptes utiles, M. J. S. nous fait connaî-
tre dans ses caractères généraux d'abord (pp. 206-259) la langue de la
conversation, puis (pp. 259-299) l'idiome vulgaire. N'excluant aucun
-
r'pant', cela est exact, mais il serait tout aussi exact de prononcer Zr' je m'
repant', et il va de soi que dans le style élevé il faudrait dire kè je vie râpant'.
1. J'ai été longtemps, quand j'ai appris l'allemand, avant de pouvoir prononce'r un
mot finisssant par une muette ou une chuintante, sans le terminer par un e mi-
muet. I 1
2. Je crois, au contraire, que l'e final Scandinave se rapproche beaucoup de notre
e fermé. J'aurais aussi plus d'une observation à faire au sujet de la valeur de IV (p.
98), je me bornerai à une remarque : IV des idiomes du sud de la Norvège et de la
Suède me paraît dental, tandis que le nôtre est uvulairc. ^"-lËn!
d'histoire et de littérature 287
dialecte du champ de ses observations, il a accordé une grande place
à l'anglais tel qu'on le parle en Amérique, et le paragraphe où il traite
des américanismes (pp. 3oi-338) est certainement un des plus curieux
-deisûCL livre.
aupMaisfc (quels ouvrages doit lire celui qui veut apprendre à fond
J d'anglais? On comprend l'importance de la question, et l'on ne doit
pas être surpris que M. J. S. y réponde longuement. Les conseils qu'il
donne sont excellents et la connaissance profonde de la littérature an-
glaise dont ils témoignent leur donne une incontestable autorité. Parmi
les pages qui traitent de ce sujet, quelques-unes des plus intéressantes
sont, sans contredit, celles où M. J. S. compare la langue du xvnr3 siècle
à la langue actuelle; on est surpris des changements profonds qui se
sont faits dans l'anglais en un si court espace de temps : quelle différence
quand on passe, je ne dira; pas de Pope ou d'Addison, mais de Gold-
smith même à Dickens ou àThackeray ! On lira avec autant de plaisir que
de profit les pages consacrées à Shakespeare, en particulier les remarques
ingénieuses qu'a suggérées à M. J. S. l'édition critique de Macbeth par
Clarke et Wright. La source d'informations la plus précieuse avec Sha-
kespeare pour pénétrer dans la connaissance intime de l'anglais, c'est la
traduction de l'ancien et du nouveau testament, en particulier YAutho-
ri^ed version of the bible ; M. J. S. ne pouvait manquer aussi d'en
parler; il a fait plus, il a donné (p. 401) toute une série d'explications
du plus grand intérêt sur des formes vieillies ou rares de cette traduction
célèbre.
Après la pratique, après les lectures, l'étude théorique et grammati-
cale de la langue est destinée à en compléter et en assurer la connais-
sance; c'est à l'examen des ouvrages qui en traitent qu'est consacré le
dernier chapitre de M. J. S.; Mœtzner, Koch, Latham, Marsh, etc.,
pour ne parler que des auteurs les plus connus, y sont appréciés avec sa
compétence habituelle, et cet examen rapide termine dignement cette
vaste étude, si remplie de faits, si riche en aperçus nouveaux et où rien
ne manque de ce qui peut conduire à une connaissance rationnelle de
l'anglais parlé aujourd'hui '. Resterait à faire l'histoire de cet idiome si
simple et à la fois si puissant ; c'est sans doute ce que tentera bientôt
M. J. Storm, et s'il apporte, comme il n'en faut pas douter, dans cette
entreprise nouvelle, la même sûreté et la même abondance d'informa-
tions, une critique aussi pénétrante et aussi sûre, il peut être certain que
la seconde partie de son œuvre ne sera pas accueillie avec moins de fa-
veur que celle dont je viens d'essayer de donner une idée aux lecteurs
de la Revue. C. J.
, — |
1. Ce dernier chapitre est suivi d'une double table, la première renfermant le nom
de tous les auteurs et de tous les ouvrages cités dans la Philologie anglaise, l'autre
qui donne une liste très complète de toutes les formes, de tous les mots curieux
étudiés par l'auteur; on y trouvera, en s'y reportant, plus d'un vocable qui manque
dans des dictionnaires anglais regardés comme complets.
Amri -m'a
l j?^8-t^rr ,. REVUE CRITIQUE
•Bçttw-iiov trq b no Jnob asJ v ^ ^. .
jq2Îto3£nil5é>i*i8evue de Bayonno de 1 JSOîS 'et la qjne3t&h*9âe 'Va^aW-
«îM-tliélemy, d'après les archives de Simancas, par M. F. Combes, professeur
de
d'histoire à l'université de Bordeaux (sic). Paris, Fischbacher, 1882. gr. in-8°
^ , , . »***> zitn
On s est beaucoup occupe, en France et à l'étranger, du mémoire de
l. Combes. Lu d'abord en avril 1881 par l'auteur, à la Sqrbûrme,
8i/n
Jn s'est beaucoup occupe, en France et à l'étranger, du mén
M.
devant les sociétés savantes réunies, ce mémoire fut très applaudi. On
l'apprécia beaucoup aussi, quelques jours plus tard, à V Académie des
sciences morales et politiques, où « le grand historien national »,
M. Henri Martin, en donna lecture. Divers critiques n'ont pas été moins
favorables au travail du professeur d'histoire à la Faculté des lettres de
Bordeaux que l'auditoire de la Sorbonne et de l'Institut : ils ont redit
avec lui (p. 19) : « La vérité est faite, et iUn'y aura plus à y revenir...
Les nuages sont dissipés; le sphinx n'a plus d'énigmes, il est vaincu et
découvert. » Pour moi, tout en rendant hommage au mérite des recher-
ches de M. C.,.je ne pensais pas qu'il eût répandu la plus éclatante lu-
mière sur l'entrevue de Catherine de Médicis et de Charles IX avec le
duc d'Albe et la cour d'Espagne. Il me semblait que ni dans l'argumen-
tation, ni dans les Pièces justificatives ', rien n'est de nature à justifier
les paroles attribuées (Avis de l'éditeur) à un de nos plus savants acadé-
miciens, que mémoire et documents « lui paraissaient trancher définiti-
o/Hj?«era^p,ttfidans le sens d'un concert ancien et d'une préméditation évi-
vJ ubdeurtt^'ia; question toujours brûlante de la Saint-Barthélémy*. » La
grande autorité des juges qui avaient approuvé les conclusions de M. C.
me faisant douter de ma propre opinion, je crus devoir consulter un
érudit profondément versé dans la connaissance des choses du, xvie siè-
cle, M. de La Ferrière. L'éditeur des Lettres de Catherine de Médi-
cis 3 voulut bien m'apprendre que lui non plus n'avait pas été convaincu
par la lecture des pièces trouvées à Simancas 4. Bientôt diverses revues
1. Ces pièces, qui remplissent plus de la. moitié de la brochure, sont au nombre
de sept; chacune d'elles est accompagnée de la traduction française. La plus impor-
tante des sept pièces est la lettre de Philippe II au cardinal Pacheco, datée du Bois
de Ségovie, le 24 avril 1 56b.
2. Ces paroles sont d'autant plus remarquables, qu'elles auraient été dites par un
converti, car, il y a quelques années, le même critique avait vivement et solidement
combattu, dans le Journal des savants, la thèse de la préméditation.
Si II n'a pas été rendu compte ici du premier volume de ce recueil (1880). Répé-
tons, du moins, ce qu'en a dit un digne émule de M. de La Ferrière, M. A. de Ru-
ble (Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret, t. I, 1881, préface, p. x, note. 1) : « Au
moment où nous écrivons, M. le comte de La Ferrière publie le premier volume
d'un ouvrage impatiemment attendu, la correspondance de Catherine de Médicis.
Cet ouvrage, fruit de recherches immenses, poursuivies depuis près de vingt ans
dans tous les dépôts scientifiques de l'Europe, sera l'œuvre capitale de notre temps
sur 1 histoire du xvie siècle. »
4. Relevons, à ce propos, une erreur de M. Combes, li £ip|en1efp?^mi Philippe H
comme le fondateur des archives de Simancas. Ce fut Charles-Quint qui les établit,
comme M. Gachard l'a rappelé (Correspondance de Philippe ïl,\ T,' pv'%'
d'histoire et de littérature 289
allemandes, anglaises, belges, dans des articles dont on à pu voir l'ana-
lyse (Périodiques), déclarèrent avec ensemble que les» documents pu-
bliés par M. C. peuvent bien être intéressants, curieux, mais qu'ils ne
prouvent nullement que Catherine de Médicis et le duc d'Albe se soient
mis d'accord, en juin 1 565, à Bayonne, au sujet de regorgement des
* iMsfâëtiôts. Comme on l'a fait justement remarquer, tout le système de
n ^l 'C1/ repose sur une phrase de la lettre écrite de Saint-Sébastien, le
4* juillet 1 565, par don Fr. de Alava au ministre d'Etat Fr. de Eraso
(p. 37) : « Y lo que anteveo que an de martillar estos eresiarcas », phrase
dont M. C. donne cette traduction : Je prévois qu'on doit marteler
ces hérésiarques. Mais la traduction est infidèle, et, tout au contraire,
il faut lire : Je prévois que ces hérésiarques la martèleront, c'est-à-
dire qu'ils mettront le martel en tête à la reine Catherine, et c'est pour
cela que le bon Espagnol s'inquiète. Se serait-il donc inquiété du reste?
Le contre-sens étant incontestable % l'édifice si ingénieusement dressé
par M. Combes n'a plus de base et s'écroule lamentablement.
De cette aventure, tirons deux leçons : la première, c'est qu'en ma-
tière difficile, il ne faut pas se hâter de conclure; la seconde, c'est qu'il
ne faut pas se hâter d'approuver des conclusions téméraires.
V"n'J" snab'-in
ib tetai
Bj. 211. — JVotiee biographique sur l,n Bruyère, par M. Gustave Servois.
/ 3gar^ .Hachette, 1882. In-8° de exc p. Complément du tome Ier de l'édition du La
Bruyère de la collection : Les grands écrivains de la France.: je 3K1-JR-
uu isilulndo ïiovsb °
La Notice de M. G. Servois est tout un ouvrage. Cet ouvrage est di-
visé en sept chapitres intitulés : La famille de la Bruyère et le peu
que Ion sait de sa jeunesse; La Bruyère trésorier gênerai des fi-
nances; La Bruyère dans la maison de Condé; Les Caractères; La
Bruyère à l'Académie ; Les amies et les amis de la Bruyère; Les
dernières années de la Bruyère. Les sept chapitres sont suivis d'un
Tableau généalogique de la famille de la Bruyère et des Pièces jus-
tificatives que voici : Acte de baptême de Jean de la Bruyère ; Ex-
trait d'un Compte à l'amiable rendu [le 14 octobre \6y6}'par damoi-
selle Elisabeth Hamonyn, veuve de Ma Louis de la Bruyère, à Jean de
laBruyère, etc. ; Vol commis dans la chambre de la Bruyère. Plainte
et information; Chansons et épigrammes sur la réception de la
la Bruyère; Acte de décès de la Bruyère.
Bruyère à l'Académie française: Inventaires faits après la mort de
ornul,. » u x
H'hv 3D 2jm §ji -,
naj ôiiofV aD'srei plaisamment (p. i5) : « Nous savons tous un peu l'espagnol. » Il n a
pas été seul pourtant à trahir le texte de Fr. de Alava : il nomme le collaborateur
','jiiid(i'a"a's dhe le complice) qui l'a aidé « avec son autorité dans tout ce qui concerne
,'Jb)Ij CJ# ^ttéràturé eVla' langue espagnole.» Ai-je besoin d'ajouter que ce philologue n'est
point notre collaborateur M. A. Morel-Fatio ':
29O REVUE CRITIQUE -»'<i
On peut dire que tout ce qu'il était possible de trouver sur l'auteur
des Caractères, M. S. l'a trouvé. « La vie de la Bruyère, » dit-il (p. xiip,°
« s'est cachée aux yeux mêmes de ses contemporains, et les récits sém^-1
maires qu'ils nous ont laissés ne contiennent guère que des renseigne-
ments vagues et indécis. » Le nouveau biographe rappelle que Sainte-
Beuve a écrit en i836 (Portraits littéraires) : « On ne sait rien ou
presque rien de la vie de la Bruyère... Tout le rayon du siècle est tombé
juste sur chaque page du livre, et le visage de l'homme qui le tenait ou-
vert à la main s'est dérobé. » Il ajoute (Ibid.) : « Depuis 18 36,
MM. Walckenaer, Destailleur, Jal, Chatel, Edouard Fournier, d'autres
encore, ont ajouté,. ceux-ci quelques lignes, ceux-là quelques pages à la
biographie; mais, en dépit des recherches les plus persévérantes ou les
plus ingénieuses, elle demeure bien pauvre et imparfaite sur divers
points, et, tout naturellement, le roman s'y est parfois mêlé, comme par
compensation. »
Si M. S. n'a pu « combler toute lacune et dissiper toute obscurité, »
il a, du moins, soumis à une révision bien nécessaire « les chapitres
dont se compose aujourd'hui l'histoire traditionnelle de la Bruyère, » et,
de plus, il a apporté, à son tour, « de nouveaux et authentiques rensei-
gnements soit sur lui-même, soit sur sa famille, au milieu de laquelle
se sont écoulés près des trois quarts de sa vie. » Personne ne reprochera
sans doute à M. S. d'avoir trop « scrupuleusement recueilli de minimes
détails, » car, comme il le dit bien (p. xm), « les minuties même ont
ici leur prix : il est permis de ne les point négliger, lorsqu'il s'agit d'un
philosophe qui, pour avoir été le plus pénétrant observateur et le péift^ *
tre le plus illustre des mœurs de ses contemporains, n'en est pas moins
le plus inconnu des grands écrivains de son époque. »
Mentionnons rapidement quelques-unes des additions et rectifications
introduites par l'habile chercheur dans la biographie de la Bruyère : « On
l'a fait gentilhomme d'origine, et l'on s'est trompé. Il se considéra, selon
l'usage, comme anobli par la charge de trésorier de France, qu'il acheta
mais son père, Louis de la Bruyère, contrôleur général des rentes de
l'hôtel-de-ville, était un bourgeois de Paris '. » — « Dans la Comédie de
J. de la Bruyère, Ed. Fournier se montre disposé à croire que la Bruyère
fit, en 1666 et en 1667, un voyage en Italie, et à lui attribuer une relation
conservée au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale
(F. F. n° 6o5i). Cette relation est signée l'abbé de la Bruière... J'ai
lu quelque part, a écrit le P. Adry en parlant de la Bruyère, qu'il avait
1. P. xm. Le trisaïeul paternel de l'auteur des Caractères, Jean de la Bruyère,
était apothicaire dans la rue Saint-Denis. Cet apothicaire et son fils, Mathias de la
Bruyère, lieutenant civil de la prévôté et vicomte de Paris, furent au nombre des
plus ardents promoteurs de la Ligue, comme on peut le voir dans Palma Gayet,
Pierre de l'Estoile, J. A. de Thou, etc. M. S. a retrouvé dans les dossiers de quelques
études de notaires force renseignements sur la famille du moraliste. Toute cette
partie de la Notice est des plus neuves. r.jhuua-jLl sab Jo yrJyuia bI w
O'HISTOIKK Kl DK LITTÉRATURE 29 1
été quelque temps ecclésiastique; nul autre renseignement ne confirme
ce vague témoignage. La Bruyère eût-il été d'ailleurs ecclésiastique en
1Ô66 et 1667, encore ne pourrait-on le considérer comme l'auteur de
cet^e lettre -, la forme et le fond ne le permettraient pas. Elle n'est pas
davantage de son frère, qui, en 1666, avait quatorze ans '. » — « Nous
venons de montrer la Bruyère achetant son titre de trésorier; mais l'a-
t-il vraiment payé de ses deniers? Racine obtint le sien de la protection
de Colbert et de la libéralité du roi : ami de Bossuet, la Bruyère n'au-
rait-il point dû à l'intervention de l'illustre évêque la concession gra-
tuite de son office?... Nous trouvons ces conjectures dans la biographie
la plus complète de la Bruyère [celle d'Ed. Fournier]. La Bruyère, à
notre avis, est devenu trésorier à la suite d'un contrat avec un particu-
lier qui ne lui fit aucun abandon du prix de la charge... 2 » — « C'est
d'après ces deux portraits, de Saint-Simon et de l'abbé d'Olivet, que la
postérité s'est représenté la Bruyère. Celui de l'abbé d'Olivet est un peu
de convention : la Bruyère avait moins de sérénité. J'ose dire que la
passion anima souvent ce philosophe, dont quelques critiques„se sont
plu, un peu trop, croyons-nous, à adoucir la physionomie, et qui, pour
être un sage, ne laissait pas de se montrer sensible aux blessures de l'a-
mour-propre, et capable d'élans de généreuse indignation 3. »
Je pourrais citer bien d'autres passages d'un vif intérêt, mais j'aime
mieux renvoyer le lecteur à la notice même. Chacun déclarera certaine-
ment avec moi qu'elle abonde en particularités curieuses, recueillies avec
autant de soin que de sagacité, et qu'elle est l'œuvre d'un homme dont
l'érudition est des plus sûres 4, dont le goût est des plus purs, et dont la
plume est des plus fines 5.
T. de L-ooni zijlq
■:>rmil,ruUivn t.o an, ,
nQ
i. P. xxx, note 2.
i'/p'.^'XLV. Conférez la note 1 de la page xlvi. Un peu plus loin, M. S. combat
encore la parodoxale opinion de M. Ed. Fournier sur VArténice des Caractères
(p. cxxxvi). Il nous annonce (p. cxxxvu) qu' « un érudit, familiarisé avec la société
dans laquelle vécut la Bruyère, M. Allaire, doit nous révéler, dans une prochaine
publication, le nom véritable d'Arténice, que l'on a eu tort, à son sentiment, de
confondre avec Ricanète, et qui, à ses yeux, est la duchesse de Bourbon. »
3. P. lxxxix. N'oublions pas de noter que M. S. a donné le premier (p. LXir), d'a-
près les registres de comptes de la maison de Condé conservés aux archives du châ-
teau de Chantilly, la date précise* de l'entrée de la Bruyère dans ses fonctions de
professeur d'histoire du jeune duc de Bourbon (i5 août 1684) et le chiffre de son
traitement (i,5oo livres).
4. Je ne trouve à relever qu'un nom (p. cxli, note 1) qui n'est pas écrit comme
l'écrivait celui qui le portait : l'abbé Le Clerc, ainsi que, plus tard, son homonyme,
le savant doyen de la faculté des lettres de Paris, donnait deux syllabes à son nom,
M. S. aurait pu compléter la note sur la Bibliothèque de Richelet, en consultant
l'excellente monographie de M. l'abbé L.Bertrand : Vie, écrits et correspondance lit-
téraire de Laurent Josse Le Clerc (Paris, 1878, in-8°, pp. 186 et suiv.).
5. Avec la Xoticc on a distribué un Album où l'on remarque deux beaux portraits
de la Bruyère et des fac-similés d'autographes.
29%qqilidq èddB'i , ,. «EVUKCIUTIQUE
212. — ■ Couvres nouvelles de Oe« Forges Maillard, publiées avec notes,
introduction et étude biographique, par Arthur de la Borderie et René Kervile^.3^
• Tome II Lettres nouvelles. Nantes, Société des bibliophiles bretons et de l'histoire
de Bretagne. 1882. In-8" de 237 p.
MM. de la Borderie et Kerviler comptaient faire tenir les Œuvres
nouvelles de Paul Des Forges Maillard dans un seul volume \ ce)8vor- n
lume s'est trouvé rempli par les Œuvres en prose, c'est-à-dire par iei^
lettres seules. Les poésies qui, comme le rappellent les éditeurs, se cpfft1-^
posent pour la plupart de fines épigrammes, n'occuperont qu'une cin-
quantaine de pages. Mais, ainsi qu'ils nous en avertissent, « l'étude bio-'
graphique, bibliographique et littéraire servant d'introduction, ne peut
avoir d'intérêt sans prendre quelque développement : la vie de notre au-
teur, très peu connue, étant curieuse à examiner, à restituer dans le dé-
tail, avec les nouveaux documents que nous avons rassemblés. » On a
donc été obligé de scinder la publication en deux volumes. De même,
j'examinerai en deux articles séparés l'édition de MM. de la B. et K.,
espérant bien que le tome ier ne tardera pas à suivre le tome II.
Ce tome II est fort agréable à lire. Pas une des pièces dont il se com-
pose ne figure dans les diverses éditions de la fausse Mlle Malcrais de la
Vigne imprimées jusqu'ici, et leur titre de Lettres nouvelles est des
mieux justifié. De ces lettres, les unes sont entièrement inédites et ont
été prises sur les autographes de l'auteur ' ; les autres, pour me servir
des pittoresques expressions des éditeurs, « sont exhumées de divers re-
cueils du temps, dont les collections sont rares, certains même à peu
près inconnus et d'ailleurs dépourvus de tables : elles gisaient donc là,
perdues dans la fosse commune. » MM. de la B. et K. ont cru devoir
rectifier l'orthographe par trop bizarre de ces dernières lettres, orthogra-
phe dont Des Forges Maillard n'est pas responsable, et ils ont eu, de
plus, la chance d'y introduire assez souvent d'heureuses variantes, pri-
ses sur des originaux ou sur d'excellentes copies anciennes.
Le volume renferme 44 lettres , une lettre adressée de Marseille à
MllG de Malcrais, le 12 août 1733, et 43 lettres écrites par elle, depuis
le 3 janvier 1726 jusqu'au 3o avril 1766, la plupart du Croisic, quel-
ques-unes de Paris, de Marseille, de Montbrison, de Nantes, de Belle-
Isle-en-Mer, de Poitiers, des Sables-d'Olonne. Les correspondants sont
le P. du Cerceau 2, Voltaire, René Chevaye, le bibliophile de Nantes 3,
1. Les éditeurs ont scrupuleusement reproduit l'orthographe de leur auteur, con-
formément au vœu qu'il avait exprimé dans une lettre du 3i mars 1749 (p. ig3) :
« Je voudrois bien que l'on n'employât point l'ortographe moderne, qui réduit l'é-
criture à l'usage de la prononciation, mais qu'on se servît de la mienne, autant
qu'il ne me sera pas échapé de fautes contre le rituel ordinaire. Je n'aime point du
tout la nouvelle ortographe; peut-être ai-je tort, mais chacun a sa marote. »
2. Voir (p. 3) une gaie et aimable lettre du bon Père en réponse à des vœux de
bonne année qui lui avaient été exprimés à la fois en prose et en vers par Des Fôt-
ges Maillard. ^ ,,/' .
3. Des Forges Maillard en parle ainsi (le 26 août 1744, p. io3j : « J'arrive de Uis-
d'histoire et de littérature 293
Titon du Tillet, le président Bouhier, Mme de Hallay, l'abbé Philippe
de Prétot, éditeur des Amusements du cœur et dé réipiïtyte'pïitodem
de Robiën, fondateur de l'archéologie en Bretagne, le docteur 'BdhWriiy;1
enfin le directeur du Journal de Verdun. Les lettres de Des Forges
Maillard-sont fort spirituelles, et il eût été vraiment dommage qu'elles
n'eussent pas été recueillies et publiées avec autant de soin. A chaque
page on trouve des traits ingénieux, et, ce qui vaut mieux encore, des
particularités intéressantes. Ainsi, dans la lettre à unpoète qui avait été
volé (juin 1732), au milieu de plaisanteries qui font penser au célèbre
distique ?
■oie? 30IJJ0 1 j> 1. . , _ . , . ., .
L on vient de me voler — Que je plains ton malheur!
Tous mes vers manuscrits — Que je plains le voleur !
b sijon tu . .
on rencontre (p. 7) un éloge inattendu d'un savant ne, comme Des
Forges Maillard, au Croisic, « M. Bouguer, ce mathématicien fameux
« que FAcadémie des sciences, qui l'a couronné trois fois, a reçu au
« nombre de ses membres... » À côté de cet éloge d'un « illustre ami > »,
citons (p. 8) une oraison funèbre d'un membre de l'Académie française,
Houdart de la Motte, auquel l'auteur refuse avec raison le titre de poète.
Indiquons en cette même lettre (p. 7) divers renseignements auto-bio-
graphiques 2. Les admirateurs de Montaigne liront avec plaisir (pp. i3-
i5) une vive et moqueuse protestation de M1]e de Malcrais contre le bi-
zarre projet qu'avait quelqu'un de mettre les Essais en style moderne-
Ce quelqu'un, d'après une note des éditeurs (p. i5), ne serait autre que
l'abbé Trublet. L'idée était bien digne du ridicule compilateur que les
plaisanteries de Voltaire ont rendu fameux. Parmi les personnages dont
il est question dans les lettres suivantes, mentionnons (p. 20) le poète Se-
necé, que Des Forges Maillard vit « presque centenaire » à Mâcon et qui,
dans ce grand âge, conservait un esprit « encore assez agréable, » le pré-
sident Bouhier (p. 20), « qui est maître de la plus belle bibliothèque que
puisse avoir en propre un particulier 3 », Brossette, le commentateur de
Boileau (p. 20), Titon du Tillet, « le patron des Muses françaises»,
(p. 3o) 4, l'évêque de Nantes, Turpin de Crissé de Sanzay (p. 37),
l'abbé d'Olivet, dont Des Forges Maillard raconte (pp. 44-45) un terri-
ble accès de colère d'une façon d'autant plus plaisante, qu'il mêle à son
récit un ironique éloge de « la douceur balsamique et melliflue du ca-
son, où j'ai passé dix ou douze jours chez mon ancien ami, M. Chevaye, auditeur
des Comptes, grand homme de lettres, grand homme d'esprit et grand homme de
bien. Voilà, ce me semble, celui que l'on doit appeler le véritable Trismégiste. »
1. Voir divers autres passages sur l'inventeur de l'héliomètre (pp. 29, 3o, etc.).
2. Voir d'autres renseignements auto-biographiques, pp. }§, in, 2 4-'-! 4 (sur la
métamorphose de l'auteur en demoiselle), pp. i5t-iô3 (sur son mariage), pp. i63-
1 65 (encore sur son mariage), etc.
3. Le nom du grand bibliophile revient souvent dans le volume. On regrette que
les éditeurs n'aient pas joint à leur Table analytique une Table alphabétique des noms
de personnes et de lieux:°'1,<J ":
■ài&biï§ti&1?1*> s^r Titon du Tillet> PP- 6o> 6l> 88> Io6> ^-iç?»' etc-
294 REVUE CRITIQUE ?alH a
ractère de l'abbé », lequel, comme le remarquent les éditeurs (p. 47)
« était connu pour l'un des plus grincheux personnages de France; et de
Navarre, » Néricault des Touches (p. 1 17), de La Condamine (p. 168),
Duclos (p. 170), l'abbé Desfontaines (p. 170), l'abbé Goujet (p. 177), etc.
Il faut encore signaler une lettre sur Racan (pp. 1 27-1 35), lettre dont
les éditeurs ont dit bien justement (p. 1 36 , note 9) que c'est « un excel-
lent morceau de critique littéraire1,» une lettre sur René Gentilhomme,
sieur de TEspine, poète croisicais (pp. 172-188), une lettre sur un vers
de Saint- Amant, où est aussi agréablement que paradoxalement défendu
contre Boileau le vers fameux du Moïse sauve :
Les poissons ébahis le regardent passer 2,
une lettre sur la fête du roi Grallon, à Quimper (pp. 21 i-2i3), une let-
tre sur la rencontre du duc d'Aiguillon et d'un monstre marin au Croi-
sic (pp. 214-219), enfin une lettre sur diverses singularités physiologi-
ques (pp. 221-226).
Il est inutile de déclarer que les notes, fort nombreuses, des éditeurs
sont telles qu'on pouvait les attendre de deux des plus savants bibliophi-
les et des meilleurs travailleurs de toute la Bretagne 3. Le beau volume
(papier vergé), si bien imprimé par MM. V. Forest et E. Grimaud, ren-
ferme, sans parler de mille ornements d'un goût exquis, deux vues très
habilement dessinées d'après nature par M. Kerviler, l'une du manoir
de Brederac, à quatre lieues du Croisic, manoir que Des Forges Mail-
■
1. Reproduisons cet hommage rendu par Des Forges Maillard en si bons termes
à nos vieux poètes (p. 128) : « Tout ce qui nous reste de ces hommes immortels
n'est point à négliger. On retrouve dans leurs moindres ouvrages les vestiges de la
flamme divine dont ils étaient animés. »
2. En revanche, Des Forges Maillard critique le vers de Racine :
Le flot qui l'apporta recule épouvanté.
« Jl ne paraît, » dit-il (p. 208), « guère raisonnable de personnifier un flot, et j'ad-
mire l'imagination du poète qui inspire à la mer un effroi si prodigieux à l'aspect
d'un monstre qu'elle avait nourri dans son sein et auquel elle devait être accoutu-
mée. » A cette spirituelle critique, j'ajouterai cette judicieuse observation d'un marin
qui me disait, un jour, au bord de l'Océan : Racine a-t-il donc oublié que le flot au-
rait reculé tout naturellement, quand même il n'aurait pas apporté le monstre?
3. Même si je m'arme de ma loupe la plus grossissante, je trouve tout au plus
à relever en tant de notes deux légères inexactitudes. On lit (p. 35, note 8) : « Me-
lon, ou plutôt Melun, était conseiller au parlement de Bordeaux. » L'auteur de l'Es-
sai politique sur le commerce (1734, in-12) ne s'est jamais appelé Melun et n'a jamais
été conseiller au parlement de Bordeaux. » Jean-François Melon fut inspecteur-gé-
néral des fermes à Bordeaux, et plus tard, successivement premier commis du car-
dinal Dubois, de Law, et secrétaire du Régent. On lit (p. 146, note 1): « La Grange-
Chancel (Joseph de), poète satirique, né à Périgueux, en i6j5, mort en 1758. »
L'auteur des Philippiques naquit deux ans plus tard, le Ier janvier 1677, comme
l'a établi, d'après des documents authentiques, M. A. Dujarric-Descombes, le der-
nier éditeur des terribles stances (Périgueux, 1878). Les plus intéressantes de toutes
les autres notes sont les notes sur R'ené Ghevaye (p. 21), Titon du Tillet (p. 42),
le président Bouhier (p. 46), M-" du Hallay (p. 58), le président de Robien (p. 119),
René Gentilhomme (p. 179). le docteur Bonamy (p. 216). iw^uS. «AoihnQ. .1
d'hISTOIHK El DR UTTÉRATURK 2g5
lard appelait sa case champêtre, et où il passait, tous les ans, la belle
saison; l'autre du pavillon où, au Croisic, il écrivait ses vers et sa prose.
Cette dernière gravure me semble particulièrement remarquable. t£VBT/î
attifai .q T. de L, buO
jnob 3im\
-hoxo nu ».
2i3uW><»«b Volksschausplel Doctor Johann Faust, herausgegeben mit
gcschichtlichen Nachrichten von Karl Engel, zweite umgearbeitete und vielfach
ergsenzte Auflage. Oldenburg, Schulze. 1882. In-8°, iv et 264 p. 4 mark.
Johann Faust, ein allegorisches Drama, gedruckt 1775, ohne Angabe des Ver-
fassers und ein nûrnberger Textbuch desselben Dramas. gedruckt 1777, heraus-
gegeben von Karl Engel, zweite durch das nûrnberger Textbuch vermehrte
Auflaga. Oldenburg, Schulze 1882. In-8°, vi et 79 p. *
Dans le premier de ces volumes, M. K. Engel donne une seconde édi-
tion de la pièce populaire le docteur Faust qu'il avait publiée déjà en
1874, dans le premier fascicule de son recueil de comédies à marionnet-
tes ' (pp. 197-250). Il a fait précéder ce texte intéressant d'une longue
étude (pp. 1-J96) sur Faust et son histoire littéraire et théâtrale. Dans
le chapitre intitulé « Geschichtliche Nachrichten tiber den Tràger
der Faustsage » (pp. 1-26), on remarquera nombre de renseignements
nouveaux qui font honneur au zèle investigateur de M. E., et, entre
autres informations jusqu'ici peu ou nullement connues, la suivante
(p. 17); elle est tirée de la Zimmerîsche Chronik, récemment publiée en
seconde édition par le bibliothécaire de Strasbourg, M. Barack, et men-
tionne le wunderharlicher nigromanta, du nom de Faust, qui mourut
vers 1 541 à Staufen, petite ville du Brisgau, ou non loin de là, dans un
âge avancé (ist ein ait er Mann worden). Le chapitre suivant, qui a pour
titre : Buhnengeschichte des Faust (pp. 27-191), contient aussi de nom-
breux détails importants et curieux sur les représentations de Faust de-
puis le xvie siècle jusqu'à nos jours ; beaucoup de ces détails sont inédits
ou empruntés à des ouvrages peu connus ou peu accessibles; c'est ainsi
que M. E. communique le passage tiré du Journal du conseiller
G. Schrôder (qu'il reproduit d'après le manuscrit de Danzig, année
1669, p. 33-35), des affiches du xvme siècle, le récit de Nicolai
(1781) etc.; en un mot, on a là, grâce à de patientes et minutieuses re-
cherches, une histoire presque complète de la vieille comédie allemande
de Faust ainsi que des représentations du Faust de Gœthe ; il est seule-
ment regrettable que M. E. ait voulu faire œuvre de littérateur; il n'a
pas réussi à classer et à ordonner ces précieux matériaux, rassemblés
avec tant de peine. N'eût-il pas mieux fait de nous donner ces docu-
ments tels quels, en ne les reliant que par de brèves notices? Il y a trop
de confusion et de désordre dans toute la partie du volume relative à
l'histoire théâtrale de Faust.
Le deuxième volume, récemment publié par M. E., renferme la
— — ! _____
j. Deutsche Puppenkomœdien, en huit petits volumes.
296 RBVDK CRITIQOB
deuxième édition d'un Jean Faust, drame allégorique en cinq actes,
publié en 1775 à Munich, et dont l'auteur a gardé l'anonyme; on l'a-
vait attribué sans raison àLessing; plusieurs prétendent qu'il est, soit
de Weidmann, soit de Schink. M. Engei a réimprimé, avec ce texte, un
opuscule paru à Nuremberg en 1777 sous le titre : Arien aus dem aile-
gorischen Drame, Johann Faust von der Moserischen Gesellschaft
abgesungen.
C.
CORRESPONDANCE
A propos de l'article sur la jeunesse de Fléchier.
Un ami, qui est en même temps un ami de la Revue critique, notre
savant collaborateur M. Defrémery, appelle mon attention sur la faute
d'impression qui, dans le compte-rendu de l'ouvrage de M. l'abbé Fabre
(n° du 4 septembre, p. 184), a fait asseoir l'évêque dCAire Fromentières
sur le siège d'Aix. Tous nos lecteurs auront certainement corrigé une
faute que leur dénonçait l'impossibilité de voir un évêque là où, comme
à Aix, existe un archevêché. Aussi n'aurais-je pas relevé la coquille
de notre excellent imprimeur, si je n'avais eu à vous fournir un petit
supplément à mon article sur la jeunesse de Fléchier. Je tire ce supplé-
ment d'une communication fort intéressante qui a été provoquée par
une question d'un des plus grands curieux qu'il y ait au monde, com-
munication due à un patient et habile chercheur du Comtat-Venaissin,
M. de Joannis. C'est dans la Provence à travers champs des 10 et
17 juin dernier que M. de Joannis a parfaitement prouvé, d'après
l'acte de baptême de Fléchier, conservé aux archives municipales de
Pernes, et d'après le Livre de raison du père du futur évêque de Nî-
mes, que l'illustre orateur naquit le 18 juin 16Z2 et fut baptisé le len-
demain, M. l'abbé Fabre a donc eu tort de prétendre (tome I, p. 1) que
Fléchier naquit le 10 juin, et d'ajouter en note : « M. l'abbé Delacroix
fait naître Fléchier le 19 juin; Ménard et Ducreux fixent le 10 juin :
ces deux biographes de l'évêque de Nîmes sont si bien informés qu'il
est difficile de ne pas s'en rapporter à eux. » Le terrible questionneur
dont je parlais tout à l'heure, questionneur auquel ses amis ont donné
pour emblème un point d'interrogation accompagné de cette devise :
Tes pourquoi, dit le Dieu, ne finiront jamais !
avait ainsi prévu (Provence à travers champs du 29 avril 1882) la
réponse qui devait lui être faite : « Je demande la permission d'objecter
à M. l'abbé Fabre que le renseignement donné par l'abbé Delacroix
(Histoire de Fléchier, i865, in-8°) a été emprunté à Y Histoire de
Pernes par le docteur Jean-Julien Giberti, concitoyen de Fléchier, his-
toire dont le manuscrit original appartient à la bibliothèque de Car-
pentras. Pourquoi Giberti, qui écrivait en 1748 l'histoire idei*#vHtè
<J ,H -M l€q rs$mfc ;nû8i«oM 1i>l
é 'j/alà B'ia* snomuHom nU —
aupirmo sovau 5çs
f23J3B pnb ns supiio^MtoroiRB et de littérature noiîrbè smâixf^j^
'rfa't^, tÎTOTOH pas été mieux informé que Ménard et^uMkfe
qui trancherait le débat, ce serait le registre des baptêmes de la paroisse
de Pernes pour l'année i632. » Le débat est tranché, et il ne reste plus
a^rYTâbb^Fabre qu'à s'incliner devant la bonne date trouvée, il y a
dix-sept ans, par M. l'abbé Delacroix.
Ph. Tamizey de Larroque.
CHRONIQUE
FRANCE. — La Société nationale et centrale d'horticulture ouvre un concours pour
la rédaction des meilleurs travaux sur les noms patois des plantes, principalement des
plantes cultivées, mis en regard avec les noms réels ou scientifiques. Deux médailles
d'or et deux médailles d'argent offertes par M. Lavallée, président de la Société, seront
attribuées par un jury spécial comme premiers et seconds prix de concours. La Société
désire recevoir des travaux analogues à ceux que la science doit à Gouan pour la flore
de Montpellier, à Des Etangs pour celle de l'Aube, etc. (adresser les manuscrits au
président de la société, 84, rue de Grenelle, avant la fin de l'année i883.
— Nous avons donné récemment, d'après les journaux, la traduction française de
l'inscription italienne gravée sur la maison où Montaigne demeura à Rome; les jour-
naux auxquels nous avons emprunté cette information, ont commis un contre-sens,
en appelant Montaigne l'auteur du « livre des sages »; il faut évidemment lire « livre
des essais » ; en italien essais se dit saggi ; ce qui a donné lieu à la bévue.
ALLEMAGNE.— Deux nouveaux fascicules des Historische Studien, dirigées par
M. W. Arndt (Leipzig, VeitJ, ont paru : le Ve das Kœnigsgericht $ur Zeit der Me-
rowinger u. Karolinger, par M. V. Barchewitz et le VIe, der Reichstag unter den
Hohenstaufen, par M. C. Wacker; deux autres doivent prochainement paraître : le
VIIe, Politische Geschichte Genuas und Pisas im XII. Jahrhundert, par M, O. Lan-
ger, et le VIIIe, Die Schlacht bei Reutlingen am 14 mai i3-]j, par M. Joh.
Jacobsen.
— M. Théophile Zolling, directeur de la Gegenwart, prépare une édition (la pre-
mière édition critique) des œuvres complètes de Henri de Kleist et prie quiconque
posséderait des lettres ou des manuscrits du poète de les lui communiquer.
— Nous apprenons que M. Karl Woermann, professeur à la Kunstakademie ou
académie des beaux-arts de Dusseldorf, a été nommé directeur de la galerie de
Dresde.
ANGLETERRE. — Une nouvelle revue anglaise, publiée par les éditeurs Long-
mans sous le titre Longmans Magasine, paraîtra tous les mois, à partir de novem-
bre (100 à 128 pages; prix du numéro, six pence); les collaborateurs du Long-
man's Magasine sont MM. Grant Allen, Anstey, W. Black, Freeman, Froude,
Th. Hardy, Howells, Huxley, Tyndall, Smiles, Stevenson, Sturgis et M03 Ingelow
et Oliphanttàrî sh n^joihn
— Les nouveaux volumes de la collection des « english men of letters » (Lon-
dres, Macmillan), seront Swift par M. Leslie Stephenj Macaulay, par M. J. Cot-
ter Morison; Sterne, par M. H. D. Traill; Sheridan, par Mrs. Oliphant.
— Un monument sera élevé à Longfellow dans l'abbaye de Westminster.
2g8 REVUE CRITIQUE
AUTRICHE.— On lit dans quelques journaux : « L'empereur d'Autriche vient de
décerner à M. Julian Klaczko la grande médaille pro litteris et artibus. M. Klaczko
doit cette distinction, fort rare en Autriche, à son dernier travail, les Causeries
florentines , couronné par l'Académie française. »
— La ville de Vienne doit célébrer, l'année prochaine, le deuxième centenaire de la
grande victoire remportée sur Kara Mustapha le* 12 septembre i683 par Sobieski et
le duc Charles V de Lorraine; cette victoire délivra, comme on sait, la capitale de
l'Autriche assiégée par les Turcs et défendue par le comte Ernest Rudiger de Star-
hemberg. A cette occasion, un monument sera élevé à Starhemberg, et la commune
publiera un livre où sera retracée l'histoire du siège et de la délivrance de Vienne.
Déjà le comte A. Thûrheim, connu par ses publications sur de grands généraux autri-
chiens, a fait paraître chez l'éditeur Braumûller un ouvrage consacré à- Starhemberg
et intitulé Feld-marschall Ernst Riidiger Graf von Starhemberg, 16 83 Wiens
ruhmvoller Vertheidiger.
BELGIQUE. — Dans la séance du 7 août de l'Académie royale de Belgique
M. Kervyn de Lettenhove a lu une note sur Charles IX et le Tasse ; vers les der-
niers mois de l'année 1 566, l'abbé de Saint-Gildas, envoyé en mission à Rome près
de l'ambassadeur de France, M. de Tournon, reçut ordre de s'arrêter à Ferrare; on
lit dans ses instructions : « Sa Majesté a aussi très agréable de conserver le sieur
Torquato soubs sa protection, comme elle désire et veult et entend que Mr. de
Tournon face pour luy tous les bons offices et que partout là où il soit besoing, soit
à l'endroit du Pape ou ailleurs, qu'il le porte et favorise comme serviteur advoué de
Sadicte Majesté, auquel elle a accordé trois mille livres de pension, dant elle envoyé
présentement andit sieur de Tournon le brevet pour luy bailler, avec asseurance
que, s'offrant l'occasion de l'honorer davantage, il ne sera oublié de Sadicte Ma-
jesté. »
— Le conservateur du Musée de Namur, M. A. Bequet, a publié un exposé dé-
taillé des fouilles exécutées par la Société archéologique de Namur en 1880. C'est
surtout à Franchimont, non loin de ia voie antique de Trêves à Bavay, que les fouil-
les ont été fructueuses; au lieu dit le Tombois, on a reconnu l'emplacement de 1 65
sépultures, dont 10 1 avaient été pillées, et dans le cimetière, dit au Tombeau, de
220 tombes, dont cinquante à peine restées intactes; ces tombes appartiennent toutes
à l'époque franque.
— M. J. Stecher a publié le discours qu'il avait prononcé, le 10 mai de cette an-
née, dans la séance publique de la classe des lettres de l'Académie royale et qui avait
pour sujet Anton Reinhard Falck et le Musée des sciences et des lettres de Bruxelles
en 1S27. Falek fut secrétaire d'Etat et confident du roi Guillaume de Hollande; il
occupa à Bruxelles le poste de ministre plénipotentiaire et envoyé extraordinaire des
Pays-Bas; avant i83o il protégea efficacement le haut enseignement de la Belgique,
et c'est sur ses conseils que furent créés en 1826 les cours publics et gratuits du Mu-
sée des sciences et dés iettres de Bruxelles, d'où est sortie plus tard l'Université de
Bruxelles.
— Depuis le mois de juillet dernier le Bulletin mensuel de numismatique et d'archéo-
logie dirigé par MM. C. A. et R. Serrure, est entré dans la deuxième année de son
existence; les éditeurs de cette très estimable revue se félicitent du bienveillant ac-
cueil que le public a fait à leur publication, dont « la vie est désormais assurée ».
— Nous avons annoncé récemment que M. Alph. Vandenpeëreboom avait publié le
sixième volume de son Ypridna, sous le titre Cornélius Jansenius, septième évoque
d' Ypres, sa mort, son testament, ses épitaphes (Bruges, De Zuttere. In-8°, 273 pp.).
M. V. a exposé, d'après des documents authentiques et pour la plupart inédits, les
D HISTOIRE KT DE LITTERATURE 29g
événements de la vie de Jar.senius, depuis sa nomination à l'évêché d'Ypres. Il
montre que Jansenius, mort de la peste le 6 mai i638, n'a pas été, comme on l'a
dit, la première victime du fléau — qui sévissait à Ypres depuis deux ans — qu'il ne
fut pas délaissée ses derniers instants par ses amis, qu'il mourut sans se préoccu-
per de son Augustinus que, d'après quelques biographes, il aurait ordonné de
détruire. M. V. publie pour la première fois le testament de Jansenius. Il prouve
que l'impression de V Augustinus ne souleva d'abord aucune opposition, puisque la
première édition parut en 1640, à Louvain, avec l'autorisation de Sa Majesté catho-
lique. Il fait l'histoire de l'épitaphe placée sur la tombe de Jansenius dans la cathé-
drale d'Ypres ; tout ce récit que nous ne pouvons résumer et auquel se mêlent les
noms de François de Robles, de l'internonce Airoldi, du chanoine Maes, etc., est
très curieux ; une première épitaphe, qui louait magnifiquement les vertus et la
science de Jansenius, fut enlevée en i655, malgré les protestations des chanoines,
par ordre de l'évêque Robles; une seconde épitaphe, mise en 1672 pendant une
vacance du siège épiscopal et ne contenant que le nom de l'évêque et ces mots Satis
dixî, fut, après bien des pourparlers des chanoines avec l'internonce Airoldi et le
conseil privé de Flandre, enlevée le 24 avril 1673; « aujourd'hui, dit M. Vanden-
peereboom, dans le chœur de notre ancienne cathédrale, au milieu de mausolées
splendides et de grandes pierres tombales couvertes d'inscriptions pompeuses, gît
encore, presque inaperçue et incomprise par le vuigaire, devant le maître-autel,
une modeste pierre, timide hommage rendu à la mémoire d'un évêque célèbre. Pas
d'épitaphe, pas même un nom. Au centre, une petite croix ; dans chaque angle, un
chiffre : 1-6-3-8 ; comme si la réunion de ces chiffres séparés avait pu, en formant
une date, révéler un mystère redoutable ».
— Le 24 juillet dernier est mort à Courcelies, près Charleroi, Pierre Constant Van
der Elst (néà Bruxelles le 12 mai 1807). 11 avait fondé la Société archéologique de
l'arrondissement de Charleroi, dont il fut longtemps le président, et publié en
!&47 Zevtn brieven van on\e vaderlandsche geschiedenis, et, en i856, un volume de
3oo pages intitulé Le protestantisme belge avant, pendant et après les troubles du
xvi° siècle.
COLOMBIE. — L'Académie de Colombie a récemment célébré le centenaire de
Bello, le poète qui l'avait fondée. Bello (né dans la vallée de Caracas le 29 novem-
bre 1781, mort à Santiago du Chili en i865) avait débuté dans les lettres par Un
sonnet qui fut très remarqué, sur la capitulation de Baylen; il a composé des poé-
sies lyriques, des fables, un fragment d'épopée, et une grammaire espagnole ; une
étude de Bello sur le poème du Cid est restée inédite, mais paraîtra dans la collec-
tion de ses œuvres complètes dont on annonce la prochaine publication.
CHINE. — Depuis le 4 juin, par décret impérial, la Galette de Péking, le plus
ancien journal du monde, paraît en trois éditions différentes; la irc, sur papier
jaune, est nommée la « feuille d'affaires » et renferme diverses nouvelles commercia-
les, elle a 8,000 abonnés; la 2% sur papier jaune, est la véritable « Gazette de Péking » ;
la feuille officielle (3, 000 abonnés); la 3e, destinée aux provinces, contient, sur pa-
pier rouge, un court extrait de la ire et de la 2e édition (2,000 abonnés); la rédac-
tion des trois éditions est confiée à six membres de l'Académie des sciences (han-
lin).
ETATS-UNIS. — La correspondance de Carlyle et d'Emerson sera prochainement
publiée par M. le professeur Norton, de l'Université de Harvard.
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300 REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 15 septembre 1882.
M. de Wailly lit une note additionnelle à son Mémoire sur la langue de Joinville,
publié il y quelques années, Répondant à la critique qui a été adressée par quelques
érudits, sur ce qu'il n'avait pas cherché à corriger, dans le texte de Joinville, les
irrégularités graphiques du manuscrit et à établir une orthographe uniforme, M. de
Wailly s'attache à prouver que cette tâche était impossible. Les clercs de la chancel-
lerie de Joinville, qui étaient toujours d'accord pour l'observation des règles de la dé-
clinaison et ce qu'on peut appeler l'orthographe grammaticale, n'avaient au con-
traire aucune doctrine fixe sur l'orthographe d'usage, celle des mots eux-mêmes.
De toutes les chartes françaises, dressées au nom de Joinville, qui nous sont par-
venues, il n'en est pas une seule dans laquelle on ne trouve au moins un mot écrit
deux fois de deux façons différentes, à quelques lignes de distance. M. de Wailly
cite plusieurs exemples de ces variations, qui prouvent que la notion de l'orthogra-
phe, telle que nous l'entendons aujourd'hui, était inconnue à cette époque.
M. Barbier de Meynard lit au nom de M. Derenbourg un mémoire intitulé :
V Immortalité de Vâme che\ les Juifs. L'objet de ce mémoire est de réfuter, la thèse
soutenue par M. Halévy, dans une lecture faite récemment à l'Académie, d'après la-
quelle la croyance à l'immortalité de l'âme aurait été répandue dès l'époque la plus
ancienne chez les Juifs aussi bien que chez les autres peuples de l'antiquité. M. De-
renbourg reconnaît que quelques passages de la Bible, comme ceux qui prohibent la
nécromancie ou le récit de l'évocation de Samuel par la pythônisse d'Endor, prou-
vent qu'il y avait parmi les Israélites des hommes qui croyaient à une continuation
de l'existence après la mort. Mais, selon lui, c'était là une croyance commune à
Israël et aux peuples voisins, et non proprement juive. Peu importent, dit-il, les
croyances des païens qui habitaient la Palestine, ou les croyances populaires des
Juifs eux-mêmes, au temps où ils inclinaient vers les usages du paganisme; les pré-
dications des prophètes seules représentent le vrai judaïsme. Or, celles-ci sont com-
plètement étrangères à l'idée d'une vie future, d'une existence après la mort. De
plus, la croyance aux ombres des morts, telle qu'elle a pu exister aux plus anciens
temps du judaïsme parmi les classes superstitieuses de la population, différait de
notre manière actuelle de concevoir l'immortalité de l'âme, en ce qu'elle ne compor-
tait aucune idée de peine ou de récompense. Cette dernière notion n'a pénétré dans
le monde juif que plus tard, sous l'influence de la philosophie platonicienne, in-
troduite parmi les Juifs d'Egypte après la conquête d'Alexandre.
M. Delaunay lit un mémoire de M. Amélineau sur le Papyrus gnostique de Bruce.
Ce papyrus, en langue copte, conservé à Oxford, nous est malheureusement parvenu
en très mauvais état et ne peut être déchiffré qu'en partie. M. Amélineau y a reconnu
deux ouvrages gnostiques, intitulés, l'un le Livre des Gnoses invisibles, l'autre, le
Livre du Grand Logos. Ces livres paraissent avoir été connus de Clément d'Alexan-
drie. Il ont donc été écrits, au plus tard, au commencement ou au milieu du 11e siè-
cle de notre ère.
M. Dieulafoy continue sa communication sur le monument de Meched Mourgab,
en Perse, connu sous le nom de Gabre Madère è Soleiman ou tombeau de la mère de
Salomon. Il apporte de nouveaux arguments contre l'opinion qui voit dans Meched
Mourgab l'ancienne Fasargade et dans le Gabre Madère è Soleiman le tombeau de
Cyrus. Selon lui, c'est le tombeau de la mère de Cyrus, Mandane; la tradition popu-
laire, qui veut que ce soit le tombeau de la mère d'un roi, est donc exacte, le nom
seul du roi a été changé. Quant à Pasargade, M. Dieulafoy est d'avis qu'il faut en
chercher le site à Fessa, au sud-est de Persépolis. On ne peut expliquer qu'ainsi
le fait qu'Alexandre, revenant de l'Inde, passa par Pasargade avant d'arriver à Per-
sépolis. Pour aller de l'Inde à Persépolis par Meched Mourgab, il lui aurait fallu
traverser un désert où aucun voyageur n'oserait se risquer aujourd'hui, et que tout
le monde considère comme infranchissable. — M. Dieulafoy met sous les yeux des
membres de l'Académie un plan et des dessins du Gabre Madère è Soleiman et fait
remarquer le caractère de l'architecture de cel édifice, qui n'est pas purement perse,
mais imitée de l'architecture grecque.
M. Oppert dit qu'il est persuadé depuis longtemps que Meched Mourgab n'est pas
Pasargade et que le Gabre Madère è Soleiman ne peut être que le tombeau d'une
femme. Il est heureux de voir cette thèse recevoir des recherches de M. Dieulafoy une
nouvelle confirmation.
Ouvrages présentés, de la part des auteurs, par M. Barbier de Meynard : — i° Bas-
set (René), fitudes sur l'histoire d'Ethiopie (extrait du Journal asiatique) ; — 20 Sau-
vaike (H.), Etudes sur le droit musulman, traduction du 40 livre du Moultaga.
Julien Havet.
Le Puy, imprimerie Marckcssou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N° 42 - 16 Octobre — 1882
Sommaire s 214. Mispoulet, Les institutions politiques des Romains, I. — 2i5
Chastel, Histoire du christianisme, I et IL — 216. Chéruel, Histoire de France
sous le ministère de Mazarin, I. — 217. Jonas, Christian Gottfried Kœrner. —
Chronique. — Académie des Inscriptions.
214. — J.-B. Mispoulet, Les Institutions politiques des Romains, t. Ier, La
constitution. Paris, Durand et Pedone-Lauriel. In-8 de xvi-392 p.
Les manuels de droit public romain ne manquent pas. L'Allemagne
possède, dans les recueils de Puchta, de Rudorff, de Bethmann-Hollweg.
deWalter surtout, d'excellents résumés, que Ton lit et que l'on consulte
encore, même après l'admirable traité de MM. Mommsen et Marquardt.
La Belgique nous a donné le précis de M. Willems; la traduction de
l'ouvrage de M. Madvig va bientôt le rendre populaire dans nos facultés.
Malheureusement, dans cette brillante série de publications, aucune
n'appartient à la France : il est triste d'aller toujours demander à l'é-
tranger de nous instruire. Le livre de M. Mispoulet nous épargnera
souvent ce regret : s'il ajoute peu à ceux qui l'ont précédé, s'il ne com-
plète pas la science des institutions romaines, il comble au moins une
lacune de l'érudition française.
Cet ouvrage n'est pas un simple abrégé des travaux allemands.
M. M. les connaît bien : peut-être même a-t-il le tort de s'en tenir à eux
presque exclusivement, comme s'il oubliait que certaines éludes parues
en France méritent, elles aussi, d'être citées et discutées '. Ces travaux
sont constamment ses guides, il s'en sert comme de cadres. Mais il a
pris soin de contrôler chaque assertion, d'examiner tous les textes. Il
n'échappe pas aux erreurs de détail * : pourtant elles sont rares. Et, en
1. Par exemple, celles de M. Fustel de Coulanges sur la réforme de Servius Tul-
lius (Cité antique, 4, 7), sur la monarchie romaine (Institutions politiques, 2, 1) ;
de M. Paul Guiraud sur la réforme des comices centuriates au 111e siècle av. J.-C.
(Revue historique, XVII, p. 1).
2. Entre autres : si, dans les tables alimentaires, la tribu des praedia de Velleiaeu
des Ligures n'est point citée, c'est que chaque ville était inscrite dans une seule et
même tribu (p. 41, n. 7); — les vingt magistrats créés en 237 par le sénat ne sont
pas le moins du monde chargés de gouverner l'empire, mais simplement des com-
missaires nommés pour fortifier les villes de l'Italie et les défendre contre Maximin
(p. 274, n. 1) ; — la limitation des pouvoirs du prcefectus urbi à un rayon de cent
milles autour de Rome n'existe pas dans les deux premiers siècles de l'empire
(p. 284) ; — le chef des bureaux des magistrats s'appelle ou princeps ou primiscri-
nius : le cornicularius et Yadjutor ne viennent qu'en sous-ordre (p. 3 12); — les textes
Nouvelle série, XIV. 16
302 REVUE CRITIQUE
outre, le nombre assez considérable de points sur lesquels M. M. attaque,
par exemple, M. Mommsen % prouve la bonne foi et l'indépendance de
l'auteur.
Le premier volume de M. Mispoulet traite uniquement de la consti-
tution; le second sera consacré à l'administration. L'auteur s'excuse
(p. xi) d'avoir réservé pour ce dernier le chapitre relatif à la classifica-
tion des personnes. Elle « ne pouvait être bien comprise, dit-il, que
lorsqu'on aurait connu préalablement l'organisation territoriale. » C'est
là une assertion des plus étranges. Sans doute les cités étaient divisées
en villes romaines, latines, alliées ou soumises; mais l'explication de
ces titres, la définition de la cité sans suffrage, l'exposé des privilèges
de l'ordre équestre et de la noblesse sénatoriale, tout cela va parfaitement
sans l'étude des provinces, sans l'examen des pouvoirs du proconsul ou
du légat. La vérité, au contraire, c'est que les attributions des gouver-
neurs et des magistrats en général ne peuvent être expliquées si l'on
ignore la condition sociale des personnes placées sous leurs ordres. Par
exemple, l'administration de l'Italie, sous la république, a varié avec les
droits de ses habitants : c'est donc précisément l'organisation territoriale
qui ne saurait se comprendre sans l'étude des différentes classes de
citoyens. Cette étude a sa place marquée en tête de tout livre sur la
constitution romaine. C'est pour i'avoir d'abord négligée que M. M. est
sans cesse contraint d'y revenir, mal à propos et d'une façon fort insuffi-
sante. Dans la période royale, il est bien obligé de parler des patriciens,
de la clientèle, des plébéiens : il ne le fait qu'après s'être occupé des
tribus, des curies et des gentes. Sous la république, il fait intervenir, au
sujet de chaque magistrature, la lutte entre les plébéiens et les patri-
ciens : lutte qui n'a aucun sens, du moment qu'il n'est pas dit que la
révolution de 509 a été purement aristocratique et a maintenu les dis-
tinctions sociales. De Tordre équestre, un des éléments les plus impor-
tants de la constitution romaine, il est à peine question dans ce livre : il
en est fait mention à propos des comices centuriates ; un chapitre lui
est consacré à la suite des curatelles et des préfectures du temps de l'em-
pire. La noblesse des clarissimes du bas empire est étudiée immédiate-
ment après le consulat et les magistratures dites sénatoriales. Ce sont
autant de contre-sens historiques, conséquences du plan adopté par
que M. M. cite (p. 323) comme se rapportant au vicarius prcefecti urbi (Cod. Th.,
1,6,2. 3; 11, 3o, 36; Cassiodore, Variae, 6, i5) concernent tous le vicarius
prœfectorum prcetorio in urbe Roma (cf. Symmaque, Relationes, 23, éd. Meyer).
1. Toutefois, il nous semble que M. Mommsen, sauf pour certains points de la
constitution impériale, a toujours raison contre M. Mispoulet et les auteurs
que suit ce dernier : par exemple, au sujet du caractère primitif des tribus,
réel selon M. Mommsen, topique suivant M. Mispoulet (p. 40); — de la distinction
à faire entre les actes censoriaux liés au lustrum et ceux qui en étaient indépendants,
distinction que M. Mispoulet n'admet pas (p. 109); — des droits que le peuple se
réservait (Reservatrechte), et dont M. Mispoulet nie l'existence (p. i36) ; etc.
D'HISTOIRE ET DE LITTERATURE 3o3
M. M. pour l'ensemble de son ouvrage. Aussi le livre, décousu et désor-
donné, gêne et déroute le lecteur.
L'idée générale que se fait M. M. delà constitution romaine excuserait
peut-être le peu d'importance qu'il semble attacher à la question des
classes. Malheureusement il ne cherche pas lui-même cette excuse; en
outre, cette idée se trouve toujours à l'arrière-plan, placée dans le cours
d'une discussion, reléguée parfois au bas d'une note ; enfin il faudrait la
défendre et la prouver mieux que ne fait l'auteur. « C'est à tort, dit-il
(p. 214; cf. p. 57), que certains auteurs considèrent le gouvernement de
la république romaine comme démocratique et le peuple comme souve-
rain ; le véritable souverain, c'est le magistrat revêtu de ïimperium...
En principe, il a tous les pouvoirs ; seulement, pour certains actes, il
est tenu d'obtenir le concours des comices ou du sénat. » Ailleurs
(p. 247, n. 1 2), il représente le pouvoir impérial comme ne reposant pas
sur la souveraineté du peuple. Cette théorie est en contradiction avec
celle de MM. Mommsen et Madvig, et, ce qui est plus grave, avec les
idées des Romains eux-mêmes. Les magistrats sont bien, à la rigueur,
des souverains ; mais c'est du peuple qu'ils tiennent cette souveraineté,
et c'est au nom du peuple qu'ils l'exercent : ils s'appellent magistratus
populi romani. Tous les pouvoirs émanent du peuple, disait Cicéron :
Omnes potestates, imperia, curiationes, ab universo populo romano
proficisci convertit '. Et Cicéron ne faisait que reproduire la pensée des
anciens Romains qui est devenue, sous l'empire, celle de tous les juris-
consultes, depuis Tacite 2 jusqu'à Tribonien ; au temps de Justinien,
alors que la puissance impériale était tout autrement absolue que n'avait
jamais pu l'être celle des consuls ou celle du roi, on disait encore que la
souveraineté de l'empereur résultait de ce que le peuple abdiquait entre
ses mains tous ses droits et tous ses pouvoirs : Omne jus omnisque po-
testas populi romani in imper atoriam translata sunt potestatem 3, dit
la préface du Digeste.
Si, de l'examen du plan et de la théorie générale, on passe à l'étude
des différents chapitres, on sera également frappé du peu de relief que
présentent les idées principales, ou. plutôt, de l'incertitude qui règne
dans la pensée de l'auteur. Cela est frappant quand il s'occupe des insti-
tutions primitives. Il n'y a guère.que deux façons de les exposer : s'en
tenir aux textes d'Aulu-Gelle, de Denys, de Tite-Live et de Festus, ne
point chercher à concilier ce qu'ils ont de contradictoire, reconnaître,
en un mot, l'ignorance absolue où nous sommes et où étaient déjà les
anciens au sujet de l'organisation première du peuple romain; ou bien,
accepter le système qui concilie le mieux les textes, admettre que la cité
r. Cicéron, De lege agraria, 2, 7, 17; cf. Festus, v° cum imperio (Ep., p. 5o) j
Varron, De lingita latina, b, 87.
2. Tacite, Annales, 1, 1 ; Histoviae, 1, 1 ; Dion Cassius, 53, 17.
3. Cf. Justinien, Institutiones, 1, 2, 6; Gaius, Itist., 1, 5.
304 REVUE CRITIQUE
était uniquement patricienne, qu'il n'y avait que des patriciens dans le
sénat, que les curies étaient des réunions de gentes patriciennes. M. M.
ne peut se décider. Tantôt (p. 154) il suit « la tradition, lorsqu'elle af-
firme qu'il y a eu, à cette époque, des sénateurs plébéiens ■ » ; tantôt il
s'en écarte (p. ni, n. 8) et déclare qu' « il est impossible d'admettre
avec les historiens anciens que les premiers tribuns étaient élus par les
curies, d'où étaient exclus les plébéiens 2. »
Cette incertitude fait que M. M. se trouve souvent en opposition,
comme malgré lui, avec ses propres intentions. L'une des meilleures
qu'il ait, assurément, est celle de prouver qu'il n'y a pas de solution
de continuité entre ce qu'on est convenu d'appeler le principat et
le bas empire. Dioclétien et Constantin (p. 298) se seraient unique-
ment « bornés à achever l'œuvre commencée dans la période pré-
cédente, œuvre qui consistait à mettre en harmonie les formes du
gouvernement avec son principe. » M. M. est le premier qui,
dans un traité de droit romain, ait insisté avec force sur cette très juste
idée. Le malheur est que, dans sa manière de parler, M. M. se fait l'es-
clave des vieilles habitudes : si l'on s'en tient à ses expressions, l'histoire
de l'empire romain comprend toujours deux périodes, l'une avant, l'au-
tre après Dioclétien. Par exemple, a dans la période précédente, la di-
gnité impériale, comme celle de César, étaient, en théorie du moins,
conférées par le sénat. A partir de Dioclétien, le principe subsiste »
(p. 3o5). M. M. met sur le compte de Dioclétien un certain nombre de
réformes qu'aucun texte ne lui attribue : s'il était conséquent avec lui-
même, il en ferait l'œuvre des réformes accomplies pendant le 111e siècle.
Parmi les « procédés » employés par Dioclétien et Constantin pour réor-
ganiser l'empire (p. 299), M. M. place la séparation des pouvoirs civil
et militaire : et cela n'est vrai que pour la préfecture du prétoire ; il suf-
fit de lire l'Histoire auguste pour voir que le principe de cette sépara-
tion, de ce « procédé » date des premières années du 111e siècle : en ce
qui concerne le gouvernement des provinces, il semble que dès Sévère
Alexandre le commandement des soldats fut séparé de l'administration
civile 3.
Cette indécision est générale : elle se rencontre à propos des faits les
plus connus et des questions les plus certaines. Nous ne trouvons nulle
part une discussion serrée, où la pensée de M. M. se détache nettement
de celle de son adversaire : souvent même les expressions de M. M. don-
nent à cette dernière une obscurité qu'elle n'a réellement pas. Ce qui est
1. Titc-Live, 5, t%\ cf. Madvig, 2, 9; en sens contraire, Willems, Le sénat ro-
main, I, p. 60; Fustel de Coulanges, La cité antique, 4, 5.
2. Denys, 6, 89; g, 41 ; Tite-Live, 2, 56; on sait que Denys considère, 9, 46, le
principe des comitia curiata comme démocratique; cf. Staatsrecht, II, (2' éd.),
p. 260; en sens contraire, Madvig, 2, 5; 3, 3.
3. C'est la théorie de Borghesi, Œuvres, III, p. 277; V, pp. 397-403, d'après
Lampride, V.Alex., 24.
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 3o5
plus fâcheux encore, c'est l'absence complète de netteté dans les défini-
tions, c'est cette perpétuelle tendance, qui se retrouve dans le détail
comme dans l'ensemble de l'ouvrage, de supposer les choses déjà con-
nues du lecteur. M. M. ne cesse de parler de Yimperium consulaire :
nulle part il n'en donne une définition complète et satisfaisante; et,
pourtant, on trouve, dès les premières pages, cette phrase qui est au
moins fort bizarre (p. 32) : « Le caractère principal du pouvoir royal,
dont les limites ne nous sont pas connues, c'est Yimperium consulaire,
sans les restrictions qui lui ont été imposées sous la république. »
Il y a peu de livres où l'incorrection typographique soit si grande. On
se console aisément des coquilles du texte français : on pardonne bien
moins volontiers celles des citations latines, qui ont le malheur de res-
sembler à des solécismes. Il faudrait aussi que M. M. se décidât entre
deux orthographes, pomerium ou pomœrium, qu'il eût un système fixe
dans la transcription des titres d'ouvrage, et qu'il ne les abrégeât pas à
l'excès : ce qui rend les notes ou très fatigantes à lire ou impossibles à
déchiffrer. Une condition sine qua non pour qu'un livre ait une appa-
rence sérieuse, c'est que les mots grecs soient accentués : il est même
étrange et pénible qu'on ait à faire ici cette remarque. Mais il vaudrait
mieux négliger absolument de le faire que d'écrire 'Po^atwv (p. 46),
irspt âpyw (p. 56), cTp«TYj*fôç auioxpaxwp (p. 1 35). On a encore le droit de
reprocher à M. M. de n'avoir pas cité les inscriptions publiées dans
les recueils d'Orelli-Henzen et de Wilmanns suivant le numéro qu'elles
ont dans le Corpus, quand on voit M. Madvig lui-même regretter et
s'excuser de n'avoir pu le faire.
Nous avons tenu à insister sur les défauts de ce livre, moins pour dé-
conseiller de s'en servir que pour engager l'auteur à le revoir, à le rema-
nier. Car il renferme une somme considérable de travail et de bon
travail : ce serait un grand dommage si elle se trouvait perdue. M. M.
n'a plus à chercher ses textes ni à étudier les auteurs de seconde main :
il doit s'étudier lui-même. Certaines parties où il n'a pas eu de devan-
ciers, comme son étude sur le sénat du bas empire^ sont bien traitées.
Des théories, où il a su ne point s'écarter de l'idée maîtresse, comme
celle sur la lex regia, sont clairement exposées. M. M. a, de plus, l'avan-
tage d'avoir reçu une instruction à la fois juridique et épigraphique,
d'avoir étudié en même temps la science des institutions et du droit ro-
main ; les travaux de M. Cuq ont récemment montré quel profit ces
deux sciences peuvent tirer l'une de l'autre. On doit, en particulier, lui
savoir un gré infini d'avoir, le premier peut-être en France, dans un
livre sur les institutions romaines, utilisé le magnifique traité de M. de
Jhering ' sur l'esprit du droit romain. Ce n'est donc pas le fonds qui
manque à l'ouvrage de M. Mispoulet. Camille Jullian.
1. Geist des rœmischen Rechts, Leipzig, 1854 (dernière édition 1874- 1877), traduit
par M. de Meulenaere, Paris et Gand, 1877, 4 vol. in-8. Pourquoi M. M. s'obstine-
t-il à écrire Jehring i
3û6 REVUE CRITIQUE
2lb. — Histoire du christianisme depuis son origine Jusqu'à nos
jours, par Etienne Chastel, professeur de théologie historique à l'université de
Genève. Paris, G. Fischbacher, 1882. grand in-8°. Tome I, de xiu et 464 pp. Pre-
mière période, Le\christianisme avant Constantin, et tome II, de 63 1 pp. Seconde
période, delà conversion de Constantin à l'hégire de Mahomet.
On ne saurait mieux faire, pour donner une idée de cet ouvrage, que
de mettre en lumière l'esprit dans lequel il a été conçu. M. Chastel n'a
voulu écrire ni une de ces chroniques dans lesquelles on s'est si souvent
contenté de rapporter les événements saillants de l'histoire ecclésiastique,
sans en montrer l'enchaînement historique, et sans marquer les antécé-
dents de chacun d'eux, ni un de ces plaidoyers inspirés par des intérêts
ou des préoccupations dogmatiques, et destinés à prouver, au mépris de
la vérité historique, que l'enseignement de telle ou de telle Eglise est le
seul conforme à la prédication primitive du christianisme. Ce qu'il s'est
proposé, il nous le dit lui-même, c'est sans doute de raconter les divers
événements qui se sont produits dans l'Eglise, et de faire connaître les
différentes conceptions théologiques qui y ont été proposées et qui y ont
eu des fortunes fort diverses, mais aussi d'en rechercher les antécédents
et les causes, de les discuter, et d'en indiquer les conséquences ; c'est
encore de marquer nettement les diverses tendances qui s'y sont dessi-
nées, selon les temps et les lieux, dans la manière de comprendre et
de pratiquer le christianisme, non pour condamner les unes ou les
autres, mais pour les expliquer, en montrant d'où elles viennent, et
ce qui les a provoquées ; c'est enfin de se placer entre les partis religieux
qui se sont disputé, qui se disputent encore la prépondérance, non
pour donner toujours exclusivement raison à l'un d'entre eux, mais
pour faire voir ce qu'il y a de fondé dans leurs prétentions respectives,
impartialité raisonnée et appuyée sur les faits, qui a cet avantage sur
la controverse que, autant celle-ci prolonge et envenime les débats,
autant celle-là les abrège et les tempère, en reconnaissant au passé son
ancienne raison d'être, et à l'avenir ses raisons légitimes pour succéder
au passé.
Ces principes dont s'est inspiré M. C, sont de nature à nous faire
espérer d'avoir enfin dans notre langue une histoire ecclésiastique ré-
pondant à toutes les exigences de la science moderne. C'est d'après eux
qu'ont été écrits les deux premiers volumes que nous avons déjà entre
les mains, et que le seront certainement aussi ceux qui doivent les
suivre '.
De ces deux volumes, consacrés à présenter le tableau de ce que
M. C. appelle le premier âge du christianisme, le premier contient
l'histoire des trois premiers siècles de l'église chrétienne. Après avoir
1. Le troisième volume traitera de l'Eglise pendant le moyen âge, et le quatrième
et le cinquième des diverses vicissitudes du christianisme depuis l'origine de la
Réformation jusqu'à nos jours.
d'histoire et de littérature 307
tracé le tableau de la naissance et des premiers progrès de la religion
chrétienne et ensuite celui des persécutions qui en frappèrent les adhé-
rents, sans réussir à en arrêter la propagation, M. C. fait connaître
quelle fut l'organisation des églises dans le principe indépendantes les
unes des autres ; comment, pour opposer une résistance plus solide aux
sectes rivales, elles se liguèrent entre elles, et en vinrent bientôt à une
fédération universelle qui forma ce qu'on appela la grande Eglise,
l'Eglise catholique (ch. n). Il est parlé dans le chapitre suivant du culte
qui était d'une grande simplicité, et dans le ive de la discipline ecclé-
siastique. Le chap. ve est consacré à l'histoire des écrivains chrétiens
des trois premiers siècles. Le vie enfin traite de la doctrine et occupe à
peu près le tiers du volume. Ce qui s'explique par l'importance extrême
du sujet.
On ne saurait lire ce volume sans éprouver quelque étonnement de la
rapidité avec laquelle les enseignements du maître furent altérés. Jésus
avait constamment réprouvé quiconque s'érige en directeur des conscien-
ces ; ce qui n'empêcha pas cependant un clergé de se mettre à la tête des
églises déjà au milieu du second siècle, et de former une hiérarchie sa-
cerdotale qui se rendit de jour en jour plus puissante. Les chrétiens
s'habituèrent de bonne heure à attribuer aux cérémonies les effets et les
vertus qui n'appartiennent qu'au changement intérieur, dont les sacre-
ments ne sont que des symboles (T. I, pp. 141, 142, 157, 1 58). L'ascé-
tisme prima bientôt le travail moral (t. I, pp. 185-192). Un sentiment
respectable sans doute, mais de dangereuse conséquence, fit établir des
fêtes en l'honneur des martyrs. Tertullien et Cyprien en parlent comme
de coutumes généralement reçues de leur temps. Cet usage eut pour
effet de faire considérer les martyrs comme des demi-dieux, et d'in-
troduire dans le culte chrétien des rites empruntés au paganisme
(t. I, p. 177).
Ces altérations et bien d'autres du même genre furent provoquées, en
grande partie, par les besoins du moment; ainsi les luttes dans lesquelles
la religion chrétienne se trouva engagée, en se propageant, mirent en
vue ceux qui en prirent la défense et leur assignèrent une place à part
au-dessus du commun des fidèles ; mais elles furent dues principalement
aux habitudes d'esprit des populations gréco-latines, parmi lesquelles le
christianisme, à partir du second siècle, se fit exclusivement de nou-
veaux partisans. Il était impossible que la religion nouvelle se propageât
dans ce milieu, sans en subir une réaction plus ou moins profonde.
En même temps, ce qui n'avait été qu'une foi simple et naïve pour
les premières générations chrétiennes devint un thème de spéculations
métaphysiques, dès que le christianisme eut trouvé des disciples parmi
les hommes qui avaient fréquenté les écoles philosophiques de cette
époque. Le tableau que les récits évangéliques tracent des destinées de
Jésus, fit place à des conceptions abstraites, on pourrait peut-être même
dire mythologiques, sur la nature et la vie du fondateur de la nouvelle
3o8 RBVCJH CRITIQUE
religion (t. I, pp. 379-391)- M n'est une seule des croyances et des espé-
rances chrétiennes, dans laquelle des hommes amenés au christianisme
d'ordinaire par le platonisme tel qu'on le concevait à celte époque, ne
trouvent matière à des discussions philosophiques. Ils veulent savoir
quelle est l'origine du péché, quels sont le pourquoi et le comment de la
rédemption, quel était le séjour où les âmes se rendent immédiatement
après la mort, quelle serait la nature des rétributions qui devaient suivre
le jugement dernier.
Ces altérations du christianisme qui se produisirent pendant les trois
premiers siècles, s'étendirent, s'accentuèrent depuis la conversion de
Constantin, et c'est en raison de ce fait que M. C. considère comme une
période du premier âge de l'Eglise chrétienne l'époque qui s'étend de
cette date jusqu'à la fin du vie siècle ou au commencement du vne. Ce
n'est pas que de nouvelles altérations ne se soient encore produites de-
puis ; mais, en Un certain sens, elles dérivent pour la plupart des précé-
dentes, et, en somme, l'Eglise était à ce moment assise sur des principes
qu'elle n'aura plus qu'à développer jusqu'à leurs dernières conséquences.
A peine échappée aux persécutions, pressée avant tout d'en prévenir
le retour, elle cherche à se rendre importante par le nombre. Le pouvoir
qui l'opprimait, maintenant la protège; elle profite avec ardeur d'un
privilège qui pourrait n'être que passager. Les souverains eux-mêmes,
non-seulement l'y encouragent, mais en quelque sorte l'y obligent. Pour
mieux retenir, pour s'incorporer plus solidement les multitudes hâtive-
ment enrôlées, elle s'attribue, elle revendique de l'Etat de nouveaux
pouvoirs. Hors d'elle, point de salut; dans cette vie, punitions sévères,
dans l'autre, éternelle condamnation pour quiconque lui échappe par la
rébellion, par l'hérésie ou par le schisme. Pour rendre son autorité plus
active et plus forte, elle la concentre tout entière dans les mains du
clergé, qu'elle revêt d'un caractère divin et unit par les liens d'une puis-
sante hiérarchie.
Elle s'empresse en même temps d'en finir avec les discussions de doc-
trines qui avaient joui d'une certaine liberté dans le 11e et le 111e siècle.
Elle fixe la doctrine de la Trinité ; elle met fin aux controverses christo-
logiques, soulevées par suite de la doctrine de la Trinité ; elle impose
silence à la controverse pélagienne et à la controverse semi-pélagienne ;
elle fixe la doctrine sur la vie future. La partie de l'ouvrage de M. Chas-
tel qui se rapporte à la dogmatique ecclésiastique (t. II, pp. 424-612),
présente un puissant intérêt et est écrite avec une clarté rare en ces ma-
tières abstraites.
M. N.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 300,
2 1 6. — Histoire de IFi-anee sous le ministère de Mnzai'In (i65l-l66l),
par A. Chéruel, recteur honoraire et inspecteur général honoraire de l'Univer-
sité, membre du comité des travaux historiques et des sociétés savantes. Tome I.
Paris, librairie Hachette, 1882. In-8° de xn-447 p. Prix : 7 fr. 5o.
« L'histoire de France pendant les dernières années du ministère
de Mazarin, » dit M. Chéruel (Avertissement, p. 1), « est le complément
nécessaire de l'ouvrage que j'ai publié sur la minorité de Louis XIV.
L'Académie française, qui a accueilli mon travail historique avec tant
de bienveillance et lui a accordé deux fois une récompense si honorable !,
m'a encouragé à le continuer jusqu'à l'époque où commence réellement
le gouvernement personnel du jeune roi. C'est surtout pour repondre à
cet appel que j'entreprends de compléter l'histoire du ministère de Ma-
zarin. » La Revue critique, qui plusieurs fois a signalé le grand mérite
de V Histoire de France pendant la minorité de Louis XIV, et qui a
instamment demandé à l'auteur la suite de ce beau travail, est heureuse
de voir le lauréat de l'Institut continuer à marcher dans une voie où
l'attendent de nouveaux succès.
M. C. n'a plus, pour se guider pendant la période de i65i à 166 r, les
carnets du cardinal, lesquels s'arrêtent en février i65o, mais, fait- il re-
marquer (p. n), « sa correspondance, conservée dans les divers dépôts
des Affaires étrangères, de la Bibliothèque nationale, des Archives na-
tionales, de la Bibliothèque mazarine, etc., est une source féconde pour
les dernières années de son ministère. Elle sert à rectifier et à compléter
les mémoires du temps ». M. C. examine tour à tour (pp. ni-vi)les prin-
cipaux de ces mémoires, ceux du cardinal de Retz, de Mlle de Montpen-
sier, de Mms de Motteville, de la duchesse de Nemours, de Monglat, et
il indique quelques-unes des erreurs que la correspondance de Mazarin
y fait découvrir. Il eût été trop long de relever les passages des Mémoires
du cardinal de Retz où éclate « l'audace de ses réticences et de ses men-
songes », mais voici un certain nombre d'assertions, empruntées à divers
autres mémoires, qui sont formellement démenties par les documents
d'où M. C. a tiré la trame de son histoire : « Mllc de Montpensier ra-
conte, avec un naïf orgueil, son entrée à Orléans, et ses succès oratoires
dans le conseil des principaux habitants de cette ville. Elle n'attribue
qu'à son influence et à son action personnelle les résultats qu'elle obtint.
Les lettres, écrites par les conseillers qu'on lui avait adjoints, sont con-
servées dans les papiers de Mazarin, et prouvent que les émissaires du
parti de la Fronde avaient gagné le peuple par des distributions d'argent,
et préparé les faciles victoires de cette princesse. » — Mme de Motteville
raconte, d'après l'autorité des ennemis secrets du cardinal (le maréchal
de Villeroi, le secrétaire d'Etat Brienne, le marquis de Senneterre),
« qu'en novembre 1 65 1 la reine s'opposait au retour de Mazarin, au
moment même où les lettres du maréchal du Plessis-Praslin, écrites au
1. Le grand prix Gobert (t 880 et 1881)
3lO REVUE CRITIQUE
nom d'Anne d'Autriche, rappelaient le cardinal avec les plus vives ins-
tances, et où la reine lui envoyait la Cardonnière avec toutes les ins-
tructions et recommandations nécessaires pour son retour ». — « Com-
ment s'étonner, lorsque Mme de Motteville se trompe sur les sentiments
véritables de la reine, des erreurs d'autres contemporains, qui vivaient
loin de la cour? La duchesse de Nemours, dans ses spirituels mémoires,
présente le prince Thomas de Savoie-Carignan comme un rival que les
ennemis du cardinal avaient voulu lui opposer, et il résulte, au con-
traire, des lettres de, Mazarin, que ce prince lui était sincèrement dévoué,
et soutenait, dans le conseil du roi, les avis suggérés par ce ministre. »
— « Monglat, qui a une réputation incontestée d'exactitude, raconte
qu'un certain nombre de courtisans, entre autres le commandeur de
Souvré et Roquelaure, affectèrent, lorsque Mazarin rentra en France,
en janvier 1662, de lui témoigner de la froideur et du mépris, tandis
que les lettres mêmes de Souvré attestent que ce fut le cardinal qui, à
son arrivée à Poitiers, montra une hauteur et un dédain, qui ne lui
étaient pas habituels, envers ceux dont il connaissait les mauvaises dis-
positions et la conduite suspecte l. »
Le récit des préparatifs des deux partis pour la troisième guerre civile
de la Fronde (septembre-octobre i65i) ouvre le volume, que ferme le
tableau de la situation de la France en i653. Nous ne possédions pas
encore une histoire aussi détaillée de cette période de deux années et
quatre mois marquée principalement par la campagne de Saintonge 2, les
revers de Condé, le retour de Mazarin en France, la guerre en Guienne
et sur la Loire, le progrès du parti monarchique à Paris, les violences et
la décadence de la fronde parisienne, le second exil de Mazarin, la perte
de Dunkerque, le rappel du roi par la bourgeoisie parisienne, l'entrée
de Louis XIV à Paris et le retour définitif de Mazarin. Sur tous ces évé-
nementsM. C. est aussi abondaamment que sûrement informé3. Bien des
1. M. C. ajoute (p. vi) que ces erreurs des contemporains se retrouvent dans les
historiens modernes de la Fronde les plus dignes d'éloges, tels que le comte de
Sainte-Aulaire, « dont l'ouvrage est si justement estimé, » M. Bazin, « dont on ne
saurait trop louer la science et la sagacité. » On voit jusqu'où va l'exquise politesse
de M. C. à l'égard de devanciers qui, jugés sérieusement, laissent tant à désirer, le
premier surtout.
2. Cette guerre de Saintonge, dit M. C. (p. 35, note 1), « a été racontée par plu-
sieurs contemporains du parti de Condé (Mémoires de Chouppes, de la Rochefou-
cauld, de Lenet, de Balthazar, du prince de Tarente). Nous avons comparé à ces
mémoires les ouvrages de La Barde, de Priolo, de Monglat et surtout les rapports
adressés à Mazarin par ses correspondants. » M. C. attache avec raison beaucoup
d'importance aux récits de La Barde, qui reste le meilleur de tous les anciens histo-
riens des premières années du règne de Louis XIV. En revanche, il tient infiniment
peu de compte des récits du colonel Balthazar qui, si l'on en croyait ses gasconnades,
dit-il (p. 48, note 3), se serait illustré par de continuelles victoires. Voir (p. i5i)
une note où M. C. se moque encore de Balthazar « emphatique et vaniteux ».
3. Mes observations se réduisent à bien peu de chose. Le petit discours de Condé
sur son épée, rapporté p. 4, ne me paraît pas authentique. Il ne nous a été conservé
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 3 I I
particularités nouvelles y frappent l'attention. On remarquera l'étude
consacrée (pp. 22-25) à une femme peu connue qui,- mêlée à toutes les
intrigues de la Fronde, fut un des principaux agents des négociations
entre Condé et Mazarin et qui exerça autour d'elle une grande influence,
Mme de Puisieux. On remarquera plus encore les pages sur la réaction
contre la Fronde qui se produisit à Paris en septembre et en octobre i652,
et qui assura le triomphe de la royauté sur le parti des princes, énergi-
que mouvement ou, pour mieux dire, courant irrésistible dont ni Sainte-
Aulaire, ni Bazin, ni les historiens postérieurs, n'ont le moins du monde
semblé s'apercevoir (p. 3 12 et suiv.). Outre les rectifications indiquées
déjà, signalons la réfutation (pp. 257-265) de ce que M. d'Haussonville,
dans l'Histoire de la réunion de la Lorraine à la France, avait avancé au
sujet des bandes de pillards allemands qui auraient été appelées en nos
provinces et jusqu'aux portes de Paris par Mazarin. M. C. dit, à cette
occasion (p. 255, note 1) : « Je m'efforce, dans cette histoire, de rester
impartial. » Il faut, en effet, rendre hommage à la parfaite impartialité
de l'auteur, et déclarer que parmi toutes ses qualités, celle-là brille d'un
éclat particulier.
On trouve, à Y Appendice (pp. 405-438) un exposé des questions de
politique intérieure qui préoccupaient la reine et Mazarin en jan-
vier 1 653 et les lettres d'Anne d'Autriche à Mazarin en janvier i653,
lettres déjà publiées par Victor Cousin, d'après les autographes de la
que par Priolo, qui aime beaucoup les mots à effet, les situations théâtrales, et qui
est un brillant improvisateur dont on ne saurait trop se méfier. — M. C. ne sait
(p. 21) s'il doit appeler le gouverneur du château de Vayres, pendu aux halles de
Libourne « Richon ou Richou. » Richon est la forme donnée par tous les meilleurs
documents imprimés ou manuscrits.' — L'auteur ne sait (ibid.) s'il doit appeler Canol
ou Canolles le capitaine de l'armée royale, qui fut pendu par les frondeurs bordelais
en représailles de l'exécution de Richon. C'était un membre de la vieille famille
périgourdine de Canolle, dont la généalogie figure au tome III de YHistoire des
pairs de France par le chevalier de Courcelles, et dà*ns le tome II du Nobiliaire de
Guienne et de Gascogne, par O'Gilvy. Notons, en passant, que Dom Devienne (His-
toire de la ville de Bordeaux, p. 402) a donné à cet officier le nom de Canot. —
L'Histoire de Tancrède de Rohan est trop incontestablement du P. Griffet, pour
qu'on puisse se contenter de dire (p. 61, note 3) qu'elle lui est attribuée. — M. C.
me semble bien timide quand il insinue (p. 65, note 4) que certaines pièces publiées
dans les Lettres, mémoires et négociations de M. le comte d'Estrades, « ont dû être
altérées par les auditeurs ». Les altérations sont évidentes, comme je l'ai fait remar-
quer dans mon édition de la Relation inédite de la défense de Dunkerque par le ma-
réchal ^'Estrades (1872). — M. C. exprime le regret (p. 102) de ne pouvoir citer le
texte complet des lettres de Gabriel Naudé relatives à la vente de la bibliothèque de
Mazarin, conservées aux Archives des affaires étrangères. Qu'il se console en appre-
nant que ces curieuses lettres ont été publiées in extenso dans le Bulletin de la
Société de V histoire de Paris.— On s'étonne de ne voir citer nulle part par M. C. les
Souvenirs du règne de Louis XIV, du comte de Cosnac, où surabondent les rensei-
gnements et les documents relatifs à la Fronde. J'ai d'autant plus le droit de repro-
cher à M. C. ce péché d'omission, que j'ai eu l'occasion de reprocher ailleurs à M. de
Cosnac de n'avoir pas cité, de son côté, l'important ouvrage de M. Chéruel.
3l2 RKVUE CRITIQUE
collection Clairembault, à la fin du volume intitulé Madame de Haute-
fort. M. C. a tenté de donner une explication de la partie politique de
ces lettres, laquelle avait paru inintelligible à Cousin, et, sans prétendre
avoir dissipé toutes les obscurités, il a pu se flatter à bon droit d'avoir
saisi le sens des principaux passages de ces documents où l'on n'avait
bien nettement vu, avant lui, que l'expression des sentiments passionnés
de la reine pour le cardinal. L'interprétation des Lettres d'Anne d'Au-
triche, certaine sur deux points (la conduite du garde des sceaux Mathieu
Mole à l'égard des quatre conseillers au parlement de Paris exilés, puis
rappelés, et la négociation de l'évêque de Saintes avec le comte du Dau-
gnon), ingénieuse, mais hypothétique sur un troisième point (la lieute-
nance de roi du gouvernement de la Fère à enlever à Manicamp), cette
interprétation, dis-je, fait le plus grand honneur à la sagacité de M. Ché-
ruel, et montre une fois de plus que les futurs historiens de la France
ne pourront, pour tout ce qui regarde l'époque de Mazarin, suivre un
meilleur guide que lui.
T. de L.
217. — Christian Cïottfi-ietl Kœrncr, biographische Nachrichten ûber ihn
uncl sein Haus, aus den Quellen zusammengestellt von Dr. Fritz Jouas. Berlin,
Weidmann, 1882. In-8°, 406 pp. 5 mark.
M. Jonas a voulu écrire la biographie de ce Christian Gottfried
Kôrner qui fut l'intime ami de Schiller et le père de Théodore Kôrner
(le chasseur de Lûtzow et l'auteur de Leier und Schwert). Il divise
naturellement son livre en chapitres, mais il a le tort de ne pas donner
de titre à aucun de ces chapitres, et de ne pas même dresser une table
avec des sommaires ; nous le ferons donc à sa place. Dans le premier cha-
pitre (pp. i-38), M. J. raconte l'enfance et la jeunesse de son héros, ses
études universitaires, ses^fiançailles avec Dorothée Stock, son enthou-
siasme pour les premières œuvres de Schiller, et l'amitié qui l'unit de
loin avec le jeune poète de Mannheim ; le 11e chapitre (pp. 38-56) retrace
les relations de Schiller et de Kôrner à Leipzig et à Dresde, et le
iiic (pp. D7-79), la vie et les études de Kôrner à Dresde depuis le départ
de Schiller à Weimar jusqu'à l'année 1790 où il est nommé « Appella-
tionsrath »; le ive (pp. 78-125) est consacré aux jugements de Kôrner
sur Gœthe, Humboldt et ses contemporains et à ses lettres à Schiller
qui « sont sans contredit ce qu'il a écrit de mieux et de plus important »
(p. 99) ; la jeunesse de Théodore et l'intérieur de la famille Kôrner font
l'objet du ve chapitre (pp. 126-174); le vie (pp. 175-255) expose la vie
fougueuse et un peu folle que Théodore, après avoir quitté l'école des
mines de Freyberg, mena à l'Université de Leipzig, son séjour à Berlin
et à Vienne, l'éveil de son génie poétique, ses premières œuvres lyriques
et dramatiques; le vu0 chapitre (pp. 256-348), sa haine patriotique
d'histoire et de littérature 3i3
contre les Français, ses aventures dans le corps franc de Liitzow, ses
poésies guerrières et sa mort -, dans le vme et dernier chapitre (pp. 349-
382), on voit Chr. G. Kôrner établi à Berlin et consacrant ses derniers
jours à la musique, à la littérature et à ses fonctions de conseiller d'état.
On lit avec intérêt l'ouvrage de M. J. ; mais on pourrait lui repro-
cher d'avoir trop « laissé parler les sources elles-mêmes » (p. 387) ; son
livre n'est pas un livre, à proprement parler, mais, pour emprunter son
second titre, une suite de « nouvelles biographiques sur Kôrner et sa
maison » ; il y a, dans le courant du récit, trop de lettres et de docu-
ments; M. J. s'est contenté de reproduire la correspondance de ses
personnages au lieu d'en extraire ou d'en résumer les passages les plus
importants. C'est ainsi qu'il ne nous décrit pas du tout l'intérieur de la
famille Kôrner (pp. r45 sq.) ; il dit bien qu'il « sied de montrer au
lecteur la mère, la tante Dora et la sœur Emma » ; mais il se hâte d'a-
jouter qu'on connaîtra mieux ces personnages en lisant leurs lettres ;
suivent aussitôt ces lettres qui occupent près de trente pages ; avouons-
le, c'est rendre trop aisée la besogne du biographe. M. J. emploie la
même méthode, si méthode il y a, dans le récit des années 1 8 1 2 et 1 8 1 3 ;
ce récit n'est qu'une suite des lettres échangées entre Théodore, sa
famille et son plus cher ami, son futur historien, Frédéric Foerster ; et
la plupart de ces lettres ne sont même pas reliées par quelques mots
d'explication. Rien d'étonnant que Christian Gottfried Kôrner, dont le
nom est le titre du volume et qui doit être le personnage marquant et le
plus en relief, disparaisse parmi ces trop nombreux documents ; il est
constamment rejeté dans l'ombre ; l'intérêt se concentre dans la pre-
mière partie du livre sur Schiller, dans la seconde, sur Théodore Kôr-
ner. Encore, dans la première partie, les rapports de Schiller et de
Chr. G. Kôrner ne sont-ils pas aussi nettement, aussi profondément
marqués qu'on le voudrait ; on apprend bien que Kôrner exerça sur son
ami une grande influence, mais cette influence n'est pas assez longue-
ment exposée; M. J. n'a pas tout dit sur cet important sujet qui exige
d'ailleurs des connaissances philosophiques, et trop souvent il se borne,
là encore, à reproduire des passages connus de la correspondance des
deux amis. Et dans la seconde partie, était-il si nécessaire de raconter
les escapades de Théodore à Leipzig et de tant insister sur les épisodes
de sa vie de franc-tireur ? Puisque le livre est consacré au père et non au
fils, il fallait nous montrer toujours au premier plan Chr. G. Kôrner ;
ce n'est pas l'impétueuse ardeur et le bouillant patriotisme de Théodore
que M. J. devait nous exposer ; il eût mieux valu retracer et mettre en
pleine lumière — sans citer si complaisamment les lettres de Théodore à
Mme de Pereira — l'indignation que ressentait le vieux Kôrner, les
conseils qu'il donnait à son fils et où se mêlent le père et le patriote, les
avis courageux qu'il donnait au peuple allemand dans ses Deutsch-
lands Hoffnungen, etc. Tout cela, je le sais bien, se trouve dans le livre
de M. J., mais perdu et comme noyé au milieu des lettres de Théodore,
3 14 REVUE CRITIQUE
de Fœrster et d'autres. Le loyal et savant Saxon est ainsi éclipsé par
tout son entourage ; pourquoi M. J. n'a-t-il pas, au moins, analysé et
apprécié ses ouvrages et opuscules, au lieu de n'en donner ordinaire-
ment que le titre ? Il renvoie, dans les dernières lignes de son volume, à
la publication récente de M. Ad. Stern (C. G. Kôrners gesammelte
Schriften. Leipzig, Grunow) ; mais le devoir du biographe n'est-il pas
de joindre au récit de la vie de son héros l'appréciation de ses œuvres ?
L'ouvrage de M. J. a cependant une assez grande valeur ' ; les docu-
ments qu'il reproduit sont intéressants; quelques-uns sont tirés des
revues et de recueils peu connus; d'autres, appartenant au Kornermu-
seum (papiers de Fœrster), à deux familles de Berlin, Streckfuss et
Parthey, et à M. Ulrich, sont inédits; on remarquera surtout les juge-
ments que Kôrner a portés sur Schiller, Gœthe et les écrivains de son
temps, la lettre dramatique où Fœrster raconte que, la nuit, dans les
rues de Dresde, au milieu d'un tourbillon de neige, il a indiqué à Na-
poléon, revenant de sa désastreuse campagne de Russie, la maison de
l'ambassadeur français, M. de Serra ~, et la lettre où le même Fœrster
i. P. 217, ligne 5, lire nach ihrem (et non « nach ihren »).
2. P. 258, déjà imprimé dans la Deutsche Pandora (Stuttgart, 1840, I, pp. 3-86).
« A mon écriture tremblante tu reconnaîtras dans quelle agitation je t'écris, et je
me demande encore si ce que j'ai vu était une illusion de la nuit ou la réalité. Il
était une heure du matin ; je courais vers le pont de l'Elbe, à pas rapides, poussé
par un tourbillon de neige ; car, comme tu sais, je demeure dans la Ville Neuve.
Devant la maison du docteur Segert, j'entends des jurons en allemand et en français;
un postillon soufflait dans son cor comme s'il y avait le feu. Malgré la bourrasque
je m'avance curieusement et je vois l'ami Segert en robe de chambre et en bonnet
de nuit, regardant à la fenêtre; il criait : « Ce, n'est pas che\ moi, moi je suis le
docteur Segert et vous cherche^ M. Serra ». Il ajouta en allemand, mais vertement
et à sa façon : « Que diable, laissez-moi tranquille pendant la nuit et n'exigez pas
que j'aille faire le métier de messager par vingt-cinq degrés de froid! » 11 ferma la
fenêtre, et le bonnet de nuit disparut. Alors du traîneau, on m'appela, et comme je
savais déjà ce que demandaient les voyageurs, je dis : « N'est-ce pas ? Vous cherche^
l'hôtel de l'ambassadeur français, M. de Serra? Suivez-moi ! » C'était ce qu'ils
désiraient, et comme Serra demeure juste au coin dans la Kreuzgasse au palais Loos,
j'arrivai bientôt, suivi du traîneau, à l'endroit souhaité. Aussitôt un domestique ou
quelque esprit officieux se dégagea des chancelières et agita avec violence la sonnette
de l'ambassadeur, comme s'il appartenait lui-même à la maison. Le portier ouvrit;
il y avait encore de la lumière en haut, et durant ce temps deux autres Moines
bourrus, tout emmiloufnés, étaient sortis, dans leurs peaux de loup, des chanceliè-
res. Le premier était un homme vigoureux, imposant, mais il avait les mains et les
pieds si raides et si gelés qu'il s'efforçait vainement de soutenir et d'aider à descen-
dre son camarade encore plus gauche. A la fois par complaisance et, par curiosité, je
m'approchai et aussitôt l'homme de neige, tout froid, me met son gant sur l'épaule;
il me sembla qu'un ours blanc m'avait touché de sa patte ; le gant tomba, mais je
soutins l'homme de mon bras et le conduisis à la porte. Celle-ci s'ouvrit ; deux do-
mestiques avec des bougies, l'ambassadeur lui-même, un candélabre dans la main,
vinrent au devant de nous; la lumière tomba en plein, comme un éclair, sur le
visage de l'étranger dont la main me retenait encore, mais on ne voyait que ses
yeux et son nez. Je les reconnus aussitôt ces étoiles de feu, que j'avais vues au
d'histoire et de LITTÉRATURE 3 1 5
écrit qu'il a rencontré à Meissen Gœthe, coiffé d'une casquette militaire
et enveloppé dans un manteau de général russe à collet rouge (pp. 2g3-
295). On a vivement critiqué la tiédeur apparente de Goethe pendant la
« guerre de la délivrance » ; M. J. raconte même, d'après Arndt, que
Gœthe avait dit alors au vieux Kôrner : « Secouez vos chaînes, vous ne
les briserez pas, Napoléon est trop grand pour vous! » (p. 291), que
Kôrner même trouvait Gœthe très froid et fermé à toute espérance,
etc. J ; le jeune Fœrster croyait au patriotisme de Gœthe ; il s'approcha
de la voiture et pria le grand poète, dont il regardait la rencontre comme
un heureux présage, de bénir ses armes et celles de ses compagnons, les
chasseurs noirs. « Je lui tendis fusil et couteau de chasse, il leva la main
et dit : « Allez avec Dieu, et que le succès soit accordé à votre courage
allemand » ; nous criâmes encore une fois : « Vive, vive Gœthe, le poète
des poètes », et il partit en nous faisant un salut... En chemin, un vif
débat s'engagea sur Gœthe entre mes camarades et moi. Ils pensaient
que Gœthe n'était pas un poète populaire, le poète de la liberté et de la
patrie. Mais je leur répondis : « Je ne connais pas d'enthousiasme plus
élevé pour la liberté que celui- d'Egmont ; je ne connais pas de nature
plus vigoureusement allemande que Gœtz de Berlichingen ; et si vous
voulez savoir ce qu'il faut à l'Allemagne, souvenez-vous des beaux vers
à'Hermann et Dorothée », et il cite le passage où Hermann déclare
qu'il veut « mourir pour la patrie et donner aux autres un digne exem-
ple ». — Il faut louer la peine que M. Jonas a prise pour rassembler
toutes les informations qui remplissent son livre, louer le soin avec
lequel il a lu tout ce qui se rapporte à son sujet, louer sa consciencieuse
exactitude et le choix des lettres qu'il a reproduites, car il a donné les
plus instructives et les plus curieuses, et quelques-unes n'étaient pas
connues avant sa publication. Néanmoins, son livre est moins une
biographie qu'un recueil de lettres ; il renferme des matériaux abon-
printemps dernier briller si souvent de très près; — c'était l'empereur Napoléon
dont la main était dans la mienne, et je puis dire maintenant que le destin de l'Eu-
rope s'est reposé une fois sur mes épaules. Ami, quelles pensées se pressent main-
tenant dans mon cerveau ; il me semble avoir un mauvais rêve, comme dans un
accès de fièvre. Le journal avec son vingt-neuvième et fatal bulletin est là sur ma
table; la Grande Armée est anéantie, entièrement anéantie; hier seulement nous
avons reçu la nouvelle. N'ai-je pas cru tout à l'heure tirer de mon manteau un
poignard, et en criant : « Europe, je te donne la paix ». l'enfoncer dans le cœur de
l'ennemi mortel de la patrie et de la liberté? Mais non, Brutus, je ne t'envie pas ton
action. César, tu tomberas, mais non sous la main lâche du meurtrier ; nous voulons
te combattre en loyaux chevaliers, te donner selon l'usage la juste mesure et parta-
ger également avec toi le vent et le soleil; ainsi s'accomplira sur toi le vrai juge-
ment de Dieu! »
1. Voir encore la lettre de Mme Kolhrausch à Mm« Parthey (p. 292), d'après laquelle
Gœthe, ce « grand poète si peu allemand » aurait alors porté très ostensiblement
l'ordre de la Légion d'honneur, ce « signe de honte » et reçu des soufflets de
Golloredo ; tout cela n'est évidemment que Klatscherei.
3l6 REVUE CRITIQUE
dants, mais trop peu mis en œuvre ; on lui appliquera ce mot familier à
la critique de son pays : Ein gutes, aber nicht gut angelegtes
Buch.
A. C.
CHRONIQUE
FRANCE. — M. Ph. Tamizey de Larroque a fait paraître la 5e série de ses Corres-
pondants de Peires.c; cette 5e série renferme des lettres inédites de Claude de
Saumaise écrites de Dijon, de Paris et de Leyde à Peiresc, 162 0-1637. (Dijon, Daran-
tière. ln-8°, 182 p. Extrait des Mémoires de l'Académie de Dijon; tiré à 120 exem-
plaires). On ne possède qu'un très petit nombre des lettres que le grand savant
bourguignon écrivit au grand savant provençal; le recueil de Clément (Leyde,
r656) ne contient que cinq lettres de -Saumaise à Peiresc. M. T. de L. , après de
longues recherches, en a seulement retrouvé quinze autres qui n'avaient pas encore
été publiées et qui proviennent toutes du département des manuscrits de la Biblio-
thèque Nationale; il n'a rien découvert à la bibliothèque Méjanes, à Aix, et à la bi-
bliothèque Inguimbert, à Carpentras, et cependant, que de lettres ont dû être échan-
gées entre Saumaise et le « procureur-général de la littérature » du 2 février 1620,
date du premier document inédit publié par M. T. de L. au 22 janvier i633, date du
second de ces mêmes documents ? Les lettres qui voient le jour, grâce à M. T. de L. ,
sont remarquables par l'érudition que Saumaise se plaît à y étaler ; « c'est avec une
sorte de coquetterie qu'il déploie devant Peiresc toutes les ressources, tout le luxe
de son prodigieux savoir; quelques-unes de ses lettres sont de véritables disserta-
tions », on sait d'ailleurs la fécondité de Saumaise duquel, disait Gabriel Naudé,
nous voyons tous les mois quelques gros livres. Dans un appendice (pp. 96-176)
M. T. de L. joint à ces lettres, qui « traitent des sujets généralement bien ardus »,
des lettres d'un tout autre caractère, adressées par Saumaise à son ami Jacques du
Puy; ces épîtres familières effleurent les matières les plus diverses; Saumaise y re-
trace ses aventures de voyage ou ses querelles, ses « coups de fleuret » avec Daniel
Heinsius, il y cause des événements du jour, de la guerre en Hollande et en Bourgo-
gne, de Descartes, de Grotius, de Ronsard (dont il dit, à propos de l'ode à la louange
de l'Hospital : « noz poètes d'aujourdhuy qui le desprisent se mordroient bien les
ongles avant que de pouvoir monter leur chanterelle si hault sans la rompre » (p. i5o),
etc. On remarquera parmi ces lettres souvent assaisonnées de malice et de sel bour-
guignon, et que M. T. de L. considère justement « comme des fragments d'une at-
tachante autobiographie », la plaisante histoire du Croate qui se fait élire à l'abbaye
de Citeaux général de l'ordre par ses camarades assemblés en chapitre (pp. 14D-
14b), le récit du séjour de Saumaise à Brielle où il descend, sans le vouloir, dans
« le plus infâme lieu de la ville » (pp. i58-i6i), de l'orgie du duc de Bouillon et de
ses hôtes à la Haye (pp- 167-168), etc. L'éditeur a mis au bas des pages des notes
instructives; il relève avec soin les expressions et les mots rares ou que le Diction-
naire de Littré et d'autres recueils n'ont pas cités : circonstancié et particularisé
(p. i3), caocerver (p. 24), mettre en cervelle (p. 35, <t le sieur Elichman me met en
cervelle »), affamé (p. 75, lettre « qui ne peut estre qu'affamée », brève), vanner
D'HISTOIRE KT DE LITTÉRATURK 3 I7
(p, 98 « où il est mené et vanné comme il fault »), supinité (p. gp, dans le sçns de
stupidité), emballe (p. 101 « qui servait d'emballé et d'enveloppe »),mauvaistie (p. 106
« la mauvaistie de l'air »), bigearre (p. n5, qu'on employait alors aussi bien que
« bizarre »), carrioler (p. i38, « une femme et des petitz enfants, qu'il me fault car-
rioler avec moy »), p ieça (p. 147, il y a pièce, il y a longtemps), adultérines (p. i5i,
il est question de certaines odes d'Horace), odelette (p. i56, « le mot avait été em-
ployé au xvme siècle, dit M. T. de L. et au xvie siècle; il nous manquait un exemple
pour le xvne siècle; désormais la série est complète »), masticoter (p. i58, « qui
masticotoit un peu de françois », damoy selle (p. 166, dans le sens de suivante), de-
culper (p. 175). Dans une note, M. T. de L. remercie deux collaborateurs, M. Alfred
Jacob, qui s'est occupé de la révision de tout le grec contenu dans les lettres de Sau-
maise et M. Léopold Delisle, qui lui a fourni une notice sur l'histoire des papyrus
mentionnés dans une des lettres de l'érudit bourguignon à Du Puy; cette notice
«neuve et importante » est reproduite à la fin du volume (pp. 177-182). — Nous nous
associons volontiers au vœu que forme M. T. de L. en offrant son livre au public;
il souhaite qu'un vaillant chercheur publie un recueil complet des lettres inédites de
Saumaise ; « on en trouverait beaucoup à l'étranger, notamment à la bibliothèque de
l'Université de Leyde, mais on en trouverait plus encore dans les collections de la
Bibliothèque nationale. Si en tête de ce recueil était placée sa biographie inédite,
rédigée par son compatriote Philibert de la Mare (fonds Bouhier, 85), on comblerait
les vœux de tous les amis de Saumaise ».
ALLEMAGNE. — La librairie Teubner, de Leipzig, publiera prochainement un Lexi-
con Pindaricum, de M. Joh. Rumpel; une édition des Enneades de Plotin, par M. R.
Volkmann (en deux volumes) ; un recueil destiné aux conférences universitaires de
philologie latine et renfermant un choix de documents du vieux latin, de l'osque et de
l'ombrien, par M. Engelbert Schneider (Altitalische Sprachdenkmœler %um Ge-
brauch fur Vorlesungen) ; une édition complète d'Aristophane, en trois volumes,
par M. Ad. de Velsen (1er vol. : Prolégomènes, Acharniens, Chevaliers, Nuées ; —
II«vpl. : Guêpes, Paix, Oiseaux, Lysistrata; -- IIIe vol. : Thesmophoriazusae, Gre-
nouilles, Assemblée des femmes, Plutus.)
— Un Américain, M. W. M. Griswold, sous-bibliothécaire de la Bibliothèque
nationale des Etats-Unis(Library of Congress) à Washington, vient de publier, à
Bangor, dans l'état du Maine, chez l'éditeur O.P. Index (nom prédestiné) une ta-
ble des matières de la Deutsche Rundschau, du Ier au XXIXe volume ((Autoren und
Sachregister der deutschen Rundschau) . Il a en treize pages, chacune de trois colon-
nes, donné complètement le sommaire de 14,000 pages; son travail, dit la deut-
sche Rundschau, à la fois étonnée et ravie de cette table des matières qui lui arrive
de l'autre côté de l'Océan, son travail est un modèle de soin et d'exactitude, et en
son genre, une petite œuvre géniale; c'est un guide absolument sûr et qui nous
mène sans erreur possible. Il paraît que M. Griswold s'est fait un nom en Améri-
que par les tables de matières, qu'il a déjà publiées, de la Nation, de V Atlantic, de
Y International Review, et d'autres revues des Etats-Unis.
— La librairie Bruns, de Minden, publie une deuxième édition de la traduction
allemande de VHistoire de Napoléon Ier, de Lanfrey ; cette traduction est due à
M. C. von Glûmer et précédée d'une introduction d'Ad. Stahr; mais elle a été revue
par M. C. von Kalckstein qui ajoutera aux cinq volumes déjà parus deux autres
volumes, le VIe et le VIP, destinés à terminer l'ouvrage, malheureusement inachevé,
de l'historien français.
HOLLANDE. — Il paraît à Amsterdam, chez Fr. Muller, un nouveau journal con-
sacré à l'histoire des beaux-arts, Oud Holland, rédigé par MM. de Vries et de Roe-
3l8 REVUE CRITIQUE
ver; les rédacteurs veulent faire pour Amsterdam ce que M. van der Willigen a
fait pour Harlem; la ire livraison contient des informations inédites sur la vie et
les eaux-fortes de Rembrandt, une notice sur Philippe de Koning, la reproduction
d'un portrait jusqu'ici inconnu du navigateur Willem Barents, des fac-similés d'es-
tampes rares ou de signatures, etc. (un fascicule par trimestre; prix de l'abonnement
annuel, 8 à 10 florins).
ITALIE. — Il se publie à Milan (Ottino)une édition des œuvres complètes de Zen-
drini ; le Ier vol. renferme une introduction de Tullo Massarini, Bernardino Zen-
drini nella vita e nell'arte, et le 2e vol., des essais de Zendrini (Giulio Cesare, Ne-
rone artista, Petrarca e Laura, Lodovico Ariosto, etc.); cinq autres volumes (Poésie;
Il cancanière di Enrico Heine, seguito da uno studio su Heine e i suoi traduttori;
Epistolaria, avec une étude de M. Rizzo), doivent paraître prochainement.
— La traduction italienne, due à M. RafFaele Marino, de l'ouvrage de Gregoro
vius, Atenaide, storia di una impératrice bi^antina, versione del tedesco, — ouvrage
dont notre recueil rendra compte prochainement — a été condamnée et proscrite par
un décret de la congrégation de l'Index du 10 juillet en même temps que YEcclé-
siaste traduit de l'hébreu avec une étude sur l'dge et le caractère du livre, de
M.' Ernest Renan.
— Le cardinal Pitra a publié dans le VIII* volume des Analecta sacra Spicilegio
Solesmensi parafa (Jouby et Roger, in-8°, xxih et 614 pp.) les Nova sanctae Hilde-
gardis opéra ou œuvres inédites de Sainte Hildegarde; ce sont la deuxième partie de
grand ouvrage mystique de la sainte (l'ouvrage comprenant trois parties, i" Scivias,
pour « scito vias [Domini] », imprimé en i5i3; 20 Liber vitae meritorum; 3° Liber
divinorum operum, publié par Mansi en 1761 dans la réimpression des « Miscella-
nea, de Baluze); — un commentaire sur les Evangiles, 145 lettres nouvelles, des
pièces liturgiques, une compilation médicale tirée par le cardinal d'un manuscrit
de Copenhague. L'appendice renferme de longs extraits d'un poème rythmique com-
posé par Guibert de Gemblours en l'honneur de saint Martin et contenant un éloge
de l'abbaye Marmoutiers et de l'église Saint-Martin de Tours (ms. de la bibliothèque
royale de Bruxelles.)
RUSSIE. — Nous avons rendu compte, dans notre numéro du 3 juillet (p. 19),
d'un recueil de morceaux choisis des auteurs français destiné aux lecteurs du Portu-
gal. M. J. Bastin, dont l'on connaît les nombreux travaux sur la grammaire fran-
çaise, nous envoie un recueil semblable, intitulé Morceaux de lecture et exercices
de mémoire et de traduction en vers et en prose ou Etude pratique de la langue fran-
çaise (Saint-Pétersbourg, Trenké et Fusnot. In-8", xiv et 242 -]- 94 p.). Ce recueil
comprend des Morceaux de lecture en prose (pp. 1-190) et, sous le titre d'Exercices
de mémoire, des morceaux de poésie (pp. 191-242); il est suivi d'un Tableau des
verbes irréguliers et d'un vocabulaire français-russe. L'ouvrage de M. Bastin est un
des livres employés en Russie dans les classes des gymnases (de la quatrième à la
septième; dans la huitième ou dernière année d'études, on laisse de côté les mor-
ceaux choisis, pour lire exclusivement un classique français). Le recueil de M. Bas-
tin est arrivé à sa troisième édition ; il tient compte des changements orthographi-
ques admis par l'Académie française dans la septième édition de son dictionnaire.
Nous pensons, comme l'auteur, que ce choix de morceaux, fait avec goût et compé-
tence, « sera lu et étudié avec plaisir et profit par la jeunesse russe », à laquelle il
s'adresse.
— M. Tikhourakov, de Moscou, doit publier prochainement une Histoire du théâ-
tre russe de 1672 a ij25 ; cette Histoire renfermera un choix d'œuvres dramati-
ques, originales ou traduites, tirées des bibliothèques et des collections russes; cha-
D'HISTOIRE ET DE LITTERATURE 3lO,
que pièce reproduite sera accompagnée de notes relatives à l'origine de l'œuvre
et ses destinées; dans une introduction détaillée, l'auteur exposera l'histoire du
théâtre russe pendant les cinquante premières années de son existence.
— M. Maxime Kovalevsky, de Moscou, travaille, d'après des documents qu'il a
découverts au Record Office et au British Muséum, à une Histoire des rapports de
V Angleterre et de la Russie au temps de Pierre le Grand.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 22 septembre 1882.
M. R. Mickiewicz, employé au bureau de bienfaisance du xix° arrondissement, si-
gnale, dans une maison de la rue d'Allemagne, n° 177, deux dalles qui portent des
fragments d'inscription. L'une, placée dans le couloir d'entrée de la maison, est cou-
verte de chiffres disposés en forme de table de Pythagore; l'autre, dans la cour,
porte des lettres aujourd'hui presque effacées. Ces deux pierres, au rapport du gé-
rant de la maison, ont été trouvées dans le sol il y a quelques années. M. Mickiewicz
n'a pu se rendre compte de la nature des inscriptions et ignore, par conséquent, si
elles méritent d'arrêter l'attention, mais il a cru que, dans le doute, il était bon de
les signaler aux personnes qui pourraient être tentées de les examiner.
M. Oppert commence la lecture d'un mémoire intitulé : le Prétendu tombeau de
Cyrus. 11 s'agit du monument dont il a été question dans deux communications
précédentes faites à l'Académie par M. Dieulafoy, ingénieur, et qui se trouve à Mur-
ghâb, au nord de Persépolis. On a voulu reconnaître dans ce monument le tombeau
de Cyrus, et, par suite, dans Murghâb, l'ancienne ville de Pasargade, où l'histoire
rapporte que se trouvait ce tombeau. On alléguait à l'appui de cette opinion l'exis-
tence, sur le territoire de Murghâb, de cinq piliers, visiblement contemporains du
tombeau, qui portent chacun un génie perse, avec cette inscription en trois langues :
« Je suis Cyrus, le roi achéménide. » M. Oppert fait remarquer que cet argument
est insuffisant; ces inscriptions prouvent seulement que le monument a été élevé par
ordre de Cyrus, mais il peut renfermer la sépulture d'une personne de sa famille
aussi bien que la sienne propre. Or, la forme du tombeau, terminé en dos d'âne, in-
dique la sépulture d'une femme. C'est un usage reçu en Orient, depuis une très
haute antiquité, de donner cette forme aux tombeaux des femmes, tandis que les sé-
pultures des hommes se terminent par une couverture ronde ou carrée. Les habitants
du pays, aux temps modernes, ne s'y sont pas trompés; ils ont donné au monument
de Murghâb, le nom de « tombeau de la mère de Salomon ». M. Dieulafoy a pensé
qu'il y avait lieu de tenir compte de cette indication traditionnelle, en n'y changeant
que le nom propre, et d'admettre que la personne ensevelie à Murghâb devait être la
mère de Cyrus, Mandane. M. Oppert ne trouve pas cette conjecture suffisamment
fondée et serait plutôt disposé à penser à Cassandane, femme de Cyrus. En tout cas, il
relève dans la communication de M. Dieulafoy un nouvel argument contre l'identifi-
cation du monument avec le tombeau de Cyrus lui-même. Ce tombeau a été décrit par
Arrien et Strabon, et le témoignagede ces auteursne concorde aucunement avec l'état
de l'édifice de Murghâb, tel que l'a vu M. Dieulafoy. — Dans la suite de ce mémoire,
M. Oppert se propose d'examiner, au point de vue géographique, la situation de Pa-
sargade et de montrer qu'il est impossible de placer cette ville au lieu où se trouve
aujourd'hui Murghâb.
M. Barbier de Meynard présente, au nom de M. le baron d'Avril, ministre pléni-
potentiaire de France à Santiago-de-Chili, le second volume des œuvres de feu An-
dré Bello, publiées aux frais du gouvernement chilien, et communique une notice
de M. d'Avril sur les études de Bello relatives au poema del Cid, contenues dans ce
volume. 11 résulte de cette notice que, dans ses travaux sur le poème du Cid, Bello
s'est surtout occupé de faciliter l'intelligence du texte qu'il étudiait, qu'il a fait œuvre
de vulgarisateur plus que de critique et a écrit pour les lettrés plutôt que pour les
érudits. Cette tendance de son œuvre ne l'a pas empêché d'y montrer les quali-
tés d'un véritable philologue, et on doit savoir gré au gouvernement du Chili d'a-
voir donné au public cette œuvre remarquable.
M. Maspero rend compte des fouilles exécutées sous sa direction en Egypte depuis
un an. — Au sud de Gizeh, on a commencé à fouiller deux pyramides dont l'inté-
rieur n'avait pas encore été exploré, du moins depuis l'antiquité. Ces pyramides, dont
une partie a été démolie à une époque inconnue, ont dû avoir jadis des dimensions
égales à celles de la grande pyramide de Gizeh. On n'est encore parvenu qu'au tiers
320 REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
de la distance à parcourir pour arriver à l'intérieur. Le travail des explorateurs est
rendu très difficile par la solidité exceptionnelle de la construction, composée tout
entière de gros blocs et non, comme ailleurs, d'un noyau de moellons entouré d'un
revêtement de gros blocs. — Plus au sud, on a fouillé une pyramide de briques. Une
tranchée a été pratiquée depuis le sommet jusqu'à la base. On a reconnu qu'aucune
chambre ne se trouve à l'intérieur de la pyramide. On suppose qu'il doit y en avoir
une au-dessous, mais il semble qu'il n'existe pas de couloir pour y parvenir, ce qui
serait un fait sans précédent. — À Kafrlitch, on a examiné une pyramide de pierre
en partie démolie. On a constaté que cette démolition était le fait des Romains, qui
ont pris des pierres à la pyramide pour la construction d'un fort élevé par eux dans
le voisinage. — A Meydoun est une pyramide attribuée au roi Snefo. On a reconnu
à l'intérieur la présence d'une masse de roc naturel qui en remplit la plus grande
partie. Ce n'est donc pas une pyramide proprement dite, construite de main d'homme
depuis la base jusqu'au sommet, c'est un rocher recouvert d'un revêtement en forme
de pyramide. Il n'y a pas de chambre à l'intérieur. — Non loin de là est un groupe
de tombeaux presque tous inachevés. M. Maspero explique ainsi ce fait. Un roi avait
choisi ce lieu pour sa sépulture et avait commencé à y construire son tombeau. Les
courtisans, suivant son exemple, se firent construire des tombeaux autour de celui
du maître. Mais celui-ci mourut, sans doute, avant l'achèvement de la nécropole et
son successeur choisit pour sa propre sépulture un autre emplacement. Ceux qui
avaient commencé leurs tombeaux auprès de celui du roi mort les abandonnèrent
alors pour s'en faire faire d'autres à 1 endroit préféré par le nouveau roi. C'est par
une raison analogue qu'il nous est parvenu deux tombeaux, mais ceux-là complète-
ment achevés l'un et l'autre, d'un même personnage, le roi Ai; l'un avait été cons-
truit par Ai quand il était encore simple fonctionnaire, sous le règne d'Améno-
phis IV, et près du tombeau de ce roi ; l'autre fut élevé quand Aï fut devenu roi à son
tour, dans un emplacement de son choix. — Le gouvernement égyptien a décidé
d'opérer le déblaiement complet du temple de Louqsor. Les travaux commenceront
prochainement. Ce sera une opération considérable, car il faudra déplacer une popu-
lation d'environ trois mille personnes, qui habitent aujourd'hui des logements cons-
truits parmi les ruines. — A Thèbes, on a reconnu un assez grand nombre de puits,
plus ou moins profonds, qui ne mènent à rien. M. Maspero pense qu'ils ont été
creusés uniquement pour égarer et dépister les chercheurs et protéger ainsi la ca-
chette où avaient été renfermés un grand nombre de sarcophages royaux, et qui n'en
a pas moins été mise au jour, malgré cette précaution, l'année dernière. Au fond d'un
autre puits, très profond (35 m.), on a trouvé un très beau sarcophage couvert d'hié-
roglyphes. C'est la sépulture de la reine Nitocris, de la XXVIe dynastie. Malgré ce
résultat, M. Maspero est d'avis que Thèbes n'est pas un point ou il convienne de
pousser activement les recherches, à moins d'avoir des ressources pécuniaires très
considérables, qui permettent de faire une exploration méthodique et complète. Avec
les ressources modestes dont on dispose pour le moment, le succès dans cette région
est trop incertain. — Parmi les découvertes curieuses au point de vue historique,
M. Maspero mentionne celle de quelques procès -verbaux de scellage des tombes roya-
les, gravés à l'entrée de ces tombes, lors de l'ensevelissement de chaque roi. A côté
de ces actes, on a trouvé les sceaux mêmes dont ils relatent l'apposition. Il est à re-
marquer que ces procès-verbaux sont datés de l'année du règne du roi dont elles men-
tionnent la sépulture. Les rois étaient donc censés régner encore après leur mort, au
moins jusqu'au temps de leurs funérailles. Or, celles-ci pouvaient avoir lieu parfois
plusieurs mois après la mort. C'est un fait dont il faudra tenir compte pour l'établis-
sement de la chronologie des règnes. — En dehors du domaine de l'égyptologie pro-
prement dite, il faut mentionner la découverte des restes d'une église chrétienne du
vie siècle, dans l'île de Philce. Parmi les pierres employées au dallage de cette église,
il s'en trouve qui avaient été empruntées à l'ancien temple d'Isis de Philce, comme en
font foi des inscriptions païennes gravées sur quelques-unes d'entre elles. — Enfin
des fouilles ont été faites, sans aucun résultat, à Alexandrie, sur la foi de deux ha-
bitants européens qui avaient signalé l'existence d'un prétendu couloir antique me-
nant à une série de tombes. Leurs déclarations, confirmées par les propriétaires des
maisons signalées, ont été reconnues dénuées de tout fondement. C'est, dit M. Mas-
pero, une manœuvre que pratiquent volontiers les individus qui se livrent au com-
merce des antiquités. Les fouilles fournissent à ces individus 1 occasion de se procu-
rer aisément et sans frais une quantité de ces menus fragments qu'on trouve partout
où on creuse la terre à Alexandrie et qui font l'objet de leur commerce. C'est pour-
quoi ils ne se font pas scrupule de provoquer des fouilles par tous les moyens et
même par des révélations fausses.
M. Desjardins communique une lettre de M. Monceaux, membre de l'Ecole fran-
çaise d'Athènes. Cette lettre annonce la mort d'un des plus jeunes membres de l'E-
cole, M. Bilco, dont les premiers travaux avaient été très remarqués.
Julien Havet.
„ ! — — ___
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
2lo 43 _ 23 Octobre — 1882
Sommaire » 21 8. Opéra patrum apostolicorum II, p. p. Funk. — 21 g. Overbeck,
De l'histoire du Canon. — 220. Madvxg, La constitution romaine, trad. par Ch.
Morel. — 221. Wille, Philippe de Hesse et Ulric de Wurtemberg. — 222. Let-
tres françaises de Scaliger, p. p. Tamizey de Larroq.ue. — 223. Guerrier, Madame
Guyon, sa vie, sa doctrine et son influence. — Chronique. — Société des anti-
quaires de France. — Académie des Inscriptions.
218. — Opéra Patrum apostolicorum. Textum recensuit, adnotationibus
criticis, exegeticis, historicis illustravit, versionem latinam, prolegomena, indices
addidit Franc. Xavierus Funk, ss. theologite in universitate Tubingense profess.
volumen II. Tubingae, Henr. Laupp, 1881, in-8°, de lviii et 371 pp.
Le second volume de cette utile publication vient de paraître. Il con-
tient les deux épitres de saint Clément sur la virginité, le récit de son
martyre, les Epitres d'Ignace, les trois récits de son martyre, les frag-
ments de Papias, les passages d'anciens presbytres cités par Irénée, et la
vie de Polycarpe. Ces différents textes sont accompagnés de notes criti-
ques, exégétiques et historiques, placées au bas des pages, et sont pré-
cédés de prolégomènes étendus, qui en font connaître les manuscrits, les
éditions, les traductions, etc.
M. Funk a pris pour modèle le Corpus apologetarum christianorum
sœculi secundi de M. le chevalier de Otto. Son travail sera d'un grand
secours à quiconque a besoin d'étudier ces antiques documents de la lit-
térature chrétienne.
219. — Znr Gescliichte des Kanone. Zwei Abhandlungen von Franz Overbeck,
prof. derTheol. an der Universitaet Basel. Chemnitz, Ernst Schmeitzner, 1880, in-
8° de 142 p.
Les deux mémoires réunis dans ce petit volume sont consacrés à dé-
montrer cette thèse assez singulière, que tous les écrits qui composent
le Nouveau-Testament avaient cessé d'être compris au moment qu'ils
furent admis dans le canon, ou, en d'autres termes, qu'un voile épais
s'était déjà étendu sur leur origine et sur leur sens primitif, quand cha-
cun d'eux fut placé dans la sphère supérieure d'une norme éternelle pour
l'Eglise. Dans le premier- qui porte ce titre: « La tradition de l'an-
cienne Eglise sur l'Epitre aux Hébreux, » M. Overbeck s'est servi de
l'histoire de la canonisation de cette Epître comme d'un exemple en fa-
Nouvelle série, XIV. 17
322 , REVUE CRITIQUE
veur de sa thèse, et dans le second qui est intitulé « Le canon du Nou-
veau Testament et le fragment de Muratori, » et dans lequel il examine
et combat des opinions émises dernièrement sur ce sujet par M. A. Har-
nack (dans la Zeitschrift fur kirchl. Geschichte, t. III, p. 358 et suiv.,
et t. IV, p. 595 et suiv.) ; il la défend et la développe par de nouvelles con-
sidérations.
Ces deux mémoires sont-ils destinés à jeter quelque nouvelle lumière
sur la question, jusqu'ici fort obscure, du mode de canonisation des
divers écrits du Nouveau Testament ? C'est possible ; mais rien ne pa-
raît pour le moment moins certain. M. N.
220. — J.-N. Maovig. I.'état romain, sa constitution et son administra-
tion, traduit par Ch. Morel, Paris, Vieweg, 1882, t. I«r, in-8° de xx-2g6 p.
(contenant les chapitres 1, II, III, pages 1-279 de l'édition allemande).
En annonçant ce livre, la Revue critique 1 a transcrit les passages de
la préface où M. Morel exposait les règles qu'il a suivies dans sa traduc-
tion. Il s'est efforcé avant tout d'alléger le style, de débarrasser la langue
de l'auteur. L'allemand du premier traducteur de M. Madvig était sin-
gulièrement pénible et lourd : le français de M. Morel a toute la sou-
plesse, toute la vivacité désirable ; le livre se lit sans fatigue et sans
ennui, ce qui est le principal mérite d'une traduction.
M. M. a rejeté au bas des pages les renvois, les Citations, les explica-
tions d'une certaine étendue. Dans l'original, elles se trouvaient presque
toujours intercalées dans le texte. La traduction a sur lui l'avantage
qu'elle permet de suivre la succession des idées de l'auteur, sans être arrêté
par les digressions et les développements complémentaires. L'apparatus
scientifique est tout entier conservé, mais il se trouve mis à sa vraie
place. M. M. a donc fait, et avec le plus grand soin, une besogne in-
dispensable pour le lecteur français et fort utile à l'ouvrage même.
Enfin, M. M. a ajouté quelques notes au texte de M. Madvig. En
principe, on ne rend pas le traducteur responsable des opinions ou des
erreurs qu'il traduit, et il n'est nullement tenu à réfuter les unes et à
relever les autres. Mais la publication de ce livre est destinée moins à nous
faire connaître les théories de M. Madvig qu'à offrir au public français
un manuel d'institutions romaines aussi exact, aussi complet que possi-
ble : M. M. -a donc bien fait d'assumer la tâche d'ajouter à la pensée de
l'auteur ou de la rectifier. Seulement, les notes qu'il a mises sont-elles
bien celles que l'on était en droit d'attendre, et ont-elles toutes une
égale utilité et la même valeur?
Les annotations qui s'imposaient tout d'abord au traducteur, M. Mad-
vig les avait presque indiquées dans sa préface : « On pardonnera à l'au-
teur, dit-il, de n'avoir pas toujours cité les sources de la même façon
1. N° du 3i juillet 1882.
d'histoire et dk LITTÉRATURE 32 3
(que la science allemande) et de n'avoir pas fait vérifier... si telle ou telle
inscription citée d'après d'autres sources a déjà trouvé place dans le Cor-
pus inscriptionum. » « J'ai complètement renoncé, dit-il ailleurs, à citer
les ouvrages modernes; de pareilles indications... m'eussent obligé à une
polémique continuelle contre des assertions à mon sens erronées ou sans
utilité... Bien qu'en thèse générale je me sois abstenu de citer les au-
teurs modernes, je n'ai pu m'empêcher en quelques endroits de rappe-
ler des opinions opposées aux miennes... Naturellement ces observa-
tions, lorsqu'elles ne concernent pas des erreurs remontant à des temps
plus éloignés, sont le plus souvent à l'adresse de Niebuhr et de Momm-
sen. » La tâche que M. Madvig a dû négliger n'aurait certes pas été in-
digne du traducteur. Il aurait pu, à côté des inscriptions mentionnées
d'après Orelli-Henzen et Wilmanns ou des textes cités d'après une an-
cienne numérotation, ajouter la numérotation du Corpus ou des éditions
allemandes modernes : ce qui ne demande pas trop de temps, quoi qu'il
en paraisse au premier abord. 11 était inutile, évidemment, de dresser, à
propos de chaque question, une bibliographie détaillée : « de pareilles
indications, dit M. Madvig lui-même, se trouvent ailleurs en abondance,
surtout dans Marquardt, » et M. M. a eu raison de s'en abstenir. Maison
eût aimé, quand M. Madvig combat telle ou telle théorie de M. Mommsen
ou de Niebuhr, à savoir l'endroit. précis où cette théorie se trouve expri-
mée, à rencontrer dans la traduction les renvois de détail que l'auteur
n'a pas eu le temps de nous fournir. De même, lorsque M . Madvig critique
les faiseurs d'hypothèses qui s'étendent sur les institutions militaires de
la royauté, qui cherchent à établir une théorie du justitium, quand il
combat les opinions de quelques savants modernes sur l'ordre équestre,
il eût été aisé de dire quels étaient ces savants, de mentionner, ne fût-ce
que par un renvoi, les livres où se trouvent ces hypothèses. En un mot,
on aurait pu compléter Y instrumentum du livre, ce qui aurait rendu
service à l'auteur, puisqu'il s'excuse de ne l'avoir point fait et qu'il
pourrait en profiter pour une nouvelle édition ; on aurait surtout aidé
les lecteurs de ce manuel : tout en se nourrissant de la pensée de
M. Madvig, ils auraient eu entre les mains les moyens de connaître celle
de ses adversaires. C'est ce genre de notes dont nous regrettons l'absence
dans la traduction de M. Morel.
Passons aux notes qui s'y trouvent. Les unes sont destinées (p. ix) « à
faire mieux comprendre la pensée de l'auteur. » De celles-ci, quelques-
unes expriment des idées trop générales et dans une forme trop voisine
du texte qu'elles sont chargées de commenter, pour n'être point super-
flues. « Les anciens ne connaissaient pas d'autre forme de l'état que celle
de la cité, » dit en note M. M. ; l'auteur ne dit guère autre chose et se
sert presque des mêmes termes : « Comme chez les Grecs, l'état ne com-
prenait (chez les Romains) que la ville et sa banlieue ' ». Dans d'autres,
i. P. 16, n. i ; de même, p. 16, n. 2j p. 23, n. 2 ; p. 34, n. 2 ; p. 171, n. 10 ;
p. 144, n. 28; p. i85. n. 22.
KKVUE CRITiQUB
M. M. complète heureusement la pensée de M. Madvig, mais il ne cite
point les textes ou les ouvrages de seconde main qui expliquent ou
justifient son intervention '. La plupart d'ailleurs de ces notes ont leur
utilité ; tantôt elles ajoutent aux citations faites par M. Madvig, d'au-
tres, assez importantes, qu'il a cru devoir négliger : par exemple, des pas-
sages de la loi coloniale de Julia Genetiva 2, qui permettent d'intéressan-
tes comparaisons entre la condition des sénateurs romains, et celles des
décurions municipaux. Tantôt M. M. développe, à propos de certaines
règles de droit administratif, les conséquences que M. Madvig n'a fait
qu'indiquer. Ainsi, au sujet des assemblées populaires, M. M. insiste, avec
une grande justesse, sur ce que, dans les votes, le résultat du scrutin ne
dépendait pas essentiellement des suffrages individuels. Tel candidat pou-
vait être élu par la majorité des centuries ou des tribus sans avoir re-
cueilli un nombre de voix personnelles supérieur à celui que ses
adversaires avaient obtenue : il n'y a aucune comparaison à établir
entre le système de suffrage « égalitaire », tel qu'on le pratique en France,
et celui des Romains, qui, même aux plus beaux jours delà démocratie,
continuait à donner aux votes des riches et des propriétaires, dans les
comices centuriates et dans les comices par tribus, une influence pré-
pondérante *.
La seconde catégorie de notes est destinée, dit M. M., « à relever de lé-
gères erreurs de détail ». Or, nous ne trouvons qu'une seule erreur de fait
mentionnée dans les notes de M. M. : « La ville de Malaga, dit-il, n'é-
tait pas (comme le dit M. Madvig), un municipe romain, mais bien un
municipe latin 4. » Est-ce donc là une erreur véritable ? La latinité de
Malaga n'est pas le moins du monde un fait incontestable et incontesté :
sans doute, la plupart des savants y croient, depuis les habiles et curieu-
ses recherches de M. Mommsen ■'. Mais rien, absolument rien, dans
la lex malacitana, ne la prouve d'une manière irréfutable : il ne serait
même pas difficile d'y relever des indices qui autorisent la conclu-
sion de M. Madvig. Ses adversaires pourront la traiter d'erronée :
mais erreur et conclusion erronée sont choses toute différentes. —
M. M. relève chez M. Madvig un certain nombre d'idées qu'il croit faus-
ses : ce sont cependant des opinions fort vraisemblables, et qui, en tout
cas, peuvent être aussi bien soutenues que l'opinion contraire. M. Madvig
i. P. 25, n. 6 ; p. 34, n. 1 ; p. 64, n. 36; p. 68, n. i3 (qu'est-ce qui justifie la
correction complures nostris... auspiciis, Cincius dans Festus, p, 241, éd. Mùller;
cf. Mommsen, Staatsrcclit, 1 (18761, p. 96, n. 2); p. io3, n. 4; p. 161, n. 25.
2. P. 1 58, n, 9 ; p. 207, n. 14; de même, p. 43, n. 4; p. 52, n. 43 ; p. 204., n. 21 ;
p. 281, n. 38.
3. P. 278 et n. 25; p. 279 et n. 3o. M. M. n'aurait-il pas pu, cependant, mettre
en note toutes ses observations? Le texte de l'auteur n'est-il pas inviolable i
4. P. 73, n. 3i, M. M. parle d'une « double erreur ». La seconde erreur disparait,
si l'on admet, avec M. Madvig, que Malaga était une cité romaine.
5. Die Stadtr édite der latinischen Gemeinden Salpensa und Malaca in der Provins
Baetica, Leipzig, i855, in-4.
t> HISTOIRE ET DE LITTERAIUUE 02D
pense que le droit de « cité sans suffrage » (civitas sine suffi-agio)
excluait le jus conubii etlejus commercii ; M. M. pense, au contraire,
avec M. Marquardt et bien d'autres que la civitas sine suffragio « con-
férait le conubium avec les citoyens romains ' ». Mais, comme nous
manquons à peu près complètement de textes concernant la civitas sine
suffragio, les deux opinions sont également plausibles. — « M. M.
admet, dit une autre note, que dès Servius Tullius il y eut trente tribus,
opinion qui s'appuie sur quelques auteurs anciens, mais qui, contredite
par d'autres, est rejetée par la plupart des savants modernes 2 ». Cette
phrase semble donner tort à M. Madvig : or, l'opinion de ce dernier a
pour elle, cependant, Denys d'Halicarnasse et Varron, dont l'autorité est
au moins égale à celle deTite-Live, d'Aurelius Victor et de Paul Diacre ;
et, si ces derniers ont été suivis par Huschke et M. Mommsen, dont les
idées ont été chaudement défendues par M. Belot 3, M. Madvig est de
l'avis de Niebuhr et de Walter f, M. M. condamne trop vite 5.
Certes, il peut et il doit même, dans des discussions de ce genre,
prendre la parole : nul n'a plus que lui le droit et les moyens de le faire.
Mais il y a une différence entre plaider une cause et prononcer un arrêt.
La traduction de M. Morel a sa place marquée dans toutes les biblio-
thèques de nos facultés de lettres et de droit, et elle ne sera pas déplacée
même dans celles des lycées et des collèges. Il faut donc le remercier et
le féliciter d'avoir entrepris une publication qui ne manquera pas d'a-
voir une sérieuse et durable influence sur l'érudition française, et,
souhaitons-le aussi, sur notre enseignement secondaire. Une bonne part
d'éloges revient à l'éditeur, M. Vieweg, qui en a été le promoteur, et
qui a su donner au livre une élégance typographique qui en rend la
lecture aussi agréable que facile.
Camille Jullian.
i. P. 5i, n. 42; cf. p. 74, n. 36; Marquardt, Staatsverwaltung, 1, p. 29.
2. P. m, n. 3 ; p. 112.
3. Huschke, Die Verfassung des... Servius Tullius, p. 73 sqq.; Mommsen,
Die rœmischen Tribus, p. 6; Belot, Histoire des chevaliers romains, I, p. 41,
et p. 394 sqq.
4. Niebuhr, Rœm. Gesch., I, p. 462; Walter, Gesch. d. rœm. Rechts, 28, I (1861),
p. 46.
5. M. M., dans so,n étude sur \cjus Latii, 1, 8, omet de citer le passage de Gaius
relatif au majus et au minus Latium, passage déchiffré en 1868, par M. Studemund
(Gaius, 1, 97). « Il est singulier, dit en note M. M. (p. 76, n. 47), qu'une découverte
aussi importante... ait pu échapper aux deux principaux savants qui se sont occupés
de la question, M. Marquardt {Rœmische Staatsverwaltung, I, p. b-j) et M. Madvig. »
Il n'est nullement prouvé que M. Madvig ait ignoré ce texte et rie l'ait pas négligé
à dessein, puisqu'il cite Gaius et les passages les plus récemment déchiffrés.
D'autre part, M. Marquardt le cite et le commente longuement, précisément à la
page 57 de la seconde édition (1881) de sa Rœmische Staatsverwaltung, la seule que
j'aie sous les yeux.
32Ô REVUK CR1T1Q0K
OOO. — I»hilipp «1er flrossuiûthige von Hesscn und die destitution
Ulrichs' von wlrtemberg, (1 «»0-l*î3îï) von Dr. Jakob Wille, Universi-
taets-Bibliothekar in Heidelberg. Tûbingen, Laupp, 1882, VI, 345 p. 8°. Prix :
7 fr. 5o.
Les travaux détaillés ne manquent pas sur l'histoire du Wurtemberg.
On peut même dire qu'il est peu de territoires allemands dont la litté-
rature historique soit aussi riche en ouvrages de mérite. Dès le siècle
dernier, les nombreux volumes in-quarto de Sattler ont réuni une
quantité de documents considérable sur la période traitée par le jeune
bibliothécaire de Heidelberg. Ranke a examiné en détail l'histoire de la
réintégration du duc Ulric dans le duché dont une sentence impériale
l'avait banni, dans le troisième volume de sa belle Histoire de l'Alle-
magne au xvie siècle. Les historiographes spéciaux de nos jours, Staelin,
Heyd, Kugler, Ulmann, Rommel dans son Histoire de Philippe de
Hesse, Bucholz dans l'Histoire de Ferdinand IeV, avaient apporté
chacun son contingent de renseignements nouveaux et parfois contra-
dictoires, au sujet en question. Néanmoins le travail de M. Wille est
loin d'être inutile. Cela tient, d'une part, aux pièces diplomatiques,
encore inconnues, qu'il a su trouver dans les archives de Munich, de
Weimar et surtout de Marbourg, d'autre part, à la façon dont il a conçu
le plan de son ouvrage. Ce n'est pas tant le fait même du retour d' Ulric
dans ses états et l'histoire de la campagne heureuse qui se termine par
le traité de Cadan, en 1 534, qui l'occupent le plus. Il a traité ces faits
comme un épisode dans les combinaisons plus vastes auxquelles se livrait
en ce moment le chef intellectuel, sinon officiel, de la ligue de Smal-
kalde, le landgrave Philippe de Hesse. Les années de i52Ô à 1 538 sont,
on le sait, la période militante, par excellence, des états protestants de
l'Allemagne^ qui, menacés sans cesse de la colère de Charles-Quint,
devaient essayer tout naturellement de s'unir et de se liguer au dehors
avec les ennemis de l'empereur et avec les amis de la foi nouvelle. C'est
à Philippe que revient surtout l'honneur d'avoir tenté cette alliance
universelle des adhérents aux dogmes nouveaux, qui, constituée d'une
façon durable, aurait brisé, dès le xvie siècle, la force de la maison de
Habsbourg. Charles-Quint se rendait parfaitement compte du danger
qui le menaçait. Sa diplomatie ne cessa de travailler à brouiller entre
eux les éléments nécessaires à la fixité d'une ligue pareille. Les querelles
entre luthériens et réformés le servirent à merveille, et le triomphe de
sa politique — triomphe momentané seulement, il est vrai — fut d'a-
mener un instant les luthériens de l'empire à partir en guerre avec lui,
contre François Ier, qui s'était offert à les secourir autrefois. Dépité de
se voir abandonné par eux, le roi de France les abandonna lui-même, à
son tour, quand Charles-Quint détruisit la ligue de Smalkalde en 1546
et 1 547, et Philippe de Hesse vit ainsi s'écrouler d'une façon définitive
les grands projets qu'il avait conçus. Le volume de M. W. ne nous
amène point jusqu'à cette catastrophe de la ligue protestante. Il nous
d'histoire et de littérature 327
raconte, au contraire, l'épisode de ces longues luttes diplomatiques et
militaires, qui marque peut-être le plus haut degré d'influence atteint
par elle et son chef. Charles-Quint avait porté un coup fort habile au
protestantisme allemand en donnant le Wurtemberg, dont le prince
était mis au ban de l'empire, à son frère cadet, le roi Ferdinand. Les
possessions des Habsbourg au sud de l'Allemagne s'arrondissaient ainsi
d'une façon notable et la conversion religieuse de ces contrées, déjà.
commencée depuis peu, était entravée d'une façon presque complète.
Philippe comprit le danger qui menaçait ses coreligionnaires. Il ne
voulut point permettre la pose de ce « verrou » qui fermerait les com-
munications avec les protestants suisses, et, pendant une série d'années,
les efforts les plus considérables furent tentés par lui pour amener la
ligue à agir et pour lui gagner des alliés au dehors. Ce sont ces négo-
ciations diplomatiques, le rôle qu'y jouèrent les différents princes de
l'Allemagne, la Saxe, la Bavière, etc., qui forment le gros du volume de
M. Wille. On lira également avec intérêt le second chapitre du
deuxième livre, qui s'occupe particulièrement des relations avec la
France, avant et après la visite presque clandestine que Philippe de
Hesse fit à François Ier, au château de Bar-le-Duc, en janvier 1 5 34 '. Le
roi de France aurait voulu pousser la campagne plus loin qu'elle ne fut
menée par les alliés. Il voulait attaquer les provinces héréditaires de
Ferdinand, mais Philippe ne se souciait pas de se brouiller à mort avec
les Habsbourg d'abord, puis aussi d'exciter la jalousie de ses collègues
princiers et spécialement de l'électeur de Saxe, uniquement pour plaire
aux Valois. Il lui manquait l'élan d'un Bernard de Weimar ou d'un
Richelieu, pour tenter une agression dont les conséquences heureuses
eussent été incalculables, mais qui pouvait tout aussi bien se changer en
catastrophe pour lui. Le traité de Cadan, signé dans les derniers jours
de juin 1 534, ne réalisa point les espérances avec lesquelles on s'était
mis en campagne. On arrachait le Wurtemberg à Ferdinand, on le
regagnait au protestantisme, mais le succès s'arrêtait là, se localisait pour
ainsi dire, et même le duc Ulric ne rentrait dans son territoire qu'après
avoir prêté l'hommage féodal au rival malheureux qui l'avait occupé
jusque-là. M. Wille promet de continuer ses recherches et de nous en
donner le résultat dans quelque autre ouvrage. On ne peut que l'atten-
dre avec intérêt, et le consulter avec confiance. A un langage sobre, un
peu trop incolore peut-être, Fauteur de notre volume unit un jugement
calme, une appréciation généralement équitable des hommes et des
partis, et les historiens du xvie siècle consulteront son livre avec fruit,
pour les dix années qu'embrasse son récit.
R.
1. Une série de pièces inédites relatives aux négociations avec la France, se
trouve en appendice, pp. 255-268. Nous remarquerons, à ce propos, que, pp. 1 56,
198, etc., il faut lire Langres au lieu de Langer.
328 REVUE CRITIQUE
222. — I,etti*es françaises inédites de Joseph Scaliger* publiées et an-
notées par Philippe Tamizey de Larroque, corresp. de l'Institut. Agen, Michel et
Médan ; Paris, Alph. Picard, 1881, i vol. in-8° de 428 p.
La publication des lettres françaises de Scaliger a été accueillie avec
joie par tous ceux qu'intéresse l'histoire de l'érudition. Si la Revue cri-
tique n'en a pas parlé plus tôt, c'est qu'elle a perdu les deux collabora-
teurs à qui revenait de droit l'honneur d'en rendre compte, Charles
Thurot et Charles Graux. Le premier avait déjà présenté le livre à l'A-
cadémie des inscriptions comme un monument durable élevé à la mé-
moire du plus grand des philologues français. Il ne tenait qu'à M. Ta-
mizey de Larroque d'agrandir les proportions du monument, s'il avait
voulu nous donner toutes les lettres et tous les billets écrits en français
par Scaliger. Il n'y a pas d'homme avant Scaliger qui ait entretenu au-
tant de correspondances. Les originaux ou les copies en sont conservés
en grand nombre, particulièrement à la Bibliothèque nationale dans la
Collection Dupuy. M. T. de L. a cru devoir se borner à publier presque
exclusivement les lettres inédites autographes, en donnant des analyses
et des extraits des simples copies ou des lettres déjà imprimées dans divers
recueils l. Malgré cette élimination, sa publication n'en comprend pas
moins de 124 lettres, qui vont du 8 nov. 1571 au 28 août 1608, et sont
presque toutes adressées aux trois meilleurs amis de Scaliger, Pierre Pi-
thou, Claude Dupuy et J.-Aug. de Thou. Ces trois amis s'occupent
non-seulement de le fournir de livres et de manuscrits et de le tenir au
courant du mouvement de la librairie parisienne et étrangère, mais en-
core ils ont mission de surveiller l'impression de ses ouvrages. Aussi
Scaliger leur fait-il ses confidences ; à eux seuls, par exemple, il révèle
son pseudonyme d'Yvo Villiomarus, emprunté en 1 585 pour répondre
à Robert Titius. Ecrites dans tout l'abandon de l'intimité sur les sujets
les plus chers à ces hommes illustres, leurs livres et leur études, ces let-
tres contiennent une foule de renseignements précieux et de faits nou-
veaux, où les travailleurs de diverses spécialités auront à puiser désor-
mais; elles intéressent à la fois la philologie classique, la philologie
française et l'histoire littéraire.
Si l'on veut connaître avec quels secours les anciens philologues ont
établi leurs textes et quelle méthode ils ont portée dans la constitution
de leurs éditions, c'est à leurs correspondances qu'il convient de recourir.
Mieux que dans les préfaces et dans les commentaires, nous y surpre-
nons les secrets de leur bibliothèque, leurs recherches et leurs incerti-
tudes. Les opinions, les pressentiments d'un génie comme celui de Sca-
liger méritent notamment d'être recueillis par les philologues modernes.
Ces lettres nous le montrent, au milieu des livres, occupé de préparer
1. Je ne vois point mentionnées les « Copies de lettres écrites au sieur de Castel-
franc, par Joseph de l'Escale, de Leyde en Hollande, 1604, 1606, 1608 », qui sont
au n° 13040 du fonds français.
d'histoire et de littérature 329
ses éditions et ces merveilleux travaux dont un seul suffirait à la gloire
d'une vie; on l'entend donner son avis sur les manuscrits dont il se sert,
sur ceux qu'il désire consulter, sur les livres qui paraissent à la foire de
Francfort et que des courriers trop irréguliers lui portent dans ses di-
verses résidences. On le surprend dans ses déchiffrements épigraphiques,
surveillant avec un intérêt jaloux les recueils d'inscriptions que publient
ses confrères (pp. 260, 264, 271). Veut-on savoir quels secours il a reçus
et à quelles sources il a puisé pour former son recueil des Catalectes?
c'est aux lettres à Pithou qu'il faut s'adresser (pp. 10, 19, 237). Plus
loin, nous constatons depuis quelle époque il songe à ses commentaires
sur Manilius (pp. 21, 63, 69), ce qu'il pense de l'état fâcheux du texte
de Josèphe de son temps (p. 226), avec quelle conscience de sa valeur il
parle du De emendatione temporum (p. 123), par quels moyens il pré-
pare son édition d'Eusèbe (pp. 235, 239, 376), etc. Nous trouvons trace
de plusieurs projets longtemps mûris, puis abandonnés par Scaliger,
tels que cette édition d'Aulu-Gelle, Macrobe et Censorinus, dont il est
si souvent question (pp. 21, 25, 41, 83, 91). On le voit appliquant sur
tous les objets ses aptitudes universelles, s'occupant dès 1578 des Tables
Eugubines dont Dupuy avait rapporté une copie d'Italie (p. 85), recon-
naissant, bien avant les travaux de l'égyptologie moderne, l'identité de
la langue copte et l'égyptien, cherchant à se procurer l'Alcoran, le texte
arabe d'Avicenne, un Nouveau Testament arménien et divers livres hé-
breux par l'intermédiaire des correspondants de Pinelli à Constantinople.
Pour la philologie française, les Lettres de Scaliger fournissent une
foule de renseignements intéressants. La langue de Scaliger, mêlée de
latinismes et de gasconismes (le mot est de lui), est hardie, imagée, ca-
pricieuse. Les expressions proverbiales, les tournures archaïques qui se
rencontrent sous sa plume ont été notées avec grand soin par son savant
éditeur et compatriote, et rapprochées des autres textes qui les fournissent.
Plus d'une fois M. T. de L. a pu compléter Littré: tantôt un exemple de
Scaliger vient attester l'antiquité d'un mot ou d'une expression que Littré
a rencontré seulement bien plus tard, tantôt il comble la lacune que
constatait implicitement le lexicographe entre les exemples du moyen âge
et ceux du xvir5 siècle. Comme spécimens de ces contributions à l'histoire
de la langue, je me contenterai de citer une acception métaphorique du
mot tirer (p. 97), le verbe coquiner (— mendier) pris comme verbe actif
(p. 118), et, p. 72, la présence du mot philologie dans une lettre datée
de 1577, alors que Littré a trouvé son plus ancien exemple dans Rollin.
M. T. de L. relève aussi des particularités curieuses d'orthographe, et je
crois qu'il y a encore à faire après lui. Malheureusement sa lecture, au
moins pour les copies, n'est pas toujours irréprochable. Ainsi, dans la
copie de la lettre à M. de Buzenval (pp. 342-343;, il faut lire : « il n'f a
rien — quant au stile — soit au langage — faute d'adresse — don Car-
ies est couronné — M. de Beze est presque réduit en infantilage1. »
1. il est regrettable que l'impression du grec ait été fort négligée; l'imprimeur
33o REVUE CRITIQUE
C'est surtout au point de vue de l'histoire littéraire et des biographies
du xvie siècle que la publication de M. T. de L. est importante. Elle
emprunte une grande partie de sa valeur à une annotation abondante,
tout instructive et précise, évitant de répéter ce qu'on trouve ailleurs et
donnant une foule de détails inédits sur les hommes et les faits dont il
est question. Personne n'a, au même degré que le savant éditeur, cette
sûreté et cette universalité d'information, qui rend la lecture de son
commentaire perpétuel aussi attachante que celle du texte. Une pre-
mière série de renseignements est fournie à l'histoire littéraire par les ap-
préciations de Scaliger sur les livres et la science de ses contemporains.
On s'attend avec raison à des jugements ordinairement durs et mépri-
sants, relevés par une jolie verve gasconne. Tels sont les jugements sur
Achille Statius et son commentaire des Elégiaques (pp. 43, 45, 48), sur
Palmerius (p. 108), sur Carrion (p. 112), et même sur S. du Bois
(p. 109}. Ils sont plus piquants encore que les propos du Scaligerana, car
c'est une pensée directement exprimée que nous recueillons, sans l'inter-
médiaire des secrétaires et des copistes. Il faut voir comment Scaliger traite
ses adversaires François de Nsle et Jean de Frégeville, plus tard Clavius
et Viète, et ce pauvre Italien Titius, qui « n'est qu'un asne », excepté
pour ceux de sa nation, laquelle « admire plus tost une mouche de delà
les Mons, qu'un beuf de deçà » (p. 207). Je ne parle pas du trop fameux
Scioppius, à qui, malgré le conseil de De Thou, dont nous trouvons ici
le témoignage, Scaliger rendit publiquement injure pour injure.
La biographie du grand philologue s'enrichit de faits qui éclairent
certaines années de sa vie. Les lettres de 1 585, par exemple, nous révè-
lent un Scaliger peu connu, Scaliger propriétaire, et nous montrent avec
quel courage et quelle noble fierté il supporta la spoliation légale dont
il fut victime à la suite de l'édit de juillet. Ses affaires de famille tiennent
peu de place dans cette correspondance ; cependant on y trouve trace de
ses démêlés avec son frère. A propos de la réponse faite par Scaliger aux
adversaires du De emendatione, sous le pseudonyme à'Antoni La Coste,
il est parlé d'une seconde réponse, qui ne parut pas, et qui doit avoir
passé en manuscrit dans les papiers du président de Thou. Ce n'est pas
seulement la biographie de Scaliger qui se complète, mais encore celle
de ses amis, de J.-A. de Thou, de Cujas. Pour Cujas particulièrement,
on ne pourra s'occuper de lui sans feuilleter, au moyen de l'excellent
index qui termine le volume, les lettres où il est mentionné. Le caractère
de Cujas n'est pas aussi inattaquable que son génie; il eut des torts en-
agenais, indigne de pratiquer l'art d'Henri Estienne, voyait du grec pour la première
fois. V., par ex., pp. 66, 227, a53, 256, 269, 278, 282, Soi, 320, où l'accentuation
est jetée au hasard. P. igg, je lirais èjxjJLsXsîç, P- 35o, 1QMÇ. •/."uc^âxcov. Signalons, en
passant, quelques fautes d'impression inévitables dans un texte aussi difficile que ce-
lui des lettres et des notes : p. 3i, note 2, il faut lire i5j4 pour i5yg; p. 176,
n. 3, Bemays pour Bernard; p. 264 (texte), Smettius; p. 406, Guillandin; p. 220,
ligne 1, il faut une virgule avant tant s'enfault, pour rendre la phrase intelligible.
d'histoire et de littérature 33 I
vers Scaliger (pp. 258, 268), et donna occasion à celui-ci d'écrire une
lettre qui fait plus d'honneur à l'élève qu'au maître. A ce propos, qu'il
me soit permis d'exprimer le vœu qu'un de nos jurisconsultes contempo-
rains, respectueux de son grand ancêtre, s1occupe enfin de la publication
des lettres de Cujas conservées à la Bibliothèque et dont Berriat Saint-
Prix s'est servi avec beaucoup trop de discrétion pour son Histoire de
Cujas.
J'ai peu d'observations à faire sur l'annotation de M. T. de L., dont
l'exactitude égale l'abondance. Cependant, p. 289, il s'étonne à tort de
l'inquiétude témoignée par Scaliger dans une lettre du 25 sept. i5c)i,
écrite du château de Preuilly pendant les excès des ligueurs. Il y avait
grandement lieu de s'inquiéter, et Scaliger avait été averti des dangers cou-
rus par son imprimeur et ami Pâtisson, dans une lettre de P. d'Elbène :
« M. d'Emery... m'a asseuré que M. Pithou l'a retenu et sauvé, lorsque
le povre Pâtisson fut prins prisonnier « {Epistres françoises... à Morts2
Joseph Juste de la Scala... mises en lumière par laques de Rêves. Har-
derwyck, 1624^.384). — P. 189, à côté des trois lettres du «bonhomme»
Vinet, le vaillant principal du collège de Bordeaux, publiées dans les
Archives hist. de la Gironde, il convient de rappeler les deux lettres à
Buchanan, écrites en i58i et imprimées dans Buchanani opéra omnia
(Leyde, 1725; t. II); j'en connais deux autres inédites parmi la curieuse
correspondance d'Henri deMesmes (B. Nat., fonds lat. 10327, ^ I27
etsqq.).
P. 65, aux renseignements copieux fournis sur François de Saint-
Vertunien, sieur de Lavau, il eut été utile d'ajouter l'indication des let-
tres de cet important personnage, que renferme le n° 712 de la coll.
Dupuy. M. de la Vau avait vécu dans l'intimité de Scaliger chez
MM. Chasteigner de la Rocheposay, et c'est à lui qu'on doit le premier
Scaligerana. Ses lettres à P. Dupuy s'étendent longuement sur son
illustre ami, alors à Leyde, et sont à ce titre précieuses pour nous. Dans
sa lettre datée de Poitiers, 2 juillet 1602 (7/2, f. 38), M. de la Vau ra-
conte avec quelle facilité admirable Scaliger faisait des vers : « Ce grand
personnage là ne se soucie aucunement de ses vers, et jamais il ne les
garde... Nous estions tous deux retirez à Touffou, maison de feu M. de
la Rochepozay à 4 lieues de ceste ville, pour la ire guerre de la
Ligue, 1577, durant les premiers Estats de Blois, où couchant en sa
chambre pour m'exercer à la langue grecque, il me dist qu'il n'y avoit
rien de meilleur que de faire des versions de l'une langue en l'autre...
Tous les soirs, s'allant coucher, me tournoit verbo ad verbum un ou
deux des épigrammes du 7 de l'Anthologie, pour luy rendre le lende-
main en vers latins. » Pour Scaliger, ajoute le narrateur, il faisait les
vers lui-même le lendemain en s'éveillant et sans le moindre tâtonne-
ment. Il faut rapprocher cette lettre, dans laquelle il y a encore beaucoup à
prendre, des lettres XVI et suivantes du recueil de M. T. de L., écrites de
Touffou, pendant le séjour que rappelle ici M. de la Vau. Je signale en-
332 REVUE CRITIQUE
A
core la lettre du même datée de Poitiers, 26 février 1606, qui roule sur
la polémique de Scaliger et deGuillandin, et s'étend sur l'origine illustre
de « M. de Lascale ».
La biographie de Scaliger doit-elle être refaite aujourd'hui? Je ne le
crois pas. Il y a lieu; sans doute, de compléter les bons travaux de Bernays
et de M. Ch. Nisard; mais une traduction du livre de Bernays, dont le
plan est excellent, pourrait suffire et serait bien accueillie en France, si
le traducteur y ajoutait une annotation nouvelle empruntée en partie
aux Lettres françaises de Scaliger. Je ne puis que joindre mes souhaits
à ceux de [M. T. de L. pour qu'il se rencontre ce traducteur de bonne
volonté, qui mettra à la portée d'un plus grand nombre de travailleurs
la remarquable monographie du savant allemand. En attendant, c'est à
M. T. de L. lui-même de tenir au plus tôt la promesse qu'il nous fait de
réimprimer, avec additions et commentaires, le curieux recueil de Jac-
ques de Rêves, dont j'ai transcrit plus haut le titre. Cette réimpression
formera le pendant du présent livre, qui, par l'intérêt du sujet, l'utilité
des documents publiés, l'abondance des commentaires, est un des plus
importants travaux de M. Tamizey de Larroque.
Pierre de Nolhac.
223. — Madame Gnyon, sa vie, sa doctrine et son influence, d'après les
écrits originaux et des documents inédits, par L. Guerrier, professeur au lycée
d'Orléans, docteur ès-lettres. Paris, Didier, 1881, in-8° de bi5 p. prix : 7 fr. 5o.
« Il y a bientôt deux cents ans que Mme Guyon est célèbre ; elle n'est
pas encore connue. » Ainsi débute la Préface de M. Guerrier. L'auteur
continue en ces termes : « On sait généralement que ce fut une mysti-
que, qui parut à la fin du xvir8 siècle, et qui entraîna Fénelon. Quant
aux événements si variés de sa vie, à ses pensées intimes, à ses écrits, à
son influence, on ne les connaît pas. » Il ajoute que ces choses, intéres-
santes en elles-mêmes, le sont davantage encore par la place qu'elles oc-
cupent dans le développement des idées mystiques, dans les préoccupa-
tions de la fin dn grand siècle et dans l'histoire religieuse du temps. »
On aura tout de suite le diapason de l'enthousiasme du biographe dans
cette phrase (p. 1) : « Aussi nous a-t-il semblé utile d'écrire la vie de
cette sainte et noble femme, et de rendre enfin à sa mémoire une justice
trop longtemps refusée à ses vertus. » M. G., résumant son livre dans
sa Préface, nous montre Mme Guyon édifiant d'abord sa ville natale
« par une piété ardente et une inépuisable charité, » puis, quittant son
pays et sa famille « pour s'en aller faire aimer Dieu en de lointains pays
[en Savoie, au bord du lac de Genève, à Turin, à Grenoble, à Verceil], »
et, après cinq ans d'une vie errante, s'établissant à Paris et y exerçant
son apostolat; séduisant chacun « par son esprit et sa beauté ' dans sa
1. M. G. parle très souvent de l'extrême beauté de Mm* Guyon. On regrette qu'il
d'histoire et de littérature 333
jeunesse; plus tard, par sa patience inaltérable, sa simplicité, sa dou-
ceur, ses vives lumières, et sa parole enflammée ; se faisant aimer tour à
tour de Mme de Montbazon, de la reine d'Angleterre, de la duchesse de
Longueville, de la duchesse de Béthune, de Mmc de Maintenon, des
trois filles de Colbert, de Mme de Miramion, des ducs de Beauvillier et
de Chevreuse, de Fénelon, en un mot, selon l'expression de M. G.
(p. 3), « de ce qu'il y avait de plus grand et de plus vertueux à Paris et à
la cour '. »
Reproduisons ici un chaleureux passage de la Préface (p. 3) :
« Quand vinrent les persécutions et les mauvais jours, Vincennes et la
Bastille, ses amis, sûrs de sa foi et de ses vertus, lui restèrent fidèles ; et
Fénelon, plutôt que de l'abandonner, n'hésita point à affronter cette
mémorable controverse qui devait tenir, pendant deux années entières,
Rome, Versailles, la France et l'Europe en suspens. On est à se deman-
der si Thistoire offre un autre exemple d'une si éclatante et si solennelle
discussion. C'est de l'amour de Dieu qu'on dispute : quel sujet ! Et quels
adversaires ! Au premier rang, Fénelon et Bossuet ; derrière eux, Leib-
nitz2 et Malebranche, avec Nicole, le P. Lami, Bourdaloue, La Bruyère
et Fléchier; le roi, la cour, presque tous les évêques dans un camp; tous
les cœurs dans l'autre ; Rome prise pour juge et restant deux ans pour
décider ; et pour finir, la gloire au vaincu. »
M. G. nous apprend (p. 5) que l'analyse des doctrines et des discus-
sions a été faite sur les écrits mêmes de Mme Guyon, de Molinos, de Fé-
nelon et de Bossuet, qu'il a énoncé la doctrine.de l'Eglise d'après les
écrits les plus autorisés et que de savants théologiens l'ont éclairé de
leurs lumières aux endroits particulièrement délicats. Pour les faits, il a
eu recours aux livres de Mme Guyon, aux journaux et aux mémoires du
temps, principalement aux correspondances. Il déclare avoir trouvé de
précieux documents dans les Archives départementales du Loiret, dans
les manuscrits de la bibliothèque d'Orléans, dans les collections de l'Ar-
senal, de la Bibliothèque nationale et surtout du séminaire de Saint-
Sulpice.
La préface se termine ainsi (p. 6) : « Quant à l'auteur, il n'a qu'un
mot à dire : c'-est qu'il a cherché à faire, sur un important et difficile
sujet, un livre sérieux, dont la lecture ne fût pas trop fatigante ; il a
n'ait pas donné, en tête du volume, une reproduction de son portrait de jeune femme,
conservé au musée de Montargis. On le regrette d'autant plus, que, pour me servir
des propres expressions du biographe (p. 32, note i), « le portrait gravé dans la suite
d'Odieuvre, et qui la représente à l'âge de 44 ans, ne donne plus l'idée de ce qu'elle
avait été dans sa jeunesse. »
1. M. G. vante surtout en Mmc Guyon (p. 4) « cette mystérieuse sérénité qui lui
faisait dire, au milieu des plus terribles épreuves : Le ciel est-il plus paisible que
moi?
2. Sic. Le t est de trop. Le grand philosophe signait toujours : Leibni^. Plus loin,
l'auteur adopte cette dernière orthographe. Puisque nous en sommes aux minuties,
demandons-lui pourquoi il écrit (p. i5i) Havlai pour Harlay?
334 REVUE CRITIQUE
cru, après de grands maîtres, que l'histoire est une œuvie d'art autant
que d'érudition. »
Le livre de M. G. est à la fois une étude d'histoire et de philosophie
religieuse. Je toucherai le moins possible aux questions théologiques, ne
voulant pas me fourvoyer dans un pays qui m'est inconnu, et je donne-
rai toute mon attention au récit de la vie de « la grande mystique du
xvne siècle en France. »
Jeanne-Marie Bouvier de La Motte naquit à Montargis le i 3 avril
1648. M. G. décrit fort bien la jolie ville qui fut le berceau de son hé-
roïne, les divers couvents où s'écoula son enfance (Bénédictines, Ursu-
lines, Dominicaines). Il ne décrit pas moins bien, en s'aidant des sincè-
res et curieux mémoires rédigés par Mme Guyon pour son confesseur ',
le caractère de la jeune fille (p. 17) : « cette âme ardente et agitée,
pleine de dons éclatants, d'aspirations généreuses et de vertus, mais ou-
verte à toutes les influences, et emportée à tous les vents du ciel, parce
qu'on aura négligé de développer en elle ces facultés maîtresses, qui
sont à la fois la lumière, la force et la dignité de la vie : la raison et la
volonté. » Après nous avoir fait connaître la jeune fille, il nous fait con-
naître la jeune femme. Jeanne fut mariée (janvier 1664) avec un riche
gentilhomme de Montargis, Jacques Guyon, écuyer, seigneur de Ghes-
noy et de Champoulet. Elle n'avait pas encore seize ans, et il en avait
trente-huit. Ce mariage ne devait pas être heureux. L'époux « rude et
lourd » n'était en aucun point digne de la jeune fille si distinguée et si
spirituelle qui lui avait été confiée. Il y avait, en outre, dans la maison
de la rue du Four-Dieu, une belle-mère « bizarre, irritable et dure, avec
qui personne ne put jamais s'accorder. » M. G. retrace avec une sym-
pathie communicative les tourments des tous les instants qu'eut à subir
la jeune femme, ces continuels coups d'épingle qui sont, à la longue,
plus intolérables que des coups de poignard. Avec lui, nous plaignons
de tout notre cœur Mme Guyon, et nous maudissons sans réserve son
mari et surtout sa belle-mère, ï'injusta noverca de Virgile. Aux détails
sur la jeune mariée succèdent les détails sur son séjour à Paris, sur sa
grave maladie 2, sur sa liaison avec la duchesse de Béthune-Charost,
sœur du surintendant Foucquet, internée à Montargis, comme Marie
de Meaupeou, leur mère, sur l'entrée de Mme Guyon dans la vie mysti-
que, sur ses austérités 3, sur son nouveau voyage à Paris, sur la petite
i. La vie de MweJ. M. B. de La Motte-Guion (sic), écrite par elle-même, Cologne,
1720.
2. M. G. s'indigne plaisamment (p. 35) contre les médecins de Mœe Guyon qui la
saignèrent à outrance : « Les médecins s'employèrent avec énergie; ils lui tirèrent
quarante-huit palettes de sang en sept jours. Elle n'en avait plus qu'ils en voulaient
tirer encore, et, l'ayant presque tuée, ils déclarèrent qu'il n'y avait plus d'espoir. »
Voir sur l'abus que de tout temps les médecins français ont fait de la saignée la Cor-
respondance littéraire (édition de M. Maurice Tourneux, t. IV, p. 120). Grimm dé-
clare que nos médecins « sont décriés pour cela dans toute l'Europe. »
3. Nous lisons (pp. 42-43) :« Mm> Guyon s'était aisément détachée du monde, et
D HISTOIRE ET DE I.ITTKR \TURK
3^5
vérole qui lui enleva toute la beauté dont elle était si fière ', sur le P. La
Combe, Barnabite, natif de Thonon, au diocèse de Genève, qui fut son
directeur, et qui occupa une si grande place dans sa vie, sur la mort de
son mari (21 juillet 1676), sur son séjour à Gex, à Thonon 2, à Turin, à
Grenoble \ à Marseille, à Alexandrie, à Gênes, à Verceil, sur le Moyen
court, petit livre écrit à Thonon avant les Torrents, imprimé à Greno-
ble au commencement de 168 5, dont cinq éditions s'enlevèrent en peu
de jours, et, à cette occasion, sur la doctrine renfermée dans les deux
opuscules, sur le quiétisme représenté par Falconi, par Malaval et par
Molinos, sur l'arrivée à Paris de Mme Guyon *, sur son entrevue avec
M. de Harlay, archevêque de Paris, sur son emprisonnement et sa mise
en liberté, sur ses premières relations avec Fénelon et Mme de Mainte-
non, sur son influence à Saint-Cyr, sur ses entretiens avec Nicole, l'abbé
J.-J. Boileau, Bossuet et sur les conférences d'Issy, sur la seconde cap-
surtout de son mari ; elle mit plus de temps à se détacher d'elle-même. Pourtant elle
ne s'épargnait pas. Elle se donnait tous les jours la discipline, avec des instruments
armés de fer; elle portait des ceintures de crin, se fouettait avec des orties, se dé-
chirait avec des ronces, mettait des pierres dans ses souliers, de l'absinthe dans sa
bouche, de la coloquinte dans s'a nourriture : elle n'en avait jamais assez. »
1. Mme Guyon s'accusait de trop tenir à cette beauté, mais ses confesseurs, dit-
elle, loin de la blâmer, nattaient cette faiblesse. « Ils savaient sans doute, » ajoute
agréablement M. G. (p. 4.S), « excuser un peu de vanité, dans une si belle pénitente,
tant ils en connaissaient d'autres, qui étaient plus vaines, sans aucun motif. »
2. MraB Guyon resta plus de deux ans chez les Ursulines de Thonon. Ce fut là,
comme elle le déclare elle-même, qu'elle écrivit son livre des Torrents, au commen-
cement de i683. Michelet (Le prêtre, la femme et la famille, ch. vu), s'est double-
ment trompé en faisant composer ce livre « à Annecy, aux Nouvelles Converties. »
Les Nouvelles Converties étaient à Gex, et Mm Guyon ne résida jamais à Annecy.
3. M. G. consacre de piquantes pages à l'évêque Etienne Le Camus et à son
clergé (pp. 82, 83). Là, il s'est servi de la correspondance de Le Camus avec M. de
Pontchâteau. Ce fut à Grenoble qu'en quelques mois M"1' Guyon écrivit (p. 87) son
explication sur l'Ecriture-Sainte, publiée depuis en vingt volumes. M. G. emprunte
à l'auto-biographie de son héroïne diverses informations sur la manière dont elle
écrivait ses inspirations, « la main ne pouvant presque suivre l'esprit qui dictait, »
et la vitesse étant si grande « que le bras m'enfla et devint tout roide. » Que l'on
s'étonne, après cela, du nombre effrayant de volumes laissés par M"' Guyon et que
M. G. a eu le mérite de lire jusqu'au bout !
4. Cette arrivée est du 21 juillet 1686. Le cardinal de Bausset (Histoire de Féne-
lon) fait à tort revenir M™' Guyon en 1687. Michelet (Louis XIV et la révocation
de Pédit de Nantes) place le séjour de Mme Guyon à Paris entre les années 1670 et
1680. Il en fait, à ce moment, « une veuve de vingt ans, » quand elle en avait trente-
huit. Plusieurs écrivains ont ainsi notablement rajeuni Mm* Guyon. M. G. reprend
plusieurs fois encore le cardinal de Bausset et Michelet (toujours de compagnie).
C'est ainsi que (p. 284), il substitue, pour le sacre de Fénelon, la date du 10 juillet
à la date du 10 juin, donnée par le premier, et, comme prélat assistant, l'évêque d'A-
miens, à l'évêque de Chartres, désigné par le second. De même (p. 457), il rappelle
que de Bausset fait mourir le P. La Combe dès iôgq et que Michelet le fait mourir
plus vite encore (Le prêtre, la femme et la famille, ch. vu). La vérité est que le Père
La Combe ne mourut qu'en ï 715, à jb ans.
336 REVUK CRITIQUE
tivité de Mme Guyon ', sur la lutte entre l'évêque de M eaux et l'arche-
vêque de Cambrai, lutte à propos de laquelle l'auteur signale des écrits
et des circonstances jusqu'à présent négligés ou inconnus et complète,
sans les reproduire, les récits qu'on peut lire ailleurs, sur les persécu-
tions qu'eurent à subir le P. La Combe (mis à Vincennes), Mme Guyon
(mise à la Bastille), les principaux amis de Fénelon (exilés de la cour),
enfin sur les dernières années, la maladie et la mort (9 juin 171 7) de
celle à qui Ton peut reprocher bien des imprudences et des exagérations,
mais qui doit nous trouver profondément indulgents, car, suivant le joli
mot de la fin (p. 5i5), « il est juste, après tout, de pardonner quelque
chose à ceux dont le seul tort est de vouloir trop aimer Dieu. »
M. Guerrier nous avait promis une étude sérieusement faite et qui ne
fût pas d'une pénible lecture 2. Il a tenu parole et tous ses lecteurs pen-
seront — ou plutôt ont déjà pensé (car le présent article paraît trop tard
pour prédire un succès déjà constaté) — tous ses lecteurs, dis-je, ont déjà
pensé qu'il n'y a pas dans son livre moins d'art J que d'érudition K
T. de L.
1. De Vincennes, Mme Guyon fut transportée chez les Filles de Saint-Thomas à
Vaugirard où elle fut cruellement traitée. Voir la description de ses souffrances tirée
d'une de ses lettres inédites au duc de Ghevreuse (p. 32 1, note 2). Ces lettres, comme
beaucoup d'autres documents dont M. G. a tiré parti le premier, appartiennent à la
bibliothèque de Saint-Sulpice.
2. Loin d'être aride, l'étude de M. G., généralement attrayante, devient même
parfois amusante. L'auteur mêle à ses récits une foule de mots heureux, spirituels.
Citons-en quelques-uns : « Les religieuses étaient sous le charme..., les religieux
encore plus... » {Préface, p. 2). — Le prédicateur Séraphin « bon homme au fond,
qui mangeait et buvait largement, pour mieux prêcher la pénitence, et dévora, pen-
dant un carême, plus de cent pistoles à l'archevêque de Paris » (p. 145). — Sachet,
curé de Saint-Gervais, « le directeur préféré des âmes tendres. Etait-il menacé de
l'apparence d'un rhume, toutes les dévotes se mettaient à lui préparer un bouillon,
et il allait en prendre un peu partout, afin de ne pas faire de jalouses » (p. i53). —
Le futur cardinal Le Camus «. manœuvra avec une habileté sans égale, tendant
amoureusement sa voile à tous les vents qui lui venaient de Rome, et abaissant,
jusqu'à le cacher, le pavillon des libertés gallicanes, sur le vaisseau qui portait sa
fortune» (p. 243). — « Le scandale [de l'intimité de M5r de Harlay avec la duchesse
de Lesdiguières] était plus grand que le péché, à l'âge où était l'archevêque » (p. 286).
— « Une créature... qui vous porte le poing sur la hanche, quand elle ne vous le
met pas sous le nez... » (p. 021, note 2). — Je ne retrouve pas la page où, à propos
de l'opuscule de Mme Guyon, M. G. a mis (peut-être sans préméditation) cet autre
bon mot : « Les Torrents se répandirent plus librement. »
3. Ùart, en certains passages, se montre un peu trop. La phrase affecte parfois la
forme du vers, comme celle-ci (p. 84) : « tout ce que
Le temps jaloux emporte ou flétrit de son aile. »
C'est sans doute une faute d'impression qui, dans la même page, place Mme Guyon
« au milieu de la verdure des fleurs.» Je suppose que l'auteur a voulu dire : au mi-
lieu de la verdure et des fleurs. A côté de quelques taches, brillent des morceaux
remarquables, tels que l'éloge de Mme de Maintenon (p. 191), l'éloge de Fénelon
vaincu et acceptant si noblement la défaite qui devient plus glorieuse qu'une vic-
toire (p. 467). M. G. dit, au sujet de la mort de Fénelon (p. 48g) : « Le monde
perdait une des plus belles âmes qui aient jamais paru sur la terre. »
4. Indiquons deux ou trois fautes d'impression : Juillet 1671 pour juillet 1 68 1
D'HISTOIRE ET Dlï LITTÉRATUKB 337
CHRONIQUE
FRANCE. — Ernest Bersot avait désiré que M. Edmond Scherer tirât de ses
écrits deux volumes; le premier a déjà paru et renferme les Qiiestions d'enseigne-
ment; le second paraît aujourd'hui, sous un titre que Bersot avait lui-même indi-
qué et qui en marque bien le caractère (Un moraliste, études et pensées d'Ernest
Bersot. Hachette. In-8°, lxxxviii et 38o p. avec une photographie de Bersot). « Pour
cet ouvrage comme pour le précédent, dit- M. Scherer, j'ai eu le concours le plus
précieux, celui de M. Delérot, que le défunt avait lui-même associé à ma tâche et
qui en a partagé tous les soins avec moi. «L'ouvrage est précédé d'une Notice sur la
vie et les travaux de Bersot, due à M. Scherer; on trouve réunis dans cette notice les
souvenirs épars dans les notices parues au lendemain de la mort de Bersot, ainsi que
des renseignements que la famille a mis à la disposition de M. Scherer ; on y remar-
quera les lettres dans lesquelles Bersot, avant et après son admission à l'Ecole nor-
male, racontait à ses parents les événements de sa studieuse existence, ses impressions
et ses projets, des extraits de sa correspondance avec Cousin, etc. ; à la fin de sa no-
tice, M. Scherer a reproduit le récit des derniers jours de Bersot, fait par M. Paul
Reclus. Les morceaux contenus dans le volume sont les suivants : Du bonheur (à
propos de la « Philosophie du bonheur » de M. Janet, pp. 1-28); Du plaisir et de la
douleur (pp. 28-43) ; La chrétienne de nos jours (à propos de l'ouvrage du même titre,
de l'abbé Bautain. pp. 44-81); M. Ernest Renan (pp. 82- 101); De la médecine en
littérature (pp. jo2-i33); Michelet (à propos du livre « La Mer », pp. 1 84+1 5a);
Jean-Jacques Rousseau et Saint-Marc Girardin (extrait de l'introduction au livre
posthume de Saint-Marc Girardin intitulé a J.-J. Rousseau, sa vie et ses œuvres »,
pp. 153-170) ; Voltaire (à propos des « Lettres inédites » recueillies par M. de Cay-
rol, pp. 171-210); Montaigne (extrait d'un rapport sur un concours ouvert en 1868
par l'Académie des sciences morales et politiques, pp. 21 1-225) ; Versailles (pp. 226-
238) ; Arcachon (pp. 239-230); Excursion dans le Midi (pp. 251-274); Lettre sur la
botanique (pp. 275-291); Discours prononcé au banquet des anciens élèves du lycée
de Bordeaux (pp. 292-296); Charles de Rémusat (pp. 296003); Michelet (pp. 304-
3i3); Arnold Scherer (pp. 3i4-3ig); Pensées (pp. 321-379).
— Le 8e fascicule du Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, publié sous
la direction de MM. Ch. Daremberg et Edm. Saglio (Hachette, pp. 1121-1280, avec
gravures), va de la fin du mot chorus au mot cena; il renferme les articles sui-
vants : chous, chrysographia, chytra, chytrinda, ciborium, ciconia, cilicium, cilliba,
cinctus, cingula, cingulum, circinus, circitor, citharista, citharoedus, clathri, clava,
clementia, clibanus, coactilia, coccum, cochlea, cochlear, cochlearium, codicilli (E.
Saglio); chronographia (Ch. Em. RueUe); chrysargyrum, circumscriptor, civitas,
classis, cliens, cloacarium, codex accepti et depensi (G. Humbert) ; chrysocolla et
(p. 63); de Bermans, gouverneur de la Bastille, pour de Besmaux (p. 1 55, note 1);
Dubens, pour Dutens (p. 385, note 1). Voici la seule erreur de quelque gravité que
je relève en tout le livre : M. G. (p. I*5a) fait rédiger par l'abbé Boileau les ordon-
nances de M«r de Harlay. Cet abbé rédigea seulement les ordonnances du successeur
de Mcr de Harlay, le cardinal de Noailles. Voir les Mémoires de l'abbé Legendre,
p. 217; YEssai sur la vie et les ouvrages de J.-J. Boileau, p. 10. On pourrait trou-
ver trop sévères certaines appréciations (pp. 3oo et suiv.) de.la conduite de Bossue t
dans l'affaire du quiétisme, mais je me suis interdit toute incursion sur ce ter-
rain.
338 REVUE CRITIQUE
cinnabaris (Alfred Jacob); chrysophoria (P. Foucart) ; cibaria (pp. 1141-1169; cet
art., le plus considérable du fascicule, sur la manière dont se nourrissaient les an-
ciens, a pour auteur M. le Dr Eug. Fournier); cibaria militum et clamor (Masque-
lez); cilicarcha (G. Perrot) ; cisium et clabularis (G. Lafaye); cista (Emm, Fernique);
cista mystica et cistophori (Fr. Lenormant); cisterna et cloaca (Ed. Guillaume); clas-
siarius centurio et classis (A. Héron de Villefosse); clavus (L. Heuzey); clipeus
(Maurice Albert); codex Justinianeus, codex Theodosianus, Codices Gregovianus et
Hermogenianus (F. Baudry) ; l'art, circus est signé de trois noms, ceux de MM. J. !..
Pascal, Bussemaker et E. Saglio; l'art, chorus, terminé dans les premières pages de
ce vme fascicule, est de MM. F. Castets et Gaston Boissier; deux directeurs de la
« Revue critique », trop tôt enlevés à la science et à leurs amis, Ch. Graux et C. de
la Berge, ont donné deux articles à ce fascicule : chrysographia (Gh. Graux) et clas-
siarii (C. de la Berge).
— M. Julien Vinson a fait paraître dans la «nouvelle collection illustrée» que publie
l'éditeur Léopold Cerf, un volume sur Les Basques et le pays basque (in-8°, vin et
148 p., 1 franc). Ce volume n'est, comme le dit M. V., qu'un tableau sommaire,
une esquisse à larges traits ; l'auteur a voulu faire « une œuvre de vulgarisation, né-
cessairement écourtée, inévitablement incomplète et rapide » (p. vin) ; nous le re-
commandons néanmoins à nos lecteurs, car il est fort intéressant, et renferme, mal-
gré sa brièveté, une foule de détails curieux; M. Vinson a passé douze ans dans le
pays basque, il connaît la langue, il y a recueilli beaucoup de chansons populaires
inédites et il prépare un volume sur la Littérature orale basque. Le livre se divise
en sept chapitres : dans le premier (pp. 9-3o), M. Vinson décrit l'aspect du pays bas-
que et nous renseigne sur ses productions, ses cultures, son industrie, sa population
(955,886 personnes), sur l'émigration des Basques vers l'Amérique du Sud. Le
deuxième chapitre (pp. 3 1-60) renferme un aperçu de l'histoire religieuse, civile et
politique du pays basque; M. Vinson y ajoute quelques pages sur les fueros. Il est
question, dans le troisième chapitre (pp. 61-69), de la langue du pays; M. V. esquisse
d'une façon générale les principaux faits de la grammaire basque. Dans le quatrième
chapitre (pp. 70-81), M. V. examine le type, le caractère et les aptitudes des Bas-
ques; il laisse de côté le problème de l'origine de la race euscarienne, a qui demeure
tout entier irrésolu ». Il décrit dans le cinquième (pp. 82-uo) les habitations, les
mœurs, les coutumes, les cérémonies, les jeux et les danses, les pastorales des Bas-
ques. Vient ensuite un chapitre (vr, pp. 111-122) sur la religion, la superstition et
la sorcellerie; on y trouvera le résumé des détails de la procédure faite par le con-
seiller Pierre de Lancre et le président d'Espaignet contre les sorciers du Labourd
en 1609. Le dernier chapitre concerne la littérature basque (pp. 123-145); M. Vin-
son y donne la traduction de trois contes : les Trois Vérités, le Curé et la Tabatière, et
de trois chansons populaires. Blanche palombe, Sérénade et la Couturière ; la traduction
de ces chansons, aussi littérale que possible et faite d'après les variantes les plus
complètes et les plus vulgaires, est suivie d'une imitation libre en vers français, qui
peut être chantée sur les mélodies originales; M. Vinson donne trois des airs les
plus populaires et reproduit le texte basque des premiers couplets. Une liste des
principaux livres à consulter sur le pays basque (au lieu de Landde, lire « Lande »)
termine le volume.
— 'Une nouvelle revue mensuelle, dont le titre est L'enseignement secondaire des
jeunes filles, paraît à la librairie Léopold Cerf (Paris, rue de Médicis, i3). Elle «traite
tout ce qui intéresse, à quelque degré que ce soit, l'enseignement des jeunes filles-
Nôtre premier devoir — lisons-nous dans le programme de ce recueil — sera de
fournir à nos lecteurs les documents officiels et de les tenir au courant des eiïorts
d'histoire et de littérature 339
faits pour l'exécution de la loi. Nous n'oublierons pas la revue des examens, ni la
monographie des établissements spéciaux. Nous ferons une grande place à ces déli-
cats problèmes de pédagogie féminine qui préoccupent si justement l'opinion publi-
que. Nous nous sommes assuré sur ce point le concours des personnes les plus
compétentes. La discussion des programmes et des questions de personnes ne nous
laissera pas indifférents. Désireux aussi d'être immédiatement utiles à ceux qui nous
liront, nous comptons publier sur des matières spéciales et particulièrement diffici-
les, telles que l'économie domestique, l'hygiène appropriée à la femme, les questions
juridiques qui l'intéressent, des cours susceptibles de servir de modèle. Nous ne
nous interdirons pas non plus l'étude des questions historiques qui se rattachent à
notre sujet, et de toutes les entreprises faites à l'étranger. Chaque numéro contien-
dra un compte-rendu bibliographique à l'usage des jeunes filles. » Le directeur de la
Revue est M. Camille Sée, assisté d'un comité consultatif qui se compose de
MM. Carnot, E. Legouvé, Henri Martin et Germain Sée. Les quatre premiers fasci-
cules de la Revue (juillet-août-septembre-octobre) renferment les articles suivants :
juillet (pp. i-56): Raoul Frary, Les premiers résultats; Maurice Vernes, La durée des
études d'après la loi et le conseil supérieur; E. Dally, Cours d'éducation corporelle;
H. Marion, Les motifs du conseil supérieur; P. Dupuy, L'Ecole normale de Sèvres;
G. W., Un préjugé sur l'enseignement des langues étrangères en France; P. D., Le
certificat d'aptitude à l'enseignement secondaire dans les lycées et collèges des jeunes
filles et sa valeur; L. A., Des lycées de jeunes' filles en Italie. — Août (pp. 57-i36) :
Cam. Sée, Ce qu'a voulu le législateur; P. Dupuy, L'Ecole normale de Sèvres;
E. Dally, Cours d'éducation corporelle (suite); H. Marion, Les motifs du conseil
supérieur (second rapport); M. S.. L'éducation des jeunes filles à Port-Royal ; Louis
Enault, Les arts industriels, exposition de l'Union centrale. — Septembre
(pp. 137-200) : Charles Bigot, Le but de l'instruction; P. Dupuy, L'Ecole normale
de Sèvres ; Mlle C. Ladreyt, L'enseignement secondaire des jeunes filles au concours
Pereire (fragment d'un mémoire couronné); Brédif, Allocution prononcée aux cours
secondaires de jeunes filles, à Grenoble; Louis Enault, Les arts industriels; L. A.,
Des lycées de jeunes filles en Italie. — Octobre (pp. 201-296) : Ch. Bigot, Le but de
l'instruction ffin); A. M., Le lycée de jeunes filles de Rouen; Hippeau, L'enseigne-
ment secondaire des jeunes filles au concours Pereire; René Samuel, L'école Char-
lotte à Berlin. — Le prix de l'abonnement est de 9 francs pour toute la France;
chaque numéro sera vendu séparément 1 franc.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 4 octobre 1882.
M.^ Guillaume informe la Société qu'il a découvert des substructions sous la salle
des Cariatides, au Louvre ; ces substructions paraissent remonter à Charles V.
M. Flouest, associé correspondant, communique, de la part de M. Cournault, asso-
cié correspondant, le dessin d'un casque et d'une boucle d'oreille de l'époque gauloise ;
ces objets ont été trouvés à Breuvannes (Haute-Marne).
M. de Marsy, associé correspondant, lit une note de M. Hugo Loersch, professeur
à l'université de Bonn, sur une cloche municipale d'Aix-la-Chapelle. Cette cloche est
datée du 18 février 12S1 ; elle est sortie des ateliers de Jacques de Croiselles, fondeur
artésien.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES- LETTRES
Séance du ig septembre 1882.
M. Oppert continue la lecture de son mémoire sur le prétendu tombeau de Cyrus
34° REVUE CRITIQUE DHIST01RE ET DE LITTÉRATURE
et la situation de l'antique Pasargade. Il développe les raisons qui empêchent de
placer Pasargade à Murghâb et qui obligent, selon lui, à chercher l'emplacement de
cette ville au sud-est, et non au nord, de Persépolis (Istâkhr). Les détails qui nous
ont été transmis sur la campagne d'Alexandre dans l'Inde et particulièrement sur le
chemin suivi par lui au retour ne peuvent s'expliquer autrement. Les historiens rap-
portent qu'Alexandre, revenant de l'Inde, passa à Pasargade avant d'arriver à Persé-
polis. C'est le contraire qui aurait dû arriver, si Pasargade était Murghâb.
M. Germain communique à l'Académie un chapitre encore inédit de son Histoire
de l'Université de Montpellier, concernant la faculté de théologie. Cette faculté ne
figure pas dans la bulle d'érection des écoles de Montpellier en Université, donnée
par le pape Nicolas IV, en date du 26 octobre 1289; cette bulle n'embrasse que les
facultés de droit, de médecine et des arts. Mais la théologie n'en était pas moins en-
seignée dans les cloîtres, et particulièrement dans ceux des moines mendiants. Le
pape Martin V, afin de contrebalancer par la diffusion des idées orthodoxes l'influence
toujours persistante de l'hérésie albigeoise, au sein d'une population où l'activité in-
tellectuelle, développée plus qu'ailleurs par un contact incessant avec le personnel
des écoles, lui semblait offrir certains dangers, conféra, par une bulle du 17 décem-
bre 1421, l'institution canonique à la faculté de théologie. En fait, l'existence de cette
faculté remontait plus haut; le roi Jean, pendant une visite à Montpellier, en 1 35 1,
l'avait le premier honorée de sa protection. Le pape, en sanctionnant officiellement
l'existence de la nouvelle faculté, l'incorpora à l'école de droit fondée vers i36o, à
Montpellier par le jurisconsulte Placentin. On professait à la fois, dans cette école,
en vertu d'un privilège dont ne jouissait pas encore l'Université de Paris elle-même,
le droit civil et le droit canonique. Légistes et décrétistes devaient trouver profit à
cette union, à une époque où le clergé mêlait assidûment aux études théologiques
les études juridiques. « Nous ordonnons, porte la bulle de Martin V, que ladite faculté
de théologie ne fasse qu'une seule et même université avec les facultés de droit civil
et de droit canonique de Montpellier, un seul et même corps, ayant' pour chef un
recteur, dont l'élection continuera d'avoir lieu conformément aux anciens statuts uni-
versitaires. Nous prescrivons également que les maîtres, docteurs, licenciés, bache-
liers et étudiants de la faculté de théologie soient soumis à la juridiction que confè-
rent au recteur les statuts et coutumes duement approuvés; qu'ils obéissent à ses
monitions et mandements, comme les docteurs, les licenciés, les bacheliers et les étu-
diants en droit canonique et en droit civil, et que, toutes les fois que ladite faculté de
théologie y aura intérêt, ils participent aux assemblées et aux délibérations, de con-
cert avec les autres docteurs, licenciés bacheliers et étudiants; sous la réserve ex-
presse, néanmoins, que, de même que les docteurs en droit canonique ou en droit
Civil ne peuvent être recteurs, les maîtres en théologie ne pourront le devenir à leur
tour, non plus que les religieux des ordres mendiants, de quelque grade ou condi-
tions qu'ils soient... Donné à Rome, à Saint-Pierre, le seizième jour avant les calen-
des de janvier, la cinquième année de notre pontificat. » N'est-il pas piquant, dit
M. Germain, de voir une faculté de théologie, au lieu de primer comme ailleurs en
France, subordonnée ainsi, à Montpellier, à une école de droit, de par le pape lui-
même? — Théologiens et juristes firent, aux premiers jours, selon les dipositions de
la bulle pontificale, assez bon ménage. Mais des conflits ne tardèrent pas à se pro-
duire, et il fallut, dans l'intérêt des études, s'entendre sur les droits respectifs des
deux facultés. De cet accommodement résulta, en 1428, un ensemble de statuts, qui
devint pour la faculté de théologie une sorte de code spécial. Elle y apparaît repré-
sentée par son doyen, lequel prêtait serment, une fois élu, au recteur de l'université
de droit. Il veillait sur les privilèges, libertés et honneurs de sa Faculté, et y exer-
çait, en outre, une censure dogmatique. Il avait le pas sur le prieur de la faculté de
droit dans tous les actes concernant la faculté de théologie; mais le prieur de la fa-
culté de droit primait, à son tour, dans tous les exercices de la faculté de droit. Dans
les solennités universitaires ou autres, le prieur de la faculté de droit et le doyen de
faculté de théologie alternaient, chaque année, pour la préséance. Les provinciaux des
ordres mendiants ne venaient qu'après eux. M. Germain analyse et explique le texte
encore inédit de ces statuts de 1428, qu'il regarde comme un des plus curieux règle-
ments scolaires du moyen âge, et n'hésite pas, dit-il, à y découvrir « une des plus
amples victoires qui aient été alors universitairement remportées sur les ordres
mendiants. »
Ouvrage présenté, de la part de l'auteur, par M. Alexandre Bertrand : — Decombe
(Lucien), Trésor du jardin de la pré fecture à Rennes (Rennes, 1882, in-8°).
Julien Hayet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marckessou fils, boulevard Saint- Laurent, a3
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 44 — 30 Octobre — 1882
Sommaire s 224. Loth, Essai sur le verbe néoceltique. — 225. Villari, Machiavel
et son temps. — 226. D'Haussonville, Le salon de Mm0 Necker. — 227. Hirzel,
Albert de Haller. — Chronique. — Académie des Inscriptions.
224. — Essai sur le verbe néoceltique en irlandais ancien et dans
les dialectes modernes, son caractère et ses transformations, par J. Loth,
agrégé de l'Université, élève diplômé de l'Ecole des Hautes-études. Paris, Leroux,
1882. In-8°, vi-92 pages.
Dans ce mémoire on trouve réunies pour la première fois les formes si
variées que la conjugaison nous offre dans les dialectes néo-celtiques, de-
puis les temps les plus anciens jusqu'à nos jours. On y voit rangés en bon
ordre un grand nombre de renseignements curieux empruntés aux dia-
lectes modernes et qu'on chercherait inutilement dans la Grammatica ceU
tica. La facilité qu'offre à l'étude ce méthodique ensemble de documents
fera bien accueillir le travail de M. Loth, même par ceux qui ne parta-
geraient pas complètement et sur tous les points ses doctrines.
M. L. a été frappé, avec raison, de la ressemblance qu'offrent avec cer-
taines formes du pronom personnel certaines désinences verbales bre-
tonnes. Ainsi, en vannetais, « de moi » se dit ahan-an, « que j'aime » e
câr-an; a de nous » ahan-amb, a que nous aimions » e câr-amb] ; le
pronom personnel suffixe de la première personne, pronom complé-
ment, est, au singulier et au pluriel, identique à la désinence corres-
pondante de l'indicatif présent de la conjugaison dite personnelle; il n'y
a de différence ni au point de vue consonantique ni au point de vue vo-
calique.
Voici d'autres exemples où la ressemblance persiste entre les pro-
noms suffixes et les désinences correspondantes de la conjugaison dite
personnelle, mais où les voyelles diffèrent :
i° ah-anasv. de toi », e câr-es « que tu aimes »; ïs caractéristique du
pronom suffixe de la seconde personne du singulier termine la seconde
personne du singulier du présent de l'indicatif;
2* ahan-oh «de vous», e car- eh que vous «aimiez»; Vh finale du pro-
nom suffixe de la seconde personne du pluriel paraît à la désinence de
la seconde personne du pluriel de l'indicatif imparfait ;
3° int, « eux, ils », pronom absolu ou sujet de la troisième personne
du pluriel, e cârant « qu'ils aiment », e cârent « qu'ils aimaient »,
I. Guillome, Grammaire française-bretonne, Vannes, i836, p. 3o, 63.
Nouvelle série, XIV. 18
342 RKVUli CRITIQUE
e câreint « qu'ils aimeront » ; le pronom se termine en nt comme la
personne correspondante de la conjugaison dite personnelle '.
Il y là un sujet fécond d'études. On ne peut trop féliciter M. L. de
l'avoir abordé. Toutefois, il me semble en avoir quelque peu exagéré
l'importance quand il a écrit :
« La vue et le sens net de l'élément pronominal dans le verbe est
« un besoin impérieux chez tous les peuples ario-européens. Ce qui
« nous paraît caractérisque chez les néo-celtes, c'est que cet élément
« semble simplement agglutiné au verbe, qu'ils peuvent le préfixer, le
« suffîxer, le séparer, l'employer à différents cas avec la plus grande fa-
ce cilité; c'est qu'ils ont une sorte de prédilection pour la construction
« verbale qui consiste à faire du thème verbal le sujet et du pronom
« l'objet » (p. 33).
Ces doctrines sont, à mon avis, trop absolues. Si la vue et le sens net
de l'élément pronominal dans le verbe était un besoin impérieux pour
tous les peuples ario-européens, il devait par exemple être senti par les La-
tins. Or, chez les Latins, il ne pouvait être que bien rarement satisfait.
Chez eux, à l'exception de quelques premières personnes du singulier
en m, les désinences verbales, comme celles d'amo, amas, amat, amamus,
amatis, amant, ne correspondent en rien aux pronoms des première,
seconde et troisième personnes au singulier ni au pluriel. Les Irlan-
dais du ixe siècle ne devaient guère être plus heureux. Je vais mettre en
regard des formes de l'indicatif présent de la première conjugaison les
pronoms correspondants :
Conjugaison conjointe : Conjugaison absolue : Pronoms :
Porter.
Sing. ire p. dobiur, berimm, me, « moi. »
beri, tê, « toi »
berid, ê « il, » si « elle, »
ed au neutre
PI. ire p. doberam, bermme, ni, « nous »
berthe, sib « vous »
berit, ê « ils » 2.
De ces douze formes, une seule, la première personne du singulier de la
conjugaison absolue, offre « la vue et le sens net de l'élément pronomi-
« nal dans le verbe... besoin impérieux chez tous les peuples ario euro-
ce péens. » La désinence de berimm « je porte » offre avec le pronom
1. Guillome, ibid., p. 3i, 33, 63. Cet auteur donne pour le pronom pluriel de la
3* personne l'orthographe ind, forme dialectale moderne du plus ancien int ou intt,
comme l'écrit Larmery, Dictionnaire français-breton, La Haye, 1756, p. ipt, col.
2, au mot « il ». Le moderne ind se trouve déjà du reste chez Larmery au mot
«. eux », p. 146, col. 2.
i. Les formes abrégées que revêtent ces pronoms quand d'absolus ils deviennent
suffixes sont ; sing. ire p. m, 2e p. r, 3 p. d, t, u, i, e; pluriel ir0 p. », 2e p. ib,
3* au datif ib, à l'accusatif u. o.
Doni
ner.
ire p.
dobiur,
2e p.
dobir,
3e p.
dobeir,
ire p.
doberam,
2e p.
doberid,
3e p.
doberat.
d'histoire et de littérature 343
mê, « je, moi » une ressemblance évidente. Pour les onze autres dési-
nences verbales, l'analogie avec les pronoms est au moins douteuse. La
ressemblance que la désinence de la troisième personne du singulier de
la conjugaison absolue, berid, offre avec le pronom neutre correspon-
dant, ed, ne peut être considérée que comme fortuite '.
Presque tous les éléments de cette conjugaison appartiennent au do-
maine commun de la conjugaison indo-européenne, comme plusieurs
savants, et en dernier lieu M. Windisch, l'ont clairement démontré. Les
flexions personnelles spéciales aux langues celtiques et empruntées clai-
rement aux pronoms n'apparaissent en vieil irlandais que dans la con-
jugaison d'une des racines du verbe substantif, et à une seule personne,
la seconde : at « tu es », comparez tu « toi » ; adib, « vous êtes », com-
parez sib, « vous ». Le pronom pluriel suffixe de la première personne,
omp en léonard, amb en vannerais, le pronom pluriel absolu de la troi-
sième personne, tat en irlandais, int, ind en vannetais, wynt en gallois,
que l'analogie a fait tirer chacun de la désinence verbale correspondante,
sont de formation moderne ; ils ne se rencontrent pas dans les monu-
ments néo-celtiques les plus anciens.
Ainsi le rôle considérable de l'élément pronominal, dans le verbe néo-
celtique moderne est de date récente. Suivant moi M. L. a raison de
constater le rôle prédominant de cet élément dans la conjugaison
actuelle, il n'a pas établi l'existence de cet élément dans l'ancienne con-
jugaison du verbe néo-celtique.
Je ne considère pas non plus comme démontrée la prédilection que
M. L. attribue aux Néo-celtes pour la construction verbale qui « con-
« siste à faire du thème verbal le sujet et du pronom l'objet. » C'est à
cette thèse que se rattache une doctrine nouvelle de M. Loth. Suivant lui,
le passif celtique n'est autre chose qu'un substantif formé à l'aide du suf-
fixe -dri, -ôri (pp. 85-86). En vannetais, le passif se construit avec
le pronom suffixe ou complément, qui alors devient infixé, exem-
ple : em garer (lisez em harer), hin garer, hi garer (lisez hi
harer), je suis aimé, il est aimé, elle est aimée. M. L. propose pour
les autres dialectes bretons une formation analogue qui don-
nerait suivant lui : am gareur « je suis aimé, » hen gareur « il
est aimé », hi gareur « elle est aimée »; lisez am c'hareur « je suis
aimé, » et non am gareur; he c'hareur « elle est aimée » et
non hi gareur : les lois phonétiques du breton l'exigent ainsi 2. Ce
i. On pourrait cependant soutenir que la désinence de la troisième personne ab-
solue du singulier, berid, est étymologiqueraent identique au d qui est une des
formes du pronom suffixe à la même personne du même nombre. La correspondance
entre la désinence verbale et le pronom existerait dans deux formes sur douze.
2. Il y a déjà dans la Vie de sainte Nonne, xve siècle, des exemples de cette com-
binaison du verbe passif avec un pronom infixe, Grammatica celtica, 2e édition,
pp. 074, 375, 53o. Pour ce qui concerne l'action exercée aujourd'hui parles pronoms
infixés de la première personne, am, et de la troisième personne du féminin hi, lie,
344 REVUE CRITIQUA
qu'il y a aussi de certain, c'est qu'on trouve le passif conjugué avec le
pronom absolu : me a garer, me a gareur ', et que là le pronom a dû,
au moins à l'origine, avoir valeur du sujet.
Aux yeux de M. L., ce qui prouve que le verbe passif est, dans les
langues néo-celtiques, un substantif (p. 85), c'est que ce verbe en bre-
ton n'a pour chaque temps qu'une forme, celle qui, dans l'opinion reçue,
est la troisième du singulier. Mais cette doctrine de M. L. se heurte à de
graves difficultés. L'une est que dans le vieil irlandais le passif a deux
formes pour chaque temps, et que de ces deux formes, l'une pour le sin-
gulier carthir =s * caratir « il est aimé, » l'autre pour le pluriel caritir
r=* carantir « ils sont aimés », la seconde se distingue de la première
par une modification de désinence qui appartient à la conjugaison et
non à la déclinaison.
Une autre difficulté est que le déponent du vieil irlandais a les flexions
du passif avec trois personnes et deux nombres à chaque temps, d'où il
y a lieu de conclure qu'originairement le passif irlandais a eu aussi à
chaque temps trois personnes et deux nombres à chaque personne. Sui-
vant M. L., le verbe déponent irlandais est une création grammaticale
postérieure à la date où l'irlandais s'est séparé du breton. Mais cette
hypothèse est contredite par le déponent gallois gwyr « il sait » (Gram-
matica celtica, 2e édition, p. 602), en comique gwor (ibidem, p. 6o3),
en moyen breton goar (ibidem, p. 604), de la racine vid, dont, en vieil
irlandais, le futur àénontntfessur « je saurai » et le parfait déponent
fetar « je sais » sont d'usage si fréquent 2.
Il n'est donc pas établi à nos yeux que l'on doive reconnaître un subs-
tantif dans la forme verbale bretonne que les grammairiens ont jusqu'ici
considérée comme la troisième personne du singulier du passif.
Ainsi je ne partage pas sous tous points les doctrines de M. Loth qui
me paraît avoir subi un peu trop profondément l'influence du vanne-
tais, c'est-à-dire du dialecte breton qu'il a eu le précieux avantage de
parler dès son enfance. Mais j'ai été heureux de trouver dans son mé-
moire, outre un tableau complet du verbe néo-celtique qui nous man-
quait jusqu'ici, une foule d'observations intéressantes et justes sur l'his-
toire de ce verbe, surtout aux époques rapprochées de nous. C'est ce qui
fait la valeur principale de son travail. Quant aux théories, suivant moi
un peu absolues, que je critique, elles perdraient la plupart du temps, je
crois, ce caractère, si l'auteur avait donné plus de développement à l'ex-
sur la consonne initiale du verbe suivant, voyez : Guillome, Grammaire française-
bretonne, p. 1 3 i ; Le Gonidec, Grammaire bretonne, édition La Villemarqué, p. 10,
n ; Rotrenen, Grammaire française celtique. Rennes, 1738. p. i3.
1. Le Gonidec, Grammaire bretonne, e'dition La Villemarqué, p. 37, note **; cf.
p. 53.
2. B. Gueterbock et R. Thurneysen, Indices glossarum et vocabulorum hibemi-
corum quœ in Grammaticœ Celticœ editionc altéra explananiur, p. 1 14, aux mots
ro-fetar, finnad.
d'histoire et de littérature 345
pression de sa pensée en évitant l'excessive concision de formules trop
courtes avec lesquelles l'inexactitude est un résultat presque inévitable.
Qu'à l'avenir il donne à son exposition plus d'ampleur ' et il n'aura pas
de peine à justifier les espérances que les amis des études celtiques font
reposer sur son début.
H. d'ARBOis deJubainville.
225. — Pasquale VlLLARI. Rliccolo Machiavclli e i suoi tempi illustrât!
con nuuvi document!. Firenze, successori Le Monnier. 1877-1882. 3 vol.
in-8°.
De nombreuses publications relatives à Machiavel ont paru dans ces
derniers temps, surtout en Italie : le concours ouvert à Florence en
1869, à l'occasion des fêtes du 4e centenaire de la naissance de Machiavel,
y a été pour quelque chose, mais il faut chercher la cause véritable de
l'intérêt qui s'attache au secrétaire de la République florentine dans la
gravité même des problèmes politiques et sociaux qui se posent aujour-
d'hui à tous les esprits sérieux ; on a senti plus fortement le besoin
d'étudier à fond les actes et les pensées d'un homme dont les théories
politiques et morales ont excité à la fois tant de séduction et tant de
répulsion. Ces théories, il faut le reconnaître, quelque jugement qu'on
porte sur elles, ont rompu avec toutes les traditions du moyen âge et
préparé la conception de l'Etat moderne. C'est à un point de vue de
critique politique, en même temps que de critique historique, que
M. Pasquale Villari a composé son ouvrage sur Machiavel, dont nous
sommes heureux de saluer aujourd'hui l'achèvement.
Quel est le point de vue fondamental de l'ouvrage de M. Villari? C'est
que, pour juger avec équité le caractère politique et moral de Machiavel,
il faut l'étudier dans ses relations avec son temps, et, si je pais dire, le
replacer dans son milieu. Il est nécessaire de savoir quelle in-
fluence ont exercée sur son esprit les conditions politiques et morales
de son temps et de son pays, par quels actes se sont manifestés son
génie propre et ses tendances personnelles. Les moralistes peuvent
juger ce qu'il a pu y avoir de juste ou d'injuste, de louable ou de blâ-
mable dans ses doctrines ; le philosophe et le critique trouvent plus
intéressant d'étudier les causes historiques ou psychologiques qui les ont
formées et les expliquent. C'est ce qu'a fait M. V., et, à mon sens, avec
une réelle supériorité. Son livre n'est ni une simple biographie, ni un
livre d'apologie ou de polémique ; c'est une œuvre de haute critique his-
1. Je pourrais aussi lui donner le conseil de s'adresser à un imprimeur plus at-
tentif à la corection des épreuves. Jamais je n'ai vu une collection de lettres cassées
comparable à celle qu'offrent les pages 60 et 61. Une grande partie de la page 61 est
littéralement illisible.
346 REVUE CRITIQUE
torique, où Machiavel est étudié à fond, où sa vie, ses œuvres, le milieu
où il s'est développé sont soumis à un minutieux examen. Il est vrai que,
sur plus d'un point, cette étude aboutit à une justification ; dans sa con-
clusion, l'auteur exprime, en termes enthousiastes, sa sympathie pour son
héros ; l'étude des faits n'en est pas moins conduite avec une rigoureuse
impartialité. On pourra différer de jugement avec M. V., mais quicon-
que lira attentivement son livre, lui reconnaîtra le mérite d'avoir placé
Machiavel dans son vrai jour ; d'avoir permis à chacun de se former un
jugement raisonné sur son compte, et d'avoir dissipé un certain nombre
de préjugés contraires à la vérité historique.
L'ouvrage s'ouvre (t. I, i-3oo) par une longue introduction sur la
Renaissance italienne examinée au point de vue politique, moral et
littéraire. Cette introduction se divise en quatre chapitres. Après un
aperçu général sur la Renaissance (ch. 1), l'auteur étudie successivement
le rôle politique et social de chacun des principaux Etats italiens : Milan,
Florence, Venise, Rome et Naples(ch. 11) ; puis il expose le mouvement
littéraire de Pétrarque à Machiavel (ch. m. M. V. aurait dû placer ici le
tableau du mouvement artistique, qu'il a inséré au début du IIe volume,
et qui interrompt fâcheusement l'exposé de la vie de Machiavel); enfin il
résume la situation politique de l'Italie à la fin du xve siècle (ch. iv). Cette
introduction est déjà un livre, qui, à lui seul, ferait honneur à un écri-
vain. L'auteur a tenu compte de toutes les recherches récentes dont les
événements de cette période ont été l'objet, il a groupé les faits dans un
tableau lumineux, et les a jugés avec l'élévation et la sérénité d'esprit
d'un vrai critique.
On a reproché à cette introduction d'être hors de proportion avec
le reste de l'ouvrage et de n'avoir que peu de rapports avec la bio-
graphie de Machiavel. Je ne partage pas cette opinion. L'objection
aurait de la force si M. V. n'avait voulu, faire qu'une simple bio-
graphie. 11 n'en est point ainsi : son plan est plus large et plus
complexe : cette grande étude préliminaire fournit la base même des
jugements qui peuvent être portés sur Machiavel comme homme,
comme homme d'état, comme écrivain.
En dehors de l'introduction, l'ouvrage se compose de deux livres
correspondant aux deux grandes époques de la vie de Machiavel : l'épo-
que de son activité politique et l'époque de son activité littéraire. Le
premier livre, comprenant seize chapitres, contient la biographie de
Machiavel depuis sa naissance jusqu'à la restauration du gouvernement
médicéen en i5 12, restauration qui eut pour conséquence la destitution
de Machiavel de son office de secrétaire de la République, et son éloi-
gnement des affaires publiques. Le second livre, comprenant dix-huit
chapitres, s'étend de 1 5 12 à la mort de Machiavel, et contient l'examen
des ouvrages politiques, historiques et littéraires composés par lui dans
cette seconde période de sa vie; période d'inaction au point de vue po-
litique ; période malheureuse pour Machiavel, mais heureuse pour nous ;
d'histoire et de littératurk 347
c'est elle qui a donné aux lettres italiennes et à la science politique un
grand écrivain qui, sans ces funestes circonstances, serait resté simple-
ment le fidèle secrétaire adjoint d'une république destinée à périr.
Je n'ai point l'intention de faire une minutieuse analyse de l'ou-
vrage de M. V. au point de vue des faits historiques ; car tout ce qui se
rapporte à la vie et aux temps de Machiavel est généralement connu ; je
dirai seulement de quelle manière M. V. a apprécié le caractère et les
œuvres de Machiavel ; aussi bien est-ce là ce qui fait l'intérêt principal
de son livre.
Les tendances politiques de Machiavel ont commencé à se manifester
dans ses ambassades. M. V. les expose en détail. Il met en lumière
l'esprit d'observation de Machiavel, et sa disposition à ramener ses expé-
riences à des théories générales. Son ambassade de Romagne en i5o3,
auprès du duc de Valentinois, a exercé sur son esprit une influence
particulièrement forte. M. V. démontre (I, 405) combien il est faux que
Machiavel ait inspiré les cruautés de César Borgia ; mais il est vrai qu'il
fut fortement impressionné par l'énergique volonté de ce jeune tyran, qui
ne connaissait point d'obstacles et trouvait toujours pour les surmonter
quelque moyen, bon et pervers, mais toujours efficace. Machiavel, ayant
toujours devant les yeux le but idéal qu'il se proposait, sans se préoccu-
per de la perversité des moyens employés (personne, d'ailleurs, ne s'en
scandalisait alors) vit en César « le type représentatif » du principe li-
bérateur de l'Italie. Nous appelons l'attention des lecteurs sur l'analyse
que M. V. a donnée dans le dernier chapitre du 1. I (II, 204 ss.) de
la correspondance échangée par Machiavel avec Francesco Vettori, créa-
ture des Médicis, alors ambassadeur florentin à Rome. Cette correspon-
dance a la plus grande importance, non-seulement pour connaître l'état
d'âme de Machiavel dans les douloureuses disgrâces qui l'avaient frappé,
mais aussi pour se rendre compte de la fiévreuse activité d'esprit avec
laquelle il cherchait constamment la solution des plus grands problè-
mes politiques.
Le second livre commence par l'examen des principaux écrits politi-
ques de Machiavel. L'auteur expose, à ce propos (ch. 1), quelques consi-
dérations sur la littérature politique du moyen âge et de la Renaissance ;
un des passages les plus remarquables est le parallèle entre Machiavel et
Guichardin, écrivains politiques.
L'un et l'autre, dans l'examen et le jugement des choses humaines,
ont suivi une méthode positive et ont eu un but pratique. Mais Ma-
chiavel eut, en outre, d'après M. V., une qualité qui manqua à Guichar-
din : celle de « voir les faits sociaux s'ordonner en un admirable unité
organique ; d'en considérer toujours le côté général, de les synthétiser, et
de les ramener à un système; en somme, il eut un idéal objectif, lequel
fut le but suprême de ses observations et de ses théories » (II, 81, 82,
92, 248, etc.)
Guichardin, au contraire, est un observateur peut-être plus précis,
348 REVUE CRITIQUE
plus patient, plus analytique que Machiavel ; c'est un grand esprit et un
penseur puissant, mais il ne se proposait aucune synthèse générale et
n'avait aucun idéal politique vaste et absolu. Sa recherche constante
était la solution utile et pratique des difficultés qui se présentaient mo-
mentanément dans la vie publique ou dans la vie privée, sans du tout
s'occuper d'un passé ou d'un avenir éloignés ; et, c'était surtout pour
servir ses intérêts personnels qu:il usait des préceptes que lui avaient
dictés ses longues méditations et son expérience (II, 249).
J'ajouterai à ces observations de M. V. qu'il est encore une chose qui
dut avoir une grande influence sur les idées des deux écrivains et qui
explique fort bien leur manière différente de comprendre la politique :
c'est la dissemblance de leurs conditions sociales.
Guichardin, riche, noble, homme de cour, gouverneur de province,
fut plus à même d'étudier le monde réel, et il dut souvent reconnaître,
dans le maniement des affaires, l'inanité des théories abstraites et
absolues. Machiavel, lui, vivant au sein d'une société beaucoup plus
restreinte et plus ordinaire, n'eut d'autre champ d'observation que celui
qu'il se créa par ses propres recherches et ses propres études. — En
somme, Guichardin fut surtout homme d'Etat, tandis que Machiavel
était un penseur solitaire et spéculatif.
Dans le chapitre 11, M. V. fait l'exposé des Discours sur les Décades
de Tite-Live ; et, dans le chapitre m qui est d'une importance capitale,
il fait la critique de ces discours ; enfin, dans les chapitres iv et v
qui terminent le second volume, il traite du Prince et des jugements
rendus, à propos de cet ouvrage, par les critiques anciens et mo-
dernes.
Quelques critiques ont cru que Machiavel s'était inspiré principale-
ment de la Politique d'Aristote ,• mais M. V. nous démontre (II, 275 et
suivantes) que cette opinion est en partie fausse, et en partie exagérée.
Les Grecs et les Romains, nous dit-il, se faisaient de l'Etat une idée
très différente. D'après la théorie des Grecs, qui est celle d'Aristote,
toute activité, toute morale publique ou privée, dépendait de l'Etat. Les
Romains, eux, tout en considérant l'Etat comme une grande puissance,
supérieure à tout intérêt particulier, bornaient son activité au champ de
la politique et de la guerre ; ils en. excluaient la morale privée et faisaient
une distinction entre celle-ci et le droit public. La conception que
Machiavel se fait de l'Etat est la même que celle des Romains ;
il est très important de le savoir pour juger équitablement ses théo-
ries, lesquelles ont pour unique objet l'art de gouverner un état,
et ne prétendent pas être des préceptes de morale ou de vertu.
De plus, tandis qu'Aristote et Machiavel s'entendent pour étudier
l'organisation de l'Etat, au moyen de la méthode historique et positive,
et considèrent l'existence de cet Etat comme un fait naturel, et non
comme une prédétermination divine, ils diffèrent dans le résultat de
leurs observations : « Aristote, lui, cherche ce que les hommes et ceux
d'histoire et de littérature 349
qui les gouvernent devraient être ; Machiavel déclare cette recherche
inutile, et veut savoir plutôt ce qu'ils sont, ou ce qu'ils peuvent être,
sans sortir de la réalité » (II, 279).
La moralité de la politique de Machiavel est une question qui a tou-
jours soulevé de nombreuses discussions, et que les pures théories de la
morale abstraite ne pourront jamais résoudre. Pour nous, il nous
semble que M. V. l'a traitée avec une rare pénétration, et, si nous ne
pouvons affirmer qu'il ait dit le dernier mot à ce sujet (nous ne
savons pas si jamais quelqu'un le dira après lui), la faute en est plus au
problème qu'à celui qui cherche à le résoudre.
M . V. ne nie pas l'immoralité d'un grand nombre des préceptes de
Machiavel ; il ne se dissimule pas la répugnance qu'ils excitent souvent
dans la conscience des honnêtes gens. Mais il recherche la cause histori-
que de ces théories, et veut qu'elles soient jugées d'après elle. — 11 est
bien évident que Machiavel a été mû par un sentiment élevé et patrio-
tique; il désirait ardemment l'unité de l'Etat et l'organisation de la
patrie. Le premier, il a entrevu ridée de l'Etat moderne; il aurait voulu
mettre un terme aux théories obscures de la scolastique, à la supréma-
tie théocratique, et à l'anarchie, plaies du moyen âge ; et c'est là son
plus réel et plus grand mérite. Mais Machiavel, par suite de sa condition
dans l'époque de transition où il a vécu, est tombé dans une grave
erreur qui eut aussi pour cause la méthode trop étroite et trop systéma-
tique qu'il a suivie dans les spéculations de sa pensée. Il a cru que la
formation d'un Etat était, non pas le résultat nécessaire d'une évolution
naturelle et inconsciente, mais pouvait être l'œuvre personnelle d'un
législateur. Celui-ci, d'après Machiavel, n'est pas un homme ordinaire,
mais un être prédestiné dont la mission surpasse de beaucoup celle des
autres hommes; aussi, pour juger ses actions, ne faut il pas se placer
au point de vue de la morale privée ; il faut les regarder comme bonnes
ou mauvaises, selon qu'elles sont plus ou moins propres à atteindre le but
suprême que doit avoir tout législateur, c'est-à-dire la fondation et la
conservation de l'Etat.
J'ai indiqué ici brièvement ce que M. V. expose en plusieurs pages
qui sont un admirable essai de critique positive. Quelle autre chose
pourrais-je ajouter, qui ne vienne spontanément à l'esprit de tout
lecteur? Tous, nous voudrions espérer que l'accord de la morale et
de la politique est indissoluble ; mais en est-il véritablement toujours
ainsi ? est-il possible qu'il en soit ainsi? Les histoires de tous les temps
et de tous les pays abondent en contradictions, souvent inévitables,
entre la raison politique et la morale privée. Il faut être juste : ce n'est
pas Machiavel qui a inventé cette théorie. Nous le considérons comme
un grand coupable et nous nous scandalisons fort ; mais qu'a-t-il fait?
Il a traduit d'une façon crue les théories qu'ont adoptées, quand ils en
ont eu besoin, avec l'approbation du ciel et des hommes, presque tous
les fondateurs ou gouverneurs d'Etats, et cela, tout en gravissant les
350 REVUE CRITIQUE
marches des autels, ou en entonnant des hymnes à la morale, à la re-
ligion, à la fraternité.
Au moins, à toutes les accusations portées contre Machiavel, on ne
pourra pas ajouter celle d'hypocrisie; et, par le but élevé auquel il a
tendu, il mériterait d'être justifié de bien d'autres accusations encore.
L'amour de la patrie, de la liberté, de la grandeur de l'Etat était
profondément gravé dans son cœur, et il considérait tout intérêt indi-
viduel comme bien inférieur ; ce fut là l'objet final de tous ses écrits et
le guide constant de sa politique.
Lorsque, après la chute de Soderini, il chercha si instamment un
emploi auprès des Médicis victorieux (ce qui donna lieu contre lui à
beaucoup d'accusations dont M. V. le défend énergiquement (II, p. 1 85
et suivantes), il ne renia aucun de ses principes, et exprima toujours
ouvertement l'opinion que le nouveau gouvernement médicéen, rendu
nécessaire par les changements de la situation intérieure et extérieure,
devait s'appuyer sur le peuple et sur la liberté. En 1 5 1 5, sur l'ordre du
pape Léon X, et du cardinal Jules de Médicis (plus tard pape, sous le
nom de Clément VII), il écrivit un discours sur les Réformes à faire
dans l'Etat de Florence ; quoique, d'après M. V. (III, 6i), le dis-
cours ait peu de valeur pratique ou scientifique, il a cela de remarqua-
ble que l'auteur s'efforce d'y réconcilier la prépondérance des Médicis
avec la forme républicaine, et qu'il exhorte les chefs actuels à restituer au
peuple, à leur mort, sa pleine et entière liberté. Utopie de penseur
idéaliste, mais qui fait honneur au caractère de l'homme et de l'écrivain,
ainsi que l'intégrité et la loyauté qu'il conserva toujours dans toutes les
fonctions qu'il remplit ; cela prouve combien est injuste l'accusation de
perversité, portée avec un ton solennel et tranchant contre Machiavel,
par l'illustre marquis Gino Capponi {Histoire de la république floren-
tine, II, 368).
Le dialogue De l'art de la guerre, que M. V. étudie dans le chapi-
tre vin, est un complément nécessaire au livre du Prince et aux Dis-
cours. La profonde influence que le monde romain de l'antiquité avait
exercée sur l'esprit de Machiavel, se fait encore sentir dans ce traité,
apologie de la légion romaine qu'il compare à l'infanterie nationale,
dont il souhaitait vivement la réorganisation. De nos jours, des hommes
très compétents ont reconnu un vrai mérite à la plupart des principes
de tactique générale de Machiavel, et le major allemand Jaehns n'a pas
hésité à l'appeler « le premier classique moderne de l'art militaire ».
A notre avis, le traité de l'Art de la guerre a principalement une
importance politique, surtout lorsqu'on le rapproche des deux traités
dont nous avons déjà parlé.
M. V. insiste sur cette idée, que les trois ouvrages répondent à une
seule et même conception et forment un grand tout. Dans le Prince,
Marchiavel montre de quelle manière un conquérant ou un législateur
peut fonder l'unité de l'Etat; dans les Discours il dit quelles vertus
o'histoirk kt de LITTÉRATURE 35 I
conviennent au peuple qui veut maintenir dans sa patrie la liberté et la
prospérité; enfin, dans V Art de la guerre, il déclare que ce sont les
armées nationales et populaires qui peuvent rendre stables les libertés.
« Tel est le progrès que suit la pensée de Machiavel dans ces diffé-
rents ouvrages. Si on les sépare l'un de l'autre, on ne sent plus leur
unité, et on perd de vue leur but réel, ce qui donne lieu aux plus fausses
interprétations » (III, 38 1).
Dans les chapitres xn, xm, xiv, M. V. a consacré aux Histoires flo-
rentines, une étude longue et détaillée, dont nous nous contenterons
de donner une courte idée. Les Histoires florentines de Machiavel
n'ont rien de commun avec les Chroniques ou les Annales, et ne sont
pas non plus une pure œuvre d'art, comme les autres histoires des hu-
manistes du xve siècle. Nous sommes en présence d'une nouvelle con-
ception. Machiavel a raconté l'histoire de Florence à un point de
vue politique, en étudiant les raisons et les conséquences des faits ; et en
cela consistent les mérites et les défauts de l'œuvre. Il puise sans scru-
pule dans les récits d'autres écrivains, tels que Flavio Biondo ou Caval-
canti, et les copie même parfois, mais l'esprit de l'ouvrage, et la forme,
toujours admirable, sont siens. Il est certain, pourtant, que Machiavel
ne se contentait pas de chercher l'inspiration auprès de ces écrivains, il
étudiait aussi les documents historiques; mais il s'assimilait leur contenu
à sa guise, supprimant, changeant, embellissant, et se préoccupant fort
peu de l'exactitude des détails. Mais ces défauts historiques sont rache-
tés par une narration toujours claire et pleine de vie, où tout est admira-
blement adapté pour faire ressortir l'idée de l'auteur sur Futilité politique
de l'histoire.
Ceci nous ramène à une nouvelle comparaison entre Machiavel et
Guichardin, comme historiens. M. V., cette fois, n'hésite pas à donner la
palme au second, et nous croyons qu'il a raison. En réalité, VHis~
toire d'Italie, de Guichardin, bien que considérée comme aride et obs-
cure par un grand nombre de lecteurs, est une œuvre inimitable par la
largeur de la conception, par la grande connaissance des faits, et par un
examen approfondi de la réalité des choses. Il est vrai que Ranke, dans
ses études critiques, met en doute l'autorité historique de Guichardin,
mais M. V. répond à ses accusations d'une façon irréfutable, dans une
excellente note qui se trouve à la fin du volume III, pages 435 et sui-
vantes.
L'étendue, déjà trop longue, de cet article, ne me permet pas de suivre
M.V. dans l'étude des œuvres littéraires de Machiavel; mais je réclamerai
encore l'attention du lecteur sur le jugement de la comédie La Man-
dragore (chapitre x) qui est, encore aujourd'hui, une des productions
les plus originales et les plus caractéristiques du théâtre italien. Cette
pièce a une valeur littéraire et dramatique que n'ont pas les autres comé-
dies de Machiavel, et, d'après M. V., elle a, grâce à son caractère social,
une importance majeure. Elle est, comme on l'a dit, « la comédie d'une
352 REVUE CRITIQUE
société dont le Prince est la tragédie ». C'est un tableau de mœurs
palpitant et vivant, où le réalisme le plus grossier est racheté par une
forme exquise et par un grand art.
Disons encore deux mots à propos des documents publiés en appen-
dice à chacun des trois volumes de M. Villari, ils sont au nombre d'en-
viron i5o, répartis en 78 numéros, presque tous inédits, beaucoup d'une
réelle valeur. Notons dans le premier volume une lettre de Piero Ala-
manni, ambassadeur florentin à Milan (3 1 mars 1494) où est insérée une
phrase qui lui fut dite par Ludovic le Maure, phrase qui peint au vif le
sentiment, si souvent mis en doute, de ce tyran sur les choses italiennes:
« Vous me parlez toujours de l'Italie, mais moi je ne l'ai jamais vue. »
Plusieurs lettres, écrites à Machiavel par des employés de la Chancel-
lerie florentine, pendant qu'il était auprès du duc de Valentinois, ren-
ferment, en un langage familier et souvent peu décent, la petite chroni-
que de la bureaucratie florentine. On trouve encore dans ce premier vo-
lume deux lettres fort intéressantes d'Agostino Vespucci, écrites de Rome
en i5oi, qui renferment une peinture très vive de la ville des Borgia, et
décrivent en un style ému la corruption de la cour et de la cité.
Dans le volume II, il faut noter les lettres adressées à Machiavel par
Francesco Vettori (Rome. i5i3-i5i5), qui font pendant à d'autres let-
tres de Machiavel lui-même, déjà publiées dans ses œuvres. Nous cite-
rons encore une lettre du fameux Micheletto de Coreglia, le vieux sicaire
de César Borgia, dont Machiavel s'était servi pour l'organisation militaire
du territoire florentin (i5o8), et une autre du cardinal Jean de Médicis»
sur le sac de Prato Ci 5 1 2); mais le document le plus curieux de ce vo-
lume est les annotations autographes de l'ex-reine Christine de Suède,
et une traduction française du Prince écrites en marge d'une édition
de i683.
Dans le volume III, nous avons été heureux de trouver réimprimée
dans son texte original une lettre de Marietta Corsini, femme de Ni-
colas Machiavel, écrite à son mari absent de Florence ; cette lettre, la
seule qu'on possède, fait honneur au caractère affable et à la vertu do-
mestique de cette femme qui a été si injustement calomniée. D'autres
lettres de parents ou d'amis complètent la biographie intime de Machia-
vel, et font désirer que sa correspondance privée soit publiée en entier,
et dans une forme meilleure que celle des éditions ordinaires.
C. Paoli.
226. — Vicomte cï'Haussonville, ancien député. Le salon de Mme niecker,
d'après des documents tirés des archives de Coppet. Pans, C. Lévy, 1882, 2 vol.
in-18 de 36i et 3o5 p. Prix : 7 fr.
Louons tout d'abord et sans réserve la pensée qui a inspiré ce livre.
Tandis que presque tous les descendants des personnages célèbres du
xvme siècle s'efforcent de décourager, par leur inertie ou leur mauvais
d'histoire et de littérature 35 3
vouloir, les travailleurs soucieux de remettre en lumière le nom ou les
œuvres de leurs ancêtres, M. le vicomte Othenin d'Haussonvillen'a pas
hésité à tirer des archives deCoppet un livre dont le titre indique le plan.
Dans un cadre ingénieux, l'auteur a groupé tous ceux qui ont tenu un
rang dans les affections de Mme Necker ou simplement même traversé
son salon. Sans doute, le rôle politique et les travaux de publiciste de
M. Necker, l'enfance, les débuts dans le monde et le mariage de Ger-
maine Necker fournissent quelques chapitres à M. d'H., mais c'est bien
Sophie Curchod de Nasse, devenue, en 1764, Mmc Necker, ce sont bien
les amitiés, et, qui le croirait ? les passions qu'elle inspira dans sa jeunesse,
ce sont surtout les volumineuses correspondances reliées à Coppet en
vingt-sept volumes (dit M. d'H., t. I, p. 4), qui prêtent à ce livre un
intérêt soutenu. On y trouve tour à tour des lettres inédites de Gibbon
qui, par un jeu piquant du sort, fut le premier soupirant de Mme Necker,
et le dernier ami à qui elle survécut, de la duchesse d'Enville, de Mar-
montel, de Morellet, de Grimm, de Diderot, de d'Alembert, de Mlle de
Lespinasse, de Galiani, de Bernardin de Saint-Pierre, de Dorât, de
Mme de Vermenoux, de Mme Geoffrin, de la duchesse de Lauzun, de
Mme de La Ferté-Imbault, de Mme de Marchais, de Mme d'Houdetot, de
Moultou, de Buffon, de Thomas, de Mme de Choiseul, du maréchal de
Mouchy, du comte de Tressan, de Mme d'Epinay, de la marquise de Cré-
quy, de Cambon, évêque de Mirepoix, de Boisgelin de Cucé, archevêque
d'Aix, de Vergniaud, de l'abbé Maury, etc., etc.
J'ai suivi dans cette énumération l'ordre même des chapitres, afin de
montrer tout ce que le lecteur y trouvera de nouveau et de curieux; le
commentaire qui accompagne ces révélations, parfois tronquées (comme
le sont notamment les lettres de Diderot), est délicat et piquant, mais le
plus souvent mélancolique. On devinerait, si l'auteur ne le disait lui-
même, que ce livre a été écrit dans la tourelle des archives de Coppet,
devant les portraits de famille, à deux pas du tombeau des deux époux
et de leur fille. De là le charme intime du récit, de là aussi l'embarras du
narrateur quand il se trouve en présence des contradictions de caractère
si fréquentes chez son aïeule ; mais, comme l'a dit Sainte-Beuve, « ap-
précier Mine Necker n'est pas une étude sans difficulté. Ses défauts sont
de ceux qui choquent le plus aisément en France, ce ne sont pas des dé-
fauts français; et ses qualités sont de celles qui ne viennent trop souvent
dans le monde qu'après les choses de tact et de goût, car elles tiennent â
l'âme et au caractère ».
En insistant sur l'agrément littéraire de certaines pages de ce livre,
telles que le début (sur le charme de l'inédit à notre époque) ou cette
apostrophe aux femmes du xvur3 siècle (t. I, p. 289), qui rappelle pres-
que un de ces « couplets » où Sainte-Beuve excellait, je craindrais de
sortir du rôle assigné à la Revue critique. J'y reviens, en indiquant à
M. d'H. quelques menues erreurs que les errata de chacun de ses deux
volumes n'ont point relevées.
354 REVUE CRITIQUE
Tome I, p. 128, Si la Biographie universelle ne fait pas mention du
financier Montauron, M. d'H. eût trouvé quelques détails sur ce per-
sonnage dans l'excellente édition de Corneille, due à M. Ch. Marty-La-
veaux, t. III, p. 369.
P. i3o. Marmontel n'est pas mort à Paris, mais à Habboville, com-
mune de Saint-Aubin-sur-Gaillon (Eure), le 3i décembre 1799.
P. 184. M. d'H. attribue à Dorât (j'ignore en vertu de quelle autorité)
un livre intitulé l'Esprit de Caraccioli, et qui, d'après cette note, aurait
été écrit en l'honneur de l'ambassadeur de Naples! Or, ce livre (Liège et
Dunkerque, 1774, in- 12) est tout simplement un extrait des innombra-
bles rapsodies de Louis-Antoine Caraccioli, l'auteur de la Jouissance de
soi-même, du Langage de la raison, des Lettres récréatives, etc., et,
bien que la préface se propose « d'honorer la mémoire » d'un écrivain
qui avait « immortalisé ses talents » par la défense de la religion, Dorât
est certainement étranger à une compilation qui revient de plein droit à
celui qu'elle célébrait. L.-A. Caraccioli n'était point mort à cette date,
comme la phrase citée pourrait le faire croire : il ne cessa d'écrire qu'en
i8o3. Son homonyme l'avait précédé de quatorze ans dans la tombe.
P. 226. Besenval n'a pas laissé deux, mais quatre volumes de Mé-
moires dont la publication, par les soins du vicomte A. J. P. de Ségur,
son exécuteur testamentaire, ne laissa pas que de causer une vive con-
trariété à sa famille. On trouve ce sujet dans la Décade philosophique
(t. XLVII, p. 126) une lettre de MM. U. A. J. de Besenval et Besenval
le jeune, datée de Soleure, 27 septembre 180 5.
P. 32 1 . A propos de la Visite de Hérault de Séchelle à Buffon, M. d'H.
est tombé dans une erreur déjà commise jadis par M. Flourens *. « Pu-
bliée, dit-il, au lendemain de la mort de Buffon, elle contient d'intéres-
sants détails mêlés à des assertions qui paraissent calomnieuses. » Buffon
est mort le 16 avril 1788 et la Visite en question (Paris, 1785, in-8,
53 pp.) est datée, sur le titre : Septembre 1785, et à la dernière page :
« Ecrit dans les allées de Bréaux près du couvent, octobre 1785, » ce qui
prouve surabondamment que cette brochure fut rédigée au lendemain
même des entretiens du jeune avocat avec le brillant naturaliste. Les
détails que donne Hérault de Séchelles sur certaines particularités de la
vie privée de Buffon, égalent, s'ils ne les dépassent, les plus effrontés
« reportages » actuels. Mais, au moment de leur mise au jour, ces « in-
formations » semblent avoir été tolérées par celui-là même qui en était
l'objet, et sa famille songea si peu à s'en affecter qu'Hérault de Séchelles
fut, en 1793, un des témoins de Buffon fils lorsqu'il épousa en secondes
noces Betzy Daubenton.
Tome II, p. 80. La note sur la compilation bien connue intitulée :
1. Les manuscrits de Buffon (Garnier frères, 1860, in-18), p. lxxiv. M. Flourens
ajoute que le récit d'Hérault de Séchelles fut publié en cette même année 1785 par
le Magasin encyclopédique, — dont la première série ne parut qu'en 1792.
d'histoire et de littérature 355
Paris, Versailles et les provinces au xvme siècle, aurait pu être com-
plétée par un détail qui n'avait rien d'oiseux : la première édition (Lyon
et Paris, 1809, 2 vol. in-8) contient sur M. Necker des anecdotes qui
disparurent des éditions subséquentes (3 vol. in-8) à la prière du libraire
Nicolle, l'un des éditeurs de Mme de Staël.
Terminons ces chicanes par un vœu que tous les lettrés souhaiteraient
de voir exaucé. Puisque M. d'Haussonville a entr'ouvert la porte si
longtemps close des archives de Coppet, et qu'il y signale l'existence de
la correspondance « à peine classée » de Mmo de Staël, il devrait quelque
jour rendre à la fille le même hommage qu'à la mère, et remettre en
lumière, par la publication intégrale de ces documents, ce mâle talent et
ce noble caractère.
Maurice Tourneux.
227. — Albreclit von Hallers Gedichte herausgegeben und eingeleitet von
Dr. Ludwig Hirzel, ord. Professor der deutschen Literatur an der Universitaet zu
Bern. FrauenfekL Huber. In-8°, xn, dxxxvi et 423 p. 12 mark.
La publication de M. Louis Hirzel (qui forme le IIIe volume delà
« Bibliothèque des anciennes œuvres de la Suisse allemande » dirigée
par MM. Fritz Baechtold et Ferd. Vetter) renferme deux parties :
i° l'introduction consacrée à la vie et aux œuvres de Haller ; 20 le texte
des poésies du grand Bernois. — L'introduction est le travail le plus
complet et le mieux fait qui ait encore paru sur Haller ; elle comprend
plus de la moitié du volume et renferme une foule de détails et de
documents jusqu'ici inconnus ou passés presque inaperçus. M. Hirzel a
consulté et mis en œuvre l'autobiographie composée par Haller en 1732
(qui se trouve à la Bibliothèque de la Brera à Milan, ainsi qu'une partie
de sa bibliothèque vendue après sa mort par ses fils à l'empereur
Joseph II qui la distribua aux villes de Milan, de Padoue et de Pavie);
le journal du voyage que Haller, alors étudiant à Leyde, fit en 1726
dans la Basse-Allemagne, en compagnie de Marlot et de Diesbach ; les
notes de son séjour à Paris et à Londres; les impressions qu'il recueillit
de sa grande excursion dans les Alpes en 1728; sa correspondance
(aujourd'hui à la Bibliothèque de la ville, à Berne) qui renferme en plus
de 60 volumes 1 3, 000 lettres adressées à Haller dans les années 1724- 1777
par plus de 1,200 correspondants. Parmi les lettres insérées par
M. Hirzel dans le cours de sa belle étude sur le grand poète suisse,
signalons de suite une lettre de Gottsched, de Grimm, de Jérusalem, de
Pyra, de Voltaire, de Wieland, un fragment d'une lettre de Klopstock,
etc. Mais les lettres mêmes de Haller ne manquent pas ; citons parmi
les plus remarquables celles qu'il écrit à son fils, et sa correspondance
avec Gemmingen et Bodmer '. Mais, outre ces documents nouveaux,
1. La correspondance avec Gemmingen est surtout importante; cp. les jugements
356 RKVUR CRITIQUE
M. Hirzel a reproduit dans son introduction un grand nombre de faits
intéressants et habilement groupés, concernant la vie même de Haller,
les influences qu'il a subies et ses relations avec ses contemporains. On
lit avec grand intérêt le récit des années que Haller passa à Berne et à
Biel dans son enfance, à Tubingue où le jeune étudiant en médecine
s'indignait déjà contre le despotisme du duc de Wurtemberg, à Leyde
où son esprit avide de s'instruire trouva, comme disait son ami Gmelin,
son paradis, où il admira l'industrie, la simplicité, le sérieux des Hol-
landais, où il fut l'élève enthousiaste de Boerhave et d'Albinus, à Lon-
dres où il loua les honneurs rendus par la nation à ses savants, à Paris
où il eut pour maîtres Winslôw et Le Dran, à Bâle où il suit le cours
de mathématiques de Bernoulli et se lie avec Drollinger et Stâhelin, à
Berne où il s'établit comme médecin et commence les grands travaux
scientifiques qui lui valent sa nomination à l'Université de Gœttingue
récemment fondée. On remarquera ensuite les pages relatives à la société
bernoise dont Haller châtia dans ses vers la corruption et les vices
(Verdorbene Sitten); M. Hirzel fait très bien voir tout ce qu'avait
d'arrogant, d'exclusif et de despotique le gouvernement oligarchique de
Berne; il cite, en passant, de nombreux témoignages dee contemporains
attestant l'ignorance, l'égoïsme et la tyrannie des quelques familles
patriciennes auxquelles appartenait l'autorité ; il rappelle les noms de
Samuel Henzi et de Samuel Kônig bannis, après la pétition hardie de
1744, par l'aristocratie bernoise. Pourtant Haller aimait Berne ; il n'y
fut jamais apprécié comme il méritait de l'être; mais son plus ardent
souhait était d'y revenir, d'y occuper une place dans le conseil des
Deux Cents, et d'arriver au pouvoir. Même lorsqu'il était à Gœttingue
un des professeurs les plus considérés et les plus fêtés de la Georgia
Augusta, et voyait accourir à son cours une foule de jeunes gens venus
de tous les points de l'Europe, sa pensée se reportait toujours vers
Berne. M. Hirzel insiste là-dessus avec raison; il met pour la première
fois dans tout leur jour les motifs puissants qui déterminèrent l'illustre
savant et poète à quitter Gœttingue pour Berne, et, après qu'il eut été
nommé membre du grand conseil, à abandonner sa chaire pour un
poste qui semblait fort modeste, celui de bailli de l'hôtel de ville
[Rathhausammann ou, comme on disait par dérision, jani tor du. conseil) ;
mais, cinq ans après, Haller devenait directeur des salines de la Répu-
blique, et son titre de membre du conseil assurait l'existence de sa
famille, ouvrait à ses fils l'accès des grands emplois et le mènerait peut-
être lui-même — ce qui n'arriva pas — aux fonctions si lucratives de
Landvogt. — Mais il y a dans cette introduction deux autres points
importants fort savamment traités par M. Hirzel : l'accueil fait aux
de Haller sur Lavater et sur la littérature allemande en 1777 : « von der Vielsei-
tigkeit von Hallers Interessen gibt der Briefwechsel mit Gemmingen den yorzûg-
lichsten Begriff » (p. cdlxxxix).
d'histoire et de littérature 357
poésies de Haller et sa collaboration aux Gbttingische gelehrte An\ei-
gen. M. Hirzel examine successivement les onze éditions des vers de
Haller ; il indique les retouches et les remaniements que Haller ne cessa
de faire à ses poèmes, soit pour retrancher des provincialismes et des
expressions choquantes, soit pour adoucir un blâme ou une critique, soit
pour calmer les scrupules des orthodoxes, etc. ; il montre d'où venaient
l'animosité de Gottsched contre les poésies de Haller et cette inimitié de
l'école saxonne qui ne désarma pas, qui allait même jusqu'à citer tou-
jours les vers de Haller d'après les premières éditions, sans tenir compte
des changements ultérieurs faits par le poète. Haller avait dirigé une
critique assez acerbe contre un article dont l'auteur anonyme était
Mme Aldegonde Gottsched ; de là comme disait Bodmer, la colère de la
femme, de son mari et de toute la clique (p. cxix). Cette querelle, mar-
quée par l'intervention de Breitinger et de Pyra, est minutieusement
exposée par M. Hirzel dans un chapitre spécial intitulé « attaque et
défense » [Anfeindungen und Vertheidigungen, pp. cxcu-ccxxv). —
Mais la partie la plus originale de l'introduction et qui montre Haller
sous un aspect tout nouveau, est celle qui traite des comptes-rendus de
Haller dans les « Annonces savantes de Gœttingue y> ; à Gœttingue, à
Berne, à Roche, durant plus de trente ans, Haller n'a cessé de collaborer
au journal qu'il avait fondé et de lui envoyer des articles sur toute sorte
de sujets, sur la littérature et la philosophie comme sur la médecine et
les sciences naturelles, sur les œuvres innombrables de Voltaire comme
sur les productions anglaises et allemandes. M. Hirzel admire justement
cette incroyable activité, ce savoir si varié et si étendu; il cite les prin-
cipales « recensions » de Haller, ses jugements sur Herder, Wieland,
Gcethe, etc. ; il prouve par des extraits de ces articles que Haller a été un
des premiers critiques de l'Allemagne, qu'il a semé dans ces comptes-
rendus une foule de remarques judicieuses ou fines, de vues élevées et
pénétrantes, que ses observations sur le Laocoon, par exemple, ne méri-
taient pas de tomber dans l'oubli, qu'il a été plus impartial qu'on le
croit ordinairement dans ses appréciations sur les écrivains de la période
d'orage. Enfin relevons encore dans l'excellent travail de M. Hirzel les
pages sur la vie de Haller à Gœttingue et à Berne, sur sa polémique
avec Voltaire, sur ses rapports avec J.-J. Rousseau à qui il ne voudrait
accorder de liberté que s'il donnait caution de ne plus écrire que sous la
censure d'un corps sensé de théologiens (p. cccxc), sur sa prédilection
pour la poésie et le caractère des Allemands (qui s'exprime surtout
dans la préface de l'ouvrage de Rôsel sur les grenouilles), sur les romans
de ses dernières années, Usong, Alfred, Fabius et Caton, sur l'admi-
ration que des écrivains postérieurs, Matthison, Herder, Schiller ont
exprimée pour le poète des Alpes (voir le chapitre qui a pour titre
« Stimmen der Nachn/elt), etc. — Il faut, à côté de cette longue
et substantielle notice, tout à fait remarquable par la richesse des infor-
mations qu'elle renferme autant sur la littérature du xvme siècle que
358 REVUE CRITIQUE
sur Haller même, mentionner aussi l'édition des poésies que M. Hirzel
a jointe à sa biographie. Nous avons là un recueil complet, reprodui-
sant les vers de Haller sous la dernière forme que le poète leur a don-
née ; M. Hirzel ajoute à ce texte quelques pièces de vers antérieures,
une bibliographie complète des diverses éditions et des manuscrits (avec
les dédicaces et les préfaces), enfin la liste des variantes et plusieurs ap-
pendices d'assez grande valeur, accompagnés de notes très utiles : seize
lettres de Haller à Bodmer, des morceaux en prose qui datent de la
jeunesse du poète, entre autres le « sermo academicus » sur les anciens et
les modernes (quantum antiqui eruditione et industriel antecellant
modernos), et la célèbre lettre à Gemmingen, renfermant la comparai-
son entre Hagedorn qui buvait volontiers un verre de vin et goûtait
toutes les joies de la vie, et Haller qui renonça au vin dès l'âge de
dix-neuf ans et ne trouvait son plaisir que parmi les livres ou devant
une tasse de thé. — Cette publication à laquelle la librairie Huber a
donné tous ses soins, a déjà reçu de très vifs éloges de la critique alle-
mande ; elle les mérite, car l'édition des poésies de Haller, telle que l'a
donnée M. Hirzel, est sans rivale, et l'introduction qu'il a mise en tête
du Versuch schwei\erischer Gedichte épuise presque le sujet et laisse
à peine après elle quelques modifications de détail à faire ', Nous ne
parlons évidemment que de la partie biographique; pour la partie
purement littéraire, pour l'appréciation du talent poétique de Haller, de
son style, de ses modèles, de ses imitateurs, on peut encore trouver dans
le livre récemment publié par M. A. Frey, seulement sur quelques
points, plus de détails que dans l'étude de M. Hirzel. Il ne nous reste
que plusieurs vœux à faire : que M. Hirzel publie à part et son intro-
duction et son édition des poésies de Haller (en mettant, s'il est possible,
les variantes au bas des pages et non à la fin du volume) ; qu'il fasse
paraître et l'autobiographie de Haller, et un choix de ses articles dans les
« Annonces savantes de Gcettingue », et un recueil renfermant ses
lettres et celles de ses correspondants qui intéressent la littérature et les
sciences ; que lui et ses amis obtiennent de la ville de Berne que la statue
de celui que Gœthe appelait « l'immortel Haller » soit érigée sur la
terrasse de la cathédrale en face de ces Alpes que le poète a célébrées en
beaux vers2.
A. Chuquet.
i. Relevons p. cdiii et p. cdxvi deux légères erreurs; pp. cdiii et 422, il faut lire
Trudaine et non Trudain; p. cdxvi, le nom de l'auteur de YEssai sur l'éducation
nationale est La Chalotais et non « La Chotolais » (manque à la table); p. 877,
pour la note sur Bussy-Rabutin, voir Lair, Louise de La Vallière, p. 134, iro édi-
tion; p. 404, note 2, lire Aigueperse et non « Aigne-Perse ».
2. Cp., p. dv, note i ; Haller n'a pas Je statue à Borne, et l'on ne sait même pas
où sont ses restas.
d'histoire et de littérature 359
CHRONIQUE
FRANCE. — M. Ph. Tamizey de Larroque vient de reéditer l' Oraison funèbre de
Pierre Gassendi par Nicolas Taxil, prononcée dans l'église cathédrale de Digne le
14 novembre i655. (Bordeaux, Chollet. 94 p. Extrait, à cent exemplaires, des « An-
nales des Basses-Alpes, bulletin de la Société scientifique et littéraire de Digne. »)
Cette pièce, des plus curieuses et des plus rares, qui manque aux collections de la
Bibliothèque Nationale comme à la plupart des collections provençales, a été copiée,
par ordre de l'évêque de Digne, M«r Meirieu, sur l'exemplaire du discours que pos-
sède la bibliothèque de la ville de Digne. M. T. de L. a reproduit cette copie qu'il
nous dit « très fidèle », en l'entourant de documents d'un intérêt local; il réserve
pour la grande publication qu'il consacre à Peiresc et à ses amis, les lettres françai-
ses inédites de Gassendi qu'il a recueillies en grand nombre et à Paris et en Pro-
vence. Au texte (pp. 1 i-5g) de cette oraison funèbre « prononcée il y a 225 ans par un
admirateur dont la naïveté a quelque chose de touchant », M. T. de L. a joint di-
verses notes et divers documents, qui lui ont été remis par trois prêtres de Digne,
MM. les abbés Aubert, Cruvellier et Feraud, et qui, « relatifs aux procès que le Pré-
vôt soutînt au nom de ses confrères, permettent d'ajouter à sa biographie un chapitre
intitulé Gassendi plaideur. » Parmi ces communications, on trouvera quelques ex-
traits d'un mémoire, sous forme de lettre, où Gassendi discute l'histoire des anciens
évêques de Digne, mémoire conservé parmi les manuscrits de Peiresc, dans la biblio-
thèque d'Inguimbert, à Carpentras (pp. 60-94).
— Nous avons reçu de M. E. Charvériat une note intéressante sur la Politique
d'Urbain Vilipendant la guerre de Trente Ans (note lue à l'Académie des sciences,
belles-lettres et arts de Lyon. XXIIe vol.) Cette note a été écrite à propos de l'ouvrage
récent de M. Grégorovius, Urban VIII im Widerspruch \u Spanien und dem Kai-
ser. « La politique du pape, dit M. Charvériat, lorsqu'elle repoussait la domination
austro-espagnole, était à peu près la même que celle de la France; elle en différait
seulement en ce que Richelieu, pour combattre cette domination, n'hésita pas à s'al-
lier avec Gustave Adolphe et les protestants, tandis que Urbain VIII se bornait à re-
fuser des subsides à l'Autriche. »
— La 3e livraison du tome II* des Mémoires de la Société historique du Cher (3e sé-
rie, pp. 293-406) renferme les articles suivants : de M. H. Boyer, Les origines de San-
cerre (l'auteur « apprécie toute la justesse des vues » émises par M. de Certain dans
un article de la « Bibliothèque de l'Ecole des Chartes » sur l'assimilation de Sancerre
avec Château-Gordon); de M. A. Boulé, une notice sur Louis marquis d'Arpajon,
gouverneur du Berry (1669-1715-1736); de M. D. Mater, le Catalogue descriptif de
quelques séries monétaires du musée de Bourges (c'est au musée de Bourges qu'a
été déposé le trésor dit du Port ou de Mereau-Massay, trouvé en 1873 et renfermant
3,885 pièces, dont 5g appartiennent au monnayage royal et 3. 809 au monnayage
seigneurial, Bretagne et surtout Berry); de M. Hippolyte Boyer, une étude sur Le
corps des marchands à Bourges « association des plus gros marchands du pays,
formée dans le but d'accaparer le commerce et de disputer aux membres anoblis de
l'ancienne marchandise le privilège des places et des offices ».
— M. Jules Le Petit prépare une Bibliographie des éditions originales d'auteurs
français du xve au xvin* siècle; cet ouvrage est mis en souscription chez E. Maillet,
20, rue de la Pépinière, au prix de 3o francs.
— On trouvera dans le n° 3g du Courrier de l'art des documents intéressants, re-
360 REVUE CRITIQUE ÛHISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
latifs à Rubens et tirés par M. Eug. Mûntz, des archives et des bibliothèques de
l'Italie; ce sont i° des extraits de cinq lettres de Peiresc (1624 et 1628), 20 une lettre
du chevalier del Pozzo racontant sa visite au palais du Luxembourg nouvellement
décoré (7 juin IÔ25); 3° une notice biographique de Rubens rédigée vers i63o, par
Mancini, le médecin et critique d'art siennois.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 6 octobre 1882.
M. Oppert continue sa lecture sur la ville perse de Pasargade. Les inscriptions cu-
néiformes du roi Darius lui fournissent de nouvelles preuves contre l'identification
de cette ville avec Murghâb. Une de ces inscriptions dit que Gomatès le mage, le pre-
mier faux Smerdis, sortit de Pasargade (Paisiyâuvâdâ), ville située près d'une mon-
tagne; il n'y a pas de montagne près de Murghâb. Ailleurs est racontée la guerre de
Darius contre un autre imposteur, le second faux Smerdis. On voit dans cette rela-
tion que les hostilités eurent lieu dans le voisinage de Pasargade et vers les frontières
orientales de la Perse. Pasargade devait donc être située à l'est, et non, comme
Murghâb, au nord de Persépolis.
M. Germain termine la lecture de son étude historique sur la faculté de théologie
de Montpellier. Au xve siècle, comme on l'a vu à la dernière séance, un statut uni-
versitaire avait exclu les religieux mendiants des dignités scolaires et leur avait inter-
dit d'aspirer à la prééminence dans la faculté. Au xvie siècle, les protestants suppri-
mèrent momentanément toutes les institutions catholiques de la ville. Les guerres de
religion terminées, les dominicains rétablirent à leur profit la faculté de théologie.
En prenant l'initiative du relèvement de l'école, ils comptaient en rester les maîtres,
c'était comme une revanche de l'abaissement de leur ordre au moyen âge. Mais ils
rencontrèrent de nouveaux adversaires, les jésuites, qui réussirent d'abord à se faire
une place à côté d'eux, ensuite à les supplanter tout à fait. En 16S6, Louis XIV con-
féra à la Compagnie le monopole de l'enseignement théologique à Montpellier. Les
dominicains protestèrent contre cet acte, qu'ils traitaient d'usurpation. Ils renouvelè-
rent leur protestation tous les trois ans, pour maintenir leur droit, jusqu'à l'année
1762, où les jésuites furent chassés de France. Le parlement de Toulouse remit alors
les dominicains en possession de la faculté. Mais l'évêque intervint à son tour, au
profit du clergé séculier; en 1767, il réussit à enlever aux religieux toutes les chaires
et à les conférer à des prêtres diocésains. Ceux-ci les gardèrent jusqu'à la Révolution,
qui supprima définitivement la faculté de théologie de Montpellier.
M. le comte Maurice de Pange communique une dissertation sur une question obs-
cure de l'histoire de Lorraine. Simon II, duc de Lorraine à la fin du xu» siècle, eut-
il pour successeur immédiat, aux premières années du xme, son neveu Ferri II de
Bitche? Ou son frère, Ferri Ior de Bitche, père de Ferri II, succéda-t-il d'abord à
Simon, pour céder quelque temps après le duché à Ferri IL' La première opinion est
celle des anciens historiens lorrains, la seconde a été émise pour la première fois
par dom Calmet et adoptée depuis par divers écrivains. M. de Pange est d'avis qu'il
faut en revenir à l'avis des anciens auteurs. Il est vrai que Ferri I«r, sous le règne
même de Simon II, soutint une guerre contre celui-ci et qu'au cours de cette guerre
il usurpa un moment le titre de duc de Lorraine. Ce titre lui est aussi donné, soit
dans des documents postérieurs, rédigés par des personnes qui avaient sous les yeux
des pièces du temps de sa tentative usurpatrice, soit dans des chartes reconnues au-
jourd'hui apocryphes. Mais M. de Pange croit pouvoir affirmer que jamais, ni de
droit ni de fait, Ferri Ier n'a régné sur le duché de Lorraine et que Ferri II a bien
succédé immédiatement à son oncle Simon.
Ouvrages présentés : — par l'auteur : Le Blant (Edmond), les Actes des martyrs,
supplément aux Acta sincera de dom Ruinart (extrait des Mémoires de l'Académie
des inscriptions et belles-lettres) ; — par M. Barbier de Meynard : Halévy (Joseph),
Dccuments religieux de l'Assyrie et de la Babylonie, textes assyriens, traduction
et commentaire, ire partie; — par M. Delisle, au nom de M. Hauréau : Crié (L.),
Pierre Belon et la Nomenclature binaire; — par M. Gaston Paris/. [Giry (A.),] Jules
Quicherat (extrait de la Revue historique et de la Bibliothèque de l'École des chartes.)
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le l'uy, imprimerie Marchessoû fils, boulevard Saint-Laurent, 2 3
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 45 — 6 Novembre — 1882
Sommaire s 228. Vie de Polycarpe, p. p. Duchesne. — 229. Hitzigrath, Les
écrits sur la paix de Prague de i635. — 23o Bengesco, Bibliographie des œuvres
de Voltaire. I. — Lettre de M. Léger. — Chronique. — Académie des Inscriptions.
228. — Vlta sanctl ï*olycarpt Smyrnaeoium episcopi auctore Pionio pri-
mum graece édita a L. Duchesne. Parisiis apud C. Klincksieck, 1881. 40 pages
in-8°. Prix : 2 francs.
M. Duchesne, en publiant ce petit écrit, ne prétend pas fournir aux
biographes de Polycarpe un document nouveau. Cette Vie de Polycarpe
est connue déjà par une traduction latine, faite d'après le ms. même
d'où M. D. tire aujourd'hui le texte grec, et insérée dans les Actes des
Saints (janvier, t. II, p. 695) ; M. D., d'ailleurs, ne la croit pas antérieure
au ive siècle, et n'y voit qu'un tableau de la vie religieuse de cette épo-
que, trop peu connue en ce qui concerne justement les églises d'Asie
(préf., p. 11).
Est-il bien prouvé que cette Vie de Polycarpe, dans sa forme actuelle,
soit du iv° siècle? Je n'oserais soutenir une discussion sur ce point avec
M. Duchesne. Mais il me reste des doutes. La note du Martyre de
Polycarpe (chap. xxm et xxiv), où Pionius est mentionné, parle de divers
remaniements successifs de ce document. N'y a-t-il pas là un aveu ap-
plicable aussi à la Vie de Polycarpe? M. D. lui-même semble le croire
(préf., p. 8 et 9). Macarius Magnes, et même les Ménologes, peuvent
avoir puisé à la même source que notre auteur les traits qu'ils ont en
commun avec lui. Le style n'est certainement pas celui de Syméon le
Métaphraste, à qui M. D. a raison de ne vouloir pas songer (préf., p. 7;
L. Allatius, de Symeonum scriptis, ne parle même pas de cette Vie).
Mais tout le récit est bien dans le ton le plus banal de l'époque où les
Vies des saints se fabriquaient en grand. A la page 3i, 1. 10, au lieu de
Lebedos, on lit toiç OepjwTç GSaci <jot<£> x.aXo'j[jivoiç ÀeôeBtotç, ce qui
semble indiquer que Lebedos n'existait plus. Or, on croit que cette ville
a duré jusqu'au vie siècle au moins (parce que Hierocles la mentionne,
Itineraria, éd. Wesseling, p. 660).
M. D. nous apprend que cette publication lui a été pour ainsi dire
arrachée. On doit se féliciter de ce qu'il s'est laissé faire violence. Mais
on peut regretter, une fois qu'il prenait la chose en mains, qu'il n'ait
pas apporté à son œuvre quelques perfectionnements importants. D'a-
bord un index des noms propres, des faits et des expressions remarquables,
des mots très rares ou qui manquent au Thésaurus (p. 18, 1. 22,
Nouvelle série, XIV. 19
362 REVUE CRITIQUE
lY*a6opiJ.ao) ; l. 28, xaTOxéXXco; p. 20, 1. 3, GTCe£avax<opéu) ; I. 12, àzepifiXln-
to)ç; p. 32, 1. 10, àvcuafféXtaTOç), et des formes insolites (p. 16, 1. i3,
àTrsy.axécTTïjjev ; p. 26, 1. 24, épj/^vsuev ; p. 27, 1. 6, cuviouutv de cuvi'yjjjli ;
1. 26, èicpovo^ffavtô ; p. 3o, 1. io, eiseveYxa^Yjv ; 1. 12, xaôctXac pour
xaOeXeiv; p. 3i, 1. 3, oïoa-ce, à côté de icte 04, 25 et 35, 3o; p. 32, 1.
22, xoijjLacrai, etc.). Puis, l'indication des passages d'où sont tirées les
citations assez nombreuses de la Bible. Enfin, et surtout, une révision
plus sévère du texte, dont l'état est déplorable dans le ms. (Bibl. nat.,
fonds grec 1452, xe siècle). M. D. y a apporté quelques corrections heu-
reuses, il a signalé un grand nombre de lacunes et en a comblé plusieurs
d'une manière très probable. Mais il reste beaucoup à faire. Ce sera
peut-être rendre service à quelques lecteurs du prétendu Pionius de
consigner ici les corrections dont la nécessité m'a le plus frappé. Je les
transcris en suivant l'ordre des pages, sans me demander si je corrige
des fautes d'impression, des fautes de copie de M. D., ou des fautes du
ms. même. Un point d'interrogation marquera les conjectures dont je
ne suis pas bien sûr moi-même et que je donne surtout pour rendre
attentif à des difficultés.
Page i3, ligne 12 (les lignes, malheureusement, ne sont pas numéro-
tées), èv SixûpvYj, en note : Mendum cubât: codex habet elq apûpvvj : pour-
quoi donc mettre dans le texte une correction qu'on reconnaît insuffi-
sante? Je vais plus loin d'ailleurs. Dans une édition qui n'est destinée ni
à des écoliers ni à des amateurs, et particulièrement dans une édition
princeps, j'estime que le texte ne devrait représenter que la tradition la
plus ancienne : tout ce qui tient de la conjecture, même l'indication des
lacunes, tout ce qui est restitution, fût-ce d'une seule lettre, et la correc-
tion parût-elle évidente, devrait être relégué dans les notes au bas de la
page. — Ici, il faut croire que quelques mots sont perdus, probablement
entre eiç et S|x6pv»j. P. i3, 1. 14, E&vetxYjç, 1. 18, Eùvefour) : lisez Eùvbajç,
Eùvix'»), dans le texte même, si l'on veut, car pour le copiste du xe siècle
t et si ou y), ai et e, 0 et w, etc., sont à peu près identiques; le témoignage
de la tradition ne porte pas là-dessus : « 'IcpaYjXsÏTai et 'IspaYjXÏTac, non
sunt uariae lectiones sed una atque eadem lectio » (Cobet, jpraef. N. T.,
p. lvi). Il est vrai qu'un écrivain du vme siècle, par exemple, et même
du ive, à la rigueur, pouvait écrire Eùvebo). Mais comment savoir s'il l'a
fait? La tradition existe en ce qui concerne les accents et les esprits,
mais très imparfaitement, et ce serait pousser trop loin le scrupule que
de reproduire ces signes d'après les mss.; ainsi, p. i3, 1. 16, Iv cot : lisez
èv coi. P. i3, I. i5, supprimez la virgule, et p. 14, 1. 1, le point. La
ponctuation est défectueuse en bien des endroits. P. i3, 1. 19, toùç ovraç
•maToùç : ne faudrait-il pas t. 0. èxst rc. ? P. 14, 1. 3 à 8, les mots 'EvrauÔa...
eiaYYéXtov ont tout l'air d'une réflexion ajoutée par un lecteur. P. 14,
1. 7, il faut des virgules après à^û^wv, et après tcsvtyjxogttîç : à^û^wv, ndr/a,
-svxiQy.o<ro5ç, ce sont les trois mots à àvi^acev (p. 1 3, 1. 20 et 14, 1. 1) xupwv
xb sùa-fY-éXiov. P. 14, 1. 18, tcuXyjv : lisez tojXyjv. P. 14, 1. 22, (xstà csaux?) :
d'histoire et de littérature 363
lisez [jl. ssowrîjç. P. i5, 1. 22, 8xav... è^çaivsi : lisez 8xav... èjAçaivYj; de
même, p. 26,1. 10, Sxav...xaA7) et 1. 16, à^xat (à moins qu'ici la tournure
particulière ne permette d'attribuer le solécisme à l'auteur ; de même
p. 35, 1. 21 èxsiBàv SeoC^yjv... xpocavacpépc) parait être de lui); p. 19, 1. 16,
5xav... àvaxaixfaei, etc., s'explique par le fait que l'indicatif futur et le
subjonctif de l'aoriste sont équivalents pour les écrivains de la basse
époque (Lobeck, Phryn., p. 722); rien n'empêcherait cependant d'écrire
les trois verbes par yj au lieu de si. P. i5, 1. 22, SiwS^uév : StotSïjcév du ms.
peut bien être de l'auteur (Lobeck, Phryn., p. i53). P. i5, 1. 23, èvex(-
xAaxo : lisez £V£xi|ji.xXaxo, comme p. 17, 20. P. i5, 1. 25, èxeîvoiç : lisez
èxeîvoç. P. 1 5 , 1. 29 et 3o, xat xi 6au[/acxbv rrçç {j.s"Y;aXoupf£aç xoiï xuptou '1.
Xp. èrfércso ; 0 [aèv yàp : lisez xa( xt ôaujxactov 175? [j.. t. x. '1. Xp. è^Aeicr 6 [x. f.
, P. 16, 1. 20, ir\q xaxà xr,v dcYaOïjv xoXtxdav : lisez xtjçxaxà xb àyaObv xoXix£iaç.
P. 16, 1. 21, xat xyjç àvaxoXtxïjç piÇrjç... àv6oç : lisez xat xt (le ms. xyj que
M. D. retranche) x9}ç à. p. ...à P. 16, 1. 28, au lieu de çi/p) ou otx^atfjt,oç
(M. D.), on pourrait suppléer ££vy] (p. 35, 16); diuersorium AA. SS.
(Cette traduction n'est pas mauvaise ; on y trouve quelques bonnes
émendations.) P. 17, 1. 3, Ypacpatç : lisez Ypaçaîç. P. 17, 1. 6, ctxtotç T£
fàp xotç [xb xapouat : il faudrait a. [/.èv yàp x. iç. (7 ÈaÔTJxi Se). On se de-
mande seulement d'où viendrait la faute. Peut-être jxev est-il mis par
erreur pour àel, devant xapouat, après quoi on aurait remplacé le premier
(xèv par xe? P. 17, 1. 7, 'iy^tfo : lisez iyjprpo. P. 17, 1. 26, XExâcôat :
lisez xExâaOat. P. 17, 1. 3o, ôyjpaç : lisez Ovjpaç. P. 1.8, j. 3 , <rxpé(3Xoi> : lisez
axpe^Xou. P. 18, 1. 10, àxpaxxa : lisez àxpaxa. P. 18, 1. il, crfyj. T^ xuXyj :
lisez à. iriq xûXyjç (?). P. 18, 1. i3, xvjç u>paç : lisez x^ç y.Yjpaç, le singulier
s'expliquant comme xwcpaaxei et xou Se (1. 9) après £uXocp6pouç (?). P. 18,
1. i5, èxexoiGei ttjv Q£0cé(ktav : ou bien hc. est fautif, ou bien x. 0. faisait
partie d'une incidente dont le reste est perdu. P. 18, 1. 17, àxapa^xéSiaTov :
lisez àxap£[xx6o"taxov. P, 18, 1. 18, oç xy)v...£Ùx£xyj Y)£icoxai xoXtxEtav (xyj xaxa-
axti^svoç : lisez ot xyjv... eùxpEXï) rétamai xoXtxEÔEaQat xoXixeiav [xrj xaxauxw-
|j.evoi; autrement il faudrait admettre une lacune avant oç. P. 18, 1. 25,
si Se cwçpovsï (s&cppov e? le ms.) : lisez cdixppwv eïy) (comp., 1. 24, Et [aèv
àcwxoç £tY]); y) a peut-être laissé une trace dans £X£xo[jt.xrçaôai, pour xs-
xouvrrrçcGat, qui suit dans le ms. P. 18, 1. 28, àxb x&v uxoupaviwv xaxwxEtXEV :
lisez (avec le ms.) à. x. èxoupavtwv x. (abstrahere a caelestibus, A A. SS.).
P. 19, 1. 5, 3i£Aâ(AJ3av£v : supprimez le point, et 1. 8 la virgule. P. 19,
1. 12, àvaxpivojiivou xe (àvaxptvayivou x£ le ms.) : lisez àvaxipva^évou hï (?).
P. 19, 1. 18, aùxbv ...xEptaxapY] : lisez aùxio ...xapaaxapYj(?). P. 19, 1. 3o, fi>v :
lisez ouv (?). P. 19, 1. 3i, èxi xb : lisez èxt xw. P. 20, 1. 1, ratifie xbv : lisez
r,u.s(Ékxo xbv. P. 20, 1. 3, vivé^svcç '• ^sez suYYivop.£voç (?). P. 20, 1. 14,
après xxwxoùç il y a sans doute une lacune; il manque pour le moins un
mot tel que axouSrçç, mais probablement davantage. P. 20, 1. 21, autre
lacune, dans laquelle Bucolus devient sujet, et après laquelle il n'y a
peut-être pas lieu de changer xoXXaç en xoXXâ (M. D.). P. 20, 1. 3o, ouv
èv : lisez ouv è^évExo èv. P. 21, l. 1, remplacez la virgule par un point en
3Ô4 REVUE CUITJQUE
haut. Ib. xsx<i>pY)YY]fjivo<; : lisez xexopv)*p}^yoç. P. 21, 1. 2, effacez la virgule.
P. 21, 1. 4, lacune après Ircsiae (?). P. 21, 1. i2,ux'aÙT0u : lisez èx aùxou.
P. 2i,l. 14, supprimez yj. P. 21, 1. 18, i'Stov X6-pv mbv : lisez i'Siov ulbv.
P. 2i, 1. 20, o)vX5yoç : lisez Xo^oç (5 Xi^oç le ms., interpolation motivée
parcelle de la ligne 18). P. 22, 1. 8, wç yjv : rétablir y.cà rp (ms.) et admet-
tre une lacune; wç ne ressemble pas à v.a\ (si ce n'est en abréviation, fré-
quente pour xat, mais inusitée pour wç dans des ouvrages de cette nature),
et pour y]v il faudrait luttv. P. 22, 1. i5, Bavaxouv : périmant AA. SS.,
c'est-à-dire Oavaxouaiv. Ces mots : x.at yàp... àaxouvreç semblent être une
parenthèse de l'auteur (ou d'un autre?), qui propose une nouvelle éty-
mologie de 7iap6evta (itup 6avaxouatv). P. 22, 1. 18 et 21, supprimez les vir-
gules. P. 22, 1. 24, xivwv Bè XsYévxwv 'EXXyjvwv aùx^ : on ne voit pas
pourquoi tivûv aurait pris cette place inaccoutumée, ni ce qui l'aurait
fait changer en xtveç (ms.). Encore ici, il sera donc plus prudent
d'admettre une lacune. P. 22, 1. 25, âûvasôat. paraît être de trop.
P. 23, 1. 10 à /2 « locus corruptus » (M. D.) : j'admettrais plutôt une
lacune après fiy.piç. P. 23, l. 19, remplacez le point par une virgule.
P. 24, 1. 26, zspticTaaOm : lisez 7:ap(aTa<T0at (?). P. 25, 1. i, %\'^peq : lisez
fripée. P. 25, 1. 3, effacez la première virgule. Ib. twv x.aT<i> ÉcTYjyixwv :
on ne peut guère s'expliquer ce génitif que par une nouvelle lacune. Il
faut croire qu'un des mss. par où ce récit a passé, et qui était lacéré ou
rendu illisible d'une manière extraordinaire (M. D., préf., p. 11, note),
l'était tout particulièrement à cet endroit. P. 25, 1. 4, supprimez zpbç(?).
P. 25, 1. 17, a ajouté par M. D. : très bien au point de vue paléographi-
que ; mais, en mettant à pour jwu oûç, l'auteur aurait affaibli la
parole de l'apôtre (Gai., 4, 19). P. 25, 1. 26, supprimez où/, (ajouté
par M. D.), et placez la lacune avant ôpô-Tjç kpy.. plutôt qu'après.
P. 25, 1. 28, Tîjç eixrn'sXiou cpwvrçç : lisez t. eixrftekou <p. (?). P. 25, 1. 3o
et 28, 1. 9, cçpaffôa : lisez cçpaYtâa. Il est vrai que jamais dans
des mss. hagiographiques je n'ai vu accentué ainsi ce mot, qu'on
y rencontre pourtant bien souvent. Mais encore au ine siècle en-
viron ap. J.-C. une inscription (G. I. G. 3272, comp. Kaibel, Epi-
grammata gr., 314, 11), termine un hexamètre par cçpaYsto'eç stc^XOov.
P. 26, 1. 7, xbv Trpoç'/jTYjv : lisez xtva twv ^poçïîxwv (twv zpoçvjTwv, le ms.).
P. 26, 1. 3o, cxo(y) : nsez 33C&fr). P- 27, 1. 7, Xpfaxov : lisez Xptcxbv. P. 27,
1. 20, àxovs[A£Îv : lisez âbcovépsiv. P. 27, 1. 32, etcovto : lisez eiTcovro. P. 28,
1. r, irspt : lisez xapà. P. 28, 1. 12, Tîtov : lisez Ttxov. P. 28, 1. 27,
Xpyjatv : lisez ypTccv (?). P. 28, 1. 28, paya : lisez ^éyav. P. 28, 1. 3o, to
paraît être le reste d'une phrase perdue ; en tout cas, ce ne peut être l'ar-
ticle s'accordant avec [xépoç. P. 29, 1. 2, il faut un point après ?o(3ov.
P. 29, 1. 6, àyt'wv : lisez xwv àft'uv, ou mieux, xat aYtwv. Ib. xposéxa^E :
lisez TrpoaéTaaac(xpoc£Taa£, le ms., comme p. 35, 25, à7caXXaa£<j6ai). P. 29,
1. 19, àvirpMci'av : lisez àwp.aXov (camp. 1. 29). P. 29, 1. 28, xat èsTt : lisez
%a\ Icm. P. 3o, 1. r, è:cav(s<yav, et p. 33, 1. 21, y.axteaav : il n'est pas impos-
sible que cette orthographe remonte jusqu'aux auteurs de certains écrits
o'histoikk bt uk littérature 365
des derniers siècles ; mais alors il faudrait la suivre partout, et p. 34,
3o, on lit àxifjeaav. P. 3o, 1. 9, èv : lisez si èv. P. 3o, 1. 10, èxixeÎTat : lisez
èx{xeiT<xi. P. 3o, 1. 17, èv(ouç : lisez èvfotç (? comp. 1. 19). P. 3o, 1. 18,
5tî 8eï (ots 8yj ms.) : lisez 5t 'ISei. P. 3o, 1. 19, èxtXaOo^évouç : lisez èxiXa-
Oo^évoiç (ms. ; à moins qu'il n'y ait erreur de lecture, uç liés étant pris
pour tç, ce qui arrive facilement). P. 3o, 1. 22, xapeOevTO : lisez xape6é[jt.Yjv
(ms.) ; pourquoi ne serait-ce pas aussi bien l'auteur qu'un copiste qui
aurait changé ce mot (Luc, 12, 48), puisqu'il a changé aussi r.okh en to
xXetov? P. 3o, 1. 23, àxatTYjcoxjiv : lisez àxatTYjcouaiv (? voyez ci-dessus
l'observation sur p. i5, 22). P. 3i, 1. 10, toÎç GepjxoTç xSci : lisez t. 6.
uSaffi. Ib. xaXouixévoiç : lisez toiç xaXou^évotç. Ib. Ae^aSbiç : lisez Ae(kB(oiç.
P. 3i, 1. 26, touto : lisez toutw. P. 32, 1. 5, aùxw est de trop, et èv SoxtjjLY)
TtoXkri ne se comprend guère. Il est probable qu'il manque quelques mots
avant aù-no. P. 32, 1. 22, xai : lisez v.cà vuv (?). Ib. xoi|xâaat : lisez xoi^acat
(sur cette forme, comp. Winer, Gramm. d. N. T. Sprachidioms,
§ i3, 2 b.) Ib. xàxetvoç èxofet dcYpurcveTv ne donne pas de sens; peut-
être faut-il lire xàxetvo ce xoiei de., après une lacune. En tout cas, ô 8e
Yjaùxauev doit se rapporter à Polycarpe (siluit Polycarpus, AA. SS.).
P. 32, 1. 3i, ux' : lisez àx\ P. 33, 1. r, (3oXyj : lisez (3oX^v (?). P. 33, 1. 11,
àxofiXYjceaOai : lisez dcTco^Vjarscîôat. P. 34, 1. i5, jjlyjS' oOev xptaiTO : lisez jj.yjô'
5ôev xpi'atTO. P. 34, 1. 26, oôpavoùç : lisez l§ ou <xx' owpavou. P. 34, 1. 27,
to^oiou^évouç : lisez ô^otou^évouç. P. 35, 1. 1, eivac : lisez et xat. P. 35,
1. 3, après à^iwcavxwv, lacune. P. 35, 1. 8, atrrjcat : lisez çXvfoaX ae.
P. 35, 1. 9, supprimez la virgule après cùpavou. P. 35, 1. 12, aùxou toÏç :
lisez àxoxciç. P. 35, 1. 18, è^amov : lisez èfxauTw (? la faute pourrait
bien être dans oéàwxa). P. 35, 1. 19, àxooueaôat : lisez àxoXôeaOat. P. 35,
1. 24, xpbç tov : lisez xpcç aùxbv (sans lacune). P. 35, 1. 26, cu^Ypa?'']? •
lisez auvxapaxîjç (? le mot ne se trouve pas dans le Thésaurus ; mais il est
aussi bien formé que ciaïap tv/j) qu'on trouve chez Plutarque). P. 35, 1.
28, supprimez IIoAux,àpxou. P. 36, 1. 5, t^xeXç : lisez u^eiç. P. 37,1. 8, sup-
primez àjj/rjv (ajouté par étourderie après eiç toùç aiwvaç twv aùôvcov).
P. 37, 1. 22 à 25 ne sauraient être de l'auteur; xal xâvxeç èSô^aÇov
xbv ôebv tov xoiouvTa Oaujxaaia est la formule ordinaire pour clore un récit
de miracles tronqué, et les doxologies varient d'un ms. à l'autre suivant
l'humeur du copiste et suivant l'espace dont il dispose. Celle-ci est d'un
scribe très hérétique ou très distrait : tov Oeov... to yj té^a aùv tw xaxpt xal
Tw utu> xal tw âyiiù xveûjxaTi !
Les pages qui précèdent étaient depuis quelque temps entre les mains
de la rédaction, quand l'auteur apprit, par un compte rendu de M. R.
A. Lipsius (Deutsche Litteratur\eitung du 12 août 1882), qu'il existe
déjà une seconde édition de la Vie de Polycarpe, dans le t. II des Pères
apostoliques de M. Funk. On fit aussitôt des démarches pour se mettre
en mesure d'entretenir les lecteurs de la Revue critique des deux éditions
à la lois. Mais il était trop tard ; l'article était composé. On reviendra
sur le sujet, s'il y a lieu. M.\x Bonnet.
366 REVUE CRITIQUE
229. — Die Paibllclsttk des Prager Frledens (163K) von Dr Heinrich
Hitzigrath. Halle, Niemeyer, 1880, 134 p. 8°. Prix: 4 fr. 5o.
Cette dissertation fait suite, en quelque sorte, à celle de M. Griin-
baum, sur la littérature politique en Allemagne de 1626 à 162g,
et sort, comme elle, du séminaire historique de M. Droysen, à Halle.
Elle traite des nombreux écrits éclos le lendemain de la paix de Prague,
signée en 1 635 par l'électeur Jean-George de Saxe, avec l'empereur
Ferdinand II, après la défaite de Noerdlingen, subie par les Suédois et
les protestants sous Gustave Horn et Bernard de Weimar. Effrayé par
le désastre de ses coreligionnaires, le triste prince qui régnait alors à
Dresde, et dont les courtisans, voire même le prédicateur de cour, étaient
à la solde des Habsbourg, n'hésita pas à passer du côté du vainqueur,
entraînant de la sorte la soumission de la plupart des petits dynastes de
l'Allemagne du Nord. Le coup fut rude pour le chancelier suédois et les
autres princes protestants encore en armes ; leur colère se mesura natu-
rellement à leurs craintes, à leurs déceptions, et leurs organes politi-
ques, leurs diplomates et leurs publicistes, firent entendre des plaintes
fort vives, et lancèrent des attaques virulentes contre la perfidie
saxonne. M. Hitzigrath a choisi dans cette littérature quelques-unes des
brochures les plus remarquables, et s'arrête particulièrement aux Vindi-
ciœ in pacem Pragensem, attribuées à Chemnitz et à la Deploratio de
Stella, écrites l'une dans l'intérêt de la Suède, l'autre dans celui de la
France. Naturellement les Saxons et la cour de Vienne ne restèrent
pas muets et trouvèrent, eux aussi, des arguments plus ou moins pro-
bants, en faveur de leur manière d'agir. Il me semble qu'il y a quelque
confusion dans ce que l'auteur dit sur la personne de Stella. S'il entend
réellement attribuer la paternité de la Deploratio à M. Stella de Mori-
mont, le résident de Louis XIII à Strasbourg, il est inexact de dire qu'il
était de Deux-Ponts et qu'il s'était fait catholique; il est faux également
qu'il vécût encore en 1649. Le résident strasbourgeois était Bâlois d'o-
rigine, et mourut à Strasbourg vers 1646, sans s'être jamais converti au
catholicisme. Nous croyons aussi que M. Hitzigrath, tout en accentuant
avec raison l'importance des brochures qu'il examine de plus près, au-
rait pu étendre un peu le cercle des pièces examinées, en restreignant la
place faite à chacune '. Le style est quelquefois un peu négligé (par
exemple, ein simpler Edelmann) et sent la fréquentation trop assidue de
l'allemand détestable du xvn9 siècle.
R.
1 . Nous ne voyons pas, par exemple, qu'il ait cité la brochure : Clypeus adver-
sus tela obtrectorum, oder Diseurs von den Laesterem so den Pragischen Frie-
denschluss ançutasten sich gelùsten (1637), signée J. Achtzennicht, ce qui est pro-
bablement un pseudonyme.
d'histoire et de littérature 367
23o. — Voltaire. Dlbllographle de se» œuvres» par Georges Bengesco.
Paris, Ed. Rouveyre et G. Blond, 1882. Tome I, xrx-494 p. Prix : 25 fr.
Jusqu'à ce jour la Bibliographie voltairienne de Quérard avait été
considérée comme le seul travail sérieux dont les œuvres du grand pen-
seur eussent été l'objet, car on ne peut citer que pour mémoire les Re-
cherches sur les ouvrages de Voltaire, par Gabriel Peignot (Paris,
1817, in-8), pamphlet de circonstance sans valeur littéraire et où sont
sommairement décrites quelques éditions de ses œuvres complètes pu-
bliées au xvni8 siècle. Cependant Quérard lui-même ne dissimulait pas
qu'il s'était, à peu de chose près, borné à classer les indications recueillies
par Beuchot et à en dresser quatre tables. « Or, dit M. Bengesco, Beu-
chot, livré tout entier à son travail d'éditeur, n'a accordé dans les Aver-
tissements et dans les Notes de son édition qu'une place tout à fait
secondaire à la bibliographie; il a énuméré, sans les décrire, les deux ou
trois premières éditions de chaque ouvrage de Voltaire et, pour les écrits
qui n'ont pas été imprimés séparément (pièces de théâtre, poésies diver-
ses, lettres, etc.), il a très rarement pris la peine d'indiquer dans quelle
feuille périodique, dans quel recueil du temps, dans quelle édition des
Œuvres complètes, chacune avait paru pour la première fois. Enfin * —
et c'est là une des lacunes les plus considérables du travail de Beuchot
et de Quérard, — ni l'un ni l'autre ne s'est attaché à distinguer les édi-
tions données avec la participation de Voltaire des éditions auxquelles il
est demeuré étranger, et c'est ce qui fait qu'aujourd'hui encore, malgré
tout le mérite des éditions de Beuchot et de M. Moland, le texte authen-
tique de Voltaire n'est pas définitivement établi. »
L'auteur de cette nouvelle Bibliographie, étranger d'origine, mais
élevé en France et plein de zèle pour notre littérature, a pensé que Vol-
taire méritait, autant que Molière et que Corneille, et assurément plus
que Restif, les honneurs d'une monographie détaillée; il a donc recueilli
toutes les éditions qui lui tombaient sous la main, collationné tous les
exemplaires de la collection voltairienne de Beuchot, acquise en 1 868 par
la Bibliothèque nationale et vérifié ses notes tant au British Muséum qu'à
la Bibliothèque impériale de Vienne ou chez divers amateurs. Renonçant
aux divisions et subdivisions adoptées par Quérard, il est revenu à l'ordre
beaucoup moins compliqué suivi par Beuchot : théâtre, poésies, histoire,
Dictionnaire philosophique, romans, mélanges, correspondances, et qui
avait, selon le savant éditeur, l'avantage de faire suivre au lecteur « la
marche même de l'esprit de Voltaire ' ». Le premier volume de M. B.
1. Cette question de classement avait fort préoccupé, paraît-il, un savant voué à de
toutes autres études. « Mon père, dit M. Gaston Paris, rêvait une édition des œuvres
de Voltaire conçue sur un plan biographique, dans laquelle chaque ouvrage aurait
été inscrit à sa date sans distinction de genres, de manière à offrir un tableau com-
plet de cette étrange et multiple activité de soixante-dix ans. Il disait qu'il y avait
encore beaucoup à faire pour la critique des œuvres de Voltaire, qu'on lui en attri-
368 REVUE CRITIQUA
comporte les cinq premières séries; le second renfermera les mélanges,
la correspondance, les œuvres complètes et choisies, enfin les apocryphes.
M. B. a également réuni les éléments d'un troisième volume consacré
aux traductions et aux ouvrages relatifs aux écrits et à la personne de
Voltaire. Nous souhaitons vivement que cette dernière partie, dont
Quérard a donné une esquisse fort arriérée, soit mise au jour. Voltaire
est, avec Molière, l'écrivain français dont le nom et les œuvres ont pro-
voqué le plus d'apologies et de diatribes.
Fidèle à son plan, M. B. a décrit non-seulement tout ce qui a été
publié en volume, mais il a recherché où avaient paru d'abord et où
avaient été réimprimées toutes les poésies de Voltaire : pour cela, il s'est
constamment servi des sept éditions des Œuvres complètes publiées avec
la participation de l'auteur : celle de Ledet ou Desbordes (Amst., 1738-
1745, 5 vol.); celles dites de Dresde dues à G. C. Walther, 1 748-1 754,
10 vol. in-8 ou 1752-1770, 10 vol. in-12; celle de Lambert à Paris
(175 1-1758, i3 vol. petit in-8, s. n. de ville), que Voltaire déclarait « de
toutes la plus passable »; celles de Cramer, 1756-1774, 58 vol. in-8 et
table, 1768- 1790, 45 vol. in-4 avec figure de Gravelot, enfin l'édition
dite encadrée (1775, 37 vol. in-8, plus trois volumes de pièces déta-
chées) ; c'est celle-ci dont Voltaire avait annoté un exemplaire qui fut
communiqué à Beaumarchais, Panckouke, Ruault et Decroix pour
l'édition de Kehl. Quant aux ouvrages imprimés séparément, à défaut de
rubriques sérieuses, qui manquent à la plupart d'entre eux, M. B. s'est
livré à une comparaison attentive des fleurons, culs-de-lampe, lettres ini-
tiales et autres ornements typographiques qui lui a permis de reconnaître
de quelle presse chacun de ses ouvrages est sorti ' : c'est ainsi qu'il est
parvenu à débrouiller victorieusement, selon nous, l'énigme bibliogra-
phique de la véritable édition originale de Candide. La question sou-
levée en 1870 dans /' Intermédiaire avait provoqué une réponse motivée
(col. 25 1); l'auteur de cette réponse, signée P. R., tenait pour originale
une édition de 237 p., plus 3 ff. non chiffrés pour la table des chapitres,
cotée à la Bibliothèque Y2 75 1 A (Réserve) et sur laquelle Jamet le jeune
a inscrit un « achevé de lire » du 27 mars 1759. « Mais, dit avec raison
M. B., de ce que Jamet a achevé de lire Candide, le 27 mars 1759, s'en-
suit-il que son exemplaire appartienne à l'édition princeps du chef-d'œu-
buait peut-être dont il n'était pas l'auteur, et qu'en revanche on n'avait pas reconnu
sa paternité pour plus d'un opuscule qu'il s'était bien gardé de revendiquer. Il pen-
sait que de tous nos grands écrivains, c'est celui dont il y a le plus d'intérêt à étudier
les éditions originales, et il avait commencé à les rechercher. » (Catalogue de la
bibliothèque de M. P. Paris, préface, p. x). A cette vente figurait, sous le n° 3344,
un exemplaire de la Bibliographie voltairicnne , chargé de notes; il a été acquis par
M. G. Bengesco.
1. M. B. s'est astreint à indiquer soigneusement la cote de chacun des volumes qu'il
a décrits; tous ceux qui savent combien il est parfois difficile d'obtenir à la Biblio-
thèque tel exemplaire ou telle édition d'un livre lui sauront certainement gré de
cette innovation.
d'histoire et de littérature 369
vre de Voltaire? » Après avoir déterminé, précisément par l'examen des
fleurons, que l'exemplaire deJamet appartient à une édition de Paris im-
primée pour Lambert, en même temps que Socrate, ouvrage dramati-
que, M. B. établit que la seule et réelle édition originale est un in- 12 de
299 fl., avec signatures A-N4; entre autres preuves concluantes, il indique
divers fleurons fréquemment employés dans l'imprimerie des Cramer et
très différents de ceux qu'on retrouve dans les deux éditions de même
date, également de 299 p., mais imprimées, selon M. B., l'une à Lon-
dres et l'autre à Paris ; les six autres ayant le même titre et la même date
comportent 237, 21 5 et 166 pages; plusieurs d'entre elles ont quelques
fleurons identiques.
Cet exemple suffira, je pense, à prouver quel soin M. B. apporte dans
toutes ses investigations, et il n'est point de chapitre de son livre qui ne
soit digne d'un tel éloge. Avant d'aborder les points fort peu nombreux
sur lesquels on pourrait souhaiter plus de précision ou ajouter un détail
complémentaire, il nous faut chercher querelle à l'auteur pour une la-
cune toute matérielle, mais qui, dans un travail de cette nature, n'est pas
sans importance. Un seul titre courant pour 492 pages, par suite aucune
séparation apparente entre les diverses sections, point de table alphabé-
tique des œuvres décrites; n'est-ce pas exiger du lecteur qu'il sache d'a-
vance le titre exact de telles stances, de telle ode, de telle épigramme (et,
certes, l'auteur et ses éditeurs ne se sont point fait faute de le modifier),
ou la date de leur composition , ce qui est encore moins admissible ? Nous
serions plutôt en droit de demander à M. B. une table spéciale pour
chaque volume, outre la table générale qui devra terminer le tome IIIe.
Les remarques que m'a suggérées l'examen le plus attentif portent
moins sur les descriptions dont j'ai pu constater la scrupuleuse rigueur
que sur diverses additions sans grande importance.
P. 79. M. B. s'étonne que Grimm ait pu, dans sa lettre du Ier janvier
1772, citer l'approbation, en date du y février, délivrée par Crébillon
fils aux Pélopides. Cet anachronisme apparent s'explique, comme j'ai
déjà eu occasion de le dire ici même \ par ce fait que la Correspondance
littéraire était souvent rédigée à une date postérieure à celle que por-
taient ces cahiers, et notamment en 1772, aussitôt après un séjour assez
prolongé de Grimm en Angleterre.
P. i53. V Impromptu fait à un souper dans une cour d'Allemagne,
est-il bien de 1750, comme le dit M. G. Avenel, et comme le ferait sup-
poser le classement chronologique adopté par M. Moland? M. Clogenson
estimait que ces stances avaient dû être composées à Cirey, entre le
i5 octobre et le i5 décembre 1734, et les deux derniers vers :
Or, dès l'instant que j'aimai ma Sylvie,
Sans trop chercher j'ai trouvé tout cela,
seraient déjà un argument assez probant en faveur de cette opinion, mais
1. Voir la Revue critique du 14 août 1882, p. 1 33.
370 RXVUE CRITIQUE
voici qui est plus décisif: Mme Du Châtelet a cité dans ses Réflexions
sur le bonheur ', les troisième et quatrième vers du premier quatrain :
Il faut aimer, c'est ce qui nous soutient,
Car sans l'amour il est triste d'être homme.
Mmc du Châtelet est morte le 10 septembre 1749, et les Réflexions n'ont
pu être écrites dans les derniers mois si troublés de son existence. Parmi
les reproductions contemporaines de ces stances, M. B. a omis de men-
tionner celle qu'en a donnée Diderot dans sa lettre à Mlle Volland, du 3 no-
vembre 1759. Elles y présentent même d'assez notables variantes. Il est
plus que probable que Diderot les citait de mémoire; il les avait intitu-
lées les 11 faut; on les trouve tantôt sous le titre indiqué par M. B., tan-
tôt sous celui du Bonheur ou de V Usage de la vie.
P. i65. A propos du poème de la Bataille de Fontenoy, M. B. dit
posséder un exemplaire sur lequel est écrit un envoi qui n'est pointautogra-
phe. J'ai eu sous les yeux, il y a quelques années, un autre exemplaire qui
présentait la même particularité, et cela n'a rien de surprenant si l'on se
reporte à un billet de Voltaire à Panckouke, publié par M. Ch. Nisard
et non recueilli par M. Moland2 : le poète prie son libraire « de faire tenir
des exemplaires à tous ceux qui sont nommés dans le poème et dans les
notes, et de bien vouloir mettre à la marge de la première page : De la
part de votre très humble et très obéissant serviteur, Voltaire ».
P. 281 . L1 Impromptu fait dans les jardins de Cirey en se promenant
au clair de lune, a bien été reproduit par les éditeurs de Kehl, mais il
a été éliminé par Beuchot qui a fait observer que ce quatrain était du
P. Lemoyne, auteur d'un poème sur Saint Louis (Avertissement des
Poésies mêlées, t. X, p. 465 de l'édition Garnier frères).
P. 372. Aux éditions et traductions de l'Histoire de Charles XII,
cataloguées par M. B., je puis, grâce à une bienveillante communication
de M. E. G. Klemming, conservateur de la Bibliothèque royale de
Stockholm, ajouter l'indication de deux réimpressions, les seules dont,
chose curieuse, ce livre ait été l'objet en Suède: Histoire de Char-
les XII, par Voltaire, avec un commentaire à l'usage des écoles. Nor-
copie, N. Schmidt, i83i, in-8, 284 p. — La même, med grammatika-
liska anmârkningar och odforhalingar af Y. Nyberg (Ph. Mag.), adjuntet
vid Upsala Kathedral-Skola. Upsal, 1860, in-8, 296 p.
P. 398. M. B. a soigneusement établi les diverses phases de la prépa-
ration, delà rédaction et de la mise au jour de V Histoire de Vempire
de Russie sous Pierre le Grand. L'enfantement fut laborieux et le
livre faillit être contrefait avant d'avoir paru. M. B., qui fixe à octobre
1760 la date approximative de la circulation des premiers exemplaires,
1. Imprimées pour la première fois par l'abbé Bourlet de Vauxcelles, dans les Opus-
cules philosophiques et littéraires, la plupart posthumes ou inédites (sic). Paris, imp.
Chevet, 1796, in-8. Les vers de Voltaire se trouvent p. 28.
2. Mémoires et correspondances historiques et littéraires inédits (Michel Lévy,
i858, in-8, p. 57).
d'histoire et de littérature 371
aurait pu mentionner, comme preuve à l'appui, un assez long passage
d'une lettre de Diderot à Mlle Volland (20 octobre 1760) où il lui rend
compte de l'histoire du czar, que lui avait communiquée Damilaville.
Ce fut en 1745 que Voltaire songea, pour la première fois, à écrire ce
livre, et M. B. a rappelé dans une note une lettre au comte d'Alion, am-
bassadeur de France à Saint-Pétersbourg, qui fixe nettement l'origine
de ses relations avec la cour de Russie; mais, ce que M. B. n'a pas eu
sans doute le loisir de dire, ce sont les étranges mutilations qu'a subies le
texte de cette lettre : on me pardonnera de les faire connaître ici, car elles
sont un nouveau témoignage de ce qui reste à faire encore aujourd'hui
pour rétablir dans son intégrité la majeure partie de la correspondance.
En 1839, M. S. Poltoratzky fit imprimer à i5o ex. cette lettre publiée,
disait-il, pour la première et unique fois en 1807, dans un journal russe,
le Courrier de l'Europe, et restée inconnue à tous les éditeurs de Vol-
taire. Or, sept ans avant la mise en vente de l'opuscule de M. Polto-
ratzky, cette lettre, ou plutôt ces deux lettres, avaient été imprimées
dans l'Histoire de la Régence, de Lemontey (i832, t. II, p. 393); mais
elles y étaient si bien enfouies que ni M. Poltoratzky, ni MM. de Cay-
rol et François, ni M. Avenel, ni M. Moland ne se sont avisés de les y
aller chercher. Je ne donne ci-dessous que les passages omis et j'imprime
en italiques les mots changés ou supprimés par le Courrier de l'Europe.
TEXTE DE 1807.
Je vous supplie, monsieur, de présenter à Sa Majesté impériale un
exemplaire de ma Henriade, et de lui faire remarquer le petit envoi qui
accompagne ce livre et qui est à la première page.
Ce n'est pas tout, monsieur, et c'est ici qu'il faut encore que le nom
de M. le marquis d'Argenson parle pour moi. Je vous envoie un exem-
plaire d'un livre sur la Philosophie de Newton. [Tout le reste du pa-
ragraphe est conforme jusqu'à : et qui V égale par ses autres vertus! Il
s'agit de l'impératrice Elisabeth.]
TEXTE DE LEMONTEY.
Les bontés dont M. le marquis d'Argenson m'honore depuis l'enfance,
monsieur, me serviront d'excuses auprès de vous. Je n'en ai pas besoin
pour la liberté que je prends de vous envoyer le poème sur la victoire
du roi notre maître1. C'est un tribut que je vous dois, et celui qui soutient
si bien les intérêts du royaume a des droits sur les ouvrages consacrés à
sa gloire. Mais je pense que j'ai besoin de la protection de M. d'Argenson
pour les autres libertés que je vais prendre avec vous.
Premièrement, je vous supplie de présenter un exemplaire de ce poème
à Sa Majesté impériale, si vous trouve^ que cela soit convenable. J'ose
ensuite mettre sous votre protection cet exemplaire de la plus belle édi-
tion de la Henriade, le seul qui reste à Paris, et que je vous supplie de
1. Le poëme sur Fontenoy.
372 REVUE CRITIQUE
vouloir bien présenter à Sa Majesté en lui montrant le petit envoi qui
accompagne le livre et qui est à la première page.
Ce n'est pas tout, monsieur, et c'est ici qu'il faut encore que le nom de
M. d'Argenson parle pour moi. J'ajoute à cet énorme paquet deux
exemplaires d'un livre sur la philosophie de Newton... Mon projet était
de voir sa cour * quand j'étais à celle de Berlin. Mais je n'ai pu avoir cet
honneur et j'ai été réduit à l'admirer de loin. Soyez persuadé, monsieur,
que je conserverai toute ma vie la reconnaissance que je devrai à vos
bontés. Je suis, etc.
Voltaire.
A Paris, 16 juin 1745.
A cette première lettre était jointe celle-ci.
Depuis ma lettre écrite, monsieur, j*ai pensé que si vous daignez vous
charger de présenter à Sa Majesté impériale la Henriade et le poème
sur la bataille de Fontenoy, que je prends la liberté de lui adresser, vous
aurez sans doute la bonté de lui parler de moi. Mon nom ne lui est pas
absolument inconnu, puisqu'on m'a assuré qu'elle prenait quelque plai-
sir à voir représenter mes pièces de théâtre, et c'est probablement, mon-
sieur, une obligation que je vous ai. Je me flatte donc que je pourrais
vous en avoir encore une autre. J'ai écrit, il y a quelques années Y His-
toire de Charles XII. [Texte conforme jusqu'à :]
Ma façon de penser me détermine plus vers cet empereur que vers le
roi de Suède. Le premier a été un législateur, il a fondé des villes et,
j'ose le dire, son empire. Charles XII a presque détruit son royaume. Il
était un plus grand soldat, mais je crois l'autre un plus grand homme.
Texte de 180 / .
Ma façon de penser me détermine vers cet empereur qui a été un légis-
lateur, qui a fondé des villes et, j'ose le dire, son empire.
Si la digne fille de l'empereur Pierre le Grand... [Textes conformes.]
Texte de Lemontey.
Voilà bien des grâces, monseigneur, que j'ose vous demander, la pre-
mière fois que j'ai l'honneur de vous écrire. Mais elles regardent toutes
le progrès des arts et la gloire de plus d'un grand homme en est l'objet.
Je vous réitère, monseigneur, ma très respectueuse reconnaissance.
V.
Lemontey avait évidemment copié cette lettre aux Archives du minis-
tère des affaires étrangères qui lui avaient été ouvertes par les ordres de
Napoléon Ier.
La minutie même des remarques que je soumets à l'auteur et à mes lec-
teurs est la meilleure garantie, je pense, des éloges que mérite ce premier
volume. Lorsque les fonctions diplomatiques de M. B. lui auront permis
de nous donner les tomes II et III, l'ensemble constituera une mono-
1. Celle de l'impératrice Elisabeth.
d'histoire kt de uttkraturk 373
graphie bibliographique qui ne se ressentira en rien de l'aridité habi-
tuelle à ces sortes de travaux. Il n'est peut-être pas, en effet, une seule
pièce de théâtre, un seul conte en vers ou en prose, une seule de ces
minces brochures que, durant vingt années, la manufacture de Ferney,
selon le mot de Grimm, répandit par le monde, qui n'ait été pour Fau-
teur la cause de luttes, de terreurs puériles ou justifiées, et, disons-le, de
mensonges. Une bibliographie raisonnée de Voltaire, c'est donc, à pro-
prement parler, l'histoire même de sa vie; remercions M. Bengesco de
nous la faire relire, car cette histoire, cent fois contée et toujours nou-
velle, ne laissera jamais indifférents ni les adversaires ni les admirateurs
du « patriarche ».
Maurice Tourneux.
CORRESPONDANCE
a m . gaston paris
Mon cher Directeur,
Voulez-vous me permettre quelques observations en réponse à votre
article sur mes Contes slaves (Revue critique du 2 octobre)? Mon seul but,
dans le volume auquel vous avez bien voulu vous intéresser, était de
donner une idée du conte populaire chez les différents peuples slaves, de
présenter une sorte de florilegium où les idiomes les plus divers seraient
représentés au moins par un ou deux spécimens. Je suis loin de nier l'in-
térêt du recueil comparatif dont vous esquissez le plan ; mais ce recueil
eût pu difficilement entrer dans le cadre restreint tracé par l'éditeur ; et,
d'autre part, c'eût été un travail de plusieurs années pour lequel le loisir
me fait absolument défaut en ce moment. Le domaine des études slaves
est immense; je suis obligé d'être à la fois linguiste, voyageur, archéo-
logue, historien, mythographe et folkloriste. Permettez à un vieux et —
salva modestia — laborieux collaborateur de la Revue, d'invoquer une
fois de plus l'adage : Vita brevis, ars longa. D'ailleurs, vous l'avoue-
rai-je? en ces matières si neuves et si délicates, je me défie de moi-même
et je crois qu'il convient à un novice d'être très réservé. Si je me suis
trompé dans le choix de mes contes, ce n'est qu'à la suite d'hommes fort
compétents, et je m'empresse de m'abriter derrière eux. La. Fille du doge
a été arrangée par feu Siegfried Kapper, qui était un des plus fins con-
naisseurs de la littérature serbo-croate. Je l'ai traduite d'après sa version
tchèque — la seule que je connaisse. Les détails que j'ai supprimés
eussent été absolument inintelligibles pour le lecteur français ; le narra-
teur s'amuse à faire parler russe à un Cosaque, magyar à un Hongrois,
etc.... Le Berger et le dragon est cité comme conte populaire non-seu-
lement dans le recueil slovaque auquel je l'ai emprunté, mais encore
dans le recueil tchèque intitulé Perly c^eské, Prague, i855, recueil au-
■
374 REVUE CRITIQUB
quel des folkloristes comme Erben ont collaboré. Les notes qui l'ac-
compagnent dans cette édition insistent même sur certaines superstitions
slovaques que je n'ai pas eu l'occasion de contrôler- moi-même, n'étant
jamais allé dans la Hongrie septentrionale. Quant à Blanche Neige,
c'est, dites- vous, un prétendu conte russe et une fiction de lettré. Voici
ce qui résulte de mes recherches. Sniegourka (mot intraduisible qui
vient de Snieg, neige) a été d'abord publié par Maximovitch, un des
fondateurs du folklore russe ; il a été reproduit ensuite par Erben, un
excellent mythographe, dans son recueil de cent contes slaves, ouvrage
classique s'il en fut. Afanasiev, dans son grand ouvrage de folklore com-
paré {Vues des Slaves sur la nature, 3 vol. in-8°, Moscou, 1868), s'oc-
cupe, à plusieurs reprises, de ce personnage. Tome II, p. 497, il est ap-
pelé Sniejevinotchka (Neigeotte?), rattaché à un mythe solaire ; plus loin,
pp. 639-641, Afanasiev donne deux variantes de notre conte, dont l'une
est celle de Maximovitch, et il compare Sniegourka au Schneekind de la
mythologie de Grimm. Suit l'interprétation du conte. Vous voyez donc
que si je me suis trompé ici, c'est en bonne et nombreuse compagnie. Il
serait bien étrange, d'ailleurs, que la neige ne jouât pas un rôle dans le
folklore d'un peuple qui vit avec elle la moitié de l'année.
En ce qui concerne le Petit Poucet russe, votre traduction et la
mienne diffèrent sur quelques points. Il en est un sur lequel je confesse
volontiers un péché d'omission ; un autre sur lequel je ne me sens pas
suffisamment éclairé. Il s'agit d'un mot, suivant vous bien rabelaisien,
mais pour lequel aucun dictionnaire ne fournit de suffisante explication.
Je tenais d'ailleurs à donner ce conte, bien que traduit autrefois par
vous, pour offrir une idée aux lecteurs de ma chrestomathie de la façon
dont certains sujets étaient traités par le folklore russe. Il est des
choses classiques qui se répètent fatalement dans toutes les chrestoma-
thies.
Agréez, je vous prie, etc.
L. Léger.
M. Léger m'assure qu'il n'a pas inventé les contes dont je lui ai reproché l'admis-
sion, mais qu'il les a pris dans des recueils slaves; c'est précisément ce que j'ai dit,
en regrettant qu'il n'ait pas appliqué à ces recueils une critique assez sévère. Que
le personnage de Sniegourka soit populaire, je n'en doute pas, mais que le conte
traduit par M. Léger ait été recueilli dans le peuple, je n'en crois rien, et je suis sûr
qu'une enquête ouverte à ce sujet mettrait le fait hors de doute. Dans un recueil
aussi restreint que celui de M. Léger, il valait mieux ne pas admettre des contes déjà
traduits en français, et il est fâcheux de constater, dans la traduction du Petit Pou-
cet, l'omission au moins d'un trait intéressant. Le mythographe, mis en méfiance,
n'osera pas se servir des versions de M. Léger pour établir la classification des for-
mes d'un conte. Je renouvelle le vœu que notre savant collaborateur nous donne
bientôt quelque nouveau recueil de contes slaves, conçu et exécuté d'une manière
tout à fait scientifique.
G. P.
d'histoire et de littérature 375
CHRONIQUE
FRANCE. — Le XXXI Im» volume de la « Bibliothèque orientale elzévirienne » pu-
bliée par l'éditeur Ernest Leroux est intitulé L'encre de Chine, son histoire et sa fa-
brication, d'après des documents chinois traduits par M. Maurice Jametel, élève de
l'Ecole spéciale des langues orientales vivantes (xxx et 94 pages, avec vingt-sept gra-
vures d'après des originaux chinois, 5 fr.). M. J. a traduit dans ce volume le Manuel
élémentaire du fabricant d'encre de Chine, parChen-ki-souen,de Sou tchéou(i3o,8);
ce Manuel est une véritable rareté dans la littérature chinoise, et « son esprit, l'ab-
sence complète de recherche dans son style, l'attention que prend son auteur à énumé-
rer toutes les phases de la fabrication sans omettre aucun détail rappellent bien plu-
tôt les conceptions positivistes de l'Europe moderne que les rêveries philosophiques
de l'Asie ». Il est vrai que l'ouvrage de Chen-ki-souen manque de méthode et offre
parfois des obscurités; mais M. J. a changé l'ordre des paragraphes, pour rendre le
traité moins diffus, et reproduit sans changement les passages obscurs, afin de con-
server, autant que possible, le texte original dans son intégrité. Il a, en outre, dans
son introduction, fourni de curieuses informations sur la partie historique du sujet,
complètement laissée de côté par Chen-ki-souen ; il a consulté les principaux traités
sur l'encre de Chine écrits par les érudits chinois et en donne un court résumé.
— La « Bibliothèque slave elzévirienne » que publie le même éditeur, s'est enrichie
d'un quatrième volume, dont nous rendrons prochainement compte ; il renferme la
relation de la Missio moscovitica ou delà mission en Russie du P. Antoine Posse-
vino, chargé par le pape Grégoire XIII en ib82 de rétablir la paix entre Ivan le Ter-
rible et le roi de Pologne Batory, et de ramener la Moscovie au catholicisme; le texte
de cette relation est édité par le P. Pierling qui y a joint un index et un commen-
taire.
— L'éditeur Klincksieck vient de publier un volume nouveau dans sa « collection
à l'usage des classes»; c'est la traduction, par M. O. Riemann, d'un opuscule de
M. H. Schiller sur les Mètres lyriques d'Horace d'après les résultats de la critique
moderne (i883, iv et 80 pp.). Cet opuscule formera un complément utile de la Mé-
trique grecque et latine de M. Lucien Mùller dont la traduction a été récemment pu-
bliée, dans la même collection, par M. Legouëz. M. Riemann juge les théories [de
M. H. Schiller souvent bien hypothétiques, mais il lui semble que la manière de
scander les vers d'Horace, exposée par M. H. Schiller, est toujours préférable à la
manière traditionnelle; « il y .a avantage à faire connaître aux élèves une explication
des mètres d'Horace qui est intéressante, qui forme un ensemble logique etbien coor-
donné, qui, enfin, au point de vue pratique, est plus simple et plus facile à retenir que
la manière ordinaire, assez compliquée et assez confuse, de scander ces mètres ».
M. Riemann a d'ailleurs ajouté quelques notes aux passages principaux où il ne par-
tageait pas d'avis de M. Schiller; il a fait précéder sa traduction de quelques notions
élémentaires de musique appliquées à la métrique.
— Le volume que M. Jules Loiseleur vient de publier sous le titre « Trois énig-
mes historiques » (Pion. In-8°, xm et 324 pp. 3 fr. 5o) et dont nous comptons par-
ler prochainement, est consacré à la préméditation de la Saint- Barthélémy (pp. 1-
i33) ; M. L. s'attache surtout à répondre aux arguments de M. Bordier et ne croit
nullement à un « vaste plan d'extermination concerté avec l'Espagne, médité, pré-
paré sans relâche pendant tant d'années »; — à Yaffaire des poisons (pp. 135-224);
M. L. essaie de « fournir aux lecteurs un fil qui puisse les conduire dans les dédales
376 REVUE CRITIQUE
de l'immense procédure dont cette affaire fut l'objet, de dresser un tableau d'ensem-
ble des principales incriminations, de dégager le rôle joué par Mn,e de Montespan
dans ces ténébreuses manœuvres et de préciser la part qu'elle prit à certains atten-
tats médités ou accomplis contre ses rivales et contre Louis XIV lui-même » ; — au
masque de fer (pp. 225-322), « problème beaucoup plus curieux qu'important » et où
« il n'y pas d'autre mystère que celui qui pesait indistinctement sur tous les prison-
niers soumis au secret absolu ; stimulée par l'étrangeté de ce masque, précaution
moins anormale qu'on ne le suppose généralement, l'imagination populaire, en con-
centrant sur une seule tête des particularités propres à divers prisonniers, a revêtu
du caractère légendaire un de ces drames obscurs si fréquents dans les anciennes
prisons d'Etat. »
— Le tome XIIIe des Archives de la Bastille, documents recueillis et publiés par
M. Fr. Ravaisson, conservateur adjoint à la Bibliothèque de l'Arsenal (Pedone-Lau-
riel. In-8°, 11-259 P- I0 fr-) est consacré aux années 171 1 à 1725 et comprend par
conséquent les dernières années du règne de Louis XIV, la Régence et les neuf
premières années du règne de Louis XV. Parmi les documents que renferme ce tome,
on remarquera ceux qui sont relatifs aux janénistes, aux libellistes, aux personnages
impliqués dans la conspiration de Cellamare, etc.
— Le P. Emile Regnault, de la Compagnie de Jésus, a réuni en deux volumes
les articles qu'il avait publiés dans un recueil périodique de Lyon, les « Etudes re-
ligieuses, philosophiques et littéraires » sur Christophe de Beaumont, archevêque de
Paris, 1703-1781 (chez Lecoffre).
— Un volume nouveau de la « Nouvelle collection illustrée » publiée par la librai-
rie Léopold Cerf, a paru : Y Arménie et les Arméniens , par M. J. A. Gattevrias,
élève diplômé de l'Ecole des langues orientales. Le volume raconte, en huit chapitres,
l'histoire de l'Arménie; le ve chapitre (pp. 67-79) est r<^latïf- à l'invention de l'alpha-
bet arménien par l'évêque Mesrob, aux « premiers traducteurs », disciples de Mes-
rob et du patriarche Sahag, à la littérature et aux écrivains de l'Arménie. Dans l'ap-
pendice on remarquera l'exposé, d'après le lazariste Eugène Borey, de la doctrine de
l'église arménienne et l'historique des causes qui ont provoqué sa séparation de l'é-
glise romaine (pp. 1 21-129) et quelques pages relatives aux mékhitaristes et aux
études arméniennes, en Europe et en France (pp. 1 35-141).
— La librairie Hachette a publié des Eléments d'économie publique, par M. Emile
de Laveleye (In-8°, iv et 297 p.). Ce traité élémentaire, destiné à l'enseignement,
s'écarte assez souvent de la marche habituellement suivie; M. de Laveleye a rattaché
intimement son sujet à celui des autres branches des « études humanitaires » (phi-
losophie, morale, histoire, géographie); il a joint à l'énoncé de chaque principe un
exemple, un fait, une maxime; il a développé particulièrement les chapitres qui trai-
tent de problèmes importants et débattus chaque jour, du socialisme, du crédit, des
crises commerciales et de la population. L'ouvrage est divisé en quatre livres : I. No-
tions préliminaires . IL La production des biens. III. La répartition et la circula-
tion des biens. IV. La consommation des biens.
— On annonce la publication prochaine d'un ouvrage posthume de Proudhon, Le
césarisme et l'histoire.
— L'Académie des beaux-arts a mis au concours le sujet suivant : « Etude sur les
maîtres graveurs français du xvn" siècle depuis Jean Morin et Pierre Pesne, jusqu'à
Gérard Audran inclusivement. Etablir leur importance relative par des indications
biographiques, par la succession chronologique de leurs travaux, et par les carac-
tères de leurs talents. »
— Le Musée de Cluny vient d'acquérir de belles tapisseries de haute lice qui dé-
o'HISTOIKK Kl DR LITTÉRATUKh 3j7
coraient la grande salle de la sous-préfecture de Boussac; elles seront placées dans
une nouvelle salle du musée.
— Les moulages de trois bas-reliefs de Mino da Fiesole (la Foi, l'Espérance, la
Charité) dont les originaux sont dans la crypte du Vatican, ont été offerts au Musée
du Trocadéro par M. Alessandro Castellani.
— Lu dans le Figaro du vendredi 20 octobre : «On nous prie de démentir un
on-dit répété par plusieurs nouvellistes, d'après lequel sir Edward Malet, représen-
tant de l'Angleterre en Egypte, serait le petit-fils de Malet, de Pau » (sic, pour
Mallet du Pan).
ALLEMAGNE. — Le prochain ouvrage de M. Schliemann sur les résultats de ses
fouilles à Hissarlik, paraîtra à la fois en anglais et en allemand ; il renfermera un
chapitre, dû à M. Karl Blind, sur l'ethnographie troyenne.
— M. Mendelssohn, l'éditeur d'Appien, professeur à l'Université de Dorpat, vient
de mettre sous presse une édition critique de Y Histoire romaine d'Hérodien. Cette
édition, qui paraîtra à la librairie Teubner, contiendra pour la première fois un appa-
ratus complet.
— La collection, publiée par l'éditeur Otto Schulze, de Leipzig, et qui a pour
titre « Die grossen Religionen und Glaubensbekenntnisse des Ostens » doit s'augmen-
ter de plusieurs volumes : ZoroaStre, par M. K. Geldner; Mahomet, ipar M. Lu-
dolf Krehl ; la seconde partie de la traduction allemande du Bouddhisme de M. Kern,
etc.
— Parmi les livres qui doivent prochainement paraître chez l'éditeur Hirzel, de
Leipzig, nous signalerons : de M. L. Keller, Ein Apostel der Wiedertceufer, Hans
Denck ; de M. B. Gûterbock, Iris che Lehnwœrter ; de M. C. Hegel, Verfassungsge-
schichte von Main\, etc.
— L'attention s'est portée, depuis quelque temps, sur les petits récits, légendes,
nouvelles, contes (quelques-uns d'après la Disciplina clericalis) de l'Islande du
moyen-âge. M. Hugo Gering a recherché ces récits et légendes dans les manuscrits
de la Bibliothèque de Copenhague, et vient d'en publier quelques-uns dans le texte
original, sous le titre Islend\k Aeventyri, Islœndische Legenden, Novellen und
Mœrchen. (Halle, Waisenhaus. In-8°, xxxvin et 314 p.) Le second volume renfer-
mera les remarques, les recherches entreprises par M. Gering sur les sources de ces
contes islandais et un glossaire. Un de nos collaborateurs rendra compte de la pu-
blication de M. Gering, lorsque ce second volume aura paru.
— La librairie Koebner, de Breslau, publiera très prochainement un nouveau vo-
lume de Neumann, Das Zeitalter der punischen Kriege, édité par M. G. Faltin et
Launegild und Garethinx, contribution à l'histoire du droit germanique, par
M. Pappenheim (collection des ouvrages relatifs à l'histoire du droit allemand, diri-
gée par O. Gierke).
— L'éditeur Konegen, de Vienne, annonce une Sanskrit-Grammatik. de M. G.
Bùhler, une étude de M. Hugo Gleditsch, Die Cantica der sophokleischen Tragœ-
dien nach ihrem rhythmischen Bau betrachtet; et une collection intitulée Wiener-
Neudrucke, dirigée par M. Aug. Sauer (Ier vol. : Auf, auf, ihr Christen ! d'Abraham
a Santa Clara; IIU vol. : Der Hausball, récit de V***).
— A la librairie Trûbner, de Strasbourg, paraîtront bientôt une étude de M. Rich.
Schwemer, Innocent III und die deutsche Kirche wœhrend des Thronsireites 1 ig8-
1208 ; un travail de M. O. Winckelmann, Die Be^iehungen Karls IV %um Kœnig-
reich Arelat, et deux fascicules nouveaux de la collection « Quellen und Forschun-
gen » XLVIII : Die Accente in Otfrieds Evangelienbuch, par M. N. Sobel ; XL1X :
Ueber Georg Greflinger von Regensburg als Ditchter, Historiker und Ueberset\er.
378 REVUE CRITIQUE
— La 23- réunion de la Commission historique a eu lieu à Munich, du 29 sep-
tembre au 2 octobre. Depuis la réunion de l'an dernier, on a achevé l'impression du
2« volume des Chroniques de Mayence, du ier vol. des lettres du palatin Jean Casi-
mir (éditeur, M. Fr. de Bezold), des livraisons LXVII-LXXVl de VAllgemeine
deuische Biographie, du XXIIe vol. des Forschungen fur deutschen Geschichte, de
la première partie des Reichstagsacten sous le roi Robert (éditeur, M. Jul. Weiz-
Sjecker), de la deuxième partie du 3e vol. des « Lettres et actes pour l'histoire du
xvie siècle », contributions à l'histoire de l'empire, i552 (éditeur, M. Aug. de Druf-
fel). UHistoire de l'historiographie, de M. de Wegele, sera publiée l'année pro-
chaine. Le XVIIIe volume des « chroniques des villes allemandes » est presque ter-
miné et sera bientôt distribué; il termine les chroniques de Mayence; à la fin de ce
vol., M. Hegel donne l'histoire de la constitution de cette ville. Les chroniques de
Mayence seront suivies des Chroniques de Lùbeck, dont la publication a été confiée
à M. Koppmann; le premier volume paraîtra dans le cours de l'année prochaine.
MM. S. Riezler, H. Grauert et J. Petz ont fait à Rome d'heureuses recherches
pour la publication d'un recueil .de documents relatifs aux Wittelsbach de 1180 à
1347; ils ont pu prendre copie, soit en entier, soit en extraits, d'un grand nombre
de pièces concernant l'histoire de l'empereur Louis. Sont à l'impression le 6e vol.
du recueil des Hansereces se (éditeur, M. Koppmann); le second et dernier volume
des Jahrbûcher de Charlemagne (éditeur M. Simson); les Jahrbûcher du roi Kon-
rad III (éditeur, M. Bernhardi; le VIIIe vol. des Reichstagsacten, sur l'époque du roi
Sigismond (éditeur, M. Kerler), etc.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du i3 octobre 1882.
M. le ministre de l'instruction publique adresse à l'Académie la copie d'un rap-
port de M. Maspero sur les travaux des membres de l'École française du Caire. Ren-
voyé à l'examen en commission.
M. de Laigue adresse l'estampage d'une inscription latine sur lame de plomb qui
lui a été envoyée de Sardaigne et sur laquelle il sollicite l'opinion de l'Académie.
L'Académie procède à l'élection de trois commissions chargées de désigner des ques-
tions à mettre au concours pour les divers prix. Il y a à donner, pour le prix ordi-
naire et le prix Bordin, quatre sujets, dont deux tirés des études d antiquité classique
et deux des études relatives au moyen âge; pour [le prix Brunet (bibliographie), un
sujet d'érudition orientale. Le sujet du prix Delalande Guérineau devra appartenir
aux études sur le moyen âge. Les commissions devront proposer pour chaque con-
cours trois sujets différents, entre lesquels l'Académie choisira. Ces commissions
sont ainsi composées :
Pour l'antiquité classique, MM. Egger, Léon Renier, H. Weil, Albert Dumont ;
Pour le moyen âge, MM. L. Delisle, Ch. Jourdain, Hauréau, Siméon Luce;
Pour l'Orient, MM. Renan, Schefer, Barbier de Meynard, Senart.
M. Georges Perrot lit un mémoire sur des Sceaux hittites, de terre cuite, apparte-
nant à M. G. Schlumberger. Le peuple des Héthéens, Hittites ou Khétas, dont il est
question dans l'Ancien Testament, dans quelques auteurs classiques et dans un grand
nombre de textes hiéroglyphiques et cunéiformes, occupait, dans une antiquité recu-
lée, la région septentrionale de la Syrie, le pays où sont aujourd'hui les villes d'Alep
et de Hamath. Sa principale place de guerre était Qadech, sur l'Oronte. Les Hittites
soutinrent contre les Egyptiens de longues guerres sur lesquelles les documents hié-
roglyphiques fournissent des détails circonstanciés ; un traité de paix, conclu entre
leur roi et Ramsès II et cimenté par un mariage, n'interrompit ces hostilités que pour
un temps. Plus tard, le roi Salomon rechercha l'alliance des Hittites ; puis, ils eurent
à se défendre contre de nouveaux ennemis, les Assyriens. Malgré leur courageuse
résistance, les Hittites furent enfin complètement défaits par les conquérants nini-
vites; vers le vin* siècle avant notre ère, ils disparaissent définitivement de l'hisioire.
d'histoirk et dk littérature 379
Le rôle qu'ils y avaient joué n'était pas sans éclat; ils avaient un moment étendu leur
domination, d'une part, à travers toute l'Asie Mineure, jusqu'à la mer Egée, de l'autre
jusqu'à l'Euphrate et à la frontière méridionale de la Syrie. Ce qui attache surtout sur
ce peuple, en ce moment, l'attention des historiens de l'antique Orient, c'est que les
Hittites paraissent être les inventeurs d'un des systèmes primitifs d'écriture de l'anti-
3uilé. Ils avaient un alphabet, composé, comme celui des Egyptiens et celui des Chal-
éens, d'hiéroglyphes idéographiques; c'est de cette écriture que paraît être dérivé le
caractère syllabique employé, pour écrire le grec, dans les inscriptions cypriotes. Depuis
une quinzaine d années, on a relevé, dans diverses parties de l'Asie Mineure et de la
Syrie et surtout dans la région d'Alep et de Hamath, un assez grand nombre d'inscrip-
tions en caractère hittite. Nul n'est parvenu jusqu'ici à les déchiffrer. 11 ne faut pas
s'en étonner ; on ignore à la fois l'alphabet et la langue de ces textes, et l'on ne sait
même pas s'ils sont tous dans la même langue. Pour essayer un déchiffrement, il fau-
drait avant tout pouvoir comparer le plus grand nombre de textes possible. M. W. Har-
ry Rylands, président de la Société d'archéologie biblique de Londres, vient de pu-
blier dans le tome VII des Transactions de cette société un recueil qui comprend
presque toutes les inscriptions hittites connues. M. Georges Perrot se propose de four-
nir un premier supplément à ce recueil en publiant des sceaux hittites, au nombre de
18, qui ont été rapportés de Constantinople par M. Schlumberger et qui n'ont pas en-
core été étudiés jusqu'à ce jour.
Ouvrages présentés, de la part des auteurs, par M. Egger : — i° Rochas d'Aiglun
(A. de), Pensées et Mémoires politiques inédits de Vauban (extrait du Journal
des Économistes, 1882); — 2» Bailly(A.), le Verbe téu,V£lv dans le serment d'Hip-
pocrate (extraits des Mémoires de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts d'Or-
léans, 1882).
Séance du 20 octobre 1882.
L'Académie se forme en comité secret pour entendre les rapports des commissions
chargées de proposer des sujets de prix.
La séance publique est reprise à quatre heures et demie.
M. Alexandre Bertrand met sous les yeux des membres de l'Académie deux cro-
quis exécutés par M. Raoul Gaignard et rapportés par M. Ferdinand Delaunay, qui
représentent les ruines romaines mises au jour par les fouilles du P. de la Croix, à
Sanxay (Vienne), à 28 kil. de Poitiers. M. Bertrand a visité ces ruines et en a re-
connu l'importance considérable. On a trouvé un théâtre, des bains, un sacellum, un
grand édifice qui est peut-être un temple, tout cela en pleine campagne; de menus
objets en petit nombre, ustensiles, médailles gauloises et romaines, enfin deux frag-
ments d'inscription, l'un comprenant trois lettres de om20 de hauteur et omi6 de lar-
geur, POL (Apollo ?), l'autre où on lit :
TI
ECR [cons]ecr[avit\ ....
V v[otum solvitj ....
M. Delisle communique, de la part de M. De Witte, un extrait d'une lettre de
M. Lenormant, qui rend compte des résultats de son voyage archéologique dans la
Basilicate et la Calabre. M. Lenormant, en compagnie de M. Barnabei, a visité Lu-
cera (Luceria), Ascoli (Asculum Appulum), Ordona (Herdonia), Melfi, Rapolla, Ve-
* nosa ( Venusium), Banzi (Bantia), Acerenza (Acheruntia), Potenza (Potentia), Méta-
ponte, Tarente, Rossano, Catanzaro et les ruines voisines des Castra Hannibalis,
Teriolo, Nicastro et le site probable de Terina, Pizzo, Monteleone (Hipponion, Vibo
Valentia), Mileto, Nicotera, le site de Medma, Palmi et Reggio. Dans plus de la moi-
tié de ces localités, dit-il, il n'avait été précédé par aucun archéologue. Il a recueilli
plus de 200 inscriptions latines inédites, une trentaine de grecques. Il a réuni de
nouveaux renseignements pour la détermination du site précis de Terina et a dé-
couvert les ruines encore inconnues de Medma (avec une fontaine mentionnée par
Strabon et un théâtre) et à' Hipponion. Il a recueilli « de nouveaux et importants do-
cuments sur l'existence d'une poterie apulienne à décors géométriques, qui offre avec
celle de Chypre une ressemblance extrêmement étroite. » Au point de vue de l'ar-
chéologie préhistorique, M. Lenormant a reconnu que plusieurs des lieux colonisés
par les Grecs, comme Métaponte et Hipponion, avaient été déjà des stations impor-
tantes dans l'âge de la pierre polie, et il a retrouvé des débris de la poterie noire
italique primitive, dont la fabrication s'est étendue sur tout le midi de la péninsule.
Enfin, il a relevé des traces nombreuses et intéressantes de la civilisation et surtout
de l'architecture du temps des Normands et des Hohenstaufen.
M. Casati commence la lecture d'un travail sur l'état actuel de la science histori-
que en ce qui concerne les Etrusques. Il s'attache à redresser certaines erreurs qui
ont cours parmi les savants. En effet, malgré les travaux très remarquables de plu-
sieurs érudits, Otfried Mûller, Noël des Vergers, Fabretti, Conestabile, Deecke, mal-
gré des découvertes récentes fort importantes, on n'a pas beaucoup avancé depuis
Gori et Lanzi, qui vivaient au siècle dernier. Ainsi on continue de dire et d'écrire
que les mots étrusques lar et lucumon étaient, l'un un titre de noblesse, l'autre un
titre royal, que l'Etrurie se divisait en plusieurs lucumonies ou royaumes. M. Casati
380 REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTERATURE
présente divers arguments pour établir que ces mots étaient des prénoms et non des
titres. Le prénom Lar faisait au féminin Larthia, comme un autre prénom, Arnth,
faisait au féminin Arnthia. Quant à Lucumon, ou plutôt Luchmu, c'était le prénom
du premier roi étrusque de Rome, Tarqjin; les Romains l'ont latinisé en Lucius.
C'est parce que ce prénom était celui d'un roi étrusque que les Romains en ont fait
le titre des rois de l'Etrurie, de la même façon que, plus tard, le nom propre Ca'esar
a fini par devenir un nom commun signifiant empereur.
La séance publique annuelle de l'Académie est fixée au 1 7 novembre.
Ouvrage présenté, de la part du traducteur, par M. Ravaisson : le Livre des Morts
des anciens Egyptiens, traduction complète d'après le papyrus de Turin et les ma-
nuscrits du Louvre, accompagnée de notes et suivie d'un index analytique, par Paul
Pikrret.
Séance du 2 y octobre 1882.
M. Heuzey donne lecture de l'introduction et de la conclusion d'un volume qu'il
va faire paraître et qui formera le tome Ier d'un Catalogue des figurines de terre
cuite du Louvre. Ce volume traitera des origines orientales de l'industrie des terres
cuites et notamment des figurines de fabrication assyrienne, chaldéenne, babylo-
nienne, phénicienne, cypriote et rhodienne. — Dans la première partie de sa lecture
(introduction du volume), M. Heuzey présente des considérations sur les terres cuites
vernissées d'Egypte, improprement dites faïences égyptiennes. Ces terres cuites et
les imitations qu'en firent les Phéniciens, répandues par le commerce dans tout le
bassin de la Méditerranée, donnèrent naissance à plusieurs des types qui furent
adoptés par l'art grec. 11 en résulta que, par l'intermédiaire de l'art, la mythologie
égyptienne exerça une influence sensible sur la mythologie grecque. La Grèce crut
aux dieux dont les images lui arrivaient d'Egypte et leur donna une place dans son
panthéon; mais elle ne comprit pas toujours ces images, et de là d'étranges altéra-
tions des mythes primitifs. Ainsi les Egyptiens avaient représenté Horus naissant,
symbole du soleil levant, sous la forme d'un enfant qui se suce le doigt, geste fami-
lier aux enfants en bas âge. Les Grecs se méprirent sur ce geste, et, d'Horus enfant,
ils firent Harpocrate, génie du silence. De Ptah-embryon, figure grotesque d'un fétus,
à la tête aplatie, aux jambes courbées qui, dans le principe, représentait encore le
soleil, au moment où il va se lever, les Grecs tirèrent le mythe d'Héphestos, enfant
difforme et boiteux. — Dans la seconde partie de sa communication (conclusion du
volume), ML Heuzey insiste sur l'importance de la fabrication rhodienne dans l'his-
toire des débuts de l'industrie de la terre cuite en Grèce. On a vu dans les figurines
de terre cuite fabriquées à Rhodes des imitations de celles de la Phénicie. M. Heuzey
croit pouvoir établir que c'est le contraire qui a eu lieu. L'industrie rhodienne avait,
à l'époque archaïque, une importance de premier ordre. Le commerce en portait les
produits, non-seulement dans toute la Grèce, mais jusqu'en Sicile et en Italie. Ce
sont ces produits que les Phéniciens se mirent à imiter, et on leur a fait un honneur
immérité en prenant leurs imitations pour des créations originales. Quand, plus tard,
le monde grec à son tour imita les poteries phéniciennes, il ne fit en quelque sorte
que reprendre à l'Asie ce qu'il lui avait donné.
L'Académie décide que la seconde partie de cette communication de M. Heuzey
sera lue à la séance publique annuelle, qui doit avoir lieu le 17 novembre.
M. Desjardins rend compte de l'examen d'une inscription communiquée à l'Acadé-
mie dans une séance précédente. Cette inscription avait été envoyée de Sardaigne à
M. de Laigue, consul de France à Livourne, qui en avait adressé un estampage à
l'Académie, en demandant l'opinion des épigraphistes sur le valeur de ce document.
M. Desjardins croit pouvoir répondre avec certitude que l'inscription n'est pas au-
thentique. L'emploi du plomb, pour une inscription funéraire, serait un fait sans
exemple. La forme des lettres n'est pas ancienne. Les points destinés à séparer les
mots sont placés au bas des lettres, comme dans la typographie moderne, au lieu
d'être à mi-hauteur, suivant la règle des inscriptions antiques. Il y a des points à la
fin des lignes, tandis qu'il ne devrait y en avoir que dans l'intérieur des lignes, pour
séparer les mots. Enfin, quelques-unes des formules et des abréviations employées
sont insolites. On doit des remerciements à M. de Laigue pour sa communication;
grâce à son empressement à soumettre au jugement de l'Académie l'inscription qu'il
venait de recevoir, on a pu en constater tout de suite la non-authenticité, et le public
savant est mis en garde contre un document apocryphe qui n'a encore eu le temps
de tromper personne.
M. Cuq commence la lecture d'une étude sur le Consilium principis, d'Auguste à
Dioctétien .
Ouvrage présenté, de la part de l'auteur, par M. Geffroy : Mùntz (Eug.), les Arts à
lacour des papes, 3e partie (pontiricat de Sixte IV, 1471-1484).
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessau fils, boulevard Saint-Laurent, 2 3
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 46 — 13 Novembre — 1882
Sommaire t 23i. Windisch, L'influence grecque sur le théâtre hindou. — 232.
Lucius, t/essénisme. — 233. Baschet, Les comédiens italiens à la cour de France.
— 234. W. Buchner, Ferdinand Freiligrath. — Chronique. — Académie des Ins-
criptions.
23 1. — E. Windisch. Dcr griecliisclie Einfluss im Intlisclien Drauia.
Separat-Abdruckaus den Abhandlungen des fûnfien internationalen Orientalisten-
Congresses gehalten zu Berlin im September 1881. Berlin, A. Asher und C°. 1882.
106 p. in-8°
Ce mémoire de M. Windisch, lu au congrès des Orientalistes de Ber-
lin, n'est pas seulement le travail le plus substantiel qui ait été fait de-
puis longtemps sur le théâtre hindou ; il doit encore être compté parmi
les études de littérature comparée les plus ingénieuses et les plus inté-
ressantes qui aient été publiées au cours de ces dernières années. Per-
sonne ne lira sans plaisir ni sans fruit ces rapprochements multiples
faits avec autant de goût que de savoir entre les drames de l'Inde et la
comédie classique, et le plus sceptique sera reconnaissant à l'auteur
d'avoir bien voulu discuter à fond un parallèle que d'autres avaient in-
diqué déjà, mais que personne, jusqu'ici, ne s'était attaché à poursuivre
dans le détail. Pour ma part, je suis d'autant plus heureux de pouvoir
louer sans réserve la partie purement comparative de ce travail, que
l'auteur n'a pas réussi à me convaincre de la justesse de la conclusion
historique qu'il en tire, celle d'une influence profonde et nettement ap-
préciable de la comédie grecque sur le drame hindou.
A première vue, il est vrai, la thèse de M. W. séduit par la modestie
de ses prétentions. Il se garde bien de vouloir dériver d'une pièce le
théâtre des Hindous de celui des Grecs. Il accorde à l'Inde la création
parfaitement indépendante d'un premier drame demi-héroïque, demi-
religieux, dont rien du reste ne nous est parvenu. Il écarte aussi du
problème la tragédie et l'ancienne comédie, si inséparablement liées
l'une et l'autre aux conventions et à l'appareil scéniques d'Athènes. Ce
serait la nouvelle comédie de Philémon et de Ménandre, ce théâtre si
éminemment propre à l'adaptation qu'Athènes a légué à Rome, qui au-
rait servi de modèle aux Hindous et leur aurait donné l'idée du drame
d'intrigue et d'amour. Réduite à ces proportions, la thèse de M. W. ne
soulèverait pas de graves objections. On sait que des tragédies d'Euri-
pide ont été représentées à la cour des rois Parthes et on peut présumer
que les princes indo-grecs entretenaient également des troupes de co-
Nouvclle série, XIV. 20
382 REVUE CRITIQUE
médiens. Il est donc fort probable que des prédécesseurs de Kâlidâsa,
avec un peu de bonne volonté, ont pu assister à la représentation de
drames grecs. Mais M. W. ne se contente pas de cette parenté toute
générale et un peu abstraite : il prétend la vérifier dans le détail et en
produire des preuves directes. Il passe en revue et accepte successivement
comme telles les nombreuses analogies que présentent les deux théâtres, de-
puis les personnages communs tels que le soldat fanfaron, le parasite, le
valet confident, à la fois fripon et dévoué, la matrone, la courtisane,
jusqu'aux procédés d'exposition et aux moyens scéniques, tels que le
prologue, le dialogue rapide, les signes de reconnaissance. Le résultat
de l'enquête finit ainsi par dépasser singulièrement la proposition si
modeste du début. Il ne va pas à moins qu'à faire de tout ou de pres-
que tout ce qui nous reste du théâtre hindou, un reflet direct, une sorte
d'adaptation du théâtre grec de l'époque macédonienne.
Ce résultat, nous ne pouvons l'admettre, sans être d'ailleurs plus à
même d'en prouver la fausseté que ne l'a été M. W. d'en établir l'évi-
dence. Il y a des choses qui ne se démontrent pas. Mais il en est de plus
ou moins probables, et, à notre sentiment, la conclusion de M. W. ne
l'est guère. Il faut, en effet, envisager aussi l'autre face du problème, et,
à côté des analogies, ne pas oublier les différences. Il faut se représenter
combien, en dépit de ces rencontres, d'ailleurs toutes explicables sans
qu'on sorte pour cela de l'Inde, ce théâtre, qui serait sous tant de rap-
ports une reproduction si minutieuse de modèles étrangers, est profon-
dément hindou. Il n'y a là pas une note qui détonne, pas une réminis-
cence directe. L'imitation n'eût porté que sur des conceptions pour
ainsi dire abstraites : tout le reste eût été, jusqu'à la dernière trace, dé-
naturé et assimilé.
L'histoire littéraire nous montre des cas d'influence semblable, à la
fois si profonde et si discrète. Nous savons parfaitement que l'Egmont de
Goethe eût été tout autre, si Shakspeare et Racine n'avaient point écrit.
Mais ces exemples appartiennent à une époque de large éclectisme, où
le poète est doublé d'un historien et d'un critique, et où, d'autre part,
la conception d'une littérature nationale est nettement formulée. Avant,
nous n'en trouvons pas. Nous voyons, au contraire, que s'inspirer d'une
littérature étrangère qui apporte un idéal supérieur, revient à l'imiter
franchement, à la copier, parfois à la traduire, et que nulle part, pour
des raisons faciles à trouver, cette imitation n'est moins déguisée qu'au
théâtre. Le drame hindou tel que l'explique M. W., quelque indirecte
d'ailleurs qu'on suppose l'imitation, en quelque nombre qu'on imagine
des intermédiaires entre l'original et la copie, serait un fait unique dans
toute l'histoire des lettres.
En résumé, nous croyons devoir séparer dans le mémoire de M. Win-
disch deux éléments d'inégale valeur : une étude de littérature comparée
très méritoire et digne d'attirer l'attention de tous ceux qui aiment à se
rendre compte comment des peuples de génie divers expriment, chacun
d'histoirk et DK LITTÉRATURE 383
de son côté, des réalités analogues ; et une thèse historique sur le
théâtre hindou très ingénieuse dans le détail, mais qui, prise comme
ensemble, a contre elle la vraisemblance.
A. Barth.
2 3z, — &>ei* Ëssenismus îu seincm Veriiseltniss xuin .Budenllium, von
P. Lucius. Strassburg, Trûbner. 1882, in-8° de i3i pp,
Des nombreux écrits qui ont paru sur l'essénisme ou qui en ont
traité, celui dont nous venons de transcrire le titre nous paraît, sous
beaucoup de rapports, un des plus satisfaisants. Cette secte n'est connue
que par ce qu'en rapportent le théosophe judéo-alexandrin Philon,
l'historien juif Josèphe et Pline qui n'a pu en parler que par ouï-dire et
en faire mention qu'à titre de curiosité historique. M. Lucius a eu
l'heureuse idée de commencer son travail par un examen critique de ces
trois sources. Ce n'est pas avec moins de raison qu'il a fait bonne jus-
tice des origines impossibles et incroyables qu'on a assignées à cette as-
sociation religieuse. Nous sommes disposé à penser avec lui qu'il faut
en chercher la cause dans l'histoire même du judaïsme. La famille d'Is-
raël, depuis son retour de Babylone, fut fermée, du moins dans la
Palestine, à toute influence étrangère; ce fut l'effet du triomphe défini-
tif du monothéisme dans son sein, en même temps que l'excessive va-
nité nationale que lui inspira la croyance qu'elle était le seul peuple
de l'Eternel. Qu'aurait-elle voulu accepter de nations étrangères dans
lesquelles elle ne voyait que des pécheurs?
M. Ed. Reuss, le premier, a montré dans l'essénisme une secte sépa-
ratiste. Cette opinion nous paraît incontestable; M. Lucius l'a adoptée.
Il a dû, dès lors, rechercher pour quelles raisons et à quelle époque un
certain nombre de Juifs avaient pu se résoudre à se séparer de l'ensem-
ble de leurs coreligionnaires, et à ne plus prendre part au culte public,
tout en restant attachés à la loi mosaïque.
Il est d'avis que cette séparation dut se produire dans cette période
de désordre qui s'écoula de la déposition illégale du grand prêtre Onias
(175 av. J.-C.) à l'établissement de Simon dans les fonctions de grand
prêtre en 140 av. J.-C. Pendant cette période, la souveraine sacrificature,
mise à l'encan par les rois de Syrie, fut exercée pardes hommes indignes tels
que Jason, Ménélas et Alcime, le sanctuaire fut profané, et les sacrifices
interrompus pendant trois années entières. On sait qu'un grand nom-
bres de Juifs se virent alors obligés de se retirer dans le désert (1 Mac-
chabées, 1, 53). Us y formèrent entre eux des réunions de piété; ces
associations ne furent pas sans doute étrangères à la naissance de l'es-
sénisme.
Dans tous les cas, des Juifs pieux durent regarder comme une profa-
nation la nomination de grands prêtres qui n'appartenaient pas à la des-
084 RfcVUE CRITIQUE
cendance d'Aaron, dont plusieurs n'étaient même pas de la tribu de
Lévy. Le culte lévitique perdit par cela même à leurs yeux, non pas
seulement sa sainteté, mais encore sa légalité. Rompre avec un culte
ainsi profané leur sembla un devoir de conscience.
On a supposé plus d'une fois que les esséniens avaient embrassé le
christianisme, après la ruine de Jérusalem. On ne saurait citer un seul
fait en faveur de cette hypothèse. Il est bien plus probable que, la Cité
sainte et le temple détruits et le culte lévitique devenu impossible, il n'y
avait plus de raison pour eux de rester séparés de l'ensemble du peu-
ple juif.
M. N.
233. — Les comédiens Stulîcns ù lu tour «Se France, sous Clinrles IX.»
EScnri Bflï, Henri IV et louis XBBï, d'après les lettres royales, la corres-
pondance originale des comédiens, les registres de la trésorerie de l'épargne et
autres documents, par Armand Baschet. Paris, Pion, 1882, in-8e carré de xv-
367P.
M. A. Baschet disait, en 1866, dans une note du chapitre x de son
charmant ouvrage Le Roi che^la Reine, chapitre intitulé Les divertisse-
ments de Louis XIII, que ses récentes recherches en Italie lui avaient
fait rencontrer, entre autres choses piquantes et curieuses, nombre de
lettres de comédiens italiens venus en France, successivement appelés
parles rois Henri III, Henri IV et Louis XIII. Il citait les noms de
Tristano Martinelli [Y Arlequin de ces temps-là), de Pier Maria Cec-
chini (le Fridelin), de Giovanni Battista Andreini (Lelio). Il annonçait
beaucoup de choses qu'il déclarait vouloir publier comme matériaux de
prix pour servir à l'histoire du théâtre en France à la fin du
xvie siècle et au commencement du xvne. « Depuis lors, » dit- il dans son
vif et agréable Avant-propos (p. vin), « mes rencontres se sont faites
plus nombreuses. Après même que j'avais cru mon siège fait et mon
travail terminé, j'ai eu matière à produire un chapitre tout particulier
au règne de Charles IX. La consultation des registres de la chancellerie
de Marie de Médicis a comblé aussi diverses lacunes. D'autres textes
d'information — papiers de finances, lettres de personnages du temps,
mille riens qui permettent de tant dire — ont rempli d'autres vides. En-
fin, peu à peu, laissant la chose un jour, la reprenant un autre, la dé-
laissant de nouveau, y revenant encore, j'ai formé un ensemble avec
les moissons faites, et sur cet ensemble, un récit tout rempli de preu-
ves, qui est l'ouvrage ici présenté. »
L'aimable écrivain ajoute (p. x) : « On connaît par le menu l'histoire
des comédiens italiens établis en France avec des privilèges sous
Louis XIV; on ne la connaît que par des généralités, avec accompagne-
ment de beaucoup d'erreurs, pour les temps qui précédèrent. Alors, ces
d'histoire et de littérature 385
comédiens n'étaient point établis. Ils venaient et séjournaient comme
s'ils eussent été des troupes ambulantes. L'hôtel de Bourgogne, la salle
de Bourbon, étaient le lieu de leurs réunions, lorsqu'avec la permission
du roi, qui les avait appelés à Paris, ils jouaient ailleurs qu'à la cour,
c'est-à-dire à la ville et pour la ville. Je m'en suis tenu à ces temps- là,
et je les ai explorés, ne m'arrêtant qu'à des sources bien sûres. »
Ces sources sont principalement les belles archives de l'ancienne mai-
son de Gonzague, à Mantoue, qui ont déjà fourni à M. B. tant de
documents précieux relatifs aux beaux-arts, aux belles-lettres et à l'his-
toire, archives dont il parle (pp. xi-xv) avec la plus chaleureuse reconnais-
sance. Autour des textes tirés de la collection où déjà l'heureux cher-
cheur avait trouvé les lettres d'Aide Manuce et de Rubens, ont été
réunis tous les renseignements imaginables extraits, les uns, des ma-
nuscrits de nos archives et de nos bibliothèques, ainsi que des minutes
de divers notaires parisiens, les autres, d'une foule de livres français ou
étrangers. Aussi c'est avec une abondance en quelque sorte inépuisable
que M. B. nous entretient, en huit chapitres, des comédiens italiens
en France et pendant le règne de Charles IX, sous le règne de Henri III,
sous celui de Henri IV, sous la régence de Marie de Médicis, enfin sous
le règne de Louis XIII, joignant à mille particularités sur ces comé-
diens mille informations sur des sujets divers, notamment sur les trois
publications originales (deux en français, une en italien] de la descrip-
tion de l'Entrée du roi Henri II et de la reine Catherine de Médicis à
Lyon, en 1548 (pp. 7-10), sur les ouvrages relatifs à la comédie italienne
(pp. 1 1-12}, sur le château de Nogent-le-Roi (p. 7), sur les voyages du
roi Charles IX (pp. 27-29), sur le séjour à Paris en 1572 du comte de
Lincoln, grand amiral d'Angleterre, ambassadeur extraordinaire de la
reine Elisabeth (pp. 40-41), sur les ouvrages relatifs à l'histoire de l'an-
cien théâtre français (p. 48), sur le séjour du roi Henri III à Venise
(pp. 56-59) ', sur les dissertations littéraires dont Henri III voulut qu'on
le régalât à Blois, en 1576, pendant ses repas (p. 66) 2, sur Filippo Ca-
vriana, médecin de Catherine de Médicis, homme d'un esprit et d'un
savoir des plus remarquables (p. 6y), sur l'exemplaire unique à Paris
(Bibliothèque Sainte-Geneviève) de la Fiammella, pastorale de Bartolo-
meo Rossi publiée chez Abel l'Angelier en 1584 (p. 92), sur le sieur Jac-
1. A ce propos, annonçons à nos lecteurs une bonne nouvelle en citant cette note
de M. B. (p. 56) : « Nous avons formé depuis longtemps un recueil de pièces con-
sidérables, de pièces toutes relatives au voyage et séjour de Henri III à Venise et
copiées sur les originaux répartis dans les séries d'archives les plus diverses. Elles
sont les pièces justificatives, aussi étendues que variées, sources officielles et parti-
culières, de l'ouvrage spécial que nous devons publier sur ce très curieux épisode
de la vie de ce Valois qui fut reçu à Venise comme jamais prince ne l'avait été au-
paravant et ne le fut depuis. »
2. M. B. reproduit, à cet égard, un témoignage fort curieux consigné dans une dé-
pêche de l'ambassadeur de Mantoue, Ferrante Guisoni. Nulle autre part, dans les
récits du temps, on ne trouve semblable mention.
înara
386 REVUE CRITIQUE
ques de Fonteny, traducteur (1608) des Bravacheries du capitaine
Spavente par Fraucesco Andreini, traducteur dont le nom ne figure
dans aucun recueil biographique (pp. 174-175), sur l'abbé Louis Ruc-
cella'ï (pp. 261-270) ', sur le séjour de Louis XIII à Lyon (pp. 21 5-3 17),
sur les œuvres dramatiques et poétiques de Giovanni-Battista Andreini
(pp. 319-320).
Parmi les documents insérés par M. B. dans son intéressant volume,
on distinguera : une lettre du roi Henri IV à Arlequin (p. 106), datée
de Paris, le 21 décembre 1599, et qui n'était pas connue en France, car
elle n'a été retrouvée que récemment aux archives d'Etat, à Florence, et
n'a été publiée qu'en 1880 [Introdu\ione aux Scenari inediti par
M. Adolfo Bartoîi) ; une autre lettre du même roi (p. 157) qui manque
au recueil général de ses missives, adressée de Fontainebleau, le 10 no-
vembre 1606, au futur cardinal de Gonzague, et tirée des archives de
Mantoue 2 ; une série de lettres de Marie de Médicis (pp. 159-284), une
lettre d'Anne ^'Autrich: (p. 283), deux lettres de Louis XIII, une du
8 août 1621, écrite de Tonneins (p. 299), l'autre, du 10 octobre 1622,
écrite du camp devant Montpellier (p. 3i3). Tous ces derniers docu-
ments, qui étaient inédits, proviennent des archives de Mantoue. Men-
tionnons encore un Appendice où l'on trouve d'excellentes indications
sur les Registres des comptes de la Trésorerie de V Espar gne (p. 339)
et sur les Registres de la chancellerie de la reine Marie de Médicis
(p. 34i).
L'ouvrage est terminé par un Index alphabétique (très copieux) des
?ioms cités et des matières traitées dans l'ouvrage (pp. 343-356), et par
une table analytique intitulée Sommaires des chapitres (pp. ïSj-lbj).
On voit que M. Baschet n'a rien négligé pour rendre toutes les recher-
1. A tout ce que M. B. raconte de ce singulier personnage, j'ajouterai ce qu'en
dit Chapelain dans une lettre (encore inédite) à l'abbé Marucelli, à Florence : « J'ay
veu en cette cour, pendant la régence de la reyne Marie de Médicis. un abbé de cette
race d'un éclat égal à celuy des premiers du royaume et je luy ay veu disputer de la
faveur avec le duc d'Espernon et le cardinal de Richelieu. La statue équestre ou du
moins le cheval de la place Royale est un présent qu'il fit à Sa Majesté lorsqu'il
était icy. » Cette révélation de Chapelain complète et rectifie le récit de M. Anatole
de Montaiglon (Notice sur V ancienne statue équestre de Louis XIII, pp. 3o,
3i).
2. M. B. a raison de dire (p. 1 56) que le roi « prit sa meilleure plume » et écri-
vit « sur ce ton jovial, sur ce ton qui est si plein d'agrément pour sa mémoire au-
près de tout Français resté bon Gaulois. » Citons cette jolie phrase : « Par cette oc-
casion je vous ferè ressouvenyr de moy et de la France et vous pryrè de me mander
si vous avez point de regret et ne vous amusez tant à dyre vostre brevyère que
quelquefois il ne vous prenne envye de m'escripre... » A propos des lettres de
Henri IV, M. B. corrige (p. 145) une erreur de Berger de Xivrey qui ft. VII, p. 176)
a donné à une lettre de 1604 la date de 1607. On trouvera çà et là d'autres notes rec-
tificatives, par exemple pp. 8, 19, 40. De la note où, dans cette dernière page. M. B.
relève une erreur de M. de la Saussaye, il faut rapprocher une note (p. 68) qui ren-
ferme un grand éloge de Y Histoire du château dé Blois.
d'histoire et de littérature 387
ches faciles dans un livre qui est un des plus attrayants de tous ceux que
l'on doit à sa plume si savante et si spirituelle '.
T. de L.
234. — Ferdinand Freiligreih, ein Dichterleben in Briefen, von Wilhelm
Buchner. Lahr, M. Schauenburg. 2 volumes in-8°. vu et 439 p., 5o6 p.
Selon Fauteur de cet ouvrage, M. W. Buchner, Freiligrath a été « le
plus remarquable des lyriques de rAllemagne depuis cinquante ans » ;
il vaut mieux dire, pour ne pas être taxé d'exagération, l'un des plus
remarquables. Quoiqu'il en soit, M. B. a connu intimement Freilig-
rath; la veuve du poète a mis à sa disposition la plus grande partie de
la correspondance de Freiligrath avec ses parents et ses amis; les propres
souvenirs du biographe et les lettres nombreuses qu'il a eues entre les
mains lui ont donc permis de remplir de détails, aussi intéressants qu'a-
bondants, les deux volumes qu'il consacre à l'auteur du Lowenritt. On
peut même dire que cet ouvrage est, à certains égards, moins un livre
qu'un recueil épistolaire ; M. B. cite, presque à chaque page, les lettres de
son héros et de ses correspondants. Mais il a bien fait d'adopter cette
méthode ; les lettres de Freiligrath nous renseignent complètement sur
sa vie intime; elles sont pleines d'abandon; le poète y montre avec la
plus entière sincérité son noble caractère, son âme loyale et franche ; il a
de l'esprit, de la verve, de la gaieté et ce que les Allemands nomment
Schalkhaftigkeit ; les sentiments tantôt nobles et élevés, tantôt affec-
tueux et tendres, qu'il exprime, se mêlent à des pensées piquantes, à de
vives saillies, à des plaisanteries charmantes, à des idées folâtres et drôles
qui témoignent d'une bonne humeur et d'un entrain qu'on ne s'atten-
dait guère à trouver chez un homme qui eut bien des soucis et des
chagrins et chez un poète ordinairement grave, et assez épris du fantas-
tique et de l'horrible 2. Freiligrath s'épanchait volontiers dans ses lettres;
1. M. B., qui est le plus courtois des critiques, dit (note de la p. 19), à propos
d'une date inexactement indiquée par M. Campardon (Les comédiens du roi de la
troupe italienne pendant les deux derniers siècles) : « Le cas n'est point pendable.
L'auteur réparera cela dans une seconde et non moins belle édition de son ou-
vrage. » J'emprunterai à M. B. sa gracieuse formule et je dirai que dans une seconde
et non moins belle édition de son ouvrage, il devra réparer deux petits torts. Il fau-
dra qu'il abandonne (p. 45) l'étymologie de Ganache proposée par M. Edouard Four-
nier, dont l'érudition était plus ingénieuse que solide, et que dans la phrase où
apparaît (p. 2 38) l'illustre Peiresc « écrivant à un sieur de Valavoir, son ami, » il
substitue Valaveç à Valavoir et les mots son frère aux mots son ami.
2. Voir, par exemple, dans le IIe volume la lettre divertissante à Geibel. sur les
pages de laquelle Freiligrath avait collé des étiquettes de vin de Champagne; voir
aussi les noms comiques qu'il donne à ses amis, à Eichmann, à Schùcking, etc.,
et toutes ses poésies de circonstance, sous le titre de Scher\haftes dans le IVe vo-
lume de ses œuvres complètes.
388 REVUE CRITIQUE
sa correspondance a le ton d'une conversation libre, familière et en-
jouée; quoiqu'il se dise tvtsschreibfaul, il laisse trotter sa plume, il ne
cache à ses correspondants aucune de ses impressions, aucun des senti-
ments qui l'agitent au moment même où il écrit -, chacune de ses lettres
est une véritable effusion de cœur, Her^enserguss; jamais, certes, il n'a
pensé qu'elles pourraient être imprimées un jour.
Pour retracer la vie de Freiligrath, M. B. a donc évoqué Freiligrath
lui-même ; mais il ne faudrait pas croire qu'il s'est borné à des citations ;
cette correspondance est reliée par quelques mots d'explication, et, dans
chaque chapitre, les lettres groupées d'après l'ordre chronologique sans
désordre ni confusion, .sont toujours précédées d'un aperçu bref, mais
complet, des événements exposés dans la correspondance du poète, ainsi
que d'une appréciation rapide des œuvres qu'il a composées dans cette
période de sa vie. M. B., en un mot, a su mettre en œuvre les nom-
breux matériaux dont il disposait; la biographie de Freiligrath est,
comme l'indique le second titre de l'ouvrage, une biographie exposée par
les lettres mêmes de Freiligrath, ein Dichterleben in Brie/en ; mais
c'est un récit bien ordonné, et Ton doit féliciter M. B. d'avoir renoncé
à ridée qu'il avait eue un instant, de publier les lettres de Freiligrath
comme Strodtmann a publié celles de Bûrger : on y aurait perdu et le
récit — qui précède chaque chapitre — de la vie agitée de Freiligrath, et
les jugements que M. B. porte en passant sur ses poésies et où il a mis,
outre d'heureuses citations et la reproduction de vers inédits, du goût,
de la finesse, surtout une grande impartialité, quoiqu'il ne soit pas dans
les meilleures conditions pour être impartial.
Le premier volume comprend deux livres : I. Les années de jeunesse
(Jugendjahre, i8io-i832, pp. 3-88); II. L'âge mûr [Mannesjahre,
1832-1842, pp. 91-433) li Dans le premier livre, M. B. nous raconte les
premières années du poète, son enfance qu'il passa dans sa ville natale,
à Detmold (qui est aussi la patrie de Grabbe), son départ pour Soest où
il alla, à l'âge de quinze ans, apprendre le commerce chez son oncle.
Freiligrath n'acheva donc pas entièrement ses études, et toute sa vie il
regretta de n'avoir pas suivi les cours de l'université ; mais il emporta
du gymnase une bonne provision ; il avait une connaissancedes langues
classiques qu'il approfondit encore ; il posséda parfaitement plusieurs
langues modernes ; rarement poète eut l'esprit mieux meublé, et la
correspondance que publie M. B., abonde en citations tirées des auteurs
anciens. Il avait déjà un goût très vif pour la poésie; M. B. a retrouvé
dans les vieilles collections du Soester Wochenblatt et du Mindener
Sonntagsblatt les premiers vers de son héros ; la plupart de ces pièces
i . Le premier livre renferme deux chapitres : I. Les années d'enfance, Detmold
(pp. 3-33); IL Les années de jeunesse, Soest (pp. 34-88) ; et le deuxième livre,
quatre chapitres : III. Amsterdam (pp. 91-173); IV. Soest et Barmen (pp. 174-323);
V. Unkel (pp. 324-395); VI. Darmstadt (pp. 3g6-433).
d'histoire et de littérature 389
ont été reniées plus tard par le poète et ne figurent pas dans l'édition
complète de ses œuvres; quelques-unes ne sont cependant pas sans
mérite, même le Tiger und Wàrter que Chamisso blâma sévèrement.
Ce qui frappe le lecteur, et ce que M. B. met en relief, c'est l'étonnante
précocité du génie poétique de Freiligrath ; la pièce de vers, Moos-Thee,
composée après une maladie de poitrine dont il guérit, date de sa
seizième année, et c'est de vingt-un à vingt-trois ans qu'il a fait quel-
ques-uns de ses morceaux les plus connus, comme, par exemple, « les
compagnons menuisiers », « les émigrants » qui valurent plus tard à
leur auteur un hommage bien touchant ', « la vengeance des fleurs »
[Die Schreinergesellen, Die Auswanderer, der Blwnen Rache), etc., etc.
Le deuxième livre traite de Y âge mûr. Freiligrath resta près de sept ans
à Soest; il s'y fiança avec Caroline Schwollmann, mais il y avait dans
son affection pour Lina, d'ailleurs bien plus âgée que lui, plus de recon-
naissance que d'amour; le mariage projeté n'eut pas lieu. En janvier
i832, Freiligrath quitta Soest pour Amsterdam où on lui offrait, dans
une grande maison de change, un emploi plus lucratif. 11 mena en
Hollande une vie assez solitaire; mais il fut transporté, comme dit son
biographe, du cercle étroit d'une petite ville de Westphalie sur le bord
de la mer et au milieu de la vie animée d'un grand port (p. 172), et
c'est là qu'il composa les poésies qui le rendirent célèbre en Allemagne 2.
Bientôt son patron qui d'abord le faisait asseoir au bas bout de la table,
lui donna la place d'honneur à côté de sa femme qui s'entretenait avec
Freiligrath de Jean Paul et de l'éternité du sentiment (p. 94). Freiligrath
avait envoyé quelques-unes de ses poésies (Scipio, Lœwenritt, Moosthee,
et Anno Dominï] à Chamisso et à Schwab qui dirigeaient Y Almanach
des Muses. La correspondance qui s'engagea, à cette occasion, entre
Freiligrath et les deux directeurs de ce recueil poétique est très atta-
chante; parmi les lettres que publie M. B., on remarquera celle où le
jeune homme racontait sa vie et ses projets à Gustave Schwab (pp. 148-
149); il y dit comment il « passa des Muses à Mercure » au moment
même où il lisait avec passion les romans de Walter Scott et ne pensait
qu'aux bruyères de l'Ecosse; il se plaint du métier qu'ila dû prendre et
qui, plus que tout autre, « enchaîne le poète ». La réponse de Schwab
mériterait d'être citée en entier (pp. i5i-i52): « Chamisso m'écrit qu'il
faut vous tendre une main fraternelle et vous prévenir contre le genre
maniéré (yor Manier yvarnen) ; et je vous préviens aussi contre le choix
incessant de sujets trop effrayants et trop fantastiques; je vous avertis de
1. A Londres, mai i852 : en visitant un vaisseau avec son fidèle Eichmann, Frei-
ligrath vit deux jeunes Allemands qui lui demandèrent son nom ; ils lui prirent les
mains ; quel bonheur pour eux de voir le poète des Emigrants! Ils appelèrent les
femmes et les enfants ; tous voulaient serrer la main à Freiligrath; voilà, dit le poète
à Eichmann, voilà qui fait du bien au cœur, même quand on a été chassé de sa
patrie, II, p. 246.
•2. Le premier recueil de ses vers parut en i838.
:>g° RKVUE CRIT1QUK
ne pas sacrifier le goût aux dépens du gigantesque et de l'aventureux et
des contrastes tranchés, de ne pas abuser des bouts-rimes consistant en
noms propres géographiques et historiques; n'étouffez pas votre talent
sous les bagatelles de la forme, etc. » Schwab avait mis le doigt sur les
principaux défauts de Freiligrath, défauts que M. B. a peut-être trop
indulgemment palliés et dont le poète ne s'est pas entièrement corrigé :
il a trop aimé les tours de force, il a trop recherché — quoique M. B.
prétende qu'il ne faut pas employer le mot gesucht en parlant .de
Freiligrath (II, p. 480) — les expressions bizarres; ses images sont
parfois outrées ; dans quelques-uns de ses poèmes, on sent l'effort, un
effort puissant, mais trop continuel.
Fatigué d'être à la fois « poète et marchand » et voulant n'être que
poète, Freiligrath quitta la maison d'Amsterdam à laquelle il était atta-
ché depuis cinq ans; il revint en Allemagne. Nous ne ferons que men-
tionner en passant son voyage en Westphalie et sur les bords du Rhin,
son mariage avec Ida Melos (1841), son séjour à Barmen, à Darmstadt
où il connut Karl Buchner (le père de M. W. B.), la pension de trois
cents thalers que lui fit le roi de Prusse, etc. Cette dernière partie du
volume renferme un grand nombre de lettres intéressantes, entre autres
celle où Freiligrath parle du voyage d'études qu'il voudrait faire dans
les mers du Nord, sur le vaisseau de guerre hollandais qui accompagne
la flotte des pêcheurs de hareng, et dans le Levant pour en rapporter
« ein goîdenes Liedervliess », une toison d'or de chants (p. '216). Signa-
lons aussi ses lettres à Immermann, à Wolfgang Mûller, à M. Carrière,
à Kûnzel, à Levin Schûcking « aux yeux de fantôme » avec qui il com-
posa la Westphalie ■pittoresque et romantique, à Simrock, ou, comme
il l'appelle, Simrath, avec qui il publiait le Rheinisches Jahrbuch et qu'il
représente, l'Iwein ou le Parzival à la main, dirigeant ses vendangeurs
et faisant jeter du fumier sur ses couches d'asperges (p. 392), à sa fiancée
(voir la charmante idylle de Monra, pp. 382-385), etc., etc.
Nous arrivons au second volume qui comprend trois livres, le IIIe, le
IVe et le Ve de l'ouvrage. Le III0 livre est consacré aux années d'orage
et de voyage (Sturm-und Wanderjahre, pp. 3-241) *. Freiligrath s'éta-
blit avec sa jeune femme sur les bords du Rhin, à Saint-Goar, où il fait
la connaissance de Longfellow et de Geibel ; c'est alors qu'il écrit son
livre sur Immermann et qu'il publie ses premières poésies politiques.
M. B. montre comment Freiligrath se laissait peu à peu aller à l'oppo-
sition; comment, après avoir désapprouvé la conduite du gouvernement
hanovrien envers les sept professeurs de Gœttingue, il arriva à composer
1. Voici les divisions de ce second volume : VII. Saint-Goar (pp. 3- n 2) ; VIII.
Ostende et Bruxelles, Meyenberg et Zurich, Londres (pp. 113-207); IX. Dûsseldorf,
Cologne, Bilk (pp. 208-237); X. Deuxième séjour à Londres (pp. 241-384); XL
Stuttgart, Cannstatt (pp. 385-466); XII. Résumé (pp. 467-483). L'ouvrage compte
donc douze, et chaque volume, six chapitres.
d'histojrk et dk littéhature Sqi
les poésies qui forment sa « profession de foi » (Glaubensbekenntniss) et
qui firent de lui « le porte-drapeau poétique du libéralisme », ou, comme
il disait assez emphatiquement, le héraut et le prophète delà révolution;
comment, après avoir dit que le poète « est sur un observatoire plus
élevé que les créneaux d'un parti » ', après avoir vertement réprimandé
le fougueux Herwegh, il renonça à la pension que lui faisait le roi de
Prusse \ Ce ne fut donc pas après la nuit qu'il passa à Coblenz avec
Hoffmann de Fallersleben à sabler le Champagne, qu'il devint whig 3 ; il
Pavait toujours été ; mais il eut alors pleine conscience d'être whig, ou,
comme il dit encore, il se proclama girondin tandis que Herwegh se
prétendait montagnard (cp. p. 101).
Freiligrath dut quitter l'Allemagne après la publication de son « Glau-
bensbekenntniss » ; il fit un court séjour à Bruxelles, puis à Zurich où il
composa le Ça ira, et se retira en Angleterre (juillet 1846-mai 1848 4).
Il y redevint employé dans une maison de commerce (Huth et Cie), tan-
dis que sa femme donnait des leçons d'allemand. Il restait donc toujours,
selon son expression, Tagelœhner und Poet, à la fois journalier et poète.
Les événements de 1848 le rappelèrent en Allemagne ; il alla demeurer
à Dusseldorf. Il prit part au congrès démocratique de Francfort; son
poème Die Todten an die Lebenden, « les morts aux vivants » (il repré-
sente les combattants de mars qui sont tombés excitant les vivants à un
dernier et sanglant soulèvement pour la liberté), le fit traduire devant le
jury de Cologne, le premier, dit M. B., qui eut, dans la Prusse rhénane,
à juger un délit politique (II, p. 210); il fut acquitté au milieu de
l'enthousiasme du public. Il était alors très populaire dans la province
du Rhin ; un commissionnaire, apprenant qu'il portait la malle de
Freiligrath, refusait l'argent du poète et ajoutait qu'il n'oublierait de sa
vie l'honneur que lui avait fait Freiligrath. Un joueur d'orgue venait
naïvement lui demander une chanson qui « empoigne et fasse frémir » et
lui offrait un thaler et même deux thalers pour sa peine; Freiligrath
répondait en souriant qu'il n'avait pas le temps, mais qu'il connaissait
de meilleurs poètes que lui à Dusseldorf, et il renvoyait le joueur d'or-
gue à Wolfgang Muller qui, pour deux thalers, se chargerait volontiers
de la besogne » (II, p. 21 3). Mais Cologne était le centre du mouvement
démocratique ; Freiligrath s'y transporta avec les siens ; il collaborait à
la Neue rheinische Zeitung dirigée par Karl Marx ; il donna à ce jour-
1. On connaît ces deux vers si souvent cités :
Der Dichter steht auf einer hœhern Warte
Als auf den Zinnen der Partei.
2. Voir sa lettre au ministre Eichhorn, publiée par M. B. (II, p. ia5).
3. Lire la lettre qu'il écrit à Brockhaus à l'occasion de la nouvelle édition du
Conversationslexicon, et où il proteste contre cette a fable » ; la lettre est d'ailleurs
très importante ; c'est un long article biographique sur Freiligrath, — depuis ses
premières années jusqu'en i852 —rédigé par Freiligrath lui-même (II, pp. 260-264).
4. Cp. la pièce de vers nach England, II, p. 184.
3Q2 RRVUK CRITIQUE
nal les poésies : Wien, Blum, Ungarn, Reveille, les vers contre Cavai-
gnac, etc. ; il était devenu le poète officiel de la démocratie radicale ; il
célébrait « le drapeau rouge flottant sur les barricades ». Mais les rédac-
teurs du journal furent expulsés ; lui-même, mis au ban de la société de
Cologne, revenu à Dusseldorf, menacé par la police, prit la résolution
de se réfugier en Angleterre; le 12 mai i85i, il partit pour Londres;
c'était son second exil qui dura dix-sept ans. Mais bien lui en prit de
s'enfuir à temps ; quelques jours plus tard un double mandat d'arrêt
était lancé contre vlui; il eût été acquitté, nous dit M. B., mais il aurait
fait, comme ses amis, dix-huit mois de prison préventive.
La vie que Freiligrath mena en Angleterre (mai i85i-juin 1868), est
racontée par M. B. dans le quatrième livre de son ouvrage, intitulé
Verbannungsjahre ou « années d'exil » (pp. 241-384). Le poète fut
d'abord commis chez un marchand de foulards des Indes, nommé
Oxford ; mais son traitement n'était pas suffisant ; au bout de trois ans
d'un travail ingrat — qui ne fut interrompu que par un voyage en
Ecosse ' — il quitta la maison Oxford et se résigna à vivre uniquement
de sa plume. Il avait découvert, écrivait-il à Karl Buchner, qu'il écrivait
un anglais très pardonnable et qui pouvait s'imprimer (II, p. 3oo); il
écrivit pour Y Athenaeum des articles sur la littérature allemande ; il
traduisit le Chant d'Hiawatha, de Longfellow (1 856). Heureusement il
fut nommé « manager » d'une entreprise fondée par le Genevois James
Fazy, la « banque générale suisse ». Mais ses fonctions étaient assujet-
tissantes, et, durant dix années, le poète ne produisit que fort peu, Lon-
don, bankand business, comme il disait, Londres, la banque, les affai-
res, le fatiguaient « diaboliquement » (II, p. 3i3); ah ! ces distances, ce
tumulte, cette éternelle escrime avec la vie (II, p, 3 1 5) ! Il ne fréquentait
pas les réfugiés allemands dont les stériles querelles l'écœuraient ; il s'était
fait naturaliser anglais (1 858) et refusait de revenir en Allemagne, même
après l'amnistie générale de 186 1 ; il aurait dû adresser à l'autorité une
demande en grâce; il ne voulait rentrer dans sa patrie que par un décret.
M. B. nous donne de nombreux détails sur la vie domestique de Freilig-
rath à Londres; les documents ne lui manquent pas; Rodenberg qui
dirige aujourd'hui la Deutsche Rundschau, Bodenstedt, Bayard Taylor,
Gottfried Kinkel, etc., venaient rendre visite au poète, et ont décrit la
maison de Freiligrath, son travail infatigable pendant la semaine,
l'accueil hospitalier qu'il faisait à ses amis le dimanche, le seul jour où il
ne peinait pas et ne luttait pas pour les siens. (Il avait cinq enfants.)
Un des passages les plus curieux que cite M. B. est tiré d'un discours où
G. Kinkel a décrit cette « petite maison amicale » que le poète habitait à
Hackney dans un faubourg silencieux et « vert de feuillage » ; cette a île
i. Il parcourut avec émotion « les champs que Robert Burns avait labourés et
chantés derrière la charrue » (été de 1854); cp. la poésie inachevée que communique
M. B., hinauf, hinab den lusCgen Doon, 11, p. 286.
d'histoire et de littérature 393
pacilique et radieuse du dimanche » si éloignée des bçumes et du tapage
de Londres, ce « long jardin étroit » où Freiligrath se promenait en
devisant avec ses hôtes (II, p. 245) '.
Mais en 1 865, la banque dont Freiligrath était le principal agent, fut
supprimée; le poète se trouva un instant dans de grands embarras ; du
reste, il avait été presque toujours, comme il dit familièrement, « mit
seinen Finanzen ein wenig derangirt » (I, p. 341). Mais, après les
événements de 1866, une souscription s'organisa en son honneur; tout
le mérite de cette « Dotation Freiligrath », qui fait un singulier con-
traste avec les dotations de Bismarck et des généraux vainqueurs de 1866,
revient, comme le prouve M. B., aux amis que le poète comptait à Bar-
men 2. La souscription rapporta 58,63 1 thalers 3 ; Freiligrath revint en
Allemagne, il s'établit d'abord à Stuttgart, puis à Canstatt.
Le Ve et dernier livre de l'ouvrage de M. B. a pour titre « les années
de repos» [Rnhejahre, 1868-1876, pp. 387-466), Le poète, revenu d'un
long exil, répondit au don et aux hommages de l'Allemagne par les vers
sur la forêt de Teutoburg (II, p. 391); il salue les montagnes de sa
patrie, a la vieille forêt et la vieille bruyère », les lieux qu'il a vus dans
sa jeunesse et qui conservent toujours le même aspect ; revenu dans
l'endroit d'où il est parti, il réfléchit à ses efforts passés, conclut qu'il
n' « a pas peiné en vain » et bénit son destin : « Etre aimé de son peuple,
le plus beau but du poète... Vous voulez donc me tresser une couronne !
eh bien, je la tiens fièrement dans ma main, cette couronne qu'il vous a
plu de me tresser... Et maintenant, je saisis joyeux la coupe et la rem-
plis jusqu'au bord, et la lève, buveur ému, et la tiens en l'air d'une main
ferme, et crie aussi loin que je puis voir un pays allemand, oui, je le crie
bien haut du sommet de la montagne : ma patrie, je te remercie L »
Freiligrath célébra les victoires de l'Allemagne en 1870 [Le Trom-
pette de Gravelotte, Hurrah Germania, etc.). Nous n'insistons pas sur
cette partie du volume; nous y relevons toutefois, parmi les lettres que
publie M. B., un passage assez curieux (p. 410) ; le poète, alors à
Stuttgart, emballait déjà ses livres et ses objets les plus précieux pour les
mettre en lieu sûr ; il ne respira qu'après Wissembourg et Wcerth. 11
est mort à Canstatt le 18 mars 1876.
L'ouvrage de M. B. se termine par un aperçu [Ueberschau)de la vie et
des œuvres de Freiligrath. On y trouve d'intéressants détails sur le
caractère, les manières, le genre de vie du poète. M. B. montre que
Freiligrath n'était pas, comme on l'a cru, un « autodidacte », puis-
1. Voir la pièce devers inédite et inachevée de Freiligrath, An der Weltstadt
nœrdlichem Saum, etc. (II, p. 242J.
•2. Cp. le poème de Rittershaus, Auch cine Dotation, paru dans la « Gartenlaube »
(1867, n° 17) et reproduit par M. B. (II, p. 357).
3. Les villes qui donnèrent le plus furent, en Allemagne, Barmen, Berlin, Dresde,
Francfort, Hambourg, Cologne, Leipzig, Stuttgart et Vienne; à l'étranger, Londres
et Bradford, New-York, Saint-Louis et Chicago.
394 REVUE CRITIQUE
qu'il possédait une grande culture classique. Il divise — un peu subti-
lement, mais non sans justesse — la carrière poétique de Freiligrath en
trois périodes : la première est celle du lyrisme épique ; la seconde est
celle de la poésie d'actualité, de celle qui tire sa matière et son souffle
des événements contemporains; la troisième, enfin, est la période des
poésies de circonstance. Enfin, M. B. apprécie une dernière fois le génie
de Freiligrath ; il loue beaucoup ses traductions de l'anglais (Coleridge,
Thomas Moore, Burns, Félicia Hemans, Bret Hart, Whitman), qui
« donnent l'impression de l'original par la vérité simple et le vigoureux
naturel de l'expression » (II, p. 483) '.
En résumé, la publication de M. W. Buchner sera accueillie avec
reconnaissance par tous ceux qui s'intéressent au mouvement poétique
et littéraire de l'Allemagne dans ces cinquante dernières années, aussi
bien que par les amis et admirateurs de Freiligrath. Ces derniers surtout
seront heureux de lire cette correspondance qui leur apprend tant de
choses nouvelles sur le grand lyrique. Ecrite par un homme de goût et
de savoir qui a connu personnellement Freiligrath, pleine d'informations
et de détails de toute sorte sur la vie et les œuvres de l'écrivain, cette
belle biographie où reloge n'a d'ailleurs rien d'exagéré et où l'on ne sent
pas trop l'empressement de l'amitié, sera consultée plus tard avec grand
profit par les historiens de la littérature allemande du xixa siècle. Elle
fait revivre et l'homme et le poète, un des plus illustres poètes de
l'Allemagne contemporaine et un homme ferme, loyal, incapable d'une
mauvaise action, toujours fidèle à son devoir, manquant de souplesse,
il est vrai, opiniâtre dans ses convictions, passionné et irritable, mais
bon, obligeant, gardant parmi ses tribulations beaucoup d'humour et
une gaieté robuste et mâle, aimant mieux faire le rude métier de com-
mis que d'éparpiller et de gâter son talent poétique, acceptant la servi-
tude du comptoir pendant le jour pour donner le soir à la muse sa pleine
liberté 2.
A. Chuquet.
CHRONIQUE
ALLEMAGNE. — La librairie Brockhaus, de Leipzig, publiera prochainement un
récit du Voyage en Abyssinie de M. Gerhard Rohlfs et un grand ouvrage de
1. On ne doit pas oublier que Freiligrath a traduit un grand nombre des poésies
de Victor Hugo (i836 et 1845. Francfort sur le Main, Sauerlaender).
2. Le I" volume renferme en appendice l'indication de toutes les sources manuscri-
tes consultées par M. B., une bibliographie des œuvres de Freiligrath, un arbre
généalogique; le IIe volume, une lisie des personnes — au nombre de 77 — qui ont
écrit ou reçu des lettres publiées par M. Buchner (chaque nom est accompagné d'une
courte notice biographique), et une table des noms propres. — Entête de chaque vo-
lume est un beau portrait de Freiligrath.
D1HISTOIRE ET DK LITTERATURE 3g5
M. Ed. Sachau sur son récent voyage d'études en Asie-Mineure et en Mésopotamie.
— Le Ier volume d'une deuxième édition des Lettres de Gcethe à Mmt de Stein
(Gcethe's Briefe an Frau von Stein) publiées par Ad. Schcell, vient de paraître parles
soins de M. Wilh. Fielitz, à la librairie littéraire de Francfort sur le Main, chez
Rùtten et Loening. (In-8\ xn et 5o8 pp. 9 mark.)
— La Ire partie de la réimpression des Frankfurter gelehrte An^eigen de l'année
1772 vient de paraître à la librairie Henninger, de Heilbronn (VII0 vol. de la col-
lection des « Deutsche Literaturdenkmale) »; la deuxième paatie paraîtra dans quel-
que temps et renfermera une introduction de M. W. Scherer, ainsi que des remar-
ques sur l'établissement du texte de cette réimpression et un index, par le directeur
de la collection, M. B. Seuffert.
— La 36e assemblée des philologues et pédagogues allemands a eu lieu à
Carlsruhe, du 27 au 3o septembre. Dans la première journée, ont été lus des
mémoires, de M. Wendt sur les rapports de Schiller avec l'antiquité; de M. Hettner,
sur la civilisation de la Gaule et de la Germanie sous la domination romaine ; de
M. Max Koch, sur les relations de la littérature allemande et de la littérature an-
glaise au xvine siècle. L'assemblée se partagea ensuite en sections; dans la section
des germanistes et romanistes, qui comptait 52 membres, M. Bartsch lut un rap-
port sur l'histoire de la section et sur les membres morts depuis la dernière assem-
blée, ainsi qu'un mémoire sur la fondation de « séminaires » des langues germani-
ques et romanes et sur la méthode des exercices critiques; d'autres lectures furent
faites par MM. Bechstein (Floia, le plus ancien poème macaronique de la littéra-
ture allemande), Armitage (Déclinaison des parasyllabiques masculins avec trois
finales en provençal) ; E. Wûlcker (Luther et la chancellerie saxonne), Max Rieger
(le Goldener Hahn de Klinger), H. Fischer (le vocalisme du dialecte souabe), Kluge
(de l'étymologie allemande). La section pédagogique entendit une lecture de
M. Bilher sur la méthode actuelle de l'enseignement du français, et la section des
langues modernes, un rapport de M. Gutersohn sur l'état présent de la grammaire
de l'anglais dans les écoles. — La prochaine assemblée aura lieu en septembre i883
à Dessau et sera présidée par MM. Zacher et Elze.
— Un comité s'est formé à Wissem bourg pour l'érection d'une statue du moine
Otfrid.
— L'assemblée générale des sociétés historiques d'Allemagne, réunie à Cassel, a
décidé de prendre d'énergiques mesures pour faire recueillir les anciens Volkslieder
dans les contrées où l'on n'a pas encore tenté de rassembler les chants populaires
du passé.
— L'Union des architectes et des ingénieurs allemands fait un appel à la nation en
faveur de la restauration du château de Heidelberg.
— Le 3o septembre est mort à Erlangen Jean-Jacques Herzog, l'éditeur bien connu
de la Real-Encyclopœdie fur protestantische Théologie und Kirche. Il était né à
Bâle en i8o5, étudia à Bâle et à Berlin, fut professeur de théologie historique à l'A-
cadémie de Lausanne ; c'est alors qu'il composa sa Vie d'Œcolampade (1843).
Nommé professeur à l'Université de Halle, puis chargé par le gouvernement prus-
sien de rechercher les documents relatifs à l'histoire des Vaudois, il publia, en
i853, son ouvrage Die romanischen Waldenser . L'année suivante commença la pu-
blication de la Real-Encyclopœdie qui renferme 18 volumes, outre quatre volumes
supplémentaires (1854-1868). Une seconde édition de ce grand ouvrage est arrivée
au dixième volume. Herzog avait quitté Halle pour Erlangen et publié, de 1876 à
1882, en trois volumes, un Abriss der gesammten Kirchengeschichte.
— Karl von Halm est mort le 5 octobre dans sa soixante-quatorzième année. Il
396 REVUE CRITIQUE
passa presque toute sa vie à Munich; il y naquit et y fut élevé, d'abord au gymnase,
puis à l'Université sous Thiersch; il y revint après avoir professé à Spire et à
Hadamar, pour diriger le nouveau gymnase Maximilien; en i856, il était nommé
directeur de la Bibliothèque de Munich et professeur ordinaire de l'Université.
C'était un des meilleurs latinistes de notre temps, et qui connaissait aussi bien les
pères de l'Eglise que Cicéron et Quintilien. On cite de Halm des éditions critiques
des Discours de Cicéron, des Fables d'Esope, des Rhetores laiini minores, de
Quintilien, de Corn. Nepos, de Tacite, de Velleius Paterculu s, etc.
ANGLETERRE. — Un volume, composé d'essais et d'études sur Aristote et dont
les auteurs sont des professeurs d'Oxford, paraîtra prochainement chez les éditeurs
Rivington : M. Case y traitera de YOrganon; M. Nettleship, de la Métaphysique;
M. W. Wallace, du De Caelo et de la Physique; M. Bradley, de l'Ethique ; M. E.
Walla.ce, du De anima; et M. Evelyn Abbott, à qui est confiée la publication du re-
cueil, de la Poétique.
— M. Gunyon Rutherford, de Saint-Paul's School, l'éminent éditeur du nouveau
Phrynichus, achève l'impression d'une édition de Babrius qui semble destinée à
épuiser ce sujet. Le texte est fondé sur une nouvelle collation du manuscrit du
mont Athos et sur le Vaticanus, longtemps perdu, et récemment retrouvé par Pius
Knoell : le Vaticanus contient plusieurs des fables qui manquent dans le manuscrit
de l'Athos. Le texte est accompagné de notes critiques en latin et d'un commen-
taire philologique en anglais. L'introduction renferme quatre dissertations : une
sur Babrius, dont M. Rutherford fixe l'âge; une sur l'histoire de la fable en Grèce ;
une sur la langue de Babrius; une dernière sur l'état du texte. Le volume contient
un index complet de la grécité de Babrius. Il paraît chez Macmillan ; c'est la
premier volume d'une collection en deux volumes, intitulé : Scriptores Fabularum
Graeci.
— M. Ad. Michaelis, le professeur d'archéologie de l'Université de Strasbourg,
vient de publier un volume en anglais, intitulé Ancient marbles in Great Britain
described (Londres et Strasbourg, Trùbner, XXVII et 834 P- avec gravures;
42 mark).
— M. Skeat aura bientôt terminé, pour 1' « Early English Text Society », son
glossaire de la Vision of Piers the Plowman, qui formera le cinquième volume de
son édition des trois versions différentes du poème et complétera cette importante
publication.
— Un ouvrage sur don Juan d'Autriche, en deux volumes in-folio, dont l'auteur
est feu sir William Stirling Maxwell, paraîtra prochainement chez les éditeurs Long-
mans, de Londres.
— M. Edm. Gosse qui a récemment publié dans la collection « English men of let-
ters », de Macmillan, un remarquable travail sûr Gray, entreprend pour la même
librairie la première édition complète des œuvres du poète; M. Gosse prie quicon-
que posséderait des manuscrits de Gray ou tout autre document inédit se rapportant
à l'élégiaque anglais, de les lui communiquer (adresse de M. Gosse : Londres, De-
lamere Terrace, W. 29).
— Il va paraître, en dix volumes, une nouvelle édition de l'Histoire d'Angleterre
(History of England) de Lingard; cette édition est publiée par la librairie Nimmo et
Bain, de Londres.
— Une nouvelle collection de biographies, consacrées aux femmes célèbres, « emi-
nent women » est annoncée par l'éditeur David Bogue; dans cette collection, dirigée
par M. John H. Ingram, ne paraîtront que des volumes écrits par des femmes; parmi
les volumes qui doivent être prochainement publiés et où l'on trouvera, dit-on, nombre
laaï anu k c
d'histoire et de littérature 397
de docu ments inédits et de détails intéressants, nous citerons : George Eliot, par
miss Mathilde Blind; Emily Broniê, par miss Mary Robinson; George Sand, par
miss Bertha Thomas; Mary Lamb, par Mrs. Gilchrist; Maria Edgeworth, par
miss Helen Zimmern.
— Le 19 octobre a eu lieu l'assemblée générale de VHellenic Society; M. Sayce a
lu un mémoire intitulé Explorations in Aeolis, et M. A. S. Murray, une étude qui
a pour titre : A new statuette of Heraklés.
— Le catalogue de la Bibliothèque municipale de Cantorbéry deviendra légendaire.
D'après YAthenaeum, le théâtre de Shakspeare, placé sous la rubrique a. fiction »
est attribué à Edmond. Malone, l'éditeur de Shakspeare en 1790; Robinson Crusoé
ligure parmi les biographies ; les Dépêches de Wellington sont inscrites au chapitre
des « mœurs et coutumes. » Pendennis et Henry Esmond sont les auteurs des oeu-
vres de Thackeray ; Virgile est Maro, et Horace, Flaccus, etc., etc.
— Le dernier n° de V Athenaeum (28 octobre) contient une notice émue de
M. R. Rost sur l'éminent indianiste A. C. Burnell, enlevé le 12 octobre, par un
mal subit, après des années de souffrance et de santé chétive, à sa résidence de West
Stratton, Hants. M. Rost a su rendre justice non-seulement au savant, mais aussi à
l'homme, car le savant et l'homme ne faisaient qu'un chez Burnell, et le désintéres-
sement, la franchise, l'ardeur généreuse, la modestie vraie qu'il apportait dans l'é-
tude, se retrouvait chez lui dans tous les actes de la vie. Nul savant de notre
génération n'a laissé une trace plus lumineuse, nul n'a abattu plus de préjugés, et
n'a su conserver, dans des études souvent atteintes de sentimentalisme et de pédan-
tisme, un esprit plus libre, Uniquement attentif à l'essentiel, à ce qu'il considérait
comme useful. Nul aussi n'a été, plus que lui, digne d'avoir des amis et d'être sin-
cèrement regretté. Burnell, qui est mort littéralement victime de ses travaux dans
l'Inde, avait à peine quarante-deux ans. — Sa nombreuse bibliothèque de livres
rares et de manuscrits, sera vendue dans quelques mois, conformément à sa der-
nière volonté, par MM. Solleby, Wilkinson et O, de Wellington Street, Strand.
BELGIQUE. — M. Ch. Rahlenbeck a fait paraître, dans une utile collection nommée
la Bibliothèque Gilon et publiée à Verviers par l'éditeur Gilon, un petit volume in-
titulé La Belgique et les garnisons de la Barrière. Il y fait l'histoire de l'interven-
tion des Provinces Unies dans les Pays-Bas catholiques depuis la paix de Westphalie
jusqu'au traité de la Barrière (i5 nov. iji5) et de l'occupation de plusieurs villes
belges par les troupes hollandaises en vertu de ce traité de la Barrière (jusqu'en
1782. époque du démantèlement des forteresses occupées). M. Rahlenbeck justifie
le traité de la Barrière, qui « protégea le territoire belge, presque sans défenses na-
turelles ou autres. » Quelques pages du volume sont relatives à l'exercice du culte
protestant dans les villes de la Barrière et aux contestations qui surgirent à celte oc-
casion.
— Une brochure de M. Théodore Juste (Bruxelles, Muquardt. In-8°, 80 p.) ren-
ferme une notice biographique de Nothomb, rédigée par M. Juste, sur l'invitation
de la classe des lettres de l'Académie royale de Belgique et destinée à figurer dans
l'annuaire de i883 de cette société. La notice a pour titre : Souvenirs du baron No-
thomb et fait suite au travail étendu, que M. Juste avait déjà publié sur ce diplo-
mate dans sa « Galerie des fondateurs de la monarchie belge. » M. Juste s'est servi,
dans sa notice, des lettres de Nothomb qui fut son ami et correspondit avec lui
pendant trente ans; parmi ces lettres on remarquera celle qui concerne les négocia-
tions du traité des dix-huit articles ; celle où Nothomb apprécie le régent de Belgi-
que, Surlet de Chokier. (« Il ne croyait pas à l'indépendance belge; la foi nationale
lui manquait. Il n'était pas orangiste; il n'aurait jamais prêté la main à une restau-
398 RICVUE CRITIQUE
ration. . Il comptait revoir ce qu'il avait vu, la réunion à la France; il rêvait pour
lui-même la patrie française... Sa magnifique chevelure et sa stature imposante ont
beaucoup contribué à sa réputation. Il a maintenu l'union, c'est-à-dire la trêve entre
les libéraux et les catholiques. Le comte Félix de Mérode était plus digne d'être ré-
gent; cependant j'ai voté pour le baron Surlet, l'union était à ce prix... »;; celle où
Nothomb juge la Vie de lord Palmerston publiée par sir Henry Bulwer (« Bulwer
démasque Talleyrand Talleyrand ne voulait pas l'indépendance de la Belgique; il
voulait, il espérait le partage. C'est ce que le prince Léopold nous a révélé à M. De-
vaux et à moi dans notre première entrevue à Londres, 8 juin i83i... Je n'ai ren-
contré que deux Français acceptant l'indépendance de la Belgique, Louis-Philippe et
Guizot; aussi n'étaient-ils pas réputés être des Français. On leur trouvait un air
étranger, ils respectaient les droits d'autrui. Faire manquer toute élection, toute can-
didature, mettre la Belgique dans l'impossibilité de se constituer, laisser pour issue
le partage, tel était le plan secret de Talleyrand. Mais il n'avait pas pour complice le
roi Louis-Philippe. Benedetti à Berlin savait qu'il répondrait à la pensée secrète de
Napoléon III. Il avait l'empereur pour complice »); les lettres relatives à la publica-
tion de la dernière édition de l'ouvrage de Nothomb, YEssai historique et politique
sur la révolution belge ; des extraits du journal que tenait Nothomb, alors qu'il était
ministre à Berlin, etc.
— La Bibliothèque royale de Bruxelles est maintenant éclairée à la lumière élec-
trique et ouverte le soir de sept heures à dix heures et demie.
BULGARIE. — Nous recevons de Sofia les deux premiers fascicules de la Revue
{Perioditckesko Spisanie) publiée dans cette ville par la Société de littérature bul-
gare. Quand, il y a quatre ans, les Russes ont occupé Sofia, cette ville n'avait jamais
eu d'imprimerie. Elle est aujourd'hui le siège d'une société littéraire dont les tra-
vaux font déjà autorité. Signalons dans ces deux volumes qui font honneur à l'im-
primerie du jeune état bulgare : les études de M. J(rsczek sur le tsar Stratsimir de
Viddin, sur l'étude géographique de la Bulgarie, la géographie et l'épigraphie de la
Bulgarie, les proverbes recueillis par M, Slaveïkov, des contes, des chants populai-
res, etc.
DANEMARK. — Noire collaborateur Joh. Steenstrup, auteur d'importants tra-
vaux sur l'histoire des Normands et d'une étude considérable sur le cadastre du roi
Valdemar, a été nommé professeur d'histoire à l'Université de Copenhague, à la
place du professeur Paludan-Mûller, décédé.
— M. Karl Verner, « custos » de la bibliothèque de l'Université de Halle,
ira, le i*r janvier, occuper à l'Université de Copenhague la chaire de langues et
littératures slaves.
HOLLANDE. — MM. van Vloten et P. N. L\nd viennent de publier le premier
volume de leur édition des œuvres complètes de Spinoza {Benedicti de Spinoza
opéra quotquot reperla sunt. La Haye, Nijhoff. In-8°, xi et 36o pp.). Ce premier
volume renferme le Tractatus de intellectus cmendatione,YEthica, le Tractatus po-
Ikicus, et le Tractatus tlieologico-politicus avec les notes marginales de Spinoza à
ce dernier traité. Le second volume renfermera les lettres du philosophe.
— Le sixième congrès international des Orientalistes aura lieu à Leyde, le iôsep-
tembre i883; le comité d'organisation est ainsi composé : M. Dozy, président .
M. Kuenen, vice-président; M. de Goeje, premier secrétaire; M. Tiele, second
secrétaire; M. Pleyte, trésorier. Y a-t-il, dit à ce propos YAcademy, une seule de
nos universités anglaises qui pourrait offrir des noms aussi distingués dans chaque
branche des sciences orientales que cette petite ville de Hollande ?
d'histoire et de littérature 399
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 3 novembre 1882.
M. Edouard Cuq achève la lecture de son mémoire sur le consilium principis, d'Au-
guste à Dioclétien. Jusqu'ici, on a étudié surtout ce conseil impérial sous sa dernière
forme, le consistorium du Bas-Empire, au sujet duquel on trouvait des renseigne-
ments abondants dans le code théodosien. Pour l'époque antérieure à Constantin, il
a été admis à peu près universellement jusqu'ici, parmi les érudits, qu'aucune règle
précise ne présidait alors à l'organisation du conseil de l'empereur. L'étude des mo-
numents épigraphiques et juridiques a conduit M. Cuq à une conclusion opposée.
Sous les premiers Césars, il est vrai, le consilium n'est encore qu'une commission de
délégués du sénat et ne forme pas à proprement parler, un corps constitué. Mais, à par-
tir d'Hadrien, il a, tout au moins comme haute cour de justice, une existence officielle.
On peut alors en décrire l'organisation, dit M. Cuq, « dans la plupart de ses détails.
« On connaît bon nombre des affaires soumises à ses délibérations. On peut suivre
« les discussions qui s'élevaient entre ses membres, retrouver les mobiles qui ont
« dicté aux empereurs telle ou telle décision. Conseillers en service ordinaire ou ex-
« traordinaire, maîtres des requêtes, greffiers, archivistes, expéditionnaires, revivent
« sous nos yeux dans l'exercice de leurs fonctions. » Le mémoire lu aux deux séan-
ces du 27 octobre et du 3 novembre est un fragment du travail étendu que M. Cuq
a entrepris sur ce sujet.
A la fin du 111e siècle de notre ère, on voit le consilium principis, devenu le con-
sistorium, supplanter presque entièrement pour la conduite des affaires de l'empire le
sénat, réduit au rôle d'une assemblée municipale de la ville de Rome. Pour pouvoir
conférer ainsi à leur conseil l'exercice de l'autorité, les empereurs avaient dû com-
mencer par concentrer entre leurs mains tous les pouvoirs qui ne leur appartenaient
pas primitivement. L'un de ces pouvoirs, celui qui a formé longtemps la principale
attribution du consilium, c'est le droit de rendre la justice.
On affirme parfois que, dès Auguste, l'empereur a pu recevoir des appels des sen-
tences des juges et réformer les jugements qui lui étaient soumis. M. Cuq croit que
ce droit d'appel ne s'est établi que plus tard et par degrés. Sous Auguste, tous les
jugements étaient encore rendus par des juges privés, choisis par les parties elles-
mêmes. 11 n'y avait pas d'appel des sentences de ces juges. On pouvait quelquefois
prendre le juge même à partie, mais ce nouveau procès était soumis à un nouveau
juge choisi comme le premier. Quand Suétone dit qu'Auguste déléguait au préteur
urbain les appellationes urbanorum litigatorum et à des viri consulares les appella-
tiones des provinciaux, cela doit s'entendre uniquement du recours formé auprès
d'un magistrat pour que, par son intercessio, il casse un décret d'un autre magistrat;
cela ne peut s'entendre d'un appel judiciaire, qui était alors chose inconnue.
Il n'y avait qu'un cas où le droit romain primitif admît l'appel proprement dit,
d'une autorité inférieure à une autorité supérieure; c'est quand un magistrat avait
délégué son autorité. Alors les actes du délégué pouvaient toujours être réformés par
le magistrat de qui il tenait sa délégation. Pour être en mesure d'intervenir dans les
décisions de la justice, les empereurs s'appliquèrent donc à multiplier les cas où les
magistrats pouvaient être considérés comme leurs délégués, et à substituer aux juges
choisis par les parties des juges nommés par le magistrat, ses délégués par consé-
quent. Cette réforme, introduite peu à peu dans la pratique, ne tut entièrement ac-
complie que sous Septime-Sévère pour la juridiction criminelle et au 111e siècle seule-
ment pour la juridiction civile. Alors enfin il fut admis en principe que toute justice
n'était rendue que par délégation de l'empereur, ce qui donnait à celui-ci le droit de
réviser toutes les sentences judiciaires.
Dans la pratique, l'exercice de cette juridiction suprême n'était possible qu'à la
condition de créer une hiérarchie judiciaire, qui ne laissât parvenir les appels à
l'empereur qu'après l'épreuve d'une ou plusieurs instances intermédiaires. Pour éta-
blir cette hiérarchie, les empereurs instituèrent ce qu'on appela les vice sacra judi-
cantes. C'était des délégués spéciaux que le prince commettait pour juger, en son
Heu et place, les affaires que l'on portait devant lui. Ces délégués recevaient donc
l'appel clés sentences des tribunaux ordinaires et les réformaient ou les confirmaient;
mais leurs décisions à leur tour pouvaient être frappées d'appel, et c'était alors l'em-
pereurqui jugeait en dernier ressort.
Ainsi l'empereur avait acquis le droit positif, le pouvoir matériel d'intervenir dans
les procès et de réformer les sentences de la justice. Mais ce n'était pas tout, il fal-
lait assurer à la justice princière l'autorité morale. Ce fut le rôle du consilium prin-
cipis. Aux sénateurs qui composaient seuls ce conseil sous Auguste et Tibère, les
césars suivants avaient ajouté des membres de l'ordre équestre : Hadrien y introdui-
sit^ une section spéciale de jurisconsultes de profession. Dès lors le consilium cessa
d'être un simple conseil privé du prince, sans existence officielle, et fut reconnu, au
moins dans l'ordre judiciaire, comme un des organes réguliers de la constitution de
l'empire.
400 REVUE CRITIQUE D HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
M. le Dr Hamy, conservateur du musée ethnographique du Trocadéro, expose les
résultats de l'étude qu'il vient de faire d'un intéressant monument découvert à Téo-
tihuacan, près de Mexico, par M. le Dr Charnay, Ce monument de pierre, haut de
in,33, large de i^oS, épais de omi5, reproduit assez bien l'image d'une croix trapue,
portant, sur une de ses faces, un bandeau latéralement tordu en forme de grecque
émoussée; de la base sortent quatre cônes en relief. C'est, selon M. Hamy, le sym-
bole antique du dieu Tlaloc, la plus ancienne des divinités mexicaines, qui présidait
aux orages et à la pluie. C'est par la simplification graduelle de cette croix de la pluie
que les Mexicains, les Mayas, etc., en étaient arrivés à adorer, au xvie siècle, une
sorte de croix, très voisine de la croix chrétienne. Les conquérants espagnols, trou-
vant dans toute la Nouvelle-Espagne un grand nombre de ces croix et n'en compre-
nant pas la signification, avaient vu dans ces monuments les traces d'une ancienne
prédication apostolique, attribuée à saint Thomas; ils reconnaissaient ce saint dans
Quetzalcoatl, le civilisateur toltèque. Cette explication ne peut plus être prise au sé-
rieux aujourd'hui.
M. Delisle, au nom de M. le baron De Witte, communique une lettre écrite de
Naples par M. François Lenormant, qui vient de terminer son voyage archéologique
dans la Calabre et la Basilicate. Les résultats de ce voyage, qui ont déjà en partie
été annoncés à une séance précédente, ont dépassé les espérances de l'explorateur.
Depuis l'époque de sa dernière lettre, M. Lenormant a visité la via Aquilia dans
toute sa longueur. 11 a reconnu que le ponte di Silla, qui passe pour romain, est une
construction ogivale, de l'époque des derniers Normands et des Hohenstaufen. Il a
découvert les ruines de Consilinum, absolument inconnues jusqu'ici. Il a examiné
celles de Velia, « les plus importantes, dit-il, et les mieux conservées de l'Italie mé-
« ridionale, avec celles de Guathia et après celles de Poestum. » On peut encore y
suivre le tracé des rues et des places. M. La Cava est parti pour en dresser le plan.
M. Lenormant rapporte, en outre, des copies d'inscriptions inédites ou mal connues,
des antiquités diverses, des spécimens des matériaux de construction particuliers à
telle ou telle région, etc.
M. de Vogué rend compte, en quelques mots, des premiers résultats de l'examen
de l'inscription trouvée à Palmyre par le prince S.-Abamelek. Lazarew. On se rap-
pelle que cette inscription est écrite en deux langues, en palmyrénien (araméen) et
en grec, et que ie texte grec a déjà été étudié par M. Waddington, qui y a reconnu
un règlement sur la perception d'un droit de douane municipale ou d'octroi. Les
deux textes sont, l'un et l'autre, fortement endommagés. La partie la mieux con-
servée du texte araméen se trouve correspondre exactement avec la partie la mieux
conservée du texte grec, en sorte que ce qu'on a pu déchiffrer jusqu'ici dans la ver-
sion araméenne n'ajoute rien à ce qu'on avait déjà lu dans le grec, mais permet
seulement de vérifier ou de corriger les détails de la lecture. M. de Vogué commu-
nique un essai de traduction ou plutôt de mot-à-mot du commencement du texte
araméen. Il ne présente cet essai que comme tout à fait provisoire; il espère pouvoir
bientôt le compléter et le mettre plus au net. Le document entier est intitulé : « Décret
du sénat du 8 de nisan de l'année 448 (— 1 35 de notre ère), sous la présidence de
Bonna, fils de Bonna, fils de Hairan, étant secrétaire Alexandre, fils d'Alexandre,
fils de Philopalor, secrétaire du sénat et du peuple, et sous l'archontat de Malkou,
fils d'Olaii, fils de Moqimou, et de Zebeida, fils de Nesa ». On lit ensuite que le sé-
nat, « assemblé conformément à la loi », a pris en considération les disputes fré-
quentes qui se produisaient entre les marchands et les fermiers des douanes, en rai-
son de l'incertitude des tarifs. Les droits à payer pour chaque article avaient été
autrefois fixés par une loi, mais cette loi était incomplète, et beaucoup de marchan-
dises n'y étaient pas prévues. Pour celles-ci, la « coutume » avait établi une sorte de
tarif complémentaire, et l'on inscrivait le chiffre des droits à percevoir dans les baux
qu'on passait avec les fermiers des douanes; mais cette fixation n'avait pas un carac-
tère légal, et l'autorité n'en était pas toujours admise sans conteste. C'est pourquoi
« il a paru bon au sénat, aux archontes présents et aux décemvirs » de faire rédi-
promulgué devait faire seul foi a 1 avenir, et le décret porte
fense expresse à toute personne de percevoir d'autres droits que ceux qui y sont
inscrits.
Ouvrages présentés, de ia part des auteurs ou éditeurs : — par M. Delisle :
i° Souvenirs de la Flandre wallonne, collection complète de cette publication depuis
l'origine; 20 Baschet (Armand), Les comédiens italiens à la cour de France sous
Charles IX, Henri III, Henri IV et Louis XIII; — par M. Gaston Paris : le Li-
vre de l Epervier, cartulaire de la commune, de Millau (Aveyrotï, suivi d'autres do-
cuments relatifs au Rouergue, publié par Constans (publication de la Société pour
l'étude des langues romanes). Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N° 47 - 20 Novembre — 1882
Sommaire * 235. La Chronique de Joshué le Stylite, p. p. Wright. — 236.
Evers, Les sources de Diodore.— 237. Lossen, La guerre de Cologne, i565-i58i .
— 238. Beauvois, Claude Bouton, seigneur de Corberon. — 239. Chantelauze,
Saint- Vincent de Paul et les Gondi. — 240. Sanders, Dictionnaire complémen-
taire de la langue allemande. — Chronique. — Académie des Inscriptions. — So-
ciété des antiquaires de France.
235. — Xlie Chi-onicle of Josliua the stylite, composed in syriac A. D. 5o7,
\rith a translation into english by W. Wright, LL. D., professor of arabic in the
University of Cambridge. Cambridge, 1882, in-8°, préface i~x, trad. et index 1-84
p., texte syr. 1-92 p.
La Chronique de Josué le Stylite a eu certainement autrefois son
heure de fortune : elle a été mise à contribution par l'auteur de la chro-
nique d'Edesse ' et elle a été insérée tout entière dans la grande chroni-
que de Denys de Telmahrê, grâce à laquelle elle est parvenue jusqu'à
nous dans un manuscrit unique du Vatican. Elle emprunte un intérêt
particulier aux événements qui signalèrent la courte période des douze
années qu'elle embrasse, 495-506 de J.-C, mais elle se recommande
surtout à l'attention des historiens par l'exactitude de ses récits, Fau-
teur ayant été témoin des divers épisodes qui signalèrent la guerre des
Romains et des Perses à cette époque, et des fléaux de toute sorte qui dé-
solèrent la Mésopotamie, avant et pendant la guerre.
L'analyse détaillée que Joseph Assemani fit de cette chronique dans
le premier volume de sa Bibliotheca orientalis la tira de l'oubli des
temps et fit ressortir son importance. Ce n'est cependant qu'en 1876
qu'une édition complète du texte syriaque accompagné d'une traduc-
tion française, fut publiée par M . l'abbé Martin dans le VI' volume
des Abhandlungen de la Société orientale allemande. Cette publication
trouva un accueil bienveillant auprès des orientalistes ; M, le professeur
Nœldeke lui consacra une étude critique dans le Journal oriental al-
lemand, vol. XXX, p. 35 r et suivantes. En dehors de sa valeur comme
document historique, elle se révélait encore comme un des rares livres
syriaques marqués d'un cachet original. Elle se distingue, en effet, des
1. Comp. les passages relatifs aux années 810-814 de l'ère macédonienne dans As-
semani, B. O. I. p. 406-407, avec les chapitres 33, 34, .'-'7, 38, 47, 5o, 53 et 69 de
la présente édition de Josué le Stylite. Le phénomène céleste arrivé au mois de Kâ-
noun II de l'an 811, d'après le chapitre 37, est rapporté par inadvertance à l'année
810 dans la chronique d'Edesse.
Nouvelle série, XIV. -i
402 REVUE CRITIQUE
textes traduits du grec et des compositions religieuses; de plus, elle
échappe par sa date à toute suspicion d'influence arabe. Malgré ses nom-
breuses incorrections, elle offrait un nouveau champ pour l'étude de la
langue syriaque. Ces incorrections, signalées en partie par M. l'abbé
Martin, apparaissaient au premier abord, soit comme des singularités
d'un style peu châtié ou d'une orthographe négligée, soit comme des fau-
tes de copiste imputables à l'auteur du manuscrit. Il appartenait à
M. W. de soupçonner que la plupart d'entre elles étaient étrangères au
manuscrit et qu'elles provenaient des difficultés de lecture que présente
ce dernier, un palimpseste pour la majeure partie. C'est dans cette pen-
sée qu'il pria M. le professeur Ignazio Guidi de Rome de collationner
le texte imprimé sur l'original. Les résultats ont dû dépasser son at-
tente; il n'est guère de page, où une ou plusieurs leçons fautives ne
soient corrigées, où un mot omis ne soit rétabli à sa place; des lignes en-
tières même avaient été sautées, comme dans les passages suivants :
p. 25, 1. 3, p. 5o, 1. 2, p. 89, 1. 9, qui restituent : l'un, deux lignes; le
second, une ligne ; et le dernier, trois lignes. Rendons hommage à la
bienveillante intention de M. W. qui s'est abstenu de relever ces défauts
de la première édition. Dans ces conditions, au lieu d'une liste d'errata,
il devenait plus pratique de faire une seconde édition du livre ; ce pro-
cédé avait encore l'avantage de laisser toute latitude au critique pour
expliquer par une nouvelle traduction et dans des notes les passages qui
prêtaient à une autre interprétation.
Quoique la collation de M. Guidi ait confirmé la plupart des conjec-
tures proposées par divers savants et notamment par M. Nœldeke dans
l'étude mentionnée ci-dessus, il reste encore quelques leçons douteuses
appartenant réellement au manuscrit : telle est celle de la page 22, 1. i5,
qui, selon M. Nœldeke, devrait être lue : bc schouqê *élâyê « dans les
marchés supérieurs. » M. W., tout en acceptant cette interprétation, re-
marque qu'il serait conforme au texte de lire : b° schouq «allât^â « dans
le marché aux grains », mais il ne s'arrête pas à cette hypothèse , calldthd
a partout, en effet, dans Josué le Stylite le sens de récoltes et non de
grains, et il est toujours écrit avec deux lâmad. On pourrait plutôt lire :
ba schouq cldthd « dans la place de l'Autel », c'est-à-dire, dans la place
située au milieu d'Edesse et ou se trouvait le grand autel consacré aux
idoles de la ville, v. The doctrine of Addai the apostle, pp. 26 et 34 du
texte syriaque et pp. 26 et 32 de. la traduction. Alors même que cet autel
n'eût plus existé au temps de Josué, la place où il s'élevait aurait pu en
garder le souvenir.
Les nuances qui distinguent le parfait du participe soit seul, soit com-
posé avec (h)wâ, sont bien faibles dans Josué, quand l'action peut-être
envisagée en même temps comme un fait accompli et comme un état.
Que l'on compare, par exemple, mèn dafrah « après avoir volé, » 33^ 7,
avec mèn dampîs « après avoir sollicité, » 76, 22 ; voy. aussi : sdcrdn
(h)wai, 72, 17, ydqdin (h)wauzi dâckâ (h)jpât\ j5, 1 et 2, mpîs {h)wd,
d'histoire et de littérature 403
76, ao. Est-il alors bien nécessaire de chercher des parfaits dans des
passages analogues, en supposant des formes de la 3e pers. fém. plur.
terminées par le suffixe emdont le youd aurait été laissé de côté? Ainsi
M. W. ponctue dafqacèn, p. 2S, note 5, jxfacbadhèn,p. 35, note 7, dmî-
thèn, p. 37, note 2. Si dmithen a pour lui l'analogie du masc. dmïtXy qui
se rencontre quatre lignes plus bas, le participe fém. dmtthân se justifie
par des exemples du participe masc. dmîtHn, 70, 6 et 73, 6.
La conjecture yârourê « chacals », p. 37, note 1, ne vaut pas celle
de schardoudê « squelettes », proposée par M. l'abbé Martin; comme
terme de comparaison pour des corps amaigris par la faim, cette der-
nière expression est assurément typique — Kadh mfarschïân, 3j, 16,
est mieux traduit par « tout nus » dans l'édition de M. l'abbé Martin,
que par « exposed » dans celle de M. W. — p. 66, 1 2,pdthourê dbboitrkthâ
« des tables du pain d'autel » donnerait un sens acceptable, comp. B.
O. III, I, 248 b, lig. 6, où il s'agit des tables sur lesquelles on préparait
le pain azyme pour le sacrifice de la messe.
Il existe un certain nombre de cas, où un waw final est ajouté au ra-
dical verbal delà 3e pers. masc. sing. du parfait, M. l'abbé Martin, conser-
servant cette écriture, l'explique par la particule intensive (h)ou con-
tractée avec le verbe. M. Wright, au contraire, regarde ce waw comme
oisif et le fait disparaître du texte, tout en donnant en note la leçon
du manuscrit. M. l'abbé Martin a cependant raison, il y a là un
fait grammatical qui ne doit pas être supprimé; le point inférieur dont
ce waw est quelquefois marqué, indique qu'il était articulé. En dehors
de Josué le Stylile, on en trouve des exemples dans des auteurs anciens h.
La locution bâfarsdnâ « en délibération » se trouve pp. 88, i5 et 21,
comp. aussi Julianos der Abtruennige 146, 26; 194, 24; ig5, 5 ; 211,
12. Il semble donc que la ligne 10 de la p. 76, devrait être traduite :
« excepté le duc Nonnosus qui n'était pas avec eux à la délibération. »
Par les soins consciencieux et éclairés que le célèbre professeur de
Cambridge a apportés à cette nouvelle édition, la Chronique de Josué le
Stylite devient désormais un livre classique pour l'étude du syriaque. Le
plan d'Edesse et la carte du théâtre de la guerre qui terminent le volume,
forment deux appendices utiles, surtout le plan d'Edesse que l'on ne
trouve que dans des ouvrages spéciaux.
Rubens Duval.
1. Aux citations données dans notre Traité de grammaire syriaque, p. 288, § 298
d, et p. 290, note 1, ajout. Spicileg. syr., 11, t, et Julianos der Abtruennige, j5,
i3 ; i3o, 10 ; 146, 7; 187, 1; 218, 6; 225, 23. Tuliberg a également supprimé ce
waw dans son édition de la première partie de la Chronique de Denys.
4<H REVUE CRITIQUB
236.— E. Evers, Ein Beitrag znr Untereuchung der Qnellenbenutzting
bel oiodop. (Festschrift zu dem 5o jashrigen Jubilaeum der Kœnigstœdtischen
Realschule zu Berlin, tirage à part), 1882, Berlin, Winckelmann et fils, in-8 de
52 p.
L'étude des sources de Diodore donne, chaque année, naissance en
Allemagne à près d'une demi-douzaine de dissertations. On peut les
classer en deux groupes : les uns veulent prouver que, dans chacune des
grandes divisions dont se compose sa Bibliothèque, Diodore n'a jamais
consulté qu'un seul auteur ; s'il lui arrive de citer d'autres ouvrages que
celui de sa source unique, c'est qu'il les a connus indirectement, et par le
moyen de cette dernière. Les autres prétendent, au contraire, que Diodore
a utilisé plusieurs écrits à la fois, tantôt fondant deux récits en un seul,
tantôt les reproduisant l'un à côté de l'autre; souvent enfin, il a ajouté à
ses sources ce que lui avaient appris ses voyages. Ces derniers font une
œuvre de « démolition » ; les autres cherchent à « reconstruire • » l'ou-
vrage perdu dont les livres de Diodore nous présentent une sorte d'image.
Grâce aux recherches de MM. Volquardsen 2 et Collmann 3, la théorie
de 1' « unité de source » était à peu près partout acceptée. Depuis quatre
ans, une réaction violente s'est produite contre elle : elle a subi de vio-
lentes attaques, auxquelles ses défenseurs ont faiblement répondu.
M. Evers, — qui s'attache aux premiers livres de Diodore, — est un
adversaire décidé de MM. Volquardsen et Collmann. Il faut croire Dio-
dore, dit-il, lorsqu'il affirme avoir passé trente années de sa vie à réunir
les matériaux de son ouvrage et à le composer; nous n'avons aucun
motif de l'accuser de mensonge : tout, dans le détail comme dans l'en-
semble, révèle la pluralité des sources. Cela est très juste et ne saurait
être trop répété. Mais, quand M. E. prétend retrouver les emprunts que
Diodore a faits à Posidonius ou à Evhémère, dont il ne nous reste à peu
près rien, nous ne le suivrons pas dans ce travail dedéchiquetage, travail
inutile puisqu'il ne présente aucune garantie sérieuse. M. Bauer 4 avait
réuni un certain nombre de passages de Diodore où il semblait s'être servi
d'Hérodote. M. E. a tenu à compléter cette liste. A quoi bon? Les textes
cités par M. Bauer sont fort peu concluants; ceux qu'ajoute M. E. ne
le sont pas davantage. M. E. rapproche l'une de l'autre, par exemple,
les descriptions que font Diodore et Hérodote de la pyramide de Chéops.
1. Les deux mots sont de M. Mommsen, Rœmische Forschungen, II, p. 289. Lui-
même offre un modèle de restauration ingénieuse et brillante en s'efforçant de re-
trouver dans les récits de Diodore l'ouvrage de Q. Fabius Pictor, Fabius und Diodor,
{Hermès, V et XIII), Die gallische Katastrophe (Hermès, XIII), articles réimprimés,
avec additions importantes, dans le 2° volume des Rœmische Forschungen, 1879.
2. Untersuchungen ùber die Queîlen der griech. und sicil. Geschichte bei Diodor.
Kiel, 1868.
3. De Diodori Siculi fontibus .-Leipzig, i86q.
4. Die Benut^ung Herodots durch Ephorus bei Diodor, Jahrbùcher de Fleckeisen,
Supplementband, X, p. 281, sqq. La théorie de M. Bauer est que le récit historique
d'Hérodote n'a été directement consulté par Diodore que dans quelques passages.
d'histoire et de littérature 4©5
Il cite, entre autres, ce détail que donne Diodore : « On grava sur la
pyramide le montant des sommes dépensées pour fournir aux ouvriers
des légumes et des raiforts, et l'inscription indique que l'on a dépensé
plus de seize cents talents. » Ce renseignement n'a pu, dit M. E., être
emprunté qu'à Hérodote : « On grava sur la pyramide, en caractères
égyptiens, combien on a dépensé en raiforts, en oignons et en aulx à l'u-
sage des ouvriers-, et celui qui m'interpréta cette inscription m'a dit,
autant que je m'en souviens, que cette dépense se montait à seize cents
talents d'argent l. » Mais Diodore n'est-il pas allé lui-même en Egypte,
n'a-t-il pas vu la pyramide, un guide ne lui aura-t-il pas traduit Tins
cription? Peut-on admettre, d'ailleurs, que les voyages des Grecs en
Egypte étaient si rares que Diodore n'ait pu consulter d'autre relation
que celle d'Hérodote? De tous les rapprochements auxquels se livrent
MM. Bauer et Evers, il résulte seulement qu'il y a des ressemblances
entre Hérodote et Diodore ; il y a aussi des différences : il se peut que
Diodore ait consulté Hérodote; il est très possible qu'il y ait entre eux
un ou plusieurs intermédiaires. Conclure de ces ressemblances qu'Héro-
dote est l'autorité de Diodore, et de ces différences que Diodore a tra-
vaillé avec indépendance sur les auteurs qu'il a consultés, c'est construire
une conjecture sur une hypothèse. Il y a du danger à vouloir prouver
coûte que coûte. Il fallait se borner à mettre en relief le travail acharné
et l'étendue des connaissances de Diodore ; il fallait aussi insister sur ses
frivolités et ses' négligences. Le seul rôle qui convienne à l'avocat du
« plus pitoyable des scribes2 », c'est de plaider les circonstances atté-
nuantes, et elles ne manquent pas.
Camille Jullian.
237. — Der Koelnlsche Krieg von Max Losson. Erslci- Band 1 Vorge-
•chlchte (1K68- 1881). Gotha, Perthes, 1882, xvi, 780 p. 8°. Prix : ib fr. 75.
Tandis que la réforme allemande a trouvé de nombreux historiens,
qui nous ont raconté son développement politique et religieux, jusqu'à
la paix d'Augsbourg; tandis que la guerre de Trente-Ans a rencontré
plus de narrateurs encore et voit leur nombre s'accroître de jour en jour,
1. Diodore, 1, 64, 3. Hérodote, 2, ii5.
'EiriYéYpaTTTai Se xb x)^- 2eaY][j.avxac Se Ypajj^âxwv Atyimfov
6oç xo>v àvaXwOévxwv xp^àxwv Wç elq èv rfl w>pa[j.i5t oca eç xe cupjjiafyv xal
Xa^ava /.ai aup^ai'av xoTç èpYaxaiç y,at %p6\).\uxx. xx\ axépoOa àvat<jt[J.u)ÔY] xoT<n
txïjvuexai Sià xîfe Ypaap^ç xaXavxa SeSa- èpYaÇouivoisi • xat wç è[j.è eu y.eprç-
::avr,c6ai TvXeiw twv yj."kiw xat è£axo- aOat xà ô éppjveùç \>.oi èmX6^é(j£V0Ç xà
^wv- Ypâ^axa içy) è^axoata xat xCkiat. xa-
Xavxa àpYupiou xexeXéaGxt.
2. Mommsen, Rœmische Chronologie, 2* éd., p. 125.
4©6 REVUE CRITIQUE
la période intermédiaire, qui va de 1 555 à 1 568, n'a été traitée jusqu'ici
que d'une façon passablement dédaigneuse par les érudits allemands en
quête de sujets.
Il n'y a point lieu de s'en étonner outre mesure. Comme toutes
les époques de transition, c'est une époque d'un intérêt médiocre,
pour qui veut rester à la surface. La lutte entre les deux églises s'y pour-
suit d'une façon continue, mais secrètement d'abord, pour ainsi dire, et
même quand les conflits ouverts reprennent après une vingtaine d'années
de tranquillité relative, la lutte reste sans éclat, les personnalités mar-
quantes font défaut de part et d'autre et l'attraction de la grande lutte
trentenaire empêche l'historien de s'arrêter, autant qu'il le devrait peut-
être, à ces stations intermédiaires de l'histoire germanique. On en con-
naît quelques points culminants, la rébellion de Guillaume de Grum-
bach, la question d'Aix-la-Chapelle, la lutte dans l'archevêché de
Cologne, la guerre des évêques en Alsace, au sujet du siège de Stras-
bourg, la question de la succession de Juliers, et voilà tout. Et, quand
nous disons qu'on connaît ces questions, l'on peut dire que la plupart
ne sont encore connues que par à peu près, et que les recherches scien-
tifiques nécessaires pour approfondir le sujet, sont encore à faire dans
bien des cas. Les quatre volumes de M. Ortloff sur les querelles de
Grumbach, la publication de M. Ritter sur la question de Juliers, dans
la série des Documents relatifs à la guerre de Trente Ans, édités
sous les auspices de l'Académie de Munich, montrent pourtant que, de-
puis quelques années déjà, l'attention se porte sur ces dernières années,
si longtemps négligées, du xvie et sur les premières du xvne siècle. On a
compris que la paix de religion de 1 55 5 ne fut pas une paix, au sens
véritable du mot, mais tout au plus une trêve, mal observée, des deux
parts, et que les origines de la grande lutte du xvne siècle remontent
bien au-delà de la rébellion de Bohême. Il faut donc s'orienter à neuf
dans ces querelles théologiques souvent obscures, dans ces longues et
âpres rivalités entre les familles régnantes du protestantisme allemand
qui faciliteront si singulièrement la tâche à la réaction catholique.
Parmi ceux qui se sont le plus pénétrés de la nécessité de ces études, on
doit compter assurément l'auteur du présent volume. M. Max Lossen
avait débuté autrefois dans la littérature historique par une intéressante
étude sur l'occupation de Donauwoerth par la Bavière, en 1611, oc-
cupation qui fut l'un des signes précurseurs de la tempête générale qui
devait éclater bientôt. Depuis de longues années, le nom de l'auteur n'a-
vait plus été prononcé; nous apprenons aujourd'hui pourquoi. Voici
dix ans que M. L., suivant les conseils de M. le .professeur Cornélius,
de Munich, son maître, s'était mis à l'étude de la guerre de Cologne,
c'est-à-dire de la lutte qui s'entama autour de ce siège archiépiscopal,
après l'avènement de Gebhard Truchsess de Waldbourg et après sa con-
version aux doctrines réformées. Cette étude, il l'a poursuivie de la fa-
çon la plus approfondie ; aujourd'hui encore, ce n'est que l'introduction
d'histoire et de littérature 407
(Vorgeschichte) à son sujet proprement dit, qu'il nous offre, et pour
laquelle nous lui devons de sincères remercîments. En effet, ce conflit
de Cologne, sans être attrayant par les hommes qu'il nous montre ou les
événements grandioses qu'il nous ferait connaître, a, dans l'histoire d'Al-
lemagne, une importance majeure. Le moment où il éclate est aussi le
moment précis où se pose la question de savoir si la couronne impériale
restera aux Habsbourg, ou du moins au catholicisme. Si, contraire-
ment à ce qui arriva, Gebhard de Cologne avait pu se maintenir sur
son siège, le collège électoral aurait été en majorité protestant et l'abro-
gation du réservât ecclésiastique aurait bien vite fait disparaître, sous
un empereur protestant, ce qui restait encore de principautés ecclésias-
tiques, non-sécularisées dans l'empire. Les rares représentants du catho-
licisme parmi les princes laïques plus importants de l'Allemagne, les
ducs de Bavière et de Juliers, savaient bien pourquoi ils luttaient avec
tant d'acharnement, afin de faire arriver leurs parents sur les sièges
épiscopaux de l'Allemagne du nord-ouest. Si l'exemple de Gebhard avait
trouvé des imitateurs, s'il avait seulement trouvé tout autour de lui
des indifférents au lieu d'ambitieux compétiteurs, c'en était fait du
catholicisme en Allemagne, comme puissance politique s'entend. Ce
sont les prodromes de cette guerre de Cologne, que M. L. nous ra-
conte dans un style simple, avec une grande modération de pensée,
avec un luxe de détails inconnus, d'après les documents inédits d'une
quinzaine d'archives et de bibliothèques publiques , dont Munich ,
Dùsseldorf et Marbourg ont fourni le contingent principal. Dans ce
premier volume, nous voyons se dérouler devant nous l'histoire de
l'archevêché sous l'électeur Salentin d'Isenbourg, le prédécesseur de Geb-
hard, et les premières années de la propre administration de ce dernier,
c'est-à-dire de 1577 à 1 585. Grâce à son travail, nous suivons tous les
menus détails des intrigues infatigables par lesquelles les Wittelsbach
de Bavière réussissent à s'implanter dans les évêchés voisins, en visant
sans cesse à s'élever encore. Nous voyons une réaction toujours crois-
sante se manifester à la cour de Vienne, après l'avènement de Rodol-
phe II, tandis que sur les frontières de l'archevêché, la lutte entre l'Es-
pagne et les Pays-Bas révoltés sollicite l'attention. Le récit de M. Lossen
s'arrête pour le moment à l'année 1 585 . Le prochain volume, que nous
espérons voir paraître bientôt, nous racontera le commencement de la
lutte elle-même qui ne tarde point à éclater. R.
238. — Un agent politique de Chardcs-Qulnt, le bourguignon Claude
Bouton, seigneur» de Corberon. Notice sur sa vie et ses poésies avec le texte
de son Miroir des dames et des pièces justificatives pour la plupart inédites, par
M. E. Beauvois. Publication de la Société d'histoire, etc., de Beaune. Paris, Ernest
Leroux, 1882, 1 vol. in-18 de 16-0x011-229 p.
M. Beauvois énumère ainsi (Introduction, p. 1) les principaux titres et
408 REVUE CRITIQUE
qualités de Claude Bouton : il fut seigneur de Corberon et de Saint-
Beury en Bourgogne, de Melin en Brabant et de Weert en Flandre, che-
valier, capitaine des hallebardiers de Philippe le Beau , conseiller et
chambellan de Charles-Quint, grand écuyer, plus tard premier et grand
maître d'hôtel de l'archiduc Ferdinand, roi de Bohême et de Hongrie,
grand écuyer de la reine Marie de Hongrie, tuteur de Guillaume le Ta-
citurne. On voit que ce fut un personnage considérable, mais, à côté de
ses fonctions officielles et permanentes, comme parle son biographe
(p. 3), il en exerça d'autres qui, pour être transitoires et confidentielles,
n'en avaient que plus d'importance. Initié à la politique de Charles-
Quint, il fut, pendant quarante ans, Pun de ses agents les plus infatiga-
bles. Ce fut ce prince qui (p. 3) « l'introduisit sur la scène de la haute
politique, en le chargeant de solliciter en sa faveur l'appui de Henri VII f
pour l'élection de l'Empire (i 5 1 9). Quelques années plus tard, il l'en-
voya en ambassade auprès du même prince (i52Ô) et deux autres fois
en France (1 5 3 1 et 1 53g). C'est surtout dans les affaires spéciales aux
Pays-Bas que la reine Marie l'employa à plusieurs reprises (1 533-36 et
1542-43). » La vie de Claude Bouton fut, du reste, très mouvementée.
S'il sut briller à la cour, il ne fut pas déplacé dans les champs de bataille
et put même (p. 6) porter à son actif quelques beaux faits d'armes. In-
trépide chevaucheur, il alla cinq fois des Pays-Bas en Espagne, trois
fois dans l'Ile-de-France, une fois au moins en Autriche, sans parler de
ses voyages moins lointains et de ses navigations entre l'Espagne, l'An-
gleterre et la Belgique. Ajoutons que ce courtisan, ce guerrier, ce diplo-
mate, mérite aussi notre attention comme écrivain, et que le côté moral
de sa vie surtout est digne de remarque, car M . B. a pu louer en lui
(p. 7) l'excellent père de famille, le tuteur intègre, l'ami dévoué, le ga-
lant homme, en un mot, « fils de ses œuvres, s'élevant lentement de la
position la plus humble à l'une des plus éminentes, sans intrigues et
sans autre recommandation que sa bonne conduite et son travail persé-
vérant. »
Malgré tout cela, les historiens ont toujours négligé Claude Bouton.
« Ceux qui le rencontraient sur leur passage, » dit (p. 3) M. B., « l'ex-
pédiaient en peu de lignes, se bornant à citer une ou deux de ses qualifi-
cations avec quelques dates. » Nul ne semble s^tre douté de son impor-
tance historique. Son nom, continue l'auteur (p. 3), « ne figure dans
aucun recueil de biographies ', pas même dans celle des Bourguignons,
et là volumineuse biographie nationale de la Belgique le passe sous si-
lence, bien qu'elle parle d'autres hommes marquants nés, comme lui, en
dehors des Pays-Bas, mais y ayant joué un rôle. Le vieux Palliot, qui
écrivait une centaine d'années après la mort de Cl. Bouton, était, avant
1. L'assertion est trop absolue : le nom du seigneur de Corberon figure dans le
Dictionnaire de Moreri(t. Il, 1769, p. ao3). Les auteurs de ce Dictionnaire renvoient
à l'Histoire des grands officiers de la Couronne, par le P. Anselme.
D'HISTOIRE ET DE l.l'I 'TÉRATUKE 4O9
cet essai, le seul qui ait tenté de donner une notice sur lui *'. »
Si les imprimés ne permettent d'avoir qu'une idée très incomplète de
Cl. Bouton, les sources manuscrites sont, au contraire, des plus abon-
dantes. Les vastes recherches de M. B. ont été surtout fructueuses dans
les Archives départementales du Nord, où sont conservés les registres de
la Chambre des Comptes de Lille. Il a encore consulté avec grand profit
divers documents des Archives générales de Belgique, des archives pri-
vées de la maison d'Orange, à La Haye, des Archives départementales
de la Côte-d'Or, des Archives nationales, de la Bibliothèque nationale,
du British Muséum 2. De tous ces documents interrogés avec autant de
patience que de sagacité, M. B. a fait jaillir assez de lumière pour avoir
le droit de dire (p. 8) : « Il y a peu d'hommes de l'entourage de Charles-
Quint, même parmi les plus importants, dont la biographie nous soit
aussi bien connue jusque dans les détails de la vie privée. »
Je ne suivrai pas le zélé biographe dans les divers chapitres où il s'é-
tend sur l'origine et les débuts de Cl. Bouton, sur ses premières missions
en Angleterre et sur son séjour en Allemagne, sur sa défense du Luxem-
bourg et sur ses nouvelles missions en Angleterre, sur ses missions en
France et dans les Pays-Bas, sur ses missions en Frise et en Lorraine,
sur ses derniers actes politiques, sur son mariage et sur ses enfants, sur
ses biens patrimoniaux, sur son testament, son décès et sa sépulture, en-
fin sur son Miroir des dames et sur son An des sept dames. J'indiquerai
seulement quelques-uns des renseignements rectificatifs que l'on trouve
dans une notice faite, comme le déclare Fauteur (p. 16), con amore, mais
sine studio : L'éminent historien de Charles Quint, M. Henné, a cru
sans preuve que Cl. Bouton fut capitaine des 5o archers de la garde de
l'archiduc Charles (p. xvm) 3. -~ L'ambassadeur de Venise, Seb. Giusti-
niani, a confondu Cl. Bouton avec le comte Barthélémy Tatiano, et sa
méprise a été reproduite par M. R. Brown (p. xxxvi). — J. S. Brewer,
le savant éditeur des Letters andpapers, a commis une erreur en signa-
lant la présence en Angleterre, au 7 mai 1 5 1 9, de Cl. Bouton qui était
1. Histoire généalogique des comtes de Chamilly, i67i,in-f°. M. B. dit (p. 9) :
« Le généalogiste des Bouton a totalement ignoré les ambassades de Claude, ses ex-
ploits militaires et son Miroir des dames. Sa notice sur celui que les Belges appe-
laient communément le seigneur de Corbaron, notice dont nous ne voudrions pour-
tant pas médire, parce qu'elle nous a guidé dans nos investigations, est plutôt remplie
de phrases que de faits. »
2. M. B. dit (p. 11) que « cet admirable établissement, que toutes les nations
peuvent envier à l'Angleterre, » lui « a offert des facilités particulières pour vérifier
dans les imprimés une multitude de faits et de dates, » Parmi les érudits qui ont
prêté leur concours à M. B., je citerai feu M. Charles Paillard, de Maroilles, dont
j'ai souvent eu l'occasion de louer ici les excellents travaux. M. B. rend hommage
(p. 12) à l'habileté du paléographe, comme à la générosité des sentiments de
l'homme.
3. Cf. p. lxxix pour quelques anachronismes de la belle Histoire de Charles-
Quint.
4'0 KlïVUK CRITlQUh.
alors à Malines (p. xxxvm) '. — F. B. von Bucholtz, en son Histoire
du règne de Ferdinand 7or, a transformé le nom du diplomate bourgui-
gnon en celui de Claudius de Guttan (p. xliv). — Tout un passage de la
Chronique du bourgeois de Valenciennes, Robert Macquereau (liv. VII,
ch. xvi), est ainsi refait (p. lvi) : « D'abord Cl. Bouton ne demeura pas
longtemps à Londres puisque, arrivé Je 14 novembre, il annonçait, dès
le 19 du même mois, son départ pour le lendemain; il partit, en effet,
le 20 ; il n'allait pas en Espagne, mais bien dans les Pays-Bas, et il se
borna à écrire à Charles-Quint deux lettres dont l'une, celle du 19 no-
vembre, nous est parvenue ; au lieu de les expédier lui-même, il les
laissa à son collègue, George de Themiseke, prévôt de Cassel, qui les
mit sous enveloppe et les adressa à Wolsey, le priant de les faire venir à
destination par l'évêque d'Ascoli et de Worcester, Jérôme de Ghinucci,
auditeur de la chambre apostolique, qui allait en Espagne comme en-
voyé d'Henri VIII 2 » — Les historiens ne sont pas d'accord sur le jour
où, en juillet 1544, René de Nassau, prince d'Orange, mourut des sui-
tes d'une blessure reçue au siège de Saint-Dizier. Martin du Bellay et
Gollut ne précisent pas; Wagenaar place le décès sous le 18 juillet;
M. Henné au 21 du même mois. La vraie date (i5 juillet) est fournie
par le certificat du secrétaire Bave, mentionné dans un document d'un
registre de la Chambre des Comptes (p. xcv) \ — Les éditeurs des State
Papers (Henri VIII, t. IX, pp. 268-9) ont eu tort d'identifier, au sujet
des négociations entre les commissaires anglais et français pour la dé-
limitation du Boulonnais, en 1546, le sieur de Courtbaron et d'Hon-
vaulx avec Cl. Bouton (p. cvn). — Mentionnons encore le redressement
d'une erreur de Palliot touchant l'origine de la devise de Cl. Bouton :
Souvenir tue (p. cxvi), d'une autre erreur du même attribuant à Phi-
lippe II des lettres de légitimation d'un bâtard de Bouton délivrées
par François Ier (p. cxviii), etc.
Il y aurait à indiquer, dans le livre de M. B., bon nombre de rensei-
gnements curieux. En voici quelques-uns qui intéressent surtout les
amateurs de tableaux (p. lxxvi) : « Ce portrait [le portrait de Bouton à
lui demandé par la reine-régente Marie pour la célèbre galerie de Mali-
nes] fut exécuté avant le 12 septembre 1 536, avec ceux de l'empereur et
1. En revanche, M. B. approuve (p. lxii) l'argumentation par laquelle cet éditeur
cherche à établir, contre le sentiment de la plupart des historiens anglais et français,
que ce ne fut pas Anne Boleyn, mais sa sœur Marie, qui accompagna en France,
comme dame d'honneur, la dernière femme de Louis XII, Marie d'Angleterre.
2. Sur une autre erreur de R. Macquereau, voir p. cxxix.
3. C'est là, ajoute M. B., un exemple de l'importance des comptes pour la fixation
des dates. Il avait déjà dit {Introduction, p. 14) : « Ce sont des sources de premier
ordre pour la fixation des dates, des itinéraires des souverains et du rôle de leurs
agents politiques, sans parler des autres ; on doit les prendre pour base de toute
chronologie précise et détaillée, et la présente monographie n'éût-elle d'autre résul-
tat que d'appeler l'attention des historiens sur ces trésors en grande partie négligés,
que nous ne regretterions pas le temps et les sacrifices qu'elle nous a coûtés. »
d'histoihk kt dk littératurk 41 !
de deux de ses sœurs, les reines Marie de Hongrie et Eléonore de France,
le tout pour huit livres. Il ne faut pas être étonné de la modicité du
prix : le tableau du couronnement de Charles-Quint par Grégoire Vel-
lemans ne fut payé que deux livres; le célèbre Bernard d'Orley faisait des
tableaux au prix courant de quinze à trente livres, et même des portraits en
pied de grandeur naturelle pour vingt-cinq livres '. » Citons cette parti-
cularité touchant la naissance du premier des enfants de Cl. Bouton et
de Jacqueline de Lannoy (p. exi) : « Dans son neuvième Compte, pour
1 5 1 5 , le receveur général Jean Micault déclare avoir dépensé, par man-
dement particulier, soixante deux livres dix sols pour une couppe d'ar-
gent que mondit seigneur [l'archiduc Charles] a aussi donnée au bap-
tisement du fil%, dont la femme de son maistre d'ostel Boutton estoit
accouchée, lequel il a faict lever sujr les saint% fond\ de baptesme et
luy donner son nom de Charles. Le futur empereur avait bien voulu
être parrain de l'enfant, de même que son trisaïeul, Philippe le Bon,
Pavait été de Philippe Bouton; mais l'archiduc fut moins généreux que
le duc; au lieu d'un quignot de vaisselle plate d'une valeur de deux mille
livres, il donna une simple coupe d'argent, de soixante-deux livres;
peut-être songeait-il déjà à rendre redit de i53i, par lequel il était dé-
fendu d'accepter des présents à l'occasion des baptêmes, sous peine d'une
amende double delà valeur du don. » — Signalons enfin le chapitre sur
le Miroir des dames où ce poème est successivement rapproché de plu-
sieurs ouvrages du xve siècle qui roulent sur le même sujet, tels que
r Apologia mulierum (publié par P. Heyde), YEloge des dames (publié
par Van Hasselt), le Mirouer des dames (ms. du British Muséum,
achevé le 9 juillet 1428), le Mirouer des dames et damoiselles et l'exem-
ple de tout le sexe féminin (ms. de la Bibliothèque Nationale, n° 197
du fonds français), le Parement des dames d'Olivier de la Marche.
M. B. se garde bien de surfaire le mérite du Miroir des dames. Si l'au-
teur ne lui paraît pas inférieur à la plupart des rimeurs contemporains,
il reconnaît aussi que ce n'est pas là dire beaucoup 2. Il ajoute qu'en lui
le prosateur vaut mieux que le poète, sinon par la correction, au moins
par la sève et par la naïveté. Dans ce chapitre d'histoire littéraire, no-
tons (p. clxxxiii) une vigoureuse tirade contre Cornélius Agrippa, « ce
cuistre d'Allemagne », « ce lourd pédant », qui osa dédier un livre où
les faits anatomiques sont exposés dans les termes les plus crus, où les
phénomènes physiologiques sont décrits avec les détails les plus répu-
gnants (Declamatio... Anvers, 1629), à la régente Marguerite, qu'il
1. M. B. donne en note, d'après les Comptes des Archives départementales du
Nord, d'autres détails inédits « qui montrent que les peintures, même des grands
artistes, étaient alors payées à l'aune ».
2. L'An des sept darnes, réédité en 1867 par MM. Ruelens et Scheler, atteste, se-
lon l'observation de M. B. (p. cxci), «une imagination plus fertile, plus juvénile »,
mais il est « parsemé de gravelures comme si un poète du nom de Bouton eût né-
cessairement dû s'inspirer du Roman de la Rose. »
412 RI'.VUK CRITIQUE
qualifie de divine princesse, à cette même princesse qui, dans une de
ses lettres ', comme dans un de ses rondeaux 2, fit l'éloge de Cl. Bou-
ton.
La seconde partie du volume renferme : i° le Mirouer des dames,
composé entre i5 17 et i523, édité d'après le ms. n° 10557 de la collée
tion de Bourgogne à la Bibliothèque royale de Bruxelles (pp. i-3o) 3;
20 120 pièces justificatives disposées par ordre chronologique (pp. 3i-
173); 3° la liste alphabétique des ouvrages cités (pp. 174-193); 40 l'In-
dex alphabétique (pp. 195-217) ; 5° la Table alphabétique (pp. 219-229).
Le recueil de M. Beauvois, préparé avec un soin que l'on ne saurait
trop louer, est d'une valeur exceptionnelle, et il faut cordialement féli-
citer la modeste Société d'histoire de Beaune d'avoir publié cette mono-
graphie qui ferait honneur aux plus célèbres de nos sociétés savantes.
T. de L.
23g. — Saint- Vincent de Paul et les Gondi, d'après de nouveaux documents
par R. Chantelauze. Paris, Pion, 1882, grand in-8° de 423 p. 7 fr. 5o-
V Avant-propos de M. Chantelauze (pp. 1-14) est une revue analyti-
que des principaux documents imprimés et manuscrits qui peuvent être
consultés sur saint Vincent de Paul. Les documents imprimés surtout
sont fort nombreux, comme l'auteur le rappelle en ces termes (p. 1) :
« Depuis plus de deux siècles, il serait difficile de citer un homme illus-
tre, si grande que soit sa renommée, dont la vie ait été écrite aussi sou-
vent et en autant de langues que celle de saint Vincent de Paul. C'est qu'il
n'en est pas un dont le souvenir soit plus cher à la mémoire des hom-
mes que celui qui fut, dans les temps modernes, le premier apôtre de la
charité, le vrai créateur et le plus grand organisateur de l'assistance pu-
blique. » M. C. énumère et apprécie successivement les quatre grandes
biographies publiées, les deux premières, par deux prêtres de la Mission,
Fournier (1664) 4 et Collet (1748), les deux dernières, par deux de nos
1. « Nous avons icy Bouton qu'est bien saige et adroit gentilhomme. » (Lettre de
Marguerite à l'empereur Maximilien, i5i3. Correspondance publiée par Le Glay,
t. II, p. i5g.)
2. « Ung bouton cuilliz a esté
Florissant yver et esté
En odeur de vertus flagrable,
A tous véans moult delictable
Et plain de toute honnesteté. »
{Albums et œuvres poétiques de Marguerite d'Autriche publiés par E. Gachet
pp. 27-28.)
3. M. B. a mis de très bonnes notes au bas des pages du Mirouer des dames.
J'en citerai surtout une fort étendue et fort savante sur les sibylles (pp. 5-7).
4. On obtint de Louis Abelly, évêque de Rodez, ancien ami du saint, qu'il donne-
rait son nom à la Vie du vénérable serviteur de Dieu, Vincent de Paul. M. C. rap-
d'histoire et de littérature 41 3
contemporains, M. l'abbé Maynard (1860), M. Arthur Loth (1880") l. Il
n'oublie pas de signaler et de vanter, à côté de ces ouvrages, le livre
d'Alphonse Feillet, « qui n'était qu'un chapitre de la vie de Vincent,
mais un chapitre plein de révélations inattendues », La misère au
temps de la Fronde et saint Vincent de Paul. Il insiste enfin sur
l'importance des lettres du saint, dont les RR. PP. Lazaristes viennent
de publier un recueil à leur usage, en quatre volumes in-8° (Paris,
1880 2). A l'étude de toutes ces publications, M. C. a eu le bonheur
d'ajouter la connaissance de bon nombre de pages puisées à des sources
inédites. « Pendant mes longues recherches sur le cardinal de Retz et
les Gondi, que de fois, saisi de respect, » dit-il (p. 11), « j'ai vu se dresser
devant moi la vénérable figure de Vincent, qui fut leur commensal pen-
dant douze années ! Ce fut sous leur toit que, l'année même de son en-
trée chez eux, il vit naître le terrible élève qui devait si mal profiter de
ses leçons et de ses exemples. Jamais, on peut le dire, le génie du bien
ne fut plus impuissant à lutter contre le génie du mal. » L'auteur
ajoute que « ce fut par les Gondi, uniquement par les Gondi, qu'il fut
donné à Vincent de fonder et de constituer tous ses établissements, de-
puis le premier jusqu'au dernier, sans exception. » Il constate (p. 12)
que le cardinal de Retz, « qui avait conservé pour son ancien instituteur
le plus tendre respect, même au milieu de ses conspirations et de ses
plus folles aventures, se montra toujours très empressé à lui prêter son
puissant appui. Voilà pourquoi, » continue-il, « il nous a paru particu-
lièrement intéressant d'étudier non-seulement les relations de Vincent
avec les Gondi, mais encore d'esquisser les traits des membres de cette
famille qui, par leur bienveillante protection et leur fortune, fécondè-
rent toutes ses bonnes œuvres. »
Le R. P. Pémartin, secrétaire général de la congrégation de la Mis-
sion, a fourni à M. C. divers documents, ainsi que le R. P. Ingold, « le
dernier et savant bibliothécaire de l'Oratoire. » De plus, quelques dépê-
ches de nos ambassadeurs, déposées dans les archives du ministère des
affaires étrangères, ont permis à l'auteur « de raconter avec de nouveaux
détails plus précis, les rigueurs dont Vincent de Paul et les prêtres de la
pelle (p. 3, note 1) que ce prélat est l'auteur d'un ouvrage latin, autrefois estimé, La
moelle théologique, et il ajoute : « Comme il n'était pas janséniste, BoPeau, pour ce
motif, a essayé de le tourner en ridicule dans son Lutrin :
Que chacun prenne en main le moelleux Abelly. »
11 ne suffisait pas de n'être pas janséniste pour être attaqué par Boileau. Le vers cité
par M. C. n'est qu'une inoffensive boutade où le jansénisme n'a rien à voir et qui
n'a peut-être été amenée que par le besoin d'une rime en i. Qui donc était moins
janséniste que Louis XIV et qui pourtant l'a jamais plus et mieux loué que Boileau?
11 serait trop facile de continuer à combattre le sentiment de M. Chantelauze.
1. La Vie de saint Vincent de Paul, par Capefigue, n'a pas paru à M. C. mériter
l'honneur d'une mention. Je ne lui reprocherai pas son dédain.
:. Un choix en deux volumes a été mis à la disposition du public (Paris, Dumou-
lin, 1882).
414 REVUE CRITIQUE
Mission, à Rome, furent l'objet, par ordre de Louis XIV et de Maza-
rin, pour avoir donné asile au cardinal de Retz fugitif '. »
Tirant un heureux parti de toutes ces ressources, M. C. a donné une
complète histoire des relations de saint Vincent de Paul avec la famille
de Gondi, surtout avec le père, la mère et la tante (marquise de Maigne-
lais) du cardinal de Retz et avec ce dernier personnage 2; il a donné
aussi une complète biographie de l'illustre saint, résumant, perfection-
nant tous les travaux antérieurs et rajeunissant, autant par l'agrément
du style que par l'adjonction de faits nouveaux, un sujet si souvent
traité. Si M. C. a eu le mérite d'ajouter à ce que nous avaient raconté
ses devanciers, il a eu aussi le mérite de retrancher quelque chose de
leurs récits. Je veux parler de deux légendes impitoyablement sabrées
par lui, la légende du forçat que Vincent aurait délivré à Marseille pour
se mettre à sa place (pp. 123-137), et la légende du saint apôtre parcou-
rant pendant la nuit les rues et les carrefours de Paris, pour y recueillir
dans ses bras les enfants trouvés (pp. 261-267). La première légende
nous vient du xvir3 siècle, mais elle a été considérablement embellie de
notre temps. Ainsi, par exemple, dit avec une spirituelle vivacité M. C.
(p. 1 33), « je vois dans une excellente histoire du saint, qu'il se préci-
pita sur les fers du forçat, qu'il les baisa, les détacha et se les posa lui-
même au pied, et le savant biographe oublie que ces fers pesaient cin-
quante kilogrammes, qu'ils étaient rivés, et que, par conséquent ils ne
se détachaient pas aussi facilement que des jarretières. » Toute la dis-
cussion est menée à merveille et je suis assuré que tout lecteur non-
seulement « pardonnera », mais appréciera ce que l'auteur appelle « la
longueur de cette digression 3. » La seconde légende est beaucoup plus
récente : elle est née de nos jours et Capefigue (c'est tout dire) semble
bien en être le père. MM. l'abbé Maynard et Arthur Loth en ont été
les parrains. Voici comment, au nom du bon sens et de la vérité, M. C.
repousse ces « pures inventions » (p. 263) : « A l'époque où l'on place
1. M. C. n'a malheureusement pu découvrir toute la correspondance particulière
de Vincent de Paul avec le général des galères, Philippe-Emmanuel de Gondi, dont
M. l'abbé Maynard a révélé l'existence.
2. M. C. nous promet (p. 84) de nous raconter, un jour, l'histoire de l'orageuse
jeunesse du cardinal de Retz : « Les 25o premières pages in-40 des Mémoires auto-
graphes de Retz, dans lesquelles il racontait ses folles aventures de jeunesse, ont
été déchirées par une main trop scrupuleuse; et d'un autre manuscrit de ces mêmes
mémoires aujourd'hui disparu, un éditeur de 17 19 n'a pu sauver de ce commence-
ment que quelques fragments mutilés. Au point de vue littéraire, c'est une perte à
jamais déplorable et irréparable ; au point de vue historique et biographique, il n'est
pas impossible de combler cette lacune. C'est ce que nous tenterons quelque jour,
à l'aide de nombreux documents inédits. » M. C. nous promet encore (p. 417) de re-
venir quelque jour sur la mystérieuse fin du cardinal de Retz.
3. J'ai sous les yeux une brochure intitulée : D'une erreur historique à propos
de saint Vincent de Paul et dcson voyage à Marseille en 1622, par Casimir
Bousquet (Paris, 1861, in-18). M. C. a rendu évident ce que M. Bousquet avait
déjà commencé à rendre bien clair.
d'histoire et de littérature 415
ces prétendus épisodes, Vincent avait de soixante-douze à soixante-
quinze ans ; il pouvait à peine se tenir sur ses jambes endolories et cou-
vertes de plaies, et, déplus, il était en proie à la fièvre quarte, qui l'obli-
geait, afin d'en calmer les accès, à garder le lit chaque nuit, afin de
provoquer la sueur. Comment concilier ces faits précis avec ses préten-
dues courses nocturnes ? »
Je résumerai d'un mot tous les éloges que l'on peut donner au livre de
M. Chantelauze : c'est, à tous égards, la meilleure histoire que nous
ayons de saint Vincent de Paul '.
T. de L.
240. — Ergœnzungewœrterbucli dei* deutsehen Spraclie. Eine Vervoll-
staendigung und Erweiterung aller bishér erschienenen deutsch sprachlichen
Wcertei bûcher, eïnschliesslich der Grimm'schen, mit Belegen von Luther bis auf
die neueste Gegenwart, von Prof. Dr. Daniel Sanders. Berlin, Libr. Abenheim.
Livraisons 6 à 22, Blau-Meinen,
La publication de cet important dictionnaire complémentaire, dont
nous avons annoncé l'an dernier les cinq premières livraisons, se con-
tinue sans interruption. Comme un grand dictionnaire ne peut jamais
être complet, l'auteur a eu l'heureuse idée d'imprimer sur la couverture
des livraisons un appel à tous ceux qui s'occupent de lexicographie, pour
leur demander de fournir des contributions à son œuvre. Nous croyons
nous conformer aux vœux exprimés par M. Sanders en donnant ici
quelques mots et significations qui lui ont échappé, et nous espérons
qu'ils figureront dans un supplément à la fin du volume.
Hermchenou HermjEnnchen, synonyme de Wiesel (la belette) ; v. Brehm,
Saugethiere , vol. II, p. 81. Ce mot se rencontre çà et là dans des contes
populaires. Il se rattache, ainsi que Hermelin (hermine, la grande be-
4. M. C. a eu la bonne fortune d'être aidé par le R. P. Pémartin, a qui a fait une
étude critique très approfondie de l'histoire de l'illustre Fondateur de son ordre, » et
qu'il remercie deux fois {Avant-propos et p. 267) de son assistance. Aussi, ne trou-
vera-t-on guère d'inexactitudes dans un livre revu par un aussi savant spécialiste.
C'est par inadvertance que (p. 17) est mentionnée « l'église de Bidackers, près de
Bayonne. 11 s'agit là de Bidache, dont les Gramont ont rendu le nom célèbre. — Je
ne crois pas que l'histoire des généraux des galères, par Antoine de Ruffi, ait ja-
mais été imprimée, quoiqu'en dise M. Chantelauze (p. 1 33). — Le biographe de saint
Vincent de Paul me paraît avoir manqué de charité et même de justice à l'égard de
Pierre de Marca. En vain, pour écraser le successeur du cardinal de Retz à l'arche-
vêché de Paris, il dit deux fois (p. 04.3 et p. 410) que Bossuet a tracé de ce prélat
un portrait d'une effrayante vérité. Dans ce portrait, remarquons-le bien, l'auteur
de la Défense des libertés de l'église gallicane reproche surtout à Marca, dont il
admire le très beau génie, d'avoir été ultramontain et de ne l'avoir pas toujours
été. Il y a des portraits plus noirs. Je voudrais que, dans la prochaine édition de
son livre, M. C. traitât moins durement un homme qui, certes, ne fut pas sans dé-
fauts, mais qui vaut beaucoup mieux que la réputation que ses ennemis ont voulu
lui faire.
41 6 REVUE CRITIQUE
lette), au moyen haut allem. harm, ancien haut ail. hartno; l'allemand
moderne Harm, dans le sens de « hermine », est rare (Grimm).
Au mot Gabler, il manque la signification assez fréquente de Gabel-
weih? (milan noir); v. Brehm, Thierleben. — Die Vôgel, Leipzig, vol. I,
p. 684.
Hûfter, synon. de Brachpiper ou Stôppling = le pipi champêtre
(Anthus campestris) ; v. Brehm, ib., II, 254.
Hûster, synon. de Wiesenpiper — \& pipi des prés (Anthus pratensis);
v. Brehm, ibn II, 249.
Hûsik, synon. de Graufliegenfànger zz le gobe-mouche gris (Musci-
capa grisola); v. Brehm, ib., II, 517.
Girlitz rs le cini x (Fringilla serinus). Ce petit oiseau est fort commun
dans certaines parties de l'Allemagne, et y porte encore quelques autres
noms, suivant la contrée, p. ex. Heckenbrunelle, en Bavière, etc, : Der
in Deutschland heimische Vertreter der Sippe ist der Girlit\, Brehm,
ib., II, 332. Im Taurus gesellt sich ihm der von hier und dem Kaucasus
ûber Persien und Turkestan bis Ladak verbreitete, auch in Sùdeuropa
vorkommende Goldstirn-girlitz (Serinus pusillus und aurifrons, etc),
an, welcher der etwas làngern Flûgel halber auch wohl als Vertreter einer
besondern Untersippe, der Zeisig-girlitze, angesehen wird; ib.,
p. 333.
Blaje, synon. de Blahe, Plane, Wagendecke, — bâche : Es wurde
also mein Bett und sonstige Effecten auf einen Wagen geladen, der mit
einem von Reifen getragenen Tuch, Blaje genannt, uberspannt war;
Christoph Hoffmann, Mein Weg nach Jérusalem, Erinnerungen aus
meinem Leben. Stuttgart und Jérusalem 1881 ; vol. I, p. 139. — Com-
posé : zu welcher die ganze Familie Paulus den Weg nach Stuttgart in
einem jener primitiven Fuhrwerke, die man BLAJEwâGELCHEN nannte,
machte; ib., p. 622.
Parmi les composés de Kohle, il manque Gries-Kohle œ menu char-
bon, en anglais « dust » ; Tage-Kohle = charbon d'affleurement.
Môllern == préparer des lits de fusion des minerais; Môller-bett, lit
de fusion; cf. Môller-haus; Môller-boden; Môllerung = i° prépara-
tion des lits de fusion des min. ; 20 lit de fusion.
1. Le mot cini, quoique l'oiseau soit très répandu en France, manque également
jusqu'ici dans tous les dictionnaires français. Je profite de l'occasion pour signaler à
l'attention des lexicographes français deux autres mots très répandus qui n'ont pas
encore l'honneur de figurer dans les dictionnaires ; ce sont : clapotement, substantif
verbal de clapoter, et le verbe écoper. Chose incroyable, la plupart des dictionnaires
donnent le subst. écope, mais le verbe écoper, malgré ses deux significations con-
nues de tout le monde, a toujours été omis. Citons encore, pour la même raison, l'adj.
gourmeux (atteint de la gourme), et le subst. plur. très intéressant rappeaux, cris de
la caille, qui est à rappeler ce que appeau est à appeler ; il est usité dans le nord
comme dans le midi de la France (rappaou). De même qu'on dit « le» rappeaux de
la caille », on dit aussi « la caille rappelle »; cette dernière signification ne se trouve
pas non plus dans les dictionnaires.
d'histoire et de littérature 417
DRUSE(fcm.), minéral = géode, c'est-à-dire cristaux situés à l'intérieur
d'une pierre.
Alfred Bauer.
CHRONIQUE
ETATS-UNIS. — M. F. Poole, de Chicago, a terminé la nouvelle édition de son
Index to periodical literature; elle paraîtra à Londres, chez Trûbner.
— Un mulâtre, M. Williams, qui a occupé dans l'Etat d'Ohio des fonctions im-
portantes, prépare une Histoire de la race nègre en Amérique.
— M. Max Mûller a été invité à faire, en i863, une série de conférences sur la
science du langage, à l'Institut Lowell, de Boston.
INDES. — Les Parsis établis à l'île d'Aden viennent de fonder un temple du feu.
II sera inauguré au commencement de l'année prochaine par Firoûz, fils du grand-
prêtre de Bombay, Jamaspji, l'auteur du Dictionnaire jpehlvi-gu\rati-anglais.— La
polémique suscitée par l'admission dans l'église parsie de non-zoroastriens, sans la
pénible cérémonie du Bareshnûm (purification avec l'urine de vache) est plus vive
que jamais. L'initiative hardie du Destour Jamaspji a été attaquée par le Destour
JPsèhotunji et défendue par le Herbed Tamaspji. Le Destour Jamaspji prépare lui-
même une brochure sur ce sujet. Nous rendrons compte de cette polémique.
ITALIE.— Nous avons reçu de l'ancien directeur de la Bibliothèque Vittorio Emanuele
de Rome, M. Castellani, une lettre où il appelle notre attention sur un article pu-
blié par la Perseverança de Milan In" 8169). D'après cet article, écrit en français et
malheureusement en mauvais français, le tribunal correctionnel de Rome aurait ab-
sous MM. Castellani et Podestà de l'accusation de négligence portée contre eux.
« L'enquête a beaucoup contribué à abaisser la réputation de notre pays en deçà et au
delà des Alpes... Et cependant il fallait reconnaître que jamais un plus grand nom-
bre de livres n'avait été transporté avec plus de promptitude et d'exactitude. Du jour
où les bibliothèques monastiques furent consignées au ministère de l'instruction pu-
blique, pas un seul des 5oo,ooo volumes environ qui avaient été consignés, a été
égaré. Le Procureur du roi même dans son réquisitoire a dû se restreindre à accu-
ser MM. Castellani et Podestà pour l'égarement d'une 'lettre autographe du cardinal
Mastai avant de devenir pape, d'un livre imprimé, II Processo degli Untori di Mi-
lano, estimé par les experts 5o francs, et de io,3 brochures trouvées à Florence
avec des signes qu'on a supposé être de la Bibliothèque Vittorio Emmanuele, d'une
valeur approximative de 10 francs. Ces égarements mêmes n'ont pas été exacte-
ment constatés, mais en tout cas ils auraient eu lieu après l'ouverture de la biblio-
thèque. D'ailleurs, si lès faits de cette nature suffisaient à traduire devant les tribu-
naux des bibliothécaires sous l'imputation de négligence, il faut reconnaître que
pas un seul de cette honorable classe pourrait se sauver. Heureux ceux qui, dans
l'exercice de leurs nobles fonctions, n'ont pas eu des contrariétés majeures ! Du reste,
à part la lettre du cardinal Mastai, qu'on suppose être plutôt égarée que volée, rela-
tivement au Processo degli Untori et aux ig3 brochures, il fallait vérifier aupara-
vant s'il y en avait en bibliothèque d'autres exemplaires, car s'ils étaient des dou-
bles, ils auraient été écartés régulièrement. » La Perseveranja ajoute que les
« résultats de l'enquête et du procès ont été les suivants : pour abattre un homme
4l8 REVUE CRITIQUE
politique, on l'a d'abord calomnié, lui et son œuvre; ce but ayant échoué, on s'est
borné à calomnier d'honnêtes et utiles employés. »
— M. Luigi A. Michelangeli, qui vient de publier une édition critique d'Anacréon
(Bologne, Zanichelli), prépare un travail sur,le poète grec et ses traducteurs et imi-
tateurs en Italie.
POLOGNE. — Dans le dernier article qu'il vient de publier dans la « deutsche
Rundschau », sous le titre « Polnische Belletrisiik in den let^ten ^wan^ig Jahren ».
(La littérature polonaise dans ces vingt dernières années), M. OuoHausner, membre
du Reichsrath autrichien, dit que de 1876 à 188 1 il a paru en polonais 296 ouvra-
ges de belles-lettres {schœngeistig), dont 192 en Pologne, 80 en Galicie et 24 dans
les autres provinces — ce qui caractérise la fin de la vie littéraire autrefois si active
en Posnanie et la complète cessation de la littérature émigrée. Le nombre actuel de
ceux qui parlent polonais est de plus de i3 millions (plus de 8 millions en Russie,
2,600,000 en Prusse et 3, 200, 000 en Autriche); chaque année 11 paraît donc dans
les pays parlant polonais une œuvre littéraire par 2,000 âmes. On peut, à ce propos,
citer les chiffres suivants qui sont curieux ; il paraît une œuvre littéraire par
2,800 Allemands, par 2,200 Italiens, par 2,000 Suédois, par 1,900 Hollandais ou
Danois et Norvégiens, par 1,800 Anglais, par x, 600 Français, par 10,000 Russes.
RUSSIE. — Le 22 juin est mort McrMacaire Boulgakov, métropolitain de Moscou ;
il avait composé une Histoire de l'académie de Kiev (1843), une Histoire du christia-
nisme en Russie avant Vladimir (i856), une Théologie dogmatique orthodoxe (1802,
trad. en français en 1857-1859 et qui obtint le grand prix Demidoff), une Histoire
du rascol russe (i855), et une Histoire de l'église russe en onze volumes, son ou-
vrage le plus important. •
— Le P. Martinov vient de publier dans les Monuments de l'ancienne littérature
(Pamiatniki drevnei pismennosti) édités par la Société russe des anciens textes un
ms. slavon conservé à la Bibliothèque de Gand et qui avait jusqu'ici échappé à l'at-
tention des spécialistes. Ce ms. est curieux à plusieurs égards. Il est d'origine bul-
gare, il a été écrit à Viddin en i36o par la tsarine Anne, femme du prince bulgare
Jean Stratsimir. Il renferme des Vies des saintes martyres, récits déjà connus et
dont le P. Martinov n'a donné que quelques fragments et, ce qui est plus intéres-
sant, une description des Lieux Saints de Jérusalem. Une traduction latine de ce do-
cument due au P. Martinov paraîtra prochainement dans les Archives de l'Orient
latin. L'édition est accompagnée de fac-similés et précédée d'une préface où sont si-
gnalées les principales particularités du texte. Rappelons à ce propos que notre re-
gretté collaborateur, Ch. Graux, a découvert à la bibliothèque de Grenade un ms. sla-
von qui n'a pas encore trouvé d'éditeur. Il serait à désirer que la Société des anciens
textes russes pût le faire examiner et, s'il en vaut la peine, le publier.
SLAVES MÉRIDIONAUX. — M. Danicic vient de terminer le premier volume de
son grand dictionnaire serbo-croate (A.-C). Nous reviendrons prochainement sur cet
ouvrage.
SUÈDE ET NORVÈGE. — Notre collaborateur, G. Cederschiceld, professeur à
l'Université de Lund, a été nommé directeur de l'école supérieure des jeunes filles
de Gœteborg.
— Le premier fascicule de VArkiv for nordiste filologi, dont nous avons récem-
ment annoncé la fondation, vient de paraître. L'Arkiv est consacré, comme l'indique
son titre, à l'étude de la langue et de la littérature des trois pays Scandinaves; il est
publié quatre fois par an, au prix de six krones. Le directeur de la Revue est M. Gus-
tave Storm, assisté de MM. Sophus Bugge, Nicolas Ltnder, etc. Le recueil admet
des articles rédigés en allemand et en anglais, et ce premier fascicule renferme, en
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 419
effet, un article en allemand de M. E. Mogk, sur feu Edzardi ; on y remarquera une
Bibliographie des ouvrages relatifs au norois, dressée par M. Stjernstrcem et un ar-
ticle, le premier du fascicule, par Sophus Bugge, sur la Rosomonorum gens dont
parle Jordanis.
SUISSE.— M. A. Bernus, pasteur à Bâle, vient de publier une Notice bibliographi-
que sur Richard Simon (Bâle, Georg. in-8°, 48 p.) On sait que Richard Simon (i638-
1712) fut en 1678 exclu de la congrégation de l'Oratoire pour avoir publié son His-
toire critique du Vieux Testament, et qu'il a ouvert de nouvelles voies à la critique
biblique et à l'étude de l'histoire des églises orientales; son humeur agressive, ses
opinions hardies lui suscitèrent beaucoup d'adversaires. Sa bibliographie était encore
à faire; ce qui la rendait difficile, c'était le nombre de pseudonymes sous lesquels il
se cachait aussi bien que l'indication fausse du lieu d'impression de ses ouvrages.
M. Bernus a cherché à faire une bibliographie des publications de Richard Si-
mon aussi complète et aussi exacte que possible (296 numéros); il donne [d'abord
sommairement la liste chronologique de ces publications; il indique entre pa-
renthèses, après le titre des ouvrages de Simon, les principaux comptes-rendus
détaillés donnés par les journaux littéraires du temps; il mentionne les publi-
cations des adversaires de Richard Simon, afin de mieux faire connaître l'ac-
tion que le savant Dieppois exerça sur son siècle; etc. Cette bibliographie, faite
avec soin et patience, et qui rendra des services, ne peut manquer d'être accueillie
avec reconnaissance. M. Bernus y a joint les ouvrages projetés par Simon ou fausse-
ment attribués à l'ancien oratorien, les notices et écrits, soit manuscrits, soit im-
primés, sur l'auteur de V Histoire critique du Vieux Testament, et un utile index des
noms propres.
— Le tome XXXVI des Mémoires et documents, publiés par la Société d'histoire
de la Suisse Romande, vient de paraître à Lausanne (Georges Bridel. In-8°, 414 pp.).
Ce volume, outre un essai d'Histoire monétaire de Lausanne (1273-1354), dû à
M. A. Morel-Fatio, renferme des extraits considérables tirés des Manuaux du con-
seil de Lausanne (i5i2-i536), publiés et annotés par M. Ernest Chavannes. Cette
publication avait été commencée déjà dans le tome XXXV. — La période à laquelle
se rapportent ces extraits est d'une grande importance pour l'histoire de la Suisse
Romande. C'est une période d'agitation et de troubles, causés par les idées nouvelles
de la Réformation. Il est intéressant de suivre, dans cette publication, les hésitations
politiques de la ville de Lausanne, siège d'un évêché, dont le titulaire était loin de
vivre toujours en bonne intelligence avec les bourgeois. Précisément, deux des extraits
les plus intéressants, intitulés : Mœurs lausannoises entre i5z8 et 1 534, relatent lon-
guement, le premier, les plaintes de l'évêque et du clergé contre les citoyens de Lau-
sanne; le second, les plaintes des citoyens de Lausanne contre l'évêque et le clergé.
Ces deux pièces sont en français, et la naïveté du style, émaillé de locutions patoises
et d'expressions du terroir, prête beaucoup de charme au récit des méfaits commis,
au dire des bourgeois, par les chanoines de Saint-Maire, ou vice-versa, par les bour-
geois, si l'on veut écouter les chanoines.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 10 novembre 1882.
M. Jamard, consul de France à Brousse, envoie la copie d'une inscription grecque
420 REVUE CRITIQUE D HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
trouvée près d'Adernas. — M. de Laigue, consul à Livourne, envoie une nouvellle
copie d'inscription.
L'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, M. Renan donne quelques détails sur deux
monuments dont les photographies ont été transmises à la commission des inscrip-
tions par M. Salomon Reinach, membre de l'école française d'Athènes. L'un est un
graffilo araméen, de l'époque d'Hadrien, trouvé à Athènes; l'écriture en est très dif-
ficile à lire, et M. Renan n'ose encore proposer une traduction. L'autre monument a
été trouvé à Edesse. C'est un fragment de pierre, renfermant, dans une sorte de ni-
che, un buste assez grossièrement sculpté, d'une exécution lourde, qui rappelle celle
des sculptures les plus récentes ;de Palmyre ; les cheveux, tous rebroussés d'un seul
côté, présentent un aspect étrange. « On croit dans le pays, dit une note jointe à la
photographie, que la tête représente le frère de la femme d'Abraham. » Cette lé-
gende, dont il n'y a d'ailleurs aucun compte à tenir, indique du moins que cette
pierre est connue depuis assez longtemps et donne lieu de présumer qu'elle était pos-
sédée par des mulsumans. A côté du buste, à droite, se voit un fragment d'inscription
syriaque, du ve ou vi6 siècle de notre ère. Il y a quatre lignes d'écriture; les trois
premières, en grosses lettres et fortement interlignées., paraissent former une sorte
de titre; la quatrième était sans doute la première du texte proprement dit, dont le
reste est perdu. Nous n'avons que la partie gauche ou la fin de chaque ligne. Dans
les trois premières, seules déchiffrées jusqu'ici, on lit :
de Notre-Seigneur
et adorable
d'Edesse
M. Cuq termine sa lecture sur le consilium principis sous le haut empire romain,
d'Auguste à Dioclétien. Dans cette seconde partie de son mémoire, il décrit en détail
l'organisation du conseil, telle que les documents nous la font connaître, à partir du
temps d'Hadrien; il distingue les diverses catégories de membres qui le composaient,
les sénateurs, les amis ou familiers du prince, les jurisconsultes; les conseillers en
service ordinaire, consiliarii, et en service extraordinaire, adsumpti in consilium; il
énumère les divers fonctionnaires attachés au conseil, les employés des bureaux, les
greffiers, notarii, qui dressaient les procès-verbaux des séances, les expéditionnaires,
commentarii, qui transcrivaient les actes et les mettaient au net, ceux qui les con-
servaient dans les Archives du conseil, tabularium Caesaris, etc.
Ouvrages présentés : — par M. d'Hervey de Saint-Denys : Rosny (Léon de), Essai
de déchiffrement de récriture hiératique de l'Amérique centrale, 3e et 4e livraisons ; —
par M. Desjardins, Bulletin trimestriel des antiquités africaines, recueillies par les
soins de la Société de géographie et d'archéologie de la province d'Or an, 2' fascicule;
— par M. Delisle : Beaucourt (G. du Fresne de), Histoire de Charles VII, tome II;
— par M. de Rozière : Leroux (Alfred), Recherches critiques sur les relations politi-
ques de la France avec l'Allemagne de 1 2Q2 à 13^8 (5o° fascicule de la Bibliothèque
de l'Ecole des hautes études, sciences philologiques et historiques); — par M. Bréal :
i° Tamizey de Larroque (Philippe), les Correspondants de Peiresc V, Claude de Sau-
maise; 20 Henrï (V.), Esquisses morphologiques, considérations générales sur la na-
ture et l'origine de la flexion indo-européenne.
Julien Havet.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 18 octobre 1882.
M. Le Blant donne des détails sur les fouilles entreprises près de Pompéi, sur la
rive droite du Sarno. Ce ruisseau, fangeux et profond, arrêta dans leur fuite une partie
des habitants de Pompéi, qui périrent avant de parvenir à le traverser. Ces fugitifs,
dont on trouve les cadavres en grand nombre, étaient chargés de bijoux d'or, de
pièces de monnaie et d'autres objets précieux.
M. Guillaume entretient la Société des restes de constructions anciennes décou-
vertes pendant les travaux qui s'exécutent sous la salle des Cariatides au Louvre.
Sous la salle moderne, construite par Pierre Lescot et achevée par Percier et Fon-
taine, subsistent les ruines de salles ogivales, jadis carrelées de carreaux émaillés, qui
paraissent dater du règne de Philippe-Auguste.
Les retombées de voûtes sont encore conservées, et dans les déblais se rencontrent
des fragments de culs de lampes ornés de figures.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
1 ; — ■ . .-
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N° 48 — 27 Novembre — 1882
Sommaire s 241. Rieu, Catalogue des manuscrits persans du British Muséum, II.
— 242. Christ, Démosthène, l'e'dition d'Atticus. — 243. C. Mùller. Lutte de
Louis de Bavière et de la curie romaine.— Exploit de M. Mary Lafon. — Lettre
de M. Ch. Morel. — Chronique. — Académie des Inscriptions. — Société asia-
tique.
241. — Catalogue of lue Persian Sîanusci'ipts in lue British Sîusaum,
by Charles Rieu, volume II, London, 1881, in-40 vu et 433-877 p.
Le tome second de ce catalogue est exécuté sur le même plan que le pre-
mier et mérite les mêmes éloges. Nous ne pouvons donc que nous référer
à ce que nous avons dit déjà à cet égard, tout en maintenant la distinction
que nous avons établie entre un catalogue proprement dit et un recueil
de notices, et que le savant rédacteur n'a pas, à nos yeux, toujours assez
observée. Ce n'est pas un reproche, quoi qu'on en ait dit, et nous som-
mes les premiers à reconnaître que dorénavant le travail considérable
de M. Rieu devra être considéré comme l'œuvre fondamentale à la-
quelle tout catalogue de mss. persans devra taire les plus nombreuses
références.
Le tome II décrit n 28 volumes consacrés aux sciences, à la poésie,
à la philologie et aux belles-lettres; une dernière division comprend
les volumes renfermant des matières diverses. Nous approuvons fort ri-
dée de faire une section à part pour les mss. de ce genre ; c'est préféra-
ble, selon nous, au rangement qui est décidé par la nature de la pre-
mière pièce, ou à l'importance plus grande attribuée à l'une ou à l'autre
des pièces. Un correctif paraît cependant nécessaire : pourquoi, dans
chacune des classes où doit figurer tel ou tel morceau, ne pas le faire
entrer sous forme de renvoi ? La remarque que nous faisons ne vient
pas de nous : c'est là le système qu'a suivi, par exemple, M. Pertsch
dans les catalogues de Gotha.
Les innombrables poètes dont les œuvres figurent dans la collection
de Londres suffisent à montrer à l'homme le plus étranger aux études
orientales combien la poésie est cultivée en Perse et dans les pays de
langue persane, où le premier venu, sans études préalables de métrique
ou de poésie, a l'oreille assez délicate pour pouvoir composer en mètres
de toute sorte. Il faut bien ajouter que la plupart de ces poésies, pour
ne pas dire toutes, sont loin de valoir, pour nous Européens, la ving-
tième partie de ce que nous a légué l'antiquité classique, et que leur
étude n'est pas près de procurer les mêmes jouissances que la connais-
Nouvell* sérié, XIV. 22
422 REVUE CRITIQUE
sance de celle-ci. Toujours est-il que nous relevons ici les œuvres assez
rares de plusieurs des poètes les plus anciens, par exemple, le Yoûsouf
ou Z ouleyhha de Firdawsi (p. 545) et un fragment de Vis ou Ramin
(p. 822 a). Il est en ce moment question de la publication du premier de
ces poèmes, dont le sujet a si souvent excité la verve orientale. Le se-
cond a été publié dans la Bibliotheca Indien, mais d'après un seul ms.,
et cette édition laisse assez à désirer ; il serait à souhaiter que quelque
orientaliste collationnât le texte imprimé avec les fragments existant à
Londres, avec ceux qui figurent dans d'autres œuvres (Rieù, /. /.) et
avec l'exemplaire delà Bibliotheca Sprengeriana (n° 1378), qui doit être
maintenant à Berlin '. Des poésies dans un dialecte kurde ont été l'objet
d'une étude spéciale de la part de M. R. et lui ont fourni (p. 728) la ma-
tière de tout un mémoire sur la phonétique et la grammaire de la langue
des Gourân.
Conformément au plan qu'il s'est tracé, le savant rédacteur reprend
la discussion concernant l'époque de la naissance de Sacdi, mais pour
tomber à peu près d'accord avec MM. Defrémery 2 et Bâcher, et la fixer
vers 680 environ. Mais lui aussi a passé sous silence un passage impor-
tant du Gulistan et qui, s'il était pris au pied de la lettie, ne permet-
trait pas d'accepter cette date 3. Nous ne parlerons pas d'un passage du
Pend Nâmek où l'auteur parle de son âge, car M. R. paraît peu disposé
à admettre l'authenticité de ce poème. Dans aucun des exemplaires du
Koulliyyât existant à Londres, pas plus que dans ceux de Paris, cet
ouvrage n'a en effet été admis, et il n'en est rien dit dans le catalogue
qui nous occupe à l'article Sacdi ; c'est ailleurs (p. 865 b, n° m) qu'il
faut aller le chercher. On peut dire pourtant qu'il figure dans l'édition
de Calcutta aussi bien que dans unms. de Paris(Suppl. pers., n° 3 18) ren-
fermant, en outre, le Gulistan et le Bostân; M. Sprenger n'a fait non
plus aucune objection à cette attribution 4, et nous ne voyons pas de
preuves bien déterminantes pour en refuser la paternité au célèbre mo-
raliste.
On sait qu'il ne manque pas, chez les Arabes et les Persans, de chro-
niques générales dont le compilateur prend la création comme point de
départ et poursuit le récit des événements jusqu'à son époque. Mais
Dieu sait si tous ces chroniqueurs se font faute de se copier les uns les
autres, et d'ailleurs bien peu nombreuses sont celles de ces œuvres qui
ne sont pas parvenues jusqu'à nous. Il en est tout autrement des chroni-
ques qui ne traitent que d'une province ou d'une dynastie ; le nombre
en est bien moindre et nos collections d'Europe n'en renferment que
1. Les exemplaires en sont rares, car déjà le Beharisidn déclare que cet ouvrage
est perdu, et Hammer {Gesch. d. sch. Red. Persiens, 104) en disait autant.
2. M. R. oublie de citer la préface de la traduction du Gulistan, où ce savant a
discuté la question le plus au long.
3. Cf. Revue crit., sept. 1S79, P- ->7'
4. Catal.of Oudh, p. 548; Bibl. Sprenger., W i5og, p. 64.
d'histoire et de littérature 423
peu. Nous relevons dans le présent volume, entre autres ouvrages de ce
genre, une chronique consacrée à la dynastie des Kara Khitay du Ker-
mân (p. 849 a). L'histoire des Seldjoukides, celle surtout des sultans
d'Iconium, présente encore bien des points obscurs, et nous ne connais-
sons que les titres de plusieurs Seldjoûk ndtneh, tels, par exemple, que
celui que composa leur contemporain ^anici '. A la page 848 b, il en
est décrit un, qui ne paraît pas d'ailleurs présenter un très grand inté-
rêt; on retrouve ailleurs le nom de l'auteur (p. 769 b) sous une forme
légèrement différente.
L'existence d'une version persane des mémoires de Bâber par Zeyn
ed-Dîn, l'un des familiers du conquérant, a été déjà signalée 2; en voici
encore une autre, la troisième en tout, restée jusqu'à ce jour inconnue
(p. 799 b. II [lisez VI]). M. Rieu fait à ce propos un renvoi « see Or.
1999 » à un volume qu'il nous a été impossible de retrouver. Nous
avons parlé autrefois de l'inconvénient que présente l'absence d'une
numérotation suivie des volumes : or celui qui contient, à notre con-
naissance, un fragment de la version de Zeyn ed-Dîn est porté dans le
t. I, p. 246, sous le n° Add. 26202; le n° Or. 1999 en serait donc, si
ce renvoi est exact, un second exemplaire?
La littérature populaire, nous voulons dire ces recueils de contes
dont l'origine indienne est certaine dans le plus grand nombre des cas,
et qui ont dû passer par la Perse avant d'arriver jusqu'aux Arabes,
cette littérature n'est représentée qu'assez maigrement à Londres, et
l'on peut en dire autant de Paris. Il est assez remarquable qu'en dehors
des récits dont quelques-uns ont eu en Europe la prodigieuse fortune
que l'on sait, on ne trouve presque plus rien qui vaille la peine d'être
traduit; au moins tout ce que nous avons pu en lire est à ce point pué-
ril, vulgaire ou obscène qu'un lecteur européen ne peut guère que se
détourner. Toujours est-il que nous n'avons encore en Occident, sem-
ble-t-il, qu'un trop faible nombre des monuments de ce genre de litté-
rature pour que l'on puisse de sitôt songer à en présenter un tableau à
peu près complet.
Nous relèverons encore les recueils de modèles d'écriture 3 et de des-
1. Le même jKanici est auteur de la version poétique de Kalila et Dimna portée
sous le n° Add. 7766, p. 582 b, dont l'existence même n'avait pas, croyons-nous, été
encore signalée.
2. Rev.crit. ju.il. 1881, p. 42.
3. Nous ignorons pourquoi M. R. n'emploie pas pour les désigner le mot mo-
rakka'a, qui, pour n'être pas dans les dictionnaires, est cependant d'un usage fré-
quent et répond assez bien à notre mot a album ». Nous avons remarqué aussi qu'à
propos d'aucun de ces volumes qu'il décrit avec tant de soin, il ne relève le nom du
génie auquel obéissent les vers, nom orthographié le plus souvent sous la forme
Kaykahidj ; les invocations qui lui sont adressées et que l'on rencontre si souvent
sur les feuillets de garde, ont pour but de réclamer sa protection contre les ravages
qu'exercent trop souvent les rongeurs ses sujets.
►ïflUTÀflàtTIJ aa T3 3fllOT2JH a
424 tfim D3 23*3DBlq ZS'lMs] RTiVUE CRITlQ|OfticjjpiBm felî ^BlVUOfHj'b
sins qui sont assez nombreux; la plupart sont, bien entendu, d'origine
indienne, et paraissent être des plus soignés. Il y aurait là de quoi tenter
un orientaliste qui serait en même temps au courant des questions d'art
et qui voudrait retracer l'histoire de l'enluminure chez les musulmans.
C'est un sujet sur lequel nous ne connaissons guère que quelques pages
publiées par M. Sachau, il y a sept ou huit ans, dans YŒsterreichische
Wochenschrift.
Voici encore quelques remarques que nous avons faites en lisant ce
nouveau tome :
P. 5oi a, 1. 1, et 5 10 dt, 1. 5 in fin., c'est sans doute une erreur typo-
graphique qui a laissé subsister Tatavi, ethnique dérivé du nom de la
ville de Tattah, et qui est imprimé correctement, p. ex., p. 669 a, 846 a,
865 b, etc.
Même observation sur le nom Balaban, écrit tantôt sous cette forme
(p. 595 b,) et ailleurs Balban (p. 609 b, 618 a, etc.).
P. 773 b, Add. 7675 : le Neh Marner a été traduit en français et
publié à Gênes par Lescallier en 1808, 8° de i65 p.
P. 814, n° xi : YAriîs el-'ochchâk a été traduit par M. Cl. Huart et
forme le 28e fascicule de la collection de l'Ecole des hautes Etudes, Paris
187.S, 8° de 1 jo p.
P. 823 a, in med. un lapsus calami a fait écrire Langlès, Bibliothè-
que universelle, au lieu de Biographie universelle ; et à la p. 861 a,
Journal des Savants, t. XIV, au lieu de Notices et Extraits, t. XIV.
E. Fagnan. iJflBxioji
'W. " * ibni
làrlîeom
- ucb
242. — I>Ie AtticusauBguke des Demostlienesj ein Beitrag zur Textesge-
schichte des Autors (Mit 1 Tafel». Von W. Christ. Aus den Abhandlungen der k.
bayer. Académie der Wiss. I Cl. XVI Bd, III Abth. Mûnchen 1882. 82 p. in-4.
29JID ,,->Q
On sait que, dans plusieurs manuscrits de Démosthène, la plupart
des discours se trouvent suivis d'indications stichométriques. Ces chif-
fres, identiques dans les divers manuscrits, ne répondent pas au nombre,
d'ailleurs très variable, des lignes que chaque discours occupe dans ces
manuscrits, mais se rapportent évidemment à quelque manuscrit mo-
dèle ; aussi ces chiffres sont-ils figurés, non pas d'après le système
ordinaire, mais d'après une méthode plus ancienne, la même que Ton
voit dans les inscriptions attiques. En les comparant entre eux, on a
trouvé que les documents insérés dans le discours de la Couronne et
ailleurs n'entraient pas dans le compte, et que la rédaction plus concise
de la troisième Philippique, qui se trouve dans le vieux manuscrit de
notre Bibliothèque nationale (2), y répondait mieux que la rédaction
vulgate.
Les copistes ne se contentaient pas de marquer le total des lignes à la fin
d'histoire et de littérature 425
d'un ouvrage, ils marquaient aussi par des lettres placées en marge les
sommes partielles, A indiquant la première centaine, B deux cents, et
ainsi de suite. M.Scbanza récemment signalé ces lettres stichométriques
dans quelques manuscrits de Platon. M. Christ les a retrouvées dans un
des manuscrits de Démosthène que possède la bibliothèque de Munich,
celui qu'on appelle Bavaricus ou B. Il faut dire que ces lettres marginales
n'avaient pas tout à fait échappé à l'attention des savants. Reiske les
avait déjà remarquées et signalées dans son édition de Démosthène ;
mais, comme il n'en avait pas deviné la signification, la chose resta
inaperçue. On peut donc dire que c'est M. C. qui les a vraiment décou-
vertes. Il s'attendait à trouver les mêmes lettres dans le manuscrit F de laf
bibliothèque de Saint-Marc, plus ancien que celui de Munich, et qui
passait pour en être l'original. Comme elles ne s'y trouvent pas, il faut
croire que les deux manuscrits, d'ailleurs très semblables, ont été copiés
sur le même archétype. Mais M. Lebègue, élève de l'Ecole des Hautes-
Etudes, a relevé dans S, et particulièrement dans la Midienne et dans le
discours de la Couronne, les mêmes lettres stichométriques aux mêmes
endroits. On comprend que ces signes placés à de courtes distances,
offrent à la critique des données plus précises que n'avaient fait les
sommes totales. Mais examinons d'abord à quel exemplaire ancien on
peut attribuer les unes et les autres. Jusqu'ici on avait pensé que les
lignes en question étaient celles des copies conservées dans la bibliothè-
que d'Alexandrie. M. C. n'est pas de cet avis. Denys d'Halicarnasse
(Démosth., ch. lvii) rapporte que Démosthène laissa cinquante mille ou
soixante mille lignes. Or, en prenant pour point de départ les stiques
indiqués dans nos manuscrits, on arrive pour toute l'œuvre de Dé-
mosthène à un chiffre qui ne s'élève pas beaucoup au-dessus de quarante-
deux mille. M. C. en tire la conséquence que la somme donnée par
Denys, et probablement empruntée aux Pinakes de Callimaque, se
rapporte à un autre exemplaire de format plus petit, et que le manuscrit
modèle auquel remonte la stichométrie traditionnelle est postérieur à
Denys. Peut-on savoir quel était ce manuscrit? Certaines copies dites
d'Atticus ('AxTixtava) faisaient autorité pour le texte de Démosthène,
comme pour celui d'Eschine, de Platon, peut-être d'autres auteurs
encore : on le sait par Lucien et Harpocration. De plus, les manuscrits
F et B portent à la fin de la dernière Philippique cette souscription :
AtwpQunai àzb Buo 'ATiaiavwv '. Il est donc assez vraisemblable que les
stiques en question sont ceux des iVroxiava. Faut-il penser au célè-
bre ami de Cicéron qui avait, nous le savons, un grand nombre d'esclaves
copistes et une fabrique de manuscrits? Tel était l'avis de Schneidewin,
avis partagé par Birt (Antikes Buchwesen, p. 284). Il est vrai que
Lucien (Àdv. indoctum, ch. 11 et xxiv) traite cet Atticus de simple copiste,
1. Charles Graux (Rev. dephilol., 187g. p. i3) avait déjà donne la bonne lecture de
6es mots abrégés par les copistes. , ,
0 r v .OÎBglIJV
jb Ibîoî al isupisrri sb 8cq JtnsijsJnsînoo 22 sn gsîeiqos zsJ
5ÎÎÎI? 'I0T2IH0
420 REVUE CRITIQUE
(3i6}vto-/pa?°Ç ; mais Lucien avait plus d'esprit que d'exactitude. M. C.
adopte donc cette conjecture, en la modifiant toutefois quelque peu : il
suppose que la fabrique d'Atticus continua d'exister sous le même nom
après la mort de son fondateur et que les 'Arcatava de Démosthène
furent écrits sous les Césars successeurs d'Auguste.
Le point essentiel, c est que les indications stichometriques venues
jusqu'à nous ne proviennent pas de Callimaque et de la bibliothèque
d'Alexandrie, mais ont une origine plus récente. On verra que ce fait a
son importance pour la critique du texte. Les lettres marginales ont
permis à M. G. de constater que les documents du discours de la Cou-
ronne, de la Midienne et des autres discours, ne se trouvaient pas dans
les exemplaires d'Atticus. Il faut cependant excepter le plaidoyer contre
Néère, dont les chiffres ne s'expliquent qu'en comprenant les documents
dans le nombre des lignes. Il en est de même de la loi de Timocrate,
im. § 39, et peut-être aussi des autres lois que l'accusateur rapproche de
celle-ci dans les §§ 42-63 . D'un autre côté, les Attikiana ne contenaient pas
la grande lettre de Philippe à laquelle la dernière Philippique est censée
répondre, ni les vers de Sophocle et de Solon cités dans l'Ambassade,
§§ 247 et 256, ni les épigrammes auxquelles l'orateur se réfère dans
YHalonnèse, §40, et dans la Couronne, § 289. Laissons de côté lestrimè-
tres de VAntigone et l'élégie de Solon, morceaux connus et qu'il était
facile d'ajouter; n'insistons pas non plus sur l'épigramme des guerriers
morts à Chéronée, au sujet de laquelle les critiques ne sont pas d'accord;
mais arrêtons-nous à l'inscription de l'autel de Zeus citée dans l'Halon-
nèse, pièce plus difficile à procurer et certainement authentique. Qu'elle
soit tirée d'exemplaires plus anciens que ceux d'Atticus, ou qu'elle ait
été ajoutée en marge par un commentateur, elle suffit pour prouver que
l'omission d'une pièce justificative dans l'exemplaire auquel remontent
les indications stichometriques ne suffit pas à elle seule pour rendre
cette pièce suspecte. — Plusieurs plaidoyers civils, contre Lakritos,
contre Makartatos, contre Stephanos, contiennent des documents qu'il
est difficile de suspecter et dont plusieurs ne sont pas de nature à être
conservés dans un dépôt public. M. C. suppose avec raison que le logo-
graphe avait inséré ces documents dans les discours écrits qu'il remit
aux plaideurs et que ces documents passèrent de ces exemplaires dans les
manuscrits de Démosthène plus anciens que les Attikiana. — La troi-
sième Philippique fournit aussi la preuve que la tradition de nos ma-
nuscrits remonte quelquefois plus haut que l'édition d'Atticus, je veux
dire l'édition, quel que soit le nom que l'on doive lui donner, d'où
provient le texte de 2. La vulgate offre en plusieurs endroits un texte
plus long, qui a donné lieu à beaucoup de discussions. J'ai essayé de
prouver que ce dernier texte, inadmissible si on le regarde comme une
autre rédaction, a été formé de deux rédactions juxtaposées, celle de 2 et
une autre qui n'est pas moins autorisée. M. C. adopte cette manière de
voir et il attribue les variantes de la seconde rédaction, sinon à Dé-
d'histoire et be littérature 427
mosthène lui-même, du moins aux amis qui publièrent cette harangue
après la mort de l'orateur.
Je conclus de ce qui précède que, pour juger de l'authenticité des docu-
ments insérés dans Démosthène, il faut soumettre chacun d'eux à un
examen spécial; qu'un document ne doit pas être considéré comme
suspect parce qu'il est omis dans le calcul stichométrique, encore moins
pour être omis dans le texte de 2. En effet, ce manuscrit contient les
pièces les plus évidemment apocryphes du discours de la Couronne, et
il ne donne pas les pièces authentiques de plusieurs plaidoyers civils, ni
la plupart des pièces poétiques mentionnées plus haut.
Je dépasserais les limites d'un article si je voulais rendre compte de
tous les détails intéressants que renferme le mémoire de M. Christ. Il
énumère brièvement les passages de la Midienne précédés dans B et F,
comme dans 1, du signe critique de l'obel : j'en ai parlé dans un autre
endroit. M. Christ s'efforce aussi, en se servant de certains indices, de
retrouver Tordre d'après lequel se suivaient les discours de Démosthène
dans l'édition d'Atticus, et comment ils y étaient distribués en volumes.
N'oublions pas de signaler la planche photolithographique qui reproduit
deux textes du Bavaricus.
H W
«6mî
243. — Der Kanipf Ludwlgs des Baiern mit der rœmischcn Curie, ein
Beitrag zui* klrchlicben Geschiclite des XIV. Jnhrliuridei-ti», von
Lie. Dr Garl Mùller, Répètent in Tûbingen. Tûbingen, Laupp, 1879-1881,. xx,
407; xii, 38o p. 8e. Prix : 20 fr.
Les luttes politico-religieuses de l'Allemagne à notre époque ont rendu
quelque actualité aux grands débats qui troublèrent l'empire et la pa-
pauté au xive et au xve siècle. Plusieurs écrivains de mérite ont été ame-
nés ainsi à reprendre, en ces derniers temps, un sujet qui, ne pouvant
intéresser par le talent ou le génie des hommes qui y figurent, fournis-
sait au moins la genèse de la grande crise du siècle suivant. Après les
travaux récents de Riezler et de Hoefler, voici le volumineux ouvrage
de M. C. Mùller, qui vient reprendre dans tous ses détails le tableau de
la lutte entre Louis de Bavière et les pontifes qui occupèrent le Saint-
Siège pendant les deux quarts du xive siècle. M. M. n'a point eu l'inten-
tion de retracer le côté politique de cette lutte ; il s'en est tenu au côté
religieux, sans pouvoir échapper, naturellement, à la nécessité de résu-
mer également les faits les plus marquants de l'époque, tant sur le ter-
rain diplomatique que sur le terrain militaire. Son récit commence à
l'élection de Louis IV, en 1314, et se poursuit jusqu'à sa mort, en 1347.
Mais l'auteur ne nous présente point une narration suivie ; il a cru de-
voir employer une méthode d'investigation plus sûre peut-être, plus apte
à donner des résultats satisfaisants au point de vue de la critique, mais
428 REVUE CRITIQUE
qui ne laisse pas d'embarrasser terriblement la trame du récit. Pour bien
nous montrer le détail de la lutte que Louis eut à soutenir contre la pa-
pauté, depuis Jean XII jusqu'à Clément VI, il a partagé l'histoire de son
règne en cinq périodes distinctes, et, pour chacune de ces périodes, il re-
prend, un à un, tous les évêchés de l'empire d^llemagne, nous racon-
tant sous quel aspect la lutte s'est manifestée sur le territoire de chaque
évêque, quel rôle chacun d'eux a joué dans la bataille, etc. M. M. arrive
à grouper de la sorte une foule de détails, sur l'utilité desquels je ne lui
chercherai point chicane, et qui n'auraient point trouvé de place dans
un récit plus homogène; mais il sacrifie, plus qu'il n'est bon, l'ensemble
de son sujet. A la fin de chaque période, ce sont des récapitulations, des
résumés, qui ne contribuent point à rendre plus lucide un livre peu at-
trayant en lui-même, grâce à l'interminable détail des controverses juri-
diques et théologiques dont il est rempli et aux notes infinies qui vien-
nent alourdir encore le récit.
Ces graves objections de forme ne doivent pas nous rendre injuste ce-
pendant pour le mérite réel de l'auteur. Si l'on ne peut guère appeler
son travail un livre, dans le sens que nous attachons à ce mot, c'est un
recueil de documents, des plus estimables et des plus consciencieux.
M. M. a dépouillé avec une patience dont il faut lui savoir gré la litté-
rature peu récréative du sujet, ces interminables factums que les théolo-
giens impériaux et pontificaux lançaient l'un contre l'autre, pour établir
la suprématie de leurs maîtres, et qui tous ne sont pas aussi curieux que
le Defensor pacis de Marsile de Padoue, ou tel autre écrit plus connu
de l'époque. Ce n'est pas tout; le jugement de l'auteur est sûr; il reste
toujours modéré et circonspect dans ses appréciations, et l'on ne saurait
prétendre qu'il se passionne pour l'un ou l'autre des partis ou des cham-
pions en présence. Il est vrai que ce serait le plus souvent difficile, étant
donnés les héros de son récit. De très nombreux appendices discutent
avec compétence certains points chronologiques et autres, que M. Mill-
ier n'a pu caser dans ses notes, si largement semées partout. Il y a même
ajouté quelques documents inédits qui ne laissent pas de présenter de
l'intérêt pour les rapports du pouvoir temporel et de l'Eglise d'alors. En
somme, quelque pénible que soit la lecture de l'ouvrage et bien qu'on
doive regretter que l'auteur n'ait point su agencer d'une façon plus sa-
tisfaisante les matériaux si patiemment recueillis par lui, son travail
restera comme un manuel indispensable à tous ceux qui s'occupent de
l'histoire religieuse et politique de l'Allemagne ou de la papauté au
xive siècle.
R.
suoiti
d'histoire et de littérature 429
'O'JI iJb ^friBTf fil )fl9JTl
EXPLO,T DE M MARY LAFOI¥
L'an rail huit cent quatre-vingt-deux, le trente-un octobre.
A la requête de M. Mary Lafon, homme de lettres, demeurant à
Montauban (Tarn-et-Garonne),
J'ai, Charles-Marin Monet, huissier près le tribunal civil de la Seine,
demeurant à Paris, rue de Provence, n* 59,
Fait sommation à Monsieur le directeur gérant du journal La Revue
critique en ses bureaux à Paris, rue Bonaparte, n° 28, où étant et par-
lant à un employé dudit journal, ainsi déclaré :
De, dans le plus prochain numéro de la Revue critique, insérer la let-
tre suivante de mon requérant, sous peine de s'y voir contraint par
toutes les voies de droit et sous l'offre que fait le requérant de payer
l'impression de tout ce qui excéderait, dans sa réponse, le double de la
longueur de l'article auquel elle est faite, le tout conformément à l'arti
cle n de la loi du 25 mars i852.
« Monsieur,
« Vous avez publié, le vingt-cinq septembre dernier, un article signé
« P. M. qui, dans une forme que je ne qualifierai pas, constitue, à chaque
« ligne, une insulte personnelle plutôt qu'une critique de l'Histoire lit-
« ter aire du Midi de la France. Un pareil langage et de tels procédés ne
« méritent que le dédain. Si j'use donc du droit de défense, c'est pour
« ceux de vos lecteurs qui préfèrent les faits aux allégations, et les rai-
« sons aux injures.
« Le tableau de la littérature gallo-latine, présente en 70 pages, est
« jugé par votre critique sur des titres courants. Il ne m'appartient
« pas de répéter ici les éloges accordés à ce travail par des hommes plus
« compétents, mais que les lecteurs sérieux voient et jugent à leur tour.
« Je ne connaissais pas le manuscrit d'Oxford du Gérard de Roussil-
« Ion, dont le début fut publié en 1869 par la Revue de Gascogne, et
« en i853, c'est-à-dire 16 ans avant, je demandais au Comité des monu-
« ments écrits de l'histoire de France les moyens d'aller transcrire ce ma-
« nuscrit de la bibliothèque Bodléienne Canonici n» 94 et celui du
« musée Britannique de Londres, bibliothèque Harléienne n° 1334.
« A ce propos, je pourrais demander à ce critique si tranchant, s'il
« connaît bien le quatrième manuscrit du Gérard conservé à Bruxelles
« dans la Bibliothèque de Bourgogne et décrit en ces termes sous les
« nos 1450 et 1441, dans l'inventaire de Bruges : ung autre grand volume
« couvert de cuir rouge à deux petits cloants de léton, intitulé le livre de
« Gérard de Roussillon, rimé en Gascoing.
« A cepropos, si c'est pour me donner une leçon que M. P. M. affecte
« d'écrire Girart, il me permettra de lui rappeler que, dans notre manus-
« crit à nous 7991 (124 fonds Cangé), ce nom historique est générale-
« ment orthographié Gérar, Gérars et Gérart.
430 REVUK CRITIQUh
« Je n'ai tenu nul compte des travaux récents et notamment, quel
« crime! de ceux de M. P. M. Cela est parfaitement vrai. Il y a dans les
« romanisants deux catégories : celle du Midi, qui parle la langue mère,
« et qui peut l'entendre et l'écrire dans ses divers dialectes, et celle du
« Nord qui l'apprit comme on apprend le sanscrit et dont les pontifes
« sont appelés, de ce côté de la Loire, des savants de Dictionnaire. De
« ceux-là j'avoue volontiers n'avoir jamais lu une ligne.
« Mais M. P. M. prétend que mes traductions fourmillent de contre -
« sens. Eh bien, je le mets au défi d'en signaler un seul, dans les ioo ou
« i5o pages traduites. Il serait, du reste, bien posé pour cela, lui qui tra-
« duisait un adverbe, foras, par une paire de ciseaux, bévue légendaire
t dans le Midi, et dont le Progrès libéral, un ;des bons journaux de
« Toulouse, égaya bien ses lecteurs il y a quinze ans. J'ai traduit quel-
« ques pièces en vers, et quels vers! ajoute le critique. Je pourrais me
« contenter de sourire, car nous sommes ici sur le terrain purement lit-
« téraire où M. P. M. ne prétend pas sans doute me donner des leçons,
« mais que répondre à quelqu'un qui, en présence d'une découverte lit—
« téraire assez importante, vous dit du bout des lèvres : M. Mary Lafon
« parle du Bréviaire d'amor, pour dire seulement que le Dante y a puisé
« l'idée de la Divine Comédie?
« Je n'en ai pas dit davantage en effet et me suis borné à le prouver
« en citant le passage qui révèle ce fait si glorieux pour notre nation,
« et si peu digne d'attention aux yeux de M. P. M...
« Voilà, Monsieur, le moins qu'on puisse répondre à des apprécia-
« tions aussi injustes et aussi virulentes. Je ne regrette qu'une chose
« en finissant, c'est d'avoir été forcé, par votre refus d'insérer ma lettre,
«t d'invoquer l'aide de la loi. J'ai l'honneur de vous saluer.
« Signé. Mary Lafon. »
A ce que le susnommé n'en ignore, je lui ai, en parlant comme dessus,
laissé la présente copie.
Coût neuf francs trente-cinq centimes. Employé pour la copie une
feuille de timbre à un franc 20 c.
Cn. Monet.
Cette réponse ne répond à aucune de nos critiques : bien au contraire,
elle les confirme. La direction de la Revue l'avait refusée une première fois,
et nous croyons que M. Mary Lafon n'y eût point perdu. Mais M. L.
insiste et se fait seconder d'un huissier : qu'il soit fait selon sa volonté.
M. L. dit que j'ai jugé son tableau de la littérature gallo-latine sur des
titres courants. La vérité est que j'ai cité les premiers de ces titres courants
pour en faire apprécier l'étrangeté. J'aurais pu, assurément, montrer que le
texte n'était pas moins étrange. Je ne l'ai pas fait. Est-ce de cela que M. L.
se plaint? — J'ai reproché à M. L. d'avoir ignoré qu'on possédait, dans
un ms. d'Oxford maintenant publié, le début du poème de Girart de Rous-
sillon, début qui manque au ms. de Paris, seul indiqué par M. Lafon. Mon ad-
o'HISTOIRK BT DK LITTÉKATUHh 43 1
versaire me répond qu'en i853 il a sollicité une mission à l'effet d'aller copier
ce ms. d'Oxford. Mais en quoi ce détail infirme-t-il ma critique? M. L.
parle, dans son livre, du poème de Girart de Roussillon comme d'un texte
incomplet. Je lui dis qu'il se trompe, que ce texte est complet et peut être
consulté partout, puisqu'il est imprimé. M. L. contestera-t-il qu'il ignorait
que le ms. d'Oxford fût publié? Ai-je tort? Pour le dire en passant,
M. L. se trompe absolument en parlant d'un quatrième ms. de Girart de
Roussillon qui serait conservé à Bruxelles. Il n'y a pas à Bruxelles de ms. de
ce poème, j'en ai la certitude absolue. Le texte, tiré d'un ancien inventaire,
que cite M. L. se rapporte à un ms. perdu. On a bien d'autres mentions
de mss. perdus du même poème. J'en donne toute une série dans l'introduc-
tion, actuellement sous presse, de ma traduction de cette chanson de geste.
— M. L. se fait un mérite de ne point lire mes travaux. Libre à lui! Seu-
lement, comme un certain nombre d'œuvres fort importantes de la littéra-
ture du midi de la France ne peuvent se lire que dans mes éditions, il faut
que M. L. se résigne à passer ces œuvres sous silence et, par conséquent,
à laisser des lacunes considérables dans son Histoire littéraire du midi de la
France. C'est là le principal reproche que je lui ai adressé. Habemus confi-
tentem reum. Notons, en outre, que je ne suis pas le seul érudit mis à l'in-
dex par M. Lafon. Il paraît disposé à ne tenir compte que de la caté-
gorie de romanisants « qui parle la langue mère et qui peut l'entendre et
« l'écrire en ses divers dialectes. * Le malheur est que cette catégorie, qui
est, je crois, fort peu nombreuse, n'a contribué que pour une faible part à la
mise au jour de la littérature du midi de la France. Depuis Raynouard et
Rochegude, l'immense majorité des éditeurs de textes méridionaux se com-
pose de Français du nord (de Franchiman, comme on dit dans le Midi) et
d'Allemands. Tous ces éditeurs et leurs éditions étant uniformément ignorés
de M. L., il me semble que j'ai pu dire avec quelque apparence de rai-
son que M. L. « ne sait de la littérature provençale que le peu qu'on en
« savait il y a cinquante ans. » J'ajoute ici que ce peu, il le sait fort mal. Du
reste, si M. L. a un profond mépris pour les « savants de dictionnaire, »
il ne peut ignorer que ceux-ci ne sont pas en reste à son égard, car il a pu
remarquer que ses écrits ne sont pas souvent cités dans les livres d'érudition
de notre temps. Si du moins il trouvait une compensation dans l'approba-
tion des romanisants de la première catégorie, ceux du Midi ! Mais non !
c'est lui-même qui en fait mélancoliquement l'aveu : « J'avais tout sacrifié
« au Midi, » dit-il à la p. xin de sa préface, « et, bien qu'il n'en ait jamais
« témoigné la moindre reconnaissance à son historien, je continuai l'œuvre
u entreprise sans broncher d'un pas. » M. L. en reste donc réduit à son
propre et unique suffrage.
Je ne relèverai pas le défi que me lance M. L. de signaler « un seul con-
tre-sens » dans les traductions qui constituent une bonne part de son livre.
La Revue critique, n'a pas de place pour des corrigés de versions élémen-
taires. Que M. L. veuille bien se tenir pour satisfait des charitables avis
que je lui ai donnés en d'autres occasions sur la manière de traduire les tex-
HiTJTAJiaTTU aa tm aaiOTaiii a
432 REVUE CRITIQUfc ri * l
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tes provençaux '. J'ai assez de fois démontré qu'il n'était pas en état d'entendre
les textes les plus faciles pour que la preuve ne soit plus à faire. Quant à
foras traduit par « paire de ciseaux », si un journal a jugé à propos d'en
égayer ses lecteurs, tout ce que je puis dire, c'est que ce journal a été inspiré
par un homme bien ignorant. Il s'agit d'un passage du poème de la croisade
albigeoise (v. 5o6j où il y aforsa, non foras, et forsa signifie en effet une
paire de grands ciseaux qu'on appelle encore forces. J'ai expliqué ce passage,
sur lequel M. L. seul était capable de se méprendre, dans la Revue criti-
que de 1868, t. II, p. 3ig. — Enfin M. L. m'en veut de n'avoir pas fait
ressortir la « découverte littéraire assez importante » qu'il aurait faite en pré-
tendant que « le Dante » a puisé dans le Breviari d'amor l'idée de la Divine
Comédie. Voilà du moins pour terminer, une amusante bévue. Je n'ai point
vu dans l'assertion de M. L. une « découverte » : j'y ai vu ce qu'il
y fallait voir, une idée absurde. M. L. l'avait déjà émise dans urv/^r^,^
cèdent ouvrage, et, à cette occasion, M. Gabriel Azaïs (un savant du M i4fa> m
dont M. Lafon serait mal venu à contester l'autorité) en a surabondam-j,^
ment démontré l'inanité dans son introduction au Breviari d'amor, PP-; ifcx>5-3n
LXVI' Paul Meyer3'31 ^b 3li:>
loiq luoq ,iO
..: b noaijn uo ie'j sup 33
iuoftuz la »i ^màrn-idl §iv
LETTRE DE M. Cil. HOKEL
bnaîsiq ,»: M 001 sgsq
Messieurs les Rédacteurs de la Revue critique,
Je viens vous remercier bien sincèrement des articles que vous avez
consacrés à ma traduction de Y Etat romain de M. Madvig et qui étaient
empreints de la plus grande bienveillance. Je suis particulièrement re-
connaissant à M. Camille Jullian d'avoir pris la peine d'examiner toutes
les petites notes que j'ai cru devoir ajouter; je ne puis voir qu'avec plai-
sir la Revue suivre ses traditions d'impartialité et critiquer en toute
franchise, même un de ses fondateurs. Cest dire que je ne prétends point
à l'indulgence et que j'accepte très volontiers les observations générales
qui me sont faites par M. Jullian. Comme lui, je regrette de n'avoir pas
eu le temps de rechercher dans le Corpus Inscriptionum les inscriptions
citées dans l'ouvrage d'après Orelli et Wilmanns; quant aux passages
où M. Madvig fait de la polémique avec Mommsen, Niebuhr, Huschke
et d'autres, j'ai cru me conformer aux intentions de l'auteur en laissant
à ses critiques leur caractère impersonnel *.
Si, en deux endroits seulement, j'ai intercalé deux phrases dans le
texte entre crochets et en prévenant le lecteur en note, je ne pense pas
1. Bibliothèque de l'École des Chartes, b° série, t. II (186 1), pp. 63 et 64; Fla-
menca (i865), pp. xli-xliii; Revue critique, 1868, article 17g.
2. Combattre Niebuhr en le nommant, mais sans citer ses ouvrages, n'est point faire
de la critique impersonnelle.
d'histoire et de littérature 433
qu'avec de telles précautions on puisse me reprocher, comme le fait
M. J., d'avoir manqué à «. l'inviolabilité du texte ».
Mais il est un autre genre d'observations que je ne puis laisser sans ré-
ponse ; elles ont trait à quelques rares endroits où j'ai cru pouvoir rele-
ver « de légères erreurs de détail » ; je reconnais que ces endroits ne sont
pas nombreux — il y en a quatre, à mon avis; — mais je n'ai pas parlé
dans mon avant-propos, comme semble me le faire dire M. J. d'une (se-
conde) catégorie de notes de ce genre, à quoi il ajoute « or nous ne
trouvons qu'une seule erreur mentionnée, etc. » Cela importe peu; mais
ce qui me paraît exiger une réponse, c'est l'appréciation de M. J. d'après
laquelle je « condamne trop vite », je « rends des arrêts » et je relève
des erreurs qui n'existent pas; il me semble que c'est un peu m'accuser
d'outrecuidance'et de légèreté. Voyons de quoi il s'agit.
D'abord, j'ai contesté que Malaga fût un municipe romain, comme le
disait M. Madvig, et j'ai ajouté qu'il y avait une seconde erreur dans le
même passage, puisqu'il parlait de Latins au lieu de parler d'incolae. —
M. J. me répond que « rien, absolument rien, dans la lex malacitana
ne prouve » la latinité de cette ville et qu'il « ne serait même pas diffi-
cile d'y relever des indices qui autorisent la conclusion de M. Madvig. »
Or, pour prouver à M. J. qu'il s'agit bien d'une inadvertance de l'auteur
et que j'ai eu raison de la relever, il me suffit de le renvoyer à M. Mad-
vig lui-même, tome II de l'édition allemande, page 44, et surtout
page 100 : « In diesen eigentlich latinischen Stàdten'. » M. J. prétend
ensuite que, si l'on admet que Malaga était un municipe romain, la se-
conde erreur tombe d'elle-même; or tel n'est point le cas, et, pour s'en
assurer, il suffit de lire l'article LUI de la Lex malacitana, cité par
M. Madvig, qui est intitulé : In qua caria incolae suffragium fe-
rant et qui prescrit que pour les élections : ex curiis sorte ducito unam,
in qua incolae qui cives Romani Latinive cives erunt suffragium fe-
rant. Ce sont donc les incolae, c'est-à-dire les habitants non originaires
de Malaga, tant latins que romains, qui votent dans une curie unique,
tandis que les citoyens romains ou latins originaires de la ville sont ré-
partis dans plusieurs curies 2.
Ailleurs j'ai dit que le texte définitif du passage de Gaius, I, 96, tel
qu'il a été rétabli d'après le palimpseste de Milan par M. Studemund
avait échappé aux deux principaux savants qui se sont occupés de la
1. M. Madvig regardait, dans son premier volume, Malaga comme un municipe ro-
main : il en parle, dans son second, comme d'une cité latine. L'une et l'autre opinion
peuvent se soutenir : aucune ne constitue une erreur. Le second volume de YEtat
romain paraissait à peine à Leipzig quand le compte-rendu des premiers chapitres
traduits par M. Morel s'imprimait à Paris.
2. L'auteur parlait du droit que'pouvaient avoir des latins de voter dans une as-
semblée romaine; il citait à ce propos ce texte de la loi de Malaga, où les incolae la-
tins, aussi bien que les incolœ romains, étaient admis à voter dans les assemblées de
la ville municipe romain .. Quelle erreur y a-t-il là?
434 REVUE CniTIQUR rOT8IHra
question, M. Marquardt et M. Madvig. Je suis fort heureux d'appren-
dre que, dans sa seconde édition, M. Marquardt a corrigé ce qu'il avait
mis dans la première (tome I, p. 57); cette seconde édition a paru en
1881, et je ne l'ai pas eue sous les yeux; peut-être le compte-rendu que
j'ai publié sur la première édition dans la Revue critique n'est-il pas
étranger à cette rectification. Quant à M. Madvig, je dois avouer que,
dans le comble de mon outrecuidance, j'ai voulu atténuer ses torts et
violé quelque peu le texte original. En effet, je me suis permis de subs-
tituer le texte authentique de Gaius à la note suivante de l'auteur :
« Nous n'avons pas à tenir compte de la distinction entre un Latium
« majus et un Latium minus que, par une fausse conjecture, Niebuhr a
« voulu introduire dans le texte de Gaius, 1, 96, nous pouvons aussi passer
« sous silence toutes les déductions qu'il prétendait en tirer. Dans ce
« passage de Gaius, il est question de l'accès au droit de cité qui est moins
ce facile (minus latum) à obtenir en revêtant une magistrature dans une
« ville latine que par d'autres moyens dont disposaient les Latini Ju-
if niani. »
Evidemment, si M. Madvig avait eu connaissance du texte authenti-
que qui corroborait la correction de Niebuhr au moins sur le point du
minus Latium, et s'il n'avait pas voulu en tenir compte, il aurait dit ses
raisons ; il n'aurait pas parlé d'une fausse conjecture. Evidemment en-
core, si M. J. s'était reporté au texte allemand de M. Madvig, il n'aurait
pas dit que ce dernier « omet de citer le passage de Gaius » et se serait
évité de dire : « Il n'est, nullement prouvé que M. Madvig ait ignoré ce
texte et ne l'ait pas négligé à dessein r. »
Je crois qu'en voilà assez. Je ne veux pas allonger cette lettre, bien
que j'eusse encore quelques observations à faire au sujet du conubium
et du commercium des cives sine suffragio.
Quant à la différence que fait M. Jullian entre une conclusion erro-
née et une erreur, je ne puis la comprendre qu'en ce sens qu'une erreur
n'est pas toujours une conclusion, mais qu'une conclusion erronée con-
tient toujours une erreur. Dès lors, je ne vois pas bien à quoi peut servir
une distinction de ce genre.
Veuillez, Messieurs, agréer l'expression de mon entier dévouement.
Genève, 26 octobre 1882.
Ch. Morel.
Il y a quelques imperfections de détail dans le livre det>l. Madvig. Mais elles s'ex-
pliquent parce que l'ouvrage remonte en partie à plusieurs années, parce que les cha-
pitres en ont été composés à des dates différentes, surtout, parce que l'auteur n'a
malheureusement pas toujours pu en faire lui-même la révision : « Si j'ai ignoré telle
r. Cette note ayant disparu dans la traduction, et rien n'en avertissant le lecteur, il
ne pouvait s'aviser de recourir au texte. Elle prouve d'ailleurs, jusqu'à l'évidence,
qu'à l'époque où M. Madvig rédigea ce chapitre, il n'avait pas encore eu connaissance
de la découverte faite par M. Studemund (1868).
CHRONIQUE
d'histoire et de littérature 435
ou telle inscription, dit-il, dans la préface de son second volume, cela tient aux con-
ditions dans lesquelles je travaille depuis six années. »
Il est donc dur de lui reprocher des erreurs formelles ; M. Morel se sert, dans sa
lettre, du mot d'inadvertance : il suffit quand il s'agit de l'immense érudition et du
nom vénéré de M. Madvig.
Camille Jullian.
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■
ALLEMAGNE. — Deux nouvelles éditions de Kudrun vont paraître; l'une par les
soins de M. Svmons (Ve vol. de l'« Altdeutsche Texbibliothek »); l'autre, par les soins
de M. E. Martin.
— M. Richard Mahrenholtz va publier à la librairie Henninger, de Heilbronn, une
nouvelle édition, mais considérablement diminuée, de son Molière (prix, 4 mark).
AUTRICHE. — Il vient de paraître à Vienne une petite étude de 16 pages sur
Madame Ackermann; l'auteur de cette « literarhistorische Skizze » est M. Karl
Merwart. On dit que l'étude de M. Merwart était d'abord plus étendue, mais que l'ex-
position du système philosophique de Mme Ackermann ayant déplu au gouvernement
autrichien, M. Merwart a dû supprimer nombre de passages.
HOLLANDE. — M. S. A. Wijnne, professeur à l'Université d'Utrecht, a publié
le Ier vol. des Négociations du comte d'Avaux, ambassadeur extraordinaire à la cour
de Suède pendant les années i6g3, i6g-] et i6g8 (Utrecht, Kemink; 23e numéro
des volumes nouv. série, publiés par la « historisch genootschap », d'Utrecht.) Les
documents que publie M. Wijnne sont tirés d'un manuscrit de la bibliothèque de
l'Arsenal; chacun d'eux est précédé d'un résumé; résumés et notes, ainsi que l'intro-
duction du volume, sont écrits en français. Nous souhaitons à cette publication inté-
ressante et soignée prompte continuation et grand succès.
ITALIE. — Le 22 octobre est mort à Bozzolo, à l'âge de 3j ans, Napoléon Caix,
dont l'on connaît les importants ouvrages de philologie romane, entre autres, Studi
di etimologia italiana e romança (1868), Le origini délia lingua poetica italiana
(1880), etc.
■
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance publique annuelle du 17 novembre 1882.
M. Jules Girard, président, prononce un discours dans lequel il annonce les prix
décernés en 1882 et rend compte des travaux des membres des écoles françaises d'A-
thènes et de Rome. Il termine par un hommage rendu à la mémoire des académi-
ciens qui sont morts depuis un an, MM. Dulaurier, de Longpérier, Thurot et Guessard.
M. Wallon, secrétaire perpétuel, lit une Notice historique sur la vie et les travaux
de M. Paulin Paris, membre de l'Académie.
M. Léon Heuzey, membre de l'Académie, lit une Introduction au Catalogue des
figurines de terre cuite du musée du Louvre. Cette introduction est intitulée : Sur
les origines de Vindustrie des terres cuites.
436
REVUE CRITIQUE
JUGEMENT DES CONCOURS
Prix ordinaire. — L'Académie avait proposé la question suivante : Faire connaître
les versions de la Bible en langue d'oïl, totales ou partielles, antérieures à la mort
de Charles V. Etudier les rapports de ces versions entre elles et avec le texte latin.
Indiquer toutes les circonstances qui se rattachent à l'histoire de ces versions (le temps,
le pavs, le nom de l'auteur, la destination de l'ouvrage, etc.). L'Académie décerne
le prix à M . Samuel Berger, secrétaire de la faculté de théologie protestante de Paris,
auteur du mémoire inscrit sous le n° 3. Elle accorde, en outre, une récompense de
mille francs à M. Jean Bonnard, auteur du mémoire inscrit sous le n° 2.
Antiquités de la France. — L'Académie décerne trois médailles : La 1" à M. J.
Guiffrey, pour son Histoire générale de la tapisserie (Paris, 1878, in-f° avec plan-
ches); la 2e à MM. Héron de Villefosse et Thédenat, pour leurs Notes sur quelques
cachets d'oculistes romains (Paris, 1882, in-8°) ; la 3° à M. Kohlér, pour son Etude
critique sur le texte de la Vie latine de sainte Geneviève de Paris (Paris, 1881,
48e fascicule de la Bibliothèque de l'école des hautes études). L'Académie accorde, en
outre, six mentions honorables ; la ire à M. Héron, pour sa publication des Œuvres
de Henri d'Andeli, trouvère normand du xiue siècle (Paris, 1881, in-8°) ; la 20 à
M. Charles Molinier, pour son ouvrage : l'Inquisition dans le midi de la France au
xin" et au xiv° siècle (Paris, 1881, in-8°j ; la 3° à M. Perroud, pour ses Origines du
premier duché d' Aquitaine (in-8°); la 4.' à M. de la Ghauvelays, pour son Etude sur
les armées des trois premiers ducs de Bourgogne (Paris, 1 881 , in-8°) ; la 5e à M. Ch.
Fierville, pour ses Documents inédits sur Philippe de Commynes (Paris, 1881, in-8°) ;
la 6B à M. Pagart d'Hermansart, pour son Etude sur les anciennes communautés
d'arts et métiers à Saint-Omer (Saint-Omer, 1879, 1881, in-8°).
Prix de numismatique. — Le prix biennal fondé par Mme veuve Duchalais et destiné
au meilleur ouvrage de numismatique du moyen âge a été décerné cette année à
M. Stanley Lane Poole, pour le cinquième volume de son catalogue, intitulé : Coins
ofthe Moors o/Africa and Spain in the British Muséum (Londres, in-8°).
Prix Gobert, pour le travail le plus savant et le plus profond sur l'histoire de
France et les études qui s'y rattachent. — Le premier prix a été décerné à M. Paul
Viollet, pour son édition des Etablissements de saint Louis (Paris, 1881, 2 vol. in-8);
le second prix à M. Frédéric Godefroy, pour son Dictionnaire de l'ancienne langue
française et de tous ses dialectes du ix" au xv« siècle, tome Ier (Paris, 1881, in-40).
Prix Bordin. — L'Académie avait proposé la question suivante : Etudier les do-
cuments géographiques et les relations de voyage publiés par les Arabes du 111e au
vme siècle de l'hégire inclusivement; faire ressortir leur utilité au point de vue de la
géographie comparée au moyen âge. L'Académie ne décerne pas le prix, mais elle
accorde, à titre d'encouragement, une récompense de i,5oo fr. à l'auteur de l'unique
mémoire envoyé au concours, M. Marcel Devic, professeur d'arabe à la faculté des
lettres de Montpellier.
Prix Brunet, pour un ouvrage de bibliographie savante. — L'Académie avait pro-
posé le sujet suivant : Bibliographie aristotélique ou bibliographie descriptive, et,
autant que possible, critique, des éditions, soit générales, soit spéciales, de tous les
ouvrages qui nous sont parvenus sous le nom d'Aristote ; des traductions qui en ont
été faites avant ou après la découverte de l'imprimerie, des biographies anciennes ou
modernes d'Aristote, des commentaires et dissertations dont les divers écrits qu'on
lui attribue ont été l'objet depuis l'antiquité jusqu'à nos jours, etc. Le prix est décerné
à M. Moïse Schwab, employé à la Bibliothèque nationale.
Prix Stanislas Julien, pour le meilleur ouvrage relatif à la Chine. — L'Académie
partage le prix entre M. Léon de Rosny (les Peuples orientaux connus des anciens
Chinois) et M. Imbault-Huart (Recueil de documents sur l'Asie centrale) .
Prix Delalande-Guérineau, pour l'ouvrage jugé le meilleur par l'Académie. —
L'Académie avait décidé qu'en 1882 elle décernerait le prix, s'il y avait lieu, à des
travaux sur la philologie antique, comprenant l'étude des monuments écrits de toute
nature. Le prix est décerné à M. Louis Havet, pour son ouvrage : De saturnio Lati-
norum versu (Paris, 1880, in-8°).
annonce des concours dont les termes expirent en i883, 1884 et 188b.
Prix ordinaire de l'Académie. — L'Académie avait prorogé à l'année 1882 le su-
jet suivant, qui avait été d'abord proposé pour 1879 : Etude sur les institutions po-
litiques, administratives et judiciaires du règne de Charles V. Un seul mémoire a
été envoyé au concours. L'Académie ne décerne pas le prix; elle retire la question
et la remplace par le sujet suivant : Exposer la méthode d'après laquelle doit être
étudié, préparé pour V impression et commente un ancien obituaire . Appliquer les rè-
BÏ
ùsTj/uù-a uoiJibuiJ'J .bnoknq la irtBVBC Uë/gï1 nu -j. u »r
aupirifl.o iuvaà
d'histoire et de littérature 437
gies de la critique à l'étude d'un obituaire rédigé en France avant le xnr* siècle. Mon-
trer le parti qu'on peut tirer de l'obituaire pris comme exemple, pour la chronologie,
pour Vhistoire des arts et des lettres et pour la biographie des personnages dont le
nom appartient à Vhistoire civile ou à l'histoire ecclésiastique . Les mémoires devront
être déposés au secrétariat de l'Institut le 3i décembre 1884. — L'Académie avait
aussi prorogé à l'année 1882 la question suivante : Classer et identifier autant qu'il
est possible les noms géographiques de l'Occident de l'Europe qu'on trouve dans les
déposés au secrétariat de l'Institut le 3i décembre i883. — L'Académie rappelle
qu'elle a prorogé à l'année 1884 le sujet suivant, qu'elle avait déjà prorogé à l'année
1880 : Traiter un point quelconque touchant l'histoire de la civilisation sous le Kha-
lifat. Les mémoires devront être déposés au secrétariat de l'Institut le 3i décembre
i883. — Elle rappelle aussi qu'elle a proposé : — i° Pour le concours de i883 :
Fair, '
M
même latins. Les mémoires devront être dépos
cembre 1882. — 20 Pour le concours de 1884 : I. Examen historique et critique de
la Bibliothèque de Photius. II. Etude grammaticale et historique de la langue des ins-
criptions latines, comparée avec celle des écrivains romains, aepuis le temps des guer-
res puniques jusqu'au temps des Antonins. Les mémoires devront être déposés au
secrétariat de l'Institut le 3i décembre i883. — L'Académie propose, en outre, pour
l'année i885 le sujet suivant : Etude sur l'instruction des femmes au moyen âge.
Constater l'état de cette instruction dans la société religieuse et dans la société civile
en ce qui regarde la connaissance des lettres profanes et des genres divers de littéra-
ture vulgaire. Apprécier sommairement le caractère et le mérite relatif des écrits
composés par les femmes, particulièrement du xie siècle au xve siècle. Les mémoires
devront être déposés au secrétariat de l'Institut le 3i décembre 1884. — Chacun de
ces prix est de la valeur de deux mille francs.
Antiquités de la France. — Trois médailles de la valeur de cinq cents francs cha-
cune seront décernées aux meilleurs ouvrages manuscrits ou publiés dans le cours
des années 188 1 et 1882 sur les antiquités de la France, qui auront été déposés au
secrétariat de l'Institut avant le Ier janvier i883. Les ouvrages de numismatique ne
sont pas admis à ce concours.
Prix de numismatique. — I. Le prix annuel de numismatique fondé par M. Allier
de Hauteroche sera décerné, en i883, au meilleur ouvrage de numismatique qui
aura été publié depuis le mois de janvier 1881. Ce concours est ouvert à tous les ou-
vrages de numismatique ancienne. Le prix est de la valeur de quatre cents francs.
— II. Le prix biennal de numismatique fondé par M"'" veuve Duchalais sera décerné,
en 1884, au meilleur ouvrage de numismatique du moyen âge qui aura été publié
depuis le mois de janvier 1881. Le prix est de la vafeur de huit cents francs. — Les
ouvrages devront être déposés au secrétariat de l'Institut, pour le premier concours,
le 3i décembre 1882; pour le dernier, le 3i décembre i883.
Prix fondés par le baron Gobert. — Pour l'année i883, l'Académie s'occupera,
à dater du Ier janvier, de l'examen des ouvrages qui auront paru depuis le Ier jan-
vier 1882, et qui pourront concourir aux prix annuels fondés par le baron Gobert.
En léguant à l'Académie des inscriptions et belles-lettres la moitié du capital pro-
venant de tous ses biens, après l'acquittement des frais et des legs particuliers in-
diqués dans son testament, le fondateur a demandé : « que les neuf dixièmes de
l'intérêt de cette moitié fussent proposés en prix annuel pour le travail le plus
savant et le plus profond sur l'histoire de France et les études qui s'y rattachent, et
l'autre dixième pour celui dont le mérite en approchera le plus : déclarant vouloir,
en outre, que les ouvrages couronnés continuent à recevoir, chaque année, leur prix
jusqu'à ce qu'un ouvrage meilleur le leur enlève, et ajoutant qu'il ne pourra être
présenté à ce concours que des ouvrages nouveaux. » — Tous les volumes d'un
ouvrage en cours de publication qui n'ont point encore été présentés au prix Gobert
seront admis à concourir, si le dernier volume remplit toutes les conditions exigées
par le programme du concours. — Sont admis à ce concours les ouvrages composés
par des écrivains étrangers à la France. Sont exclus de ce concours les ouvrages des
membres ordinaires ou libres et des associés étrangers de l'Académie des inscriptions
et belles-lettres. — L'Académie rappelle aux concurrents que, pour répondre aux
intentions du baron Gobert, qui a voulu récompenser les ouvrages les plus savants
et les plus profonds sur l'histoire de France et les études qui s'y rattachent, ils
doivent choisir des sujets qui n'aient pas encore été suffisamment éclairés ou appro-
fondis par la science. Telle serait une histoire de province où l'on s'attacherait à
prendre pour modèle la méthode et l'érudition de dom Vaissète : l'Ile-de-France, la
Picardie, etc., attendent encore un travail savant et profond. L'érudition trouverait
438 REVUE CRITIQUE r8ÎMC
aussi une mine féconde à exploiter si elle concentrait ses recherches sur un règne
important : il n'est pas besoin de proposer ici d'autre exemple que la Vie de saint
Louis, par Le Nain de Tillemont. Enfin un bon dictionnaire historique et critique
de l'ancienne langue française serait un ouvrage d'une haute utilité, s'il rappelait le
monument élevé par Du Gange dans son Glossaire de la latinité du moyen âge. —
Tout en donnant ces indications, l'Académie réserve expressément aux concurrents
leur pleine et entière liberté. Elle a voulu seulement appeler leur attention sur
quelques-uns des sujets qui pourraient être mis en lumière par de sérieuses recher-
ches ; elle veut faire de mieux en mieux comprendre que la haute récompense
instituée par le baron Gobert est réservée à ceux qui agrandissent le domaine de la
science en pénétrant dans des voies encore inexplorées. — Six exemplaires de cha-
cun des ouvrages présentés à ce concours devront être déposés au secrétariat de
l'Institut avant le Ier janvier i883, et ne seront pas rendus.
PrixBordin. — M. Bordin, notaire, voulant contribuer aux progrès des lettres, des
sciences et des arts, a fondé par son testament des prix annuels qui sont décernés par
chacune des cinq Académies de l'Institut. — L'Académie avait prorogé à l'année 1882
le sujet suivant, qu'elle avait d'abord proposé pour l'année 1880 : Etude historique
et critique sur la vie et les œuvres de Christine de Pisan. Un seul mémoire, insuf-
fisant, ayant été déposé, l'Académie proroge de nouveau la question et la remet au con-
cours pour l'année 1884. Les mémoires devront être déposés au secrétariat de l'Insti-
tut le 3i décembre i883. — L'Académie avait aussi prorogé à l'année 1882 le sujet
suivant, qu'elle avait d'abord proposé pour l'année 1879 : Etude d'histoire littéraire sur
les écrivains grecs qui sont nés ou qui ont vécu en Egypte, depuis la fondation d'A-
lexandrie jusqu'à la conquête du pays par les Arabes, etc. Un seul mémoire ayant été
déposé et n'ayant pas été jugé digne du prix, l'Académie retire la question du concours
en la remplaçant par le sujet suivant : Etude critique sur les œuvres que nous possédons
de l'art étrusque . Origines de cet art; influence qu'il a eue sur l'art romain. Les mé-
moires devront être déposés au secrétariat de l'Institut le 3i décembre 1884. — L'Aca-
démie rappelle qu'elle a prorogé à l'année i883 le sujet suivant qui avait été d'abord
proposé pour l'année 1881 : Etude sur les opérations de change, de crédit et d'assu-
rance pratiquées par les commerçants et banquiers français ou résidant dans les limi-
tes de la France actuelle avant le xvc siècle. Les mémoires devront être déposés au
secrétariat de l'Institut le 3 1 décembre 1 882. — L'Académie rappelle aussi qu'elle a pro-
posé : — i° Pour l'année i883 : 1. Présenter un tableau aussi complet que possible de la
numismatique de Samos ; en expliquer les types à l'aide des textes ; en tirer toutes les
données religieuses et historiques que comporte cette élude; montrer quelle influence
ont pu exercer les types du numéraire samien sur ceux des colonies de cette île.
II. Etudier à l'aide des documents d'archives et de textes littéraires le dialecte parlé
à Paris et dans l'Ile-de-France jusqu'à l'avènement des Valois. Comparer ce dialecte,
d'après les résultats obtenus, à la langue française littéraire, et rechercher jusqu'à
quel point le dialecte parisien était considéré au moyen âge comme la langue ItîTé-
raire de la France. Les mémoires devront être déposés au secrétariat de l'Institut le
3i décembre 1882. — 2e Pour l'année 1884 : I. Etudier la Râmayana au point de vue
religieux. Quelles sont la philosophie religieuse et la morale religieuse qui y sont
professées ou qui s'en déduisent? Ne tenir compte de la mythologie qu'autant qu'elle
intéresse la questiou ainsi posée. II. Etude sur la langue berbère sous le double point
de vue de la grammaire et du dictionnaire de cette langue, — inrister particulière-
ment sur la formation des racines et sur le mécanisme verbal, — s'aider pour cette
étude des inscriptions libyques recueillies dans ces dernières années, — indiquer
enfin la place du berbère parmi les autres familles linguistiques. Les mémoires de-
vront être déposés au secrétariat de l'Institut le 3r décembre i883. — L'Académie
propose, en outre, pour l'année i885, la question suivante: Examiner et apprécier
les principaux textes épigraphiques, soit latins, soit grecs, qui éclairent l'histoire
des institutions municipales dans l'empire romain, depuis la chute de la République
jusqu'à la fin du règne de Septime Sévère. Les mémoires devront être déposés au
secrétariat de l'Institut le 3i décembre 1884. — Chacun de ces prix est de la valeur
de trois mille francs.
Prix Louis Fould. — Le prix fondé par M. Louis Fould, pour l'Histoire des arts
du dessin jusqu'au siècle de Périclès, sera décerné, s'il y a lieu, en 1884. L'auteur
de cette fondation, amateur distingué des arts de l'antiquité, a vouluengager les sa-
vants à en éclairer l'histoire dans sa partie la plus reculée et la moins connue. 11 a
mis à la disposition de l'Académie des inscriptions et belles-lottres une somme de
vingt mille francs, pour être donnée en prix à l'auteur ou aux auteurs de la meil-
leure Histoire des arts du dessin : leur origine, leurs progrès, leur transmission che^
les différents peuples de l'antiquité jusqu'au siècle de Périclès. Par les arts du des-
sin, il faut entendre la sculpture, la peinture, la gravure, l'architecture, ainsi que les
arts industriels dans leurs rapports avec les premiers. Les concurrents, tout en s'ap-
puyant sans cesse sur les textes, devront apporter le plus grand soin à l'examen des
œuvres d'art de toute nature que les peuples de l'ancien monde nous ont laissées,
d'histoire et de littérature 439
et s'efforcer d'en préciser les caractères et les détails, soit à l'aide de dessins, de^ cal-
ques ou de photographies, soit par une description fidèle qui témoigne d'une étude
approfondie du style particulier à chaque nation et à chaque époque. Les ouvrages
envoyés au concours seront jugés par une commission composée de cinq membres :
trois de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, un de celle des sciences, un de
celle des beaux-arts. Le jugement sera proclamé dans la séance publique annuelle de
l'Académie des inscriptions et belles lettres de l'année 1884. A défaut d'ouvrages
ayant rempli toutes les conditions du programme, il pourra être accordé un accessit
de la valeur des intérêts de la somme de vingt mille francs pendant les trois an-
nées. Le concours sera ensuite prorogé, s'il y a lieu, par période triennale. Tous les
savants français et étrangers, excepté les membres regnicoles de l'Institut, sont ad-
mis au concours.
Prix La Fons-Mélicocq. — Un prix triennal de dix-huit cents francs a été fondé
par M. de la Fons-Mélicocq, en faveur du meilleur ouvrage sur l'histoire et les anti-
quités delà Picardie et de l'Ile-de-France (Paris non compris). L'Académie décer-
nera ce prix, s'il y a lieu, en 1884; elle choisira entre les ouvrages manuscrits ou
imprimés en 1881, 1882 et i883,qui lui auront été adressés avant le 3i décembre
i883.
Prix Brun et. — M. Brunet, par son testament en date du 14 novembre 1867, a
fondé un prix triennal de trois mille francs pour un ouvrage de bibliographie savante
que l1 Académie des inscriptions, qui en choisira elle-même le sujet, jugera le plus di-
gne de cette récompense. L'Académie propose, pour le concours de 1 885, la question
suivante : Relever sur le grand catalogue de bibliographie arabe intitulé Fihrist
toutes les traductions d'ouvrages grecs en arabe; critiquer ces données bibliographi-
ques d'après les documents imprimés ou manuscrits. Les ouvrages pourront être im-
primés ou manuscrits et devront être d'une date postérieure à la clôture du dernier
concours. Les mémoires devront être déposés au secrétariat de l'Institut avant le
3i décembre 1884.
Prix Stanislas Julien. — Par son testament olographe, en date du 26 octobre
1872, M. Stanislas Julien, membre de l'Institut, a légué à l'Académie des inscriptions
et belles-lettres une rente de quinze cents francs pour fonder un prix annuel en faveur
du meilleur ouvrage relatif à la Chine. Les ouvrages devront être déposés, en double
exemplaire, au secrétariat de l'Institut, le 3x décembre 1882.
Prix Delalande-Guérineau. — M** Delalande, veuve Guérineau, par son testament
en date du 16 mars 1872, a légué l'Académie des inscriptions et belles-lettres une
somme de vingt mille francs (réduite à dix mille francs) dont les intérêts doivent être-
donnés en prix tous les deux ans, au nom de M. Delalande-Guérineau à la personne
qui aura composé l'ouvrage jugé le meilleur par l'Académie. L'Académie décernera
ce prix, s'il y a lieu, en 1884, au meilleur ouvrage de critique sur les documents im-
primés ou manuscrits relatifs à l'histoire ecclésiastique ou à l'histoire civile du
moyen âge. Les ouvrages destinés au concours devront être déposés, en double
exemplaire, s'ils sont imprimés, au secrétariat de l'Institut, le 3t décembre i883.
Prix Jean Reynaud. — Mmo veuve Jean Reynaud, « voulant honorer la mémoire de
« son mari et perpétuer son zèle pour tout ce qui touche aux gloires de la France »,
a, par un acte en date du 23 décembre 1878, fait donation à l'Institut d'une rente de
dix mille francs destinée à fonder un prix annuel qui sera successivement décerné
par chacune des cinq Académies. Conformément au vœu exprimé par la donatrice,
« ce prix sera accordé au travail le plus méritant, relevant de chaque classe de J'Ins-
« titut, qui se sera produit pendant une période. de cinq ans. 11 ira toujours aune œu-
« vre originale, élevée et ayant un caractère d'invention et de nouveauté. Les mem-
« bres de l'Institut ne seront pas écartés du concours. Le prix sera toujours décerné
« intégralement. Dans le cas où aucun ouvrage ne paraîtrait le mériter entièrement,
« sa valeur serait délivrée à quelque grande infortune scientifique, littéraire ou artis-
te tique. Il portera le nom de son fondateur Jean Reynaud. » Ce prix sera décerné
pour la seconde fois par l'Académie "des inscriptions et belles-lettres en i885.
Prix de La Grange. — M. le marquis de la Grange, membre de l'Académie, par
son testament en date du 4 août 1871, a légué à l'Académie des inscriptions et bel-
les-lettres une rente annuelle de mille francs destinée à fonder un prix en faveur
de la publication du texte d'un poème inédit des anciens poètes de la France ; à dé-
faut d'une œuvre inédite, le prix pourra être donné au meilleur travail sur un poème
déjà publié, mais appartenant aux anciens poètes. Ce prix sera décerné, s'il y a lieu,
en i883. Les ouvrages devront âtre déposés au secrétariat du l'Institut le 3i décem-
bre 1882.
Conditions générales des concours.. — Les ouvrages envoyés aux différents con-
cours ouverts par l'Académie devront parvenir francs de port et brochés, au secréta-
riat de l'Institut, avant le Ier janvier d& l'année où le prix doit être décerné. —
Ceux qui seront destinés aux concours pour lesquels les ouvrages imprimes ne sont
440 REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE Et DE LITTÉRATURE
point admis devront être écrits en français ou en latin. Ils porteront une épigraphe
ou devise, répétée dans un billet cacheté qui contiendra le nom de l'auteur. Les
concûrents sont prévenus que tous ceux qui se feraient connaître seront exclus
du concours; leur attention la plus sérieuse est appelée sur cette disposition. —
L'Académie ne rend aucun des ouvrages imprimés ou manuscrits qui ont été sou-
mis à son examen ; les auteurs des manuscrits ont la liberté d'en faire prendre des
copies au secrétariat de l'Institut.
DÉLIVRANCES DES BREVETS D'ARCHIVISTES PALÉOGRAPHES
En exécution de l'arrêté de M. le ministre de l'instruction publique rendu en 1 833 »
et statuant que les noms des élèves de l'école des chartes, qui, à la fin de leurs étu-
des, ont obtenu des brevets d'archiviste paléographe, devront être proclamés dans la
séance publique de l'Académie des inscriptions et belles-lettres qui suivra leur pro-
motion, l'Académie déclare que les élèves de l'école des chartes qui ont été nommés
archivistes paléographes par décret du 16 février 1882, en vertu de la liste dressée
par le conseil de perfectionnement de cette école, sont MM. de Ghaine de Bourmont
(Marie-Adolphe- Armand-Charles-Henri-Amédée); Lecestre (Alexandre-Joseph-Jules-
Léon); Moris (Charles-Henri-Louis-Marie) ; Berthelé (François-Marie-Joseph); hors
concours, comme appartenant à la promotion de l'année précédente, MM. Guilhier-
moz (PaulÉmilien) ; Mortet (François-Auguste-Paul).
SOCIÉTÉ ASIATIQUE
Séance du 10 novembre.
M. Oppert annonce la découverte au British Muséum d'un cylindre de Nabonid
fort important en ce qu'il nous fournit la date de Naramsin. Ce roi aurait régné
38 siècles avant J.-C.
M. Halévy signale dans la langue dite accado-sumérienne une série d'expression,
tellement empreintes du génie sémitiques qu'elles ont pu lui servir à restituer plu-
sieurs passages altérés de la Bible.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, s3
REVUE CRITIQUE
oIi/e'I ab mon ai Bibni»
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
-oo8 àlà ino iu\.
, ■ M I I
N° 49 -4 Décembre — 1882
Sommaire î 243. Couat, La poésie alexandrine sous les trois premiers Ptolé-
mées. — 244. Dalton, Jean Laski. — 245. De Bouteiller et Hepp, Correspon-
dance adressée au magistrat de Strasbourg par ses agents à Metz, i5g4-i683. —
Lettre de M. Joh. Storm. — Variétés : Gaidoz, Bibliographie créole, note supplé-
mentaire. — Chronique. — Académie des Inscriptious.
eiorl ; (dqssol
243. — A. Couat. ï^j» poésie Alexandrine sous les (rois premiers *»io-
lémées (394-9S9 av. J.-C). Un vol. in-8° de xm-525 pages. Paris, Ha-
chette, 1882. 7 fr. 5o.
M. A. Couat s'est fait d'abord connaître, en 1875, par une Etude sur
Catulle. C'était une thèse de doctorat. Les lecteurs compétents y avaient
relevé, à côté de quelques imperfections naturelles dans un début, bien
des pages où un savoir précis s'alliait à un sentiment littéraire juste,
délicat et très personnel. C'est Catulle qui a conduit M. C. vers les
Alexandrins; du disciple, l'historien est remonté jusqu'aux maîtres. La
poésie alexandrine est, en effet, comme un trait d'union entre la poésie
classique de la Grèce et celle de Rome. M. C, dans la préface de son
nouvel ouvrage, montre très bien cette situation intermédiaire des
Alexandrins. Caractériser leur œuvre, c'est donc, dans l'histoire litté-
raire de l'antiquité, déterminer un moment décisif de l'évolution des
idées et renouer la chaîne des faits entre la Grèce ancienne et Rome.
Une des difficultés principales de cette tâche intéressante vient de l'état
fragmentaire dans lequel la littérature alexandrine nous est parvenue.
Il en résulte une foule d'obscurités et d'incertitudes, si bien que l'étude
littéraire, en ce sujet, doit presque nécessairement, pour qui veut faire
œuvre solide, se compliquer et s'embarrasser de recherches érudites de
toute sorte. M. C. a courageusement entrepris cette double tâche, et il
l'a exécutée avec détail, avec ampleur, avec précision, en même temps
qu'avec un sentiment très vif et très pénétrant du genre de qualités et
de défauts propres aux écrivains qu'il étudiait. L'ouvrage, en tant qu'é-
tude d'ensemble, est nouveau, et ne peut manquer d'intéresser. Je ne
puis mieux faire, pour rendre à ce travail savant et distingué la
justice qui lui est due, que d'en présenter une rapide analyse, au cou-
rant de laquelle prendront place çà et là quelques observations complé-
mentaires et quelques critiques.
Le premier chapitre renferme une description de l'antique Alexandrie.
Il est excellent. La description lopographique de la ville, empruntée aux
meilleures- sources, est^rrrtpkiê'^^arfui ori-
Nouvelle «crie, XiV. a3
442 REVUE CRITIQUE
ginal du Musée est vivement rendu : on pressent tout d'abord quelle
sera dans ses principaux traits la littérature qui doit éclore en cette
« volière des Muses », comme disait le satirique Timon. Un second
chapitre, qui achève l'Introduction générale de l'ouvrage, est consacré à
discuter et à établir la chronologie des premiers poètes et bibliothécaires
d'Alexandrie. C'est là, je n'ai pas besoin de le dire, un chapitre de pure
érudition et de discussion souvent subtile. Il ne pouvait en être autre-
ment, et l'érudition, même un peu rébarbative, était ici inévitable. Celle
de M. C. me semble au total, dans ces difficiles recherches, à la fois in-
génieuse et sensée, habile à discerner les faits certains et à établir avec
prudence un certain de conclusions vraisemblables. Je signalerai pour-
tant tout de suite en quelques passages deux défauts, de pure forme, il
est vrai, mais qui reparaissent encore plusieurs fois dans le reste de l'ou-
vrage, et qu'un savant capable de très bien écrire, comme l'est M. C,
devrait, à mon sens, s'interdire absolument. Le premier, emprunté aux
habitudes de l'érudition allemande, est de mêler sans scrupule, au cou-
rant même de l'exposition, des citations grecques et latines non tradui-
tes, assez longues parfois, et dont la présence n'est justifiée par aucun
intérêt scientifique ou littéraire tel qu'un simple renvoi n'eût pu
suffire : cela produit une bigarrure peu agréable. Passe encore
dans une dissertation spéciale, exclusivement réservée aux hellé-
nistes de profession ; mais dans un livre, et dans un livre bien
écrit, cela n'est vraiment pas admissible, du moins en France,
et j'avoue que, sur ce point, je n'aperçois aucune raison de changer
nos habitudes nationales. Le second reproche que je veux faire
à M. C. est d'avoir eu quelquefois peut-être trop de conscience;
je veux dire par là que, de peur sans doute d'être taxé de légèreté,
il lui est arrivé de discuter trop minutieusement des choses qui, à
mon sens, ne méritaient pas tant d'honneur; par exemple, aux pages
5o et suivantes, un texte de Suidas où personne n'a jamais rien compris
par la raison qu'il est incompréhensible. C'est bien aussi ce qu'en dit
M. C, mais pourquoi nous faire passer en revue une foule de ces con-
jectures stériles dont l'érudition parfois est si prodigue? Nous l'aurions
volontiers cru sur parole. M. Thiers écrivait un jour dans une let-
tre : « J'aime la vérité promptement dite. » Mot charmant, et plein de
sens, que l'érudition française, si j'ose le dire, devrait bien prendre pour
devise.
Après cette introduction nécessaire, M. C. arrive à ce qui est propre-
ment son sujet : la poésie alexandrine. Il étudie, en cinq livres : i° la
poésie élégiaque, avec Philétas, Hermésianax, Phanoclès, Alexandre
d'Etolie, et enfin Callimaque; 2° la poésie lyrique, avec les hymnes du
même Callimaque; 3° la poésie épique, avec les Argonautiques d'A-
pollonius, les Messéniennes de Rhianus, et encore Callimaque, pour
Hécalé; 4° la poésie pastorale, avec Théocrite; 5° la poésie didacti-
que, avec les Phénomènes d'Aratus. Enfin, dans une dernière partie, le
d'histoire et de littérature 443
récit de la querelle de Callimaque et d'Apollonius donne à M. C. l'occa-
sion de caractériser les tendances diverses qui se sont trouvées en oppo-
sition dans l'école alexandrine, et de porter un jugement d'ensemble sur
le rôle de toute l'école.
C'est là, comme on le voit, un sujet singulièrement vaste et com-
plexe. M. C. n'a pas cherché à introduire daiis son étude l'ordre chro-
nologique. Je crois qu'il a eu raison, et que la division par genres poé-
tiques est, en effet, très acceptable dans l'histoire d'une littérature dont
le développement est tout artificiel. Tout au plus regretterai-je peut-être
que, dans ce système, il n'ait pas cru devoir donner davantage au cha-
pitre chronologique de son Introduction l'importance d'une sorte
d'Histoire intérieure, comme disent les Allemands, ou, en français,
d'une Histoire générale de la poésie alexandrine. Au lieu d'en faire es-
sentiellement un catalogue de bibliothécaires, peut-être aurait-il été utile
d'en faire une véritable esquisse de tout l'ensemble du mouvement litté-
raire de ce siècle. Les études de détail auraient eu ensuite plus de clarté,
et surtout la physionomie de chacun des poètes d'Alexandrie se serait
dégagée à nos yeux d'une manière plus vive.
Quoi qu'il en soit, il faut d'abord jremercier M. C. de l'attention vrai-
ment infatigable et de la conscience scrupuleuse avec laquelle il a lu
pour nous, non-seulement tous les fragments des Alexandrins, mais
aussi presque tout ce qui a été écrit d'utile sur cette matière; son livre
est, à cet égard, une mine précieuse d'informations exactes. Il faut aussi
le remercier d'avoir su exposer dans un style simple, sobre, élégant, les
résultats de ses longues recherches, et surtout d'avoir semé en maint en-
droit des pages charmantes, très françaises et très délicates, sur les ques-
tions de goût et d'art qui se posent sans cesse à propos de ces poètes
qu'il connaît si bien. Mais ceci même me ramène au grief que j'expri-
nais tout à l'heure : M. C. est, quand il le veut, un lettré des plus fins :
c'est pourquoi j'ai tant de peine à lui pardonner de hérisser quelquefois
les abords de ses meilleures pages un peu plus qu'il n'était strictement
nécessaire.
Je vais plus loin. Je crois que, même au point de vue scientifique, son
livre eût gagné parfois à s'élever plus littérairement au-dessus du menu
détail pour arriver à nous rendre ce qui est le but suprême de toutes les
recherches érudites, je veux dire l'âme vivante du passé, l'érudition elle-
même n'étant que la route souvent âpre et désagréable par où l'on tend
à ce but. Par exemple, à propos du style de Philétas, M. C, à la page 79
de son livre, nous donne, dans son texte même, une liste de locutions
grecques rangées sous certains chefs. J'aurais, sur plusieurs de ces locu-
tions, des réserves à faire : ainsi, l'emploi métaphorique de oàpjjt.axov
n'est pas, à proprement parler, alexandrin, il est simplement poétique.
Mais peu importe : ce que je veux dire, c'est q.u'au milieu de tous ces dé-
tails, dont plusieurs prêtent à la discussion, l'idée générale, qui est
juste, risque de s'effacer, et que le tout serait plus net si l'auteur avait
444 REVUE CRITIQUE
simplement exprimé dans le corps même de son livre une impression
d'ensemble précise et simple, avec quelques exemples choisis rejetés en
note. J'en dirai autant de la page 94, qui est surtout un recueil
de matériaux. De même encore, en plusieurs passages (page 104, entre
autres), M. C, étudiant la versification de ses poètes, s'attache trop, se-
lon moi, à des statistiques de césures et de fins de vers qui, par elles-
mêmes, ne signifient pas grand chose : ce qui serait intéressant, ce serait
de voir ce qui résultait de tout cela quant à l'effet produit sur des ima-
ginations grecques du 111e siècle; car, pour les césures elles-mêmes, que
nous importe de les connaître, si ce n'est afin d'arriver par là encore à
quelque chose de vivant et de concret?
Voici, pour en finir avec ces critiques, deux ou trois autres observa-
tions. A propos de l'épigramme (pp. 171 et suiv.), M.C. nous dit qu'elle
n'est plus, chez les Alexandrins, ce qu'elle a été dans les âges classiques
de la Grèce. Soit, mais cela reste obscur ; il était indispensable de marquer
plus nettement, en quelques traits, en quoi consiste cette évolution : les
éléments de la réponse à cette question se trouvent à peu près dans les
pages suivantes, mais épars; il était nécessaire de les condenser. Sur
l'hymne également, la filiation historique du genre depuis Homère jus-
qu'à Callimaque aurait dû être tracée dès que le sujet même de l'hymne
alexandrin est abordé (pp. 197 et suiv.), au lieu d'être rejetée au chapitre
suivant, où l'on ne voit même pas bien non plus comment ce genre de
composition s'exécutait au temps des Ptolémées. Les hymnes de Calli-
maque sont minutieusement analysés un à un et replacés par des induc-
tions ingénieuses dans leur ordre chronologique. Tout cela est bien étu-
dié et vraisemblable. Le danger était surtout de tomber dans la re-
cherche subtile des allusions. M. C. me paraît s'en être, en général, très
bien gardé, sauf en deux ou trois circonstances : je lui signalerai notant
ment les pages 209-210, puis la note de la page 235, que je ne puis
accepter.
Sauf ces réserves, et à part un petit nombre de détails sans impor-
tance sur lesquels je pourrais différer d'avis avec lui, je n'ai plus guère
qu'à louer, soit au point de vue de l'exactitude matérielle des recherches,
soit quant à la finesse et à la pénétration de l'étude morale et littéraire
qui était la conclusion naturelle de ces recherches. Les chapitres sur les
Argonautiques d'Apollonius de Rhodes et sur les Messéniennes de
Rhianus me semblent particulièrement dignes d'éloge. Mais il n'y en a
pas un seul, sur les quatorze ou quinze dont se compose ce substantiel
volume, où il ne fût aisé de noter des vues justes, originales, et expri-
mées avec cette précision délicate qui, en matière de critique littéraire,
est la marque même du talent. Sur la description de la beauté féminine
dans la poésie (pp. i5i-i52), sur la nature du sentiment de l'amour chez
Callimaque (pp. 154, 1 56, 159), sur la peinture du bonheur aux diffé-
rentes époques de la poésie (p. 266), sur Théocrite comparé à George
Sand (p. 401), sur la poésie populaire des pâtres de Sicile (p. 433), je lis
d'histoire et de littérature 445
dans l'ouvrage de M. C. des pages charmantes et achevées. Je cite ces
morceaux entre bien d'autres; il serait aisé d'allonger cette liste; mais
ce n'est pas un inventaire que je dresse : ce sont seulement quelques in«
dications notées au courant de la plume. Voilà donc, au total, un bon
et savant livre. J'espère que M. Couat, soit qu'il continue ses travaux
sur les Alexandrins, soit qu'il aborde d'autres parties de la littérature
grecque, nous donnera prochainement d'autres volumes. Je souhaite seu-
lement qu'il ose de plus en plus être lui-même, c'est-à-dire que, tout en
gardant ses habitudes d'investigation patiente et consciencieuse, il ait
assez le sentiment de ses forces pour dominer de plus haut ses propres
recherches, et pour laisser l'écrivain qui est en lui se dégager plus har-
diment l»
Alfred Croiset.
244. — Joliannes a Lasco, Beitrag zur Reformationsgeschichte Polens, Deutsch-
lands und Englands von Hermanns Dalton. Mit Portraet. Gotha, Perthes, 1881,
xxvm-576 p. 8°.
L'histoire de la Réforme en Pologne est un sujet qui, pour des raisons
1. Je complète les observations générales qui précèdent par un petit nombre d'an-
notations particulières : ce ne sont, bien entendu, que de fort menus détails.
Bien que l'impression soit, en général, très correcte, j'ai noté, p. 20, n. 2 : [xupiaoeç
pour jiupiaSeç; p. 124 (milieu) : ohugu.01 pour oîxiqjwf ; p. 26g, n. 3 : à~ sip'^atvj
pour oVretpsato).
L'expression suspecte Yjpiov bfAiiyaei est donnée comme ayant pour équivalent lit-
téral en français (p. to8, note 1) les mots (le cadavre) grossira le tombeau, en latin : in-
flabit iumulum ; je traduirais plutôt par onerabit, chargera.— Page 201. Je ne suis pas
convaincu que la correction sùôu pour sùpu, dans Callimaque (Hymn., I, 85), soit
nécessaire ni même utile. Je ne vois pas non plus qu'il y ait rien à suppléer après le
vers 86. Dans les vers suivants, en effet, il s'agit non de la sagesse du roi, comme le
dit M. C, mais, selon moi, de sa puissance, de telle sorte que les idées se suivent
fort bien. — Page 2 3o. Dans un passage de Callimaque (Hymn., II, 68), M. C. s'ap-
puie sur le pluriel YJjASxépotç (iaciXeuatv pour démontrer que l'hymne fut composé
à la fin du règne de Philadelphe, quand Cyrène eut à la fois, pour maître effectif,
Philadelphie, qui l'avait conquise, et, pour roi éventuel, Evergète, fiancé de Bérénice.
L'ensemble du morceau me fait croire qu'il s'agit là tout simplement de la suite des
rois de Cyrène, y compris Ptolémée Philadelphe, que la conquête a mis en posses-
sion de leurs droits fondés sur les oracles, et que le poète confond habilement avec
la dynastie légitime et quasi-divine. — Page 028. M. C. parle des Perses d'Eschyle
comme si cette pièce avait été certainement rattachée aux autres parties de la
trilogie par un lien logique étroit : rien n'est moins prouvé, et d'excellents
juges (M. Weil entre autres) croient positivement le contraire. — Page 45o, note 3.
M. C. voit très bien que le vers 460 des Phénomènes d'Aratus, donné sans ponctua-
tion après h(6), n'a aucun sens; mais pourquoi semble-t-il hésiter à prendre la li-
berté d'écrire : oùxéxt Qapaa^écç xeivwv h(&' Spxtoç eltjv — dbtXavéâft tsc tô %6xXa
Tût t' aïôépi G^u,ai' àvtffltetV? Une difficulté que l'on peut lever avec une simple
modification de la ponctuation traditionnelle n'est vraiment pas une difficulté sé-
rieuse.
446 REVUE CRITIQUE
très-diverses, n'a point encore attiré beaucoup l'attention des historiens.
Les Polonais eux-mêmes, bons catholiques, ne s'intéressent guère au
succès momentané de l'hérésie dans leur pays et les protestants d'Alle-
magne connaissent généralement trop peu la langue polonaise pour en-
treprendre des travaux approfondis sur la matière. Cette histoire pré-
sente pourtant des chapitres intéressants à bien des égards, et nous fait
connaître des hommes ayant joué dans leur patrie un rôle ecclésiastique
et politique considérable, des personnages dont l'influence s'est fait sen-
tir au loin dans l'Europe protestante d'alors. L'un des plus marquants
de ces hommes, Jean Laski, est le héros du livre de M. Dalton. Nous
disons héros, car l'ouvrage du pasteur de Saint-Pétersbourg est un pa-
négyrique chaleureux et convaincu, plus encore qu'une page d'histoire.
Jean Laski, né en 1499 dans la petite ville de Lask, dont ses ancêtres
étaient seigneurs, appartenait à la haute noblesse polonaise. Son père
était woywode du palatinat de Sieradz, son oncle archevêque de Gnesen
et l'un des hommes les plus influents du royaume. Laski fit ses études
successivement à Bologne, à Paris, à Bâle, apprit à y connaître les idées
de la Réforme, mais sans les partager d'abord. Agent dévoué de Jean
Zapolya dans ses tentatives pour se procurer la couronne de Hongrie,
après la défaite de Mohacz, il fut récompensé de son zèle par le siège
épiscopal de Vesprim. En 1 538, son oncle le fit appeler comme archi-
diacre à Varsovie, avec promesse d'un évêché considérable, à l'une des
premières vacances. Mais, à ce moment, Laski sentit le besoin d'avouer
hautement les opinions nouvelles qu'il s'était faites. Il partit pour l'é-
tranger, et, après avoir voyagé quelque temps, fut appelé à Embden
pour organiser les églises de la Frise orientale, dans le sens des idées cal-
vinistes. Il s'y était acquis une grande réputation de sagesse et de piété
quand Y Intérim de 1548 le força de quitter son poste. Edouard VI
d'Angleterre lui offrit un refuge à Londres où il acquit bientôt une haute
influence, et devint le surintendant des communautés réfugiées de l'An-
gleterre. A la mort d'Edouard et à l'avènement de Marie Tudor, il dut
fuir en toute hâte pour ne point partager le sort de son ami Cranmer.
Des discussions théologiques sans cesse renaissantes, grâce à la haine
des luthériens pour les calvinistes, le chassèrent des différentes villes où
il chercha vainement un abri durable. Il se décida enfin à retourner en
Pologne, où il travailla, de concert avec le prince Radziwill, à l'organi-
sation des églises réformées du pays. Il eut à lutter, d'une part, contre
l'opposition des catholiques, excités et conduits par l'énergique et habile
cardinal Hosius; d'autre part, contre les dissidents anti-trinitaires, alors
fort nombreux en Pologne. Il mourut au milieu de ces rudes labeurs en
janvier i56o. Son souvenir est à peu près effacé dans sa patrie, mais il
survit en Angleterre et dans les contrées frisonnes. C'est un théologien
hollandais, M. Abraham Kuyper, qui a contribué à rappeler l'attention
publique sur Laski, en publiant, il y a une vingtaine d'années, ses œuvres
complètes et sa correspondance. M. D. achève de remettre en lumière
d'histoire et de littérature 447
cette personnalité trop effacée et qui mérite d'avoir sa page dans l'his-
toire de la Réforme. Ceux-là même qui ne s'intéressent pas au tableau,
souvent peu récréatif, des querelles religieuses, suivront avec intérêt le
gentilhomme polonais dans ses missions diplomatiques en Transylvanie,
en Allemagne, en Angleterre, etc. M. D., nous l'avons dit, est plus
qu'un historien sympathique, c'est un admirateur convaincu. Son en-
thousiasme sincère se communiquera, sinon à tous ses lecteurs, du
moins u ceux qui se trouvent en communion d'idées avec lui. Mais au
point de vue de la critique sérieuse, on peut lui reprocher mainte page
qui tient de l'imagination du littérateur plus que de la réserve prudente
de l'historien. Quand il emploie, p. ex., quatre pages pour nous dire
quelles rues de Londres traversait Laski, pour aller voir son ami, l'ar-
chevêque Cranmer, à Lambeth, ou que, cinq pages durant, il nous fait
assister à l'un des prêches des réformateurs polonais, on ne peut s'em-
pêcher de trouver de pareilles descriptions légèrement fantaisistes et dé-
placées dans un récit aux allures scientifiques1. Le style de M. D. est
animé, mais souvent incorrect, plus souvent même légèrement am-
poulé 3. Il conserve par moments quelques tournures qui rappellent l'o-
rigine anglaise de l'auteur \ Quoique pasteur à Saint-Pétersbourg et
sujet russe, les sympathies de M. Dalton sont tout allemandes; l'alle-
mand est devenu la langue maternelle de l'ancien citoyen anglais. Nous
ne songeons point à lui en faire un reproche, nous regrettons seulement
qu'il ait cru nécessaire, pour les affirmer, de répéter je ne sais quelle ri-
dicule anecdote sur le « chauvinisme français » et de se « réjouir de la
victoire de Sedan * », dans un ouvrage consacré à un théologien polo-
nais du xvie siècle.
R.
245. — E. de Bouteiller et Eug. Hepp. Correspondance politique adressée
au magistrat de Strasbourg pnr ses agents à Metz (1SS94-18S3),
tirée des archives municipales de Strasbourg et publiée pour la première fois avec
notes explicatives, etc. Paris. Berger-Levrault, 1882, xvn-463 p. 8°. Prix : 10 fr.
Le volume publié par les soins de MM. de Bouteiller et Hepp ne ren-
ferme pas, comme on pourrait le croire, de correspondances diplomati-
ques, adressées au magistrat de la petite république rhénane par ses am-
1. Pp. 338 et 38o.
2. Ainsi, p. 440, la comparaison de Laski avec une lionne, etc. Bien peu de per-
sonnes comprendront, p. 429, la métaphore de « l'écho qui viendrait retentir contre
les rochers du synode missourien. »
3. C'est ainsi qu'on lit, p. 412 : « Es felhte ein Stock glaubiger Maenner. » L'au-
teur, évidemment, songeait à l'anglais stock = noyau, centre, et non au mot alle-
mand identique, qui signifie canne.
4. Pp. 335 et 376
448 REVUE CRITIQUE
bassadeurs ou plénipotentiaires à l'étranger. A l'époque où commencent
les lettres réunies ici, Metz appartenait depuis près d'un demi-siècle à la
France et Savait plus de relations officielles d'aucun genre à entretenir
au dehors. Les pièces tirées des archives de Strasbourg, sont des galet-
tes, des nouvelles à la main, sur la politique générale de l'Europe, en-
voyées aux gouvernants de la ville par des particuliers habitant Metz et
chargés, contre un fort modeste salaire, de recueillir toutes les nouvel-
les, tous les bruits du dehors parvenant à leurs oreilles. Strasbourg n'a-
vait point alors de résident à la cour de France, et, désireux pourtant de
savoir ce qui se passait dans les contrées au-delà de la Lorraine, les ma-
gistrats de la république essayaient de s'orienter de la sorte sur les me-
nées de la politique occidentale. Ces renseignements ne valaient, natu-
rellement, qu'en raison du discernement des personnes chargées de les
recueillir et ne pouvaient jamais réclamer la confiance due à des révéla-
tions diplomatiques, vu le caractère tout privé des correspondants de
Strasbourg. Ni le bon gentilhomme picard, M. de Flavigny, qui rédige
ces lettres de 1594 à 1626, ni l'avocat Jalon, qui les reprend de 1579 à
i583, n'avaient — on n'a qu'à les lire pour s'en convaincre — de rela-
tions ouvertes ou cachées avec le gouvernement français et ne pouvaient
donc communiquer des secrets d'Etat à leurs correspondants d'Alsace.
Aussi n'est-ce point dans cette direction qu'il faut chercher l'intérêt du
présent volume. Il nous représente bien plutôt une correspondance spé-
ciale, parisienne et messine à la fois, qui porte, à jour fixe, les mille bruits
et faits divers de la capitale, jusqu'au fond des provinces. Ces rapports heb-
domadaires ou mensuels mêlent le vrai au vraisemblable, et parfois au
mensonge, tâchant de dégager les probabilités de la politique du jour des
assertions contradictoires qui se croisaient en public, ne dédaignant pas,
par moment, quand la haute politique est en souffrance, le simple fait-
divers, et racontant alors la femme assassinée, mise dans une malle et je-
tée à la rivière, le fils de famille endetté, dont on dégage les habits chez
le tailleur, etc. A ce point de vue, la lecture de ce volume est instruc-
tive et amusante à la fois. On y voit se tramer, par le menu, les faits et
gestes de l'histoire diplomatique et militaire contemporaine, que nous
ne voyons d'ordinaire que sous un aspect plus sévère. On y peut étudier
surtout la physionomie morale de la cité messine dans le premier siècle
après sa conquête, et c'est donc plus encore une contribution à l'histoire
de Lorraine qu'à celle d'Alsace que nous recevons ici. Avec quel soin ne
recherche-t-on pas aujourd'hui les derniers débris des gazettes du
xvne siècle? En voici tout un riche fascicule qui sera le bienvenu pour
tout amateur historique sérieux, et dont on tirera d'utiles données, sinon
pour l'histoire politique de la France et de l'Allemagne, au xvne siècle,
du moins pour l'histoire générale de la civilisation à cette époque. Il
faut seulement avertir le lecteur — et le titre ne le dit pas — que cette
correspondance est perdue pour toutes les années de (627 à 1679, ainsi
pendant plus d'un demi-siècle, si réellement elle s'est continuée durant
d'histoire et de littérature 449
toute cette époque. Car Flavigny meurt en 1626; Jalon ne commence
ses communications qu'en 1679, ou, pour mieux dire, en 1681, puis-
qu'il n'existe plus qu'une seule lettre antérieure à cette dernière date.
Un inconvénient assez sérieux pour l'utilisation du recueil, c'est l'or-
thographe très fantaisiste des correspondants strasbourgeois, de M. de
Flavigny surtout. Les .éditeurs ont scrupuleusement respecté cette ortho-
graphe. Je n'ai garde de leur en faire un reproche, mais ils devaient
mettre en note les corrections nécessaires, et ne pas se borner de recti-
fier dans la table des matières seulement. Comment trouver maintenant
de quelle personne il s'agit, quand on n'est pas soi-même assez perspi-
cace pour corriger l'erreur, avant même de consulter la table? Un au-
tre inconvénient de cette dernière, c'est qu'on y a réuni pêle-mêle tous
les personnages portant le même nom, laissant au lecteur le soin de se
débrouiller à sa guise. Ainsi, au nom de Mansfeld, les renvois s'appli-
quent successivement au prince gouverneur du Luxembourg, Pierre-
Ernest, mort en 1597, à Ernest, son bâtard, le célèbre condottiere de la
guerre de Trente-Ans, mort en 1626, au comte Wolfgang de Mansfeld,
résident de l'empereur à la cour de France, du temps de la capitulation
de Strasbourg. Signalons, en terminant, quelques erreurs de peu d'im-
portance qui déparent les notes finales. P. 397, lisez Hubert Languet
pour Longuet. — P. 419. L'Union protestante fut signée à Ahausen
ou Aschhausen, pas Aufhausen. — P. 404. Joseph Jundt, né en 1601,
ne pouvait être, en 16 16, syndic de la ville de Strasbourg. Aussi est-ce
1661 qu'il faut lire. — P. 429. Le beau-frère de Gûntzer s'appelait
Kaempfer et non Kimpfer. — P. 433. Claude le Laboureur, premier
président du Conseil souverain d'Alsace, n'était point d'une famille
strasbourgeoise. Le fait seul qu'il était fervent catholique aurait pu aver-
tir les éditeurs de leur méprise. — P. 92. Il est question des « Etats de
Laussnitz » en Silésie; il s'agit des Etats de la province de Lusace
(dans le royaume de Saxe actuel) et non d'une ville de Laussnitz, qui
figure à la table des matières, mais dans aucun manuel de géogra-
phie. Mais ce sont là des rectifications de détail qui ne doivent point
nous rendre injustes pour le mérite réel du travail fourni par les édi-
teurs at pour sa valeur au point de vue historique.
R.
LETTRE DE M. JOH. STOR1H
En rendant compte, avec une bienveillance extrême, de ma Philolo-
gie anglaise (n° 41), M. Joret a indiqué quelques points de phonétique
française sur lesquels il diffère de moi. Je tiens à constater que, dans
plusieurs cas, ce désaccord n'est qu'apparent ; en d'autres termes, je discu-
terai ses critiques. M. J. n'a pas toujours bien saisi le sens de mes ob-
45 O REVUE CRITIQUE
servations. Une fois, il se dit d'accord avec moi, quand nous ne le som-
mes pas ; d'autres fois, il me fait différer de lui, quand nous sommes
d'accord. Dans ce qui suit, je suivrai l'ordre des critiques de M. Joret.
M. J. admet, dit-il, que j'ai raison de dire que u de un a le son
eu de peuple ; or, j'ai dit, p. 59 : un son plus ouvert que celui dépeuple,
voyelle que je retrouve dans le Scandinave l.
Ce qui prouve que i de vin se rapproche de à (Va anglais de mari) et
souvent l'atteint 2, c'est que très souvent les étrangers le prennent pour un
a ; par exemple, le mot médecin sonne à peu près comme med-sa pour
eux, surtout pour ceux qui ne connaissent pas les voyelles nasales. Il
faut avoir une connaissance très intime des sons étrangers pour se faire
une idée exacte de l'impression que produisent les sons français, si dif-
férents de tous les autres, sur les oreilles des étrangers.
Il est vrai que je Raccorde aux voyelles nasales qu'une seule qualité ;
quant à la quantité, j'admets au contraire qu'elle varie; c'est, je crois,
la seule différence entre dent (a * bref) et dents [a long) 3; seulement je ne
suis pas entré dans ce détail, parce que je n'étais pas sûr que cette
distinction fût générale et constante. C'est aux phonétistes français de
vérifier cela. Quant à la différence entre chant (bref) et chante (long), je
l'ai toujours admise.
Mon critique me fait supposer que M. Havet prononce vingt-deux
comme vàn-dô, ce qu'il corrige en vdrin-deû. Ici il y a un double mal-
entendu4. M. Havet a dit non pas que in de vingt change, mais bien
que t (d) devient n. Moi, j'ai représenté (p. 38, note 2) cette prononcia-
tion très fidèlement par la notation vên-dô c'est-à-dire vin (voyelle
nasale ê) -f- un n dental, tout en faisant observer que vend-do (vè -f- n
dental -j- d) me paraît la prononciation usuelle, comme l'admet
aussi M. Joret.
Quant à la prononciation du gn français, ce n'est que du gn du
nord et surtout de Paris que j'ai dit qu'il diffère par une nuance assez
sensible du gn italien et du h espagnol, en ce qu'il est moins palatal que
ceux-ci, mais plus palatal que le ng ou n guttural germanique, auquel il
est très ressemblant5. Cela est tellement vrai que la plupart des Français
prononcent l'anglais singcommt leur signe, sans se douter d'aucune
différence6. Je n'ai donc pas dit que « le gn français est tout différent du
gn italien7», encore moins « qu'il se prononce comme n8», ce qui serait
absurde. Je ne sais pas même où M. J. prend cet n, dont je n'ai pas dit un
mot, à moins qu'il ne confonde, comme la plupart de ses compatriotes, Yn
guttural avec un n dental. En effet9, les Français du nord prononcent le
venga du midi comme venne-ga. Si les Français ne saisissent pas ces
nuances, c'est qu'ils ne connaissent pas assez à fond les prononciations
* Notre imprimerie n'ayant pas pour le moment de voyelles tildées, nous rem-
plaçons le tilde indiqué par l'auteur, et qui marque la nasalité des voyelles, par un
accent circonflexe. — Réd.
d'histoire et de littérature 45 1
étrangères et se contentent d'un à peu près. En fait, l'italien gn de
segno diffère même en deux points du gn parisien de signe, produit
plus avant dans la bouche : i° en ce qu'il est plus palatal ; 20 en ce qu'il
est plus composé, le son ; se faisant entendre non-seulement fondu à l'rc,
mais souvent indépendamment après ïn palatal 10.
Un point sur lequel je me range à l'avis de M. J., c'est que l'e final
français est souvent prononcé, même après une seule consonne, comme
« une demi-muette ». J'ai cru remarquer ce son depuis vingt ans; sï
je n'en ai pas parlé, c'est que je ne croyais pas que cette prononciation
fût reconnue ; les phonétistes français auxquels j'en ai parlé l'ont niée
absolument. Je suis heureux d'être d'accord sur ce point avec M. J., et
désormais j'en parlerai avec plus d'assurance, d'autant que dans ces
dernières années j'ai pu vérifier par des observations nouvelles l'existence
de ce son n. M. J. dit à ce propos : « Voilà ce que souvent les étran-
gers ne comprennent pas » 12 : comment veut-il qu'ils comprennent
ce que les phonétistes français (à l'exception de M. J.) ne semblent pas
reconnaître ?
Je suis loin d'identifier l'e obscur allemand avec l'e fermé13; j'y ai
reconnu (p. 66 fin), au contraire, un son intermédiaire entre eu et é. Je
n'ai pas donné raison aux linguistes qui le confondent avec e', mais
j'ai cité l'effet qu'il fait aux Français comme preuve qu'il diffère
de Ve dit muet du français, qui se rapproche plus de eu. Je parle ici de
la prononciation ordinaire de l'allemand. Quant à Ye final Scandinave,
il est absolument identique à Ye final allemand du nord, et ne se rap-
proche nullement, comme le croit M. J., de l'e fermé, son bien connu
des langues Scandinaves 14.
D'autre part, il existe des dialectes Scandinaves et allemands qui rap-
prochent l'e final de Yé fermé.
M. J. dit : « L'r des idiomes du sud de la Norvège et delà Suède me
paraît dental, tandis que le nôtre est uvulaire ». La première de ces
assertions est une erreur. Nous pouvons constater tous les jours que cet
r est bien uvulaire, mais il diffère du son français en ce qu'il est moins
distinct, moins vibrant, plus « spirantîsch » ; dans le grasseyement
français, la luette semble être poussée plus avant sur le dos de la lan-
gue 15.
Je ne me serais pas étendu si longuement sur ces petites divergences,
si je ne croyais pas que le sujet même a un certain intérêt. En outre,
je n'ai pas voulu paraître plus en désaccord que besoin n'était avec
M. J., chez lequel je reconnais une grande compétence dans la lin-
guistique germanique et romane, et auquel je suis très reconnaissant
du jugement général, si flatteur pour moi, qu'il a porté sur mon
livre.
Si je n'ai pas fait une édition française de mon livre, c'est qu'il m'a
semblé que le public français s'intéresse peu à cette sorte de recherches lc.
Témoin le fait étonnant qu'une revue comme la Romania, une des
452 REVUE CRITIQUE
premières revues scientifiques du monde et qui traite de l'ancienne langue
du pays même, n'a que deux ou trois cents abonnés payants (dont une
grande partie sont des étrangers), et ne pourrait pas subsister sans le
secours du gouvernement, qui en achète un certain nombre d'exemplai-
res pour les distribuer gratuitement.
Je terminerai ces observations, déjà trop longues, par le vœu qu'un
phonétiste français compétent fasse bientôt la phonologie de la langue
parlée actuelle du nord de la France et surtout de Paris. Il est des
particularités et des traits distinctifs dont les indigènes ne s'aperçoivent
pas ; sur ces points, l'opinion des phonétistes étrangers n'est pas à dé-
daigner 17. D'autre part, il y a un grand nombre de faits, de tendances
et d'habitudes qu'il faut être indigène pour connaître à fond. En réunis-
sant les recherches et les observations de tous, on finirait par faire une
œuvre complète.
Christiania, le 20 octobre 1882.
Joh. Storm.
(1) J'ai eu tort, je le reconnais, de dire que M. Storm attribuait à l'a de un la même
valeur qu'à Veu de peuple ; seulement je doute un peu que cet u soit plus ouvert que
l'eu du mot peuple.
(2) Je n'ai jamais dit le contraire;, seulement M. S. me permettra de faire remar-
quer que les étrangers « qui ne connaissent pas les voyelles nasales » sont très
mauvais juges de leur valeur véritable et les prononcent, par suite, un peu à l'aventure.
(3) Je suis très content qu'un phonétiste aussi autorisé que M. S. partage ma
manière de voir sur ce point et je suis heureux de lui avoir donné l'occasion de
se prononcer sur une question de phonétique très mal étudiée, je crois, et très mal
résolue chez nous.
(4) Il y a là, en effet, un malentendu qui est maintenant éclairci; je m'étais mépris
sur la valeur de la notation de M. Storm. Quant à l'approbation que j'ai paru donner
à sa manière de voir au sujet de la valeur dentale de Fn de vingt-deux, je
la retire décidément; je crois qu'il n'y a que deux manières possibles de prononcer
vingt-deux : vê-t-dœ qui est la prononciation générale dans le nord de la France,
ou vèn'dx qui est, je crois, la prononciation de M. L. Havet. [M. Havet entend la
prononciation de ce mot conformément à la notation de M. Storm. — Réd.]
(5) Je crois que le gn italien, le h espagnol et le gn français sont identiques, et
c'est aussi, il me semble, l'opinion de M. Havet; je ne puis donc admettre que notre
gn soit « très ressemblant au ng germanique »; M. S. dit lui-même, p. 37, que ce
dernier son nous est» entièrement étranger et incompréhensible (ein gan% fremder
und unbegreiflicher haut), ce qui est vrai ; mais comment en pourrait-il en être ainsi,
si nous avions dans notre langue un son qui lui fût « très ressemblant »?
(6) De ce que « la plupart des Français prononcent l'anglais sing comme signe »
cela ne prouve nullement qu'ils ne a se doutent d'aucune différence entre ces deux
sons » ; cela prouve seulement qu'ils ne veulent pas se donner la peine de prononcer
le premier.
(7) M. S. a dit, p. 47, que notre gn est un ng, non un n mouille, ce que je crois de
tout point inexact.
(8) Certainement; aussi n'ai-je: pas attribué cette opinion à M. Storm. Ne pouvant
me servir du signe qu'il emploie (et que je représente ici par ng), j'avais écrit h
surmonté d'un pointa la place du dernier;, on a imprimé un « simple, ce qui n'a
plus de sens : Pro solo puncto, etc. On me croira d'autant plus facilement qu'à la
même ligne on a imprimé, ce qui me rend presque inintelligible, il faut au lieu de
Us font.
d'histoire et be littérature 45 3
(9) Je n'ai pas besoin de dire que je ne confonds nullement Yn guttural et Vit dental.
(10) Je doute beaucoup de la première de ces affirmations; quant à la seconde, elle
est en grande partie vraie et prouve que IV. mouillé tend à se transformer en n
simple, comme cela arrive, je l'ai dit, dans certains mots.
(11) Je n'ai pas besoin de dire combien je suis aise de voir M. S. se ranger si
complètement à mon avis sur ce point.
(12) En disant cela, je faisais allusion à l'auteur — un Suédois — d'un petit dic-
tionnaire du patois normand du val de Saire, dans lequel tous les mots, qu'ils soient
terminés par une explosive ou par une chuintante, sont écrits sans e muet ou sans
apostrophe qui indique que la voix ne doit pas tomber immédiatement après la con-
sonne.
(i3) J'ai dit que M. S. distinguait avec raison Ye obscur allemand de Ye muet fran-
çais ; je me suis étonné seulement qu'il parût admettre que cet e sonnât à nos oreil.
les comme un e fermé.
(14) Je ne puis dire qu'une chose, c'est que j'ai été frappé, il y a deux mois, de la
ressemblance qu'il y a entre Ye final Scandinave et Ye fermé de mon pays.
(i5) Ce que je sais, c'est que pour arriver à prononcer IV Scandinave, je m'effor-
çais de former l'articulation près de la racine des incisives supérieures, ce qui est le
caractère de IV dental, d'après M. S. lui-même qui cite, p. 3g, pour exemple d'un r
dental le norv. tre, « dans lequel r, dit-il, est formé à la même place que le t ».
(16) Je crois que M. S. n'a pas eu tort de ne point faire une édition française de
son livre, par la raison fort simple qu'il n'en aurait pas vendu dix exemplaires; il au-
rait dû voir que la critique est dirigée contre nous et ne s'adresse nullement à lui.
(17) C'est évident, et voilà pourquoi il y a tant à prendre, même pour la connais-
sance de notre langue, dans le livre de M. S., qui témoigne à la fois d'une observa-
tion si patiente et si juste et d'une connaissance si approfondie des idiomes germa-
niques et romans. Je terminerai ces observations à mon tour par un vœu, c'est
qu'on arrive enfin à créer un alphabet uniforme pour désigner les différents sons, et
que les signes employés se trouvent dans toutes les imprimeries sérieuses.
C. J.
VARIÉTÉS
BIBL.IOGRA.PHIE CRÉOLE
Nouvelle note additionnelle.
Depuis la publication de notre essai de bibliographie créole (Revue
critique des 29 août et 7 novembre 1881), nous avons retrouvé quelques
notes qui se rapportent à ce sujet. Comme les matériaux de cette
branche de la linguistique sont peu connus, même des spécialistes, il ne
nous paraît pas inutile de donner ici ces quelques titres.
Une variété de créole n'a pas été signalée par M. Coelho; c'est :
U1 Anglo-Indou .
The Anglo-Indian Tongue, article du Blackwood's Magasine de
mai 1877. — VAcademy, en annonçant cet article, disait : « The
Anglo-Indian Tongue » is a paper to be commended alike to the curious
in the local slang of ail nations as an etymological problem, and to the
Indian officers and civil servants, who find their account in accommo-
454 REVUE CRITIQUE
dating themselves in a great measure to the languageofthe country, the
peculiarities of which, whether in the culinary, complimentary, légal,
or objurgatory lines, are cleverly set forth in this article. »
Spécimen of Hindu English, article du Chambers Journal d'a-
vril 1878.
Le journal le Times, dans son numéro du 11 avril 1882, a publié
sous le titre de Baboo-English un article sur l'Anglo-Indou ; mais il y
est question moins de la langue parlée que de l'anglais assez idioma-
tique, et avec saveur du terroir, des lettrés indous, quand ceux-ci écri-
vent en anglais.
Anglo-nègre de Surinam (Coelho, p. 62).
L'auteur de la « Kurzgefasste Neger-Englischè Grammatik. Bautzen,
1854 », signalée par M. C, est L. Weiss.
Ajouter le titre suivant :
Van Dyk, P., onderwyzinge in het Bastert-Engels of Neeger-Engels,
in de Hollandsze Golonien (Surinam). Amsterdam (17..) 112 p. in-8.
Anglo-nègre des Etats-Unis.
Slave-songsof the United States, precededby an account of thèse Songs
and an Essay on the Negro Dialects observed at Port Royal by Prof.
W. F.Allen, of the University of Wisconsin, in-8, 1875, 1 doll. 5o c.
New York, office of the Nation.
W. Owens : Folk-Lore of the Southern Negroes, dans le Lippincott's
Magasine de décembre J'ai oublié de noter l'année : ce doit être
entre 1875 et 1880.
Anglo-Indien de VOregon (Etats-Unis d'Amérique).
Cette langue, que M. C. mentionne en passant (p. 62), a été l'objet
d'une publication spéciale :
Gibbs, G., Dictionary of the Chinook Jargon (chinook-engl. and
engl.-chin.) or Trade Language of Oregon. in-8. Washington, Smith-
sonian Institute, i863.
Nous ignorons à quelle variété anglaise se rapporte l'article suivant :
A. A. Hayes, Jr. : Pidgin English, dans le Scribner's Monthly de jan-
vier (entre j 875 et 1880).
Lingoa Gérai.
A la bibliographie donnée par M. G., p. 27, ajouter :
On the lingoa gérai, by Prof. Hart, of Cornell University, dans les
Transactions of the American Philological Society (cf. YAcademy,
i5 juillet 1873, p. 2o3).
Ph. de Martins, dans son Ethnographie de l'Amérique et en parti-
cnlier du Brésil, parle aussi de la lingoa gérai.
Enfin, à notre propre bibliographie du créole français, nous ajoute-
rons aujourd'hui :
Jacob de Cordemoy. Les refrains populaires à la Réunion, dans les
Bulletins de la Société des sciences et arts de l'Ile de la Réunion.
Saint-Denis, in-8°, année 1874, pp. 90-106. • H. Gaidoz.
d'histoire et de littérature 455
CHRONIQUE
FRANCE. — M. Albert Réville, professeur d'histoire des religions au Collège de
France, va faire paraître à la librairie Fischbacher un ouvrage en deux volumes sur
les Religions des peuples non civilisés .
— Vient de paraître à la librairie Hachette : C. Valeri Catulli liber. Les poésies
de Catulle. Traduction en vers français par Eugène Rostand. Texte revu d'après les
travaux les plus récents de la Philologie, Avec un commentaire critique explicatif par
E. Benoist, Professeur de Poésie Latine à la Faculté des Lettres de Paris. Ouvrage
couronné par l'Académie française au concours du prix Jules Janin. Lyon, impri-
merie Louis Perrin. Le tome premier donne, en regard du texte, la traduction en
vers; il contient en outre une Préface et une Vie de Catulle signées de M. Rostand.
Le tome second, dont la première moitié a seule paru, est consacré au commentaire
critique [et explicatif de M. Benoist, qui a jugé nécessaire de donner sans retard au
public « tout ce qui était suffisamment achevé ». Ce premier fascicule s'arrête après
la pièce lxiii {Super alta vectus Attis). L'autre moitié du tome II paraîtra dans le
courant de l'année et alors la Revue rendra compte de cette publication importante.
— Notre collaborateur M. Eug. Mûntz a publié en brochure les Lettres inédites de
savants français à leurs confrères ou amis d'Italie, xvue-xixe siècles. Le Puy, Mar-
chessou. In-8", 24 p.) qu'il avait fait paraître dans notre recueil; on se rappelle que
ces lettres ont été tirées par M. Mûntz des bibliothèques d'Italie (Barberini, Corsini,
Vaticane, archives d'Etat de Florence, Marucelliana), et que parmi elles figurent
quatre lettres de Paul-Louis Courier à Gaetano Marini.
— Deux lettres inédites de Henri IV viennent d'être publiées par M. A. Germain,
doyen honoraire de la Facultédes lettres de Montpellier; ellesontété imprimées dans le
tome VII des mémoires de l'Académie de Montpellier et tirées à part'; toutes deux, l'une
du 8 nov. 1576, l'autre, du 12 décembre 1584, sont adressées par le roi de Navarre à
l'Université de Montpellier; le Béarnais demande à la Faculté de garder auprès de lui,
comme médecin, d'abord Jean Saporta, puis Nicolas Dortoman, tous deux professeurs
de l'Université.
— La seconde partie de la Pucelle de Chapelain vient d'être publiée par M. H. Her-
luison dans la collection que cet éditeur fait paraître sous le titre de « Bibliothèque
orléanaise » (Jean Chapelain, les dou\e derniers chants du poème de la Pucelle
publiés pour la première fois sur les manuscrits de la Bibliothèque nationale.
Orléans, H. Herluison. In-160, c et 391 p. 10 fr.; tiré à 279 exemplaires numérotés).
« Editeur soucieux de ce qui a été dit et fait pour l'honneur de Jeanne d'Arc, dit
M. Herluison, nous sommes heureux de pouvoir ajouter à la Bibliothèque orléanaise
l'œuvre ignorée de Chapelain. » Outre le texte des douze derniers chants du poèmes,
M. H. a reproduit la préface de Chapelain, qui n'est pas sans quelque mélancolie, comme
le prouvent les premières lignes : « ce que j'avais prévu des malignes influences que
mon poème devait essuyer à son entrée dans le monde ne s'est que trop vérifié par
l'événement. L'envie qui est naturellement contraire aux entreprises élevées, a fait le
même accueil à la mienne qu'à celles des anciens qui ont le plus éclaté ». Le volume
renferme encore une notice sur Chapelain par le président de la Société des sciences,
belles-lettres et arts d'Orléans, M. Gabriel Baguenault de Viéville, et une Etude sur
le poème de la Pucelle, de notre collaborateur M. René Kerviler, étude extraite, avec
quelques modifications et additions, de l'ouvrage publié par cet érudit sur la 0 Bre-
tagne et l'Académie française au xvne siècle ».
— L'éditeur Charpentier a mis en vente le Ier volume de l'ouvrage que
456 REVUE GRITIQUB
M. E. Michaud, professeur à l'Université de Berne, publie sur Louis XIV et Inno-
cent XI, d'après les correspondances diplomatiques inédites du ministère des
affaires étrangères de France. Cet ouvrage aura quatre volumes. Le premier traite
d'Innocent XI et de sa cour (in-8°, 58o pages). Le second, qui paraîtra dans quel-
ques semaines, traite de la politique générale de ce pape, de ses relations avec les
principales puissances de l'Europe, et particulièrement de son hostilité contre la
France. Le troisième exposera le conflit politico-ecclésiastique de cette époque
(1676-1689), et le quatrième les débats ecclésiastiques et théologiques : révocation
de l'édit de Nantes, condamnation de Molinos, du P. Maimbourg, jésuite, du
P. Noël Alexandre, dominicain, les quatre articles de 1682, l'infaillibilité du
pape, etc.
— Parmi de récentes publications parues en province, nous avons à signaler de
M. Ch. Aubertin, des Recherches historiques sur les anciennes écoles et le collège
de Beaune (Beaune, Batault, In-8°, i5a pp.; on y trouve d'intéressants détails sur
l'instruction donnée par les Oratoriens qui dirigeaient depuis 1 624 le collège de Beaune,
sur les Oratoriens eux-mêmes, parmi lesquels le futur terroristeJoseph Lebon, etc.):
— de M. A. Dujarric-Descombes, une Etude sur Pierre Lafon de la Comédie Fran-
çaise, 1 773-1846 (Bergerac, Boisserie. In-8°, 18 p.); — de M. René Fage, une
étude sur un épisode de la Fronde en province, la Tentative de translation à Limo-
ges du parlement de Bordeaux, i652 (Limoges, Chapouland. In-8°, 22 pp.) et une
notice sur Le point de Tulle (Tulle, Chauffon. In-8", 24 p. M. Fage montre que
le tulle fut fabriqué dès i655 dans la capitale du Bas-Limousin et introduit à la
cour par Et. Baluze) ; — de MM. Magen et G. Tholin, Deux montres d'armes au
xve siècle. (In-8°, 23 p., liste des hommes d'armes passés en revue en i568 et en
1 569 à Bordeaux et à Grenade, où l'on trouvera près de deux cents noms, dont
cent cinquante appartenant à la région du Sud-Ouest); — de M. Ch. Pradel, une
Notice sur l'imprimerie à Castres, etc.
— Dans un volume qui a pour titre « Essais d'histoire et de critique » (Paris,
Pion. In-8°, 295 p., 3 fr. 5o), M. Alb. Sorel a réuni des études, composées à diffé-
rentes époques et sur des sujets divers; en voici les titres Metternich (pp. 3-54), 'V11
ne fut, dit M. S., qu'un diplomate, mais un diplomate de premier ordre, « l'empi-
risme politique n'a jamais exercé ce prestige, atteint cette gravité la grande co-
médie du monde, l'intrigue supérieure de la scène européenne n'ont jamais rencontré
un auteur si fertile et un acteur si consommé » ; — Talleyrand au congrès de Vienne
(pp. b5-94); — L'alliance russe et la Restauration (pp. 95-1 15), étude dans laquelle
M. S. résume les renseignements fournis par M. de Viel-Castel, sur le grand dessein
de M. de Polignac, sur la légende d'après laquelle la Restauration aurait, en i83o,
contracté avec la Russie une alliance intime qui aurait rendu à la France les fron-
tières du Rhin; — Les Mirabeau (pp. 1 17-130); — Bernis et l'alliance autrichienne
de ij56 (pp. 131-149; la publication des Mémoires et de la correspondance de
Bernis, dit M. S., corrige et rétablit certains détails, certaines nuances assez impor-
tantes; mais l'ensemble du tableau reste ce qu'il était; si la responsabilité de Bernis
est en partie dégagée, celle de Louis XV et de ses conseillers n'en paraît que plus
lourde ; notre rôle, écrit Bernis, a été extravagant et honteux ; l'arrêt est juste, et
l'histoire l'a confirmé; — La diplomatie secrète de Louis XV (pp. i53-i6g) ; M. S.
complète l'étude qu'il a commencée à propos de Bernis; il montre par l'histoire du
Secret du roi « à quel funeste paradoxe on aboutit lorsqu'on voulut faire de l'alliance
autrichienne, faussée dans son objet et dénaturée dans ses applications, le principe
d'un nouveau système de politique», — La tsarine Elisabeth (pp. 171-190, d'après
1» livre récent de M. Vandal); — Catherine II et la Révolution française (pp. 191-
d'histoire et de littérature 457
204); — L'Angleterre et V émigration de 1794 à 1801 (pp. 2o5-232; récit de l'échec
de la mission confiée par Pitt à Wickham et à lord Macartney) ; — Les colonies
prussiennes (pp. 233-247), art. sur les « Etudes sur l'histoire de Prusse », de M. Er-
nest Lavisse; notre recueil n'ayant pas rendu compte de ce livre remarquable,
nous citerons le jugement de M. S. : « M. Lavisse a été puiser aux sources mêmes,
dans les bibliothèques et les archives de Prusse, les éléments de son ouvrage. Il est
érudit et critique; mais sa science n'est nullement lourde et refroidie. 11 sait faire
revivre le passé, et sans chercher des rapprochements et des allusions qui feraient
tache en une œuvre sérieuse comme la sienne, il conserve le sentiment très vif des
choses présentes... L'histoire du développement parallèle de l'état des Margraves et
de l'éiat des Teutoniques est la partie la plus neuve du livre... »: — La politique
française en 1866 (pp. 249-264) et L'affaire du Luxembourg (pp. 265-280); ces
deux études ont été ipspirées à M. S. par la lecture des deux ouvrages que vient de
publier M. Rothan, « La politique française en 1866 » et « L'affaire du Luxembourg ».
Dans le premier de ces ouvrages, dit M. S.. M. Rothan a voulu montrer les causes
d'une guerre qui a été si désastreuse pour nous, et il les a recherchées dans la crise
qui a précédé et suivi Sadowa. Le lien, en effet, est intime entre les événements qui
ont amené le traité de Prague et ceux qui ont amené le traité de Francfort; on y
suit les conséquences progressives des mêmes fautes initiales; la politique de 1866
avait creusé l'abîme sous les pieds de la France, la politique de 1870 l'y précipita.
Quant à « l'affaire du Luxembourg », si peu étudiée jusqu'ici et presque ignorée du
public, elle est « le prologue instructif et malheureusement inutile de la catastrophe
de 1870... mais M. de Moustier a tenu le gouvernail et donné le coup de barre
qui sauve de l'écueil ». Le volume se termine par un art. sur La diplomatie et le
progrès.
— La librairie Léopold Cerf vient de publier un petit livre utile, le Manuel prati-
que pour V application de la loi sur l'instruction obligatoire, par MM. Edm. Benoit-
Lévy et F. B. Bocandé, avocats à la cour d'appel de Paris (avec une préface par
M. Jean Macé, président de la Ligue de l'enseignement). Ce Manuel contient le ré-
sumé des débats parlementaires, le commentaire de la loi, les circulaires, arrêtés et
décrets relatifs à son application, et une table alphabétique détaillée. (In-8°, vin et
144 p. 1 fr.).
— La Société historique — le premier cercle fondé à Paris qui se soit donné pour
but de réunir les hommes d'étude, professeurs, écrivains et amis des lettres — a
tenu samedi soir, 1 1 novembre, une assemblée générale dans les salons du Cercle,
2i5, boulevard Saint-Germain. Le président, M. G. Monod, a rendu compte des
travaux de la Société. Elle compte aujourd'hui plus de 400 membres et devra, dès
l'année prochaine, agrandir son local. Elle publiera, dès le mois de décembre, un
Bulletin destiné à tenir tous les membres au courant des affaires et des actes de la
Société, et a commencé le 2 5 novembre une série de conférences bi-mensuelles. Les
premières seront faites par MM. A. Sorel (Etat des esprits en France avant la
Révolution), G. Paris. (le Parzival), Cordier {le Tonkin), Renan, etc. La salle des
Revues compte actuellement plus de 80 recueils périodiques, et la salle des jour-
naux, tous les journaux politiques français et un grand nombre d'étrangers, YAllge-
meine Zeitung, la Kœlnische Zeitung, la Neue freie Presse, le Times, le New York
Herald, la Epoca, etc. Le cercle de la Société historique a été baptisé Cercle Saint
Simon; la maison où il est installé se trouve justement au coin du boule-
vard Saint Germain et de la rue Saint-Simon.
— M. Jules Simon a été nommé, le 1 1 novembre, secréiaire perpétuel de l'Académie
des sciences morales et politiques, en remplacement de M. Mignet, démissionnaire.
458 REVUE CRITIQUE
ALLEMAGNE. — Nous avons donné, dans un de nos précédents numéros (n° 46,
p. 3g5), sur le 36° congrès des philosophes allemands, des renseignements que nous
complétons aujourd'hui. Le congrès qui a eu lieu à Carlsruhe, comptait près de
53o membres, parmi lesquels MM. Eckstein,Urlichs, E.Gurtius, Nissen, Studemund,
R. Schoell, Wachsmuth, Zangemeister, von Duhn, Hartel, Hug, Christ, Herzog,
Clemm, Schiller, etc. La session s'ouvrit le mercredi 27 septembre; M. Genthe, de
Hambourg, exposa dans cette journée les rapports des Grecs et des Romains avec la
mer Baltique. Le lendemain, M. Studemund, de Strasbourg, fit une lecture sur Deux
comédies parallèles de Diphile (l'original de la Vidularia est, comme celui du Ru-
dens, une comédie deDiphile) et M. E. Curtius parla près de deux heures sur les
fouilles d'Olympie. Le 29 septembre, M. Hettner, de Trêves, lut un mémoire sur la
civilisation en Gaule et en Germanie sous la domination romaine ; et M. Bœckel, de
Carlsruhe, une notice sur Hermann Kœchly. Le samedi, 3o septembre, M. Ziegler,
de Bade, traita des commencements de la philosophie alexandrine et M. Soltau, de
Saverne, de l'origine du census et de la censure à Rome. Telles sont les lectures
principales faites dans les quatre séances de l'assemblée générale^ mais il faut citer
encore les différents travaux des sections : i° section pédagogique, discours de
M. Schiller, de Giessen, sur l'enseignement du grec d'après la réforme des gymnases
en Prusse et le « scriptum » grec dans l'examen de maturité : 20 section archéolo-
gique, mémoire de M. H. Blùmner, de Zurich, sur le « nudus talo incessens » de
Polyclète; de M. Urlichs, de Wurzbourg, sur Phidias à Rome; de M. Holm, de
Palerme, sur la retraite des Athéniens après le siège de Syracuse ; de M. E. Cur-
tius, sur la restitution du fronton oriental du temple d'Olympie; 3° section philo-
logique, mémoire de M. Hug, de Zurich sur la critique des manuscrits de la Cyro-
pédie de Xénophon; de M. Hanssen, de Strasbourg, sur la collection des Anacreontea
contenue dans le codex Palatinus; de M. May, d'Offenbourg, sur l'usage des auteurs
classiques chef certains chroniqueurs du moyen-âge; etc.; 40 section romane et
germanique (voir Revue critique, n° 46, p. 3g5). Sur la proposition de M. Eckstein,
l'assemblée a désigné Dessau comme siège de la prochaine session.
— Le Ier volume des Commentationes philo logae Jenenses (Leipzig, Teubner.
In-8°, îv et 2 38 p. 5 mark) ou dissertations de philologie publiées par les direc-
teurs du séminaire philologue de l'Université d'Iéna, renferme les études suivantes :
de M. Gundermann, De Julii Frontini strategematon libro qui fertur quarto ; de
M. Sarrazin, de Theodoro Lectore Theophanis fonte praecipuo ; de M. Sauerbrei*
une étude sur les sources du XlVe et du XV" livre de Zonaras.
— Outre l'édition d'Hérodien, par M. L. Mendelssohn, que nous avons récemment
annoncée, la librairie Teubner, de Leipzig, fera prochainement paraître les ouvrages
suivants : Nektar und Ambrosia, driite Vorarbeit %u einem Lexikon der griech. u.
rœmischen Mythologie, par M. W. Roscher; le Ier vol. d'une Geschichte und System
der rœmischen Staatsverfassung, par M. E. Herzog (paraîtra en août i883 et trai-
tera de la constitution sous les rois et la république) ; une 4» édition du Tacite, de
feu Halm ; une édition de la Thébaïde, par M. Ph. Kohlmann (YAchilléide a paru en
1879); une édition de YAlexiade, d'Anne Comnène, par M. Aug. Reifferscheid (en
deux volumes).
— Parmi d'autres livres sur le point de paraître, on nous cite, de M. A. Bastian,
I. Vœlkerstœmme am Brahmaputra u. verwantschaftliche Nachbarn; II. Inselgrup
peu Océaniens (Berlin, Dûmmler); de M. A. Bœtticher, Olympia, das Fest und seine
Stœtte nach den Berichten der Alten, Ergebnissen der deutschen Ausgrabungen
(Berlin, Springer); de M. Humbert, Molière in Deutschland ; de M. Heinr.
Korting, Corneilles religiœse Dichiungen (Oppeln, Frank); de M. G. Koehler,
d'histoire et de uttératurk 459
Die Schlachten von Nicopoli und Warna (Breslau, Koebner), etc.; de M. Bernh.
Sepp, die Zeuss'sche Hypothèse ùber die Herkunft der Baient (Munich, Ackermann);
de M. Kuno Fischer, Kant und seine Lehre (Munich, Bassermann).
— Nous avons parlé autrefois d'une collection d'écrits pédagogiques, devenus rares,
du xvi» et du xvne siècle, que M. Aug. Israël publie à Zschopau, chez l'éditeur Ra-
schke; nous avons donné les titres des trois premiers fascicules; depuis, six autres
fascicules ont paru; ce sont les suivants : IV. Wie man die jugendt in guten sitten
und christenlicher %ucht ufer^iehen uund leeven scelle, ettliche kurt\e underwysung,
durch huldrychen Zvinglin beschrieben; — V. 1. Eine Predigt Martin Luther' s,
das man Kinder \ur Schulen halten solle ; 2. Von Schulen, letzter Abschnitt aus dem
Unterricht der Visitatorn ...jtzt durch D. Martin Luther corrigiert;— VI. 1. Leon-
hardi Aretini de studiis et litteris ad illustrent dominam Baptistam de Malatesta
Tractatulus ; 2. Jacobi Purliliarum comitis de generosa liberorum educatione libel-
lus ; — VII. Sieben bœse Geister, welche heutigen Tages guten Theils die Kùster
oder so genandte Dorjf-Schulmeister regieren, mit angefûgten sieben Kùster- Tu-
genden; — VIII. Des durchlauchtigen Hochgebornen Fùrsten und Herren, Herren
Augusti, Her\ogen %u Brunswyg und Lùneburg pp. Schul-Ordnung; — IX. Ein
schrifft Philippi Melanchtonis an ein erbare Stadt, von anrichtung der Latinischen
Schuel.
— M. W. Mûller s'est fait connaître honorablement par les volumes qu'il publie
depuis 1867 sous le titre «Histoire politique du présent ». L'ouvrage qu'il fait paraître
aujourd'hui sur « l'histoire et la politique de l'Europe de 1871 à 1881 » (Europœis-
che Geschichte und Politik, 1871-1881, 3erlin, Springer. In-8°, XVI et 304 p.
4 mark) est un résumé clair et intéressant des événements qui se sont accomplis
dans l'espace de ces dix années; M. M. n'a eu besoin, pour composer ce récit, que
de coordonner, en les abrégeant, les informations qu'il a rassemblées dans les volu-
mes de sa Politische Geschichte der Gegemvart. Comme ces volumes, son livre ex-
pose successivement l'histoire de chaque nation; d'abord l'empire allemand (pp. 1-
87), et, à la suite des pages consacrées à l'Allemagne, le récit de « la crise orientale »
(pp. 88-147) jusqu'à la bataille de Tell-el-Kebir ; puis la France (pp. 148-179);
l' Autriche-Hongrie (pp. 180-201); la Grande-Bretagne et l'Irlande (pp. 202-223); la
Russie (pp. 224-237); l'Italie (pp. 238-25o); l'Espagne et le Portugal (pp. 25 1-266);
la Belgique et la Hollande (pp. 267-276); les pays Scandinaves (pp. 277-283); la
Suisse (pp. 286-293) ; les Etats non européens (pp. 294004). Ce volume de M. W. Mûl-
ler rendra de grands services, et nous le recommandons à tous ceux qui étudient
l'histoire contemporaine et qui ont besoin d'un manuel renfermant les dates des
événements et un récit d'ensemble net et précis.. Mais que dire des expressions « den
hohen Grad von Unverschœmtheit und Hochmuth », à propos des « débuts » des
députés de l'Alsace-Lorraine au Reichstag (p. 43)? A la même page, on apprend
avec étonnement que, sur ces quinze députés, dix étaient cléricaux et cinq seule-
ment partisans de la protestation! P. 45, est-il exact que « les visites que l'empe-
reur fit en Alsace aboutirent favorablement » (fielen gûnstig aus), et qu' « il fut reçu
avec enthousiasme par les habitants du Landkreis de Strasbourg? » P. 172, pour-
quoi ne pas nommer les trois ministres soumis à l'influence de M. Gambetta?
P. 177, pourquoi ne citer que la nomination du général de Miribel (et non Miribel
tout court), et oublier celle de M. Weiss, qui fit plus de bruit encore? P. 162, lisez
de Rochebouêt et non « De la Rochebouet ».
AUTRICHE. — Il a paru à la librairie Gerold, de Vienne, un volume intitulé
« Extraits des papiers de Wilhelm de Tegethoff » (Aus Wilhelm von Tegethoffs
Nachlass. In-8°, 371 pp. 7 mark 60). Ce volume renferme une biographie du vain-
460 REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
queur de Lissa, par M. Adolf Béer (89 p.) ; puis des extraits de la correspondance
privée Je Tegethoff (en grande partie, des lettres à son père) ; enfin des rapports
de l'amiral à l'archiduc Ferdinand Max.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 2 a novembre 1882.
M. le ministre de l'instruction publique écrit à l'Académie pour l'informer que
M. Geffroy a pris la résolution de quitter la direction de l'école française de Rome.
Le ministre insiste sur les regrets que lui cause cette détermination et prie la com-
gagnie de lui présenter deux candidats pour les fonctions de directeur de l'école. —
.envoyé à la commission des écoles françaises d'Athènes et de Rome.
M. de Puymorin, lieutenant-colonel du 16e régiment d'infanterie, président de la
commission archéologique du Kef (Tunisie), envoie des inscriptions, accompagnées
de lettres explicatives, qu'il a reçues de M. le Dr de Balthazar, de Bordj Messaoudi.
M. Hauréau dépose sur le bureau un autre envoi de M. de Puymorin, comprenant
un nombre considérable d'inscriptions recueillies autour du Kef, Ces divers docu-
ments seront examinés par M. Léon Renier.
M. Lefebvre, notaire à Paris, adresse à l'Académie un extrait du testament de
M. Lazare-Eusèbe Lefèvre-Deumier, propriétaire, décédé à Paris le 23 juillet 1882.
Par cet acte, M. Lefèvre-Deumier a légué à l'Académie des inscriptions et belles-let-
tres et à l'Académie des sciences morales et politiques une rente annuelle et perpé-
tuelle de 4,000 fr., pour fonder un prix de 20,000 fr. qui sera décerné, tous les
cinq ans, « à l'ouvrage le plus remarquable sur les mythologies, philosophies et re-
ligions comparées. » Le prix sera décerné alternativement par les deux Académies, le
tour de chacune revenant ainsi, tous les dix ans; le premier tour appartiendra à l'A-
cadémie des sciences morales et politiques. Les Académies n'entreront en jouissance
de ladite rente que quinze ans après le décès du testateur. — Renvoyé à la commis-
sion des travaux littéraires.
M. Oppert fait une communication, sous ce titre : la plus ancienne date chaldéenne
connue jusqu'ici. La chronologie chaldéenne est fort incertaine, surtout pour les
époques les plus éloignées de nous. La découverte d'un document qui fixe la date
d'un des plus anciens rois de Chaldée est donc précieux au point de vue historique.
M. Pinches, assistant au British Muséum, vient de lire, sur un cylindre conservé au-
jourd'hui dans cet établissement et qui a été trouvé à Abou-Habba, le site de la
ville antique de Sippara, une inscription du roi Nabonid, qui régna de 555 à 538
avant notre ère. Ce roi y parle de fouilles entreprises par son ordre au temple du
Soleil d'Agarde et à Sippara et raconte comment ces fouilles ont mis au jour une
inscription du roi Naram Sin : « L'inscription de Naram Sin, fils de Sargon, dit-il,
que depuis 3200 ans aucun roi parmi nos prédécesseurs n'avait vue, Samas, le
grand seigneur de Tparra, le séjour de son cœur joyeux, me l'a révélé. » Ainsi Na-
bonid comptait, depuis Naram-Sin, jusqu'à lui, 3200 ans. Si donc cette indication
est exacte (ce qu'il nous est malheureusement impossible de vérifier), Naram-Sin
dut régner vers l'an 3y5o, et Sargon, son père, environ vers l'an 38oo avant notre
ère. Ces deux rois étaient déjà connus par plusieurs textes, mais on ignorait à quelle
époque ils avaient vécu. Le plus curieux des documents que nous possédons sur
Sargon est un texte où il raconte comment il avait été, dans son enfance, exposé
sur les eaux dans une corbeille et sauvé par un paysan ; c'est un récit assez sembla-
ble à celui de la Bible sur Moïse.
M. Benoist commence la lecture d'un mémoire intitulé : De l'interpolation qu'on a
cru reconnaître dans Horace
Ouvrages présentés : — par M, Alfred Maury : Œuvres de A. de Longpérier, réu-
nies et mises en ordre par Gustave Schlumberger, t. I ; — par M. Miller : Harrisse
(Henry), Jean et Sébastien Cabot, leur origine et leurs voyages, etc. (Recueil de voya-
ges et de documents pour servir à l'histoire de ta géographie, etc., t. I; — par M. Le
Blant : Corblet (l'abbé Jules., Histoire dogmatique, liturgique et archéologique du
sacrement du baptême, 2 vol., — par M. Heuzey : Reinach (Salomon), Description
des antiquités du musée impérial de Constantmople ; — par M. Delisle : Robert
(Ulysse), Inventaire sommaire des manuscrits des bibliothèques de France dont les
catalogues n'ont pas été imprimés, 3' fascicule (de Dijon à Èice).
Julien Havet.
Le Provriétaire-Gérani : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marcnessou nls, boulevard Saint- Laurent, z3
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N° 50 — 11 Décembre — 1882
Sommaire î 246. Hovelacque, Les races humaines. — 247. Funk, Vie de Poly-
carpe. — 248. Ruelens, Le peintre Adrien de Vries. — 249. Le P. Joseph Bou-
gerel, prêtre de l'Oratoire. — 25o. Correspondance littéraire, philosophique et
critique par Grimm, Diderot, Raynal, Meister, p. p. Tourneux. — Chronique. —
Académie des Inscriptions.
246. — Les races lmnaaines. par Abel Hovelacque. professeur à l'Ecole d'An-
thropologie. Paris, Cerf, 1882, i5g p. in-12. Prix : 1 fr.
On a dit souvent que la science consiste à savoir ignorer beaucoup de
choses : mais bien rares sont les savants qui savent borner leurs préten-
tions, reconnaître les lacunes de nos connaissances (et surtout des leurs),
s'abstenir de dogmatisme et d'ambitieuses affirmations. C'est surtout
dans tout ce qui touche l'histoire de la race humaine que ces défauts sont
frappants; on veut ramener la variété à l'unité d'une classification
complète, et l'on prétend reconstruire l'arbre généalogique des races
humaines. La confusion s'augmente lorsque — et jusqu'ici c'a été géné-
ralement le cas — on ne distingue pas nettement entre les données de
la linguistique et celles de l'anthropologie. L'unité et la parenté des
langues ne préjugent en aucune façon l'unité et la parenté des êtres
humains qui les parlent, souvent même il y a contradiction absolue.
Si nous rappelons ces règles de la méthode en ethnographie qu'on
voit si rarement observées, c'est pour dire que M. Hovelacque les a
fidèlement suivies, — ce qui est encore une nouveauté — et que son
livre est une œuvre d'excellente critique. Etant à la fois linguiste et
anthropologiste, il a su (mérite rare) distinguer les données de deux
sciences qu'il pratique également. Il a su en même temps s'abstenir de
vouloir faire une classification des races humaines, ambition prématurée
dans l'état actuel de la science, et il a simplement présenté les faits dans
leur variété naturelle, sans théories et sans hypothèses.
Dès la première ligne, M. H. établit ces antinomies de l'ethnographie
en termes excellents et nous croyons utile de les reproduire parce qu'il
s'agit de préjugés très répandus dans les livres et par les livres : « C'est un
procédé fort vicieux que celui qui consiste à diviser les races, comme on
l'a fait souvent, en races blanches, jaunes, noires : c'est faire abstraction
de caractères tout aussi importants que celui de la couleur de la peau. Il
y a, par exemple, des différences profondes entre le Noir du Soudan et
le Noir des Iles Andaman, entre le Noir du sud de l'Inde (Dravidien) et
le Papou de la Nouvelle-Guinée. Les caractères tirés de la nature des
Nouvelle série, XIV. 24
462 REVUE CRITIQUE
cheveux, de la forme crânienne, de la taille sont également des caractè-
res de premier ordre, mais ils ne peuvent servir de bases, eux non plus,
à une classification ethnographique. Il suffit de se rappeler que certai-
nes races noires ont les cheveux raides, d'autres les cheveux crépus ;
que certaines de ces mêmes races ont la tête allongée et que d'autres
l'ont relativement arrondie '. — Même impossibilité d'adopter un grou-
pement linguistique. En effet, une seule et même famille linguistique
est propre, bien souvent, à des peuples très différents les uns des autres :
exemple, les Lapons et les Finnois, si divers par la race, et parlant deux
idiomes qui appartiennent à une seule et même souche... Il n'y a pas
un critérium unique pour la classification des races humaines. » M. H.
revient plus d'une fois sur cette idée (pp. io5, m, 145, 149); et il a
raison, car le préjugé né de cette confusion est fortement enraciné, et
n'est pas près encore de disparaître.
Lorsqu'on s'abtient de classification, on est pourtant forcé d'adopter
certain ordre pour l'exposition des faits. C'est ce qu'a fait M. H. ; mais
le lecteur était prévenu et il savait simplement lire une description des
races existantes, tenant compte de tous les faits scientifiquement consta-
tés, mais absolument dégagée de théories et d'hypothèses. M. H. s'est
attaché surtout aux races inférieures : «Pou. les peuples sémitiques et
pour les peuples européens, dit-il, nous avons été d'une grande conci-
sion. Cela a été voulu. Il nous a semblé utile d'insister plus particuliè-
rement sur la description des populations le moins connues ».
Le livre de M. H. étant le résumé d'un immense sujet, nous n'en pou-
vons donner l'analyse : nous nous bornerons à louer la bonne disposition
des matières, la sobriété de l'exposition et la précision du style. Comme
exemple de sa manière, nous citerons seulement le portrait qu'il trace
du Juif. « L'Hébreu, conservateur lui aussi [M. H. vient de parler de
l'Arabe], a un amour-propre remarquable. Il a l'esprit ouvert, facile,
excessivement souple, et se plie à toutes les nécessités sociales. Les
besoins de l'existence, telle qu'il la comprend, en ont fait l'homme le
moins propagandiste qui soit au monde : il est, avant tout, l'homme de
la tradition familiale. Il vit dans la civilisation européenne et demeure,
malgré tout, fidèle à ses opinions particulières : il se contente de les
1. Qu'il nous soit permis de rappeler qu'il y a longtemps déjà, dans un article sur
l'ethnographie générale, nous avons exprimé les mêmes critiques sur les théories en
honneur chez les anthropologistes. Notre conclusion était celle-ci : « L'anthropolo-
gie n'aura une langue vraiment scientifique que lorsqu'elle adoptera une notation
analogue à celle de la chimie, et qu'au lieu de parler de race celtique, ou de race
germanique ou de race slave, termes chimériques et faux, elle représentera dans un
monogramme de lettres et de chiffres le crâne, l'angle facial, les cheveux, les os
longs, etc., de la race humaine qu'elle veut déterminer, comme le chimiste représente
par un monogramme de lettres et de chiffres la nature d'un composé chimique. Tant
que les anthropologistes n'en viendront pas là, les ethnographes auront le droit de
leur dire qu'ils ne font qu'embrouiller l'ethnographie avec des entités. » Feuilleton
de la République Française du 10 juillet 1874-
D'HISTOIRE Et DE LITTÉRATURE 46 3
soustraire, dans la mesure du possible, à l'investigation des étrangers : la
religion du Juif est, à l'heure actuelle, sa nationalité. »
Nous terminerons par quelques observations de détail.
« Le profil du vrai type juif, dit M. H. (p. 139) rappelle le profil
accentué du bouc. Mais à côté de ce type fin, il se rencontre un type
plus grossier, à cheveux fort ondulés ou un peu crépus, à lèvres assez
grosses, à nez beaucoup plus large. » M. H. omet de dire que cette
dualité de type correspond à la division de la race juive (au moins d'Eu-
rope) en deux branches, les Sephardim et les Aschkenasim .
Il nous paraît fâcheux d'employer le terme indien pour « habitant de
l'Inde » : ce nom, par une erreur trop ancienne dans la langue pour
qu'on puisse la déraciner, éveille plutôt l'idée d'habitant de l'Amérique.
C'est sans doute par distraction que M. H. l'emploie p. 8, car, ailleurs,
il se sert (avec justesse, selon nous) du nom d'Hindous.
Ce volume est orné d'un certain nombre d'illustrations ; elles sont
utiles quand elles mettent sous les yeux du lecteur des types nettement
caractérisés par la conformation physique ou par des déformations
traditionnelles. Mais à des « images » qui représentent un campement
de Bédouins ou une Grecque ou une Italienne, nous préférerions quel-
ques cartes donnant d'un coup d'ceil la distribution géographique des
races que décrit l'auteur. C'est la seule lacune que nous signalerons
dans l'excellent résumé de M. Hovelacque '.
H. Gaidoz.
247. — Vita et conuersatio I*olycai'pi (Opéra patrum apostolicorum rec. ill.
F. X. Funk, Tubingue, Laupp. 1881, t II, p. 3 1 5 à 357) 2.
M. Funk partage l'opinion de M. Duchesne sur l'époque où cette Vie
a dû être écrite et sur la valeur qu'il convient de lui attribuer. Mais il
doute qu'elle soit du même auteur que le Martyre de Polycarpe, qui
la suit dans le ms. Il est certain que l'interprétation des premières lignes
de la Vie, sur laquelle on fonde cette identification, est erronée. Mais la
place que les deux documents occupent dans le ms. ne prouve pas grand
chose non plus, et l'épilogue au moins du martyre pourrait bien être
précisément de celui qui a composé la présente Vie.
M. F. accompagne le texte grec de la traduction latine que Bolland a
insérée dans les Actes des saints. Il indique au bas des pages les passages
bibliques. Mais il n'y a pas d'index. Quant au texte, M. F. annonce
qu'il a voulu le corriger le moins possible, cum prauitas sermonis non
tam librario alicui quam auctori scripturœ tribuenda esse uidcatar.
1. Dans le prochain tirage, il faudra, p. 23, 1. 10, écrire : ils l'introduisent — au
lieu de : ils les introduisent...
2. Comp. Revue critique, 1882, t. II, p. 36i (6 novembre).
464 RKVUE CRITIQUE
Je crois pourtant que si M. F. veut bien parcourir mon précédent ar-
ticle, il adoptera la plupart des corrections que je propose. Et cependant
je n'ai tenté que les émendations les plus faciles ; je n'ai pas touché à
plusieurs altérations des plus graves. M. F. lui-même a corrigé,
outre plusieurs fautes d'impression (accents, ponctuation, etc.), une
dizaine de passages où il est évident que l'auteur n'a pu écrire ce qu'on
lit dans le ms. Je suis heureux de me rencontrer avec M. F. dans quatre
émendations, pp. i5, 25 (Duchesne) =r 3 18, 34 (Funk) '; 22, i5 == 33o,
23 ; 29, 19 == 342, 21 ; 33, j i — 348, 3i, dans trois desquelles d'ail-
leurs Bolland nous a précédés tous deux. Pour le reste, je ne m'accor-
derais pas également avec M. Funk. P. 14, 9 r= 3 16, 19 ^exà hï ttjv tou
àTOcrxôXou âçiÇiv SteBécjaTO 6 Expaxafaç rrçv SiSaaxaXiav xai xiveç twv \xex 'auxcv, aJv
là [ih ov6[xaTa àva^pa^o^at; il est difficile de croire que l'auteur se soit
si mal exprimé. Mais la correction de M. F., jjlsx 'aùxou (alii quidam
cum ipso, AA. SS.), ne satisfait pas non plus; on s'attendrait plutôt
à xat tivsç [j.£T 'aùxbv àXXot, £>v. 16, 21 = 320, 25, h. pour tyj : je préfère
Ttj 17, 24 r: 324, 21, xal &|AiXeTv pour xatO' o^iXetv : y.<x\ xa6oy,iXsïv de
M. D. me paraît préférable. P. 20, 4 = 326, i9,Xé*fovxaç ms., XeYOfjiivouç
M. Funk, qui, dans la préface, incline à adopter la correction de M. D.,
àst ovtocç : je ne comprends ni Tune ni l'autre; l'altération du texte me
paraît être bien plus étendue. Enfin, 3j, 18 = 356, 16, Sbç... aTcépixaia
Tô cTrstpovu (au semeur, en général) pour (îwefpavTt (celui qui a semé, cette
année) n'est pas précisément nécessaire, bien qu'on y gagne une antithèse
plus complète avec àpxov dq ppwatv.
Je profite de cette occasion pour signaler encore une lacune p. 16, 7
= 320, 1 1, après xapaxsXeusaOai, et pour souligner le point d'interroga-
tion à la correction 19, 12, qui est insuffisante.
Max Bonnet.
248, — Notices et documents, Le peintre Adrien de Vries» par C.
Ruelens. Anvers, imprimerie veuve Backer, 1882. Brochure grand in-8° de 60 p.
(Extrait du Bulletin Rubens}.
La chroniqe de la Revue a eu soin d'appeler l'attention sur la création
du Bulletin-Rubens. Annales de la commission officielle instituée par-
le conseil communal de la ville d'Anvers pour la publication des do-
cuments relatifs à la vie et aux œuvres de Rubens. Trois livraisons du
Bulletin ont déjà paru et ont pleinement justifié les espérances mises
tout d'abord en un recueil rédigé par une commission formée de quel-
1. M. D. avait adopté la division en paragraphes des AA. SS., sans les chapitres,
M. F. donne les chapitres sans les paragraphes, mais avec des subdivisions nou-
velles, de sorte qu'on a la plus grande peine à se retrouver d'une édition à l'autre. On
ne saurait nssez protester contre cette mauvaise habitude des éditeurs de rendre les
recherches plus compliquées par une chose qui n'a d'utilité que si elle les simplifie.
t>'HISTO[RE KT DE LITTÉRATUUh 4Ô5
queS uns des meilleurs travailleurs de la Belgique, présidée par un émi-
nent érudit tel que M. Gachard et ayant pour secrétaire un homme dont
le zèle, l'activité, les connaissances si vastes et si variées sont des plus
remarquables, M. Ruelens. La plus importante des communications
faites jusqu'à ce jour au Bulletin est due à ce dernier : c'est l'étude sur
Adrien de Vries, laquelle se compose d'une intéressante notice et d'in-
téressants documents inédits.
La notice, je me hâte de le dire, n'est pas complète, définitive. M. R.
a rappelé ce que l'on savait du peintre flamand ; il a introduit dans la
biographie de ce peintre un grand nombre de faits nouveaux. Mais, mal-
gré toutes ses recherches, l'obscurité, l'incertitude subsistent encore sur
quelques points, et ce qui rend les difficultés, sinon invincibles, du
moins fort considérables, c'est l'existence de plusieurs artistes du même
nom, Abraham de Vries, Vredeman de Vries, Jean Renier de Vries. On
a attribué aux quatre homonymes les œuvres des uns et des autres : dans
les recueils biographiques, comme dans les catalogues des musées, règne
un confus chassé-croisé. M. R. a diminué, autant qu'il était possible, un
imbroglio si compliqué. Il a, d'une main sûre, planté des jalons qui gui-
deront les futurs chercheurs, et s'il n'a pas, du premier coup, trouvé
toute la vérité, on peut dire qu'il a, du moins, très bien préparé la voie
pour ceux qui s'efforceront de le dépasser.
Les documents dont la notice est accompagnée sont au nombre de dix-
huit. 11 y a là une lettre adressée par de Vries à Peiresc dans les der-
niers jours de l'année i63o *, tirée de la Bibliothèque nationale (F. F.
9542), et dix-sept lettres adressées par Peiresc à de Vries, du i3 mai
1625 au 18 janvier i63o, tirées de la bibliothèque de Carpentras. Dans
ces dix-sept lettres, le savant magistrat provençal s'occupe surtout des
portraits de divers personnages célèbres dont il serait heureux d'enrichir
sa belle collection et qu'il demandait à l'habile pinceau du compatriote
de Rubens. Tantôt il réclame le portrait de Guillaume de Catel, con-
seiller au parlement de Toulouse, l'auteur de Y Histoire des comtes de
Toulouse et des Mémoires sur l'histoire du Languedoc ; tantôt il ré-
clame le portrait de François Rancjiin, « professeur en médecine » à
Montpellier, l'auteur du Traité de la peste 2. Ailleurs, il charge son
protégé de peindre le cardinal de Sourdis, archevêque de Bordeaux, dont
il veut loger le portrait « auprès de celui de N. S. P. le Pape [Ur-
1. Cette lettre ne porte pas de date, mais comme de Vries y annonce à Peiresc
que « M. Rubens s'est remarié avec une fille, dit-on, de dix-sept ans », et comme le
second mariage du grand peintre fut célébré le 6 décembre i63o, on voit qu'elle a
dû être écrite quelques jours après l'événement.
2. C'est, dit Peiresc (p. 49), « le plus curieux personnage qui soit en ce pais-là.
J'ay esté si malheureux de ne l'avoir jamais rencontré d'une infinité de foys que je
suis allé pour le voir, que je le désire en portraict pour l'amour que je porte à sa
vertu et à son mérite ». Le portrait de Ranchin fut envoyé à Peiresc l'année sui-
vante (p. 49). Ce dernier ajoute (p. 5o) que « chacun le tient en chef-d'œuvre ».
466 RKVUfi CRITlQUh
bain VIII] et de ceux des cardinaux Barberini et de Sainte-Suzanne » '.
Ailleurs encore sont mentionnés, entre autres desiderata du fervent
collectionneur, les portraits du cardinal de Richelieu, de Claude de Sau-
maise appelé (p. 24) « un des plus doctes hommes de l'Europe », du
P. Sirmond, du secrétaire d'Etat, Henri-Auguste de Loménie, seigneur
de la Ville-aux-Clercs, d'un autre secrétaire d'Etat, Charles de Beauclerc,
que ses contemporains ont souvent appelé le Beauclerc, de Nicolas Ri-
gault, etc. Signalons dans la correspondance de Peiresc avec de Vries
divers curieux détails sur Rubens 2, Van Dyck, Finsonius \ Simon
Vouet; sur divers autres peintres moins illustres, tels que le sieur de
Chalette, qu'il faut sans doute identifier avec l'artiste auquel M. Ros-
chach a consacré une monographie intitulée : Jean Chalette de Troyes,
■peintre de V hôtel-de-ville de Toulouse (Troyes, 1868, in-8°) 4, Faveau,
Vignon ; sur la veuve du peintre Bunel ; sur un amateur dont s'est oc-
cupé feu M. Clément de Ris dans le Bulletin du Bibliophile de janvier
1875, Claude Maugis, abbé de Saint-Ambroise, aumônier de Marie de
Médicis ; sur M. de Lorme, trésorier de France à Bordeaux, un des cor-
respondants de Balzac, qui lui donne aussi le titre de médecin ordinaire
du Roy 5, sur l'archéologue d'Aix, Boniface Borrilly, qui, jaloux de la
beauté de la copie faite par Rubens du camée dont nous avons déjà
1. Voici la suscription de cette lettre (8 juin 1626) : « A Monsieur de Vris, excel-
lent peintre flamand, à Bordeaux ». On y lit un magnifique éloge (p. 5i) de la copie
faite par Rubens du fameux camée, dit de la Sainte-Chapelle, aujourd'hui ornement
incomparable du Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale. Peiresc déclare
que cette peinture « est merveilleusement bien digne de son auteur », et digne aussi
« de la plus belle pierre précieuse qui ait jamais esté au monde ». Sur le portrait du
cardinal de Sourdis, que Peiresc trouva « très bien faict », voir la lettre du 26 août
1627 (p. 12).
2. Peiresc félicite de Vries (p. 16) du plaisir qu'il aura, en un voyage projeté à An-
vers, « de voir le travail de M. Rubens et de ces autres grands hommes de vostre
vocation qui y sont et qui y naissent journellement ». Pouvait on mieux célébrer
l'inépuisable fécondité de la ville d'Anvers considérée comme la patrie de tant d'ad-
mirables peintres?
3. Ce fut moy, dit Peiresc (p. 29), « qui addrcssay feu M. Finsonius à feu M. de
Vie ».
4. Le nom de ce peintre, auquel Peiresc écrivit, le 8 mai 1G27, une lettre que j'ai
sous les yeux (A M. de Chalette, peintre du Roy, à Tholose), a été (p. 5o) changé en
celui de Challet. M. R. a bien raison de dire (p. 11) que les minutes des lettres de
Peiresc à de Vries « sont en petite écriture, assez difficile à déchiffrer ». Aucun de
ceux qui ont vu les hiéroglyphes tracés par tels et tels des secrétaires de Peiresc ne
reprochera quelques fautes de lecture au savant conservateur des manuscrits de la
bibliothèque royale de Bruxelles (par exemple, p. 12, M. le Bernoliev pour M. le
Beauclerc, et « vous y estes desja attendu en bonne direction », pour « vous y estes
desja attendu en bonne dévotion »). En voyant un paléographe aussi expérimenté et
aussi renommé commettre ces petites fautes, je me persuade qu'on sera d'autant plus
indulgent pour les fautes plus graves que ne manquera pas de commettre le futur
éditeur de la correspondance de Peiresc.
5. Œuvres, i665. in-f", p. 367.
d'histoire et de littéuaturk 467
parlé, a vouloit jeter tout son cabinet par la fenestre, de dépit de n'avoir
rien de comparable à cela * '.
Il ne me reste plus qu'à reproduire quelques passages d'une lettre
inédite de Peiresc, laquelle complète soit ce que ce grand homme a dit
du mystérieux peintre flamand, en le recommandant avec une si chaude
cordialité aux frères Du Puy 2, soit ce qu'il lui a si aimablement dit à
lui-même dans les documents publiés par M. Ruelens. Voici comment,
le i3 mai 1625, Peiresc vantait le talent et le caractère d'Adrien de
Vries à M. de Maran, conseiller au parlement de Toulouse 8 : « Mon-
sieur, vous recepvrez ceste lettre par les mains de M. Vris qui est pain-
tre de sa profession, mais excellent et d'ailleurs bien dotté et de la plus
grande connoissance qui se puisse voir. Il a demeuré quelque temps en
ceste ville [Aixj où il a laissé une trez bonne odeur et une infinité d'a-
miz et n'a pas voulu faire sa retraicte sans aller voir la célèbre ville de
Thoulouse. Je vous supplie de Faymer pour l'amour de moy et luy des-
partir vostre favorable adsistance pour le faire cognoistre par voz amis.
Certainement M. Vris excelle à faire des pourtraictz au naturel heureu-
sement ressemblantz et artistement elabourez, son dessein [sic] estant
grandement hardi, son relief fort apparent et son coloris des plus beaux
et non subject à aulcun changement. Il réussit encores trez bien cez
grands tableaux à grandz personnages, qui est ce qu'on estime le plus en
sa profession, et a si bien estudié et dressé son humeur qu'il est grande-
ment recommandable et digne d'estre aymé, comme je m'assure que
vous ferez. »
T. de L.
249. — Petite bibliothèque orotorienne. II. I.e pèi*e Joseph Bougerel,
prêtre de l'Oratoire. Notice biographique et bibliographique, d'après des
documents inédits. Paris, 1882, imprimerie Téqui, in-t8 de 161 p. Tiré à 5o
exemplaires numérotés.
Comme le dit (p. 5) l'auteur de l'excellent petit volume sur lequel je
viens appeler l'attention, « parmi les littérateurs qui, aux siècles passés,
ont illustré la congrégation de TOratoire, le père Joseph Bougerel mé-
1. Peiresc (Ibid.) donne cet autre pittoresque éloge à « la peinture de M. Rubens »
« J'ay esté constrainct de la mettre en un lieu où elle est toute seule, car elle tuo
tout ce qui en approchoit ».
2. Les trois lettres écrites par Peiresc en faveur de son ami de Vries ont été pu-
bliées par M. Ludovic Lalanne, le 3o juin 1861, dans le Journal des Beaux-Arts
dirigé par M. Ad. Siret. M. R., qui les cite (pp. 6-7) d'après ce recueil, mentionne
aussi (p. 8) un article sur ces mêmes lettres, inséré dans le même recueil (n° du
i5 décembre) et communiqué par M. Julius Hubner, le conservateur du musée de
Dresde.
3. Bibliothèque de Garpentras, registre des minutes S-X, f° 70 1.
468 RKVUK CRITIQUk
rite une place d'honneur, peut-être moins à cause des ouvrages qu'il
publia de son vivant, que par le nombre et l'importance des manuscrits
qu'il a laissés. » Ces manuscrits, qui ont été précieusement conservés,
ont été communiqués à l'auteur. Le plus curieux de tous est une auto-
biographie dont les extraits remplissent les 45 premières pages du vo-
lume '. On trouve là, avec les plus minutieux détails sur la jeunesse de
Bougerel (son récit s'arrête malheureusement à l'année 1720) 2, d'inté-
ressants renseignements sur le cardinal Jérôme Grimaldi, archevêque
d'Aix (p. 7), sur Daniel de Cosnac, d'abord évêque de Valence, puis
archevêque d'Aix (p. 9), sur divers jésuites et oratoriens plus ou moins
célèbres (p. 12 et suivantes), sur l'évêque de Grasse M. de Mesgrigny,
qui est le héros d'une fort piquante historiette (pp. 3i-33), sur le futur
cardinal de Fleury (p. 37), sur la peste de Marseille (pp. 40-41), etc.
Les mémoires de Bougerel sont suivis de quelques-unes de ses lettres
aux pères Lebrun et Desmolets (pp. 46-62), au président Bouhier
pp. 63-io3). Mille sujets y sont traités. Dans la lettre au savant biblio-
thécaire de l'Oratoire, le p. Desmolets, lettre qui appartient au marquis
de Clapiers, il est question surtout de deux archéologues provençaux
dont la gloire a singulièrement pâli, Claude Terrin, qui prouva le pre-
mier que la statue d'Arles était une Vénus, et Laurens Gravier, de Mar-
seille, «personnage aussi estimable par sa droiture et sa probité que par
sa grande connaissance de l'antiquité et par son goût exquis pour les
beaux-arts. » Les lettres à Bouhier, tirées, moins une, communiquée
par M. de Clapiers, de la collection qui, à la Bibliothèque nationale,
portait autrefois le nom de l'illustre érudit bourguignon 3, abondent en
indications sur le jurisconsulte Luc de Penna, sur le maréchal de
France J. B. d'Ornano, sur le chevalier Perrin, l'infidèle éditeur des
lettres de Mm- de Sévigné, sur Mathieu Marais, sur le président de Ma-
zaugues, sur Barthélémy de Chasseneuz *, etc. A côté de ces indications,
signalons les nombreuses nouvelles littéraires dont Bougerel entretient
son docte correspondant, nouvelles relatives aux écrits de la Motte, de
Voltaire, de Pope, de Boulainvilliers, de Villefore, de Gibert, de l'abbé
i. La première partie de l'autobiographie (cahier de 16 feuilles in f°) appartient à
Mme de Mainvielle, née de Bougerel. La seconde partie (cahier de 1 1 feuillets in-40)
appartient au marquis de Clapiers. «
2. Nous ignorons, dit (p. 47) le biographe de Bougerel, si l'autobiographie fut
jamais continuée, ou bien, dans le cas où il y aurait eu une suite, ce qu'elle a pu
devenir.
3. L'auteur du volume, dans une note sur Jean Bouhier (p. 63) nous donne cette
bonne nouvelle : « Outre les lettres de Bougerel, sa correspondance (Bibl. nat.,
FF. 24, 409 et suiv.) contient plusieurs autres lettres d'oratoriens que nous nous
proposons de publier un jour. »
4. L'auteur, dans sa note sur ce personnage, a oublié de citer la remarquable mo-
nographie de M. Henri Pignot : Un jurisconsulte au xvi" siècle. Barthélémy de
Chassetieu^, premier commentateur de la coutume de Bourgogne et président du
parlement de Provence, su vie et ses œuvres. Paris, L. Larose, 1880., in-8").
d'histoire et de littérature 469
Duguet, de Fénelon, de Dom Rivet, de Titon de Tillet, de Le Sage, de
l'abbé Le Beuf, de l'abbé Sallier, de l'abbé Terrasson, de l'abbé de La-
varde, etc.
Le soigneux biographe, après avoir consacré un chapitre spécial aux
ouvrages imprimés du P. Bougerel, étudie les manuscrits du savant
oratorien, et surtout le plus considérable de ses manuscrits, son œuvre
capitale, à laquelle il travailla sans interruption pendant plus de qua-
rante ans, le recueil des Vies des hommes illustres de Provence (pp. 1 1 1-
121). La description de ce recueil que possède la famille de Bougerel, et
dont une copie est entre les mains de M. de Clapiers, est tellement sé-
duisante, que tous les amis de l'érudition répéteront avec le biographe
(p. 120) : « Il serait bien à désirer que quelque savant pût mettre en
œuvre ces précieux manuscrits et en tirer les trésors de choses ignorées
qu'ils doivent contenir. ' »
Les autres manuscrits énumérés sont les suivants : Faits concernant
la Provence et les Provençaux (en 5 vol. in-40), sorte de journal des
événements arrivés en Provence que le P. Bougerel notait, en y joignant
des extraits de toutes les publications ayant trait à son pays natal
(pp. 121-222); Vie du P. Joseph Marrot (in-12 de 378 p.), vie à la-
quelle le biographe a emprunté des citations qui aident à mieux connaî-
tre l'histoire religieuse de la France au xvne siècle (pp. 223-1 38); Bi-
bliothèque des écrivains de V Oratoire (en 2 vol., in-40), ouvrage
malheureusement perdu, mais dont l'auteur du volume a retrouvé quel-
ques feuilles sur lesquelles il nous fournit de curieuses particularités
(pp. 138-145) ; le Parnasse provençal, manuscrit conservé à la Biblio-
thèque d'Aix, d'où le même auteur extrait une lettre d'Antoine Godeau,
évêque de Vence, adressée, le 1" septembre 1669, à MM- G. Venel et
de Chazelles qui l'avaient choisi pour arbitre dans une discussion sur
quelques expressions d'un sonnet (pp. 145-152).
Le petit volume, qui, comme on le voit, est si plein de choses, et de
choses nouvelles, se termine par l'éloge du P. Bougerel, tiré du manus-
crit du P. Bicaïs 2. L'auteur ne s'étant pas nommé, je ne crois pas de-
1. L'ouvrage comprend en tout 461 vies et 3Ô23 pages. Aux notices biographiques
il faut ajouter divers morceaux comme le discours préliminaire, qui renferme l'his-
toire de Marseille, une dissertation sur la patrie de Pétrone, une autre sur la patrie
du poète Gallus, une troisième sur la patrie de Cassien, une autre encore sur la pa-
trie de J. B. d'Ornano, une enfin, très importante, de 62 pages, qui a pour titre :
Justification de Jean Meynier baron d'Oppede... où Von trouvera l'existence des Vau-
dois de Cabrières et de Mirandol et la vraie cause de la mort funeste de l'avocat gé-
néral Guérin, inconnue jusqu'à présent. Mentionnons, de plus, une Histoire de V Aca-
démie d'Arles (en 5o pages).
2. Indiquons, à l'Appendice, une Table alphabétique des principaux noms cités. A
propos de ces noms, disons que quelques-uns ont été défigurés dans le volume par
des fautes d'impression. Ainsi (p. 5g) l'académicien Moreau de Mautour devient Mo-
reau de Nantour, et (p. 11 5) le gentilhomme d'Aix Galaup de Chasteuil devient
Galoup de Lasteuil. Citons, au sujet des fautes d'impression, cette phrase d'une let-
tre de Bougerel à Bouhier, phrase que presque tous, que moi surtout, nous pouvons
47° REVUR CRITIQUE
voir le nommer moi-même, mais tous ceux qui liront son volume recon-
naîtront facilement en lui un des plus laborieux et des plus savants
confrères et successeurs du P. Bougerel.
T. de L.
25o. — Correspondance littéraire, philosophique et critique par
Giiinm, niderot, Bayiial, Meister, etc., revue sur les textes originaux
comprenant outre ce qui a été publié à diverses époques les fragments supprimés
en i8i3 par la'censure, les parties inédites conservées à la bibliothèque ducale de
Gotha et à l'Arsenal à Paris. Notices, notes, table générale, par Maurice Tour-
neux._Paris, Garnier frères, 1877-1882. 16 vol. in-8° dont le dernier de 755 p.
La Correspondance littéraire fut publie'e pour la première fois en
1812-1813 : la première partie (1753-1770) eut pour éditeurs Michaud
aîné et Chéron ; Salgues s'occupa de la seconde partie (1771-1782) et
Suard de la troisième (1782-1790). Un supplément fut donné, en 1814,
par A. -A. Barbier, et le tout forma dix-sept volumes in-8°. M. Jules
Taschereau présida (1829) à la seconde édition, composée de quinze vo-
lumes, auxquels il faut joindre deux volumes supplémentaires publiés
(la même année) par MM. Chéron et Thory. La seconde édition était de
beaucoup supérieure à la première l; la troisième est, pour le texte
comme pour l'annotation, incomparablement supérieure à la seconde.
M. Tourneux, qui avait été l'excellent collaborateur et continuateur de
feu J. Assézat dans la publication des Œuvres complètes de Diderot
(vingt volumes in-8°), était naturellement désigné pour préparer l'édi-
tion définitive de la Correspondance littéraire. Il est, sans contredit,
celui de tous les érudits de notre temps qui connaît le mieux le xvnr3 siè-
cle devenu, en quelque sorte, son domaine spécial et réservé. Je ne puis,
on le comprend bien, rendre minutieusement compte des seize volumes
de la collection. Je me contenterai d'indiquer les principaux mérites et
aussi quelques-unes des imperfections d'un travail qui, en raison de son
étendue même, ne pouvait pas être entièrement irréprochable.
C'est à l'aide des manuscrits originaux du Musée ducal de Gotha, si-
gnalés dès le commencement de l'année 1867 par un recueil périodique
de Strasbourg, Le bibliographe alsacien, publié sous la direction de
M. Charles Mehl, que M. T. a pu combler la majeure partie des lacunes
qui déparent les éditions de 18 13 et de 1829. D'assez nombreuses pages
inédites de la correspondance ont encore été retrouvées dans les frag-
si bien nous appliquer : « Je vous aurois obligation si vous vouliez me marquer les
noms propres que j'ay estropiez. Il m'est arrivé ce qui arrive à toute personne qui
est remplie de son sujet : j'ay cru lire dans l'épreuve ce que j'avais dans la tête ».
1. Ni Brunet, dans le Manuel du libraire, ni Quérard, dans la France littéraire,
ne nous avaient appris, comme le fait M. Tourneux (Avertissement, p. 11), que
M. A. Chaude avait aidé M. Taschereau dans la réimpression de 1829 et avait même
publié seul les quatre derniers volumes.
d'histoire et de littérature 471
ments donnés à M. Charles Nisard par feu le marquis de la Rochefou-
cauid-Liancourt et offerts à la bibliothèque de l'Arsenal par le savant
auteur des Ennemis de Voltaire. « Ces fragments, » dit M. T. (Aver-
tissement, p. 11), « considérés quelquefois et à tort comme provenant
du portefeuille de Suard, renferment plusieurs passages supprimés par
la censure impériale qui ne font point double emploi avec le volume
publié en 1829 par MM. Chéron et Thory, mais principalement des ar-
ticles dont les éditeurs d'alors n'appréciaient pas la valeur, tels que les
comptes-rendus des salons de 1785, 1787, 1789, etc. Par une coïnci-
dence curieuse, le manuscrit de Gotha est notablement incomplet en ce
qui concerne la fin de la Correspondance. Ce n'est pas tout : M. A.
Chaude avait pris la peine de relever sur son propre exemplaire les cor-
rections et additions dont il nous a été donné de prendre copie. Quel-
ques-unes portent précisément sur des passages et des membres de phra-
ses qui avaient pu inquiéter la police de Napoléon ; mais d'autres
suppressions, volontairement pratiquées dans les séries nouvelles, prou-
vent que MM. Taschereau et Chaude craignirent d'éveiller les mêmes
craintes chez les censeurs de Charles X et que le sous-titre de leur pu-
blication x manquait tout au moins d'exactitude. Cette collation, nous
l'avons refaite à nouveau sur le manuscrit de Gotha et nous avons réta-
bli minutieusement les épithètes aussi bien que les phrases entières ou
incidentes inconnues jusqu'à ce jour 2 ».
On ne saurait donner trop d'éloges aux soins qu'a pris M. T. pour
l'établissement du texte de la Correspondance littéraire. Son travail, à
cet égard, ne laisse absolument rien à désirer. En constatant que plu-
sieurs milliers de pages ont été l'objet d'une révision des plus attentives,
on est saisi d'admiration pour les qualités de patience, de courage, de
dévouement déployées par l'infatigable éditeur.
Etablir aussi scrupuleusement un texte aussi considérable, c'était déjà
bien mériter des amis du xvnr3 siècle. Le travail du commentateur, s'il
n'est pas à l'abri de tout reproche, a droit encore à leur plus vive recon-
naissance.
Mais, avant de nous occuper de l'annotation de la Correspondance
littéraire, examinons rapidement ce recueil même tel que l'a constitué
le nouvel éditeur.
M. T., ayant reconnu que la pensée première de ce journal secret
appartient à l'abbé Raynal, n'a pas voulu passer sous silence la période
rédigée par l'auteur de l'Histoire philosophique et politique des éta-
1. a Nouvelle édition où se trouvent rétablies pour la première fois les phrases
supprimées par la censure impériale. »
2. Si M. T. a beaucoup ajouté, il a aussi beaucoup retranché. Pouvait-il conserver
des morceaux aussi répandus que le Pauvre diable, Y Homme aux quarante écus et
autres petits chefs-d'œuvre? Il n'a conservé, en dehors des articles de Diderot, que
des pièces rares ou même inédites de conteurs aussi spirituels que Piron, Voisenon,
etc.
472 REVUE CRITIQUE
blissements des Européens dans les deux Indes, encore que cette pé-
riode fût incomplète des années 1752, 1753 et d'une partie de 1754".
Les Nouvelles littéraires de Raynal, qui proviennent de la bibliothè-
que de Gotha, s'étendent de 1747 à 1755; elles remplissent presque
tout le premier volume (pp. 71-492) 2 et une partie du second (pp. 3-225).
Ce journal est précédé d'une notice dont voici les dernières lignes :
« Dans les Nouvelles littéraires, le goût et le savoir de l'auteur se mon-
trent librement; la variété des renseignements qu'elles révèlent sur les
livres, les théâtres, les beaux-arts d'une période pour laquelle il n'existe
aucun recueil aussi complet, suffirait à justifier leur publication, alors
même que nous n'aurions pas pour garantie de leur valeur propre l'o-
pinion de Voltaire ».
La Correspondance littéraire commence (mai 1753) au milieu du
second volume (p. 241) et ne s'achève qu'au milieu du seizième volume
(p. 208). Le reste du dernier volume est occupé : i° par des extraits de
la continuation que donna Meister, en 1794, à la gazette de Grimm,
déjà continuée par lui presque exclusivement- de mars 1773 à la fin de
1774, extraits réunis sous le titre de : Les dernières années de la Cor-
respondance littéraire (pp. 209-246) 4 ; 20 par les Opuscules et lettres de
1. M. T., après avoir dit (p. ni) qu'il n'existe, en ce qui concerne Raynal, ni té-
moignage contemporain de quelque valeur, ni récit autobiographique et qu'à sa mort
parut une brochure déclamatoire dont l'histoire n'a presque rien à tirer (Eloge
philosophique de G.-T.-F. Raynal, par Chérhal de Montréal, Paris, an VI, in-8°),
ajoute : « Il faut donc demander les traits caractéristiques de cette personnalité re-
muante à des mémoires comme ceux de Malouet, qui l'a bien connu sur son déclin;
aux souvenirs de D. Thiébault; aux lettres de Diderot à Mlle Volland. Quant aux da-
tes précises, il suffira de rappeler que Raynal est né à Saint-Geniés (Aveyron), le
11 mars 1700, et qu'il est mort à Chaillot le 6 mai 1796 ». Observons que ces deux
dates diffèrent quelque peu de celles qui sont consignées dans le Dictionnaire histo-
rique de la France par M. L Lalanne : « 12 avril 1713-6 mars 1796 ».
2. Avant les Nouvelles littéraires, on trouve (pp. 1-16) une notice de J.-H. Meis-
ter écrite en 1808 sur celui dont il fut le secrétaire et le collaborateur assidu, no-
tice intitulée : le baron de Grimm, « document qui a fourni, depuis soixante ans, les
éléments de toutes les biographies de Grimm », et (pp. 17-68) un récit, imprimé en
1868 dans le tome II du Recueil de la Société historique russe, sous ce titre : Mé-
moire historique sur l'origine et les suites de mon attachement pour l'impératrice Ca-
therine Il jusqu'au décès de Sa Majesté impériale. Ge mémoire, comme le fait re-
marquer M. T., « nous montre Grimm sous un jour nouveau, puisque le zélateur
des plus hardis philosophes du siècle y gémit sur l'abolition de droits qui subsis-
taient depuis des siècles, tout comme les volontaires de l'armée de Condé dont il par-
tageait la mauvaise fortune ». M. T. a fait suivre la notice de Meister (p. i3) de
deux documents officiels sur la mort et les obsèques de Grimrn. D'après l'extrait du
registre mortuaire de l'église ducale du château de Gotha, Grimm, né le 28 septem-
bre 1723 à Ratisbonne, mourut le 19 décembre 1807, à l'âge de quatre-vingt-quatre
ans et trois mois.
3. Lettre à Darget, du 21 avril 1750. M. T. s'amuse (p. 67) « de la redondance
toute méridionale » du style de l'abbé Raynal.
4. On y remarque une Copie des tablettes de Diderot (p. 218), une Notice
historique sur Sedaine envoyée à Meister par Mme de Vandeul, née Diderot (p. 2 '4).
DHISTOMUî. Kl DK LIT! 'ÉHATURK 473
Grimm, déjà rassemblés par Barbier en i8i4et reproduits par MM. Tas-
chereau et Chaude, mais augmentés ici de plusieurs morceaux intéres-
sants (pp. 269-502) ; 3° par les lettres adressées à Grimm (pp.!5o7-54i) ;
40 par une très curieuse étude de l'éditeur sur La bibliothèque et les
papiers de Grimm pendant et après la Révolution (pp. 542-562);
5° par les Additions et corrections (pp. 563-572); 6° enfin par une
Table générale des noms propres et des titres cités dans la Correspon-
dance littéraire (pp. 573-750), table qui est une des meilleures que je
connaisse parmi celles dont on a enrichi, en ces derniers temps, de
volumineux recueils, et à laquelle j'appliquerais volontiers l'éloge donné
par Quérard à la Table analytique de l'Encyclopédie dressée par Mou-
chon (Pierre) : « chef-d'œuvre de patience et d'exactitude » ".
Les notices et notes de M. T. sont généralement excellentes. C'est
parce que l'éditeur de la Correspondance littéraire est un annotateur
d'un mérite peu ordinaire, que je lui reprocherai d'avoir été parfois trop
avare d'éclaircissements. Les Nouvelles littéraires, par exemple, ne
sont accompagnées que d'assez rares et assez brèves notes bibliographi-
ques. M. T. s'est presque toujours contenté de rétablir les titres des
livres, si souvent estropiés et quelquefois même omis par Raynal. Ce
n'est pas assez. Raynal raconte beaucoup d'anecdotes, les unes vraies, les
autres fausses, de troisièmes moitié vraies et moitié fausses. N'aurait-il
pas fallu tantôt une note confirmative, tantôt une note rectificative,
surtout quand les anecdotes concernent des personnages tels que Boi-
leau, Fontenelle, La Fontaine, Racine, Voltaire, etc. ? 2 J'aurais aussi
voulu que l'origine des citations enchâssées dans le texte fût toujours
indiquée. M. T. a oublié de rechercher (t. I, p. 84) quel est l'auteur de
l'épigramme qu'estimait tant Boileau :
Gi-git ma femme. Ah ! qu'elle est bien
Pour son repos et pour le mien 3!
Il ne nous dit pas non plus (t. II, p. 224) que ce fut Mmc du Deffand qui
lança contre le beau livre de Montesquieu ce bon mot si connu : C'est
de l'esprit sur les lois. — Sous le nom des auteurs d'ordre secondaire
cités par Raynal et par ses continuateurs, il eût été" bon de rappeler
l'époque et le lieu de naissance, l'époque et le lieu de décès. Ce sont des
1. Cet éloge est cité {£, XII, p. 334) Par M. T. qui fait observer que Quérard est
«si volontiers injuste pour ses devanciers ». Indépendamment de la table finale,
chaque volume possède, sous la forme de sommaires, une table analytique et chro-
nologique où l'éditeur n'a rien laissé échapper. r
2. Je ne puis laisser passer sans protestation cette assertion de Raynal (t. I,
p. 292) au sujet de la toile d'araignée qu'après dix ans Balzac retrouva chez Chape-
lain que le chroniqueur appelle « l'homme de notre littérature le plus décrié ».
A Balzac il faut substituer Ménage et à la toile d'araignée des tisons. Voici le récit
du Menagiana (édition de 1 71 5, t. II, p. 3 1) : « Je vis encore à la cheminée de
M. Chapelain les mêmes tisons que j'y avais vus il y avait douze ans ».
3. On n'est pas sûr que le distique soit de Jacques Dulorens. Voir Revue critique
du 6 mars 1882, p. 198, note 1.
474 KKVUK CRITIQUE
jalons commodes pour tout le monde, car si tous les lecteurs ne sont pas
des érudits, tous les érudits n'ont pas une mémoire infaillible. Prenons
un exemple : Raynal annonce (t. 1, p. 74) la publication des Lettres
morales et critiques du marquis d'Argens. Pourquoi ne pas nous rappe-
ler que Jean-Baptiste de Boyer, marquis d'Argens, naquit à Aix le
27 juin 1703 ' et qu'il mourut près de Toulon le 1 1 juin 1 771 ?
Les notes sont plus nombreuses au bas des pages de la Correspon-
dance littéraire, mais la plupart sont empruntées à l'édition de
M. Taschereau. L'auteur du Manuel du libraire déclare que toutes les
notes de M. Taschereau sont loin d'être bonnes. La vérité veut que
j'avoue qu'il aurait été possible d'en améliorer un grand nombre 2.
M. T. a très bien rectifié (t. II, pp. 491-492) le récit de l'ancien admi-
nistrateur de la Bibliothèque nationale sur les derniers moments de
Montesquieu 3. Pourquoi n'a-t-il pas plus souvent corrigé les erreurs de
son devancier? Ce qu'il y avait de mieux dans le commentaire de l'édi-
tion précédente, c'était la partie purement bibliographique qui avait été
fournie à M. Taschereau par trois parfaits connaisseurs de livres en gé-
néral, de livres du xvme siècle en particulier, A. A. Barbier, Beuchot et
M. Ravenel. Les notes de M. T. relatives à l'histoire littéraire ne souf-
frent pas d'un aussi dangereux voisinage. Je citerai, entre tous les ren-
seignements qui viennent de lui, les renseignements relatifs aux œuvres
de Mlle de Lussan (t. III, p. 25); à V Eléphant triomphal, brochure de
1. Et non le 24 juin 1704, comme le répètent tous les biographes. J'emprunte la
bonne date à Roux Alpheran (Les rues d'Aix, 1847, t. I, p. 40). Le consciencieux
auteur a recueilli cette date dans les registres de baptêmes de la paroisse Sainte-
Magdelaine d'Aix. Combien d'erreurs de ce genre il y aurait à corriger dans nos
meilleurs recueils biographiques ! Des chercheurs aussi patients et aussi habiles
que M. T. ne devraient négliger aucune occasion de purger peu à peu ces recueils
de leurs inexactitudes sans cesse renouvelées. A ce propos, demandons à M. T. s'il
est sûr de ce qu'il avance touchant la naissance de l'abbé d'Artigny en 1704 (t. I,
p. 320). Je vois qu'ailleurs on fait naître l'auteur des Nouveaux mémoires d'histoire et
de littérature en 1706 (le 8 novembre).
2. Quelques-unes sont écrites en un singulier français, celle-ci particulièrement
(t. III, p. 416) : a Ce curé de Saint-Sulpice, qui du reste passait pour susceptible de
sacrifices en faveur des pauvres, etc. ». L'emploi du mot susceptible en ce sens est
presque aussi ridicule que l'emploi du mot équitable pour juste dans cette phrase
dont se moque l'auteur de la Correspondance littéraire (t. X, p. 212) : « Vous avez
là des bottes bien équitables ». Pour revenir au curé de Saint-Sulpice, comment
M. Taschereau, qui mentionne en sa note la statue de Notre-Dame de Vieille-
Vaisselle, n'a-t-il pas raconté la plaisante anecdote du vase d'argent incorporé par
le zèle indiscret de l'abbé Languet dans cette statue, à la faveur d'un si joli mot?
3. M. T aurait pu ajouter à sa victorieuse citation une autre citation non moins
décisive qui lui aurait été fournie par V Histoire de Montesquieu de M. Louis Vian
(Paris, 1878, in-8°, chapitre intitulé : Derniers moments, religion et mort de Mon-
tesquieu (pp. 325-335). M. T. a rapproché (Avertissement, p. vi) M. Vian et
M. Desnoiresterres dans cette phrase dictée par la reconnaissance la plus vive :
« Voltaire et Montesquieu ont enfin rencontré des biographes dignes d'eux dans
MM. G. Desnoiresterres' et Louis Vian qui nous ont maintes fois communiqué le
résultat des immenses lectures d'où sont sortis deux livres h tant d'égards définitifs. »
IM-MSTOIKK Kl Oli UTTKKAtUKh 47 ^
Ribart de Chamoust tellement rare que M. T. la surnomme un des
merles blancs des collections sur Paris (t. III, p. 5 i 5) ; à la mort du
comte de Bonneval (t. IV, p. 3/5); à la pièce intitulée l'Humanité, ou
le Tableau de ITndigence, attribuée par Grimm à un certain abbé Ri-
chard, dont il déclare n'avoir jamais entendu parler, et dont personne
n'a jamais plus entendu parler que lui (t. IV, p. 398) ; au roman qui a
pour titre La petite maison (in-18, 1762) et où sont énumérés divers
artistes parisiens aujourd'hui bien oubliés (t. V, p. 47) ; aux lettres de
l'abbé d'Olivet au président Bouhier, lesquelles montrent chez l'acadé-
micien une sensibilité que ses contemporains lui refusaient (t. VIII,
p. 205) ; à la biographie de Charles Théveneau de Morande, l'auteur du
Ga^etier cuirassé et de tant d'autres ignobles sottisiers et pamphlets
parmi lesquels on a mis à tort les Anecdotes secrètes sur la comtesse du
Barry, qui sont de Pidansat de Mairobert (t. X, p. 225) ; à la biogra-
phie de Mlle de Lespinasse, dont M. Eugène Asse a retrouvé l'état civil
en 1877 (t. XI, p. 263); aux entreprises d'un hardi novateur, Mamnès-
Claude Catherine Pahin Champlaix de la Blancherie, ressuscité par
Bellier de La Chavignerie dans la Revue universelle des arts (t. XII,
p. 101) ; à la biographie de Michel Guillaume Jean de Crèvecœur, l'au-
teur des Lettres d'un cultivateur américain, reconstituée d'après des
notes fournies par la famille (t. XIV, p. 88); à un conte {Le cheval et
la fille) recueilli dans toutes les éditions des poésies de Boufflers et qui
pourtant est de J. T. Massinot, comme le prouve une lettre inédite de
ce dernier trouvée par M. T. parmi les manuscrits de la Bibliothèque
nationale (F. F. 12768) et qu'il reproduit avec des vers du même Mas-
sinot qui donne pour épigraphe à son poétique plaidoyer pro Pegaso suo
la citation si chère à tous les poètes qui se disent pillés : Hos ego versi-
culosfeci, tulit alter honores (t. XII, pp. 124-126); au catalogue des
tableaux, estampes, bronzes, porcelaines, etc., du baron d'Holbach
(t. XV, pp. 419-420) ' ; à la mort de Beaurepaire, le commandant de
Verdun, mort où Meister voit un généreux suicide, ce qui lui fournit
l'occasion de parler du « dévouement de Curtius se précipitant dans un
gouffre », mais où M. T. est fort tenté de voir un assassinat 2.
A côté de ces notes qui défient la critique la plus impitoyable, nous
en citerons quelques-unes moins dignes de l'approbation de tous.
M. T. (t. III, p. 25) n'a donné aucun éclaircissement au sujet de
cette assertion de Grimm : « L'illustre président de Montesquieu, après
avoir travaillé plusieurs années à VHistoire de Louis XI, la jeta au feu
par distraction, lorsqu'elle fut achevée. Quelle perte! C'était bien à lui
1. Voir [Ibid., pp. 422-425) une excellente note de Chaude renfermant la liste
minutieusement exacte des nombreux ouvrages du baron d'Holbach.
2. M. T. nous renvoie à Y Amateur d'autographes de novembre 1862 où l'on
trouve une intéressante lettre de M. Léon de la Sicotière sur ce sujet et au n° d'août-
septembre 1880 du même recueil, où l'on trouve un article de M. Th. Luillier qui
reprend et complète cette discussion.
47^ KKVUK CKfTtQUfc
à peindre ce roi. » Ce que l'on a raconté du manuscrit et de sa fin tragi-
que n'est qu'une légende,- comme je l'ai jadis dit ici d'après des rensei-
gnements communiqués par la famille même de Montesquieu K — Ne
trouve-t-on pas insuffisante cette note d'une ligne (t. III, p. 3 60) sur
l'évêque d'Autun, nommé en 1757 membre de l'Académie française?
« De Montazet, depuis archevêque de Lyon. Il fut reçu le 14 mars. »
L'ample généalogie de la maison Malvin de Montazet insérée par
d'Hozier dans l'Armoriai généralyde France aurait fourni à M. T. les
renseignements les plus précis sur le prélat académicien 2. — On remar-
que (t. IV, pp. 163-172), sous la date du i5 décembre 1759, des Ob-
servations sur quelques auteurs d'histoire naturelle, par M. Bonnet,
de Genève, auteur de quelques ouvrages estimés. Dans cette lettre iné-
dite écrite à Grimm, « l'illustre Charles Bonnet, » comme s'exprime
M. T., décoche à Buffon cette épigramme (p. 169) : « Cette Histoire
naturelle est-elle assez naturelle? »M.. T. dit en note : « Bonnet fait là
une sorte de calembour de tout temps attribué à Voltaire. ». Je me sou-
viens d'avoir vu souvent le mot porté au compte de dAlembert qui,
devant quelqu'un vantant beaucoup l'Histoire naturelle, se serait
écrié : « Oh! pas si naturelle. » — Le commentateur n'a pas rappelé, à
propos des Mémoires de Charles Perrault (t. IV, p. 178), l'édition
qui en a été donnée par M. Paul Lacroix (Paris, Gosselin, 1842) avec
une attachante notice complétée, trente-six ans plus tard, par une nou-
velle Notice sur les Mémoires de Perrault et sur les dernières années
de sa vie littéraire 3. — Quand Grimm, rendant compte des Mémoires
sur la vie de M. de Pibrac (t. IV, p. 399) prétend qu'on y prouve « que
M. de Pibrac n'a pas été l'amant de la reine-mère, comme c'était le
bruit et l'opinion du temps, » il prouve lui-même qu'il n'a pas daigné
lire le mémoire où l'on cherche à établir que l'auteur des Quatrains
n'aima pas la fille de la reine-mère, Marguerite de Valois. Je regrette
que M. T. n'ait pas relevé la bévue de son auteur. Je regrette aussi que
l'imprimeur, dédoublant l'écrivain qui s'appelait Charles-Joseph de Les-
pine de Grainville, lui ait fait dire (note 2 de la même page) que le Mé-
moire sur la vie de Pibrac avait été écrit par Lespine et Grainville.
— Dans la note sur Masson, dit de Pe^ay (t. XII, p. 3o) n'a pas été
mentionnée une excellente notice de M. Rodolphe Reuss, un de nos plus
savants collaborateurs : Le marquis de Pe\ay (Mulhouse, 1876, grand
in-8 de 52 pages) *.
1. N° du 27 avril 1878, p. 27g. Grimm a donné d'autres détails inexacts sur les
manuscrits laissés par Montesquieu (t. VII, pp. 3o3-3o4).
2. A la Table générale on a imprimé (p. 6g3) Maloin pour Malvin. Il est plusieurs
fois question, dans la Correspondance littéraire (t. V, p. 3g2 ; t. XI, p. 225 ; t. XIV,
p. 3o5) du prélat, du galant prélat, faudrait-il dire, si l'on attachait quelque impor-
tance à une épigramme rapportée par Meister et à une anecdote racontée par Cham-
fort.
3. Imprimé par D. Jouaust pour le bibliophile Jacob. Janvier 1878, 3o pages.
4. Voir Revue critique du 9 septembre 1876', pp. 164-166. — En regard du péché
d'histoire et dk littérature 477
M. T. ne dit pas (t. XII, p. 1 3 1 ) que la question de savoir si la mort
de Rousseau fut naturelle ou volontaire est aujourd'hui tranchée dans
le premier sens. Il cite seulement sur la question si longuement débat-
tue Stanislas Girardin et Musset-Pathay, et il ajoute : « M. de Musset
conclut des différentes circonstances de la mort qu'elle fut volontaire. »
Qu'il me permette de le renvoyer aux Souvenirs d'un nonagénaire si
bien publiés par M. C. Port (Paris, 1880, 2 vol. in-8°) '■ : il y verra
(t. II, pp. 1-20) que le témoignage de F. -Y. Besnard s'ajoute à tous les
témoignages, déjà si considérables, qui établissent que la mort de Jean-
Jacques ne peut être attribuée au suicide. — M. T. n'a pas mis de note
sous ce passage (t. XII, p. 2Ô4):« Chrétiens à la messe, païens à l'Opéra,
nous ressemblons> dit M. de Voltaire, à l'abbé Pellegrin :
Le matin catholique et le soir idolâtre,
Déjeunant de l'autel et soupant du théâtre. »
Il aurait fallu rappeler que ces deux vers si souvent cités sont du plus
inconnu des poètes, d'un certain Rémi, qui n'a jamais fait de bon que
ce distique. Aussi ne doit-on pas lui en laisser enlever la paternité. Ne
volons personne, mais surtout ne volons pas les pauvres 2.
d'omission de M. T., il convient, pour être juste, de mettre cette observation, que
toujours il a soin de citer les monographies qui, de notre temps, ont été consacrées
à tels ou tels écrivains. C'est ainsi qu'à une indication de la France littéraire (s'il
se sert beaucoup de « l'inappréciable » recueil, il ne s'en sert pas avec une aveugle
confiance), il oppose le silence gardé sur les Bigarrures philosophiques, par
M. Georges Mancel, dans sa notice sur le médecin Tiphaigne de la Roche, Gaen,
1845, in-8° (t. IV, p. 127). Pour ne pas sortir du t. IV, en d'autres notes (pp. 68-
36i) on trouvera la preuve que M. T. a consulté la Notice sur Chevrier, par M. Gil-
let (Nancy, 1864, in-8°), la Notice sur la Beaumelle, par M. Maurice Angliviel (Pa-
ris, i856, in- 12). Il serait trop long d'énumérer les monographies alléguées dans tous
les autres volumes.
1. J'en ai rendu compte dans la Revue critique du second semestre de 1880,
pp. 430-434.
2. Pour d'autres citations, nous avons dans les notes de M. T. toutes les lumières
désirables. Ainsi (t. IV, p. 366) il n'a pas manqué de restituer à Diderot l'épitaphe
épigrammatique à laquelle donna lieu le désir exprimé par le comte de Caylus d'a-
voir pour tombeau une urne antique, épigramme souvent attribuée à Marmon-
tel :
Ci-gît un antiquaire acariâtre et brusque ;
Oh ! qu'il est bien logé dans cette cruche étrusque.
La note (t. X, p. 480) sur le fameux quatrain fait pour l'éventail donné à Marie-An-
toinette :
Au milieu des chaleurs extrêmes,
Heureux d'amuser vos loisirs,
Je saurai près de vous amener les Zéphyrs ;
Les Amours y viendront d'eux-mêmes
est tout un petit mémoire bien curieux : a Ce quatrain, également attribué au comte
dArtois et au comte de Provence, est restitué par M. Jules Cousin au marquis
Ph.-L. Orry de Fulvy (Revue universelle des Arts, t. XX, p. i58). Lemierre l'a fait
figurer dans ses propres œuvres dès 1810, mais il se retrouve, avec d'autres madri-
gaux, à la suite d'une édition plusieurs fois réimprimée de la Relation d'un voyage
à Bruxelles et à Coblent^ par Louis XVIII (1823, in- 18).» Il ne manque à cette note
47^ REVUE CRITIQUE
Je n'ai pas d'autres observations à présenter. Mais un de mes amis qui
sait très bien une foule de choses, notamment en ce qui regarde le xvme siè-
cle, M. Gustave Mouravit, que M. T. (t. XII, p. 475) appelle, avec tous
ceux qui le connaissent, « un chercheur des plus érudits et des plus dé-
licats », a bien voulu me communiquer quelques notes prises dans une
rapide lecture de la Correspondance littéraire. J'ajoute donc sa petite
moisson à la mienne.
Sur l'abbé Thyrel de Boismont, le prédicateur-académicien dont il
est question aussi bien dans l'abbé Raynal (t. I, p. 469) que dans Grimm
(t. III, pp. 87, 1^7, etc.), on aurait pu citer (aux Additions et correc-
tions) une intéressante notice du Bulletin du bibliophile de 1 88 1 , p. 127
et p. 220. — La Lettre sur les aveugles de Diderot, mentionnée par
Raynal (t. I, pp. 3n, 475) fut de bonne heure rare et recherchée,
comme toutes les pièces exposées aux poursuites de la censure. M. T.
n'a-t-il pas connu une lettre autographe de d'Alembert à Cramer, du
12 février 1760, sur la difficulté qu'il y avait à trouver la brochure de
Diderot? — Le nouvel éditeur de la Correspondance littéraire, en citant
(t. VI, p. 373) le célèbre écrit de Bollioud-Mermet sur la Bibliomanie,
n'en fait pas une publication distincte de l'ouvrage du même auteur sur
la lecture. C'est une erreur. Voici le titre de cette dernière production :
Essai sur la lecture. Amsterdam et Lyon, 1765, in-8°. — A propos
des poésies de Mme d'Houdetot (t. XII, p. 426), il aurait fallu rappeler
qu'il existe d'autres poésies de cette femme célèbre, poésies sur lesquelles
on peut voir la Correspondance de La Harpe, t. II, p. 227, et l'édition
des Mémoires de Mme d'Epinay, publiée par M. P. Boiteau (Appen-
dice du tome II). — Il est question (t. XIV, pp. 58, 206) de MmeSaint-
Huberty, la fameuse cantatrice qui mit en si grande liesse les Marseil-
lais, lesquels le lui rendirent bien dans ces interminables fêtes qui ont
été décrites par Castil-Blaze. Comment M. T. n'a-t-il pas cité cet écri-
qu'une référence : M. T. ne s'est pas souvenu d'un passage de l'Esprit des autres
dans lequel Edouard Fournier assure (5e édition, 1879, p. 202) que Lemierre écri-
vit le joli quatrain sur la lame d'ivoire de l'éventail de Mrao ***, et que Louis XVIII
eut la faiblesse de se le laisser donner. — Meister rapporte (t. XI, p. 245) le mot
d'un philosophe : « Nous avons abattu une forêt immense de préjugés » et la vive
riposte d'une femme du monde : « Voilà donc d'où nous viennent tant de fagots ».
M. T., réunissant ses informations à celles de Beuchot et de Taschereau, retrace
ainsi l'histoire complète des opinions exprimées sur le nom de l'auteur de l'heu-
reuse plaisanterie : « Mme du Deffand dit à Horace Walpole, dans une lettre du
3 avril 1768, qu'on lui attribue ce bon mot, dont elle ne se souvient pas, mais
qu'elle adopte volontiers. La Correspondance secrète (de Métra), t. III, p. 77, et
les Mémoires de Bachaumont (26 mai 1776) l'attribuent à la marquise de Fleury.
Grimm avait cité cette repartie comme étant de Mmc de Buffon; voir t. VIII, p. 204. »
Pour moi, je parierais pour M"" de Fleury. Elle a déjà deux témoignages en sa fa-
veur. Si ma mémoire ne me trompe, on peut encore en invoquer un troisième, car
il me semble bien avoir lu dans quelque récit du xvme siècle que ce fut elle qui ré-
pondit à d'Alembert : « Je ne suis plus étonnée si vous nous débitez tant de fa-
gots. »
d'histoirk kt dk utthraturk 479
vain? Il est plus excusable de n'avoir rien dit de la toute récente mono-
graphie consacrée à Mme Saint-Huberty par M. de Concourt. — A pro-
pos de Campion, directeur général des fermes à Marseille (t. XIV, p. 206),
il y aurait eu à citer une curieuse notice publiée sous un pseudonyme
par M. de Carné, le gendre de l'heureux possesseur du précieux manus-
crit autographe des poésies dudit Campion, manuscrit orné des dessins
originaux du poète. — Dans la Notice sur la bibliothèque et les pa-
piers de Grimm (t. XVI, pp. 542 et suiv.), quelques anonymes ne sont
pas dévoilés. Ainsi, n° 53 (p. 546), les Réflexions sur la poésie et la
peinture sont de l'abbé Dubos, sur lequel on peut voir le témoignage de
Jordan (Voyage littéraire, 1736, in-12, p. 100) et d'A. Morel [Etude
sur l'abbé Dubos, Beauvais, 1849, in-8°). Ainsi, n° 123 (p. 549), les
Pièces intéressantes et peu connues sont d'Antoine de la Place. Une
indication (n° 83, p. 547) est incomplète. M. T. se contente de dire :
œuvres de Rabelais, édition de B. (sic). Le sic pouvait être avantageu-
sement remplacé par le mot Bruxelles. La désignation du format (in-8°)
est erronée. Il aurait fallu dire in-12. C'est d'ailleurs un double de
l'exemplaire qui figure au n° 40 (p. 545). Il y a d'autres doubles dans la
liste produite par M. Tourneux. Ainsi le n° 12 [Traité de musique par
Bemetzrieder) se retrouve sous le n° 134 (p. 55o).
On voit que ni mon collaborateur ni moi nous n'avons eu, en somme,
de bien grosses querelles à faire à M. Tourneux. Aussi sommes-nous,
l'un et l'autre, fort désireux de voir l'éditeur de la Correspondance lit-
téraire devenir, à son retour de Saint-Pétersbourg, d'où il va rapporter
toute sorte de nouveaux trésors, l'éditeur de ces Mémoires de Bachau-
mont dont il regrette que la publication, si bien commencée par M. Ra-
venel, n'ait pas été continuée par cet habile érudit. Nul ne peut nous
dédommager de l'abandon du projet formé par M. Ravenel mieux que
M. Tourneux, et il faut que tout le monde lui demande instamment
avec nous une édition, abondamment annotée, de ces Mémoires secrets
pour servir à l'histoire de la république des lettres, qui ne sont pas
moins importants pour la connaissance de la seconde moitié du xvmc siè-
cle que la Correspondance littéraire elle-même.
T. de L.
CHRONIQUE
FRANCE. — M. Jules Tardif, chef de la section administrative aux Archives na-
tionales, est décédé le 3o novembre dernier, à la suite d'une très courte maladie. Né
à Coutances en 1827, il sortit de l'Ecole des chartes en i85o, et entra aux Archives
en i856. C'est en qualité d'archiviste à la section historique qu'il publia en 1866,
sous le titre de Monuments historiques, l'inventaire de la collection connue sous le
nom de cartons des rois. M. L. Delisle en a rendu un compte très détaillé dans la
480 REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
Revue critique. (1867, art. y3'. J. Tardif, qui était doué d'un esprit patient et pers-
picace, s'était attaché à des études variées, ayant pour caractère commun d'offrir
des problèmes difficiles à résoudre. Il s'occupa d'abord du déchiffrement des notes ti-
roniennes, et sa thèse sur ce sujet lui valut, en i85o, la première médaille au con-
cours des antiquités nationales. Il passa ensuite à l'interprétation des neumes, et pu-
blia sur ce sujet en i853, dans la Bibliothèque de YEcole des Chartes, un essai fort
remarqué. L'œuvre capitale de sa vie devait être une Histoire des institutions politi-
ques et administratives de la France. Une première partie (qui n'est qu'un demi vo-
lume de 224 pages) de cet ouvrage a paru l'an dernier (Paris, |A. Picard). Elle traite
de la période mérovingienne. C'est un travail remarquable par la précision des idées
et la concision de l'exposé, non moins que par l'étendue de l'information. J. Tardif
s'était aussi beaucoup occupé des langues de l'Inde. Nous ne croyons pas qu'il ait rien
publié sur ce sujet.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du ier décembre 1882.
L'Académie accepte provisoirement le legs de M. Lefèvre-Deumier (voir la séance
précédente). L'acceptation définitive ne pourra avoir lieu qu'après l'accomplissement
des formalités légales.
L'Académie se forme en comité secret.
A la reprise de la séance publique, l'Académie procède au scrutin pour la dési-
gnation de deux candidats aux fonctions de directeur de l'Ecole française de Rome.
Sont présentés : en première ligne, M. Le Blant, membre de l'Académie; en seconde
ligne, M. Homolle.
M. Léon Renier rappelle qu'il y a douze ans, lors de la découverte de l'amphi-
théâtre romain de la rue Monge, l'Académie se préoccupa de la conservation de ce
monument, le plus ancien de Paris, et que, par un vote unanime, le 8 avril 1870,
elle chargea son secrétaire perpétuel d'écrire au préfet de la Seine, pour le prier de
prendre les mesures nécessaires afin de sauvegarder les restes de l'amphithéâtre. Les
événements de l'année 1870 détournèrent l'attention des autorités sur d'autres su-
jets, et, malgré le vœu de l'Académie, auquel s'étaient associées un grand nombre de
sociétés savantes, la partie de l'amphithéâtre qui avait été découverte fut enfouie
sous les bâtiments élevés par la compagnie générale des omnibus. Une autre partie,
qui n'a jamais été mise au jour, se trouve sous les jardins d'un immeuble voisin.
Aujourd hui, un projet, porté à la connaissance du public par des affiches, est mis
en avant, pour le percement d'une rue nouvelle, et ce projet menace de destruction
cette seconde partie de l'amphithéâtre romain. M. Renier propose à l'Académie de
renouveler son vote du 8 avril 1870 et d'adresser des lettres au préfet de la Seine
et au conseil municipal, pour demander la conservation de l'amphithéâtre romain
de Paris.
MM. Hauréau, Jourdain, Maury, de Rozière, Renan et Ad. Régnier échangent di-
verses observations. Ces messieurs s'associent unanimement au vœu de M. Renier
pour la conservation des restes de l'amphithéâtre. Il conviendrait seulement, avant
d'agir, d'avoir des renseignements plus précis sur le projet en question, qui n'est
qu'imparfaitement connu de l'Académie.
Sur la proposition.de M. de Rozière, l'Académie délègue les membres du bureau et
M. Léon Renier pour prendre des informations et lui soumettre, s'il y a lieu, une
proposition à la prochaine séance.
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessou jils, boulevard Saint- Laurent, i3
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 51 — 18 Décembre — 1882
Sommaire » 25 1. R. Foerster, Des manuscrits et de l'histoire de la philologie.
— 252. Bouché-Leclercq, Histoire de la divination dans l'antiquité, IV. — 253.
Châtelain, Lexique latin-français. — 254. De Miranda, Richard de Cornouailles
et Aix-la-Chapelle. — 255. Roget, Histoire de Genève, IV. — 256. Vaucher,
Esquisses d'histoire suisse. — 257. Pierling, La mission de Possevino en Russie.
— 258. Alb. Duruy, L'instruction publique et la Révolution. — 259. W. Scherer,
Histoire de la littérature allemande, I-VI — 260. Ribbeck, Ritschl, II. — Chro-
nique. — Académie des Inscriptions. — Société nationale des antiquaires de
de France. — Société asiatique.
25 1. — R. Fœrster, Zur Ilandschriftcnkunde und Geschichte dcr Phi-
lologie. (Tirage à part du Rheinisches Muséum XXXVII, p. 485-495).
Intéresse tous les érudits par une liste générale de tous les catalogues
de livres dressés au moyen- âge et connus de l'auteur. Ajouter à cette
liste le Catalogue de la bibliothèque de l'abbé Adson de Montier-en-
Der (992) publié par M. Omont dans la Bibliothèque de l'Ecole des
Chartes, t. XLII.
252. — Histoire de la divination dans l'antiquité* par A. Bouché- Leclercq..
Tome IV. Paris, Ernest Leroux. 1882, in-8, 406 pages,
Nous croyons avoir assez indiqué, dans deux articles précédents ', la
valeur de l'ouvrage de M. Bouché-Leclercq, pour qu'il suffise aujour-
d'hui de signaler le quatrième et dernier volume, qui traite de la divina-
tion italique. L'auteur y étudie successivement les procédés divinatoires
des Etrusques, ceux des Latins, des Sabins et des Ombriens, enfin la
divination officielle des Romains, dont il conduit l'histoire jusqu'à la fin
du règne de Théodose. On y trouvera la même exactitude d'informa-
tions que dans les volumes précédents, le même art de grouper et de
coordonner les témoignages, le même esprit philosophique qui domine
les faits pour s'élever aux idées qui les expliquent.
M. B.-L. a rendu service à la science des antiquités latines, en ajou-
tant en appendice : i° les Fastes auguraux — travail qui n'avait été fait
par Bardt que pour la période comprise entre 218 et 167 ; 20 les Fastes
du collège des duumvirs, des décemvirs, des quindécemvirs ; 3° une
1. Revue critique, nouvelle série, t. VIII (1879), p. 433; t. XIII (1882), p. 3oi.
Nouvelle série, XIV. ïb
482 REVUE CRITIQUE
liste d'haruspices. Le volume se termine par un Index général, très
complet, qui rendra les recherches faciles.
Ainsi se trouve heureusement achevé cet ouvrage considérable, dont
l'utilité est manifeste. La divination a tenu, en Grèce et à Rome, une
si large place, que quiconque s'applique à l'étude de l'antiquité classique
ne pourra se dispenser d'avoir souvent recours à M. Bouché-Leclercq.
Il serait à souhaiter que, pour toutes les parties de l'histoire ancienne,
on eût toujours à sa disposition un guide aussi sûr.
P. D.
253. — Lexique latin-français rédigé conformément au décret du 19 juin 1880
à l'usage des candidats au baccalauréat ès-lettres, par Emile Châtelain. Paris,
Hachette, 1882, iv-841 p. petit in-8 à deux colonnes. Prix : 5 fr.
Suivant la remarque de l'auteur, « il sera peut-être utile aux profes-
seurs et aux philologues de rencontrer réunis, sous un petit volume,
tous les mots latins avec l'indication de la quantité. » C'est à ce titre
que je signale ce lexique, bien imprimé et rédigé avec grand soin. On
trouve corrigées là de vieilles erreurs, comme Yi long si souvent attri-
bué kpisum.
Voici quelques observations sur des détails. Rien ne prouve que Yo
soit long dans rumpotinus, ni Yi bref dans cis (la première est toujours
longue dans citra, citro). Vilipendo doit avoir la seconde longue et non
brève; vili est un ablatif de prix, comme parvi dans parvipendo est un
génitif de prix. Le second a d'aliuta peut être marqué bref d'après l'ana-
logie à'ita. Faleria a proprement l'e bref, c'est pourquoi il alterne avec
Yi deFaliscietse transcrit par s. dans (PaTipiov ; l'allongement admis par
Rutilius est une licence excusable pour le temps, et d'ailleurs indispen-
sable au poète. Cilo et d'autres noms propres ont Yi long d'après les in-
scriptions. Tegillum dans l'exemple de Plaute, Rud. 2, 7, 18, qui'est
unique, a Ye long comme tegula, et non bref. Nequinont d'Andronicus
a l+i long comme prodinunt d'Ennius. — Il est inconséquent de noter la
longueur par nature danssceptrum, alors que l'article lustrum confond
deux mots dont l'un avait Yu long et l'autre Vu bref.
Profitons de l'occasion pour remarquer que Yo long de praestolor ,
qui inspirait des scrupules à M. Quicherat dans son Thésaurus, est mis
hors de doute par Plaute, Epid. 2, 2, 37.
L. Havet.
254. — Richard von Cornwallls und sein Verhaeltniss zur Kroenungstadt
Aachen, urkundlich dargestellt von Armin de Miranda. Aachen, Gremer, s. dat.
(1880), 36 p. in-8 av. planches.
Richard de Cornouailles, frère du roi Henri III d'Angleterre, fut
d'histoire et de littérature 483
élu roi d'Allemagne le i3 janvier 1257, dans les environs de Francfort
et couronné, le 17 mai suivant, à Aix-la-Chapelle. Il octroya de grands
privilèges à cette ville pour la récompenser du chaleureux accueil qu'elle
lit à sa souveraineté, mal vue par tant d'autres Etats de l'empire. Quel-
ques années plus tard, en 1262, Richard fit une seconde apparition à
Aix-la-Chapelle et y donna le duché d'Autriche en fief à Ottocar de
Bohême. A cette occasion, il fit cadeau de ses insignes royaux à la cité et
fit bâtir, soit en entier, soit en partie du moins, l'Hôtel-de- Ville, dont
quelques vestiges seulement subsistent aujourd'hui. Tels sont, scrupu-
leusement résumés, les faits historiques au récit desquels est consacré
le travail de M. de Miranda. On voit qu'ils ne prêtent guère matière à
des discussions scientifiques, qui d'ailleurs ne seraient pas, je le crains,
de la compétence de l'auteur, feuilletonniste et romancier de profession,
comme il nous le dit lui-même. Les quelques chartes, tirées des archi-
ves de Hamm, Lippstadt, Soëst et Dortmund, contiennent des privilè-
ges accordés par Richard à ces villes, mais ne nous fournissent aucun
renseignement nouveau sur le règne de ce souverain. Elles doivent
montrer, sans doute, que l'auteur, lui aussi, a pénétré dans les sanctuai-
res de la science. En somme, travail d'amateur, sans aucune utilité scien-
tifique. Les photolithographies du Rathhaus d'Aix-la-Chapelle sont bien
faites. *
R.
2bb. — Histoire du peuple de Genève, depuis 1» Reforme jusqu'à
l'Escalade, par Amédée Roget. Tome IV. Genève, J. Jullien, 1881, 327 p
L'ouvrage de M. Roget avance bien lentement mais sûrement, selon
le plan tracé par l'auteur, et voici la cinquième fois déjà que nous ve-
nons le signaler dans la Revue. Nos lecteurs en connaissent depuis
longtemps les mérites. Aussi suffira-t-il de dire ici que ce sixième vo-
lume renferme l'historique des années qui s'écoulèrent depuis la pafte de
Cateau-Cambrésis, en 1 55g, jusqu'à la paix d'Amboise, signée en mars
1 563. C'est donc à peine une période de trois années que le chroniqueur
embrasse dans ce nouveau volume. Je dis le chroniqueur, et non Y histo-
rien, car il me semble que M. R. se laisse aller, un peu trop peut-être,
influencé comme il l'est par la nature de ses sources, à traiter l'histoire
à la manière de nos aïeux. A la fin de chaque année, il nous donne les
élections municipales, les réceptions de bourgeois, le chiffre des naissan-
ces et des décès, etc., détails intéressants à coup sûr pour l'histoire lo-
cale, mais qui n'en coupent pas moins d'une façon gênante le fil du
récit. Je vois un autre danger à signaler à l'auteur. Il entre, avec les
pages que nous annonçons, dans la période mouvementée des guerres de
religion en France. Assurément le rôle moral de Genève a été considéra-
484 REVUE CRITIQUE
ble dans l'histoire des huguenots, mais je crois cependant que M. R.
fera bien de ne pas s'étendre outre mesure sur tant d'événements direc-
tement étrangers à sa ville natale. Il les raconte trop bien pour qu'on
puisse lui reprocher bien vivement de nous en donner le récit, mais je
me permettrai cependant de souhaiter que, pour les volumes suivants,
cette Histoire de Genève se développe un peu moins en dehors de
Genève même, sans quoi ce ne seront pas dix ou quinze volumes, ce
seront cinquante volumes au moins que M. Roget devra nous fournir
encore pour arriver au but qu'il s'est posé lui-même et que nous dési-
rons si vivement le voir atteindre.
R.
2 56. — Esquisses d'histoire suisse, par Pierre Vaucher. Lausanne, Mignot.
in-8°, vin et 196 pages.
L'histoire des origines de la Confédération suisse et des principaux
faits qui s'y rattachent dans les xive et xv° siècles a été renouvelée par
les nombreuses investigations dont elle a été l'objet de nos jours. Mais
elle formait encore un domaine à part presque exclusivemant réservé
aux érudits; les résultats acquis à la critiqne n'avaient pas pénétré dans
le public. M. Vaucher a entrepris de les coordonner dans un récit simple
et clair et de leur assigner ainsi leur place dans les annales de la Suisse.
La difficulté pour lui n'était pas de se rendre maître de son sujet ;
comme critique, comme champion dans plus d'une controverse, il le
possédait entièrement. Mais il voulait concilier, dans la narration, la ra-
pidité et la concision avec une exactitude minutieuse, car sur ce point
M. V. ne se contente pas facilement; c'était là la grande difficulté, il l'a
surmontée. Ainsi que dans une esquisse bien faite chaque trait est né-
cessaire, dans son récit chaque phrase a sa valeur et ne pourrait être
supprimée sans provoquer une véritable lacune. Nous avons dit le mot :
M. V. a tracé des esquisses. Les origines de la confédération, la forma-
tion de la confédération des huit cantons, la conquête de l'Argovie, la
guerre de Zurich, la guerre de Bourgogne, les troubles qui la suivent
sont ainsi esquissés: aucun trait ne manque : non-seulement les faits,
mais encore les causes et les effets, les vues générales sont en substance
dans ces quelques pages. Dans la seconde partie du volume, M. V. nous
fait assister à l'établissement de la réforme à Zurich et aux luttes qui
en résultent dans le sein de la confédération ; il termine par un « écrit
de lecture courante » sur Calvin et les Genevois dans lequel il résume
les recherches faites depuis vingt ans sur ce sujet.
Enfin, dans un appendice, se trouvent reproduits et traduits les cinq
ou six textes du xv° siècle, nécessaires à qui veut se rendre compte de la
formation des traditions nationales suisses.
Tout cela est excellent. L'auteur a écarté tout appareil scientifique
d'histoire et de littérature 485
qui eût pu effrayer le lecteur ; néanmoins, il cite, chemin faisant, les
nombreuses sources auxquelles il a puisé et ses notes forment une véri-
table petite bibliographie suisse : a Je ne me suis point fait scrupule,
« dit-il, d'emprunter çà et là à des amis ce qui, dans leurs écrits, pou-
« vait le mieux servir mon dessein, ou de leur redemander ce que je
« leurs avais moi-même fourni dans de précédentes occasions. » Ce
n'est pas, en effet, l'originalité des recherches, mais la nouveauté de la
forme qui distingue ce volume. Le public lettré, auquel il s'adresse,
trouvera dans ces deux cents pages les résultats de la critique la plus sé-
vère exposés dans un récit concis et attachant ; l'historien y aura recours
comme à un guide sûr ; enfin, pour beaucoup, ce sera un modèle à sui-
vre qui prouve qu'une saine critique et une exactitude parfaite, n'ex-
cluent pas nécessairement un récit limpide et une bonne composition.
Nous croyons sans peine M. Vaucher lorsqu'il nous dit qu'il a mis « à
« rédiger ce petit livre, plus de temps qu'il n'en aurait fallu pour prépa-
« rer un gros ouvrage », mais qu'il ne le regrette pas, l'effort n'aura ja-
mais été que pour lui ; il a bien atteint le but qu'il se proposait.
Edouard Favre.
257. — Antonii Possevinl missio moscovltlcn, ex annuis litteris societatis
Jesu excerpta et adnotationibus illustrata curante Paulo Pierling S. J. un vol.
in-18 de iîo p. Paris, Leroux, 1882.
J'ai déjà signalé ici même les travaux du P. Pierling sur Rome et
Demetrius (le faux Dmitri) et sur Pierre le Grand et la Sorbonne. Le
savant jésuite qui appartient à la nationalité russe s'est surtout appli-
qué à étudier l'histoire de son pays dans ses rapports avec le catholi-
cisme. Il nous annonce, pour paraître prochainement, un ouvrage inti-
tulé Rome et Moscou (i5^.j'i5yg). En attendant, il remet en lumière
un personnage dont le nom, un peu oublié en France, est fort célèbre
dans les annales de la Pologne et de la Russie, Je père Antoine Posse-
vino. Ce religieux italien, qui vivait au xvieàsiècle, fut chargée par la cour
de Rome de plusieurs missions importantes en Suède, en Pologne et en
Russie. Le pape Grégoire XIII espérait pouvoir ramener la Russie à
l'unité catholique. En 1282, Ivan le Terrible, en guerre avec le roi de
Pologne, Batory, sollicita sa médiation. Le pontife s'empressa d'envoyer
comme légat Antoine Possevino et l'habile jésuite réussit en effet à faire
conclure une paix avantageuse aux deux parties. Il fut reçu avec de
grands honneurs par Ivan, eut de fréquentes entrevues avec lui, des
controverses avec le clergé orthodoxe, mais ne réussit pas à ramener la
Moscovie au catholicisme. Tous les documents concernant cette missio
moscovitica n'ont pas encore été publiés. La relation de la Missio a été
imprimée à Rome dans les Annuae litlerae Societatis Jesu et n'a pas
été réimprimée depuis. Elle se compose de deux parties-, Tune où est
486 REVUE CRITIQUE
racontée la mission politique de Possevino-, l'autre qui fournit quelques
détails sur la Russie au xvie siècle. Ces détails sont généralement exacts,
mars les noms propres sont horriblement défigurés. On aurait quelque
peine à reconnaître un Potemkine sous la forme Pochionleim. L'édi-
teur a ajouté au texte un index explicatif et des notes qui ajoutent au
prix de cette curieuse et élégante publication, ainsi qu'un mémoire iné-
dit du cardinal de Côme, mémoire non daté, mais postérieur à la mort
de Grégoire XIII, c'est-à-dire à l'année 1 585, «t appréciant Possevino
et son voyage à Moscou.
L. Léger.
258. — L'instruction publique et la Révolution, par M. Albert DuRUY.
1 vol. in-8° de 5o2 p. Paris, Hachette, 1882. 7 fr. 5o.
L'histoire de l'instruction publique en France pendant la Révolution
est à l'ordre du jour depuis quelques années, et les particuliers commen-
cent à l'étudier pendant qu'une commission nommée par le gouverne-
ment se dispose à publier tous les documents relatifs à l'enseignement
primaire, secondaire ou supérieur de 1789 à 1808. Mais il est bien dif-
ficile de faire l'histoire d'une époque aussi profondément troublée que
celle de la Révolution ; les uns prétendent qu'elle a tout créé en fait
d'éducation nationale, les autres l'accusent de n'avoir accumulé que des
ruines ; d'autres enfin, voulant se montrer équitables, disent, comme
M. Duruy, que « la vérité, naturellement, tient le milieu entre ces opi-
nions violentes , et plus passionnées peut-être que raisonnables ». Mais
ceux-là même sont entraînés par la passion, et, si l'on peut adresser un
reproche au remarquable ouvrage de M. D. c'est précisément que c'est
une œuvre de parti, ou tout au moins de parti pris. M. D. n'a pas plus
cherché que M. Taine à se faire une opinion sur les hommes et sur les
choses de la Révolution ; son siège était fait quand il a commencé à
travailler, et ses conclusions ne sont que des prémisses transformées.
M. D. a composé son livre pour prouver que l'ancien régime valait en-
core mieux que la Révolution, et que cette dernière, après avoir tout
détruit « pour en arriver, après dix ans de tâtonnements et d'efforts, à de
si pauvres résultats (p. 256) » a laissé tout à faire au génie ciéateur
de Napoléon. Aussi l'ouvrage de M. D. a-t-il été et sera-t-il de plus en
plus discuté avec une vivacité qui témoigne à tout le moins de son im-
portance.
M. D. commence par montrer en 5o pages ce que l'ancien régime
avait fait; cette introduction fort intéressante « n'a pas la prétention
d'être complète (p. 2) » et, en effet, il y a là de quoi faire un gros livre.
Ensuite M. D., arrivant au cœur de la question, fait 'trois parts dans
l'œuvre pédagogique de la Révolution : la part des destructions, — la
part des essais et des projets, — la part des œuvres et des résultats. C'est
d'histoire et de littérature 487
donc bien une histoire complète de l'instruction publique pendant )a
Révolution française que M D. a voulu faire, mais une pareille histoire
ne pouvait pas se faire en quelques années. M. D. s'est trop hâté; il n'a
pas vu que les documents à consulter sur cette importante question se
comptent par centaines de mille, et son ouvrage présente de ce chef des
lacunes considérables, en même temps que des erreurs de fait assez nom-
breuses.
M. D. cherche d'abord à démontrer que la France « ne croupissait
pas absolument dans les ténèbres (p. 48) » avant 1789 ; la preuve en est,
dit-il ailleurs, que les hommes de la Révolution étaient instruits. Il me
semble que la question n'est pas bien posée; il ne s'agit pas de savoir
s'il y avait ou non, avant 1789, des écoles et des collèges; tout le
monde sait qu'il y en avait. Mais y en avait-il partout, et pour tout le
monde, ou simplement pour un certain nombre de privilégiés? Que fai-
saient, pour l'éducation nationale, l'Etat et les municipalités? Si l'on
pose ainsi la question, on est obligé de répondre, avec M. de Salvandy
cité par M. D. (p. 6), que l'Etat n'enseignait pas. Or la Révolution a
prétendu, et cela dès 1790, que l'Etat devait enseigner, et, pour substi-
tuer l'action de l'Etat à l'initiative plus ou moins intelligente des con-
grégations ou des particuliers elle a commencé par faire table rase. Les
petites écoles étaient nombreuses en 1789, dit M. D. qui le prouve en
donnant la statistique de quelques provinces. C'est le procédé de
M. Taine; mais ces énumérations incomplètes, qui frappent l'imagina-
tion des gens du monde, n'ont aucune valeur scientifique, et aux cal-
culs optimistes de M. D. j'opposerai les affirmations désolantes des con-
temporains. L'abbé Grégoire, dans une circulaire adressée à toutes les
municipalités, demandait entre autres choses : « Chaque village est-il
pourvu de maîtres et de maîtresses d'école? » et voici quelques-unes des
réponses qui lui parvinrent de toutes les parties de la France, en 1 790 :
Aveyron. L'éducation est plus négligée dans ce département que par-
tout ailleurs. — Languedoc. Il y a des maîtres et maîtresses d'école
presque partout. — Gers. Il n'y a peut-être pas une seule maîtresse d'é-
cole dans tous les villages du département du Gers ; il y en a peu où il y
ait des maîtres, et, s'il y en a, ce sont toujours les prêtres. — Gironde. Il
n'y a que les gros bourgs qui soient pourvus de maîtres d'école. — Lan-
des. Un seul maître d'école dans quelques paroisses, et point dans
quelques autres. — Puy-de-Dôme. De vingt villages, un seul possède
un maître qui sait à peine épeler. — Drôme. Les villages un peu consi-
dérables ont des maîtres d'école depuis la Toussaint jusqu'au printemps.
— Saône -et-Loire. Il n'y a point de maîtres d'école dans nos villages,
etc., etc. •.
Que dire aussi des statistiques comparées de la p. 25? En 1789,
pour 2 5 millions d'habitants, il y avait 562 collèges et 72,000 élèves;
1. V. Lettres à Grégoire sur les patois de France, Paris, Pedone Lauriel, 1880.
488 RiCVUE CKITIQUE
aujourd'hui, pour 38 millions d'habitants, nous avons 38o lycées ou
collèges et 79,000 élèves. Il est vrai, ajoute M. D., que, pour être juste, il
faudrait compter les petits séminaires ; j'ajouterai les grands séminaires,
qui ont en première année une classe de philosophie. M. D. oublie
d'ajouter que la plupart des collèges, dont quelques-uns n'avaient pas
douze élèves, étaient des établissements libres, et que, par conséquent,
pour être juste, il faudrait mettre en ligne de compte les établissements
libres si nombreux de nos jours. M. D. prétend (p. 1 1) que la majeure
partie des écoles publiques dans les villes étaient tenues par les frères
des écoles chrétiennes, ou frères ignorantins. C'est *une erreur; j'ai sous
les yeux un mémoire dressé par ces frères, en 1789, pour demander à
l'Assemblée nationale leur conservation ' ; en voici les premiers mots :
« Les frères des Ecoles chrétiennes forment dans le royaume une associa-
tion d'environ 1,000 individus répandus en 116 maisons (dont 5 hors
de France) ». Ils n'avaient à Paris qu'une seule maison, située rue
Notre -Dame-des-Champs. On voit que c'est, en somme, une minorité
infime.
Voilà pour l'introduction. Si maintenant nous arrivons à la première
partie du livre, les Destructions, M. D. a cent fois raison de dire que
la Révolution est allée beaucoup trop vite, et qu'elle a eu le tort de
renverser l'édifice de fond en comble avant même de savoir sur quel
plan elle le reconstruirait. M. Taine l'avait dit avant M. D. et mille
autres avant M. Taine. Ainsi, dans un rapport fait au Conseil des An-
ciens, le 3o ventôse an IV, Barbé-Marbois (un ci-devant suspect de
royalisme), après avoir montré sous les couleurs les plus sombres l'état
de l'instruction publique, disait avec l'assentiment de tous ses collègues :
« Telles furent les conséquences d'une destruction opérée comme par
« l'explosion d'un volcan, tandis qu'il ne fallait rien épargner pour
« prévenir les malheurs d'une éruption subite et imprévue. Que dirait-
« on aujourd'hui si l'on eût incendié toutes les fermes, toutes les
« granges, brisé tous les instruments aratoires, chassé et dispersé les
« laboureurs, sous prétexte que notre agriculture était vicieuse et
« routinière?... Les maîtres sont réduits à la moitié, et peut-être au
« tiers du nombre ancien; et, de jour en jour, il est plus difficile de
« remplacer ceux qui viennent à manquer. Le nombre des enfants qui
« sortent de ces écoles instruits dans Vart d'écrire et de calculer
« n'est pas aujourd'hui égal à la moitié de ce qu'il était autrefois... »
L'année précédente, c'est-à-dire en 1795, dans un très curieux Coup-
d'œil politique sur la France, imprimé par ordre de la Convention,
Joseph Faure disait : « N'y avait-il pas des maîtres d'école répandus
« dans nos campagnes, et qui ne coûtaient rien à l'Etat? N'y avait-il
« pas des universités, des collèges grands ou petits répandus dans les
« villes et les campages ; il ne s'agissait que de réformer l'instruction
1. Idée générale de l'Institut des frères des écoles chrétiennes, la p. in-8*.
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 489
« et non de la détruire. La police ancienne surveillait tout cela mieux
« que n'a fait le terrorisme; il atout anéanti, et il nous à, à force
« d'atrocités, réduits aux siècles de l'ignorance... Il fallait laisser les
« universités, les collèges particuliers, les instituteurs privés, se conten-
« ter de veiller sur leurs livres d'instruction, et attendre un temps plus
« calme... » La Constituante et la Législative n'avaient détruit ni les
écoles, ni leaicollèges; M. D. le reconnaît (p. 64) et Y Almanach national
pour 1793 nous montre que les collèges de Paris étaient encore ouverts
à la fin de 1792. La convention détruisit tout en août J793, elle eut le
tort de faire place nette ; mais elle avait à cœur de réparer cette faute le
plus tôt possible. La marche foudroyante des événements ne le permit
pas ; la guerre étrangère et l'affreuse guerre de Vendée appelèrent aux
armes ceux qui auraient pu instruire la jeunesse ; il fallut courir au
plus pressé. Nous nous vantons avec raison de ce que nous avons fait
depuis 1870 pour la propagation des lumières, mais qu'avons-nous fait
durant Tannée 1871 ? Or, en 1793, année comparable à celle-là, il y
avait un comité d'instruction publique dont l'activité dévorante a été
justement célébrée. Les hommes de tête et de cœur qui en faisaient par-
tie, Lakanal, Grégoire et quelques autres, travaillaient avec ardeur, ils
préparaient en silence ce décret du 3 brumaire an IV que M. D. a la
bonne foi d'appeler (p. 137) l'œuvre capitale de la Convention en fait
d'instruction publique. Sans la recrudescence de la Terreur, amenée
par la politique de Robespierre, les écoles fermées à la fin de 1793 au-
raient pu se rouvrir dès les premiers jours de 1794. Délivrée du tyran et
de ses complices, comme n'ont pas cessé de les appeler des républicains
ardents, la Convention employa ses dernières séances, non plus à dé-
truire, mais à réédifier, et M. D. a raison de consacrer à ce qu'il appelle
Les œuvres la plus grande partie de son travail. Il semble toutefois que
cet examen des projets et des œuvres ait été fait avec trop de précipita-
tion, et qu'il laisse un peu à désirer au point de vue de la méthode. On
va sans cesse de la Convention au Directoire, et réciproquement ; on
dirait que M. D. s'est égaré parfois dans ce labyrinthe qu'on appelle les
Archives nationales. Il a trouvé çà et là quelques documents précieux
dont on ne saurait trop le remercier; mais beaucoup d'autres lui ont
échappé, surtout parmi les documents imprimés, presque aussi rares
souvent que des mss. L'appendice qui fait suite à l'ouvrage est fort
curieux ; il est trop court, et je constate dans le corps de l'ouvrage bien
des omissions. Ainsi M. D. analyse et critique rapidement les fameux
projets de Mirabeau, de Talleyrand, de Condorcet, de Lanthenas, de
Lakanal, de Lepelletier-Robespierre et de Romme; il fait trop bon
marché des autres, et Dieu sait s'il y en a! « Qu'importe à la postérité,
« dit-il p. 97, l'opinion d'un Raffron ou d'un Couppé? Les inepties de
« si minces personnages ne valent pas qu'on les tire de l'oubli où elles
« dorment. » Passe pour Raffron, Couppé, Duval, Lequinio, Wande-
laincourt et. autres, mais Daunou, mais Fourcroy, Andrieux, Ma-
490 REVUE CRITIQUE
suyer et vingt autres, fallait-il les envelopper dans le même dédain?
Fallait-il aussi confondre la Convention terrorisée de Robespierre et
la Convention de 1795? M. D. ne tient pas compte de la différence des
temps, et il en résulte des confusions regrettables.
Mais il est impossible de suivre M. D. pas à pas et de discuter une à
une toutes ses assertions ; ce compte-rendu sommaire deviendrait lui-
même un volume. Souvent M. D. a raison ; ce qu'il dit de la stupide
intolérance du Directoire, de ce gouvernement violent et tracassier qui
prenait à tâche de détruire l'œuvre réparatrice de la Convention finis-
sante, me paraît on ne peut plus juste '. M. D. a également bien vu ce
qu'il y a eu d'admirable dans la conduite de nos pères en 1795. On sait
qu'ils rétablirent le culte dans 36,ooo paroisses, sans rien demandera
l'Etat dont ils respectaient sincèrement les lois ; ils avaient accepté à la
même époque, avec le même patriotisme, la séparation de l'école et de
l'Etat. Les écoles publiques étaient insuffisantes; nos pères savaient
l'Etat obéré à la suite des guerres que nous connaissons tous; ils s'im-
posèrent de grands sacrifices pour faire élever leurs enfants, et les insti-
tutions particulières, dirigées souvent par un clergé républicain, eurent
beaucoup de succès 2.
M. D. est sévère pour l'Ecole normale de 1795 « qu'il ne faut pas,
dit-il, confondre avec la grande école de 1808. » Barbé-Marbois et
Fourcroy étaient plus justes, lors même qu'ils constataient l'insuccès de
cette institution. Après avoir parlé d'un plan d'instruction qui devait
embrasser toutes les branches des connaissances humaines, Fourcroy
disait le 11 germinal an IV : « Un des premiers points de ce plan était
l'établissement d'une école normale, mais conçu, il faut le dire ici, avec
d'autres vues que celle qui ont dirigé son exécution Osons prévoir,
ajoutait-il, que cette idée d'une école normale sera représentée aux
méditations des législateurs et qu'établie sur d'autres bases que celles
qu'on lui avait données dans ce premier essai, elle deviendra la véritable
et seule pépinière des instituteurs des écoles primaires, et même des pro-
fesseurs des écoles centrales. » Sommes-nous si loin de la grande école
de 1808?
1. Aussi le 18 brumaire a-t-il été au début jngé avec indulgence, même parmi
les partisans du coup d'état de fructidor. Si le premier consul avait maintenu dans
son intégrité la constitution de l'an VIII,. il serait anjourd'hui le Washington de la
P'rance. On connaît le mot de Paul Louis : « Etre Bonaparte et se faire sire, il
aspire à descendre. »
2. J'ai sous les yeux un document curieux que M. D. ne paraît pas connaître,
c'est le prospectus du Pensionnat-écoles chrétiennes de Senones, imprimé en 1796
par l'évêque constitutionnel Maudru. Ce pensionnat, commandité par de très riches
industriels, entre autres le propriétaire de Baccarat, était ouvert à tous, sans distinc-
tion de culte, et la liberté des opinions religieuses y était absolue. On y inspirait
aux enfants l'amour de la République; on leur enseignait le latin, l'allemand, la
géographie, l'histoire et les sciences. Les exercices militaires et les leçons de choses
y tenaient une place considérable. Il est à présumer que Napoléon s'empressa de
détruire un pareil établissement.
DHI5TOJRK KX DR UTTÉUATUKh 49 I
Les écoles centrales ont beaucoup occupé M. D., et avec raison; mais
là encore, suivant le procédé habituel à M. Taine, M. D. conclut trop
vite de quelques exemples particuliers; il néglige, ou, pour mieux dire,
il ignore un certain nombre de documents qui ne lui permettraient pas
de conclure comme il le fait (p. 236). J'en ai sous les yeux de fort cu-
rieux ; il est certain que les écoles centrales ont été florissantes à Paris
et dans un assez grand nombre de départements, surtout dans l'Est.
La preuve qu'on trouvait moyen de s'instruire en 1 800, c'est que les
hommes de la Restauration, ceux qui avaient dix ans en 1795, n'étaient
pas inférieurs à ceux qui les ont précédés ou suivis.
M. D. commet une erreur plus grave quand il accuse la Convention et
l'abbé Grégoire en particulier de niaiserie et d'immoralité. C'est à propos
des ouvrages élémentaires, dont les sujets avaient été mis au concours,
sur les indications de Grégoire, le 4 pluviôse an II. M. D. prétend que
l'évêque de Blois, oubliant le vers de Juvénal maxima debetur ; . . aurait
proposé de composer à l'usage des enfants de huit à dix ans de petits
traités d'hygiène conjugale (p. 107) ; il ajoute (p. 171) que la Convention
fit imprimer et mit entre les mains des enfants des livres comme celui
de Saucerotte sur la conservation des enfants pendant la grossesse, etc.
« Voilà, dit-il, représentée par ses produits les plus authentiques et les
« plus originaux, la nouvelle pédagogie. » M. D. triomphe trop facile-
ment; premièrement le livre dont il parle ne fut pas imprimé par ordre
de la Convention, et en outre ce livre de médecin, jugé digne d'une ré-
compense, était destiné aux parents et aux maîtres ; c'était un de ces
livres élémentaires qu'on appelle à présent partie du maître, et les en-
fants ne devaient pas plus l'avoir entre les mains qu'ils n'ont aujour-
d'hui entre les mains des corrigés d'exercices ou des solutions de pro-
blèmes. M. D. n'aurait pas commis cette erreur s'il avait lu le rapport
imprimé de Barbé-Marbois, lu au conseil des anciens le 3o ventôse
an IV, sous le Directoire; la commission des livres élémentaires con-
cluait à l'impression de trois ouvrages, et celui de Saucerotte, dont il est
question à la p. 20 du rapport, n'est pas du nombre.
Le chapitre vi, consacré aux Fêtes nationales, est bien incomplet, et
d'ailleurs c'est un véritable hors-d'œuvre. Sans doute les Fêtes natio-
nales se rattachaient par un certain côté à l'instruction publique, mais
le théâtre aussi, et M. D. n'a pas cru devoir faire une histoire, même
très sommaire, du théâtre pendant la Révolution.
Mais cet examen du livre de M. D. est déjà bien long; concluons en
répétant que, comme ouvrage de recherches, il est excellent. M. D. a
étudié sérieusement la question qu'il traite ; mais il n'a pas tout vu, il
s'en faut de beaucoup, et sa conclusion n'est pas suffisamment justifiée.
M. D., à la fin de son livre, cherche à être équitable ; il consent à plai-
der pour la Révolution les circonstances atténuantes. Il eût été plus
juste pour ceux qui, au cours des événements les plus terribles de no-
tre histoire, ont examiné, pesé, essayé, rendu possible une organisation
492 KKVUK CRITIQUE
de l'enseignement public en France, s'il avait évité, suivant le précepte
de Descartes, la précipitation d'une part, et la prévention de l'autre.
Cela est d'autant plus évident que M. Duruy dit lui-même, à la p. 296
de son livre : « Quiconque aborde un point quelconque de la Révolu-
« tion avec ses tendances personnelles est perdu. »
A. Gazier.
2 5g. — Wilhelm Scherer. Geechlclite dei* deutschen Litteratur. Livrai-
sons I-VI. Berlin, Weidmann, 1880-1882. 464 pages. 1 mark la livraison.
La sixième livraison de YHistoire de la littérature allemande de
M. Wilhelm Scherer a paru; il ne manque plus que deux livraisons
pour compléter l'ouvrage, et l'on peut, dès maintenant, se faire une
idée du plan général et du but de l'auteur.
L'histoire de M. S. est un livre de lecture courante. Elle n'est
point faite pour les recherches spéciales. C'est un récit tout uni, qui
s'étend ou se resserre selon l'importance des sujets, mais qui ne s'inter-
rompt jamais pour la discussion. Pas une note au bas des pages ; pas un
renvoi aux sources. C'est une simplicité d'allure qui n'est pas habituelle
à la science allemande. Mais il n'est pas besoin de dife, lorsqu'il s'agit
d'un écrivain comme M. S., que, sous la forme toute littéraire de
l'ouvrage, se cache une grande connaissance. Les jugements sont sou-
vent neufs et ingénieux. Le style a de la vivacité, de l'éclat; certaines
pages, surtout dans les premières livraisons, sont des modèles de conci-
sion élégante et pittoresque. Quelquefois le mouvement oratoire entraîne
l'écrivain et lui arrache une louange banale; mais, en général, sa pensée
se traduit dans une langue ferme et mesurée. Enfin la division est claire
et méthodique, et le développement littéraire est habilement rapproché
du mouvement politique et religieux de l'Allemagne.
On pardonne aisément à M. S. certaines dissonnances de détail, qui
ne sont que l'exagération de ses qualités. Il aimé à rendre les choses
sensibles par la comparaison, et ses comparaisons sont parfois forcées.
C'est ainsi qu'il appelle les ménestrels du moyen âge des journalistes
ambulants, et il tient tellement à cette dénomination qu'il l'inscrit en
tête d'un chapitre. « On peut comparer le poète du xme siècle, dit-il
(p. 60), à une feuille illustrée; l'illustration, c'est sa personne ». Il
arrive aussi que M. S., poussé par le besoin de généraliser, surfait la
valeur d'un écrivain pour personnifier en lui toute une époque. Ainsi
Wolfram d'Eschenbach devient pour lui le représentant de la chevalerie
poétique, non-seulement en Allemagne, mais dans toute l'Europe du
moyen âge. On s'était accoutumé, au temps de la critique romantique,
à voir citer Shakespeare et Gœthe à propos de Wolfram : aujourd'hui,
rapprocher le Parcival du Faust, c'est plus qu'une faute de goût. Il faut
espérer qu'un jour viendra où la littérature française mieux connue
d'hISTOIRK KT DE LITTÉRATURE 49^
jettera une lumière décisive sur certains ouvrages que les Allemands
comptent parmi les « classiques du moyen âge ».
Le seul défaut sensible de l'ouvrage et qui gâte le plaisir de la lecture,
ce sont des jugements inspirés par un patriotisme trop restreint; et l'on
remarquera qu'en disant ceci nous nous plaçons au point de vue alle-
mand. Pour M. S., la littérature allemande prise dans son ensemble se
partage en deux groupes : la littérature épique et chevaleresque du
xiu° siècle, contemporaine de l'empire des Hohenstaufen, et la littéra-
ture du xviii0 siècle, qui suit dans sa marche ascendante la monarchie
des Hohenzollern. La première date surtout des expéditions de Frédéric
Brrberousse en Italie; la seconde fut principalement suscitée par la
guerre de Sept-Ans et la bataille de Rosbach. Un tel rapprochement peut
se justifier pour la première période. Que les empereurs de la maison de
Souabe, qui recevaient à leurs cours des poètes et des ménestrels de toute
nation, aient puissamment contribué au développement de la poésie
chevaleresque en Allemagne, qui le nierait? Encore ne faut-il pas
oublier, dans le réveil littéraire du xiir8 siècle, la part qui revient à la
Bavière, à la Thuringe, aux contrées du Rhin. Mais n'y a-t-il pas une
exagération évidente à mettre sous le patronage des Hohenzollern une
littérature à laquelle les Allemands eux-mêmes ont souvent reproché
d'être trop cosmopolite ?
Dans le chapitre intitulé Les commencements de la littérature mo-
derne, un rôle important est déjà attribué au premier roi de Prusse.
« 11 sembla pendant quelque temps, dit M. S., que Berlin fût destiné à
être le centre de la littérature nouvelle imitée de la France. » Et quels
sont les poètes que Frédéric Ier réunissait autour de lui et qui faisaient
concevoir de si grandes espérances ? C'étaient « Canitz, Besser et Neu-
kirch » (p. 368).
L'œuvre de Frédéric Ier est continuée par son petit-fils. On connaît
l'opinion de Frédéric II sur la littérature allemande de son temps ; mais
on ne se doutait pas, malgré un passage célèbre de Goethe dans le
VIIe livre de Poésie et Vérité, que les dédains de Frédéric II étaient le
plus puissant des encouragements. « S'il réunissait autour de lui des
écrivains français et s'il se défiait de la capacité littéraire de ses compa-
triotes, le dépit que ceux-ci en éprouvaient n'était qu'un stimulant de
plus qui les poussait à rassembler toutes leurs forces pour prouver au
roi qu'il les jugeait mal » (p. 394). Enfin Frédéric II encouragea les
lettres par son exemple. « Ses oeuvres historiques tiennent un rang
élevé dans l'historiographie de tous les temps et de toutes les nations »
(p. 417). Comme poète, il a de l'affinité avec Horace (Ramier aussi est
appelé un Horace prussien, p. 443). Parmi les Allemands, on peut le
comparer à Hagedorn, mais il a plus de profondeur. Après l'avoir fait
grand poète et grand historien, M. S. est près de faire de lui un grand
philosophe, <a également distingué dans la contemplation et dans l'ac-
tion ». Il remarque même que sa philosophie n'était pas, comme on se
494 KEVUE CRITIQUE
l'imagine, l'épicurisme mondain du xvme siècle, mais qu'au fond il
était stoïcien. Bref, « les Allemands eurent en lui un classique, mais,
hélas, ajoute mélancoliquement M. S., un classique en langue fran-
çaise! » (pp. 417-418).
Tout ce qui tient de près ou de loin à Frédéric II et à la Prusse est
arbitrairement grandi. Tandis que les Chants d'un grenadier ramènent
la poésie lyrique au ton populaire, « un littérateur de sixième ou de
dixième rang, mais né Prussien. » fonda le roman allemand (p. 45o).
C'est Hermès, à qui est attribué ici l'un des mérites les moins contesta-
bles de Wieland. Mais pourquoi aussi Wieland n'est-il pas né Prussien!
Lessing lui-même ne reçoit sa vraie direction que de son séjour à
Berlin. Lessing n*est qu'un Frédéric II littéraire; jamais écrivain n'a
reproduit comme lui l'esprit du grand roi. « Lessing demandait à l'his-
torien de raconter surtout les événements de son temps : Frédéric a
exécuté ce programme. Lessing a exercé le haut commandement dans la
littérature, comme Frédéric II dans la guerre et dans la paix. Lessing a
combattu pour la cause nationale, aussi bien que Frédéric ; il a livré,
lui aussi, sa bataille de Rosbach contre la France; il a fait, lui aussi, un
Anti-Machiavel contre les mauvais princes. Jamais deux hommes n'ont
été aussi bien faits l'un pour l'autre » (p. 455). Et si Frédéric II n'a rien
fait pour fixer Lessing à Berlin, c'est qu'il se souvenait, dit M. S., des
méchants propos de Voltaire. Il était donc bien accessible à la médi-
sance, tout stoïcien qu'il était? Nous ne savons ce que les Prussiens de
maintenant penseront d'une telle façon d'arranger l'histoire littéraire,
mais il est probable que Frédéric II, même en l'absence de son ami
Voltaire, en aurait un peu ri.
Voilà donc la littérature allemande prussianisée, dans un livre où il
y a du savoir et du talent, et qui sera beaucoup lu. Récemment déjà,
un disciple de M. Scherer, M. Otto Brahm, nous prouvait dans un
opuscule que Gœthe était beaucoup redevable de sa gloire à Berlin,
quoique la grande ville ait attendu « jusqu'en 1790» pour le goûter.
Les Allemands nous avaient enseigné jusqu'ici que la Prusse n'avait
joué qu'un rôle fort effacé dans le développement de leur littérature : il
faudra désormais, si nous voulons les en croire, réformer tous nos
jugements. En tout cas, s'il faut absolument qu'une littérature ait une
teinture politique, il se trouvera des publicistes d'ordre inférieur qui se
chargeront de la lui donner; mais nous aimerions mieux voir la science
garder sa sereine impartialité et se tenir à la hauteur qui lui convient.
A. Bossert.
260. — Friedrich wlllielm Ritschl. Ein Beitrag zur Geschichte der Philo-
logie von Otto Ribbeck. Zweiter Band, mit einem Bildniss Ritschls. Leipzig,
Teubner, 1881. x-5gt p. in-8.
Graux a rendu compte dans la Revue critique (1881, I, p. 66 ss.) du
O'HISTOIRK El DK LITTÉRATURE 4g5
premier volume de cet ouvrage. Le second et dernier volume fait con-
naître la vie de Ritschl depuis 1839 jusqu'à sa mort. Il est divisé en
trois parties : Bonn, première période, 1 839-1 848. Bonn, seconde
période, 1848-1865. Leipzig, 1865-1876. Il contient cent pages de piè-
ces justificatives et un index alphabétique des deux volumes.
CHRONIQUE
FRANCE. — L'Ecole française d'Athènes qui a perdu, il y trois mois, M. Bilco,
vient d'être de nouveau cruellement frappée. M. Veyries vient de mourir à Smyrne
des suites d'une fièvre typhoïde. Sorti de l'Ecole Normale il y a un ans, ses pre-
miers travaux donnaient les plus belles promesses d'avenir et sa mort sera vivement
sentie par tous ceux qui l'ont connu. — On s'est ému en voyant deux jeunes sa-
vants enlevés coup sur coup à leur famille et à la science et on s'est demandé s'il
n'y aurait pas quelque chose à réformer dans le système qui fait exécuter en plein
été des voyages et des fouilles dans des pays souvent malsains par des jeunes gens à
peine acclimatés. Quelques personnes ont surtout demandé que les élèves de l'Ecole
d'Athènes fussent autorisés à revenir passer un mois en France chaque année. Il ne
nous semble pas que ce soit sur ce point que la réforme doive porter. La vraie cause
de la mauvaise distribution du travail pour les élèves de l'Ecole d'Athènes ne vient-
elle pas plutôt du règlement qui les oblige à envoyer, dès la première année, un mé-
moire à l'Institut ? Ils y travaillent à Athènes pendant l'hiver — et ils ne sont libres
pour entreprendre des voyages qu'en mai ou juin, quand la saison devient plus dange-
reuse. Ne vaudrait-il pas bien mieux que les voyages se fissent en hiver, la rédaction
des mémoires en été? A quoi bon demander un mémoire chaque année quand le
Bulletin de Correspondance Hellénique permet aux élèves de donner immédiatement
la preuve qu'ils travaillent? Sont-ils d'ailleurs capables, dès la première année,
d'exécuter un travail où ils donnent leur mesure? Au reste, la plus grande partie du
premier hiver se passe pour eux à acquérir les connaissances nécessaires pour tra-
vailler avec fruit. Ce travail préparatoire se ferait bien plus utilement à Paris qu'à
Athènes. Nous voudrions que les élèves de l'Ecole Normale qui doivent se rendre
à Athènes commençassent par travailler un an à Paris. Ils iraient au bout d'un an en
Grèce, pourraient entreprendre immédiatement des voyages, et ne seraient tenus de
fournir un mémoire qu'au commencement de l'hiver suivant.
— Les journaux ont annoncé la création de l'Ecole du Louvre (cour Lefuel, an-
cienne cour Caulairtcourt); les professeurs de l'Ecole sont MM. Alex. Bertrand,
Pierret, Révillout et Ledrain. M. Alex. Bertrand, membre de l'Institut, conser-
vateur du Musée de Saint-Germain, traite de l'archéologie nationale depuis les temps
les plus reculés jusqu'à la mort de Clovis (cours d'archéologie nationale); M. Pierret,
conservateur du Musée égyptien, étudie les monuments de l'ancien empire (cours
d'archéologie égyptienne) ; M. Révillout, conservateur adjoint du Musée adjoint, étu-
die les documents démotiques du Louvre et en dresse le syllabaire (cours de langue
démotique), il étudie également le droit et l'économie politique d'après les papyrus
du Louvre (cours de droit égyptien); M. Ledrain, attaché à la conservation des anti-
quités orientales, expose les éléments des grammaires hébraïque et phénicienne
496 REVUE CRITIQUE
(cours d'épigraphie sémitique), et explique les inscriptions cunéiformes de l'époque des
Achéménides (cours d'archéologie assyrienne); M. Ravaisson, conservateur des anti-
quités grecques et romaines, doit faire aussi des conférences sur l'art antique. — Bien
que nous soyons peu favorables en principe à toutes les créations d'Ecoles spéciales
qui nous éloignent du but auquel nous tendons, la réunion de tous les cours d'en-
seignement supérieur dans une grande Université, nous applaudissons toutes les
fois que nous voyons offrir à la jeunesse des moyens nouveaux d'instruction. Mais
dans un pays qui est aussi loin que le nôtre d'être organisé comme il le faudrait au
point de vue de l'enseignement supérieur, il importe de ne disperser ni les forces in-
tellectuelles ni les ressources financières. Nous ne nous rendons pas exactement
compte du but auquel répond la nouvelle Ecole du Louvre. Nous comprendrions que
les conservateurs et attachés du Louvre fussent chargés, moyennant une indemnité,
de faire régulièrement, sur les monuments même confiés à leur garde, des confé-
rences pratiques d'archéologie et d'histoire de l'art s'adressant à la fois aux sa-
vants et aux artistes; mais on se demande s'il était urgent de créer des cours théo-
riques de linguistique, d'assyriologie,d'égyptologie ou d'hébreu qui sont déjà professés
ailleurs, au Collège de France et à l'Ecole des Hautes Etudes. Le cours de M. Ber-
trand sera très utile sans doute; mais ne serait-il pas mieux placé au Collège de
Erance qu*au Louvre ?. C'est l'archéologie nationale après Clovis qui devrait figurer
surtout à l'Ecole du Louvre. Le cours de M. Ravaisson rentre mieux dans l'ensei-
gnement qui pourrait être professé spécialement au Louvre, mais il est remis à une
époque indéterminée. Enfin, nous ne voyons pas sans inquiétude le budget du
Louvre chargé de dépenses dont l'urgence ne nous paraît pas démontrée, alors que
nos musées nationaux sont constamment battus, faute d'argent, dans les enchères
internationales; alors que les travaux les plus pressants, catalogues, calcographie,
missions, sont entravés, faute d'argent. On nous dit que les cours nouveaux sont plus
richement dotés que la plupart des cours d'enseignement supérieur. Nous en som-
mes très heureux, et nous espérons que l'exemple de Tadministration des Beaux-
Arts, piquera d'émulation celle de l'Instruction publique; mais, si cette dépense
était faite sur les fonds déjà insuffisants du Louvre, nous la verrions avec regret;
si elle doit être couverte par une augmentation du budget des Beaux-Arts, nous pen-
serions encore qu'il y avait des dépenses plus urgentes, des augmentations de crédit
pour nos Musées plus nécessaires. Quoi qu'il en soit, nous souhaitons le succès des
nouveaux cours ; ils peuvent créer une salutaire émulation, et ils ont été inspirés par
une conception élevée des connaissances que doit avoir et des services que doit ren-
dre le personnel de nos musées. Un jour peut-être viendra où l'on réunira, pour le
plus grand bien de la science, dans une grande université, les enseignements qu'on
disperse aujourd'hui aux quatre coins de Paris.
— M. l'abbé S. A. Cuoq, prêtre de Saint-Sulpice, a publié un Lexique delà lan-
gue iroquoise (avec notes et appendices. Montréal, Chapteau et fils. In-120, 2i5 p.)
Ce Lexique comprend quatre parties ; la première est consacrée aux racines de la
langue et la seconde, aux dérivés et composés ; la troisième renferme des notes sup-
plémentaires sur les termes d'origine obscure; et la quatrième, des appendices trai-
tant de divers points d'histoire.
— En 1601 Philippe III d'Espagne dirigea contre Alger une flotte de 70 galères
et une armée de plus de 10,000 hommes sous le commandement du prince Andrettino
Doria. Mais l'expédition était mal conçue. Le premier instigateur du projet, un capi-
taine français, nommé Roux, avait proposé un plan qui pouvait réussir : cinq cents
hommes résolus, déguisés en matelots de vaisseau marchand, débarquaient un soir
dans le port d'Alger, à la saison où la ville était sans défense ; ils égorgeaient le
D HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 497
poste de la marine, pétardaient la porte et se jetaient dans la ville en appelant aux
armes les 20,000 esclaves chrétiens qui s'y trouvaient. Mais Doria modifia le plan
de Roux; au lieu de confier au capitaine français les cinq cents hommes qu'il de-
mandait et d'attendre aux Baléares avec toutes ses forces le succès du mouvement,
il voulut appuyer la surprise par une flotte et une armée. Il arriva naturellement
que la concentration de ses troupes entraîna des retards, que cette armada prit le
mer au su et au vu de tout le monde, que par conséquent la surprise fut manquée
et se transforma en une attaque régulière, que l'ennemi prévenu empêcha même
l'entreprise : on n'avait embarqué qu'un mois de vivres; il fallut revenir sur ses pas
et les dépenses énormes qu'avait coûtées l'expédition ne servirent à rien. On ne
connaît guère cette malheureuse tentative de l'Espagne pour prendre Alger; de Thou
est chez nous le seul qui en dise quelques mots (Histoire universelle, tome XVII,
p. 627), et on lit dans les lettres de Guillaume du Vair, premier président du par-
lement de Provence, que Roux, d'ailleurs écarté tout d'abord par le Génois Doria,
fut, à son retour en France, traité comme suspect et jeté en prison. Le seul docu-
ment qui raconte avec grand détail cette expédition est une lettre de l'historien gé-
nois Ieronymo Franchi de Conestaggio, datée de Gênes le 5 novembre 1661 et
adressée à « Nicolo Petroccino, proveditor di Casa d'India ». Cette lettre, imprimée
à Gênes, chez Gioseppe Pavoni, fut réimprimée à Venise chez Ciotti, à l'enseigne
de l'Aurore en 1602. Elle se divise en deux parties, dont la première renferme une
histoire succincte de la ville d'Alger, et la seconde, l'historique de l'expédition ; elle
semble conçue dans un esprit favorable à Doria et tente de le justifier des accusa-
sations dont il fut l'objet. Cette lettre curieuse, jusqu'ici non traduite en français et,
à ce qu'il paraît, inconnue encore, vient d'être traduite par M. H. de Grammont
(Relation des préparatifs faits pour surprendre Alger, par Ieronimo Conestaggio.
Alger, Jourdan. In-8°, 28 p.). M. de Grammont a annoté ce curieux document; ce
commentaire était tout à fait nécessaire, surtout dans la première partie de la lettre
de Conestaggio, où il y a beaucoup d'erreurs sur la fondation de la régence. Tel
qu'il est, ce document mérite d'éveiller l'attention de tous ceux qui s'intéressent à
l'histoire de l'Algérie.
— On ne lira pas sans intérêt lesEtudes de pédagogie morale que vient de publier
M. E. Labbé, professeur de sixième au lycée Saint-Louis. (Paul Dupont. In-8°,
102 p.). L'auteur y traite surtout des mœurs universitaires et des institutions péda-
gogiques; il y exprime avec chaleur et conviction un grand nombre de vues utiles
et judicieuses; on sent qu'il aime ses élèves et leur consacre avec joie toutes ses
forces (p. 36); tâchons, dit-il dans sa conclusion, autant que nous le pourrons, de
faire sortir de notre expérience, comme je l'ai essayé du fond de ma petite classe, la
moralité utile à notre pays; on peut se tromper, mais on ne s'égare pas loin quand
on y met toute sa conscience et l'on a la chance au moins de faire un pas vers le
mieux.
— La librairie Hachette a publié un deuxième Supplément à la 5e édition du
Dictionnaire universel des contemporains de Vapereau ; supplément qui rectifie,
complète et remplace le précédent. Il porte la date du Ier mars 1882 et renferme
54 pages. Motivé par les élections législatives des 21 août et 4 septembre 1881 et
par les élections sénatoriales du 8 janvier 1882, il a pour objet spécial de mettre le
dictionnaire au courant du renouvellement du Parlement français; les noms nou-
veaux sont marqués d'un astérisque. Accessoirement, ce Supplément contient la
nécrologie générale depuis la publication de l'édition dernière ; diverses notices,
françaises ou étrangères, d'après des renseignements tardivement obtenus; enfin la
rectification de quelques erreurs.
498 REVUE CRITIQUE
— M. Maspero, de retour à Boulaq, écrit qu'il ne manque pas au musée un seul
objet. Les bijoux avaient été tirés de leur cachette et remis en place deux ou trois
jours avant son arrivée. Le Catalogue sera terminé au mois de janvier prochain et
imprimé en février.
— M. -Grauck met la dernière main au monument de l'amiral Coligny qui doit
être placé derrière l'Oratoire de la rue de Rivoli, près du Louvre, dans la partie
entourée de grilles; Coligny est représenté en grand costume d'amiral ; sur les côtés
sont placées des figures allégoriques.
— Une traduction française des Principles of comparative philology de M. Sayce
paraîtra bientôt; l'auteur est M. E. Iow.
— V Academy a donné, dans un de ses plus récents numéros, la liste des cours
professés à l'Ecole des langues orientales vivantes ; elle ajoute cette réflexion : « les
intérêts de l'Angleterre en Orient ne sont certainement pas moindres que ceux de
la France ; mais qu'avons-nous à opposer à cette institution? »
ALLEMAGNE. — Après sa grande publication d'ensemble sur la guerre de
1870, l'état-major allemand a décidé de faire paraître une foule de monographies
détaillées qui traiteront avec plus de détail des événements isolés [Kriegsgeschichtli-
che Ein^elschriften) et seront publiées à des intervalles indéterminés par la librairie
militaire de E. S. Mittler et fils, à Berlin. Parmi les travaux qui sont sous presse,
nous signalerons les suivants, dont nous traduisons les titres : Le détachement
Boltenstern dans la vallée de la Loire aux 26 et 27 décembre 1870. — La surprise
de Fontenoy du 22 janvier 187 1 . — Marche de la sixième division de cavalerie en
Sologne du 6 au i5 décembre 1870. — L'artillerie au combat de Loigny-Poupry.
— De i 'influence que la forteresse de Langres a exercée durant la guerre de 1870.
— Ces monographies n'auront pas seulement pour sujet les opérations militaires de
la guerre franco-allemande d'il y a douze ans ; elles pourront traiter des mouve-
ments et des combats des guerres antérieures ; c'est ainsi que la librairie Mittler
annonce encore les études suivantes : Les mouvements des troupes prussiennes en
180 5.— Journal du major de Wienskowski du Ie' bataillon de la garde pendant les
préparatifs de la guerre de i8o5. — Détails sur la Prusse et sa grande catastrophe
(de 1806; publication importante d'un manuscrit inédit du général de Clausewitz).
— La campagne de Bavière en 180 g. — Les régiments prussiens étaient-ils désignés
par des numéros au temps de la guerre de Sept Ans ? — Biographie du général de
Fink. L'état-major général fait appel aux officiers de l'armée allemande et leur
promet d'accueillir dans cette collection les études où « ils auront mis leurs souve-
nirs de guerre, leurs considérations critiques ou leurs recherches sur les sources de
l'histoire militaire ». Pour ce qui concerne les guerres antérieures à 1870, il rappelle
que ses archives renferment un grand nombre de documents dont la publication
« ouvrira de nouvelles vues sur la guerre et provoquera un jugement plus juste,
plus profond des événements et des personnes qui y ont pris part.» Les officiers qui
traiteront de la guerre de 1870, devront « donner surtout des renseignements sur les
questions les plus importantes relatives au maniement des troupes, sur l'usage et
les services des différentes armes, sur la composition, l'équipement , la nourriture
des armées, etc., etc. ».
— En octobre i883 commencera l'impression d'une édition critique de toutes les
œuvres qui portent le nom de Notker ; l'éditeur est M. Johann Kelle, professeur à
Prague. Les deux premiers volumes renferment les textes avec indication des sour-
ces; le troisième volume, un glossaire; le quatrième, une grammaire, des recherches
sur l'auteur, etc.
— M. Otto Brahm travaille à une monographie sur Henri de Kleist.
d'histoire et de littérature 499
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 8 décembre 1882.
L'Académie procède à l'examen de la liste de ses correspondants, afin de constater
les vacances qui se sont produites depuis un an. Il résulte de cet examen qu'il va
lieu de pourvoir au remplacement de quatre correspondants, savoir : MM. Henri Weil
et Albert Dumont, Français, élus membres ordinaires de l'Académie, et MM. Cha-
bas, Français, et Muir, étranger, décédés. Deux commissions sont formées pour
présenter des candidats", l'une aux trois places de correspondants français, l'autre à
la place de correspondant étranger. Sont élus membres de la première MM. Renan,
Delisle, Georges Perrot et Gaston Paris, de la seconde MM. Adolphe Régnier, Bréal,
Barbier de Meynard et Schefer.
M. Foucart annonce un nouveau malheur qui vient de frapper l'Ecole française
d'Athènes. M. Alphonse Veyries, membre de première année de l'Ecole, est mort à
Smyrne le mardi 5 décembre. Ses camarades et tous ceux qui l'ont connu sentent
les plus vifs regrets de cette perte, et les premiers travaux qu'il avait eu le temps de
produire donnent lieu de juger que la science aussi perd beaucoup en lui.
L'Académie, après délibération en comité secret, décide qu'une lettre sera adressée
en son nom à M. le préfet de la Seine pour exprimer le vœu que ce qui reste de
l'amphithéâtre romain de la rue Monge ne soit pas détruit.
M. Ernest Desjardins communique les principaux résultats de l'examen qui a été
fait, par M. Charles Tissot, des copies d'inscriptions envoyées par M. le lieutenant-
colonel de Puymorin, président de la commission archéologique du Kef (Tunisie).
L'envoi de M. de Puymorin comprenait à la fois les monuments recueillis par lui et
par plusieurs officiers placés sous ses ordres, notamment par MM. Balthazar, Dacri
et Robora. Tous ces messieurs ont relevé des inscriptions intéressantes. M. Desjar-
dins signale particulièrement les découvertes de M. Balthazar, médecin aide-major,
âui a exploré les ruines de Henschir-ed-Douamis, à 20 kil. environ au nord de
ordj-Messaoudi. En ce lieu a été trouvé un temple, avec une inscription qui
prouve qu'il était dédié à Esculape. Quatre autres inscriptions, relevées par M. Bal-
thazar, établissent l'identité de Henschir-ed-Douamis avec l'une des deux villes men-
tionnées par Pline (V, 4) sous le nom d'Oppida Ulcitana duo, celle qu'il distingue par
le surnom de Majus. Ces inscriptions donnent le même nom, sous une forme un
peu différente. La plus ancienne est du temps d'Alexandre Sévère; elle est ainsi
conçue :
M- ATTIO
CORNELIANO
PRAEFECTOPRAE
TORIEMINENTISSIMO
VI R O C I V I E T PAT RONO
OBI NCOM PARA BILEM
E RGAPAT R I AM E TCIVES
A M O R E M R E S PVB L ICA
COLON I A E M ARI AN AEAV
GVSTAEALEXANDRIANAE
VCH ITANORVM MAIORVM
La seconde, qui est du règne d'Aurélien, nomme également la res publica coloniae
Marianae Augustae Alexandrinae Uchit. Majorum. La troisième, du temps de
Constantin, donne ce nom en abrégé : R. P. col. V. M. Enfin, la dernière est du
temps de Valens; par une anomalie singulière, elle commence par les mots doniinis
nostris, au pluriel, et ne nomme ensuite qu'un seul empereur :
DDNNFLAVIO
VALENT1VICTO
RIACTRIVMFA
TORI- SEMPER
A V G V S T O
R-PCOL-VCHI
TANORVMMA
IORVMDEVO
TA
En terminant cette communication, au nom de M. Ch. Tissot, M. Desjardins insiste
sur les remerciments dus aux officiers qui ont recherché et découvert ces monu-
ments. Il exprime en même temps quelque regret de ce que l'envoi de M. de Puy-
morin contient beaucoup plus de copies que d'estampages. Les copies d'inscriptions
donnent plus de peine à faire que les estampages de papier, et elles rendent moins
de services.
Julien Havet.
500 RRVUE CRITIQUE DHIST01RE ET DE LITTERATURE
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 8 novembre 1882.
Cette séance a été consacrée à des questions administratives et à l'élection de
M. l'abbé Thédenat comme membre résidant.
Séance du 1 5 novembre.
M. Flouest, associé correspondant, présente une superbe épée en bronze, apparte-
nante la période dite « âge du bronze », qui a été trouvée près de Langres, dans un
ancien lit de la Marne, et qui appartient aujourd'hui au musée de Saint-Germain.
Elle aurait sans doute, conformément à un usage mentionné par un auteur ancien,
été jetée dans les eaux à titre d'offrande aux divinités.
M. Mowat annonce qu'il possède une épée trouvée dans des conditions analogues,
dans le lit de la Vilaine.
M. Gaidoz rapproche certains usages religieux de la Rome ancienne, de la France
et du Congo, et s'élève contre le système qui fait venir de l'Asie toutes les croyances
et toutes les pratiquas religieuses des peuples européens.
Séance du 22 novembre.
M. Héron de Villefosse lit une note de M. Castan, associé correspondant, sur un
anneau en bronze doré du musée de Besançon; le chaton, simple tablette de cristal
de roche, est accosté, d'un côté d'un écusson surmonté de la tiare pontificale
et renfermant les deux clefs en sautoir, de l'autre d'un saint Georges à cheval
perçant de sa lance le dragon. Sur les cartouches en biseau que le chaton surmonte,
on lit, d'un côté P. N., de l'autre DVX, les clefs en sautoir sont les armoiries person-
nelles du pape Nicolas V, dont les initiales se lisent sur un des cartouches, le titre
de Dux et le saint Georges appartiennent au doge de Gênes. Or Nicolas V avait
cédé au Génois Luigi Fregoso ses droits souverains sur la Corse; celui-ci les rétro-
céda aussitôt à la République de Gênes; qui en remit la jouissance à la fameuse
compagnie appelée « l'office de Saint-Georges ». M. Castan reconnaît dans l'anneau
du musée de Besançon l'anneau par lequel l'office de Saint-Georges fut investi en
1433 de la seigneurie de la Corse au double nom de Nicolas V, suzerain de l'île, et
du précédent feudataire, le doge de Gênes.
M. Rayet lit une note sur un fragment de table iliaque trouvé par M. Thierry à
Tivoli, et sur lequel sont représentés en abrégé certains épisodes de la guerre de
Troie, empruntés à la Destruction de Troie, par Sèschore, et à l'Ethiopide d'Arctinos
de Milet.
M. Renot informe la Société que la seconde moitié des Arènes de Lutèce, dont la
première partie, découverte en 1870, est actuellement cachée sous des bâtiments
élevés par la Compagnie des omnibus, est, à son tour, menacée de destruction par
un projet de percement de rue. Sur son invitation, la Société renouvelle sa délibé-
ration du 6 avril 1870 tendant à la conservation de ces restes intéressants du plus
ancien monument du Paris romain, et décide que son président fera en ce sens une
démarche auprès du conseil municipal.
M. Nicard rectifie quelques erreurs contenues dans la partie du tome II de Y In-
ventaire général des richesses d'art de la ville de Paris qui concerne les vitraux de
Saint-Etienne-du-Mont. Un vitrail représentant le Pressoir mystique et attribué par
l'inventaire à Robert Vinaigrier, peintre verrier de la première moitié du xvie siècle,
est simplement la copie faite par Nicolas Vinaigrier, qui vivait au xvne siècle, d'une
verrière peinte par Robert pour Saint-Hilaire de Chartres; cela avait été déjà dit par
Emeric David en 1823 dans un article de la Biographie universelle de Michaud.
Le secrétaire : O. Rayet.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE
Dans sa séance du 10 novembre, la Société asiatique a renouvelé la commission de
son Journal. Ont été élus membres de cette commission MM. Defrémery, Barbier
de Meynard, E. Senart, Stanislas Guyard et Bergaigne. — M. Bergaigne a fait en-
suite une intéressante communication sur un hymne védique relatif à la descente
du Borna porté sur un aigle. M. Roth avait eu recours, pour expliquer un passage
obscur de cet hymne, à des corrections du texte. M. Bergaigne repousse ces correc-
tions et montre qu'en maintenant l'intégrité du texte on parvient à une interpré-
tation qui confirme le système développe par lui dans ses travaux sur la rhétorique
du Rigvéda. — M. Halévy annonce qu'il a réussi à déchiffrer les inscriptions Thamoû-
dites découvertes en Arabie par M. Huber. On sait que les Thamoûdites sont une
de ces peuplades antiques de l'Arabie que cite le Coran comme ayant été détruites
par un châtiment céleste.
Le t'uy, imprimerie Marchessou /ils, boulevard Saint-Laurent, i3
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N° 52 - 25 Décembre — 1882
Sommaire s 261. Bartholomae, Recherches aryennes. — 262. E. Curtius, Anti-
quité et présent, II. — 263. De Ruble, Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret,
II. — 264. Breucker, La cession de la Poméranie à la Suède. — 2Ô5. Valfrey,
Hugues de Lionne et la paix des Pyrénées. — Chronique. — Académie des Ins-
criptions. — Société nationale des antiquaires de France.
261. — Arische Forschungen, von Christian Bartholomae. Is Heft. pp. vi-178.
in-8. Halle, 1882.
Ces nouvelles études de M. Bartholomae se divisent en deux parties
très différentes de nature, l'une grammaticale et l'autre exégétique et
critique. La première partie se subdivise également en deux sections.
Dans Tune, M. B. traite des représentants aryaques des moyennes
aspirées -f- t et des mêmes moyennes -f- s; dans l'autre, il analyse le sys-
tème de la déclinaison des thèmes en r, n, m,j (i) et v (m).
Discutant d'abord la première de ces questions, M. B. pose, comme
fondement, les formes sanscrites g* h -j- t, th = gdh (et semblables) et
g1 h~\-t, th — dh (de "(dh); puis, comparant le sanscrit dabdha (de
dabh -\- ta) avec l'avestique dapta, il se demande quelle est la forme indo-
iranienne qui a précédé l'une et l'autre. Il regrette et l'explication d'As-
coli, qui établit la progression dabh ta — dabtha — dabdha, et celle de
Schleicher, qui admet un indo-européen dabh-ta et la théorie générale-
ment admise de l'amollissement des consonnes en avestique.
Il pose en principe que le groupe indo-européen gh -f- t est devenu
d'abord gdh aryaque et de là gh dh iranien.
Par une même suite de raisonnements, il établit également que le
groupe g"- h -f- s est en iranien gh{', g\ et indo-iranien gfh, et que
g1 h -f- s se montre, en iranien, sous la forme %> dans va^'h.
Dans la seconde section, M. B. expose, en suivant l'ordre des cas,
toutes les formes que revêtent les radicaux unis aux suffixes de flexion
selon qu'elles ont pour base le thème renforcé (par exemple, an), le
thème simple ou aminci ou que le suffixe flexionel a disparu. Il discute,
à cette occasion, la chronologie de ces formes et la légitimité de quelques-
unes d'entre elles.
On ne peut contester que la discussion soit conduite d'une manière
vraiment scientifique. L'auteur cherche à établir ses théories sur des
raisons sérieuses et vise à la plus stricte exactitude. Naturellement, en
Nouvelle sJrie, XIV. z6
502 REVUE CRITIQUE
ces matières, on est souvent réduit à des conjectures et c'est déjà beau-
coup quand ces conjectures sont toutes plausibles.
Je ne puis entrer dans tous les détails que comporte le sujet ; je dois
me borner à quelques remarques faites au courant de la lecture. M. B.
rejette, avec raison, la forme dabta admise par M. Geldner et i'e sylla-
biquequeM. Fick voit en dademaidê ; aogda me semble bien être un
amollissement d'aokhta quand il signifie « il dit » ; pour écarter cette
forme, il ne me semble pas suffisant de dire qu'elle est altérée.
Vaghdhanem est bien interprété comme provenant de vag2h et du
suffixe tana.
M. B. fait dériver (ni) uru\dotema et ma\dâo de rudh et madh, comme
je l'avais fait précédemment. Je ne puis naturellement que l'approuver
en ceci. — A^débis' est évidemment le produit d'un amollissement du
thème ast, asta. Pour ce cas du moins, comme pour aokhta, l'amollis-
sement ne me paraît pas contestable.
Il est assez difficile d'admettre que la forme a du nominatif des noms
ennour soit la plus ancienne ', ou que sakhi provienne de saski par
redoublement de la racine sak2. Il faudrait pour cela d'autres exemples
de sk\ z=. kh. Ne serait-ce pas le radical saky qui a engendré sakh ? En
revanche, l'origine attribuée aux accusatifs en dm, dm de jpanthdm, gâm
etc., est certainement la vraie. Ce sont les nominatifs en as qui en ont
entraîné la formation. Le son mouillé attribué à la sifflante sh (Justi) est
assez bien justifié par les exemples shu = shyu ; shâti — shydti ; yum est
bien le vocatif de yuvan ; comme je l'ai expliqué depuis longtemps
(Avesta traduit, Yesht xxii). — L'auteur rapproche très heureusement
les suffixes ur, us des troisièmes personnes du pluriel en sanscrit, avec
ceux en ares des parfaits avestiques, de même que le génitif sanscrit en
us de la forme ars. Les génitifs sakhyus, patyus, etc., forment encore
une difficulté. — D'autre part, il semble peu probable que l'ablatif et le
génitif du singulier aient été originairement identiques et qu'on ne les
aient distingués par la suite qu'à la seule déclinaison des noms en d, d'où
la forme nouvelle {d, t, ad) se serait étendue aux autres radicaux, en latin
et en avcstique uniquement. Je croirais plus facilement que ce suffixe
s'appliquait d'abord à tous les mots, sans toutefois être arrivé à la fusion
complète si ce n'est dans la flexion des mots en a où la forme du génitif
{asya) s'appliquait difficilement à l'ablatif.
Les Gâthâs n'ont point le suffixe d (ad) dans les autres déclinaisons,
cela est vrai ; toutefois, la forme bûnoiî, Y. lu, 7, n'en serait-elle point
un reste? M. B. penche à la corriger en bûnois\ Il peut avoir raison,
mais ce n'est point sûr. — M. B. distingue avec beaucoup de raison les
cas où le rythme demande un élargissement des mots de ceux où la cor-
rection est exigée par la grammaire. Les premiers peuvent très bien ne
représenter qu'un usage poétique. Il rejette la théorie reçue qui admet
Ii Même remarque quant au génitif en es, os, des radicaux -j, -u.
d'histoire et de littérature 5o3
dans la langue avestique l'altération des sons fermés en spirées entre
deux voyelles et ne voit dans gâthum, par exemple, qu'une extension
par analogie du th de gâthwâ. Mais les formes coithat, cithit, dadhâm
(da, donner) et semblables paraissent favorables à l'explication ordinaire,
bien que celle de M. B. donne plus de régularité à la langue. La solu-
tion de cette question dépend du plus ou moins d'extension que l'on
accorde à l'influence de la fausse analogie.
C'est aussi avec juste raison que M. B. raie de la lexicographie avesti-
que les locatifs en ô des radicaux en i, comme je Pavait fait antérieure-
ment (V. mon Manuel, p. 5o) Hu\âmitô est un nominatif-accusatif plu-
riel comme le prouve le vers yâ vispâo hâirishias, hu^âmito dadhaiti
(Y. lxiv 2) « qui fait toutes les femelles ayant d'heureux enfantements,
enfantant heureusement. » De même au Yt. xnr, i5, hu\âmitù (nom.),
\i\anahti.
Yuto (à Vend., V, 55) est membre d'un composé féminin yuto-
hvaretha, yuto-gdtus ; ou bien c'est un nominatif masculin employé
dans une formule usuelle, bien qu'il s'agisse ici d'une femme.
Gaoddyô est bien certainement un accusatif neutre (comp. mon
Avesta traduit, p. 3 18). Il en est de même de sénghô, Y. xxxn, 6.
Neréus* vient bien, je pense, de nerans', neréns' (Cp. mon Manuel,
p. 368 init.)
La seconde partie consacrée à la critique et à l'exégèse est aussi très di-
gne d'attention. Elle contient le texte (restitué selon le système de l'au-
teur) et la traduction desYeshts xix (8-96) et I, 5-j, 9-12, 16. 18. 19;
des notes explicatives et justificatives accompagnent la version.
La restauration du texte consiste en la reconstruction de strophes ré-
gulières de 4 ou de 3 vers, chacun de 8 syllabes, et en l'élimination des
mots, membres de phrases ou strophes qui troublent l'harmonie des
strophes et des vers.
Les fragments retranchés du texte traditionnel du Y. xix sont ajou-
tés en colonnes parallèles au texte restitué, mais sans traduction. Les re-
tranchements plus considérables fait au texte manuscrit du Y. 1 sont
complètement omis.
Je n'ai rien à redire à la manière dont M. B. traite le texte du Y. xix.
On voit même de cette façon comment ces interpolations se sont pro-
duites. Tantôt c'est le défaut de mémoire des rédacteurs qui les
a induits à transférer un passage d'un endroit à un autre; tantôt c'est
une préoccupation religieuse. Ainsi, cette mention que l'on retrouve aux
§§ 36 et 38, anyô Zarathus'trd, provient de la sollicitude de l'interpo-
lateur pour la grandeur du prophète, supérieure, à ses yeux, à celle de
tout autre humain'. Cette interpolation ne prouverait-elle pas que le
fond de ce chant est antérieur à la réforme zoroastrienne?
Il n'y aurait ici à regretter, si tout le monde suivait cet exemple, que
l'absence complète d'explication ou de traduction des mots et phrases
rejetés du texte. Ce sont, malgré tout, des mots iraniens, et leur rejet pur
5 04 REVUE CRITIQUE
et simple appauvrirait considérablement notre lexique avestique.
Cette remarque s'applique surtout à la restauration du texte du Y. i,
d'où elle fait disparaître des fragments considérables; soit 2 3 paragra-
phes sur 33.
N'est-il pas à présumer que, dans des morceaux de ce genre, la prose
et les vers se mêlaient, se succédaient alternativement, ou bien qu'ils sont
composés de la réunion de divers morceaux séparés, les uns en prose, les
autres rythmés ?
Je ne puis, en général, qu'approuver la traduction de M. B., laquelle
concorde généralement avec la mienne, même en certains points obscurs,
par ex. sahvâre, asengdus, as^vindra, cinmâni paitibar, du\hvahdru.
Voici les seules remarques que j'aurais à faire :
N'est-il pas plus naturel de lire ughrem Kâvayem huarnô, que ugka-
rem k. h.? de même pouru, vohuca, sriraca, plutôt que pouru, vohu,
sîraraca (de srira) ? — Dans ahêaya hvarnanhaca tem ya\âi [tem se
rapportant à hvarnô), ne vaut-il pas mieux voir une formule générale
appliquée ici au hvarenô sans souci de l'accord grammatical? Toutefois
l'identité de forme de avem [aom] hvarenô autorise certainement l'ex-
plication de M. Bartholomae.
La correction du § 12, aom cithemca astemca, est excellente, et donne
un très bon sens à la phrase.
Le mot abda est encore obscur, ni dbâd, ni abdân; ni apadha (cf.
frabda) ne me paraissent fournir la solution définitive; mais abddn est le
mot le plus rapproché de abda. — Aiviama, supérieur en force, accolé à
bernât, élevé, est une bonne correction de aiwydma; de même Kâvayem
(royal) de Kâvayem.
Au § 17, le pluriel dans humataèshu, hûkhtaêshu, etc., semblerait indi-
quer qu'il s'agit des pensées, paroles et actions et que le v. merthwehtem
garônmânem a été ajouté après coup, alors que l'on eût inventé les
3 parvis du ciel, humatem, etc., dont parle le Yt. xxn. — Marekhstar après
dâtar n'indique-t-il pas l'acte de celui qui polit, perfectionne une statue,
un objet quelconque qu'il vient de former — Aux §§ 3 1 -33 , on pourrait
conserver presque tous les mots retranchés en commençant avec le § 3i
les strophes de 4 vers (cfr. mon Manuel, pp. 160, 161 ; excepté le dernier
vers). — Il me semble que dans les mots vdraghna, \arathustrâ, etc.,
le rythme permet de prononcer parfois vdrghna, Zarthustra.
M. B. ramène souvent, et avec raison, les génitifs écrits en andm à
la forme dm; le sens qu'il donne à Vyâkhmainyata, réfléchir, penser en
soi, est le bon ; cela ne prouve-t-il pas que Vyakhna ne vient pas de
vyac et ne signifie pas rassembléur? Au § 39, rdhwô\ahga peut-il signifier
autre chose que « ayant la jambe dressée », toujours debout (vigilant)?
Cela concorde très bien avec le mot suivant ahvafnîya, sans sommeil. —
g 41, Pathanya ne peut-il être formé du suffixe anya? Cela me semble
bien possible. — J'ai traduit fra^ushta comme l'équivalent du sanscrit
prajushta (cela me paraît meilleur que legeliebt de Justi) et barô^ushta,
d'histoire et de littérature 5o5
qui se plaît à la guerre, en comparant à baro le bhara védique. Je vois
dans *akhshashrem un dérivé de %akhsh=jaksh, avaler. — § 52, M. B.
lit atha urunô « pour l'âme » et non athaurunô. Le sens est meilleur;
mais le mot râtanâm, offrandes, n'indique-t-il pas qu'il s'agit des prêtres
et des offrandes que Ta vesta engage à leur faire? Gela est bien dans l'esprit
du livre. L'auteur voit dans Yagha daoilhri du g 5j une formule magi-
que funeste et considère les mots suivants itha, itha, etc., comme étant
cette formule, sans signification réelle. Cela paraît très vraisemblable,
vu surtout la gradation des 3 cris de Franrasyan, Paitishâ peut aussi
venir depahti kisha, comme le suppose l'auteur. — Vaoçirem ou vao\a-
rem, qu'il lit vao^rem, est à ses yeux une forme verbale semblable au
sanscrit asxgram. C'est incontestablement un rapprochement ingé-
nieux ; mais le mètre ne demande pas la suppression de i (a) et va\ ap-
pliqué aux terres ne me paraît pas en place. Mais cette forme am pour
an ne nous explique-t-elle pas ashâum, yum pour ashdun, yun? Ma-
yâo me semblent être les opérations magiques « die Wunderthaten », et
les Jainis, non point simplement « les femmes», mais des génies femelles,
magiciens comme les Yâtus, leurs compagnons au vd. xx, 10, que cite
très à propos M. Bartholomae. M. B. voit dans vaêjo (§ 92) une arme,
mais ne dit pas pour quel motif; et rend vaèdhîm par « maniant ».
En résumé, l'œuvre de M. B. est vraiment savante et contient nombre
d'innovations heureuses. Les quelques observations que je me suis per-
mis de faire n'en diminuent nullement la valeur ; ce sont toutes matières
à controverse et les diverses opinions se valent l'une l'autre le plus sou-
vent. 1
Je me plais à signaler, en terminant, dans cet écrit de M. Bartholomae
une parfaite convenance dans la discussion. On voit que la science n'y
perd rien.
C. de Harlez.
262. — Alterthnm nnd Gegenwart, von Ernst Curtius. Zweiter Band. Berlin,
Wilhelm Hertz, 1882. In-8°, 347 p. Prix : 4 mark.
Ce volume est, comme celui qui l'a précédé, un volume de mélanges,
composé de discours, de conférences et d'articles l, que ni M. E. Cur-
tius ni son éditeur n'ont voulu laisser perdre. Malgré le titre, le présent
y tient peu de place 2; c'est de l'antiquité, et de l'antiquité grecque qu'il
1. Les discours ont été prononcés, soit dans VAula de l'université de Berlin aux
jours solennels — le dernier en date est celui que M. C. a prononcé le i5 octobre
1881, en prenant possession du Rectorat — soit aux séances publiques de l'Acadé-
mie des sciences. Les conférences ont été faites devant la Société des sciences de
Gcettingue, l'Association scientifique et la Société archéologique de Berlin. Enfin les
articles proviennent des Preussische Jahrbûcher.
2. Une trentaine de pages en trois morceaux : Le régime de paix de l'empereur
5o6 REVUE CRITIQUE
est surtout question. Les morceaux, assez variés, qui s'y rapportent,
peuvent cependant se ranger en un petit nombre de groupes. C'est ainsi
que les trois conférences sur Olympie permettent de suivre facilement
l'histoire de la campagne de fouilles entreprise et menée à bonne fin par
les savants prussiens, sur les bords de l'Alphée. Un autre groupe est
formé par les articles biographiques. On lira surtout avec intérêt le récit
des derniers jours d'Otfried Millier, et la notice sur le colonel Leake,
rédigée d'après des mémoires de famille, imprimés à petit nombre et non
mis dans le commerce «.
L'histoire religieuse, qui a plus d'une fois attiré l'esprit curieux et
pénétrant de M. C, est ici représentée par deux études. L'une, sur le
Sacerdoce che\ les Grecs, fait surtout ressortir, en quelques pages
fermes et brillantes, l'heureuse action qu'a exercée le collège sacerdotal
de Delphes. La seconde, plus développée et qui a pour titre : La science
des divinités grecques au point de vue historique, mérite une attention
particulière. Bien que M. George Perrot en ait donné, il y a quelques
années, dans la Revue archéologique 2, une analyse très fidèle, il ne
sera pas inutile d'y revenir ; car l'auteur y soulève et essaie d'y résoudre
une question de méthode des plus importantes.
M. C. reproche, et avec raison, à la méthode comparative d'avoir
borné ses investigations aux peuples de la famille arienne, sans tenir
compte des influences qu'ont subies les Hellènes, depuis le jour où ils
sont entrés en relations, directes ou indirectes, avec les Sémites 3. On a
eu tort, dit-il, d'attribuer aux conceptions religieuses la même persis-
tance qu'à la langue. En fait, nulle religion antique n'a pu se soustraire
à l'action des cultes voisins, quand ces cultes frappaient vivement les
yeux et l'imagination. Ce qui est arrivé en Perse où l'on voit, sous
Artaxercès Memnon, s'introduire dans la religion officielle, à côté du
grand dieu iranien Ahura Mazda, la déesse sémitique Anahit, est arrivé
nécessairement ailleurs, et à des époques très reculées. Nul ne conteste,
par exemple, que le culte d'Aphrodite ait été importé de bonne heure en
Grèce par les Phéniciens. Mais Aphrodite est-elle la seule étrangère de
l'Olympe ? Les divinités orientales n'ont-elles suivi d'autres routes que
celles de Cypre et de Cythère pour aborder aux côtes de Grèce? Grâce
aux récents progrès de l'assyriologie, on commence à mieux connaître la
nature de la grande divinité féminine des religions sémitiques, de celle
qui s'appelait Annat en Chaldée, Bélit ou Mylitta à Babylone, Istar en
Guillaume (22 mars 1871). — Frédéric II et les arts plastiques. — Du développe-
ment de l'Etat prussien d'après les analogies de F histoire ancienne.
1. Brief memoir of the l if e and writings 0/ the late lieutenant-colonel W. Martin
Leake, London, 1864. For private circulation only.
2. T. XXX (1875), pp. 408-414.
3. M. C, qui cite Gerhard et Welcker, paraît oublier qu'il y a plus de vingt ans,
M. Alfred Maury avait consacré à l'étude de ces influences asiatiques la plus grande
partie du troisième volume de son Histoire des religions de la Grèce.
d'histoire et de littérature 507
Assyrie. Or, si l'on trouve en Arménie, en Phrygie, dans le Pont, sur le
sol de peuples ariens, des traces certaines du culte de cette divinité, est-il
admissible que cette transmission se soit arrêtée sur les confins des tribus
grecques établies au bord de la mer Egée ? Tout le long de cette côte,
s'élevaient des sanctuaires de divinités féminines qui, malgré les chan-
gements de formes et de noms que les Grecs leur ont imposés, représen-
tent toutes, d'après M. G., la même conception : celle de la déesse-
nature, mère et nourrice féconde des êtres. Ce type divin, originaire de
la Chaldée ou de la Babylonie, a gagné de proche en proche l'Assyrie,
les provinces centrales et les côtes d'Asie-Mineure ; il a franchi la mer
pour venir en Grèce. Et M. C. conclut que les principales déesses de
l'Olympe, Aphrodite et Héra, Athèna et Artémis, Déméter et Corè, ne
sont que les formes variées, diversifiées par le génie hellénique, de ce
type fondamental.
Cette conclusion, qui sera peut-être un jour démontrée vraie, est-elle
suffisamment justifiée dès aujourd'hui par les faits? Il nous a paru que
M. C. apporte à l'appui de sa thèse plutôt des indices que des preuves et
ces indices ne sont pas tous d'égale valeur.
L'auteur voulant établir que le culte de la déesse du Sipyle a été
importé très anciennement en Grèce, prétend que « dans le Péloponèse
on connaissait les plus anciens sanctuaires de Cybèle et qu'on savait
qu'ils avaient été fondés par les Tantalides ' ». Le texte unique de
Pausanias auquel se réfère M. C. n'a pas la portée qu'il lui prête. Pau-
sanias (III, 22) dit simplement : les habitants d'Acriae assurent que leur
statue delà mère des dieux est l'image la plus ancienne de cette déesse
qui soit dans les sanctuaires du Péloponèse — (du Péloponèse seule-
ment) — caries Magnésiens du Sipyle en possèdent une qui est la plus
ancienne de toutes et qu'ils attribuent à Brotéas, fils de Tantale. —
Est-il possible, je le demande, de déduire logiquement de ce texte que ce
sont les Pélopides qui ont introduit en Grèce le culte de la Grande Mère?
Faut-il même en croire, sur la haute antiquité de cette image, l'amour-
propre local des gens d'Acriae?
On conviendra bien volontiers, avec M. C. que l' Artémis éphésienne
et l'Héra samienne offrent de remarquables analogies avec la déesse-
mère de l'Assyrie. Mais le type divin d' Athèna n'est-il qu'une variante
de celui de la déesse asiatique? Pour le prouver, M. C. accumule des
raisons qui ne sont pas toutes convaincantes. Faut-il attacher, par
exemple, quelque importance à ce fait que certains sanctuaires d'Athènes
étaient situés dans des terrains marécageux (p. 62) ? A Marathon, sans
doute, le temple d'Athèna était voisin d'un marais; mais à Sunium, à
Egine, à Athènes et ailleurs, ses sanctuaires s'élevèrent sur un terrain
sec ou même sur le rocher. Ce n'est point là un argument. — M. C.
essaie ensuite de prouver que chez Athèna, le caractère antique et pri-
1. P. 58.
5û8 REVUE CRITIQUE
mitif de mère ne s'est pas complètement effacé, bien que celui de vierge
soit devenu prédominant. L'assertion est assez nouvelle pour n'être pas
acceptée sans discussion. « Athèna, nous dit l'auteur (p. 63), était la
mère nourricière de la jeunesse attique, une déesse du mariage et des
phratries. A Athènes, à Elis, et ailleurs, elle était honorée sous le titre
de mère ». A cela on peut répondre : qu'Athèna est en rapport avec les
enfants, en tant qu'elle est Athèna-Nikè, la victoire qui procure la paix
et assure ainsi la libre croissance de la jeunesse 1 ; qu'elle ne préside
nullement au mariage, car, si, à Trézène, les jeunes filles, avant de se
marier, lui consacraient leur ceinture 2, cette offrande s'adressait évi-
demment à la déesse-vierge qui avait jusqu'alors protégé leur virginité,
et non à une déesse de l'hymen 3 ; qu'Athèna est une déesse <ppaxpia en
vertu simplement de son caractère de déesse Poliade ; enfin, que si
Athéna était surnommé MifJT/jp à Elis — à Elis seulement, quoi qu'en
dise M. G. — c'est là un fait isolé, l' Athèna- Mèter d'Elis pouvant
d'ailleurs se résoudre, comme le veut Welcker, en une Athèna-Nikè,
xoupoTpéçoç.
Un fait plus grave est celui-ci. Sur les monnaies d'Athènes, le crois-
sant de la lune est, avec la chouette, le symbole constant d'Athèna. Or,
ce symbole est un des signes caractéristiques de la déesse asiatique de la
nature. Le rapprochement ne saurait être contesté, et, puisque le crois-
sant lunaire des monnaies athéniennes n'a pas été expliqué jusqu'ici,
M. C. est dans son droit quand il s'en fait un argument en faveur de sa
thèse. La lune, dit-il, était le symbole de la fécondité de la nature,
d'après ce préjugé accrédité chez les anciens que les nuits de clair de
lune sont abondantes en rosée et favorisent la végétation des plantes.
Nous n'y contredisons pas; mais c'est là une interprétation, contestable
comme la plupart des interprétations. Peut-être la lune et le hibou
d'Athèna permettent-ils simplement de conclure que la déesse était en
rapport avec la nuit et les phénomènes nocturnes.
Ces objections de détail ne nous empêchent pas de reconnaître que
l'étude de M. C. abonde en vues ingénieuses et en curieux rapproche-
ments qui, s'ils n'entraînent pas la conviction, forcent du moins à la
réflexion ceux qui ne peuvent accepter sa thèse tout entière. M. C. pose
d'ailleurs très nettement le problème qui reste à résoudre, à savoir
quelles étaient les conceptions religieuses des Grecs avant leurs rapports
avec les peuples sémitiques, et il indique la méthode à suivre pour
obtenir de ce problème une solution, qui ne sera sans doute jamais
i . Cf. Eirènè, xoupoxpéçoç.
2. Pausan., II, 33, i.
3. On trouve, il est vrai, citée chez Gerhard et chez Welcker, une Athèna feveçfttç
qui, d'après son nom, serait en rapport avec la génération. Vérification faite, cette
épithète ne se rencontre que chez un écrivain anonyme publié jadis par Creuzer
dans ses Meletemata, et encore la lecture du mot n'est-elle pas certaine.
d'histoire et de littérature 509
qu'approximative. Il faudra procéder par voie d'élimination, rechercher
et découvrir tous les éléments assyriens et phéniciens qui se sont intro-
duits dans la religion hellénique. Ensuite, mais seulement ensuite,
l'étude comparée des plus anciens monuments de la race arienne per-
mettra peut-être de dresser l'inventaire du patrimoine religieux propre
aux Hellènes. — La méthode est excellente ; l'application, à ne s'en
tenir même qu'à la première partie de la tâche, fort difficile. Malgré les
progrès de nos connaissances dans le domaine de l'art et des religions de
l'Asie, il est permis de croire qu'il est encore trop tôt pour écrire cette
histoire des origines asiatiques de la religion grecque, dont M. Curtius
n'a retracé qu'une vive et courte esquisse.
P. Decharme.
2Ô3. — Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret, suite de Le mariage
de Jeanne d'Albret, par le baron Alphonse de Ruble. T. Il, Paris, Labitte,
1882. Grand in-8 de 5o6 p.
Déjà deux fois de suite je me suis ici trop étendu sur le mérite de
l'ouvrage de M. de Ruble l, pour que, négligeant les répétitions, je ne me
contente pas de dire que l'auteur reste toujours égal à lui-même, et
d'indiquer brièvement le contenu du troisième volume de l'histoire de
Jeanne d'Albret. Ce volume contient le récit des événements accomplis
depuis la mort de Henri II jusqu'à la mort de François II (10 juillet
i559-5 décembre i56o), événements parmi lesquels le nouvel histo-
rien s'est surtout occupé du mariage d'Elisabeth de Valois avec Phi-
lippe II, de la conjuration d'Amboise, et des progrès de la Réforme en
Béarn et en Guyenne. Sur ces divers points, M. de R. a multiplié lesplus
exacts renseignements, tirés parfois de nos vieux annalistes, de Bellefo-
rest, par exemple, mais surtout tirés des documents inédits des archives
nationales et de la Bibliothèque nationale.
En ce qui regarde le mariage d'Elisabeth de Valois, la monographie con-
sacrée à cette princesse par le marquis Du Prat est complétée de la manière
la plus heureuse (pp. 64-94 2). Le tableau de la conjuration d'Amboise
n'avait pas encore été retracé avec autant de fidèles développements. A
tout ce que l'on savait déjà sur ce dramatique épisode du règne de Fran-
çois II 3, M. de R. a su ajouter bien des particularités nouvelles, et, à l'a-
1. N° du ier septembre 1877, pp. 120-124 et n° du iermai 1882, pp. 347-35i.
2. M. de R. refuse d'attribuer à la fille de Catherine de Médicis (p. 79) les vers
que le marquis Du Prat n'a pas hésité à publier sous le nom de la future reine
d'Espagne. — Voir (pp. 70-71) d'intéressantes observations sur les portraits espa-
gnols de Philippe II et d'Elisabeth.
3. Il serait injuste de ne pas rappeler qu'un excellent travailleur, trop tôt enlevé
aux sciences historiques, M. Charles Paillard, avait donné à la Revue historique
1880) une étude très neuve, très importante sur la conjuration d'Amboise. M. de R.
n'a pas manqué de citer et de louer les recherches de son devancier (pp. 159, 188,
etc.)
5 10 REVUE CRITIQUE
venir, pas un sérieuxhistorienduxvr3 siècle ne pourra se dispenser de lui
emprunter les résultats d'une étude aussi bien faite. Les plus récents et les
meilleurs auteurs protestants eux-mêmes ne nous avaient pas donné sur
les choses de la Réforme, pendant le règne de François II, à Pau, à
Montauban, à Millau, à Villefranche de Rouergue, à Bordeaux, à Ba-
zas, à la Réole, à Agen, à Monheurt (M. de R. écrit Monhurt, comme
on écrivait autrefois *), à Villeneuve-d'Agen, à Dax, à Bayonne, à Ber-
gerac, à Sainte-Foy, à Cognac, à Angoulême, à la Rochelle, à Niort, à
Châteilerault, les détails si abondants que nous trouvons dans le neu-
vième chapitre de l'ouvrage (pp. 229-3o3). Les récits de Théodore de
Bèze sont tantôt confirmés, tantôt démentis, toujours complétés à l'aide
des plus sûrs documents imprimés ou manuscrits. On a souvent ex-
primé le regret de ne pas posséder une édition plantureusement anno-
tée de ['Histoire ecclésiastique des églises réformées au royaume de
France. Rien ne sera désormais plus facile que de préparer la partie de
cette édition qui correspond à la période touchant laquelle M. de R.
a recueilli et a discuté tous les témoignages. Ajoutons que le nouvel
historien raconte et juge les faits avec la plus ferme impartialité et que
ses appréciations ne sont pas moins consciencieuses que ne Pont été ses
recherches.
Le volume de M. de R., qui complète ou rectifie tant d'ouvrages 2, ne
pourra guère être complété ni rectifié. Indiquons toutefois une omission
à réparer et deux passages : l'un, qui n'est pas assez exact, à retoucher;
l'autre, qui est entièrement inexact, à supprimer. — Sur la décapitation
à Bordeaux du gentilhomme périgourdin Denis Daytz, seigneur de
Memy ou plutôt Maymi, il y aurait eu mieux à citer (p. 283) qu'un ré-
cit de Mézeray : M. de R. aurait pu rapporter de curieuses lignes d^ne
lettre d'Antoine de Noailles à Jeanne d'Albret 3. — Louis de Lorraine,
cardinal de Guise, est jugé d'une façon aussi insuffisante que pittores-
que dans la phrase où l'on nous apprend (p. n) qu'il fut « célèbre par
i. M. de R. se sert encore (p. 119) d'une appellation inusitée, quand il nous
montre « le roi de Navarre au Mas d'Agen, près de Nérac. » Il s'agit là du Mas-
d'Agenais, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Marmande, et bien plus rap-
proché de cette dernière ville que de Nérac. Signalons, pendant que nous en som-
mes aux noms propres, une autre petite méprise : Le sénéchal de Poitiers, gendre
d'Honorat de Savoie, s'appelait non Melchior de Lettes (p. 383), mais Melchior des
Pre%. Voir, à ce sujet, les Vieux papiers du château de Cau^ac (Agen, 1882, p. 3,
note 1).
2. Voir notamment les observations de l'auteur sur l'Histoire de V administration
monarchique en France par M. Chéruel (pp. 17, 3i8), sur Davila (p. 25), sur plu-
sieurs historiens, quant à la date (18 septembre) du sacre de François II (p. 53), sur
Dom Devienne (pp. 80, 81), sur Palma Cayet (p. 83), sur La Planche et sur La Po-
pelinière (p. 141), sur La Planche et de Thou (pp. 23g, 371, 377), sur M. Dareste,
à propos de François Hotman (pp. 148, 3 16), sur M. de LaFerrière (p. 148), sur
d'Aubigné (p. 199), sur M. le duc d'Aumale (p. 216), etc.
3. Antoine de Noailles à Bordeaux, 1878, pp. 80-81.
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 5 I I
sa gourmandise. » J'ai essayé de montrer que ce prélat a eu de meil-
leurs titres à l'attention de la postérité '. — Quand M. de R. croit
(p. 26 3) que, dans la commission désignée par le parlement de Bor-
deaux, à la fin de mai i56o, pour aller apaiser les troubles survenus à
Tonneins, composée du président Fronton de Berault et du conseiller
Montaigne, se trouvait, en la personne de ce dernier magistrat, l'auteur
des Essais, il se trompe. Effaçons donc la triomphante note ainsi con-
çue : « La présence de Montaigne à Bordeaux au milieu de i56o est un
fait nouveau, car tous les biographes le font résider à la cour à cette
date. Voyez Grun, la Vie publique de Montaigne, in-8°, i855, chap. m.
Sa participation à une commission dirigée contre les séditieux est un
fait encore plus nouveau. » La trouvaille de M. de Ruble disparaît de-
vant ce fait bien constaté que le conseiller au parlement de Bordeaux
envoyé à Tonneins était l'oncle, en même temps que le confrère du
plus spirituel des moralistes, et s'appelait Raymond Eyquem de Mon-
taigne, Sieur de Bussaguet 2.
T. de L.
264. — Die Abtrctung Vorpommerns an Sehweden und die Entacliae-
dfgung Kurbrandenburg's, ein Beitrag zur Geschichte des "Westphaelischen
Friedens, von Dr. Gustav Breucker. Halle, Niemeyer, 1880. 94 p. 8°.
Le présent travail sort de la plume d'un débutant et ne repose point
sur des sources nouvelles. C'est, dans son ensemble, une apologie de la
politique brandebourgeoise de 1641 à 1648, politique qui se distingua
de celle des autres états de l'empire, au dire de l'auteur, en ce qu'elle
fut à la fois nationale-allemande et personnellement désintéressée. On
sait que pour Frédéric-Guillaume, le grand Electeur, il s'agit surtout,
aux négociations de Munster, d'obtenir le duché de Poméranie, dont la
famille régnante était éteinte, et qui devait lui revenir en vertu d'anciens
traités de famille. La Suède, de son côté, poursuivant son rêve de faire
de la Baltique un lac suédois, n'entendait pas renoncer aux territoires
dont elle avait pris possession depuis des années déjà. M. Breucker a
longuement exposé ces négociations d'après les recueils bien connus du
r. Lettres inédites du cardinal d'Armagnac, 1874, p. 72, note 1.
2. Parmi les Pièces justificatives (p. 445-5oo), citons, au milieu de diverses lettres
simplement analysées, les lettres reproduites in extenso d'Antoine de Bourbon, des
officiers du roi de la ville de Dax, de l'ambassadeur Chantonay, de Claude de l'Au-
bespine, d'Elisabeth de Valois, de d'Escars, de Buric, de Paule de Thermes, de
Montpezat, de Janus Frégose, évêque d'Agen. Toutes ces lettres, quoi qu'en dise
M. de Ruble (p. 445, note 1) ne sont pas inédites, et, pour ma part, j'en ai déjà
publié deux au moins, la lettre de Buric, dans le tome X des Archives historiques
du département de la Gironde (1868, p. 3i5), et la lettre de J. Frégose dans mon
petit recueil des Lettres de ce prélat (1873, p. 12).
5 12 REVUE CRITIQUE
xvne et du xvine siècle, les Acta pacis de Meyern, Chemnitz, Pufendorf,
les Négociations secrètes du traité de Munster, la Friedenskan^lei
de Gaertner, etc., puis d'après la collection des Urkunden und Akten-
stiicke relatifs au grand Electeur, en cours de publication d'après Geijer
et Odhner, le plus récent travail d'ensemble sur la politique suédoise à
cette époque. Il a, chemin faisant, rectifié quelques dates, mal impri-
mées dans les recueils cités ' ; pour le fond, nous ne voyons pas trop en
quoi son récit pourrait changer la manière de voir antérieure sur la
question. Frédéric-Guillaume, semblable en ce point à tous ses collègues
couronnés, représentés au congrès de Munster et d'Osnabriick, a tâché
de réclamer autant que possible, afin d'obtenir, en fin de compte, au moins
quelque chose. Son obstination à ne rien céder de ses prétentions venait
à coup sûr plutôt de l'ennui qu'il éprouvait à diminuer le patrimoine de
sa maison que de la douleur de voir passer des parcelles de terre alle-
mande entre les mains de l'étranger. Cette obstination faillit lui coûter
la Poméranie tout entière ; et, si cela n'arriva point, c'est à l'habile et
énergique intervention du comte d'Avaux, jaloux de la Suède, qu'il le
dut en bonne partie. Après cet aveu, deux fois répété (pp. 82, 87), on
ne s'explique pas bien pourquoi l'auteur nous parle si souvent de « l'ou-
trecuidance française », de « la jalousie et l'envie des Français, » etc. Il
me semble que parler ainsi, c'est un peu forcer la note et devancer consi-
dérablement l'histoire; en 1648, le roi de France n'avait pas à jalouser
le margrave de Brandebourg. En tout cas, l'indignation de M. Breucker
serait mieux à sa place, si, au lieu de la tourner contre la diplomatie
française, qui faisait en somme son métier, il la dirigeait contre le comte
de Trautmannsdorf, le représentant de l'empereur; c'est lui qui offrit
Brème, Verden et la Poméranie aux Suédois, afin de sauver la Silésie
aux Habsbourgs.
La fin du travail est consacrée au récit des négociations qui donnèrent
à l'Electeur les évêchés de Minden, Halberstadt et l'archevêché de Mag-
debourg, en échange delamoitiéde la Poméranie, qui restait à la Suède.
R.
•265. — La diplomatie française au XVII* siècle. Hugues de Lionne, ses
ambassades en Espagne et en Allemagne, la paix des Pyrénées, d'après sa corres-
pondance conservée aux archives du ministère des Affaires étrangères, par J. Val-
frey. Un vol. in-8° de cxxxi-33o pages. Paris, Didier, 1881. Prix : 7 fr. 5o.
Ce nouvel ouvrage de M. Valfrey est bien supérieur au précédent (Hu-
gues de Lionne, ses ambassades en Italie, 1 vol. in-8"), dont il a été
rendu compte ici même il y a cinq ou six ans. Stimulé peut-être par les
vives critiques dont son livre avait été l'objet, M. V. a fait cette fois
œuvre de véritable historien, et les trois mémoires ou chapitres qu'il
1. P. 5g lisez Forstnerus, pour Fostnerus.
d'histoire et de littérature 5i3
vient de réunir en un volume sont excellents; on est heureux de pou-
voir les louer presque sans réserves.
Le titre qu'a choisi M. V. n'est pas celui qui convient le mieux à son
livre : Hugues de Lionne, dont M. V. paraît vouloir faire le centre de
son étude, ne joue un rôle prépondérant que dans la première partie, à
Madrid ; partout ailleurs il est relégué au second plan, et c'est Mazarin
qui dirige les négociations. Cette critique tomberait d'elle-même si le
livre eût été intitulé : la paix des Pyrénées, ses préliminaires, sa con-
clusion (i656-i659). L'ouvrage est divisé en 3 parties distinctes, en
3 livres : i° les conférences secrètes de Madrid (i656); 20 l'élection
de l'empereur Léopold Ier et constitution de la ligue du Rhin (i658);
3° la paix des Pyrénées (1658-1659); une longue exposition, néces-
saire, comme le dit M. V., pour conduire le lecteur au seuil de ces négo-
ciations importantes, permet de voir nettement quelle était, depuis i635,
la situation respective de la France et de l'Espagne. Le premier livre
est d'un très grand intérêt, et M. V. puisant à pleines mains dans les
archives des affaires étrangères, montre bien ce qu'il y a de merveil-
leuse habileté dans cette lutte de Lionne contre don Luis de Haro;
grâce à notre ambassadeur, Arras et Perpignan étaient assurés à la
France dès i656. Tout ce premier livre pourrait être inséré sans chan-
gement dans une monographie de Lionne, monographie que M. V. aura
sans doute à cœur de composer.
Il n'en est pas de même du second livre; Lionne est à Francfort avec
le maréchal de Gramont; c'est le maréchal qui a le titre d'ambassadeur,
et l'on ne voit pas très bien quelle est la part de son illustre second
dans les négociations qui aboutissent, après un échec grave, à la consti-
tution de la ligue du Rhin, en 1 658-
Au troisième livre, c'est Mazarin qui négocie en personne, et cette
dernière partie de l'ouvrage est un excellent chapitre d'histoire générale;
M. V. y met en pleine lumière le génie diplomatique de Mazarin, et
prouve surabondamment que ce ministre tant décrié pouvait dire avec
raison : « Mon cœur est français, si mon langage ne l'est pas. » M. V,
rend un véritable service aux études historiques en faisant ainsi connaî-
tre par le détail cette glorieuse négociation et, si l'on pouvait regretter
quelque chose en lisant cette histoire, ce serait de n'y pas trouver en
assez grande abondance les documents que M. V. emprunte aux archi-
ves des affaires étrangères ; il eût été avantageux de lire en note au bas des
pages ou en appendice à la fin du volume les importantes dépêches dont
M. V. n'a donné que des fragments. Il faut espérer que M. Valfrey, en-
couragé par le succès, continuera ses travaux et nous donnera enfin une
savante biographie de Hugues de Lionne.
A. Gazier.
5 14 REVUE CR1TIQUK
CHRONIQUE
FRANCE. — M. Gustave Schlumberger vient de publier chez M. Leroux le premier
volume des Œuvres d'Adrien de Longpérier. La collection des œuvres éparses de
l'illustre académicien comprendra cinq volumes. Le premier qui vient de paraître est
consacré aux mémoires concernant l' Archéologie orientale antique et les Monuments
arabes. Les deux volumes suivants seront réservés aux questions d'antiquité clas-
sique, gauloise, grecque et romaine. Les deux derniers contiendront des travaux sur
le moyen âge et la Renaissance. La collection complète comprendra plus de trois
cents articles et mémoires disséminés dans une foule de Revues et de publications
savantes de la France et de l'étranger. Beaucoup parmi ces mémoires seraient in-
trouvables aujourd'hui. La première et plus grande partie de ce premier volume est,
consacrée aux questions d'archéologie orientale, c'est-à-dire d'archéologie égyptienne,
assyrienne, chaldéenne, perse, juive, parthe, phénicienne, Iycienne, 'bactrienne,
arménienne, himyaritique, éthiopienne, eic, jusqu'aux antiquités chinoises et
japonaises dans leurs rapports avec celles de l'ancien monde. Une seconde division
est réservée aux travaux de M. de Longpérier sur les antiquités arabes ou coufiques
de toutes sortes. En tout, le volume contient cinquante-cinq mémoires dont plu-
sieurs fort considérables. Pour donner une idée de la variété et de l'importance des
sujeis traités par ce maître que M. Schlumberger traite avec raison dans sa préface
d'archéologue universel, il faudrait reproduire ici la table entière de ce premier vo-
lume. Toutes les branches de l'archéologie y figurent. Les questions de numis-
matique occupent naturellement une place importante, mais dans cette section
même il se trouve autant à glaner pour les archéologues qui ne font pas de l'étude
des monnaies le sujet de leurs préoccupations exclusives. L'épigraphie, la philologie,
l'archéologie monumentale et figurée sont largement représentées. Nous citerons
parmi les articles les plus importants contenus dans ce premier volume les travaux
sur les monnaies des rois parthes, des rois de Bactriane, des rois des Omanes, des
rois de la Characène, des rois d'Ethiopie, des villes de Lycie, des princes himyarites,
des khalifes de Bagdad, des rois de Caboul, des Arabes d'Espagne, des princes
maures de Tanger, des petits dynastes sarrasins, sur les monnaies arabes à légen-
des latines, sur celles des princes chrétiens à légendes arabes, les mémoires si im-
portants sur les premières antiquités assyriennes rapportées au Louvre par Botta,
sur les antiquités chaldéennes anciennement ou récemment retrouvées, sur le fameux
vase dit d'Artaxercès, sur des coupes sassanides et assyriennes, sur des miroirs
arabes, des coupes arabes, des vases arabes, des lampes arabes, sur la découverte des
monuments de Ptérie, sur l'introduction des noms perses en Occident, sur des vases
juifs, des sceaux juifs, des inscriptions juives, sur l'écriture juive carrée, sur des
inscriptions phéniciennes, sur les fameux bronzes de Van, sur l'emploi des caractè-
res arabes dans l 'ornementation des peuples d'Occident, sur l'écriture dite baberi,,
les inscriptions arabes, etc., etc. De nombreuses planches et vignettes ornent ce
beau volume. M. Schlumberger a mis en tête la notice très complète et très détaillée
de la vie et des travaux de M. de Longpérier qu'il a rédigée pour la Société des
antiquaires de France.
— M. Clermont-G^nneau vient de publier dans le tome IX (3me série) des Archives
des missions sciejitifiques et littéraires, quatre premiers rapports sur une mission en-
d'histoire et de littérature 5i5
treprise par lui en 1881 en Palestine et en Phénicie L Atteint [du typhus à Jafï'a,
presque au début de cette nouvelle série d'explorations, M. C.-G. a malheureusement
perdu plusieurs mois et n'a pu exécuter complètement le programme qu'il s'était
tracé. Néanmoins, M. C.-G. a fait, cette fois encore, d'importantes trouvailles parmi
lesquelles nous signalerons : une statue d'épervier colossal, symbole du dieu phé-
nicien Reseph, découverte à Arsouf, ville dénommée d'après ce dieu, et plusieurs
inscriptions phéniciennes et hébraïques archaïques, dont une trouvée au Mont Carmel,
et une autre gravée sur une statuette représentant l'Astarté, déesse des Sidoniens;
un chapiteau à inscription bilingue grecque et hébraïque archaïque, auquel il consa-
cre une longue dissertation; un nouvel exemplaire des textes grecs et hébreux gra-
vés sur broches et marquant le périmètre de Gezer; un fragment de bas-relief éta-
blissant que les anciens avaient positivement connu la ferrure à clous pour les
chevaux; un assez grand nombre d'inscription hébraïques carrées, grecques, judéo-
grecques et romaines qui viennent enrichir l'épigraphie si pauvre de la Palestine ;
plusieurs monuments des Croisés, notamment une magnifique épitaphe, en français
(avec les armoiries), d'un sire Gauthier Meineabeuf et de sa femme, morts à Acre en
1278; une porte inconnue dans l'enceinte du Haram (ancien temple juif), à Jérusalem,
où M. C.-G. a décidé les Turcs à entreprendre eux-mêmes des fouilles; divers ob-
jets antiques de différentes époques, en terre cuite, verre, bronze, marbre, calcaire,
pierres dures, etc., — notamment une belle tête de statue colossale en marbre prove-
nant de Sébaste (Samarie), un grand plat juif en bronze massif, orné de curieuses
décorations, un ciseau en jadéite, provenant de Baabelk, spécimen de l'âge de pierre,
d'une rare perfection, etc.. — Dans un cinquième et dernier rapport, qui paraîtra
dans le tome suivant de la même publication, M. C.-G. donnera une relation
des localités de Palestine et de Phénicie qu'il a explorées ou visitées au cours
de cette dernière mission avec un relevé des découvertes ou des observations topo-
graphiques qu'il y a faites, et le catalogue des monuments qu'il y a recueillis soit en
originaux, soit en reproductions (dessin, photographies, estampages, moulages
et empreintes). Les monuments de cette dernière catégorie, au nombre d'une
centaine environ, rapportés en France par M. C.-G. pour le compte de l'Etat,
sont actuellement déposés au Louvre jusqu'à ce qu'il soit statué sur leur destination
définitive.
ALLEMAGNE. — M. Hermann Brunnhofer, bibliothécaire du canton d'Aarau,
rient de publier un grand ouvrage sur Giordano Bruno {Giordano Bruno's Weltan-
schaunng und Verhcengniss, aus den Quellen dargestellt. Leipzig, Fues. In-8°,
8 mark). L'ouvrage comprend deux parties; I. La vie et les œuvres de Bruno; II. sa
doctrine.
— La même librairie publie une sixième édition du Sachsenspiegel, donnée autre-
fois, d'après le plus ancien manuscrit de Leipzig par Jul. Weiske et revue par M. Rud.
HlLDEBRAND.
— Le IIe vol. de 1' ce Histoire de l'Allemagne au xixe siècle. » (Deutsche Ge-
schichte ï,n neun^ehnten Jahrhundert (Leipzig, Hirzel. In-8°, 9 mark), de M. H. de
Treitschke, vient de paraître; il est consacré aux « commencements de la confédé-
ration germanique » {Die Anfœnge des deutschen Bundes) de 18 14 à 181 g et se di-
vise ainsi : III. Geistige Strœmungen der ersten Friedensjahre ; IV. Die Erœffnung
des deutschen Bundestages ; V. Die Wiederherstellung des preussischen Staates ; VI.
Sùddeutsche Verfassungskcempfe; WU. Die Barschenschaft ; VIII. Der Aachener Con-
1. En tirage à part chez Maisonneuve 25, quai Voltaire.
5 I 6 RXVUK CKITIQUE
gress ; IX. Die Karlsbader Beschlûsse ; X. Der Umschwung am preussischen
Hofe.
— Le 7e fascicule de Y Histoire de la littérature allemande de M. W. Scherer (Ber-
lin, Weidmann. In-8°, pp. 465-544) renferme la suite du xie chapitre consacré au
siècle de Frédéric le Grand », et les premières pages du [xne chapitre, intitulé
« Weimar ».
— Le 14 nov. est mort à Zurich, à l'âge de 67 ans, Gottfried Kinkel. Il était né à
Oberkassel près de Bonn (181D); il fit ses études à l'Université de Bonn et y devint
« privat-docent » de théologie (i836); il faisait des cours sur l'histoire de l'art chré-
tien. Il voyag-ea en Italie (1837), et, à son retour à Bonn, se lia intimement avec
Simrock, Freiligrath, etc. En i83g il se maria avec l'épouse divorcée d'un libraire,
Johanna Mathieux; Johanna avait fondé à Bonn le Maikœferbund ou « union du
hanneton » qui réunit des amis de la poésie, Simrock, Kaufmann, Schlœnbach, Bec-
ker. Devenu pasteur de la communauté évangélique de Cologne , Kinkel déplut aux
orthodoxes; il renonça à la théologie (1843), et enseigna l'histoire de l'art d'abord
comme privat-docent, puis comme professeur (1846). En 1848, il fut membre de
l'Assemblée nationale prussienne; après la dissolution de la chambre, il s'attacha au
parti républicain, prit part à l'attaque de l'Arsenal de Siegburg et à l'insurrection du
Palatinat et de Bade; blessé, et fait prisonnier, puis enfermé à Spandau, il fut déli-
vré par un étudiant, Ch. Schurz, 'depuis sénateur, ambassadeur et ministre
des Etats-Unis) qui réussit à tromper ses gardiens. Il alla vivre en Angle-
terre; en 1866, il fut appelé au « Polytechnikum » de Zurich pour y professer
l'histoire de l'art. Il a composé des poésies, une épopée Otto der Schiitç (1841), des
Récits, etc. ; un ouvrage spécial de Kinkel qui rentre dans le cadre de notre recueil,
est sa Geschichte der bildenden Kûnste bei den christlichen Vœlkern.
ANGLETERRE. — M. Edmund W. Gosse doit éditer pour 1' « HunterianS ociety »
les œuvres d'un poète du temps d'Elisabeth, Thomas Lodge.
— Miss Phipson, membre de la « New Shakspere Society », publiera au printemps
prochain un ouvrage intitulé : The Animal-Lore of Shaksperé's Time.
— Il va se fonder à Edimbourg, sur le modèle de 1' « Early English Text So-
ciety » une « Early Scottish Text Society; dans une réunion préliminaire qui a
eu lieu le 17 novembre et à laquelle assistaient M. Aeneas J, G. Mackay, prési-
dent de l'assemblée, le Rev. Walter Gregor, M. Arthur Mitchell et les bibliothécai-
res de toutes les grandes bibliothèques d'Edimbourg, on a communiqué la liste
des futurs membres de la Société, dont le nombre s'élève déjà à deux cents ; dès
que la société comptera trois cents membres, elle se constituera. MM. Skeat, Fur-
nivall, Murray et d'autres érudits, appartenant à F « Early English Text Society, »
se sont offerts à la Société d'Edimbourg comme éditeurs de textes. Les premières
publications, sur lesquelles on peut compter, seront celles des Œuvres de Jac-
ques I" (éditeur, M. Skeat) et des Œuvres de Dunbar (éditeur, M. Small, biblio-
thécaire de l'Université d'Edimbourg). M. W. Gregor a été nommé secrétaire hono-
raire de la Société; MM. W. Blackwood et fils en seront les éditeurs.
— L' « English Dialect Society » publiera l'année prochaine : I. un Glossary of
West Worcestershire Words, par Mrs. Chamberlain; II. le Book of Husbandry de
Fitzherbert (1534), édité avec introduction, notes et glossaire par M. Skeat;
III. Devonshire Plant-Names, par M. H. Friend; IV. la 2' partie du Glossary of
the Lancashire Dialect (F.-Z.), par MM. Nodal et George Milner.
— Mrs. Mark Pattison prépare une Biographie de Joseph Scaliger, qui sera le
complément de l'ouvrage qu'elle a publié en 1874 surlsaac Casaubon.
— Une Encyclopaedia of biblical, historical and practical theology doit paraître à
d'histoire et de littérature 5 17
Edimbourg, chez les éditeurs Clark. Elle est conçue sur le même plan que la Real-
Encyclopaedie de Herzog, et en reproduit les articles les plus importants; mais elle
renfermera de nouveaux articles, dus à des savants d'Angleterre et des Etats-Unis ;
elle comprendra trois volumes ; le directeur de l'entreprise est le professeur Schaff.
— On annonce la prochaine publication de la grande édition de Keats, depuis
longtemps annoncée par M. Buxton Forman.
— Un dictionnaire de la langue behari doit paraître prochainement, par les soins
de MM. Grierson et Hoernle.
— Le prof. Palmer, dont on a récemment appris l'assassinat, aura bientôt une
biographie, un memoir dont l'auteur est M. Walter Besant ; ce dernier accueillera
avec reconnaissance tous les documents et renseignements qu'on pourra lui fournir
sur Palmer; l'adresse de M. Besant est : « The United Universities Club, Suffolk
Street, Pall Mail. »
— Il vient de paraître à Londres chez l'éditeur Trùbner, sous le titre de
« The Vaçîr of Lankurdn » une véritable curiosité littéraire. Le Vizir de Lankurân est
une comédie persane en quatre actes dans laquelle sont très vivement peintes les
mœurs des Iraniens modernes. Le style en est fort intéressant, car il nous offre un
spécimen du persan tel qu'il est parlé de nos jours. Les éditeurs, MM. W. H. D. Hag-
gard et G. Le Strange, ont joint à ce texte, capital pour l'étude de l'idiome de Téhéran,
une excellente traduction, des notes expliquant les néologismes et les allusions aux
coutumes, et un vocabulaire complet qui forme une importante contribution à la
lexicographie persane. Dans une introduction, ils s'étendent sur la prononciation ac-
tuelle de Téhéran et sur quelques particularités de grammaire et de syntaxe. MM. Hag-
gard et Le Strange ayant passé plusieurs années en Perse, leurs observations en acquiè-
rent une valeur toute particulière. Nous recommandons chaudement à nos lecteurs cet
ouvrage, l'un des plus importants qui aient paru depuis longtemps sur la Perse et le
persan. Le texte est généralement très correct. Tout au plus y relèvera t-on quelques
fautes d'impression, comme ândjdm pour end] dm (p. 3); befarmdîd pour befarmdyîd
(p. 10); harf par un h doux, et tavîkè pour tavilè (p. 11), etc. Nous consacrerons d'ail-
leurs un article à cette utile et intéressante publication.
BELGIQUE. — Le second volume de l'ouvrage de M. Willems, Le sénat de la ré-
publique romaine, a paru (Louvain, Peeters. In-8°, 784 p.); il a pour sous-titre : Les
attributions du sénat; en voici les divisions : Le sénat durant la vacance du pouvoir
exécutif ou des magistratures patriciennes, l'interregnum. — Les rapports du sénat
et des magistrats. — Le sénat conseil du pouvoir administratif et exécutif. — Les dé-
partements de l'intérieur et de la justice. — Le département du culte. — Le dépar-
tement des finances et des travaux publics. — Le département des affaires étrangères.
— Le département de la guerre. — L'administration de l'Italie et des provinces. —
Les pouvoirs et le rôle du sénat pendant la dernière période de la République.
— M. Henri Hymans, conservateur du cabinet des estampes à la Bibliothèque royale
de Bruxelles, publiera prochainement une traduction française du Livre des peintres,
de Van Mandez avec une introduction historique et des notes.
— Dans sa séance du 6 novembre, la classe des lettres de l'Académie royale de Bel-
gique a"voté l'impression, dans ses Mémoires, d'un travail de M. Alph. Willems, qui
a pour titre : Notes et corrections à VHippolyte d'Euripide, et entendu la lecture
d'une notice de M. Thonissen sur la justice criminelle en France de 1 826 à 1880.
— La Société pour le progrès des études philologiques et historiques a tenu séance
le 29 octobre; M. Brants a fait une lecture sur la condition du travailleur libre à
Athènes ; M. Hegener, sur les distributions de prix; MM. Motte et Thomas, sur
l'Ecole normale supérieure de Paris. M. Motte devait encore faire une lecture sur le
5l8 RKVUR CRtTIQUR
prêta Sparte; mais, vu l'heure avancée, cette lecture a été renvoyée à la session de
Pâques t883.
— La commission royale d'histoire a, dans sa séance du 6 novembre, en-
tendu une notice de M. Devillers sur le Hainaut sous le règne de Maximilien
d'Autriche de 1483 à 1485; cette notice s'appuie sur des documents tirés des comp-
tes et registres du conseil de Mons et des Etats de Hainaut, ainsi que sur des mé-
moires de la ville de Valenciennes par Jean Cocqueau.
— Ceux de nos lecteurs qui ont suivi attentivement les détails du procès Bernays
auront remarqué, parmi les amis de l'avocat anversois qui ont déposé devant la
cour d'assises de Bruxelles, le nom d'un chef d'escadrons de hussards prussiens, le
baron d'ARDENNE. Bernays et M. d'Ardenne avaient conçu le plan d'un grand ouvrage
historique sur les destinées des troupes de la Confédération du Rhin; ils avaient
déjà rassemblé les matériaux relatifs au contingent de Francfort. Ce sont ces docu-
ments que M. d'Ardenne a publiés et mis en œuvre dans le livre qui vient de paraî-
tre à Berlin, chez Mittler, sous le nom de Guillaume Bernays et qui a pour titre :
Schicksale des Grossher^ogthums Frank furt und seiner Truppen, eine culturhisto-
rische und militœrische Studie aus der Zeit des Rheinbundes. (In-8% 489 pp.
10 mark.) On trouvera dans cet ouvrage de nombreux détails, souvent très instruc-
tifs, sur les opérations militaires des troupes francfortoises; elles combattirent bra-
vement, de 1806 à 181 3, pour Napoléon, en Espagne, en Russie et dans Danzig as-
siégé; on sait que Dalberg, prince-primat de la Confédération du Rhin, possédait
alors en toute souverainté Francfort-sur-le-Mein, et en fut nommé grand-duc dans
l'année 1810.
BOHÊME. — Depuis le mois de mars paraît à Prague une revue hebdomadaire,
la Deutsche Hochschule ; « organe des étudiants allemands », publiée par M. Max
Anton, avec la collaboration d'Em. Kuh. La Deutsche Hochschule ou P « Université
allemande » est une réponse aux derniers événements de Bohême, à l'incident de
Kuchelbad, à la division de l'Université de Prague en université allemande et uni-
versité tchèque ; aussi se publie-t-elle à Prague même, « cette ancienne pépinière
de la science allemande, cette forteresse, si menacée, de la culture allemande »; elle
est l'organe, non -seulement des étudiants allemands de Prague, mais de tous les
étudiants d'Allemagne ; elle se donne la tâche « de défendre avec tout le feu de
l'inspiration universitaire, avec une juvénile intrépidité, et le caractère de l'univer-
sité allemande de Prague, et l'Allemagne universitaire, VAkademisches Deutschthum,
partout où elle prospère ou lutte pour la perfection, malgré les obstacles et les en-
traves ». Outre de fréquents appels au patriotisme allemand, ce journal renferme des
correspondances, non-seulement de Vienne, de Gratz et de Prague, mais aussi des
autres universités allemandes ; ainsi que des articles amusants, des feuilletons hu-
moristiques, et même des études sérieuses et scientifiques, comme, par exemple, de
Félix Dahn sur Sidney, sur Locke, sur les écoles de droit, de Max Grûnert sur les
proverbes et dictons orientaux, etc.; Anzengruber, Baumbach, Eckstein, Franzos,
Hamerling et autres ont promis à la « Deutsche Hochschule » leur collaboration.
— Le 24 octobre est mort à Prague, sa ville natale, dans sa 82e année, le poète
Karl Egon Ebert. Après avoir fait ses études à Vienne et à Prague, Ebert vécut
quelque temps à Donaueschingen, où il était bibliothécaire-archiviste du prince de
Fûrstenberg; il passa le reste de sa vie à Prague. Il a composé deux drames, une
idylle en cinq chants, das Kloster (i833), des « poésies » (1824 et 1845), etc. ; son
œuvre la plus connue est Wlasta, « épopée nationale et bohémienne en trois livres »,
qui parut en 1829.
O'MISTOIRR ET DR LITTÉRATURK 5 I9
ESPAGNE. — Une chaire de grammaire catalane a été récemment fondée à l'Uni-
versité de Barcelone.
ÉTATS-UNIS. — Depuis longtemps on se plaint du droit d'entrée établi aux
Etats-Unis sur les livres, brochures, revues, etc. ; ce droit d'entrée s'élève à 25 0/0
de la valeur; beaucoup de libraires et de lettrés en réclament la suppression; à la
tête du mouvement qui s'organise en ce moment, est la librairie E. Steiger, de New-
York.
ITALIE. — M. Lancia.ni écrivait récemment à V Athenaeum que le Forum ressem-
blait en ce moment à un champ de bataille. « Des maisons et des murs renversés,
des travaux de mines, de longues lignes de charrettes, des centaines d'hommes en
mouvement, voilà l'image vivante de l'activité qui règne dans les quartiers archéolo-
giques de Rome. Le projet du commandeur Guido Baccelli, ministre de l'Instruction
publique, est de comprendre dans un même groupe archéologique la vallée du Co-
lisée, celle du Forum, le palais des Césars et des parties du Velabrum et du Circus
Maximus. Mais il est nécessaire d'ouvrir de nouvelles lignes de communication entre
les quartiers populaires de la Suburra et du Transtevere, d'acheter et de démolir des
propriétés privées de grande valeur, d'enlever trois millions et demi de mètres cubes
de terre et de décombres. Si M. Baccelli reste ministre pendant trois ans encore, ce
qui semble aujourd'hui le rêve d'un esprit exalté deviendra une réalité. »
— La « Libreria Dante », de Florence, publie une Collezione di opérette inédite 0
rare, dont chaque volume, à deux cents exemplaires numérotés, ont paru : I. Com-
media di dieci Vergine, testo inedito del quatrocento (3 fr.), et II. Index Mediceae
Bibliothecae, le premier catalogue de la Laurentiana (1 fr. 5o). Paraîtront prochai-
nement : III. Strambotti di Luigi Pulci; IV. Carmina goliardica; V. Canqonette ram-
mentate ncl Decamerone ; VI. Laudi di Jacopone da Todi. Chacun de ces volumes
est accompagné de notes explicatives.
— Une nouvelle revue paraîtra à Florence; c'est leMuseo italiano di antichità clas-
siche, qui contiendra des articles d'archéologie et de philologie classiques, avec plan-
ches; M. D. Comparetti est le directeur de ce recueil.
. RUSSIE. — Mœe de Novikoff prépare une biographie du général Skobeleff.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du i5 décembre 1882.
M. Jules Girard, président, annonce la mort de M. Cherbonneau, correspondant de
l'Académie.
Quelques membres demandent s'il n'y a pas lieu de pourvoir au remplacement de
M. Cherbonneau en même temps qu'aux autres places laissées vacantes par les cor-
respondants morts pendant l'année 1882. D'autres membres font observer que la liste
des places à pourvoir parmi les correspondants a été close à la dernière séance et que
le règlement ne permet pas de la rouvrir. L'élection du successeur de M. Cherbon-
neau ne pourra donc avoir lieu qu'à la fin de l'année prochaine.
M. Geftroy donne, dans une lettre adressée au président de l'Académie, quelques
détails sur la cérémonie de la remise de la médaille d'or frappée en l'honneur de
M. de Rossi, qui a eu lieu lundi 1 1 courant, à Rome, dans la grande galerie des
sarcophages du musée de Latran. Des discours ont été prononcés par le P. Bruzza,
.fondateur de la Société d'archéologie chrétienne, qui présidait la séance, puis par
M. Henzen, au nom de l'institut archéologique allemand ; un troisième discours,
envoyé par M. GefFroy, a été lu en son nom par M. Dienl, doyen des membres de
l'école française.
520 REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
L'académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, M. Ad. Régnier présente, de la part de M. A.
Bergaigne, son rapport sur les inscriptions du Cambodge données à la Société asia-
tique par M . Aymonier. Ce rapport, avant d'être imprimé, avait été lu tout entier à
l'Académie.^ M. Régnier annonce, à cette occasion, que M. Aymonier, depuis qu'il
est retourné au Cambodge avec une mission du gouvernement, a déjà fait plusieurs
nouveaux envois d'estampages et de monuments divers.
M. Oppert fait part à l'Académie d'une découverte qui vient d'être faite au Vatican
et dont il doit la connaissance à M. Edmond Le Blant. M. Descemet, dit-il, a com-
niqué à notre confrère trois calques de documents rapportés de Mossoul par le P.
Ryllo, de la Société de Jésus. Les fragments que cet ecclésiastique, qui s'est beau-
coup intéressé aux antiquités assyriennes, avait donnés au Vatican y sont restés ou-
bliés pendant près de trente ans. Les quelques échantillons que nous avons sous les
yeux témoignent de leur importance. Deux de ces fragments sont des inscriptions
de Sargon, en assyrien. Le troisième appartient à cette catégorie de documents d'un
genre tout nouveau, de la Syrie et des bords de l'Euphrate, qu'on appelle hOmathi-
tes ou hittites et qui ont jusqu'ici bravé les efforts des interprètes. L interprétation
des textes hittites, ajoute M. Oppert, ouvrira un champ de recherches nouveau et
éclairera d'une lumière inespérée l'histoire si obscure de l'antique Syrie; mais ils
ressemblent, à l'heure qu'il est, aux héros russes et polonais dont Byron dit qu'ils
seraient illustres, si l'on pouvait prononcer leurs noms. Si l'on trouvait parmi ces
restes du Vatican des fragments de textes bilingues, la découverte serait une des
trouvailles les plus fécondes que l'archéologie orientale pût faire. Il existe encore au
Vatican des tablettes ninivites, dont la publication serait du plus haut intérêt.
Ouvrages présentés : — par M. de Rozière : i° Lagrèze (G. Bascle de), la Na-
varre française ; 20 Wxllems, le Sénat de la république romaine, t. II ; 3° Inventaire
sommaire des archives du département des affaires étrangères : mémoires et docu-
ments, France; — par M. Maury : Rayet (O.), Monuments de l'art antique, IV; —
par M. G. Perrot : Morillot. Thémis et les divinités de la justice (cour d'appel de
Besançon, audience solennelle de rentrée du 3 novembre 1882, discours de l'avocat
général); — par M. Oppert, divers ouvrages de son frère, M. Gustave Oppert,
professeur de sanscrit à l'université de Madras; — par M. le baron de Witte : Wau-
ters (Alphonse), Table chronologique des chartes et diplômes imprimés concer-
nant l'histoire de la Belgique, vol, VI, i28o-i3oo ; id., la Belgique ancienne et mo-
derne, arrondissement de Louvain, canton de Glabbeek, etc.
Julien Havet.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANGE
Séance du 6 décembre 1882.
La Société constitue son bureau pour ï883. Sont élus : président, M. Duplessis;
vice-président, MM. Demay et Edmond Guillaume; secrétaire, M. Mûntz.
M. Mowat communique des dessins envoyés par M. Decombe, d'épées et débou-
cles en bronze trouvées à Rennes, dans un ancien lit de la Vilaine.
M. Courajod présente le moulage d'un masque en marbre du xve siècle, conservé
au musée de l'hôpital de Villeneuve-lez-Avignon. Ce masque, plat par derrière, de
manière à pouvoir être posé sur un coussin ou adopté à une coiffure, représente le
visage d'une jeune fille. M. Courajod y retrouve de grandes analogies de facture avec
un buste de femme inconnue du Louvre, un autre appartenant à M. G. Dreyfus, un
troisième conservé au Musée d'Ambros à Vienne, celui de Battista Sforza au Bar-
gella de Florence et deux de Marietta Strozzi, dont l'un est au musée de Berlin et
l'autre chez M. Castellani à Rome. Il reconnaît dans les regards pudiquement bais •
ses et comme endormis, dans les yeuxven coulisse, dans la construction chinoise
des paupières des particularités de technique provenant d'une interprétation fantai-
siste et individuelle et décelant une individualité artistique dont on peut, dès à pré-
sent, marquer la place dans le xv° siècle italien sans être encore en état de lui assi-
gner un nom.
M. Heuzey remarque que l'obliquité des yeux dans les œuvres de l'art grec primi-
tif tient pareillement à des traditions d'école; il cite à ce sujet un passage de son
catalogue des terres cuites antiques du Louvre, dont le premier volume sera pro-
chainement publié.
M. Flouest présente des clous trouvés dans les ruines de Vertillum (Côted'Or) et
étonnamment conservés, puisqu'ils proviennent de maisons consumées par un feu
violent. D'après les expériences de Cailletet, la préservation du métal est due à la
pellicule d'oxyde magnétique qui s'est formée à sa surface.
Le secrétaire : O. Rayet.
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23
Librairie HACHETTE et Cie, 79, boulevard St-Germain, Paris.
PUBLICATIONS RÉCENTES
FORMAT IN-8°
Bréal (Michel), de l'Institut. Mélanges de mythologie et de linguistique.
i volume 7 fr. 5o
Couat (Auguste1, doyen de la Faculté des lettres de Bordeaux. La poésie alexan-
drine sous les trois premiers Ptolémées (324-222 av. J.-C.) 1 vo-
lume 7 fr. 5o
Croiset (Alfred), maître de conférences à la Faculté des lettres de Paris. La poésie
de Pindare et les lois du lyrisme grec. 1 vol 7 fr. 5c
Ouvrage couronné par l'Académie française.
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N° 27 Seizième année 3 Juillet 1882
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
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lophore. — P. Regnaud. Le Pantchatantia. — Edkins. La Religion en Chine.
Exposé des trois religions des Chinois. Traduit par de Milloué.
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PERIODIQUES
The Academy, n° 527, 10 juin 1882 : Blunt, The future of Islam.
(Badger.) — The pi aise a. blâme of love, with other verse. — A sé-
lection of cases from the state trials, vol. II, parts la. II. 1660-81 , by
Willis-Bund. — Some books of travel. — James Thomson. — The
only engiish proclamation ol Henry III. (W. Skeat.) — A letter from
Gh. Darwin. — Henry III's proclamation in engiish (Hall). — Primi-
tive belief. (Keary.) — The title-page of Waltons « compleat Angler »
(Eliiot Stock). — Hittite inscriptions. — Blanchard Jerrold, The life of
George Cruikshank. (Wedmori.) — The pictures of Prof. Costa. (Mon-
khouse.) — Notes from Rome (Barnabei). — The art of coins and me-
dals, II.
N° 528, 17 juin 1882 : Floyer, Unexplored Baluchistan, a survey of
a route through Mekran, Bashkurd, Persia, Kurdistan a. Turkey. —
In Memoriam, Ralph Waldo Emerson, recollections of his visits to
England in i833, 1847-48, 1872-73 a. extracts from unpublished let-
ters, by Alex. Ireland. — Gardner, Quatre Bras, Ligny a. Waterloo.
(Stephens : livre écrit dans un style aisé et qui mérite d'être lu par ceux
qui n'ont pas le temps d'étudier le Waterloo de Charras et les Waterloo
Lectures de Chesney, ou qui n'ont pas la patience de lire le diffus Si-
borne ou qui sont mécontents du récit partial de Gleig et de Thiers.) —
Boulger, History of China, vol. II. (Douglas.) — The viking-skip dis-
covered at Gokstad in Norway, described by Nicolaysen. Christiania.
(Powell.) — Some classical books (Thirteen satires of Juvenal trans-
lated into engiish, by Strong a. Leeper ; Tacitus, by Church a. Bro-
dribb; The Nicomachean Ethics of Aristotle, books I-IV a. Book X,
chapt. vi-ix, p. p. HAWKiNs;The Republic of Plato, books I a. II, p. p.
Wells; The Catiline a. Jugurthe of Sallust, transi, by Pollard; The
fourth book of méditations of Marcus Aurelius Antoninus, p. p. Cross-
ley; Aristophanis Plutus, rec. Velsen.) — Reinhold Pauli — The ori-
gin of the indian alphabets. (Burnell.) — -Arabie journalism. — Gari-
baldi in the fourteenth century. — Was Roger de Montgomery at
Senlac. (Freeman.) — The Pôle family. — The title-page of the « com-
pleat angler » — M. Valer. Martialis epigrammaton librum primum,
rec. Flach. (Sonnenschein.) — Hebrew « n » a. the nasal guttural con-
sonant. (L. L. Bonaparte.)
The Athenaeum, n° 285o, 10 juin 1882 : Anecdota oxoniénsia, Aryan
séries. Vol. I. Part 1. Buddhist texts from Japan, edit. by Max Muller.
Oxford, Clarendon Press. — A. W. Ward, Dickens. [Engiish men of
letters]. Macmillan. — Pedes finium or fines, relating to the county of
Norfolk, levied in the King's court from the third year of Richard I to
the end of the reign of John, edit. by Walter Rye. — Books of Travels
and adventure. — The lite of Dr. Wagstaffe. (Norman Moore.) —
Cromwell (Peacock). — Dr. Reinhold Pauli. — Notes from Rome (Lan-
ciani).
N° 285 1, 17 juin 1882 : The records of St. Michael's parish church,
bishop's Startford, edit. by Glasscock. — Livres sur Manitoba. —
Barth,' The religions of India, authorized translation by Wood.
(« M. Barth modestly calls it a résumé, and that it is, no doubt, in the
best sensé of the word, since it gives, in a necessarly condensed but ne-
vertheless most attractive form, enhanced by the charms of a lucid and
vigorous style, the latest results of inquiry in ail the provinces of this
vast domain. » — Notes from Oxford. — Tempysons « new » song.
(W. Wilson.) — The educational endowments (Scotland) bill. (David
Lewis.) — Shelley's house at San Terenzio (Enthoven). — A manus-
cript of Marco Polo. (Yule.) — Notes from Rome (Lanciani).
Literarisches Centralblatt, n° 24, 10 juin 1882 : Bonwetsch, die Ge-
schichte des Montanismus. — Historisches Taschenbuch, hrsg. v. Mau-
renbrecher. 6e Folge, Ier Jahrgang. — Planta, die curràtischen Her-
schaften in der Feudalzeit. I et II (Travail tout à fait solide). — Zur
Geschichte der strassburger Capitulation von 1681 (Rien de nouveau).
— Brosch, Geschichte des Kirchenstaates II, 1700- 1870 (Tableau d'en-
semble sous une forme agréable). — Weitére Beitrâge u. Nachtrâge zu
den Papieren des Ministers u. Burggrafen von Marienburg Theodor
von Schôn. — Mucke, der Friede zwischen Staat u. Kirche. — Loth,
Leben u. Werke d. Abdallah ibn ul Mu'tazz (Premier travail du re-
gretté Loth, publié par M. Aug. Mûller, et, au dire de Fleischer, « réel-
lement précieux »). — Johannis Gazaei tabulae mundi et Anacreontea
(Utile). — Culmann, Umschau auf dem Gebiete d. griech. u. latein.
Grammatik, ein Beitrag zur Aufklârung grammat. Geheimnisse (De
nouveau un « curiosum » du trop productif écrivain). — PlautiTrucu-
lentus rec. Fr. Schoell (Très louable). — Kluge, Etymolog. Worter-
buch d. deutschen Sprache, I (Première livraison d'un ouvrage qui sera
d'une très grande utilité). — Deneken, De Theoxeniis. — H. Riemann,
Musik-Lexikon, Théorie u. Geschichte der Musik.
Philologische Wochenschrift, n° 20, 20 mai 1882 : J. Dupuis, Le nombre
géométrique de Platon, interprétation nouvelle. Hachette. 1 88 1 (Hel-
ler : un nouvel examen par un mathématicien est à désirer, mais, pour
un philologue, il semble que M. Dupuis ait eu le bonheur de casser en-
fin cette noix rebelle; il a, en tout cas, groupé tous les matériaux, sauf
un passage d'Hieronymus Mûller; quelques termes techniques sont mal
traduits ; l'accentuation du grec est fautive à faire dresser les cheveux).
— Hermann Weissenborn, Die Uebersetzungen des Euklid durch
Campano und Zamberti , eine mathematisch-historiche Studie (Max
G. P Schmidt : solide, mais trop long). — L. Kuhlmann, De Sallustii
codice Parisino 5oo (J. H. Schmalz). — Tabellarisches Verzeichnis der
hauptsachlichsten lateinischen Wôrter von schwankender Schreibweise
nach den neuesten Ergebnissen zusammengestellt. Gotha, F. A. Perthes
(Schmalz : bon). — The American Journal of Philology, edited by Ba-
sil L. Gildersleeve, professor of Greek in the John Hopkins University;
Baltimore, the editor, New-York and London, Macmillan; Leipzig,
Brockhaus ; t. II (n° 8, à 4 nos par tome) ; chaque n° coûte 1 dollar, on
souscrit pour 3 dollars aux 4 nos d'une année ; traite de philologie clas-
sique, comparative et orientale. — Périodiques, bibliographie, nouvelles
personnelles (dans sa séance du 20 avril, l'Académie royale des sciences
de Berlin a élu M. Gaston Paris, professeur au Collège de France, mem-
bre correspondant de la classe de philosophie et d'histoire). — Nécrolo-
gie : Joseph von Aschbach.
N° 21, 27 mai 1882 : M. Schmitz, Quellenkunde der romischen Ge-
schichte bis auf Paulus Diaconus; Arnold Schaefer, Abriss der Quel-
lenkunde der griechischen und romischen Geschichte (Wilh. Soltau : le
livre de Schmitz n'est qu'une compilation allant jusqu'au plagiat; ce-
lui de Schaefer est bon ; quelques critiques.) — Hans Brendicke, Genea-
logieen sàmmtlicher griechischer Gotter und Heroen (Paul Stengel : ex-
plications dans ce goût : Kilix, « calix verre [en Cilicie], année se
comptait par verres ou le verre est le monde »). — Udalricus de Wila-
mowitz-Moellendorf , De Euripidis Heraclidis commentatiuncula
(H. Gloël). — G. Curtius, Griechische Schulgrammatik, i5, unter Mit-
wirkung von B. Gerth verbesserte Aufiage, ramenée à l'orthographe al-
lemande officielle (J. Sitzler : art. détaillé de 8 1/2 colonnes). — Karl
Meissner, Lateinische Phraséologie fur die obern Gymnasialklassen ;
E. Wilhelm, Ueber lateinische Phraseologien (J. H. Schmalz). — Re-
gister zu Mitteilungen des deutschen archaeologischen Instituts in
Athen, Band I-V. Athen, Karl Wilberg. 1881. — Périodiques, etc. Let-
tre de Cambridge.
Philologische Rundschau, n° 24, 10 juin 1882 : K. Riedel, Der gegen-
wàrtige Stand der Sapphofrage (Lôwner : vaut d'être lu). — Joh. R. Pom-
tow, De oraculis quae exstant Graecis trimetro iambico compositis
(Hendess : peu de nouveau, mais enfin il y en a). — Fr. Rau, De Aris-
tophanis versibus Equit. 5o5, 5o6 non reiciendis (Ernst Ziegeler : les vers
sont authentiques, l'explication de Rau inadmissible). — H. Boblentz,
Kritische Anmerkungen zu Lysias Reden gegen Theomnestos, Eratos-
thenes, Agoratos (Karl Fuhr : Fauteur n'est pas au courant) . — Grégoire
Saenger. Neskolko popravok k tekstu Goracïa (cf. Revue critique, 1881,
II, p. 485), Estche neskolko sametok o trudnykh mestakh u Goracïa,
Novyia dogadki o portchennykh tchtenïakh u Goracïa, Kiev 1878,
1879, 1881 (Herman Haupt : liste des conjectures sur Horace, et
pp. 752-753 sur Cicéron [Rep. et Legg.], l'Enéide, Pétrone, Stace, Pe-
ruig. Veneris, Lucain , Silius, Claudien, Festus ; expression d'une
grande considération pour l'auteur, d'une confiance médiocre dans ses
conjectures). — Georgius Luebbert, De amnestia anno ccccm a. ch. n.
ab Atheniensibus décréta (Kolster : très bon). — G. Egelhaaf, Verglei-
chung der Berichte des Polybios und Livius ûber den Italischen Krieg
der Jahre 218-2 \y bis zur Schlacht am Trasimener See (A. Kannengies-
ser : art. élogieux). — P. Krause, Appian als Quelle fur die Zeit von der
Verschworung gegen Caesar bis zum Tode des Decimus Brutus (Her-
mann Haupt : art. élogieux). — Gustav Teichmueller, Litterarische
Fehden im vierten Jahrhundert vor Christ.
Gœttingische gelehrte Anzeigen, nos 22 et 2 3, 3i mai et 7 juin 1882 : lon-
gue réponse de M. H. Zimmer aux articles de M. d'Arbois de Jubainville
{Revue critique, 188 1, n° 45) et de M. Whitley Stokes [Revue celtique,
V, 255-265) sur les « Keltische Studien ».
Nàchrichten v. d. Kœnig. Gesellschaft der Wissenschaften u. d. Georg-Augusts-
Universitaet zu Gœttingen, n° 9 : Fr. Wieseler, Ueber die Biehler'sche Gem-
mensammlung (Longue étude, accompagnée de remarques et de rectifi-
cations intéressantes, sur la belle collection de pierres gravées de M. Bieh-
ler).
N« 10 : Sauppe, Ein Kapitel aus Xenophons Hellenika. (Il s'agit du
chap. 11 du livre VII où Xénephon exprime son admiration et sa sympa-
thie pour les habitants de Phlionte.)
Archiv fur slavische Philologie, t. VI, 2me cahier : Ueber den Einfluss
der altcechischen Sprache und Literatur auf die altpolnische (Nehring). —
Anecdota palaeopolonica (Kalina). — Pripegala (A. Brûckner : note
intéressante sur un dieu des Slaves de l'Elbe jusqu'ici négligé des my-
thographes). — Zur Berichtigung der altruss. Texte (Jagic). — Der Le-
norenstoff in der slavischen Volkspoesie (Wollner : intéressante étude
de littérature populaire où l'auteur a fait entrer également les éléments
albanais et grecs.) — Etymologies. — Bibliographie : Litauische Volks-
lieder und Mârchen gesammelt von A. Leskien und K. Brugman. — Pu-
blications de MM. Pypine, Beaudouin de Courtenay, Appel, Brandt,
Malinowski, Miklosich, Kulakovsky, Patera, Suman, Klaic. — L. Lé-
ger, Esquisse sommaire de la mythologie slave. Leroux (« Essai digne
d'être lu et qui témoigne d'une connaissance étendue et intime des litté-
ratures slaves »].
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
N° 28 Seizième année 10 Juillet 1882
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Deutsche Literaturzeitung, n° 23, 10 juin 1882 : Fischer, Bonifatius, der
Apostel der Deutschen (K. Mûller : manque trop souvent de profon-
deur, de méthode et de soin). — Dembowski, Quaestiones aristotelicae
(Rien de nouveau et d'utile). — James Sully, Illusions, a psychological
study.1 — Prantl, Aristotelis, de caeli et de generatione et corruptione;
Aristotelis quae feruntur de coloribus, de audibilibus physiognomica.
— Daub, Studien zu den Biographica des Suidas (Boysen : peu de ré-
sultats). — Dorothea v. Schlegelgeb. Mendelssohn u. deren SôhneJ. u.
Ph. Veit, p. p. Reich, ein Briefwechsel (Brahm : public, soignée et mé-
ritoire). — A. Morel-Fatio, Calderon, revue critique des travaux d'éru-
dition publiés en Espagne à l'occasion du 2e centenaire de la mort du
poète (Vollmôller : très intéressant et juste dans ses jugements). — Ta-
dra, Cancellaria Arnesti, Formelbuch des ersten Prager Erzbischofs
Arnest von Pardubic (Wattenbach). — Elze, Die Mtinzen Bernhards,
Grafen von Anhalt, Herzogs von Sachsen. — Das goldene Spiel von
Meister Ingold, hrsg. v. Edw. Schrôder (v. d. Linde). — GàTSCHENBER-
ger, Geschichte der aufgeklàrten Selbstherrschaft u. d. Wiedergeburt der
Sitten (Horawitz : livre attachant, à recommander à tous ceux qui détes-
tent la barbarie et Fégoïsme et souhaitent à l'humanité des institutions
de plus en plus libres et humaines). — La Selve, Le pays des nègres,
Voyage à Haiti. — Blûmner, Laocoonstudien, I, ueber den Gebrauch
der Allégorie in den bildenden Kûnsten. — Fontes juris romani anti-
qui, éd. Bruns, éd. IV. supplem. éd. Mommsen. — v. Reitzenstein, die
Armengesetzgebung Frankreichs in den Grundzùgen ihrer histor.
Entwickl. (Popper : bon travail d'ensemble). — Dum, Die Baukunst der
Griechen (Bohn).
Theologische Litteraturzeitung, n° 12, 17 juin 1882 : Krummel, Die Reli-
gion der Arier nach den indischen Vedas. (W. Baudissin : ne domine
pas le sujet.) — Novum Testamentum graece et germanice, das Neue
Testament griechisch nach Tischendorfs letzter Recension u. deutsch
nach dem revidirten Luthertext mit Angabe abweichender Lesarten
beider Texte u. ausgewâhlten Parallelstellen, hrsg. v. Oskar von Ge-
bhardt. (Bertheau : excellente publication qui n'est plus à recomman-
der.) — Opéra patrum apostolicorum, textum rec. Funk; Duchesne
(L.), Vita Sancti Polycarpi Smyrnaeorum episcop.i auctore Pionio, pri-
mum graéce édita. — Heliand, Christi Leben u. Lehre, nach dem alt-
sàchs. von K. Simrock. 3e Auflage (Braune : publication magnifique).
— Pastor, Die kirchlichen Reunionsbestrebungen wâhrend der Regie-
rung Karls V, aus den Quellen dargestellt. (Brieger : compilation sans
habileté, mais où Fauteur a dépensé beaucoup de peine.)
Philologische, Wochenschrift, n° 22, 3 juin 1882 : Rud. Adamy, Archi-
tektonik auf historischer und aesthetischer Grundlage (J. Matz : mau-
vais). — A. Motte, La paix de Cimon. Gand. 1880 (G. J. Schneider :
ne dit pas le dernier mot, mais est scientifique et utile ; on devrait dire
paix de Périclès, ou paix de Callias). — Victor Cucheval, Histoire de
l'éloquence latine depuis l'origine de Rome jusqu'à Cicéron, d'après les
notes de M. Adolphe Berger. 2e éd. Hachette (à lire de suite plutôt
qu'à consulter -, ne s'adresse proprement ni aux érudits ni au grand pu-
blic; peu de nouveau ou d'original; exposition facile, pleine de goût,
animée; « geist- und geschmackvolles Buch »). — P. Grossen, Die Tro-
pen und Figuren (H. Draheim). — Georg. Lukas, Das hàusliche Leben
in Athen zu den Zeiten des Aristophanes (Lôwner : clair, sérieusement
fait). — M. Petschar, De Horatîi poèsi lyrica (Lôwner : sans valeur).
— Josef Steiner, Ueber Ziel, Auswahl und Einrichtung der Horaz-
Lektûre (Lowner). — Sammlung von Schulreden und Ansprachen he-
rausgegeben von Philipp Brunner. — Nouvelles de Paris (En français;
plusieurs fautes d'impression; ce qui est dit sur l'Académie des inscrip-
tions fait double emploi avec les comptes-rendus empruntés par la Wo-
chenschrift à la Revue critique). — Périodiques, etc.
Philologische Rundschau, n° 25, 17 juin 1882 : Ueber den Ursprung
der Homerischen Gedichte von J. P. Mahaffy, Ueber die Sprache
der Homerischen Gedichte von A. H. Sayce, Autorisierte Ùeber-
setzung von J. Imelmann (J. Oberdick : à lire, surtout Sayce; sur le ni-
veau des études homériques en Angleterre, on eût été mieux renseigné
par les écrits de Paley, qui a montré, durchaus richtig und wahr, que
Pindare et les tragiques ne connaissaient pas notre Homère). — E. Rei-
chenhart, Die subordinierenden kausalen Konjunktionen bei Lucretius,
quod, quia, quando, quandoquidem, quatinus (Kannengiesser). — K.
Kappes, Vergils Aeneide fur den Schulgebrauch erlaiïtert (Guthling :
l'auteur de l'article tient Sunt lacrimae rerum pour corrompu). —
L'abbé Beurlier, Tacite, Agricola, nouvelle édition. Paris, Société
générale de la librairie catholique (Eussner : beau papier, beaux carac-
tères, cartes, illustrations ; citation d'éditions nombreuses, parmi les-
quelles celles de Gantrelle et Andresen ont seules été mises à profit;
liste de variantes extraite d'Andresen, avec des méprises; appendice épi-
graphique, moins exclusivement pris d'Andreten, et fait en se reportant
aux recueils principaux ; notes de fond satisfaisantes quant à l'étendue et
à l'exactitude; notes de grammaire insuffisantes et fautives; rapproche-
ments de littérature et d'histoire moderne superflus ; impression correcte
quant au texte même; E. indique des perfectionnements pour la pro-
chaine édition). — Deecke et Pauli, Etruskische Forschungen und
Studien, II. Heft (-a- : Deecke, qui niait que l'étrusque fût indogerma-
nique, l'admet maintenant, mais se fourvoie; cf. Rev. crit., 1882, I,
p. 341 ss.). — MATzet von Duhn, Antike Bildwerke in Rom mit Aus-
schluss der grôsseren Sammlungen (Heydemann : le 3e volume est digne
des précédents, ; il contient de bons index). — Fr. Hoffmann, Die
Akustik im Theater der Griechen. Genève, Theodor Mûller (Gûnther :
dès le temps de Lucien on avait perdu le secret de l'acoustique théâtrale ;
opuscule de valeur mêlée).
Athenaeum belge, n°n, ier juin 1882 : Nys, Le droit de la guerre et les
précurseurs de Grotius. (Van der Rest : intéressante et substantielle
étude.) — Fornelli, L^nsegnamento pubblico ai nostritempi ; Dreyfus-
Brissac, L'éducation nouvelle, études de pédagogie comparée; M. Bréal,
Excursions pédagogiques ; P. Fredericq. De l'enseignement supérieur
de l'histoire; Voituron, Les idées premières dans l'enseignement; Del-
bœuf, Le latin et l'esprit d'analyse (P. Thomas).
N° 12, i5 juin 1882 : Juste, L'élection de Léopold I, d'après des docu-
ments inédits. (Banning.) — P. de Felice, Lambert Daneau, de Beau-
gency-sur-Loire, pasteur et professeur de théologie. i53o-i5g5, sa vie,
ses ouvrages, ses lettres inédites. (Fredericq : recherches neuves, de
Pérudition). — L'histoire économique en Italie en 1882. (Brants.) —
Correspondance de Paris, (Lewis Recueil des bons mots des Grecs et des
Romains; Mézières, Shakspeare, son œuvre et ses critiques; Vandal,
Louis XV et Elisabeth de Russie; Wallon, Histoire du tribunal révo-
lutionnaire, III, IV et V; Ricard, Lamennais et Gerbet; P. Albert,
Poètes et poésies; Reclus, L'Asie orientale; Picard, Discours parié-
taires.)
Nachrichten v. d. Kœnigl. Gesellschaft d. Wissenschaften (de Gôttingue) , n° 1 1 :
Pauli, Gervasius von Tilbury. — Stern, Nachtrag zu den Mittheilungen
ûber die preussische Landesreprâsentation 181 2-1 5.
H. REUTHER, ÉDITEUR, A CARLSRUHE ET LEIPZIG
VIENT E>E PARAITRE
STRACK, Dr H. L.
DIE SPRÙCHE DER VÀTER
Ein ethischer Mischna-Traktat.
Mit kurzer Einleitung, Anmerkungen und Wortregister. .M. i 20
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SIVE
ELEMENTA LINGUARUM
I. HEBRAICAE V. SYRIAGAE
IL CHALDAICAE VI. ARMENIACAE
III. SAMARITANAE VII. AETHIOPICAE
IV. ARABICAE VIII. PERSIGAE
STUDIIS ACADEMICIS ACCOMMODATA
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Tome L Grammatica hebruica par J. H. Petermann. ... M. 2 5o
— IL Grammatica chaldaica — — 4 »
— III. Grammatica samaritana — — 4 »
— IV. Grammatica arabica — — 4 5o
— V. Grammatica syriaca par le Dr. E. Nestlé 5 40
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N° 29 Seizième année 17 Juillet 1882
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
de MM. S. GUYARD, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
lin an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
libraire de la societe asiatique
de l'école des langues orientales vivantes, etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, 28, RUE BONAPARTE, 28
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TV/Ï ÏD A "T\ T "NT A TV/TCU publié pour la première fois d'après le ma-
JV1 J I\ A.1J J , IN r\lVlilJrl nuscrit ouïgour de la Bibliothèque Nationale.
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Paraît en 3o livraisons à i franc. Les livraisons 1 à 5 sont en vente.
PÉRIODIQUES
The Academy, n° 529, 24 juin 1882 : Leslie Stephen, The science of
ethics. — Sweet, An anglo-saxon primer, with grammar, notes a. a.
glossary. — Two Coulumiers of Normandie (J. E. Tardif, Le très an-
cien coutumier de Normandie ; Laur. de Gruchy, L'ancienne coutume
de Normandie). — Sumir and accad (J. Halévy). — Was Roger of
Montgomery at Senlac? (Howorth). —Gabriel Peignot's works. — The
tittle-page of Walton's « Complet Angler » (Elliot Stock). — Scandina-
vian antiquities at South Kensington. — Archaeological notes on the
terra d'Otrante, V (Fr. Lenormant). — Theshield of Achilles (Barnabei).
N° 53o, ier juin 1882 : Mosley, Réminiscences chiefly of Oriel Col-
lège and the Oxford Movement (Mark Pattison). — J. Add. Symonds,
Animi figura. — Ch. G. Walpole, A short history of the Kingdom of
Ireland (M. Stokes : ouvrage qui est une compilation). — Vaccarone,
Le pertuis du Viso, étude historique (Freshfield). — The Ashburnham
ms. of the York Mystery Plays. — Was Roger of Montgomery at Sen-
lac? (Freeman). — The only english proclamation of Henry III, octo-
ber 18, 1258 (Ellis). — The sumerian and accadian dialects (Terrien de
la Couperie). — A Garibaldi in the eighth century (Morison). — Gabriel
Peignot's works (Timmins). — «The martyrdom of Madeline » (Robert
Buchanan). — Some dictionaries and grammars (Palmer, Simplified
grammar of Hindustani, persian a. arabic, etc.
Litterarisches Centralblatt, n° 25, 17 juin 1882 : Gebhardt, Thûringi-
sche Kirchengeschichte — Urkundenbuch der Stadt Hildesheim, p. p.
Doebner. I u. IL — Beauvois, Un agent politique de Charles-Quint,
le Bourguignon Claude Bouton, seigneur de Corberon. (Travail fait
avec un soin minutieux, surtout d'après les archives belges et hollan-
daises; intéressant pour l'histoire de Charles Quint.) — Marchstaller,
eine Reise nach Rom, unternommen in Jahre 1625, bearb. v. Schroll.
— * Berichte des Grafen Friedrich Lothar Stadion ûber die Beziehungen
zwischen Oesterreich u. Baiern, 1807- 1809, hrsg. v. Wertheimer.
(27 rapports de l'ambassadeur d'Autriche à Munich, montrent que la
Bavière, depuis Tilsit même, croyait à une nouvelle guerre avec l'Autri-
che, que le roi était rebuté de sa situation de vassal de Napoléon I,
que les événements d'Espagne faisaient une impression profonde, que
l'héritier du trône était un adversaire décidé du système de Mongelas et
des Français.) — Hiort-Lorenzen, Annuaire généalogique des maisons
princières régnant en Europe depuis le commencement du xixe siècle,
avec des notes sur les mariages morganatiques. Première année. Berlin,
Puttkammer u. Mûhlbrecht. — Administrativcarte von Niederôster-
reich. — Ôeri, Beitrâge zum Verstândniss der Trachinierinnen des So-
phokles. — Aulularia, rec. Gôtz. — A. [Jansen, J.-J. Rousseau, frag-
ments inédits. Recherches biographiques et littéraires. — Arbok hins
islenzka fornleifafélags 1880 og. 1881. Reykjavik. — Shakespeare Mu-
séum, eine Sammlung alter u. neuer, eigener u. fremder, poetischer u.
prosaischer Beitrâge zur Shakespeare-Literatur, hrsg. v. Max Moltke.
(Renferme des art. et des travaux originaux qui seront acueillis avec
reconnaissance par les amis de Shakespeare.) — Gœthe's Reineke Fuchs
nach dem erstenDruck vom Jahre 1794, hrsg. v. Bieltng. — Hoffmann
(Franziska), Das Orakelwesen im Alterthume. (« Si l'ouvrage était com-
posé par un homme, on dirait simplement qu'il est au-dessous de la
critique; mais les égards que l'on doit aux dames, même à celles qui
écrivent, nous défendent de porter un jugement semblable et nous font
un devoir de nous abstenir de toute critique; nous nous contenterons
de citer quelques extraits de ce livre »; suit une série de citations ré-
jouissantes.) — Boutkowski, Dictionnaire numismatique, tome I,
vol. II. — La Mara, Musikalische Studienkôpfe. — Durm, Handbuch
der Architektur. — Berlin anno 1690, zwanzig Ansichten aus Joh.
Stridbeck's des Jûngeren Skizzenbuch, p. p. Erman.
N° 26, 24 juin 1882 : Kapff, Lebensbild von Sixt Cari v. Kapff. -—
Hermann, Lexicon der allgemeinen Weltgeschichte. (N'est pas mau-
vais.) — Vita sanctorum Stephani régis et Emerici ducis, p. p. Floria-
nus. — Bahrfeldt, Der Bracteatenfund von Michenfund, ein Beitrag
zur brandenburg. Mûnzenkunde d. XII. Jahrhunderts. — Erler,
Deutsche Geschichte v. der Urzeit bis zum Ausgang des Mittelalters in
den Erzâhlungen deutscher Geschichtschreiber. (Utile.) — Turmair's,
gen. Aventinus, annales ducum Boiriae, hrsg. v. Siegm. Riezler. I, \,
— Baumgarten, Vor der Bartholomàusnacht. (Cherche la clef de l'énig-
matique événement dans les faits des années 1 570-1 572; a fouillé sur-
tout la correspondance de Philippe II et de ses envoyés et arrive à un
résultat important : les questions compliquées des mariages royaux et la
paix de Saint-Germain avaient rendu les relations de la France et de
l'Espagne extrêmement tendues; mais l'insuccès du projet de mariage
entre Elisabeth et le duc d'Alençon, l'échec de Louis de Nassau, l'oppo-
sition de l'Angleterre aux plans de la France sur les Pays-Bas, l'indo-
lence des protestants d'Allemagne rejetèrent la cour vers le parti espa-
gnol et catholique; Catherine voulut se débarrasser de Coligny, dans
l'espoir que le meurtre retomberait sur les Guises ou sur Albe; le coup
manqua, et, les huguenots prenant une attitude menaçante, il fallut re-
courir au massacre.) — Von Helfert, Der Wiener Parnass im Jahre
1848. — Ausgewàhlte Reden des Fursten von Bismarck, III Band,
Reden aus den Jahren 1878-188 1. — Wickes, a treatise on the accen-
tuation of the three socalled poetical books of the Old Testament,
Psalms, Proverbs a Job. (Travail excellent.) — Koechly, Akademische
Vortrâge u. Reden. hrsg. v. Bartsch. — Elis saga ok Rosamundu, mit
Einleitung, deutscher Uebersetz. u. Anmerk. hrsg. v. Kôlbing. (Edi-
tion faite avec grand soin, traduction fidèle.) — Schneider, Die St. Pau-
lus-Kirche zu Worms, ihr Bau u. ihre Geschichte. — v. Huber-Liebe-
nau, Das deutsche Haus zur Zeit der Renaissance. (Simple conférence,
mais remplie d'erreurs et d'absurdités.) — Israël, ûbersichtl. Catalog
der Musikalien der stand. Landesbibliothek zu Cassel. — BàUMKER,
Zur Geschichte der Tonkunst in Deutschland, von den erten Anfàn-
gen bis zur Reformatioa. — Rûhlman.n, Die Geschichte der Bogen-
instrumente. — Reissmann, G. Fr. Haendel, sein Leben u. seine
Werke.
Deutsche Literaturzeitung, n° 24, 17 juin 1882 : Panek, Commentarius
in epistolam Pauli apostoli ad Hebraeos. — Le page Renouf, Vorles.
ûber Ursprung u. Entwickel. der Religion der alten Aegypter. Leipzig,
Hinrichs. (Pietschmam) — Juskevicz, Lietuviskos dajnos (Bezzenber-
ger : le plus vaste recueil de dainos qui ait paru jusqu'ici). — Corn.
Taciti dialogus de oratoribus, recogn. Baehrens. (Prammer : de grands
défauts, néanmoins édition indispensable au philologue). — Clemm, De
breviloquentiaetaciteaequibusdamgeneribus. (Prammer : utile.) — Brief-
wechsel zwischen Schiller u. Gœthe, 4e aufl. — Zeitschrift fur Ortho-
Îraphie, hrsg v. Victor. (Seemûller : très recommandable entreprise.) —
an te Winkel, Bladzijden uit de Geschiedenis der nederlandsche letter-
kunde, I. Joan Blasius als vertegenwordiger van de romantische rich-
tung onzer letterkunde in de zeventiende eeuw. II. Vondel aïs treur-
speldichter. (J. Frank.) — Ch. Thurot, De la prononciation française
depuis le commencement du xvr3 siècle d'après les témoignages' des
grammairiens. (Koschwitz : source inestimable d'instruction sur la pho-
nétique du français moderne.) — Wenck, Clemens V u. Heinrich VII,
die Anfânge d. franz. Papsttums, ein Beitrag zur Geschichte des XIV.
Jahrhunderts. (Th. Lindner : soigné et agréable à lire) — Politische Cor-
respondenz Friedrichs des Grossen, Bande VI, u. VII (Posner.) —
Brosien, Lexikon der deutschen Geschichte, die Vôlker, Lànder, histor-
ischen Personen u. Stàtten Deustchlands mit Einschluss der german.
Stâmme Oesterreichs, Burgunds, der Niederlande u. d. Schweiz bis zu
ihrer Abtrennung. (K. Rieger : à recommander aux « laïques ».) — De
la Jonquière, Histoire de l'empire ottoman. (Manuel digne d'éloges :
témoigne de connaissances acquises sur les lieux mêmes; nombreux faits
habilement rassemblés) — Kappler, Hollàndisch Guiana, Erlebnisse u.
Erfahr. wâhrendeines 43 jâhrigen Aufenthalts in der Kolonie Surinam.
— G. Meyer, Die Verleihung des Kônigsbannes u. das Dingen bei mark-
grâflicher Huld. — Jomini, Abriss der Kriegskunst erlâutert durch
von Boguslawski.
Philologische Wochenschrift, n° 23, 10 juin 1882 : Anton Krichenbauer,
Théogonie und Astronomie (Paul Stengel : folies sur Homère). — Chr.
von Husens, Odyssée- Bilder, Nausikaas Verschiittung (roman agréable).
— H. W. Stoll, Anthologie griechischer Lyriker fur die obersten Klassen
der Gymnasien (Sitzler : 5e édition de la ire division, élégies et épigram-
mes; très recommandé; critiques.de détail). — R. Y. Tyrrell, The
Troades of Euripides, with Revision of Text, and Notes chiefly inten-
ded for Schools, Dublin, Browne and Nolan (H. Gloël). — Ch. Graux,
Plutarque, Vie de Cicéron. Hachette (Heller : « Nous prenons ce petit
volume avec tristesse, regrettant qu'une mort prématurée ait enlevé à
son œuvre et à la science ce jeune savant plein d'espoir. On pouvait es-
pérer qu'il remplacerait par une édition critique nouvelle des Vies celle
de Sintenis, très méritoire, mais un peu arriérée maintenant par suite
de diverses découvertes, comme celle du Seitenstettensis et celle du Ma-
tritensis, que Graux lui-même a collationné le premier. Si déjà nous
avions pu rendre hommage à sa vie de Démosthène, notre douleur
s'augmentera en reconnaissant, dans la façon dont il a traité la Vie de
Cicéron, « wie sich Graux mehr und mehr in seine Aufgabe hineinlebte »;
car, sur tous les points, en particulier dans les parties préliminaires, elle
nous montre un progrès important... Beaucoup plus riche d'idées et
plus instructif est le chapitre de 12 pages qui traite en détail des sources
de Plutarque pour la biographie de Cicéron.,. Nous tenons ce chapitre
non-seulement pour le plus important, mais pour celui qui, par l'expo-
sition simple et modeste des résultats assurés et des résultats douteux,
caractérise le mieux le « sens objectif » du savant défunt. » Article très
détaillé. Cf. Rev. crit., 10 avril 1882, pp. 289 ss.). — Joh. E. Dassen-
bacher, Schematismus der ôsterreichischen Mittelschulen. — Jahresbe-
richt des Vereines « Mittelschule » in Wien. — Périodiques, etc.
Gœttingische gelehrte Anzeigen, n° 24, 14 juin 1882 : Bartholomae, Ar-
ische Forschungen. I Heft. (Pischel.)
N° 25, 21 juin 1882 : Rehmke, Die Welt als Wahrnehmung und
Begriff, eine Erkenntnisstheorie. (Wundt.) — Langwerth von Sim-
mern, Oesterreich und das Reich. (Bôthlingk : essaie de donner, au
point de vue autrichien, un exposé de l'époque de 1789 a 181 5; écrit
avec talent, mais la tâche dépassait les forces de l'auteur.) — Hicks, A
manual of greek historical inscriptions. (Blass : sera utile et en Angle-
terre et ailleurs.) — Bechtel, Bartholomâus Willent's litauische Ue-
bersetzung des Luther'schen Enchiridions u. d. Episteln u. Evan-
gelien. (Bechtel.)
La Puy, imprimerie Marchesson fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
N° 30 Seizième année 24 Juillet 1882
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
dk MM. S. GUYARD, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
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libraire de la société asiatique
du l'école des langues orientales vivantes, etc.
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Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
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PÉRIODIQUES
Litterarisches Centralblatt, n° 27, 1" juillet 1882 : Harnack, dieUeberliefe-
rungd. griech. Apostel des zweiten Jahrhunderts in der alten Kirche u.
im Mittelalter. — Deisenberg, Theismus u. Pantheismus. — Richter
(Alb.j, Bilderausderdeutschen Kulturgeschichte, I, 1, I. — FriedlSnder,
die italienischen Schaumûnzén des XV. Jahrhunderts, 1430- i53o.
III Heft. (Suite de cette très solide et très précieuse publication.) — Lorck,
Handbuch der Geschichte der Buchdruckerkunst. I, Erfindung, Verbrei-
tung, Blûthe, Verfall, 1450- 1750. (Excellent livre à recommandera tout
le monde; renferme tous les résultats certains.) — Aus demhandschriltli-
chen Nachlasse Westenrieder's, v. Aug. Kluckhohn. I, Denkwûrdig-
keiten u. Tagebûcher. (Intéressant.) — Brugsch, Hieroglyphisclwiemo-
tisches Wôrterbuch, enthaltend in wissenschaftlicher Anordnung u.
Folge den Wortschatz der Heiligen-und der Volkssprache und der
Schrift der alten Aegypter, nebst Eiklârung der einzelnen Stâmme.
Bd V-VII. (Ouvrage entièrement indispensable à tout égyptologue,
mais qui coûte trop cher, 400 mark ! L'auteur ajoute à tous les servi-
ces qu'il a déjà rendus à la science, le plus grand et le plus important.)
— Ceci, Scritti glottologici. Fascicolo I; il dativo plurale greco; le voci
greche [juv v£v ; il latino amentum (Ceci est « entré bien armé dans l'arène
linguistique » et s'est heureusement acquitté de la tâche difficile, de
connaître tout ce qui s'est publié su rie domaine de la grammaire com-
parée; beaucoup de soin et d'érudition dans ce nouveau travail du sa-
vant italien; mais trop d'attaques contre G. Curtius et polémique trop
vive). — Eyssenhardt, Romisch u. romanisch. (Beaucoup d'obscurités, et
d'opinions insoutenables, mais soulève de nouveau une question im-
portante; mérite de trouver des lecteurs.) — Fabricius, De architectura
graeca commentationes epigraphicae. (Travail d'un jeune savant qui
unit une profonde culture philologique à de grandes connaissances en
architecture.)
Deutsche Literaturzeitung, n° 25, 24 juin 1882 : Reuss, die Geschichte
der heiligen Schriften alten Testaments. (Wellhausen : est à un tout autre
et bien plus haut niveau que les travaux de Keil, Bleek, etc.) — Bon-
wetsch, Die Geschichte des Montanismus. (Holtzmann : bon, l'auteur
renvoie au compte-rendu de Weizsâcker, n° 4 de la « Theologische Lite-
raturzeitung ».) — Sigwart, Kleine Schriften, 2 vols. (Cohen.) — Fi-
scher, u. Wiedmann, Ueber babylonischea Talismane »,Cylinder u. an-
dere Formen aus d. hist. Muséum im steirisch ■ landschaftlichen
Johanneum zu Graz. (Schrader.) — Les harangues de Demosthène, texte
frec p. p. H. Weil. (A. v. Bamberg : très remarquable.) — Deffner,
akonischeGrammatik. (Rangabé : malgré quelques fautes, cet ouvrage
est digne d'être recommandé, et, lorsqu'il sera terminé, formera une im-
portante contribution à la connaissance des dialectes grecs.) — Bayard
Taylor, Die Dichtung in Bildern, literarische Studien. Ausgewahlte
Schriften, I. (Er. Schmidt : bons essais.) — Beowulf, hrsg. v. Holder.
— Einhardi vita Karoli imperatoris, hrsg. v. Holder. — Elie Berger,
Les registres d'Innocent IV, recueil des bulles de ce pape publiées ou
analysées d'après les mss. originaux du Vatican et de la Bibliothèque na-
tionale. Fasc. I, II, III. Ewald : public, qui, en son ensemble, peut être
regardée comme un modèle des publications de ce genre, édition faite
avec soin et conscience.) — H. M. i<ichter, Geschichte der deutschen
Nation nach den Grundziigen ihrer Entwickelung. (Rudloff : n'est pas
destiné aux savants, mais est accessible par sa forme agréable à tous les
« Gebildeten »; bonne disposition du sujet; chaud enthousiasme pour la
grandeur politique de l'Allemagne.) — Historisches Taschenbuch, hrsg.
v. Fr. Raumer, hrsg. v. Maurenbrecher. VI Folge, I Jahrgang (R.
Pauli). — - Munch, Samlede Afhandlinger,udgivneefteroffenlig foranstalt-
ning af Gustaf Storm. I-IV Bi. Christiania. (Recueil des articles et tra-
vaux les plus remarquables, dispersés dans des recueils divers, du grand
historien norvégien.) — Pfizmayer, Zwei Reisen nachdem Westen Japans.
— Woermann, Kunst-und Naturskizzen aus Nord-und Siideuropa, ein
Reise-Tagebuch. — Hugo Riemann, Musik-Lexicon, Théorie u. Ge-
schichte der Musik, die Tonkiinstler alter u. neuer Zeit mit Angabe ihrer
Werke.
N° 26, Ier juillet 1882 : Ph. Strauch, Margaretha Ebner u. Heinrich
v. Nôrdlingen, ein Beitrag zur Geschichte der deutschen Mystik. (De-
nifle : « eine wahre Musterarbeit. ») — Kawerau, Kaspar Gûttel, ein Le-
bensbild aus Luthers Freundeskreise. (W. Mûller : étude très attachante
sur ce partisan convaincu de Luther.) — Ern. Laas, Idealismus u. Po-
sitivismus. — Vishunusmritih, the Institutes of Vishnu together vvith
extracts from the sanscrit commentary of Nanda Pandita called Vai-
jayanti edited with critical notes, an Anukramanikâ and indexes of
words a~ mantras by Julius Jolly. I, II. [Bibliotheca Indica, a collec-
tion of oriental works published by the Asiatic Society of Bengal.] Cal-
cutta. (A. Weber : travail vraiment critique où il y a quelques fautes
d'impression, mais dont le texte ert constitué d*après des principes fixes
et scientifiques.) — Haller, Geschichte der russischen Literatur. (Krek :
pas de recherches originales, remaniement et traduction à la fois du ma-
nuel de Petrov, mais sera évidemment le plus utile des ouvrages alle-
mands sur la matière; bien préférable au livre de Honegger par le sa-
voir et le tact critique.) — Rich. Arnoldt, Der Chor im Agamemnon des
Aeschylus scenisch erlautert. (Wilamowitz : « livre écrit avec clarté et
concision, par quelqu'un qui aime sincèrement la vieille poésie et qui ne
prononce pas seulement du bout des lèvres, mais avec le cœur, le nom
de Gottfried Hermann. *) — C. Meissner, Die Cantica des Terenz u.
ihre Eurhytmie. (Léo : n'avance pas du tout la question, erreurs et
manque de méthode.) — Visio Tnugdali latein. u. altdeutsch hrsg. v.
Albr. Wagner. Erlangen, Deichert. (A. Schônbach : publication de tex-
tes qu'il est très commode et agréable de posséder réunis.) — P. Noack,
eine Geschichte der relativen Pronomina in der englischen Sprache.
(Wissmann : l'histoire des pronoms relatifs en anglais reste encore à
écrire.) — Leop. v. Ranke, Weltgeschichte, II. Theil. Die rômische Re-
publik u. ihre Weltherrschaft. (« Commence à la fondation de Rome et
va jusqu'à Auguste ; on admirera encore la force et la puissance de cet
esprit qui a su pénétrer ce grand et vaste sujet et en présenter un ta-
bleau plein de vie ; érudits et laïques liront cette seconde partie de l'ou-
vrage avec le même plaisir que la première et en tireront maint ensei-
gnement nouveau ; puisse la faveur du destin accorder au maître, de
mener à fin cette histoire universelle, qui sera un monumentum aère pe-
rennius. ») — M. Baumann, Die Handelsprivilegien Lubecks im XII, XIII
u. XIV Jahrhundert, eine Vorarbeit fur den Verfasser einer Handelsge-
schichte Lubecks. (Hohlbaum : non, ce n'est pas un travail prélimi-
naire, réellement scientifique, pour une Histoire du commerce de Lu-
beck.) — Politische Correspondenz der Stadt Strassburg im Zeitalter
der Reformation. I. 1 5 17-1650, p. p. Hans Wirck. (Hollander : tra-
vail méritoire qui sera le bienvenu de tous ceux qui étudient l'histoire
de la Réforme.) — Anderson, Scotland in early Christian times. Second
séries. (Bellesheim : sujet traité avec soin et épuisé ; enthousiasme, tem-
péré par la réserve et la circonspection nécessaires dans un domaine où
l'hypothèse arbitraire est si tentante ; conférences sur les travaux en mé-
tal des anciens Celtes, les travaux sur pierre, l'art des monuments, les
symboles des monuments, les inscriptions des monuments en oghams et
en runes.) — Kappeyne van de Coppello, Over im facere vin het inter-
dictum uti possidetis. (Mériterait d'être traduit, contribution de haute
valeur au droit romain, grande précision.)
Philologische Wochenschritt, n° 24, 17 juin 1882 : Upax-rwà iftç h 'A6fr
vaiç àp/atoXo Yr/.r,ç exaiptaç àitb 'Iavcuapicu 1881 [xé/pt 'Iavouapicu 1882,
Athènes, typogr. Angelopoulo (Chr. B. : sur des fouilles à Athènes et
Tanagra, le principal article sur les fouilles du théâtre d'Epidaure, le
plus beau et le mieux conservé de la Grèce). — Alexandro Tartara,
Dalla battaglia délia Trebbia a quella del Trasimeno. Turin, Lcescher
(P. Meyer : éloge mêlé de quelques critiques). — Aug. Mueller, De
auctoribus rerum a M. Claudio Marcello in Sicilia gestarum (Soltau :
médiocre). — L. Lange, De diebus ineundo consulatui solemnibus in-
terregnorum causa mutatis (Soltau : essaie en vain de réfuter Unger). —
Vahlen, Ueber zwei Elegien des Propertius (Gustafsson : modèle de
saine méthode). — G. A. Euler, Die hohe Karlsschule. — Périodiques,
etc. Fouilles romaines aux environs de Metz.
Philologische Rundschau, n° 26, 24 juin 1882 : N. Wecklein, Die Tra-
gôdien des Sophokles zum Schulgebrauche. .., Oedipus in Kolonos
(Gerh. Heinr. Mûller : éloge, discussion sur des détails). — Babrii fabulas
recensuit M. Gitlbauer (manque de méthode et d'exactitude, texte mo-
difié avec légèreté; pas en arrière après Eberhard ; donne une idée fâ-
cheuse de la jeune école philologique autrichienne). — G. Fischer, Die
Elegien des Albius Tibullus in modernen Rhythmen (Chalybaeus : ar-
ticle diffus). — Aug. Herzog, Stati Epithalamium (Silv. I, 2) (Paul
Mohr). — H. T. Karsten, Elocutio rhetorica, qualis invenitur in An-
nœi Senecae suasoriis et conrroversiis. Rotterdam (Phil. Thielmann :
utile, mais demande encore du travail). — G. Francaroli, Saggio sopra
la genesi délia metrica classica, Firenze, 188 1 (G. Stier : intéressant.) —
Cari Neumann, Geschichte Roms wàhrend des Verfalles der Republik
(Faltin : publication posthume très intéressante, surtout pour l'époque
des Gracques : négligence de la part de l'éditeur E. Gothein). — A. Herr-
mann, Darstellung der Beziehungen zwischen Rômern und Parthern
von der Uebernahme der Herrschaft durch Augustus bis zu Tiridates
Belehnungdurch Nero (Durr). — Adalbert Ziegler, Die Regierung des
Kaisers Claudius (Herman Haupt : très bon).
Columnalui Traian, nos 4-5, avril-mai 1882 : Hasdeu, Etudes de linguis-
tique (suite) . — I. Bianu, Notice sur un manuscrit roumain d'Eustrate le
logothète, de i632 (compilation juridique). — N. Densu,sian, Docu-
ments sur le pays de Fogaras (suite). — Brandza, Nomenclature botani-
que roumaine (suite). — I. Bianu, Compte-rendu des Rumunische Un-
tersuchungen de Miklosich. — S. FI. Marian, De pocitura, chant
recueilli en Bucovine. — Hasdeu, description d'un manuscrit roumain
de 1574 (suite). — Hasdeu, Etymologie de zglobiu, pétulant (du slavon
zlobivu). — Climescu, Curpan, Petrov et Pat, Coutumes juridiques du
district de Bacâu (suite). — Marian, Fabrication de la couleur jaune en
Bucovine, fragment d'une chromatique du peuple roumain. — Chro-
nique inédite roumaine des années 1800-1821, en prose et en vers, écrite
par « Zilot Romanul » (pseudonyme), conservé aux archives de l'Etat
(transcription en romain d'un original en cyrillique). — G. Chitsu, Les
noms roumains des mois, nomenclature savante et nomenclature popu-
laire. — P. Ispirescu, Conte populaire. — Marian, Incantations de Bu-
covine. — Negoescu, Chant populaire. — Chronique.
Le Fuy, typ. et lith. Marchesseu fils, boulevard Saint-Laurent, ai
N« 31 Seizième année 31 Juillet 1882
—
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
de MM. S. GUYARD, L. HAVET, G. xMONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Étranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
libraire de la societe asiatique
de l'école des langues orientales vivantes, etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
A dresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, 28, RUE BONAPARTE, 28
TV/l"t7 A/T/^VTD Û7C sur la Chronologie et l'Iconographie des Rois Parthes Ar-
ÎVI il 1V1 V_y 1 In L, O sacides, par A. de Longpérier. Un beau volume in-4,
avec 18 planches sur cuivre 25 »
ÉTUDES SUR L'HISTOIRE D'ETHIOPIE
par M. René Basset. Un volume in-8 de 32o pages i5 »
Ljt-'Tv T/'^'D L7 T\ET ^UrTMIT son histoire, ses procédés de fabri-
.CrNv_>Iv.C lJC V>J~lliNJD? cation, etc., par Maurice Jametel.
In-18, orné de 27 gravures 5 »
LE ROYAUME DU CAMBODGE TÏ^T»,
richement illustrés 3o »
Paraît en 3o livraisons à ï franc. Les livraisons 1 à 5 sont en vente.
PÉRIODIQUES
,
Literarisches Centralblatt, n° 28, 8 juillet 1882 : Scholten, Das pauli-
nische Evangelium. •— Mehlis, Studien zur àltesten Geschichte der
Rheinlande, V, der Grabfund von Kirchheim. — Kuchimeister's
nûwe casus monasterii sancti Galli, neu hrsg. v. Meyer v. Knonau. —
Mûller, Erzbischof Aribo von Mainz; P. Meyer, Die Fortsetzer
Hermann's von Reichenau. — Graf, Roma nella memoria e nelle ima-
ginazioni del medio evo. (Livre de grand mérite qui mérite le même
accueil favorable que l'ouvrage de Comparetti.) — Kawerau, Gaspar
CûtteL ein Leb'ensbild aus Luther's Freundeskreise. (Travail intéres-
sant et bien fait sur les commencements de la Réforme.) — Stieler's
Schulatlas; 61e Aufi. vollstândig neu bearb. v. Berghaus. — Meister,
Die griechischen Dialekte auf Grundlage von Ahrens' Werk « de
graecae linguae dialéetis » dargestellt. I. Asiatisch-àolisch, bôotisch,
thessalisch. (Excellent livre qni ne doit manquer dans aucune bibliothè-
que philologique ou linguistique.) — Aly, Die Quellen des Plinius im
achten Buch der Naturgeschichte. (Travail précieux par la comparai-
son des termes de Pline avec ceux des auteurs qu'il a consultés; il se-
rait plus utile, s'il était moins concis.) — Brandes, Die Literatur des
neunzehnten Jahrhunderts in ihren Hauptstrômungen dargest. I. Die
Emigrantenliteratur. (Suite d^esquisses spirituelles, faites avec soin et
entièrement réussies; quelques objections à faire çà et là.) — Langbehn,
Fliigelgestalten der iiltesten griechischen JKunst. (Travail sur « les créa-
tures du monde de Fart grec, qui sont issues entièrement ou en partie
de la réalité, mais qui portent, contre nature, des ailes », ex. les Har-
pyes, Pégase ; l'étude la plus intéressante est consacrée à TArtémis ailée
et à la Gorgone; remarques de détail à faire.) — Hultsch, Heraion u.
Artemision , zwei Tempelbauten Ioniens. — Blumner, Laokoon- Stu-
dien, I Heft, ueber den Gebrauch der Allégorie in den bildenden Kûn-
sten. (Recherches d'un style clair et facile à comprendre.) — Feuerbach
(Anselm), ein Vermachtniss (Ecrit, dont la iro partie renferme une au-
tobiographie de l'artiste; lecture qui émeut et élève l'âme.)
n° 29, i5 juillet 1882 : Lucius, der Essenismus in seinem Verhâltniss
zumJudentum. — Chn. Meyer, Geschichte des Landes Posen. (Livre
que l'auteur aurait mieux fait de ne pas écrire ; ne connaît pas les tra-
vaux récents des historiens polonais; manque de sens historique ; trop
hostile de parti-pris à la Pologne.) — Holder, Germanischer Bûcher-
schatz. (La Germania de Tacite, Einhard, Nithard.) — Kindler v.
Knobloch, Der alte Adel im Oberelsass. (Notices, par ordre alphabéti-
que, sur l'histoire de la noblesse de la Haute-Alsace; mais les sources
ne sont pas indiquées.) — Rogge, Geschiedenisder stedelijke boekerij van
Amsterdam. (Histoire instructive et attachante de la bibliothèque de la
ville d'Amsterdam.) — Huber, Matthias von Neuenburg u. Jacob von
Mainz. — Lattes, Nuovo saggio di giunte e correzioni al lessico talmu-
dico (Lévy-Fleischer). Roma, Salviucci. (Travail dont la valeur consiste
surtout dans la partie relative aux particules.) — Pseudolysiae oratio
funebris, éd. Mart. Erdmann. — Ovidii libellus de medicaminefaciei, p.
p. Kunz. (Travail très soigneux et très habile.) — Spéculum regale, ein
altnorweg. Dialog hrsg. v. Brenner. (Edition qui a coûté à son auteur
beaucoup de soin et de labeur.) —Album von Hernstein, Illustrationen
zu Hernstein in Niederosterreich.
Philologische Wochenschrift, n° 25, 24 juin 1882 : Julius Grimm, Der rô-
mische Brùckenkopf in Kastel bei Mainz und die dortige Rômerbrûcke
(Gustav Becker : le pont est romain et non carolingien). — Clemm, De
breviloquentiae Taciteae quibusdam generibus (Andresen : mauvais la-
tin, travail soigné pour le fond). — Poekel, Philologisches Schriftstel-
ler- Lexikon (utile quoique très insuffisant; précieux renseignements sur
les érudits anglais.) — Périodiques, etc.
Philologische Rundschau, n° 27, ier juillet 1882 : J. A. Stewart, The
English Mss. of the Nicomachean Ethics. Oxford, Clarendon Press
(J. Cook Wilson : bon). — Rassow, De Plauti substantivis, cf. Rev.
crit., 12 juin 1882 (K. E. Georges : rectifications de détail). — Lucre-
tius, deutsch von Max Seidel (Max Schlierbach) (A. Kannengiesser).
— J . Gantrelle, Ciceronis philippica secunda, cf. Rev. crit., 3 avril 1882,
p. 166 (Rud. Klussmann : édition élégante, d'un savant belge célèbre
jusqu'en Allemagne, repose surtout sur les éditions classiques de Halm
et Koch-Eberhard; commentaire un peu concis, éclaircissant le fond
plus que la grammaire; certaines notes de grammaire seraient inutiles
pour des élèves allemands; d'autres manquent; Klussmann énumère les
explications neuves et en discute une; peu de fautes; texte fondé sur
Halm, avec comparaison d'ailleurs peu féconde d'un ms. de Bruxelles
et deux mss. de Paris; orthographe arriérée ; mauvaises corrections, em-
pruntées en grande partie à Cobet, etc., autres corrections négligées à
tort; les illustrations moins élégantes que le reste; le caractère admis
pour les notes ne semble pas bien choisi). — H. Koechly, Caesar und
die Gallier, 2. Aufl. (Saalfeld : applaudit à cette réimpression; la pre-
mière publication est de 1871, ce qui explique les allusions patrioti-
ques). — H. Nohl, Analecta Vitruvian.a (K. E. Georges : bon). —
H. Weissenborn, Die Uebersetzungen des Euklid durch Gampano und
Zamberti (Gûnther : à consulter). — Strack, VollstàndigesWôrterburch
zu Xenophons Kyropâdie (Vollbrecht : utile malgré des défauts). — Ed.
v. Hartmann, Das religiôse Bewusstsein der Menschheit im Stufengang
seiner Entwickelung (Ziegeler : deux chapitres intéressent les philolo-
gues : Die âsthetische Verfeinerung des Monotheismus im Hellenentum,
et Die utilitarische Sâkularisierung des Monotheismus im Rômertum.)
— Karl Boysen, Bibliographische Ueber'siçht ûber die die griech. und
latein. Autoren betreffenden Litteratur der Jahre 1867- 1876 (Rud.
Klussmann : mauvais, utile pourtant).
Nachrichten von der koenigl. Gesellschaft der Wissenschaften, n° i3, 18 juin
1882 : De Lagarde, Woher stammt das x der Mathematiker ? (Il vient,
en tout cas, dexei = cosa); — Sixtus = Xystus (Xystus est devenu dans
la bouche des Italiens Sisto, d'où est né Sixtus).
N° 14, Preisaufgaben der Wedekindschen Preisstiftung fur deutsche
Geschichte.
N° i5 : J. Gildemeister, Ueber arabisches Schiffswesen. — Erklâ-
rung. (Paul de Lagarde : M. Hommel accuse dans diverses revues
M. Paul Haupt d'avoir été dans son étude sur « un dialecte du sumé-
rien » le plagiaire de M. Fr. Lenormant; mais M. Lenormant déclare
dans une lettre : « il ne saurait y avoir de la part de M. Haupt aucun
plagiat de travaux qu'il ne connaissait pas et ne pouvait pas connaître;
je reconnais l'entière originalité de sa découverte. »)
Gœttingische gelehrte Anzeigen, nos 26 et 27, 28 juin et 5 juillet 1882 :
Delitzsch, Wo lag das Paradies? (Oppert : long art. défavorable.) —
Sedlmayr, Kritischer Kommentar zu Ovids Heroiden (Birt). — Hjelt,
Elias Lonnrot (Husemann).
— N° 28, 12 juillet 1882 : Wlassak, Edict. u. Klageform, eine
romanistische Studie(G. Hartmann). — Erlauer Spiele, sechs altdeutsche
Mysterien nach einer Handschrift des XV. Jahrhunderts zum ersten Mal
hrsg.v. Kummer (Schônbach : « travail dont il faut remercier l'auteur
et qui est indispensable au specialforscher »). — Andresen, Sprachgeb-
rauch u. Sprachrichtigkeit (Sauer : livre de grande valeur).
Deutsche Rundschau, juillet 1882 : Haeckel, Indische Reisebriefê, IV.
Kaduwella, Peradenia, Kandy. — Paulsen, Arthur Schopenhauer, der
Zusammenhang seiner Philosophie mit seiner Personlichkeit. — Stras-
burger, Der Unterschied zwischen Thier und Pfïanze. — Hausner,
Polnische Belletristik in den letzten zwanzig Jahren. — Zur deutschen
Culturgeschichte. (A propos de l'ouvrage de Bidermann, a Deutschland
in achtzehnten Jahrhundert ».) — Literarische Notizen.
Columna lui Traian, n° 6, juin 1882 : Chronique inédite de Zilot Roma-
nul (suite). — Marian, Incantations populaires de Bukovine (suite).
— Densusianu, Documents sur le pays de Fogaras (suite). — Marie-
nescu, Ballades populaires. — Hasdeu, Manuscrit de 1574 (suite). —
Chitsu, Domnu domna, dominus domina. — Hasdeu, ghiocet sglavoc ;
un doublet gréco-latin (noms du bleuet, de yXocuk6ç ; l'auteur naturalise
judicieusement le terme technique doublet). — Climescu, Curpan,
Petrov, et Pat, Coutumes juridiques (suite).
Archivio storico per Trieste, Tlstria ed ilTrentino, Maggio 1882, fascicolo IV
(Termine la première année de « l'Archivio ») : Grion, Re Berengario
I in Istria. — Combi, Un discorso inedito di Pier Paolo Vergerio il Se-
niore da Capodistria. — Ambrosi, Di Castellaro trentino, oggi Castel
d'Ario mantovano, ricordi storici. — Orsi, Un gruppo di aes gravi
trovati a Trento. — Cipolla, Maestro Martino da Stenico. — Berto-
lotti, Curiosità storiche istriane, dalmate e trentine negli archivi di
Roma. — Luciani, Scoperta paletnologica in Istria. — Orsi, Epigrafe
capodistriane. — Rassegna bibliografica : Malfatti, Statuti ed ordina-
menti per i Battuti di Trento, pubblicati da C. Schneller. — Sal-
violi, La legge romana udinese, per Franc. Schupfer. — Zenatti, Le
relazioni tra Trieste e Venezia sino al 1 38 1 , per G. Cesca. — Morpurgo,
Saggio di cartografia délia regione veneta. — Salvadori, L'archeographo
triestino, anno VIII (1881-82). — Annunzi bibliografici. — Publica-
zioni periodiche.
Revue de rinstruction publique (supérieure et moyenne) en Belgique,
tome XXV, 3e livraison : Crutzen, L'origine maternelle et la nais-
sance de Marguerite de Parme, régente des Pays-Bas (M. Raw-
don Brown a prétendu que Marguerite était née à Valladolid en
1 533, qu'elle avait pour mère une des filles du comte Hieronymo.
de Nogarola, noble vénitien, et que cette fille avait, en 1524, changé
son nom en celui de Van Geste. L'auteur de l'art, s'en tient aux. idées
énoncées avant lui par Serrure, Vander Meersch, Gachard et Reu-
mont : vers la fin de i52i, Charles le Quint mit le siège devant Tour-
nai; à Audenarde d'où il surveillait les opérations, il fit la connaissance
de Jeanne Van der Gheenst, fille du manant Gilles Vander Gheenst et
de F ex-bourgeoise Jeanne Vander Coye; Jeanne était servante chez le
gouverneur d' Audenarde; elle accoucha, vers le milieu de l'année sui-
vante, d'une fille qui fut baptisée dans l'église de Pamele sous le nom
de Marguerite; Marguerite fut élevée à la cour de sa grand'tante, Mar-
guerite d'Autriche, et de sa tante Marie de Hongrie; à l'âge de neuf ans
elle passa en Italie où, dans la suite, elle épousa Alexandre de Médicis,
{mis Octave Farnèse; c'est en i55q que Philippe II l'appela à gouverner
es Pays-Bas). — Quelques observations sur le programme d'enseigne-
ment de l'anglais. — Grafé, L'école normale de Pise et les écoles de ma-
gistère en Italie, I. — Gantier, La conquête de la Belgique par Jules
César (ouvrage remarquable). — Cam. Lemonnier, Histoire des beaux-
arts en Belgique.
Le Fuy, typ. et lith. Marchesseu fils, boulevard Saint-Laurent, a3
N° 32 Seizième année 7 Août 1882
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
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de MM. S. GUYARD, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
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Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Étranger, 25 tr.
PARIS
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libraire de la societe asiatique
de l'école des langues orientales vivantes, etc.
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Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
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T\ T UA/T/^VTD CC sur ^a Chronologie et l'Iconographie des Rois Parthes Ar-
IVl .ClVl V_/ 1 1\ C O sacides, par A. de Longpérier. Un beau volume in-4,
avec 18 planches sur cuivre 25 »
ÉTUDES SUR L'HISTOIRE D'ETHIOPIE
par M. René Basset. Un volume in-8 de 320 pages i5 »
L5T-,T\T /">r) T? P\T7 /"*» LJ T NT L7 son h'sto'reJ ses procédés de fabii-
J2lNv->l\J2 Dïl V_> il 1 IN C. ? cation, etc., par Maurice Jametel.
In-18, orné de 27 gravures , • ■ "
LE ROYAUME DU CAMBODGE $&££*
richement illustrés ■ 3o »
Paraît en 3o livraisons à 1 franc. Les livraisons 1 à 5 sont en vente.
PÉRIODIQUES
The Academy, n° 53i, 8 juillet 1882: Pollock, Essays in jurispru-
dence and ethics. — The Temple, sacred poems and private ejacula-
tions, by Mr. George Herbert, first édition 1 633, fascimile reprint,
with introductory essay bySHORTHousE. — Lear, Henri Dominique La-
cordaire, a biographical sketch. (Simcox.) — English dialect glossaries :
Five original glossaries, isle of Wight , Oxfordshire, Cumberland,
North Lincolnshire, and Radnorshire, by various authors; Glossary of
the Lancashire dialect, by Nodal a. Milner, Part II (fîo z). — Maspero,
Les contes populaires de l'ancienne Egypte , traduits et commentés.
(Amelia B. Edwards : « charming little volume. ») — Theological lite-
rature. (Cheyne, Micah, with notes a. introduction; Lowe, The he-
brew student's commentary on Zechariah, Hebrew a. LXX; Commen-
tary on Erzra a. Nehemiah, by Rabbi Saadiah, edited by Mathew ;
Sorley, Jewish christians a. judaism ; de Lagarde, The question whe-
ther marriage with a deceased wife's sister is or is not prohibited in the
mosaic writings ; SteLhlin, Justin der Mârtyrer u. sein neuester Beur-
theiler ; Strack, Pirqe Aboth, die Sprûche der Vâter, ein ethischer
Mischna-traktat mit kurzer Einleit., Anmerk. u. einem Wortregister ;
Harnack, Die Ueberliefer. der griech. Apologeten d. II Jahrhunderts in
der alten Kirche u. im Mittellalter.) — Chaucer and the eastern counties.
— The endowment of research at Edinburgh. — Was Roger of Mont-
gomery at Senlac ? (Howorth.) — The neo-celtic « p * in Prof. Skeat's
dictionary. (Mayhew.) — Carlyle's translation of Fausfs « Curse »
(Eug. Oswald). — County record offices. (Turner.) — Vinaya texts,
part I, the Patimokkha a. the Mahâvagga, I-IV, translated from the
pâli by Rhys Davids a. Oldenberg (Morris). — Récent contributions
to catullian criticism. (Ellis : sur les « Animadversiones in locos nonnullos
Valeri Catulli et Titi Livi, par Tartara. ») — Joseph, Khu-en-Aten
and Amenhotep IV. (Am. B. Edwards.) — Art books (Smith a. Slater,
Architecture, classic a. early Christian ; etc.). — The excavations in the
forum romanum. (Westropp.)
N° 532, i5 juillet 1882 : Natural religion, by the author of « Ecce
homo ». — Marvin, The russian advance towards India (Keane). —
Blackie, Altavona, fact a. fiction from my life in the highlands. (Gray).
— Birt, Das antike Buchwesen. (Haverfield : très important.) — Was
Roger of Montgomery at Senlac? (Freeman a. Howorth.) — Chaucer a.
the eastern counties. (Round.) — Sumir a. accad (P. de Lagarde et
Sayce). — Written a. unwrîtten chinese laws. (Gardner.) — Bowes, Ja-
panese marks a. seals. (Monkhouse.) — Botticelli's « Assumption ».
(Fisher.)
N° 533, 22 juillet 1882 : Villiers Stuart, The funeral tent of an
egyptian queen. (Am. B. Edwards.) — Gosse, Gray « English men of
letters » (Dowden : la vie la meilleure et la plus complète de Gray, œu-
vre à la fois de critique et de biographie). — Miss Ellen M. Taylor,
Madeira, its scenery a. how to see it. (Burton.) — Kemble, Records of
later life. 2 vols. — Shakspere's tragedy of Hamlet, edit._ by Elze.
(Furnivall : édition qui sera la bienvenue, notes très soignées.) —
Spiers, The school System of the Talmud. (Bail.) — Roosevelt, The
naval war of 1812. (Temple : travail très impartial.) — School books.
— The late Prof. Lotze (Cook Wilson). — Chaucer a the hérons. (Fur-
nivall.) — The Pôle family. (Round.) — Sumer a. akkad.
Philologische Wochenschrift, n° 26, ier juillet 1882 : Luigi A. Michangeli,
Anacreonte, edizione critica. Bologna, Zanichelli (Sitzler : édition soi-
gnée et bonne des Anacreontea, avec traduction italienne; idées fausses
sur leur date et sur la métrique). — Richard Engelmann, Beitrâge zu
Euripides, Alkmene (Wecklein : démontre qu'Alcmène, condamnée au
feu, était sauvée par un orage miraculeux). — O. Podiaski, Quomodo
Terentius in tetrametris iambicis et trochaicis verborum accentus cum
numeris consociaverit (Schlee : bon). — Baehrens, Poetae latini minores,
III (Hugo Magnus : fourmille de fautes, mais est et sera longtemps indis-
pensable). — Otto Richter, Die Befestigung des Janiculum (Wecklein : '
50n). _ Sammlung von Schulreden und Ansprachen, herausgegeben
von Philipp Brunner, i. Sammlung, 2. Aufl. (Cf. n° 22). — Périodi-
ques, etc. Zeitschrift fur das Gymnasialwesen : on s'est bien trouvé de-
puis'1875, au gymnase de Schleitz, de supprimer le grec en quarta
(sixième) et d'en faire faire sept heures par semaine en tertia (cinquième).
Analyse détaillée de la revue des écoles secondaires (Kôzepiskolai Szemle)
publiée à Arad.
Nos 27-28, 8 juillet 1882 : G. Th. Gerlach, Der alten Griechen
Gôtterlehre, Mythen und Heldensagen (Paul Stengel : détestable). —
R. Methner, De tragicorum Graecorum minorum et anonymorum
fragmentis observationes criticae (Wecklein : bon). — H. Lentz, Der
Epitaphius pseudepigraphus des Demosthenes (Albrecht : article dé-
taillé). — Hermann Cremer, Biblisch-theologisches Wôrterbuch der
Neutestamentlichen Gracitât (jette beaucoup de lumière sur la langue
de Plutarque, Lucien, etc.). — Richter, Hrabanus Maurus (Strenge :
instructif sur la pédagogie du ixe siècle). — Johannes Muhl, Zur Ge-
schichte der alten attischen Komôdie (Lowner : du soin ; diffus). —
J. Soergel, Demosthenische Studien (Lowner : à lire pour les gens du
monde et les élèves). — Hasper, Die Feinheit der Oekonomie und der
Charakterzeichnung in den einzelnen Dramen des Sophokles, und der
Kern der sittlichen Anschauungen desselben (Lowner : bon). — Anton
Kerer, Ueber die Abhângigkeit des C. Silius Italicus von Livius (Low-
ner : catalogue utile de passages). — Périodiques, etc.
Philologische Rundschau, n° 28, 8 juillet 1882 : Sophocle, Œdipe roi pu-
blié par Wunder, editio V. quam curavit N. Wecklein. — Hilgenfeld,
Hermae Pastor, éd. altéra (Rônsch : bon; démontre que le Pasteur
contient 3 parties hétérogènes). — List, Das Buch des Horaz ûber die
Dichtkunst ins Deutsche ûbersetzt(Krah). — L. Polster, Quaestionum
Propertianarum spécimen (Rossberg : du bon et du mauvais ; ni Polster
ni Rossberg ne paraissent forts en prosodie). — Peskett, Gai Julii Cae-
saris de bello Gallico commentarius VIL Cambridge (Menge : nom-
breuses critiques). — Holtze, Syntaxis fragmentorum scaenicorum poe-
tarum Romanorum adumbratio (Georges : ouvrage posthume, composé
après l'apparition de la seconde édition de Ribbeck, mais d'après la pre-
mière; utile malgré ses défauts). — Dressel, Lexikalische Bemerkun-
gen zu Firmicus Maternus (Georges : bon ; Georges indique de nom-
breuses additions). — Josef Bass , Dionysios I. von Syrakus (Bachof :
insuffisant; réhabilitation juste mais exagérée). — Friedlaender, Dar-
stellungen aus der Sittengeschichte Roms, 5. Aufl., 3. Theil
(Jung). — De Ceuleneer, Notice sur un diplôme militaire de Trajan
trouvé aux environs de Liège. Berlin, Mayer et Mûller (Jung : l'article
donne la bibliographie du sujet).
Theologische Literaturzeitung, n° i3, icr juillet 1882 : Annales du Musée
Guimet, tome IL (Baudissin.) — Ebers u. Guthe, Palâstina in Wort
u. Bild. — Godet, Commentar zu dem Brief an die Rômer, deutsch
bearb. v. Wunder. — Orose, p. p. Zangemeister. (Lipsius : excellente
édition.) — Koch, Die frûhesten Niederlassungen Jder Minoriten im
rechtsrheinischen Bayern ; im Rheingebiet u. ihre Wirk. auf d. Icirchl.
u. polit, Leben. (Karl Muller.) — Werder, Zwingli als politisctier Re-
formator (Zoepffel : petit écrit attachant.) — Zahn, die Ursachen des
Niederganges derreformirten Kirche in Deutschland. (Ritschl.) — Kapff,
Lebensbild von Sixt Karl v. Kapff; Zûndel, Pfarrer Blumhardt. —
Fischer, Discussions in history a. theology. (Lemme.)
Athenaeum belge, n° i3, ior juillet 1882 : Combes, L'entrevue de
Bayonne; Segesser, Ludwig von Pfyffer u. seine Zeit; Baumgarten,
vor der Bartholomâusnacht. (Philippson : I. de tous les documents
contenus dans l'opuscule de Combes, deux présentent un intérêt réel ;
une lettre de don Frances de Alava et une dépêche de Philippe II. Mais
M. Combes traduit le passage de la lettre d'Alava : « y lo que anteveo
que an de martillar estos eresiarcos » par « 'je prévois qu'on doit marte-
ler ces hérésiarques » tandis qu'il faut entendre : « je prévois que ces
'hérésiarques la martèleront », c'est-à-dire « mettront martel en tête à
Catherine ». C'est pourtant sur l'explication erronée des mots d'Alava
que M. Combes base tout son système ; marteler les hérésiarques, voilà
pour lui l'annonce de la Saint-Barthélémy. 2. L'ouvrage de M. de Se-
gesser sur Louis Pfyffer et son temps apprécie pour la première fois à sa
juste valeur l'action de l'infanterie et surtout des Suisses dans les guer-
res de religion; il atteste des études très étendues, des idées neuves et
vraies, une critique historique sérieuse et intelligente; mais l'auteur
montre une certaine prédilection pour la cause catholique, il acquitte
complètement le duc de Guise dans le massacre de Vassy, il affirme que
Colignya indubitablementcausé l'assassinat de Guise par Poltrot; toute-
fois il montre bien les causes de la Saint-Barthélémy, la colère de Ca-
therine contre l'amiral, sa peur d'une guerre avec l'Espagne et d'un
soulèvement général des Huguenots, après l'attentat non réussi contre
Coligny. 3. L'ouvrage de M. Baumgarten qui s'appuie de préférence sur
les rapports italiens, écarte définitivement toute idée de longue prépara-
tion delà Saint-Barthélémy). — Ovidii Ibis, p. p. Ellis. (P. Thomas :
édition qui marque un sensible progrès sur les éditions antérieures.) —
Geldner, Studien zum Avesta (De Harlez : quelques conjectures ingé-
nieuses, mais beaucoup d'injures et de contre-vérités). — Max Rooses,
Nieuw Schetsenboek. — Public, allemandes (Kôlbing, Elis saga ok
Rosamundu; Behaghel, Heinrichs von Veldeke Enéide : très remar-
quable édition; Mahrenholtz, Molières Leben u. Werke : ouvrage
consciencieux et complet; Gleim, preussische Kriegslieder von einem
Grenadier, p. p. Sauer; Faust, ein Fragment von Goethe, p. p. Seuf-
fert; Schrôer, Faust, zweiter Theil : indispensable; Kôrting, Gedan-
ken u. Bemerk. ûber den Unterricht der neueren Sprachen). — Rott,
Henri IV, les Suisses et la Haute- Italie. (Démêle l'écheveau compliqué
des négociations multiples engagées pendant les dix premières années
du xvne siècle.) — Chantelauze, Vincent de Paul et les Gondi (très in-
téressant et par endroits neuf). — Histoire d'Henriette d'Angleterre,
par Mmc de Lafayette, p. p. France (Très bonne édition). — Shaks-
peare, Macbeth et Byron, Childe Harold, p. p. James Darmesteter
(deux vol. qui méritent d'être placés au premier rang des éditions clas-
siques d'auteurs étrangers publiées en France; solide érudition; sûreté,
discernement, sobriété dans les annotations et les introductions) — Mo-
reira de Sa, Selecta franceza para uso dos lyceus (utile).
N° 14, 1 5 juillet 1882 : Die Chronica pontificum leodiensium, eine
verlorene Quellenschrift des XIIL Jahrhunderts, nebst einer Probe der
Wiederherstellung, p. p. Fr. Franz (Bormans : importante dissertation,
faite avec le plus grand soin). — Schoppe, Ueber Metrum u. Assonanz
der Chanson de geste Amis und Amiles; Gôrlich, die sùdwestl. Dia-
lecte der langue d'oïl. Poitou, Aunis, Saintonge u. Angoumois. (Sche-
ler : deux bons travaux.) — Champier, l'année artistique illustrée.
Le Fuy, typ. et lith. Marchesseu fils, boulevard Saint-Laurent, 2 3
N° 33 Seizième année 14 Août 1882
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
de MM. S. GUYARD, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, EDITEUR
libraire de la societe asiatique
de l'école des langues orientai, es vivantes, k t c .
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, 28, RUE BONAPARTE, 28
HISTOIRE DE L'HELLÉNISME tS£^S.
çais sous la direction de M. A. Bouché-Leclercq. 3 forts volumes in- 8°. . 3o »
Tome I. Histoire d'Alexandre-le-Grand.
Tomes II et III. Les successeurs d'Alexandre.
L'ouvrage paraît en 3o fascicules à 1 fr. 25.
Le fascicule I vient de paraître.
L'HISTOIRE DE L^ELLÉMSME DE J.-G. DROYSEN FORME LA SUITE ET LE
COMPLÉMENT DE L^ISTOIRE GRECQUE DE CURTIUS.
LES MOUVEMENTS DU SOL ~£$V£
France et particulièrement dans le golfe normanno- breton, par Alexandre
CHÉVR.r.-xio. r. Un beau volume gr. in-8°, illustré de 14 planches en couleur. i5 »
Ouvrage honoré d'une récompense par l'Académie des Sciences et d'un rapport
favorable de M. Alfred Maury de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
IF T |VP R HRQ MHRTQ des anciens Egyptiens. Traduc-
JLC LlVlxE, L/LJ IVlV^iX 1 O tion complète avec notes et
index, par Paul Pierret, conservateur du Musée égyptien du Louvre. Un fort vo-
lume in-18 de 65o pages 10 »
PERIODIQUES
The Athenaeum, n° 2852, 24 juin 1882 : Leslie Stephen, The science
ofethics; Pollock, Essays in jurisprudence a. ethics. — Mozley, Ré-
miniscences, chiefly of Oriel Collège a. the Oxford Movement. — Mac-
kay, A concise practical treatise on the law of property. — Toru Dltt,
Ancient ballads a. legends of Hindustan, with an introd. memoir by
Gosse. — Partons's St. Giles (F. G. Bayard). — Shelley's house at San
Terenzo. — Norton, Historical studies ofchurch building in the middle
âges, Venice, Siena, Florence. — The Tower of London. — Notes from
Athens (Lambros).
N° 2853, 1" juillet 1882 : Carlyle, Réminiscences of my irish jour-
ney in 1849 with a préface by Froude. — Dobson, Eighteenth century
essays, selected a. annotated. — Floyer, Unexplored Baluchistan. —
Keary, Outlines of primitive belief among the indo-european races. —
Blackie, Altavona, fact u. fiction from my life in the Highlands. —
Historical a. antiquarian publications. — Notes from Cambridge. —
Horne Tooke's copy of Junius (Solly). — The palaeographical society.
— Sanscrit mss. in Japan (Max Millier). — The folk-lore society. —
Dollman, The priory of St. Mary Overie, Southvvark. — Notes from
Rome (Lanciani).
N° 2854 : Kemble, Records of later life. — The Sarva Dars'ana Sam-
graha, or review of the différent Systems of hindu philosophy, by Ma-
dhava Acharya, translated by Cowell a. Gough (Trad. entièrement
fidèle). — Jervis, The gallican church a. the Révolution, a sequel to
the history of the church of France from the concordat of Bologna to
the Révolution (Traite de la période de l'empire, fait avec soin et savoir).
— Birt, Das antike Buchwesen (Livre de grand intérêt et de très h .ute
valeur). — Martial, livre 1, p. p. Flach (Edit. allemande, « shows con-
sidérable learning and industry, but his jugement is not always remar-
kable »). — The scottish éducation bill (Donaldson). — Lettre inédite
d'Emerson à Carlyle. — County record offices (Turner). — « An ho-
nour to London » (Pièces de vers inédite). — Cripps, Collège a. corpo-
ration plate. — Notes from Athens (Lambros).
N° 2855, i5 juillet 1882 : Marvin, The russian advance towards In-
dia (On trouvera dans ce vol. nombre de conversations qu'a eues l'auteur,
avec plusieurs des généraux et des hommes d'état les plus distingués de
la Russie sur la question de l'Asie centrale ; on remarquera surtout les
entretiens avec Skobeleff). — Anstey, Vice versa, or a lesson to fathers.
— Nadal, Essays at home and elsewhere. — Lieut. Col. Fergusson,
Henry Erskine, his kinsfolk and times (« As exercised a wise discrétion
in adopting for his monograph the form of chatty memoirs rather than
of a connected biography an excellent contribution to the literature
of scottish life and humour »). — School-books (Horace, odes, livre III,
p. p. Page). — Law-books (Ch. Sweet, A dictionary of english law,
etc.). — Dr. Haas (Rost). — Talks with Trelawny (W. M. Rossetti :
passages tirés du Journal de M. Rossetti et relatifs à l'ami de Shelley et
de Byron, homme « très singulier et intéressant »). — Wyclif's works
(J. Gairdner). — Karaite manuscripts (Shapira). — Lucy Phillimore, Sir
Christopher Wren, his family and his times, 1 585-1723; A. W. Taylor,
The towers and steeples designed by sir C. Wren. — The architectural
history of the city of Rome abridged from Parker's « archaeology of
Rome ». — Matz u. von Duhn, Antike Bildvverke in Rom, 2 vols. —
Rosenberg, Rubensbriefe, gesamm. u. erlautert. — Goluishef, Album
des antiquités russes de la province de Vladimir.
N° 2856, 22 juillet 1882 : Swinburne, Tristram of Lyonesse and
others poems. (Le vol. de vers le plus varié et le plus important qu'ait
publié le grand poète et qui sera, selon toute probabilité, le plus popu-
laire.) — Skeat, An etymological dictionary of the english language,
arranged on an historical basis, et A concise etymological dictionary of
the english language. (Le grand dictionnaire de M. Skeat est achevé; il
fournit la preuve d'une vaste érudition et d'un labeur énorme; il est
indispensable à tous ceux qui veulent étudier à fond la langue anglaise
et son origine scientifique et historique; ce n'est pas seulement un
abondant résumé des recherches de la philologie moderne dans ce do-
maine qui a été cultivé avec soin et succès; il ajoute aux travaux d'au-
trui les résultats des propres études de M. Skeat; mais l'ouvrage est
inégal et renferme quelques omissions; toutefois les mérites de cette
publication en compensent les défauts; l'auteur n'est pas un savant de
la force de Grimm ou de Littré, mais c'est un philologue « scientifique»
et un lexicographe instruit; son œuvre est « a very solid pièce of work
throughout. » — Le petit dictionnaire du même auteur offre parfois un
arrangement bizarre, mais rendra de très grands services; il est vérita-
blement instructif.) — Dorsey Gardner, Quatre-Bras, Ligny a. Water-
loo, a narrative of the campaign in Belgium, r 8 1 5. (Bon ouvrage qui
expose les grandes inexactitudes de Thiers qui est connu au reste, non
comme historien dans le vrai sens du mot, mais comme « writer of
military romances ».) — Samuelson, Roumania, past and présent. —
Theological books (De Lagarde, The question whether marriage with a
deceased wifefs sister is or is not prohibited in the mosaic writings;
Gheyne, Micah, etc.) — The Rev. Thomas Mozley a. Mr. Herbert
Spencer. (Herbert Spencer.) — More Karaite manuscripts (Shapira).
— Deux lettres inédites d'Emerson à Carlyle. — Bowes, Japanese
# marks and seals. — Antiquities of Ionia, published by the society of
Dilettanti, part. IV. — Champier, L'année artistique, 1881-1882. — A
portrait of Carlyle.
Literarisches Centralblatt, n° 3o, 22 juillet 1882 : Steude, Ein Problem
der allgemeinen Religionswissenschaften u. ein Versuch seiner Lôsung.
— Wetzel, die Translatio S. Alexandri, eine kritische Untersuchung.
— Steinwenter, Studien ûber Geschichte der Leopoldiner (Sur les qua-
tre fils du duc Léopold III d'Autriche, tué à Sempach en 1 386, et sur-
tout sur Ernest « le duc de fer » et la lutte engagée pour la possession
du Frioul et d'Udine). — Wenck, Clemens V u. Heinrich VII, die An-
fange des franz. Papstthums. (Un des épisodes les plus curieux de l'his-
toire du moyen âge). — Frommann, Aufsatze zur Geschichte des Buch-
handels ira XVI. Jahrhundert. II Heft. — Stûve, Geschichte des
HochstiftsOsnabrûck, III. 1623-1648 (Histoire de l'évêché d'Osnabruck
pendant la guerre de Trente-Ans; très important). — Roeder, Ueber
Cobets Emendationen der attischen Redner, insbesond. des Isaios (On
applaudira aux efforts que fait l'auteur pour défendre la tradition con-
tre une critique souvent arbitraire et peu circonspecte; mais lui aussi
garde trop peu de mesure ; recherches pleines de soin et de diligence). —
Leuchtenberger, dispositive Inhaltsùbersicht der drei olynthischen
Reden des Demosthenes (utile). — Ovidii Ibis, hrsg. v. Ellis. Oxford,
Clarendon Press (Travail de très grand mérite, commentaire très dé-
taillé et très savant). — Hofmann (KLonrad), Altburgundische Ueberset-
zung der Predigten Gregor's ûber Ezechiel aus der Berner Handschrift.
— Camoens' sâmmtliche Gedichte, IV Band : Buch der Canzonen u.
Idyllen. — Thode, Die Antiken in den Stichen Marcanton's, Agostino
Veneziano's u. Marco Dente's. — Braumbach, Das Tonsystem u. die
Tonarten des christlicheft Abendlandes im Mittelalter, ihre Bezieh. zur
griechisch-rômischen Musik u. ihre Entwickel. bis auf die Schule Gui-
dos von Arezzo, mit einer Wiederherstell. d. Musiktheorie Berno's v.
d. Reichenau nach einer Karlsruher Handschrift. — B^ehr, das Ton-
system unserer Musik, nebst einer Darstellung der griechischen Tonar-
ten u. der Kirchentonarten des Mittelalters.
Deutsche Literaturzeitung, n° 27, 8 juillet 1882 : Ebrard, Bonifatius,
der Zerstôrer des columbanischen Kirchentums . auf dem Festlande.
(K. Mûller : l'auteur ne connaît pas les bons travaux sur le sujet : sa
polémique est indigne et révoltante.) — Kern, Grundriss der Pâdago-
gik ; Zeschwitz, Lehrbuch der Pâdagogik. — Spiegel, die altpersischen
Keilinschriften, im Grundtexte mit Uebersetzung, Grammatik u. Glos-
sar. (Justi : travail excellent ; toujours la même critique et la même ré-
flexion; pas une vue qui ne puisse être regardée comme certaine d'après
les règles de la science ; parfois même trop de réserve.) — 'ASa^avucu
KopotY] 17. [xsxà 6avaiov sùpeôévTa au^Ypan^aTia, p. p. Mamoukas. (Lambros :
Ier vol. des œuvres complètes de Gorai, renfermant les matériaux inédits
d'un dictionnaire français-grec.) — Olfrids Evangelienbuch, p. p.
Erdmann et Piper (L'édit. d'Erdmann est excellente, celle de Piper ne
peut guère être la bienvenue des étudiants). — Kelle, Otfrids von Weis-
senburg Evangelienbuch, III Band , Glossar der Sprache Otfrids.
(Seemûller : très bon glossaire.) — Arm. de Bourbon, traité de la comédie
et des spectacles, p. p. Vollmôller. (Edition faite avec grand soin.) —
Neumann, Geschichte Roms wâhrend des Verfalles der Republik, vom
Zeitalter des Scipio Aemilianus bis zu Sullas Tode, hrsg. v. Gothein.
(Seeck : il faut moins blâmer le maître, Neumann, que l'élève,
Gothein, qui par trop de zèle a livré à la publicité une œuvre insuffi-
sante.)— H. v. Sybel, Geschichte des ersten Kreuzzuges, 2e neu bearb.
Auflage. (Nouvelle édition de ce bel ouvrage ; toute la question des
sources a été reprise et éclaircie avec soin et pénétration.) — Die Ghro-
niken der mittelrheinischen Stâdte, Mainz, I Band. — Lund, Das tâg-
liche Leben in Scandinavien wâhrend des XVI. Jahrhunderts, eine
culturhistorische Studie iiber die Entwickelung u. Einrichtung d.
Wohnungen. (Slomann : livre très instructif et riche en idées.) —
v. Nordenskiôld, die Umsegelung Asiens u. Europas auf der Vega
1 878-1880. (Œuvre remarquable à tous égards.) — Th. v. Bernhardi,
Friedrich der Grosse als Feldherr. 2 vols. (Un des ouvrages les plus
considérables de la récente littérature militaire.)
Theologische Litteraturzeitung, n° 14, i5 juillet 1882 : Kaulen, Einleit-
ung in die heilige Schrift Alten und Neuen Testaments, II Hâlfte, I.
Besondere Einleit. in das Alte Testament. — • Strack, die Sprûche der
Vâter, ein ethischer Mischna Traktat. (Schûrer : édition qui sera la
bienvenue, même après beaucoup d'autres.) — Das Neue Testament,
ûbers v. WEizsâcKER. II. — Schegg, Das Todesjahr des Kônigs Herodes
u. das Todesjahr Jesu Chiisti, eine Streitschrift gegen Florian Riess.
(Schûrer : malgré l'appareil d'érudition que déploie Fauteur, manque de
justesse et de « l'acribie » nécessaire.) — Hôniger, Der schwarze Tod in
Deutschland. (Long art. de Karl Mûller sur cet ouvrage intéressant et
« vielseitig anregend ».) — Rogge, Samuel Wilhelm Rogge, ein Lebens-
Amts-und Familienbild aus einem schlesischen Landpfarrhause.
Gœttingische gelehtre Anzeigen, n° 29, 19 juillet 1882 : Overbeck,
Geschichte der Griechischen Plastik, vierter Halbband. (Conze.) —
Jodl, Geschichte der Ethik in der neueren Philosophie. I. (Gyzicki.) —
Hofmann-Wellenhof, Michael Denis. (Sauer : « ein gut angelegtes, aber
kein gutes Buch. »)
Le fuy, typ. et lith. Marchessou pis. boulevard Saint-Laurent, 23
N° 34 Seizième année 21 Août 1882
REVUE CRITIQUE .
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
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de MM. S. GUYARD, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
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PARIS
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de l'école des langues orientales vivantes, etc.
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Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
ERNEST LEROUX, EDITEUR, 28, RUE BONAPARTE, 28
HISTOIRE DE L'HELLÉNISME ffiSSwS:
çais sous la direction de M. A. Bouché-Leclercq. 3 forts volumes in-8°. . 3o »
Tome I. Histoire d'Alexandre- le-Grand.
Tomes II et III. Les successeurs d'Alexandre.
L'ouvrage paraît en 3o fascicules à i fr. 25.
Le fascicule I vient de paraître.
L'HISTOIRE DÉ L'HELLÉNISME DE J.-G. DROYSEN FORME LA SUITE ET LE
COMPLÉMENT DE L'HISTOIRE GRECQUE DE CURTIUS.
LES MOUVEMENTS DU SOL m££r*"t
France et particulièrement dans le golfe normanno- breton, par Alexandre
Chévremont. Un beau volume gr. in-8°, illustré de 14 planches en couleur. i5 »
Ouvrage honoré d'une récompense par l'Académie des Sciences et d'un rapport
favorable de M. Alfred Maury de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
TF ï TVP F HPQ MORTQ des anciens Egyptiens. Traduc-
L-jC .La Y I\JC -L/EO Drlv^/lx 1 O tion complète avec notes et
index, par Paul Pierret, conservateur du Musée égyptien du Louvre. Un fort vo-
lume in- 18 de 65o pages 10 »
PÉRIODIQUES
The Academy, n° 534, 29 juillet 1882 : Two books on Iceland, Coles,
Summer travelling in Iceland; Oswald. By fell and fjord. — Jevons,
The state in relation to labour. — Macray, Notes from the muniments
of Magdalen Collège. Oxford. — Rud. Henning, Das deutsche Haus in
seiner historischen Entwickelung. (Keary : « The largest and by far the
most important > de la collection des « Sources et recherches » publiée
chez Trubner par Ten Brink, Martinet Scherer). — Shetland notes.
— Hamlet's « too too sallied flesh » (Furnivall). — What is a « cleaca »
(Davidson). — Berosus-Genesis. (Whitehouse.) — A comprehensive
commentary on the Qurân, comprising Sale's translation a. prelimi-
nary discourse, with additional notes a. emendations, together with a
complète index to the text, preliminary discourse a. notes, by WHERRy.
(Badger.) — Audsley, Outlines of ornament. (Monkhouse.) — Excava-
tion at Ephesus (Souscription publique pour la reprises des fouilles
commencées à Ephèse sur l'emplacement du temple de Diane). — Prof.
Maspero (« La situation périlleuse de M. Maspero est une source d'an-
xiété croissante pour ses nombreux amis et ses frères scientifiques d'Eu-
rope. Miss Am. B. Edwards nous envoie un passage d'une lettre de
M. Rhoné qui a quitté l'Egypte le 4 juillet : « Les dernières dépêches de
M. Maspero annoncent sa résolution de demeurer à son poste, quoi
qu'il arrive, afin de sauver de la destruction le musée de Boulaq. » deux
français de l'Ecole du Caire sont restés avec M. Maspero, à bord d'un
steamer, en face du musée »). — A New Trojan Inscription (Sayce).
The Athenaeum, n° 2857, 29 juillet 1882 : Natural religion, by the au-
thor of « Ecce homo ». — L. Perey et G. Maugras, La jeunesse de
Mme d'Epinay. (Ouvrage d'une lecture très intéressante pour tous ceux
qui aiment et étudient le xvme siècle; le caractère le plus curieux du livre
est celui du comte de Preux ; c'est une « hearty and healthy figure,» qui
a plus d'attrait que sa nièce et ses amours, son neveu et ses débauches,
et toute la coterie de philosophes et de mondains avec ses intrigues et
ses petites querelles.) — The Prince, by Niccolo Machiavelli, translated
from the italian. — Renan, L'Ecclésiaste, traduit de l'hébreu, avec une
étude sur l'âge et le caractère du livre. (Art. où l'on fait l'éloge du style
« admirable » de M. Renan ; mais l'auteur ne justifie pas la date qu'il
assigne à la composition de l'Ecclésiaste ; il prétend qu'il n'y a pas
d'héllénismes et que le livre est purement sémitique ; ce qui n'est pas
vraisemblable. Il dit aussi que l'Ecclésiaste est l'œuvre de quelque riche
juif sceptique ; ce qui est très poétique et ferait de l'effet dans un drame
philosophique, mais n'est pas à sa place dans un livre sérieux, par la
simple raison que ce n'est pas vrai ; non content de cette peinture de
l'auteur de l'Ecclésiaste, M. Renan fait de lui un « Stock Exchange
Jew » ; dont la richessse est la vraie récompense et qui recommande de
diviser les chances de pertes et de varier les placements ; cette interpré-
tation est contraire à l'hébreu ; on comprendrait que Voltaire donnât un
sens semblable à ces lignes de l'Ecclésiaste (xi, 1 , 2) mais on ne l'atten-
drait pas d'un « hebrew scholar ». En général, M. Renan est très arbi-
traire dans sa traduction. Sûrement l'auteur de l'Ecclésiaste ne se recon-
naîtrait pas lui-même dans la translation de M. Renan.) — Gosse,
Gray « English men of letters » (La meilleure vie de Gray qui ait jamais
été publiée). — Ogam inscription in Scotland. (Southesk) — Talks with
Trélawny. IL (Suite du Journal où W. M. Rossetti a pris note de ses
conversations avec l'ami de Byron et de Shelley.) — Transitional forms in
folk-lore. (Gomme.) — The etymology of « trifle » (Skeat). — Ancient
scottish weapons, drawn by James Drummond, with an introd. a. notes
by Jos. Anderson. — Niven, Illustration^ of Old Staffordshire houses.
Deutsche Litteraturzeitung, n° 28, i5 juillet 1882 : Wickes, a treatise on
the accentuation of the three socalled poetical books of the Old Testament,
Psalms, Proverbs and Job(Baethgen). — Ehses, Geschichte der Packschen
Hàndel, ein Beitrag zur Geschichte der deutschen Reformation (Zoepiïel).
— Pfleiderer, Arnold Geulinxals Hauptvertreter der occasionalistichen
Metaphysik und Ethik (Zeller). — Schack, physiognomische Studien, aus
dem dànischen ûbersetzt von Liebich (Spitta : c'est dommage que l'au-
teur ait consacré à ce travail ingrat tant de peine et de temps ; il s'ef-
force, par exemple, de trouver des ressemblances entre la tête de certains
hommes et celle des animaux; il compare Kleber et le lion, Bernadotte
et l'aigle, Voltaire et le singe, Talleyrand et le renard, Charles II, roi
d'Espagne, et la brebis ; des personnes de sa propre connaissance n'é-
chappent pas à ces comparaisons ; il trouve que telle actrice ressemble à
une chatte, telle détaillante à un bouledogue, et un bénédictin à un
porc). — Abraham u. Wilhelm Singer, Hamadrich, talmudische Chrea-
tomathie fur den ersten Unterricht im Talmud (J. Barth : excellent
manuel). — v. Christ, Die sachlichen Widerspruche der Ilias, ein Bei-
trag zur Lôsung der homerichen Frage (Renner : quelques résultats in-
téressants obtenus par un esprit pénétrant). — Babrii fabulae rec. Gitl-
bauer (Kaibel : édition pour laquelle on ne peut être très indulgent ;
beaucoup de fautes). — Ovidii libellus de medicamine faciei, p. p. Kunz
(Léo : travail solide et remarquable). — Heintze, Die deutschen Fami-
liennamen geschichtlich, geographisch, sprachlich ; Knorr, Die Fami-
liennamen des Fûrstentums Lûbeck (Edw. Schrôder). — Muller-
Fraureuth, Die deutschen Lûgendichtungen bis auf Mùnchhausen
(Lichtenstein : sujet traité avec zèle et savoir, mais sans méthode criti-
que, et d'une façon absolument sèche et aride). — Miklosich, Rumu-
nische Untersuchungen, I. Istro-und macedo-rumunische Denkmâler et
Beitràge zur Lautlehre der rumunischen Dialecte. Vocalismus, I, II
(Gaster : travaux excellents, pleins de sagacité, de pénétration et d'une
lumineuse clarté ; on ne peut qu'en souhaiter la continuation). — Roth,
Griechischte Geschichte nach den Quellen erzâhlt, 3e Aufl. hrsg. v.
Westermayer. — W. Arnold, Deutsche Geschichte, II Band, frànkis-
che Zeit, I Hàlfte (Krusch : travail de valeur, qui offre au lecteur érudit
une agréable lecture et qui oriente facilement le « laïque »). — K. Rie-
ger, Die Immunitâtspriviiegien der Kaiser aus dem sâchsischen Hause
fur italien. Bistûmer (H. Bresslau). — Wilhelm Muller, Historische
Frauen. 2* Aufl. (Winter : ajoute une nouvelle biographie, celle de
Marie-Antoinette; ces biographies sont d'ailleurs intéressantes et instruc-
tives, et à la hauteur des recherches actuelles). — K. v. Holtei, Fûrst-
bischof und Vagabund, Erinnerungsblàtter (Zorn : l'auteur raconte avec
chaleur et piété ses rapports personnels avec le prince évêque de Bres-
lau, Henri Forster). — Der Orient, Hauptrouten durch Aegypten, Pa-
làstina, Syrien, Tûrkei, Griechenland, 2 vols. « Meyers Reisebûcher ».
— V. Taysen, zur Beurteilung des siebenjâhrigen Krieges (Précieuse
contribution à l'histoire de la guerre de sept ans, complément de l'ou-
vrage de Bernhardi, tout à fait indispensable).
N° 29, 22 juillet 1882 : Keil, Commentar ueber das Evangelium des
Johannes. — Melzer, Historisch-kritische Beitràge zur Lehre von d.
Autonomie d. Vernunft in den Systemen Kants und Gûnthers. — Dene-
ken, De Theoxeniis (Furtwaengler : travail soigné sur un domaine de-
puis trop longtemps négligé en Allemagne ; les principaux résultats sont
entièrement assurés). — Buchholz, das ôffentliche Leben d. Griechen
im heroischen Zeitalter, auf Grundlage der homerischen Dichtungen
dargestellt (Renner : beaucoup de peine dans ce travail, d'ailleurs très
complet, très solide, et d'un style sain, parfois agréable). — Anemuller,
Dramatische Auffuhrungen in den Schwarzburg-rudolstàdtischen Schu-
len, vornehmlich im XII u. XVIII Jahrh., ein Beitrag zur Geschichte
Schul-komôdie (E. Schmidt). — Morley, Of english literature in the
reign of Victoria (Livre qui mérite d'êtrelu et répandu le plus possible;
nombre extraordinaire de documents biographiques et bibliographiques
sous la forme la plus concise). — Luis' de Camoens sàmmtliche Ge-
dichte, deutsch v. Storck. III Band : Buch der Elegien, Sestinen, Oden
u. Octaven, nebst einer Beilage « Camoens in Deutschland » ; IV Band :
Buch der Canzonen und Idyllen (Excellente traduction, fruit d'une
grande application, d'un soin durable et d'un art habile). — Festgabe
fur Wilhelm Crecelius zur Feier der fûnfundzwanzigjâhrigen Tâtigkeit
(Intéressant pour tous les spécialistes ; nous reparlerons plus longuement
de ce recueil dans notre Chronique). — Fastorum civitatis Tauromeni-
tanae reliquiae descriptae et editae a Bormann (Holm : travail qui est un
modèle par la prudence de Fauteur, par la sûreté de son argumentation
et la clarté de son exposition). — Heidemann, Die Mark Brandenburg
unter Jobst von Mâhren (Très intéressant). — Berlin anno 1690, zwan-
zig Ansichten aus Johann Stridbecks des Jûngeren Skizzenbuch, p. p.
Erman (A recommander à quiconque s'intéresse à l'histoire du vieux
Berlin). — Talleyrands Briefwechsel mit Kônig Ludwig XVIII wàhrend
des Wiener Congresses, p. p. Pallain; autoris. deutsche Ausgabe v. P.
Bailleu (Erdmannsdôrffer : traduction excellente). — Schwarz (Bernh.),
Algérien, Kiiste, Atlas und Wûste, nach fûnfzig Jahren franzôsischer
Herrschaft (Gerland : esquisses élégantes, mais rien de nouveau et de
profondément pensé). — Lionardo da Vinci, Das Buch der Malerei,
hrsg. ûbersetzt u. erlâutert von Heinrich Ludwig. — Leist, zur Ge-
schichte der rômischen Societas (Eck : explications instructives et dignes
d'attention). — E. Hermann, ueber die Entwickel. des altdeutschen
Schôffengerichts (Laband : des choses excellentes, mais aussi des choses
insoutenables). — Montégut, Le maréchal Davout, son caractère et son
genre (Hinze : « peu original, mais bien écrit, intéressant; donne une
idée claire de Davout comme homme »).
Gôttingische gelehrte Anzeigen, n° 3o, 26 juillet 1882: Michelis, Ka-
tholische Dogmatik, 2 Theile. — Richard u. Robert Keil, Gœthe, Wei-
mar u. Jena im Jahre 1806. (Minor.)
n° 3i, 2 août 1882 : Andréas, The book of the Mainyo-i-khard.
(Nôldeke : un des morceaux les plus importants de la littérature des
Parsis du moyen âge, et dans lequel un sage reçoit, d'un être céleste,
l'esprit de la raison, une réponse à ses questions sur toute sorte de points
concernant l'éthique et la dogmatique ; reproduction la plus conscien-
cieuse possible du manuscrit de Copenhague.) — Retzius, Finland :
Nordiska Museet; Hazelius, Minnen fran Nordiska Museet. (F. Lie-
brecht.)
Theologische Litteraturzeitung, n° i5, 29 juillet 1882 : Renouf (Le Page),
Vorlesungen ûber Ursprung u. Entwickelung der Religion erlâutert an
der Religion der alten Aegypter, autoris. Uebersetz. (Baudissin). —
Steude, Ein Problem der allgemeinen Religionswissenschaft und ein
Versuchseiner Lôsung. — Wickes, A treatise on the accentuation of the
tîiree socalled poetical books of the Old Testament, Psalms, Proverbs
a. Job(Kautzsch). — Schmidt (Karl), Die Apostelgeschichte, unter dem
Hauptgesichtspunkte ihrer Glaubwûrdigkeit (Long art. de Schûrer). —
Lehner, Die Marien-verehrung in den ersten Jahrhunderten (Schultze :
critiques de détail, mais le travail est soigné et presque complet; il se-
rait à souhaiter qu'il fût poursuivi jusque dans le moyen âgej. — Fins-
ler , Geschichte der theologisch-kirchlichen Entwickelung in der
deutsch-reformirten Schweiz seit den dreissiger Jahren (Kattenbusch).
Le Puy^ typ. et litk. Marchess&u fils, boulevard Saint-Laurent, 2jf
N° 35 Seizième année 28 Août 1882
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
dk MM. S. GUYARD, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, zb fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
libraire de la 'société asiatique
de l'école des langues orientales vivantes, etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
ERNEST LEROUX, EDITEUR, 28, RUE BONAPARTE, 28
HISTOIRE DE L'HELLÉNISME £***£
i'SEN,
fran-
çais sous la direction de M. A. Bouché-Leclercq. 3 forts volumes in-8°. . 3o »
Tome I. Histoire d'Alexandre-le-Grand.
Tomes II et III. Les successeurs d'Alexandre.
L'ouvrage paraît en 3o fascicules à i fr. ib.
Le fascicule I vient de paraître.
l'histoire de l^ellénisme de j.-g. droysen forme la suite et le
complément de l'histoire grecque de curtius.
LES MOUVEMENTS DU SOL 'l™,'"'"
France et particulièrement dans le golfe normanno- breton, par Alexandre
Chévremont. Un beau volume gr. in-8°. illustré de 14 planches en couleur. i5 »
Ouvrage honoré d'une récompense par l'Académie des Sciences et d'un rapport
favorable de M. Alfred Maury de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
TE T TA7D C r\CC A/T^DT^C des anciens Egyptiens Traduc-
Lt LIVKC VïlO m\Jl\\.0 tion complète avec notes et
index, par Paul Pierret, conservateur du Musée égyptien du Louvre. Un fort vo-
lume in-18 de 65o pages. . . 10 »
les recherches les plus intéressantes sur les écrits d'Euclide et leur des-
tinée ; l'auteur a tout consulté ; son étude est à recommander et aux philo-
logues, et aux mathématiciens qui veulent connaître l'histoire de leur
science. — Beowulf, hrsg. v. Holder, Germanischer Bûcherschatz. (Tant
que Holder ne donnera pas d'explications sur les principes qui l'ont guidé
dans son édition, elle sera de peu d'utilité.) — Wachsmuth, Studien zu
den griechischen Florilegien. (Cinq dissertations instructives, qui font
souhaiter que Wachsmuth nous donne beintôt une nouvelle édition
critique de Stobée et des Florilegia grecs qui servent à le compléter. —
Schiaparelli, Il libro dei funerali degli anlichi Egiziani, tradotto e
commentato. (G. E. : traduction exacte en son ensemble; présent utile
et précieux fait à la science; contribution importante et à l'histoire re-
ligieuse et à la connaissance de la langue de l'ancienne Egypte.) — Ber-
tolotti, Artisti Lombardi a Roma nei secoli XV, XVI e XVII, studi e
ricerchi negli archivi romani. (Communications importantes pour l'his-
toire de l'art et de la « Cultur ».) — Camillo, Ueber Erziehung u.
Erhaltung der Stimme. — Klaunig, Das preussische Volksschulwesen
im Geltungsbereich d. allgem. Landrechts in seinen ausseren Beziehun-
gen. — Findel, Die Grundsâtze der Freimaurerei im Vôlkerleben. —
Morselli, Der Selbstmord. (Trad. allemande de ce remarquable ou-
vrage, plein de docnments; l'auteur a étudié 600,000 cas de suicide;
même point de vue que Quételet et Ad. Wagner).
Deutsche Litteraturzeituiig, n° 3o, 29 juillet 1882 : Gass, Geschichte der
christlichen Ethik. I. Bis zur Reformation (Zoepffel : livre très instruc-
tif). — Steudel, Philosophie im Umriss. II. — Svod zakonuv slo-
vanskych zporadal Hermenegild Jirecek (Volumen legum slavicarum
collegit H. J.). Prag, Tempsky (Jagic). — Galeni qui fertur de parti-
bus philosophae libellus, primum edidit Wellmann (Iwan Mûller :
donne plus que le titre). — Kluge, Etymologisches Wôrterbuch der
deutschen Sprache, Ie Lieferung (Roediger : entreprise qu'il faut recom-
mander chaudement; la tâche difficile, que s'est donnée l'auteur, a été
habilement entamée). — Briefe von Zimmermann, Wieland u. Haller
an Tscharner, hrsg. v. R. Hamel (Pas de notes et d'éclaircissements,
par suite d'une trop « commode modestie »). — Arnold Hug, Studiea
aus dem classischen Alterthum (Wilamowitz : renferme quatre disserta-
tions; I. Districts, communes et droit des citoyens en Attique; II. Dé-
mosthène comme penseur politique; III. La question de la double lec-
ture dans l'assemblée athénienne et la formule dite probuleumatique;
IV. Antioche et la révolte de l'an 887. L'art. III réfute Hartel ; l'art. II
donne un tableau « réussi » de la théorie politique qui était pour Dé-
mosthène et son parti une sainte conviction). — Milesios, Beschreibung
des deutschen Hauses in Venedig, aus einer Handschrift in Venedig
hrsg. v. G. M. Thomas (De grande importance pour l'histoire du com-
merce méridional et des conséquences qui en résultèrent pour l'Allema-
gne et l'Italie). — Reinhardt, Valdemar Atterdag og hans Kongegj'er-
ning (Hasse : « quelques points manques, d'autres plus ou moins
contestables, mais d'autres aussi à recommander à la plus vive attention
et aux mûres méditations des chercheurs »). — Fùrst Alexander Niko-
lajewitsch Galitzin und seine Zeit, aus den Erlebnissen des Geheimrats
Peter von Goeze (Caro : quelques détails intéressants, surtout sur la
conjuration de Décembre et sur la scène de la place de l'Amirauté). —
Ad. Held, Zwei Bûcher zur socialen Geschichte Englands, aus dem
Nachlass hrsg. v. Knapp (Léser). — Beitrâge zur Geschichte der oster-
reichischen Kavallerie, die ôsterr. Kavallerie in Feldzûgen des XVIII
Jahrhunderts u. jenen der neuesten Zeit, i85q u. 1866. — Antiquari-
sche Funde in Italien (Lettre adressée, comme l'étaient les précédentes
lettres, par M. H. Dressel).
PÉRIODIQUES
The Academy, n° 535, 5 août 1882 : Swinburne, Tristram of Lyonesse
and other poems. — Cox, The mythology of the aryau nations. (Max
Miiller : nouvelle édition d'un livre très utile.) — Baillie Grohman,
Camps in the Rockies, being a narrative of life on the frontier and
sport in the Rocky Mountains, with an account of the Cattle Ranches
of the West. — Essays from the « Critic ». — Peter, Chronologieal
tables of greek history, translated by Chawner. (Richards.) — Car-
rent literature (Scudamore France in the east ; Trollope, Lord Palmer-
ston, etc.). — The late col. Chester's papers. — A new hittite inscription
discovered, at Tyana by M. W. M. Ramsay (Sayce). — Trùbner's
« simplifiée! grammars ». (Brandreth.) — « Cleaca » (Nevill). — A nor-
wegian professor on posijivism : Monrad, Denkrichtungen der neueren
Zeit, deutsche vom Verfasser selbst besorgte Bearbeitung. (James Sully.)
— The Journal of Hellenic Studies, vol. III, n° I. (Monro : renferme,
de M. Ramsay, Studies in Asia Minor; de M. Mahaffy, On the site and
antiquity of the Hellenic Ilion; de M. Jebb, on Pindar, etc.). — The
alleged heresy in the Palmieri Botticelli. — In Memoriam, François
Joseph Chabas. (Am. B. Edwards). — Philology notes (Geldner, âtu-
dien zum Avesta, I Heft : indications précieuses pour l'explication de
mots difficiles).
The Athenaeum, n° 2858, 5 août 1882 : Broadley, The least punie
war, Tunis past and présent, with a narrative of the french conquest of
the regency (Des détails intéressants). — Edm. Scherer, Etudes sur la
littérature contemporaine (Recommande surtout les études sur Word-
sworth, sur Zola et sur Taine). — Letters a. papers foreign and domes-
tic, ofthe reign of Henry VIII, preserved in the Record office, the Bri-
tish Muséum, and elsewhere in Engiand, arranged a. catalogued by J.
Gairdner. Vol. VI. — Jevons, The english citizen; the state in relation
to labour. — Col. Ramsay, Rough recollections of milkary service and
society. — More Karaite manuscripts. [Shapira.) — Piracy at the anti-
pods (D. Blair). — Talks with Trelawny. (Fin du Journal des conver-
sations ex rapports de M. W. M. Rossetti avec l'ami de Byron et de
Shelley). — The hallof Pembroke Collège. — Le Roy de Sainte-Croix,
Vie et ouvrages de Roubillac, sculpteur lyonnais. — Royal archaeologi-
cal institute at Carlisle. — Subterranean villages in Cappadocia. (C.
W. Wilson.)
Literarisches Centralblatt, n° 3i, 29 juillet 1882 : Bestmann, Die histo-
rische Wissenschaft u. die Ritschl'sche Schule. — Theodori episcopi
Mopsuesteni in epistolas B. Pauli commentarii, the latin version with
the greek fragments, p. p. 4 Sweet. — Jung, Die rômischen Landschaf-
ten des rômischen Reiches, Studien ûber die inneren Entwickelungen in
der Kaiserzeit. (Ouvrage trop commodément fait, pas d'ensemble, nom-
breuses et peu utiles digressions; toutefois, beaucoup d'enthousiasme
pour le sujet, et des recherches très minutieuses; mais l'auteur n'a pas
le sens historique; erreurs de détail, qui « feraient honneur à un rédac-
teur du Gaulois ».) — v. Gonzenbach, Der General Hans Ludwig von
Erlach von Castelen. 28 vol. (Nouveaux documents sur la guerre de
Trente Ans.) — Kong Christian den Tjerdes egenhaendige Brève,
Hefte 2 og 3. r 6 3 3 - 1 6 3 5 . — Dalton, Johannes a Lasco, Beitrag zur
Reformationsgeschichte Polens, Deutschlands u. Englands. (Voici en-
fin un livre où tout le monde, chercheurs et « laïques » trouveront une
joie sincère et sans mélange; excellente biographie, pleine de vie et d'a-
nimation; en même temps, tableau de la réforme en Europe.) — Anna-
les du Musée Guimet, tome II. — Heiberg, Literargeschichtliche Stu-
dien ûber Euklid. (Travail de l'infatigable érudit danois où Ton trouvera
Pûilologische Rundschau, n° 29, i5 juillet 1882 : J. Winter, De oratione
quaeest inter Demosthenicas XVIlaet inscribitur : rcepi tu>v xpoç ÂXéÇav-
Spov auv6Y)y.ôv (Fox : à lire). — Xenophons Anabasis, Fur den Schulge-
brauch erklârt von Ferdinand Vollbrecht, Buch I— III, 7. Auflage
(Hansen : la meilleure édition de classe). — H. Schoemann, Apollonius
von Perga (Gûnther : donne une idée juste de ce mathématicien). — G.
F. Unger, Der sogenannte Cornélius Nepos (C. W. : il n'est pas cer-
tain que l'auteur du De excellentibus ducibus soit un Julius Hyginus,
mass Unger prouve avec évidence que ce n'est pas Népos). — Franc.
Seck, De Pompei Trogi sermon e (Georges). — Eichert, Vollstândiges
Wôrterbuch zur Philippischen Geschichte des Iustinus (Georges : bon
pour lire Justin, insuffisant pour des recherches de langue; cf. Revue
critique, 1882, p. 43, n° 29). — Eyssenhardt, Roemisch und Roma-
nisch (Saalfeld, appréciation élogieuse, éloignée de celle de la Revue
critique, 1882, I, p. 3i n° 28). — D. Reichling, Johannes Murmel-
lius, sein Leben und seine Werke. ld., Ausgewàhlte Gedichte von
Johannes Murmellius (Baeumker : bon).
N° 3o, 22 juillet 1882 : O. Hempel, Quaestiones Theocriteae
(Zettel : analyse approbative). — Biblioteca scolastica di scrittori
latini, Q. Valerii Gatulli et S. Propertii carmina selecta, Torino-
Roma-Firenze-Milano, Paravia et comp. (Heydenreich : sans valeur
pour le public allemand). — Cornélius Nepos, fur Schiller herausgege-
ben von Joh. Sibelis, 10. Auflage besorgt von Max Jancovius (C. W.). —
Tartara, Animadversiones in locos nonnullos Valeri Catulli et Titi
Livi, Romae, Mûller (Egelhaaf, seulement sur ce qui concerne Tite-
Live : éloges et critiques). — G. F. Hertzberg, Geschichte des rômi-
schen Kaiserreichs (Egelhaaf : soigné, mais omet systématiquement de
renvoyer aux travaux modernes). — P. L. Lemière, Les Celtes et les
Gaules. Paris, Maisonneuve, et Saint-Brieuc (Hansen : du travail, mais
ni critique ni connaissance des travaux antérieurs). — L. Hollaender,
De militum coloniis ab Augusto in Italia deductis (Vollmer). — Chr.
Schroener, Ueber die Titulaturen der romischen Kaiser (Gruppe : soi-
gné, mais peu sûr)^. — Teichmueller, réponse à l'article sur les Littera-
rische Fehden im vierten Jahrhundert vor Christ, n° du 10 juin.
Philologische Wochenschrift, n° 29, 22 juillet 1882 : Eug. Abel, Joannis
Gazaei descriptio tabulae mundi et anacreontea (Sitzler : bonne édition).
— Gust. Brandes, Ein griechisches Liederbuch, Verdeutschungen aus
griechischen Dichtern* — J.-Ff. Schmalz, C. Sallusti Crispi de Catilinae
coniuratione liber, fur den Schulgebrauch erklart (Eussner : désaccord
sur la méthode). — Alfred Kirchhoff, Thiiringen doch Hermunduren-
land (Frick : analyse). — Périodiques, etc.
N° 3o, 29 juillet 1882 : Lehrbuch der Geschichte fur die oberen Klas-
sen hôherer Lehranstalten von Dr. Friedrich Hofmann, 2. Heft, Rômi-
sche Geschichte (Hermann). — Aurel Baszel, Biographies (en hongrois)
des philologues des xvi« et xvne et de la irc moitié du xvni0 siècle. — Id.,
Les principaux traits caractéristiques des anciens Grecs (en hongrois). —
Ernest Curtius, Die Altàre von Olympia (Gloël : important pour la
connaissance des antiquités religieuses). — Transactions of the Cam-
bridge Philological Society, vol. I, from 1872 to 1880, edited by J. P.
Postgate. London, Trûbner. — Périodiques, etc.
Le Puy, imprimerie de Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
N* 36 Seizième année 4 Septembre 1882
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
de MM. S. GUYARD, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
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Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Étranger, 2$ fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, EDITEUR
libraire de la société asiatique
de l'école des langues orientales vivantes, etc,
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, 28, RUE BONAPARTE, 28
HISTOIRE DE L'HELLÉNISME SuitK'
çais sous la direction de M. A. Bouché-Leclercq. 3 forts volumes in-8°. . 3o »
Tome I. Histoire d'Alexandre- le-Grand.
Tomes II et III. Les successeurs d'Alexandre.
L'ouvrage paraît en 3o fascicules à i fr. 20.
Le fascicule 1 vient de paraître.
L'HISTOIRE DE L'HELLÉNISME DE J.-G. DROYSEN FORME LA SUITE ET LE
COMPLÉMENT DE l'hISTOIRE GRECQUE DE CURTIUS.
LES MOUVEMENTS DU SOL ~££éïït
France et particulièrement dans le golfe normanno- breton, par Alexandre
Chévremont. Un beau volume gr. in-8°, illustré de 14 planches en couleur. i5 »
Ouvrage honoré d'une récompense par l'Académie des Sciences et d'un rapport
favorable de M. Alfred Maury de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
TF ï TVR F HF^ MORT^ deS anciens Égyptiens. Traduc-
L«.C Ll V l\C l_/JCO lVlv^/f\ i Cj tion complète avec notes et
index, par Paul Pierret, conservateur du Musée égyptien du Louvre. Un fort vo-
lume in-18 de 65o pages 10 »
PÉRIODIQUES
The Academy, n° 536, 12 août 1882 : The poetical v.orks of William
Wordsworth, edited by W. Knight. I a. II (Dowden : édition très sa-
tisfaisante). — Hughes, Memoir of Daniel Macmillan. — Ihne, His-
tory of Rome, en'glish édition, vols. IV a. V (Warr). — Broadley, The
last punie war; Tunis, past and présent. — Réminiscences of an irish
journey in 1849, by Thomas Carlyle. — Chants populaires espagnols,
quatrains et séguidilles, avec accompagnement pour piano, dessins de
Santiago de Arcos, par Achille Fouquier (W. Webster). — Some anti-
quarian books. — Mr. Lyall's arabic translations (Lyall, Translations
from the Hamâseh). — A new interprétation of the « Yi King » by
J. Legge (Douglas). — Vinc. Robinson, Oriental carpets (Monkhousej.
— Royal archaeological institute, Carlisle meeting.
The Athenaeum, n° 2859, 12 août 1882 : Sélections from the writings
of Landor, arranged a. edited by Sidney Colvin. — Wilson a. Felkin,
Uganda a. thé Egyptian Soudan. — Catholicon Anglicum, an english-
latin wordbook, dated 1483, with introd. a. notes by Herrtage, with a
préface by Wheatley. — Forbes-Leith, The scots men-at-arms and
lifeguards in France. 2 vols. Edinburgh, Paterson (Relatif à l'établisse-
ment des soldats écossais en France et à leurs rapports avec la cour de
France; Fauteur traite son sujet, comme un épisode de l'histoire
d'Ecosse qui jette beaucoup de lumière sur l'histoire des familles écos-
saises ; la grande valeur du livre consiste dans le soin avec lequel l'au-
teur a recueilli les « muster rolls » des compagnies écossaises). — Lenor-
mant, Les origines de l'histoire d'après la Bible, vol. II (L'auteur est
toujours intéressant, instruit et suggestif; mais son second volume dé-
sappointe un peu après le premier ; il est tout aussi digne d'études ;
néanmoins, s'il abonde en « learning and happy illustrations », il
contient fort peu de choses nouvelles). — The angel-saxon chronicle
(Howorth). — Mr. Mozley^ « réminiscences » (Jenkyns). — The Sun-
derland library. — Education in Saxony (Mahaffy). — Milton's Bible.
— The russian « Uncle Tom's Cabin ». — Barry, Lectures on archi-
tecture delivered at the Royal Academy. — Overbeck, Geschichte der
griechischen Plastik, part. III a. IV. — Royal archaeological institute
at Carlisle. — Pohl, Joseph Haydn, IIe vol.
Literarisches Gentralblatt, n° 32, 5 août 1882 : Kleyn, Het leven van
Johannes van Telia door Elias, syrische texten nederlandsche vertaling.
(Donne un bon témoignage de la science de son auteur.) — Dahn, Ur-
geschichte der germanischen und romanischen Vôlker. II Band, III
Liefer. (Fin du IIe volume de l'ouvrage; comprend l'histoire extérieure
des peuples de la Germanie occidentale et de ceux du Danube jusqu'à
la fin du ve siècle; bon chapitre sur l'influence des Germains dans l'ar-
mée, l'administration et la cour des empereurs; excellentes pages sur
le « limes », sur les routes romaines, sur le système militaire, etc.; on a
ici réunis pour la première fois, en un tableau complet, une foule de dé-
tails dispersés dans les revues.) — Pommerellisches Urkundenbuch ,
bearb. von Perlbach. II Abth. (De 1283 à i3i5.) — Leist, Aus Fran-
kens Vorzeit, kleine Culturbilder. (Parfois intéressant, souvent maigre
et insuffisant.) — von Kalchberg, mein politisches Glaubensbekennt-
niss. — Heller, Geschichte der Physik von Aristoteles bis auf die
neueste Zeit I. Von Aristoteles bis Galilei. (Nombreux défauts, détails
erronés, etc., et pourtant on ne peut condamner l'ouvrage, car certains
chapitres sont très réussis, par ex. sur Platon, Aristote, Roger Bacon,
Keppler et Galilée.) — Von Taysen, zur Beurtheilung des siebenjahri-
gen Krieges. — Anecdota oxoniensia, I. Buddhist texts from Japan,
pp. Max Muli.er. — Frigell, Epilegomena ad T. Livii librum vicesi-
mum primum. (excellente contribution à la critique de Tite Live.) —
ScHàFFNER, Lord Byron's Cainund seine Quellen. (Intéressant.) — Bar-
bours's des schottischen Nationaldichters Legendensammlung nebst
den Fragmenten seines Trojanerkrieges, zum ersten Maie hrsg. v.
Horstmann. I Band. (Rien ne prouve encore que le recueil de légendes
ait Barbour pour auteur; grands mérites.) — Brendicke, Genealogieen
sàmmtlicher griechischer Gôtter und Heroen in 18 Uebersichtstafeln.
(Compilation, « Sammelsurium » faite sans plan et sans choix; que pas
un maître ne donne ces tables généalogiques à ses élèves.)
Deutsche Litteraturzeitimg, n° 3i, 5 août 1882 : Klostermann, Correctu-
ren zur bisherigen Erklârung des Rgmerbriefes. — Loewe, Lehrbuch
der Logik. — Bindel, Hilfsmittel fur den deutschen Unterricht in der
Tertia. — Frohwein, Verbum homericum, die homer. Verbalformen
zusammengestellt. (Hinrichs : beaucoup de soin, redresse les fautes et
comble les lacunes de l'Index Homericus de Seber.) — Die althochdeut-
schen Glossen, ges. u. bearb. von Steinmeyer u. Sievers, II Band, Glos-
sen zu nichtbiblischen Schriften. (Heyne : 2e vol. de cette œuvre monu-
mentale.) — Linnig, Bilder zur Geschichte der deutschen Sprache.
(Schroder : du zèle, de bonnes intentions, mais ébranlera la confiance
dans la science de la langue allemande plutôt qu'elle ne l'affermira.) —
v. Reden-Esbeck, Caroline Neuber u. ihre Zeitgenossen. Lichten-
stein : (des documents importants, mais manque de méthode, la biogra-
phie de la Neuber est encore à faire.) — Das Lied von King Horn hrsg.
v. Wissmann (Hausknecht : mérite tous les éloges). — Leroux, Re-
cherches critiques sur les relations politiques de la France avec l'Al-
lemagne 1292-1378. (Winkelmann : publication solide qui fait] honneur
à l'école de G. Monod ; il est à regretter que l'auteur de cette loua-
ble étude n'ait pas connu quelques travaux allemands.) — Janssen,
Geschichte des deutschen Volkes seit dem Ausgang des Mittelalters,
III Band. (Beger : livre de parti, l'auteur croit que la réforme n'était
pas historiquement nécessaire, et qu'elle fut un malheur pour l'Al-
lemagne; tait ou laisse dans l'ombre tous les faits qui parlent pour
les protestants.) — K. Enler, Friedrich Ludwig Jahn, sein Leben u.
Wirken. (lsaacsohn : la première biographie du « Turnvater » qui
épuise le sujet, remaniement de l'ouvrage de Prôhle.) — Schutt, Rei-
sen im sûdwestlichen Becken des Congo, p. p. Linderberg. — Las-
peyres, Die Kirchen der Renaissance in Mittel-Italien. (Bohn.) —
Hirschfeld, Kônig Lear, ein poetisches Leidensbild von Shakspeare.
(Sander : prouve la finesse d'observation et l'exactitude des descrip-
tions du grand poète.) — Lorck, Handbuch der Geschichte der Buch-
druckerkunst. I. Erfindung, Verbreitung, Blute, Verfall. 1450-1750.
(L. Mûller : travail très méritoire, rempli d'indications nombreuses et
utiles.) — Erzherzog Karl, militarische Schriften. p. p. WaldstStten.
— Vischer, Lyrische Gange. — Antiquarische Fundein Italien (commu-
nie, de Dressel).
Philologische RuHdschau, n° 3e, 29 juillet 1882 : A. G. Engelbrecht,
De scoliorum poesi (Sitzler : analyse détaillée). — Adolf Busse, De
praesidiis Aristotelis Politica emendandi (Baeumker : bon, polémique
impolie). — Victor Ryssel, Ueber den textkritischen Wert der syris-
chen Uebersetzungen griechischer Klassiker (bon). — Alexandri
Tartara, Animadversiones in locos nonnullos Valeri Catulli et Titi
Livi, iterum emendatiores editae, Romae ex ofhcina « dell' Opinione »
(Rossberg : critiques assez vives). — Van den Berg, Petite histoire des
Grecs depuis les origines jusqu'à la conquête de la Grèce par les Ro-
mains. Hachette, 1880 (Schaefer : ni nouveaux points de vue ni
nouveaux détails; expression nette, bonne distribution; l'auteur
ne tient pas compte des travaux non français, sauf quelques livres
allemands indispensables; vues arriérées; emploi insuffisant des inscrip-
tions ; l'addition des cartes et illustrations est louable, le choix en est
contestable et l'exécution défectueuse). — Steinmeyer, Betrachtungen
ûber unserklassisches Schulwesen, eineEntgegnung(Rothfuchs: défense
de l'éducation classique). — Annonce de H. Bruell, Entwicklungsgang
der griechischen Philosophie.
Deutsche Rundschau, août 1882 : Hausner, La littérature polonaise dans
les vingt dernières années (conclusion). — Aus der Pfalz und aus Baden,
1849, Ériefe eines preussischen Generalstabsofficiers. I. — Rodenberg,
Nûrnberg u. die bayrische Landssausstellung. — Literarische Rund-
schau : Kaufmann, Deutsche Geschichte bis auf Karl den Grossen. Leip-
zig, Duncker u. Humblot. I. Die Germanen der Urzeit ; II. Von dem
rômischen Weltreiche zu der geistlich-weltlichen Universalmonarchie
des Mittelalters. 419-814. (Livre qui repose sur des recherches étendues;
d'ailleurs bien composé.) — Arnold, Deutsche Geschichte. II Band.
Frankische Zeit, erste Hâlfte. (Peu satisfaisant, cette fois). — Neue Li-
teratur ûber Russland : Russische Wandlungen, Neue Beitràge zur rus-
sischen Geschichte von Nicolaus I zu Alexander III; Lose Bliitter aus
dem Geheimarchiv der russischen Regierung. — Literarische Notizen
(Die Tragodien des Aeschylos, ûbers. v. Bruch ; Die Perser, ûbers. v.
Kochly; — Des Aristophanes Werke, ûbers. v. J. Droysen ; — Gœthe's
Werke, illustrirt von ersten deutschen Kûnstlern hrsg. v. Dûntzer ;
— Lenau's sâmmtliche Werke, 2 Bande; — Haller's Gedichte, hrsg. u.
erlautert v. Ludwig Hirzel; — Hillebrand, Zeiten, Vôlker u. Mens-
chen, VI. Zeitgenossen u. Zeitgenossisches.)
Athenaeum belge, n° i5, icraoût 1882 : Relations politiques des Pays-
Bas et de l'Angleterre sous le règne de Philippe II, p. p. Kervyn de
Lettenhove. Tome I (Juste : recueil précieux). — De Goncourt, L'art
au xvnie siècle. II; Lebon, L'Angleterre et l'émigration française de
1794 à 1801 : récit vif et animé, une des meilleures études qu'on ait
publiées depuis quelque temps sur l'histoire extérieure de la Révolution ;
Montégut, Le maréchal Davout, etc. — De Ceuleneer, Le Portugal,
notes d'art et d'archéologie. — Crutzen, L'origine maternelle et la
naissance de Marguerite de Parme, gouvernante des Pays-Bas (Travail
fait avec beaucoup de discernement).
Theologische Litteraturzeitung, n° 16, 12 août 1882 : Konig, Der offen-
barungsbegriff des Alten Testaments. — De Lagarde, The question :
whether marriage with a deceased wife's sister is, or is not, prohibited
in the mosaic writings, answered. (Nestlé : important.) — Merrill,
East of the Jordan, a record of travel and observation in the countries
of Moab, Gilead and Bashan during the years 1875- 1877. — Schultze
(Vict.), Die Katacomben, die altchristlichen Grabstiitten, ihre Geschichte
u .ihre Monumente. (Karnack : compendium qui sera très utile et
qui atteint parfaitement son but.) — Rieks, Geschichte der christlichen
Kirche und des Papstthums. (Harnack : écrit de parti, du parti des vieux
catholiques, dirigé contre la papauté.)
l.e Puy, typ. et lii't. Marchessau /Us, boulevard Saint-Laurent, 33
N° 37 o'Uudii Seizième année 11 Septembre 1882
^^^^^ ... , ,, ■
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
pe MM. S. GUYARD, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
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Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 ir.
PARIS
ERNEST LEROUX, EDITEUR
libraire de la société asiatique
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A dresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquei
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
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complément de l'histoire grecque de curtjus.
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lume in-18 de 65o pages io »
PERIODIQUES
Literarisches Centralblatt, n° 33, 12 août 1882 : Horst, Leviticus XVII-
XXVI u. Hezechiel, ein Beitrag zur Pentateuch-Kritik . — Bickell,
Carmina veteris Testamenti metrice, notas criticas et dissertationem de
re metrica Hebraeorum adj. (Welhausen : l'auteur aurait bien fait de ne
présenter au public que quelques-unes de ses remarques; il a tort de ti-
rer les conséquences les plus extrêmes et d'élever un système, qui doit
exciter la défiance.) — Klimke, Diodorus Siculus und die rômische An-
nalistik. (Polémique contre Mommsen, âpre et mordante: des argu-
ments qui sont souvent d'un grand poids). — Urlichs, Die Schlacht am
Berge Graupius, eine epigraphische Studie. (Etude sur la situation mi-
litaire de la Grande-Bretagne pendant le gouvernement d'AgricoIa; re-
dresse et complète les assertions de Hûbner dans le « Hermès » sur
l'armée romaine en Grande-Bretagne. — Nopp, Geschichte der Stadt
Philippsburg von ihrem Entstehen bis zum Anfalle desselben an Ba-
den (utile). — Urkunden des Klosters Kamenz, hrsg. v. Pfotenhauer.
— Schwicker, Die Deutschen in Ungarn und Siebenbùrgen. (Mille dé-
tails rassemblés en un vaste tableau très réussi ; ouvrage qui se fera lire
du grand public; bonnes indications des sources.) — Suman, Die Slove-
nen. (N'est pas tout entier de Suman; Hubad a décrit les « mœurs et
usages » ; Fasching a tracé une a esquisse historique des pays habités par
les Slovènes » ; Simonie a parlé de « la littérature Slovène », et avec tant
de détail que cette partie sera la plus attachante pour le spécialiste; cet
ouvrage comme celui de Schwicker, fait partie de la collection des
« peuples de l1 Autriche-Hongrie » publiée par l'éditeur de Teschen, Pro-
chaska ; malheureusement toute cette collection n'est que fragment ; le
côté physique du peuple, le fonds géographique n'est pas traité. —
Reitzenstein, Die Armengesetzgebung Frankreichs in den Grundzûgen
ihrer historischen Entwickelung. (Le meilleur travail publié en Alle-
magne sur le sujet.) — Bâcher, Abraham ibn Esra als Grammatiker.
(Travail très soigné.) — Pappageorg, Kritische und paiàographische Bei-
tràge zu den alten Sophokles-Scholien. (Ecrit fait avec soin, et sur le-
quel on ne peut porter qu'un jugement favorable ; l'auteur devrait
publier une nouvelle édition des scholies de Sophocle.) — Stati Epitha-
lamium (Silv. I, 2) denuo editum, adnotavit, quaestionesque adiecit
archaeologicas Car. Herzog. (Travail qui témoigne de labeur et de ré-
flexion.) — Tartara, Animadversiones in locos nonnullos Valeri Ca-
tulli et Titi Livi. (N'écrit pas sans application ni sagacité, mais ne
connaît pas la littérature du sujet, ne sait pas distinguer et séparer les
arguments importants des preuves insignifiantes.) — Straub, Le cime-
tière gallo-romain de Strasbourg. (Edité avec beaucoup de luxe et de
goût ; l'époque à laquelle appartient le cimetière, serait la fin du 111e et
le commencement du ive siècle.) — Birt, Das antike Buchwesen in sei-
nem Verhàltniss zur Literatur, mit Beitragen zur Textgeschichte des
Theocrit, Catull, Properz u. a. Autoren. (Long art. sur cet ouvrage
qui doit être recommandé à l'étude de tous les philologues ; recherches
vastes et menées avec autant d'érudition que de pénétration ; des résul-
tats importants et inattaquables qui jettent une nouvelle lumière sur
le format, l'étendue et la publication des livres et qui montrent com-
bien la littérature antique fut influencée par le livre.) — Mûller (So-
phus), Die Tier-Ornamentik im Norden, ûbers. v. Mestorf.
Deutsche Litteraturzeitung, n° 32, 12 août 1882 : Opéra patrum aposto-
licorum, p. p. Funk. I. Epistulae Barnabae, Clementis Romani, Ignatii,
Polycarpi, anonymi ad Diognetum, Ignatii et Polycarpi martyria,
Pastor Hermae; II. Clementis rom. epistulae de virginitate ejus-
demque martyrium 7 epistulae Pseudoignatii, Ignatii martyria tria,
Vaticanum a St. Metaphraste conscriptum Papiae et seniorum apud
Irenaeum fragmenta, Polycarpi Vita. (Lipsius.) — Kant's critique of
pure reason translatée! in english by Max Mûller, with an introd. by
Noire. (Vaihinger : a cette traduction est une grande action de notre cé-
lèbre compatriote»))) — Çâçvata's Anekârthasamuccaya, ein homonym.
Sanskrit-Wôrterbuch, hrsg. v. Zachariae. (Weber : bonne publica-
tion ) — Cornuti theologiae graecae compendium, rec. Car. Lang (Sten-
der : texte non encore établi d'une façon définitive, mais on se rappro-
che du but.) — J. Macci Plauti Menaechmi, p. p. Vahlen. (Sevffert :)
— Minor, Die Leiche und Lieder des Schenken Ulrich von Winterstet-
ten. (Wilmanns : le besoin de cette nouvelle édition ne se faisait pas
sentir; changements de peu d'importance ou non justifiés ; trop de po-
lémique contre von der Hagen ; remarques de valeur dans l'introduc-
tion.) — Lûbben, Mittelniederdeutsche Grammatik nebst Chrestomathie
und Glossar. (Strauch : sera sûrement très utile). — Gcethe's Reinecke
Fuchs nach dem ersten Druck, p. p. Bieling. (Sauer : sera le bienvenu
auprès des maîtres et des élèves.) — Schaefer, Geschichte der deutschen
Literatur des XVIII. Jahrhunderts, 2e Aufl. p. p. Muncker. (Minor :
nouvelle édition, peu remaniée du reste.) — Brill, Schets der geschiede-
nis van het israelitische Volk. (Wellhausen : ouvrage, en hollandais,
sur l'histoire d'Israël; l'auteur est tout à fait incompétent; « unberu-
fen »). — Anemûller, Geschichte der Verfassung Mailands in den Jah-
ren 1095-1117, nebst einem Anhange tiber das Consulat zu Cremona;
— Journal d'une bourgeoise pendant la Révolution, 1791-1793, publié
par son petit-fils Edouard Lockroy. (Koser : « un compendium de l'his-
toire de la Révolution sous une forme très attachante ».) — Gardiner a.
Bass Mullinger, Introduction to the study of english history. (Pauli :
le travail de Gardiner est un modèle, et représente dans une langue con-
cise et frappante les causes et les effets, les forces qui se sont unies pour
le développement national de l'Angleterre; le travail de Mullinger inti-
tulé « Authorities » n'est pas à la même hauteur; manque d'exactitude sur-
tout dans l'indication des sources du moyen-àge.) — Szujski, Die Polen
und Ruthenen in Galizien. (Tomaschek : fait bien connaître la situation
en Galicie et fournit d'abondants matériaux, d'ailleurs mis en œuvre avec
talent). — Rechtslexikon, Encyclopâdie der Rechtswissenschaft in al-
phabetischer Bearbeitung, hrsg. unter Mitwirkung vieler Rechtsgelehr-
ter v. Fr. v. Holtzendorff, 3e Auflage. — Feldzûge des Prinzen Eugen
von Savoyen, nach den Feldakten und anderen authentischen Quellen
hrsg. v. der Abtheilung fur Krieeseeschichte des k. k. Kriegs-archivs.
Vols. I-VIII.
Gœttingische gelehrte Anzeigen, n° 32 : Karl Kôrner, Einleitung in das
Studium des angelsàchsischen, 11e Theil; angelsàchsische Texte, mit
Uebersetzungen, Anmerkungen u. Glossar. (Sievers : fournit au lecteur
déjà armé de l'esprit critique, plus d'une information remarquable,
mais ne peut être recommandé au commençant.) — Boltz, Die helle-
nischeoder neugriechische Sprache. (Hatzidakis : « écrit avec un grand
amour du sujet, contribuera à augmenter en Allemagne l'intérêt pour
les Hellènes et pour la connaissance de leur langue, puisse l'auteur
continuer ses études beaucoup d'années encore avec le même amour,
afin de produire des fruits plus abondants et plus mûrs ».)
Nos 33 et 34, 16 et 23 août 1882 : Dittrich, Regesten und Briefe des
Cardinals Gaspero Contarini, 1483- 1542 (v. Druffel). — Die Leiche
und Lieder des Schenken Ulrich von Winterstetten hrsg. v. Minor.
Wien, Konegen (Bartsch : fait quelques critiques). — Spiegel, Ver-
gleichende Grammatik der alteranischen Sprachen (Justi : comme tou-
jours, recherches profondes et méthode réfléchie; ordonnance pleine de
clarté). — Johann Faust, ein allegor. Drama, p. p. Engel (Godeke).
Athenaeum belge, n° 16, i5 août 1882 : Pirenne, Sedulius de Liège
(Bormans : bon travail, cp. Revue critique, n° 3i). — Spiegel, Verglei-
chende Grammatik der alteranischen Sprachen (De Harlez : sera bien-
venu de quiconque s'occupe de linguistique et de grammaire comparée ;
c'est plutôt une grammaire comparée des anciennes langues eraniennes
et du sanscrit ;.. parfaite courtoisie dans la polémique ;.. l'auteur prouve
que PAvesta n'est pas très ancien et qu'il appartient au nord-ouest de
l'Eran, et non à la Bactriane ; il renonce au terme vieux bactrien pour
désigner le zend, et s'arrête, comme De Harlez, au mot « avestique ») .
— Morley, The life of Richard Cobden (Carlier: œuvre creusant le su-
jet jusqu'à l'épuiser ; il y a peu d'écrits qui aient atteint dans ces derniè-
res années cette ampleur de pensée et d'exposition vraiment magistrale;
il n'a guère paru de biographie meilleure que celle-ci depuis la classique
biographie de Johnson par Boswell, mais le style de M. Morley est au-
trement littéraire et élevé que celui de Boswell). — Fouilles de M. Schlie-
mann à Troie.
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PÉRIODIQUES
The Academy, ne 537, l9 a°ût 1882 : Allaroyce, Mernoir of G. Keith
Elphinstone, Viscount Keith a. admirai of the red. (H. M. Stephens :
très intéressant.) — Cotterill, An introduction to the study of poetry.
(Morshead : l'auteur craint que ces études ne paraissent au lecteur
« crude, superfkial and incohérent » ; elles ne sont ni « crude » ni « su-
perficial », mais elles sont « incohérent », « ill-compacted and hard to
lollow ».) — Leland, The Gypsies. (Groome : quelques chapitres d'une
valeur réelle; quelques autres ne reproduisant que ce qu'on sait depuis
longtemps, en somme, livre « always delightful reading ».) — Holland,
Logic and life with other sermons. — Lyte, Dunster and its lords,
1066-1881. — Ang.de Gubernatis, La mythologie des plantes ou les
légendes du règne végétal. (Friend : le tome Ier a paru en 1878, le tome
second vient de paraître; sujet charmant et important très bien traité;
si l'on ne peut accepter toutes les théories de l'auteur, on fera néanmoins
dans son livre une riche moisson.) — The Trieste Exhibition. (Bur-
ton.) — The etymology of Dionysos. (R Brown.) — Early italian cas-
ting (Westmacott). — Some récent linguistic works. (Keane : parle,
entre autres ouvrages, de celui de v. d. Gabelentz et A. B. Meyer
« Beitràge zur Kenntniss der melanesischen, mikronesischen undpapua-
nischen Sprachen.) — Clarke, Report of the investigations at Assos
1881. (Murray). — Latest news of Prof. Maspero. (Am. B. Edwards :
donne la traduction d'une lettre de M. Rhoné ; M. Maspero a quitté
Boulaq, sur l'ordre du Ministre des Travaux publics, en confiant le
musée au vieux et fidèle Circassien Kourschid-Effendi, que Mariette
estimait spécialement pour son énergie et sa droiture; au moment où
paraîtront ces lignes, M. Maspero sera depuis longtemps à Paris.) —
Terrien de la Couperie, The silver coinage of Tibet. (Yule.) — Disco-
very of buddhist relies at Bassein, near Bombay.
The Athenaeum, n° 2860, 19 août 1882 : The british association for the
advancement of science at Southampton. — Willis-Bund, A sélection
of cases from the state trials. — Hughes, Memoir of Daniel Macmillan.
— Demofilo, Coleccion de contes flamencos. Séville. — Pinches, Texts
in the babylonian wedge-criting. (« When we say thaf Mr. Pinches is
the author of the work, its value will be recognised by ail assyrian
scholars ; his àccuracy of eye in reading a cuneiform text is unequalled »).
— Œuvres inédites de Bossuet , cours royal complet sur Juvenal,
vol. I. Découvertes et publiées par A. L. Ménard. (La préface est écrite
sur un ton enthousiaste et passionné;... il est faux que Bossuet ait été
précepteur du dauphin en 1684, date du manuscrit que publie l'éditeur;
il avait cessé quelques années auparavant son enseignement ; après « a
blunder of such magnitude » on peut croire que l'œuvre n'est pas de
Bossuet et que M. Ménard n'a aucune idée de l'évidence littéraire. Lors
même que l'œuvre appartiendrait à Bossuet, elle n'ajouterait rien à sa
gloire; c'est un « rambling, most unscholarlike commentary on Juve-
nal », et non une « admirable interprétation » ; on est surpris de voir
des éditeurs comme MM. Didot publier quelque chose d'aussi « bad,
inaccurate and valueless ».) — Ireland, Ralph Waldo Emerson. (Ce
qu'il y a de plus intéressant dans ce vol., c'est la correspondance avec
Carlyle; on y remarquera une lettre de 1864, qui renferme un passage
curieux sur la guerre civile.) — Me Crindle, Ancient India as descri-
bed by Ktesias the Knidian, reprinted with additions, from the « Indian
Antiquary ». — Theological books. (Marshall, The latin prayer book
of Charles II, or an account of the liturgia of Dean Durel ; Mathews,
Commentary on Ezra and Nehemiah, etc.) — Historical and antiqua-
rian publications. — The hall of Pembroke Collège, Cambridge. (J.
W. Clark.) — Caxton's « Four sons of Aymon » (Blades). — The
Quarterly Review on Swift. — Not. nécrol. sur M. Stanley Jevons. —
VilliersS-ruART, The funeral tentof an egyptian queen. — J. B. Giraud,
Les arts du métal, recueil descriptif et raisonné des principaux objets
ayant figuré à l'exposition de 1880 de l'Union centrale des beaux-arts.
Deutsche Litteraturzeitung, n° 38, 19 août 1882 : Bredenkamp, Gesetz und
Propheten. (ftowack : instructif.)— Ludw. Keller, Die Gegenreforma-
tion in Westfalen und am Niederrhein, I. 1 5 55- 1 585 - (Kolde.) — Max
Mûller, Essays. II Band. Beitrâge zur vergleichenden Mythologie und
Ethologie, mit ausfûhrichem Regisrer zum I u. II Band, 28 vermehrte
Auflage besorgt v. O. Francke. — Hôhne, Kants Pelagianismus u. No-
mismus. (Pfleiderer.) — G. A. Mûller, Geschichte des Friedrichs-Wer-
derschen Gymnasiums zu Berlin. (E. Fischer : important pour l'his-
toire de Berlin et pour celle de l'instruction publique et de l'érudition
en Prusse.) — L. Ewald, Grammatik der thai-oder siamesischen Spra-
che. (Schott : travail très méritoire.) — Hesychii Milesii Onomatologi
quae supersunt cum prolegomenis éd. j. Flach (Gropius : au moins, on
a là réunis des matériaux qui seront utiles à consulter.) — Werner,
Lessings Emilia Galotti (L. Hirzel : du savoir et de la sagacité). — C.
Bayer, Deutsche Poetik, theoretisch-praktisches Handbuch der deut-
schen Dichtkunst. (Seemûller : beaucoup d'amour du sujet, beaucoup de
soin et de patience, grand zèle de compilation, mais il manque à cet ou-
vrage le caractère scientifique, la méthode historique.) — Baumgarten,
Vor der Bartholomàusnacht. (Kluckhohn : le sujet méritait d'être sou-
mis de nouveau à un examen critique approfondi; Baumgarten a ac-
compli cette tâche avec le soin et la pénétration qui lui sont propres, et
il a pris un chemin qui seul pouvait le mener à une solution certaine de
Ténigme tant discutée; les nouveaux documents qu'il a consultés lui ont
servi à prouver par une démonstration aussi claire qu'exacte et qui est
un véritable modèle, qu'il ne peut plus être sérieusement question d'une
longue préméditation de la Saint-Barthélémy; en même temps de nou-
velles et surprenantes lumières sur la politique de l'époque, etc.) —
Rott, Henri IV, les Suisses et la Haute-Italie («sehr fleissig, aber nicht
sehr geschickt. »; beaucoup de remarques précieuses, mais les détails
importants ne sont pas assez mis en relief et disparaissent au milieu des
détails insignifiants.) — Rott, Méry de Vie et Padavino (Schirren : ren-
ferme deux essais, l'un « les anciennes alliances franco-suisses et le re-
nouvellement de 1602 />, l'autre, « Venise et les ligues grises, l'alliance
de Davos »); l'auteur a su mettre en pleine lumière d'une façon excel-
lente les deux traités de Soleure et de Davos qui marquent la première
phase de la lutte pour les Alpes à la veille de la guerre de Trente Ans.)
— Dielitz, Die Wahl-und Denksprûche, Feldgeschreie, Losungen,
Schlacht-und Volksrufe besonders des Mittelalters und der Neuzeit ge-
sammelt, alphabetisch geordnet und erlautert. (Commencement d'une
publication très intéressante et plus complète que les publications anté-
rieures sur la même matière.) — J. E. Thorold Rogers, A history of
agriculture and priées in England from the year after the Oxford Par-
liament (i25g) to the commencement of the continental war (1793)
compiled entirely from original and contemporaneous records. III a.
IV. 1401:1582. (Inama : suite de cette œuvre monumentale sur l'his-
toire économique de l'Angleterre.)
Zeitschrift fur deutsches Altertum und deutsche Litteratur. 1882. Ier fascicule :
Lichtenstein, Zu den deutschen Dichtungen von Tristan und Isolde :
1. Anticritische Bemerkungen zum Texte von Eilharts Tristrant ; 2.
Das Fiechter Bruchstûck von Eilharts Tristrant; 3. Eilhart und Vel-
deke 4. Nachtragliche Bemerkung zum Prosaroman von Tristrant und
Isalde; et Zum Volksschauspiel von^ Doctor Faust. — Schônbach,
Sanct Christophorus. — Bickel, Schwa'zer Bruchstûck der Kaiserchro-
nik. — Hôfer, Quellennachweise zu Wernher von Elmendorf. —
ZARncke, Zu der rhythmischen Version der Légende von Placidas Eus-
thatius. — Zingerle, Himelstele. — Baechtold, zu Niklaus Manuel.
Anzeiger : Weinhold, Lamprecht von Regensburg, sanct Francisken
Leben u. Tochter »Syon. (Strauch : très bonne publication.) — Fabre
d'Envieu, Le dictionnaire allemand enseigné par l'analyse étymologi-
que des noms propres individuels, familiaux, ethniques et géographi-
ques et par l'explication de quelques noms franco-tudesques. (Feit :
on ne peut mettre dans ce livre la pointe d'une aiguille sans y tomber
sur des passages qui prouvent la complète incompétence de l'auteur.) —
Niedner, Das deutsche Turnier im XII. u. XIII. Jahrhundert. (Lichten-
stein : très instructif, fort bon coup d'essai.) — Linde (v. d.), Quellen-
studien zur Geschichte des Schachspiels. (Rottmanner : livre excellent et
qui ne peut trouver un juge compétent, car personne ne possède une
connaissance aussi profonde du développement historique du jeu d'é-
chec et de ses règles, que l'auteur llui-même.) — Kawcynzski, Studien zur
Literaturgeschichte des XVIII. Jahrhunderts, (Très long art. d'Alois
Brandi sur un livre qu'on ne lira pas sans profit ni sans instruction, mais
qui a besoin de nombreux correctifs.) — Homers Odyssée von J. H.
Voss, Abdruck der ersten Ausgabe von 1781 mit Einl. v. Berna ys. (Er.
Schmidt : édition faite avec le soin habituel de l'éditeur et précédée très
heureusement d'une longue introduction pleine d'informations et de dé-
tails intéressants.)
2e fascicule : Baumgarten, Die Chronologie der Gedichte Friedrichs
von Hausen. — Stosch, Nachtrâgliches ûber Wolframs Titurellieder.
— Werner, Eine Parallèle zu Schillers Handschuh et Pesther Fragment
des Wàlschen Gastes. — Bickel, Schwazer Parcival-fragment. — Pirig,
Zwei Blâtter einer Handschrift des Rennewart. — Keinz, Ein neues
Fragment der Wessobrunner Predigten. — Henning u. Hoffory, Zur
Textkritik der Islendingabok. — Hirzel, Romantisch. — Brahm, Eine
Episode in Gœthes Wahlverwandtschaften. — Seiler, Noch einmal der
Rhytmus von Placidas. — Eustathius. — Schroder, Reimpredigt.
Anzeiger : Schultz, Hôfisches Leben zur Zeit der Minnesinger, vol.
II. (Lichtenstein : matériaux abondants, rassemblés sur un sujet peu
traité jusqu'ici; des points de vue nouveaux; quelques endroits faibles,
mais aussi beaucoup de recherches pleines de soin; en'somme, livre très
instructif et très suggestif.) — Horstmann, Altenglische Legenden, neue
Folge, mit Einleit. u. Anmerk. hrsg. (Schroder : peu de sciences peu-
vent se glorifier d'un aussi robuste et persévérant travailleur que l'est
Horstmann pour la philologie anglaise.) — Jacob van Maerlants stro-
phische gedichten p. p. Verwijs. 24-26 Liefer. der Bibliotheek van mid-
delnederlandsche letterkunde. (Franck) — Herbst, Gœthe in Wetzlar.
(Minor : bon travail qui se recommande à tous par le ton calme et vrai-
ment historique du récit et par l'élégance de la forme; sujet difficile et
délicat traité avec grande habileté.) — Nachtrag ûber die Mannheimer
Gesellschaft. (SeufTert.) — Kilian Brustfleck. (E. Schmidt.) — Egerer
Fronleichnamsspiel, p. p. Milchsack. (Schônbach.)
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
N° 39 Seizième année 25 Septembre 1882
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
de MM. S. GUYARD, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 n\ — Etranger, zb ir.
PARIS
ERNEST LEROUX, EDITEUR
libraire de la societe asiatique
de l'école des langues orientales vivantes etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
ERNEST LEROUX, EDITEUR, 28, RUE BONAPARTE, 28
HISTOIRE DE L'HELLÉNISME ZLZTZ'-
çais sous la direction de M. A. Bouché-Leclercq. 3 forts volumes in-8°. . 3o »
Tome I. Histoire d'Alexandre- le-Grand.
Tomes II et III. Les successeurs d'Alexandre.
L'ouvrage paraît en 3o fascicules à 1 fr. 25.
Le fascicule 1 vient de paraître.
l'histoire de l'hellénisme de j.-g. droysen forme la suite et le
complément de l'histoire grecque de curtjus.
LES MOUVEMENTS DU SOL TilSSVT
France et particulièrement dans le golfe normanno- breton, par Alexandre
Chévremont. Un beau volume gr. in-8°, illustré de 14 planches en couleur. i5 »
Ouvrage honoré d'une récompense par l'Académie des Sciences et d'un rapport
favorable de M. Alfred Maury de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
T C T TVP P HPÇ. AAHRTQ des anciens Egyptiens. Traduc-
l-J-- JLlVlVE JL/.CO 1V1v_/I\ 1 O tion complète avec notes et
index) par Paul Pierret, conservateur du Musée égyptien du Louvre. Un fort vo-
lume in-18 de 65o pages < 10 »
PÉRIODIQUES
The Athenaeum, n° 2861, 26 août 1882 : Mallock, Social equality, a
study in a missing science. — Freeman, The reign of William Rufus
and the accession of Henry I. (On retrouve ici « ail the wealth of détail,
ail the vividness of narrative, ail the fullness of local and personal
knowledge », qui marquent l'histoire de la conquête normande, du
même auteur). — Stack, Six months in Persia. — Panton, Country
sketches in black and white. — Anderson, History of shorthand, with
a review of its présent condition and prospects in Europa and America
(ouvrage sur la sténographie, contribution importante à la littérature
du sujet). — Me. Theal, Kaffir Folklore, or a sélection from the tradi-
tional taies current among the people living on the eastern border of
the Cape Golony. (Livre à recommander aux amis du folklore.) —
Allardyce, Memoir of G. K. Elphinstone, Viscount Keith, admirai of
the Red. (A mettre, aussi bien que la vie de Nelson, de Southey,
entre les mains des cadets à bord du Britannia, à Darmouth). — The
archaeological societies. — Caxton^ « four sons of Aymon. » (Lee).
— Shakspeare in Greece. (Lambros.) — British archaeological associa-
tion.
N° 2862, 2 septembre 1882 : Sala, America revisited. — The history
and antiquities of Colchester Castle. — Ihne, The history of Rome,
english édition, vols. IV a. V. (Ces deux volumes de Ihne terminent
l'histoire de la république romaine ; mêmes mérites que dans les volu-
mes précédents; grande connaissance du sujet; mais excuse tropSylla et
suspecte trop Salluste). — Salaman, Jews asthey are. — Davidson, Ros-
mini's philosophicai System. — Ottoman poems, translated into english
verse in the original forms, with introduction, biographical notices and
notes by Gibb. — Chap-books of the eighteenth Century ; with fac-simi-
lés, notes a. introd. by Aston. — Diocesan historiés. — Parsons and
playwrights before the commonwealth. (Bullen.) — The Preston guild
merchant. — The Sunderland library. — Baber, Travels and researches
in Western China, printed for the royal geographical society. —
Ephrussi, Albert Durer et ses dessins. (Travail digne de son sujet.) —
British archaeological association.
N° 2863, 9 septembre 1882 : C. G. Walpole, A short history of the
Kingdom of Ireland from the earliest times to the Union. (« As a fait*
and readable popular history of Ireland this work is a most useful and
timely contribution ; it is not, what indeed it does not attempt nor pré-
tend to be, an explanation of how and why the facts it relates came
about, nor a picturesque description of bygone men and manners »).
— Encyclopaedia britannica, vol. XIV. (Suite de cette excellente publi-
cation; beaucoup d'art, intéressants, entre autres ceux de Swinburne
sur Keats et Landor, de Sidney Colvin sur Léonard de Vinci, de Kegan
Paul sur Kingsley, de James Sully sur Lewes, de Saintsbury sur La Fon-
taine et Xesage, de Fraser sur Locke, de Sime sur Lessing, de Garnett
sur Leopardi, etc.). — Réminiscences of an old Bohemian — The na-
mes of herbes, by William Turner, a. d. 1548, edited by James Brit-
ten. — The sacred booksofthe east : VIII. The Bhagavadgita, with
the Sanatsugatiya and the Anugita, translated by Kashinath Trimbak
Telang; XII. The Satapatha Brahmana according to the text of the
Madhyandina school, translated by Eggeling. I. — Mary-Lafon, Cin-
quante ans de vie littéraire. (Ce livre est intéressant ; ce qui lui fait tort
et ce qui le gâte, c'est la tendance constante de l'auteur à mettre en
avant sa personnalité et ses mérites; comme livre à feuilleter, « it has
considérable attraction » à cause des anecdotes qui remplissent le vo-
lume, mais qu'il faut accepter avec quelque réserve.) — A library of the
fathers; 5. Cyril : five tomes against Nestorius, Scholia on the Incarna-
tion, Christ is one, Fragments against Diodore of Tarsus, Théodore of
Mopsuestia, the Synousiasts ; Bright, Notes on the canons of the fîrst
four gênerai concils ; Dale, The synod of Elvira and Christian life in
the fourth century; Gwatkin, Studies of arianism, chiefly referring to
the charakter and chronology of the reaction which followed the council
of Nicaea. — The flfth annual meeting of the library association. (Ter-
rien de Lacouperie). — Tuer, Bartolozzi and his works. — Presuhn,
Pompeii, die neuesten Ausgrabungen von 1874 bis 1881 fur Kunst-und
Alterthumsfreunde. — The Worcester Exhibition.
Literarisches Centralblatt, n° 34, 19 août 1882 : Libri Danielis, Ezrae
et Nehemiae, textum masoreticum p. Baer. — Kûbel, Ueber den Un-
terschied zwischen der positiven u. der liberalen Richtung in der mo-
dernen Théologie. — Rickenbach, Die Insel Sardinien vor der Herr-
schaft der Rômer (Compte-rendu de l'ouvrage de M. Pais « La Sardegna
prima del dominio romano »). — Muller (P. L.), Regesta Hannonen-
sia, lijst van oorkonden betreffende Holland en Zeeland 1299-1345. —
Alfr. Leroux, Recherches critiques sur les relations politiques de la
France avec l'Allemagne de 1292 à 1378 (Vaste et fort bon travail; on
regrettera que l'auteur n'ait pas consulté tous les travaux allemands sur
le sujet). — Kopp, Geschichte der eidgenôssischen Bûnde. V. 2. Ludwig
der Baier u. seine Zeit i33o-i336, I. i33o-i334. bearb. v. Lûtolf,
hrsg. v. Rohrer. — Naeher, Land und Leute in der brasilianischen
Provinz Bahia. — Trûbner's catalogue of dictionaries and grammars ;
of oriental a. linguistic publications. — Pertsch , Die arabischen
Handschriften zu Gotha, III, 2. — Kreysstg, literarische Studien und
Charakteristiken, nachgelassenes Werk, p. p. J. Rodenberg (Essais qui
témoignent d'une connaissance parfaite du sujet, entre autres un pa-
rallèle entre Heine et Musset, Diderot et les encyclopédistes, Beaumar-
chais et l'élément gaulois dans la littérature française, etc.).
Zeitschrift fur deutsches Altertum, 1882, 2e fascicule (suite) :
Litteraturnotizen : Baragiola, Del tedesco médiévale, Der Arme Hein-
rich, von Hartmann von Aue. Il povero Enrico, versione in prosa. —
Bethge, Wirnt von Gravenberg, eine literarhistorische Untersuchung.
(E. Martin). — Creizenach, Die Bûhnengeschichte 'des Goetheschen
Faust. (Werner). — Deutsches Wôrterbuch, N bis Nachtigallstimme, von
Lexer. (Gombert.)— Gôtzinger, Reallexicon der deutschen Altertumer.
I-VIII Liefer. — Holder, Germanischer Bûcherschatz, Heft I-V. —
Look, Der Partonopier Konrads von Wûrzburg und der Partonopeus
von Blois. — Meyer-Markau, Der Parzival Wolframs von Eschenbach.
— Schoch, ueber Boners Sprache. (Schônbach : témoigne de zèle et de
connaissances). — Staub u. L. Tobler, Schweizerisches Idiotikon, I.
(Lichtenstein : plein de promesses, fait honneur aux études allemandes
en Suisse, on doit souhaiter à cette publication une continuation heu-
reuse et de nombreux lecteurs). — Seldner, Lessings Verhàltniss zur
altrômischen Komôdie. — Wegener, Volkstùmliche Lieder aus Nord-
deutschland. (Chants du pays de Magdebourg et du Holstein).
3e fascicule : Seemûller, Die Zwergensage im Ortnit. — Zupitza,
Kritische Beitràge zu den Blickling homilies u. Blickling glosses. —
Schrôder, Alte Bruchstûcke der Kaiserchronik. — Roediger, In Sachen
der Trierer Bruchstûcke. — Wagner, Erlanger Fragment der Heidin.
— E. Schmidt, Aus dem Nachleben des Peter Squenz u. des Doctor
Faust. — Seuffert, Der junge Goethe u. Wieland. — Duncker, die
Grimmelshausen ein thûringisches Adelsgeschlecht. — Warner, Hans
Wursts Hochzeit. — Wackernell, Swalwen zagel.
Ànzeiger : Techmer, Zur vergleichenden Physiologie der Stimme u.
Sprache. (Hoffory : des défauts considérables, mais compensés par de
grandes qualités; beaucoup de détails importants et neufs; indispensa-
ble.) — Elis saga ok Rosamundu, p. p. Kôlbing. (Heinzel : ne se rallie
pas aux principaux résultats de Kôlbing sur la « Tristrams saga », mais
fait de grands éloges de l'introduction et de l'édition.) — Die Kindheit
Jesu von Fussesbrunnen, hrsg. v. Kochendôrffer. (Strauch.) ■— Lut-
wins Adam und Eva, hrsg. v. K. Hofmann u. W. Meyer. (Stein-
meyer.) — Hugo von Montfort mit Abhandl. zur Geschichte der deut-
schen Literatur, Sprache u. Metrik im XIV. u. XV. Jahrhundert
(Henrici). — Trebnitzer Psalmen hrsg. v. Pietsch. (Kochendôrffer.) —
Minor u. Sauer, Studien sur Gœthe-Philologie. (Werner : beaucoup de
soin et de savoir.) — Minor, Hamann. (Werner : très fin, très complet,
très agréable à lire.) — Raich, Dorothea von Schlegel geb. Mendelssohn
u. deren Sôhne. Joli. u. Philipp Veit, Briefwechsel. (Minor), — Fûnf
Bûcher Epigramme von Konrad Celtes, hrsg. v. Hartfelder. (Watten-
bach.)
Litteraturnotizen : Simrock, Heliand Christi Lehre u. Leben nach dem
altsachs. 3e Aufiage. — Steiff, Der erste Buchdruck in Tûbingen. —
Wenker, Sprachatlas von Nord-und Mitteldeutschland. (Publication
très méritoire dont il faut souhaiter le succès.)
Athenaeum belge, n° 17, ier septembre 1882 : Renan, L'Ecclésiaste tra-
duit de l'hébreu avec une étude sur l'âge et le caractère du livre. (Ou-
verleaux : il sera fort difficile à l'auteur de faire admettre partout ses
opinions, mais il n'a voulu faire œuvre ni d'apologiste ni de théologien ;
il écrit moins pour les savants que pour le grand public, et l'esprit et le
paradoxe sont de grands éléments de succès; la traduction est moins
incohérente que toutes les traductions antérieures). — Bulletin. —
Fouilles de la Société archéologique de Namur en 1880.
Revue de l'instruction publique supérieure et moyenne, en Belgique, tome XXV,
4K livraison : L, R. Le nouveau programme des gymnases en Prusse.
— Grafé, L'école normale de Pise et les écoles de magistère en Italie (suite
et fin). — Comptes-rendus : Pirenne, Sedulius de Liège. — Actes offi-
ciels. — Varia : plan d'études des écoles supérieures de Prusse.
S. CALVARY & Cie, LIBRAIRIE, A BERLIN
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N° 40 Seizième année 2 Octobre 1882
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
de MM. S. GUYARD, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 tr.
PARIS
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libraire de la société asiatique
de l'école des langues orientales vivantes ktc.
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Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquk î
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
ERNEST LEROUX, EDITEUR, 28, RUE BONAPARTE, 2)
HISTOIRE DE L'HELLÉNISME S»°&
çais sous la direction de M. A. Bouché-Leclercq. 3 forts volumes in-8°. . 3o »
Tome I. Histoire d'Alexandre-le-Grand.
Tomes II et III. Les successeurs d'Alexandre.
L'ouvrage paraît en 3o fascicules à 1 fr. 25.
Le fascicule I vient de paraître.
l'histoire de l'hellénisme de j.-g. droysen forme la suite et le
complément de l'histoire grecque de curtius.
LES MOUVEMENTS DU SOL ™l^Tlt~
France et particulièrement dans le golfe normanno- breton, par Alexandre
Chévremont. Un beau volume gr. in-8°, illustré de 14 planches en couleur. i5 »
Ouvrage honoré d'une récompense par l'Académie des Sciences et d'un rapport
favorable de M. Alfred Maury de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
TFT TVR F fiF^ MORTQ des anciens Egyptiens Traduc-
JLJZ. JL1 V 1\J2 L/CO lVlv_yl\ 1 O tion complète avec notes et
index, par Paul Pierret, conservateur du Musée égyptien du Louvre. Un fort vo-
lume in-18 de 65o pages 10 »
PÉRIODIQUES
Literarisches Centralblatt, n° 35, 26 août 1882 : Woernhardt, Figura
Hierosolymae tempore Jesu Christi existentis illustrata et in carta
speciali adjecta adlineata; et Jérusalem zur Zeit Jesu Christi. — Fa-
leucci, Il Mare Morto e la Pentapoli del Giordano. (Très savant, mais
l'auteur n'a pas tout consulté et n'a pas été sur les lieux.) — Scheele,
Theologische Symbolik, aus dem schwedischen ûbers. v. Zôckler. —
Dalton, Evangelische Strômungen in der russischen Kirche der Ge-
genwart. — Leibniz, La monadologie, publiée d'après les mss. de la
bibliothèque de Hanovre avec introd., notes et suppléments, par Henri
Lachelier. (« Eine niedliche und élégante Ausgabe... die Einleitung
ist mit Verstândniss und Sachkenntniss geschrieben, die Anmerkungen
concis und treffend... ») — Mainzer, Die kritische Epoche in der
Lehre von der Einbildungskraft aus Hume's und Kant's theoretischer
Philosophie nachgew. — Neumann, Geschichte Roms wâhrend des
Verfalls der Republik vom Zeitalter des Scipio Aemilianus bis zu Sul-
la's Tode, hrsg. v. Gothein. (Il faut se souvenir que le livre a été écrit
il y a plus de dix ans, mais ce livre est d'un historien.) — Villari
(Pasquale), Niccolo Machiavelli u. seine Zeit, durch Documente be-
leuchtet, ûbers. v. Hensler. IIe volume, (art. d'analyse; la traduction
est excellente.) — Preussen im Bundestag von i85i bis i85g, Docu-
mente hrsg. v. Poschinger. II Theil. 18^4-1856. (Traite presqueexclu-
sivement de la guerre de Crimée et de l'attitude de la Prusse durant
cette période; mais Bismarck, qui joue un rôle si important dans le
icr volume, se borne ici à contrecarrer l'Autriche autant que possible;
la plus importante révélation est celle-ci : la France aurait, au com-
mencement de i855, sérieusement pensé à faire passer ses troupes par
l'Allemagne du Sud avec le consentement de l'Autriche; on remarquera
aussi deux lettres remarquables de Bismarck à Manteuffel et qui sont
comme un programme-ministre.) — Chavanne (Jos.), Afrika im Lichte
unserer Tage, Bodengestalt u. geologischer. Bau. — Larrinaga (de),
Die wirthschaftliche Lage Cuba's. — Pognon, L'inscription de Bavian,
texte, trad. et comm. philologique. IIe partie. (Publication qu'on ne
quittera pas sans y avoir trouvé beaucoup d'instruction et de profit.) —
Reinisch, Die Bilin-Sprache in Nordost-Afrika. (Très bon et très utile.)
— Hermann's (Gottfried) lateinische Briefe an seinen Freund Volk-
mann, hrsg. v. Volkmann. (Correspondance très intéressante et ren-
fermant un petit roman à la Werther.) — Blochwitz, Kulturge-
schichtliche Studien. (Lecture agréable; il est surtout question de my-
thologie). — Jaeger, Die Gymnastik der Hellenen, neue Bearbeitung.
1 881. (La ire édition a paru en i85o, mais le livre n'a guère gagné;
l'ouvrage de Grasberger a été consulté; mais la publication de Jaeger
reste une œuvre de tendance et d'agitation; c'est une protestation con-
tre la gymnastique actuelle, et en style bizarre.) — Jaennicke, Die ge-
sammte keramische Literatur, ein zuverlassiger Fûhrer fur Liebhaber,
u. s. w. (Livre d'un dilettante qui se donne de la peine.) — Report of
the commissioner of éducation for the year 1879. I. IL Washington. —
Zeitfragen aus dem Gebiete der Turnkunst.
N° 36, 2 septembre 1882 : Bôhl, Christologie des alten Testamentes
oder Auslegung der wichtigsten messianischen Weissagungen (Repré-
sente un point de vue vieilli et insoutenable). — Westerburg, Unter-
suchung der Sage dass Seneca ein Christ gewesen sei (Recherches où il
y a de la finesse et de la nouveauté). — Frôhlich, Die Gardetruppen
der rômischen Republik (Beaucoup de soin et de pénétration, maint dé-
tail important). — Marczali, Ungarns Geschichtsquellen im Zeitalter
der Arpaden (Publication dont les résultats sont excellents, très bonne
méthode). — Kronks, Grundriss der osterreichischen Geschichte, ein
Compendium fiir Universitàtshorer. IV. 1 701- 1878, vom spanischen
Erbfolgekrieg bis zur Gegenwart (Trop concis dans l'exposition, mais
liste abondante des sources et des ouvrages historiques sur la matière). —
Ranke, Sâmmtliche Werke, 42-48 Band (Suite de la publication des
œuvres complètes du grand historien ; le 42e vol. est relatif à l'histoire
de Venise; le 43e et le 44e sont intitulés « la Serbie et la Turquie au
xix° siècle » ; le 45e donne le livre connu « source et commencement
des guerres de la Révolution, 179 1 -1792 » ; les vol. 46-48, le récit his-
torique ajouté par Ranke aux Mémoires de Hardenberg sous le titre
« Hardenberg et l'histoire de l'état prussien de 1793 à 18 1 3 »). — Haus-
knecht's Routen im Orient i865- 1869, nach dessen Originalskizzen re-
digirt von Kiepert. — Mac Curdy, aryo-semitico speech , a study in
linguistic archaeology (Trop arbitraire dans la comparaison des racines).
— Petzoldt, Catalogus bibliothecas Dantae Dresdensis a Philalethe re-
lictae. — Brinckmeier , Die provenzalischen Troubadours als lyrische
u. politische Dichter, mit Proben ihrer Dichtungen (Ne peut être re-
commandé à aucun égard, la forme est négligée, et l'auteur montre un
manque étonnant de savoir sérieux). — Wegener, Aufsatze zur Litera-
tur (Essais qui ont quelque valeur, sur la Fiancée de Messine, le Merlin
d'Immermann, le drame symbolique et allégorique, George Neumark,
Fr. Aug. Stàgemann). — Dumont et Chaplain, Les céramiques de la
Grèce propre, vases peints et terres cuites; Ir0 partie, vases peints (Art.
de discussion). — Weber, gastronomische Bilder, Beitrage zur Ge-
schichte der Speisen u. Getranke, der Tischsitten u. Tafelfreuden
verschiedener Vôlker u. Zeiten (Causerie légère, mais qui décèle une as-
sez grande connaissance des sources).
Deutsche Litteraturzeitung, n° 34, 26 août 1882 : Orose, p. p. Zange-
mkister. (Holtzmann.) — Wendt, Die christliche Lehre von d. menschl.
Vollkommenheit. — Barth u. Niederley, Die Schulwerkstatt. —
Lotze, Grundzûge der Psychologie; Grûndzuge der praktischen Philo-
sophie. — Pfleiderer, Lotzes philosoph. Weltanschauung. — Li-
tauische Volkslieder u. Marchen aus dem preuss. u. russ. Litauen ge-
samm. v. Leskien u. Brugman. I. Gegend von Wilkischken. II. aus
Godlewa. III. (Bechtel.) — Birt, Das antike Buchwesen in seinem
Verhaltniss zur Literatur. (Keil : plein d'instruction et suggestif.) —
Geier, Altdeutsche Tischzuchten. — Hugo von Montfort, p. p. Wac-
kernell. (Lichtenstein : exposition agréable, travail très méritoire qui
épuise presque toutes les questions philologiques et historiques sur le
sujet.) — Brandes, Moderne Geister, literariscne Bildnisse aus dem XIX.
Jahrhundert. (Er. Schmidt : suite d'essais pleins d'esprit, de sagacité et
souvent de profondeur; le meilleur est l'essai sur Tegner.) — Zupitza,
Alt-und mittelenglisches Uebungsbuch. (Varnhagen : excellent.) —
Malchow, Geschichte des Lûbecker Domcapitels. — Turmairs genannt
Aventinus Annales Ducum Boiariae, hrsg. v. Riezler. — v. Schon,
Weitere Beitrage u. Nachtràge. (Isaacsohn : mieux eût valu que le livre
ne fût pas publié.) — v. Schulenburg, Wendisches Volkstum in Sage,
Brauch u. Sitte. (Krek : très intéressant.)
N° 35, 2 septembre 1882 : Gessner, Das hohe Lied Salomonis erklart
und ûbersetzt. (Nowack : « quand on ne tient pas en ;bride l'imagina-
tion, quand on manque de toute culture lingustique, comme c'est le
cas ici, on ne recueille que des fruits monstrueux, ungeheuerliche
Frûchte. » — Ludewig, Geist und Stoff. — Plumacher, der Kampf ums
Unbewusste. — Abdo Iwahid al Marreskoshi, History of the Almoha-
des, edited by Dozy, 20 edit. revised a. corrected. (Wellhausen : an-
noncer cette 2e édition suffirait au critique, mais il veut montrer qu'il
a lu le livre avec intérêt ; introduction pleine de finesse.) — The Prota-
goras of Plato, with an introd. a. critical a. planatory notes by Sihler.
New-York, Harper. (Heitz : bon.) — Oscar Weise, Die griechischen
Wôrter im Latein. (Thurneysen : tâche remplie avec beaucoup d'habi-
leté et de circonspection ; résultats à approuver presque partout; expo-
sition claire, tableau excellent des diverses et profondes influences de la
civilisation grecque sur Rome et sa langue.) — Hugo Busch, Die ur-
sprûnglichen Lieder vom Ende der Nibelungen. (Schônbach : du soin,
des résultats souvent incontestables.) — Erlauer Spiele, sechs altdeut-
sche Mysterien, zum ersten Maie hrsg. v. Kummer. (Peter : Très inté-
ressant pour les amis de l'ancienne littérature allemande.) — Un-
gedruckte Jugendbriefe des Wandsbecker Boten, p. p. Redlich. — Jonas,
Christian Gottfried Kôrner. — » Fastenrath, Calderon in Spanien.
(Baist.) — Floigl, Geschichte des semitischen Alterthums. (Schrader :
Tableau chronologique qui sera utile.) — Weidling, Schwedische Ge-
schichte im Zeitalter der Reformation. (Beger : intéressant, de nou-
veaux documents, de nouveaux points de vue, d'utiles rectifications.) —
Gardiner, The fall of the monarchy of Charles I. 2 vols. 1637-1642.
(Pauli : excellent.) — Lettres de Henriette Marie de France, reine d'An-
gleterre, à sa sœur Christine, duchesse de Savoie, p. p. Ferrero. Turin,
Bocca. (Philippson : 141 lettres inédites de la reine d'Angleterre à « Ma-
dame Royale », mais très peu sont intéressantes pour l'histoire.) —
Pommerellisches. Urkundenbuch, p. p. Perlbach. — Bastian, Stein-
sculpturen aus Guatemala.
Gœttingische gelehrte Anzeigen, n° 35, 3o août 1882 : Bernays, Phokion
u. seine Beurteiler. (Blass : ouvrage où Ton retrouve l'exactitude minu-
tieuse de l'auteur.) — Albrecht von Hallers Gedichte, p. p. L. Hirzel
(Sauer : publication qu'il faut accueillir avec la plus chaude recon-
naissance.) — XVI 11er Jahresbericht der schlesischen Gesellschaft fur
vaterlândische Cultur. — v. Wietersheim, Geschichte der Vôlkerwan-
derung. II. (Kaufmann : 2e édition revue et remaniée par Dahn, IIe vo-
lume, mais remaniements souvent peu louables.)
Nos 36 et 3y, 6 et i3 septembre 1882 : Krause, Vorlesungen ûber
Aesthetik. (Seydel.) — Lauth, Die aegyptische Chronologie gegenùber
der historischen Critik des Herrn Alf. v. Gutschmid. (Erman.)
S. CALVARY & Cie, LIBRAIRIE, A BERLIN
L'ANNÉE ARCHÉOLOGIQUE ET PHILOLOGIQUE
revue des études classiques
(Jahresbericht ûber die Fortschritte der
classischen Alterthumswissenschaft )
La collection forme 28 vol. gr. in-8.
Prix : 240 Mark.
L'abonnement : 3o Mark par année.
LA SEMAINE PHILOLOGIQUE
répertoire des études classiques
(Philologische Wochenschrift.)
Deux feuilles gr in-4 par semaine.
La première anne'e est fournie au prix de
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qui les demanderont.
Le Pny, imprimerie Marckessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
N° 41 Seizième année 9 Octobre 1882
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
de MM. S. GUYARD, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 tr,
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
libraire de la société asiatique
de l'école des langues orientales vivantes etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
ERNEST LEROUX, EDITEUR, 28, RUE BONAPARTE, 28
HISTOIRE DE L'HELLÉNISME £!£ÏS:
çais sous la direction de M. A. Bouché-Leclercq. 3 forts volumes in-8°. . 3o »
Tome I. Histoire d'Alexandre-le-Grand.
Tomes II et III. Les successeurs d'Alexandre.
L'ouvrage paraît en 3o fascicules à i fr. 25.
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l'histoire dé l'hellénisme de j.-g. droysen forme la suite et le
complément de l'histoire grecque de curtius.
LES MOUVEMENTS DU SOL 'TJ?%T
France et particulièrement dans le golfe normanno- breton, par Alexandre
Chévremont. Un beau volume gr. in-8°. illustré de 14 planches en couleur i5 *
Ouvrage honoré d'une récompense par l'Académie des Sciences et d'un rapport
favorable de M. Alfred Maury de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
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LE LIVKC UEO IVlLyKlO tion complète avec
Traduc-
îplète avec notes et
indexi par Paul Pierret, conservateur du Musée égyptien du Louvre. Un fort vo-
lume in-18 de 65o pages 10 »
PÉRIODIQUES
The Athenaeum, n° 2864, 16 septembre 1882 : Brassey, The britisb navy,
its strength, resources and administration. Vol. III. — Records of the
english province of the Society of Jésus, vol. VII, part I, by Foley. —
Books about Japan and China. (Genji Monogatari, the most celebrated
of the classical japanese romances, transi, by Suyematz Kenchio ; Beal,
Abstractof four lectures on buddhist literature in China; Balfour, The
divine classic of Nan-hua being the works of Chuang-tsze, taoist philo-
sopher ; Giles, Historié China and other sketches ; Douglas, Chine. —
Leland, The gypsies. (Curieux et amusant.) — Hicks, Manual of greek
historical inscriptions. (« Excellent and scholarly volume. ») — G. Se-
ton, Memoir of Alexander Seton, earl of Dunfermline. — Maskell, The
ancient liturgy of the church of England according to the uses of Sa-
rum,York, Hereford, a. Bangor a. the roman liturgy; et Monumenta
ritualia ecclesiae anglicanas, the occasional offices of the church of En-
gland according to the old use of Salisbury, the prymer in English and
other prayers and forms. — Our library table (Arth. Trollope, Lord
Palmerston ; Sergeant, William Pitt ; Maclagan, Scottish myths). —
The fifth annual meeting of the library association. — The « Quarterly
Review » on Swift. — Bengali translations of sanskrit texts. — Rainsbo-
rough — Lolo and Vei characters. (Hyde Clarke.) — « The four sons
of Aymon » (Blades). — « Bartolozzi and his works » (Tuer).
N° 2865, 23 sept. 1882 : Jenkinson, Amazulu, The Zulus, their past
history, manners, customs and language, with observations on the
country and its productions, climate, etc., the Zulu war and Zululand
since the war. — A. de Gubernatis, La mythologie des plantes ou les
légendes du règne végétal, tome II. (De nombreux matériaux rassemblés
de toutes parts pour le profit de la mythologie comparée et de l'étude du
folklore.) — C. Abel, Linguistic Essays. (Dix essais sur divers sujets.)
— Stepniak, La Russia sotterranea, profili e bozzetti revoluzionari dal
vero, with a préface by Lavroff. Milan, Trêves. — Ch. J. Robinson, A
register of trie scholars admitted into Merchant Taylor's school from
A. d. i562to 1874. — Dr. Pusey. — The « Yh King ». — Rainsbo-
rough. — Lolo and Vei characters. (Terrien de Lacouperie.) — The
coming publishing season. — Bonnaffé, Le surintendant Foucquet.
Theologische Literaturzeitung, n° 17, 26 août 1882 : Lippert, die Reli-
gionen der europâischen Culturvôlker, der Litauer, Slaven, Germanen,
Griechen und Rômer, in ihrem geschichtl. Ursprunge (Baudissin : du
savoir, mais on ne voit que rarement où l'auteur l'a puisé.) — Bruston,
Histoire critique de la littérature prophétique des Hébreux depuis les
origines jusqu'à la mort d'Isaie. (Baudissin : souhaitons d'avoir bientôt
la suite de cet ouvrage qui n'est pas seulement utile à la théologie fran-
çaise). — Destinon, Die Quellen des Flavius Josephus, I. (Schûrer : long
art. sur cet ouvrage dont les résultats diffèrent de ceux de Bloch et
qui a une plus grande valeur que le travail de Bloch) . — Davidson, An
introduction to the study of the New Testament critical, exegetical a.
theological, 2e éd. — Golubinskij, Geschichte der russischen Kirche. I.
Erste, Kiewsche oder mongolische Période. I u. IL [en russe]. (Bon-
wetsch : promet de devenir le meilleur ouvrage sur l'histoire ecclésiasti-
que delà Russie et dépasse le seul travail, jusqu'ici important, de Ma-
karij).
N° 18, 9 septembre 1882 : Vernes, Mélanges de critique religieuse.
(Baudissin : recueil d'articles et d'essais où il y a beaucoup de « Ge-
schick » et de « Sachkenntniss », d'habileté et de compétence.) — Deane,
Sophia Salomon, the book of wisdom, the greek text, the latin vulgate
and the authorized english version. — Spiess, Das Jérusalem des Jose-
phus, ein Beitrag zur Topographie der heiligen Stadt. (Schtirer : travail
soigné, mais pourquoi se borner uniquement à Josèphe?) — Seydel,
Das Evangelium von Jesu in seinen Verhàltnissen zu Buddha-Sage und
Buddha-Lehre. — Grafe, Ueber Veranlassung und Zweck des Romer-
briefes. — Loofs, Antiquae Britonum Scotorumque ecclesiae quales
fuennt mores, quae ratio credendi et vivendi, quae controversiae cum
romana ecclesia causa atque vis. (Lechler : Dissertation de Leipzig pour
la licence en théologie; savoir très remarquable, étude profonde des
sources, fait bien augurer de l'auteur.) — Lindner, Geschichte des
deutschen Reiches vom Ende des XIV Jahrhunderts bis zur Reforma-
tion. I, 2, IL Unter Kônig Wenzel. (Tschackert : mêmes mérites que
dans le volume précédent.) — Bickell, Synodi Brixinenses saeculi XV.
(Tschackert : actes inédits de six conciles provinciaux tenus à Brixen.
dans le Tyrol, au xve siècle.)
, Gôttingische Gelehrte Anzeigen, n° 38, 20 septembre 1882 : Zeuner, Die
Sprache des kentischen Psalters, ein Beitrag zur angelsàchs. Grammatik
(Sweet : travail qui fait, en l'ensemble, la meilleure impression). — Der
Pentateuch, Commentar des R. Samuel ben Meïr p. p. Rosin. (D.
Kaufmann). — Schober, Johann Jak'ob Wilhelm Heinse (Minor : assez
bon).
— Nos 39 et 40, 27 septembre et 4 octobre 1882 : H. von Sybel,
Entstehung des deutschen Kônigthums. (Ehrhardt : discussion sur quel-
ques points, mais cette 2e édition est tout à fait au courant des derniers
travaux, et même aux endroits où l'on contredit l'auteur, on lui doit en-
core profit et instruction ; Sybel a exercé sur le développement de l'étude
des antiquités germaniques une très utile influence). — Lôffler, Ge-
schichte der Festung Ulm.
Nachrichten, n° 19 : Bechtel, Lituanica. I. Zur Kritik aelterer Spra-
chdenkmàler; IL Giefme ape prikelima Pona Christaus suguldita nug
Baltramejaus Willenta.
Deutsche Rundschau, septembre 1882: Haeckel, Indische Reisebriefe. —
Friedrich Léo, Venantius Fortunatus, der letzte rômische Dichter. —
Aus der Pfalz und aus Baden 1849, Briefe eines preussischen General-
stabs-offiziers. (Fin.) — Ehlert, Wagner's Parsifal. — Rohlfs, Zur
Lage in Aegypten — Gerland, Stieler's Atlas.
Literarische Rundschau : Caroline und ihre Freunde.— Fontane's Wan-
derungen. — Literarische Notizen.
Vor Ungdom, tidsskrift for opdragelse og undervisning, udgivet at Jean
Pio, H. Trier og P. Voss (Copenhague, Philipsen). — Ier et 2e fascicu-
les : Frederiksen, Fichte som pœdagog. — Birch, Den hœjere Lasrer-
stands pœdagogiske Uddannelse, betaenkning, afgivet til Kirke og
Undervisningsministeriet. — Hoff, Om den lœrde skoles reform. — Kleis-
dorff, Bemaerkninger i Anl. af Undervisningsministeriets circulaire af
i3 Oct. 1881. — Vestergaard, Vor Folkesskoles reform. — Voss, Sko-
len og fremmedordene. — Sanne, Om sangundervisningen i skolerne.
— J. Paludan, Oplysningsperiodens indflydelse paa daet laerde skolevaesen
i Danmark og Norge. — Rovsing, Niels Hemmingsens skoletid.
3me fascicule : Hoffding, Den graeske ethiks historié. (A propos de la
ire partie de la Geschichte der Ethik » de M. Th. Ziegler.) — Trier, Om
Bœrns Morskabslassning. — Kragball, Nogle bemaerkninger om sko-
leundervisningen, naermest med henblik paa Kjoebenhavnske pigesko-
ler. — Erna Juel-Hansen, Om en reform af pigeskolen. — Anderssen.
Om den historiske undervisning i gymnasierne. — J. Paludan, Oplys-
ningsperiodens indflydelse paa det laerde skolevaesen i Danmark og
Norge. IL
4me Fascicule : To andragender til ministeren for kirke-og undervis-
ningsvaesenet. — Hoff, Fooslag tilforandring iden laerde skolesplan. —
Holm, Om dansk stil for viderekomne. — Hakonson-Hansen, Sund-
hedslaeren i skolen. — Theodorus, en anmeldelse (Giersing. om kristelig
•opdragelsei skole og hjem). — Johansen, Om opdragelse i forhold til de
fysiologiske og psychologiske ejendommeligheder. — J. Paludan,
Oplysriingsperiodens indflydelse paa det laerde skolevaesen i Danmark
og Norge. III.
Archivio per lo studio delli tradizioni popolari, rivista trimes triale, diretta
di G. Pitre e. Salom. Marino, vol. I, fasc. III, juillet-septembre 1882
(Palerme, Pedone-Lauriel) Pitre, Motti popolari applicati a suoni
délie campane. — Sal. Marino, Canti popolari siciliani transcritti nei
secoli xvi, xvii e xvm. — Mango, Poésie popolare infantile in Calabria.
— Gianandrea, Indevinelli marchigiani. — Rodrig. Marin, El juego
de las chinas. — Cannizzaro, Le dodici parole délia verita. — Arietti,
Pitre, La storia del re Crin, novella popolare piemontese. — Siciliano,
Credenze ed usi popolari toscani. — Tiraboschi, Usi pasquali nel Ber-
gamasco. — J. de Villemory, Le folk-lore. — Pitre, Saggio di voci di
venditori ambulanti. — Miscellanea : S. Marino, Garibaldi e le tradi-
zioni popolari; Savini, I côntadini pretuziani; Nerucci, Ancora degli
Zingari ; Pitre, Il giuoco fanciulesco délia « nanna pigghia cincu. — Ri-
vista bibliografica (entre autres, la « Faune populaire de] la France »,
de M. Rolland; le « Recueil de contes populaires grecs », de M. Le-
grand; les « Contes albanais » de M, Dozon), etc.
Athenaeum belge (i') , n° 18, i5 septembre 1882 : Iung, Lucien Bona-
parte et ses mémoires, 1775-1840, d'après les papiers déposés aux ar-
chives étrangères et dautres documents inédits. (Juste.) — Franzôsische
Studien. (Scheler : analyse et apprécie très favorablement les études de
Schlickum Klapperich et Karl Muller.) — Fouilles exécutées par la So-
ciété archéologique deNamur en 1880. (Suite.) — Rapport de M. Alvin
sur la situation de la Bibliothèque royale en 1881.
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classischen Alterthumswissenschaft )
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A0 42 Seizième année 16 Octobre 1882
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
de MM. S. GUYARD, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
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PARIS
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HISTOIRE DE L'HELLÉNISME à&ÏSË
çais sous la direction de M. A. Bouché-Leclercq. 3 forts volumes in-8°. . 3o »
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L'HISTOIRE DÉ L'HELLÉNrSME DE J.-G. DROYSEN FORME LA SUITE ET LE
COMPLÉMENT DE L'HISTOIRE GRECQUE DE CURTIUS.
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France et particulièrement dans le golfe normanno-breton, par Alexandre
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favorable de M. Alfred Maury de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
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index, par Paul Pierret, conservateur du Musée égyptien du Louvre. Un fort vo-
lume in-18 de 65o pages : : . . . . 10 »
PÉRIODIQUES
The Academy, n° 538, 26 août 1882 : Blunt, The reformalion of the
church of Englands, its history, principles and results. Vol. IL 1547-
1662. (Littledale.) — Sélections from ihe writings ofWalter Savage
Landor p. p. Sidney Colvin. — Fergusson, The honourable Henry
Erskine, lord advocate for Scottand. — Me Call Theal, Kaffir folk-
lore (Ravenstein : intéressant recueil de contes cafres). — Mme de La-
fayette, Histoire d'Angleterre de France, p. p. An. France (Morison :
Tintroduction a un grand mérite, elle renferme de brillants aperçus.) —
Coloridge's early commonplace-book. (A. Brandi.) — A broadside men-
tion of Shakspere in 1866. (Furnivall.) — M. Lenormant and Herr
Rôhl. (J. de Witte.) — Skeat, An etymological dictionary of the en-
glish language. (Sweet : « an inexhaustible mine of quotations, réfé-
rences and happy suggestions. ») — A. Bastian, Der Buddhismus in
seiner Psychologie; E. Senart, Le Mahâvastu, texte sanscrit publié
pour la première fois, vol. I ; Oldenberg, ueber den Zalita Vistara et
Budha, sein Leben, seine Lehre u. seine Gemeinde. (Rhys Davids).
— Thausing, Albert Durer, his life and works, translated from the ger-
man, edited by Eaton. — Another fragment of the métopes of the Par-
thenon. (C. T. Newton.) — A waif from Dayr-el-Baharee. (Am. B.
Edwards.) — Excavations in the forum romanum (Parker).
N° 539, 2 septembre 1882 : Récent egyptian books (The copting mor-
ning service for the lord's Day, transi, in english by John marques of
Bute; Gorringe, Egyptian obelisks; Rhoné, Mariette esquisse de sa vie,
et de ses travaux ; Deseille, Les débuts de Mariette-Pacha ; Hope-
Edwardes , Eau-de-Nil, a chronicle. — Samuelson, Roumania, past
and présent. (Minchin : utile.) — Harwood, The coming democracy.
— The theological and philosophical works of Hermès Trismegistus,
Christian neoplatonist, translated by Chambers. (Simcox.) — Steens-
trup, Normannerne, III. a. IV. « Danske og norske riger paa de Brit-
tiske er : Danevaeldens tisalder » and « Danelag » (Powell : fin de cette
remarquable étude sur les Normands et leurs colonies aux ixe, x° et
xie siècles, livre qui devra être traduit; dans ces volumes, comme dans
les précédents, profond savoir, style simple et clair, etc.), — Current
literature (Spencer Walpole, Foreign relations ; Fowler, Shaftesbury
and Hutcheson ; Edgcumbe, Edward Trelawny, etc.) — The annual
meeting of the library association. — The Bodleian library. — Mr.
Bullen's collection of old plays. — The Dublin Exhibition. — Corres-
pondence : « the last supper » at Tongerloo. (Dolan.) — « Restora-
tion » at the Tower of London. (Wise.) — Anecdota Oxoniensia, vol.
I, 2. Nonius Marcellus, Harleian ms. 2719, collated by unions. (Nett-
leship.) — The codex Amiatinus or the latin bible (Paul de Lagarde.)
— The books of the ancients. (Haverfield.) — Thausing, Albert Durer,
his life and works translated from the german, by Eaton. — The
Paris Muséum of mediaeval sculpture (Conway).
N° 540, 9 septembre 1882 : Stack, six months in Persia. (Keane.) —
Tuke, Chapters in the history of the insane in the british isles. — Records
of the english province of the Society of Jésus, vol. VII, part I, by Foley.
— The kentish garland, edited by Julia De Vaynes, with notes a illus-
trations by Ebsworth. (Hewlett : recueil de ballades et autres poèmes du
pays de Kent.) — W. Wallace, Kant. (Coupland.) — Biliotti et Cot-
tret, L'île de Rhodes. (Calvert : travail méritoire.) — Current Theology.
— Mountague Bernard (Stubbs). — The society of finnish literature. —
M. Lenormant and the « Hermès ».(F. Lenormant.) — Kaffir folk-tales
(Lang). — Walter Savage Landor. (Oswald.) — Philological books
(Newman, Libyan vocabulary; C. Abel, Linguistic essays; Brunnhofer,
Ueber den Geist der indischen Lyrik; Wûrdter, Kurzgefasste Geschichte
Babyloniens u. Assyriens).
The A.thenaeum, n° 2866, 3o septembre 1882 : Leslie Stephen, Swift,
coll. des « english men of letters ». Londres, Macmillan. (On est un peu
désappointé en lisant ce livre; il est vrai que la tâche n'était pas ai-
sée.) — Tayler, Thirty-eight years in India, frorri Juganath to the Hi-
malaya mountains. — Lyte, Dunster and its lords. 1 066-1 881. —
Edw„ Thomas, The indian Balharâ and the arabian intercourse with In-
dia in the ninth and following centuries. — Plutarclrs Morals, theoso-
phical essays, translated by King. — « Merchant Taylors » school re-
gister. (Ch. J. Robinson.) — The « Quarterly Review » on Swift.
(Schrumpf.) — The. « Yh-King. ». (Terrien.de Lacouperie.) — The life
and works of the Chevalier Noverre, edited by Ch. Edwin Noverre..
Deutcsae Literaturzeitimg'., n° 36,9 septembre 1882 : Novum Testamentum
graece et germanice,,p. p. O. de Gebhardt (Nowack). — Seydel, das Evan-
gelium von Jesu in seinen Verhâltnissen zu Buddha-Sage und Buddha-
Lehre (Kern). — Bastian, Der Buddhismusin seiner Psychologie. — Schwe-
gler, Geschichte der griechischen Philosophie, hrsg. v. Kôstlin ; 3e édi-
tion (Freudenthal : livre remarquable par la clarté de l'exposition et le
j ugement réfléchi de Fauteur). — Lycophronis Alexandra, rec. Scheer-.
Vol. I. (Wilamowitz : publication très méritoire; on peut enfin lire
Lycophron ; ici le texte est assuré; œuvre philologique, en somme, fort
remarquable). — Oekonomides, Chants populaires de l'Olympe (Ran-
gabé). — Die historisch-politischen Volkslieder des dreissigjâhrigen
Krieges, aus fliegenden Blattern, sonstigen Druckwerken u. hand-
schriftl. Quellen gesamm. v. Ditfurth, hrsg. v. K. Bartsch (L. Mill-
ier : recueil du plus haut intérêt). — Appell, Werther und seine Zeit
(R. M. Werner : 3e édition d'un ouvrage fait avec grand soin et ins-
tructif). — Prôlss, Geschichte des neueren Dramas, Il Band, II Hâlfte,
das neuere Drama der Englânder (Mosen : suite d^n ouvrage soigné et
méritoire, digne du même accueil empressé qui a été fait aux précédents
volumes). — Bornmûller , Biographisches Schriftsteller-Lexicon der
Gegenwart, die bekanntesten Zeitgenossen auf dem Gebiete der Natio-
nallitteratur aller Vôlker, mit Angabe ihrer Werke (Livre de grande
valeur ; la masse des détails, rassemblés d'ailleurs avec tant de peine et
de temps, doit faire excuser les erreurs légères qui se rencontrent çà et
là). — v. Wietersheim, Geschichte der Vôlkerwanderung, 2e Aufi. bes.
v. F. Dahn (Bresslau : ouvrage qui aura une place durable dans l'histo-
riographie allemande). — Tomek, Jean Ziska, Versuch einer Biographie
desselben, ûbersetzt von Prochaska (Krones : comble une lacune dans
l'histoire de l'hussitisme; recherches menées avec grand soin; exposition
claire, sobre et consciencieuse; rectifie nombre d'erreurs légendaires). —
Russische Wandlungen, neue Beitrâge zur russischen Geschichte von
Nicolaus I zu Alexander III (Caro : des documents intéressants et de
curieux détails qui rectifient ou élargissent nos vues sur la Russie ac-
tuelle). — Hiort-Lorenzen, Annuaire généalogique des maisons prin-
cières régnant en Europe depuis le commencement du xixe siècle, avec
des notes sur les mariages morganatiques. ire année (Berlin, Puttkam-
mer et Mûhlbrecht). — Verhandlungen des ersten deutschen Geogra-
phentages zu Berlin am 7 und 8 Juni 1881. — Die Terracotten von
Pompeji, bearb. v. Herm. v. Rohden, nach Zeichnungen von Ludwig
Otto (Kôrte). — Jahresbericht ûber die Verànderungen und Fort-
schritte im Militârwesen, VII Jahrgang, 1881, hrsg. v. Lôbell.
Theologische Literaturzeitung, n° 19, a3 sept. 1882 : Ranke, Weltge-
schichte, I u. II. (Harnack : art. très élogieux.) — Wùnsche, Bibliotheca
rabbinica, eine Sammlung alter Midraschim, ubers. 9-16 Lieferung. —
Lemme, Das echte Ermahnungsschreiben des Apostels Paulus an Timo-
theus. — Theodori episcopi Mopsuesteni in epistolas B. Pauli Commen-
tarii, the latin version with the greek fragments, by Swete. — Zitzlaff,
Luther auf der Koburg, ein Lebens-und Charakterbild, nach Luthers
eigenen Briefen gezeichnet. (Kolde : ouvrage bien fait.) — Dalton,
Johannes a Lasco. (Wachtler : de nouveaux documents, et de nom-
breuses informations importantes; travail intéressant pour l'histoire de
la Réforme dans les pays où vécut Laski.) — Mûhlenberg, Patriarch
des lutherischen Kirche Nordamerika's, Selbstbiographie 1711-1743,
p. p. Germann.
Deutsche Rundschau, octobre 1882 : Conr. Ferd. Meyer, Page Leubel-
fing. (Nouvelle qu'on nous permettra d'annoncer ici, parce qu'elle ren-
ferme un portrait de Gustave-Adolphe et une peinture de l'armée sué-
doise avant Lûtzen.) — Hoffmann, Ein Stiick nationaler Arbeit im
deutschen Verkehrswesen. — Reyer, Elba, eine|Studie, I, Porto Ferrajo,
11. Osta Elba.— Ernst Haeckel, Naturanschauung von Darwin, Gœthe
u. Lamarck. — Flaminio, Zur Geschichte der rômischen Frage u. des
Garantiengesetzes. — Aus zwei annectirten Lândern Erzâhlungen ei-
nes deutschen Officiers, I. II. (Commencement d'un récit intéressant;
impressions d'enfance ; 1' « officier allemand » raconte qu'il naquit et
fut élevé dans le Hanovre, qu'il vit d'assez près la guerre du Sleswig-
Holstein en 1848 ; souvenirs relatifs à Ernest Auguste et au roi aveugle
Georges V.)
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classischen Alterthumswissenschaft )
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ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, 28, RUE BONAPARTE
LE ROYAUME DU CAMBODGE ÏÏJSSL
gr. in-8, richement illustrés 3o »
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Le Puy, imprimerie de Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
N° 43 Seizième année 23 Octobre 1882
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
' RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
m. MM. S. GUYARD, L. HAVET, G. MONO!), G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
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PARIS
ERNEST LEROUX, EDITEUR
libraire de la. société asiatique
de l'école des langues orientales vivantes etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
t (Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, 28, RUE BONAPARTE, 28
HISTOIRE DE L'HELLÉNISME à£53£
çais sous la direction de M. A. Bouché-Leclercq. 3 forts volumes in-â®. . 3« »
Tome I. Histoire d'Alexandre-le-Grand.
Tomes II et III. Les successeurs d'Alexandre.
L'ouvrage paraît en 3o fascicules à 1 fr. 2 3.
Le fascicule I vient de paraître.
l'histoire dé l'hellénisme de j.-g. droysen FORME LA SUITE et le
COMPLÉMENT DE l'hISTOIRE GRECQUE DE CURTIUS.
LES MOUVEMENTS DU SOL "*££%T
France et particulièrement dans le golfe normanno- breton, par Alexandre
Chévremont. Un beau volume gr. in-8°, illustré de 14 planches en couleur. i5 »
Ouvrage honoré d'une récompense par l'Académie des Sciences et d'un rapport
favorable de M. Alfred Maury de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
T "P T TVR P HRQ MHRTQ des anciens Egyptiens. Traduc-
L.E, Ll VI\L LJJuD IVlv^ylx 1 D tion complète avec notes et
index, par Paul Pikrret, conservateur du Musée égyptien du Louyre. Un fort vo-
lume in-18 de 65o pages . . . . 10 »
PÉRIODIQUES
The Academy, ne 541, 16 septembre 1882 : Kuenen, National religions
and universal religions. (Fairbain : livre instructif et suggestif, exemple
remarquable de conférences à la fois scientifiques et populaires, faites
par un savant éminent qui n'a pas oublié l'art d'une exposition aisée et
agréable.) — Mallock, Social equality, a short study inamissing science.
— Hewlett, Notes on dignities in the peerage of Scotland which are
dormant or hâve been forfeited. — Hilton, Chronograms, i5oo and
more in number. — Actos ineditos de siete concilios espaholes, por el
R. P. Fidel Fita. (W. Webster.) — Récent Shakspeare literature (Hal-
liwell-Philipps, Outlines of the life of Shakespeare; Ingleby, Occa-
sional papers on Shakespeare ; etc.) — Trad. en vers anglais de trois
sonnets de Camoens. — Mr. Henry Kendall (Not. nécrol. sur le poète
australien). — The Cambridge meeting of the library association. —
Tombs of british officers at Alexandria. (Rogers : inscriptions latines
gravées sur les tombeaux de quatre officiers anglais morts devant
Alexandrie au commencement de ce siècle.) — Correspondance. « Eus-
karian » or « neolithic » (Grant Allen). — Merton collège and the
Jews (S. L. Lee). — « — Y final » in Shakspere (Furnivall). — Dr.
Brinkmeier's « Troubadours ». (Nicksteed : signale les traductions alle-
mandes de l'auteur qui fourmillent des plus grosses erreurs « with the
grossest blunders »). — Delbruck, Introduction to the study ol language,
authorised translation, with a préface by the author. (Sayce : l'histoire
d'une science n'a jamais été faite d'une façon plus claire, plus complète et
plus succincte que celle de la philologie comparée en Allemagne par
M. Delbruck; le caractère le plus frappant du livre, c'est son impartia-
lité). — Orientalia antiqua. — Etruscan jottings. (Sur le nouveau vo-
lume de Pauli et sur la découverte de Magliano, en Toscane). — The
« liber studiorum » of J. M. W. Turner, reproduced in faesimile
by the autotype process, with notices of each plate by Stopford Brooke.
— Dorn, Collections scientifiques de l'institut des langues orientales
du ministère des affaires étrangères « Inventaire des monnaies des khali-
fes orientaux et de plusieurs autres dynasties ». (Stanley Lane Poole.)
— Pontormo's picture from Hamilton palace in the National Gallery
(J. P. Richter).
— N° 542, 23 septembre 1882 : The poetical works of Percy
Bysshe Shelley, edited by Forman. 2 vols. (Caine.) — Cobbe, The peak
in Darien, with some other enquiries touching concerns of the soûl and
the body. — Seton, Memoir of Alex. Seton, earl of Dunfermline. —
Tibetan taies, translated Irom the tibetan by Schiefner, done into en-
glish from the german, with introd. by Ralston. — Strack, Einleitung
in das alte Testament. (Cheyne.) — Current literature (Réminiscences
of and old bohemian; Essays of John Dryden, éd. by Yonge; etc.) —
Dr. Pusey. — « This is how the war began » (Viator). — Correspon-
dence : Mr. Ramsay and the greek professorship at Edinburgh. (Ram-
say.) — The lost médical workof Marat. (Morse Stephens : l'auteur de
la note a découvert un exemplaire de l'ouvrage depuis lontemps recher-
ché et qu'on ne connaissait que par son titre : « An enquiry into
the nature, cause and cure of a singular disease of the eyes », de
Marat; l'ouvrage est intéressant parce qu'il nous fait connaître les
idées scientifiques de Marat et la chronologie de sa vie; Marat cite cer-
taines opérations qu'il a faites; on peut conclure qu'il n'était pas profes-
seur de français, comme on l'a prétendu, mais médecin.) — Philologi-
cal books (Tiele, History of the egyptian religion, translated by
Ballingal; Rob. Brown, The law of kosmic order; etc.) — The princi-
pe of analogyin the évolution of speech. (Keane). — Leader Scott,
Ghiberti and Donatello, with other early italian sculptors. — The Boo-
lak Muséum (Am. B. Edwards).
The Athenaeum, n° 2867, 7 octobre 1882 : A Lang, Helen of Troy. —
Graetz, Kritischer Kommentar zu den Psalmen, nebst Text und Ue-
bersetzung. — Capello a. Ivens, From Benguella to the territory of
Yacca, description of a journey into Central and West Africa. —
Archaeological Survey of India : report of Tours in the Central Doab
and Gorakhpur in 1874-74 and 1875-76. Vol. XII. — Baker, The
history of Scarbrough from the earliest date. — The Vinaya Pita-
kam, edit. by Oldenberg. III a. IV; Vinaya Texts, translated from
the Pâli by Rhys Davids a. Oldenberg. I. — Leibnitz's plan for an
egyptian expédition. — Education in Hungary, I. (Mahaffy.) — The
sacred hawk of Reseph al Arsuf. (C. Clermont-Ganneau.) — The
Prince's visit to the Holy Land. — Perry, Greek and roman sculpture,
a popular introduction to the history of greek and roman sculpture. —
Blanchard Jerrold, The life of George Cruikshank, in two epochs.
2 vols. — Notes from Rome. (Lanciani.)
Deutsche Literaturzeitung, n° 37, 16 septembre 1882 : Thoma, die ?Gene-
sis des Johannes-Evangeliums , ein Beitrag zu seiner Auslegung,
Geschichte und Kritik. (Wendt : « gross angelegtes und mit Breite und
Eleganz ausgefûhrtes Werk »). — W. Meyer, Die Geschichte des Kreuz-
holzes vor Christus. (W. Meyer fait suivre rapidement son édition de
« la Vita Adae et Evae » d'un travail excellent sur la légende de l'his-
toire du bois de la croix avant Jésus ; son travail repose sur des maté-
riaux étendus et en partie difficilement accessibles et par là rejette déjà
dans l'ombre les études méritoires de Piper et de Mussafia.) — Michelis,
Platons Theâtet. (Heitz : doit être compté parmi les livres, qui ont
donné cours à cette opinion, que les Allemands sont plutôt en état
d'écrire beaucoup de livres que d'écrire un bon livre; de la pénétration,
mais méthode purement scolastique et « selbstinfallibilitât », nombre
incroyable de légèretés.) — Ziegler, Die Ethik der Griechen und Rô-
mer. I . (Gizycki : du soin ; l'ouvrage repose sur le grand travail de
Zeller, auquel il est dédié, mais reste bien loin derrière sonjmodèle ; ceux
qui étudient l'éthique devront lire plutôt Zeller que Ziegler; des con-
tradictions, et parfois de bonnes pensées, mais qui ne sont pas aussi origi-
nales que le croit l'auteur). — Mhan-su-faer, Die Notwendigkeit u.
Môglichkeit einer kraftigeren Zusammenwirkung der Volker auf dem
Gebiete der Kindererziehung , speciell des Volksschulwesens. (Sall-
wûrk : l'auteur étranger qui vit à Bonn, demande une réforme pédagogi-
que opérée par un congrès international.) — Le livre de Sibawaihi, traité
de grammaire arabe par Sibouya dit Sibawaihi, texte arabe d'après les mss.
du Caire, de l'Escurial, d'Oxford, de Pétersbourg et de Vienne p. p.
Hartwig Derenbourg. I. (Siegm. Frânkél : cette publication était depuis
longtemps un vif souhait des arabisants ; l'édition actuelle répond entiè-
rement, pour la correction et le soin, à toutes les exigences ; puisse venir
bientôt la seconde partie.) — Polak, Ad Odysseam ejusque scholiastas
curae secundae. (Hinrichs : l'auteur, élève de Cobet, a des connaissan-
ces solides et sûres, une méthode soignée et prévoyante; grand savoir,
diligence très louable, pénétration et exactitude ; en un mot, une foule
de contributions importantes à la connaissance de la langue et du style
de Didyme, d'Hérodien, de Porphyre, etc.) — Engelbrecht, De scolio-
rum poesi. (Hiller : travail digne de louange.) — K. Weinhold, Die
deutschen Frauen in dem Mittelalter. (Roediger : 2e édition d'un livre
qui a gagné en toutes choses, pour le fond et la forme, et qui mérite
d'être consulté plus assidûment que jamais.) — Briefe von Charlotte
von Kalb an Jean Paulu. dessen Gattin,p. p. NERRLiCH(Urlichs : édition
bienvenue.) — R. v. Gottschall, Die deutsche Nationallitteratur des
neunzehnten Jahrhunderts. (Er. Schmidt : 5e édition en quatre volu-
mes dont le premier n'a aucun mérite ; quant aux trois autres, ils por-
tent la marque de la hâte et de l'incertitude; ne comprend pas Novalis;
ne sait rien de l'école historique de J. de Mûller à Duncker ; etc., etc. ;
erreurs nombreuses ; oublis choquants ; style négligé ou emphatique ;
l'auteur dit de Rûckert : « le chameau de sa sagesse marche à travers
maint désert, mais il est chargé des outres les plus fraîches », et de
Schall « les manches retroussées, il puise avec sa grande cuiller dans la
terrine fumante de la soupe de la vie sociale et en sort quelques mor-
ceaux d'exquise humour » , il est vrai, quelques bons mots, quelques
critiques saines, mais il y a dans ce livre trop de mauvais et trop peu
de bon.) — Sanders, Neue Beitrâge zur deutschen Synonymik. (Heyne :
(t ein im ganzen recht gutes Bûchelchen », petit livre fort bon comme
tout ce que fait Sanders.) — Shakespeares Selbstbekenntnisse, nach zum
Theil noch unbenutzten Quellen hrsg. v. Fritz Krauss. (Al. Schmidt :
titre qui promet beaucoup ; l'ouvrage montre quelles routes dangereuses
a prises la critique shakespearienne; c'est un tissu de fausses supposi-
tions, de contre-sens, etc.; on croirait presque que, comme l'écrit de
Vinning sur Hamlet, le livre de Krauss est une satire de la « shakespearo-
logie » contemporaine.) — Hooft van Iddekinge, Friesland en de Friesen
in de middeleeuwen. (Gallée : l'auteur, mort depuis, voulait donner un
exposé détaillé de l'histoire des monnaies en Frise au moyen-âge ; beau-
coup de fausses conjectures sur l'histoire proprement dite ; mais ouvrage
de grande valeur pour l'histoire monétaire.) — Chéruel, Histoire de
France sous le ministère Mazarin. I. (Schirren : suite excellente de l'ou-
vrage du même auteur sur la minorité de Louis XIV.) — Kluckhohn
Aus dem handschriftlichen Nachlasse L. Westenrieders. I. Denkwûr-
digkeiten und Tagebûcher (Th. H.). — Liv. — Est — und Curlândi-
sches Urkundenbuch, begrûndet von Bunge, fortges. v. Herm. Hilde-
brand. VII. 1423-1429. — Theodosius, de situ Terrae Sanctae im
echten Text u. der Breviarius de Hierosolyma, vervollstândigt p. p.
Gildemeister, (Furrer : édition critique fort remarquable.)
Philologische Rundschau, n° 32, 5 août 1882 : Ad. Faust, Homerische
Studien (Dûntzer : erreurs.) — Lueck, De comparationum et transla-
tionum usu Sophocleo (Metzger : suite d'un travail soigné). — ' Koechly,
Akademische Vortràge und Reden, neue Folge (Sôrgel.) — Mewes,
De codicis horatiani, qui Blandinius Vetustissimus (V) vocatur, natura
atque indole (Kukula : source de déceptions). — Kloucek, Vergiliana
(Glaser : utile). — Koch, Schulwôrterbuch zur Aeneide. — P. Devaux,
Études politiques sur les principaux événements de l'histoire romaine,
Hachette (posthume; à lire malgré les défauts ; longueurs sur les temps
mythiques; critique ultra -conservatrice en matière d'histoire romaine;
rex, consul, etc., tirés du [celte; idées neuves sur les motifs de l'expédi-
tion d'Hannibal.) — Fr. Haase, Vorlesungen iiber lateinische Sprachwis-
senschaft,BandII,hgg.vonH.Peter (Saalfeld: utile). — Schmfxzer, Grie-
chische Syntax fur die Oberklassen (Gidionsen). — Schneegans, Abt
Johannes Trithemius und Kloster Sponheim (Reichling : médiocre va-
leur scientifique). — Seldner, Lessings Verhàltnis zur altrômischen Ko-
môdie (Steinhoff : quelques passages concernent Plaute , Amph.,
Gapt. et Trin.)
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
fi* 44 Seizième année 30 Octobre 4882
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D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
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(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
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HISTOIRE DE L'HELLÉNISME ££ï"-
çais sous la direction de M. A. Bouché-Leclercq. 3 forts volumes in-8°. . 3o »
Tome I. Histoire d'Alexandre- le-Grand.
Tomes II et III. Les successeurs d'Alexandre.
L'ouvrage paraît en 3o fascicules à i fr. 25.
Le fascicule 1 vient de paraître.
l'histoire dé l'hellénisme de j.-g. droysen forme la suite et le
complément de l'histoire grecque de curt1us.
LES MOUVEMENTS DU SOL !i T
France et particulièrement dans le golfe normanno- breton, par Alexandre
Chévremont. Un beau volume gr. in-8°, illustré de 14 planches en couleur. i5 »
Ouvrage honoré d'une récompense par l'Académie des Sciences et d'un rapport
favorable de M. Alfred Maury de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
TP T ÏVR F HPÇ MORTQ des anciens Egyptiens. Traduc-
L.JC L.1 Y IV Er LJJZZ) iVl^/lX 1 O tion complète avec notes et
index) par Paul Pierret, conservateur du Musée égyptien du Louvre. Un fort vo-
lume in-18 de 65o pages . . . . îo »
PÉRIODIQUES
The Academy, n° 543, 3o septembre 1882 : Leslie Stephen, Swift.
(Dowden.) — Capello a. Ivens, From Benguella to the territory of
Yacca, description of a journey into Central and West Africa. —
Thornton, Foreign secretaries of the nineteenth century, vol. III.
(Courtney : beaucoup de bienveillance, pas un « foreign secretary » qui
n'ait été digne de ses hautes fonctions, quelques points contestables.) —
Eug. Rolland, Faune populaire de la France, tome V ; les mammi-
fères domestiques, deuxième partie (Ralston). — « Euskarian » or
« neolithic » (Webster). — The folio alterers of » Shakspere's text. (Fur-
nivall). — A gipsy letter. — An anglo-saxon dictionary, based on
the ms. collections of the late Joseph Bosworth, edited a. enlarged by
T. Northcote Toller. I a. II. (Skeat : ouvrage très important auquel il
faut souhaiter une prompte continuation.) — The Yi-King. (Legge.)
— N° 544, 7 octobre 1882 : A. Lang, Helen of Troy. —
Laurie, The training of teachers and other educational papers. — A
register of the scholars admitted into Merchant Taylor's School. I. 1 562-
1699 by C. J. Robinson. (Round). — Opéra patrum apostolicorum,
éd. Funk. Vol. II. démentis Rom. Epistulae de Virginitale ejusdem-
que Martyrium, Epistulae Pseudo-Ignatii, Ignatii Martyrii tria, Vatica-
num, a Simeone Metaphrasta conscriptum, Latinum; Papiae et senio-
rum apud Irenaeum Fragmenta; Polycarpi Vita. (Bellesheim : sera uti-
lement consulté par tous ceux qui étudient l'histoire ecclésiastique.) —
In Memoriam Evelyn Philips Shirley. (Edm. Ch. Waters). — A compé-
tition of basque improvisatores (Wentworth Webster : très intéressant
récit d'un concours d'improvisation poétique entre Basques, qui a eu lieu
le lundi 1 1 septembre à Sare, dans les Basses-Pyrénées.) — Correspon-
dence : Thomas Wedgwood (Julia Wedgwood). — The octavo « bree-
ches » New Testament of 1575. (Dore). — The etymology of « Kestrel »
(Skeat). — « Euskarian » (Vinson et Harrison). — University Col-
lège, Bristol. (Ramsay.) — Lenormant, Les origines de l'histoire d'après
la Bible. Vol. II. (Sayce : même clarté d'exposition, même savoir
étendu, moins d'intérêt que dans le premier volume, mais la faute en
est au sujet, et non à Fauteur.) — Foreign translations of the Society
for promoting Christian knowledge. — The Yih King (Douglas). —
The psychology of buddhism. (Bastian) — A. Michaelis, Ancient mar-
bles in Great Britain, translatée! from the german by Fennell. — The
Copts of Egypt and their churches. III. (J. Henry Middleton.)
The Athenaeum, n° 2868, 14 octobre 1882 : Holland, Stories from Ro-
bert Browning. — Kuenen, National religions and universal religions.
— Anatole Leroy- Beaulieu, L'empire des tsars et les Russes, tome II,
les institutions. (Digne du premier volume et mérite les mêmes éloges.)
— Hilton, Chronograms. — Oriental literature. (Revue de l'Extrême
Orient, publiée sous la direction de M. Henri Cordier, I et II : pre-
miers numéros qui sont pleins de promesses, articles de grande valeur,
mélanges bien choisis, bibliographie très complète et qui, continuée avec
soin, sera du plus grand secours; Lanzone, Dizionario di mitologia egi-
zia. I-II.) — « Tylney Hall » (Tegg). — Roby's « traditions of Lan-
cashire » (Trestrail). — Education in Hungary, II. (Mahaffy.) — Baron
de Cosson a. W. Burges, Ancient helmets and examples of mail.
Deutsche Litteraturzeitung, n" 38, 23 septembre 1882 : Kraus, Lerhbuch
der Kirchengeschichte fur Studierende (Fund : 2e édition de cet ouvrage
qui n'a pas besoin d'être recommandé). — S. J. Herzog, Abriss der ge-
sammten Kirchengeschichte. III. Das Zeitalter der Reformation, etc. —
Rud. Hirzel, Untersuchungen zu Ciceros philosoph. Schriften, II. De
finibus, de Officiis (Wellmann : trop long, exposition un peu confuse,
mais beaucoup de détails instructifs et dignes de remarque). — J. Na-
than, Kants logische Ansichten und Leistungen (Vaihinger : la tâche
était trop vaste pour un débutant). — Nathanis Chytraei Ludi litterarii
ab amplissimo senatu Rostochiensi in civium suorum utilitatem nuper
aperti Sciographia. Rostochii i58o, hrsg. v. Gustav Timm (Paulsen). —
Carmina veteris testamenti metrice, notas criticas et dissertationem de re
metrica Hebraeorum adj. G. Bickell et Dichtungen der Hebràer, zum
ersten Maie iibers. v. G. Bickell. I. (Baethgen). — Niese, Die Entwic-
kelung der homerischen Poésie (Hinrichs : livre depuis longtemps pro-
mis, et qui désappointe, ne donne pas une solution acceptable de la
question homérique). — Plutarque, Vie de Cicéron, p. p. Graux (édi-
tion qui a une valeur scientifique). — Burchard Waldis, Esopus hrsg.
v. Tittmann (Baechtold : édition très soignée). — Duntzer, Lessings
Leben (A Noël 1879, une Vie de Gœthe ; à Noël 1880, une Vie de Schil-
ler; à Noël 1881, une Vie de Lessing, c'est aller vite, même pour un
vétéran de la science; mais pourquoi écrire contre Duntzer; il est trop
facile de relever les faiblesses de ce micrologue, et personne ne conver-
tira son obstination ; pourtant il faut répéter que Duntzer manque de
goût, qu'il ne sait pas distinguer l'important et le superflu, que le talent
d'exposition lui fait défaut. Il travaille avec ardeur, mais on ne lit pas
ses ouvrages sans un indicible ennui, ce sont à peine des livres utiles à
consulter; partout du « krimskrams », pas d'idée nouvelle, des regestes,
des matériaux non dégrossis, etc.; tout cela n'empêchera pas Duntzer
d'immoler à Noël 1882 un quatrième classique). — Gœthes Dichtung u.
Wahrheit, erlâutert von Duntzer (Lichtenstein : ce second commen-
taire, après celui de Loeper, était-il bien utile?) — Schôll, Gœthe in
Hauptzûgen seines Lebens und Wirkens (L. Hirzel : en son ensemble,
le livre le plus nourri et le plus profond qui ait été écrit sur Gœthe). —
Sybel (H. von), Entstehung des deutschen Kônigtums (Kaufmann :
2e édition qui paraît 38 ans après la première; elle est remaniée dans
toutes ses parties et essentiellement améliorée; l'adversaire même ne
quittera pas le livre « ohne manigfaltige Anregung, Belehrung und viel-
fàltigen Genuss »). — Arnold Ruge, Geschichte unserer Zeit von den
Freiheitskriegen bis zum Ausbruche des deutsch-franzôsischen Krieges
(Koser). — Summa Gerhardi, ein Formelbuch aus der Zeit Kônigs Jo-
hann von Bôhmen, 1 3 36- 1345, hrsg. v. Tadra. — Domke, Die Viril-
Stimmen im Reichsfûrstenrat von 1495- 1654.
— N° 39, 3o sept. 1882 : Holtzmann et Zoepfel, Lexikon fur
Théologie u. Kirchenwesen. (Pfleiderer : très bon guide à recom-
mander et aux théologiens et aux laïques). — Joannis Calvini
opéra quae supersunt omnia, p. p. G. Baum, Ed. Cunitz, Ed. Reuss.
Vol. XXIII. Corpus Reformatorum, vol. LI. (Kolde : commence la 3e
partie des œuvres de Calvin, qui renfermera les œuvres exégétiques et
homilétiques). — Rolph, Biologische Problème. — V. Egger, La parole
intérieure. (A. Riehl : intéressant pour le psychologue et le linguiste
observations exactes, réflexions pénétrantes et profondes). — L. Mabil-
leau, Etude historique sur la philosophie de la Renaissance en 'Italie,
Cesare Cremonini. (F. Schultze : travail fait avec un grand soin). — Die
Universitàt Freiburg seit dem Regierungsantritt Sr. Kônigl. Hoheit d.
Grossherzogs Friedrich v. Baden. — Winers chaldàische Grammatik flir
Bibel und Targumim, 3e Aufl. pp. Bernh. Fischer. (J. Barth : travail
déplorable, livre qui, sous cette forme, n'a aucune valeur et sera nuisible
à l'étudiant). — P. Girard, L'Asclépieion d'Athènes. (Wilamowitz : art.
de discussion). — V. Cucheval, Histoire de l'éloquence latine depuis l'o-
rigine de Rome jusqu'à Cicéron, d'après les notes de M. Ad. Berger.
(Reifferscheid : au dessous du niveau qu'ont atteint aujourd'hui en
France les études de l'antiquité). — Jebb, Bentley. Londres, Macmillan,
(F. Léo : récit très attachant, fait avec un sens philologique clair et beau-
coup de finesse ; c'est bien là la puissante personnalité scientifique de
Bentley, obscurcie par des petitesses et des violences de langage). — Th.
Zahn, Cyprian von Antiochien u. die deutsche Faustsage. (Zoepffel .
préfère la première partie à la seconde). — Das Volksschauspiel Doctor
Johann Faust, hrsg. v. K. Engel. — Goethes Faust, ein Fragment, p. p.
Holland et Seuffert. (D. Jacoby). — Creizenach, Die Bûhnengeschichte
des Doctor Faust. (Seuffert : bon travail). — Thomas ot Erceldoune
hrsg. v. A. Brandl. (Ten Brink : édition instructive). — Luigi Tansillo,
poésie liriche, p. p. Fiorentino (A. Tobler). — Tartara, dalla battaglia
délia Trebbia e quella dal Trasimeno (Holm : mérite grande attention).
— Preussen u. Frankreich von 1795 bis 1807, p. p. BAiLLEu(Iraacsohn :
publication de grande valeur et de grand intérêt). — Andraeas, der Or-
den der Odd-Fellows. — Nachtigal, Sahara u. Sûdân. II. — Ed. de La
Fontaine, Luxemburger Sagen und Legenden. (E. H. Meyer : recueil
fait avec soin, mais les légendes n'ont pas une grande valeur). — Lord
Ronald Gower, Die Schàtze der grossen Gemàlde-Gallerien Englands.
Ie Lief. — Al. Franken, Romanisten und Germanisten. — F. Mangold,
der Bûrgerkrieg in den Vereinigten Staten, Der Feldzug in Nordvirgi-
nien im August 1862. (L'ouvrage le plus remarquable qui ait paru sur
la guerre de la sécession.
Theologische Literaturzeitung, n° 20, 7 octobre 1882 : Theodosius, de
situ Terrae Sanctae, éd. Gildemeister (Furrer : très grand soin, nom-
breuses explications intéressantes). — Vilmar, Collegium biblicum,
Êrakt. Erklàr. der heiligen Schrift Alten u. Neuen Testaments. IL Das
uch Josua bis Esther. (Holtzmann.) — Menegoz, Le péché et la ré-
demption d'après saint Paul. (Wendt.) — Kraus, Lehrbuch der Kir-
chengeschichte fur Studierende. (Harnack : 2e édition, le livre n'a pas
été modifié.) — Zahn, Cyprian von Antiochien u. die deutsche Faust-
sage. (Bonwetsch.) — Friedrich, Beitrâge zur Geschichte des Jesuiten-
ordens. (Môller.) — Brosch, Geschichte des Kirchenstaates. IL 1700-
1870. (Benrath : très intéressant et instructif.) — Braun, Protestantismus
u. Sekten. — ScHàFER, Bibel und Wissenschaft. (Thônes.) — Riehm,
Religion u. Wissenschaft.
Athenaeum belge, n° 19, ier octobre 1882 : Wauters, Table chronolo-
gique des chartes et diplômes imprimés concernant l'histoire de la Bel-
gique. Introduction au tome VI. 1881. (Bruxelles, Hayez.) — Corresp.
de Paris (Fabre, La jeunesse de Fléchier; de Magnienville, Le maré-
chal d'Humières; Campardon, Les prodigalités d'un fermier-général;
Nauroy, Le secret des Bourbons ; G. Augustin Thierry, Le capitaine
Sans-Façon; Macaulay, Essais, VIII, trad. par G. Guizot.) — Fouilles
exécutées parla société archéologique de Namur en 1880. III. — Ju-
les César et les Eburons. (Rapport du général Liagre sur le travail de
M. Henrard) — L'institut de droit international. — Chronique (No-
tices sur les fondations pieuses et charitables des marchands flamands
en Espagne).— Philippson, Westeuropa im Zeitalter von Philipp II,
Elisabeth u. Heinrich IV.)
Le Puy, imprimerie Marckessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
A0 45 Seizième année 6 Novembre 1882
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
de MM. S. GUYARD, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Pans, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
libraire de la société asiatique
de l'école des langues orientales vivantes etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction À M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
ERNEST LEROUXTeIMTE^
RECUEIL DE VOYAGES ET DE DOCUMENTS POUR SERVIR
A L'HISTOIRE DE LA GÉOGRAPHIE
DEPUIS LE XIIIe SIÈCLE JUSQU'A LA FIN DU XVIe SIÈCLE
Sous la direction de M. SGHEFER, membre de l'Institut, et de M. H. CORDIER.
Cette collection, imprimée avec le plus grand soin sur très beau papier, est tirée à
25o exemplaires , plus 25 sur papier vergé de Hollande.
I. JEAN ET SÉBASTIEN CABOT, "
leurs voyages. Etude d'histoire critique, suivie d'une cartographie, d'une biblio-
graphie et d'une chronologie des voyages au Nord-Ouest, de 1497 à i56o, d'après
des documents inédits, par M. Henry Harrisse. i beau vol. grand in-8, avec un
portulan reproduit en fac-similé par Pilinski 2 5 fr.
— Le même, sur grand papier de Hollande 40 fr.
II. LE VOYAGE DE LA SAINCTE CYTÉ
DUïCDTÎC A T EA/I fait l'an mil quatre cens quatre vingtz.
E 111Jl,I\U jA L-ClVl, estant le siège du Grand Turc à Rhodes
et régnant en France Loys unziesme de ce nom. Publié par M. Schefer. i beau
vol. gr. in-8 16 fr.
— Le même, sur grand papier de Hollande 25 fr.
III. LES CORTE REAL ET LEURS VOYA-
GES AU NOUVEAU MONDE, ^STJt
veaux ou peu connus, tirés des archives de Portugal et d'Italie, suivi du texte inédit
d'un récit de la troisième expédition de Gaspard Corte Real et d'une carte portu-
gaise de l'année ibo2, reproduite ici pour la première fois en photogravure et en
chromolithographie. 1 vol. et une carte en étui 2.5 fr.
PÉRIODIQUES
The Academy, nG 545, 14 octobre 1882 : Farrar, The early days of
christianity. (Drummond.) — The friendships of Mary Russell Mitford,
as recorded in letters from her literary correspondents, edited by
L'Estrange. (Dowden.) — Ornsby, York. « Diocesan historiés » (Fow-
ler). — Sarborn, Henry D. Thoreau. « American men of letters ».
(Désappointe, parle trop de Concord et pas assez de Thoreau, livre mal
proportionné.) — Perret, Les Pyrénées françaises. (W. Webster.) —
— Some foreign books of history (Baumgarten, Vor der Bartholomaus-
nacht; Combes, L'entrevue de Bayonne ; Morosi, L'invito di Eudos-
sia a Gensenio ; Scheffer-Boichorst, Aus Dante's Verbannungszeit ;
Hubert, La condition des protestants en Belgique de Charles Quint à
Joseph II). — Popular names of fishes (Houghton). — Euskarian.
(Isaac Taylor.) — The origin of the Roumanians (Fairfield). — The
Merchant Taylor's registers. — The New Testament of i5y5 (Zupitza).
— P. Vergilii Maronis Opéra, with an introd. a. notes by Papil-
lon. 2 vols. (Wilkins : ce n'est pas l'idéal d'un commentaire de Vir-
gile, mais cette édition approche de l'idéal plus que toute autre édition
anglaise.) — Dr. Schliemann's « Ilios ». — The Copts of Egypt and
their churches. III. (Middleton.)
Literarisches Centralblatt, n° 37, 9 septembre 1882 : Stier, Kurzgef. he-
brâische Grammatik. — Hoffmann, Bibelforschungen, I. — Kôrner,
Tezel, der Ablassprediger (très soigné). — Kolber , Schopenhauer's
Erlosungslehre. — Duboc, Der Optimismus als Weltanschauung. —
Heidemann, Die Mark Brandenburg unter Jobst von Mâhren (Travail
très utile qui dissipe tout le romanesque introduit par Klôden dans
l'histoire de ce temps-là). — Leist, Urkundenlehre, Katechismus der
Diplomatik, Palaographie, Chronologie u. Sphragistik (Ouvrage qui ré-
pond à un besoin sensible et qui sera un guide bienvenu aux commen-
çants.)— Pernwerth von BâRNSTEiN, Beitrâge zur Geschichte 11. Litera-
tur des deutschen Studententhums (Intéressant). — Schlagintweit,
Indien in Wort und Bild. — Loehnis, Die wichtigsten Ergebnisse ei-
ner Informationsreise in die Levante an Bord des Dampfers Lucifer. —
Brûlcke, Die Entwickl. der Reichsstandschaft der Stàdte, ein Beitrag
zur Geschichte der Reichstage von der Mitte des XIII. bis ziirn Ende
des XIV. Jahrhunderts. — Calmann, Etymolog. Grundsàtze und Auf-
sàtze. — Celtes1 fûnf Bûcher Epigramme, hrsg. v. Hartfelder (Bonne
édition avec notes). — Gregorius von Hartmann von Aue, u. Der arme
Heinrich, hrsg. v. Paul (Très louable). — Schmelzer, Vom hôheren
Schulwesen. — Rollett, Die Gœthe-Bildnisse, III.
N° 38, 16 septembre 1882 : Ableiter, hebrâisches Vokabularium in
alphab. Ordnung. — Orelli, die alttestamentl. Weissagung v. d. Vol-
lendung des Gottesreiches in ihrer geschichtl. Entwickelung. — Heman,
Die Erscheinung der Dinge in der Wahrnehmung. — Plumacher,
Der Kampf um's Unbewusste. — Czerny, Der erste Bauernaufstand in
Oesterreich i525 (très bon travail d'un chanoine, bibliothécaire de
Saint-Florian). — Reissenberger, Prinzessin Maria Christierna von
Innerôsterreich. 1 574-1631. (Histoire d'une princesse qui fut, elle aussi,
une malheureuse victime de la politique; elle était mariée à l'impuissant
Sigismond Bathory). — Doehn. Die Administration der Pràsidenten U.
S. Grant und R. B. Hayes. (Recueil d'essais vieillis qui ne se distin-
guent ni par l'originalité de la pensée ni par la fraîcheur de l'expression ;
à quoi bon rééditer ces correspondances de la tante Voss et de « Unsere
Zeit », où il n'y a pas une idée neuve ; ce livre ressemble à du foin en-
fermé et semé dans un bel album ; tant pis pour le papier qui est ma-
gniJique). — Braune (Th.), observationes grammaticae et criticae ad
usum ita sic tam {tamen) adeo particularum Plautinum ac Terentium
spectantes. (Latin médiocre, n'épuise pas le sujet, beaucoup de choses té-
méraires ou insuffisantes). — Messire Thibaut, Il romanz de la poire,
p. p. Stehlich. (L'auteur a trop présumé de ses forces et n'a pas fait, du
reste, tout ce qu'il pouvait faire). — Morel-Fatio, Calderon, revue criti-
que des travaux d'érudition publiés en Espagne à l'occasion du second
centenaire de la mort du poète. (Communications précieuses d'un con-
naisseur très estimé de la littérature espagnole). — Gcethe'sDichtung u.
Wahrheit, erlàutert v. Dûntzer (En ce qui concerne le commentaire,
tout à fait inutile à qui possède l'édition de Loeper, mais la Ire partie,
qui renferme l'introduction, contient beaucoup d'informations intéres-
santes). — Lasaulx, Die Bausteine des Kôlner Dômes. — Das Nibe-
lungenlied, in der Octave nachgedichtet von Adalbert Schroeter. (Le
poète s'est brillamment acquitté de sa tâche ; il y a dans ses vers une har-
monie et dans sa diction un éclat que l'on ne rencontre aujourd'hui
que chez peu de poètes ; publication de très haute valeur qu'il faut
répandre dans le grand public).
Philologische Wochensehrift, n° 3i, 5 août 1882 : K. L. Roth, Griech-
ische Geschichte, 3. Aufl. v. Westermeyer (G. J. Schneider : bon, mais
ne convient pas à la lecture en classe.) — Trzesohlavy, sur des contra-
dictions réelles ou prétendues dans le premier chant de l'Enéide, en
tchèque (Neudoerfl). — C. Taciti de moribus Germanorum libellus,
édition revue, etc., par M. E. Dupdv. Delalain. 1881 (ne donne pas,
comme le promet la préface, «les résultats de l'érudition moderne»; l'au-
teur ignore Gantrelle, exploite mal Orelli, Halm, Nipperdey, Mûl-
lenhoff; orthographe défectueuse; erreurs de critique 'verbale, de géo-
graphie; l'intention de comparer les Germains aux Romains est
méconnue.) — Deecke, Etruskische Forschungen und Studien
(Gruppe : la méthode n'est pas celle de Champollion ou de Grotefendj.
N° 32, 12 août 1882 : Lucian Mueller, Zwôlf Oden und Epoden des
Horaz, im Versmass der Urschrift ûbersetzt (Hirschfelder) . — Pluess,
Horazstudien, alte und neue Aufsâtze ûber Horazische Lyrik (Hirsch-
felder : chaude recommandation.) — Schindler, Observationes criticae
et historicae in Terentium (Draheim : sensé). — Viliiers Stuart, The
funeral tentof an Egyptian queen, printed in colours from the author's
drawings taken at Boulak (H. Bfrugsch] : l'auteur n'est pas du métier,
mais décrit agréablement).
N° 33, 19 août 1882 ; Pierret, Le décret trilingue de Canope. Le-
roux, 1881 (H. : mauvais). — ' Kraffert, Beitrâge zur Kritik und Er-
klàrung lateinischer Autoren. — Braune, Observationes grammaticae
et criticae ad usum « ita sic tam tamen adeo » particularum Plautinum
ac Terentianum spectantes (Mosbach : article détaillé). — Dietrich, Dr.
Hermann Warschauers Uebungsbuch zum Uebersetzen aus dem Deut-
schen in das Lateinische, Vokabularium im Anschluss an Dr. H. War-
schauers Uebungsbuch. /
Philologische Rundschau, n° 33, 12 août 1882 : Maerkel, Platos Idealstaat
dargestellt und mit besonderer Rûcksicht auf die moderne Zeit beurteilt
(éloge). — Leuchtenberger, Dispositive Inhaltsûbersicht der drei Olyn-
thischen Reden des Demosthenes (Sôrgel : diffus). — Roeder, Ueber C. G.
Cobets Emendationen der attischen Redner, insbesondere des Isaios
(Zurborg : bonne défense de la tradition dans une quinzaine de passages).
— Albii Tibulli carmina selecta. Torino, stamp. Paravia (Rossberg :
nulle valeur scientifique; ne serait pas à imiter en Allemagne). — Vah-
len, Ueber zwei Elegien des Propertius (Heydenreich : bonne défense
de l'ordre traditionnel des vers, contre Lachmann). — The life of Agri-
cola and Germany, by P. Cornélius Tacitus, edited by W. F. Allen.
Boston, Ginn, HeathandCo., 1881 (Eussner : des défauts, mais « gesch-
mackvoll und irri Ganzen brauchbar »). — Hillen, Die alttestamentli-
che Chochma, der platonisch-philonische Logos und der chinesische
Tao (H. F. Mûller : catholique; si Lao-Tse connaît la Trinité, c'est
que, dans leur migration après le déluge, les Chinois en ont emporté la
notion, révélée dans le Paradis-à Adam et Eve, et transmise dans les fa-
milles des justes jusqu'au déluge). — Ziemer, Junggrammatische Streif-
zûge im Gebiete der Syntax (Kautzmann : histoire manquée de la jeune
école linguistique; les théories sont à lire). — Woltjer, Oratio de summi
philologi imagine cuique philologiae studioso spectanda. Groni ngae,
Wolters (Muff : éloges). — Poelchau, Das Bûcherwesen im Mittel alter
(Hamann : a pu plaire à l'auditoire dans l'aula du gymnase municipal
de Riga, mais ne doit pas être imprimé impunément en Allemagne). —
Heussner, Johann-Heinrich Voss als Schulmann in Eutin (méthode ri-
goureuse employée dans l'enseignement par le célèbre traducteur-poète;
son dédain pour les exercices d'école en langue latine). — Annonce
d'une réimpression de feu Baumstark, Cornelii Taciti Germania, plai-
dant les circonstances atténuantes pour ses vivacités de polémique.
N° 34, 19 août 1882 : C. Rothe, De vetere, quem ex Odyssea Kirch-
hoffius eruit, N02TQI (Gemoll : 12 pages seulement sur 29 ont de la va-
leur; latin peu cicéronien). — Keck, Ein kleiner Beitrag zur Erklârung
und Verbesserung von Sophokles1 Antigone (Metzger). — Schûtz, Q. Ho-
ratius Flaccus Satiren (article de 10 colonnes : un peu trop savant pour
les classes). — Kolster, Vergils Eklogen in ihrer strophischen Gliede-
rung nachgewiesen mit Kommentar (Glaser : procède « à la Prokustes »
[sic]). — Bernstaedt, Tibulls Elegieen in das Deutsche ûbersetzt (Ross-
berg). — Thomé, De Flori rerum scriptoris elocutione (Georges : appro-
fondi; soutient l'identité avec Florus le poète, et avec Florus auteur du
fragment sur Virgile orateur ou poète). — Hamann, Weitere Mitteilun-
gen aus dem Breviloquus Benthemianus, enthaltend Beitrâge zur Text-
kritik der Vulgata, nebst einem Anhang : Abschnitte aus dem Liber de-
rivationum des Ugutio von Pisa (Rônsch : précieux ; emploi regrettable
des Glossaria Labbaei). — O. Wolff, Quaestiones Iophonteae (Metz-
ger : résultat non proportionné au travail ; l'action intentée contre So-
phocle serait une fiction d'un comique).
Theologische Literaturzeitung, nr 21, 21 octobre 1802 : Zôckxer, Hand-
buch der theologischen Wissenschaften in encyclopàdischer Darstellung
mit besond. Rûcksicht auf die Entwickelungs-geschichte der einzelnen
Disciplinen. (Nestlé : ce commencement de l'ouvrage est assez bon, mais
n'est pas destiné à faire avancer la science théologique.) — Kûhn. Eze-
chiels Gesicht vom Tempel der Vollendungszeit. — The New Testa-
ment in the original greek, the text revised by Westcott a. Hort.
(Long art. de Bertheau.) — Buss, Winfrind-Bonifacius, aus dem literar.
Nachlasse, hrsg. v. R. von Scherer. (Zoepffel : le texte de Buss n'en-
richit pas la science, mais les remarques de Scherer méritent la plus
grande attention et apprennent bien plus que la plupart des monogra-
phies contemporaines sur Boniface.) — Pfahler, St Bonifacius u.
seine Zeit. (Zoepffel : très louable.) — Engelbach, Die Frauen der heili-
gen Schrift, dem deutschen Hause gewidmet. (Strack.)
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
N0 46 Seizième année 13 Novembre 1882
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Sous la direction de M. SCHEFER, membre de l'Institut, et de M. H. CORNER.
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graphie et d'une chronologie des voyages au Nord-Ouest, de 1497 à i56o, d'après
des documents inédits, par M. Henry Harrisse. i beau vol. grand in-8, avec un
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Drj TJTCDT TC A T T7T\/T fait l'an mil quatre cens quatre vingtz,
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et régnant en France Loys unziesme de ce nom. Publié par M. Schefer. i beau
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d'un récit de la troisième expédition de Gaspard Corte Real et d'une carte portu-
gaise de l'année i5o2, reproduite ici pour la première fois en photogravure et en
chromolithographie. 1 vol. et une carte en étui 2.5 fr.
PÉRIODIQUES
The Academy, n° 546, 21 octobre 1882 : HoLLAND,Stories from Brow-
ning. — Cory, A guide to modem english history. II, i83o-i835. —
The Roxburghe Ballads, éd. by Ebsworth. IV, 1. — Schmidt, Die
Ethik der aken Griechen. (Richards : recueil de matériaux, très utile
pour l'histoire de l'éthique grecque, manque trop de clarté, pas de li-
gnes générales.)— Récent school books. — Obituary. Dr. A. C. Burnell
(Max Mûller). — A new celtiberian inscription. (Fita.) — Darwin's re-
ligion. (Ingleby.) — A passage in the « laery queen. » (Mayhew). —
The spelling of romany. (Liiiengro.) — The nationality of the Rou-
mains. (Keary.) — The New Testament ol 1 575 (Dore). — « The Digby
Mysteries ». (Furnivall.) — A catalogue of the sanskrit mss. at Puna.
— Brentano, Troja und Neu-Ilion. (Mahaffy). — Tbe destruction of
Cairo. — The painter Pieter Claesz, of Harlem. (S. Colvin.)
The Athenaeum, n° 2869, 21 oct. 1882 : The friendships of Mary Rus-
sell Mitford, as recorded in letters from her liîerary correspondents,
edited by L'Estrange. (Correspondance qui renferme des passages cu-
rieux.) — Saintsbury, A short history of french literature. (Travail
excellent qui fait grand honneur à son auteur; à certains égards « a
masterpiece » ; traite le sujet de première main; récit clair et limpide; à
la fois bref et complet; plan ingénieux, etc.; quelques défauts, M. Saints-
bury est le dernier romantique.) — Madvig, Die Verfassung und
Verwaltung des romischen Staates. (Ne fera pas époque dans l'étude de
l'histoire romaine; peu de nouveau et trop souvent conservateur et dog-
matique de ton; mais savoir étendu, pas d'hypothèses aventureuses, pas
de fausses analogies, œuvre très utile.) — De Vere, The Foray of Queen
Meave and other legends of Ireland's heroic âge. — The Historye of
the Bermudaes or Summer Islands, edited from a ms. in the Sloane
collection, British Muséum, by gênerai sir J. Henry Lefroy. Hakluyt
Society. — Compulsory registration of book titles. (Hoog.) — Helen in
the Iliad and Odyssey. (Lang.) — Prof. Karl von Halm. — « The Com-
pleat Angler ». (Satchell.) — Thomas Lodge at school (Gosse). — Dr.
Abel's linguistic essays. — Notes from Athens. (Lambros.)
Literarisches Gentralblatt, n° 39, 23 septembre 1882 : Kaulen, Einlei-
tung in die heilige Schrift alten u. neuen Testaments. II, 1. — Kopf-
stein, Die Asaph-Psalmen hist. crit. untersucht. — Rôntsch, Jesus-
Messias, der Herr und sein Volk, ein pragmat. Abriss der evangel.
Geschichte. (Ne renferme rien de nouveau.) — Festschrift der» XXXI
Generalversamml. des Gesammtvereins der deutschen Geschichts-und
Alterthumsvereine zur Begrûssung dargebracht vom Verein fur hes-
sische Geschichte und Landeskunde. — F. Wagner, Berichtigungen u.
Nachtrage zu Minutoli : das Kaiserlich Buch des Markgrafen Albrecht
Achilles. — Wiilib. Mûller, Geschichte der Hauptstadt Olmûtz. (A
recommander beaucoup.) — W. Mûller, Geschichte der Gegenwart,
das Jahr j 88 1 . (Manuel commode dont nous avons rendu compte.) —
Loehnis, Beitràge zur Kenntniss der Levante. — O. Schwebel, Cultur-
historische Bilder aus der deutschen Reichshauptstadt. (Agréable à lire.)
— Nisikânta Chattopadhyaya, The Yâtrâs, or the popular dramas of Ben-
gal. (Donne de nouvelles lumières sur les rapports intimes du drame
indien, mérite qui compense les côtés faibles de l'ouvrage.) — Meister
Ingold, das goldene Spiel, hrsg. v. Edw. Schroder. (Publication faite
avec grand soin.) — C. G. Korner's gesammelte Schritten, p. p. Stern;
et Jonas, C. G. Koerner (Grand éloge de ces deux publications dont
l'une renferme les œuvres complètes, et l'autre, la biographie de Chris-
tian Gottfried Koerner.) — Héron de Villefosse et Thédenat, Cachets
d'oculistes romains. (De bonnes choses dans les éclaircissements, cor-
rections de mainte erreur, un peu trop de développements.) — Meitzen,
Das deutsche Haus in scinen volksthûm lichen Formen ; Henning, Das
deutsche Haus in seiner historischen Entwickelung. — Dreyfus-Brisac,
L'éducation nouvelle, étude de pédagogie comparée. (Intéressant et vi-
vement écrit.)
N°40, 3o septembre 1882 : Kloeper, Der Brief an die Colosser. —
Lohmeyer, Geschichte von Ost-und Westpreussen. I. — Acten der Er-
furter Universitât, p. p. Weissenborn. I. — Rhamm, Hexenglaube u.
Kexenprocesse, vornehml. in den braunschweig. Landen. (Très méri-
toire.) — Petzholdt, Johann Paul Freiherr von Falkenstein, nach sei-
nen eigenen Aufzeichn. (Surtout des souvenirs de la vie privée.) —
L. Havet, De saturnio Latinorum versu. (« Fruit d'études pénétrantes et
de sérieux travail » ; discussion sur la mesure du saturnien.) — Scheffer-
Boichorst, Aus Dante's Verbannung, literar. Studien. (Travail impor-
tant qu'on ne peut recommander assez chaudement à tous les amis de
Dante.) — Linnig, Bilder zur Geschichte der deutschen Sprache. (De
bonnes intentions, mais faible, de dix ans en arrière). — Briefwechsel
zwischen J. u. W. Grimm aus der Jugendzeit, p. p. Hinrichs. (Bien in-
téressant) — Gcethe's Werke, I, Gedichte, i . p. p. Loeper. 2e Auflage.
— O. E. Hartmann, Der rômische Kalender, aus dem Nachlasse des
Verfassers hrsg v. L. Lange (Exposition claire, matériaux rassemblés
avec soin, conclusions qui témoignent de réflexion et de sagacité.)
Gœttingische gelehrte Anzeigen, n° 41, 11 octobre 1882 : Gildemeister,
Theodosius, de situ terrae sanctae im àchten Text u. der Breviarius de
Hierosolyma (Socin : défend Gildemeister contre l'article de Molinier,
voir notre recueil, n° du 24 avril 1882, p. 328). — Ph. v. Segesser,
Ludwig Pfyfer u. seine Zeit. I (Bezold : travail très soigné et très déve-
loppé, fort utile pour la connaissance des guerres de religion). — Pro-
chaska, Codex epistolaris Vitoldi. Magni ducis Lithuaniae 1 376-1430.
N° 42, 18 octobre 1882 : Karl Schmidt, Die Apostelgeschichte unter
dem Hauptgesichtspunkt ihrer Glaubwùrdigkeit krit. exeget. bearbeitet.
I (Overveck). — von Vloten et Land, Spinoza, opéra quotquot reperta
sunt. I (Sigwart).
N° 43, 25 octobre 1882 : Windelband, Die Geschichte der neueren
Philosophie in ihrem Zusammenhange mit der allgemeinen Cultur u.
den besonderen Wissenschaften. I. Von der Renaissance bis Kant. IL
Von Kant bis Hegel und Herbart (Sigwart : ouvrage fort bien fait). —
M. Tullii Ciceronis de natura deorum libri très éd. Mayor (Iwan Mill-
ier : « édition méritoire qui, d'une part, enrichit nos connaissances sur la
destinée qu'aura eue le texte du « De natura deorum » du moyen-âge jus-
qu'au xvi° siècle, et, d'autre part, apporte d'instructives contributions à
l'intelligence de ce texte »). — Strack, die Sprûche der Vâter, ein ethi-
scher Mischna-Traktat mit kurzer Einleitung, Anmerk. u. einem Wort-
register (Siegfried).
Nos44et45, ier et 8 novembre 1882 : von Wegele, Geschichte der
Universitât Wirzburg (Waitz : travail d'une valeur durable). — For-
mulae merowingici et carolini aevi, éd. Zeumer. L (Zeumer). — Schmitz,
Monumenta tachygraphica codicis Parisiensis latini 2718 (Zeumer). —
Wright, The chronicle of Joshua the Stylite (Nestlé : texte « tolerably
correct » et traduction fidèle).
Deutsche Litteraturzeitung, n° 40, 7 octobre 1882 : Rade, Damasus,
Bischof von Rom. (Holtzmann : pour la forme et le fond; satisfait
l'attente du lecteur ; œuvre de mérite.) — Grube, Joh. Busch, Augus-
tinerpropst zu Hildesheim, ein kathol. Reformator des XV Jahrhun-
derts. (K. Muller : travail bon et instructif.) — Cassel, Die Symbolik
des Blutes und der arme Heinrich von Hartmann von Aue. (Edw.
Schrôder : rien de nouveau, étymologies et « combinaisons » réjouis-
santes.) — Krause, Vorlesungen ûber Aesthetik, p. p. Hohlfeld u.
Wùnsche. — Bain, John Stuart Mill, a criticism, with personal recol-
lections. (Laas : souvenirs personnels intéressants.) — Sammlung selten
gewordener pâdagogischer Schriften des XVI. u. XVII. Jahrhunderts,
p. p. Aug. Israël. (Paulsen,) — Gommentarium in Pentateuchum v.
H. Samuel Ben Meïr, p. p. Rosin. (Siegm. Fraenkel : édition critique
qui est un modèle de soin.) — Spiegel, Vergleichende Grammatik der
alteranischen Sprachen. (Justi : œuvre remarquable.) — Wachsmuth,
Studien zu den griechischen Florilegien. (Freudenthal : excellent tra-
vail qui a coûté des peines infinies à son auteur.) — Hertz, zur Kritik
von Ciceros Rede fur den P. Sestius. (Eberhard : de jolies remarques.)
— Frauer, Neuhochdeutsche Grammatik. (Seemûller : utile.) — Klop-
stocks Wingolf, krit. Ausgabe nebst Commentar von Jaro Pawel. (Ou-
vrage d'un « Stûmper » qui ferait bien auparavant d'apprendre l'alle-
mand.)— Schipper, Altenglische Metrik. I. (Rendra des services.) —
Stengel, La canc'un de Saint Alexis u. einige kleinere altfranzôsische
Gedichte des XI. u. XII. Jahrhunderts. (Koschwitz : édition dont les
romanistes tireront grand profit.) — Jordanis Romana et Getica rec.
Mommsen [Monumenta Germaniae historica, V, I.] Jordanis de origine
actibusque Getarum p. p. Holder. (Schirren et Rûdiger.) — Formen-
tini, La dominazione spagnuola in Lombardia. (Bernhardi : histoire
intérieure de Milan de 1 536 à 1584.) — K. B. Stark, Nach dem grie-
chischen Orient. (Impressions de voyage qui auront encore pendant
longtemps une grande valeur.) — Barros Arana, Histoire de la guerre
du Pacifique. 1 880-1 881. II. (De la prise d'Arica presque à la fin de la
guerre, clair et intéressant.) — Dupré, Dictionnaire des marines étran-
gères, cuirassés, croiseurs, avisos rapides. (Ouvrage qui sera utile.)
Philologische Rundschau n° 35, 26 août 1882 : Hasper, Die Feinheit
der Oekonomie und der Charakterzeichnung in den einzelnen Dramen
des Sophokles und der Kern der sittlichen Anschauung desselben, 2.
Teil (Thiele : devrait être réimprimé sous forme de livre.) — Franz
Arnold, Quaestionum de fontibus Appiani spécimen (Godt : la source
d'Appien pour la guerre de Mithridate serait Théophane de Mitylène).
— P. Ovidii Nasonis Ibis éd. Ellis. Oxford, Clarendon Press. 1881
(Ant. Zingerle : très bon). — Wrampelmeyer, Codex Wolfenbuttelanus
n. 2o5 primum ad complures Ciceronis orationes collatus (Rubner :
renseignements précieux). — Thewrewk de Ponor, Festus-Studien
(Georges). — Cartault, De causa Harpalica. Thorin, 1881 (Fox : ré-
sumé clair et précis des travaux antérieurs; nouvel examen, approfondi
et solide, parfois avec des longueurs; accord avec Rohrmoser pour Tes-
sentiel ; vues bien motivées pour la plupart ; bon travail en latin clair,
sinon précisément classique, par lequel Fauteur a bien mérité de la
philologie, de même que par sa Trière athénienne, qui a paru « pres-
que » à la même date.) — Vita s. Willibrodi archiepiscopi Ultraiccten-
"sis a Thiofride abbate Epternacensi versibus conscripta, primum éd.
R. Decker (Rossberg : long errata). — Annonce de J. Gabula, Latein-
ische Aufsàtze, 4 Aufl.
Athenaeum belge, n° 20, 1 5 octobre 1882 : v. Ravensburg, Rubens et
l'antique (H. Hymans). — J. F. de Bastide à Bruxelles. — Le droit de
la guerre : Honoré Bonet et Christine de Pisan. — Chronique. — Socié-
tés savantes.
Le Puy, imprimerie Marcliessou fils, boulevard Saint- Laurent, '23.
N° 47 Seizième année 20 Novembre 1882
REVUE CRITIQUE-
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
(»k MM. S. GUYARD, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un un. Pans, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 2b fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
i>K 1. 'ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Aiit e.ssc? les communications concernant la rédaction à M . A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
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RECUEIL DE VOYAGES ET DE DOCUMENTS POUR SERVIR
A L'HISTOIRE DE LA GEOGRAPHIE
DEPUIS LE XIIIe SIÈCLE JUSQU'A LA FIN DU XVIe SIÈCLE
Sous la direction de M. SCHEFER, membre de l'Institut, et de M. H. CORDIER.
Cette collection^ imprimée avec le plus grand soin sur très beau papier, est tirée à
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leurs voyages. Etude d'histoire critique, suivie d'une cartographie, d'une biblio-
graphie et d'une chronologie des voyages au Nord-Ouest, de 1497 à i56o, d'après-
des documents inédits, par M. Henry Harrisse. 1 beau vol. grand in-8, avec un
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veaux ou peu connus, tirés des archives de Portugal et d'Italie, suivi du texte inédit
d'un récit de la troisième expédition de Gaspard Corte Real et d'une carte portu -
gaisc de l'année ibo2, reproduite ici pour la première fois en photogravure et en
chromolithographie, par M. Henrj Marrisse. i vol et une carie en étui . a 5 ft
PÉRIODIQUES
The Academy, nc 547, 28 octobre 1882 : Caine, Recollections of Dante
Gabriel Rossetti. — Keane, Asia, with ethnological appendix. — Mar-
tineau, A study of Spinoza. — Leskien u. Brugman, Litauische Volks-
lieder u. Mârchen aus dem preuss. u. russ. Litauen. — Some foreign
books (Bornmûller, Biograph. Schriftsteller Lexicon ; Engel, Geschichte
der franz. Litteratur; Stepniak, La Russia sotterranea; Hillebrand,
Zeiten, Vôlker und Menschen, VI; Beauvois, Un agent politique de
Charles-Quint). — J. Arany. — Darwin's religion (Creighton). — The
end of Shakspere's playhouses (Furnivall). — Popular flower-names
(Friend). — Miss Mitford's letters (Hamilton). — Spenser's use of « in »
(Herford). — Wharton, Etyma Graeca (Haverfield). — The bronze
ornaments of the palace gâtes of Balawat, with introd. by Birch a. des-
criptions a. translations by Pinches (Murray).
The Athenaeum, n° 2870, 28 oct. 1882 : D'Haussonville, The salon of
Madame Necker. (Il y a dans ces deux vol. tant de détails nouveaux que
tout ce qu'on savait auparavant semble insignifiant, mais l'auteur n'a
pas su animer ces documents; il n'est ni Sainte-Beuve, ni Cousin, ni
Caro.) — Hosell, Tasso. — Kreitner, Im lernen Osten. — Early
spring in Massachusetts, from the journai ol Thoreau; Sanborn, Henry
D. Thoreau. — The registration of titles (Besant). — Dr. Burnell (Rost).
— Fielding's portrait. (Dobson.) — Ram Mohun Roy. — Notes from
Rome (Lanciani). — The art treasures of Nuremberg. (Atkinson.)
Literarisches Centralblatt, n° 41, 7 octobre 1882 : Das Oupnek hat, die
aus den Veden zusammengesetzte Lehre von dem Brahm, aus der sans-
krit-persischen Uebersetzung des Fûrsten Mohammed Daraschekoh in
das latein. von Anquetil Duperron, in das deutsche tibertragen von
Mischel. (Traduction allemande de la traduction latine de la traduction
persane de l'original sanscrit !). — Gzerny, Aus dem geistlichen Ge-
schàftsleben in Ôberôsterreich im XV. Jahrhundert. — Spinoza , opéra
quotquot reperta sunt, p. p. van Vloten u. Land. Vol. prius. — Cham-
balu, De magistratibus Flaviorum, adj. est appendix de Titi nomine
imperatoris. (Beaucoup de soin, fixe des points nouveaux et jusqu'ici
douteux). — Urkunden der Markgrafen von Meissen u. Landgrafen von
Thùringen 948-1099, hrsg. v. Posse. — Opitz, Maria Stuart, nach den
neuesten Forschungen dargestellt. IIme vol. (Tout le monde admet
qu'Elisabeth a usé de perfidie envers Marie, mais Opitz va trop loin,
il trace de Marie un portrait idéal, il appelle Elisabeth l'Astarté mo-
derne, il ne parle qu'avec la plus vive indignation de l'espionnage de
Walsingham, et passe sous silence les intrigues de Marie). — Will.
Muller, Josef von Sonnenfels (travail très satisfaisant). — Thielmann
Das Verbum dare im lateinischen als Reprâsentant der indoeuropài-
schen Wurzel dha. (Brugman : recherches manquées quant au point de
départ et au point principal, mais les matériaux sont clairement groupés,
mainte réflexion fine ; en un mot, importante contribution au « lexique
de l'avenir »). — W. Meyer, Die Geschichte des Kreuzholzes von Chris-
tus et der Ludus de Antichristo u. ùber die latein. Rhythmen. (Le pre-
mier travail ne laissera guère de détails à recueillir après tous ceux que
l'auteur a réunis ; le second est très vaste, très étendu et jamais on n'a-
vait consacré aux rythmes du moyen-âge latin une étude d'ensemble
aussi détaillée). — Schade, Altdeutsches Wôrterbuch, 2e umgearb. u.
vermehrte Auflage. (Très utile , très remarquable, fruit des recherches
les plus consciencieuses et du soin le plus assidu). — Weinachtslieder
u. Krippenspieleaus Oberôsterreich u. Tirol, gesamm. u. hrsg. v. Pail-
ler. I. — Bayard Tyalor, Gcethes Faust, erster u. zweiter Theil, Er-
làuterungen u. Bemerk. dazu. (Trad. allemande d'un ouvrage qui, en
somme , n'est pas superflu, car il contient bien des remarques excel-
lentes). — Schulze, Die Katakomben, die altchristliehen Grabstàtten,
ihre Geschichte u. ihre Monumente. — Ludw. Meyer, die rômischen
Katakomben. 72 p. (Petit ouvrage qui a sa valeur). — Encyclopâdie des
gesammten Erziehungs-und Unterrichtswesens. V, 1. 20 Aufl. — Gœ-
the's Briefe an Frau von Stein, hrsg. v. Schôll. 2e Auflage.
Deutsche Literaturzeitun g, n° 41, 14 octobre 1882 : Scholz, Commentar
zum Bûche des Propheten Hoseas (Himpel : recherches étendues). —
Horst, Leviticus XVII-XXVI und Hezekiel. — Hermae Pastof, p. p.
Hilgenfeld. (Holtzmann,) — Benseler, Der Optimismus des Socrates
bei Xenophon u. Platon gegenûber den pessimistischen Stimmen in der
âlteren griechischen Litteratur. (Heitze).— Natorp, Descartes' Erkennt-
nisstheorie. (B. Erdmann.) — Fornelli, L'insegnamento pubblico ai
tempi nostri. — Rothe, De vetere quem ex Odyssea Kirchoffius eruit
v6(jTo>. (Hinrichs : développe clairement mainte observation remarqua-
ble.) — Anacreonte, edizione critica di Luigi A. Michelangeli. (Hiller :
ne manque pas de jugement et de goût, conservateur, n'est pas assez fa-
milier avec la langue et la métrique, la valeur scientifique de l'œuvre ne
répond pas au temps et à la peine que ce travail a coûtés à l'auteur,
toutefois répertoire utile aux philologues.) — Thielmann, Das ver-
bum « dare » im latein. als Repràsentant der indoeurop. Wur-
zel dha. (Thurneysen : une erreur fondamentale dès le début, mais
comme « contribution au lexique » excellente étude de nombreux et
variés exemples.) — Die Gedichte Walthers von ders Vogelweide hrsg.
v. Paul (Schonbach : louable). — Braun, Schiller u. Goethe im Ur-
theileihrer Zeitgenossen, Zeitungskritiken, Berichte u. Notizen Schiller
u. Goethe betreffend. (Minor : complètement manqué; encore une heu-
reuse pensée, une vue louable que fait échouer la maladresse de l'exécu-
tion.) — Bartsch, Clemens Brentano, Lied von eines Studenten Ankunft
in Heidelberg. — Eyssenhardt, Rômisch u. romanisch. (Grôber : in-
croyablement superficiel, une foule d'assertions qui étonnent et quelque-
fois indignent par leur témérité; rien d'utile pour la grammaire ro-
mane.) — Samling af Kongens Rettertings Domme udgivne af Sécher.
l-III. (Hasse.) — Opitz, Maria Stuart. (On ne peut discuter avec un
aussi enthousiaste admirateur de Marie et l'on a peine à croire l'auteur,
lorsqu'il se dit protestant.) — Oncken, Das Zeitalter Friedrichs des
Grossen. I Band. (Wiegand : intéressant et habilement composé.) —
Von Holtzendorff, Schottische Reisenskizzen. — Perrot et Chipiez,
Histoire de l'art dans l'antiquité. 1. L'Egypte (Erman : « sera salué avec
joie par les amis de l'antiquité égyptienne ; personne n'avait osé entre-
prendre cette tâche si difficile et si vaste; il faut se réjouir que la pre-
mière exécution de ce travail soit tombée en des mains si habiles ; beau-
coup de questions discutées jusqu'ici sont définitivement résolues »). —
Nys, Le droit de la guerre et les précurseurs de Grotius. — Villard, His-
toire du prolétariat ancien et moderne (Inama).
Philologische Wochenschrift, n° 34, 26 août 1882 : Paul Girard, L'Asclé-
piéion d'Athènes, Thorin (Trendelenburg : sujet heureusement choisi ;
exécution satisfaisante sur quelques points seulement; l'auteur a cher-
ché en largeur plus qu'en profondeur, et a donné plus de champ à l'i-
magination qu'à la réflexion, ce qui l'a conduit à trop d'hypothèses ex-
posées trop longuement; en général, la brièveté précise fait défaut; très
intéressant néanmoins, comme en témoigne, suivant la remarque du cri-
tique, l'étendue même de son article; excellentes héliogravures de Du-
jardin). — Madvig, Die Verfassung und Verwaltung des rômischen
Staats (Genz : le second volume est digne du premier; grande netteté et
grande rigueur).— Ziegler, Das alte Rom, 18 Tafeln in Farbendruck und
5 Holzschnitte mit erlàuterndem Texte, billige Schulausgabe der Illus-
trationen zur Topographie des alten Rom (excellent pour les élèves et
pour les voyageurs). — Anton Zingerle, Kleine philologische Abhand-
lungen (analyse et recommandation ; « Besonders wohlthuend ist der
milde, ruhige, von aller Herbigkeit freie Ton, in welchem die entge-
genstehenden Ansichten widerlegt werden : môchte der Herr Verfasser
auch hierin recht viele Nachfolger finden ! »).
N° 35, 2 septembre 1882 : Rheinhard, Album des klassischen Alter-
tums, eine Galletie von 76 Tafeln in Farbendruck, 2 Aufl. (Trendelen-
burg : spéculation éhontée de la Hoffmannsche Verlagsbuchhandlung
[A. BleilJ à Stuttgart; prix 18 mk). — Sorof, De ratione, quae inter eos
codices recentiores, quibus Aeschyli fabulae Prometheus, Septem adv.
Thebas, Persae continentur, et codicem Laurentianum intercédât (Wec-
klein 1 l'auteur établit, contre l'opinion qui a été autrefois celle du cri-
tique, que les variantes des recentiores sont sans valeur). — Ehrhardt,
De Aristophanis fabularum interpolatione (Joh. Wagner : nombreux
défauts). — Helmreich, Griechisches Vokabular. — Venediger, Latei-
nische Exercitien.
N° 36, 9 septembre 1882 : Kiepert. Nuova carta générale dell' Italia
Méridionale et Neue Generalkarte von Unter-Italien mit den Insein Si-
cilien und Sardinien (Hermann : excellent). — Postgate, Select élégies
of Propertius. London, Macmillan (Hugo Magnus : article étendu -/tra-
vail solide). — Schenkl, Griechisches Elementarbuch, 1 1 Aufl. (excel-
lent). — 'ÀSa^avxfou Kopah -à \).exà tov Gavaxov e'jpsOévxa <7UYYPalJL[JL(*'ua>
è'TCiue'Xeîa 'A. Z. Mamoyka auWe^ioi.^ xà\xoq l xepiéxwv uXr,v YaXXoYpanux,ou
Xe^y.ou v.cà xàç èv tÇ> Xecjato Trçç yc&Kki%fa 'AxaS. iBiovpaçouç xou Koparj ctyj-
[j,£iw(jstç, Athènes, Iléppiç frères, 1881 (Heller : article élogieux). — Del-
brueck, Einleitung in das Sprachstudium, ein Beitrag zur Geschichte
und Methodik der vergleichenden Sprachforschung.
Vor Ungdom, 5te Haefte : Voss, J. anlodning af en paataenkt revision af
den hœiere almenskoles ordning i Norge. — Svendsen, Et ord om reli-
gionsundervisningen. — Frederiksen, Den danske landsbyskole. — Jo-
hansen, Om opdragelse i forhold til de fysiologiske. og psychologische
ejendommeligheder. — Pariser-Universitetet i middelalderen , efter
P. Lacroix ved. cand. theol. Th. Ruschke.
Athenaeum belge, n° 21, ipr novembre 1882 : V. Egger, La parole in-
térieure. (Delboeuf : beaucoup à louer et à critiquer.) — Wauters, Table
chronologique des chartes et diplômes imprimés concernant l'histoire de
la Belgique. VI. — L'enseignement de l'économie politique dans les
universités allemandes (James.)
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N° 48 Seizième année 27 Novembre 1882
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
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PÉRIODIQUES
The Acadeiny, n° 548, 4 novembre 1882 : Traill, Sterne (Caine :
« Mr. Traill has done his work well ; his book is admirable in writing,
reliable and welldigested as to facts, and interestingand valuable in cri-
ticism »). — Ashton, Social life in the reign of queen Anne. 2 vols
(CourtneyJ. — Guest, A history of english rhythms, a new édition by
Skeat (Minto). — Ravenstein, A map of eastern equatorial Africa. —
Edzardi. — Burnell (Nicholson). — Darwin's religion. — Râm Mohun
Roy. — Bedd Gebert (Beal). — The word « rose » (Mayhew). — Eus-
karian (Vinson). — Oriental Philology (Geiger, Ostiranische Cultur im
Alterthum; Jamaspji, Pahlavi, gujarati a. english dictionary, III; trad.
hollandaise, par M. van der Vliet, du Mâlavi Kâgnimitra). — Falk-
ner, A pilgrimage to the shrine of our lady of Loreto (Middleton). —
An ancient monument at Samos described by Herodotus (Dennis). —
More treasure-trove from Dayr-el-Baharee (Am. Edwards). — The
Sloane collection, British Muséum (Perceval).
The Athenaeum, ne 2871, 4 nov. 1882 : Senior, Conversations a. jour-
nals in Egypt a. Maka. — Caine, Recollections of Dante Gabriel Ros-
setti. — Kern, Der Buddhismus u. seine Geschichte in Indien, ûbers.
v. Jacobi. — Richard Barnfield's poems, p. p. Arber. — The works of
Henry Fielding, with a biographical essay by L. Stephen. 10 vols.
(Très belle édition, introduction admirable, c'est ce qu'on a écrit de
mieux sur Fielding) — English authors a. american publishers. — Fiel-
ding's portrait. — The history of the Matice Czeska. I. — A hebrew
deed dated Colchester 1 258 (Neubauer). — Cap. Gill. (Le compagnon de
M. Palmer, not. nécrol.) — Art notes from Italy. — Antiquities at Na-
blus. (Mervill.)
Literarisches Gentralblatt, n° 42, 14 oct. 1882 : The revisers and the
greek text of the New Testament, by two members of the New Testa-
ment Company. — Bibliotheca rabbinica, ûbers. v Wunsche. i5 u. 16
Lief. — Frey, Die Schicksale des kôniglichen Gutes in Deutschland
unter den letzten Staufern seit Konig Philipp. (Excellent travail.) —
Borch, Das Schloss der Karolinger an der Elbe. (Ce serait Gommern,
mais les expressions vagues de la Chronique de Moissac ne permettent
pas d'arriver à un résultat certain.) — Sternfeld, Das Verhâltniss des
Arelats zu Kaiser u. Reich vom Tode Friedrichs I zum lnterregnum.
(Ouvrage de grande importance.) — Volk, Hexen in der Landvogtei
Ortenau und Reichstadt Offenburg. — Gindely, Geschichte des dreis-
sigjâhrigen Krieges. I. Der bôhmische Aufstand und seine Bestrafung.
16 1 8-1 62 1. ( ier volume d'une nouvelle édition, destinée au grand pu-
blic, de « l'Histoire de la guerre de Trente Ans », de Gindely.) — Ferd.
Muller, Unter Tungusen u. Jakuten.. — Varnhagen, Ein indisches
Mârchen auf seiner Wanderung durch die asiat. u. europ. Literaturen.
(Se lit avec plaisir.) — Bossuet, œuvres inédites, p. p. L. Ménard,
tome I : Le cours royal complet sur Juvénal. (Ce qu'il y a de plus in-
téressant dans cette belle publication, c'est le portrait de Bossuet ; le
commentaire de l'évêque (?) n'offre rien à la science.) — Ruodlieb,
hrsg. v. Seiler. (Edition pleine de soin et de réflexion.) — - La cancun
de Saint Alexis u. einige kleinere altfranz. Gedichte d. XI u. XII.
Jahrhunderts, p. p. Stengel. II8 Liefer. Wôrterbuch. (Manuel indis-
pensable à ceux qui font de la philologie française.) — Islendzk Aeven-
tyri, p. p. Gering. I. — Otfrids Evangelienbuch, p. p. Erdmann et Pi-
per. — Jacob Grimm, Recensionen u. vermischte Aufsâtze. III. —
Mentzel, Geschichte der Schauspielkunst in Frankfurt a. M. (Un des
meilleurs livres qui aient paru sur l'histoire du théâtre allemand.) —
Schnorr von Carolsfeld, Katalog der Handschriften der Kônigl.
offentl. Bibliothek zu Dresden. I. — Homer's Odyssée von Voss, Ab-
druck der ersten Ausgabe vom Jahre 1781 mit einer Einleitung v.
Bernays. (Introduction très savante.) - Koenig, Die Mannszucht in
ihrer Bedeutung fur Staat, Volk und Heer.
N° 43, 21 octobre 1882 : Warren, Liturgy a. ritual of the celtic
church (Intéressant pour l'histoire de l'église presque autant que pour
celle de la liturgie). — Bergk, zur Geschichte u. Topographie der
Rheinlande in rômischer Zeit (Recueil d'art et d'études utiles). — Jul.
Grimm, Der rômische Brûckenkopf in Kastel. — Wieseler, Untersu-
chungen zur Geschichte u. Religion der alten Germanen in Asien und
Europa (Ouvrage d'un germanomane, plein de choses monstrueuses, et
qu'on ne peut que juger durement). — Beda, hrsg. v. Holder (Bien-
venu).— Weinhold, Die deutschen Frauen in dem Mittelalter (2e édit.
de cet excellent ouvrage). — Evers, Analecta ad fratrum minorum his-
toriam. — Horne, Geschichte von Frankfurt am Main in gedràngter
Darstellung (2e édition). — Haartd, Wandkarte der Alpen. — Démos-
thène (Les Harangues de), texte grec, p. p. Henri Weil (2e édition, qui
a reçu beaucoup d'améliorations et d'enrichissements). — Arkiv for nor-
disk filologi. — Erlauer Spiele, sechs altdeutsche Mysterien p. p. Kum-
mer (Edition faite avec grand soin). — Albrecht, Die Leipziger Mund-
art, Grammatik u. Worterbuch der leipziger Volkssprache , mit
Vorwort von Rud Hildebrand (Plein d'intérêt). — Rollett, Die Gœ-
the-Bildnisse, IV.
Deutsche Litteraturzeitung, n° 42, 21 octobre 1882 : Zahn, zur Geschichte
des neutestam. Kanons. — Simplicii in Aristotelem physicorum libros
quattuor priores ed, Diels; de anima éd. Hayduck. (Heitz.)— Die Sprû-
che der Vâter, ein ethischer Mischna-Traktat, mit Einl., Anmerk. u.
Wortregister von Strack. (Steinschneider.) — K. Geldner, Studien zum
Avesta. (Geiger : mainte difficulté résolue ou approchée de la solution,
trop de mépris pour les devanciers et les collègues de l'auteur.) — Hart-
mann, Der rômische Calender, hrsg. v. Lange (Soltau : trop de choses
insoutenables) — Lettres françaises inédites de Joseph Scaliger publiées
et annotées par Tamizey de Larroque (Horawitz : édition remarquable,
notes biographiques et bibliographiques abondantes.) — Gleim, preuss-
ische Kriegslieder ; Briefe an Kleist. III, p. p. Sauer. (Suphan).— Vôl-
cker, Register zu W. von Maltzahns Deutschem Bûcherschatz. — Van
Vloten, Het nederlandsche Kluchtspel von de 14e tôt de 18e eeuw.
I-III. 2e edit. — Lyoner Ysopet, hrsg. v. W. Foerster. (Tobler.) —
Sathas, Documents inédits relatifs à l'histoire de la Grèce au moyen-âge.
Tome III. (Lambros.) — Pflugk-Harttung, Die Urkunden der papstli-
chen Kanzlei vom X bis XIII Jahrhundert. (P. Ewald.) — Schmidt
Phiseldeck, Die Siegel des herzoglichen Hauses Braunschweig und Lû-
neburg. — Reiber, Etudes gambrinales, histoire et archéologie de la
bière et principalement de la bière de Strasbourg. (L. Mûller : beaucoup
de savoir, et aussi d'humour aimable, grand nombre de citations poéti-
ques et de réflexions spirituelles.) — Tre lettere de Christoforo Colombo
ed Amerigo Vespucci, p. p. Zeri. Roma. — Kiepert, Neue Generalkarte
von Unter Italien, mit Sicilien u. Sardinien. — Pohl, Joseph Haydn.
I, 1 et 2.
Philologische Wochenschrift, n° 37, 16 septembre 1882 : Heydemann, Gi-
gantomachie auf einer Vase aus Altamura (Trendelenburg : le sixième
des programmes annuels publiés par H. pour l'anniversaire de Winc-
kelmann; article détaillé). — Rosenberger, Die Geschichte der Physik
in Grundziigen mit synchronistischen Tabellen der Math., der Chemie
und beschreib. Naturwiss., sowie der allg. Gesch., I. Tl., Altertum und
Mittelalter (Max C. P. Schmidt : ouvrage de vulgarisation, par un ma-
thématicien). — Blaydes, Aristophanis Aves (Joh. Wagner, critique
très vive sur cette « marchandise anglaise sous pavillon allemand »).
— PaulNÎEYERaus Zurich, Untersuchungûber die Fragedes Briefwech-
selsCicero ad Brutum (travail que le critique croit définitif, concluant
à une fabrication, qui peut-être remonterait au temps d'Auguste ou de
Tibère). — Votsch, Lateinische Syntax in Musterbeispielen.
N° 38, 23 septembre 1882 : Roeder, Ueber C. G. Cobets Emendatio-
nen der attischen Redner, insbesondere des Isaios (Albrecht : défend la
tradition contre Cobet, en général avec l'approbation du critique). —
Appendix artis Dionysii Thracis ab G. Uhligio recensitae (Galland :
instructif et important). — A. von Reumont, Vittoria Colonna ; Leben,
Dichten, Glauben im XVI. Jahrhundert (Horawitz : instructif, mais
sans plan et sans sujet défini). — Steinmeyer, Betrachtungen ûber unser
klassisches Schulwesen, eine Entgegnung; Genthe, Grammatik und
Schrifsteller-lektûre im altsprachlichen Unterrichte. — Quousque tan-
den, Der Sprachunterricht muss umkehren ! ein Beitrag zur Ueberbûr-
dungsfrage.
N° 39, 3o septembre 1882 : Dejob, Marc-Antoine Muret, un profes-
seur français en Italie dans la seconde moitié du xvie siècle. Thorin,
1881 (Horawitz : a ignoré les travaux d'ailleurs peu connus de Vitrac,
Lundblad et Marées sur Muret ; on a plaisir à voir cités des livres alle-
mands ; travail étendu et plein de recherches ; montre dans la peinture
du héros « une certaine objectivité dans le meilleur sens »; terrible pro-
lixité, habituelle aux Français même en matière scientifique ; il est chi-
mérique de se donner tant de mal pour ne pas reconnaître le vice que
Muret avait en commun avec Balbi, Filelfo et beaucoup d'humanistes ;
livre en somme instructif et attrayant, pièces justificatives précieuses,
belle exécution typographique). — E. Bertrand, Un critique d'art dans
l'antiquité, Philostrate et son école, Thorin, 1882 (Julius : s'adresse
moins aux érudits qu'aux artistes et au grand public; érudition trop en
gros, mais intelligence des choses d'art et bon sens; complaisance excu-
sable pour Philostrate ; bon rapprochement avec Diderot ; rien de neuf
pour qui a étudié Philostrate; il est honteux aux Allemands de se faire
redire par un étranger ce que leur ont dit en vain un Welcker et un
Brunn ; conclusion en faveur de l'authenticité des tableaux, auprès de
laquelle la conclusion contraire de Kalkmann paraît naïve; ce qui con-
cerne les successeurs de Philostrate est superficiel et sans critique). —
Hasper, Die Feinheit der Oikonomie und der Charakterzeichnung in
den einzelnen Dramen des Sophokles und der Kern der sittlichen Ans-
schauung desselben (Muff : intéressant). — Saalfeld, Julius Caesar,
sein Verfahren gegen die gallischen Stâmme vom Standpunkte der Ethik
und Politik (le critique n'a jamais lu un livre d'un savant allemand mo-
derne où se manifeste une ignorance si complète des règles de la critique
historique). — Fraccaroli, Saggio sopra la genesi délia metrica classica,
Firenze, 1881 (Gustafsson). — Dr. M. Seyfferts Hauptregeln der griech.
Syntax, als Anhang der griech. Formenlehre von Dr. C. Franke, bearb.
v. Dr. A. v. Bamberg, 14. Aufl. (Sitzler).
Le Puy, imprimerie de Marchessou fils, boulevard Saint-Laurevt.
N° 49 Seizième année 4 Décembre 1882
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
ok MM. S. GUYARD, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr, — Etranger, 25 fr
PARIS
ERNEST LEROUX, EDITEUR
libraire de la société asiatique
de l'école des langues orientales vivantes ktc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction À M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
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Casse-Noisettes et du roi des souris.
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PÉRIODIQUES
The Acacîemy, n° 549, 11 novembre 1882 : OTJonovan, The Merv Oa-
sis.— Senior, Conversations a. Journals in Egypt a Malta. — Mar-
shall, Oxford « Diocesan Historiés ». — Current Literature (Hatton,
Journalistic London ; Mrs. Butler, Life of Oberlin, etc.) — In memo-
riam : Capt. Gill. — Aitch-bone or Edge-bone (Skeat). — Who wrote
« The Whole Duty of Man » ? (Doble). — Couat, La poésie alexandrine
(Ellis : écrit avec soin, plein de curieux renseignements). — Thomson,
The life a. works of Thomas Bewick. — A postscript on Pieter Claesz.
Tae Athenaeum, n° 2872, 1 1 novembre, 1882 : Memoir of Aug. de Mor-
gan, by his wife. — Household stories from the collection of the bro-
thers Grimm, transi, by L. Crâne. — Reade, Readiana. — Farrar,
The early days of christianity. — The late Prof. Palmer (Besant.) —
Notes from Oxford. — The Jews of Colchester. — The Hamilton ma-
nuscripts. — Notes from Naples. — The disappearance of ancient walls
(Selah Merrill).
Literarisches Centralblatt, n° 44, 28 octobre 1882 : Chiapelli, Délia in-
terpretazione panteistica di Platone (très bon). — Schwarcz, Die Dé-
mocratie, I, 2, III et IV; Schwicker, Schwarcz u. seine Schriften. —
Kirchhoff, Thùringen doch Hermundurenland. (Beaucoup de nouveau
en peu de pages). — Lossen, Der côlnische Krieg (très, même trop dé-
taillé).— Thûmmel, Kriegstage aus Saalfed's Vergangenheit. (Conféren-
ces utiles). — Muhammed in Médina, das ist Vakidi's Kitab al Maghazi
in verkùrzter deutscher Wiedergabe hrsg. v. Wellhausen. — Niese,
Die Entwickl. der homer. Poésie. (Bien écrit, clair et pénétrant.) —
Lechner, De pleonasmis homericis. (Etude de valeur). — Poestion, Ein-
leit. in das Studium des Altnord. (N'est pas scientifique.) — Flos unde
Blankflos, p. p. Waetzoldt. — Heliand, p. p. Behaghel (édition très
louable). — Stern, Lexicon der deutschen Nationalliterratur (Profitable).
— Landsberger, Das Buch Hiob u. Gcethe's Faust. (Exact, mais long,
peu profond.)
Deutsche Literaturzeitung, n° 43, 28 octobre 1882 : Beyschlag, Kritisch-
exeget. Handbuch ueber den Brief des Jakobus. — Rouget, Une église
calviniste au xvi« siècle. i55o-i58o, Histoire de la communauté réfor-
mée de Sainte-Marie-aux-Mines, p. p. Mùhlenbeck. (Krauss.) — Os-
termann u. Wegener, Lehrbuch der Paedagogik. — Loth, Ueber Le-
beri u. Werke des Abdallah ibn ul Mu'tazz. (Wellhausen.) — Cato de
agri cultura, p. p. Keil. (Jordan : « la main ferme et exercée de Keil a
posé pour toujours le fondement des recherches dont le texte de Caton
sera l'objet »). — G. Hermanns latein. Briefe an Volkmann, hrsg. v.
A. B. Volkmann (Léo). — Schober, Heinse. (Sauer : bon, mais diffus.) —
Caroline u. ihre Freunde, von Waitz. — Buchner, Freiligrath. (Wer-
ner : excellent.) — Verwijs en Verdam, Middelnederlandsch Woorden-
bock. (2 premières livraisons d^n ouvrage qu'on doit bien accueillir.)
— Shakspeare's Julius Caesar erklârt von A. Schmidt. (Bon.) — Jansen,
J.-J. Rousseau. (A consulter pour les « Confessions »). — Frieûlënder,
Darstell. aus der Sittengeschichte Roms. (5e édition, augmentée.) —
Krones, Grundriss der ôsterreicbischen Geschichte. (Rieger : très bon.)
— Schwebel, Kulturhistor. Bilder aus der deutschen Reichshaupt-
stadt. (Heidemann). — Chavanne, Physikal. Wandkarte von Africa.
— N° 44, 4 novembre 1882 : Volter, Die Entstehung der Apo-
calypse. — Escher, Die Glaubensparteien in der Eidgenossenschaft
u. ihre Bezieh. zum Ausland, vornehmlich zum Hause Habs-
burg u. zu den deutschen Protestanten. i527-i53i. (Nippold : bon.)
— W. Schneegans, Abt Johannes Trithemius u. Kloster Sponheim. —
Leop. Schmidt, Die Ethik der alten Griechen. I u. II. (Gyzicki : tra-
vail important.) — Jodl, Geschichte der Ethik fin der neueren Philoso-
phie. I. (Gyzicki : le meilleur travail sur le sujet.) — Ziemer, Jung-
grammat. Streifzûge im Gebiet der Syntax, (Collitz : art. défavorable.)
— Happel, Die altchines. Reichsreligion vom Standpunkte der ver-
gleich. Religionsgeschichte. (W. Sch. : petit travail de grande valeur.) —
Pluss, Horazstudien, alte u. neue Aufsâtze liber horazische Lyrik.
(Très instructif.) — Horawitz, Erasmus u. Martinus Lipsius, ein Bei-
trag zur Gelehrtengeschichte Belgiens. (G. Voigt : renferme 99 lettres,
dont 17 d'Erasme, inédites.) — ^Des Minnesangs Frûhling, 3e Aufl. v.
F. Vogt. (Roediger.) — Johann Faust, ein allegor. Drama gedruckt
1775, hrsg. v. K. ÉNGEL.(Werner.) — Bossert, Gœthe, ses précurseurs et
ses contemporains. (Seuffert : livre écrit avec beaucoup d'agrément et
qu'on ne lira pas sans plaisir et sans profit.) — Goethe-Jahrbuch, hrsg.
v. Geiger. III. — Gôrlich, Die sûdwestl. Dialekte der Langue d'Oïl.
(Ulrich : du soin.) — M. Lehmann, Preussen u. die kathol. Kirche
seit 1640. (Koser.) — Alex. Bain, James Mill, a biography (Pauli).
— Gneist, Englische Verfassungsgeschichte. (Gierke : grand travail
d'ensemble.) — Burckhardt Biedermann, Das rômische Theater zu
Augusta Raurica.
N° 4.5, 11 nov. 1882 : Bender, Dippel. — Raebiger, zur theolog.
Encyclopàdie. — Soury, Philosophie naturelle. (Riehl : darwinisme
demi-scientifique.) — Leibniz, p. p. Gerhard, tome V. — J. Mûller,
Quellenschriften u. Geschichte des deutschsprachlichen Unterrichts bis
zur Mitte des XVI. Jahrhunderts. (Matériaux abondants.) — The
chronicle of Joshua the Stylite p. p. Wright. — Appiani historia ro-
mana ed Mendelssohn. (Niese : très bon.) — Hermann, Lehrbuch der
griech. Altertùmer, 3e édit. p. p. Blûmner. — Pôkel, Philologische
Schriftsteller. — Lexicon (Incomplet). — Buttmann, Die Schicksalsidee
in Schillers Braut von Messina (vague). — Ad. Kuhn, Schiller, Zerstreu-
tes als Bausteine zu einem Denkmale gesammelt. (Minor : toujours des
extraits et des réimpressions !) — Ad. Stern, Lexicon der deutschen Na-
tionalliteratur. (Utile.) — Hotz, On the use of the subjunctive mood
in anglo-saxon. (Napier : soigné, rien de nouveau, mauvais anglais.) —
Wûstenfeld, Die Geschichtsschreiber der Araber u. ihre Werke. (Lan-
dauer : très pratique, à recommander à toutes les bibliothèques.) —
Hansisches Urkundenbuch, p. p. Hôhlbaum. III, 1. — Kantecki, Die
neapolitanischen Summen, ein histor. Essay, ûbers. v. Lôwenfeld. (Il
s'agit de l'héritage de la reine Bona Sforza.) — Rhamm, Hexenglaube u.
Hexenprocesse. (Surtout dans le Brunswick.) — Baisch, J. Chr.
Reinhart u. seine Kreise. — Béer, Aus Tegethoffs Nachlass.
Philologische Wochenschrift n° 40, 7 octobre 1882 : Adolf Bauer, die
Kyrossage und Verwandtes (G. J. Schneider : très intéressant). — Ma-
rius Fontane, Histoire universelle; les Iraniens, Zoroastre, Lemerre,
1881 (Justi : aucune valeur historique; quelques vues justes sur les
doctrines de l'Avesta). — Benseler, Der Optimismus des Sokrates bei
Xenophon und Platon gegenûber den pessimistischen Stimmen in der
alteren griechischen Litteratur (Belger : à lire; diverses critiques). —
E. F. Fritsche, Leitfaden der Mythologie der Griechen und Rômer fur
hôhere Lehranstalten (P. Stengel : ne peut servir aux classes sous la
forme actuelle). — Friedrich Schlegel 1 794-1 802, seine prosaischen
Jugendschriften herausgegeben von J. Minor, L, zur griechischen Lite-
raturgeschichte (fait connaître l'enthousiasme de Fr. Schlegel jeune
pour l'antiquité jeune, enthousiasme dont plus tard il effaça les traces).
— Jos. Walter, M. Tullii Ciceronis philosophia moralis, II, iv (Lôw-
ner : soigné).
N° 41, 14 oct. 1882 : Edwin Wallace, Aristotle's Psychology in
Greek and English, Cambridge, University Press (Susemihl : la partie
faible est la critique; il y a des choses excellentes dans l'introduction et
le commentaire). — Inaugural-dissertationen de l'université de Greif-
swald : Halfpap nom. Klotz : Quaestiones Servianae (solide ; rattache
le pseudo-Servius aux scholies de Vérone) ; Paul Voigt, Sorani Ephesii
liber de etymologiis corporis humani quatenus restitui possit (critiques
diverses) ; Liman, Foederis Boeotici instituta (de la reconstruction de
Thèbes par Cassandre à l'occupation romaine : obscur, aventuré, incor-
rect) ; Joannes de Arnim, De prologorum Euripideorum arte et interpo-
latione. — Seyss, Ueber den Plural der substantiva abstracta in Vergils
Aeneis (Lôwner : ni complet ni neuf).
N° 4'i, 21 octobre 1882 : Simplicii in libros Aristotelis de anima com-
mentaria éd. Hayduck ; Simplicii in Aristotelis Physicorum libros IV
priores commentaria éd. Diels ; Diels, Zur Textgeschichte der aristote-
lischen Physik (Susemihl : commencement d'une collection des com-
mentateurs d'Aristote qui est une entreprise gigantesque; travaux très
utiles). — Dettweiler, Ueber den freieren Gebrauch der zusammen-
gesetzten Adjektiva bei Aeschylus (redresse de vieilles erreurs d'inter-
prétation). — Klouckvek, Vergiliana (Lôwner : utile malgré des détails
contestables).
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LE LIVRE
REVUE DU MONDE LITTÉRAIRE
ARCHIVES DES ÉCRITS DE CE TEMPS
Rédacteur en chef : M. OCTAVE UZANNE
Cette importante Revue paraît le ÎO de chaque mois. Elle est de format grand
in-8° et contient des illustrations dans le texte et hors texte. La première partie est
consacrée aux études littéraires. La seconde comprend des correspondances de tous
les pays de l'Etranger et l'examen critique de tous les ouvrages nouvellement parus.
Le mouvement intellectuel y est suivi jusque dans les principaux articles des revues
et des journaux et tous les événements qui s'y rapportent y sont consignés. C'est
une encyclopédie permanente et indispensable aux écrivains, aux amateurs, aux gens
du monde soucieux de se tenir au courant des manifestations de l'esprit littéraire
universel.
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Les trois premières usées (1880, 1881 et 1882), formant chacune deux volumes,
se vendent séparément 60 francs.
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N° 50 Seizième année 11 Décembre 1882
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
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Tous les mémoires disséminés par M. de Longpérier dans un grand nombre de revues et de
publications diverses figureront dans cette édition des œuvres éparses. // serait impossible de
retrouver aujourd'hui dans les Bibliothèques tous ces mémoires de l'illustre archéologue qui,
pendant plus de quarante ans, a été une des gloires de la science française. Nous espérons que
cette publication, qui remet sous les yeux des savants tant de travaux importants, figurera dans
toutes les Bibliothèques où sa place est marquée.
X PÉRIODIQUES
The Academy, n° 5 5o, 18 novembre T882 : Lyall, Asiatic studies, re-
ligious a. social. — Doyle, The English in America, Virginia, Mary-
land a. the Carolinas (Sainsbury). — Whitman, Spécimen days a. col-
lect. — Cagnat, Les impôts indirects chez les Romains (Macdonell :
rendra de grands services). — Palmer (Stanley Lane Poole). — Who
wrote « The whole duty of man » ? (Doble). — Copyright in titles (Gib-
bon). — Jean Cousine « Livre de fortune » (Heaton). — The Botticelli
« Petrarch » in the Sunderland Sale. — Prof. Jebb on the ruins of
Troy (Sayce). — The flower-wreaths of the Pharaohs (Am. B. Ed-
wards).
The Athenaeum, n° 2873, 18 novembre 1882 : O' Donovan, The Merv
Oasis. — Bedae Historia ecclesiastica gentis Anglorum, p. p. Holder.
t*«- Traill, Sterne (« brillianty writen and picturesque »). — Copy-
right in titles (Gibbon). — The Cambridge University extension scheme.
— Fielding's portrait. — Female éducation in India (Monier Wil-
liams). — Notes from Berlin (P. Lindau). — The Sunderland sale. —
Notes from Rome (Lanciani).
Litterarisches Centralblatt, n° 45, 4 novembre 1882 : Realencyclopàdie
der christl. Altertûmer, p. p. Kraus. I. A-H. — Diepolder, Théologie
u. Kunst im Urchristententhum oder die ersten provisor. Blàtter zu
einer systemat. Geschichte der christl. Monumentaltheologie. — Briefe
des Pfalzgrafen Johann Casimir p. p. Bezold. I. 1576-1582. — TtiR-
heim, Feldmarschall Ernst Rûdiger Graf Starhemberg. 1638-1701.
(Intéressant, comble une lacune.) — Haberlandt, Zur Geschichte ei-
niger Personalausgànge bei den thematischen Verben im indogerman.
(Des faiblesses, mais du talent, des résultats acceptables.) — Platzmann,
Glossar der feuerlând Sprache. (Véritable et très précieux travail de pion-
nier.) — Ring, altlatein. Studien. (Manque de méthode, de réflexion et
de savoir.) — Brinckmeier, Floresta de satiras, fabulas literarias, letril-
las sonettos burlescos. — Walz, Gârel von dem blûhenden Thaï. (Edi-
tion bienvenue.) — Bethge, Wirnt von Gravenberg. (Travail définitif.)
— Toischer, Ueber die Alexandreis Ulrichs von Eschenbach. (Bon.) —
Helber's Teutsches Syllabierbûchlein, i5q3, hrsg. v. Roethe. — De-
dekind's Grobianus verdeutscht von Kasper Scheidt,— Muller (Conr.),
Beitràge zum Leben u. Dichten Lohenstein's. (Utile.) — Schulenburg,
Wendisches Volkstum in Sage, Brauch u. Sitte. (Très recommandable.)
— Madden, The international numismata orientalia. II. Coins of the
Jews. — Pohl, Joseph Haydn.
N° 46, n novembre 1882 : Weiss, das Leben Jesu. 2 vols. — Re-
flexionen Kant's zur Anthropopologie, p. p. Erdmann. — Droysen,
Athen u. der Westen vor der Sicil. Expédition.— Wacker, Der Reichs-
tag unter den Hohenstaufen. (Solide.) — Kantecki, Die neapolitan. *
Summen, ûbers. v. Lôwenfeld. (Trop long, mal traduit.) — Stieler's
Handatlas. — Domke, die Viril-Stimmen im Reichs-Fiirstenrat von
1495-1654. — Biese, Die Entwickl. d. Naturgefuhls bei den Griechen.
(Détaillé, assez bon.) — Der Codex Teplensis, enthaltend « die Schrift
des newen Gezeuges », aelteste deutsche Handschrift, welche den im
XV. Jahrh. gedruckten deutschen Bibeln zu Grund gelegen. — Wen-
ker, Sprachatlas v. Nord. u. Mitteldeutschand. I : (Travail immense
qu'on ne recommencera pas de longtemps.) — Krisper, Die Kunstmusik
in ihrem Principe.
Deutsche Litteraturzeittmg, n° 46, 18 novembre 1882 : Bréal, Excursions
pédagogiques (Bertram : pénétrant). — Brunnhofer, Ueber den Geist
der indischen Lyrik; v. Schrôder, Ueber die Poésie des indischen Mittel-
altcrs. (Kaegi : à recommander non seulement aux spécialistes, mais à
tous les amis delà littérature.) — Inscriptionesgraecae antiquissimae
praeter atticas in Attica repertas éd. Roehl. (Hinrichs : l'éloge est inu-
tile.) — Ruodlieb, p. p. Seller (Voigt : profond et méthodique.) —
Frischbier, Preussisches Worterbuch. I, 1-6. (Kossinna : des défauts,
mais beaucoup de choses utiles et estimables.) — Suphan, Gcethe u. Spi-
noza, 1783-86. (Jacoby : très bon ) — Duncker, Geschichte des Alter-
tums. VI. (A. Schaefer.) — Marczali, Ungarns Geschichts-Quellen im
Zeitalter der Arpaden. (Krones.) — Ebers, Durch Gosen zum Sinai. —
Hasse, Die Venus von Milo. (Kekulé : des connaissances anatomiques,
mais cela ne suffit pas).
Tbeologische Literaturzeitung, n° 22, 4 nov. 1882 : ZiMMER,Galaterbrief u.
Apostelgeschichte. — Lactantii liber de mortibus persecutorum, p. p.
Fr. Dûbner. 1879. (Brieger : sans valeur). — Ebrard, Bonifatius, der
Zerstôrer des columbanischenKirchenthums auf dem Festlande (Zoepf-
fel : méthode, pénétration, soin, tout a été mis à la défense d'une hypo-
thèse qui a contre elle tous les documents). — Jansen, an meine Kriti-
ker. (Kolde : premier art.). — De Felice, Lambert Daneau, pasteur et
professeur en théologie, i53o-i5g5, (Schott : travail fait avec un grand
soin).
Philologische Rundschau, n° 36, 2 septembre 1882 : Mekler, Euripidea,
Textkritische Studien (Gloël : bon). — Platonis opéra éd. Schanz,
Symposion (Schultess : excellent). — Fragmenta philosophorum Grae-
corum coll., rec, vertit Mullach, III, Platonic.et Peripat, Didot, 188 1
(Schanz : travail à refaire). — G. H. Mueller, Horati metra (Venedi-
ger : in puerorum usum), — Englmann, Cornélius Nepos mit Anmer-
kungen fur Schûler. — T. Livii hist. rom. lib. I éd. Purser, London,
Simpkin, Marshall and Co., 1881 (Schrôder : compilation bien faite).
— G. Curtii Rufi... libri superstites cum supplementis Freinshemii et
adnotationibus Thomae Vallaurii, ed altéra, 1882, Torino-Roma-Fi-
renze-Milano, Paravia (Krah : on ne peut plus arriéré). — Gustafsson,
Fragmenta Veteris Testamenti in Latinum conversi e palimpsesto Va-
ticano eruta, Helsingfors 1881 (Rônsch : intéressant pour l'histoire de
la Vulgate). — Stolte, De chori, qualis in perfecta Graecorum tragoe-
dia apparet, ratione et indole (Muff : arriéré de vingt ans). — Klaucke,
Aufgaben zum Uebersetzen aus dem Deutschen ins Lateinische, 3. Aufl.
(Gebhardi, article de 9 colonnes). — Schroeter, Geschichte der deut-
schen Homer-Uebersetzung im XVIII. Jahrhundert. — G. Th. Ger-
lach, Der alten Griechen Gôtterlehre, Mythen und Heldensagen (Illisi-
ble, « glûcklicherweise »)
Archiv fur Slavische Philologie. Tome VI. 3 : Die Magdeburger Urtheile
(étude sur une traduction polonaise des lois allemandes rédigée au
xve siècle. A. Brùckner). — Neue Beitrâge zur Geschichte der Salo-
monssage (A. Wesselovsky : M. W. est l'auteur d'un livre classique en
russe sur la légende de Salomon). — Revue critique. Etudes de dialec-
tologie polonaise (Hanusz). — Revue de la Société littéraire bulgare et
Golumna lui Traianu (Syrku). — Matériaux pour servir à l'histoire de
la philosophie slave (Correspondance de Dobrowsky et de Kopitar pen-
dant Tannée 18 10). — Bulletin bibliographique, sommaire des revues
slaves.
Athenaeum belge, n° 22, i5 novembre 1882 : Hubert, Les protestants
en Belgique depuis Charles-Quint (Juste). — H. de Villefosse et
Thedenat, Cachets d'oculistes romains: I. (de Ceuleneer). — Les poésies
de Catulle, trad. p. Rostand; pensées sur l'éducation de Locke, trad. p.
Compayré ; Baschet, Les comédiens italiens à la cour de France; Mo-
lière, tome VII, p. p. Mesnard; Notice sur La Bruyère par Servois.'
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N° 51 Seizième année 18 Décembre 1882
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dusi, by Helen Zimmern, with a pref. poem by Gosse. — Fitzgerald,
Duk.es a. princesses of the family of George III. — Hay, Brighter Bri-
tain or Settler a. Maori in Northern New Zealand. — In Memoriam,
E. H. Palmer (C. E. Wilson). — Who wrote « The whole duty of
man » III. (Doble). — Some booksof philosophy (Courtney, Studies;
Loomans, De la connaissance de soi-même ; Mayor, Sketch of ancient
philosophy). — Bûchler's Sanskrit Grammar (Max Mûller). — Davil-
lier, Les origines de la porcelaine en Europe. (Fortnum) . — Prof.
Jebb on the ruins of Troy. (Jebb).
The Athenaeum, n° 2874, 25 novembre 1882 : Ashton, Social life in
the reign of Queen Anne; Molloy, Court life below stairs or London
under the fi rst Georges. — Lyall, Asiatic studies, religions a. social. —
Thornton, Foreign secretaries of the nineteenth century. III. — The
Roxburghe Ballads, p. p. Ebsworth, part x, vol. IV. — Facsimiles of
national manuscrits of Ireland, part IV. — English authors a. ame-
rican publishers. — The courts of justice. — A pair of ancient chalices.
(Butler).
Literarisches Gentralblatt, n° 47, 18 novembre 1882 : Holtzmann u.
Zôpffel, Lexikon fur Théologie u. Kirchenwesen. — Fremy, Arnaud,
du Ferrier. — Franz, Die chronica pontincum Leodinensium. — Cita-
della, L/Italia nelle sue discordie. (Œuvre de publiciste, et non d'his-
torien.)— Kirchhoff, Schulgeographie (très bon). — Commentationes
philologae ienenses. I. — Plauti Menaechmi p. p. Vahlen. — Wil-
manns, Leben u. Dichten Walther's von der Vogelweide. (Excellent tra-
vail d'ensemble.) — Schrôder, das Anegenge. — Fussenbrunnen, die
Kindheit Jesu, hrsg. v. Kochendôrffer. — Der arme Heinrich u. die
Biichlin, hrsg. v. M. Haupt. 2e Aufl. bes. v. E. Martin.
Deutsche Literaturzeitung, n" 47, 25 novembre 1882 : Das Neue Testa-
ment, ûbers. v. WEizsâCKER. — Wôrmer, Die Lehre Jesu. — Biese,
Die Entwickl. des Naturgefûhls bei den Griechen u. Rômern (Renner :
profond et frappant). — Koechly, Opuscula philologica, I, p. p. G. Kin-
kel; II, p. p. Bôckel; Akadem. Vortràge u. Reden, p. p. Bartsch
(Dittenberger). — Hahns althochd. Grammatik, 5° Aufl. p. p. Strobl
(Roediger : était inutile, ou peu s'en faut). — Keil, Gœthe, Weimar u.
Iena im Jahre 1806 (E. S. : de l'inédit). — Lichtenberger, Etude sur les
poésies lyriques de Gœthe, 2e édit. (Jacoby.) — Graf, Roma nelle me-
moria e nelle imaginazione del medio evo (Schrôder : beaucoup de ma-
tériaux, peu de critique). — Featherman, Social history of the races of
mankind. — W. Mûller, Geschichte der Stadt Olmûtz. — Reimann,
Neuere Geschichte d. preuss. Stats (Isaacsohn : très bon). — Clarke,
Report on the investigations of Assos (Conze).
N° 48, 2 décembre 1882 : Preger, Ueber die Anfânge des kirchenpo-
lit. Kampfes unter Ludwig dem Baier. — Schlottmann, Der deutsche
Gewissenskampf gegen den Vaticanismus. — Bardenhewer, Die pseudo-
aristotelische Schrift « ueber das reine Gute » bekannt unter dem Na-
men Liber de Causis. — Hauri, der Islam, in seinem Einfluss auf das
Leben seiner Bekenner (S. Fraenkel : rien de nouveau pour le spécia-
liste, mais bon exposé d'ensemble). — Spengel, Reformvorschlaege zur
Metrik der lyrischen Versarten bei Plautus u. den ûbrigen latein. Sce-
nikern (Seyffert : recherches de grande valeur). — Herder, Denkmal
Johann Winckelmanns, eine ungekrônte Preisschrift aus 1778, p. p.
Alb. Duncker (Suphan). — Zolling, H. von Kleist in der Schweiz
(Seuffert : trop diffus, documents utiles). — Sievers, Angelsàchsische
Grammatik (Wissmann : travail très remarquable). — G. Sand, Corres-
pondance 1812-1876. I u. II. — A. von Reumont, Vittoria Colonna,
Leben, Dichten, Glauben im XVI. Jahrhundert (W. Bernhardi : tableau
fidèle, curieux, soigné dans toutes ses parties; contribution importante
à l'histoire des tentatives de la Réforme en Italie dans la première moi-
tié du xvie siècle jusqu'au concile de Trente). — Preussen im Bundestag
i85i bis 1859, Documente der preuss. Bundestags-Gesandtschaft hrsg.
v. Poschinger. 3 vols (Koser). — I. L. Bird, Unbetretene Reisepfade in
Japan. — Bernays, Schicksale des Grossherzogthums Frankfurt u. sei-
ner Truppen (Hinze : intéressant et instructif).
Theologische Literaturzeitung, n° 2 3, 18 nov. 1882 : Weiss, Das Leben
Jesu I. (Weizsàcker) — Janssen, An meine Kriti-ker. (Kolde : 2e ar-
ticle). — Dittrich, Regesten u. Briefedes Cardinals Gasparo Contarini.
J483-1.542. (Brieger.) — Harless, Jacob Bôhme u. die Alchymisten;
Martensen, Jacob Bôhme, theosophische Studien, ûbers. v. Mi-
CHELSEN.
Philologische Rundschau, n° 37, 9 septembre 1882 : Leop. Schmidt, Die
Ethik der alten Griechen, 1. Band (Ziegeler, article de 12 colonnes). —
L, Schmidt, Zehn Horaz-Oden in freier Uebertragung (Storch). — Resl,
Utrum dialogus, qui inscribitur de oratoribus, Tacito adscribi possit
necne, quaeritur (Eussner : mauvais). — Rufi Festi Avieni prognostica
éd. Breysig (Bitschofsky : contient les v. 1326 à 1878). — Weise, Die
griechischen Worter im Latein (Saalfeld : très bon). — August, Zur
Frage der Verwertung der Etymologie in der Schale (Zirwik).
Deutsche Rundschau, novembre 1882 : Haeckel, Indische Reisebriefe,
VII. — Aus zwei annectirten Làndern Erzâhl. eines deutschen Offi-
ciers, III, IV. — Reyer, Elba : III. Aelteste Geschichte von Elba ; IV.
West. Elba; V. Marciana, Land und Leute. — Du Bois Reymond, Die
zwei undfûnfzigste Versammlung der britischen Naturforscher. — In-
dividualismus in den Vereinigten Staaten, eine Stimme aus Amerika.
— W. Sckerer, Neue Faust Commentare (Marbach, Schreyer et
Schrôer). — Literarische Notizen.
_ Gœttingische gelehrte Anzeigen, n° 47, 22 nov. 1882 : Aristides Quinti-
lianus de musica, p. p. Alb. Jahn. (Sauppe : toute notre reconnais-
sance au diligent et savant éditeur.) — Veldeke's Enéide, hrsg. v.
Behaghel (Braune : bon). — Harnack, Die Ueberliefer. der griech.
Apologeten. (Bonwetsch.) — Haller, Geschichte der russ. Literatur ;
Kroatische Revue ; Singer, Beitrâge zur Lit. der Kroat. Volkspoesie ;
Lukaszewski u. Mosbach, Polnisch-deutsches et deutsch-poln. Wôr-
terbuch (Nehring).
Athenaeum belge, n° 23, ier décembre 1882 : Baes, La peinture flam-
mande et le régime des corporations. (Wauters : de bonnes idées.) —
The Hamilton Palace Collection. — D'Ideville, Le maréchal Bugeaud,
IL — Gautier, Etudes sur la liste civile en France; Duc d'ALMAZAN, La
guerre d'Italie, campagne de 1859; Roux, La littérature contempo-
raine en Italie, i8i3-i833. — L'association internationale africaine et
le comité d'études du Haut-Congo.
Revue de l'instruction publique supérieure et moyenne en Belgique, tome XXV,
5e livr. : De Block, Étude sur les inscriptions sépulcrales des Grecs. —
I, Le 39e congrès des philologues allemands. — Studemund, Deux comé-
dies parallèles de Diphile. — Comptes rendus : Descailles, Histoire des
concours généraux de l'enseignement primaire, moyen et supérieur en
Belgique.
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N° 52 Seizième année 25 Décembre 1882
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PÉRIODIQUES
The Academy, n° 552, 2 décembre 1882 : Reg. Stuart Poole, Cities of
Egypt. (Am. B. Edwards). — Memoir of Annie Keary, by her sister. —
Nathan der Weise, a dramatic poem by Lessing, edited by Buchheim.
(Cheetham.) — MacGregor, WanderingsinBalochistan. — François Vil-
lon and two latin hymns. (Symonds.) — The history of opium in
China. (Edkins.) — The ruins at Hissarlik. (Jebb.) — Thielmann,
Das verbum dare im latein. als Reprâsentant der indo-europàischen
Wurzel Dha. (Postgate : « a contribution to the lexicon of the future,
which, if based on such contributions, will be immeasurably superior
to the lexicons of the présent... his method is a truly lexicologicai one;
and may be confidently recommended to etymologers ».) — Correspon-
dance : the language of Bihar (Grierson). — Le livre de fortune, recueil
de deux cents dessins inédits de Jean Cousin.
The Athenaeum, n° 2875, 2 décembre 1882 : Réminiscences of court a.
diplomatie life, by Georgiana, baroness Bloomfield. — Hardwick, On
some ancient battle-fields in Lancashire a. their histoncal, legendary a.
aesthetic associations. — Mac Gregor, Wanderings in Balochistan. —
SErvois, La Bruyère, « Les grands écrivains de la France ». Hachette.
(Excellent; M. Servois « is diligent in noting variants, in tracing and,
if necessary, completing quotations, in explaining allusions, in identi-
fying minor historical particulars. ») — The history of the Matice
Czeska, II. (Wratislaw.) — Sterne as a plagiarist (Wilkinson). — En-
glish authors a. american publishers. — A. H. Palmer, Samuel Palmer,
a. memoir. — Sh. Scott, Ghiberti a. ûonatello a. other early italian
sculptors. — The mosque at Hebron. (Fergusson.) — The ruins at His-
sarlik. (Jebb.) — Notes from Rome (Lanciani).
Literarisches Centralblatt, n» 48, 25 nov. 1882 : Ebrard, Bonifatius der
Zerstôrer des columban. Kirchenthums auf dem Festlande. — Benoer,
Dippel. — Kaltner, Konrad v. Marburg u. die Inquisition in Deut-
schland . — Preger, Anfànge des kirchenpolit. Kampfes unter Lud-
wig dem Baier. — Rohrmann, Die Procuration Ludwig's von Baiern.
— Hesychii Milesii onomatologi quae supersunt, p. p. Flach (Très soi-
gné).— M. Minucii Felicis Octavius, rec. Cornelissen. (D'excellentes
conjectures.) — Balschan, zur roman. Dialektologie. I. Ueber den jû-
disch-spanischen Dialekt als Beitrag zur Aufhell. der Aussprache im
Altspan. (Intéressant.) — Carigiet, râtoroman. Wôrterbuch. (Traite du
dialecte de Disentis ou Mustèr.) — Fr. Schlegel, seine prosaischen Ju-
gendschriften, hrsg. v. Minor (Bienvenu). — Prosch, Klingers philo-
soph. Romane. (Attachant.) — Baumgartner, Gœthe's Lehr. u. Wan-
derjahre in Weimar u. Italien. (CEuvre de tendance.) — Johann Faust,
ein allegor. Drama gedruckt 1775, p. p. Engel. — Geyer, Der Mu-
senhof in Lôbichau. — Grans, Gœthe's Tasso. (Ecrit par un acteur
pour des acteurs.) — Fischer u. Wiedemann, ùber babylon. Talismane. —
Curtius u. Adler, Olympia u. Umgegend. — J. Schmidt, Darstell. der
âlteren Bau-und Kunstdenkmàler d. Kreises Sàngerhausen.
Goettingische gelehrte Anzeigen, n° 48, 24 novembre 1882. Sancti
Ephraem Syri hymni et sermones, éd. Th. J. Lamy, I. (Nôldeke.) —
Schuppe, Erkenntnisstheoretische Logik. (Ueberhorst.)
N° 49, 6 décembre 1882 : Birst, Das Antike Buchwesen. (Rohde :
excellent). — Scholl, Gcetge in Hauptzûgen seines Lebens u. Wirhens.
(Miner : recueil d'essais dont quelques-uns importants).
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Ce volume, outre les Philippiques et les
Olynthiennes, comprend les harangues :
Sur les classes, pour la liberté des Rho-
diens, pour les Mégalopolitains, sur la
paix, sur l'Halonèse, sur la Chersonèse,
sur la lettre de Philippe, sur les réformes
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loi de Leptine, contre Midias, sur les
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ès-lettres ; 20 édition. 1 fort. vol. 12 fr.
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à la Faculté des lettres de Toulouse.
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de conférences à la Faculté des lettres
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2e série, par M. H. Weil.
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ATLAS MAI! M IlOllMÎ'Il 1HIIII1I
CONTENANT 54 CARTES IMPRIMÉES EN COULEURS
UNE LIVRAISON PAR MOIS A PARTIR D'OCTOBRE 1882
L'ouvrage complet en 9 livraisons à 3 francs, sera mis en vente
en juin ,1883 et coûtera, cartonné, 32 francs.
Nous avons mis en vente, le 19 octobre 1882, la première livraison de l'Atlas ma-
nuel annoncé ci-dessus. Chaque livraison, du prix de 3 francs, contient six cartes,
dont deux doubles.
Cet atlas est une édition française d'un ouvrage qui a obtenu en Allemagne un im-
mense succès. Le fond de l'ouvrage a été conserve, sauf remplacement de quelques
cartes détaillées d'Allemagne, par des cartes détaillées de France, etc.; les noms ont
été traduits par une réunion de géographes, de professeurs et de spécialistes, et cette
cette traduction a été faite pour chaque pays, autant que possible, sur des cartes
écrites dans la langue même du pays. De la sorte, nous présentons au public, non
point un atlas simplement transcrit, mais une véritable édition française,
L'édition originale, publiée dans un pays où les bons atlas sont communs, y a ob-
tenu un succès extraordinaire; nous ne doutons pas que notre nouvel ouvrage n'ob-
tienne, en France, un succès analogue auprès de tous ceux qui veulent avoir à leur
disposition un volume de format commode et de prix modéré, qui soit exact et clair.
Parla rapidité de sa publication, par la modicité relative de son prix, par sa valeur
scieniifique, nous espérons que notre nouvel atlas rendra un véritable service aux
études géographiques dans notre pays. Nous comptons qu'il sera bien accueilli àlà
fois par les professeurs et par ce nombreux public qui ne savait où se procurer jus-
qu'à présent un atlas qui le satisfit réellement pour le fond, pour l'exécution et pour
le prix
LISTE DES CARTES COMPOSANT L'ATLAS MANUEL
(Les cartes doubles sont précédées dun signe * )
1,
'2.
3.
4.
•5.
6.
7.
♦8.
9.
10.
12.
13.
•14.
15.
Ï6.
*17.
18.
19.
*20.
21.
22.
'23.
24.
25.
♦2(5.
27.
Système planétaire. — Lune.
Terre en deux hémisphères.
Volcans et coraux.
Pôle antarctique. — Archipels de Poly-
nésie.
Pôle arctique.
Océan Atlantique.
Grand Océan.
Europe politique.
Europe physique hypsométrique. —
Massif du Mont-Blanc.
Côtes méditerranéennes de la France.—
Bassie de Paris.
France physique hypsométrique.
France (partie Nord-Ouest).
France (partie Nord-Est).
France politique.
France (partie Sud-Ouest).
France (partie Sud-Est).
Grande-Bretagne et Irlande
Pays-Bas.
Belgique et Luxembourg.
Allemagne politique.
Danemark.
Suède et Norvège.
Suisse,
Italie du Nord.
Italie du Sud.
Espagne et Portugal.
Méditerranée occidentale.
28. Méditerranée orientale.
♦29. Presqu'île de Balkans.
30. Grèce.
31. Hongrie.
*32. Monarchie austro-hongroise.
33. Alpes franco-italiennes.
34. Caucasie.
*35. Russie d'Europe.
36. Pologne.
37. Asie Mineure et Perse.
'38. Asie physique et politique.
39. Chine et Japon.
40. Indo-Chine et Malaisie.
*41. Asie centrale et Inde.
42. Palestine.
43. Région du Nil.
*44. Afrique physique et politique.
15. Algérie.
46. Sénégambie. — Côte de Guinée. —
Afrique du Sud.
'47. Amérique du Nord.
48. Amérique du Sud ( feuille septen-
trionale)
49. Amérique du Sud (feuille méridionale).
*50. Etats-Uuis d'Amérique.
51. Etats-Unis (partie occidentale).
52. Etats-Unis (partie orienlale)
*53. Australie et Nonvelle-Zélande.
54. Amérique centrale el Antilles. — Isthme
de Panama.
/> Puy, imprithertC Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
1*&
Revue critique d'histoire et
de littérature
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